HISTOIRE
n
DROGUES
f r
D’ORIGINE VEGETALE
,
Professeur à l’Université de Strasbourg, Membre de la Société Royale,
Membre correspondant étranger do la Société de la Société Linnéenne et de la So.iéLé chimique
I , de Pharmacie de Paris. de Londres.
F.-A. FLUCKIGER
PAU
ET
DANIEL IIANBURY
TRADUCTION DE L’OUVRAGE ANGLAIS « PHARMAC0GRAPII1A »
augmentée de très-kombreuses notes
PAR
LE Dr J.-L. DE LANESSAN
Professeur agrégé d’histoire naturelle à la Faculté de médecine de Paris.
Avec une préface pur H. J SS^ILLO N
320 FIGURES DESSINÉES POUR CETTE TRADUCTION PAR L. HUGÛN
TOME SECOND
PARIS
OCTAVE DO IN T ÉDITEUR
8, PLACE DE L’ODÉON, 8
1878
Tous droits réservés.
KING’S
College
LONDON
Founded 1829
\y-r, Library \Jo ) . Z
\A iS*o . <~£- <> çV^O v'-C., S
CX C 1 Cj *-\j2- Vj \ Ov
Sco,--'OL
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20071
3572 4
KING’S COLLEGE LONDON
HISTOIRE
DBS DROGUES
D’ORIGINE VÉGÉTALE
PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE d'aRCET, 7
HISTOIRE
DES DROGUES
D'ORIGINE VÉGÉTALE
PAR
F.-A. FLUCKIGER
Professeur à l’Université de Strasbourg,
Membre correspondant étranger de la Société
de Pharmacie de Paris.
DANIEL ÏÏANBURY
Membre de la Société Royale,
do la Société Linnéenne et de la Société chimique
de Londres.
TRADUCTION DE L’OUVRAGE ANGLAIS « PHARMACOGRAPIIIA ))
AUGMENTÉE DE TRES-NOMBREUSES NOTES
PAR
LE Dr J.-L. DE LANESSAN
Professeur agrégé d’histoire naturelle à la Faculté de médecine do Paris.
Avec une préface par H. BAILLON
ET 320 FIGURES DESSINÉES POUR CETTE TRADUCTION PAR L. HUGON
TOME SECOND
PARIS
OCTAVE DO IN , ÉDITEUR
8, PLACE DE L’ODÉON, 8
1878
Tous droits réservés.
HISTOIRE
DES
DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE
PLANTES PHANÉROGAMES
DICOTYLÉDONES
COMPOSÉES.
RHIZOME D’AUNÉE.
Radia; Inulx ; Radix Enulx ; Radix Helenii ; angl., Elecampanc fl) ; allem., Alantwurzcl.
Origine botanique. — L ' Inula Helenium L. est une grande plante
vivacfe, très-répandue. On la trouve dans toute 1 Europe centrale et
orientale, d’où elle s’étend vers l’est jusqu’au Caucase, dans la Sibérie
et rHimalaya. On la trouve çà et là, en apparence à l’état sauvage, dans
le sud de l’Angleterre et de l’Irlande, dans le sud de la Norwége (Schii-
beler) et en Finlande. On la cultivait, autrefois, dans les jardins, comme
plante médicinale et culinaire, et elle a été transportée, à ce titre, dans
l’Amérique du Nord. En Hollande et dans quelques parties de l’Angle-
terre et de la Suisse, on la cultive sur une plus grande échelle [a).
Historique.1 — Cette plante était connue des anciens, notamment de
Cclsc, de Columella, de Dioscoride et de Pline. On l’employait alors
comme médicament et comme condiment. Marcellus Empiricus, au cin-
quième siècle, et saint Isidore, au commencement du septième, la dési-
gnent sous le nom d ’ Inula ; le dernier ajoute : « quam Alain rustici vo-
cant. » Elle est fréquemment men tionnée dans les ouvrages anglo-saxons
sur la médecine, écrits avant la conquête des Normands et était géné-
ralement connue au moyen âge. On n’employait pas seulement sa racine
(I) Ce terme dérive â’Enula Campancl, ce dernier mol »e rapportant a la présence
île la plante dans la Campanie (Italie).
1
IIIST. DES DROGUES, T. U.
2 COMPOSÉES.
eumuie médicament, mais encore on la faisait cuire et confire comme
aliment sucré.
Description. — Pour l'usage pharmaceutique, on prend les racines (b)
de plantes âgées de deux ou trois uns; lorsqu’elles sont plus vieilles,
elles sont trop ligneuses. La masse principale de la racine est formée
d’une couronne courte et épaisse Celle-ci se divise, inférieurement, en
plusieurs branches charnues de 3 à S centimètres de diamètre, cou-
vertes d’une écorce jaune-pâle, blanchâtres et juteuses à l’intérieur. On
fait sécher les racines les plus petites en entier; on coupe les plus
grosses en tranches irrégulières qui se contournent de différentes fa-
çons. Sèches, elles sont d’un gris clair, cassantes, cornées, à cassure
lisse. Coupées transversalement, les jeunes racines offrent une struc-
ture rayonnée peu marquée et une zone cambiale plus foncée qui sé-
pare une écorce épaisse de la portion centrale ligneuse. La moelle n’est
pas nettement définie ; elle est souvent poreuse et creuse. Dans les
vieilles racines, l’écorce est relativement plus mince et la substance in-
térieure est presque uniforme. La racine d’Aunée possède une faible
odeur aromatique qui rappelle celle de l’Iris et du Camphre, et un goût
un peu amer, aromatique, qui n’est pas déplaisant.
structure microscopique. — Les rayons médullaires du bois et de la
portion interne de l’écorce ( endophlœum ) offrent de larges canaux balsa-
miques. Dans la racine fraîche, ils contiennent un liquide aromatique
qui, en se desséchant, laisse déposer des cristaux de Stéaroptène proba-
blement dérivés de l’huile essentielle. Les cellules parenchymateuses de
la drogue sont remplies d’inuline en masses fendillées dépourvues de
structure particulière (c).
Composition chimique. — Dès 1660, Le Febvre (1) observa que lors-
qu’on soumet la racine d’Aunée à la distillation avec de l’eau, il s'ac-
cumule dans le sommet du chapiteau une substance cristallisable
incolore, qui se dissipe bientôt lorsque l'opération continue. On peut
observer la même substance après avoir chauffé une tranche mince de
la racine, et on la trouve même, souvent, sous forme d’efflorescences, à
la surface des racines qui ont été longtemps conservées. Son odeur est
faible; son goût est aromatique; elle fond à T2 degrés centigrades;
elle est facilement soluble dans l’alcool, mais non dans l'eau. Jusqu'à
ces derniers temps, elle a été considérée comme un corps distinct sous
(1) Apothicaire ordinaire du Roy, distillateur chymiquc de Sa Majesté. Traité de la
ehymie , Paris, 1660, I, 375-377.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
le nom d ’ffélénine (l);mais, d’après les recherches de Kallen (2), elle pa-
raît être composée de deux substances cristallisables, a I mie desquelles
il donne le nom d’ Hé lénine, tandis qu’il nomme l’autre Camphre d'Au-
née. Kallen assigne à son hélénine la formule G6H80 ; il la décrit comme
fusible à HO degrés centigrades et dépourvue d’odeur et de saveur. Le
Camphre d’Aunée a probablement pour formule G,0H16O ; il fond à Gi de-
grés centigrades ; sa saveur et son odeur rappellent celles de la menthe
Kig. 130. In ul i ne du rhizome de l’Année.
A, cristaux déposés en dehors des cellules d'une préparation provenant d'un fragment de rhizome
<pii avait séjourné pendant plusieurs jours dans l’alcool concentré ; B, masse d'inuline à aspect
amorphe, après séjour dans l’alcool; C, sphôro-cristal d'inuline volumineux, formé de trois
portions séparées par des parois cellulaires, préparation dans la glycérine après séjour dans
l'alcool ; U, sphêro-cristaux de formes diverses ; E, sphéro-cristal de la même préparation
déchiqueté sur le bord, après séjour dans l’alcool et traitement par l'acide acétique.
poivrée. 11 est très- difficile de séparer complètement l’hélénine du cam-
phre d’Aunée, ces deux substances étant presque également solubles
dans l’alcool et l’éther. En distillant la seconde avec du pentasulfurc
de phosphore, on a obtenu du Cymol , Cl0Hu. Il paraît y avoir dans l’Au-
(1) Gmemk, Chefnistry, 1 8(i(], XVII, 5 2 "2.
(2) Bcrichte (1er deütschen chtUnischcii OtàselUchaft, 1874, I HOU ; 1 870, ldi.
4
COMPOSÉES.
noe, d’après les récentes recherches de Kallen, une huile volatile, Y Alan-
thaï C,0Ill6O.
La substance qui existe en quantité dominante dans la racine d’Aunée
est Ylnuline, découverte, dans celte plante, par Valentin llose, en 1804.
Elle possède la même composition que l’amidon, GnHî0O10, mais se
montre, jusqu’à un certain point, en opposition avec ce corps qu’elle
remplace dans les racines des Composées. L’inuline n’a encore été
découverte, avec certitude, dans aucune autre famille de plantes, excepté
les Campanuiacées, Lobéliacées, Goodénoviées et Stylidées (I). Dans
les plantes vivantes, elle est tenue en dissolution dans le suc aqueux ;
sous l’influence de la dessiccation, elle se dépose dans les cellules sous
forme de masses amorphes qui n’-agissent pas sur la lumière polarisée
et ne sont pas colorées par l’iode. 11 existe d’autres caractères variés
par lesquels l’inuline diffère de l’amidon. Ainsi, l’inuline se dissout faci-
lement dans environ 3 parties d’eau bouillante ; la solution est parfaite-
ment claire et fluide et non gommeuse, mais en refroidissant elle laisse
déposer presque toute l’inuline. Cette solution est lévogyre et se trans-
forme facilement en sucre incristallisable. L’inuline ne donne pas avec
l’acide azotique de composé explosible, comme le fait l’amidon. Sachs
a montré, en 1864, qu’en immergeant les racines de l’Aunée, du Dahlia
variabilis , ou celles de plusieurs autres Composées vivaces, dans l'alcool
ou la glycérine, on peut précipiter l’inuline sous la forme cristalline.
Ces agrégations de cristaux en forme d’aiguilles (sphéro-cristaux) offrent
alors, sous le microscope polarisant, une croix semblable à celle des
grains d’amidon. La proportion d’inuline varie avec la saison, mais elle
est plus abondante en automne. Parmi ses diverses sources, la plus riche
paraît être l’Aunée. Dragendorff, qui a publié sur ce sujet un traité (2)
très-étendu, a retiré, en octobre, de la racine d’Aunée, jusqu’à 44 pour I Oü,
et, en hiver, seulement 19 pour 100 d’inuline (c).
Dans les racines des Composées, l’inuline est accompagnée, d a-
près Popp (4), par deux substances très- voisines, la Synanthrose ,
C12H"0"-)-H20, et Ylnuloïde , C6H10O5 + IPO. La Synanthrose est so-
luble dans l’alcool dilué ; elle est dépourvue de tout pouvoir rotatoire
(1) L’inuline existe aussi, parait-il, en dissolution, dans le suc cellulaire de certaines
Algues, notamment dans celui de 1 ’Acetabularia, Algué monocellulaire de la famille
des Dasycladées (J. Sachs, Traité de botan., trad. fr., 86). [Trad.]
(2) Materialien zu einèr Monographie des Inulins, Saint-Pétersbourg, 1870, 111 p.
Voyez aussi le mémoire de Prantl sur PInuline résumé dans le Pharm. Jouni., sept.
1871, 262.
(3) Wiggehs et Husemann, Jahvesbcricht, 1870, 68.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. »J
et est déliquescente. L’Inuloïde est beaucoup plus soluble dans l’eau
que rinuline. Ces deux substances existent probablement ensemble dans
l’Aunée.
Usages. — L’Aunée est tonique et aromatique, mais on n'c l’emploie
plus comme médicament. On la vend surtout pour la pratique vétéri-
naire. Eu France et en Suisse (Neuchâtel), on l’emploie dans la distilla-
tion de l 'Absinthe.
(o) L'Inula Helenium L. (S perdes, 1236), vulg
herboristes) est une plante à rhizome souterrain,
vivace, duquel s’élèvent, chaque année, des tiges
aériennes dressées, atteignant de 80 centimètres
à lm,2a de haut, rameuses, anguleuses, striées
et pubescentes. Les feuilles radicales émises par
le rhizome sont très-grandes, pétiolées, ellipti-
ques-oblongues. Les feuilles portées par les axes
aériens sont amplexicaules, cordiformes, ovales,
acuminées, munies sur les bords de dents iné-
gales, rudes en dessus et couvertes en dessous
d’un duvet fin. Les capitules sont grands et ter-
minaux. Leur involucre est formé d’écailles im-
briquées ; les extérieures sont ovales, lâches ; les
intérieures sont spatulées. Le réceptacle est nu.
Les fleurs sont jaunes. Celles du centre sont des
fleurons tubuleux, hermaphrodites ; elles sont
entourées d’un rayon de demi-fleurons femelles.
Les anthères des tleurs hermaphrodites sont mu-
nies, à la base, de deux soies. Le fruit est glabre
et couronné par une aigrette simple et roussàtre.
L’Aunée fleurit, dans le centre de la France, eu
juillet et août. Elle recherche les lieux frais et
couverts, les prairies humides et un peu ombra-
gées des terrains argileux (Voy. Bentham et IIoo-
ker, Généra plant., U, 330. — Boreau, Flore du
centre de la France, II, 326). [Trad.1
(6) La portion de la plante que les auteurs dé-
signent ici, sans doute pour se conformer aux
usages pharmaceutiques, sous le nom de racine
est, en réalité, la tige souterraine, le rhizome
vivace de l’Aunée. Les racines qui en partent
sont grêles et peu propres à être utilisées. La
structure histologique du rhizome est très-sim-
ple. Au centre, existe une moelle formée de
grandes cellules irrégulièrement polygonales; au
dehors, est une écorce large dont les couches su-
perficielles aplaties et brunâtres constituent un
faux suber. Les cellules de l’écorce sont allongées
. Aunée ( Enula Campana des
Fig. 131. Rhizome d'Amiée.
Coupo transversale.
tangentiellement. Les faisceaux
fi bro- Vasculaires sont nombreux, étroits, disposés on cercle autour de la moelle
(i COMPOSÉES.
et séparés par de larges rayons médullaires. Leur portion ligneuse est constituée
presque uniquement paroles 'vaisseaux assez larges à parois brunes, entourés d’une
bande de cellules un peu plus étroites que celles des rayons médullaires. Le liber
de chaque faisceau forme une bande étroite et allongée, peu distincte, sur une
coupe transversale, car ses éléments ne diffèrent de ceux des larges ravons mé-
dullaires que par un diamètre un peu moindre. Dans l’écorce, les rayons médul-
laires et la moelle, sont disséminés, en grand nombre, des canaux sécréteurs, rem-
pli* d’huile ainsi que les cellules sécrétantes qui les bordent. Ces canaux sont
constitués, comme dans toutes les Composées, par des méats intercellulaires très-
d datés servant de réservoirs et des cellules sécrétantes disposées en cercles concen-
triques autour de chaque méat, formées par sectionnement des cellules qui bordaient
primitivement ce dernier. [Trad.J
(c) Pour étudier l’inuline qui existe en grande quantité dans le parenchyme du
rhizome de l’Aunée, il faut, ou bien laisser dessécher à l’air, pendant quelques jours,
des morceaux du rhizome, ou mieux les faire macérer dans de l’alcool concentré
ou même absolu. Des coupes minces placées dans la glycérine offrent alors l’inuline
sous les aspects divers que montre la figure 130. En laissant séjourner la prépa-
ration pendant quelques minutes dans l’acide acétique, et la plaçant ensuite dans
de la glycérine acidulée avec un peu de cet acide, l’observation est plus facile et
certaines masses offrent bien, comme dans la figure 130, la structure ravonnée, les
aiguilles se montrant isolées les unes des autres vers la périphérie.
RACINE DE PYRÈTHRE.
Radie Pyrelhvi; Pyrèthre salivaire ; angl., Pellitory Root, PclHtary Of Spain ;
ail em . , IJ er tram wursel.
Origine botanique. — Anacyclus Pyrethrum DG. ( Anthémis Pyrethrum
L.). C’est une herbe vivace, de petite taille, à feuilles très-divisées et à
fleurs radiales semblables à celles de la pâquerette. Elle est originaire
d’Algérie où elle croît sur les hauts plateaux qui s’étendent entre les
régions fertiles de la côte et le désert (a).
Historique. — Le Tî’jpsOpsv de Dioscoride était une plante ombellifère
dont la détermination n’est encore que conjecturale. Le Pyrèthre des
temps modernes était connu des médecins arabes ; l’un d’eux, Ibn Baytar
(1248), la décrit très- correctement, d’après les échantillons recueillis par
lui-même près de la ville de Gonstantine, en Algérie. La plante est nom-
mée, dit-il, par les Berbères, Sandasab ; on ne la trouve que dans
l’Afrique occidentale, d’où on la transporte dans les autres pays(l). La
racine de Pyrèthre constitue en Orient un remède favori et a été
longtemps un article d’exportation pour l’Inde, à travers l’Egypte. L'un
de ses noms arabes est Aâqarquarhd ou Akulkara , mot qu’on retrouve
(1) Tracluct.de Sontiieime», 1842, II, 179.
7
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VEGETALE.
avec de faillies variantes dans les idiomes principaux de l'Inde. En Alle-
magne, le Pyrèthre était connu dès le douzième siècle; il y est cité dans
les plus anciens ouvrages imprimés de matière médicale.
Description.— Telle qu’elle se trouve dans les boutiques, la racine de
Pyrèthre est simple; elle a de 7 à 10 centimètres de long sur 1 centi-
mètre à 1 centimètre et quart d’épaisseur; elle est cylindrique ou fusi-
forme, quelquefois surmontée, à la base, de restes de feuilles brisées et
munie d’un petit nombre de radicules capilliformes. Sa surface est brune,
rugueuse, ridée. Elle est compacte et cassante, avec une surface de
cassure radiée et dépourvue de moelle. L’écorce, qui a, au plus, 1 milli-
mètre d’épaisseur, adhère fortement au bois, dont elle est séparée par
une couche étroite de cambium. La colonne ligneuse est traversée par
de larges rayons médullaires, dans lesquels, comme dans 1 écorce ,
sont dispersés de nombreux canaux résineux de couleur foncée. Cette
racine possède une faible odeur aromatique et un goût persistant, brû-
lant, qui excite une sensation singulière de picotement et un écoulement
abondant de salive. La drogue est très-susceptible d’être attaquée par
les insectes.
Structure microscopique. — L’écorce de la racine est remarquable
par sa couche subéreuse qui est en partie formée de cellules scléren-
chymateuses (cellules à parois épaisses). Les conduits résineux (cel-
lules à huile) se présentent aussi bien dans la partie moyenne de l’écorce
que dans les rayons médullaires. La plupart des cellules parenchyma-
teuses sont remplies de masses d’inuline. Le Pyrèthre est, en réalité,
l'une des racines les plus riches en cette substance (b).
Composition chimique. — Le Pyrèthre a été analysé par plusieurs
chimistes. Leurs travaux ont montré que sa saveur brûlante est due à
une résine qui n’a pas encore été complètement étudiée. La racine con-
tient aussi un peu d’huile volatile, du sucre, de la gomme et des traces
d’acide tannique. La substance désignée sous le nom de Pyrêthrine est
un corps complexe.
Commerce. — La racine de Pyrèthre est recueillie surtout en Algérie,
elle est exportée d’Oran, et en plus petite quantité, d’Alger. D’après les
informations que nous avons reçues du colonel Playfair, consul général v
d’Angleterre en Algérie, et de M. AVood, consul d’Angleterre à Tunis,
il paraît que la plus grande quantité de cette racine est expédiée de
Tunis à Leghorn et en Egypte. M. Wood nous a informé que la drogue
est importée de la ville frontière de Tebessaen Algérie, dans la régence
de Tunis, dans la proportion de 500 ccinlars (50000 livres) par an.
8
COMPOSÉES.
Bombay. a importé, pendant l’année 1871-1875, 740 quintaux de cette
drogue, dont plus de la moitié à destination des autres ports del'lnde(l ).
Usages. — Le Pyrèthre est surtout employé comme sialagogue, contre
les maux de dents, et parfois, sous forme de teinture, comme stimulant
et rubéfiant (2).
Substitutions. — En Allemagne, en ltussie et en Danemark, le Py-
rèthre d’Afrique est remplacé par la racine de l 'Anacyclus ufficinarum
Hayne, herbe annuelle qu’on cultive, depuis longtemps, en Prusse et en
Saxe (3). Sa racine, colorée en gris clair, est moitié moins épaisse que
celle de Y Anacyclus Pyrelhrum et porte toujours un grand nombre de
restes de pédoncules de feuilles. Elle est aussi brûlante que celle des
espèces vivaces (e).
(a) Les Anacyclus L. ( Gênera , n° 969) sont des Composées de la tribu des Anthé-
midées, à capitules pédoncules, hétérpgames, radiés ; à involucre hémisphérique
ou largement campanulé; à achaines comprimés dans le dos, les plus extérieurs
étant munis de deux ailes.
U Anacyclus Pyrethrum DC. (Fl. fr., Suppl., 480), vulg. OEil de bouc, Camo-
mille Pyrèlhre , Racine salivaire, est une herbe vivace, à rameaux procombants et
pubescents; à feuilles d’un vert bleuâtre; les caulinaires sessiles; les radicales pétio-
lées, étalées en rosette sur le collet de la racine, à peu près glabres, pinnatiséquées,
à segments divisés en lobes profonds, linéaires, subulés. Chaque rameau se termine
par un seul capitule dont l’involucre, hémisphérique ou largement campanulé, est
formé d’écailles lancéolées, jaunâtres sur le bord. Le réceptacle est convexe, cou-
vert d’écailles oblongues-ovales, obtuses. Les fleurs du rayon sont ligulées, uni-
sériées, femelles, fertiles ou stériles, blanches en dessus et pourprées en dessous.
Les fleurs' du disque sont des fleurons hermaphrodites, jaunes, à corolle étroite,
peu dilatée au niveau du limbe qui est divisé en cinq dents égales. Les anthères sont
obtuses à la base, entières. Le fruit est formé d’achaines glabres, comprimés, mu-
nis de deux ailes membraneuses, dépourvus d’aigrette. Le Pyrèthre croit très-bien
dans les environs de Montpellier. 11 vient de préférence dans les terrains secs et
bien exposés à la chaleur. On le multiplie par semis et par boutures. Dans la récolte
pour les drogueries, il faut choisir les racines de la première année (Cazin). [Trad.]
(b) Ainsi qu’on le voit dans la figure 132, faite d’après une racine fraîche de
Pyrèthre cultivé à Paris, l’écorce est formée d’un assez grand nombre de couches
de cellules allongées tangentiellement, à parois minces : celles des couches exté-
(1) Statement of the Trade and Navigation of the Présidence of Bombay, in 1871-72,
P. II, 19, 98.
(2) La poudre de fleurs de Pyrèthre entre dans la composition de plusieurs poudres
insecticides. Elle agit fort bien pour détruire les punaises. Il paraît qu’on y ajoute
parfois frauduleusement des fleurs de Matricaire. Quelques marchands se servent de la
racine pour donner de la force aux eaux-de-vie de mauvaise qualité. Cette fraude
n’est pas sans dangers. [Trad.]
(3) Pour plus de détails sur les espèces médicinales tY Anacyclus, voir un mémoire
du docteur P. Ascherson, in Bonplandia, lu avril 1858.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
Heures sc vident, leurs parois brunissent et s’aplatissent et il se forme ainsi, une
zone do faux sulier. Dans notre figure on voit,
1 dans l’épaisseur do l’écorce, deux canaux à
huile entourés d’un cercle de petites cellules sé-
crétantes. L’écorce est séparée de la portion
centrale par une simple couche de cellules un
peu aplatiees, représentant la gaine des fais-
ceaux. Ces derniers partent en rayonnant du
centre même de la racine, où se voient d'ordi-
naircf, comme dans notre figure, deux groupes
de vaisseaux séparés l’un de l’autre par une
bande de tissu parenchymateux ininterrompue.
Le nombre des faisceaux est très-variable. Cha-
cun se compose de vaisseaux réticulés et dé-
hiscents, courts, fusiformes, à parois minces,
sans fibres ligneuses proprement dites. Dans
les racines de Pyrèthre cultivé à Paris que
nous avons étudiées, les canaux à huile' n’exis-
taient que dans l’écorce et étaient en petit
nombre. Dans les racines plus volumineuses du
commerce, la structure est la même, mais on
voit un certain nombre de canaux à huile dis-
séminés dans les rayons médullaires. Les ra-
cines du commerce sont fréquemment mélan»
gées de fragments de tiges souterraines. Ces
dernières se distinguent sous le microscope
parla présence d’une moelle centrale, l’absence
de gaine des faisceaux et un nombre plus con-
sidérable de faisceaux. Mais la structure de ces
derniers est la même. [Trad.]
(c) En France, on mélange parfois à la racine
de Pyrèthre celle de VAchillea Plarmica L.
Sa saveur est également âcre et brûlante et elle excite vivement la salivation. Sa
poudre est sternutatoire comme celle du Pyrèthre. En un mot, elle jouit de pro-
priétés semblables, mais moins énergiques. [Trad.]
132. Racine de Pyrèthre.
Coupe transversale,
FLEURS DE CAMOMILLE.
Flores Anthemidis ; Fleurs do. Camomille romaine; angl., Chamomilo Flowers ;
allern.,, Jlûmischc Kamillcn.
Origine botanique. — L’ Anthémis nobilis L., Camomille commune ou
romaine, est une petite plante vivace, couchée, qui donne, vers la fin de
1 été, des capitules floraux solitaires. Elle existe en abondance dans les
terrains vagues des environs de Londres; elle est commune dans le sud
de l’Angleterre et s’étend jusqu’en Irlande, mais elle n’est pas indigène
en Ecosse. On la trouve en grande quantité dans le centre de la France,
10
COMPOSÉES.
ou Espagne, en Portugal, en Italie et en üahnatic ; on la trouve dans
le centre et le sud do la Russie, où il est douteux qu’elle soit indigène.
Historique. — Il paraît impossible de reconnaître la Camomille dans
les auteurs classiques et autres anciens, à cause du grand nombre d<*
plantes voisines qui ont des inflorescences semblables. Elle est cultivée,
depuis des siècles, dans les jardins anglais et les fleurs constituent un
médicament populaire. La variété double était bien connue, en Angle-
terre, au seizième siècle. Cette plante fut introduite, d’après Gessner, en
Allemagne, vers la fin du moyen âge ; elle venait d’Espagne. Tragus la
désigna le premier sous le nom de Chamomilla no b i lis (-1). Joachim
Cnmerarius, qui avait constaté sa présence en grande quantité dans les
environs de Rome, lui donna le nom de Camomille romaine.
Production. — La Camomille est cultivée à Nicham, près de Londres.
En 1 864, la surface de terre consacrée à cette culture était de 55 acres
(près de 3 000 hectares), et le rapport était d’environ 4 quintaux par acre.
Les fleurs sont soigneusement recueillies et séchées à l’aide de la chaleur
artificielle. Elles atteignent sur le marché un prix élevé (2). Cette
plante est cultivée sur une large échelle à Kieritzsch, entre Leipzig et
Altenburg, et près de Zeiz et de Borna, en Saxe, et, dans une certaine
proportion, en Belgique et en France.
Description.— Les fleurs de Camomille qu’on trouve dans le commerce
ne proviennent jamais de plantes sauvages. Elles appartiennent à une
variété dans laquelle les fleurs tubuleuses sont toutes ou presque toutes
transformées en fleurs ligulées. Dans les fleurs provenant de quelques
localités cette métamorphose est moins complète. Ces fleurs, dont le
centre est un peu jaune, sont désignées par les droguistes sous le nom
de Camomilles simples, tandis que celles dont toutes les fleurs sont ligu-
lées et blanches sont connues sous celui de Camomilles doubles.
Les fleurs de Camomille ont l’organisation générale des Composées.
Elles ont de 1 à 2 centimètres de large et sont entourées de nombreuses
bractées presque égales, scarieuses sur les bords. Le réceptacle est plein,
conique ; il a environ un demi-centimètre de haut et il est muni d’écailler
minces, concaves, mousses, étroites, de la base desquelles s’élèvent de
nombreuses fleurs. Dans la plante sauvage, les fleurs extérieures
(1) De stv'pium... 1052, 149. — Eu Allemagne, l’épithète edel ( nobilis ) est fré-
quemment employée, dans la botanique populaire, pour désigner des plantes utiles ou
remarquables. Tragus peut avoir été amené ;i donner cette épithète à l'espèce dont nous
parlons, à cause de la supériorité qu’elle a sur le Mcitvicaria Chamomilla ou Camomille
vulgaire des Allemands.
(2) Environ 9 livres st le quintal. La Camomille étrangère vaut de 3 a i livres.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 11
ligulées, au nombre de douze ou davantage, sont blanches, étroites, en
forme de lames et légèrement dentées au sommet. Les üeurs du contre
sont jaunes et tubuleuses; leur limbe est campaniformo et laisse échap-
per deux stigmates réfléchis. Dans la plante cultivée, les fleurs ligu-
léos prédominent ou remplacent entièrement les fleurs tubuleuses. Les
(leurs sont entièrement dépourvues d’aigrette et sont réfléchies, de sorte
que le capitule, lorsqu'il est sec, ofl're l’aspect cl’une petite boule blanche.
Depotitcs glandes àhuile sont dispersées sur la portion tubuleuse des deux
sortes de fleurs. Les fleurs de Camomille possèdent, comme les parties
vertes de la plante, une odeur aromatique forte et un goût très-amer.
Dans le commerce, on recherche, de préférence, les fleurs de grande
taille, doubles et d’un blanc pur; cette dernière qualité est due, en
grande partie, à une dessiccation parfaite, effectuée au moment de l’épa-
nouissement des fleurs. Celles qui sont colorées en chamois ou en brun,
ou qui ne sont qu’en partie doubles, sont cotées à un prix inférieur.
Composition chimique. — Les fleurs de Camomille donnent environ
I /5 pour 100 d’une huile essentielle qui est d’abord colorée en bleu pille,
mais devient d’unbrun jaunâtre au bout de quelques mois. Les recherches
récentes de D.emarçay (1873) montrent que cette huile doit être regardée
comme un mélange d’angélate et de valérate butylique et amylique,
corps qui se décomposent facilement sous l’action des alcalis caustiques.
En chauffant, doucement, pendant quelques instants, 6 parties de cette
huile avec 5 parties de potasse, Jaffé, en 1863, obtint de l’angélate de
potassium, qui, traité par l’acide sulfurique dilué, donna de V Acide An-
gélique fusible 45 degrés centigrades. Toute la proportion d’acide an-
gélique n’est pas de la sorte isolée sous forme de cristaux, mais on peut
l’obtenir en faisant passer à travers le liquide un courant d’acide nitreux ;
l'acide angélique flotte alors à la surface, où il forme une couche hui-
leuse. Parce procédé, on peut, retirer de 100 parties d’huile 50 parties
d'acide angélique brut ou 30 parties d’acide pur. Tous ces résultats pa-
raissent douteux d’après les recherches récentes de Fittig etKopp (1876).
A Mitcham, on distille ordinairement l’huile de Camomille de la
plante entière, après avoir cueilli les plus belles fleurs. Cette huile pos-
sède une teinte verte qu’on fait disparaître en l’exposant à la lumière
du soleil. Elle acquiert ainsi une coloration jaune-brunâtre, en même
temps qu’elle abandonne un dépôt abondant.
Gamboulises, en 1871, a extrait de la Camomille double un acide
amer qui forme des prismes en forme d’aiguilles, mais en trop petite
quantité, pour permettre l’analyse; il le regarde comme identique à
12
COMPOSÉES.
l’acide A nthémique retiré parPatlone, en 1859, de Y Anthémis arvensis. Il
n'a pu découvrir dans la Camomille ni V Antheinine de ce dernier chi-
miste, ni aucun autre alcaloïde. Nous avons fait un certain nombre
d’expériences clans le but d’isoler le principe amer, mais nous n’avons
pas pu l’obtenir dans un état satisfaisant de pureté. 11 forme un ex-
trait brun qui est probablement un glucoside. Nous n’avons pas pu
confirmer non plus l’absence d’alcaloïdes.
Usage. — On emploie l’infusion ou l’extrait de Camomille comme
tonique amer.
Falsifications et substitutions. — Les capitules du Matricaria Camn-
millci L., désignés, en allemand, sous le nom de Camomille commune
(f/emeine Kamillen ), sont souvent employés, dans ce pays, à la place de la
Camomille. Ils diffèrent beaucoup, par l’aspect et l’odeur, de la Ca-
momille des pharmacies anglaises. Ils sont très-simples, dépourvus
d’amertume, et leur réceptacle n’a ni écailles ni cavité.
Une variété cultivée de Chrysanthemum Parlhenium Pers., ou Matri-
caire, avec des fleurs blanches, toutes ligulées, et quelques écailles sur
le réceptacle (mais dont le réceptacle n’est pas nu comme à l’état sau-
vage), commune dans lesjardins(l), a des capitules deux fois plus grands
que ceux de la Camomille. On peut les distinguer de ces derniers à
leur réceptacle convexe ou presque aplati, muni d’écailles lancéolées et
aiguës, mais moins membraneuses.
Les Camomilles des bazars indiens qui sont apportées de Perse et
connues sous le nom de Bâbünah sont (ainsi que nous pouvons en juger
d’après ce que dit Royle) les fleurs du Matricaria suaveolens L., formo
réduite du Matricaria Chamomïlla. Elle croît dans le sud de la Russie,
la Perse, le sud de la Sibérie et le nord de l’Amérique.
La plante sauvage d 'Anthémis nobilis L. fraîchement arrachée du sol
est vendue à Londres pour fabriquer un extrait; ce procédé est haute-
ment répréhensible, en supposant qu’on vende l’extraît pour l’emploi
médical.
(a) Les Anthémis L. ( Gen ., n° 970) sont des Composées de lu tribu des Anthé-
midées très-voisines des Anacyclus qui faisaient autrefois partie du même genre. Ils
se distinguent, des Anacyclus principalement par leurs achaines, qui sont arrondis
ou légèrement tétragoncs, striés ou lisses.
(1) N'est-ce pas cette plante qui est l’.<4n<Amis (?) parthenioides Bernh , dont De Can-
dolle (Proclr., VI, 7)'dit : « Simillima M. Parthenio, sed paleis inter flores instructa.
Fere semper plena in bortis occurrit, et forte ideo paleæ receptaculi ex luxuriante statu
ortæ ut in Chrysantliemi indico et sinensi... » ?
HISTOIRE DES PLANTES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 13
L’ Anthémis nohilis L. [Species, 1260.— Ormcnis nobilis .1. Gay (Fl. Par.
éd. I, 398) est mie plante à rhizome vivace, un peu traçant, à rameaux aériens ordi-
nairement assez nombreux, atteignant de 20 à 30 centimètres, étalés, ascendants, ou
parfois dressés, couverts, comme les feuilles, de poils plus ou moins, denses. Les
feuilles sont alternes, pinnatiséquées, à segments découpés en lobes étroits et courts.
Les achaines, dépourvus d’aigrette, sont munis de trois côtes filiformes. L' Anthémis
nobilis est assez abondante à l’état sauvage dans les environs de Paris, sur le bord
des routes et des allées des bois, dans les pâturages et les pelouses. (Voy. Coss. et
Geiui. de St-Pierre, Fl. des envir. de Paris, 491.) [Trad.]
SEMEN CONTRA.
Sanlonlca ; Flores Cinæ; Semen Cinæ (t); Semen Santonicæ ; Semen Zedoariæ; Semen Contra;
Semcn Sanction; Semencine, Barbutine ; angl., Wormseed; allem.. Wurmsamen, Zilwersamen.
Origine botanique. — Arlemisia marithna , var. a. Stechmcinniana
Besser (2) ( Artemisia Lercheana Karel, et Kiril., in Herb. Kew et Mus.
Brit. ; Arlemisia marithna, x ar. a, pauciflora Weber, quoadLEDEBOUR, Flor.
Ross , II, 570) .
Les Artémises delà section Seriphidium offrent une grande diversité
de formes (3). Elles ont été l’objet d’une étude attentive de la part des
botanistes russes Besser (1834-1835) et Ledebour (1844-1846), dont les
recherches ont eu pour résultat la réunion d’un certain nombre d’es-
pèces supposées sous le nomLinnéen d' Arlemisia marithna. Cette plante
est très-répandue, à l’état sauvage, dans l’hémisphère nord de l’ancien
monde, surtout dans les terres salines. On la trouve dans les marais
salins des Iles-Britanniques, sur les côtes de la Baltique, de la France,
de la Méditerranée et dans les terres salines de la Hongrie et de la Po-
logne. De là elle s’étend vers l’est et couvre d’immenses espaces dans
le sud de la Russie, les régions voisines de la mer Caspienne, la Sibérie
centrale, jusque dans la Mongolie chinoise. La variété particulière qui
fournit au moins la majeure partie de la drogue est une petite plante
frutescente, aromatique; elle se distingue par ses capitules très-petits,
(1) De l’italien Semenzina, diminutif de Semenza , graine.
(2) W. S. Besser, in Bull, de la Soc. lmp. des Natural. de Moscou, 1834, VII, 31. —
Il existe dans l’Herbier du Jardin royal de Kcw un échantillon de la plante en ques-
tion, étiqueté de la main de Besser, aveo une note indiquant qu’on l’a recueilli pour
l’usage médical. Cet échantillon ressemble tout à lait au Semen Contra du commerce
russe et allemand. Cette remarque s’applique aussi îi un' échantillon d ’ Artemisia Ler-
cheana Karel, et Kiril. , qui existe dans le même herbier.
(3) « Si alicP Arlemisia) multum variant, Serip/ûdiu inconstantia l'ormarum omnes
superan t...» Besser.
dressés, ovoïdes, enveloppés d’un invo lucre dont les bradées sonl ob-
tuses, oblongucs, les plus intérieures étant scarieuses. La tige se ter-
mine par un panicule thyrsoïde couvert de capitules. Les localités dan-
lesquelles croit cette plante sont : le voisinage du Don, les régions que
traverse le Volga inférieur, près de Zarepta et de Zaritzyn, et tes déserts
de Kirghiz.
La drogue consiste eu petits capitules non épanouis. On la recueille
en grande quantité, ainsi que nous en a informé Bjôrklund, en I8G7,
dans les vastes plaines ou steppes de Kirghiz, dans la partie nord du
Turkestan; on en recueillait autrefois près de Zarepta, riche colonie
allemande établie dans le gouvernement de Saratov, mais, d’après des
informations directes reçues récemment (187-2), il paraît qu’on ne tardera
pas à ne plus en trouver dans cette région.
Le marché du Semen Contra est la grande foire de Nishnei-Xovgorod.
d’où la drogue est expédiée à Moscou, à Saint-Pétersbourg et dans
l’Europe occidentale-.
On trouve le Semen Contra dans les bazars indiens. Nous en avons
reçu de Bombay un échantillon qui ne diffère nullement, par la forme,
de la drogue russe, mais est un peu velu et mêlé de pédoncules tomeu-
Leux. 11 est probablement apporté .dans l’Inde de l’Afghanistan et de
Gabul (•!).
Wilkomm (2) a décrit récemment, comme plante mère du Semen
Contra, une Artémise qu’il nomme Artemisia Chia. Elle avait été obtenue
dans le Turkestan par le professeur Petzholdt ; il la tenait des per-
sonnes qui recueillent la drogue. L’échantillon que nous a gracieuse-
ment communiqué le professeur Wilkomm possède des capitules qui ne
diffèrent de ceux du commerce que par des écailles moins nombreuses.
Historique. — Plusieurs^ espèces d 'Absinthium sont mentionnées par
Dioscoride. L’une d’elles, qu’il nomme ’Aéavôtcv OaAft'sc.sv ou Xéptscv. a de
très-petits capitules et croît en Cappadoce. Il l’indique comme un re-
mède utile contre les ascaris et les lombrics. On peut à peine douter que
ce soit le Semen Contra des modernes. Il désigne l’autre espèce sous le
nom de Savtivtcv, parce qu’elle croît dans le pays des Santones, en Gaule,
(la moderne Saintonge), et affirme qu’elle ressemble au Sépiesv par ses
propriétés.
Dans une épitre sur les vers intestinaux, attribuée à Alexander Tral-
(1) L’ Artemisia n° 3201, lierb. GrifTllli, Afghanistan, de l’herbier de Kow, a des ca-
pitules qui ressemblent précisément à ceux de la drogue de Bombay.
(2) Bot . /rit., 1er mars 1S72; Pharm. Jour» ., 23 mars 1372, 7<i2 (extrait).
15
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
lianus (1), qui pratiqua la médecine à Rome, avec grand succès, au
sixième siècle, l’emploi de Y Absintluum marinum (OaXa esta à^ivOv;), est
recommandé contre les ascaris et les vers ronds.
Le Semen Sanctum vel Alexandrinum est mentionné comme vermifuge
pour les enfants par Saladinus, vers 1450, et par Ruellius, Dodonæus,
les Bauhin et d’autres naturalistes du seizième siècle. Son ancienne
réputation s’est pleinement conservée chez les modernes et l’on em-
ploie encore beaucoup cette drogue, particulièrement sous la forme de
Santonine.
Description. — Lesbons échantillons de la drogue consistent, presque
exclusivement, en capitules entiers, non épanouis, si petits qu’il en faut
environ 90 pour faire le poids de 0 centigrammes. Dans les échantillons
moins purs, on trouve un mélange de capitules, de pédoncules et de
fragments de petites feuilles pennées. Les capitules sont elliptiques
ou oblongs; ils ont à peu près un quart de centimètre de long, sont co-
lorés en jaune verdâtre lorsqu’ils sont frais, et deviennent bruns à la
longue. Ils se développent isolément, moins souvent par paires, sur de
courts pédoncules, et sont entourés d’environ 18 écailles oblongues,
obtuses, concaves, étroitement imbriquées*. Get involucre est très-rétréci
à la base, à cause de la brièveté plus grande des écailles inférieures.
Les capitules sont quelquefois mélangés d’un petit nombre des feuilles
supérieures de la tige, qui sont courtes, étroites et simples. Par suite de
la compression, les capitules sont un peu anguleux (2) et munis d'arêtes
produites par les nervures médianes saillantes des écailles de l’invo*
lucre. La partie moyenne de chaque écaille est couverte de petites
glandes jaunes, sessiles, qui manquent sur les bords transparents et
scarieux. Ges derniers sont marqués de fines stries et tout cà fait glabres';
à l’état jeune, la nervure médiane porte un petit nombre de poils lai*
lieux, incolores, mais a la maturité, le capitule tout entier est lisse et
presque glabre (3). Les fleurs sont au nombre de 3 à 5 ; elles offrent,
dan? le bouton, une corolle ovoïde, glanduleuse dans le bas, un peu
plus longue que l’ovaire, qui est dépourvu d’aigrette.
Le Semen Contra, écrasé entre les doigts, exhale une odeur forte et
fl) Contenu dans un ouvrage de Dieronyinus Mercurialis, intitulé : Variarum Lec-
tionum libvi quatuor ., Venet., 1570.
.ij La macération dans l’eau qui rétablit la forme naturelle des capilules indique
que ces angles n’existent pas sur la plante fraîche.
(-1) Cependant il ne faut pas attacher une trop grande importance à ce caractère ; car,
ainsi que le lait remarquer Bosser, « periclinii squama; in uno loco tomento brevi plus
minus vc-canæ, in aliis nudæ, imo nitidæ. »
10
COMPOSÉES.
agréable, semblable à celle du Gajeput et du Camphre; son goût est
amer et aromatique.
Composition chimique. — Le Semen Contra donne environ 1 pour 100
d’une huile essentielle qui a une odeur et un goût caractéristiques.
Elle bout à 175 degrés C. Elle est constituée, en grande partie,
d’après les recherches de Kraut (1862-1863) par le Camphre de Cince-
hene de Hirzel,C'°H180, qui, distillé, abandonne facilement HsO. Cette par-
tie de l’huile se résout ainsi en G10H18 et en eau. Cette dernière trouble
l’huile préalablement déshydratée. L’hydrocarbone n’a pas d’action sur
la lumière polarisée, mais l’huile brute est faiblement lévogyre. Cette
dernière contient peut-être, dans le principe, un hydrocarbone diffé-
rent, isomérique, la Cynœbene d’ilirzel, Cinene ou Cynene de Volckel.
L’eau qui distille entraîne avec elle des acides volatils de la série
grasse et aussi (comme dans le cas de 1 Anthémis nobilis) de 1 acide An-
gélique.
La substance à laquelle le Semen Contra doit son action remar-
quable sur le corps humain (1) est la Santonine C'5H,80:|. Elle fut décou-
verte, en 1830, parKahler, pharmacien à Düsseldorf, qui publia sur elle
line c'ourte notice dans Y Arùhiv der Pharmacie de Brandes (XXXIV, 318 .
Aussitôt après, Auguste Alms, commis pharmacien h Penzlin, dans
le grand duché de Mecklemburg-Schwerin, sans avoir connaissance de
la découverte de Kahler, obtint la même substance et lui donna le nom
de Santonine. Alms la recommanda pour la pratique médicale, en mon-
trant qu’elle constituait le principe anthelmintique du Semen Contra ('2).
La Santonine représente de 11/2 à 2 pour 100 de la drogue, mais paraît
diminuer beaucoup de quantité après l’épanouissement des fleur.-. On
l’extrait facilement à l’aide du lait de chaux ; quoiqu’elle ne soit pas acide
et qu’elle soit peu soluble dans l’eau, même bouillante, elle est suscep-
tible de se combiner avec les bases. Elle est inodore ; son goût est amer.
Il est surtout sensible lorsqu’elle est dissoute dans le chloroforme ou
l’alcool (3). ....
La Santonine forme des cristaux rectangulaires, aplatis, incolores ;
m La santonine affecte la vision de telle sorte, que les objets paraissent vus à travers
un voilejkune. Les autres effets sont rappelés par Stillé (Therapeutics and Mat, Med.,
11 \l) Le mémoire d'Alms étant contenu dans le même journal ^
Kahler (et aussi dans le vol. XXXIX, 190), l’indépendance des deux decouvertes
bl(3)é^f Solubilité facile dans 3 ou 4 parties de forme rend so., «***»
aisée lorsqu’elle est mélangée avec du sucre, comme dans les pastilles de Santonu
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 17
lorsqu’on les expose à la lumière du jour ou bien aux rayons bleus ou
violets, mais non aux autres couleurs du spectie, ils piennent une
teinte jaune et se divisent en fragments irréguliers. 11 n’est pas démontre
que ce changement d état, qui se produit meme sous 1 eau, 1 alcool ou
l’éther , soit accompagné d’aucune altération chimique. Cependant
Sestini, en 1865, a affirmé que la San tourne jaune, Photo- Santonine (1),
possède une composition différente, C23H3406, et un point de fusion infé-
rieur. La Santonine se comporte, lorqu’on l’expose à la lumière, comme
YErythrocentaarine. G27H'2i03. Cette dernière a été retirée, à l’aide de
l’éther, de l’extrait alcoolique de Y Erythræa Centaunum et de quelques
autres Gentianacêes. Méhu, en 1866, a montré que les cristaux incolores
de cette substance prennent, lorsqu’on les expose à la lumière du soleil,
une belle couleur rouge, sans subir aucune altération chimique. Les
solutions colorées de ce corps dans l’alcool ou le chloroforme fournissent
la substance primitive. Avec des précautions convenables on peut subli-
mer la Santonine sans l’altérer.
D’après les recherches d’Hesse (1873), la Santonine paraît être l’anhy-
dride d’un corps cristallisable qu’il nomme cicicle Santoninique , Cl3H2"Ol.
Lorsqu’on chauffe cet acide à 120° G., il se décompose en Santonine
et en eau. Cannizzaro et Sestini (1873) ont montré que lorsqu’on
chauffe la Santonine avec un alcali, on peut la convertir en acide
Santonique , substance isomérique de l’acide santoninique, mais qui ne
se décompose pas, comme ce dernier, sous l’influence de la chaleur, en
santonine et en eau.
Le Semen Contra contient, indépendamment des deux corps que nous
venons de décrire, de la résine, du sucre, une graisse cireuse, des sels
de calcium et de potassium et de l’acide malique ; choisi avec soin et
desséché, il nous a donné 6,5 pour 100 de cendres riches en silice.
Commerce. — Ludwig, de Saint-Pétersbourg, a établi, pour l’impor-
tation du Semen Contra dans cette ville, les chiffres suivants : en 1862,
7400 quintaux ; en 1863, 10500 quintaux ; en 1864, 11 400 quintaux. La
drogue avait été apportée des steppes de Kirghiz par Semipalatinsk et,
par Orenburg.
Usages. — Cette drogue est employée exclusivement pour ses pro-
priétés anthelminthiques, en partie sous forme de santonine. Elle
possède une efficacité spéciale pour l’expulsion de l’Asca?vs lumbn-
coideSi
(t) Coite substance vient d’être reconnue comme un éther diélhylique de l’acide san-
liniquc. [P. A. F.]
niST. uns drogues, T. U. a
18
COMPOSE liS.
Los Armoises (Artemisia L., Généra, lJf5) sont des Composées de la tribu des
Anthémidées, à involucre formé d’un petit nombre dérangées de bractées; h récep-
tacle convexe, dépourvu de paillettes; à fleurs toutes tubuleuses, celles de la cir-
conférence très-grêles et ordinairement femelles, celles du centre hermaphrodites ou
quelquefois stériles. Les fruits sont des urbaines cylindriques, obovales, dépourvus
de côtes et d’angles et terminés par un disque étroit.
Dans V Artemisia marilima L. ( Species , 1 180) les capitules sont disposés en gloiné-
rules, en épis ou en panicules d’épis ou de grappes. Les feuilles sont à peu près
nues, blanches ou couvertes de poils laineux blancs, bipinnatiséquées, à segments
linéaires ou filiformes.
La variété A. Sleclimanniana (Besser, iu Bull. Soc. imp. des nalur. de Moscou,
VII, 31 . — A. pauciflora Stechm.; A pulchella Gmkl.) se distingue par : ses capitules
cylindriques disposés en panicules fastigiés, thvrsoïdes ; ses feuilles radicales pen-
nées, à sept-neuf folioles subdivisées en segments rapprochés comme dans les feuilles
eaulinaires inférieures. « Ilujus sembla colligunt circa Sarcptam pro Pharmacopœis
sub nominc seminuin Cinœ s. Cynœ teste CL Czerniagevio. Saltem sat sunt gra-
veolentia ». [T rad. |
RHIZOME D’ARNICA.
Radix Amicæ ; ang!., Arnica Root-, altéra., AmicawurxeL
Origine botanique, — L 'Arnica rnonlana L. est une plante vivace qui
Croît dans les prairies des régions septentrionales et centrales de 1 hé-
misphère nord, mais ne s’étend pas jusque dans les Iles-Britanniques.
Dans l’Europe occidentale et centrale, elle habite les montagnes, mais,
dans les pays plus froids, elle descend dans les plaines. Dans les régions
élevées, comme l’Asie et l’Amérique arctiques, on trouve une variété
particulière de cette plante qui se distingue par des feuilles étroites,
presque linéaires; elle a reçu le nom d 'Arnica angustifolia Vahl; mais
l’existence de formes transitoires nombreuses prouve son identité avec
V Arnica montana ordinaire d’Europe (a).
Historique. — Les anciens botanistes, notamment Matthiolus, Gessucr,
Camerarius, Taberuæmonlanus et Clusius connaissaient l’Arnica et
avaient quelques notions sur ses propriétés médicinales. Il paraît avoir
constitué, en Allemagne, un remède populaire, à une période reculée,
mais il ne fut introduit dans la médecine officielle que vers 1712, sur la
recommandation de Johann Michael Fehr, de Schvvcinfurt, et de quel-
ques autres médecins. Mais, au point du vue de l’éloge du remède
nouveau , tous ces écrivains restent bien en arrière de Collin, de
Vienne. Ce dernier (I) pensa avoir trouvé dans l’Arnica un remède eu-
(1) Arnic.r, in febribus et uliis morbis putridis vires (in A nui mcdici de Stôrck el
Collin, ed. nov., Amstel., 1779, 111, 133),
histoire des drogues dorigine végétale. i «j
ropéen possédant toutes les propriétés du quinquina. Entre ses mains,
les fièvres disparaissaient par son emploi, et de 1771 à 1774 plus
de mille malades de l’hôpital de Pazman furent guéris de fièvres in-
termittentes à l’aide d’un électuaire fabriqué avec les fleurs d’ Arnica !
Des résultats aussi heureux ne purent être obtenus par les autres
médecins.
L’Arnica (herbe, fleurs, racine) avait sa place dans la Pharmacopée
de Londres de 1788, mais il tomba bientôt dans un tel oubli que
Woodville, en 1790, dit qu’il n’a pu se le procurer chez aucun droguiste
de Londres. Dans ces dernières années, il a acquis de nouveau une cer-
taine notoriété populaire et s’emploie, en applications externes, sous
forme de teinture, pour prévenir la formation des taches noires qui suc-
cèdent aux contusions. En Angleterre, on le prescrit rarement à l’in-
térieur.
Description. — La racine d’Arnica des pharmacies consiste en mor-
ceaux de souches minces, contournés et colorés en brun foncé ; ils ont de
2 à 5 centimètres de long et émettent, parleur face inférieure, un grand
nombre de racines simples, filiformes qui ont de 7 à 10 centimètres de
long ou davantage. Ces fragments portent, d’ordinaire, des restes delà
rosette de feuilles caractéristiques , ovales, coriaces, munies de 3 à
S nervures, ciliées sur les bords et un peu pubescentes sur la face
supérieure. Leur odeur est agréable, aromatique, herbacée, et leur goût
est un peu âcre.
structure microscopique. — Sur une section transversale, la souche
offre une large moelle entourée d’un cercle ligneux épais. Dans la
partie interne de la couche corticale sont de larges canaux à huile
qui correspondent aux faisceaux fibro-vasculaires. On ne voit dans le
parenchyme ni grains d’amidon, ni inuline, ni oxalate de calcium. Les
racines offrent une structure différente, mais contiennent aussi des
canaux à huile.
Composition chimique. — Plusieurs chimistes se sont efforcés d’isoler
le principe actif de l’Arnica. Bastick a décrit, en 1851, une substance
qu’il avait retirée, en petite quantité, des fleurs, et qu’il nomma Arni-
cine. Il dit qu’elle possède des propriétés alcalines, qu’elle n’est pas
volatile, qu’elle est faiblement soluble dans l’eau, davantage dans
l’alcool et l’éther ; lorsqu’elle est neutralisée par l’acide chlorhydrique,
elle forme un sel cristallin.
L’arnicine, extraite par Walz, en 1861, des fleurs et de la racine de
I Arnica, est une substance différente; elle soprôsente en masse amorphe,
20
COMPOSÉES.
jaune, d’un goût âcre; elle est faiblement soluble dans l’eau ; très-soluble
dans l’alcool et l’éther et se dissout aussi dans les solutions alcalines.
L’acide Ijannique et l’eau la précipitent de sa solution alcoolique. Walz
assigne àsonarnicine la formule G20H!l0Ol et d’autres chimistes, G35Hi40\
On n’a pas démontré encore que l’arnicine soit un glucoside, quoiqu’elle
soit décomposée par les acides dilués.
Sigel (I) a retiré de la racine sèche d’ Arnica environ 1/2 pour 100
d’huile essentielle et 1 pour 100 de la racine fraîche. L’huile de cette
dernière a pour poids spécifique 0,099 à 180° G. La composition de
cette huile est représentée par la formule C°H90. On a trouvé qu'elle
était constituée par un mélange de différents corps, dont le principal
est l 'éther diméthylique de Thymokydroquinone. L’eau de laquelle l’huile
se sépare contient de Y acide Isobutyrique et probablement aussi un peu
A’ acide Angélique et d’ acide Formique; mais on n’y trouve ni l'acide
capronique ni l’acide caprylique qui ont été signalés par Walz.
La racine d’ Arnica contient de Ylnuline que Dragendorff a retirée
dans la proportion de 10 pour 100.
Usages. — L’Arnica est surtout employé, sous forme de teinture, dans
la médecine populaire, contre les meurtrissures et les engelures. On
l’administre, parfois, à l’intérieur, comme stimulant et diaphorétique.
Falsification. — On a récemment constaté (2) la falsification de 1 Ar-
nica à l’aide de la racine du Geum urbanum L., plante herbacée, com-
mune, de la famille des Rosacées. La racine de cette dernière est plus
épaisse que le rhizome de l’Arnica ; elle a de 50 à 75 millimètres de
diamètre ; c'est une racine véritable, couverte de radicules sur toutes
ses faces, et d’une saveur astringente. Les feuilles du Geum sont pen-
nées et tout à fait différentes de celles de l’Arnica.
FLEURS D'ARNICA
\J Arnica montana produit de grandes et belles (leurs, d’un jaune
orange, solitaires au sommet de la tige ou des branches. Les écailles
de l’involucre sont au nombre de 20 à 24, égales en longueur, imbri-
quées et disposées sur deux rangées.; elles sont très-velues et les poils
les plus courts sont terminés par des glandes visqueuses. Le réceptacle
est muni de paillettes; il a près de 1 centimètre de diamètre et porte
(1) Annal, de Licbirj, 1873, CLXX, iWS-364.
(2) Hoi.mes, in Pharm. Journ., H avril 1874, 810.
21
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
environ 20 fleurs ligulées et un nombre beaucoup plus grand de fleurs
tubuleuses. Les fleurs ligulées ont 2 centimètres et demi de long; elles
sont oblongues, dentées au sommet et parcourues par environ dix ner-
vures parallèles. Les achaines sont bruns et velus, et couronnés par une
aigrette formée d’un seul cercle de poils barbelés, blanchâtres.
Les fleurs de l'Arnica ont une odeur faible qui n’est pas désagréable.
On les emploie surtout pour fabriquer une teinture ; mais, comme la
Pharmacopée de Londres prescrit, aujourd’hui, de faire cette dernière
avec les racines, les fleurs sont presque hors d’usage, du moins dans la
Grande-Bretagne. Elles paraissent être plus riches que la racine en
arnicine et passent pour avoir des propriétés médicinales égales, sinon
supérieures; cependant l’huile essentielle qu’elles contiennent n’est pas
la même.
(a) Les Arnica L. ( Généra , n° 958) sont des Composées de la tribu des Sénécicmi-
dées, à capitules radiés, à involucre formé d’une ou deux rangées de bractées her-
bacées, acuminées, il styles des fleurs hermaphrodites divisés en deux branches
stigmatiques allongées, renflées et pubescentes.
L 'Arnica monlana L. (Species, 1245) est une petite plante à rhizome vivace,
oblique, émettant des rameaux aériens dressés, hauts 'de 40 à 60 centimètres, à
peu près cylindriques, striés, simples ou divisés en trois ou quatre branches dres-
sées presque opposées, qui se terminent chacune par une grande fleur jaune un peu
penchée. A la base de chaque pédoncule floral se trouve une grande bractée. Les
feuilles sont toutes sessiles, entières, oblongues, munies de trois à cinq nervures
longitudinales, très-prononcées. Les feuilles radicales sont étalées en rosette ; les
caulinaires, peu nombreuses, sont géminées. Toute la plante est aromatique et cou-
verte de poils courts. L 'Arnica monlana recherche les terrains granitiques et
tertiaires. [Thad.]
RACINE DE PISSENLIT.
nadir Taraxaci ; nngl., Dandc.Hon Root, Taraxacum Root : allem., TAœmsahmntrsel.
Origine botanique. — Le Taraxacum officinale Weber ( Taraxacum
Dens-leonis Desfontaines, Leontodon Taraxacum. L.) est une plante de
l’hémisphère nord. On la trouve dans toute l’Europe, l’Asie centrale cl
septentrionale, et l’Amérique du Nord. Elle s’étend jusqu’aux régions
arctiques. Elle offre un nombre considérable de formes, dont plusieurs
ont été regardées comme des espèces distinctes. Dans quelques pays,
elle constitue une mauvaise herbe incommode (a).
Historique. — Quoique le Pissenlit commun doive avoir été bien
connu des anciens, nous ne trouvons aucun renseignement sur lui
22
COMPOSÉES.
dans les auteurs classiques grecs ou latins. Le mot Taraxacum est cepen-
dant regardé, communément, comme cl’origine grecque (I) ; nous le trou-
vons d’abord écrit Taralthshagün dans les ouvrages des médecins ara-
bes, qui en parlent comme d’une sorte d’Endive sauvage. Il est aussi
mentionné par Rhazes au dixième siècle et par Avicenne au onzième
siècle.
Le nom Dens Leoms , son équivalent, qu on trouve dans presque toutes
les langues de l’Europe, a été, d’après l’herbier de Johann von Cube (2),
donné à cette plante par un certain Wilhelm, médecin, qui la tenait en
grande estime ; mais nous avons cherché en vain quelques détails sur ce
personnage et sur l’époque à laquelle il vivait. Le Pissenlit était très-
estimé dans la médecine, à l’époque de Gerarde et Parkinson, et est
encore employé sur une assez large échelle.
Récolte. — En Angleterre, la racine de Pissenlit passe pour être très-
bonne à arracher pendant le mois de novembre, son suc étant à cette
époque plus abondant et de meilleure qualité qu’à tout autre- mo-
ment. Bentley prétend qu’elle est plus amère en mars, qu'elle l’est
plus que jamais en juillet, et qu’on doit préférer pour la récolte à tout le
moins la première date.
Description. — Laracine duPissenlitestvivace, pivotante, simpleoupeu
ramifiée; dans un bon terrain elle atteint 30 centimètres et plus de long et
de 1 à 3 centimètres de diamètre. Les vieilles racines se divisent, au niveau
du collet, en plusieurs têtes. Cette racine eslcharnue et cassante; extérieu-
rement elle est d’un brun pâle ; elle est blanche en dedans et riche en
un suc inodore, laiteux et amer. Elle se contracte beaucoup en se dessé-
chant et perd environ 76 pour 100 de son poids (3). La racine de Pissen-
lit sèche a un centimètre environ de diamètre; elle est colorée en brun
foncé, et parcourue de rides transversales qui ont souvent une direc-
tion spiralée. Lorsqu’elle est tout à fait sèche, elle se casse facilement;
sa cassure est courte, subéreuse, et met en évidence une écorce très-
épaisse, blanche, qui entoure une colonne ligneuse. Cette dernière est
jaunâtre, très-poreuse, sans moelle ni rayons. Une zone cambiale assez
large, mais peu distincte, sépare le bois de l’écorce, qui offre de nom-
(1) U vient peut-être de ou -rpd^uvov, laitue sauvage ; d’après quelques au-
teurs, de Tapalji;, maladie des yeux qu’on traitait avec cette plante, ou du verbe
Totp doao), je trouble.
(2) fierbarius zu teutsch und von aller handt kreuteren, Augspurg, 1488, cap. eut.
(3) Ainsi, S496 livres de racines lavées donnèrent, après dessiccation, seulement
1277 livres ou 23,2 pour 100. Information communiquée par MM. Allen et Hanburys,
de Londres.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 23
breuses couches concentriques bien définies. Gctle racine est inodore;
elle possède un goût un peu amer.
Structure microscopique. — Sur une section 1 0 il g i Lu il i il £1 L e , surtout
tangentielle, on voit des zones brunâtres qui contiennent des vaisseaux
laticifères qui ont 2 millièmes de millimètre environ de diamètre.
Ils traversent les zones verticalement, en émettant de nombreuses
branches transversales qui restent toujours confinées dans la meme
zone. Dans l’épaisseur de chacune de ces zones les vaisseaux latici-
fères forment un réseau anastomotique très-manifeste. La racine est
ainsi verticalement traversée par environ dix à vingt couches concen-
triques de vaisseaux laticifères (1). On peut les rendre très-apparents
nu moyen du bleu d’aniline, en humectant avec sa solution une mince
tranche longitudinale de la racine fraîche. Il faut d’abord laisser des-
sécher en partie la racine jusqu'à ce que le suc laiteux se coagule ;
les tranches minces absorbent alors énergiquement la matière colo-
rante (2).
Le parenchyme de la racine desséchée est rempli d'inuline, qui ne se
présente pas à l’état solide dans la plante vivante. La partie ligneuse de
la racine de Pissenlit est formée de larges vaisseaux scalariformes,
accompagnés de tissu parenchymateux, mais les premiers dominent
beaucoup (b).
Composition chimique. — Le suc laiteux frais de Pissenlit est amer et
neutre, mais il acquiert bientôt une réaction acide et une coloration
brun-rougeâtre, en même temps qu’il se coagule, avec séparation d’une
substance que Kromayer, en 1861, a désignée sous le nom de Leon-
lodoriium. Ce chimiste, en traitant cette substance par l’eau chaude,
obtint une solution amère ; celle-ci abandonne sur le charbon animal
un principe actif (?) qu’on en sépare à l’aide de l’esprit-de-vin bouillant.
Après évaporation de l’alcool, Kromayer purifia le liquide par addition
d’acétate de plomb basique, saturation de la solution filtrée avec de
l’hydrogène sulfuré et évaporation jusqu’à siccité. Le résidu abandonna
alors à l’éther une résine âcre, et laissa une masse amorphe, incolore,
très-amère, nommée par Kromayer Taraxacme.
Polex (1839) obtint apparemment le même principe en cristaux ver-
(1) Pour plus de détails à ce sujet, voyez : Vogl, Sitzungsber. (1er Wiener Akademie ,
1863, VI, 668, avec planche; Hanstein, M ilchsaftgefasae unçl vcrvandlc. Organe der
liinde, Berlin, 1864, 72, 73, t. IX.
(2) Le lecteur peu familier avec ce procédé peut se rapporter à un mémoire de Poc-
klington, in Phnrm. Journ., 13 avril 1872, 822.
24
COMPOSEES.
ruqueux. Il faisait simplement bouillir le suc laiteux avec do l’eau et
abandonnait à l’évaporation la décoction concentrée. La portion du
Leontodonium non dissoute dans l’eau cède à l’alcool une substance
cristalline, la Taraxacérine de Kromayor, C8H,#0. Cette dernière res-
semble à la lactucérine et sa solution alcoolique possède une saveur
âcre. Nous ne savons pas encore jusqu’à quel point les propriétés médi-
cinales du Pissenlit sont dues aux substances ainsi obtenues.
Dragendorff, en 1870, a retiré de racines recueillies près de Dorpat
en octobre, et séchées à 100° C., 24 pour 100 d'inuline et du sucre.
Des racines recueillies en mars, dans le même endroit, donnèrent
seulement 1,74 pour 100 d’inuline, 17 de sucre incristn 1 lisable et 18,7
de. Lévuline. Ce dernier corps, découvert par Dragendorff, a la même
composition que l’inuline, mais se dissout dans l’eau froide. Sa solu-
tion possède un goût douceâtre; elle est dépourvue de tout pouvoir
rotatoire. Lorsqu’on fait dissoudre dans l’eau l’extrait de Pissenlit,
l’inuline se présente souvent sous la forme d'une poudre brillante.
T. et H. Smith, d’Edimbourg, ont montré, en 1849, que le suc de la
racine, après une courte exposition à l’air, subit une sorte de fermen-
tation dont le résultat est une production abondante de mannite, dont
on ne peut retirer la moindre trace de la racine tout à fait fraîche. Les
mêmes chimistes y trouvèrent une grande quantité de sucre qui subissait
promptement la fermentation vineuse.
Les feuilles et les tiges du Pissenlit (mais non les racines) offrirent à
Marmé, en 1864 (I), un sucre particulier nommé Inosite, Cl2Hsl012. Des
racines recueillies dans les prairies des environs de Berne, immédiate-
ment avant la floraison, lavées soigneusement et desséchées à 100° C ,
nous donnèrent 5,24 pour 100 de cendres, consistant en carbonates,
phosphates, sulfates, et en une petite quantité de chlorures.
Usages. — Le Pissenlit est très-employé dans la Grande-Bretagne
comme laxatif doux et tonique, surtout dans les maladies du foie. Eu
France il est inusité.
Falsification. — Les racines du Leontodon hispidus L. sont parfois
vendues en fraude par les récolteurs d’herbes à la place de celles du
Pissenlit. Les deux plantes ont les feuilles roncinées, mais celles du
Leontodon hispidus sont velues, tandis que celles du Pissenlit sont lisses.
La racine fraîche du premier est coriace, difficile à casser et laisse rare-
ment exsuder un suc laiteux (2).
(1) G melin, Chemistry, 1864, XV, 351.
(2) Giiæs, Pharm. Journ., 1852, XI, 107.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VEGETALE. 2?i
La racine desséchée du Pissenlit est très-susceptible d’être attaquée
parles vers et ne doit pas être conservée pendant plus d’une saison.
(„) Les Taraxacum (Haller, Stirp. Helv., 1, 23) sont des Composées de la tribu d
arhoriaeées à bractées extérieures de l'involucre toutes réfléchies a la maturité
des
Cichoriacées à bractées extérieures de l’involucre toutes renecmes a ia maturité et
formant une’ sorte de calicule ; à réceptacle nu ; à achaines munis de côtes ordinai-
rement muriquées et terminées par un bec fili-
forme ; à aigrette formée de soies disposées sur
plusieurs rangs.
Le Taraxacum officinale Wiggers ( Prim .
Boisai., 56),vulg. Pissenlit, est une herbe h souche
vivace, courte et épaisse, fréquemment ramifiée,
terminée par une longue racine pivotante char-
nue, Les feuilles sont toutes radicales, disposées
en rosette et persistantes pendant l’hiver. Elles
sont alternes, oblongues. Quelques-unes sont par-
fois entières ou seulement ondulées, mais la
plupart sont profondément découpées en lohes
inégaux, triangulaires, terminés par une pointe
assez aiguë, et tantôt entiers, tantôt découpés
sur les bords en dents inégales, fines et aiguës. Le
limbe de la feuille est supporté par un pétiole
court, embrassant, souvent rougeâtre. Delà sou-
che partent des hampes florales plus longues que
les feuilles, dressées, fistuleuses, souvent couver-
tes de poils floconneux, dépourvues de bractées et
terminées par une seule fleur volumineuse. L'in-
volucre est obeonique, formé d’ écailles disposées
sur plusieurs rangées, un peu carénées au som-
met ; les supérieures, linéaires, obtuses ; les in-
férieures, plus petites, moins serrées, lancéolées-
linéaires, réfléchies et formant une sorte de
collerette autour de la base du capitule. Le ré-
ceptacle est nu, aplati. Les fleurs sont très-nombreuses ; elles ont toutes le périanthe
ligule, jaune, livide en dessous, beaucoup plus
long que l’involucre, tronqué au sommet et dé-
coupé en cinq dents. Les anthères sont sagittées
à la base. Les styles sont divisés en branches
grêles, longues et recourbées. Les achaines sont
oblongs, rétrécis à la base, marqués de côtes
longitudinales striées et terminées en haut par
des pointes tuberculeuses plus courtes que le
support de l’aigrette. Ce dernier est plus long
que l’aigrette elle-même. La plante fleurit dans
les environs de Paris d’une façon presque conti-
nue d’avril à octobre. Certaines variétés sont gla-
bres, tandis que d’autres sont un peu pubes-
centes [Trad.]
(ô) Ainsi que le montre la figure 133, la racine de Pissenlit offre de dehors en de-
Fip
133. Racine de Pissenlit.
Coupe transversale.
Fig.
Coupe
134. Haci.no do Pissenlit,
longitudinale radiale dans
la portion libérienne.
20
COMPOSÉES.
il;ms : 1° une couclio do i'uux suber formée do cellules aplaties, brunes, desséchées,
appartenant h la périphérie du tissu cortical ; 2° un parenchyme cortical épais, formé
de grandes cellules allongées tangenticllcinent, à parois minces ; 3° un liber formé
d éléments allongés, à parois minces et blanches et à cloisons transversales hori-
zontales. Ces éléments sont assez régulièrement empilés les uns au-dessus des
autres, comme on le voit sur la coupe longitudinale de la ligure CM; 4° le centre
«le la racine est occupé par un cylindre ligneux formé uniquement de gros vais-
seaux réticulés irrégulièrement dispersés et de cellules parenchymateuses, à parois
minces, interposées aux vaisseaux. Le bois est séparé du liber par une zone continue
«le cambium. Les vaisseaux laticifères n’existent pas dans le bois. On les trouve
«lans le parenchyme cortical et dans le liber, disposés en cercles concentriques. Dans
le liber ils sont formés par des éléments un peu plus étroits que les autres, mais
«le même forme, parallèles les uns aux autres et reliés par des branches transversales
plus ou moins obliques. Chaque groupe de laticifères est séparé des voisins par des
éléments libériens et aucune communication n’existe d’un cercle à un autre entre
les difféients gioupes, ainsi qu on peut s en assurer a l’aide de coupes longitudinales
radiales, comme celle de la figure 134. Dans le parenchyme cortical, les laticifères
sont formés par des cellules parenchymateuses communiquant les unes avec les
autres et ils sont disposés d’une façon beaucoup moins régulière. [Trad.1
LAITUE VIREUSE.
Herba Lactucæ virasse-, nngl., Prickly Lettuce; altéra. , Giftlattich.
Origine botanique. — Lactuca virosa L. (1). — La Laitue viveuse est
une grande herbe qui pousse dans les champs pierreux et sur les bords
des chemins, dans toute l’Europe occidentale, centrale et méridionale.
Elle abonde dans la péninsule espagnole et en France. En Angleterre
elle n’est que peu répandue et ne s’étend pas vers le nord au delà des
montagnes du sud-est de l’Ecosse (a).
Historique. — L’introduction de cette Laitue dansla médecine moderne
estdue àCollin, célèbre médecin devienne, qui, vers 1771, recommanda
son suc épaissi dans le traitement de l’hydropisie. Dans les cas de lon-
gue durée, on administrait cet extrait à la dose d’une demi-once par
jour. Le Collège des médecins d’Edimbourg introduisit la Laitue vireusc
dans sa Pharmacopée en 1792, tandis qu’en Angleterre sa place était
occupée par la Laitue de jardin ( Lactuca satina L.). Les auteurs de la
British Phcirmacopæia de I8ü7 ont écarté cette dernière et ordonné de
préparer l'Extrait de Laitue ( Extraction Lactucæ) par épaississement du
suc du Lactuca virosa L.
Description. — La Laitue viveuse est une plante bisannuelle. Elle pvo-
(1) Bentham réunit) cette plante au Lactuca Scariola L., mais dans la plupart des
livres de botanique ces deux espèces sont maintenues distinctes.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 27
duit la première année clos feuilles obovales, indivises, déprimées, et
pendant la seconde une tige tonique, dressée, de I métré à 1 ,50 de haut,
terminée par un panicule de petites (leurs coloiées en jaune pale, sem-
blables à celles de la Laitue de jardin. La tige est cylindrique, un pou
épineuse dans le bas. Elle porte des feuilles horizontales, d un xoil
glauque, ovales-oblongues, souvent un peu lobées, auriculées, embras-
santes, munies sur les bords de dents irrégulières, épineuses. Leur ner-
vure médiane est blanche et couverte d’épines. La plante entière est
riche en suc amer, laiteux, à odeur opiacée, forte et désagréable.
Composition chimique. — Nous ne connaissons pas de recherches
chimiques modernes sur la Laitue vireuse. Les principes les plus impor-
tants de cette plante sont, sans doute, ceux qu’on trouve dans le Lactu-
carium et nous renvoyons le lecteur à cet article.
Usages. — Le suc exprimé et épaissi de la plante fraîche est consi-
déré comme narcotique et diurétique, mais il est probablement à peu
près inerte.
(a) Les Lactuca L. ( Généra , n° 909) sont, des Composées de la tribu des Ciclioria-
eées, à capitules homogames, liguliflores ; à involucre oblong, lormé d écailles
imbriquées ; à réceptacle plan et uni ; à fruit comprimé, prolongé, il la partie supé-
rieure, en un bec capillaire qui supporte une aigrette à poils lisses ou légèrement
scabres disposés sur un seul rang.
Le Lactuca virosa L. (Species, 1119) a les fleurs disposées en grappes réunies en
un long panicule terminal, pyramidal, lâche. L’involucre est étroit et formé de
bractées disposées sur plusieurs rangs, d'autant plus courtes qu’elles sont plus in-
férieures. Les fleurs, toutes ligulées, ont le périanthe jaune pâle, tronqué au sommet
et découpé en cinq dents. Les anthères sont sagittées à la base. Les acharnes sont
comprimés, marqués, de chaque côté, de cinq stries, entourés d’un bord saillant,
glabres au sommet, aussi longs que le bec capillaire qui les surmonte et qui porte
l’aigrette, colorés en brun noir. Les bractées florales sont sessiles, amplexicaules.
Dans le centre de la France la plante fleurit de juin à septembre. Elle recherche les
lieux incultes, les haies, les bois pierreux.
Le L'icluca saliva L. ( Spccies , 1118) a la tige un peu moins élevée et presque,
pleine. Il se distingue nettement de l’espèce précédente par ses feuilles dépourvues
d’aiguillons sur la nervure médiane et de cils sur les bords, oblongues-obovales ou
presque orbiculaires, entières, plus ou moins ondulées, sinueuses ou découpées en
dents irrégulières, les supérieures cordées et amplexicaules ; ses capitules disposés
en panicules ordinairement denses. La patrie de cette plante est inconnue. Elle
pourrait bien ne constituer, comme le Lactuca virosa, qu’une variété du Lactuca
Scariola. Elle fleurit dans les jardins des environs de Paris de juin a septembre.
On distingue généralement trois variétés principales de Lactuca saliva :
a. romana ( Laitue romaine, Romaine), à feuilles imbriquées avant la floraison,
oblongues, concaves, carénées, peu ondulées;
[L capitata ( Laitue pommée), ne se distingue de la précédente que par ses feuilles
suborbiculaires, davantage ondulées;
28
COMPOSÉES.
. i'. crispa ( La üue frisée ),
l'osettc avant la floraison,
•crispées. [Tit.w>.]
sc distingue des deux autres par ses feuilles étalées en
profondément pinnntipnrtites, sjnuée.% très-ondulées et
LACTUCARIUM.
Lactucarium ; nng!., Lrttucc Opium, Thvhlanc (i); «ilem.. Lactucarium.
Origine botanique. — Les espèces de Lactuca dont on retire le Lac.
I ncarium sont au nombre de Irois ou quatre :
■1° Lactuca virosa, L., décrite dans l’article précédent ;
2n Lactuca Scanola L., plante très-voisine de l'espèce précédente dont
elle ne constitue peut-être qu’une variété; son feuillage est cependant
moins abondant et plus glauque, ses feuilles divisées en lobes plus ai-
gus, beaucoup plus dressées et presque parallèles à la tige. Sa distribu -
fion géographique est la même que celle du Lactuca virosa (2) ;
3n Lactuca altissima Bieb., originaire du Caucase, maintenant cultivée
en France, en Auvergne, pour la production du lactucarium. C’est une
herbe gigantesque, dont la tige atteint, sous l’influence de la culture, une
hauteur de 3 mètres et un diamètre de 4 centimètres. Le professeur G.
Planchon la considère comme une simple variété du Lactuca Scariola L.:
4° Lactuca sativaL., laitue commune des jardins (3) (voir page 27,
note a).
Historique. Le docteur Coxe, de Philadelphie, suggéra le premier
l’idée que le suc de la Laitue recueilli de la même façon que l’opium sur
les tètes de Pavot pourrait être employé utilement en médecine. Les
résultats de ses expériences sur le suc de la Laitue de jardin, qu’il
nomma opium de Laitue , furent publiés en 1799 (4). Les essais de Coxe
furent continués, quelques années plus tard, par Duncan, Young, An-
(1) Le nom de Thridacc est aussi appliqué à l’Extrait de Laitue.
(2) La fleur et le fruit du Lactuca Scariola sont semblables à ceux du Lactuca virosa.
Le fruit offre cependant un petit caractère qui permet de le reconnaître. Ses stries sont
glabres dans le I.actuca virosa, tandis qu'elles sont hérissées vers le haut dans le Lac-
tuca sativa. Mois ce sont là, incontestablement, des caractères de trop peu de valeur
pour qu’on puisse conserver les deux espèces. [Tuad.]
(3) Les auteurs du Codex français de 1866 indiquent comme source du lactucarium
une forme de Laitue de jardin qui a reçu de De Candolle le nom de Lactuca capitata.
Maisch retira du lactucarium du Lactuca elongata Mühl. (in Amer. Journ. ofPharm.,
1869, 148).
(4) Jnquiry on the comp. effccts of the Opium officivarum, extract from the Papaver
somniferum or White Poppy of Linnæus and that.procurcd from the Lactuca sativa or
Common cultivated Lettuce of the samr author (in Traits, of the American Philoso •
phical Society, 1799, IV, 387).
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 59
derson, Scudamore et d 'autres 6n Ecosse, et par Bidault de Villiers et
de nombreux observateurs eu France. Ea production du lactucarium
en Auvergne fut commencée (1), vers 1841, par Aubergier, pharmacien
de Clermont-Ferrand.
Sécrétion. — Toutes les parties vertes de la plante sont traversées
par un système de vaisseaux qui, lorsqu’on les coupe, surtout pendant
la floraison, laissent immédiatement exsuder un suc blanc laiteux. La
tige, d’abord pleine et charnue, devient ensuite creuse ; elle doit sa rigi-
dité à un cercle d’environ trente faisceaux fibrovasculaires, dont chacun
contient un cylindre de cambium. Entre ce tissu et le parenchyme cor-
tical primaire est situé le système des vaisseaux laticifères qui présente,
sur une coupe transversale, un cercle simple ou double de tubes à pa-
rois minces, dont la cavité contient une masse de suc coagulé, coloré
en. brun foncé. Sur une coupe longitudinale, ces tubes paraissent rami-
fiés et reliés transversalement les uns aux autres comme les laticifères
du Pissenlit. Les plus larges de ces tubes ont 35 millièmes de millimètre
de diamètre et correspondent à peu près régulièrement aux faisceaux
vasculaires. Chacun de ces derniers est aussi séparé de la moelle par
une bande de tissu cambiforme dans la circonférence duquel sont
situés des laticifères isolés et plus petits. 11 existe donc deux systèmes de
laticifères, contigus, l’un à la moelle, l’autre à l’écorce, et séparés l’un de
l’autre par le bois privé de sucs (2). Les laticifères de l’écorce sont pro-
tégés seulement par deux à six rangées de cellules du parenchyme de
l’écorce moyenne. Ces cellules diminuent rapidement de taille de dedans
en dehors et sont enveloppées par un épiderme à parois peu épaisses. Il
est donc facile de comprendre que la plus légère piqûre ou incision
soit suffisante pour atteindre le système très-riche des laticifères. Les
gouttes du suc laiteux abandonnées à l’air durcissent rapidement et
forment de petites masses d’un brun jaunâtre en dehors, blanchâtres
en dedans.
Rccoite et description . — Le lactucarium est recueilli, particulière-
ment depuis'|184o, dans le voisinage de la petite ville de Zell, sur la
Moselle, entre Coblentz et Trêves, dans la Prusse rhénane. L in-
troduction de cette industrie est due à M. Gocris, pharmacien de
cette ville, auquel nous devons les informations qui suivent. Nous
(1) Comptes rendus de l'Ac. des sc., 1812, XV, 923.
(2) Très-bien figurés par Hanstein dans l'ouvrage signalé îi la page 23, note 1. Voyez
aussi: Trécul, in Ann. sc.nat., 1806, V, 09. — Dippei., Entstehung der Milclisa ftcje fasse,
Rotterdam, 1803, l. 1, f. 17.
M COMPOSÉES.
devons aussi quelques détails plus particuliers à M. Meurer, de Zell.
La plante est cultivée dans les jardins, où elle produit sa tige seule-
ment pendant la seconde année. En mai, au moment où la plante va
fleurir, on coupe la tige à 30 centimètres environ au-dessous de sou
sommet. On on sépare ensuite, tous les jours, un morceau, à l’aide d'une
section transversale, jusqu’au mois de septembre. On recueille avec le
doigt le suc d’abord blanc, mais bientôt brun à la surface, qui s’écoule
par l’extrémité sectionnée et on le dépose dans des vases hémisphé-
riques en terre, où il durcit assez complètement pour qu’on puisse le
renverser en une seule masse. On le fait alors sécher au soleil jusqu’à ce
qu’on puisse le couper en morceaux. On achève la dessiccation en l'ex-
posant à l’air, sur des châssis, pendant quelques semaines.
Zell produit annuellement de 300 à 400 kilogrammes de lactucarium;
le district entier en fournit 20 quintaux par an. Le prix de la drogue
atteint sur place de 12 à 30 marcs le kilogramme.
Le district d’Eifel, dans lequel autrefois on recueillait du lactucarium,
n’en produit plus aujourd’hui.
Tel qu’on le trouve dans le commerce, le lactucarium se présente en
morceaux anguleux, obtenus comme nous l’avons dit plus haut, mais
plus ou moins contractés et irréguliers par suite de la perte d’eau et
des cassures. Au dehors il est d’un brun rougeâtre foncé, opaque et
comme cireux en dedans et d’un blanc crémeux lorsqu’il est récent.
Par l’exposition à l’air ce blanc devient d’abord jaune, puis brun. L’o-
deur du lactucarium est forte, désagréable, et rappelle celle de l’opium.
Son goût est très-amer.
Le lactucarium produit par Aubergier, de Clermont-Ferrand, est
d’excellente qualité, mais ne paraît pas différer de celui qu’on obtient
sur la Moselle. 11 est en pains circulaires de 4 centimètres de diamètre,
au lieu d’être en morceaux anguleux. Le lactucarium d’Ecosse, qui seul
se trouvait autrefois sur le marché, s’y rencontre encore aujourd’hui
(1872). M. Fairgrieve, qui le produit dans les environs d’Edimbourg, re-
cueille le suc dans de petits vases d’étain où il se dessèche; on le retire
du vase et on le fait sécher à une chaleur douce. La drogue se brise,
sous l’influence de ce procédé de dessiccation, et se présente en masses
terreuses, irrégulières, d’un brun foncé, dont la plus grande atteint à
à peu près 2 centimètres et demi de long; son odeur ressemble exacte-
ment à celle de la drogue recueillie sur le continent (1).
(1) Nous sommes redevables à M. II. C. Baildon d’un échantillon de lactucarium
Ml
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
Nu us 11c connaissons pas le lactucarium de Russie, qui a été coté sur
quelques catalogues du continent à un prix très-élevé.
Composition chimique. — Le lactucarium est un mélange- de sub-
stances organiques très-différentes avec 8 à 10 pour 100 de matière
inorganique. Aucun dissolvant ne le dissout complètement et lorsqu’on
le chauffe il se ramollit, mais ne fond pas.
En l’épuisant avec de l’alcool bouillant, nous en avons retiré 58,7 pour
100 de Lactuccrine ou Lactucone, Ct0H2SO (I), qui se dépose en cristaux.
Ceux-ci, convenablement purifiés, se présentent en fines aiguilles inco-
lores qui fondent vers 185° G. et se transforment en une masse amorphe.
Lalactucérine est une substance neutre, inodore, insipide, insoluble dans
l’eau, mais soluble dans l’éther et dans les huiles fixes et volatiles ; un peu
moins dans la benzine et le bisulfure de carbone. Elle paraît étroitement
alliée à Y Euphorbone avec laquelle il serait nécessaire de la comparer
soigneusement. L’alcool froid et l’eau bouillante enlèvent au lactuca-
rium environ 0,3 pour 100 d’une substance amère cristallisable, la
Lac lutine, C"Hl203, IPO, qui n’est pas un glucdside, quoiqu’elle ré-
duise le tartrate alcalin de cuivre. La lactucinc forme des écailles d’un
blanc de perle, facilement solubles ejans l’acide acétique, insolubles dans
l’éther. Elle perd son amortune lorsqu’on la traite par un alcali.
Ludwig a retiré de la liqueur mère ayant fourni la lactucine, de l’a-
ticle Laclucique sous forme d’une substance amorphe, d’un jaune bril-
lant qui cristallise après un repos prolongé. Récemment on a retiré du
lactucarium une petite proportion d’une substance amorphe, la Laclu-
copicrine , C44IIGi021, probablement produite par oxydation de la lactu-
cine. D’après Kromayer (1802) elle est soluble dans l’eau et l’alcool, et
est très -aepère.
Parmi les principes constituants les plus répandus dans les plantes,
le lactucarium contient de la résine, de l’albumine, de la gomme, des
acides oxalique, citrique, malique et succinique, du sucre, de la
mannite, de l’asparagine, des nitrates et phosphates de potassium,
de calcium et de magnésium. En concentrant une décoction aqueuse de
lactucarium, nous avons' obtenu des cristaux de nitrate de potassium.
La distillation avec de l’eau entraîne une très-petite quantité d’une
huile volatile, qui a l’odeur du lactucarium.
d’Ecosse recueilli vers 1844, cl ù MM. T. el II. Smith d’un échantillon récent récolté
par M. Fairgrieve.
(1) Des recherches plus récentes commencées dans mon laboratoire fournissent des
résultats qui se rapprochent plutôt de la formule Cl9II;,0O. [F. A. F. J
3 2
LOBÉLIÉES.
Usages. — On suppose que les propriétés narcotiques universelle-
ment attribuées autrefois à la Laitue existent avec plus d’énergie dans
le lactucarium. Cependant, de nombreuses expériences n’ont pu nous
démontrer dans ce produit que des propriétés sédatives très-faibles,
sinon une inerlie absolue (I ).
LOBÉLIÉES
LOBÉLIE ENFLÉE.
Ucrba Lobclix ; angl., Indian Tobacco; allem., Lobeliakraul.
Origine botanique. — Le Lobelia inflata L. est une herbe an-
nuelle qui atteint de 25 à 50 centimètres de haut ; sa tige est dres-
sée, anguleuse, simple ou plus fréquemment ramifiée près de son
extrémité. Elle est très-répandue dans le nord de l’Amérique, depuis le
Canada jusqu’au Mississipi. Elle se plaît dans les champs abandonnés,
sur le bord des routes et sur la lisière des bois. Elle réussit bien dans
les jardins européens (a). *
Historique. — Le Lobelia inflata fut décrit et figuré par Linné (2) d a-
près des échantillons cultivés par lui-même a Upsala, vers 1741, mais
il n’attribua à cette plante aucune propriété médicinale. Les indigènes
de l’Amérique du Nord font usage de l’herbe, qui pour ce motif et à
cause de son goût âcre a reçu le nom d 'Indian Tobacco (Tabac indien*.
En Europe, elle fut signalée par Schoepf (3), mais avec une faible appré-
ciation de scs propriétés. En Amérique elle était depuis longtemps
entre les mains des charlatans, lorsque son action contre l’asthme fut
signalée, en 1813, par Cutler. Elle ne fut pas employée en Angleterre
jusqu’en 1829. Reece (4) l’introduisit alors dans la pratique médicale
en même temps que plusieurs autres médicaments.
Description. — Les feuilles ont de 2 centimètres et demi a 7 centi-
mètres de long; elles sont épaisses, sessiles, ovales-lancéolées, aiguës,
légèrement dentées, un peu pubescentes. Les bords de la feuille portent
(U Stille, Th crap. and Mat. Med., 1868, I, 756. -Garrod (in Med. Time? and Ga-
zette 26 mars 186'.) a prescrit le lactucarium h la dose de 1 drachme O*/7'1) répétée
trois ou quatre fois par jour, sans pouvoir constater aucun effet anodm ou narco-
tique.
(2) Acta Soc.rcg. scient. Upsal., 1746, 23.
(3) Mat. med. Amcricana, Erlangæ, 1787, 128.
(4) Treatisc on the Bladdcr-podded Lobelia, Loud., 1829.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
de petites glandes blanchâtres, et, entre elles, des poils isolés qui sont
plus fréquents sur la face inférieure que sur la supérieure. Elles sont
d’ordinaire plus nombreuses dans le bas et vers la portion moyenne
de la tige. La tige de la plante verte laisse exsuder, lorsqu’on la coupe,
une petite quantité de suc laiteux, âcre, contenu dans des vaisseaux lac-
tifères qui se prolongent dans les feuilles. Les fleurs, peu remarquables,
sont disposées en grappes terminales feuillues. La corolle, à cinq divi-
sions, bilabiée, est bleuâtre, avec une tache jaune sur la lèvre inférieure ;
son tube est aussi long que le limbe divergent du calice. Le fruit est une
capsule ovoïde, renflée, munie de dix nervures, et couronnée par les
cinq sépales qui sont moitié aussi longs que le fruit mûr. Ce dernier
est divisé en deux loges qui contiennent un grand nombre de graines
de 5 millimètres de long, ovales-oblongues , réticulées et creusées
de fossettes. Dans le commerce, cette herbe se présente en paquets
rectangulaires qui ont de 2 centimètres et demi à 3 centimètres d’épais-
seur, et sont constitués par les parties herbacées, coupées et com-
primées lorsqu’elles étaient encore humides, et ensuite soigneusement
arrangées. Les paquets arrivent enveloppés de papier, scellés et por-
tant la marque de quelque droguiste ou herboriste américain. La
Lobélie possède une odeur herbacée, et lorsqu’on la mâche, un goût
âcre, brûlant, qui ressemble à celui du tabac.
Composition chimique. — La Lobélie a été étudiée au point de vue
chimique par Procter (1838-1841), Pereira (1842), Reinsch (1843), Bas-
tick (1851) et F. F. Mayer (1). Le premier de ces chimistes (2) attribua
1 activité de la plante à un alcaloïde liquide, volatil, qu’il nomma
Lobéhne. Ses observations furent confirmées, quelques années plus
tard, par les recherches indépendantes de Bastick (3). D’après les tra-
\aux de ces chimistes, la lobéline paraît être un liquide huileux, vis-
queux, transparent, a réaction alcaline énergique, surtout lorsqu’il
est en solution. A 1 état pur elle exhale une odeur faible, semblable à
celle de la plante, qui devient plus forte quand on la mêle à l’ammonia-
que. Son goût est piquant et semblable à celui du tabac. Prise à faible
dose, cette substance produit d’une manière énergique, l’action toxique
de la drogue. La lobeline est volatile, mais ne s’évapore pas sans subir
quelque modification. Elle se dissout dans l’eau; plus facilement, dans
(B Amer. Journ. of Phann., 1800, XXXVII, 2Ô9. — Jahresbericht do Wiggers cl
Husemann, 1866, 252.
(2) Amer. JoUrn. of Phann., 1 838, III, 98 ; 181 1, VII, i ■ — Phann. Journ., 1851, X, 156,
(3) Pharrn. Joürn , 1851, X, 270.
HIST. DES DROGUES, T. II. 3
•'*-* LOBÈLIÉES.
1 nlcoul et l’éther. Ce dernier la sépare de sa solution aqueuse. Les al-
calis caustiques la décomposent facilement. Elle neutralise les acides,
en formant avec eux des sels cristallisables, solubles dans l’eau et dans
l’alcool. Son hydrochlorate est décrit comme formant des cristaux aci-
culaires bien définis, incolores et transparents. On a obtenu aussi un
sulfate, un nitrate et un oxalate de lobélinc.
L’herbe contient encore des traces d’une huile essentielle (la Lnbélia-
nine de Pereira?), une résine et une gomme. Les graines ont donné à
Procter environ 30 pour 1 00 d’une huile fixe pesant 0,940, qui se
dessèche très-rapidement. La Lobéliine de Eeinsch paraît être un com-
posé non défini.
En 1871, Enders lit, a notre demande, quelques recherches sur la
Lobélie, dans le but d'is.oler la substance âcre à laquelle l’herbe doit
son goût. 11 épuisa la drogue avec de l’esprit-de-vin, et distilla le li-
quide en présence du charbon qui retint le principe âcre. Le charbon
fut lavé avec de l’eau, et traité par l’alcool bouillant. Ce dernier,
laissa, en s’évaporant, un extrait vert, qui fut purifié à l'aide du chloro-
forme. On obtint ainsi finalement des houppes verruqueuses, de couleur
brunâtre, facilement solubles dans l’éther et ie chloroforme, mais peu
solubles dans l’eau, ayanl la saveur âcre de la Lobélie. Cette substance,
que nous pouvons nommer fjobélacrine, se décompose quand on la fait
bouillir dans l’eau. Sous l’influence des alcalis ou clés acides, elle se
dédouble en sucre et en acide Lobèlique. Ce dernier est soluble dans
l’eau et l’alcool; il n’est pas volatil ; il donne avec l’oxyde de baryum
un sel soluble, tandis que son sel plombique est insoluble dans l’eau.
Usages. — La Lobélie est puissamment nauséeuse et émétique; à
haute dose, elle constitue un poison narcotico-âcre. On la prescrit con-
tre l’asthme spasmodique.
(a) Les Lobéliées sont des Campaiiulucées à Heurs irrégulières el à ovaire infère.
Le Lobelia inflata L. (in Ad. Vps., 1741, 23, t. 1) est une plante annuelle,
dressée, rameuse, très-velue, à feuilles alternes, scssiles, décurrentes. Au-dessous
du point d’insertion de chacune d’elles la tige offre deux ailes membraneuses qui
prolongent les bords de la feuille. Elles sont ovales-lancéolées, pointues ; leurs bords
sont repliés en dedans, ondules, sécrétés, avec des dents munies de petites glandes
blanches. Elles sont plus ou moins velues sur les deux faces, et parcourues, sur la
face inférieure, par des nervures très-saillantes. Les fleuri sont disposées eu grappes
terminales, feui liées. Les pédoncules floraux, beaucoup plus courts que les feuilles,
sont dépourvus de bractéoles. La fleur est irrégulière, de taille moyenne. Le calice est
formé de cinq sépales linéaires, aigus, étalés, lisses ou légèrement pubescents. La
corolle est très-irrégulière, gamopétale, bilahiée, colorée eu bleu pale. Son tube est
fendu en arrière et muni, sur la face interne, de poils qui deviennent plus longs au
HISTOIRE LIES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. ;j:j
niveau de la gorge. Sou limbe est divisé eu cinq lobes profonds, les deux supérieurs
dressés, ou légèrement réfléchis, linéaires, aigus, les trois inférieurs ovales, émoussés
au sommet, étalés. L’androcéc est formé de cinq étamines à filets indépendants ve-
lus à la base, et à anthères conniventes, biloculaires, introrses, déhiscentes par deux
fentes longitudinales. L’ovaire est infère, muni de eûtes, biloculaire, chaque lotre.
contenant plusieurs ovules anatropes, insérés dans l’angle interne ; il est surmonté
d’un style lisse, terminé par un stigmate bilobé. Le fruit est une capside renflée
presque globuleuse, surmontée par le calice persistant et parcourue par une dizaine
de nervures longitudinales saillantes. Chacune des. deux loges contient, sur un gros
placenta axile, un grand nombre de petites graines albuminées, à embryon droit.
[Trad.]
ERIGAGÉES
FEUILLES DE BUSSEROLE.
l'ulia Uae Lrsi ; angl., Bearbervij Lcaces ; allem., Bài'cntraubcnblàtln'.
Origine botanique. — Arctostaphylos Uva-Ursi Sprengel (. Arbutus Uva-
Ursi L.). C est un petit arbuste procombaut, toujours vert, répandu dans
la plus grande partie de l’hémisphère boréal (I). On le trouve dans l’Amé-
rique du Nord, en Islande, dans le nord delà Russie d’Europe et d’Asie,
et sur les principales chaînes de montagnes de l’Europe centrale et
méridionale. Dans la Grande-Bretagne, il est limité à l’Ecosse et au nord
de l’Angleterre et de l’Irlande (a).
Historique. — La Busserole, décrite pour la première fois par Clusius
en 1601, fut recommandée pour l’usage médical en 1763, par Gerhard,
de Berlin, et d’autres (2). Elle fut introduite, pour la première fois,’
dans la Pharmacopée de Londres en 1788.
Description. _ Les feuilles sont d’un vert sombre ; elles ont environ
2 centimètres de long sur 1 centimètre de large. Elles sont obovales,
arrondies a l’extrémité, et graduellement amincies en un court pétiole.
Elles sont entières, avec le bord un peu réfléchi et, à l’état jeune, un
peu pubcscent. La feuille entière est lisse, glabre et coriace; sa faae
supérieure est luisante et profondément sillonnée par un réseau de
nenuies, sa face inférieure est réticulée de nervures foncées. Les
feuilles ont une saveur très-astringente, et lorsqu’elles sont pulvérisées,
une odeur semblable à celle du thé.
serole^UdtnDlii^Æ^^ Kor™gcm, 187 5, 270) a constate que les tiges de laBus-
^ p , k •- Scandinavie, jusqu’à. 46 ans d’âge et un diamètre do 22 millimètres#
(-) Murray, Appuratus mcdicaminum, 1794, II, 04-81.
;ig
ÈRICACftES.
Composiiion chimique. — Kawalici’ a montré, en i8r»3, qu’une
décoction de Busserolc traitée par l'acétate basique de plomb donne
un gallate de ce métal, prouvant ainsi
ipie l’acide gallique préexiste dans les
feuilles. Lorsque le liquide filtré, préa-
lablement privé de plomb par le sul-
fure d’hydrogène, est convenablement
concentré, il laisse déposer des cris-
taux d 'Arbutine, Ga5lPOr\ C’est une
substance neutre, amère, facilement
soluble dans l’eau chaude, moins so-
luble dans l’eau froide, soluble dans
l’alcool, mais peu dans l’éther (t).
Sous l’influence d’un contact de
quelques jours avec l’émulsine, ou
sous l’action de l’acide sulfurique dilué
bouillant, l’arbutine se décompose en
Hydrohinone, C6H602 ( ArcLuvine de Ka-
walier), en Méthylhydrokinone, C7H80!,
et en glucose. Le peroxyde de manga-
nèse et l’acide sulfurique dilué, d’autre
part, convertissent l’arbutine en Ki-
none, C6Hl20, et en acide formique.
Fig. i3o. Busseroie. Lorsqu’on abandonne au repos pen-
Extrémitû d’un rameau. .
dant quelques mois une décoction con-
centrée des feuilles, il se produit une décomposition de l'arbutine, et
on peut isoler une certaine quantité d'hydrokinone en agitant le liquide
avec de l’éther.
L’hydrokinone a été aussi trouvée par Uloth, en 1859, parmi les pro-
duits de distillation de l’extrait aqueux des feuilles de Busserole en
même temps qu’une substance isomériqüe, la Pyrocatécliine. L’arbu-
tine elle-même donne aussi de l’hydrokinone par la distillation sèche.
L’hydrokinone forme des cristaux incolores qui fondent à 177°, S C. La
kinone cristallise en écailles brillantes, jaunes, qui fondent à 1 I5°,7 C.,
en émettant une odeur particulière. Ses vapeurs irritent fortement les
yeux, et sa solution aqueuse colore la peau en jaune.
Il reste dans la liqueur mère où a cristallisé l’arbutine une petite
(I) IIi.asiwetz et IIaheumann, 1875.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. ;i7
quantité d'uno substance très-amère nommée Ericoline , qui se présente
en plus grande abondance dans d’autres Ericacées (1). L ericoline,
C3*H36021, est une substanee jaunâtre, amorphe, qui se ramollit à
100° G., et se décompose, lorsqu’on la chauffe avec de l’acide sul-
furique dilué en sucre et en Ericinol , huile incolore, qui se résinifîe
rapidement, et est isomère du camphre des Laurinées. Il a une odeur
particulière qui n’est pas désagréable.
II. Trommsdorff, en 1854, a retiré des feuilles de Busserole, en les
épuisant avec do l’éther, une substance peu soluble cependant dans
ce liquide, neutre, cristallisable, incolore et sans goût, YUrsone, C20H320'1 2,
Elle fond à 200° G., et sublime sans changement apparent. Tonner, en
1866, a trouvé cette substance dans les feuilles d’un Epacris australien,
plante appartenant à la même famille que la Busserole.
Enfin on trouve dans les feuilles de la Busserole de l’acide tannique.
Leur infusion aqueuse est presque incolore, mais devient violette
lorsqu’on ajoute une solution de sulfate ferreux. Il se produit, au bout
de peu de temps, un précipité rougeâtre qui tourne rapidement au
bleu. Lorsqu’on emploie du chlorure ferrique, il se forme immédiate-
ment un précipité noir bleuâtre.
Falsification. — Les feuilles du Vaccinium Vitis-Jdœa L., nommé Red
Wliortleberry ou Cowberry , ont été confondues avec celles de la Busse-
role, auxquelles elles ressemblent beaucoup par la forme. Elles s’en dis-
tinguent facilement parce qu’elles sont un peu crénelées vers le som-
met, pointillées et réticulées sur la face supérieure, et plus révolutées
sur les bords. L infusion des feuilles de ViUs-ldseci se comporte diflé-
îemment avec les réactifs. Le sulfate ferreux additionné d’un peu d’acé-
tate sodique y produit un précipité brun noirâtre, tandis que dans les
mêmes circonstances 1 infusion de la Busserole fournit un précipité
d un beau violet. Cette dernière, en outre, est colorée en vert par l’eau
de chaux.
Usages. Les ieuilles de Busserole constituent un tonique astrin-
gent, particulièrement employé contre les maladies de la vessie.
(a) Les Arbutus T. ( Instit ., b!!8, t. 368) sont des Ericacées de la tribu des Arbu-
tées, a fruit indéhiscent, divisé en cinq loges monospermes. Sous le nom d’Arctu-
stuphylos , Adanson ( b am . II, 165) a séparé des Arbutus un certain nombre
d espèces à fruit drupacé, contenant cinq noyaux monospermes. Ce caractère n’a
pas assez d’importance pour permettre d’établir autre chose qu’une section dans le
genre Arbutus.
(1) Notamment dans les feuilles des Calluna , Ledum, Rhododendron. L’arbutine a
«'le egalement signalée dans le Kalmia latifolia L., dans les Pyrola , etc. [P. A. P.]
:w
É1UCACÉES.
1/ Arbulus Uoa-Ursi ' L. (Speries, Ü66) est nn sous-arbrisseau, ii rameaux longs
di' HO centimètres à I mètre et davantage, étalés à la surface du sol, relevant à
peine leurs extrémités, pubescents dans le jeune âge, glabres à l’état adulte, tou-
jours verts, à feuilles alternes, obovales, arrondies à l’extrémité, portées par un
court pétiole, tournant presque toutes leur face supérieure en haut, colorées en vert
foncé, un peu plus pâle sur la face inférieure, luisantes, très-glabres à l’état adulte
et tout à fait entières sur les bords. Los Heurs sont disposées en grappes courtes,
denses, terminales. Elles sont portées par des pédicellcs plus courts que la corolle et
accompagnées de bractées lancéolées, pubescentes sur les bords, persistantes, pres-
que aussi longues, à la maturité du fruit, que le pédoncule. La fleur est régulière et
hermaphrodite, avec un réceptacle convexe. Le calice est gamosépale, it cinq lobe-
larges et courts. La corolle est ovoïde, campanulêc, divisée en cinq lobes alternes
avec les sépales, courts, réfléchis, couverts de poils sur la face interne. Elle est co-
lorée en rose. L’androcée est formé de dix étamines insérées comme la corolle sur
un disque hypogyne, cinq sont opposées aux sépales et cinq aux pétales. Les filets
sont indépendants de la corolle et libres entre eux ; ils sont pubescents et terminés
chacun par une anthère à deux loges déhiscentes par un pore terminal introrse.
Chaque anthère est munie vers le sommet, sur la face dorsale, de deux appendices
filiformes à peu près aussi longs que le filet. L'ovaire est libre, formé de cinq car-
pelles, divisé en cinq loges dont chacune renferme un seul ovule anatrope, inséré
dans l’angle interne, pendant, à micropvle dirigé en haut. L’ovaire est surmonte
d’un style filiforme, terminé par une surface stigmatique capitée. Le fruit est une
petite drupe globuleuse, rouge, à chair âpre, contenant cinq noyaux monospermes.
Les graines sont pendantes et contiennent, sous un tégument arilliforme, un albu-
men charnu et un embryon droit à radicule supère. En France, cette iolie plante
fleurit en avril et mai. [Trad.]
ÉBÉNAGÉES
FRUIT DE DIOSPYROS.
' Fructus Diospyri.
/
Origine botanique. — Le Diospyros Embryopiens Fers. {Embry optons
ylutinifera Roxburgh) est un arbre toujours vert, de taille moyenne ou
édevée, originaire de la côte ouest de l'Inde, de Geylan, du Bengale, de
Burina, de Siam et de Java (1). (a)
Historique. — Cet arbre, qui possède un nom sanscrit, était connu de
Rheede, et fut figuré dans son Hortus mcdabaricus (2). Sir "William
Jones apprit à Roxburgh, en 1791, que les fruits encore verts contien-
nent un liquide astringent, visqueux, employé par les indigènes de
(1) On trouvera une description complète de cet arbre et de toute la famille à la-
quelle il appartient dans : Éicrn, Monograpli of Ebenacex (m Tramact. or Cam-
bridge Philosophieal Society , 1S73, XII, P. I )•
(2) HT. t. VI.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTA LE. ;j<j
l’Inde pom- enduire les carènes de leurs barques. L'introduction de ce
fruit dans la pratique médicale est due à O’Shaughnessy (I). Elle a été
suivie de son admission dans la Pharmacopée de l’Inde en 1868.
Description. — Le fruit est ordinairement solitaire, subsessile ou pé-
donculé, globulaire ou ovoïde. Il a de 4 à 5 centimètres de long. 11 est
entouré à la base par un large calice divisé en quatre lobes profonds.
Il est jaunâtre et couvert d’un duvet couleur de rouille. En dedans, il
est pulpeux, et divisé en 6-10 loges, qui contiennent chacune une
graine solitaire, aplatie. Avant la maturité, la pulpe est très-astringente,
mais elle perd peu à peu cette qualité, au point de devenir comestible,
lorsqu’elle est tout à fait mûre. On n’emploie le fruit qu'avant la matu-
rité et à l’état frais .
Composition chimique. — On n’a pas encore fait d’analyse conve-
nable de ce fruit, mais on ne peut pas douter qu’il ne soit, comme celui
des autres espèces de Diospyros , riche en tannin avant la maturité.
Charropin (2), qui a étudié, en 1873, le fruit du Diospyros Virginiana L.
d’Amérique, y a trouvé un acide tannique qu’il regarde comme identique
avec celui de la noix de galle, une grande quantité de pectine, du glu-
cose, et une matière colorante jaune, insoluble dans l’eau, mais faci-
lement soluble dans l’éther.
Usages. — Le suc épaissi du fruit de Diospyros a été recommandé,
comme astringent, contre la diarrhée et la dysenterie chronique.
(a) Les Diospyros Daléchamfs (Bist., lib. III, cap. xxi, 349) sont des Ébénacées
à fleurs dioïques ou polygames, ordinairement tétramères et à ovaire divisé eu
4 ou 8-16 loges.
Le Diospyros Embryopteris Persoox ( Synops ., II, 024, n° G) a des fleurs régu-
lières, dioïques ou polygames. Les fleurs males sont disposées en grappes de cymes
pauciflores, axillaires. Elles sont ordinairement tétramères, parfois pentamères, pu-
bescentes, jaunâtres, accompagnées de bractées caduques. Le calice est gamosépale,
étalé, a quatre divisions profondes et puiescentes en dedans. La corolle est campa-
nulée, a lobes obtus, pubescents en dehors, glabres en dedans, imbriqués dans la
préfloraison. L androcée est formé d’étamines en nombre indéfini, à peu près de
même taille, insérées directement sur le réceptacle ou connées avec la corolle, à
anthères linéaires, dressées, plus ou moins velues, à filaments très-courts, velus,
bifides au sommet. Au centre de k fleur il existe parfois un rudiment d’ovaire.
Les fleurs femelles sont disposées en petites cymes à pédoncules très-courts, ou soli-
taires à 1 aisselle des feuilles. Elles sont tétramères, plus grandes que les feuilles
males, glabres ou pubescentes et accompagnées de bractées caduques. Le calice esl
découpé en quatre lobes profonds, pubescents ou glabres, subcordés à la base. La
(1) Hengal Digpensatory , Calcula, 1842, 428.
G) Etudes sur I v P laque minier , Diospyros), Thèse, 1 87:!, 28-110.
■40 STYRACÉES.
corolle est divisée en lobes courts presque dressés. L’androcée est représenté par un
à douze staminodes velus, connés à la base de la corolle ou en pariic hypogvnes,
à anthères parfois fertiles. L’ovaire est globuleux, glabre, rougeâtre, glanduleux ou
entouré à. la base d’un cercle de poils. Il est divisé en huit à dix loges contenant
chacune un seul ovule anatrope suspendu, inséré dans le hnut de l’angle interne de
la loge. L’ovaire est surmonté de quatre styles étalés, velus à la base, dilatés et lobés
au sommet. Le fruit est globulaire ou ovoïde, glanduleux ou glabre, à 6-8-10
loges, entouré à la base par le calice persistant. Les graines contiennent un albu-
men cartilagineux et un embryon axile à radicule supère et à cotylédons foliacés.
Le Diospyros Embryopteris est un arbre de taille moyenne, dressé, à rameaux
épars, étalés, glabres dans le jeune âge, à écorce à peu près glabre, colorée en brun
ferrugineux. Les fouilles sont alternes, oblongues ou ovales, ordinairement acumi-
nées, obtuses à la base, coriaces, glabres, pétiolées, réticulées, molles et rouges dans
le jeune âge, dépourvues de stipules. (Voy. in Botanicul lingister, VI, t, 4-99.)
[Trad.]
STYRACÉES
RÉSINE DE BENJOIN.
Résina Benzoë; Benzoïnum ; Benjoin; angl., Denzoin, Gum Benjamin;
allom., Benzaëharz (1).
Origine botanique. — Styrax Benzoin Dryander. C’est un arbre de
moyenne taille, dont la tige atteint la grosseur du corps de l’homme et
se termine par une belle couronne de feuillage. Il est indigène de Su-
matra et de Java. C’est la première de ces îles qui produit le Benjoin (a).
L’arbre qui produit le Benjoin supérieur de Siam, quoique commu-
nément rapporté à cette espèce, n’a jamais été étudié botaniquement,
et est actuellement inconnu. D’après l’expédition française d’explora-
tion du Mékong et de la Cochinchine (1866-68), cette drogue serait pro-
duite dans les forêts qui fournissent la Casse, sur la côte orientale du
Mékong, vers 19 degrés de latitude nord. Nous ignorons si une cer-
taine quantité de Benjoin, est produite, comme le supposait Royle, par
le Styrax Finlaysonianum Wall (a).
Historique. — Il ne paraît pas que les Grecs et les Romains (2) ni les
plus anciens médecins arabes aient eu connaissance du Benjoin. On ne
reconnaît pas non plus cette drogue parmi les marchandises que les
commerçants arabes et persans transportaient en Chine, entre le
fl) Le Benjoin se nomme en malais et en javanais : Kamûnan, Kamiflan et Ka-
mayan, en abrégé Mânan et Mihan (Crawfurd) ; eàsiamois : Kom-Yan et Kan-Yan; en
chinois : Ngdn-si-hidng. ..
(2) Crawfurd suppose que le Malabathrum des anijens est le Benjoin ( Dict . of Indian
I statuts, 50).
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. Tl
dixième et le treizième siècle, quoique le Camphre de Sumatra soit
expressément nommé.
La première mention du Benjoin dont nous ayons connaissance se
trouve dans les Voyages d’Ibn Batuta (1), qui visita Sumatra pendant
son expédition en Orient, de 1325 à 1349. Il note que cette île produit
de l’Encens de Java et du Camphre. Le nom de Java désignait à cette
époque l’île de Sumatra ; il était même employé par les Arabes pour
indiquer, d’une façon générale, les îles et les produits de l’Archipel (2).
De là dérivale nom arabe de Lubân Jâwi , c est-à-dire Encens de Java,
qui s’est transformé par corruption en Banjawi , Benjui , Ben*ui, Bcn^ue
et Benzovi, et en un nom anglais plus vulgaire encore, celui de Ben-
jamin.
Nous ne possédons pas d’autres renseignements sur cette drogue,
jusque dans la dernière moitié du siècle suivant, où nous tiouvons
qu’en 1461, le sultan d’Egypte, Melech Elmaydi, envoya à Pasquale
Malipiero, doge de Venise, un présent de 30 rotoli de Benzol , 20 ? otoh
de Bois d’Aloès, deux paires de tapis, un petit flacon de Baume de la
Mecque, 15 petites boîtes de Thériaque, 42 pains de sucre, 5 boîtes de
Sucre Candi, une corne de Civette, et 20 pièces de porcelaine (3). Agos-
tino Barberigo, un autre doge de Venise, reçut de même, en 1490, du
sultan d’Egypte, 35 rotoli de Bois d’Aloès, la même quantité de Benzm
et 100 pains de sucre (4). Parmi les épices précieuses envoyées d’Egypte,
en 1476, à Calarina Cornaro, reine de Chypre, se trouvaient 10 livres
de Bois d’Aloès et 15 livres de Benzui( 5). C.es faits indiquent le haut prix
qu’on attachait à cette drogue, à l’époque de sa première -introduction
en Europe.
Le Benjoin de Siam est noté dans le journal du voyage de Vasco de
Gama (6). Dans l’énumération des royaumes de l’Inde, il est établi quo
Xarnauz (Siam) (7) fournit beaucoup de Benjoin, coté 3 cruzados , et d’a-
loès, coté 25 cruzados par farazola. D’après le même récit, le prix du
(1) Voyages d’Ibn Batoutah, trad. Defrémery et Sanguinetti, Paria, 1853-59, IV,
22S, 240.
(2) Yule, Boolc of Ser Marco Polo, 1871, II, 228.
(3) Muratori, Renan Italicarum Scriptores, 1733, XXII, 1170. — 100 rotoli répon-
dent à environ 80 kilogrammes.
(4) L. De Mas Latrie, Hist. de l’tle de Chypre, etc., 1801, III, 483.
(а) Ibid., III, 400.
(б) Roteiro da Viagcm de Vasco da Gama em 1497, par Herculano e o Banlo Gasteillo
de Paiva, seg. edie., Lisboa, 1801, 109. — Flükiger, Documents inédits pour servira
l’histoire de la Pharmacie, Halle, 1870, 12, 48.
(7) Yule, op. cit., II, 222.
12
STVHACÉES.
Benjoin ( Beijoim ) était, à Alexandrie, de I cruzaclu par arratel, la moitié
du prix du Bois d'Aloès.
Le voyageur portugais Barbosa, qui, en 1511, visita Galicul, sur la
côte de Malabar, constata que le Benzui était un article d’exportation
des plus estimés, un farazola (22 livres G onces) coûtant de 65 à 70 fu-
mes, le camphre valant à peu près autant, et le macis de 25 à 30 fanon
seulement. Nous savons d'autre part que le Benjoin constituait, au com-
mencement du seizième siècle, un des articles du commerce de
Venise.
Garcia d’ürta, qui écrivait à Goa de 1534 à 1563, fut le premier à
donner sur le Benjoin des renseignements précis et scientifiques. Il
exposa avec détail les procédés de récolte, et distingua la drogue de
Siam et de Martaban de celle qui était produite par Java et Sumatra.
Dans la première partie du dix-septième siècle, il existait des rela-
tions commerciales directes entre l’Angleterre et Siam et Sumatra. 11
exista à Ayulhia (Siam), une factorerie anglaise jusqu’en 1623, et le
Benjoin fut, sans aucun doute, une des marchandises importées. L’im-
pôt levé en Angleterre sur ce produit, en 1635, s’élevait à 10 s. par
livre (1). L'acide Benzoïque fut décrit, dès 1617, par Biaise de Yige-
nère (2), et même avant lui par le célèbre astrologue Michel de Nostre-
Dame, dans son « Excellent et moult utile opuscule à touts nécessaire qui
désirent avoir cot/noissance de plusieurs exquises receptes », 1556.
Production. — Le Benjoin est recueilli dans le nord et dans l'est de
Sumatra, surtout dans le district de Batta, situé vers le sud de l’état
d’Achin (3). L’arbre croit aussi en abondance dans les terres élevées
de Palembang, dans le sud de l’île, où l’on recueille la résine. C’est
principalement dans le voisinage des côtes qu’on en trouve des planta-
tions considérables. Teysmann a observé sa culture sur le cours de la
rivière Batang Leko, où les arbres atteignaient environ 15 pieds de
haut. Le Benjoin qui provient de l’intérieur, est récolté, en majeure
(1) The Rates of Marchandises, Lond., 1635.
(2) Traicté du Feu et du Sel, Paris, 1622, 91. — On dit qu’il en existe une édition
de 1608, que nous n’avons pas vue.
(3) Miquel, Pmdromus Floræ Sumatranæ, 1860, 72. — Marsdex, Hist. of Sumatra,
Lond., 1783, 123. Ce dernier résida à Beneoolen pendant huit ans en qualité d’employé
du gouvernement anglais. Ses échantillons de Benjoin sont maintenant dans le musée
de la l'harmaceutical Society. L’assertion de Crawfurd ( Dict . of the Indian Islands,
1856, 50), d’après laquelle le Benjoin serait recueilli à Bornéo [On the Northern Coast
■in the Territory of Brunai) est pour nous inexplicable. M. Saint-John, consul anglais à
Bornéo, dans un rapport officiel sur le commerce de Brunai, daté de cette ville, du
29 janvier 1858, énumère les divers produits du district, mais ne nomme pas le
Benjoin.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
partie, sur des arbres sauvages qui vivent au pied des montagnes, à une
altitude de 90 à 300 mètres.
Ges arbres croissent rapidement; on les sème sur les bords des riziè-
res et ils n’exigent aucun autre soin que d’être débarrassés du Voisinage
de toute autre plante, jusqu’à ce qu’ils aient six à huit ans. Leur tronc a
alors de 15 à 20 centimètres de diamètre, et ils sont susceptibles de four-
nir de la résine. A cet âge, on incise la tige; il s’en écoule un suc
résineux, épais, blanchâtre, qui ne tarde pas à durcir par l'exposition à
l’air, et qu’on recueille avec soin à l’aide d’un couteau.
Chaque arbre continue, pendant dix à douze ans, adonner environ
3 livres par an de résine. Ensuite on les abat. La résine qui s’écoule
pendant les trois premières années passe pour être plus riche en lar-
mes blanches, et par suite de qualité supérieure à celle qui s’écoule ul-
térieurement; elle est désignée par les Malais sous le nom de Head Ben-
zoin. Celle qui suinte pendant les sept ou huit années suivantes est
plus brune et moins estimée ; elle est connue sous le nom de Belhj Ben-
zpin. La troisième sorte, nommée Foot. Benzoii }, est obtenue en fen-
dant l’arbre et raclant le bois. Elle est mélangée de beaucoup d’écorce
et de débris (I).
Le Benjoin est apporté pour la vente dans les ports de Sumatra, en
larges pains nommés Tampangs , enveloppés dans des paillassons. On
les brise et on les fait ramollir, soit par la chaleur du soleil, soit par
l’eau bouillante, puis on les emballe dans des caisses carrées, que la
résine est destinée à remplir complètement.
Los seuls renseignements que nous possédions sur la récolte du Ben-
join de Siam ont été donnés, il y a quelques années, par Sir R. H. Schom-
burgk, consul anglais à Bangkok (2). Il dit qu’on incise toute la sur-
face de l’écorce, et que la résine qui s’écoule, s’accumule et durcit entre
le bois et l’écorce qu’on enlève ensuite. Ce renseignement est confirmé
par l’aspect de certains benjoins de Siam, du commerce, et par celui
des morceaux d’écorce qui sont en notre possession ; mais il est évident
que tout le Benjoin de Siam n’est pas obtenu parce procédé. Schorn-
burgk ajoute que la résine est très-détériorée et brisée pendant son
(1) Les expressions anglaises, Head (tète), Belly (ventre) et Foot (pied) répondent
;i nos mots supérieur, moyen et inférieur. Elles sont employées, en Orient, pour distin-
guer les qualités de plusieurs aulres marchandises, notamment le Camphre de Bornéo,
les nids comestibles d’oiseaux, le Cardamome, le Gaibanum, etc.
(2) Ces renseignements doivent avoir été puisés à quoique source antérieure, car
Sir R. II. Schomburgk n’a certainement jamais visité la région qui produit le
Benjoin. ’
4i STYRACÉES.
transport, dans dos petits paniers, sur le dos des bœufs, jusqu'aux par-
ties navigables du Mcnam, d’où elle descend à Bangkok (1).
11 reste encore à rechercher si le Benjoin doit sa fluidité primitive ù
une huile volatile, tenant la résine en dissolution, et déterminant par
son évaporation la solidification du produit, ou si la résine elle-même
durcit par oxydation, phénomènes qui produisent la diversité remar-
quable d’aspect qui existe entre le liquide opaque et laiteux primitif
et la résine complètement transparente du commerce.
Description. — Le Benjoin (toujours désigné, dans le commerce an-
glais, sous le nom de G urn Benjamin) est distingué en deux sortes;
celui de Siam et celui de Sumatra; toutes les deux présentent des de-
grés variables de pureté et de grandes différences d’aspect.
1° Benjoin de Siam. — La sorte la plus estimée consiste entièrement
en larmes aplaties ou en gouttes de résine, qui ont do 2 1/2 à 5 centi-
mètres de long, sont opaques, d’un blanc laiteux, et étroitement aggluti-
nées. Plus fréquemment, la masse est tout à fait compacte, et consisto
en une certaine quantité de larmes blanches, de la taille d’une amande,
englobées dans une résine translucide d’une belle coloration brun
d’ambre foncé. Parfois la résine translucide prédomine et les larmes
blanches manquent presque complètement. Dans quelques envois, les
larmes de la résine blanche sont très-petites et la masse entière a l’as-
pect d’un granit brun-rougeâtre. Il existe toujours un certain mélange
de fragments de bois, d’écorce et d’autres impuretés accidentelles.
Lorsqu’on brise les larmes blanches, elles montrent une certaine stratifi-
cation, avec des couches plus ou moins translucides. A la longue, la
résine d’abord d’un blanc laiteux, devient brune et transparente à la
surface. D’après les recherches de l’un de nous (F.), cette opacité ne
paraît pas due à de l’eau, mais plutôt à un état moléculaire particulier
(semi-cristallin ?) que prend la résine.
Le Benjoin de Siam est très-cassant ; dans les larmes opaques, la
cassure est un peu cireuse ; elle est vitreuse dans la partie trans-
parente. Il se ramollit facilement dans la bouche, et se laisse facile-
ment mâcher comme le mastic. Son odeur est très-délicate, balsamique,
semblable à celle de la vanille, mais sa saveur est très-faible. Lorsqu’on
le chauffe, il exhale une odeur très-forte, et dégage des vapeurs irri-
tantes d’acide benzoïque. 11 fond à 75° G. La présence de l'acide ben-
zoïque peut être révélée par l’examen microscopique de lames minces
de résine placées dans l'huile de térébenthine.
(I) Pharm. Journ., 1862, III, 126.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. /*§
Le Benjoin de Siam est importé en blocs cubiques, dont la forme est
moulée sur celle des caisses en bois dans lesquelles il a été emballé
pendant qu’il était encore mou.
51° Benjoin de Sumatra. — Avant le renouvellement de nos rela-
tions commerciales directes avec Siam, en 1853, cette sorte de Ben-
join était la plus commune dans le commerce. Elle est importée en
blocs cubiques semblables à ceux de la sorte précédente, dont ils dif-
fèrent par une teinte généralement plus grise. Lorsque la drogue est
de bonne qualité, la masse contient de nombreuses larmes opaques,
englobées dans une résine translucide d’un brun grisâtre, mélangée de
fragments de bois et d’écorce. Lorsque la qualité est moins bonne, les
larmes blanches manquent et la proportion des impuretés est plus
considérable. Nous avons même des échantillons formés presque entiè-
rement de fragments d’écorce. L’odeur du Benjoin de Sumatra est
plus faible et moins agréable que celle de la drogue de Siam. L’appa-
rence de cette sorte de Benjoin est généralement moins belle, et sa
pureté moins graude, d’où son prix de beaucoup inférieur (1). La por-
tion colorée en brun grisâtre fond à 95° G., les larmes à 85° G. Nous
n’avons pas encore examiné le Benjoin de Zanzibar mentionné dans le
Pharmaceutical Journal du 4 novembre 1876, p. 383.
Les droguistes de Londres distinguent une variété de Benjoin de
Sumatra sous les noms de Penang Benjamin ou Storax-Smelling Ben-
jamin. Nous en avons vu d’une très-belle qualité, avec des larmes blan-
ches, dont quelques-unes avaient jusqu’à 5 centimètres de long, englo-
bées dans une résine grisâtre (v2). Son odeur est très-agréable; elle diffère
nettement de celle du Benjoin dç Siam et de celle du Benjoin ordi-
naire de Sumatra. Nous ignorons si cette sorte est produite à Sumatra,
et si elle découle du Styrax Benzoin ; mais il est digne de remarque
que le S. subdent iculat uni Miquel, qui habite l’ouest de Sumatra, porte
le même nom indigène (Kajoe Kimënjan) que le N. Benzoin; Miquel
dit de lui : « an etiam benzoiferuYn ? » (3).
Composition chimique. — Le Benjoin est composé en grande partie
de résines amorphes, parfaitement solubles dans l’alcool et dans la
potasse, douées de propriétés acides faibles, un peu différentes par
la façon dont elles se comportent vis-à-vis des dissolvants, ce qui les a
(1) Dans le Public Ledger, 2 mai 1874 , les prix sont établis de la façon suivante ;
Benjoin de Siam, lre et 2° qualité, de 10 îi 28 1. st. le quintal ; Benjoin de Sumatra,
1,c et 2e qualité, de 7 1., 10 s. ïi 12 1.
(2) Huit caisses de cette drogue furent mises en vente publique le lit avril 1871.
(8) Prnd. Flor. Sumatramr, 1800, 474.
4(j
STVKACKES.
I;iil désigner sous les noms à! alpha-résine, heta-rêsine , etc. Cependant
elles paraissent avoir les mêmes propriétés essentielles. Lorsqu’on fait
fondre du Benjoin avec de la potasse, il se décompose en partie et four-
nit, d après Illasiwetz et Barth, parmi d autres produits, de l 'acide Pro-
tocatéchuique (plus de 5 pour 100), de l’acide P ave^oxy benzoïque C7H6Ü\
et de la Pyrocatéchine.
Soumis a la distillation sèche, le Benjoin donne, comme produit prin-
cipal, de \ acide Benzoïque, G7H60- , et des principes empyreumatiquos.
parmi lesquels Berthelot a démontré la présence (dans le Benjoin de
Siam) du St y vol. L’acide benzoïque existe tout formé dans la propor-
tion de 14 à 18 ou davantage pour 100. Quoique cet acide se dissolve
facilement dans 12 parties d’eau bouillante, la résine à laquelle il
est mélangé empêche de l’extraire complètement par ce procédé. Celte
extraction est cependant accomplie facilement à l’aide d’un alcali, et
avec plus d’avantages à l’aide d’un lait de chaux qui ne se combine pas
avec la résine amorphe.
Le Benjoin n’est pas attaqué d’une façon manifeste par le bisulfure
de carbone ; mais, si on le laisse en contact avec lui pendant un mois ou
deux, il se montre de très-gros cristaux incolores d’acide benzoïque.
Transportés dans une chambre chaude, ces cristaux se dissolvent rapi-
dement, mais se reproduisent avec facilité sous l’influence du froid.
La plupart des pharmacopées prescrivent, non point l’acide inodore
obtenu par fa voie humide, mais celui qui se dégage dans la sublima-
tion sèche, et qui contient une petite proportion de principes empyreu-
matiques odorants.
La résine, soumise à des sublimations répétées, donne jusqu'à
14 pour 100 d’acide benzoïque. On sait depuis longtemps que les larmes
blanches, opaques, du Benjoin, sont moins riches en acide benzoïque
que la résine brune transparente dans laquelle elles sont englobées.
S. W. Brown a retiré de cette dernière, en 1833, 13 pour lüû d'acide
impur, et des larmes à peine 8 et demi pour 100. Nous ne sommes pas
certains que cette différence soit constante.
L'huile d’amandes amères qui, par oxydation, fournit de l’acide ben-
zoïque n’existe pas dans le Benjoin. On n’y trouve en réalité que très-peu
d’huile volatile. Une demi-livre de Benjoin de Penang, de la meilleure
qualité, ne nous a donné par distillation avec l’eau que quelques gouttes
d’une huile extrêmement odorante ( Styrol ?).
Le chlore ferrique colore la solution alcoolique de Benjoin en vert
brunâtre sombre, coloration que ne prend pas, sous la même influence,
17
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
J a décoction aqueuse de la résine réduite en poudre. Cette réaction ne
peut donc pas être attribuée au tannin.
Le Benjoin se dissout dans l’huile froide de vitriol en formant une
solution d’une splendide couleur carmin, de laquelle l'eau sépare des
cristaux d’acide benzoïque.
Kolbe et Lautemann, en 1860, découvrirent dans le Benjoin de Pe-
nang et de Siam, indépendamment de l'acide benzoïque, un acide d’une
constitution différente, qu’ils reconnurent, en 1861, pour de l 'acide
Cinnamique, C°H901 2 3. Aschoff, en 1861, trouva dans un échantillon de
Benjoin de Sumatra, seulement de l’acide einnamique dans la pro-
portion de 11 pour 1 00, et dans un Benjoin amygdaloïde de Siam et
de Penang l’acide Benzoïque seul. Dans quelques échantillons de ce
dernier, l’un de nous (F.) a trouvé aussi de l’acide einnamique. En
triturant cette sorte avec du peroxyde de plomb, et faisant bouillir le
mélange dans l’eau, on détermine la production de l’odeur d'amandes
amères due à l’oxydation de l’acide einnamique.
La présence simultanée, dans le Benjoin, des deux acides benzoïque
et einnamique ou l’absence de l'un ou de l’autre sont dues à des circon-
stances encore inconnues.
Commerce. — Les statistiques de Singapore (1), qui est le grand
entrepôt du commerce de l’archipel Indien, établissent qu’en 1871 les
importations d’e Benjoin s’élevèrent à 7 442 quintaux. Sur cette quantité,
6 1 85 quintaux avaient été expédiés de Sumatra et 405 quintaux de Siam .
Penang, qui sert aussi de marché pour cette drogue, parait, d’après le
même document, avoir rèou de Sumatra pour être réexpédiés, 4959 quin-
taux de Benjoin. Padang, à Sumatra, exporta, en 1870, 4 303 peculs
(3 122 q.) et, en 1871,4 064 peculs (4 838 q.) de Benjoin (2). Les impor-
tations de Benjoin, de Bombay, pendant l’année 1871-72, ne furent pas
moindres de 5 975 quintaux, et les exportations, de 1043 quintaux (3).
Usages. — Le Benjoin paraît être à peu près dépourvu de proprié-
tés médicinales cl n'est que peu employé. Il est importé surtout pour
être utilisé comme encens dans les temples de l’Église grecque.
(a) Ées Styrax Touiunkfout sont des Styracées à fleurs régulières et herma-
phrodites; ;i calice gamosépale et à corolle gamopétale ; il androcée diplostémonc ;
à ovaire à demi infère, triloeulaire, et à fruit drupacé.
(1) HI ho, liook for the, Colony of the Straits Setlments , Singapore, 1 872.
(2) Comular Reports, août 1873, 953.
(3) Statement of the T rude and Navigation of the Presidcncg of Bombay) foi'
1871-72, P. II, 20, 29.
18 OLÉACÉES.
Le Styrax Benzoin Dryander (in Philos. Trans., LXXVI1, 308, t. 12) est un petit
arbre à feuilles alternes, simples, dépourvues de stipules, oblongues-acuminées, cour-
tement pétiolées, colorées en vert foncé et glabres en dessus, couvertes sur la face infé-
rieure de poils blanchâtres. Les fleurs sont disposées en cvmes axillaires plus longues
que les feuilles. Le calice est urcéolé, divisé en cinq dents aigues, persistant. La corolle
est formée de cinq pétales unis en tube à la base, beaucoup plus' grands que les sépales,
alternes avec ces derniers, valvaires dans le bouton, jaunes-verdâtres en dehors,
rouges en dedans, un peu charnus. L’androcée est formé de dix étamines, cinq oppo-
sées aux sépales et cinq opposées aux pétales, toutes fertiles, à filets adhérents avec
le tube de la corolle, à anthères biloculaires, introrses, déhiscentes par deux fentes
longitudinales. L'ovaire est à demi infère, ovoïde, triloculaire, surmonté d’un style
trilobé. Chaque loge contient un nombre variable d’ovules insérés dans 1 angle in-
terne, anatropes, à micropyle dirigé en bas et en dehors. Le fruit est une drupe a
novau monosperme par avortement. Les graines sont albuminées. [Trad.]
OLÉACÉES
MANNE.
Marna; nngl. et allem., Manna.
Origine botanique. — Fl'ClXinUS OvïlUS L. ( FvClXinUS CU'/'OpXü PERS.).
Le Frêne à Manne est un petit arbre qu’on trouve en Italie, d’où il
s’étend vers le nord jusque dans le canton du Tessin en Suisse et le sud
du Tyrol. On le trouve aussi en Hongrie (Buda) et sur la côte orientale
de l’Adriatique, en Grèce, en Turquie (Constantinople), en Asie Mineure
près de Smyrne, et à Adalia sur la côte sud. Il croît en Sicile, en Sai-
daigne et en Corse. On le trouve en Espagne, à Moxente, dans la pro-
vince de Valencia (1). Il a été introduit, en qualité d’arbre ornemental
dans l’Europe centrale, où il atteint souvent de grandes dimensions. Il
s’élève parfois, en effet, jusqu’à 9 mètres de haut. Il fleurit au commen-
cement de l’été. Il se couvre alors de nombreux panicules de fleurs d un
blanc sombre qui lui donnent un aspect très-agréable. Ses ieuilles
offrent beaucoup de variations dans la forme de leurs folioles, meme
sur les arbres incultes. Les fruits présentent aussi des formes très-
variables {a).
Dans quelques points de la Sicile, on retire une petite quantité de
Manne du Frêne commun, Fraxinus excelsior L. (/>)■
Historique, — Le nom de Manne, donné d’abord à l’aliment miraculeux
qui passe pour avoir nourri les Israélites pendant la traversée du désert,
(t) Le Fraxinus liungcana DC., arbre du nord de la Chine, parait n’étre qu« peu dis-
tinct du Fraxinus Ornus.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 49
a cté ensuite employé pour désigner d autres substances d origine et de
nature diverses. Parmi elles, la plus importante est l’exsudation sucrée
du Fraxinus Ornus L. qui constitue la Manne delà médecine européenne.
D'après des recherches récentes (I), il paraît évident qu’avant le
quinzième siècle, la Manne employée en Europe était importée d Orient
et ne provenait pas d’un Frêne. Raffaele Maffei, nommé aussi Volater-
ranus, écrivain de la seconde moitié du quinzième siècle, dit qu’on
commença, de son temps, à recueillir de la Manne en Calabre, mais
quelle était inférieure à celle de l’Orient (2). A cette époque, la Manne
qu’on recueillait s’écoulait spontanément des feuilles de l’arbre et por-
tait le nom de Manna di foglia ou Manna di fronda. Celle qui s’écoulait
de la tige se nommait Manna di corpo et était moins estimée. Toute
cette Manne coûtait fort cher.
Vers le milieu du seizième siècle, on commença à faire des incisions
au tronc et aux branches. Cette coutume fut vigoureusement combat-
tue, même à l’aide d’ordonnances législatives; mais, comme elle four-
nissait aux collecteurs une quantité plus considérable de marchandise,
elle finit par être généralement adoptée. La Manna di foglia finit par être
inconnue au point que Girillo de Naples, en 1770, mettait en doute
qu’elle eût jamais existé (3).
En ce qui concerne l’histoire de la production de la Manne en Sicile, il
existe un fait curieux. Près de Gefalù, dans la chaîne de Madonia, se
trouve une éminence nommée Gibelman ou Gibelmanna. Ce nom, qui, en
arabe, signifie montagne de la manne , n’est pas d’origine moderne, on le
trouve dans un diplôme de l’année 1082, relatif à la création de l’évêché
de Messine, et il est considéré comme preuve que laManne était recueillie
dans cet endroit à l’époque de l’occupation de la Sicile par les Sarrasins,
de 827 à 1070. Nous n’avons pu obtenir aucune démonstration de ce fait.
D’autre part, il est remarquable qu’aucun écrivain, aussi loin que re-
montent nos connaissances, ne mentionne laManne, comme production
de la Sicile, antérieurement à Paolo Boccone, de Païenne. Après avoir
nommé plusieurs localités où l’on récoltait cette drogue dans l’Italie
continentale, il ajoute qu’on l’obtient aussi en Sicile (4).
Jusqu’à une époque récente, la Maremme de Toscane produisait aussi
de la Manne ; mais il n’en arrive plus aujourd’hui dans le commerce,
(1) Hanuurv, Historical Notes on Manna, in Pharm. Journ , 1870, X, 326; Science
Papcrs, 355.
(2) Commentarii Urbani, Paris, 1515, lib. xxxvm, f. 1 13.
(3) Phil. Traits., 1771, LX, 233.
(1) Museo di Fisicd, Vend., 1697, Obs. xiv, xv.
II1ST. UES DROGUES, T. II. 1
50
ÜLÉACÉKS.
ni de cetle localité, ni des Etats do l'Eglise, où l'on en recueillait à
1 époque de Boccone. Cependant, on applique encore le nom de Tolfa,
ville voisine de Civita Vccchia, à une sorte inférieure de Manne.
La récolte de la Manne, très-importante en Calabre avant la fin du
siècle dernier, n’y existe maintenant presque plus (I).
Production. — La Manne du commerce est recueillie, aujourd'hui,
uniquement en Sicile. Les principales localités qui la produisent sont les
districts voisins de Capaci, de Carini, de Cinisi et de Favarota, petites
villes situées à 25 milles à l’est de Païenne, près des bords de Castella-
maie. On en recueille aussi à Geraci, Gastelbuono et autres points du
district de Cefalù, situés à 50 ou 70 milles à l'est de Païenne.
Le Fiêne à Manne ne forme plus, dans les districts qui fournissent la
meilleuie Manne, des bois naturels, mais ils sont cultivés dans des
plantations régulières désignées sous le nom de frassinetti. Les arbres
atteignent de 3 a 6 mètres de hauteur. Ils sont disposés en rangées, à
2 mètres de distance les uns des autres. De temps à autre, on laboure le
sol entre eux et on le fume. Lorsque l’arbre est âgé d’environ huit ans et
que sa tige a atteint au moins 8 centimètres d’épaisseur, la récolte peut
commencer, et continuer pendant dix ou douze ans. On abat alors,
généralement, la tige de l’arbre et un jeune rejeton s’élève, à sa place,
sur la même souche. Du même pied s’élèvent ainsi quelquefois deux ou
trois tiges.
*
Pour obtenir la Manne, on pratique dans l’écorce des incisions trans-
versales qui pénètrent jusqu’au niveau du bois et sont situées à 4 ou
o centimètres lune de 1 autre. On fait chaque jour une incision nou-
velle ; la première au moment de la floraison de l’arbre, la seconde
directement au-dessus de la première, et ainsi de suite jusqu’à la fin de
la saison sèche. L’année suivante, on pratique les incisions sur une partie
intacte de la tige et on agit de la même façon pendant chaque saison
sèche. Au bout de quelques années, lorsque l’arbre a été incisé sur
toute sa surface et qu’il est épuisé, on l’abat. On enfonce dans les inci-
sions des petits morceaux de bois ou de paille qui se recouvrent d'une
Manne de qualité supérieure, nommée Marina a cannolo, inconnue dans
le commerce comme sorte particulière. La belle Manne que nous voyons
d’habitude paraît s’être durcie sur la tige de l’arbre. La Manne qui
s’écoule des incisions inférieures, et qu’on recueille souvent sur des
tuiles ou des fragments de tiges d 'Opuntia en forme de coupes, est moins
(1) Hanbury, iu Giornalc Botanico Itclliano, oct. 1872, 207 ; Phann. Journ., 30 nov.
1872, 421.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
cristalline, plus gommeuse et plus gélatineuse, et considérée comme de
qualité inférieure. Le moment le pins favorable pour inciser les tiges
répond aux mois de juillet et août, les arbres ayant, a cette époque,
cessé de produire des feuilles. Pour obtenir une bonne récolte, il est
nécessaire que la température soit sèche et chaude. Après a\ oir recueilli
la Manne, on l’abandonne sur des planches pour la faire sécher et dur-
cir avant de l’emballer. La Manne qui reste sur la tige après qu’on a
recueilli les plus beaux morceaux, est enlevée séparément et constitue
la petite Manne du commerce (1).
Secrétion. — Nous avons étudié au microscope l’écorce des liges du
Fraxinus Omws*qu’on incise à Capaei pour obtenir la Manne ; nous n’y
avons trouvé aucune organisation particulière pouvant expliquer la for-
mation de la Manne, ni aucune apparence que l’exsudation saccharine
soit due à une altération des parois cellulaires, comme cela existe pour
la gomme adragante. Cette écorce est pauvre en matière tannique ;
elle contient de l’amidon et donne à l’eau une magnifique fluorescence
due à la présence de la Fraxine.
Description. — Les pharinacologistes ont employé diverses dénomi-
nations pour désigner les qualités de la Manne, mais dans le commercé
anglais ces noms ne sont pas actuellement employés. Les meilleures
qualités de Manne y sont désignées sous le nom de Flake Manna ( Manne
en larmes ou mieux enstalactiques des pharinacologistes français), tandis
que les morceaux plus petits, imparfaitement agglutinés, sont nommés
petite Manne ou Tolfa Manna (Manne commune ou Manne en sorte des
pharinacologistes français).
La Manne se présente sous un aspect stalactiforme dû à. l’exsudation
graduelle du suc et au dépôt successif des couches les unes au-dessus
des autres. Les plus beaux morceaux ont le plus souvent la forme de ba-
guettes triangulaires ayant parfois jusqu’à 15 à 20 centimètres de long
et 2 centimètres et demi ou davantage de large, évidés sur la face in-
terne qui a été souillée par son contact avec l’écorce. Ils sont poreux,
cristallins, friables, colorés en jaune brunâtre pâle, et en blanc presque
pur dans les parties qui ont été le plus éloignées de l’écorce. Les mor-
ceaux dont la couleur est plus foncée et dont l’apparence est onctueuse
(1) Les renseignements que nous donnons sur la production de la Manne découlent
des observations de Stettner, qui visita la Sicile pendant l’été de 1847 (in Archiv. (1er
Pharm., III, 194; in Jahresbcricht de Wiggers, 1848, 35; in Jauni, of Bot., de Hooker,
1849, 1,124), dccelles de Cleghorn (in l'rans. of the Bot. Soc. ofEdinb., 1868-69, X, 132)
et des recherches personnelles faites par l’un de nous dans les environs de Païenne,
en mai 1872.
32 OLÉACÈES.
ou gommeuse sont moins estimés. La bonne Manne est cassante et cro-
quante, et fond dans la bouche ; sou goût est agréable, sucré, et sem-
blable à celui du miel, mais cependant n'est pas dépourvu d’un peu
d’amertume et d’âcreté. Son odeur peut être comparée n celle du miel
ou du sucre mouillé.
La Manne de la meilleure qualité se dissout, à la température ordi-
naire, dans 6 parties environ d’eau, en formant un liquide clair, neutre.
Elle contient, indépendamment de la mannite, une petite proportion de
sucre et de gomme. La Manne qui exsude des vieilles liges ou des parties
inférieures des jeunes arbres eux-mêmes contient une quantité plus ou
moins considérable de gomme, de sucre fermentescible. et d'impuretés.
La température moins favorable de la fin de l’automne et de l’été pro-
voque une certaine altération dans la composition du suc et lui enlève,
en partie, la propriété de se concréter en masses cristallines.
Composition chimique. — Le principe dominant de la Manne, du moins
dans les meilleures sortes, est le sucre de Manne ou Mannite, G6Hu06,
qui existe aussi, mais en moins grande quantité, dans un certain nombre
d’autres plantes que le Frêne. On la produit artificiellement en traitant
le glucose, G6IIl20G, par un amalgame de sodium, et indirectement en
faisant fermenter du glucose ou du sucre de canne. Elle est isomérique
de la dulcite ou mélampyrine ; elle cristallise en prismes ou en plaques
brillants, appartenant au système rhombique ; elle fonda 165° C., et
peut, en très-petite quantité, être sublimée par la chaleur sans subir de
décomposition. Elle se dissout dans 6 parties d’eau à la température
ordinaire, moins facilement dans l’alcool étendu d'eau, très difficilement
dans l’acool absolu et pas du tout dans l’éther. La solution ne possède
qu’un pouvoir rotatoire très-faible et elle n’est pas altérée par l’ébulli-
tion avec les acides ou les alcalis ou avec le tartrate cuprique alcalin.
Berthelot a montré que la mannite est susceptible de fermenter,
mais moins facilement que les sucres appartenant au groupe des hy-
drates de carbone. Lorsqu’on la mélange avec du noir de platine hu-
mide, elle s’échauffe beaucoup et donne de Y acide d/a»»^fy»eincristalli-
sable, G6H120T, et de la Mannitose, CGHl20G, sorte de sucre semblable au
sucre de raisin, et probablement isomérique avec lui, mais optiquement
inactif et ne paraissant pas être cristallisable. Traitée par l’acide ni-
trique, la mannite ne. fournit ni acide tartrique, ni acide mucique,mais
du sucre et une certaine quantité d’acide racémique. Par la distillation
sèche, elle donne de l’acroléine, de l’acide formique et d'autres produits.
Toutes les réactions chimiques de la mannite démontrent qu'elle ap-
«3
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE,
partient au groupe des alcools, ot parmi eux elle sc rapproche surtout
de la glycérine.
La quantité de mannite qui existe dans la meilleure Manne varie do
70 à 80 pour 100
Lorsqu’on mélange une solution de Manne avee du tartrate de cuivre
alcalin ce dernier est réduit très-rapidement, meme à lioid, à 1 état
d’hydrate cupr eux. Cette action est due à la présence d’un sucre qui,
d'après Backhaus, est du dextro-glucose ordinaire. Il peut en exister jus-
qu’à 16 pour 100, et on le trouve même dans la meilleure Manne, mais
il est plus abondant dans les Mannes onctueuses. D’après Buignet(i), ce
sucre ne possédant qu’un pouvoir rotatoire peu considérable, il consiste
probablement en un mélange de sucre de canne et de lévulose. Il a trouvé
cependant qu’une solution aqueuse de Manne dévie fortement la lumièie
à droite, fait qu’il attribue à la présence d’une forte proportion de dex-
Lrine. Les meilleures sortes de Manne contiennent, d’après Buignet,
20 pour 100 environ de dextrine ; les inférieures, beaucoup plus. Sous
l’influence de l’acide nitrique, la dextrine ne donné pas d’acide mucique ;
sa solution n’est pas précipitable par l’acétate tannique de plomb, mais
elle est précipitée par l’alcool.
Dans nos expériences, nous n’avons réussi à isoler ni de la dextrine
ni du sucre de canne. 11 existe, même dans la plus belle Manne, une pe-
tite proportion d’un mucilage dextrogyre qui est précipité par l’acétate
neutre de plomb et donne de l’acide mucique par ébullition avec l’acide
nitrique concentré.
On peut retirer, à l’aide de l’éther, des solutions aqueuses de Manne,
une très-petite proportion de résine d’un brun rougeâtre, qui possède
une odeur forte et une saveur un peu âcre, et des traces d’un acide qui
réduit les sels d’argent et paraît être aisément résinifié. La proportion
d’eau qui existe dans les qualités inférieures de Manne s’élève souvent à
10 ou 15 pour 100. La meilleure Manne abandonne environ 3,6 pour 100
de cendres.
La coloration verdâtre de certains morceaux de Manne était attribuée
autrefois à la présence du cuivre. Gmclin, se fondant sur la fluorescence
de la solution, l’attribua à YÆsculine. Elle est due en réalité a un corps
très- ressemblant à l’æsculine, la Fraxine , ClcH18010, qui existe dans
l’écorce du Frêne à Manne et du Frêne commun, et aussi, en compagnie
de l’æsculine, dans celle du Marronnier d’Inde. .La fraxine cristallise
en prismes incolores, facilement solubles dans l’eau chaude et dans
(1) Journ. de Pharm., 1807, VII, 401 ; 1868, VIII, 6.
M OLÉACÉES.
1 alcool , et pourvus d’une saveur astringente et amère. Les acides di-
lués la décomposent en Fraxétine, G10Il8O5, et on glucose, C8II1206. La
présence de la fraxine dans la Manne, surtout dans les sortes infé-
rieures, est révélée parla belle fluorescence de la solution alcoolique
de la Manne.
Commerce. — Les exportations de Manne faites par la Sicile il), sur-
tout par Païenne, ont été : en 1869, de 2 546 quintaux, valant 15972
liv. st.; en 1870, de 1 564 quint, valant 10220 liv. st.; en 1871, de 3 038
quint, valant 19 528 liv. st. La moitié environ de ces quantités a été
expédiée en France. Les statistiques commerciales italiennes (2) expri-
ment de la façon suivante l’exportation de la Manne en 1870: incanelli ,
58691 kilogrammes ; in sorte , 186 664 kilogr. Le Royaume-Uni a importé,
en 1870, 230 quintaux de Manne, évalués à 4 447 liv. st. (3).
Falsification. — On ne peut guère dire que la Manne soit soumise
à des falsifications, quoiqu'il soit possible de rappeler des essais d’in
troduction d’une Manne fausse fabriquée avec du glucose ; mais des ef-
forts considérables ont été faits dans le but de transformer la Manne
de qualité inférieure en une sorte ayant l’aspect de la Manne en larmes
naturelle, les fabricants reconnaissant toutefois la nature de leur pro-
duit. La Manne en larmes artificielle offre la plus grande ressemblance
extérieure avec les très-beaux morceaux de la drogue naturelle, mais
elle en diffère par l'uniformité plus grande de coloration et parce
qu’elle est débarrassée des quelques impuretés dont la Manne naturelle
n’est jamais exempte. Elle en diffère encore en ce que, lorsqu’on la casse,
on ne voit pas de cristaux de mannite dans les interstices des fragments
et en ce qu’elle est dépourvue de l’odeur particulière et de la saveur
légèrement amère de la Manne naturelle. Lorsqu’on la fait bouillir avec
quatre parties d’alcool à 0,838, on obtient un résidu visqueux, sem-
blable à du miel, tandis que la Manne naturelle abandonne une sub-
stance dure, non dissoute. Histed (4) a trouvé qu’elle contient seulement
40 pour 100 de mannite, tandis que la belle Manne, traitée de la même
façon, en donne 70 pour 100.
Usages. — La Manne constitue un laxatif léger, beaucoup moins em-
ployé aujourd’hui en Angleterre qu’autrefois, mais encore très-usité
(1) Report by Consul Dennis on the commerce and navigation ofSicily in 1869, 1870,
1871.
(2) Direzione generale delle Gabelle : Movimento commerciale del regno d'Italia net
1870, Milano, 1871.
(3) Annual Statement of the trade and navigation of the U. K. for 1870, 102.
(4) On artifieial Flalce Manna, in Pharm. Journ., 1870, XI, 629.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. RS
dans l’Amérique du Sud. On prescrit souvent, en Italie, la mannite, qui
possède des propriétés semblables.
AUTRES SORTES DE MANNE.
Diverses plantes peuvent, comme le Frêne, produire, dans certaines
conditions, des exsudations saccharines, dont certaines ont constitué la
Manne orientale , employée autrefois en Europe. D’après ce que nous
savons, ces produits diffèrent de la Manne officinale en ce qu’ils ne con-
tiennent pas de mannite.
Manne d’Aiiiagî; Turanjabln des Arabes. — Elle est, fournie par
YAlhagi Camelorum Fischer, petite plante épineuse de la famille des
Légumineuses, de la Perse, de l’Afghanistan et du Beluchistan. D’après
les excellents échantillons de cette Manne, qui ont été recueillis pour
nous dans le nord-ouest de l’Inde par le docteur E. Burton Brown et par
M. T.-W.-H. Tolbort, cette substance se présente en petites larmes ar-
rondies, dures, sèches, dont la taille varie depuis celle d'une Muscade
jusqu’à celle d’un grain de Chènevis ; sa coloration est d’un brun clair,
son goût est sucré, agréable, son odeur ressemble à celle du Séné.
D’après Ludwig (1), elle contient des larmes ou des grains cristallins de
sucre de canne, un peu de dextrine, une substance mucilagineuse dou-
ceâtre et une très-petite quantité d’amidon. M. A. Villiers vient de dé-
montrer (janvier 1877) que cette Manne contenait de la mélézitose. Les
folioles, les épines et les gousses de la plante, mélangées aux grains de
cette Manne, sont caractéristiques et facilement reconnaissables.
La Manne d’Alhagi est recueillie près de Kandahar et de Hérat. On
la trouve sur les plantes à l’époque de la floraison. Elle est importée
dans l’Inde, de Kabül et de Kandahar, dans la proportion d’environ
25 maunds (2000 livres) par an; son prix est fixé à 30 rupees le seer
(30 sh. la livre) (2).
Ga* Anjabin des Arabes; Manne «le Tamaris (en partie). — Pendant
les mois de juin et juillet, les arbustes du Tamaris ( Tamarix Gallica ,
var. mannifera Ehrenberg), qui croissent dans les vallées. de la pénin-
sule du Sinaï, et surtout dans le Wady es Sheikb, laissent exsuder de
leurs branches grêles, à la suite de la piqûre d’un insecte ( Coccus man-
niparus Ehrenberg), des gouttes d’un liquide semblable à du miel, qu’on
(1) Archiv der Pharm., 1870, 193, 32-52.
(2) Stewart, Punjab Plants, Lahore, 18G9, 57. — Davies, Report on the trade and
ressources of the countries on the N. W. boundary of British India, Lahore, 1862.
56
OLftACÉES.
Iiouvo à 1 étal solide pendant la fraîcheur du matin. Celle substance est
la Manne de Tamanx. Les Arabes la recueillent et la vendent aux
moines do Sainte-Catherine. Ceux-ci l’offrent aux voyageurs qui visitent
le couvent. La Manne de Tarnarix est aussi produite (mais on ne la re-
cueille peut-être plus) en Perse, où on la nomme Gaz Anjabin (I), et
probablement aussi dans le Punjab (2). Il est probable qu’elle a été
apportée de ces pays en Europe à une époque reculée.
Un échantillon de Manne de Tarnarix, rapporté du Sinaï, étudié
en 1801 par Berlhelot, avait 1 apparence d'un sirop épais, jaunâtre,
souillé de débris végétaux. On le trouva composé de sucre de canne,
de sucre interverti (lévulose et glucose), de clextrine et d’eau, celte der-
nière formant un cinquième de la niasse totale (3).
Quoique la dénomination de Gaz Anjabin signifie Miel de Tarnarix ,
( lie est employée actuellement, d après Haussknecht (4), en Perse, pour
désigner certains pains ronds, connus dans tous les bazars, dont la
partie constituante principale est une Manne recueillie dans les districts
montagneux de Chahar-Mahal et de Faraidan, et surtout dans le voisi-
nage de la ville de Khonsar, au sud-ouest d’Ispahan, produite par l’As-
Iragalus jlovulentus Boissier et Haussknecht et VAstragalus adscendens
Boissier et Haussknecht. Les meilleures sortes de cette Manne, nommées
Gaz Ale fi ou Gaz Khonsari , sont recueillies, pendant le mois d'août, sur
les branches des arbres, à l’état de petites gouttes qui s’agglutinent
et finissent par former une masse impure, d’un blanc grisâtre, molle.
La sorte commune, recueillie sur la tige, est encore plus impure. Un
échantillon de cette drogue, rapporté par Haussknecht, donna à
Ludwig (5) de la dextrine, un sucre incristallisable et des acides orga-
niques.
Shîr-khisiit. — Les anciens auteurs de matière médicale, comme Garcia
d’Orta (15G3), mentionnent une sorte de Manne connue sous ce nom,
qu’on trouve encore dans les bazars du nord-ouest de l’Inde, où- elle est
importée en petite quantité de l’Afghanistan et du Turkestan (G).
Haussknecht, dans son mémoire sur la Manne orientale, déjà cité, dit
qu’elle est un produit d’exsudation du Cotoneaster nummularia Fisu.
et Meyer, de la famille des Rosacées, et de Y Atraphaxis spinosa L.,
(1) Angélus, Pharm. Persica, 1681, 339.
(2) Stewart, op. cit., 92.
(3) Compt. rend. Ac. sc., 1861, LIII, 683. — Pharm. Journ., 1862, III, 274.
(4) Archiv der Pharm., 1870, 192, 246.
(5) Loc. cit.
(6) Davies, ouvrage cité à la page 55, note 2.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 57
de la famille des Polygonacées, et qu'elle provient, en majeure partie
de Hérat. Nous devons au docteur Burton Brown, de Lahore, et à
M. Tolbort des échantillons de cette Manne, qui, d’après les fragments
qu’elle.contient, provient sans aucun doute d’un Coloneaster. Elle est eu
larmes irrégulières, arrondies, dont Je plus grand diamètre a d’un demi-
centimètre à I centimètre et demi, d’un blanc opaque foncé, légèrement
visqueuses et faciles à pétrir entre les doigts. Elle a une faible odeur de
Manne, une saveur simplement sucrée. Sa cassure est cristalline. Elle
forme dans l’eau une solution sirupeuse qui abandonne un résidu abon-
dant de grains d’amidon.
D’après Ludwig, la Manne de Shir-khisht constitue un produit d’ex-
sudation analogue à la gomme adragante, mais contenant en même
temps deux sortes de gomme, un sucre lévogyre amorphe, de l’amidon
et de la cellulose.
Manne de Chône. — La présence d’une substance saccharine sur le
Chêne est signalée par Ovide et par Virgile, et mentionnée aussi par les
médecins arabes, notamment par Ibn Baytar(l) et Elluchasem Elimi-
thar (2). Ce dernier, mort en 1052, dit que dans le Diarbékir un pro-
duit d exsudation apparaît sur le chêne. Aujourd’hui ce produit est
1 objet dune certaine industrie parmi les tribus errantes du Kurdis-
tan, qui, d après Haussknecht, le recueillent sur le Quercus Vallonea
Kotscuy et le Quercus Persica Jaubert et Spach. Ces arbres sont fréquen-
tés, au mois d août, par de nombreux petits Coccus blancs dont la pi-
qûre est suivie de l’exsudation d’un liquide sucré qui se solidifie en
petits grains. Le matin, avant le lever du soleil, les indigènes font
tomber les grains de Manne sur des toiles étendues au-dessous des
arbres.
On recueille aussi le produit de cette exsudation en faisant tremper les
petites branches qui le portent dans des vases pleins d’eau chaude où il
se dissout. On évapore ensuite la solution jusqu’à consistance d’un sirop
qui sert pour sucrer les aliments ou qu’on mélange à de la farine pour
fabriquer une sorte de gâteau.
Un bel échantillon de Manne de chêne du Diarbékir fut envoyé à
1 exposition internationale de Londres de 1862. C’était une masse molle,
humide, formée de larmes agglutinées, très-semblable à une sorte infé-
rieure de Manne de frêne. Son goût était sucré et agréable.
H existe une forme moins pure de cette Manne, qui se présente en
(1) E(l. Sontheimeu, Bd. I, 375.
(2) Tacuini Sanitatis, Argent., 1331, 24.
38
OLÊACÉES.
masses compactes, grisâtres, saccharines, parfois assez dures pour qu’on
doive les broyer avec un marteau. Elle est formée d’une matière sucrée
mélangée à une grande quantité de petits fragments de fouilles vertes ;
son odeur est herbacée ; son goût est sucré et agréable. Un échantillon
de cette substance rapporté du Diarbékir, examiné par l’un de nous,
donna 90 pour 100 de sucre dextrogyre, qui ne put être obtenu à l’état
cristallin, quoiqu’il existât sous cette forme dans la drogue brute. L’ami-
don et la dextrine manquaient complètement (1).
Un échantillon fourni à Ludwig (“2) par Haussknecht donna beaucoup
de mucilage, un peu d’amidon, environ 48 pour 100 de sucre de raisin
dextrogyre et des traces d’acide tannique et de chlorophylle.
Manne de Briançon. — On désigne ainsi une substance saccharine
blanche qui, dans le fort de l'été et pendant les premières heures du
jour, se trouve en grande quantité sur les feuilles des Larix ( Pinus La-
rix L.) des montagnes du Dauphiné, dans les environs de Briançon.
Autrefois on la recueillait pour l’usage médical ; mais elle était déjà
rare du temps de Jeoffroy (1709-1731), et aujourd’hui elle a tout à fait
disparu du commerce, quoique les paysans la recueillent encore. Un
échantillon récolté pour l’un de nous, en 1864, près de Briançon, consiste
en petites larmes indépendantes, opaques, blanches, souvent ohlongues
et creusées en gouttières, incrustées sur les feuilles en aiguilles du
Larix. Leur saveur est douce et leur odeur faible. Sous le microscope,
elles présentent des cristaux peu distincts.
La Manne de Briançon a été étudiée par Berthelot, qui y a découvert
un sucre particulier nommé Mélézilose (3).
Plusieurs autres exsudations saccharines ont été observées par les
voyageurs et les naturalistes; mais, comme la plupart d’entre elles nous
sont inconnues, nous nous bornerons à énumérer les plus remarquables,
en renvoyant aux sources originales le lecteur désireux de plus de
détails.
Le Pirus glabra Boissier donne, dans le Luristan, une substance qui,
d’après Haussknecht, est recueillie par les habitants et ressemble beau-
coup à la Manne du chêne. Le môme voyageur dit que le Salix fragi-
lis L. et le Scrophularia frigida Boissier donnent aussi, en Perse, des
exsudations saccharines. On récoltait autrefois sur le Cèdre (Pinus Ce-
(1) Pour plus de détails, voy. Flückiger, Ueber die Eiclienmanna von Kurdistan,
in Ai'ch. der Pharm., 200 (1872), 159.
(2) Loc. cit., 35.
(3) Gmelin, Chemistry, XV, 298 ; Journ. de Pharm., 1858, XXXIV. 292.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 59
drus L.)(l) une sorte de Manne. En Espagne, le Cistm ladani férus L.(2)
fournit une Manne,
La Manne d'Australie qui se présente en petites masses sèches,
arrondies, opaques, blanches, découle des feuilles de Y Eucalyptus vimi-
nalis Labillardière. Elle contient un sucre nommé Mélitose (3). Sa sa-
veur est douce ; elle est dépourvue de propriétés médicinales et n’est
pas recueillie pour l’usage (4).
La substance désignée sous le nom de Tigala, et par corruption
Trehala, dont 011 a retiré un sucre particulier (5), est le cocon d’un
insecte, et non une exsudation saccharine proprement dite (6).
La Mamie de Lerp d’Australie est aussi d’origine animale (7). Elle se
compose de 14 parties d’eau, de 33 parties d’une substance filamenteuse
et de 53 parties de sucre. Les filaments ont les propriétés caractéris-
tiques de l’amidon, dont ils diffèrent par leur forme et par leur inaltéra-
bilité même dans l’eau bouillante. Cependant, dans des tubes scellés,’
ils se dissolvent dans 30 parties d’eau à 135° C. Le sucre est dextrogyre ;
il imprègne les filaments à l’état d’une mousse brune, molle, amorphe.
A l’état pur, il ne cristallise pas, même au bout d’un temps très-long.
Les filaments sont convertis par l’acide sulfurique dilué en sucre de rai-
sin cristallin.
{a) Les Frênes ( Fraxinus Tournefort, Instit.fHn, t. 343) sont des Oléaoées de la
tribu des Fraxinées, à ovaire biloculaire et à loges biovulées ; à fruit sec, en samare,
uniloculaire et monosperme par avortement.
Le Fraxinus Ornus L. ( Spec ., 1510) ou Ornus europœa Pers. est un arbre
dressé, a tete arrondie, à rameaux noueux, [irréguliers. Les feuilles sont opposées,
sans stipules, composées, imparipennées, à sept ou neuf folioles pétiolulées, ovales-
lanceolées ou oblongues, atténuées aux deux extrémités, aiguës, munies dans les
deux tiers supérieurs de leurs bords de dents ovales-arrondies, et barbues sur la
face inférieure des pétioles et de la nervure dorsale. Les bourgeons sont tomenteux.
Les fleurs apparaissent en même temps que les feuilles ; elles sont petites, d’un
blanc verdâtre, disposées en grappes axillaires et terminales, composées, à ramifi-
cations opposées et souvent très-développées. Les fleurs sont régulières, polygames,
(1) Geoffroy, Mat. med., 1741, II, 584.
(2) Dillon, Travels through Spain , 1780, 127.
(3) Gmelin, Chemistry, XV, 296.
(4) Pharm. Journ., 1863, IV, 108.
(5) Compt. rend. An. sc., 1858, XLVI, 1276. — * Gmelin, Chemistry, XV, 299.
(6) Belon, Singularité: , 1554, livr. II, cap. xci. — Guibourt, in Comp. rend. Ac.
sc., 21 juin 1858, 1213. — IIanbury, in Journ. of the Linn. Soc., Zool., 1859, III,
178; Science Paper s, 1876, 158, 159.
17) Dobson, Proceed. of Roy. Soc. of Van Diemens Land, 1851, I, 234 ; Pharm.
oui n. , 1863, IV, 108. — Flückiger, in Vierteljahresschr., de Wittstein, 1868, XVII,
191 ; Archiv der Pharm., 196 (1872), 7 ; in Ycarbook ofPharm.,\sn, 188.
60
OLÉACÉES.
à réceptacle convexe. I.e calice est gamosépale, petit, à quatre dents, deux anté-
rieures et deux latérales, calvaires dans la préfloraison. La corolle est formée de
quatre pétales blancs, beaucoup plus longs que les sépales, unis à la base, calvaires
dans la préfloraison, étroits, caducs. I.'androcée se compose de deux étamines libres,
latérales, à filet grêle et, à anthère biloculaire, déhiscente par «leux fentes latérales.
Dans les fleurs femelles, les étamines manquent complètement. Le gynécée, très-ru-
dimentaire dans les fleurs mâles, est composé dans les fleurs hermaphrodites et les
fleursïemelles de deux carpelles situés l’un en avant, l’autre en arrière, réunis en un
ovaire biloculaire ovoïde, surmonté d’un style court à extrémité stigmatique bilo-
bée. Chaque loge ovarienne contient deux ovules descendants, anatropes, insérés
sur un placenta axile, collatéraux, à micropyle dirigé en haut et en dedans et à
raphé regardant le dos de la loge. Le fruit est une samare linéaire à aile bilaté-
rale. Elle a 2 centimètres de long sur 3 à 4 millimètres de large; elle est émarginée
obliquement au sommet et souvent surmontée d’une pointe formée par le style per-
sistant, atténuée et un peu tronquée à la base. Le fruit ue contient, par suite d’avor-
tement de l’une des loges et de l’un des ovules de celle qui persiste, qu’une seule
graine, descendante, à peu près cylindrique et linéaire, renfermant sous ses tégu-
ments un embryon droit, entouré d’albumen.
Sous le nom de Fraxinus rotundifolia L. ( Spec ., 1510) ou Ornus rolundifolia
Link ( Enum ., Il, 452), quelques auteurs conservent, comme espèce distincte, une
variété du Fraxinus Ornus qui croît dans le Levant et dans la Calabre et qui ne se
distingue de la variété précédente que par ses folioles subsessiles, arrondies, ovales,
aiguës, serretées vers l’extrémité, entières et un peu cunéiformes à la base, lisses
en dessous. Cette plante fournit de la Manne comme la précédente. [Trad.]
(6) Le Fraxinus excelsiorL. [Spec., 1509) ou Frêne commun se distingue nette-
ment du précédent par ses fleurs apétales, caractère qui lui avait fait donner par les
anciens le nom de Frêne sans fleurs. C’est un arbre de 10 à 12 mètres de haut. Les
feuilles ont de neuf à treize folioles pétiolulées, ovales-lancéolées ou oblongues,
acuminées, dentées, velues en dessous de chaque côté de la nervure médiane. Les
bourgeons sont noirs. Les fleurs sont polygames, disposées en grappes de cymes, axil-
laires. Le calice est formé de quatre sépales valvaires, unis à la base. La corolle est
nulle. L’androcée se compose de deux étamines latérales à anthères introrses. Le
gynécée ressemble à celui de l’espèce précédente. Le fruit est également une sa-
mare ; il est elliptique, arrondi à la base, tronqué ou obliquement emargiué au
sommet, qui est mucrouulé, par le style persistant. Grenier et Godron [Fl. Fr.} II,
471) distinguent trois variétés de Fraxinus excelsior :
a. borealis, à folioles lancéolées ;
p. auslralis, â folioles plus étroites, oblongues-lancéolées ;
y. monophylla, à foliole terminale seule développée, les folioles latérales n existant
pas.
Le Fraxinus excelsior fournit incontestablement une certaine quantité de Manne.
Les feuilles sont considérées comme douées de propriétés purgatives analogues a
celles du Séné. Elles passent aussi pour diurétiques. Son écorce est un peu amère et
a été regardée comme tonique et même fébrifuge. La première de ces deux actions
est seule admissible. .
L'Écorce de Frêne [Cortex Fraxini, Cortex Linguœ Avis) est aujourd hui tout a
fait abandonnée et ne doit être mentionnée que pour mémoire. On la trouve en
plaques enroulées ou en forme de gouttières, minces, provenant de jeunes rameaux.
Sa face externe est lisse, grisâtre ou jaunâtre, couverte de petites verrues saillantes
61
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
blanchâtres. Sa face interne est lisse, jaunâtre ou brunâtre. Sur une coupe trans-
versale mince, elle offre de dehors en dedans : 1° un faux suber peu épais rempli de
chlorophylle, à cellules irrégulières brunâtres ou jaunâtres, sèches, plus ou moins
aplaties ; 2" un parenchyme moyen à grandes cellules allongées tangentiellement,
parmi lesquelles sont disséminées des cellules sclérenchymateuses jaunâtres, à parois
épaisses ponctuées, isolées ou réunies en petits groupes irréguliers ; 3° une courbe
mince de cellules sclérenchymateuses, â parois épaisses et jaunâtres, ponctuées. Ces
cellules forment une zone circulaire non continue, immédiatement en contact avec
le liber. Au milieu des cellules sclérenchymateuses de cette zone sont distribués de.
petits groupes d’éléments proscnchymateux, à parois épaisses, qui, sur la coupe trans-
versale, se distinguent, par leur diamètre moindre et, leur forme plus régulière, des
cellules sclérenchymateuses voisines. Ces petits groupes représentent, des fais-
ceaux libériens primaires ; 4° un liber composé de fibres et de. parenchyme libériens.
Ses faisceaux sont séparés l'un de l’autre par des rayons médullaires très-visibles,
formés chacun de deux ou trois rangées radiales de cellules quadrangulaires ou un
peu allongées radialement. Chaque faisceau est formé de trois sortes d’élé-
ments : des fibres à parois épaisses, brillantes, et à cavité très-étroite, disposées par
petits groupes et formant des cercles assez réguliers ; des fibres â parois minces des-
tinées à s’épaissir plus tard ; et du parenchyme libérien. Cette écorce est dépourvue
d’odeur ; sa saveur est amère et astringente.
L’écorce de frêne contient du tannin et une substance particulière, retirée, en 1 839,
par Salm-Horstmar, la Fraxinc (voir p. 33). [Trad.]
HUILE D’OLIVE.
Oleum otlvx ; angl., Olive OU, SaladOil; àllem., Oliuenôl, Baumol, Provencer Oet.
Origine botanique. — Olea europêea L. C’est un arbre toujours vert,
qui dépasse rarement 12 mètres de haut, mais atteint un âge très-
avancé. On le cultive beaucoup sur les bords de la Méditerranée, jus-
qu’à une altitude de 600 mètres au-dessus du niveau de la mer (1). On
a soupçonné que l 'Olea cuspidala Wall (Olea ferruginea Roy le), qui
abonde dans l’Afghanistan, le Beluchistan et le Sind occidental, était la
forme sauvage de Y Olea europæa; mais il est regardé par Brandis (2)
comme une espèce distincte. Il ne paraît pas avoir encore été cultivé ;
cependant son fruit, qui est de petite taille et peu abondant, est suscep-
tible de fournir une huile de bonne qualité (a).
Historique. — D’après les recherches faites par Ritter (3) et A. de
(1) Grisebach [Die Vegèt. der’Erde nach ihrer klimatologischen Anordnung, 1872, I,
ÜG2, 283, 342) a établi que les limites de la culture de l’Olivier au-dessus du niveau de
la mer sont les suivantes : en Portugal (Algarve), 420 mètres; dans la Sierra Nevada,
000 mètres; sur les pentes occidentales de la même chaîne, 1-260 mètres; sur l’Etna,
060 mètres ; en Macédoine, 300 mètres; eu Cilicie, 000 mètres.
(2) Forent Flora of North-Westem ancl Central India , 1874, 307.
(3) Erdkunde von Ani.cn, 1844, VII, P. 11, 510-537.
62 ObÉACÉES.
Candolle (1), on ne peut pas dputer que l’Olivier ne soit originaire de la
Palestine et peut-être de l’Asie Mineure et de la Grèce. Schweinfurth (2)
le considère comme incontestablement sauvage dans les montagnes
d’Elbe et de Soturba, 22° nord de latitude', sur les côtes occidentales de
la mer Rouge, qu’il visita en 1868. L’Olivier paraît avoir été introduit à
une époque très-reculée dans le nord de l’Afrique et en Espagne. 11
réussissait très-bien dans la Cyrénaïque, dès l’époque de Théophraste,
au troisième siècle avant Jésus-Christ.
Aujourd’hui, on le cultive beaucoup en Algérie, en Espagne, en Por-
tugal, dans le midi de la France, en Italie, dans la péninsule grecque
et en Asie Mineure. En Crimée il pousse bien, mais ne donne pas de bon-
fruits. 11 a été transporté à Lima (Pérou), en 1560, et y réussit bien
encore dans les vallées de la côte, en descendant vers le sud jusqu’à
Santiago dans le Chili (3).
L’huile d’olive est si fréquemment mentionnée dans la Bible qu'elle
doit avoir constitué un des produits importants des anciens Hébreux.
Elle occupait une place égale chez les Grecs et chez les Romains (4).Leuis-
écrivains sur l’agriculture et l’histoire naturelle en parlent de la façon
la plus détaillée. Les fruits de l’Olivier conservés dans la saumure ser-
vaient chez les Romains à l’alimentation et constituaient, dès le hui-
tième siècle (5), un objet important de commerce avec le nord de l’Eu-
rope.
Production. — De même que la plupart des plantes importantes cul-
tivées, l’Olivier offre plusieurs variétés qui diffèrent plus ou moins de
la forme sauvage, et dont les plus belles sont propagées à l'aide de la
greffe. On le multiplie aussi à l’aide des rejets que les vieux arbres pro-
duisent sur leurs racines, et qui se développent facilement en plantes
indépendantes (6). Le fruit est une drupe ovale, longue de 1 à 3 centi-
mètres ou plus, colorée en pourpre foncé et remarquable par la grande
quantité d’huile grasse que renferme sa partie charnue ou sarcocarpe. Ce
dernier est plus riche en huile lorsqu’il est mûr. 11 en contient alors près
de 70 pour 100 et 25 pour 100 d’eau. Avant sa maturité, le fruit est,
(I) Géographie botdnique, ISotJ, 912.
Î2) Bot. Zeit ., 1868, 860.
(3) Perez- Rosaces, Essai silr le Chili, Hambourg, 1857, 133.
(/,) Hehn, Kulturpfianzen und Hausthiere in ilirem Uebergailge aus Asie n nach
Griechenland wld Italien, Berlin, 1870, 44-60. 'Cet ouvrage contient des détails intéres-
sants sur l’importance de l’olivier dans l’antiquité.
(B) Diplôme de Chilpéric , 616 ap. J.-Ç. - Pardessus, Diplomata, Chartæ, etc. Paris,
1849, II, 309.
(6) Winter, in Pharm. Journ .,7 sept. 1872.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 63
comme les autres parties de la plante, riche en mannite, qui disparaît
à mesure que l’huile se forme. L’olive mûre ne contient plus de man-
nite, celle-ci s étant probablement transformée en huile grasse (1).
Les procédés d’extraction de l’huile varient un peu avec les pays,
mais consistent, d’une façon générale, à soumettre la pulpe crue du fruit
mûr à une pression modérée. On cueille les olives sur les arbres ou on
les ramasse sur le sol, en novembre, ou pendant toute la durée de l’hiver
ou au commencement du printemps, et on les réduit, sous une meule en
pierre, en une masse pulpeuse. On place cette dernière dans de larges
sacs qu’on empile les uns au-dessus des autres, et qu’on soumet à une
pression modérée dans un pressoir à vis. L’huile ainsi obtenue est con-
duite dans des cuves ou des citernes pleines d’eau, à la surface de la-
quelle on l’écume avec des cuillers. On nomme cette première huile
Huile vierge. Après qu’elle a cessé de couler, le contenu des sacs est
versé dans de l’eau bouillante et soumis à une pression plus forte' que
la première, qui donne une huile de deuxième qualité. Lorsqu’on laisse
les fruits trop longtemps entas, ils se décomposent et donnent à la pres-
sion une qualité d'huile très-inférieure, nommée en France Huile fer-
mentée. L huile la plus inférieure, retirée des résidus, porte le nom
d 'Huile tournante ou Huile d'enfer (2).
Il paraît que dans quelques pays les meules en pierre sont établies
de façon à écraser la pulpe sans briser le noyau. On obtient ainsi l’huile
de la pulpe sans mélange avec celle de l’amande (3). Nous avons fait
quelques recherches en Italie et en France au sujet de ce procédé de
fabrication, mais nous n’avons pas pu découvrir les endroits où il est
employé {b).
L’huile fixe de l’amande des olives mûres a été extraite et étudiée
par l’un de nous (F.). Quoique les amandes aient une saveur amère,
I huile qu elles fournissent est tout à fait douce ; par exposition à la
sapeur de 1 acide hyponitrique, elle se concrète comme celle de la
pulpe. Si on l’obtenait tout entière en fabricant l’huile d’olive, celle-ci
contiendrait environ une partie d’huile d’amande et quarante parties
d’huile de pulpe.
(1) De Luc a, in Journ. de Pharm., 1864, XLV, 614. Ann. aes sc. nat, 1861 . - Ou
es 1 cchcrches de Ilarz sur la formation de l’huile d’olive dans ViertCljahrcs -
c/irift fürprakt. Pharm., de Wittstein, 1870, 161.
(2) Le nom à Iiuile d enfer vient de ce que les bassins dans lesquels on la recueille
son nommes enfers. Ce sont des citernes voûtées, bien étanches, qui communiquent
Ca, “nCT,1 2 * * S,)1Vf lcs auU;(i's Par ^s siphons. ( Voy. Coutance, l’Olivier, 1877, 202.) [Trad.]
U j K <-r>'ocert 25 avril 1868, Supplément. — Pereira, H lem. of Mat. med., 1850,
OLÉACÉES.
64
Description. — L’huile d’olive est un liquide jaune pâle ou jaune
verdâtre, un peu visqueux, d’une odeur agréable et d’une saveur douce,
oléagineuse, suivie d’une légère sensation d’âcrcté (I). Son poids spé-
cifique est, en moyenne, 0,916 à 17° G: Dans l’eau froide, l’huile d’olive
perd sa transparence par suite de la séparation d’un corps gras cristal-
lin. Ce dépôt sc forme à quelques degrés 'au-dessus du point de congé-
lation de l’eau, et même dans quelques huiles à 10° G. Lorsqu’on fait
congeler l’huile complètement et qu’on la soumet alors à une forte pres-
sion, on peut en séparer environ le tiers de son poids d’un corps gras
solide. Après des cristallisations répétées, ce dernier fond entre 20°
et 28° G. La partie liquide ou Oléine reste fluide jusqu’à — 4° à — 10° C.
L’huile d’olive appartient à la classe des huiles non siccatives les moins
altérables.
La description que nous venons d’en donner ne s'applique pas aux
sortes inférieures, qui se congèlent plus facilement, ont une coloration
plus ou moins foncée, une odeur et un goût désagrables et deviennent
très-vite rances. Ges huiles inférieures trouvent leurs applications par-
ticulières dans l’industrie.
Composition chimique. — Le principe le plus important de l’huile
d’olive est Y Oléine ou, plus correctement, la Trioléine C(l) * 3H303, 3GIRH330,
identique, autant que nous pouvons l’affirmer aujourd’hui, avec la partie
fluide de toutes les huiles non siccatives. La proportion d’oléine qui existe
dans l’huile d’olive aussi bien que dans les autres huiles est soumise à
des variations qui résultent en partie dès circonstances naturelles et en
partie des procédés de fabrication. Les meilleures huiles sont compara-
tivement riches en oléine. Chevreul pensait que la partie solide de
l’huile d’olive était la Margarine , qu'il observa la première fois en 1820,
mais Heintz (1852 et plus tard) a montré que la margarine est nn mé-
lange de palmitine avec d’autres composés de glycérine et d acides
gras. Collet, en 1854, isola V acide Palmitique, C16H3202, de l’huile d’olive.
Heintz et Krug, en 1857, ont prouvé en outre que la Tripalmitine est le
principal constituant de la partie solide de l’huile d’olive. Ils y trouvè-
rent aussi un acide qui fond à 71°, 4 G., et qu’ils regardèrent comme étant
Y acide Arachique. Heintz et Krug ne parvinrent pas à démontrer la pré-
sence de l’acide stéarique dans l’huile d’olive.
Enfin, Benecke a découvert dans l’huile d’olive une petite quantité
(l) D’après nos expériences, cet arrière-goût est produit même par 1 huile qui
s’écoule de la pulpe et qui est de la plus grande fraîcheur, mais il est plus sensible avec
l’huile qui a été longtemps conservée.
63
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
de Cholestérine, GMHuO, qu’on peut enlever au moyen de l’acide acé-
tique froid ou de l’alcool, qui 11e dissolvent qu’une très-petite partie de
l’huile.
Commerce. — On distingue sur le marché anglais plusieurs sortes
d’huiles d’olive, notamment celles de Florence, de Gallipoli, de Gioja,
d’Espagne (Malaga et Séville), de Sicile, de Mytilène, de Gorfou et de
Mogador.
Pendant l’année 1872, il fut importé dans le Royaume-Uni pour
1 193 064 livres sterl. d’huile d’olive. Près de la moitié de cette quan-
tité avait été expédiée d’Italie, un cinquième d’Espagne et le reste des
autres ports de la Méditerranée.
La production annuelle moyenne de l’Italie est estimée à plus de
1 500000 hectolitres, représentant une valeur de 8 millions de liv. st. ,
mais la quantité exportée ne dépasse pas la valeur de 2800000 liv. st. (1).
D’après les statistiques du gouvernement français, la production an-
nuelle de l’huile d’olive eu France ne dépasse pas 250000 hectolitres,
représentant 30 millions de francs (2).
lisages. — L’emploi de l’huile d’olive en médecine et l’immense
consommation qui s’en fait pour l’alimentation dans les parties
chaudes de l’Europe sont trop connus pour que nous ayons besoin d’v
insister (c).
Falsification. — L’huile d’olive étant sujette à être mélangée fraudu-
leusement avec un grand nombre d’huiles moins coûteuses, les moyens
de découvrir ces fraudes ont beaucoup attiré l’attention. Parmi les
divers procédés qui ont été tentés par les chimistes pour s’assurer de
la pureté de l’huile d’olive, les plus dignes d’attention sont les sui-
vants :
a. Les huiles siccatives (comme celles de pavot et de noix) peuvent
être distinguées à ce qu’elles ne se convertissent pas en élaïdine solide
cristal! isable sous l’influence de l’acide hyponitrique ou d’une solution
concentrée de nitrate de protoxyde de mercure. Toute huile d’olive
qui contient une proportion un peu considérable de l’une de ces huiles
ne se solidifie pas lorsqu’on l’expose pendant un moment à l’un des
réactifs mentionnés plus haut. Cependant ces moyens 11e sont pas suffi-
samment délicats pour révéler la présence d’une petite quantité d huile
siccative.
(1) Juum. of Soc.'oj Arts, 22 mai 1868.
(2) Exposition de Paris de 1867, Rapports du jury international , XI, 108.
lltST. UES DROGUES, T. II.
ou
OLÉACÉES.
./'• L’huile d’olivo élanl des huiles les plus légères, le poids spé-
cifique peut indiquer, dans une certaine limite, son mélange avec une
huile plus lourde. Pour tirer parti de cette propriété, Gobley et d’autres
chimistes ont (inventé un instrument nommé Elaïomètre, destiné à in-
diquer le poids spécifique des huiles.
c. L’huile d’olive mélangée à de l'acide sulfurique concentré aban-
donne moins de calorique que la plupart des huiles analogues traitées
de la même façon, mais comme l’estimation de la quantité de calorique
dégage demande, une grande habileté d’expérimentation, cette méthode
ne peut pas être d’une grande utilité pratique.
d. Observation de la figure de cohésion. _ Ce procédé, proposé par
M. Tomhnson en 1864 (1), repose sur les forces de cohésion, d’adhésion
et de diffusion. Lorsqu’une goutte d’huile suspendue à l’extrémité d’une
baguette de verre est déposée doucement à la surface d’une eau chimi-
quement pure, contenue dans un verre propre, il se produit une lutte entre
les forces en question, au moment où la goutte d’huile tombe en vertu de
son poids sur la surface de l’eau. L’adhésion de la surface liquide tend
à etaler la goutte d’huile, la force de cohésion des particules de la
goutte tend à prévenir cette extension, et la résultante de ces forces
est une figure que M. Tomlinson considère comme définie pour chaque
sorte de liquide. La figure ainsi produite porte le nom de figure de
Cohésion. Il est nécessaire de faire un grand nombre d’expériences
soigneuses avec des matériaux d’une pureté incontestable, pour arriver
à démontrer la possibilité d’appliquer cette méthode de recherche
h l’huile d’olive. D’après les figures données par M. Tomlinson, nous
craignons qu il n’y ait guère d’espoir de pouvoir l’appliquer à la re-
cherche de l’huile de sésame, à moins que cette dernière n’existe en
très-forte proportion.
Autant que nous pouvons en juger d après nos propres expériences,
les moyens que nous venons d’indiquer pour essayer l’huile d’olive (et
il en est plusieurs autres que nous n’avons pas mentionnés) ne sont
utiles que dans les cas où la falsification est considérable et sont tout
à fait insuffisants pour découvrir le mélange d’une petite quantité d au-
tres huiles avec 1 huile d olive. On peut juger du peu de valeur qu’on
leur accorde parce fait que la Chambre de commerce de Nice (2) a pro-
posé récemment une récompense de 15000 francs pour tout procédé
(1) Phanm. Joarn., 1864, V, 387, 495, avec des ligures,
(âj Annales de Chimie et de Physique, murs 1869, 309.
HISTOIRE DES DROGUES D’OIüGINE VÉGÉTALE. 07
simple et facile de faire reconnaître le mélange avec l’huile d'olive de
5 pour 100 au moins d’une autre huile de graines.
(a) Les Olea Tournefort ( Instit ., 598, t. 370) sont des Oléacées de la tribu des Oléi-
nées, à périanthe tétramère, à deux étamines exsertes, à fruit drupacé ordinairement
uniloculaire et monosperme par avortement.
L 'Olea curopœa L. ( Spec ., 1 1 ; — Olea sa-
liva Hoffmansegg.) est un arbre toujours
vert à coloration générale grisâtre, à branches
rigides, blanchâtres. Les feuilles sont oppo-
sées, simples, entières, à bords un peu réflé-
chis en dessous, lancéolées ou ovales-lancéo-
lées, mucronées, courteinent pédonculées,
glabres et lisses, vertes en dessus et grisâtres
en dessous, coriaces, à nervures peu mar-
quées. Les fleurs sont disposées en grappes
simples ou composées, axillaires, dressées,
plus courtes que les feuilles. Les fleurs sont
hermaphrodites et régulières, à réceptacle
convexe. Le calice est gamosépale, cupuli-
forme, vert, coriace, découpé en quatre dents
courtes et arrondies. La corolle est gamosé-
pale, à tube court, ne dépassant guère le
calice, à limbe divisé en quatre lobes rota-
cés, aigus, d’un blanc jaunâtre, assez épais, Fig. pjo. olea euvopm.
à préfloraison valvaire indupliquée, alternes
avec les sépales. L’androcée se compose de deux étamines latérales, connées au tube
de la corolle, de même longueur que les pétales, à filet court et grêle, il anthère
volumineuse ovoïde, basifixe, biloculaire, déhiscente par deux fentes longitudinales
Fig. 137. Olea europoiu.
Fleur entière.
Fig. 138. Olea europxa. Fleur.
Coupe longitudinale.
Fig. 139. Olive.
Coupe longitudinale.
extrorses. L’ovaire est il peu près conique, atténué en un style cylindrique qui se
divise en deux gros lobes stigmatiques divergents. Il est divisé en deux loges, l’une
antérieure, l’autre postérieure, contenant chacune deux ovules anatropes, insérés
dans l’angle interne, descendants, à micropyle dirigé en haut et en dedans et à
raphé dorsal. L’une des loges avorte d’ordinaire complètement ainsi que l’un des
ovules de celle qui persiste. Le fruit est une drupe ovoïde, elliptique ou plus ou
moins arrondie, il épicarpe vert d’abord, puis pourpre et presque noir, à chair
68
ÜLÉACÉliS.
«ihondante, gorgée il huile, a noyau ligneux dur et épais contenant d'ordinaire une
>lu1i, gi aine suspendue, Celle-ci renferme sous ses téguments un albumen charnu
qui enveloppe complètement un embryon droit, formé de deux cotylédons charnus
et d’une radicule conique dirigée vers l’extrémité libre du fruit.
Beaucoup d’auteurs admettent dans VOlea europaia deux variétés :
a. oleaster, Olivier sauvage.
P. saliva , Olivier cultivé.
Il est loi t probable que ces deux variétés ne sont dues qu’à la culture. Les fruits
de la première variété sont d’ordinaire plus petits et moins riches en huile, mais
cette dernière esl plus agréable au gout et se conserve davantage que celle des fruits
plus volumineux de la. deuxième variété. Les feuilles de la première sont plus espa-
(ées, plus xertes, plus courtes et plus étroites, ses rameaux sont plus quadraugu-
laiies et souvent terminés par une pointe droite et dure ', son écorce est plus lisse et
plus grise.
L époque a laquelle ou effectue la récolte des olives influe beaucoup sur les
caractères de l’huile. Certains agriculteurs conseillent de cueillir les olives vers
mois de novembre, avant qu’elles noircissent, d’autres, lorsqu’elles sont tout à fait
mûres. Les premières donnent une huile verte, les secondes une huile blanche,
mais moins agréable au goût.
En b rance, la culture de 1 Olivier est limitée à douze départements groupés de la
façon suivante: l’Ardèche et la Drôme sont les moins productifs; dans l'Aude et
celui de Vaucluse il est davantage cultivé ; les Basses-Alpes viennent ensuite, puis
1 Héiault, le Gaid, les I yrénées-Orientales, ou il est beaucoup plus commun ; son
abondance augmente ensuite graduellement dans la Corse, les Bouches-du-Rhône,
et enfin les Alpes-Maritimes et le Var, qui sont les plus productifs (1).
En Espagne, l’orientation générale des montagnes de l’est à l’ouest agit très-puis-
samment sur la culture de l’Olivier. L’arbre croît bien sur les pentes dirigées vers le
sud et s y élève même a des altitudes considérables, tandis qu’il ne pousse pas sur
les pentes dirigées vers le nord. D’après M. D. J. H. Tablada, l’Olivier ne peut être
cultivé en Espagne avec profit que dans les localités dont la température moyenne
est de 13° C. pour le printemps, de 21° C. pour l’été et de 14° C. pour l’automne,
et où le thermomètre ne descend pas à 0° en hiver. Certaines variétés supportent eu
outre des températures nuisibles à d’autres (2). [Trad.]
[b) M. Coutance (3) figure et décrit les meules employées autrefois pour déchirer
la pulpe du fruit sans broyer le noyau, mais il ne fait nullement allusion à l’emploi
actuel d’aucun procédé de cette nature. 11 est au moins probable que dans le midi de
la France, où habite cet auteur, on broie partout l’olive entière pour retirer à la fois
l’huile du péricarpe et celle de l’amande. [Trad.]
(c) Les olives vertes destinées à être servies sur les tables et qui dans le midi de
1 Europe constituent une partie importante de 1 alimentation ont naturellement une
saveur amère très-prononcée qui empêche de les consommer directement. Pour faire
disparaître ce goût désagréable, on les fait macérer pendant quelques jours dans une
lessive de cendres de bois ou parfois de cendres de noyaux d’olives, puis- on les place
dans la saumure (100 gr. de sel pour 1 000 gr» d’eau).
(1) Coutance, l 'Olivier, Paris, 1877, 153.
(2) Voy. Coutance, loc. cit ., 156.
(3) Luc. cit., 283,101.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE,
09
APOCYNACÉES
ÉCORCE D’ALSTONIA.
Cortex Alatoniæ Sctiolaris ; nngl.. Alatonia Car le ; allcm.. Jh'tnrmle,
Origine botanique. — Alstonia (I) scholaris R. Brown (Ec, hiles schola-
ris L.). C’est un bel arbre qui atteint plus de 13 mètres, et quelquefois
jusqu’à 23 à 27 mètres de haut (2), commun dans les forêts de la pénin-
sule indienne, depuis l’Himalaya jusqu’à Ceylan et Burma. On le trouve
aussi dans les Philippines, à Java, à Timor, dans l’est do l’Australie et
dans l’Afrique tropicale. Les feuilles sont oblongues, obovales ; les cap-
sules sont grêles, pendantes, et atteignent 30 centimètres ou'davantago
de long (a).
Historique. — Rheede (3), en 1678, et Rumphius (4), en 1 741 , ont décrit
et figuré cet arbre et mentionné l’usage fait de son
écorce par les médecins indigènes. Rumphius dit que
son nom spécifique scholaris vient de ce que son bois
à grain fin est employé pour faire des planches sur
lesquelles on écrit comme sur les ardoises de nos
écoles. Graham parla avantageusement des propriétés
toniques de son écorce, dans son Catalogue of Bom-
bay Plants (1839), et elle fut recommandée plus tard,
en 1853, par le docteur Alexandre Gibson (5).- Cette
drogue a sa place dans la Pharmacopée de l’Inde de
1868.
Description. — La drogue, telle qu’elle a été
présentée à l’un de nous par le Dr Gibson et par
M. Broughton d’Ootacamund, consiste en fragments
irréguliers d’écorce ayant de 2 à 3 millimètres d’épais-
seur. Elle est spongieuse et se brise facilement ; sa
cassure est grossière et courte. La surface externe est
très-inégale et rugueuse, brunâtre ou gris foncé, quel-
quefois semée de taches blanchâtres. L’intérieur et la surface interne
Fig. 140. Ecorce
A Alatonia Scholaris.
(1) Ainsi nommée en l’honneur do Charles Atslon, professeur de botanique et de
matière médicale (1740-,17G0) fi l’Université d’Edinburgh.
(2) D’après Brandis (Far. Flor.of centv. and wednni India).
(3) Hortus malabancit.i, I, t. 43. — Wight, Icônes Fl. Ind. or., t. 422.
(4) Herb. Am.b., II, t. 82.
(3) Pharm. Journ., 1853, XII, 422.
70
APOCYNACÉES.
<lu liber sont colorés en chamois clair. Sur une section transversale, le
liber se montre traversé par de nombreux rayons médullaires étroits.
Ciette écorce est presque inodore, son goût est simplement amer, sans
Acreté ni arôme.
Structure microscopique. — L’écorce est revêtue d’une couche
mince de suber. Sa couche moyenne est composée de cellules parenchy-
mateuses à parois minces, au milieu desquelles sont dispersées en grand
nombre d’immenses cellules à parois dures, épaisses, formant des
groupes irréguliers de couleur jaune, visibles même à l’œil nu. Vers la
région interne, ces cellules pierreuses disparaissent et le tissu est tra-
versé par des rayons médullaires onduleux, dont les cellules sont rem-
plies de petits grains d’amidon. Un grand nombre des cellules paren-
chymateuses du liber contiennent des cristaux d’oxalate de calcium.
Sur une coupe longitudinale, le liber montre des vaisseaux laticifères
larges, mais peu nombreux, formés par des cellules ordinaires, dont
les parois transversales sont détruites. Ces vaisseaux sont remplis
d’un latex brunâtre concrété, qui abonde dans toutes les parties de
l’arbre [b).
Composition chimique. — Gruppe (1), pharmacien à Manille, a re-
tiré de cette écorce une substance amère, incristallisable, qu’il nomme
Dilaïne (2), et à laquelle il attribue les propriétés fébrifuges de la drogue.
D’après les recherches chimiques faites sur l'écorce d’une plante voisine
d’Australie, YAlstonia constricta F. Mülleiï, on peut supposer que le
principe amer de YAlstonia scholaris n’est pas un alcaloïde. L’écorce
australienne analysée par Palm, dans le laboratoire de Wittstein (3),
donna un corps résineux, amorphe, amer, soluble dans l'alcool, mais
très-peu soluble dans l’éther et l’eau, une huile essentielle à odeur
camphrée, et une substance tannique, colorée en vert par les sels de fer.
Palm s’assura que le principe amer n’était pas une base. L’écorce aus-
tralienne, dont un échantillon a été présenté à l’un de nous par le doc-
teur Wittstein, est tout à fait différente parles caractères anatomiques
de celle de YAlstonia scholaris (4).
(1) Zeitschrift des Œsterreich. Apoth.-Vereins, 1873, 219.
(2) De Dita, nom de l’arbre dans l’ile de Luzon.
(3) Viertelj ahresschrift für prakt., 1863, XII, 161.
(4) MM. Hesse et Jobst (in Annalcn der Chemie, 178, 1876, 49) viennent de con-
stater la présence, dans l’écorce de YAlstonia scholaris, de deux alcaloïdes, la Ditamine,
soluble dans l’éther, et la Ditaine, qui se dissout dans l’eau, mais pas dans l’éther.
L’écorce contient de plus un acide huileux, deux substances amorphes, YEehicaout
chine, CS8HwO*, et VÉchirétine C^II5C01 2 3 4, dont la solution dans l’éther est dextrogyre;
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 7J
Usages. — L’écorco d’Alstonia a été recommandée comme tonique et
antispériodique, mais ollo n’a pas encore été employée en Europe (I).
(a) Les Alslonia R. Brown (in Mem. Wern. Soc., I, 75) sont des Apocynacées, de la
tribu des Plumériées, à feuilles vertieillées ou opposées, à calice dépourvu d’écailles
et de glandes, à. corolle dépourvue
de couronne, à étamines incluses ;
à gynécée formé de deux carpelles
distincts dans la portion ovarienne,
multiovulés, à fruit formé de deux
follicules linéaires.
L 'Alslonia scholaris R. Brown
(in Mem, Wern. Soc., I, 75) est un
grand arbre glabre, dont les inflores-
cences seules sont velues. Les feuilles
sont vertieillées en nombre variable (/
entre cinq et sept. Elles sont sim-
ples, entières, coriaces, luisantes en
dessus, opaques et pâles en dessous,
oblongues ou obovales-oblongues,
obtuses, rarement aiguës, atténuées
à la base en un pétiole court, munies
de nervures secondaires pennées,
nombreuses, transverses et parallè-
les. Les fleurs, colorées en blanc
grisâtre, sont relativement petites et
disposées en panicules de cvmes
ombelliformes disposés dans Fais-
selle des verticilles terminaux des
feuilles. Le calice est gamosépale,
pubescent, à tube obeonique, court,
découpé en cinq petites dents. La
corolle est gamosépale et pubescente
comme le calice, h tube cylindri-
que et a limbe formé do cinq lobes plus courts que le tube, étalés. L’androcée
est formé do cinq étamines à filets courts insérés sur la gorge de la corolle en alter-
nance avec les lobes, à anthères biloculaires introrses, déhiscentes par deux fentes
longitudinales. Le gynécée se composo do deux carpelles libres dans la portion
liesse et Jobst ont enfin isolé de i’écorce en question, les trois substances suivantes
eristallisables : 1 ’Êchicérine C®°H«0®, VÉchitine et 1 ’Êchitéine C43H70O2 ; elles
sont dextrogyres toutes les trois.
Ces trois substances paraissent être très-voisines de plusieurs principes également
eristallisables que l'on a découverts dans le latex d’autres plantes, par exemple dans
celui du Cynanchum acutum L., du Galactodendron utile Kuntii, du Lactuca virosa
L., de l’ Euphorbia resinifera Berg, de YAntictris toxicaria Leschenault. — Ces sub-
stances, produites toutes, autant que l’on peut en juger, dans des vaisseaux laticifôres,
méritent une étude d’ensemble approfondie. [P. A. F.]
(1) On Fa récemment préconisée ii outrance à Manille comme substitutif de la
quinine.
Fig, 141. Ecorce A'Alstonia scholaris.
Coupe transversale.
72
ASCLÜPIADACÉES.
ovarienne, velus, surinonjés d’un style cylindrique que termiue un stigmate renflé
en boule. Chaque loge contient un nombre indéfini d’ovules nnnfropes, insérés dans
1 angle interne. Le fruit consiste en deux follicules grêles, allongés, distincts, con-
tenant. un grand nombre de petites graines oblongues, comprimées, peltées, cou-
vertes sur le bord de longs poils, et contenant un albumen peu abondant et un
embryon à radicule supère et il cotylédons oblongs, aplatis. [Trad. |
[b) Ainsi que le montre la figure I il, l’écorce (Y Alslonia offre de dehors en dedans :
1° une. couche de subor a, formée de petites cellules tabulaires, aplaties, à parois
minces sèches et brunes ; 2° une couche de cellules sclérenchymateuses b, de môme
forme que les précédentes, mais se distinguant par des parois épaisses, dures, jau-
nâtres, fortement ponctuées. Le bord inférieur de cette zone est ordinairement ir-
régulier; 3° un parenchyme cortical épais, c, c, formé en majeure partie de cellules
à parois minces allongées tangentiellement. Dans l’épaisseur de cette zone sont dis-
tribués des groupes, d, J, de grandes cellules sclérenchymateuses à contours irré-
guliers, à parois épaisses, jaunâtres, ponctuées, à cavité parfois très-réduite. Vers la
partie interne du parenchyme cortical sont dispersés des éléments prosenchvmateux,
p, o, fusiformes, à contours elliptiques sur la coupe transversale, à cavité capillaire
et à parois très-épaisses offrant de nombreux cercles concentriques qui répondent à
des couches de densité différente ; 4° un liber formé en majeure partie de paren-
chyme à parois épaisses entremêlées de fibres à parois peu épaisses et contenant
de nombreux vaisseaux laticifères qui, sur des coupes longitudinales, se mon-
trent fréquemment anastomosés et contiennent un latex blanchâtre granuleux,
[Trad.]
ASCLÉPTADACÉES
RACINE D’HEMIDESMUS.
Jtadix Bemidesmi; angl., Hemidesmus liant, IVitnnari liant, ïndian Sarsaparilla.
Origine botanique, — Hemidesmus indicus R. Brown ( Periploca in-
dic.a Willd. , Asclepias pseudo-sarsa Roxb.). C’est un arbuste sarmenteux,
répandu dans toute la péninsule Indienne et à Ceylan. Les feuilles sont
très-dissemblables, les inférieures étant étroites et lancéolées, tandis
qu’elles sont larges et ovales sur les branches supérieures (a).
Historique. — La racine do cette plante est depuis longtemps em-
ployée en médecine, dans les parties méridionales de l’Inde (1), sous le
nom de Nannârî ou Ananto-mül. Ashburner, en 1831, attira le premier
l’attention des médecins européens sur ses propriétés médicinales (2).
(1) La racine indienne figurée par Acosta ( Troctado de las Drogas de las Indias
Orientales, 1578, c. lv), sous le nom de Palode Culebra , ressemble beaucoup à la drogue
en question. Il la décrit aussi comme ayant une odeur douce de mélilot. Il dit que la
plante est nommée, en canarese, Buda Sali. Cette figure est reproduite dans la tra-
duction d’Antoine Colin, mais non dans celle de Clusius.
(2) Land. Med. and Phys. Journal, LXV, 189.
73
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
En 1864, elle fut admise dans la Pharmacopée anglaise, mais son effi-
cacité n’a guère été mise en relief.
Description (I). — La racine d’Hémidesmus se présente en fragments
de 15 centimètres ou davantage de long. Elle est cylindrique, tortueuse,
sillonnée dans le sens de la longueur, épaisse de 5 à 15 millimètres, le
plus souvent simple ou munie de quelques minces radicules. Elle émet
des tiges aériennes ligneuses, grêles, ramifiées, épaisses de 6 millimè-
tres ou même moins. Elle est colorée entièrement en brun foncé, par-
fois avec des reflets gris violacés clairs, visibles surtout au soleil. Cette
racine est dure. Sur une section transversale, elle offre une couche ex-
térieure corticale blanchâtre, brunâtre ou légèrement violette, n’ayant
pas plus de 2 millimètres d’épaisseur, et un cylindre ligneux jaunâtre,
séparé de l’écorce par une ligne foncée, ondulée, de tissu cambial. Dans
les gros fragments, ni le bois, ni l’écorce n’offrent de structure radiée ;
dans ceux qui sont plus minces, la partie ligneuse montre des rayons
médullaires. La partie intérieure, qui est très-mince, se sépare facile-
ment de l’écorce, qui est fréquemment marquée de larges crevasses
transversales. La racine exhale à l’état frais et sec une odeur faible,
mais agréable, analogue à celle de la fève tonka et du mélilot. La ra-
cine sèche a une saveur sucrée mélangée d’un peu d’âcreté. Les tiges
sont presque insipides et inodores. La racine qu’on trouve sur le marché
anglais est souvent de très-mauvaise qualité.
structure microscopique. — Le tissu cortical tout entier est formé
d’un parenchyme uniforme, dans lequel on ne peut distinguer ni liber, ni
rayons médullaires, ni mésophlœum. Cependant, à l’aide d’une section
longitudinale, on peut voir quelques vaisseaux laticifères allongés, rem-
plis d’un suc laiteux concrété, incolore. Sur une coupe transversale, ils se
montrent répandus irrégulièrement dans l’écorce, surtout dans ses
couches internes, mais leur nombre n’est même en ce point que peu
considérable. Ils ont fréquemment 30 millièmes de millimètre de dia-
mètre et ne sont pas ramifiés. Le bois est traversé par de petits rayons
médullaires, visibles seulement sur les coupes longitudinales. Le tissu
parenchymateux de la racine est rempli de gros grains ovoïdes d’ami-
don. On n’y trouve guère de matière tannique, si ce n’est dans les cou-
ches subéreuses extérieures.
Composition chimique, — GeLtc racine n’a été soumise à aucun exa-
men chimique sérieux. Son goût et son odeur ne. paraissent pas dus à
(I) Elle est tracée d’après d’excellents échantillons qui nous ont été obligeamment
envoyés de l’Inde par le docteur L. W. Stewart et par M. Broughton.
7i ASCLÜPIADACÉES.
une huile essentielle, autant du moins qu’on peut en juger par l’examen
microscopique. Tl est plus probable qu’on doit les attribuer à un
corps appartenant au même groupe que lacuinarinc. D’après Scott (1),
cette racine donne, par simple distillation avec l’eau, un stéréaptène,
qui est probablement la substance obtenue par Garden, en T 837, et con-
sidérée comme un acide volatil.
Usages. — Cette drogue est considérée comme altérante, tonique,
diurétique et diaphonique ; mais elle est rarement employée, du moins
en Angleterre.
(a) Les ffemidesmus R. Brown (in Mem. Wern. Soc., 1, 30] sont des Asclépia-
dacées, de la tribu des Périplocées, à corolle rotacée et volvaire, à couronne formée
de cinq écailles fixées à la corolle.
L ’Hemidesmus indicus R. Br. (in Hort. Kew., Il, 7o) est une plante tomenteuse,
diffuse, ligneuse, dont la tige à peu près lisse, ne dépasse pas d’ordinaire le diamètre
d’une plume d’oie. Les feuilles sont opposées, courtement pédonculées, dimorphes.
Celles des jeunes pousses qui naissent des vieilles souches et rampent sur le sol sont
linéaires, aiguës et striées de blanc sur le milieti de la face inférieure ; celles des
parties supérieures et des vieilles branches sont d’ordinaire larges, lancéolées, par-
fois ovales ou ovoïdes ; toutes sont entières, lisses, luisantes, coriaces, très-variables
en taille. Elles sont accompagnées de stipules latérales, caduques, petites. Les fleurs
sont disposées en grappes axillaires et sessiles. Elles sont petites, vertes en dehors,
pourpre foncé en dedans. Le calice est gamosépale, à cinq lobes aigus, pourvu do
glandes. La corolle est gamosépale, rotacée, à cinq lobes oblongs, pointus, rugueux;
elle est munie, au niveau de la gorge, de pinq écailles obtuses insérées au-dessous
des sinus. L’androcée est formé de cinq étamines à filets connés au tube de la corolle
et connés entre eux à la base, distincts dans le haut ; à anthères cohérentes entre
elles, dépourvues de barbes, non bifurquées à l’extrémité supérieure, à deux loges
introrses, déhiscentes par deux fentes longitudinales. Le pollen est granuleux, disposé
en masses, attachées dans chaque loge en deux à des appendices dilatés, cuculliformes
des corpuscules. Le gynécée est formé d’un ovaire à deux loges surmonté d’un
style à stigmate aplati, dépourvu de pointe. C.haque loge ovarienne contient un
nombre indéfini d’ovules anatropes insérés dans l’angle interne. Le fruit consiste
en deux follicules cylindriques, très-divariqués, lisses, allongés et grêles, contenant
de nombreuses graines chevelues. Celles-ci renferment, dans un albumen charnu, un
embryon axile, à radicule supère. [Trad.]
ÉCORCE DE MUDAR.
Cortex Mudar ; Cortex Calotropidis ; Ecorce de racine de Mudar; nngl., Mudar.
Origine botanique. — La drogue dont nous allons parler est fournie
par deux espèces très-voisines de Calotropis (a), qui occupent une situa-
(1) Pharmacopœia of India, 457; Chem. Gazette, 1843, 378.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 75
tion géographique un peu différente, mais qui ne sont pas distinguées
l’une de l’autre dans les idiomes de l’Inde. Ges plantes sont :
1° Calotropis procura R. Brown {C. Hamiltonii Wight). C’est un grand
arbuste, haut de lm,80 ou davantage, à feuilles d’un vert foncé, oppo-
sées, ovales, laineuses en dessous, riches en suc laiteux âcre. Il est
originaire des parties sèches de l’Inde, notamment du Deccan, des pro-
vinces supérieures du Bengale, du Punjab et du Sind, mais il est tout
à fait inconnu dans les provinces méridionales. Il s’étend en Perse,
en Palestine, dans la péninsule Sinaïtique, en Arabie, en Egypte, en
Abyssinie, dans les oasis du Sahara et du Soudan et dans la région du
grand lac Tsad (Nachtigal, 1877). Il a été récemment naturalisé dans
les Indes Occidentales.
2 0 Calotropis gigantea R. Brown ( Asclepias gigantea Willden.). C’est
un grand arbuste dressé, haut de 2 à 3 mètres ; sa tige atteint la gros-
seur de la cuisse d’un homme (I). Cette espèce ressemble beaucoup a
la précédente. Elle est indigène des parties basses du Bengale, du sud
de l’Inde, de Ceylan, de la péninsule malaise et des Moluques.
Les deux espèces sont très-communes dans les terres incultes de leurs
aires respectives (2).
Historique. — Le Mudar est fréquemment mentionné dans les écrits
de Susruta et doit, par conséquent, avoir été employé dans l’Inde avant
l’ère chrétienne. Il était bien connu aussi des médecins arabes (3).
Le Calotropis procera fut observé en Egypte par Prosper Alpinus
(1380-1584), qui le figura à son retour en Italie et donna quelques ren-
seignements sur ses propriétés médicinales (4).
Le Calotropis gigantea fut figuré par Rheede (5), en 1679, et de nos
jours par Wight (6).
Les propriétés médicinales du Mudar, quoique très-estimées depuis
longtemps par les indigènes de l’Inde, ne furent pas étudiées expéri-
(1) D’où le nom spécifique gigantea.
(2) Les différences botaniques qui existent entre les deux espèces peuvent être résu-
mées de la façon suivante :
C. procera : corolle cupuliforme, h. pétales un peu dressés ; bourgeons floraux sphé-
riques; appendices de la corolle terminés par une pointe dressée, dirigée vers le haut.
C. gigantea : corolle étalée, à bourgeons floraux coniques ou oblongs, mousses ; ap-
pendices de la corolle arrondis.
(3) Ibn-Baytiiau, trad. de Sontheimer, 1842, II, 193.
(4) De Plantis Ægypti, Venet,., 1592, c. 25.
(5) H or tus malabaricus, II, t. 31.
(C) Illustrations of Inclian liotang, Madras, 1850, II, t. 155. — Le C. procera est
figuré par le même auteur dans ses Icônes plantarum Indiæ orientalis, IV, t. 1278.
70
ASCLÉPIÀDACÉES.
mentalement par les Européens avant notre siècle. Playfair recommanda
alors cette drogue contre l’éléphantiasis. Ses bons effets furent ensuite
signalés par Vos (1826), Cumin (1827) et Duncan (1829). Ce dernier mé-
decin fit aussi des recherches chimiques sur l’écorce de la racine, dont
il attribua l’action à une matière extractive qu’il nomma Mudarine (I).
Description. — L’écorce de la racine du Calotropis procera, telle que
nous l’avons reçue (2), consiste en fragments courts, arqués, pliés en gout-
tière, ou presque plats, épais de 3 à 5 millimètres. Elle est revêtue
d’une couche de suber spongieux, épais, d’un gris jaunâtre, plus ou
moins fendillé dans la longueur, et fréquemment détaché de l’écorce
moyenne. Celle-ci est formée d’un tissu blanc, farineux, traversé par
d’étroits rayons de liber brunâtres. L’écorce est cassante et facilement
pulvérisable ; son goût est mucilagineux, amer, âcre ; elle n’a pas
d'odeur particulière. Certains fragments portent des débris d’un bois fi-
breux, coloré en jaune clair.
Les racines du Calotropis gigantea sont recouvertes d’une écorce qu’il
ne paraît pas possible de distinguer de celle du Calotropis procera , dont
nous venons de parler. Le bois de la racine est formé d’un tissu poreux,
jaune pâle, offrant de larges faisceaux vasculaires et de nombreux
rayons médullaires très-petits, formés d’une à trois rangées de cellules
qui n’offrent rien de particulier (3).
Structure microscopique. — Dans l’écorce de la racine du Calotropis
procera , la couche subéreuse est formée de grandes cellules à parois
minces, polyédriques, ou presque cubiques. La couche corticale
moyenne est formée d’un parenchyme uniforme, rempli de gros grains
d’amidon, et offrant çà et là quelques cellules à parois épaisses (sclé-
renchymateuses) et des touffes d’oxalate de calcium. Les larges rayons
médullaires sont formés des cellules ordinaires à parois ponctuées, rem-
plies d’oxalate de calcium et d’amidon. Sur une coupe longitudinale, le
tissu de la portion médiane de l’écorce se montre parcouru de nom-
breux vaisseaux laticifères, remplis d’un suc brunâtre, granuleux, inso-
luble dans la potasse (4). Les caractères microscopiques de l’écorce de
(1) E clin b. Med. and Surg. Jour., 1829, XXXII, 60.
(2) Nous en devons un échantillon authentique au docteur E.Burton Brown, deLahore.
(3) Les racines du C. gigantea qui ont été envoyées h l’un de nous par le docteur Bi-
die, de Madras, consistent en tronçons ligneux, ayant de 1 à 5 centimètres de diamètre.
(4) C’est évidemment dans le but de faire conserver le latex que la Pharmacopée
île l’Inde prescrit de n’enlever l’écorce des racines que lorsqu’elles sont a demi sèches.
Moodeen SherifT fait remarquer que le C. gigantea, quoique fréquemment employé en
médecine, n’est pas vendu dans les bazars, sans doute parce que la plante se trouve
partout ?i l’état sauvage et peut être recueillie fi volonté.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 77
la racine du Ccilotropis gigantea sont les mêmes. La tige des Calolropis
se distingue par de fortes fibres libériennes qu’on
ne trouve pas dans la racine.
Composition chimique. — En suivant le pro-
cédé indiqué par Duncan, 200 grammes d’écorce
pulvérisée de Ccilotropis gigantea ne nous ont
fourni aucun corps semblable à sa mudarine , mais
seulement 2b',4ü d’une résine âcre, soluble dans
l’éther et dans l’alcool. Sa solution dans l’alcool
rougit le tournesol. Sa solution éthérée aban-
donne par l’évaporation la résine sous forme
d’une masse presque incolore. En séparant le
liquide aqueux de la résine brute, et ajoutant
une grande quantité d’alcool absolu, on déter-
mine la production d’un abondant précipité de
mucilage. Le liquide contient alors un principe
amer qui, après une concentration convenable,
peut être séparé au moyen de l’acide tannique.
Nous avons obtenu des résultats semblables
en épuisant l’écorce du Calotropis procera avec
de l’alcool dilué. Le composé tannique du prin-
cipe amer fut mélangé avec du carbonate de
plomb, séché, et ensuite bouilli avec de l’esprit-
de-vin. Ce dernier, en s’évaporant, abandonna
unq substance amorphe, très-amère, insoluble
dans l’eau, mais facilement soluble dans l’alcool
absolu. Cette solution n’est pas précipitée par
une solution alcoolique d’acétate de plomb. En purifiant le principe
amer par le chloroforme ou l’éther, nous l’obtînmes enfin incolore.
Cette substance amère constitue probablement le principe actif des Ca-
lotropis; nous nous sommes assurés à l’aide des procédés ordinaires qu’il
n’existe dans la drogue aucun alcaloïde. La tige des Calotropis devrait
être mieux étudiée ( J ).
Usages. Le Mudar est un tonique altérant et diaphorétique; à
haute dose il est émétique. Les indigènes de l’Inde l’emploient dans les
maladies vénériennes et cutanées ; ils utilisent presque toutes les parties
de la plante. D après Moodeen-Sheriff, l’écorce de la racine et le suc
Fig. 142. Ecorco do Mudar.
Coupc transversale. — a, su-
ber; b, parenchyme cortical,
avec des laticifères ; c, liber ;
d, cambium ; e, bois.
fl) Un pourra y rechercher 1 ’Asclépione de List, Gmblin, Chem., XVH, 3üS.
78 ASCLÉPIADACÉËS.
laiteux desséché sont les parties les plus efficaces (1). L’action de ce
dernier est cependant un peu irrégulière et dangereuse. Le même écri-
vain fait remarquer que l’action de l'écorce est d’autant plus éner-
gique, que la plante est plus âgée. 11 recommande d’enlever la couche
subéreuse qui est inerte et sans goût, avant de pulvériser l’écorce.
AO à 50 grains de la poudre ainsi préparée, suffisent pour provoquer
les vomissements.
La tige du Calotropis gujanteaïowriù d’excellentes fibres qui peuvent
servir à faire un fil très-bon pour la couture ou le tissage (2).
(a) Les Calotropis R. Brown (in Mèm. Wern. Soc., I, 39) sont des Asclépiadueées
de la tribu des Cynanchées, à corolle légèrement campanulée ; îi couronne stami-
nale formée de cinq appendices écailleux, charnus, adnés au tube des étamines,
munis d’un court éperon recourbé en haut; à anthères terminées par une mem-
brane.
Le Calotropis gigantea R. Brown (in Horl. Kew., éd. 2, II, 79) est un petit arbre
à feuilles opposées, décussées, subsessiles, embrassantes, larges, obovales, longues
de 10 à lo centimètres, munies de poils sur la portion de la face supérieure qui
touche au pétiole, à peu près lisses dans le reste de cette face, couvertes sur la face
inférieure de poils blancs et laineux. Les jeunes pousses sont également couvertes
de poils laineux, mous et blancs. Les Heurs sont disposées en cymes ombelliformes,
simples ou composées, insérées alternativement entre les paires de feuilles opposées
et atteignant la moitié de la longueur de ces dernières. Elles sont grandes, belles,
panachées de rose et de pourpre. Le réceptacle est convexe, en forme de cône
surbaissé. Le calice est gamosépale, divisé en cinq lobes profonds. La corolle
ii plus de 6 centimètres de diamètre ; elle est gamopétale, a tube légèrement cam-
panulé, anguleux, et à limbe formé de cinq lobes étalés, oblongs, obtus, réfléchis
à la pointe ; les angles du tube corollaire sont creusés en sac intérieurement ; la co-
rolle est munie au niveau de la gorge d’appendices arrondis. L’androcée est fqrnie
de cinq étamines dont les anthères sont appliquées contre le stigmate et terminées
chacune par un appendice membraneux. La couronne est formée de cinq appendices
plus longs que la colonne staminale, étroits, couverts de poils. Les masses polli-
niques sont comprimées, pendantes, iixées par une caudicule grêle. Le gynécée est
formé de deux ovaires à deux loges pluriovulées, à stigmate dépourvu de pointe ter-
minale. Le fruit se compose de deux follicules ventrus, lisses, polyspermes.
Le Calotropis procera R. Brown (in Hort. Kcw., ed. 2, II, 78) se distingue par
les dimensions beaucoup moins considérables de sa tige qui est couverte de poils :
sa fleur plus petite ; sa corolle pourpre, bordée de blanc sur la face supérieure et
argentée en dessous ; campanulée, à lobes dressés ; les appendices de la couronne
pas plus longs que la colonne staminale, presque aussi larges que longs, ordinaire-
ment glabres; ses feuilles cordées obovales ou obovales-oblongues, sessiles ou sub-
sessiles.
(1) Supplément to the Pharmacopœia of India, Madras 18(,9r 364. Pour plus de
détails sur l’emploi thérapeutique du Mudar, voyez aussi Pharm. of Incita, 4a8.
(2) Dru R y, Une fui Plants of India, 2° édit., 1873, 101.
HISTOIRE UES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
79
FEUILLES DE TYLOPHORA.
l'olia Tylophoræ ; Country or Indian Ipecacuanha.
Origine botanique. — Tylophora asthmaticci Wight et Arnott ( Ascle -
puis asthmatica Roxb.). G’est une plante vivace, sarmenteuse, commune
clans les terrains sablonneux de la péninsule indienne et naturalisée
cà Maurice. Elle se distingue de ses congénères par ses fleurs rou-
geâtres ou d’un rose foncé, et les écailles de sa couronne staminale
contractées brusquement en une longue dent aiguë (a).
Historique. - L’emploi de cette plante en médecine est bien connu
des Hindous, qui lui donnent le nom d 'Antamul et s’en servent avec
succès contre la dyssenterie. A la fin du siècle dernier, elle attira l’at-
tention de Roxburgh (I), qui recueillit plusieurs observations sur l’ad-
ministration de sa racine, pendant qu’il était médecin de l’Hôpital gé-
néral de Madras, de 1776 à 1 77S. Elle fut aussi employée, avec beaucoup
de succès, à la place de l’ipécacuanha, par Anderson, médécin général
de 1 armée de Madras (2). Plus récemment, cette plante a été prescrite
par O Shaughnessy, qui proclama la racine un substitutif excellent de
1 ipécacuanha, lorsqu’elle est employée cà plus forte dose que ce der-
nier (3). Kirkpatrick (4.) l’administra dans une centaine de cas au moins,
et la trouva très-utile. Il prescrivait la feuille desséchée, non-seulement
parce qu’il considérait son action comme plus sûre que celle de Ja ra-
cine, mais encore parce que sa récolte n’entraîne pas la perte de la
plante. Cette drogue a été administrée dans l’Inde par beaucoup
d autres praticiens. Le Tylophora est également employé à Maurice, où
il est connu sous le nom d 'Ipéca sauvage ou Ipéca du pays. Il a sa
place dans la Pharmacopée du Bengale de 1844, et il se trouve dans la
Pharmacopée de l’Inde de 1868.
, Mescr,pt,on (^)- Les leuilles sont opposées, entières, longues de 5
a 12 centimètres, larges de 2 à 6 centimètres, un peu variables dans la
oi me, ovales ou subarrondies, ordinairement un peu cordées à la base,
courtement acuminées ou presque mueronées, coriaces, glabres en des-
(1 ) Flora indica, ed. Carey, 1832, II, 33.
(2) Flemi Catalogue of Indian Plants andDrugs, Calcutta, 1810, 8.
bu Henyal Dispensatory, 1842, 455.
(lia Cadras Exhibition of 1855, List of Mysore Druys ; Pharm. of In-
(5) Tracé d’après un riche échantillon
racine, par M. Moodcen Sherilî, de Mad
qui nous a été offert, en même temps que la
ras.
80 ASCLÉPI AD ÂGÉES.
sus, plus ou moins laineuses en dessous, à poils simples et mous. Le
pétiole est cannelé, et long de 1 a 2 centimètres.
A l’état sec, les feuilles sont épaisses et rudes,
colorées en vert jaunâtre pâle. Elles ont une
odeur herbacée qui n’est pas désagréable et une
saveur très-faible (I).
Composition chimique. — L’infusion concen-
trée des feuilles a une saveur un peu âcre.
L’acide tannique, l’acétate neutre de plomb et
la potasse caustique y produisent un précipite
abondant, et le perchlorure de ter la colore en
noir verdâtre. Broughton d’Ootacamund (Inde)
nous a informé, en 1872, qu il avait retiré d une
grande masse de feuilles une faible quantité de
cristaux insuffisante pour 1 analyse. Lne disso-
lution de ces cristaux injectée chez un petit
chien, détermina des vomissements et de la purgation.
lisages. - Les feuilles de Tylophora sont, comme nous l’avons déjà
dit, employées dans l’Inde à la place de l’ipécacuanha, particulièrement
dans la dysenterie. La dose de la poudre des feuilles employée connue
émétique est de 25 à 30 grains, comme diaphonique et expectorant
de 3 à 5 grains.
Kig. 143. Feuille
de Tylophora, face infér.
Grandeur naturelle.
RACINE DE TYLOPHORA.
Radix Tylophoræ.
Cette racine se trouve dans les bazars indiens, et a été employée,
comme nous l’avons dit, de la même façon que les feuilles et meme
davantage qu’elles. Elle est courte, noueuse, descendante, g.osse
o millimètres environ. Elle émet deux ou trois tiges aeriennes et
nombre considérable de radicules filiformes. Les racines ont souvent
15 centimètres ou davantage de long, et un diamètre d’une demi-ligne,
elles sont très-cassantes. La drogue entière est d un brun jaunatic pa t ,
elle n’a guère d’odeur, -mais son goût est d’abord un peu sucre, \nu>
âcre. Son aspect général rappelle celui de la valériane, mais elle est un
peu plus longue et plus vigoureuse.
Wiüiit, Icônes Plantanm Indue Orientait s, 1850, 1\ , t 1 •
SI
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
Examinée au microscope, l’enveloppe parenchymateuse des radicules
se montre composée de deux couches, dont 1 interne forme un petit
noyau noueux. La portion externe est formée de grandes cellules rem-
plies de grains d’amidon et de cristaux d’oxalate de calcium. Les sels
de fer n’exercent aucune action sur ses tissus.
(a) Les Tylophora R. Brown (in Mem. Wern. Soc., I, 18) sont des Asclépkula-
cées de la tribu des Marsdéniées, à corolle rotacéee ; à couronne staminale formée
de cinq appendices charnus, simples ; à anthères terminées par un appendice mem-
braneux ; à stigmate non surmonté d’une pointe; à follicules lisses et fusiformes,
terminés en pointe, comprimés, un peu anguleux sur chaque face.
Le Tylophora aslhmalica Wight et Arnott ( Ascl ., SI) est Une plante à souche
vivace, émettant plusieurs tiges aériennes sarmenteuses, grêles, longues de 1 m , 80 a
-i mètres, laineuses dans les parties jeunes. Les fleurs sont disposées en cymes
ombelliformes composées, axillaires, solitaires et alternes, à pédoncules laineux.
Elles sont petites, jaunes. Leur calice est gamosépale, muni en dedans de cinq
glandes, et divisé en cinq lobes profonds, lancéolés, très-aigus. La corolle estrotacée, a
cinq lobes profonds, étalés, ovales, jaunes, tachés d’orange, tordus à droite dans la
préfloraisou, ou valvaires. La couronne staminale est formée de cinq écailles char-
nues, adossées au tube staminal, comprimées latéralement, et plus ou moins gib-
beuses dans le dos. L’androcée est formé de cinq étamines fixées sur la gorge de
la corolle, à filets connés en un tube très-court; à anthères dressées, courtes, sur-
montées d’un appendice membraneux infléchi, biloculaires, introrses, déhiscentes
par deux fentes longitudinales, chaque loge contenant une seule pollinie de petite
taille, globuleuse ou ovoïde, qui se rattache au corpuscule par une caudicule presque
horizontale, les loges étant situées à peu près à la hauteur du corpuscule. Le gyné-
cée se compose de deux ovaires distincts, surmontés chacun d’un style également in-
dépendant et d'un stigmate pentagonal, surmonté d’un mamelon muni à chacun de
ses angles d’un corpuscule glanduleux, auquel se rattachent les caudicules des pol-
linies. Les loges de l’ovaire contiennent chacune un nombre indéfini d’ovules ana-
tropes, insérés dans l’angle interne, et imbriqués. Le fruit se compose de deux folli-
cules écartés l’un de l’autre et étalés, lancéolés, lisses, longs de 8 à 10 centimètres,
et ayant à peu près 5 centimètres de circonférence. Ils renferment chacun de nom-
breuses graines chevelues, albuminées, à embryon droit, formé de deux cotylédons
aplatis et d’une radicule supère. [Trad.]
LOGANIACÉES
NOIX VOMIQUE.
Nux Vomica; Scmén Nucis vomicæ; angl., Nux V arnica ; allem., Brechnüsse.
Origine botanique. — Stvychnos Nux vomicci L- C est un arbre de
moyenne taille, à tige courte, épaisse, souvent courbée, et à fleurs pe-
tites, d’un blanc verdâtre, tubuleuses, disposées en corymbes terminaux.
Il est indigène des parties les plus élevées de l’Inde, et particulièrement
HIST. DES DROGUES, T. U. ' 0
82
LOGANIACÉES.
<lcs dislricls voisins des côtes. On le trouve dans le Burmah, dans le
royaume de Siam, en Gochinchine, et dans le nord de l’Australie.
1( . Muller (1) rapporte le Strychnos lucida R. Brown et le Strychnos
ligustnna Blüme au Strychnos Nux vomica. Bentham (2), malgré quelques
différences, admet cette manière de voir.
L’ovaire du Strychnos Nux vomica est biloculaire ; mais, à mesure
qu il avance vers la maturité, les cloisons deviennent charnues et ne
sont plus distinctes. Le fruit est une baie indéhiscente, du volume et de
la foi me d une petite orange. Il est rempli d’une pulpe blanche, géla-
tineuse, amère, dans laquelle les graines, au nombre de 1 à 5, sont dis-
posées vei ticalement et sans ordre. L épicarpe forme une enveloppe
mince, lisse et dure, verdâtre au début, mais colorée en jaune orange
à la maturité. La pulpe du fruit contient de la strychnine (3) ; on dit
cependant que dans l’Inde les oiseaux la mangent (4). Le bois est dur,
se conserve longtemps et est très-amer (a).
Historique. — La Noix' vomique était inconnue des anciens. On pense
qu’elle a été introduite dans la médecine par les Arabes. Cependant les
passages de leurs écrits qui paraissent s’y rapporter, sont loin d’ètre
suffisamment clairs (5). Nous n’avons aucune preuve qu’elle ait été em-
(1) Fragmenta Phytogr. austral., IV, 44.
(2) Flora austral., IV, 369.
(3) L’assertion de Roxburgh que « la pulpe paraît tout à fait inolTensive, » nous a
engagés â l’étudier au point de vue chimique. Nous avons pu le faire grâce à la géné-
rosité du D>- Thwaites, directeur du Jardin botanique royal de Geylan. La pulpe épaissie
reçue du Dr Thwaites, diluée avec de l’eau, forma une gelée très-consistante, à réaction
acide légère et à saveur très-amère. Une partie de cette gelée fut mélangée avec de la
chaux éteinte, desséchée, puis épuisée par le chloroforme bouillant. Le liquide, en
s’évaporant, abandonna mie masse résinoïde jaunâtre, qui fut chauffée avec de l’acide
acétique. La solution incolore abandonna un résidu cristallin parfaitement blanc, qui
fut dissout dans l’eau et précipité par le bichromate de potassium. Le précipité des-
séché, puis humecté avec de l’acide sulfurique concentré, offrit la coloration violette
caractéristique de la strychnine. Dans le but de confirmer cette expérience, nous nous
sommes procurés, par l’obligeant intermédiaire du Dr Bidie, de Madras, une certaine
quantité de pulpe blanche, prise dans le fruit à l’aide d’une cuillère, et conservée dans
1 alcool. Le liquide alcoolique nous manifesta la présence d’une grande quantité de
strychnine.
(4) Elle est mangée par le Buceros malabaricus , d’après Cleghorn, et d’après Roxburgh
par» plusieurs sortes d’oiseaux.» Beddome [Flora sglvatica, Madras, 1872, 243) dit que
la pulpe est tout â fait inofîensive et recherchée par beaucoup d’oiseaux.
(5) Il faut pourtant rapporter, ce nous semble, à la graine du Strychnos les passages
suivants :
1° Dans le fameux livre de l’Ecole de Salcrne connu sous le nom de Cirça instans,
écrit par Platcarius au douzième siècle, édition de Lyon, 1525, fol., 244 : Nux vomica...
interioribus et non corticibus utimur... provo'candi vomitum et purgandi. » La tra-
duction, en vieux français du quinzième siècle, de ces phrases, se trouve dans VArbo-
layre que nous avons cité â l’occasion de l’article Elémi.
2° Nux vomica, Nux indica idem se trouve inscrite dans l’intéressante liste des mé-
83
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
ployée dans l’Inde à une époque reculée. Garcia d’Orla, qui, au milieu
du seizième siècle, connaissait bien les drogues de la côte occidentale
de l’Inde, garde un silence absolu à l’égard de la Noix vomique. Fle-
ming (1), au commencement de notre siècle, fait remarquer que la Noix
vomique est rarement employée en médecine par les Hindous, si même
elle l’est, mais ce renseignement est aujourd’hui sans valeur.
Cette drogue était cependant sûrement connue en Allemagne dès le
seizième siècle. Valerius Gordus (2) en écrivit, vers 1540, une descrip-
tion remarquable par son exactitude. Fuchs, Bauhin et d’autres, l’ont
signalée sous le nom de Nux Metella , nom dérivé du Methel d’Avi-
cenne et d’autres auteurs (3).
Elle se trouvait en Angleterre dans les boutiques à l’époque de Par-
kinson (1640). Il dit qu’on l’employait principalement pour empoisonner
les chiens, les chats, les coqs, les corneilles, et qu’on l’administrait ra-
rement comme médicament.
Description. — On donne le nom de Noix vomique à la graine débar-
rassée de la pulpe et de l’épicarpe. Elle est discoïde ou plutôt irréguliè-
rement orbiculaire. Elle a un peu moins de 2 centimètres et demi de
diamètre, et un demi-centimètre d’épaisseur. Sa face dorsale est légère-
ment concave, et sa face ventrale est convexe, ou bien les deux faces
sont à peu près planes. Son pourtour est souvent assez épais pour que
la partie médiane paraisse déprimée. Le bord extérieur est arrondi ou
dicaments de l’Ecole de Salerne, publiée par Salvatore de Renzi, dans sa Collectio Sa-
lernitana , Napoli (1834), III, 270, sous le nom d ’Alphita. J’ai fait voir, dans mes Docu-
ments pour servir à l'Histoire de la Pharmacie , Halle, 1876, 18, que le nom de Nux
indica s’appliquait également, au moyen âge, à la noix de Coco, à la noix muscade, et
plus tard même fut attribué à la noix d’Arec.
3° Nux vornica, Nux indica furent énumérées (comme synonymes?) dans le livre
d’Othon Brunfels, Reformation der Apotecken , Strasbourg, 1536.
4° Dans Foutanon (Edicts et ordonnances des roys de France, II, 347), nous trouvons
qu’en 1342 les autorités françaises évaluaient à 2 sols 10 deniers la pièce les Noix d’Inde
(Noix muscades ?) et 3 deniers la pièce les Noix vomiques.
Les anciens auteurs, comme Platearius, cités plus haut parlent de Y écorce de la noix
vomique, ce qui s’explique peut-être par la supposition qu’on aurait importé alors le
fruit entier, ou au moins avec une partie de la pulpe et de l’épicarpe.
Pereira tendait plutôt à identifier la Noix vomique des anciens auteurs il la fève de
Saint-Ignace ; nous ne trouvons ni l’une ni l’autre dans le récit du voyage de Pigafetta
aux Philippines, en 1521, où figurent pourtant plusieurs drogues qui sont produites dans
ces îles. [F. A. F.]
(1) Catalogue of Indian Med. Plants and Dr ug s, Calcutta, 1810, 37.
(2) Hist. Stirpium, éd. C. Gesner, Argentorat.,- 1561, lib. iv, c. 21.
(3) Clusius et d’autres pensaient que la Nux Methel des Arabes était le fruit d’un
Dutura, et une espèce indienne de ce genre fut, en conséquence, nommée par Linné
D. Metel.
Fig. 144. Face
antérieure montrant
le hile et le raphé.
Noix vomique. Grnndeur naturelle.
Fig. 14S. Face
postérieure.
Fig. 146.
Coupe
verticale.
LOGANIACÏiliS.
développé en une crèlc saillante. Chaque graine offre, sur son bord, une
petite protubérance de laquelle part une ligne saillante, étroite (raphé),
aboutissant à une dépression
centrale, qui est le bile ou
ombilic. Une légère dépres-
sion est située au niveau de
ce point, sur la face opposée
de la graine. Les graines
sont d’un gris clair, elles
sont luisantes et satinées,
à cause des poils serrés, dé-
primes et rayonnants dont elles sont couvertes. La Noix vomique est
compacte et cornée, son goût est très-amer.
Après avoir été ramollies par digestion dans l’eau, les graines se
laissent facilement diviser, au niveau de leur périphérie, et offrent
alors un albumen translucide, cartilagineux, divisé en deux parties
par une fente dans laquelle est logé l’embryon. Ce dernier a environ
6 millimètres de long. Il est formé d’une paire de cotylédons minces,
oordiformes, à 5-7 nervures, et d’une radicule claviforme, dont la position
est indiquée, a l’extérieur, par la petite protubérance que nous avons
signalée sur le pourtour de la graine.
Structure microscopique. — Les poils de la Noix vomique ont une
structure remarquable. Ils sont formés, comme d’habitude, par des cel-
lules épidermiques allongées. Leurs parois sont épaissies par des dépôts
secondaires, qui sont interrompus par des pores étendus longitudinale-
ment. Ils constituent un magnifique objet d’observation dans la lumière
polarisée. L’albumen est formé de grandes cellules remplies de matière
albuminoïde et de gouttes d’huile, mais privées d’amidon. Dans l’eau,
les parois épaisses des cellules de ce parenchyme se gonflent, et produi-
sent du mucilage. Les cotylédons sont formés d’un tissu beaucoup plus
délicat, traversé par de petits faisceaux fibro-vasculaires. Les alcaloïdes
ne peuvent pas être reconnus directement par le microscope ; mais, si
l’on conserve pendant un temps assez long des coupes minces de Noix
vomique dans la glycérine, il s’y développe des cristaux plumeux, in-
contestablement formés par ces bases.
Composition chimique. — Le goût âcre et l'action puissamment toxi-
que de la Noix vomique sont dus principalement à la présence de la
Strychnine et de la Brucine. La strychnine, G21II!2AzsOs, fut trouvée
d’abord, en 1818, par Pelletier et Caventou, dans la fève de Saint-
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 85
Ignace, et immédiatement après, dans la Noix vomique. Elle cristallise
de sa solution alcoolique en larges prismes anhydies du système ortho-
rhombique. Elle exige, pour se dissoudre, environ 6700 parties d’eau
froide, et 2 500 parties d’eau bouillante. Sa solution est nettement alca-
line, et son amertume tellement forte, qu’elle peut être perçue dans
une solution ne contenant pas plus de 1/600000 d’alcaloïde. Les meil-
leurs dissolvants de la strychnine sont l’alcool et le chloroforme. Elle
n’est que peu soluble dans l’alcool absolu, la benzine, l’alcool amy-
lique, et l’éther. Sa solution alcoolique dévie la lumière polarisée à
gauche. La présence de la strychnine n est pas limitée au fruit, cette
substance se trouve aussi dans le bois de l’arbre (1). On 1 a trouvée en-
core dans le bois de la racine du Strychnos colubrinaL., et dans l’écorce
de la racine du S. Tieule Lesch., espèces indigènes de l’archipel Indien.
La découverte de la Brucine fut faite, en 1819, par les mêmes chi-
mistes, dans l’écorce de la Noix vomique, qu’on supposait alors provenir
du Bruceaferruginea. Sa présence dans la noix vomique, et dans la fève
de Saint-Ignace, fut indiquée par eux, en 1824. La brucine, desséchée
au-dessus de l’acide sulfurique, a pour formule C23H26Az1 20\ mais elle
cristallise de ses solutions alcooliques avec 4H20. Elle neutralise rapide-
ment les acides en formant des sels cristallins. Par l’amertume et les
propriétés toxiques, ainsi que par le pouvoir rotatoire, elle ressemble
beaucoup à la strychnine, dont elle diffère cependant par les caractères
suivants : elle est soluble dans environ 150 parties d’eau bouillante, et
fond, sans s’altérer, un peu au-dessus de 100° G. ; elle prend, ainsi que
ses sels, une coloration rouge sombre, lorsqu’on l’humecte avec de
l’acide nitrique concentré. En chauffant la brucine avec de l’acide chlor-
hydrique ou de l’acide sulfurique dans des tubes scellés, on la décom-
pose entièrement, et l’on obtient, d’après Baudrimont (1869), parmi d’au-
tres produits, du sucre.
La proportion de strychnine qui existe dans la Noix vomique paraît
varier de 0,25 à 0,50 pour 100. Celle de la brucine a été estimée de fa-
çons différentes : 0,12 pour 100 d’après Merck, 0,5 d’après Wittstein,
et 1 ,01 d’après Mayer.
Une troisième base cristallisablc, nommée Igasuriae, fut découverte,
en 1853, par Desnoix, dans les liqueurs dont la strychnine et la
brucine avaient été précipitées à l’aide de la chaux. Schützcnhergcr
(1) Il est remarquable que les plantes parasites de la famille des Lorantliaoées,
croissant sur le Strychnos Nux vomica , acquièrent les propriétés toxiques de ce dernier
(Pharm. of India, 18G8, -108).
80
LOGANI ÂGÉES.
a établi, on 1858, quo la substance ainsi obtenue est formée de bases
distinctes nombreuses, jusqu’à neuf, qui n’appartiennent même pas
n la même série homologue, et qu’il a distinguées par des lettres (a-iga-
surine, é-igasurino, etc.). Ces bases diffèrent l’une de l’autre par
leur composition, leur solubilité, et la proportion d’eau qu’elles per-
dent lorsqu on les chauffe a 130° G. L’igasurine a la saveur amère et
les propriétés toxiques des autres alcaloïdes des Strychnos (I). D’après
Schützenberger, la strychnine elle-même n’est pas une substance définie,
mais un mélange de trois bases différentes. Toutes ces opinions sur
l'igasurine et la strychnine ont besoin, à notre avis, d’être confirmées
par de nouvelles recherches.
Dans la Noix vomique, comme dans la fève de Saint-Ignace, les alca-
loïdes sont, d’après ceux qui les ont découverts, combinés avec Y acide
Strychnique ou Igasurique. Ludwig, qui, en 1873, retira ce corps de la
fève de Saint-Ignace, le décrit comme une masse amorphe, d’un brun
jaunâtre, à réaction acide très-prononcée et à saveur acide, se colorant
en vert foncé sous l’influence des sels ferriques (2).
La Noix vomique desséchée à 100° C. et brûlée avec de la chaux so-
dique, nous a donné 1 ,822 pour 100 d’azote, ce qui indique 11 ,3 pour 100
environ de matières albuminoïdes. A l’aide de l'éther bouillant, nous
avons retiré des graines 4,14 pour 100 de graisse. Elles contiennent
aussi du mucilage et du sucre. Ce dernier qui, d’après Rebling (1853),
existe dans la proportion de 6 pour 100, réduit l’oxyde cuprique sans
l’aide de la chaleur. Les graines subissent facilement, par la macéra-
tion dans l’eau, la fermentation lactique sans qu’il y ait décomposition
des alcaloïdes. La stabilité delà strychnine est remarquable, même après
dix ans de contact avec des substances animales putréfiées.
Commerce. — On importe des Indes anglaises, sur le marché de
Londres, de grandes quantités de Noix vomique (3). L’exportation de
Bombay, pendant l’année 1871-72, a été de 3341 quintaux, expédiés vers
le Royaume-Uni (4). Madras en a exporté, en 1809-70, 4805 quintaux, et
Calcutta, 2801, en 1865-60. La quantité importée dans le Royaume-
Uni, en 1870 (5), fut de 5 534 quintaux.
(1) Pour plus dedétailssur l’igasurine, voyez : Gmgltn, Chemistry , 1866, XVII, 5S9.
— Watts, Diction, of Chemistry, 1865, III, 243. — Pharm.Journ , 1859, XVIII, 432. —
Dict. de chimie de Wurtz, II, 87.
(2) Je suis en mesure de confirmer ces renseignements. [F. A. F.]
(3) Nous en avons vu 1136 caisses offertes dans une seule vente de drogues, le 30 mars
1871.
(4) Statemcnt of lhe Trade and Navigation of tiombay for 1871-72, P. II, 62.
(5) Nous n’avons pas pu connaître les entrées plus récentes.
87
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
Usages. — On administre souvent, dans certaines maladies, la tein-
ture et l’extrait de Noix vomique, ainsi que la strychnine, en qualité de
toniques (b).
(а) Les Strychnos L. ( Généra , n. 253) sont des Loganiacées de la tribu des Eulo-
ganiées, à fleurs tétraméres ou pentamères ; à corolle tubuleuse, régulière ; à éta-
mines connées avec la corolle ; à gynécée formé de deux carpelles ; à ovaire biloculaire,
contenant un nombre indéfini d’ovules, et surmonté d’un stigmate simple; à baie
cortiquée; à graines discoïdes contenant un grand albumen divisé en deux lames,
entre lesquelles est un embryon ii cotylédons foliacés.
Le Strychnos Nux vomica (L., Species, 271) est un arbre à branches irrégulières,
couvertes d’une écorce grisâtre, cendrée,
et à bourgeons lisses, colorés en vert foncé.
Ses feuilles sont opposées, simples, tout cà
fait entières, longues de 5 à 1 0 centimètres,
et larges de 3 à 7 centimètres, courtement
pétiolées, à limbe ovale, atténué aux deux
extrémités, lisse sur les deux faces, 'd’un
vert foncé ; de la base de la nervure mé-
diane partent deux nervures longitudi-
nales, qui s’étendent parallèlement aux
bords de la feuille jusque vers son extré-
mité, en s’anastomosant avec d’autres ner-
vures secondaires qui partent obliquement,
en petit nombre, de la nervure médiane,
dans toute sa longueur; parfois, il existe
deux autres nervures latérales longitudi-
nales. Les fleurs sont petites, [régulières,
à réceptacle convexe, colorées en blanc
verdâtre, et disposées en petites cymes terminales. Le calice est gamosépale, cà tube
court, divisé au sommet en cinq dents aiguës ; il persiste à la base du fruit, et s’ac-
croît en même temps que lui, mais sans atteindre jamais une grande taille. La corolle
est gamopétale, à tube droit, beaucoup plus long que le calice, à limbe formé de
cinq petites lobes triangulaires, valvaires dans la préfloraison. L’androcée est formé
de cinq étamines alternes avec les pétales, connées au tube de la corolle, à filets
presque nuis ou très-courts, à anthères oblongues, à demi exsertes, biloculaires,
introrses, déhiscentes par deux fentes longitudinales. Le gynécée se compose de deux
carpelles, l’un antérieur, l’autre postérieur, réunis en un ovaire biloculaire, surmonté
d’un style simple que termine un stigmate capité, à peine bilobé. Chaque loge ova-
rienne offre, dans son angle interne, un gros placenta sur lequel sont insérés de
nombreux ovules semi-anatropes, à micropyle dirigé en bas. [Trad.]
(б) La Noix vomique et surtout la strychnine qui est le principe actif le plus im-
portant de cette graine et de la fève de Saint-Ignace, comptent parmi les médica-
ments les plus puissants, mais leur mode d’action n’est encore connu que d’une
manière insuffisante. A faible dose, elle constitue un tonique amer et stimulant très-
efficace. Elle réveille l’appétit, et détermine chez les personnes habituellement con-
stipées des selles régulières, sans provoquer de coliques. On peut l’employer as-
sociée au fer, avec beaucoup de succès, dans les diverses formes de l’anémie. [Trad.]
88
LOGANIACÉES.
FÈVE DE SAINT-IGNACE.
Scme,i Ignatii ; Faba Sancti Ignatii ; Fine do Saint-Ignace; Aol Iyasur, angl , St fgnatm
Béons; allem., Jgnatiusbohnen (1).
Origine botanique. — Strychnos Ignatii Bergius (2) (S. philippensis
Blanco, Ignaliana philippinica Loureiro). C’est un grand arbuste grim-
pant qui croît à Bohol, Samar, et Çebu, îles du groupe Bisaya des Phi-
lippines, et, d’après Loureiro, en Cochinchine où il a été introduit. Son
inflorescence et son feuillage ne sont connus des botanistes que d’après
les descriptions de Loureiro (3) et de Blanco (4). Le fruit est sphérique,
ou parfois ovoïde. Il a 10 centimètres ou davantage de diamètre, et est
formé d une enveloppe lisse, cassante, renfermant environ 24 graines (a).
G. Bennett (5) qui vit les fruits à Manille, où on les vendait dans les
bazars, dit qu’ils contiennent de 1 à 12 graines immergées dans une
pulpe glutineuse noirâtre (6).
Historique. — D’après Murray (7) et d’autres écrivains, la graine fut
transportée des Philippines en Europe par les jésuites qui, à cause de
ses propriétés, lui donnèrent le nom d’Ignace, fondateur de leur ordre.
Quoi qu’il en soit, les plus anciens renseignements relatifs à cette drogue
paraissent avoir été fournis par le jésuite Camelli, missionnaire de Ma-
nille, à Ray, et Petiver, qui les communiquèrent à la Société royale de
Londres, en 1690(8). Camelli prétendait que cette graine était la Nux
(1) La plante et les graines sont connues dans la langue bisaya sous les noms de
Pangaguason, Aguason, Canlara, Mananaog , Dancagay, Catalonga et Igasur. Dans
les îles Bohol et Çebu, où les graines sont produites, on les nomme Cogacoy. Les Espa-
gnols des Philippines les nomment Pépita cle Bisaya ou Pépita de Catbalogan (Clain,
Remedios faciles, Manila, 1857, CIO). Le nom de Fèves de Saint-Ignace qu’on leur ap-
plique en Europe, est employé, dans l’Amérique du Sud, pour désigner les graines de
plusieurs Cucurbitacées médicinales, notamment celles duj Feuillea trilobata L., des Hy-
panthera Guapeva Manso et celles de Y Anisosperma Passiflora Manso.
(2) Materia Medica , Stockholm, 1778, I, 146. — Nous ne citons pas YIgnatia amara,
Bentham ayant montré que la plante ainsi nommée par Linné fils est le Posogueria
longiflora Aublet, de la famille des Rubiacées, originaire de la Guyane.
(3) Flora cochinchinensis, éd. Willd., 1793, I, 155.
(4) Flora de Filipinas, éd. 2, 1 8 45, 61.
(5) Fond Med. and Phys. Journ., janvier 1832.
(6) Le seul échantillon du fruit que j’aie vu était en la possession de mon défunt ami
Morson. Il mesurait exactement 10 centimètres de diamètre, et lorsqu’on l’ouvrit (15
janvier 1872), on trouva dans son intérieur 17 graines mûres, bien formées, avec des
restes de pulpe desséchée. Il existe également un de ces fruits au Muséum de Paris.
D’après Camelli, le fruit est ovoïde, et mesure 17 centimètres de long sur 1 1 centimètres
de large. [D. Hanb.]
(7) Apparatus Medicaminum , 1792, VI, 26.
(8) Phil. Trans., 1699, XXI, 44, 87. — Ray, Hist. pl., III, lih. xxxi, cxvin.
, HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 89
■vomica légitima du médecin arabe Serapion, qui vivait au neuvième
siècle, mais nous pensons qu’il n’existe aucun motif de supposer qu’elle
ait été connue à une époque aussi reculée (1). Camclli dit que la gi aine
nommée par lui Nux pepita seu Faba Sancti Ignatii est très-éstimée
comme remède contre diverses maladies ; mais il connaissait bien ses
propriétés toxiques lorsqu’elle est administrée en trop grande quantité.
En Allemagne, la Fève de Saint-Ignace fut signalée, vers la même épo-
que, parBohn, de Leipzig (2).
Cette drogue se trouve dans les bazars indiens sous un nom qui vient
évidemment, par corruption, de l’espagnol pepita. On la trouve aussi
dans les drogueries chinoises sous le nom de Leu-sung-kwo , c’est-à-dire
fruit de Luzon.
Description. — La Fève de Saint-Ignace a environ 2 centimètres et
demi de long. Sa forme est ovoïde, mais rendue très-
irrégulière par pression réciproque ; elle offre trois,
quatre, ou cinq faces anguleuses ou aplaties, et un
hile bien visible sur l’une des extrémités. A l’état frais,
elle est recouverte de poils déprimés, argentés. Sur
celles qu’on trouve dans le commerce on voit encore,
Fi". 148.
çà et là, quelques restes de l’épiderme, mais la plupart Fève de°Saint_ignaoei
ont une surface d’un gris foncé, granuleuse, 'répon- entière. Grand, nat.
dant à la face externe de l’albumen. A part la différence d’aspect exté-
rieur, la Fève de Saint-Ignace offre une organisation
semblable à celle de la noix vomique. Cependant,
sa radicule esL plus longue, plus épaisse, quelquefois
un peu recourbée, et les cotylédons sont plus poin-
tus. Son albumen est brunâtre, corné, translucide,
très-dur, et se fend difficilement. La graine entière
se ramollit beaucoup, se gonfle par digestion pro-
longée dans l’eau chaude, et exhale alors une odeur
désagréable, terreuse; son goût est très-amer. La Fève
de Saint-Ignace est éminemment toxique.
Structure microscopique. — Les poils de l’épiderme ont une structure
analogue à celle des poils de la noix vomique, mais plus simple. L’albu-
(1) Les Philippines ôtaient tout à fait inconnues des Européens de l’antiquité et du
moyen âge. Elles furent découvertes par Magellan en 1521, mais leur conquête par
les Espagnols ne commença effectivement qu’en 1565. Avant l’occupation espagnole,
elles étaient gouvernées par de petits chefs, et étaient fréquentées, dans un but com-
mercial, par les Japonais, les Chinois, et les Malais.
(2) Ma ht in y, Encyhlopüdie d. Rohwaarenkunde., 1813, 1, 576.
Fig. 149. Fève
do Saint - Igniioe.
Coupe verticale.
90 LOGANIACÉES.
men et les cotylédons ont aussi la môme structure que les parties cor-
respondantes de la noix vomique.
Composition chimique. — La Strychnine existe dans ces graines dans
la proportion d’environ 1,5 pour 100. Elles contiennent aussi 0,5 pour
100 de Brucine. Desséchées au-dessus de l’acide sulfurique, et brûlées
avec de la chaux sodique, elles nous ont donné une moyenne de 1,78
pour 100 d’azote, répondant à environ 10 pour 100 do matières albumi-
noïdes.
Commerce.— Nous ne possédons aucun renseignement sur la récolte
de cette drogue. Les graines arrivent dans le commerce anglais d’une
façon très-irrégulière ; elles sont parfois très-abondantes, tandis que
d’autres fois il est difficile de se les procurer.
Usages. — Ils sont les mêmes que ceux de la noix vomique. Lorsqu’on
peut se les procurer à prix modéré, les fèves de Saint-Ignace sont re-
cherchées pour l’extraction de la strychnine.
(a) L eStrychnos Ignatii Bergius ( Materia medica, 1778, 1, 146) se distingue par
ses feuilles ovales, aiguës, presque sessiles, portées par des rameaux très-longs,
comme sarmenteux; ses fleurs, ;ï corolle très-allongée, blauche, exhalent une
odeur de jasmin et sont disposées en petites panicules de cymes qui portent de 3
il o fleurs. [Trad.]
RHIZOME DE SPIGÉLIE.
Radix Spigeliæ ; Radix Spigeliæ marilandicæ ; angl., Indian Pink Root, Carolina Pink Root ;
Spigelia (1).
Origine botanique. — Spigelia marilandica L. C’est une plante her-
bacée, de 30 centimètres de haut environ, indigène des forêts de l’Amé-
rique du Nord, depuis la Pennsylvaniejusqu’auWisconsin, et encore plus
au sud. D’après Wood et Bâche, on la recueille particulièrement dans
les Etats de l’Ouest et du Sud-Ouest (a).
Historique. — Les propriétés anthelmin-
thiques du rhizome, découvertes par les In-
diens, furent signalées en Europe, vers
l’année 1754, par Linning, Garden et Chal-
mers, médecins de Charleston, dans la
Caroline du sud. Cette drogue fut admise
dans la Pharmacopée de Londres en 1788.
Description. — La « racine de Spigélie » offre une très-grande res-
(1) Dans quelques catalogues, la racine de Spigélie est parfois latinisée, par erreur,
sous le nom de Radix Caryophylli.
Fig. 150.Rhizomo de Spigélie, sec.
Grandeur naturelle.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 91
semblance avec la Serpent aire. Elle consiste en un rhizome court, noueux,
d’un brun foncé, émettant des racines grêles et souples. La Spigélie est
tout à fait dépourvue de l’odeur particu-
lière de la Serpentaire, et de tout autre
arôme. Son goût est légèrement amer et
âcre. On importe parfois la plante entière,
avec ses tiges quadrangulaires, hautes de
30 centimètres environ. Les feuilles sont
opposées, longues de 7 centimètres en-
viron, sessiles, ovales-lancéolées, acumi-
nées, lisses ou pubescentes.
Structure microscopique. — Le rhi-
zome a 4 millimètres environ de dia-
mètre. Il offre, sur une coupe transversale,
une petite zone ligneuse enveloppant une
moelle large, à contour elleptique, for-
mée de cellules à parois minces. Le tissu
central est ordinairement détruit. Dans
les racines, la couche corticale moyenne
prédomine. Elle se gonfle dans l’eau,
et ses larges cellules otîrent des épaississements spiralés remarquables.
Le noyau, qu’on observe dans la Serpentaire, manque dans la racine
de Spigélie.
Composition chimique. — Elle n’est pas suffisamment connue. Les
vaisseaux du bois contiennen t de la résine, et le parenchyme de l’amidon.
On trouve du tannin dans la partie corticale du rhizome, mais non dans
les racines. Feneulle assura, en 1823, que la drogue contenait un peu
d’huile essentielle. Les expériences de Bureau (I) ont montré que la
Spigélie agit sur les lapins et d’autres animaux comme un poison nar-
cotico-âcre.
Csages. — La Spigélie a longtemps été regardée comme un médica-
ment efficace pour déterminer l’expulsion de l’Ascans lumbncoides.
Mais, d’après Stillé (2), son action a été probablement exagérée. Cet
auteur parle de ses propriétés altérantes et toniques. En Angleterre,
elle est rarement prescrite par les médecins, mais elle est employée, dans
quelques endroits, comme médicament domestique. Aux Etats-Unis, elle
est beaucoup usitée.
(1) De la famille des Loganiacées, 1856, 130.
(2) Therapeittics and Materia Mediea, Philadelphia, 1868, II, 651.
Fig. 151. Rhizome de Spigélie,
après macération dans l’eau.
9“ LOGANIACÉES.
co^r,^^LlNDT {NalUr- Sj/s*’’.ed- 2> 2!)8) 80111 d°8 Eoganiacées à
h îbuhforme dont lo limbe est divisé en cinq lobes égaux; à anthères
convergentes ; à fruit capsulaire, contenant un nombre indéfini do graines didv-
namo, bdoculaire, déhiscent en quatre valves.
Le Spigelia marilandica L. ( Syst . vègèL, 197) est une plante à rhizome vi-
\ft0e omettant de nombreux rameaux aériens, dont les souches portent les cicatrices
circulaires, et qui sont dressés, simples, quadrangulaires, presque lisses, renflés au
niveau des nœuds. Les feuilles sont opposées, sessiles, ovales, acuminées, entières,
parfois pubescentes au niveau des nervures et sur les bords, lisses dans le reste de
leur étendue. Les fleurs sont petites, hermaphrodites et régulières, disposées en
une petite cyme scorpioïde terminale, ordinairement solitaire, et portées par de
très-courts pédoncules. Le réceptacle est convexe. Le calice est gamosépale, à cinq
divisions profondes, linéaires, subulées, finement serruléex sur les bords, imbri-
quées en quinconce dans la préfloraison; il est persistant, et réfléchi au-dessous du
fruit au moment de la maturité. La corolle est beaucoup plus longue que le calice,
gamopétale, infundibuliforme, à tube renflé et anguleux au sommet, à limbe di-
visé en cinq lobes aigus et étalés, valvaires dans le bouton. Elle est colorée, extérieu-
rement, en écarlate, ou en cramoisi, eteu orange, à l’intérieur. L’androcée’ est formé
de cinq étamines alternes avec les pétales, insérées sur la gorge de la corolle, à filets
très-courts, et à anthères oblongues, cordées, biloculaires, déhiscentes, sur' la face
interne, par deux fentes longitudinales. Le gynécée est supère, formé de deux car-
pelles, l’un antérieur, l’autre postérieur, unis en un ovaire bdoculaire, petit, ovale,
surmonté d’un style plus long que la corolle, articulé près de sa base, et barbu à
l’extrémité, qui estterminée par un stigmate renflé. Les loges ovariennes contiennent
de nombreux ovules semi-anatropes, insérés dans l’angle interne, sur un gros pla-
centa. Le fruit est une capsule bdoculaire, globuleuse, contenant de nombreuses
graines, et se séparant, à la maturité, du réceptacle qui s’est aplati peu à peu, puis
déprimé jusqu’à devenir cupuliforme. A la maturité, les deux carpelles se séparent
l’un de l’autre, puis s’ouvrent à la fois par la face ventrale et par la face dorsale,
chacun en deux valves. Les graines sont nombreuses, et renferment un embryon logé
dans l’axe de l’albumen. [Trad.]
(6) Le rhizome de Spigélie offre de dehors en dedans : 1° une zone de faux
suber, formée par certain nombre des couches corticales superficielles devenues
brunes et sèches; 2« un parenchyme cortical, à grandes cellules polygonales, mu-
nies de parois claires ; 3° un liber peu épais, mou, formé de fibres rectangulaires à
parois minces et molles ; 4° en dedans, une mince couche de cambium. Le bois
forme une zone circulaire peu épaisse, dans laquelle il est impossible de distinguer
des rayons médullaires. La plus grande partie des éléments qui le composent
offrent, sur une coupe transversale, un contour presque quadrangulaire ; un certain
nombre, épars au milieu des autres, sont plus grands et plus arrondis ; ou ellipti-
ques. Les parois de tous ces éléments sont relativement minces. Sur les coupes
longitudinales, soit radiales, soit tangentielles, il est également impossible de recon-
naître des rayons médullaires. Presque tous les éléments se ressemblent ; ils sont
ordinairement courts, ou séparés les uns des autres par des cloisons obliques, et
munis de grandes ponctuations elliptiques. Quelques-uns cependant, ceux qui sur
la coupe transversale se montrent arrondis ou elliptiques, sont plus larges que les
autres et offrent, sur leurs cloisons transversales, un très-large orifice arrondi qui fait
communiquer les cavités de deux éléments superposés et les transforme en vais-
seaux. La moelle qui occupe le centre du rhizome offre un diamètre relativement
HISTOIRE DES DROGUES D’OIUGINE VÉGÉTALE. 93
considérable ; elle est formée de grandes cellules parenchymateuses, polyédriques,
A parois molles et claires.
La racine de Spigélie offre la même structure fondamentale que le rhizome, mais
la moelle manque complètement. Au-dessous de l’épiderme, existe une couche très-
épaisse de parenchyme cortical à grandes cellules polygonales, munies de' parois
minces et laissant entre elles de petits méats inter cellulaires. Le liber est très-étroit,
formé seulement de trois ou quatre couches de fibres rectangulaires, à parois molles
et blanches. Le bois occupe tout le centre de la racine. Il offre la même structure
que le rhizome, mais les vaisseaux sont plus larges et les éléments du centre sont
polygonaux et plus larges que les autres. Le bois du rhizome et de la racine du Spi-
gelia marilandica ressemble beaucoup h celui que nous avons figuré dans la racine
du Cephœlis Ipecacuanha. Sur la coupe transversale, les éléments larges, à contour
arrondi ou elliptique delà Spigélie et, sur la coupe longitudinale, la largeur un peu
plus grande de tous les éléments et les larges orifices de communication des élé-
ments pseudovasculaires, sont les seuls caractères qui permettent de distinguer his-
tologiquement le bois de ces deux plantes. [Trad.]
RHIZOME ET RACINE DE GELSEMIUM.
Ang., Yelloio false Jessamine Root; Yellow Jasmine Root.
Origine botanique. — Gelsemium nitidum Michaux.
Les Gelsemium Jussieu ( Généra , n. ISO; — Medicia Gardn. ; Leptopteris Bl.)
ont été placés par les différents auteurs dans des familles très-distinctes. M. Asa
Gray les considérait comme des Rubiacées à ovaire libre (1) ; d’autres les ont réunis
auxScrofulariacées, auxApocynacées, aux Gentianacées, ou en ont fait, comme Endli-
cher (Généra), une famille distincte. Enfin, M. A. De Candolle (2) et MM. Ben-
tham et Hooker (3) ont placé ce genre dans la famille des Loganiacées dont il a
tous les caractères principaux, et en ont fait le type d’une tribu des Gelsemiées : à
lobes de la corolle imbriqués dans la préfloraison, à style divisé en deux branches
linéaires bifides et à capsule bivalve, septicide. Trois espèces seulement constituent
actuellement le genre Gelsemium. Elles ont pour caractères communs, génériques:
des carpelles contenant de nombreux ovules, des graines suborbiculaires, entourées
d’une aile large, et une tige volubile.
Le Gelsemium nilidum Michaux (Flor. Bor. Amer., I, 120 ; — Bignonia semper-
virens L. ; Lisianlhus sempervirens Miller ; Anomjmos sempervirens Walt. ; Gcl-
semium lucidum Poir.; Gelsemium sempervirens Ait.) habite les terrains plats des
côtes et des bords des fleuves, dans la Virginie, la Caroline, la Géorgie, la Floride,
et même le Mexique.
C’est un arbuste grimpant, glabre et lisse, à feuilles opposées, entières, persis-
tantes d’après les auteurs anciens, caduques pendant l’hiver, d’après Catesby, sim-
ples, entières, ovales ou lancéolées, luisantes, munies d’un pétiole très-court. Les
fleurs sont belles, jaunes, très-odorantes, disposées en cymes axillaires parfois ré-
duites à une seule fleur, ordinairement formées de trois à cinq fleurs portées par
des pédicelles munis de plusieurs bractées. Les fleurs sont régulières, hermaphro-
(1) Manaal of thc. Rotang of the North United-Stàtes, éd. 2; J 8üG, 703.
(2) Prodr., IX, 23.
(3) Généra, II, 789.
94 LOGANIACÉES.
dites, à réceptacle convexe. Le calice est gamosépale, -à cinq divisions profondes,
imbriquées dans la préfloraison, sèches sur les bords. La corolle est infundibuli-
forme, dilatée au niveau de la gorge, à cinq lobes imbriqués dans le bouton. L’an-
drocée se compose de cinq étamines connées au tube de la corolle, incluses, à an-
thères oblongues, sagittées, biloculaires, introrses, déhiscentes par deux fentes
longitudinales. Le gynécée est formé de deux carpelles unis en un ovaire oblong,
biloculairc, surmonté d’un style filiforme, long, bifide, chaque branche étant elle-
même bilobée et couverte, sur la lace interne, de papilles stigmatiques. Chaque loge
ovarienne contient de nombreux ovules insérés dans l’angle interne de la loge, sur
trois ou quatre rangées verticales. Le fruit est une capsule elliptique, aplatie, bilo-
culaire, déhiscente en deux valves septicides, creusées en carène. Chaque loge con-
tient cinq ou six graines aplaties, larges, orbieulaires, rugueuses et tuberculeuses,
entourées d’une aile à bord déchiqueté, contenant un albumen charnu et un em-
bryon droit, à cotylédons ovales, aplatis, courts, et à radicule cylindrique.
Historique. Le rhizome et la racine de Gelsemium sont depuis longtemps
employés, dans 1 Amérique du Nord, contre les fièvres intermittentes, concurremment
avec la quinine, et dans les affections inflammatoires des enfants, mais son étude
chimique et physiologique n’a été faite que dans ces dernières années et son emploi
thérapeutique, assez répandu en Angleterre et en Allemagne, est encore très-res-
treint en France. Il a surtout été tenté à Paris par M. Dujardin-Beaumetz.
Description. — On trouve dans le commerce la racine véritable et le rhizome du
Gelsemium mélangés et aucune expérience n’a encore été faite sur la valeur relative
de ces deux parties de la plante. Elles sont aussi, parfois, mélangées de fragments
de la tige aérienne.
Les trois portions axiles de la plante sont souvent expédiées en Angleterre à
1 état de fragments très-petits et mélangés, comprimés à l’aide d’un presse hydrau-
lique. On les trouve aussi en fragments longs de o à 10 et même 20 centimètres ou
davantage.
Les fragments de rameaux aériens sont faciles à distinguer ci la présence d’une
cavité centrale produite par la destruction de la moelle, à leur coloration pourpre
et à la structure très-fibreuse de leur écorce, dont le liber est constitué par des fibres
souples et longues, semblables à celles du chanvre.
Les fragments de rhizome ont un diamètre de 1 à 3 centimètres environ. Ils sont
généralement droits, colorés extérieurement en brun jaunâtre clair, avec des rayures
longitudinales plus foncées. Ils offrent parfois, de distance en distance, des ramifica-
tions assez volumineuses et des racines adventives grêles, longues et souples. Leur
cassure est fibreuse. Sur la coupe transversale, on voit à l’oeil nu: une écorce mince
fibreuse ; un bois de coloration brunâtre, traversé par des rayons médullaires blancs,
de longueur inégale, plus larges vers la périphérie que vers la portion interne du
bois ; une moelle centrale peu épaisse, mais nettement visible à l’œil nu et plus
foncée en couleur que le bois.
Les fragments de racine se distinguent sans peine à l’absence de moelle. Leur
diamètre ordinaire est de 1 à 2 centimètres environ. Les gros fragments sont rare-
ment ramifiés, mais ou trouve à leur surface un assez grand nombre de petites ra-
cines filiformes jaunâtres, assez résistantes et rigides. Les fragments sont souvent
tordus sur eux-mêmes. Leur surface extérieure est très-rugueuse, marquéede crevasses
et de sillons irréguliers, longitudinaux, avec de nombreuses cicatrices des petites ra-
dicules. Sa coloration est d'un jaune grisâtre plus ou moins foncé. Sur une section
transversale de la racine, on distingue, à l’œil nu, comme le montre la figure 1 52,
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
95
semium. Section trans-
versale. Grand, natur.
une couche corticale mince, jaune brunâtre, très-adhérente au bois, et une partie
centrale ligneuse, colorée en jaune clair, traversée par des
rayons médullaires blancs, très-inégaux en longueur, s’amin-
cissant à mesure qu’ils s’enfoncent davantage dans le centre
du bois. Lorsqu’on mouille la surface de section, les rayons
médullaires se détachent plus nettement en blanc sur le fond
du bois, dont le jaune devient plus vif avec une teinte brun
clair au centre. On peut alors suivre h la loupe et même à
l’œil nu les rayons médullaires jusque dans la couche interne
de l’écorce. Le rhizome et la racine de Gelsemium n’ont Fiff- 1S2- Racine do Gel-
aucune odeur particulière marquée. Leur saveur est un peu
amère, surtout celle de l’écorce.
Structure microscopique. — Un fragment de racine de Gelsemium sempervirens
ayant 2 centimètres et demi de diamètre m’a offert la structure suivante : sur une
coupe transversale examinée à un faible grossissement, on voit en dedans de l’écorce
un cercle de faisceaux fibrovasculaires pressés les uns contre les autres et se pro-
longeant jusqu’au centre de la racine où existent de nombreux vaisseaux ; les fais-
ceaux sont nettement cunéiformes et séparés par des rayons médullaires très-larges
dont les uns se prolongent jusque vers le centre de la racine, tandis que d’autres
n’ont qu’une longueur beaucoup moindre.
L’écorce offre, de dehors en dedans, ainsi que le montre la figure 153 : 1° une
couche de suber a, assez épaisse, formée
de cellules quadrangulaires, aplaties, vi-
des, à parois brunes et sèches ; 2» une
couche 6, de parenchyme cortical, relati-
vement peu épaisse, formée de cellules
allongées tangentiellement , à parois
minces etblanches ; 3°un liber c, dont les
faisceaux sont séparés les uns des autres
par de très-larges rayons médullaires, h
cellules quadrangulaires, allongées dans
le sens du rayon. Les faisceaux libériens
sont formés de fibres irrégulières, à pa-
rois minces, et de parenchyme dont les
éléments paraissent, sur la coupe trans-
versale, disposés en couches irrégulière-
ment concentriques. Entre les éléments
du liber et le bois de chaque faisceau,
existe une couche de cambium à élé-
ments petits et pressés les uns contre Fig. 133. Racine de Gelsemium.
les autres. Le contour extérieur du fais- Coupo transversale,
ceau libérien est nettement indiqué par la direction des éléments ; il est convexe en
dehors. Les faisceaux ligneux sont cunéiformes, à bords latéraux droits et à bord
externe concave en dehors. Ils sont séparés les uns des autres par de larges rayons
médullaires qui continuent directement en dehors ceux du liber et offrent la même
organisation. Un petitnombre de faisceaux seulement sc prolongent jusqu’au centre
de la racine, les autres sont de longueur très-inégale. Chaque faisceau est formé
de fibres ligneuses fusiformes, à parois très-épaisses, à cavité linéaire, il contour
quadrangulaire ou polygonal sur la coupe transversale. Au milieu de ces fibres, sont
96
LOGANIACÉES.
distribués de très-nombreux vaisseaux, larges, arrondis, à parois épaisses et ponc-
tuées. Le centre de la racine offre des fibres ligneuses très-pressées les unes contre
les autres et des vaisseaux de plus en plus étroits à mesure qu’ils sont plus rap-
prochés du centre. Les cellules de l’écorce contiennent de nombreux grains d’ami-
don arrondis, et un petit nombre de cristaux d’oxalate de chaux. Les fibres ligneuses
renferment une matière résineuse colorée en jaune clair.
Composition chimique. — En 1870, M. Wormley a retiré de la racine de
Gelsemium un acide cristallisable, l’acide Gelséminique, qui a été ensuite bien
étudié par M. Fredigke. Pour l’obtenir, M. Wormley épuise par l’alcool un extrait
fluide de la racine, il traite le produit alcoolique par l’eau pour précipiter la résine,
puis il ajoute au liquide aqueux de l’acide chlorhydrique. Agité avec de l’éther, ce
nouveau mélange lui cède l’acide gelséminique qu’on obtient à l’état impur par éva-
poration de l’étlier. M. Fredigke, pour obtenir l’acide gelséminique, réduit la racine
en poudre qu’il soumet à des décoctions répétées dans l’eau, il filtre les décoctés
bouillants et les réduit en un extrait qu’il traite, à diverses reprises, par l’éther. Ce
dernier en s’évaporant abandonne l’acide gelséminique. Pour obtenir cet acide à
l’état de pureté complète, on le transforme en un sel de plomb qu’on traite par
l’hyclrogène sulfuré; l’acide gelséminique est ainsi mis en liberté à l’état d’aiguilles
cristallisées, diversement groupées, incolores, inodores, et «à peu près dépourvues de
saveur. Cet acide sature facilement les bases. Il est très-soluble dans le chloroforme
et l’éther ; l’eau froide n’en dissout qu’un millième de son poids ; l’eau bouil-
lante le dissout mieux, mais le laisse déposer par refroidissement à l’état cristallin.
Il se dissout bien dans les alcalis, en donnant des solutions qui possèdent une fluo-
rescence bleue très-prononcée. Il se sublime sans décomposition. Il donne avec le
bichlorure de mercure un précipité jaune, et avec le nitrate d’argent un précipité
jaune brun. M. Fredigke a retiré, par le procédé que nous venons d’indiquer,
2ç,47 d’acide gelséminique de 373 grammes de racine.
M. Fredigke a retiré de la racine de Gelsémium un alcaloïde auquel il a donné le
nom de Gelsemina ou Gelsémine qui représente la partie active de la plante, mais
n’a pas encore été obtenu à l’état cristallin. Ce chimiste concentre l’extrait aqueux
auquel il a enlevé, préalablement, par l’éther, l’acide gelséminique ; puis il l’agite avec
le double de son poids d’alcool concentré qui précipite une matière gommeuse ;
il filtre le liquide, le concentre, puis ajoute de la potasse, et agite la liqueur avec du
chloroforme ou de l’éther qui enlèvent la gelsémine. C’est une substance solide,
amorphe, incolore, inodore, à saveur amère très-prononcée, sensible même dans une
solution qui n’en renferme qu’un millième. Elle est à peine soluble dans l’eau pure,
soluble dans 2o parties d’éther, dans le chloroforme, le bisulfure de carbone, l’eau
acidulée d’acide chlorhydrique. Les alcalis la précipitent de ses solutions acides. Ses
sels, notamment le sulfate, le nitrate et l’acétate, sont très-solubles dans l’eau ; ils fon-
dent à 100° C. et forment en se refroidissant une masse vitreuse ; au-dessus de 100° C.,
la gelsémine se volatilise et va se condenser en petites gouttelettes sur les parois du
vase. Le bichlorure de mercure précipite la gelsémine en blanc; le tannin, l’acide
carboazotique, le biiodure de potassium, le bichlorure de platine, le chlorure d’or,
donnent des précipités dans des solutions qui ne renferment qu’un millième de
grain. Un excès d’alcalis ajouté à l’un de ses sels le précipite en blanc qui passe au
rouge ou rouge-brique ; l’acide sulfurique concentré colore la gelsémine ou scs sels
en rouge brun qui passe au pourpre quand on élève la température (I).
(11 Voyez Holmes, in Pharm. Journ ., décembre 1875. — Journal de Pharm. et de
Chimie, 1876, XXIII, 216. — Bullet. génàr. de Thérapeut., 1876, XG, 255,
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 97
,wES Ml - Le Gelsémium et la gelsémine constituent des agents toxiques et
usages y,. injection de 3 milligrammes de gelsémine sous la
E" t!.S.-»pev.Uqu0, on s'ert Sé.-vi surtout
Th c t e Je CMmim (1 Partie ■'« Gelsémium p.- 5 parties d’alcool) mais
cette teinture détermine tacilement dos accidents touques lorsqu on dépasse la.dosc
le 2 centimètres cultes. Les accidents mortels signalés sont déjà trop nombreux pour
de 2 centime! e tent pas une prudence extrême dans son emploi. La poudre
Tl “radne » été «commandée par le docteur Satvjer (2) à la dose de 6 à 12 cen-
“ imm " Sous cette forme, le médicamenta également occasionne des acc.den s
mort”” u docteur Grorer Coe donne la gelsémme a la dose de 32 a 6o mtllt-
Te'Gelsémium et la gelsémine produisent la paralysie des mouvements volon-
,,ires et réflexes. Cette paralysie serait due, d'après Ringer et Murell, i une ac ton
di eete sù la moelle épinière. A la suite de la paralyste, ,1 peu survenu- des ph.no-
n nés convulsifs qui ont été décrits sous le nom de tétanos gelum,que On a pense
eue cette double action paralysante et tétanisante était due il des substances diffé-
rés Ainsi la solution aqueuse de Gelsémium serait exclus, yement paralysante,
tandis crue la gelsémine serait tétanisante.
On a attribué au Gelsémium la propriété de diminuer la fréquence de la respira-
tion Il agirait peu sur le pouls, et déterminerait dans le cœur des phénomènes va-
riables Son action sur la pupille serait variable suivant le mode d administration
de la drogue. Prisa l’intérieur, le Gelsémium produirait le resserrement de la pu-
pille tandis qu’administré localement, à l’extérieur, il amènerait la dilatation de 1»
pupille. Il détermine chez les animaux, et particulièrement chez le lapin, de exoph-
thalmie. On a particulièrement recommandé le Gelsémium contre les névra gies e
la cinquième paire, et surtout contre les névralgies dentaires. On 1 administre aussi,
comme calmant, dans les affections fébriles. [Trad.]
GENTIANACÉES
RACINE DE GENTIANE.
JXadix Gentianæ ; angl., Gentian Root; allem., Enzianwurzel.
Origine botanique. -- Gentiam lutea L. C’est une belle herbe vivace,
haute de 90 centimètres environ, indigène des prairies découvertes des
montagnes du centre et du sud de l’Europe. On la trouve en Portugal,
en Espagne, dans les Pyrénées, dans les îles de Sardaigne et de Corse,
dans les Apennins, les montagnes de l’Auvergne, le Jura, les Vosges,
la forêt Noire, et la chaîne dés Alpes jusque dans les Principautés Da-
nubiennes. En Allemagne, on la trouve sur les Alpes de là Souabe près
(1) La plupart des détails qui suivent sont empruntés à «ne note manuscrite qui m’a
été remise par M. Dujardin-Beaumelz. [Tuad.]
(2) Voyez liullet. génér. de Thérap., 1 87G , XC, 238.
hist. des drogues, t. ii.
7
98 GENTIANACIÏES.
do Würzburg, çà et là en Thuringe, mai, pas davantage ver, le nord,
un ne la trouve pas non plus dan, les Iles-Britannique, (a).
Historique. - Le non, de Genliana passe pour dériver de Gentiu,
;01 deS I",y',C,,S’ ^ui virait <le fs° i <07 avant J.-C. et par lequel’
d apres Pline et D.oseoride, la plante fut signalée. Il est douteux
que la plante nommée fût le Genliana lutea. Au moyen âge la
Gentiane éta.t communément employée comme médicament et comme
antidote des poisons. Tragus, en 1532, la mentionne comme un moyen
de guérir les p aies, application qui a été préconisée de nouveau dans
la pratique medicale moderne depuis 1834.
Description - La plante a une racine cylindrique, charnue, simple,
de couleur pale, atteignant parfois jusqu’à i“,20 de long et 4 centimètres
de diamètre, et produisant d’une à quatre tiges aériennes. La racine
desséchée du commerce est en morceaux irréguliers, contournés, de plu-
sieurs centimètres de long, de I à 3 centimètres d’épaisseur. Les mor-
ceaux sont tres -ndés longitudinalement, etmarqués, surtout dans la par-
tie supérieure, de nombreux sillons transversaux. Très-souvent, on les
fend pour faciliter la dessiccation. Ils sont colorés en brun jaunâtre à
extérieur et en brun orangé à l’intérieur. Ils sont spongieux. Leur
odeur est particulière, désagréable, nauséeuse, et leur saveur est très-
amere. C’est pas ironie populaire, d’après Schübler, qu’en Norwége la
racine du Gentiana purpurea s’appelle Sotrot, racine douce' La cou-
ronne de la racine, qui est un peu plus épaisse, est recouverte par la
3ase ecailleuse des feuilles. La racine est forte et flexible, cassante,
mais seulement aussitôt après la dessiccation. Nous avons trouvé qu’elle
perd, par la dessiccation dans l’étuve, 18 pour 100 de son poids et
qu’elle en regagne 16 pour 100 par l’exposition à l’air.
Structure microscopique. — Sur une coupe transversale, l’écorce se
montre séparée de la colonne centrale par une zone cambiale foncée.
La disposition radiale des tissus se voit seulement dans le centre. Dans
1 ecorce, les fibres libériennes manquent, et au centre il n’y a pas de
moelle distincte. Les faisceaux fibro-vasculaires sont dépourvus de pro-
senchyme ligneux à parois épaisses. Ce caractère explique la consistance
particulière, et la cassure courte de la racine. Elle est remarquable par
1 absence d amidon et d oxalate de calcium. Les cellules paraissent con-
tenir surtout du sucre et une petite quantité d’huile grasse.
Composition chimique. - La saveur amère de la Gentiane est due à
une substance nommée Gentiopicrine ou amer de Gentiane (I). Plusieurs
(1) Gmelin, C /ternis try, 1864, XVI, 193.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 99
chimistes, notamment Henry et Gaventou, Trommsdorff, Leconte et Dulk ,
ont décrit le principe amer de la Gentiane, a 1 état impur, sous le nom
de Gentianine, mais Kromayer le premier, en 1862, l’a obtenu à l’état
de pureté.
La Gentiopicrine, G20H30O'1 2, est un corps neutre, cristallisant en aiguilles
incolores qui se dissolvent facilement dans l’eau. Elle est soluble dans
l’esprit-de-vin, et dans l’alcool absolu, mais pour ce dernier il faut l’aide de
la chaleur. Elle ne se dissout pas dans l’éther. Une solution de potasse
caustique ou de soude forme avec elle une solution jaune. Sous l’in-
fluence des acides minéraux dilués, la gentiopicrine se résout en glu-
cose, et en une substance amorphe, d’un brun jaunâtre, neutre, nommée
Gentiogénine. Les racines de Gentiane fraîches fournissent un peu plus
de 0,1 pour 100 de gentiopicrine; on peut la retirer de la racine fraîche
à l’état cristallin. La teinture médicinale de Gentiane, mélangée avec
une solution de potasse caustique, perd son amertume au bout de quel-
ques jours, par suite probablement de la destruction de la gentiopici ine.
La racine de Gentiane contient un autre principe constituant, la
Gentisine (1), acide Gentisique ou acide Gentianique , GuH10O\ substance
insipide, formant des cristaux soyeux d’un jaune pâle, qu’on peut subli-
mer en chauffant avec soin. Elle est peu soluble dans l’eau, soit à chaud,
soit à froid, et dans l’éther, mais se dissout dans l’alcool concentré
chaud, à l’aide duquel on peut la faire cristalliser. Elle se dissout aussi
dans les alcalis aqueux, en formant des composés cristallisables. Elle
paraît être sans action sur l’organisme.
La racine de Gentiane est riche en pectine. Elle contient aussi envi-
ron 12 à 15 pour 100 d’un sucre incristaliisable, ce qui la fait employer
dans le sud de la Bavière, et en Suisse, pour fabriquer, par fermentation
et distillation, une eau-de-vie potable (2). Cet emploi spécial, et celui
qui en est fait en médecine, sont cause que la plante est aujourd’hui
presque entièrement extirpée de certaines parties de la Suisse où elle
était autrefois abondante. D’autre part, la Gentiane est dépourvue de
tannin.
Commerce. — La racine de Gentiane parvient dans le commerce an-
(1) Hlasiwetz et Habermann ont fait voir, en 1875, que la Gentisine répond il la
constitution suivante :
C8H8 ) cqH)S — C6H* ) o-O-
Elle se rapproche de la maelurine, et fournit, par la fusion avec de la potasse, de 1 acide
Oxysalicylique, C7H8CP, de la Phloroglucine, C6H603, et de X acide Acétique, [tf. A. F.]
(2) Th. Martvus, in Pliarm. Journ., 1853, XII, 371.
100
GENTIANACfcES.
SlfS pa!' ï’intermôdiairo de maisons allemandes. Une certaine quantité
est aussi expédiée ,1c Marseille. La quantité importée dans le Royaume-
Um, en 1870, fut de 1 100 quintaux.
Usages. _ La Gentiane est beaucoup employée on médecine comme
tonique amer. Réduite en poudre, cette racine entre dans certaines
compositions vendues pour l’alimentation du bétail.
fcuiistitntions. - On ne peut guère dire que la Gentiane soit falsifiée •
cependant on recueille parfois les racines de quelques autres espèces
qui possèdent des propriétés analogues. Ces espèces sont les suivantes :
1° Gentiana pur pur ea L. — Cette espèce habite les régions moyennes
a pines, des Apennins, de la Savoie, de la Suisse, de la Transylvanie et dii
sud-ouest delà Norwége. Il en existe une variété dans le Kamtchatka (1 ).
On recueille fréquemment sa racine, qui atteint au plus 50 centimètres
de long et 2 centimètres et demi de diamètre à la hase, de laquelle s’é-
lèvent huit à dix tiges aériennes revêtues, dans le bas, par de nombreux
restes écailleux de feuilles. La souche de la racine offre aussi un aspect
branchu particulier qu’on ne voit jamais dans le Gentiana lutea , auquel
le Gentiana purpurea ressemble sous tous les autres rapports. Cette der-
nière espèce est peut-être même douée d’une amertume plus intense.
2° Gentiana punctata L. — La même description s’applique presque à
cette espece, qui est originaire des Alpes méridionales, s’étendant vers
l’est, en Autriche, en Hongrie et enRoumélie.
3° Gentiana pannonica Scop. - Cette plante, indigène des montagnes
de 1 Autriche, inconnue dans les Alpes suisses, possède une racine qui
n’atteint ni la longueur, ni l’épaisseur de celle du Gentiana purpurea, à
laquelle elle ressemble sous les autres rapports. Elle est inscrite comme
officinale dans la Pharmacopée autrichienne.
(a) Les Gentianes ( Gentiana T., ImtiL, 80, t. 40) sont des Gentianacées de la
tribu des Gentianées, à capsule atténuée en un style court que termine un stigmate
bifide, persistant.
Le Gentiana lutea L. ( Spec ., 329), vulg. Grande Gentiane, est une plante à souche
\ivace, cvlindiique, marquée de cicatrices foliaires, et portant de petits bourgeons
disposés sur plusieurs lignes spiralées très-régulières. La racine continue directe-
ment la tige , elle est cylindrique, longue, rameuse. Les rameaux aériens annuels
sont hauts de 1 mètre ou davantage, dressés, fistuleux, non ramifiés, terminés par
les fleurs. Les feuilles sont opposées, entières, toutes munies de cinq à sept nervures
longitudinales qui convergent vers l’extrémité de la feuille. Les feuilles radicales
(1) Grisebach ( Die Végétation der Erde , 1872, I, 223), donne des détails très-inté-
ressants relativement à faire de croissance des Gentiana purpurea, punctata et pan-
nonica. Il admet que ce sonl bien des espèces distinctes.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 101
sont grandes, elliptiques, pétiolées, celles du bas de la tige ont un pétiole plus court,
les moyennes et les supérieures sont sessilcs et em-
brassantes à la base. Les fleurs sont disposées en
cymes fasciculées a 1 aisselle des paii es c e eui es
supérieures, et sont munies chacune d’un pédoncule
court. Le calice est gamosépale, tubuleux, ovale,
membraneux, irrégulièrement découpé, au sommet,
en quatre à dix dents, et fendu d’un côté jusu à
la base, de façon à simuler une sorte de spathe. La
corolle est gamopétale, grande, d’un beau jaune, ré-
gulière, divisée très-profondément en cinq, sept, ou
neuf lobes étroits, lancéolés, contournés dans la
préfloraison, étalés en étoile pendant 1 an thèse.
L’androcée est formé d’étamines en nombre égal à
celui des pétales, alternes, à filets connés au tube
de la corolle, à anthères libres, linéaires, biloculai-
res, introrses, déhiscentes par des fentes longitu- _ ,
dinales. Le gvnécée est formé de deux carpelles unis en un ovaire supere, libre,
uniloculaire, atténué en un style court que terminent deux stigmates roules en de-
hors, persistants. La cavité unique de l’ovaire contient de nombreux ovules ana-
tropes, horizontaux, insérés sur deux placentas pariétaux très-saillants. Le fruit est
une capsule sèche, uniloculaire, ovoïde, acuminée, à déhiscence septicic e en c eux
valves. Il contient de nombreuses graines ovales, comprimées, ailées, contenant,
dans des enveloppes membraneuses, un albumen abondant et un embryon tiès-
petit, situé près du hile. [Trad.]
tiUCGHL
Fig. 134. Gentiana lutea.
Sommet de la tige.
CHIRAYTA.
Hùrba Chiratæ ; Herba Chirettæ vel Chiray t& 1 ttngl., Chii'etta or Chiraytd.
Origine botanique. — Ophelici (1) Chivata Grisebach {Gentiana Cluj-
rayita Roxb.). C’est une herbe annuelle clés régions montagneuses du nord
de l’Inde, s’étendant depuis le Simla jusqu’au district de Murung, dans
le sud-est du Népaul, en passant par le Kumaon (a).
Historique. — Le Chirayta a été longtemps tenu en grande estime
par les Hindous, et est fréquemment mentionné dans les écrits de Sus-
ru ta. Il se nomme, en sanskrit, Kirâtu-tikta , c’est-à-dire plante ambre
des Kirâtas , les Kirâtas étant une caste errante de montagnards du nord
de l’Inde. En Angleterre, il commença à attirer l’attention vers 1 an-
née 1829. En 1839, il fut introduit dans la Pharmacopée dEdin-
burgh. La plante fut décrite pour la première lois par Roxburgh, en
1814.
Le Chirayta était regardé par Guibourt comme le Calamus aromaticus
(1) Ùqiklîvi, bénir, allusion aux vertus médicinales de la plante.
102 gentianacées.
des anciens, mais l’erreur de cetle manière de voir a été bien détnon-
pai I éc (l,1, et par Royle, et elle est aujourd’hui généralement
abandonnée.
Description. On recueille les plantes entières lorsqu’elles sont en
ou plus communément lorsque les capsules sont complètement for-
mées. On les he, avec une corde de bambou, en paquets un peu aplatis,
ongs de 90 centimètres environ (2), et pesant chacun, après dessicca-
tion, de 1 livre et demie à 2 livres. La tige a de 4 ou 6 millimètres à
- centimètres et demi d’épaisseur; elle est colorée en brun orangé, et
parfois en pourpre foncé. La racine est simple, fusiforme, souvent plus
épaisse que la tige, longue de 5 à 10 centimètres, et épaisse d’un centi-
mètre environ. Elle est rarement ramifiée, mais toujours munie de
quelques radicules. Dans les plus forts échantillons, la souche est un
peu oblique ou géniculée. Dans ce cas, la tige est peut-être un produit
de végétation de seconde année, et la plante n’est pas nécessairement
annuelle. Chaque plante est formée ordinairement d’une tige simple,
mais parfois il s’élève d’une même souche deux ou un plus grand nom-
bre de tiges. La tige s’élève à une hauteur de 60 à 70 centimètres. Elle
est cylindrique dans ses portions inférieure et moyenne, et quadrangu-
laire dans le haut, les quatre angles étant pourvus chacun d’une ligne
•saillante, comme dans YErylhræa Centcmrium , et plusieurs autres plantes
de la même famille. Sa ramification est décussée comme celle des autres
Gentianes. Les nœuds sont situés à une distance de 3 à 5, et même 10
centimètres l’un de l’autre, et présentent des feuilles opposées, semi-
amplexicaules, ou leurs cicatrices. La tige est représentée, dans sa partie
inférieure, par une grosse colonne ligneuse, revêtue d’une écorce mince,
et enveloppant une moelle relativement volumineuse. Les parties supé-
rieures de la tige et des bz'anches contiennent un large cercle de paren-
chyme ligneux à parois épaisses. Les rameaux nombreux, axillaires et
opposés, sont grêles, allongés, et forment une panicule ombelliforme,
dense. Ils sont lisses et glabres, colorés en gris verdâtre ou brunâtre.
Les feuilles sont ovales, acuminées, cordées à la base, entières, ses-
siles. Les plus grandes ont 2 centimètres et demi ou plus de long.
Elles ont de 3 à 5, 7 nervures dont la médiane est très-forte. Au niveau
de chaque division de la panicule sont deux petites bractées. La corolle
est jaune, rotacée, à 4 lobes, munie de petites fossettes glanduleuses au-
dessus de la base. Le calice a le tiers de la longueur des pétales qui ont
(1) Cours d’Hist. nat. pharmaceut., 1828, II, 395.
(2) Les autres espèces de Chirayta sont ordinairement plus courtes.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 103
environ 1 centimètre de long. Le fruit est une capsule uniloculaire, bi-
valve, contenant de nombreuses graines. Les fleurs partagent l’amer-
tume intense delà plante entière. Le bois des tiges les plus fortes est
dépourvu de principes amers. •
Composition chimique. — L’étude chimique du Chirayta a ete faite,
sur notre demande, dans le laboratoire du professeur Ludwig, dléna,
par son aide, M. Hôhn. Les résultats principaux de ces soigneuses et
difficiles recherches peuvent être exposés de la façon suivante (1) :
Parmi les piûncipes amers de la drogue, c est 1 acide Ophélique,
çt3jpQio^ gUj se présente en plus grande quantité. C est une substance
jaune, amorphe, visqueuse, d’une saveur acidulé et amère, très-persis-
tante, et d’une odeur agréable, semblable à celle de la Gentiane. Ce prin-
cipe produit avec l’acétate basique de plomb un abondant précipité
jaune. Il ne forme pas avec le tannin de composé insoluble. lise dissout
dans l’eau, l’alcool et l’éther. La première de ces solutions produit, dans
le tartrate alcalin de cuivre, un précipité de protoxyde de cuivre.
Un second composé amer, la Chiratine , C26H',8Ol0, peut être obtenu a
l’aide de l’acide tannique, avec lequel il forme un composé insoluble.
La chiratine est une poudre neutre, non cristalline, colorée en jaune
clair, hygroscopique, soluble dans 1 alcool, 1 éther et 1 eau chaude. Elle
se décompose, sous l’influence de l’acide chlorhydrique bouillant, en
Chiratogénine , C13H2403, et en acide ophélique. La chiratogénine est une
substance amorphe, brunâtre, soluble dans 1 alcool, insoluble dans 1 eau,
et ne donnant pas de composé tannique. Il ne se forme pas de sucie
dans sa décomposition.
Ces résultats n’offrent aucune analogie avec ceux qu’on obtient dans
l’analyse des Gentianes européennes. Enfin, Hôhn a trouvé dans le Chi-
rayta une substance jaune, cristallisable, insipide, dont la quantité
était si faible, qu’il ne put pas en faire l’étude. Les feuilles de Chirayta,
chauffées à 100° C., donnèrent 7,5 pour 100, et les tiges 3,7 pour 100
de cendres, parmi lesquelles dominaient les sels de potassium et de
calcium.
Usages. — Le Chirayta est un tonique amer, dépourvu d arôme et
d’astringence. Son amertume intense surpasse celle de la Gentiane, de
YErythræa, et des autres plantes européennes de la même famille.
11 est très-estimé dans l’Inde, mais son emploi ne s est répandu que
peu en Angleterre et pas du tout sur le continent. Il passe poui êtie
(1) Pour plus de détails, voyez : Archiv de' Phurm., 1869, 229
U1 gentianacées.
employé, lorsqu il est à 1ms prix, à la place de la Gentiane, dans la pré-
paration de la composition désignée sous le nom de Cattle Foods.
Substitution et Falsification. — Quatre autres espèces d 'Ophelia : les
pulchella Don, O. angustifolia Don, densifolia Crises., elegans Wigiit,
multiflora Dalz., deux ou trois espèces à'Exacum, et Y Andrographis
pamculala Wall. (voy. p. 161), sont plus ou moins connus dans les
bazars indiens sous le nom de Chiretta (1), et possèdent, à un degré plus
ou moins élevé, les piopiiétés amères et toniques de cette drogue. Une
autre Gcntianacée, le Slevogtia orienlalis Gmseb., porte le nom de
Chota Chiretta ou Petit Chiretta. Nous dépasserions les limites qui nous
sont assignées, en décrivant chacune de ces plantes. Nous avons donné
une description un peu détaillée du véritable Chirayta qui suffira poul-
ie taire reconnaître. Nous avons fréquemment examiné le Chirayta qui
se trouve sur le marché anglais, et nous n'y avons jamais trouvé aucune
autre sorte de Chirayta que le véritable (2).
(a) Les Ophelia Don (in Phil. Mag., 1836, 77) sont des Gentianacées de la tribu
j es Lisianthees, très-voisins des Sicerlia avec lesquels MM. Bentham et Hooker
les confondent. Ils ont un calice 4 ou 5 parti te, à segments connés à la base
valvaires ; une corolle rotacée, marcescente, munie de glandules au-dessus de là
base; des anthères incombantes; un ovaire uniloculaire, pluriovulé, surmonté de
deux stigmates souvent sessiles; une capsule bivalve, septicide, plurisperme. [Trad.J
PETITE CENTAURÉE.
Origine botanique et description. — Erytlirœa Centaurium PçpsooN.
Les Erylhrœa Renealm. ( Species , 77, t. 76) sont des Gentianacées de la tribu des
Gentianées, a fleurs pentamères ; à anthères se contournant en spirale après la dé-
hiscence ; a style filiforme et caduc, trifide ; à capsule linéaire, presque biloculaira ;
à graines subglobuleuses, comprimées, réticulées ou ridées.
L ’ Erylhrœa CenfaimtmPERsooN ( Syn . pl., I, 283), vulg. Petite Centaurée , Herbe
à mille florins , est une petite plante herbacée, bisannuelle, dont la souche émet de
deux à cinq ou dix rameaux aériens dressés, hauts de 20 à 30 centimètres, à rami-
fications opposées. La racine est fusiforme, courte et ramifiée. Tous les axes sont
grêles, quadrangulaires, et munis, au niveau des angles, d’arêtes saillantes. Les feuilles
sont toutes opposées et entières. Les feuilles radicales sont obovées, obtuses, atté-
nuées .i la base, disposées en rosettes. Les feuilles caulinaires sont ovales-oblongues
ou oblongues, aiguës ou obtuses, sessiles ; vers le sommet de la tige, elles sont
étioites et très-aiguës, et dans le voisinage des fleurs elles deviennent linéaires.
Elles sont toutes d’un vert gai, glabres, tout à fait entières. Elles sont munies de
(1) Moodeen Siieriff, Suppl, to the Phann. of India, 1867, 188, 189. — Pharmaco -
pœia of India, 1878, 148-149.
(2) M. E. A. Wedu a signalé un cas de falsification dans lequel des racines de Ru-
bia cordifolia L. ( Munjit ) avaient été enfermées dans des paquets de Chirayta.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. ]0Î>
trois nervures longitudinales, qui convergent vers l’extrémité de la feuille, en di-
minuant graduellement de force, et s’v réunissent. La nervure médiane est plus
marquée que les deux autres, et sc prolonge, dans le Las, en une petite arête longi-
tudinale qui s’éteint sur la face correspondante
du rameau ; les deux bords de chaque feuille
continuent les deux arêtes qui leur correspon-
dent ; comme les deux feuilles sont très-rappro-
chécs au niveau de leur insertion, les quatre
arêtes de l’axe qui répondent à leurs bords sont
rapprochées deux à deux. Les quatre faces de
l’axe sont ainsi fort inégales ; au niveau de
chaque nœud, deux plus larges répondent aux
deux faces inférieures des feuilles, et deux plus
étroites correspondent aux intervalles des feuil-
les. Chaque rameau se termine par une sorte
de corymbe dense, formé de cvmes très-rappro-
chées, situées à l’aisselle de feuilles linéaires, et
formées de fleurs très-courtement pédicellées.
Les fleurs sont régulières, hermaphrodites, à
réceptacle convexe. Le calice est gamosépale,
vert, tubuleux, muni de cinq angles saillants
qui répondent à cinq dents allongées et poin-
tues. La corolle est rouge, gamopétale, tubu-
leuse, à tube presque moitié plus long que le
calice au moment de l’anthèse, cylindrique ou
un peu rétréci au niveau de la gorge. Le limbe
de la corolle est divisé en cinq lobes lancéolés,
obtus, tordus dans la préfloraison. La corolle
est marcescente, et enveloppe le fruit au-dessous
duquel elle se contourne. L’androcée est formé
de cinq étamines alternes avec les pétales, à
lilets connés au tube de la corolle jusqu’au niveau de sa gorge, à anthères ovoïdes,
étroites et allongées, basifixes, biloculaires, introrses, déhiscentes par des fentes
longitudinales. Après l’émission du pollen, l’anthère se contourne en spirale à deux
tours. Le gynécée est formé de deux carpelles connés en un ovaire supère, unilocu-
laire, linéaire, surmonté par un style filiforme, renflé et bifide au niveau de son ex-
trémité stigmatique ; chaque branche de la bifurcation est repliée en dehors et
couverte de papilles sur sa face interne, convexe. La cavité ovarienne offre deux pla-
centas pariétaux très-saillants, bilabiés, épais, divisant presque l’ovaire en deux loges,
et chargés, sur chacune de leurs lèvres, d’un très-grand nombre d’ovules anatropes,
horizontaux. Le fruit est une capsule étroite, plus longue que le calice, presque bi-
loculaire, terminée par la base du style qui, seule, persiste sous forme d’une petite
pointe. La déhiscence est septicide ; chaque valve entraîne deux demi-placentas
répondant à ses deux bords renflés en dedans, chargés de petites graines cunéifor-
mes, aplaties, paraissant, sur une coupe transversale, triangulaires, avec une face
convexe et deux faces plus petites, concaves, séparées par une arête longitudinale.
Les téguments sont noirs et réticulés, et renferment un albumen abondant qui
entoure un petit embryon cylindrique, à radicule dirigée vers la petite extrémité,
foutes les parties de la plante possèdent une saveur amère très-prononcée. Les
Fig. ISo. Erythræa Centaurium.
Port. Coupe verticale de la fleur. Anthères.
106 CONVOLVULACÉES.
fleurs ont une odeur assez agréable qui disparaît, en partie, sous l’influence de la des-
siccation.
On emploie particulièrement les sommités fleuries de la petite Centaurée,
recueillies au moment où elles sont en pleine floraison. En France, la récolte se fait
en juillet et en août. La plante paraît être d’autant plus active que la floraison est
plus avancée. Pour conserver la coloration des fleurs, on les fait sécher dans des cor-
nets de papier.
Composition chimique. — • M. Méhu (l) a trouvé dans la petite Centaurée une ma-
tière analogue à la santonine, qu’il a nommée Erythrocentaurine (Cs5Htv08). Il la
prépare en agitant l’extrait alcoolique de la plante avec de l’éther qui, en s’évaporant,
abandonne un résidu semi-fluide, brun. De celui-ci, se séparent des cristaux d’érv-
throcentaurine impure. On la purifie par recristallisation dans l’eau et décoloration
par le charbon animal. L’érythrocentaurine est neutre ; elle fond à 136° C., et cris-
tallise par refroidissement de sa solution aqueuse. Elle est très-peu soluble dans l’eau
froide, et se dissout dans 35 parties d’eau bouillante. Elle est soluble dans l’alcool,
davantage dans le chloroforme, et moins dans l’éther. L’acide sulfurique fumant la
dissout sans l’altérer. Elle se colore, sous l’influence de la lumière, en rouge vif, mais
donne alors des solutions incolores qui la fournissent incolore sans qu’elle ait subi
d’altération.
M. Méhu a indiqué, en outre, dans la petite Centaurée, une matière résineuse beau-
coup moins connue qu’il a nommée Cenlauri-résine, et un principe amer que les
dissolvants divisent en deux parties : une matière sèche, et une matière molle. Cette
dernière donnerait, d’après M. Méhu, à l’eau distillée, son odeur particulière. De nou-
velles recherches sont nécessaires pour la détermination de tous ces corps.
Usages. — La petite Centaurée constitue un tonique amer et stomachique im-
portant. On l’emploie beaucoup dans la médecine populaire, comme vermifuge. Elle
jouit aussi d’une réputation de fébrifuge presque égale à celle de la grande Centau-
rée, mais aussi peu méritée. On l’administre en décoctions de sommités fleuries,
ou eu extrait. Elle entre dans la composition d’un certain nombre de vieilles prépa-
rations pharmaceutiques, telles que la Thériaque, le Baume vulnéraire, 1 Esprit
carminatif de Sylvius, etc. [Trad.]
CONVOLVULACÉES
SCAMMONÉE.
Scammonium ; angl., Scammomj: allem., Scammonium.
Origine botanique. — Convoloulus Scammonia L. C’est une plante vo-
lubile, ressemblant beaucoup au Convoloulus civvensis d'Europe, dontelle
diffère par sa taille plus considérable, et par sa racine renflée en fuseau.
On la trouve dans de vastes régions buissonneuses, en Syrie, en Asie Mi-
neure, en Grèce, dans les îles grecques, s’étendant vers le nord jusqu’en
Crimée, et dans le sud de la Russie. Elle paraît manquer dans le nord
de l’Afrique, en Italie et dans toutes les parties occidentales du bassin
de la Méditerranée (a).
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 107
Historique. — Le suc épaissi de la Scamraonée est connu en médecine
depuis une époque très-reculée. Théophraste, au troisième siècle avant
Jésus-Christ, en avait connaissance. Il était également connu de Dios-
coride, de Pline, de Gelse, de Rufus d'Ephèse, qui ont tous donné
des détails sur la façon dont on le récoltait. Les médecins arabes con-
naissaient également le suc de la Scammonée, et la plante qui le fournit.
La drogue était employée en Angleterre aux dixième et onzième siècles.
Elle paraît avoir ôté recommandée au roi Alfred le Grand par Hélias,
patriarche de Jérusalem (1). Elle est fréquemment nommée dans les
écrits médicaux antérieurs à la conquête des Normands (1066). Dans
l’un d’eux, on donne le moyen de reconnaître la bonté de la drogue à
l’émulsion blanche qu’elle produit lorsqu’on la mouille.
Les botanistes du seizième et du dix- septième siècle, notamment Brun-
fels, Gesner, Matthiolus, Dodonæus, etlesBauhin, décrivent et figurent
la plante sous le nom de Scammonia syriaca. La récolte de la drogue
fut bien décrite, en 1752, parRussel, médecin anglais d’Alep, dont le
récit (2) est accompagné d’une excellente figure représentant la plante
et le moyen de recueillir son suc.
Les qualités de la Scammonée furent d’abord distinguées par les noms
A'Alep et de Smyrne, la première sorte coûtant deux ou trois fois plus
que la seconde. Aujourd’hui la Scammonée d’Alep a tout à fait perdu
sa priorité.
Localités qui produisent la drogue. — La Scammonée est recueillie
dans l’Asie Mineure, de Brussa et Boli dans le Nord, à Macri et Adalia
dans le Sud, et vers l’Est jusqu’à Angora. Dans cette aire, les localités les
plus productives sont : la vallée du Mendereh, au sud de Smyrne, et les
districts de Kirkagach et Demirjik au nord de cette ville. Les environs
d’Alep en produisent aussi, ün en recueille une petite quantité plus au
sud, en Syrie, sur les montagnes boisées, et dans les vallées voisines du
lac de Tibériade et du mont Carmel.
Production. — La plante qui fournit la Scammonée possède une longue
racine ligneusequi produit, dans le bas, un petit nombre debrancheslaté-
(1) C est l’opinion exprimée par le R. O. Cockayne. La lettre d’Helias à Alfred est in-
complète, et mentionne seulement le baume, le pétrole, la thériaque, et une pierre
blanche employée comme charme. Mais un renvoi, lait dans une autre partie du ma-
nuscrit, à ces quatre articles, etenmême temps à lasoammonée, la gomme ammoniaque,
la gomme adragante et le galbanum, nous conduit à penser que ces dernières dro ■
gués de Syrie et de Perse étaient signalées dans la partie perdue de la leLtrc du pa-
triarche. — Voyez : Lcechdoms, Wortcunning and Starcraft of Early Enylahd, édit,
par Cockayne (Master of the Rolls Sériés), II, xxiv, 289, 175 et 273, 281 .
(2) Medical Observations and Inquiries, 1757, 1, 12.
108
CONVOLVULACÉES,
raies, el émet, au niveau de sa base noueuse, de nombreuses tiges vo-
lubiles, persistantes, et ligneuses à la base. Dans une plante de trois à
quatre ans, la racine peut avoir 2 centimètres et demi ou plus de dia-
mètre. Dans les vieux échantillons, elle acquiert parfois un diamètre de
8 a 10 centimètres. Sa longueur varie de 00 à 00 centimètres, suivant les
profondeurs du sol dans lequel elle croît. Lorsqu’on coupe cette ra-
cine, elle laisse exsuder un suc laiteux qui se dessèche en une sub-
stance d’un brun doré, transparente, gommeuse. C’est la Scammonée
pure (1).
La méthode employée pour la récolte de la Scammonée destinée
à 1 usage médical paraît être la même dans toutes les localités. Elle
a été décrite, de la façon suivante, à l’un de nous, par deux témoins ocu-
laires, qui avaient longtemps résidé en Orient (2). On commence par
éclaircir les buissons au milieu desquels croît la plante. On creuse alors
la terre autour de cette dernière, de façon à mettre à nu 10 ou 12 centi-
mètres de la racine. On incise ensuite obliquement la racine à 3 ou
5 centimètres au-dessous de la couronne, et l’on enfonce, au-dessous de
l’extrémité inférieure de l’incision, une coquille de moule destinée à
recevoir le suc laiteux, qui s’écoule immédiatement. On laisse d’ordi-
naire les coquilles jusqu’au soir ; on les recueille alors, et on racle la
plaie de la racine avec un couteau, pour enlever les gouttes de suc qui
s’y sont desséchées. Ces dernières sont nommées par les paysans de
Smyrne Kcrimak , crème, tandis qu’ils désignent le contenu plus mou
des coquilles sous le nom de Gala , lait.
On laisse parfois la Scammonée se dessécher dans les coquilles, et
l’on a une qualité de la drogue qui peut être considérée comme la
dernière limite de perfection qu’elle puisse atteindre. Cette Scammonée
en coquilles n’entre pas dans le commerce, mais les paysans en gardent
une certaine quantité pour leur usage personnel.
Le contenu des coquilles, et les gouttes raclées sur la racine, sont
réunis dans un vase en cuivre couvert, ou dans un sac en cuir, pour
être rapportés à la maison. On rend la masse homogène en la mélan-
geant à l’aide d’un couteau, et on l’abandonne à la dessiccation. On
obtient ainsi une sorte de Scammonée qui se rapproche beaucoup de
(1) Son nom dérive probablement de oxâu.jj.a, fossé ou trou, par allusion a l’excava-
tion qu’on pratique autour de la racine.
(2) L’un est S. II.Maltass, de Smyrne, dont on trouvera un mémoire intéressantdans
le Pharm. Jourti , 185'., XIII, 264, et l’autre M. Edward T. Rogers, consul d'Angle-
terre, d’abord à CaifTa et maintenant (1874) au Caire.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 10g
celle qui s’est desséchée dans les coquilles, et qui est d’une qualité
exceptionnelle. Ordinairement, les paysans ne font pas sécher le suc
aussi promptement. Ils laissent accumuler leurs récoltes journalières
et lorsqu’ils en ont recueilli une ou deux livres, ils exposent la drogue
au soleil pour la faire ramollir, puis ils la pétrissent, parfois en y
ajoutant un peu d’eau, en une masse plastique qu’on abandonne enfin
à la dessiccation. Par cette longue exposition à la chaleur, et le maintien
à l’état humide, la Scammonée subit une fermentation, acquiert une
odeur forte de fromage, et une coloration foncée, et lorsqu’enfin elle
est sèche, elle offre une structure plus ou moins poreuse ou bulleuse
que ne présente pas la Scammonée en coquilles.
La Scammonée est falsifiée sur une grande échelle. La falsification est
fréquemment faite par les paysans, qui mélangent à la drogue encore
molle des substances étrangères. Elle est effectuée aussi par les mar-
chands, dont quelques-uns l’achètent aux paysans à demi desséchée.
Les substances employées pour cette sophistication sont nombreuses;
les plus communes et les plus faciles à reconnaître, d’après notre expé-
1 ience, sont le caibonate de chaux et la farine. On emploie aussi les
cendres de bois, la terre (fréquemment calcaire), la gomme arabique et
la 'gomme adragante ; plus rarement, la cire, le jaune d’œuf, la poudre
de racine de Scammonée et la mine de plomb.
Description. — Le suc pur de la racine, simplement desséché par ex-
position au soleil et à 1 air, est une substance amorphe, transparente,
cassante, à aspect résineux, à coloration d’un brun jaunâtre et à cassure
luisante. On tiouve accidentellement de la Scammonée offrant ces carac-
tères, en masses aplaties, irrégulières, épaisses de 1 à 2 centimètres, très-
cassantes, en raison de leurs fissures intérieures, mais contenant peu
de cavités à air. En masse, elle est d’un brun marron, mais, en petits
fiagments, elle est d un brun jaunâtre très-pâle, transparente, avec une
surface de cassure vitreuse et luisante ; réduite en poudre, elle est colo-
rée en chamois très-clair. Lorsqu’on la frotte avec le doigt mouillé, elle
forme une émulsion blanche. Traitée par l’éther, elle donne de 88 à 90
pour 100 de matière soluble, et un résidu presque incolore. La Scammo-
née, comme le suc pur des coquilles, moisit très-facilement, et lorsqu’on
la conserve longtemps, elle se recouvre d’un efflorescence blanche, ma-
melonnée, cristalline, dont nous n’avons pas pu déterminer la nature.
Cependant, lorsqu’elle est conservée à l’état de dessiccation parfaite,
on ne voit se produire ni moisissures ni efflorescence.
La belle Scammonée du commerce, connue sous le nom de Scam-
110
CONVOLVULACÉES.
monée vierye , sc présente aussi en larges plaques, ou bien en gâteaux
et en fragments irrégulièrement aplatis, qui, vus en masse, sont noi-
râtres ou colorés en gris foncé. Elle se brise très-facilement, sa cassure
est luisante, sa poudre est d’un gris cendré, elle a une odeur parti-
culière de fromage. Certains morceaux ont une structure poreuse ou
bulleuse, indiquant la fermentation qu’elle a subie. Les plus volumi-
neux offrent parfois l’efflorescence dont nous avons parlé. LaScammo-
née n’a pas beaucoup de goût, mais elle laisse dans la gorge une sensa-
tion d’âcreté.
Composition chimique. — La Scammonée doit ses propriétés médica-
menteuses à une résine, que Spirgatis, en 1860, a montré être
identique à celle que l’on trouve dans la racine de Ylpomæa oriza-
bensis du Mexique, connue, dans le commerce, sous le nom de Jalap
mâle. Cette résine, nommée Jalapine, sera décrite dans l’article suivant.
Les autres principes constituants de la Scammonée pure ne sont pas
bien connus. L’un d’eux est la substance dont nous avons parlé plus
haut, qui se sépare en cristaux mamelonnés à la surface de la Scam-
monée conservée dans un état de dessiccation imparfaite.
Il y a à rechercher si l’odeur de la Scammonée du commerce est due
à un acide gras volatil développé par la fermentation.
Commerce. — L’exportation de la Scammonée faite par Smyrne s éleva,
en 187 1 ,à 278 caisses, valant 8 320 livres sterling ; en 1872, à 183 caisses,
valant 6100 livres sterling. D’après un rapport du consul Skene, sur le
commerce du nord de la Syrie (I), 737 caisses de Scammonée furent ex-
portées de la province d’Alep, en 1872, la sixième partie de cette quan-
tité à destination de l’Angleterre. En 1873, l’Angleterre a reçu 900 ki-
logrammes de Scammonée, et 46 500 kilogrammes de racine de Scam-
monée, exportés d’Alep par voie d’Alexandrette.
Usages. —La Scammonée est employée comme cathartique énergi-
que, souvent mélangée avec la coloquinte et le calomel.
Falsification. — La Scammonée est très-souvent importée à l’état fal-
sifié, mais la falsification est si grossière et si facile à découvrir par des
procédés simples, ou même à la seule vue, que les droguistes ne peu-
vent être excusés lorsqu’ils acceptent un article de mauvaise qualité.
Nous avons déjà indiqué les substances employées pour falsifier la
Scammonée ; parmi elles, le carbonate de chaux et les farines sont celles
qu’on trouve le plus fréquemment. On peut ordinairement découvrir le
(1) Présenté au Parlement en juillet 1873.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. \\\
premier en examinant la surface de cassure de la drogue avec une
bonne loupe qui rend visibles les particules blanches de carbonate. Si
l’on touche alors la surface, sous la loupe, avec de l’acide chlorhy-
drique, il se produit une effervescence qui indique la présence du car-
bonate. On peut découvrir les autres matières terreuses par l’incinération,
ou en examinant le résidu de la drogue préalablement traitée par l’éther.
On peut soupçonner la présence des matières féculentes par la diffi-
culté qu’on éprouve à casser la drogue, et les reconnaître à l’aide du
microscope ou de la solution d’iode, la décoction froide de Scammonée
n’étant pas affectée par ce réactif. On doit rejeter toute Scammonée qui
est lourde, terne et terreuse, et qui ne se brise pas facilement entre les
doigts, ou dont la cassure n’est pas nette, luisante, et celle qui ne con-
tient pas au moins 80 pour 100 de matières solubles dans l’éther. Celle
qui se présente en pains durs, foncés, circulaires, est très-différente de la
Scammonée pure.
On peut distinguer la Scammonée de la Résine de Scammonée à sa pro-
priété de former une émulsion lorsqu’on l’humecte. La résine est aussi
plus luisante, et presque entièrement soluble dans l’éther.
RACINE DE SCAMMONÉE.
Les fraudes auxquelles la Scammonée du commerce est communément
soumise, ont donné naissance à des procédés divers pour l’obtenir sous
une forme plus pure, et en même temps moins coûteuse (1).
Dès 1839, le Collège d Edinburgh prescrivit une Résina Scammonii ,
préparée en épuisant la Scammonée avec de l’alcool, distillant l’es-
piit, et lavant le résidu avec de l’eau. Cet extrait était fabriqué par
Maltass, de Smyrne, et accidentellement expédié à Londres. Sous l’in-
spiration de M. Clark, fabricant de réglisse à Sochia, près de Scala Nuova,
une patente fut prise, en 1856, par le professeur A. W. Williamson, de
Londres, pour 1 extraction de la résine, directement des racines sèches, à
1 aide de 1 alcool. Le même chimiste imagina plus tard un procédé perfec-
tionné qui consiste à faire d’abord bouillir les racines dans l’eau, puis
dans un acide dilué, de façon à les priver de toutes les matières solubles
dans ces liquides, et à extraire ensuite la résine à l’aide de l’alcool.
La résine de Scammonée retirée soit de la Scammonée, soit de la racine
, ?a ®cammonée est cotée dans un prix courant de Londres d’avril 1874, de 8
G s îillings la livre, et la résine de Scammonée à 14 shillings la livre.
Fig. 150. Convoluulus Scammonia. Port. Coupe verticale de la fleur. Pistil isolé.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 1J3
sèche, est prescrite par la Pharmacopée anglaise de 1867, et est fabri-
quée par un petit nombre de maisons. C’est une substance cassante
brune, translucide ; à cassure résineuse ; entièrement soluble dans l’éther
et ne formant pas d’émulsion lorsqu’on l’humecte avec de l’eau.
La racine de Scammonée est accidentellement apportée sur le marché
de Londres, et parfois en grande quantité (1); mais elle n’est générale-
ment pas vendue par les droguistes, et ne se trouve pas dans leurs prix
courants. Sa récolte est interdite, dans quelques parties de la Turquie,
par les autorités locales (2).
La racine se présente en fragments cylindriques, épais, ligneux, sou-
vent tordus en spirale, larges de 5 à 7 centimètres, et couverts d’une
écorce rugueuse, ridée, d un brun grisâtre. Elle est colorée intérieure-
ment en brun pâle ; elle esL dure et résineuse ; son odeur est faible, et
sa saveur ressemble à celle du jalap. Un bon échantillon nous a donné
5,50 pour 100 de résine.
(?) ^es Convolvulus L. (Gcn., n. 215) forment le type d’une série de Convolvu-
lacées à fleurs régulières et hermaphrodites, pentamères ; à ovaire entouré d’un
disque hypogyne, et surmonté d’un long style, bifide au niveau de son extrémité stig-
matique ; à deux loges biovulées ; à fruit capsulaire, septicide ; à graines albumi-
nées ; à embryon recourbé, muni de cotylédons très-larges et plusieurs fois repliés
sur eux-mêmes.
, Le Convolvulus Scammonia L. (Species, 218) est une plante à souche vivace,
émettant chaque année de nombreuses tiges aériennes grêles, volubiles, lisses ar-
rondies, un peu anguleuses vers les extrémités, ramifiées. Les feuilles sont alternes,
simples, entières sur les bords, assez longuement pétiolées, à limbe oblong, étroit,
sagitte, aigu au sommet, prolongé à la base en deux auricules, terminées chacune
5ar ' ÏUX P°Intes ,né°ales et ai£uës; 11 est entièrement lisse sur les deux faces,
f ont 1 inferieure est uu peu plus pâle; il est muni d’une nervure médiane étendue
( epius e pétiole .jusqu à 1 extrémité de la feuille, et de deux autres nervures qui s'en-
foncent dans les deux auricules aiguës de la base. De ces trois nervures de premier
ordre, partent des nervures secondaires qui s’anastomosent sur les bords de la feuille ;
es premières sont peu saillantes, les autres sont plutôt déprimées. Le limbe est
on^ ce. à 8 centimèties. Le pétiole est long de 2 à 4 centimètres. Les fleurs sont
isposees en cymes axillaires de deux ou trois fleurs, portées par de longs pédoncules
greles, et distribuées sur toute la longueur des rameaux. Le calice est gamosépale, à
nnq oies imbriques ,en quinconce dans la préfloraison. La corolle est monopétale,
campaniforme, colorée en blanc jaunâtre pâle, à bord entier à l’état de complet déve-
oppement, formant dans le bouton cinq plis qui se recouvrenten préfloraison tordue.
an ioc ;e est formé de cinq étamines nées en alternance avec les pétales. Les filets
s animaux sont connés, dans le bas, avec le tube de la corolle, jusqu’au niveau de la
flj balles furent offertes dans une vente de drogues le 3 juillet 1873.
i i? a*n3i k a*ns‘ fIue nous en avons été informé par une lettre du
consul, M. Skene. [D. Hanb.]
HIST. DES DKOGUES, T. 11.
8
114 CONVOLVULACÉES.
base du style ; ils sont rétrécis vers le haut, et terminés chacun par une anthère ba-
silixe, allongée-ovoïde, à deux loges étroites, fixées sur les bords du connectif, et dé-
hiscentes chacune par une fente longitudinale. M. Bâillon (1) a montré que les loges
sont primitivement introrses, mais qu’au moment de la déhiscence le connectif
qui s’étend entre les deux loges en forme de lame, et qui était d’abord plan, de-
vient concave en dehors en rapprochant scs bords qui portent les loges, de sorte
que celles-ci deviennent extrorses. Le gynécée est formé de deux carpelles connés
en un ovaire biloculaire, supère, un peu rétréci à la base, et atténué au sommet en
un style cylindrique aussi long que les étamines, et se terminant au niveau des
anthères par deux branches stigmatiques allongées, aplaties en dedans, convexes et
couvertes de papilles stigmatiques en dehors. Entre la base de l’ovaire et l’androcée,
le réceptacle se soulève pour former un disque hvpogyne, annulaire, charnu, à bord
arrondi et entier. Chaque loge ovarienne contient deux ovules insérés à la base
de l’angle interne, anatropes, dressés, à micropvle dirigé en bas et en dehors.
Le fruit est une capsule septicide, contenant, dans chaque loge, deux graines à al-
bumen muciiagineux, et h. embryon recourbé, avec deux cotylédons très-larges, re-
pliés plusieurs fois sur eux-mêmes. [Trad.]
RACINE DE JALAP.
Radix Jalapæ ; Tubcr Jalapæ ; angl., Jalap, Vera-Crus Jalap , allcrn., Jalapc.
Origine botanique. — Ipnmæa Purga Hayne ( Convolvulus Purga Wen-
deroth, Exogonium Purga Bentham). C’est une plante herbacée, à ra-
cines tubéreuses et à tiges volubiles, à feuilles cordées, acuminées, mu-
nies d’auricules aiguës, et à fleurs élégantes, campanulées, colorées en
rose foncé. Elle croît spontanément dans les parties orientales déclives
des Andes mexicaines, aune hauteur d’environ 1500 à 2400 mètres au-
dessus du niveau de la mer. On la trouve surtout autour de Ghicon-
quiaco et des villages adjacents, et aussi dans le voisinage de San Sal-
vador, sur les pentes orientales du Cofre de Perote. Dans ces localités,
la pluie tombe presque tous les jours, et la température diurne varie de
15° à 24° G. ; la plante y vit dans les bois ombragés, et réussit très-bien
dans ce sol végétal riche et profond (a).
Le Jalap croît facilement dans le sud de l’Angleterre, lorsqu’on le
plante le long d’un mur qui le protège, mais il fleurit trop tard, en au-
tomne, et ses fleurs ne s’épanouissent que rarement. Les tubercules, qui
se produisent en assez grande abondance, périssent facilement pendant
l'hiver, à moins d’être protégés contre la gelée.
La plante a été introduite dans les montagnes de Neilgherry, dans le
(1) Bulletin de l'Association française pour l’avancement des sciences, 1874, 453.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. j|g
sud de l’Inde. Elle yré'ussit(l) d’une façon remarquable, et pourrait être
facilement répandue, si l’on y trouvait quelque avantage. Cependant
des nouvelles plus récentes ne confirment guère cette manière de voir.
Historique. — L’emploi, en qualité de purgatif, d’une plante convol-
vulacée du Mexique, fut indiqué par les premiers voyageurs espagnols.
L’estime accordée à la nouvelle drogue fut si grande, que, pendant le
seizième siècle, on en importa en Europe des quantités considérables.
Monardes, en 1565, dit que la nouvelle drogue était nommée Ruybarbo
de las Indias ou Ruybarbo de Mechoacan, ce dernier nom lui étant donné
par allusion à la province de Michoacan, d’où la marchandise provenait.
Quelques écrivains ont émis l’opinion que la racine de Mechoacan était
le Jalap moderne, mais rien ne confirme cette manière de voir. La
description donnée du Mechoacan, et le lieu de sa production, ne
s’appliquent pas bien au Jalap. Les deux drogues étaient en outre
connues vers 1610. Elles sont parfaitement distinguées par Colin, apo-
thicaire de Lyon (1619), qui mentionne le Jalap (î racine de Ialap) comme
récemment apporté en France (2). Elles étaient cependant souvent con-
fondues, ou du moins distinguées, seulement, par la différence de leur
coloration. Le Jalap, qui était, à cette époque, importé en tranches
tranversales (3), portait, à cause de Isa couleur noire, le nom de Mechoa-
can noir ; tandis que le mechoacan le plus pâle était, dans les derniers
temps, connu sous le nom de Jalap blanc. On sait aujourd’hui que la
racine de Mechoacan était constituée, du moins en partie, par le tuber-
cule épais de Vlpomæa Jalapa Purs n(RatatasJalapa Choisy), plante du sud
des Etats-Unis et du Mexique. Elle est depuis longtemps abandonnée,
comme drogue, en Europe, et a cédé sa place au Jalap, qui est plus actif.
La source botanique du Jalap ne fut définitivement déterminée que
vers l’année 1829, par le docteur Goxe, de [Philadelphie. Il publia une
description et une figure coloriée, prises sur une plante vivante, qui
lui avait été envoyée de Mexico deux années auparavant (4).
Mode de croissance. — Quoique nous ayons cultivé le Jalap pendant
plusieurs années, nous n avons pas eu les moyens d’étudier la plante
venue de semences. En jugeant par analogie, nous supposons qu’elle
( j ^ cn est ainsi, par exemple, à Ootacamund. M. Broughton, dans une lettre adressée
; 1 un de nous, dit qu’il a reçu « une grappe de tubercules b pesant plus de 9 livres.
II fait remarquer que la plante croît aussi facilement que l’igname.
(2) Monardes, Hist. des médicam., traduite par Colin, éd. 2, .1619, 131. — La pre-
mierc édition do ce livre paraît etre inconnue,
(3) Hill, Hist. of the Mat. Med. Lond. 1751, f; /, g .
(4) Amer. Journ. of Med. Se., 1829, V, 300, t. 1 et 2.
116 CONVOLVULACÉES.
possède d’abord une petite racine fusiforme qui s’épaissit ensuite peu à
peu à la façon d’un radis. La racine renflée du Jalap, nommée par un
grand nombre de botanistes tubercule de Jalap, produit, indépendamment
des tiges aériennes, des pousses grêles, souterraines, desquelles naissent
des racines à divers intervalles. Ces dernières, lorsqu’elles ont de 3 à
5 centimètres de long, s’épaississent, prennent la forme d’une carotte,
et s’élargissent graduellement en corps napiformes, semblables à des
tubercules, qui émettent par leur surface un petit nombre de radicules,
et se prolongent inférieurement en longues ramifications grêles. Les ra-
cines épaissies n’offrent aucune trace d’organes foliacés. La tige aérienne
puise sa nourriture dans la souche qui lui a donné naissance. Les ra-
cines fraîches de Jalap sont extérieurement rugueuses, et colorées en
brun foncé ; à l’intérieur elles sont blanches et charnues.
Récolte. — Le Jalap passe pour être récolté au Mexique pendant
toute la durée de l’année (1). Les petites racines sont séchées entières ;
les plus grosses sont coupées transversalement, ou incisées de façon à ce
qu’elles sèchent avec plus de rapidité. Comme la dessiccation au soleil
serait presque impossible, à cause de la douceur du climat, on place les
racines dans un filet qu’on suspend au-dessus du foyer, presque toujours
allumé, des huttes indiennes. Les racines s’y dessèchent lentement, et
contractent en même temps une odeur de fumée. Une grande partie
du Jalap, importé dans ces derniers temps, était davantage coùpé en
tranches, et avait dû être, par suite, desséché avec moins de difficulté.
D’après Schiede, dont le mémoire fut écrit en 1829 (2), les Indiens
de Chiconquiaco commençaient, à cette époque, à cultiver le Jalap dans
leurs jardins.
Description. — Le Jalap du commerce consiste en racines irrégu-
lières, ovoïdes, dont la taille varie depuis celle d un œuf jusqu à celle
d’une noisette ; parfois elles atteignent la grosseur du poing de l’homme.
Elles sont, d’ordinaire, pointues à l’extrémité inférieure, profondément
ridées et contournées, colorées en brun foncé, et marquées de petites
cicatrices très-nombreuses, allongées, plus claires, disposées en cercles
transversaux. Les grosses racines sont incisées dans le sens de la lon-
gueur, ou coupées en tranches ou en quartiers, taudis que les plus petite*
sont ordinairement entières. Quelques-unes de ces dernières sont fusi-
(1) Il est évident qu’un pareil procédé est irrationnel. Les racines ne devraient être
arrachées que lorsque les tiges aériennes sont mortes.
(2) Linnæa, 1830, III, 473 ; Pharm. Journ., 1867, VIII, 652. Nous ne possédons pas
de renseignements plus récents.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 117
formes ou cylindriques. On peut en trouver de presque globuleuses,
lisses et comme poisseuses, mais ces dernières sont rarement pleines.
Le bon Jalap est pesant, solide, dur et souvent corné. Il devient cassant
lorsqu’on le conserve longtemps. Sa cassure est résineuse, et non fi-
breuse. Il est coloré, intérieurement, en brun noirâtre pâle, ou en blanc
sale. Il a une odeur faible de fumée, ou plutôt de café, et une saveur
fade, accompagnée d’âcreté.
Structure microscopique. — Sur une coupe transversale, le Jalap
n’offre pas de structure radiée, mais de nombreux petits cercles concen-
triques qui, 'sur un grand nombre d’échantillons, sont très-régulière-
ment disposés. Ils sont dus aux cellules laticifères, qui ne diffèrent du
parenchyme environnant que par leur contenu et leurs dimensions plus
considérables. Ces laticifères traversent le tissu en direction verticale,
en constituant des bandes verticales, ainsi qu’on peut l’observer sur une
coupe longitudinale. Les cellules qui les forment sont simples et dis-
posées les unes au-dessus des autres, sans former de vaisseaux véri-
tables comme ceux qu’on trouve dans la Laitue et le Pissenlit.
Les faisceaux fibro-vasculaires du Jalap ne sont ni nombreux ni larges ;
ils sont accompagnés par des cellules à parois minces, de sorte qu’il
n’existe pas de faisceaux ligneux durs. Les cellules parenchymateuses
sont abondantes, et paraissent former, sur une coupe longitudinale, des
couches concentriques. Les cellules laticifères se trouvent toujours dans
la partie extérieure de chaque couche. La zone de suber qui recouvre
la racine est formée, selon l’habitude, de cellules tabulaires. Le
parenchyme du Jalap est rempli de grains d’amidon. Dans les morceaux
qui ont été desséchés à la chaleur, l’amidon se présente en masses
amorphes. La drogue, au lieu d’être farineuse, offre alors une consis-
tance cornée et une cassure grisâtre. Les cellules laticifères contiennent
le jalap à l’état de résine demi-fluide, même dans la drogue sèche.
Lorsqu’on humecte les coupes minces avec un liquide aqueux, des
gouttes d’huile sortent des cellules.
Composition chimique. — Le Jalap doit ses propriétés médicinales à
une résine qu’on peut extraire en épuisant la drogue avec de l’alcool,
concentrant la solution alcoolique jusqu’à réduction à un faible vo-
lume, et la versant ensuite dans l’eau. La résine se précipite; on la
lave et on la dessèche. La racine en contient dans la proportion de 12 à
18 pour 100 (1).
(1) Guibourtcn retira 17 pour 100; Umney, 21,5; Squibb, de 11 à IG; T. et H. Smith,
«pas plus de 15» Iianbury, de 11 îi 15,8 pour 100. Un Jalap poussé iiBonn en donna
118 CONVOLVULACÉES.
Do cette résine brute, qui constitue la Résina Jalapæ des pharmaco-
pées, on extrait, à l’aide de l’éther, de 5 à 7 (12 d’après Umney) pour 100
d’une résine qui, d’après Kayser (1), se solidifie en partie en aiguilles
cristallines, lorsqu’on la met en contact avec de l’eau. Nous ne pouvons
pas confirmer l’assertion de Kayser. La résine insoluble dans l’éther
constitue l’une des substances auxquelles on a appliqué le nom de
Jalapine (2). W. Mayer, en 1852-1855, la désigna sous le nom de
Convolvuline (3) ; il trouva sa composition représentée par la formule
G31H50O16. Lorsque celte substance est purifiée, elle est incolore, se dis-
sout facilement dans les alcalis fixes, et n’est pas reprécipitée par les
acides parce qu’elle s’est transformée, par absorption d’eau, en acide Con-
volvulique qui est amorphe, et facilement soluble dans l’eau. La convol-
vuline et l’acide convolvulique se décomposent, lorsqu’on les chauffe
doucement avec les acides dilués ou avec de l’émulsine, en Convolvulinol
qui est cristallisable, C'26H50O7, et en sucre. Le convolvulinol, mis en con-
tact avec des alcalis aqueux, se convertit en acide Convolvulinolique,
CS8H480*, qui est peu soluble dans l’eau et cristallisable.
Lorsqu’on traite la convolvuline ou ses dérivés par l’acide nitrique,
il se produit de l’acide oxalique, et un corps qui a été désigné sous le
nom d’acide Ipomæique, C10Hl8O4, isomérique de l’acide sébacique.
La convolvuline sèche fond à 150" G., mais l’addition d’une faible
proportion d’eau la rend fusible au-dessous de 100° G. Elle est insoluble
dans l’huile de térébenthine et dans l’ammoniaque. Elle se dissout dans
l’acide nitrique dilué, sans se colorer ou dégager de gaz. La convolvuline
possède à un haut degré les propriétés purgatives du Jalap. 11 n’en est
est pas ainsi du convolvulinol.
Les autres principes constituants du Jalap sont : de l’amidon, un sucre
incristallisable, delà gomme et de la matière colorante. Le sucre y existe,
d’après Guibourt, dans la proportion de 19 pour 100.
Commerce. — Nous ignorons dans quelle proportion le Jalap est pro-
duit par le Mexique. Les importations de la drogue dans le Royaume-
Uni s’élevèrent, en 1870, à 169 951 livres. 11 en parut récemment (1873)
à Marquart 12 pour 100. Une racine cultivée il Municli en donna à Widnmann 22
pour 100. W. G. Smith en retira de 9 il 10 pour 100 de plantes venues h Dublin. Do
beaux échantillons provenant d’Ootacamund, dans l’Inde, donnèrent à l’un de nous
18 pour 100 de résine. Broughton pense que l’exposition à l’air, pendant la dessiccation,
des tubercules coupés en tranches, favorise la formation de la résine par oxydation
d’un hydrure de carbone.
(1 J Gmelin, Chemistry, 18G4, XVI, 159.
(2) Notamment par Pereira, Elem. of Mat. Med., 1850, II, 1463.
(3) Gmelin, loc. cit., XVI, 154.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 119
de très-grandes quantités dans les ventes de drogues de Londres.
Usages. — Le Jalap est employé comme cathartique énergique.
AUTRES SORTES DE JALAP.
Indépendamment du Jalap véritable, les racines d’un certain nombre
d’autres Convolvulacées du Mexique ont été employées en Europe, soit
sous la forme de jalapine, soit comme éléments de falsification de la dro-
gue véritable, qui est plus coûteuse. Les deux sortes suivantes ont été
importées sur une grande échelle, et l’on a pu remonter à leur source
botanique, mais il en est d’autres qui ne se montrent que plus rarement,
et dont l’origine n’a pu être découverte (I).
d° Jalap blanc, fusiforme ou Jalap ligneux , Jalap mâle , Racine cl'O-
rizaba; Jalap Tops, Jalap Stalks des Anglais ; Pur go macho des Mexicains.
Cette drogue est produite par Ylpomæa orizabensis Ledanois (2), plante
d’Oi’izaba encore imparfaitement connue. Elle est décrite comme une
liane pubescente, à racine fusiforme, longue d’environ 60 centimètres,
ligneuse et fibreuse (b). La drogue se présente en morceaux irréguliers,
rectangulaires, ou en petites bûches provenant évidemment d’une racine
très-grosse, divisée en travers et en long. Parfois elle ressemble davan-
tage au véritable Jalap ; les racines sont entières, de petite taille, non
sphériques, fusiformes. Sa coloration est plus claire que celle du Jalap,
et elle est plus ridée longitudinalement. Les gros morceaux offrent sou-
vent des entailles profondes faites avec le couteau ou la hache. On ne la
rencontre que rarement entranches transversales. Quoique moins lourde
d’ordinaire que le Jalap, la drogue d’Orizaba offre parfois une structure
compacte et cornée. Elle se distingue facilement du Jalap, sur une sec-
tion transversale, par son aspect radié, et par les faisceaux ligneux nom-
breux et épais qui font saillie à la surface de sa cassure.
Par sa constitution chimique, la racine d’Orizaba ressemble beaucoup
au Jalap. Sa résine a été nommée par Mayer Jalapine (3). C’est la jala-
pine de Gmelin ( Chemistry , XYI, 405) et peut-être la jalapine de la phar-
macie anglaise (4). A l’état pur, cette résine est incolore, amorphe,
(1) Pour plus de détails sur quelques-uns d’entre eux, voyez Guibourt, Hist. des
Drogues, 1869, II, 523.
(2) Joum. de Chim. médic., 1834, X, 1-22, t. 1, 2.
(3) Ce nom est mal choisi et expose à des confusions; mais, comme il a été adopté dans
les ouvrages classiques, ce serait augmenter la confusion que de tenter de le rem-
placer, ainsi que ceux de ses nombreux dérivés.
(4) Du moins, les nombreux échantillons de jalapine que nous avons examinés
(1871', se sont tous montrés entièrement solubles dans l’éther .
120
CONVOLVULACÉES,
transparente. Elle se dissout complètement dans l’éther, différant ainsi
d( la convolvuline du Jalap. Nous l’avons trouvée facilement soluble
dans l’acétone, l’alcool amylique, la benzine et le phénol, et insoluble
dans le sulfure de carbone. Sa composition est représentée par la for-
mule G"HM0". Elle est donc homologue de la convolvuline. Les produits
de décomposition de la jalapine obtenus par les mêmes traitements,
c’est-à-dire l’ acide J alapique , le Jalapinol et Y acide Jalapinolique, sont éga-
lement homologues des substances correspondantes retirées de la con-
volvuline. Tous ces corps, traités par l’acide nitrique, donnent de X acide
Ipomæique. La jalapine fond à la même température que la convolvuline,
et se comporte de la même façon avec les alcalis.
La racine nous a donné 1 1 ,8 pour 1 00 de résine sèche à 100°C. Celle-ci,
parfaitement lavée, décolorée, dissoute dans deux parties d’alcool, et en
colonne de 50 millimètres de long, dévia le plan de polarisation de
9°, 8 à gauche. La convolvuline, dans les mêmes conditions, produisit
seulement une déviation de 5°, 8.
La résine de la racine d Orizaba est considérée par les chimistes
comme identique à celle de la Scammonée, dont elle possède les pro-
priétés drastiques.
2° Jalap clé Tampico ( Purga de Sierra Corda des Mexicains). - La
CCRDIE*
Fig. 157. Ipomxa simulons.
Fragment de rameau.
Fig. 158. Ipomxa simulons.
Tubercule.
plante qui fournit cette drogue a été décrite par l’un de nous, en 1869,
sous le nom d’ Ipomxa simulans (1). Elle est très-voisine de 1'/. Purga
(1) Hanbury, One species of Ipomæa affording Tampico Jalap , in Journ. of
Linn. Soc., Bot., 1870, XI, 279, t. 2 ; in Pharm. Journ., 1870, XI, 818; in Amer. Journ.
ofPharm., 1870, XVIII, 330 ; Science Papers , 849.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 121
Hayne, dont elle ne peut pas être distinguée par le feuillage, mais elle
possède une corolle campaniforme, et desbourgeons pendants très-diffé-
rents. L’ Ipomæà simulons Hanbury croît au Mexique le long de la chaîne de
montagnes de la Sierra Gorda, dans les environs de San Luis de la Paz.
Sa racine est expédiée, de ces villes et des villages voisins, à Tampico.
On l’a trouvée aussi dans les Cordillères supérieures, près d’Oaxaca,
mais nous ignorons si on y récolte la racine.
La drogue à laquelle on donne, dans le commerce, le nom de Jalap de
TarMico a été importée, pendant ces dernières années, en grande quan-
tité. Elle ressemble beaucoup au Jalap véritable, mais les racines sont
généralement plus petites, plus allongées ou digitiformes, plus ridées
et d’aspect subéreux, dépourvues des petites cicatrices transversales qui
sont très-répandues sur les racines du Jalap véritable. Certains moi-
ceaux cependant ne peuvent pas être distingués à l’œil du Jalap véri-
table, dont ils ont aussi l’odeur et la saveur. Le Jalap de Tampico a donné
à l’un de nous 10 pour 100 de résine purifiée, entièrement soluble dans
l’éther. Umney (1) en retira 12 à 15 pour 100 de résine presque entiè-
rement soluble dans l’éther. Evans en obtint 13 pour 100, mais la moitié
seulement de cette quantité se montra soluble dans 1 éther (2). D après
Andouard (3), la résine du Jalap de Tampico n’est pas dépourvue de
propriétés purgatives.
(a) Les Ipomœa L. ( Généra n. 216) ne diffèrent des Convolvulus (vov. page 113,
note a) que par leurs stigmates très-courts et globuleux.
L ’ Ipomœa Purga Wenderoth (in Lilt. ad Zuccar. ex Schlechtend., in Linnœa,
VIII, 515) est une plante à souche vivace, émettant des rameaux aériens et des ra-
meaux souterrains munis de racines tuberculeuses, charnues et globuleuses. La tige
est volubile, brunâtre, lisse. Les feuilles sont longuement pétiolées, oblongues, cor-
dées à la base, acuininées et mucronées au sommet, lisses, entières. Les fleurs sont
disposées dans l’aisselle des feuilles en cymes biflores ou triflores, portées par de
longs pédoncules grêles. Le calice est gamosépale, tubuleux, à cinq sépales obtus,
lisses, inégaux, imbriqués en quinconce dans la préfloraison. La corolle est très-dé-
veloppée, colorée en rose plus ou moins foncé ou en rouge pourpre, ou violacé ; son
tube est deux fois long comme le calice, à peu près cylindrique ; son limbe est
étalé, muni, sur la face inférieure, de cinq bandes rayonnantes plus foncées, trian-
gulaires, à sommet correspondant au sommet de chacun des cinq pétales ; le pour-
tour du limbe est pentagonal, à angles arrondis et à bords un peu échancrés entre
les angles. Dans le bouton, le limbe forme cinq plis qui se recouvrent en préfloraison
contournée. L’androcée est formé de cinq étamines exsertes, à filets connés au tube
de la corolle, grêles, terminés chacun par une anthère étroite, biloculaire, introise,
(1) Pharm. Journ., 18G8, IX, 282.
(2) Ibid., IX (1868), 330.'
(3) Etude sur les Convolvulacées purgatives (llièso), Paris, 1864, 31.
122
CONVOLVULACÉES.
déhiscente par deux fentes longitudinales.
Le gynécée est formé de deux carpelles
UUI® un ovaire supère, bilocu-
laire, surmonté d’un style grêle,
cylindrique, aussi long que les
étamines, terminé par deux bran-
ches stigmatiques courtes et glo-
buleuses. Chaque loge ovarienne
contient deux ovules anatropes,
dressés, insérés dans le bas de
1 angle interne, à micropyle di-
rigé en bas et en dehors. Le fruit
est une capsule biloculaire, sep-
ticide. Chaque loge contient deux
graines à albumen mucilagineux
et embryon courbé, avec deux
cotylédons plusieurs fois repliés
sur eux-mêmes. [Thad.]
(6) L 'Ipomœa orizabensis Pel-
leta?! (in Journ. Chim. mêdic .,
X, 1) est une plante à souche
vivace, racine tubéreuse, char-
nue, accompagnée de nombreux
tubercules. La tige est volubile,
verte, velue. Les feuilles sont cor-
dées, acuminées, mucronées, ve-
lues ; les premières développées sont réduites à l’état de bractées. Les fleurs sont
disposées par deux ou trois, portées par des pédoncules trois fois aussi longs que
la corolle. Les sépales sont oblongs, mucronés, velus. La corolle est pourpre, cam-
panulée, avec un tube renflé au niveau de la partie médiane, et un limbe ondulé, à
cinq plis tordus dans la préfloraison. Les étamines sont plus courtes que le tube
de la corolle, velues à la base. La capsule est biloculaire, chaque loge contenant
deux graines (voy. Lindley, Flora medica, 397). [Trad.]
Fig. 159. Ipomæa Purcja.
SEMENCES DE KALADANA.
Semen Kaladanæ ; Semen P/iarbitidis ; Kaladana.
Origine botanique. — Pharbitis Nil (1) Choisy ( Convolvulus Nil L.),
C’est une plante annuelle, volubile, à grande corolle bleue, très-sem-
blable au Grand Convolvulus ( Pharbitis hispida Choisy) des jardins an-
glais, mais ayant des feuilles trilobées. On la trouve dans les régions tro-
picales des deux hémisphères. Elle est commune dans l’Inde, où elle
s’élève sur les montagnes jusqu’à une altitude de 1500 mètres (a).
(1 ) Pharbitis dérive de p&ô, couleur, par allusion à la fleur. En hindoustani,
Nil signifie bleu, et Kala-dana, graine noire.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 123
Historique. — Les graines de cette plante étaient employées par les
médecins arabes sous le nom de Habbun-nil, et sont probablement em-
ployées depuis une époque très-reculée par les indigènes de l’flindous-
tan Récemment, elles ont été recommandées par O’Shaughnessy,
Kirkpatrick, Bidie, Waring (1), et plusieurs autres praticiens européens
de l’Inde, en qualité de cathartique sûr et efficace.
Description. — La forme des graines est celle qui résulterait de la
division perpendiculaire d’un corps à peu près sphérique en six ou huit
segments à peu près égaux. Leur dos est seulement un peu moins ré-
gulièrement convexe. Ces graines ont 1/2 centimètre de haut et à peu
près autant de large; une centaine pèsent environ 6 grammes. Il en
existe une variété plus petite, importée de Calcutta, dont cent graines ne
pèsent pas plus de 3 grammes. Les deux variétés sont identiques sous
tous les autres rapports. Elles sont
d’un noir foncé, sauf au niveau de
l’ombilic, qui est brun et un peu velu.
Les parties adjacentes des téguments,
qui sont minces, se fendent dans di-
verses directions lorsqu on laisse les
graines dans l’eau froide pendant un
peu de temps. Lorsqu’on enlève la Fig. igo. Graine entière
* . -, , vne par la face ven-
partie supérieure des téguments de la trale
région dorsale, la radicule devient Graine
visible, entourée parles feuilles ondulées des cotylédons, qui se re-
joignent perpendiculairement, mais ne peuvent pas être facilement
dépliés, parce qu’ils sont enveloppés dans tous leurs replis par le
tégument séminal interne (2). Sur une coupe transversale, les cotylé-
dons offrent la même disposition plissée. Dans leur tissu se voient,
même sans loupe, de petites glandes brillantes très-nombreuses.
L’amande est dépourvue d’albumen, elle a d’abord une saveur de noi-
sette, accompagnée d’une âcreté désagréable, très-persistante. Broyées,
les graines développent une odeur terreuse forte.
Structure microscopique. — La graine est couverte d une enveloppe
noirâtre foncée, formée de cellules pressées, à contours en zigzag.
L’épiderme est d’un brun foncé ; il est formé de cellules cylindiiques
très-serrées, longues d’environ 70 millièmes de millimètie et laiges de
(1) Phann. Journ., 18G6, VII, 496.
(2) Ce que les auteurs nomment ici tégument interne est en réalité un albunen
dont ils nient plus bas l’existence. Voy. p. 125, f. 162. [Trad.]
Fig. 161. Coupe
longitudinale.
CONVOLVULACÉES.
f à 7 millièmes de millimètre. Pour bien voir leur organisation, il faut
es traiter par l’acide chromique. Le tissu de l’amande est formé de cel-
lules à parois épaisses. Entre ce tissu et les enveloppes, il existe une
couche incolore, épaisse d’environ 70 millièmes de millimètre, formée
d un parenchyme à parois minces. Les cotylédons sont peu épais et
renferment dans leur tissu de nombreux granules de matière albumi-
noïde, du mucilage, un peu d’acide tannique, des cristaux d’oxalate de
calcium et un peu d’amidon. Les glandes ou cavités, que nous avons
déjïi signalées dans le tissu des cotylédons, ont environ 70 millièmes de
millimètre de diamètre, et contiennent un liquide huileux {b).
Composition chimique. _ En épuisant les graines desséchées à
•100° C. avec de l’éther bouillant, nous avons obtenu une huile colorée en
brun clair, épaisse, à saveur âcre, et se concrétant au-dessous de 18° C.
Les graines pulvérisées donnèrent i4,4 pour 100 de' cette huile. L’eau
enleva aux graines une quantité considérable de mucilage, des matières
albuminoïdes, et un peu d’acide tannique. Le mucilage est soluble en
certaine proportion dans l’alcool dilué, d’où il peut être précipité par
une solution alcoolique d’acétate de plomb.
Le principe actif des semences de Kaladana est une résine soluble
dans l’alcool, mais insoluble dans la benzine et dans l’éther. Le résidu
des gi aines, épuisé par 1 éther, puis traité par l’alcool absolu, abandonna
une résine jaunâtre pâle, dans la proportion de 8,2 pour 100 de graines.
La résine de Kaladana a été introduite, dans l’Inde, dans la pratique
médicale, sous le nom de Pharbitisine (1). Elle possède un goût âcre,
nauséeux, et une odeur désagréable, surtout lorsqu’elle est chauffée.
Elle fond vers 160° G. Elle se dissout plus ou moins facilement dans l’al-
cool ordinaire, l’alcool absolu, l’acide acétique froid, l’acétone, l’éther
acétique, l’alcool méthylique, l’alcool amylique, et les solutions alcalines.
D autre part, elle est insoluble dans l’éther, la benzine, le chloroforme,
et le sulfure de carbone. Elle forme avec l’acide sulfurique concentré
une solution jaune brunâtre, qui tourne rapidement au violet. Cette
réaction, cependant, ne se produit qu’avec une très-petite quantité de
résine pulvérisée. Si l’on acidulé une solution de la résine dans l’am-
moniaque, après l’avoir conservée pendant un peu de temps, il ne se
forme pas de précipité, mais la solution est devenu susceptible de pré-
cipiter du protoxyde de cuivre d’une solution de tartrate, tandis qu’au
début elle en était incapable. Chauffée avec de l’acide nitrique, la résine
donne l 'acide Ipomæique de Meyer.
(1) Pharmacopœia of India , 1868, 15G.
125
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
D’après ces réactions, nous sommes conduits à admettre que la résine
de Kaladana ressemble à la résine de jalap ou Convolvuline. Pour la
préparer en quantité, le meilleur procédé serait, sans doute, de traiter
les graines par l’acide acétique commun, et de la précipiter en neutrali-
sant la solution. Nous nous sommes assurés que la résine ne se dé-
compose pas lorsqu’on la fait digérer avec de l’acide acétique a
•100° G même pendant une semaine. Nous avons eu 1 occasion d’exa-
miner un échantillon d’une résine de Kaladana préparée par MM. Rogers
et Cic chimistes de Bombay et Poona, et nous l’avons trouvée semblable
à celle préparée par nous-mêmes. C’est une sustance friable, d’un jaune
clair, semblable à la résine de jalap purifiée, et susceptible, comme elle,
d’être complètement décolorée par le charbon animal.
Usages. — Les graines de Kaladana jouissent des propriétés cathar-
tiques du jalap. On a introduit dans la Phar-
macopée de l’Inde, non-seulement la résine,
mais encore une teinture et une poudre com-
posée. Dans plusieurs parties de l'Inde, les
indigènes mangent, pour se purger, les graines
de Kaladana rôties.
(a) Les Pharbitis Choisy [(Convolv. or., 56) ne
constituent réellement qu’une section du genre
lpomœa à stigmate capité et trilobé, et a ovaire tri-
loculaire.
Le Pharbitis Nil (Choisy, Convolv. or., 57 ; Con-
volvulus Nil L. ; lpomœa cœrulea Roxb.) est une
plante volubile, annuelle, à tige et rameaux arrondis,
velus, atteignant une hauteur de 2 à 4 métrés et la
grosseur d’une plume d’oie. Les feuilles sont pe-
donculées, larges, cordées a la base, aiguës au som-
met, trilobées, laineuses, longues de 5 à 10 centi-
mètres. Les fleurs sont disposées en cyrnes axillaires
de deux ou trois fleurs, portées par des pédoncules
aussi longs que les pétioles, arrondis et velus, et
accompagnées de bractées linéaires. Les sépales sont
linéaires. La corolle est large, campanulée, infundi-
lmliforme, colorée en bleu clair très-brillant. L ovaire
est triloculaire, surmonté d’un style cylindrique, ter-
miné par un stigmate subglobuleux, volumineux,
trilobé. Chaque loge ovarienne contient deux ovules
anatropcs, dressés, à micropyle dirigé en bas. et en dehois. La capsu e es
coup plus courte que le calice, lisse, triloculaire, chaque ogo cou en an cei.
graines à téguments épais et noirs, à albumen mucilagineux , a tmbi j ou oi me ( une
Fig. 162. Graine de Kaladana.
Coupe transversale des tégu-
ment?, do l’albumen, et d’une
portion do cotylédon.
tor,
SOLANACÉES.
r:e„;af!CUl,e (lirig6e vers ,e inic,’°Pyle et ^ deux cotylédons foliacés et épais
de h b’ ",S"nif’0s’ aPPl‘cIués l’un contre l’autre parleur face interne, munis près
de la hase rie deux auricules qui descendent de chaque côté de la radicule. Les
ds externes des deux cotylédons se rapprochent l’un de l’autre, et deviennent
ontigus au niveau du bord mince de la graine, tandis que leur limbe forme de
nombreux replis. L albumen pénètre dans l’intervalle de tous ces plis. [Tiiad.1
J C iT11'0 kI°frC 162’ ICS té*umeats dc g*’aine de Kaladana
sont constitués de dehors en dedans par: t<>une couche, a, de cellules épithéliales à
paroi extérieure épaisse, cuticularisée, soulevée en papilles coniques ; 2» une couche, b
depetites cellules quadrangulaires, A parois assez épaisses ; 3° une couche, c, de cellules
prismatiques, très-allongées radialement ; 4<> une zone, d, formée de plusieurs couches
de cellules uTéguheres très-comprimées dans certains points, à parois minces et
clan es. En dedans des téguments, on trouve l’albumen c, dont la couche extérieure
est formée de cellules prismatiques bien distinctes, aplaties sur leur face externe ;
les couches plus intérieures sont transformées en mucilage, et n'offrent plus nue
des lignes vagues, indécises, les parois cellulaires ayant été gonflées, puis détruites
lonVcm si f r1' T' S de Cellules Iloly°onales- Les fondes qu’ils renferment
ont constituées chacune, autant qu on peut en juger d’après l’état adulte, par un
néat mtercellulan-e, tres-dilaté, dans lequel s’accumule un liquide jaunâtre f cette
cavité est bordée par une couche de cellules allongées dans le sens de la circonfé-
ience, un peu aplaties, destinées à sécréter l’huile. [Thad.]
SOLANACÉES.
DO U CE-AMÉRE.
sapes Dulcamaræ ; Coules Dulcamaræ ; Douce-amère, Morille grimpante ; angl., Bitter Sweet,
ûulcamara, Woody Nightshade; allem., DittersÜss.
Origine botanique. — Solanum Dulcamara L. C’est un petit arbuste
giimpant, à fleurs petites, pourprées et à baies rouges (a). On le trouve
dans toute l’Europe, sauf dans l’extrême Nord. Il existe aussi dans le
nord de l’Afrique et de l’Asie, ainsi qu’en Asie Mineure, et il se natura-
lise dans 1 Amérique du Nord. Il est commun dans les buissons et les
haies humides et ombragées (I).
Historique. Les sarments de la Douce-amère furent introduits dans
la pratique médicale par les médecins et les botanistes allemands du
seizième siècle. L’un deux, Tragus (1552), l’a figurée et décrite, sous le
nom de Dulcis amara ou Dulcamarum.
Description. —Les vieilles tiges sont ligneuses; les plus élevées et
(1) Le Solanum nigrurii L., qui ressemble un peu â la Douce-amère, est une plante
annuelle ou bisannuelle, de petite taille, à tiges herbacées, et â baies ordinairement
noires.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 127
jes plug jeunes sont molles et vertes, longues et ti amantes, et atteignent,
en s’appuyant sur d’autres plantes, une hauteur de lm,80 et plus. Elles
se dessèchent pendant l’hiver. On doit recueillir pour l’usage médicinal
les rameaux d’une année ou deux, soit à la fin de l’année, soit au
début du printemps, avant la pousse des feuilles. Ges rameaux ont plu-
sieurs pieds de long, et environ un demi-centimètre d’épaisseur. Ils sont
d'un brun verdâtre clair, parfois cylindriques, d’autres fois presque
carrés ou pentagonaux, un peu sillonnés dans le se;is de la longueur, et
quelque peu verruqueux.
La partie subéreuse de l’écorce est mince, luisante, s exfolie facile
ment, en mettant à découvert un mésophlœum riche en chlorophylle.
Les rameaux sont le plus souvent creux, et partiellement munis d une
moelle blanchâtre. Lorsque le bois est sec, il représente à peu près la
moitié du diamètre du vide central, et l’écorce est beaucoup plus mince
que le bois. Ce dernier possède une structure radiée, et offre, dans les
vieilles tiges, deux ou trois cercles annuels bien définis. On coupe ordi-
nairement les tiges en petits morceaux pour les faire sécher.
L’odeur est fétide et désagréable ; elle se dissipe, en grande partie,
sous l’influence de la dessiccation. La saveur est d’abord un peu amère,
et ensuite légèrement douce. L'amertume paraît être plus prononcée
pendant le printemps qu’à l’automne.
structure microscopique. — L’épiderme des jeunes bourgeons est
formé de cellules tabulaires à parois épaisses, dont plusieurs se pro-
longent au-dessus de la surface en poils courts et recourbés. Les vieilles
tiges sont recouvertes d’une enveloppe subéreuse normale. La sépara-
tion entre le mésophlœum et l’endophlœum est marquée par un cercle
de fortes fibres libériennes, dont quelques-unes se présentent aussi
dans la moelle. La partie ligneuse est riche 'en larges vaisseaux. Dans
le tissu parenchymateux, qui est à la fois doux et amer, on trouve de
petits cristaux d’oxalate de calcium, et de petits grains d’amidon.
Composition chimique. — La saveur de la Douce-amère paraît due,
d’après Schoonbroodt (1867), à un principe amer qui fournit, par dé-
composition, du sucre et de la Solanine, cette dernière en très-petite
proportion. La solanine est un alcaloïde. Elle fut retirée pour la pre-
mière fois, en 1820, par Desfosses, pharmacien à Besançon, des baies du
Solarium niffrum L. Plus tard elle fut découverte par le même chimiste
dans les feuilles et les tiges du S. Du/camara, et par Peschier dans les
baies. Winckler, en 1841 , observa que l’alcaloïde des tiges delà Douce-
amère ne peut être obtenu qu’à l’état amorphe, et qu’il se comporte,
1/8 SOLANACÉES.
vis-u-vis des chlorures de platine et de mercure, autrement que la
solamne.de la pomme de terre. Moitessier, en 1856, confirma cette
observation, et n’obtint que des sels amorphes avec la solanine de la
Douce-amère. Zwcnger et Kind, d’une part, et 0. Gmelin, d’autre part,
en 1858 et 1859, trouvèrent que la solanine C*sH«®AzO“, est un composé
de sucre et d’un alcaloïde particulier, cristallisable, la Solanidine
C2TI39AzO. Ce dernier, sous l’influence de l’acide chlorhydrique concen-
tre, donne de l’eau, et se convertit en un composé amorphe et basique
la Solamcine, CS0H76Az2O.
Geissler (1875) a retiré de la Douce-amère une matière amère amor-
phe, la Dulcamarine, dont l’arrière-goût est douceâtre, et qui, sous l’ac-
tion des acides convenablement dilués, se dédouble en Dukamarétine et
glucose, conformément à l'équation suivante :
C22H3iO10 + 2H20 — C6bP06 -f- C16H260G
Dulcamarine. Dulcamarétine.
Usages. On administre parfois la Douce-amère sous forme de dé-
coction , dans le rhumatisme et les affections cutanées. Son action
î celle, d après Garrod, est inconnue. Ce médecin fait remarquer (1 ) qu’elle
ne dilate pas la pupille, et ne détermine pas la sécheresse de la gorge,
comme la belladone, la jusquiame et le datura. Il administra à un ma-
lade trois pintes de décoction par jour, sans observer d’action marquée,
et fit prendre jusqu’à un demi-litre de
baies fraîches, sans produire aucun
effet fâcheux.
(a) Les Solarium Tommvom (lnslil.,t. 62)
sont des Solanacées, de la série des Solanées,
à anthères conniventes, déhiscentes par deux
pores terminaux.
Le Solarium Dulcamara L. ( Species , 26-i)
xulg. Douce-amère , est une plante vivace, à
tiges ligneuses, tomenteuses, très-ramifiées.
Les feuilles sont alternes, les unes simples,
cordées à la hase, ovales-acuminées, les au-
tres composées, à trois folioles, l’une termi-
nale, plus grande, ayant la même forme que
Fig. 163. Douce-amère. les feuilles simples, les deux autres opposées,
très-courtementpétiolées, plus petites, et sou-
vent insymétriques a la hase. Toutes les feuilles sontpétiolées, entières sur les bords,
colorées en vert fonce, glabres ou finement pubescentes, quelquefois presque toinen-
(I) Essentials of Malcria medica, 1855, 196.
129
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
teases eu dessous. Les fleurs sont disposées en inlloresucnces dont l’axe principal est
souvent entraîné à une hauteur considérable au-dessus de la feuille axillante. L’inflo-
rescence est une cyme très-ramifiée, rendue fort irrégulière par les entraînements de
ses branches. La fleur est hermaphrodite et régulière, à réceptacle convexe. Son dia-
mètre ne dépasse guère I centimètre. Le calice est petit, gamosépale, à cinq lobes
courts, triangulaires, verts. La corolle est gamopétale, rotacée, violette, à tube court, à
cinq lobes o vales-lancéolés, disposés dans le bouton en préfloraison contournée, sou-
vent réfléchis en bas dans les fleurs âgées, munis chacun, au niveau de la base, de
deux petites glandes vertes, bordées de blanc. L’androcée est formé de cinq étamines
alternes avec les pétales, connées avec le tube de la corolle, formées chacune d’un
filet court et d’une anthère allongée, biloculaire, introrse, déhiscente par deux pores
terminaux. Les cinq anthères sont rapprochées en un cône violacé autour du style qui
les dépasse un peu. Le gynécée est formé de deux carpelles connés en un ovaire bi-
loculaire, surmonté d’un style cylindrique, à extrémité stigmatique divisée en deux
lèvres courtes. Chaque loge ovarienne contient un grand nombre d’ovules anatropes,
insérés sur un gros placenta charnu, fixé au centre de la cloison mince qui sépare
les deux loges. Le fruit est une baie ovoïde, pendante, rouge à la maturité, conte-
nant une grande quantité de graines aplaties, noyées dans une pulpe molle, conte-
nant, sous leurs téguments, un albumen au milieu duquel est un embryon roulé en
spirale. [Tiud.]
PIMENT.
Fructus Capsici; Piment ou Corail des jardins, Poivre d'Inde ou de Guinée; angl., Pod Pepper,
Red Pepper, Guinea Pepper , Chillies, Capsicum ; allem., Spanischer Pfeffer.
Origine botanique. — Les plantes dont les fruits sont connus sous le
nom de Piments, sont cultivées, depuis une époque très-reculée, dans
les pays tropicaux, et se présentent maintenant en variétés si nom-
breuses, qu’il est très-difficile de retrouver les espèces primitives (a).
Parmi les nombreuses espèces à fruits brûlants, les deux suivantes four-
nissent ceux qu’on trouve dans le commerce anglais :
-1° Capsicum fastigiatum Blume (1). C’est un petit arbuste rameux, à
rameaux carrés, fastigiés, divergents; à pédoncules fructifères subgé-
minés, grêles, dressés; à fruit très-petit, subcylindrique, oblong, droit;
à calice obconique et tronqué. On le trouve à l’état sauvage particulière-
ment dans le sud de l’Inde; il est très-répandu, à l’état de culture, dans
l’Afrique tropicale et l’Amérique.
Roxburgh, qui a décrit cette plante sous le nom de Capsicum mini-
mum, la nomme East Indian birdChilly ou Cayenne Pepper Capsicum.
(1) Wight, Icônes plant. Ind. Orient., 1830, IV, t. 1017 ; Capsicum minimum Rox-
burgh ,'Flor. ind., 1832, 1, 574. Farre s’est assuré que cette espèce est le Capsicum fru-
tescens du Species plantarum de Linné, mais non celui de Y II or tus Cliffortianus du
meme botaniste, auquel on applique fréquemment le nom de Capsicum frutescens.
HIST. DES DROGVES, T. II. 9
*30 SOLANACÉES.
AN'ight dit qu'il est consommé par les indigènes de l’Inde, mais que ce
n’est pas la variété préférée. C’est cette espèce que les auteurs de la
Pharmacopée anglaise ont désignée comme la source des FructusCapsici
(Piments), qui doivent être employés en médecine, et elle fournit cer-
tainement la plus grande partie des Piments qu’on trouve maintenant
sur le marché de Londres.
2° C. annuum L. C’est une plante herbacée (parfois un petit arbuste?)
dont le fruit varie beaucoup en taille, en forme et en couleur. Dans
quelques variétés, il est dressé ; dans d’autres, il est pendant. D’après
Naudin, dont nous partageons l’opinion, le C. longurn DC. (1) et le
C. grossum Willd. ne sont pas spécifiquement distincts de cette plante.
Elle fournit les plus grosses variétés de Piments, et, à notre avis, une
grande partie du Poivre de Cayenne qui est importé en poudre.
Historique. — Toutes les espèces de Capsicum paraissent être d’origine
américaine. Nous ne connaissons pas de noms anciens, sanscrits ou chi-
nois, du genre Capsicum , et les noms grecs ou latins qu’on a rapportés à
ces plantes sont extrêmement douteux (2). Le plus ancien renseigne-
ment sur ce fruit, comme condiment, que nous connaissions, se trouve
dans une lettre adressée, en 1494, au chapitre de Séville, par Ghanca,
médecin de la flotte de Colomb, pendant son second voyage aux Indes
occidentales. L’écrivain, en indiquant les productions d’Hispaniola, dit
que les indigènes vivent d’une racine nommée Age, qu’ils assaisonnent
avec une épice nommée Agi, et qu’ils mangent aussi cette dernière avec
le poisson et la viande (3). Le premier de ces noms se rapporte à
Y Igname et le second au Piment. Il constitue encore, en espagnol, la dé-
nomination vulgaire du Piment. Le Capsicum et ses usages furent dé-
crits plus particulièrement par Gonzalo Fernandez de Oviedo, qui
partit d’Espagne pour l’Amérique tropicale en 1514 (4).
Dans Y Historia Stirpium, de Léonard Fuchs, publiée à Bàle en 1542,
nous trouvons, à la page 733, la première et excellente figure du Cap-
sicum longurn DC., sous le nom de Siliquastrum ou Poivre de Calicut.
L’auteur dit que la plante a été introduite de. l’Inde en Allemagne
quelque temps auparavant. On pourrait en déduire son origine indienne ;
mais, d’autre part, Clusius affirme que la plante fut apportée de Per-
(1) La principale distinction qui existe entre le Capsicum annuum et le Capsicum
longurn, consiste en ce que le fruit est dressé dans le premier et pendant dans le second .
(2) Dunal, in DC., Prodr., XIII, s. I, 422.
(3) Lettcrs of Christopher Columbus, traduct. de Major (Ilakluyt Society), 1870, 08.
(4) Oviedo, Historia de las Indias. Madrid, 1851, 1, 275.
1.31
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
nambuco par les Portugais, dont les relations commerciales avec l’Inde
expliqueraient aisément qu'elle y eût été apportée à une époque anté-
rieure. Il dit, en outre, que le Capsicum d’Amérique avait été généra-
lement introduit dans les jardins de la Castille, et que, dans ce pays,
on s’en servait, pendant toute l’année, à l’état frais ou sec, comme condi-
ment, de la même façon que le poivre. Il ajoute qu’on le cultivait
en grande quantité, en 1585 (1), à Brüun, en Moravie. Le Capsicum lon-
gum DC. était cultivé en Angleterre par Gerarde, en 1597, et anté-
rieurement. Il dit que les Piments sont bien connus et vendus « dans
les boutiques de Billingsgate, sous le nom de Ginnie Pepper. »
Description. — Les Piments du commerce appartiennent à deux
variétés :
1° Fruits du Capsicum fastigiafum. Ils sont longs de 1 à 2 centimètres,
et ont 4 millimètres environ de diamètre ; leur forme est allongée, sub-
conique ; ils sont atténués en une pointe mousse, et un peu contractés
vers la base. Le calice, qui n’existe pas toujours, est cupuliforme, divisé
en cinq dents, et porté par un pédoncule grêle et droit, long de 2 à
3 centimètres. Les fruits sont un peu aplatis, très-ridés par la dessic-
cation, et cassants lorsqu’ils sont vieux. Leur péricarpe est coriace,
lisse, luisant, translucide, mince, sec, coloré en rouge orange ; il ren-
ferme environ dix-huit graines, insérées, dans les deux loges, sur la
mince cloison interloculaire. Les graines sont disciformes, arrondies ou
ovales; elles ont environ 3 millimètres de diamètre, et sont un peu
épaissies au niveau du bord. L’embryon est recourbé, presque circu-
laire. La saveur du péricarpe, et aussi celle des graines, est extrême-
ment piquante et brûlante. Le fruit sec possède une odeur faible, que
nous ne pouvons comparer à celle d’aucune autre substance.
2° Fruits du Capsicum annuum. Ils constituent la variété la plus com-
mune. Ils ressemblent à ceux du C. fastigiatum, mais leur taille est
beaucoup plus considérable ; ils ont de 5 à 7 centimètres, et davantage,
de long, et sont plus atténués à l’extrémité. Les graines sont à peine
plus larges que celles du C. fastigiatum.
Structure microscopique. — Le péricarpe est formé de deux couches :
1 extérieure composée de cellules à parois épaisses et jaunes, l’intérieure
deux fois aussi épaisse, formée d’un parenchyme mou, contracté, tra-
verse par de minces faisceaux fibro-vasculaires. Les cellules de la couche
extérieure sont particulièrement le siège d’une belle matière colorante
(I) Caiiolus Clusius, Cuvæ posteriores, Antverp., LG11, 95.
132
SOLANACÉES.
granuleuse. Lorsqu’on enlève cetle dernière, à l’aide d’une solution
alcoolique de potasse, on distingue le noyau de la cellule, et des gouttes
d’huile grasse. Les détails de structure de ce fruit constituent des objets
intéressants d’observation microscopique.
Composition chimique. — Bucholz, en 1810, et Braconnot, vers la
même époque, ont attribué l’âcreté du Piment à une substance parti-
culière, la Capsicine. On la retire en traitant l’extrait alcoolique avec
l’éther. C’est un liquide épais, rouge jaunâtre, peu soluble dans l’eau.
Lorsqu’on chauffe doucement cette substance, elle devient très-fluide,
et, à une température plus élevée, se dissipe en fumées irritantes. La
capsicine est évidemment une substance complexe, consistant en ma-
tières résineuses et grasses.
Felletàr, en 1869, épuisa les fruits de Capsicum avec l’acide sulfu-
rique dilué, et distilla la décoction avec la potasse. Le produit de dis-
tillation se montra fortement alcalin, et dégagea une odeur semblable à
celle de la conine. On le satura avec de l’acide sulfurique, on évapora à
siccité, et on épuisa par l’alcool absolu ; la solution fut, après évapora-
tion de l’alcool, traitée par la potasse, et donna, par la distillation, un'
alcaloïde volatil, à odeur de conine.
D’après les expériences faites par l’un de nous (F.), nous pouvons
confirmer pleinement les observations de Felletàr. Nous avons obtenu
la base volatile en question, et nous lui avons trouvé l’odeur de la co-
nine. Nous la trouvâmes dans le péricarpe et dans les graines, mais en
si faible proportion, qu’il nous fut impossible de l’isoler en quantité
suffisante pour la soumettre à un examen complet.
D’après Dragendorff(1871), l’éther de pétrole est le meilleur dissolvant
de l’alcaloïde du Piment. 11 obtint des cristaux de son chlorhydrate,
dont la solution aqueuse fut précipitée par la plupart des réactifs ha-
bituels, mais non par l’acide tannique. La matière colorante des piments
n’est que peu soluble dans l’alcool, mais se dissout bien dans le chlo-
roforme. Après évaporation, on obtient une masse molle, colorée en
rouge foncé, qui n’est plus beaucoup altérée par la potasse.
Les fruits du Capsicum fasligiatum ont une odeur un peu forte. En
distillant successivement deux lots de 50 livres chacun, nous obtînmes
une faible proportion d’une matière grasse floconneuse, qui possédait
une odeur analogue à celle du Persil. Cette matière se montra, ainsi
que l’eau distillée, neutre au tournesol, et l’eau n’avait aucune saveur.
Nous séparâmes cette dernière, et nous exposâmes la matière grasse à
une température d’environ 50° C.; elle fondit en majeure partie. Le li-
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 133
quide clair se solidifia, en se refroidissant, en touffes de cristaux, qui
furent purifiés par la cristallisation dans l’alcool. Nous obtînmes ainsi
environ 2 centigrammes d’un stéaroptène neutre, blanc, à saveur nette-
ment aromatique, très-persistante, sans aucune âcreté, et assez sem-
blable à celle de l’huile essentielle du persil. Les cristaux fondirent
à 38° C. En les maintenant pendant quelques jours à la température de
la vapeur d’eau, recouverts d’un verre de montre, quelques gouttes
d’huile essentielle se volatilisèrent ; elles avaient la même saveur, mais ne
se solidifièrent pas. Les cristaux se montrèrent alors accompagnés par
une huile liquide. Conservés quelques jours de plus dans les mêmescondi-
tions, les cristaux commencèrent eux-mêmes à se volatiliser, et la par-
tie restante prit une teinte brunâtre qui indiquait, sans aucun doute,
l’existence d’une autre impureté, ainsi que nous nous en sommes as-
surés par l’expérience suivante : En faisant bouillir la solution de po-
tasse, le stéaroptène produit une sorte de savon qui, en se refroidis-
sant, forme une gelée transparente. Si l’on dissout et dilue celle-ci, elle
devient trouble quand on ajoute un acide. Cela dépend probablement
de la présence d’une petite quantité d’acides gras, supposition confirmée
par l’odeur un peu forte que dégage notre stéaroptène lorsqu’on le
chauffe dans un tube en verre (I).
Commerce. — Le Piment est expédié de Zanzibar, de la côte occi-
dentale d’Afrique et de Natal ; mais nous n’avons pu nous procurer
aucune statistique générale des quantités importées dans la Grande-
Bretagne. Les exportations de Sierra -Leone s’élèvent, en 1871 , à 7 258 li-
vres (2). La colonie de Natal, qui produit le Piment de Cayenne, dans
le comté de Victoria, où l’on cultive aussi du sucre de canne et du café,
en expédia, dans la même année, 9072 livres (3).
Les rapports officiels (4) montrent qu’en 1871, Singapore importa
1 071 quintaux de Piments, provenant surtout de Penang et de Pegu.
Cette épice est beaucoup consommée par les Chinois. Bombay importa,
pendant l’année 1872-73, 55G7 quintaux de Piments secs, provenant
(1) En 1876, Thresh n retiré de celle drogue la Capsaïcine > substance cristallisable,
incolore, non volatile, dont l’analyse élémentaire, faite dans mon laboratoire, conduit à
la formule empirique C9II,4Oî. Elle n’a pas le caractère d’un acide, bien qu’elle soit so-
luble dans les alcalis, pas dans l’eau. Chauffée dans une éprouvette la capsaïcine émet des
vapeurs extrêmementirritantes. Il est nécessaire de prendre des précautions sérieuses
pour manier cette substance très-remarquable, I Voir aussi Pharm. Journ., 9 déc. 1871,
P- 473.) [F. A. F.]
(2) Blue Book de la colonie de Sierra Leone pour 1871.
(3) Id. de Natal pour 1871.
(4) Ici- des Etablissements des Détroits pour 1871.
134 SOLANACÉES.
surtout do la Présidence de Madras, et en exporta 3323 quintaux (1).
(Jsngcs. — Le Piment est souvent administré, à cause de ses propriétés
excitantes, comme stimulant local, sous forme de gargarisme, et parfois
de Uniment. A l’intérieur, on l’emploie pour faciliter la digestion. Dans
tous les pays chauds, on en fait un grand usage comme condiment.
(a) Les Capsicum L. ( Généra , n. 232) sont des Solanacées de la tribu des Solanées
à corolle rotacée ; à filaments staminaux très-courts ; à anthères convergentes, dé-
hiscentes par des fentes longitudinales ; à fruit pulpeux, biloculaire, contenant de
nombreuses graines.
Le Capsicum annuum L. ( Species , 270), vulg. Corail des jardins, Poivron, Poivre
de Guinée, est une plante annuelle, herbacée, rameuse, à tige anguleuse, sillonnée,
à ramification dichotome par suite d’entraînements des rameaux les uns sur les autres.
Elle s’élève à 30 ou 60 centimètres. Les feuilles sont alternes, simples, entières ou pres-
que entières, fréquemment entraînées, elliptiques ou ovales, acuminées, longuement
pétiolées, glabres, quelquefois velues en dessous au niveau des nervures, penninerves ;
elles ontde 5 à 10 centimètres de long, y compris le pétiole qui a de 1 à 2 centimètres.
Les fleurs sont axillaires et solitaires, supportées par un long pédoncule tordu. Elles
sont pendantes, blanches, avec des anthères de couleur foncée. Le calice est petit,
vert, cupuliforme, divisé en cinq dents courtes. La corolle est rotacée, à cinq lobes
oblongs, aigus, valvaires dans la préfloraison. Les étamines sont alternes, connées
au tube court de la corolle, à filets très-courts, à anthères allongées, conniventes,
dépourvues de prolongements du connectif, biloculaires, introrses, déhiscentes par
deux fentes longitudinales. Le gynécée est formé d’un ovaire biloculaire, contenant,
dans chaque loge, sur un gros placenta charnu, de nombreux ovules anatropes.
[Trad.]
RHIZOME ET RACINE DE BELLADONE.
P a dix Belladonæ; angl., Belladonna Root; allem., Belladonna Wurzel.
Origine botanique. — Atropci Bellcidonu L. C’est une grande herbe
glabre ou légèrement velue, à souche vivace. Elle est originaire du centre
et du sud de l’Europe, où elle croît dans les clairières des bois. Elle
s’étend vers l’est jusque dans la Crimée, le Caucase et le nord de l’Asie
Mineure. En Angleterre, on la trouve surtout dans les* districts du Sud,
mais il est douteux qu’elle y soit à l’état indigène. Elle n’est pas indi-
gène non plus en Norwége, et ne supporte pas, même à l’état cultivé,
le climat de Christiania (Schübeler). Dans quelques parties de 1 Angle-
terre et de la France, on la cultive pour l’usage médical (a).
Historique. — Quoique la Belladone ne puisse guère avoir été incon-
(1) Statement of the t rade and navigation of Bombay for 1872-73, P. II, 58, 91.
135
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
nue des auteurs classiques de l’antiquité, il est difficile de la reconnaître
dans les écrits qu’ils nous ont laissés.
Saladinus d’Ascoli (I), qui fit, vers 1430, une énumération des plantes
médicinales, nomme les feuilles du Solatrum furialee t du Solatrum minus ;
la première de ces plantes est probablement la Belladone. Cependant,
la première mention indubitable de cette plante que nous ayons trouvée,
est peut-être celle du Grand Herbier , imprimé à Paris, probablement
vers 1304 (5). Elle est mentionnée, vers la même époque, sousle nom de,Sb-
latruni mortale ou Dolwurtz dans les écrits d’Hieronymus Brunschwyg (3).
En 1342, la Belladone fut bien figurée, sous le nom de Solanum Somni-
ferurn ou Dollkraut, par le botaniste allemand Leonard Fuchs, qui
connaissait bien ses propriétés toxiques (4). Elle fut méconnue par
d’autres écrivains de cette époque , notamment par Tragus (5) qui
reproduisit la figure de Fuchs sous le nom de u Solanum hortense! »
Matthiolus, en 1548, la nomme Solanum majus, et dit qu’elle est dé-
signée par les Vénitiens sous le nom d'Herba Bella donna , parce que les
dames italiennes emploient l’eau distillée de la plante comme cosmétique.
L’introduction de la racine de Belladone dans la médecine anglaise est
de date récente ; elle est due à M. Peter Squire, de Londres, qui, vers 1860,
la recommanda comme base d’un liminent anodin très-employé.
Description. —La Belladone possède une grande racine (6) épaisse de
2 à 5 centimètres, et longue de 30 centimètres ou davantage, de la-
quelle partent des branches divergentes. Extérieurement, les racines
fraîches sont d’un brun terreux, rugueuses, avec des cicatrices et des
rides transversales. L’écorce est épaisse et succulente, et colorée inté-
rieurement, ainsi que la portion centrale, en blanc crémeux foncé. La
racine principale offre une structure radiée bien marquée. Cette racine
possède une odeur terreuse, et une saveur d’abord faible puis brûlante,
(t La racine sèche de Belladone » se vend en morceaux irréguliers, rugueux,
colorés en gris sale au dehors, blanchâtres à l’intérieur. Ils se cassent
(1) Compendium Aromatariorum, 1488.
(2) Le Grand Herbier en francoys, contenât les qualités, vertus et propriété: des
herbes, etc., Paris (sans date), in-4°, cap. De Solastro rustico.
(3) Bas dcstillier Buch (sub. voce NachtschetWasser) , Strassb., 1545; il en existe
une édition de 1S0Ü.
(4) Historia Slirpium, Basil., 1342, 689.
(5) De Stirpium Historia, 301.
(6) La partie que les auteurs nomment ici « racine t et ailleurs « racine principale »,
est, en réalité, une tige souterraine, un véritable rhizome. La « Racine de Belladone »,
dos Pharmacopées, est constituée à la fois par ce rhizome et par les racines véritables,
Le rhizome a une moelle, tandis que les racines en sont dépourvues. [Trad.]
136 SOLANACÉES.
facilement; leur cassure est courte ; ils exhalent une odeur terreuse qui
n’est pas sans analogie avec celle de la racine de réglisse. On doit pré-
férer les racines qui n’excèdont pas la grosseur du doigt. Celte drogue
est importée, en majeure partie, d’Allemagne ; elle est souvent de qualité
douteuse. Les racines cultivées en Angleterre, et achetées à l’état frais,
(on rejette celles qui sont vieilles et grosses), lavées, puis divisées trans-
versalement en morceaux, et séchées à une chaleur douce, constituent
un article de meilleure qualité.
structure microscopique.— Il existe une différence anatomique consi-
dérable entre «la racine principale» et
les branches, la première contenant
seule une moelle distincte enfermée
dans un cercle ligneux que traversent
des rayons médullaires étroits. Dans
la partie extérieure du cercle ligneux,
le tissu parenchymateux est plus
abondant que les faisceaux vasculai-
res. Sur la section transversale des
branches de la racine, on trouve une
colonne fibrovasculaire centrale à la
place de la moelle. Les faisceaux vas-
culaires extérieurs n’offrent pas d’ar-
rangement régulier, et les rayons
médullaires ne sont pas nettement vi-
sibles dans la coupe transversale.
Lapartie ligneuse de «la racine principale » et de ses branches offre des
vaisseaux ponctués très-larges, accompagnés de tissu parenchymateux.
Les cellules de ce dernier ont toujours des parois minces, et l'absence
de tissu ligneux proprement dit rend compte de la cassure facile de la
racine. Le prosenchyme, dont les vaisseaux sont entourés, prendparfois
une teinte brunâtre, présente une apparence cireuse, et offre alors une
structure très-irrégulière. Dans la portion corticale de la racine de
Belladone, un grand nombre des cellules de la couche moyenne sont,
comme les cellules de la moelle, remplies de cristaux octaédriques, ex-
trêmement petits, d’oxalate de calcium, mais le plus grand nombre des
cellules contiennent des grains d’amidon.
Composition chimique. — En 1833, Mein retira de la racine de Bella-
done un alcaloïde cristallisable l'Atropine, C17H23Az03, que Geiger et
Hesse retirèrentdes parties herbacées. Les recherches de Lefort, en 1872,
Fig. 164. Tigo souterraine de Belladone.
Coupe transversale.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 137
ont prouvé que les racines contiennent cet alcaloïde en proportion
très-variable et que les jeunes en sont plus riches que les vieilles (I). La
proportion maximum obtenue fut 0,6 pour 100. Elle fut retirée d’une
racine delà grosseur du doigt. Les grosses racines, âgées de 7 à 8 ans, en
donnèrent d°e 0,25 à 0,31 pour 100. Elles possèdent une écorce relati-
vement plus mince que les jeunes racines, et c’est particulièrement dans
l’écorce que paraît résider l’alcaloïde. Les fabricants d’atropine em-
ploient uniquement la racine.
Ludwig et Pfeiffer (1861), en décomposant 1 atropine par le chromate
de potassium et l’acide sulfurique, obtinrent de l’acide benzoïque et de
la propylamine. D’autres produits se forment lorsqu’on traite l’atropine
par l’acide chlorhydrique concentré, l’eau de baryte ou la soude caus-
tique; on obtient l’équation suivante : Atropine, C17H23Az034-IT1 20 == acide
Tropique , C9H,0O3 + Tropine , C8HlsAzO.
L’acide tropique est cristallisable, et se décompose facilement en acide
Atropique, et en acide Isatropique, qui sont l’un et l’autre isomères avec
l’acide cinnamique, C0H8O2. La tropine est fortement alcaline, soluble
dans l’eau et dans l’alcool, et forme, par évaporation de ses solutions
étbérées, des cristaux tabulaires. Ni la tropine, ni l’acide tropique ne
préexistent, d’après Kraut (1863), dans les feuilles et la racine de Bella-
done.
Hübschmann a découvert, en 1858, dans la racine de Belladone, un
second alcaloïde, la Belladonine, qui est incristallable, et possède un
aspect résineux, une réaction alcaline manifeste, et émet comme 1 atro-
pine, lorsqu’on le chauffe, une odeur particulière.
La racine de Belladone contient en outre, d’après Richter (1837) et
Hübschmann, une substance fluorescente, et une matière colorante rouge
nommée Atrosine (2). Cette dernière existe en grande quantité dans le
fruit, et demande probablement de nouvelles recherches.
Usages. — La racine de Belladone est surtout employée dans la fabri-
cation de l’atropine, qui sert pour dilater la pupille. On emploie aussi,
contre les douleurs névralgiques, un Uniment préparé avec la racine de
Belladone.
Les AtropaL. ( Généra , n. 249, ex parte) sont des Solanacées de la tribu des Atro-
péesà calice accrescent, étalé en étoile à la base du fruit mûr ; a corolle campa-
(1) Pour le procédé employé par Lefort clans l’estimation de- 1 alropine, voyez p. 139.
(2) Gmelin, Chemistry, 18GG, XVII, 1. Voir de plus Fassbisndeu, Deutsche che-
misette Gesellschaft, 1870, 1357.
138
SOLANACÉES.
miléc; a anthères déhiscentes par des fentes longitudinales, non commentes • à
haie pulpeuse et succulente.
I. Alropa belladona L. (Spec., 200) est une plante à souche vivace, épaisse, char-
nue, ramifiée, un peu traçante, que les auteurs confondent avec la racine, émettant
au printemps des rameaux aériens verts et charnus, à feuilles et à rameaux très-entrai-
nes, de taçon que, la ramification paraisse dichotome. Les rameaux sont verts, fine-
ment pubescents ou glanduleux vers le haut. Les
feuilles sont d’un vert foncé, glabres ou fine-
ment pubescentes, alternes, simples, entières
ou légèrement sinuôes ; elles sont longues de
1 0 a 20 centimètres et larges de 6 à 1 0 centimè-
tres, ovales, atténuées à la base en un pétiole
court, acuminées. Les fleurs sont solitaires à l’ais-
selle des feuilles qui, par suite d’entraînements,
sont disposées par deux à la même hauteur,
1 une grande, et l’autre beaucoup plus petite.
Les fleurs sont grandes, pédicellées, un peu
penchées. Le calice est profondément découpé
en cinq lobes verts, pubescents, beaucoup plus
courts que la corolle, mais s’accroissant en
même temps que le fruit, et formant autour
de lui, à la maturité, une grande collerette
"verte, en étoile. La corolle est campanulée,
un peu rétrécie a la base, violette, pubescente en dehors, un peu plissée longitu-
dinalement, divisée en cinq lobes courts, arrondis, réfléchis en dehors. L’androcée
est formé de cinq étamines alternes avec les lobes de la corolle, connées à son
tube, incluses, à filets assez longs, velus à la base, à anthères courtes, bilocu-
laires, introrses, déhiscentes par deux fentes longitudinales, non conniventes, réflé-
chies sur le filet après la déhiscence. Le gynécée est formé d’un ovaire biloculaire
surmonté d’un style cylindrique, inclus, capité. Chaque loge ovarienne contient, sur
un gros placenta charnu, un grand nombre d’ovules anatropes. Le fruit est une baie
grosse comme une cerise, arrondie, colorée en violet-noir à la maturité, très-pul-
peuse, à suc noirâtre, contenant un grand nombre de graines aplaties, albuminées
à embryon recourbé. [Thad.]
FEUILLES DE BELLADONE.
Folia Belladonæ; angl., Belladonna Leaues ; nllem., Tollkraut.
Origine botanique. — Atropa Belladona L.
Historique. — Les feuilles de Belladone, et l’extrait qu'on prépare
avec elles, furent introduits dans la Pharmacopée de Londres, en 1809.
Pour plus de détails sur l’histoire de la Belladone, voyez l’article pré-
cédent.
Description. — La Belladone, ou Morelle meurtrière, produit des ti-
ges herbacées épaisses, lisses, qui atteignent de ■lm,‘2üà lœ,50 de haut.
HISTOIRE des DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 139
Elles sont simples dans la partie inférieure, puis ordinairement trifur-
quées ensuite bifurquées, et produisent, sur leurs branches supé-
rieures un grand nombre de feuilles d’un vert brillant, disposées en
paires inégales, portant, dans leur aisselle, des fleurs solitaires, pen-
dantes, pourpres, en forme de cloches, et de grosses baies noires et
1 LT LS‘111 t6S
Les feuilles ont 10 à 20 centimètres de long; elles sont pédonculées,
largement ovales, acuminées, atténuées à la base, molles et juteuses ;
celles des tiges stériles sont alternes et solitaires. Les jeunes pousses
sont pubescentes, à poils noirs et courts, qui, sur le calice, sont parfois
très-persistants, et prennent le caractère de glandes visqueuses. Les
feuilles exhalent, lorsqu’on les froisse, une odeur désagréable, herba-
cée, qui disparaît par la dessiccation. Desséchées, elles sont minces et
friables, colorées en vert brunâtre sur la face supérieure, grisâties en
dessous. Leur saveur est désagréable, un peu amère. 1 00 livres de
feuilles fraîches ne donnent que 16 livres de feuilles sèches (Squiie).
Compositiou chimique. — Le principe important des feuilles de Bel-
ladone est Y Atropine. Lefort, en 1872 (1), a déterminé sa proportion en
épuisant, par l’alcool dilué, les feuilles préalablement desséchées à 100° G.
concentrant la teinture, et précipitant l’alcaloïde a l’aide d’une solution
d’iodohydrargyrate de potassium. Le précipité ainsi obtenu contenait,
d’après le calcul de Lefort, 33,25 pour 100 d’atropine.
Lefort examina les feuilles de plantes cultivées et déplantés ciois-
sant à l’état sauvage dans les environs de Paris ; il les recueillait avant
et après la floraison. Il trouva que la culture ne modifie pas la propor-
tion de l’alcaloïde ; que les fèuilles des jeunes plantes sont moins riches
que celles recueillies pendant la floraison. Ges dernières, desséchées, lui
donnèrent de 0,44 à 0,48 pour 100 d’atropine.
Les feuilles de Belladone contiennent de Y Asparagine qui, d’après Biltz
(1839), cristallise dans l’extrait longtemps conservé. Cependant Attfield,
en 1862, no trouva dans l’extrait que des cristaux de chlorure et de
nitrate de potassium. Le même chimiste obtint, par la dialyse du suc
de Belladone, du nitrate de potassium, et des prismes carrés d’un sel de
magnésium, contenant un acide organique. Le suc lui donna aussi de
l’ammoniaque (2). Les feuilles desséchées nous ont donné 14, o pour 100
(1) Journ. de Pharm., 1872, XV, 209, 341.
(2) Le suc frais conservé pendant quelques jours dégage des vapeurs iougcs (d acide
,e le vase qui le contient (H. S. Evans, in Pharm. Journ., 18b0,
nitreux?; lorsqu’on ouvr
IX, ICO).
110 SOLANACÉES. •
nMilf63’ °0nSiSt“t’ °" majeure P»rti«. O" carbonates calcaire, et
Usages. — Les feuilles lie Belladone sont employées, à l’état frais
pour la préparation de V Extrait de Belladone , et, à l’état sec, pour pré!
~ tdnture- 0n doil recueillir lorsque la plante est en pleine
STRAMOINE.
Herb“ Stramonii- anSl- Stramonium, Thornapple; nllcm., StechapfeMæltcr.
Origine botanique. - Datura (I) Stramonium L. C’est une grande
lerbe dressee, annuelle, à croissance rapide, à fleurs blanches, rappe-
lant par leur forme celles des Convolvulus, et à fruits ovoïdes, épineux
On la trouve aujourd’hui à l’état de culture dans presque toutes les ré-
gions tempérées et chaudes du globe. Dans le sud de l’Angleterre on la
trouve fréquemment en grande abondance, surtout auprès des jardins
et des habitations (a).
Historique. — Les botanistes ont beaucoup discuté sur la patrie de
cette plante, et sur son aire primitive de distribution. Alphonse de Can-
doUe (2)> aPrès avoir discuté avec talent les arguments avancés en fa-
veur de 1 opinion qui considère la plante comme originaire à la fois de
1 Europe, de 1 Amérique et de l’Asie, énonce son opinion de la façon
suivante : « Le Datura Stramonium paraît être indigène de l’ancien
monde, probablement des bords de la mer Caspienne et des pays adja-
cents, mais certainement pas de l’Inde. Il est douteux qu’il existât en
Europe à l’époque des anciens Romains, mais il paraît s’être répandu de
lui-même, entre cette époque et celle de la découverte de l’Amérique. »
La Stramoine fut cultivée à Londres, vers la fin du seizième siècle,
par Gerarde. Il en avait reçu les graines de Constantinople, et propagea
beaucoup la plante, dont il tenait en haute estime les propriétés médi-
cinales. Son emploi, à une époque plus récente, est dû aux expériences
de Stôrck (3).
Description. — La Stramoine possède une tige herbacée, verte, dres-
sée, vigoureuse, qui, cà peu de distance au-dessus du sol, émet des ra-
(1) Le mot Datura vient du sanskrit D'/iustùra, nom appliqué au Datura fastuosa L.
Nous ignorons l’origine du mot Stramonium.
(2) Géographie botanique, 1855, II, 731.
(3) Libellas quo demonslratur Stramonium, Hyoscyamum, Aconitum... esse remedia
Vindob., 1762.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 141
meaux étalés, bifurques, dans l’angle desquels se développe une fleur
solitaire, blanche, à laquelle succède une capsule ovoïde et épineuse.
Au niveau de chaque bifurcation, en dehors, est une large feuille. Cette
disposition des parties se répète plusieurs fois, et, lorsque la plante
jouit d’une croissance vigoureuse, elle se ramifie beaucoup, et acquiert,
dans le cours de l’été, une taille considérable.
Les feuilles de la Stramoine ont un long pétiole. Le limbe est inégal
à la base ; il est ovale, acuminé, sinueux-denté, avec des dents ou des
lobes larges, pointus; il est velu à l’état jeune, et glabre à la maturité.
A l’état frais, les feuilles sont fermes et succulentes, et émettent, lorsqu’on
les froisse entre les doigts, une odeur fétide, désagréable. Les plus
grandes feuilles des plantes de moyenne taille ont de 15 à 20 centimètres,
et plus, de long. Pour l’usage médicinal, on arrache la plante entière,
on enlève les feuilles et les j eunes pousses, qu’on coupe en bandes courtes
destinées à être introduites dans une pipe ou roulées en cigarettes;
c’est surtout sous cette forme qu’on en fait usage en Angleterre. L’odeur
forte de la plante fraîche disparaît sous l’influence de la dessiccation,
et est remplacée par une odeur très-agréable. L herbe sèche possède
une saveur salée et un peu amère.
Composition chimique. — Les feuilles de Stramoine contiennent,
ainsi que les graines, un alcaloïde, la Datunne (voy. page 144) en très-
faible proportion, pas plus de 2/10 à 3/10 pour 1000. Elles sont riches
en principes salins et terreux. Les feuilles choisies, desséchées à 100° G.,
nous ont donné 17,4 pour 100 de cendres.
Usages. — Les feuilles de Stramoine ne sont guère employées qu’en
cigarettes ou dans la pipe, et fumées, comme le tabac, contre l’asthme.
Substitution. — Datura Tatula L. Cette plante est très-voisine du
Datura Stramonium L. Elle se propage dans les champs cultivés avec
presque autant de facilité que la Stramoine, mais elle n’est pas aussi
répandue. De Candolle pense qu’elle est indigène des parties chaudes de
l’Amérique, d’où elle a été importée en Europe, vers le seizième siècle,
et naturalisée en Italie, puis dans le sud-ouest de l’Europe. Plusieurs
botanistes réunissent cette plante au Datura Stramonium, maisNaudin (1 ),
qui a étudié les deux plantes avec la plus grande attention, surtout au
point de vue de leurs hybrides, les considère comme distinctes. Le
Datura Tatula diffère du Datura Stramonium par sa tige, les pétioles
et les nervures de scs feuilles qui sont pourpres, au lieu d être verts,
(!) Comptes rendus Ac. sc., 18G2, LV, 32!.
SOLANACÉES.
]mi sa corolle et ses anthères violettes et non blanches; mais ces ca-
ractères, si toutefois on peut les admettre, n’ont qu’une bien faible
importance botanique. On a recommandé de fumer le Uatura Tatula
contie 1 asthme, et 1 on a considéré son action comme plus énergique
que celle du IJatura Stramonium. Il nous est impossible d.’apprécier la
valeur relative de ces deux plantes.
(a) Les )atura L. (Généra, n. 246) sont des Solanacées de la tribu des Solanées,
à calice tubu eux, se divisant, <\ la maturité, en deux parties dont la supérieure tombe
avec la corolle, et 1 inferieure persiste à la base d u fruit ; à corolle infundibuliforme *
a anthères déhiscentes par deux fentes longitudinales ; à fruit capsulaire, déhiscent
en quatre valves.
Le Datura Stramonium L. (Spec., 255) est une plante annuelle, herbacée, ro-
buste, dressée, a rameaux entraînés de façon à former une ramification en appa-
rence dichotomique. La plante est entièrement glabre et d’un vert sombre. Les
feuilles sont alternes, longuement pétiolées, ovales-acuminées, lobées, îi lobes mu-
nis de dents aiguës et un peu recourbées. On trouve dans la partie supérieure de la
tige, au niveau de chaque feuille, trois axes : deux latéraux, destinés à produire eux-
mêmes des feuilles, et un médian court,
terminé par une fleur. Chacun des deux
axes latéraux offre à son tour, un peu plus
haut, une feuille, et à sa hauteur trois axes
qui se comportent comme les précédents.
La fleur est ainsi toujours solitaire. L'axe
qui la porte est court, cylindrique. Le
calice est gamosépale, à tube long, for-
mant, dans la préfloraison, un sac allongé
et conique, pentagonal. Il est découpé
en cinq dents courtes, triangulaires, ai-
gues, dont les nervures médianes conti-
nuent les cinq côtes du tube. La préflorai-
son est valvaire. La corolle est blanche,
très-grande, infundibuliforme, à cinq lo-
bes acuminés-subulés, formant chacun, au
niveau de leur nervure médiane, un pli
saillant, et tordus dans la préfloraison.
L’audrocée est formé de cinq étamines
alternes avec la corolle, incluses, à filets
connés au tube de la corolle, îi anthères
oblongues, allongées, biloculaires, in-
trorses, déhiscentes par deux fentes lon-
gitudinales. Le gynécée est formé d’un ovaire îi deux loges, contenant chacune de
nombreux ovules anatropes insérés sur un placenta central. L’ovaire estsurmonté d’un
style cylindrique, à peu près aussi long que les étamines, terminé par un renflement
stigmatique un peu aplati et imparfaitement bilobé. Le. fruit est une capsule A deux
loges, subdivisées chacune, dans le bas, en deux loges secondaires, à l’aide d’une
fausse cloison formée par le placenta. Pour bien comprendre cette structure, il est
nécessaire de faire des coupes transversales du fruit à différentes hauteurs, et mieux
Fig. 166. Datura Stramonium,
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
14
encore de suivra sa formation. Au début, la cloison inmce qui séparé les deux loges
porte, sur chacune de ses faces, un placenta vertical chargcd ovules. Vers la base du
Lt la lame placentaire fait bientôt, dans chaque loge, une saillie de plus en plus pro-
noncée pendant que les deux lèvres de son bord externe, chargées d ovules, s épais-
sissent ’ et s’écartent. Une saillie se forme ensuite entre ces deux lèvres, et va rejoindre
la face' interne de la paroi dorsale de la loge. Cette dernière se trouve alors divisée
en deux fausses loges, dont chacune offre un gros placenta saillant charge d ovules.
La situation de ces deux lames placentaires sur la fausse cloison es tres-variable ;
elles sont parfois tellement rapprochées delà paroi externe delà capsule, qu elles pa-
raissent pariétales. Ces phénomènes ne se produisent pas dans la superieuie
du fruit qui reste biloculaire. La déhiscence est septicide, a quatre valves , elle s
fectue par deux fentes longitudinales, qui se coupent en croix; Lune se produit au
niveau de la vraie cloison, et l’autre au niveau des fausses cloisons. Les graines
sont nombreuses, réniformes, à téguments noirs et chagrinés ; a albumen conte-
nant un embryon courbé. [Trad.]
GRAINES DE STRAMOINE.
Sente» Stramonii; Semences de Stramoine; angl., Stramonium Seeds ; allem , S techapfelsamen.
Origine botanique.— Datura Stramonium L. (voy. l’article précédent).
Description. — La capsule ovoïde et épineuse de la Stramoine
s’ouvre au sommet en quatre valves régulières. Elle est biloculaire ;
chaque loge, incomplètement divisée en deux loges secondaires, contient
un grand nombre (400 environ). de graines aplaties, réniformes. Les
graines sont noirâtres ou d’un brun foncé; elles ont environ 4 milli
mètres de long, et 1 millimètre d’épaisseur ; elles sont amincies au ni-
veau du hile, qui est situé sur la face la plus droite. La surface de la
graine est creusée de petites fossettes, et marquée d’un grand nombre
de réticulations ou de rugosités plus prononcées. Sur une section pa-
rallèle aux faces de la graine, on voit un embryon contourné suivant la
courbure de la graine, et plongé dans un albumen huileux, blanc. Sur une
coupe transversale, l’embryon paraît cylindrique. Les graines ont une sa
veur un peu amère, et exhalent, lorsqu’on les brise, une odeur désa-
gréable. Lorsqu’on fait digérer les graines entières dans l’alcool, elles
donnent une teinture douée d’une fluorescence verte.
structure microscopique. — Le testa est formé d une couche
Iules allongées radialement, à parois épaisses. Loin foi me n e- 1 PdS
simplement cylindrique, mais leurs parois sont sinueuses et pUocs dans
le sens de la longueur. Vues sur une coupe tangenticllc par rapport a la
surface, les cellules paraissent pénétrer les unes dans les autres. A la
surface de la graine, les parois cellulaires s’élèvent en tubercules et en
SOLANACÉES.
144
plis qui donnent à la graine son apparence réticulée, et forment les fos-
settes dont elle est creusée. L’albumen et l’embryon offrent les contenus
habituels, c est-à-dirc des gouttes d’huile grasse, et des substances
albuminoïdes.
Composition chimique. — Le principe actif des graines de Stramoine
est un alcaloïde puissamment toxique, la Daturine. Elles en contiennent
seulement 1/10 pour 100, tandis que les racines et les feuilles en ren-
ferment encore moins (1). La daturine fut découverte, en 1833, par
Gciger et Hesse. Elle fut considéré par A. von Planta, en 1850, comme
identique avec 1 atropine. Il lui trouva la composition chimique de ce
dei niei alcaloïde. Les deux corps se ressemblentparleur solubilité, et leur
point de fusion, qui est de 88° à 90° C. Ils cristallisent avec la même
facilité. Les expériences de Schroff (1852) tendent à montrer que la da-
tuiine et 1 atropine agissent delà même façon, ce qui confirmerait en-
core l’identité des deux substances. Cependant, la dernière est deux
fois plus toxique que la première. Il paraît résulter des observations
faites par Erhard, en 1866, que la forme cristalline de quelques-uns de
leurs sels est différente. Dans les graines de la Stramoine, la daturine
paraît être combinée à l’acide malique. Les graines donnèrent à
Cloëz (1865) 2,9 pour 100 de cendres et 25 pour 100 d’huile fixe.
Usages. — On prescrit les graines de Stramoine, sous forme d’extrait
ou de teinture; on les considère comme sédatives et narcotiques.
GRAINES ET FEUILLES DE DATURA ALBA.
Angl. , Seeds and Leaves of the Jndian or White-floioèred Datura.
Origine botanique. — Datura alba Nees. C’est une grande plante
annuelle, étalée, haute de 60 à 70 centimètres, àbelles fleurs tubuleuses,
blanches, longues de 12 à 15 centimètres. Les capsules sont pendantes,
globuleuses-déprimées,un peu plus larges que hautes, couvertes d’épines
tuberculeuses, ou épaisses et courtes. Elles ne s’ouvrent pas à l’aide de
valves régulières, comme dans le Datura Stramonium, mais se fendent
dans diverses directions en fragments irréguliers. Le Datura alba paraît
à peine distinct du Datura fastuosa L. Les deux pilantes sont communes
dans l’Inde, et sont cultivées dans les jardins du sud de l’Europe (2).
(1) Günther, in J ahresbericht (le Wiggers et Husemann, 4806, S4.
(2) Dca graines de Datura alba qui nous avaient été envoyées par le docteur Bidie,
de Madras, ont été semées par notre ami M. Naudin, de Gollioure (Pyrénées-Orientales),
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. US
Historique. — Les médecins arabes du moyen âge connaissaient bien
le Datura alba. Il est bien décrit parlbn Baytar (1) sous le nom arabe
qu’il porte encore aujourd’hui, Jouz-masal. Gcs médecins n’ignoraient
pas non plus ses propriétés toxiques. Garcia d’Orta (2) observa la plante
dans l’Inde, en 1563, et y entendit raconter que ses fleurs et ses graines
étaient mélangées, par les malfaiteurs, aux aliments des personnes qu’ils
se proposaient de voler. Elle fut aussi décrite par Christoval Acosta. Dans
son livre sur les drogues indiennes (3), il en mentionne deux variétés,
dont l’une à fleurs jaunes; il ajoute que les graines de toutes les deux
sont très-toxiques, et souvent administrées, soit dans un but criminel,
soit pour guérir certaines maladies. Graham (4) dit que la plante pos-
sède des propriétés narcotiques très-puissantes, et qu’elle est fréquem-
ment employée, à Bombay, par les voleurs, qui l’administrent à leurs
victimes afin de leur ôter toute force de résistance. Les graines et les
feuilles fraîches figurent dans la Pharmacopée de l’Inde de 1868.
Description. — Les graines du Datura alba diffèrent beaucoup, par
leur aspect extérieur, de celles du Datura Stramonium ; elles sont d’un
brun jaunâtre clair, plus volumineuses, de forme irrégulière et un peu
ridées. Leur forme peut être comparée à celle d’une oreille d’homme;
elles sont un peu triangulaires, ou aplaties et pyriformes ; l’extrémité ar-
rondie est épaissie en un bord sinueux, convoluté, tandis que le centre
de la graine est déprimé. Le hile s’étend depuis l’extrémité pointue
jusque vers le milieu de la longueur de la graine. Les téguments sont
marqués de petites rugosités, mais n’offrent pas les fossettes très-pro-
noncées qu’on trouve à la surface des graines du Datura Stramonium ;
ils sont plus épais, et offrent, sur une coupe mince, de grands espaces
intercellulaires auxquels est due leur structure spongieuse. Les graines
des deux espèces se ressemblent par leur organisation intérieure et leur
saveur, mais celles du Datura alba ne fournissent pas de teinture fluores-
cente comme celles du D. Stramonium.
Les feuilles ne sont employées qu’à l’état frais; elles ont de 12 à 25 cen-
timètres de long, avec un long pétiole, et un limbe ovale, souvent
cl ont reproduit la plante sous trois formes : l°le véritable Datura alba,. tel qu’il est Th
guré dans les Icônes de Wight; 2° des plantes à fleurs violettes, avec la surface interne
presque blanche (D. fastuosd) ; 3° des plantes avec une corolle double, de grande taille
et jaune.
(1) Traduction de Sontheimer, I, 269.
(2) Aromatum Historia, 1574, lib. nf c. 24.
(3) Tractado de las Drogas.... de las Indias Orientales , Durgos, 1378, 85.
(4) Catalogue of Bombay Plants, 1839, 141.
IlIST. DES DROGUES, T. II.
10
UG SOLANACÉES.
inégal à la l)asc, acüminé, finement dentelé, avec un petit nombre de
giandes dents étalées. Elles exhalent, lorsqu’on les froissé, une odeur
forte et désagréable.
structure microscopique. - Les téguments offrent les mêmes tissus
que ceux de la graine du Datura Stramonium , mais les cellules à parois
épaisses, qui constituent la partie spongieuse, sont beaucoup plus larges,
et offrent des dépôts secondaires nombreux qui constituent un bel objet
d’observation microscopique.
Composition chimique. — On n’a étudié, au point de vue chimique,
ni les graines, ni les feuilles du Datura alba, mais il n'est guère
permis de douter que leurs propriétés ne soient ducs à la Daturine, dont
les semences constituent, sans aucun doute, la source la pdus impor-
tante.
Usages. — Les graines ont été employées, dans l’Inde, sous forme de
teinture ou d’extrait, comme sédatives et narcotiques; les feuilles
fraîches, pilées et réduites en pulpe avec de la farine, sont usitées
comme médicament anodin.
FEUILLES DE JUSQUIAME.
Folia Byoscyami ; angl., Henbane Leaves ; allcrn., Bilsentcraut.
■
Origine botanique. — Hyoscyarffus niyer L. C’est une herbe trapue,
h feuilles molles, visqueuses, velues, douées d’une odeur désagréable;
à fleurs pâles, jaunâtres, élégamment veinées de pourpre ; à calice tubu-
leux, cinq-denté (a). On la trouve en Europe, depuis le Portugal et la
Grèce jusque dans le centre de la Norwége et de la Finlande ; en Égypte,
dans l’Asie Mineure, le Caucase, la Perse, la Sibérie, et le nord de l’Inde.
On la cultive aujourd’hui dans l’Amérique du Nord (I) et le Brésil. Eu
Angleterre, on la trouve à l’état sauvage, surtout dans le voisinage des
habitations, et on la cultive pour l’usage médical. La Jusquiame existe à
l’état de deux variétés, connues sous les noms d 'annuelle et bisannuelle,
mais n’offrant guère aucun caractère botanique différentiel.
La Jusquiame bisannuelle ( Hyoscyamus niyer , var. a biennis ) est plus
estimée pour les préparations pharmaceutiques. On l’obtient de graines.
La plante ne produit la première année qu’une rosette de nombreuses
(1) Elle a été naturalisée dans l’Amérique du Nord avant 1672. Elle est, eu effet,
mentionnée par Josselyn, dans son New England’s Rarities discovered (Lond., 1672),
parmi les plantes « sprung up since lhe English planted, and kept cattlc in New Eug-
glatid. »
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. U7
feuilles pédonculées, longues de 25 centimètres ou davantage. La
seconde année, clic émet une tige fleurie haute de 30 à 60 centimètres.
La plante entière meurt après la maturation des fruits.
La Jusquiame annuelle ( Hyoscyamus niger , var. P annua, vel agrestis)
est plus petite, et parcourt toutes les périodes de son développement
pendant une seule saison. Elle constitue la forme sauvage commune,
mais elle est également cultivée par les herboristes (1).
Historique. — L 'Hyoscyamus, nom sous lequel on distinguait probable-
ment autrefois une espece voisine, du sud de 1 Europe, I Hyoscyamus albci,
était considéré comme médicinal par les anciens. Cette plante est par-
ticulièrement recommandée par Dioscoride. En Europe, la Jusquiame
est employée depuis une époque très-reculée. Benedictus Grispus, ar-
chevêque de Milan, dans un ouvrage écrit peu avant 681, la mentionne
sous le nom d 'Hyoscyamus et de Symphoniaca (2). Au dixième siècle, ses
propriétés furent particulièrement rappelées par Macer Floridus (3)
qui la nommait Jusquiamus. Il en est fait mention, fréquemment, dans
les ouvrages médicinaux anglo-saxons du onzième siècle (4). Elle y est
appelée Henbell et parfois Belene; ce dernier nom dérive peut-être, de
ptXivo’JViia, terme que Dioscoride (5) indique comme le nom gaulois de
la plante'. Le mot Hennebone se trouve, avec les synonymes Jusquiame
et Chenille , dans un vocabulaire du treizième siècle, et le mot Hennebane
dans un vocabulaire latin et anglais du quinzième siècle (6). Dans YAr-
bolayre , herbier français du quinzième siècle (7), la plante est décrite
sous le nom d 'Hanibcine ou Hanebane de la façon suivante : « Elle est
aultrement appelée cassilago et aultrement simphoniaca. La semence
proprement a nom jusquiame ou hanebane, et herbe a nom cassilago...»
Les termes Hyoscyamus et JuSquiamus dérivent du grec Tocy.ùajzoç, c’est-
à-dire : f'eve à cochon. Quoique la Jusquiame constitue un remède d’une
puissance incontestable, elle tomba en désuétude pendant la première
moitié du siècle dernier. Elle ne figura pas dans les Pharmacopées de
Londres de 1756 et de 1778, et n’y fut rétablie qu’en 1809. Sa réintro-
duction dans la médecine est due surtout aux expériences et aux recom-
mandations de Store k (8).
(1) Pharm. Journ., 1860, I, 414.
(2) S. de Renzi, Collectio Salcrnitana, Napoli, 1862, I, 74, 84.
(3) De viribus Hcrbarum, édit, par Ciioulant, Lips., 1832, 108.
(4) Leeclidoms, etc., ofEarly England, 1866, III, 313.
(5) Lit>. iv, c. 69 (éd. Sprengel).
(6) Wright, Volume of Vocabularies, 1887, 141, 263.
(7) Voy. t. I, p. 279, note 1; et Brunet, Manuel du Libraire , 1860, I, 377.
(8) Voy. p. 140, note 3.
148
SOLANACÉES.
Description. — Les tiges de la Jusquiame, celles de la forme annuelle
comme celles de la forme bisannuelle, sont couvertes de feuilles molles,
visqueuses et velues. Les supérieures sont larges, sessiles, grossièrement
dentées, et constituent lesbractées d’unecyme unilatérale ; les moyennes
sont munies de dents plus prononcées et amplexicaules ; les inférieures
sont pétiolées, ovales-oblongues, découpées en larges dents, et attei-
gnent une grande taille. La tige, les feuilles et le calice de la Jusquiame
sont épais, et couverts de longs poils noirs articulés. Le dernier article
d un grand nombre de ces poils excrète un liquide visqueux, qui rend
la plante gluante. Les poils diminuent sous l’influence de la culture.
Après la dessiccation, la nervure médiane, qui est plus claire, devient très-
visible; le reste de la feuille se ride beaucoup, et prend une coloration
d’un vert grisâtre. La drogue, provenant de plantes fleuries, qu’on trouve
dans le commerce, est ordinairement très-brisée. L’odeur fétide et
opiacée des feuilles fraîches diminue beaucoup par la dessiccation. La
plante fraîche ne possède que peu de saveur.
On vend la Jusquiame desséchée sous trois formes qui généralement
ne sont pas distinguées par les droguistes : i° plante annuelle. On vend
les feuilles et les pousses vertes; 2° plante bisannuelle : feuilles de la
première année; 3° plante bisannuelle .'feuilles et pousses vertes. La
troisième forme est toujours considérée comme la meilleure, mais il n'a
pas été fait d’expériences dans le but de déterminer, d’une façon précise,
la valeur relative des trois variétés de la drogue.
Composition chimique. — Le plus important des principes de la Jus-
quiame, Vlhjoscyamine, fut obtenu, à l’état impur, en 1832, par Geiger
et Hesse. Hôhn, en 1871 , l’isola pour la première fois des graines, qui sont
beaucoup plus riches que les feuilles (I). On dépouille les graines de
l’huile grasse qu’elles contiennent dans la proportion de 26 pour 100,
et on les traite par de l’alcool contenant de l’acide sulfurique, qui
enlève l’hoscyamine sous la forme de sulfate. On évapore alors l’alcool
et on ajoute de l’acide tannique. On mélange le précipité, ainsi obtenu,
avec de la chaux, et on l’épuise par l’alcool. L’hyosciamine est de
nouveau convertie en sulfate, dont on précipite la solution aqueuse avec
du carbonate de sodium; on dissout ensuite l’alcaloïde à l'aide de
l’éther. Après évaporation de ce dernier, l’hyoscyamine se présente sous
la forme d’un liquide huileux qui, au bout de peu de temps, se concrète
(1) D’après les expériences faites par Schoonbroodt, en 1SG8, il est permis de penser
que le principe actif do la Jusquiame peut être extrait plus aisément de la plante fraîche
que de la plante sèche.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 149
en touffes de cristaux verruqueux, solubles dans la benzine, le chloro-
forme, l’éther et l’eau. Hûhn et Reichardt assignent à l’hyoscyamine la
formule G15Hs3Az01 2 3 4. Les graines n’en contiennent que 0,05 pour 100.
L’hyoscyamine est facilement décomposée par les alcalis caustiques.
Quand on la fait bouillir avec de la baryte, dans une solution aqueuse,
elle se décompose en Hyoscine, C°H13Az, et en acide ffyoscinique, C9R10O3.
Le premier est un alcaloïde volatil. L’acide hyoscyamique est une sub-
stance cristal! isable, ayant une odeur semblable à celle de l’acide
benzoïque empyreumatique (1). Attfiekl (2) a montré que 1 extrait de
Jusquiame est riche en nitrate de potassium, et autres sels inorgani-
ques. Dans les feuilles, la proportion du nitrate de potassium est, d après
Thorey (3), plus considérable avant la floraison. La même observation
s’applique à l’hyoscyamine.
Usages. — La Jusquiame est employée, sous forme de teinture,
comme médicament anodin, sédatif ou hypnotique. Les expériences de
Garrod (4) ont démontré qu’il ne faut pas l’administrer mélangée
avec de la potasse ou de la soude libre, qui la rendent tout à fait inerte.
L’Hyoscyamine possède, comme l’atropine, la propriété de dilater la
pupiUe.
Substitutions. — L ' H yoscyamus albiis L., plante plus grêle que 1 Hyo-
scyamus niyev , avec des feuilles et des bractées pédonculées, oiiginaiie
de la région méditerranéenne, est parfois employée, dans le sud de
l’Europe, de la même façon que la Jusquiame officinale. L’ Hyoscyamus
insanus Stocks, plante du Beluchistan, est mentionnée dans la Pharma-
copœia of India comme douée d’une virulence particulière; on la fume
parfois.
(a) Les Jusquiames ( Hyoscyamus Tournefort, lnslit., t. 42) sont des Solana-
cées de la tribu des Hyoscyamées, ;\ calice campanule, accrescent ; à corolle un
peu irrégulière ; à anthères déhiscentes par des fentes longitudinales ; à fruit cap-
sulaire, enveloppé du calice persistant, et déhiscent vers le haut par une fente cii-
culaire.
L ’ Hyoscyamus niger L. ( Spec ., 237), vulg. Jusquiame , llanebane , Heibe des
chevaux , est une plante annuelle ou bisannuelle, à racine persistante, chai nue,
peu ramifiée. Lorsque la plante est bisannuelle, la partie inférieure de la tige pei-
siste au-dessus delà racine sous la forme d’un cylindre court, couvert de cicatrices
et de portions de feuilles. La tige aérienne est haute de 30 à 80 centimètres, dies-
(1) Nous avons eu l’occasion d’examiner, en 1871, ces substances préparées par les
chimistes dont nous parlons. [F. A. F.]
(2) Pharm. Jouru., 1 802, III, 447.
(3) Jahrcsbericlit, de Wiggers et Husemann, 18G9, 56.
(4) Pharm. Journ., 1858, XVII, 462; 1809, XVIII, 174.
KiO
SOLANACÉES.
„ont Z !!’ , 1 î’ Bt T <le ',oiIs **«««. visqueux. Les feuilles
t alternes, simples, molles, pubescentcs, les radicales pétioles, les oaulinaires
sessiles et presque amplexicaules. Elles sont longues de S A 10 centimètres envi-
ion Leur contour général est elliptique ou ovoïde, avec une pointe allongée. Leur
bord est sinueux, denté, ou bien elles sont dans le bas presque pinnatifides, avec des
segments inégaux, tr.angulaires-lancéolés. Vers le haut de la tige, elles sont beau-
coup moins découpées, et n’offrent qu’une ou deux paires de dents coniques larges-
sur les rameaux elles sont même fréquemment entières. Les Heurs sont solitaires
et sessiles dans 1 aisselle des feuilles supérieures, qui sont très-rapprochées. L’en-
semble de l’inflorescence forme ainsi une sorte d’épi
florifère, roulé en crosse au sommet, avec les fleurs dis-
posées sur sa face extérieure en par deux rangées ver-
ticales. Après la floraison, la portion fructifère do l’axe
, s allonge, mais reste courbé en arc. Le calice est tomen-
teux, à tube cylindrique, un peu renflé à la base, découpé
dans le haut en cinq dents courtes, triangulaires, poin-
tues. Il s accroît autour du fruit, et l’enveloppe à la matu-
rité d’un sac desséche, jaunâtre, très-résistant. La corolle
est infuudibuliforme, à tube de la même longueur que le
calice, à limbe relativement grand, oblique. Son limbe
est divisé profondément en cinq lobes imbriqués en quin-
conce dans le bouton, inégaux, trois plus larges et deux
plus étroits et plus courts; il est jaune et parcouru de
nervures violettes très-nombreuses , anastomosées en
un réseau élégant ; la face interne du tube est colorée en
violet foncé. Dans la variété pallidus, la corolle est blan-
, châtre, et les nervures ne sont pas colorées. L’androcée
est tonne de cinq étamines alternes avec la corolle, un peu saillantes hors du
tube, avec lequel elles sont connées ; leurs filets sont un peu réfléchis et arqués ;
leurs anthères sont violettes, courtes, ovoïdes, biloculaires, recourbées en dehors
après la déhiscence, qui s’effectue, au niveau de la face interne, par deux fentes lon-
gitudinales. Le gynécée est formé d’un ovaire supère, biloculaire, surmonté d’un
style cylindrique, oblique, plus long que les étamines, et terminé par une tète stig-
matique simple. Chaque loge ovarienne contient un grand nombre d’ovules ana-
tropes, insérés sur un gros placenta porté par la cloison. Le fruit est une pyxide
allongée, presque cylindrique, terminée par un dôme qui se détache circulaire-
ment. Les graines sont nombreuses, petites, réuiformes et renferment, au centre de
l’albumen, un embryon arqué. [Trad.]
Fig. 167.
Eyoscyamus niger.
FEUILLES DE TABAC.
Folia Tabati; Herba Nicotianx; angl.. Tobacco; nllem., Tabakblüttcr.
Origine botanique. — Nicoticina Tabacum L. Le Tabac commun est
originaire du Nouveau-Monde, et cependant on ne l’y trouve pas au-
jourd’hui à l’état sauvage (a).
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 151
Historique. — Von Martius (I ) a établi que l’habitude de fumer le Tabac
était très-répandue, depuis un temps immémorial, parmi les indigènes de
l’Amérique du Sud, de même que parmi les habitants de la vallée du Mis-
sissipi, limite la plus nord de l’aire dans laquelle sa culture est possible.
Les Espagnols trouvèrent le Tabacà Cuba, en 1492, et l’introduisirent en
Europe, à cause de ses propriétés médicinales. Ils apprirent des Indiens la
façon de fumer cette herbe, et à la fin du seizième siècle cette habitude
devint générale en Espagne et en Portugal, d’où elle se répandit dans
le reste de l’Europe, en Turquie, en Egypte et dans l’Inde, quoique
combattue sévèrement par les gouvernements chrétiens et musulmans.
On pense généralement que l’habitude de fumer le Tabac se propagea
en Angleterre, et dans tout le nord de l’Europe, en grande partie grâce
h l’exemple donné par sir Walter Raîeigh et ses compagnons.
Le Tabac fut introduit en Chine, probablement par la voie du Japon
ou de Manille, pendant le seizième ou le dix-septième siècle; mais son
usage fut interdit par les empereurs des deux dynasties de Ming et de
Tsing. Il est maintenant cultivé dans la plupart des provinces de la
Chine, et y est très-employé (2).
La première description suffisamment exacte de la plante au tabac
fut donnée par Gonzalo Fernandez de Oviedo y Valdès, gouverneur de
Saint-Domingue, dans son Historici general de las Indias (3), imprimée à
Séville en 1535. Dans cet ouvrage, il est dit que l’on fume la plante dans
un tube à deux branches, en forme d’Y, que les indigènes nomment Ta -
baco. C’est seulement vers le milieu de ce siècle qu’on vit des pieds de
Tabac croissant en Europe. Les premiers pieds poussèrent à Lisbonne,
d’où l’ambassadeur français Jean Nicot en envoya des graines en France,
en 1560, en les décrivant comme celles d’une plante médicinale de
grande valeur, alors répandue dans le Portugal (4). Monardès (5), en
1571, parle du Tabac comme d’une plante apportée en Espagne quel-
ques années auparavant, et très-estimée à cause de sa beauté et de ses
propriétés médicinales. Il s’étend beaucoup sur ces dernières, et décrit
les procédés employés par les Indiens pour fumer et chiquer cette herbe.
(1) Beitrüge zur Ethnographie und Sprachenkunde Americas, ■ zumal Brasiliens,
1867, I, 719.
(2) Mayers, in Hong Kong Notes and Queries, mai 1807 ; F. P. Smith, Mat. med.
and Nat. Ilist. of China, 1871, 219.
(8 J Lib. v, c. 2. .
(4) Nicot, Thrésor de la langue Fratiçoyse, Paris, 1606, 429.
(5) Segunda parte del libro de las cosas que se traen de nuestras Indias occidentales,
que sirven al uso de medicina. Do se trata del Tabaco,,., Sevilla, 1671, 3.
152 SOLANACÉES.
11 ajoute une petite figure sur bois représentant la plante, qu’il décrit
vec des fleurs blanches, rouges au centre. Jacques Gohory (I), qui cul.
•va la plante a Paris, dès 1 572, décrit ses fleurs comme tachées dc^ouge
et énumère les düféren les préparations médicinales dans lesquelles elle
entre. Dans la Maison rustique de Charles Estiennc, édition de J 583 l’au-
teur donne un « Discours sur la Nicotiane ou Peturri muscle» dans lequel
il réclame pour la plante la première place parmi les herbes médici-
nales, a cause de ses propriétés singulières et presque divines.
La culture du Tabac a été prohibée en Angleterre, sauf en très-petite
quantité dans les jardins, par une loi (2) qui est en vigueur depuis 1G60
Description , Parmi les diverses espèces de Mcotiana cultivées pour la
fabrication du tabac à fumer et à priser, Je N. Tabacum est de beaucoup
a p us frequente. Elle est presque la seule citée dans les Pharmacopées
comme médicinale. Sa tige est simple; elle porte au sommet une pani-
cule de fleurs tubuleuses, roses ; elle atteint la taille de l’homme; ses
feuilles sont simples, oblongues-lancéolées, entières sur les bords.’ I es
feuilles inférieures sont plus largement lancéolées, et atteignent à peu
près GO centimètres de long sur 15 centimètres de large. Les feuilles
caulinaires sont à demi amplexicaules et décurrentes à la base. Sous
1 influence de la culture, les feuilles deviennent parfois cordées-ovales,
et les bords de leur limbe peuvent devenir inégaux ou presque révo-
lutés. Toutes les parties herbacées de la plante sont recouvertes de
longs poils, formés de cellules larges, rubanées, striées, et secrétant
à leur extrémité un liquide glutineux. De petites glandes sessiles sont
distribuées çà et là sur la surface de la feuille. Les nervures laté-
rales partent de la nervure médiane en ligne droite, en formant un
angle de 40 à 75 degrés; elles se recourbent un peu vers le bord. Sous
1 influence de la dessiccation, Jes feuilles deviennent cassantes et minces
comme du papier, et prennent une coloration brune. On ne peut pas,
même à 1 aide des plus grands soins, conserver la teinte verte des
feuilles. L odeur de la plante fraîche est narcotique ; sa saveur est amère
et nauséeuse. L’odeur caractéristique que possède le Tabac sec se
développe pendant les opérations destinées à le conserver.
Composition chimique. — Le principe actif du Tabac, isolé pour la
première fois, en 1828, par Posselt et Reimann, est un alcaloïde volatil,
(1) Instruction sur l’herbe Petum clitte en France l’herbe de la Roi/ne ou Mèdicée
Paris, 1572. "J
(2) 12, Car. II, c. 34 ; 15, Car. II, c. 7. — Pour plus de détails sur l’histoire du Tabac
voyez : Tiedemann, Geschichte des l'aba/is, Frankfurt, 1854. — Fairiiolt, Tobacco ,
ils History; with Account of'the Plant, London, 1869.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 153
la Nicotine, G1QHuAz2. On le retire facilement du Tabac au moyen de
l’alcool et de l’eau, à l’état de malate, dont on peut séparer l’alcaloïde
par agitation avec de la potasse caustique et de l’éther. On expulse
l’éther en chauffant le liquide, qui doit être enfin mélangé avec de la
chaux éteinte, et distillé dans un courant d’hydrogène. La nicotine
commence à se dégager à 200° G. environ.
La Nicotine est un liquide huileux, incolore, lévogyre, ayant pour poids
spécifique 1,027, à 15° G., bouillant à 250° C., et ne cristallisant pas,
même à — 10° C. Elle possède une réaction alcaline énergique, une odeur
désagréable, et une saveur brûlante. Elle acquiert rapidement, par expo-
sition à l’air et à la lumière, une coloration brune, et paraît même subir
une certaine décomposition sous l’influence de la distillation dans une
atmosphère dépourvue d’oxygène. La nicotine se dissout dans l’eau,
mais se sépare quand on ajoute de la potasse caustique. La plupart des
sels de nicotine ne cristallissent que difficilement; son chlorhydrate
forme avec le chlorure de zinc un composé qu’on peut obtenir en cris-
taux volumineux. La nicotine constitue le principe puissamment toxique
du Tabac. On la trouve, dans les feuilles sèches, dans la proportion d’en-
viron 6 pour 100; mais elle est sujette, à cet égard, à beaucoup de va-
riations. Elle n’a pas pu être trouvée dans le Tabac à fumer par Vohl
et Eulenberg (1871), quoique d’autres chimistes assurent qu’elle y
existe. Vohl et Eulenberg trouvèrent que les vapeurs contenaient des
substances basiques de la série picolinique, et abandonnaient à la po-
tasse caustique de l’acide cyanhydrique, de l’hydrogène sulfuré, plu-
sieurs acides gras volatils, du phénol, et de la créosote. Ils observèrent
en outre, pendant la combustion incomplète du Tabac, la formation de
lamelles fusibles à 94° G., et ayant la composition C19H18. Les feuilles de
Tabac fraîches ou sèches fournissent, lorsqu’on les distille avec de l’eau,
un produit trouble dans lequel, ainsi que l’observa Ilermbstâdt en 1823,
il se forme, après quelques jours, des cristaux de Nicotianine ou Cam-
phre de Tabac. D’après J. A. Barrai, la nicotianine contient7,!2 pour 100
d’azote (?). En soumettant 4 kilogrammes de bon Tabac de l’année pré-
cédente à la distillation avec une grande quantité d’eau, nous avons
obtenu de la nicotianine qui flottait à la surface du liquide distillé sous
’ forme de petits cristaux aciculaires, dépourvus d’action sur la lumière
polarisée. Ges cristaux n’ont aucun goût particulier, du moins en faible
quantité. Ils possèdent une odeur semblable à celle du Tabac, due peut-
être uniquement à l’eau qui les mouille. Nous essayâmes de les séparer
par la filtration, mais ils disparurent, probablement dissous dans une
1,1 SOLANACÉES.
petite quantité d’huile essentielle qui les accompagnait. L’eau dis-
tillée était claire, et offrait une réaction alcaline due en partie à la nico-
tine; nous, pûmes nous en assurer en ajoutant une solution d’acide
tannique, qui détermina un trouble très-prononcé.
Parmi les principes constituants ordinaires des feuilles, le Tabac con-
tient de l’albumine, de la résine et de la gomme. Ces substances de
meme que la cellulose de la nervure médiane, produisent pendant leur
combustion des principes désagréables au consommateur. Pour éviter
cet inconvénient, les fabricants de Tabac à fumer enlèvent la nervure
médiane, et s’efforcent de déterminer la destruction des matières désa-
gréables, en même temps que la formation de certains produits de fer-
mentation, qui contribuent peut-être à donner au Tabac son arôme,
surtout lorsqu’on y ajoute, pendant la macération, des substances saccha-
rines, du suc de réglisse ou de l’alcool. Les feuilles de Tabac sont remar-
quablement riches en principes inorganiques. La proportion de ces der-
niers varie entre 16 h 27 pour -100. D’après Boussingault, ils contiennent
câpres dessiccation \ pour 100 environ d’acide phosphorique, et de 3 à
o pour 100 de potasse, avec 2 et demi à 4 et demi pour 100 d’azote, en
partie a l’état de nitrate. Pour que la plante pousse bien, il lui faut un
sol riche ou constamment fumé. Les cendres contiennent environ un
quart ou une moitié de leur quantité totale de chaux, qui est combinée
dans les feuilles avec des acides organiques, surtout l’acide malique, et
peut-être aussi l’acide citrique. La proportion déjà potasse varie beau-
coup, mais peut être évaluée, en général, à 30 pour 100 des cendres.
Commerce. — En 1872, il a été importé dans le Royaume-Uni
45549700 livres de Tabac non manufacturé ; plus de la moitié provenait
des Etats-Unis d Amérique. La valeur totale de la marchandise importée
s elev a à 1 563 882 livres sterling, et l’impôt levé sur la quantité retenue
poui la consommation sur place, s’éleva à 6 694 037 livres sterling.
Usages. Le Tabac jouit d’une certaine réputation comme moyen
de combattre les obstructions alvines, mais ses propriétés sont très-éner-
giques, et il n’est que rarement employé.
Substitutions. — Parmi les autres espèces do Nicotiana cultivées, le
N. rustica ( b ) est probablement la plus répandue. Elle est facile à distin-
guer par ses fleurs d’un jaune verdâtre, et par ses feuilles ovales pétiolées.
Par suite de leur texture plus serrée, ses feuilles sèchent plus rapidement
que celles du N. Tabacum et l’on peut, avec quelques soins, leur
conserver leur coloration verte. Le N. rustica produit le Tabac des
Indes orientales, et les sortes connues sous le nom de Lalakié et de Tabac
li>3
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
tia'C. Le N. persica Lindley fournit le Tabac de Shtraz. Les N. quadn-
v(ih)is Puitsii, iV. multivalvis Lindley, et.Ar. vcpcutda AYi li. d . , sont egalement
cultivés. Le dernier ost cultive à la Havane, et est employé dans la fabri-
cation d’une sorte Irès-eslimée de cigares.
(а) Les Tabacs {Nicotiana L., Généra , n° 248) constituent le type d’une série do
Solanacées à fleurs régulières et hermaphrodites ; i\ anthères non con inven tes, déhis-
centes par deux fentes longitudinales ; à stigmate bilobô; à l'ruit capsulaire, sep-
ticide.
Le Nicotiana Tabacum L. {Spec., 258) est une plante annuelle, à racine pivo-
tante, àtige dressée, rameuse, cylindrique, haute de 80 centimètres à lm, 50, cou-
verte d’une pubescence visqueuse. Les feuilles sont
alternes, simples, ovales-aigues, atténuées à la base,
mais dépourvues de pétioles , entières, pubescentes
et visqueuses sur les deux faces. Les fleurs sont
disposées à l’extrémité des rameaux eu sortes de
panicules de cymes, et accompagnées de bractées
ovales, étroites. Le calice est tubuleux, ventru, pu-
bescent, persistant, divisé profondément en cinq
lobes aigus au sommet, imbriqués en quinconce
dans la préfloraison. La corolle est tubuleuse, infun-
dibuliforme, grande, renflée au niveau de la gorge,
colorée en rose au niveau du limbe qui est profon-
dément divisé en cinq lobes plissés et imbriqués
dans le bouton, puis étalés, larges, aigus. L’androcée
est formé de cinq étamines alternes avec les pétales,
de la même longueur que le tube de la corolle, et
connées avec lui jusque vers le milieu de sa hau-
teur, à filets subulés, velus dans le bas, à anthères
ovoïdes, obtuses, biloculaires, avec des loges écar-
tées dans le bas, introrses, déhiscentes par des fen-
tes longitudinales. Le gynécée est formé de deux
carpelles unis en un ovaire bilooulaire, entouré à la
base d’un disque hypogvne, atténué au sommet en
un style cylindrique, à peu près de la longueur des
étamines, glabre, un peu élargi vei’s le haut en un
stigmate aplati, convexe, légèrement bilobé. Chaque
loge ovarienne contient un grand nombre d’ovules
anatropes, insérés sur un gros placenta charnu que
porte la cloison de séparation. Le fruit est une cap-
sule entourée à la base par le calice, ovoïde, pointue,
septicide, à deux valves qui se séparent de la cloison
munie de ses deux gros placentas. Les graines sont
très-nombreuses et très-petites ; elles renferment
un embryon petit, recourbé, entouré d’albumen.
[Trad.]
(б) Le. Nicotiana ruslica L. {Spec., 258), vulg. Tabac des paysans, Tabac fe-
melle, se distingue du Nicotiana Tabacum par ses feuilles pétiolées, ovales, ob-
15G
SCROFULARIACÉES.
tusi s, par ses fleurs beaucoup plus petites, disposées en grappes de cvmes • par sa
corolle a tube court, colorée eu jaune verdâtre, et par sa capsule arrondie Su tire
ne dépasse pas 00 à 90 centimètres de haut, et ses feuilles, beaucoup plus courtes
que celles de l’espèce précédente, n’ont guère plus de 20 à 30 centimètres de Ion-
loute la plante est couverte de poils glutineux et fétides.
Le Nicotiana persica Lindley {Bot. Regist., t. 1392) sè distingue par ses feuilles
radicales oblongues, spatulées, les caulinaires sessiles, semi-amplexicaules acu-
îninées ; ses fleurs blanches, à odeur agréable; le tube de la corolle hvpocratéri-
morphe, grêle, ventru au niveau de la gorge, le limbe à segments ovales, émanri-
nés, un peu inégaux.
Le Nicotiana quadrivalvis Punss ( Flor . Am. sept., I, lit) sc distingue par : ses
feuilles oblongues, entières, à peu près nues sur les deux faces, les supérieures plus
petites, longues d un doigt et larges d’un pouce, les médianes et les inférieures pé-
tiolées, les supérieures subsessiles; sa corolle blanche en dedans, livide en dehors
a tube pubescent deux fois plus long que le calice; ses capsules subglobuleuses,’
glabres, déhiscente^ en quatre "valves.
, Le Nicotiana mulliualvis Lindley (Bot. Regist., t. 1037), très-voisin du précédent,
s'on distingue par ses feuilles ovales, lancéolées, épaisses, velues, glanduleuses^
glutineuses, les supérieures subsessiles, les inférieures longuement pétiolées; son
calice enflé, multifide; sa corolle blanche; sa capsule multiloculaire.
Le Nicotiana repanda Willdenow {herb., ex. Lehm., Nie.; 40, n. 10., t. III) se
distingue par ses feuilles amplexicaules, cordées, spatulées, presque arrondies, à
peu près glabres à 1 âge adulte, longues de G centimètres environ; sa corolle blan-
che; sa capsule ovale, glabre, recouverte par le calice. [Trad.]
SCROFULARIACÉES
FEUILLES DE DIGITALE.
Folia Digitalis ; angl., Floxglove Leaues ; allem., Finyerhutblatter.
Origine botanique. — Digitalis purpurea L. — C’est une belle plante
répandue clans la plus grande partie de l’Europe, et recherchant les
terrains siliceux. Elle manque d’ordinaire dans les terrains calcaires.
On la trouve sur les bords des bois et des buissons, dans les terrains
vagues, et les endroits déserts. Dans les parties chaudes de l’Europe,
elle s’élève sur les montagnes. On la trouve dans le centre et le sud de
l’Espagne, dans le nord de l’Italie, en France, en Allemagne, dans les
Iles-Britanniques, dans le sud de la Suède, et en Nonvége jusqu’au 62e de
latitude nord. Elle est très-inégalement distribuée, et manque complè-
tement dans les Alpes suisses et le Jura (I). Elle est bien connue comme
plante de jardin (a).
Historique. — Nous ne possédons aucun renseignement très-ancien
(1) Le docteur R. O. Cunningham a trouvé, en 1S68, le Digitalis purpurea complète-
ment naturalisé dans les environs de San Carlos, dans Plie de Chiloe, au sud du Chili.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 157
sur l’emploi de la Digitale dans la médecine. Fuchs (1) et Tragua (2),
vers le milieu du seizième siècle, ont figuré la plante. Le premier lui
donna le nom de Digitalis , en faisant remarquer qu’à l’époque où il
écrivait elle ne possédait aucun nom grec ou latin. On la considérait à
cette époque comme un médicament violent. Elle fut inscrite dans la
Pharmacopée de Londres de 1650, et dans
plusieurs éditions ultérieures. Les premières
recherches sur son action thérapeutique (1776-
1779) et son introduction dans la pratique mo-
derne sont dues surtout à Withering, botaniste
et médecin anglais bien connu (3).
Le mot anglais Foxglove passe pour dériver
de l’anglo-saxon Foxesglew, c’est-à-dire musique-
de-renard , par allusion à un ancien instrument
de musique qui consistait en une clochette
suspendue à un support recourbé en arc (4).
Description. — La Digitale est bisannuelle ou
vivace. On doit recueillir les feuilles lorsque la
plante est en pleine floraison. Les feuilles infé-
rieures sont ovales ; leur limbe s’atténue à la
base en un long pétiole. Les feuilles caulinaires
sont graduellement de plus en plus étroites, et
deviennent ovales-lancéolées, avec un pétiole
court, largement ailé de chaque côté; puis tout
à fait sessiles, à mesure qu’elles sont plus éle-
vées sur la tige. Toutes ont les bords crénélés,
crénelés-dentés ou subserrés; elles sont plus ou
moins recouvertes d’une pubescence molle, ou
presque glabres sur la face supérieure, beau-
coup plus pâles et très-pubescentes sur la
face inférieure, qui est parcourue par un réseau
de nervures saillantes. Les nervures principales
partent en divergeant à angle aigu de la ner-
vure moyenne, qui est épaisse et charnue. Les feuilles inférieures ont
souvent 30 centimètres ou davantage de long, sur 12 à 15 centime-
Fig. 170.
Feuille do Digitalis purpurea,
vue par la face dorsale.
(1) De Hist. Stirpium , 1542, 892.
(2) De Stirpium.... nomenclaturis, etc., Iüu2, — « Canipanula sylvestvis scu Diyi-
talis. »
(3) Withering (William), Account of the Floxylove , Birmingham, 1783, in-8u.
(A) Pnion, Popular Namcs of Britisli Plants , ed. 2, 1870, 84.
158 SCROFULAKIACÉES.
Ii'es de large; celles de la lige sont plus petites. A l’aide d’une loupe,
on peut constater que la pointe de chaque crénelure ou de chaque
dent de la feuille est munie d’une petite glande luisante, en forme
de verrue. Les poils de la face inférieure sont simples, et formés
de cellules articulées qui s’aplatissent en se desséchant; ceux de la
face supérieure sont plus courts.
Dans la préparation de la Digitale pour l’usage médical, quelques
droguistes ont 1 habitude d’enlever le pétiole tout entier et la partie la
plus épaisse de la nervure médiane, en ne conservant que le limbe,
qu’on fait dessécher à une chaleur douce (1). La feuille fraîche froissée
exhale une odeur herbacée désagréable qui, après la dessiccation, de-
vient agréable et semblable à celle du thé. La feuille sèche possède
une saveur très-amère.
Composition chimique. — Depuis le commencement de notre siècle,
de nombreuses tentatives ont été faites dans le but de préparer le prin-
cipe actif de la Digitale, et le nom de Digitaline a été donné successive-
ment à des substances très-différentes. Parmi les observateurs qui se
sont livrés à ces recherches, nous devons indiquer particulièrement
Walz (1846-1858), Kosmann (1845-46, 1860), Homolle qui a fait une par-
tie de ses travaux en collaboration avec Quévenne (1843-61), O. A. Nati-
velle (4872) et Schmiedeberg (1874).
La Digitaline de Walz , d’abord nommée Digitasoline , a pour formule
C28fP8Ou. Elle est amorphe, faiblement soluble dans l’eau froide, davan-
tage dans l’eau chaude, très-soluble dans l’alcool. Sous l’influence des
acides dilués, elle se décompose en sucre, en Digitalirétine et en Para-
cligitalétine. Ces deux derniers corps sont amorphes.
La Digitaline de Kosmann est décrite comme formant des écailles
cristallines, faiblement solubles dans l’eau, facilement solubles dans
l’alcool, et insolubles dans l’éther.
La Digitaline de Homolle et Quévenne , qui est adoptée par la Pharma-
copée anglaise et par le Codex français, est une substance incolore,
« en masses verruqueuses ou en fines écailles », inodore, extrêmement
amère, facilement soluble dans l’alcool, très-peu soluble dans l’eau et
l’éther, soluble dans les acides, mais ne fournissant pas avec eux de
composés neutres. Sa solution dans l’acide chlorhydrique est d’abord
(1) Celle méthode de préparation de la feuille a été prescrite par la Pharmacopée
de Londres do 1831, mais elle est depuis longtemps en usage. La Pharmacopée anglaise
ne donne à cet égard aucune indication.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 159
jaune pâle, mais devient très-rapidement verte. Cette substance n’a pas
une composition définie.
La Digitaline de Native lie. Les recherches de ce chimiste sur J a Digi-
tale, récompensées, en 1872, par le prix Orfila de 6 000 francs, ont eu
pour résultat l’extraction d’une digitaline cristallisée, possédant des
propriétés médicinales actives. On peut l’obtenir par le procédé suivant :
on épuise d’abord les feuilles avec de l’eau, puis on en fait un extrait
à l’aide d’alcool à 0,930. La teinture est concentrée jusqu’à ce que son
poids égale celui des feuilles employées, puis diluée de trois fois son
poids d’eau. Il se forme alors un dépôt poisseux; la digitaléine, et
d’autres substances restent dans la solution. On dessèche le dépôt sur
du papier buvard, puis on le fait bouillir avec le double de son poids
d’alcool à 0,907. Par le refroidissement, des cristaux se déposent peu à
peu durant quelques jours. On lave ces derniers avec un peu d’alcool dilué
à 0,938, puis on les dessèche. Pour les purifier, il faut les faire recris-
talliser dans le chloroforme, puis dans l’alcool bouillant à 0,828, en ajou-
tant du charbon. La digitaline ainsi obtenue se présente en cristaux
incolores, en forme d’aiguilles. Elle prend une belle coloration vert-
émeraude, lorsqu’on l’humecte avec de l’acide chlorhydrique, et possède
une saveur extrêmement amère. Elle produit sur l’économie animale
tous les effets propres à la digitale; à la dose de 1 milligramme, une
ou deux fois par jour, elle détermine, parfois, chez l’adulte, des effets
inquiétants, mais à plus faible dose elle jouit des propriétés sédatives
de l’herbe (1).
Schmiedeberg a isolé les principes suivants :
1° La Digitoxine, C31H33 07, substance cristalline, qui possède à un
très-haut degré les propriétés physiologiques de la plante, de même
que la Toxirésine qui résulte de la décomposition par les acides de la
digitoxine sans qu’il y ait en même temps formation de glucose ;
2° La Digitaline , G5H802, matière amorphe, qui se dédouble en glu-
cose et Digitalirésine, principe qui reste à étudier de plus près;
3° La Digitaléine , étroitement liée avec la digitaline, mais soluble^
dans l’eau aussi bien que dans l’alcool;
4° La Digitonine G3lli82017, substance cristal lisable de la série des sapo-
nines, susceptible de se dédoubler en glucose et les dérivés suivants :
digitorésine, digitonéine, digitogénine et paradigitogénine.
\
(1) J’ai donné un résumé des recherches très- approfondies de Schmiedeberg' dans le
Pharrn. Journ,, 20 mars 187S. [P. A. F.]
lbU SCROFULARIACÊES.
On trouve encore dans la Digitale un sucre cristallisable nommé Ino-
sùe- 11 a élé trouvé par Marmé dans les feuilles de cette plante, ainsi que
dans celles du Pissenlit.
lisages. La Digitale est un médicament puissant. Elle jouit de la
propriété de diminuer la fréquence et la force des contractions du cœur;
elle est aussi employée comme diurétique.
Falsification. Les feuilles sèches de quelques autres plantes ont
été vendues parfois à la place des feuilles de la Digitale, notamment
celles du Verbascum , qu il est facile de reconnaître à la couche épaisse
de poils ramifiés en étoiles qui les recouvre; celles de ïlnula conyza DC.
et de 1 1. Helenium L. qui ont le bord presque entier, et, dans la dernière
de ces plantes, des nervures secondaires partant à angle droit de la
nervure médiane. Dans ces deux plantes, la face inférieure de la
feuiUe est moins fortement réticulée que dans la Digitale. Cependant,
pour éviter toute chance d'erreur, les droguistes doivent acheter la
plante en fleur ; elle ne peut alors être confondue avec aucune autre,
et ils doivent cueillir et faire dessécher les feuilles eux-mêmes.
(a) Les Digitales ( Digitulis Tournefort, lnstit., t. 73) sont des Scrofulariacées
de la tribu des Digitalées, à calice cinq-partite, à corolle
campanulée ou tubuleuse-ventrue, à limbe oblique
imparfaitement bi labié ; à quatre étamines fertiles; à
capsule polysperme, septicide.
Le Digitalis purpurea L. (Spec., 866) vulg. Digitale,
Gants de bergère , Gants de Notre-Dame , Queue de
loup, est une belle plante herbacée, bisannuelle ou
quelquefois vivace, à racines fibreuses, à tige dressée,
haute de oO centimètres à 1 mètre, ordinairement sim-
ple, très-pubescente, d’un vert grisâtre, à feuilles alter-
nes, les inférieures formant une large rosette d’abord
presque dressée, puis plus ou moins étalée, et se
détruisant peu à peu à mesure que les fruits appro-
chent de la maturité. Les feuilles caulinaires sont de
plus en plus petites, et se transforment graduellement
en bractées dans l’aisselle desquelles naissent les fleurs.
L’inflorescence occupe ainsi tout le haut de la tige et
forme une longue grappe simple, lâche. Le calice est
formé de cinq sépales unis à la base, oblongs, c:i peu
r. ... n. .. pi’ès égaux, les deux antérieurs recouvrant dans le
bouton les deux latéraux qui couvrent le postérieur.
La corolle est longuement campanulée ; son tube est d’abord cylindrique sur une
faible hauteur, puis se renfle beaucoup et s’évase peu â peu jusqu’au niveau de
son ouverture. Le limbe est court, oblique, incomplètement bilabié, divisé en cinq
lobes, deux supérieurs formant une lèvre obtuse, tronquée ou légèrement émargiuée,
ICI
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
qui recouvre clans le bouton la lèvre inférieure formée de trois lobes courts et
arrondis. La corolle est glabre en dehors, colorée ordinairement en rose pourpré,
parfois blanche, munie en dedans, au niveau de la gorge, de taches pourpres en-
tourées d’une aréole blanche. L’androcée est formé de quatre étamines incluses (la
postérieure manquant tout à fait), didynames,
deux opposées aux deux sépales antérieurs, et
deuxplus courtes situées en face des deux sépales
latéraux. Leurs filets sont connés au tube de la
corolle dans leur tiers inférieur, et portent cha-
cun une anthère biloculaire à deux loges unies au
connectif par leur sommet seulement et divari-
quées, introrses, déhiscentes par des fenteslongitu-
dinales. L’écartement des deux loges de l'anthère
est assez considérable, surtout après la déhiscence,
pour qu’elles paraissent alors n’en former qu’une
seule, fixée par le milieu de sa longueur au som-
met du connectif. Avant la déhiscence, elles sont
moins écartées. Le gynécée est formé d’un ovaire
biloculaire, entouré à la base d’un disque hypo-
gvne, et atténué au sommet en un long style que terminent deux lamelles stig-
inatiques. Chaque loge ovarienne contient un grand nombre d’ovules anatropos
insérés sur un gros placenta porté par la cloison. Le fruit est une capsule biloculaire,
à déhiscence septicide, s’ouvrant par deux valves qui abandonnent les placentas char-
gés de petites graines ; celles-ci renferment un embryon entouré d’albumen. [Tiun.j
Fig. 172. Digitalis purpurea.
Corolle étalée.
ACANTHACÉES
ANDROGRAPHIS.
Hcvba Andrographidis ; nngl., Kariyat ou Cregat .
Origine botanique. — Andrographis (I) paniculata Nees ab EsenB.
[Justicia Burm.). G est une herbe annuelle, haute de 30 à 60 centimètres,
commune dans toute l’Inde, où elle croît à l’ombre des arbres. On la
trouve aussi à Geylan et à Java, et elle a été introduite dans les Indes
occidentales. On la cultive dans quelques districts de l’Inde (a).
Historique. U est probable que dans l’ancienne médecine des Hin-
dous cette plante était administrée concurremment avec le Ghirayta, et
quelques autres espèces d'Ophelia , car elle est désignée, dans l’Inde, à
peu près par le même nom vulgaire. Ainslie affirme qu’elle entrait dans
la composition de la fameuse teinture amère, nommée par les Portugais
de 1 Inde Droga amara ; mais en consultant l’autorité .qu’il cite (2), nous
(t) De àvnp et qpa«pt;, par allusion uses étamines en forme de pinceaux.
(2) Paolino da San Bartoi.omeo, Voyage to the East Indies, 1770-1789, traduit de
l’allemand, Lond. 1800, 14, 409.
HIST. DES DROGUES, T. II.
162 ACANTIIACÉES.
avons trouvé que la drogue amère employée dans la fabrication de ce
médicament était le Colombo, VAndrographis est connu au Bengale sous
le nom de Maha-tita, c’est-à-dire roi des amers ; il mérite si bien ce titre,
qu’il a été admis dans la Pharmacopée de l’Inde.
Description. — La tige est droite, noueuse, ramifiée, obtusément qua-
drangulaire, épaisse d’un demi-centimètre environ au niveau de sa base,
colorée en vert foncé, et sillonnée dans le sens de la longueur. Les
feuilles sont opposées, pétiolées, lancéolées, entières; les plus grandes
ont un demi-centimètre ou davantage de large, et 8 centimètres de long.
Leur face supérieure est colorée en vert sombre, l’inférieure est un peu
plus pâle, et paraît, à la loupe, finement granuleuse. Les feuilles sont
très-minces, cassantes, et entièrement glabres comme la tige. Dans les
échantillons bien desséchés que nous avons sous les yeux, et qui nous
ont été envoyés par le docteur G. Bidie, de Madras, les fleurs manquent,
et il n’existe qu’un petit nombre de racines. Cette dernière est fusiforme
et simple ; elle émet de nombreuses radicules minces ; elle est grisâtre
au dehors, ligneuse et blanchâtre en dedans. La plante est inodore, et
possède une saveur franchement amère et persistante.
Composition chimique. — L’infusion aqueuse de cette plante offre une
réaction acide faible, et possède une saveur amère intense, qui paraît
due à un principe indifférent, non basique, car les réactifs ordinaires
ne décèlent la présence d’aucun alcaloïde. D’autre part, l’acide tannique
y produit un précipité abondant, qui est constitué par une combinaison
de cet acide avec le principe amer. L’infusion n’est que peu altérée
par les sels de fer ; elle contient une quantité considérable de chlorure
de sodium.
lisages. — On emploie VAndrographis , comme tonique amer, de la
même façon que le Quassia, la Gentiane et le Chirayta ; on le confond
quelquefois avec ce dernier.
(a) Les Andrographis NEEs(in Walligh, Catal., n.2454; Plant, asiat.rar., 111,77)
sont des Acanthacées de la tribu des Andrographidées, à fleurs herinaphrodites>et
irrégulières ; à corolle bilabiée ; à androcée formé seulement de deux étamines ; à
ovaire biloculaire ; à capsule loculicide.
VAndrographis paniculata Nees (in Wall., PL as. rar., III, 116) est une herbe
à tige dressée, ramifiée, grêle, haute de 30 à 60 centimètres, articulée, lisse, qua-
drangulaire. Les rameaux sont opposés, décussés, étalés. Les feuilles sont oppo-
sées, simples, courtement pédonculées, lancéolées, entières, lisses, longues de o a
7 centimètres. Les fleurs sont disposées en grappes terminales, unilatérales, lâches.
Elles sont portées par de longs pédoncules, alternes sur l’axe principal, dressés, lai-
neux, situés dans l’aisselle de larges bractées opposées, et munis chacun de deux
bractéoles plus petites que le calice. Le calice est formé de cinq sépales étroits,
16?
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
presque libres, égaux. La corolle est formée d’un tube recourbé, et d’un limbe divisé
en deux lèvres linéaires et réfléchies, la supérieure plus ou moins bifide, l’inférieure
plus large, divisée en trois dents. La corolle est colorée en rose. L’androcée est formé
seulement des deux étamines antérieures. Leurs filets sont connés au tube de.la co-
rolle, aussi longs que les lèvres de cette dernière, velus, et supportent chacun une
anthère à deux loges introrses, obovales, barbues et unies à la base. Le gynécée est
formé d’un ovaire biloculaire, atténué en un style terminé par une extrémité stigma-
tique aiguë. Chaque loge de l’ovaire contient de deux à quatre ovules anatropes. Le
fruit est une capsule loculicide, déhiscente en deux valves. Chaque loge contient trois
ou quatre graines scrobiculées, alvéolées, tronquées à la base, et munies d’un prolon-
gement placentaire arqué. La graine renferme sous ses téguments un embryon sans
albumen. [Trad.]
BIGNONIACÉES
HUILE DE SÉSAME.
Oleum Sesami ; angl., Sesamë OU, Gingeli, Gingili ou Jingili OU, TU ou Teel OU, Benné OU ;
allem., Sesamôl.
Origine botanique. — Sesamwn indicum DC. C’est une plante dressée,
pubescente, annuelle, haute de 30 à 60 centimètres, indigène de l’Inde,
mais répandue par la culture dans toutes les régions chaudes du globe.
En Europe, le Sésame n’est cultivé que dans quelques districts de la
Turquie et de la Grèce, et, sur une petite échelle, en Sicile, et dans les
lies de Malte et de Gozo. Elle ne réussit pas dans le sud de la France (a).
Historique. — D’api’ès les plus anciens documents sanskrits, grecs, ou
latins, le Sésame a été employé, depuis les temps les plus reculés, pour
l’huile de ses graines. A l’époque de Pline, cette huile était exportée du
Sind en Europe par la voie de la mer Rouge, de la même façon que les
graines en sont aujourd’hui exportées. Pendant le moyen âge, la plante,
connue sous les noms de Suseman et Sempsen, était cultivée en Chypre,
en Egypte et en Sicile (I). A une époque plus récente, l’huile de Sésame
commença à faire concurrence à l’huile d’olive, et aujourd’hui, quoique
moins renommée, elle est consommée en plus grande quantité.
Le mot Sésame dérive de Svnsim , nom arabe de la plante. Les idiomes
de l’Inde possèdent pour cette plante des noms spéciaux; son nom hin-
dustani est TU; son nom sanskrit, qui est l’un des plus connus, est Ti-
laha (2).
(1) Il parait qu’on a aussi tenté la culture du Sésame- en France, car il est brièvement
mentionné dans la Maison rustique de Charles Estienne et Jean Liébault, édit., 1883,
304. [F. A. F. J
(2) Nous ignorons l’origine du mot Gingeli ,* Roxburgli fait remarquer qu’il était U
I(ii WGNONIACÉIiS.
Production. — La plante acquiert tout son développement en trois ou
quatre mois. Sa capsule contient de nombreuses graines aplaties qui
ont environ 4 millimètres de long, et 2 millimètres depaisseur, et pèsent
environ 4 milligrammes. Pour les recueillir, on coupe la plante lors-
qu’elle est parvenue à maturité, on l’abandonne pendant quelques
jours, puis on l’expose au soleil pendant le jour, en ayant soin de
la rentrer pendant la nuit. Sous l’influence de ce traitement, les capsules
s’ouvrent peu à peu, éclatent, et les graines tombent (1).
La plante se présente sous plusieurs variétés, qui fournissent respec-
tivement des graines blanches, jaunâtres, rougeâtres, brunes ou noires.
Les graines noires peuvent être privées d’une partie de leur matière colo-
rante parle lavage, qu’on emploie quelquefois afin d’obtenir une huile
plus pâle (2). Nous avons retiré, de graines jaunâtres, 56 pour 1 00
d’huile. Le rendement varie avec la variété des graines employées, ot
les procédés de pression, de 45 et 50 pour 100.
Description. — Les meilleures qualités d’huile de Sésame possèdent
une saveur douce, agréable, une coloration jaunâtre claire, et n’ont que
peu d’odeur, mais, à tous ces points de vue, l’huile est susceptible de
varier beaucoup, avec les conditions dont nous venons de parler. Les
graines blanches, produites dans le Sind, sont considérées comme four-
nissant la plus belle huile. Nous avons préparé une certaine quantité
d’huile de Sésame à l’aide de l’éther, et nous lui avons trouvé un poids
spécifique de 0,919 à 23° G. Elle se solidifia à 5° G., et devint trouble
quand on abaissa la température de quelques degrés au-dessous de
ce point. Cependant, l’huile de Sésame est plus fluide à la température
ordinaire que l’huile de noix, et elle se modifie moins promptement sous
l'influence de l’air. Lorsqu’elle est de bonne qualité, elle constitue l’une
des huiles les moins altérables.
Composition chimique. — L’huile de Sésame est un mélange d’oléine,
de stéarine, et d’autres composés de glycérine, avec des acides de
sou époque, et cela est vrai encore aujourd’hui, très-fréquemment employé par les Eu-
ropéens. Ce nom ne figure pas dans les longues listes dressées par Moodeen SherifT,
et publiées dans le Supplément to the Pharmacopœia of India. Nous croyons que le
mot henné est originaire de l’Afrique occidentale, et n’a aucune connexion avec le mot
lien, qui est le nom du Moringa.
(1) Pour plus de détails voyez : Buchanan , Journey from Madras tlirough My-
sore, etc., 1807, I, 95, et II, 224.
(2) Ce curieux procédé est décrit dans le Reports of Juries, Madras Exhibition, 1856,
31. Le fait, que la matière colorante des graines est soluble dans l’eau, se trouve con-
firmé dans des notes manuscrites adressées par Lépine, de Pondichéry, au Musée des
Produits des Colonies de France, à Paris. Ces graines peuvent même être employées
dans la teinture.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 165
la série grasse. Nous avons préparé avec elle l’emplâtre de plomb ordi-
naire et traité ce dernier par l’éther, dans le but d’écarter l’oléate de
plomb. La solution fut alors décomposée par l’hydrogène sulfuré, éva-
porée, et exposée à l’action de vapeurs nitreuses. Nous obtînmes, par ce
procédé, 72,6 pour 100 d 'acide Elaique. L’échantillon préparé par nous-
mêmes contenait 76,0 pour 100 d’oléine existant, autant que nous pou-
vons le supposer, sous la forme de trioléine. Dans les huiles du com-
merce, la proportion d’oléine est certainement peu constante.
Nous sommes parvenus à retirer des acides gras fondant facilement
à 67° C. après des cristallisations répétées. Ils consistent en acide stéa-
rique, mélangé d’un ou plusieurs acides voisins homologues, notamment
d’acide palmitique et d’acide myristique. En précipitant par l’acétate de
magnésium, ainsi que l’a proposé Heintz, nous avons isolé des acides
fondant entre 52°, 5 et 53° G., 62° et 63° G. et 69°, 2 G., et correspondant
aux acides myristique, palmitique et stéarique.
La faible proportion de substance solide qui se sépare de l’huile sous
l’influence de la congélation, ne peut pas être enlevée par la piession,
même à plusieurs degrés au-dessous du point de congélation , elle îeste
à l’état d’un magma mou. Sous ce rapport,! huile de Sésame diffèie de
l’huile d’olive.
L’huile de Sésame contient une très-petite quantité d’une substance,
peut-être résinoïde, qui n’a pas encore été isolée. On peut la retirer, en
solution, en agitant, à plusieurs reprises, 5 volumes d’huile avec 1 vo-
lume d’acide acétique froid. Si l’on ajoute à un certain volume de la
solution acétique un mélange de poids égaux d acide sulfurique et
d’acide nitrique, la solution acétique prend une coloration jaune ver-
dâtre. La même expérience étant faite avec de l’alcool , substitué
à l’acide acétique, le mélange prend une coloration bleue qui tourne
rapidement au jaune verdâtre. L’huile elle-même, étant agitée douce-
ment avec les acides nitrique et sulfurique, prend une belle teinte verte,
ainsi que l’a montré, en 1852, Behrens, qui, à la même époque, indi-
qua qu’aucune autre huile ne présente cette réaction. Cette dernière
se produit également avec l’huile bien purifiée, et tout à fait incolore.
Elle peut permettre de reconnaître un mélange d’huile de Sésame avec
d’autres huiles, pourvu qu’il en existe au moins 10 pour 100. 11 faut re-
chercher cette réaction à l’aide d’une petite quantité d huile, 1 gramme
par exemple, et 1 gramme du mélange acide préalablement refroidi.
Commerce. — L’importance commerciale du Sésame est suffisam-
ment indiquée parce fait que la France a importé, en 1870, 83 millions
,Ub bignoniacées.
Cle kilogrammes ; en 1871 , 57 millions et demi de kilogrammes; en 1872,
50 millions do kilogrammes de graines (1). La quantité expédiée de
l'Inde anglaise, pendant l’année 1871-72, a été de 575 854 quintaux, sur
lesquels la Franco a pris au moins 495 414 quintaux (2). L’importation
de ces graines dans le Royaume-Uni, pendant l’année 1870, a été éva-
luée à 13 000 livres sterling seulement. Le Sésame est produit en grande
quantité dans l’île chinoise de Formose qui, en 1869, en a exporté
46 000 péculs (3). Zanzibar en fournit aussi de grandes quantités, tan-
dis que sur la côte occidentale d’Afrique la graine à huile est la pis-
tache de terre {Avachis hypogæa L.). La principale ville de fabrication
de l’huile de Sésame est Marseille.
Usâmes. bonne huile de Sesame peut être employée, sans désa-
vantage, à tous les mêmes usages que l’huile d’olive (4). Comme son
point de congélation est inférieur de quelques degrés à celui de l’huile
d olive, elle convient mieux que cette dernière aux climats froids. Dans
l’Inde, et dans l’Afrique tropicale, les
graines de Sésame sont beaucoup
consommées directement dans l'ali-
mentation. Les feuilles de la plante
sont riches en mucilage, et sont par-
fois employées, dans les Etats-Unis,
sous forme de cataplasmes.
(a) Les Sésames ( Sesamum L., Généra,
n. 782) sont des Bignoniacées de la tribu
des Sésamées, à fleurs hermaphrodites et
irrégulières ; à calice petit, cinq-partite ; à
tube de la corolle recourbé, oblique à la
base ou un peu bossu dans le dos, dilaté
dans le haut ; à quatre étamines fertiles,
didynames; à ovaire d’abord bil oculaire, puis
quadriloeulaire ; à fruit capsulaire.
Le Sesamum indicum DC. ( Prodr ., îx,
250) est une herbe à feuilles opposées, simples, eutières, pétiolées, ellip-
tiques, atténuées aux deux extrémités, à nervation pennée. Les fleurs sont soli-
(1 ) Documents statistiques réunis par l’Administration des Douanes sur le commerce
de la France, 1872.
(2) Statement ofthe Trade and Navigation ofBritish India with Foreign Countries,
Calcutta, 1872, 62.
(3) Reports on Trade at the Treaty Ports in China for 1870, Shanghai, 1871, 81.—
Un pécul = 60k,479.
(4) Pour les usages pharmaceutiques, il est utile de ne pas oublier te grande pro-
portion d’oléine, et par suite la tendance moindre è la solidification, qu’offre l’huile de
Sésame.
Fig. 173, Sésame. Extrémité florifère,
et coupe longitud, do la graine.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 1G7
taircs à l’aisselle des feuilles, courtement pédonculées, irrégulières, à réceptacle
tanes .lias . . sépales étroits, inégaux, â peine réunis par
convexe. Le cah e est très petit ^ * J^uWopme| , tubo oblique, dilaté A
a base. La cmofl JyS P supévieure formée de deux lobes courts, arron-
inférieure formée de trois lobes arrondis, le médian
dis, à peine d stm ’ les autres. L'androcée est formé de quatre etamines
plus long et P^S LD ^sq deux aux sépales latéraux, et deux aux sépales anté-
“Èilès sont incluses, tonnées chacune d'un flirt conné au tube de la cocolle,
neuis. Elles so \ intr0rses, parallèles, déhiscentes par des fentes
longitudinales Le gynécée est formé d'un ovaire biloculaire au début entouré
long! uchna es IN h atténué au sommet en un style cylindrique,
inclus’1 que terminent deux lobes stigmatiques aplatis et couverts de papilles sur leur
. • ’ . P,,np nans le premier âge, l’ovaire est biloculaire, et offre, dans chaque loDe,
un^seul placenta adossé à la cloison, chargé d’ovules anatropes ; plus tard, il se forme,
sur la face interne de la paroi dorsale de chaque loge, une fausse cloison, qui s a-
vance vers le placenta, et divise chaque loge en deux compartiments. Le fruit est une
capsule déhiscente de haut en bas, au niveau de la face dorsale de chaque loge, pai
le dédoublement de la fausse cloison. Il contient de nombreuses graines depom-
vues d’ailes, aplaties, petites, ovoïdes, renfermant, sous un tégument jaunat
embryon sans albumen, à cotylédons épais et huileux, a radicule coui te. [T .]
LABIÉES
FLEURS DE LAVANDE.
Flores Lavandulæ ; ang)., Lavander Flowers; allern., Lavendelblumen,
Origine botanique. — Lavandulci vera DG. C’est une plante suffru-
tescente, haute, à l’état sauvage, de 30 à 60 centimètres, mais atteignant
90 centimètres ou davantage de haut, sous l’influence de la culture.
Elle est indigène des régions montagneuses des contrées qui bordent la
moitié occidentale du bassin méditerranéen. On la trouve dans l’est de
l’Espagne, le sud de la .France, s’étendant vers le nord jusqu’à Lyon
et dans le Dauphiné; on la trouve encore dans la haute Italie, la Corse,
la Calabre, et le nord de l’Afrique, dans la région de l’Olivier (1). A l’état
de culture, elle croît très-bien en plein air dans la majeure partie de
l'Allemagne, et vers le nord, jusque dans la Norwége et la Livonie (a).
Historique. — On a fait beaucoup de recherches dans le but de re-
connaître la Lavande dans les écrits des auteurs classiques, mais les
résultats obtenus ne sont pas satisfaisants, et on n’a trouvé dans les
(1) Sur le mont Ventoux, près d’Avignon, la région du Lawndula vera est com-
prise, d'après Martins, entre 430 et 1 350 mètres au-cles9us du niveau de la mci (m - nn.
sc. nat., 1838, X, 145,149).
108
LABIÉES.
auteurs aucun détail qui puisse se rapporter, d'une façon incontestable,
soit au Lavandula ver a, soit au L.spica (I). La plus ancienne mention de
la Lavande, que nous ayons pu trouver, existe dans les écrits de l’abbesse
Hddegard (2), qui vivait près de Bingen, sur le Rhin, au douzième siècle,
et qui, dans un chapitre De Lavandula, fait allusion à l’odeur forte et
aux nombreuses vertus de cette plante. Dans un poëme de l’Ecole de
Salerne, intitulé Flos medicinæ (3), on trouve les lignes suivantes :
Salvia, castoreum, lavendula, primula veris,
Nasturtium, allianas hæc snnant paralytica membra.
La Lavande fut introduite en Angleterre vers 15G8 (4).
Description. Les (leurs de la Lavande com-
mune sont disposées en un épi lâche, terminal,
supporté par un long pédoncule nu. Elles sont
disposées en six ou dix groupes, dont les plus
inférieurs sont très-écartés des supérieurs. Chaque
groupe consiste en deux cymes, dont chacune,
lorsqu’elle est entièrement développée, est for-
mée d environ trois fleurs. Chaque cyme est si-
tuée dans 1 aisselle d’une bractée rhomboïdale,
acuminée ; 'des bractées plus petites et étroites
accompagnent chaque fleur. Le calice est tubu-
leux, rétréci au niveau de son ouverture, par-
couru de treize nervures, et divisé en cinq dents,
dont la postérieure est beaucoup plus grande que
les autres. La corolle est tubuleuse, colorée en
violet, bilabiée, la lèvre supérieure formée de
deux lobes, et l’inférieure de trois lobes. La co-
rolle et le calice sont couverts , ainsi que les
feuilles et les pédoncules, d'un tomentum dense
de poils en étoile, parmi lesquels on peut voir, à
la loupe, de petites glandes à huile, luisantes. Les fleurs exhalent,
(1) F. de Gïngins-Lassaraz, Hist. clés Lavandes , Genève et Paris, 1826. — Le La-
vanclula Stoechas L. est manifestement confondu avec ces deux espèces par Dioscoride
et par Pline.
(2) Opéra omnia, accuranteJ. P. Migne, Paris, 1855, 1143.
(3) S. de Renzt, Collectio Saleniitana, Napoli, I, 417-516. Le Napolitain Porta, qui
s’occupait beaucoup de la distillation, recommande, dans son livre De Distillationibus,
Rome, 1008, p. 78, de préférer l’essence d’Aspic il celle de la Lavande de France.
(4) D’après Samuel Perks il Hitchin dans le Ilertfordshire. Voir Proc. American
Pharm. Assoc., 1876, 819. [F. A. F.]
Fig. 174. Lavandula vera DC.
Extrémité florifère, et fleur
avant la déhiscence.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 1G9
lorsqu’on les froisse, une odeur délicieuse, et possèdent une saveur aro-
matique agréable.
Les feuilles sont oblongues-linéaires ou lancéolées, révolutées sur
les bords, et très-velues cà l’état jeune.
Pour l’usage pharmaceutique et pour la parfumerie, on sépare les
fleurs de Lavande des pédoncules, et on les fait sécher à une douce
chaleur. On ne les conserve que rarement dans les boutiques. On ne les
cultive guère que pour 1 huile essentielle.
Production de l'huile essentielle. — On cultive la Lavande a Mit-
cham, à Carshalton, àBeddington, et dans un petit nombre de localités
voisines, toutes situées dans ie comté de Surrey. L’aire de cette culture
est d’environ 300 acres. On la cultive aussi à Market Deeping, dans le
Lincolnshire, et il Hitchin, dans l’Hertfordshire. Dans ces dernières loca-
lités, 50 acres environ étaient consacrées à cette culture en 1871.
Les plantes sont de petite taille, et croissent dans les champs secs ,
elles fleurissent en juillet et en août. On coupe ordinairement les fleurs
avec leurs pédoncules, on les entasse sur des nattes, et on les transporte
à la distillerie : la distillation est effectuée dans les vastes appareils
qu’on emploie pour la menthe. On distille communément les fleurs avec
leurs pédoncules, soit dans l’état où elles ont été récoltées, soit dans
un état de dessiccation plus ou moins avancé. Quelques cultivateurs ne
distillent, que les bourgeons floraux, dans le but d’obtenir un produit de
qualité supérieure. Plus rarement encore, on sépare les fleurs des pédon-
cules, et on rejette tout à fait ces derniers. D’après les expériences
soigneuses de Bell (1), l’huile essentielle fabriquée par cette dernière
méthode est d’une qualité exceptionnelle. En 1846, il retira 26 onces et
demie de 100 iivres de fleurs entièrement privées de leurs pédoncules ;
en 1847, il en retira 25 onces et demie; et en 1848, 20 onces. Les quan-
tités de fleurs employées pendant ces diverses années s’élevèrent
à 417, 633, et 933 livres. L’huile essentielle, obtenue par distillation des
pédoncules seuls , possède une odeur particulière , rance. Dans la
distillation de la Lavande, l’huile essentielle qui distille pendant la
première partie de l’opération passe pour posséder un parfum plus
agréable que celle de l’essence qui distille ensuite.
Nous ne possédons aucune donnée certaine relativement à la produc-
tion de l’essence obtenue parles procédés ordinaires, mais onadmetgéné-
ralement que le rendement est extrêmement variable, suivant la saison.
(1) Pharm. Journ., 1849, VIII, 27G.
170
LABIÉES.
Warren (1) fixo à 10 ou 12 livres, et exceptionnellement à 24 livres, le
produit de chaque acre consacré à cette culture. A Ilitchin (2), le ren-
dement paraît se rapprocher du dernier de ces chiffres. Les expériences
faites dans le laboratoire de Bell, citées plus haut, montrent que les fleurs
privées de leurs pédoncules donnent, en moyenne, I et demi pour 100
d’huile essentielle.
On distille de 1 essence de Lavandula vera en Piémont, et dans les
parties montagneuses du sud de la France, ainsi que dans les villages
voisins du mont Ventoux, près d’Avignon, et dans quelques communes
des environs de Montpellier (Saint-Guilhen-le-Désert, Montarnaud et
Saint-Jean de Fos). C’est toujours la plante sauvage que l’on y emploie.
Cette essence se présente dans le commerce sous diverses qualités, dont
la meilleure atteint à peine le dixième du prix de l’essence fabriquée à
Mitcham (3). Les sortes inférieures sont obtenues par distillation de la
plante entière.
Composition chimique. — Le seul principe constituant des fleurs de
Lavande qui ait attiré l’attention des chimistes est l’huile essentielle
(Oleum Lavandulæ) . C’est un liquide jaune pâle, mobile, dont le poids
spécifique est de 0,87 à 0,94 (Zeller). Son odeur est très-agréable, sem-
blable à celle des fleurs de la plante. Son goût est aromatique et très-
prononcé. Une huile essentielle, distillée à Mitcham, déviait le plan
de polarisation de 4°, 2 à gauche, en colonne de 50 millimètres.
L huile essentielle de Lavande est un mélange, en proportions variables,
d’un hydrocarbure, C^H™ et de stéaroptène. Le premier de ces corps
bout entre 200° et 210° C. Le stéaroptène est identique, d’après Dumas,
avec le camphre commun. On prétend qu’il existe dans quelques échan-
gions dans la proportion de moitié. Il se sépare quelquefois de l’huile
sous l’influence du froid ; nous n’avons cependant pas pu nous assurer
de ce fait.
Commerce. — Les fleurs de Lavande desséchées sont, dans le sud de
l’Europe, l’objet d’un certain commerce. D’après le Tableau général du
commerce de la France , HO 958 kilogrammes de fleurs de Lavande et
de fleurs d’oranger (qui ne sont pas séparées dans la statistique) furent
exportés en 1870. La plus grande partie fut expédiée vers la Barbarie,
(1) Pharm. Journ., 1865, VI, 257.
(2) Ibid., 1860, I, 278. — On dit qu’un acre de Lerre fournit environ « 6 Winchester
quarts » d’huile essentielle.
(3) L’huile essentielle de Mitcham coûte de 30 à 60 shillings la livre, suivant la
saison.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 171
la Turquie et l’Amérique. Nous ne possédons aucune donnée relative au
chiffre de l’importation de la Lavande en Angleterre.
Usages - On ne prescrit pas les fleurs de Lavande dans la pratique
médicale moderne anglaise. L’huile volatile possède des propriétés qui
lui sont communes avec les corps de la même classe ; elle est beaucoup
employée dans la parfumerie.
autres espèces employées.
r Lamndula spica DG. - Cette plante ressemble beaucoup au Lavan-
clula vera , dont Linné la considérait comme une simple variété ; aujour-
d’hui on la regarde comme une espèce distincte. Son aire est beaucoup
plus étendue que celle du Lamndula vera , mais elle remonte moins vers
le nord, et on ne la trouve pas dans des régions aussi élevees, ou en
dehors de la limite des oliviers. Elle est réellement plus méridionale et
craint davantage le froid, de sorte qu’on ne peut pas la cultiver en An-
gleterre en plein air, si ce n’est dans des endroits abrites. Dans le Lan-
guedoc et la Provence, elle est commune jusqu’à une altitude e
G00 mètres ; elle est, à partir de cette hauteur, remplacée par le Lavan-
dula vera (i). .
Le Lamndula spica est distillé dans le sud de la France. On emploie
pour cela la plante entière. Son huile essentielle, désignée en France sous
le nom d ’ Essence d' Aspic, est connue des droguistes anglais sous les noms
de : Oleum Lavandulæ Spicæ , Oleum Spicæ ou Oil ofSpike. Elle ressemble
à l’huile essentielle véritable de Lavande, mais elle possède un parfum
beaucoup moins délicat que l’essence distillée en Angleterre ("2). Elle
ressemble par sa composition chimique à l’huile essentielle àe, Lavandula
vera. L’essence de Lavandula spica est employée dans la peinture sur
porcelaine, et dans la médecine vétérinaire.
2° Lavandula Stœchas L. - Cette plante était bien connue des anciens.
Dioscoride fait remarquer qu’elle a donné son nom aux Stœchades, les îles
d’Hyères, près de Toulon, oùla plante est encore très-abondante . Son aire
est encore plus étendue que celle des deux espèces précédentes, car on la
trouve dans les Canaries, en Portugal, et vers l’est, dans toute la région
méditerranéenne, jusqu’en Grèce, et en Asie Mineure. Elle se distingue
(1) Dans les régions montagneuses moyennes situées entre Nice etlurbiaj ai observe
les deux espèces croissant ensemble. Le Lavandula vera y est en eurs eux ou
semaines plus tôt que le L. spica. [D. H.] ..... \
(2) Cependant, les fleurs des deux espèces {L. vera et L. sp^ca), qui croissen
côte dans les jardins anglais, se distinguent beaucoup par leur par uni.
17“ LABIÉES.
cteaUBHP,™TdCS T S0S 6pis ^ fl°ra“ portés sur un court pédon-
b|es’ g P‘" <oux ou tr01s bractées pourpres très-remarqua-
I SCS n°U,'s- llommées Flores Slœchadot ou Stœcha, arabica (t) se
vendaient autrefois dans les boutiques, et eurent leur place dan, la
Pharmacopée do Londres jusqu’en 1746. Nous ignorons si elles sont dis-
T P°‘" exl,'acl,°n do l'huile essentielle, quoiqu'elles soient consi-
derees comme la source de la véritable essence d' Aspic (2).
son' Jes ^ek
sue: I,, I vre supérieure formée ,1e deux lobes, et l'inférieure di^is lob", plt
petits que ks supérieurs. Dans le Bouton, les deux lobes supérieurs recouvrent les
ois infeneurs. L androcee est formé de quatre étamines incluses, opposées deuxaux
sépales latéraux, et deux aux sépales antérieurs, ces dernières plus longues 1 es filets
son connés au tube de la corolle, et les anthères sont bilocufairL inCes déS
rentes par des fentes longitudinales. Le gynécée est formé de deux carpelles unis en
un ovaire supere, biloculaire, contenant, dans chaque loge, deux ovules anatrones
ascendants, insérés dans le bas de l’angle interne, \ micropyle dir^é en bteTe^
dehois Une fausse cloison se forme ensuite dans chaque loge, et la divise en deux
ST un-iovulés. L’ovaire est surmonté dJstvle^obasique, bifide.au
ommet. Le fruit est constitué par quatre nucules lisses, oblongs, convexes au som-
t, contenant chacun une seule graine dressée, qui renferme un embrvon droit,
-ans a bumeu. Les Lavandes sont des plantes vivaces, ou frutescentes, à fleurs dis-
posées en longs épis terminaux de cvmes pauciflores. [Trad.]
MENTHE VERTE.
ffei'ba Menthæ viridis ; angl., Spearmint.
Origine botanique. — Menlha vïndis L. G’esl une plante vivace, odo-
rante, connue surtout en Europe, en Asie et dans l’Amérique du Nord,
comme la Menthe commune des jardins. On ne la trouve guère en ap-
parence à l’état sauvage que dans les pays où elle est cultivée depuis
longtemps. On la trouve parfois en Angleterre dans ces conditions (3).
(1) L incorrection de 1 épithète arabica est notée par Pomet. Nous ignorons pour
quel motif il a été donné h cette plante. Martiny, Rohwaarenkunde , I, 655, prétend
que les Vénitiens faisaient autrefois venir ces fleurs de l’Arabie par voie d’Egypte.
(2) Pereira, Elem. Mat. Med., 1850, II, 1368. — Nous ignorons si le Lavanduta
lanata Boissier, espèce très-odorante, voisine du L. Spica, et originaire d’Espagne est
distillé dans ce pays. ’
(3) Bentham, llandbook of the Dritisli Flora , 1858, 418. — Parkinson (1640) fait re-
marquer que la Speare Mint ne se trouve qu’à l’état de culture dans les jardins.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 173
Le Ment ha vin, là est considéré par Bentham comme constituant pro-
bablement une simple variété du Mentha süvestm L., perpétuée uni-
quement à l aide de bourgeons. J. G. Baker fait remarquer que tand.s
que ces plantes sont, eu Angleterre, suffisamment distinctes on trouve
sur le continent des formes qui les rattachent les unes aux autres (!)(»)•
Historique. - La Menthe est mentionnée dans toutes les anciennes
listes de plantes du moyen ftge, et était certainement cultivée dans les
jardins des couvents, au neuvième siècle. Turner, qui a été nomme e
L * ta Botanique anglaise , établit, dans son Herball (2), que la Menthe
des jardins était, à son époque, désignée sous le nom de Spere M ynte.
Nous la trouvons aussi décrite par Gerarde, qui la nomme Mentha Ro-
mana ou Sarracemea, ou Commun Garde n Mini, mais sa description
des feuilles, qu’il indique, comme blanches, molles et velues ne peut
pas s'appliquer à la plante que nous cultivons aujourd hui. L essence
de celte dernière portait, vers la fin du moyen âge, du moins en Aile-
magne, le nom de Balscimum Menthæ.
Description. -La plante possède une souche vivace, qui émet de
longs coulants. Sa tige, haute de 60 à 90 centimètres, est dressée, et se
ramifie beaucoup à la partie inférieure. Ses rameaux sont courts, éta-
lés, dressés, pleins, quadrangulaires, nus ou légèrement velus au-dessous
des nœuds, souvent teintés de pourpre. Les feuilles sont sessiles, ou bien
les plus inférieures sont pétiolées ; elles sont lancéolées ou ovales-lan-
céolées, arrondies ou même cordées à la base, colorées en vert sombie
et glabres en dessus, plus pâles et munies en dessous de nervures proé-
minentes, vertes ou pourpres ; elles sont ordinairement glanduleuses, et
tantôt tout à fait nues, tantôt velues seulement au niveau de la nervure
médiane et des nervures secondaires principales. La pointe du limbe
est rétrécie et aiguë ; ses bords sont découpés en dents peu serrées et
peu profondes. Les feuilles inférieures ont environ 2 centimètres et demi
de large sur 8 à 10 centimètres de long. L’inflorescence est une pamcule
d’épis, longue de 8 à 10 centimètres sur 2 centimètres de large, les plus
inférieurs écartés parfois l’un de l’autre de plus de 1 centimètre, et ac-
compagnés de bractées foliacées. Les bractéoles sont linéaires-subu ees,
de même taille ou plus larges que les fleurs épanouies, lisses ou legere-
ment ciliées. Les pédicelles floraux ont environ 1 millimètre de long ;
üs sont pourpres, glanduleux, dépourvus de poils. Le calice est souven
(1) Journ. ofBotan. <lc Sbemann, août, 1865, 239. Nous empruntons à M. Baker sa
description détaillée du Mentha viridis.
(2) Part. II, 1568, 54.
J/4 LABIÉES.
aussi coloré en pourpre; son tube esL cylindrique-campanulé, long de
1/2 millimètre, découpé en dents lancéolées, subulées, aussi longues
que le tube; les dents, et parfois la face supérieure du tube calicinal,
sont munies de poils plus ou moins serrés et dressés. La corolle est
pourprée, deux fois aussi longue à peu près que le calice, nue en de-
dans et en dehors. Le fruit est lisse. Cette plante offre quelques varia-
tions dans la forme de ses feuilles, la longueur de ses épis, et le plus ou
moins de richesse en poils de son calice. La plante entière exhale,
loi^qu on la froisse, une odeur très-prononcée et agréable; son goût est
fortement aromatique.
Production. — Cette plante est cultivée dans les jardins particuliers,
et surtout dans les jardins des industriels. Quelques acres seulement
sont consacrées à sa culture à Mitcham, et on vend ordinairement la
plante entière à l’état de dessiccation plus ou moins complète. Aux
Etats-Unis, on cultive la Menthe verte de la même façon que la Menthe
poivrée, mais en moins grande quantité. M. H. G. Hotchkiss, de Lyons,
canton de Wayne, Etat de New-York, nous a informés que la quantité
d’huile essentielle fabriquée par lui, en 1870, s’élevait à 1 162 livres. La
plante qu il emploie nous paraît être, d’après les échantillons qu’il nous
a envoyés, la Menthe verte des jardins anglais, et non la Menthe cris-
pée ( Mentha crispa ) de l’Allemagne.
Composition chimique. — La Menthe verte fournit une huile essen-
tielle (Oleum Menthæ vindis ), dans laquelle résident les propriétés médi-
cinales de la plante. Elle constitue un mélange d’un hydrocarbure
isomère de l’essence de térébenthine, et de la modification lévogyre du
Carvol, ainsi que nous l’avons exposé dans l’article relatif aux Fruits de
Carvi (Yoy. t. I, p. 545).
Usages — La Menthe verte est employée, sous forme d’huile essen-
tielle et d’eau distillée, de la même façon que la Menthe poivrée. Aux
Etats-Unis, 1 huile essentielle est aussi employée par les confiseurs, et par
les fabricants dç savons parfumés.
Substitutions. - L’huile essentielle de Menthe verte est aujourd’hui
rarement distillée en Angleterre, son prix élevé la rendant presque
impossible à vendre. L’essence fabriquée à l'étranger est offerte, dans
les prix courants, sous deux variétés : 1 ’ américaine et l 'allemande. Nous
avons déjà parlé de la première; la seconde, désignée en allemand
sous le nom de Krausemünzôl, est produite par le Mentha aquatica L.
var. y crispa Bentham, qu’on cultive dans le nord de l’Allemagne.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 175
, , ,,, I Gen n. 713) sont des Labiées de la tribu des Sa-
(a) Les Menthes {Me ’> tubuleux divisé en cinq dents presque égales ; à
turéinées, à calice campanule ou tabule», clmse^ J ^ ^ ^ ôrganeg
corolle tubuleuse, un peu p us °’^u * u déc0Upé en cinq lobes obtus, presque
l'un de l'autre; à quatre
égaux, les deux supérieurs . I chacune d'uu filet conué avec le
fT4“làM“Ùr.Æ anthte ir deux loges parallèles, intror-sos, déhiscentes
££ ZZ tgila.es; fi nu eu, es lisses ; à «eurs disposées en longs eprs con-
ques, terminaux, de cjmes axillaires, très-serrees. [T .]
MENTHE POIVRÉE.
llcrba Menthæ piperitx ; angl., Peppermint ; allem., Pfe/fci muue.
Origine botanique. - Mentha piperita Hroso» (non L). C’est une
herbe vivace, dressée, ordinairement glabre, très-semblab e a la Menthe
verte commune des jardins, dont elle diffère par ses feu es ou . es -
tiolées, ses fleurs plus grandes, ses groupes floraux super.eu s tre -kç
nrochés les uns des autres, les intérieurs séparés. D api es Bentha ,
elle ne constitue peut-être qu'une simple variété du Mentha ht.nv.ta .,
auquel elle se rattache par de nombreuses formes intemediair .
La Menthe poivrée se propage rapidement d elle-mem ,
coulants, et on la trouve maintenant dans beaucoup de localités -
gleterre, et sur le continent. Elle est cultivée sur une grande échelle
Angleterre, en France, en Allemagne et dans l' Amérique du i 01 .
Historique. - Le Menti, a piperita fut observé d abord dans le Hei -
fordshire, par le docteur Eales, et communiqué à Ray qui, dans a
seconde édition de son Synopsis StirpivM Britanmcanm, 1696, le men-
tionna sous le nom de Mentha spicis brmionhm et hahttoribus, fous
Menthes fuscee, sapore fervido piperis, et dans son Htslorm Planlarum ( ),
sous le nom de Mentha palmtris... Peper-mint (2). Dale, qui trouva
plante dans le comté d’Essex (3), dit qu'elle est considérée comme spé-
cifique contre les calculs des reins et de la vessie. Ray, ans a i
sième édition de son Synopsis, la déclare supérieure à toutes les au re
Menthes, comme remède contre la faiblesse de l’estomac e a mu '
La Menthe poivrée fut admise dans la Pharmacopée de Londres, en
sous la désignation de Mentha pipevitis sapoi e.
(1) T. 111, 1704, 284. • • i pnnservé oarmi les plantes de
(2) Nous avons examiné l’échantillon original en ressemblPe parfaitement îi la
Ray, dans le British Muséum, et nous trouvoi . I
plante cultivée aujourd’hui.
(3) Pharmacolorjix Supplemcntum , Lond., 1705,
1,0 LABIÉES.
La culture de la Menthe poivrée à Mitcham, dans le Surrey, date
de t7o0 environ (I). A cette époque, quelques acres seulement étaient
consacrées à la culture de cette plante. A la fin du dernier siècle,
100 acies environ étaient plantés en Menthe poivrée. En 1805 il
n’existait pas encore d’appareil à distillation à Mitcham, et l’on appor-
tait la plante à Londres, pour l’extraction de son huile essentielle. Dans
ces dernières années, l’imporlance de cette culture a diminué, à cause
de la valeur toujours croissante des terrains, et de la concurrence faite
a l’essence anglaise par les essences étrangères. En Allemagne, la
Menthe poivrée fut pratiquement connue pendant la seconde partie du
dernier siècle, et sa réputation fut faite surtout par Knigge (2).
Description (3). La souche de la Menthe poivrée est vivace, et émet
des coulants. La tige est dressée,
haute de 90 centimètres à 1 m ,20, avec
une ramification luxuriante. Ses
branches sont dressées et un peu
étalées, rigides, quadrangulaires,
un peu velues, souvent teintées dé
pourpre. Les feuilles sont toutes pê-
tiolées ; les pétioles des feuilles in-
férieures sont longs de 1 à 2 centi-
mètres, nus ou à peu près ; le limbe
est lancéolé, rétréci, ou un peu ar-
rondi à la base, étroit et aigu au
sommet ; celui des feuilles inférieu-
res est long de 5 à 8 centimètres, et
large de 2 centimètres environ, nu
et d’un vert foncé en dessus, plus
pâle et glanduleux en dessous, où il
offre un petit nombre de poils sur scs
nervures. Les bords sont découpés
en dents fines, droites et étalées. L’inflorescence est formée d’épis
lâches, lancéolés ou coniques, et, aigus, longs de 5 à 8 centimètres,
et larges d’environ 2 centimètres; les groupes inférieurs de fleurs
sont écartés les uns des autres, et accompagnés de bractées foliacées.
Fig. 175. Mentha piperita.
Extrémité florifère et fleur.
(1) Lysons, Environs of London, 1800, 1, 254.
(2) De Mentha piperitide Commentatio , Erlangat, 1780.
(3) Cette description est tirée du mémoire de M. Baker sur les Menthes anglaises,
cité it la page 173, note 1.
177
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
Les bractéolcs sont lancéolées, acuminées, légèrement ciliées, à peu
près de môme longueur que les fleurs. Les pédicules ont de 2 à
3 millimètres de long; ils sont pourpres, glanduleux, mais non velus.
Le calice est souvent pourpré, son tube est long de 2 millimètres à
peu près, et ses dents de l millimètre. Le tube est cylindrique-campa-
nulé, pourpré, non velu, mais couvert de glandes proéminentes ; les
dents sont lancéolôes-subulées, et munies de poils courts et dressés.
La corolle est pourprée, à peu près deux fois aussi longue que le
calice, nue en dedans et en dehors. Le fruit est lisse (j rugueux , d’après
nos observations). L’odeur et la saveur de la plante cultivée sont très-
aromatiques.
Dans la variété vulgaris de Sole, M. pipemta [3 Smith, la plante est
damntage velue; elle porte des épis plus larges et plus courts, ou même
presque capités.
Composition ciiiniïf|uc. — Le principe pour lequel on cultive la Menthe
poivrée est l’huile essentielle (Oleum Menthæ piperitæ). C’est un liquide
incolore, jaune pâle ou verdâtre, dont le poids spécifique varie entre
0,84 et 0,92. Son odeur est forte et agréable ; sa saveur est aromatique,
et accompagnée d’une sensation de froid, lorsque 1 air aspiré traverse la
bouche. Une essence fabriquée à Mitcham, et examinée en colonne
de 50 millimètres de long, déviait la lumière polarisée de 14° à gauche.
Lorsqu’on refroidit l’huile essentielle de Menthe poivrée à— 4° C., elle
laisse parfois déposer des cristaux hexagonaux, incolores, d’un Camphre
de Menthe , Cl0Hl9OH, nommé Menthol. Ce camphre, dont nous n’avons
pas pu observer le dépôt dans l’essence, bout à 212° G., et possède
l’odeur de l’essence brute. Sa solution alcoolique dévie la lumière po-
larisée à gauche. La proportion de menthol contenue dans les essences
d’origines différentes est très-variable. Le menthol cristallisé, pur,
se trouve parfois dans le commerce, sous le nom d 'Essence chinoise ou
japonaise de Menthe poivrée (1).
La partie liquide de l’essence de Menthe poivrée n’a pas encore été
étudiée chimiquement. Cette essence n’offre pas une constitution uni-
forme; son odeur et ses propriétés chimiques sont également variables,
et nous ne possédons aucun moyen satisfaisant de nous assurer de sa
valeur et de sa pureté. Lorsqu’on ajoute 1 goutte d’acide nitrique
(1) On la fabrique îi Canton, par distillation d’une plante qui paraît être le Mcntha
arvensis L. var. javanica (M. javanica Bl.). En 1872, il fut exporté de Canton 800 livres
de cette essence, estimée à 30 sliellings environ la livre, fVoy. Flückiger, in Phann.
Journ., H oct. 1871, 321.)
H1ST. DES DROGUES, T. II.
12
178
LABIÉES.
(d *’“) a ^ a ^0 gouttes d’essence, le mélange passe de la coloration
jaunâtre au brun, puis, au bout d’une heure ou deux, devient bleuâtre,
violet ou verdâtre ; dans la lumière réfléchie, il paraît rougeâtre et
non transparent. Cette magnifique coloration dure pendant une quin-
zaine de jours (1). Nous avons examiné, à ce point de vue, les di-
vers échantillons, d essence de Menthe poivrée que nous avons eus
à notre disposition, et nous nous sommes assurés que les essences
les meilleures sont celles qui prennent les plus belles colorations ;
mais ces dernières sont soumises à des variations très-appréciables.
Une essence inférieure, d origine américaine, ne se colora pas; un
vieil échantillon d’une essence anglaise, primitivement excellente,
ne se colora pas non plus sous l’influence du réactif. Le menthol,
qui est considéré comme l’essence de Menthe poivrée de la Chine,
n’est pas modifié par le même réactif (2). Cette réaction de l'acide ni-
trique ne peut pas révéler les falsifications de l’essence de Menthe
poivrée, car la coloration caractéristique se produit avec une essence à
laquelle on a mélangé une quantité considérable d’essence de térében-
thine. Des colorations remarquables se produisent encore dans l’essence
de Menthe poivrée, sous l’influence de divers autres agents chimiques.
Ainsi, elle se colore en vert ou en brun sous l’influence du chloral
anhydre; elle devient bleuâtre, ou verdâtre, ou rose, lorsqu’on l’agite
avec une solution concentrée de bisulfure de sodium. Il est important
de faire remarquer que les essences d’origine différente, qui ne peuvent
pas être distinguées au moyen de l’acide nitrique, offrent des colora-
tions tout à fait différentes lorsqu'on les mélange avec l’un des liquides
que nous venons de mentionner. Ces réactions peuvent être utilisées
dans l’examen des diverses sortes commerciales d’essences de Menthe
poivrée. Le bisulfure de sodium forme, avec certaines sortes d’essences
de Menthe poivrée, une petite quantité d’un composé solide que nous
n’avons pas encore étudié.
Production et commerce. —Dans plusieurs parties de l’Europe et dans
les Etats-Unis, on cultive la Menthe poivrée sur une grande échelle,
comme plante médicinale. En Angleterre, cette culture se fait dans
(1) Elle peut même persister beaucoup plus longtemps si on ajoute une grande quan-
tité d’alcool ou d’éther. La solution alcoolique, convenablement diluée, de l’essence de
Menthe qui a été colorée par le contact avec l’acide azotique, présente des particularités
très- remarquables quand on l’examine au spectroscope. Elle fait voir une très-large
bande d’absorption entre la partie rouge et la partie orange du spectre, et plusieurs
autres vers le bleu. (F. A. F.)
(2) Pharm. Journ., 25 février, 1871, 682.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 179
les environs do Mitch8.ni dfiiis le Surjcy, pi os de Wisbocich dans le
Gambridgeshire, à Market Deeping dans le Lincolnshire, et à Hitchin
dans l’Hertfordshire. A Mitcham, en 1850, 500 acres étaient employés
à cette culture ; en 1864, il n’y en avait plus que 219 acres (1); à Mar-
ket Deeping, il y en avait, en 1871 , 150 acres environ. Le produit ordi-
naire en essence peut etre évalué entre 8 et 12 livies pai acie. Les
champs de Menthe poivrée de Mitcham sont plats ; le sol est riche, bien
fumé, et naturellement humide. On le débarrasse des mauvaises herbes,
et on l’entretient avec beaucoup de soin. On fait la récolte en août, et on
laisse d’ordinaire sécher l’herbe dans les champs avant de la soumettre
àla distillation. Les alambics sont très-grands; ils contiennent de
1 000 à 2 000 gallons ; on les chauffe avec le charbon de terre. Chaque
alambic est muni d’un appareil condensateur ordinaire, qui se déverse
dans une petite cage en fer, fermée avec un cadenas, et contenant le
vase dans lequel l’essence se dépose. La distillation est effectuée à une
température aussi basse que possible. L’eau qui passe avec l’essence
n’est pas redistillée avec un autre lot de plantes ; on la laisse en ma-
jeure partie s’écouler, et on n’en conserve qu’une faible portion comme
bénéfice de l’ouvrier. Le rendement est très-variable, et il n’est pas fa-
cile de l’évaluer avec soin (2). On estime cependant qu’une tonne de
Menthe poivrée sèche fournit de 2 livres 1/2 à 3 livres 1/2 d’essence,
c’est-à-dire 0,11 à 0,15 pour 100; un cultivateur de Mitcham nous a
assuré que le rendement pouvait s’élever jusqu’à 6 livres par tonne,
c’est-à-dire à 0,26 pour 100.
A Mitcham et dans les environs, on admet aujourd’hui deux variétés
de Menthe poivrée: l’une est connue sous le nom de Menthe blanche , et
l’autre sous celui de Menthe noire ; il n’existe entre les deux qu’une très-
faible différence. La Menthe noire possède une tige pourprée, tandis
que celle de la Menthe blanche est verte ; les feuilles de cette dernière
sont aussi, d’après nos observations, plus grossièrement serretées que
celles de la Menthe noire. Celle-ci donne plus d’huile essentielle, et est
(1) Pharm. Journ., 1851, X, 297, 310 ; — Warren, in Pharm. Journ., 1868, VI, 257.
C’est à ces mémoires, et à nos recherches personnelles, que nous devons la plupart des
détails que nous donnons sur la culture de la Menthe poivrée il Mitcham. L’acre vaut
0,104 hectare, le gallon vaut 1,54 litres.
(2) Les grands cultivateurs seuls possèdent des appareils à distillation. Ils les louent
aux petits propriétaires, qui payent une certaine somme par chaque charge do l’appa-
reil, c’est-à-dire pour la quantité qu’il peut contenir, sans qu'on s’occupe du poids des
plantes ; il en résulte qu’on préfère distiller les plantes à l’état sec, parce que l’appareil
peut en contenir davantage que si elles étaient fraîches.
180
LABIÉES.
plus généralement cultivée, mais l’essence de la Menthe blanche possède
une odeur plus délicate, et atteint un prix plus élevé. La Menthe blan-
che passe pour être cultivée principalement dans le but d’être desséchée
en faisceaux ou, comme on dit, en « bouquets ».
On cultive la Menthe poivrée sur une large échelle en Amérique, et
particulièrement dans le sud du Michigan, dans l’ouest du New-York et
dans l’Ohio. La plante fut introduite dans le Michigan en 1858 ; elle y
occupe aujourd’hui une surface de 2 000 acres environ, situés, à l’ex-
ception d’une centaine, dans le district de Saint-Joseph. La production
moyenne de cette localité était évaluée, en 1858, à 15000 livres,
mais elle varie beaucoup. Pendant la saison exceptionnelle de 1855, elle
fut de 30000 livres. Nous pouvons supposer qu’elle est aujourd’hui
beaucoup plus considérable, car M. H. G. Hotchkiss, de Lyons, l’un des
distillateurs les plus connus, nous informe, dans une lettre du 10 oc-
tobre 1871, que la quantité expédiée par lui-même, pendant l’année
précédente, s’éleva au chiffre énorme de 57 365 livres. D’après les sta-
tistiques indiquées par Stearns (I), il paraît que le rendement en es-
sence, par acre, est un peu plus élevé qu’en Angleterre, mais ces docu-
ments ne présentent guère aucune certitude.
On cultive la Menthe poivrée en France, à Sens, dans le départe-
ment de l’Yonne (2). On la cultive aussi en Saxe, et tout récemment,
elle a été introduite dans le sud de l’Inde, dans les montagnes de
Neilgherry.
La valeur commerciale de l’huile essentielle de Menthe poivrée est
très-variable. Celle de Mitcham se vend deux ou trois fois plus cher que
la belle essence d’Amérique, mais sa qualité n’est pas non plus uni-
forme, et certains champs donnent un produit beaucoup plus odorant
que d’autres. Un sol humide, et imparfaitement drainé, est connu comme
défavorable à la qualité et à la quantité de l’essence. La présence des
herbes sauvages parmi les pieds de Menthe constitue, à Mitcham, une
cause importante de détérioration de l’essence. Certains cultivateurs
donnent une gratification particulière aux ouvriers pour les encourager
à rejeter avec soin toutes les herbes étrangères, lorsqu’ils coupent la
Menthe pour la distillation. Un cultivateur de notre connaissance fut
(L) Nous devons à son mémoire On the Peppermint Plantations of Michigan (in
The Proceeclings of the Amer. Pharm. Assoc., 185S), les quelques détails que nous don-
nons, et que le manque d’espace nous oblige à réduire.
(2) Journ. de Pharm., 1868, VIII, 130. - Extrait de : Roze, la Menthe poivrée, sa
culture en France, ses produits; falsifications de l'essence, et moyens de les reconnaître,
Paris, 1868, 13 pages.
HISTOIRE DES DROGUES D ORIGINE VÉGÉTALE. 181
obligé d’abandonner la culture de la Menthe poivrée, à cause de l’impos-
sibilité dans laquelle il se trouvait de détruire le Mentha amenais, qu’on
ne pouvait pas séparer de la Menthe poivrée, et qui détruisait le par-
fum de cette dernière. En Amérique, de grandes pertes sont causées
parla présence, dans les champs de Menthe poivrée, de Y Eriger on ca-
nadense L. Les champs nouvellement défrichés, et plantés de Menthe
poivrée, sont aussi très-souvent envahis par une autre plante de la fa-
mille des Composées, VErechtites hieracifolia Raf., qui est également
très-nuisible à la qualité de 1 essence (I).
Usages. La solution aqueuse ou alcoolique d’essence de Menthe
constitue un bon stimulant, qu’on ajoute fréquemment à d’autres médi-
caments. On consomme beaucoup l’essence de Menthe poivrée pour
parfumer les bonbons et les liqueurs.
MENTHE POULIOT.
Herba Pulegii; Pouliot vulgaire , Menthe Pouliot ; angl., Pennyroyal (2); allem., Polei.
Origine botanique. — Mentlia Pulegium L. C’est une petite plante vi-
vace, aromatique, commune dans le sud de 1 Europe, et s étendant vers
le nord, en Suède, en Danemark, en Angleterre, et en Irlande ; vers
l’est, dans l’Asie Mineure et la Perse; et vers le sud, dans l’Abyssinie,
l’Algérie, les îles de Madère et de Ténériffe. Elle a été introduite dans
l’Amérique du Nord (3), et dans l’Amérique du Sud. On ne la cultive que
peu pour l’usage médicinal.
Historique. — Le Pouliot jouissait chez les anciens d une grande i im-
putation. Dioscoride et Pline décrivent ses nombreuses vertus. Dans le
nord de l’Europe, il était également très-estimé, ainsi qu’on peut en
juger par ce qui en est dit dans les ouvrages médicaux Anglo-Saxons.
Gcrarde le considérait comme « si bien connu de toute la nation an-
glaise», qu’il jugeait inutile de le décrire. A son époque (vers 1390), on
le recueillait d’ordinaire dans les terrains vagues situés autour de
la capitale, d’où il était apporté en grande quantité sur les marchés de
Londres. Aujourd’hui le Pouliot est tombé dans l’oubli, et n est même
pas cité dans la Pharmacopée anglaise de 1 867 .
(1) Maisch, Amer. Journ. of Pharm., mars 1870, 120.
(2) Le nom de Pennyroyal , écrit dans les vieux herbiers Puliol royal, dérive de
Puleium regium , vieux nom latin donné îi la plante, parce qu on supposait qu elle dé-
truisait les puces (Prior).
(3) Le Pouliot des Américains ( Penny royal) est cependant une plante différente,
YHedeoma pulegioides P eus.
I
LABIÉES.
Description, La lige du Pouliot est basse, décombante, ramifiée;
au moment de la floraison, elle atteint 15 centimètres de haut. Ses
ieudles ont à peine 2 centimètres et demi de long, et sont souvent
beaucoup plus courtes ; elles sont pétiolées, ovales, obtuses au sommet,
crénelées sur les bords, munies de glandes à huile sur les deux faces!
Les flems sont disposées au sommet de la tige en une série de groupes
en apparence verticillés, denses, globuleux. La plante entière est plus ou
moins velue. Elle possède une odeur forte, moins agréable, au goût du
plus grand nombre des personnes, que celle de la Menthe verte et de la
Menthe poivrée. Sa saveur, très-masquée dans l’eau distillée, est forte-
ment aromatique.
composition chimique. — Le principe constituant le plus important
du Pouliot est l’huile essentielle, connue en pharmacie sous le nom
à'Oleum Pulegii, à laquelle la plante doit son odeur. Elle a été étu-
diée par Kane (I) en 1838. D’après cet auteur, son poids spécifique est
0,927 ; son point d’ébullition varie entre 183° et 188° C., et sa formule
est C10H1GO. Nous nous sommes assurés;qu’elle ne contient pas de carvol.
Production. — Le Pouliot est cultivé à Mitcham. On le vend surtout
à l’état sec. L’essence de Pouliot du commerce est en effet, en majeure
partie, d’origine allemande ou française, et se vend beaucoup moins
cher que pelle qui est quelquefois fabriquée en Angleterre.
Usages. — L’eau distillée de Pouliot est carminative et antispasmo-
dique, on l’emploie aux mêmes usages que l’eau de Menthe poivrée.
THYM VULGAIRE.
fferba Thymi vulgaris ; angl., Garden Tliyme ; allem., Thymiankraut.
Origine botanique. — Thymus vulgaris L. C’est une petite plante suf-
frutèseente, ligneuse, dressée, ne dépassant pas 20 à 25 centimètres de
haut. Elle vit en abondance dans les terrains incultes du Portugal, de
l’Espagne, de la France et de l’Italie, et dans les parties montagneuses
de la Grèce (a).
Sur le mont Ventoux, près d’Avignon, elle s’élève jusqu’à 1 100 mè-
tres au-dessus du niveau de la mer (Martins). On la cultive communément
dans les jardins anglais (2).
(1) Phil.Mag ., 1838, XIII, 442.
(2) Un grand nombre des détails chimiques que nous donnons sur le Thym s’ap-
pliquent au Thym sauvage ( Thymus Serpyllum ) et non au Thymus vulgaris L.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 183
Historique. — Le Thym vulgaire était beaucoup cultivé en Angle-
terre au seizième siècle, et a été bien figuré et décrit à cette époque par
Gcrarde. Il passe môme pour avoir ôté cultivé sur une grande échelle,
pour l’usage médical, dans les environs de Deal et de Sandwich, dans le
I^nt (1). Le Thymol ou Camphre du Thym fut décrit par Neumann, apo-
thicaire de la cour, à Berlin, en 1725 (2).
Description. - La plante produit des tiges ramifiées, ligneuses,
grêles, à feuilles sessiles, linéaires-lancéolées, ou ovales-lanceolecs ;
longues de i centimètre environ, révolutées sur les bords, plus ou
moins blanchâtres, surtout sur la face supérieure, et couvertes de glandes
à huile. Les fleurs sont petites, pourpres ; elles sont disposées en in-
florescences capitées, terminales, et en groupes situés plus bas sur la
tige, dans l’aisselle des feuilles. La plante entière possède une colora-
tion grisâtre due à des poils blancs et très-courts. Elle exhale, lorsqu’on
la froisse, une odeur très-vive, et possède une saveur aromatique très-
prononcée (3).
Production de l’huile essentielle. — Le Thym n’est cultivé dans les
jardins anglais que pour les usages culinaires. Son huile essentielle
( Oleum Thymi ), qui seule intéresse les droguistes, est distillée dans le
sud de la France. Dans les environs de Nîmes, où nous avons observé
les procédés d’extraction, on emploie la plante entière, et on fait deux
distillations par an : l’une pendant les mois de mai et de juin, tandis
que la plante est en fleur, et l'autre en automne. L’essence est colorée
en brun rougeâtre, foncé ; elle devient incolore, et en même temps
moins odorante, lorsqu’on la redistille. Les deux sortes d essences se
trouvent dans le commerce, sous les noms d 'Huile rouge de Thym , et
d 'Huile blanche de Thym. Dans le commerce anglais, on désigne fré-
quemment l’essence de Thym sous le nom de Oïl of Onganum , mais
elle ne ressemble nullement à l’essence d’Origan qui, à notre connais-
sance, ne se trouve jamais dans le commerce (4).
Composition chimique. — L’essence de Thym, sous l’influence de
distillations fractionnées, se divise en deux parties : la première, bouil-
lant entre 178° et 180°, est un mélange de Cymène, C10H1 2 3 4\ et de Thy-
mène, C10HIG. La seconde constitue le Thymol , C10HuO, dont les relations
(1) Bootii, in Treasury of Botany, 1866, II, 1149.
(2) Pliil. trans., n° 389. ...
(3) Cette description est faite d’après des échantillons sauvages. La plante cultivée
dans les jardins est plus luxuriante, plus verte, et beaucoup moins tomeuteuse.
(4) Voyez une note sur V Essence véritable d’Origan , in Phurm. Journ. 1831 , X, 3- i.
LABIÉES.
avec le Phénol sont indiquées par la formule C6H3.OILCH3.C3H3, qui re-
piésonte la structure du thymol. 11 forme de gros cristaux du système
hexagonal, fondant h 44°, et entrant en ébullition à 230°. Le thymol
peut facilement être extrait de l’essence brute de Thym à l’aide des al-
calis caustiques, dans lesquels il se dissout aussi facilement que le
phénol. Le thymol présente le plus grand intérêt théorique.
Usages. — L’essence de Thym est un stimulant externe efficace, et
est parfois employée en Uniment. Elle trouve son emploi le plus important
dans la médecine vétérinaire. Le thymol a été proposé, sous le nom
d’acide thymique, comme désinfectant, à la place de l’acide carbolique,
pour les cas ou 1 odeur et les propriétés toxiques de ce dernier font
rejeter son emploi. L herbe elle-même n’est pas usitée dans la mé-
decine anglaise moderne, mais on l’emploie souvent sur le continent.
(a) Les Thyms ( Thymus L., Généra, u° 727, ex parte) sont des Labiées de la tribu
des Saturéinées. Le calice est tubuleux, campanulé, parcouru par 10 à 13 ner-
vures, bilabié, la lèvre supérieure étant formée de trois lobes aigus, et l'infé-
rieure de deux lobes plus étroits et plus profondément
divisés. La gorge du calice est munie de poils blancs. La
corolle est formée d’un tube à peine plus long que le
calice, et d’un limbe bilabié, à lèvre supérieure droite,
plane, simplement éehancrée au sommet, à lèvre infé-
rieure étalée, divisée profondément en trois lobes égaux,
ou le médian un peu plus développé. L’androcée est formé
de quatre étamines exsertes, situées deux de chaque côté
du pétale moyen de la lèvre inférieure, et deux entre les
pétales latéraux de cette lèvre et les lobes de la lèvre
supérieure. Les deux dernières sont plus courtes que les
autres. Les anthères sont biloculaires, à loges parallèles
ou divergentes. L’ovaire est celui de toutes les Labiées;
il est surmonté d’un long style exsert, recourbé en haut
et bifide au sommet. Le fruit est constitué par quatre nu-
cules ovoïdes ou subglobuleux. Les fleurs sont petites,
blanches ou roses, ou purpurines; elles sont disposées
en cy mes rapprochées en épis au sommet des rameaux.
Le Thymus Serpyllum L. ( Spec ., 82o, ex parte) vulg.
Serpolet, Thym bâtard, Pouliot bâtard , auquel s’appli-
que en grande partie ce qui a été dit des propriétés
chimiques du Thym dans l’article ci-dessus, se distingue
du Thymus vulgaris par sa souche traçante, très-ra-
meuse, et par ses rameaux nombreux, couchés sur le sol,
radicants, redressés au sommet, et portant des branches ascendantes simples ou ra-
meuses, munies de cymes multiflores dans l’aisselle de leurs feuilles supérieures.
Les rameaux sont plus ou moins pubescents. Les feuilles sont très-petites, sessiles,
glabres ou pubescentes, ovales ou oblongues, étroites ou linéaires-oblongues, ai-
guës au sommet, entières et ordinairement ciliées sur les bords, qui sont repliés en
Fig. 176.
Thymus Serpyllum.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. I8o
, elles sont ponctuées, glanduleuses soc la face inférieure. Les fleurs sont
disposée’s en cymos multiflores réunies en
T : « d. caiic; es,
n“£Tun f eeu de poils I, loues, serrés. Le Serpolet habite les endroits secs,
Fig. 177. Fleur entière.
Fig. 178. Fleur ooupée verticalement.
Thymus Serpyllum.
sablonneux, où il couvre souvent de grandes surfaces. Dans les environs de Paris, il
fleurit de juin à octobre.
MM. Cosson et Germain de Saint-Pierre ( Flor . Par., 394) en distinguent deux
a. Serpyllum ( Thymus Serpyllum Fries), à tiges appliquées sur le sol, t è -
radicantes, couvertes sur toute leur surface de petits poils réfléchis ; a feuilles atté-
nuées à la base et munies de nervures saillantes, à cymes rapprochées en tetes glo-
buleuses ou ovoïdes très-compactes.
b Chamœdris {Thymus Chamœdris Fries), à tiges couchées ascendantes, offrant
seulement de deux il quatre rangées de poils ; à feuilles ordinairement pét.olees
munies de nervures peu saillantes ; à cymes disposées en épis interrompus. LIrad.J
romarin.
Herba Rosmarini ; Herba'Antlios ; angl., Rosemary ; allom., Rosmcinn.
Origine botanique. — Rosmarinus officinalis L. — C’est un arbuste
toujours vert, atteignant de 90 centimètres à lm,c20 de hauteur, abon-
dant sur les collines sèches et rocheuses de la région méditerranéenne,
depuis la péninsule espagnole jusqu’à la Grèce et à l’Asie Mineure. Il
recherche d’ordinaire le voisinage de la mer, mais on le trouve jusque
dans le Sahara, où il est recueilli et transporté par des caravanes
jusque dans le centre de l’Afrique (I).
Historique. — Le Romarin (2) est mentionné par Pline, qui lui assigne
(1) Duveyrier, Les Touaregs du Nord, 1864, 187. . .
(2) De ros et marinus, littéralement rosée marine. Diverses opinions ont été émises
au sujet de l’allusion contenue dans ce nom.
180 LABIÉES:
do nombreuses vertus. Il était bien connu des médecins arabes d’Es-
pagne. L un d eux, Ibn Baytar, au treizième siècle, dit qu’il fait partie
du commerce des vendeurs d’aromates (1). Au moyen âge, le Romarin
était incontestablement très-estimé, ainsi que nous pouvons en juger
par ce fait qu’il figure parmi les plantes dont Charlemagne ordonna la
culture dans les fermes .impériales. John Philip de Lignamine (2), écri-
Aain (1li quinzième siècle, le décrit comme un condiment ordinaire
des viandes salées. On le cultivait probablement en
Angleterre avant la conquête des Normands, car
son emploi est recommandé dans un herbier anglo-
saxon du onzième siècle (3). L’huile essentielle
de Romarin fut distillée pour la première fois,
vers 1330, parRaymundus Lullus (4).
Description. — Le Romarin possède des feuilles
opposées, entières, sessiles, linéaires, longues de
2 centimètres et demi environ, révolutées sur les
bords, coriaces, vertes et glabres en dessus, cou-
vertes en dessous d’un tomentum dense et blanc.
Quand on examine à la loupe je tomentum des
feuilles et des jeunes bourgeons, il se montre formé
de poils blancs, pressés les uns contre les autres,
étoiles. Paimi les poils étoilés qui forment le tomentum des pousses et
Fig. 179.
Rosmarinus officinalis.
Fig. 180. Fleur entière.
Fig. 181. Fleur coupée verticalement.
Rosmarinus officinalis.
qui sont plus ou moins serrés, on peut distinguer de petites glandes à
essence. Ces. glandes sont de deux sortes : les unes grandes, les autres
(1) Traduction de Sontheimer, 1,73.
(2) Conservatorium Sanitatis, cap. 81.
(3) Herbarium Apuleii ( Leechcloms , etc., of Early England, 1864, 1, 185).
(4) Manget, Ribtiotheca chemica curiosa, Genevæ, 1702, I, 829.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 187
eU„ ne fournissent probablement pas la même essence. Les
Tels offrent un caliee bi.abié, campanulé, et une corolle blanche ou
in ,m0 Tn lpvre supérieure du limbe de la corolle est
émargbôe et dressée; la lèvre inférieure est trilobée, avec le lobe
médian concave et pendant. La plante entière ^ ^odenr res
agréable, et possède une saveur aromatique, forte. Elle lleu.it
"" essentielle. - Le Romarin est cultivé sur une
très-grande échelle dans les jardins anglais de production, mais qu i
„u i Pait parfois distillée, l’huile essentielle anglaise ne constitue pas
un obiet de commerce. .Celle qui figure sur les marches est fabriquée
dans le sud de la France et sur les côtes voisines de 1 Ita ha. La plante
y pousse abondamment à l’état sauvage ; on la recolle a 1 automne, et
non pendant la floraison. Les distillateurs sont parfois des herboristes
ambulants qui transportent leur appareil de place en place, et le m
lent dans les endroits où l’herbe est abondante, et ou un courant c eau
permet d’employer un condensateur de construction tres-pr.mitive
L’essence de Romarin est aussi fabriquée, en assez grande quantité, dans
nie de Lésine, au sud de Spalato, dans la Dalmatie, d ou elle est exp
tée, par la voie de Trieste, en France, et en Italie, en quantité cens.-
dérable, de 300 à 330 quintaux par an (1).
Quelques fabricants français offrent une essence de Romarin d un
prix élevé, comme retirée clés fleurs. Nous pensons qu il faut en-
tendre par cette expression les sommités fleuries, car on ne pourrai
retirer des fleurs seules qu’une très-faible quantité d’essence. La plus
grande quantité de celle qu’on trouve dans le commerce est obtenue par
distillation de la plante entière.
composition chimique. - L’odeur du Romarin est due à l’essence,
que nous avons trouvée lévogyre. En soumettant cette essence a la dis-
tillation fractionnée, on remarque qu’elle fournit à peu près les 4/o de
son poids d’une essence bouillant entre 165° et 172°, qui correspon
aux essences de térébenthine lévogyres. Mais les portions de 1 essence
qui passent à partir de 200» présentent un pouvoir rotatoire a droite, et
prennent une odeur décidément camphrée, quand on les chaufle légè-
rement avec de l’acide azotique. _ v ,
Traitée par l’acide ebromique, l’essence de Romarin a onn a o
(1) Unger, Ber Romarin und seine Verwcndung in Dalmatien (in Sitzungsberichte
der Wiener Akademie, 1867, LVI, 686).
LABIÉES.
(1853) de 1 acide Limettique; nous estimons que c’est simplement de
V acide Téréphtalique , C°H*(COOH)«.
L essence de Romarin laisse déposer, à une basse température, un stéa-
roptène qui, d’après les recherches de Montgolfier (1876), paraît être
constitué par deux camphres doués de pouvoirs rotatoires opposés.
Usages. -Les sommités fleuries et les feuilles sèches sont conservées
par les herboristes, mais ne sont pas employées dans la médecine offi-
cielle. L huile essentielle est employée comme stimulant externe, en
liniments, et comme parfum. On admet généralement dans le public
que le Romarin provoque la pousse des cheveux.
MÉLISSE.
Herbci Melissæ officinalis ; angl., Common Balm ; allcm., Melissenkraut, Citronenkraut.
Origine botanique. — Melissa officinalis L.
^ Les Mélisses ( Melissa Tournefort, Instit., t. 91) sont des Labiées de la tribu des
Saturéinées, à calice tubuleux, campanulé, bilabié ; à corolle bilabiée ; à quatre
étamines plus ou moins conniventes sous la lèvre supérieure de la corolle, didy-
names, les deux inférieures plus grandes.
La Mélisse officinale ( Melissa officinalis L., Species , 827) est une plante à ra-
meaux aériens buissonnants sur une souclie vivace,
dressés, très-ramifiés, à branches étalées, hautes de
30 à 80 centimètres, plus ou moins velues, quadran-
gulaires. Les feuilles sont opposées, pétiolées, sim-
ples, colorées en vert gai, ovales, crénelées sur les
bords, obtuses au sommet, arrondies et quelquefois
même cordées à la base, très-velues, longues de 0
à 8 centimètres et larges de 3 à 5 centimètres. Le limbe
forme, entre les nervures anastomosées en réseau, des
saillies qui donnent à la feuille un aspect gaufré.
Les fleurs sont disposées, au sommet des rameaux,
en cyrnes axillaires de six à douze fleurs chacune,
courtement pédonculées , toutes dirigées vers le
même côté de l’axe, plus courtes que les feuilles
axi liantes. Le calice est tubuleux, campanulé, aplati
en dessus, parcouru par treize stries longitudinales,
muni d’une touffe de poils en dedans, au niveau de
la gorge, velu sur toute sa face externe, à limbe
bilabié, la lèvre supérieure ascendante, large, plane,
réticulée, veinée, découpée en trois dents très-courtes, mucronées ; la lèvre infé-
rieure bifide, k dents lancéolées, aristées. La corolle est plus longue que le calice;
son tube est un peu courbé, dépourvu d’anneau de poils ; son limbe est bilabié, à
lèvre supérieure dressée, concave, émarginée, simplement échancrée au niveau de la
ligne médiane, à lèvre inférieure divisée en trois lobes inégaux, le médian plus grand
que les latéraux. Dans la préfloraison, la lèvre supérieure recouvre les deux lobes
182. Melissa officinalis.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 189
, ■ i 1 ij> i>o inférieure oui à leur tour recouvrent le lobe médian. L'androoée
latéraux de la lèvie mfé q ^ ^ infépioureg plu8 grandes, alternes avec le
se compose de quatie etc , supérieures situées entre les deux lobes
!“!" mMir ÆtrXîU s- rrM r
latéraux de cette loue et 16^supérieure, manque complètement. Les quatre
située entre .les to «1, c01ltre „ lèvre supérieure de le corolle. Les
etammes sont tele ée o PP 1 ni,eau de le gorge, et portent chacun
mets sont comte ™ tube unie8 pal. leur sommet, introrses , dehts-
r.::1 p”a;s u.
dhabord hilocidann, puis quadidocu au^, ‘r,iments uni„,ulés. Chaque fausse loge
fausse cloison qui ait ^ ^ ^ ^ tateme, ascendant, avec le
contient un u c «.a p , stJle est gjnohasique et bifide a» sommet.
Sttï 1 quatre «haines oblongs, bruns, monospermes, a graine con-
tenant un embryon entouré d un froisse entre les doigts, une
Toutes les parties de la plan e exhal n 1 sq on les k £
odeur agréable, analogue a ce e e u ci 1 ' fructification est avancée, elle
Elle possède une -tenrana.ogn^ celle du chton ÇWe e, un ^ •
“«in avec beau. E„e contient aussi une su,
stance résineuse, amère. , f mip„ dp ia niante. Il
Rfcolte - On emploie uniquement les sommité, et les feu lies de là pu
smmmm
avec leur coloration, il faut les cueillir avant la floraison, les
faire sécher an soleil ou 1 l'étuve, et les conserver dans un endioit , P
ta.
tlt^^dSeÆnr, etc. Elle forme 1» base de l'Eau de
Mélisse des Carmes. [Trad.]
SAUGE OFFICINALE.
Origine botanique. — Salvia officinal is L. „ de i„ tribu des
Les Sauges [Salvia Tournent, InstiL, t. 83) sont des Lid ne , de
Monardées, à calice tubuleux, bùabié, nu au niveau a g g > , ;mdl.oc6e
biée, avec la lèvre supérieure concave et recourbée eu orm. p d.im’ £uet collrl,
constitué seulement par deux étamines fertiles, formées «
articulé avec un connectif très-allongé transversalcm.en en me
chacune de ses extrémités une loge, la loge inférieure étant
Le Salvia officinalis L. (Spec. , 34) est une plante a tige suffrutescente a la base,
190
LABIÉES.
*es l’ilmeaux supérieurs se desséchant chaque année après la maturation des fruits,
tandis que les inférieurs persistent. Les rameaux sont buissonnants, dressés, très-ra-
mifiés, hauts de 20 à 50 centimètres, quadrangulaircs, blanchâtres, pubescents. Les
feuilles sont opposées, simples, d’un vert blanchâtre, plus ou moins pubescentcs,
finement réticulées et rugueuses, épaisses, gauffrées, finement crénelées sur les
bords. Les feuilles inférieures sont pétiolées, oblongues-lancéolées, quelquefois auri-
culées à la base, longues de 12 à 15 centimètres, larges de 2 à 3 centimètres avec un
pétiole long de 4 à 5 centimètres. Les supérieures sont plus
petites, sessiles, acuminées, aiguës. Les fleurs sont courte-
mcnt pédicellées, et disposées en cymes axillaires de trois
a quatre fleurs dans l’aisselle de bractées opposées, larges,
ovales, acuminées, mucronées, caduques. Le calice estpu-
bescent, campanulé ; sou tube est nu au niveau de la gorge ;
son limbe est bilabié, la lèvre supérieure tridentée, et l’infé-
rieure bifide, avec toutes les divisions lancéolées, mucronées,
carénées. La corolle est violette, à tube court, muni d’un
anneau transversal de poils; à limbe divisé en deux lèvres
très-distinctes. La lèvre supérieure est à peu près droite,
émarginée, comprimée, creusée en forme de capuchon ; la
lèvre inférieure est trilobée. L’androcée est formé de deux
staminodes répondant aux deux étamines supérieures de la
Mélisse (voy. page 188), et réduitsàdes fdets très-courts, et
de deux étamines fertilesalternesavecle lobe médian delà
lèvre inférieure de la corolle. Leurs filets sont connés avec le
Fig. 183. Salvia o/pcinalis, tube de la corolle, très-courts dans leur partie libre. Chaque
infioiesccncc. filet s’articule avec un long connectif cylindrique, courbé
en arc, formé de deux branches inégales: la supérieure, logée dans le capuchon que
forme la lèvre supérieure de la corolle, porte une loge anthérique fertile, oblongue,
déhiscente par une fente
longitudinale; l’inférieure,
pluscourte,estterminée par
une loge souvent avortée,
arrondie, insérée presque
latéralement. Le gynécée
est comme celui de toutes
les Labiées. Le style, logé
dans la lèvre supérieure de
la corolle, se termine par
deux branches stigmati-
ques inégales. Le fruit est
semblable à celui des Labiées dont nous avons déjà parlé. Toutes les parties de la
Sauge olficinale exhalent une odeur forte, aromatique, spéciale, qui persiste après
la dessiccation, et une saveur chaude, piquante, agréable, accompagnée d’un peu
d’amertume.
1 ropmétés chimiques. La Sauge doit ses propriétés à uue essence verte dont
la dentite est 0,89(5, a 12° G. Son pouvoir rotatoire est de 8,93 et son indice de ré-
fraction 1,475. D’après Rochleder (1), elle est formée parle mélange d’un hydrocar-
(1) Annal, der Chem, und Pharm., LXIV, 4.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
191
luire et d’an corps oxygéné identique au camphre des Laurinées. La Sauge contient
un peu d’acide gallique.
Culture et Récolte. - La Sauge officinale est cultivée pour 1 usage pharmaceu-
tique dans les parties méridionales de l’Europe, et particulièrement en France dans le
Languedoc et la Provence, où elle croît d’ailleurs à l’état sauvage. Elle préfère les
terrains légers et un peu chauds. La plus active est celle qui croit dans les terrains
secs et élevés, à l’état sauvage. On la multiplie à l’aule d’eclats de pied qu on fait au
printemps, et qu’on replante de suite dans un terrain bien préparé en les dispo-
sant à 4b centimètres les uns des autres. Il faut renouveler la plante tous les tiois ou
quatre ans. , .
On emploie les feuilles et les fleurs. On récolte les fleurs en plein épanouisse-
ment. Les feuilles peuvent être cueillies en toute saison, mais on les recolle de pré-
férence au printemps, avant la floraison, ou en automne. On les fait sécher au so ci ,
ce qui ne leur enlève aucune de leurs propriétés.
Usages. — La Sauge est aujourd’hui peu employée par les médecins, mais e e
Test beaucoup dans les campagnes, où on la considère comme douée de qualités febii-
fuges. Les Chinois la recherchaient autrefois beaucoup et la préféraient au the.
D’après Valmont de Bomare, ils donnaient, à la fin du siècle dernier, deux caisses
de thé pour une caisse de Sauge apportée par les Hollandais. Dans les parties méii-
dionales de l’Europe, on en fait des infusions destinées à remplacer le thé ; on en
parfume les sauces, les jambons, etc. [Trad.]
AUTRES ESPÈCES EMPLOYÉES.
1° Salvia pralensis L. ( Species , 3b). — C’est une petite plante herbacée, à
souche vivace, à lige ‘aérienne souvent unique, mourant chaque année après la flo-
raison, dressée, ascendante, simple ou ramifiée dans
le haut, peu feuillée, velue, terminée par un long épi
de fleurs bleues, haute de 20 à 80 centimètres ou
1 mètre. A la base de la tige, existe une grande rosette
de feuilles très-développées, pétiolées, ovales-lancéolées,
un peu cordées à la base. Les feuilles caulinaires sont
plus petites, sessiles et même embrassantes dans le
haut. Elles sont réticulées, gaufrées, d’un vert foncé
en dessus, plus pâles et pubescentes en dessous, inégale-
ment incisées-crénelées sur les boxais. Les fleurs sont
grandes, courtement pédonculées, disposées an som-
met des rameaux en cymes de deux à trois fleui’s, dans
l’aisselle de bractées opposées, plus courtes que le calice,
herbacées, lai-ges, ovales, acuminées, velues, glandu-
leuses, embrassantes, réfléchies après leur épanouisse-
ment, puis caduques. Le calice est couvert de poils
glanduleux ; sa lèvre supérieure est divisée en trois
petites dents subulées, conniveutes, la médiane plus
courte ; sa lèvre inférieure est divisée en deux lobes
lancéolés. La corolle est ordinairement d’un beau bleu,
parfois rose ou blanche ; elle est deux ou trois fois plus longue que le calice, cou-
verte de poils glanduleux; son tube est plus long que le calice, dilaté vois lô
Fig. ISO. Salvia pratennis.
Extrémité d’un rameau fleuri.
192 PLANTAGINACÉES.
liant, dépourvu de bosse sur sa face antérieure ; sa lèvre supérieure est recourbée en
faux, comprimée latéralement, échancrée au sommet. Le style est terminé par
deux branches stigmatiques de longueur inégale. Les fruits sont des acharnés bruns,
lisses et luisants. Le Salvia pratensis croît indifféremment dons les plaines hu-
mides et sur les coteaux arides.
Toutes les parties herbacées de la plante sont douées d’une odeur désagréable
très-prononcée, surtout quand on les froisse. Les fleurs sont dépourvues d’odeur.
La Sauge des près jouit de propriétés excitantes moins prononcées que celles de
la Sauge officinale, dont elle n a pas la saveur agréable, et qu’elle est par suite inca-
pable de remplacer comme aromate.
2» Saloia Sclarea L. ( Species , 38) vulg. Toute Bonne, Sclarée, Oroale. — C’est
une plante vivace, a tiges multiples, dressées, très-rami fiées au sommet, quadrangu-
laires, liantes de 30 centimètres «à 1 mètre, velues, glanduleuses. Les feuilles sont ré-
ticulées et gauffre.es, bosselées, couvertes de poils courts et laineux \ elles sont pres-
que toutes pétiolées, les supérieures seules sont sessiles, ovales ou oblongues, sou-
vent cordées a la base, les inférieures plus obtuses, irrégulièrement crénelées ou
dentées sur les bords, colorées en vert plus pâle sur la face inférieure. Les fleurs
sont disposées au sommet des rameaux en longs épis de cymes à trois ou quatre
fleurs courtement pédonculées, situées dans l’aisselle de grandes bractées opposées,
membraneuses, rosées ou violacées, plus longues que le calice, larges et concaves,
ciliées, suborbiculaires, cordées, terminées par une pointe allongée, réfléchies après
1 épanouissement des fleurs. Le calice est couvert.de poils glanduleux ; sa lèvre su-
périeure est divisée en trois dents courtes, triangulaires, aristées, écartées les unes
des autres, la médiane plus courte que les deux latérales ; la lèvre inférieure est
bifide, à dents lancéolées, aiguës, aristées. La corolle est grande, colorée en violet
très-pâle, couverte de poils glanduleux, à tube aussi long que le calice, bossu sur
la face antérieure, dilaté au niveau de la gorge ; à limbe bilabié, la lèvre supérieure
très-grande, recourbée en crochet, concave, comprimée latéralement, bilobée à l’ex-
trémité. L’ovaire est surmonté d’un style recourbé, logé dans la lèvre supérieure
de la corolle, terminé par deux branches stigmatiques divergentes, inégales.
La Sclarée est répandue dans presque toutes les parties de la France, mais parti-
culièrement dans le Midi. On la trouve aussi en Belgique, etc.
Toutes les parties de la plante exhalent une odeur forte, agréable, qui rappelle un
peu celle du baume de Tolu. Leur saveur est chaude, aromatique, un peu amère.
Tuad.]
PLANTAGINACÉES
GRAINES D’ISPAGHULA.
Semen Jspaghulæ ; angl., Ispaghul Sceds, Spogcl Sccds.
Origine botanique. — PlantagodeciwibensFoRSK.(P . Ispag/mla Iloxn.)(l).
(1) Après examen de nombreux échantillons, nous adoptons l’opinion du docteur Ait-
cliison ( Catalogue of the Plants of the Punjab and Smd , London, 1869) qui réunit les
Plantago Ispaghula et decumbens. Il est probable d’ailleurs que la réduction des espèces
de ce genre peut être poussée plus loin.
103
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
— C'est une plante à aspect très- variable, haute de 3 à 30 centimètres,
dressée ou décombante, à feuilles linéaires, lancéolées, presque glabres,
ou couvertes de poils hérissés. Les épis floraux diffèrent d’après la vigueur
de la plante; ils sont, dans quelques échantillons, cylindriques, longs
de 3 centimètres, et réduits dans d’autres à une tête globuleuse. L’aire
de cette plante est très-étendue. On la trouve, en effet, dans les îles
Canaries, en Egypte, en Arabie, dans le Beluchistan, 1 Afghanistan, et le
nord-ouest de l’Inde. Stewart (1) dit qu’elle est commune dans la vallée
de Peshawar et dans les régions situées sur la rive droite de l’Indus, à
une altitude de 600 mètres. Il ajoute qu’on la trouve aussi dans les
plaines et les collines basses du Punjab, mais qu’elle n’a jamais été vue
à l’état de culture dans cette dernière région. Elle passe pour être
cultivée à Multan et àLahore, ainsi que dans le Bengale et le Mysore (2).
Historique. — Les graines de cette plante se trouvent dans tous les
bazars de l’Inde, et sont tenues en grande estime ; on les désigne par le
nom persan Ispaghul mais elles portent aussi le nom arabe de
qatünâ , sous lequel nous les trouvons mentionnées, au dixième siècle,
par le médecin persan Alhervi (3), et vers la même époque ou un peu
plus tard par Avicenne (4). Plusieurs autres écrivains orientaux sont
cités par Ibn Baytar (5) comme ayant mentionné une drogue du même
nom. Ce dernier peut aussi avoir été appliqué aux graines d autres
espèces, comme celles du Plcintago Psyllium L. et du P . Cynops L. qui
ont des propriétés analogues, et sont communes, et employées depuis une
époque très-reculée. L 'Ispaghul indien attira l’attention des Européens
vers la fin du dernier siècle (6), et a été prescrit comme émollient contre
la diarrhée et la dysenterie. Ces graines furent admises dans la Phar-
macopée de l’Inde de 1868.
Description. — Les graines du P. Ispaghula sont, comme celles des
autres espèces de Plantago , creusées en carène, l’une des faces de 1 albu-
men étant concave et l’autre convexe. Elles sont très-petites; elles ont
à peu près 2 millimètres de long, et à peine 1 millimètre de large ;
(1) Punjab Plants, Lahore, 1869, 174, et note manuscrite attachée aux échantillons de
l’Herbier de Kew.
(2) J'ai réussi à cultiver ce Plantago h Strasbourg:, en été, et en pleine terre, f b • A. F .J
(3) Liber Fundamentorum Pharmacologiæ, éd. Seligmann, Vindobonæ, 1830, 40.
(4) Lib. n, tract. 2, cap. 541 (édition de Valgrisi, 1664, I, 337).
(5) Traduction de Sonthëimer, 1840, I, 132.
(6) Fleming, Catal. of Indiati Med. Plants and Drugs, Calcutta, 1810, 3t. — Je
trouve une description nette de ces graines due, eu 1719, au pharmacien LincK, de
Leipzig, dans l’ouvrage Sammlung von Natur und Medicin-Gcschic/iten (Leipzig, 1719,
p. 257). [F. A. F.]
HIST. DES DROGUES, T. II.
13
194
PLANTAGINACÉES.
elles sont si légères, que 100 graines pèsent à peine 18 centigrammes.
Elles sont colorées en gris rosé clair, avec une tache brune allongée,
située sur la face convexe, et répondant à l’embryon qui, dans ce point,
est en contact direct avec le tégument translucide de la graine. De cette
tache, la radicule s’étend jusqu’à l’extrémité de la graine. La face con-
cave de la graine est également brune, et en partie couverte par une mince
membrane blanche. Ces graines sont très-mucilagineuses, mais elles
n’ont ni saveur ni odeur. Celles de l’espèce voisine, P. Psyllium , ont à
peu près la même forme, mais sont luisantes et colorées en brun foncé.
Structure microscopique. — Pour bien les étudier, il faut plonger les
graines dans la benzine qui ne dissout pas le mucilage. La surface en-
tière de la graine se montre alors formée de cellules polyédriques,
séparées de l’albumen par une mince couche brune, qui, sur la face dor-
sale de la graine, n’a pas plus de 70 millièmes de millimètre d’épaisseur.
L’albumen est formé de cellules à parois épaisses, remplies de granula-
tions qui prennent une coloration orange sous l’influence de l’iode. Les
deux cotylédons adhèrent l'un à l’autre dans une direction perpendicu-
laire à la cavité de la graine. Leur tissu est formé de petites cellules
contenant des granulations de matière albumineuse, et des gouttes
d’huile grasse. Lorsqu’on place la graine dans l’eau, les cellules épi-
dermiques se gonflent immédiatement, s’allongent, puis se brisent, et
l’on ne trouve plus que des fragments de leurs parois. Lorsqu’on les
examine dans la glycérine, ces changements se font plus lentement; la
paroi extérieure des cellules, qui forme le mucilage, offre une série de
couches minces qui se gonflent lentement, et disparaissent quand on
ajoute de l’eau. Le mucilage n’est donc pas contenu dans les cellules,
mais il est formé par les dépôts secondaires de leurs parois, comme
dans les graines de lin et de coing.
Composition chimique. — Ces graines fournissent une si grande quan-
tité de mucilage, qu’une partie de graines dans 20 parties d’eau forme
une gelée épaisse, insipide. En ajoutant une plus grande quantité d'eau,
et filtrant, une petite quantité seulement du mucilage passe à travers
le filtre, la plus grande partie reste adhérente aux graines. Le mucilage,
séparé par pression, ne rougit pas le tournesol, n’est pas affecté par
l’iode, ni précipité par le borax, l’alcool, ou le chlorure ferrique. L’huile
grasse et la matière albumineuse contenues dans les graines d’Ispa-
ghula n’ont pas été étudiées.
Usages. — On emploie, dans l’Inde, la décoction des graines (1 partie
pour 70 parties d’eau) comme boisson froide émolliente. Les graines
195
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
pulvérisées ou mélangées avec du sucie, ou îendues gélatineuses pai
l’eau, sont parfois administrées contre la diarrhée chronique.
(a) Les Plantains ( Plantago L., Gen., n. 142) sont des Plantaginocées, à fleurs
hermaphrodites et régulières, tétramères, et à réceptacle convexe, à fruit capsu-
laire, biloculaire, membraneux, déhiscent par une fente circulaire, transversale.
Le Plantago decumbens Forskall (P. Ispagula Flem., in As. researeh., XI, 174)
est une plante annuelle, à tige aérienne nulle ou très-courte, bientôt divisée en
trois ou quatre branches ascendantes, arrondies, villeuses, longues de 10 a 20 cen-
timètres. Les feuilles sont alternes, linéaires-lancéolées, trinerviées, munies de
petites dents, un peu laineuses, sessiles, amplexicaules, longues de 15 à 20 centi-
mètres et larges de 10 à 20 millimètres. Les hampes florales sont axillaires, solitaires,
nues, dressées, arrondies, un peu villeuses, de la même longueur que les feuilles,
terminées chacune par un épi d’abord ovale, puis cylindrique au moment de la
floraison, dressé, et long, à la maturité, de 2 à 4 centimètres. Les fleurs sont nom-
breuses, imbriquées, petites, blanches, situées chacune dans l’aisselle d’une bractée
ovale, concave, carénée, verte au niveau de la ligne médiane, membraneuse sur les
bords. Le calice est formé de quatre sépales libres jusqu’en la base, oblongs, ovales,
à bords larges et membraneux, imbriqués dans la préfloraison. La corolle est gamo-
pétale, hypocratérimorphe, membraneuse, à tube gibbeux, à limbe formé de quatre
folioles ovales, aiguës. L’androcée est formé de quatre étamines très-longues,
exsertes, à filets counés au tube de la corolle, à anthères oscillantes, bilocu-
laires, introrses, déhiscentes par deux fentes longitudinales. Le gynécée est
formé d’un ovaire biloculaire, chaque loge contenant un ou plusieurs ovules aua-
tropes. 11 est surmonté d’un style simple. Le fruit est une capsule biloculaire,
déhiscente par une fente circulaire, transversale. [Trad.]
POLYGONAGÉES
RHIZOME O DE RHUBARBE.
Radix Rhei ; Rhubarbe ; angl., Rhubarb; allem., Rhabarber.
■ ■ ' • • ’ î
Origine botanique. — Rheum officinale H. Bâillon. C’est une plante
vivace. Les feuilles printanières forment une couronne qui fait une saillie
de quelques pouces au-dessus de la surface du sol; elles ont un pétiole
subcylindrique, couvert, comme la face inférieure des nervures du
limbe, de poils courts et dressés. Le limbe est orbiculaire, cordé à la
base, divisé en cinq ou sept lobes courts et irrégulièrement dentés. Les
feuilles atteignent de Im,20 à 1 œ ,50 de long, et sont un peu plus laiges
que longues.
(1) Ainsi que beaucoup d’autres tiges souterraines, on le désigne dans tous les ou-
vrages sous le nom de racine, qui est employé également dans cet article par les auteurs
anglais [Trad.].
196
POLVGONACÉES.
(jette plante a cto découverte dans le sud-est du Thibet, où elle passe
pour être cultivée à cause de sa racine médicinale; mais on suppose
qu’elle croît dans diverses parties de l’ouest et du nord-ouest de la
Chine, d’où la rhubarbe nous parvient. Elle fut trouvée, vers 1867, par
les missionnairesfrançais, et donnée à Dabry, consul français de Hankow,
qui en transmit des échantillons à Soubeiran, de Paris. M. Bâillon dé-
crivit la plante d'après un de ces échantillons, qui fleurit à Montmo-
rency eu 1871 (1).
Nous ignorons si la Rhubarbe du commerce est produite uniquement
par cette espèce, mais il est permis d’admettre qu’elle constitue véri-
tablement une source de la drogue, car il n’existe aucune différence
sérieuse entre elle et les descriptions et les figures imparfaites, il est
vrai, qui ont été données de la plante à la Rhubarbe par les auteurs
chinois et les anciens missionnaires jésuites. Cette opinion est encore
mieux corroborée par ce fait, qu’il n’existe aucune différence entre sa
racine et la Rhubarbe asiatique du commerce (2).
Historique (3). — Les Chinois paraissent avoir eu connaissance des pro-
priétés de la Rhubarbe, dès une époque très-antérieure à l’ère chré-
tienne. 11 est, en effet, question de cette drogue dans le traité de bota-
niques nommé Pen-Ktng, qui est attribué à l’empereur Shen-Nung, le
père de l’agriculture et de la médecine chinoise, qui régnait 2 700 ans
environ avant Jésus-Christ (4).
En ce qui concerne l’Asie occidentale et l’Europe, nous trouvons une
racine nommée ££ ou p r,ov, mentionnée par Dioscoride comme apportée
des rives du Bosphore. La même drogue est mentionnée, au quatrième
siècle, par Annnianus Marcellinus (5). Il dit qu’elle tire son nom de la
rivière Rha (le moderne Volga), sur les bords de laquelle elle croît. Pline
décrit une racine nommée Rhacoma qui, étant pulvérisée, prend une
couleur semblable à celle du vin, ou plutôt à celle du safran; il dit
qu’elle est apportée des environs du Pont. La drogue, ainsi décrite,
est ordinairement considérée comme la Rhubarbe, ou au moins comme
f •
- (I) Adansonia, X, 246 ; Associât, franç.pour l’avanc, des sc., 1872, 514-529, t. 10.
(2) Nous avons examiné particulièrement la très-grosse racine de pieds de R. of-
ficinale cultivés à Londres, à Bodicott, près d’Oxford, à Paris et ;i Strasbourg. Voir
mon mémoire sur la Rhubarbe, dans Buchner, Repertorium filr Pharmacie, XXV (1876)
1 à 18, reproduit dans les Proceedings of the American Pharm. Association, 1876, p. 10,
[F. A.’ F.]
(3) Voir pour quelques développements historiques le mémoire cite dans lu note pré-
cédente,
(4) Bretschneider, Chinese Botanical Works, Fo’ochow, 1870, 2.
(5) Scriptores Historiée Romanæ latini veteres, 1743, II, 511 (Amm. Marc., xxii.c. 8).
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 197
la racine d’une autre espèce de Rheum, mais il nous est impossible de
savoir si elle venait réellement du Pont, ou si elle était apportée de
contrées plus éloignées. 11 est certain que le nom de Radix pontica ou
Rhaponticum, employé par Scribonius Largus (!) et Celse (2), fut donné
à la drogue par allusion à la région d’où on la recevait. Lassen a mon-
tré que les caravanes commerciales venaient de Shensi, dans le nord de
la Chine, à Bokhara, dès l’année 114 avant Jésus-Christ. Les marchan-
dises, ainsi transportées, pouvaient gagner l’Europe, soit par la voie de
la mer Noire, soit en descendant l’Indus, jusqu’à l’ancien port de Bar-
bariké. Vincent suppose (3) que le Rha importé parla première route, a
dû recevoir le nom de Rha ponticum, tandis que le Rha transporté par
la seconde, reçut celui de Rha barbarum. Nous ne sommes pas en mesure
de corroborer cette hypothèse, quoiqu’elle paraisse très-plausible. Elle
n’est pas appuyée par l’auteur du Periplus de la mer Erythrée (\eis 64
après Jésus-Christ), dont la liste des produits exportés de Barbariké (4)
ne renferme pas la Rhubarbe. Cette drogue n est pas nommée non
plus parmi les articles sur lesquels un impôt était levé par la douane
romaine d’Alexandrie (176-180) (5).
Les termes Rheum barbarum ou barbaricum, ou Reu barbarum se
trouvent dans les écrits d’Alexander Trallianus (6), vers le milieu du
sixième siècle, dans ceux de Benedictus Crispus (7), archevêque de
Milan, et d’Isidore (8), de Séville, qui vivaient au septième siècle. Parmi
les écrivains arabes qui ont écrit sur la medecine, Mésue le Jeune, dans
la première partie du onzième siècle, mentionne la Bhubarbe de Chine
comme supérieure à celle de Barbarie ou de Turquie (9). Vers la même
époque, Constantinus Africanus (10) parle du Rheum indien, et du Rheum
pontique, et déclare que le premier est préférable.
(1) De Compositione Medicamentorum , c. 167.
(2) De Medicina, lib. v, c. 23.
(3) Vincent, Commerce and Navigation of the Ancients, 1807, 11, 389.
(4) Ibid., op. cit., II, 390. Barbariké était le principal port du golfe de Cambai, dans
le nord de la péninsule de l’Inde.
(5) Ibid., op. cit.j II, 686.
(6) Lib. vin, cap. 3, édition de Haller.
(7) Migne, Patrologiæ Cursus, lxxxix, 374. .
(8) Migne, op. cit., lxxxii, 628. — L’explication donnée par Isidore est la sui-
vante : « Reubarbarum sive Reuponticum : illud quod trans Danubium in solo barbarico ,
istud quod circa Pontum colligitur, nominatum est. Reu autem radix dicitur. Reubar-
barum ergo, quasi radix barbara, Reuponticum quasi radix pontica, » mais I si oie
aimait beaucoup ces étymologies. ,
(9) Ravedsceni , Raved barbarum, et Raved TurcMcum sont les termes employés dans
la traduction latine que nous avons consultée.
(10) De omnibus medico cognitu necessariis, Basil., 1539, 354.
19S POLYGONACÉES.
Au douzième siècle, la Rhubarbe fut probablement importée de l’Inde,
ainsi que le prouve le tarif des impôts levés à Acre, en Syrie. Dans ce
document (1), elle est énumérée parmi plusieurs drogues de l’Inde.
Une liste semblable, datée de 1271, relative à Barcelone, mentionne le
Ruibarbo (2). Dans un statut de la cité de Pise, désigné sous le nom de
Brève Fundacariorum, daté de 1305, la Rhubarbe ( ribarbari ) est classée
parmi les marchandises du Levant et de l’Inde (3).
Le premier, et presque le seul Européen qui ait visité les régions à
Rhubarbe delà Chine, est le fameux voyageur vénitien Marco Polo (4),
qui, à propos de la province de Tangut, dit : « Et par toutes les mon-
tagnes de ces provinces se treuve le reobarbe en grant haboudance. Et
illec l’achatent les marchans et le portent par le monde. »
Ce résumé de l’histoire de la Rhubarbe serait incomplet si nous ne
signalions pas les diverses routes par lesquelles la drogue a été appor-
tée en Europe des provinces occidentales de l’empire chinois, et qui ont
donné naissance aux dénominations vulgaires de Rhubarbe de Russie, de
Turquie et de Chine.
La première route traverse les steppes de l’Asie centrale, en passant
par Yarkand, Kashgar, le Turkestan et la mer Caspienne, jusqu’en
Russie.
La seconde passe par l’Indus ou le golfe Persique, jusqu’à la mer
Rouge et Alexandrie, ou, à travers la Perse, jusqu’à la Syrie et l’Asie
Mineure.
La troisième passe par Canton, seul port de l’empire chinois qui,
avant l’année 1842, eut des communications directes avec l’Europe.
En 1653, la Chine permit, pour la première fois, à la Russie, de faire
du commerce sur ses frontières. Le commerce des produits chinois fut
alors détourné de la ligne de la mer Caspienne et de la mer Noire, et
porté davantage vers le nord. Il suivit une route partant de Tangut et
passant à travers les steppes du haut Gobi, et à travers la Sibérie, par
Tobolsk, jusqu’à Moscou. En 1719, Urga, sur le côté nord du désert de
Gobi, est mentionné comme le principal entrepôt de la Rhubarbe. Dé-
fi) Asssises de Jérusalem, in Recueil des Historiens des Croisades, Lois, 1S43,
II, 176.
(2) Capmany, Memorias historicas de Barcelona, 1779, 1, 44.
(3) Bonaim, Statuti inediti délia città di Pisa dal xn al xiv secolo, Firenze, 18a i,
III, 106,115. . . . ....
(4) Pauthier, Le Livre de Marco Polo rédigé en français sous sa dictee, en 1298,
par Rusticien, de Pise, 1865, I, 165; II, 490. - L’ancien royaume de Tangut est in-
clus en partie dans la province moderne de Kansuli.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 199
puis les temps les plus reculés, les marchands buclmriens paraissent avoir
été les agents de ce trafic, les producteurs de la drogue ne s’occupant
jamais eux-mêmes de son exportation.
A la suite d’une rectification de frontières, faite en 1728, une ligne de
douanes fut établie par traité entre la Russie et la Chine, et le commerce,
autrefois libre, fut restreint aux caravanes gouvernementales, qui tra-
versaient la frontière seulement à Kiachta et a Zuruchaitu, au sud de
Nerchinsk. La dernière de ces localités est toujours restée sans impor-
tance, tandis que Kiachta et la ville chinoise située en face, Maimat-
chin, devinrent les principaux entrepôts de la Rhubarbe. Cette racine
était soumise, dès 1687-1697, à un contrôle spécial de la part du gou-
vernement russe, qui, en 1704, finit par en monopoliser le commerce.
Les caravanes envoyées par le gouvernement apportaient la drogue a
Moscou. Cet état de choses dura jusqu’en 1762. A cette époque, le com-
merce se ralentit pendant quelque temps. C’est seulement a partir de
cette date que l’exportation de la Rhubarbe devint considérable,
quoique les règlements sévères établis en 1736 fussent maintenus. Le con-
trôle de la Rhubarbe se faisait à Kiachta, dans un bureau spécial nommé
le Brake (1), sous la direction du ministre de la guerre de Russie.
11 était fait par un pharmacien nommé pour six ans, et dont la fonction
était de rejeter tous les morceaux de Rhubarbe de qualité inférieure ou
avariés, et de préparer les morceaux choisis en les pelant, enlevant les
parties’ détériorées, et les perforant. On les faisait ensuite sécher avec
soin, et on les emballait dans des caisses doublées de toiles, et rendues
imperméables à l’humidité par un enduit de goudron et une enveloppe
en cuir. On expédiait alors la drogue, mais seulement par lots de
1000 puds (16380 kil.) à la fois, chaque année. Elle était dirigée,
par la voie du lac Baïkal et Irkutsk, sur Moscou, d’où on l’envoyait à
Saint-Pétersbourg, pour être en partie délivrée aux apothicaires de la
couronne, et en partie vendue aux droguistes.
Nous devons la plupart de ces détails à Calau (2), pharmacien
chargé de la surveillance de la Rhubarbe, qui résida longtemps à
Kiachta. Von Schrôder(3), en 1864, a tracé l’histoire de la surveillance
rigoureuse exercée par le gouvernement russe sur la Rhubarbe.
Tant que la Chine tint ses ports fermés au commerce, sauf Canton, à
(1) Du mot allemand Draclce, appliqué aux personnes employées à 1 examen des
marchandises apportées dans les ports de la Baltique.
(2) Repart, für Pharm. und Çhemie de Gauger ; — Pliarm. Journ., 1843, II, 0o8.
(3) Jahregbericht de Canstatt, 1864, I, 35-42.
-uu POLYGONACÉES.
l’extrême Sud, une grande quantité de belle Rhubarbe fut expédiée en
Europe par la voie de la Russie. Mais les désagréments qui résultaient
de la surveillance extrêmement sévère (I) exercée par les Russes, et la
lenteur extrême des transports, décidèrent les Chinois à accepter des
débouchés meilleurs pour leurs produits. L’ouverture d’un certain
nombre de ports du nord de la Chine diminua considérablement le
commerce de Kiachta, qui fut encore rendu plus difficile par l’insurrec-
tion qui surgit dans l’intérieur de la Chine, en 1852, et dura pendant
plusieurs années. Lu 1855, la Russie supprima un certain nombre de
restrictions apportées à son commerce, sans abandonner cependant le
bureau de la Rhubarbe. Elle transporta, en 1800, les douanes à Irkutsk,
et déclara Kiachta ville libre, en même temps que, par un traité passé
avec la Chine, en novembre 1860, elle insista pour que ce pays aban-
donnât toute restriction apportée au commerce.
Cependant, le commerce de la Rhubarbe par la voie de terre avait
déjà été supprimé : les Chinois, tentés parles demandes croissantes que
déterminait le commerce des nouveaux ports, apportaient moins de
soins à la récolte et à la préparation de la drogue, tandis que les Russes
insistaient avec la plus grande rigueur pour que la drogue offrît tou-
jours sa qualité ordinaire. Il en résulta qu’à partir de 1860, il ne fut
reçu à Kiachta qu’une très-petite quantité de Rhubarbe destinée, soit
aux particuliers, soit au gouvernement russe lui-même. Enfin, en 1863,
le bureau delà Rhubarbe fut aboli.
La drogue désignée sous le nom de Rhubarbe de Russie ou de Mosco-
vie ou Rhubarbe royale, connue en Angleterre sous le nom vulgaire de
Rhubarbe de Turquie, et qui jouissait, à cause de sa bonne qualité, d’une
haute réputation, est aujourd’hui devenue un objet historique qui ne se
trouve plus que dans les musées. Cette sorte de Rhubarbe commença à
se montrer dans le commerce anglais dans les premières années du
dernier siècle. Alston (2), qui professait la botanique et la matière
médicale à Edinburgh, en 1720, parle de la Rhubarbe comme apportée
de Turquie et des Indes orientales « et aussi, depuis peu, de Moscovie».
Nous avons dit plus haut qu'au douzième siècle la Rhubarbe était
expédiée de Syrie. Vasco de Gaina (3) la mentionne, en 1497, parmi
(1) En 1860, les Russes forcèrent les Chinois à brûler 6 000 livres de Rhubarbe sous
le prétexte qu’elle était trop petite !
(2) Lectures on the Mat. Med., 1770, I, 502.
(3) Roteiro da Viagem de Vasco da Gama, par A. Herculano e o Barâo de Castello
de Paiva, ed. 2, Lisboa, 1861,115. — Flückigeh, Documente sur Gesc/iichte der Phar-
macie, Halle, 1876, 13.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 201
les produits exportés d’Alexandrie. En réalité, cette drogue était expé-
diée de l’extrême Orient vers la Perse, d où elle était apportée par les
caravanes à Alep, à Tripoli, à Alexandrie, et même à Smyrne. De ces
ports du Levant, elle pénétrait en Europe, et se répandait sous le nom
de Rhubarbe de Turquie , tandis que celle qui était expédiée par mer
directement de la Chine, ou par la voie de l’Inde, reçut le nom de Rhu-
barbe de Chine , de Canton , ou des Indes orientales. Cette dernière sorte a
toujours été la plus commune en Angleterre, depuis l’année 1640 (1).
Lorsque la Rhubarbe du Levant disparut du commerce, celle de Russie
prit non-seulement sa place, mais encore son nom, et le terme « Rhubarbe
de Turquie » fut employé, en Angleterre, pour désigner la drogue im-
portée de Russie. Cette étrange confusion de noms ne prévalut pas
cependant sur le continent, et resta à peu près complètement limitée
au commerce anglais.
Les risques et la dépense des transports par terre à travers 1 Asie
presque entière, furent cause qu’autrefois la Rhubarbe était 1 une des
drogues les plus coûteuses. Ainsi, à Alexandrie, en 1497, elle valait
douze fois plus que le benjoin. En France, en 1542 (2), elle coûtait
dix fois plus que la cannelle, ou plus de quatre fois le prix du safian.
A Ulm, en 1596 (3), elle coûtait plus cher que l’opium. Dans un tarif
allemand de 1614 (4), le Radix Rha Barban est coté six fois autant
que la belle myrrhe, et plus de deux fois autant que 1 opium. Une
liste officielle anglaise (5), qui donne le prix des drogues en 1657, cote
l’opium à 6 shillings la livre, la scammonée à 12 shillings et la
Rhubarbe à 16 shillings.
Production et commerce. — Les districts de 1 empire chinois qui
produisent la Rhubarbe s’étendent sur une aire très-vaste, qui com-
prend : les quatre provinces de la Chine propre, connues sous les noms
de Chihli, Shansi, Shensi (6) et Honan; l’immense province nord-ouest
de Kansuh, autrefois comprise dans celle de Shensi, mais étendue au-
jourd’hui jusqu’au désert de Gobi et aux frontières du Tibet ; la province
de Tsing-hai, habitée par les Mongols, et renfermant le grand lac salé
(1) Parkinson, Theatrum Botanicum, 1640, 155.
(2) Leber, Appréciation de la fortune privée au moyen âge, éd. 2, 1847, 308, 309.
(3) Reiciiard, Beitrüge zur Geschichte der Apotheken, Ulm, 1825, 208.
(4) Celui de Schweinfurt (Flückiger, Documente, 43.)
(5) Book o / the values of merchandize imported, according to wich , Excize is to he
paidby the First Buyer, London, 1657.
(6) D’après le consul Hughes, de Hankow, San-Yuan,- dans le Shensi (au nord de
Singanfu), est l’un des principaux marchés de la Rhubarbe.
20 2
POLYGONACÉES.
de Koko-nor ; les districts do Tangut, Sifan et Turfan ; enfin les mon-
tagnes de la province occidentale de Szechuen. La plante croît dans les
pâturages des hauts plateaux, et particulièrement dans les endroits dont
le sol a été enrichi par les campements. Les quelques détails que nous
possédons, relativement à la production de la Rhubarbe, et à sa prépara-
tion pour le marché, sont dus, en partie aux autorités chinoises, et en
partie aux missionnaires catholiques (1); ils n’ont que peu d’impor-
tance, et sont fort peu satisfaisants. On arrache la racine au commence-
ment de l’automne, lorsque la végétation de la plante a décliné; l’opé-
i a tion continue pi obablement pendant quelques mois, ou même, dans
quelques districts, pendant tout 1 hiver. On nettoie la racine, on enlève
sa portion corticale, et on la coupe en morceaux pour la faire sécher. La
dessiccation est effectuée soit à l’aide de la chaleur artificielle, soit pat-
simple exposition au soleil et à l’air, ou bien on fait d’abord sécher en
partie les morceaux de racine sur des pierres chaudes, puis on les en-
file avec une corde, et on les suspend jusqu’à ce que la dessiccation soit
complète.
La Rhubarbe destinée au marché européen est aujourd’hui achetée
en grande partie à Hankow sur le Yangtsze supérieur, où elle est apportée
des provinces de Shensi, Kansuh et Szechuen. De Hankow on la trans-
porte à Shanghai, et là on l’embarque pour l’Europe. Les exportations
de Hankow, y compris celles de Ningpo et de Tientsin, qui sont un peu
moins considérables, se sont élevées, en 1874, à 300000 kil.
On en exporte aussi, occasionnellement, de Canton, d’Amoy, et de
Foochow. Les importations de la Rhubarbe dans le Royaume-Uni
ont été, en 1870, de 343 306 livres, estimées à 62 716 livres sterling.
Description. — La Rhubarbe de Chine importée en Europe (2) consiste
en morceaux d’une racine volumineuse, offrant une grande variété de
formes, dues à la façon dont on a coupé les racines et au mode de
nettoyage. Certains morceaux sont cylindriques, ou en forme de
tonneaux, d’autres sont coniques, un grand nombre sont plan-con-
vexes, et d’autres affectent des formes irrégulières. Ces formes ne se
présentent pas toutes dans le même emballage ; on a au contraire l’ha-
bitude d’assortir la Rhubarbe en morceaux ronds ou plats, constituant
(1) Faure, in Pharm. Journ., 18GG, VII, 375 ; Chauveau, vicaire apostolique du
Tibet (1870), et Biet, missionnaire français, cités par Collin, dans sa thèse : des Rhu-
barbes, Paris, 1871, 22,21.
(2) Elle est maintenant préparée par les droguistes de façon îi simuler la vieille
Rhubarbe de Russie.
Fig. 187. Rhubarbo do Chine,
dembgrand, nat.
HISTOIRE des DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 203
U Rhubarbe arrondie , et la Rhubarbe plate. La dimension la plus ordi-
naire des fragments est S à 10 centimètres de long, mais on peut
trouver des morceaux ayant jusqu’à 15 cen-
timètres ou davantage de long. L épaisseur
des morceaux est ordinairement de o a 8 cen
timètres. La surface extérieure de la racine
est un peu ridée; elle offre souvent des de-
bris de l’écorce noire qui n’ont pas été
enlevés. Un grand nombre de fragments
sont percés d’un trou, dans lequel on re-
trouve les débris de la corde qui a été em-
ployée pour les suspendre pendant la dessic-
cation. Les fragments sont recouverts d une
poussière d’un jaune brunâtre clair. Leur
surface, débarrassée de cette poussière, se
montre colorée en brun de rouille ; vue à la loupe, elle est masquée
par les rayons médullaires qui se présentent sous l’apparence d une
infinité de lignes courtes, bri-
sées, colorées en brun foncé, sui
un fond blanc.
Le caractère qui permet le
mieux de reconnaître la Rhu-
barbe de Chine consiste en ce
que, lorsqu’on la coupe trans-
versalement, ces lignes foncées
paraissent disposées en groupes étoilés. Quoique ce caractère ne soit
pas offert par tous les fragments de la Rhubarbe de Chine, il est fort
important, parce que dans la Rhubarbe d’Europe il manque d’ordinaire
complètement, ou bien les groupes étoilés sont beaucoup plus isolés.
Dans l’estimation de la Rhubarbe, on tient grand compte de 1 aspect
offert par la cassure ; sa surface ne doit présenter aucune trace de dété
rioration, de décoloration, et aucune apparence spongieuse (1). Dans
la bonne Rhubarbe, l’intérieur doit être compacte, bien veiné de lignes
brunes-rougeâtres et blanches, et parfois de lignes d’un gris de fer.
Lorsqu’on mâche la racine, elle croque sous la dent, à cause des ciis
(1) La qualité et l’apparence delà rhubarbe sûntbeaueûup plus considérées en Angle
terre que sur le continent. Pour obtenir une belle poudre de teinte bnl an e, P P
drogue avec le plus grand soin. On fend chaque racine, on en ve °a ,
altérées ou noires avec des ciseaux ou une lime, et l’opérateur ne 1 °
qu’avec des gants en cuir.
Fig. 188. Rhubarbo de Chine.
Coupe transversale d’ensemble.
204
POLYGONACÉES.
taux d’oxalate de calcium qu’elle contient; elle est en outre amère,
astringente et nauséeuse. Son odeur est particulière ; elle est regardée,
sauf par les droguistes, comme très-désagréable.
Structure microscopique. — La racine de Rhubarbe est formée d’un
parenchyme blanc, traversé par des rayons médullairesbruns, et par un
petit nombre de larges faisceaux fibro-vasculaires épars, dépourvus de
flbres'ligneuses. Sur une section transversale des échantillons qui n’ont
pas été entièrement décortiqués, on peut distinguer une zone cambiale
foncée, étroite. Dans cette partie de la racine, les rayons médullaires seuls
offrent leur disposition radiale ordinaire ; dans l’intérieur de la racine,
on ne trouve aucune structure régulière. Il n’y existe pas de moelle bien
distincte, mais la portion centrale offre un mélange de parenchyme
blanc et de rayons médullaires disposés dans toutes les directions. Dans
les racines très-développées, la portion centrale est séparée de la zone
cambiale par une bande foncée des groupes étoilés déjà mentionnés. Les
cellules blanches sont remplies d’amidon ou de touffes de cristaux d’oxa-
late de calcium. La quantité de ces derniers est particulièrement variable.
Scheele, après avoir découvert l’acide oxalique, montra, en 1784, que
les cristaux dont nous parlons sont formés par une combinaison de cet
acide avec la chaux. Les rayons médullaires contiennent des substances
particulières à la Rhubarbe, mais aucune d’elles ne se présente à l’état
cristallin.
Composition chimique. _ On a supposé longtemps que les principes
constituants actifs de la racine résidaient dans la matière rouge jau-
nâtre des rayons médullaires. Schrâder prépara, dès 1807, un amer de
Rhubarbe, auquel il attribua les propriétés médicinales de la drogue.
Depuis cette époque, plusieurs substances du même ordre ont été sépa-
rées à l’aide de procédés divers, et décrites sous des noms différents ;
telles sont le Rhabarberstoff de Trommsdorf, la Rheumine de Horne-
mann, la Rhabarbérine de Buchner et Herberger, le jaune de Rhubarbe
ou Rhèine , et l’acide Rhabarbique de Brandes.
Schlossberger et Dopping reconnurent les premiers, en 1844, parmi
les substances ci-dessus nommées, un corps de composition chimique dé-
finie, la Chrysophane ou acide Chrysophanique, GuH5GH3(OH)îOs, qui avait
été autrefois trouvé dans un lichen jaune, le Parmelia parietina. Ce corps
forme en partie le contenu jaune des rayons médullaires de la Rhubarbe,
et, après avoir été isolé, il cristallise en aiguilles ou en plaquesjaunes. 11
se dissout dans l’éther, l’alcool et la benzine; quoique à peine soluble
dans l’eau, on peut cependant l’extraire de la racine, dans une certaine
HISTOIKE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 205
raide de ce dissolvant, probablement parce qu’il est
accompagné'd'autres substance.. Les alcali, le dissolvent en formant
dTnréci"dttriersolu™ons alcooliques d'extrait de Rhubarbe par
fétler Se bssberger et DOpping ont obtenu avec la ohrysophane,
Ws lmps résineux qu'ils ont nommés : Aporét,ne, Prenne et Euj-
rt’DWeta Rue etMirller, en 1857, retirèrent de la Rhubarbe, indépendam-
ment de la ohrysophane, une substance voisine, l’Emoi, ne, qui
lise en prismes oranges, ayant parfois jusqu'à 5 centimètres de ong.
composition de cette substance s'est montrée conforme a U formule
“IS —s faites sur ce «le suivent celles de
Kubly (2). Il a retiré de la Rhubarbe les substances su c
Acide Rhéo-tannique, C»H«0“. C'est une poudre J™natre qui ex«t
eu abondance dans la Rhubarbe. Elle est solub e dans eau e ^ alcool
et insoluble dans l'éther. Ses solutions donnent avec 1 s perse s de fer
des précipités d'un vert noirâtre, et avec les protosels de fer, p.ec
nités grisâtres qui tournent lentement au bleu ; „
2» Acide Rheumique CMH160». 11 se forme sous . 1 aspect d un
poudre d’un brun rougeâtre, quand on fait bouillir 1 aci e i rco-
tannique avec un acide minéral dilué; il se produit en meme .temps t u.
sucre fermentescible. L’acide rheumique offre a peu près les memes
réactions que l’acide rhéo-tannique, mais il n est que tres-peu so ud ■
dans l’eau froide. Il préexiste en partie dans la Rhubar oe ,
3- Une substance incolore, neutre, faiblement soluble dans eau
chaude, et se séparant de cette dernière à l'état de cristaux qui ont
pour formule Gl0H,2Oh On ne lui a pas donné de nom spécial , _
40 De la Phéorétine, Gl6H1607, semblable àla substance nommee ainsi
par Schlossberger et Dôppiug. C'est une poudre brune soluble dans
l’alcool et l'acide acétique, insoluble dans 1 éther, ec 010011
UBciu * •
5° La Chrysophane , décrite plus haut. Elle est isomère de VAhzanne ;
6° Une Matière pectique qui abonde dans la Rhubarbe, et qui n a pas
encore été étudiée d’une façon satisfaisante.
(1) Liebermann et Watdsteiu ont signalé, en 1870, la presence de 1 einodme dans
l’écorce de lUiamnus Frangula. nna!Vsé dans le Jahrcsbc-
(2) Pharm. Zeitschrift fur Russland, 1867, VI, 603-62/, analyse
richt de Wiggers et Husemann, 1867, 10.
206 POLYGONACÉES.
La proportion des principes minéraux est extrêmement variable.
Deux échantillons de bonne Rhubarbe de Chine desséchés à 100° C., et
incinérés, nous ont donné 12,9 et 13,87 pour 100 de cendres. Un autre
échantillon, que nous avions choisi à cause de sa teinte pâle, ne nous
donna pas moins de 43,27 pour 100 de cendres. Les cendres consistent
en carbonates de calcium et de potassium. Une Rhubarbe anglaise, pro-
venant de Banbury, et appartenant à un bon échantillon, laissa, après
incinération, 10,90 pour 100 de cendres.
Au point de vue pratique, l’histoire chimique de la Rhubarbe est loin
d’être satisfaisante, car nous ignorons encore à quels principes la drogue
doit ses propriétés thérapeutiques, et quelles sont les préparations phar-
maceutiques qui sont les plus propres à mettre en évidence la substance
active. La chrysophane passe, il est vrai, pour être purgative, mais son
action est plus faible que celle de la Rhubarbe elle-même.
Usages. — La Rhubarbe est un des purgatifs les plus estimés, et le
plus communément employés. On l’administre aussi comme stoma-
chique et tonique.
Substitution. — Les drogues substituées à la Rhubarbe sont consti-
tuées par les racines de diverses espèces de Rheum cultivées en Eu-
rope. Dans la plupart des pays, la culture de la Rhubarbe, pour l’usage
médicinal, a été essayée à diverses reprises, mais peu d’expériences ont
été conduites avec une persistance suffisante, et, quoique les produits
obtenus aient eu fréquemment une bonne apparence, et ne fussent pas
dépourvus des propriétés caractéristiques de la Rhubarbe d’Asie, ils
n’ont jamais obtenu la confiance des médecins, et n’ont pu acquérir
beaucoup d’importance sur les marchés à drogues. Ces résultats sont
dus, sans doute, en grande partie, aux espèces de Rhubarbe cultivées,
qui n’ont jamais été les mêmes qui produisent la belle Rhubarbe de
Chine. Maintenant que nous connaissons l’espèce vraisemblablement
productrice de cette drogue, il est permis de compter sur des succès
plus sérieux (1).
La Rhubarbe européenne la plus intéressante, à notre point de vue,
est la Rhubarbe anglaise. Dès -1333, André Boorde, moine chartreux
anglais, et médecin, obtint des graines de Rhubarbe qu’il envoya comme
« un grand trésor » à sir Thomas Cromwell , secrétaire d’Etat
de Henri YI1I ; mais il ajoute que « venues de Barbarie », il est permis
(1) M. Usher, de Bodicott, près Banbury, ayant, en 1873, commencé à cultiver le
Rheum officinale Baii.lon, en possède maintenant (1877) plus de quarante forts pieds,
et deux cents jeunes pieds qui réussissent fort bien.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 207
de considérer leur qualité comme douteuse (1). Au siècle suivant,
vers 1608, Prosper Alpinùs, de Padoue, cultiva, comme véritable Rhu-
barbe, une plante qui est maintenant connue sous le nom de Rheum
Rhaponticwn L., originaire du sud de la Sibérie et des régions voisines
du Volga (2). SirMatthew Lister, médecin de Charles Ier, se procura
des graines en Italie, et les donna à Parkinson (3), qui en obtint
des plântes. Collinson obtint des Rhubarbes de graines qui avaient
été recueillies dans la Tartarie, et qui lui furent envoyées, en 1742,
par le professeur Siegesbeck, de Saint-Pétersbourg (4). Vers 1777,
Hayward, pharmacien à Banbury, dans 1 Oxfordshire, commença a
cultiver les Rheum Rkàponticumve nus de graines qui lui avaient été en-
voyées de Russie, en 1762. La drogue qu il obtint était si bonne, que la
Society of Arts lui accorda, en 1789, une médaille d’argent, et en 1794,
une médaille d’oi' (5). La même société accorda, vers, la meme époque
(1789-1793), des médailles à des cultivateurs du Somersetshire, du
Yorkshire et du Middlesex, dont un, paraît-il, cultivait le Rheum palma-
tum. A la mort d’Hayward, en 1811, ses Rhubarbes tombèrent en la
possession de M. P. Usher et de ses descendants. M. R. Usher et fils les
cultivent encore à Bodicott, village situé près de Banbury. Nous avons
eu le plaisir de visiter, le 4 septembre 1872, les champs de Rhubarbe
de MM. Usher, et d’observer complètement le procédé employé pour
préparer la racine destinée au marché (6). La surface de terre consa-
, crée à cette culture est d’environ 17 acres. Le sol est une glaise, riche et
friable. On arrache les racines pendant l’automne, jusqu’au mois de
novembre. Il est considéré comme avantageux qü’elles aient de six à
sept ans, mais on leur laisse rarement atteindre plus de trois ou quatre
ans. Les monceaux de racines sont enlevés des champs et transportés
dans la cour de la ferme, où se fait le nettoyage. Le volume des racines
est considérable ; chacune pèse, avec la terre qui lui est attachée, jus-
qu’à 60 ou 70 livres. On les nettoie en partie ; on enlève les plus petites
racines, et on réduit les autres, parle décorticage, en masses cylindriques,
courtes, du volume de la tête d’un enfant. Ces morceaux sont ensuite
nettoyés de nouveau, et enfin coupés en tranches transversales. Les
(1) Boorde, Introduct. and Dietary, réimprimé par l’Early English Tcxt Society,
1870, 56.
(2) Prosper Alpinus, De Bhapontico, Lugd. Bat., 1718.
(3) Theatrum Botanicum, 1640, 167.
(4) Dillwyn, Hortus Collinsonianus, 1843, 45.
(5) Tram. of Soc. of Arts, 1790, VIII, 75; 1794, XII, 2So.
(6) On n’emploie pas les feuilles.
208 POLYGONACÉES.
autres, moins estimés, sont aussi nettoyés, triés, et assortis d’après la
taille. Les racines fraîches sont charnues, faciles cà couper, et colorées
en beau jaune foncé. On les fait sécher dans des bâtiments construits
dans ce but, et chauirés avec des cheminées. La dessiccation dure plu-
sieurs semaines. Après avoir été desséchées, les racines sont ridées ;
leur aspect est peu agréable, mais on l’améliore en les pelant et les
raclant. La drogue, entièrement préparée, est conservée dans un en-
droit chaud et sec. La Rhubarbe de Banbury, bien préparée, est douée
d une bonne apparence. Les plus beaux morceaux sont demi-cylin-
driques, et égaux en taille à ceux de la drogue de Chine. La coloration
est aussi bonne, et la surface de cassure offre les taches étoilées non
moins distinctes et brillantes. Les plus petites racines elles-mêmes,
desséchées, possèdent une belle coloration intérieure, et donnent une
poudre fine. L’odeur de cette Rhubarbe est cependant un peu différente
de celle de la Rhubarbe de Chine ; son goût est moins amer, mais plus
mucilagineux et astringent. La racine est plus spongieuse, plus molle
et plus cassante.
La structure est la même que dans la Rhubarbe de Chine; mais,
comme nous l’avons dit, les taches étoilées sont, lorsqu’elles existent,
isolées, et non disposées en une zone régulière. La drogue n’atteint
qu’un bas prix; elle est vendue, dit-on, pour être exportée à l’état de
poudre. Elle n’est pas facile à vendre sur le marché de Londres.
Rhubarbe de France et d' Allemagne. — La culture de la Rhubarbe ,
a été essayée en France pendant la seconde moitié du dernier
siècle, et a été poursuivie avec persévérance dans diverses localités.
Les espèces qui ont été cultivées sont les R. palmatum L. (i), R. undula-
lum L., R. compactum L., et R. Rhaponlicum L. La première fournit,
d’après Guibourt (1), une racine qui se rapproche beaucoup plus que
celle de toute autre espèce de celle de la Rhubarbe de Chine ; mais
elle n’est guère cultivée, parce que le centre de la racine se détruit
très-facilement. Cette plante et le R. undulatum furent d'abord cultivés,
par ordre du gouvernement russe, sur une large échelle, à Kolywan et
à Krasnojarsk, dans le sud de la Sibérie, mais nous croyons que cette
culture est depuis longtemps abandonnée (2). En France, d’après les
(1) Histoire des Drogues, J 849, II, 398.
(2) Douze caisses de cette Rhubarbe, considérées comme provenant de la récolte de
1793, qui avaient été abandonnées dans les magasins du gouvernement russe, furent
mises en vente à Londres, le l«r décembre 1833. Des échantillons de cette drogue, ayant
aujourd’hui quatre-vingts ans d’âge, qui sont entre mes mains, possèdent encore leur
odeur et leur goût. [D. II.]
200
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
recherches que nous avons faites dernièrement (1873), il semble que,
sauf aux environs d’Avignon, et dans un petit nombre d’autres localités
éparses, cette culture a complètement disparu.
Le Rheum Rhaponticum est la source de la Rhubarbe qui est produite
h Austerlitz et à Auspitz, en Moravie, à llmitz, Kremnitz et Frauen-
kirchen en Hongrie. Une certaine quantité de Rhubarbe est aussi pro-
duite, dans la Silésie, par le R. Emocli Wall. (R. australe Don).
(a) Les Rheum L. ( Gen , n. 401 ; Amœnit., RI, 211, t. IV) constituent le type
d’une série de Polygonacées. Ils ont des fleurs régulières et hermaphrodites, nvoe
un réceptacle cupuliforme portant sur ses bords le périanthe et l’androcée. Le
périanthe est formé de deux verticilles trimères ; l’androcée se compose de neuf
étamines sur deux verticilles, l’extérieur cà six étamines disposées par paires, 1 ulté-
rieur a trois étamines alternes avec les paires du verticille externe. Loi ail e Ont
uniloculaire, uniovulé, et surmonté de trois styles.
Le Rheum officinale II. Bn (in Adansonia X, 246 ; Assoc. fr. pour Vcivanc. des sc.,
1872 514-529) est une plante à souche vivace, cylindrique, en grande partie enfoncée
obliquement d.ans le sol, faisant dans l’air une saillie de 15 a 20 centimètres ou
peut-être davantage au-dessus de la surface, couverte de cicatrices de feuilles, de cica-
trices de bourgeons, et, dans le haut, munie pendant l’hiver de nombreux bourgeons
arrondis, couverts de bractées écailleuses brunes. La partie supérieure de cette
souche produit chaque année un grand bouquet de vastes feuilles palmées, dont
la croissance est très-rapide, et dont les dimensions peuvent être très-considérables.
La forme générale du limbe est ovoïde, a base très-large, (cordée, a sommet aigu.
Il est découpé en cinq ou sept grands lobes subdivisés eux-mêmes en lobes plus
petits, dentés. Au niveau de la base du limbe, le pétiole émet cinq a sept nervures
palmées, une médiane, et deux de chaque côté de cette dernière, se rendant chacune
à l’un des lobes, et le parcourant jusqu’à son extrémité. De ces nervures principales,
partent des nervures secondaires pennées qui s’enfoncent dans les lobes secon-
daires, et émettent des branches anastomosées en réseau, entre lesquelles le limbe
est bombé. Le pétiole est a peu près cylindrique, très-dilaté à la base, et entourant
une grande partie de l’axe. 11 est couvert, comme les nervures de la face inférieure
du limbe, de poils courts et serrés. Les feuilles sont accompagnées, comme dans les
autres Polygonées, d’un ochrea qui entoure la tige et se déchire irrégulièrement.
Après avoir produit dès le commencement du printemps un grand bouquet de
feuilles, la souche fournit a Tété un certain nombre de rameaux dressés, hauts de
Im,b0 à 2 mètres, portant un petit nombre de feuilles beaucoup plus petites que celles
de la base, et plus allongées, également lobées-dentées, dans l’aisselle desquelles se
développent des rameaux florifères ramifiés en longues grappes cylindriques,
simples, dressées ou un peu courbées au sommet. Des inflorescences pareilles toi -
minent chaque branche aérienne principale. La figure 189, qui a été mise a notre
disposition par M. Bâillon, représente un pied en pleine floraison de cette Rhubarbe
qui vit en pleine terre dans le jardin de l’Ecole de médecine de Paris depuis 1871.
Les fleurs sont courtement pédonculées, et situées chacune dans 1 aisselle d une
bractée. Le réceptacle est évasé cl légèrement creusé' eu coupe. Il porte sur ses bords
un périanthe formé de six folioles disposées sur deux vcrticillcs alternes, indépen-
dantes les unes des autres, ovoïdes, concaves, vertes, imbriquées dans la préflorai-
HIST, DES DROGUES, T. II. 1
Fig. 189. liheum officinale H. Bn
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 21 1
Bon En dedans de ce périanthe, sont disposées neuf étamines. Un premier verticille
est formé de trois paires d’étamines opposées aux pièces du périanthe extérieur ; un
deuxième verticille, plus intérieur, se compose seulement de trois pièces situées en
face des nièces du périanthe interne et alternes avec les trois paires extérieures. Les
étamines sont toutes indépendantes, à peu près de la même longueur que les folioles
du oérianthe et formées chacune d’un filet épais, atténué à l’extrémité, portant une
anthère insérée par le milieu de sa face dorsale, versatile, ovoïde, biloculaire, in-
trorso déhiscente par deux fontes longitudinales. Entre l’androcée et le gvnecée, le
réceptacle est soulevé en un disque charnu, épais, circulaire, divisé au niveau du
bord supérieur en neuf lobes alternes avec les étamines. Le gynécée, inséré dans
le fond de la coupe réceptaculaire, est formé de trois carpelles opposés aux trois fo-
lioles externes du périanthe, unis en un ovaire a une seule loge, surmonté de trois
styles épais, cylindriques, terminés par une grosse tète stigmatique, et recourbés en
Fig. 1 90. Fleur entière.
Fig. 191. Fleur coupéo
verticalement.
Hheum officinale H. Bn.
Fig, 192. Pistil entouré
du disque.
dehors. La loge ovarienne contient un seul ovule orthotrope, inséré sur le fond de
la loge, dressé, à micropyle dirigé en haut, et à enveloppe double. Le fruit est un
akène triangulaire, à angles amincis, tranchants, entouré des enveloppes florales
persistantes, et contenant une seule graine dressée qui renferme sous ses téguments
un albumen farineux et un embryon latéral, arqué. Après la maturation des fruits,
toutes les parties aériennes de la plante se détruisent, sauf la courte portion de la
souche qui a porté les feuilles et les rameaux, et qui reste enveloppée des débris des
pétioles et des ochreas protégeant les bourgeons arrondis déjà formés pour l’année
suivante [Trad.].
[b) Le lieutenant-colonel russe Prejevalsky, pendant un voyage accompli récem-
ment dans la province de Kansuh a pu, paraît-il, s’y assurer qu’au moins une
partie de la rhubarbe du commerce est produite par le Rheum palmatum !..
Le Rheum palmatumL.(Species, 531) se distingue de l’espèce précédente par ses
feuilles à limbe arrondi, palmé, divisé jusqu’au milieu de sa hauteur en sept lobes
très-aigus, incisés sur les bords et presque pinnatifides, ondulés, acuminés, fine-
ment laineux sur la face inférieure, colorés en vert foncé. Le pétiole est presque
cylindrique, coloré en vert pâle, et marqué de lignes pourpres. La partie aérienne
de l’axe est haute de GO centimètres à 1 mètre et plus, terminée par une grande
panicule à ramifications lâches, et à fleurs petites, jaunâtres, pédicelléos, organi-
sées, comme celles du Rheum officinale IL Bn.
212
POLYGONACÉES.
Le Ilheum onilulatum L. ( Species , 331 ; Rheum Rhabarbarum L.) a des feuilles
ovales, obtuses, très-ondulées, colorées en vert foncé, avec des nervures pourpres à
la base. Le limbe est souvent plus court rpie le pétiole, deux fois au moins plus long
que large, laineux sur les deux faces, scabre sur les bords, cordé à la base, acuminé
au sommet, à sinus très-ouverts, et à lobes inférieurs relevés en dessus. Le pétiole
est laineux, coloré en rouge-sang, à demi cylindrique.
Le Rheum Emoïi Wallich (mss, Cal. herb. inclic ., n. 1727 ; Itlieum auslrale\)os)
a des feuilles à limbe très-grand, arrondi, cordé, entier, un peu ondulé sur les
bords, ii pétiole épais, anguleux ou sillonné.
Le Rheum compactum L. (Species, 531) a des feuilles cordiformos, obtuses, très-
ondulées, colorées en vert foncé, scabres sur les bords, lisses sur les deux faces.
Le Ilheum Rhaponlicum L. ( Species , 331) a des feuilles arrondies-ovales, cordées
n la base, peu ondulées, obtuses, colorées en vert pale, concaves, très-légèrement
laineuses sur la face inférieure, surtout près des bords, et sur les bords eux-mêmes
qui sont scabres. Le pétiole est déprimé, cannelé sur la face supérieure, strié, coloré
en vert pâle. Les feuilles atteignent, de 30 à CO centimètres de long.
La racine du Rheum Rhaponlicum, souvent désignée sous le nom de Rhubarbe
indigène, et autrefois très-employée, ne peut pas être confondue avec celle du Rheum
officinale. L’examen le plus superficiel permet de distinguer les deux drogues. La
Fig. 193. Face extérieure). Fig. 194. Face transversale. Fig. 19a. Frag. muni de nœuds.
Rhubarbe Rhapontic.
racine du Rhapontic se présente en fragments plus ou moins cylindriques, fréquem-
ment aplatis et contournés, n’ayant ordinairement pas plus de 3 à 4 centimètres de
diamètre, colorés en gris rougeâtre ou jaunâtre. La surface extérieure périphérique
n’offre pas les iines lignes croisées de façon â former de petits losanges que l'on
trouve sur la racine de la Rhubarbe officinale, mais un piqueté clair sur un fond beau-
coup plus foncé, rougeâtre. La surface de cassure ne présente ni l’aspect marbré ni
les étoiles de la Rhubarbe, mais des stries rayonnantes très-régulières qui partent de
la périphérie, et s’enfoncent vers le centre du cylindrique, où se trouve une moelle
plus ou moins développée, les rayons blanchâtres correspondant aux faisceaux li-
gneux. Certains fragments également cylindriques offrent en outre, extérieurement,
des petites fossettes disposées en zones circulaires et correspondant aux points par
lesquels sortent les faisceaux qui se rendent aux feuilles et aux ochréas ; chacune
de ces zones correspond à un nœud de la tige (fig. 193).
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÊ1ALE.
213
MYRISTICAGÉES
MUSCADE.
Muristica Nuelei Myristiae, Semon Myristicæ, Nux Moschata ; Muscade, Noix de Muscade ;
angl., Nutmo.g ; allcm., Mushatnuss .
Orisinc botanique. - Myristica fragrans Houttu yn (M. moschcUa Tiiunb. ;
AI . officinalis L. fil.). C’est un bel arbre touffu, toujours vert, à feuilles
luisantes, d’un vert sombre. Dans ses îles natales, il s’élève à une hau-
teur de 12 à 15 mètres. On le trouve à l’état sauvage dans les des de
Jilolo, Ceram, Amboine, Bouro, dans la péninsule occidentale de la
Nouvelle-Guinée, et dans plusieurs des îles adjacentes, y compris le tres-
petit groupe volcanique situé au sud de Ceram, mais il n est pas indi-
gène des îles situées plus à l’ouest, ni des îles Philippines (Crawfurd),
3 Le Muscadier a été introduit à Bencoolen, sur la côte occidentale de
Sumatra, à Malacca, dans le Bengale, dans les îles de Singapore et de
Penang, ainsi qu’au Brésil, et dans les Indes occidentales ; mais sa cul-
ture n’a été couronnée de succès que dans un très-petit nombre de loca-
lités. Dans son pays d’origine, l’arbre commence à produire vers la neu-
vième année, et continue à fructifier jusqu’à soixante ou quatre-vingts
ans. Il donne, chaque année, jusqu’à 2000 fruits. Il est dioïque, et les
indigènes considèrent chaque pied mâle comme suffisant pour féconder
vingt pieds femelles (a).
Historique. — On pense généralement que ni la Muscade ni le Macis
n’étaient connus des anciens. C. F. Ph. von Martius (I), cependant,
admet qu’il est fait allusion au Macis dans les comédies de Plaute (2),
écrites deux siècles environ avant l’ère chrétienne. Les mots Macer , Ma-
cas, Machir ou Macir, qui se trouvent dans les écrits de Scribonius Lar-
gus, de Dioscoride, de Galien et de Pline, sont considérés, par Martius,
comme se rapportant toujours au Macis. Cependant Acosta, il y a pies
de trois siècles, et plusieurs autres écrivains ultérieurs, nous paraissent
avoir bien démontré (3) que la substance désignée par ces noms n est
pas le Macis, mais l’écorce d’un arbre du Malabar.
Les Muscades et le Macis furent importés de l’Inde, a une date recu-
ti) Flora Bras Moisis, fasc. 11-12, 133. — Repertorium fur Pharmacie, de Buciineii,
18G0, IX, 529-538.
(2) Pseudolus, act. III, sc. 2.
(3) Mékat et de Lens, Dict. de Mat. raidie,, 1832, IV, 173.
21 4 MYRISTICACÉES.
lée, par les Arabes, 'qui] les transmirent aux peuples de l’Occident.
Aëtius, qui résida à la cour de Constantinople vers 540, paraît avoir
connu la Muscade, si du moins c’est à elle que s’applique le mot Nuces
Indicæ , qu’il cite avec les clous de girofle, le nard, le costus, le calamus
aromaticus, et le bois de santal, comme ingrédients du Suffumigium
rnoschatum (1). Masudi (2), qui paraît avoir visité l’Inde de 916 à 919,
signala la Muscade avec les clous de girofle, la noix douce et le bois de
santal, comme produits des îles orientales de l’archipel indien. Le
géographe arabe Edrisi, qui écrivait au milieu du douzième siècle, men-
tionne les Muscades et le Macis comme articles d’importation àAden(3).
Les « Nois mousccides » figurent parmi les épices sur lesquelles un impôt
était levé à Saint-Jean d’Acre, en Palestine, vers 1180 (4). Un siècle
plus tard environ, un autre auteur arabe, Kazwini (5), cite expressé-
ment les Moluques comme le pays d’origine des épices dont nous par-
lons. Un des plus anciens renseignements que nous possédions sur
l’usage des Muscades, en Europe, se trouve dans un poëme écrit,
vers 1195, par Petrus d’Ebulo (6). En décrivant l’entrée à Rome de
l’empereur Henri YI, avant son couronnement, en avril 1191, il dit que
les rues étaient parfumées avec des aromates qu'il énumère dans le
vers suivant :
Balsama, thus, aloë, myristica, cynnama, nardus.
A la fin du douzième siècle, les Muscades et le Macis se trouvaient
dans le nord de l’Europe, même en Danemark, ainsi qu’on peut le
conclure des allusions qui y sontfaites dans les écrits de Harpestreng (7).
En Angleterre, le Macis était bien connu, mais coûtait fort cher ; de
1284 à 1377, son prix fut en moyenne de Ash.l den. la livre, tandis que
le prix moyen d’un mouton, pendant la même période, n’était que
(1) Aetius, Tetrabiblos, IV, serm. 4, c. 122. Le nom de Nux indicaa. ete appliqué,
dans le courant des siècles, à différents produits, comme par exemple la Noix de coco
(voir mes documents pour servir îi l’histoire de la pharmacie. Halle, 1876, p. 18).
L’école de Salerne(dans Renzi, Collectio Salernitana, III, 1854, P- 270 etsuiv.) déclara:
« Nux vomica, nux indica idem », et dans Berlu, the Treasury of drugs nulock rf; Lon-
don, 1724, on trouve sous le nom de Nuces Indicæ très-distinctement la noix d Arec.
[F. A. F.]
(2) Les Prairies d'or , 1861, I, 341.
(3) Géographie , traduction de Jaubert, 1836, I, 51.
(4) Dans l’ouvrage indiqué à la page 500 du t. I, note 1.
(5) Kosmographie, übersetzt von Ethé, 1869, I, 227.
(6) Carmen de motibus siculis, Basil., 1746, 23. - Une nouvelle édition de ce livre,
par le professeur Winkelmann, a paru en 1874.
(7) Danske Lacgebog , cité par Meyer, Geschichte der Botanik, 1856, III, »37.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 215
de 1 sh 5 den., et celui d’une vache 9 sh. 5 dm. (1). Il était, également
très-cher en France, car dans le Compte de l'exécution du testament de
Jeanne d’Evreux, reine de France, en 1372, six onces de Macis furent
estimées 3 sols 8 deniers Fonce, ce qui répond à 8 sh. 3 den. de notre
monnaie actuelle (2).
L’usa°e de ces épices s’était répandu en Europe longtemps avant que
les Portugais découvrissent, en 1512, la plante mère dans les îles de
Banda. Les Portugais possédèrent le commerce des îles à épices pendant
un siècle environ; il leur fut ensuite enlevé parles Hollandais, qui em-
ployèrent, pour la Muscade, les mêmes mesures restrictives que pour les
clous de girofle et la cannelle. Afin d’assurer leur monopole, ils s’effor-
cèrent de restreindre la culture des arbres à Banda et a Amboine, et
les détruisirent partout ailleurs, notamment à Ceram et dans les petites
îles voisines de Kelang et Nila. Le commerce de cette épice était telle-
ment entre leurs mains, que les récoltes de seize années restaient en-
tassées dans leurs magasins, et qu’on n’apportait jamais sur le marché
le produit des années nouvelles. La récolte de 1 744, par exemple, ne
fut vendue qu’en 1760. Cette année-là on brûla, à Amsterdam, une im-
mense quantité de clous de girofle et de Muscades, pour empêcher que
le prix ne tombât trop bas (3).
Pendant l’occupation des îles à épices par les Anglais, de 1796 à 1802,
la culture du Muscadier fut introduite à Bencoolen et à Penang (4), et
quelques années plus tard à Singapore. De grandes plantations de Mus-
cadiers furent faites dans ces deux îles, et ne tardèrent pas à rapporter
beaucoup, grâce à une culture soignée et continue (5). En 1860, les
arbres furent envahis par un champignon destructeur, dont les cultiva-
teurs furent impuissants à arrêter le développement, et qui détermina
la ruine des plantations, au point qu’en 1867 on ne pensait plus à la
(1) Rogers, Hist. of Agriculture and Prices in England, 1866, I, 361-362, 628.
11 est à remarquer que les noix muscades ne sont pas mentionnées, quoique le macis
soit plusieurs fois cité.
(2) Leber, Appréciation de la fortune privée au moyen âge, éd. 2, 1847, 9b.
(3) Valmont de Bomare, Dict. d’Histoire nat., 1775, IV, 297. — Cet auteur pai e
en témoin oculaire de la destruction que nous rappelons : « Le 10 juin 1760, j en ai vu
^Amsterdam, près de l’Amirauté, un feu dont l'alimentation était estimee nu nui ions,
argent de France; on devait en brûler autant le lendemain. Les pieds des spcc a cuis
baignaient dans l’huile essentielle de ces substances... »
(4) On peut juger des tentatives qu’a pu provoquer celte culture pai ce ai que e
prix du macis était coté, le 3 janvier 1806, dans le London Pi icc Cuiren (qui 0,1 uc
seulement les prix d’importation), îi 85 shillings ou 90 shillings la livie , a ce pnx î
faut ajouter encore l’impôt de 7 shillings et 1 denier par livre.
(5) Seemann, in Journ. of Bot. de IIooker, 1852, IV, 83.
21 fj
JV1VUISTICACÉES.
culture du Muscadier à Penang et à Singapore (t). Quoique très-esti-
més en Europe et en Asie, les Muscades et le Macis n’ont jamais été
employés comme condiments dans les îles qui les produisent (2).
Collection Ot préparation. - D’après M. Wallace (3), presque toute
la surface des îles Banda est plantée de Muscadiers, qui croissent à
l’ombre des grands Canarium commune. La nature volcanique, l’ombre, et
1 humidité excessive de ces îles, qui reçoivent de la pluie presque chaque
mois de 1 année, paraissent convenir admirablement au Muscadier,
qui n y exige aucune culture, et presque aucune attention. Dans le Ben-
coolen (4), les arbres produisent à peu près pendant toute l’année,
mais la récolte principale se fait dans les derniers mois; une se-
conde, moins importante, est faite en avril, en mai et en juin. Lorsque
le fruit se fend, on le cueille avec un crochet fixé à un long bâton ; on
enlève le péricarpe, et on sépare avec soin le Macis. On fait alors sécher
les graines dans une construction en briques, où on les expose sur des
châssis a la chaleur douce d'un feu très-modéré, au milieu d’un courant
d’air bien actif. La dessiccation dure deux mois, pendant lesquels
on retourne les Muscades tous les deux ou trois jours. Au bout de ce
temps, les amandes sont devenues mobiles dans les enveloppes, et y
produisent un bruit de grelot quand on les secoue, ce qui indique que
la dessiccation est complète. On brise alors les téguments avec un mar-
teau en bois ; on enlève les amandes, on les assortit, et enfin on les
roule dans de la chaux tamisée. Dans l’île de Banda, on retire celles qui
sont noires, petites et moins belles, et on les réserve pour la prépa-
ration d’une huile par pression.
L’ancienne police commerciale des Hollandais donna naissance à la
singulière habitude de briser les enveloppes de la graine, et d’immerger
les amandes des graines, séchées artificiellement, dans un lait de chaux,
parfois pendant une période de trois mois. On faisait cela dans le but de
rendre impossible la germination des amandes transportées sur les
marchés. L’inutilité de ce procédé fut prouvée par Teissmann; il montra
qu’une simple exposition des graines au soleil, pendant une semaine,
est suffisante pour détruire la vitalité de l’embryon. Pendant l’immer-
(1) Gollingwood, in Jourii. of Linné an Society , Bot., 1S69, X, 45.
(2) Crawfurd, Dict. of Vie Indian Islamh, 1856, 304. — On trouvera dans ce livre
heaucoup de détails complémentaires.
(3) The Malay Archipelago, 1809, 1, 452. Voyez aussi : Bickmore, Travels in the
Enst Indian- Archipelago, 1868, 225.
(4) Lumsdaîne, in Pharm. Journ , 1852, XI, 516. — Pour plus de détails sur les
plantations de Muscadiers de Sumatra, consultez le mémoire original.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 217
sion dans le lait de chaux, un certain nombre de graines se per-
dent, et une seconde dessiccation est rendue nécessaire. Lumsdaine
a montré également que ce procédé est au moins entièrement inu-
tile. Les Muscades se conservent très-bien dans leur enveloppe natu-
relle, et les Chinois ont le bon sens de les préférer dans cet état. Le
procédé de chaulagc des Muscades est cependant encoie beaucoup
employé, et le préjugé, en faveur de l’épice ainsi préparée, est si
fort dans certains pays, que des Muscades, non chaulées dans le pays
de production, le sont à Londres avant d’être expédiées dans d’autres
contrées. Les Muscades de Penang sont toujours transportées à 1 état
naturel, c’est-à-dire non chaulées.
Description.— Le fruit du Myristica fragrans est une drupe pendante,
globuleuse, ayant S centimètres environ de
diamètre, assez semblable à une petite poire
arrondie. Elle est parcourue par un sillon qui
l’entoure, et au niveau duquel, à la maturité,
son péricarpe épais se fend en deux valves,
et met à nu, dans sa cavité, une seule graine
enveloppée par un arille charnu, foliacé, cra-
moisi, désigné sous le nom de Macis. La
graine est colorée en brun foncé, luisante,
ovale, marquée de dépressions qui corres-
pondent aux lobes de l’arille ; sur une de
ses faces, qui est plus pâle, et légèrement
aplatie, se voit' une ligne qui indique le
raphé. Le testa ligneux de la graine ne parvient pas dans le com-
Fig. 196. Fruit du Myristica
fragrans entrouvert.
Fig. 197. Graine entourée
de son arille ou maci3.
Fig. 198. Coupe verticale
do la graine entière.
Graine du Myristica fragrans.
Fig. 199. Amande dépouillée
de sou enveloppe.
mcrce européen, et la Noix muscade est formée uniquement par l’a-
mande de la graine. La Noix muscade offre à peu près la même
218
MYIUSTICACÉES.
forme que la graine entière, avec une taille moindre. Les marchands
anglais estiment les noix d’après la taille ; les plus grandes, qui ont en-
viron 2 centimètres et demi de long, et 2 centimètres de large, et dont
quatre seulement pèsent 1 once, atteignent le prix le plus élevé. Lors-
qu’elles n’ont pas été chaulées, elles sont colorées en brun grisâtre.
Elles sont lisses, mais sillonnées longitudinalement, et marquées, sur la
face la plus plate, d’une rainure étroite. Sur une section transversale,
on voit que le tégument interne, dont elles sont revêtues, pénètre dans
l’albumen jusqu’au centre, en formant des bandes allongées, étroites,
brunes, qui lui donnent un aspect marbré particulier et bien connu. Au
niveau de la base de l’albumen, et près du hile, se trouve l’embryon,
formé d’une radicule courte, et de deux cotylédons en forme de coupes,
dont les bords, amincis et recourbés, pénètrent dans l’albumen. Le tissu
de la graine se laisse couper avec la même facilité dans toutes les direc-
tions; il est très-huileux, et possède une odeur aromatique délicieuse ;
son goût est épicé et un peu âcre.
Structure microscopique. — Le testa est formé de cellules rigides,
longues, minces, disposées radialement, très-pressées les unes contre
les autres, et n’offrant pas de cavités bien distinctes. L’endoplèvre, qui
forme l’enveloppe de l’amande, et pénètre dans son épaisseur, est formé
de cellules à parois molles, brunes, et offre des petits faisceaux fibro-vas-
culaires. Dans les couches extérieures de l’endoplèvre, existent de petites
cellules aplaties ; mais la couche qui pénètre dans l’épaisseur de l'albu-
men est formée de cellules beaucoup plus grandes. Le tissu de l’albu-
men est formé de cellules à parois molles, remplies de grains d’amidon
et de graisse en partie cristallisée. Parmi les cristaux prismatiques de la
graine, se voient de grandes plaques épaisses, rhombiques ou à six faces.
A ces substances se joignent des granulations de matières albuminoïdes.
Composition chimique. — Après l'amidon et la matière albuminoïde,
le principe constituant le plus important de la Noix muscade est la
graisse, qui forme environ le quart de son poids, et qui est connue dans
le commerce sous le nom de Beurre de Muscade (voy. page 220).
L’huile volatile, à laquelle sont dus le goût et l'odeur des Muscades,
existe dans la proportion de 2 à.3 pour 100 (I) environ, et est constituée,
d’après Cloëz (tSGi), presque en entier, par un hydrocarbone Cl0II16,
bouillant à 163° G.; Gladstone, qui lui assigne la même composi-
(1) MM. IIerrings et O, de Londres, nous ont informés que 2 874 livres de noix
muscades, distillées dans leur laboratoire, ont donné 67 livres d huile essentielle, c’est-
à-dice 2,33 pour 100.
219
HISTOIRE DES DROGUES D ORIGINE VÉGÊTALIi.
lion a signalé de plus, dans l’essence brute, la présence d’un composé
correspondant à la formule C10H“O, qu’il appelle Myristicol Quoique
isomérique avec le carvol du Carvi, le myristicol ne s’unit pas avec
l’acide sulfhydrique.
Une huile essentielle de Noix muscade, distillée a Londic» par
MM. Herrings et C°, examinée en colonne de 200 millimètres de long,
nous a présenté une déviation de la lumière polarisée de 15°, 3 a droite.
Celle de la Noix muscade longue ( Myristica falua Houtt.), qui nous
avait été fournie par la même maison, dévia la lumière polarisée de
28°, 7 à droite.
MM. Herrings et Ce ont mis à notre disposition une substance
cristalline, qu’ils avaient obtenue pendant la seconde partie de la distil-
lation de la Noix muscade commune, et de la longue. C’est une masse
graisseuse, grisâtre; par cristallisation répétée dans l’alcool, nous
l’avons obtenue sous forme d’écailles incolores, brillantes, fusibles
à 5-4“ C., et exhalant l’odeur de la Noix muscade. Ces cristaux se dis-
solvent facilement dans la benzine, le sulfure de carbone, et le chloro-
forme, difficilement dans l’éther de pétrole. Leur solution dans l’alcool
possède une réaction nettement acide, et est dépourvue de pouvoii
rotatoire. En les faisant bouillir dans l’alcool à 0,843, avec du carbonate
anhydre de sodium, nous obtînmes une solution qui, après. enlèvement
de l’alcool, abandonna un résidu tout. à fait soluble dans 1 eau bouil-
lante, se prenant en gelée par le refroidissement. En ajoutant de 1 acide
chlorhydrique à la solution aqueuse chaude, la substance cristalli sable
primitive se montre de nouveau, mais elle est dépourvue d odeui.
Cette substance n’est pas autre chose, en réalité, que de \ acide Myris-
tique (1). On l’avait autrefois considérée comme un stéai'optène ( Myns -
licine).
Production et commerce. — Les Noix muscades et le Macis qu on
apporte aujourd’hui sur le marché sont, en grande partie, produits pâl-
ies îles Banda (2), parmi lesquelles, cependant, trois seulement,
Lontar ou Grande Banda, Pulo Ai, et Pulo Nera, ont été désignées sous le
nom de Parcs aux Muscades. D’après les documents officiels hollandais,
la première de ces îles possédait, en 1864, environ 266000 arbres poi-
tant des fruits ; Ternate, sur la côte ouest de Jilolo, en possédait 46000 ,
(1) Plückiger, Pharm. Journ., 15 août 1874.
(2) On aura une idée du peu de surface de ces fameuses lies par ce fait, que la
Grande Banda, la plus vaste de toutes, n’a que 7 milles de long sur 2 milles de laige.
la surface entière du groupe ne dépasse pas 17,0 milles géographiques carrés.
220
MYIUSTICACÉES.
Menado, dans le groupe des Célèbes, en avait 35000, et Araboine seule-
ment 31000. Les Muscades des îles Banda sont expédiées à Batavia. La
quantité exportée de Java, en 1871, et provenant, à notre avis, de Ba-
tavia, par conséquent produite par les îles Banda, fut de 8107 péculs,
sur lesquels 2300 péculs furent expédiés aux Etats-Unis, et la plus
grande partie à Singapore (1). Ce dernier port expédia aussi, pendant
la même année, une très-grande quantité (310570 livres) de Noix mus-
cade vers l’Amérique du Nord (2). Il a été exporté de Padang, port de
Sumatra, pendant l’année 1871, 2766 péculs de Muscades, expédiés
surtout pour 1 Amérique et Singapore. La quantité importée dans le
Royaume-Uni, en 1870, fut de 537 978 livres.
Lisages. — La Noix muscade est un aromatique stimulant, particu-
lièrement employé pour parfumer d’autres médicaments. On s’en sert
aussi journellement comme condiment, mais elle est moins estimée
qu’au trefois.
BEURRE DE MUSCADE.
Oleum Myristicæ expression; Oleum Macidis ; Balsamum vel Oleum Nucistse ; angl., Expressed
OU oj Nutmegs, Nutmeg Butter , OU of Mace ; allem., Muskatbutler , Mus Icat mis soi.
Cette drogue parvient en Angleterre, surtout par la voie de Singapore,
en .blocs oblongs, rectangulaires, ayant environ 25 centimètres de
long sur 6 centimètres de large, enveloppés dans une natte en feuilles
de palmier. C’est une substance solide, onctueuse, de couleur brun
orange, plus ou moins foncée, et d’aspect marbré. Son odeur est très-
agréable, son goût est gras et aromatique. En opérant sur 2 livres de
noix muscades, d’abord pulvérisées, puis chauffées à l’étuve, et pres-
sées encore chaudes, nous obtînmes 9 onces d’huile solide, c’est-à-dire
28 pour 100. Cette huile ne différait, ni par la coloration, ni par l’odeur
et la consistance, de celle qui est importée ; elle fond à 45° C. environ,
et se dissout parfaitement dans deux parties d’éther chaud, et dans
quatre parties d’alcool chaud à 0,800.
Le Beurre de Muscade contient l’huile volatile, déjà décrite, dans la
proportion de 6 pour 100 environ, indépendamment de plusieurs autres
corps gras. Un de ces derniers, nommé Myristine, C45H8606, peut être
retiré à l’aide de la benzine, ou par dissolution dans l’éther de la partie
du Beurre de Muscade qui est insoluble dans l’alcool froid. Les
(1) Consulat' Reports, août 1873, 932-9S3.
(2) H lue Book for the Colon;/ of the Straits Settlements for 1871, Singapore, 1872.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 221
cristaux de Myristine fondent, d’après Playfair (1841), à 31° G. Par sa-
ponification, ils fournissent de la glycérine et de Y acide Myristique,
QUtl2802 ce dernier fusible à 53°, 8 G.
La myristine existe aussi dans le blanc do baleine et, d'après Mulüer,
en petite quantité, dans les huiles fixes de Lin et de graines de Pavot.
Les noix muscades contiennent, d'après Comar (1859), 10 à 13 pour 100
de myristine. .
La partie du Beurre de Muscade, qui est la plus soluble dans 1 alcool
et la benzine, contient un autre corps gras, qui n’a pas encore etc
étudié. Il est accompagné d’une matière colorante rouge.
la) Les Muscadiers ( Myristica L., Généra , n. 1399) constituent seuls la petite fa-
mille des Myristicacées. Leurs fleurs sont régulières et dioïques, avec un réceptacle
convexe. Les fleurs mâles sont composées d’un périan-
the simple et d’un androcée à étamines en nombre va-
riable, monadelphes. Les fleurs femelles ont également
un périantbe simple, et un ovaire uniloculaire contenant
un seul ovule anatrope, ascendant. Le fruit est charnu,
déhiscent et monosperme. La graine est arillee.
Le Myristica fragrans Houttuyn (Hist. jiaL,H,P.HT,
233) est un arbre à feuilles alternes, simples, entières,
pétiolées, dépourvues de stipules. Le tronc s élève â 6 ou
8 mètres de haut; il est recouvert d’une écorce d’un
brun grisâtre, assez lisse, riche en suc jaunâtre. Les
feuilles sont longues de 8 à 15 centimètres, oblongues-
elliptiques, obtuses à la base, acuminôes, glabres, colo-
rées en vert foncé et luisantes sur la lace supérieuie,
beaucoup plus pâles en dessous. Les fleurs sont dispo-
sées en cymes pauciflores, axillaires ou entraînées un
peu au-dessus de l’aisselle de la feuille mère, pédon-
culées. Le pédoncule principal et les pédicelles sont
glabres. Chaque pédicelle est situé à l’aisselle d’une bractée caduque, et porte près
de la fleur une autre bractée éga-
lement caduque, alterne avec les
deux divisions antérieures du pé-
rianthe.
La fleur mâle offre un calice
gamosépale charnu, divisé en trois
dents très-courtes, valvaires dans
la préfloraison. En dedans de ce
périanthe simple, le réceptacle se
soulève en une colonne cylindrique
un peu renflée â la base, et por-
tant une vingtaine d’anthères li-
néaires, adhérentes par toute l’é- - ‘ Myristica fragrans.
tendue de leur face interne à la
colonne centrale, formées chacune d’une seule loge(?) extrorse, déhiscente par une
fente longitudinale.
Fig. 200. Myristica fragrans,
Extréra. d'un rameau fleuri.
Fig. 201. Flour mùle,
coupée vertie.
Fig. 202. Fleur Ternelle,
coupée vertio.
222 MYRIST1CACÉES.
Dans la fleur femelle le périanthe est également gamosépale, charnu, velu en de-
hors, et divisé dans le haut en trois dents courtes, valvaires, réfléchies au moment
de l’nnthèse, et un peu plus longues que celles du calice de la fleur mâle. Il n’existe
aucune trace d’organes mâles. Au centre de la fleur, s’insère un ovaire supèrc, uni-
loculaire, atténué dans le haut en un cône court et arrondi au sommet. La face pla-
centaire de l’ovaire est parcourue par un sillon longitudinal, dont les deux lèvres
sont couvertes dans le haut de papilles stigmatiques, et se renversent en dehors.
Toute la face externe de l’ovaire est velue comme le périanthe. Dans la loge unique,
se trouve inséré, sur un placenta â peu près basilaire, un seul ovule anatrope, à peu
près dressé, â micropyle dirigé en bas et du côté opposé au sillon qui parcourt
l’ovaire. Le fruit estime baie charnue, ordinairement pyriforme, déhiscente, en deux
valves par une fente longitudinale qui parcourt ses deux faces. La graine unique
qu’elle renferme est ascendante, à téguments très-résistants, â albumen ruminé.
L’arille qui l’enveloppe est lacinié, il naît à la fois autour du micropyle et du hile,
exemple excellent signalé par M. Bâillon, de l’erreur dans laquelle tombent les bota-
nistes qui prétendent réserver le nom (Varille aux productions du hile, et donnent
celui d’aritlode aux productions du micropyle ; ici en effet l’arille est à la fois hilaire
etmicropylaire(voy. l’article Arille, du Dictionnaire de Botanique de H. Bâillon).
[Ttiad.]
MACIS.
Angl., Mace ; allem., Macis, MuskatbliXthe.
Origine botanique. — Myristica fragrans Houttuyn, voy. page 221,
note a. La graine, qui, privée de son tégument dur, est connue sous le
nom de noix muscade, est enfermée, à l’état frais, dans une enveloppe
extérieure charnue, assez semblable à l’involucre d’une noisette. Cet
organe est uni, au niveau de la base de l’enveloppe ligneuse, avec le mi-
cropyle, le hile, et la portion contiguë du raphé, dont il constitue une
expansion. On lui a donné le nom d 'arille (1). Lorsqu’il est séparé et
sec, il constitue le Macis du commerce. A l’état frais, il est charnu, et
d’une belle coloration cramoisie ; il enveloppe complètement la graine
au niveau de sa base, et se divise, plus haut, en lobes larges et aplatis,
ramifiés en lanières étroites qui convergent les unes vers les autres, au
niveau du sommet de la graine.
Historique. — Voyez l’article précédent.
Description. — On sépare le Macis de la graine avec les doigts, et on
le fait sécher au soleil. Il perd, en se desséchant, sa belle coloration
rouge, et prend une couleur brun orange. Son aspect est lustré, grais-
seux; lorsqu’on le presse avec l’ongle, il en exsude de l'huile; il est
court, cassant et translucide. Dans l’eau, il se gonfle beaucoup. L’arille
(1) Sur la nature et l’origine de ces organes voir H. Bâillon, Hist. des plantes, II,
499; Adansonia ; Diction, de Botan., art. Arille.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 223
entier, comprimé et froissé par 1 emballage, ci 4 centimcties do long en-
viron,'et une épaisseur générale de 1 millimètre ou même 2 millimètres
à la base. Son odeur est agréable, aromatique, assez semblable à celle
de la muscade ; sa saveur est piquante, épicée, un peu âcre.
structure microscopique. — Son parenchyme est unifoime, compose
de petites cellules anguleuses, au milieu desquelles sont dispersées de
nombreuses cellules à huile, brunes, plus grandes. La portion interne
du tissu contient aussi de minces faisceaux fibro-vasculaires bruns. Les
cellules de l’épiderme de chaque face sont incolores, étendues longi-
tudinalement, munies de parois épaisses, et recouvertes d’une cuticule
épaisse qu’on peut enlever en bandes continùes. Le parenchyme est
rempli de petits granules, qui sont colorés en rouge par le réactif de
Millon (solution de nitrate de mercure), en orange -par l’iode, et sont
par conséquent constitués par une matière albuminoïde. L amidon
manque complètement.
Composition chimique. — La nature des principes constituants chi-
miques du Macis peut être déduite des expériences suivantes, faites par
l’un de nous : 17 grammes de Macis finement pulvérisé furent épuisés
entièrement par de l’éther bouillant, qu’on abandonna à l’évaporation.
Ils laissèrent 5e, 57 de résidu, qui, après dessiccation à 100° G., se rédui-
sirent à 4e,17. La différence, 16,40, répond à l’huile essentielle, dont il
existait par conséquent 8,2 pour 100. Le résidu, s’élevant à 24,5 pour 100,
était un baume assez épais, aromatique, dans lequel il nous fut impossible
(de découvrir la présence de la graisse ; il était formé de résine et d’huile
essentielle à demi résinifiée. L’alcool enleva 1,4 pour 100 d’un sucre in-
cristallisable qui réduisait l’oxyde cuprique. -La drogue, ainsi traitée par
l’éther et l’alcool, n’abandonna presque rien à l’eau froide ; mais l’eau
bouillante en retira 1 ,8 pour 100 de mucilage qui se colorait en bleu
sous l’influence de l’iode, ou en violet rougeâtre, lorsqu’il avait ôté préa-
lablement desséché. Cette substance n’est pas soluble dans une solution
ammoniacale d’oxyde cuprique; elle paraît être plutôt un corps inter-
médiaire entre le mucilage et l’amidon (1). On voit que la composition
du Macis est très-différente de celle de la noix muscade.
L’huile volatile, que plusieurs observateurs ont obtenue dans la pro-
portion de 7 à 9 pour 100 (2), est un liquide incolore, odorant, qui,
(1) Voyez mon mémoire : Ueber Stdrke und Cellulose , in Archiv der Pharm., 196,
1871, 31. [P. A. F.]
(2) Dans une expérience récente (1868), faite dans le laboratoire de MM. IIerring
et Ce de Londres, 32 livres de macis donnèrent 23 onces d’huile volatile, cest-ïi-dire
0 un quart pour 100.
221
LAURACÉES.
d’après nos observations, dévie la lumière polarisée de 18°, B à droite,
en colonne de 200 millimètres de long. La partie la plus importante
consiste, d’après Schacht (1862), en J In cène, Cl0H16, hydrocarbone
bouillant à 160° G., distinct de l'essence de térébenthine en ce qu'il ne
forme pas un hydrate cristallin lorsqu’on le mélange avec de l’alcool et
de l’acide nitrique. Koller (1865) dit que le macène est identique avec
l’hydrocarbone de l’huile essentielle de la noix muscade (Myristicène) ;
cependant, ce dernier passe, d’après Gloëz, pour ne pas fournir de
composé solide lorsqu’on le traite par le gaz chlorhydrique. Le macène,
d’autre part, donne des cristaux de G,0H16HG1. L’essence brute de Macis
contient, comme celle de la noix muscade, une partie oxygénée, dont
les propriétés restent à étudier.
Commerce. — Le Macis paraît être produit en grande partie par les
îles Banda. En 1871, il en fut expédié de Java 2 101 pêculs, et de Pa-
dang, port de Sumatra, sans compter les embarquements pour Java,
457 péculs (I). Cette épice est expédiée surtout eu Hollande, à Singa-
pore et aux Etats-Unis.
Usages. — Le Macis n’est que rarement employé en médecine. On le
consomme surtout comme condiment.
LAURACÉES
ÉCORCE DE CANNELLE.
Cortex Cinnamomi : Cortex Cinnàtiïomi Zeylanici; Cannelle de Ceylan ; angl., Cinnamon
allem., Zimmt, CeylonZimmt, Kaneel.
Origine botanique. — Cmnamomum zeylcinicim Breyne. C’est un
petit arbre toujours vert, couvert de belles feuilles luisantes, ordinaire-
ment un peu glauques en dessous, et portant des panicules de fleurs ver-
dâtres, à odeur désagréable (a). Il est originaire de Ceylan, où, d’après
Thwaites, il est généralement répandu dans les forêts jusqu’à une alti-
tude de 90Û mètres environ, et même, pour une de ses variétés, jusqu’à
2 500 mètres. Sa. taille est très-variable, ainsi que les contours, les di-
mensions, et la consistance de ses feuilles; plusieurs de ses formes ex
trêmes diffèrent beaucoup les unes des autres, et ont reçu des noms
spécifiques particuliers. Cependant, les formes intermédiaires sont très-
nombreuses, et, lorsqu’on examine un grand nombre d'échantillons, on
(1) Consiliav Reports, août 1873, 952-9Ü3.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. m
en trouve qu’on ne sait à quelle espèce rapporter. Thwaites (1) pense
que certaines espèces, encore admises aujourd hui, notamment les
C. obtusifolium Nees et C. iners Reinw., devront, lorsqu’elles seront
mieux connues, être considérées comme de simples formes du
C. zeylanicum.
Beddome (2), conservateur des forêts à Madras, fait remarquer que,
dans les forêts humides du sud-ouest de l’Inde, il existe sept ou huit
variétés bien déterminées, qu’on pourrait aisément regarder comme
autant d’espèces distinctes ; mais, comme elles sont reliées entre elles
par des formes intermédiaires, il est impossible de trouver des carac-
tères assez constants pour établir des distinctions spécifiques. Elles
croissent depuis le niveau de la mer jusqu’aux plus grandes hauteurs.
Beddome pense que les différences qu’elles présentent sont dues à des
influences locales, et il est disposé à les considérer comme de simples
formes du C. zeylanicum.
Historique. — La Cannelle a été tenue en grande estime dès les
époques historiques les plus reculées. D’après ce que dit le savant doc-
teur Vincent, doyen de Westminster (3), la Cannelle paraît avoir été la
première épice demandée dans les voyages en Orient. La Cannelle et le
Cassia sont mentionnés, l’un et l’autre, comme des substances odorifé-
rantes précieuses, dans les écrits mosaïques, et dans les livres bibliques
des Psaumes, des Proverbes, des Cantiques, d’Ezékiel et des Révélations,
ainsi que dans les ouvrages de Théophraste, d’Hérodote, de Galien, de
Dioscoride, de Pline, de Strabon, et de plusieurs autres écrivains de l’anti-
quité. D’après ce que nous savons, il paraît y avoir des raisons de croire
que les épices dont ils parlent étaient très-analogues à celles que nous
connaissons aujourd’hui. Nous trouvons une preuve que le Cassia et la
Cannelle étaient très-analogues, dans cette remarque de Galien, que le
meilleur Cassia diffère si peu de la qualité la plus inférieure de Cannelle,
qu’on peut le substituer à cette dernière, pourvu qu’on en emploie un
poids double.
Il est évident aussi que ces deux substances étaient rangées parmi
les aromates les plus précieux, car au nombre des présents offerts par
Seleucus II, roi de Syrie, et par son père Antiochus Hierax, au temple
d’Apollon de Milet (246-227 av. J.-C.), et consistant surtout en vases
(1) Enumératio plant. Zcylaniœ, 1804, 252. — Voyez aussi : Meissner, in DC,
Proch'., XV, S. 1, 10.
(2) Flora sylvatica for Southern India, 1872, 262.
(3) Commerce and navig. ofthe Ancients in the lndiun Océan, 1807, II, 512.
HIST. Dl'.S DROGUES, T. II. 13
22G LÀURACÉES.
d’or et d’argent, il se trouvait 2 livres de Gassia (-/.aaîa) et une quantité
égale de Cannelle (vuvvap.<I)p.ov) (1).
Nous devons, à cet égard, signaler un fait important, c’est que les
anciens ne tiraient pas du tout de Cannelle de l’île de Ceylan. « Dans
aucun écrit, soit européen, soit asiatique, dit Tonnent (2), on ne trouve,
depuis l’époque la plus reculée jusqu’à la fin du treizième siècle, au-
cune mention relative à la Cannelle, ni comme produit indigène, ni
même comme objet de commerce de Ceylan. » Dans les annales des Chi-
nois, qui, du quatrième au huitième siècle, eurent des relations fré-
quentes, et firent des échanges de marchandises avec les habitants de
Ceylan, on ne trouve pas non plus le nom de la Cannelle parmi ceux des
produits de l’île. Les livres sacrés, et les autres anciens souvenirs des
Singalais, sont également muets à cet égard.
Le Cassia est mentionné, sous le nom de Kwei , dans le plus ancien
traité de botanique Chinois, celui de l’empereur Shen-Nung, qui régnait
vers 2700 av. J. -G.; dans les anciens Classiques Chinois (3), et dans le
lîh-ya, herbier datant de 1200av. J.-C. Dans le Hai-yao-pên-tsao, écrit au
huitième siècle, il est fait mention du Tien-chu-Kivei ; Tien-chu étant le
nom ancien de l’Inde, peut-être la dénomination se rapporte-t-elle à
l’écorce de Gassia du Malabar.
A ces documents, extrêmement anciens, nous pouvons ajouter qu'une
écorce, supposée être le Cassia, est mentionnée comme importée en
Egypte, avec l’or, l’ivoire, l’encens, les bois précieux, et les singes, au
dix-septième siècle av. J. -G. (4).
Les renseignements fournis par Dioscoride, Ptolémée, et l’auteur du
Périple de la mer Erythrée, indiquent que la Cannelle et le Gassia pro-
venaient de l’Arabie et de l’Afrique occidentale. Nous savons, en outre,
que les importateurs étaient les Phéniciens, qui trafiquaient avec 1 Ara-
bie à travers l’Egypte et la mer Rouge. On a beaucoup discuté pour sa-
voir si l’épice désignée sous ce nom était réellement un produit de
l’Arabie ou de l’Afrique, ou si elle était apportée du sud de la Chine, qui
produit actuellement la meilleure sorte de Gassia. Nous sommes parti-
sans de cette seconde manière de voir, d’abord parce que nous ne connais-
sons aucune substance de la nature de la Cannelle qui soit produite par
(1) Ghishull, AntiquitatéS Asiaticx, 1728, 63-72.
(2) Ceylon, 1859, I, 573.
(3j Nous devons au docteur Brestchneider ees renvois à la littérature chinoise. Pour
les détails sur les livres cités, voyez son mémoire On the study and T alue of Chincse
Hotanical Works, 1870.
(4) Dümichen, Flect of an Ëgyptian Quecti , Leipzig, 1808, 1.
227
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
l’Afrique, et, en second lieu, parce que les relations commerciales qui
ont, sans contredit, existé entre la Chine, 1 Arabie, 1 Inde, et entre
l’Arabie, l’Inde et l’Afrique, suffisent largement pour expliquer l’impor-
tation du produit chinois (1). Le nom même de Darchini, qui lui était
donné par les Arabes et les Persans, et qui vient de Dar, bois ou écorce,
et Chini , chinois, indique suffisamment que la Cannelle était une pro-
duction de l’extrême Orient.
Nous regardons aussi l’ancienne Cannelle comme étant la substance
connue aujourd’hui sous le nom de Cassia lignea de Chine , ou Cannelle
de Chine. Le Cassia est une des écorces les plus épaisses, et les moins
aromatiques qu’on trouve actuellement dans le commerce. Nous ne
possédons aucun renseignement sur les circonstances qui ont amené les
Geylanais à recueillir la Cannelle véritable, et sur l’époque à laquelle
cette récolte a commencé. IJ est permis de supposer que les Chinois
n’y furent pas étrangers, si l’on se rappelle qu’ils faisaient le com-
merce avec Ceylan, et qu’ils connaissaient les espèces de Cinnamomum
qui fournissent, dans le sud de la Chine, les écorces de Cassia, et qui sont
très-semblables au Gannelier de Ceylan. Quoi qu’il en soit, les notions
les plus anciennes, relativement à la Cannelle produite par Ceylan, ne
sont pas antérieures au treizième siècle. La première indication qu’on
en trouve est fournie, d’après Yule (2), par Kazwini, écrivain arabe
de 1275 environ; bientôt après, elle est signalée par John de Montecor-
vino, missionnaire qui visita l’Inde. Dans une lettre datée de H292 ou
1293, existant encore dans la Bibliothèque des Medici, à Florence, il dit
que l’arbre à la Cannelle est de moyenne taille, qu’il ressemble au laurier
par son tronc, son écorce et son feuillage, et qu’une grande quantité
de son écorce est exportée de l’ile située près de Malabar (3). Elle est
de nouveau mentionnée par le voyageur mahométan Ibn Batuta,
(1) « 11 est indubitable qu’il se faisait un commerce au-delà de Ceylan ; car à Ceylan
les commerçants venus de Malacca et de la Chersonèse d’Or, trouvaient les marchands de
l’Arabie, de la Perse et de l’Egypte. Ce commerce peut avoir été entre les mains des
Malais ou môme des Chinois, qui paraissent avoir été, à toutes les époques, des navi-
gateurs, comme les Arabes.» (Vincent, op. cit., II, 284, 285.) — A l’époque de Marco
Polo, le commerce de la Chine avec l’Occident ne rencontrait plus le commerce de la
mer Rouge à Ceylan, mais sur la côte de Malabar, apparemment à Calicut, où les Por-
tugais le trouvèrent dès leur arrivée. Là, dit Marco, les bâtiments venus d’Aden pre-
naient leur chargement de marchandises venues de l’Orient, et les transportaient dans
la mer Rouge à destination d’Alexandrie; elles passaient de là en Europe par l’inter-
médiaire des Vénitiens. — Voyez aussi : Yule, Book of Ser Marco Polo , 1871, II,
325, 327.
(2) Op. cit.. II, 255.
(3) Yule, Cathay and thc way thithev , I, 213.
m LAURACÊES.
vers 1340(1), cl un siècle plus tard, par le marchand vénitien Nicole
di Gonti, qui donne une description très-correcte de 1 arbre (2). Les
voyages de circumnavigation du Gap de Bonne-Espérance conduisirent
à la découverte complète de Ceylan parles Portugais, en 1505, et à leur
occupation permanente de l’île, en 1536, surtout au point de vue du
commerce de la Cannelle. C’est seulement à partir delà première de ces
dates que des renseignements précis sur la Cannelle commencèrent à
parvenir en Europe. En 1511, Barbosa distingua la belle Cannelle de
Ceylan de la sorte inférieure de Cannella trista du Malabar. Garcia
d’Orta, dans le milieu du même siècle, établit que la Cannelle de Ceylan
coûtait quatre fois autant que celle du Malabar. Clusius, le traducteur
de Garcia, vit des branches du Cannellier, dès 1571, à Bristol et en
Hollande. A cette époque, on prenait l’écorce sur les Cannelliers qui vi-
vaient à l’état sauvage dans les forêts de l’intérieur de Ceylan ; l’écorce
constituait un tribut levé par les Portugais sur les chefs du pays. Une
caste particulière, nommée Chalias, qui passe pour avoir émigré de
l’Inde à Ceylan, au treizième siècle, se livra à la décortication, et vendit
l’écorce aux Portugais. L’oppression cruelle à laquelle étaient soumis
les Chalias ne cessa pas sous la domination des Hollandais qui, dès 1656,
se rendirent virtuellement maîtres de toute la côte, et concédèrent le
monopole du commerce de la Cannelle à la Compagnie des Indes Orien-
tales. Celle-ci l’exerça- avec une très-grande rigueur (3). L’écorce était
minutieusement examinée, avant son embarquement, par des agent?
spéciaux, afin de prévenir la fraude de la part des Chalias.
Vers 1770, De Koke conçut l’idée heureuse, en opposition avec le pré-
jugé universellement répandu en faveur des Cannelliers sauvages,
d’essayer la culture de cet arbre. Ce projet fut mis en pratique sous le
gouvernement de Falck et celui de Van der Graff, et couronné d’un
très-grand succès, au point que les Hollandais purent, sans compter le
royaume de Kandy, fournir environ 400000 livres de Cannelle par an,
et satisfaire entièrement aux demandes de l’Europe. Ils accaparaient
complètement ce commerce, et brûlaient même la Cannelle en Hollande,
lorsqu’elle était trop abondante, pour empêcher les prix de tomber.
Après que Ceylan eut été enlevé aux Hollandais par les Anglais, en 1796,
le commerce de la Cannelle devint le monopole de la compagnie des
(1) Travels of Ibn Batuta, trad. par Là?, Lond., ^29, 184.
(2) Ramusio, Baccolta dalle navigation et viaggi, 1563, h 339.
Kenntniss Indiens im fünfzehnten Jahrhundert, 1803, 39.
(3) Tennknt, op. cit ., II, 52.
— Kunstmann ,
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 229
Indes orientales, qui retira une plus grande quantité de Cannelle des
forêts, surtout après 1815, époque à laquelle le royaume de Kandy
tomba au pouvoir de l’Angleterre. Cependant, quoique lesChalias aient
beaucoup augmenté en nombre, la production annuelle de la Cannelle
ne paraît pasavoir excédé 500000 livres. La condition malheureuse des
Chabas ne fut améliorée qu’après 1833, époque à laquelle le monopole
concédé à la Compagnie fut définitivement aboli. Le gouvernement, ces-
sant d’être le seul exportateur de la Cannelle, permit aux marchands de
Colombo et de Galles de se livrer à ce commerce.
La Cannelle fut encore, cependant, frappée d’un impôt d’exportation
égal au tiers ou à la moitié de sa valeur, par suite duquel la Cannelle
de Ceylan trouva des concurrents dans la Cannelle cultivée a Java, dans
le Cassia de Chine et d’autres localités, et les cultures de Ceylan com-
mencèrent à souffrir. Cet impôt ne fut supprimé qu’en 1853.
La plus ancienne notice, relative à la présence de la Cannelle dans le
nord de l’Europe, que nous ayons trouvée, est contenue dans un diplôme
délivré par Chilpéric II, roi de France, au monastère de Corbie, en Nor-
mandie, en 716. 11 y est fait mention d’une certaine quantité d epices,
parmi lesquelles se trouvent 5 livres de Cannelle (I).
La valeur extraordinaire, accordée à la Cannelle a cette époque, est
bien indiquée par quelques lettres écrites d’Italie, dans lesquelles il est
fait accidentellement mention de présents d’épices et d’encens (2).
En 745, Gemmules, diacre romain, envoie à Boniface, archevêque de
Mayence, cum magna reverentiâ , 4 onces de Cannelle, 4 onces de cos-
tus, et 2 livres de poivre. En 748, Theophilacias, archidiacre romain,
offre au même archevêque des épices semblables, et de l’encens. Lullus,
successeur de Boniface, envoie à Eadburga, abbatissa Thanetensis (3),
vers 732-751, « unum graphium argenteum, et storacis et cinnamomi
partem aliquam » ; et, vers la même époque, un autre présent de Can-
nelle est envoyé à l’archevêque Boniface. A la date de 732-742, trois
personnes écrivent à l’abbesse Cuneburga, à laquelle elles offrent « turis
et piperis et cinnamomi permodica xenia, sed omni mentis aflectione
destinata». En Angleterre (4), la haute valeur pécuniaire de celte épice
(1) Pardessus, Diplomata, etc., Paris, 1849, II, 309.
(2) Jaffé, Bibliotheca Renan Germanicarum , Berlin, 1866, III, 134, 199, 214, 216,
218, 109.
(3) Sans doute Eadburh , troisième abbesse du monastère do Minster dans 1 île de
Thanet, dans le Kent. Elle mourut en 751.
(4) Eden, State of the Poor, 1797, II, appendice. — Rogers, Hist. aj Agriculture
and Priées in England, 1866, II, 543.
230
LAURÀCÉES.
est indiquée dès 1264, et plus tard. Au seizième siècle, elle était proba-
blement rare, autant que nous pouvons en juger par ce fait, qu’elle
figure parmi les présents de nouvel an offerts à Philippe et Marie(1556-57),
et à la reine Elizabeth (1561-62) (t).
Production et Commerce (2). — La meilleure Cannelle est produite,
d'après Thwaites (3), par une forme cultivée et choisie de l’arbre (var. a),
distinguée pardo grandes feuillesun peu irrégulières. Cependant, l’écorce
de toutes les formes possède l’odeur de Cannelle, à un degré plus ou moins
élevé. Il n’est pas toujours facile de juger de la valeur de l’écorce d’après
la forme du feuillage ; les décortiqueurs qui récoltent l’écorce sur des
arbres non cultivés ont l’habitude de goûter l’écorce avant de com-
mencer leur opération, et laissent de côté les arbres qui ne leur offrent
pas les conditions voulues. L’écorce des variétés £ multiflorum, et 7 ova-
lifolium, est de qualité très-inférieure, et passe pour n’être jamais re-
cueillie que dans le but de falsifier l’autre. La meilleure variété paraît
trouver les conditions les plus favorables à sa culture dans une par-
tie de l’île, ayant 12 à 15 milles de large, située sur la côte sud-ouest,
entre Negumbo, Colombo et Matura. L’arbre y croît à une altitude de
150 mètres au-dessus du niveau de la mer. Un sol argileux et sablon-
neux ou un beau quartz blanc, avec un bon sous-sol, et l’exposition au
soleil et à la pluie, sont les conditions les plus favorables à la culture
du Cannellier. L’aménagement des plantations ressemble à celui des
taillis de chênes en Europe. On taille la plante pour l’empêcher de
devenir un arbre, et on lui fait former une souche, de laquelle partent
quatre ou cinq rameaux, qu’on laisse croître et qu’on coupe à l’âge d’un
an et demi ou deux ans, lorsque l’épiderme commence à devenir gri-
sâtre, par suite de la formation d’une couche subéreuse. On ne les coupe
pas tous à la fois, mais seulement à mesure qu’ils arrivent à la maturité
désirée. Ils ont alors de lm,80 à 3 mètres de haut, et de 3 à 5 centi-
mètres de diamètre. Dans quelques-uns des jardins à Cannelle de Co-
lombo, il existe des souches très-grosses et très-vieilles, qu’on suppose
dater de l’époque des Hollandais.
En raison de la circulation de la sève, qui se produit après les pluies,
en mai et juin, et de nouveau en novembre et décembre, l’écorce est, à
ces époques, facile à séparer, du bois ; aussi fait-on la principale récolte
♦
(1) Nicholls, Progresses and Processions of Q. Elizabeth, 1823, I, xxxiv, 118.
(2) On trouvera des détails, complémentaires dans deux mémoires de Marshall, in
A, mais of Philosophy de Thomson, 1817, X, 241, 346. - Voyez aussi Leschenault
de la Toun, Mém. du Musée d'Hist. nat., 1822, VIII, 436-440.
(3) Op. cit., 252-253.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE, 231
au printemps, et une autre, moins importante, àlafin de l’année. On coupe
les rameaux à l’aide d’une longue serpe en forme de faucille, nommée
catty; on enlève les feuilles, on nettoie légèrement les rameaux avec un
couteau ; les petits morceaux ainsi enlevés sont mis de côté, et vendus
sous le nom de Cinnamon chips (raclures de Cannelle). On coupe alors
l’écorce à des distances de 30 centimètres environ, et on la fend dans le
sens de la longueur ; on l’enlève ensuite avec soin et complète-
ment à l’aide d’un couteau particulier nommé marna; on facilite sa sé-
paration en la tournant vigoureusement avec la main. On emboîte soi-
gneusement les morceaux d’écorce les uns dans les autres, et on lie les
tubes emboîtés en faisceaux. On les abandonne pendant vingt-quatre
heures ou davantage à une sorte de fermentation, qui facilite l’enlève-
ment ultérieur des parties périphériques. Pour cette dernière opération,
on place chaque tube sur une baguette de bois, d’une épaisseur conve-
nable, et on racle avec soin, à l’aide d’un couteau, la couche externe de
l’écorce. Quelques heures après cette opération, le décortiqueur place
les petits tubes dans les plus grands, et emboîte entre les grands tubes
les petits fragments, de façon à former une baguette solide, ayant à peu
près 1 mètre de long. On laisse la Cannelle, ainsi préparée, pendant un
jour à l’ombre, et on la place ensuite sur des claies d’osier pour la faire
sécher. Lorsque la dessiccation est suffisante, on réunit les baguettes
en faisceaux pesant chacun à peu près 30 livres (1).
De 1860 à 1864, on estimait que les Cannelliers cultivés de Ceylan oc-
cupaient une aire de 14400 acres environ (2). Aujourd’hui, la culture
du café a remplacé, en partie, celle de la Cannelle. M. Howe, du jardin
botanique de Maurice, faisait remarquer, en 1866, qu’on ne fait plus
aucune plantation nouvelle, et que plusieurs des anciennes tombent en
ruine. Les exportations de Cannelle faites par . Ceylan ont été, en 1871,
de 1359327 livres, valant 67 966 livres; en 1872, de 1 267 963 livres,
valant 64 747 livres.
Sur cette dernière quantité, 1 179516 livres furent expédiées en Angle-
terre, 53 439 livres aux Etats-Unis, et 10000 livres àHamburg. Indépen-
damment des exportations de Cannelle que nous venons d’indiquer, les
(1) Autrefois nommé farclelo ou fardello yUom qui signifie, dans les langues romanes,
faisceau ou paquet.
(2) Cependant la culture était beaucoup plus étendue pendant la première partie du
siècle, autant que nous pouvons en juger par le fait que les cinq principaux jardins a
Cannelle entourant Negumbo, Colombo, Barberyn, Galle et Matura, avaient chacun de
15 à 20 milles de circonférence (Tennent, Ceylan, II, 163). Un mille anglais vaut
1 609 mètres. L’acre vaut 40,46 ares.
232 LAUBACÉES.
statistiques officielles (I) signalent, en 1871, une exportation de
8846 livres, et, en 1872, une exportation de 23 449 livres de « Cinnamon
Dark ». Sous cette dénomination, sont compris deux articles distincts :
les rognures de Cannelle , et une écorce très-épaisse provenant des vieilles
tiges. Les rognures de Cannelle proviennent, comme nous l’avons dit
plus haut, du premier nettoyage des rameaux; elles sont très-aroma-
tiques, mais on les considère, d’habitude, comme sans valeur, et on les
rejette. Le second article, auquel les marchands de Londres donnent le
nom de Cinnamon Dark , se présente en morceaux aplatis ou légère-
ment creusés en gouttières ; ils ontjusqu’à8 millimètres d’épaisseur, et
rappellent l’une des écorces de Quinquina de la Nouvelle-Grenade. Us
sont très-dépourvus de propriétés aromatiques, et tout à fait impropres
aux usages pharmaceutiques. Dans la plupart des autres pays où l’on a
transporté le Cinnamomum zeylanicum, on a remarqué que partout, à
cause de la tendance de cet arbre à fournir de nouvelles variétés, et peut-
être en partie à cause du manque de soin apporté à sa culture, ou de
l’absence de décortiqueurs expérimentés, l’écorce qu’il produit diffère
d’une manière sensible de celle de Ceylan. Parmi les autres districts
producteurs de Cannelle, ceux du sud de l’Inde peuvent être mention-
nés comme fournissant la Cannelle de Malabar ou Tinnevelly , et la Can-
nelle de Tellicherry du commerce. Cette dernière est presque aussi bonne
que celle de Ceylan (2). On a commencé, à Java, à se livrer à cette cul-
ture en 1825. D’après Miquel, la plante qu’on y cultive est une variété
du C . zeylanicum , distincte par des feuilles très-grandes, ayant fréquem-
ment 20 centimètres de long sur 12 centimètres de large. Cette île a
exporté, en 1870, 1 109 péculs, et en 1871, seulement 446 péculs
d’écorce de ce Cannellier (3).
Le Cannellier est également cultivé dans la Guyane française, et au
Brésil, mais sur une petite échelle. Les échantillons d’écorces de ces pays,
que nous avons examinés, sont tout à fait différents de l’écorce de Cey-
lan. L’écorce du Brésil, en particulier, avait évidemment été prise sui-
des tiges âgées de plusieurs années.
L’importation de la Cannelle de Ceylan, dans le Royaume-Uni, va en
diminuant: en 1869, elle fut de 261 1473 livres; en 1870, de 2 148 403 li-
vres; en 1871, de 1 430518 livres; en 1872, de 1 015461 livres. En 1872,
il y fut importé 56000 livres de Cannelle provenant d’autres pays.
(1) Ceijlon niue Books for 1871 et 1872, imprimés à Colombo.
(2) Quelques morceaux cependant sont très-épais, quoique nettement roulés en tube.
(3) Consulat' Reports , août 1873, 932.
233
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
Description. — La Cannelle de Ceylan, la plus belle, est importée
sous forme de baguettes ayant environ I mètre de long et 2 centimètres
d’épaisseur, formées de morceaux tubuleux d’écorce longs de 30 centi-
mètres environ, emboîtés les uns dans les autres, de façon à former, un
ensemble dur ot solide. Les fragments d’écorce ne sont pas roulés en
tubes simples, mais ils forment des gouttières dont les deux bords sont
roulés en dedans, ce qui donne à l’ensemble de la baguette la forme
d’un cylindre un peu aplati. Les écorces sont extrêmement minces ;
elles n’ont, d’ordinaire, pas plus de 2 millimètres d’épaisseur. Leur sur-
face est mate, colorée en brun clair, marquée de lignes brillantes, on-
dulées, et offrant, çàet là, de petites cicatrices ou des trous qui corres-
pondent à l’insertion des feuilles ou des bourgeons. La surface interne
est plus foncée en couleur. L’écorce est cassante et se brise facilement
en éclats ; elle exhale une odeur particulière à elle-même et aux écorces
voisines du même genre; elle possède une saveur saccharine, piquante,
aromatique et agréable.
Les balles de Cannelle qui arrivent à Londres sont toujours réembal-
lées dans les docks, ce qui détermine la production d’une certaine
quantité de débris. Ces derniers sont mis de côté, et vendus sous le nom
de petite Cannelle. On les emploie d’habitude en pharmacie; ils sont
fréquemment d’excellente qualité.
structure microscopique. — A l’aide du raclage dont nous avons parlé
plus haut, la Cannelle de Ceylan est débarrassée de la couche subé-
reuse et de la plus grande partie de la couche corticale moyenne, de
sorte qu’elle est formée, en majeure partie, de liber (enduphlœum).rYvo\?1
couches différentes peuvent être distinguées sur une coupe transversale
des tissus de cette écorce :
1° La couche externe est composée d’une à trois rangées de grandes
cellules à parois épaisses cohérentes. Elle n’est interrompue que par des
faisceaux de fibres libériennes, qui se voient même à l’œil nu, et forment
les lignes onduleuses dont nous avons parlé plus haut;
2° La couche moyenne est formée de dix rangées environ de cellules
parenchymateuses à parois minces, entremêlées de cellules beaucoup
plus grandes, contenant des dépôts de mucilage, tandis que d’autres
cellules, pas plus grandes que celles du parenchyme lui-même, sont
remplies d’huile essentielle ;
3° La couche interne offre les mêmes cellules à parois minces, mais
plus petites, entrecoupées de rayons médullaires étroits, plus foncés et
entremêlés de cellules à mucilage et à huile essentielle.
234
LAURACÉES.
Indépendamment des faisceaux do fibres libériennes, des ûbres or-
dinairement isolées sont disposées dans les deux couches internes, dont
le parenchyme abonde en petits grains d’amidon, accompagnés de ma-
tière tannique. Sur une coupe longitudinale, la longueur des fibres libé-
riennes devient plus évidente, de même que les conduits à huile et ù
gomme (b).
Composition chimique. — Le principe constituant le plus intéressant
et le plus utile de la Cannelle est l’huile essentielle, que l’écorce fournit
dans la proportion de 1/2 à 1 pour 100, et qu’on distille à Ceylan, très-
rarement en Angleterre. Elle fut préparée par Valerius Cordus
avant 1544 (1). Vers la fin du siècle dernier, les Hollandais avaient l’ha-
bitude de la transporter en Europe. De 1775 à 1779 inclus, la quantité
moyenne, mise annuellement en vente par la Compagnie hollandaise des
Indes orientales, fut de 176 onces. Son prix, à Londres, était, entre 1776
et 1782, de 21 shillings l’once ; mais de 1785 à 1789 il s’éleva à 63 shil-
lings et 68 shillings, renchérissement occasionné par la guerre entre
l’Angleterre et la Hollande, commencée en 1782. Ceylan produit aujour-
d’hui une grande quantité de cette essence. En 1871, il en a été exporté
14796 onces, etenl872, 39 100 onces(2). Celte essence est expédiée sur-
tout en Angleterre. L’essence de Cannelle est un liquide jaune doré , son
poids spécifique est 1 ,035 ; elle possède une odeur forte de Cannelle, et
une saveur douce, aromatique, non brûlante. Elle dévie la lumière po-
larisée très -faiblement à gauche.
Cette essence est formée surtout d 'Aldéhyde Cinnamique , C9H»0, mé-
langée d’une proportion variable d’hydrocarbones. Aune basse tempe-
rature, elle devient trouble, par suite du dépôt d’un camphre que nous
n’avons pas examiné. Elle absorbe rapidement 1 oxygène, et est aloi s
contaminée par une résine et de 1 acide cinnamique.
La Cannelle contient du sucre, de la mannite, du mucilage et de
l’acide tannique. Wittstein amontré que la Cinnamomine de Martin (1868)
n’est très-probablement que de la mannite. L’action de 1 iode sur la
décoction de Cannelle. sera signalée au chapitre du Cassia lignea. La
Cannelle a donné à Schatzler, en 1862, 5 pour 100 de cendres, cons-
tant, surtout en carbonates de calcium et de potassium.
(1) Be artificiosU extractionibus liber, p. 226 de l’édition des œuvres de tordus par
Gesner. Strasbourg, 1561. Cordus remarque que lee essences de Cannelle et de Gno
gaKnent dans la distillation, le fond du récipient, au lieu de surnager comme les
autres essences. Cordus, professeur de matière médicale à \\ îttenberg, est mor a
Rome, en 1544 [F. A. F.]
(2) Ceijlon Blue Books for 1871-1872.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 235
Usages. Dans la médecine, la Cannelle est employée comme cor-
dial et stimulant, mais elle est consommée en quantité beaucoup plus
considérable comme épice.
Falsification. — L’écorce de Cassia lignea, étant beaucoup moins
coûteuse que la Cannelle, lui est fréquemment substituée. Tant que
cette écorce est entière, il n’est pas difficile de la reconnaître; mais si
elle a été réduite en poudre, il en est tout autrement. Les réactifs sui-
vants nous ont rendu quelques services dans l’examen de cette poudre :
on prend une décoction de Cannelle pulvérisée, de qualité bien connue,
et une décoction semblable de la poudre suspecte. Lorsque les décoc-
tions sont froides, on les fdtre, et on ajoute, à 30 grammes de chacune
d’elles, une ou deux gouttes de teinture d’iode. La décoction de Can-
nelle n’est que peu affectée, mais celle de Cassia prend immédiatement
une coloration d’un bleu noir. Les sortes bon marché de Cassia,
connues sous le nom de Cassia vera, peuvent être distinguées du
Cassia de Chine et de la Cannelle par leur richesse en mucilage. On
peut extraire ce dernier, à l’aide de l’eau froide, à l’état d’un liquide
épais, glaireux, formant, avec le sublimé corrosif ou l’acétate neutre de
plomb, mais non avec l’alcool, un précipité dense, visqueux.
AUTRES PRODUITS DU CANNELLIER.
Huile essentielle de feuilles de Cannellier [Oleum Cinnamomi foliorum).
— C'est une huile essentielle brune, visqueuse, à odeur de clou de gi-
rofle, exportée parfois de Geylan. Elle a été examinée par Stenhouse,
en 1834. Il a trouvé que son poids spécifique est 1,053, et qu’elle est
composée par un mélange d 'Eugenol (voyez t. I, p. 503), et d’un hydro-
carbone neutre, ayant pour formule G10H16. Elle contient aussi une petite
quantité d’acide benzoïque.
Huile essentielle de Racine de Cannellier [Oleum C mnaxnonil Radias) .
— C’est un liquide jaune, plus léger que l’eau, à odeur de camphre et de
Cannelle mélangée, et à saveur camphrée, forte. Cette huile, et celle de
la feuille, furent décrites par Kâmpfer, en 1712, etparSeba, en 1731 (1),
et peut-être même par Garcia d’Orta, dès 1563. On peut aussi retirer
de la racine un camphre solide.
Les anciens écrivains signalent encore une eau distillée des fleurs, et
une huile grasse exprimée des fruits, qui nous, sont inconnus.
0) Phil. tram., 1731, XXXVI, 107.
m
LAURÀCÉES.
(a) Los Cinnamomum Burmann ( Flor . zeyl., 02) constituent lo type d'une série
de Lauvacées à fleurs ordinairement hermaphrodites, pourvues de quatre verticilles
d’étamines dissemblables, d’un fruit supère, non enclos dans le réceptacle, de feuilles
persistantes, et de bourgeons à écailles incomplètes.
Le Canncllier ( Cinnamomum zeylanicum Breyn, in Eph. nat. cur., dec. 1,
ann. 4, 130 ; — Cassia cinnamomea Herm., ; Cassia lignea Herm. ; Laurus Cin-
namomum L.; Laurus Cassia Burm. ; Laurus Malabathrum Wall. ; l’ersea Cin-
namomum Spreng.) est un arbre à ramifications décussées, à feuilles opposées, pé-
tiolées, sans stipules, ovales ou ovales-oblongues, longues de 10 à 13 centimètres,
Fig. 203.
Cinnamomum zeylanicum.
larges de 4 à H centimètres, coriaces, lisses et luisantes, d’un vert brillant en dessus,
glauque en dessous. Le limbe est entier sur les bords, et muni de trois nervures
longitudinales, une médiane et deux latérales, situées près des bords. De ces ner-
vures principales, partent un grand nombre de fines nervures secondaires anastomo-
sées, pennées et presque transversales. Entre les plus importantes de ces nervures
le limbe est parfois un peu bombé sur la face supérieure. Il existe parfois cinq ner-
vures principales au lieu de trois. Les fleurs sont disposées en grappes terminales
ramifiées de cvmes bipares. Les ramifications des grappes sont opposées et décus-
sées comme celles de la tige. Chaque fleur est située dans 1 aisselle d une bractée;
elle est pédicellée, et son pédicelle porte deux bractéoles latérales, opposées, fertiles.
Fig. 204.
Fleur de Cinnamomum seylanicutn,
coupée verticalement.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 23 1
Les fleurs sont petites et jaunes, hermaphrodites, régulières, à réceptacle creusé en
cupule,' portant sur ses bords le périanthe et l’androcée, et dans le fond un ovaire
libre. La face externe du réceptacle est velue comme lo pédoncule. Le périanthe est
formé de deux verticilles trimères. Le verticille extérieur, qui représente le calice, est
formé de trois folioles libres, égales, colorées, vulvaires dans la préfloraison, épais-
ses, couvertes de poils sur les deux faces. Le ver-
ticille interne ou corolle est formé de trois pétales
alternes avec les sépales, également épais, velus
et colorés, également valvaires dans le bouton.
Considérées autrefois comme formant un deuxième
calice intérieur au premier, ces trois folioles doi-
vent être regardées, ainsi que l’a fait remarquer
Payer, comme, des pétales ; elles apparaissent
en effet toutes les trois à la fois, ce qui est le
caractère des pétales, tandis que les trois pièces
du verticille externe se comportent comme des
sépales en ce qu’elles naissent l’une après l’autre.
L’androcée est formé de quatre verticilles égale-
ment trimères. Le premier est constitué par trois
étamines alternes avec les pétales, indépendantes,
formées chacune d’un filet aplati, dilaté en haut
eu un connectif comprimé, qui porte sur sa face interne quatre logettes superposées
deux à deux de chaque côté de la ligne médiane, et déhiscentes chacune par un petit
panneau qui se relève pour permettre l’issue du
pollen. Le deuxième verticille est formé de trois
étamines alternes avec les premières, plus courtes,
mais organisées de la même façon et également in-
trorses. Les trois étamines du troisième verticille
alternent avec celles du deuxième ; leurs filets sont
munis chacun, au-dessus de la hase, de deux gros-
ses glandes latérales stipitées, et leurs anthères,
également à quatre logettes, sont extrorses. Le qua-
trième verticille est formé de trois staminodes
courts, alternes avec les pièces du troisième ver-
ticille, formées d’un filet aplati et d’une tète apla-
tie, cordiforme, stérile. Le gynécée est constitué
par un seul carpelle formant un ovaire unilocu-
laire, inséré sur le fond du réceptacle, libre, sur-
monté d’un style un peu excentrique, dilaté au
sommet en une tète stigmatique, et parcouru sur
sa face ventrale par un sillon longitudinal. La loge
ovarienne offre un placenta pariétal superposé à • " Fig. 203.
l’un des pétales, et donnant insertion, près de son Ecorce de Cannelle de Ceylan,
sommet, à un seul ovule anatrope suspendu, à. mi- Coupe transversale,
cropvle dirigé en haut et du côté du placenta. Le fruit est une baie, à parois minces,
peu charnues, se desséchant de bonne heure, accompagnée à la base par le récep-
tacle et le périanthe persistants, et contenant une graine suspendue qui renferme
sous ses téguments un gros embryon sans albumen, à cotylédons charnus, plan-
convexes, et à radicule rectiligne, courte, supère, cachée par les cotylédons, qui
238 LAURACÉES.
sont munis chacun d’une demi-gaine entourant la radicule et se prolongeant au-delà
de son sommet. [Trad.]
(6) Ainsi que le montre la figure 201», l’écorce de Cannelle de Ceylan offre de de-
hors en dedans : iu une couche de suber a produite par un phellogène d’origine
corticale, qui a donné naissance il la fois au liège a en dehors, et au parenchyme cor-
tical secondaire b. La couche a est en voie de séparation de la couche sous-jacente
constituée par du liège plus jeune. Elle entraîne avec elle, en tombant, le tissu cor-
tical extérieur à elle ; ce tissu est déjà en grande partie détaché, mais il en
reste à gauche une portion représentée par des cellules sclérenchymateuses dont
nous verrons le siège plus bas; 2° la couche 6 formée par le phellogène, dont nous
venons de parler, est constituée par des cellules allongées tangentiellement, sans
méats à parois minces, blanchâtres. Certaines de ces cellules sont très-dilatées et
remplies d’huile, les autres sont riches en grains d’amidon ; 3° en dedans de la
couche b, est une zone c de cellules sclérenchymateuses, très-grandes, irrégulières,
à parois jaunâtres et criblées de ponctuations ramifiées ; 4° la couche d, située au-
dessous et qui fait partie, comme les deux précédentes, du parenchyme cortical secon-
daire, est formée des mêmes cellules que la couche 6. C’est dans cette couche que se
formera plus tard une zone de phellogène, destinée à produire, en dehors, duliége qui
déterminera la mortification et la chute de toutes les parties extérieures, et en dedans
un nouveau parenchyme cortical ; 5° la couche libérienne e, qui constitue la partie
interne de l’écorce, est formée de faisceaux séparés les uns des autres par des rayons
médullaires assez larges, à trois ou quatre rangées radiales de cellules rectangulaires.
Chaque faisceau est formé, en majeure partie, de parenchyme libérien et de libres
molles, au milieu desquels sont dispersées un assez grand nombre de fibres libé-
riennes, fusiformes, lignifiées, à parois épaisses, blanches, se colorant en bleu dans
la solution acétique d’aniline, et limitant une cavité linéaire. Le nombre de ces élé-
ments lignifiés est assez considérable, ils sont épars ou disposés en rangées radiales
plus ou moins régulières. Dans le liber, sont répandues, comme dans l’écorce, de
nombreuses et larges cellules à huile.
ÉCORCE DE CASSIA LIGNEA.
Angl., Cassia Bark.
Origine botanique. — La drogue, désignée dans le commerce sous
le nom de Cassia lignea, est produite par plusieurs espèces de Cinnamo-
murn des parties chaudes de l’Asie, à l’est de l’Inde. Ces arbres sont
très-différents les uns des autres par le feuillage, l’inflorescence et les
propriétés aromatiques ; la distinction de plusieurs des espèces, établie
par des ouvrages môme récents, est encore incertaine.
L’écorce qui porte par excellence le nom de Cassia ou Cassia iignea,
et qu’on distingue sur le continent sous le nom de Cannelle de Chine , est
un produit des provinces de Kwangsi et de Kweichau, dans le sud de la
Chine. L’expédition française du lieutenant Garnier, pour l’exploration
du Mékong et delà Cochinchine (1806-68), trouva le Cassia vers le I9cde
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 239
latitude nord, dans des forêts traversées par l’un des affluents de gauche
du Mékong, près de la frontière de l’empire d’Annam. Une partie de ce
Gassia est transportée, par terre, en Chine, tandis qu une autre partie
est dirigée vers Bangkok (1). Quoiqu’on ait l’habitude de rapporter cette
écorce, sans hésitation, au Cinnamomum Cassia, nous ne nous croyons
pas autorisés à admettre cette opinion. Aucun observateur compétent
n’a, en effet, visité et décrit les districts de la Chine qui produisent
l’écorce de Cassia, et aucun n’a rapporté des échantillons qui puissent
permettre d’affirmer quelle est l’origine botanique de cette écorce (a) (2).
Le Cassia lignea est produit aussi dans les montagnes de Khasya,
dans l’est du Bengale, d’où on l’apporte à Calcutta pour l’y embar-
quer (3). Il existe, dans cette région, trois espèces de Cinnamomum , qui
croissent entre 300 et 1 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, et
possèdent des écorces à odeur de Cannelle plus ou moins franche. Ce
sont les Cinnamomum obtusifolium Nees, C. pauciflorum Nees, et C. Ta-
mala Fa. Nees et Eberm.
Le Cinnamomum iners Reinw., espèce très-variable, qui habite le conti-
nent Indien, Geylan, Tavoy, Java, Sumatra et d’autres îles de l’archipel
Indien, est peut-être, suivant l’opinion de Thwaites, une simple variété
du C. Zeylanicum; mais, d’après Meissner, il s’en distingue bien par ses
feuilles plus pâles et plus minces, sa nervation et la nature de son arôme.
Cet arbre paraîtrait fournir l’écorce de Cassia ou Cannelle sauvage du
sud de l’Inde (4).
Le C. Tamala Fr. Nees et Eberm., qui croît à Khasya, mais se trouve
aussi dans les régions continentales du Silhet, du Sikkim, du Nepaul,
de Kumaon, et même en Australie, fournit probablement une certaine
partie de l’écorce de Cassia du nord de l’Inde.
De grandes quantités d’une sorte d’écorce épaisse de Cassia sont par-
fois importées de Singapore et de Batavia. Elles étaient produites par
Sumatra. En l’absence de toute information digne de confiance sur
l’origine botanique de celte écorce, nous pouvons considérer comme
(1) Tiiorel, Notes médicales du Voyage d’exploration du Mékong et de Cochinchinc ,
Paris, 1870, 30.
(2) Le plus grand marché chinois du Cassia et de la Cannelle est, d’après le docteur
F. Porter Smith, Taiwu, dans le Ping-nan-hien (Sin-chau-fu), dans la province de
Kwangsi (Mat. med. and Not. Hist. of China., 1871, 52). La capitale du Kwangsi est
Kweilin-fu, c’est-à-dire forât de Cassia.
(3) IIooker, Himatayan Jovrnals, ed. 2, 1855, II, 303.
(1) Un échantillon de l’écorce de la tige du Cassia mers de Travancore, qui nous
a été présenté par le docteur Waring, possède une odeur délicieuse, mais est dé-
pourvu de la saveur propre à la cannelle.
210 LAURACÉES.
probable qu'elle vient des C. Cassia Bl. et C. Burmanni Bl., var. a,
Chineuse. Ces deux plantes sont, en effet, d’après Teijsmann et Binnen-
dijk, cultivées à Java (1). La dernière, qui croît aussi dans les Philip-
pines, produit très-probablement l’écorce de Cassia, qui y est expédiée
de Manille.
Historique. — Dans l’article précédent (p. 226), nous avons indiqué
la période éloignée à laquelle l’écorce de Cassia paraît avoir été connue
des Chinois, et nous avons établi les raisons qui nous permettent de croire
que cette substance constituait la Cannelle des anciens. Nous devons ce-
pendant faire remarquer que Théophraste, Dioscoride, Pline, Strabon et
d’autres, de même que la remarquable inscription du temple d’Apollon,
à Milct, représentent la Cannelle et le Cassia comme des substances dis-
tinctes, mais très-voisines. D'autre part, cependant, l’auteur du Périple
de la mer ErytJu'ée , en énumérant les produits expédiés des divers ports
commerçants de l’Afrique orientale (2), au premier siècle, mentionne
diverses sortes de Cassia (y.aa ta ou y.aaala), mais n’emploie jamais le mot
Cannelle (vuvva^&p-ov).
Sur la liste des produits de l’Inde, qui payaient tribut à la douane ro-
maine d’Alexandrie, vers 176-180, le Cinnamomum est mentionné, ainsi
que le Cassia turiana , 1 e Xylocassia et le Xylocinnamomum (3). Nous ne
pouvons donner aucune explication de la distinction établie là entre le
Cinnamomum et le Cassia, mais il est important de noter que l’on vend,
chez les droguistes chinois, des rameaux d’un Cinnamomum qu’il n’est
pas improbable de considérer comme les Xylocassia et Xylocinnamomum
des anciens (4). Le nom de Cassia liynea semble avoir été d’abord appli-
qué à quelque substance de ce genre plutôt qu’à la simple écorce que
nous nommons ainsi aujourd’hui. Cette épice était aussi, sans aucun
doute, nommée Cassia syrinx et Cassia fistularis (t. I, p. 399), dénomma-
it) Catalogus plantarum quæ in Horto Botanico Bogoriensi coluntur, Batavia,
1866, 92.
(2) Vincent, Commerce and Navigation of the Ancients in the Indian Océan, 1807,
II, 130, 134, 149,150, 157. — Nous ne devons pas être surpris de ce que les anciens
aient confondu les différentes sortes de Cassia, car les botanistes, pharmacolo-
gistes et épiciers modernes, ne possèdent aucun caractère permettant de distinguer les
écorces de ce groupe, ou même de donner des dénominations précises à celles qui se
trouvent dans nos magasins.
(3) Vincent, op cit., II, 701-716.
(4) Le grand port de Ilankow, sur le Yan-Tsc-Kiang, est un entrepôt de ces rameaux
ou branches de Cannelle, dont il y a été importé, en 1874, 1925 péculs. Une quantité
plus considérable de la même drogue est expédiée du port de Canton, mais également
pour d’autres ports de la Chine, jamais pour l’étranger. ( Commercial Reports from
II. M. Consuls , in China, 1874).
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 241
tions qui se rapportent évidemment à une écorce en forme de tube. Il
peut y en avoir de plusieurs qualités, dont quelques-unes d’un prix
peut-être très-élevé. Il est digne de remarque qu’il en est encore ainsi
en Chine, et que les Chinois riches emploient une sorte d’écorce de Cas-
sia, épaisse, qui coûte jusqu’à 18 dollars le cattij (près de 65 francs les
454 grammes) (I).
Il est douteux que VAromata Cassiæ, offert à l’église de Rome sous
saint Sylvestre (314-335), soit notre écorce moderne de Cassia. Le pré-
sent le plus considérable, qui paraît être venu d’Egypte (2), fut de 200 li-
vres ; il était accompagné de poivre, de safran, de styrax, de girofle et de
baume. Le Cassia paraît avoir été connu dans l’Europe occidentale dès
le septième siècle, car il est mentionné, avec la Cannelle, par saint Isidore,
archevêque de Séville (3). Le Cassia est nommé dans un des Leech-Books
(livres de médecine vétérinaire) en usage en Angleterre avant la
conquête des Normands (4). Cette épice était vendue, à Londres, sous
le nom de Canel , en 1264, au prix de 10 deniers la livre, le sucre valant,
à la même époque, 12 d., le cumin 2 d., et le gingembre 18 d. (5). Dans
le Boke of Nurtuve (6), écrit au quinzième siècle par John Russel, cham-
bellan de Humphry , duc de Gloucester, le Cassia est désigné comme
semblable à la Cannelle, mais moins cher et plus commun, exactement
comme à notre époque.
Production. — Nous ignorons si l’arbre qui fournit l’écorce de Cassia
du sud de la Chine (7) est cultivé, ou s’il ne se trouve qu’à l’état
sauvage (8).
L écorce de Cassia de Calcutta, recueillie dans les montagnes de
(1) Nous devons de très-beaux échantillons de cette écorce, qui coûte fort cher,
au docteur H.-F. Hance, vice-consul anglais à Whampoa.
(2) Vignolius, Liber Pontificalis, Romæ, 1724, I, 94, 95.
(3) Migne, Patrologiæ Cursus, 1850, LXXNII, G22. - Saint Isidore cite évidem-
njent Galien, mais il fait remarquer que les deux épices étaient connues à son époque.
(4) Cockayné, Leechdoms, etc., of Early England, 1865, II, 143.
(o) Rogers, Hist. of Agriculture and Prices in England, 1866, II, 543.
(G) Ce livre a été réimprimé par l 'Early English Text Society, 1868. - Russel dit :
« Vo^ez que vos bâlons de Synamome soient minces, cassants et de couleur blonde...
car a Canelle n est pas si bonne, d Dans sa formule de VHypocras, il prescrit le Syna -
morne pour 1 hypoeras des lordes, et la Canelle pour celui du commyn peple.
(7) D après M. Tliorel (voy. page 248, note a) cet arbre n’habite pas le sud de la
Chine, mais le Laos et la Cochinchinc, entre le 170 et le 21® degré de latitude. On
exporte chaque année de cette région son écorce en Chine. [Trad.]
(8) Nous sommes informés par une note insérée dans le Preussisches Handelsarchiv,
1873, 672, que l’arbre est cultivé, mais sans exiger des soins particuliers. Quand il a
dix ans, on enlève l’écorce des branches, puis on laisse reposer l’arbre pendant dix-
autres années. [F. A. F.]
HIST. DES DROGUES, T. II.
IG
242 ' LAURACÉES.
Khasya, d’où clic est apportée à Calcutta, est fournie par des arbres
sauvages de petite taille.
Le docteur Ilooker, qui visita ce district en compagnie du docteur
Thomson, en 1850, fait observer que le commerce de l’écorce de Cassia
lignea produite par cette région est d’origine récente (1).
Cette ccorce offre une épaisseur qui varie beaucoup avec les échan-
tillons ; elle a été dépouillée de ses couches extérieures.
Sumatra produit une grande quantité d’écorce de Cassia lignea, au-
tant que nous pouvons en juger parce fait quePadang, port de cette île,
exporta, en 1871, G 128 peculs de cette écorce, dont la majeure partie
fut expédiée en Amérique (2). Nous ne savons pas qu’il ait été publié
des renseignements au sujet de la récolte du Cassia sur la côte de
Malabar, à Java et dans les îles Philippines.
Il a été importé en Espagne, par la voie de Cadix, en 1871, 93 000 li-
vres de Cassia lignea provenant des Philippines (3).
Description. — L’écorce de Cassia lignea de Chine, appelée aussi pni-
fois Cannelle de Chine, est de toutes les sortes la plus estimee, et celle
qui se rapproche le plus de la Cannelle de Geylan. Elle arrive en petits
paquets qui ont environ 30 centimètres de long, et pèsent 1 livre
(454 grammes environ). Les morceaux d écorce sont réunis les uns aux
autres en nombre variable, suivant leur épaisseur et leur diamètre, et
maintenus au moyen de liens faits avec des bandes de bambou.
Cette écorce a l’aspect général de la Cannelle, mais elle est en tubes
simples, non emboîtés les uns dans les autres. Les tubes sont moins
droits, moins réguliers, et colorés en brun plus foncé ; quelques mor-
ceaux sont extrêmement minces, mais la plupart sont plus épais que
les morceaux de belle cannelle ; ils sont en général beaucoup moins uni-
formes. La couche extérieure de l’écorce a été enlevée avec moins de
soin que dans la cannelle de Geylan, et l’on trouve facilement des mor-
ceaux dont la couche subéreuse n’a pas été entamée par le couteau
du décortiqueur. ,
L’écorce de Cassia lignea offre une cassure courte. Les écorces les
plus épaisses présentent, sur une coupe transversale, une belle ligne
blanche centrale parallèle à la suiface. t
Le bon Cassia ressemble, par la saveur, à la cannelle ; .1 n est ni
(1) Hooker, op. cit.
(2) Consular Reports, août 1873, 953.
(3) Consul Reade, Report on thc Trade, elc.,
désignée sous le nom de Çinncwioi i .
of Cadiz for 1871 . Cette épice y est
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 243
moins doux, ni moins aromatique, quoiqu’on décrive souvent son odeur
comme moins fine etmoins délicate.
On a récemment (1870) importé de Chine une sorte peu habituelle de
Cassia, qui a été offerte sur le marché de Londres sous le nom de China
Cinnamon (Cannelle de Chine) (1), quoique ce ne soit pas Je nom que
l’écorce porte dans le commerce continental.
Cette nouvelle drogue est en morceaux non raclés qui ont, presquetous,
à peu près la grosseur ordinaire de l’écorce de Cassia lignea de Chine.
Elle possède une saveur très-sucrée et un arôme piquant de cannelle.
Les sortes les moins estimées d’écorces de Cassia, qui depuis ces ùer-
nières années ont été apportées en grande quantité sur le marché, sont
connues dans le commerce sous les noms de Cassia lignea, Cassia vera ou
Cassia sauvage, et sont distinguées les unes des autres par les noms des
localités d’où elles sont expédiées, Calcutta, Java, Timor, etc.
Les écorces qu’on se procure ainsi varient beaucoup par la couleur,
l’épaisseur et l’arome, au point qu'il serait inutile d’essayer de les
classer. Quelques-unes ont une coloration de cannelle pâle, mais la
plupart sont colorées en brun plus foncé. Elles présentent toutes les
variations d’épaisseur depuis celle du carton jusqu’à celle d’un demi-
centimètre et plus. Leur parfum ressemble plus ou moins à celui de la
cannelle, mais est parfois mélangé d’une odeur désagréable de punaise.
Quelques-unes, tout en étant aromatiques, sont très-mucilagineuses, et
abandonnent facilement leur mucilage à l’eau froide.
Enfin nous avons trouvé des écorces épaisses de Cassia, de bonne
apparence, qui se distinguent par leur astringence et une absence pres-
que complète d’arome (2).
Structure microscopique. - Sur une section transversale, les mor-
ceaux de Cassia lignea de Chine, encore munis de leur enveloppe subé-
reuse, offrent les caractères suivants : La surface externe est formée de
plusieurs couches de cellules subéreuses ordinaires, remplies d’une
matière colorante brune.
Sui les échantillons dont le liège a été complètement enlevé, la sur-
lace extéiicuie est formée par l’écorce moyenne ( mesophlœum ), mais
la plus grande partie de 1 écorce est formée par le liber ou endophlœum.
(1) MM. Dalton ctVoung, de Londres, nous ont obligeamment donné un échan-
* 011 e ce^c écorce. Voyez aussi Flückiger, in J ahresbericht de Wiggers et
TIusemann, 1872, 32.
(2) G est une écorce de cette sorte que Guibourt (Hist. des Drogues, 1849 II 380)
considérait comme le véritable Cassia lignea, et à laquelle il réservait exclusivement
2H LAÜRACÉES.
Des fibres libériennes isolées, et des cellules à parois épaisses (cellules
pierreuses) sont répandues même dans les couches extérieures. Dans 1a.
zone moyenne, sont de nombreux éléments sclcrenchymateux, qui ce-
pendant ne forment pas, comme dans la cannelle de Ceylan, une couche
continue. La partie interne du liber offre la structure caractéristique de
la cannelle avec des différences dues à l’âge, comme par exemple un
plus grand développement des rayons médullaires. Des cellules à huile,
et des conduits à gomme, sont aussi distribués dans le parenchyme de
ces derniers.
La Cannelle de Chine de 1870 (p. 243) ressemble encore davantage à la
cannelle de Ceylan, sauf en ce qu’elle est revêtue de son suber. Une
coupe transversale d’un tube, n’ayant pas plus d’un millimètre d’épais-
seur, offre les trois couches décrites comme caractéristiques de cette
écorce. La zone sclérenchymateuse est recouverte par un parenchyme
riche en canaux huileux, de sorte qu il est manifeste que 1 odeur de la
drogue ne pourrait pas être supprimée par le raclage. La couche subé-
reuse est constituée par les cellules tabulaires habituelles. Le liber
ressemble à celui de la cannelle de Ceylan.
Dans les écorces de Cassia d'épaisseur considérable on trouve la même
disposition des tissus, mais leur développement considérable entraîne
une certaine dissemblance. Ainsi, les cellules à parois épaisses sont plus
ou moins séparées les unes des autres, au point de former de petits
groupes isolés. Le même phénomène se produit dans le liber, dont les
fibres sont, dans les écorces épaisses, entourées d’un parenchyme rempli
de cristaux volumineux d’oxalate de calcium.
Les cellules gommeuses ne sont pas plus larges, mais elles sont plus
nombreuses dans ces écorces, qui se gonflent beaucoup plus dans l’eau
froide que la canelle de Ceylan.
Composition chimique. — L’écorce de Cassia doit ses propriétés
aromatiques à une huile essentielle qui est expédiée de Canton en
grande quantité. Au point de vue chimique, on ne peut pas indiquer de
différence entre cette essence et celle de la cannelle de Ceylan. Le par-
fum de l’essence de Cassia est un peu moins agréable, et tel qu on le trou ve
dans les sortes les moins estimées de Cassia, il est manifestement moins
délicat que celui de l’essence de cannelle. Nous avons trouvé comme
poids spécifique de l’huile essentielle de Cassia de Chine, 1 066. Son
pouvoir rotatoire, en colonne de 50 millimètres de long, est seulement
de o°l à droite. L’huile essentielle de Cassia diffère donc, a cet egard,
de celle que produit la cannelle de Ceylan.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 245
L’huile de Cassia laisse parfois déposer un stéaroptène qui, purifié,
est incolore, inodore, et cristallise en prismes brillants et cassants.
Nous n’avons jamais trouve cette subslancc, qui aete examinée, en 1850,
par Rochleder et Schwarz (1).
Lorsqu’on humecte des tranches minces de Cassia avec une solution
diluée de perchlorure de fer, le contenu de toutes les cellules paren-
chymateuses prend une belle couleur brune. Dans les couches exté-
rieures, les granules d’amidon eux-mêmes se colorent. Le tannin est
par conséquent l’un des principaux constituants de cette écorce ; les
parois cellulaires elles-mêmes en sont imprégnées. Les persels de fer
colorent en vert noirâtre la décoction de l’écorce.
Lorsqu’on épuise l’écorce de Cassia (ou la cannelle de Geylan) avec
de l’eau froide , le liquide, qui est clair, se trtmble sous l’influence de
l'iode et d’une solution concentrée d’iodure de potassium. Un précipité
abondant se produit lorsqu’on ajoute une dissolution d’iode dans un
sel de potassium. La couleur de l’iode disparaît alors. Il existe donc une
substance qui s’unit à l’iode ; et en fait, lorsqu’oil ajoute à une décoction
de Cassia ou de cannelle la solution d’iode dont nous venons de parler,
la décoction prend une coloration d’un bleu brillant due à l’amidon.
Cependant, cette coloration disparaît bientôt, et ne devient permanente
qu’après qu’on a ajouté une grande quantité du réactif. Nous ne nous
sommes pas assurés de la nature de la substance qui modifie ainsi l’ac-
tion de l’iode ; ce pourrait être du tannin, car nous avons vu que la
réaction était la même lorsque nous faisions usage d’écorce préalable-
ment traitée, à plusieurs reprises, par l’alcool, et ensuite, plusieurs fois,
par l’éther bouillant.
Le mucilage contenu dans les cellules gommeuses des écorces minces
de Cassia se dissout facilement dans l’eau froide, et peut être précipité
par le tannin et par l’acétate neutre de plomb, mais non par l’alcool.
Dans les écorces plus épaisses, il paraît moins soluble, et se gonfle seu-
lement en une gelée visqueuse.
Commerce. — Le Cassia lignea est exporté de Canton en quantités
considérables et toujours croissantes. Les chargements s’élevèrent, en
1864, à 13800 péculs ; en 1869 (2), ils atteignirent 40600 péculs; en
1871, 61 220 péculs, et en 1872 (3), 76464 péculs, valant 267703 livres
(1) Chemistry, de Gmelin, XVII, 395.
(2) Canton Trade Report for 1869.
(3) Commercial Reporte from II. M. Consuls in China, présentés au parlement en
1873 (Consul Robertson).
246
LAQRACÉES.
sterling. Une très-grande partie du Cassia lignea importé en Angleterre
est réexpédiée vers d’autres pays.
La quantité de Cassia expédiée du sud de la Chine vers le Royaume-
Uni, s’éleva, en 1869, à 47 517 livres ; en 1870, à 28 389 livres (1).
Usages. — Us sont les mêmes que ceux de la cannelle deCeylan.
AUTRES PRODUITS ANALOGUES
Bourgeons de Cassia ( Cassia Buds ). — On désigne ainsi les fruits non en-
core mûrs de l’arbre qui produit le Cassia lignea de Chine. Us sont em-
ployés en Europe depuis le moyen âge. Dans le Journal des Dépenses
(1359-60) de Jean, roi de France, alors prisonnier au château de So-
merton, en Angleterre, on trouve cette épice inscrite, à plusieurs re-
prises, sous le nom de Flor de Cannelle ; elle coûtait fort cher, de 8 à
10 shillings la livre, plus du double du prix du macis et du girofle.
Dans une circonstance, on fit venir de Bruges (2) deux livres de cette
drogue pour l’usage du roi. D’après le Form of Cary (3), écrit en
1390, il paraît que les bourgeons de Cassia [Flô de Queynel ) étaient em-
ployés à la préparation d’un vin épicé, désigné sous le nom d ' Hippocras.
Les bourgeons de Cassia sont expédiés de Canton, mais leur exporta-
tion a beaucoup diminué. Rondot, en 1848 (4), estimait leur exporta-
tion à 400 péculs (53 333 livres) par an. En 1866, on en expédia de
Canton 233 péculs ; en 1867, 165 péculs (5). La quantité de bourgeons
de Cassia importée dans le Royaume-Uni en 1870 fut de 29 321 li-
vres (6). Cette épice est vendue surtout par les épiciers.
Dans le sud de l’Inde, on recueille pour l’usage les fruits plus mûrs
d’une des variétés du Cinnamomum iners Reinw., mais ils sont très-infé-
rieurs aux bourgeons de Cassia de Chine.
Folia Malabathri ou Folia Indien. — On donne ce nom aux feuilles dessé-
chées, aromatiques, de certaines espèces indiennes de Cinnamomum. On
les employait autrefois dans la médecine européenne, mais elles sont
aujourd’hui abandonnées. Elles sont encore utilisées dans l’Inde sous le
nom de Taj-pàt. On les cueille dans le Mysore sur des arbres sauvages.
(1) Annual Statement of the trade and navigation of the United Kingdom for
1870, 290.
(2) Douet d’Arcq, Comptes de l’argenterie de France, 1851, 206, 218, 222, 239, etc.
(3) Voyez t. I, 440, note 5.
(4) Commerce d’exportation de la Chine, 45.
(5) Report on trade at the Treaty Ports in China for 1867, Shanghai, 1868, 94.
(6) Animal Statement of the Trade and navigation of the United Kingdom for
1870, 101.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 247
Ishpingo. On désigne ainsi à Quito le calice d’un arbre de la fa-
mille des Lauracées, employé dans 1 Equfiteur et au Déi ou à la place de
la cannelle. Cette drogue est peu connue en Europe, mais son histoire
est remarquable.
Les conquérants espagnols, ayant entendu parler de 1 existence, dans
le sud de l’Amérique, d’une région productive d’épices, considérèrent
le fait comme si important, qu’ils organisèrent une expédition pour
explorer cette contrée. La direction de l’entreprise fut confiée à Gonzalo
Pizarro. Il partit de Quito le jour de Noël 1539, avec 340 soldats, etplus
de 4 000 Indiens chargés de provisions. L’expédition dura deux ans, et
ne produisit que des résultats lamentables; 130 Espagnols seulement
survécurent aux fatigues du voyage. Dans le compte rendu qui en fut
fait par Garcilasso de la Yega, l’arbre à cannelle est décrit comme ayant
de grandes feuilles semblables à celles du laurier, avec des fruits sem-
blables à des glands, et disposés en grappes (1). Oviedo (2) a aussi
donné quelques détails sur cette épice, accompagnés d’une figure qui
représente bien sa forme remarquable.
Ce sujet a été traité en outre par plusieurs autres écrivains espagnols,
notamment par Monardes (3).
Malgré la célébrité ainsi accordée à cette épice, et le fait qu’elle donne
son nom à une vaste région (4) et qu’elle est encore l’objet d’un trafic
considérable, l’arbre lui-même est tout à fait inconnu des savants.
Meissner le place, avec doute, dans le genre Nectandra, avec le nom spé-
cifique de Cinnamomoïdes , mais il avoue que ses fleurs et ses fruits sont
également inconnus (5).
Cette épice, dont nous devons un riche échantillon à M. Destruge, de
Guayaquil, consiste en un calice ligneux, large et mûr ; il a de 3 à 5 cen-
(1) Travels of Pedro de Cieza de Leon, 1532-50, trad. par Markham (Hakluyt So-
ciety), Lond., 1864, ch. 39-40; Expédition of Gonzalo Pizarro to the Land of Cinna -
mon, par Garcilasso Inca de la Vega, faisant partie du même volume.
(2) Historia de las Indias, Madrid, 1851, I, 357, lib. ix, c. 31.
(3) De la Canela de nuestras Indias. — Historia de las cosas que se iraen de nues-
tras Indias occidentales, Sevilla, 1574, 98.
(4) Le village de San Iosé de Canelos, qui peut être considéré comme le centre de la
région à cannelle, est situé, d’après Spruce, par 1°20' de latitude sud, et 77°45' de lon-
gitude ouest, <i une altitude d’environ 1590 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Les «forêts do Canelos», ainsi qu’on les nomme, n’ont pas, d’après ce qu’on nous a
dit, de limites naturelles. Mais cette dénomination est donnée vulgairement à toute la
région supérieure du Pastasa et de ses affluents, depuis une hauteur de 1 200 il
2100 mètres sur les flancs des Andes, jusqu’à la vallée de l’Amazone et le point de
confluence du Pastasa et du Bombonasa.
J5) De Candolle, Prodromus, XV, sect. I, 167.
248 LAUMCÉES.
timètres de diamètre ; sa forme est celle d’un entonnoir peu profond,
dont l'ouverture ressemble à la cupule d’un grand Y, avec des bords
larges, irréguliers, ordinairement récurvés. Sa surface extérieure est
rugueuse et veinée. Le calice entier est
coloré en brun foncé, son goût est très-
'' sucré, aromatique, semblable à celui de
la cannelle, qu’il remplace communé-
ment dans l’Equateur.
Le docteur Destruge nous a aussi en-
té °
voyé un échantillon de Yécorce. Elle est
en très-petits tubes dépouillés de leur
suber, et tout à fait semblables à la
cannelle véritable. Nous ne savons pas
e si l’on prépare ainsi cette écorce en
grande quantité.
[a) M. Thorel nous communique au dernier
moment une note dans laquelle il émet l’opi-
nion que le Cassia lignea de Chine est produit
par le Cinnamomum Cassia , dont il a rapporté
un échantillon du Laos. Nous placerons cette
note à la fin du présent volume. [Trad.]
(b) L'Ecorce de Cassia lignea offre, ainsi que
l’indique la figure 206, représentant la coupe
transversale d’une écorce de Cassia épaisse, qui
Fig. 206. Ecorce de Cassia lignea.
Coupe transversale.
nous a été donnée par M. Dorvault, une structure microscopique très-analogue à
celle de la Cannelle de Ceylan (voy. p. 238, note b). On y trouve également de de-
hors en dedans : 1° une couche de suber o; 2° une couche de parenchyme corti-
cal h, d dans laquelle est disposée une zone c de cellules sclérenchvmateuses. Cette
dernière est formée des mêmes éléments que la zone correspondante de la Cannelle
de Ceylan, mais elle est beaucoup plus irrégulière. Dans la couche d se forme
aussi, ii un moment donné, une zone de phellogène qui produit : en dehors, du
liège, et en dedans une nouvelle couche de parenchyme cortical. Le liber e offre la
même structure que dans la Cannelle de Ceylan, mais les fibres lignifiées y sont beau-
coup plus nombreuses et réunies par groupes souvent volumineux. Dans le liber, sont
dispersées de nombreuses cellules à huile essentielle, très-larges. [Trad.]
(c) D’après Nees von Esenbeck, l’écorce qu’on désigne dans le commerce sous le
nom de Cannelle de Chine, serait produite par le Cinnamomum aromaticum Nees
(Laurin., 62), arbre à branches anguleuses et à pétioles couverts de poils laineux.
Les feuilles sont oblongues, aiguës aux deux extrémités, munies de trois nervures
longitudinales. Les fleurs sont disposées en grappes de cymes, étroites et soyeuses.
M. Dorvault, directeur de la Pharmacie Centrale de Paris, a mis à notre dispo-
sition un très-bel échantillon de cette variété de Cannelle qui se distingue aisé-
ment soit de la Cannelle de Ceylan, soit du Cassia lignea figuré plus haut, par ses
caractères extérieurs, mais moins par sa structure anatomique.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
240
Cette Cannelle se présente en morceaux tubuleux, enroulés, simples, et non em-
boîtés les uns dans les autres comme ceux de la Cannelle de Ceylan. Leur épaisseur
est de 1 à 2 millimètres, intermédiaire à celle du Cassia lignea, qui est plus grande,
et à celle de la Cannelle de Ceylan qui est moindre. La surface extérieure est raclée et
colorée en jaune fauve plus ou moins foncé. Elle offre parfois, en certains points, des
plaques de la couche subéreuse grisâtre, fendillée, et pointillée de petites taches plus
claires. La surface interne est colorée en jaune brunâtre plus foncé, mais brillant et
parcourue de très-fines stries longitudinales, cour-
tes, visibles surtout â la loupe. Sa cassure est nette
et colorée en gris jaunâtre un peu plus foncé vers
la surface externe. Son odeur est moins agréable
que celle de la Cannelle de Ceylan ; il s’y mêle un
peu d’odeur de punaise. Sa saveur est piquante et
mucilageuse. La structure microscopique de cette
écorce ne diffère que fort peu, ainsi que le montre la
ligure 207, de celle de la Cannelle de Ceylan et du
Cassia lignea. On y trouve également, de dehors en
dedans : une couche de suber a, un parenchyme
cortical b, d, contenant de grandes cellules à huile,
et divisé par une zone c de cellules sclérenchyma-
teuses. Cette dernière est beaucoup plus régulière
que dans le Cassia lignea, et elle offre, de distance en
distance, dans les jeunes écorces, des groupes d’élé-
ments prosenchymateux fusiformes, à parois blan-
ches, très-épaisses, à cavité linéaire, à contour exté-
rieur arrondi ou polygonal. Ces éléments sont beau-
coup plus étroits que les cellules sclérenchymateuses voisines. Le liber e, semblable
au fond à celui de la Cannelle de Ceylan et du Cassia lignea s’en distingue par ses
fibres libériennes lignifiées beaucoup moins nombreuses et éparses. On trouve
parfois certains éléments parenchymateux du liber devenus sclérenchymateux, et
réunis par petits groupes jaunâtres de trois ou quatre éléments. Ces groupes sont
toujours rares, et la plupart des faisceaux libériens des écorces que j’ai observées
n’en offraient pas. [Trad.]
Fig. 207. Fcoroe de Cannelle
de Chine.
CAMPHRE.
Camphora; angl., Camphor (1). Common Camphor, Laurel Camphor ;
aliéna., Campher.
Origine botanique. — Cinnamomum Camphora Fr.Nees et Ebermaier
(■ Laurus Camphora L., Camphora officinarum C. Batjii.). Le Camphrier vit
dans une aire très-étendue, car on le trouve dans toute la Chine cen-
trale et les îles du Japon. En Chine, il abonde 'particulièrement dans
les provinces de l’Est et du Centre, celles de Ghekiang, de Fokien et de
(1) Le mot Camphre, généralement écrit par les auteurs latins Caphura, et par les
anciens Anglais Camphire, dérive de l’arabe Kapûr, qu’on suppose venir du sanskrit
Karpura, blanc.
250
LAURACÉES.
Kiangsi. Il est également abondant dans l’île de Formose, où il couvre
toute la chaîne de montagnes qui s’étend du nord au sud, et s’élève
jusqu’à une altitude de 600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il
croît vigoureusement dans les contrées tropicales et subtropicales. Dans
les jardins de l’Italie, il se développe en un grand et bel arbre qu’on
peut cultiver jusqu’au lac Majeur vers le Nord (1).
Les feuilles sont petites, luisantes, glauques en dessous, longuement
pétiolées ; les tiges fournissent un excellent bois, très-estimé à cause de
son odeur, et employé dans la fabrication des malles, des tiroirs
d’armoires et d’un grand nombre do petits objets (a).
On retire du camphre d’autres plantes que le Camphrier de Chine,
parmi lesquelles la plus remarquable est le Dryobalanops aromatica,
grand arbre de l’Archipel indien.
Historique. — Les deux sortes de Camphre, fournies par les deux
arbres dont nous venons de parler, ont toujours été regardées par les
Chinois comme parfaitement distinctes. Ce fait doit être présent à l’es-
prit quand on étudie l’histoire du Camphre.
En parcourant les notions qui sont fournies sur le Camphre par les
écrits chinois (2), on s’assure que, quoique l’arbre fût évidemment
connu au sixième siècle, et probablement à une époque antérieure, et
particulièrement signalé à cause de son bois précieux, il n’est fait au-
cune mention de son camphre.
Le-She-Chin, l’auteur du célèbre traité de botanique Pun-Tsao-Kang-
Muh, écrit au milieu du seizième siècle, connaissait bien les deux sortes
de camphre, l’une produite par le Camphrier de son propre pays, l’autre
importée des îles Malaises. Il raconte qu’on prépare le premier en faisant
bouillir le bois, et qu’on le purifie à l’aide de sublimations répétées.
Marco Polo, vers la fin du treizième siècle, visita les forêts de Fokien,
dans le sud-est de la Chine, et raconte qu’elles possèdent un grand
nombre d’arbres qui donnent du Camphre (3). Il paraît en résulter que
le Camphrier était connu à l’époque de Marco Polo ; cependant, il est
bien certain que les renseignements les plus anciens que nous ayons pu
trouver sont relatifs au Camphre très-estimé des îles Malaises, qui con-
(1) Le Camphrier était cultivé dès le commencement du dix-huitième siècle dans les
serres de Dresde et de Leipzig.
(2) Des passages de plusieurs auteurs chinois ont été traduits et mis obligeamment
à notre disposition par M. A. Wylie. Le docteur Bretschneider, de Pékin, nous a
aussi aidés de la môme façon.
(3) Yule, Ilook of Ser Marco Polo, 1871, II, 185.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 251
stitue encore aujourd hui un des corps les plus en faveur parmi ce
groupe de substances.
11 ne paraît pas que le Camphre soit parvenu en Europe pendant la
période classique de la Grèce et de Rome. La première mention, rela-
tive à ce corps, qui nous soit connue, se trouve dans l’un des plus an-
ciens monuments de la langue arabe, le poëme d Imru-I-Kais (I), prince
de la dynastie de Kindahs, qui vivait, dans l’Hadramaut, au commence-
ment du sixième siecle. A peu près a la meme époque, Actius, d Amidn
(la moderne Diarbekir), employait le Camphre en médecine; mais, d'a-
près la façon dont il en parle, il était, à cette époque, évidemment fort
rare (2). Pendant plusieurs siècles consécutifs à cette époque, le Cam-
phre fut considéré comme l’un des parfums les plus rares, et les plus
précieux. Il est mentionné, en 636, avec le musc, l’ambre gris, et le bois
de santal, parmi les trésors que Ghosroes II, roi de Perse, de la dynastie
de Sassanian, possédait dans le palais deMadaïn, sur le Tigre, au nord
de Babylone (3). Parmi 1, 'immensité des choses précieuses, dispersées
au Caire, à la chute du Khalif Fatimite Mostanser, au onzième siècle,
les historiens arabes (4) signalent avec étonnement les masses de Cam-
phre, et les figures de melons de Camphre ornés d’or et de bijoux, ainsi
que de grandes quantités de musc et de bois d’aloès. Nous devons rap-
peler aussi que, vers 642, les princes indiens envoyaient du Camphre,
comme tribut ou présent, aux empereurs de la Chine (5), et qu’à l’époque
de Teenpaou (742-755) les Cochinchinois apportaient à la cour de Chine
un tribut de Camphre de Barus, recueilli, d’après le dire des ambassa-
deurs, dans le tronc des vieux arbres, et possédant un parfum tel,
qu’on n’en trouverait jamais de pareil (6). Masudi(7), quatre siècles plus
tard, mentionne un présent semblable offert par les Indiens à un po-
tentat chinois : d 000 menns (8) de bois d’aloès étaient accompagnés
(1) Dans la description de l’Arabie faile par Ibn Hagik el Hamdany, fol. 170 du ma-
nuscrit d’Aden (Prof. Sprenger).
(2) Il indique d’ajouter 2 onces de Camphre à une certaine préparation, pourvu
qu’on ait assez de Camphre (Tetr. iv, sermo 4, c. 114).
(3) G. Weil, Geschichte der Clialifen, Mannheim, 1846, I, 75.— Des faits analogues
se trouvent rapportés de plus dans Tabari, chronique, traduite par Zotenberg. Paris,
1867-1874, vol. II, 304, vol. III, 335, 373, 417, 504, vol. IV, 159. [P. A. F.]
(4) Quatremère, 51/dm. sur l’Egypte, 1811, II, 366-375. — Il est intéressant de
trouver que le mot Kàfüre-Kaisùri, c’est-à-dire Camphre de Kaisùri , est encore le
terme employé dans les bazars indiens.
(5) Kauffer, Geschichte von Ostasien, 1859, II, 491.
(6) Traduction du chinois, communiquée par M. A. Wylie. .
(7) Les Prairies d’or, Paris, 1861, 1, 200.
(8) Le menti ou menu arabe vaut 933 grammes.
-S- LAURACÉES.
de \ 0 menns de Camphre, dont la qualité supérieure était indiquée par
ce fait qu’il se présentait en morceaux aussi gros ou plus gros qu’une
pistache. Entre 1342 et 1332, une ambassade quitta Pékin, portant une
lettre du Grand Khan au pape Benoît XII, et des présents de soie, de
pierres précieuses, de musc, de Camphre et d’épices (1).
Le célèbre voyageur Ibn Batuta rapporte qu’après avoir visité le
roi de Sumatra, on lui présenta, au moment de son départ (1347), du
bois d’aloès, du Camphre, des clous de girofle, du bois de santal, et
diverses provisions.
Ishâk Ibn Amrân, médecin arabe, qui vivait vers la fin du neuvième
siècle, et Ibn Kurdadbah, géographe de la même époque, furent les
premiers. à signaler que le Camphre était un produit d’exportation de
l’archipel Malais. Leurs renseignements sont reproduits par les écri-
vains arabes du moyen âge, qui affirment tous que le meilleur Camphre
est un produit deFansür. Cette localité, nommée aussi Kansürou Kaisür,
fut visitée, au treizième siècle, par Marco Polo, qui parle de son
Camphre comme se vendant au poids de l’or. Yule (2) pense que cette
localité est la même que Barus, ville située sur la côte occidentale de
Sumatra, et qui donne encore de nos jours son nom au Camphre
produit par cette île.
De tous ces faits, et de plusieurs autres que nous pourrions ajouter (3),
il est permis, sans aucun doute, de conclure que le premier camphre
employé fut celui qu’on trouve tout formé dans le tronc du Dryobala-
nops aromatica de Sumatra, et non celui du Camphrier. Nous ignorons
même à quelle époque, et sous l’influence de quelle instigation, les Chi-
nois commencèrent à exploiter le Cinnamomum Camphora pour en
extraire du Camphre.
Le Camphre était connu en Europe, comme médicament, dès le
douzième siècle. Cela est prouvé par la mention qu’en font l’abbesse Hil-
degard (4), qui le nomme Ganphora, Otho de Crémone (5), et le cha-
noine danois Harpestreng, mort en 1244. Garcia d’Orta dit, en 1363, que
le Camphre de Chine est seul importé en Europe, celui de Bornéo et de
Sumatra coûtant cent fois plus cher, et étant consommé tout entier par
i
(1) Yule, Cathay and the way thither, II, 357.
(2) The Book of Ser Marco Polo, II, 1874, 282, 285.
(3) Pour plus de détails historiques, voyez mon mémoire dans Schweizerische
Wochenschrift f. Pharmacie, 27 septembre, 4 et 11 octobre 1867, et daus le Reperto-
rium f. Pharmacie de Buchner, 1868, XVII, 28. [F. A. F.].
(4) ’S. Hildegardis Opéra omnia, accurante J. P. Migne, Paris, 1855, 1145.
(5) Croulant, Macer Floridus, Lips., 1832, 161.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VEGETALE. 253
les peuples de l’Orient. Kampfer (1), qui visita le Japon en 1690-92, et
qui figura l’arbre au Camphre du Japon sous le nom de Laurus campho-
rifera, déclare expressément que cet arbre diffère entièrement de celui
qui fournit le camphre de l’archipel Indien. Il dit aussi que le Camphre
de Bornéo figurait parmi les marchandises les plus précieuses impor-
tées au Japon par les Hollandais, dont les cargaisons de retour com-
prenaient le Camphre du Japon, dans la proportion de 6000 à 12 000 li-
vres par an (2). Ce camphre était raffiné en Hollande par un procédé
qui fut tenu longtemps secret ; on l’introduisait ensuite sur le marché.
A l’époque de Pomet (1694 et auparavant), le Camphre brut était
commun en France, mais on l’envoyait en Hollande pour le faire
purifier.
Il est douteux qu’à cette époque, et même beaucoup plus tard, on
retirât aucun Camphre de l’île de Formose. Du Halde (3) n’y fait au-
cune allusion comme production de cette île , il ne le mentionne pas
non plus parmi les marchandises d’Emouy (Amoy), port chinois qui
était alors en relations fréquentes avec Formose.
Production. — Le Camphre du commerce européen est produit par
les îles de Formose et du Japon. Rien ne prouve qu’on en fabrique au-
jourd’hui en Chine.
A Formose, les districts producteurs de Camphre occupent une bande
étroite de terre, qui sépare les établissements chinois du littoral du
territoire encore occupé par les tribus aborigènes. On retire le Cam-
phre du bois. On enlève aux arbres de petits copeaux de bois à l’aide
d'une gouge à long manche. Ce procédé est très-destructif, parce
qu’après avoir coupé les arbres on laisse perdre une grande partie de
leur bois. On expose le bois aux vapeurs de l’eau bouillante, et on re-
cueille le Camphre qui se volatilise avec ta vapeur. Les alambics des-
tinés à cette opération sont disposés de la façon suivante : une grande
auge en bois, figurant un tronc creusé, est fixée au-dessus d’un fourneau,
et protégée par une couche d’argile. On remplit cette auge d’eau, et on
lute, au-dessus d’elle, une planche percée de nombreux petits trous.
Au-dessus de ces trous, on place les copeaux, qu’on recouvre avec des
pots en terre. On allume du feu dans le fourneau, l’eau s’échauffe, et
sa vapeur, en traversant les copeaux, entraîne le Camphre qui se con-
dense en petits cristaux dans le fond des pots. On l’enlève des pots au
(1) Amœnitates exoticæ, 1712, 770.
(2) ttist. o f Japon, trad. par Sciieuciizeu, 1727, I, 353, 370.
(3) Description de la Chine, 1735, I, 161.
254 LAURACÉES.
bout de quelques jours ; il est alors très-pur et translucide. Quatre appa-
reils, surmontés chacun de dix pots, sont, en général, disposés en des-
sous d’un hangar. On change ces appareils de place de temps à autre,
suivant que l’épuisement du bois dans la localité rend ce changement
nécessaire. On fabrique aussi dans les villes une quantité considérable
de Camphre; on y apporte les copeaux des localités qui les produisent.
Le Camphre est apporté de l’intérieur à Tamsui, principal port de
lile Formose, dans des paniers qui en contiennent chacun un demi-
pécul environ, et qui sont revêtus de toiles, et couverts de grandes
feuilles. A 1 arrivée, on place le Camphre dans des cuves contenant
chacune de 300 à 330 kil . , ou bien on l’emballe dans des barils, ou des
caisses en bois doublées de plomb, dans lesquels on l’exporte. Il s’é-
coule des barils ou des cuves une huile essentielle jaunâtre, connue
sous le nom d Huile de Camphre, employée par les Chinois contre le
rhumatisme (1).
Kampfer (2) raconte que, dans les provinces japonaises de Satzuma,
et dans les îles de Gotho, on lait bouillir les copeaux dans une marmite
en fer, recouverte d un chapiteau en terre, contenant de la paille, dans
laquelle le Camphre se dépose. Il ne fait pas mention de l’écoulement
de l’huile essentielle (3).
Purification. A son arrivée en Europe le Camphre doit être pu-
rifié par sublimation. A l’état brut, il est formé de petits granules
cristallins qui adhèrent les uns aux autres en masses irrégulières,
friables, colorées en blanc grisâtre ou rosé. Quand on le fait dissoudre
dans 1 alcool, il abandonne de 2 à 10 pour 100 d’impuretés, consistant
en gypse, en sel commun, en soufre, et en fragments végétaux.
En Europe, on sublime le Camphre avec un peu de charbon ou de
sable, de la limaille de fer, ou de la chaux vive. On l’envoie ensuite sur
le marché sous la forme de calottes ou de gâteaux concaves, ayant
25 centimètres environ de diamètre et 8 centimètres d’épaisseur, et po-
li) Les détails ci-dessus sont tirés surtout du Tra'de Reports of Tamsui, par
E.-C. Taintor, agent des douanes, publié dans les Reports on trade at the Treaty
Ports in China for 1869, Shanghai, 1870, et des Commercial reports of H. M. consuls
in China, 1874.
(2) Op. cit., 772.
(3) Nous devons des détails récents relatifs au Japon il M. de Roretz [Journal poly-
technique de Dingler, 318, 1875, p. 450). Il donne la figure de l’appareil dont on se sert
dans la province de Posa, dans l’île de Sikok. On y établit un tonneau en bois au lieu
d’une auge, et le Camphre, imprégné de l’essence liquide, va se condenser dans une
caisse en bois, refroidie par de l’eau courante. L’essence liquide est séparée par une
légère pression à laquelle ou soumet le Camphre. [F. A. F.]
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 255
sant de 9 à 12 livres (I). Chaque calotte offre à son centre un trou qui
correspond à l’ouverture de l’alambic dans lequel on a fait la sublima-
tion. Cette opération est faite dans des vases en verre spéciaux, nommes
en Angleterre bomboloes , et dans la partie supérieure desquels le
Camphre se concrète. On charge ces alambics, et on les placé dans un
bain de sable qu’on chauffe rapidement entre 120° et 190° C., afin d en-
lever l’eau. On l’élève ensuite à une température un peu plus haute,
à 204° C. environ, et on la maintient à ce point pendant vingt-quatre
heures. On brise ensuite les vases.
Comme le Camphre est neutre, la chaux sert sans doute à retenir les
traces de la résine et de l’huile empyreumatique. Le fer retient le soufre
et l’eau qui pourraient s’y trouver.
Le raffinage du Camphre se fait sur une large échelle, en Angleterre,
en Hollande, à Hamburg et à Paris. Cette opération exige beaucoup de
soins à cause de l’inflammabilité du produit. La température doit aussi
être bien réglée pour que le Camphre sublimé se dépose, non en cristaux
épars, mais en masses compactes. Dans l’Inde, où la consommation du
Camphre est très-considérable, les indigènes effectuent la sublimation
dans un alambic en cuivre, dont la charge est d’environ \ maund et
demi (19 kil.). On place le feu dans la partie inférieure, tandis qu’on
refroidit l’extrémité supérieure (2).
Description. — Le Camphre purifié forme une masse incolore, cris-
talline, translucide, traversée par de nombreuses fissures ; malgré une
certaine élasticité, il se casse facilement sous des coups répétés. Par
évaporation lente et spontanée à la température ordinaire, le Camphre se
sublime en plaques ou en prismes hexagonaux lustrés, n’ayant que très-
peu de dureté. Lorsqu’on le triture dans un mortier, il adhère au pilon,
et ne se laisse pas pulvériser; mais si on V humecte avec de l’alcool,
de l’éther, du chloroforme, ou une huile essentielle ou grasse, la
pulvérisation s’effectue sans difficulté. La poudre conservée pendant
un certain temps acquiert une forme cristalline. Le Camphre additionné
d’un poids égal de sucre se laisse aisément pulvériser.
Le Camphre fond à 175o C. ; il bout à 205° C., et se volatilise assez
rapidement, même à la température ordinaire. On peut attribuer a cette
dernière propriété, et à sa faible solubilité, le curieux phénomène de
dotation que présentent les petits morceaux de Camphre (aussi bien que
(1) Ce sont les dimensions des pains fabriqués dans le laboratoire do MM. Howard,
de Stratford, mais elles varient beaucoup avec les fabricants.
(2) Mattiieson, England to Delhi , Lond., 1870, 474.
2jb LAURACÉES.
les fragments de butyrate de baryum, de bromure d’étain et de quel-
ques autres substances) lorsqu’on les place sur l’eau.
La solubilité du Camphre dans l'eau est très-faible; \ 300 parties
d’eau ne dissolvent qu’une partie de Camphre; et cette faible quantité
se sépare partiellement quand on ajoute un sel alcalin ou terreux,
comme le sulfate de magnésium. Les alcools, les éthers, le chloroforme,
le bisultuie de carbone, les huiles fixes et volatiles, et les hydrocarbones
liquides dissolvent le Camphre facilement.
Le poids spécifique du Camphre, à 6° C. et au-dessous de 6° C., est le
môme que celui de l’eau ; cependant, à une température un peu plus
élevée, il se dilate plus rapidement, et, entre 10° et 12° C., son poids spé-
cifique est seulement 0,992.
Ln solution concentrée, ou à 1 état de fusion, le Camphre dévie forte-
ment le plan de polarisation à droite. La solution officinale de Camphre
(■ Spiritus Camphoræ) est trop faible, et ne produit guère de déviation de
la lumière polarisée (IJ. Les cristaux de Camphre sont dépourvus de
pouvoir rotatoire (2).
Le Camphre possède une saveur et une odeur sui generis, ou qui du
moins n’appartiennent qu’au groupe de substances dont il fait partie.
Il ne s’altère pas par exposition à l’air ou à la lumière. Il brûle avec
facilité en donnant une flamme brillante, fuligineuse.
Composition chimique. — Le Camphre, C'°H160, traité par divers
réactifs, donne un grand nombre de produits intéressants. Lorsqu’on le
distille à plusieurs reprises avec du chlorure de zinc ou de l’acide phos-
phorique anhydre, il se convertit en Cymène , G10HU, corps contenu dans
plusieurs huiles essentielles, ou qui du moins peut en être retiré. Le
Camphre et l’huile de Camphre, soumis à des agents oxydants puis-
sants , absorbent de l’oxygène et se transforment graduellement :
d abord en acide C amphorique, Cl0Hl6Ol, puis en acide Camphrétique,
C'°HuO' ; de 1 eau et de l’acide carbonique sont en même temps éli-
minés.
Plusieurs huiles essentielles, résines et gommes-résines donnent ces
mêmes acides sous l’influence du même traitement. Au moyen d’agents
oxydants moins énergiques, on peut convertir le Camphre en Oxy-
Camphre, C,0H1(îO2, qui garde l’odeur et la saveur primitives (3).
(!) Pharm. Journ., 18 avril 1874, 830.
(2) Des Ci.oizeaux, Comptes rendus Ac. sc., 1870, LXX, 1209.
(3) Pour les détails relatifs aux nombreux autres composés du Camphre, consultez
le Dictionnaire de chimie de Wurtz.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 257
Commence. — Ou connaît sur le mut clic anglais deux sortes de Gain-
phre brut :
1° Camphre de Formose ou de Chine. — Il est importé en caisses dou-
blées de feuilles de plomb, ou en caisses de fer étamé qui pèsent cha-
cune 1 quintal. Sa coloration est d’un brun clair ; il est en petits grains
et toujours humide, parce que les marchands ajoutent de l’eau dans les
caisses avant rembarquement, dans le but, dit-on, de diminuer la perte
par évaporation. Les exportations de ce Camphre faites par le port de
Tarnsui, dans l’île Formose (I), pendant les années 1870, 1871, 1872,
ont été les suivantes: en 1870, 14481 péculs (2); en 1871, 9691 pé-
culs; en 1872, 10281 péculs. Les embarquements de Camphre effectués à
Takow, autre port de Formose, ont été insignifiants. On exporte main-
tenant une certaine quantité de planches de Camphrier, de Tamsui.
2° Camphre du Japon. — Il est plus clair en couleur, et parfois rosé ;
il est aussi en grains plus volumineux. Il arrive dans de doubles fûts,
non doublés de métal ; il est par suite plus sec que le précédent. Chaque
fût en contient environ 1 quintal. Il atteint un prix un peu plus élevé
que le Camphre de Formose.
Hiogo et Osaka en ont exporté, en 1871, 7 089 péculs, et Nagasaki,
745 péculs, dont la valeur totale était de 116 718 dollars (3). Les
importations de Camphre non raffiné dans le Royaume-Uni s’élevèrent,
en 1870, à 12 368 quintaux, celles de Camphre raffiné furent, pendant
la même année, de 2 361 quintaux (4).
Le Camphre est beaucoup consommé par les indigènes de l’Inde. La
quantité de drogue brute importée à Bombay, pendant l’année 1872-73,
fut de 3 SOI quintaux (5).
Usages. — Le Camphre jouit de propriétés stimulantes ; il est fré-
quemment employé en médecine soit à l’intérieur, soit à l’extérieur.
Dans l’Inde, on en fait un grand usage. 11 est inutile de rappeler les
propriétés anaphrodisiaques qui lui ont été attribuées et l’importance
que lui accordent certaines personnes. On l’administre particulièrement'
en frictions et autres applications externes, à l’état de solution dans
l’alcool ou l’eau-de-vie.
(1) Rcturns of Trade at the Treaty Ports in China for 1872., P. 11,124.
(2) Commercial Reports from H.M. Consuls in Japan, n» 1, 1872. — Le rapport
pour Hiogo et Osaka s’appuie sur l’autorité de la Chambre de commerce.
(3) Statement of the Trade and Navigation of the united Kingdom for 1870, 61 .
(4) Le pécul vaut 60.47 kil.
5) Statement of the Trade and Navigation of Bombay for 1872-73, II, 27. Le quin-
tal vaut 60.8 kil.
IIIST. DES DROGUES, T. II.
17
258
LAURACÉES.
autres sortes de camphres, huiles de camphre.
Camphre de Barus, Camphre de Bornéo, Camphre Malais, Camphre
de Dryobaianops. - Comme nous l’avons dit plus haut, c’est à cette
substance que se rapportent les plus anciens documents. L’arbre qui le
fournit est le Dryobaianops aromatica Gærtn. {D. Camphora Colebrooke),
de la famille des Diptérocarpacées, l’une des plus belles du règne végé-
tal. Le tronc est très-élevé, cylindrique, droit, dilaté, près de la base,
en énotmes arcs-boutants. Il s’élève jusqu’à 30 ou 45 mètres sans pro-
duire une seule branche, et se termine alors par une cime touffue de
feuilles luisantes, large de 15 à 20 mètres, sur laquelle sont semées de
magnifiques fleurs blanches, d’une odeur délicieuse (1). Cet arbre est
indigène des résidences hollandaises, sur la côte nord-ouest de Su-
matra, entre 0° et 3° de latitude nord, depuis Ayer et Bangis, jusqu’à
Barus et Singkel. Il habite aussi la partie nord de Bornéo, et la petite
île anglaise de Labuan (c).
Le Camphre est retiré de son tronc, dans les fissures longitudinales
duquel on le trouve à l’état solide et cristallin; on l’extrait péniblement
en fendant le bois. On ne peut l’obtenir qu’en détruisant l’arbre com-
plètement. Tous les arbres n’en contiennent pas, et pour éviter un
abatage inutile, on a aujourd hui l’habitude de les choisir en pratiquant
un trou sur le côté du tronc ; cependant l’observation ainsi faite est sou-
vent tiompeuse. Spenser Saint-John, consul anglais à Bornéo, dit que le
plus beau Camphre se trouve souvent dans les arbres en voie de dépé-
rissement (2). Après avoir retiré le Camphre, on le trie avec soin, on
le lave et on le nettoie ; on le divise ensuite en trois qualités, dont la meil-
leure est formée des plus grands et des plus beaux cristaux, tandis que
1 inférieure est grisâtre et pulvérulente. Il est difficile de dire combien
1 on retire d ordinaire de Camphre d’un seul arbre ; mais le témoignage
de Colebrooke, d après lequel un seul arbre pourrait produire 1 1 livres,
nous paraît vraisemblable (3). Une grande partie de la petite quantité
(1) Pour des observations récentes sur la botanique du Dryobaianops, voyez un mé-
moire de W. T. Thiselton Dyer, in Journ. of Botan. de Trimen, avril 1874, 98.
(2) Life in the For ests of the Far East, \ 862, II, 272.
(3) De Vriese et Motley, in Journ. of Botany de Hooker, 18S2, IV, 33, 302. De
Vriese déclare que ces chiffres sont exagérés, et que le plus haut et le plus vieux des
arbres en contient rarement plus de 2 onces! Si ce dernier chiffre était vrai, il faudrait
au moins mille arbres pour donner un seul pécul de camphre. Miquel ( Prodr . Floræ Su -
matranæ, 66) confirme les chiffres de Colebrooke en disant que 100 livres lui avaient été
indiquées comme le produit de neuf arbres. Il cite un autre témoignage d’après lequel
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 259
produite est consommée dans les cérémonies funéraires des princes de
Batta, dont les familles sont souvent ruinées par les achats de Camphre
et de buffles que nécessitent d’ordinaire ces obsèques. Le Camphre
exporté est acheté surtout pour le marché de la Chine, mais une petite
quantité est également expédiée au Japon, dans le Laos, la Gochinchine,
le Cambodge et Siam.
La quantité annuellement expédiée de Bornéo fut évaluée, en 1851 , par
Motley, à environ 7 péculs. L’exportation de Sumatra fut estimée, par
de Vriese, à 10 ou 15 quintaux par an (I). La quantité importée à
Canton, en 1872, fut évaluée à 23 7/10 péculs valant 42 326 taels, la
livre (2). Dans VAnnuai Statement of the Tracle of Bombay, pour l’an-
née 1872-73, on trouve 2 quintaux de Malayan Camphor signalés comme
ayant été importés à Bombay. Ils valaient 9 141 rupies (24 450 francs) (3).
A Bornéo, le prix du Camphre de belle qualité était, en 1851 , de 30 dol-
lars le catty, ou environ 250 francs le kil. La drogue ne pénètre par suite
jamais dans le commerce européen.
Le Camphre de Bornéo, ou Bornéol, est un peu plus dur que le Camphre
commun, et un peu plus lourd; il s’enfonce dans l’eau. Il est moins vo-
latil, et ne cristallise pas dans l’intérieur du flacon dans lequel on le
conserve. Ses cristaux appartiennent au système cubique. Il exige pour
fondre une température plus élevée, 198° C. Son odeur est un peu diffé-
rente ; elle ressemble à la fois à celle du Camphre commun, et à celle du
patchouly ou de l’ambre gris. La composition du Bornéol est représentée
par la formule C10H18O. Il peut être converti, par l’action de l’acide ni-
trique, en Camphre commun. Berthelot a montré, en 1858, que l’on peut
préparer le Bornéol à l’aide du Camphre commun, en chauffant ce dernier
avec de la potasse alcoolique. On peut le faire aussi, d’après Baubigny
(1866), en traitant une solution de Camphre ordinaire dans le toluol par
du sodium.
Huile de Camphre de Bornéo. — Indépendamment du Camphre, le-
Dryobalanops fournit un autre produit qui est liquide, et se nomme Huile de
un seul arbre donnerait seulement un petit nombre de catties (1 oatty vaut 1 livre 1/3
ou 604 grammes).
(1) A l’époque de Milbdrn ( Oriental Commerce, 1813, II, 308) Sumatra passait pour
en exporter 50 péculs, et Bornéo 30 péculs, par an. L’assertion de Rondol, que la Chine
importe environ 800 péculs de Camphre de Barus par an, est tout à fait erronée.
(2) Retums of Tradc al the Treaty Ports in China for 1872, 30. Le tael chinois
vaut à peu près 7 fr. 50.
(3) Le nouveau tarif de la douane anglaise dans l’Inde, de 18.75, porte le droit d’en-
trée du camphre de Bornéo (camphor Bhemsaini) à 80 rupies par livre, c’est-à-dire à
plus de 400 francs par kilogramme, [P. A. F.]
2G0
LAURACÉES.
Camphre. Il 11e laut pas la confondre avec l'huile do Camphre qui s'écoule
du Camphre brut du Camphrier, h' Huile de Camphre de Bornéo ou de
Sumatra est obtenue par la ponction ou l’abatage des arbres (voy. aussi
1. 1, p. 170). Motley, après avoir abattu un arbre dans le Labuan, en
mai 1851 , pratiqua dans son tronc un réservoir duquel il retira environ
5 gallons d’huile de Camphre (1). Ce liquide était une huile volatile,
tenant en solution une résine qui, après quelques jours d’exposition à
1 air, se déposa à 1 état sirupeux. Cette huile de Camphre, nommée Bor-
nééne, est isomôrique de l’essence de térébenthine, G'°H16, mais à l’état
brut, elle tient en solution du bornéol et de la résine. Par distillation
fractionnée, on peut la diviser en deux parties, l’une plus volatile que
l’autre, mais toutes les deux semblables par la composition.
Huile de Camphre de Formose. — Nous avons dit déjà qu’elle s’écoule
du* Camphre brut du Cinnamomum Campkora. C’est un liquide tenant en
solution une grande quantité de Camphre commun, qui se dépose en
cristaux lorsqu on abaisse un peu la température. Elle se distingue de
l’Huile de Gamphre de Bornéo, par son odeur de Sassafras. Nous n’avons
trouvé aucune différence optique dans le pouvoir rotatoire de ces deux
huiles ; toutes les deux sont dextrogyres avec la même intensité ; il en
est de même lorsqu’on a séparé par refroidissement le Camphre com-
mun de son huile. Un échantillon d’essence de Camphre de Bornéo, qui
nous a été donné par le professeur de Vriese, ne laissa pas déposer de
Camphre, même en étant maintenu à 15° C.
Camphre de Ngaï, Camphre de Blmnea. — On sait depuis plusieurs
années que les Chinois ont l’habitude d’employer une troisième variété
de Camphre, ayant une valeur pécuniaire intermédiaire à celles du
Camphre commun et du Camphre de Bornéo. Il a été montré récem-
ment (1874) que cette substance se fabrique à Canton, et que la plante
qui la produit est le Blmnea balsamifera DG., grande plante herbacée,
de la famille des Composées, nommée en chinois Ngai, abondante
dans l’Asie orientale tropicale (d).
Cette drogue nous a été envoyée à l’état brut et à l’état pur (2). Sous
la première forme, elle est en grains cristallins d’un blanc sale, souillés
par des débris végétaux. Sous la seconde forme, elle est en cristaux
incolores ayant jusqu’à 2 centimètres et demi de long. Par sublimation,
on peut obtenir cette substance en cristaux distincts, brillants, sem-
(1) Ibn Khurdadbah, au neuvième siècle, la mentionne comme étant obtenue par
ce procédé.
(2) Grâce à la courtoisie de M. F. H. Ewer, des Douanes maritimes impériales
chinoises, à Canton.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. «CI
blables à ceux du Camphre do Bornéo, dont ils ont aussi l’odeur et la
densité; ils sont également, comme eux, un peu plus lourds que l'eau, et
ne se volatilisent pas comme le Camphre commun.
L’examen chimique du Camphre de Ngaï, fait par Plowmah (I),
sous la direction du professeur Attfîeld, a prouvé qu’il possède la com-
position C‘°H180, comme le Camphre de Bornéo. Cependant ces deux
substances diffèrent parleurs propriétés optiques (2), la solution alcoo-
lique du Camphre de Ngaï étant lévogyre au môme degré que celle du
Camphre de Bornéo est dextrogyre. L’acide nitrique bouillant trans-
forme le Camphre de Bornéo en Camphre dextrogyre commun, tandis
qu’il transforme le Camphre de Ngaï en un Camphre lévogyre, probable-
ment identique avec le stéaroptène du C hrysantliemum Parthenium Pers.
Comme le Camphre de Ngaï coûte environ dix fois plus que le Camphre
de Formose, il n’en parvient jamais en Europe, comme article de com-
merce. En Chine, il est consommé en partie dans la médecine, et en
partie pour parfumer les
belles sortes d’encres de
Chine. L’exportation de ce
Camphre, par la voie de
Canton, est évaluée à en-
viron 3 000 livres par an.
(a) Le Cinnamomum Cam-
phora Nees et Ebermann [Med.
ph. Bot., Il, 430 ; PL off., I,
127), vulg. Camphrier du Ja-
pon, autrefois considéré comme
le type d’un genre distinct sous
le nom de Camphora (Nees)
ofjicinarum , est un arbre à
feuilles alternes, persistantes,
protégées dans le bouton par
de grandes écailles rigides et
imbriquées, à branches lisses
et assez écartées. Les feuilles
sont pétiolées, simples, un peu
coriaces, colorées en vert bril-
lant et luisantes en dessus, un
peu plus pâles en dessous, por-
tées par un pétiole grêle et lisse, long de 3 â 4 centimètres, et munies d’une nervure
médiane saillante, de laquelle partent un petit nombre de nervures latérales obli-
ques, dont les deux inférieures sont saillantes, et munies, dans l’angle qu’elles
(1) Pharm. Joum ., 7 mars 4 874, 710.
(1 2) Fi.&ckioer, in Pharm. Joum., 18 avril 1874, 82!).
262
LAURACÉES.
forment avec la [nervure principale, d’une glande saillante en dessus, luisante,
ouverte en dessous par un pore ovale. Les fleurs sont disposées en grappes
axillaires ou terminales, lâches, ramifiées de cymes. La fleur est construite comme
celle du Cannellier (voy. p. 236, note a) ; sa face extérieure est lisse et son ca-
.lice se détache circulai remont, pendant la maturation du fruit, au niveau de son in-
sertion, de façon à no laisser autour de la hase du fruit que la cupule réceptacu-
laire durcie, [Trad,]
(6) 11 n’existe dans le Camphrier aucun organe de sécrétion analogue soit aux
canaux sécréteurs des Boswellia et des Garcinia (voy. 1. 1, p. 166, fig. 37), soit aux
glandes des Citrons (t, I, p. 218, fig. 70). Le camphre paraît être sécrété par des
cellules parenchymateuses assez semblables à leurs voisines, et le produit de sécré-
tion s’accumule dans des fentes et des cavités résultant de la destruction des parois
cellulaires. Il se répand ainsi dans les diverses parties de l’arbre, où il se dessèche
plus ou moins, et dont on l'extrait par sublimation. Les mômes faits se produisent
dans le Dryobalanops aromalica qui fournit
le Camphre de Bornéo. [Trad.]
(c)Les Dryobalanops (GærtnerFil., Frucl.,
III, S0, t. 187, 188) sont des Diptérocarpa-
cées, de la série des Diptérocarpées, à fleurs
régulières , hermaphrodites et pentamères ,
avec un réceptacle un peu concave, des éta-
mines nombreuses, et un fruit entouré de
cinq sépales persistants en ailes membraneu-
ses d’égale longueur.
Le Dryobalanops aromalica Gærtner Fil.
(/oc. cit.), vulg. Camphrier de Sumatra , ou
de Bornéo, est un très-grand et bel arbre à
feuilles alternes, simples, entières, coriaces,
penninerviées, à limbe porté par un pétiole
court, et accompagné à la base de deux pe-
tites stipules qui tombent de très-bonne heure.
De la nervure médiane du limbe partent un
grand nombre de nervures secondaires paral-
lèles qui s’en détachent obliquement. Les
Fig. 209. Dryobalanops aromalica.
fleurs sont disposées en grappes ramifiées, terminales ou axillaires, lâches. Chaque
fleur est portée par un pédoncule articulé sur un petit coussinet
saillant, au-dessous duquel se voit une petite bractée ou sa ci-
catrice. Le réceptacle est légèrement concave et cupuliforme.
Le calice inséré sur ses bords est formé de cinq sépales à peu
près égaux, imbriqués dans la préfloraison, obtus au sommet,
persistants et accrescents. La corolle est formée de cinq pétales
alternes avec les sépales, à peu près de la même longueur
qu’eux, tordus dans la préfloraison, également insérés sur les
bords du réceptacle, en dedans du calice. L androcée se com-
Fig. 210. Dryobalanops pose d’étamines nombreuses, indépendantes, insérées en dedans
aromatica. Fleur de ]a corolle et un peu périgynes comme cette dernière, com-
coupée verticalement. p()sées chacune d’un filet court et d’une anthère allongée,
étroite, surmontée par un prolongement conique et aplati du connectif. Chaque
anthère est formée de deux loges linéaires, introrscs, déhiscentes par des fentes Ion-
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 263
«
gitudinales. Le gynécée est formé d’un ovaire libre, inséré dans le fond delà cupule
réceptaculaire, ovoïde, divisé en trois loges plus ou moins complètes, et surmonté
d’un style cylindrique, de même longueur que les étamines, terminé par un stig-
mate un peu dilaté en forme de cupule crénelée sur les bords. Chaque loge ova-
rienne contient deux ovules insérés dans l’angle interne, collatéraux, incomplètement
anatropes, à micropyle dirigé en haut et en dehors. Le fruit est une capsule arron-
die, entourée par les sépales développés en cinq grandes ailes à peu près égales,
allongées, arrondies au sommet, rigides, un peu coriaces, parcourues par des
nervures longitudinales saillantes. La capsule s’ouvre à la maturité en trois valves à
sommet triangulaire. Elle ne contient d’ordinaire qu’une seule graine qui renferme
sous ses téguments uu gros embryon charnu, sans albumen, à cotylédons très-
irrégulièrement lobés ou ruminés, contortupliqués, très-inégaux, le plus grand en-
tourant le petit, et à radicule supère conique. La graine germe souvent dans le
fruit. [Trad.]
(d) Les Blumea DC (in Guillem. Arch. Bot., U, 514 ; Prodr., V, 432) sont des
Synanthéracées, de la tribu des Inuloidées, à achaines petits ; à aigrette formée de
soies grêles et nombreuses ; à capitules disposés en panicules terminales, oblon-
gues ou pyramidales, ou en glomérules contractés, ou plus rarement presque soli-
taires ; à involucre formé de bractées étroites, aiguës, rigides ; à corolle des fleurs
femelles filiformes ; à anthères appendiculées ; à style des fleurs hermaphrodites or-
dinairement bifide au sommet.
Le Blumea balsamifera DC (Prodr., V, 447 ; Coniza balsamifera L.) est une
plante il tige suffrutescente à la base, à rameaux cylindriques, velus ou laineux; à
feuilles pétiolées, oblongues ou elliptiques-lancéolées, doublement dentées, velues
en dessus, laineuses en dessous. Les pétioles sont munis de lobes appendiculaires,
linéaires-lancéolés. Les fleurs sont disposées en un corymbe subpaniculé, divariqué.
L involucre est formé d’écailles linéaires, aiguës, velues. [Trad.]
ECORCE DE BIBIRU.
Cortex Bibiru ; Cortex Nectcindræ ; angl., Greenheart Bark, Bibiru or Bebeeru Bark.
Origine botanique. — Nectcindra Rocliœi Schomburgk. Le Bibiru est
un grand arbre de forêt, croissant sur les terrains rocheux de la
Guyane anglaise, jusqu’à 50 milles dans l’intérieur des terres. On
le trouve en abondance sur les côtes élevées qui bordent les rivières
d Essequibo, Cuyuni, Demerara, Pomeroon et Berbice. L’arbre atteint
une hauteur de 24 à 30 mètres; son tronc est dressé, indivis, et fournit
un excellent bois, qui est considéré, en Angleterre, comme un des pre-
miers bois de constructions navales. On peut le débiter en poutres de
18 à 20 mètres de long [a).
Historique. — En 1769, Bancroft, dans son Ilistory of Guiana, appela
1 attention sur un excellent bois fourni par le Greenheart ou Sipeira. Vers
1835, on apprit que Hugh Rodie, médecin de la marine, qui avait sé-
journé à Demerara pendant vingt ans, avait découvert dans l’écorce
2Gi LAURACÉES.
do cet arbre un alcaloïde d’une grande efficacité comme fébrifuge (i).
En 1843, cet alcaloïde, auquel Rodie a donné le nom de Bébéérine, fut
examiné par le docteur Douglas Maclagan, et l’année suivante l’arbre
fut décrit par Schomburgk sous le nom de Nectandra Ilodiæi{2).
Description. — L’écorce de Bibiru se présente en longs morceaux
aplatis, grossiei’s, assez fréquemment larges de 10 centimètres et épais
de 6 millimètres à 2 centimètres et demi, colorés extérieurement en
brun-grisâtre clair, avec une surface externe de couleur cannelle plus
uniforme, munie de fortes stries longitudinales.
Celte écorce est dure et cassante ; sa cassure est grossièrement grenue,
un peu foliacée, et fibreuse dans les coucbes internes seulement. La
couche subéreuse grisâtre est toujours mince; elle forme souvent de
petites verrues, et laisse voir, lorsqu’on l’enlève, des dépressions longitu-
dinales, analogues aux dépressions digitales de l’écorce plate de calisaya,
mais ordinairement plus longues. L’écorce de Bibiru possède une saveur
amère très-prononcée, mais elle n’est pas aromatique. Son infusion
aqueuse est colorée en brun cannelle très-pâle.
Structure microscopique (3). — La structure générale de cette écorce
est très-uniforme, presque tout son tissu s’étant transformé en cellules
à parois épaisses. Les cellules de la couche subéreuse elle-même offrent
des dépôts secondaires ; l’enveloppe primaire a entièrement disparu, et
il n’existe pas de transition entre le suber et le liber. Les éléments
dominants de cette écorce sont des cellules pierreuses et des fibres libé-
riennes très-courtes., entrecoupées par des rayons médullaires, et croisées
transversalement par du parenchyme et de petites cellules prosenchy-
mateuses à parois un peu moins épaisses, formant sur une section
transversale des carrés ou de petits groupes. Les seules cellules qui
affectent un caractère particulier sont les fibres pointues du liber in-
terne, qui ont une curieuse forme de scie, due aux nombreuses protube
rances et sinuosités dont elles sont pourvues. La très-petite cavité des
cellules à parois épaisses contient une substance d’un brun foncé, qui
se colore en noir grisâtre sous l’influence du sulfate de fer. La même
coloration se produit dans le tissu moins dense qui entoure les grou-
pes de cellules pierreuses. Cette coloration est due à la présence d’une
matière tannique.
(1) Halliday, On ihe Bebeeru tree of British Guiana, and Sulphate of Bebeerine, the
former a substitute for Cinchona, the lutter for Sulphate of Quinine (in Edinb. Med.
and Surg. Journ., 1835, LX).
(2) Journ. of Botany, de Hooker, 1844, 624.
(3) Voir aussi Vogl, Jahresbericht, 1871, p. 44.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 263
Composition chimique. — L’écorce do Bibiru contient un alcaloïde
qui u été regardé pendant longtemps comme une espece chimique dis-
tincte sous le nom de Bibirine ou Bibirine. Walz a montré, en 1860, que
ce corps est probablement identique avec la Buxine , substance .décou-
verte, dès 1830, dans l’écorce et les feuilles du Buis ( Buxus sempervi-
rens L.). En 1869, l’observation de Walz fut confirmée dans un certain
sens par l’un de nous (I). Il démontra que la Pélosine, alcaloïde qui se
trouve dans les tiges et les racines du Cissampelos Pareira L. et du
C bondodendron tomentosum Roiz et Pavon, ne peut pas être distinguée de
l’alcaloïde du Bibiru et du Buis. L’alcaloïde de l’écorce de Bibiru peut
être facilement préparé à l’aide du sulfate brut employé en médecine sous
le nom de Sulfate de Bibirine. C’est une substance amorphe, incolore,
ayant pour formule C18II21Az03. Cet alcaloïde est soluble dans 5 parties
d'alcool absolu, dans 13 d’éther, et dans 1 400 (1 800 d’après Walz) d’eau
bouillante; ces solutions sont nettement alcalines au tournesol. lise
dissout facilement dans le bisulfure de carbone, et dans les acides di-
lués. Les sels sont incristallisables. La solution de son acétate neutre
donne un abondant précipité sous l’influence d’un phosphate alcalin,
d’un nitrate, ou de l’iode, de l’iodo-hydrargyrate ou du platino-cyanure
de potassium, du perchlorure de mercure, et de l’acide nitrique ou
iodique.
Maclagan, l’un des plus anciens investigateurs du Bibiru, a récem-
ment retiré, en collaboration avec Gamgee (2), des alcaloïdes du bois
de l’arbre. Ces chimistes ont assigné à l’un de ces corps la for-
mule C20H2:iAzO4, et lui ont donné le nom de Nectandria. Deux autres
alcaloïdes, dont les caractères n’ont pas été suffisamment étudiés, ont
été retirés du même bois.
L 'acide Bibirique, que Maclagan a retiré des graines, est décrit comme
incolore, cristallin, déliquescent, fusible à 150° C., et volatil à 200° C.
en formant alors des touffes d’aiguilles.
Commerce. — L’écorce de Bibiru ne se trouve pas toujours sur le
marché. Elle est importée en barils contenant de 80 à 84 livres chacun,
ou en sacs qui contiennent un demi ou un quart de quintal.
Usages. — L’écorce de Bibiru a été recommandée comme tonique
amer et fôbifruge, mais elle n’est que peu employée, sauf sous la forme
(1) FlIIckiger, Noues Jnhrbuch fur Pharmacie, 1869, XXXI, 287 ; Pharm. Joum.
1870, XI, 192.
(2) Pharm. Joum., 1870, XI, 19.
2GG LAURACÉES.
de Sulfate de Bibirine, qui est un sulfate brut de buxine (f). C’est une
substance noire, amorphe, qui, ayant été étendue à l’état sirupeux dans
une assiette vernie, s’obtient en lames minces et transparentes. Elle
nous a présenté à peine un tiers de son poids d’alcaloïde pur.
(a) Les Neclandra Roland (ex Rorrn., in Ad. litt. Jlafn. (1778), I, 279) sont des
Lnuracées de la tribu des Ocotéées, à fleurs hermaphrodites ou polygames ; à récep-
tacle cupuliforme ; à périanthe étalé, souvent presque charnu, formé de six folioles,
les trois intérieures souvent plus grandes, toutes valvaires dans la préfloraison, et
caduques ; à androcée formé de neuf étamines munies chacune d’une grande an-
thère h quatre logettes, introrses dans les six étamines extérieures, latérales oy sub-
extrorses dans les trois intérieures ; à fruit entouré par la base du réceptacle.
Le Nedandra Rodiœi Scuombdrgk (in Journ. of Botany de Hooker, 1844, 624)
est un grand arbre à feuilles opposées, penninerviées, coriaces, arrondies ou aiguës
à la hase, recourbées sur les bords, ovales, oblongues, aiguës ou courtement acu-
miuées au sommet, glabres ; à fleurs disposées en panicules courtes presque ses-
siles, couvertes de poils tomenteux fauves. Les fleurs sont portées par des pédi-
celles à peu près aussi longs que le calice. Elles exhalent une odeur de jasmin.
Le N. Cymbarum Nees ( Syst ., 305) qui produit une huile odorante (voy. p. 270)
se distingue par ses feuilles allongées, oblongues-lancéolées, atténuées aux deux
extrémités, et sa cupule réceptaculaire très-développée, turbinée, hémisphérique.
[Trad.]
RACINE DE SASSAFRAS.
Radia j Sassafras, Lignum Sassafras; angl., Sassafras Root ; allem., Sassafrasholz.
Origine botanique. — Sassafras officinalis Nees ( Laurus Sassafras L.).
Cet arbre croît dans l’Amérique du Nord, depuis le Canada jusqu'à la
Floride et le Missouri. Dans le nord, il ne forme qu’un arbuste ou un
petit arbre de 6 à 9 mètres de haut, mais dans le centre et le sud des
Etats-Unis, et surtout dans la Virginie et la Caroline, il atteint une hau-
teur de 30 mètres. Ses feuilles sont dimorphes; les unes sont ovales
et entières, tandis que les autres sont découpées en deux ou trois lobes,
les premières paraissant plus âgées que les autres (a).
Historique. — Monardes rapporte que les Français, pendant leur expé-
dition de la Floride, vers i 562 , guérissaient leurs maladies avec le bois
et la racine d’un arbre nommé Sassafras, dont les Indiens leur avaient
appris l’usage (2). Tené de Laudonnière, en exposant, en f 564, les objets
curieux de la Floride, dit que le plus remarquable des arbres des
(1) M. W. H. Campbell, de Georgetown, Demerara, m’a assuré que ni l’écorce ni
son alcaloïde ne sont estimés dans la colonie [D. H.].
(2) Historia médicinal de las cosas que se traen de nucslras Indias Occidentales
1574, 51.
267
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
forêts, à cause de son bois, et surtout du parfum de son écorce, est celui
qui est désigné par les indigènes sous le nom de Pcwcime , et par les
Français sous celui de Sassafras (1).
En IG 10, les instructions du gouvernement anglais au gouverneur de
la nouvelle colonie de Virginie mentionnent, parmi les marchandises à
expédier dans la métropole, « Small Sassafras Rootes » qu’on devra
« arracher pendant l’hiver, et faire sécher, et non préparer pendant
l’été; et qui valent 50 livres et davantage la tonne (2). » Les embar-
quements acquirent plus tard une importance relativement exagérée,
car en 1622, on se plaignait que l'expédition des autres marchandises
était négligée pour celle du tabac et du sassafras (3).
Le Sassafras fut introduit en Angleterre à l’époque de Gérarde
(vers 1597), qui parle d’un de ces arbres croissant à Bow. A cette époque,
le bois et l’écorce de la racine étaient employés surtout dans le traite-
ment de la goutte.
Description. — Le Sassafras est importé en grands morceaux ramifiés,
qui offrent souvent la portion inférieure de la tige, et qui ont de 15 à
30 centimètres de diamètre (4). Les racines proprement dites diminuent
de taille jusqu’à avoir la dimension d’une plume; elles sont couvertes
d’une écorce spongieuse, terne, rugueuse. Cette écorce offre une couche
subéreuse inerte, molle ; et au-dessous une écorce interne d’une teinte
très-brillante, riche en huile essentielle. Le bois de la racine se laisse
facilement couper ; il est coloré en brun rougeâtre foncé ; il possède une
odeur agréable, et une saveur épicée semblable à celle de l’écorce, mais
moins forte. On le vend ordinairement en copeaux et en bandes pro-
duites par le rabot. L’écorce de la racine ( Cortex Sassafras ) constitue
un article de commerce distinct, peu employé en Angleterre. Elle consiste
en morceaux irréguliers, aplatis, pliés en gouttières ou recourbés, ayant
rarement plus de 10 centimètres de long, 8 centimètres de large, et
généralement beaucoup plus petits, épais de 1 à 5 millimètres. La
couche externe, qui est inerte, a été soigneusement enlevée, et laisse une
surface exfoliée. La face interne est finement striée, et offre de très-
(1) De Laet, Novus Orbis, 1633, 215. -• J’ai fait voir dans mes Documents pour
servir à l’histoire de la pharmacie, Halle, 1876, 30-33, qu’en Allemagne les pharmacies
étaient pourvues de bois de Sassafras dès l’année 1652. [F. A. P.]
(2) Colonial Papers, I, n. 23 (manusc. in the Record Office, London).
(3) Colonial Papers, II, n. 4.
(4) Les bûches de Sassafras qu’on trouve dans le commerce anglais, renferment
souvent une portion considérable d’aubier qui, de môme que l’écorce qui le re-
couvre, est inerte, et doit être rejeté avant de raboter le bois.
2G8
LAURACÉES.
petits cristaux brillants. Celte écorce possède une cassure courte, subé-
reuse, colorée en brun cannelle brillant. Son odeur est forte et agréa-
ble, sa saveur est astringente, aromatique, un peu amère.
Structure microscopique. - Le bois de la racine offre, sur une
section transversale, des zones concentriques traversées par des ravons
médullaires étroits. Chaque zone contient, dans sa partie interne, de
lai ges vaisseaux, et, dans sa partie externe, des éléments plus serrés. La
plus grande partie du bois est formée de cellules parenchymateuses.
Des cellules globuleuses, remplies d’une huile essentielle jaune, sont
distribuées dans le parenchyme ligneux. Ce dernier est riche en ami-
don ainsi que les rayons médullaires.
L écorce offre un grand nombre de cellules à huile, et des cellules
remplies de mucilage. Elle doit son apparence spongieuse, et son exfo-
liation, à la formation de couches subéreuses secondaires, en dedans du
mésophlœum, et même dans le liber. Le tissu cortical abonde en matière
colorante rouge ; il contient aussi de l’amidon, et, en moindre quantité,
des cristaux d’oxalate de calcium.
Composition chimique. — Le bois de la racine fournit 1 à 2 pour 100
d huile volatile (1 ) et l’écorce de la racine deux fois autant . La tige et les
feuilles n’en contiennent qu’une très-petite quantité. L’huile essentielle
qui se trouve dans le commerce est toute fabriquée en Amérique ; elle
possède l’odeur particulière du Sassafras; elle est incolore, jaune, ou
d’un brun rougeâtre, d’après le caractère de la racine employée, au
dire des distillateurs. Comme la coloration de l’essence n’influe pas sur
son odeur et sur sa valeur commerciale, on ne fait aucun effort pour
séparer les différentes sortes de racines. L’essence est constituée
principalement par du Safrol C10H10O2, et du Safrène C'°H16 ; le premier
forme à peu près les neuf dixièmes de l’essence brute (2). 11 est capable
de se solidifier en cristaux superbes du système monosymélrique (3),
de plus d’un décimètre de longueur et de 3 à 4 centimètres de diamètre.
Ces cristaux de Safrol se maintiennent à une température de 8 à 10°,
ot fondent à une température un peu plus élevée ; quand on l’expose
alors, à l’état liquide à une basse température, il ne cristallise quelque-
fois qu’au bout de quelques semaines. La densité du safrol en cristaux
(1) D’après les résultats obtenus par Procter, onze fagots de copeaux, la charge
d'un alambic, donnent de 1 ci S livres d’huile essentielle, la proportion de cette dernière
variant avec la qualité de la racine et la quantité d’écorce qu’elle possède (Procter,
Essay on Sassafras, in Proceedings of the Amer. Pharm. Assoc ., 1860, 217).
(2) Grimaux et Ruottë, in Compt. rend. Ac. sc., 1869, LXV1I, 928.
(3) Arzruni et FtiüciUGER, Pcggendorf Annalen, 1S8 (1876), 241.
269
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
est de 1,245, et de 1,11 à l’état liquide à 12°, 5 ; il bout à 233». Le sa-
frol liquide ne possède pas de pouvoir rotatoire.
Le . Sa frêne, au contraire, dévie la lumière polarisée à droite, et bout
à 156° ; sa densité est 0,834.
Quand on fait cristalliser le safrol, et que l’on décante le peu de
liquide qui se refuse à cristalliser, on parvient à l’aide de la potasse
caustique à en extraire une petite quantité d’une substance apparte-
nant à la classe des phénols , qui se colore en vert bleuâtre avec le per-
chlorure de fer.
L’écorce et le bois de la racine contiennent de l'acide tannique qui
produit, avec les persels de fer, une coloration bleue. Nous pouvons
supposer que, sous l’influence de l’oxydation, il se convertit en cette
substance rouge qui existe dans l’écorce, et en plus petite quantité dans
le cœur du bois des vieux arbres. Le jeune bois est presque blanc. La
substance rouge ressemble probablement à celle que Reinsch, en 1841,
a nommée Sassafnde, et elle est, sans doute, analogue au rouge de
quinquina et au rouge de ratanhia. Reinsch l’a obtenue dans la propor-
tion de 9,2 pour 100.
Production et Commerce. — Baltimore est le principal marché de la
racine, de l’écorce et de l’huile de Sassafras, qui y sont apportées de
l’intérieur, dans un rayon de 300 milles. Les racines sont arrachées du
sol à l’aide de leviers ; on les expédie sur le marché, en partie décorti-
quées, et en partie intactes, ou bien on les divise en copeaux pour les
distiller sur place. Baltimore reçut, en 1866, jusqu’à 100000 livres
d’écorce. La quantité d’huile produite annuellement, avant la guerre,
était évaluée à 15000 ou 20000 livres. Il existe des distillateurs, ré-
pandus dans la Pensylvanie et le West New-Jersey, autorisés par les
propriétaires de Sassafras sauvages, « sassafras ivilderness », à arracher
du sol les racines et les souches, sans rien payer.
La racine même du Sassafras n’est pas employée en médecine aux
États-Unis ; on lui préfère, avec raison, son écorce, qui est beaucoup
plus aromatique (1).
Usages. — Le Sassafras est considéré comme sudorifique et stimulant.
Dans la pratique médicale anglaise, on ne l’administre que combiné à
la salsepareille et au gaïac.On vend les copeaux de Sassafras pour faire
du Thé de Sassafras. En Amérique, l’huile essentielle est employée pour
(I) La •moelle de Sassafras y est employée comme remède populaire; elle est
entièrement dépourvue d’odeur et de saveur, et n’est que très-peu muoilagi-
neuse.
270
LAU K AGEES.
donner une odeur agréable aux boissons effervescentes, au tabac et au
savon de toilette (i).
Substitution. —L’odeur de Sassafras est commune à plusieurs plantes
de la famille des Lauracées. Ainsi, l’écorce du Mespilodaphne Sassafras
Meissn., arbre du Brésil, ressemble, par l’odeur, à celle du vrai Sassa-
fras. Nous avons vu une écorce de Sassafras très-épaisse, apportée de
l’Inde, que nous supposons être celle décrite par Mason (2), comme
abondamment produite à Burma. Les deux larges cotylédons, séparés
de deux Lauracées du Bio Negro, rapportées avec doute par Meissner
au genre Nectandra, constituent la drogue désignée sous le nom de
Noix de Sassafras ( Sassafras Nuis) ou Fèves de Puchury ou de Pichurime
du Brésil, qu’on trouve parfois dans les vieilles drogueries. Sur les
bords de l’Orénoque, dans la Guyane, le liquide nommé Huile de Sas-
safras s’obtient en perforant la tige de Y Oreodaphne opifera Nees, qui
contient parfois, dans les cavités dont il est creusé, une grande quan-
tité de ce liquide. Une huile semblable, Aceite de Sassafras, est fournie
sur les bords du Rio-Negro, par le Nectandra C y mbarum Nees (3).
(0) Les Sassafras Bauhin (Pin., 431) sont des Lauracées de la tribu des Ocotéées,
à fleurs dioïques ou polygames ; à étamines libres, toutes fertiles ; à anthères qua-
driloculaires et introrses ; à fruit accompagné à la base par le calice persistant et par
le réceptacle que supporte un pédicelle renflé en massue.
Le Sassafras officinale Nf.es ( Siyst ., 488) est un petit arbre à feuilles caduques,
membraneuses, d’un vert clair, lisses en dessus, finement laineuses en dessous, très-
variables de formes ; les unes sont 'entières, obovales ; d’autres sont profondément
découpées en trois lobes et trinerviées ; d’autres sont réduites à deux lobes, l’un des
côtés restant entier ; toutes sont atténuées à la base en un pétiole grêle. Les fleurs
sont diclines, disposées en grappes laineuses, et accompagnées de bractées subu-
lées, caduques. Le réceptacle est à peine concave. Le périantke est formé de six fo-
lioles membraneuses, égales. L’androcée se compose de neuf étamines disposées sur
trois verticilles concentriques et alternants, les trois intérieures munies à la base de
deux glandes. Les anthères sont toutes fertiles, quadriloculaires, introrses. Le gyné-
cée, tout h fait absent ou représenté par une sorte de cornet dans les fleurs mâles,
est accompagné dans les fleurs femelles d’un nombre variable d’étamines rudimen
taires. Il est formé d’un ovaire sessile, inséré dans le fond de la coupe réceptacu-
laire, et surmonté d’un style grêle plus ou moins arqué, capité et presque discoïde
au sommet. L’ovaire est uniloculaire, et renferme un seul ovule anatrope. Le fruit est
une baie de la grosseur d’un pois, ovale ou à peu près globuleuse, entourée à la
base par le périanthe persistant, et supportée par un pédoncule charnu, claviforme.
La graine est dépourvue d’albumen, et renferme sous ses téguments un gros em-
bryon à cotylédons épais. [Trad.]
(1) Amer. Journ.of Pharm., 1871, 470.
(2) Burmah, its People ancl Natural Productions, 1860, 497.
(3) Spruce, in Journ. of Bot., de Hooker, 1833, VII, 278.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
271
THYMÉLÉACÉES
ÉCORCE DE MÉZÉRÉON.
Cortex Meserei; angl., Mesereon Bar/c ; allem., Seidelbast-Rinde.
Origine botanique. — Daphné Mezereum L. C’est un arbuste dressé,
haut de 30 à 90 centimètres, dont les branches sont terminées par des
fleurs pourpres, se développant dès lespremiers jours du printemps, avant
l’apparition des feuilles, qui sont oblongues, lancéolées, caduques. Aux
fleurs succèdent des baies rouges. Cette plante est originaire des parties
montagneuses de presque toute l’Europe, depuis l’Italie jusqu’aux ré-
gions arctiques, et vers l’est jusqu’à la Sibérie. Dans la Grande-Bre-
tagne, elle se présente, çà et là, dans un petit nombre de contrées du
centre et du sud, et même dans le Yorkshire et le Westmoreland,
mais il y a des raisons de croire qu’elle n’y est pas véritablement indi-
gène. Gerarde, qui la connaissait bien, ne la regardait pas comme une
plante anglaise (a).
Historique. — Les médecins arabes employaient une plante nommée
Mâzamyün, désignation qui certainement dérive du grec, quoique nous
ne sachions pas l’expliquer; ils comparaient ses effets à ceux de l’eu-
phorbe ; cette plante était probablement une espèce de Daphné. Le
D. Mezereum était bien connu des premiers botanistes de l’Europe, sous
les noms de Daphnoïcles, Chamælæa, Thymelæa ou Chamædaphne. Tragus
le décrivit et le figura, [en 1546, sous le nom de Mezereum germanicum.
Description.— Le Mézéréon possède une écorce souple et fibreuse, qui
se laisse facilement détacher en longues bandes, et se roule en dedans
sous 1 influence delà dessiccation. On la recueille pendant l’hiver, et on
la dispose en rouleaux ou en faisceaux. Elle a rarement plus de 1 milli-
mètre d épaisseur; elle est revêtue d’une couche subéreuse grisâtre ou
d un brun rougeâtre, qui se sépare facilement ; la couche interne est
verte en dehors, blanche et satinée sur la face contiguë au bois. L’écorce
des jeunes branches est marquée par les cicatrices proéminentes des
feuilles. Cette écorce est trop flexible pour pouvoir être cassée, mais elle
se laisse facilement diviser en bandes fibreuses, étroites. A l’état frais,
elle possède une odeur désagréable, qui disparaît pendant la dessicca-
tion. Sa saveur est brûlante, âcre et persistante. Appliquée à l’état hu-
mide sur la peau, elle occasionne, au bout de quelques heures, de la
rougeur et môme de la vésication.
272 THVMÉLÉACÉES.
Structupc microscopique. — La zone cambiale est formée d’environ
dix couches de cellules délicates et inégales. Le liber est constitué, en
majeure partie, par des fibres simples, alternant avec des faisceaux pa-
renchymateux. 11 est traversé par des rayons médullaires. Ses fibres
sont très-longues ; elles ont fréquemment plus de 3 millimètres et de
5 à 10 millièmes de millimètre de diamètre; leurs parois sont tou-
jours très-peu épaisses. Dans la partie extérieure du liber se trouvent
des faisceaux d’éléments prosenchymatcux à parois épaisses. La couche
corticale moyenne offre de la chlorophylle et des grains d’amidon. La
couche subéreuse est formée d’environ trente couches serrées de cel-
lules tabulaires à parois minces, qui, examinées sur une section tan-
gentielle, possèdent un contour hexagonal. De petites quantités de ma-
tière tannique sont déposées dans les zones cambiale et subéreuse [b).
Composition chimique. — Le principe âcre du Mézéréon est une sub-
stance résinoïde, contenue dans la portion interne de l’écorce; elle n'a
pas encore été étudiée. Martius trouva dans les fruits, en 1862, plus de
10 pour 1000 d’une huile grasse, vésicante, qui paraît exister aussi dans
l’écorce de la tige et des rameaux.
Le nom de Daphnine a été donné à une substance cristallisable, trou-
vée par Vauquelin, en 1808, dans le Daphné alpina, et découverte plus
tard par C. G. Gmelin et Baer dans l’écorce du D. Mezereum. Zwenger,
en 1860, s’assura que ce corps est un glucoside à saveur amère, ayant
la composition C31H3!>019-(- 4H20. Lorsqu’on fait bouillir la daphnine
avec de l’acide chlorhydrique ou de l’acide sulfurique dilués, elle donne
de la daphnétine , G19HU09, cristallisant en prismes incolores. Par la
distillation sèche d’un extrait alcoolique d’écorce de Mézéréon le même
chimiste a obtenu de V Umbelliférone (voyez t. I, p. 568).
Usages. — Le Mézéréon, pris à l’intérieur, est considéré comme alté-
rant et sudorifique, et employé dans les maladies vénériennes, rhuma-
tismales et scrofuleuses. Dans la pratique médicale anglaise, il n’est
que peu administré, sauf comme ingrédient de la décoction composée
de Salsepareille. On a employé, en 1867, un extrait éthéré de l’écorce
comme ingrédient d’un Uniment très-stimulant. Sur le continent, on
emploie parfois l’écorce elle-même, ramollie dans le vinaigre ou dans
l’eau, pour produire la vésication.
Substitutions. — Par suite de la difficulté de se procurer l’écorce de
la racine du Daphné Mezereum, les herboristes qui fournissent les dro-
guistes de Londres ont, depuis longtemps, l’habitude de lui substituer
celle du Daphné Laweola L., espèce toujours verte, qui n’est pas rare
273
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
dans les bois et les haies de plusieurs parties de F Angleterre. La Phar-
macopée anglaise de 1864 et celle de 1867 autorisent à employer, comme
Cortex Mezerei, l’écorce de l’une ou l’autre de ces deux espèces, et
n’imitent pas le London College, qui insiste pour qu’on se serve seule-
ment de l’écorce de la racine.
L’écorce de la tige du Daphné Laureola a la même structure que celle
du D. Mezereum, mais elle n’offre pas les cicatrices de feuilles proémi-
nentes qui marquent l’écorce des branches supérieures de la dernière
espèce. L’écorce de Mézéréon, du commerce anglais, est aujourd’hui,
en très-grande partie, importée d’Allemagne, et paraît être fournie par
le D. Mezereum.
En France, on emploie l’écorce de la tige du D. Gnidium L., arbuste
qui croît dans toute la région méditerranéenne, jusqu’au Maroc. Son
écorce est d’un gris foncé ou brun, marquée de nombreuses petites ci-
catrices foliaires blanches, qui affectent une disposition spéciale. Les
feuilles elles-mêmes, dont quelques-unes sont parfois mélangées à
l’écorce, sont très-étroites etmucronées. Gomme particularités de struc-
ture, l’écorce du D. Gnidium possède des rayons médullaires plus nom-
breux et plus riches en matière tannique que ceux du D. Mezereum,
mais la zone corticale moyenne est moins développée. Cette écorce,
désignée sous le nom à' Ecorce de Garou, est employée comme épispas-
tique, surtout en France.
(a) Les Daphné L. [Sysl. nat., ed. 1 ; Gen., u° 311) sont des Thyméléacées de la
tribu des Thymélées, à fleurs hermaphrodites, tétramères; <\ calice ordinairement
coloré, tubuleux ou infundibuliforme ; h androcée formé de huit étamines subses-
siles, insérées au niveau de la gorge de la corolle , sur deux cercles situés à des
hauteurs différentes; à ovaire uniloculaire et uniovulé ; à fruit drupacé.
Le Daphné Mezereum L. ( Species , 356) est une petite plante buissonneuse, .à ra-
meaux dressés, alternes, lisses, flexibles, feuillus seulement à l’état jeune, et plus
tard au niveau des extrémités. Les feuilles sont alternes, éparses, pétiolées, lancéo-
lées, lisses, entières, longues de 5 centimètres environ. Elles se montrent après les
fleurs, qui s épanouissent dès les premiers jours du printemps, et elles ne tardent
pas a être accompagnées de bourgeons floraux destinés au printemps suivant. Les
fleurs sont disposées en petits fascicules de quatre à six fleurs, au sommet des bran-
ches nues, dans 1 aisselle des feuilles de l’année précédente, et accompagnées de
bractées ovales, lisses, brunes. Elles sont régulières et hermaphrodites, apétales,
avec le réceptacle convexe. Le calice est tubuleux, coloré en rouge cramoisi ; son tube
est cylindrique, coriace, velu en dehors, à peine'plus long que le limbe, qui est
profondément divisé en quatre segments ovales, étalés, colorés. L’androcée se
compose de huit étamines insérées sur deux rangées superpçsées et alternes, l’in-
férieure au niveau du milieu de la hauteur du tube calicinal, la supérieure sur la
gorge. Les quatre étamines du vertici lie inférieur alternent avec les lobes du calice,
BIST, DES DROGUES, T. II.
18
274
THYMÉLÉACÉES.
celles du verticillc supérieur sont situées en face de ces lobes. Les filets staminaux
sont très-courts, filiformes. Les anthères sont basilixes, oblongues, incluses, bilocu-
laires, introrses, déhiscentes par des fentes longitudinales. Le calice est caduc et
entraîne landrocée dans sa chute. Le gynécée est entouré d’un disque hypogyne,
et formé d’un ovaire supère, ovale, uniloculaire, surmonté d’un stvle terminal,
court, à extrémité stigmatique capitée, déprimée, entière. La loge unique de
1 ovaire ue contient qu un seul ovule anatrope, suspendu, inséré vers le sommet de
la loge, à micropyle dirigé en haut et en dehors. Le fruit est une drupe rouge,
dont le noyau, revêtu d’une chair molle et succulente, renferme une seule graine
suspendue, à tégument crustacé, à embryon charnu, accompagné d’une faible
quantité d’albumen, et formé de deux gros cotylédons plan-convexes, appliqués
l’un contre l’autre, et d’une radicule courte dirigée vers le micropyle. [Trad.]
Le Daphné Laureola L. ( Species , 356) est un arbrisseau dressé, ordinairement
haut de 30 à 60 centimètres, mais ayant parfois jusqu’à près de 2 mètres. Ses feuil-
les sont très-glabres, oblougues ou obovales-lancéolées, aiguës, atténuées à la base,
longues de 3 à 12 centimètres, persistantes. Les fleurs sont disposées en grappes
axillaires, luisantes, subsessiles, munies de bractées, et portant de cinq à dix fleurs
à pédicelles très-courts. Le calice est formé d’un tube infundibuliforme trois fois
plus long que le limbe, qui est divisé en lobes
a ovales et aigus. Le fruit est une baie charnue
6 et glabre, noire à la maturité.
Le Daphné Gnidium L. ( Species , 3o7) est un
c arbrisseau de 60 centimètres à lm,o0 de haut;
à feuilles subcoriaces, annuelles, réunies au
sommet des rameaux, lancéolées-linéaires, acu-
minées-mucronées, glabres, longues de 2 à
rl 4 centimètres, larges de 4 à 8 millimètres,
atténuées à la base ; à grappes terminales, ra-
e initiées, dépourvues de bractées, et ne portant
qu’un petit nombre de fleurs courtement pé-
dicellées ; à calice caduc ; à tube calicinal cam-
panulé-infundibuliforme, blanc ou rougeâtre,
un peu plus long que le limbe, qui est divisé en
i- lobes ovales et obtus ; à fruit ovale, rouge, de
la grosseur d’un pois, charnu. [Trad.]
(6) L’écorce de Daphné Mezereum offre de
dehors en dedans, ainsi que nous le montre la
figure 211, représentant la coupe transversale
d’un rameau de deux années : l°une couche a
g de suber, formée de cellules quadrangulaires,
aplaties, sèches et brunes ; 2<> un parenchyme
^ cortical, h, formé de grandes cellules très-irré-
gulières, laissant entre elles de vastes méats
intercellulaires. Entre les cellules brunes de la
couche subéreuse a, et les grandes .cellules irré-
gulières de la couche />, il existe un certain nombre de couches de cellules quadran-
gulaires comme celles du suber, mais encore remplies de protoplasma et en voie
de segmentation. C’est cette zone qui produit le suber, sa couche la plus externe
produisant sans cesse, par segmentation tangentielle, de nouvelles couches de cellules
Fig. 2H. Daphné Mezereum.
Rameau. Coupe transversale.
275
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
subcreuses, qui plus tard se dessèchent comme celles de la couche a, puis s’exfolient.
En dedans de la couche 6, est une couche circulaire, étroite, c, formée d’éléments
prosenchymateux, fusiformes, h parois très-épaisses, blanches, et à cavité linéaire.
Cette couche est séparée du liber, d, jjar une zone assez épaisse de cellules paren-
chymateuses sans méats, à cellules polygonales. Le liber, d, est formé de faisceaux
larges, séparés les uns des autres par des rayons médullaires à une seule rangée de
cellules étroites et allongées radialement. Chaque faisceau libérien est formé de deux
sortes d’éléments : des fibres à parois très-épaisses, à contours très-irréguliers, dis-
posées en groupes irréguliers, et des éléments parenchymateux, polygonaux, à pa-
rois minces. Entre le liber et le bois, se trouve une couche très-nettement visible de
cambium, e. Le bois, f, est constitué, en majeure partie, par des fibres ligneuses à
contours polygonaux, à parois assez épaisses, au milieu desquelles sont épars un
nombre relativement peu considérable de vaisseaux ponctués, et quelques éléments
parenchymateux. En dedans du bois, se trouve une couche de liber interne, g, sépa-
rée de l’étui médullaire du bois par une zone de cellules parenchymateuses, claires,
et constituée par des fibres à parois épaisses et claires, et à cavité linéaire, groupées
en faisceaux qui forment un cercle à peu près continu. Au centre du rameau, la
moelle, fi, est formée de grandes cellules polygonales ou arrondies, à parois minces
et claires. [Tbad.]
ULMACÉES
FIGUES.
Caricæ, Fructus Caricæ, Fici; angl., Figs; allem., Feigen.
Origine botanique. — Ficus Carica L. G’est un arbre de 4 à 6 mètres
de haut, avec de larges feuilles rugueuses qui forment une magnifique
masse de feuillage (a).
L’aire primitive du Figuier s’étend depuis les steppes de l’est de l’Ou-
ral, le long de la côte sud et sud-est de la mer Caspienne (Ghilan, Ma-
zanderan et le Caucase), à travers le Kurdistan, jusqu’à l’Asie Mineure
et la Syrie. Dans ces pays, le Figuier s’élève sur les montagnes. Il croît,
sans aucun doute à l’état sauvage, dans le Taurus, à une altitude de
4800 mètres (1).
Le Figuier est fréquemment mentionné dans les Ecritures, où il re-
présente souvent, avec le vin, le symbole de la paix et de l’abondance.
Ni le Figuier, ni le vin, n’étaient connus en Grèce, dans l’Archipel, et
sur les côtes voisines de l’Asie Mineure, à l’époque d’Homère, mais les
deux étaient devenus communs du temps de Platon. Le Figuier fut à
^ (1) Ritter, Erdkunde von Asien, 1844, VII, 2, 544. —Il faut beaucoup étendre, d’après
Brandis, Forest Flotta of N.-W. and C. India, 418, l’aire primitive du Figuier. Cet au-
teur le suppose indigène dans les districts nord-ouest de ITIimalaya, par exemple
dans celui de Khagan, au nord-est de Pcshawar. [F. A. F.]
2"G ULMACÉES.
une très-ancienne date introduit en Italie, d’où il gagna l’Espagne et la
Gaule. Charlemagne, en 81 2, ordonna sa culture dans le centre de
l’Europe. 11 fut apporté en Angleterre sous le règne de Henri VIII, par le
cardinal Pôle, et les arbres plantés par lui existent encore dans le jar-
din de Lambcth Palace ; mais il avait certainement été cultivé à une
époque beaucoup plus reculée, car l’historien Mattliew Paris rap-
porte (1) que l’année 1257 fut si inclémente que les poires et pommes
devinrent très-rares en Angleterre, et que les /lys, les cerises et les
pommes ne purent pas mûrir.
Aujourd hui, le Figuier existe, à l’état de culture, dans la plupart
des régions tempérées des deux mondes. Son fruit ne peut arriver à
maturité que dans les pays où l’été et l’automne sont très-chauds et
secs-
Historique. — Les figues constituaient pour les anciens Hébreux (2) et
les Grecs un article important d’alimentation ; elles jouent aujourd’hui
le même rôle dans toutes les contrées chaudes qui bordent la Méditer-
ranée (3). A l’époque de Pline, on en cultivait plusieurs variétés. Le
mot latin C aviva fut d’abord employé pour désigner la figue sèche de
Caria, petit district de l’Asie Mineure, situé en face de Rhodes; cette va-
riété estimée de figues correspond à la figue de Smyrne de notre
époque.
Dans le diplôme délivré par Chilpéric II, roi des Francs, au monas-
tère de Corbie, en 716, il est fait mention de « Karigas » , ainsi que de
dattes, d’amandes et d’olives ; nous pensons que le terme Karigas dési-
gnait les figues ( caricæ ) (4). Les figues sèches constituaient, au moyen
âge, un article de commerce régulier entre le sud et le nord de l’Eu-
rope. En Angleterre, leur prix moyen, entre 1264 et 1398, était d'envi-
ron 1 3/4 denier la livre, les raisins et les groseilles coûtant 2 3/4 de-
niers (5).
Description. — La figue est formée d’un réceptacle commun, charnu,
en forme de poire, portant sur sa face interne un grand nombre de
fruits très-petits, et muni à son extrémité supérieure d’un orifice.
11 est d'abord vert, rugueux et coriace, et laisse exsuder, quand on le
(1) English History , ed. de Bolm, J 854, III, 255.
(2) Voyez particulièrement i I Sam., XXV, 18 et 1 Ohro7l. , xii, 40, ou nous lisons
qUe de grands achats de figues furent faits pour l’usage des combattants.
(3) Sur la côte de Gènes, les figues sèches, mangées avec du pain, constituent, pen-
dant l’hiver, la nourriture habituelle des paysans.
(4) Pardessus, Diplomata, Charlæ, etc., 1849, II, 309.
(5) Rogers, llist. of Agriculture and Priées in England, 1866, I, 632.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 277
fend, un suc laiteux, âcre. Son orifice est entouré et presque fermé par
des écailles cliarnucs, eu dedans desquelles sont situées les lleuis males,
qui manquent souvent ou ne sont que peu développées. Les Heurs fe-
melles tapissent plus bas la face interne du réceptacle, et sont très-pres-
sées les unes contre les autres ; elles sont pédonculées, munies d’un
périanthe à cinq divisions ; un stigmate bipar-
tite surmonte un ovaire généralement unilocu-
laire. Ce dernier devient un fruit sec, petit,
dur, indéhiscent ; il est considéré vulgairement
comme une graine. A mesure que la figue avance
vers la maturité, le 'réceptacle s’agrandit, il
devient plus mou, plus succulent, et un li-
quide saccharin remplace son suc laiteux, âcre.
Il acquiert en dedans une coloration rougeâtre,
tandis qu’à l’extérieur il devient pourpre, brun
ou jaunâtre ; dans quelques variétés cependant
il reste vert. La figue fraîche possède une sa-
veur agréable et très-sucrée, mais elle est peu
riche en suc, et elle est dépourvue de l’acidité rafraîchissante que pos-
sèdent la plupart des autres fruits.
Lorsqu’on ne cueille pas la figue, son pédoncule perd peu à peu sa
rigidité, le fruit pend à la branche, il se ride, devient de plus en plus
sucré par suite delà perte de son eau, et enfin, si le climat estfavorable,
il prend les caractères de la figue sèche. On ne laisse cependant pas
les figues sécher sur l’arbre ; on les cueille, et on les expose au soleil
et à l’air sur des claies, jusqu’à ce qu’elles soient sèches.
Les figues sèches sont désignées par les vendeurs sous les noms de
naturelles et pressées. Les premières n’ont pas été comprimées dans l’em-
ballage, et offrent même leur forme primitive (I). Les secondes, après
avoir été séchées, ont été ramollies par malaxation, et, dans cet état,
emballées avec pression dans des caisses et des boîtes.
Les figues de Smyrne, qui sont les plus estimées, appartiennent à cette
dernière variété. Elles ont une forme aplatie, irrégulière; elles sont
molles, translucides, couvertes d’une efflorescence saccharine; elles ont
une odeur de fruits et une saveur sucrée agréables. Les figues de qualité
inférieure, celles qu'on nomme, sur le marché, figues de Grèce , différent
(1) Le n±ôt Eleme, appliqué, dans les drogueries de Londres, aux figues sèches de
qualité supérieure, « Eleme Figs d, dérive probablement du turc ellémé, qui signifie
choisi à la main.
Fig. 212. Figue
coupée verticalement.
278 ULMACÉES.
C*R‘S ^'B'ues dites de Smyrne par leur petite taille et par la quantité moins
considérable de leur pulpe.
structure microscopique. — La couche extérieure de la figue sèche
est formée de cellules petites, à parois épaisses, très-pressées les unes
contre les autres, de façon à former une sorte de tégument. Le paren-
chyme interne est lâche; il est constitué par de grandes cellules à parois
minces, et traversé par des faisceaux fibro-vasculaircs et des laticifères
larges, peu ramifiés. Ces derniers contiennent une substance granu-
leuse insoluble dans 1 eau. Dans le parenchyme, on trouve des cristaux
étoilés d’oxalate de calcium peu nombreux.
Composition chimique. — Les changements chimiques qui se produi-
sent dans la figue en voie de maturation sont importants, mais il n’a
pas été fait de recherches dans le but do les déterminer. La substance
chimique principale du fruit mûr est le sucre de raisin, qui constitue 60 à
/O pour 100 du fruit sec. La gomme et les corps gras ne paraissent
exister qu en très-petite quantité. Nous avons trouvé dans le fruit vert
de l’amidon.
Production et Commerce. - La quantité de figues sèches, importées
dans le Royaume-Uni en 1872, s’éleva à 141 847 quintaux, parmi les-
quels 91 721 provenant de la Turquie d’Asie, le reste du Portugal, de
1 Espagne, des diverses parties de l’Autriche et d’autres pays. La valeur
totale de la quantité importée fut évaluée à 231 571 livres sterling.
Usages. — Les figues sèches sont considérées comme légèrement laxa-
tives, et sont, à ce titre, recommandées contre la constipation habituelle.
Elles entrent dans la Confectio Sennæ.
(a) Les Figuiers (Ficus T.) sont des Ulmacées de la tribu des Artocarpées, à fleurs
monoïques, disposées sur la face interne d’un réceptacle profondément excavé,
et muni seulement d’une étroite ouverture près de laquelle sont situées les fleurs
mâles, tandis que les fleurs femelles occupent le fond de la coupe ; les fleurs mâles
sont trimères, à étamines dressées dans le bouton ; les fleurs femelles sont formées
d’un calice pentamère et d’un ovaire d’abord biloculaire, puis uniloculaire ; le fruit
est sec et indéhiscent, monosperme.
Le Ficus Carica L. ( Species , 1 513) est un arbre à port très-variable, parfois ré-
duit à l’état de buisson, muni de branches arrondies, cassantes, à moelle abondante ;
à écorce verte ou rousse, couverte, à l’état jeune, d’un duvet laineux court et rude.
Les feuilles sont alternes, cordées, à 3-5 lobes arrondis, et découpés en grosses
dents de scie plus ou moins arrondies ou aiguës ; parfois les feuilles sout presque
entières; leur face supérieure est colorée en vert foncé et très-rugueuse ; leur face in-
férieure est couverte d’un duvet grossier. Le pétiole est long, cylindrique, et émet à
son extrémité cinq nervures palmées destinées à chacun des lobes, et sur lesquelles
naissent des nervures secondaires alternes, pennées. Chaque feuille est accompagnée
279
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
de (leux stipules connues qui l’enveloppent dans le bouton. Les inflorescences sont
solitaires dans l'aisselle des feuilles. Elles sont constituées par un pédoncule
court, muni de quelques bractées écailleuses, dures, alternes, de petite taille. Le
sommet de l’axe floral se développe au-dessus de ces bractées en une coupe qui de-
vient de plus en plus profonde, par suite
d’un accroissement très-inégal, le lond de
la coupe qui répond au sommet organique
de l’axe cessant de se développer, tandis
que les bords qui correspondent à la base
organique du réceptacle prennent un ac-
croissement considérable et très-rapide. Le
réceptacle prend ainsi peu à peu la forme
d’une poire, dont la base offre un orifice
étroit, bordé par la base organique du récep-
tacle, qui est couverte de petites écailles fer-
mant l’orifice. Sur la face interne du récep-
tacle, apparaissent les fleurs, qui sont dispo-
sées, ainsi que l’a montré M. Bâillon, en
petites cymes très-uombreuses et très-rap-
prochées de façon à couvrir toute la face in-
terne de la coupe récep taculaire. Les pre-
mières fleurs apparaissent près de l’orifice
de la cavité , ce qui est naturel, cette par-
tie correspondant à la base organique du
réceptacle ; elles se montrent ensuite graduellement de plus en plus près du fond
de la cavité, c’est-à-dire du sommet organique du réceptacle. On trouvé encore
dans le plus grand nombre des auteurs classiques l’inflorescence de la Figue dé-
crite comme une sorte de capitule dont le réceptacle serait concave au lieu d’être
convexe ou plat, comme dans les Composées. M. Bâillon a montré cependant
qu’il existe une très-grande différence entre un capitule véritable et 1 inflores-
cence de la Figue. Dans un vrai capitule, les fleurs se montrent isolément et
Tune après l’autre, de la base au sommet de l’axe. Ici, au contraire, les fleurs se
montrent sur la face interne de l’axe floral, développé en coupe, par groupes isolés
qui constituent autant de petites cymes. La fleur centrale (1e chaque groupe se
montre la première, puis autour d’elle apparaissent successivement un nombre va-
riable de fleurs qui appartiennent à (les générations successives ; chaque groupe se
comporte, en un mot, comme une véritable cyme. Les fleurs mâles sont groupées
en petit nombre au voisinage (1e l’orifice, en dedans des bractées qui le garnissent.
Elles sont formées chacune d’un calice à trois petits sépales, et d’un androcée à
trois étamines superposées aux sépales. Les étamines sont constituées chacune par
un filet dressé dans le bouton et une anthère biloculaire, introrse, déhiscente par
deux fentes longitudinales. Les fleurs femelles sont supportées par (1e petits
pédicelles charnus qui s’allongent graduellement. Elles se composent d’un calice
à cinq sépales et d’un pistil. L’ovaire est supère, et surmonté d’un style bifurqué en
deux branches stigmatiques. La cavité ovarienne est primitivement divisée en
deux loges, mais Tune des loges avorte habituellement, et l’ovaire se trouve
réduit à une seule loge, contenant un seul ovule inséré sur la cloison de la loge
avortée, anatrope, suspendu, à micropylc dirigé en haut et en dehors. A mesure
que la maturation se produit, les pédoncules des Heurs femelles et les calices
Fig. 213. Figuier.
Rameau florifère et fruit.
280
ULMACÉES.
!" 5UG la portion intei'ne d" réceptacle, et constituent plus
tlc Itt "*»*, tondis que le fruit luknôme est un S
- peut iissrsÆÆr1 un° sc'"° Brainc’ d,"‘ '■”ii,umen ««*«•
mures.
FrUCtm M0ri: BaCCæ Mori> angl., allcm.( Maulbeeren.
Origine botanique. - Morus nigra L. C’est un bel arbre touffu, haut
cl environ 9 métrés, croissant à l’état sauvage dans le nord de l’Asie Mi-
neure, en Amérique, et dans le sud des régions caucasiennes jusqu’en
Perse. En Italie, il était .employé, jusque vers l’année 1434, à la nour-
riture des vers a soie. A cette époque, on y introduisit du Levant (J) le
Moj-us alba L., qui depuis a toujours été généralement préféré. Cepen-
dant, en Grèce, dans plusieurs des îles grecques, dans la Calabre, et en
Corse, l’espèce plantée pour les vers à soie est toujours \eMorus nigra (a).
Le Mûrier noir est aujourd’hui cultivé dans toute l’Europe, mais est
peu abondant, sauf dans les pays cités en dernier lieu. Son fruit mûrit
en Angleterre, ainsi que dans le sud de la Suède et de la Norwége, et
même à Christiania d’après Schübeler.
Histoi ique. Le Muiiei est mentionne dans 1 Ancien Testament (2j
et par* la plupart des anciens écrivains grecs et romains. Parmi
un grand nombre de plantes utiles que Charlemagne ordonna, en 812,
de cultiver dans les fermes impériales, se trouve le Mûrier (Mora-
rim) (3). Nous le trouvons aussi sur un plan tracé, en 820, pour les
jardins du monastère de Saint-Gall en Suisse (4). La culture du Mûrier
en Espagne, pendantle moyen âge, est prouvée par la préparation d’un
Sirop de Mitres , indiqué dans le Calendrier de Cordoue de 961 (3).
Le Mûrier était beaucoup plus estimé autrefois qu’il ne 1 est aujour-
d hui. Dans les statuts de 1 abbaye de Corbie, en Normandie, nous trou-
vons un Brevis de Melle, indiquant la quantité de miel que les tenan-
ciers des terres du monastère devront payer chaque année, ainsi que
la quantité de fruits de Mûrier que chaque fermier devra fournir (6).
Description. — Le Mûrier porte des chatons unisexués. Les chatons
femelles sont ovoïdes, et formés de nombreuses fleurs à périanthe vert,
(1) A. de Candolle, Géographie Botanique, 1855, II, 856.
(2) 2 Sam., V, 23, 24.
(3) Pf.rtz, Monumenta Germanise historien (Legcs), 1855, III, 181.
(4) F. Keller, Bauriss des Klosters S. Galien, fac-similé, Zurich, 1844.
(5) Le Calendrier de Cordoue de l’année 961, publié par R. Dozy, Leyde, 1873, 67.
(6) Guérard, Polyptiquc de l’abbé Irminon, Paris, II, 335.
281
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
tétramère, et à deux stigmates linéaires. Les lobes du périanthe se re-
couvrent mutuellement, deviennent charnus, et par leur agrégation
latérale forment une fausse baie, courtementpédonculée, oblongue, lon-
gue de 2 centimètres et demi, et colorée, à la maturité, en pourpre
foncé. En détachant chaque fruit, les lobes du périanthe deviennent vi-
sibles. Chaque fruit possède un noyau lenticulaire, dur, recouvrant une
graine suspendue, avec un embryon courbe et un albumen charnu.
Les fruits du Mûrier sont très-succulents, et possèdent une saveur ra-
fraîchissante, un peu acide, saccharine, mais ils sont dépourvus de
l’arome qui distingue plusieurs autres fruits de la famille des Rosacées.
Composition chimique. — D’après une analyse faite par H. van Hees,
en 1857, les fruits du Mûrier contiennent les principes suivants :
Glucose et sucre incristallisable 9,19
Acide libre (supposé être l’acide malique) 1,86
Matières albuminoïdes 0,39
Matières pectiques et grasses, sels, gommes. . . . 2,03
Cendres 0,57
Matières insolubles, enveloppes des graines, pectose,
cellulose, etc .... 1,25
Eau 84,71
100 00
En comparant ces résultats avec ceux qui ont été fournis par l’ana-
lyse d’autres fruits, faite à la même époque dans le laboratoire de Frese-
nius, les mûres paraissent être des plus riches en sucre.
Elles ne sont surpassées à cet égard que par les cerises (10,79 de su-
cre), et par les raisins (10,6 à 19,0) (1), mais elles sont plus riches
en sucre que les fruits suivants :
Framboises, qui donnent 4,0 pour 100 de sucre et 1,48 d’acide malique.
Fraises,
))
5,7
))
4,31
»
Myrtilles,
))
5,8
))
4,34
))
Groseilles,
))
6,1
»
2,04
))
La proportion d’acide libre qui existe dans les mûres n’est pas con-
sidérable. La petite quantité de matières insolubles qu’elles renferment
n’est pas comparable avec celle qu’on trouve dans les groseilles, où elle
est d’au moins 13 pour 100. La matière colorante des mûres n’a pas été
étudiée. L’acide est probablement, non pas de l’acide malique seul , mais
aussi de l’acide tartrique.
Usages. — Le seul usage qui soit fait en médecine des fruits du
(1) Il faut excepter la figue, qui est le plus riche de tous les fruits en sucre.
282
ULMACÉES.
Murier consiste clans la préparation d’un sirop employé pour colorer et
parfumer d’autres médicaments. En Grèce, ou soumet le fruit à la fer-
mentation pour fabriquer une boisson enivrante.
(a) Les Mûriers (Monts Tournefort, Inst., 589) sont des Ulmacées de la tribu
des Morées, à fleurs régulières et unisexues, apétalées, tétramères ; à filets staminaux
recourbés en dedans dans le bouton ; à ovaire supère, surmonté de deux styles, uni-
loculaire par avortement ; à inflorescences constituées par un épi serré, h axe court •
a fruit compose, forme d acharnes enveloppés par les calices accrus et charnus.
Le Morus nigra L. ( Species , 1 398) est un petit arbre à jeunes pousses laineu-
ses, a écorce très-rugueuse. Les feuilles sont alternes, simples, accompagnées cha-
cune de deux stipules caduques ; elles sont arrondies, cordées à la base, un peu acu-
minées au sommet, pubescentes, découpées en dents de scie irrégulières et larges,
rugueuses au toucher, courtement pétiolées. Les stipules sont aussi longues ou plus
longues que le pétiole, caduques, oblongues, membraneuses, laineuses. Les fleurs
sont disposées en un épi axillaire, dont l’axe est très-court, de sorte qu’elles sont très-
pressées les unes contre les autres. Elles sont monoïques. Les fleurs mâles offrent un
réceptacle cupuliforme, dont les bords portent quatre sépales imbriqués dans le bou-
ton. L’androcée est formé de quatre étamines, insérées en face des sépales, munies
chacune d’un filet recourbé en dedans dans la préfloraison, et d’une anthère bilocu-
laire, introrse, déhiscente par deux fentes longitudinales. Il n’existe pas ordinaire-
ment de rudiment d’organe femelle. Dans les fleurs femelles, le calice est également
formé de quatre sépales, disposés sur deux verticilles alternes, les deux extérieurs
plus grands. Il n’existe ni corolle, comme dans la fleur mâle, ni rudiment d’andro-
cée. Le gynécée se compose d’un çtvaire supère, d’abord biloculaire, puis uniloculaire
par avortement d’une des loges, surmonté de deux styles recouverts de papilles stig-
matiques. La loge ovarienne qui persiste, renferme un seul ovule anatrope, inséré sur
la cloison de la loge avortée, suspendu, à micropyle dirigé en haut et en dehors. Le
fruit est un achaine entouré des sépales devenus charnus. Il renferme une seule
graine albuminée, à embryon recourbé. Tous les calices des fleurs de l’inflorescence
se développent et s’accroissent en même temps que les fruits qu’ils enveloppent ; il
en résulte un fruit composé, mamelonné, dont la partie charnue est représentée par
les calices accrus devenus succulents et formant indusie autour des acharnes.
Le Morus alla L. ( Specics , 1398) se distingue du Mûrier noir par ses feuilles
profondément cordées et inégales à la base, ovales ou lobées, inégalement serretées,
lisses. [Trad.]
CHANVRE INDIEN.
Herba Cannabis; Cannabis indien; angl., Indian ffemp ; nllem., Hanfkmut .
Origine botanique. — Cannabis sativa L. Le Chanvre commun est
une plante dioïque, originaire de l’Asie occidentale et centrale, cultivée
dans les régions tempérées et tropicales (a). Il croît en abondance, à l’état
sauvage, sur les bords de l’Oural inférieur et du Volga, près de la mer
Caspienne. Il s’étend de là en Perse, sur la chaîne d'Altaï, et dans le
nord et l’ouest de la Chine. On le trouve dans le Kashmir et dans l’IIi-
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 283
malaya, où il atteint de 3 à 4 mètres de haut, et croît vigoureusement à
une altitude de 1 800 à 3 000 mètres. On le trouve aussi dans l’Afrique
tropicale, sur les côtes orientales et occidentales, et dans les parties
centrales arrosées par le Zambèse et le Congo , mais il est permis de
douter qu’il soit réellement indigène de cette région. Il a été naturalisé
au Brésil, dans le nord de Rio de Janeiro, à l’aide de graines apportées
par les nègres de la côte occidentale d’Afrique. On cultive le Chanvre
dans un grand nombre de parties de l’Europe continentale, mais sur-
tout dans le centre et le sud de la Russie.
Le Chanvre qui croît dans l’Inde offre avec celui qu’on cultive en
Europe certaines différences qui ont été signalées par Rumphius, au
dix-septième siècle, et qui ont conduit plus récemment Lamarck à con-
sidérer la plante de l’Inde comme une espèce distincte, à laquelle il
donna le nom de Cannabis indica. Cependant, les différences observées
entre les deux plantes ont si peu d’importance botanique, et sont si in-
constantes, que les botanistes ont été unanimes à abandonner le Can-
nabis indica comme espèce distincte du Cannabis sativa.
Au point de vue médicinal, il existe une grande dissemblance entre
le Chanvre cultivé dans l’Inde et celui que produit l’Europe, le premier
étant beaucoup plus actif. Cependant, dans l’Inde même l’énergie de la
plante varie beaucoup ; en outre, le Chanvre cultivé à une altitude
de 1 800 à 2400 mètres donne une résine nommée C haras, qu’on ne
peut pas retirer de celui qui est cultivé dans les plaines (1).
Historique. — Le Chanvre est cultivé, pour ses fibres textiles et ses
graines huileuses, depuis une époque très-reculée. L’ancien traité de bo-
tanique chinois, nommé Rh-ija , écrit vers le quinzième siècle avant Jésus-
Christ, note ce fait qu’il existe deux sortes de Chanvre, l’une qui produit
des graines, et l’autre seulement des fleurs (2). Dans les écrits de Susruta,
sur la médecine des Hindous, qu’on suppose dater de quelques siècles
avant l’ère chrétienne, le Chanvre ( B’hangâ ) est mentionné comme mé-
dicament. Hérodote dit que le Chanvre croît dans la Scythie à l’état
sauvage et à l’état de culture, et que les habitants de la Thrace en
font des vêtements difficiles à distinguer de ceux de lin. Il décrit aussi
la façon dont les Scythes s’exposent, dans une sorte d’étuve, à la vapeur
des graines placées sur des charbons enflammés (3).
(!) Journ. of thc Agric. and Ilortic. Soc. of India, VIII, -1G7 .
(2) Bretsciineideu, On Cldnesc Botanical Works, 1870, 5, 10.. — Une partie du Rli-ya
fut écrite pendant le douzième siècle avant Jésus-Christ.
(3) Trad. de Rawlinson, 1859, III, liv. 4, ch. 74, 75.
281
ULMACÉES.
Les Grecs et les Romains paraissent n’avoir pas connu les propriétés
médicinales du Chanvre, à moins que leur NyjravOéç enivrant ne soit,
comme l’a supposé Royle, la plante dont nous parlons. D’après Stanis-
las Julien (1), les Chinois attribuaient, dès le commencement du troi-
sième siècle, des propriétés anesthésiques aux préparations de Chanvre.
L emploi médical et diététique du Chanvre paraît n’avoir été intro-
duit que tardivement chez les Arabes, par l’intermédiaire de l’Inde et
de la Perse. Les Arabes faisaient usage de la plante dès le commence-
ment du moyen âge. La fameuse secte mahométane dont les habitudes
meurtrières inspiraient la terreur aux croisés, pendant les onzième et
douzième siècles, tirait son nom, Hashishin, ou, comme on l’écrit plus
communément, Assassins, de Hâshih , nom arabe du Chanvre (2), parce
que ses adeptes employaient cette plante dans leurs cérémonies reli-
gieuses pour s’enivrer (3).
L emploi du Chanvre ( Bhang ) dans l’Inde fut particulièrement noté
pai Gai cia d Orta (4), en 1363. La plante fut plus tard figurée par
Rheede, qui parle de la drogue comme étant en grand usage sur la côte
de Malabar. Elle paraît avoir été, vers la même époque, importée en
Euiope, au moins accidentellement, car Berlu, dans son Treasury of
Drugs , 1690, la décrit comme provenant de Bantam, dans les Indes
orientales, et comme étant aof an infatuating quality and pernicious use» .
L’expédition de Napoléon èn Egypte attira de nouveau l’attention sur
les propriétés particulières du Chanvre, grâce aux documents recueil-
lis par de Sacy (1809) et Rouger (1810). Cependant, l’introduction delà
drogue indienne dans la pratique médicale est de date encore plus
récente; elle est due surtout aux expériences faites à Calcutta par
O’Shaughnessy, en 1838-39 (3). Quoique les effets étonnants produits
dans l’Inde par l’administration des préparations de Chanvre s’observent
(1) Compt, rend. Ac. sc., 1849, XXVIII, 195.
(2) D’où les mots assassin et assassinat. Weil, cependant, pense que le mot assassin
dérive plus probablement de si/ckin, poignard [Gescliichte der Chalifen, 1860, IV, 101).
(3) Le misérable qui assassina le juge Norman, ?i Calcutta, le 20 septembre 1871,
passe pour avoir agi sous l’influence du haschisch. Bellew ( Indus to the Tigris, 1874.
218) dit que le chef afghan qui massacra le docteur Forbes, en 1842, était intoxiqué
depuis quelques jours par le Cliaras ou le Bhang.
(4) Colloquios dos simples e drogas e cotisas medicinaes da India, ed. 2, Lisboa,
1872, 2 f.
(5) Pour les détails, voyez O’Siiaughnessy (On the préparation of the indian Hemp
or Gunjalk, Calcutta, 1839, et Bengal Dispensatonj, Calcutta, 1842, 579-604). — On
trouve un nombre considérable de renvois aux écrivains qui ont parlé des propriétés
médicinales du Chanvre, dans le mémoire intitulé : Studien üher den Ilanf, par le doc-
teur G. Martius, Erlangen, 1855.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 285
rarement dans le climat pins froid de la Grande-Bretagne, les propriétés
de la drogue sont suffisamment manifestes pour autoriser son intro-
duction dans la Pharmacopée.
Production. — Quoique le Chanvre soit cultivé dans la plus grande
partie de l’Inde, il n’est produit comme drogue que sur une aire li-
mitée des districts de Bogra et Râjshâhi, au nord de Calcutta, ou la
plante est cultivée d’une façon spéciale.
La vente au détail est soumise, comme celle de l’opium et des spiri-
tueux, à un impôt qui, en 1871-72, a rapporté au gouvernement du Ben-
gale environ 120 000 livres sterling, tandis que celui de l’opium (con-
sommé surtout dans l’Assam) s’éleva à 310 000 livres sterling (I).
Le Chanvre ( Bhang ) est une des principales marchandises importées
du Turkestan dans l’Inde.
Description. — Les feuilles du Chanvre sont munies d’un long pé-
tiole accompagné à la base de petites stipules ; leur limbe est formé de
5 à 7 folioles lancéolées, acuminées, découpées en dents serretées, ai-
guës. Les panicules lâches des fleurs mâles et les épis serrés des fleurs
femelles sont portés par des pieds distincts, et naissent dans l’aisselle
des feuilles. Les fruits, nommés Graines de Chanvre , sont de petits
achaines grisâtres, contenant chacun une seule graine huileuse. Le
Chanvre est, comme les autres plantes de la même famille, riche en si-
lice qui rend ses feuilles et sa tige rigides. Dans la médecine européenne,
on n’emploie que le Chanvre cultivé dans l’Inde ; il se présente sous
les deux formes principales suivantes :
1° Bhang , Siddhi ou Sabzt (noms hindoustanis) ; H ami h ou Quinnah
(noms arabes). — Cette drogue est constituée par des feuilles sèches et
par de petits pédoncules, colorés en vert foncé, brisés en fragments
grossiers, et mélangés d’un petit nombre de fruits. Son odeur est spé-
ciale et n’est pas désagréable; elle n’a que peu de saveur. Dans l’Inde,
on fume cette drogue isolément ou avec le tabac ; mais plus commu-
nément on en fait, avec de la farine et d’autres substances, une pâte
sucrée, nommée majun (2), de couleur verte. On la prend aussi en infu-
sion, préparée par immersion des feuilles pulvérisées dans l’eau froide.
2° Ganja (hindustani) ; Quinnah (arabe) ; Guaza (3) des droguistes
de Londres. — Cette drogue est constituée par les rameaux fleuris ou
(1) lilue Book, cité à la page 111, note 1 du t. I.
(2) Le Père Ange, de Toulouse, dans sa Pharmacopœia Persica , 1 G S 1 , donne de
nombreuses formules d’électuaires sous le nom de magi-oun . •
(3) Ce nom n’est pas employé dans l’Inde, mais paraît dériver, par corruption,
de ganja.
28G
ULMACÉES.
fructiflés de la planle femelle. Quelques échantillons sont formés de
liges ligneuses droites, dures, longues de quelques pouces, entourées
des pédoncules floraux ramifiés. D’autres échantillons consistent en
bourgeons plus courts et plus succulents, longs de 2 à 3 pouces, et de
forme moins régulière. Dans les deux cas, les pousses sont compri-
mées et glutineuses, très- cassantes, et colorées en vert brunâtre. Par
l’odeur et l’absence de saveur, le Ganja ressemble au Bhrng. On dit
qu après que les feuilles qui constituent le Bhang ont été recueillies, la
tige produit de petites pousses qu’on récolte, qu’on fait sécher, et qui
forment le Ganja (1) ( b ).
Composition chimique. — Les principes constituants les plus inté-
ressants du Chanvre, au point de vue chimique, sont la résine et Y huile
volatile. La résiné fut obtenue pour la première fois, dans un état de
puieté relative, par T. et H. Smith, en t846 (2). C’est une substance
solide, brune, amorphe, brûlant avec une flamme blanche, brillante,
sans laisser de cendres. Elle possède une action physiologique très-
puissante ; à la dose de deux tiers de grain, elle constitue un narco-
tique puissant, et à la dose d’un grain elle produit une intoxication
complète. D’après les expériences de MM. Smith, il paraît impossible de
douter que ce ne soit à cette résine que sont dus, en majeure partie,
les effets exercés par le Chanvre.
Lorsqu’on distille à plusieurs reprises de l’eau contenant une grande
quantité de Chanvre, en renouvelant la plante à chaque opération, et la
remplaçant par des parties fraîches, on obtient une huile volatile plus
légère que l’eau, et de l’ammoniaque. Cette essence possède, d’après
les expériences de Personne (1857), une coloration ambrée et une odeur
de chanvre très-prononcée. Elle laisse parfois déposer une grande quan-
tité de petits cristaux. Avec des précautions convenables, on peut la dé-
doubler en deux corps : l’un, nommé par Personne Cannabène (3), est
liquide, incolore, et répond à la formule C18H20 ; l’autre, nommé Hy-
drureile C dnnabène , est solide, et se sépare de l’alcool en cristaux apla-
tis, auxquels Personne attribue la formule C1SH22. Il affirme que le can-
nabène possède une action physiologique incontestable, et le con-
sidère comme le seul principe actif du Chanvre. Il s’est assuré que sa
vapeur produit, lorsqu’on la respire, une sensation singulière de fré-
missement, un désir de locomotion, suivis de prostration et parfois de
(1) Powell, Economie Products o f the Bunjaà, Roorkee, 1868, I, 293.
(2) Pharm. Joum., 1847, VI, 171.
(3) Joum. de Pharm., 1857, XXXI, 48 ; Jahresbericht de Canstatt, 1857, I, 2S.
HISTOIRE DES DROGUES D ORIGINE VÉGÉTALE. 287
syncope (I). Bohlig, en 1840, observca des effets identiques produits
par l’essence retirée de la plante fraîche aussitôt après la floraison,
dans la proportion de 0,3 pour 100.
Les autres principes constituants du Chanvre sont ceux qu on trouve
communément dans les autres plantes. Les feuilles donnent environ
20 pour 100 de cendres.
Bolas et Francis, en traitant la résine du Chanvre indien par l’acide
nitrique, la convertirent en Oxycannabine, C20H20Az2O7. Cette substance,
retirée en gros prismes de sa solution dans 1 alcool méthylique, fond a
176° C. et s’évapore alors sans décomposition. Elle est neutre (2). L un
de nous (F.) a essayé sans succès de la préparer à l’aide de la résine
pure de Charas.
Usages. — Le Chanvre est employé comme soporifique, anodin,
antispasmodique, et comme stimulant du système nerveux. On 1 emploie
sous la forme d’extrait alcoolique, administré soit dans un véhicule li-
quide, soit à l’état solide. En Orient, les Hindous et les mahométans en
font une consommation énorme ; ils le fument avec le tabac, ou le
mangent mélangé à d’autres substances (3).
CHARAS.
L’histoire du Chanvre ne serait pas complète si nous ne parlions pas
d’une substance à laquelle les nations de l’Asie attachent une grande
importance, et qui est connue sous le nom de Charas.
Le Charas ou Churrus est une résine qui exsude en petites gouttes des
feuilles et des rameaux du Chanvre. On la recueille de plusieurs
manières. L’une consiste à rouler dans les mains les sommités de la
plante lorsque les graines sont mûres, et à racler ensuite les doigts
auxquels s’est attachée la résine. D’après un autre procédé, des hommes
( !) Quoique Personne admette l’activité de la résine préparée par le procédé de Smith,
il considère cette dernière comme un corps composé, et pense qu’une purification plus
complète, en la privant de toute son huile volatile, la rend inerte. Son opinion n’a rien
d’étonnant, car l’un de nous [F.] a trouvé que cette « purification» fut effectuée en trai-
tant la résine par la chaux ou la soude caustique, et en l’exposant à une température de
300° C. Ce qui prouve que la résine des chimistes d’Edinburgh no doit pas sou acti-
vité à la présence de l’huile volatile, c’est qu’aprôs avoir exposé une petite quantité de
cette résine en couche très-mince, pendant huit heures, à une température de 82° C.,
ils constatèrent qu’elle n’avai't pas perdu ses propriétés.
(2) Chemical News, 1871, XXIV, 77.
(3) Pour plus de détails, voyez: Cûoke, Seven Sisters of Slcep, Lond., cliap. 18-17
288
ULMACÉES.
revêtus d’un vêtement en cuir se promènent dans les champs de
Chanvêe, la résine s’attache à leur vêtement, qu’ils raclent de temps à
autre. Une troisième méthode consiste à recueillir, avec beaucoup de
précautions pour éviter son action toxique, la poussière qui se dégage
des monceaux de bhancj qu’on agite (1).
Recueilli par ces procédés, le Charas est une drogue brute et impure,
dont 1 usage est exclu de la médecine scientifique. Gomme nous l’avons
indiqué déjeà, on ne le recueille pas indifféremment dans l’Inde, sur tous
les chanvres cultivés, mais seulement sur ceux qui croissent sur les
montagnes, à une certaine altitude.
Le meilleur Charas est celui qu’on apporte d’Yarkand; c’est une
substance brune, à aspect terreux, disposée en masses volumineuses,
irrégulières, compactes, mais friables. Examiné à l’aide d’une forte loupe
de poche, il se montre formé de petits grains transparents d’une
résine brune, agglutinée avec les poils courts de la plante. Il possède une
odeur semblable à celle du Chanvre; sa saveur est faible, même en
solution alcoolique. Il existe une deuxième et une troisième qualité de
Charas, constituées par la même substance dans un état de moindre
pureté. Le Charas, observé au microscope, offre une structure cristalline,
due à une matière inorganique. Il fournit un quart ou un tiers de son
poids de résine amorphe, qui se dissout facilement dans le bisulfure de
carbone et l’alcool. Cette résine ne rougit pas le tournesol, elle est
insoluble dans la potasse caustique. Elle possède une coloration brun
foncé que nous ne sommes pas parvenus à faire disparaître à l’aide du
charbon animal. Le résidu du Charas abandonne à l’eau une petite
quantité de chlorure de sodium, et est formé en grande partie de car-
bonate de calcium et de peroxyde de fer. Ces résultats ont été obtenus
par l’examen d’échantillons d’Yarkand (2). D’autres échantillons, que
nous avons aussi examinés, offraient l’aspect d’une résine foncée
compacte.
Le Charas est importé d’Yarkand (3) et de Kashgar. La première de
ces places en a exporté à Lê, en 1867, 1 830 maunds (146400 livres). De
Lé, cette marchandise est expédiée au Punjab et au Kashmir. Une
quantité plus faible est exportée chaque année de Kandahar et de
(1) Powell, Economie Products of the Punjab, Roorkee, 1868, 293.
(2) Recueillis parle colonel H. Strachey, et maintenant dans le Muséum de Ivew.
On ignore par quel procédé ils ont été obtenus.
(3) Forsyth, Correspondance on Mission to Yarkand, publié par ordre de la Cham-
bre des communes, 28 février 1871. — IIenderson et Hume, Laliora to Yarkand,
London, 1869, 216.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 289
Samarkand (I). Celle drogue est surtout fumée avec le tabac; on ne la
trouve pas dans le commerce européen.
unu t 309) sont des Ulmacées de la tribu des
Les Cannât^ OORN ^ , ‘ ’’ ^ k fleur mâle pentamère; à fleur ie-
« t surmonté de doux stïles, uniloculaire par .avorte-
melle dimère , à ovane supc «nvelonné de la bractée mère
ment, et uniovulé; à IMt co#ué ptt un ttchoino enveloppé de la l.raotéc mère
*TÜ nS7) est une plante annuelle, diolque, dues-
sée, ordinairement peuramifiée, ou n’ayant
que des ramifications chargées de fleurs,
qui partent d’une tige droite, cannelée et
anguleuse. Toutes les parties delà plante,
couvertes d’une fine pubescence ru-
gueuse, sont d’un vert clair, et exhalent
une odeur particulière très-prononcée. Les
feuilles sont alternes ou opposées, lon-
guement pétiolées, à limbe divisé jusqu an
niveau de l’extrémité supérieure du pé-
tiole en lobes étroits, lancéolés, pointus,
scabres, découpés sur les bords en dents
de scie aiguës. Le nombre des folioles de
chaque feuille varie sur le même pied , il
est toujours plus considérable dans le bas
de la tige que daus le haut. Sur les pieds
femelles les feuilles inférieures ont parfois
neuf lobes, mais plus ordinairement sept,
tandis que les feuilles supérieures en ont
d’habitude cinq ou trois. Sur les pieds
mâles, avec des conditions de vigueur éga-
les, le nombre des folioles est toujours
moindre ; les feuilles inférieures n’en ont
d’habitude que cinq, et les supérieures ..
trois. La largeur des folioles diminue aussi de la hase au sommet de la tige ; i en
est de môme de la longueur des pétioles. Les feuilles inférieures sont opposées, et les
supérieures souvent alternes. Elles sont toutes ac-
compagnées de deux stipules latérales, relativement
peu développées.
Les fleurs mâles sont disposées en grappes axil-
laires, lâches, pendantes, ramifiées et dépourvues
de feuilles à la base. Chaque fleur est formée d’un
calice à cinq sépales velus, indépendants jusqu’à la
hase, imbriqués en quinconce dans le boulon, et
d’un androcée à cinq étamines libres et superposées
aux sépales. Les filets staminaux sont dressés dans
le bouton. Les anthères sont biloculaires, introrses,
déhiscentes par deux fentes longitudinales. Les
fleurs femelles sont disposées en grappes axillaires, dressées, fouillées
(1) Stewart, Punjab Plants, Laliore, 1809, 210.
I1IST. UES DROGUES, T. U.
Fig. 214. Chanvre Icmelle. Sommité.
es a
la base.
19
290
Fig. 216.
Cannabis
sativa.
Fleur
femelle.
ULMÀCÉES.
.V’mi'io'i 11C,UI CSt I)0rtée Par un pédoncule court, et se développe dans l’aisselle
1 '",C "”S"C’ TCrte- r- U„c pointe offlS. D“
ni oiesccnce, ces bractées sont très-rapprochées les unes des autres et
imbriquées, leurs pointes effilées faisant une saillie très-prononcée Cha-
que fleur femelle se compose d’un périanthe en forme de coupe formé
par deux sépales connés, couverts de petites glandes brunâtres, et d’un
pistil a ovaire supère, d’abord biloculaire, puis uniloculaire par avor-
tement de 1 une des loges. L’ovaire est supère, arrondi, surmonté de
deux styles couverts de papilles stigmatiques. La loge ovarienne qui
persiste contient un seul ovule anatrope, inséré sur la cloison de la lo-e
avortée, suspendu, à micropyle dirigé en haut et en dehors. Le fruit est un
acharne enveloppé par la bractée mère, arrondi, à graine sans albumen
contenant un gros embryon recourbé, huileux. [Trad.]
{b) La tige du Chanvre offre de dehors en dedans, ainsi que l’indique
b coupe transversale de la figure 217 : 1° un épiderme à cellules revêtues
. Lluc cutlcule épaisse ; 2° un parenchyme cortical à cellules polygonales
' ans 1 épaisseur duquel se voit en b une zone circulaire d’éléments prosenchy-
mateux fusiformes, à contour elliptique, irrégulier,
a parois épaisses et brillantes. Le liber, c, est formé
de faisceaux séparés les uns des autres par des
rayons médullaires formés d’une seule rangée de
cellules allongées, radiales. Chaque faisceau offre
deux sortes d’éléments : des fibres à contours irré-
guliers, elliptiques, très-longues, fusiformes, à parois
épaisses et à cavité étroite. A un fort grossissement,
et en se servant de la solution d’aniline, on voit
bien nettement sur la coupe transversale que la
paroi de chaque fibre est formée de deux couches
emboîtées, l’une extérieure se colorant fortement
en bleu, et l’autre interne restant incolore et bril-
lante. Ces fibres sont disposées en groupes qui
forment des zones variables en nombre avec l’âge
e de la tige, et séparées les unes des autres par des
f éléments à parois minces et molles. La portion
interne, et en voie de développement du liber, d,
est dans la figure 217 entièrement formée de ces
derniers éléments, dont certains se transforment
c/ ultérieurement en fibres semblables à celles qui
existent déjà dans la partie externe des faisceaux.
Entre le liber et le bois, se trouve une zone de
cambium, e, a cellules quadrangulaires, délicates.
Le bois, g, est formé en majeure partie de fibres
ligneuses à contour quadrangulaire ou polygonal,
entremêlées de larges vaisseaux ponctués, et d’une
petite quantité de parenchyme ligneux. Dans la partie encore jeune du bois, en f
tous les éléments en voie de formation out des parois minces et molles. La moelle
se détruit de bonne heure ; elle est formée de grandes cellules polyédriques
[Trad.]
d
pf
SÉf
VQbU
LU
Fig. 217. Chanvre. Tige.
Coupe transversale.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
21)1
CONES DE HOUBLON.
Sirobili Jlumuli; Humulus vel Lupulus ; Cônes ou Strobilcs de Houblon ; angl., Hops ;
allem. Hopfen.
Origine botanique. - Humulus Lupulus L. C’est une plante vivace,
dioïque, sarmenteuse, grimpant sur les arbres et les arbrisseaux. On la
trouve à l’état sauvage, surtout dans les buissons des bords des rrneres,
dans toute l’Europe, depuis l’Espagne, la Sicde et la Grèce, jusqu a a
Scandinavie. Elle s’étend aussi dans le Caucase, le sud de la mer Cas-
pienne le centre et le sud de la Sibérie, jusqu’aux monts Altaï. Elle a
été introduite dans l’Amérique du Nord, le Brésil [Rio Grande do Sul) et
l’Australie (a). , , 1
Historique. - Les cônes de Houblon sont employés depuis une
époque reculée à la fabrication de la bière, dont ils sont aujourd’hui
considérés comme un ingrédient indispensable. Le Houblon des jardins
est mentionné sous les noms de Humularia ou Humuleta, comme exis-
tant en France et en Allemagne, aux huitième et neuvième siècles. En
Bohême et en Bavière, les cônes de Houblon sont estimés depuis le
onzième siècle. Une donation de houblon et de terres à houblon passe
pour avoir été faite en 1069 par Guillaume le Conquérant, dans le
comté de Salop (1); ce qui indiquerait que la culture de cette plante
date, en Angleterre, d’une époque très-reculée. Les cônes de hou-
blon paraissent, alors, avoir été considérés comme médicamenteux.
Dans Y Herbarium of Apuleius (2), manuscrit anglais écrit vers 1050,
il est dit que les bonnes qualités du houblon (. tiymele ) sont telles,
que les hommes l’introduisent dans leurs boissons habituelles. Hilde-
gard (3), un siècle plus tard, dit que l’on ajoute le houblon (Hoppho)
aux boissons, à cause de son amertume, et en partie parce qu’il permet
de. les conserver. Au commencement du neuvième siècle, le houblon
destiné à la fabrication de la bière figure parmi les produits que les
tenanciers de l’abbaye de Saint-Germain de Paris (4) devaient fournir
au monastère. Cependant, au milieu du quatorzième siècle, on fabri-
quait encore à Paris de la bière sans houblon.
(L) Blount, T mures of Land and Cnstoms of Manors, cd. IIazlitt, 1874, IG5.
(2) Leechdorns, Wortcunning and Starcraft of Early England, cd. Cockayne, ISG i,
I, 173 ; 1865, II, IX.
(3) Opéra omnia, ed. J.-P. Migne, Paris, 1855, 1153. •
(/,) Guérard, l'olyptique de l'abbé Irminon, 1844, I* 714, 8UÜ.
292
ÜLMACËES.
Les brasseurs, boulangers et meuniers de Londres furent, en 1298,
1 objet d’un mandai d’Edouard Ier, maison ne peut pas en déduire que
la fabrication de la liqueur fermentée d’orge employât à cette époque le
houblon. 11 est bien certain qu’à une époque postérieure le houblon
n était pas encore employé, car, la quatrième année du règne
d’Henri IV (1425-1426), une enquête fut faite contre un individu, pour
d\oii introduit dans la bière « une mauvaise herbe nommée Bopp » (1),
et pendant la durée du même règne une pétition fut adressée au parle-
ment contre « cette mauvaise herbe nommée Uops ». 11 est bien
évident, cependant, que le houblon lut bientôt considéré comme pos-
sédant de bonnes qualités, et que, bien que son emploi fût dénoncé, il
ne fut pas supprimé. Ainsi, dans la réglementation de la maison
de Henri 4111 (1530-15.! I), il est dit que les brasseurs «ne devront
mettre dans l’ale ni houblon ni soufre » (2), tandis que, pendant la
même année (1530), des centaines de livres de houblon flamand furent
achetées pour l’usage de la noble famille de L’Estrange, de Hunstan-
ton (3). En 1552, la culture du houblon en Angleterre fut nettement
sanctionnée par les cinquième et sixième décrets d’Edouard VI, G. 5, qui
oi donnent que les terres autrefois en labour devront être de nouveau
cultivées de la meme façon, sauf le cas où elles ont été plantées en hou-
blon ou en safran. Malgré ces faits, le houblon fut longtemps difficile-
ment considéré comme nécessaire à la fabrication de la bière, autant
qu’on peut en juger par ce que dit Gérarde (mort en 1607), qu’on l’em-
ploie « pour assaisonner » la bière et l’ale, et que malgré ses propriétés
on doit plutôt 1 employer à fabriquer des boissons médicamenteuses, que
des liqueurs destinées à apaiser la soif. En réalité, on employa pendant
tort longtemps d autres plantes pour donner à la bière de l’amertume
ou une saveur aromatique, notamment le Lierre terrestre (Nepeta
Glechoma L.), le Baume ( Bahamita vulgaris L.), le Cirier ( Myrica gale L.),
Siveet Gale des Anglais, et la Sauge (. Salvia officinale L.). Le Poivre
long et les baies de Laurier furent aussi employées dans ce but (4),
mais avec addition de houblon.
Quoique le houblon anglais fût considéré comme supérieur à celui de
l’étranger, et fût très-cultivé, dès 1603, ainsique le montre un acte de
( 1) - D’après un mémoire isolé dans un volume manuscrit (n° 980), par Thomas Gyb-
bons, conservé dans « l’Harleiau collection » du British Muséum.
(2) Archæologici, 178G, 111, 157.
(3) Ibicl., 1834, XXV, 505.
(4) IIolinshed, Chronicles, I, liv. 2, cap. G.
293
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
James Ier ( I), le houblon flamand continua à être importé en grande
quantité jusqu’en 1 093 .
Structure. — L’inflorescence de la plante mâle constitue une grande
panicule ; colle de la fleur femelle est moins visible. Elle consiste en
cônes pédonculés, remarquables, par le grand développement de lems
bractées imbriquées, qui forment un cône ovoïde ou strobiie, consti-
tuant la partie officinale de la plante. Ce cône est formé d un axe cen-
tral, court, en zigzag, portant des folioles rudimentaires, qui se re-
couvrent mutuellement, et qui représentent chacune une paire de
stipules. Entre elles sont quatre fleurs femelles, portées chacune par
une bractée. Après la floraison, les stipules et les bractées augmentent
beaucoup de taille, et forment un strobile pendant, persistant, d’un vert
jaunâtre. A la maturité, chaque bractée offre à la base un petit fruit
lenticulaire indéhiscent, qui a 2 millimètres de diamètre ; il est entouré
par le périgone membraneux, monophylle, et contient, en dedans de
son tégument brun et fragile, une graine dépourvue d’albumen. Ces
fruits, de même que l’axe et la base de tous les organes foliacés, sont
munis de petites glandes brillantes, translucides, auxquelles le houblon
doit son odeur aromatique et son amertume.
Description. — Le houblon qu’on trouve dans le commerce est formé
entièrement de strobiles arrivés à leur complet développement, et plus
ou moins comprimés. Leur coloration est jaune verdâtre, leur arôme
est agréable et spécial, leur saveur est amère, aromatique et brûlante.
Lorsqu’on les rouie dans les mains, ils y adhèrent un peu, et émettent
une odeur très-forte. A la longue, les strobiles perdent leur coloration
verdâtre et deviennent bruns ; ils acquièrent en même temps une odeur
désagréable, par suite de la formation d’un peu d’acide valérianique.
L’exposition à la vapeur de l’acide sulfureux retarde cette altération.
Pour l’usage médicinal, on doit rejeter les strobiles qui sentent l’acide
sulfureux, quoique, en réalité, cet acide devienne très-rapidement inof-
fensif. Liebig a réfuté les objections faites par les brasseurs, relative-
ment à la sulfuration des cônes de houblon.
Composition chimique. — Indépendamment des principes constituants
des glandes, qui seront décrits dans l’article suivant, le houblon con-
tient 3 à 5 pour 100 d’un acide tanniquc G2SH24013, qui vient d’être étudié
par Etti (1876), de la chlorophylle, de la gomme; 5 à 9 pour 100 de
cendres, surtout des sels de potassium, et environ 12 pour 100 d’eau.
Siewcrt, en 1870, a analysé six échantillons de houblon cultivé en
(1) James 1, 1603, cap. 18.
294
ULMACÉES.
Allemagne; il a trouvé que la résine soluble dans l’alcool variait
de 9,7 à 18,4 pour 100.
L’odeur des cônes de houblon est duo à une huile essentielle, dont
ils renferment I a 2 pour 100. Personne a trouvé que cette essence
contient du Valérol, CfiII100, qui passe à l’acide valérianique ; ce dernier
se trouve réellement dans les glandes, dans la proportion, d’après
Mehu (1), de 0,1 a 0,17 pour 100 seulement. Lorqu’on la prépare avec
des cônes Irais, 1 essence est verdâtre ; elle est d'un brun rougeâtre
quand les cônes employés sont vieux. Nous l’avons trouvée dépourvue de
pouvoir rotatoire, neutre au papier de tournesol, et ne prenant aucune
coloration marquée sous 1 influence de l’acide sulfurique concentré.
Griessmaycr, en 1874, a montré que les cônes de houblon contiennent
de la triméthy lamine, et une faible proportion d’un alcaloïde liquide, vo-
latil, non encore analysé, qu’il a nommé lupuline. Ce dernier à l’odeur
de la conicine, et se colore en violet lorsqu’on le traite par le chromate
de potassium et l’acide sulfurique.
Production et Commerce. — - En 1873, l’Angleterre était considérée
comme ayant 63276 acres cultivés en houblon. Le principal centre de
cette culture est le comté de Kent. En 1873, 39040 acres y étaient occu-
pés par cette plante. Elle est cultivée sur une étendue beaucoup moins
étendue dans le comté de Sussex, et encore moins dansl’Herefordshire,
le Hampshire, le Worcestershire et le Surrey. Les autres comtés anglais
et la principauté de Galles n’en produisent que fort peu, et l’Ecosse pas
du tout.
Dans l’Europe continentale, le houblon est très-cultivé, dans la
Bavière, la Bohême et le Wurtemberg, la Belgique et la France, mais
cependant sur une moins grande échelle qu’en Angleterre. En 1872, la
France avait 9223 acres cultivés en houblon (2).
Malgré la grande culture de houblon qui se fait en Angleterre, on en
apporte encore des autres pays. En 1872, l’importation fut de 133 965
quintaux, évalués à 679276 livres sterling. Sur cette quantité, la Bel-
gique fournit 66930 quintaux ; l’Allemagne, 36612 quintaux; la Hol-
lande, 16675 quintaux; les Etats-Unis, 10414 quintaux, et la France
5328 quintaux. Pendant la même période, le Royaume-Uni en exporta
31 215 quintaux (3).
(1) Thèse , Montpellier, 1867.
(2 1 Agriculture Returns of Great Britain, etc., 1873, présentés au Parlement, 48,
49, 70, 71.
(3) Annual Statement ofthe trade of the United-Kingdorn for 1872, 49, 93.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 21)5
Usages. Le houblon est administré, en médecine, comme tonique
et sédatif surtout sous la forme de teintuie, d infusion ou d extiait.
Fig. 21S. Houblon,
Les Houblons ( Bumulus L., Généra , 304) sont des Ulmacées de la série des
Cannabinées, à fleurs dioïques, régulières; à fleurs mâles pentamères ; à filets sta-
minaux dressés dans le bouton ; il fleurs femelles nées dans l’aisselle d’une bractée
incomplètement embrassante ; à ovaire uniloculaire par avortement et uniovulé; à
achaines enveloppés par le périantlie.
Le Houblon commun (Humulus Lupulus L. Species, 1457) est une plante à sou-
che vivace et à rameaux aériens annuels, volubi-
les, s’enroulant de droite à gauche, et pouvant
s’élever à une grande hauteur. Ils sont anguleux,
rudes au toucher, munis de petits poils réfléchis
et rudes. Les feuilles sont opposées, munies de
longs pétioles presque cylindriques, cannelés sur
la face supérieure, et chargés de petits poils coni-
ques très-résistants. Entre les points d’insertion
des deux pétioles d’une même paire de feuilles se
voit, de chaque côté, une paire de stipules courtes,
connées dans leur moitié inférieure et quelquefois
dans presque toute leur étendue, triangulaires et
aiguës au sommet, membraneuses. Le limbe des
feuilles varie de forme suivant ses dimensions,
qui sont d’autant plus considérables quelafeuille
est située plus bas sur la tige. Le limbe des feuil-
les inférieures est presque arrondi dans son contour général, cordé à la base, divisé
en trois ou cinq grands lobes principaux séparés les uns des autres par des sinus
profonds ; tous sont aigus au sommet, et découpés sur les bords en larges dents
acuminées. Les feuilles situées dans le voisinage du sommet des rameaux, et celles
qui se trouvent à la base des inflorescences femelles, sont beaucoup plus petites,
ovoïdes, aiguës au sommet, plus ou moins cordées à la base, également
dentées sur les bords. Le limbe des feuilles inférieures a de 10 à 15
centimètres de long, et de 13 à 16 centimètres de large. Leur pétiole
a de 12 à 15 centimètres de long. Le limbe des feuilles terminales les
plus grandes a de 5 à 7 centimètres, et leur pétiole a de 3 à 4 centimè-
tres. A partir de ces dimensions extrêmes les feuilles terminales
offrent une taille d’autant plus réduite qu’elles sont plus voisines du
sommet des rameaux. Sur certaines branches, toutes les feuilles sont
lobées. Toutes les feuilles sont colorées en Vert gai, un peu plus pâle sur la face
inférieure ; elles sont très-rudes au toucher. Les fleurs mâles et les fleurs fe-
melles sont portées par des pieds différents. Les fleurs mâles sont disposées en
grappes axillaires, longues et lâches, de cymes. Leur calice est formé de cinq sépales
indépendants jusqu’à la base, imbriqués en quinconce dans la préfloraison. I. an-
drocée se compose de cinq étamines libres, situées en face des sépales, munies cha-
cune d’un filet droit dans le bouton, et d’une anthère|allongée, biloculaire, introrse,
déhiscente par deux fentes longitudinales. Les fleurs femelles sont disposées en lon-
gues cymes axillaires de chatons supportés chacun par un pédoncule long, grêle
et nutant. A la base de chaque chaton, il existe un certain nombre de bractées sté-
Fig. 219.
ncmblon, brac-
tée et fruit.
29G
ULMÀCÉES.
i puis viennent îles bractées qui ont chacune dans leur aisselle une fleur femelle.
Celte dernière est incomplètement enveloppée par la bractée mère, qui se replie autour
d elle dans le bas, mais la laisse libre dans toute sa partie supérieure, même après
la maturation du fruit, tandis que dans le Chanvre (voy. p. 289, note a) elle enve-
loppe complètement ce dernier. La fleur femelle est réduite à un périanthe simple
formé de divisions connées, et ci un pistil d’abord biloculaire, mais dont une loge
avorte. L’ovaire uniloculaire qui persiste est arrondi, un peu aplati de dehors eu
dedans, supère, surmonté de deux styles allongés et entièrement recouverts de pa-
pilles stigmatiques. Tl renferme un seul ovule inséré sur la cloison qui divisait au
début les deux loges, anatrope, suspendu, à micropyle dirigé en haut et en dehors.
Le fruit est un petit achaino aplati, enveloppé complètement par le périanthe accru
en un sac membraneux, vésiculeux, jaunâtre. La graine est dépourvue d’albumen ■,
elle renferme un embryon volumineux, recourbé sur lui-même. Pendant la matura-
tion du fruit, les bractées mères se développent beaucoup, tout en restant membra-
neuses, et constituent la partie connue sous le nom de Cône de Houblon. [Thad.
GLANDES DU HOUBLON.
Glandulæ Humuli ; l.upulina ; angl., Lupulin, Lupulinic grains ; allem , Hopfendrüscn,
Hopfenstaub.
Origine botanique. — Hiimulas Lupulus L. (voyez l’article précédent).
Les petites glandes luisantes et translucides du strobile constituent,
après en avoir été détachées, la substance désignée sous le nom de
Lupulin.
Historique. — Les glandes du Houblon furent isolées et étudiées
chimiquement par L. A. Planche, pharmacien à Paris. Ses observations
furent d’abord décrites brièvement par Loiseleur-Deslongchamps, en
1819 (1). L’année suivante, le docteur A. W. îves, de New-York, pu-
blia (2) un récit de ses expériences sur les strobiles de Houblon, et leurs
glandes, auxquelles il donna le nom de Lupulin. Payen et Chevallier,
Planche et d’autres, firent de nouvelles expériences, et adoptèrent l’opi-
nion d’Ives, d’après laquelle le Lupulin (ou, comme ils préféraient le
nommer, la Lupuline ) pouvait être employé avec avantage à la place
des strobiles de Houblon.
l’roiiuctiou. — Pour obtenir le Lupulin, on détache les bractées, on
les secoue, on les frotte, puis on en sépare la poudre à l'aide d’un
tamis. Celle-ci doit alors être lavée par décantation, afin d’écarter le
sable et la terre dont elle est toujours mélangée. On la fait ensuite sé-
cher, et on la conserve dans des flacons bien bouchés. On peut retirer,
des strobiles de Houblon secs, 8 à 12 pour 100 de Lupulin.
(1) Manuel des plantes usuelles et indigènes , 1819, It, 503.
(2) Joum. of Science, de Siluman, 1820, II, 302.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 297
Description. — Le Lupulin, va en masse, constitue une poudre gra-
nuleuse d'un brun jaunâtre, exhalant une odeur agréable de houblon,
et possédant une saveur aromatique et amère. Cette poudre est mouillée
graduellement par l’eau, instantanément par l’alcool et par l’éther, mais
non par la potasse et l’acide sulfurique. Lorsqu’on la triture dans un
mortier, les cellules se rompent, et la poudre peut être réduite en une
masse plastique. Lorsqu’on l’enflamme dans l’air, elle brûle avec une
flamme brillante comme le lycopode.
structure microscopique. — Les glandes du Houblon sont formées
par un soulèvement de la cuticule, du nuculc, et des bractées du
strobile. Chaque glande est primitivement attachée par un pédicule
très-court, qu’on ne voit plus dans la drogue. La glande, épuisée
par l’éther, et macérée dans l’eau, forme un sac globuleux ou
ovoïde, à paroi mince, mesurant de 140 à 240 millièmes de milli-
mètre. Elle est formée de deux parties distinctes, presque hémisphé-
riques. Celle qui esL primitivement en rapport avec le pédicule est
formée de cellules polyédriques, tabulaires, tandis que l’hémisphère
supérieur offre une membrane délicate, continue. Cette partie s’af-
faisse aisément, et offre une grande variété de formes, suivant que le
grain offre son pôle ou son équateur à l’observateur (1). Les glandes
du Houblon sont remplies d’un liquide jau-
nâtre ou brun foncé, qui, dans la drogue, est
contracté en une masse occupant son centre.
Il peut être expulsé en petites gouttes, lors-
qu’on détermine la rupture des parois de la Fig. 220.
glande, en la faisant chauffer dans la glycé- Lupuhn idapu'3 Bcro)‘
rine. La matière colorante, à laquelle la paroi doit sa belle couleur
jaune, adhère plus particulièrement à l’hémisphère le plus mince ; on
l’extrait plus aisément de l’hémisphère le plus épais à l’aide de l’é-
ther (a).
Composition chimique, — L’odeur du Lupulin est due a 1 essence dé-
crite dans l’article précédent. Le principe amer, nommé autrefois Lupu-
line ou Lupulile , fut d’abord isolé par Lermer, en I8G3, qui le nomma
acide amer du Houblon (Hop fenùillersaüre) . Il cristallise en grands
prismes rlmmbiques, cassants, et possède, à un haut degré, la saveur
amère particulière de la bière, dans laquelle, cependant, il n existe
(1) Pour plus île détail sur ccs glandes, voyez : Tuécul, in Ann. se. nat , Bot., 18S1,
1, 299. On trouvera un extrait de ce travail dans Misnu, Etude du Houblon et du Lu-
pulin, thèse, Montpellier, 1807.
298
ULMACÉES.
qu en très-petite quantité, car il est presque insoluble clans l’eau, mais
il -se dissout aisément dans la plupart des autres liquides. La composi-
tion de cet acide, C32H60O7, paraît se rapprocher de celle de l’absinthine ;
il n’existe, dans les glandes, qu’en faible proportion. Plus faible encore
est la quantité d’un autre principe cristallisable, que Lermer regarde
comme un alcaloïde. Un second alcaloïde volatil et liquide a été signalé,
en 1874, par Griessmayer.
Les principes constituants les plus abondants des glandes de Hou-
blon sont : une cire ( palmitate myricylique , d’après Lermer) , et des
résines, dont 1 une est cristalline et s’unit aux bases.
Ln bon échantillon de Lupulin d’Allemagne, desséché au-dessus de
l’acide sulfurique, nous a donné 7,3 pour 100 de cendres. La même
drogue, épuisée par l’éther bouillant, nous adonné 76,82 pour 100 d’un
extrait très-aromatique, qui, exposé dans une étuve pendant une se-
maine, subit une perte de 3,03 pour 100, correspondant à l’huile vola-
tile et aux acides. Le résidu était soluble dans l’acide acétique cristal-
lisable, et ne pouvait contenir, par conséquent, qu’une très-petite
quantité de matière grasse.
Usages. — Le Lupulin possède les propriétés du Houblon, mais il est
moins astringent. On ne le prescrit que rarement.
Falsification. — Le Lupulin est susceptible de contenir du sable, et
laisse souvent, à l’incinération, une grande quantité de cendres. On
peut y reconnaître, assez fréquemment, à l’aide de la loupe, d’autres
substances étrangères. Comme l’essence
du Lupulin se résinifie rapidement, on
doit rechercher le Lupulin aussi frais que
possible, et le conserver à l’abri de l’air.
(a) Les glandes du Houblon se développent,
d’après les recherches de M. Trécul, de la façon
suivante : une cellule de l’épiderme se soulève
et se développe en un cul-de-sac elliptique
(fig. 221, à) qui ne tarde pas à se limiter à la
base par une cloison transversale ; puis elle
se divise, cà l’aide d’une cloison transversale, en
deux cellules superposées b. La cellule supé-
rieure se renfle ensuite beaucoup plus que l’in-
férieure et se remplit d’une matière granuleuse. C’est elle qui donnera naissance à
la glande, tandis que la cellule inférieure formera le pédicule. Les segmentations de
la cellule supérieure se font toutes à l’aide de cloisons transversales. Elle se divise
d’abord en deux cellules collatérales, puis en trois et quatre (fig. 221 ,c,d,e ; fig. 222,
f,g, h,i). Ces quatre cellules se divisent ensuite à leur tour dans le sens du rayon
b a
c cl c
Fig. 221 . Développement du Lupulin
(d’après M. Trécul).
Glande vue de profil.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
diraension^tî'ès-inégales, leur taille état d'autant plus petite que les Se6mc„ta-
Fig. 222. Développement du Lupulin (d après M. 1 recul).
Glande vue par sa face supérieure.
Fig. 223. Fragment de bractée
de Houblon avec des glandes à peu
près formées. Une glande isolée.
tiofls ont été plus nombreuses. Les bords de ce plateau se relèvent ensuite, et chaque
Inde forme bientôt une sorte de onpnle semisphérique Me a l ep, derme par
„n court pédicule, et marquée à l’extérieur et a l’intérieur de .»tn« t lou|.tnd,nahs
oui répondent aux cloisons radiales de segmentation des cellules (fig. —3). Uuant
la glande est complètement formée, les cellules qui la composent commencent a se-
créter avec activité un liquide jaunâtre qui
traverse la paroi des cellules par exosmose
et soulève peu à peu devant lui la cuticule
qui revêt la face externe et concave de la
glande, et s’accumulant entre elle et les
cellules qui forment la cupule glandu-
laire lui fait former une sorte de coupole
hémisphérique, saillante au-dessus de la
glande. La figure 224 représente en 6 la
coupe verticale de la glande complètement
formée. On voit que sa cavité est limitée par deux demi-sphères : l’une inférieure con-
stituée par les cellules sécrétantes, disposées en une seule couche ; 1 autre supé-
rieure, représentée par la cuticule soulevée. La cavité est remplie par le produit c e
sécrétion des cellules qui constituent la cupule inférieure de la glande. Dans 1 eau,
les solutions alcalines et l’alcool, la cuticule se déchire, et met en liberté le liquic e
huileux jaunâtre qui remplit le réservoir glandulaire. Avant que la cuticule soit nor-
malement soulevée par ce dernier, on peut déterminer son soulèvement, et même
sa déchirure, en plaçant la glande dans de l’eau légèrement alcaline. [Trad.]
Fig. 224. Glande entièrement formée,
entière et coupée verticalement.
ÉCORCE D’ORME CHAMPÊTRE.
Cortex Ulmi; nngl., Elm Bark; allcm., Ulmenrinde, Msterrinde.
Origine botanique. — Ulmus cawpcslris- Smitii.. L’Orme commun est
un bel arbre très-répandu dans l’Europe centrale, méridionale et orien-
'300 ULMACÉES.
laïc. Il s’étend jusqu’en Norvège, par 66° de latitude nord, et vers le
sud jusque dans le nord de l’Afrique, et l’Asie Mineure. Dans l’est il va
jusqu’à l'Amurland, le nord de la Chine et le Japon. Il n’est probable-
ment pas indigène de la Grande-Bretagne, mais Y Ulmus montants Wjtii
( Wych Elm des Anglais) est certainement sauvage dans les comtés du
nord et de l’ouest (I).
Historique. - Les écrivains classiques, et particulièrement Dioscoride
connaissaient bien les propriétés astringentes de l’écorce du n-sÀéa’
nom sous lequel ils désignaient V Ulmus campes tris. Des vertus imaginaires
sont accordées par Pline à l’écorce et aux feuilles de V Ulmus Cette
écorce est prescrite, en Angleterre, dans les livres médicaux du
onzième siecle. A cette époque, un grand nombre de plantes du sud de
l’Europe avaient été introduites dans la Grande-Bretagne (2). L’emploi
de 1 ecorce de l’Orme est également mentionné dans YHerbal de Tur-
ner (lo68) et dans le Theater of plants de Parkinson (1640). L’auteur
de ce dernier ouvrage fait remarquer que « toutes les parties de l’Orme
sont d’un grand usage en médecine » .
Description.— L’écorce d’Orme destinée à l’usage médicinal doit être
enlevée de 1 arbre au commencement du printemps, privée de sa couche
subéreuse, puis desséchée, Ainsi préparée, elle se présente sous la
foi me de larges fragments aplatis, colorés en jaune de rouille, et striés
a la surface,. surtout en dedans. Cette écorce est souple, fibreuse, pres-
que inodore, et possède une saveur un peu astringente.
Structure microscopique. - Le liber, qui est la seule partie officinale
de 1 écorce, est formé de cellules parenchymateuses à parois épaisses,
allongées tangentiellement, au milieu desquelles sont disposées quelques
grandes cellules à mucilage, tandis que les autres contiennent une
matière colorante d un rouge brun. Le mucilage forme, en dedans des
cellules, des dépôts stratifiés. De larges faisceaux à fibres sont disposés
en cercles réguliers avec lesquels alternent des zones de parenchyme, et
sont coupés par des rayons médullaires étroits et rougeâtres, formés cha-
cun de deux à trois rangées radiales de cellules. Les faisceaux libériens
sont formés de nombreuses fibres allongées, épaisses de 30 millièmes de
(1) Le docteur Prior fait remarquer que le nom de l’Orme, en anglais Elm, est .à peu
près- identique dans tous les dialectes germaniques et Scandinaves, mais que sa racine
ne se trouve dans aucun d’entre eux, et que ses différents noms ne sont qu’une adapta-
tion du mot latin Ulmus {Popular Naines of Br itish Plants, ed.2, 1870, 71).
(2) Leechdoms, Wortcunning and Starcraft of Early England, ed. O. Cockayne,
1863, II, 53, G7, 79, 99, 127 et xn. Dans les recettes anglaises on trouve à la fois Elm
et Wych Elm.
301
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
millimètre, à cavité étroite, et parfois d’un certain nombre de fibres
plus larges à parois transversales poreuses (vaisseaux cribriformes).
Chaque cellule cubique du parenchyme libérien voisin îenfenne un gios
cristal, rarement bien defini, d oxalate de calcium.
Com position chimique. — Le principe constituant soluble le plus
important de l’écorce d Orme est le mucilage, et une petite quantité
d’acide lannique. La décoction de cette écorce fournit un précipité brun
sous l’influence du perchlorure de fer; la décoction diluée prend sous
l’influence de ce réactif une coloration verte. L’amidon y manque d’or-
dinaire, ou n’existe que dans l’écorce moyenne, qui est habituellement
rejetée. L’Orme laisse exsuder pendant l’été une gomme qui, au contact
de l’air, se convertit en une masse insoluble brune, nommée Ulmine.
Cette dénomination a été étendue à divers produits de décomposition
de corps organiques, dont la nature et les affinités ne sont que peu
connues (I).
Usages. — On prescrivait autrefois l’écorce d’Orme en décoction,
comme astringent mucilagineux léger; son emploi est cà peu près aban-
donné aujourd’hui.
Les Ormes ( Ulmus Toürnefort, Inst., 601, t. 372) sont des Ulmacées de la tribu
des Ulmées, à fleurs hermaphrodites ou polygames ; apétales ; à réceptacle cupuli-
forrne ; à ovaire supère primitivement biloculaire, puis uniloculaire et uniovulé,
surmonté de deux styles ; à fruit sec et ailé.
L 'Ulmus campestris L. ( Species , 327) est un arbre .à tronc ordinairement plus ou
moins contourné, recouvert d’une écorce rugueuse et crevassée, et à branches éta-
lées, arrondies, irrégulières, courbées en zigzag, couvertes d’un feuillage abondant.
Les feuilles 'sont alternes, pétiolées, longues de 3 à C centimètres et larges de 2 à
3 centimètres, atténuées aux deux extrémités, inégales iila base, doublement serre-
tées sur les bords, colorées en vert foncé, et très-rudes au niveau de la face supé-
rieure, plus pâles et moins rudes eu dessous, avec une nervure médiane très-sail-
lante sur la face inférieure, émettant de nombreuses nervures secondaires, transver-
sales, parallèles, munies chacune, au niveau de leur origine, d’une petite touffe de
poils. Chaque feuille est accompagnée de deux petites stipules latérales qui tombent
de bonne heure. Les fleurs se développent beaucoup plus tôt que les feuilles, par
l’épanouissement des bourgeons inférieurs des rameaux. Elles sont disposées en fas-
cicules serrés, arrondis, colorés eu pourpre foncé. Elles sont à peu près sessiles, et ac-
compagnées chacune d’une bractée oblongue, à bords frangés. Dans la fleur mâle, le
périanthe est formé de quatre divisions égales entre elles, counées à la base, imbri-
quées en quinconce dans le bouton, et insérées sur les bords d’un réceptacle cupuli-
forme. Les étamines sont en môme nombre que les sépales, et insérées en face d’eux
sur la face interne de la coupe réceptaculaire. Elles sont formées chacune d’un filet
libre et d’une anthère colorée en pourpre foncé, biloculaire, extrorse, déhiscente par
deux fentes longitudinales. Le pistil est inséré dans le fond du réceptacle. 11 est formé
(l) Gmeun, Chemistry, 1866, XVII, 168.
302
ULMACÉIÏS.
d’un ovaire supère, primitivement biloculaire, mais rendu uniloculaire par avorte
ment de l’une des loges, surmonté de deux styles élargis, couverts sur leur face in-
terne de papilles stigmatiques. La loge ovarienne contient un seul ovule analropc,
inséré sur la cloison de la loge avortée, suspendu, à micropyle dirigé en haut et en
dehors. Le fruit est une samare oblongue ou presque obovale, aplatie, colorée en
brun pâle, un peu brillante, offrant au niveau de son extrémité supérieure une échan-
crure profonde bordée par les styles, dont les faces externes se continuent avec les
bords de la samare. La graine renferme un embryon dépourvu d’albumen. [Tiiad.J
ÉCORCE D’ORME ROUGE.
Slippenj Elm Bark.
Origine botanique. — Ulmus fulva Michaux. L’Orme rouge est un
arbre de petite ou de moyenne taille, ayant rarement plus de 9 à
12 mètres de haut. Il croît sur le bord des cours d’eau, dans le centre et
le nord des Etats-Unis, depuis le New-England occidental jusqu’au Vis-
consin et au Kentucky. On le trouve aussi dans le Canada (a).
Historique — Les Indiens de l’Amérique du Nord attribuent à l’écorce
de l’Orme rouge des propriétés médicinales ; ils l’emploient en applica-
tions externes contre les plaies, et en décoction, contre les maladies des
reins. En Europe cette écorce était connue sous le nom de Cortex un-
guentarius (Schôpf, Materie medica Americana, Erlanger, 1787). Bigelow,
en 1824, fait remarquer que les propriétés mucilagineuses de la por-
tion interne de l’écorce sont bien connues.
Description. — L’écorce de l’Orme rouge employée en médecine est
constituée uniquement parle liber. Elle se présente en grands morceaux
aplatis, souvent longs de 60 à 90 centimètres, et larges de plusieurs
pouces, ordinairement épais de 1 à 2 millimètres, souples et fibreux.
Leur coloration est d’un brun rougeâtre clair; leur odeur ressemble à
celle du fenugrec, et est également présentée par les feuilles de l’arbre ;
leur saveur est simplement mucilagineuse.
Pour recueillir l’écorce on détruit l’arbre, et on ne prend aucun soin
pour sa reproduction, parce que son bois est à peu près sans valeur.
La drogue diminue ainsi d’année en année. Les collecteurs, qui autre-
fois en retiraient de grandes quantités de New-York et des Etats de
l’Est, sont aujourd’hui obligés d’aller la chercher dans les Etats de
l’Ouest (I).
structure microscopique. — Sur une section transversale, on observe
(1) Proceedings uf the American Pharmaceutical Association , 1873, XXI, 435.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. .103
une série de couches ondulées de larges faisceaux jaunâtres de fibres
libériennes jaunes, alternant avec de petites bandes de parenchyme
brun. Le tissu entier est traversé par de nombreux rayons médullaires
étroits, et entremêlé de larges conduits intercellulaires à mucilage.
Pour observer ces derniers, il faut humecter les coupes longitudinales
avec de la benzine, parce que les liquides aqueux déterminent une
grande altération. Sur les coupes longitudinales, les canaux à mucilage
paraissent longs de 70 à 100 millimètres, et contiennent des masses
incolores de mucilage, qui offrent de nombreuses couches très-visibles.
Le parenchyme voisin contient des cristaux d’oxalate de calcium, et de
petits grains d’amidon qu’on ne trouve pas dans les conduits à muci-
lage.
Composition chimique. — Le principe constituant le plus intéressant
de cette écorce est le mucilage. Il est enlevé par l’eau chaude ou froide,
mais sans former de solution véritable. L’écorce, humectée avec 20 par-
ties d’eau, se gonfle beaucoup, et est bientôt enveloppée par une
couche épaisse de mucilage neutre, qui n’est altéré ni par l’iode, ni par
le pei’chlorure de fer. Ce mucilage dilué, même avec trois fois son
volume d’eau, ne laisse filtrer que quelques gouttes. Le liquide qui filtre
est précipitable par l’acétate neutre de plomb. Quand on ajoute de
l’alcool absolu, le mucilage ne se trouble pas, mais forme un dépôt
fluide, transparent et incolore.
Usages. — L’écorce d’Orme rouge est émolliente comme l’Althæa et
le Lin. On utilise beaucoup sa poudre (1), en Amérique, pour faire des
cataplasmes. Elle passe pour jouir de la propriété de préserver le lard
contre la rancidité ; pour cela il suffit de la mélanger avec le lard, et de
la laisser en contact avec lui pendant un peu de temps.
(a) L’Uhnus fulva Michaux (Flor. Bor.-Amer., I, 172) se distingue de ÏUlmus
campeslris L. par ses feuilles grandes, oblongues, acuminées et aiguës au som-
met, inégales, obtuses ou subcordées à la base, doublement serretées, à dents
larges, pubescentes en dessous, couvertes en dessus de poils rudes ; ses bourgeons
tà écailles internes et à bractées munies de poils rouges et serrés; ses fleurs réunies
en capitules subglobuleux et denses; ses samares oblongues, courtement stipitées,
à ailes plus ou moins glabres et à disque pubérulent. [Trad.J
(1) Celle qu’on vend en Amérique est souvent mélangée de substances féculentes.
304
EUPHORBIÀCÉES.
EU P H O RI3 1 ACÉ ES
GOMME-RÉSINE D’EUPHORBE.
Euphorbium ; angl., Gum Euphorbium ; allem., Euphorbium.
Oi'igiuR botanique. — Euphorbia resinifera Berg. C’est une plante vi-
vace, aphylle, glauque, semblable à un Cactus, atteignant lm,80 ou
davantage de haut. Sa tige est dressée, charnue, quadrangulaire,
chaque face ayant à peu près 3 centimètres de large. Les angles de la
tige sont munis, de distance en distance, de paires d’épines droites,
divergentes, horizontales, longues de 15 millimètres environ, con-
fluentes à la base en un disque ovale, subtriangulaire. Ces épines re-
présentent des stipules. Au-dessus de chaque paire existe une dépres-
sion qui indique la place d’un bourgeon à feuille. Les inflorescences
sont disposées au sommet des rameaux. Chacune est formée de trois
fleurs, dont les deux extérieures sont portées par des pédicelles. Le
fruit est formé de trois coques ; il est large de 6 millimètres, et formé de
carpelles comprimés et carénés (a).
Cette plante est originaire du Maroc. Elle croît sur les pentes infé-
rieures de l’Atlas, dans la province méridionale de Suse. Le docteur
Ilooker et ses compagnons de voyage la trouvèrent, en 1870, àlmsfuia,
au sud-est de la ville de Maroc. Ce point paraît êti'e sa limite occiden-
tale.
Historique. — La gomme-résine d’Euphorbe était connue des anciens.
Dioscoride (1) et Pline (2) décrivent sa récolte sur le mont Atlas, en
Afrique, et signalent son extrême âcreté. D’après le dernier de ces
écrivains, le nom de cette drogue lui a été donné en l’honneur d’Eu-
phorbus, médecin de Juba II, roi de Mauritanie. Ce monarque, qui mou-
rut après un long règne, en l’an 18, est remarquable par ses œuvres
littéraires ; il est l’auteur de plusieurs ouvrages (3), parmi lesquels se
trouvent des traités sur l’opium et sur la gomme-résine d’Euphorbe.
Ce dernier ouvrage était apparemment répandu à l’époque de Pline.
La gomme-résine d’Euphorbe est également mentionnée par de nom-
breux écrivains anciens sur la médecine, notamment par Rufus Ephe-
(1) Lib. III, c. 86.
(2) Lib. X, c. \ ; lib. XXV, c. 38.
(3) Smith, Dict. of Greelc and Roman Biography , 1846, II, 636.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 305
• • o-f ni'nhnhlemerit à l’époque de Trajan; par Galien, au pre-
sius, quivivait proDaoieiuouu t 1
micr siècle ; par Vindicianus' et par Oribase au quatneme siècle. Aebus
et Paul d’Æginète. qui vivaient, le premier au s.x.eme, et le second au
septième siècle, connaissaient aussi cette gomme-restne. Elle Otait ega-
lement connue de l'Ecole médicale arabe. Cette drogue est inscrite
dans toutes les anciennes pharmacopées imprimées.
La plante qui fournit la gomme-résine d’Euphorbe fut décrite pour
la première fois, au commencement de notre siècle, par un marcian
anglais nommé Jackson, qui résida pendant plusieurs années au i ai oc.
D’après les figures qu’il publia (I), l’espèce fut identifiée, avec doute,
avec VEuphorbia canariensis , grand arbuste semblable à un cactus, qui
croît sur les rochers nus et arides des îles Canaries. En 1849, il fut si-
gnalé dans le ( Admiralty ) Manual of Scientific Enquiry , que les tiges,
dont les fragments sont mélangés à la gomme-résine d’Euphorbe du
commerce, ne ressemblent pas à VE. canariensis. Berg poussa cette
étude plus loin, et dressa enfin, d’après ces fragments, une description
botanique à laquelle il ajouta une excellente figure (2), et créa une es-
pèce nouvelle sous le nom VEuphorbia resmifera. La justesse de ses
observations a pu être vérifiée sur des individus (3) qui ont été envoyés
au jardin de Kew, et qui maintenant sont en pleine prospérité.
Récolte.— On obtient la gomme-résine d’Euphorbe à l’aide d’incisions
pratiquées sur les branches vertes et charnues de la plante. Ces inci-
sions fournissent une exsudation abondante d’un suc laiteux qui durcit
à l’air, et se dessèche sur la tige le long de laquelle il coule. On le re-
cueille vers la fin de l’été. L’âcreté de ce suc est telle que les collec-
teurs sont obligés de se couvrir la bouche et les narines pour les mettre
à l’abri de sa poussière irritante. La drogue passe pour être recueillie
dans les districts situés à l’est et au sud-est de la ville de Maroc,
Description. — La drogue se présente en morceaux irréguliers,
ayant rarement plus de 2 centimètres et demi de diamètre, colo-
rés en jaune foncé, offrant un aspect cireux, et mélangés de frag-
ments anguleux et épineux de la tige. Un grand nombre de morceaux
contiennent des touffes d’épines et de pédoncules floraux, ou sont
(1) Account o fi lie Empire of Morocco and the district of Suse, Loncl., 1800, 81, t. 7.
— Celle planche représente une plante entière, et aussi une portion de branche de gran-
deur naturelle. Cette dernière est réellement la figure d’une espèce differente, proba-
blement celle qui a été récemment nommée par Cosson Euphor/na Beaumicrana.
(2) Berg et Schmidt, Offizinclte G-ewcichsc, 1 863, IV, t. 24, d.
(3) Ils ont été récoltés par M. William Grâce, etenvoyés en Angleterre par M. C. L< . Car-
stensen, vice consul d’Angleterre à Mogador.
UIST. DES nnOGUES, T. II.
20
■{0(> EUPHORBIÂCÉES.
crcusos en goultière. La gomme-résine est cassanle et translucide;
des lames minces, examinées sous le microscope, n’offrent aucune struc-
tuie, même dans la lumière polarisée; on n’y trouve pas de grains
d amidon. L odeur de la drogue est un peu aromatique, surtout
quand on la chauffe; cependant 10 livres soumises à la distilla-
tion ne fournirent pas du tout d’essence. Son goût est très-âcre et
peisistant , sa poussière provoque 1 eternument, et, lorsqu’on inhale la
drogue pulvérisée, il se produit des phénomènes alarmants.
Composition chimique. — D’après les analyses faites par l'un de
nous (I), la gomme-résine d Euphorbe olïre la composition suivante :
Résine amorphe, C!0H32O4 38
Euphorbone, Cî6HwO* 22
Mucilage
Malates, surtout de calcium et de sodium. 12
Composés minéraux 10
100
La résine amorphe se dissout facilement dans l’alcool contenant
30 pour 100 d’eau. Cette solution ne possède pas de réaction acide,
mais sa saveur est très-âcre et brûlante. C’est à cette résine amor-
phe et neutre que la gomme-résine d’Euphorbe doit son extrême
âcreté.
Après que ce principe constituant a été enlevé, l’éther s’empare de
1 Euphorbone, qu’on peut obtenir en cristaux incolores, mais mal définis,
et doués au début d’une certaine âcreté. Par cristallisations répétées, et
ébullition dans une solution faible de permanganate de potassium, on peut
les purifier au point de les rendre tout à fait insipides. L’euphorbone
est insoluble dans l’eau ; elle exige, pour se dissoudre, à la température
ordinaire, 60 parties environ d’alcool à 0,830. Elle se dissout abondam-
ment dans l’alcool bouillant, dans l’éther, la benzine, l’alcool amylique,
le chloroforme, l’acétone et l’acide acétique froid. Elle fond à H6 de-
grés C. sans émettre aucune odeur. Par distillation sèche, 011 en retire
une substance qui exige de nouvelles recherches.
Lorsqu’on abandonne une dissolution alcoolique d’euphorbone en
couche mince dans une capsule en porcelaine, et qu’on y ajoute ensuite
un peu d’acide sulfurique, il se produit au contact d’une goutte d’acide
nitrique une belle coloration violette. La même réaction est offerte par
(I) Fluckigrii, in Vierteljahresschrift für prakt. Pharmacie de Wittstein, 1868,
XVII. 82-102. — La drogue analysée consistait en fragments choisis, débarrassés de
toute substance étrangère.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 307
la lacluoérine (voy. II, 31), à laquelle l'euphorbona ressembla par la
plupart de ses caractères. _ , ,
On peut retirer le mucilage de la partie de la drogue qui a ete épui-
sée par l’alcool froid et par l’éther. L’acétate neutre de plomb, le sili-
cate et le borate de sodium, le précipitent, ce qui n a pas lieu avec la
gomme arabique.
Lorsqu’on mélange un extrait de gomme-résine d Euphorbe avec de
l’alcool, et qu’on évapore le liquide, le résidu prend uneappaience ciis-
talline, et offre la réaction de Y acide indique. Si on le soumet à la distil-
lation sèche, il se produit, par décomposition de l’acide malique, des
écailles blanches et des cristaux aciculaires diacide Maléique et d'acide
Fumarique , qui se subliment dans le sommet de l’appareil. On peut
parfois obtenir une sublimation analogue en chauffant des fragments
de gomme-résine d’Euphorbe.
Parmi les principes minéraux de cette drogue il faut noter les chloru-
res de sodium et de calcium ; on y trouve à peine des traces de sels de
potassium.
Commerce. — La gomme-résine d’Euphorbe est expédiée de Moga-
dor. La quantité importée dans le Royaume-Uni, en 1870, a été, d’a-
près Y Annual Statement oflrade, de 12 quintaux.
Usages. — La gomme-résine d’Euphorbe était autrefois employée
comme émétique et purgative, mais elle est, aujourd’hui, tout à fait
abandonnée comme médicament interne. Nous avons entendu dire
qu’elle était recherchée comme ingrédient de peintures pour les carènes
des bâtiments.
(a) Les Euphorbes ( Euphorbia L., Gen ., 243) constituent le type d’une série d’Ëu-
phorbiacées à fleurs ordinairement hermaphro-
dites, régulières ou irrégulières, munies d’un
calice en forme d’involucre, accompagne de glan-
des qui alternent avec ses divisions, d’étamines à
filets articulés, d’un ovaire stipité, et de glandes
ou de bractéoles disposées eu faisceaux alternes
avec les groupes d’étamines.
Parmi les espèces très-nombreuses qui consti-
tuent le genre Euphorbia, Y Euphorbia resinifera
Berg ne constitue une exception que par son port
de Lactée, mais ses fleurs offrent l’organisation
générale du genre. Elles sont polygames et régu-
lières. Le réceptacle est creusé en forme de coupe
profonde, et porte cinq sépales arrondis, imbri-
qués en quinconce dans la préfloraison, étalés
après l’anthèse. En dedans du calice, sont des appendices peu développés, opposés
308
I
EUIMIORUIACÉES.
à scs divisions. L’androcée est constitué par un nombre indéfini ordinairement peu
considérable d’étamines formées chacune d’un filet articulé, et d’une anthère bilocu-
laire, déhiscente par deux fentes longitudinales, latérales. Dans l’intervalle des
étamines se trouvent un très-grand nombre de languettes charnues. Le gynécée est
supporté par un long pédicule formé par le prolongement de la partie centrale du ré-
ceptacle. Il est constitué par un ovaire arrondi, triloculaire, surmonté d’un style tri-
fide. Chaque loge contient un ovule anatropc, inséré dans l’angle interne, descendant,
à raphé tourné vers le placenta, à micropyle dirigé en haut et en dehors, et coiffé
d’un obturateur formé par un épaississement localisé du placenta. Le fruit est une
capsule triloculaire, contenant dans chaque loge une seule graine à albumen abon-
dant, et à embryon droit. [Trad.]
GRAINES DE CROTON TIGLIUM.
Semen Tig/ii; Semen Crotonis ; Graines de Tilly ou des Moluques, Petits Pignons d'Inde; angl.,
Croton Seeds ; allem., Puvgirkorner, Granatill.
Origine botanique. — Croton Tiglium L. [Tiglium officinale Klotzsch}.
C’est un petit arbre de 5 à 6 mètres de haut, indigène de la côte de Ma-
labar et de Tavoy, cultivé dans les jardins de plusieurs contrées de
l’Orient, depuis Maurice jusque dans l’archipel indien. Ses fleurs sont
petites, peu visibles ; ses fruits sont des capsules brunes, à trois loges,
contenant une seule graine chacune. Les feuilles ont une odeur désa-
gréable et une saveur nauséeuse (a).
Historique. — En Europe, les graines et le bois de l’arbre furent dé-
crits, pour la première fois, en 1578, par Christoval Acosta. Les pre-
mières étaient accompagnées d’une figure de la plante, et désignées
sous le nom de Pinones de Maluco (1). La plante fut aussi décrite et
figurée par Rlieede (2), en 1079, et par Rumphius (3), en 1713. Les
graines, introduites dans la médecine au dix-septième siècle, puis tout à
fait abandonnées, furent recommandées, vers 1812, par les médecins
anglais de l’Inde (4), et l’huile qu’on en retire par expression fut pré-
conisée par Perry, Frost, Conwell et d’autres, vers 1821-1824. L’huile
alors en usage était importée de l’Inde, et sa pureté était souvent
douteuse, de sorte que les droguistes se virent dans la nécessité de
presser eux-mêmes les graines.
(1) Tractado de las drogas y medlcmas de tas Indias Orientales, Bnrgos, 1578, c. 48.
— Après avoir parlé des vertus des graines il ajoute: « Tambien las buenas mugeres
de aquellas partes, amigas de sus maridos, les dit hasta quatro destos por la boca, para
embiar a los pobretos al otro mundo. »
(2) Hortus malabaricus, II, t. 3D.
(3) Hcr barium Amboinense, IV, t. 42.
(4) Ainslie, Mal. Med. o, Hindoostan. 1813, 292.
309
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
Description Les graines de Croton ont à peu près 15 millimètres
de long et I centimètre do large. Elles sont ovoïdes ou oblongues,
obtuses divisées, dans la longueur, en deux parties inégalés, 1 une
convexe’, répondant à la face dorsale, l’autre aplatie, correspondant àla
face ventrale. Du hile, part une ligne saillante, droite, le raphé, qui va
jusqu’à l’autre extrémité de la graine, où elle se termine par un point
plus foncé, qui indique la chalaze. La surface de la graine est plus ou
moins couverte d’une couche colorée en brun-cannelle clair, qui met à
nu, lorsqu’on l’enlève, un testa noir, doublé d’une couche interne mince
et délicate. Les téguments recouvrent une amande blanchâtre, huileuse,
facilement séparable en deux parties, qui représentent un albumen
huileux, et entre lesquelles se trouvent deux cotylédons foliacés, larges,
munis de nervures saillantes, et la radicule de l’embryon. La saveur de
la graine est d’abord simplement oléagineuse, mais elle devient bientôt
désagréable et âcre; elle est très-persistante.
structure microscopique. — Les téguments sont formés p ai une cou-
che extérieure de cellules disposées radialement, très-allongées, et à pa-
rois épaisses. La couche parenchymateuse intérieure contient de petits
faisceaux fibro- vasculaires. Le tissu mou de l’albumen est rempli de
gouttes d'huile grasse. Après qu’on a enlevé cette dernière au moyen
de l’éther et d’une lessive faible de potasse, il reste des petits granules de
matière albuminoïde, de l’aleurone, et des cristaux d oxalate de cal-
cium.
Composition chimique. — Le principal corps constituant des giaines
de Croton est l’huile grasse, Oleum Crotonis ou Oleum Tiglii des phar-
macies. L’amande en fournit 50 à 00 pour 100. Celle qu’on emploie en
Angleterre est, en majeure partie, fabriquée à Londres, et regardée, avec
raison, comme préférable à celle qu’on importe de 1 Inde et qui, autre-
fois, figurait seule sur le marché. L’huile de Croton est transparente,
visqueuse; elle a la couleur du sherry; elle est un peu fluorescente, et
possède une odeur un peu rance, et une saveur huileuse, âcre. Sa solu-
bilité dans l’alcool paraît dépendre beaucoup de son âge et de la fraî-
cheur plus ou moins grande des graines dont elle a été retirée. L huile
oxydée ou résinifiée est celle qui se dissout le plus facilement ( I). Une
huile extraite par l’un de nous, au moyen du bisulfure de carbone, s est
montrée lévogyre.
Quoique l’huile de Croton ne se solidifie pas au contact de 1 acide
( 1 ) Warrington, Pharm, Journ., 18G!>, VI, 382-3 87.
JIU EUPHORBIACÉES.
nitrique, et qu’elle s’épaississe un peu par cxposiliun à l’air, elle
no paraît pas contenir l’acide gras des véritables huiles siccatives.
Elle contient, cependant, sous la forme de glycéridcs, plusieurs
des membres de la série des acides gras (OIP»02), tels que les acides
stéarique, palmitique, myristique et laurique; elle contient aussi des
acides plus volatils, tels que les acides acétique, butyrique et valéria-
nique. La partie volatile des acides fournis par l’huile de Croton est for-
mée, pour un tiers environ de son poids, d’un acide qui a été regardé
pai Schlippe, en 1858, comme 1 acide angélique, mais que Geuther
et Frolich ont montré, en 1869, être un corps particulier, métamê-
rique de l’acide angélique, fondant à 65° G. et bouillant à 198°, 5 G.
11 a été nommé, par ces chimistes, acide Tiglinique , et a pour for-
mule C8H802.
Schlippe a trouvé aussi, dans 1 huile de Croton, un acide liquide par-
ticulier nommé acide Crotonique, C4Ii602. Cependant, d’après Geuther
et Frolich, aucun acide de cette formule ne se trouve dans l’huile do
Croton, mais on peut déterminer artificiellement sa production au
moyen du perchlorure de phosphore et de l’acide éthyldiacétique. Ils
lui donnent le nom d'acide Quarténylique au lieu de celui d'acide Croto-
nique. Ce dernier nom a été donné à un acide cristallisable, fondant
à 72° C. et bouillant cà 172°' C., artificiellement préparé par Will et
Kôrner (1863), Wislicenus (1869) et d’autres chimistes.
Le principe drastique de l’huile de Croton n’a pas encore été isolé. Il
paraît exister non-seulement dans les graines, mais encore dans le bois
et dans les feuilles de la plante. On le retire plus facilement de ces der-
nières. Schlippe prétend avoir séparé la matière vésicante de l’huile
de Croton. D’après ses observations, lorsqu’on agite l’huile de Croton
avec de la soude alcoolique, puis avec de l’eau, la liqueur qui surnage
est dépourvue d’âcreté, tandis que la solution alcoolique abandonne,
par addition d’acide chlorhydrique, une petite quantité d’une huile
brune, foncée, nommée Crotonol , C18H"280'’, qui possède des propriétés
vésicantes énergiques. Nous n’avons pas réussi à obtenir ce corps.
Les téguments des graines donnent, par l’incinération, 2,6 pour 100
de cendres. L’amande desséchée à 100° C. en donne 3,0 pour 100.
Commerce. — Les embarquements de graines de Croton se font par-
ticulièrement à Bombay et à Cochin. Elles sont expédiées en caisses,
en balles ou en sacs. Il n’existe pas de statistique indiquant le cbilfre
de ce commerce.
Usages. — On n’administre pas directement les graines de Croton.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE, 311
On donne l'huile à l’intérieur comme cathartique puissant, et on l’ap-
plique à l’extérieur pour déterminer do la rubéfaction (b).
Substitution. - On dit que les graines du Croton Pavanæ IIamilton,
qui sont originaires d’Ava et de Gamrup, dans l’Assam, et celles du
Croton oblongifolius Rom, petit arbre commun dans les environs de Gai-
cutta, ressemblent à celles du C. Tiglium , mais nous n’avons pas pu les
comparer. Celles du Baliospermum montanum Mull. Ab G . (Croton
polyandrum Roxb.) partagent les propriétés des graines du C. Tiglium
et sont, d’après Roxburgh, employées comme purgatives par les indi-
gènes de l’Inde.
(a) Les Croton L. ( Généra , 1083, ex parte) constituent le type d'une série
cl’Eupkorbiacées. Ils ont des fleurs
dioïques ou monoïques, pentamères,
pétalées ; à disque glanduleux ; à éta-
mines en nombre limité ou à peu
près limité ; à filets staminaux recour-
bés dans le bouton ; à loges ovarien-
nes uniovulées ; à fruit tricoque
(voy. H. Bâillon, Histoire des plein-
tes, V, 129, 213).
Le Croton Tiglium L. ( Species ,
1004) est une plante à ramuscules
et à pétioles glabres ; à feuilles alter-
nes, pétiolêes, simples, accompa-
gnées de deux stipules latérales sti-
pulées. Le pétiole est ordinairement
deux ou trois fois plus court que le
limbe, qui est long de 8 à 16 centi-
mètres et large de 4 à 7 centimètres,
jaune, ovale, aigu au sommet, obtus
ou subobtus à la base, plus ou moins
crénelé-serreté sur les bords, parfois
presque entier, muni à la base de
deux glandes sessiles, parcouru de
nervures latérales très-obliques par
rapport à la nervure médiane ou à peu
près longitudinales. Les stipules sont
longues de 3 millimètres, étalées et
un peu recourbées. Les fleurs sont F;gj 220. Croton tiglium.
disposées en grappes multiflores, ter-
minales, les mâles occupant le sommet de l’inflorescence, tandis que les femelles,
ordinairement peu nombreuses, sont situées dans la partie inférieure. Chaque fleur
est située dans l’aisselle d’une bractée lancéolée, subulée, et portée par un pêdiçelle.
plus long que le calice, très-grêle dans les fleurs mâles,- et muni de deux petites
bractées secondaires. Le réceptacle floral est convexe. Dans la fleur male, le calice
312
EUPHORBIACÉES.
est lormé de cinq sepales unis à la base, ovales, membraneux et blanchâtres sur
les bords, munis de bouquets de poils rigides, et imbriqués en quinconce dans la pré-
floraison. La corolle est formée de cinq pétales alternes avec les sépales, imbriqués
dans le bouton, munis sur les bords de longs poils soyeux, à peu près de même lon-
gueur que le calice. En dedans de la corolle, existe un verticille de petites glandes
alternes avec les pétales. L’androcée se compose de quinze à dix-
buit étamines disposées sur plusieurs verticilles normalement com-
posés chacun de cinq pièces; celles du premier verticille, plus
grandes, alternant avec les cinq pétales, celles du deuxième verti-
cille étant plus petites et alternes avec les premières. Les filets sta-
minaux sont glabres, indépendants les uns des autres, incurvés
dans le bouton, terminés chacun par une anthère basifixe, bilocu-
laire, introrse, déhiscente par deux fentes longitudinales. 11 n’existe
Fÿj. 227. ai1 centre de la fleur mâle aucun rudiment d’ovaire. Dans la fleur
Croton Tiglium. femelle, le calice est formé de cinq sépales ovales-lancéolés, un peu
réfléchis en dehors après 1 anthèse, persistants, vulvaires dans la
pi éfloraison. La corolle est représentée par cinq pétales alternes avec les sépales,
beaucoup moins développés que dans la fleur mâle, réduits à l'état de languettes
subulées, épaissies au sommet. En dedans, se trouvent cinq glandes plus dévelop-
pées que dans la fleur mâle et alternes avec les pétales. Le gynécée est formé d’un
» ovaire supère, à trois loges, couvert de poils étoilés, et surmonté
d un style simple et cylindrique dans le bas, mais bientôt divisé en
trois branches qui elles-mêmes se subdivisent chacune en deux
lames grêles, recourbées en dehors, enroulées sur elles-mêmes, et
terminées en pointe. Chaque loge ovarienne contient un seul ovule
anatrope, inséré vers le haut de l'angle interne de la loge, descen-
Fig. 228,. dant, à micropyle dirigé en haut et en dehors, et recouvert d'un
C'0lGrJnel'"m' °Percu^e produit par un épaississement localisé du placenta. Le
fruit est une capsule elliptique, longue de 2 centimètres et large
de lü .i 18 millimètres, parcourue par six sillons, dont trois profonds qui répondent
aux points de contact des trois carpelles, et trois superficiels situés au niveau de la
ligne médiane dorsale de chaque carpelle. A la base du fruit, se trouve le calice
persistant, non accru, desséché. A la maturité, la capsule est entièrement glabre ; les
trois carpelles ou coques se séparent alors l’un de l'autre, en abandonnant une colu-
melle centrale qui répond au prolongement de l’axe floral. Chacun d’eux s'ouvre
ensuite en deux valves, à la fois par sa face ventrale et par sa face dorsale, et met à
nu une seule graine descendante, à micropyle recouvert d’un arille charnu. La
graine renferme un embryon droit, à cotylédons foliacés, situé au centre d'un
albumen abondant et huileux. [Thad.]
(b) L huile de Croton Tiglium est un médicament assez énergique pour devoir
être manié avec de grandes précautions. Prise à l'intérieur, elle purge énergique-
ment à la dose de quelques gouttes, et peut, par cons quent, être prescrite avec
avantage aux personnes qui supportent difficilement l'huile de Ricin. Appliquée
sur la peau, elle détermine, au bout de douze à vingt-quatre heures, de la rubé-
faction et une éruption souvent très-intense. A tous ces égards, l'huile de Croton
est un médicament important, trop peu employé peut-être à cause de l’énergie de
son action.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
313
ÉCORCE DE CASCARILLE.
Cortex
Cascarilla! ; Cortex Eleutheriæ ; angl., Cascarilla Carie, Sweet Wood Carie,
Eleuthera Bar le (l);nllem., Cascarill-IUnde.
ondine botanique. - Croton Eluteria Bennett (2). C’est un arbuste
ou un petit arbre, originaire des îles Bahama {ci).
Historique. — U n’est pas improbable que l’écorce de Cascarille ait
été importée en Europe pendant la première moitié du dix-septième
siècle, car il existait, à partir de l’année 1630, des communications fré-
quentes entre l’Angleterre et les îles Bahama (3). Quoi qu’il en soit, les
plus anciens renseignements que nous possédions sur cette écorce sont
dus à Stisser, médecin et professeur à Helmstedt, dans le Brunswick. Il
raconte qu’il reçut cette drogue, sous le nom de Cortex Eleuterü, d’une
personne qui revenait d’Angleterre, et qui avait appris dans ce pays
qu’on avait l’habitude de la mélanger au tabac à fumer pour améliorer
son odeur. Il ajoute que cette écorce a été confondue avec l’Ecorce du
Pérou, dont elle diffère beaucoup cependant par son odeur, etc. (4).
Stisser, Apinus, professeur à Altorf, et d’autres, prescrivirent cette
écorce comme fébrifuge. Elle ne tarda même pas à être confondue
avec l’écorce de Quinquina , et substituée à cette dernière, qui
était alors fort rare (5). De là, le nom de Cascarilla , en espagnol
petite écorce , qui fut donné à l’écorce de Bahama, et qui était même
attribué alors habituellement à l’Ecorce du Pérou. Plus tard même, ce
nom remplaça la première dénomination, qui était plus correcte (6).
Cette écorce fut introduite, pour la première fois, dans la Pharma-
(1) De Eleuthera, une des îles Bahama, ainsi nommée du grec sXeûO-po;, libre ou in-
dépendant.
(2) Journal of Proceedings of Linn. Soc., 1860, IV, 29.
(3) Cette année-là une patente fut délivrée par Charles Ier pour l’organisation d’une
Compagnie destinée à coloniser les îles Bahama. Nous possédons les comptes rendus
détaillés des travaux de cette compagnie pendant les sept premières années de son
existence. Dans quelques-uns de ces documents, il est fait mention de l’introduction ac-
complie ou projelée de diverses piaules utiles, telles que le coton, le tabac, le figuier, le
poivre, le grenadier, le ricin, le mûrier, le lin, l'indigo, la garance et le jalap. Il y est
aussi fréquemment question des importations des îles, mais il n’est pas tait mention de
l’écorce de Cascarille (voy. Cctlendar of State Papcrs, Colonial Sériés, 1574-1060, édit.
Sainsbury, Lond., 1800, 146, 148, 149, 164, 168, 185, etc.)
(4) Stisser, Actorum Laboratorii Chemici spécimen sccundum, Ilclmcstad., 1693, c. ix.
(5) Geoffroy, Tract, de Mat. inÇd., 1741, 11, 202.
(6) J’ai fait voir dans mes Documente zur Geschichte dur Pharmacie, Halle, 1876, 75,
que cette écorce était connue sous le nom de Chind Nova ou Cascarilla, dés 1691,
dans les pharmacies allemandes. [P. A. P.]
314
EUPI10RBIACÉES.
copée do Londres, en 1746, sous le nom à'Eleuthoriœ Cortex , qui lui fut
donné habituellement par les droguistes jusqu’à la fin du dernier siècle.
Dans les îles Bahama, le nom de Cascarilla est encore à peine connu, et
l’écorce est nommée Sweet Wood Bark (Ecorce de Bois doux) ou Eleu-
thera Bark (Ecorce d’Eleuthera) (1).
La plante qui fournit l’écorce de Cascarille a été le sujet de beaucoup
de discussions, résultant de ce que plusieurs espèces du genre voisin
Croton, originaires des Indes occidentales, possèdent des écorces aroma-
tiques plus ou moins semblables à la drogue dont nous parlons. Ca-
tesby, en 1731, figura une plante de Bahama, le Croton Cascarilla Ben-
nett, qui produisait probablement l’écorce d’Eleuthera primitive, mais
qui, sans aucun doute, ne fournit pas du tout l’écorce de Cascarille du
commerce moderne. Woodville, en 1794, et Lindley, en 1838, étudiè-
rent la partie botanique de cette question. Le dernier possédait des
échantillons authentiques qui lui avaient été fournis par J. C. Lees, de
New-Providence, auquel l’un de nous doit la môme faveur. La question
ne fut cependant résolue complètement qu’en 1839. A cette époque,
J. J. Bennett traça, à l’aide d’échantillons recueillis dans les îles Baha-
ma par Daniell, 1837-58, une diagnose très-claire des diverses plantes
qui avaient été jusque-là confondues, et débrouilla leur synonymie (2).
Description. — L’écorce de Cascarille se présente en morceaux tubu-
leux ou pliés en gouttière, un peu grossiers et irréguliers, ayant
rarement plus de 10 centimètres de longueur, et 1 centimètre et demi
de diamètre. La plus grande partie de celle qu’on importe aujourd’hui
est en tubes ou en fragments minces, très-petits, ayant à peine 3 centi-
mètres de long, et provenant sans aucun doute de rameaux très-jeunes.
Les écorces les plus jeunes sontrevêtues d’une couche mince de suber,
qui se détache facilement, et qui est couverte de plaques blanches argen-
tées, d’un petit lichen, le Verrucaria albissima Ach,, dont le périthèce
forme de petites taches noires. Les vieilles écorces sont plus rugueuses,
fendillées dans le sens de la longueur, et munies de fissures transver-
sales moins nombreuses. Au-dessous de l’enveloppe subéreuse, l’écorce
offre une coloration d’un brun grisâtre. L’écorce de Cascarille se casse
facilement. Sa cassure est courte et offre un aspect résineux. Son odeur
est très-prononcée; elle est particulièrement agréable lorsqu’elle
s’exhale de plusieurs livres d’écorce réduite en poudre grossière et
(L) Murray, Apparatuè medicaminum, 1787, IV, 128. — Martiny, Encyklop&die
der Rohwaarenkunde, 1813, I, 271.
(2) Bennett, toc. cit. — Daniell, in Pharm. Joum., 1863, IV, 144; 226, avec figures.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. .'H 5
enfermée dans un vus e • Su saveur est a m ère el nauséeuse. Elle exhale
en brûlant une odeur aromatique, et entre dans la composition des pas-
tilles employées pour les fumigations.
Caractères microscopiques. — La couche subéreuse est formée de
nombreuses rangées de cellules tabulantes, dont les plus extéiieuies ont
des parois très-épaisses, Le mésophlceum offre sa stiucture habituelle.
11 contient de l’amidon, de la chlorophylle, de l’huile essentielle, des
cristaux d’oxalate de calcium, et une matière colorante brune. Cette
dernière prend une coloration d’un bleu foncé sous l’influence du per-
scl de fer. Le liber est formé de parenchyme et de fibres entrecoupés
par des rayons médullaires étroits. Sur une section transversale, les
faisceaux fibreux offrent un contour cunéiforme ; ils sont formés, en
majeure partie, non de cellules libériennes ordinaires, mais de cellules
cylindriques, dont les parois transversales sont perforées comme un
crible ( vasa cribriformia) . On y trouve aussi des vaisseaux laticifères.
Le contenu de la partie parenchymateuse du liber est le même que
celui du mésophlœum. Les cristaux d’oxalate de calcium offrent une
apparence particulière (b).
Composition chimique. — L’écorce de Gascarille contient une huile
volatile qu’elle fournit dans la proportion de 1 à 3 pour 100. D’après
Vôlckel, la première partie qui distille est incolore, mobile, et réfracte
fortement la lumière ; la suivante est jaunâtre et un peu visqueuse, et la
dernière est très-épaisse. Ce chimiste considère l’huile volatile brute
comme un mélange d’au moins deux essences, dont la plus volatile ne
contient probablement pas d’oxygène (I). Gladstone, enl872, attribua à
l’hydrocarbone de l’huile de Cascarille la composition de l’essence de
térébenthine. L’essence de Cascarille rectifiée, distillée il y a quelques
années par l’un de nous, dévie la lumière polarisée de 2°, 9 à gauche,
en colonne de 50 millimètres de long.
L’écorce de Cascarille a donné à Trommsdorff lo pour 100 de résine
consistant en deux parties, l’une acide, soluble dans les alcalis, l’autre
indifférente. Elle paraît contenir de lagomme dans la même proportion.
Le principe amer de l’écorce de Cascarille a été isolé, en 1845, par
Duval, et nommé Cciscarilline. C. etE. Mylius, en 1873, l’ont retirée d’un
dépôt formé dans un extrait officinal, sous la forme de prismes microsco-
piques, facilement solubles dans l’éther et dans l’alcool chaud, très-peu
dans l’eau, le chloroforme et l’alcool étendu. Ils fondent à 205° G., et ne
(1) C-melin, Chemistry, 1860, XIV, 363.
316
EUPHORBIACÉES.
sont pas volatils. Ce corps n’est pas un glucoside. Sa composition répond
à la formule C'HPO1.
Commerce. — L’écorce de Gascarille est expédiée de Nassau, princi-
pale ville de New-Providence (Baliama). Elle est ordinairement emballée
dans des sacs. La quantité importée dans le Royaume-Uni, en 1870,
fut de 12 261 quintaux, évalués à 16482 livres sterling.
Usages. — On prescrit l’écorce de Gascarille comme tonique, ordi-
nairement sous la forme de teinture ou d’infusion.
Falsification. — On a récemment signalé sur le marché de Londres
une écorce fausse de Gascarille. Elle provenait de Baliama, et était mé-
langée avec l’écorce véritable, à laquelle elle ressemble beaucoup. Ses
tubes ressemblent aux tubes les plus gros de l’écorce de Gascarille ; ils
sont couverts d’un lichen, mais ce dernier n’offre pas la blancheur ar-
gentée du Vernie aria de la Gascarille. Cette écorce fausse offre une
écorce subéreuse qui no se détache pas ; sa surface interne est colorée
en brun rosé, et nettement striée dans le sens de la longueur; par sa
structure microscopique, elle ressemble à l’écorce dé Cascarille véri-
table, et encore davantage à l’écorce de Copalchi. Cependant, elle est
facile à reconnaître à ses nombreux groupes arrondis de cellules sclérencky-
mateuses, très-visibles quand on humecte l’écorce avec de l’ammoniaque,
et ensuite avec une solution d’iode dans l’iodure de potassium. Cette
écorce possède une saveur astringente, sans amertume ni arôme. Sa
teinture ne devient pas laiteuse quand on y ajoute de l’eau, mais elle
noircit sous l’influence du perchlorure de fer. Elle diffère sous ces rap-
ports de la teinture de Cascarille. M. Holmes (1) pense que cette écorce
fausse de Cascarille est fournie probablement par le C rot on luçidus L.
(a) Le Crolon Eluleria Bennett (in Proc, of the Linn. Societ., 1\ , 29) est un
arbre à feuilles alternes, simples, penninerviées, à pétiole trois ou quatre fois plus
court que le limbe, qui est lancéolé, ovale, longuement acuminé, arrondi ou légère-
ment cordé il la base, denticulé sur les bords, muni de poils déprimés argentés,
rares sur la face supérieure, denses sur la face inférieure, dépourvu de glandes au
niveau de son point d’insertion sur le pétiole. Ce dernier est accompagné de sti-
pules latérales peu développées. Les fleurs sont monoïques et offrent, ainsi que
le fruit, la môme organisation générale que dans le Crolon Tighum (voy. p. 311,
note a), mais ici la corolle est également développée dans les deuv sexes, et formée
dans la fleur femelle de cinq pétales lancéolés-obovales, arrondis, obtus, barbus
sur les bords, plus ou moins imbriqués dans le bouton. Dans la fleur mâle, 1 an-
drocée est représenté par douze étamines, à filets velus sur toutes les faces. Dans
la fleur femelle, l’ovaire est recouvert de poils, et surmonté d’un style divisé en
(I) Phanm. Journ., 11 avril 1871,8)0.
317
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
trois branches elles-mêmes bifurquées en lames bifides et recourbées. [Tuad.]
(6) L’écorce do Cascarille offre sur une coupe
transversale, ainsi que le montre la figure 228 :
1° une couche a de suber, formée de cellules qua-
drangulaires, aplaties, sèches et brunes ; 2° une
couche de parenchyme cortical b, formée de cellules
polygonales, à parois minces et claires. Un grand
nombre de ces cellules contiennent une matière co-
lorante brune, qui persiste après qu’on a fait bouillir
la coupe dans la solution acétique d’aniline, et ont
même acquis une teinte noire foncée. Ces cellules,
répandues non-seulement dans le parenchyme cor-
tical, mais encore dans le liber, donnent aux coupes
de l’écorce de Cascarille un aspect tout particulier
qui permet de distinguer cette drogue de toutes les
autres écorces médicinales dont nous avons déjà
parlé. Le liber c représente la partie de beaucoup la
plus considérable de l’écorce. Ses faisceaux sont
séparés les uns des autres par des rayons médul-
laii’es ordinairement réduits à une seule rangée ra-
diale de grandes cellules polygonales, qui contien-
nent chacune un gros cristal d’oxalate de calcium.
Chaque faisceau est formé en partie de cellules
parenchymateuses, dont un certain nombre contien-
nent la matière colorante noire dont nous avons parlé
plus haut, et d’éléments allongés. Les parois d’une
partie de ces derniers se colorent en bleu dans la
solution d’aniline, tandis que les autres restent incolores. Les premiers sont indi-
qués dans la figure par des contours plus foncés. [Trad.]
Fig. 229. Ecorce do Cascarille.
Coupc transversale.
ÉCORCE DE COPALCRI.
Cette drogue est fournie par le Croton niveus Jacqoin ( Crolon Pseuclo -
China Sciilecht). C’est un arbuste de 3 mètres de haut environ, origi-
naire des Indes occidentales, du Mexique, de la Nouvelle Grenade et du
Vénézuela (a). Elle est parfois importée en Europe en tubes ayant de 30
à 00 centimètres de long, ordinairement plus larges et plus épais que
ceux de l’écorce de Cascarille, dont cette écorce se rapproche par son
odeur et sa saveur.
L’écorce de Copalchi possède une couche subéreuse mince, grisâtre,
papyracée, qui, en tombant, met à nu une surface marquée de petites
fossettes transversales, semblables à des ligues faites avec une lime. Sa
cassure est courte.
L’écorce de Copalchi a été étudiée par J. Eliot Howard (I). Il y a
(1) Pharm. Journ., 1835, XIV, 319.
318 ËUPHORBIACÉES.
trouvé une petite proportion d’un alcaloïde amer, soluble dans l’éther,
semblable à la quinine en ce qu’il prend une coloration vert foncé
lorsqu’on le traite par le chlore et l’ammoniaque, mais ne formant avec
l’iode aucun composé caractéristique.. Mau ch (1), qui a également ana-
lysé cette écorce, n’a pu en retirer aucune base organique. Il obtint par
distillation une huile essentielle qu’il trouva constituée par un hydro-
carbone et un acide organique. Ce dernier n’a pas été étudié. Il en re-
tira également un principe amer incristal lisable, qu’il a démontré ne pas
être un glucoside.
(a) Le Crolon nioeus (Jacq., Stirp. Amer, flist., 2oi>, t. 162, fig. 2) appartient,
comme l’espèce précédente, à la section Eluteria du genre Crolon , et possède égale-
ment la corolle de la. fleur femelle bien développée. C’est un arbuste à rameaux su-
périeurs, à feuilles et' à fleurs recouverts de poils ramifiés, argentés ou ferrugi-
neux ; à feuilles pétiolées, longues de 3 à 12 centimètres, ovales, cordées à la base,
plus ou moins acuininées, rigides, membraneuses ', a limbe quintuplinervié, dépourvu
de glandes à la base, couvert en dessous de poils ramifiés, argentes ; à pétiole de deux
à quatre fois plus court que le limbe, accompagné de stipules rudimentaires. Les
fleurs sont disposées en grappes axillaires, deux fois plus courtes que les feuilles. Les
fleurs mâles ont de dix à seize étamines, à filets velus. Les fleurs femelles ont des
pétales oblongs-ovales. L’ovaire est surmonté de trois styles à quatre divisions
entières ou bifides. La capsule est recouverte de poils. [Trad.]
GRAINES DE RICIN.
Semen Ricini ; Semen Cataputix major* ; Semences de Ricin, Semences de Raima Christi ;
angl.. Castor oilSeeds, Raima Christi Seeds ; allem., Ricimssamen.
Origine botanique. — Ricinus commuais L. Le Ricin est originaire de
l’Inde où il porte plusieurs anciens noms sanskrits (2). Il a été répandu
par la culture dans toutes les régions tropicales, et dans un grand
nombre de pays tempérés. Dans les climats les plus favorables à sa
croissance, il atteint une hauteur de 12 mètres. Dans les Açores, et dans
les parties les plus chaudes de la région méditerranéenne, telles que 1 Al-
gérie, l'Egypte, la Ligurie et la Grèce, il forme un petit arbre de 3 à
S mètres de haut, tandis qu’en France, en Allemagne, et dans le sud de
l’Angleterre, il reste à l’état de plante annuelle, à feuillage magnifique,
ne dépassant pas 1»,20 à i“,50 de hauteur. Dans les étés favorables,
il mûrit ses graines en Angleterre, et même plus haut dans le nord,
jusqu’à Christiania, en Norwége.
(1) Viertelj ahresschrift für prald. Phavm., de Wittstein, 1869, XVIII, 161.
(2) Le plus usité est Eranda ou Yeranda, qui est passe dans plusieu
rs autres
idiomes.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 319
Le Ilicinus conimunis offre un grand nombre de variétés dont plusieurs
ont été décrites et figurées comme des espèces distinctes. Muller, après
un examen sérieux de toute la série, n’en fait qu’une seule espèce dans
laquelle il distingue dix formes plus ou moins bien marquées. (I ).
M. Bâillon (2) admet la même opinion.
Historique. — Le Ricin était connu d’Hérodote, qui le nomme Ké/.i, et
dit qu’il fournit une huile très-employée par les Egyptiens. A l’époque
où il écrivait, le Ricin avait probablement été déjà introduit en Grèce,
oii il est encore cultivé sous son ancien nom (3). Le Kikajon du Livre de
Jonas, que les traducteurs anglais rendent parle mot Gourd , est consi-
déré comme étant la même plante. LeKùu est également mentionné par
Strabon comme une production de l’Egypte; son huile était employée
pour brûler dans les lampes, et pour faire des onguents. Théophraste et
Nicander donnent au Ricin le nom de Kp 6xm. Dioscoride le nomme
Kr/.i et Kpéxuv, et le décrit comme étant de la taille d’un petit figuier,
avec des feuilles semblables à celles du platane, et des fruits à péri-
carpe épineux. Il fait remarquer que le nom de Kpoxuv est appliqué à
sa graine à cause de sa ressemblance avec un insecte ( Ixodes Ricinus
La.tr.) connu sous ce nom. Il expose aussi le procédé employé pour ex-
traire l’huile de Ricin (Kiy.'.vov *EXaicv). Il dit qu’on ne mange pas cette
dernière, mais qu’on l’emploie comme médicament externe, et repré-
sente les graines comme très-purgatives. On trouve une figure assez
exacte du Ricin dans le fameux manuscrit de Dioscoride qui fut exécuté
pour l’impératrice Juliana Anicia, en 505, et qui est aujourd’hui con-
servé dans la bibliothèque impériale de Vienne.
Le Ricin était cultivé par Albert le Grand, évêque de Ratisbonne, au
milieu du treizième siècle (4). Il était bien connu, comme plante de
jardin, à l’époque de Turner (1568), qui mentionne l’huile sous le nom
d ’Oleum cicinum vel ricininum (5). Gerarde, vers la fin du même siècle,
le connaissait sous le nom de Ricinus ou Kik. Il dit que l’huile porte le
nom ùi O leum cicinum ou Oleum de Cherua, et est employée, à l’extérieur,
contre les maladies de la peau. Après cette époque, l’huile paraît être
tombée dans un oubli complet; elle n’est même pas notée dans l’excel-
lente Pharmacolocjia de Dale (1693). A l’époque de Hill (1751) et de
Lewis (1761), on ne trouvait que rarement l’huile de Palma-Christi
(1) De Candoi.le, Prodr., XV, S., II, 1017.
(2) Histoire des Plantes, 1874, Y, Euphorbiacées, 110.
(3) JIeldreicii, Nutzpflanzen Griechenlands , Athen, 1862, 08. •
(4) De Vegetabilibus, ed. Jessen, 1867, 347.
(5) Herbal de Turner, P. II, 116.
320
EUl’HOll IMAGÉES.
dans les boutiques, où elle était à peine connue (1). En 1764, Peter
Canvane, qui pratiqua pendant de longues années la médecine dans les
Indes Occidentales, publia une Dissertation on l/ie Oleum P aima: Christi,
siue Oleum Ricini, or (as it is commonly call’d) Castor oïl (“2). 11 recom-
mandait beaucoup son emploi comme purgatif doux. Cet essai eut deux
éditions et fut traduit en français. Il fut suivi de plusieurs autres (3) qui
attirèrent beaucoup l’attention sur la valeur de cette huile. Les graines
de Ricin furent admises dans la Pharmacopée de Londres de 1788, avec
des indications pour l’extraction de leur huile. Woodville, dans sa Me-
dical Dotant/, en 1790, parle de cette huile comme étant devenue de-
puis quelque temps d'un usage fréquent.
A cette époque, et pendant les années suivantes, la petite quantité de
graines et d’huile employées parla médecine européenne provenait delà
Jamaïque (4). Cette huile fut peu à peu remplacée sur le marché par
celle des Indes Orientales. La rapidité avec laquelle sa consommation
augmenta peut être appréciée par les chiffres suivants, indiquant la va-
leur de l’huile de Ricin expédiée du Bengafe en Angleterre pendant trois
années du commencement de notre siècle. En 1813-14 cette valeur était
de 610 livres sterling; en 1815-16, de 1 269 livres sterling; en 1819-20,
de 7 102 livres sterling (5).
Description. — Le fruit du Ricin est une capsule tricoque, ordinaire-
ment couverte d’épines molles, et contenant une graine dans chacune
de ses trois loges. Les graines ont de 6 à 1 2 millimètres de long, et 8 mil-
limètres environ d’épaisseur; elles sont ellipsoïdes et comprimées. Le
sommet de la graine est prolongé en un bec court, sur la face inférieure
duquel se trouve une caroncule renflée. De cette dernière, part un
raphé qui s’étend jusqu’à l’extrémité inférieure de la face ventrale, qu il
(1) ÏIïll, Hist. ofthe Mat. Med., Lond., 1751, 537.- Lewis, Hist. of the Mat. Med.,
Lond., 1761, 468.
(2) Le nom anglais Castor donné aux graines du Ricin vient de la Jamaïque, ou, par
une erreur étrange, la plante a reçu le nom d’Agnns Castus, tandis que le Vitex Agnus
Castus est originaire de la région méditerranéenne, et non des Indes Occidentales.
(3) Pour la liste de ces auteurs consultez : Mehat et De Lens, Dict. de Mat. med .,
1834, VI, 95. ,
(4) Le peu d’importance de ce commerce à cette époque est bien indique par ce tait
qu’en 1777 la provision d’un droguiste de Londres (Joseph Gurney Bevan, prédécesseur
de MM. Allen et Hanbury), était seulement de deux bouteilles, évaluées à 8 shillings
l’une. Les comptes de la même maison montrent qu’en 1732 la quantité d’huile
existant en magasin était de vingt-cinq bouteilles, qui avaient coulé 10 shillings
chacune. En 1799, la Jamaïque exporta 236 barils d'huile de Ricin, et 10 barils de
graines (Renny, Hist. of Jamaica, 1807, 235).
(5) H. II. Wilson, Iieview of thfi Externat Commerce of Bengal from 1813 to 1828,
Calcutta, 1830, 14-15.
321
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
parcourt, où il se termine en un point du tégument indiqué par une
petite protubérance. Lorsqu’on enlève la caroncule, il reste, au-dessous
d’elle, une cicatrice noire, formée par deux petites dépressions. L’épi-
derme est luisant, grisâtre, marqué de bandes et de taches brunâtres, et
diversement bariolé. On ne peut pas faire disparaître ces taches, mais,
après macération, la couche superficielle du tégument s’enlève facile-
ment en petites bandes. Le tégument sous-jacent est noir en dehors,
gris en dedans, pas plus épais que celui de la graine de croton, mais
beaucoup plus cassant. L’amande remplit entièrement les téguments et
s’en sépare avec facilité, mais en entraînant avec elle la membrane in-
terne, qui est blanche et molle. L’amande ressemble tout à fait, par sa
structure et par la situation de l’embryon, à celle du Croton Tiglium
(voy.p.309); mais les cotylédons du Ricin sont proportionnellement plus
larges, leur nervure médiane est épaisse, et émet deux ou trois paires
de nervures latérales. Lorsqu’elle n’est pas rance, l’amande du Ricin
possède une saveur douce, accompagnée seulement d’un peu d’âcreté.
Structure microscopique. — L’épiderme mince de la graine est
formé de cellules tabulaires pentagonales ou hexagonales, ponctuées.
Leurs parois sont imprégnées, en certains points, d’une matière colo-
rante brunâtre qui donne à la graine son aspect tacheté particulier.
Ce sont ces cellules seules qui noircissent lorsqu’on traite de minces
couches tangentielles des téguments par une solution alcoolique de
chlorure ferrique. Au-dessous de ces cellules tabulaires, on trouve dans
la graine non mûre (1) une couche de cellules à parois épaisses, inco-
lores, allongées radialement par rapport à la surface du tégument. Dans
les graines mûres, cette couche de cellules n’est pas visible, elle paraît
se détruire pendant la maturation. Le tégument lui-même est formé de
cellules cylindriques, très-pressées, longues de 300 à 320 millièmes de
millimètre, et larges de 6 à 10 millièmes de millimètre. L’amande offre
la même structure que celle du Croton Tiglium , mais on n’y trouve pas
de cristaux d oxalate de calcium. Lorsqu’on humecte l’endoplèvre du
Ricin avec de 1 acide sulfurique dilué, il s’en sépare, au bout de quel-
ques heures, des cristaux aciculaires de sulfate de calcium. Lorsqu’on
examine de minces tranches de l’amande dans la glycérine concentrée,
on ne voit pas les gouttes d’huile, malgré leur abondance ; mais elles de-
viennent visibles si l’on ajoute beaucoup d’eau à la préparation. Il est
donc probable que l’huile existe dans l’amande sous la forme d’une
(1) Guis, Ann. sc. nat., Botan ., 1881, XV, S-U.
HIST. DES DROfîUES, T. II.
322 EÜWIORBIACÉES.
sorte de composé avec les matières albuminoïdes (1). Ces dernières se
présentent dans l’albumen du Ricin en partie sous la forme de cristal-
loïdes octaédriques ou tétraédriques, qu’on trouve aussi dans beaucoup
d’autres graines (b).
Composition chimique. — Le principe constituant le plus important
de la graine du Ricin est l’huile fixe désignée sous le nom d 'huile de
Ricin [Castor oit des Anglais). L’amande, débarrassée des téguments, en
contient au plus la moitié de son poids. L’huile retirée par simple
pression des graines décortiquées , et soigneusement nettoyées ,
ne possède que très-peu d’âcreté, et ne contient qu’une très-faible
proportion du principe drastique que renferment les graines. Il en ré-
sulte que les graines elles-mêmes, ou leur émulsion, agissent avec beau-
coup plus d’efficacité qu’une quantité équivalente d’huile. L'huile de
Ricin, extraite à l’aide de l’alcool absolu du du bisulfure de carbone,
purge également avec beaucoup plus d’énergie que l’huile obtenue par
pression.
Le poids spécifique de l’huile de Ricin du commerce est ordinaire-
ment de 0,96 environ ; sa coloration habituelle est jaune pâle ; elle est
visqueuse, et possède une odeur et une saveur faibles de moisi. Exposée
au froid, elle ne se solidifie d’ordinaire complètement qu’à 18° C. Dis-
posée en couches minces, elle se dessèche en formant un vernis. La pro-
priété qu’elle possède, de se mélanger en toutes proportions avec l’acide
acétique cristallisable et l’alcool absolu, est caractéristique. Elle est so-
luble, même à 15° G., dans quatre parties d’alcool à 0,838, et se mélange,
sans se troubler, avec son poids du même dissolvant, à 23° C. Les huiles
commerciales, cependant, diffèrent beaucoup les unes des autres, à ce
point de vue, et à beaucoup d’autres égards. Les propriétés optiques de
l’huile de Ricin demandent à être étudiées de nouveau ; nous avons
constaté, en effet, que certains échantillons dévient la lumière polarisée
à droite, tandis que d’autres la dévient à gauche.
L’huile de Ricin fournit, par saponification, plusieurs acides gras,
dont l’un paraît être Y acide Palmitique. Un autre acide particulier à cette
huile est Y acide Ricinoléique , C18fP03. Il se solidifie au-dessous de 0“C.;
il ne se solidifie pas au contact de l’air par absorption d’oxygène, et
n’est pas homologue de l’acide oléique ou de l’acide linoléique, qui ne
(1) Sachs, Lehrbuch (1er Botan., 1870, 53.
(2) Pour plus do détails, voyez : Trécul, in Ann. se. nat., Bot., 1858, X, 355. —
Radlkofer, Krystalle proteinartiger Kôrper, Leipzig, 1859, 61, t. 2, f. 10. — Pkeffer,
Proteinktirner, in J ahr bûcher für Wissenschaftliche Botanik de Pringsiieim, 1872, VIII,
429, 464.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 323
sc trouvent, ni l’un ni l’autre, clans l'huile de Ricin (1). Celte huile
se solidifie, cependant, quand on en fait chauffer six parties avec une
partie d’amidon et cinq parties d’acide nitrique à 1 ,25 ; il se forme alors
de la Ricinélaïdine , dont on peut facilement retirer de V acide Riciné-
laïdique en cristaux brillants. Fleury, en 1865, a retiré des graines de
Ricin 3,23 pour 10Û d’azote, répondant à environ 20 pour 100 de ma-
tières albuminoïdes. Le même chimiste en a extrait,, en outre,
46,6 pour 100 d’huile fixe, 2,2 pour 100 de sucre et de mucilage, et
18 pour 100 de cellulose.
D’après Bower (2), les graines contiennent une substance protéique,
et un corps semblable à l’amygdaline, qui, en agissant l’un sur l’autre
en présence de l’eau, produisent une très-petite quantité d’un corps fé-
tide, toxiqu-e, qui agit énergiquement sur les organes digestifs. Ces
faits exigent de nouvelles recherches.
Tuson, en 1864, en épuisant les graines de Ricin à l’aide de l’eau
bouillante, en retira un alcaloïde qu’il nomma Ricinine. Il dit que ce
corps cristallise en prismes rectangulaires et en plaques, qui fondent
lorsqu on les chauffe, et se solidifient, pendant le refroidissement, en
une masse cristalline ; on peut même sublimer les cristaux. Brûlés sur
une plaque de platine, ils ne laissent aucun résidu. La ricinine se dis-
sout facilement dans l’eau et dans l’alcool, moins facilement dans l’éther
et la benzine. L’acide sulfurique concentré la dissout sans se colorer.
Elle se combine avec le chlorure de mercure, en formant des touffes
de cristaux soyeux, soluhles dans l’eau et dans l’alcool. Chauffée avec
de la potasse, elle dégage de l’ammoniaque. La ricinine passe pour
n avoir qu’une saveur faible, et ne paraît pas constituer le principe pur-
gatif des graines. Werner, en 1869, en répétant les expériences de
Tuson sur 30 livres de graines de Ricin d’Italie, obtint aussi des cris-
taux qui, par 1 aspect et la volatilité, ressemblaient en partie à la rici-
nine, mais en différaient par ce point essentiel, que leur incinération
donnait un résidu de magnésie ; chauffés avec de la potasse, ils ne don-
naient pas d’ammoniaque. Tuson (3) rejette l’idée que la ricinine
puisse être identique au composé magnésien de Werner. E. S. Wayne,
de Cincinnati, a trouvé récemment (1874), dans les feuilles du Ricin,
une substance semblable en apparence à la ricinine de Tuson, mais il
pense qu’on ne peut pas la considérer comme un alcaloïde. Les tégu-
(1) Gmelin, Chemistry, 1886, XVII, 131-144. •
(2) Amer. Juuvn. of Pharm., 1854, XXVI, 207.
(3) Chemical News, 1870, XXII, 229.
321
KUPHORBIÀCÉES.
ments des graines de Ricin nous ont donné 10,7 pour 100 de cendres,
dont un dixième était formé par de la silice. Les cendres de l'amande,
desséchées à 100° C., s’élèvent à 3,5 pour 100.
Production et Commerce. — L’huile de Ricin est fabriquée en très-
grande quantité dans l’Inde, où l’on distingue deux variétés de graines :
des grosses et des petites ; les dernières sont considérées comme four-
nissant un meilleur produit que les autres. Pour fabriquer l’huile de
Ricin, on écrase légèrement les graines entre des rouleaux, et on les
débarrasse à la main des débris de téguments et des graines vides. A
Calcutta, 100 parties de graines donnent, en moyenne, 70 parties
d’amandes mondées, qui , sous la presse hydraulique , fournissent
0,46 à 51 pour 100 d.e leur poids d’huile. Cette dernière est ensuite
purifiée par un procédé très-imparfait, qui consiste à la chauffer avec
de l’eau (I).
L’exportation de l’huile de Ricin faite par Calcutta (2) pendant l'an-
née 1870-71 s’est élevée à 654917 gallons, sur lesquels 214959 gallons
furent expédiés dans le Royaume-Uni. L’importation totale de l’huile
de Ricin, dans le Royaume-Uni (3), pendant l’année 1870, s’est élevée
à 36 986 quintaux (environ 416 000 gallons), estimés à 82 490 livres ster-
ling. L’Inde britannique, et particulièrement le Bengale, en avaient
fourni environ les deux tiers, et l’Italie 11 856 quintaux (environ
133 000 gallons) ; la petite quantité restante provenait d’autres pays.
L’huile de Ricin d’Italie, qui, depuis quelque temps, jouit d'une
grande célébrité, est retirée par pression des graines de plantes culti-
vées particulièrement dans les environs de Vérone et deLegnago, dans
le nord de l’Italie. La fabrique de M. Bellino Valeri, située dans la der-
nière de ces villes, a produit, en 1873, 1 200 quintaux d’huile de Ricin,
provenant en entier de graines récoltées en Italie. On cultive, dans ces
localités, deux variétés de Ricin : la variété à graines noires d’Egypte,
et la variété à graines rouges d’Amérique. Les graines de ce dernier
sont celles qui fournissent le plus d’huile, mais sa coloration est
moins pâle. On dépouillé les graines de leurs téguments n'vtc
beaucoup de soin ; on les brise, et on les soumet à une presse hy-
draulique puissante dans une salle qui, en hiver, est chauffée à envi-
ron 21° C, L’écoulement de l’huile est favorisé par des plaques en fer
(1) Madras Exhibition of Raw Products , etc., of Southern India { Reports bij the
Juries, Madras, 185G, 28).
(2) Annual volume of trade and navigation for the Bengal Presidency for 1870-/1,
Calcutta, 1871, 119.
(3) Annual statement of the trade, etc., of the United- Kimjdom for 1870.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 32o
chauffées entre 32° et 38° G., et placées entre les sacs pressés. Les graines
décortiquées donnent 40 pour 100 environ d huile (1).
Toute l’huile de Ricin pressée en Italie ne provient pas de graines
produites par le pays. Il résulte des documents officiels (2) que pen-
dant l’année 1872-73 il a été exporté de Bombay à Gênes 1 330 quin-
taux de graines de Ricin, indépendamment de 2 452 gallons d’huile.
Nous ne possédons aucun document indiquant la quantité de ces pro-
duits exportés des autres parties de l’Inde pendant la même année.
Usages. — L’huile de Ricin est très-estimée comme purgatif doux. On
emploie les qualités inférieures dans la fabrication du savon, et, dans
l'Inde, on les brûle pour l’éclairage. Aujourd’hui, on n’administre pas les
graines. Les feuilles de la plante, appliquées après décoction sur les
mamelles de la femme, passent pour provoquer la sécrétion du lait.
Celte propriété, connue depuis longtemps des habitants des îles du
cap Vert (3), fut particulièrement constatée, vers 1830, par le doc-
teur Mac William. On a affirmé même que cette action était produite
par les feuilles prises à l’intérieur.
(a) Les Ricins (Ricinus Tournefort, Instit., 532, t. 307) constituent le type d’une
série d’Eupliorbiacées uniovulées ; à tleurs régulières
et monoïques ; apétales ; à fleurs mâles pourvues d’éta-
mines en nombre indéfini, polyadelphes (voy. H. Bâil-
lon, Histoire des plantes , V, 109).
Le Ricinus commuais. L. ( Species , 1007) est une
plante à feuilles alternes, longuement pétiolées, accom-
pagnées de deux stipules latérales ordinairement connées
en un sac membraneux caduc qui, dans le bouton, en-
veloppe les jeunes feuilles. Le limbe des feuilles est
palmé, à cinq, sept, neuf ou même onze lobes séparés par
des sinus plus ou moins profonds, pénétrant parfois jus-
que près du sommet dit pétiole. Les lobes inférieurs sont
souvent conués, et la feuille est alors véritablement peltée.
Les lobes foliaires sont ovales-lancéolés, acuminés, iné_
gaiement dentés. Du sommet du pétiole principal partent
autant de nervures primaires qu’il y a de lobes, et cha-
cune parcourt directement, dans toute sa longueur, le Fl£' 23°- $&ms commuais.
lobe auquel elle est destinée, en émettant de chaque côté des nervures secondaires
pennées. Le pétiole est très-allongé, cylindrique, tubuleux quand il est bien déve-
loppé ; il offre, d’ordinaire, de grosses glandes sessiles, situées sur les bords de
(1) H. Ghoves, Pharm. Journ . , 1867, VIII, 250.
(2) Annual statement of the trade and navigation of the Président')] of Bombay for
1.872-73, p. II, 87, 88.
(3) Frezier, Voyage to the South Seas, Lond.,.1717, 13. — Turner, dans son Iter-
bal (1568), attribue à la plante une propriété opposée.
.326
EÜPHORBIACÉIÏS.
sn lace supérieure, qui est un peu cannelée. Les dimensions des feuilles sont très
variables. Elles ont souvent, y compris le pétiole, jusqu’à 90 centimètres de long.
Les fleurs sont monoïques et disposées en inflorescences terminales ou oppositifoliées;
Fig. 231 .
Rioin. Fruit.
Fig. 232. Ricin. Fig. 233. Ricin
Graine entière. Graine coupée ve:
les mâles et les femelles sont
réunies sur la même inflores-
cence. Cette dernière est une
longue grappe de cvmes mul-
tillores alternes, insérées dans
l’aisselle de bractées triangu-
laires, membraneuses, marees-
centes, accompagnées chacune
de deux glandes stipulaires.
Les cymes inférieures sont
d’ordinaire formées de fleurs
males, et les supérieures do. fleurs femelles, qui parfois deviennent hermaphrodites.
Tl existe parfois, au milieu de l’inflorescence, des cymes mixtes, dont la fleur cen-
trale est femelle et les autres mâles. Les pédicelles floraux sont articulés.
Dans la fleur mâle, le calice est formé de cinq sépales, valvaires dans le bouton,
réfléchis après l’anthèse, triangulaires, ovales, membraneux. L’androcée se compose
d un nombre indéfini et très-considérable d’étamines, dont les filets sont connés en
faisceaux plusieurs fois ramifiés, tout à fait semblables à de petits arbres, dont cha-
que branche se termine par une anthère biloculaire, à loges presque arrondies, fixées
au connectif seulement par un point, extrorses, déhiscentes par des fentes longitu-
dinales. Dans la fleur femelle, le calice est semblable à celui de la fleur mâle. Le gy-
nécée est formé d’un ovaire supère, libre, globuleux, à trois loges, dont deux anté-
rieures et une postérieure, surmonté d’un style simple et cylindrique à la base, puis
bientôt divisé en trois branches allongées, elles-mêmes bipartites, couvertes de gros-
ses papilles rouges. Chaque loge contient un seul ovule anatrope, inséré dans le
haut de l’angle interne, descendant, à micropyle dirigé en haut et en dehors et re-
couvert d’un obturateur formé par un épaississement du placenta. Le fruit est une
capsule lisse ou chargée d’aiguillons mous, un peu flexueux; elle est arrondie, un peu
déprimée au sommet, marquée de trois sillons profonds répondant aux interstices
des carpelles, et de trois plus superficiels situés au niveau de la ligne médiane dorsale
de chaque carpelle. A la maturité, les trois carpelles secs ou coques se séparent, puis
chacun s’ouvre en deux valves, et met à découvert une graine descendante à micro-
pyle recouvert d’un arille charnu. Les téguments propres de la graine sont recou-
verts d’un arille généralisé mince et membraneux. La graiue contient sous ses tégu-
ments durs et cassants un albumen huileux abondant et un embryon droit, à
cotylédons foliacés, minces et larges.
On a distingué dans cette espèce un grand nombre de variétés, dont quelques-
unes ont été décrites comme des espèces distinctes. On s’est appuyé surtout, pour
distinguer ces variétés, sur la forme et la grandeur de la capsule et des graines. La
coloration de la plante a également servi à distinguer deux formes : le Ricin san-
guin et le Grand Ricin ordinaire (voy. Vilmorin, Annuaire des Essais, 1862, 293.
— Muller, in DC., Prodr., XV, S. II, 1017). [Trad.]
(b) Les grains d’Àleurone, qui existent en grande abondance dans les graines du
Ricin, constituent l’un des objets les plus intéressants à étudier dans ces graines.
Les corps qu’on a désignés sous le nom d’Aleurone parce qu’on les a trouvés d’abord
dans les graines des Aleurücs , ont une constitution complexe. On trouve l'réqueni-
d
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE, 327
ment dans chacun, et c’est précisément le cas de ceux dos graines du Ricin : 1° une
masse albuminoïde affectant la figure d’un cristal, nommée cristalloïde ; 2° un amas
arrondi ou ovoïde de matière calcaire, qui, à cause do sa forme, a été nommé glo~
boïde • 3° ces deux masses sont enveloppées par une couche de matière albuminoïde
amorphe, plus ou moins épaisse ; 4° enfin, le tout est enveloppé, d’après M. Rafi-
nesque (I), par une mince membrane amorphe et transparente. Pour bien observer
les grains d’Aleurone du Ricin, il est nécessaire de les examiner dans des réactifs
différents, destinés à rendre plus visible tel ou tel détail de leur organisation. Quand
on examine une coupe mince de l’albumen du Ricin dans la glycérine épaisse, les
grains d’Aleurone se présentent dans chaque cellule en nombre assez considérable,
sous l’aspect de corps ovoïdes, grisâtres, très-réfringents (fig. 233, a), dans lesquels
on ne distingue que deux parties : l’une, formant la masse principale du grain d’A-
leurone, correspond au cristalloïde enveloppé par de la matière albuminoïde amorphe
qui le voile et le rend tout à fait invisible ; l’autre, située à l’une des extrémités du
grain, est le globoïde. En chauffant alors la préparation, on rend visible le cristalloïde
et on peut facilement distinguer les trois
parties constituantes du grain (fig. 233, b),
le globoïde et le cristalloïde, enveloppés par
du protoplasma amorphe. En plaçant la
coupe mince de l’albumen dans de la gly-
cérine étendue d’eau on obtient un résul-
tat tout à fait différent. Au milieu du pro-
toplasma granuleux qui remplit la cellule,
et qui est maintenant bien visible, on voit
des espaces vides arrondis ou ovoïdes
(fig, 233, c), dans l’intérieur de chacun des-
quels se trouvent un cristalloïde et un glo-
boïde isolés. L’eau ayant dissous la couche
albuminoïde amorphe qui forme le revê- p;g, «34.
tement de chaque grain, les autres parties Cellules de l’albumen du Ricin, contenant
constituantes de ce dernier, c’est-à-dire le des graines d’Alemone (d’après J, Saohs).
cristalloïde et le globoïde, se trouvent mis à nu et sont facilement observables.
Enfin, si l'on traite la coupe de l’albumen d’abord par une solution alcoolique d’iode,
puis par l’acide sulfurique, le protoplasma granuleux des cellules, coloré par l’iode,
se montre creusé de grandes cavités (fig. 233, d) absolument vides ; les grains d’A-
leurone qui remplissaient ces cavités ont été détruits entièrement par l’acide sulfu-
rique. Pour rendre la membrane des grains d’Aleurone visible, M. Rafinesque traite
la préparation par l’eau, qui dissout la matière albuminoïde amorphe sans attaquer
la membrane ; celle-ci devient alors visible dans les points où elle passe du globoïde
sur le cristalloïde, et où elle se montre déprimée. Ces recherches ont été faites sur
les cellules de l’albumen des Aleurites. Il reste aies renouveler sur les nombreuses
graines qui renferment de l’Aleurone. Les dimensions et la structure des grains
d’Aleurone sont très-variables d’une plante à l’autre et môme dans une plante dé-
terminée. Certaines cellules offrent un gros grain (le solitaire de M. Hartig) dont
le cristalloïde offre parfois une forme spéciale, entouré de grains plus petits. Les
cristalloïdes peuvent aussi manquer, etc. (voy. les mémoires cités page 322, et
J. Sachs, Botan., tr. fr., 72). [Trad.].
(1) Bulletin de la Société Linnéenne de Paris, 1874, n° 1 ; Dictionnaire de Botani -*■
que de H. Bâillon, article Aleurone.
EUPHORBIACÉES.
328
KAMALA,
Kamela, Glamhdæ liôttlerse.
Origine botanique. — Echinu sphilippinensis, H. Bâillon (Crotonphtlip-
pense Lamk; Roltlera tincloria Eoxb; Mallotus pMippinensis Müll. Ahg).
C’est un grand arbuste ou un petit arbre de G à 9 mètres de haut, dont
1 aii e est très-étendue. On le trouve en Abyssinie et dans le sud de
l’Arabie, dans la péninsule indienne, où il croît sur les montagnes
jusqu’à 1 500 mètres d’altitude, à Ceylan, dans l’archipel Malais, dans
les Philippines, dans l’est de la Chine, dans le nord de l’Australie, à
Queensland et dans la Nouvelle-Galles du Sud (a).
Les lruits tricoques d un grand nombre d’Euphorbiacées sont recou-
\eits de piquants, de poils étoilés ou de glandes faciles à enlever. Dans
plusieurs espèces de Mallotus , les capsules sont couvertes de poils
étoilés et de petites glandes. Dans l’espèce dont nous nous occupons ici,
la capsule est pourvue de petites glandes rouges, très-nombreuses, qui,
enlevées et broyées, constituent la poudre connue sous le nom bengali
de Kamala. Ces glandes n’existent pas seulement sur la capsule ; elles
recouvrent encore les autres parties de la plante; on les trouve surtout
au milieu du tomentum qui tapisse la face inférieure des feuilles.
Historique. — Cette drogue fut mentionnée par quelques médecins
arabes (1) dès le dixième siècle, sous le nom de Kanbil ou Wars. Ibn
Khurdàdbah, géographe arabe, qui vivait entre 869 et 885, dit qu’il
arrive de l’Yémen : de la soie, de l’ambre gris, du wars, et de la
gomme (2). Le Wars est décrit comme une poudre rougeâtre, semblable
à du sable, qui tombe sur le sol dans les vallées de l’Yémen, et qui con-
stitue un bon remède contre le ver solitaire et les maladies cutanées.
Un écrivain le compare à du safran pulvérisé ; un autre parle de deux
sortes : l’une abyssinienne, qui est noire (ou violette), et l’autre indienne,
qui est rouge. Abul-Abbas el-Nebâti, qui était né en Espagne, fait
remarquer que la drogue est connue dans le Hejaz, et apportée de
l’Yémen, mais qu’elle est inconnue dans l'Andalousie, et n’y croît pas.
Dans les temps modernes, Niebuhr (3) parle de la même substance
sous le nom de Wars. Il dit qu’elle sert comme matière tinctoriale, et
(1) Signalé par Ibn Baytar (voy. tract, de Sontheimer, 1842, II, 326, 585).
(2) Ibn Khurdadbaii, Livre des routes et des provinces, trad. Barbjer de Meynard
(in Journ. Asiatique, 1865, V, 295).
(3) Description de l’Arabie, 1774, 133. .
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 329
qu’elle est exportée de Molcha à Oman. Celte drogue doit être connue
depuis longtemps dans l’Inde, car elle possède plusieurs noms sanskrits :
l’un d’eux est Kapila; il est parfois employé, comme le nom lelugu
Kâpila-podi , par les Européens ; mais moins fréquemment que Kamala ou
Kamela . qui appartient aux idiomes hindustani, bengali et guzratti. Il
ne paraît pas que cette drogue ait été employée pour l’usage médical
en Europe, jusqu’à une époque très-récente, quoiqu’elle eût été signalée
par Ainslie, par Roxburgh, par Royle, et par Buchanan, quia donné des
détails intéressants sur sa récolte et son emploi (I). En 1832, des échan-
tillons de cette drogue trouvés dans les bazars d’Aden sous le vieux nom
arabe de Wars furent envoyés à l’un de nous par Yaughan, mé-
decin du Port, qui nous informait de son emploi dans la teinture de la
soie, et contre les maladies de la peau (2). Son introduction dans la
médecine scientifique est due à Mackinnon, médecin de l’hôpital du
Rengale, qui l’administra souvent avec succès contre le ver solitaire.
Anderson, de Calcutta, C. A. Gordon et Corbyn, dans l’Inde, et Leared
à Londres, confirmèrent les observations de Mackinnon, en établissant
pleinement les propriétés du Kamala comme ténifuge (3). En 1804, il
fut introduit dans la Pharmacopée anglaise.
Production. — Le Kamala est l’un des produits de l’administra-
tion des forêts dans la présidence de Madras, mais on le récolte aussi
dans plusieurs autres parties de l’Inde. Les détails suivants ont été com-
muniqués à l’un de nous par un correspondant qui habite les provinces
du nord-ouest de l'Inde (4). «... On trouve au pied de ces montagnes
une énorme quantité de Rottlerci tinctoria , et à chaque saison un grand
nombre d’individus, particulièrement des femmes et des enfants, sont
employés à la récolte de la poudre, qu’on expédie dans la plaine. Ils
récoltent les fruits, les déposent dans un panier, et les y roulent en les
frottant entre les mains, de façon à en détacher une poudre qui tra-
verse le fond du panier, et tombe sur des toiles étendues au-dessous.
Cette poudre constitue le Kamala du commerce. Elle jouit d’une grande
réputation comme anthelminthique, mais on l’emploie surtout comme
matière tinctoriale. On la falsifie principalement avec les feuilles pul-
vérisées de la plante, les pédoncules des fruits, et une petite quantité
de matière terreuse, mais dans de faibles proportions. La récolte des
(1) Journey Ihrough Mysore , Cancira, etc., Lond., 1807, 1, 168, 211, II, 313.
(2) Pharm. Jouni., 1833, XII, 386, 389.
(3) Ibid., 1838, XVII, 108.
(4) Mr Matlhews, îi Nainee Tal.
Jd0 EUPBORBIACÉES.
fruits et la préparation de la poudre commencent ici dans les premiers
jours do mars, et durent un mois environ... » On recueille la poudre
de la même façon dans-le sud de l’Arabie, d’où elle est expédiée vers
le golfe Persique et Bombay; on l’apporte aussi, sous le nom de Wars,
de Hurrur, ville de l’Afrique orientale, qui constitue une très-impor-
tante station commerciale entre les pays de Galba etde Berbera (1).
Description. — Le Kamala est une poudre fine, mobile, consistant en
granules cramoisis, dont la couleur brillante est un peu ternie par un
mélange de poils étoilés gris, de débris de feuilles, et d’autres substances
étrangères. Elle est à peu près dépourvue de saveur et d’odeur, mais sa
solution alcoolique, versée dans l’eau, émet une odeur semblable à celle
du melon. Le Kamala est à peine attaqué par l’eau, même à la tempé-
rature d ébullition ; 1 alcool, l’éther, le chloroforme et la benzine lui
enlèvent une résine d’un beau rouge. Ni l’acide sulfurique, ni l’acide
nitrique ne 1 attaquent à froid, et l’essence de térébenthine n'est pas
colorée par lui, si ce n’est à chaud. Il flotte sur l’eau, mais s’enfonce
dans l’essence de térébenthine. Lorsqu’on le projette dans la flamme,
il brûle à la façon de la poudre de lycopode. Chauffé, il émet une
odeur aromatique faible. Lorsqu’il est pur, il laisse à l’incinération
1,37 pour 100 de cendres grises.
Structure microscopique. — Les granules de Kamala sont des glandes
sphériques, irrégulières, ayant de 30 à 60 millimètres de diamètre.
Leur surface est cireuse; elles sont un peu aplaties ou déprimées sur
une de leurs faces, et renferment dans leur membrane jaunâtre déli-
cate une masse, sans structure, jaune, dans laquelle sont dispersées de
nombreuses cellules simples, claviformes, contenant une substance
transparente, rouge, homogène. Ces cellules sont disposés en groupes
rayonnants autour du centre de la face aplatie, de sorte que sur la
partie située en face de l’observateur on peut en compter aisément de
10 à 30, tandis que la glande entière peut en contenir de -40 à 60. Dans
un petit nombre de cas, on voit au centre de la base de la glande un
pédicule cellulaire très-court.
Lorsque les glandes ont été épuisées par l’alcool et la potasse, puis
brisées par pression entre des plaques de verre minces, les diverses
cellules se séparent et se gonflent un peu, tandis que la membrane
d’enveloppe se détache complètement, et se présente comme une mem-
brane simple. Après ce traitement, les cellules de la glande, mais non
(1) Burton, Journ. of /?. Gcoyr. Society, 1S55, XXV, 146.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 331
leur membrane d’enveloppe, prennent sous 1 influence de 1 (ici cl c sulfu™
ri (| u o concentre et de 1 ga.ii i*odee une coloration In une ou bleue plus ou
moins foncée. Les parois des cellules seules sont donc formées de
cellulose. Yogi (1864) suppose que, pour former ces glandes, une cel-
lule de l’épiderme du fruit se soulève et s’allonge, puis, par biparti-
tion, se divise en une cellule jouant le rôle de pédicule, et en une
autre cellule superposée qui forme la petite masse cellulane pioduc-
trice de la résine. Au début, le contenu de cette masse cellulaire n’offre
rien de particulier, mais il passe peut-être graduellement à l’état de
résine, par transformation de la substance cellulaire.
Les glandes du Karnala sont toujours accompagnées par des poils
étoilés, incolores ou brunâtres, à parois épaisses, deux ou trois fois aussi
longs que les glandes, contenant souvent de l’air, et n’offrant aucun
caractère qui permette de les distinguer des poils de beaucoup d’autres
plantes, notamment de ceux des Verbascum et des Allhæa.
Composition chimique. — Le Karnala a été analysé par Anderson, de
Glasgow (1835), et par Leube (1860). Il abandonne à l’alcool ou à l’éther
près de 80 pour 100 de résine, que nous avons trouvée soluble dans l’acide
acétique cristallisable et dans le bisulfure de carbone, mais non dans
l’éther de pétrole. En traitant la résine extraite par l’éther avec l’al-
cool froid, Leube l’a dédoublée en deux résines, l’une plus facilement
soluble, fondant à 80° C., l’autre fondant à 191° G. Toutes les deux se
dissolvent dans les solutions alcalines, et peuvent être précipitées par
les acides sans changement apparent. Anderson a trouvé qu’une solu-
tion éthérée concentrée de Karnala, abandonnée au repos pendant
quelques jours, fournit des cristaux granuleux, qui, par cristallisations
répétées dans l’éther, s’obtiennent à l’état de pureté. Cette substance,
nommée par Anderson Rottléi'ine, forme de petits cristaux aplatis,
jaunes, satinés, facilement solubles dans l’éther, difficilement solubles
dans l’alcool froid, plus solubles dans l’alcool chaud, et insolubles
dans l’eau. La moyenne de quatre analyses a donné pour la rottlérine
la composition G22H506. On ne peut obtenir aucun composé défini de
cette substance avec les oxydes métalliques.
Nous pouvons confirmer les observations précédentes, car nous
avons obtenu plusieurs fois une certaine quantité de petits cristaux, en
abandonnant une solution éthérée de Karnala à une lente évaporation;
mais nous n’avons pas toujours bien réussi à les préparer (1).
(1) Je viens (le m’assurer que la Rotllerine fournit de l’acide paraoxybenzoïque
quand on la fond avec de la poLasse caustique. [P. A. F.]
332 EUPHORBIACÉES.
Usages. — On administre le Kamala pour provoquer l’expulsion du
ténia. 11 a aussi été employé, en applications externes, contre l’herpès
circiné. Dans l’Inde, on s’en sert pour donner à la soie une belle cou-
leur brun orange.
Falsification. — Le Kamala est souvent falsifié avec des substances
terreuses, dont la proportion peut s’élever jusqu’à CO pour 100. On re-
connaît aisément cette talsificalion a la couleur grisâtre de la poudre,
et à ce qu’elle s'enfonce en partie quand on la verse dans l’eau ; on la
décèle encore d’une façon plus certaine, par l’incinération. Le Kamala
contient parfois une quantité très-considérable de matières végétales
étrangères, telles que des débris de capsules, de feuilles, etc., qu’on
peut facilement en séparer à l’aide du tamis.
Substitutions. — Il y a quelques années, une forme remarquable de
Kamala a été importée d’Aden pour MM. Allen et Hanbury, droguistes
a Londres (1). Elle arrivait enfermée dans des sacs en calicot blanc,
oblongs, de trois dimensions, portant des inscriptions en caractères
arabes, qui indiquaient le nom du vendeur ou du collecteur, et le poids
net, lequel était de 100, 50 et 25 onces turques. La drogue se présentait
en particules plus grossières que le Kamala ordinaire; elle était colorée
en pourpre foncé, et possédait une odeur manifeste, semblable à celle
qu’exhale le Kamala ordinaire quand on le verse dans l’eau. Elle avait
été soigneusement recueillie, et était débarrassée de tout mélange ter-
reux, au point de ne laisser que 12 pour 100 de cendres. Sous le micros-
cope, elle présentait des différences plus grandes encore. Chaque gra-
nule était cylindrique ou subconique, long de 170 à 200 millièmes de
millimètre, large de 70 à 100 millièmes de millimètre, et formé de cel-
lules à résine oblongues, superposées en trois ou quatre couches; les
granules étaient mélangés de poils peu nombreux, allongés, simples.
Un autre fait digne d’intérêt, c’est que, sous l’influence d’une tempé-
rature de 93 à 100° C., ce Kamala devient tout à fait noir, tandis que le
Kamala ordinaire ne change pas de coloration.
On ne put obtenir aucun renseignement sur le lieu de production
de cette drogue, et on n’en reçut que deux expéditions, s’élevant en
tout à 136 livres. On ne peut guère douter qu’elle ne soit produite par
une espèce de Mallotus, mais rien n’indique si c’est une espèce indienne,
arabe ou africaine. Grâce à M. Binnendyk, du jardin botanique de
Buitenzorg, à Java, nous avons pu examiner les fruits de nombreuses
(1) Ce Kamala a été particulièrement décrit par moi dans le Pharm. Journal, I8GS,
IX, 279, avec des dessins sur bois. [F. A. F.]
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 333
espèces de Mallotus (. Rottlera ) et ceux des Cœlodepas, Maippa et Chlo-
radenia ; mais aucun de ces fruits ne porte de glandes semblables à
celles qui constituent la drogue dont nous venons de parler. Nous avons
aussi examiné les échantillons de Rottlera de l’herbier royal de Kew,
et consulté le docteur Müller, de Genève, qui a rédigé la Monographie
des EuphorSmcées, dans le Prodromus de De Candolle ; malgré toutes
ces recherches, il nous a été impossible de découvrir quelle est la
plante qui produit cette variété de poudre de Kamala.
[a) Les Echinus (Loureiro, Flor. Cochinch., éd. 1790, 633 ; Mallotus Lour.,
Roulera Roxb., etc) sont des Euphorbiacées uniovulées, de la série des Jatrophées ;
à fleurs monoïques ou plus rarement dioïques, apétales ; à calice valvaire ; à étami-
nes en nombre indéfini, et insérées au centre de la fleur sur un prolongement du
réceptacle; à ovaire libre; à fruit capsulaire (vov. H. Bâillon, Histoire des
plantes, V, 196).
h' Echinus philippinensis H. Bâillon (in Adasonia, VI, 314; Rottlera tinctoria
W. ; Croton philippinensis Lamarck ; Mallotus philippinensis Müll. Arg., etc.) est
un arbre à rameaux jeunes, pétioles et inflorescences couverts de poils étoilés courts,
couleur de rouille. Les feuilles sont alternes, à pétiole ordinairement deux fois plus
court que le limbe, renflé au sommet, et accompagné à la base de deux bractées la-
térales, larges, triangulaires, ovales, aigues, l.c limbe foliaire est long de 8 à 12 cen-
timètres et large de 6 à 7 centimètres, triplinervié, rhomboïdo-ovale, ou rhomboïdo-
lancéolé, acuminé, aigu, ou plus rarement subcordé à la base, non pelté, muni à la
base de deux glandes, entier ou subdenticulé sur les bords, glabre sur la face supé-
rieure, couvert en dessous de poils tomenteux et de glandes pulvérulentes, rou-
geâtres. Les fleurs sont disposées en épis axillaires et terminaux, et situées dans l’ais-
selle de petites bractées. Les fleurs mâles sont disposées trois par trois dans l’aisselle
de chaque bractée ; leur calice est profondément divisé en trois à cinq lobes valvai-
res dans la préfloraison, ovales-lancéolés. L’androcée se compose de quinze â vingt-
cinq étamines insérées au centre de la fleur sur un prolongement du réceptacle un
peu dilaté et dépourvu de glandes. Les filets sont allongés et portent chacun une
anthère biloculaire, introrse, déhiscente par deux fentes longitudinales. Les loges
sont obliques et surmontées par le connectif ovoïde, épaissi et subapiculé. Les fleurs
femellec sont solitaires clans l’aisselle de chaque bractée. Leur calice est divisé en
cinq lobes réguliers, ovales-lancéolés. Elles sont dépourvues de disque, ainsi que les
fleurs mâles. L’ovaire est triloculaire, couvert de petits poils tomenteux étoilés, et de
glandes pourprées, et surmonté cl’un style d’abord simple, puis bientôt divisé en trois
branches couvertes sur leur face interne de papilles stigmatiques, et six à sept fois
plus longues que larges. Chaque loge ovarienne contient un seul ovule anatrope,
suspendu, à micropyle dirigé en haut et en dehors. Le fruit est une capsule trico-
que, longue de 8 à 9 millimètres et à peu près aussi large, deux ou trois fois plus
lougue que son pédoncule, couverte de glandes granuleuses jaunâtres. Chaque coque
de l'ovaire s’ouvre en deux valves, et met à découvert une seule graine suspendue, à
micropyle recouvert d’un arillc peu développé. Elle renferme sous ses téguments un
albumen abondant et un petit embryon à cotylédons foliacés. [Trad.]
331
PIPfcllA.CfcES.
PIPÉRACÉES
POIVRE NOIR.
Fructus piperis nigri; Piper nigrum, angl.. Black Popper (1) allem.. Schwarzcr Pfeffer.
Origine botanique. — Piper nigrum L. Le Poivrier noir est un arbuste
vivace, volubile, à tige articulée, ramifiée dichotomiquement, et à feuilles
pétiolées, larges, ovales, à 5-7 nervures. Les fleurs sont disposées en
épis opposés aux feuilles, pédonculés, longs de 8 à 15 centimètres. Les
fruits sont scssiles et charnus [a).
Le Poivrier noir est indigène des forêts de Travancore et du Malabar,
d’où il a été introduit à Sumatra, à Java, à Bornéo, dans la péninsule
malaise, à Siam, dans les Philippines et dans les Indes occidentales.
Historique. — Le Poivre noir est une des épices le plus ancienne-
ment employées par l’homme. Il ne constitue aujourd’hui qu’un objet
de trafic de faible importance en comparaison du sucre, du café et
du coton, mais il a été, pendant longtemps, le principal objet du com-
merce de l’Europe avec l’Inde.
Au quatrième siècle avant Jésus-Christ, Théophraste nota l’existence
de deux sortes de poivre (rcéicspi), qui répondaient probablement au
poivre noir et au poivre long des temps modernes. Dioscoride dit que
le poivre est un produit de l’Inde ; il connaissait aussi le poivre blanc
(aîu'/.ov TCTTcft). Les détails donnés par Pline sur le même sujet sont cu-
rieux. 11 nous dit qu’à son époque, une livre de poivre long coûtait
15 deniers, une livre de poivre blanc 7 deniers, et une livre de poivre
noir 4 deniers. 11 exprime son étonnement de ce que les hommes
aiment tant le poivre, qui n’a ni saveur douce, ni apparence agréable,
ni aucune autre qualité estimable mais seulement une saveur brûlante.
Dans le Périple de la mer Erythrée, écrit vers l’année 64 après
Jésus-Christ, il est dit que le poivre est exporté de Baraké, port de
Nelkunda, et qu’il ne croît en abondance que dans cette région. Cette
localité a été considérée comme répondant à la partie de la côte de
Malabar située entre Mangalore et Calicut (2).
Le Poivre long et le Poivre noir figurent parmi les épices indiennes,
(1) Le mot anglais Pepper, qui avec de faibles variations a passé dans presque toutes
les langues, vient du nom sanskrit du Poivre long, pippali. Le changement de / en r a
été fait par les Persans, dans la vieille langue desquels / manquait.
(2) Vincent, Commet' ce and navigation of the Ancients, 1807, II, 'i58.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 335
sur lesquelles les Romains levaient un impôt à Alexandrie, vers 617
après Jésus-Christ (I). Cosmas Indicopleustes (2), commerçant, qui, vers
la fin de sa vie, se fit moine, et qui écrivait vers 540, paraît avoir visité
la côte de Malabar, ou du moins il connaissait la plante au Poivre pour
l’avoir vue lui-même. C’est lui qui donna sur elle les premiers détails;
il dit que c’est une plante grimpante, s’élevant sur les grands ar-
bres, à la façon de la vigne. Il nomme son pays d’origine Male (3).
Les auteurs arabes du moyen âge, notamment Ibn Khurdâdbah
(vers 869-885) , Edrisi, au milieu du douzième siècle, et Ibn Batuta, au
quatorzième siècle, en parlèrent à peu près de la même façon.
Parmi les auteurs européens qui décrivirent la plante au Poivre avec
quelque exactitude, le premier fut Benjamin de Tudela, qui visita la
côte de Malabar en 1166. Nous citerons encore le moine catalan
Jordanus (4), qui, vers 1330, décrivit la plante comme assez analogue
au lierre, et produisant des fruits semblables à ceux de la vigne sau-
vage. « Ce fruit, dit-il, est d’abord vert, et devient noir à la maturité. »
Les mêmes détails, à peu près, furent répétés par le Vénitien Nicolo
Conti, qui, au commencement du quinzième siècle, vécut pendant vingt-
cinq ans en Orient. Il vit la plante à Sumatra, et la décrivit aussi comme
semblable au lierre (5).
En Europe, le Poivre était, pendant le moyen âge, la plus estimée de
toutes les épices, et le symbole du commerce des épices auquel Gênes,
Venise et les cités commerciales du centre de l’Europe durent une
grande partie de leur richesse. Son importance comme objet d’échanges
commerciaux, pendant le moyen âge, et par suite comme élément
de relations civilisatrices entre les nations, fut tellement considérable
qu’on pourrait à peine l'exagérer.
On levait des impôts de Poivre (6), on en faisait des donations, et il
servait souvenl pour les échanges, dans les époques où la monnaie était
rare. Pendant le siège de Rome par Alaric, roi des Goths, en 408, la
rançon réclamée à la ville comprenait, parmi d’autres objets, 5 000 livres
(1) Vincent, ibicl., Il, 754, — Meyer, Geschichte der Botanik, 1865, II, 167.
(2) Migne, Patrologiæ Cursus, sériés Græca, 1860, LXXXV1II, 443, 446.
(3) Bar (comme dans Malabar ) signifie, en arabe, côte.
(4) Mirabilia descripta du moine Jordan-us, traduits par Col. Yule, Lond. (Hackluyth
Society), 1863, 27.
(5) « Piperis arbor persimilis est hederæ, granaejus viridia ad formnm grani juni-
peri, qum modico cinere aspersa torrentur ad solem. » (Kuntsmann, Kenntniss In-
diens irn XV Jahrliundert, München, 1863, 40.)
(6) On en trouve des exemples dans Lis Grand d’Aussy, Histoire de la vie privée
des Français, ed. 2, 1815, 182.
33G
PlPÊRACÊES.
d’or, 30000 livres d’argent et 3 000 livres de Poivre (1). Des faits de
celte nature, dont il serait facile de multiplier le nombre, indiquent
suffisamment l’importance du Poivre pendant le moyen âge. A cette épo-
que, il existait un impôt particulier, consistant dans l’obligation pour le
tenancier de fournir à son seigneur, à des époques déterminées, une cer-
taine quantité de Poivre, ordinairement une livre. Ce fait montre que
ce condiment était alors très-recherché, et prouve le vif désir des
classes élevées de ne passe trouver dépourvues de cette denrée, à une
époque où l’approvisionnement des marchés n’était pas toujours assuré
d’une façon régulière (2).
Les plus anciens documents relatifs au commerce du Poivre, en An-
gleterre, que nous ayons pu nous procurer, se trouvent dans les statuts
d’Ethelred, 978-1016 (3). Il y est établi que les Allemands du Nord, ve-
nant avec leurs navires à Billingsgate , devront payer à Noël et à
Pâques, en échange du privilège de commercer avec Londres, un petit
tribut de vêtements, cinq paires de gants, dix livres de Poivre,
et deux barils de vinaigre (4). Les marchands qui faisaient le
trafic de cette épice furent nommés Piperarii ; en anglais, Peppe-
rers ; en français, Poivriers ou Pébriers. Ils sont mentionnés
comme existant en corporation à Londres, sous le règne d’Henri II
(1154-1189). Ils furent plus tard incorporés à la compagnie des épiciers,
et avaient la surveillance et le contrôle du commerce des épices, des dro-
gues, des matières tinctoriales, et même des métaux (5). Au moyen âge,
le prix du Poivre était déjà très-élevé, et les gouverneurs de l’Egypte
retiraient un revenu considérable de tous ceux qui se livraient à ce com-
merce et à celui des autres épices (6). En Angleterre, entre 1263 et 1399,
le Poivre noir coûtait en moyenne 1 shilling la livre, ce qui corres-
pond à peu près à 8 shillings de notre monnaie. Entre 1330 et 1360 (7),
il valait 2 shillings la livre. En 1370, il valait, en France, 7 sous 6 de-
(1) Zosimus, Historia (Lips , 1784), liv. V, c. 41.
(2) Rogers, Agriculture and Prices in England, 1866, 1, 626. Le mol peppercorn-
rent, qui a survécu en Angleterre jusqu’à, uotre époque, ne signifie aujourd’hui qu’un
payement nominal.
(3) Ancient Laws and Institutes of England, publié par la Record Commission,
1840, I, 301.
(4) Il est curieux de comparer ces chiffres avec ceux que donne aujourd’hui le com-
merce du poivre. Un journal commercial du 27 février 1874 indiquait pour la semaine
précédente, dans les docks de Londres, un stock de 6 03b tonnes.
(5) Herbert, Hist. of the ’twelve grcat Livery Companics of London, Lond., 1834
303, 310.
(6) Reinaud, Nouveau Journal asiatique, 1829, juillet, 22-bl.
1 7 ) Rogers, op. cit., I, 641.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 337
niers la livre (21 francs 30); en 1542, son prix était de 11 francs la
livre (1).
Le prix élevé de cet important condiment poussa les Portugais à
chercher un passage pour se rendre dans l’Inde par mer. Quelque temps
après la découverte de ce passage (1498), le prix du Poivre commença
à diminuer beaucoup, et vers la même époque la culture de la plante fut
en même temps répandue dans les îles occidentales de l’archipel Malais.
Le commerce du Poivre continua à être un monopole du gouvernement
portugais jusqu’au dix-huitième siècle. Les Vénitiens firent de grands
efforts pour retenir cet important commerce entre leurs mains, mais
tout fut inutile, et ce fut un fait d’un grand intérêt que l’arrivée,
en 1522, du premier navire portugais, apportant des épices directement
à Anvers. Il est étrange de voir qu’il fut reçu avec une grande méfiance.
Le Poivre était taxé très-cher, en Angleterre. En 1623, l’impôt levé sur
lui était de 5 shellings par livre; même après 1823, il était soumis à un
impôt de 2 shellings 6 deniers par livre.
Production — Dans le sud-ouest de l’Inde, le Poivre, ou vigne à poivre
des colons anglais, croît sur les pentes des vallées étroites, dont le sol
riche et humide produit des arbres élevés, qui entretiennent une
fraîcheur continuelle. Dans ces endroits, le Poivre traîne sur le sol, et
sc piopage à 1 aide des racines adventives qu il émet. Les indigènes re-
lèvent l’extrémité du sarment couché sur le sol et l’attachent sur l’arbre
le plus voisin ; les tiges enfoncent leurs racines dans l’écorce de ce der-
nier jusqu’au niveau du point auquel elles sont attachées, les pousses
situées plus haut, pendant vers le sol. La plante est susceptible de s’éle-
ver jusqu’à une hauteur de 20 ou 30 pieds, mais pour la commodité de
la récolte on la maintient plus bas, et on la fait grimper sur des perches.
Dans les endroits où le Poivre ne pousse pas naturellement, on propage
la plante à l’aide de boutures, qu’on plante clans le voisinage des arbres
destinés plus tard à la soutenir.
Lorsque le Poivre croît dans un sol riche, il commence à produire
dès la première année, et la quantité de ses fruits augmente graduelle-
ment jusque vers la cinquième année. Chaque pied donne alors de 8 à
10 liv 1 es de baies, et cette récolte moyenne continue jusqu’à l’âge de
quinze à vingt ans. Elle commence alors à diminuer. On coupe les
épis dès que les deux ou trois baies inférieures se colorent en rouge.
Le jour suivant, on fait tomber les baies avec la main et on les nettoie,
^ (1) Leher, Appréciation de la fortune privée au moyen âge, 2' éd., Paris, 1847
J ■> , 3 0 5 . *
II1ST. DES DIIOQUES, T. II.
22
338
PIPÉRACfcES.
puis on les fait sécher pendant trois jours sur des nattes ou sur un sol
durci, ou bien dans des paniers de bambou devant un feu doux. Dans le
Malabar, le Poivrier fleurit en mai et juin, et l’on commence la récolte
des fruits au commencement du mois suivant (t).
Description. — Les fruits ressemblent à de petites cerises arrondies,
et sont fixés au nombre de 20 à 30 sur un pédoncule commun, pendant.
Ils sont d’abord verts, puis deviennent rouges, et enfin jaunes si on les
laisse mûrir complètement, mais on les cueille avant la maturité com-
plète, et par la dessiccation ils deviennent gris noirâtre ou bruns. Lors-
qu’on les laisse mûrir ils perdent peu à peu de leur saveur brûlante, et
tombent les uns après les autres. Apres dessiccation, les baies sont
sphériques; elles ont 4 millimètres environ de diamètre ; leur surface
est ridée ; elles offrent une tache peu visible au niveau de l’insertion du
court pédoncule qui les supportait, et sont couronnées par les trois
ou quatre lobes très-peu distincts du stigmate. Leur péricarpe est
mince et enveloppe étroitement une seule graine, dont 1 embryon est
très-peu développé à cause de l’époque prématurée de la récolte; une
petite cavité indique sa place au-dessous du sommet. La graine elle-même
contient, en dedans d’un tégument mince, coloré en brun rouge, un
albumen luisant, gris et corné en dehors, farineux en dedans. Tout le
monde connaît la saveur brûlante et l’odeur particulière que possède
le fruit du Poivrier.
Structure microscopique. — Sur une section transversale, le giain
de Poivre noir offre d’abord un épiderme jaunâtre, mou, qui forme la
partie externe du péricarpe. Le tissu sous-jacent est formé de cellules
étroitement pressées, dont chacune contient dans sa petite ca^té une
masse de résine d’un brun foncé. La couche moyenne du péricarpe est
formée d’un parenchyme mou, à cellules allongées tangentiellement,
contenant une grande quantité de petits grains d’amidon et de goutte?
d’huile. C’est à la contraction de ce parenchyme que la baie doit, en
majeure partie, les rides de sa surface. La couche interne du péricarpe
est formée de deux zones : l’une, extérieure, formée soit de cellules allon-
gées tangentiellement, molles, à parois présentant des stries spiralées,
soit de fibres spirales; l’autre, interne, constituée parmi parenchyme
lâche, dépourvu d’amidon, et contenant de grosses gouttes d huile.
Le tégument de la graine est formé extérieurement d une couche
de petites cellules jaunes, à parois épaisses. En dedans, il présente
Pour plus de détails sur la culture du Poivrier, voyez : Buchanan , Journey
throuyh Mysore, Canard and Malabar, 1807, II, 455-520 ; III, 158
' HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 339
une couche de cellules lignifiées, serrées, colorées en brun foncé, à
contours impossibles à distinguer. L’albumen est constitué par un pa-
renchyme cà grandes cellules anguleuses, disposées en rangées radiales.
Le plus grand nombre sont incolores et remplies d’amidon; les autres
contiennent une substance amorphe, molle, jaune. Lorsqu’on conserve
pendant quelque temps de minces tranches de cet albumen dans la
glycérine, il se transforme en cristaux de pipérine ayant la forme
d’aiguilles {b).
Composition chimique. — Le Poivre contient une résine et une huile
essentielle. C’est à la première qu’est due la saveur brûlante du fruit.
L’huile essentielle possède beaucoup plus l’odeur que le goût du
Poivre (1). La drogue fournit de 1,6 à 2,2 pour 100 de cette essence,
qui ressemble à l’essence de térébenthine par sa composition chimique,
par son poids spécifique, et par son point d’ébullition. En colonne de
50 millimètres de long, nous lui avons trouvé un pouvoir rotatoire de
3°, 4 à gauche.
Le principe constituant le plus intéressant du Poivre est la Pipérine ,
contenue dans le fruit dans la proportion de 2 à 3 pour 100. Sa compo-
sition répond à la formule C17TI19Az03, elle est donc isomérique de la
morphine. La pipérine est sans action sur le papier de tournesol. Elle
ne peut pas se combiner directement avec les acides, mais elle s’unit
avec l’acide chlorhydrique, en présence du chlorure mercurique et
d’autres chlorures métalliques, en formant des composés cristallisables.
Elle est insoluble dans l’eau; lorsqu’elle est parfaitement pure, ses cris-
taux sont dépourvus de coloration, de saveur et d’odeur. Sa solution
alcoolique est sans action sur la lumière polarisée. La pipérine peut
être dédoublée, comme l’a montré Anderson en 1850, en acide Pipérique
ClsH10O4, et en Pipéricline C'dP'Az. Ce dernier composé est un alcaloïde
liquide incolore, bouillant à 106° G., ayant l’odeur du Poivre et de
f ammoniaque, et fournissant des sels cristallisables.
Indépendamment de ces principes, le Poivre contient encore dans son
mésocarpe une huile grasse. Il donne, par l’incinération, 5 pour 100
environ de matières inorganiques.
Commerce. — L’importation du Poivre dans le Royaume-Uni, en
1 872, a été de 27 576 710 livres, évaluées à 753 970 livres sterling. Sur
.(U Ce fait a été indiqué par Rheedc dés I G88 « ...oleum ex pipere dislillatum levem
pipens odorcm spirans, saporis parum acris » ( Hort . Malab., VII, 24). — L’essence de
poivre était déjà fabriquée, un siècle avant Rlieede, par J. B. Porta, de Naples [MucÀ.r
Nat., lib. XX, 1589, 185). v * '
310 PIPÉRACÈES.
cette quantité, les Établissements fies Détroits ont fourni 2u 000 000 li-
vres, et l’Inde anglaise, 230 000 livres. Le Poivre noir est importe dans la
colonie de Singaporc (principal port des Etablissements des Détioits),
de Rhio, de la péninsule Malaise et de Penang. Le Poivre blanc provient
presque exclusivement de Rhio (t).
Les exportations de Poivre faites par le Royaume-Uni, en 1872, se sont
élevées à 17 891 020 livres, dont la plus grande partie était achetée par
l’Allemagne (2 SOI S74 livres). Venaient ensuite : l’Italie (2 288 047 livres);
la Russie, la Hollande et l’Espagne, qui chacune en ont pris plus d'un
million de livres (2).
Les variétés de Poivre cotées dans les prix courants portent les
noms de : Malabar , Aleppee et Cochin, Penang, Singapore , Siam.
Usages. — Le Poivre ne jouit d’aucune importance comme médica-
ment ; il n’est que rarement ou même jamais prescrit, si ce n est comme
ingrédient de quelques préparations.
Falsification. — Le Poivre en grains n’est pas, à notre avis, susceptible
de subir, en Europe, de falsification (3) ; il n’en est pas ainsi du Poivre
pulvérisé. Malgré l’énorme amende de 100 livres sterling à laquelle
sont soumis les fabricants, les possesseurs ou les vendeurs de Poivre
falsifié (4), et le prix peu élevé de cette marchandise, le Poivre est con-
stamment falsifié par un mélange d’amidon de céréales et de pommes de
terre, de sagou, de poudres de moutarde, de lin et de piment. Le mé-
langé de ces substances peut facilement être découvert, avec de 1 habi-
tude, à l’aide du microscope (5).
POIVRE BLANC.
Cetle forme de l’épice est préparée à l’aide du Poivre noir, auquel on
enlève la couche noire extérieure du péricarpe, et qu’on prive ainsi
d’une partie de sa saveur brûlante. Buchanan dit qu’à Travancore,
pour obtenir le Poivre blanc, on laisse mûrir les fruits ; on cueille alors
les grappes, et, après les avoir conservées pendant trois jours dans la
Blue Book üf the Straits Settlements for 1871.
L! Annual Statement of the Trade of the U. K. for 1872, 59, l-o.
3 D'après Moodeen Shérif! [Suppl to the Pharm. of India, 134) les baies delÆw-
heUa Ribes passent pour être employées, dans les bazars indiens, à la falsification
Poivre noir.
Si £££ "I’ Ü» Lond., « «. - Evans,
Joum., 1800, 1, 005.
341
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
maison, on les lave et on les frotte entre les mains dans un baquet,
jusqu’à ce que les pédoncules et la pulpe aient été enlevés.
Le plus beau Poivre blanc vient de Tellicherry, sur la côte do Ma-
labar, mais seulement en petite quantité. Les points les plus impor-
tants pour sa préparation sont les Etablissements des Détroits, qui en
exportent chaque année de 2 millions à 2 millions et demi de livres. La
plus grande partie de cette épice est dirigée vers la Chine, où elle est très-
estimée. En Europe, on préfère, avec raison, le Poivre à l’état naturel.
Les grains de Poivre blanc sont de plus grande taille que les noirs,
et colorés en gris; ils sont presque sphériques ou un peu aplatis. A la
base, le tégument du fruit est épaissi en une proéminence mousse, de
laquelle partent une douzaine de raies claires qui se dirigent comme
des méridiens vers le sommet du fruit. Lorsque la couche interne du
péricarpe a été enlevée, on voit le tégument brun foncé de la graine,
enveloppant un albumen dur et translucide. Par la structure ana-
tomique, ainsi que par l’odeur et la saveur, le Poivre blanc res-
semble au noir, dont il repré-
sente un état plus avancé de
développement.
(a) Les Poivriers ( Piper L., Gé-
néra, n. 43 ; part.) constituent le
type d’une série de la famille des
Piperacées ; ils ont des fleurs nues,
hermaphrodites ou unisexuées; un
ovaire uniloculaire, uniovulé, à
ovule anatrope ; une haie mono-
sperme, et un albumen double
(voy. II. Bâillon, Histoire des
plantes, III, 409).
Le Poivre noir ( Piper nigrurn
L., Spec., 40) est une plante grim-
pante, flexible, à tiges noueuses
produisant des racines adventives
à 1 aide desquelles la plante se fixe
sur les arbres qui lui servent de
point d’appui. Ses feuilles sont
alternes, simples, pétiolées, ovales,
acuminées, luisantes et colorées en vert foncé en dessus, plus pâles en dessous,
penninerves et subtriplinerves à la base, longues de 10 il 15 centimètres. Le
petio e est arrondi, inséré sur les rameaux au niveau de nœuds renflés et articu-
os’ ( 1 1 *'a^ au nh'eau de son point d’attache en une gaine qui embrasse le ra-
meau et se développe en deux stipules latérales. Les fleurs sont disposées en épis
allongés, insérés sur la tige au niveau des feuilles et en face d’elles. Chaque
Fig. 235. Piper nigrum. Extrémité d'un rameau
fructifère.
3is PIPÉKACÉES.
fleur est sessile dans l’aisselle d’une bractée cupuliforme, et logée dans une fos-
sette de l’axe à bords relevés de chaque coté de la fleur et si-
mulant deux bractées latérales. Les fleurs sont hermaphrodites
ou unisexuées par avortement de l’un des sexes. Quand la
Heur est hermaphrodite, elle offre deux étamines, l’une à droite
et. l’autre à gauche de la bractée mère, composées chacune
d'un tilet libre, aplati, et d’une anthère basifixe, articulée, ln-
loculaire, à loges adossées s’ouvrant d’abord par deux fentes
longitudinales, puis se divisant en quatre valves. Le gynécée se
compose d’un ovaire sessile, inséré au-dessus des étamines,
globuleux, uniloculaire, et surmonté d’un style très-court qui
se divise en un nombre variable de petites languettes stigma-
tiques rabattues sur le sommet de l’ovaire. La loge ovarienne
unique contient un seul ovule orthotrope, dressé, à micropyle
supérieur inséré sur un placenta à peu près basilaire. Le fruit
qui constitue le grain de poivre est une baie sessile, conte-
nant une seule graine. Celle-ci offre sons ses téguments un
albumen double, l’extérieur très-considérable, remplissant la
23G- .. ‘ius ^ande partie de la graine; le supérieur relativement tres-
P^Z:::;r0n petiM^é dans le voisinage du micropyle et logeant dans son
épaisseur un très-petit embryon droit, à radicule conique, du icee
Ters le micropyle, et à cotylédons tournés directement vers la
base du fruit. [Trac.] . , _ . . .
(61 Une coupe transversale d’un grain de Poivre non of-
fre ainsi que l’indiquent les figures 238 et 239 : 1° un épi-
derme a, formé de petites cellules quadrangulaires ou plus
ou moins’ irrégulières, revêtues d’une cuticule très-épaisse qui
se colore en bleu foncé dans la solution acétique d aniline ,
2° une zone 6, formée d’une seule ou de plusieurs couches su-
perposées de cellules à parois très-épaisses, ponctuées, ligneuses,
. , ... À. xtroite • 3° une couche épaisse o de cellules îrregulieres,
jaunes, et a cavité ties- , ^ parois minceS) allongées tangentiellement
a et plus ou moins aplaties, surtout dans le bas, où
elles sont fortement comprimées. Dans la partie
b inférieure d de cette zone se voient, au milieu
des cellules aplaties, un grand nombre de grandes
cellules arrondies ou ovoïdes remplies d’une huile
jaunâtre. Cette zone, qui dans la baie fraîche con-
C stitue le sarcocarpe, est limitée par une couche
unique de cellules (fig. 239, e) dont la paroi ex-
d terne, celle qui est en contact avec le paren-
chyme dont nous venons de parler, est mince,
tandis que la paroi interne est fortement épaissie
. •% . r 1 /V .11^ n AM n Iv A l'U IV l*( 1 w
UlLtUlP IJIU/ 11V J^l,A “ f
[ ainsi que les parois latérales. Cette couche repré-
sente l’épiderme interne du péricarpe, 1 em o-
carpe, si on veut lui donner ce nom, tandis que
Fig. 238. Poivre noir. ies couches d, c et 6 représentent le mésocarpe,
Coupe transversale. t j;l couclie épidermique o l'épicarpe. Le te-
«tata.1 «dhtoWs-f.rUB.eut à fendoerpe ; il est représenté p.r deux
Fig; 237. Poivre noir
Coupe longitudinale..
343
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
couches : 1° une couche f (#g. 239) formée de cellules allongées tangentiellement,
très-aplaties, à parois minces ; dans le fruit sec, il est très-
difficile de voir cette couche, parce que ses cellules sont
très-aplaties et comprimées ; on la rend visible en soumet-
tant des coupes très-minces à l’ébullition dans la solu-
tion acétique d’aniline ; ses cellules se dilatent alors et
leurs parois se colorent; 2Ü une couche g de cellules qua-
drangulair'es remplies d’une matière colorée eu brun
marron .
En dedans du tégument séminal, se trouve l’albu-
men t, limité extérieurement par une couche h de
cellules A parois externes et latérales épaissies, et à paroi
interne restée mince. [Trad,]
POIVRE LONG.
Fructus Pipéri Longis; Piper longum; angl., Long Pepper ; allem., Langer P fc/fer.
Origine botanique. — Piper officimrum C. DG. ( Chavica (I) offici-
narum Min.). C’est une plante frutescente, clioïque, à feuilles ovales
oblongues, acuminées, atténuées à la base, et munies de nervures pen-
nées. Elle est originaire de l’archipel Indien, notamment de Java, de
Sumatra, des Célèbes et de Timor. Le poivre long est constitué par
l’épi de fruits cueilli un peu avant la maturité complète, et desséché (a).
Le Piper longum , L. ( Chavica Roxburghii , Miq.), arbuste indigène de
Malabar, de Ceylan, du Bengale oriental, de Timor et des Philippines
fournit aussi du Poivre long. On le cultive dans ce but le long des côtes
orientales et occidentales de l’Inde. Il se distingue de l’espèce précé-
dente par ses feuilles munies de cinq nervures et cordées à la base (2) (b).
Historique. — Les anciens Grecs et Romains connaissaient une
drogue nommée IléTïcpi p.az.pcv, Piper longum , qui pourrait bien être la
même que le Poivre long des temps modernes. Dans les poésies latines
qui portent le nom de Macer Floridus (3), et qui probablement furent
écrites au dixième siècle, il est fait mention du poivre noir, du poivre
blanc et du poivre long. Cette dernière épice, Macropiper , est signalée
par Simon, de Gênes (4), qui fut médecin du pape Nicolas IV, et chape-
(1) Le genre Chavica, séparé du genre Piper par Miquel, a été réuni de nouveau îi ce
dernier par C. de Candolle ( Prodr ., XVI, S. I). Le genre Piper est aujourd’hui com-
posé d’environ 620 espèces.
(2) Pour de bonnes ligures des deux plantes, voyez : Hayne, Arzney-GewÜchse.XlY ,
t. 20, 21. ’
(3) Croulant, Macer Floridus de Viribus Hcrbarum, Leip's., 1832, 114.
(4) C lavis Sanationis, Venet., 1510.
Fig. 239. Poivre noir.
Tégument séminal.
3-ii
PIPÉRACÉES.
lainde Boniface YIÏI (1288-1303), el qui voyagea en Orient pour étudier
les plantes. Saladinus au milieu du quinzième siècle, énumère le
Poivre long parmi les drogues que les apothicaires doivent posséder. 11
a disparu des pharmacopées modernes.
Production. — Au Bengale, le Poivre long est cultivé par les produc-
teurs de cannes à sucre. Il exige un sol riche, élevé et sec. On doit
placer les plantes à cinq pieds environ les unes des autres. Une acre an-
glaise peut donner pendant la première année 3 maunds (1 maund vaut
près de 29 kilogrammes) de poivre; la seconde année 12, et la troisième
80 maunds. La plante produit ensuite de moins en moins. On arrache
alors les racines, on les fait sécher, et on les vend sous le nom de Pipli-
mul. Les Indiens emploient beaucoup ces racines comme médicament.
On cueille le poivre au mois de janvier, en pleine croissance, et on
l’expose au soleil jusqu’à ce qu’il soit entièrement sec. Après que les
fruits ont été récoltés, la tige et les branches de la plante meurent
jusqu’au niveau du sol (1).
Description. — Le Poivre long est formé d’un grand nombre de pe-
tites baies étroitement serrées sur un axe commun, et constituant un épi
long de 4 centimètres environ, et large d’un peu plus de 1 centimètre,
supporté par un pédoncule de \ centimètre de long environ. Cet épi est
arrondi aux deux extrémités, et un peu effilé au niveau de son extrémité
supérieure. Les fruits sont ovoïdes, longs de 2 millimètres, couronnés par
une petite pointe mamelonnée qui représente les restes du stigmate; ils
sont disposés sur l’axe suivant une ligne spirale, et accompagnés chacun
d’une petite bractée peltée. Une section transversale de l’épi offre huit
à dix fruits disposés radialement, avec leur extrémité la plus étroite
dirigée vers l’axe. Au-dessous du péricarpe, se trouve le tégument
mince de la graine, qui enveloppe un albumen incolore, dont la petite
extrémité est occupée par un embryon de petite taille.
Le Poivre long des boutiques est d’un blanc grisâtre, et semble avoir
été roulé dans une poussière terreuse. Le lavage rend aux épis leur
coloration naturelle, qui est d’un brun rougeâtre foncé. La drogue pos-
sède une saveur aromatique, brûlante, et une odeur agréable mais peu
prononcée.
Cette description s’applique au Poivre long du commerce anglais, qui
vient maintenant en majeure partie de Java, où le Piper officinarum
constitue l’espèce la plus commune. Les fruits de cette espece qui nous
(1) Roxburgii, Flora indica, 1832, I, 153.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. m
ont été envoyés par M. Binnendijk, du Jardin botanique de Buitenzorg,
près de Batavia, ne diffèrent pas de ceux qu’on trouve dans les boutiques
de Londres. Les fruits du Piper Belle, L. var. y. densmn leur ressemblent
beaucoup, mais nous ignorons si on les recueille pour les utiliser.
Structure microscopique. — La structure du Poivre long ressemble à
celle du poivre noir, mais elle présente cependant quelques différences
caractéristiques. L’épicarpe offre, sur sa faceexterne, des cellules étroites
à parois épaisses, allongées tangentiellement, et contenant de la gomme.
La couche moyenne est formée de cellules parenchymateuses plus larges,
à parois minces et ponctuées, contenant des grains d’amidon et des
gouttes d’huile. Dans les couches externes et moyennes du fruit sont
répandues de nombreuses cellules larges, à parois épaisses, semblables
à celles qu’on trouve dans l’épicarpe du poivre noir ; mais dans le Poivre
long elles ne forment pas une couche régulière. La partie interne du
péricarpe est formée par une couche de grandes cellules cubiques, ou
allongées radialement, remplies d’huile volatile. Une couche de cellules
plus petites, allongées tangentiellement, sépare ces cellules à huile du
tégument de la graine, qui est coloré en rouge brun, et formé de cellules
pressées, lignifiées, semblables à celles qui forment la couche interne
du tégument de la graine du poivre noir, mais on n’y trouve pas les cel-
lules à parois épaisses particulières à ce dernier. L’albumen du Poivre
long se distingue de celui du poivre noir par l’absence d’huile volatile.
Composition chimique. — Les principes constituants du Poivre long
paraissent être les mêmes que ceux du poivre noir. Nous n’en possédons
aucune analyse récente, et nous ignorons si les proportions de la pipé-
rine et de l’huile volatile ont été déterminées. La résine et l’essence
résident exclusivement dans le péricarpe.
Commerce — Le Poivre long est aujourd’hui exporté de Singapore,
où il est apporté en majeure partie de Java et, dans une proportion
moindre, de Rhio. La quantité exportée de Singapore en 1871 s’est
élevée à 3 366 quintaux, sur lesquels 447 seulement furent expédiés pour
le Royaume-Uni, le reste étant destiné surtout à l’Inde anglaise (1). Il
se fait aussi une exportation considérable de Poivre long à Calcutta.
Usages. — Lq Poivre long est à peine employé en médecine, le poivre
noir lui ayant été substitué dans le petit nombre de préparations dont il
faisait autrefois partie. On l’emploie dans la médecine vétérinaire, et
comme épice.
( 1 ) tWae Book of l/ie Straiis Settlements for 1871.
346
PIPÉKACÊES.
La racine aromatique du Poivre long, nommée en sanskrit Pippali-
inula (d’où le nom moderne de piph-mul ), constitue un médicament
favori des Hindous, également connu des Arabes et des Persans.
(а) Le Piper officinarum C. DC. ( Prodr ., XVI, S. I., 336) est une plante dioïque,
à rameaux glabres, à feuilles très-courtement pétiolées, oblongues-elliptiques, atté-
nuées au sommet et subacuminées, aiguës, plus ou moins inégales et atténuées à la
base, ou un peu cordées, coriaces, glabres sur les deux faces, penninerviées ; sur les
pieds mâles, elles ont de 80 à 83 millimètres de long et 33 millimètres de large; sur
les pieds femelles elles ont de 14 à 13 millimètres de long et 3 millimètres de large.
La nervure médiane émet de chaque côté, vers les deux tiers de sa longueur, trois
nervures secondaires ascendantes. Le pétiole est glabre. Les chatons mâles sont aussi
longs que les feuilles, cylindriques, à fleurs serrées. La bractée de chaque fleur est
glabre, coriace. Les étamines sont au nombre de deux ou trois et formées d’anthères
sessiles. Les chatons femelles sont beaucoup plus courts que les feuilles. Les brac-
tées sont arrondies, lixées par le centre, sessiles. L’ovaire qui constitue la fleur femelle
est niché, à l’aisselle de la bractée, dans une dépression de l’axe, et surmonté de trois
stigmates. Les baies sont subglobuleuses, très-pressées les unes contre les autres en
un cylindre serré, et prennent ainsi une forme pyramidale. (Voy. H. Bâillon, Hist.
des Plantes, III, 470, lig. 307.) [Trad.]
(б) Le Piper longum L. ( Species , 41) est une plante dioïque comme la précédente,
à rameaux glabres. Les feuilles sont longues de 6 centimètres et larges de 63 milli-
mètres, le pétiole est plus long dans le bas des rameaux, et les supérieures sont même
à peu près sessiles. Les feuilles inférieures sont ovales-arrondies, couitemeut acu-
minées, aiguës, largement cordées à la base ; les supérieures sont oblongues-ovales,
atténuées au sommet, cordées à la base. Toutes sont membraneuses, subpellucides,
glabres sur les deux faces, pubérulentes en dessous au niveau des nervures, 3-7 nci-
viées, à nervures un peu proéminentes en dessous, les trois nervures centrales se di-
rigeant vers le sommet. Le pétiole est puhérulent. Les chatons males sont au>si
longs que les feuilles et filiformes. Leurs bractées sont oblongues-arrondies, peltées
au centre, courtement pédicellées, glabres. L’androcée est formé de deux étamines
à anthères à peu près sessiles. Les chatons femelles sont plus courts et plus épab ,
leurs bractées sont oblongues-arrondies, un peu atténuées au sommet, à peu prè»
sessiles au centre, glabres. L’ovaire est surmonté de trois à quatre stigmates lan-
céolés. Les baies sont étroitement appliquées contre les bractées et contre Taxe, et
pressées les unes contre les autres, leur sommet demeurant seul libre, et leur
masse affectant la forme d’une pyramide allongée. [Trad.]
POIVRE CUBÈBE.
Cubebæ ; Fructus vel Baccæ vel Piper Cubcbx (1) ; angl., Cubebs ; allem., Cubeben.
Origine botanique. - Piper Cubeba L. F. [Cubeba offtcinalis Miq.)
C’est un arbuste grimpant, ligneux, dioïque, indigène de Java, du sud
de Bornéo et de Sumatra,
tl) Le nom de Cubèbe vient de l’arabe Kababah.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 347
Historique. Le Cubèbe paraît avoir été introduit dans la médecine
par Jes médecins arabes du moyen âge, qui le décrivent comme ayant
la forme, la couleur et les propriétés du Poivre. Masudi (1), au dixième
siècle, le regarde comme une production de Java. Le géographe
Edrisi (2), en 1153, l’énumère parmi les importations d’Aden. Parmi
les écrivains européens, Lonstantinus Afncanus, de baleine, connaissait
cette drogue des le onzième siecle, et, au commencement du treizième,
ses verttis furent signalées dans les écrits de l’Abbesse Hildegarde, en
Allemagne, et même dans ceux d’ Henri kHarpestreng, du Danemark (3).
Le Cubèbe est mentionné comme un produit de la « grant isle de Java »,
par Marco Polo et par Odoric, moine italien, qui visita cette île une
cinquantaine d’années plus tard. On levait à Barcelone, en 1271 (4), un
impôt sur le Cubèbe, sous le nom de Cubebas silvestres. Le Cubèbe est
mentionné, vers la même époque, comme vendu dans les foires de la
Champagne, en France. Son prix était de 4 sous la livre (5) ; on le vendait
aussi en Angleterre. Dans des documents datés de 1284, il est énuméré
parmi les amandes, le safran, les raisins de Corinthe, le poivre blanc, les
graines de paradis, le macis, le galanga et le pain d’épice, et indiqué
comme coûtant 2 shellings la livre. En 1285, il coûtait 3 shellings la
livre; en 1307, une livre achetée pour la garde-robe du roi coûta
9 shellings (6). D’après le journal des dépenses de Jean, roi de France,
pendant son séjour en Angleterre, de 1359 à 1360, le Cubèbe paraît
avoir constitué, à cette époque, une épice très-habituellement employée.
Ceux qui pouvaient se procurer ce luxe se servaient de Cubèbe en poudre,
mélangé aux aliments, ou en grains entiers et confits. La patente délivrée
en 1305, par Edouard Ier, pour aider à réparer le pont de Londres, et
autorisant la vente, sur ce pont, de divers objets, mentionne, parmi di-
verses épices, le Çubebs comme soumis à un impôt (7). Le poivre Cu-
bèbe est mentionné dans 1 eConfectbuch deHansFolcz, de Nuremberg (8),
(1) Les Prairies d’or, l, 341.
(2) Géographie, trad. J aubert, I, 51, 89.
(3) Meyer, Gcschichte der Botanik, III, 537.
(4) Capmany, Memorias sobre la Marina , etc., de Barcelona, I, 44.
(5) Bourquelot, Etudes sur les foires de la Champagne (in Mém . de l’Institut,
1865, V, 288).
(0) Rogers, Hist. of Agricult. and Priées in England, I, 627, 028 ; II, 544. — Pour
avoir une idée de la valeur comparée des marchandises ù. cette époque et h la nôtre,
il faut multiplier les prix anciens par 8.
(7) Liber niger Scaccarii, Lond., 1771, I, 478.,— On en trouvera une traduction
dans les Chronicles of London Bridge, 1827, 155.
(8) Croulant, Macer Floridus, etc., Lips., 1832, 188.
348
PIPÉRACÉES.
vers 1480. Cependant le Gubèbe était , cette époque, beaucoup
moins usité comme épice que le Poivre ou le Gingembre, et surtout
que les grains de Paradis et le Galanga. Garcia d’Orta, en 1563,
en parle comme étant rarement employé en Europe. Le Gubèbe
est cependant cité, par Saladinus, parmi les drogues qui doivent
exister dans chaque apotheca (I). Dans une liste des drogues
qui doivent être vendues dans toutes les boutiques d’apothicaires
do la cité d’Ulm, en 1596, le Gubèbe est mentionné sous le *norn de
Fructus carpesiorum vel cubebarum, et le prix d’une demi-once est fixé
à 8 kreuzers, ainsi que l’opium, la meilleure manne et l’ambre, tandis
que le Poivre noir et le Poivre blanc sont évalués à 2 kreuzers (2).
L’action spécifique du Gubèbe sur les organes génito-urinaires n’est
connue que depuis une époque très-récente. Les écrivains de matière
médicale du commencement de ce siècle ne mentionnent eux-mêmes le
Cubèbe que comme un aromatique stimulant, semblable au Poivre,
mais inférieur à lui, et rarement employé (3). Il était même, à cette
époque, tombé dans une désuétude telle, qu’il ne figure pas dans la
Pharmacopée de Londres de 1809. D’après Crawfurd, son importation en
Europe, pendant longtemps interrompue, recommença à se faire
en 1815, après que ses propriétés médicinales eurent été signalées aux
médecins anglais de Java par leurs serviteurs hindous (4).
Culture et Production (5). — Le Cubèbe est cultivé dans de petites
plantations spéciales, et aussi dans les plantations de café, à Banjoemas,
dans le sud de Java. Les fruits sont achetés par les Chinois, qui les ap-
portent à Batavia. On en produit dans l’est de Java, et près de Bantam,
dans le nord-ouest. Sa culture est très-répandue dans le district de
Lampong, à Sumatra. On a fait récemment une grande distribution
de cette plante aux planteurs de café européens. La culture du Gu-
bèbe est aisée. Dans les plantations de café, certains arbres sont cul-
tivés pour produire de l’ombre. On plante le Cubèbe au pied de ces
(1) Compendium aromatariorum, Bonon., 1488.
(2) Reichard, Beitrcige zur Geschichte der Apotheken, 4825, 424.
(3) Dans VEdinburgh jiciv Dispensatory , de Duncan, ed. 2, 1804, le Piper Cubeba est
très-brièvement décrit, mais sans qu’il soit fait allusion aux propriétés médicinales qu il
possède. Dans la sixième édition du même ouvrage, de 4811, il est tout îi fait laissé de
côté — Voyez aussi Murray, System of Mat. Med. and Pharm , 4810, 1, 266.
(4) Dictionary ofthe lndian Islands, 4856, 117. -M. Crawfurd a communiqué lui- „
même ti VEdinburgh Medical and Surgical Journal, de 4818, XIV, 32, un mémoire fai-
sant connaître le « succès remarquable » avec lequel lo Cubèbe est employé contre la
gonorrhée. . T ,
(5) Nous devons une partie des détails qui suivent il M. Binnendijk, du Jardin bo-
tanique de Buitenzorg, près Batavia. [D. H.]
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 349
arbres, sur lesquels il grimpe jusqu’à une hauteur de 5à6 mètres,
en formant de larges buissons.
Description. — Le Cubèbe du commerce est fourni par les fruits glo-
buleux, secs, cueillis en plein développement, mais un peu avant qu’ils
soient arrivés à une maturité complète. Le fruit a environ 4 millimètres
de diamètre; lorsqu’il est très-jeune, il est sessile, mais il est ensuite
graduellement soulevé par un pédicule droit et mince, un peu plus long
ou même deux fois plus long que lui-même. Les fruits sont attaches
. par ces pédicules, en grand nombre, parfois plus de cinquante sur un
rachis commun, épais, long d’environ 4 centimètres. Les fruits de Cu-
bèbe du commerce sont sphériques, parfois déprimés à la base, un peu
pointus au sommet, fortement ridés par suite de la contraction du péri-
carpe charnu. Ils sont d’un brun grisâtre ou noirâtre, fréquemment cou-
verts d’une poussière d’un gris cendré. Le pédicule est formé par la base
prolongée du fruit, et persiste indéfiniment. L’axe commun ou rachis
est presque dépourvu d’huile essentielle ; on le trouve aussi fréquem-
ment mélangé à la drogue. Le tégument du fruit recouvre un noyau
qui contient la g'raine. Cette dernière est sphérique, un peu comprimée ;
sa surface est lisse; elle n’adhère au péricarpe que par sa base. Son
sommet est tantôt légèrement prolongé, tantôt, au contraire, un peu
déprimé. L’albumen est forme, blanchâtre, huileux; il renferme un
petit embryon situé au-dessous du sommet. Dans le Cubèbe des bou-
tiques, la graine est le plus souvent incomplètement développée et ridée,
et le péricarpe est presque vide.
Le Cubèbe possède une saveur forte, aromatique, persistante, accom-
pagnée d’un peu d’amertume et d’âcreté. Son odeur est légèrement
aromatique et n’est pas désagréable.
Structure microscopique. — La structure microscopique du Cubèbe
offre quelques particularités. Le péricarpe est formé, au-dessous de
l’épiderme, par de petites cellules cubiques, à parois épaisses, disposées
en une couche interrompue, et n’ayant que la moitié de la largeur de
celle qu’on trouve dans le Poivre noir. La couche moyenne, large, est
formée de petites cellules contenant des gouttes d’huile, des granules
d’amidon et des groupes cristallins de cubébine, probablement aussi de
la graisse. Cette couche moyenne est interrompue par de larges cellules
à huile, qui contiennent fréquemment des cristaux de cubébine en
forme d’aiguilles, unis en groupes concentriques. La zone interne,
beaucoup plus mince, est formée d’environ quatre couches de cellules
un peu plus larges, allongées tangentiellement, molles et contenant de
350
PIPÉRACÉES.
l'huile essentielle. En dedans de cette zone, se trouve le noyau cassant,
coloré en jaune clair, et formé d’une couche de cellules très-pressées, à
parois épaisses, allongées radialement. Enfin, l’embryon est recouvert
d’une membrane brune, mince, offrant la structure et le contenu de
celle qu’on trouve dans le Poivre noir, mais différant de cette dernière
en ce que, dans le Cubèbe, les cellules sont plus arrondies, et contiennent
des cristaux de cubébine et non de pipérine.
Composition chimique. — Le principe constituant le plus abondant
du Cubèbe est l’huile volatile. La proportion fournie par la drogue varie
entre 6 à 15 pour 100. La cause de cette grande variation peut être trou-
vée dans la constitution même de la drogue, dans la grande altérabi-
lité de l’huile, et dans ce fait que son point d’ébullition est très-élevé.
Cette essence est la source de l’arome du fruit ; elle est polymérique
de l’essence de térébenthine, et dévie fortement à gauche les rayons
de la lumière polarisée. Dans les temps froids, l’essence de Cubèbe
vieillie laisse déposer de larges octaèdres rhombiques, d une substance
qui a été désignée sous le nom de Camphre de Cubèbe ou Hydrate de
Cubébine , ayant pour formule G30Ht82IPO. En la conservant longtemps,
nous l’avons vu prendre parfois l’aspect d’un liquide visqueux, assez
semblable, par sa consistance, à l’anéthol. La portion dominante de
l’essence nommée Cubébine , a pour composition CloH2i. Elle bout
à 264° C. Elle est accompagnée d’une petite quantité d’une essence C10H16
bouillant à 160° d’après Oglialoro (1875).
Un autre principe constituant du Cubèbe est la Cubébine , dont on peut
parfois voir les cristaux dans le péricarpe, à l'aide d’une loupe ordi-
naire. Elle fut découverte, en 1839, par Soubeiran et Capitaine. Elle
est inodore, insipide, neutre; elle cristallise en petites aiguilles ou eu
écailles; elle est presque insoluble dans l'eau froide, mais un peu so-
luble dans l’eau chaude; se dissout facilement dans l’alcool bouil-
lant, mais se dépose en majeure partie sous l’influence du refroidisse-
ment. Elle exige 30 parties d’éther froid pour se dissoudre. Bernatzik
a retiré du Cubèbe 0,40 pour 100 de cubébine (1); Schmidt en a
retiré 2,5 pour 100(2). Les cristaux qui se déposent dans 1 extrait al-
coolique ou éthéré de Cubèbe sont formés de cubébine à 1 état impur.
La cubébine est dépourvue de toute action thérapeutique remarquable ;
sa composition répond à la formule G33HHOl0, ou peut-être C H Ü (3).
(1) Bernatzik, in J ahresbericlit über die Fortschritte in der Pharmacie de Canstatt,
1866, XIV, I, 15.
(2) Wiggers et IIusemann, J ahresbericlit , 1870, 52. ... ,
(3) La cubébine dissoute dans 26 parties de chloroforme dévie à gauche le plan de
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 331
La résine extraite du Gubehc est constituée par une partie indifférente,
près de 3 pour 100, et par l’acte cubébique , qui s’élève à la proportion de
1 pour 100 environ de la drogue. Ges deux corps sont amorphes ; il en
est de même, d’après Schmidt, des sels de l’acide cubébique. Bernatzik,
cependant, a trouvé que certains d’entre eux, notamment celui de ba-
rium, sont cristallisables. Schulze a préparé, en 1873, 1 acide cubébique,
en le retirant de son sel cristallisé de sodium, mais il n’a pu l’avoir qu’à
l’état amorphe.
Schmidt a signalé, en outre, dans le Gubèbe, la présence de la gomme,
dans la proportion de 8 pour 100, d’huile grasse, et celle des malates
de magnésium et de calcium.
Commerce. — Il a été importé à Singapore, en 1872, 3062 quintaux,
sur lesquels 2348 quintaux provenaient des îles hollandaises. Pendant
la même année, il fut réexpédié de Singapore 2 766 quintaux de la
drogue. La quantité exportée pour le Royaume-Uni fut de 1 180 quin-
taux; 1 244 quintaux furent dirigés vers les Etats-Unis d’Amérique, et
104 quintaux envoyés dans l’Inde anglaise (1). Pendant l’année précé-
dente, il eu avait été expédié une quantité plus grande dans l’Inde qu’en
Angleterre.
Usages. — Le Gubèbe est très-employé dans le traitement de la
blennorrhagie. On l’administre ordinairement en poudre, et moins fré-
quemment sous la forme d’extrait alcoolique ou éthéré, ou d’huile es-
sentielle.
Bernatzik et Schmidt ont montré que l’efficacité du Gubèbe est
due à la résine indifférente et à l’acide cubébique, et qu’on doit
préférer les préparations qui contiennent ces corps en plus forte pro-
portion, à l’exclusion des autres principes, lis rejettent l’huile essen-
tielle, dont l’administration est accompagnée d’une action thérapeu-
tique différente. Les préparations qui doivent être recommandées sont
les baies dépourvues de leur huile essentielle et de leurs principes so-
lubles dans l’eau, puis desséchées et pulvérisées; ou bien l’extrait
alcoolique préparé avec ces baies, ou bien, enfin, la résine purifiée.
Falsification. — Le Gubèbe est très-peu sujet à être falsifié,
mais la drogue importée en Europe contient toujours une proportion
indue de pédoncules inertes, qu’on doit enlever avant de pulvériser les
polarisation; chauffée avec du pentoxyde de phosphore, elle prend une teinte bleue
persistante. L’essence de Cubèbe agitée avec un peu de pentoxyde acquiert la même co-
loration. [P. A. F.] ■ .
(1) straits Settlements Dlue Boolc for 1872, 294, 338.
352 PIPÉRACÉES.
baies (l). L’acheteur juge de la qualité du Cubèbe, d’après son état plus
ou moinshuileux, et l’odeur qu’exhalent les baies après avoir étébroyées.
Les échantillons qui contiennent une grande proportion de baies pâles,
lisses, tout à fait mûres, qui paraissent secs apres avoir été broyés,
doivent être rejetés.
Nous avons accidentellement trouvé dans le commerce un petit fruit
lisse, bil oculaire, de la taille, de la forme et de la couleur du Cubèbe,
mais dépourvu du long pédicclle de ce dernier. Un examen superficiel
suffisait pour reconnaître que ces fruits n’étaient pas des fruits de Cu-
bèbe. Nous avons aussi trouvé certains échantillons de Cubèbe formés
de fruits plus volumineux que ceux de la sorte ordinaire, très-ridés,
munis d’un pédicelle aplati et plus gros, une fois et demie ou deux fois
plus long que la baie. Cette drogue avait une odeur agréable, diffé-
rente de celle du Cubèbe ordinaire, et une saveur très-amère. En com-
parant ces fruits avec ceux d’échantillons d’herbier, nous nous sommes
arrêtés à l’opinion qu’ils pouvaient provenir du Piper crassipes Kon-
thals ( Cubeba crassipes Miq.), espèce qui habite Sumatra.
Les fruits du Piper Loivong Blume ( Cubeba Loivong Miq.), espèce ori-
ginaire de Java, et ceux du Piper ribesioicles Wall. ( Cubeba Wallichii
Miq.) sont extrêmement semblables à ceux du Cubèbe. Les fruits du
Piper caninum A. Djetr. ( Cubeba canina Miq.), plante très-répandue dans
l’archipel Malais, sont, d’après un échantillon que nous devons àM. Bin-
nendijk, de Buitenzorg, plus petits que ceux du véritable Cubèbe, et leurs
pédoncules n’ont que la moitié du diamètre de la baie.
Dans le sud de la Chine, les fruits du Laurus Cubeba Lour. ont été
fréquemment confondus, par les Européens, avec ceux du Cubèbe.
L’arbre qui les produit est inconnu des botanistes modernes. Meissner
le rapporte, avec doute, au genre Tetranthera (2).
CUBÈBE AFRICAIN OU POIVRE NOIR DE L'AFRIQUE
OCCIDENTALE.
Cettëdrogueestlcfruitdu Piper 67wsiVC.DC. ( Cubeba Clusii Miq.). C’est
une baie arrondie, ayant beaucoup de ressemblance avec le Cubèbe
commun, mais plus petite, moins rugueuse, atténuée en un pédicelle
grêle, une ou deux fois aussi long que la baie, et ordinairement rc-
(1) Ils ont donné îi Schmidt 1,7 pour 100 d’essence et 3 pour 100 de résine.
(2) De Candolle, Prodr., XV, S. I, 199. — Hanbury, in Pharm. Journ., 1802,
III, 203, avec figure.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 383
courbé. Les baies sont disposées autour d’un pédoncule commun ou ra-
chis. Leur coloration est rouge, et passe pai la dessiccation au giis cen-
dré. Elles ont l'odeur et la saveur chaude du Poivre. D’après Stenhousc,
elles contiennent de la pipérine et non de la cubcbinc (1).
Le fruit du Piper Clusii ôtait connu, dès 1364, des marchands de
Rouen et de Dieppe, qui l’importaient de la Côte des Graines, aujourd’hui
Liberia (2), sous le nom de Poivre. Les Portugais l’importaient aussi
de Bénin, dès 1485, sous le nom de Pimienta de rabo, c’est-à-dire Poivre
à queue , et essayaient en vain de le vendre dans les Flandres (3). Clu-
sius reçut de Londres un échantillon de cette drogue, dont il a laissé
une bonne figure dans
ses Exotica (4). Il dit
que son importation fut
interdite parle roi dcPor-
tugal, par crainte qu'il
ne dépréciât le Poivre de
l’Inde. Cette épice était
connue également de Ge-
rarde et de Parkinson. A
notre époque, elle a été
récemment signalée de
nouveau par le docteur
Daniell (3). On l’em-
ploie sur la côte occiden-
tale d’Afrique comme
condiment (6).
(a) Le Piper Cubebah. Fil.
(Suppl., 90) est, comme les
espèces dont il a déjà été
,. , . . Fig. 240. Piper Cubbea,
question, une plante à tiges D
aériennes ligneuses, grimpantes ; à branches arrondies, de la grosseur d’une plume
d’oie, lisses, d’un gris cendré, renflées et articulées au niveau des nœuds,, et émet-
tant dans ces points des racines adventives à l’aide desquelles elles se lixent sur
(1) Pharm. Journ., 1855, XIV, 3G3.
(2) Mahgry, les Navigations françaises et la Révolution maritime du XIVe au
XVIe siècle, 1867, 26.
(3) Giovanni di Barros, l'Asia, Vcnet., 1361, I, 80.
(4) Lib. I, c. 22, p. 184.
(5) Pharm. Journ., 1855, XIV, 198 ; et plus récemment aussi par Schweinfurth.
(6) Un baril de ce poivre fut mis en vente à Londres, sous' le nom de « Cubë'ôs », le
Il février 1858.
IIIST. DES DROGUES, T. II.
23
354 PIPÉRAGÉES.
les objets qui les supportent. Les jeunes rameaux sont finement laineux, ainsi que
les pétioles. Les feuilles sont pétiolées, oblongues ou ovales-oblongues, acumi-
nées, arrondies ou obliquement cordées à la base, coriaces, lisses, penninerves, mu-
nies de nervures saillantes; elles sont longues de 10 à 15 centimètres, et larges de
4 â 5 centimètres. Les épis floraux sont disposés à l’extrémité des branches, en face
des feuilles, et. portés par des pédoncules aussi longs que les pétioles. Les fleurs sont
dioïques, les mâles et les femelles étant portés par des pieds différents. Les brac-
tées florales sont adnées au rachis de l'inflorescence, sauf au niveau de leurs bords.
Les fleurs offrent l’organisation de celles du Poivre noir (vov. p. 342, note a). Les
fruits se distinguent par les longs pédoncules qui les supportent. [Thad.]
MA T I C O.
Iicrba Matico.
Origine botanique, — Piper angustifolàm Ruiz et Pavon ( Artanthe
elongata Miq.). C’est un arbuste qui croît dans les terres humides de la
Bolivie, du Pérou, du Brésil, de la Nouvelle-Grenade et du Venezuela. On
le cultive aussi dans quelques localités (à). On trouve dans les provinces
brésiliennes de Bahia, Minas Geraes et Cearâ, ainsi qu’au Pérou et dans
les parties nord de l’Amérique du Sud, une forme plus vigoureuse de
cette plante, avec des feuilles longues de 18 à 20 centimètres, la var. x
cordulatum C. DC.
Historique. — Les propriétés styptiques de cette plante passent pour
avoir été découvertes par un soldat espagnol nommé Matico (1), qui,
ayant appliqué sur ses plaies quelques feuilles, observa que l’écoule-
ment du sang s’était immédiatement arrêté. La plante reçut pour ce mo-
tif le nom d’ Yerba ou Polo del soldado (Herbe ou Arbre du soldat). Cette
histoire n’est peut-être pas très-véridique, mais elle est très-répandue
dans plusieurs parties de l’Amérique du Sud. La plante dont nous par-
lons n’est pas du reste la seule à laquelle on applique cette légende.
Les propriétés hémostatiques du Matico sont notées dans les ou-
vrages de Ruiz et Pavon. Elles furent signalées pour la première fois
en Europe, en 1839, par Jeffreys (2)/ médecin de Liverpool, mais elles
avaient déjà attiré l’attention dans l’Amérique du Nord, dès 1827 .
Description. — Le Matico, tel qu’il arrive dans le commerce, consiste
en une masse comprimée, adhérente et cassante, de tiges et de feuilles
colorées en vert clair, et exhalant une odeur herbacée agréable. Exa-
minée de plus près, cette masse se montre formée de tiges articulées,
Le mot Matico est un diminutif de Matco, traduction espagnole de Matthieu.
(2) Remarks on the cfficacy of Matico as a styptic and astringent, cd. 3, Lond.,
ms.
HISTOIRE DES DROGUES D’OIUGINE VÉGÉTALE. 355
portant des feuilles lancéolées, acuminées, cordées et inégales à la hase,
et munies de très-courts pétioles. Les feuilles sont un peu
épaisses ; toute leur surface supérieure est parcourue par
un système de petites nervures déprimées qui la divisent
en petits carrés et lui donnent une apparence marquetée.
Sur la face inférieure, ces carrés forment des séries cor-
respondantes de dépressions couvertes de poils hérissés.
Les feuilles ont de 12 à 13 centimètres de long, et environ
4 centimètres de large. Les épis de fleurs et de fruits ont
souvent 10 à 12 centimètres de long; ils sont grêles et
cylindriques, portent des fleurs et des fruits très-pressés.
Les feuilles de Matico possèdent une saveur aromatique,
et un peu amère.
Composition chimique. — Les feuilles de Matico four-
nissent une faible proportion d’huile essentielle que nous
/sTi Fig. 241 • Feuille
avons trouvée légèrement dextrogyre (I). La plus grande d e Piper angustifo-
partie de cette essence distille entre 180° et 200° G., le hum reckute-
reste devient plus épais. Les deux portions sont plus légères que l’eau ;
mais un autre échantillon de cette huile essentielle, que nous avons
conservé pendant quelques années, s’enfonce dans l’eau. Nous avons
observé que, pendant l’hiver, l’essence de Matico laisse déposer des
cristaux extrêmement remarquables d’un camphre, longs de plus de
1 centimètre, fusibles à 103° G., et que nous croyons être un mélange
de deux substances.
Le Matico fournit, en outre, d’après les recherches faites par Mar-
cotte, 1864 (2), un acide cristallisable, nommé acide Artanthique , et une
certaine quantité de tannin. La présence de ce tannin est décelée par la
coloration brun foncé que prend une infusion de Matico quand on y
ajoute du chlorure ferrique. Les feuilles contiennent aussi de la résine,
mais, ainsi que l’a montré S tell, en 1858, elles ne renferment ni pipé-
rine ni cubébine.
Commerce. — Cette drogue est importée en balles et en sacs par la
voie de Panama.
Usages. — Les feuilles de Matico, préalablement ramollies dans l’eau
ou à l’état de poudre, sont parfois employées pour arrêter l’écoulement
de sang des blessures. On prend aussi leur infusion contre les hémor-
rhagies internes.
(1) La déviation est seulement de 0°,7 en colonne de 50 millimètres.
(2) üumouHT et Planchon, Ilist. des Drogues, 1869, II, 278.
336 PIPÉRACÉES.
Substitutions. — Plusieurs plantes ont été parfois apportées sur le
marché sous le nom de Matico. L’une d’elles est le Piper aduncum L.
( Artanthe adunca Miq.). Une certaine quantité en fut importée à Lon-
dres, de l’Amérique Centrale, en 1863, et déterminée par Bentley (1).
Par la couleur, l’odeur et la forme de la feuille, elle ressemble beaucoup
au Matico ordinaire, mais elle en diffère en ce que ses feuilles sont mar-
quées en dessous d'un plus grand nombre de nervures ascendantes
parallèles, entre lesquelles le limbe n'est pas rugueux, mais au contraire
relativement lisse et presque glabre. Par leurs caractères chimiques, les
feuilles du Piper aduncum paraissent ressembler à celles du Piper anyus-
ti folium. Le Piper aduncum est très-répandu dans l’Amérique tropicale.
Sous le nom de Nhandi ou Piper longum, il fut mentionné par Pison,
en 1648 (2), à cause de l’action stimulante de ses feuilles et de sa ra-
cine. On l’emploie encore pour ce motif au Brésil, mais on ne paraît
lui attribuer aucune propriété styptique (3). Dans ce pays, on se sert de
ses fruits à la place de ceux du Cubèbe.
D’après Triana, le Piper lanceæfçlium H. B. K. ( Artanthe Miq.) est une
autre espèce non déterminée, fournissant, à la Nouvelle-Grenade, du
Matico (4). Le Waltherid glomerata Presl, de la tribu des Sterculiées, est
nommé, à Panama, Palo del soldaclo, et ses feuilles y sont employées
comme vulnéraires (o). ,
Le Piper anguslifolium Ruiz et Pavon ( Flor . peruv., I, 38, f. »7, f. o) est une
plante à fleurs hermaphrodites ou unisexuées, à rameaux glabres, à ramuscules plus
ou moins velus. Les feuilles sont courtement pétiolées, un peu obliques, lancéolées
ou elliptiques-oblongues, longuement acuminées, arrondies et inégales à la base et
même un peu cordées, verruqueuses et couvertes de poils rigides sur la face supé-
rieure, revêtues en dessous d’une pubescence molle; elles sont rigides, subcoriaces,
munies de ponctuations pellucides, et de nervures saillantes en dessous, la nervure
médiane émettant des nervures latérales parmi lesquelles les sept ou huit supé-
rieures remontent vers le sommet de la feuille. Le pétiole est velu et engainant à
la base. Les inflorescences sont oppositifoliées et supportées par des pédoncules a
peu près deux fois aussi longs que les pétioles et velus. Les bractées sont lisses,
peltées au sommet, triangulaires, velues sur les bords. L’androcée est formé de
quatre étamines. L’ovaire est surmonté de stigmates sessiles, filiformes. Les baies
sont glabres. Les chatons mûrs sont allongés et épais. [Trad.]
(1) Pharm. Journ., 1864, V, 290.
(2) De Medicinâ Brasiliensi , lib. iv, c. 57.
(3) Langgaard, Diccionario de medicinâ domestica e popular, Rio de Janeiro, 1865,
II 44.
’(4) Expositioii de 1867, Catalogue de M. José Triana, 14.
(3) Seemann, Botany of the Herald, 1852, 57, 85.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
357
ARISTOLOCHIACÉES.
RACINE DE SERPENTAIRE.
Jiadix Serpentcirix; Radix Serpentarix Virginianx; Serpentaire de Virginie; angl., Virginian
Snake-Root ; Serpentary Root; allem., Schlangemvurzel.
Origine botanique. — Aristolochia Serpentaria L. C’est une herbe vi-
vace, atteignant à peine d’ordinaire 30 centimètres de haut, avec des
tiges aériennes flexueuses, simples ou peu ramifiées, qui portent des
fleurs petites, solitaires, colorées en pourpre foncé. Elle croît dans les
bois ombreux des Etats-Unis, depuis le Missouri et l’Indiana jusqu’à la
Floride et la Virginie. Elle est abondante dans les Alleghanies et dans
les montagnes du Cumberland; on la trouve en moindre quantité dans
le New-York, le Michigan et les autres Etats du Nord. La forme des
feuilles est extrêmement variable (a).
Historique. — Les plus auciens renseignements que nous possédions
sur la racine de Serpentaire sont dus à Thomas Johnson, apothicaire
de Londres, qui publia une édition de Gerarde en 1636. Il est évident,
cependant, que Johnson confondit une espèce d 'Aristolochia de Crète
avec celle qu'il nomme « la Serpentaire , qui est apportée de Virginie,
et qui a été cultivée par M. John Tradescant, à Lambeth sud, en 1632 » .
Elle fut aussi brièvement indiquée par Cornuti, dans sa Canadensium
Platitarum B tsloria { 1633), et d’une façon plus scientifique par Parkinson,
en -1640. Ces auteurs, ainsi que Dale (1693) et Geoffroy (1741), exaltent
les vertus de la racine contre les morsures des serpents, et contre
la rage. La Serpentaire fut introduite dans la Pharmacopée de Londres
en 1650.
Description. — La Serpentaire du commerce est formée, en partie,
par le rhizome, qui est noueux, contourné, long de moins de 3 centi-
mètres et épais de 3 millimètres environ ; il porte sur sa face supérieure
les hases courtes des tiges des années précédentes, et sur sa face infé-
rieure de nombreuses racines grêles, ramifiées, longues de 5 à 10 cen-
timètres. Le rhizome est souvent encore fixé à une portion de tige her-
bacée qui, parfois, porte des fruits, et plus rarement des fleurs et des
feuilles. La drogue est colorée en brun foncé ; elle possède une odeur
aromatique analogue à celle de la Valériane, mais moins désagréable,
et une saveur aromatique, un peu amère, rappelant celles du camphre,
de la térébenthine et de la Valériane.
388 ARISTOLOGHIACÉES.
Structure microscopique. — Dans le rhizome, la couche extérieure
de l’écorce est formée d’une couche simple de cellules cuboïdes. La
portion corticale moyenne (mésophlœum) se compose d environ six
couches de grandes cellules. Le liber est constitué par de nombreuses
couches de cellules plus petites; celles des rayons médullaires sont
presque cubiques et pourvues de parois ponctuées; celles des faisceaux
libériens sont plus petites, et disposées en forme de croissant. Dans les
faisceaux ligneux, des groupes de vaisseaux courts, réticulés et ponc-
tués, alternent avec des fibres ligneuses, ponctuées, qui, dans le voisi-
nage de la moelle, ont des parois épaisses. Les cellules les plus larges
sont celles qui composent la moelle. Cette dernière, vue sur une sec-
tion transversale, n’occupe pas tout à fait le centre de la souche, mais
est plus rapprochée de sa face supérieure. Les racines offrent un
faisceau fibrovasculaire central, entoure par une gaine. Dans le mé-
sophlœum delà souche et des racines, on trouve un petit nombie de
cellules qui contiennent une huile essentielle jaune. Les autres cellules
sont remplies d’amidon.
Composition chimique. — L’huile essentielle existe dans la drogue
dans la proportion d’environ \ demi pour 100. La résine y est à peu
près dans la même proportion. La couche corticale externe, et la zone de
la gaine, contiennent une petite quantité de tannin, et l’infusion aqueuse
de la drogue se colore en vert sous l’influence du perchlorure de fer.
L’acétate neutre de plomb précipite un peu de mucilage et un principe
amer qui est peut-être Y Aristolochùie de Chevallier. On peut aussi obtenir
ce dernier à l’aide de l’acide tannique. C’est une substance amorphe,
amère ; elle demande de nouvelles investigations. La solution de tartrate
alcalin de cuivre rend évidente, dans la Serpentaire, la présence du
sucre •
Commerce. — La Serpentaire de Virginie est importée de New-Yoïk
et de Boston, en balles, en sacs et en caisses.
Usages. — La Serpentaire est employée sous forme d infusion et de
teinture, comme tonique stimulant et diaphorétique. On la présent
plus souvent combinée à l’écorce de Quinquina que seule. Son ancienne
réputation dans le traitement des plaies produites par les morsures
de serpent est aujourd’hui perdue.
Falsification et substitution.- La Serpentaire de Virginie passe pour
être parfois falsifiée avec la racine de Spigelia manlandxca L., qui n a
ni son odeur ni sa saveur, ou avec celle du Cypripedium pubescens L
qui lui ressemble à peine. Il n’est pas rare de trouver, çà et la, dans a
3S9
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
Serpentaire du commerce, la racine du Panax 'qüinquef olium L., re-
cueillie par accident, mais non ajoutée dans un but de falsification.
La racine de Y Aristolochia reticulata Nutt., plante de la Louisiane
et de l’Arkansas, a été introduite dans le commerce en quantité con-
sidérable, sous le nom de Serpentaire du Texas ou Serpentaire de la
Rivière-Rouge (1). Nous avons sous les yeux un échantillon authentique
provenant du pays de Gherokee, et dû à M. Merrell, grand marchand
herboriste de Saint-Louis, Missouri. Il nous informe que toute la Ser-
pentaire recueillie dans le sud-ouest des montagnes Rocheuses est pro-
duite par cette espèce. Le professeur Parrish, de Philadelphie, nous a
envoyé la même drogue, et de bons échantillons de la véritable Ser-
pentaire de Virginie ou Middle States Snake-root.
La Serpentaire du Texas est un peu plus épaisse et moins aplatie que
celle qui provient de VA. Serpentaria. Elle en possède la saveur et l’o-
deur, mais elle est un peu moins aromatique. La plante, dont quelques
parties sont souvent mélangées auxrhizomes, se distingue facilement par
ses feuilles coriaces , sessiles et fortement réticulées sur leur face inférieure.
(a) Les Aristoloches ( Aristolochia Tournefort, Inslit ., 162, t. 71) sont des Aris-
tolochicRcées à calice coloré, tubuleux, permanent, souvent indivis ; à anthères unies
dans toute leur longueur avec le style ; à ovaire infère, divisé en six loges plurio-
vulées ; à capsule déhiscente en six valves.
L’Aristolochia Serpentaria L. (, Species , 1363) est une plante à souche vivace, as-
cendante, courte, émettant un assez grand nombre de rameaux aériens articulés,
flexueux, grêles, souvent teintés de rouge, simples ou peu ramifiés, feuillés dans le
haut, nus dans le bas où naissent les fleurs. Les feuilles sont alternes, courtement
pétiolées, entières, acuminées, ordinairement ovales-cordées et trinerviées à la base,
plus rarement hastées-cordées ou ohlongues. Les feuilles les plus grandes sont poly-
morphes, longues de 9 centimètres environ et larges de 5 centimètres. Les fleurs
sont portées chacune par un rameau floral qui s’élève de la partie inférieure de la
tige, et produit d abord quatre à six bractées, puis se termine par une fleur. Les fleurs
sont hermaphrodites, irrégulières. Le calice est coloré en pourpre brunâtre, sombre ;
il est gamosépale et constitué par un long tube recourbé en S, renflé â ses deux ex-
trémités, limité au niveau de son ouverture par un bord dilaté et réfléchi en dehors,
formant deux lèvres, l’une supérieure, l’autre inférieure, qui dans le bouton se réu-
nissent en triangle. L’androcée est formé de six anthères biloculaires, extrorses, dé-
hiscentes par des fentes longitunales, connées avec les six faces du style qui est si-
tué entre elles et surmonté d’un stigmate convoluté, étalé au-dessus des anthères,
de façon <i rendre la fécondation directe il peu près impossible. Le gynécée se com-
pose d un ovaire tout â fait infère, allongé, ohlong, hexagonal, divisé en six loges
qui contiennent chacune un grand nombre d’ovules anatropes, insérés dans leur
angle interne sur deux rangées verticales et se touchant par leurs raphés. Le fruit
(I) Wiegand, in American Journal of Pharm., 1845, X; Pt'occedinrjs ofthe amcri-
can pharmaceutical Association, 4 873, XXI, 441.
300
CASTANÉACÉES.
est une capsule oliovnle, ii six angles, divisée en six loges contenant de nombreuses
petites graines triangulaires, aplaties, horizontales, couchées les unes au-dessus des
autres. La déhiscence est scpticide. Les graines contiennent un albumen corné, à la
base duquel se trouve un petit embryon. [Tiud.]
CASTANÉACÉES.
ÉCORCE DE CHÊNE.
Cortex Quercus; nngl., Gale Bark; nllcm., Eichenrinde.
Origine botanique. — Quercus robur L. C’est un arbre indigène de
presque toute l’Europe, partant du Portugal et de la péninsule Grecque,
pour atteindre le 58e de latitude nord en Ecosse, le 62° en Norwége, et
le 5ôe dans les montagnes de l’Oural («).
Il existe deux formes remarquables de cet arbre, regardées par plu-
sieurs botanistes comme des espèces distinctes, mais considérées par
De Candolle (1) comme des sous-espèces :
1° pedunculata , à feuilles sessiles ou courtement pétiolées, à fruits por-
tés par un long pédoncule ;
2° sessiliflora, à pétioles plus ou moins allongés, et à fruits sessiles ou
portés par un pédoncule court.
Ces deux formes existent dans la Grande-Bretagne. La première est le
Chêne commun de la plus grande partie de l’Angleterre et des parties
inférieures de l’Ecosse. La seconde se rencontre fréquemment dans les
bois, où domine la première, et elle forme la plus grande partie des
forêts du sud de l’Angleterre. Dans la Galles du Nord, sur les collines éle-
vées du nord de l’Angleterre, et en Ecosse, elle est plus commune que
l’autre forme (Bentham).
Historique. — Les propriétés astringentes de toutes les parties du
Chêne (2) étaient bien connues de Dioscoride, qui recommande la dé-
coction de la partie interne de l’écorce contre la diarrhée, la dysenterie
et les crachements de sang. Cependant, l’écorce de Chêne paraît n’avoir
jamais été tenue en grande estime comme médicament, probablement
parce qu’elle est très-commune. Elle est aujourd’hui à peu près com-
plètement remplacée par les autres astringents. Elle a toujours été
beaucoup employée dans le tannage des peaux.
Description. — Pour l’usage médicinal, on recueille l’écorce des
(1) Prodromus, 1804, XVI, S. IL faso. 1.
(2) Probablement, pas du Quercus robur L.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 3G)
jeunes tiges et clés branches, au début du printemps. Son aspect varie
avec l’âge du bois sur lequel elle a été prise. Celle qu’on trouve d’ordi-
naire chez les droguistes anglais est en morceaux plats ou en forme de
gouttières, de longueur variable, et épais de 2 millimètres au moins,
lisses, colorés en gris argenté, luisants, avec des taches brunes et de pe-
tites écailles. La surface interne est colorée en brun de rouille clair, et
munie de stries longitudinales. La cassure est courte et fibreuse. Sur une
section transversale, on voit une couche subéreuse mince, grisâtre, en
dedans de laquelle se trouve un parenchyme brun, traversé par de
nombreuses zones de taches translucides et incolores. L’écorce sèche
de Chêne ne possède qu’une odeur très-faible ; mais lorsqu’on la
mouille, elle dégage une odeur de tan manifeste. Sa saveur est astrin-
gente et un peu amère dans les vieilles écorces.
structure microscopique. — La couche extérieure des jeunes écorces
de Chêne est formée de petites cellules subéreuses aplaties. La couche
moyenne présente des cellules plus larges, à parois épaisses, un peu
allongées tangentiellement, contenant de la chlorophylle et des granu-
lations de matière colorante brune. De ce tissu, on passe graduellement
au parenchyme plus mou et plus étroit de l’écorce interne, qui est ré-
gulièrement traversé par des rayons médullaires étroits. Il offre, en
outre, une couche un peu interrompue de cellules à parois épaisses
(sclérenchyiue), et des faisceaux isolés de fibres libériennes. Des groupes
de cristaux d’oxalate de calcium se rencontrent fréquemment dans
l’écorce moyenne et interne, mais le contenu le plus important des cel-
lules consiste en granules bruns de matière colorante et en tannin. A
mesure que l’épaisseur de l’écorce s’accroît, le liber devient de plus
en plus superficiel, la couche moyenne de l’écorce étant en partie
détruite par une formation de liège secondaire (rhytidome). Il en résulte
que les écorces les plus jeunes, qui seules sont médicinales, ont une
structure et un aspect très-différents de ceux des vieilles écorces (b).
Composition chimique. — Le principe constituant le plus important
de l’écorce de Chêne est une sorte particulière de tannin. Stenhouse
indiqua, en 1843, que l’acide tannique de l’écorce de Chêne n’est pas
identique à celui de la noix de galle. Ces observations ont été plus
tard confirmées. La première de ces deux substances, nommée aujour-
d hui acide Querci-Lannique, donne, par distillation sèche, de la pyroca-
téchinc et non du pyrogallol. Il ne fournit pas par oxydation d’acide
gallique. Une solution de gélatine est précipitée par l’acide querci-t'an-
nique de même que par l’acide gallo-lannique ; cependant, le composé
3G2
CASTANÉACÉES.
formé avec co dernier se décompose très-facilement, tandis que le tan-
nin de l’écorce de Chêne, qui est cependant accompagné par une grande
quantité de matière extractive, fournit un composé stable, et est ca-
pable de produire un bon cuir.
Comme l’acide querci-tanniquc n’a pas encore été isolé à l’état de pu-
reté, l’estimation exacte de l’énergie du principe tannant de l’écorce de
Chêne n’a pu être encore obtenue, ce qui aurait, cependant, une grande
importance, aussi bien au point de vue économique qu’au point de vue
scientifique. La meilleure méthode employée pour cela est celle de
Ncubauer (1873). Elle repose sur la proportion de permanganate de po-
tassium que peut décomposer l’extrait d’un poids déterminé d’écorce de
Chêne. Neubauer a trouvé, dans l’écorce de jeunes tiges cultivées pour
le tannage, de 7 à 10 pour 100 d’acide querci-tannique soluble dans
l’eau froide. En 1843, Gerbe r retira de l’écorce de Chêne une substance
neutre, incolore, cristallisable, amère, soluble dans l’eau, insoluble dans
l’alcool absolu et dans l’éther. Il la nomma Quercine. Elle exige de nou-
velles recherches. G. Eckert (1) n’a pas pu la découvrir dans l’écorce du
Chêne jeune.
Usages. — L’écorce de Chêne n’est que rarement employée en qua-
lité d’astringent, et'l’on n’en fait guère usage qu’à l’extérieur.
(a) Les Chênes ( Quercus L. Généra, 725) sont des Castanéacées à fleurs monoïques ;
les mâles disposées en chatons et formées de huit étamines ou davantage ; les
femelles formées d’un périanthe à six divisions, et d’un ovaire infère, globuleux, à
trois loges biovulées ; à fruit uniloculaire et monosperme par avortement, sec, en-
touré à la base par une cupule écailleuse ou tuberculeuse.
Le Quercus robur L. ( Species , 1414) est un grand arbre à tronc ordinaire-
ment droit et court, très-ramiûé, à rameaux étalés et très-feuillus, les plus gros re-
couverts, comme le tronc, d’une écorce subéreuse épaisse, crevassée, les plus jeunes
lisses et colorés en brun grisâtre. Les feuilles sont alternes, caduques, portées par
des pétioles plus ou moins allongés, sessiles même dans la variété qui a tiré son
nom de ce caractère. Leur limbe est mince, mais résistant, coloré en vert foncé et
luisant en dessus, plus pâle et parfois laineux en dessous, obovale-oblong, sinueux
ou même divisé sur les bords en lobes arrondis et pourvus chacun d une nervure
saillante en dessous, qui part de la nervure principale, et fournit elle-même des ner-
vures latérales fines et anastomosées. Les feuilles sont accompagnées de deux sti-
pules caduques. Les fleurs males sont sessiles sur 1 axe du pédoncule commun al-
longé, distantes les unes des autres, et situées à l’aisselle de bractées membraneuses.
Chaque fleur se compose d’un périanthe simple, à divisions libres, variables en
nombre, et d’étamines en même nombre que les folioles du périanthe auxquelles
elles sont superposées, ou quelquefois plus nombreuses. Chaque filet supporte
une anthère biloculaire, extrorse, déhiscente par deux fentes longitudinales. Les
(1) Wittstiîin, Vierteljahrcssehv. für pmkt. Phctrm., 1864, XIII, 494.
363
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
fleurs femelles sont également disposées, mais en nombre moindre, le long d’un pé-
doncule commun, à l’aisselle de bractées qui restent membraneuses. Chaque fleur
se compose d’un périanthe <\ trois divisions, et d un ovaire infère, triloculairc, sur-
monté d’un style divisé en trois branches stiginatiques situées en face des folioles
du périanthe. Chaque loge ovarienne contient deux ovules anatropes, insérés dans
l’angle interne, suspendus, à micropyle dirigé en haut et en dehors. L’ovaire est
entouré d'une cupule formée par une dilatation du pédoncule floral revêtu d appen-
dices en forme de bractées ou de tubercules plus ou moins développés (1). Deux
des loges de.l’ovaire avortent normalement, ainsi que l’un des ovules de la loge unique
qui persiste, et le fruit est un akène uniloculaire, renfermant une seule graine dé-
pourvue d’albumen et contenant un gros embryon à cotylédons épais et allongés.
Le fruit est entouré, à la base, de la cupule accrue et devenu ligneuse. On a donné
n son ensemble le nom de gland. [Trad.]
(b) L’écorce de Chêne offre, comme l’indique la coupe transversale repré-
sentée dans la figure 242 pratiquée sur une écorce
de jeune chêne, épaisse de 7 à 8 millimètres :
1° une couche subéreuse a, a' qui forme la limite de
l’écorce, l’épiderme ayant été détaché ainsi que le
parenchyme cortical situé au-dessous de lui par un
procédé que nous indiquerons plus bas. La zone a,
a' se décompose nettement en deux couches très-
distinctes : l’une externe a, formée de cellules qua-
drangulaires à parois brunes, sèches, à cavité dé-
pourvue de protoplasma, et ayant par suite perdu
toute vitalité ; l'autre intérieure, a' formée égale-
ment de cellules quadrangulaires comme la pre-
mière, mais très-différente par la présence dans ses
cellules d’un protoplasma abondant et par la colo-
ration blanche, claire, des parois cellulaires. Les
cellules de cette couche constituent le phellogène, ou
couche génératrice, qui a produit d’une part les
cellules brunes situées en dehors d’elle, et d’autre
part la zone de parenchyme cortical sous-jacente b.
Celle-ci est formée de cellules polygonales, sans
méats intercellulaires, à parois minces et claires.
Elle a été produite par la couche phellogénique de la
zone a. Au milieu des cellules parenchymateuses
minces qui la composent en majeure partie, sont dispersés de petits groupes irrégu-
liers de cellules sclérenchymateuses à parois épaisses, lignifiées et fortement ponc-
tuées, et d’autres groupesplus petits de cellules prosenchvmateuses, allongées, fusifor-
mes, h parois claires, très-épaisses et à cavité capillaire. En dedans du parenchyme b, se
trouve, en c, c\ une nouvelle zone subéreuse formée également, dans toute sou épais-
seur, de cellules rectangulaires très-régulières, et décomposable comme la plus externe
en deux couches, l’une extérieure c dont les cellules commencent à brunir et à perdre
leur protoplasma. Lorsque leur vitalité sera entièrement supprimée, elles intercepte-
ront les communications duparenchyme situé en dehors d’elle, et la portion interne de
(1) Voyez pour le développement de l’organe analogue des Châtaigniers : H. Bâil-
lon, Bull, de l’Assoc. pour l’avanc. des sc., 187B, 145.
3G1 CASTAN ÉACÉES.
l’écorce ainsi que le parenchyme se mortifieront, puis se détacheront en entraînant les
couches a et a', qui elles-mêmes ont déjà déterminé de la sorte la chute du parenchyme
cortical et de l’épiderme qui formaient clans le jeune rameau la périphérie de l’é-
corce. La couche interne c' joue également le même rôle que la couche a', et offre
les mêmes caractères. Elle constitue comme elle une couche génératrice qui produit
en dehors les cellules de la couche c et en dedans les cellules du parenchyme d. Ce
dernier offre les mêmes caractères et la même structure que celui de la zone b. Eu
dedans de lui se trouve, en c, e' une troisième zone de phellogène également décoin-
posable en une couche e, en voie de mortification et en une couche e génératrice de
la couche e, et donnant naissance en même temps <\ un nouveau parenchyme qui
comme le montre la figure, n’est encore représenté que par une ou deux rangées de
cellules, situées entre la couche e'et le liber g. Lorsque ce parenchyme aura acquis
une certaine épaisseur, les cellules situées dans sa région interne, au voisinage du
liber, se transformeront à leur tour en une couche phellogénique nouvelle, produi-
sant en dehors du liège et en dedans un nouveau parenchyme.
Par suite de ces formations successives dont la figure 212 peut donner une bonne
idée, la portion de l’écorce du Chêne située en dehors du liber subit sans cesse un
accroissement en épaisseur, mais en môme temps elle s’exfolie au niveau de sa su-
perficie par suite de la mortification qu’entraînent les zones de cellules subéreuses
qui se produisent dans son épaisseur. Le liber g offre une épaisseur assez considé-
rable. Il est formé de faisceaux assez étroits, séparés les uns des autres par des
rayons médullaires formés, d’ordinaire, d’une seule rangée de cellules allongées ra-
dialement. Chaque faisceau se compose de bandes alternantes d éléments à parois
minces, polygonaux, et de fibres libériennes à parois épaisses, blanches et claires, et
à cavité capillaire. Ces fibres ont une très-grande solidité, mais elles n atteignent
qu’une longueur peu considérable, ce qui explique la cassure fibreuse de 1 écorce
de Chêne. [Trad.]
GALLES D’ALEP.
G allas Halepenses; Gallæ Turcicx ; Noix de Galle, Galle d'Alep; angl., Galls, A utgalls, Gale Galts,
Aleppo or Turkey G ails ; allem., Levantisehe oder Alcppische Galien, GalUepfel.
Origine botanique. — Quercus lusilanica Webb, var. infectoria ( Quercus
infectoria Oliv.) (1). C’est un arbuste, ou rarement un arbre, croissant en
Grèce, en Asie Mineure, clans l’île de Chypre et en Syrie (a). Il est pro-
bable que d’autres variétés de cette espèce, et même d autres espèces voi-
sines de Chênes, contribuent à fournir les Galles d’Alep du commerce.
Historique. — Les Noix de Galle sont nommées par 1 héopbraste, qui
vivait au troisième ou au quatrième siècle avant Jésus-Christ. Elles
étaient bien connues des autres écrivains anciens. Pline (2) mentionne
ce fait intéressant, que le papier imbibé d’une infusion de Noix de Galle
peut être employé pour découvrir le sulfate de fer avec lequel on falsifie
le vert-de-gris, plus coûteux. C’est là, d’après Kopp, la plus ancienne
(1) De Candolle, Prodromus, X\ I, S. II, 17.
(2) Lib. 34, c . 20.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 3G5
mention de l’application scientifique d’une réaction chimique (1). Dès
les temps les plus reculés, on a employé la Noix de Galle dans le tannage
cl dans la teinture.
La Noix de Galle constitue, depuis fort longtemps, un objet de com-
merce entre l’Asie occidentale et la Chine. Barbosa, dans sa Descrip-
tion des Indes Orientales (2), écrite en 1514, la nomme Magican (3), et
dit quelle est apportée du Levant' à Cambay par la voie de Mekka, et
qu’elle constitue un objet de commerce très-important en Chine et à
Java. Porter Smith (4) nous apprend qu’elle est encore aujourd’hui
très-estimée des Chinois.
Formation. — Un grand nombre de plantes sont piquées par des in-
sectes qui déposent leurs œufs dans la plaie, et ces piqûres sont ordi-
nairement suivies d’excroissances qui ont reçu d’une façon générale le
nom de galles (5). Les Chênes sont particulièrement fréquentés dans ce
but par des insectes hyménoptères, et par le genre Cynips, dont une
espèce, le Cynips Gallæ tinctoriæ Olivier ( Diplolepis Gallæ tinctoriæ
Latreille), détermine la formation de la galle dont nous nous occu-
pons ici.
La femelle de ce petit insecte est munie d’une tarière délicate ou ovis-
cape, qu’elle peut faire saillir de l’extrémité postérieure de son abdo-
men, et dont elle se sert pour perforer les jeunes bourgeons du Chêne, et
y déposer un ou plusieurs œufs. Cette petite opération détermine dans le
bourgeon une accumulation considérable des sucs de la plante, dont le
résultat est la production rapide d’une excroissance souvent très-volumi-
neuse, dans le centre de laquelle (mais cela n’est visible que lorsque la
galle a atteint tout son développement) la larve éclôt, et subit toutes ses
métamorphoses. Lorsqu’elle a atteint la dernière phase de son évolution,
et qu’elle est devenue un insecte ailé, ce qui exige une durée de cinq ou
six mois, elle se creuse un chemin cylindrique depuis le centre de la
galle jusqu à sa surface, et prend son vol. Dans les meilleures galles du
commerce la sortie de l’insecte n’a pas encore eu lieu, parce qu’on les a
ceuillies tandis que 1 insecte était encore à l’état de larve. En choisissant
(1) Geschichte der C hernie, 1844, II, 81.
(2) Publié par la Ilakluyt Society, Lond., 1866, 191.
(1 2 3 4) On emploie encore aujourd’hui à peu près le même nom dans tes langues tamul,
teiugu, malayalim et canarese.
(4) Mat. Med. and Nat. Hist. of China, 1871, 100.
(•>) Les écrivains français, notamment Moquin-Tandan, distinguent les galles à parois
épaisses u Cynips, des galles capsulaires, à parois minces des Aphis ; ils nomment les
premières galles, et les secondes coques.
3GG
CASTANÉACÉES.
dans un certain nombre do galles, il n’est pas difficile d en trouver a
toutes les phases du développement de 1 insecte, depuis celle où la
galle ne contient qu’une larve très-petite, jusqu’à celle où l’on voit l’in-
secte parfait, mort pendant qu’il cherchait à perforer les murs de sa
prison,
Description. — Los galles d’Alep (1) sont sphériques, et ont de 8 à
16 millimètres de diamètre. Leur surface est lisse et un peu luisante,
couverte, dans sa moitié supérieure, de petits tubercules pointus et
d’arêtes saillantes, dispersés sans aucun ordre régulier; dans la partie
inférieure, elles sont habituellement lisses. L’ouverture par laquelle
le petit insecte s’est échappé est ordinairement située vers la partie
médiane. Lorsque les galles ne sont pas perforées, elles sont colorées
en vert-olive et relativement lourdes, mais après la sortie de l’in-
secte, leur coloration passe au brun jaunâtre, et leur poids diminue.
De là les noms employés dans le commerce de Noix de
galle bleues ou vertes , et Noix de galle blanches. Les Galles
d’Alep sont dures et cassantes, et se fendent sous le mar-
teau. Leur saveur est acidulé, très-astringente et accom-
pagnée d’une certaine douceur, faible ; elles ne possèdent
pas d’odeur marquée. Leur surface de cassure est fine-
Gaiie d’Alep. raent grenue, avec un aspect cireux et lustré ; elles offrent
parfois, surtout vers le centre, une structure granuleuse moins serrée,
ou bien elles ont une apparence radiée, ou sont crevassées. La colora-
tion du tissu intérieur varie du brun pâle au jaune verdâtre foncé. La
cavité centrale, parfois large de plus d’un demi-centimère, qui sert de
logement â l’insecte, est limitée par une couche dure formant une sorte
de noyau. Lorsque l’insecte est mort pendant son jeune âge, la cavité
centrale et l’ouverture contiennent une masse de tissu cellulaire lâche,
riche en amidon, ou les restes pulvérulents de ce tissu, si l’insecte ne
s’est pas du tout développé ; la portion centrale de la galle est formée
entièrement par ce tissu.
Structure microscopique. — Le tissu cellulaire de la Noix de Galle
est formé, dans la partie moyenne, de grandes cellules sphériques a
parois un peu épaisses, ponctuées. Ces cellules deviennent beaucoup
plus petites vers la périphérie. Les couches extérieures sont formées de
Ml II existe plusieurs autres variétés de Noix de Galle; pour la description de cer-
tain s l’entre elles, voyez Guibourt, Hist. des Drogues, 1869, II 292 ; et pour plus de
détaiîs sur les divers insectes à galles de la famille des Cynipsidæ , et les excroissances
S L ïaïlent I. production, coucullcc 1. mémoire , d. Ab. dan, V,er,e,jakrtl.
schrift fier prakt. Pharm., de Wïttstein, 1857, VI, 343-361.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 367
cellules à parois épaisses, à cavité très-petite, formant une sorte de té-
gument. Des faisceaux fibro-vasculaires sont dispersés dans divers
points de ces tissus ; ils proviennent du pédoncule de la galle. Vers le
centre, le parenchyme est formé de cellules de plus en plus allongées
radialement, plus larges, à parois minces et marquées de stries spira-
lées. La paroi dure de la cavité centrale (1) est formée de cellules plus
grandes, allongées radialement, à parois épaisses, munies de ponc-
tuations et de stries. Sur la face interne de cette coque, on trouve,
après la sortie de l’insecte, les restes du tissu riche en amidon, dont
nous avons parlé plus haut, lequel remplissait au début la chambre cen-
trale, et a été consommé par l’insecte pour son alimentation. Les cellules
parenchymateuses situées en dehors des parois de la cavité centime
contiennent de la chloi’ophylle et du tannin. Ce dernier se présente eix
masses incolores, transparentes, anguleuses, insolubles dans la benzine,
peu solubles dans 1 eau, et tout à fait solubles dans l’alcool. De minces
coupes de ce tissu placées dans la glycérine se montrent couvertes, au
bout de peu de temps, de beaux cristaux d’acide gallique. Les cellules à
parois épaisses (cellules pierreuses), et les cellules striées qui les avoi-
sinent, sont riches en cristaux octaédriques d’oxalate de calcium. Le
tissu situé entre les parois de la cavité interne et les cellules à parois
épaisses contient de gros granules comprimés, et ordinairement sphé-
riques, d’amidon, et des masses isolées d’une résine brune. Il paraît
existei aussi, dans cette partie du tissu, un composé albuminoïde.
Composition chimique. — La saveur âpre de la Noix de Galle est due
à son principe constituant le plus important, le Tannin ou acide Gallo-
tannique. Cet acide est le type d’une famille nombreuse de corps (2)
auxquels les substances végétales doivent leurs propriétés astringentes.
Les substances tanniques furent longtemps considérées comme toutes
semblables et identiques à celle de la Noix de Galle, mais les recherches
faites dans ces dernières années ont prouvé que le tannin des différentes
plantes jouit de propriétés distinctes, et l’on a donné le nom d’acide Gallo-
tanmque à celui de la Noix de Galle, qui le produit en quantité particu-
lièrement considérable. Stenhouse a montré, en effet, dès 1843, puis en
1861, et par des expériences plus récentes encore, que l’acide tannique
de» feuilles du Rhus Conaria L., le Sumac de Sicile, est identique à
(1) Louche protectrice de Lacazc-Duthiers ( Recherches pour servir à l’histoire des
halles, in Ann. se. nat., Bot., 1858, XIX, 273-354).
(2) G melin, Chemistry, 1802, XV, 449. — Schorlemmer, Chemistry of the Carbon
Compounds, 1874, 4G3.
308 CÀSTANÉACÉES.
celui dos Noix de Galle. Lowe, en 1873, est parvenu aux mêmes insul-
tais. Les meilleures galles fournissent de 60 a 70 pour 100 de cet acide ,
on y trouve aussi du sucre, de la résine et des substances protéiques,
mais elles ne contiennent ni dcxtrine ni gomme. Rapidement formées,
les galles renferment aussi de 1 acide galliquc.
Commerce. — Les progrès récents de la teinture ont amené l’emploi
croissant du sumac et des myrobalans, et par suite une diminution con-
sidérable dans le commerce de la Noix de Galle. La province d Alep, qui
en fournissait habituellement de 10 000 à 12 000 quintaux par an, n’en
A exporté, en 1871 , que 3000 quintaux (1). Les Noix de Galle recueillies
dans les montagnes du Kurdistan, trouvent un marché important à
Diarbekir, d’où on les exporte à Trébizonde pour les embarquer. On
expédie aussi une certaine quantité de galles à Bassorah, à Bagdad, a
Bushire et à Smyrne. Il a été importé dans le Royaume-Uni, en 1872,
des ports de la Turquie et delà Perse, 6349 quintaux de Noix de Galle,
valant 18 581 livres sterling.
Usages. - Les Noix de Galle ne sont que rarement employées en
médecine à l’état brut, si ce n’est pour l’usage externe, mais on admi-
nistre fréquemment les acides tannique et gallique qu’on en extrait.
AUTRES SORTES DE GALLES.
Galles rte Chine ou rtu Japon. - La plante qui produit cette impor-
tante sorte de galles est le Rhus semialata Murray (R. Bucki-Amela Boxu.),
petit arbre de la famille des Anaoardiacées, commun dans le nord de
l’Inde, la Chine et le Japon. Ces Galles commencèrent à être importées
en Europe dès 1724. Elles sont notées par Geoffroy (2) sous le nom
& Oreilles des Indes , mais elles paraissent avoir ensuite disparu du mar-
ché Pereira dirigea l’attention sur elles en 1841, et, depuis cette époque,
elles constituent un article important et régulier de commerce exporte
par la Chine et 1® Japon . Aujourd’hui elles nous arrivent
kow. L’exportation de cette grande cité fut, en 1875, de 30049 pe-
culs (3). La quantité importée de Chine dans le Royaume- ni, en
fut de 8 621 quintaux, valant 20098 livres sterling.
(1) Consul Skcné, in Reports of H. M. Consuls, ,11° 1, 18/2, 2/0.
(2) Mém. de l’Acad. roy. des se., Paris, 172 1, . Dans ]ps rap-
ü xrrr»» « * - • -
« Gallnuts ».
369
H ISTO l H E DES DROGUES D’ORIGINE VEGETALE.
Les Galles de Chine sont des protubérances vésiculeuses produites
sur les pétioles foliaires et sur les branches du Rhus semialata par la pi-
qûre d’un insecte figuré par Doubleday (1), considéré par lui comme
appartenant au genre Aphis, et nommé par Jacob Bell (2) Aphis chinen-
sis. Nous n’avons pas de renseignements émanant d hommes com-
pétents sur le développement et la récolte de cette Galle ; nous ne pou-
vons juger de sa formation que par celle des productions analogues
d’Europe. D’après Doubleday, il est probable que l’ Aphis femelle pique
la face supérieure de la feuille ou plutôt son petiole, et détermine pai
cette plaie l’hypertrophie du tissu. L’insecte se loge dans la cavité ainsi
produite, et y dépose sa progéniture, qui vit en suçant la face interne de
sa loge et détermine ainsi une nouvelle croissance du tissu. Tandis que
les parois de ce sac s’accroissent, l’ouverture se ferme peu à peu, et tous
les jeunes se trouvent enfermés dans une prison où ils vivent et se mul-
tiplient, jusqu’à ce que les parois en se rompant les mettent en liberté,
comme cela se produit pour la Galle du Pistachier d Europe. Cette rup-
ture se produit, autant que nous pouvons le supposer, à l’époque où,
après une série de générations aptères, et peut-être uniquement fe-
melles, il survient une génération ailée et composée d individus des deux
sexes. Ces derniers s’envolent vers d’autres plantes, et déposent des œufs
destinés à produire de nouvelles générations.
Les Galles de Chine sont claires et creuses; elles ont de 3 à 6 centi-
mètres de long ; leur forme est très-variable et très-irrégulière. Les plus
simples sont un peu ovoïdes, et fixées par leur petite extrémité au pé-
tiole d’une feuille ; mais leur forme est rarement aussi régulière, et le
plus souvent elles sont déformées par des protubérances noueuses ou en
forme de cornes, ou sont plus ou moins ramifiées. La Galle peut aussi
être constituée par plusieurs lobes unis dans le bas, et graduellement
atténués jusqu'au [niveau du point où l’excroissance est attachée à la
feuille (3). Malgré ces variétés de forme, la structure de ces Galles est
très-caractéristique. Elles sont striées vers la base, et complètement
couvertes, dans le reste de leur étendue, d’un duvet épais, velouté, gri-
(1) Phann. Journ., 1 84 8, VII, 310.
(2) Ibid., 1831, X, 128.
(3) Nous avons vu des Galles importées'de Shanghaï qui différaient des Galles chi-
noises ordinaires en ce qu’elles n’étaient pas munies de cornes, mais avaicnL touLes
une forme allongée, ovoïde; un grand nombre étaient terminées en pointe ïi 1 extré-
mité supérieure ; elles exhalaient en outre une forte odeur de fromage. 11 est possible
qu’elles aient été produites par le Distylium racemosum S. et Z., quoiqu elles u eussent
pas exactement la forme de poire figurée par Siebold et Zuocarini ( Flora Japoilica ,
t. 94).
IIIST. DES DROGUES, T. II.
24
370
CASTANÉACÉES.
sa*'re> flu‘ ,,ouA'it au niveau des protubérances, et cache la coloration
brun rougeâtre propre aux parois mêmes de la Galle. Celles-ci ont de
1 112 millimètres d’épaisseur; elles sont translucides et cornées, mais
cassantes, et leur cassure est lisse et luisante. Leur face interne est plus
lisse et plus claire que l’externe. Lorsqu’on casse les Galles, on y trouve
habituellement une substance blanche, laineuse, et les corps desséchés
des petits insectes.
Les Galles de Chine contiennent environ 70 pour tOO d’un acide tan-
nique que Stenhouse (1) regarde comme identique à celui des Galles
d Alep. 11 est important de faire remarquer que les fabricants de pyro-
gallol pour la photographie] prétendent que les Galles de Chine et les
Galles communes ne fournissent pas cette substance exactement sous
la même forme. Les Galles de Chine sont employées, particulièrement
en Allemagne, à la préparation des acides tannique. et gallique.
Galles des Pistachiers. — Les plantes du genre Pistacia, qui appartient
à la même famille que les Rhus, sont très-fréquemment attaquées par
des Ap/us, qui déterminent sur leurs feuilles et leurs branches la for-
mation d’excroissances de même nature que les Galles de Chine. Dans
le sud de l’Europe, on trouve fréquemment sur les branches du Pistacia
Terebinthus des Galles en forme de cornes, qui ont souvent plusieurs
pouces de long (2). Les feuilles du P. lentiscus offrent des excroissances
de même nature, mais beaucoup plus petites.
D’autres productions de même ordre constituent les petites Galles
très-astringentes, connues, dans les bazars indiens, sous le nom de
Bazghanj e t Gule-pistah. Le dernier de ces noms signifie fleur de Pista-
chier. Elles ont été nommées en Europe Galles de Bokhara ( Bokhara
Galls). Pendant l’année 1872-73, il en a été importé par mer à Bombay,
18-i quintaux provenant surtout du Siud (3). On en apporte aussi dans
le nord-ouest de l’Inde, par la voie de Peshawar et par lapasse deBolân.
Il en arrive parfois quelques balles sur le marché de Londres.
Galles de Tamarix. — Ces Galles sont des excroissances arrondies,
noueuses, ayant depuis le volume d’un pois jusqu’à 1 centimètre et demi
de diamètre. On les trouve, dans l’Inde, sur les branches du Tamarix
orientais L., grand arbre à croissance rapide, très-abondant dans les
terrains salés. On les emploie à la place des Noix de Galle; elles sont
mentionnées comme « non officinales » dans la Pharmacopœia of India
(1) Proceedings of the Iioyal Society , 18G2, XI, 40-2.
(2) Pour une figure, voyez : Pharm. Journ., 1844, III, 387.
(3) Statèment of the Trade and Navig. of the Presid. of Bombay for 1872-73.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 371
de 1867. Nous ne croyons pas qu’elles aient été l’objet de recherches
chimiques spéciales. Yogi en a fait, eu 18/7, 1 étude micrographique.
LORANTHACÉES
BOIS DE SANTAL.
Lignum Santali; Lignuin Santalinum album vel citrinum; Bois de Santal citrin ;
angl., Sandal Wood; allom., Weisses oder Gclbes Sandelholz.
Origine botanique. — Santalum album L. — C’est un petit arbre de
6 à 9 mètres de haut, avec un tronc de 45 à 90 centimètres de circon-
férence. Il est originaire des parties montagneuses de la péninsule in-
dienne, et surtout du Mysore, de certaines parties de Coimbatore, du
nord du Canara et de la Présidence de Madras. Il croît dans les régions
sèches et découvertes, souvent dans les haies, mais non dans les forêts.
On le trouve aussi dans les îles de l’archipel oriental, notamment dans
l’île de Sumba (nommée aussi Ghandana ou île au Bois de Santal), et
dans l’île Timor (a).
On a récemment recueilli une grande quantité de bois de Santal dans
les îles Hawaïennes ou Sandwich, où son existence avait été signalée
dès 1778. On l’extrait du Santalum Freycinetianum Gaud. et du Santa-
lum pyrularium A. Gray (1). Dans les îles Yili ou Fiji, on le retire du
Santalum Yasi Seem. Dans la Nouvelle-Calédonie, il est produit par le
Santalum austro-caledonicum Vieill. (2), et dans l’Australie occiden-
tale par le Santalum Fusanus spicalus Br. ( Santalum spicatum DG.,
Santalum cygnorum Mm) (3). Dans l’Inde, l’arbre au bois de Santal est
protégé par le gouvernement, et constitue la source d’un commerce
productif. Dans les autres pays, où il est abandonné à lui-même, il a été
détruit, du moins dans les endroits accessibles, peu d’années après
avoir été découvert.
Historique. — Le bois de Santal, dont le nom sanskrit C/ianclana a
passé dans plusieurs autres idiomes de l’Inde, est mentionné dans les
Nirukta ou écrits d’Yaska, le plus vieux commentaire védique qui existe,
écrit vers le cinquième siècle avant Jésus-Christ. Ce bois est aussi
(1) Seemann, Flora Vitiensis, 18GS-73, 210-215.
(2) Soubeiran, in Journ. de Pharm., 1870, XI, 243.
(3) Nous ignorons si le Santalum lanceolatum Br , arbre qu’on trouve dans le nord
et l’est de l’Australie, et qui est nommé par les colons Sandal wood, constitue un objet
de commerce.
372 lorantiiacées.
mentionné dans les anciens poëmes épiques sanskrits, notamment le
Ramayana et le Mahabharata, dont certaines parties sont d’une date
à peu près aussi reculée.
L’auteur du Periplus de la mer Erythrée, écrit vers le milieu du pre-
miei siècle, énumère le bois de Santal (EûXa cay aXiva) parmi les mar-
chandises indiennes importées à Omana dans le golfe Persique (t). Le
TÇavSdvx mentionné vers le milieu du sixième siècle par Cosmas Indi-
copleustes (2), comme apporté à Taprobane (Ceylan), de la Chine et
d auties pays, était probablement le bois dont nous parlons. A Ceylan,
son huile essentielle était employée, dès le neuvième siècle, dans l'em-
baumement du corps des princes. Le bois de Santal est cité par Ma-
sudi (3), comme l’un des aromates les plus coûteux de l’archipel orien-
tal. Dans l’Inde, il était employé aux usages les plus sacrés. Il en existe
an exemple remarquable dans les célèbres portes de Somnath, qu’on
suppose dater de mille ans (4).
Parmi les écrivains européens, Gonstantinus Africanus, qui vivait à
Salerne au onzième siècle, est l’un des premiers qui fassent mention du
Sandalmï (5). Ebn Serabi, nommé Serapion le Jeune, qui vivait vers la
même époque, connaissait les bois de Santal blanc , jaune et rouge (6).
Ces trois sortes de bois de Santal se trouvent aussi dans une liste (7)
de drogues en usage à Francfort vers 1450. Dans le Compendium aro-
màtanorum de Saladiuus, publié en 1488, nous trouvons mentionnés
comme devant être tenus par les apothicaires italiens : « Sandali irium
generum , scilicet albi, rubri et citrini. » Il est extrêmement douteux que
le bois de Santal rouge, associé ainsi avec le blanc et le jaune, fût le
bois inodore du Pterocarpus santalinus, aujourd’hui nommé Lignum
Santalinum rubrum ou Bois de Santal rouge ( Red Sanders des Anglais)
(voir I, 363). Il se rapporte plutôt à un véritable bois de Santal, dont
(1) Vincent, Commerce and Navigation of the Ancients, 1S07, II, 378.
(2) Migne, Patrologiæ Cursus, sériés Græca, lxxxviii, 446.
(3) Les Prairies d'Or, texte et trad. par Barbier de Meynard et Pavet de Cour-
teille, 1861, I, 222.
(4) Elles ont 11 pieds de haut et 9 pieds de large, et sont richement ornées de sculp-
tures en bois de Santal. Elles furent construites pour le temple de Somnath, à Guzerat,
alors considéré comme le temple le plus sacré de l’Inde. A l’époque de la destruction
de cette ville, en 102o, ces portes furent transportées il Ghuzni, dans l’Afghanistan, où
elles restèrent jusqu’il la prise de la ville par les Anglais en 1842. Elles furent alors
transportées dans l’Inde. On les conserve aujourd’hui dans la citadelle d’Agra. Pour
les figures de ces portes voyez : Archæologia, 1844, XXX, 1. 14.
(o) Opéra, Basil., lo36-39, Lib. de Gradibus, 369.
(6) Liber Scrapionis aggregatus in medicinis simplicibus, 1473.
(7) Flückiger, Die Frankfurter Liste, Halle, 1873, 11.
HISTOIRE DES DROGUES D’OR 1GINE VÉGÉTALE.
trois sortes désignées sous les noms de blanche, rouge et jaune, sont
encore distinguées par les commerçants indiens (I). Barbosa (-2) nous
apprend, d’autre part, que, vers 151 1 , le bois de Santal blanc et le jaune
valaient à Calicot, sur la côte de Malabar, huit à dix fois autant que le
rouge. Cela semblerait indiquer qu’à cette époque le bois de Santal
rouge ne constituait pas une simple variété des deux autres espèces,
mais une marchandise très- différente, comme le bois de Santal rouge
du commerce moderne.
En 1635, l’impôt levé sur le bois de Santal importé en Angleterre
était de J shilling par livre pour le bois blanc, et de 2 shillings par livre
pour le jaune (3).
La première figure et la première description satisfaisante du San-
t aluni album se trouvent dans 1 Hevbarium Amboinense de Rumphius
(II, t. 11).
Production. — Les régions sèches dans lesquelles on trouve le bois de
Santal forment une zone limitée, située surtout dans le Mysore et le
Coimbatore, au nord et au nord-ouest des montagnes de Neilgherries,
séparées de l’océan Indien par le Courg et le Canara. On le trouve
aussi, davantage vers l’est, dans les districts de Salem et du nord
d’Arcot, où l’arbre croît à une altitude de 900 mètres au-dessus du
nncau de la mer. Dans le Mysore, qui produit la plus grande quan-
tité de bois de Santal, les arbres appartiennent tous au gouverne-
ment, et ne sont abattus que par ses propres employés. Ce privilège
fut conféré à la Compagnie des Indes orientales par un traité passé
avec Hyder Ali, le 8 août 1770, et ce monopole a été conservé jus-
qu’à nos jours. Les exportations de bois de Santal faites par le Mysore
sont estimées à environ 700 tonnes par an, valant 27 000 livres ster-
Irng (4). Le bois est embarqué à Mangalore. Un monopole semblable
existait’ dans la présidence de Madras ; il a été abandonné il y a quelques
années. Cependant le bois de Santal constitue encore pour le gouverne-
ment de Madras une source de revenus, dont l’importance s’est accrue
régulièrement pendant ces dernières années, par suite d’un aménage-
G) Ainsi, Milburn, dans son Oriental Commerce (1813), dit: «Plus la couleur est
onoen, p us grand est le parfum; il en résulte que les marchands divisent le Santal en
rouge, jaune et blanc , mais ces mots se rapportent à différents degrés d’une même
co oration, et non à des différences dans l’espèce do l’arbre.» (I, 291,)
n„,l „USI° ,Navigationi et Viaggi, etc., Venet., 1534, fol. 357 b., Libro di Odoardo
nui oosa rortog/icse.
(3) The Rates of Marchandises, Lond., 1G35.
Raden Powell, Report on the Administration of the Foresis Department
te several provinces under the Government of India, 1872-73, Calcutta, 1874, 1, 27,
37 i
LORANTHACÉES.
ment systématique des forêts du gouvernement. La quantité de bois
de Santal coupée dans les forêts réservées, pendant l’année 1872-187.'],
été évaluée, dans les rapports, à 15 329 maunds (547 tonnes et demie) (1 ).
L’arbre au bois de Santal, indigène des régions que nous venons de
nommer, se multiplie à l’aide de graines qui se sèment spontanément,
ou qui sont semées par les oiseaux; aujourd’hui, on en fait aussi des
plantations régulières. On place les graines au nombre de deux ou trois
dans un trou avec des graines de Capsicum. Ces dernières poussent
très-rapidement, et les jeunes Piments protègent les jeunes Santals (2).
Il est probable aussi que les Piments subviennent à l’alimentation des
Santals, car il a été récemment démontré (3) que le Santalum est pa-
rasite, et que ses racines se fixent par des renflements tuberculeux sur
les racines de plusieurs autres plante». On dit aussi que les jeunes
Santals croissent surtout très-bien lorsqu’on établit une prairie dans les
lieux où on les a semés. Les arbres atteignent la taille voulue au bout
de vingt à trente années. Leurs troncs ont alors jusqu’à 30 centimètres
de diamètre. On abat l’arbre; on enlève les branchés, et on abandonne
le tronc sur le sol pendant quelques mois. Pendant ce temps, les four-
mis blanches mangent la plus grande partie du bois mou et inodore.
On nettoie alors grossièrement le tronc, et on le débite en billes lon-
gues de 60 à 75 centimètres qu’on transporte dans les dépôts des forêts.
Là on les pèse, on les soumet à un second nettoyage plus soigneux, et
on les classe d’après leur qualité. Dans quelques localités, on a 1 habi-
tude d’arracher l’arbre au lieu de le couper. Dans les auties, on aiiacht
la racine après avoir coupé le tronc. La racine fournit un bois estimable
qu’on conserve avec les copeaux et la sciure pour la distillation ou
pour brûler dans les temples. Le bois mou et les branches n ont pas de
valeur (4).
En 1863, une sorte de bois de Santal fournie parle Fusanus spicatus
constituait l’un des principaux objets d’importation de l’Australie occi-
dentale, d’où elle était expédiée en Chine. La seule barrière mise à l’aba-
tage des arbres était le payement d’une légère redevance pour obtenir la
(1) Report of the Administration of the Madras Presidency dunng the y car 18/2-
73, Madras, 1874, 18, 143.
(2) Beddome, Flora Sylvatica for Southern India, 1872, 286
(3) Scott, in Journ. of Agricult. and Hortic. Soc. of India , Calcutta, 1871, II,
P’(4)’ Elliott, Expériences of a Planter in the Jungles of Mysore, 1871, II, 237 ; et
aussi d’après des communications du Capt. Campbell Walker, conservateur des forets*
Madras.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 375
permission de couper les diverses sortes de bois de charpente. Les fer-
miers employaient leurs attelages, pendant la mauvaise saison, à trans-
porter à Pcrth ou à Guildford les bûches de Santal qu’ils avaient coupées
dans les forêts. 11 se fit ainsi un commerce actif de bois de Santal, tant
qu’on put trouver des arbres de belle taille dans un rayon de 100 à
150 milles des villes, où elles se vendaient de 6 livres sterling à 6 livres
10 shillings la tonne. Mais la destruction mal réglée et imprévoyante
des arbres, qui eut lieu dans les districts les plus accessibles, réduisit
tellement leur nombre, que ce commerce ne tarda pas à disparaître de
cette partie de l’Australie (1). Le bois de Santal d’Australie paraît ce-
pendant constituer encore un objet de commerce, autant qu’on peut en
juger par ce fait que, pendant l’année 1872, 47 904 quintaux de ce bois
furent transportés d’Australie à Singapore. La plus grande partie fut
expédiée pour la Chine (2).
Description. — Le bois de Santal n’est que peu connu dans le com-
merce anglais, et il n est pas toujours facile d’en trouver, même à Lon-
dres. Celui que nous avons examiné, et que nous croyons être d’origine
indienne, était en bûches cylindriques ayant en général 15 centimètres
de diamètre ; les plus grosses avaient 20 centimètres et les plus petites
8 centimètres ; elles avaient de 90 centimètres à lm,40 de long ; elles
étaient très-lourdes ; l’écorce avait été enlevée. Sur une section trans-
versale, le bois de Santal offre une coloration d’un brun pâle, avec des
zones concentriques plus foncées, et, si on le regarde à la loupe, de nom-
breux pores. Le tissu est traversé par des rayons médullaires qui sont
également visibles à la loupe. Le bois se fend facilement, et émet, quand
on le frotte, une odeur agréable, très-persistante ; il possède une sa-
veur aromatique assez forte. Les diverses variétés de bois de Santal ne
sont pas classées par les quelques personnes qui en font le commerce à
Londres, et il nous est impossible d’indiquer les caractères à l’aide des-
quels on peut les distinguer. Dans les prix courants des maisons de
commerce de la Chine, trois sortes de bois de Santal sont énumérées :
le bois des îles de la mer du Sud, celui de Timor et celui de Malabar. La
dernière sorte est cotée trois ou quatre fois plus cher que les deuxau-
ties. Le bois de Santal de l’Inde est lui-même susceptible de présenter
fb. grandes variations. Beddome (3), conservateur des forêts de Ma-
(l) Millett, An Australian Parsonage, Lond., 1872, 43, 93, 382.
(f) Stra'ts Settlements Plue Book for 1872, Singapore, 1873, 298, 347. — Il est pos-
M / k°*s de Santal en question ait été produit' par les îles de la mer du Sud, et
expédié d un port australien. ;
(3) Op. cit.
37 G •
LORANTHACÉES.
dras el excellent observateur, fait remarquer que le plus beau bois de
Santal est celui qui a poussé dans les terrains rocheux secs et pauvres,
et que les arbres qui croissent clans les riches terrains d’alluvion ne
produisent pas de duramen, et sont par suite sans valeur. Une variété
de l’arbre, à feuilles plus lancéolées (var. Ç>. myrlifolium DG.), originaire
des montagnes orientales de la Présidence de Madras, produit un bois
de Santal presque inodore.
Structure microscopique. — Les faisceaux ligneux offrent une largeur
de 35 à 420 millièmes de millimètre; les faisceaux primaires sont fré-
quemment divisés par des rayons médullaires secondaires. Ces derniers
sont formés d’une ou souvent de deux rangées de cellules ayant la
forme habituelle. Le tissu ligneux qu’ils limitent est formé en majeure
partie de petites fibres ligneuses à extrémités pointues, de quelques
cellules parenchymateuses plus larges, et de vaisseaux cù parois épaisses.
La résine et l’huile essentielle résident surtout clans les rayons médul-
laires auxquels elles donnent une coloration plus foncée.
Composition chimique. — Le principe le plus important du bois de
Santal est l’huile essentielle, qu’il renferme dans une proportion de
1 à 4 pour 100 environ. C’est un liquide jaune-clair, épais, possédant
l’odeur caractéristique du Santal. Celui que nous avons examiné a\ait
pour poids spécifique 0,963. Nous n’avons pu lui trouver un point fixe
d’ébullition : il commence à bouillir à 214° C., mais la température s é-
lève de suite, et l’essence acquiert une coloration plus foncée. L’intensité
et le caractère de l’arome de cette huile varient beaucoup a'vec la \ii-
riété de bois qui l’a produite. En traitant du bois de Santal pai 1 alcool
bouillant, nous en avons retiré 7 pour 100 d’un extrait noirâtre, qui
laissa précipiter un tannate quand on le traita par une solution alcoolique
d’acétate de plomb. Décomposé par l’hydrogène sulfuré, ce tannate
donna un acide tannique peu coloré, et prenant une teinte verdàtie
sous l’influence d’un sel ferrique. L’extrait contenait aussi une résine
noirâtre.
Commerce. — Le marché le plus important pour le commerce
du bois de Santal est la Chine. Pendant l'année 1860, il a été im-
porté, dans les quatre ports ouverts de cet empire, 87 321 peculs de
bois de Santal. Sur cette quantité, la ville de Hankow, située sur la ri-
vière Yangtsze, en a reçu 61 414 péculs, plus de sept fois autant que
les trois autres ports réunis (I). Les importations plus récentes d Han-
(1) Reports on Trade at the ports in China open to foreign Tradefor 18GG, publiés
par ordre de l’Inspecteur général des douanes, Shanghai, 1867, 120, 121.
377
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
kow sont moindres; en 1871, elles ont été de 14989 péculs, et en 1872,
de 12 798 péculs (I). Shanghaï, situé à remhouchure de la même ri-
vière, a importé, en 1872, 54 485 péculs de Lois de Santal, dont la va-
leur a ôté estimée à 100000 livres sterling. Il se fait aussi, à Bombay,
un commerce important de bois de Santal. La quantité importée an-
nuellement dans cette ville est de 650 tonnes, et la quantité exportée
d’environ 400 tonnes (2). L’essence de bois de Santal est fabriquée sur
une grande échelle dans les pays situés entre Mangalore et Mysore, où
le combustible est abondant. D’après les rapports officiels (3), la quan-
tité de cette essence, importée à Bombay pendant l’année 1872-73, a été
do 10 348 livres, estimées à 8374 livres sterling; 4500 livres furent
réexportées par mer.
Usages. — L’huile essentielle de Santal a été récemment prônée
comme substitutif du Copahu. Le bois de Santal n’est lui-même d’au-
cun usage dans la médecine européenne. Il est employé comme parfum,
et sert à la fabrication de petits objets d’ornementation. Les indigènes
de l’Inde l'emploient beaucoup dans les rites mortuaires. Les riches
Hindous témoignent de leur respect pour les morts par la quantité de
bûches de bois de Santal qu’ils ajoutent au bûcher funéraire. On em-
ploie la poudre du bois mise en pâte avec de l’eau pour les marques
distinctives des castes, dans l’Inde, et aussi comme médicament. En
Chine, le bois de Santal paraît être surtout employé à la préparation
de l’encens qu’on brûle dans les temples.
(a) Les Santalum L. ( Gênera , éd. 2, n. 383) sont des Loranthaeées de la tribu des
Santalées, à fleurs ordinairement tétrainères, plus rarement pentamères, à placenta
fusiforme, portant les ovules près de sa base.
Le Santalum album L. ( Species , 497) est un arbre à feuilles opposées, sans sti-
pules, ovales-elliptiques, ordinairement aiguës à la base et au sommet, longues de
4 à G centimètres, membraneuses, pâles en dessous, entières. Les fleurs sont dispo-
sées en panicules de cymes terminales et axillaires, à ramifications opposées, triflores,
avec des bractées très-petites et des pédicelles à peu près aussi longs que l’ovaire. Les
fleurs sont hermaphrodites et régulières. Le périanthe est simple, à quatre folioles
rougeâtres en dedans, munies de poils depuis la base jusqu’au niveau des anthères,
valvaires dans la préfloraison. L’androcée est formé de quatre étamines opposées aux
sépales, à filets grêles, à anthères plus courtes que le filet, biloculaires, introrses,
déhiscentes par deux fentes longitudinales. Entre les étamines, se trouve un disque
formé de quatre glandes aussi longues que les filets, alternes avec les divisions du
périanthe. Le gynécée est formé d’un ovaire à trois carpelles; d’abord libre, mais, au
(1) Commercial . Reports of H. M. Consuls in China- for 1871, 80, et 1872, 62, 189.
(2) D’après le document officiel cité â la page 512, note 3, t. I.
(3) Voyez page 373, note 4.
378
CONIFlîKES.
moment de l'épanouissement de la fleur, totalement infère. Il est uniloculaire
et surmonté d’un style conique, allongé, divisé en trois lobes stigmatiques qui
s’élèvent il la hauteur des anthères. La loge unique de l’ovaire contient un pla-
centa central libre, fusiforme, dont la base est, chargée d’ovules orthotropes, sus-
pendus, en mémo nombre que les carpelles et situés en face de ces derniers. Les
ovules sont dépourvus de membrane d’enveloppe, le sac embryonnaire étant con-
stitué par une simple cellule du placenta qui fait saillie à la surface de ce dernier,
et va pour ainsi dire à la rencontre du tube pollinique (1). Le fruit est une drupe
globuleuse, de la grosseur d’une petite cerise, noire à la maturité, couronnée par la
cicatrice îles lobes du périanthe, et contenant un noyau ligneux, plus ou moins ru-
miné. Elle contient une seule graine à endosperme épais, à embryon fusiforme,
formé d’une radicule supère beaucoup plus longue que les cotylédons. [Trad.]
CONIFERES
TÉRÉBENTHINE COMMUNE.
Terebcnthina vulgaris-, angl., Crnde or Common Turpentinc ; allem., Gemeiner Terpenthin.
Origine botanique. — Les arbres qui fournissent la térébenthine
commune peuvent être divisés en deux groupes : l’un européen, l’autre
américain (a) :
1° Groupe européen. Dans la Finlande et la Russie, le Pin d’Ecosse,
P inus silveslris L.; en Autriche et en Corse, le Punis Laricio Poiret;
dans le sud-ouest de la France, le Pinus Pinaster Solander ( P. mari -
tima Poiret), connu sous le nom de Pin maritime, fournissent de la Té-
rébenthine chacun dans le pays qu’ils habitent;
2° Groupe américain. Dans les Etats-Unis, les Conifères les plus impor-
tantes, au point de vue do la production de la Térébenthine, sont le
Pin des marais, Pinus australis Michaux (P. palustris Mile.), et le Pinus
Tæda L. ( Loblolly Pine des Américains) (2).
Historique. — La résine des Pins et des Sapins était bien connue des
anciens, qui la recueillaient par des procédés à peu près semblables cà
ceux qu’on emploie aujourd’hui. La Térébenthine employée en Angle-
terre a été, pendant de longues années, produite par l’Amérique. Pen-
dant le dernier siècle, on importait de France cette Térébenthine, et une
autre désignée sous le nom anglais de Common Frankincense . La der-
(1) Pour le développement de la (leur femelle des Loranthacees, voy ez . II . Bâillon, iti
Adansonia, 1862 ; Bullet. de l’ Associât, pour l’avancem. des sciences , Clermout-Fer-
rand, 1876. . ...
(2} Quant à. la synonymie et îi la distribution des Conifères mentionnes dans cet
article, consulter le Mémoire très-détaillé de Morel, Pharm. Journal, 14 juillet 187/,
et suiv.
370
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
nièro guerre civilo d'Amérique et le blocus des ports du Sud détermi-
nèrent une très-grande rareté de la .Lerebentbine américaine, et on
apporta sur le marché de Londres des substances térébenthineuses pro-
venant d’autres pays. Actuellement, cette marchandise nous est fournie
en majeure partie par la France.
lvopp (!) cite un passage qui montre que l’huile essentielle de téré-
benthine était connue de Marcus Græcus, qui la nommait Aqua arclem.
Ce personnage, presque inconnu, passe pour être l’inventeur du feu
grégeois, agent terrible de destruction employé dans les guerres du
moyen âge.
Sécrétion. — Laformation des canaux résineux dans l’écorce des Co-
nifères a été bien étudiée par Dippel (2), par Millier (3) et par Frank(4).
La diffusion ultérieure de la résine dans le cœur du bois, l’aubier et
l’écorce, a été soigneusement observée par Hugo von Molli (5). Les mé-
thodes employées pour recueillir les sucs térébenthineux sont fondées
sur les diverses façons dont se fait cette diffusion dans les différentes
espèces. Ainsi , dans le bois du Sapin ( Pinus Picea L. ) , les con-
duits résineux manquent complètement, et, guidés par l’expérience,
les montagnards des Alpes recueillent la Térébenthine de cet arbre à
l’aide de ponctions pratiquées dans les petites cavités qui se forment
sous son écorce.
Dans le Pin d’Ecosse ( Pinus silvestris L.), les canaux sont plus abon-
dants dans le bois que dans l’écorce; on aurait pu soupçonner cette or-
ganisation en constatant que cet arbre n’émet que rarement sa résine
d’une façon spontanée.
L’huile essentielle de térébenthine et, en général, toutes les huiles
volatiles se résinifient par l’exposition à l’air. L’acide formique, qui se
produit en petite quantité pendant cette altération, indique qu’elle est
due à une oxydation. Les produits principaux, cependant, n’en sont
pas exactement connus, et aucun d’entre eux n’a été démontré iden-
tique à une résine naturelle. L’opinion générale, d’après laquelle les ré-
sines sont produites par simple oxydation des huiles volatiles, n’est donc
pas encore parfaitement justifiée. Cependant, Hlasiwetz etBarth ont ob-
tenu des substances très-voisines des résines des Conifères en chauffant,
(1) Geschichte cler Chenue , 181-7, IV, 392.
(2) Bot. Zeit., 1803.
(3) Pringsheim, Jahrh. fur Wissenschaftl. Botan., 1SGG.
(h) Beitrüge zur Bflanzenpkysio logie , Leipzig, 1808, 119.
(b) liotan. Zeit., 1839, 329.
380
CONIFÈRES.
dans des tubes scellés, des huiles essentielles de Térébenthine, de Ge-
névrier et d’autres semblables, avec une solution alcoolique de po-
tasse (1).
Extraction. — Dans les Etats-Unis (2), on relire une grande quantité de
Térébenthine du Pinus anstralis, qui forme de vastes forêts dans le nord
et le sud do la Caroline, dans la Géorgie et dans l’Alabama; mais c’est
dans le nord de la Caroline qu’on se livre plus particulièrement à la ré-
colte de la Térébenthine. Pendant l’hiver, c’est-à-dire de novembre à
mars, les ouvriers noirs sont occupés dans les Turpentine Orchards ,
c’est ainsi qu’on nomme les parties de la forêt qui doivent être
exploitées , à pratiquer dans le tronc des arbres des cavités nom-
mées vulgairement boxes. Ils emploient, pour cela, une hache lon-
gue et étroite, et ils doivent posséder une certaine habitude pour
que leur travail soit convenablement fait. Les boxes sont pratiqués
aune hauteur de 15 à 30 centimètres au-dessus du sol; ils ont la
forme d’une poche, dont le fond est situé à 10 centimètres environ
au-dessous de la lèvre inférieure, et à 20 ou 25 centimètres au-des-
sous de la lèvre supérieure. Le boxe d’un arbre de moyenne taille doit
pouvoir contenir un peu plus d’un litre. 11 est bon que la hache pénètre
le moins possible dans le centre de l'arbre, afin que sa vitalité ne soit
pas compromise. Un ouvrier habile peut faire un boxe en moins de
dix minutes. On en pratique d’un à quatre sur chaque arbre, en lais-
sant entre eux quelques pouces d’écorce. La plupart des arbres qui pro-
duisent actuellement la Térébenthine ont de 30 à 45 centimètres de
diamètre et présentent chacun trois boxes. Après avoir creusé le boxe,
l’ouvrier entaille au-dessus de lui l’écorce et le bois qu'il recouvre. Le
liquide qui commence à s’écouler de cette plaie vers le milieu de mars
descend dans le boxe. La plaie doit être drainée tous les huit ou dix jours
et prolongée un peu vers sa partie supérieure. On renouvelle et on pra-
tique les mêmes entailles chaque année, jusqu’à ce qu’elles atteignent
une hauteur de 12 à 15 pieds, en employant des échelles lorsque cela
est devenu nécessaire. On enlève la Térébenthine, nommée Dtp, des
boxes à l’aide d’une cuiller d’une forme particulière, et on la verse
dans des barils qu’on construit sur place et qui sont très-grossiers. Le
premier liquide qui s’écoule d’un nouvel arbre, n ayant qu une petite
surface à traverser pour tomber dans le boxe, est d’une qualité excellente
(1) Wiesneu, Die Gummiarten, Harzeund Balsame, Erlangen, 1869, 78.
(2) Les détails que nous donnons ici sont empruntés il : F. L. Olmsted, Journey in
the Seaboard Slave States , New-York, 18;>6, 38.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 381
et porto le nom de Virgin dip. On récolte parfois, et on met dans
des barils distincts, la Térébenthine qui se concrète sur le tronc
de l’arbre; elle est connue, sur le marché, sous le nom de scrape, et
par les droguistes anglais, sous le nom de Common Frankincense ou
G uni T/ws.
Quoiqu’on expédie vers les ports du Nord une grande quantité de té-
rébenthine pour y être distillée, on en distille une quantité encore plus
considérable dans le voisinage des Turpentine orcfiards. On emploie,
pour cela, des alambics en cuivre, qui contiennent de 5 à 20 barils de
térébenthine. La distillation se fait sans eau ; on reçoit l’huile volatile
qui s’écoule de l’appareil dans le même baril qui doit servir à la trans-
porter sur le marché. Lorsqu’on a obtenu toute l’essence qu’on peut dis-
tiller avec avantage, on ôte le bouchon qui ferme un orifice pratiqué
dans le fond de l’alambic, et on laisse écouler le résidu visqueux, qui est
connu sous le nom de Rosin. La première qualité du Rosin, celle qui
provient du Virgin dip , est seule considérée généralement comme
aj ant quelque, valeur ; on laisse perdre les qualités moins bonnes.
Lorsqu’on veut conserver le Rosin, on le reçoit dans une cuve pleine
c eau, ou les copeaux et les autres impuretés se séparent, et on le verse
ensuite dans des barils pour le porter au marché.. Dans le nord de la
aroline, une forêt à Térébenthine peut être exploitée, avec le traitement
ordinaire, pendant une cinquantaine d’années.
La récolte delà Térébenthine se fait dans les départements des Landes
e ce a monde, dans le sud de la France, d’une façon plus rationnelle
qu en Amérique. On pratique sur le tronc de l’arbre une plaie longitu-
male qui entame l’écorce et les couches superficielles du bois. La
résiné qui en découle s’amasse dans un vase en terre qui est fixé au
niveau de la partie inférieure de l’incision et qu’on vide de temps à
aulie (I). La Terebenthine qui se concrète sur les arbres est nommée,
en France, Galipot ou Barras.
~ 11 exislc «i™* variétés principales de Térébenthine
ommnne : celle d’Amérique et celle de Bordeaux. La première est seule
connue sur le marché anglais.
Téicùenl/anë d Amérique. — C’est un liquide visqueux comme du miel,
Ur Jaunâtrc, un peu opaque, devenant transparent par exposi-
Don a lair. Son odeur est agréable, sa saveur est chaude et un peu
onservé pendant longtemps dans un récipient, il se sépare en
O P°Ur plus de détaiU> voyvz : Dictionnaire de Chimie de WurU.
382 CONIFÈRES.
deux couches, l’une supérieure, claire et douée d une belle fluorescence,
l’autre inférieure, trouble ou granuleuse. Celte dernière partie, exami-
née au microscope, se montre formée d’un grand nombre de petits
cristaux d’une forme courbe particulière, ou elliptiques. Ces cristaux
sont constitués par de l’acide abiétique ; lorsqu’on chauffe la Térében-
thine, ils se dissolvent rapidement.
Térébenthine de Bordeaux. — Elle ressemble, par tous ses caractères
essentiels, à celle d’Amérique, mais elle paraît se diviser plus facilement
que cette dernière en deux couches : l’une transparente, et l’autre opaque
ou cristalline.
Composition chimique. — Les Térébenthines sont des mélanges de
résine et d’huile essentielle. Cette dernière s’élève à la proportion de
15 à 30 pour 100 ; elle est formée, en majeure partie, de divers hydro-
carbones, qui tous correspondent à la formule C10H16. Un grand
nombre des essences de Térébenthine brutes, et quelques-unes d’entre
elles, après rectification, sont attaquées par le sodium métallique.
Cette réaction y démontre la présence d’une certaine quantité
d’essences oxygénées, dont aucune n’a pu encore être isolée. Les es-
sences de Térébenthine offrent, malgré l’identité de leur composition,
une série de différences physiques qui correspondent à leur origine. Les
différents organes d’un même arbre produisent même des essences
jouissant de propriétés différentes. Leur point d’ébullition varie
entre 152° et 172° C. Leur poids spécifique varie également, à 17° C.,
de 0,856 à 0,870.
Les différences les plus considérables sont offertes par les propriétés
optiques, certaines essences déviant le plan de polarisation a droite, et
d’autres à gauche. Le pouvoir rotatoire de l’essence diffère de celui de
la Térébenthine dont elle dérive (1). L’odeur de l’essence varie avec
•l’espèce végétale qui l’a produite.
Lorsqu’on distille la Térébenthine brute avec de l’eau, l’essence passe
presque entièrement, tandis que la résine reste. Cette dernière estnom-
mée Colophane ( Rosin des Américains). Lorsqu’elle contient encore une
petite quantité d’eau, elle est distinguée, dans le commerce anglais,
sous le nom de Résine jaune (Yelloiv Rosin), tandis que lorsqu elle est
entièrement privée d’eau, elle prend le nom de Résine transparente
(; Transparent Rosin ) ; celle qui a pris une coloration plus foncée par une
(1) Pour plus de détails, voyez mou mémoire dans : Jahrcsbericht de Wiggbrs et
IIusumann, 1869, 36. [F. A. F.)
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 3S3
exposition plus prolongée à la chaleur, porte le nom de Résine noire
( Black Rosi n).
La colophane se ramollit à 80° G. et fond complètement à 100° C. en
lm clair. Vers 150° G., elle forme un liquide un peu plus foncé,
mais sans perdre de son poids. A une température plus élevée, elle se
décompose graduellement. Le poids spécifique de la colophane pure est
L07, elle est homogène, transparente, amorphe et très-cassante. Entre
Jo° et 2°U C-> elle eXl#e> Pour se dissoudre, 8 parties d’alcool dilué
a 0,883 ; quand on ajoute à l’alcool un alcali caustique, elle s’y dissout
beaucoup plus facilement. Elle est complètement soluble dans l’acétone
et la benzine.
P4m<,COmP°S1ÜOn chimique de la colophane répond à la formule
»HG2(>. Quand on agite de la colophane grossièrement pulvérisée avec
ce 1 alcool dilué tiède, elle se convertit en un corps cristallin, V acide
Abiétique, C«H*0». Gette transformation est due à une simple hydrata-
tion. Sous l’influence de ce traitement, la colophane donne de 80 à
90 pour 100(1) d’acide abiétique, ce qui montre qu’elle consiste, en
majeure partie, en un anhydride de cet acide. Il en est probablement
ainsi des résines des autres Conifères. Les arbres vivants ne contiennent
que 1 anhydride, car le suc résineux frais est clair et amorphe après
qu on en a séparé l’essence ; lorsqu’on l’expose à l’air, il perd son es-
sence, prend de l’eau, et se solidifie comme l’acide cristallin. On peut fa-
cilement, à l’aide du microscope, suivre ces changements dans une
goutte de suc prise sur l’arbre. La colophane amorphe conserve sa
transparence, même dans une atmosphère humide, et ne paraît suscep-
i e de passer a l’etat d’acide abiétique que lorsque l’absorption de la
molécule d eau, nécessaire pour cette transformation, est aidée par la
présence de l’huile essentielle ou par celle de l’alcool. Lorsqu’on fait
bouillir la colophane avec des solutions alcalines, elle forme des sels
d acide abietique, nommés savons résineux (resin-soaps), qui sont em-
ployés a 1 état de mélange avec d’autres savons.
acide Sylvique de Siewert est considéré par Maly (1864) comme un
produit de décomposition de l’acide abiétique. Les acides Pimarique,
inique et Sylvique des observateurs antérieurs sont considérés, aujour-
d ui, comme de l’acide abiétique à l’état impur. L’acide pimarique,
cependant, qui est le principe constituant le plus important du Galipot,
parai c ie cifférent, autant que nous pouvons en juger par les expé-
(1) Flückiger, loc. cit., 1807, 36.
384 CONIFÈRES.
riences de Buvernoy (1865), et par celles de l’un de nous (Flückiger).
L’acide abiétique, de même que les résines inaltérées des Conifères,
dévie la lumière polarisée à droite, tandis que la colophane améri-
caine, dissoute dans l’acétone, est dépourvue de tout pouvoir optique.
Commerce. — La Térébenthine nous vient, en majeure partie, des
Etats-Unis, mais son importance commerciale a subi de grandes varia-
tions, ainsi que le montrent les chiffres suivants, qui représentent les
quantités importées pendant quatre années: en 1869, il en fut importé
60408 quintaux ; en 1870, 51257 quintaux; en 1871, 2231 quintaux;
en 1872, 1 000 quintaux. Cette diminution croissante de l’importation
de la Térébenthine brute s’explique, en partie, par une plus grande im-
portation de l’essence de Térébenthine et de la résine; mais l'accrois-
sement de ces dernières importations n’est pas suffisant pour rendre
compte de la diminution considérable indiquée par les chiffres que nous
venons de citer. Les quantités de ces deux articles importées dans le
Royaume-Uni, pendant l’année 1872, ont été les suivantes : essence de
Térébenthine , 220292 quintaux, valant 470085 livres sterling, les six-
septièmes fournis par les Etats-Unis d’Amérique, et le reste surtout par
la France; résine, 919494 quintaux, valant 492246 livres sterling; les
neuf dixièmes fournis parles Etats-Unis, et le reste en grande partie par
la France (I).
Usages. — La Térébenthine, les résines brutes et la colophane en-
trent dans la composition de certains onguents et emplâtres. On admi-
nistre parfois l’essence de Térébenthine à l’intérieur comme Munii-
fuge ou diurétique, et extérieurement comme topique stimulant; mais
ces substances sont incomparablement moins usitées dans la médecine
que dans les arts.
ENCENS AMÉRICAIN OU COMMUN.
Cette substance, connue des droguistes anglais sous le nom de Corn-
mon Frankincense ou Gum Thus, est constituée par la résine qui se con-
crète spontanément sur la tige des Pins, dans les forêts américaines, ou
elle est nommée Scrape. Elle correspond au Galipot ou Barras des Fran-
çais, qui autrefois ôtait utilisé à sa place.
J C’est une résine semi-opaque, un peu molle, jaune pâle, à odeur de
Térébenthine. Elle est, en général, mélangée de feuilles de Pm, de
(1) Annual Statement of the Tracte of the U. K. for 1S72, 53, oO, GO, -10.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 385
fragments de bois et d’autres impuretés, de sorte qu’il est nécessaire de
la purifier avant d’en faire usage. Conservée pendant quelque temps,
elle devient sèche et cassante ; sa coloration se fonce et son odeur de-
vient plus douce. Sous le microscope, elle offre une structure cristalline
due à V acide Abiétique, qui la constitue en majeure partie. Elle est im-
portée d’Amérique dans des barils, mais en quantité insignifiante et seu-
lement pour l’usage des droguistes. Parfois, cependant, on la distille
comme la Térébenthine commune. La résine de Pin sèche, dont le
Common Frcinkincense (. Encens commun ) est le type, émet, lorsqu’on la
chauffe, une odeur agréable qui, autrefois, la faisait employer dans les
églises anglaises a la place de l’oliban, dont le prix est beaucoup plus
élevé. Aujourd’hui, on ne l’emploie guère qu’eà la fabrication de quel-
ques emplâtres.
(a) Les Pms (Pinus L., Généra, 879)sont des Conifères, de la tribu des Abiétinées,
sous-tribu des Pinées, à fleurs monoïques ; à chatons mâles formés de bractées qui
portent chacune deux anthères ; à cônes femelles formés d’écailles épaissies au
sommet; chacune de ces écailles porte près de sa base deux fleurs réduites à un
ovaire renversé, dicarpellé, uniovulé (1 ) ; ces fleurs produisant deux fruits secs,
indéhiscents, ailés.
Le Pinus sylvestris L. ( Specics , 1418) est un arbre élevé, à tronc cendré ou rou-
geâtre, terminé par une tète de feuillage arrondie ;
à rameaux presque verticillés, ascendants. Les
feuilles sont reunies deux par deux sur de petits
ïameaux très-grêles et très-courts, disposés en
spirale sur les branches, pouvant au premier
abord facilement passer inaperçus, et recouverts
d’écailles scarieuses qui s’élèvent comme une
gaine autour de la base des feuilles. Les écailles
qui recouvrent les bourgeons sont très-pressées
les unes contre les autres, flmbriées-ciliées, lan-
céolées atténuées, jaunâtres et sèches. Les feuilles
sont geminees, c est-a-dire réunies deux par deux
et très-rapprochées par la base, où elles sont re-
tenues en contact par la gaine, écartées l’une de
1 autre vers le haut et plus ou moins étalées. Elles
sont rigides, longues de 2 à 6 centimètres ou plus,
rarement de 7 â 8 centimètres, larges de moins
de 2 millimètres, à demi cylindriques, creusées en
n ii'1 1| ! n pC ru/ ^ f la filC(i interne’ qui est limitéc P®* deux bords scabres, et terminées
nenciant lVivnr u ’ piquantC ; eIles sont colorées en vert glauque et persistent
i a ; K .... ' jCS eues mâles sont disposées en chatons nombreux et petits, longs
de 6 a 8 m, II, mètres et larges de 3 à 4 millimètres, colorés en jaune-orange. Ils sont
B"*™™», Oie 45 ZaMelZ nmr ^ " *">' ««• ~
HIST. DES DROGUES, T. II.
Fig. 244. Pinus sylvestris.
25
386
CONIFERES.
réunis en épis denses, serrés, ovales-coniques, disposés latéralement à la partie
inférieure des rameaux de nouvelle formation, qui s’allongent pendant leur épa-
nouissement et produisent de jeunes feuilles.
Chaque chaton nulle est formé d’un axe central sur lequel sont disposées en
spirale de nombreuses écailles rétrécies et presque stipitées à la base, orbicu-
1 ai res au sommet, lisses et concaves en dessus, convexes sur la face inférieure, et
renflées de chaque côté de la ligne médiane pour constituer deux loges antliéri-
ques collatérales, subglobuleuses, uniloculaires et déhiscentes chacune par une fente
longitudinale. Les grains de pollen présentent au moment de la fécondation des
phénomènes très-remarquables qui les ont fait comparer au prothalle mille des crypto-
games vasculaires, mais qui u’ont encore été étudiés que d’une façon imparfaite (1).
Les fleurs femelles sont également disposées en chatons portés par le môme pied que
les mâles, mais terminaux, solitaires ou réunis par deux ou trois ; à l’état jeune, ils
sont ovales-globuleux, portés par un petit rameau de la même longueur que le cône
et recourbé vers le sol ; à l’état adulte, ils sont subsessiles, pendants, coniques-
ohlongs, un peu obtus au sommet, longs de 3 à 6 centimètres et larges de 2 à
4 centimètres ; verts à l’état jeune, il deviennent bruns à la maturité. L’axe princi-
pal du chaton femelle porte d’abord de petites bractées foliacées, disposées en spi-
rale, et destinées à rester toujours très-courtes et rudimentaires ; puis, dans l’aisselle
de chacun de ces appendices foliaires se développe un axe secondaire qui s’aplatit
bientôt et produit deux fleurs ; cet axe se développe beaucoup plus par la partie située
au-dessus des fleurs que par la partie située à leur niveau et «au-dessous d’elles, de
sorte que les fleurs se renversent de façon à avoir leur sommet dirigé en bas, et se
trouvent finalement situées de chaque côté de la ligne médiane de la face dorsale du
rameau qui les porte et vers la base de ce rameau. Ce dernier, en s’allongeant, s’est
fortement aplati et étalé de façon à constituer une écaille ligneuse, dure, plus large
et plus épiiisse au sommet qu’à la base, et terminée dans le haut par une «apophyse
aphatie ou élevée et pyramidale, et un peu recourbée. Toutes les écailles florifères
sont étroitement appliquées les unes contre les autres et imbriquées. Au moment de
la maturité des fruits, elles s’écartent et permettent la chute de ces derniers. Chacune
des deux fleurs femelles portées par les diverses écailles du cône est dépourvue de
périanthe, et constituée par un ovaire dont l’existence, autrefois niée, a été bien
démontr ée par M. B«aillon en 1860. L’ovaire est formé de deux feuilles carpellaires
connées d«ans une grande partie de leur étendue, mais indépendantes au sommet, de.
façon que l’ovaire reste ouvert dans sa partie supérieure ; son ouverture est bor-
dée de deux petites saillies stigmatiques qui répondent «aux extrémités des feuilles
carpellaires, et en partie bouchée par une goutte d’un liquide visqueux, destiné à
retenir les grains de pollen, et sans doute à les nourrir pendant leur germination.
Par suite du renversement subi par la fleur pendant l’accroissement de 1 axe écailleux
qui la porte, l’orifice de l’ovaire se trouve dirigé en bas. Dans sa cavité, existe un
seul ovule orthotrope, dépourvu de membrane d’enveloppe. Autrefois on considé-
rait l’ovaire comme l’enveloppe de l’ovule. Le fruit qui succède à chacune des fleurs
est un achaine ov«ale-oblong, aplati, à péricarpe dur, sec, luisant, noirâtre, entoure
d’une aile membraneuse trois ou quatre fois plus grande que lui-même. Le fruit
contient une seule graine renfermant un albumen huileux et un embryon droit, si-
tué dans l’axe de l’albumen, à peu près aussi long que ce dernier, et formé d’une ra-
dicule courte et de deux cotylédons multipartites. [Trad.]
(1) Voyez J. Sachs, Botan., trad. fr., 592.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 387
Lo Pinus Laricio Poiiiet ( Dict . encyclop., V, 339) est un arbre à cyme à peu près
pyramidale, s’élevant parfois jusqu’à une hauteur de 30 mètres et au delà, à tronc
droit, recouvert d'une écorce fauve, crevassée ; à branches verticillées, étalées hori-
zontalement ou se relevant vers l’extrémité. Les feuilles sont géminées, plus ou moins
étalées, semi-cylindriques, parfois contournées, vertes, rigides, longues de 9 à 10 ou
de 12 à lo centimètres, larges de 1 à 2 millimètres. Les écailles des bourgeons sont
lancéolées-atténuées, fimbriées-ciliées sur les bords. Les chatons mâles sont épais,
longs de lo millimètres, larges de 5 à 6 millimètres, peu nombreux sur chaque épi,
étalés, droits ou recourbés. Les écailles anthérifères sont suborbiculaires, denticu-
lées. Les chatons femelles sont solitaires ou en verticilles de deux à quatre, les plus
jeunes, ovales-globuleux, portés par un pédoncule plus court qu’eux, droit et étalé ;
les adultes, horizontaux, subsessiles ou sessiles, ovales ou ovales-coniques, terminés
en pointe, longs de b à 7 centimètres et larges de 3 centimètres près de la base. Les
écailles fructifères sont noirâtres en dessous, munies dans le haut d’une apophyse
subrhomboïde, ombiliquée et d’une carène transversale élevée, avec la face supérieure
convexe et l’inférieure obscurément carénée en long. Les fruits sont petits, ovales,
convexes sur les deux faces, munis d’une aile deux à quatre fois plus grande qu’eux-
mèmes.
Le Pinus Pinasler Solander (in Ait., fJorl. Kew, éd. 1, III, 367), vulg. Pin
maritime, est un arbre de 18 à 24 mètres de haut, à écorce rougeâtre, cendrée ou
jaunâtre, à cyme à peu près pyramidale, à rameaux verticillés, étalés ; à écailles des
bourgeons larges, ovales-lancéolées, atténuées-acuminées, réfléchies dans le haut,
longuement fimbriées-ciliées sur les bords. Les feuilles sont géminées, entourées à
la base d’une gaine courte, lâche, jaunâtre; elles sont épaisses, rigides, plus ou
moins étalées, demi-cylindriques, à peine scabres sur les bords, mucronées, vertes,
lougues de 12 à 20 centimètres et larges de 2 millimètres. Les chatons mâles sont
oblongs, obtus, un peu allongés, réunis en grand nombre en un épi épais, oblong.
Les écailles anthérifères sont suborbiculaires, denticulées. Les cônes femelles sont
solitaires ou verticillés par deux, quatre ou plus rarement, cinq à sept. A l’état jeune,
ils sont ovales ou oblongs, étalés ou dressés, portés par un rameau plus court qu’eux-
mémes ; à l’état adulte, ils sont portés par un rameau court et épais, pendants,
oblongs-coniques, obtus au sommet, longs de lb à 19 centimètres, larges de
7 a 8 centimètres. Les écailles fructifères sont munies d’une carène transversale
saillante, d’une apophyse élevée, pyramidale, blanche, aiguë, d’un ombilic large,
comprimé, aigu, piquant, droit ou un peu recourbé. Les fruits sont ovales ou oblongs,
convexes sur les deux faces, et munis d’une aile obtuse et tronquée dans le haut,
trois ou quatre fois plus grande qu’eux.
Le Pinus auslralis Michaux (Ârbr., I, 62, t. 6) est un arbre haut de 18 à 21 mètres,
a cyme étalée, a rameaux étalés, horizontaux ou relevés à l’extrémité ; à feuilles ter-
nées, très-longues, grêles, rapprochées à l’extrémité des rameaux, étalées ou pen-
dantes, comprimées-triquètres, scabres sur les bords, mucronées, longues de 2b à
3b centimètres, larges de 1 millimètre et demi, entourées à la base de gaines assez
longues, circinées au sommet. Les cônes femelles sont pendants, coniques-cylindri-
ques, obtus, courbés ou presque droits. Leurs écailles sont munies d’une apophyse
un peu élevée, pyramidale, à ombilic large, proéminent, surmonté d’une pointe
courte et recourbée. Les achaines sont ovales, convexes sur les deux faces, entourés
d une aile oblongue près do trois fois plus grande qu’eux.
Le Pinus Tœda L. ( Species , 1419, ex parte) a, comme l’espèce précédente, des
feuilles ternées, longues de 16 à 20 centimètres, à peine larges de 1 millimètre et
388
CONIFERES.
demi, rigides, dressées ou subétalées, comprimées, triquètres, un peu geabres sur
les bords, courtement mucronées. Les chatons
milles sont longs, cylindriques-obtus, droits ou
un peu courbés, réunis en fascicules subcapités.
Les écailles anthérifères sont suborbiculaires,
crénelées-ciliées. Les chatons femelles sont ver-
ticillés par deux ou cinq, sessiles, étalés, ou
subhorizontaux, ovales-oblongs, un peu obtus.
Les écailles sont munies d’une apophyse un
peu comprimée, pyramidale, et d’une caréné
transversale aiguë, d’un ombilic mucroné, à
pointe droite, aiguë, piquante. Les fruits sont
ovales, convexes sur les deux faces, entourés
d’une aile large. [Tiud.]
{b) Dans un jeune rameau de Pinus sylves-
tris on trouve, de dehors en dedans, comme
l’indique la figure 245, représentant la coupe
transversale d’un rameau de deux ans : 1° une
couche épidermique a, qui peut avoir disparu et
être remplacée par un petit nombre de couches
de liège ; 2° un parenchyme cortical épais, 6,
formé de grandes cellules irrégulièrement poly-
gonales, à parois claires et minces. Dans cette
zone, sont contenus de nombreux canaux sécré-
teurs ayant la structure que nous .avons déjà
trouvée dans le Garcinia Morella (voyez tome I,
p. 166, fig. 57), les Balsamodendron, etc.,
c’est-à-dire formés par des méats intercellulaires très-dilatés, constituant un canal
parallèle à l’axe du rameau, et bordé de plusieurs couches de cellules sécrétantes.
En dedans du parenchyme cortical, se trouve le liber, c, dont les faisceaux sont
séparés les uns des autres par des
rayons médullaires qui se prolongent
dans le bois, et sont formés d’ordi-
naire chacun d’une seule rangée de
cellules allongées radialement. Cha-
que faisceau libérien est formé dans
toute son épaisseur d’éléments uni-
formes, allongés parallèlement à
l’axe du rameau, à contour presque
quadrangulaire , à parois minces,
molles et claires. Une couche de
cambium d sépare le liber du bois ;
ses cellules sont quadrangulaires,
à parois minces. Le bois e est formé
de faisceaux séparés par des rayons
médullaires à uue seule rangée de cellules allongées radialement. 11 est composé
uniformément de fibres ligneuses à ponctuations aréolées, à contour polygonal et
à parois épaisses, à cavité plus large dans la zone extérieure qui est de la seconde
année que dans la zone interne qui répond à la première année. Cette dernière
Fig. 24o. Pinus sylvestris.
Coupe transv. d'un rameau de deux ans.
nr
Fig. 246. Pinus sylvestris.
Canal sécréteur à une
seule couche do cellules
sécrétantes.
Fi;
247. Pinus sylvestris.
Canal sécréteur à deux
couches de cellules sé-
crétantes.
380
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
est limitée ù lu partie interne de chaque faisceau, au voisinage de la moelle, par un
petit groupe de vaisseaux trachéens. Dans les faisceaux ligneux, sont dispersés un
assez grand nombre de canaux sécréteurs organisés comme ceux de l’écorce. Il
existe ordinairement un vaisseau dans chaque faisceau en dehors du groupe de
trachées qui le limite au voisinage de la moelle. Il n’existe pas de canaux dans la
moelle, qui est formée de grandes cellules arrondies ou polygonales, à parois
minces.
Les figures 246, 247, 248, 249, ci-jointes, empruntées à M. Sachs ( Botanique ), in-
Fig. 249. Pinus syluestris.
Canal sécréteur dans lo bois.
diquent bien le mode de formation de ces canaux dans le Pinus sylvestris. Dans la
figure 240, représentant un canal sécréteur en voie de formation dans le voisinage
de la moelle d’un rameau d’un an, le méat intercellulaire dilaté n’est limité que par
un seul cercle de cellules sécrétantes, remplies d’une oléorésine à gouttes très-réfrin-
gentes. Dans la figure 247, on voit que les cellules de bordure du canal se sont segmen-
tées parallèlement à la circonférence du méat intercellulaire pour produire deux cer-
cles concentriques de cellules qui sont déjà remplies d’oléorésine. Dans la figure 248,
les cellules sécrétantes, empêchées sans doute de se séparer les unes des autres pour
former un méat intercellulaire destiné à servir de réservoir, sont restées en conti-
guïté, mais sécrètent néanmoins de l’oléorésine qui se frayera plus tard un chemin
vers l’extérieur à travers le rayon médullaire à cellules allongées radialement qui
se trouve en avant de la masse cellulaire glanduleuse. Dans la figure 249, les
cellules glandulaires appartenant au parenchyme ligneux et entourées de fibres li-
gneuses ont pu s’écarter pour produire un méat, et sa sont déjà en partie segmen-
tées parallèlement à la circonférence de ce dernier. [Trad.]
TÉRÉBENTHINE DE VENISE.
Terebenthina Venela, Terebenthina Lancina; Térébenthine de Venise on de Briançon, Térébenthine
du Mélèze ; angl., Venioo Turpentine, Larch Turpentine; allom , Venetianischer Tmpenthin,
L'drchen-Terpentltin.
Origine botanique. — Pinus Lcirix L. ( Lctrix Europæa DC.) C’est un
bel arbre des forêts qui couvrent les montagnes du sud-ouest du
31,0 CONIFÈRES.
centre de l’Europe, depuis le Dauphiné jusqu’à la Styrie et les Car-
pathos, en passant par les Alpes. Il s’élève jusqu’à 900 et I 000 mètres
au-dessus du niveau de la mer. Il est cultivé sur une très-grande échelle
en Angleterre et en Ecosse [a).
Historique. — La térébenthine du Mélèze était connue deDioscoride
comme importée des régions alpines de la Gaule (I). Pline la connais-
sait également, car il fait remarquer qu’elle ne durcit pas. Galien, au
deuxième siècle, la mentionne aussi; il admet qu’on peut la substituer
à la térébenthine de Chio, qui ôtait alors considérée comme la véri-
table Terebinthina. A une époque plus récente, vers 1550, Mattioli
expose la façon dont on la recueille dans les environs de Trente, dans
le Tyrol, en perforant les arbres jusqu’au centre de leur tronc, ce qui
se fait encore aujourd’hui. On l’exportait autrefois, habituellement, de
Venise. Le nom anglais Larch paraît appartenir à la térébenthine plu-
tôt qu’à l’arbre. Dioscoride dit que la résine est nommée par les indi-
gènes Xâpixa. Galien indique le même nom. Dans un guide commercial
nommé Tariffa de pesi e misure, qui parut àVenise en 1503, nous trou-
vons la « Termentina sive Larga », et Larga est encore le nom italien
de la térébenthine du Mélèze. Les paysans du sud du Tyrol la nom-
ment Lerget, et en Suisse son nom allemand est Lôrtsch.
Extraction. — La térébenthine du Mélèze est recueillie dans le Tyrol,
et surtout dans les environs de Meran, Bautzen et Trente. On en re-
cueille parfois une petite quantité en Suisse, dans le Valais, et dans
quelques localités du Piémont et de la France. On retire la résine
du cœur de l’arbre , en pratiquant , au printemps , à 30 centimè-
tres au-dessus du sol, une cavité étroite qui pénètre jusqu’au centre
de la tige, et qu’on bouche jusqu’à l’automne de la même année ou de
l’année suivante ; on l’ouvre alors et on en retire la résine à l’aide d’une
cuiller en fer. Si l’on n’a pratiqué qu’un seul trou, l’arbre donne envi-
ron une demi-livre de térébenthine par an, sans dommage appréciable ;
mais si on pratique plusieurs larges trous dans le même arbre, et sur-
tout si on les laisse ouverts, comme cela se pratiquait autrefois en Pié-
mont et dans les Alpes françaises, on peut obtenir jusqu’à 8 livres de
térébenthine par an, mais au bout de quelques années l’arbre cesse
de produire, et son bois perd beaucoup de sa valeur.
Mohl, qui assistaà la récolte de la térébenthine dans le sud du Tyrol(-2),
observa que lorsqu’on sciait en travers une tige de Mélèze en pleine
(1) Lib. I, c. 92.
(2) Bot. Zeit., 1859, XVII, 329.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 391
croissance, la résine s’écoulait en plus grande quantité du cœur du bois
que de son aubier, d’où, cependant, son écoulement était plus rapide,
et que l'écorce ne contenait qu’un petit nombre de canaux à résine.
La pratique de boucher les trous qui ont été faits dans l’arbre est
adoptée non-seulement dans le but de préserver le bois et de recueillir
plus facilement la térébenthine, mais aussi parce qu’elle contribue à
conserver à cette dernière plus de transparence et de pureté.
Description. — La térébenthine de Venise'estun liquide épais, sem-
blable à ou miel un peu trouble, mais ni granuleux, ni cristallin (I),
coloré en jaune pâle et doué d’une légère fluorescence. Son odeur res-
semble à celle de la térébenthine commune, mais elle est plus faible.
Sa saveur est amère et aromatique. Lorsqu’on l’expose à l’air, elle
s’épaissit lentement et prend l’aspect d’un vernis clair; elle ne durcit
pas quand on la mélange avec de la magnésie. La térébenthine du
Mélèze n’est pas rare sur le continent, mais on ne l’importe que fort
peu en Angleterre (2), et celle qu’on y vend est presque toujours fal-
sifiée.
Composition chimique. — La térébenthine du Mélèze se dissout dans
l’alcool en formant un liquide clair qui rougit le tournesol ; l'eau
chaude qu’on agite à son contact acquiert également une réaction acide
manifeste, due à l’acide formique, et probablement aussi à l’acide suc-
cinique. L’acide acétique cristallisable, l’alcool amylique et l’acétone
se mélangent complètement avec elle. Par la distillation, elle donne en
moyenne 15 pour 100 d’une huile essentielle, C10H1<S, qui bout à 157° G.
Elle produit facilement des cristaux d’un composé C10H16-}- HCl. Le ré-
sidu résineux est soluble dans 2 parties d’alcool à 75 pour 100, et
plus abondamment dans l’alcool concentré. Deux parties de térében-
thine, diluées d’une partie de benzine ou d’acétone, dévient la lu-
mière polarisée de 9°, 5 à droite. L’huile essentielle la dévie de 6°, 4 à
gauche; la résine, entièrement privée d’huile essentielle, et dissoute
dans la moitié de son poids d’acétone, la dévie de 12°, 6 à droite, en
colonne de 50 millimètres de long.
Nous n’avons pu réussir à préparer, avec la résine de la térében-
thine de Venise, aucun acide cristallisé, quoique sa composition soit,
(1) J’ai observé une fois cette résine en gouttes cristallisées sur le tronc d’un
Mélèze, auprès de Berne. [P. A. P.] .
(2) J'ai vu, dans une circonstance, la térébenthine de Venise, dans une vente pu-
blique de drogues; vingt et un barils, importés de Trieste, furent mis en vente le
14 juillet 1864. [D. H.]
392
CONIFÈRES.
d'après Maly, la môme que celle de la colophane d’Amérique, qui se
transforme facilement en acide abiétique cristallisé.
Usages. — La térébenthine de Venise possède les propriétés médici-
nales qui appartiennent, à des degrés très-divers, aux autres sub-
stances du môme groupe, et son emploi est abandonné ; on la prescrit
tout au plus dans la médecine vétérinaire.
Falsification. - Alston (1740-1760) dit de la térébenthine de Ve-
nise (1) qu elle se trouve rarement dans les boutiques. Cette remarque
est également vraie de nos jours, car peu de droguistes se donnent la
peine de se la procurer à l’état naturel. Celle qu’on vend d’ordinaire
e>t un mélange de résine commune et d’essence de térébenthine. On
peut facilement distinguer ce mélange de la térébenthine du Mélèze par
la facilité avec laquelle il se dessèche lorsqu’on l’étend sur une feuille
de papier (2), et par son odeur plus forte de térébenthine.
(a) Le Pinus Larix L. ( Species , 1420 ; Larix decidua Miller; Ab les Larix L\-
marck ; Larix pyramidalis Salisb.; Larix europœa DC.; Larix excelsa Jjnk ; Larix
commuais Laws.) est un arbre de 27 à 30 mètres de haut, à tronc droit, recouvert
d’une écorce cendrée ou rougeâtre et lisse en dessous; â
cyrne pyramidale, à branches verticillées, à peu près hori-
zontales ou pendantes et relevées au sommet, émettant
des rameaux allongés, grêles et pendants. Les feuilles
sont caduques, réunies sur de petits ramuscules courts,
écailleux, au nombre de trente à quarante, ou même, mais
rarement, de cinquante à soixante ; elles sont inégales,
plus ou moins étalées, molles, d’un vert gai, linéaires,
obtuses, atténuées vers la base, un peu renflées au mi-
lieu, et parcourues par un sillon longitudinal peu profond,
blanchâtre. Elles sont longues de 22 à 38 millimètres et
larges de 1 millimètre au plus. Les chatons mâles sont
ovoïdes, subglobuleux, longs de 5 à 8 millimètres, larges
de S millimètres, souvent ascendants, solitaires au som-
met des bourgeons foliifères. Les écailles anthérifères
sont pyramidales, munies d’une crête. Les cônes femelles
sont solitaires sur un rameau court ; ils sont ascendants,
ovoïdes ou ovoïdes-oblongs, obtus. Les écailles fructifères
sont nombreuses, imbriquées, coriaces, cartilagineuses,
orbiculaires ovales, tronquées, planes et un peu convexes dans le dos. Les bractées
mères des écailles fructifères sont très-développées, et font souvent saillie à la
• surface des cônes ; elles sont terminées par une pointe saillante et dentées sur les
(1) Lectures on the Mat. Medic., Lond., 1770, II, 398.
(2) Lorsqu’on étend sur une feuille de papier une couche mince de térébenthine de
Venise, et sur une autre une couche égale de térébenthine commune, au bout de quel-
ques semaines on no pourra pas toucher la première avec le doigt sans qu’elle y adhère,
tandis que la seconde formera un vernis sec et dur.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 393
bords. Les fruits sont petits, obovales, munis d’une aile semiovnle, obtuse, à peine
deux fois plus longue qu’eux. [Thad.]
ÉCORCE DE MÉLÈZE.
Cortex larioAs; angl., Larch Bark.
Origine botanique. — Pinus Larixlj. (voirp. 392, noie a).
Historique. — L’écorce du Mélèze a passé longtemps pour posséder
des propriétés astringentes, et était employée dans le tannage. Ge-
rarde (I), qui écrivait vers la fin du seizième siècle, la compare à celle
du Pin, qu'il décrit comme possédant la propriété de déterminer la
constipation, mais il n’y a là aucune indication réelle qu’elle fût alors
employée en médecine.
Yers l’année 1858, l’écorce du Mélèze fut recommandée par le doc-
teur Frizell, de Dublin, et plus tard par d’autres médecins, comme as-
tringent stimulant et expectorant. Les résultats favorables qui suivi-
rent son emploi, la firent admettre dans les Additions to the British
Pharmacopœia de 1867, publiées pendant la même année.
Description. — L’écorce du Mélèze est en morceaux aplatis ou re-
pliés en larges tubes, colorés extérieurement en brun-rougeâtre. Les
fi agments îecueillis sur de vieux arbres otïrent une couche subéreuse
épaisse, en voie d exfoliation, qui met à nu, lorsqu’on l’enlève, une
suitace colorée en rose clair, tandis que le liber, offrant une texture
différente, est un peu fibreux et blanchâtre. La surface interne est lisse
et colorée en brun rosé ou en jaune pâle. La cassure de cette écorce est
courte, son odeur est balsamique, térébenthineuse, agréable. Sa saveur
est dune astringence très-prononcée. Pour l’usage médicinal, on doit
préférer la partie interne de l’écorce.
Structure microscopique. — Sur une section transversale, on ob-
sene des canaux résineux, mais en nombre moindre que dans l’écorce
de plusieurs autres arbres voisins. Les rayons médullaires ne sont pas
très-distincts. Dans la couche moyenne de l’écorce, sont éparses de
larges cellules à parois épaisses, de forme très-irrégulière.
Composition chimique. — L’écorce du Mélèze a été étudiée par
Stenhouse (2). 11 y a trouvé une quantité considérable d’un tannin par-
ticulier qui donne, avec les sels de fer, un précipité vert-olive. Le même
chimiste a trouvé aussi, dans cette écorce (3), une substance cristalü-
(1) HerLall, enlarged by Johnson , Lond., 1036, 1366.
(2) Proceedings of the Royal Society, 1862, XI, 404. '
(3) Philos. Tram., 1862, vol. 162, 53.
391
CONIFÈRES.
sable nommée Larixine ou acide Larixinique , dont la composition ré-
pond à la formule C10II10()!'. On peut l’obtenir en faisant digérer l’écorce
dans l’eau à 80° G., et évaporant le liquide jusqu’à consistance siru-
peuse ; en le faisant chauffer dans une cornue, avec précaution, on dé-
termine la distillation do la larixine, dont une partie est entraînée par le
liquide qui distille, tandis que l’autre partie se dépose en cristaux sur les
parois internes de la cornue. On peut obtenir à l’état cristallin la la-
rixine entraînée par le liquide distillé, en faisant évaporer ce dernier.
Cette substance forme des cristaux incolores qui ont parfois plus de
<25 millimètres de long, se volatilisent à 93° C., et fondent à 153° C. Ils
exigent pour se dissoudre 88 parties d’eau environ à 13° C ; mais
leur dissolution est plus facile dans l’eau bouillante et dans l’alcool.
La larixine est peu soluble dans l’étber et s’en sépare en cristaux
brillants. Ses solutions possèdent une saveur astringente, un peu
amère, et une réaction légèrement acide. Elles sont colorées en pourpre
par le chlorure ferrique. Quand on ajoute une solution de baryte
à une solution concentrée de larixine, il se forme, si cette dernière
est en excès, un précipité gélatineux abondant qui se dissout facile-
ment dans l’eau bouillante , mais se dépose de nouveau quand la
liqueur se refroidit. La larixine est voisine du pyrogallol et de la pyro-
catéchine, mais elle en diffère en ce qu’elle préexiste dans l’écorce, et
n’est pas un produit secondaire comme les deux autres corps. Stenhouse
n’est parvenu à la retirer ni de l’écorce du Pinus abies L., ni de celle du
P inus sylvestris L.
Usages. — L’écorce du Mélèze a été prescrite particulièrement sous
forme de teinture pour faciliter l’expectoration dans la bronchite chro-
nique. On l’emploie aussi pour arrêter les hémorrhagies internes.
TÉRÉBENTHINE DU CANADA.
Terebenthina Canadensis, Balsamum Canadense ; Térébenthine ou Baume de Canada;
angl., Canada Balsam, Canadian Turpentine; allem., Canada Balsam.
Origine botanique. — Pinus balsamea L. ( Abies balsamea Marshall).
Le Pin qui produit le Baume du Canada (. Balsam Fir ou Gilead Fir des
Anglais) est un bel arbre, haut de 6 à 12 mètres, dont le tronc a de
15 à 30 centimètres de diamètre, et parfois davantage. Il croît en abon-
dance dans le nord et l’ouest des Etats-Unis d’Amérique, delà Nou-
velle-Ecosse et du Canada ; mais on ne l’observe pas au-delà du 62e de-
gré de latitude nord. Il ressemble au Pinus Picea L. d’Europe, mais
395
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
scs bractées sont munies d’une pointe courte, et ses cônes sont plus
aigus aux deux extrémités (a).
Une certaine quantité de Baume du Canada est également produite
par le Pînus Fraseri Pursii ( Small fruited ou Double Balsarn Fir), arbre
des montagnes de la Pcnsylvanie, de la Virginie, et, vers le sud, des
parties les plus élevées des Alleghanies (1).
Le Pînus ccinadensis L. {A Lies canadensis Michaux) ( Hemlock Spruce
ou P émusse) , grand arbre abondant dans les pays où croît le Pînus balsa-
mea, et s’étendant dans toute l’Amérique anglaise jusqu’à Alaska,
passe pour fournir une térébenthine semblable, qui n’a pas encore été
suffisamment étudiée. Cet arbre est d’une grande utilité par la ré-
sine recueillie sur son tronc et l’huile essentielle qu’on distille de ses
feuilles. Celte dernière opération s’effectue sur une grande échelle
dans le comté de Madison, dans le New-York. L’écorce interne du
même arbre est très-bonne pour le tannage.
Historique. — Nous avons trouvé la première mention du Baumede
Canada dans le Tarif des pharmacies de Strasbourg, publié en 1759
par le magistrat de cette ville (2). Le Baume du Canada fut introduit
pour la première fois dans la Pharmacopée de Londres en 1788. D’après
les livres d’un droguiste de Londres, J. Gurney Bevan, son prix, dans
les ventes en gros, était, en 1776, de 4 shillings, et en 1788, de 5 shil-
lings, la livre.
Description. — Le Baume du Canada est une résine transparente, ayant
la consistance du miel, et une coloration jaune-paille un peu verdâtre.
Quand on le conserve, il devient peu à peu plus épais, et sa teinte se
fonce, mais il garde toujours sa transparence. Examiné avec soin à
la lumière directe du soleil, il offre une teinte légèrement verdâtre,
comme les autres térébenthines, et comme le baume de Copahu. Cette
fluorescence paraît croître quand on l’expose à une température d’en-
viron 200° C. Il possède une odeur aromatique, agréable, et une saveur
un peu amère et légèrement âcre, qui, cependant, n’est pas désagréa-
ble. On le nomme parfois, à cause de son odeur, Baume de Gilead, déno-
mination erronée, car ce dernier provient d’un arbre appartenant au
genre Balsa?nodendron, qui croît en Arabie. Un baume du Canada com-
mercial, de bonne qualité, nous a offert comme poids spécifique 0,998
a 14°, 5 G., celui de l’eau à la même température étant 1,000 ; 4 parties
(1) Asa Gray, Botany of the Northern United States , New-York, 1866, 422.
(2) Prückiger, Documente zur Geschichtc der P/iarm., 1876, 92.
396
CONIFÈRES.
tic co baume, mélangées avec 1 partie de benzine, et observées en co-
lonne de 50 millimètres de long, dévient la lumière polarisée de 2 de-
grés à droite. Le Baume du Canada est parfaitement soluble en toutes
proportions dans le chloroforme, la benzine, l’éther et l’alcool amylique
chauds. Ces solutions rougissent le tournesol. 11 se mélange facilement
avec le sulfure de carbone, mais le mélange est un peu trouble. L’acide
acétique cristallisable, l’acétone et l'alcool absolu le dissolvent en par-
tie, en abandonnant, après ébullition et refroidissement, un abondant
résidu amorphe. La colophane et la térébenthine de Venise sont, au
contraire, complètement dissoutes par ces liquides, ainsi que par l’al-
cool contenant 70 à 75 pour 100 d’alcool absolu.
Composition chimique. — Comme toutes les exsudations analo-
gues des Conifères, le Baume du Canada est un mélange de résines avec
une huile essentielle. Lorsqu’on fait évaporer celte dernière, les résines
restent sous forme d’une masse transparente, un peu molle et élastique.
La proportion des deux sortes de substances varie, dans de certaines
limites, avec les échantillons. L’échantillon dont nous avons parlé plus
haut, abandonna, après exposition pendant plusieurs jours dans une
étuve, jusqu’à 20 pour 100 d’huile volatile, et même 24 pour 100 lors-
que l’expérience était faite avec une petite quantité, 20 grammes ou
moins, de baume étalé en couche mince. Par distillation avec l’eau,
il n’est pas facile d’obtenir plus de 17 pour 100 d’huile essentielle.
Dans ce cas la résine est molle, élastique, non transparente ; elle re-
tient une grande quantité d’eau qu’on ne peut lui enlever qu’en la
maintenant pendant quelque temps à une température de 100° à
176° C.
L’huile essentielle, obtenue par distillation avec l’eau, est incolore et
possède l’odeur de l’essence commune de térébenthine plutôt que le par-
fum agréable du baume. Elle est formée d’une essence C10H16, mélangée
avec une proportion insignifiante d’une huile essentielle oxygénée,
dont la présence peut être démontrée par le léger dégagement d’hydro-
gène qui se produit lorsqu’on ajoute du sodium métallique, après avoir
débarrassé l’essence de son eau à l’aide du chlorure de calcium fondu.
Après ce traitement, une petite quantité commence à distiller vers
160° C., mais la plus grande partie passe à 167° C., et une petite pro-
portion seulement distille à 170° C. et au-dessus L essence obtenue à
167°, examinée dans les conditions déjà mentionnées, nous offrit un
poids spécifique de 0,863 et dévia la lumière polarisée de 5°, 6 à gauche.
La partie qui distille à 160° présente le même caractère; mais celle qui
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 397
distille au-dessus de 170° dévie la lumière de 7°, 2 à gauche. L’essence
dissout facilement une grande quantité d’acide acétique; un poids égal
des deux corps se mélange facilement à 54° C., mais un peu d acide
acétique se sépare pendant le refroidissement.
L’huile essentielle du Baume du Canada, saturée d’acide chlorhy-
drique sec, ne donne pas de composé solide cristallisable ; mais on
l’obtient facilement en ajoutant de l’acide nitrique fumant et chauf-
fant doucement; les parois internes de la cornue se couvrent bientôt
de cristaux sublimés, ayant la composition C10H1B+HC1.
Cette essence offre ainsi, dans ses caractères généraux, une étroite
ressemblance avec l’huile essentielle des cônes du Pinus Picea L. et des
feuilles du Pinus Pumilio Hanke, ainsi qu’avec celle de la plupart des
variétés françaises de térébenthine, plutôt qu’avec les essences de
térébenthine américaines, qui dévient la lumière polarisée à droite, et se
combinent immédiatement avec l’acide chlorhydrique pour former un
composé cristallin. Mais, par contre, la résine du Baume du Canada
est dextrogyre. Deux parties de résine privée de son huile essentielle,
dissoutes dans une partie de benzine, dévient le rayon de lumière pola-
risée de 8°, 5 vers la droite. Les propriétés optiques des deux prin-
cipes constituants du Baume, résine et essence, sont clone complètement
opposées.
La résine du Baume du Canada est formée de deux corps différents.
78,7 pour -100 de cette résine sont solubles dans l’alcool absolu bouil-
lant, tandis que 21 ,3 pour 100 (dans notre échantillon) restaient sous
forme d’une masse amorphe, facilement soluble dans l’éther. Ni la
solution alcoolique, ni la solution éthérée, ne donnent de résidu cristal-
lin quand on les fait évaporer. Elles rougissent le tournesol, mais
nous n’avons pu réussir à obtenir aucun acide résineux cristallisé, tel
que l’acide abiétique, dont les cristaux se forment si facilement quand
on fait digérer la térébenthine ordinaire ou la colophane dans l’al-
cool étendu. L’acide acétique cristallisable agit sur la résine comme
1 alcool absolu. Les alcalis caustiques ne dissolvent ni le Baume ni la
résine; le premier s’épaissit considérablement quand on lui ajoute un
cinquième de son poids de magnésie récemment calcinée. Lorsqu’on
conserve ce mélange humecté d’alcool absolu à 93° C. pendant quelques
jours, eu l’agitant fréquemment, il se forme une masse dure, finale-
ment translucide. L’ammoniaque caustique, chauffée dans un tube
fermé avec du Baume du Canada, forme avec lui une gelée laiteuse,
épaisse, et ne s’en sépare pas ultérieurement.
39S CONIFÈRES.
O après nos recherches, 100 parties de Baume du Canada contiennent:
Iluilo essentielle, C10ll16, avec une très-petite proportion d’huile oxygénée. 24
Résine soluble dans l’alcool bouillant C.O
Résine soluble seulement dans l’éther IG
100
Les résultats obtenus par Wirzcn (1) dans l’analyse du Baume du
Canada ne concordent pas tout à fait avec les nôtres. Il a trouvé
16 pour 100 d’huile essentielle, et trois résines amorphes différentes,
dont l’une a la composition de l 'acide Abiétique.
l’roduction et Commerce. — On obtient le Baume du Canada soit en
ponctionnant les vésicules qui se forment sous l’écorce du tronc et des
branches, et recueillant dans une bouteille le liquide qui s’en écoule,
soit en pratiquant des incisions sur l’arbre. On le récolte surtout dans le
bas Canada, et on l’expédie de Montréal et de Québec dans des caques ou
larges barils. Dans les environs de Québec, on en récolte annuellement
2 000 gallons environ ; mais, en 1868, par suite des besoins des fermiers,
la récolte fut inusitée, et on estime que près de 7000 gallons furent
exportés en Angleterre et aux Etats-Unis (2). Dans ces derniers temps,
(1872-1873), le Baume du Canada étant devenu rare, on lui a substitué,
sur le marché américain, une sorte de baume provenant de l'Orégon (3).
Usages — Les propriétés médicinales du Baume du Canada ressem-
blent à celles du copahu et des autres oléo-résines térébenthineuses ;
mais il est aujourd’hui rarement employé comme médicament. Il est
très-estimé pour la conservation des objets microscopiques, parce qu'il
conserve indéfiniment sa transparence, et ne cristallise pas. On l'em-
ploie aussi dans la fabrication des vernis.
(a) Le IHnus balsamea L. ( Species , 1421; Abies balsamea Miller; Abies balsami-
fera Michaux ; Picea balsamea Lond.) est un arbre de 10 à 15 mètres de haut, à
cyme pyramidale, à rameaux subverticillés, horizontaux ou étalés, à minuscules sub-
distiques. Les feuilles sont longues de 15 à 22 millimètres, solitaires, rigides, cour-
tes, ne dépassant pas 25 millimètres de long, droites ou un peu courbées, à base large,
orbiculaire, parcourues sur leur face supérieure par un sillon longitudinal, tordues
au-dessus de la base, linéaires, planes, obtuses, carénées dans le dos et munies de cha-
que côté de la carène d’une bandelette blanche. Les chatons mâles sont axillaires,
ovales-oblongs, obtus, pendants, plus courts que la feuille axillante. Les chatons
(1) De Balsamis et præsertivi de Balsamo Canadensc, Helsingforsiæ, 1849, analysé
dans le Jahresbericht de Wiggers et Husemann, 1849, 38.
(2) D’après des renseignements qui nous ont été obligeamment communiqués par
M. N. Mercer, de Montréal, et M. IL Sugden Evans, de Londres.
(3) Proceed. of tlie Amer. Pharm. Assoc., Philadelphia, 1873, 119; 1874, 433.
399
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
femelles arrivent à maturité pendant la première année. Ils sont solitaires, dressés,
subscssiles. Les écailles florifères sont suborbiculaires, fimbriées-denticulées, munies
au sommet d’une longue pointe droite. Les bractées sont plus courtes que les écailles,
un peu épaisses, suborbiculaires, denticulées et ciliées sur les bords. Le cône mûr
est oblong-cvlindrique, obtus ; ses écailles sont onguiculées, dilatées, à bord supé-
rieur arrondi. [Trad.]
TÉRÉBENTHINE D’ALSACE.
Terebenthina Argentoratensis ; Térébenthine d'Alsace ou de Strasbourg, Térébenthine du Sapin ;
angl., Strassburg Turpentine; allcm., Strassburger Terpenthin.
Origine botanique. — Pinus Picea L. (Abies pectinatci DC.). Le Sapin
( Silver Fir des Anglais, Weisslanne ou Edeltanne des Allemands) est un
bel arbre des parties montagneuses du centre et du sud de l’Europe,
depuis les Pyrénées jusqu’au Caucase, et sous une forme un peu diffé-
rente (var. fi eephalonicci ) dans la Grèce continentale et les îles d’Eubée
et de Géphalonie («).
Historique. — Belon, dans son traité De arboribus coniferis (1553), a
décrit cette térébenthine. Elle a été soigneusement indiquée par Samuel
Dale (1), savant apothicaire de Londres, et 'aussi par Sloane et Ray.
Elle eut sa place dans la Pharmacopée de Londres jusqu’en 1788.
Extraction. — La résine du Pinus Picea , comme celle du Pinus bal-
samea, est contenue dans de petits réservoirs de l’écorce des jeunes tiges.
On l’extrait en ponctionnant ces cavités, et recueillant dans un vase
approprié les deux ou trois gouttes qui s’en écoulent. On la recueille
encore (1873) près de Barr, dans les Vosges, en très-petite quantité (2).
Description. — Un échantillon authentique, recueilli pour l’un de nous
par un surveillant des forêts dans le Jura bernois, ressemble beau-
coup au Baume du Canada, mais il ne manifeste aucune fluores-
cence. Il est jaune clair; son odeur est plus agréable (3) que celle du
Baume du Canada, et il n’en a pas la saveur âcre et un peu amère.
Notre échantillon possède le poids spécifique de l’eau distillée. Il dévie
la lumière polarisée de 3° à gauche, soit à l’état de pureté, soit mélangé
avec quatre fois son poids de benzine. Il est soluble dans les mêmes
(1) Pharmacologia, Lond., 1693, 395.
(2) J’ai vu récemment, (sept. 1877), dans les environs de Schwarzburg, en Tlmringe,
des troncs de Pinus Picea desquels on extrait de la térébenthine à l’aide de plaies lon-
gues de 10 à 50 centimètres et larges de 4 à 5 centimètres, traversant l’écorce et les
couches jeunes de bois. Les lèvres de ces plaies étaient couvertes do résine. Les pieds
de Pinus Aines étaient traités de la même façon'. [TiiAb.]
(3) A cause de son odeur, on la nomme parfois, eu France, Térébenthine au citron.
■400
CONIFÈRES.
liquides que le Baume du Canada, mais il se mélange avec l’acide acé-
tique cristallisable, l’alcool absolu et l’acétone, sans laisser de résidu
floconneux notable. Il est même soluble dans l’alcool sans trouble
manifeste. Ses solutions possèdent une réaction acide.
Composition chimique. - Une petite quantité de celte substance,
complètement desséchée, laissa 7:2, 4 pour 400 d’une résine cassante,
tiansparente, soluble dans 1 acide acétique cristallisable, mais incomplè-
tement soluble dans 1 alcool absolu et dans l’acétone. En soumettant
I demi-li\ ie de cette térébenthine à la distillation avec de l’eau, nous
obtînmes 24 pour 400 d huile essentielle ; la résine qui resta était, à
froid, paifaitement friable. L essence récente, purifiée par le sodium,
dévie la lumière polarisée à gauche, tandis que la résine, dissoute dans
la moitié de son poids de benzine, manifeste un faible pouvoir rotatoire
a dioite. L essence bout à 463° G. Après l’avoir conservée pendant
deux ans et demi dans un flacon bien bouché, nous la trouvâmes consi-
dérablement épaissie, et déviant la lumière à droite. Saturée d’acide
chlorhydrique sec, l’essence ne donne pas de composé solide. Elle pos-
sède à peu près la même odeur que l’oléo-résine naturelle, mais l'huile
essentielle fournie par les cônes du même arbre est encore beaucoup
plus odorante. Cette dernière constitue l’une des essences possédant le
pouvoir rotatoire le plus considérable; elle dévie en effet la lumière
polarisée de 51 degrés à gauche, et diffère par suite beaucoup de l’es-
sence retirée de la térébenthine produite par la tige, quoique sa com-
position soit représentée par la même formule, C10H16.
Ilochleder (1868) a découvert dans les feuilles du Sapin un sucre
particulier nommé abiétile , très-yoisin de la mannite, mais ayant la
composition C,2Hl6Os (4).
Usages. — La térébenthine de Strasbourg possède les propriétés de
la térébenthine commune, mais offre sur elle l’avantage de son parfum
très-agréable.. On la tenait autrefois en grande estime, mais aujour-
d hui elle est à peu près complètement tombée dans l’oubli.
POIX DE BOURGOGNE.
L'tx Burgundica, Pix Abietina ; Poix de Bourgogne ou des Vosges, Poix jaune ;
angl., Burgundy Pitch; allom., Fichtenharz, Tannenharz.
Origine botanique. — Le Piniis abies L. {Abies excclsa DG.), vulg.
Pesse ou Epicéa (. Norway Spruce Fir des Anglais, Fie h te ou Rothtanne des
(1) WiGGEns et I lus em an N, Jahresbericht, 18GS, 53.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. m
Allemands) est un bel arbre qui atteint un-e hauteur de 30 à 30 mètres. Il
est abondamment répandu dans le nord et dans les parties monta-
gneuses du centre de l’Europe, mais il n’est pas indigène de la Grande-
Bretagne, quoiqu’il y existe en grande quantité. Dans la Laponie russe,
il s’élève jusqu’au 68° degré de latitude nord, presque jusqu’à la li-
mite de la végétation des arbres, tandis que vers le sud de l’Europe
il s’étend jusqu’aux Pyrénées espagnoles. Dans les Alpes, il s’élève jus-
qu’à I 800 mètres au-dessus du niveau de la mer (a).
Historique. — Suivant la définition donnée parla Pharmacopée de
Londres, et d’après l’exemple des droguistes de Londres, nous restrei-
gnons le nom de Poix de Bourgogne au produit de l’espèce botanique
mentionnée plus haut. Les pharmacologistes français accordent à ce
terme un sens analogue, mais, sur d’autres points du continent, le nom
de Pix Burgundica possède une signification plus étendue et s’applique
aux térébenthines d’autres Conifères. Il est ici employé dans le même
sens qu’en Angleterre et en France.
Parkinson, apothicaire de Londres et herboriste du roi Charles Ier, parle
du Burgondy Pitch comme d’une drogue bien connue de son temps (1).
Dale, dans sa Pharmacologia , mentionne la Pix Burgundica comme im-
portée d’Allemagne en Angleterre. Elle est aussi signalée par Salrnon,
en 1693, qui dit: « elle nous est apportée de Bourgogne, d’Allemagne,
et d’autres lieux voisins de Strasbourg (2). » Pomet, qui écrivait à Paris
acis la même époque, regarde le nom de Poix de Bourgogne comme er-
roné, et dit que la meilleure Poix grasse vient de Hollande et de Stras-
bouig (3). Il nous est impossible de savoir si cette résine a jamais été
recueillie en Bourgogne. Ce nom peut lui avoir été donné parce qu’elle
était apportée dans le commerce, de Suisse ou d’Alsace, par la voie de la
Tranche-Comté, appelée aussi Comté de Bourgogne ou Haute-Bour-
gogne (4). La Poix de Bourgogne est énumérée dans la matière médicale
de la Pharmacopée de Londres de 1677, et dans les éditions suivantes.
Dans celle de 1809, elle est inscrite sous le nom de Pix arida comme
résine extraite du Pinus Abies.
Production. — La Poix de Bourgogne est produite par la Finlande,
(1) Thcaterof' Plants , 1040, 1542.
(2) Comptent English Physician, 1093, 1031.
(3) Mst. des Drogues, Paris, 1094, P. 1, 287.
(4) Ci.AuuÆL-s, dans sa Stirpium Sciagr.aphia (1000), dit qu’il a vu le Pesse (Pinus
y nés L j en grande abondance «in Burgundicis montibus », mais il no fait aucune
allusion a la production d’une résine par cet arbre.
IIIST. DES DnOOl'ES, T. II.
20
402
CONIFÈRES.
la Forêt-Noire, le grand-duché de Bade, l’Autriche et la Suisse. Dans
les domaines du baron Linder, à Svarta, près d'Helsingford, on l’obtient
en fondant la résine brute au contact de la vapeur d’eau, et pressant.
La quantité qui y est annuellement produite était estimée, en 1867, à
35 000 kilogrammes (1); celle fournie par un établissement situé à Ibn,
dans le même pays, s’élève à 80000 kilogrammes (2). Dans les environs
d’Oppenau, et sur la montagne dcKniebis, dans le grand-duché de Bade,
on fait sur les tiges des Picea des plaies également distantes les unes
des autres, en forme de gouttières larges de 2 à 4 centimètres, et égale-
ment profondes. La résine qui en exsude est recueillie à l’aide dun
instrument en fer disposé pour cet usage ; on la purifie en la faisant
fondre dans l’eau chaude, et on la presse. Cela se fait dans trois ou
quatre petits établissements, à Oppenau, et dans un village voisin, celui
de Lôcherberg. Dans cet état, la résine est opaque et contient beaucoup
d’humidité; on lui donne le nom de Wasserharz. En la pressant davan-
tage, et évaporant une partie de son eau, on améliore sa qualité. Dans
cette partie de l’Allemagne, la fabrication de la Poix de Bourgogne
diminue, en partie parce que les arbres sont fatigués par les plaies
qu’on pratique sur leurs troncs, et en partie parce que la récolte de la
résine n’est pas permise dans les grandes forêts qui appartiennent aux
gouvernements de Bade et de Wurtemberg. Nous avons eu 1 occa-
sion (3) d’observer que, dans les établissements dont nous venons de
parler, la térébenthine importée de Bordeaux ou galipot, et la résine
d’Amérique ou colophane, sont employées en quantités certainement
plus considérables que la résine recueillie dans la localité même.
Au milieu du dernier siècle, on produisait dans le canton suisse de
Neuchâtel, d’après Duhamel (4), une certaine quantité de Poix de Bour-
gogne; mais, actuellement, on n’y exerce plus cette industrie, du
moins sur une grande échelle. Dans les districts de Moutier et de Delé-
mont, dans le Jura bernois, on recueille encore cette résine, mais elle
n’y est pas connue sous le nom de Poix de Bourgogne ; on la nomme
Poix blanche. L’inspecteur des forêts de ce district, 1 un des plus îiehes
en Pinus Abies, a informé l’un de nous qu’on y recueille chaque année
de 790 à 830 quintaux de résine, qu’on exporte à Bâle, a Zurich, à Aa-
rau et dans le pays de Vaud. La poix se vend sur place (1868) de 100 à
(1) Pharm. Journ., 1867, IX, 164.
(2) Oesterreichischer Ausstellungs-Beric/it, Wien, 1808, X, 471.
(3) Je suis reslé plusieurs jours dans ces localités en 1873. [b . • ' -J
(4) Traité (les Arbres, etc., 1705, I, 12.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 403
1 10 francs la bosse de G quintaux. Les quantités recueillies dans d’autres
parties de la Suisse sont encore moins considérables.
Description. — La Poix de Bourgogne pure, dont nous possédons de
nombreux échantillons authentiques, est une substance un peu opaque,
d’un brun jaunâtre, dure et cassante lorsqu’elle est froide, mais pre-
nant peu à peu la forme du vase dans lequel on la conserve. Elle est
très-adhésive, se casse avec une cassure nette, conchoïdale, et possède
une odeur aromatique agréable, surtout lorsqu’on la chauffe. Elle
n’offre pas déstructuré cristalline, quoique la résine qui se concrète sur
la tige de l’arbre soit, ainsi que nous l’avons souvent constaté, nette-
ment cristalline. La Poix de Bourgogne est facilement soluble dans
l’acide acétique cristallisable, l’acétone, l’alcool absolu, et même l’al-
cool à 73 pour 100'(p. spéc. 0,860); mais sa solubilité dans ces liquides
est considérablement diminuée par la présence de l’eau ou de l’huile
essentielle, et davantage encore par la formation d’acide abiétique dans
la lésiné elle-même. Les memes influences s’exercent aussi sur son
point d’ébullition.
Une résine brute de Pinus Abies (1), privée d’huile essentielle et dis-
soute dans 1 partie d alcool absolu, dévia la lumière polarisée de 3° à
gauche, en colonne de 30 millimètres. L’huile essentielle la dévia
de 8°, 3, dans la même direction. L’essence contient une faible propor-
tion d’une huile essentielle oxygénée. Après traitement par le sodium,
l’essence qui reste ne forme pas de composé solide, quand on la sature
d’acide chlorhydrique.
Composition chimique. — Les recherches de Maly mentionnées plus
haut, à la page 383, ont élucidé d’une façon satisfaisante les propriétés
chimiques des exsudations résineuses des Pins. Elles sont toutes, d’après
ce chimiste, des mélanges d’une même résine amorphe, GWHG2CP, avec
des huiles essentielles de la formule C10H16. Ces sucs térébenthiireux sont
recueillis et vendus, soit dans leur état naturel, comme térébenthines , soit
après avoir été privés plus ou moins complètement de leur huile volatile ;
dans cet état, ils sont représentés par la Poix de Bourgogne, et finalement
pai la résine ou colophane. Les térébenthines qui s’écoulent des tiges des
arbres perdent graduellement leur transparence si on les laisse sécher
lentement à 1 air, et deviennent en même temps plus dures et un peu gra-
nuleuses. Cette altération est due à une absorption d’eau, qui ne se mé-
lange pas seulement aux principes constituants du suc résineux, mais
(1) Recueillie par moi-même. [F. A. F.]
i 0 4
CONIFERES.
sc combine chimiquement, en certaine quantité, avec la résine qu elle
transforme en un corps cristallin ayant les propriétés d’un acide. On
observe facilement ce. fait, quand on recueille des gouttes pures de la
térébenthine du P inus silvestris ou du P inus Picea, dans les canaux de
l’arbre, et qu’on les conserve dans un milieu parfaitement sec. Dans ces
conditions, ces térébenthines restent transparentes, mais si l’on ajoute
de l’eau, il se forme, au bout de peu de temps, des cristaux d’acide
abiotique qui les rendent plus ou moins opaques.
Lorsqu’on recueille les térébenthines avant qu’elles aient perdu leur
huile essentielle par évaporation ou oxydation, et avant qu’elles soient
devenues cristallines, on peut les conserver dans un état de transpa-
rence complète en distillant l’huile volatile sans l’intermédiaire de
l’eau. Mais d'ordinaire, on effectue la distillation avec de l’eau, et la
résine est alors opaque.
Maly pense que la même résine amorphe existe dans toutes les Coni-
fères, et qu’elle donne par hydration le même acide, qui est Y acide
Abiétique , décrit par les anciens chimistes sous les noms d’acide Pim-
qnc, acide Sylvique et acide Pimarique ; on admet, du reste, que tous
ces acides ont la même composition chimique. Nous devons cependant
rappeler que plusieurs sortes de térébenthines, notamment le baume
du Canada, paraissent incapables, d’après nos expériences, de fournir
aucun composé résinoïde cristallin, et que leur résine amorphe n’étant
qu’en partie soluble, n’est certainement pas une substance homogène.
Les cristaux qui se forment naturellement dans les térébenthines
communes n’offrent pas exactement les mêmes formes que ceux qu’on
obtient artificiellement, lorsqu’on agite la résine avec de l’alcool absolu
chaud, comme dans la préparation de 1 acide abiétique. Quant a 1 acide
Pimarique , nous l’avons préparé en grande quantité avec le galipot,
résine du Pinus P inaster, et nous avons toujours trouve sa forme ciis-
talline différente de celle de l’acide abiétique (1). Nous inclinons en
conséquence à penser que la composition des résines des Conifères
n’est pas aussi uniforme que le pense Maly. La remarquable diversité
qui existe dans leurs huiles essentielles nous paraît venir à l’appui de
notre opinion.
Usages. — On prescrit la Poix de Bourgogne comme ingrédient des
emplâtres, et on l’emploie sous cette forme comme stimulant. En Alle-
' niagne, elle trouve certaines applications économiques ; elle sert notam-
(1) Jakresbencht de Wiggers et Husemann, 1867, 37.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 4CÎ>
ment à enduire Jcs barils à bière. On emploie pour cela une composition
nommée Brauerpech (poix de brasseur), constituée par un mélange do
Poix de Bourgogne et de colophane ou galipot.
Falsification. — Il n’est guère de drogue qui soit plus sujette à être
falsifiée que la Poix de Bourgogne. C’est au point que certains pharma-
cologistes appliquent ce nom à un composé artificiellement préparé.
La substance qu’on vend communément en Angleterre comme Poix de
Bourgogne, est un mélange de colophane et d’huile de palme, ou de
quelque autre corps gras qu’on agite avec de l’eau pour le rendre opa-
que. Son aspect est très-variable, chaque échantillon présentant une
coloration différente, jaune clair, jaune foncé, on brun jaunâtre. Un
grand nombre offrent, lorsqu’on les casse, des cavités remplies d’air ou
d’eau; tous sont plus ou moins opaques, et deviennent, à la longue,
transparents par suite de la perte de leur eau. La Poix de Bourgogne
artificielle est mise en vente dans des vessies. Elle possède une odeur
térébenthineuse faible, et n’a pas le parfum particulier de la substance
naturelle. On y découvre facilement la présence d’une huile grasse
en la traitant par le double de son poids d’acide acétique cristallisable ;
il se forme un mélange trouble qui se sépare par le repos on deux
couches, dont la supérieure est huileuse.
(a) Le Pinus Abies Du Roi ( Obsero . bot., 39; Âbies excelsa DC.) est un arbre
magnifique, haut de 30 à 4b mètres, à écorce cendrée, à cvme pyramidale ; à
rameaux horizontaux, les supérieurs plus ou moins étalés ; à minuscules subop-
posés et presque distiques, pubérulents à l’état jeune. Les feuilles sont solitaires,
serrées, tordues à la hase, étalées, rigides, courtes, droites ou un peu recourbées
en faux, linéaires, planes, obtuses ou terminées par un mucron obtus, parcou-
rues sur la face supérieure par un sillon lisse longitudinal, carénées dans le dos,
et munies de chaque côté de la carène d’une bandelette d’un blanc argenté. Les
chatons males sont réunis en grand nombre, cylindriques-oblongs, obtus, à peu
près sessiles et un peu pendants, plus courts que les feuilles. Les chatons fe-
melles sont disposés au sommet des rameaux supérieurs de l’arbre ; ils sont solitaires,
dressés, cylindriques-oblongs, obtus. Leurs bractées sont suborbiculaires, fim-
briées-ciliées, prolongées au sommet en une longue pointe étalée, un peu réfléchie;
leurs écaillés sont un peu épaisses, orbiculaires-subcordées, à peu près entières et
plus courtes que les bractées. Les cônes sont dressés, cylindriques, obtus et presque
tronqués, longs de 14 à 20 centimètres, et larges de 4 à b centimètres. Leurs
écailles sont cunéiformes, dilatées et arrondies au sommet, pubérulentes-tomen-
teuses dans le dos près du bord supérieur, caduques ; les bractées sont plus longues
que les écailles, spatulées-linéaires, denticulées, terminées par une longue pointe
subulée réfléchie. Les fruits sont jaunâtres, beaucoup plus courts que l'aile qui
les entour.-', qui est large et à peu près cunéiforme. L’embryon offre ordinairement
cinq, parfois de quatre à sept cotylédons verticillés, étalés,. linéaires, bidentés au
sommet. [Tiud.]
40G CONIFÈRES.
(fc) La structure anatomique du Pinus Abies est très-analogue à celle du Pinus
silveslris que nous avons décrite p. 338, note 6, et la résine est contenue dans des ca-
naux sécréteurs organisés d’une façon analogue, mais n’ayant pas la même situation.
Sur une coupe transversale d’un rameau de Pinus Aines âgé de deux ans on trouve
de dehors en dedans : 1° une couche subéreuse à cellules quadrangulaires sèches et
brunes; 2° un parenchyme cortical à cellules très-irrégulières, laissant entre elles
de vastes méats ; 3° un liber assez semblable à celui du Pinus silceslris : il en est
de même du bois et de la moelle qui viennent ensuite. Les canaux sécréteurs sont
très-nombreux dans le parenchyme cortical, mais il n’en existe ni dans le liber, ni
dans le bois, ni dans la moelle. Dans les tiges volumineuses que l’on incise pour
recueillir la résine, cette dernière n’existe que dans les couches internes du paren-
chyme cortical et dans les couches ligneuses les plus extérieures. La portion pro-
fonde du bois n’en laisse pas exsuder ; ce fait est fort bien connu des collecteurs
de résine, car les grandes plaies longitudinales qu’ils pratiquent sur le tronc des
arbres n’entament que l’écorce et l’aubier, du moins c’est ce que j’ai observé ré-
cemment dans les environs de Swartzburg, dans la Thuringe, où l’on récolte dans
certains bois la résine del’Aô/es excelsa et celle de l’Aèî'es peclinala. [Trad.]
GOUDRON VÉGÉTAL.
Pix liquida ; Goudron végétal , Poix liquide ; angl., Wood Tar ; allem., Holztheer, Fichtenilieer .
Origine botanique. — On obtient ce Goudron en soumettant le bois
des tiges et des racines des Conifères à la distillation sèche ou destruc-
tive. Celui qu’on trouve dans le commerce est fabriqué dans le nord de
l’Europe. On le retire surtout de deux espèces, le Pinus silvestms L. et
le Pinus Ledebourii Endlicher ( Larix sibirica Ledeb.). Ces arbres con-
stituent les vastes forêts de l’Europe et de 1 Asie arctiques.
Historique. — Théophraste donne une description détaillée de la
préparation du Goudron. Elle s’applique parfaitement au procédé
encore employé dans les endroits où les méthodes perfectionnées de
fabrication n’ont pas encore été introduites.
Production. — Le Goudron végétal, employé en Europe en très-
grande quantité et connu sous le nom de Goudron d 'Archangel ou de
Stockholm, est fabriqué dans la Finlande, dans le nord et le centre de
la Russie et en Suède.
On emploie le procédé suivant: de grandes quantités de bois de Pin,
consistant surtout en racines et en portions inférieures des troncs (les
parties les meilleures de l’arbre étant employées comme bois de con-
struction) et s’élevant jusqu’à 30 000 et 70 000 pieds cubes, sont amonce-
lées avec soin, et recouvertes d’une couche épaisse de tourbe, de mousses
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 407
et de terre, qu’on bat avec de lourds pilons. Ce tas de bois est élevé
au-dessus d’une cavité conique, ou en forme d’entonnoir, creusée dans
le sol, autant que possible sur le flanc d’une montagne, destinée à
recueillir le produit de distillation qui s’écoulera. On met le feu au
bois, qui brûle lentement et sans flamme, de façon à donner une
quantité considérable de Goudron et un charbon de bonne qualité. Les
produits de la combustion, et particulièrement le Goudron, s’accumulent
dans la cavité en entonnoir du sol, d’où on les fait écouler, par un tube,
dans un bassin en fonte, ou simplement dans des troncs d’arbre creux.
Le temps nécessaire pour la combustion est d’une à quatre semaines,
suivant les dimensions des bûches. Dans ces dernières années, on a
perfectionné ce procédé grossier, et on a rendu l’opération plus rapide
par l’adoption d’alambics en fer forgé, munis de condensateurs à réfrigé-
rants,comme cela avait été proposé en Russie, par Hessel, en 1861 . Parce
procédé, la quantité de Goudron fournie par le bois de Pin est d’envi-
ron 14 pour 100, pour les tiges préalablement desséchées par exposition
en plein air, et de 16 à 20 pour 100 pour les racines. On recueille en
même temps de grandes quantités d’acide pyroligneux et d’essence de
térébenthine. Le bois du hêtre et d’autres arbres, autres que les Coni-
fères, paraissent ne pas fournir plus de 10 pour 100 de Goudron, et la
tourbe n’en donne que de 3 à 9 pour 100.
Description.— Les nombreux produits empyreumatiques qui résultent
de la distillation destructive du bois de Pin, et qui portent le nom de Gou-
dron, constituent une substance semi-liquide, colorée en brun foncé ou
noirâtre, à odeur particulière et à saveur âcre. Privé d’eau et examiné
en couche mince, le Goudron est tout à fait transparent. Le microscope
révèle, dans certaines variétés, la présence de cristaux incolores de
Pyrocatéchine , répandus dans une substance visqueuse, noire, et don-
nant à ces Goudrons une apparence granuleuse, analogue à celle du
miel (1). Sous l’influence d’une chaleur douce, ces cristaux fondent et
se mélangent avec les autres principes constituants. Le véritable Gou-
dron végétal possède toujours une réaction nettement acide. 11 se mé-
lange facilement avec l’alcool, l’acide acétique cristallisable, l’éther, les
huiles fixes et volatiles, le chloroforme, la benzine, l’alcool amylique et
1 acétone. Il est soluble dans les solutions alcalines caustiques, mais
non dans l’eau pure ou dans les liquides aqueux. Le poids spécifique
du Goudron retiré des racines des Conifères est, d’après Hessel, d’envi-
(1) Ces cristaux constituent un fort bon sujet d’observation .microscopique dans la
lumière polarisée.
408
CONIFERES.
ron 1,06; mais, à une température un peu élevée, il devient un peu plus
léger que l'eau. L’eau qu’on agite avec du Goudron acquiert une
teinte jaunâtre claire, la saveur et l’odeur du Goudron, et une réaction
acide. Sous l’influence de l'évaporation, cette solution devient brune,
on obtient enfin des cristaux microscopiques et un résidu brun sem-
blable au Goudron lui-même, et désormais insoluble dans l’eau. L’exa-
men microscopique du Goudron qui a été épuisé par l’eau montre que
tous les cristaux ont disparu.
Composition chimique. — Le bois soc peut être chauffé à 150° C.
environ sans se décomposer, mais à une température plus élevée il
commence à subir des modifications; il donne un grand nombre de
produits dont la nature et les quantités relatives dépendent de plusieurs
conditions. Si l’opération est faite dans un vase clos, on obtient un
résidu qui a plus ou moins de ressemblance avec la houille. C’est ainsi
qu’en chauffant du bois de Sapin à 400° C. dans un vase clos, Daubrée,
en 1857, a obtenu une substance semblable à la bouille, qui ne donna à
une température plus élevée qu’une très-petite quantité d'huile volatile.
Les résultats sont tout à fait différents lorsqu’on suit un procédé qui
permet la formation des corps volatils, et ces substances se produi-
sent surtout en grande quantité lorsque la chaleur agit rapidement et
avec énergie. A une température moins élevée, il se produit davantage
de charbon et d’eau.
Parmi les produits volatils de la distillation destructive du bois, ceux
qui se condensent à la température ordinaire de l'atmosphère offrent
seuls un intérêt pharmaceutique, et parmi eux le plus utile est la partie
insoluble dans l’eau, ou celle qui a été nommée Goudron ou Poix liquide.
La portion aqueuse des produits est constituée, en majeure partie, par
de l’acide acétique empyreumatique (acide pyroligneux), auquel le Gou-
dron doit sa réaction acide.
Les tissus du bois sont formés surtout de cellulose intimement com-
binée avec une substance saccharine, qu’on peut séparer du bois en le
faisant bouillir dans les acides dilués. La cellulose qui reste n’est ce-
pendant pas pure ; elle est encore unie à une substance qui, comme l’a
montré Erdmann (1), est susceptible de donner de la pyrocatéchine.
11 est bien connu que le sucre, soumis à une température élevée,
donne une série de produits pyrogénés. Le même fait se produit lors-
qu’on chauffe la cellulose de la même façon. Cependant, pour préparer
(1) Liebig, Annalen (1er Chemie und Pharmacie, 1867, Suppl., V, 220.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 409
le Goudron, on doit préférer les bois imprégnés de résines et d’huiles
essentielles. Ces dernières fournissent une autre série de produits ern-
pyreumatiques. Dans ces conditions, les principes constituants du Gou-
dron de bois ont des caractères très-divers, surtout lorsque des bois
autres que ceux des Conifères font partie des matières soumises- à la
distillation. Lorsqu’on emploie du bois de hêtre, il se forme de la Créo~
sote ; celui des Conifères n en donne qu une très-petite quantité. Les al-
caloïdes volatils et l’acide carbolique qui se produisent en grande
quantité pendant la distillation destructive, paraissent 11e pas exister
dans le Goudron végétal.
Les principes constituants de ce dernier peuvent, être divisés en deux
groupes: 1° une portion aqueuse plus légère , qui se sépare des autres
produits de la distillation et constitue Yacide pyroligneux impur. Elle
est formée surtout d 'Acide Acétique et à' Alcool M éthylique, GH'O;
A Acétone , CW); de Mésile, C6H1202; de Fur fur ol (1), C5IP02, et
d’autres principes liquides très-solubles dans l’eau et dans l’acide
acétique. On y trouve aussi une petite quantité de pyrocatéchine ;
2° le second groupe de produits pyrogénés du bois est formé d’une
série homologue d’bydrocarbones liquides , à peine solubles dans
l’eau et contenus dans la couche plus lourde que surnage l’acide pyro-
ligneux; ces corps constituent le Goudron de bois proprement dit. Ce
groupe contient les composés suivants : Toluol ou Toluène, C708 (bouil-
lant à 114° G.); Xylène , C8H10; Cumol ou Cumène, C9H12 (bouillant
à 148° C.); Mélhol, CW (bouillant à 160° C.).
Le bois de hêtre, qui est employé dans quelques pays à la fabrication
du Goudron végétal, donne de la Créosote , constituée surtout par du
Créosol, C8H10O\ bouillant à 219° C., tandis que le bois de Pin donne
une certaine quantité d’essence de térébenthine ou d’huiles pyrogénées
ayant la même formule.
Indépendamment de tous ces corps bien définis, le Goudron végétal
contient plusieurs autres corps moins connus, et qui n’ont pas encore
été parfaitement isolés, tels que le Capnomor, YEupione, YAssamar, etc.
En redistillant le Goudron végétal, et employant, vers la fin de l’opé-
ration, une température élevée, on obtient une certaine quantité de
corps solides crislallisables, dont le plus important, nommé Paraffine,
a pour formule CnH2n, n variant de 20 à 24. La Naphthalène C10H8, et
(1) Ce liquide aromatique se produisant dans la distillation destructive du sucre, il
est très-probable qu’il se trouve aussi parmi les produits du bois, car le Pin contient
de la cellulose combinée avec du sucre.
CONIFÈRES.
-ilO
I ’Anthracène C'Il10, sc produisent aussi dans les mômes circonstances.
Les cristaux, que nous avons déjà mentionnés dans le Goudron végé-
tal, sont constitués par de la Pyrocatéchine. Ils se subliment facilement
à quelques degrés au-dessus de leur point de fusion (ill° G.), ou bien
on peut les séparer à l’aide de l’acide acétique, dans lequel ils sont faci-
lement solubles, ainsi que dans l’eau. Les variétés de Goudron végétal
qui n’offrent pas cette substance en ont été probablement débarrassées
à l’aide de l’eau. La pyrocatéchine peut être obtenue par distillation
d’un grand nombre d’autres substances, telles que le cachou, le kino,
les extraits de ratanhia et de feuilles de busserolle, et d’autres extraits
riches en cette sorte de tannin qui forme avec les sels de fer des pré-
cipités verdâtres (etjnon bleu-noirs). On l’extrait des variétés granuleuses
de Goudron végétal en les exposant à un courant d’air sec chauffé, ou
en les épuisant avec de l’eau. L’éther, agité avec la solution aqueuse con-
centrée, puis abandonné à l’évaporation, abandonne la pyrocatéchine
en cristaux incolores qui, après purification, sont dépourvus de réaction
acide. Ils possèdent une saveur brûlante spéciale et persistante, et
sont très-irritants lorsqu’on les abandonne à l’évaporation. La solution
de pyrocatéchine prend, sous l’influence du perchlorure de fer, une
coloration vert foncé qui passe au noir au bout de quelques instants,
et devient rouge quand on ajoute de la potasse; ce mélange acquiert
finalement une magnifique couleur violette, rappelant celle d'une
solution de permanganate alcalin. Aucune coloration n’est produite
dans la solution de pyrocatéchine par les protosels de fer.
Parmi le petit nombre de préparations médicinales dont fait partie
le Goudron végétal, l’une des plus importantes est Veau de goudron ( Aqua
vel Liquor Picis). On la prépare en agitant le Goudron avec de l’eau.
II est facile de démontrer la présence, dans ce liquide, de la pyrocaté-
chine, à l’aide des réactions indiquées plus haut, ou en ajoutant quel-
ques gouttes de chromate rouge de potassium, qui produit une colora-
tion brunâtre. On peut en déduire que la pyrocatéchine est peut-être
le principe actif de l’eau de Goudron, et que, pour préparer cette eau,
on doit préférer les sortes granuleuses de Goudron végétal (1).
Commerce. — Le Goudron végétal se fabrique particulièrement en
Finlande. On l’expédie des différents poi’ts du golfe de Bothnie, notam-
ment d’Uleaborg, de Gamla, de Garleby, de Jacobstad, de Ny Carleby et
(1) Nous devons supposer que les auteurs du Codex français ne partagent pas
cette opinion, car ils recommandent, dans la préparation de Y Eau de Goudron, de re-
jeter le premier liquide de macération du Goudron.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 411
de Chrislinestad. On l’exporte également d’Archangel et d’Onega sur
la mer Blanche. La Volhynie produit aussi une certaine quantité de
Goudron, qui est dirigé par le Dnieper vers la mer Noire.
Le nord de la Suède produit également du Goudron, particulièrement
dans les environs d’Umea et de Lulea j la distillation y est efiectuee dans
des appareils en fer perfectionnés.
Les forêts de Pin de l’Amérique du Nord produisent du Goudron et
de la poix. Wilmington, dans le nord de la Caroline, a exporté, en 1871 ,
23 560 barils de Goudron et 3 788 barils de poix (I).
Les importations de Goudron du Royaume-Uni ont été, en 1872, de
' 189291 barils, estimés à 218 339 livres sterling. Sur cette quantité,
145 483 barils provenaient des ports du nord de la Russie.
Les barils dans lesquels le Goudron nous arrive en contiennent envi-
ron 30 gallons. On emploie aussi, mais moins fréquemment, des barils
plus petits qui portent le nom de clemi-barils.
Usages. — Le Goudron n’a pas une grande importance médicinale.
On emploie parfois un onguent au Goudron contre les maladies de la
peau, et l’eau de Goudron à l’intérieur. Les grandes quantités de cette
substance qu’on importe chez nous sont employées dans la construction
des navires, et pour la conservation des clôtures en bois.
I
AUTRES VARIÉTÉS DE GOUDRON.
Goudron de Genévrier. — ( Huile de Cade ; Pyroleum oxycedri; Oleum
Juniperi empyreumaticum ; Oleum cadinum ). Cè Goudron est préparé par
la distillation du bois de Cade, Juniperus Oxycedrus L., arbuste ou petit
arbre originaire des contrées quibordent la Méditerranée. On l’employait
autrefois, dans le sud de la France, comme médicament externe, sur-
tout pour les animaux domestiques ; puis il était tombé dans l’oubli.
Dans ces dernières années, on a commencé de nouveau à le prescrire
dans les maladies de la peau.
h' Huile de Cade actuellement employée est transparente et dépour-
vue de cristaux. Elle est un peu plus claire que le Goudron de Suède,
mais lui ressemble sous tous les autres rapports. On l’importe du con-
tinent, mais nous ignorons avec quel bois on la prépare. Elle est men-
tionnée par le Français Olivier de Serres (2), qui s’est rendu célèbre, au
(1) Consul Walker, Report ontlie trade ofNorth and South Carolina, in Consulat'-
Reports, présentés nu parlement, mai 1872.
(2) Traité d’ Agriculture, Paris, 1G00, 941.
412
CONIFÈRES.
seizième siècle, par ses écrits sur l’agriculture. Elle est nommée par
Parkinson (I), en 1040 ; et par Pomet (2). A l’époque de ce dernier, on
la vendait rarement pure ; on lui substituait d’habitude le Goudron
ordinaire.
Goudron de Hêtre. — On le prépare avec le bois du Hêtre (Fagus
silvatica L.) Il a sa place dans quelques pharmacopées comme la meil-
leure source de la créosote.
Goudron de Bouleau. —On le prépare en grande quantité en Russie,
où on le nomme Daggel, avec le bois du Detula alla L. Il contient une
grande quantité de pyrocatécliine, et est très-estimé à cause de son odeur
bien connue qui se retrouve dans le cuir de Russie. Les distillateurs de
Leipzig vendent une essence purifiée de Goudron de Bouleau.
POIX NOIRE.
Pix nigra Pix sicca.vel solkia, vel navalis ; angl., Pitch, Iliade Pitch ;
ftllem., Sdiiffspech, Schusterpech, Sclnoaries Pech:
Origine botanique. — Voyez l’article Poix liquide.
Production, — Lorsqu’on soumet les produits bruts delà distillation
sèche dubois de Pin, décrits dans l’article précédent, à une redistillation,
on obtient les résultats suivants. Les premières portions, 10 à 15 pour 100
de matières volatiles, sont constituées en majeure partie par de l’alcool
méthylique et de l’acétone. A une température plus élevée, l’acide acé-
tique se vaporise, tandis que l’alambic conserve le goudron. Ce dernier,
soumis aune nouvelle distillation, peut être dédoublé en une portion
liquide, nommée Huile de goudron ( Oleum Picis liguidæ), et un résidu
qui en se refroidissant durcit et constitue la substance connue sous le
nom de Poix noire. Chauffée de nouveau à une température très-élevée,
cette substance est susceptible de donner de la paraffine, de l’anthra-
cène et de la naphthaline.
Description. — La Poix noire est une substance opaque, noire, cas-
sante, à cassure conchoïdale, luisante. Les fragments minces sont trans-
lucides et brunâtres au niveau des bords. On ne peut distinguer au mi-
croscope, même à l’aide de la lumière polarisée, dans les fragments
minces, aucune trace de cristallisation distincte. L’odeur est particulière
et désagréable, différente de celle du goudron. La solution alcoolique
(1) Theatrum Botanicüm, 1033.
(2) Hist. (tes Drogues, Paris, 1694, P. I, cl», xn, xiv.
413
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
possède une saveur faible, assez semblable à celle du goudron, mais la
Poix elle-même se montre presque insipide quand on la mâche.
Elle se ramollit sous l’influence de la chaleur de la main, et se laisse
entamer par l’ongle. Elle se dissout facilement dans les liquides qui
dissolvent le goudron. L alcool a /3 pour 100 agit facilement sui elle,
et ne laisse intacte qu’une petite quantité d’un résidu visqueux, foncé.
La solution est brune et rougit le tournesol. Elle donne avec le perchlo-
rure de fer un précipite brun-rosé, et un précipité blanchâtre avec la
solution alcoolique d’acétate neutre de plomb étendue d’eau distillée.
La Poix se dissout dans La solution de potasse caustique en émettant une
odeur forte et désagréable.
Composition chimique. — Nous pouvons déduire de la méthode par
laquelle on prépare la Poix noire qu’elle doit contenir un certain nom-
bre des composés les moins volatils et les moins cristallisables du
goudron. D’après Volckel, la Poix obtenue avec le bois de hêtre,
bouillie avec de l’alcali caustique, donne une huile volatile fétide ; lors-
qu’on acidulé cette solution, il se dégage des acides gras volatils. Ces
principes n’ont cependant pas encore été isolés de la Poix du hêtre
ou de celle du pin, et aucun autre constituant de la drogue n’a encore
été séparé. Le précipité blanchâtre, formé par l’acétate de plomb dans la
solution alcoolique de la Poix, demande à être étudié, et pourrait peut-
être servir de point de départ pour arriver à une connaissance chimique
plus complète de cette substance.
Commerce. — La Poix noire est produite par les mêmes pays que le
goudron. Il en a été importé dans le Royaume-Uni, pendant l’an-
née 1872, 33 482 quintaux, fournis, pour les quatres cinquièmes, par la
Russie. On fabrique aussi, en Angleterre, de la Poix noire avec le gou-
dron ordinaire.
Usages. — On administre parfois la Poix noire sous forme de pilules,
ou à l’extérieur à l’état d’onguent, mais ses propriétés médicinales
sont tout au moins douteuses.
FRUITS DU GENÉVRIER.
Fructus Juniperi, Jdaccæ vel Ga.lbu.li Juniperi; Haies <ln Genicom; nng-1 . , Juniper Bernes ,
allcm., Wachholderbeeren, Éaddigbeeren.
Origine botanique. — Juniperus communis L. C’est un arbuste ou
un petit arbre dioïque, toujours vert, répandu en Europe depuis la
M ‘l 2 3 4 5 CONIFÈRES.
Méditerranée jusqu’aux régions arctiques, et dans la Russie d'Asie. On
le trouve aussi bien dans les hautes régions de l’IIiraalaya que dans
1 Amérique du Nord. Dispersé sur une aire aussi considérable, le Gené-
vrier commun présente plusieurs variétés. Dans la plus grande partie
de l’Europe, il forme un arbuste buissonneux de GO centimètres à tm,80
de haut, mais dans l’intérieur de la Norwégc il devient un petit arbre
de lorét, haut de 9 à 12 mètres, et vivant une centaine d’années (1).
Dans les hautes régions montagneuses de l’Europe tempérée, et dans
les contrées arctiques, il est décombant ( Juniperus nana Willd.), et ne
s’élève que de quelques pouces au-dessus du sol (a).
Historique. — Les fruits du Genévrier, mais peut-être pas exclusive-
ment ceux du Genévrier commun, étaient employés en médecine par
les Grecs et les Romains, ainsi que par les Arabes. Ils sont mentionnés
dans les plus anciens traités de botanique imprimés. Leur essence
était distillée par Schnellenberg (2) dès 1546. On se servait autre-
fois de ces fruits dans diverses parties de l’Europe pour la médecine
populaire. Ils étaient employés comme épices (3), et l’on en retirait, par
fermentation et distillation, une boisson alcoolique dans la composition
de laquelle entrait l’absinthe. Cette boisson, nommée en France Ge-
nièvre, était connue en Angleterre sous le nom de Geneva, qui plus
tard par contraction est devenu le mot Gin (4).
Description. — Les fleurs du Genévrier forment de petits chatons
axillaires. Celles de la plante femelle sont formées de trois à cinq ver-
ticilles de bractées imbriquées. Les trois plus élevées de ces bractées
deviennent bientôt charnues et écailleuses, et alternent avec trois ovaires
ayant au sommet un petit pore (5). Après que les feuilles se sont fanées,
les trois bractées charnues s’accroissent en même temps de façon à
former un fruit semblable à une baie, nommé galbulus , enfermant trois
achaines. Le jeune fruit offre dans le haut les trois pointes et les sutures
des écailles, mais à la maturité les sutures seules restent visibles, et
forment au sommet du fruit une petite dépression. La base du fruit est
(1) Schübeler, Culturpflanzen Norwagens, Christiania, 1875, 143.
(2) Artzneybucli , Kônigsberg, 1556, 35.
(3) Valmont de Bomare, Dict. d’Hist. nat., 1775, II, 45.
(4) Le Gin distillé en Hollande est parfumé avec les baies de Genièvre, mais seu-
lement en très-petite quantité ; d’après ce que nous avons entendu dire, on n’en emploie
que 2 livres pour 100 gallons.
(5) Gôppert a signalé en Allemagne une variété du Jimipenis communis dont le fruit
se compose de six bractées et de six ovaires au lieu de trois. Le même nombre se
rencontre très-souvent dans les baies du Juniperus Oxycedrus qui habite les régions
méditerranéennes. [F. A. F.]
HISTOIRE DES DltOGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 415
indiquée pur une petite cicatrice qu entourent deux ou tiois gioupcs
de trois bractées chacun. Ce fruit, ou pseudo-baie, reste ovale et vert
pendant la première année, et n’arrive à maturité que pendant le second
automne. 11 est alors sphérique ; il a de 6 à 8 millimètres de diamètre ;
il est coloré en pourpre foncé, et recouvert dunepiuine d un gris
bleuâtre. Au-dessous d’un épiderme mince, existe un tissu coloré en
brun jaunâtre, formé d’un parenchyme lâche qui renferme de grandes
cavités à huile. Les trois carpelles durs, et très-étroitement pressés l’un
contre l’autre, sont triangulaires et anguleux au sommet, attachés au
sarcocarpe par leur face externe, et seulement au niveau de leur moitié
inférieure, La moitié supérieure est libre et recouverte d’une mince
membrane. Dans le sillon longitudinal qui parcourt leur tégument,
vers la moitié inférieure du carpelle, sont de petits sacs proéminents.
Chaque carpelle porte sur sa face interne un ou deux, et sur la face
externe, quatre ou huit de ces sacs, qui dans les vieux fruits sont
remplis d’une huile résinifiée, amorphe, incolore.
Les fruits du Genévrier exhalent, lorsqu’on les écrase, une odeur aro-
matique ; leur saveur est térébeuthineuse, épicée et un peu sucrée.
Structure microscopique. — ■. La couche extérieure du fruit est for-
mée d’une cuticule transparente et incolore, qui recouvre un petit nom-
bre de couches de grandes cellules cubiques, ou des cellules tabulaires
à parois épaisses et ponctuées. Ces cellules contiennent une substance
granuleuse de coloration foncée, et une grande quantité de résine. La
portion molle est formée à la maturité de grandes cellules elliptiques, à
parois minces, peu cohérentes, contenant de la chlorophylle, des gouttes
d’huile, et une substance cristalline soluble dans l’alcool, qui est sans
doute un stéaroptène. Avant la maturité, cette partie contient aussi
des granules d’amidon et de larges réservoirs à huile. Elle est tra-
versée par de très-petits faisceaux fibrovasculaires, contenant des vais-
seaux annelés et ponctués.
Composition chimique. — Le principe le plus important des fruits du
Genévrier est l’huile essentielle, qu’on peut obtenir dans la proportion
de 1 à 2 pour 100 (1). Elle est constituée par un mélange de deux essences
lévogyres, dont l’une a la composition C10H16 et bout à 155° G., tandis
que l’autre, qui prédomine dans le fruit mûr, a pour formule G-°H32 et
boutà20o° G. L’essence brute, distillée par l’un de nous, dévie lalumière
(1) Le produit est quelquefois très-faible; 245 livres, distillées par MM. Allen et
Hanbury, de Londres, Plough Court, Lombard Street, en 18G8, ne donnèrent que
17 onces et demie d’huile essentielle, c’est-à-dire 0,44 pour 100.
CONIFERES.
polarisée de 3°,o à gauche, en colonne de 50 millimètres de long. Ces
fruits sont riches en sucre : 33 pour 100 d’après Trommsdorff (1822),
23 pour 100 d’après Donath (1873). Ils contiennent aussi, d’après Do-
nath, de petites quantités d’acides prussique, acétique etmalique, une
résine et une substance nommée Junipérine. Cette dernière n’existe
qu’en très-faible proportion ; elle est soluble dans l’eau chaude, mais
n’est pas cristallisablc.
Récolte et Commerce. — On recueille une grande quantité de fruits de
Genévrier en Savoie, et dans les départements français du Doubs et du
Jura. On lés expédie aux droguistes de Genève. On en recueille aussi en
Autriche, dans le sud de la France et en Italie. Dans les prix courants
de Hamburg ils sont désignés sous les épithètes d 'allemands et ita-
liens.
Usages. — Les fruits du Genévrier, et l’huile essentielle qu’on en retire,
passent pour être diurétiques. On ne les prescrit guère en Angleterre.
(a) Les Genévriers ( Juniperus L., Généra, n. 1134) sont des Conifères, de la tribu
des Cupressées, à fleurs unisexuées, portées par des pieds différents ou réunies sur le
même pied, mais portées par des rameaux distincts ; à chatons femelles munis d é-
cailles opposées et déclassées ou ternées, cohérentes en un fruit composé, charnu.
Le Genévrier commun ( Juniperus communis L., Species, 1 470) est uu arbuste ou
un arbre dioïque, pouvant atteindre jusqu’à 12 ou lo mètres de hauteur, mais ordinai-
rement beaucoup moins élevé et parfois même nain et presque couché sur le soL
Les rameaux sont étalés ou pendants ; les minuscules sont courts, dressés et éta-
lés, triquetr.es, à angles saillants, obtus. Son port est extrêmement variable. Il forme
parfois un cône très -régulier couvert de rameaux et de feuilles depuis la base ;
d’autres fois, le tronc est nu dans sa partie inférieure, et porto plus haut des branches
Fig. 2S1. Juniperus communie.
Mùle.
Fig. ïoî. Juniperus communie.
Femelle.
417
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
très-irrégulières, inclinées vers le sol; plus souvent,, il -affecte la forme d’un buisson
irrégulier. Les feuilles sont ternées, assez rapprochées, plus ou moins étalées, ri-
gides, colorées en vert cendré ; elles sont linéaires, acuminées et très-aiguës au som-
met, légèrement canaliculées au niveau de la face supérieure, et marquées d’une
bandelette blanche à peu près continue ; elles sont munies en dessous d’une carène
légèrement sillonnée ; leurs bords sont entiers, obtus, dépourvus de glandes'. Les
chatons sont petits, axillaires,, deux à quatre fois plus courts que la feuille, ovales,
globuleux ou ovales-oblongs, subsessiles, munis de larges bractées ovales, acuminées,
entières, opposées, décussées ou ternées, lâchement imbriquées ; chaque bractée
porte sur sa face inférieure de trois à six anthères sessiles, à peu près globuleuses
ou plus ou moins anguleuses, uniloculaires, déhiscentes par une fente longitudinale.
Le pollen est sphérique et lisse. Les chatons femelles sont solitaires dans l’aisselle
des feuilles. Ils offrent à la base un petit nombre de bractées striées, étroitement
pressées contre l’axe, et se terminant par trois ou plus rarement six écailles ter-
nées épaisses et charnues. Les fleurs se composent de pistils géminés, et collatéraux
à la base des écailles^ dressés. L’ovaire est à peu près orbiculaire et comprimé ; il
est surmonté d’un style très-court,, cylindrique, épais, terminé par un stigmate à
peu près orbiculaire et perforé. Le fruit n’arrive â maturité que la seconde année. Il
est constitué par les écailles connées, épaissies, charnues, terminées au sommet par
une petite pointe saillante et recourbée en dehors ; elles enveloppent trois, ou seu-
lement deux, et même parfois un seul fruit sec, indéhiscent, véritable acharne,
dressé, ovale-oblong, triangulaire. La graine est formée d’un embryon à deux coty-
lédons et d’un albumen charnu. [Trad.]
SABINE.
fferba Sabinæ ; Cacumina vel Summitatcs Sabinæ ; angl., Savin or Savine;
allem., Sevenkraut.
Origine botanique. — Junipérus Sabina L. C’est un arbuste ligneux
toujours vert, de petite taille, et ayant une grande tendance à s’étaler
sur le sol, mais, dans quelques localités, dressé et arborescent. On le
tiouve dans les Alpes du sud de l’Autriche et de la Suisse, et sur les
montagnes adjacentes de la France et du Piémont, jusqu’à une altitude
de I 200 à I 500 mètres. On le rencontre aussi dans les Pyrénées, dans le
centie de 1 Espagne, en Italie et en Crimée, ainsi que dans le Caucase,
ou il s’élève jusqu’à 3 600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Vers
1 Est, il s étend jusque sur la chaîne d’Elburs, au sud de la mer Cas-
pienne, et dans le sud de la Sibérie. Dans l’Amérique du Nord, on l’a
trouvé sur les bords de la rivière Saskatchewan, du lac Huron, et dans
le Newfoundland (a).
Historique. La Sabine est mentionnée parmi les drogues em-
ployées dans la médecine vétérinaire par Marcus Porcius Calo (•!),
(I) Cap. lxx ( Hu/jus rnedicamenturn).
histoire des drogues, t. ii.
27
418
CONIFÈRES.
écrivain romain qui vivait au second siècle avant Jésus-Christ, et a
publié des ouvrages sur l’agriculture. Elle était bien connue de
Dioscoridc et de Pline. Elle est fréquemment nommée dans les anciens
traités de médecine vétérinaire anglais écrits avant la conquête des
Normands (1), et avait probablement été introduite dans la Grande-
Bretagne par les Romains. Charlemagne ordonna sa culture dans les
fermes impériales du centre de l’Europe. Son action excitante sur les
plaies et les ulcères est notée dans les vers de Macer Floridus (2)
composés au dixième siècle.
Description. — La partie médicinale de la Sabine est représentée par
les bourgeons verts, jeunes et tendres, séparés des branches plus
ligneuses. Ces bourgeons sont recouverts de petites feuilles rhomboïdes
en forme d’écailles, disposées par paires alternantes. Sur les jeunes
pousses, elles sont étroitement appliquées les unes contre les autres,
épaisses, concaves, arrondies dans le dos, au milieu duquel se voit
une glande à huile, déprimée. Lorsque les rameaux vieillissent, les
feuilles deviennent plus pointues et s’écartent de l’axe qui les porte. La
Sabine émet, quand on la froisse entre les doigts, ou quand on 1 écrase,
une odeur forte, qui n’est pas désagréable. Le cône ou galbulus res-
semble à une petite baie; il est de la taille dun pois, poite pai un
court pédoncule recourbé, et recouvert d une pruine bleue. 11 est glo-
buleux, sec, mais riche en huile essentielle, et contient de un à quatre
petits achaines.
Composition chimique . — L’odeur de la Sabine est due à une huile
essentielle que les bourgeons frais fournissent dans la proportion de
2 à 2 3/4 pour 100, et les baies environ 10 pour 100. Examinée en co-
lonne de 50 millimètres de long, elle dévie la lumière polarisée de 27» à
droite. L’essence observée avait été distillée pari un de nous à Londres,
d’une plante fraîche cultivée à Mitcham. Le même résultat nous a été
offert par une huile essentielle préparée dix ans auparavant à 1 aide
d’une Sabine recueillie à l’état sauvage dans les Alpes du canton de
Vaud, en Suisse. Nous avons observé que, sous 1 influence de 1 action
prolongée de l’air, l’essence, conservée dans un vase mal fermé, perd
au bout de quelques années une grande partie de son pouvoir rotatoire.
L’essence de Sabine a la même composition que celle de térébenthine.
Nous n’avons pas pu en retirer de composé chlorhydrique cristallisé.
Les bourgeons de Sabine contiennent des traces de matière tanmque.
(1)
(2)
caVNë. Leechdoms, etc., of Early England, 1865, II, xn.
u Lan t, Macer Floridus , De l'iribas herbarum, Lipsiæ, 1832, 48.
419
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
Usages. — La Sabine est un stimulant énergique de l’utérus ; à haute
dose, elle produit des effets très-graves. On l’administre rarement à
l’intérieur. On emploie pour faire suppurer les vésicatoires un onguent
préparé avec la Sabine, auquel la chlorophylle donne une belle colora-
tion verte.
Substitutions. — Plusieurs espèces de Genévriers ont une grande
ressemblance avec la Sabine. L’un d’eux, qui croît communément dans
les jardins et bosquets, est souvent pris pour elle. C’est le Juniperus
virginiana L. ( Red Cedar ou Savin de l’Amérique du Nord). Dans son
pays d’origine, c’est un arbre qui atteint 15 mètres et davantage de
haut, mais dans la Grande-Bretagne il reste à l’état de grand arbuste,
étalé, très-différent par son port de la Sabine, qui reste basse et com-
pacte (1). Son feuillage se présente sous deux formes. Dans l’une, il
consiste en petites feuilles rhomboïdes, spinifonnes, semblables à
celles de la Sabine ; dans l’autre, qui est plus rare, les feuilles sont
allongées, aiguës, divergentes, longues de 6 millimètres, semblables à
celles du Genévrier commun. Cette plante est beaucoup moins riche en
huile essentielle que la Sabine véritable (2), à laquelle on la substitue
parfois aux Etats-Unis.
Les pousses feuillées du Juniperus phæniceci L., espèce méditerra-
néenne, offrent une certaine ressemblance avec celles de la Sabine, aux-
quelles on les substitue parfois (3), mais elles sont tout à fait dépourvues
de l’odeur particulière de cette dernière.
(a) Le Juniperus Sabina L. ( Species , 1472) est un arbuste ou un petit arbre mo-
noïque, souvent bas et presque couché sur le sol, particulièrement dans les régions
alpines ou subalpines. Les rameaux sont cylindriques, tantôt dressés, tantôt au
contraire étalés sur le sol, et couvrant parfois une très-large surface. Les feuilles
sont ti ès-pressées les unes contre les autres ', celles des rameaux sont opposées ou
ternées, en grande partie adnées, libres et étalées au niveau de l’extrémité, lan-
céolées, linéaires, aiguës, mucronées, piquantes ; celles des minuscules sont op-
(1) Nous avons examine dans les [herbiers de nombreux échantillons de J. vir-
giniana et de J. Sabina ; sauf la différence de stature et de port, on ne peut guère
trouver aucun caractère permettant de distinguer les deux espèces. Le pédoncule du
fruit est, dans le J. virginiana, souvent pendant comme dans le /. Sabina. Chacune
des deux plantes a deux formes, l’une arborescente, l’autre frutescente.
(2) Nous nous en sommes assurés en distillant, dans des conditions identiques,
G livres, G onces de bourgeons frais de chacune des deux plantes. Le ./. Sabina nous
onua J drachmes d’huile essentielle, et le J. virginiana un demi-drachme seulement.
L huile essentielle de ce dernier possédait une odeur moins prononcée et un pouvoir
dextrogyre différent.
(3) Donplanrlia, 18G2, X, SiL
4'2Ü
CONIFÈRES.
posées, imbriquées, rhomboïdales, plus ou moins aiguës, mucronulées, convexes
au niveau de la face dorsale et munies dans la partie médiane d'une glande
ovale. Elles sont tantôt étroitement appliquées contre
le rameau, courtes et imbriquées, comme dans la
figure 2!>3 ; tantôt apprimées seulement à la base,
libres et étalées dans le reste de leur étendue, plus
longues, linéaires, aiguës et mucronées, à peu près
planes et glauques en dessus, convexes en dessous
et munies d’une glandé linéaire-oblongue. Les cha-
tons môles sont situés à l’extrémité des rameaux la-
téraux ; ils sont dressés, formés de bractées suborbicu-
laires, planes dans le dos, entières et munies dans le
milieu d’une petite glande arrondie. Les chatons
femelles sont également situés à l’extrémité de petits
rameaux latéraux ; ils sont incurvés. Les cônes sont
solitaires, pendants, portés par un minuscule plus
court que le cône et recourbé ; ils sont ovales ou
Fig. 253, Jumpents Sabma. peu près globuleux, colorés en pourpre bleuâtre,
et revêtus d’une pruine bleue ; ils sont constitués par quatre à six écailles op-
posées, étroitement connées, courtement apiculées au-dessous du sommet, et en-
veloppant à la maturité un ou deux, plus rarement trois ou quatre achaines blan-
châtres, convexes sur les deux faces, à bords et à sommet obtus. [Trad.]
MONOCOTYLÉDONES
AMOMACÉES
A R R O W ROOT.
Amylum Marante.
Origine botanique. — Marantci arundinacea L. C’est une plante her-
bacée, ramifiée, haute de -lm,20 à Im,80. Ses feuilles sont ovales-lan-
céolées, pubérulentes ou presque glabres. Ses fleurs sont petites, soli-
taires, ou disposées en grappes lâches. Elle est originaire des parties
tropicales de l’Amérique, depuis le Mexique jusqu’au Brésil, et des îles
des Indes occidentales (a). Sous une forme un peu différente, Maranta
indica Tussac, on la trouve aussi dans le Bengale, à Java, et dans les îles
Philippines. Cette variété asiatique existe maintenant dans les Indes
occidentales et dans l’Amérique tropicale, mais elle y a probablement
été introduite par la culture (I).
Historique. — L’histoire de l’Arrowroot est relativement récente. En
laissant de côté les anciens renseignements, donnés par les écrivains
français qui se sont occupés des Indes occidentales, se l’apportant à une
Herbe aux flèches qu’il est impossible d’identifier avec le Maranta , nous
trouvons dans le catalogue des plantes de la Jamaïque dressé par Sloane,
en 1696, un Canna indica , radice alba alexipharmaca. Cette plante, dé-
couverte dans l’île Dominica, fut importée à cette époque dans l’île de
Barbados, et plus tard à la Jamaïque. Elle était, dit Sloane, « très-
estimée pour ses propriétés alexipharmaques » . On a observé, ajoute-
(1) Nous acceptons l’opinion de Kôrnicke [Monogvapliiæ Marantearum Prodromus, in
Bull, de la Soc. imp. des naturalistes de Moscou, 1862, XXXV, 1), d’après laquelle le
Maranta arundinacea L. et le Maranta indica Tuss. ne constituent qu’une seule et même
espèce. Grisebach conserve ces deux espèces ( Flora of the Brïtish West Indian Is-
lands, 1864, 605) et les considère toutes les deux comme originaires de l’Amérique
tropicale, mais il ne signale aucun caractère important qui permelte de les distinguer
l’une de l’aulre. D’après Miquel (in Linnæa, 1844, XVIII, 71;, la plante étiquetée
Maranta arundinacea dans l'herbier de Linné, est le Maranta indica. Nous avons
nous-mêmes préparé de l’arrowroot avec le rhizome Irais du Maranta arundinacea, dans
le but de le comparer avec un échantillon authentique provenant- de Java, et préparé
avec le Maranta indica, et nous n’avons pu trouver entre eux aucune différence.
422
AMOMÀCÉES.
t-il, que les Indiens emploient avec succès la racine de cette plante
contre le poison des flèches : « ils la mâchent cl l’appliquent sur les
plaies empoisonnées. » Elle annihile aussi le poison du Mancenillier
(Ifippomane Mancinella L.), guérit' les piqûres des guêpes de la Guada-
loupo, et même arrête « la gangrène à ses débuts (d) ».
Patrick Browne, en 1756, signale les propriétés alexipharmaques attri-
buées au Maranta , qui était alors cultivé dans les jardins de la Jamaïque,
cl dit que la racine « lavée, broyée et blanchie, donne une belle farine
et de 1 amidon » qu’on emploie parfois dans l’alimentation lorsque les
vivres sont rares (2). Hughes, dans ses écrits sur l’île de Barbados,
en 1750, décrit l’Arrowroot comme une plante très-utile, et dit qu’on
considère son suc mélangé avec de l’eau, et pris en boisson, comme « pré-
servatif contre tout poison de nature brûlante», tandis qu’on prépare
avec la racine un très-bel amidon, de beaucoup préférable à celui du
froment (3). Lunan (4) insiste beaucoup sur les propriétés du Maranta
arundinacea comme contre-poison, et termine son histoire de la plante
par un exposé détaillé des procédés employés pour extraire l’amidon
contenu dans son rhizome.
L’Arrowroot commença à être employé en Angleterre vers le commen-
cement de notre siècle. On le faisait venir, à ce qu’il paraît, de la Ja-
maïque (5). Les indications de Sloane, confirmées par Browne et par
Lunan, donnent l’origine et le sens du mot Arroivroot, et montrent
l’erreur commise par le savant C. F. Ph. von Martius (1867), d’après
lequel ce nom dériverait de ce que les Indiens Aruac ou Aruaquis,
de l’Amérique du Sud, nomment la plus belle sorte de fécule qu'ils
retirent du Manioc, aru-aru. Il est vrai que le Maranta arundinacea
est connu aujourd’hui au Brésil sous le nom d 'Araruta, mais ce nom
dérive sans contredit du mot anglais Arroivroot ; la plante, d’après
l’opinion générale, a été introduite au Brésil (6).
Fabrication. — Pour préparer l’arrowroot, on arrache la plante lors-
(1) Sloane, Catal. plant, quæ in ins. Jamaica sponte proveniunt, vel vulgo colun-
tur, Lond., 1696, 122 ; Hist. of Jamaica, 1707, I, 250.
(2) Civil and Natural History of Jamaica, 1756, 112, 113.
(3) Natural History of Barbados, 1756, 221.
(4) Hortus Jamaicensis, 1814, I, 30.
(5) Ainsi, en 1799, il fut exporté de la Jamaïque vingt-quatre fûts et caisses d’arrow-
root (Renny, Hist. of Jamaica, 235).
(6) Nous avons reçu de M. Spruco les lignes suivantes relatives à cette question •’
« .... J’ignore l’étymologie donnée par M. Martius au mot arrowroot. Sur les bords de
l’Amazone, on le nomme « ararùta », corruption du nom anglais, qui s’explique par le
fait que la plante a été cultivée d’abord, à ce que j’ai entendu dire, îi l’aide de tubercules
provenant des Indes orientales. »
423
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
qu’ello est parvenue à. sa maturité complote, qui, en Gcoigio, se pio-
duit au commencement de l’hiver. On enlève les écailles qui recouvrent
les rhizomes, on lave ces derniers, puis on les hroic à l’aide d’un
moulin, et on lave la pulpe sur des tamis ou dans des machines à laver
spéciales, afin d’enlever l’amidon. On laisse celui-ci se déposer dans
Peau, on le fait égoutter puis sécher à une douce chaleur. Au lieu
de les broyer dans un moulin, on réduit parfois les rhizomes en
pulpe à l’aide d’une machine à râper spéciale. Pendant toutes les
phases de l’opération, on prend les plus grands soins pour éviter que
l’amidon ne soit souillé par la poussière, la rouille du fer, les insectes,
ou toute autre impureté qui pourrait altérer la coloration ou la saveur
du produit. Le rhizome contient environ 68 pour 100 d’eau, et fournit à
peu près le sixième de son poids d’amidon (I).
Description. — L’Arrowroot est une poudre brillante, blanche, insi-
pide, inodore, parfois agrégée en petites masses qui peuvent dépasser
le volume d’un pois. Lorsqu’on le presse entre les doigts il craque
avec un son clair. Il offre les propriétés générales de l’amidon, et
est formé en entier de granules à peu près sphériques, ou anguleux
Fig. 254. Amidon de Maranta arundinacea. Fig. 255. Amidon do Maranta arundinacea.
Etat naturel (d'après Berg et Schmidt). Après torréfaction (d'après Berg et Sohmidt).
et irréguliers. Examinés dans l’eau, ces granules offrent une stratifica-
tion très-manifeste, sous forme de lignes fines concentriques disposées
autour d’un petit hile. Leur diamètre varie entre 5 et 7 millièmes de
millimètre, lorsqu’on les observe à sec ou dans la benzine. Si l’on
chauffe avec soin, sur le porte-objet du microscope, l’eau dans laquelle
fisse trouvent, on voit qu’ils commencent à se gonfler vers 70° C. Chauffé
à 100u C. avec 20 parties d’eau distillée, l’Arrowroot forme une gelée
demi-transparente dont l’odeur et le goût sont un peu terreux. L’acide
chlorhydrique, ayant pour poids spécifique 1 ,06, dissout imparfaitement
l’Arrowroot à 40“ C.. La densité de toutes les variétés d’amidon varie
(1) Résultats obtenus dans la colonie allemande de Blumcnau, dans le sud du Brésil
(Ebeiuiaud, Arch. der Pliarm., 1808, 134, 207).
424 AMOMACÉES.
suivant la quantité d’eau que les granules contiennent à la tempéra-
ture ordinaire. Après une exposition prolongée dans une atmosphère
d’humidité moyenne, l’Arrowroot, maintenu à tOÛ° C. jusqu’à ce que
son poids reste constant, perd L'1,3 pour 100 d’eau. Par une exposi-
tion ultérieure à l’air, il reprend la quantité d’eau qu’il contenait
primitivement. Pesé dans un liquide entièrement dépourvu d’action sur
l’amidon, tel que le pétrole ou la benzine, l’Arrowroot a offert à l’un de
nous, comme poids spécifique, 1,504, et 1,565 après que sa poudre eut
été desséchée à 100° G.
Structure microscopique de l'Arrowroot et de l'Amidon en général.
— Les granules d amidon sont formés de couches concentriques qui
sont rendues bien évidentes par l’action lente du chlorure de calcium,
de 1 acide chromique, ou d’une solution ammoniacale d’oxyde cuprique.
Lorsqu’on fait agir sur l’amidon une de ces dissolutions dans un état de
concentration convenable, ou quand on opère avec un liquide dont l’ac-
tion n’est pas trop énergique, comme la diastase, la bile, la pepsine, ou
la salive, on obtient un résidu qui, d’après Nageli, n’est plus susceptible
de se gonfler dans l’eau bouillante, ni d’être coloré en bleu par l’iode, à
moins qu’on ajoute de l’acide sulfurique, mais qui est dissous par l’oxyde
cuprique ammoniacal. Ce sont là les propriétés essentielles de la cel-
lulose, et le résidu a été considéré par Nâgeli comme de la cellulose vé-
ritable, tandis que la portion dissoute a été désignée sous le nom de
Granulose (Maschke, 1852). Dans son importante monographie de l’a-
midon (1), Ntïgeli a décrit l’action exercée par la salive sur ce corps,
quand on le fait digérer pendant un jour à une température de 40°
à 47° C. 11 décrit le résidu comme un squelette correspondant à la forme
primitive du grain d’amidon, mais un peu plus petit, clair, et très-
mobile dans l’eau. 11 en conclut que les interstices de ce squelette
étaient primitivement remplis par la granulose.
Cette expérience, qui a été répétée par l’un de nous (F.), ne
nous paraît pas comporter toutes les déductions que M. Nügeli en
a tirées. Il est vrai que plusieurs parties du grain d’amidon sont dis-
soutes par la salive, tandis que d’autres sont attaquées d’une ma-
nière très-irrégulière ; mais nous ne pouvons admettre qu’il reste
quelque chose d’analogue à un squelette du grain d’amidon. Après
une action plus prolongée, et à une température plus élevée , qui
cependant ne doit pas dépasser 65° G., il se produit une dissolution
(1) Die StürkekOrner, Zurich, 1858, in-4°.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 425
plus considérable du grain d’amidon, soit sous l’action de la salive, soit
sous celle de labile, mais elle n’est jamais complète (1).
Composition chimique «le l'amidon. — On assigne communément la
formule C6H10O5 à l’amidon, quelle que soit la plante qui le produise.
Musculus a. montré cependant, en 1861, que sous l’influence des acides
dilués ou de la diastase, l’amidon se dédouble en Dexlrine, C12Hî0O10, et
en Dextrose , CGH|206, et quo la formule C18H20O1B répondrait mieux à
cette décomposition.
L’eau froide n’est pas sans action sur l’amidon. Lorsqu’on le triture
avec l’eau pendant longtemps, le liquide filtré, quoique ne con-
tenant aucune particule d’amidon, se colore en bleu sous l’influence
de l’iode, sans qu’il se forme aucun précipité. La quantité d’amidon
tenue ainsi en dissolution est extrêmement faible, mais les grains sont
légèrement entamés. Il est probable que la dissolution qui se produit
dans ces circonstances est due à la légère élévation de température qui
est produite par la trituration.
Certains réactifs susceptibles d’attaquer l’amidon agissent sur lui par
des procédés très-différents. L’action, à froid, des solutions aqueuses
concentrées des sels neutres solubles ou de l’hydrate de chloral est re-
marquable. Le bromure, l’iodure de potassium, ou le chlorure de cal-
cium, par exemple, font gonfler les grains et les rendent solubles dans
l’eau froide. A un certain degré de dilution, il se forme un liquide par-
faitement limpide, qui ne contient au début ni dextrine ni sucre; il est
coloré en bleu, sans précipité, par l’eau iodée , et l’alcool en précipite
l’amidon. Ce précipité, quoique entièrement dépourvu de la structure
propre à l’amidon, offre encore un certain nombre des principales pro-
priétés de cette substance ; il est coloré en bleu par l’iode, ne se dis-
sout pas, même à l’état humide, dans l’oxyde cuprique ammoniacal, et,
après dessiccation, est insoluble dans l’eau froide ou bouillante. La
marche de la dissolution est plus facile à suivre lorsqu’on emploie le
chlorure de calcium, parce que ce sel agit plus lentement que ceux que
nous avons déjà mentionnés. Il ne laisse qu’un résidu imperceptible.
Ce fait est contraire, à notre avis, à l’opinion d’après laquelle l’amidon
serait formé d’une substance amylacée particulière, déposée dans les
mailles d’un squelette de cellulose.
L action remarquable de l’iode sur l’amidon fut découverte, en 1814,
par Colin et Gaultier de Glaubry. Son énergie varie . beaucoup avec
(1) Pour plus (]u détails sur celte question, voyez mon mémoire: Ueher Sltlrke und
Cellulose, in Archiv (1er Pharmacie, 1871, 196, 7. [P. A. P.]
•42(5 AMOMACÉES.
chaque sorte d’amidon, avec la proportion d’iode, et avec la nature de
la substance dont les grains se trouvent imprégnés soit avant, soit après
l’action do l’iode. Celte action est même entièrement arrêtée, et la co-
loration bleue ne se produit pas, en présence d’une certaine quantité
de quinine, de tannin, d’eau de goudron, et d’autres corps.
La combinaison de l’iode avec l’amidon ne s’effectue pas dans des
proportions definies, et elle est facilement détruite par la chaleur. La
proportion d’iode combinée s’élève au plus à 7,5 pour 100. Ce com-
posé se forme plus facilement en présence de l’eau, et il se produit
alors une coloration bleu-indigo foncé. La plupart des autres sub-
stances susceptibles de pénétrer les grains d’amidon, font passer la
couleur du composé iodé au violet, au jaune rougeâtre, au jaune ou
au bleu verdâtre. Ces différentes colorations, dont la production a été
décrite parNâgeli avec beaucoup de détails, répondent aux couleurs pro-
pres de l’iode lui-même à l’état solide, liquide ou gazeux. Elles indi-
quent peut-être que les particules de l’iode pénètrent dans un état par-
ticulier, et d’une façon inexpliquée, dans l’amidon ramolli ou dissous.
Commerce de l’Arrowroot. — Les principales sortes d’Arrowroot qu’on
trouve dans le commerce sont connues sous les noms d’Arroivroot des
Bermudes, de Saint-Vincent et de Natal; mais on trouve encore coté
dans les prix courants, du moins accidentellement, l’Arrowroot de la
Jamaïque, des Indes occidentales, du Brésil, de Sierra-Leone et des
Indes orientales. Parmi ces variétés, celle qui jouit de la plus grande
réputation, et qui atteint de beaucoup le prix le plus élevé, est celle des
Bermudes ; mais elle est fréquemment mélangée d’Arrowroot des autres
localités, qui, cà l’état d’égale pureté, ne peuvent pas être distingués.
Les importations d’Arrowroot dans le Royaume-Uni, pendant l’année
^ 1870, se sont élevées à 21 770 quintaux, valant 33 063 livres sterling.
Sur cette quantité, l’île Saint-Yincent, dans les Antilles, avait fourni
près de 17 000 quintaux, et la colonie de Natal environ 3000 quintaux.
La fabrication de l’Arrowroot paraît décliner dans les îles des Indes
occidentales. Les Bermudes, particulièrement, n’en exportent plus
qu’une quantité insuffisante pour les besoins du commerce (1).
Usages. — L’Arrowroot bouilli dans l’eau ou le lait constitue un ex-
cellent aliment pour les convalescents. C’est aussi un aliment agréable
sous forme de pudding et de blanc-manger.
Falsification. — On vend parfois sous le nom d Arroivroot d autres
(1) Pendant l’année 1868, il n’en a été exporté que 60 quintaux, et en 1869, 91 quin-
taux.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 427
amidons que celui du Maranta. On ne peut les distinguer qu’à l’aide du
microscope.
AUTRES AMIDONS.
Amidon de Pomme de terre. — Cette substance, connue dans le
commerce sous le nom de Fécule ou Farine de Pommes de terre , est pré-
parée avec les tubercules du Solanum tuberosum L. par un procédé
analogue à celui qui est employé pour
la préparation de l’arrowroot. L’amidon
de pommes de terre offre les caractères
suivants : Examinés au microscope, les
granules paraissent être surtout de deux
sortes : les uns petits et sphériques, les
autres beaucoup plus gros, ayant par-
fois jusqu’à 100 millièmes de millimètre
de long, avec un contour irrégulier,
ovale ou anguleux; ils sont marqués de
fines lignes concentriques disposées
autour d’un hile peu visible. Lorsqu’on les chauffe dans l’eau ils se
gonflent beaucoup, même à 60° C. L’acide chlorhydrique, ayant pour
poids spécifique 1 ,06, les dissout même à 40° C., rapidement et pres-
que entièrement, et il ne se dépose plus ensuite de granulations
comme dans le cas de l’arrowroot. Le mélange d’arrowroot et d’acide
chlorhydrique est inodore, tandis que celui d’amidon de pommes de
terre et d’acide chlorhydrique possède une odeur particulière, mais
faible.
Amidon de Canna ( Amidon de Tous les mois (I), de Toulema , de Tolo-
mane). — On cultive dans les îles des Indes occidentales, et particu-
lièrement dans l’île de Saint-Kitts, une espèce de Canna dont le rhizome
sert depuis 1836 à l’extraction d’une sorte particulière d’amidon. On
emploie le même procédé que pour l’arrowroot. Le nom spécifique de
la plante est encore indéterminé. Nous avons reçu de Saint-Kitts des
rhizomes vivants, et nous avons cultivé la plante pendant plusieurs an-
(I) On admet généralement que le nom de Tous les mois a été donné à la plante
parce qu’elle fleurit pendant toute l’année, mais cette explication ne nous paraît pas
vraisemblable. Ce nom n’est mentionné ni par Rochefort, ni par Aublet, ni par Des-
courtilz, qui nomment la plante Balisier ou Canna. Il paraît plus probable qu’il vient,
par corruption, d’une dénomination aucienne, peut-être Touloula, qui est l’un des noms
caraïbes du Canna et du Calathea.
Fig. 256. Amidon do Solanum tuberosum.
428 AMOMACÉES.
nées, mais nous n’avons pas pu obtenir de fleurs, et les feuilles n’of-
fraient pas de caractères suffisants pour permettre de reconnaître
l’espèce. L’amidon porte le môme nom que la piaule ; c’est une poudre
blanc foncé, douée d’un aspect satiné ou lustré particulier, dû à la
grosseur extraordinaire des granules dont elle est composée. Les
grains de cet amidon, [examinés au microscope, paraissent aplatis et
irréguliers, circulaires, ovales, oblongs ou ovales-tronqués. Le centre
des nombreuses lignes concentriques qui marquent chaque granule est
situé à une dos extrémités du grain. Le hile n’est pas visible. Les
granules, quoique beaucoup plus grands que ceux de la pomme de
terre, ont la même densité que ceux de la petite variété de l’amidon de
pommes de terre, et flottent comme eux à la surface du chloroforme.
Lorsqu’on les chauffe, ils commencent à éclater vers 72° C. L’acide
chlorhydrique dilué agit sur eux comme sur ceux de l’arrowroot.
L’amidon de Canna, bouilli dans vingt fois son poids d’eau, donne une
gelée moins claire et plus tenace que celle de l’arrowroot, mais cepen-
dant susceptible des mêmes applications. Cet amidon n’est fabriqué
qu’en très-petite quantité; il est peu connu et peu estimé en Eu-
rope (1).
Amidon de Curcuma ( Tikor , Tiklwr ). — Les tubercules pendants et
incolores de quelques espèces de Cur-
cuma , et particulièrement du C. angus-
tifolia Roxb. et du C . leucorrhiza Roxb.,
1 sont depuis longtemps utilisés, dans le
| sud de l’Inde, pour la préparation d’une
| sorte d’arrowrool connu sous le nom
| hindoustani de Tikhar, et nommé parfois
j par les Européens Arrowroot des Indes
Orientales (2). Les granules de cet ami-
Fis?- 257- don ressemblent beaucoup à ceux du
Amidon de Curcuma leucorrhiza ■ ,, ... . . . , .
Maranta , mais ils ne sont ni sphenques
ni anguleux. On peut les décrire plutôt comme des disques aplatis,
ayant de S à 7 millièmes de millimètre d’épaisseur, à contour elliptique
ou ovoïde, parfois tronqué. Un grand nombre ont de 00 à 70 millièmes
de millimètre de long. Le hile est généralement situé au niveau de la
(1) Il en a été mis en vente, il Londres, le 10 mai 1871, vingt barils provenant de
Saint- Kilts. Ils furent vendus à raison de 2 deniers et demi la livre.
(2) Des racines vivantes de la plante, employées pour la préparation de cet arrow-
root, il Cochin, nous ont été obligeamment envoyées par A. F. Sealy, Esq. de cette
ville.
-529
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
petite extrémité. D’après nos observations, quand on chauffe ces gra-
nules dans l’eau, ils commencent à se gonfler à 72° G.
L’amidon du Curcuma possède les propriétés générales de l’arrow-
root commun. On le fabrique sur une grande échelle, mais d’une façon
très-primitive, à Travancore, à Gochin et à Ganara, sur la côte sud-ouest
de l’Inde. Drury (I) dit qu’il constitue un des aliments favoris des in-
digènes. et qu’on l’exporte de Travancore et de Madras. Nous pouvons
ajouter qu’il n’est pas connu sur le marché anglais comme marchandise
spéciale, et que l’amidon que nous avons vu en vente dans les boutiques
de Londres, sous le nom d ’Arrowroot des Indes orientales , était de l’ami-
don de Maranta.
(a) Les Maranla Plumier ( Généra , 36) sont des Amomacées de la tribu des Ma-
rantées à corolle irrégulière ; à étamines pétaloïdes, l’une d’elles seulement fertile et
ne portant qu’une demi-anthère sur son bord ; à ovaire infère, triloculaire, avec des
loges uniovulées.
Le Maranta arundinacea L. ( Species , 2) est une plante à souche vivace, fibreuse,
produisant au niveau de sa couronne de nombreux tubercules fusiformes, charnus,
écailleux, et une tige aérienne haute de 30 à 60 centimètres, très-ramifiéè, grêle, fi-
nement velue, renflée au niveau des nœuds. Les feuilles sont alternes et munies de
longues gaines foliacées, velues-, elles sont ovales-oblongues, acuminées, légèrement
velues en dessous, colorées sur les deux faces en vert pâle. Les fleurs sont disposées en
panicules terminales, lâches, étalées, munies, au niveau de leurs ramifications, de
longues bractées linéaires, engainantes. La fleur est irrégulière et hermaphrodite.
Le calice est formé de trois sépales verts, lisses imbriqués dans la préfloraison. La
corolle, ou calice intérieur, est petite, blanche, composée de trois pétales connés en
tube dans le bas. L’androcée est formé de trois étamines pétaloïdes; Tune d’elles
seulement est fertile et porte une seule loge anthérique fixée sur l’un de ses bords;
les deux autres sont des staminodes pétaloïdes, dont l’une reste simple et l’autre
se dédouble en deux lames. Le gynécée est formé d’un ovaire infère, triloculaire,
surmonté d’un style tubuleux, recourbé, terminé par trois lobes stigmatiques. Cha-
que loge de l’ovaire ne contient qu’un seul ovule anatrope inséré dans l’angle in-
terne. Le fruit est d’abord bacciforme, mais il se dessèche après la maturité, et
ne renferme, par avortement, qu’une seule graine dépourvue d’arille, dont l’albu-
men est corné et l’embryon recourbé (2). [Trad.]
RHIZOME DE GINGEMBRE.
Uhizoma Zingiberis ; Radia Zingiberis; angl., Ginger ; allera., Ingwer.
Origine botanique. — Zingiber officinale Roscoe ( Amomum Zingiber L.) .
C’est une plante à port de roseau, avec des tiges annuelles, feuillées,
(1) Use fui Plants of India, éd. 2, 1873, 168.
(2) Pour le Développement et l'Organisation de la fleur d-es Maranlées, voyez H.
Bâillon, in Adansonia, 1861.
4JU AMOMACÉES.
hautes de 90 centimètres à im,20, et des Heurs disposées en épis coni-
fjucs portés par d autres rameaux qui s’élèvent directement du rhizome.
Le Gingembre est indigène de l'Asie, dans les parties les plus chaudes
de laquelle il est très-cultivé (1). Mais il est inconnu à l’état sauvage. 11
a été introduit dans la plupart des contrées tropicales; on le trouve
aujourd’hui dans les Indes occidentales, dans l’Amérique du Sud, dans
l’Afrique tropicale occidentale, et dans le Queensland en Australie (a).
Historique.- Le Gingembre est connu dans l’Inde, depuis les temps
les plus reculés, sous le vieux nom sanscrit de Sringavéra, d’où dé-
ii\ent son nom gi ec Z^yiêepi et son nom latin Zingiber. 11 était employé
comme épice par les Grecs et par les Romains, qui le recevaient proba-
blement par la voie de la mer Rouge, car ils le considéraient comme un
produit du sud de l’Arabie.
Dans une liste des drogues importées de la mer Rouge à Alexandrie,
qui, au deuxième siècle de notre ère, ôtaient frappées d’un impôt
par le fisc romain, nous trouvons le Zingiber parmi d’autres épices de
1 Inde (2). Pendant le moyen âge, il est fréquemment mentionné dans
des listes semblables, et il constituait évidemment un objet important
de commerce entre 1 Europe et 1 Orient. Nous le trouvons dans le tarif
des impôts levés à Saint-Jean d’Acre, en Palestine, vers 1173 (3); dans
celui de Barcelone (4), en 1221; dans celui de Marseille (3), en 1228;
dans celui de Paris (6), en 1296. Le Tarif des Péages , ou tarif des
douanes des comtes de Provence, au milieu du treizième siècle, prescrit
de lever dans les villes et châteaux d’Aix, Digne, Valensole, Tarascon,
Avignon, Orgon, Arles, etc., un impôt sur diverses marchandises im-
portées d Orient, parmi lesquelles se trouvent des épices, notamment le
poivre, le Gingembre , les clous de girofle, le zédoaire, le galanga, le
cubèbe, le safran, la « canella », le cumin, l’anis; des matières tinc-
toriales, notamment : la laque, 1 indigo, le bois du Brésil, et surtout
l’alun ; des denrées diverses, telles que le sucre, le -riz et les dattes (7).
En Angleterre, le Gingembre paraît avoir été assez bien connu, même
avant la conquête des Normands, car il est fréquemment nommé dans
(1) Le mode de culture a été décrit par Buchanan, Jouvney from Madras througli
Mysore , etc., 1807, 11, 469.
(2) Vincent, Commerce and Navigation of the Ancients, 1807, II, 695.
(3) Recueil des Historiens des Croisades ; Lois 1843, II, 176.
(4) Capmany, Mcmorias sobre la Marina, etc., de Barcelona , Madrid, 1779, IF, 3.
(5) Méuy et Guindon, Hist. des Actes de la municipalité de Marseille, 1841,
I, 372. Guérahd, Cartul. de Saint- Victor de Marseille.
(6) Revue Archéologique, 1852, IX, 213.
(7) Collection des Cartulaires de France, Paris, 1857, VIII, pp. lxxiii-xci.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 4.31
les traités de médecine vétérinaire anglo-saxons du onzième siècle.
Pendant les treizième et quatorzième siècles, il était, après le poivre,
la plus commune des épices, et coûtait, en moyenne, a peu près 1 shil-
ling 7 deniers la livre, à peu près le prix d’un mouton (I).
Vers le milieu du quatorzième siècle, les marchands d’Italie connais-
saient trois sortes de Gingembre, nommées Belledi, Colombino et Mic-
chino. Ges dénominations peuvent s’expliquer de la façon suivante :
Belledi ou Baladi est un mot arabe qui, appliqué au Gingembre, signi-
fierait sauvage ou du pays , c’est-à-dire Gingembre commun. Colombino se
rapporte à Columbum, Kolam ou Quilon, port du Travancore fréquem-
ment mentionné au moyen âge. Le nom de Micchino paraît indiquer que
l’épice était apportée de la Mecque ou par la voie de la Mecque (2).
On importait aussi, pendant le moyen âge, du Gingembre conservé
dans du sirop, qu’on nommait Gingembre vert ; on le considérait comme
une friandise de premier choix.
La plante qui produit le Gingembre doit avoir été bien connue de
Marco Polo (1280-1290). Il dit l’avoir vue en Chine et dans l’Inde. Gio-
vanni de Monte-Corvino, qui visita l’Inde vers 1292 (voy. Il, 227) décrit
le Gingembre comme un glaïeul dont on peut arracher et transporter
la racine. Nicolo Conti, au commencement du quinzième siècle, donne
aussi une description de la plante, et la façon dont on arrache sa racine,
d’après les observations faites par lui-même dans l’Inde (3).
Les Vénitiens recevaient le Gingembre par la voie d’Egypte ; cer-
taines sortes supérieures cependant étaient transportées de l’Inde par
terre, puis suivaient la voie de la mer Noire, ainsi que l’établit Marino
Sanudo (4), vers 1306. Le Gingembre fut introduit en Amérique par
Francisco de Mendoça qui le récolta dans les Indes orientales poul-
ie transporter dans Nouvelle-Espagne (5). On l’expédiait commerciale-
ment de file de Saint-Domingue dès 1385, et des Barbades en 1654 (6).
D’après Renny, on en exportait de très-grandes quantités des Indes
occidentales pour l’Espagne, dès 1547 (7).
Description. ■ — Le Gingembre se présente sous deux formes. Dans
(1) Rogers, Hist. oj Agriculture and Prices in England, 1866, I, 629.
(2) Yule, Booli of Ser Marco Polo, 1871, II, 316.
(3) Voyez p. 828, note 2, t. 2.
(4) Marinus Sanutus, Liber secretorum fidelium crucis, l-Ianau., 1611,22.
(5) Monardes, Uist. de las cosas que se Iraen de nuestras Induis occidentales, Se-
villa, 1874, 99.
(6) Calendar of State Papcrs, Colonial Sériés, 1874-1660, Loud., 1860, 4, 414, 434.
(7) 22 083 quintaux. Voyez : Renny, Hist. of Jamciica, Lond., 1807, 184.
432
AMOMACÉES.
1 une, le rhizome a ôté desséché avec son épiderme; on lui donne le nom
de Gingembre cortiqué. Dans l’autre, le rhizome est privé de son épi-
derme, c est le Gingembre décortiqué. Les morceaux sont nommés par
les épiciers racines ou mains. Ils ont rarement plus de 10 centimètres de
long; leur forme est palmée; chacun d’eux porte une série de lobes
courts, comprimés latéralement, répondant à autant de bases de ra-
meaux, et offrant chacun au niveau du sommet une petite dépression,
qui représente la cicatrice de l’axe fouillé.
Pour préparer le rhizome décortiqué on racle le rhizome, on le
lave et on le fait sécher au soleil. Il offre alors une coloration cha-
mois pale ; sa surface est striée et un peu fibreuse ; il se casse faci-
lement, et sa cassure est courte et farineuse ; elle met à nu de nom-
bieuses fibres semblables à des soies. Coupée avec un canif, la portion
terminale et jeune du rhizome se montre colorée en jaune pâle; elle
est molle et amylacée, tandis que la partie la plus vieille est dure,
pierreuse et résineuse.
Le Gingembre cortiqué , c’est-à-dire celui qui a été séché avec son épi-
derme, est recouvert d’un tégument brun, ridé, strié, qui lui donne un
aspect extérieur rude et grossier. Sa coloration interne est, d’ordinaire,
moins claire que celle du Gingembre décortiqué. Beaucoup de morceaux
de cette sorte de Gingembre sont foncés, cornés et résineux.
Le Gingembre possède une odeur aromatique agréable, et une saveur
forte, piquante.
Variétés. — Les diverses sortes de Gingembre qu’on trouve actuelle-
ment sur le marché de Londres sont désignées sous les noms de Gin-
gembre de la Jamaïque , de Cocliin , du Bengale et d'Afrique. Les trois
premières sortes sont décortiquées , la dernière est cortiquée , c’est
cette dernière qui est la plus estimée; après elle, vient celle de Gochin,
mais il existe un grand nombre de qualités de chacune de ces sortes,
offrant entre elles de grandes différences.
Le Gingembre décortiqué est fréquemment blanchi, soit par l’acide
sulfureux, soit par immersion pendant un temps très-court dans une
solution d’hypochlorite de chaux. Celui qu’on trouve chez les épiciers
paraît souvent avoir été badigeonné à la chaux, car il est recouvert
d’une couche mince de substance calcaire, qui est du sulfate ou car-
bonate de calcium (1).
Structure microscopique. — Sur une coupc transversale, le Gin-
(1) M. Garside ( Pharm . Journ., 18 avril 1874) y a trouvé ces deux sels. Nous n’avons
pas observé nous-mêmes le carbonate.
133
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
gembre cortiqué offre une couche externe brune, cornée, épaisse d’un
millimètre environ, séparée par une ligne fine cio la paitie interne qui
est blanchâtre et farineuse, et dans laquelle sont dispersés sans ordre de
nombreux faisceaux fibro-vasculaires et des cellules à résine. Le tissu
externe est formé d’une couche extérieure lâche, et d’une couche interne
composée de cellules tabulaires. En dedans de cette dernière, se trouve
une zone de cellules parenchymateuses courtes, qui, sur une section
transversale, offrent un contour sinueux et des parois partiellement épais-
sies ; elles ont une apparence cornée particulière. C’est ce tissu qui forme
le revêtement du Gingembre décortiqué, et donne à sa surface un aspect
strié. C’est lui aussi qui est le siège principal de la résine et de l’huile
volatile qui sont contenues dans de larges cavités. Le tissu à grandes
cellules qui vient ensuite est rempli d’amidon, et contient aussi de
grandes quantités de résine et des gouttes d’huile. Les grains d’amidon
sont irrégulièrement sphériques ; ils ont au plus 40 millièmes de milli-
mètre de diamètre. Certaines variétés de Gingembre, dont l’amidon a
été rendu gélatineux par l’ébullition, sont cornées et translucides. Le
cercle de faisceaux fibro-vasculaires qui sépare les couches externes de
la portion centrale est étroit, et offre la même disposition et la même
structure que dans le Gurcuma.
Composition chimique. — Le Gingembre contient une huile volatile,
qui seule parmi ses principes constituants a été jusqu’à ce jour étudiée.
En distillant 50 kil. de Gingembre de la Jamaïque avec de l’eau, de
la façon habituelle, nous avons obtenu 124 grammes de cette essence,
c’est-à-dire 1/4 pour 100 environ. C’est un liquide jaune pâle, ayant
pour poids spécifique 0,878 ; son odeur est semblable à celle du Gin-
gembre, mais il n’a pas la saveur brûlante de ce dernier. Sa réaction
n'est pas acide, il ne se dissout que difficilement dans l’alcool (0,83) et
dévie la lumière polarisée vers la gauche, de 21°, 6, en colonne de
50 millimètres. La saveur brûlante du Gingembre est due à une résine
qui produit de l’acide protocatéchique quand on la fond avec de la
potasse (Stenhouse, 1877).
Commerce. — La Grande-Bretagne a importé pendant ces dernières
années les quantités suivantes de Gingembre : en 1868, 52 194 quin-
taux; en 1869, 34 535 quintaux; en 1870, 33 854 quintaux ; en 1871,
32723 quintaux ; en 1872, 32 174 quintaux.
En 1872, les quantités importées se décomposent de la façon
suivante, par rapport au pays producteur : d’Egypte, 4 923 quin-
taux ; de Sierra-Leone, 6167 quintaux ; de l’Inde Anglaise, 13 310 quin-
HIST. DES DROGUES, T. II. 28
AMOMACÉES.
taux; dos Indes occidentales anglaises, 7 543 quintaux; des autres
pays, 231 quintaux.
Les importations de Gingembre provenant des Indes occidentales ont
beaucoup diminué pendant ces dernières années.
Usages. _ Le Gingembre est un aromate agréable et stomachique.
A ce point de vue, il peut être ajouté avec avantage à d’autres médica-
ments, mais on 1 emploie beaucoup plus comme condiment que comme
drogue.
Les Gingembres {Zingiber Gærtneu, Fruct., 1,33, t. 12) sont des Amomacées-
Zingibérées à corolle tripartite; à androcée formé d’un verticille de trois étamines
dont une seule est fertile et munie d’une anthère biloculaire, surmontée d'un loin-
appendice subulo et canalicule, les deux autres etamines étant connées eu un sta-
minode pétaloïde ou labelle ; à ovaire infère, triloculaire, contenant plusieurs ovules
dans chaque loge ; à capsule triloculaire, déhiscente en trois valves.
Le Zingiber officinale Roscoe (in Trans. Linn. Soc., VIII, 348) est une plante h
rhizome tubéreux, bisannuel, émettant des rameaux foliaires aériens, dressés, an-
nuels, hauts de 30 centimètres à lm,20. Les feuilles sont munies de longues gaines
lisses, qui enveloppent complètement la tige ; elles sont étroites, linéaires-lancéolées,
très-lisses en dessus, un peu moins lisses en des-
sous ; au niveau du point de jonction de la feuille
et de la gaine se voit une ligule bifide. Les fleurs
sont portées par d autres rameaux ou scapes, émis
directement par le rhizome, hauts de la à 30 centi-
mètres, enveloppés par un petit nombre d’écailles
engainantes, obtuses, qui vers le haut se développent
parfois en feuilles véritables, mais beaucoup plus
courtes que celles des rameaux foliaires. Les fleurs
sont disposées au sommet du scape en un épi du vo-
lume du pouce, oblong, muni de bractées im-
briquées, obovales, lisses, membraneuses sur les
bords, parcourues de stries longitudinales, enve-
loppant chacune une seule fleur axillaire, portée
par un pédoncule très-court. Ce dernier porte
une bractée plus petite que la bractée mère et
enveloppant l’ovaire, le Calice, et une partie de la
corolle. Les fleurs sont petites relativement ci celles
des plantes de cette famille. Le calice est tubuleux,
fendu sur l’une de ses faces, divisé en trois dents. La corolle est tubuleuse, à
tube allongé et cylindrique, à limbe divisé en trois segments à peu près égaux,
oblongs, terminés en pointe, naissant en alternance avec les trois divisions du ca-
lice et imbriqués dans la préfloraison. L’androcée se compose de trois étamines, dont
une seule fertile, pétaloïde, portant une anthère allongée, oblongue, biloculaire,
déhiscente par deux fentes longitudinales, et surmontée par un long prolongement
subulé et canaliculé du connectif. Les deux autres étamines sont stériles et connées
en une lame pétaloïde ou labelle. Le gynécée est formé d’un ovaire ovale, trilo-
culaire, surmonté d’un style filiforme que termine un stigmate en entonnoir, cilié,
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 435
logé au-dessous du sommet de la corne qui termine l’anthère. Entre la hase du
style et l’androcée sont deux lames allongées représentant un disque épigyno.
Chaque loge ovarienne contient un nombre iudéfini d’ovules anatropes, insérés
dans l’angle interne. Le fruit est une capsule triloculaire, loculicide, déhiscente
en trois falves. Elle contient dans chaque loge un nombre variable de graines
munies d’un arillc, et renfermant un embryon axile dans un albumen charnu.
[Trad.]
RHIZOME DE CURCUMA.
lihisoma Curcuma ( I), Radix Cia'cumss ; Angl., Turmeric ; allem., Gelbwurxel, Kurkuma.
Origine botanique. — Curcuma longa L. Le Curcuma est indigène
de l’Asie méridionale, où il est très-cultivé sur le continent et dans
les îles (a).
Historique. — Dioscoride mentionne une plante indienne, une sorte
de Cyperus (Kiksipoç), semblable au Gingembre, mais offrant une colo-
ration jaune, et ayant, lorsqu’on la' mâche, une saveur amère ; il est pro-
bable qu’il faisait allusion au Curcuma. Garcia. d’Orta, en 1563, et Fra-
goso, en 1572, décrivent le Curcuma sous le nom de Crocus indiens.
Dans une liste des drogues qui se vendaient à Francfort vers 1450, on
trouve le Curcuma à côté du Zédoaire et du Gingembre (2).
Dans son pays d’origine, le Curcuma est, depuis les temps les plus
reculés, tenu en grande estime, soit comme condiment, soit comme ma-
tière tinctoriale. En Europe, il a toujours été moins apprécié que les
autres épices appartenant au même groupe que le Gingembre. Dans
un inventaire des biens d’un commerçant du Yorkshire, daté du
20 septembre 1578, on trouve énuméré « x. owneis of turmeracke ,
x d. » (3).
Description. — La base de la tige du Curcuma s’épaissit pendant la
première année en une souche ovale qui émet ultérieurement des bour-
geons, et forme des rhizomes latéraux secondaires, de chacun desquels
partent des racines. Ces dernières se ramifient et restent fibreuses, ou bien
se renflent parfois en tubercules incolores, fusiformes, riches en ami-
don. Les rhizomes latéraux sont sans aucun doute susceptibles de pro-
duire autant de plantes indépendantes qui peuvent vivre isolées de la
plante mère. Le rhizome central, autrefois connu sous le nom de Cur-
cuma rotunda , et les rhizomes latéraux, allongés, ou Curcuma longa,
(1) Le mot Curcuma vient du persan Kurkum, nom qu’on applique au Safran.
(2) Fi.ückiger, Die Frankfurter Liste , Halle, 1873, 11.
(3) Raine, Wills and Invent. o( the Archdeac. of Richmond (Surtees Society),
1833, 277.
43G . AMOMACÈES.
étaient considérés par Linné comme produits par des espèces distinctes.
Les tubercules radicaux de quelques espèces de Curcuma , et notam-
ment du C. angustifolia Roxb., sont employés à la préparation d’une
sorte d’arrow-root (p. 428). — On les fait parfois dessécher, et ils consti-
tuent alors une espèce particulière de Curcuma que les Chinois nomment
Yuh-Kin (t).
Le Curcuma du commerce est constitué par les deux sortes de rhi-
zomes dont nous avons parlé plus haut : les rhizomes du centre ou ronds,
et les rhizomes latéraux ou longs. Les premiers sont ovales, pyri-
fonnes.ou presque sphériques, parfois pointus au niveau de l’extrémité
supérieure, et couronnés par le reste des feuilles, tandis que les faces
portent les racines et sont marquées de sillons concentriques. Leur dia-
mètre est très-variable, mais ils ont rarement moins de 2 centimètres,
et fréquemment beaucoup plus. Un a l’habitude de les couper et de les
échauder pour détruire leur vitalité et faciliter leur dessiccation. Les
rhizomes latéraux sont à peu près cylindriques, atténués aux deux ex-
trémités, généralement recourbés, couverts d’une écorce rugueuse, et
marqués de sillons transversaux plus ou moins nombreux. On observe
parfois sur une de leurs faces une, deux, ou plusieurs saillies qui ré-
pondent à autant de bourgeons. Les rhizomes de Curcuma des deux
variétés, ronds ou longs, sont très-durs, et offrent une surface de cassure
foncée, à aspect résineux, colorée en orange ou en brun orangé plus
ou moins brillant. Ils possèdent une odeur et une saveur aromatiques,
particulières.
On trouve sur le marché anglais plusieurs variétés de Curcuma qu’on
distingue par les noms des pays qui les produisent ; mais quoiqu’elles
offrent des caractères assez marqués pour qu’un commerçant exercé ne
puisse s’y tromper, ces caractères ne sont ni assez prononcés ni assez
constants pour qu’on puisse les décrire de façon à ce qu’il soit possible de
toujours bien les reconnaître. Les sortes principales qui existent actuel-
lement dans le commerce sont celles de Chine , de Madras, du Bengale,
de Java et de Cocliin. La première est la plus estimée, mais on ne la
trouve que rarement sur le marché européen (2).
L q Curcuma de Madras est une belle sorte se présentant en gros
(]) Pharm. Jourtl., 1862, III, 260, fig. II. — Elle n’est pas entièrement dépourvue de
matière odorante jaune.
(2) On en exporte une assez grande quantité de Takow, port de l’ile Formose, en
majeure partie à destination des ports de la Chine { Retums of Trade at t/ie Trcaty Ports
o f China for 1872, 106).
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. T.'!7
morceaux. Certaines caisses ne contiennent parfois que des rhizomes
ronds, tandis que d’autres sont remplies uniquement de rhizomes longs
ou latéraux.
Le Curcuma du Bengale diffère surtout des autres variétés par sa co-
loration plus foncée, ce qui le fait rechercher de préférence pour la
teinture.
Le Curcuma de Java ne présente guère de caractères particuliers ; il
est recouvert d’une pousssière produite par sa propre substance, mais
la surface de sa cassure n’offre pas une coloration très-brillante. A en
juger par le bas prix auquel il se vend, il n’est guère estimé. Il est pro-
duit parle Curcuma longa, var. (3 min or Hasskarl (I).
structure microscopique. — La couche subéreuse est formée de huit
à dix rangées de cellules tabulaires. Le parenchyme de la couche corticale
moyenne présente de grandes cellules polyédriques à angles arrondis.
Vers lè centre du rhizome, on voit, sur la coupe transversale, un cercle
de faisceaux fibro-vasculaires pressés les uns contre les autres, et for-
mant une sorte de gaine autour de la moelle. Le parenchyme limité
extérieurement par ce cercle est traversé par des faisceaux épars ; ses
cellules renferment, pour la plupart, des grains d’amidon arrondis ou
anguleux, mais tellement désorganisés qu’ils n’offrent plus dans la lu-
mière polarisée l’aspqct caractéristique de l’amidon ; cependant ils sont
colorés en bleu par l’iode. Cette structure particulière de l’amidon est
due àl’action de l’eau bouillante. On trouve aussi dans certaines cellules
des granules de résine colorés en rouge jaunâtre. Le tissu tout entier
est imprégné d’une matière colorante jaune, et offre de nombreuses
gouttes d’huile essentielle qui, dans le rhizome frais, est sans aucun
doute renfermée dans des cellules particulières.
Composition chimique. — Le Curcuma contient environ 1 pour 100
d’une huile essentielle qui, d’après Suida et Daube (1868), est con-
stituée en majeure partie par un liquide correspondant à la formule
Gt0HuO, identique à celle du Carvol (2). Ce liquide est accompagné
dans la drogue d’une faible proportion d’un hydrocarbure.
La matière colorante, nommée Curcumine, s’obtient en épuisant la
drogue avec la benzine, après qu’on a distillé l’huile essentielle. Les
cristaux impurs retirés de la benzine sont dissous dans l’alcool, et pré-
(1) D’après une information qui nous a été communiquée par M. Binnendyk, du Jar-
din botanique de Buitenzorg, à Java.
(2) J’ai fait voir, ainsi que l’avaient déjà avancé Suida et Daube, que cette essence de
Curcuma n’est nullement identique avec le Carvol. (Voir Fruits de Cauvi). [F. A. F.]
*38 AMOMACÉES.
oipités par l’acétate basique cio plomb. On élimine cc dernier par l’hy-
drogène sulfuré, et on fait recristalliser la curcumiue dans l’alcool. Elle
forme alors des cristaux jaunes, ayant l’odeur delà vanille, et présentant
dans la lumière réfléchie une belle coloration bleue. Daube (1871) leur
assigne la formule C10H10O13. D’après Ivanow Gajewsky (1873), la meil-
leure façon de préparer la curcumine consiste à laver avec de l’ammo-
niaque faible un extrait éthéré de Curcuma, à dissoudre le résidu dans
l’ammoniaque concentrée bouillante, puis à faire passer dans la solu-
tion un courant d’acide carbonique qui précipite la curcumine en
flocons.
Un fragment de papier humecté d’une solution alcoolique de cur-
cumine prend au contact d’un alcali une belle coloration rouge-brun,
qui passe au violet par la dessiccation. L’acide boracique communique
à la curcumine une coloration orange, qui tourne au bleu quand on
ajoute une solution alcaline (1). Cette réaction de la curcumine impure
fut signalée par Vogel dès 1815. On l'a, depuis cette époque, utilisée
comme réaction chimique caractéristique.
Lorsqu’on ajoute du borax à la curcumine, il se produit une substance
rose, la Rosocyanine de Schlumberger (1866), que Daube a obtenue à
l’état cristallin. Ivanow Gajewsky, qui l’a isolée en chauffant un extrait
alcoolique de Curcuma avec les acides boracique et sulfurique, la décrit
comme une poudre cristalline pourpre, à reflet métallique vert, inso-
luble dans l’eau et soluble dans l’alcool. Les alcalis colorent sa solution
en bleu foncé.
D’après le même chimiste (1870), il existe encore dans le Curcuma un
alcaloïde, en très-petite proportion. Kachler (1871) a trouvé dans la
décoction aqueuse de ce rhizome une grande quantité de bioxalate de
potassium.
Commerce. — Il a été importé dans le Royaume-Uni, pendant l’an-
née 1860, 64 280 quintaux de Curcuma ; en 1870, 44900 quintaux. Une
grande partie provenait du Bengale et de Pegu. L’exportation de Cal-
cutta (2), pendant l’année 1870-71, fut de 59 352 quintaux. Bombay en a
(1) L’expérience suivante montre d’une manière frappante quelques-uns de ces chan-
gements de coloration : on place une petite quantité de Curcuma broyé, ou de la poudre
de Curcuma sur du papier buvard, et on l’humecte à plusieurs reprises avec du chlo-
roforme qu’on laisse évaporer. Il se produit sur le papier une tache jaune qui, sous
l’influence d’une solution légèrement acidulée de borax offre, après dessiccation, une
teinte pourpre. En humectant alors le papier avec de l’ammoniaque diluée, on voit la
tache prendre une coloration bleue passagère. Cette reaction permet de reconnaître la
présence du Curcuma dans la poudre de Rhubarbe ou dans colle de Moutarde.
(2) Rapports cités tome II, page 324, note 2.
-439
HISTOIRE DES DROGUES D ORIGINE VÉGÉTALE.
exporté, en 1871-72, 29 780 quintaux, la plus grande partie fut expé-
diée vers le Sind et dans le golfe Persique, et 910 quintaux seulement
arrivèrent en Europe (I).
Usages. — Le Qurcuma est employé comme condiment dans la fabri-
cation de la poudre de Curry ; à ce titre, il est fréquemment vendu par
les droguistes, mais il n’est d’aucun usage en médecine. On s’en sert
beaucoup dans la teinture.
Substitution. — On a récemment apporté sur le marché de Londres
une grande quantité d’une drogue nommée Curcuma de Cochin, pro-
duite par des espèces de Curcuma autres que le C. longa. Elle est formée
uniquement d’un rhizome bulbeux, de grandes dimensions, coupé
transversalement, ou dans le sens de la longueur, en tranches ou en
morceaux. La portion corticale est colorée en brun foncé ; la substance
interne est cornée et colorée en brun orange foncé, ou, lorsque les
tranches sont minces, en jaune brillant. M. A. Forbes Sealy, de Cochin,
a été assez bon pour nous envoyer, en 1873, des rhizomes vivants de ce
Curcuma, en nous informant qu’il croît en majeure partie à Alwaye,
au nord-ouest de Cochin, et qu’on ne l’emploie jamais dans le pays
comme Curcuma, mais qu’on retire de son rhizome une sorte d’arrow-
root, Les rhizomes qu’il nous a envoyés sont épais, courts, coniques et
d’un volume considérable; quelques-uns ont jusqu’à 6 centimètres de
diamètre. Ils sont colorés intérieurement en jaune orange brillant (2).
(a) Les Curcuma L. (Gênera, u. 6) sont des Amomacées de la tribu des Zingibô-
rées, à calice tubuleux, tridenté; à corolle tubuleuse, tripartite; à androcée formé
d’un staminode ou Libelle bifide , et d’une étamine fertile , à anthère bîloculaire
munie à la base de deux éperons, et portée par un filament pétaloïde, trilobé ; à style
capillaire ; à ovaire triloculaire, contenant plusieurs ovules dans chaque loge ; à cap-
sule triloculaire, avec des loges polyspermes.
Le Curcuma longa L. ( Specics , 3) est une plante à souches tubéreuses, oblon-
gnes, palmées, colorées intérieurement en orange foncée. Les feuilles sont alternes,
longuement pétiolées, lancéolées, rétrécies aux deux extrémités, glabres, colorées en
vert uniforme. Les fleurs sont portées par un scape enveloppé par les gaines des
feuilles et terminé au centre de ces dernières par un épi oblong, vert, muni de brac-
tées aiguës, aussi longues que les fleurs qui sont insérées solitairement dans leur
aisselle. Les fleurs sont jaunes. Le calice est tubuleux, divisé en trois dents ; la co-
rolle est tubuleuse, élargie vers le haut, tripartite. L’androcée est formé de trois
(1) Staternent of tlie Trade and Navigation of Bombay for 1871-72, p. II, 9b.
(2) La Curcumine sc trouve encore dans les rhizomes du Zingiber Cassumunar
Roxn. (autrefois nommé Radix Cassumunar ), et des Curcuma amarissima Roscoe,
C. alata, et C. petiolata Roscoe. Toutes ces plantes sont figurées dans le magni-
fique ouvrage de Roscoe, Monanclrous Riants of the order Scitamine.r, Li ver-
pool, 1828. [P. A. P.]
440
AMOMACÉES.
rtamiiies, dont deux sont oonnées en un staminodfi ou lnbellc très-développé, bifide ;
! autre étamine est fertile, pétaloïdc, trilobée, à lobe médian portant une an-
thère biloculaire, déhiscente par deux fentes longitudinales, munie à la base de
deux appendices en forme d’éperons. Le gynécée est formé d’un ovaire infère, trilo-
culaire, surmonté d’un stylo filiforme. Chaque loge ovarienne contient un nombre
indéfini d’ovules anatropes insérés dans l’angle interne. Le fruit est une capsule
triloculaire, s’ouvrant par déhiscence loculicide en trois valves, et contenant dans
chaque loge un nombre indéfini do graines arillées, qui renferment un albumen
abondant et un embryon axile.
Le Curcuma leucorhiza Roxburgh ( Flora indica, I, 30) qui fournit YArrovo-
rool de l'Inde (voy. page 428) se distingue par son scape latéral, son rhizome tubé-
reux droit, et souvent long do près de 30 centimètres, émettant de nombreuses ra-
cines tuberculeuses, oblongues, colorées intérieurement en blanc.
Le Curcuma angustifolia Roxburcii (ds. Research ., XI, 338, t. 3) qui fournit
également une partie de Y Arrow-root de l'Inde, se distingue par ses feuilles étroites,
lancéolées, très-aiguës, longues de 30 à 90 centimètres, y compris le pétiole et la
gaine ; par ses fleurs plus grandes que les bractées. [Trad.]
RHIZOME DE GALANGA,
Rhizome Galangæ (1) ; Radix Galangæ minoris ; Rhizome de Galanga; Racine de Galanga ;
angl., Galangal; allem., Galgant.
Origine botanique. — rllpinia offîcinarum Hance (2). — C’est une
plante à port de roseau, avec des tiges hautes de lm,20, à feuilles
étroites, lancéolées, engainantes, et à fleurs blanches, élégantes, tachées
et veinées de rouge foncé, disposées en grappes terminales, courtes,
simples. On la cultive dans l’île de Hainan, dans le sud de la Chine,
et peut-être dans quelques-unes des provinces méridionales de l’em-
pire chinois [a).
Historique. — La plus ancienne mention du Galanga que nous con-
naissions se trouve dans les écrits du géographe arabe lbn Khur-
dàdbah (3), vers 869-883. En énumérant les productions d’un pays qu il
nomme Sila, il cite le Galanga, avec le musc, l’aloès, le camphre, la
soie et le cassia. Edrisi (4), trois siècles plus tard, est plus explicite ; il
mentionne le Galanga, parmi d’autres produits de 1 extrême Oiienl,
• *
(1) Le mot Galanga paraît dériver de l’arabe Kliulanjan , qui à sou tour vient du chi-
nois Kau-liang Kiang , signifiant, d’après F. Porter Smith, Gingembre de Kau-liang ;
Kau-liang est le nom ancien d’un district île la province de kwangtung.
(2) Journal of Linnean Society, Rotang, 1873, XIII, 1 . — Journ. of Botan., de Tri -
MEN, 1873, II, 175.- Le docteur Thwaites, de Ceylan,qui cultive la plante, a été assez
bon pour nous envoyer un dessin colorie do la fleur.
(3) Le Livre des routes et des provinces, trad. C. Bardier de Meynard, in Journ.
Asiat., s6r. G, V, 294.
(4) Géographie d'Edrisi, traduct. de Jaubert, 1836, 1, 51.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. U\
comme apporté de l’Inde cl de là Chine à Aden, alors le grand entre-
pôt du commerce de l’Asie avec l’Egypte et l’Europe. Le médecin Al-
kindi (1), qui vécut à Bassora et à Bagdad pendant la seconde moitié du
neuvième siècle, et un peu plus tard Rhazes et Avicenne, signalent le
Galanga, dont l’emploi se répandit en Europe avec leur système médical.
Il existe un certain nombre de faits indiquant que le Galanga était im-
porté avec le poivre, le gingembre, les clous de girofle, la muscade, le
cardamome et le zédoaire, et que pendant le moyen âge il était com-
munément employé avec ces substances dans la cuisine ; il en est encore
ainsi dans certaines parties de l’Europe (2). La plante qui fournit la
drogue resta inconnue jusqu’en 1870. Une description en fut, à cette
époque, communiquée à la Société Linnéenne de Londres par le doc-
teur H. F. Hance, d’après des échantillons recueillis par M. E. C. Tain-
tor, près de Hoihow, dans le nord de Hainan.
Description. — La drogue consiste en un rhizome cylindrique, dont
Fie
259. Rhizome de Galanga mineur,
fAlpinia ofjîcinarum.J
le diamètre maximum est d’envi-
ron 2 centimètres, mais est sou-
vent beaucoup moindre. Ce rhi-
zome a été coupé , encore frais,
en morceaux de 3 à 7 centimètres,
souvent ramifiés, et marqués trans-
versalement, et à de courts intervalles, de sillons étroits et sinueux,
indiquant les points d'attache des feuilles ou des écailles. Les morceaux
sont durs, résistants, ridés, colorés extérieurement en brun rougeâtre
foncé, et offrant, quand on les coupe en travers, un intérieur un peu
plus pâle, mais jamais blanc, avec une partie centrale plus foncée.
Lorsqu’on la broie, cette drogue exhale une odeur agréable ; sa saveur
est épicée, forle, brûlante.
Structure microscopique. — La portion centrale du rhizome est sé-
parée de la couche extérieure par une gaine qui se présente sous l’as-
pect d une ligne foncée, bien limitée. Cependant le tissu central ne
diffère pas beaucoup de celui qui l’entoure ; tous les deux sont com-
posés de cellules parenchymateuses uniformes, traversées par des fais-
ceaux fibro-vasculaires épars. On trouve aussi dans ce parenchyme
quelques cellules remplies d’huile essentielle ou de résine, mais la plu-
part d entre elles contiennent de gros grains d’amidon qui affectent la
( 1) De Rerum gradibus, Argentorali, 1531, 162.
(2) Hanbury, Historical Notes on the Radix Galangœ of Pharmacy, iu Science Pa-
pers, 370.
442 AMOMACÉES.
forme exceptionnelle de massues. Quelques cellules renferment une
substance brune, qui diffère de la résine en ce qu’elle est insoluble dans
l’alcool. La couche subéreuse est remarquable par ses cellules à parois
ondulées.
Composition chimique. — L’odeur du Galanga est duc aune huile
essentielle que le rhizome renferme, dans la proportion de 1/3 a 1/2
pour 100 seulement. D’après les recherches de Vogel, elle paraîtrait
avoir la composition C10II,6O. Brandes (1) a extrait du Galanga, à
l’aide de l’éther, un corps neutre, inodore, insipide, cristallin, nomme
Kampfcride, qui demande à être étudié plus complètement. Le piincipc
qui donne à la drogue sa saveur brûlante, et qui est sans doute ana-
logue à celui du gingembre, n’a pas encore été étudié.
Commerce. - Le Galanga est expédié de Canton pour les autres
ports de la Chine, 1 Inde
et l’Europe, mais il n’existe
aucune statistique qui per-
mette déjuger de l'impor-
tance de la production to-
tale. D’après les rapports
officiels cités par Hance,
les exportations de l’année
1869, qui paraissent avoir
été exceptionnelles, s’éle-
vèrent à 370,800 livres.
Pendant l’annéè 1870-71,
Fig. 2go. Rhizome do Galanga majeur. Bombay en a importé 333
[Alpinia Galanga.) quintaux (2).
Usages. — Le Galanga est un aromatique stimulant de même natuie
que le Gingembre. 11 est aujourd’hui h peu près abandonné dans la pra-
tique médicale, mais il est populaire comme remède et comme épice
dans la Livonie, l’Esthonie et la Russie centrale. Les Tartares l’em-
ploient en guise de thé. Il est également employé en Russie par les
brasseurs et par les fabricants de vinaigres et de liqueurs. Enfin on s en
sert dans la médecine vétérinaire.
Substitutions. — Le rhizome de YAlpinia Galanga Swartz, plante de
Java, constitue la drogue connue sous le nom de Radix Galangæ majo-
ra ou Galanga majeur (Greater Galanga), qui est apportée parfois sur e
(1) Archiv (1er Pharm., 1830, XIX, 02.
(-2) Rapporta cités plus haut, la page 47, note 3.
m
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
marché de Londres. Il se distingue par ses dimensions plus considé-
rables, et la teinte chamois pâle de la couche interne qui contraste
avec la coloration brun orange de sa couche externe.
Les Alpinia L. ( Généra , n. 4) sont des Àmomacées de la tribu des Zingibérues,
h fleurs disposées en panicules au sommet des tiges foliacées ; à calice tubuleux ; h
tube de la corolle court; à filet staminal simple, dressé; à anthère non appendi-
culée ; à ovaire infère ; à fruit bacciforme, triloculajre, polysperme ; à graines
nrillées.
h' Alpinia officinarum Hance (in Journal of the Linn. Soc., 1873, XIII,, G) est
une plante, â longs rhizomes rampants recouverts de grandes écailles glabres, blan-
châtres, fibreuses, auxquelles succèdent des cicatrices annulaires sinueuses. Les ra-
meaux aériens sont hauts de 60 centimètres à 1 mètre, et munis de feuilles engai-
nantes, coriaces, très-glabres, lancéolées, rétrécies au niveau de la jonction du
limbe et de la gaine, mais non pétiolées, pourvues d’une ligule très-développée,
oblongue, scarieuse, dressée, un peu aiguë au. sommet. Les feuilles sont longues de
25 à 35 centimètres. Les fleurs sont disposées, au sommet de la tige foliacée, en une
grappe simple, dressée, dense, ne dépassant pas d’ordinaire 10 centimètres de
long. Chaque fleur est accompagnée de deux bractées en forme de spathe, l’une ex-
térieure verte, l’autre plus intérieure blanche. Les fleurs sont dépourvues de brac-
téoles et sessiles. Le calice est blanc, tubuleux, tomenteux, divisé en deux ou trois
lobes scarieux. La corolle est également blanche, tubuleuse et tomenteuse, à lobes
oblongs, obtus, cucullés. L’androcée est formé d’une étamine fertile, â filet court,
dressé, à anthère non appendiculée, biloculaire, déhiscente par deux fentes longi-
tudinales, et d’un staminode ou labelle très-développé, entier ou bilobé au som-
met, muni à la base de deux cornicules charnues et rigides ; il est blanc et muni
de stries d’un rouge vineux qui se réunissent près du sommet en une tache étalée en
éventail. Le gynécée est formé d'un ovaire tomenteux, infère, triloculaire, surmonté
d’un style un peu plus long que l’anthère, dilaté au sommet et cilié. Le sommet de
l’ovaire offre deux glandes épigynes jaunes, oblongues, pourprées, entières ou ta-
bulées. Le fruit est à peu près globuleux, tomenteux, à péricarpe coriace ; il con-
tient plusieurs graines munies d’arilles, anguleuses, très-cohérentes. [Trad.]
(b) L’ Alpinia Galanya Swartz ( Obs . bot., 8) est une plante â tiges aériennes
plus ou moins vivaces, à peu près dressées, lisses, arrondies, hautes de lm,80 à
2 mètres au moment de la floraison, couvertes, au-dessus de la partie médiane, de
gaines foliaires dépourvues de limbes. Les feuilles sont courtement pétiolées,
lancéolées, lisses, un peu calleuses sur les bords, blanches, tangues de 30 à 60 cen-
timètres et larges de 10 â 15 centimètres ; elles sont munies au niveau du point de
jonction de la gaine et du limbe d’une ligule courte, arrondie et ciliée. Les fleurs
sont disposées en une panicule terminale, dressée, oblongue, étalée, dichotome, dont
chaque division porte de deux à six fleurs colorées en vert pâle. Le staminode ou
labelle est ovale ou ovale-oblong, concave, profondément bilobé, finement lacinié,
blanc avec de petites taches rougeâtres, onguiculé, et muni à la base de deux petites
dents colorées. L’ovaire est lisse, ovale, surmonté d’un style filiforme â stigmate en
entonnoir. Chaque loge contient deux ovules insérés vers 1e milieu de la hauteur
de la loge. Le fruit est une capsule de la taille d’une petite cerise, obovale,
lisse, colorée en rouge-orange foncé, triloculaire, indéhiscente, ne contenant d’or-
dinaire dans chaque loge qu’une seule graine enveloppée d’un arille, contenant un
embryon nxile au centre d’un albumen abondant. [Trad.]
-iii
AMOMACÊES.
FRUITS DE CARDAMOME.
Fructus Cardamomi; Semina Cardamnmi minoris, Cardamomes ; nngl., CardaMoms,
Malabar Cardamoms ; nllcm., Cardamomen.
Origine botanique. — Elettaria (I) Cardamomum Maton ( Alpinia Car-
damomum Roxb.) — C’est une plante vivace, à port de roseau, haute de
1 m , 80 à 3m,60, avec de grandes feuilles lancéolées, engainantes, et des
(leurs portées par des scapes horizontaux, lâches, longs de 15 à 45 cen-
timètres, et poussant près du sol au nombre de trois à quatre. Le fruit
est ovoïde, à trois faces, lisse et renflé, muni d’un péricarpe vert et
charnu (a).
Le Cardamome croît en grande quantité, soit à l’état sauvage, soit
à l’état de culture dans les forêts montagneuses du nord du Canara,
du Coorg et du Wynaad, sur la côte de Malabar, à une altitude de 750 à
J 500 mètres au-dessus du niveau de la mer. 11 vit tout a fait à 1 état
sauvage dans les forêts d’Anamalai, de Cochin et de Travancore. La ré-
gion au Cardamome offre une température moyenne de 22°C.; il y
tombe par année 302 centimètres de pluie.
On trouve à l’état sauvage, dans les forêts des provinces centrales et
méridionales de Geylan, une variété de Cardamome qui diffère surtout
de la précédente par sa grande taille et la forme allongée de son fruit.
On la décrivait autrefois comme une espèce distincte, sous le nom
d 'Elettaria major , mais l'observation attentive d échantillons vivants a
montré qu’elle ne possède aucun caractère permettant d en faire autre
chose qu’une simple variété de la plante typique, et elle est aujoui-
d’hui nommée E. Cardamomum var. (L On ne la connaît qu à Cejlan,
où le Cardamome ordinaire du Malabar se trouve seulement à 1 état de
culture (2).
Historique. — Le Cardamome du Malabar est mentionné dans les
écrits de Susruta; nous pouvons en déduire qu’il est employé dans
l’Inde depuis une époque très-reculée. 11 n’est pas improbable qu il soit
parvenu en Europe, dès l’époque classique, avec le gingembre et le
poivre; mais il n’est pas possible de déterminer, à l’aide des des-
criptions que nous avons en main, ce qu’étaient le Ivapcdp.ü>p.ov de
Théophraste et de Dioscoride, et l”'Ap.ü>p.ov du dernier de ces écrivains.
Le même doute existe au sujet de VAmomum, Amomis, ou Cardamomum
(1) De Elettari , nom malais de la plante.
(2) Tiiwaites, Enumeratio ptantarum Zeylaniœ, 18G4, 318.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 4 f 5
de Pline. La description qu’il donne de son Cardarnomum est inintel-
ligible si on l’applique aux produits connus aujourd’hui sous ce nom.
Dans la liste des épices de l’Inde soumises à un impôt par la douane
romaine d’Alexandrie, vers 176-180 de notre ère, VAmomum et le Car-
damomum se trouvent mentionnés ( I). Saint Jérôme cité VAmomum en
même temps que le musc, comme parfum en usage parmi les ecclésias-
tiques sensuels du quatrième siècle (2). Le Cardamome est cité, par
Edrisi (3), vers 1 loi, comme production de Ceylan, et comme article du
commerce de la Chine avec Aden. A la même époque, il est mentionné
avec la cannelle et les clous de girofle, comme objet importé en Pales-
tine par la voie de Saint-Jean d’Acre, qui était alors la ville commer-
çante du Levant. Le premier écrivain qui détermina exactement le pays
d’origine du Cardamome paraît être le navigateur portugais Bar-
bosa (1314) ; il le nomme fréquemment (4) parmi les produits de la côte
du Malabar. Garcia d’Orta (3), médecin du vice-roi de Goa, vers 1563,
mentionne 1 exportation de la drogue en Europe. Il affirme aussi
qu’une variété de taille plus grande est produite par Ceylan. La plante
qui fournit le Cardamome du Malabar fut décrite par Rheede sous son
nom indigène d 'Elettari (6).
Culture et production. — Quoique la plante au Cardamome croisse a
1 état sauvage dans les forêts du sud de l’Inde, où on la nomme vulgai-
rement Ildchi, les fruits sont en majeure partie produits par des plantes
cultivées. Les méthodes de culture varient avec les localités.
I. — Avant le commencement des pluies, les cultivateurs vont chercher
sur les flancs des montagnes, et à l’ombre d’arbres toujours verts, des
endroits où la plante pousse à l’état sauvage, en certaine quantité.
Ils pratiquent dans ces endroits de petites éclaircies pour qu’elle
puisse se développer facilement. Les plantes acquièrent pendant la
saison suivante une hauteur de 30 à 60 centimètres. On débarrasse
alors de nouveau le sol des mauvaises herbes, on l’entoure d’une clô-
tuie, et on abandonne les plantes à elles-mêmes pendant une année.
Deux années environ après le premier nettoyage du sol, les plantes
(1) Meyer, Gesc/iichte der Botanik, 1858, II, 167. - Vincent, Commerce of the An-
cicntx , 1807, II, 698.
(2) S. Hieronymi Opéra omnia, éd. Migne, 1845, II, 297.
(3) Géographie d Edrisi, trad. Jaubert, 1836, I, 73, 61. — 11 est douteux que ce soit
VEtettaria qui est mentionné à la page 61.
(4) Description of the Coasts of East Africa and Malabar (Ilakluyt Sociol.v), 186G 89.
04, 147, 164, etc.
(5) Dans l'ouvrage cité plus haut, II, 284, note 4.
(6) II or tus malaharicus , 1692, XI, t. 4-6.
44G
AMOMACÉES.
commencent à fleurir, et cinq mois plus tard quelques fruits mûrissent ,
mais le plus grand nombre n’arrive à maturité qu au bout d une année.
La plante continue à produire pendant six ou sept ans. Un jardin de
484 yards carrés, dont on peut faire quatre dans une acre de forêt,
donne, en moyenne, 12 livres et demie, par an, de Cardamomes triés (1).
Ludlow, assistant - conservateur des forêts, admet qu’une acre de
forêt ne peut pas produire plus de 28 livres de Cardamomes par an.
D’après ce qu’il dit, il paraît aussi que les plantes qui poussent dans les
clairières des forêts du Goorg sont en majeure partie des sauvageons
qui se développent d’une façon à peu près spontanée, comme les plantes
des clairières de nos bois d’Europe. 11 dit qu’elles commencent à pro-
duire trois ans et demi environ après leur apparition (2). Le mode de
culture que nous venons de décrire est celui qu’on emploie dans le=
forêts de Travancore, de Goorg et de Wynaad.
XL _ Sur les parties inférieures des montagnes de Pulney, près de Dm-
dio-ul, à une altitude de 1 500 mètres environ au-dessus du niveau de
la mer, on cultive la plante au Cardamome à l’ombre. Dans les forets
denses et toujours humides, connues sous le nom de sholas, les indi-
gènes brûlent toutes les plantes qui croissent au-dessous des arbre?,
et coupent les petits arbres. Les Cardamomes se montrent bientôt a la
surface du sol dénudé, et lorsqu’ils ont atteint quelques centimètres de
haut, on les transplante soit isolément, soit deux par deux à l’ombre
des grands arbres. Ils ne produisent pas de fruits avant cinq ans. « En
octobre, dit notre correspondant (3), j’ai vu des plantes en pleine flo-
raison et en fruits, mais ces derniers n’étaient pas mûrs. »
III. — Dans le nord du Canara et dans l’ouest du Mysore, on cultive
le Cardamome dans les plantations d’ Aréquiers. Les plantes venues de
semence sont disposées entre ces palmiers et les bananiers qui leur four-
nissent de l’ombre. On dit qu’elles produisent des fruits dès la troisième
ann 0 0 #
Les Cardamomes commencent à mûrir en octobre, et la récolte dure
nendanl les deux ou trois premiers mois de la saison sèche. Tous es
fruits d’une même hampe n’arrivent pas en même temps a maturité.
Cependant on coupe la hampe entière et on la fait dessécher, au det. t-
g
Su'rSToïûrKins, directeur du j.rdiu botanique de Calcutta.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 447
ment manifeste de la récolte. On fait cela en partie pour empêcher les
fruits d’être mangés par les serpents, les grenouilles et les écureuils,
et en partie pour prévenir la déhiscence des capsules qui se produit au
moment de la maturité. Dans quelques plantations cependant, 011 fait
la récolte d’une façon plus rationnelle. Après avoir cueilli les fruits, on
les transporte dans les maisons, où on les abandonne pendant quelques
jours sur des nattes. On les sépare alors des hampes, et on achève leur
dessiccation à l’aide d’un feu doux. Dans le Coorg, on détache les fruits
de la hampe avant la dessiccation, qui est effectuée uniquement par
exposition au soleil.
Dans les Etats de Cochin et de Travancore, le Cardamome consti-
tue un monopole du gouvernement du pays. Le rajah de ce dernier Etat
exige que toutes les récoltes soient vendues à ses employés, qui les dé-
posent cà Alapalli ou Aleppy, port du Travancore, où réside son agent
commercial. Le rajah tient beaucoup à ses droits, et dans les conces-
sions qu’il fait aux planteurs de café européens, désireux de s’établir
dans ses Etats, il insère toujours une clause interdisant la culture du
Cardamome. A Aleppy, les fruits de Cardamome sont vendus aux en-
chèies, et achetés surtout par les marchands Moplah qui les trans-
portent dans les différentes parties de l’Indë, et en expédient un tiers
environ en Angleterre. Toutes les qualités inférieures sont consommées
dans 1 Inde , les plus belles seules sont expédiées en Europe.
Dans les forêts qui appartiennent au Gouvernement Britannique, les
Cardamomes sont comptés parmi leurs divers produits secondaires ;
mais dans le Coorg, les forêts à Cardamome étaient louées moyen-
nant 3 000 livres par an, par un bail qui expira en -1872 (I). Le doc-
teur Cleghorn, ancien conservateur des forêts de la Présidence de Madras,
fait remarquer, dans une lettre adressée à l’un de nous, que la rapide
extension de la culture du café sur les flancs des montagnes du Mala-
bar tend à entraîner une diminution dans celle du Cardamome, et em-
piète sur l’aire occupée par cette plante. Un écrivain sérieux (2) a
montré dernièrement par sa propre expérience que la culture du Car-
damome constitue une branche d’industrie digne de l’attention des
Européens eux-mêmes, et a donné des détails précieux pour assurer
son succès.
Description. - Le fruit du Cardamome du Malabar, tel qu’il se
trouve dans le commerce, est une capsule ovoïde ou oblongue, à trois
(1) Rapport cité à la page 446, note 1. '
(2) Elliot, 0)>. cit., ch. xn.
418
AMOMACÉES.
faces, déhiscente par trois valves, contenant de nombreuses graines dis-
posées dans ses trois loges. 11 est arrondi à la base qui porte souvent un
fragment d’un petit pédoncule. 11 est plus ou moins contracté vers le
sommet, et s’y termine par un bec court. Le péricarpe est strié dans
le sens de la longueur, inodore, insipide, coloré en, jaune verdâtre pale,
ou en chamois, ou en brun lorsqu’il est tout à fait mûr; il est mince,
parcheminé, et s’ouvre longitudinalement en trois valves. Du milieu de
la face interne de chaque valve, part une mince cloison qui s’avance vers
le centre. Le fruit est ainsi divisé en trois loges qui contiennent cha-
cune de cinq à sept graines d’un brun foncé, aromatiques, disposées
sur deux rangées et fixées dans 1 angle interne.
Les graines ont à peu près 4 millimètres de long ; elles sont irrégu-
lières, anguleuses, munies de rugosités transversales ; leur hile est dé-
primé, et leur ra'phé est profondément cannelé. Chaque graine est
enveloppée d'un arille mince et incoloie.
Les Cardamomes varient entaille, en forme, en coloration et en par-
fum. On désigne, dans le commerce, sous le nom de Cardamomes courts ,
ceux qui sont courtement ovoïdes ou presque globuleux, et longs de 8
à 1 2 millimètres. Ceux qui sont plus allongés, pointus à chaque extrémité,
et longs de 14 à 18 millimètres, sont nommés courts-longs. On distingue
aussi, d’après les localités qui les produisent : les Cardamomes du Ma-
labar, de Madras et d’Aleppy. Les Cardamomes du Malabar sont les p u=
estimés ; leur coloration est foncée ; ils se présentent sous deux formes .
courts et courts-longs. On les apporte en Europe par la voie de Bombay .
Les Cardamomes de Madras sont d’ordinaire courts-longs, et ont une co-
loration plus pâle. On les embarque à Madras et à Pondichéry. Les
Cardamomes d'Aleppy sont généralement courts, rendes, lerniini;1|’11
un bec, et d’une teinte verdâtre particulière. On les importe de Calicut
et parfois d’Aleppy et de Mangalore.
Les Cardamomes sont d’autant plus estimés qu’ils sont plus reguhe .
et plus lourds, et que les graines qu’ils contiennent sont plus mures.
Les bons échantillons donnent, en moyenne, les trois quarts de
^sfru^kieconde forme d ’Ekttaria Cardmmmn (var . S),
connus dans le commerce sous le nom de Cariai de Ceylan
ont de 3 & 5 centimètres de long, et de 6 à 8 millimètres d epatsseur ,
|'l’r'a.°ot d° MM Allen et llanbur,, à tondre,, M Court, Lombard Sir.).
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 449
ils sont nettement triangulaires, souvent arqués, et toujours colorés en
brun grisâtre. Les graines sont plus grandes et plus nombreuses que
dans la variété du Malabar ; leur odeur et leur saveur sont un peu
différentes.
Structure microscopique. — Le tégument des graines de Cardamome
présente trois couches distinctes : une extérieure , formée de cel-
lules à parois épaisses et striées en spirale, un peu allongées parallèle-
ment au grand axe de la graine, et offrant, sur une section transver-
sale, une cavité carrée peu considérable; une moyenne, formée d’une
seule couche de grandes cellules à parois minces ; une interne, colorée
en brun foncé, et formée de cellules disposées radialement, à cavité
très-étroite et à parois très-épaisses. L’albumen, en forme de sac, est
granuleux, incolore, et renferme un endosperme corné, dans lequel
est enfermé un embryon dont la radicule est dirigée vers le hile. Les cel-
lules de l’albumen ont la forme de polyèdres allongés ; elles sont rem-
plies de très-petits grains d’amidon. On trouve, en outre, dans la plu-
part des cellules, de grosses masses de matière albuminoïde, h forme
rhomboïdale, faciles à voir quand on observe de minces tranches de la
graine dans l’huile d’amandes douces, à la lumière polarisée. Ces re-
marquables corps cristalloïdes ressemblent à ceux qu’on trouve dans
les graines du cumin (voy. t. I, p. 584).
Composition chimique. — Le parenchyme de l’albumen et de l’em-
bryon est rempli d’huile grasse et d’huile essentielle. La première existe
dans les graines dans la proportion de 10 pour 100 environ. L’huile es-
sentielle, dont la proportion est, en moyenne, de 4, G pour 100, possède
l’odeur et la saveur des graines. Elle est composée en majeure partie,
d’après Dumas et Péligot (1835), d’un liquide correspondant à la for-
mule G'°1P203 (I). L’eau qui passe, quand on distille les Cardamomes,
contient de l’acide 'acétique. La cendre des Cardamomes est, comme
celle de plusieurs autres plantes de la même famille, particulièrement
riche en manganèse (2).
Commerce. • — Nous ne possédons pas de statistiques relatives à la
quantité de fruits de Cardamome produite par le sud de l’Inde, ou
à la quantité exportée. Les embarquements faits , pendant l’an-
(1) L’essencc brûle de Cardamome est, dextrogyre ; elle laisse déposer à la longue
un camphre que je suis porté à croire identique avec le camphre ordinaire, autant
que j’ai pu en juger par les propriétés optiques et cristallographiques que j’ai obser-
vées dans l’échantillon que j’avais à ma disposition, et qui était du reste très-
minime. [F. A. F.]
(2) Flückigf.u, in Pharm. Journ., 1872, III, 208. [F. A. F.]
HIST. DES DUOOUES, T. II. 20
AMOMACÉKS.
loi)
née 1 871-1872, à Bombay, port vers lequel on expédie la majeure partie
du Cardamome récollé dans la Présidence de Madras, se sont élevés
à 1 G50 quintaux, sur lesquels 1 035 quintaux étaient destinés au
Royaume-Uni (1). 9 273 livres de Cardamomes, produites par Ceylan,
et appartenant, par suite, à la grande variété, ont été exportées de cette
île, en 1872, à destination du Royaume-Uni (2).
Usages. — Les fruits de Cardamome constituent un aromate agréa-
ble, souvent administré avec d’autres médicaments. On les emploie
aussi comme condiments, et ils entrent dans la préparation de la poudre de
Curry. La consommation qui s’en fait en Angleterre est faible en com-
paraison de celle qui se fait en Russie, en Suède, en Norwége, et dans
certaines parties de l’Allemagne, où l’on en fait un usage constant
comme épice et pour parfumer des gâteaux. On emploie aussi dans ces
pays le Cardamome de Ceylan, mais uniquement dans la fabrication
des liqueurs. Dans l’Inde, on emploie le Cardamome en médecine,
comme condiment, et comme ingrédient des chiques de Bétel.
AUTRES SORTES DE CARDAMOMES.
Les fruits de plusieurs autres plantes de la tribu des Zingibérées
ont été, à diverses époques, employés, en pharmacie, sous la dénomina-
tion commune de Cardamome. Nous notons seulement ceux qui offrent
quelque importance dans le commerce de l’Europe ou de l’Inde (3).
Cardamome rond ou en grappes. — Il est produit par YAmomum Carda-
momum L., plante originaire du Cambodge, de Siam, de Sumatra et de
Java(â). Pendant le commencement du dix-septième siècle, les relations
commerciales avec Siam étant fréquentes, et cette sorte de Cardamome
étant d’un usage commun dans le pays, on l’apporta accidentellement
en Europe. Glusius en reçut un échantillon, en 1605, sous le nom
(YAmomum véritable des anciens, et le regarda comme une très-grande
rareté (4). Il eut sa place, sous le nom d 'Amomum verum, dans les tarifs
et les pharmacopées de cette époque. Parkinson, en 1640, le décrit
sous le nom d’ Amomum genuinum, et dit que, « dans ces derniers jours,
(1) Statemcnt of the Trade, etc., of Bombay for 1873-73, II, 58, 90.
(2) Ceijlon Blue Book for 1872, Colombo, 1873, 543.
(3) Pour plus de détails sur les diverses sortes de Cardamomes, voyez : Guibourt,
Ilist. des Drogues, 1809, II, 215-217.— Pereira, Eléments of Mat. Med., 1850, II, 1 128.
— Hanbury, in Phamn. Journ., 1855, XIV, 352, 410 ; Journ. de Pharmacie, mai et
juin 1855 ; Science Papers , 93.
(4) Exoticorum Libri, 377.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 481
il fi été envoyé à Venise clés Indes orientales ». Dale, en 1 (jL)<3 , et
Poinet, en 1640, le regardent comme une drogue rare ; ce dernier au-
teur ajoute que YAmomum est apporte de Hollande, et que cette espèce
seule doit être employée. En 1751 , il était si rare que dans la prépara-
tion de la Theriaca Andromachi, on lui substituait toujours quelque autre
drogue (1). Il avait ainsi complètement disparu, lorsqu’en 1853 des
relations commerciales furent renouées avec Siam, et parmi les mar-
chandises qui furent apportées sur le marché se trouva le Cardamome
rond. Le prix auquel il fut coté n’était pas rémunérateur, et les impor-
tations, devenant improductives, ne tardèrent pas à cesser (2). Cepen-
dant, il constitue dans l’Asie orientale un article de commerce important.
Les Cardamomes ronds sont disposés en petites grappes compactes. Le
fruit est globuleux ; il a de 10 à 14 millimètres de diamètre ; il est marqué
de sillons longitudinaux et est nettement trilobé. Le péricarpe est mince,
fragile, un peu velu, de couleur chamois ; il renferme une masse tri-
lobée de graines, qui sont ridées lorsque le fruit a été cueilli avant la
maturité. Ces graines ont une grande ressemblance avec celles du Car-
damome du Malabar; leur saveur est forte, aromatique, camphrée. Il se
fait à Siam une exportation considérable de cette sorte de Cardamome
et de la suivante. Les embarquements faits à Bangkok, en 1871, s’éle-
vèrent à 4 678 péculs, valant 232 464 dollars ; ils étaient tous à desti-
nation de Singapore et de la Chine (3). Il en fut importé à Singapore,
pendant la même année, 102 quintaux provenant de Java, et 75 quin-
taux venant de Sumatra ; mais nous ignorons si ces derniers apparte-
naient à la même variété (4).
Cardamome épineux; Cardamome sauvage ouCardamome bâtard de B irma
ou de Siam. — Il est produit par YAmomum xanthioides Wallich, originaire
de Tenasserim et de Siam (c). Pendant ces vingt dernières années, les
graines de cette plante, privées de leur capsule, ont souvent été importées
sur le marché de Londres, et elles sont également très-communes aujour-
d’hui dans les bazars de l’Inde (5). Elles ressemblent beaucoup aux
graines du Cardamome du Malabar, dont elles diffèrent surtout par
leur odeur et par leurs rugosités plus fines. On les importe encore cohé-
(1) Hill, History of the Mat. Med., Lond., 1751, 472.
(2) Ainsi 43 balles, importées directement de Bangkok, furent mises en vente à
Londres, le 26 mars 1857, et achetées au prix de 1 shelling 6 deniers la livre.
(3) Commercial Report of H. M. Consul General in Siam for 1871.
(4) Bluc Book of the Straits Settlements for 1871.
(5) Moodeen SiiEtUFF, Supplément to Pharmacopœia oj india, Madras, 1869,
44, 270.
AMOMACftES.
452
rentes en une masse ovoïde, trilobée, comme elles sont disposées dans
le péricarpe. On les désigne parfois sous le nom de Cardamome sauvage
ou bâtard , mais plus généralement on les nomme graines de Cardamome
(Cardamom seeds). Elles constituent un article important du commerce
de Siam, mais dans les rapports commerciaux on ne les distingue pas
des précédentes.
Les fruits de cette espèce sont réunis en grappes arrondies. Ils sont
remarquables par les épines charnues qui recouvrent leur péricarpe,
et qui leur donnent une certaine ressemblance avec les fruits du Xan-
t Ilium, d’où le nom spécifique qui a été donné à la plante (1).
Cardamome du Bengale. — Cette drogue a ôté jusqu’ici confondue
avec les deux suivantes sous une môme dénomination (2). Elle est
fournie par 1 ' Amomum aromaticum Roxb., plante originaire des vallées
situées sur la frontière orientale du Bengale (d). D’après Roxburgh (3),
la plante fleurit pendant la saison chaude, avant la période des pluies,
et les fruits arrivent à maturité en septembre. A cette époque, on les
cueille et on les vend aux marchands de drogues sous le nom de
Morung Elachi. Le Cardamome du Bengale (4) a en moyenne 2o mil-
limètres de long; il est ovoïde. ou un peu obeonique, et imparfai-
tement triangulaire; l’extrémité inférieure est arrondie et ordinaire-
ment dépourvue de pédoncule. La partie supérieure du fruit est munie
de neuf côtes ou ailes étroites, déchiquetées, qui deviennent surtout
apparentes après macération ; le sommet est terminé par un mamelon
tronqué, soyeux, et n’est jamais prolongé en un long tube. Le péricarpe
est grossièrement strié et coloré en brun foncé. Il s’ouvre facilement en
trois valves, et renferme une masse trilobée formée de 60 à 80 graines
agglutinées à l’aide d’une pulpe visqueuse, saccharine, formée par l’a-
rille dont chaque graine est enveloppée. Les graines sont arrondies,
mais rendues anguleuses par pression réciproque; elles ont 2 millimè-
tres de long environ ; leur saveur est très -aromatique, et camphrée.
Cardamome du Népaul. — La description du Cardamome du Bengale
s’applique à plusieurs égards à celui-ci. Les deux drogues offrent en
effet une grande ressemblance. Le fruit est de la même taille et pré-
(1) Voyez les ligures dans : Han'bury, Science Papers, loi et 103.
(2) Notamment par Pereira, Etcm. of Mat. Medic ., 1850, II, 1135.
(3) Flora indica , Serampore, 1S32, I, 45.
(/,) m. Jolin Scott, du Jardin botanique de Calcutta, a été pissez bon pour nous
envoyer un échantillon de Cardamome du Bengale qu’il nous dit être le meilleur, connu
dans les bazars indiens sous le nom de Buro Elachi. Les fruits ressemblent à ceux que
nous avions déjà entre les mains.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 453
sente la même forme ; il est également couronné dans sa parlio supé-
rieure par de minces côtes déchiquetées, et marqué de stries longitudi-
nales semblables; enfin, les graines ont la même forme et la même
odeur. Le fruit diffère d’abord en ce qu’il est surmonté par un calice
tubuleux aussi long ou plus long que le fruit lui-même; et en second
lieu, en ce qu’il est souvent fixé à un court pédoncule. Les fruits sont
disposés en une grappe ovoïde, longue de 8 à 10 centimètres, couverte
de bractées pressées et imbriquées, très-larges et tronquées, avec une
pointe centrale aiguë , très- distinctes par conséquent des bractées
ovales et beaucoup plus étroites de Y A. aromaticum , ainsi qu’il est fa-
cile de le voir dans un dessin inédit de Roxburgh représentant cette
plante.
Nous devons au colonel Richard G. Lawrence, résident anglais à
Katmandu, des grappes de fruits conservées dans l’alcool, quelques
feuilles desséchées, et la drogue elle-même. Cette dernière ressemble
parfaitement aux échantillons que nous avons obtenus d’autres sources.
Le Cardamome du Népaul, dont Hamilton(l) a parlé le premier, est
cultivé sur la frontière du Népaul, près de Darjiling. D’après le colonel
Lawrence, la plante atteint de 90 centimètres à lm,80 de haut;
elle croît sur les pentes bien arrosées des montagnes, à l’ombre
des arbres (2). Les fruits sont exportés dans les autres parties de
l’Inde.
Cardamome de Java. — C’est un fruit bien caractérisé, produit par
1 Amomum maximum Roxb., plante de Java (f). Les fruits sont disposés
au nombre de 30 à 40 sur un pédoncule court, épais, et forment une
grappe globuleuse ayant 10 centimètres de diamètre. Ils sont pédon-
culés, ovoïdes ou coniques; ils ont à l’état frais trois centimètres envi-
ron de long et deux centimètres et demi de large. Chaque fruit est
muni de neuf à dix ailes proéminentes, hautes de deux millimètres,
étendues de la base au sommet, et grossièrement dentées, sauf dans
leur partie inférieure. Le sommet est couronné par un tube calicinal
court, desséché. M. Binnendyk, du Jardin botanique de Buitenzorg, à
Ja\a, nous a envoyé un bel échantillon d’A. maximum , et un magnifique
dessin colorié. Il fait remarquer que la plante est cultivée, et qu’on
vend scs fruits à cause de leur pulpe comestible, d’un goût agréable.
Nous ignorons si l’on a jamais exporté soit les fruits secs, soit les grai-
( I) Account of the Kingdom of Népal, Edinb., 1819, 74-75.
(2) Nous avons été informé plus lard par le docleur King, de Calcutta, que c'est
Amomum subulatum Roxn. (e) qui fournit le Cardamome du Népaul. [P. A. P.]
4Î>4
AMOMACÉES.
ncs. Perdra a confondu ce Cardamome avec ceux du Bengale et du
Népaul.
Cardamome du Korarima. — Les médecins arabes avaient connais-
sance d’une sorte de Cardamome nommé Heil, qui fut plus tard connue en
Europe, et est mentionnée dans les plus anciennes pharmacopées impri-
mées sous le nom de C ardamomum majus (\). Gomme les autres drogues
de l’Orient, il disparut ensuite peu à peu du commerce européen (2), et
son nom fut donné aux Graines de Paradis , qui, aujourd’hui encore, sont
connues dans les boutiques sous le nom de Semina Cardamomi majons.
Le véritable Cardamomum majus est un fruit conique, de la taille et de
la forme d’une petite figue renversée; il contient des graines arrondies,
anguleuses, douces d’une saveur aromatique agréable, très-semblable à
celle du Cardamome du Malabar, et tout à fait dépourvues de la sa-
veur brûlante des graines de Paradis. Chaque fruit est perforé, parce
qu'il a été enfilé à l’aide d’une corde pendant la dessiccation. Les Arabes
se servent parfois de ces Cardamomes enfilés comme de rosaires. Le
fruit en question se nomme dans la langue Galla Korarima , mais il est
également connu sous le nom de Guràgi, et sous les noms arabes de
Heil et Habhal-habashi (3). D’après Beke, on le transporte sur le mar-
ché de Baso, dans le sud de l’Abyssinie, de Turnbé, région située vers
le 90e degré de latitude N., et le 35» degré de longitude E. On l’ex-
porte de Baso à Massowah sur la mer Rouge, et de là dans l’Inde et dans
l’Arabie (4). Von Heuglin (5) dit qu’on l’apporte du pays de Galla. Il
n’est pas improbable que ce soit le même fruit que Speke (6) vit sur
pied, en 1862, à Uganda, par 0° latitude, et qu’il dit être employé poui
faire des colliers par les habitants de Wagonda. Pereira a propose pour
la plante qui produit ces fruits le nom d 'Amomum Korarima ; mais elle
n’a jamais été décrite d’une façon scientifique.
(1) Notamment dans le Thésaurus Aromatariorum, imprimé à Milan, en 1496, dans
, j psi nommé Heil ou Gardamomum majus.
J’ai été surpris de voir ce Cardamome envoyé de l’Abyss.me à l’exposition de
J } J 1873- Ven dois aussi un bon échantillon à la maison Schimmel et C* de
qui vient d'importer, il ius.Se de la distillerie, une eerlaino quant, te de ce
'Tsi Ainsi noimé par Forskal, en 1775 (Moi aria Uedka Kalm-ina, 151, n. 41), q»i
'“,tf «-S ». «*, H «*•
— Vaugiian, in Pliai'm. Jounl., 18o3, XII, 5S,.
g rzx zzz’j; * «• ». *-»■ «•
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 455
(a) Les Elettaria Rheede ( Hort . malab., XI, 9, t. 4, 5) sont des Amomncées de
la tribu des Zingibérées, à calice tubuleux ; à tube do la corolle allongé ; à anthère
non appendiculée ; à fruit sec ; à scape radical, paniculé.
V Elettaria Cardamomum Maton (Ad. Linn., X, 254) est une plante à rhizome
accompagné de nombreuses racines charnues, émettant des ïameaux aéiiens viva-
ces, dressés, lisses, articulés, enveloppés par les gaines des feuilles, et hauts de
i“,80 à 2m,80. Les feuilles sont à peu près sessiles sur leurs gaines, lancéolées,
pointues, pubescentes en dessus, soyeuses en dessous, entières, longues de 30 à
GO centimètres, portées par des gaines légèrement villeuses, et accompagnées, au ni-
veau de leur point d’union avec le limbe foliaire, d’une ligule arrondie, saillante. Les
scapes floraux partent, au nombre de trois a çjuatre, de la base souterraine dos tiges
feuillées ; ils sont décombants, flexueux, articulés, ramifiés, longs de 30 à GO centi-
mètres. Les branches ou grappes partent du niveau des articulations ; elles sont al-
ternes, à peu près dressées, longues de 5 à 8 centimètres. Au niveau de chaque nœud
du scape est une bractée engainante, membraneuse, striée, lisse, oblongue. Les
grappes sont articulées, et portent au niveau de chaque nœud une seule fleur alterne
avec celles qui sont situées au-dessous et au-dessus, courtement pédonculée. Le ca-
lice est infundibuliforme, tridenté, strié de fines nervures, persistant. Le tube de la
corolle est grêle, de la même longueur que le calice, divisé en trois lobes à peu près
égaux, oblongs, concaves, colorés en blanc verdàtrepâle. Le Libelle, formé par l’union
des deux étamines stériles et pétaloïdes antérieures, est obovale, beaucoup plus long
que la corolle, un peu replié sur le bord et légèrement trilobé au sommet, marqué,
surtout au centre, de bandes d’un violet pourpré. L’étamine fertile est constituée par
un filet court, dressé, et par une anthère biloculaire, émarginée, déhiscente par deux
fentes longitudinales. Le gynécée est formé d'un ovaire infère, ovale, lisse, trilocu-
laire, surmonté d’un style grêle que termine un stigmate infundibuliforme. Chaque
loge contient un nombre indéfini d’ovules anatropes, insérés dans l’angle interne.
Le fruit est une capsule ovale, du volume d’une muscade, triloculaire, trivalve, à
déhiscence loculicide, contenant de nombreuses graines noirâtres, albuminées.
[Trad.]
(b) Les Amoinum Schreber (Généra plant., n. 3) sont des Amomacées de la tribu
des Amomées, à calice tubuleux ; à étamine fertile unique, munie d’une anthère bi-
loculaire que surmonte un appendice du connectif en forme de crête entière ou
lobée ; à capsule triloculaire, trivalve, contenant plusieurs graines arillées.
L’Amomum Cardamomum L. ( Species , édit. Willd., I, 8) est une plante à sou-
che vivace, blanche, émettant un grand nombre de racines charnues et des tiges
aériennes ordinairement bisannuelles, dressées, obliques, hautes de 30 à GO centi-
mètres, couvertes par les gaines des feuilles qui sont lisses et colorées en vert foncé.
Les feuilles sont alternes, courtement pétiolées, lancéolées, larges dans le bas de la
tige, étroites vers le haut, entières, lisses sur les deux faces, terminées par une
pointe allongée, et longues de 15 à 30 centimètres. Les fleurs sont disposées en
épis radicaux, sessiles, oblongs, qui se montrent dans l’intervalle des tiges feuillées,
et restent à demi enfoncés dans le sol. Ils offrent des bractées étroitement imbri-
quées, lancéolées, aiguës, villeuses, scarieuses, de coloration cendrée. Chaque brac-
tée présente une seule fleur dans son aisselle. Le pédoncule de chaque fleur porte
lui-même une bractée scarieuse, plus ou moins tubuleuse, bidentée, enveloppant
l’ovaire. Le calice est tubuleux, tridenté, velu, de la longueur du tube de la corolle.
Ce dernier est. grêle et légèrement recourbé ; son limbe est divisé en trois lobes à
peu près égaux. Le labclle est plus long que la corolle, trilobé, replié et crénelé
AMOMACÉES.
436
sur le bord ; son lobe médian est jaune, et parcouru par deux lignes roses qui partent
de la gorge de la corolle. Le filament staminal est à peine aussi long que le limbe
de la corolle et incurvé sur l’orifice du tube; de chaque côté de sa base se trouve
une corne grêle, subuléé, presque aussi longue que lui. L’anthère est biloculaire,
déhiscente par deux fentes longitudinales, surmontée d’une crête large, concave,
trilobée. Le gynécée est formé d’iln ovaire infère, laineux, triloculaire, surmonté en
dedans de la base du tube de la corolle de deux écailles nectarifères courtes et tron-
quées. Chaque loge ovarienne contient plusieurs ovules anatropes, insérés dans l’an- ♦
gle interne. Le fruit est une capsule triloculaire, à déhiscence loculicide, trivalvaire ;
chaque loge contient plusieurs graines albuminées munies d’un arille. [Trad.]
(e) L ’Amomum xanthioides Walliçu [Calai, of lhe East Ind. Ilcrbar ., n. 6557)
se distingue par scs feuilles linéaires-lancéolées, non cordées ; par le développe-
ment plus grand de tous ses organes végétatifs et surtout par ses fruits plus gros,
couverts d’épines charnues, aplaties et réunies en groupes de deux ou trois. [Trad. J
[à) L ’Amomum aromalicum Roxbcrgh (Flora indica, I, 44) est une jolie plante
à souches tubéreuses, émettant une grosse touffe de rameaux aériens dressés ou
plus ou moins obliques, enveloppés par les gaines des feuilles et hauts de 30 à
90 centimètres. Les feuilles sont lancéolées, acuminées, lisses, longues de 25 a
bO centimètres, larges de b à 10 centimètres. Les épis sont radicaux, il abord clavi-
formes, puis arrondis à la maturité des fruits. Les fleurs sont colorées en jaune
pâle, situées chacune à l’aisselle d’une bractée oblonguè, concave, lisse. Le calice
est tubuleux, cylindrique, entier ou denté, villeux. La corolle est formée d’un long
tube grêle et d’un limbe à trois segments sublancéolés, obtus, le supérieur re-
courbé au-dessus de l'étamine et du stigmate. Le Libelle est presque arrondi et indi-
vis, coloré eu rouge au-dessous de sa partie médiane. Le filet staminal est linéaire,
incurvé. L’anthère est surmontée d’un appendice en forme de crête trilobée. L'o-
vaire est villeux. [Trad.]
(e) L'Amomum subulalum Boxburgh ( Flor . ind., I, 44) se distingue par ses
feuilles lancéolées, lisses, sessile% ; ses épis ovales à bractées longuement subulées
et colorées en rouge foncé ; ses fleurs grandes et jaunes son labelle oblong; son
anthère surmontée d’une crête entière. [Trad.]
(f) L ’Amomum maximum RoxuüRGn ( Flora indica, I, 41) se distingue par ses
feuilles lancéolées, villeuses en dessous ; ses épis floraux ovales, à bractées lancéo-
lées ; son labelle entier, étalé, oblong, marqué au-dessous de la partie médiane
d’une bande jaune ; son filament staminal court ; son anthère surmontée d une crête
large, sémilunaire, entière; ses capsules arrondies. [Trad.]
GRAINES DE PARADIS.
Grana Paradisi ; Scmina Cardamomi majoris ; Piper Melcgueta; Graines de Paradis, Maniguctte;
nngl.. Grains of Paradise ; Guinea Grains, Male guet a Pcpper (t); nllcm., Paradiesl, -orner.
Origine botanique. — Amomum Melcgueta Roscoe. C’est une plante
herbacée, à port de roseau, haute de 90 centimètres à Im,50, produisant,
(I) Le mot Meleguetta a été écrit do diverses façons: Mclcgcttc, Melligctta, Malla-
guetta, Manigete, Maniguctte ; c’est le nom africain dés Graines de Paradis II est
cependant rapporté par Humboldt au mot indien Molaga, poivre (Examen critique de
l’histoire de la géographie, 1, 1836, 257). [F. A. F.]
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 457
sur un scape qui s’élève à peine à 3 centimètres au-dessus du sol, une
fleur délicate, à aspect cireux, à laquelle succède un fruit ovoïde,
lisse, écarlate, long de 8 à 10 centimètres, sortant do bractées imbri-
quées. Les dimensions des diverses parties de la plante varient beau-
coup suivant les conditions plus ou moins favorables du soi et du climat.
Dans le Demcrara, où la plante réussit très-bien sous l’influence de la
culture, le fruit devient aussi gros qu’une belle poire ; il mesure, avec
sa partie tubuleuse, jusqu’à 13 centimètres de long 'et o centimètres de
large. Dans quelques parties de l’Afrique occidentale, au contraire, ses
dimensions dépassent à peine celles d’une grosse aveline. Son péricarpe
est épais et charnu ; il renferme une pulpe incolore, acide, d’un goût
agréable, dans laquelle sont nichées des graines nombreuses (a).
L’A. Melegueta est très-répandu dans l’Afrique occidentale tropicale.
On le trouve sur la côte, depuis Sierra Leone jusqu’au Congo. Nous ne
possédons aucune information exacte au sujet de sa distribution dans
l’intérieur des terres. La région du littoral qui, à cause de la production
des Graines de Paradis, a été nommée Côte des graines , est située entre
Liberia et le cap Palmas. La Côte d’Or, d’où les graines sont aujourd’hui
particulièrementexpédiées, est située plus à l’est, dans le golfe de Guinée.
Historique. — Il ne paraît guère probable que les anciens aient eu
connaissance des Graines de Paradis. Nous n’avons pu trouver aucune
mention de ces graines antérieurement à la description d’une fête re-
marquable donnée à Treviso, en 1214(1), dans laquelle leur nom africain
se trouve accidentellement cité. C’était une sorte de tournoi dans lequel
un simulacre de forteresse, gardé par douze nobles dames et leur suite,
était attaqué par des assaillants armés de fleurs, de fruits, de bonbons,
de parfums et d’épices, parmi lesquels se trouvaient Melegetæ ! Après
cette époque, on trouve plusieurs indications qui montrent que ces graines
étaient d’un usage commun. Nicolas Myrepsus (2), médecin de la cour
de l’empereur Jean III, à Nicée, au treizième siècle, prescrivait les
Msvsvévai ; et son contemporain, Simon de Gênes (3), à Rome, désigne
la même drogue sous le nom de Melegete ou Melegelte. Les Graines de
Paradis sont énumérées parmi les épices qui se vendaient à Lyon (4)
en 1215; elles sont citées, sous le nom de Greyn Paradijs, dans un tarif
( I) Rolandini Patavini Chronica, Peutz, Monumenta Gerinaniæ historien ; scrip-
tores, 1860, XIX, 45-46.
(2) De Compositione Mendicamentorum ; de Antidotis,. c. xxir.
(3) Clavis Sanationis, Vcnet., la 10, 19, 12.
(1) Bihliothek d. lit. Vereins, Stdtlgai-t, XVI, xxm.
45 8
AMOMACÉES.
des impôts levés à Dordrecht, en Hollande (1), en 1358. On les trouve
parmi les épices employées par Jean, roi de France, pendant sa capti-
vité en Angleterre, 1359-60 ; elles sont citées, à plusieurs reprises, sous
le nom de Grainne de Paradis (2) .
Dans les temps les plus reculés, la drogue était transportée, parterre,
de l’Afrique tropicale à la côte de Tripoli (3), comme elle l’est encore au-
jourd'hui, mais en petite quantité. Gomme elle était produite par une
région inconnue et tenue en grande estime, on lui donna le nom de
Graine de Paradis. Vers le milieu du quatorzième siècle, des relations
commerciales directes commencèrent à s’établir entre l’Europe et
l’Afrique occidentale tropicale. Margry (4) raconte que des bâtiments
furent expédiés de Dieppe, en 1364, et rapportèrent des cargaisons
d’ivoire et de Malaguette, prises vers l’embouchure de la rivière Gestos.
Un siècle plus tard, la côte fut visitée par les Portugais, qui lui don-
nèrent le nom de Terra de Malaguet. Colomb, qui fit aussi des voyages
commerciaux sur la côte de Guinée, la nomme Costa de Maniguetta.
Bientôt après cette époque, les Graines de Paradis devinrent un mono-
pole entre les mains des rois de Portugal.
Des voyageurs anglais visitèrent aussi la Côte d’Or, au seizième siècle,
et rapportèrent, en échange des marchandises européennes, de 1 or, de
l’ivoire, du poivre et des Graines de Paradis (5). Le poivre était sans
doute celui du Piper Clusii (voy. page 353).
Les Graines de Paradis, souvent nommées par abréviation Graines ,
étaient autrefois employées comme condiment, de la même façon que le
poivre. On les employait aussi avec la cannelle et le gingembre pour
préparer le vin épicé nommé hippocras , qui était en vogue pendant le
quatorzième et le quinzième siècle.
La plante qui produit cette drogue a été l’objet, de la part des bota-
nistes modernes, d’une série d’erreurs qu’il est inutile de rappeler. 11
suffit de dire que YAmomum Granum Paradisi de Linné ne peut être iden-
tifié avec aucune plante; qu’en 1817, Afzelius, botaniste suédois qui
résida pendant plusieurs années à Sierra Leone, publia une description
de YAmomum Granum Paradisi Linn. (6), et que l’échantillon qu d a en-
(L) Sartorius et Lappenberg, Geschichte der Deutschen Hansa, U, 4 . .
(2) Douet d’Arcq, Compt. de l’Argent, des rois de France, 2 19, 2GG.
(3) G. di Barros, Asia, Venet., 1561, 33 (65).
il,) Ouvrage cité plus haut, h la page 246, note 2.
(5) Hakluyt, Principal Navigations, II, P. II, First Voyage of the Pr.merose and
Liou to Guinea and Bénin, A. D. 1553.
(6) Remedia Guineensia, Upsaliæ, 71.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 4G9
voyé, et qui est actuellement conservé dans l’herbier de sir J. E. Smith,
appartient à une autre espèce. Dans ces conditions, le nom Amomum
M de g ue ta, donné par Roscoe à la plante qui produit les Graines de Pa-
radis, a été accepté sans contestation (I).
Description. — Les Graines de Paradis ont environ 2 millimètres de
diamètre ; leur forme est variable ; elles sont tantôt arrondies, avec des
angles mousses, tantôt un peu pyramidales. Elles sont dures ; leur sur-
face est luisante, colorée en brun rougeâtre et chagrinée. Le hile est en
forme de bec et d’une couleur plus pâle. Les graines broyées sont
fort peu aromatiques, mais elles possèdent une saveur très-piquante et
brûlante.
Structure microscopique. — Les Graines de Paradis ressemblent, à
beaucoup d’égards, par la structure, à celles du Cardamome; mais dans
les premières, les cellules de l’albumen sont très-minces, leurs parois
sont délicates, et elles sont beaucoup plus allongées. La couche interne
du tégument seule ressemble à la couche correspondante de la graine
de Cardamome. Les cellules de la couche moyenne ont deux parois tel-
lement épaissies, qu’il reste à peine une cavité. La couche extérieure du
tégument est formée de cellules à parois épaisses, dont les cavités parais-
sent, sur une section transversale, allongées radialement. L’albumen est
rempli de grains d’amidon, qui ont de 2 à 5 millièmes de millimètre de
diamètre, et sont, dans chaque cellule, agglutinés les uns aux autres
de façon à former une masse cohérente.
Composition chimique. — LesGraines deParadis contiennentune petite
quantité d’huile essentielle ; 53 livres nous en ont donné seulement
2 onces et demie, c’est-à-dire 0,30 pour 100 environ (2). Cette essence est
jaunâtre, neutre; elle possède une odeuEagréable, qui rappelle celle des
graines, et une saveur aromatique, dépourvue d’âcreté. Son poids spéci-
fique, à 15°, 5 C. est 0,825. Elle est peu soluble dans l’alcool absolu
ou étendu, mais elle se mélange avec le bisulfure de carbone en un
liquide clair, elle dissout l’iode sans explosion. Lorsqu’on la sature avec
du gaz chlorhydrique sec, il ne se forme aucun composé solide. Elle com-
mence à bouillir vers 236° C., et la plus grande quantité distille entre
257° et 258° C.; le résidu est constitué par un liquide épais et brunâtre.
(1) J’ai plusieurs fois fait germer les graines de Paradis du commerce, j’ai cultivé la
plante pendant plusieurs années, et j’ai obtenu non-seulement des fleurs, mais des fruits
arrivant à complète maturité, et contenant des graines fertiles. [D. H.]
(2) Cette essence fut distillée et employée en médecine des le commencement du
dix-septième siècle (Porta, De DistiUatione, Romæ, JG08, lib . iv, c. 4).
400
AMOMACÉES.
Examinée en colonne de 50 millimètres, l’huile essentielle brute
dévie la lumière polarisée de 1°,9 à gauche. La portion qui distille au-
dessus, à 2370-258u, la dévie de 1°, 2 ; le résidu la dévie de 2 degrés à
gauche. Les propriétés optiques tendent à faire admettre que celte
huile essentielle est homogène. Cette opinion est corroborée par les ré-
sultats de trois analyses élémentaires qui nous ont conduit à la for-
mule C20H32O ou G,0H‘6+G10H,6O.
Dans le but de nous assurer si les Graines contiennent une huile
grasse, dix grammes furent pulvérisés avec du quartz, et épuisés avec
de l’éther bouillant. Nous obtînmes, par évaporation de l’éther, 0gr,583
d’un résidu brun visqueux, à peu près dépourvu d’odeur, mais doué
d’une saveur piquante très-forte. Comme il se montra entièrement
soluble daus l’acide acétique cristallisable et dans l’alcool étendu, on
peut le considérer comme une résine , et admettre que les Graines de Pa-
radis ne contiennent pas d’huile grasse.
Desséchées à 100° G., les Graines de Paradis nous ont donné 2,13
pour 100 de cendres, qui, par suite de la présence du manganèse,
avaient une coloration verte.
Commerce. — Les Graines de Paradis sont expédiées surtout des éta-
blissements de la Côte d'Or, dont les plus importants sont Cape Coast
Castle et Accra. Les rapports officiels (1) indiquent, pour les exporta-
tions de ces localités, en 1871 , les chiffres suivants : pour la Grande-
Bretagne, 85502 livres; pour les Etats-Unis, 35G301ivres; pour l’Alle-
magne, 28501 livres ; pour la France, 27 125 livres ; pour la Hollande,
14 250 livres. Total : 86000 kilog.
Usages. — Les Graines de Paradis sont employées dans la médecine
vétérinaire ; on s’en sert aussi comme condiment, mais surtout, paraît-
il, pour donner une saveur piquante aux cordiaux.
(a) L ' Amomurn Meleguela Roscoe (A ton. PL of the orJer Scilam., t. 98) se dis-
tingue des espèces à’ Amomurn décrites plus haut (voyez page 455) par ses feuilles
lancéolées, acuminées, étroites, subsessiles ; par son scape radical ne s’élevant que
fort peu au-dessus du sol, et muni de bractées distiques au nombre de cinq h sept
seulement. Ses fleurs sont grandes et très-belles. Le calice est vert, tubuleux, cylin-
drique, fendu d’un côté. La corole est tubuleuse, avec un limbe blanc, très déve-
loppé, divisé en trois lobes très-inégaux, les deux latéraux étroits, le médiane très-
largo, concave et dressé. Lelabelloou staminode pétaloïde est très-grand, orguiculé,
arrondi en entier, coloré en rouge cramoisi dans le haut et jaune dans le bas. Les
deux lames du disque qui surmontent 1 ovaire ont 25 millimètres de long. Le finit
est une capsule de 15 centimètres de long, coriace, jaune, cylindrique. [Trad.]
(I) Mue Pool: for the colonij of the Gold Coast in 1871.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
461
ORGHIDAGÉES
SALEP.
ltadi.c Salcp ; Tlailix Satyrii ; nngl., Salep; allom., Salepknollen.
Origine boJaniqne. — La plupart, sinon toutes les espèces cl 'Orchis
qu’on trouve en Europe et dans le nord de l’Asie (a), sont pourvues de
tubercules qui, convenablement préparés, sont susceptibles de fournir
du Salep. Parmi celles qui sont actuellement employées, les plus impor-
tantes sont : Y Orchis mascula , L. , YO. Mario L. , YO. militûris L.,
1 ’O. iistulata L.; l’O. pyramidalis L., l’O. coriophora L. et YO. loncji-
cruns Link. Ces espèces, dont les tubercules sont entiers, sont origi-
naires de la plus grande partie de l’Europe centrale et méridionale, de
la Turquie, du Caucase et de l’Asie Mineure (I).
Les espèces suivantes, pourvues de tubercules palmés ou lobés, ont une
aire de distribution non moins étendue : 0. maculata L., O. saccifera
Bro.ngn., O. conopsea L. et 0. latifoha L. La dernière s’étend jusque
dans le nord-est de 1 Inde et dans le Thibet, et l’O. conopsea se trouve
dans les régions arrosées par l’Amur, dans l’extrême est de l’Asie.
Le Salep des Bazars Indiens, connu sous le nom de Sali b misri, est
acheté par les Orientaux à des prix extravagants à cause de son excel-
lente qualité ; il est produit par certaines espèces d 'Eulophia(V), notam-
ment par VE. campestris Lihdl., YE. herbacea Lindl., et probablement
par d’autres espèces.
Historique. — Sous l’influence des superstitions attribuant aux
plantes des propriétés en rapport avec ta forme de certains de leurs or-
ganes, le Salep (3) jouit depuis longtemps en Orient de la réputation
de stimulant des fonctions génésiques; beaucoup d’Européens de l’Inde,
peu disposés à admettre les vertus extravagantes qui lui sont attribuées
Par ^es Hindous et les Mahometans, le regardent cependant comme un
excellent aliment dans la convalescence.
\
f
(1) Tchihatcheff énumère trente-six espèces d ’ Orchis en Asie Mineure (Asie Mineure
Bot. , II, 1860). ’
(2) Les espèces indiennes d’Eulophia ont 616 révisées par Liiidlcv in Journ of Linn
Soc, Bot., 1859, III, 23. ‘
(3) Le mot Salcp est le nom arabe du renard, et la drogue est nommée dans cette
langue A hus yatu’s sulah, c’est-à-dire testicule de renard, ou Khus yatu'l kalb tes-
ticule de chien. Le mot Orchis, et les vieux noms populaires dans les diverses langues
de 1 Europe ont, de même, été donnés par allusion à la forme des tubercules.
462 ORCHIDACÉES.
Colle drogue était connue de Dioscoride cl des Arabes, ainsi que des
herboristes et des médecins du moyen âge, qui la prescrivaient souvent
à l’état frais. Gerarde, en 4 G3G , a donné d’excellentes ligures des divers
Orchis dont les tubercules étaient employés à son époque.
Geoffroy (1), ayant reconnu que le Salep importé de l’Orient était
fourni par les tubercules d’un Orchis, indiqua, en 1740, comment on
pouvait le préparer à l’aide des espèces indigènes de la France.
Récolte. — On arrache les tubercules après la floraison de la plante,
on enlève ceux qui sont ridés et flétris, on lave ceux qui sont renflés,
on les enfile à l’aide d’une corde, et on les échaudé pour détruire leur
vitalité, puis on les fait dessécher au soleil ou devant un feu doux.
A l’état frais, ils sont blancs et succulents, mais en se desséchant ils
deviennent durs et cornés, et perdent leur saveur un peu amère et leur
odeur particulière. La drogue qu’on trouve dans le commerce anglais est
importée en majeure partie de Smyrne. Celle qui se vend en Allemagne
provient en partie de plantes croissant à l’etat sauvage dans les monta-
gnes de Taunus, dans le Westerwald, le Rhôn, i’Odenwald et la France.
On récolte aussi du Salep en Grèce, et on l’emploie dans ce pays, ainsi
qu’en Turquie, sous forme de décoction qu’on édulcore avec du miel, et
qu’on prend comme boisson matinale (2). Le Salep de l’Inde est récolté
sur les montagnes de l’Afghanistan, du Beluchistan, de Kabul et de
Bokhara (3). Les montagnes du Neilgherry dans le sud, et même Cey-
lan, passent aussi pour en produire une certaine quantité.
Description. - Le Salep du Levant, tel qu’on le trouve sur le marché
anglais, consiste en tubercules longs de 1 à 3 centimètres. environ,
ovoïdes ou oblongs, souvent pointus à l’extrémité inférieure, et arrondis
dans le haut, où ils offrent une cicatrice déprimée laissée par la tige , ils
sont assez fréquemment palmés. Ils sont généralement contractés et
contournés, couverts d’un tégument granuleux et rugueux, colorés en
brun pâle, translucides, très-durs et cornés ; ils n’ont que peu d’odeur et
une saveur légère qui n’est pas déplaisante. Après macération dans l’eau
pendant plusieurs jours, ils reprennent leur forme et leur volume primi-
tifs. Le Salep d’Allemagne est plus translucide, et comme gommeux, il
semble avoir été préparé avec plus de soin.
structure microscopique. - Les tubercules frais offrent, sur une
(1) Mém. del’Ac. des Sc., 1740, 99.
(2) HiiLDREicn, Nutzpflanzen Gnechenlands, Alhen, 1862 9.
(3) Powell, Economie Products of the Punjab, Rooikec, 1868, I, 2bl.
Punjab Plants , Lahore, 1869, 236.
— Stewart,
HISTOIRE UES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 403
section transversale, un petit nombre de couches de cellules à parois
minces, riches en amidon. En dedans se trouve un parenchyme formé
de cellules incolores, allongées, contenant aussi de l’amidon et des fais-
ceaux isolés de cristaux aciculaires d’oxalate de calcium. Dans ce pa-
renchyme se trouvent un grand nombre de grandes cellules remplies
d’un mucilage homogène. De petits faisceaux fibrovasculaires sont irré-
gulièrement dispersés dans le tubercule. Dans l’O. mascula et YO. lalif.o-
lia, les grains d’amidon sont presque globuleux, et ont 23 millièmes
de millimètre environ de diamètre. Dans le Salep sec, les cellules
sont défigurées, et les grains d’amidon sont agglomérés.
Composition chimique. — Le principe le plus important du Salep est
une sorte de mucilage dont la proportion s’élève, d'après Dragen-
dorff (1869), à 48 pour 100, mais est, sans aucun doute, sujette à
de grandes variations. Le Salep abandonne ce mucilage à l’eau froide,
en formant une solution que l’iode colore en bleu, et qui donne, avec l’a-
cétate neutre de plomb, un mélange limpide comme la gomme arabique.
Quand on ajoute de l’ammoniaque, il se forme un précipité abondant.
Le mucilage de Salep précipité par l’alcool, puis desséché, se colore
en violet ou en bleu quand on l’humecte avec une solution d’iode ou
d iodure de potassium. Le mucilage sec se dissout facilement dans une
solution ammoniacale d’oxyde de cuivre. Lorsqu’on le fait bouillir avec
de 1 acide nitrique, il se produit de l’acide oxalique, mais non de l’acide
mimique. Sous ces rapports, le mucilage de Salep ressemble à la cellu-
lose plutôt qu’à la gomme arabique. Il n’offre, dans les grandes cellules
qui le contiennent, aucune trace de stratification, de sorte que sa for-
mation ne paraît pas due à une métamorphose de la paroi cellulaire
elle-même. Le mucilage de Salep contient de l’azote, et une matière
inorganique dont on ne le sépare que difficilement, par précipitations
répétées, à l’aide de l’alcool. C’est à ce mucilage que le Salep doit la
propriété de former, même avec quarante parties d’eau, une gelée
épaisse, qui s’épaissit encore davantage quand on y ajoute de la magné-
sie ou du borax. On trouve, dans cette gelée, une certaine quantité
d amidon, mais sa proportion est faible ou même nulle dans les tuber-
cules qui portent la tige florifère, tandis qu’elle est considérable dans
les jeune» tubercules latéraux. L’amidon est évidemment consommé
dans la période suivante de végétation, ce qui explique qu’on trouve
des tubercules dont la décoction n’est pas colorée en bleu par la tein-
ture d’iode. Le Salep contient aussi du sucre et de l’albumine, et, à
I état frais, des traces d’huile volatile. Desséché à 100° C., il donne
m OIlCHIDACÉES.
2 pour 100 de cendres, qui consistent surtout en phosphate et en chlo-
rure de potassium et de calcium (Dragendorfi).
Usages. — Le Salep ne possède pas de propriétés médicinales, mais à
cause de la gelée abondante qu’il forme dans l'eau, on le considère
comme très-nutritif. Il nous est impossible d’admettre cette opinion po-
pulaire. Sa décoction édulcorée et aromatisée avec des épices ou du vin
constitue, pour les malades, une boisson agréable, mais qui n’est pas
employée en Angleterre (1).
(a) Los Orchis L. ( Généra , n. 1009) sont des Orchidacées, de la tribu des Ophry-
dées, à ovaire tordu, à périgone ouvert en forme de gueule bilabiée ; à Libelle trilobé,
muni d’un éperon ordinairement plus court que l’ovaire; à anthère unique, à peu
près terminale, biloculaire ; à rostellum prolongé entre les loges ; à pollinies for-
mant deux masses stipitées, fixées à deux rétinaclcs, libres et logés dans une seule
bursicule biloculaire. ,
L' Orchis militari* L. (Specics, 333) parvenu à son développement complet
se compose d’une tige aérienne herbacée, annuelle, haute de 20 à 30 centi-
mètres, portant un petit nombre de feuilles disposées en rosette colorées en vert
o-ai glabres et lisses, oblongues, aiguës, assez, larges, longues de io a 20 centi-
mètres, parcourues de nervures longitudinales parallèles. La tige se termine par
une grappe simple de fleurs courtement pédonculées,
insérées chacune dans l’aisselle d’une bractée très-coui te.
La portion inférieure et souterraine de la tige offte pen-
dant la préfloraison ordinairement deux tubercules ovoï-
des de grosseur inégale, le plus volumineux ayant a peu
près les dimensions d’une noisette, 1 autre plus jeune eu
voie de formation (ainsi qu’on le voit dans la figure
261). Le plus volumineux de ces tubercules se continue
manifestement avec la tige aérienne ; le plus inférieur
est constitué par un bourgeon né au-dessous du sol dans
l’aisselle d’une feuille inférieure ordinairement réduite
i\ l’état d’écaille membraneuse jaune. Lorsque ce bour-
geon a atteint une certaine dimension, il produit au-
dessous de son sommet une racine adventive qui grandit
rapidement, se renfle, presse sur la feuille dans 1 ais-
selle de laquelle se trouve le bourgeon, finit par la
déchirer et fait saillie au dehors, comme on le voit dans
la figure 261. Cette racine augmente alors graduellement
FiK -et. Or chia militari*, de volume et devient tuberculeuse, tandis que sou boni-
(I) comme le Solep pul.Msé »« se m«.nBe
r*“ C°'"’' °l
saut bouillir le mélangé.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 4Go
sauce à une racine adventive destinée à former un nouveau bulbe, et il en sera de
même chaque année. II est facile de voir que ce bulbe se détruit à mesure que les
organes reproducteurs se développent, les matériaux nutritifs qu’il renferme étant
consommés pendant cette formation (I). La base de la tige produit également un
nombre ordinairement considérable de racines adventives fibreuses, cylindriques
simples, destinées à la nutrition de la plante.
La fleur de YOrdiis militaris est irrégulière et bilabiée, ouverte en forme
de gueule. Le périgone est formé de six folioles disposées sur deux verticilles con-
centriques et alternes. Dans la fleur adulte, les trois folioles extérieures ou sépales
sont à peu près de même taille, ovales, pointus, membraneux ; ils sont disposés
l’un en arrière ou en haut et les deux autres sur les côtés. Les trois pièces de la
corolle sont très-inégales ; les deux postérieures sont étroites et trôs-rapprochées
des trois pièces du calice pour former la lèvre supérieure, concave, en forme de
casque, du périgone ; la troisième foliole, située en avant et en bas est beaucoup
plus développée, et constitue seule la lèvre inférieure du périgone ou labelle ; elle
a la forme d’une lame réfléchie en dehors et en bas, étalée, tripartite, à lobes laté-
raux linéaires, le médian rétréci à la base et au niveau de son point d’union avec
les latéraux, puis dilaté et arrondi vers son extrémité, qui est échancrée sur la ligne
médiane, et munie dans le fond de l’échancrure d’une petite dent. Ce périgone°est
blanchâtre ou légèrement rosé avec des taches pourpres parsemées sur le labelle. La
base du labelle se prolonge en un éperon conique, creux, deux fois plus court que
l’ovaire. L’androcée est formé par une seule étamine fertile, connée avec le style en
une colonne ou gynostème un peu aplatie, connée dans le bas avec la base du la-
belle, et portant à son extrémité une anthère unique, biloculaire, déhiscente par
deux fentes longitudinales. Chaque loge de l’anthère contient une masse polli-
mque, ou pollinie, ovoïde, rattachée par un pédicule à une petite glande ou
rétinacle qui est logée sous la face inférieure du stigmate, dans une des loges
d’une petite poche ou bursicule biloculaire (2). L’ovaire est infère, allongé, tordu
à l’âge adulte, uniloculaire, à trois placentas pariétaux portant un très-grand
nombre d’ovules anatropes, extrêmement petits. Le stigmate qui termine la colonne
est prolongé en une petite pointe ou rostellum, qui se prolonge entre les loges de
1 anthère. Le fruit est une capsule triloculaire, contenant de nombreuses graines
très-petites, sans albumen ; il s’ouvre à la maturité en trois valves qui portent les
graines au niveau de leur ligne médiane.
L ’Orclus mascula L. [Species, 1333) se distingue de l’espèce précédeute par ses
ieuilles lanceolees ; ses bractées florales aussi longues que l’ovaire ; les folioles de
son périgone aigues, les trois supérieures conniventes en casque, les deux latérales
étalées, puis réfléchies ; son labelle profondément trilobé, à lobes larges dentés
e médian émarginé ou échancré ; son éperon ascendant, à peu près aussi 'long que
1 ovaire. Les fleurs sont disposées en épi lâche, allongé; elles sont colorées en rouge
plus ou moins foncé, ou rarement presque blanches.
L Orchis maculata L. ( Species , 183b), se distingue nettement des espèces pre-
cedentes par : ses bulbes aplatis et divisés au sommet en deux ou trois branches
ce qui leur a fait donner l’épithète de palmés; ses feuilles oblongues, lancéolées’
tachées de noir; ses bractées florales plus courtes que les fleurs qui sont blanches
et tachées de pourpre ou de violet, plus rarement de rose ou de lilas. [Trad.]
(1) Pour le développement des bulbes des Orchidées, voyez : Tiiilo
und Morphologie de. s* Orchidccn, 1853.
(2) Pour le mode de fécondation, voyez : Darwin, les Orchidées.
HIST. DES, DROUUES, T. II.
Irmiscii, Biologie
30
ORCHIDACÉES.
4GG
VANILLE.
Vanilla [l)‘. angl., Vanilla ; ullcm.. Vanille.
Origine botanique. — Vanilla plant 'folia Andrews. — C’est une plante
succulente, indigène de la région chaude ( tierra caliente) de l’est du Mexi-
que, cultivée maintenant dans d’autres pays tropicaux. Elle se plaît
dans les forêts humides et ombreuses, où elle grimpe sur les arbres
et s’y fixe à l’aide de ses racines aériennes. La Vanille porte de grandes
fleurs vertes dépourvues de parfum (a).
Historique. — Les Espagnols trouvèrent la Vanille en usage au
Mexique comme condiment du chocolat, et l’apportèrent en Europe,
mais elle resta longtemps très-rare , car Clusius , qui en reçut,
en 1602, un échantillon de Morgan, apothicaire de la reine Elisabeth,
la décrit sous le nom de Lobus oblongus ar orna ticus, sans avoir connais-
sance de son pays d’origine ni de son emploi (2). Dans le Thésaurus
d’Hernandez, la plante est figurée et décrite sous le nom à'Araco aro-
matico (3). A l’époque de Pomet (1604), la Vanille était importée par la
voie d’Espagne, et très-employée en France pour parfumer le chocolat
et le tabac. Elle eut sa place dans la Pharmacopée de Londres de 1721 ,
et était bien connue des droguistes de la première moitié du dix-
huitième siècle ; elle paraît avoir ensuite disparu graduellement des
boutiques. Dans ces derniers temps, elle a été importée en grande
abondance, et on en fait aujourd’hui grand usage, non-seulement dans
la fabrication du chocolat, mais aussi dans la cuisine et la confection des
gâteaux, des bonbons et des liqueurs.
Culture. — La culture de la Vanille est très-simple. Lorsque les pousses
ont 90 centimètres environ de haut, on les attache aux arbres de façon
à ce qu’elles touchent à peine le sol. Elles émettent bientôt des racines
qui s’appliquent sur l’écorce de l’arbre et y fixent la plante; au bout
de trois ans, elles commencent à porter des fruits, et en produisent en-
suite pendant trente ou quarante années. La fertilisation des fleurs
est effectuée par les insectes. Morrcn (4) a montré, en 1837, quelle
(1) Diminutif de l’espagnol vaina, gousse ou capsule.
(21 Exotica , 1605, lib. ni, c. 18, 72. T j •
3) Rerum Mcdicarum Novæ Hispaniæ Thésaurus, Romæ, 1651,88. - Le dessin -
ginal fait partie d’une série de 1 200 dessins exécutés à grands frais, au Mexique, pai
ordre du roi d’Espagne pendant le siècle précédent.
(4) Ann. of Nat. Hist., 1839, III, 1.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 467
pouvait être faite artificiellement par l’homme (I). Depuis celte époque,
la fécondation et la production des gousses ont été déterminées dans
tous les pays tropicaux sans l’aide des insectes. En Europe même,
la Vanille vient bien dans les serres, et elle y donne des fruits de grande
taille qui ne le cèdent pas pour le parfum à ceux du Mexique. Dans les
plantations de Vanille, on ne laisse pas arriver les gousses à complète
maturité ; on les cueille lorsque leur coloration verte commence à
changer. D’après de Vriese (2), on les fait sécher à l’aide d’un procédé
spécial; on les expose à l’air en les laissant alternativement décou-
vertes et couvertes de toiles en coton ; elles mûrissent ainsi artifi-
ciellement, et acquièrent peu cà peu leur arôme et leur coloration foncée.
On les lie alors en petits faisceaux.
Description. — Lorsque le fruit est mûr, il est de la grosseur du petit
doigt, imparfaitement triangulaire, et déhiscent dans le. sens de la lon-
gueur en deux valves inégales. Il est ferme, charnu, lisse ; lorsqu’on le
coupe en travers, il laisse exsuder un suc inodore, visqueux, qui con-
tient une grande quantité de spiculés d’oxalate de calcium (3). Il est uni-
loculaire avec une cavité triangulaire ; chaque face porte un placenta
divisé en deux lames, qui se subdivisent elles-mêmes en deux lobes
recourbés en dehors. Il existe ainsi en tout douze lames chargées de
graines, et parcourant la cavité du fruit dans toute sa longueur. Des
poils fins, semblables à des papilles, garnissent les trois angles de la
cavité du fiuit, et sécrètent une matière inodore qui, après la dessicca-
tion, se trouve répandue dans toute la gousse. Ces papilles contiennent
aussi des gouttes d huile qui sont absorbées par le papier dans lequel
on enveloppe les gousses. Nous nous sommes assurés que la matière
odorante n’est pas contenue dans la partie extérieure et charnue du
fruit; en coupant le fruit frais en tranches minces que nous faisions
séchei séparément, nous avons constaté que celles qui provenaient de
la partie interne étaient seules odorantes.
La V anille du commerce se présente sous la forme de gousses char-
nues, flexibles, semblables à de petites baguettes, longues de 8 à 20 cen-
timètres et épaisses de 6 à 8 millimètres, cylindriques, atténuées et
courbées en crochet au niveau de l’extrémité qui porte le pédoncule.
(1) Cette observation avait été faite déjà par Edmond, créole de l’ile de la Réunion
un peu après 1817. ’
(-1) De Vanielje, Leyden, 1856, 22.
(.!) Ce suc possède comme celui de la scille une action irritante sur la peau, l'ait ciuc
les cultivateurs de Maurice connaissent bien.
4G8
ORCUIDACÉES.
La surface est finement sillonnée dans le sens de la longueur, luisante,
onctueuse, et souvent recouverte d’une efflorescence formée de petits
cristaux incolores. La gousse s’ouvre dans sa longueur en deux valves
inégales, qui portent une multitude de petites graines lenticulaires, lui-
santes, dures, noires, imprégnées d’un suc visqueux et aromatique.
La plus belle Vanille est celle du Mexique. La Vanille de Bourbon,
qui est la plus abondante, est généralement plus courte, et douée d'une
odeur moins forte ; elle atteint un prix moins élevé.
structure microscopique. — La moitié interne du péricarpe renferme
une vingtaine de faisceaux flbro-vasculaires disposés en cercle, et assez
distants les uns des autres. L’épiderme est formé d’une couche de cellules
tabulaires à parois épaisses contenant une substance granuleuse, brune.
La couche moyenne du péricarpe est constituée par de grandes cellules
à parois minces, les plus extérieures allongées dans le sens de 1 axe,
tandis que les plus centrales sont cubiques ou à peu près sphériques.
Toutes contiennent des gouttes d’huile grasse et des masses granu-
leuses, brunes, qui n’offrent pas d une façon manifeste la réaction du
tannin. Ce tissu renferme en outre des cristaux aciculaires d oxalate de
calcium et des prismes de vanilline. Les cellules des couches exté-
rieures du péricarpe (1) offrent sur leurs parois des épaississements
spiralés, qui sont plus visibles encore dans les racines aériennes et dans
le parenchyme des feuilles des autres Orchidées. Les placentas sont
revêtus d’une couche de cellules à parois minces.
Composition chimique. — La Vanille ne contient pas d’huile essen-
tielle. Elle doit le parfum qui la fait rechercher à une substance qui se
trouve à l’état cristallin dans l’intérieur ou à la surface du fruit, ou
h l’état de dissolution dans le liquide huileux et visqueux qui entoure
les graines. Cette substance était autrefois considérée comme de l’acide
cinnamique ou benzoïque, mais Gobley a démontré qu’elle était d’une
nature spéciale, et lui a donné le nom de Vanilline (2). Pour la préparer,
on épuise la drogue par l’éther, puis on soumet le liquide fi la distilla-
tion, afin d’éliminer la plus grande partie de l’éther. Le liquide qui reste
est agité avec une solution saturée de bisulfite sodique qui s'empare
de la vanilline. Cette dernière est mise en liberté par 1 addition d une
m La Vanille qui croit en Europe est dépourvue de ces cellules. Nous pouvons conflr-
r-n fnit simialé d’abord par Berg, d’après les observations que nous avons fades sur
avons du reste cherché vainement ces cellules remarquables dans la Vanille du com-
merce actuel (1876).
(2)
Journ. de Pharm., 1868, XXXIV, 401.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 469
quantité convenable cTacide sulfurique étendu. On la retire alors à
l’aide de l’éther.
La vanilline forme des cristaux aciculaires qui fondent à 81° ; ils so
dissolvent dans l’éther et l’alcool, moins bien dans l’eau chaude, très-
peu dans l’eau froide. Leur solution aqueuse prend une teinte violette
avec le chlorure ferrique. La meilleure Vanille fournit en moyenne
2 3/4 pour 100 de vanilline.
Tiemann et Haarmann ont démontré, par d’admirables recher-
ches commencées à Berlin en 1874, que la vanilline peut être pré-
parée artificiellement. Dans l’aubier des Pins, on trouve une sub-
stance nommée Conifêrine , C16H2208 + 2H30, observée d’abord en 1861
par Hartig, et étudiée en 1866 par Kubel. Sous l’influence de l’é-*
mulsine, la conifêrine prend H20 et se dédouble en sucre, et en une
autre substance cristallisable, comme l’indique l’équation suivante :
Cl6H22O8+H2O = G6Hl2O6 + G10H12O3. La seconde substance ainsi pro-
duite, peut être recueillie au moyen de l’éther qui ne dissout ni la
conifêrine ni le sucre. En l’oxydant, ou en oxydant la conifêrine elle-
même à l’aide du bichromate de potassium et de l’acide sulfurique,
on obtient de la Vanilline. En la faisant fondre avec de la potasse on
détermine la production d’acide prolocatéchique, G7H°Ov. En réalité,
d’après ces recherches, la vanilline C8H803 est l’éther méthylique de
l’aldéhyde protocatéchique, et doit être représentée par la formule
CGH30(GH3)0H . GOH (I).
Cette manière devoir est confirmée par la décomposition que subit la
vanilline lorsqu’on la chauffe dans un tube fermé avec de l’acide chlor-
hydrique ; il se forme du chlorure méthylique CH3C1. Tiemann a trouvé
de plus (1876) dans la, Vanille de V acide Vanillique, CTEOHO (CH3) GOOH.
Leutner a trouvé aussi dans la Vanille : H, 8 pour 100 de matières
grasses et cireuses, 4 pour 100 de résine, et 16,5 pour 100 de sucre et
dégommé ; il a obtenu, par incinération de la drogue, 4,6 pour 100 de
cendres.
Production et Commerce. — Les principales localités du Mexique
qui produisent de la Vanille sont les parties du littoral de l’Etat de
Vera-Cruz. Le centre de cette culture est Jicaltepec, dans le voisinage
de Nautla (2). On cultive aussi la Vanille sur les pentes occidentales
des Cordillères, dans l’Etat d’Oaxaca, et en moindre quantité dans les
(O Voir Dictionnaire de Chimie , Wurvrz, art. Vanilline.
(2) Culture du Vanillier au Mexique, in Revue Coloniale , 1849, H, 383-390.
-470
OHCIIIDÀCÉJïS.
Etals do Tabasco, de Chiapas et d’Yuoatan. Les parties orientales du
Mexique ont exporté en 1864, par la voie de la Vera-Cruz et de Tam-
pico, environ 20000 kilogrammes de Vanille, expédiée en majeure par-
tie à Bordeaux. Depuis cette époque, la production paraît avoir beau-
coup diminué; les importations de la France n’ont atteint, en effet,
en 1871, que 6809 kilogrammes, et, en 1872, 1 938 kilogrammes
seulement (1).
La culture de la Vanille fut introduite dans la colonie française de
la Réunion ou Bourbon par Marchant qui, en 1817, y transporta des
rejetons pris à lile Maurice. Cette culture a si bien réussi, malgré les
cyclones périodiques qui ravagent cette colonie, qu’en 1871 elle exporta
39200 livres de gousses (2). L’ile Maurice, située près de la Réunion,
produit aussi de la Vanille. Elle en a exporté, en 1872, 7 139 livres (3).
On cultive également la Vanille sur une grande échelle à Java.
La Vanille parvient sur le marché européen en majeure partie par la
voie de la France. D'après les statistiques officielles signalées plus
haut, ce pays en a importé, en 1871, 29914 kilogrammes et, en 1872,
26587 kilogrammes. La moitié à peine de cette quantité a été retenue
en France pour la consommation du pays.
Tiemann a établi à Minden (Prusse) une fabrique qui fournit déjà
des quantités considérables de vanilline artificielle préparée à 1 aide
de la coniférine.
Usages La Vanille n’est plus depuis longtemps employée en mé-
decine, du moins en Angleterre, mais elle est souvent vendue par les
droguistes pour parfumer le chocolat, les glaces, les crèmes, les pâtis-
series, les bonbons, etc.
(a) Les Vanilles ( Vanilla Swartz, Flor. ind. occid III, 1318) sont des Or-
cliidaeées de la tribu des Aréthusées, à labelle adossé à la colonne, convoluté,
à périgone connu à la base, étalé, dressé ; à colonne nue ; a pollinies au nomlne
de deux ; à tige grimpante se fixant à l'aide de racines adventives ; a feuilles ar-
ticulées à la base ; à ileurs disposées en grappes axillaires ; à capsule pulpeuse en
‘dedans.
Le Vanilla plant folia Andrews {Bot. Beposit., t. 338) est une belle plante à tige
cylindrique, charnue, verte, émettant au niveau de ses nœuds des racines adven-
tives à l’aide desquelles elle se fixe sur les plantes ou les corps voisins qui lui ser-
vent de point d’appui. Les feuilles sont alternes, charnues, oblongues ou ovales-
(1) Documents statistiques réunis par l'administration des Douanes sur le com-
merce de la France, 1872, 64.
(2) Consul Segrave, de la Réunion, in Consular Reports, présentes au Parlement en
août 1872.
(3) Mauritius, Bitte Book for the ye.ar 1872.
471
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
oblongues, pointues, contractées à la base, parcourues par liuit à quinze nervures
longitudinales, longues de 12 il 15 centimètres et larges de b à 7 centimètres ; elles
sont portées par un petiole court, articule sur la tige, qui est un peuienflee au ni-
veau de leur point d’insertion. Les fleurs sont disposées en grappes axillaires,
pauciflores, à l'aisselle de bractées foliacées ; elles ont b centimètres de large en-
viron, et sont colorées à peu
près uniformément en vert
pâle. Les folioles du péri-
gone sont vertes, lancéolées,
oblongues, connées à la base,
dressées et étalées. Lelabelle
est conné à la base de la co-
lonne ; il a la forme d’une
lame épaisse, repliée en gout-
tière, étroite à la base, di-
latée à l’extrémité dont le
bord est serreté et calleux ;
il est couvert dans sa partie
médiane de petits appendices
écailleux et recourbés. La,
colonne est nue, longuement
stipitée, marginée au sommet ; elle porte une anthère unique, terminale, hilocu-
laire, 'déhiscente par deux fentes longitudinales, et contenant un pollen granuleux.
L’ovaire est infère, uniloculaire avec trois placentas pariétaux portant un très-grand
nombre d’ovules anatropes, très-petits. Le fruit est une gousse contenant un très-
grand nombre de petites graines immergées dans une pulpe molle. [Trad.]
IRIDAGÉES
RHIZOME D’IRIS.
Rhizoma Iridis ; Radix Iridis Florentins; ; angl., Omis Root; allem., Vei Iclienwurzel.
Origine botanique. — Cette drogue est fournie par trois espèces
d’iris (a) :
•1° 1ns (/ermamca L. — C’est une plante vivace à grandes et belles
fleurs d’un bleu foncé, commune dans les environs de Florence et de
Lucca, et remontant jusqu’à la région des Châtaigniers. On la trouve
aussi çà et là dans le centre et le sud de l’Europe, dans le nord de l'Inde
et dans le Maroc. C’est une des plantes le plus communément cultivées
dans les jardins de l’Europe tempérée.
2° Iris palhda Lamk. — Cette plante ressemble à la précédente, mais
ses fleurs sont d’un bleu plus pâle ; elle croît à l’état sauvage dans les
terrains calcaires de l’Istric. Elle est abondante dans les environs de Flo-
472 1RIDACÉES.
venco et de Lucca, dans la région do l’olivier, mais il est douteux- qu’elle
y soit indigène.
3° Iris florentina L. — Cette espèce porte de grandes fleurs blanches.
Elle est indigène du littoral de la Macédoine, et des bords sud-ouest de
la mer Noire ; elle vit aussi à l’état indigène à Hersek dans le golfe
d’ïsmid, et dans les environs d’Adalia en Asie Mineure. On la trouve en-
core dans les environs do Florence et de Lucca, mais nous pensons
qu’elle y a été simplement acclimatée (I).
Ces trois espèces, mais surtout Y Iris germanica et Y Iris pallida, sont
cultivées dans les environs de Florence pour la production du rhizome
d’iris. On les plante sur les bords des terrasses et sur les lisières in-
cultes et pierreuses des champs cultivés. On ne trouve guère V Iris Flo-
rentina en dehors des enceintes des villas, et il est beaucoup moins
cultivé que les deux autres espèces.
Historique. — Dans l’ancienne Grèce et l’ancienne Rome, le Rhizome
d’iris était beaucoup employé pour la parfumerie. La Macédoine, Elis
et Corinthe étaient célèbres pour leurs onguents parfumés à l’Iris (2).
Théophraste et Dioscoride connaissaient bien le rhizome d’iris. Ce der-
nier, de même que Pline, fait remarquer que les meilleurs viennent
d’Illyricum, d’autres de la Macédoine, qu’une sorte inférieure est four-
nie par la Libye, et que ce rhizome est employé dans la parfumerie et
la médecine. Visiani (3) pense que Y Iris germanica est l’Iris Illyrien des
anciens, ce qui est très-probable si l’on considère que cette espèce est
très-abondante dans la Dalmatie, l’ancien Illyricum, tandis que les Iris
florentina et pallida ne s’y trouvent pas. Nous ignorons à quelle époque
ces deux dernières espèces furent introduites dans le nord de 1 Italie,
mais il est probable que c’est vers le commencement du moyen âge. Les
anciennes armes de Florence, un lis ou un Iris blanc sur champ rouge (4),
. (i) D’après des observations faites il Florence, pendant le printemps de 1872, je suis
porté à considérer ces trois espèces comme tout à fait distinctes. Les caractères com-
paratifs suivants permettent de les reconnaître :
Iris germanica: Hampe florale â peine une fois et demie aussi longue que les feuilles ;
fleurs plus pressées que dans Y Iris pallida, variant beaucoup comme intensité de colo-
ris, mais n’étant jamais colorées en bleu pâle.
Iris pallida : Bractées brunes et scarieuses ; hampe florale deux fois aussi haute que
les feuilles.
Iris florentina : Bractées vertes et charnues ; hampe florale de la meme longueur
relativement aux feuilles que dans 17m germanica ; organes végétatifs plus délicats que
dans les autres espèces, et floraison plus tardive. [D. VI.]
(2) Pour plus de détails, consultez: Blümner, Die gewerbliche Thütigkeit der Voi-
lier des klassischen Alterthums, 1869, 57, 76, 83.
(3) Flora Dalmatica, 1842, I, 116.
(4) Dante, Divina Commedia, canl. xvi.
473
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
semblent indiquer que cette ville était célèbre pour la culture de ces
plantes. Petrus de Crescontiis (I), de Bologne, qui vivait au treizième
siècle, mentionne la culture de l’Iris blanc et celle de l’Iris pourpre, et
indique la saison pendant laquelle il faut recueillir le rhizome pour
l’usage médicinal. Cependant, la drogue d’illyrie était considérée comme
la meilleure, et Yalerius Cordus (2), mort en 1544, se plaint qu’elle ait
été remplacée par celle de Florence, quoiqu’on puisse se la procurer
par l’intermédiaire des Vénitiens. Le rhizome d’iris mélangé avec l’anis
était employé en Angleterre dès 1480 pour parfumer le linge (voir
h I, p. 551). Il est mentionné à cette date dans les Wardrobe Accounts
d’Edouard IV.
Toutes les espèces d’iris que nous avons nommées étaient cultivées
en Angleterre àl’époque de Gerarde, c’est-à-dire vers la fin du seizième
siècle. L’amidon du rhizome était autrefois considéré comme médicinal,
et l’on trouve des indications pour sa préparation dans le Traicté de la
Chymie , de Le Fèbvre, publié en 1660.
Production. — Les espèces d’iris mentionnées plus haut sont con-
nues des paysans toscans sous le nom de Giaggiolo. On en recueille les
rhizomes indistinctement, mais la majeure partie est évidemment four-
nie parles Iris germanica et pallida qui sont les espèces les plus répan-
dues. On les arrache au mois d’août; on les décortique, on les nettoie,
et on les laisse sécher au soleil, en réservant les plus gros morceaux
pour les replanter. Dans l’établissement du comte Strozzi, fondé, en 1 806,
à Pontasieve, près de Florence, au centre de la culture des Iris, les rhi-
zomes, achetés aux paysans par des marchands ambulants, sont divisés
en plusieurs qualités, notamment en scelti (choisis) et in sorte (en sorte).
On les apporte dans le commerce, soit entiers, soit en petits fragments
( frantumi ), en rognures (raspature) , en poudre ( polvere di Giaggiolo
o d’Ireos), ou préparés en pois d’iris.
La culture de l’Iris est une très-faible branche d’industrie, et la ré-
colte ne constitue qu’un produit accessoire, mais néanmoins elle est par-
tagée entre le propriétaire et le cultivateur, suivant la coutume adoptée
dans l’agriculture toscane (3).
(t) De omnibus agricultures partibus, Basil., 1548, 219.
(2) Dispensatorium, Norimb., 1529, 288.
(3) Gkoves, in Pharm, Journ., 21 septembre 1872, 229. — Nous lui devons aussi des
remcrciments pour les renseignements qu’il nous a donnés directement. La ville de
Vérone produit aussi un peu de rhizome d'iris. D’après les renseignements que j’ai
pu recueillir le 5 seplembrc 1870, c’est très-probablement l’Iris germanica qui four-
nit l’Iris de Vérone. On l’v apporte de Valdonega et d’autres villages des montagnes
situés aux environs de la ville; la plante ne paraît pas être cultivée, [P. A. F.]
IRIDACÉES.
474
Description. — Le rhizome est charnu, articulé, ramifié, et rampe
horizontalement au-dessous de la surface du sol. 11 est formé, dans les
plantes âgées, par l’articulation des souches de cinq à six années suc-
cessives, dont les plus vieilles sont dans un état manifeste de dépéris-
sement. Ces articles sont pour la plupart dichotomes en apparence, à
peu près cylindriques, un peu comprimés verticalement, devenant peu à
peu obconiquos, et atteignant le maximum de leur taille au bout de trois
années environ. Ils ont de 8 à 10 centimètres de long, et parfois plus
de 5 centimètres d’épaisseur. Ceux de l’année courante seuls émettent
des feuilles au niveau de leur extrémité. Le rhizqme est coloré à l’exté-
rieur en brun jaunâtre ; en dedans il est succulent et blanc ; il possède
une odeur terreuse et une saveur âcre. Sous l’influence de la dessicca-
tion. il acquiert graduellement une odeur agréable de violette, mais il
n’atteint son maximum de parfum qu’au bout de deux années. Nous
avons soigneusement comparé les uns avec les autres les rhizomes des
trois espèces que nous avons citées plus haut, sans pouvoir découvrir
un seul caractère qui permît de les distinguer.
Le rhizome d’iris,. tel qu’il se trouve dans les boutiques, se présente
en morceaux longs de 5 à 10 centimètres et souvent épais de 3 centi-
mètres. Les fragments volumineux paraissent formés d’une portion
allongée, irrégulièrement subconique, émettant, au niveau de sa grosse
extrémité, une ou deux, rarement trois branches qui ODt été coupées
pendant l’opération de l’émondage, et ne forment plus que des cônes
courts et larges, attachés par leur sommet au rhizome qui leur a donné
naissance. La souche est aplatie, un peu arquée, souvent contournée,
ridée et sillonnée. La face inférieure est marquée de petites cicatrices
circulaires indiquant les points d’insertion des racines. La couche cor-
ticale brune a d’ordinaire été enlevée pendant le nettoyage, et le rhi-
zome sec est coloré en blanc foncé, opaque. Il est lourd, ferme et com-
pacte ; il possède une odeur agréable et douce de violette, et une saveur
un peu amère, aromatique, accompagnée d’une certaine âcreté.
On trouve dans les bazars indiens une sorte de rhizome d’iris qui a été
desséchée sans qu’on ait enlevé l’écorce, et qu’on apporte aujourd’hui
sur le marché de Londres. Nous pensons qu’il est produit par 1 fris ger-
manica L. ( Iris nepalensis Wall.), qui, d’après Hooker, est cultivé dans le
Kashmir. On exporte actuellement un rhizome d’iris de qualité infé-
rieure, récolté au Maroc; nous croyons qu’il est produit exclusivement
par Y Iris germamca.
structure microscopique. — L écorce blanche de 1 Iris pi e>cnU ,
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 475
sur une coupc transversale, une épaisseur de 2 millimètres environ;
elle est séparée par une fine ligne ])runo d un tissu cential jaunâtre*
Celui-ci est parcouru par de nombreux faisceaux fibrovasculaires, dis-
posés en cercle irrégulier et épars, et contient ça et la de petits ciis-
taux brillants d’oxalate de calcium. Ce tissu est formé uniformément
de cellulles sphériques, à parois épaisses et ponctuées, remplies de
granules d’amidon ovales, volumineux et très-nombreux. Des prismes
d’oxalate de calcium y sont aussi très-visibles. Les vaisseaux spiralés sont
petits, et occupent différentes positions. Cette description s’applique in-
distinctement aux trois espèces mentionnées plus haut.
Composition chimique. — Quand on distille le rhizome d’iris avec de
l’eau, on trouve, flottant à la surface du liquide aqueux distillé, une sub-
stance solide, cristalline qui a reçu le nom de Camphre d'iris. Cette sub-
stance que nous nous sommes procurés dans le laboratoire de MM. Her-
rings et C°, de Londres, est produite, d’après les renseignements que
nous a donnés M. Umney, dans la proportion de 0,12 pour 100;
175 kilogrammes de rhizome en fournirent 226 grammes (1). Nous
avons purifié cette substance à l’aide du charbon, et, par recristalli-
sations répétées dans l’alcool absolu, nous l’avons obtenue en très-
grosses écailles brillantes qui fondent à 51°, 5 C., mais ne se volatilisent
pas en proportion considérable, même à 150° C. D’après une moyenne
de trois analyses, ces cristaux contiennent 73,96 pour 100 de carbone et
12,26 pour 100 d’hydrogène ; cette composition conduit à la formule
CuH280'1 2, qui est celle de l'acide Myristique (voir t. I, p. 219). Ces
cristaux ont une réaction acide, ils se dissolvent facilement dans l’am-
moniaque, et en sont de nouveau séparés par un acide. Ils sont simple-
ment formés d’acide myristique imprégné d’une petite quantité d’huile
essentielle qu’ils retiennent avec énergie. Les résultats obtenus par
Dumas en 1835, ne s’accordent pas avec les nôtres.
En épuisant le rhizome d’iris avec de l’alcool, on obtient une résine
molle et brunâtre, et un peu de matière tannique. La résine possède
une saveur un peu âcre. La matière tannique se colore en vert sous
l’influence des persels de fer.
Commerce. — Les rhizomes d’iris sont exportés de Livourne, de
Trieste et de Mogador. Ce dernier port en a expédié, en 1872,
456 quintaux (2). Nous ne possédons aucune statistique relative aux
(1) Le produit de quelques opérations antérieures, dans lesquelles 23 quintaux d’iris
avaient été distillés, ne s’élevait guère à plus de 0,10 pour 100.
(2) Consulat • Reports, août 1873, 917.
476 IRIDACfcES.
importations de la Grande-Bretagne. La France en a importé, en 1870,
cinquante tonnes environ.
Usages. — Le rhizome d’iris pulvérisé entre dans la préparation des
poudres dentifrices, et sert en Franco à la confection des pois à cau-
tères, ou pois d’iris. Mais il est plus particulièrement employé dans la
parfumerie.
(a) Les Iris L. ( Gcnera , n. 59) sont des Iridacées, à fleurs hermaphrodites et ré-
gulières ; à périanthe tubuleux; à sépales recourbés en dehors et en bas, tandis
que les pétales sont dressés et convergents ; à androcée formé de trois étamines ca-
chées sous les trois lobes du style qui sont très-développés, pétaloïdes, réfléchis en
dehors ; à capsule triloculaire, déhiscente en trois valves.
L. Iris germanica L. ( Species , 55) est une magnifique plante vivace, à rhi-
zome charnu, horizontal, ramifié en sympode, c’est-à-dire terminé par un bour-
geon qui se développe en une tige aérienne destinée à mourir au bout d’un
certain temps , après avoir produit au niveau de sa base un bourgeon des-
tiné n se comporter de la même façon. Le rhizome porte des écailles épaisses et
blanchâtres. Les feuilles aériennes portées par les rameaux dont nous venons de
parler sont alternes, engainantes, ensiformes, hautes de 30 à 40 centimètres,
pliées et emboîtées les unes dans les auti’es , équitantes , c’est-à-dire que les
deux feuilles les plus extérieures étant pliées dans leur longueur sont disposées
de tello sorte, qu’elles sont pour ainsi dire à cheval l’une sur 1 autre, la moitié
gauche de l’une étant recouverte par la moitié droite de celle qui est située vis-
à-vis, et sa moitié droite recouvrant la moitié gauche de cette dernière, entre les
deux moitiés ainsi disposées des deux feuilles extérieures sont placées toutes les
feuilles plus jeunes, s’embrassant deux par deux de la même -façon.
La tige est aplatie sur l’une de ses faces et arrondie au niveau de l’autre ; elle
est haute de 50 à 80 centimètres environ, et terminée par un petit nombre de fleurs
portées chacune par un pédoncule très-court, inséré dans l’aisselle d une bractée
scarieuse en forme de spathe. Le périanthe est tubuleux et divisé en six folioles co-
lorées en bleu foncé. Les trois folioles extérieures sont réfléchies en dehors et en
bas; elles sont membraneuses, larges, ovales-lancéolées, minces sur les bords, qui
sont plus ou moins ondulés. Les trois folioles internes, également membraneuses et
larges, allongées, sont dressées et rapprochées par leurs extrémités; leur coloration
est fréquemment un peu plus pâle que celle des folioles extérieures. L androcée se
compose de trois étamines à filets allongés et à anthères biloculaires, extioises,
déhiscentes par deux fentes longitudinales. Les étamines alternent avec les lobes in-
ternes du périanthe et sont entièrement recouvertes par les lobes du style. Le gyné-
cée se compose d’un ovaire infère, allongé, ovoïde, a peu près triangulaire, sur-
monté d’un style divisé jusqu’au voisinage de sa base en trois grands lobes membra-
neux, pétaloïdes, couverts de longues papilles stigmatiques au niveau de la ligne
médiane de leur face supérieure, réfléchis en dehors en passant entre les folioles
dressées du périgone interne et recouvrant les étamines. Chaque loge de l’ovaire
contient un nombre considérable d’ovules anatropes, insérés dans l'angle interne
sur deux rangées verticales, disposés horizontalement et se touchant par leurs re-
pliées. Le fruit est une capsule allongée, triloculaire, s’ouvrant par déhiscence lo-
licide en trois valves. Chaque loge contient de nombreuses graines aplaties, a bon
aminci, albuminées, à embryon axile, à radicule dirigée vers le mieropylc. [1 nAD.J
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
477
SAFRAN.
Crocus, Croci Stigmata ; angl., Saffron (1); allom., Safran.
Origine botanique. — Crocus sativus L. C’est une petite plante à
tige bulbeuse, charnue, et à feuilles de graminée, très-semblable au
Crocus printanier commun des jardins, mais ne fleurissant qu’en au-
tomne. Ses fleurs sont élégantes, colorées en pourpre, avec un grand
style d’un rouge orangé, dont les trois divisions stigmatiques font saillie
en dehors du périanthe (a). Le Safran est considéré comme originaire de
la Grèce, de l’Asie Mineure, et peut-être de la Perse; mais il est cultivé
depuis si longtemps en Orient que sa patrie véritable est fort dou-
teuse (2).
Historique. — Le Safran est, depuis une époque très-reculée, hau-
tement prisé comme médicament, condiment, parfum, ou matière
tinctoriale, et il occupe une place importante dans l’histoire du
commerce. Sous le nom hébreu de Carcôm , qu’on suppose s’appliquer
au bulbe du Crocus , la plante est mentionnée par Salomon (3). Elle se
trouve sous celui de Kpoxoç dans Homère, Hippocrate, Théophraste et
Théocrite. Virgile et Columella citent le Safran du mont Tmolus. Le
dernier auteur mentionne aussi le Safran de Corycus en Cilicie, et celui
de Sicile. Ces deux localités sont citées par Dioscoride et par Pline
comme célèbres par la culture de cette drogue. Le Safran constituait pen-
dant le premier siècle de notre ère un article du commerce de la mer
Rouge; l’auteur du Periplus fait remarquer que le Kpoxoç est exporté
d’Egypte dans le sud de l’Arabie, et de Barygaza dans le golfe de Cam-
bay (4). 11 était cultivé au dixième siècle à Derbend, j, Ispahan en Perse,
et dans la Transoxania (o) , d’où il n’est pas improbable que la plante fut
exportée en Chine; car, d’après les Chinois, elle venait du pays des ma-
hométans. Les écrivains chinois rappellent que sous la dynastie des
ùuen (1280-1368 de notre ère) on avait l’habitude de mélanger aux
aliments du Sa-fa-lang [Safran] (6).
(1) Le mot Saffron dérive de l’arabe As far.
(2) Cliapellier a montré que le Crocus sativus L, est inconnu ;i l’état sauvage et qu’il
ne produit que difficilement des graines, même quand on le féconde artificiellement. Il
argué de ces faits pour émettre l’opinion qu'il constitue probablement un hybride (in
fiullct. Soc. bot. de Fr., 1873, XX, 191).
(3) Cantiques , ch. iv, 14.
(4) Lassen, hidische Alterthumskunde, 1837, III, 32.
(o) Istaciuu, Buch der Lânder, trad. de Moudt.uann, 87, 93, 124, 120. — Ernusi
Géographie, trad. de Jaubert, 108, 192. • 3
(0) Bhetscuneider, Chinese Botanieal Works, Foocliow, 1870, 13.
478
HUDACfcliS.
Il est probable que le Safran était cultivé en Espagne (I) dès
l’année 961 de notre ère; cependant il n’est mentionné au septième
siècle par saint Isidore, archevêque de Séville, que comme pro-
duit étranger. En ce qui concerne la France, l’Italie et l’Allemagne, on
pense communément que le Safran y fut introduit par les Croisés. Por-
ehaires, gentilhomme français, passe pour en avoir apporté quelques
bulbes à Avignon, vers la fin du quatorzième siècle, et avoir commencé
à le cultiver dans le comtat Venaissin, où le Safran existait encore
dans ces derniers temps. Vers la même époque, la culture du Safran
fut, pense-t-on, introduite par la même personne dans le Gâlinais (2).
A cette époque, cette plante était un produit de l’île de Chypre (3), et
la France avait avec cette île, par l’intermédiaire des princes de Lusi-
gnan, des relations étroites.
Pendant le moyen âge, le Safran, cultivé à San Gcmignano, en Tos-
cane, constituait un important article d’exportation pour Gènes (4).
Celui d’Aquila, dans les Abruzzes, jouissait aussi d’une grande répu-
tation, et était encore coté dans les prix courants du commencement
de notre siècle. En Sicile, la culture du Safran est notée par Columella;
elle s’y est perpétuée jusqu’à nos jours ; mais la quantité produite est
insuffisante même pour la consommation locale (5). En Allemagne et
en Suisse, où la rigueur du climat rend les difficultés plus grandes, la
culture du Safran a été cependant entreprise dans quelques loca-
lités (6). Dans le commerce de Venise, le Safran constituait, pendant
le moyen âge, un article de premier ordre (7).
Le Safran passe pour avoir été introduit en Angleterre sous le règne
d’Edouard III [1327-1377] (8). Deux siècles plus tard, le Safran anglais
était exporté sur le continent, car une liste d’épices vendues par les
apothicaires du nord de la France, de 1365 à 1570, mentionne trois
sortes de Safran, parmi lesquelles le « Safren d' Engleterre » est le
plus estimé (9).
(1) le Calendrier de Cordoue de l’année 961, Leyclc, 1873, 33, 109.
(2) Conrad et Waldmann, Traité du Safran du Gàtinais , Paris, 1846.
(3) De Mas Latrie, Hist. de l’ilc de Chypre, III, 498.
(4) Bourquelot, Foires de la Champagne, Mém. de T Acad, des inse. et belles-lettres,
1863, V, 286.
(5) Inzenga, in Annali di Agricoltura Siciliana, 1831, 1, 31.
(6) Tragus, DeStirpium , etc. 1532, 763. - Ochs, Geschielite der Stadt und Land-
schaft üasel, 1819, III, 189. . . T/. . • •
(7) Pour en avoir une idée, il faut consulter Thomas, Il Capdolare dci Fw dommi
del Fontego dei Todeschi in Venczia. Berlin, 1874, 235, 277. [F. A. F.]
(8) Morant, Hist. and Antiq. of Essex, II, 1768, 545.
(9) Les autres sortes de Safran sont: le « Safran Calulomc », et le « Safran Nuort »
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 479
Au commencement du dernier siècle (1723-1728) la culture du Safran
occupait, d’après un écrivain contemporain (I), « toute cette grande
surface de sol qui s’étend entre Saffron Walden et Cambridge, dans un
cercle d’environ dix milles de diamètre ». Le même écrivain fait remar-
quer que le Safran était autrefois cultivé dans plusieurs autres comtés
de l’Angleterre. La culture du Safran dans les environs de Saffron
Walden, qui était en pleine activité à l’époque où écrivait Norden (2),
avait cesse en 1768, et disparut également vers la même époque des
environs de Cambridge (3). Cependant, cette culture avait sans doute
persisté dans quelques localités, car dans la première partie de notre
siècle on apportait encore chaque année, de Cambridge à Londres, une
petite quantité de Safran, qui se vendait comme drogue de choix à ceux
qui voulaient le payer un prix élevé.
Le Safran était beaucoup plus employé autrefois qu’il ne l’est à notre
époque. Il faisait partie de tous les médicaments internes ou externes,
et servait à colorer et à parfumer une grande quantité de préparations
culinaires. Par suite de son prix, inévitablement élevé, il a toujours été
l’objet, dès les temps les plus reculés, de nombreuses falsifications.
Dioscoride et Pline parlent des fraudes dont il est l’objet, et le dernier
ajoute : « adulteratur nihil æque. »
Pendant le moyen âge, les plus sévères mesures étaient prises et exé-
cutées contre ceux qui falsifiaient le Safran, ou même qui le possé-
daient falsifié.
Ainsi, à Pise, en 1303, les « Fundacarii », ou gardiens des entrepôts pu-
blics, étaient requis par serment, et sous peine de sévères châtiments, de
dénoncer les propriétaires de tout Safran falsifié confié à leur garde (4).
Les « Pepperers » de Londres étaient aussi, vers la même époque,
chargés, sous leur propre responsabilité, de contrôler les mélanges
fiauduleux dont le Safran pouvait etre l’objet (3). En France, un édit
( Aichiv . génér. du Pas-de-Calais), cité par: Dorvault, in Revue pharmaceutique de
1858, 58. L’exportation de ce Safran anglais doit avoir été très-considérable. J’ai fait
voir, en effet, dans mes Documente zur Geschichle der Pharmacie, Halle 187(1, 46
et G9, que le tarif des pharmacies de Copenhague, de 1619, mentionne le Safran an-
glais, et le tarif de Celle, dans le Hanovre, 1682, cite même le Crocus communia an-
glicus. [P. A. F.]
(1) Douglass, Phil. trans., novembre 1728, 566.
(2) Description of Essex, Camden, Society, 1840, 8.
(3) Morant, Op. cit. - Lysons, Magna Britannia , 1808, II, P. I, 36. Lysons rap-
porte qu à Fulbourn, village situé près de Cambridge, il n’y a pas eu de dîme sur le
Safran depuis 1774.
(4) Bonaini, Statuti inediti delta cittù di Pisa dal xir, al xiv sccolo, 1857, III, 101 .
. ü :b^ , ^EY» Memorials of London and London Life in the 13°, 1 1° and 15» centuries,
1 H io . 1 zl) . 9
480 ÎIUDACÉES.
de Henri II, daté du 8 mars 4 550, énumère les avantages que retire le
royaume de la culture du Safran dans diverses localités, et ordonne la
confiscation et la destruction par le feu de la drogue falsifiée, en même
temps que des châtiments corporels contre les coupables (1). Les au-
torités allemandes étaient encore plus sévères. Une Inspection du
Safran fut établie, en 1441, à Nuremberg. La même année, treize
livres de Safran furent publiquement brûlées, près du Schônen
Brunnen, dans cette ville. En 1344, Jobst Findckcr fut brûlé lui-même
en môme temps que son Safran falsifié ! En 1536, Hans Kôlbele, Lien-
liart Frey et une femme, impliqués dans un procès de falsification du
Safran, furent brûlés vifs. Cette inspection était encore en vigueur en
1591 ; mais de nouvelles prescriptions furent édictées en 1613 relative-
ment à la falsification du Safran (2). Il y eut aussi dans la même ville,
de 1441 à 1797, une Inspection des Epices.
Description. — La fleur du Safran possède un style long de 8 cà
10 centimètres, dont la partie inférieure est incolore et incluse dans le
tube du périanthe, et dont la portion supérieure est coloi’ée en jaune,
divisée en trois stigmates tubuleux, filiformes, colorés en x-ouge orange
et longs de 2 à 3 centimètres. Les stigmates s’étalent vers leur extrémité
supérieure; leur bord est denté, et leur tube est fendu au niveau de la
surface interne. Le stigmate est la seule partie officinale, et la seule riche
en matièi-e colorante.
Le Safran du commerce est formé d’une masse lâche de stigmates
filiformes qui, lorsqu’ils n’ont pas été brisés, sont unis par trois à
l’extrémité jaune du tube. Il est onctueux au toucher, élastique et
flexible, coloré en rouge orange foncé, et doué d’une odeur aroma-
tique particulière, et d’une saveur amère et un peu piquante. Il est hy-
groscopique et difficile à pulvériser; il perd par la dessiccation à
100° C., 12 pour 100 d’humidité, qu’il absorbe de nouveau très-rapide-
ment (3). Le pouvoir colorant du Safran est très-remarquable ; 1 mil-
ligramme suffit pour donner une coloration jaune à 700 grammes
d’eau.
Structure microscopique. — Les stigmates sont formés d’un tissu il
cellules filifonnes, minces, sinueuses, feutrées, et de petits vaisseaux
(1) De la Mare, Traité de la Police, Paris, 1719, III, 428.
(2) J. P. Rotii, Geschichte des Nürnbergischen Handels, 1800-1802, IV, 221.
(3) Huit lots de Safran pesant en tout 61 livres, desséchés à diverses époques pen-
dant le cours de neuf années, perdirent 7 livres 2 onces? un quart, c’est-à-dire 11,7
pour 100. (Laboratoire do MM. Allen et Ilanbury, Plough Court, Lombard Street,
London.)
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. /,8I
spiralés. La matière colorante jaune est répandue dans toutes les cel-
lules et s’y trouve en partie déposée sous forme de granulations. Le
microscope y révèle aussi des gouttes d’huile et de petits corpuscules
probablement constitués par un corps gras solide. On trouve égale-
ment de gros grains de pollen épars sur les papilles stigmatiques.
Composition chimique. — La magnifique matière colorante du Sa-
fran a ôté longtemps connue sous le nom de Polychroïte ; mais, en 1831,
Quadrat lui donna le nom de Crocine, qui fut aussi adopté, en 1858, par
Rochleder. Les expériences de Weiss, en 1867 (1), ont montré : 1° que
cette substance colorante ( Polychroïte , Crocine de Rochleder) est un glu-
coside particulier qui, sous l’action des acides, se décompose en sucre,
en huile volatile et en une matière colorante nouvelle ; 2° que le Safran
contient une petite quantité d’huile essentielle et de sucre préalable-
ment formé ; 3° que la polychroïte qu’on a préparée jusqu’ici contient tou-
jours une certaine proportion de la nouvelle matière colorante qui
apparaît pendant sa décomposition.
Weiss conserve pour le glucoside naturel le nom de Polychroïte , et dé-
signe sous le nom de Crocine la nouvelle matière colorante qui résulte
de sa décomposition sous l’influence des acides. Sa crocine ressemble à
la Crocétine de Rochleder. La polychroïte fut préparée par Weiss de la
façon suivante : il traita le Safran par l’éther, qui enleva le corps gras,
la cire et l’huile essentielle. Il l’épuisa ensuite avec de l’eau. De cette
solution aqueuse, il précipita, à l’aide de l’alcool concentré, des matières
gommeuses et quelques sels inorganiques. Après la séparation de ces
substances, la polychroïte fut précipitée par addition d’éther. Ainsi ob-
tenue, c est une substance déliquescente, visqueuse, colorée en rouge
orangé ; desséchée sur l’acide sulfurique, elle devient cassante et prend
une belle coloration rubis. Elle possède une saveur douceâtre, mais elle
est dépourvue d’odeur; elle se dissout facilement dans l’alcool étendu et
1 eau, mais difficilement dans l’alcool absolu. Sous l’influence des acides
dilués, elle se dédouble en Crocine , en sucre et en huile volatile aro-
matique qui possède l odeur du Safran. Weiss assigne à cette réaction
l’équation suivante :
C48H6°0'8 -H HsO = 2 (CICII'80(!) -f C'°Hl40 4- C^tWO8
polychroïto enu crocine huile essentielle sucro
La crocine est une poudre rouge, insoluble dans l’éther, facilement
soluble dans l’alcool, et précipitée de cette solution par l’éther. Elle
(1) Wiggers et IIusbmann, •lahresbericht, 1808, 30.
HIST, DES DROGUES, T. II.
31
482
IU1DACÉES.
n’ost que peu soluble dans l’eau, mais sc dissout bien dans une solution
alcaline, d’où les acides la précipitent en flocons d’un rouge pourpre.
L’acide sulfurique concentré et l’acide nitrique y déterminent la même
coloration qu’ils produisent avec la polycliroïte. Le premier donne une
coloration bleu foncé qui tourne au violet et au brun ; et le dernier une
coloration verte, jaune et enfin brune. Il est digne de remarque que les
hydrocarbones du groupe de la benzine ne dissolvent pas la matière
colorante du Safran.
L’huile essentielle obtenue en décomposant la polychroïte est plus
lourde que l’eau ; elle bout à 209° G. et elle est facilement altérée même
par l’eau. Elle est probablement identique à l’huile essentielle qu’on
peut retirer, dans la proportion de 1 pour 100, de la drogue elle-même,
et à laquelle est duc son odeur.
Le Safran contient du sucre (glucose?), indépendamment de celui
qu’il fournit par décomposition de la polychroïte. 11 abandonne à
l’incinération de 5 à 6 pour 100 de cendres.
Production et Commerce. — En France, on récolte les fleurs à la fin
de septembre ou au commencement d’octobre. On enlève les stigmates,
et on les fait immédiatement sécher sur des cribles au-dessus d’un feu
doux, auquel on les expose seulement pendant une demi-heure. D’après
Dumesnil ( I), il faut de sept à huit mille fleurs pour produire 500 gram-
mes de Safran frais, qui sont réduits par la dessiccation à 100 grammes.
Malgré le prix élevé du Safran, sa culture n’est pas toujours avan-
tageuse, à cause des nombreuses difficultés dont elle est entourée. Indé-
pendamment des dégâts qui peuvent être produits accidentellement
par la température, les bulbes sont souvent endommagés parles cham-
pignons parasites, comme l’ont établi Duhamel, en 1728 (2), et plus
tard Montagne, en 1848 (3).
Les localités qui produisent en ce moment le plus de Safran sont
l’Aragon, la Murcie et la Mancha, en Espagne. Ce Safran entre dans le
commerce sous le nom de Safran d'Alicante et de Valencia. L’Espagne
a exporté, en 1864, pour 190 062 livres sterling de Safran; en 1865,
pour 135 316 livres sterling ; en 1866, pour 47 083 livres st. La drogue
fut importée en majeure partie en France (4).
Le Safran de France jouit, à cause de sa pureté, d’une meilleure
(!) Bulletin de la Soc. imp. d’acclimatation , avril 186».
(2) Mém. de l’Acad. des sc., 1728, 100.
(3) Etude micrographique de la maladie du Safran connue sous le nom de lacon.
(4) Statistical Tables relating to Foreign Countries [Bine Book), 1870, 286, 289.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 483
réputation que celui d’Espagne; il est cultivé dans l’arrondissement de
Pithiviers-en-Gâtinais, dans le département du Loiret. Cette localité en
fournit annuellement pour 1 800 000 francs (I). La culture est faite par
des paysans propriétaires. En Autriche, Maissau, au nord-est de Krems
sur le Danube, produit encore d’excellent Safran. Une grande quantité
de Safran est produite dans le Ghayn, région montagneuse élevée qui
sépare l’Afganistan occidental de la Perse (2). On en recueille une
petite quantité à Pampur, dans le Kashmir, où il est lourdement imposé
par le Maharaja (3). On cultive aussi le Safran dans quelques districts
de la Chine. Enfin, sa culture a été introduite dans les Etats-Unis, et
une petite quantité est recueillie par les habitants allemands du Lan-
caster County, dans la Pensylvanie (4). Mais, dans tous ces pays, la
culture du Safran diminue chaque jour, et dans quelques-uns même
elle a déjà complètement disparu.
Les importations de Safran dans le Royaume-Uni se sont élevées,
en 1870, à 43 930 livres, évaluées à 93690 livres sterling. Il est beau-
coup exporté de l’Europe dans l’Inde, mais aucune statistique générale
n’indique dans quelles proportions. Bombay en a importé, pendant
l’année 1872-73, 21 994 livres, valant 35 113 livres sterling (5).
Usages. — Le Safran ne possède aucune propriété médicinale, et il
ne conserve sa place dans les Pharmacopées qu’à cause de son utilité
comme matière colorante. Dans quelques pays, on l’estime beaucoup
comme condiment, pjarticulièrement en Autriche, en Allemagne et dans
quelques parties de la Suisse. Ce goût existe même en Angleterre, du
moins dans le Cornwall, où l’emploi du Safran pour colorer les gâ-
teaux est encore commun. Les indigènes de l’Inde en font un grand
usage dans les cérémonies religieuses, et s’en servent aussi pour colorer
et parfumer leurs aliments. Comme matière tinctoriale, le Safran n’est
plus employé, du moins dans nos pays, où il est remplacé par des
produits moins coûteux.
Falsification. - Le Safran est fréquemment falsifié, mais les fraudes
dont il est 1 objet ne sont pas difficiles à découvrir. On y ajoute parfois
des fleurs de Calcndula teintes avec du bois de Campêche, ou des fleurs
de Carthame, ou bien des étamines du Crocus salivas lui-même. On peut
(I) Dumesnil, loc. cit.
(i) Beli.ew, F rom the Indus to the Tigris, Lond., 1874, 304.
(3) Powell, Punjab Products, 1808, I, 449.
(4) Proc, of the Amer. Pliarm. Assoc., 1866, 254.
fov\ 872-7 Tp^nTo^ °r thC TmdC Und Navigation 01 the presir-lency o { Bombay,
m IRIDÀCÉES.
découvrir toutes ces falsifications en faisant infuser une pincée de la
drogue dans l’eau chaude ; les stigmates du Safran reprenant leur
forme particulière sont alors faciles a distinguer. Une autre falsifi-
cation beaucoup pratiquée dans ces derniers temps, et parfois difficile
à reconnaître à la simple vue, consiste à revêtir le Safran véritable de
carbonate de chaux préalablement teint en rouge orange. Si l’on place
une pincée de cette drogue dans un verre d’eau et qu’on agite, l’eau
devient trouble, et le carbonate de chaux, se détachant du Safran, se
dépose à l’état de poudre blanche dans le fond du verre. Le Safran
ainsi falsifié fait effervescence quand on l’humecte d'acide chlorhy-
drique dilué. Nous avons vu du Safran d’Alicante dont le poids avait
été augmenté de 20 pour 100 à l’aide de cette fraude. Il paraît qu’on
emploie quelquefois pour falsifier le Safran de la poudre d émeii ren-
due adhérente à l’aide du miel. Du Safran falsifié avec le carbonate de
chaux nous a donné de 12 à 28 pour 100 de cendres.
(a) Les Crocus Tournefout (Instil., t. 183, 183) soutdes Iridacées à périanthe ré-
gulier, infundibuliforme, formé d’un tube très-long et étroit, et d un limbe à six
divisions égales ; à style divisé en trois lobes stigmatiques en forme de cornets, dila-
tés dans le haut, et denticulés sur le bord ; h capsule triloculaire, polysperme.
Le Crocus sativus L. (. Specics , S0) est une plante à bulbe arrondi, plein, aplati
en dessous, portant des racines adventives nombreuses au
pourtour de sa face inférieure et couvert d 'écailles sèches
et brunes, puis portant près de son sommet un certain
nombre de feuilles rudimentaires blanchâtres, et enfin des
feuilles vertes, très-étroites, linéaires, allongées, convexes
sur la face externe, creusées en gouttière sur la face in-
terne, se laissant tomber sur le sol lorsqu’elles ont atteint
toute leur longueur. Les fleurs sont axillaires, tantôt soli-
taires, tantôt disposées en petites cymes dont les axes sont
très-courts, de sorte que la portion inférieure du tube pé-
rianthique et l’ovaire sont cachés dans le sol. Elles sont en-
veloppées de deux bractées en forme de spathes membra-
neuses et apparaissent avec les feuilles. Les fleurs sont
grandes, pourprées, parcourues de stries longitudinales. Le
périanthe est formé d’un tube cylindrique, étroit, très-
allongé, un peu dilaté dans le haut, barbu au niveau de
la gorge, et terminé par un limbe campanulé, à six divi-
sions égales, imbriquées dans la préfloraison, ovales-oblon-
gues, terminées en pointe mousse. L’androcée est formé
de trois étamines insérées sur le tube du périanthe, plus courtes que le limbe,
formées d’un filet grêle et d’une anthère allongée, biloculaire, mtrorse, déhis-
cente par deux fentes longitudinales. Le gynécée est formé d’un ovaire infère,
allongé f triloculaire, contenant dans chaque loge un grand nombre d ovules
anatropes, insérés dans l’angle interne. 11 est surmonté par un long style filiforme,
Fis. 203. Crocus sativus.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 485
divisé au niveau do la gorge du pêrianthe eu trois lobes stignmtiques colorés en
jaune-orange foncé, flasques et tombant en dehors de la fleur, entre les divisions
du pêrianthe. Ils ont la forme de cornets coniques, recouverts sur la face in-
terne de papilles stigmatiques, échancrés dans le haut au niveau de la face interne
et denticulés sur le bord. Le fruit est une capsule élevée au-dessus du sol par ral-
longement du pédoncule floral; elle est triloculaire, loculicide, trivalvaire, et con-
tient dans chaque loge un grand nombre de graines qui renferment sous leurs tégu-
ments un albumen abondant et un embryon axilo à radicule tourné vers le hile. Le
bulbe du Safran se multiplie à l’aide de bourgeons bulbeux qui se développent dans
l’aisselle des bractées et se détachent du bulbe qui leur a donné naissance quand
ils ont atteint un certain volume, par suite de la formation au niveau de leur point
d’attache d’une zone de tissu qui se mortifie et interrompt toute communication
entre les deux bulbes. [Trad.]
PALMIERS
SEMENCES D’AREC.
Semen Arecæ ; Nuces Areas vel Betel ; Semences d’Arec , Noix d'Arec ; angl., Areca nuis,
Betel nuts ; allem., Arekanüsse, Betelnüsse.
Origine botanique. — Areca Catechu L. C’est un Palmier élégant, à
tronc lisse et droit, haut de 12 à 15 mètres, et ayant 50 centimètres en-
viron de circonférence. L’inflorescence est disposée en un spadice ramifié,
dont les fleurs mâles occupent le sommet et les fleurs femelles la base.
On cultive cet arbre dans l’archipel Malais, dans les parties les plus
chaudes de la péninsule indienne et de l’Indo-Chine, à Ceylan et dans
les Philippines. Il est probablement originaire de la première de ces
régions (a).
Historique. — L’Arec est mentionné dans les ouvrages sanskrits sous
le nom de Guvâca. Il se nomme en chinois Pin-lang, nom apparem-
ment dérivé de Pinang, désignation de l’arbre dans les îles Malaises
d’où les Chinois tiraient leurs provisions de graines d’Arec. Le plus an-
cien ouvrage chinois qui mentionne le Pin-lang est le San-fu-huang-tu ,
description de Chang-an, la capitale de l’empereur Hiav-Wou-tii, do 140
à 80 avant notre ère. Il y est dit qu’après la conquête du Yunnan,
en 111 avant Jésus-Christ, des arbres remarquables et des plantes du
Sud furent apportés dans la capitale, et parmi eux plus de 100 Pin-
lang qui furent plantés dans les jardins impériaux. Bretschneider (1),
aux recherches duquel nous devons ces détails, cite plusieurs autres
G) On the Study of C/rinesc Bolaniccil Works, Foofliow, 1870, 27.
PALMIERS.
-i8G
ouvrages chinois datant du premier siècle et indiquant que les noix
d’Arec étaient apportées des provinces, alors indépendantes, du sud de la
Chine, de l’archipel Malais et de l’Inde. La coutume de présenter la noix
d’Arec aux hôtes est mentionnée dans un ouvrage du quatrième siècle.
Les anciens écrivains arabes connaissaient bien la noix d’Arec, qu’ils
nommaient Fôfal , et l’habitude qu'avaient les Indiens de la mastiquer
avec de la chaux (1).
La noix d’Arec est trôs-estimée des Asiatiques comme masticatoire,
et considérée par eux comme fortifiant les gencives, adoucissant l’ha-
leine, et favorisant la digestion, mais, jusqu’à ces derniers temps, elle
n’était pas considérée comme jouissant de propriétés médicinales par-
ticulières, si ce n’est une légère astringence. On l’a souvent administrée
aux chiens comme vermifuge, et dans l’Inde et la Chine on la donne
également à l’homme au même titre. Quelques essais suivis de succès
dans le traitement du tænia ont déterminé son introduction dans les
Additions to tlie British Pharmacopœia de 1867, publiées en 1874.
Description. — L’Aréquier produit un fruit ovoïde, lisse, du volume
d’un petit œuf de poule, légèrement pointu au niveau de son extrémité
supérieure, et couronné par les restes des stigmates. Il est formé exté-
rieurement d’un péricarpe épais, d’abord charnu, mais composé, à la
maturité, de fines et fortes fibres disposées dans le sens de sa longueur,
les plus internes étant plus fortes que les autres. Cette enveloppe fibreuse
est consolidée en dedans par une mince enveloppe crustacée ou endo-
carpe, qui contient une graine solitaire. Cette dernière a la forme d un
cône très-court et arrondi ; elle est à peine longue de 2 centimètres et
demi, déprimée au centre de la base, et fréquemment munie, sur l’un
des côtés de cette dépression, d’une touffe de fibres qui indiquent son
point d’attache sur le péricarpe. Les téguments semblent adhérer par-
tiellement à l’endocarpe ; ils sont mal délimités et inséparables de
l’amande. Leur surface est marquée d'un réseau très-visible de ner-
vures qui partent en majeure partie du hile. Lorsqu’on fend la graine,
on voit que ces nervures s’enfoncent dans l’albumen qui forme la grande
masse de la graine, et pénètrent jusqu’au centre en donnant a la graine
une ressemblance très-grande avec celle de la muscade. L’embryon est
petit et conique ; il est situé au niveau de la base de la graine. Les
graines d’Arec sont denses et pesantes ; elles sont difficiles a couper ou
(1) Dans l’ouvrage de Berlu, The treasury of drugs unlock’d, e n 1724, les Noix
d’Arec sont mentionnées sous le nom de Nuces indicæ et comparées, quant a leur
apparence, aux noix muscades. [P. A. F.]
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 487
à briser; lorsqu’elles sont fraîchement brisées, elles exhalent une odeur
faible de fromage ; leur saveur est légèrement astringente.
Structure microscopique. — L’albumen blanc et corné de la graine
d'Àrec est formé de grandes cellules à parois épaisses, remplies d’une
matière albuminoïde quisous l’influence de l’iode sc colore en brun.
Les parois des cellules sont munies de larges pores dont la disposition
devient très-visible quand on les examine dans la lumière polarisée après
les avoir fait bouillir dans la potasse caustique. Le tissu brun qui en-
toure l’albumen offre une texture lâche, et ressemble à celui qui occupe
le même siège dans la muscade. Les parois minces de ses cellules sont
munies de fines stries spiralées, et dans son épaisseur, comme dans la
surface brune de la graine, sont dispersés des vaisseaux spiralés. Toutes
les cellules brunes de la graine prennent une belle coloration rouge
lorsqu’on les humecte avec de la potasse caustique, et sont colorées en
vert foncé par le chlorure ferrique.
Composition chimique. — En épuisant avec de l’éther la poudre
de ces graines, préalablement desséchées à 100° G., nous avons obtenu
une solution incolore, qui, après évaporation, nous a laissé un
liquide huileux, se concrétant en se refroidissant. Cette matière grasse
représente 14 pour 1 00 delà graine; elle est cristalline, et fond à 39° G.
En la saponifiant, nous avons obtenu un acide gras cristallin, fondant à
41° G. qui peut être considéré comme un mélange des acides laurique
et myristique. Nous fîmes bouillir dans l’eau un peu de la matière
grasse ; l’eau en s’évaporant nous donna une très-petite quantité de
tannin, mais nous n’obtînmes pas les cristaux qui auraient dû se former
• s’il y avait eu de la catéchine.
Les graines pulvérisées, qui avaient été traitées par l’éther, furent
alors épuisées par de l’alcool (à 0,732) et nous obtînmes 14,77 pour 100
du poids primitif des graines, d’une matière tannique rouge, amorphe,
qui, après dessiccation, se montra peu soluble dans l’eau, soit froide,
soit bouillante. Soumise à la distillation destructive, elle donna de la
Pyrocatéchine. Sa solution aqueuse n’est pas altérée par le sulfate fer-
reux, à moins qu’on n’ajoute un alcali; elle prend alors une coloration
violette, et il se sépare un précipité abondant, noir pourpré. En ajoutant
un sel ferrique à une petite quantité de la solution aqueuse de cette
matière tannique, on obtient une belle coloration verte, qui tourne au
brun quand on ajoute un excès du réactif, et au violet sous l’influence
d un alcali. Il se forme en même temps un abondant précipité noirâtre.
Les graines, après avoir été épuisées successivement par l’éther et par
488
PALMIERS.
l’alcool, furent traitées par l’eau, qui enleva surtout un mucilage pré-
cipitable par l’alcool. La liqueur alcoolique filtrée donna des traces
d’un acide dont l’examen ne fut pas poursuivi. Après avoir épuisé
les graines par l’éther, l’alcool et l’eau, nous obtînmes, en les
faisant digérer dans l’ammoniaque, une solution d’un brun foncé.
Dans cette solution, il se forma un précipité acide, abondant, inso-
luble même dans l’alcool bouillant. Nous n’avons pu retirer de cris-
taux ni d’une décoction aqueuse des graines ni en les épuisant direc-
tement par l’alcool. Nous devons en conclure que la catéchine n’entre
pas dans la constitution des graines d’Arec, et que l’extrait préparé avec
ces graines est essentiellement différent de celui du Cachou de Y Acacia
Catechu et du Nauclea, et doit plutôt être considéré comme une matière
tannique analogue au Rouge de Ratanhia et au Rouge de Cinchona.
En incinérant les graines d’Arec pulvérisées, nous avons obtenu
2, 20 pour 100 de cendres, qui contiennent du peroxyde de fer et du
phosphate de magnésium.
Commerce. — Les graines d’Arec se vendent, dans l’Inde, avec ou
sans le péricarpe qui les enveloppe. Les deux sortes sont énumérées
dans les Rapports des douanes sous des titres différents. La consomma-
tion considérable qùi s’en fait en Orient donne lieu à un commerce
énorme, dont on peut avoir une idée par les quelques statistiques qu’il
est possible de consulter. Ceylan en a exporté, en 1871, 66 543 quin-
taux, valant 62 593 livres sterling; en 1872, 71 715 quintaux, cette der-
nière quantité entièrement destinée à l’Inde (1). La Présidence deMadras
en fait également un grand commerce. Pendant l’année 1872-73, il en
a été embarqué pour Bombay 43 958 quintaux, indépendamment de
2 millions environ de fruits entiers (2). Il se fait encore un très-grand
commerce de graines d’Arec à Singapore, et surtout à Sumatra.
Usages. — On peut administrer la graine d’Arec contre le tænia à la
dose de 4 à 6 drachmes dans du lait. Il faut prendre le médicament
après une abstinence de douze heures environ ; quelques médecins re-
commandent de le faire précéder d’un purgatif. Il passe pour être aussi
efficace contre les lombrics que contre le tænia. On vend comme poudre
dentifrice le charbon des graines d’Arec brûlées dans un vase clos ; mais,
à part sa plus grande densité, ce charbon ne possède aucun avantage
sur le charbon de bois ordinaire.
(1) Ceylon Blue Books for 1871 et 1872.
(2) D’aprés les rapports cités à la page 302, note 2.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. m
Quand la graine d’Arec est employée comme masticatoire, on lui
ajoute un peu de chaux et une feuille de Poivre Bétel (Piper Dette L.).
Qn emploie pour cela la graine jeune et encore tendre, ou préalable-
ment bouillie dans l’eau (b). On y ajoute parfois des substances aroma-
tiques, notamment du camphre et du cardamome.
(a) Les Areca L. ( Généra , n. 1225) sont des Palmiers de la tribu des Arécinées, à
fleurs uuiSexuées, réunies sur le même spadice; à périanthe double, trimère; à an-
drocée formé de trois à douze étamines ; à ovaire triloculaire, surmonté do trois stig-
mates sessiles; à fruit drupacé, fibreux, monosperme; à albumen ordinairement
ruminé ; à feuilles pennées.
V Areca Catechu L. ( Species pi, ed. Willd., IV, 594 ; Pinanga Rumpii. ; Belel-
nut Knox) est un Palmier à tronc dressé, terminé par une belle cyme de grandes
feuilles, ordinairement peu nombreuses, étalées, engainantes à la base, munies
d’un pétiole principal creusé en gouttière au niveau de sa face supérieure, et portant
des folioles dressées, étroites, linéaires ou oblongues, les plus inférieures et les mé-
dianes acuminées, longues de 90 centimètres à 1 m ,20, et larges de 10 centimètres en-
viron, les supérieures beaucoup plus courtes. Les fleurs sont unisexuées, et réunies
sur le même spadice ; les femelles occupent la portion inférieure du spadice et y sont
accompagnées chacune de deux fleurs mâles, tandis que la partie supérieure n’offre
que des fleurs mâles. Les spadices sont très-ramifiés et accompagnés de deux brac-
tées oblongues, l’extérieure très-caduque. Chaque fleur mâle est accompagnée d’une
bractée peu développée et plus ou moins connée avec l’axe floral. Les fleurs mâles
sont petites, lisses, glabres ; leur calice est peu développé, divisé en trois folioles
aiguës et carénées, blanches. La corolle est formée de trois pétales d’un hlanc jau-
nâtre, oblongs, rigides, striés, volvaires dans la préfloraison. L’androcée se compose
de six à neuf étamines, à filets courts, aplatis, plus ou moins cohérents à la base ; à
anthères biloculaires, introrses, déhiscentes par deux fentes longitudinales. Au
centre de la fleur mâle, existe un rudiment de pistil plus long que les étamines et
divisé en stigmates très-courts et obtus. Les fleurs femelles sont solitaires sur un ra-
inuscule dilaté, et entourées «d’une bractée coriace, large, triangulaire, carénée au
niveau de la ligne médiane ; elles sont trois ou quatre fois plus grandes que les fleurs
mâles qui les accompagnent. Leur calice est formé de trois folioles cordées, rigi-
des, un peu charnues à la base. La corolle est formée de trois pétales alternes avec
les sépales, mais semblables à eux. L’androcée est représenté par une cupule mem-
braneuse entourant la base du pistil, découpée en six dents subulées qui représen-
tent autant de staminodes réduits cà des filets sans anthères. Le gynécée se compose
d’un ovaire triloculaire, surmonté par un style très-court, à peine distinct même,
divisé en trois stigmates triangulaires. Chaque loge contient un seul ovule anatrope,
dressé, inséré dans l’angle interne. Le fruit est une drupe uniloculaire et mono-
sperme par avortement de deux des trois carpelles primitifs. Il est ovale, de la gros-
seur d’un œuf de poule ou de pigeon, glabre, d’abord vert, puis rougeâtre ou orangé.
Il contient une seule graine à albumen abondant, ruminé, corné, renfermant un
petit embryon basilaire. [Trad.]
(b) Pour conserver les graines destinées à être chiquées avec le bétel, on les dé-
pouille du péricarpe encore vert et tendre qui les enveloppe, on les coupe en quar-
tiers et on les fait sécher au soleil ; elles prennent ainsi une coloration d’un brun
rougeâtre plus ou moins foncé.
490
PALMIERS.
SANG-DRAGON.
Sanguis Draconia ; Résina Draconis; angl., Draqoris Dlood ' ; allcm., Drachenblut.
Origine botanique. — Calamus Draco Willd. ( Dæmonorops Draco
Maut.). Cette espèce fait partie du groupe des Palmiers Rotangs, remar-
quables par leurs tiges très-longues et flexibles, grimpant sur les bran-
ches des arbres et s’y maintenant à l’aide d’épines dont sont munis
les pétioles de leurs feuilles. L’espèce dont nous nous occupons ici se
nomme en malais Rotang Jernang (a) ; elle croît dans les forêts ma-
récageuses de la Résidence de Palembang, sur le territoire de Jambi,
dans l’est de Sumatra, et dans le sud de Bornéo, régions qui fournissent
le Sang-Dragon du commerce. Elle passe pour exister aussi à Penang
et dans quelques îles du détroit de la Sonde (1).
Historique. — La substance que Dioscoride mentionne, sous le nom
de KtvvâSaptç, comme une matière colorante et un médicament coûteux
apporté d’Afrique, qui fut décrite aussi par Pline, lequel la distingue du
minium, était certainement celle que nous connaissons aujourd’hui sous
le nom de Sang-Dragon. Ce n’était pas, cependant, celui du Calamus
Draco, ni même d’aucun arbre de l’archipel Indien, mais une produc-
tion de l’île de Socotra (voy. p. 494). Nous croyons que le Sang-
Dragon n’est nommé par aucun des premiers voyageurs qui ont visité
lesîles de l’Inde. Ibn Batuta, qui visita Java et Sumatra entre 1325 et 1349,
et qui signale ces îles comme produisant le benjoin (voy. t. II, p. 41),
es clous de girofle, le camphre et le bois naturel d’aloès, garde le si-
lence au sujet du Sang-Dragon. Barbosa (2), dont les récits relatifs aux
Indes orientales, écrits en 1514, sont remplis de renseignements sur le
commerce et les productions des différentes localités qu’il visita, dit que
l’aloès et le Sang-Dragon sont produits par Socotra ; mais il ne dit pas
qu’on trouve la dernière de ces drogues soit à Malacca, soit à Java, à
Sumatra ou à Bornéo. Notre opinion est encore corroborée par les ren-
seignements relatifs aux anciennes relations commerciales établies entre
les Chinois et les Arabes et publiés récemment par Bretschneider (3). Du
treizième au quinzième siècle, il existait entre ces deux nations un com-
merce considérable, non-seulement des produits du golfe Persique et
(1) Blume, in Rumphia, II (187G), tab. 181, 132, en donne d’excellentes figures.
(2) Description of the Coasts of East Africa and Malabar (Hakluyt Society), 18G6,
30, 191-197.
(3) Knowledge posscssed bg the Chinese of the Àrabs, etc., 1871.
491
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
des régions plus méridionales, mais encore des produits de 1 nrclnpel
Indien. Une des îles avec lesquelles les Arabes et les Persans entrete-
naient un commerce important est Sumatra, d ou ils liiaient le pré-
cieux camphre, si estime des Chinois, mais non, autant qu on peut en
juger, le Sang-Dragon. Les produits apportés d’Arabie étaient les
plumes d’autruche, l’oliban, le styrax liquide, la myrrhe, le Sang-dragon
et d’autres drogues encore indéterminées. Il est digne de remarque que
les Chinois sont encore actuellement les plus grands consommateurs
de Sang-Dragon, mais ils se contentent, comme les autres nations, de
la drogue qui est produite en abondance par Sumatra et Bornéo, et qui
a remplacé l’ancienne sorte produite par Socotra.
Les premiers détails, relatifs à la production de cette substance dans
l’Inde, sont dus à Rumphius, qui, dans son H er barium Amboinense (I),
décrit le procédé employé à Palembang pour sa préparation.
Production. — Le fruit du Calamus Draco est disposé en grandes pa-
nicules qui en portent un nombre considérable. Il est globuleux, de la
taille d'une grosse cerise, revêtu d’écailles lisses, imbriquées, à peu près
quadrangulaires, épaisses, marquées de sillons longitudinaux. Les plus
larges se trouvent vers le milieu du fruit ; elles ont 4 millimètres de
long sur 6 millimètres de large. A la maturité, le fruit est recouvert
d’une couche de résine rouge qui en exsude en si.grande abondance, que
l’on ne peut plus voir les écailles qu’avec difficulté. Cette résine est
naturellement friable ; on la recueille en grattant les fruits, en les
secouant ou les battant dans un sac ; elle se sépare ainsi très-vite. On
la tamise ensuite pour la débarrasser des écailles et des autres portions
du fruit qu’elle entraîne. En l’exposant à la chaleur du soleil ou à celle
de l’eau bouillante, dans un vase couvert, on la ramollit assez pour qu’il
soit possible de lui donner la forme de bâtons ou de boules qu’on en-
veloppe dans un morceau de feuille de palmier. C’est ainsi qu’on pré-
pare le meilleur Sang-Dragon ou Jernang. On prépare une qualité infé-
rieure en faisant bouillir dans l’eau les fruits préalablement écrasés, et
disposant la résine en une masse, à laquelle on ajoute fréquemment
d’autres substances pour la falsifier. Ces indications sur la fabrication
du Sang-Dragon sont celles qui ont été données par Blume (2).
Description. — Le Sang-Dragon se présente dans le commerce sous
deux formes qui ont reçu les noms de Sang-Dragon rouge et Sang-Dra-
gon en masses.
(1) Pars V, 1847, 114-115, t. 58.
(2) Rumphia, 1847, III, 9, t. 131, 132.
m
PALMIERS.
1° i Seing-Dragon rouge; Sang-Dragon en bâtons ( Reed Dragon' s JJlood,
Dragon' s blood in sticks, Sanguis Draconis in baculis). — Une certaine
quantité de beau Sang-Dragon, acheté à Londres en 1842, se présente
en bâtons longs de 82 à 85 centimètres, et épais de 2 à 3 centimètres,
enveloppés dans une feuille de palmier maintenue à l’aide de huit ou
neuf liens transversaux faits avec une herbe flexible. Le poids moyen
de chaque bâton, y compris son enveloppe, est de 5 onces. La résine a
évidemment été enveloppée pendant qu’elle était encore molle, car elle
porto des sillons longitudinaux dus à la pression de la feuille qui la
recouvre. Sa surface est lisse et colorée en brun noirâtre foncé. En
tranches minces, la résine paraît transparente et colorée en rouge
cramoisi brillant. La surface de sa cassure est résineuse et rugueuse;
elle est un peu poreuse, et contient de nombreuses parcelles d’écailles
du fruit. Quand on la frotte sur du papier, elle laisse une trace qui n’est
pas d’un beau rouge. Chauffée avec de l’alcool, elle abandonne
20 pour 100 d’un résidu pulvérulent, consistant surtout en matière vé-
gétale. Les bâtons de moindre taille sont plus nombreux.
2° Sang-Dragon en masses ( Lump Dragon's Blood ; Sanguis draconis in
massis ). — Il est importé en gros blocs rectangulaires ou en masses
irrégulières. Il diffère de la belle sorte que nous venons de décrire, en
ce qu’il contient une quantité plus considérable de débris du fruit ; on
y trouve même des écailles entières. Sa surface de cassure est par suite
plus grossière et d’une coloration moins foncée. Sa saveur est un peu
âcre. Epuisé par l’alcool, il abandonne un résidu dont la propor-
tion s’est élevée, dans l’échantillon examiné par nous, à 27 pour 100.
Le Sang-Dragon est soluble en majeure partie dans les dissolvants
ordinaires des résines, c’est-à-dire les alcools, même l’alcool dilué, la
benzine, le chloroforme, le bisulfure de carbone, et les huiles essen-
tielles oxygénées, par exemple, celle de girofle. Le résidu laissé par l’éva-
poration de ces liquides est amorphe, et offre une belle couleur rouge.
La drogue se dissout aussi dans l’acide acétique cristallisable, et dans
la soude caustique. Cette dernière solution donne, sous l’influence d'un
excès d’acide, un précipité brun rosé, semblable à de la gelée qui, en
se desséchant, prend la coloration rouge primitive de la drogue. Le
Sang-Dragon est peu soluble dans l’éther, encore moins dans l'es-
sence do térébenthine, et entièrement insoluble dans les parties les
plus volatiles du pétrole ou éther de pétrole. Sa saveur est un peu
douce et accompagnée d’une certaine âcreté. Il fond à 120° C., en déga-
geant des fumées aromatiques irritantes d’acide benzoïque. Quand
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 493
on le fait bouillir avec de l’eau, il se ramollit et se liquéfie en partie.
Composition chimique.- Le Sang-Dragon est une résine particulière •
qui, d'après Johnston (I), répond àla formule GW. En le chauffant,
et en condensant sa vapeur, on obtient un liquide aqueux, acide, une
huile lourde, à saveur brûlante, et des cristaux d’acide benzoïque. La
composition de ces produits n’est pas encore bien déterminée, mais on
a signalé la présence de l’acétone, du Toluol, C7R8 (le Dracyl de Glénard et
Boudault, 1844), et du Styrol, C8H8 ( Draconyl ) ; le dernier de ces corps est
peut-être dû à l’existence dans la drogue dumétastyrol (t. I, p. 485), ainsi
que l’a supposé Kovalewsky (2). Les deux hydrocarbones sont plus lé-
gers que l’eau; cependant nous avons constaté que la partie huileuse,
obtenue par distillation sèche, mentionnée plus haut, s’enfonce dans
l’eau, ce qui est peut-être dû à la présence d’alcool benzoïque, C7H80.
Comme l’acide benzoïque est facilement soluble dans l’éther de
pétrole, on pourrait le séparer de la drogue à l’aide de ce dissolvant. En
faisant cette expérience, nous avons obtenu des traces d’une matière
rouge, amorphe, et une petite quantité d’un liquide huileux, mais aucun
corps cristallin. Le liquide aqueux prend une coloration bleue sous
l’influence du perchlorure de fer, d’où on peut déduire qu’il contient
du phénol ou du pyrogallol, plutôt que de la pyrocatéchine. En faisant
bouillir le Sang-Dragon avec de l’acide nitrique, on obtient surtout
des acides benzoïque, nitro-benzoïque et oxalique, et seulement une
petite quantité d’acide picrique. Hlasiwetz et Barth, en faisant fondre
la drogue avec de la potasse caustique, ont trouvé, parmi les produits
formés, de la Phloroglucine (voy. t. I, p. 357), des acides para-oxyben-
zoïque, protocatéchique et oxalique, et divers acides de la série grasse.
Le benjoin donne des produits semblables.
Commerce. — Le Sang-Dragon est expédié de Singapore et de Ba-
tavia. On en exporte chaque année de grandes quantités de Banjar-
masin dans l’île de Bornéo, à destination de ces ports et de la Chine (3).
Usages. — Le Sang-Dragon n’est employé, en médecine, que pour
les emplâtres et les poudres dentifrices ; dans les arts il sert à préparer
des vernis.
Falsification. — La qualité du Sang-Dragon est extrêmement va-
riable (4). Le principal caractère qui attire l’attention des marchands
(1) Philos. Tram., 1839, 131; 1810, 384.
(2) Ann. de Chimie , 1801, CXX, 68.
(3) Low, Sarawah , its Inhabilanls and Productions, 1818, 13.
(1) Les prix actuels, qui varient de 3 à 11 livres le quintal, indiquent cela suffisam-
ment.
/l!,i PALMIERS.
est la coloration. Quelques qualités- inférieures ne laissent sur le panier
que des marques d’un rouge sombre, et ont une cassure terreuse. Les
Jutons falsifiés ne portent pas la marque de la feuille qui les enveloppe,
comme loi squ ils sont constitués par de la résine pure. Un échantillon
de qualité inféneure de Sang-Dragon rouge ou en bâtons nous a donné
40 pour 100 de matières insolubles dans l’alcool.
AUTRES SORTES DE SANG-DRAGON.
Sang-Dragon de Socotra. - Nons avons dit plus haut que le Cinnabar
mentionné par Dioscoride était exporté d’Afrique. Il paraît évident que
cette dénomination s appliquait à une sorte de Sang-Dragon, car l’auteur
du Periplus de la mer Erythrée (I), qui vivait vers l’an 54-68 de notre
ère, cite le KiwaESapiç comme un produit de l’île Dioscorida, nom ancien
de l’île Socotra.
^ Les Arabes, notamment Abu Hanifa et Ibn Baytar (2), décrivent le
Sang-Dragon comme apporté de Socotra, et donnent à la drogue le
nom même sous lequel elle est encore connue des Arabes, Dam-ul-
akhawein. Barbosa, en 1514, et Giovanni di Barros (3), le mentionnent
comme un produit de cette île; et il y a été signalé, à notre époque,
par Wellstead (4), Vaughan (5), et von Kremer (6). On n’en recueille
aujourd’hui qu’une petite quantité (7). Vaughan dit, comme vonWrede,
que l’aebre se trouve dans l’Hadramaut et sur la côte orientale de
l’Afrique. On rencontre dans ces régions une espèce de Dracæna, mais
nous ne savons rien sur la flore de l’île de Socotra elle-même.
Le Sang-Dragon en larmes ( Drop Dragon' s Blood ), dont de jietites quan-
tités importées de Bombay et de Zanzibar se montrent accidentelle-
ment sur le marché de Londres, paraît appartenir tt cette variété de la
diogue. Il se présente en petites larmes ou en fragments qui dépassent
î ai ement 25 millimètres de long, et possèdent une cassure nette, lui-
sante. En lames minces, il est transparent, et présente une magnifique
(1) Voyage of Nearc/tus and Periplus of the Erythrean tica, trad. Vincent, Oxford
1809, 90.
(2) Edit, de Sontiieimer, I, 104, 420; II, 117.
(3) L’Asia, sec. deçà, Venet., 1861, 10, a.
(4) Travcls in Arabia , Lond., 1838, II, 449.
(5) Pharm. Joarn., 1853, XII, 385.
(6) Ægypten , Leipzig, 1863.
(7) J’ai sous les yeux un excellent échantillon que M. le capitaine Hunier a bien
voulu recueillir pour moi ii Socotra même. [F. A. F.]
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 495
coloration rouge. On peut le distinguer du Sang-dragon de Sumatra, en
ce qu’il ne contient jamais les écailles qu’on trouve toujours dans ce
dernier et en ce qu’il n’émet pas, lorsqu’on le chauffe sur la pointe d’un
couteau, de vapeurs irritantes d’acide benzoïque.
Sang-Dragon des îles Canaries. — Cette substance est fournie par le
Dracæna Draco L., arbre de la famille des Liliacées (I), à port de
Yucca. On a souvent décrit, à cause de ses dimensions gigantesques et
de son grand âge, le pied qui existait encore, il y a une dizaine d’an-
nées, à Orotava, dans l’île de Ténériffe (2).
Lors de l’exploration de Madère et de Porto-Santo, au quinzième
siècle, le Sang-dragon fut l’un des principaux produits recueillis par les
voyageurs (3). Alvise da ca da Mosto, en 1454 (4), lui donna le nom
qu’il porte encore. Il est aussi mentionné par le médecin allemand Hie-
ronymus Münzer, qui visita Lisbonne vers 1494 (5).
L’arbre fournit la résine par des incisions pratiquées sur sa tige ;
mais nous ne croyons pas que ce produit ait jamais constitué un objet
de commerce régulier et habituel avec l’Europe. On l’a trouvé dans les
sépulcres des habitants primitifs de l’île.
Le nom d e. Sang -Dragon a encore été donné encore à un produit d’exsu-
dation recueilli, dans les Indes occidentales, sur le Pterocarpus Draco L.
et sur le Croton Draco Schlecut., mais ce dernier, d’après Henkel, possède
la nature duKino, et on ne le trouve pas dans le commerce européen.
(a) Les Calamus L. ( Généra , n. 436) sont des Palmiers à fleurs dioïques ou her-
maphrodites ; à calice et à corolle tripartites ; à six étamines stériles dans les fleurs
femelles, connées à la hase et munies d’anthères sagittées ; à ovaire triloculaire,
surmonté de trois stigmates sessiles ; à fruit monosperme, couvert d’écailles; à
feuilles pennées.
Le Calamus Draco Willdenow (Specïes, II, 203) est une plante très-élégante ; à
l’état jeune, elle est dressée et forme un petit arbre grêle, armé d’innombrables
épines de coloration foncée, aplaties, souvent disposées en rangées obliques ; en
avançant en âge, ce palmier s’allonge beaucoup tout en restant très-grêle, devient
grimpant et s’élève sur les arbres voisins à des hauteurs souvent très-considérables.
(1) On trouvera des observations histologiques sur la structure de la tige, accom-
pagnées d’excellentes figures, dans : Rauwenhoff, Bijdrage tôt de Kennis van Dra-
cæna Draco, 55, t. 5 (in Verhand d. lion. Acad. v. Wetensch., afd. Natuurlc., 1803, X).
(2) 11 a été détruit en 1867 par un ouragan.
(3) 11 parait qu’il était connu, en 1102, du chevalier français Jean de Bethencourt,
qui occupa les Cauaries jusqu’en 11 14, époque à laquelle les Espagnols s’en empa-
rèrent. [P. A. F].
(4) Ramusio, Baccolla dette Navigationi et Viaggi, Vcnet., I, 97.
(5) Kuntsmann, Abhandlungen der Daicrischen Akademie der Wissenschaflen, 1856,
VII, 342.
496
ARACÉES.
Les feuilles sont pennées, avec les gaines et les pétioles armés d’aiguillons. Les fo-
lioles sont simples, alternes, cunéiformes, avec les bords et les nervures couverts
d aiguillons ; elles ont de 30 h 40 centimètres de long et 2 centimètres de large. Les
spadices sont fixés sur l’ouverture de la gaine foliaire en face de la feuille par de courts
pédoncules armés d’aiguillons; ils ressemblent à de grandes panicules oblongues
et décomposées. Chaque spadice porte plusieurs spathes, une au niveau de chacune des
quatre ou cinq ramifications primaires. Les spathes sont lancéolées et lisses, sauf la
plus extérieure, qui est couverte d’aiguillons sur sa face externe. Les fleurs mâles of-
frent un périanthe double et un androcée. Le calice est turbiné, divisé en trois dents
plus ou moins profondes. La corolle est également formée de trois pétales connés à
la base, alternes avec les sépales. L’androcée se compose de six étamines dont les filets
sont connés à la base de la corolle et terminés chacun par une anthère sagittéc, bi-
loculaire, introrse, déhiscente par deux fentes longitudinales. Dans les fleurs fe-
melles, le calice et la corolle offrent la même organisation que dans la fleur mâle; à
la maturité, 1a portion tubuleuse et turbinée du calice se fend en trois parties et per-
siste ainsi, avec la corolle, autour du fruit. Ln dedans de la corolle, est un androcée
stérile, formé de six étamines rudimentaires, à filets connés à la base et formant une
sorte de cupule. L’ovaire est triloculaire, ovale, surmonté de trois stigmates sessi-
lcs, îévolutés, glanduleux sur la face interne. Chaque loge ovarienne contient un
seul ovule anatrope, inséré dans l’angle interne. Le fruit est une baie arrondie,
de la taille d’une cerise, contenant une seule graine, et recouvert d’écailles renver-
sées. La graine contient un albumen corné, à surface lisse ou ruminée, et un em-
bryon situé près de la base. [Trad.]
ARACÉES
RHIZOME D’ACORE.
Rhizoma Calcimi aromatici ; Radix Calami aromatici ; Radix Acori; Acore odorant ou vrai,
Roseau aromatique ; angl., Sioeet Flag Root ; allem., Kalmus.
Origine botanique. — Acorus Calamus L. C’est une plante à fport de
roseau, aromatique, qui croît sur les bords des cours d’eau, des marais
et des lacs, depuis les côtes de la mer Noire jusqu’aux pays parcourus
par l’Amur et l’Ussuri, dans le nord de la Chine et le Japon, dans le
sud de la Sibérie, l’Asie centrale et l’Inde. Elle est également indigène
de l'Amérique du Nord. Elle vit aujourd’hui à l’état sauvage dans la
plus grande partie de l’Europe, où elle s’étend vers le nord jusqu’en
Ecosse, en Scandinavie, et dans le nord de la Russie. Elle est cultivée
sur une grande échelle à Burma et à Ceylan. Au sujet de l’introduction
de l 'Accrus Calamus dans l’Europe occidentale, Glusius (1) fait re-
marquer qu’il reçut lui-même la première plante vivante, en 1574;
elle lui avait été envoyée du lac Apollonia, prèsBrussa, en Asie Mineure.
(1) Hariorum Stirpium Historia, Anlv., 1575, 520.
497
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
Camcrarius (1), on 1588, en parle comme ayant été introduite depuis
peu d’années et étant alors abondante en Allemagne, ce qui paraît
indiquer une propagation très-rapide. Gerarde, à la fin du môme siècle,
regardait l’Acore comme une plante d’Orient, qui, dit-il, croît main-
tenant dans un grand nombre de jardins anglais. Berlu (2), en 1724,
fait remarquer que la racine « est apportée en grande quantité d’Alle-
magne » . Nous pouvons en conclure qu’elle n’était pas récoltée à cette
époque en Angleterre, comme nous savons qu’elle le fut plus tard (3).
Historique. — L’Acore constitue, depuis les temps les plus reculés,
un des médicaments favoris des indigènes de l’Inde. On le vend dans
tous les bazars indiens. Ainslie (4) affirme qu’il est considéré comme
si utile contre les coliques des enfants, qu’il existe des pénalités pro-
mulguées contre tout droguiste qui refuse d’ouvrir pendant la nuit son
magasin pour vendre cette drogue.
Les descriptions de YAcoron, plante de Colchis, de Galatia, du Pont
et de la Crète, données par Dioscoride et Pline, se rapportent, sans au-
cun doute, à cette drogue. Nous pensons que le KâXagoç àpwpaxtxoç de
Dioscoride, qui, d’après cet auteur, croissait dans l’Inde, est également
notre Acorc ; Royle croit, cependant, que c’est une espèce d ’Andropo-
(jon. Le IvâXagoç de Théophraste, et le Calamus de la Bible anglaise (5),
sont considérés, par quelques auteurs, comme désignant l’Acore.
Celse, pendant le premier siècle, mentionne le Calamus Alexandrinus,
qui était probablement apporté de l’Inde par la voie de la mer Rouge.
Nous savons, par le témoignage d’Amatus Lusitanus (6), qu’au sei-
zième siècle, il était communément importé à Venise. Rheede (7) décrivit
et figura V Acorus Calamus comme une plante indienne, sous le nom de
Vacha qu’il porte encore sur la côte du Malabar. Murray (8) dit expres-
sément qu’a son époque (1790), le Calamus asiatique se trouvait encore
dans les pharmacies de l’Europe continentale, mais qu’il avait été en
grande partie remplacé par la plante récoltée en Europe même (9). Au-
jourd hui, le Calamus aromaticus du commerce est exclusivement re-
(1) Mort us medicus et philosophicus, Prancof., 15S8, 5.
(2) Treasury of Drugs, 1724, 115.
(3) Voyez aussi : Trimen, i n Journal of Iiotany, 1871, IX, 103.
(4) Mal. med. of Hindoostan, Madras, 1813, 84.
(5) Exod ., xxx, 23; Cant., iv, 14; Ezéch., xxvu, 19.
(G) In Diosc. de Mat. med. Enarrationes, Argent., 1584, 33.
(7) Hortus Malabaricus, 1092, XI, t. 48,99.
(8) Apparatus Medicarninum, V, 40.
(9) On voit, dans mes Documente zur Geschichtè der Pharmacie, Halle, 1870, 7S,
n» 96, qu’en 1664 on vendait déjà en Allemagne du Calamus indigène. [F. A. P.] ’
HÎST. DES DROGUES, T. II. 32
408
A RACÉES.
cueilli en Europe. 11 ressemble, par tous ses caractères essentiels, à
celui de l’Inde, que l’on trouve de temps à autre dans les ventes de
drogues à Londres.
Récolte. — Le marché de Londres est approvisionné de cette drogue
par l’Allemagne, où elle est probablement apportée du sud de la Russie.
On ne la récolte plus en Angleterre, du moins en quantité un peu consi-
dérable; mais il y a encore quelques années, on avait l’habitude de la
recueillir dans le Norfolk.
Description. — Le rhizome de l’Acore se présente en morceaux un
peu tortueux, à peu près cylindriques ou aplatis, longs de quelques cen-
timètres et ayant de 1 à 3 centimètres de diamètre. Chaque morceau est
marqué extérieurement, au niveau de sa face supérieure, de cicatrices
souvent velues, laissées par la base des feuilles, et, sur sa face infé-
rieure, d’une série de cicatrices un peu saillantes, provenant des racines,
et disposées suivant une ligne courbée en zigzag. Le rhizome est d’ordi-
naire rugueux et ridé ; sa coloration varie du brun sombre au brun
orange; il est spongieux en dedans. Son odeur est aromatique et
agréable ; sa saveur est piquante et un peu amère.
Le rhizome frais est coloré en rouge brunâtre ou verdâtre ; il est blanc
ou rougeâtre et spongieux en dedans. Sur une section transversale,
il offre une structure à peu près uniforme. Une gaine médullaire, sépare,
sous l’aspect d’une ligne fine, le tissu extérieur de la partie centrale qui
est plus claire, et dont le diamètre est deux ou trois fois plus consi-
dérable que celui de la partie corticale.
Structure microscopique. — La couche extérieure est formée de cel-
lules allongées, où d’un tissu subéreux brun, qui n’apparaît que dans
les parties où manquent les cicatrices des feuilles. Le tissu qui do-
mine, tant dans la partie extérieure que dans la partie centrale, est un
parenchyme formé de cellules uniformes, presque sphériques, traversé
par de nombreux faisceaux fibrovasculaires, surtout au niveau de la
gaine médullaire. Le rhizome offre aussi, comme celui de beaucoup de
plantes aquatiques, un grand nombre d’espaces intercellulaires remplis
d’air, un peu allongés parallèlement au grand axe du rhizome, de fa-
çon à former une sorte de réseau (1) qui donne au rhizome frais sa
consistance spongieuse. Dans certains points, où les séries de cellules
( l ) Cette disposition moniliforme ou étoilée des cellules fut observée par Albertus
Magnus (1193-1280). Il dit : « (Calamus aromaticus) naseitur in India et Ethiopia sub
cancro, et habel interius ex parte concava pellem subtilem sicut telæ sunt araiiearum. »
{De Vegetabilibus , ed. J essen, 1867, 376).
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 409
se croisent, il existe des cavités remplies d’huile essentielle (1) qu’on
peut rendre très-visibles en traitant les coupes par la potasse diluée ou
le perchlorure de fer. Les autres cellules sont remplies de petits grains
d’amidon. On trouve aussi, dans la zone externe, un peu de mucilage
et de matière tannique.
Composition chimique. — Le rhizome d’Acore sec nous a donné
1,3 pour 100 d’une huile essentielle neutre, jaunâtre, douée d’une
odeur agréable, et déviant la lumière polarisée de 13°, 8 à droite, en
colonne de 50 millimètres de long. D’après Kurbatow (1873), cette
essence contient deux hydrocarbones, l’un C10H16, qui bout à 195° G., et
fournit un composé cristallin avec l’acide chlorhydrique, l’autre, qui
bout entre 255° et 238°, et ne donne pas de composé cristallin avec ce
même acide. L’huile essentielle impure prend, sous l’influence du per-
chlorure de fer, une coloration brunâtre foncée, mais elle n’est pas
soluble dans une solution concentrée de potasse ; elle se mélange avec
l’alcool et avec quatre ou cinq volumes de bisulfure de carbone, mais
ne forme pas avec ce dernier une solution limpide.
Le principe amer, Acorine, de l’Acore, fut isolé par P'aust, en 1867,
sous la forme d’un glucoside semi-fluide, brunâtre, contenant de l’azote,
soluble dans l’éther et dans l’alcool, mais insoluble dans la benzine
et dans l’eau. Dans le but d’obtenir cette substance, nous avons préci-
pité la décoction de 5 kilogr. de la drogue, à l’aide de l’acide tannique,
et nous avons suivi la méthode communément employée pour la pré-
paration des principes amers. A la fin de l’opération, en épuisant le
résidu par le chloroforme, nous avons réussi à obtenir une substance
amère, parfaitement cristalline, mais en si petite quantité que nous
n’avons pu étudier sa nature.
Usages. — L’Acore est un stimulant aromatique et tonique, rarement
employé aujourd’hui en médecine. Il est vendu par les herboristes pour
parfumer la bière, et on le mâche pour rendre la voix plus nette. 11
passe pour être employé dans certaines manufactures de tabac à priser.
l' alsification. — Le rhizome de l’Iris jaune ( Iris Pseudacorus L.) est
parfois mélangé frauduleusement à celui de l’Acore, dont il se dis-
tingue pari absence d’arome, par sa saveur astringente, par sa colora-
tion foncée et par la différence de sa structure.
Les ^corus L. ( Généra , n° 434) sont des Aracées de la tribu des Acorinécs, à
(1) Il faut donc abandonner l’habitude de peler le rhizome, qui est adoptée dans
quelques pays du continent.
500
LILIACÉES.
fleurs hérmaphrodites, disposées sur un spadice cylindrique qu'elles recouvrent com-
plètement et qui est dépourvu de spathe : à périanthe liypogyne, glumacé, hexa-
mère ; à six étamines liypogynes, opposées aux folioles du périanthe; h ovaire su-
père, triloculnire ; è loges polyspermes ; h. ovules orthotropes, suspendus ; à baie
gélatineuse.
UAcorus Calmnus L. ( Species , 402) est une plante à rhizome épais, horizontal, an-
noté, émettant de longues racines et portant des feuilles aériennes dressées, hautes
de 60 à 90 centimètres et larges de 3 centimètres environ, colorées en vert clair,
parcourues de nervures parallèles. L’axe qui porte l’inflorescence ou scape s’élève
du sol entre les feuilles ; il est un peu moins haut qu’elles, aplati et renflé au-dessous
du spadice qui le termine. Ce dernier est long de b à 8 centimètres, fusiforme, cou-
vert. d’un très-grand nombre de petites fleurs colorées en vert p;\le et n’exhalant au-
cune odeur, si ce n’est quand on les écrase. Le spadice est dépourvu de spathe vé-
ritable ; on observe seulement au niveau de sa base une membrane étroite, ondulée,
qu’on peut considérer comme un rudiment de spathe. Les fleurs sont hermaphro-
dites et régulières, dépourvues de bractées. Le périanthe est formé de six folioles
égales, écailleuses. L’androcée se compose de six étamines situées en face des divi-
sions du périanthe, formées d’un filet indépendant et d’une anthère biloculaire,
extrorse, déhiscente par des fentes longitudinales. Le gynécée est formé d’un
ovaire supère, triloculnire, surmonté d’un stigmate sessile. Chaque loge ovarienne
contient plusieurs ovules orthotropes, suspendus, insérés dans l’angle interne de
la loge. Le fruit est une baie gélatineuse contenant une seule graine qui renferme
dans son albumen un embryon axile. [Trad.]
LILIACÉES
ALOÈS.
Aloë ; Aloès (1) ou Suc d’ Alocs ; nngl., Aloes; allem., Aloë.
Origine botanique. — Plusieurs espèces d'Aloe fournissent un suc
amer qui, après épaississement, constitue la drogue désignée sous le
nom d 'Aloès. Ces plantes sont pour la plupart originaires des parties
(1) Le mot Aloès dérive du syriaque Alwai. Il est important de rappeler que le
mot Aloès ou bois d’ Aloès, en latin Lignum Aloès, employé dans la Bible et dans un
grand nombre d’ouvrages anciens, désigne une substance tout à fait différente de Y Aloès
moderne; c’est le bois résineux de YAquilaria Agallocha Roxb., drogue autrefois
très-employée comme parfum, mais qui n’est plus usitée aujourd’hui qu’en Orient.
Diverses espèces d 'Agave, notamment VA. americana L., sont désignées vulgaire-
ment sous le nom d 'Aloès. Toutes ces plantes sont originaires du Mexique, tandis que
le véritable Aloès est originaire de l’ancien monde. Au point de vue botanique, le
genre Agave diffère du genre /1/oe par son ovaire infère, taudis que celui des Aloc est
supère.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. ROI
arides et chaudes de l’Afrique méridionale et orientale, d’où un petit
nombre d’espèces ont été introduites dans le nord de l’Afrique, en
Espagne, et dans les Indes orientales et occidentales (a).
Les Aloès sont des plantes succulentes, à port de Liliacées, avec
des feuilles persistantes, charnues, ordinairement épineuses - sur les
bords, et des fleurs jaunes ou rouges, disposées en épis. Un grand nombre
* d’espèces sont dépourvues de tige aérienne ; d’autres produisent des
tiges de quelques pieds de haut, ligneuses et ramifiées. Dans les
districts éloignés du pays de Namaquaet de Damara, dans le sud-ouest
de l’Afrique, au nord de la rivière Kei et dans le nord du Natal,
on a découvert des Aloès hauts de 9 mètres, avec des tiges ayant
jusqu’à 9 mètres 1/2 de circonférence (1). Les espèces suivantes peu-
vent être indiquées avec plus ou moins de certitude comme produisant
la drogue :
1° Aloe socotrina Lamarck (A. vera Miller). — 11 est originaire des ri-
vages méridionaux de la mer Rouge et de l’océan Indien, de Socotra et
de Zanzibar (?). Il produit Y Aloès socotrin et l' Aloès de Moka. L 'Aloe
officinalis Forsk., et l’A. rubescens DG., sont considérés comme des
variétés de cette espèce. L’A. abyssinica Lamarck contribue probable-
ment à fournir l’Aloès qui est expédié de la mer Rouge.
2° Aloe vulgaris Lamarck (A. per foliota, var. tu, vera L. ; A. barbadensis
Miller). Cette plante appartient à l’Inde et à l’Afrique orientale et sep-
tentrionale ; on la trouve aussi sur les côtes du sud de l’Espagne,
de la Sicile, de la Grèce et des Canaries ; elle existe dans les Indes
occidentales, soit qu’elle y ait été introduite, soit, comme nous le suppo-
sons, qu'elle y soit indigène. L’A. vulgaris fournit V Aloès de Barbados et
Y Aloès de Curaçao. L’A. indica Royle (2), plante indigène des provinces
situées dans le nord-ouest de l’Inde, commune dans les jardins indiens,
paraît être une simple variété de l’A. vulgaris Lamarck. L’A . littoralis
Konig passe pour croître en abondance au cap Comorin ; il nous est
inconnu. Le docteur Bidie pense qu’il constitue une simple forme de
l’espèce précédente, atténuée par un sol pauvre et salin, et par l’expo-
sition aux vents de mer. L’A. indica et VA . littoralis sont l’un et l’autre
cités dans la Pharmacopée de l’Inde.
2° Aloe feroxL. — Celte espèce, et les hybrides obtenus en la croisant
avec l’A. africana Mill. et les A. spica Tiicnb., A. perfoliata L. [quoad
(1) Dyur, in Gardencrs’ Chronicle, 2 mai 1874, avec figures.
(2) Le docteur Bidie, de Madras, a eu la bonté de nous envoyer un échantillon vivant
de cette plante.
502 LILIACÉES.
Roxb.), et A. linguæformis , sont considérés comme fournissant le meilleur
Alo'es du Cap.
4° A. africana Miller. — Cette espèce et ses variétés, ainsi que l’A.
plicatüis Miller fournissent un extrait qui, d’après Pappe (1), est
considéré comme moins énergique.
5° A. arborescens Mill.; A. Commelini Willd.; A .purpurescem Haw. —
Ces espèces sont considérées comme fournissant une partie de VAloès
du Cap du commerce (2).
Historique. — L’Aloès était connu des Grecs, comme produit de l’île
de Socotra, dès le quatrième siècle avant notre ère, si du moins nous
pouvons ajouter foi au récit suivant , fait par le géographe arabe
Edrisi (3) : Après qu’Alexandre eut conquis le royaume de Perse, que
sa flotte se fut emparée des îles de l’Inde, et qu’il eut tué Porus, roi des
Indes, son maître Aristote lui recommanda de chercher l’île qui pro-
duisait l’Aloès. Lorsqu’il eut achevé les conquêtes de l’Inde, il revint,
en conséquence, par la voie de la mer des Indes, dans la mer d'Oman ,
s’empara des îles de cette mer, et arriva enfin à Socotra, dont il admira
la fertilité et le climat. D’après l’avis d’Aristote, il se détermina à en
éloigner les habitants primitifs et à la peupler de Grecs, enjoignant à
ces derniers de conserver avec soin la plante qui fournit l’Aloès, à cause
de son utilité, et parce que sans elle on ne pouvait composer certains
médicaments souverains. Il pensait que le commerce et l’usage de
cette drogue devaient constituer un avantage pour tous les peuples.
Il enleva la population indigène de l’île de Socotra, et mit à sa
place une colonie d’ioniens qui restèrent sous sa protection et celle de
ses successeurs, et acquirent de grandes richesses jusqu a l’époque où
la religion du Messie se répandit jusque dans leur île. Ils se firent alors
chrétiens, et leurs descendants ont conservé cette religion jusqu à nos
jours (vers 1154).
Ce curieux récit, qui, d’après Yule (4), doit être considéré sans
aucun doute comme une fable, mais qui a été inventé pour rendre
compte des faits, est mentionné par les voyageurs mahométans du
il) Floræ Capensis Medicæ Prodromus , éd. 2, 1857, 41.
(2) Pour donner celte liste des espèces médicales du genre Aloe, nous avons fait de
nombreux emprunts aux récentes observations de M. Bâillon sur ce sujet, consignées
dans le Dictionnaire des sciences médicales, III, et dans le Journal de pharmacie, 1867,
V 40G Nous avons aussi consulté avec profit W. Wilson Saunders, Esq., F. R. S.,
dont l’opinion est prépondérante par suite des connaissances qu’il possède sur la culture
de ces plantes. .
l3) Géographie d’Edrisi , traduite par P. A. Jaubert, Paris, 183G, I, 47.
(4) Marco Polo, II, 343.
HISTOIllE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 503
neuvième siècle (1). Au dixième siècle, Masudi (2) dit que i’Aloès est
produit uniquement, à son époque, par 1 de Socotra, ou sa préparation
a été améliorée par les Grecs envoyés dans 1 île par Alexandre. .
L’Aloès n’est pas mentionné par Théophraste ; mais il paraît avoir ôté
bien connu de Celse, de Dioscoride, de Pline, de l’auteur du Periplus
de la mer Erythrée, et des médecins grecs et arabes. D'après les indica-
tions qu’on trouve dans les traités de médecine vétérinaire anglo-
saxons, et ce fait qu’il figure parmi les drogues recommandées à Alfred
le Grand par le Patriarche de Jérusalem, nous pouvons admettre que
son usage n’était pas inconnu en Angleterre dès le dixième siècle (3).
A cette époque, et longtemps plus tard, la drogue était introduite en
Europe par la voie de la mer Rouge et d’Alexandrie. Après la décou-
verte du cap de Bonne-Espérance, l’ancienne voie suivie par ce com-
merce ne fut sans doute plus employée.
Thomé Pyres, apothicaire à Gochin, dans une lettre sur les drogues
orientales (4) adressée à Manuel, roi de Portugal, en 1516, l’apporte
que l’Aloès croît dans l’île de Çacotora, à Aden, à Cambaya, à Valencia
d’Aragon, et dans d’autres pays; que la sorte la plus estimée est celle
de Çacotora, et après elle celle d’Espagne, tandis que la drogue d’Aden
et celle de Cambaya sont de si mauvaise qualité, qu’on ne leur attribue
aucune valeur.
Pendant la première moitié du dix-septième siècle, l’Aloès était ex-
pédié directement de Socotra en Angleterre. Dans les Mémoires
de la Compagnie des Indes orientales, il est plusieurs fois fait mention
de la drogue achetée au « roi de Socotra». Fréquemment, il est indiqué
que le stock entier d’Aloès du roi a été acheté (5). Wellstead, qui vi-
sita Socotra en 1833 (6), dit qu’ autrefois l’Aloès y était cultivé en beau-
coup plus grande quantité qu’aujourd’hui, et qu'on peut voir encore les
vallées dans lesquelles se trouvaient les plantations. Il ajoute que le
produit constituait un monopole entre les mains du sultan de l’île. Au-
jourd’hui, la petite quantité d’Aloès qui est expoi’tée de Socotra est
transportée par les bâtiments arabes côtiers qui vont chaque année
(1) Anciennes relations des Indes et de la Chine de deux voyageurs mahométans, qui
y allèrent dans le neuvième siècle , trad. de l’arabe, Paris, 1718, 113.
(2) III, 30, voyez t. II, page 256, note 3.
(3) Voyez t. II, page 107, note 1.
(4) Joum. de Soc. Pliurm. Lusit., 1838, 2, 30.
(5) Calendar of State Papers, Colonial Sériés, Easi Indies, China and Japan, 1513-
1010, Lond. 1802.
(0) Joum. ofthe Roy. Geograph. Soc., 1835, V, 129-229.
504 LILIACÉES.
du golfe Persique il Z'anzibar. Dans cê dernier port, on transborde
l’Aloès à destination de l’Inde et d’autres ports. Le docteur Kirk, qui
a résidé» à Zanzibar de 1866. à 1873, nous informe que I Aloès de So-
cotra arrive dans un état de très-grande mollesse, emballé dans des
peaux de chèvre. On le transvase dans des caisses en bois, dans les-
quelles il se concrète, et qui servent à l’expédier en Europe ou en Amé-
rique. Pour nettoyer les peaux, on les lave et on fait évaporer l’eau de
lavage qui renferme de l’Aloès.
Ligon(I), qui visita l’île de Barbados en 1047-50, c’est-à-dire une
vingtaine d’années après l’arrivée des premiers colons, parle do l’Aloès
comme d’une plante indigène, et mentionne aussi les plantes utiles qui
avaient ôté introduites. A cette époque, les colons savaient préparer le
suc d’Aloès pour les usages médicinaux, mais ils n’avaient pas encore
commencé à l’exporter. L’Aloès de Barbados figurait dans les drogue-
ries de Londres en 1693 (2).
La fabrication de l’Aloès dans la colonie du Gap, dans le sud de
l’Afrique, fut observée par Thunberg, en 1773, dans la fabrique d’un
colon nommé Peter de Wctt, qui le premier prépara la drogue dans ce
pays (3). L’Aloès du Gap est énuméré, en 1780, parmi les marchandises
d’un droguiste de Londres ; son prix était fixé à 10 livres sterling le
quintal.
Une sorte nouvelle et distincte d’Aloès, fabriquée dans la colonie de
Natal, s’est montrée sur le marché de Londres en 1870. Nous la décri-
rons plus loin.
Structure de la feuille, — Les feuilles fortes et charnues de 1 Aloès
possèdent une cuticule résistante et un épiderme à parois épaisses. Le
tissu intérieur est formé d’un parenchyme très-lâche, mou, à grandes
cellules incolores, représentant dix fois au moins l’épaisseur du paren-
chyme coloré par la chlorophylle qui le sépare de l’épiderme. La couche
corticale interne contient, au niveau de son point de contact a\ce le pa-
renchyme pulpeux, un grand nombre de faisceaux fibrovasculaires qui,
sur une section transversale, paraissent disposés à égale distance les uns
des autres autour de la pulpe centrale. La portion interne de chaque
faisceau est formée d’un tissu à éléments délicats, allongés, et de plu-
sieurs couches de cellules à parois minces, limitées par une couche re-
marquable de cellules plus petites, prismatiques, tronquées. Ges cel-
(1) History of Barbadoes , Lond. 1673, 98.
(2) Dale, Pliarmacologia, 1693, 361.
(3) Thunberg, Travels in Europe, Asia and Africa, II, -cJ, ;»0.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 505
Iules sont simplement disposées l’une au-dessus do l’autre et côte à
côte, et n’ont, par suite, aucune ressemblance avec le système des vais-
seaux qu’on trouve dans les plantes à laLicifères. Ces cellules, exami-
nées pendant l’été dans la feuille de Y Aloe socotrina , se montrent rem-
plies d’une substance visqueuse, transparente, jaune, qui cristallise
lorsqu’on abandonne dans la glycérine, pendant quelques jours, une
coupe mince de la feuille. Trécul (I) a également trouvé ces cellules
particulières, remplies d’un suc amer, dans la feuille d’un Aloe mitræ-
f orrais cultivé à Paris. Il a observé que leurs parois transversales dispa-
raissent quelquefois, et qu’il peut se former ainsi des conduits considé-
rables, remplis du suc préalablement sécrété par les cellules. Dans les
régions chaudes, ce phénomène se produit sans doute fréquemment,
ce qui explique qu’on puisse obtenir sans pression une quantité considé-
rable de suc. Le reste du tissu cortical est rempli de granules de chloro-
phylle, et offre, entre les cellules, des groupes d’aiguilles d’oxalate de
calcium. On trouve aussi des cristaux de même nature, en petite quan-
tité, dans le parenchyme pulpeux. Ce dernier est rempli d’un mucilage
insipide, visqueux, incolore, qui, après dilution dans l’eau, est préci-
pité par l’acétate neutre de plomb, mais n’est pas coagulé par l’ébulli-
tion, même après addition d’acide nitrique (2). Il réduit en partie, sous
l’influence de la chaleur, la solution alcaline detartrate cuprique. 11 ne
se colore pas quand on le laisse exposé à l’air. Les groupes de cel-
lules qui entourent les vaisseaux contiennent, en grande quantité dans
les Aloe socotrina et spicala, en moindre abondance dans les A. vulyaris
et arborescens, un suc incolore qui, lorsqu’on l’expose à l’air, prend,
surtout sous l’influence de la chaleur, une coloration violette foncée. On
voit bien que ces groupes de cellules sont le siège de cette substance
chromogène quand on expose aux vapeurs de l’ammoniaque une coupe
mince d’une feuille d 'Aloe socotrina.
La proportion de principes amers contenus dans la feuille varie sans
doute avec l’âge de cette dernière et avec la saison de l’année. Haax-
man signale que dans l’Aloès de Curaçao la proportion maximum de
ces principes se montre au moment où les feuilles passent de la couleur
verte à la coloration brune.
Culture et Fabrication. — Barbados (3), où V Aloe vulgaris est eu 1-
(1) Ann. SC. nat., Dot., 1872, 85.
(2) Ce tissu pulpeux central est tout à fait insipide; on l’emploie actuellement
comme aliment dans quelques parties de l’Inde, pendant les années de disette (Stewart,
Punjab Plants, 1869, 232).
(3) Pour les détails que nous donnons sur l’Aloés do Barbados, nous devons des
50G L1LIACÉES.
tivô d’uno façon systématique pour la production de la drogue,
les plantes sont disposées, à 15 centimètres l’une de l’autre, dans des
sillons espacés de 30 à 48 centimètres, le sol ayant été soigneusement
préparé et fumé. Pour les préserver des graminées et autres mauvaises
herbes, on cultive souvent entre les pieds d’Aloès des légumes ou des
pois. Les plantes restent toujours petites et dépourvues de toute tige
aérienne ; presque toutes produisent au bout d’un an de belles fleurs
d’un jaune brillant. Les feuilles ont de 30 à 40 centimètres de long ;
on les coupe chaque année, mais cela n’entraîne pas la perte de la
plante qui, avec une bonne culture, vit pendant plusieurs années.
La coupe des feuilles se fait en mars ou en avril et pendant la cha-
leur de la journée. On coupe les feuilles près du pied de la plante
et on les place très-rapidement, avec la surface de section en bas, dans
une auge en bois, en forme de Y, longue de lm,20 environ et profonde
dé 30 à 43 centimètres. Cette auge est disposée sur un plan incliné, de
façon que le suc qui s’écoule immédiatement des feuilles glisse le long
de ses bords et s’échappe par un orifice pratiqué à son extrémité infé-
rieure pour tomber dans un vase placé au-dessous. On n’exerce sur les
feuilles aucune espèce de pression. 11 faut à peu près un quart d’heure
pour couper la quantité de feuilles nécessaires pour remplir une
auge; celle-ci est disposée de façon à être facilement accessible aux
ouvriers. Le nombre des auges est ordinairement de cinq ; lorsque la
cinquième est remplie, les coupeurs reviennent à la première, dont ils
enlèvent les feuilles qu’ils considèrent comme épuisées. On ne fait ni
infuser ni bouillir les feuilles, et on n’en fait plus tard aucun usage, si
ce n’est comme engrais.
Lorsque les vases qui reçoivent le suc sont pleins, on les verse dans
une cuve, où l’on conserve le suc pour le faire évaporer. Cette dernière
opération peut se faire en une seule fois, ou être prolongée pendant des
semaines ou même des mois, le suc passant pour ne subir aucune fer-
mentation ni aucune perte. L’évaporation se fait d’ordinaire dans un
vase en cuivre, dans le fond duquel est une large cuillère qui leçoit les
impuretés, et sert à les rejeter de temps à autre pendant l’ébullition.
Dès que l’épaississement du liquide a atteint le point voulu, déterminé à
simple vue par l’ouvrier qui a l’expérience de l’opération, on verse le
suc épaissi dans de larges gourdes ou dans des caisses, et on le laisse
durcir.
remercîments à Sir R. Bowcher Clarke, Chicf Justice de Barbados, et au major géné-
ral Munro, qui commande actuellement (1874) les troupes de cette île.
507
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
La drogue n’est pas toujours facile à vendre dans l’île même, mais
elle est achetée par des spéculateurs qui la conservent jusqu a ce qu’on
en fasse la demande en Angleterre. Les cultivateurs sont de petits pro-
priétaires, peu capables parleurs connaissances et leur fortune de faire
des expériences pour améliorer la fabrication de la drogue. On dit ce-
pendant qu’on prépare pour des besoins particuliers une petite quantité
d’Aloès de qualité très-supérieure. On expose pour cela le suc au so-
leil dans des vases plats, et on le laisse évaporer jusqu’à siccilé com-
plète; mais la préparation de cette drogue est considérée comme de-
mandant trop de temps et de soins pour être de quelque profit (1). La
préparation de l’Aloès dans l’île hollandaise de Curaçao, des Indes oc-
cidentales, est effectuée par le même procédé (“2).
Dans la colonie du Cap, la préparation de l’Aloès a été décrite de la
façon suivante, dans une lettre (3) adressée à l’un de nous par M. Pe-
ter Mac Owan, du Gill College, Somerset East : L’ouvrier creuse dans le
sol, qui est très-sec, une cavité peu profonde, hémisphérique, dans la-
quelle il étend une peau de chèvre ; il étale alors sur les bords de cette
dernière une rangée de feuilles disposées en rayonnant, avec la surface
de section tournée en dedans ; au-dessus de cette première couche de
feuilles, il en dispose une seconde, puis une troisième, en ayant soin
de faire dépasser suffisamment les extrémités sectionnées de chaque
rangée pour que le suc s’écoule dans le centre de la cavité. Lorsque ces
préparatifs sont faits, l’ouvrier va recueillir du miel sauvage, ou plutôt
se livre au sommeil. Lorsque la peau de chèvre est à peu près pleine,
quatre ouvriers la prennent par ses quatre angles, l’enlèvent de la cavité
creusée dans le sol, et versent son contenu dans une chaudière en fer
où l’on fait bouillir le liquide en conduisant l’opération avec la plus
grande incurie; on ajoute du suc frais à celui qui a déjà acquis à peu
près la consistance voulue ; on ralentit le feu ou on l’active sans aucun
motif, et souvent même on interrompt l’ébullition pendant plusieurs
heures, suivant les dispositions des ouvriers. En réalité, l’opération est
tout à fait primitive et conduite sans intelligence. Elle est faite surtout
par les Bastaards et les Hottentots et non par les Gafres. ('Le seul Aloès
que j’ai vu employer, dit M. Mac Owan, est celui qui possède une
grande inflorescence di- ou tri-chotome, l’A. ferox, je crois. » Back-
(1) Un très-bel Aloès de Bnrbados, qui s’est montré sur le marché de Londres,
en 1842, était présenté comme ayant été préparé dans le vide.
(2) Oudemans, Handleiding tôt de Pharmacognosie, 1805, 316.
(3) Sous la date du 16 mai 1871, cl adressée à moi-même. [D. H.]
LILIACÉRS.
nos
house (1) cite aussi l 'Aloe ferox comme une espèce qu’il a vu employer
près de Port-Elizabeth, on 1838.
Nous apprenons par un autre correspondant que, dans la colonie du
Cap, la fabrication de l’Aloès ne constitue pas un travail spécial, mats
qu’on s’y livre seulement lorsqu’on ne trouve pas à faire de travail plus
profitable. La drogue est vendue par les fermiers aux marchands des
villes de la côte, dont quelques-uns ont fait des efforts dans ces der-
niers temps pour obtenir une marchandise meilleure, et ont fait venir
des plantes vivantes de Barbados.
Nous ne possédons aucun renseignement sur le procédé employé
dans la fabrication de l’ Alocs socotrin et nous ignorons même d’une
façon précise dans quelles localités on le prépare.
Description générale. — Les différences qui existent entre les nom-
breuses sortes d’Aloès du commerce sont dues à des causes diverses,
notamment à l’espèce d 'Aloe employée, et à la méthode d’extraction du
suc. L’aspect de la drogue varie beaucoup. Elle est parfois parfaitement
transparente et amorphe, avec une cassure conchoïdale et luisante; d’au-
tres fois, opaque et foncée, avec une cassure terne et cireuse, ou opaque
et pâle; parfois très-cristalline et colorée en brun orange clair. Elle peut
offrir tous les degrés de consistance, depuis celle d’une pâte jusqu’à celle
d’une substance sèche et cassante ; elle peut même être entièrement
fluide et sirupeuse.
Ces divers états sont facilement expliqués par l’examen d’un Aloès
très-fluide qui est importé depuis quelques années de Bombay. Si l’on
abandonne au repos une certaine quantité de cet Aloès, il se divise peu
à peu en deux parties: une supérieure, transparente, noire, liquide; une
inférieure, sédimenteuse, cristalline, colorée enbrun orangé. Si l on aban-
donne la masse entière à l’évaporation spontanée, on retrouve dans le
résidu les deux sortes d’Aloès superposées; celui delà partie supérieure
est foncé, transparent et amorphe, tandis que l’autre est plus opaque
et très-cristallin. Quand on mélange les deux couches de la drogue on
obtient une forme intermédiaire.
V Aloès hépatique des anciens écrivains (2) était sans doute la forme
opaque de l’Aloès socotrin; mais cette dénomination a ensuite été appli-
(1) Visit to Mauritius and South Africa, 184L 157, 121.
(2) Notamment Macer Floridus, qui, au dixième siècle, écrit .
« Sunt Aloes spceies geminæ, quaj. subrubet est que
Intus sicuthepar cum frangitur, hæc cpatite
Dicitur et magnas liabet in medicaminc vires,
Utilior picco quæ fracta colore videtur. »
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. R09
quée à toute espèce d’Aloès ayant la coloration du foie, et elle ne paraît
pas devoir être conservée. Une grande partie de l’Aloès opaque dit
Aloès hépatique , ne doit pas cependant son opacité il des cristaux, mais
à une matière féculente dont la nature est encore douteuse. Les mar-
chands attachent une grande importance à l’odeur de l’Aloès et s’en
servent pour distinguer les diverses variétés, mais ce caractère 11e peut
être apprécié que par les hommes expérimentés, et on ne peut pas le
décrire (1).
Variétés. — Les principales variétés d’ Aloès qu’on trouve dans le
commerce anglais sont les suivantes :
•1° Aloès socotrin. — On le nomme aussi Aloès de Bombay , des Indes
orientales ou de Zanzibar , et, lorsqu’il est opaque et offre la coloration du
foie : Aloès hépatique. On l’importe dans des barils et des caisses doublées
d’étain, de Bombay, où il est apporté ; il nous vient par les bâtiments
arabes, des côtes d’Afrique, des ports de la mer Rouge et de Socotra,
par la voie de Zanzibar. Lorsqu’il est de bonne qualité, il est coloré en
brun rougeâtre foncé, et possède une odeur particulière, agréable, com-
parable à celle de la myrrhe et du safran. En fragments minces, il pa-
raît d’un brun orange ; sa poudre est colorée en brun rougeâtre fauve.
Lorsqu’on l’humecte avec de l’alcool, et qu’on l’examine en couches
minces sous le microscope, il présente, s’il est de bonne qualité, une
grande quantité de cristaux. Il est ordinairement importé à l’état mou,
du moins dans l’intérieur delà masse, mais il se dessèche rapidement,
et ne tarde pas à durcir (2). Il est parfois importé à l’état tout à fait
fluide ( Aloès socotrin liquide , suc d’Aloès)', assez fréquemment, il est
un peu acide et plus ou moins détérioré.
Une certaine quantité de bel Aloès provenant de Zanzibar, qui fut mis
en vente en 1867, était renfermée dans une peau, et composée de deux
couches, l’une amorphe, l’autre granuleuse, translucide, claire; cette
dernière examinée à l’aide d’une loupe, se montra formée d’une masse
de cristaux.
On a apporté de l’intérieur à Aden une sorte très-mauvaise, noire,
(1) Ainsi, l’Aloès pâle, à coloration hépatique, de Natal, est invariablement associé
avec l' Aloès transparent du Cap, simplement parce que les deux drogues possèdent la
meme odeur. On reconnaît aussi l’Aloès de Curaçao à son odeur, qu’un droguiste
expérimenté déclare être tout h fait différente de celle de l’Aloès produit par Bar-
bados.
(2) La moyenne do la perte subie pendant la dessiccation, par 560 livres, a été, dans
diverses circonstances, de 14 environ pour 100. (Stàtistiques'de laboratoire, communi-
quées par MM. Allen et Ilanbury, de Londres.)
510
LILIACÉES.
fétide, d’Alocs, qui paraît être l’/l lobs de Moka de quelques écrivains.
La quantité d’Aloès importée à Bombay, en 1871-72, a été de 8U2 quin-
taux, sur lesquels 736 quintaux étaient expédiés des ports de la mer
Rouge et d’Aden (1).
2° Aloès de Barbados. — D’après des échantillons caractéristiques,
cet Aloès est une substance sèche et dure, colorée en brun chocolat
foncé, avec une cassure nette, cireuse. En petits fragments, il est
translucide et coloré en brun orange. Lorsqu’on le broie, il exhale
une odeur analogue à celle de l’Aloès socotrin, mais cependant facile
à distinguer. Les gourdes dans lesquelles il a été versé par un trou
carré qu’on ferme ensuite avec un morceau de calicot, contiennent
de 10 à 40 livres ou davantage. Pendant ces dernières années, on a
importé un Aloès de Barbados à cassure lisse et luisante. Il est connu
des droguistes de Londres sous le nom de Capey- Barbados. Au bout
d’un certain temps, il prend les caractères de la sorte habituelle, et sa
cassure devient mate. Les exportations d’Aloès faites par Barbados,
en 1871 , se sont élevées, d’après le Livre Bleu de la colonie, à 1046 quin-
taux, sur lesquels 954 quintaux furent expédiés vers le Royaume-Uni.
3° Alo'es de Curaçao.— U est fabriqué dans les îles de Curaçao, Bonaire
et Aruba, qui font partie des Indes orientales hollandaises. 11 est im-
porté en Angleterre par la voie de la Hollande, emballé dans des caisses
qui en contiennent chacune de 1 5 à 28 litres. Il ressemble par son aspect
à l’Aloès de Barbados, mais possède une odeur caractéristique.
4° Aloès du Cap. — Les caractères distinctifs de cette sorte d’Aloès
sont sa cassure conchoïdale brillante et son odeur spéciale. De petits
fragments vus dans la lumière transmise paraissent très-transparents et
d’une coloration ambrée ; la poudre est colorée en jaune fauve pâle.
Humecté d’alcool, et examiné sous le microscope en couche mince, il ne
présente pas de cristaux, même au bout de quelques jours.
L’Aloès du Cap possède Codeur des autres sortes d’Aloès, mélangée
d’une certaine odeur de souris qui le fait reconnaître aisément. On en
distingue plusieurs qualités, caractérisées surtout par le plus ou moins
d’éclat de la cassure et par la coloration de la poudre.
D’après le Livre bleu delà colonie du cap de Bonne-Espérance, publié
à Cape-Town, en 1873, la quantité d’Aloès exportée en 1872 fut de
484532 livres; sa valeur moyenne sur le marché fut pendant la même
année de 3 deniers trois quarts; le prix le plus bas, 1 denier et demi,
( i) Statemcnt of the Trade and Navigation of tlie Presidency of Bombay for 1871-72,
P. II, 19.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. RM
fut celui de Riversdal et de Mossel-Bay, et le plus élevé, I l deniers, fut
atteint à Swcllendam. La drogue est embarquée à Gape-Town, à Mos-
sel-Bay et à Algoa-Bay.
5° Alo'es de Natal. — On importe aussi de l’Aloès de Natal, et de-
puis 1870, en quantité considérable (I). La majeure partie de cet Aloès
offre la coloration hépatique, et diffère complètement de l’Aloès ordi-
naire du Cap en ce qu’il est d’un brun grisâtre et très-opaque. Il con-
tient en outre un principe cristallin qui n’a été trouvé dans aucune
autre sorte d’Aloès. La drogue est fabriquée dans les districts supé-
rieurs de Natal, entre Pietermaritzburg et les montagnes de Quathlamba,
surtout dans les districts d’Umvoti et de Mooi River, à une altitude
de 600 à 1200 mètres au-dessus du niveau de la mer. La plante em-
ployée est une grande espèce d’Aloès qui n’a pas encore été détermi-
née (2). La drogue est préparée par des colons anglais et hollandais
qui emploient des ouvriers cafres. Le procédé n’est pas très-différent
de celui qu’on suit pour préparer l’Aloès du Gap, mais il est mis en pra-
tique avec plus d’intelligence. On coupe les feuilles obliquement en
tranches, et on laisse exsuder leur suc pendant la plus forte chaleur et
en plein soleil. On fait ensuite bouillir le suc dans des chaudières en
fer ; on l’empêche de brûler en le remuant à mesure qu’il s’épaissit.
Tandis que la drogue est encore chaude on la verse dans des caisses en
bois qui servent à 1 expédier en Europe (3). Les chiffres d’exportation
de la colonie sont les suivants (4) : en 1868, 0; en 1869, 38 quintaux;
en 1870, 646 quintaux; en 1871, 372 quintaux; en 1872, SOI quintaux.
Composition chimique. — Toutes les sortes d’Aloès possèdent une
odeur analogue, et une saveur amère, désagréable. L’odeur est souvent
assez agréable, surtout dans l’Aloès socotrin. Elle est due à une huile
volatile qui n’existe qu en très-faible proportion dans la drogue.
T* et H- Smith, d Edinburgh, nous informent qu’en soumettant à la dis-
tillation avec de 1 eau 181 kilogrammes d’Aloès, ils ont obtenu environ
28 grammes de cette essence. D’après les communications que nous
a/sons reçues de ces chimistes, cette essence est un liquide mobile, co-
loré en jaune pâle, ayant pour poids spécifique 0,863, et bouillant
entre 266 et 271° G.
(1) On doit le rejeter de l’usage médicinal. [F. A. F.]
(2) Nous en possédons un petit pied venu de graines envoyées par un fabricant de
a drogue a un marchand de Natal, il Londres, qui m’en a fait présent. [D. I-I ]
3) Nous devons remercier J. W. Akerman, Esq., de Pietermaritzburg, pour les
informations que nous donnons au sujet de cette drogue.
(i) B lue Books for t/ie Colony of Natal for 18G8, 18G9, 1870, 1871, 1872.
512
LIL1ACÉES.
L’Aloès pur sc dissout facilement dans l’alcool, à l’exception de quel-
ques flocons. 11 ept insoluble dans le chloroforme et le bisullure de car-
bone, ainsi que dans l’éther de pétrole, c’est-à-dire la portion la plus
volatile du pétrole américain. D’après les recherches do 1 un de nous (F.),
le poids spécifique de beaux fragments d’Aloès desséchés à 100° C., et
pesés dans l’éther de pétrole a 16° C. est de 1,334. LAloès est donc
beaucoup plus pesant que la plupart des résines, dont le poids spéci-
fique dépasse rarement 1,00 ou 1,10. L’Aloès se dissout complètement
dans l’eau, mais seulement à chaud. En se refroidissant, la solution
aqueuse, qu’elle soit concentrée ou diluée, devient trouble, par suite de
la séparation de gouttes résineuses qui se réunissent en un masse brune,
désignée sous le nom très-impropre de Résine d’Aloès (1). La solution,
devenue limpide après la séparation de cette substance, possède une
réaction acide faible. Elle est colorée en brun foncé par les alcalis,
en noir par le chlorure ferrique, et donne un précipité gris verdâtre
quand onia traite par l’acétate neutre de plomb. L eau dissout enviiou
la moitié de son poids d’Aloès, en formant un liquide acide qui pré-
sente des réactions semblables aux précédentes. La solution d’Aloès
dans la potasse ou l’ammoniaque est précipitée par les acides, mais
non par l’eau.
Les principes constituants les plus intéressants de lAloès sont la
substance qui a reçu le nom d ’Aloine. Ce nom fut d’abord donné à une
aloïne qui paraissant ne se trouver que dans i’Aloès de Barbados est
aujourd’hui nommée Barbaloine , afin de la distinguer des substances
analogues qui existent dans l’Aloès de Natal et dans 1 Aloès socotrin.
La barbaloïne fut découverte par T. et H. Smith, dEdinburgh, en
1851 (2); elle fut décrite peu de temps après par Stenhouse (3). On
peut la retirer, d’après Tilden (4), des bonnes qualités de la drogue,
sous la forme d’une substance cristalline, dans la proportion de 20 à
23 pour 100 ; mais dans les qualités inférieures elle paraît exister en
partie à l’état amorphe ou plus ou moins altérée chimiquement. La
barbaloïne est une substance neutre, cristallisant en toutles de petits
(O l 'analyse de cinq expériences portant sur 179 livres d’extrait aqueux d’Aloès
préparé suivant les indications de la Pharmacopée, et contenant U pour 0°deaunous
a donné une moyenne de résine d’Aloès de 62.7 pour 100. L’Aloès de Barbados a
donné une moyenne de SO pour 100. .6<J CL,S
(2) De très-beaux échantillons de cette substance nous ont etc présentés par cts
chimistes.
(3) Phil. Marj., 1831, XXXVII, 4SI .
(4) Pharm. Journ., 20 avril 1872, 845; b nov. 1870, 3/5.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 513
prismes jaunes, qui paraissent doublement réfringents dans la lumière
polarisée. Ces cristaux représentent l’aloïne hydratée, et perdent un
équivalent d’eau (2,69 pour 100) par la dessiccation dans le vide ou par
l’action prolongée de la chaleur dans une étuve. La barbaloïne,
G34H36Ou -f- TPO, est peu soluble à froid dans l’eau et l’alcool, mais
elle se dissout bien dans l’un et l’autre de ces liquides quand on chauffe
légèrement ; elle est insoluble dans l’éther. Ses solutions s’altèrent
rapidement si on les rend un peu alcalines, mais si elles sont neutres
ou légèrement acides, elles ne sont pas très-promptes à se décomposer.
La barbaloïne oxydée par l’acide nitrique donne, ainsi que Tilden l’a
montré, un tiers environ de son poids d 'acide C hrysammique , et des
acides Alaétique , Oxalique et Picrique. Elle se combine facilement avec
le brome pour former une substance neutre, qui cristallise en aiguilles
jaunes, et qui a reçu le nom de Bromaloine, C3tH30BrGOu. On a obtenu un
dérivé chloré analogue, la Chloraloïne, qui cristallise en prismes, et a
pour formule C1 * 3 *’*H30C1U + G H20 (1).
En examinant, en 187-1, l’Aloès de Natal, nous avons trouvé qu’il
contient un corps cristallin, beaucoup plus soluble que l’aloïnc ordi-
naire de l’Aloès de Barbados. Un examen plus complet nous a montré
qu’il diffère complètement de cette aloïne, et nous lui avons donné le
nom de Nalaloine. La nataloïne existe naturellement dans l’Aloès de
Natal, dont on peut facilement la séparer à l’état brut, en triturant la
drogue avec un poids égal d’alcool tà une température qui ne doit
pas dépasser 48° G. L’alcool dissout la partie amorphe, dont on peut
séparer des cristaux en filtrant et lavant avec une petite quantité d’al-
cool froid. On peut obtenir ainsi de 16 à 25 pour 100 de nataloïne
brute en cristaux jaunes. Purifiée par cristallisation dans l’alcool méthy-
lique ou l’alcool chauds, elle forme des écailles rectangulaires minces,
cassantes, qui ont souvent un ou plusieurs de leurs angles tronqués.
La formule assignée à la nataloïne par Tilden (2), indiquée par la com-
position d’un dérivé acélyl qu’il a pu obtenir, est C2sIP6Ou.
A 15°5 G., une partie de nataloïne est dissoute par 60 parties d’alcool
éthylique, par 35 parties d’alcool inéthylique (3), par 50 d’éther acé-
tique, par 1 236 d’éther et par 230 d’alcool absolu. Elle est un peu plus
soluble dans l’alcool chaud que dans l’alcool froid, de sorte que pour
obtenir des cristaux il est préférable d’abandonner la solution à l’éva-
(1) Tii.den, in Jùurn. ofChem. Soc., 1872, X, 204.
(2j Chemical News, 17 mai 1872, 229 ; P/iarm. Journ., 23 mai 1872, 931.
(3) Les plus beaux cristaux sont donnés par ce dissolvant.
H1ST. DES DUOGUES, T. II. ü j
514
L1LIÀCÉES.
poralion spontanée. L'eau, soit chaude, soit froide, ne la dissout que
fort peu. La nataloïne n’abandonne pas d eau lorsqu on 1 expose au-
dessus de l’acide sulfurique, ni lorsqu’on la chauffe à 1G0°C. Sous
l’action de l’acide nitrique, elle donne des acides oxalique et picrique,
mais pas d’acide chrysammique. Elle ne peut pas se combiner avec le
chlore et le brome et nous n’avons pu préparer avec elle aucun corps
analogue à la bromaloïne.
Un Aloès socotrin liquide, importé à Londres vers 1852, fut signalé
par Pereira comme riche en petits cristaux qu’il nomma Aloïne de ï Aloès
socotrin, et qu’il regarda comme probablement identique avec l’aloïne
de l’ Aloès de Barbados. Groves, en 1856, la retira de l’Aloès socotrin
du commerce, qui se montre facilement très-cristallin lorsqu'il est co-
loré en orange brunâtre, qu’il est opaque et mou, comme il l’est sou-
vent quand il arrive en Europe. Une certaine quantité de bel Aloès
provenant de Zanzibar, à coloration très-pâle, que nous avons en notre
possession, est en réalité une masse parfaitement ciistalline.
Histed, qui, à la 'requête de l’un de nous, a entrepris l’examen de
quelques échantillons d’ Aloès, est le premier qui ait affirmé que la sub-
stance cristalline contenue dans l’Aloès socotrin ou de Zanzibar est un
corps particulier, différent de la nataloïne et de la barbaloïne. Cette
observation fut entièrement confirmée par nos propres recherches (l),
faites en majeure partie sur l’Aloès de Zanzibar, et nous appellerons
cette substance Socaloïne. Dans cette drogue, les cristaux sont piis-
matiques et ont une taille considérable qu’on n’observe jamais dans
l’Aloès de Natal. Ils ne sont pas aussi faciles à isoler que la nataloïne,
parce qu’ils ne sont guère plus solubles que la matière amorphe qui
les entoure. Histed, qui nous en a remis de beaux échantillons, recom-
mande de traiter la drogue brute pulvérisée par un peu d alcool
à 0,96, et de presser fortement la masse pâteuse entre plusieuis
doubles de calicot; on dissout ensuite la masse cristalline jaune dans
de l’alcool dilué chaud, et on recueille les cristaux qui se forment au
repos pendant le refroidissement. La socaloïne se présente en touffes de
prismes aciculaires qui, lorsqu’ils se sont formés dans une solution d al-
cool méthylique, peuvent atteindre 2 ou 3 millimètres de long. Elle
est beaucoup plus soluble que la nataloïne. A la température ordinaire,
une partie de socaloïne se dissout dans 30 parties d’alcool dilué, dans
9 parties d’éther acétique, dans 380 parties d’éther, dans 90 parties
(1) Flückiger, Crystalline
bre 1871, 195.
Principles
in Aloes, in Phv'in. Journ., ï septem-
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. M5
d’eau; elle est soluble en plus grande quantité dans l’alcool méthy-
lique. La socaloïne est un hydrate; elle perd, lorsqu’on la dessèche au-
dessus de l’acide sulfurique, 11 à 12 pour 100 d’eau, mais elle les re-
prend lentement dans l’air. Sa composition élémentaire répond, d’après
les analyses de l’un de nous (F.), à la formule C34H380,s + 5IPO. Nous
n avons pas pu réussir a obtenir avec la socaloïne de composé bromé
bien défini.
Les trois espèces d’aloïne, Barbaloïne , Nataloïne et Socaloïne, sont faciles
a reconnaître à l’aide de la réaction suivante, qui a été signalée par His-
ted . une goutte d acide nitrique deposee sur une soucoupe en porcelaine
donne, avec quelques particules de barbaloïne ou de nataloïne, une
coloration rouge cramoisi vif (I), mais ne produit que peu d’effet avec
la socaloïne. Pour distinguer la barbaloïne de la nataloïne, on ajoute
aune petite quantité de chacun de ces corps une goutte ou deux d’acide
sulfurique, et on fait passer à la surface du mélange la vapeur qui se
dégage d’une baguette de verre trempée dans l’acide nitrique ; la bar-
baloïne et la socaloïne ne changent pas, tandis que la nataloïne prend
une belle coloration bleue (2).
Les dernières recherches faites sur l’aloïne sont celles d’E. von Somma-
ruga et d Egger, dans le laboratoire du professeur Rochleder, de Vienne,
en 1874. Elles ont été dirigées particulièrement sur l’aloïne de l’Aloès
socotrin. Le point de fusion de cette aloïne se trouve, d’après ces
chimistes, entre 118 et 120° G., celui de la barbaloïne étant beaucoup
plus élevé. En comparant les analyses de ces deux sortes d’aloïne qui
ont été publiées, avec celles de la socaloïne faite par eux-mêmes, les
auteurs supposent que les trois sortes d’aloïne forment la série homo-
logue suivante :
Barbaloïne Cl7H2<>07
Nataloïne C'°Hl807
Socaloïne Cl5H1607
La partie de l’Aloès insoluble dans l’eau froide ôtait autrefois dési-
gnée sous le nom de Résine d'Aloès et distinguée de la portion soluble
qui portait le nom à! Amer d’Aloès ou Aloétine. D’après les recherches
ai es pai Kosrnann, en 1863, la portion soluble traitée par l’acide
SU urique fournirait des acides Aloërésique et A hérétique, tous les deux
avec if nltSTt mS™' ^ d° ,a barbaloïne> mais est permanente
talome, à moins qu on no lasse intervenir l’action de la chaleur
(-1 i peut quelqueiois obtenir ces réactions avec la drogue impure elle-même.
rilG LILIACÊES.
cristal lisablcs, et une substance indifférente, VAloërilme. Ces observa-
lions n’ont pas été confirmées depuis. . .
Tilden et Rammell (I) ont montré que la Résine d Aloes (p. SU) peut
être divisée, à l’aide de l’ébullition prolongée dans l’eau en deux corps,
qu’ils ont nommés Résine Ml e A et Résine insoluble B. On peut format
avec le premier un composé bromé qui n’est pas cristallin, mais parait
cependant constituer un composé défini. #
D’après la manière de voir de ces chimistes, la résine d Aloès serai
une sorte d’anhydride de barbaloïne, 4(C“H»W) - H«0 = Résine d A-
loès A C“H,aO". La résine d’Aloès bouillie avec l'acide nitrique donne
une forte proportion d’acide chrysammiqne, des acides picrique et oxa-
lique, et de l’anhydride carbonique. La Résine insoluble B parait avoir
la même composition que la Résine soluble A.
L’Aloès traité par divers réactifs donne un certain nombre de produits
remarquables. Ainsi, d’après Rochleder et Czurapelick (ISOI), il donne
quand on le fait bouillir dans une lessive sodiqne, des cristaux i, .colon»
L 45 millimètres de long, qui paraissent être constitués pa. un s
d ’ acide Paracumarique, de petites quantités d'huiles essentielles o -
rantes d’acides gras volatils, et une base volatile. Lorsqu on le fait
bouillir avec de l’acide sulfurique, il donne de l’acide paracumarique
faisant fondre soit eo dernier acide, soit l’Aloès lui-meme avec
de là potasse caustique, Hlasiwetz (1865) a obtenu de Vacide Pam-
ZlLque. WelsesK, a montré, en 1814-13, que ces deux derniers
corps sont accompagnés d’un acide particulier qu’il a nomme am ,
A En Mant de l’ Aloès avec de la chaux vive, E. Robiquet a obtenu.
en 1846, VAloüol, huile jaunâtre,
en 1866, a montré être un mélange de / y eno ,
n vpn ri pg hvdrocarbones.
' L.,cide nitrique forme avec l’ Aloès de Barbades, et surtout, comn e
Lucide mil | ^ ^ barMoIne , dc X acide Modique ,
«"» C/unjsa, «nique, C"H‘(AzO-)‘0', et enta de Vacide
P^riquel de Vacide Oxalique (3). Les deux premiers acides se d,»-
(1) Hiarm . Jouvn., 21 septembre 1872, 235.
(» Mm- Je»™., 20 avril 1818 SIS. (oornU point d’acide clirysammiquc.
rü* rca crislnllisablc, t’Alacwllèine, OIB-Ü., que la
loi ne no fournit pus. [F. A. F -1
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 517
tinguent parles magnifiques colorations de leurs sels, qui peuvent être
utilisés dans la teinture.
Le chlore, en passant dans une solution d’Aloès, forme un grand
nombre de produits variés de substitution, et enfin du Chloranil
(quinine tétracldorée) G6CP02.
Quand on chauffe un peu fortement l’Aloôs, il se gonfle beaucoup,
puis entre en ignition, en laissant un charbon brillant, peu combus-
tible, presque entièrement dépourvu de principes inorganiques. L'Aloès
ordinaire du Cap, par exemple, desséché à 100° C. ne laisse que
1 pour 100 de cendres.
Commerce. - Pendant l’année 1S70, il a ôté importé dans le Royaume-
Uni, 6264 quintaux d’Aloès ; sur cette quantité, le sud de l’Afrique en
a' expédié 481 1 quintaux, et 1 île de Barbados 970 quintaux. Le reste
était probablement fourni par l’Afrique orientale.
La valeur commerciale des diverses sortes d’Aloès est très-diffé-
rente. En ce moment (juin 1874), ['Aloès de Barbados est coté, dans les
prix courants, de 3 livres sterling 5 shellings, h 9 liv. 5 sh. le quintal;
l 'Aloès socotrin, de 5 à 13 livres sterling, tandis que V Aloès du Cap est
offert à 1 livre 5 sh. ou 2 livres sterling. En Angleterre, les deux pre-
mières sortes seules sont destinées aux usages pharmaceutiques.
L Aloes du Cap est estimé sur le continent, où il est surtout consommé.
Csases. — L’Aloès est un bon purgatif, très-communément employé.
On l’administre généralement associé avec d’autres drogues.
Falsification. — Les caractères physiques de l’Aloès, notamment son
odeur, la coloration de sa poudre, sa consistance et l’absence de matières
étrangères, associées à sa solubilité dans l’alcool faible, suffisent ordi-
nairement pour indiquer sa bonne qualité.
Les Aloès ( Alon Touhnefout, lnstit., t. 190) sont des Liliacées de la tribu des
Asphodélées, a périanthe tubuleux, droit, nectarifère dans le fond, hexamère • à an-
clrocee formé de six étamines ; à capsule triloculaire, membraneuse, contenant dans
chaque ogc de nombreuses graines disposées sur deux rangées verticales, parfois
ai ées albuminées ; à embryon axile ; à scape florifère ramifié ; à tige arborescente
ou trutescente, parfois nulle.
frmèttirC°r1>!a, LAMARCK (Enc'Jd°Pédie> L 8b ; A. vera Mill.) est une plante
. ,l. '^e 'nncuse) cylindrique, souvent ramifiée dichotomiquement, haute
, Cfin ameties environ ou davantage, nue dans sa partie inférieure qui est rnar-
qm e p.u i cicatrices de feuilles trôs-rapprochées les unes des autres, et terminée
par un bouquet de feuilles amplexicaules, uniformes, graduellement atténuées de h
et terminées Par une llointc ; elles sont ascendantes, com-
■; h ',CC ,cxternc 011 inférieure convexe et la face interne plane ou légère-
meD “”C™ ^ •"« »loré« « « glauque, et Mquemmcn! p.Z^, d.
r;i8 LILIACfcES.
quelques taches blanchâtres ; leurs bords sont cartila gin eux
aiguës, dures, blanches, un peu iit /feuille. s’élève, au
épaisse, charnue et très-succulente. ■ heaucoup p]us grêle que la tige
moment de la llora^ couvert de bractées rosées, dentées sur
florifère, non ramifie et tics-allonge » 1 , . , 1 ,ase pius pâles vers
les bords, et se termine par une grappe de fleurs éclate rai,
le milieu do loue „ ,,t
selle d'une ^"^^“^fejlindrique'wdllre. U fleur est régulière et her-
P°Tlf f" "1° èrim he est tubuleux, droit, » peu près cylindrique, mum dons le
maphrodite. Le penant i;mi,p est divisé en six lobes tnnerviés dont
fond de glandes nectovifères, *. S» ^ ^ ^ ‘ „ bouton les trois
'es 1^ extérieurs, un peu gon[ pl„s mi„ces c. à peu près
de même longueur. Dans le bouton, les six fo-
lioles sont rapprochées en un cône allongé; dans
la fleur épanouie ils s’écartent sans se réflé-
chir en dehors. L’androcée est formé de six
étamines hypogynes, connées avec le pénanthe
dans la moitié inférieure du tube, inégalés,
trois étant à peu près de la même longueur que
le calice et trois un peu plus longues. Les an-
thères sont allongées, fixées sur le sommet du
filet par le milieu de leur longueur, bifides dans
le bas et versatiles, biloculaires, introrses, ( e-
hiscentes par deux fentes longitudinales. Le
o=Ynécée est formé d'un ovaire supere, sessile,
triloculaire, surmonté d’un style terminal,
grêle, parcouru par trois sillons longitudinaux
et terminé par un stigmate légèrement trilobé,
papilleux. Chaque loge ovarienne contient un
grand nombre d’ovules anatropes, ™ ^ SSaiw.Uïil
gle interne, et se touchant pai les îaphe . milieu de leur face interne
eide, se divisant en entier en trois valves qui portent sur
deux rangées de graines ; ces dernières sont eempnmees, •„
laires, noires, munies d’un ar.lle membraneux, ’ ’ embTïoo cvHndrique, droit,
les bords ; elles renferment un albumen abondant, et vu .
axile, un peu plus court que l’aibumen qui l’enveioppt^ [Tr.^ v] précédent
(b) VAloe vulgaris Lahabck (Encycloped e 86).^S^^étaléesP puis as-
que par sa tige suffrutescente, non 1 ami m » ^ ^ dents droites, perpendiculaires
(vendantes et lancéolées, munies sui . • ramifié- ses fleurs jaunes.
à la surface qui les porte ; son ave d’in oresMnc * ^ par sa tige arborescente,
(c) VAloe ferox Miller (Dict., ed. 8, n’ 2.^ ® , • S P abondantes sur la face
simple ; ses feuilles ovales-oblongues muni ■ fél,ieure hurles bords ; ses étamines
supérieure, mais très-nombreuses sur a ■ ^ le haut de lignes pourprées.
longuement exsertes ; ses sepa es ‘ rosc-’ u 4 . ed [, n. 30) a des feuilles lai-
te/) VAloe africana Miller [Dict., ed . ^ ’d^te au.dessus de la partie mé-
d’épines rouges au sommet ; «n ép,
terminal très-long, des fleurs pendantes et imbriquées.
Fig. 264. Aloe socotrina.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
519
Fig. 2G5. Fouille à'Aloe socotrina,
Coupe transversale d'une moitié.
(e) L'Aloe plicatilis Miller ( Dict ed. 8,n. 7) sc distingue par ses feuilles nette-
ment distiques, linguiformes, obtuses, à peu près entières sur les bords, lisses sur
les deux faces, très-molles ; sa tige frutescente, dichotome, renflée à la base.
(f) L'Aloe arborescent Miller (Dict., ed. 8, n. 3) a une tige frutescente; des
feuilles agrégées, uniformes, réfléchies
au sommet, munies de dents margina-
les verdâtres; ses fleurs sont coccinées,
striées de vert, les extérieures verdâtres au
sommet, les intérieures jaunes au som-
met.
(g) L ’Aloe Commelyni Willdenow (in
Berl. Mag., V, 282) n’a qu’une tige peu
développée, débile ; des feuilles ovales-oblongues, atténuées, étalées, glaucescentes,
lisses en dessus, carénée en dessous et munie vers le sommet au niveau de la carène
et des bords de dents épineuses, blanchâtres.
(h) L’Aloe purpurescens Haworth (in Linn. Trans., VJI, 20) se distingue par sa
teinte pourprée ; sa tige épaisse, dichotome, ses feuilles uniformes, atténuées, allon-
gées, dressées-incurvées , glauces-
rentes, tachées de blanc, cartilagi-
neuses et sinueuses-serretées sur
les bords ; sa grappe simple, munie
de bractées pourpres, entières ; ses
folioles calicinales rouges, jaunâtres
au sommet et parcourues par une
ligne verte.
(î) Ainsique le montrent les figu-
res 265 et 266, la feuille d’Aloès
offre, sur une coupe transversale :
1° une couche épidermique a, for-
mée de petites cellules â peu près
quadrangulaires , revêtues d’une
couche épaisse de cuticule et offrant
de distance en distance des stoma-
tes ; 2° une couche sous-épidermi-
que b, formée de cellules irréguliè-
rement polygonales, ne laissant entre
elles qu’un petit nombre de méats
intercellulaires. Celles de la couche
situées au-dessous de l’épiderme sont
fréquemment, comme dans la fi-
gure 266, allongées radialement. De
distance en distance, on trouve dans
cette couche des cellules remplies
de faisceaux de cristaux aciculaires Fig. soc. Feuille dvUoe socotrina.
OU l'aphides d’oxalate de calcium. Coupe transversale au niveau d’un faisceau.
Les cellules qui les contiennent se montrent d’habitude, sur une coupe longitudi-
nale de la feuille, disposées bout à bout, en rangées parallèles au grand axe de la
feudle, mais elles restent séparées les unes des autres par des cloisons transversales.
Le grand axe de ces cellules est parallèle â celui de la feuille et il en est de même
fi20 LILIACÊES.
des faisceaux do cristaux. Les autres cellules de la couche b sont riches eu chlo-
rophylle. Au niveau de la limite interne de cette couche, on trouve les faisceaux
fibrovasculaire d disposés comme le montre la figure 260. route la partie médiane
de la feuille est formée de grandes cellules incolores, à parois très-minces, c.^
La limite extérieure de chaque faisceau est formée par un arc de cellules allongées,
teintées dans la figure 266, qui contiennent l’aloès. Eu dedans de cet arc, c, de cel-
lules à Aloès très-remarquable par l’allongement tangentiel de ses cellules et la co-
loration de ces dernières, se trouvent deux ou trois couches d’éléments très-larges
en dehors plus étroits en dedans, dont l’ensemble a été désigné sous le nom de
tiSSU chromogène (voyez p. SOo). Immédiatement en dedans de ces éléments se trouve
le tissu libérien ou piilocoine du faisceau, très-facile à distinguer sur la coupe trans-
versale de la figure 266 par l’étroitesse de ses éléments, qui sont polygonaux, al-
longés et munis de parois minces et claires. Le bois ou xylème est situé plus en
dedans • il est représenté par deux ou trois vaisseaux plus ou moins larges, a parois
épaisses’, entourés d’un grand nombre d’éléments allongés, polygonaux, à parois non
lignifiées. [Trad.]
BULBE DE SCILLE.
Battus Seill» ; Badix Soillæ; Bulbe ou Squames de Scltle, Ognon marin ; angl., Sguill,
allem., Meerswiehel.
Origine botanique. — Urcjinea maritima Baker (\) (S cilla maritima L.,
Urginea S cilla Steiniieil). — Cette plante habite les régions qui boi-
dentla Méditerranée, notamment dans le sud de la France, en Italie,
en Dalmatie, en Grèce, en Asie mineure, en Syrie, dans le nord de
l’Afrique et dans les îles de la Méditerranée. Elle est très-commune dans
le sud de l’Espagne, où elle n’est pas confinée sur les côtes ; on la trouve
aussi en Portugal. Les droguistes distinguent deux variétés dc Scille,
désignées sous les noms de blanche et rouge. Dans la première, les ecai es
du bulbe sont incolores ; dans la seconde elles ont une teinte rosee.
n’existe pas de différence botanique entre les deux plantes, qui pos-
sèdent la même aire de croissance [a).
Historique. - La Scille est un des médicaments le plus ancienne-
ment employés. Le grec Epiménide, qui -rivait pendant la trentième
olympiade, passe pour en avoir fait grand usage, ce qui fit donner a a
drogue le nom d ’Epimenidea (2). Elle est aussi mentionnée par Ihto-
nhraste et fut probablement bien connue des autres médecins grecs
C. W- la connaissait et même en distinguait deux variées.
Dioscoride décrit le procédé de préparation du vinaigre de Selle. s
(1) ofLinn.So,.
graines aplaties, discoides, tant is que t. 1 algérienne Ben Urgin, près
rÆS oalto V», « .«•
(2) I-Ialler, Bibliotheca Botanica, 1, 'L
521
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
médecins arabes employaient celte même préparation, qui est encore en
usage, et un mélange de Scille et de miel.
Description. — Le bulbe de la Scille est pyriforme ; il atteint le vo-
lume du poing ou davantage, et pèse parfois plus de 2 kilogr. Il pos-
sède la structure habituelle des bulbes tuniqués. Les écailles extérieures
sont colorées en brun rougeâtre, sèches, scarieuses, et munies de ner-
vures parallèles. Les écailles internes sont charnues et succulentes, in-
colores ou colorées en rose pâle, épaisses dans leur partie moyenne,
très-minces et délicates sur les bords, lisses et luisantes à la surface. Le
bulbe frais possède une saveur mucilagineuse amère, âcre; il n’a guère
d'odeur. La Scille destinée aux usages médicinaux est ordinairement im-
portée à l’état sec. On recueille les bulbes pendant le mois d’août; à cette
époque, ils sont dépourvus de feuilles; on enlève les écailles exté-
rieures ; on coupe les bulbes en tranches transversales minces qu’on
fait sécher au soleil. Ainsi préparée, la drogue se présente sous la forme
de bandes étroites, aplaties ou quadrangulaires, recourbées, longues de
3 à 3 centimètres et larges de 5 à 10 millimètres, flexibles, translucides,
colorés en jaune pâle, ou roses lorsqu'elles proviennent de la variété à
bulbe rose. Lorsqu’elles ont été trop desséchées, elles sont cassantes et
p ulvérisables, mais elles absorbent facilement 12 pour lOOenviron d’eau.
La Scille humectée par l’eau qu’elle absorbe dans l’air, s’agrège facile-
ment en une masse dure.
Structure microscopique. — La portion médicinale, étant constituée
par des feuilles modifiées, possède la structure histologique propre
à ces sortes d’organes. Son tissu est formé de cellules polyédriques,
recouvertes sur les deux faces de l’écaille par un épiderme muni de
stomates. Il est traversé par de nombreux faisceaux fibrovasculaires
et offre aussi des faisceaux plus petits de vaisseaux laticifères. Lors-
qu’on humecte une tranche mince d’écaille de Scille avec de l’alcool
dilué, la plupart des cellules parenchymateuses se montrent remplies
d un mucilage qui se contracte en gelée quand on ajoute de l’alcool.
Dans 1 intérieur de cette gelée, se trouvent des particules cristallines
d oxalate de calcium. Ce sel existe en grande abondance dans les cel-
lules, soit en faisceaux d’aiguilles, soit en gros prismes carrés, sol i-
taire3, ayant souvent jusqu’à un millimètre de long. Dans l’un et l’autre
ca», les cristaux sont enveloppés de matière mucilagineuse. On sait que
dan.-> beaucoup d autres plantes l’oxalate de calcium se forme ainsi au
centre d’une matière mucilagineuse. Ce fait est très-évident dans la
Scille, et il est surtout facile à observer dans la lumière polarisée.
322 LILIACÉES.
Quand on agite dans l'eau de minces tranches d écailles de Seillc, il
se forme un dépôt cristallin assez abondant pour qu’on puisse le voir à
l’œil nu, malgré la faiblesse de sa densité. D’après nos, recherches
sur la proportion d’acide oxalique, en employant pour cette analyse
la solution titrée de permanganate de potasse, la Scdle blanche des-
séchée à 100° G. donne seulement 3,07 pour 100 d oxalalc de chaux,
C204Ca -f- 311*0 ; elle donne ensuite de 2 a 3 pour 100 de cendies.
C’est à ces cristaux extrêmement aigus et cassants qu est due la rubé-
faction et parfois même la vésication qui se produisent quand on frotte
la peau avec de minces tranches de Scille. Ces effets, connus depuis
longtemps, ont été attribués aune huile essentielle,, jusqu’à l’époque
où leur cause véritable a été reconnue par Schroff (1).
Le mucilage contient aussi des matières albuminoïdes, auxquelles
est due la coloration orange qu’il prend quand on le traite pari iode. Les
faisceaux fibrovasculaires sont accompagnés de quelques couches de
cellules allongées dans le sens du grand axe du faisceau, et contenant
de petits grains d’amidon. Dans la Scille rouge, la matière colorante
est contenue dans une partie des cellules parenchymateuses, tandis que
les autres en sont tout à fait dépourvues. Cette matière rouge passe au
vert noirâtre quand on la traite par un persel de fer.
Composition chimique. - Le principe le plus abondant du bulbe de
la Scille est le mucilage précipitable par l’acétate neutre de plomb. En
ajoutant de l’alcool à une infusion aqueuse de Scille, on détermine a
séparation du mucilage et de la matière albuminoïde. Si, apres avoir
fait évaporer l’alcool, on ajoute une solution d’acide tanmque, ce deimei
se combine avec te principe amer de la Scille qui n’a pas encore été isole
quoique plusieurs chimistes aient porté sur lui leurs recherches, et qui
reçu le nom de Scillitine ou Skuléine. Nous avons obtenu une proportion
considérable d’un sucre incristallisable, lévogyre, en épuisant la Scille
par l’alcool dilué (2). Schroff, auquel on doit une bonne monographie de
i Scille (3), conclut, d’aprèsses recherches physiologiques a a preseuc
clans le bulbe de cette plante d’un principe non volatil, a
coexistant avec la scillitine qu’il suppose être un glucoside (>).
{1) Nous avons constaté que le suc visqueux des feuilles de VAçapartku*
L’Hérit., qui est très-riche en cristaux a.c\cu ■ durent pendant plusieurs heures,
donne la peau, des démangeaisons clc - J , , , (ids!Ull fermenter et en
(2) En Grèce, on a même essaye ^ GMa, ta.*, 1802, 7).
distillant les bulbes de SciUe (Heldreici , er Aerzte zu Wien, 1SG4, n® 42. — Il
(3) Reproduit du Zeitschnt do cisTATT, 1864, 19 ; 1865, 238.
on a été publié un extra.t dans le ^ p 63
(4) Voir aussi Lebouudais, Ann. de Ch. it .1
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 523
Commerce. — La Scillo desséchée, ordinairement emballée dans
des barils, est importée en Angleterre, de Malte.
Usages. On emploie communément la Sci lie à l’état de teinture;
elle est considérée comme diurétique et expectorante.
Substitutions. — Les bulbes de plusieurs plantes sont employés à la
place de celui de la Scille officinale, mais à cause du bas prix de ce
dernier et de son abondance, on ne les trouve jamais sur les marchés
européens. Les principales de ces plantes sont les suivantes :
1° Urginea altissimci Baker ( Ornithogcilum ciltissimum L. ) , espèce du
sud de l’Afrique, très-voisine de la Scille commune, et ayant, paraît-il,
les mêmes propriétés que cette dernière (1).
2° Urginea inclica Ivra ( Scilla indica Roxb.). C’est une plante très-
répandue ; on la trouve dans le nord de l’Inde, sur la côte du Coro-
mandel, en Abyssinie, en Nubie et dans la Sénégambie. Elle est désignée
en arabe et en persan par le même nom que Y Urginea maritima, et son
bulbe est employé aux mêmes usages. D’après Moodeen Sheriff (2), il
ne remplace que mal celui de la Scille maritime et son action est faible
ou nulle lorsqu’il est vieux et volumineux.
3° Scilla indica Baiceb (3) non Roxb. ( Ledebouria hyacinthina Rotii.).
Elle est indigène de l’Inde et de l’Abyssinie, et possède un bulbe qui est
souvent confondu, dans les bazars indiens, avec celui de l’espèce précé-
dente, mais s’en distingue parfaitement, lorsqu’il est entier, parce qu’il
est écailleux et non tuniqué. Il passe pour le meilleur remplaçant de la
Scille d’Europe (4).
4° Drimia ciliaris Jacq. — C’est une plante du Cap de Bonne-Espé-
rance, de la famille des Liliacées. Son bulbe ressemble beaucoup à
celui de la Scille officinale, mais il possède un suc si irritant, lorsqu’on
le met en contact avec la peau, que la plante est nommée parles colons
Jeukbol , c’est-à-dire Bulbe à gratter. On l’emploie comme émétique,
expectorant et diurétique (5).
o° Crinum asiaticum var. toxicanum Herbert [C . toxicarium Roxb.).
C’est une grande plante à belles fleurs blanches et à feuillage magni-
fique, cultivée dans les jardins indiens. On la trouve aussi à l’état sau-
vage dans les parties humides et basses de diverses localités de l’Inde,
dans les Moluques et sur les côtes de Ceylan. Son bulbe a été admis
(1) Pappe, Floræ Medicæ Capensis Prodomus, ud. 2, 1857, 41.
(2) Supplément to the Pharmacopœia of India, Madras, 1869, 250.
(3) Saunders, Refugium Botanicum , 1870, III, append., 12.
(O Supplément to the Pharmacopœia of India,' 1800, 250.
(5) Pappe, Op. cit., 42.
524
LILIACÉES.
dans la pharmacopée de l'Iiulc de 1808, à la recommandai ion de
O’Shaughnessy, qui le considère comme un bon émétique. Nous n’avons
vu aucun échantillon de cotte drogue, et nous no croyons pas qu’elle
ait ôté l’objet d’aucune recherche chimique.
Les Urqinea Steinheil (in Ann. Sc. nal., 1834, I, 321) sont des Liliacécs de la
tribu des Asphodélées, ït fleurs disposées en grappes et accompagnées de bractées;
à périanthe étalé, hexamère comme l’androcée; à étamines égales; à ovaire trilocu-
laire, multiovulé, parcouru par six sillons longitudinaux ; à capsule parcheminée, lo-
culicide, trivalve, contenant dans chaque loge un nombre variable de graines isolées.
L’Urqinea mari lima Baker (in Journ. of Linn. Soc., 1873, XIII, 24) est une plante
à bulbe tuniqué, très-volumineux, toujours à moitié émergé au-dessus du sol, avec des
téguments colorés en vert pâle ou en rouge. Il émet d’abord, avant les feuilles, un
long axe d’inflorescence ou scape haut de 00 centimètres environ, terminé par une
grappe dense, allongée, ovale, de fleurs étalées, larges d’environ 2 centimètres, co-
lorées en vert jaunâtre pâle, avec une bandelette verte au milieu de chaque seg-
ment. Les feuilles se montrent longtemps après l’inflorescence et persistent pen-
dant l’hiver ; elles sont ovales-lancéolées, aiguës, cannelées, étalées et recourbées en
dehors, glabres, colorées en vert glauque, longues de 30 a 45 centimètres, larges
de a à 10 centimètres au-dessus de leur partie médiane. Les fleurs sont situées cha-
cune dans l’aisselle d’une bractée et leur pédoncule assez long porte lui-mome deux
bractéoles. Les bractéoles sont trinerviées, subpersistantes, éperonnées au-dessus
de la partie médiane. Les fleurs sont régulières et hermaphrodites. Le périanthe est
formé de six sépales pôtaloïdes, caducs, connés à la base, oblongs, obtus, unineiviés,
égaux et étalés ; dans la préfloraisou, trois d’entre eux sont plus extérieurs et recou-
vrent les trois autres. L’androcée est formé de six étamines d’égale longueur, connées
avec la base des sépales, et formées chacune d’un filet filiforme, dilaté à la base
et subulé au sommet, et d’une anthère linéaire, oblongue, mucronée au sommet,
bifide à la base, fixée par le milieu de sa face dorsale, biloculaire, mtrorse, déhis-
cente par deux fentes longitudinales. Le gynécée est formé d’un ovaire libre, sc>-
silc, oblong, triangulaire, parcouru par six sillons et divisé en trois loges, surmonté
d’un style filiforme et dressé que termine un stigmate convexe, trilobé. Le sommet
de l’ovaire est muni de trois glandes nectarifères. Chaque loge ovarienne contient
une douzaine d’ovules anatropes, insérés dans l’angle interne sur deux rangées ver-
ticales, horizontaux et se touchant par leurs raphés. Le fruit est une capsule mem-
braneuse, elliptique, arrondie à la base, déprimée au sommet, triloculaire, triva ve,
loculicide, à valves portant sur leur ligne médiane un nombre de graines variai, e
de dix à douze. Les graines sont comprimées, discoïdes entourées d une aile large,
et contiennent un embryon cylindrique dans l’axe d’un albumen charnu.
M Baker considère comme de simples variétés de cette espèce : 1» le Squilla 1 a i-
cralion Steinh., dont le bulbe est moitié plus petit, dont les feuilles et les pedi-
celles floraux sont plus courts, et dont l’ovaire et les étamines sont colores en b eu
verdâtre ; 2° le Squilla numidica Jord. et Four., variété algérienne à bulle .
développé et entouré de tuniques rouges, à ovaire et anthères rouges ; e qui
insularis Jord. et Four., à bulbe de moyenne taille, entouré de tun‘Jues J '
très à anthères et ovaires verts; 4° le Squilla liUorahs oan. et 1 olr., h bu le
de moyenne taille, encouré de tuniques vertes, à feuilles plus petites, a folioles
raies plus larges, à ovaire et anthères verts. [Trad.J
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
COLCHIGAGÉES
RHIZOME DE VÉRATRE BLANC.
It/ihonia Veralri albi : Hadix Veralri ; Jtadix Hellabori albi; angl., Hhizome d' Hellébore blanc
White Hellébore; allom., Weisse Nieswurzel, Germer.
Origine botanique. — Veratrum album L. — Cette plante croît dans
les prairies humides des régions montagneuses du centre et du sud de
l’Europe, en Amérique, dans les Pyrénées, en Espagne, en Suisse et
en Autriche. On la trouve aussi dans la Russie d’Europe et d’Asie, jus-
qu’au 61e degré de latitude nord, dans les contrées parcourues par l’A-
in u r , dans l’île de Saghalin, et dans le nord de la Chine et du Japon (a).
Historique. — La confusion établie parles anciens entre le Melam-
podium , Y Helleborus et le Veratrum rend très-difficile l’identification de
la plante dont nous parlons (1). Elle était parfaitement connue de Ge-
rarde vers -1600, et elle est citée, sous le nom d 'Elle borus (ou Ilelle-
borus)albus, et sous celui d eVeratrum, dans les anciennes Pharmacopées.
Description. — Le Yératre blanc possède un rhizome cylindrique,
charnu, vivace, long de 5 à 7 centimètres et épais de 2 centimètres
environ, accompagné de longues racines flexibles. A l’état frais, son
odeur est alliacée. A l’état sec, tel qu’on le trouve dans le commerce,
il est cylindrique ou à peu près conique, coloré en noir terreux foncé,
très-rugueux dans sa moitié inférieure, et couvert de fossettes et de
cicatrices de racines; il porte souvent des restes de racines récentes.
Sa portion supérieure est couronnée par les bases des feuilles, dont les
plus extérieures sont grossièrement fibreuses. La plante a généralement
été coupée près de la hase du rhizome; ce dernier est rarement entier;
il a souvent été brisé au niveau de son extrémité inférieure, ou coupé
transversalement pour faciliter la dessiccation. En dedans, il est pres-
que incolore ; sa section transversale montre un large cercle blanc, en-
tourant une portion centrale spongieuse, colorée en chamois pâle.
Cette drogue possède une saveur douceâtre, un peu amère, et laisse
sur la langue une sensation d’engourdissement et de démangeaison. A
l’état de poudre, elle provoque de violents êternuments.
structure microscopique. — Sur une coupe transversale, le rhizome
de Yératre blanc offre, à une distance de 2 à 4 millimètres en dedans
(1) Consultez : Muuuay, Apparatus Mcdicarnmuin, 1790, V, 142-lGü.
526
COLCIIICACÉES.
de la couche corticale extérieure colorée en noir, une fine ligne brune,
contournée en zigzag, qui représente sa gaine médullaire, et enveloppe
la portion centrale, qui présente une moelle mal limitée. La zone située
entre la couche corticale externe et la gaine médullaire est colorée en
blanc pur, à l’exception de quelques cellules isolées qui contiennent de
la résine ou une matière colorante, et des points au niveau desquels
les racines traversent de dedans en dehors. La moelle est entourée de
faisceaux fibro-vasculaires à teinte claire, disposés irrégulièrement dans
toutes les directions. Le parenchyme du rhizome entier est rempli
d’amidon et contient de nombreuses aiguilles d’oxalatc de calcium.
Les radicules, qu’on enlève d’ordinaire en taisant la récolte, ne sont
vivantes et succulentes que dans la moitié supérieure du rhizome, dont
la moitié inférieure est ligneuse et poreuse.
Composition chimique. — En 1819, Pelletier et Gaventou découvrirent
dans le rhizome du Vératre une substance qu ils considérèrent comme
identique à la Vératrine , dont l’existence venait d’être découverte par
W. Meissner dans les graines de Cévadillë. D’après les observations
récentes de Dragendorff (1), la vératrine de la Cévadillë ne se trouve ni
dans le Veratrum album , ni dans le V. viride.
Simon trouva, en 1837, dans ce rhizome, un second alcaloïde, la Jer-
vine , C30H46Az2O3, qu’il distingua de la vératrine par la faible solubilité
de ses sels, surtout de son sulfate, dans l’eau. C. L. Mitchell, en 1874,
a extrait la jervine du Veratrum album et du V. viride. Il obtint, dans
le premier cas, le sulfate sous forme d’une poudre granuleuse, dont il
sépara l’alcaloïde à l’état d’une substance blanche, brillante, insipide
et inodore, douée d’une réaction alcaline faible et susceptible de cristal-
liser dans l’alcool. Sa réaction la plus caractéristique est la coloration
jaune d’abord, puis verte qu’elle prend, sous l’influence de 1 acide sulfu-
rique concentré.
Weppen a retiré du Vératre, en 1872, la Vératr amariné, principe
amer, amorphe, déliquescent. Elle n'y existe qu’en petite quantité ;
elle est décomposable en sucre et en autres produits. Elle se dissout
dans l’eau et dans l’alcool, mais est insoluble dans 1 éther et le c.liloio-
forme. Le même observateur a également obtenu 1/2 pour 1000 envi-
ron d'acide Jervique, en cristaux durs, de grande taille, ayant pour
formule Gt4H'0OlîH-2H!O. Cet acide exige pour sc dissoudre 100 parties
d’eau à la température ordinaire, et un peu moins d'alcool bouillant. 11
(!') Beitr. zur gei
nchtl. C hernie, Saint-Pétersbourg, 1872, 95.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 527
est nettement acide, et forme des sels cristallisabl.es bien définis, con-
tenant 4 équivalents de métal.
En épuisant le rhizome entier, y compris les racines, avec l’éther et
l’alcool anhydre, nous avons obtenu 28,8 pour 100 d’une résine molle,
qui demande à être étudiée plus complètement. Wiegand obtint, en 1841 ,
10 pour 100 de matière pectique. D’après Schroff (1860),le principe actif
du Vératre blanc réside dans la portion corticale des racines, la portion
centrale ligneuse étant inerte. Il affirme aussi que le rhizome agit avec
moins d’énergie que les racines, et d’une façon un peu différente.
Commerce. — La drogue est importée d’Allemagne en ballots. Les
prix courants distinguent un Veratre suisse et un autrichien , et indi-
quent généralement la drogue comme « sans fibres ».
Usages. Le Vératre blanc est un émétique et un purgatif drastique
rarement employé à l’intérieur. On le prescrit quelquefois en Uniment
contre la gale. Il est surtout usité dans la médecine vétérinaire.
Substitutions. — Le rhizome du Veratrum nigrurn L. passe, en Au-
triche, pour être quelquefois recueilli comme celui du V. album. Il est
beaucoup plus petit, et, d après Schroff, moins énergique. Celui de
1 Helonias frigida Lindl. ( Veratrum frigidum Schl.) du Mexique, paraît
ressembler exactement à celui du Veratrum album.
(a) Les Veratrum Tournefort [Inst il. t. 145) sont des Colchicacées de lu tribu des
Melanthées, à fleurs, polygames, disposées eu panicules ; ù périanthe et androcée
nexameres ; à folioles du périanthe distinctes ; à anthères formées de deux loges
confluentes dans le haut ; à ovaire surmonté de trois stigmates divergents ; à fruit
tonne de trois carpelles séparés dans le haut, polyspermes ; à graines comprimées
c L clllccS»
Le Veratrum album L. ( Species , 1479) est une plante à rhizome horizontal,
obiong, de 1 épaisseur du doigt, noirâtre en dehors, blanchâtre en dedans, émet-
ant une tige aérienne haute de 60 centimètres à lm,20 et terminée par une paui-
cule de fleurs. Cette tige porte des feuilles larges, ovales, aiguës ou un peu mousses
au sommet, parcourues par de nombreuses nervures longitudinales et plissées dans
e sens de la longueur, munies de gaines entières qui embrassent la tige. Les feuilles
supérieures sont plus petites et dépourvues de gaines. Les fleurs sont disposées en
une pamcule terminale, pubescente, dont les rameaux naissent à l’aisselle de brac-
I? ° ^ 1<ulue tleur est portée par un pédicelle beaucoup plus court que le
-e. ^es cuis sont légulières, colorées en blanc jaunâtre dans une variété et eu
blanc verdâtre dans une autre variété. Le périanthe est, formé de six folioles per-
M^mtes, distinctes, oblongues, un peu rétrécies à la base et munies sur les bords
' pal,tlf ,nférieure d’UI,e üÇne glanduleuse. L’androcée est formé de six éta-
bbnes, connées â la base des folioles du périanthe et plus courtes qu’elles étalé»
d’UU met ;ilifüT ^ d’Une «oges confluentes dansTê
X. S i r r 1,1 fc**,,*,u*1*- u «* *»* .««ire
P“ ’ ’ tr,l00ul*11''’ d» trois styles court», tlirariqutSs, terminés
328 C0LCH1CACÉES.
chacun par un stigmate réniforme. Chaque loge ovarienne contient une douzaine
d’ovules anatropes, ascendants, insérés dans 1 angle interne sur deux rangées ver-
ticales. Le fruit est une capsule oldongue, triloculaire, se séparant a la maturité en
trois carpelles qui s’ouvrent ensuite par une fente longitudinale au niveau de leur
bord ventral. Chaque carpelle contient plusieurs graines sessiles, un peu ascen-
dantes, oblongues, comprimées, entourées d’une grande aile papyracée. Les graines
renferment un albumen charnu et un embryon cylindrique situé vers la base de
l’albumen, dans le voisinage du hile. [Tjud.]
RHIZOME DE VÉRATRE VERT.
Mhisoma veralri viridis ; angl., American White Hellébore (I); Indian Pôle.
Origine botanique. — Veratrum viri.de Aiton. Cetle espèce ressemble
beaucoup au Veratrum album, dont elle constitue une des nombreuses
formes. En réalité, la variété à fleur verte de cette dernière ( V. lobe-
lianum B ern h.), qui n’est pas rare dans les prairies des Alpes, est si
voisine du Veratrum viride américain, qu’on ne peut distinguer les
deux espèces l’une de l’autre par aucun caractère de quelque impor-
tance (2) Le Veratrum américain est commun dans les marécages et les
terres basses, depuis le Canada jusqu’à la Géorgie (a).
Historique. — Les aborigènes de l’Amérique du Nord connaissaient
bien les propriétés de cette plante, avant d’avoir établi des relations avec
les Européens; ils s’en servaient, d’après Josselyn (3), qui visita le pays
de 1638 à 1671, comme vomitif dans une sorte d’épreuve. Cet auteur la
nomme Hellébore blanc , et dit qu’elle est employée par les colons comme
purgative, antiscorbutique et insecticide. Kalm, en 1749, dit (4) que
les premiers colons trempaient leurs graines de maïs dans la décoction
des racines, afin de les rendre toxiques pour les oiseaux. Il ajoute que
les oiseaux qui mangeaient les graines ainsi préparées devenaient « de-
lirious », mais n’étaient pas tués. Cette coutume était encore pratiquée
m On donne quelquefois à celte drogue le nom A' Hellébore vert [grem Hellébore ),
JJ cette dénomination appartient déjà à VHelleborus viridis L„ qu. dans quelques
nnriips de l'Europe est employé en médecine.
(2) Sims en réunissant 1 eVeratrum viride au Veratrum album , fait remarquer que es
fleurs du premier ont « plus de tendance à se colorer en vert»., que les pétales sont plus
lar-es et nias droits, et ont les bords, surtout au niveau de l’onglet, épaissis et «ouverts
s»
(3) New England's Rarieties Discovcred, London, le72, U , Account of JJ
lu New Enqland , Lond., 1674, 00, 76.
{V ) Trajet, in North America, 1771, II, 01, et .870, 1 (WoRMunr).
UISTOIliE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 529
dans le Ncw-England, en 1835 (Osgood). Les effets de la drogue ont été
expérimentés, à diverses reprises, aux Etats-Unis, pendant notre siècle ;
et Vers 1862, sur les vives recommandations des docteurs Osgood, Nor-
wood, Cutter et autres, on a commencé dans ce pays à la prescrire aux
malades.
Description. — Parleur forme, leur structure intérieure, leur odeur
et leur saveur, le rhizome et les racines du Veratrum viride ressemblent
aux mêmes parties du Veratrum album. Cependant, par suite du pro-
cédé employé pour faire sécher et préparer la drogue destinée au com-
merce, le Yératre américain se distingue immédiatement du Vératro
blanc d’Europe. Nous en avons eu entre les mains trois variétés;
1° Le rhizome portant encore ses racines, ordinairement coupé en
quartiers dans sa longueur, quelquefois transversalement, couvert
de nombreuses racines colorées en brun pâle, et munies, au niveau de
leurs extrémités, de radicules fibreuses, grêles.
2° Le rhizome et les racines comprimés en masses solides rectangu-
laires, épaisses de 23 millimètres ;
3° Le rhizome seul, coupé transversalement en tranches et sec. Il se
présente en disques blanchâtres, chamois ou brunâtres, de 15 à 23 mil-
limètres de diamètre ou davantage, très-ridés et contournés par la des-
siccation. C’est cette forme qui est prescrite par la Pharmacopée des
Etats-Unis.
Composition chimique. - 11 n’a été établi aucune différence chi-
mique entre le Veratrum viride et le Veratrum album. La présence de la
Vératrine , soupçonnée par divers chimistes, fut indiquée par Worthing-
ton (I), en 1839, J. S. Richardson, de Philadelphie, en 1857, el S. R.
Percy, en 1864, Scattergood (2) a retiré de la drogue américaine,
0,4 pour 100 de cet alcaloïde, qui cependant, par suite de quelques
observations de Dragendorff (p. 526), doit être considéré comme d’une
identité douteuse avec celui de la cévadille. Comme il a été dit plus
haut (p. 526), la jeivine existe dans le Yératre vert comme dans
celui d’Europe. Un. peut extraire la résine en épuisant la drogue avec
de l’alcool concentré et précipitant avec de l’eau acidulée bouillante, en
répétant l’opération pour obtenir l’élimination entière des alcaloïdes.
C’est une substance d’un brun foncé, qui abandonne le quart de son
poids environ à l’éther. Scattergood l’a obtenue dans la proportion de 4 et
demi pour 100. En épuisant la drogue successivement avec de l’éther,
(1) Am. Journ . of Pharm., 1839, IV, 80.
(2) Proc, of Am. Pharm. Assoc., 1862, 22G.
IlIS'r. DES DUO G U ES, T. II.
34
530 COLCHICACÉES.
de- l’alcool absolu et de l’alcool dilué, nous avons extrait 31 pour 100
d’une niasse résinoïde molle. Worthington a signalé dans la diogue la
présence d’acide gallique et do sucre.
Usages. — Le Vcratmm viride a été beaucoup recommandé dans ces
derniers temps comme sédatif cardiaque, artériel et nerveux. 11 passe
pour diminuer le pouls, la respiration et la température du corps, sans
être narcotique, et en n’occasionnant que rarement de la purgation (I),
mais on n’a pas encore établi à quel principe est due son action. D’après
quelques observateurs, notamment Bigclow (2), Fée (3), Schroll (4) et
Oulmont (3), il aurait les mêmes propriétés médicinales que le Vera-
trum album.
Le Veralrum viride L. [Speciês, 1479) est une plante à rhizome épais et charnu,
couvert dans sa partie supérieure de feuilles écailleuses, nu dans sa portion infé-
rieure de laquelle partent de nombreuses racines blanchâtres. 11 emet une tige haute
de 90 centimètres à im,50, arrondie, pleiue, striée et puhescente, recouverte par les
o-aînes des feuilles et terminée par une panicule à rameaux étalés. Les feuilles son
hu-es oblongues, acuminées, plissées dans la longueur, pubescentes^ en dessous.
Les bractées mères des rameaux de la panicule sont oblongues-lancéolées ; les brac-
téoles sont plus longues que les pédicelles floraux qui sont pubescents. Les fleurs
sont organisées comme celles du Veralrum album (voy. page Ü2/, note a), avec un
périauthe à folioles oblongues, acuminées, rétrécies à la base, denticulees, ci ees,
et des étamines deux fois plus longues que le périanthe. [Thad. |
GRAINES DE CÉVADILLE.
Semen Sabadillx, Fructus Sabadillte ; Cévadille; angl., Cevadilla, Cebadüla ;
• allem., Scibadillsanioi, Lciuscsaniai .
Origine botanique. — Asagræa officinalis Lindley ( Veralrum offici-
nale Schlecut. ; Sabadilla officinarum Biundt, Schœnocaulon officinale
A. Gray). C’est une plante bulbeuse qui croît au Mexique dans les prai-
ries et sur les pentes orientales de la chaîne volcanique du Cofre de
Perote, à Orizaba, près de Teosolo, à Huatusco, Èi Zacuapan, pim,
bas, sur les bords de la mer, et dans le Guatemala. La Cévadille est cul-
tivée ou du moins était autrefois cultivée près de Vera-Cruz, d Alva-
rado et de Tlacatalpan dans le golfe du Mexique (a). Lue autre forme
(1) Cutter, Lancet, 4 janvier, 10 août 1862 ; Pharm. Journ., 1863, IV, 134.
(2) American Médical Botany, 1819, II, 121-13 .
(3) Cours d’Hist. nat. Pharm., 1828, I, 319.
(4) Medizinische J ahr bûcher, Vienne, 30 jahresbericht de.
(5) Hcpcrtorium für Pharm., de Buchner, 1868, XV111, ,
Wiggers et Husemann, 1868, 605.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 531
d’/lsZMa, signalée cl’abord par Berg (I), puis avec plus de détails
par Ernst, de Caracas, qui pense qu’elle peut constituer une espèce
distincte, se trouve en abondance sur les pentes herbeuses, à une alti-
tude de 160 à I 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans le voi-
sinage de Caracas, et vers le sud dans la région montagneuse qui horde
la vallée du fleuve Tuy (2). Elle diffère surtout par ses feuilles plus larges
et plus carénées. Dans ces dernières années, elle a fourni une grande
quantité de graines débarrassées de leur capsule, qui ont été exjDédiées
de la Guaira à Hamburg (3).
Historique. —La Cévadille fut décrite pour la première fois en 1571,
par Monardes. Il dit quelle est employée par les Indiens de la Nouvelle-
Espagne en applications caustiques et corrosives sur les plaies ; mais il
ne paraît pas qu’elle fût alors apportée dans le commerce européen, car
Parkinson qui la décrivit en 1040, sous le nom d 'Orge bridante de
llnde, et Ray, en 1693, se contentèrent de copier Monardes. Pen-
dant la seconde moitié du dernier siècle, on commença à la recom-
mander en France et en Allemagne pour la destruction des poux. Une
composition célèbre pour cet usage était la Poudre des Capucins, qui
consistait en un mélange de staphysaigre, de tabac et de Cévadille
qu on appliquait soit à sec, soit à l’état d’onguent préparé avec la
graine (4). La Cévadille était aussi administrée en pilules, mélangée à la
gomme-gutte et à la valériane (5), pour la destruction des vers intesti-
naux, mais son action toxique la rendait dangereuse
Au moment de l'introduction de la Vératrine dans' la médecine, vers
8-1, la Cevadille acquit une certaine importance, et on l’administra
parfois sous forme de teinture et d’extrait. Elle tomba ensuite en désué-
det’latrtoeeS‘ auj°m'd’hui 1“ P°w * Préparation
(1) Beho et Schmidt, Offiz. Gewüchse, 1858, 1, t. IX e
2) Lhnst, Communication à la Société Linnéennc de 1 nnd..p= u
P) Le VeratrumSabadilla Retz, us est considéré W,t
comme or minairo du Merimie Hcc îi ' i T . 1 imndley (btora meclica, 586)
une partie des gmine» ^ “ Cév.dit occidentales, et comme fourni, J
à Saint-Domingue, montre ZÏ ï ,,alt rocuwl11 I.lunlc rivante
conséquent très-dilférente dés Asagræa. ’ ° eralrum album. L- et qu’elle est par
Mal «““wfvHot MtiMnum’ ”»»■ V. 171. - HÈnar et De Leas, Dict.
t°) PEYrULHEj Cours d’Hist. Nat. Méd., 1804, II, /,oo.
332
COLCHICACÉIiS.
Description. — Chaque fruit est formé de trois follicules oblongs,
pointus, longs de 12 millimètres environ, entourés dans le bas par les
restes du ealieebi-partile, et portés par un court pédoncule. Les folli-
cules sont réunis à la base, un pou étalés au sommet; ils s ouvient au
niveau de leur face ventrale. Us sont papyracés et colorés en Imm
clair Chaque follicule contient d'ordinaire deux graines noires, étroites,
pointues, longues de 6 millimètres environ, luisantes, rugueuses, et angu-
leuses ou concaves par pression réciproque. Les téguments sont épais
et enveloppent un albumen huileux, à la base duquel se trouve un p i
embryon situé dans l'extrémité opposée au sommet de la graine qui es
terminé par un bec. La graine est inodore etposséde une saveur amerc.
Sa poudre détermine des éternuments violent».
structure microscopique. - Une section transversale de la graine
met à découvert un albumen corné, étroitement applique contre le testa,
et formé de cellules disposées radialement en couches conoenti ,qu ...
Les téguments sont formés d'une couche extérieure de cellules cubo.to,
et de trois couches de cellules plus petites, allongées langent, elleme U,
I parois minces et brunes. Le tissu de l'albumen est forme de grande
ceUules ponctuées contenant des gouttes d'huile, des granulations <
matière albuminoïde et dn mucilage. On trouve des traces d acide tan-
nique dans les couches extérieures de la graine.
II Composition mimique. - W. Meisner, en 1818, découvrit dans la
Gévadille un alcaloïde, la Vératrine (1), qui fut étudié lannee sultan o
a ec plus de soins par Pelletier et Caventou. Pendant plusieurs années
on ne connut cette substance qu'à l’état de poudre amorphe et dans
cet état, elle contenait fréquemment une quantité considérable -
ai • i k Merck l’obtint en gros prismes rhombiques. La Cl
0„: ,00 de vératrine. Cet alcaloïde se dissout
vadille non chloroforme ; ces solutions et les
Il existe que dan g nt de nouveau étudiés, dans le
kbimafoire^de Dragendorff, parWeigelin(2). 11 a trouvé que la^ératrine
.«nsi nommée » couse Un nom donné à U P» SohlecMendl. VeraP»,
yfficiAale- , Sqtfldîmfl, liens, Dorpal, 1871. U n" 8 elc
rm
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
existait sous deux états isomériques, l’un soluble dans l’eau et l’autre
insoluble, ayant pour formule C52H86Az2013 (I). Quoiqu’il ait réussi à faire
cristalliser l’alcaloïde, il n’a pu obtenir le sulfate et le chlorhydrate
qu’à l’état amorphe.
Couerbe découvrit, en 1 834, un second alcaloïde cristallisable, la Sa-
badilline , insoluble dans l’éther, mais, d’après Weigelin, plus ou moins
soluble dans l’eau, la benzine, l’éther de pétrole, l’alcool amylique et
le chloroforme. On peut le retirer de sa solution dans la benzine en
longues aiguilles incolores. Il sature les acides, et forme, avec l’acide
sulfurique et l’acide chlorhydrique, des sels amorphes gommeux. Les
analyses plus récentes de Weigelin assignent à la sabadilline la formule
GuH68AzsOts. Gette substance ne provoque pas, comme la vératrine,
d’élernuments.
Dans le cours de ses recherches, Weigelin trouva dans la Cêvadille un
troisième alcaloïde, qu’il a nommé Scibatrine , et auquel il assigne la for-
mule CslH8GAz2017. C’est une subslance à aspect résineux, incristallisable,
soluble dans l’éther, la benzine, l’éther de pétrole, l’alcool amylique et
le chloroforme, mais peu soluble dans l’eau. Elle neutralise les acides
en formant des sels amorphes. La vératrine du commerce contient tou-
jours, d’après Weigelin, plus ou moins de sabadilline et de sabatrine.
La Cêvadille a fourni à Pelletier et Caventou un acide gras volatil,
Y acide SabadilUme ou Cévadique, dont les cristaux en forme d’aiguilles
fonaent a 20° G. Enfin, E. Merck y a trouvé, en -1839, un second acide
particulier, Y acide Véralrique , G9Ii10Ol ; il cristallise en prismes qua-
drangulaires, qu’on peut sublimer sans les décomposer (2). La Cêvadille
en fournit un sixième pour 1 000.
Commerce. — D’après Ernst, la quantité de Cêvadille, à l’état de
graines isolées, exportée de la Guayra, port de Caracas, est de 3000 à
3 G00 quintaux par an. On n’en importe aujourd’hui aucune autre sorte.
lisages. — La Cêvadille n’est employée aujourd’hui, à notre connais-
sance, que pour la préparation de la vératrine. Au Mexique, on emploie
la bulbe de la plan te comme anthelminthique, sous le nom de Cebolleja ,
mais son action passe pour être très-dangereuse.
Les Asagrœa Lindley (in Botan. Beght., 1839, XXV, t. 33) sont des Colckica-
cees de la tribu des Mélanthées à fleurs polygames ; à périanthe coloré, persistant,
C8S]|5 jÿrmule n’est null(!mont assurée. E. Schmidt, en 1877, a proposé la formule
(2) G est, selon borner (187C), l’acide prolocatécliique dimélhyle C6H3(OCtl3)2COOII.
L ’ J
COLCHICACÉIÏS.
r»3-i
formé de six folioles connées dans le bas, ncctarifères à la base; à androcée hexa-
mère; h anthères extrorses ; à ovaire libre, formé de trois carpelles distincts dans
le haut ; à loges contenant chacune de quatre à six ovules bisériés.
L 'Asagrœa officinalis Lindley (in / totem. Ilegist., sér. 2, 1839, t. 33) est une
herbe bulbeuse, à bulbe tunique, émettant directement des feuilles radicales très-
longues, linéaires, atteignant jusqu’à près de 1 mètre de haut, munies de nervures
longitudinales parallèles avec une nervure médiane proéminente et carénée en
dessous ; elles sont planes, rigides, un peu scabres sur les bords, engainantes à la
base. Les tleurs sont portées par un scape simple, nu, haut de 1 m,50 environ, ter-
miné par une grappe grêle, allongée. Les Heurs de la partie supérieure de la grappe
sont mâles. Les tleurs sont jaunâtres, portées par des péd icelles munis à la base
d’une seule bractée et plus courts que les fleurs. Le périanthe est formé de six fo-
lioles pétaloïdes, persistantes, connées à la base, linéaires-lancéolées, trinerviées, à
peu près de même longueur, étalées, munies chacune dans le bas, en dedans, d’une
fossette nectarifère. L’androcéo se compose de six étamines connées avec les folioles
du périanthe, formées chacune d’un filet filiforme, subulé, et d’une anthère réni-
forme, à loges confluentes dans le haut. Le gynécée est constitué par un ovaire supèro,
libre, ovale-oblong, formé de trois carpelles distincts et écartés l’un de l’autre dans
le haut, atténués chacun en un style subulé que termine un stigmate oblique, en
forme de languette. Chaque carpelle contient de quatre à six ovules anatropes,
dressés, insérés dans l’angle interne sur deux rangées verticales. Le fruit est une
capsule oblongue, tricoque, parcheminée, dont les trois carpelles se séparent et
s’ouvrent par leur face ventrale. Ils contiennent chacun deux ou trois graines fixées
dans l’angle interne, au-dessus de la base, dressées, entourées d’une aile membra-
neuse et contenant un petit embryon obovale, situé près du hile dans un albumen
charnu. [Trad.]
BULBE DE COLCHIQUE.
Connus Colchici, Tuber vel Bitlbus vel Radix Colchici ; angl., Meudow Sa/fron Root ;
nllem., Zeitlosenknollen.
Origine botanique. — Colchicum autumnale L. Cette plante croît dans
les prairies et les pâturages de la plus grande partie de 1 Europe
moyenne et méridionale ; elle est abondante aussi dans plusieurs loca-
lités d’Angleterre et d’Irlande. Dans les Alpes du Valais, en Suisse, elle
s’élève jusqu’à une hauteur de 1 600 mètres au-dessus du niveau de la
mer (a).
Historique. — Dioscorides attira l’attention sur les propriétés toxiques
de cette plante, qu’il nomme KoXyy/.bv, et à laquelle il attribue pour patrie
la Messenie et le Golchis(l). Le caractère toxique du Colchique paraît
avoir empêché son emploi pendant la période classique, et pendant le
fil Sa description est exacte, sauf en ce qu’il déclare que le bulbe a une saveur douce,
ce qui est faux pour le bulbe du Colchicum autumnale, mais peut être vrai pour quelque
autre espèce.
535
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
moyen âge. Ainsi, Tragus, en 1552, prémunit ses lecteurs contre son
usage qui se répandait sur la recommandation des médecins arabes.
Jacques Grévin, médecin de Paris, auteur de Deux Livres des Venins ,
dédiés à la reine Elisabeth d’Angleterre, imprimés cà Anvers en 1568,
fait remarquer que « ce poison est ennemy de la nature de l’homme en
lout et partout » (1). Dodoens le nomme perniciosum Culchicum ; et,
Lyte, dans sa traduction de cet auteur, publiée en 1588, dit : « Le Sa-
fran sauvage est corrupteur et vénéneux, et par suite, n’est pas employé
en médecine. » Gerarde déclare que les racines du « Safran des prés »
sont « très-nuisibles à l’estomac »..
Wedel publia, en 1718, un essai De Colchico veneno et alexiphar-
maco (2), dans lequel, pour montrer la grande défaveur qui atteignait
alors cette plante, il dit : «Hactenus... velut infâme habitum et dam-
nation fuit Colchicum, indignum habitum inter herbas medicas vel
officinales. .. » Il ajoute qu’au dix-septième siècle ses bulbes étaient em-
ployés dans quelques parties de l’Allemagne comme charme contre la
peste.
En présence de ces sévères appréciations, il est étrange de trouver
dans la Pharmacopée de Londres de 1618 (seconde édition) la « Radix
Colchici » et Y Hermodactylus énumérés parmi les drogues simples. Elle
est omise dans celle de 1650, et ne. reparaît plus dans les éditions sui-
vantes jusqu’en 1788 ; vers cette époque, les recherches de Stôrck (1763),
de Kratochwill (1764), de De Berge (1765), d’Ehrmann (1772) et d’autres
avaient démontré la possibilité de l’employer avec succès dans la pra-
tique médicale.
Développement du bulbe. — A l’époque de la floraison, le bulbe
est entouré d une double membrane ou tunique close, brune, qui se
prolonge vers le haut en une gaine entourant la tige florifère ; à la base
du bulbe, se trouve une touffe de racines simples. En écartant ces mem-
branes on découvre un gros corps charnu ovoïde (bulbe n" 1), marqué
à son sommet d’une cicatrice déprimée représentant le point d’attache
de la tige florale de l’année précédente; ce bulbe est aplati sur une de
ses faces et parcouru par un sillon longitudinal peu profond de la partie
supérieure duquel s’élève un bulbe beaucoup plus petit, rudimentaire
(bulbe n° 2), portant une tige florale. Après la production de la fleur,
en automne, le bulbe n° 2 augmente de taille, émettant, à mesure que le
printemps avance, sa tige fructifère et ses feuilles, et acquérant son en-
M) Anvers, in-4”, 228.
(2) Jéna, in-4°.
«30 COLCHICAGÉES.
lier développement après que ccs dernières sont parvenues à l’âge
adulte. D’autre part, le bulbe n" I ayant accompli toutes ses fonctions
se vide, et diminue de volume à mesure que le bulbe n'1 2 avance vers
sa maturité; enfin, il se détruit en laissant une cicatrice arrondie qui
indique son point d’union avec son successeur.
Récolte. — En Angleterre, on arrache d’ordinaire les bulbes et on les
apporte sur le marché, pendant le mois de juillet, aune époque intermé-
diaire entre la destruction du feuillage et la production de la fleur, ou
même après que cette dernière s’est déjà montrée. Pour quelques pré-
parations, on emploie les bulbes à l’état frais. Lorsqu’on veut les faire
sécher on a l’habitude de les couper avec un couteau en tranches trans-
versales égales, qu’on fait sécher dans une étuve à une douce chaleur;
on enlève ensuite les membranes en les tamisant et en les vanant.
Schroff a établi, comme résultat de ses expériences (1), que les bulbes
jouissent de leur plus grande activité médicinale quand on les récolté en
automne, pendant ou après l’inflorescence; qu’on doit les faire sécher
entiers par exposition au soleil et à l’air, et que, préparés de la sorte, on
peut les conserver pendant plusieurs années sans qu’ils perdent de leur
activité.
Description. — Le bulbe frais est conique et en forme de poire ren-
versée ; il est long de 5 centimètres environ et large de 2 à 3 centimè-
tres, arrondi sur une de ses faces, aplati sur l’autre, couvert d’une tu-
nique membraneuse colorée en brun clair, et doublée en dedans d une
seconde enveloppe plus pâle. Lorsqu’on le coupe en travers, il se mon-
tre blanc, ferme, charnu et homogène, riche en un suc amer et en
amidon. Son odeur est désagréable. Les tranches sèches sont inodores,
et possèdent une saveur un peu amère. Elles doivent être d’un beau
blanc, crispées et cassantes, sans moisissures ni taches.
Structure microscopique. — La membrane extérieure est formée de
cellules allongées tangentiellement, à parois épaisses et brunes. Le
corps même du bulbe est formé de grandes cellules a parois minces,
plus ou moins régulièrement sphériques, remplies d amidon, et entremê-
lées de faisceaux vasculaires qui contiennent des trachées. La forme
primitive des grains d’amidon est globuleuse ou ovoïde ; mais, par pres-
sion réciproque et agglutination ils deviennent plus ou moins anguleux
ou tronqués ; un grand nombre sont plus ou moins composés et formés
de plusieurs granules unis en un seul. Dans tous, le hile est très-distinct ,
(1) OEsterreichische Zeitschri/t fur praktische Êeilkunde , 1S5G, n"s 22-24 ; Jahrcsbe-
richt der Pharm. de Wiggers, 185G, 15.
337
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
il affecte clans quelques-uns la forme d’un simple point, mais dans la
plupart il a la forme d’une ligne ou d’une étoile.
Composition chimique. — Le bulbe du Colchique contient : delà Col-
chicine (voyez l’article suivant); environ 10 pour 100 d’amidon;, du su-
cre, de la gomme, delà résine, du tannin et un corps gras. Lorsqu’il est
coupé en tranches et desséché, il perd environ 70 pour 100 d’eau (I).
Par la dessiccation, le corps, probablement volatil, auquel il doit son
odeur, se dissipe.
Usages. — On prescrit beaucoup le Colchique contre la goutte, le
rhumatisme, l’hydropisie et les maladies cutanées.
AUTRES ESPÈCES MÉDICINALES DE COLCHIQUES.
Sous le nom d’ Hennodaclylus (2), les bulbes de quelques autres es-
pèces de Colchiques, d’origine orientale, ont joui autrefois d’une grande
réputation médicinale. Ces bulbes sont semblables à ceux du Colchique
commun; ils sont entiers, mais dépourvus de membranes d’enveloppes;
ils sont cordiformes, aplatis, non ridés à la surface, et souvent très-
petits. Les grains d’amidon qu’ils renferment ressemblent à ceux du
Colchicum autumnale , mais dans quelques échantillons ils sont deux
fois plus gros.
Il existe une grande incertitude à l’égard de l’espèce de Colchicum qui
produit les Hermodactyles. Le professeur J. E. Planchon, qui a écrit
sur ce sujet un article savant et consciencieux (3), penche en faveur dû
Colchicum variegatum L., espèce originaire du Levant ; mais il est diffi-
cile de supposer que cette espèce produise l’ITermodactyle ( Sürinjân ) des
bazars indiens, qui est apporté du Kashmir.
Les Colchiques (Colchicum Touhnefort, Instit., t. 181, 182) sont des Colchica-
cées a fleurs régulières et hermaphrodites ; à périanthe coloré, campanule, formé
il un tube grêle et très-allongé et d’un limbe à six divisions régulières ; à androcée
hexamère ; à ovaire triloculaire, contenant dans chaque loge de nombreux ovules ;
a fruit capsulaire, déhiscent en trois valves, et polysperme.
Le Colchicum aulumnale L. ( Specics , 48o) est une plante à bulbe plein, à feuilles
lancéolées, atténuées au sommet, lisses, colorées en vert foncé, longues de 30 cen-
timètres environ, et larges de 3 centimètres, munies d’une nervure médiane plus
(I) C est la moyenne obtenue pendant dix années par la dessiccation de IC quintaux
de bulbes, dans le laboratoire do MM. Allen et llanbury de Londres.
L llermodactijle amer de Royle n’est pas, à notre avis, produit par un Colchicum ;
voyez aussi Cooke, in PJiarm. Journ., 1er avril 1871.
(8) Ann. sc. nat., Dot., 1855, IV, 132 ; Pharrn. Journ., 1850, XV, 1G3.
538
COLCHICACÉliS.
sa i Liante que les autres et formant dans le dos une sorte de carène longitudinale.
Les feuilles ne se développent qu’au printemps en même temps que le fruit et se
détruisent pendant l’été, tandis que les fleurs se sont montrées pendant l’automne
précédent. Les fleurs sont radicales, solitaires, ou
plus ordinairement groupées en petit nombre sur
chaque bulbe. Elles sont colorées en violet clair et
portées par un pédoncule très-court. Le calice est
formé d’un tube très-long, grêle qui est enfoncé en
grande partie dans le sol et émerge au-dessus de lui
de 1 5 à 20 centimètres; il est blanc dans sa partiesou-
terraine, et dilaté légèrement vers le haut. Le limbe
est divisé en six lobes profonds, imbriqués dans la
préfloraison, les trois extérieurs recouvrant les trois
autres qui sont un peu plus courts. Us sontoblongs-
lancéolés, terminés en pointe, parcourus par une ner-
vure médiane assez saillante. L’androcée se compose
de six étamines à fdets filiformes, connées avec le
tube du périanthe jusqu’au uiveau de sa gorge, à
anthères allongées, biloculaires, extrorses, versatiles,
déhiscentes par deuxfentes longitudinales. Le gynécée
est formé d’un ovaire supère, à trois carpelles connés
dans la plus grande partie de leur étendue, mais in-
dépendants dans le haut. L’ovaire est surmonté de
trois stvles indépendants, filiformes, aussi longs que
le périanthe, renflés dans le haut et couverts en ce poipt, sur leur face interne,
de papilles stigmatiques. Chaque carpelle contient un grand nombre d ovules
anatropes, insérés dans l’angle interne sur quatre rangées verticales, inégu-
lières. Le fruit est une capsule triloculaire, dont les trois loges se séparent à la
maturité, au niveau de la partie supérieure, et s’ouvrent en ce point par une fente qui
se produit au niveau de la suture ventrale. Chaque loge contient de nombreuses
graines subglobuleuses, à téguments épais et rugueux, à raphé court et spongieux ;
elles renferment un albumen charnu très-épais et un petit embryon presque cylin-
drique, à radicule dirigée vers le hile. [Tuad.]
Fig. 2G7.
Colchicum autufnnalc.
SEMENCES DE COLCHIQUE.
Semen Colchici; angl., Colchicum Seed ; allern., Zeitlosensamen.
Origine botanique. — Colchicum uulumncilc L. (Voyez page 33/). Au
printemps, après la disparition de la fleur qui s’est épanouie en au-
tomne, la capsule est soulevée au-dessus du sol; elle est triloculaire,
déhiscente au niveau du sommet, par sa face ventrale, et contient de
nombreuses graines globuleuses, réunies dans l'angle interne des car-
pelles. Ces graines arrivent à maturité dans la dernière partie de 1 été.
Historique. — Les semences de Colchique furent introduites dan? la
pratique médicale par le docteur W. H. Williams, d’Ipswich, vers 18-20,
539
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
parce qu’il considérait leur action comme plus énergique que celle du
bulbe (I). Elles furent admises dans la Pharmacopée de Londres
en J 824.
Description. — Les graines sont globuleuses; elles ont 2 milli-
mètres de diamètre, et sont rendues un peu pointues par la présence
d’une strophiolc qui n’est guère visible quand elles sont sèches. Elles
sont rugueuses et sombres ; lorsqu’elles sont récentes, elles sont colo-
rées en brun pâle, mais elles se foncent peu à peu en se desséchant, et
en même temps laissent exsuder une sorte de matière saccharine. Elles
sont inodores, même à l’état frais, mais possèdent une saveur amère
et âcre. Elles sont très-dures et difficiles à pulvériser.
Structure microscopique. — L’enveloppe brune et réticulée des graines
est formée d’un petit nombre de couches de grandes cellules allongées
tangentiellement, à parois minces, devenant beaucoup plus petites en
dedans ; celles des couches extérieures contiennent une petite quantité
de grains d’amidon. Le tégument est mince et très-adhérent à l’albu-
men, qui est corné et grisâtre. Les cellules de ce dernier sont remar-
quables par leurs parois épaisses, munies de larges ponctuations; elles
contiennent un plasma granuleux et des gouttes d’huile. On peut
observer sur une coupe transversale le très-petit embryon sans feuilles,
situé au-dessous des enveloppes, sur la face opposée à la strophiole.
Composition chimique. — Le principe actif des graines de Colchique,
la Colchicine, paraît n’exister que dans la proportion de 0,05 pour 100
environ. Les chimistes qui l’ont étudié ne sont guère d’accord sur ses
propriétés. Ainsi, Oberlin, en 1856, a montré qu’elle contient de l’azote,
mais sans posséder de propriétés basiques. En traitant par les acides
la colchicine amorphe on obtient un corps crislallisable, la Colchicéine.
Hübler, en 1864, a attribué à cette dernière des propriétés acides, et,
chose assez étrange, il lui assigne la même formule qu ala Colchicine elle-
même, C17H19AzOs. Maisch (2) et Diehl (3) ont obtenu de leur côté des
résultats discordants, et il semble probable qu’on n’a pas encore isolé la
colchicine à l état de composition définie (4). Les graines contiennent
(1) London Medical Repository , 1er août 1820.
(2) Pharm. Journ., 1867, IX, 219.
(3) Proc. Amer. Pharm. Assoc., 1867, 363.
PO On peut déceler la moindre trace de Colcliicine à l’aide de la manipulation sui-
\ante : on épuise une dizaine de graines de Colchique entières avec de l’alcool très-
faible (0,94 p. spécif.). On évapore jusqu’à consistance de sirop, on ajoute de l’alcool
absolu qui précipite des matières mucilagineuses que l’on décante. Le liquide clair est
additionné d’eau et chauffé pour en chasser l’alcool. La résidu prend une leinte jaune
quand on y ajoute de l’acide sulfurique ou azotique. La solution d’ioduro mercurio-
SiO . SMILACÉES.
des I races d’acide gallique, du sucre et une huile grasse. Nous avons
obtenu cette dernière dans la proportion de 6,6 pour 100, en épuisant
les graines sèches avec de l’éther. Gettc; huile se concrète a — 8" C.
Usages. — Ils sont les mêmes que ceux du bulbe.
SMILACÉES
RACINE DE SALSEPAREILLE.
jladix Saraaparillte ; liadix Sarzæ vel Sarsæ; angl.. Sarsaparilla ; allem., Sarsaparillwursel.
Origine botanique. — La racine de Salsepareille est fournie par plu-
sieurs plantes du genre Smilax , indigènes de la moitié nord de 1 Amé-
rique du Sud, et de toute l’Amérique centrale, jusqu’aux côtes sud et
ouest du Mexique (a).
Ces plantes possèdent des tiges ligneuses et grimpantes, s’élevant
souvent sur les arbres les plus hauts à 1 aide de vrilles qui paitent du
pétiole de la feuille. Leurs tiges sont ordinairement angul euscs c!
armées d’aiguillons durs ; elles partent d un gros rhizome ligneux. Les
espèces médicinales habitent les forets tropicales marécageuses, tiè>-
nuisibles à la santé des Européens, et ne pouvant être explorées qu’avec
les plus grandes difficultés. Ces conditions jointes à la dioïcitéetau
port des plantes qui rendent leurs fleurs et leurs fruits, développés dans
des saisons différentes, difficilement accessibles, et enfin la variation
considérable des formes de leurs feuilles, expliquent que nous ne pos-
sédions que des renseignements botaniques très-imparfaits sur les
sources de la Salsepareille. On peut affirmer sans crainte qu aucune
plante à Salsepareille des différents districts de l’Amérique tropicale
n’est scientifiquement bien connue. Les espèces, en outre, ont pour la
plupart été créées à l’aide de caractères tout en fait insuffisants, de sorte
qu’après une étude attentive des échantillons des herbiers nous sommes
obligés de considérer comme encore douteuses plusieurs des plantes
qui ont été nommées par les écrivains précédents (1).
potassique (50 gr. d'iodure de potassium, 13», 5 de chlorure mercunque eau dist.llee
q. s. pour 1 litre) produit dans le résidu un léger trouble, puis un abondant Palpite
jaune aussitôt que l’on y ajoute une gouttelette d’un acide minerai quelconque F A. F
(I) Le Smilax aspera L. commun du sud de l’Europe présente tant de d fférences
dans le feuillage que s'il n’était connu comme ses con générés de 1 Amérique tropi-
cate’que par de^’échantillons herbier peu rbl.eS en feuille, ou le diviserait oerUuue-
ment en plusieurs espècos.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VEGETALE. S'il
Après ces remarques préliminaires, nous énumérerons les plantes
auxquelles on a attribué la racine de Salsepareille du comnicice .
1 0 Smilax officinalis TI. B. K.— Cette plante a été recueillie, en 1803,
par Humboldt, à Baj orque, village situé sur la Magdalena, dans la Nou-
velle-Grenade (l). Ces échantillons, composés seulement d’un petit
nombre de feuilles très-imparfaites, que nous avons vus dans l’Herbier
National de Paris, sont les éléments à laide desquels Kunth a établi 1 es-
pèce. Humboldt (“2) dit que de grandes quantités de ces racines sont expé-
diées par la voie de Mompox et de Cartagena à la Jamaïque et à Cadiz.
En 1853, cette plante fut de nouveau récoltée à Bajorque par De Warsze-
wicz, qui envoya à l’un de nous (H.) des feuilles et des tiges accom-
pagnées de la racine. Cette dernière ressemble à la Salsepareille de la
Jamaïque du commerce; mais à Bajorque on ne récolte plus la racine
pour l’exportation. Le même botaniste, à la demande de l’un de nous,
obtint en 1851, sur le volcan et la cordillère de Chiriqui, dans Costa
Rica, des fruits, des fleurs, des tiges, et des racines de la plante
récoltée alors par les Indiens sous le nom de Sarsa peluda ou Sarson.
Ces échantillons ressemblent, autant que la comparaison est possible, à
ceux de la plante de Bajorque, tandis que la racine est impossible à
distinguer de la Salsepareille de la Jamaïque des boutiques. D’autres
échantillons de la même plante, recueillis par le même collectionneur
en 1853, furent envoyés en Angleterre avec une souche vivante, mais
cette dernière ne put pas croître. Enfin, en 4869, M. R. B. White nous
a obligeamment communiqué des feuilles et des racines d’une Salsepa-
reille récoltée à Patia, dans la Nouvelle-Grenade, et qui nous paraît
être la même espèce.
On a cultivé dans i’île de la Jamaïque, pendant plusieurs années, et
dans les derniers temps en vue d’un emploi médicinal, une Salsepa-
reille qui paraît être le Smilax officinalis. Les échantillons qui furent
envoyés à l’un de nous ne contenaient ni fleurs ni fruits, mais les
(1) Ce village n’existe plus; il était situé au-dessous de l'embouchure du (lcuvc So-
gamore. [F. A. F.]
(2) Kunth, Synopsis plant., 1821, I, 278. — Le Smilax officinalis est une grande
et forte plante grimpante, haute de 12 à 13 mètres, avec une tige tout à fait quadran-
gulaire, armée d’aiguillons au niveau de ses angles. Les feuilles ont souvent jusqu’à
30 centimètres de long; elles sont polymorphes, triangulaires, ovales-oblongues, ou
oblongues-lancéolées, tantôt rétrécies graduellement vers le sommet, tantôt arrondies
et apiculées; leur base est atténuée, tronquée ou cordée. Elles sont d’ordinaire cinq-ner-
viées, les trois nervures internes étant proéminentes, et limitant une surface elliptique.
Les Heurs sont disposées en ombelles pédoneulées. Un bel échantillon de cette plante
croit actuellement ( 1 8 7 A ) dans le jardin royal de Kew, mais il n’a pas encore fleuri.
SMILACfeES.
:ü2
feuilles et la tige quadrangulairc ressemblaient exactement à celles de
la plante recueillie à Bajorque (1). La racine est colorée en brun-can-
nelle clair, et beaucoup plus amylacée que celle de la Salsepareille de la
Jamaïque du commerce (voy. page 549).
2° Smilax medica Sciio. et Ciiam. — Cette espèce (2) fut découverte au
Mexique par Schiede, en 1820. Elle est sans aucun doute la source de
la Salsepareille expédiée de laVera Cruz. D’après nos observations, elle
possède une tige tlcxueuse, ou en zigzag, et des feuilles beaucoup plus
petites que le S. officinalis; les feuilles, quoique très-variables, pren-
nent souvent une forme auriculée, avec des lobes basilaires larges et
obtus. Elle croit sur les pentes orientales des Andes mexicaines, et elle
est la seule espèce de cette région dont on récolte les racines. Ces der-
nières, d’après Scheide, sont arrachées pendant toute la durée de l’année,
séchées au soleil, et ensuite disposées en faisceaux.
Il existe des doutes et des confusions au sujet des autres espèces
de Smilax qui ont été signalées comme sources de la Salsepareille. Le
5’. syphilitica H. B. K. avec des fleurs en une grappe d’ombelles, décou-
verte sur le Gassiquiare, dans la Nouvelle-Grenade, et bien figurée par
Berg et Schmidt d’après un échantillon authentique, paraît, d’après les
dires de Pôppig, fournir une certaine quantité cle la Salsepareille qui
est embarquée à Para. Cependant Kunth dit que la plante de Pôppig,
recueillie près d’Ega, n’est pas celle d’Humboldt et Bonpland. Spruce,
qui a recueilli le S. syphilitica (herb., n° 3779) en descendant le Rio
Negro, en 1854, nous a informés que, sur différents points de la vallée
de l’Amazone, les Indiens lui ont toujours affirmé énergiquement que
cette espèce était impropre pour la « Salsa. »
Le Smilax papyracea, décrit par Poiret (3), en 1804, et figuré par
Martius (4), n’est que très-imparfaitement connu. Son feuillage ressemble
à celui du S. officinalis, mais en jugeant d’après les échantillons de
Spruce (n° 1871), recueillis sur le Rio Negro, sa tige est poly angulaire.
Cette espèce est probablement la source de la Salsepareille de Para.
Le Smilax cordato-ovata Rien, est une plante douteuse, peut-être iden-
tique au S. Schomburgkiana Küntii, espèce du Panama. Pôppig pense
que sa racine est mélangée à celle de la plante qu’il nomme S. syphi-
litica.
(1) Nous les devons à la’générosité de 3. Kemble, Esq., qui se les est procurés, avec
des échantillons de la racine, au jardin gouvernemental de Cnstlclon.
(2) Figurée dans Nëes von Esënbeck, Plantæ médicinales, Suppl., t. 7.
(3) Lamarck, Encyclopédie méthodique , dot., VI, 1804, 408.
(4) Flor. Bras., 1842-71, I, t. 1.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 543
Le Smilax Purhampuy Ruiz, espèce péruvienne, passe pour fournir
une bonne sorte de Salsepareille ; elle est pratiquement inconnue, et
n’est pas admise par Ivunth (1).
Historique.— Monardes(â) a rappelé que la Salsepareille fut introduite
à Séville vers 1545, où elle était apportée de la Nouvelle-Espagne, et
qu’une sorte meilleure vint ensuite du Honduras. Il ajoute qu’une Salse-
pareille de qualité excellente fut importée plus tard de la province de
Quito, qu’elle était récoltée dans le voisinage de Guayaquil, et qu’elle était
de couleur foncée, plus longue et plus épaisse que celle du Honduras.
Ces détails sont confirmés par le 'témoignage des premiers écrivains.
Ainsi Joâo Rodriguez de Gastello Branco, communément connu sous le
nom d’Amatus Lusitanus, médecin portugais d’origine juive, qui prati-
qua surtout en Italie, a laissé un ouvrage (1556) rappelant ses expé-
riences médicales, et racontant les cas de traitement suivis de suc-
cès (3). Un de ces derniers se rapporte à un malade qui souffrait de
rhumatisme aigu pour lequel il prescrivit en dernière ressource la Sal-
sapanlla. Cette drogue, dit-il, a été, depuis quelques années, apportée
d un pays nouvellement découvert, du Pérou ; c’est une longue racine
semblable à un sarment croissant sur la souche d’une sorte de ronce
semblable à une vigne; les Espagnols la nomment Zarsa parrilla, et
elle constitue un excellent médicament.
■Vers la même époque (4), la Salsepareille fut décrite par Auger Fer-
rier (5), médecin de Toulouse; il dit que dans le traitement de la
syphilis, qu’il nomme Lues hispanica, elle est considérée comme préfé-
î aille à la ? ucine de Chine et au Lignum sanetwn. Girolamo Cardano, de
Milan, dans un petit ouvrage intitulé De Radice Cina et Sarza Porilia
pudicium , exprime une opinion semblable. Turner, dans la troisième
partie de son Herhall, imprimée en 1568, mentionne la Salsaperilla à
laquelle il dit que des écrivains modernes assignent les mêmes vertus
qu’au Gaïac.
(1) On ne peut pas supposer que toutes les espèces de Smilax soient susceptibles de
produire la drogue. Il y en a plusieurs, même dans l’Amérique du Sud, qui, comme le
Smilax aspera d'Europe, possèdent des racines minces, filiformes, qui ne pourront ja-
mais passer pour la Salsepareille médicinale.
(2) Pages 18 et 88, de l’ouvrage cité à la page 247, note 3.
(3) Curationum medicinalium C entur iæ quatuor, Basil eæ, 155G, 3G3.
( 0 J ai fait voir dans mes « Documente zur gcschichte (1er Pharmacie , » Ilallc, 187(i,
T*’ qUedcs 15G:i la Salsepareille était cotée dans le tarif de la petite ville d’Anna-
berg, en Saxe. [P. A. F.]
(o) De Puctendacjra lue Hispanica , lihri duo , publié d’abord à Toulouse en 1553 et
plusieurs fois réimprimé. Nous avons consulté l’édition d’Anvers) de 1564. avec laquelle
CS imP,,rr" ouvrage de Cardano. Ce dernier passe pour avoir paru d’abord en 1559.
l)U SMILACÈES.
Pedro de Cieza de Leon, dans sa chronique du Pérou (I), qui con-
tient les observations faites par lui dans l’Amérique du Sud, entre
4 532 et 1530, donne des détails particuliers sur la Salsepareille, qui
croît dans la province de Guayaquil et l'île voisine de Puna, et recom-
mande le traitement sudorifique de la syphilis suivi à cette époque.
Gerarde (2), qui écrivait vers la fin du même siècle, dit que la Salsepa-
reille du Pérou est importée en Angleterre en grande quantité.
Récolte île la racine. — M. Richard Spruco, le hardi botaniste explo-
rateur de la vallée de l’Amazone, nous a communiqué sur ce sujet les
particularités suivantes que nous citons textuellement :
« Lorsque j’allai à Santarem , sur l’Amazone, en 1 849-30, où de grandes
quantités de Salsepareille sont apportées des parties hautes de la rivière
de Tapajôz, et plus tard, en 1851-53, lorsque je me trouvai sur le Rio
Negro supérieur, et l’Uaupés, j’interrogeai souvent les commerçants au
sujet de leurs criteria des bonnes sortes de Salsepareille. Quelques-uns
d’entre eux avaient acheté leur marchandise aux Indiens des forêts, et
ne possédaient eux-mêmes aucun moyen certain de reconnaître sa pu-
reté ou sa qualité, si ce n’est la taille des racines, les plus épaisses étant
achetées à Para aux prix les plus élevés. Ceux qui avaient recueilli eux-
mêmes la Salsepareille étaient guidés par les caractères suivants : l" plu-
sieurs tiges partant d’une même souche; 2° des aiguillons très-serrés ;
3° des feuilles minces. Le premier caractère était, d’après eux, le seul
essentiel, car dans les espèces de Smilax qui ont des tiges solitaires ou
qui n’en ont pas plus de deux ou trois, les racines sont si peu nom-
breuses qu’on ne gagne rien à les arracher, tandis que les espèces mul-
ticaules ont des racines nombreuses et longues, trois au moins pour
chaque tige, s’étendant horizontalement dans tous les sens.
« En 1851, pendant que je me trouvais aux chutes du Rio Negro, qui
sont croisées par l’équateur, neuf hommes partirent du village de Saint-
Gabriel pour recueillir la Salsa, ainsi qu'ils nomment les racines de Sal-
separeille, aux sources de la rivière Cauaburis. Pendant leur absence,
je fis la connaissance d’un vieil Indien qui me dit que quatre années
auparavant il avait apporté du Cauaburis des pousses de Salsa, et qu il
les avait plantées dans un tabocâl, groupe de bambou indiquant la place
d’un ancien village indien, situé de l’autre côté des chutes, et il m'invita
(L) Parte primera de la Chronica del Peru, Sevilla, 1552, fol. ueix. - H en existe
une traduction faite en 1864 pour l’Iiakluyt Society, par Markham, qu. fait observer que
Cieza de Leon n’a jamais visité lui-même Guayaquil.
(2) Herball, enlarged by Johnson, 1636, 859.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 545
à aller assister à sa première récolte de racines. Le 23 mars, je visitai le
tabocâl et j’y trouvai une demi-douzaine de pieds d’un Smilax à tiges
très-épineuses, mais sans fleurs ni fruits. A ma demande, l’Indien opéra
d’abord sur le plus beau pied. Il avait cinq tiges partant de sa souche
et de nombreuses racines, longues d’environ 9 pieds, s’étendant horizon-
talement de tous les côtés. Il enleva d’abord avec la main la mince
couche de terre qui recouvrait les racines en s’aidant d’un bâton
pointu; si la Sal'sa avait été la seule plante poussée dans ce sol, la tâche
eût été facile, mais ses racines étaient souvent difficiles à distinguer de
celles des bambous et des autres plantes qu’il était obligé de couper
avec un couteau pour suivre la trace des premières. Les racines ayant
été extraites du sol (ce qui fut l’affaire d’une demi-journée, mais avec
des plantes de grande taille, il faut souvent un jour entier et davantage)
il les coupa près de la souche, ne laissant que les plus grêles pour
permettre à la plante de continuer à croître. Il ramena aussi le bas des
tiges sur le sol et les recouvrit, ainsi que la couronne, d’un peu de terre
et de feuilles mortes pour que de nouveaux bourgeons produisissent
bientôt de nouvelles tiges. Cette plante, âgée de quatre années, produisit
10 livres, la moitié d’un arroba portugais de racines; mais une plante
bien développée donne à la première récolte de un à deux arrobas. Au
bout d’une couple d’années, on peut faire une nouvelle récolte sur le
même pied, mais les racines sont alors plus grêles et moins riches en
amidon. »
Description générale. - Les espèces médicinales de Smilax possè-
dent un rhizome épais, court, noueux. Il en part horizontalement de
longues racines charnues, ayant l’épaisseur d’une plume d’oie ou du
petit doigt, ordinairement simples, bifurquées seulement vers leur
extrémité et émettant des radicules capillaires, ramifiées, de taille à
peu près uniforme; on ne les trouve guère en grande quantité dans la
partie la plus grêle de la racine, voisine de la souche. A l’état frais, les
lacines sont succulentes (I), mais à l’état de siccité, comme on les
trouve dans le commerce, elles sont plus ou moins sillonnées dans leur
longueur, du moins dans le voisinage du rhizome. Examinées avec une
bonne loupe, les racines et les radicules se montrent, dans quelques
échantillons, revêtues de poils courts, veloutés ou rigides.
La présence ou l’absence et la quantité plus ou moins grande d’ami-
(I) Nous avons été autorisé a examiner la racino fraîche du beau pied de Smilax
officinalis du Jardin royal de Kcw, et nous avons trouvé qu’elle ressemble par son as-
pect et sa structure ît la Salsepareille do la Jamaïque.
HISTOIRE DES DROGUES, T. II.
35
S46 SMI LACÉES.
«
don dans les racines sont considérées comme un caractère important
pour estimer la qualité de la drogue. En Angleterre, on préfère les ra-
cines non amylacées ou peu riches en amidon, et qui seules con\icnnent
à la préparation d’un extrait fluide, foncé en couleur, recherché par le
public. Sur le continent, et surtout en Italie, on estime surtout les
racines qui, coupées transversalement, offrent une écorce épaisse et
une substance interne blanche.
La quantité plus ou moins considérable d'amidon dans la racine des
Smilax est un caractère sans importance botanique, et qui paraît varier
beaucoup dans une même espèce. L’examen de fragments d’écorce de
Salsepareille de la Jamaïque montre que dans le plus grand nombre
des échantillons l’amidon n’existe pas dans toute la longueur d’une même
racine ; certaines n’offrent pas d’amidon dans le voisinage du rhizome,
mais possèdent, dans leurs parties moyennes ou près de leurs extrémi-
tés, une écorce amylacée et rendue blanche par l’amidon; d’autres sont
peu amylacées dans leur point de contact avec le rhizome, et le devien-
nent de plus en plus à mesure qu’on s’éloigne de ce dernier. Dans la
Salsepareille du Guatemala, qui est considérée comme une sorte très-
amylacée, il est facile de constater que l’écorce est peu riche en ami-
don dans le voisinage du rhizome, mais présente des dépôts abondants
de fécule dans les parties plus éloignées. La quantité de radicules atta-
chées aux racines de Salsepareille est très-variable ; on donne, dans le
commerce anglais, à celles qui en ont beaucoup, le nom de barbues. Ce
caractère dépend en partie des circonstances naturelles et en partie de la
coutume adoptée par les collecteurs qui laissent ou enlèvent les radi-
cules. Le docteur Rhys, de Belize, a montré que la quantité des radicule»
dépend beaucoup de la nature du sol, leur développement étant d au-
tant plus considérable que le sol est plus humide.
La Salsepareille sèche ne possède guère d’odeur; cependant, quand
on la fait bouillir en grande quantité, ou quand on évapore sa décoction,
il s’en dégage une odeur particulière et très-facile à percevoir. La sa-
veur de la racine est terreuse et peu prononcée ; la décoction elle-memc
ne possède pas de saveur très-prononcée.
structure microscopique. - Sur une section transversale de là ra-
cine les faisceaux fibro-vasculaires se montrent limités a la partie cen-
trale où ils sont entourés d’une ligne circulaire brune En dedans
de ce cercle, les faisceaux sont disposés à côté les uns de* autres de
façon à former une zone ligneuse. La portion tout a fait centrale de la
racine est formée d’un tissu médullaire blanc, dans lequel sont parfois
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. Ml
dispersés un certain nombre de faisceaux. Un parenchyme semblable
existe entre le cercle brun ou gaine des faisceaux et l’épiderme. Sur
une section longitudinale, l’épiderme offre plusieurs couches de cel-
lules allongées, à parois extérieures brunes et épaissies par des dépôts
secondaires. La gaine des faisceaux est formée d’une seule couche de
cellules prismatiques, dont les parois internes et latérales seules offrent
des dépôts secondaires. Les faisceaux contiennent de larges vaisseaux
scalariformes et des cellules parenchymateuses lignifiées.
Les cellules parenchymateuses, lorsqu’elles ne sont pas dépourvues
de contenu solide, sont remplies de gros grains d’amidon. Quelques-
unes offrent aussi des faisceaux de cristaux aciculaires d’oxalate de
calcium. Dans les Salsepareilles non farineuses, les vaisseaux et les
cellules ligneuses contiennent parfois une résine jaune.
Les diverses sortes de Salsepareille diffèrent les unes des autres, non-
seulement par 1 absence ou la présence de l’amidon, mais aussi par
l 'épaisseur de la zone ligneuse, qui dans quelques-unes offre plusieurs
fois le diamètre de la zone centrale. Dans d’autres, le diamètre de la
zone ligneuse est, au contraire, beaucoup moindre. La gaine des fais-
ceaux offre, sur la coupe transversale, des caractères encore meilleurs
pour distinguer les diverses sortes de la drogue. Le contour des cellules
peut être quadrangulaire ou un peu arrondi, ou bien il peut être plus
ou moins allongé. Dans ce dernier cas, il peut être allongé dans le sens
du rayon, ou, au contraire, dans une direction tangentielle. L’épaisseur
des parois cellulaires peut aussi varier beaucoup.
Caractères des diverses sortes de Salsepareilles. - Dans l’état actuel
de nos connaissances, aucune classification botanique des diverses
sortes de Salsepareilles n’étant possible, nous nous bornerons à adopter
le groupement établi par Pereira, et nous les diviserons en deux
classes : celles qui sont farineuses, c’est-à-dire dans lesquelles l’amidon
constitue un principe prédominant; et celles qui sont non farineuses ou
dans lesquelles l’amidon n’existe qu’en quantité relativement peu con-
sidérable.
A. SALSEPAREILLES FARINEUSES.
1° Salsepareille du Honduras. - Cette drogue est expédiée de Belize.
Je est disposée en paquets longs de 73 centimètres et épais de 8 à
centimètres, étroitement serrés avec une racine enroulée autour
eux. Les paquets sont réunis en balles à l’aide de grandes pièces de
548 SMILACfcES.
cuir, placées aux deux extrémités, et maintenues pai des counoies de
cuir renforcées de cercles en fer.
Les racines sont profondément sillonnées, ou parfois dodues et lisses,
plus ou moins barbues , c’est-à-dire couvertes de radicules. Dans la plus
grande partie de leur longueur, elles offrent, lorsqu’on les coupe en
travers, une écorce épaisse, remplie d’amidon. Dans les parties voisines
du rhizome cependant, l’écorce est brune, résineuse et non amylacée.
Elles sont colorées en brun pâle, parfois un peu orangé. La drogue
offre de grandes variations, de sorte qu’il est à peu près impossible de
lui assigner des caractères distinctifs absolus.
Les importations annuelles, dans le Royaume-Uni, de la Salsepareille
du Honduras anglais ont été en moyenne, pendant les cinq années posté-
rieures à 1870, de 52 000 livres environ.
Salsepareille du Guatemala. — Cette sorte de Salsepareille apparut
pour la première fois dans le commerce en 1852. Elle ressemble a celle
du Honduras par plusieurs de ses caractères, et est emballée de la même
façon; mais elle possède une coloration plus nettement orançjee. Dans
le voisinage du rhizome, les racines sont maigres, ridées et peu amy-
lacées, mais elles deviennent graduellement plus épaisses, 6 millimétrés
environ, et acquièrent une écorce épaisse qui, intérieurement, est très-
blanche et amylacée. L’écorce de cette Salsepareille possède une grande
tendance à se fendre et à s’enlever, et dans beaucoup de points elle
laisse à nu la colonne ligneuse centrale.
D’après Bentley (1), qui a examiné des échantillons de la plante,
Cette racine est produite par le Smilax papyracea; nous n’avons pas de
motifs suffisants pour adopter cette opinion.
3» Salsepareille du Brésil , de Para ou de Lisbonne. — Quoique tenue
autrefois en grande estime, la Salsepareille du Brésil est peu appréciée
en ce moment en Angleterre, et on ne la voit que rarement sur le mar-
ché de Londres (2). Elle est emballée d’une manière toute spéciale.
Les racines sont fortement comprimées en un cylindre de 90 centimètres
de long ou davantage et de 15 centimètres de diamètre ; la tige fiexible
d’une plante de la famille des Bignoniacées est enroulée autour de
chaque cylindre, et les extrémités sont coupées net.
m Pharm. Journ., 1853, XII, 470, avec figure. , „ .
; Nous avons Mf que sotantc-si* paquet» de celte droB„e provenant de Par.
furent mis en vente le 15 décembre 1S53. [D. II.]
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
F40
B. SALSEPAREILLES NON FARINEUSES.
4° Salsepareille de la Jamaïque. — Cette sorte est considérée par les
droguistes anglais comme la plus importante ; elle paraît être celle
qui possède les propriétés médicinales les plus prononcées, et elle est
seule admise par la Pharmacopée anglaise. Quoique désignée constam-
ment sous le nom de Salsepareille de la Jamaïque , on sait bien qu’elle
doit ce nom uniquement à ce qu’elle nous est apportée de l’Amérique
centrale en passant par cette île. Au commencement du dernier
siècle, la Jamaïque était l’entrepôt de la Salsepareille. De grandes
quantités y étaient apportées, d’après Sloane, du Honduras, de la
Nouvelle-Espagne et du Pérou. La patrie réelle de la Salsepareille de
la Jamaïque, d après De Warszewicz (1857), est la chaîne de montagnes
connue sous le nom de Cordillère de Chiriqui, dans la partie de l’isthme
de Panama qui confine à la république de Costa-Rica. La plante y
croît à une altitude de 1 200 à 2 400 mètres au-dessus du niveau de
la mer. La racine est apportée par les indigènes à Boca del Toro, sur la
côte de l’Atlantique, ou elle est embarquée.
La drogue est formée de racines de 1 m,80 ou davantage de long,
pliées de façon à. former un paquet de 50 centimètres de long et
de 10 centimètres de diamètre, lié et entouré, mais d’une façon moins
serrée que la racine du Honduras, à l’aide d’une racine de la même
plante. Le rhizome manque entièrement, mais les radicules sont conser-
vées, et forment une proportion importante de la drogue. Les racines
sont profondément sillonnées, ridées, et généralement plus grêles que
celles du Honduras. L’écorce, raclée avec un canif, paraît brune, dure
et non farineuse. Il n’est pas rare cependant de trouver des racines qui
possèdent une écorce lisse et riche en amidon. La coloration de la Sal-
separeille de la Jamaïque varie du brun terreux pâle à une teinte fer-
] ugiueuse plus foncée. Cette dernière est la plus recherchée.
La drogue cultivée dans file même de la Jamaïque, dont nous avons
parlé à la page 541, est bien préparée, mais sa coloration est si pâle et
elle est si riche en amidon, qu’elle n’obtient que peu de faveur sur le
marché de Londres. Il en a ôté exporté de la Jamaïque, en 1870,
1747 livres, et en 1871, 1 290 livres (1).
a Salsepareille du Mexique. — Les racines de cette variété ne sont
(I) Blue Books , hland of Jamaïca for 1870, 1871.
830 SMILACfŒS.
pas disposées en faisceaux, mais empaquetées en ballots, en fragments
longs de 90 centimètres environ. Elles sont souvent mélangées de frag-
ments de tige anguleux, mais non carrés et épineux. Les racines sont
colorées en brun pâle ; elles sont maigres, ridées, et ne portent que peu
de radicules. Lorqu’clles sont épaisses, elles possèdent une écorce assez
riche en amidon, mais lorsqu’elles sont minces et proviennent du voi-
sinage du rhizome, elles ne sont pas amylacées.
6° Salsepareille de Guayaquil. — On exporte depuis longtemps de
Guayaquil (voyez p. 543) une sorte estimée de Salsepareille. M. Spruce
nous a informés qu’elle' provient en grande partie des vallées qui débou-
chent dans la plaine sur le versant occidental des Andes Equatoriales,
mais surtout de la vallée cl’Alausi, où, en 1859, il put observer la plante
elle-même, à la jonction de la petite rivière Puma-Gocha avec le Yagua-
chi. La plante paraît être très-productive; on raconte, en effet, qu’une
seule souche a pu fournir jusqu’à 75 livres de racines fraîches (1).
La Salsepareille de Guayaquil diffère beaucoup des sortes dont nous
avons déjà parlé. Elle est grossièrement empaquetée en grosses balles, et
n’est pas disposée d’ordinaire en paquets distincts. Le rhizome et une
partie de la tige sont souvent mélangés aux racines. La tige est ronde et
non épineuse. La racine est épaisse, longue, son apparence est gros-
sière, et elle porte un grand nombre de radicules. L’écorce est sillonnée,
assez épaisse, dépourvue d’amidon dans les parties grêles de la racine
qui avoisinent le rhizome; mais dans les portions épaisses l’écorce est
plus lisse, plus épaisse et amylacée, et offre intérieurement, sur la sec-
tion, une coloration fauve bu jaune pâle, lien a été exporté de Guaya-
quil, en 1871, 1 017 quintaux valant 3 814 livres (2).
Composition chimique. — Galileo Pallotta, de Naples, vers 1 824, réussit
le premier à retirer delà Salsepareille un principe particulier qu’il prit
pour un alcaloïde et nomma Pariglina, ou, comme on l’écrit aujourd hui,
Parilline. 11 épuisa la drogue brute par l’eau bouillante, et mélangea sa
décoction avec un lait de chaux; il se produisit un précipite grisa re,
qu'il detesécha et traita par l’alcool chaud; ce dernier enleva la pari -
line. Pallotta dit que cette substance rougit légèrement e touineso ,
mais il ne dit pas explicitement s’il l’obtint à l’état cristallin ou non.
Elle paraît cependant identique à la substance que d’autres chimistes
ont obtenue à l’état de cristaux, et qui a été nommée Salseparme par
g} in “ ” *■
ports, présentés au parlement en juillet 18/2.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 551
Thubeuf, en 1831, acide Parillinique par Batka, en 1833, et Srnilacine
par d’autres chimistes plus récents.
Nous avons isolé la parilline en épuisant la Salsepareille du Mexique
par l’alcool, et évaporant la teinture. Le résidu brun, après avoir été
traité à plusieurs reprises par l’alcool et le charbon, donna des cris-
taux qui furent purifiés par recristallisation dans l’alcool. Nous l’avons
aussi retirée des rhizomes noueux; dans ce cas, nous employâmes
le procédé suivant : les rhizomes, grossièrement pulvérisés, furent
épuisés par l’eau, à une température inférieure à 60° G., afin de ne pas
dissoudre l’amidon ; le liquide aqueux fut alors évaporé à consistance
sirupeuse, et mélangé avec deux fois son volume d’alcool qui sépara
le mucilage et les sels. Le liquide fut filtré et l’alcool distillé. La solu-
tion laissa alors déposer une masse verruqueuse de cristaux jaunâtres
de parilline, qui furent purifiés par cristallisations répétées dans l’al-
cool dilué, avec addition d’un peu de charbon (1).
La parilline forme des cristaux aciculaires incolores, solubles dans
1200 parties d’eau à 20° C., et beaucoup plus solubles dans l’eau
chaude. La solution est neutre et mousse quand on l’agite. A 25° G., la
parilline exige pour se dissoudre 25 parties d’alcool à 0,814. La solu-
tion possède une saveur âcre, persistante ; elle est dépourvue de pouvoir
rotatoire. Dans l’acide sulfurique chaud concentré, la parilline tourne
au brun rougeâtre et prend, au fur et à mesure de l’hydratation de
1 acide, une belle teinte violette. La parilline est insoluble dans l’éther
et presque insoluble dans le chloroforme.
Nous avons retiré de la Salsepareille 0,19 pour 100 en moyenne de
parilline parfaitement blanche et cristallisée, nous n’avons pas réussi à
la préparer à 1 aide des rhizomes de Smilax aspera.
Les cristaux de parilline contiennent une quantité d’eau qui varie
depuis 6 à 12 pour 100; nous ne sommes pas arrivés à des chiffres bien
constants. Elle commence à s’altérer à partir de 140° et devient liquide
en se décomposant, à 210°.
La pai illine rentre dans la classe des Saponines. En la faisant bouillir
VD Je préféré maintenant la méthode suivante : 12 parties de Salsepareille sontchauf-
tées à deux reprises au moins avec de l’alcool ayant pour poids spécifique 0,835; le liquide
es soumis ! la distillation; le résidu, égal è 2 parties, est ensuite mélangé à 3 parties
deau froide. On réussit aussi parfaitement, au bouL de quelques jours, à décanter du
précipité le liquide très-foncé sans recourir à la filtration. La parilline précipitée ii
ctat pâteux est alors placée sur le filtre après avoir étendu d’un peu d’alcool. On lave
la par, Mme au moyen d’alcool très-faible, et on la fait enfin cristalliser en la dissol-
aMS de l’alcool h 0,835, après l’avoir traitée avec du charbon animal.
552 SMILACÉES.
avec de l’acide sulfuriquo dilué on obtient un nouveau produit cristal 1 i-
sablc, la Parigénine, et du sucre qui, du moins en partie, cristallise à la
longue. Le liquide, au sein duquel ce dédoublement s accomplit, prend
une teinte remarquable d’un vert foncé, ainsi que 1 a observé, le pre-
mier, en 1874, M. Klunge. La parigénine est peut-être identique à la
sapogénine "décrite en 1867 par Rochleder (I).
Nous avons déjà signalé, dans la Salsepareille, la présence d’amidon,
de résine, d’oxalale de calcium qui sont révélés par le microscope.
Pereira (2) a examiné l’huile essentielle, qui est plus lourde que l’eau,
et possède l’odeur et la saveur de la drogue ; 140 livres de Salsepareille
de la Jamaïque ne lui en fournirent que quelques gouttes.
La nature de la matière extractive noire que l’eau enlève en abon-
dance à la drogue, et dont la quantité est considérée par les droguistes
comme un critérium de bonne qualité, n’a pas encore été étudiée.
Commerce.— La quantité de Salsepareille importée dans le Royaume-
Uni, en 1870 (nous ne possédons pas de statistique plus récente), a été
de 345907 livres, valant 26 564 livres sterling.
Usages. — La Salsepareille est considérée par plusieurs thérapeu-
tistes comme un tonique altérant d’une certaine valeur; dautie» la
regardent comme ne possédant que peu ou pas du tout de propriétés
médicinales. Elle est encore beaucoup employée, mais beaucoup moins
qu’il y a quelques années. Les préparations le plus en usage sont celles
qu’on obtient par l’ébullition prolongée de la racine dans 1 eau.
(a) Les Smlax Tournefort (Inslit., t. 481) sont de. Liliacees .de la tribu de.
Smilacées, à fleurs régulières. Le pôrianthe est formé de six folio es petaloides,
étalées, distinctes, uninerviées ; les trois extérieures ordinairement P ^ ^s que
les trois autres. L’androcée se compose de six etaunnes insérées sur la ba»e du p
aX, plus courtes que lui, formées Je filets linéaires qui estent seuls dans es
fleurs femelles, et dans les fleurs mâles, d’anthères a deux loges, hneaues, obtu»e ,
Ms IfiVes lut,-» -ses, déhiscentes par des feules longitudinales. Le gjnec est tonne
d un ovalresupère, libre, ordinairement triloculuire; chaque loge contenant un seul
os u°e n éré au sommet de l'angle interne, suspendu, «natrope, a nucrop.l dmgé
en haut et en has. L'ovaire est surmonté d'un style à .rois stigmates, allonges,
rouverts de papilles sur leur face interne, recourbés en dehors. Le finit est une
^globuleuse, ordinairement à trois loges, contenant chacune une gratnc sub-
olobuleuse qui renferme un albumen cartilagineux et un embryon tie.-petit, si c
dans le voisinage de la ehalase. Les Smlax sont des plantes suffrutescentes, gu •
0) Consulter pour tes délai,. - — ?*£ MES T fSX
C VArc„ tu *r .« (««m.
■ 2; Eléments of Malcria Mcclica, 1850, 11, 1168.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 583
pantes, toujours vertes, à racines fibreuses ou tubéreuses ; à souche vivace émet-
tant des rameaux ordinairement munis d’aiguillons, et plus ou moins anguleux;
à feuilles pétiolées, éparses-distiques, ordinairement cordées ou hastées et
digitiuerviées ; à fleurs disposées en inflorescences ombelliformcs, axillaires.
(b) Le Smilax Medica Schlechtendal
et Chamisso (in Linnœa, VI, 47) est une
plante glabre, ti rameaux imparfaitement
hexagonaux, parcourus de stries très-fines,
ilexueux, munis au niveau des nœuds d’ai-
guillons géminés, comprimés, droits ou
légèrement recourbés, jaunâtres au sommet.
Lesramuscules sont tendres et inermes. Les
feuilles sont éparses ; celles des rameaux
sont cordées, deltoïdes ovales, subtrilobées,
à lobes basilaires arrondis, à lobe terminal
ovale- oblong, courtement acuminé ; elles
sont munies de sept nervures proéminentes
en dessous ; elles sont glabres, vertes, un peu
plus pâles sur la face inférieure, parcourues
de lignes pellucides, longues de 18 centi-
mètres environ et larges de lb centimètres.
Celles des minuscules sont plus petites, cor-
dées à la base, ovales-oblongues, aiguës,
quinquenerviées, longues de 10 à 11 centi-
Cig. 208. Smilax pseuclo-syphilitica
(d’après Berg et Schmidt).
mètres et larges â la base de 5 a 6 centimètres. Les pétioles sont dilatés au niveau de
leur point cl insertion et munis de deux cirrhes stipulâmes 'filiformes, tordus en
spirale ; ils sont glabres et plus
nés elliptiques ou presque ar-
rondies, un peu anguleuses au r g- , Rftcino de Salsepareille du Honduras,
niveau du I f .1 Coupe transversale d'ensemble de la portion centrale,
niveau de la face ventrale, con-
vexes dans le dos, à peu près lisses, colorées en brun pâle, avec un bile très-grand
noirâtre. ’
(c) Le Smilax syphililica IIumboldt et Bonpland (in Willdenow, Spec ., IV, 780)
554 SMI LACÉES.
sc distingue par ses rameaux cylindriques, lisses, munis au niveau des nœuds d ai-
guillons rares et forts-, scs feuilles coriaces, oblougucs-lancéolécs, mucronees, ui-
rondies à la base, trincrviécs, inermes, munies de cirrlies stipulâmes, et inermes.
[Tuad.]
(e) Sur des coupes transversales, comme celle des figures 209, 270 et des coupes
longitudinales, la racine de Salsepareille offre de dehors en dedans: l°une couche
épidermique (fig. 270, a) formée de cellules quadrangulaires ou cunéiformes a
parois très-épaisses, à cavité étroite, allongée radialement. La paroi est plus épaisse
en dehors, où elle est doublée d’une
couche cuticulaire, et sur les cotés.
I Cette première couche épidermique
superficielle est fréquemment accom-
pagnée d’une deuxième et même d’une
troisième couche formées de cellules
semblables. En dedans de cet épi-
derme à plusieurs assises, se trouve
\l une couche b de renforcement, con-
e stituée par des éléments à contours
polygonaux, à parois assez, épaisses et
j- dures, allongés parallèlement au grand
axe de la racine, disposés bout à bout
et séparés les uns des autres par des
parois transversales plus ou moins
obliques. En dedans de ces assises de
cellules allongées, existe un paren-
chyme e, très-épais, constitué par de
g grandes cellules polyédriques , ou
presque arrondies, à parois minces et
claires, laissant entre elles des méats.
En dedans, cette couche parenchyma-
h teuse est limitée par une zone ininter-
rompue de cellules à parois épaissies ^
qui constitue la gaine des faisceaux.
Les cellules qui la forment sont assez
semblables à celles des assises épi-
Fig\ 270. Racino do Salsepareille dn Honduras.
Coupe transversale de détail.
dermiques. Leur cavité est petite, allongée radialement et leurs parois son très-
épaisses surtout en dedans et sur les côtés. Immédiatement eu contact avec la face
interne de cette gaine on voit trois ou quatre couches e, d’élements a contours ni e-
guliers, à parois un peu épaissies, assez analogues à ceux que nous avons deciits
au-dessous de l’épiderme, puis vient un cercle /de faisceaux fibrovasculaires avau la
structure habituelle des faisceaux de monocotylédones. Chaque faisceau est const.tue
par une portion libérienne, ou phloème do M. Mgeli, d élémonU ». longée pourvu»
de parois minces et claires, et d'une portion ligneuse ou xvlèrae de M. NageU, em-
buée par des vaisseaux plus ou moins larges, le lent entoure d une couche epa, se
d'éléments prosenchymateux i contours polygonaux, trbs-prcsses les uns coulre les
autres et constituant ici la partie résistante de la racine.
Dans la partie centrale de la racine,/., formée de cellules polyédnques ou a -
rondies, laissant, entre elles de vastes méats intercellulaires se voien , on. e .
Sinage du cercle fibrovasculaire, des groupes isolés de grands vaisseaux g, entomes
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 555
des mêmes éléments prosencliymaleux qui séparent les faisceaux les uns des autres
et les entourent (I). [Trad.]
SQUINE.
Tubcr C/iinæ ; Jiadix Chimie; nngl., China liant; aliéna., Chinawurxel,
Origine botanique. — Smilax China L. [S. ferox Wall.). C’est un ar-
buste grimpant, ligneux, muni d’aiguillons, originaire de la Chine, du
Japon et de l’Inde orientale, notamment du Népal, du Khasia, du
Silckim et de l’Assam. C’est à cette espèce qu’on attribue généralement
la drogue. L’autorité la plus importante en faveur de cette opinion est
celle de Kampfer, qui a figuré la plante dans ses Amœnitates, p. 783,
en 1712, et dont les échantillons sont encore conservés dans le British
Muséum (a).
Le Smilax glabra Roxb. et le Smilax lanceæfolia Roxb., indigènes de
l'Inde et du sucf de la Chine, possèdent des tubercules qui, d’après
Roxburgh , ne peuvent pas être distingués de la Squine de la médecine,
quoique ces plantes diffèrent beaucoup par leur aspect général du Smi-
lax China. Le docteur Hance (2), de Wampoa, reçut un échantillon vi-
vant de la plante qu’il s’assura être le S. glabra. Les trois espèces ci-
dessus nommées croissent dans l’île de Hong-Kong.
Historique. — L’usage de cette drogue, comme remède contre la sy-
philis, fut indiqué aux Portugais de Goa par les négociants chinois,
vers 1535. Garcia d’Orta, qui raconte ce fait, ajoute que la nouvelle
drogue acquit une telle réputation, que de petites quantités employées
à Malacca furent achetées au prix de 10 couronnes le ganta , poids de
24 onces. On parla des bons effets produits par la Squine sur Charles-
Quint, qui souffrait de la goutte, et la drogue en acquit en Europe une
telle célébrité, que plusieurs ouvrages (3) furent écrits pour célébrer ses
(1) Pour plus de détails sur ce tissu proseuchymateux qui existe dans toutes les
monocotylédones, voyez: Schxvendener, Das Mecanische Princip irn Anatom. Bau (1er
Monocotylen, 1874.
(2 ) Jour. of Bot., do Trimen, 1872, I, 102.— Le S. glabra et.le S. lanceæfolia ont été
figurés par Seemann dans son Botany of the Herald, 1852-57, t. 99-100. Le Smilax
China est bien représenté dans l’herbier de Kew. Nous avons examiné des échantil-
lons provenant de Nagasaki, de Hakodadi et de Yokohama ; de Loochoo, de Corea, de
f ormosa, de Ningpo ; et des échantillons indiens provenant de Khasia, d’\ssam et
du Népal.
(3) Le plus ancien est celui d’Andréas Vesalius, Epistola rationem, modumque pro-
pinandi radiais Chÿmæ dccocti,quo nnper mvictissimus Carolus V imperator usas est,
Venot., 1540. On trouve cependant une assez bonne description do la Squine dans
1 Hisloria stirpium de Valérius Cordus (212), publié à Strasbourg, par Conrad Gesnor,
SMILACÉES.
mc>
vertus. Cependant, on ne tarda pas à s’apercevoir que ses propriétés
avaient ôté beaucoup exagérées, mais elle conserva une certaine répu-
tation comme sudorifique et altérante, et lut beaucoup employée jus-
qu’à la fin du dix-septième siècle aux mêmes usages que la Salsepareille.
Elle occupe encore sa place dans quelques Pharmacopées modernes.
Description. — La plante produit des racines fibreuses, flexueuses,
qui, çà et là, se renflent en gros tubercules. Ces derniers constituent,
après dessiccation, la drogue qui porte le nom de Squine ou Racine de
Chine. Tels qu’on les trouve sur le marché, ces tubercules sont irrégu-
lièrement cylindriques, ordinairement un peu aplatis et produisant par-
fois de courtes branches noueuses. Ils ont de 10 à 15 centimètres ou
davantage de long, et de 3 à 5 centimètres d’épaisseur; ils sont recou-
verts d’une écorce de couleur rouille, un peu luisante, lisse dan» quel-
ques échantillons, mais plus ou moins ridée dans d’autres. Ils ne pré-
sentent aucune trace visible de feuilles rudimentaires, que cependant
on peut voir sur les tubercules de quelques espèces voisines. Quelques-
uns offrent encore des restes de la racine traçante ligneuse et semblable
à une corde sur laquelle ils se sont développés, et la base de quelques
racines. La plupart des tubercules portent des cicatrices indiquant qu ils
ont été nettoyés avec un couteau.
La Squine est inodore et presque insipide. Sur une section transver-
sale, elle offre une substance interne, dense, granuleuse, coloree en
brun fauve pâle.
structure microscopique. - La partie externe de l’écorce est formée
d’une couche de cellules brunes, à parois épaisses, allongées tangen-
tiellement. Ces cellules contiennent de nombreuses touffes de cristaux
aciculaires d’oxalate de calcium, et des masses d'une résine brun rou-
geâtre. A l’écorce succède un parenchyme interne qui contraste forte-
ment avec elle par sa structure ; il est formé de grandes cellules à parois
minces et ponctuées, gorgées d’amidon, mais contenant aussi, ça et la,
de la résine brune et des cristaux aciculaires d’oxalate de calcium, es
grains d’amidon sont volumineux ; ils ont jusqu’à 50 millièmes de mil-
limètre de diamètre, sont sphériques, souvent aplatis ou anguleux par
pression réciproque. Ils offrent, comme ceux du colchique, un hile radie ;
ils sont très-fréquemment crevés et réunis les uns aux autres, proba j e-
cmestion à l’occasion de l'histoire de la Salsepareille. [F. A. I .j
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 557
ment parce que le tubercule a été échauclé. Les faisceaux vasculaires
sont dispersés dans le parenchyme ; ils contiennent d’ordinaire deux
larges vaisseaux scalariformes ou des vaisseaux réticulés, un paren-
chyme à parois minces et délicates, et de belles cellules ligneuses
épaisses et munies de ponctuations linéaires.
Composition chimique. — La drogue passe pour ne contenir aucun
principe auquel on puisse attribuer des propriétés médicinales. Nous
avons essayé, sans aucun succès, d’en retirer de la parilline, substance
active cristallisable de la salsepareille.
Commerce. - La Squine est importée en Europe du sud de la Chine,
ordinairement de Canton. La quantité embarquée dans ce port, en 1872,
a été seulement de 384 péculs; tandis que la même année il en fut ex-
pédié, deHankow, la grande cité commerçante du Yangtsze, à destina-
tion des ports de la Chine, 10258 péculs (I).
Usages. — Malgré la haute opinion qu’on avait autrefois des pro-
priétés de la Squine, cette drogue est aujourd'hui complètement tombée
en désuétude en Europe. En Chine et dans l’Inde, elle est encore tenue
en haute estime contre les maladies rhumatismales et syphilitiques, et
comme aphrodisiaque et adoucissante. Polak affirme que les tubercules
de Smilax servent à l’alimentation des Turcomans et des Mongols (2).
Substitution. — Plusieurs espèces américaines de Smilax fournissent
une drogue qui, à diverses époques, a été apportée sur le marché sous
le nom de Raclix Chinæ occidental is. Il est difficile de dire exactement
par quelle espèce elle est fournie ; cependant les S. Pseudo- China L.,
S.tamnoides L., qui croissent aux Etats-Unis, dans le New-Jersey, et
plus au sud, le S. Balbisiana Kuntm, plante connue dans toutes les îles
des Indes occidentales, et les S. Japicanga Griseb., S. Syringnides Griseb.
et le S. hrasiliensis Spreng., sont considérés comme fournissant de gros
rhizomes tuberculeux, qui remplacent, dans plusieurs localités, la
Squine d Asie, et sont employés aux mêmes usages.
Le Smilax china L. ( Species , 1459) possède avec les caractères généraux du ]
geme (voyez page 552, note a) une lige aérienne frutescente, cylindrique, grimpante, <■
munie d’aiguillons peu nombreux, très-courts et épars ; des feuilles alternes, hier- 1
(1) lletums of Trafic àt the Treaty Ports in China for 1872, 34, 154.
(2) Nous signalons cette indication avec réserves sachant que les Chinois et les Eu-
lopéens ont souvent confondu la Squine avec la singulière production fongoïde nom-
mée Pacht/ma Cocos. La première est nommée par les Chinois Tu-fuh-ling, la seconde
tuh-luiy ou Pc-fuh-ling ( Pharm . Journ., 1862, III, 421. — R. Poivrai Smith, Mat.
i ci., and Nat. Hist. of China , 1871, 198. — Dragendohff, Volksmedicin Turkestcins
m Hcpcrtorium de Buciiner, 1873. XXI f, 135).
558 GRAMINÉES.
mes, ovales, aiguës, quinquenerviées, glabres, pétiolées, et accompagnées de deux
cirrhes stipulaires; des pétioles bidentés. Les fleurs sont disposées eu petites inllo-
rcscences ombclliformes, axillaires. Le fruit est une petite baie arrondie, rouge, tri-
loculaire.
Le Smilax glabra Roxihirgh ( Flora indica, 111, 792) se distingue pat scs îa-
meaux inernics, cylindriques, lisses; ses feuilles lanceolécs-acuminées, anondies a
la base, trinerviées ; ses folioles calicinales larges, obcordées ; ses anthères très-
grandes et sessiles.
Le Smilax lanccœ folia Roxhuhgii ( Flora indica, III, 792) possède également des
rameaux cylindriques, inernics et lisses ; ses feuilles sont lancéolées, lisses, triner-
viées ; les segments de son périanthe sont linéaires-oblongs. [Thad.)
GRAMINÉES
SUCRE DE CANNE.
Saccharum; angl., Ctma Sugar, Suyar, Sucrosc ; allcm.. Zuclcer, Rohrzucker.
Origine botanique. — Saccharum officinarum L. C’est une plante a
tige articulée, haute de lm,80 à 2”, 60, solide, dure, dense, succulente
en dedans, creuse seulement au niveau des pousses florales. On en cul-
tive plusieurs variétés, notamment la Canne de Pays ( Counlry Cane), qui
est la forme primitive de l’espèce ; la Canne rouge ( Ribbon Cane), dont
la tige est munie de raies pourpres ou jaunes ; la Canne de Bourbon ou
de Taïti , qui est plus allongée, plus forte, plus velue et très-produc-
tive. Lo Saccharum violaceum TossAC,qui constitue la Canne de Batavia,
est également considéré comme une simple variété; mais le grand Sai -
charum chinense Roxb., introduit de Canton en 1796, dans le jardin bo-
tanique de Calcutta, peut être considéré comme une espèce distincte. 11
possède une longue panicule grêle, dressée, tandis que celle du Saccha-
rum officinarum est chevelue et étalée, avec des ramifications alternes et
plus composées, sans compter d’autres différences dans les feuilles et
les fleurs.
On multiplie la Canne à sucre à l’aide de' boutures, parce que en-
graines, qui sont très-petites, n’arrivent que rarement à maturité. Elle
croît fort bien dans tous les pays tropicaux et subtropicaux, et s éleve,
dans l’Amérique du Sud et le Mexique, jusqu’à une altitude de I 500 a
■1 800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle est cultivée, dans a
plus grande partie de l’Inde et de la Chine, jusqu’au 30 et 31° degré
de latitude'nord, excepté dans les régions montagneuses.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 539
D’après les recherches de Ritter (1), le Saccharum officinarum paraît
être originaire du Bengale et de l’Indo-Ghine, ainsi que de Java, de
Bornéo, de Bali, des Célèbes, et d’autres îles de l’archipel Malais, mais
il n’est pas probable qu’on le trouve nulle part aujourd’hui à l’état sau-
vage.
Historique. — La Canne à sucre est probablement connue dans l’Inde
depuis un temps immémorial ; et y a sans doute d’abord été cultivée pour
servir directement à l’alimentation, comme elle l’est encore aujourd’hui
dans les régions qui sont peu propres à la fabrication du sucre (2).
Hérodote, Théophraste, Sénèque, Strabon, et d’autres écrivains,
avaient quelque connaissance du sucre brut; ils parlent en effet d’un
Miel de canne, d’un Miel fait par les mains des hommes , différent de celui
des abeilles. Mais c’est seulement à partir du commencement de l’ère
actuelle que les anciens connurent incontestablement le sucre auquel
ils donnèrent le nom de Saccharon.
Ainsi, Dioscoride (3), vers 77 ap. J.-C., mentionne le miel concrété
nommé 2xx/apov qu’on trouve sur les cannes (èrà xwv xa\dp.wv) dans l’Inde
et dans l’Arabie heureuse, et il dit que cette substance ressemble au sel
par son aspect et sa cassure. Pline connaissait évidemment la même
substance sous le nom de Saccharum , et l’auteur du Periplus de la mer
Erythrée , vers 54-68, dit que le miel des Cannes, nommé cdx/apov, est
exporté de Barygaza, dans le golfe de Cambay, pour les ports de la mer
Rouge, à l’ouest du Promontorium Aromatum, c’est-à-dire sur la côte
opposée à Aden. Il reste encore à savoir si à cette époque le sucre était
un produit des Indes occidentales, ou s’il y fut apporté du Gange.
Le Bengale est probablement le pays dans lequel on fabrique du sucre
depuis le plus long temps; car son nom dans toutes les langues de l’Asie
occidentale et de l’Europe dérive du sanscrit Sharliarâ , qui signifie une
substance ayant la forme de petits cailloux ou de prismes. Il est étrange
que ce mot ne contienne aucune allusion à la saveur de la substance. Le
mot C'andy, par lequel on désigne le sucre en gros cristaux, dérive de
1 arabe Kand ou Kandat, qui a la même signification que le mot sans-
(I) Erdkunde von Asien, IX, West-Asi&h., Berlin, 1840, 230-291.
rv!!i Pr°dUtU que 108 traducLeurs anSlais de la Bible ont rendu par le mot Swect
doucc) et au(Rlel fait allusion le prophète Isaïe (ch. xli.i, 24) et Jérémie
e9'2r^ 7PChandise imP0I * 3'tée d’un éloigné, a été l’objeL de nombreu-
tre, riT î' Quelques-uns ont supposé qu’il s’agissait de la Canne à sucre ; d’au-
sunnoser nue'r “ al'°malT°’ 1 ' Andropogon. Nous pensons qu’il y a plus de motif de
| poser que celte dénomination s applique à une espéco de cannelle.
(3) Lib. II, c. 104.
300 GRAMINÉES.
crit. Un vieux nom sanscrit du Bengale central est Gura, d’où est venu
le mot Gula, signifiant sucre brui , nom appliqué au sucre d’une façon
générale dans l’Archipel Malais, où il existe des noms spéciaux pour dé-
signer le sucre de canne, mais non le sucre en général. Ce fait vient à
l'appui de l’opinion de Ritter, que la première préparation du sucre a
l’état cristallin est duc aux habitants du Bengale.
Sous le nom de Shi-mi, c’est-à-dire pierre de miel , le sucre est fré-
quemment mentionné dans les anciennes annales chinoises parmi les
produits de l’Inde et de la Perse. Il y est dit que l’empereur Tai-tsung,
en 627-650 de notre ère, envoya un ambassadeur dans le royaume de
Magadha, dans l’Inde, le moderne Bahar, pour apprendre la méthode
de la préparation du sucre (I). Les Chinois reconnaissent réellement
qne les Indiens furent, entre 766 et 780, leurs premiers maîtres dans
l’art de raffiner le sucre, car pour le désigner ils ne possèdent aucun
ancien caractère écrit spécial.
Un écrivain arabe, Abu Zayd al Hasan (2), nous apprend que vers
850 la canne à sucre était cultivée sur la côte nord-est du golfe Per-
S‘ An siècle suivant, le voyageur Ali lstakhri (3) trouva le sucre pro-
duit en abondance dans la province perse de Knzistan, ancienne
^VeTla même époque (950), Moses de Chorene, Arménien, dit aussi
nue la fabrication du sucre était florissante près de la célébré Ecole de
médecine de Jondisabur, dans la même province, et d existe encore
dans les environs d’Ahwas des traces de cette industrie, représentée pa,
des meules en pierre, etc. .. , .
Les médecins persans du dixième et du onzième siècle, notamment
Rhazes Haly Abbas et Avicenne, introduisirent le sucre dans la mede-
“es Arabes cultivaient la canne à sucre dans plusieurs de leurs
établissements de la Méditerranée, notamment dans Vile de Chypre, en
Sicile en Italie, dans le nord de l’Afrique et en Espagne.
En France, le sucre était parfaitement connu des le treizième s, ode,
et beaucoup antérieurement sans doute ; nous trouvons en effet, » sucre
in panibus et in pulvere » dans la collection des Cartulatres de I ra» ,
par Guérard (4).
(D BnETSCUNCieca, Cllbme IManical Works. «•
h "■ ,G ot 78, mi,i'u *
treizième siècle. [F. A. F.]
50 1
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
Le Calendrier de Gordouc (I) montre que dès 961 sa culture était bien
établie en Espagne, seul pays de l’Europe où il existe encore actuelle-
ment des moulins à sucre (2). Guillaume II, roi de Sicile, offrit en 1176
au couvent de Montréal des moulins pour broyer la canne à sucre, dont
la culture existe encore à Avola, près de Syracuse; mais la canne n’y
sert qu’à la fabrication du rhum. En 1767, les plantations de canne et
les fabriques de sucre de cette région furent décrites par un voyageur (3)
comme ayant une certaine importance.
Pendant le moyen âge, l’Angleterre et le reste de l’Europe du Nord
étaient approvisionnés de sucre par les pays méditerranéens, surtout par
l'Egypte et l’île de Chypre. Il était importé d’Alexandrie, dès la fin du
dixième siècle, par les Yénitiens, pour lesquels il constitua longtemps un
objet important de commerce. Ainsi, nous trouvons (4) qu en 1319 un
marchand de Venise, Tommaso Loredano, expédia par mer à Londres
100 000 livres de sucre, dont la valeur devait être payée en laines, qui
constituaient à cette époque le grand produit de l’Angleterre. Le sucre
coûtait alors fort cher : de 1259 à 1350 son prix moyen, en Angleterre,
était d’environ 1 shelling la livre, et de 1351 à 1400 il était de 1 shelling
7 deniers (5). En France, pendant la même période, il devait être très-
répandu, mais également très-coûteux. Le roi Jean II ordonna, en 1353,
aux apothicaires de Paris de ne pas employer le miel pour les prépa-
rations dans lesquelles devait entrer un bon sucre blanc nommé
ca félin (6).
L’importance de la fabrication du sucre en Orient fut constatée
de visu , dans la dernière moitié du treizième siècle, par Marco Polo (7),
et en 1510 par Barbosa et d’autres voyageurs européens ; les nations
commerçantes de l’Europe transportèrent rapidement la canne à sucre
dans tous les pays où sa culture était rendue possible par le climat.
Ainsi, elle fut introduite à Madère, en 1420; à Saint-Domingue, en
1494(8); dans les îles Canaries, en 1503; au Brésil, dès le commence-
ment du seizième siècle ; au Mexique, vers 1520 ; à la Guyane, vers 1 600 ;
(1) Le calendrier de Cordoue de l’année 9GI, par R. Dozÿ, Lcyde, 1873, 3b, 41, 91.
(2) 11 en existe un certain nombre dans les environs de Malaga, d’Alicante et de
Valencia.
(3) Riêdesel, Travels through Sicilg, Lond., 1773, 07.
(4) Marin, Commercio de Veneziani, V , 300.
(5) Rogers, Hist. of Agriculture and Priées in Engl and, 1866,1, 633, 641.
(6) Ordonnances des rois de France, 1729, II, 63b.
(7) Yole, Doolc of Ser Marco Polo, 1871, II, 79, 171, 180, etc.
(8) Letters of Christ. Columbus (Hakluyt Society), 1S70, 81-8Î.
HIST. DES DROGUES, T. II. 30
GRAMINEES.
562
u la Guadeloupe, en 1 G40 ; à la Martinique, en 1650 (1); à Maurice,
vers 1750 ; dans le Natal (2) et la Nouvelle-Galles du Sud, vers 1852 (3) ;
tandis que dès une époque très- antérieure elle s’était propagée de
l’Inde dans toutes les îles de l’océan Pacifique.
La culture qui se faisait autrefois en Egypte, et qui probablement ne
s’y est jamais éteinte entièrement, a été entreprise de nouveau sur une
grande échelle par le vice-roi actuel, Ismaïl Pacha. Il y avait en 1872
treize fabriques de sucre brut, appartenant au gouvernement égyptien,
et environ 10000 acres de terres consacrées à la culture de la canne.
L’exportation du sucre faite par l’Egypte, en 1872, a atteint 2 millions
de kantars ou environ 89 200 tonnes (4).
L’imperfection des procédés chimiques employés au milieu du dix-
huitième siècle ne permettait pas de recherches exactes sur la nature
chimique du sucre. Cependant Marggraf, de Berlin (5), prouva, en 1747,
que le sucre existe dans un grand nombre de végétaux, et parvint à le
retirer à l’état cristallin du suc de la betterave. L’énorme importance
de cette découverte ne lui échappa point, et,- dans le but de la rendre
profitable, il détermina des essais sérieux ; ceux-ci obtinrent un succès
tel, que la première fabrique de sucre de betterave fut établie en 1796,
par Achard, à Kunern, en Silésie (6).
Cette nouvelle branche d’industrie (7) fut très-favorisée par les me-
sures prohibitives que prit Napoléon en interdisant l’entrée du sucre
des colonies dans presque tout le continent. Elle est aujourd’hui telle-
ment développée que l’Europe produit annuellement de 640 000 à
680 000 tonnes de sucre de betterave, la production de la Canne à sucre
étant évaluée à 1 260000 ou 1413000 tonnes par an (8).
Parmi les colonies anglaises, Maurice, la Guyane anglaise, la Trinité,
(1) De Candolle, Géographie botanique, 836.
(2) La valeur du sucre exporté de Natal, en 1871, a atteint le chiffre considérable
de 180,496 livres sterling.
(3) Cependant, par suite de la découverte de l'or en Australie, la culture de la Canne
à sucre y fut un peu abandonnée jusqu’en 1866 ou 1867 : à cette époque on n’y fabri-
quait qu’une petite quantité de sucre.
(4) Consul Rogers, Report on the Trade of Cairo for 1872, présenté au Parle-
ment.
(b) Expériences chimiques faites dans le dessein de tirer un véritable sucre de di-
verses plantes qui croissent dans nos contrées, par M. Marggraf, Lrad. du latin (Hist. de
l’Ac. roy. des Sc. et Belles-lettres, 1747, Berlin, 1749, 79-90).
(6) Voir Scheibler, Actenstücke, etc. (Documents pour servir il l’histoire de l’in-
dustrie du sucre en Allemagne), Berlin, 1875.
(7) Et aussi, en Suisse, celle du sucre de lait qui était alors très-employé sur le con-
tinent pour falsifier le sucre de canne.
(8) Produce Markets Review, 28 mars 1808.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 563
Bavbados et la Jamaïque sont celles qui produisent actuellement les
plus grandes quantités de sucre.
Production. — On ne trouve pas de cristaux dans le parenchyme de
la Canne à sucre. Le sucre y existe à l’état de solution aqueuse, surtout
dans les cellules du centre de la tige. Sur une section transversale de
la moelle, on voit de nombreux faisceaux fibro-vasbulaires répandus
dans toute l’épaisseur du tissu, comme dans les autres tiges de mono-
cotylédones. Cependant ces faisceaux sont plus nombreux dans la partie
externe de la tige, où ils forment une couche dense, recouverte par un
mince épiderme rendu très-dur par la silice qui se dépose dans les pa-
rois cellulaires (I). Au centre de la tige, les faisceaux fibro-vasculaires
sont peu nombreux; le parenchyme y est beaucoup plus abondant, et
contient dans ses cellules à parois minces une solution claire de sucre,
avec une petite quantité de grains d'amidon et un peu de matière albu-
minoïde dissoute. Cette dernière existe en plus grande quantité dans la
portion cambiale des faisceaux vasculaires. Des ' principes pectiques
existent dans les parois des cellules de la moelle, qui cependant ne se
gonflent pas beaucoup dans l’eau (Wicsner).
D’après les indications fournies par la structure microscopique, les
procédés à suivre pour retirer de la Canne à sucre la plus grande quan-
tité possible de sucre deviennent évidents. On devra faire macérer de
minces tranches de la Canne dans l’eau ; celle-ci pénétrera dans le pa-
renchyme rempli de sucre en attaquant beaucoup moins les faisceaux
fibro-vasculaires qui contiennent plus de matières albuminoïdes que
de matière saccharine. Par cette méthode, les couches épidermiques
de la Canne ne se satureront pas de sucre et n’empêcheront pas son
extraction, résultats qui se produisent lorsqu’on broie et presse la
Canne (2).
Le procédé le plus généralement suivi dans les colonies, celui
qui consiste à extraire le suc de la Canne par broiement et pres-
sion, a été soigneusement décrit et critiqué par le docteur Icery, de
(1) Les tiges de Cannes ii sucre d’Amérique desséchées à 100° C. donnent 4 pour 100
do cendres, dont près de la moitié est constituée par la silice (Popp, in Jahresberichl
de Wiggeus, 1870, 315).
(2) Le procédé consistant à obtenir un sirop par macération dans l’eau de tranches
minces de Canne fraîche, a été expérimenté à la Guadeloupe, mais il a ôté abandonné à
cause de quelques inconvénients pratiques dans l’épuisement de la Canne, et par suite
de la dimculté de faire évaporer les liqueurs avec une rapidité suffisante. Des expé-
riences tentées dans lo’but do retirer un sirop pur eu traitant par l’eau chaude la Canne
coupée en tranches et desséchée, paraissent promettre de bons résultats (voyez le Mé-
moire du docteur H. S. Mitchell, in Journ. of Soc. of Arts, 23 oct. 1808).
56-4
GRAMINÉES.
Maurice (1). Dans celte île, on cultive six variétés de Canne à sucre.
Lorsque la Canne à sucre est parvenue à maturité, elle se compose
de : cellulose , 8 à 4 2 pour IÜ0 ; sucre , 48 à 21 pour 400; eau, contenant
la matière albuminoïde et les sels, 07 à 73 pour 4 00. On a retiré par
évaporation de 70 à 84 pour 100 de la quantité entière de suc contenue
dans la Canne; et ce suc abandonne à l’état cristallin les trois cin-
quièmes environ du sucre contenu primitivement dans la Canne. Ce
suc, nommé en français Vesou , possède en moyenne la composition
suivante :
Matières albuminoïdes 0,03
Matière granuleuse (amidon?; 0,10
Mucilage contenant de l’azote 0,22
Sels 0,20
Sucre 1 8,30
Eau 8b00
100,00
Les deux premiers groupes de substances rendent le suc trouble et
provoquent sa fermentation, mais on les sépare aisément par 1 ébullition,
et l'on peut alors conserver le suc pendant quelque temps, sans qu il
subisse de modification.
Dans un grand nombre de colonies, le produit passe pour être très-
inférieur à ce qu’il devrait être; mais on obtient le suc dans un état qui
rend sa purification plus facile lorsqu’on ne pousse pas son extraction
jusqu’aux dernières limites.
Le sucre de Canne passe pour exister seul, soit dans la Canne, soit
dans la racine de Betterave. Cependant Icery a montré que dans la
Canne il existe également toujours une certaine quantité de sucre
incristallisable ou sucre interverti. Sa quantité varie beaucoup avec
les localités dans lesquelles la Canne croît et avec 1 âge de cette der-
nière. De jeunes Cannes poussées très-rapidement donnèrent un vesou
contenant 2,4 pour 100 de sucre incristallisable, 3,6 de sucre de Canne,
et 94 d’eau. L’humidité et l’ombre favorisent beaucoup la formation du
sucre incristallisable, qui domine aussi dans le sommet des pousses,
surtout avant la maturité. Icery en déduit que le sucre incristallisable
se produit d’abord et est ensuite transformé en sucre de Canne sous
l’influence de la végétation et surtout de la lumière. Les Cannes com-
m Annales de Chimie, et de Physique , 186b, V, 360-410. - Voyez aussi pour Cuba,
Alvaro Reynoso, Ensayo sobre cl cultiva de la Cana de Azueav, Madrid, 1865,359 -
Pour la Guyane anglaise, Catal. of Contributions from Brit. Guiana lo Pans Exhib.,
1867, xxxvni-xLi.
HISTOIRE DES DROGUES D'OIUGINE VÉGÉTALE. 565
plôtement mûres ne contiennent qu’un soixante-quinzième ou un cin-
quantième de la totalité de leur sucre à l’état incristallisable.
Description et Composition chimique. — Le sucre de Canne est le
type d’une classe nombreuse de composés organiques bien définis, qui
se présentent fréquemment dans les végétaux et les animaux, et peu-
vent être obtenus artificiellement par décomposition de certaines autres
substances. Dans ce dernier cas, cependant, on obtient du glucose ou
quelque autre sucre différent du sucre de Canne. Le sucre de Canne,
C,2H2S0", fonda 160° C. sans subir de décomposition, tandis que plu-
sieurs autres sortes de sucres donnent de l’eau, avec laquelle ils forment,
à la température ordinaire, des composés cristallisés.
Le sucre de Canne cristallise en cristaux durs, du système rhombique
oblique, ayant pour poids spécifique 1,59. Deux parties do ce sucre se
dissolvent dans une partie d’eau froide (1), et dans beaucoup moins
à une température élevée ; dans le premier cas, on observe une faible
dépression du thermomètre. Une partie de sucre dissoute dans une
partie d’eau forme un liquide ayant pour poids spécifique 1,23; deux
parties de sucre dans une partie d’eau, un liquide ayant pour poids
spécifique 1,33. Le sucre exige, pour se dissoudre, 65 parties d’alcool
à 0,84 et 80 parties d’alcool anhydre; l’éther n’agit pas sur lui.
Une solution aqueuse de sucre de Canne dévie la lumière polarisée à
droite ; mais d’autres sortes de sucres la dévient à gauche, ainsi que l’a
montré le premier Biot. Ces propriétés optiques ont une grande impor-
tance au point de vue du dosage des solutions de sucre et au point
de vue des études scientifiques à faire sur le sucre et les substances
saccharogènes. Les propriétés optiques du sucre sont, comme ses pro-
priétés chimiques, modifiées par diverses causes, notamment par l’ac-
tion des acides ou des alcalis dilués et par celle de champignons micro-
scopiques. Dans ces conditions, le sucre subit la fermentation alcoolique.
D’autres ferments agissent sur lui en déterminant la production des
acides butyrique, lactique ou propionique.
' Le sucre de Canne possède une saveur plus nette et plus sucrée que
celle de la plupart des autres sucres. Quoiqu’il n’agisse pas sur le tour-
nesol, il forme cependant, avec les alcalis, des composés, dont quelques
uns sont cristallisables. Le sucre de Canne ne détermine, dans la solu-
tion alcaline de bitartratc de cuivre, aucun précipité de protoxyde.
Quand on conserve pendant un peu de temps du sucre de Canne à
Ç) On admet généralement que 3 parties peuvent être dissoutes dans 1 parüe d’eau
froide, mais cela n’est pas exact.
5G0 GRAMINÉES.
l’état do fusion à 160° CM il sc convertit on c/lucose et en lévulosane. Le
premier peut être isole par cristallisation ou détruit par la fermenta-
tion ; la seconde est incapable de cristalliser et de fermenter.
Le sucre de Canne fjui a été fondu a 160° G. est déliquescent, et faci-
lement soluble dans l’alcool anhydre; son pouvoir rotatoire est dimi-
nué ou entièrement détruit; il n’est plus cristallisable, et son point de
fusion est descendu à 93° C. Avant de subir ces modifications évidentes,
il devient amorphe quand on le fait fondre avec un tiers de son poids
d’eau, et il est toujours coloré par quelques produits pyrogènes. Au
bout d’un certain temps cependant, ce sucre amorphe reprend sa trans-
parence et sa forme cristalline. De même que le soufre et l’acide arsé-
nieux, il est susceptible d’exister soit à l’état cristallin, soit a 1 état
amorphe.
Lorsqu’on chauffe le sucre à 190° C. environ, il se dégage de l’eau et
on obtient un produit brun foncé, nommé généralement Caramel ou
Sucre brûlé. Ce corps est doué d’une odeur forte particulière et d’une
saveur amère ; il est incapable de fermenter et est déliquescent. L un
des principes constituants du caramel, la Caramelane , C1-II190°, a etc
obtenu par Gélis, en 1862, à l’état tout a fait incolore. Lorsqu on aug-
mente la chaleur, le sucre finit par subir une décomposition qui
ressemble à celle qui produit le goudron (voy. p. 406), et les principes
pyrogènes formés sont semblables ou très-analogues à ceux qui se pio-
duisent pendant la distillation du bois.
Arariétcs de Sucre de Canne. — Les expériences de Marggraf, indi-
quées à la page 552, ont montré que le sucre de Canne ne se trouve pas
seulement dans la Canne à sucre, mais qu’on peut le retirer encore de
plusieurs autres plantes, dont les plus importantes sont les suivantes .
Racine de Betterave. — La fabrication du sucre de Canne à 1 aide de
la racine de Betterave {Beta maritima L.) se fait aujourd hui dans 1 Lu-
rope continentale et en Amérique, et donne des résultats admirables ,
100 parties de racines fraîches contiennent en moyenne 80 pour 100
d’eau, 11 à 13 pour 100 de sucre de Canne et environ 7 pour 100 de
matières pectiques et albuminoïdes, de cellulose et de sels. On extrait
environ les huit neuvièmes de la quantité totale du suc contenu dans
les racines , et par les meilleurs procédés aujourd’hui employés on
retire 8 à 9 parties de sucre de 100 parties de racines fraîches. La pro-
portion du sucre cristallin obtenue augmente chaque jour par suite des
perfectionnements mécaniques et chimiques apportés dans les procec es
de fabrication.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 507
Palmiers. — Plusieurs espèces de Palmiers sont d’une très-grande
utilité pour la production d’une variété de sucre nommée par les Euro-
péens Jaggery (1). Cette substance est préparée par les indigènes de
l’Inde de la façon suivante : on coupe très-près de la base les jeunes
spadices en voie de croissance ou les bourgeons à fleurs et on place au
niveau de la blessure des vases en terre destinés à recevoir le suc qui
s'en écoule. On enlève le vase chaque jour, et en même temps on ravive
la plaie en coupant à sa surface une mince tranche de tissu afin de
favoriser l’écoulement d’une nouvelle quantité de liquide. Le suc ainsi
récolté, soumis à l’ébullition, donne un sucre brut, brun, nommé Jag-
gery. Lorsqu’on le laisse fermenter, il produit une boisson alcoolique,
nommée 7 ocldy ou Vin de Palme , ou bien il se convertit en vinaigre.
L’alcool distillé du toddy porte le nom à’Arrack.
Parmi les palmiers à suc sucré de l’Asie, l’un des plus importants
est le Phœnix silvestris Roxb., qui passe pour être la forme sauvage du
Dattier. Le Cocotier, Cocos nucifera L. , lemagnifique Palmier de Palmyre,
Porassus flabelliformis L. et le Sagou bâtard, Caryota urens L., fournis-
sent aussi des quantités importantes de sucre. Dans l’archipel Indien,
on retire du sucre de l’aubier de 1 ' Arengci saccharifera Mart. qui y croît
en abondance, ainsi que dans les Philippines et dans l’Indo-Chine. On
en retire aussi du Nipa frulicans Tiiunb., arbre des régions littorales
basses, très-cultivé à Tavoy.
De A ry a prôné (2) la fabrication du sucre de Palmier comme la
plus scientifique, parce que le suc de ces plantes est une solution aqueuse
presque pure de sucre, parce que, aucun principe minéral n’étant en-
levé au sol par le suc, les engrais très-coûteux et les procédés pénibles
employés pour éliminer le suc de la Canne à sucre et de la Betterave
sont ici inutiles ; enfin, parce que les palmiers sont vivaces et peuvent
être cultivés dans un sol qui ne convient à aucune céréale.
Érable. — En Amérique, on obtient, dans les forêts du nord des
Etats-Unis et du Canada, une quantité considérable de sucre par éva-
poration du suc de l Érable. L’espèce le plus généralement employée
est Y Acer saccharinum Wang., Érable à sucre commun, et la variété
nigrum, Érable à sucre noir. L’Acer pensylvanicum L.,1 'Acer Negundo L
(■ Negundoaceroides Mœnch.) et Y Acer dasycarpum Emui., sont aussi em-
ployés ; l’aubier du dernier passe pour être le moins riche en sucre.
Comme le suc de ces arbres ne contient pas plus de 2 pour 100
(1) C’est un mot d’origine sanscrite dérivé du canaris Sliarkari (sucre)
(2) Journ. dePharm., 1865, 1, 270.
3(18
GRAMINÉES.
de sucre, la fabrication de ce dernier exige une grande quantité do
combustible, et elle ne peut être avantageuse que dans des pays éloi-
gnés des marchés sur lesquels on peut se procurer le sucic ordinaiie,
ou dans ceux qui renferment une quantité considérable de combustible.
Dans le nord de l’Amérique, on en fabrique surtout entre le 40° et le
48° degré de latitude nord. Nous ne possédons aucun chiffre indiquant sa
production totale. Le recensement de la Pensylvanie, de 1870, donne
les chiffres suivants pour la production du sucre d’Erable dans cet Etat:
en 1870,2320523 livres ; en 1800, 2788 903 livres ; en 1870, 1 343917 li-
vres (1).
Sorgho. — Une autre plante do la même famille que les Saccharum,
le Sorghum saccharalum Pfias. ( Holcus saccharatus L.), originaire du
nord de la Chine (2), a été, pendant ces dernières années, expérimentée
comme plante à sucre en Europe et dans l’Amérique du Nord, mais sans
grand succès, parce que la purification du sucre offre des difficultés
particulières. 11 existe dans le Sorgho, comme dans la Canne à sucre,
du sucre cristallisable et du sucre incristallisable, la proportion du pre-
mier atteint son maximum lorsque les fruits arrivent à la maturité. Ce-
pendant, l’importance de la plante est beaucoup augmentée par la valeur
de ses feuilles et de ses fruits, qui sont très-propres à la nourriture des
chevaux et du bétail, et par celle de ses tiges, qui peuvent etre em-
ployées à la fabrication du papier et de l'alcool.
Commerce. -La valeur de la quantité du sucre importé dans le
Royaume-Uni augmente sans cesse, ainsi que le montrent les chiffres
suivants : en 1868, il a ôté importé pour 13 339 738 livres sterling Ae
sucre brut et pour 1136188 livres sterling de sucre raffiné ; en 18/0,
pour 14 440 302 livres sterling de sucre brut et pour 2744 366 livres ster-
ling de sucre raffiné ; en 1 872, pour 1 8 044 898 livres sterling de sucre
brut et pour 3 142 703 livres de sucre raffiné. La quantité de sucre brut
importée en 1872 a été de 13776 696 quintaux, sur lesquels 3 millions
de quintaux environ ont été fournis par les îles espagnoles des Indes
occidentales, 2 700 000 quintaux parles îles anglaises des Indes occi-
dentales; 1 800000 quintaux par le Brésil; 1 100000 quintaux pai a
France, et 960 000 quintaux par Maurice.
Usa„cs. _ Le sucre raffiné est employé en pharmacie pour préparer
(!) Consul KoRTRi&in.in Consular Reports, présentés au Parlement en juillet 1873,
— Joulte, Joum. de Pharm., 1805, 1, 188.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 369
des sirops, dos électuaires et des pastilles ; il est également employé en
grande quantité dans la préparation des enduits destinés à revêtir les
médicaments à saveur désagréable et aussi à cause de l’action préser-
vatrice qu'il exerce sur les principes actifs des autres drogues.
La cassonade ou sucre brut n’est pas employée en médecine. Le
sirop noir incristallisable, connu sous les noms de Mélasse (Mêlasses,
Treacle) (1) ou Syrupus Hollandicus vel communis de certains phar-
maciens, qui se produit pendant la préparation du sucre raffiné, sous
l’influence de la chaleur, des corps alcalins, des végétaux microsco-
piques et de l’oxygène de l’air, est parfois employé dans la préparation
des masses pilulaires. On ne se sert pour cela que de la mélasse du sucre
des colonies, celle du sucre de Betterave possédant une saveur désa-
gréable et contenant de 19 à 21 pour 100 d’oxalate, de tartrate et de
malate de potassium et seulement 56 à 6i pour 100 de sucre (2). La
mélasse du sucre des colonies ne contient ordinairement que de 5 à 7
pour 100 de sels.
Les Saccharum L. ( Généra , n. 73) sont des Graminées de la tribu des Andropo-
gonées, à épillets tous fertiles, disposés par paires sur l’axe commun de l’épi, arti-
culés, l’un des deux sessile, l’autre courtement pédoncule. Chaque épillet est formé
de deux fleurs, l’une neutre et pourvue d’une seule glumelle, l’autre fertile, à deux
glumelles. L’androcée est formé de trois étamines. L’ovaire est lisse et surmonté
de deux longs styles à extrémités stigmatiques munies de poils simples, dentés.
Le Saccharum o/Jîcinarum L. ( Species , 79) est une grande plante herbacée, à
souche vivace, à tige pleine, haute de 1 m,20 à 3 mètres environ, colorée en jaune
ou en rouge plus ou moins foncé, à nœuds peu saillants et d’autant plus distants les
uns des autres que la croissance de la tige est plus rapide. Les feuilles sont engai-
nantes, planes, atténuées et aiguës au sommet, longues de 60 centimètres à 1 mètre,
larges de 4 h 5 centimètres, rudes, rapprochées les unes des autres. Les fleurs sont
disposées en une grande panicule terminale, étalée, à forme générale à peu près
pyramidale, dressée, longue de 30 à 90 centimètres. Les rameaux de cette grande
inflorescence sont alternes et étalés, striés ; ils portent un grand nombre d’épillets
disposés par paires, l’un sessile sur le rachis, l’autre courtement pédonculé, tous les
deux articulés. Chaque épillet offre deux bractées ou glumes, l’une inférieure et ex-
terne, embrassant la seconde qui est un peu plus élevée et interne ; elles sont
toutes les deux membraneuses et lisses et environnnées de poils persistants. En de-
dedans des deux glumes, chaque épillet porte deux fleurs hermaphrodites, dont
1 une, inférieure, avorte et se trouve réduite à une seule bractée ou glumelle. La
fleur fertile est munie de deux bractées ou glumelles, l’une uninerviée et l’autre
(1) Nous ignorons comment le mot anglais Treacle, qui autrefois désignait un mé-
dicament opiacé, a pu finir par être appliqué à la mélasse. Dans la description du
sucre donnée par Salomon, dans son English Physicean or Druggist’s Shop opened,
Lond., 16911, le treacle n’est jamais mentionné, mais seulement le mot « melussas ».
(2) Landolt, Zeitschr. fur analyt. Chem., 1808, VII, 1, 29.
570 GRAMINÉES.
binerviée. En dedans de ces bractées se trouvent deux petites écailles distinctes,
obscurément divisées au sommet en deux ou trois lobes. E androcée se compose de
trois étamines indépendantes, à filets grêles et allongés, a anthères versatiles,
oblongues, biloculaires, introrscs, déhiscentes par deux fentes longitudinales. Lë
gynécée se compose d’un ovaire supère, uniloculaire, lisse, ovoïde, surmonté de
deux longs styles dont les extrémités stigmatiques ont la forme d’aigrettes à poils
simples, dentés. La loge ovarienne contient un seul ovule anatrope, inséré dans
l’angle interne de l’ovaire. Le fruit est un caryopse lisse contenant une graine à al-
bumen féculent, et un embryon latéral de graminée. [Trad.]
ORGE PERLÉ.
Hordeum décortication, Hordeum perlatum, Fructus vel semen Hordei; Orge mondé ou perlé ;
angl. , Pearl Darley ; allem., Gerollte Gerste, Gerstegraupen.
Origine i>ota nique . — Hovdcwu distichuïïi L. L Orge commune est
probablement indigène de l’Asie tempérée occidentale, mais elle est cul-
tivée, depuis des temps très-reculés, dans l’hémisphère nord. En Suède,
sa production s’étend jusqu’au 08°, 38 de latitude nord ; sur la côte de
Norwége, elle s’étend jusqu a Attenfjord, par 76 degrés de latitude nord ;
en Laponie, elle réussit même jusqu’à une altitude de 270 à 400 mètres
au-dessus du niveau de la mer. Dans plusieurs des vallées méridionales
des Alpes suisses, elle mûrit à 1 500 mètres, et dans l’Himalayaà 3 300 mè-
tres au-dessus du niveau de la mer. Dans les Andes équatoriales, où elle
est très-cultivée, elle s’élève jusqu’à une altitude d’au moins 3 300 mè-
tres. Aucune autre céréale ne peut être cultivée sous des climats aussi
différents.
D’après Bretschneider (1), l’Orge est comprise parmi les cinq céréales
qui, d’après les historiens chinois, furent semées par 1 empereur Shcn-
Nung, qui régnait 9700 ans environ avant Jésus-Christ, mais elle ne fait
pas partie actuellement des cinq sortes de graines qui sont employées
dans la cérémonie du labour et de l’ensemencement célébrée tous les
ans par les empereurs de la Chine.
Théophraste connaissait bien les diverses sortes d Orge (KpiO-q) et
parmi elles, celle à six rangs ( hexasticlion ), qui est représentée sur les
monnaies frappées à Métapontum (2), en Lucanie, entre le sixième et
le deuxième siècle avant Jésus-Christ.
Strabon et Dioscoride, au premier siècle, parlent de boissons prepa-
(1) On Chinese llotanical Works, etc., Foochow, 1870 7, 8.
(2) Métapontum est situé dans la plaine qui s’étend entre les rivières BradanoetBa-
sento dans le golfe de Tarente.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 571
rées avec l’Orge, qui, d’après Tacite, étaient même alors familières aux
tribus germaines, comme on sait qu’elles l’étaient à une époque plus
reculée encore chez les Grecs et les Egyptiens. L’Orge est mentionnée,
dans la Bible, comme plante cultivée en Egypte et en Syrie, et. doit
avoir constitué, chez les anciens Hébreux, un article important d’alimen-
tation, à en juger d’après la quantité accordée par Salomon aux servi-
teurs d’Hiram, roi de Tyr, en 1015 avant Jésus-Christ. Le tribut d’Orge
payé au roiJotham par les Ammonites, en 741 avant Jésus-Christ, est
aussi exactement rappelé. Les anciens avaient l’habitude d’enlever le
tégument dur de l’Orge en faisant rôtir les fruits qui faisaient partie
de leur alimentation.
Préparation. — Pour l’usage de la médecine et pour l’alimentation
des malades, on emploie l’Orge à l’état naturel, mais on la prive plus
ou moins complètement de son enveloppe crustacée. Pour cela, on em-
ploie des meules spéciales, horizontales, entre lesquelles on fait passer
les grains, et qui sont disposées de façon à enlever les téguments sans
attaquer les grains eux-mêmes. On désigne, en Angleterre, les grains
qui n’ont été que partiellement dépouillés de leurs téguments sous
le nom d 'Orge à l’Ecossaise. Lorsque, par une opération plus longue
et plus minutieuse, les téguments ont été complètement enlevés, on
donne à l’Orge le nom à’ Orge perlé.
Description. — L’Orge perlé se présente en grains presque sphériques
ou un peu ovoïdes, longs de 4 millimètres environ, à aspect farineux,
souvent rendus un peu jaunâtres par les débris de téguments qui per-
sistent à la surface et dans le sillon profond qui parcourt chaque grain.
Sa saveur est amylacée et son odeur est semblable à celle de tous les
autres grains de céréales.
Structure microscopique. — L’albumen constitue la partie impor-
tante du grain d’Orge; il est formé de grandes cellules parenchyma-
teuses, à parois minces, qui, sur une section transversale, paraissent dis-
posées en rangées rayonnantes à partir du sillon et être plutôt allongées
dans cette direction que parallèlement au grand axe du grain. Dans le
voisinage du sillon seulement, les cellules de l’albumen sont plus
étroites. Les grandes cellules qui forment la plus grande partie de son
parenchyme sont polygonales ou ovales, tandis que la couche exté-
rieure est formée de deux, trois ou quatre rangées de cellules pressées
les unes contre les autres, à peu près cubiques, munies de parois
épaisses et riches en gluten. Cette zone, large d’environ 70 millièmes
de millimètre, est revêtue par un tégument brun extrêmement mince
J-J72 GRAMINÉES.
auquel succède une couche épaisse de 30 millièmes de millimèlic en\i-
von, formée de très-petites cellules très-serrées, tabulaiies, grisâties ou
jaunâtres. Dans le sillon, cette enveloppe propre du fruit offre une ap-
parence un peu spongieuse.
Dans quelques variétés d’Orge, le fruit est constitué uniquement par
les tissus que nous venons de décrire; mais dans la plupart, il existe
aussi des écailles formées en majeure partie de longues cellules fibreuses,
à parois épaisses, disposées sur trois ou quatre couches concentriques
et constituant une zone très-dure. Sur une section transversale, cette
couche forme une enveloppe cohérente, épaisse de 33 millièmes de mil-
limètre environ. Ces cellules, examinées sur une coupe longitudinale,
ne présentent qu’une cavité capillaire dont les parois sont ondulées
d’une façon toute particulière et épaissies par des dépôts secondaires.
Les cellules à gluten, variant beaucoup dans les différents fruits de
céréales, offrent des caractères suffisants pour les distinguer avec certi-
tude. Dans le froment, par exemple, elles forment une seule couche ;
dans le riz, elles sont disposées en couche double ou simple, mais elles
sont allongées transversalement. Le tissu intérieur de 1 albumen de
l’Orge est rempli de gros grains d’amidon, irrégulièrement lenticulaii «■>,
mélangés de grains globuleux, extrêmement petits. Les premiers ont de
20 à 35 millièmes de millimètre, les seconds ont I, 2 ou 3 millièmes de
millimètre de diamètre ; il en existe un grand nombre ayant des dimen-
sions intermédiaires. Les couches concentriques sont visibles dans les
gros grains humectés d’acide chromique dissous dans 100 parties d eau.
3 La couche décrite comme composée de cellules à gluten est remplie de
granules extrêmement petits de matière albuminoïde (gluten) qui, sous
l’influence de l’iode, se colorent en jaune foncé. Ces granules, qui dans
l'Orge mondé destiné à l’alimentation sont d’une haute importance, ne
sont pas confinés dans la couche à gluten ; les cellules à amidon en
contiennent aussi en faible proportion. Dans la zone étroite du tissu
plus dense qui du sillon s’enfonce dans l’albumen, on trouve ega emen
des dépôts de principes albuminoïdes, comme le prouve la belle colo-
ration jaune que prend le contenu des cellules sous 1 influence de
1 1 Les" cellules à gluten, membrane embryonnaire de Mége-Mouriès, con-
tiennent aussi, d'après les recherches faites sur le pain (I) par ce elu-
raiste en 1856, delà Cêréaline, principe alhummo.de soluble dans 1 eau,
(,) Il s'agit a du blé, pas de l'orge ; nous supposons que la eonslUnlion el.imique
des deux fruits est semblable.
573
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
qui détermine la transformation de l’amidon en dextrine, en sucre et
en acide lactique. Dans les parois de fruit, épiderme, épicarpe et endo-
carpe, du froment, Mége-Mouriès a trouvé un peu d’huile volatile et
une matière extractive jaune, à laquelle, ainsi qu’à la céréaline, est due
l’acidité du pain fait avec de la farine contenant le son.
Composition chimique. — L’Orge a été soumise à des analyses soi-
gneuses par un grand nombre de chimistes, et plus spécialement par
Lermer (I). Les grains contiennent habituellement de 13 à 15 pour 100
d’eau ; après dessiccation, ils abandonnent à l’éther 3 pour 100 d’huile
grasse et des proportions insignifiantes de principes tanniques et amers
résidant surtout dans les enveloppes. Lermer a trouve en outre dans les
grains entiers, 63 pour 100 d’amidon, 7 pour 100 de cellulose, 6,0
pour 100 de dextrine, 2,5 d’azote, une petite proportion d’acide lactique
et 2,4 pour 100 de cendres.
. Les analyses de Poggiale (1856) indiquent à peu près la même compo-
sition : eau, 15; huile, 2,4; amidon, 60; cellulose, 8,8; principes albu-
minoïdes, 10,7 ; cendres, 2,6 (2).
. La Protéine ou matière albuminoïde est formée de différents prin-
cipes dont la plupart sont insolubles dans l’eau. La portion soluble est
en partie coagulée par l’ébullition, en partie maintenue en solution :
2,5 pour 100 d’azote, et comme ci-dessus, répondraient à environ 16
pour 100 de matières albuminoïdes. La partie soluble paraît être con-
tenue dans les cellules à amidon, dans le voisinage des cellules à gluten
qui contiennent la portion insoluble.
Les cendres contiennent, d’après Lermer, 29 pour 100 d’acide sili-
cihque ; 32,6 d’acide phosphorique ; 22,7 de potasse ; et seulement 3 7 de
chaux. D’après Salms-Horstmar, le fluor et le lithium sont des prin-
cipes constituants indispensables de l’Orge.
L’huile fixe de l’Orge est, comme l’a prouvé Hanamann, en 1863 un
composé de glycérine, soit avec un mélange d’acide palmitique et
d acide launque, soit, moins probablement, avec un acide gras parti-
L acide Hordéique de Beckmann, obtenu, en 1855, par la distillation
e Orge avec l’acide sulfurique, est probablement de Vacide Launque.
' L-intner, en 1868, a montré que l’Orge contient aussi une petite quantité
de Cholestérine. L’orge maltée perd 7 pour 100; elle contient alors 10 à
(I) Wittstein, Vierteljahvenchr. fürprakt. Pharm., 1863, XII, 4-23
Kü.ixem"nx ï)lillcïATî 'n 1 Zeilsc,»W fi* analytische C hernie, 1872 60.
ixuiiNLMANrt, Deutsche c/lêrmsche Gesellscftdft, 187G, 1385. ’ U
GRAMINÉES.
374
12 pour 100 clc sucre produit aux dépens de l’amidon. Avant le maltage,
on n’y trouve pas de sucre, mais seulement de la dextrine.
Usages. — L’Orge n’a aucune importance comme médicament. On
prescrit parfois sa décoction comme tisane émolliente. On fait égale-
ment usage d’un extrait aqueux de malt.
(a) Los Ilorcleum !.. ( Généra , n. 9G) sont des Graminées delà tribu des Triticées,
à épillets uniflores, réunis par trois, les deux latéraux étant d’ordinaire stériles.
Chaque épi Uct est muni de deux glumes linéaires-lancéolées, terminées par une
arête subulée. Les deux glumelles de chaque fleur sont herbacées, l’inférieure
concave, terminée par une arête, la supérieure bicarénéc. L’androcée est formé de
trois étamines. L’ovaire est velu au sommet. Les deux écailles sont entières ou mu-
nies d’un lobe latéral ; elles sont d’ordinaire velues ou ciliées. Le fruit est velu au
sommet, oblong, sillonné sur l’une de ses faces, adhérent aux glumes, rarement nu.
L 'Hordcum distichum L. ( Species , 12b) est une Graminée à tiges ordinairement
solitaires ou peu nombreuses, hautes de CO à 90 centimètres, dressées, creuses,
sauf au niveau des nœuds qui offrent une cloison transversale pleine. Les feuilles
sont alternes, engainantes, munies d’une ligule, linéaires, larges, planes, avec une
gaine glabre. Chaque tige est terminée par un seul épi dense et épais, comprimé la-
téralement, souvent penché. L’épi est formé d’épillets réunis trois par trois et dis-
posés sur six rangs, dont quatre déprimés constitués par les épillets males et deux
saillants formés par les épillets hermaphrodites et fructifères. Chaque groupe d épil-
lets offre en effet un épillet médian, sessile, fertile et deux épillets latéraux courte-
nient pédoncules, stériles. Chaque épillet est constitué par une seule fleur, herma-
phrodite dans l’ épillet médian, mâle dans les deux latéraux. Chaque épillet otire
extérieurement deux glumes linéaires-lancéolées, insensiblement atténuées au som-
met en une arête subulée, et étroitement appliquées contre la fleur. Cette dernièie
offre deux glumelles : l’une inférieure, concave, munie d’une seule nervure mé-
diane, saillante dans le dos ; elle est entière au sommet, mutique dans les fleurs
mâles, prolongée dans les fleurs femelles en une arête robuste, dressée, plus lon-
gue que l’épi; l’autre glumelle, supérieure, est plus aplatie et muuie de deux
nervures longitudinales, carénées. En dedans des deux glumelles sont deux squa-
mules membraneuses, obtuses. L’audrocée est formé de trois étamines a filets grêles,
indépendants, à anthères bifides aux deux extrémités, fixées au filet par le milieu du
dos, biloculaires, introrses, versatiles, déhiscentes par deux.fentes longitudinales. Le
gynécée est formé d’un ovaire supère, uniloculaire, atténué à la base, velu au som-
met, surmonté de deux stigmates subterminaux, plumeux, à poils simples, sortant
sur les côtés et vers la base de la fleur. La loge ovarienne contient un seul ovule
anatrope, inséré dans l’angle interne, ascendant, à micropylc dirigé en bas et en
dehors. Le caryopse organisé comme dans le reste de la famille est oblong, coin exe
sur la face externe, concave et parcouru par un sillon longitudinal au niveau de la
face interne. Il est poilu au sommet et couvert par les glumelles auxquelles il adhèi e.
D’autres espèces d’Orge sont cultivées sur une grande échelle : L'Hordeum hexas-
ticon L. ( Species , 12b) ou Orge à six rangs, Orge d'hiver, Orge carrée, Escourgon,
se distingue par un épi hexagonal, dont les épillets tous également développes sont
disposés sur six rangées verticales; YHordeum vulgare L. (Species, 12o) a egale-
ment tous les épillets fertiles et disposés sur six rangs, mais, à la maturité, deux
rangs sont moins saillants que les quatre autres. [Trad.]
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
ESSENCE D’ANDROPOGON.
Oleum Andropogonis, Oleum Gramiriis Indici ; angl., Indian Grass OU.
Origine botanique. — Parmi les nombreuses espèces d'Anclropogon (1)
qui possèdent des feuilles riches en huile essentielle, les suivantes four-
nissent l’essence d’Andropogon du commerce :
t° Andropogon Nardus L. (2). - C’est une herbe haute, lorsqu’elle
est en fleur, de Im,80 et davantage, très-cultivée à Ceylan et à Singa-
pore pour la production de l'Essence de Citronnelle.
2 A. citratus DC. (3). C’est une grande herbe glauque, connue
seulement à 1 état de culture, et ne produisant que très-rarement des
fleurs. On la cultive à Ceylan et à Singapore pour la production d’une
huile essentielle nommée Essence de Verveine ou Essence de Mélisse in-
dienne ( Lemon Oïl, Grass Oïl). On la trouve aussi communément dans les
jardins de l’Inde, et elle n’est pas rare dans les serres des jardins an-
glais. A Java, on lui donne le nom de Sireh.
3 A. S c /menant lias L. (4). — C’est une herbe du nord et du centre
de l’Inde, h feuilles arrondies ou légèrement cordées à la base, fournis-
sant, par distillation, l’essence connue en Angleterre sous le nom de
Basa Oïl, Od of Ginger Grass , ou Oil of Géranium (Essence de Géra-
uium).
Historique. - Les propriétés aromatiques de certaines espèces d’ An-
dropogon étaient bien connus de Rlieede, de Rhumphius et d’autres
anciens écrivains qui se sont occupés de l’histoire naturelle de l’Inde.
Des 1717, on connaissait, comme curiosité, une essence distillée du
Sireh d’Amboine (o), mais c’est seulement à une époque récente que
I huile essentielle de ces plantes est devenue un objet de commerce
avec l’Europe. L’essence d’Andropogon est mentionnée par Roxburgh,
en 1820, comme ayant été importée à Londres pour la première fois
(1) Le major général Munro a étudié ii notre demande les caractères botaniques des
„nlC!S°d01!an eS d’Andropogon et examiné un grand nombre d’échantillons en notre
{lossessmn Les synonymes que nous donnons dans nos notes ont été établis par lui.
-) A. Martini Thwaites, Enumeratio plantarum Zeylaniæ, nec aliorum.
( J A. citratum A. P. DG., Catalogua plantarum horti botanici MonspeUensis, 1813 •
ifrr t0WALLICH’ PlanL asiaL rariores> 1832> III, t. 280; Roxbuugh, Flora in-
.. ’ ,, ’ ’ ’ fluant aux observations, mais non pour ce qui concerne la diagnose.
9«n- i EN1E;NATy arr^n de Ccls, 1803, l. 89 ; A. Martini Roxu., Flora indica. 1820 I
Pachn°des Trinius, Species Graminum, 1830, III, t. 327 ; A. Calamus aroma-
icus Royle, Illustrât, of Bot. of Himalayan Mountains, 1839, t. 97.
[O) Ephemeridès Naturæ Curiosorum, 177, cent, v-vi, append., 187.
570 GRAMINÉES.
vers l’année 1832. L'introduction de l’essence de Citronnelle est beau-
coup plus récente. L’essence de Géranium , nommée en hindoustam
1 Usa ka tel , a été signalée pour la première fois, d’après AVaring(P,
en 1823, par le docteur N. Maxwell.
Production. — Les Andropocjon Nardus et citratus sont cultivés
dans les environs de Galle et à Singaporc, et souvent ensemble. On les
distille séparément, leurs huiles essentielles étant considérées comme
tout à fait distinctes, et ayant une valeur différente. A Ceylan on les
coupe, pour la distillation, à toute époque de l’année, mais surtout en
décembre et en janvier. Dans la propriété de Persévérance, à Gaylan,
Singapore, qui appartient à M. John Fisher, 930 acres sont consacrées à
la culture des herbes aromatiques et d’autres plantes pour la produc-
tion d’huiles essentielles. En 1863, la fabrication ne s’effecluait que sur
une petite échelle, mais elle a été tellement fructueuse, qu’il s’y fabri-
que aujourd’hui 200 livres de diverses essences par jour. Ces essences
sont celles de Citronnelle, de Verveine, de Patchouli, de Muscade, de
Macis, de Poivre et d’Ajowan (voy. 1. 1, p. 542); on y cultive aussi la
Menthe (2). _
On distille de l’essence de Géranium à Khandesh, dans la Présidence
de Bombay. Celle qui est produite dans le district de Nim.âr,dans la val-
lée de la Nerbudda est parfois désignée sous le nom d Essence de Ver-
veine de Nimâr ( Grass OU of Nimâr ). Nous ne possédons pas de ren-
seignements particuliers sur cette distillation, qui doit cependant être
effectuée sur une grande échelle.
Description. — Les essences indiennes d’Andropogon sont plus lé-
gères que l’eau et n’agissent pas sur le papier de tournesol. Elles sont
très-odorantes, et possèdent une odeur mélangée de rose et de citron.
L’essence de Verveine est colorée en brun doré foncé; son odeur res-
semble à celle de la Verveine odorante des jardins, L>ppia cilnodora
H. B. K. L’essence de Géranium dont la coloration varie du jaune verdâ-
tre pale au brun jaunâtre, possède l’odeur du Pélargonium Radula . it.
La couleur de l’essence de Citronnelle est jaune verdâtre clair. Les fa-
briques de Winter, à Ceylan, et de Fisher, à Singapore, jouissent d une
grande réputation pour l’excellence de leurs produits qui sont générale-
ment indiqués par leurs noms dans les catalogues des
composition chimique. - Stenhouse (3) examina, en 18*4, 1 essence
m pharmacopœia of India, 68,465.
2 Straits Settlements Blue Book for 1872, Singapore, 1873, . b.
(3) Mem. of Chem. Soc., 1845, II, 122.
577
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
d 'Andropogon citratus qui lui avait été donnée par Ghristison sous le nom
d Essence de Naniur (ou N un/h') . L’échantillon était d un jaune foncé,
et apparemment déjà ancien, car, lorsqu on le mélangea avec de 1 eau
et qu’on le soumit à la distillation, il abandonna près de la moitié de
sa masse d’une résine fluide, tandis que l’huile qui distilla était inco-
lore. Après rectification par le chlorure de calcium, elle se montra for-
mée d’un hydrocarbure mélangé avec une petite proportion d’une
essence oxygénée. Cette dernière ayant été décomposée par le sodium,
puis de nouveau rectifiée, on fit une seconde analyse qui montra
qu’elle était isomérique de l’essence de térébenthine.
Une essence d’Andropogon, provenant, autant que nous pouvons le
supposer, de la même espèce, a été examinée par l’un de nous (F.). Sa-
turée d’acide chlorhydrique sec, elle ne fournit aucun composé cristal-
lin, mais lorsqu’on traita ensuite le liquide par de l’acide nitrique fu-
mant, des cristaux, d’un composé Gt0H16,HCl, se sublimèrent dans la
partie supérieure du vase. Nous avons observé que les essences des
Andropogon Nardus et Citratus donnent des composés solides lorsqu’on
les agite avec une solution saturée de bisulfite de sodium.
Gladstone a trouvé, en 187 ”2, que l’essence de citronnelle était com-
posée surtout d’une huile oxygénée qu’il a nommée Citronellol (1) et qui
se sépare par distillations fractionnées en deux portions : l’une bouillant
entre 202° et 205° G.; l’autre bouillant entre 190° et 202° G. Le poids
spécifique de la première, à 20° G., était de 0,8749, et celui de la se-
conde 0,8741. La composition des deux est indiquée par la formule
C‘°H160.
Commerce. — L’accroissement du commerce des essences d’Andropo-
gon est bien indiqué par les chiffres suivants : en 1864, l’exportation de
Y Essence de Citronnelle faite par Geylan 'fut de 622000 onces, valant
8230 livres sterling. Dans le Livre Bleu de Ceylan ( Cexylan Dlue Book),
publié à Golomba en 1873, les exportations de l’année 1872 sont dé-
composées de la façon suivante : à destination du Royaume-Uni,
1 163074 onces; de l’Inde anglaise, 5713 onces; des Etats-Unis,
426470 onces; au total : 1 595 257 onces (2).
Il a été exporté de Ceylan, pendant la même année, 13515 onces
(1) Le nom de Citronellol est appliqué par Wright (1874) à une fraction d’essenco
qui entre en ébullition à. 210° C et à laquelle il attribue la composition C10H18O ; par
une ébullition prolongée, elle perd H1 20. [F. A. F.]
(2) 11 faut y ajouter « 248 dozens et 33 packages » do la même essence expédiée aux
Etats-Unis. L’once vaut 288/3.
I1IST. UES DnOGl'ES, T. II.
37
;;/,s GRAMINÉES.
d essence A Andropogon citratus {OU of Lemon Grass ) ou Essence de
Verveine qui coûte plus cher que les autres et est produite en moindre
quantité , plus de la moitié était destinée au Royaume-Uni. Nous n’a-
vons pas de statistique relative à l’exportation de ces deux essences
laite par Singapore, où nous avons déjà dit qu’elles sont maintenant
fabriquées en grande quantité.
Dans le document officiel, Report on thè External Commerce oj Rom- -
Imy, publié en 1867, nous trouvons que, pendant l’année finissant le
31 mars 1867, il fut exporté de cette ville 4 1 643 livres d’essence d’Ara-
dropogon Schœnant/ius (Ginger Grass OU, ou Rüsa OU) ou Essence de
Géianium, destinées au Royaume-Uni et aux ports de la mer Rouge.
Usages. — Les essences d’Andropogon sont très-estimées dans l'Inde
contre le rhumatisme ; on les emploie en applications externes. L’es-
sence d 'Andropogon Schœnant/uis passe pour stimuler la pousse des che-
veux. On administre parfois ces essences à l’intérieur comme carmina-
tives, contre les coliques, et l’on prescrit l’infusion des feuilles de
Citronnelle comme diaphorétique et stimulant. En Europe, et en Amc-
îique, les essences d Andropogon ne sont employées que par les parfu-
meurs et les fabricants de savons (1).
L emploi le plus important qui soit fait des essences d’Andropogon
oonsiste dans la falsification de 1 essence de Roses, dans la Turquie d’Eu-
rope. L’essence dont on se sert pour cette fabrication est celle de l’Ara-
dropogon Schœnanthus L. (voy. t. 1, p. 475) et il est assez curieux de
remarquer que les nomshindoustanis de cette essence ont une désinence
qui rappelle le nom de la Rose. Ainsi, sous les dénominations de Rusa,
Rowsah, Rosa, Rose ou Roshé {A), elle est exportée en grande quantité
de Bombay, à destination des ports de l’Arabie, probablement surtout
de Jidda, d où elle est transportée en Turquie par les pèlerins maho-
métans. En Arabie et en Turquie, elle porte le nom d'Idris Yàghi , tan-
dis que dans les districts producteurs d’essence de Roses, elle est connue,
du moins parmi les Européens, sous le nom d 'Essence de Géranium ou
Essence de Palmarosa. Avant de la mélanger à l’essence de roses on la
soumet à une certaine préparation, qui consiste à l’agiter avec de l’eau
acidulée avec du suc de citron, puis on l’expose au soleil et à l’air. Par
(1) Les feuilles des grandes espèces odorantes d 'Andropogon sont employées dans
l’Inde pour fabriquer des toitures de chaume. Les bestiaux les mangent avec avi-
dité, et leur chair et leur lait se parfument de leur arôme.
(2) Cinquante caisses, contenant environ 2 250 livres, importées de Bombay, furent
mises en vente sous le nom d’ « Essence de Roses » dans une vente publique par un com-
missionnaire en drogues de Londres le 31 juillet 1873.
571)
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
celte opération, qui a été récemment décrite par Baur (1), l’essence
perd son arrière-odeur pénétrante et acquiert une coloration jaune-
paille claire. Les différences optiques et chimiques qui existent entre
l’essence de Géranium ainsi raffinée et l’essence de roses sont faiblçs et ne
permettent pas de reconnaître un mélange dans lequel n’entre qu’une
petite quantité de la première.
Falsification. — Les essences d’Àndropogon préparées par les indi-
gènes de l’Inde sont assez fréquemment mélangées d’une huile grasse.
AUTRES PRODUITS DU GENRE ANTROPOGON.
Herbu Schœnanthi vel Squinanthi ( Juncus odoratus, Fœnum Camelo-
rum). — La droguejqui porte ces noms a occupé sa place dans la phar-
macie depuis l’époque de Dioscoride jusqu’à la fin du siècle dernier et
on la trouve encore en Orient. La plante qui la fournit, autrefois con-
fondue avec d’autres espèces, est aujourd’hui connue sous le nom d’Arc-
dropogon laniger Desf. C’est une herhe très-répandue dans les régions
chaudes et sèches du nord de l’Afrique (Algérie), en Arabie et dans le
nord-ouest de l’Inde ; elle s’étend jusqu’au Tibet où on la trouve même à
une altitude de 3 300 mètres. M. Tolbort nous en a envoyé des échantil-
lons sous le nom de Khâvi, recueillis par lui-même, en 1869, entre Mul-
tàn et Kot Sultan, et très-semblables à la drogue de la Pharmacie. Cette
herbe possède une saveur aromatique piquante qui se retrouve même
dans les très-vieux échantillons. Nous ignorons si on la distille pour en
retirer une huile essentielle.
C uscus ou Vetli-ver (2). — Cette drogue est constituée par la racine
fibreuse de Y Andropogon muncatus Retz, grande herbe qui se trouve en
abondance dans les sols riches et humides du sud de l’Inde et du
Bengale. Des inscriptions tracées sur des plateaux en cuivre récemment
découverts dans le district d’Etawah, au sud-ouest d’Agra, et datant
de 1103 et 1174, rappellent la concession de ces villages faite aux
Brahmines par les rois de Kanauj et énumèrent les impôts qui devront
être levés. Ces derniers consistent en taxes sur les mines, les salines,
sur le commerce des métaux précieux, et sur le Bassia, les mangliers et
le C uscus (3).
(1) Voyez t. I, p. 471, note 2.
_ f2) Lc mot Cuscus, écrit aussi Khus-khus, est le nom adopté par les Anglais de
l’Inde ; il dérive probablement du persan Khas. Vetti-ver est le nom malais de la
plante.
(3) Proccedings of Asiat. Soc. of Bengal, août 1873, 161.
5SÙ
GRAMINÉES.
Le Yetti-ver sc montre souvent sur le marché anglais. Il sert à parfu-
mer les vêtements et le linge. Dans l'Inde, il sert à faire des écrans
qu’on place devant les fenêtres et les portes et qui, lorsqu’on les agile,
répandent une odeur agréable en même temps qu’ils procurent de la
fraîcheur. On en fabrique aussi des paniers et une foule de petits objets.
11 jouit également d’une certaine réputation comme médicament.
Les Andropogon L. ( Généra , n. L14b) sont des Graminées de la tribu des Au -
thropogonées à épillets composés de deux fleurs : l’une inférieure neutre, munie
d’une seule glumelle, l’autre supérieure, hermaphrodite ou unisexuée. Les épillets
sont réunis par deux ou trois, celui du milieu sessile et fertile, les deux autres pé-
donculés et stériles. Chaque épillet est enveloppé de deux glumes mutiques, indu-
rées. Les glumelles des fleurs sont plus courtes que les glumes. La glume inférieure
de la fleur fertile est mutique ou prolongée en arête, la supérieure est plus petite,
mutique et manque même parfois. Le périanthe est représenté par deux squainules
tronquées, ordinairement glabres. L’androcée se compose d’une à trois étamines.
L’ovaire est surmonté de deux styles plumeux, terminaux. Le fruit est un caryopse
libre entre les glumes. [Trad.]
RHIZOME DE CHIENDENT.
Rhizome. ürambiis, Radix Graminis ; Chiendent commun ou petit Chiendent ; angl., Couch Grass,
Quicch Grass, Dorj's Grass ; allem., Queclcemuurzel, Graswursel.
Origine botanique. — Agropyrum repens P. Beauv. ( Triticum repens, L.).
C’est une herbe très-diffuse, croissant dans les champs et les endroits
abandonnés, dans toutes les parties de l’Europe, dans le nord de l’Asie,
jusqu’au sud de la mer Caspienne et dans l’Amérique du Nord (a).
Historique. — Les anciens connaissaient très-bien une herbe qu ils
nommaient ’ Aypwtoc et Grcwien, et qui avait un rhizome traçant comme
celui de l'herbe dont nous parlons ici. Il est impossible de déterminer
à quelle espèce leur plante se rapporte, mais il est probable que le
Cynodon Dactylon Purs., et Y Agropyrum repens étaient l’un et l’autre
désignés par les noms que nous venons de citer.
Dioscoride affirme que la décoction de la racine est un remède utile
dans la rétention de 1 urine et les calculs de la vessie. I line paitage
cette opinion, qu’on retrouve dans les écrits d'Oribase (1) et de Mar-
cellus Empiricus (2) au quatrième siècle, d’Aëtius (3) au sixième siècle,
(0 De Virtute Simplicium, c. i, Agrostis.
(2) De Medicamentis, c. xxvi.
(3) Telvabibli primæ, Sermo i.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VEGETALE. S8I
et qui est reproduite dans les herbiers du moyen âge (1). Turner (2)
et Gerarde attribuent aussi à la racine de Chiendent des propriétés diu-
rétiques et lithontriptiques. Cette drogue constitue encore un remèdo
populaire très-estimé en France ; on la prend sous forme de tisane
considérée comme adoucissante et sudorifique.
Description. — Le Chiendent possède un long rhizome grêle, coloré
en jaune pâle, épais de 2 millimètres, rampant au-dessous de la surface
du sol, se ramifiant parfois et marqué, à des intervalles de 3 centi-
mètres environ ou davantage, de nœuds qui portent des racines grêles,
ramifiées et des restes de feuilles écailleuses, rudimentaires.
Tel qu’on le trouve dans les boutiques, le rhizome est toujours dé-
pourvu de racines, coupé en morceaux longs de 1 à 2 centimètres et
séchés. Ses fragments sont luisants, colorés en jaune paille, tubuleux,
à plusieurs faces; ils sont dépourvus d’odeur et possèdent une saveur
douce, légère.
structure microscopique. — Sur une section transversale, le rhizome
offre deux parties différentes, séparées l’une de l’autre par une zone
circulaire ou gaine. Celle-ci est formée d’un cercle continu de cellules
prismatiques, analogues à celles qu’on trouve dans la Salsepareille.
La partie située en dehors de la gaine offre une vingtaine de faisceaux
libériens disposés en cercle, et la partie inférieure, un nombre à peu
près égal de faisceaux vasculaires plus serrés. La moelle est réduite
à un petit nombre de rangées de cellules, le rhizome étant toujours
creux, sauf au niveau des nœuds. On ne trouve pas dans les cellules de
contenu solide.
Composition cSiimiquc, — Les principes constituants du Chiendent
ne comprennent aucune substance à laquelle on puisse attribuer des
propriétés médicinales. Le suc du rhizome a fourni à H. Müller (3)
3 pour 100 environ de sucre, et 7 à 8 pour 100 de Triticine, ClâH22On,
substance gommeuse amorphe, insipide, qui se transforme aisément en
sucre quand on conserve pendant un peu de temps sa solution concen-
trée à 110° C. Lorsqu’on la traite par l’acide nitrique, elle donne de l’a-
cide oxalique. Le rhizome fournit aussi une autre matière gommeuse
qui contient de l’azote et qui se décompose rapidement; la drogue est
(1) Notamment dans l’Herbarius Patavias imprimé en 1485, dans lequel il est dit du
(Iranien: « aqua decoctionis ejus valet contra dissuriam... et frangit lapidem et
curai vulnera vesicæ et provocat urinam » Cette drogue se trouve aussi dans les
tarifs des pharmacies du moyen âge.
(2) Herball, P. II, 15G8, 13.
(3) Archiv der Pharm., 1873, 203, 17.
*>82 GKAMINÊKS.
on outi'o riche on malqtos acides. La raannito doit aussi probablement
s’y trouver parfois, comme dans le Taraxacum (p. 24), autant que nous
pouvons on juger d’après les résultats contradictoires obtenus par
Stenhouse et par Vülckcr. On n’y trouve ni amidon, ni résine, ni pec-
tine. Lo rhizome donne 4 1/2 pour 100 de cendres.
Usages. — On a recommandé la décoction du rhizome du Chien-
dent contre les maladies de la muqueuse vésicale.
Substitutions. — L ' Agropyrum aculum R. et S., VA. pungens R. et S.,
et VA . junceum P. Beauv., considérés par quelques botanistes comme
de simples variétés de l'A. repens, possèdent des rhizomes tout à fait
semblables à celui du Chiendent. Le Cynodon Da.cf.ylon Peus., herbe très-
commune dans le sud de l’Europe et dans le nord de l’Afrique, fournit
le Gros Chiendent ou Chiendent pied-de-poule des Français. Son rhizome
diffère de celui du Chiendent commun par son épaisseur beaucoup
plus considérable. Sous le microscope, il offre une structure tout à fait
différente. Il contient, en effet, un grand nombre de faisceaux fibro-
vasculaires beaucoup plus épais et un tissu
cellulaire rempli d’amidon; il est aussi
beaucoup plus ligneux. Il se rapproche
ainsi du rhizome du Carex arenaria L.,
qui est beaucoup employé en Allemagne,
comme celui du Cynodon l’est dans le sud
de l’Europe. Ce dernier paraît contenir de
Y Asparagine ( Cynodine (1) de Semmola)
ou une substance semblable à elle.
(a) Les Agropyrum (Paliss., Agrost., 101),
considérés par certains auteurs comme con-
stituant un genre particulier de Graminées,
sont réunis par un grand nombre d’autres bo-
tanistes au genre Triticum, dont ils ne diffèrent
en effet par aucun caractère essentiel et dans le-
quel ils ne constitueraient qu’une simple section
comprenant des plantes vivaces, à glumes non
ventrues, entières au sommet, mutiques ou plus
rarement aristées, munies de trois ou plusieurs
nervures à peu près égales; à caryopse ordinaire-
Fig. 2/1. Triticum repens. ment adhérent aux glumelles, plan ou concave au
niveau de sa face interne; à épi muni d’un rachis à entrenœuds allongés. De même
(1) Delta Cinodma tutovo prodotto organico, trovata nella gramina officinale, Cyn-
don Dactylon ( Opéré minori di Giovanni Semmota, Napoli, 1841). 11 en a été publié un
extrait dans le Jahresbericht de Berzebius, Ttibingen, 1845, 535.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
ris:1
les ép
llets sont solitaires et formés chacun do trois h dix
que dans les Trüicum
Heurs hermaphrodites, la supérieure souvent rudimentaire ; chaque fleur offre en do-
dans des glumelles, deux squamules membraneuses ; l’androcée est formé de trois
étamines ; les deux stigmates sont plumeux. Les épillets sont disposés on uu épi
solitaire et terminal.
L’Agropyrum repens, ou mieux Trüicum repens L. ( Species , 128), est une plante
à souche vivace, rampante, très-étalée au-dessous du sol et se ramifiant beaucoup,
Ce rhizome émet des rameaux aériens dressés, hauts de oO centimètres il 1 mètre,
Les feuilles sont rudimentaires, écaillées et jaunâtres sur le rhizome ; sur les ra-
meaux aériens elles sont vertes ou un peu glaucescentes, linéaires, planes, lisses ou
à peu près lisses sur la face inférieure, plus ou moins rudes et pubescentes sur la
face supérieure. Chaque rameau se termine par un seul épi allongé, aplati, à entre-
nœuds presque aussi longs que les épillets qui sont distiques, au nombre de douze
à quinze et insérés chacun sur le rachis principal de l’épi au niveau d’un coude
saillant ; ils sont plus rapprochés dans le haut que dans le bas et formés chacun de
quatre à six fleurs. Les glumes sont égales entre elles ot ont ii peu près la même
longueur que les fleurs ; elles sont lancéolées, acuminôes, dépourvues d’arêtes, non
ventrues, concaves, non carénées, munies do cinq â sept nervures un peu scabres.
Chaque fleur est protégée par deux glumelles à peu près de même longueur, l’infé-
rieure concave, un peu carénée, lancéolée, nautique, acuminée, mucronée ou cour-
tement aristée, la supérieure membraneuse, bicarénée. En dedans des glumelles,
chaque fleur offre deux squamules membraneuses, un peu charnues, ovales, ciliées
sur les bords. L’androcée est formé de trois étamines indépendantes, à filets grêles,
à anthères allongées, biloculaires, dé-
hiscentes par deux fentes longitudina-
les. Le gynécée se compose d’un ovaire
supère, couvert dans le haut de poils
roides et longs et surmonté de deux
styles réfléchis en dehors, plumeux, à
poils simples, papilleux. L’ovaire et le
fruit offrent l’organisation des Grami-
nées ; le fruit adhère ordinairement
aux glumelles, sa face interne est plane
ou concave et son extrémité supérieure
est velue. [Thad.]
(6) Ainsi que le montre la figure 272,
le rhizome du Trüicum repens offre :
l°une couche épidermique a, formée
de grandes cellules, presque quadran-
gulaires, revêtues d’une couche cuticu-
laire épaisse ; 2° un couche 6 de ren-
forcement, constituée par des éléments
allongés, A parois épaisses, pressés les
uns contre les autres, disposés bout à
bout et séparés par des cloisons trans-
versales plus ou moins obliques ; il
existe d’ordinaire trois ou quatre couches concentriques de ces éléments ; 3° une
couche épaisse c de tissu parenchymateux â parois minces et claires, il cavités très-
grandes ; 4° en dedans, cette zone parenchymateuse est limitée par une couche cir-
Fig. 272. Triticum repens. Rhizome.
Coupo transversale.
584
GRAMINÉES.
eulaire unique d'éléments à grande cavité, et à parois internes et latérales épais-
sies ; cette zone forme h gaine des faisceaux ; 5° en dedans d’elle se trouvent plu-
sieurs couches concentriques e d’éléments ii parois épaisses, analogues à ceux de la
couche b. Les faisceaux fihro-vasculaires forment, en dedans de ces éléments, une
couche circulaire f ; les faisceaux sont séparés les uns des autres par des éléments
prosenchymateux à parois épaisses, lignifiées. Ils sont formés chacun d’une portion
libérienne ou phloème à éléments allongés, munis de parois minces et claires et
d’une portion ligneuse qui offre de gros vaisseaux elliptiques ou arrondis. [Trad.]
CRYPTOGAMES
LYCOP ODIACÉES
SPORES DE LYCOPODE.
Lycopodium, Semai vel Sporulæ Lycnpodn ; Lycopode, Poudre de Lycopode ; nngl,, Ly copodium ;
allom;, Bürlappsarnen, ÿexenmehl.
Origine botanique. — Lycopodium clauatum L. — Le Lycopode com-
mun est presque cosmopolite. On le trouve dans les pâturages monta-
gneux et dans les bruyères de l’Europe centrale et septentrionale,
depuis les Alpes et les Pyrénées jusqu’aux régions arctiques; dans les
montagnes de l’est et du centre de l’Espagne ; dans la Russie d’Asie, jus-
qu a la vallée de l’Amur et au Japon; dans le nord et le sud de l’Amé-
rique; dans les îles Falkland; en Australie et au cap de Bonne-Espé-
rance. Il se trouve dans la Grande-Bretagne, mais il est plus abondant
dans les landes des pays septentrionaux (a).
La partie de la plante employée en pharmacie est constituée par
les petites spoies qui sortent sous la forme d une fine poudre jaune de
capsules triangulaires ou sporanges situés sur la face interne des brac-
tées qui couvrent l’épi fructifère.
Historique. — Le Lycopode commun était bien connu, sous le nom
de Muscus tèrrestris ou Muscus clavatus, des anciens botanistes, notam-
ment de Tragus, Dodonæus, Tabernæmontanus, Bauhin, Parkinson et
Rey, qui ont rappelé les propriétés qu’on lui attribuait. Quoique la
poudre de Lycopode (spores) fût officinale en Allemagne, et employée
en applications sur les plaies dès le milieu du dix-septième siècle (1), il
ne paraît pas qu elle ait été connue dans les boutiques anglaises jus-
qu a une époque beaucoup plus récente. Elle n’est pas comprise par
Deale (2) dans la liste des drogues vendues par les droguistes de Lon-
dien en 1G92, ni énumérée dans les listes des drogues anglaises du der-
(1) Schrûdf.r, Pharmacopaiia Medico - chymica, ed. \
ger, Documente, zuv Geschichte der Pharm ., G3.
(2) Pharrnacohxjia, Lond., J «93.
Lugd., 1G5G, 538. — Flücki-
LYCOPODIACÉES.
r»sG
nier siècle, et n’a jamais eu sa place dans la London Pltarmacopœia.
Description. — La poutli'c de Lycopode est fine, mobile, insipide,
colorée en jaune pille; son poids spécifique est 1 ,062. Elle flotte sur
l’eau et ne se mouille que difficilement, mais s’enfonce dans l’eau
quand on l’y fait bouillir. Sous l’influence d’une trituration prolongée,
elle devient cohérente, prend une teinte grise, et laisse sur le papier
une tache huileuse ; on peut alors la mélanger avec >l’eau. Elle est im-
médiatement mouillée par les liquides huileux et alcooliques, le chlo-
roforme et l’éther. Desséchée à 100° G., elle ne perd que 4 pour 100
d’eau. Chauffée lentement, elle brûle petit à petit, mais lorsqu’on la
projette dans une flamme elle prend feu aussitôt et fait explosion en
brûlant avec beaucoup de lumière. Ce phénomène est également pré-
senté par quelques autres corps pulvérulents ayant une structure par-
ticulière, comme les spores de Fougère et la poudre de Kamala.
Structure microscopique. — Sous le microscope, la poudre de Ly-
copode se montre composée de granules uniformes, ayant 35 mil-
lièmes de millimètre de diamètre, munis de quatre faces, dont l’une,
la base, est convexe, tandis que les autres se réunissent en une pyra-
mide triangulaire dont les trois bords sillonnés ne se prolongent pas
tout à fait jusqu'à la base. Ces tétraèdres sont marqués de fines côtes
formant par leurs intersections des mailles régulières à cinq ou six faces.
Au niveau des points d’intersection, il existe de petites saillies qui, sous
un faible grossissement, donnent aux spores une apparence mouchetée.
Au-dessous de cette couche réticulée, se trouve une membrane jaune,
cohérente, mince, mais compacte et très-résistante, car elle ne se rompt
pas quand on la fait bouillir dans l’eau ou même dans la potasse caus-
tique. L’acide sulfurique n’agit pas sur elle à froid, même au bout de
plusieurs jours; mais il pénètre les granules instantanément et les rend
transparents en même temps que de nombreuses gouttes d’huile en
exsudent.
Composition chimique. — Un des plus remarquables principes consti-
tuants des spores de Lycopode est une huile grasse ,qu’elles contiennent
dans la proportion énorme de 47 pour 1 00. Bucholz a signalé son exis-
tence en 1807, mais il ne l’obtint que dans la proportion de 6 pour 100.
Cependant, en brisant les spores par une trituration prolongée avec du
sable, et en les épuisant ensuite avec du chloroforme, nous avons ob-
tenu la proportion considérable d’huile essentielle que nous venons
d’indiquer. L’huile est douce et ne se solidifie pas même à — 15° G. En
soumettant le Lycopode ou son extrait a la distillation avec ou sans ad-
HISTORIE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 387
dition d’alcali, Stenhouse a obtenu des bases volatiles dont nous avons
pu vérifier la présence, mais qui n’existent qu’en très-faible proportion.
Le Lycopode abandonne 4 pour 100 de cendres non alcalines, contenant
de l’alumine, et J pour 100 d’acide phosphorique, principes qu’on trouve
aussi dans les parties vertes de la plante.
Production et Commerce. — Pour recueillir la poudre de Lycopode,
on coupe les épis fructifèrés un peu avant la maturité, et on les secoue
pour faire tomber la poudre, qu’on sépare à l’aide d’un tamis. Ep Russie,
en Allemagne et en Suisse, on la récolte surtout en juillet et en août,
La quantité obtenue varie beaucoup à cause des arrêts fréquents de
développement de la plante.
En 1870, la France a importé 7 262 kilogrammes de poudre de Lyco-
pode, provenant en majeure partie d’Allemagne. La consommation qui
s’en fait en Angleterre est probablement beaucoup plus faible, mais
nous ne possédons à cet égard aucune donnée.
Usages. — La poudre de Lycopode est aujourd’hui considérée comme
ne possédant pas du tout de propriétés médicinales; on ne l’emploie à
l’extérieur que pour recouvrir les surfaces excoriées, et pour saupoudrer
les pilules, afin de les empêcher d’adhérer les unes aux autres. Elle est
aussi employée par les artificiers.
Falsification. — Les spores de Lycopode possèdent une structure si
caractéristique, qu’on peut facilement les distinguer à l’aide du mi-
croscope de toutes les autres substances. Les espèces de Lycopodiacées
voisines du L. clavatum (1), possèdent un produit analogue et pouvant
être employé aux mêmes usages.
L’amidon et la dextrine, qu’on mélange parfois frauduleusement à la
poudre de Lycopode, sont faciles à distinguer à l’aide des réactifs que
tout le monde connaît. Les poudres inorganiques, notamment le gypse
et la magnésie, se reconnaissent à l’aide du bisulfure de carbone, dans
lequel elles s’enfoncent, tandis que la poudre de Lycopode reste à la
surface, et aussi par l’incinération, la poudre de Lycopode ne laissant
pas plus de 4 pour 100 de cendres. Le polie» de quelques plantes pha-
nérogames, notamment celui du P inus silveslris, ressemble à première
vue aux spores de Lycopode, mais son organisation est tout à fait diffé-
rente, et il est toujours facile de distinguer ces deux sortes de corps.
(a) Les Lvcopodes ( Lycoporlium L., Gênera , n. 1184) sont des Lycopodiacées îi
une seule espèce de spores contenues dans des sporanges dépendant des feuilles de
1 inflorescence et déhiscents par une fente transversale.
(I) Notamment les L. annotinum , L. nomplanatum et L. inundatum.
ÎJ88
LYCOPODIACÉES.
lie Lycopodium clavalwn L. ( Species , 1564) est une plante vivace, atteignant de
30 à bO centimètres et parfois 1 mètre de long; sa tige est très-ramifiée, rampante,
et émet de distance en distance des racines adventives qui parvenues au niveau du
sol se ramifient diehotomiquement. De cette tige couchée sur le sol, s’élèvent des
rameaux fructifères, «tressés, cylindriques, ramifiés diehotomiquement et chargés
comme la tige de feuilles spiralées, disposées sur plusieurs rangs, trè's-rapprochées
les unes des autres et formant aux axesqui les portent un revêtement complet; elles
sont linéaires-lancéolées, et terminées par une soie, plus ou moins étalées et arquées,
infléchies, roules, munies d’une seule nervure longitudinale, peu prononcée. Vers le
sommet des rameaux, les feuilles sont un peu plus petites et plus espacées et enfin le
rameau se termine soit par une seule, soit par deux inflorescences nées de sa dicho-
tomie. Les inflorescences ou épis sont cylindriques, fusiformes, formés d’un axe cy-
lindrique sur lequel s’insèrent un grand nombre de bractées ovales acuminées, toi -
minées par une pointe allongée et roule, colorées en jaune pâle, axec des bord?
membraneux, ondulés et très-finement denticulés, et une base rétrécie. Chaque
bractée porte, sur sa face interne, au-dessus de la portion rétrécie par laquelle elle
s’insère sur l’axe d’inflorescence, un sac réniforme ou sporange, allongé transversa-
lement, à bord inférieur concave, adhérent à la bractée, à bord supérieur convexe,
arrondi, épais, déhiscent par une grande fente longitudinale qui le parcourt dans
toute son étendue. La cavité unique de chaque sporange contient un grand nombre
de spores dont le rôle physiologique n’est pas encore complètement connu. M. de
Bary (1) a pu cependant observer la germination des spores d une espèce voisine, le
Lycopodium inundatum, et assister à un commencement de formation de prothalle;
plus récemment M. Fankhauser (2) a rencontré des prothalles de Lycopodium
annolinum provenus sans doute des spores de cette espèce. Ces prothalles étaient
souterrains, dépourvus de chlorophylle, blancs, munis sur leur face inferieure île
poils radicaux et sur la face supérieure d’organes mâles ou anthéridies ovales, enfon-
(1) U ber Keimung (1er Lycopodium, in Bericht. (L naturf. Gesellsch. zu Freiburg
in Brisgau, 1858.
(2) In Bot. Zeit., 3 janvier 1873.
Fig. 273.
Lycopodium clavatum.
Fig. 274. Lycopodium clavatum.
Bractées sporangiféro et spores.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 589
cées dans le tissu clu prothalle et contenant un grand nombre d’anthérozoïdes à
corps relativement volumineux et a filament no formant que deux tom s de spiie*
D’autres bourrelets paraissaient indiquer la place des archégones ou organes femel-
les, mais ces derniers n’étaient pas encore développés ; sur quelques-uns de ces pro-
thallcs de jeunes plantulcs étaient déjà développées. D’après ces observations, le pro-
thalle des Lvcopodes serait monoïque, ce qui explique la présence dans ces plantes
d’une seule espèce de spores. De nouvelles recherches plus complètes sont cepen-
dant encore nécessaires. [T h ad.]
FOUGÈRES
RHIZOME DE FOUGÈRE MALE.
’ Ithizoma Filicis, JViizoma Filicis maris ; angl., Male Font Rhizome, Male Fera Roui;
allom., Farnwurzcl.
Origine botanique. — Aspidium Filix-mas Swahtz (Polypodium L.).
— La Fougère male est une des espèces les plus répandues. On la trouve
dans toute l’Europe, depuis la Sicile jusqu’à l’Islande, dans le Groen-
land, dans l’Asie centrale et russe, jusqu’à l’Himalaya, et au Japon. Elle
se trouve en Chine, à Java et dans les îles Sandwich. Dans l’Amérique
du Nord, elle manque aux Etats-Unis, où elle est surtout remplacée par
les espèces voisines, Aspidium marginale Sw. et Aspidium Goldieanum
Hook.; mais on la trouve dans le Canada, la Californie et le Mexique,
de même que dans la Nouvelle-Grenade, le Vénézuéla, Je Brésil et le
Pérou. En Afrique, elle s’étend depuis l’Algérie jusqu’à la colonie du
Cap et à Maurice (a).
Historique. — L’usage du rhizome de Fougère comme vermifuge
était connu des anciens (I), mais cette drogue fut ensuite négligée
jusqu’au- moment où son emploi fut de nouveau mis en relief par l’in-
troduction de certains remèdes secrets contre les vers ronds, dont le
rhizome de Fougère mâle pulvérisé et mélangé à des purgatifs drasti-
ques formait le principal constituant.
Un médicament de cette sorte fut préparé par Daniel Mathieu, de
Neuchâtel, né en 1741, qui s’établit comme apothicaire à Berlin. Son
traitement contre les vers obtint tant de succès, qu’il attira l’attention de
(l) Murray, A pparalus Medicaminum, 1790, V, 453-471. — Un coup d’œil jeté dans
les auteurs (U les tarifs pharmaceutiques des seizième et dix-septième siècles nous
apprend cependant que les propriétés vermifuges de cette drogue n’étaient point tom-
bées eu oubli. Voir par exemple : Tragus , De Stirpium Ilistoria, Argcntorali,
1332. — Flückiger, Documente zur Geschkhte (1er Pharmacie, Italie, 1876, 26. •—
Schrôder, M ed i c in isch ■ C hym isch c Apotheke, Nürnberg, 1636, 920. [P. A. F.]
FOUGIÏIŒS.
de 200 thalers, indépendamment de la qualité de conseiller aulique
qu’il conféra à l’inventeur (1). Une célébrité considérable fut aussi
obtenue, grâce à sa méthode de traitement des vers fusiformes, par
Mmo Nufller ou Nufl'or, veuve d’un chirurgien de Murten (Moral), en
Suisse. Eu 1770, après des eesais faits par les savants de l’époque (Las-
sone, Marquez, Goulez de la Motte, A. L. de Jussieu, J. B. Caburi, Cadet),
elle vendit son secret à Louis XIV moyennant 18000 livres. Sa méthode
de traitement consistait dans l’administration : 1° d’une panade faite
avec du pain et un peu de beurre ; 2° un lavement d’eau salée et d’huile
d’olive; 3° le « spécifique », qui consistait en rhizome de Fougère pul-
vérisé; 4° un bol purgatif composé de calomel, de gomme:gutte, de
scannnonée et de Confectio hyacynthidis /le tout administré dans l’ordre
que nous venons d’indiquer (2).
Peschier (3), de Genève, recommanda de substituer à la masse trop
considérable de poudre de rhizome un extrait éthéré, préparation effi-
cace qui, quoique préconisée en 1823, était àpeine adoptée en Angleterre
en 1851; aujourd’hui, c’est la seule forme sous laquelle on emploie
la Fougère mâle.
Description. — • Le rhizome de Fougère mâle frais est court et épais ; il
atteint souvent 5 à 8 centimètres de diamètre ; il est décombant ou
s’élève de quelques centimètres au-dessus du sol et porte à son extré-
Fig. 27 j. Rhizome de Fougère mile, partie supérieure a été détruite. De ces
bases foliaires charnues, partent des racines noires, filiformes, rami-
fiées. Le rhizome est un peu charnu et se laisse facilement couper
avec un couteau; il est coloré intérieurement en vert jaunâtre clan-;
son odeur est très-faible; sa saveur est douceâtre et astringente.
(1) ConNAZ, Les familles médicales de la ville de Neuchâtel, 1864, 20.
(2) Traitement contre le Taenia ou ver solitaire, pratiqué à Moral, en Suisse , exa-
miné et éprouvé à Paris, publié par ordre du Roi, 1774, in-4°, 30, 3 planches dont une
représentant la plante., son rhizome et ses feuilles. — Il en existe une traduction an-
glaise par le docteur Simmons, Lond., 1778, in-8°.
(3) liihliothèque universelle, 1823, XXX, 205 ; 1826, XXX, 326.
mité une touffe de feuilles ou frondes
qui, dans leur partie inférieure, sont
accompagnées d’écailles brunes. Au-
dessous des frondes vertes, le rhizome
) offre les bases de celles des années
précédentes, qui restent vivaces pen-
dant plusieurs années après que leur
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
591
Pour l’usage pharmaceutique, il faut Je cueillir à la fin de l'automne,
pendant l’hiver ou au commencement du printemps ; il faut le débar-
rasser des portions mortifiées, le fendre, le faire sécher à une douce cha-
leur, le réduire en poudre grossière et l’épuiser de suite avec l’éther.
L’extrait obtenu par ce procédé est plus efficace que celui qui est pré-
paré avec le rhizome préalablement conservé pendant quelque temps.
Structure microscopique. — Sur une section transversale, le rhi-
zome se montre tonné d’un tissu à cellules polyédriques ponctuées ; les
cellules des couches extérieures sont brunes et petites, mais n’offrent
pas la forme aplatie régulière qui caractérise les cellules subéreuses. En
dedans de celte couche corticale, existe un cercle d’environ dix gros
laisceaux fibro-vasculaires, et un nombre plus considérable de faisceaux
plus petits, dispersés en dehors du cercle. Les bases des feuilles offrent
une structure un peu différente ; leurs faisceaux fibro- vasculaires, ordi-
nairementau nombre de huit, forment un cercle irrégulier.
Les cellules parenchymateuses contiennent de l’amidon, des granu-
lations verdâtres ou brunâtres de matière tannique et des gouttes
d huile. Dans les parties vertes et vigoureuses du rhizome, se voient de
nombreux petits espaces intercellulaires, dans lesquels se prolongent un
petit nombre de glandes pédonculées, ainsi que l’a montré le professeur
Schacht, de Bonn, en 1863. Ges glandes globuleuses prennent naissance
sur les cellules qui bordent les espaces intercellulaires. Après leur com-
plet développement, et lorsque l’amidon s’est déjà formé dans le pareil-
ch} me adjacent, ces glandes exsudent un liquide Verdâtre qui se soli-
difie en cristaux aciculaires (1) quand on conserve pendant quelque
temps dans la glycérine les coupes minces du rhizome. Ges glandes pa-
raissent manquer dans la plupart des espèces voisines, notamment dans
1 Aspulmm Oreoptens Sw. et dans V Asplénium Füix-feniina Bernh. Elles
ont été observées par l’un de nous (F.) dans le rhizome de VA. spinulo -
sam Sw. Des glandes semblables, mais n’exsudant pas de liquide vert, se
fiouvent entre les écailles, sur le cône végétatif du rhizome.
Composition chimique. - Parmi les nombreuses analyses de celte
drogue qui ont été faites, celles de Bock (1852) et de Luck (1860) doivent
cli e plu» pat ticu librement mentionnées. Indépendamment des principes
qui existent généralement dans les plantes, ils ont trouvé dans le rhi-
zome de la Fougère mâle 3 à 6 pour 100 d’une huile grasse verte, des
traces d’huile volatile, de la résine, du tannin. {acides Tannaspidique et
m!!i f,!,wiC v éMdlmr la nalurG chimifIuc ces corps. Les cristaux sont probable-
ont formes d arndc flhcique, accompagné de chlorophylle et d’huile essentielle.
592
FOUGÈRES.
Ptéritannique de Luck) et un sucre cristallisablc qui, d’après Bock, est
probablement du sucre de canne.
L’extrait médicinal éthéré dont le rhizome fournit environ 8 pour 100,
laisse déposer une substance cristalline incolore, granuleuse, si-
gnalée par Peschicr dès 1826, et désignée plus tard par Luck sous le
nom d'acide Filicique. Grabowski (1807) lui a assigné laformule G“H,805.
Le professeur Buchhcim nous informe qu’il regarde l’acide filicique
comme le principe médicinal actif de la plante. Par fusion avec delà
potasse, l’acide filicique se convertit en phloroglucinc et acide buty-
rique. La portion liquide verte de l’extrait est formée, en majeure partie,
d’un glycéride nommé Filixoline. Luck a obtenu par sa saponification
deux acides : l’un volatil, acide Filosmylique ; l'autre non volatil, acide
Filixolique.
Malin, en 1867, a montré que l’acide tannique de la Fougère mâle
peut être décomposé, par ébullition dans les acides dilués, en sucre et
en une substance rouge, le rouge de Fougère , G8GH18Ol!, analogue au
rouge de Ginchona.
Schoonbroodt (1) a montré que le rhizome de Fougère mâle contient
des acides volatils de la série grasse, parmi lesquels se trouve probable-
ment l’ acide Formique , et aussi un acide fixe accompagné d’une huile à
odeur désagréable. Le liquide distillé de la racine sèche ne dégage
pas d’odeur analogue et ne contient aucun corps acide. Une petite
quantité d’huile essentielle peut être retirée au moyen de l éther de
l’extrait alcoolique du rhizome frais, mais non du rhizome sec.
La substance nommée Aspidine, considérée par Pavesi comme le
principe actif du rhizome, paraît être l’acide filicique. Le rhizome de la
Fougère mâle abandonne 2 à 3 pour 100 de cendres, consistant surtout
en phosphates, carbonates et sulfates de calcium et de potassium et en
silice.
Usages. — L’extrait éthéré a été prescrit contre toutes les sortes de
vers intestinaux ; mais des expériences récentes ont montré que son ac-
tion s’exerce particulièrement sur les vers plats. Il agit avec la même
efficacité sur le Tænia solium , le T. mediocanellata et le Dothrioccphalus
latus.
Substitution. — Les rhizomes de V Asplénium Filix-femina Beunii.,
de VAspidium Oreopteris Sw. et de l’A. spinulosum S\v. peuvent être
confondus avec celui de VA . filix-mas. Le meilleur moyen de les distin-
(1) Journal de Médecine de Bruxelles , 1867, 1868, et Vierteljahresschrift fSrpraki.
l'harm.. 1869, XVIll. 106.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
guer est de pratiquer des sections transversales dans la base des feuilles.
Dans la Fougère mâle, la coupe offre huit faisceaux fibro-vasculaires,
tandis que dans les autres olle
n’en présente que deux. Cette
différence est facile à constater,
même avec une loupe.
Les Aspiclium Swartz ( Journ . de
Schrader, 1801) sont des Fougères
do la tribu des Aspidiées, A indusie
plane, réniforme ; à nervilles pen-
nées ; â pinnules non articulées,
•libres ou conuiventes ; à sporanges
s’élevant perpendiculairement des
nervilles.
L’ Aspidium Filix - mas Swartz
(in Journ. de Schrader, 38) est une
plante à souche vivace, traçante, re-
couverte de feuilles très-pressées les
unes contre les autres au niveau de
leur base et étroitement imbriquées de
façon à recouvrir entièrement le rhi-
zome. Dans le voisinage de leur point
d’insertion sur ce dernier, elles émet-
tent des racines adventives noires,
filiformes et ramifiées, destinées à
nourrir la plante. Le rhizome et la „ , , .
. , , , Fig. 27b, Aspidium Filix-mas.
base des pétioles sont couverts de
longs poils brunâtres très-pressés les uns contre les autres. Le rhizome est terminé
par un sommet aplati qui ne se ramifie pas. Dans le voisinage de ce sommet nais-
Fig. 277. Aspidium Filix-mas. Sommet
du Rhizome. Coupo longitudinale.
Fig. 278. A. Filix-mas.
Foliole fructifère.
sent successivement des feuilles alternes, disposées en spirale, recourbées en crosse
à l’état jeune, comme on le voit dans les figures 27G et 277. Les feuilles adultes sont
constituées par un pétiole principal élargi à la hase qui persiste longtemps dans sa
portion souterraine après la destruction du reste de la feuille, et par un limbe formé
HIST. DES DROGUES, T. II. 38
;i!4
FOUGÈRES.
<lo folioles primaires opposées par paires pemiatiséquées, à segments également
opposes, [.es pétioles sont couverts sur la face inférieure de poils squamiformes,
I'ig. -79. Coupe verticale d’un lobe do feuille d'Aspidium Filix-mas,
passant par un sore (d’après Sachs).
laige>, brunâtres:. Lcs^ feuilles sont réunies en touffes partant du sommet du
îhizome , elles sont longues de 30a GO centimètres, oblongucs lancéolées et acumi-
nées dans leur contour général, avec des segments primaires étalés, lancéolés,
acuminés, segmentés en quinze a vingt-cinq paires de lobes plus volumineux vers
le milieu qu’aux extrémités, oblongs, obtus, dentés sur les bords (Gg. 278), plus
pi ofondément séparés les uns des autres vers la base du segment qu’au niveau de
son extrémité supérieure, où ils sont confluents. Chaque lobe offre une nervure
principale médiane qui le parcourt dans toute sa longueur et émet de chaque côté,
à angle un peu aigu, des nervures secondaires latérales se bifurquant bientôt cha-
cune en deux nervures tertiaires grêles qui se terminent dans la même dent du
lobe. C est sur la face dorsale du lobe et sur ces nervilles que sont disposés les
sores (Gg. 278).
Fig. 280. Sporange Fig. 281. Sporange d’Aspidium
d'Aspidium Filix-mas jeune Filix-mas , à peu près mûrs, portant
(d’après Sachs). une glande (d’après Sachs).
Fig. 282. Sporange
d'Aspidium Filix-mas
* après la déhiscence.
La plante que nous venons de décrire représente la génération asexuée de YAspi-
(lium Filix-mas. On donne le nom de sores aux organes reproducteurs asexués
qu’elle porte et qui sont fixés comme nous venons de le dire sur la face dorsale des
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. R95
folioles ; chaque sore est constitué par un pédicule fixé sur la face inférieure de la
nervure qui lui donne naissance et par une lame protectrice ou indusie recouvrant •
des sacs pédioulés ou sporanges. Dans Y Aspidium Filix-mas l’indusie (fig. 279, a, a)
est une lame aplatie, réniforme, fixée au niveau de son bord concave par un pédicule
très-court à la face inférieure d’une nerville foliaire ; ses bords sont au début
très-rapprocliés de la face inférieure de la feuille, mais au moment de la maturité
ils s’en écartent et laissent voir les sporanges situés au-dessous de l’indusie.
Chaque sporange est constituée par un sac
ovoïde, pédicule, contenant les spores. Dans
l’espèce de Fougère qui nous occupe ici les
sporanges sont nombreux, insérés tout autour
du pédicule de l’indusie sur le bourrelet
formé par l’épaississement de la nervure de
la feuille. Chaque sporange (fig. 280) provient
d'une cellule de l’épiderme de la feuille et re-
présente morphologiquement un poil. 11 est
constitué par un pédicule grêle, formé d’un
petit nombre de cellules allongées. Ce pédi-
celle porte fréquemment, comme dans la fi-
gure 281, une glande pédicellée a , dont la
cavité renflée en tête contient de l’huile essen-
tielle. La cavité du sporange est renflée, ovoïde, U' ' cl"1111cmon1, cI° 1 Aspidnim Filix-mas.
un peu aplatie ; ses parois sont formées sur les deux faces par une seule couche de
cellules polygonales, et au niveau du pourtour par une rangée de cellules plus
épaisses, constituant un bourrelet saillant, qui fait tout le tour du sporange et a
reçu le nom d’a?ine<2u. Ici l’anneau est longitudinal, c’est-à-dire qu’il part de°chaque
côté de la base de la cavité du sporange pour atteindre son sommet. Les cellules qui
Fig. 284. Développement du prothallo Fig. 28b. Protliallo adnlto
de V Aspidium Filix-mas (d’après Behq). de l' Aspidium Filix-mas.
le forment sont plus consistantes que celles des deux parois latérales du sporange ;
elles sont très-hygrométriques et, sous l’influence de la contraction qu’elles subissent
quand elles se dessèchent, l’anneau se rompt à la maturité (fig. 282) et sa déchi-
rure entraînant celle des parois latérales du sporange, il se produit une fente trans-
versale, bientôt béante, par laquelle s’échappent les spores. Tandis que les cellules de
1 anneau et celles des parois du sporange acquièrent leurs formes et? leurs propriétés
Î59G
LICHENS.
particulières, la cellule unique qui occupe le centre du renflement se divise pour
donner naissance aux spores (fig. 280 et 280). Par une première segmentation, cette
cellule centrale donne naissance à deux autres qui elles-mêmes se segmentent à
leur tour ; la cavité du sporange contient alors quatre cellules (fig. 280) qui en se
divisant donnent naissance à un certain nombre de cellules arrondies dites cellules
mères des spores. Chacune de ces dernières se segmente en deux, puis en quatre
cellules tilles représentant autant de spores. La figure 283 montre ces segmenta-
tions successives: a est une cellule mère pourvue d’un noyau; en b, elle a perdu
son novau ; en c, elle possède deux noyaux nouveaux et elle est déjà divisée en deux-
cellules tilles. Dans les figures suivantes on voit les quatre spores se séparant peu à
peu l'une de l’autre ; il montre une spore adulte, remarquable par sa membrane ex-
terne munie de nombreux plis saillants.
Placée sur un sol humide cette spore germe (fig. 284) et donne naissance à une
lame verte, cordiforme (fig. 285), qui se fixe au sol et se nourrit à l’aide de filaments
radiculaires et qui produit des organes mâles ou anlhéridies et des organes femelles
ou archégones. Cette lame verte, munie d’organes reproducteurs, a été désignée
sous le nom de prothalle ; elle représente la génération sexuée de la plante ; ses
dimensions sont peu considérables.
Dans YAspidium Filix-mas l’anthéridie est représentée par une cavité saillante,
production de l’épiderme du prothalle, contenant
un nombre assez considérable de cellules-mères d’an-
thêrozoïdes donnant chacune naissance à une cellule
filamenteuse, enroulée en spirale, mobile, munie de
cils vibratiles à l’aide desquels Y anthérozoïde peut
aller à la recherche de la cellule femelle.
L’archégone ou organe femelle (fig. 286) est con-
stitué par un mamelon celluleux, saillant, contenant
une cellule femelle destinée après fécondation à
donner naissance à un embryon qui se développe
JFig. 286. Archégono d ’Aspidium
Filix-mas (d’après Berg).
rapidement en une jeune plante asexuée comme celle que nous avons décrite au
début. [Trad.]
LICHENS
LICHEN D’ISLANDE.
lichen Islandicus ; Lichen ou Mousse d'Islande ; nngl., Iceland Moss ; nllem., Isliindischcs Moos.
Origine botanique. — Celraria islandica Aciuiuus (I). — Il est abon-
dant sous les latitudes septentrionales, notamment dans le Groenland,
le Spitzberg, la Sibérie, la Scandinavie et l’Islande, où il croît même
dans les plaines. On le trouve dans les parties montagneuses de la
Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie et de l’Espagne, en Suisse et
p
(1) Le mol Celraria vient do Cetra , l’antique bouclier, à cause de la forme circulaire
des apothécies.
597
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
dcins les régions méridionales du Danube. Ou le tiouvc aussi dans
l’Amérique du Nord et dans les régions antarctiques.
Historique. — Dans le nord de l’Europe, ce lichen est depuis long-
temps employé sous les noms de Mosi, Mossa ou Mus , dans l’alimenta-
tion. Ole Borrich, de Copenhague, en 1671, l’a nommé Muscus ’cathar-
ticus, parce que, au début du printemps, il possède des propriétés
purgatives (1). Son emploi dans les affections pulmonaires fut préconisé
par Hjârne, en 1633 (2), mais ce n’est qu’en 1757 qu’il devint général
parmi les médecins, grâce sur-
tout à la recommandation de
Linné et de Scopoli.
Description. — La plante con-
•siste en un thalle dressé, foliacé,
ramifié, haut de 10 centimètres
environ, plié, cannelé ou roulé
en tubes, terminé par des lobes
étalés, tronqués, aplatis, dont
les bords sont frangés en petites
proéminences. Le thalle est lisse,
gris, ou coloré en brun olive
clair. La surface inférieure est plus pâle et offre de petites dépres-
sions irrégulières. Les fructifications ou apothécies sont rares; elles
ont la forme de corps arrondis, semblables à des bosses, larges de
4 à 6 millimètres dans le sens transversal, colorées en jaune de rouille
foncé (3). La coloration et le mode de division du thalle sont très-
variables, et ont permis de distinguer un grand nombre de variétés de
la plante.
A l’état sec, le lichen d’Islande est plus clair, rude et élastique. Il
absorbe l’eau dans laquelle on le place, dans la proportion d’un tiers
de son poids, en devenant mou et cartilagineux; il contient à l’état de
siccitô 10 pour 100 d’eau; il est inodore, mais lorsqu’on le brise, il
exhalé une légère odeur de varech ; sa saveur est un peu amère .
(1) Bergius, Materia Medica, Stockholm, 1 778, II, 856.
(2) Murray, Apparatus Mcdicaminum, 1790, V, 510. — Il se trouve, sous le nom
de Muscus calharticus islandicus, dans le tarif des Pharmacies de Copenhague do
1672. [F. A. F.]
(3) Les apothécies, fig. 288, a, sont constituées par des cellules allongées, claviformes,
désignées sous le nom d’as^wes, contenant chacune de G ;i 8 spores ovoïdes qui, en ger-
mant, produisent un nouvel hypha; entre ces asques existent un grand nombre de cel-
lules également allongées, mais plus étroites et stériles, considérées comme des asques
avortées et nommées paraphyses. [Trad.]
Fig. 287. Cetraria islandica.
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structure, microscopique.-- Sur une coupe transversale, on observe,
a l’aide d’un Tort grossissement, une couche centrale lâche et large de
cellules allongées, à parois épaisses, ramifiées, constituant Yhypha
(fig. 288, c). Celte couche offre de nombreux espaces inter-cellulaires
remplis d air. Sa partie moyenne renferme un certain nombre de
grandes cellules nommées gonidies , colorées
en vert par la chlorophylle. Ces cellules ne
a sont détruites ni par l’acide sulfurique con-
centré, ni par l’ébullition dans la potasse.
Elles prennent une coloration violette quand
on les traite par la potasse et qu’on les laisse
b ensuite pendant vingt-quatre heures dans
une solution dïodurc de potassium iodé. Le
tissu situé de chaque côté de cette zone
médiane, gonidiale, est formé de cellules
d’hypha feutrées, très-serrées, sans espaces
c inter-cellulaires, et ne paraissant contenir
aucune substance spéciale. De ce tissu
compacte et tenace, on passe à une couche
à corticale mince (fig. 288, e) formée de cellules
disposées en faisceaux très-serrés. Sous l'in-
fluence des réactifs, cette couche devient
e
tres-évidente ; lorsqu’on l’humecle avec de
l’acide sulfurique concentré ou de l’acide
chlorhydrique, elle se sépare des tissus sous-
jacents sous la forme d’une membrane cohérente, et se replie en de-
hors sur elle-même. Sous l’influence de l’ébullition dans l’eau, le tissu
intérieur se gonfle et les parois de ses cellules se dissolvent en par-
tie. Des tranches minces du thalle se colorent en brun rougeâtre ou
en bleu pâle sous l'influence de l’eau iodée, et plus nettement en
bleu lorsqu’on les a traitées au préalable par l’acide sulfurique. La
couleur se répand uniformément dans tout le tissu intérieur, mais
on n’y peut pas découvrir de granules d’amidon. La couche cor-
ticale est simplement colorée en brun par l’iode. Les fossettes blan-
châtres qui existent à la surface du thalle se réduisent, sous l’in-
fluence de la pression entre deux plaques de verre, à l’état de petits
granules ronds, transparents, qui ne sont pas colorés par l’iode, et
en cellules ramifiées, épaisses, semblables à celles de la couche cen-
trale.
Fig. 288. Coupe transversale
du Cetraria islandica, au niveau
d’une npochccic (d’après Berg).
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. S9‘J
Les proéminences, courtes et épaisses, qui existent sur les bords du
thalle se terminent fréquemment par une ou plusieurs petites cavités
ou sacs, nommés spermogonies (fi g. 289), contenant une grande quantité
de petites cellules, en forme de baguettes courtes, nommées sperma-
ties, longues seulement de 6 millièmes de millimètre, enveloppées
d’un mucus transparent, et faciles à expulser par pression entre les
lames de verre. Stahl, en 1874 (I), a montré que ces petites cellules re-
présentent l’analogue des corpuscules fécondateurs des algues de la
famille des Floridées.
Les observations de De Bary (1868) et de Schwendener (1867-1870),
confirmées et étendues par
celles de Bornet (2) en 1873-
1874, ont montré que les
gonidies des Lichens sont con-
stituées par des espèces d’Al-
gues inférieures, et sont sus-
ceptibles de vivre d’une façon
indépendante; que les rela-
tions de l’hypha avec les go-
nidies sont de nature à exclure l’idée que l’un de ces corps peut être
produit par l’autre, et, en outre, que la théorie du parasitisme est la
seule capable d’expliquer d’une façon satisfaisante les relations de ces
deux ordres d’éléments. D’après cette théorie, les Lichens sont des or-
ganismes composés d’une algue et d’un champignon, le dernier vivant
en parasite sur la première (a).
Composition chimique. — L’eau bouillante retire du Lichen d’Islande
jusqu’à 70 pour 100 d’une substance nommée Lichénine ou Amidon de
Lichen , qui est tout à fait dépourvue de structure. La décoction (1 : 20)
se gélatinise en refroidissant et prend une teinte rougeâtre ou bleuâtre
sous l’influence de la solution d’iode. Cette propriété de la lichénine est
facile à constater lorsque la drogue a d’abord été épuisée par l’alcool
bouillant contenant un peu de carbonate de potassium ; on la fait alors
bouillir dans 50 à 100 parties d’eau et on précipite la décoction à l’aide
de l’alcool. La lichénine, ainsi obtenue à l’état de pureté, doit être pri-
vée d’alcool par un lavage soigneux à l’eau. Tant qu’elle est encore
(1) Botanisehc Zeitung, 20, Man., 1874, 1 80 .
(2) Recherches sur les gonidies des Lichens , in Ann. Sc. nat ., Rot., sér. 5, XVII, 4S-
110, 11 planches; XIX, 314-320.
Fig. 289. Spermogonies du Cetraria islandica.
600
LICHENS.
humide, la poudre d'iode lui donne immédiatement une coloration
bleue inle™e. Sa composition, ressemble à celle de l’amidon et
de la cellulose; on peut la considérer comme une modification de cette
dernière devenue soluble dans l’eau et dans la solution ammoniacale
de cuivre. La lichen inc ne peut pas être considérée comme une sorte
de mucilage, car elle ne fournit que des traces insignifiantes d’acide
mucique; lorsqu on la traite par l’acide nitrique concentré, elle ne con-
tient pas de matières inorganiques (1). La très-petite proportion d’acide
mimique qu elle fournit peut provenir d’un corps mucilagineux indé-
pendant, mélangé à elle en petite quantité (2).
La chlorophylle des gonidies n’est pas soluble dans l’acide chlorhy-
drique et a été distinguée pour ce motif par Knop et Schnedermann
sous le nom de Thallochlor. Sa quantité est extrêmement faible.
Le principe amer du Cetraria nommé acide Cétrarique ou Cêlrarine ,
GI8H,RÜ8, cristallise en aiguilles microscopiques; il est à peu près inso-
luble dans l’eau froide et forme avec les alcalis des sels jaunes, amers,
facilement solubles. Le Lichen d’Islande contient aussi un peu de sucre,
et, envii on I pour 100 d un corps particulier, 1 acide Lichénostéarique,
G HJ O , dont les cristaux fondent à 120° G. L 'acide Lichénîque, trouvé
par Pfaff , en 1826, dans le Lichen d’Islande et autrefois considéré
comme un corps particulier, est en réalité identique avec l'acide Fu-
mariquè.
De même qu’un grand nombre de lichens, le Cetraria contient de
Yacide Oxalique et passe pour contenir aussi de l’acide tartrique. Ses
cendres s’élèvent à la proportion de I à 2 pour 100 ; les deux cin-
quièmes sont formés d’acide silicique combiné surtout avec de la po-
tasse et de la chaux.
Recolle et Commerce. — Le lichen d’Islande est recueilli dans plu-
sieurs localités où il existe en abondance, notamment en Suède, d’où on
l’expédie dans d’autres pays. On le recueille aussi en Suisse et parti-
culièrement sur les montagnes du canton de Lucerne, et en Espagne (3).
On n’en exporte pas du tout d’Islande.
Usages. — Le lichen d’Islande est administré en décoction comme
(1) Les différents mucilages ou gommes donnent de 4 à 20 pour 100 de cendres; la
lichénine n’en donne pas du tout.
(2) D’après les recherclies de Berg (1873), la lichénine préparée comme nous venons de
l’indiquer serait un mélange d’un corps auquel il conserve le nom de lichénine, accom-
pagné d’une substance isomérique. Cette dernière serait soluble à froid dans l’eau; c’est
elle qui sc colore en bleu pür l’iode, et non la lichénine proprement dite. [P. A. F.]
(3) Cat. of Spanish Product., Lond. Exhibif . , 1851.
GOI
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
tonique léger, combiné avec des médicaments plus actifs. On l’emploie
beaucoup en Islande, mais seulement dans les années de disette ; on
le réduit alors en poudre et on le mélange avec de la farine pour faire le
grout. On le mange parfois bouilli dans du lait. On ne le donne pas,
comme cela a été affirmé, aux animaux domestiques.
On a récemment expérimenté en Suède et en Russie une utilisation
intéressante du lichen d’Islande et d’autres lichens. Sten-Stenberg le
traite par l’acide sulfurique ou l’acide chlorhydrique ; il se forme
alors 72 pour 100 de glucose qui peut être converti en alcool (1).
(a) D’après cette théorie qui est admise aujourd’hui par le plus grand nombre des
botanistes, chaque lichen se compose de deux végétaux déclassé différente associés :
un champignon dépourvu de matière colorante verte, représenté par des fila-
ments ramifiés qui constituent l’hypha du lichen, et une algue colorée par la
chlorophylle qui constitue les gonidies. Les filaments du champignon vivent en pa-
rasites aux dépens des cellules vertes de l’Algue. La partie des lichens désignée sous
le nom d'apolhécie représente les organes de multiplication propres aux champi-
gnons ascomycètes. Les spermogonies sont aussi des organes de reproduction habi-
tuels ce groupe de champignons, mais dont le rôle n’est pas encore nettement
déterminé. Quant aux gonidies elles se multiplient par segmentation.
Des observations récentes communiquées au congrès des naturalistes de Munich,
le 20 septembre 1877, par M. Stahl, apportent à cette théorie une confirmation
importante en même temps qu’elles éclairent d’un jour nouveau les relations qui
existent dans les lichens entre l’algue et le champignon. Il a constaté qu’une
petite masse isolée de gonies offrait un accroissement considérable dans l’activité de
sa végétation dès qu’on mettait en contact avec elle des filaments incolores de
l’hypha du lichen et qu’en même temps ces dernières commençaient après ce con-
tact à végéter avec une grande vigueur, comme si le champignon et l’algue se four-
nissaient mutuellement des éléments de nutrition. [Thad.]
CHAMPIGNONS
ERGOT DE SEIGLE.
Secale cornuhon ; angl., Ergota (2), Ergot of Hge, Spurred Jtye ; allem., Mutterkorn.
Origine botanique. — C ’laviceps purpurect Tulasne. — C’est un cham-
pignon du groupe des Pyrénomycètes , dont l’ergot représente une
forme non encore parvenue à maturité, désignée sous le nom de sck-
rotium, sc développant dans l’intérieur des paillettes d’un grand nombre
de Graminées.
(1) Dingi.ur, P olytechni ’sches Journal, 1 870, 177 ; Chemisches Centralblatt , 1870, G07;
et 1872, 844.
(2) Du mot français ergot, autrefois argot, éperon de coq.
602
CHAMPIGNONS.
L'ergot employé en pharmacie est recueilli presque exclusivement
sur le Seigle (Secale cerealc L.), mais le même champignon sc déve-
loppe sur des graminées appartenant à d’autres genres, notamment les
Ayropyrum , Alopecurus, Ammophila, Anthoxantlium, Arrhenalherum,
Avena, Brachy podium, Calamagrostis, Dactylis , Glycena, Hordeum , Lo-
lium, Poa et Triticum. D’autres organismes de formes diverses, mais
ne constituant que des espèces douteuses, se développent sur les Mo-
linia , Oryza, P /vaginites, et d’autres Graminées. Dans la famille des
Cypéracées on connaît aussi des ergots particuliers.
Historique. — Quoiqu’il soit difficile qu’une production aussi singu-
lière que l’ergot n’ait pas été notée dans les écrits des auteurs clas-
siques, nous croyons qu’on n’a trouvé dans ces ouvrages aucune men-
tion s’appliquant d’une façon certaine à ces champignons (1). La date
la plus ancienne à laquelle nous trouvions l’ergot mentionné à cause
de ses propriétés obstétriques est le milieu du seizième siècle. Adam Lo-
nicer, de Francfort, décrit sa formation sur les épis du Seigle et ajoute
qu’il est considéré par les femmes comme jouissant d’une action re-
marquable et incontestable (2). Il se trouve aussi très-clairement décrit
par Johannes Thalius, en 1588 ; il dit qu’il est employé « ad sistendurn
sanguinem » (3). Pendant le siècle suivant, il est signalé par Caspar
Bauhin, en 1623, qui le nomme Secale luxurians (4) ; et en 1693 par le
botaniste anglais Ray, qui fait allusion à ses propriétés médicinales (o).
Rathlaw, accoucheur hollandais, employait l’ergot en 1747. Trente ans
plus tard, Desgranges, de Lyon, le prescrivit avec succès; mais ses
propriétés particulières et importantes ne furent guère connues avant
le commencement de notre siècle. Le docteur Stearns, de New-York, le
fit alors mieux connaître (6). Cependant l’ergot de Seigle ne fut admis
dans la Pharmacopée anglaise qu’en 1836 (7).
L’emploi de farine contenant une quantité considérable d’ergot de
seigle donne lieu à une maladie terrible, désignée actuellement sous le
nom d 'Ergotisme, mais connue à des époques reculées sous des noms
divers : Morbus spasmodicus, convulsions, malignus, epidemicus vcl cerealis,
(1) Consultez : Pline, Nat. Hist., liv. xvm, ch. 44.
(2) Kreuterbuch, ed. 1582, 285 (non dans l’édition de 1560).
(3) Sylva Hercynia, Franco!’., 1588, 47.
(4) Pinax Tlieatri Botaliici, Basil., 1023, 23.
(5) Hist. Plant., 1693, III, 1241.
(0) St il lé, Therapeutics and Hat. Med., 1868, II, 609.
(7) De 1825 à 1828, le prix de l’Ergot de Seigle à Londres était de 36 é 50 shelliugs
la livre, c’est-îi-dire de douze îi quinze lois sa valeur actuelle.
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. G03
liaphama, Convulsio rapkania (4), et Ignis Sancti Antonii , par allusion à
l’ancienne abbaye de Saint- Antoine, en Dauphiné.
Quelques-unes des épidémies qui ont ravagé l’Europe au moyen âge
après des pluies abondantes et des disettes ont été rapportées avec plus
ou moins de probabilité à l’ergotisme (2). Les chroniqueurs du sixième
et du huitième siècle signalent certaines maladies qui pourraient être
dues à des grains ergotés. C’est moins douteux en ce qui concerne les
maladies qui ont régné en France au dixième siècle, et en Espagne au
douzième siècle. Pendant l’année 1596, la Hesse et les régions avoisi-
nantes furent ravagées par une peste terrible que la Faculté de méde-
cine de Marburg attribua à la présence d’ergot dans les céréales con-
sommées,par la population. La même maladie se montra en France
en 1630 ; dans la Saxe, pendant les années 1648, 1649 et 1673 ; de
nouveau dans diverses parties de la France, notamment dans l’Aqui-
taine et la Sologne, en 1650, 1670 et 1674. Fribourg et le pays voisin
furent visités par la même maladie en 1702; d’autres parties de la Suisse
en 1715 et 1716; la Saxe et la Lausitz en 1716; d’autres localités
d Allemagne en 1717, 1722, 1736, 1741, 1742 (3). La dernière épidé-
mie produite en Europe par l’ergot paraît être celle qui, après la saison
pluvieuse de 1816, ravagea la Lorraine et la Bourgogne et entraîna la
mort d’un grand nombre de pauvres gens. La maladie de l’ergot s’ob-
serve quelquefois de nos jours en Abyssinie (4) et on a signalé récem-
ment quelques cas de mort produits par elle en Bavière (5).
Développement de l’ergot. — La nature véritable de l’ergot a été
pendant longtemps l’objet d’un grand nombre d’opinions diverses ;
elle a été établie par les admirables recherches de Tulasne, dont le Mé-
moire sur l'ergot clés Glumacées (6) nous fournira la plupart des détails
que nous allons donner.
L ergot ne se forme souvent que sur un petit nombre des fruits
d un même épi, parfois cependant il en attaque une vingtaine ou davan-
tage. Dans le premier cas, Je développement des autres fruits n’est pas
empêché, mais si un grand nombre sont attaqués à la fois, l’épi entier
(1) Pereira, Elem. of Mat. Med., 1850, II, 1007.
(2) Consultez : Hæser, Lehrbuch (1er Gcschichte der Medicin uncl der Volkskrank
iciten, 1815, I, 250,8,10 ; II, 94. — G. F. IIeusinger, Recherches de pathologie comparée.
,\rn1853, ’’ 543"334-- MératcI, De Lens, Dict. de Mat. Medic ., III. 131 ; Vil, 208,
(3) Iissot de Lausanne, Phil. Trans., I7GG, LV, 106. - Hist. de la Soc. roy. (V
Médec., 1776, 345. — Mém. de Mécl. et de Phys, méd., 1776, 260-311, 417.
(4) Tu. von IIeuglin, Rcisc nach Abessinien, etc., Jena, 1868, 180.
(5) Wiggers et Husemann, Jahresbcricht , 1870, 582.
(6) Ann. sc. nat ., Bot., 1853, XX, 1-36, 4 planches.
(i(H
CHAMPIGNONS.
sc détruit. Les ergots isolés deviennent généralement plus gros ; ils
atteignent leur taille maximum sur les pieds de seigle qui vivent isolés
au milieu d’autres graminées.
Le premier symptôme qui indique la formation de l’ergot est la pré-
sence sur l’épi de gouttes d’une substance particulière qui a reçu le
nom de miel de seigle. C’est un mucus jaunâtre, possédant une saveur
douce, très-prononcée et l’odeur particulière désagréable qui appartient
aux champignons. Des gouttes de ce mucus se montrent çà et là dans
le voisinage des grains malades et attirent des fourmis et d’autres
insectes, surtout 1 c Rhagonycha melanura Fabr., jaune rougeâtre, mais
pas les abeilles. On a supposé que les insectes étaient les agents de
la propagation de l’ergot, et il peut bien en être ainsi, mais ce serait
seulement en transportant le mucus saccharin d’une plante aune autre.
Le mucus du seigle ne contient ni gouttes d’huile ni amidon. Après
dilution dans l’eau, il produit dans la solution alcaline de tartrate cu-
prique un précipité abondant et rapide d’oxyde de cuivre. Desséché sur
l’acide sulfurique, il se solidifie en
une masse cristalline. Après quel-
ques jours , les gouttes de mucus
disparaissent des épis ; les grains
commencent à cette époque à être
complètement désagrégés et sont
dépourvus d’amidon.
Les ovaires ergotisés sont mous,
recouverts et imprégnés d’un tissu
feutré blanc, spongieux, qui consti-
tue le mycélium du jeune champi-
gnon. Il est formé de cellules fili-
formes grêles, qui constituent les
hyphas revêtues par une couche de
cellules divergentes radialement,
Fig. 290. Développement de l’ergot do Soiglc ^ SOnt les basides. Le mycélium
( d’après Sachs); a, Sphacélic ; A, coupe dans la entier est Cl’eusé de Cavités et de
gphacélie, elle enveloppe le style dont le stig- . , , , , ^
mate est soulevé; c, l 'hyménium ou spcrmnto- fentes qui s ouvrent au dehors. De sa
pllore portant des spores; d, conidies en ger- couc]le extérieure, qui a été dési-
mination ; l’une d’elles porte à son extrenulc
do nouvelles conidies qui, elles-mêmes, pour- gnôe SOUS le nom (1 hyménium OU
ront produire un nouveau mycélium. spermatophore , se détachent un grand
nombre de petites cellules allongées, agglutinées, désignées sous le
nom de conidies. Gcs cellules sont produites par les baaides , ellca
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. G05
n’ont pas plus de 4 millièmes de millimètre de long, et revêtent les
organes floraux comme d une fine poussière blanchâtre. Le mucus
sucre contient aussi une grande quantité de conidies, mais c est seule-
ment. quand on le dilue qu’elles se précipitent et deviennent visibles.
La formation de ce mucus est intimement liée à celle des conidies
elles-mêmes. Dans ce premier état, l’ergot a été considéré autrefois
comme un champignon spécial. Léveillé, en 1827, lui donna le nom de
Sphacelia segetum. D’après Kühn (1803), il peut être produit directe-
ment par germination des conidies sur les épis du seigle.
Le mycélium pénètre et enveloppe le fruit, à l’exception de son som-
met, et empêche son accroissement ultérieur en détruisant surtout l’é-
picarpe et l’embryon. A la base du caryopse, il se forme alors, par tumé-
faction et séparation graduelle transversale des cellules filiformes du
mycélium, un corps plus compacte qui est le futur ergot ; il est coloré
en dehors en violet noirâtre; il est blanc en dedans ; sa taille augmente
graduellement, et enfin il se sépare du mycélium dont il semble repré-
senter le tissu contracté après l’accomplissement de ses fonctions.
Pendant son développement, il soulève les [restes du caryopse, encore
reconnaissables à leurs poils et aux débris du style, ainsi que les poin-
tions restantes du tissu mycélial. Ces parties deviennent visibles au-
dessus des paillettes portées par l’ergot parvenu à sa maturité et faisant
saillie en dehors de l’épi. Très- rarement l’ergot est couronné par un
fruit bien développé ; dans la drogue commerciale, son sommet est or-
dinairement brisé.
Il est évident que pendant le développement de l’ergot que nous ve-
nons de décrire le tissu du caryopse ne se transforme pas, mais qu’il
est simplement détruit. Ni par sa forme extérieure, ni par sa structure,
l’ergot n’offre aucune ressemblance avec le caryopse ou avec la graine du
seigle, quoique sa production s’effectue entre le moment de l’épanouis-
sement de la fleur et celui de la maturation des fruits. Il a été considéré
autrefois comme un champignon complet et distinct. De Gandolle, en
1816, lui donna le nom de Sderotiwn Clames, et Fries, celui de Sper-
mœdia Clavus.
Aucun autre changement ne se produit dans l’ergot tant qu’il reste
attaché à l’épi; mais lorsqu’il est tombé sur le sol, il se passe des phé-
nomènes intéressants. Sur certains points de sa surface, de petites
masses orbiculaires se montrent et se développent graduellement sous
la forme de petites têtes blanches qui augmentent.de taille peu à peu,
tandis que les couches extérieures du tissu voisin perdent de leur fer-
606 CHAMPIGNONS.
niclé et deviennent molles et un peu granuleuses, en même temps que
les cellules dont elles sont fournies se vident et s’allongent. Dans l’In-
térieur de l’ergot, les cellules
conservent leurs gouttes
d’huile intactes. Les petites
têtes prennent une coloration
jaune grisâtre qui se change
ensuite en pourpre, et enfin
au bout de quelques semai-
nes elles sont soulevées par
des pédoncules grêles, colo-
rés en violet pâle, et qui attei-
gnent souvent £5 millimètres
de long et l millimètre en-
viron d’épaisseur. Les pé-
doncules sont formés de cel-
lules filiformes, parallèles,
étroitement feutrées, dépour-
vues d’huile grasse. On a
donné à ces renflements pé-
donculés le nom de récepta-
cles. L’ergot n’est susceptible
de subir ce nouveau déve-
loppement que tant qu’il est
frais, et il ne conserve, dit-
on, cet état que jusqu’à l’époque de la floraison suivante du seigle.
Pendant cette période, cependant, ses fragments mêmes sont suscep-
tibles de présenter les phénomènes que nous venons de décrire. Il se
produit aussi fréquemment à la surface de l’ergot des filaments inco-
lores d’un mycélium qui appartient à un autre champignon, le Verti-
cillium cylindrosporurn Corda, qui se développe aux dépens du 67a-
viccps purpurea (I ).
Fig. 291. Développement ot organisation du concepiacle
adulte du Claviceps purpurea (d'après SachsJ ; a, ergot
produisant des réceptacles fructifères; b, coupe verticale
du renflement terminal du réceptacle ; c, coupe d’un con-
ceptacle très-grossi, rempli de thèques ; cl, asque déchiré
à une extrémité et laissant sortir les spores.
(1) De l’ergot de seigle recueilli par moi-même en août, placé sur de la terre dans un
pot fi fleurs et abandonné en plein air, sans protection, pendant l’hiver, commença it
développer des réceptacles fructifères le 20 mars ; dans une autre occasion le 20 avril ;
à cette date quelques-uns qui avaient été semés en février commencèrent à germer.
Les froids rigoureux paraissent retarder la végétation ; ainsi, après l’hiver froid de
1869-70, les clciviccps ne commencèrent à se montrer, même en serre, que le 1 1 mai.
L’époque la plus hiltive de la formation complète de 1 ergot que j aie observée est
le 11 juin ; ordinairement il n’arrive ît son développement complet qu’en juillet. [P.A.F.]
GO 7
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
Dans le point où le pédoncule du réceptacle fructifère se rattache au
renflement sphérique ou un peu aplati, ce dernier est déprimé et en-
toure le pédoncule d’une bordure annulaire. Au bout de peu de temps,
il se montre à la surface du renflement, qui est large de 2 millimètres
environ, un grand nombre de verrues brunâtres, munies d’une ouver-
ture qui conduit dans une petite cavité. Ces dernières sont désignées
sous le nom de conceptcieles ou périthèces. Sur une coupe transversale,
elles paraissent disposées radialement en cercle autour du renflement.
Dans chaque cavité, se trouvent un grand nombre de petits sacs délicats,
larges de 3 à S millièmes de millimètre seulement et longs de 100 mil-
lièmes de millimètre environ ; ce sont les thèques ou asques. Ils repré-
sentent la fructification véritable du champignon. Chacun contient huit
spores, représentées par des cellules filiformes entourées d’une sub-
stance homogène. .
Les asques s’ouvrent au niveau de leur extrémité la plus large, pen-
dant qu’ils sont encore contenus dans les conceptacles ; les spores en
sortent unies en une seule masse et sont expulsées par l’ouverture dont
le conceptacle est muni. Par suite de leur consistance un peu gluti-
neuse, elles restent unies même après leur sortie et forment des fila-
ments blancs et soyeux. Le nombre des spores contenues dans les vingt
ou trente réceptacles capités produits parfois par un seul ergot dé-
passe souvent un million. Les réceptacles eux-mêmes se détruisent deux
ou trois semaines après leur apparition. Cet état de la plante paraît avoir
été découvert en 1801, par Schumacher, qui le nomma Sphæria; il fut
désigné plus tard sous les noms de Cordiceps, Cordyliceps, Kentrospo-
rium, etc., jusqu’à ce que Tulasne ait montré qu’il constituait la der-
nière phase du développement de l’ergot (1).
Ces trois différentes formes d’organisation : le mycélium, l’ergot et
les renflements ou réceptacles fructifères, ne sont que des états succes-
sifs d’un seul champignon bisannuel que Tulasne a désigné sous le nom
de Claviceps purpurea. Le solérotium n’est qu’un état intermédiaire,
qui se présente dans un grand nombre de champignons différents ;
ce n’est qu’une phase de repos de ces végétaux. La preuve directe
que le mycélium est produit par les spores contenues dans les concep-
(U Lorsque les spores produites par les asques du réceptacle fructifère tombent
sur une jeune fleur du seigle, elles y germent et produisent un nouveau mycélium mou,
conidifère, et le cycle de développement qui vient d’être décrit recommence. L’état de
repos du mycélium qui constitue l’ergot se constituant pendant l’été, et l’ergot ne pro-
duisant de réceptacles fructifères qu’au printemps suivant, les spores produites par ces
réceptacles arrivent à maturité au moment même de la floraison des graminées. [Trad.]
G08
CHAMPIGNONS.
lacles que produit l’ergot fut donnée par Kühn, en 1863. Nous avons
dit déjà que le mycélium pouvait aussi être produit parles conidies,
d’où il résulte que dans le champignon qui nous occupe, comme dans
beaucoup d’autres, il existe deux formes différentes de multiplication.
Description. — L’ergot de Seigle, tel qu’il se trouve dans le com-
merce, est formé de corps fusiformes, longs de 25 à 35 et même GO mil-
limètres et épais de 2 à 4 ou même 6 millimètres, subeylindriquês ou
prismatiques-obtus, amincis au niveau des extrémités, ordinairement
arqués, et munis, sur chaque face, d’un sillon longitudinal. Au sommet
de chaque ergot, se trouve souvent un petit appendice blanchâtre qui
se détache facilement, tandis que l’extrémité opposée est un peu arron-
die. L’ergot est ferme, corné, un pou élastique ; sa cassure est courte
et nettç ; quand il est sec, il est cassant, mais difficile à pulvériser. Sa
substance interne est blanchâtre ; il offre souvent ^des fentes transver-
sales profondes. Son tissu ne se laisse que difficilement pénétrer par
l’eau et de minces sections ne se gonflent même que peu dans l’eau.
L’ergot de Seigle possède une odeur particulière, désagréable et une
saveur de moisi, rance. Il se détériore facilement avec le temps, surtout
lorsqu’il a été réduit en poudre, en partie par suite de l’oxydation de
l’huile qu’il renferme et aussi sous l’influence d’une mite du genre
Trombidium. Pour pouvoir le conserver, il faut le faire dessécher com-
plètement et l’enfermer dans des flacons bien clos.
Structure microscopique. — Dans un ergot bien développé, il est im-
possible de distinguer aucun organe. Il consiste en un tissu uniforme,
très-serré, formé de cellules filiformes à parois épaisses, irrégulièrement
disposées et si bien enchevêtrées qu’on ne peut les isoler qu’en faisant
bouillir de minces tranches de l’ergot pendant longtemps dans la po-
tasse et en traitant les coupes alternativement par les acides et l’éther.
Observées sans ce traitement, les cellules paraissent, même sur les
coupes les plus minces, être presque arrondies et pourvues de dia-
mètres égaux. Le tissu de l’ergot offre ainsi un aspect un peu différent
de celui de l’hypha des autres champignons. Cependant, sur des coupes
longitudinales minces de la portion interne de l'ergot, traitées par une
solution d’acide chromique à 1 pour 100, on peut distinguer des cellules
d’hypha qui sont plus courtes que celles des autres champignons. Elles
contiennent de nombreuses gouttes d’huile, mais on n’y voit ni amidon
ni cristaux. 11 est remarquable de voir un parenchyme formé de cel-
lules si peu épaissies constituer un tissu aussi compacte et aussi résis-
tant.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. 009
u. sssx
S0US >e te» a L préalablement
S par l'acide sulfurique ou conservé pendant quelques jours en cou-
le avec la potasse et l'alcool absolu à 100- 0. Sous ce rapport, la cel-
! se L champignons diffère de celle des plantes phanérogames
Un net t nombre des couches extérieures de l'ergot sont formées de
seuls cils en violet, mais on ne peut pas les distinguer, ad autres
égU des cellules incolores, si ce n'est peut-être par l'épaisseur un peu
plus considérable de leurs parois. . , lWe-ot de
composition chimique. — La composiUon chimique de l é got de
Seigle a été plusieurs fois étudiée, notamment par Wtggers, des 1830.
La drôle contient environ 30 pour 100 d'une huile grasse, non s, ce -
tive jaunâtre, saponifiable, consistant surtout en oleine, pa mi i"
une petite proportion d'acides gras volatils, surtout d acide acetiqu
butyrique, combinés avec la glycérine. L'huile est accompagnée de pe-
tites quantités de résine et de cholestérine. Ce serait une ; erreur d attribuer
à cette huile les propriétés toxiques de l'ergot, quoique Ganse. (I ait
montré que, prise à la dose de 6 grammes environ, elle jouit de p.o-
priétés irritantes ; mais les effets observés paraissent dépendre de la ic-
sine qui l’accompagne dans la proportion de 7 pour 100.
D’après Wenzell (1861), l’ergot de Seigle contient deux alcaloïdes
particuliers qu’il a nommés Ecboline et Ercjotine (2). Ils sont solubles
dans l’ean ; leur réaction est alcaline et leur saveur est un peu amere.
On ne les a pas obtenus à l’état de pureté, mais seulement sous la forme
de substances amorphes formant, avec les acides, des composes déli-
quescents, également amorphes. Ganser, cependant, dit avoir obtenu de
longs cristaux aciculaires de chlorhydrate d’ergotine. L’ecbolme possédé,
à un haut degré, les propriétés médicinales de l’ergot de Seigle ; ergo-
tine, qui est moins amère, n’est que peu active. Manassewitz, en 186 ,
a obtenu 0,12 pour 100 d’ergotine; Ganser a obtenu 0,04 pour 100 c u
même alcaloïde et 0,16 pour 100 d’ecboline. Les deux corps peuven
être facilement séparés à laide du chlorure mercurique, qui donne un
composé insoluble avec l’ecboline seule. _
Wenzell a trouvé que les deux bases de l’ergot de Seigle sont combi-
IC Avùlnv der Phcirm., 1870, GA.LIV, 200. , ,
2 Le nom d ’Ergotine a été donné aussi à un extrait médicinal de 1 Ergot, préparé
d’après la méthode indiquée par Bonjean, pharmacien è Chmbery; voyez . Journ. c 6
Pharm ., 1843, IV, 107. — P ereira, Elem. of Mut. Med., 18b0, II, 1012. ^
11IST. DES DROGUES, T. U.
610
CHAMPIGNONS.
iïiïiïïïtr
J^z:zt^:z: tzz r r r» n -
nommé rnieUe Seigle. diffère par ses caractères
1'““* idà T'' !’aIC°01 °° d° |,eau méla”«és d'nn peu d’ammoniaque
. ‘ )e dos. ac,des nnnéraux, mais non à l'aide de l'acide acétique
C e est précipitée par l’acétate de plomb de sa solution alcoolique neu
du fer et de ,'azolc <wi"dde"’ Ma— .
1 examinant a 1 aide du spectroscope, nous avons trouvé que «a so
lution éteint les rayons bleus et verts Q '
Schoonbroodt, en 1860, et Ludwig, en 1869, ont signalé, dans Permit
Seigle, la presence de la Cholestérine, principe cristallisable, très ;-ré-
gnons o“n uU’S “l “llimaIet qUi a é‘é tr°UVé da"S d'a“tr‘* champi-
gno ns. On peut 1 isoler en agitant l'huile grasse de l’ergot avec de Pal-
100 nart^Td3 T J ’ P!“' °° Pr0Cédé’ °'°313 Parties dc ^olestérine de
0 parties de la drogue. Schoonbroodt a aussi trouvé, dans l’ergot
dc lac.de lactique. Plusieurs autres chimistes y ont signalé auTl ’
presence des acides acétique et formique. L’amidon manque complète-
ment dans 1 ergot à toutes les époques de son développement La
( . ogue fournit 3 pour 100 environ d’azote, qui répondent probablement
a une fo, te proportion de matières albuminoïdes. Ganser, cependant
Il a obtenu que 3, SpourlOO d’albumine soluble dans Peau.
Lorsqu’on traite l’ergot ou son extrait alcoolique par un alcali, il
donne, comme produit de décomposition, des matières albuminoïdes, de
1 TTT6 et dCS bases ammonia“les, d’après Ludwig et Stahl, de
a Metkylammc, et d’après d’autres de la Triméthylamim. Manassewitz
t ■ endell assurent qu’il existe du phosphate de triméthylamine dans
1 extrait aqueux d’ergot, mais Ganser s’est assuré que celte base ne
(1) Voyez : Müktz, in Comptes vendus , As. sc., 1873, LXXV1, 64».
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE. 011
préexiste pas dans l’ergot lui-même. Nous avons trouvé que les cris-
taux qui abondent dans l’extrait, après qu’il a ôté conserve pendant un
certain temps, sont constitués par un phosphate acide de sodium et t o
magnésium avec une faible proportion de sulfate (i).
réduction Ct commerce. -L’ergot' de Seigle est importe a Londres,
en majeure partie de Vigo en Espagne, de Ténériffe de Mogador et
même de Calcutta. Le docteur de Lanessan, écrivant de Vigo a 1 un de
nous en 1872, fait remarquer qu’on cultive dans la Galice de grandes
quantités de Seigle qui, grâce à l’humidité du climat, est toujours tres-
ergotô ; un épi sur trois en moyenne est envahi par ce parasite ; au
moment de la récolte, on enlève les ergots, et le Seigle est ainsi rendu
propre à l’alimentation. , ,
Le sud et le centre de la Russie produisent de grandes quantités de la
drogue. Dans les parties centrales de l’Europe, l’Ergot n existe pas en
quantité suffisante pour être recueilli et sa proportion diminue a me-
sure que les procédés d’agriculture se perfectionnent. Nous avons re-
marqué que l’Ergot qui vient d’Odessa offre une teinte ardoisée et se
présente en grains plus petits que celui d’Espagne (2).
m La couleur rouge de la solution alcoolique peut servir à révéler dans la farine la
présence d’une petite quantité d’ergot. La réaction avec la potasse et la production de
l'odeur caractéristique de hareng saur peut aussi être utile à cet egard. L extraction de
l’huile grasse à l’aide du bisulfure de carbone peut aussi être recommandée comme
réactif, car les bons grains de céréale ne contiennent qu’une tres-petite quantité de
Nous devons de nouvelles recherches chimiques sur l’ergot de Seigle îi Dragendorff
eUes élèves d’un côté, et h Tanret, d’autre part. Les premiers en ont isolé (1876 et
1877) les principes immédiats suivants : l’acide Sclèrotinique , [auquel ils attribuent
surtout l’activité de l’ergot de Seigle; 2° la. Scier omucine, matière gommeuse, mais égale-
ment douée de propriétés thérapeutiques ; 3» la Scléroxanthine, matière colorante jaune,
dont les cristaux offrent la composition C7H703 -+- H20 : la Sclérocrystalline, qui u est
autre chose que l’anhydride de la substance précédente ; 5» la Sclérérytlirine, matière
colorante rouge très-voisine de la purpurine fournie par la garance; 6° la Sclérojodine
matière colorante d’un bleu très-foncé quand on la dissout dans la soude ou l’acide
sulfurique concentré; la Picrosclérotine, alcaloïde amer; 8° l’acide Fuscosclérotinique ,
qui a probablement pour formule Cl4H^07 et qui paraît être capable de cristalliser.
(Pour les détails, voir les Jahresberichte de Dragen>dorff.)
M. Tanret, de Troyes, dit [Journ. de Pharm., octobre 1873, p. 321) avoir retiré de
l’ergot de Seigle 1 ’Ergotinine, alcaloïde parfaitement incolore et cristallisable, jouis-
sant d’éminentes propriétés hémorrhagiques. Cette subtance est très-altérable, ses solu-
tions alcooliques virent bientôt au vert et rouge; elles sont fortement fluorescentes. Le
même cliimste a de plus retiré de l’ergot de Seigle une substance volatile à la tempé-
rature ordinaire, qui ressemble au camphre ; ses cristaux fondent à 163° et entrent en
ébullition à 209°. [F. A. F.]
(2) L’ergot se développe tout aussi bien dans les pays du Nord, en Norwége jus-
qu’au 60° degré de latitude, et dans les régions alpines que dans les pays méridionaux.
[F. A. F.]
f,‘“ ALGUES.
Usages — L ergot dc Seigle est particulièrement employé à cau<c
_ a°tl0n sPécifi(Iue sur ï’^lérus pendant la parturition '
Pr tûTon^T’ T" ~ Da'’S qUel,I"eS |larliES * «< el dc la
être 22 véf 1 1 2 3 ", ma"’ ICS Crg°‘S d< f, °mcnt dcs 8™"s qui doivent
employés a la fabrication du vermicelle et des autres pâle, ana-
dWeTfi ) '0eV7V?T CT80tS C"CZ 108 dl'°«l,istes- Curbonneaux Le Per-
el (I) s est efforcé dc montrer que l’ergot du froment s’altère moins
■ p.dement que celui du Seigle et qu'il ne produit jamais les effets
xiques qui sont parfois provoqués par ce dernier
Le même écrivain affirme que l 'ergot d’ Avoine est' parfois recueilli et
'en u séparément ou mélangé avec celui du Seigle. Il diffère de ce der-
mer par une taille plus grande. L’ergot d’une herbe de l’Amérique du
Noid, connue sous le nom de Dm, Arundo AmpelodemosCwuo, est par-
s '«cueilli pour I usage médicinal. D’après Lallemant (2), il est deux
OIS plus actif que celui du Seigle. Il a de 25 millimètres à 8 centimètres
te ong et seulement 2 millimètres de large ; il est ordinairement arqué
ou pa. fois, quand ,1 est très-long, tordu en spirale. Nous lui avons trouvé
la meme organisation qu’à l’ergot de Seigle.
ALGUES
CHONDRUS CRISPUS.
FucUS hernies ; Mousse d'Irlande, Mousse perlée, Carrageen (3) • an»! r
Iris/i Moss ; «Hem., Fnorpcltany ,^Irlündische^Moos^Perbnoos. Cana^ecl> ’
Origine botanique. - Chondrus crispus Lyngbye (Fucus crispus L ) —
C est une algue de la famille des Ploridées, abondante sur les rochers
du littoral de l’Europe depuis le cap Nordjusqu’à Gibraltar et sur les
cotes orientales de l’Amérique du Nord.
Historique. Le Carrageen fit son introduction dans la médecine
en Angleterre, en 1831, et bientôt après attira l’attention en Allemagne.
11 n a jamais été admis dans la Pharmacopée de Londres ni dans la
Pharmacopée anglaise, et il n’est que peu estimé par les médecins.
Description . - On recueille la plante entière. A l’état frais, elle est
molle et cartilagineuse ; sa coloration varie du vert jaunâtre au pourpre
(1) De l'ergot de Froment et de ses propriétés méd ., thèse, Montpellier 1862
(2) Etude sur l’Ergot du Diss, Alger et Paris, 1863 ; Journal de PI, arm., ’l 86S *1 4/, 4
(3) Carrageen est un mot irlandais qui signifie mousse des rochers. Nous apprenons
d un etudiant irlandais qu’on devrait, pour plus d’exactitude, l’écrire Carraigccn.
G13
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE.
livide ou brun pourpré, mais après lavage et, exposition au soleil, elle
devient blanche ou jaunâtre, et lorsqu’elle est sèche, elle est ridée,
cornée et translucide. La base est un petit disque aplati; il s’en élève
un thalle de 10 à 15 centimètres de haut, à lige grêle, subcylindrique,
étalé en éventail, découpé en segments cunéiformes de diverses tailles,
aplatis ou plissés, tronqués, émarginés ou bifides au sommet.
La fructification consiste en tétraspores et en cystocarpes qui ne
s’élèvent que peu au-dessus de la substance du thalle et forment do
petites protubérances verruqueuses.
Dans l’eau froide, le Carrageen se gonfle, reprend ses dimensions
primitives, et acquiert une odeur distincte de varech. Quand on le fait
bouillir dans Î20 ou 30 fois son poids d’eau, il forme, en se refroidis-
sant, une gelée pâle, fade.
structure microscopique. — Le tissu du C hondrus crùpus est formé
de cellules globuleuses ou allongées, à parois épaisses. Les couches
superficielles des deux faces des lobes du thalle constituent une sorte
de tégument qui se sépare facilement sur les coupes microscopiques. La
partie interne ou médullaire est constituée par un tissu beaucoup moins
serré et formé de cellules plus grandes. Les larges cavités de ce tissu
contiennent une matière mucilagineuse, granuleuse, qui se colore en
violet clair sous l’influence de l’iode. Dans l’eau, les parois cellulaires
se gonflent et forment une masse gélatineuse, dans laquelle on ne peut
bientôt plus distinguer aucune cellule (1). A l’état frais, les cellules con-
tiennent aussi des granulations de chlorophylle imprégnées d’une ma-
tière rouge nommée Phyco-êrythrine ; mais par le lavage et l’exposition
à 1 air, ces matières colorantes se séparent ou s’atténuent beaucoup, et
on ne les voit plus dans la drogue commerciale.
Composition chimique. — Les principes constituant du Carrageen
sont ceux qu’on trouve dans les algues marines, du moins en ce qui
concerne le mucilage. Ce dernier est insoluble dans une solution ammo-
niacale de^ cuivre (réactif de Schweizer) ; sous l’action de l’acide nitrique
fumant, il fournit, comme la gomme, une grande quantité d’acide mu-
cique. Le mucilage de Carrageen, comme plusieurs autres corps sem-
blables, retient énergiquement les matières inorganiques. Après avoir
été trois fois dissout dans l’eau et autant de fois précipité dans l’alcool,
il nous a présenté encore la même quantité de cendres que la drogue
brute elle-même, c’est-à-dire plus de 15 pour 100. Le mucilage parfai-
(1) L’alcool, la glycérine et les huiles grasses sont les liquides les plus convenables
pour l’observation microscopique de cette drogue.
A LG U IÎS.
(Il i
lement soc est une substance cornée, flexible, de couleur grisâtre, qui
se gonfle rapidement dans l’eau, en formant une gelée qui est précipi-
table par l’acétate neutre de plomb.
D’après Blondeau (1), le mucilage de Carragcen contient 21 pour 100
d’azote et 2,5 de soufre ; mais nous sommes en mesure de considérer
ces résultats comme erronés. Nous n’y avons pas trouvé de soufre et
seulement 0,88 pour 100 d’azote. La drogue elle-même ne nous a pas
donné plus de 10,12 pour 100 d’azote. Quand on traite par la potasse de
minces tranches de la plante et qu’on les laisse, après les avoir lavées,
pendant vingt-quatre heures au contact d’une solution d’iode dans l’io-
dure de potassium, elles se colorent en bleu foncé. Cependant on ne
trouve pas d’amidon dans cette algue (2). Enfin, on peut citer, à propos
du Carrageen, le Fucusol, liquide huileux, isomérique dufurfurol, qu’on
obtient en faisant bouillir les algues avec de l’acide sulfurique dilué.
Commerce. — On recueille la plante sur les côtes ouest et nord-ouest
de l’Irlande. Sligo passe pour être un dépôt considérable de celte algue.
On la récolte aussi en certaine quantité sur les côtes du Massachusetts,
où l’on a adopté un procédé systématique de préparation (3). On im-
porte parfois de Hamburg un Carragaen de qualité supérieure.
Usages. — La décoction mucilagineuse et la gelée de Carrageen
constituent des remèdes populaires contre les affections pulmonaires et
quelques autres maladies, mais on recherche surtout ces préparations
pour l’alimentation (4).
On emploie parfois le Carrageen pour engraisser les vaches et les
veaux, et sous le nom d ’Alga marina, pour rembourrer les matelas. Son
mucilage sert pour épaissir les couleurs employées dans la teinture du
calicot et pour coller le papier et le coton. En Amérique on 1 em-
ploie pour coller la bière.
Substitutions. — Le Gigartina mammillosa J. Ag. (Chondrus mammillosus
Grev.) est recueilli indistinctement avec le Chondrus crispas » Il se dis-
tingue surtout de ce dernier parce que la portion aplatie du thalle est
munie de tubercules élevés et pédonculés portant les cystocarpes. Il
possède les mêmes propriétés.
Le Gigartina acicularis Lamour., espèce commune sur les côtes de
(1) Joum. de Pharm., 18G5, II, 159. _
(2) Traité par l’acide sulfurique dilué, le Carrageen fournit un sucre încnstallisable,
dépourvu de pouvoir rotatoire. [F. A. F.]
(3) G. II. Bâtes, in Pharm. Joum., 1870, XI, 298.
(4) H faut manger une livre de gelée faite avec cette algue pulvérisée pour prendre
une demi-once de matière solide sèche.
HISTOIRE DES DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE. OIS
France et d’Espagne, à branches cylindriques et grêles, est parfois
recueilli en même temps que le Chondrm cnspus. Daim on, qui l’a étudié
en 1874, affirme qu’il est moins soluble dans l’eau bouillante que le
véritable Carrageen.
De petites quantités d’autres algues marines se trouvent parfois mé-
langées au Chondrus crispas par suite de la négligence des collecteurs.
SPHÆROCOCCUS LICHENOIDES.
Al g a zeylanica, Fucus amylaceus; angl., Ceylon moss, Jajfna Moss.
Origine botanique. — Sphærococcus lichenoides Agardh ( Gracillaria li-
chenoides Grev., Plocciria candida Nees). — C’est une algue colorée en
pourpre clair ou verdâtre, de la classe des Floridées. Elle se trouve
sur les côtes de Ceylan, de Burma et des îles Malaises (1).
Historique. — Le Spæhrococcus amylaceus est depuis longtemps employé
par les habitants de l’archipel Indien et de la Chine. Il est probablement
une des plantes décrites par Rumphius (2) sous le nom d ’Alga coralloides.
A notre époque, il a été porté à la connaissance des médecins euro-
péens par O’Saughnessy (3).
Description. — Telle qu’elle se trouve dans le commerce, la plante
est blanche et opaque ; elle a été privée de sa coloration par la dessicca-
tion au soleil et à l’air ; elle est formée de tiges filamenteuses cylindriques,
ramifiées, larges de 2 millimètres et longues de 3 à 1S centimètres ou da-
vantage. La plupart des tiges portent de nombreuses branches simples
ou divisées elles-mêmes en ramifications secondaires et tertiaires, ter-
minées par une pointe courte. Lorsqu’on la mouille, elle augmente un
peu de volume et devient plus translucide. Elle offre fréquemment des
fruits blanchâtres, globuleux ou mammiformes (cystocarpes). Elle est
un peu friable, et facile à pulvériser après dessiccation à 100° G. Elle
est dépourvue de saveur et d’odeur, et diffère en cela de la plupart des
algues marines.
(1) La Pharmacopœia of India de 1868, cite le Sphærococcus confervoülcs Ag. (Gra-
cillaria Ghev.), plante de l’océan Atlantique et de la Méditerranée, assez abondante
sur les cé tes de Bretagne, comme. fournissant une partie de la drogue dont nous par-
lons ici. Cependant, les échantillons que nous avons examinés étaient très-différents du
S. lichenoides et ne contenaient pas d’amidon.
(2) Hcrb. Amboin., VI, lib. xi, c. 56.
(3; Indian Jauni, of Med. Science, Calcutta, mars 1834 ; fini y ni Dispcmatory, 1841,
OIG
ALGUES.
structure microscopique. — Sur une section transversale, la plante se
montre formée d’un tissu lâche, formé de grandes cellules vides, enve-
loppé par une zone corticale épaisse de 30 à 70 millièmes de millimè-
tre et constituée par de petites cellules remplies de granulations globu-
leuses d’amidon qui ont de 1 à 3 millièmes de millimètre de diamètre,
et sont si pressées, qu’elles paraissent former au premier abord une
seule masse dans chaque cellule. Dans les plus grandes cellules, les
granulations d’amidon sont fixées aux parois; elles ne présentent pas
dans la lumière polorisée la trace caractéristique des grains d’amidon.
Les parois épaisses des cellules offrent une stratification bien distincte,
surtout après qu’on les a humectées d’acide chromique. Sous l’influence
d’une solution d’iode dans l’iodure de potassium, elles prennent une
coloration brun foncé, mais les grains d’amidon qui abondent aussi
clans le cystocarpe prennent la teinte bleue caractéristique de l’amidon.
Composition chimique. — La drogue donne, d’après O’Shaughnessy,
54,5 pour 100 de gelée végétale ; 45,0 d’amidon; 18,0 de fibres li-
gneuses (cellulose?) ; 4,0 de mucilage, et 7,5 de sels inorganiques.
L’eau froide enlève le mucilage qui, après une concentration conve-
nable, peut être précipité par l’acétate neutre de plomb. Bouilli pen-
dant quelque temps dans l’acide nitrique, ce mucilage produit de l’a-
cide oxalique et des cristaux microscopiques d’acide mucique, solubles
dans l’eau bouillante mais se précipitant pendant le refroidissement. En
faisant bouillir une partie de la drogue dans 400 parties d’eau, on
obtient un liquide épais qui donne des précipités transparents avec
l’acétate neutre de plomb et l’alcool, comme le Carrageen. Avec
50 parties d’eau, il se produit une gelée transparente, insipide, dépour-
vue de visquosité, fournissant de l'acide mucique quand on la traite par
l’acide nitrique. Les réactifs microchimiques ne révèlent pas dans la
plante de principes albuminoïdes.
Quelques chimistes ont considéré la gelée extraite par l’eau bouillante
comme identique avec la pectine ; mais cette opinion demande a être
prouvée. Payen (4) la nomme Gelose, et la trouve composée de :
carbone, 42,77; hydrogène, 5,77, et oxygène, 54,45 pour 100. La
gomme arabique contient : carbone, 42,42; hydrogène, 6,41, et oxy-
gène, 54,47 = CllH“Ou. La gelose de Payen donne une consistance gé-
latineuse à 500 parties d’eau. On l’extrait par 1 eau bouillante de la
plante préalablement épuisée à l’eau froide légèrement acidulée (2).
(1) Comptes rendus Ac. sc., 1859, XLIX, 521 ; Pliarm. Journal, 1860, I, 470, 508.
(2) La gelose, môme à l’état humide, n’est que peu susceptible de changement, et la
017
HISTOIRE DES DROGUES D'ORIGINE VÉGÉTALE.
Les sels inorganiques du Sphærococcus lichenoides consistent, d’après
O’Shaughnessy, en sulfates, phosphates et chlorures de sodium et de
calcium, sans iode ni brome. Cette algue desséchee à 100° C., nous a
donné 9,15 pour 100 de cendres.
Usages. — On a recommandé le Sphærococcus lichenoides aromatisé et
sucré, comme médicament adoucissant, et comme aliment léger pour
les convalescents.
Dans l’archipel Indien et en Chine, on emploie pour faire des gelées,
et pour un certain nombre d’autres usages, d’immenses quantités de
cette algue et de quelques autres espèces (I).
gelée faite par les Chinois avec le Splierococcus lichenoides , et mangée par eux comme
confiture peut être conservée sans inconvénients.
(1) Consultez : Martius, Nenes Jahrb. f. Pharm, Bd., IX, Mttrs 1858. — Cooke,
Pharm. Journ., 1860, I, 504.
FIN DU TOME SECOND.
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*
TABLE DES MATIÈRES DU TOME II.
Composées
Rhizome d’Aunée . ,
Racine de Pyrèthre.
Fleurs de Camomille
Semen Contra . . .
Rhizome d’Àrnica .
Fleurs d’Arnica. . .
Racine de Pissenlit.
Laitue vireuse . . .
Lactucarium . . .
Lobéliées
Lobélie enflée . . .
Ericacées
Feuilles de Russerole
Ebénacées
Fruit de Diospyros .
Styracées
Résine de Benjoin .
Oléacées .......
Manne
Huile d’Olive . . .
Pages.
1
1
6
9
13
18
20
21
26
28
32
32
33
33
38
38
40
40
48
48
61
Apocynacées 09
Ecorce d’Alstonia 92
Asclépiadacées 72
Racine d’Hemidesmus 72
Ecorce de Mudar 74
Feuilles de Tylophonr _ 79
Racine de Tylophora 80
G20
TABLE DES MATIERES.
Pages.
Loganiacées gl
Noix vomiquo Si
Fève de Saint-Ignace 88
Rhizome de Spigélie 90
Rhizome et Racine de Gelsemium 93
Gentianacées 97
Racine de Gentiane 97
Chirayta loi
Petite Centaurée 104
Convolvulacées 106
Scammonée 100
Racine de Scammonée 111
Racine de Jalap 1 1 i
Semences de Kaladana 122
Solanacées 126
Douce-Amère 126
Piment . . 129
Rhizome et Racine de Belladone. 134
Feuilles de Belladone 138
Stramoine 140
Graines de Stramoine 143
Graines et Feuilles de Datura alba 144
Feuilles-de Jusquiame 146
Feuilles de Tabac 130
SCROFULARIACÉES 136
Feuilles de Digitale 136
Acanthacées 161
Andrographis 161
Bignoniacées
Huile de Sésame 1 (|3
Labiées
Fleurs de Lavande 1®^
Menthe verte * ' -
Menthe poivrée * ,u
Menthe Pouliot *8*
Thym vulgaire ^8~
Romarin ^8r>
Mélisse ' 188
Sauges *8!)
TABLE DES MATIÈRES.
Plantaginacées
Graines d’Ispaghula. .
PoLYGONACÉES
Rhizome de Rhubarbe. . . .
Myiusticacées
Muscade
Beurre de Muscade . . ’
Macis
Laubacées
Ecorce de Cannelle . . .
Ecorce de Cassia Lignea.
Camphre
Ecorce de Bibiru. .
Racine de Sassafras. .
1 hyméléacées
Ecorce de Mézéréon. . .
Elmacées
Figues
Mûres
Chanvre indien
Charas
Cônes de Houblon . . . ,
Glandes du Houblon. . .
Ecorce d’Orme champêtre .
Ecorce d’Orme rouge. . .
Eüphorbiacées
Gomme-résine d’Euphorbe.
Gi aines de Croton Tiglium.
Ecorce de Cascarille . . .
Ecorce de Copalchi ....
Graines de Ricin
Kamaîa
Pjl'ÉnACÉES
Poivre noir
Poivre blanc
Poivre long
Poivre Cubèbe
Cubèbe africain
Matico
621
Pages.
102
192
195
195
. 213
. 213
. 220
. 222
. 224
. 224
. 238
. 249
. 263
. 266
. 271
, 271
275
275
. 280
282
287
291
296
299
302
304
304
308
313
317
318
328
334
334
340
343
346
352
354
62-2
TABLE DES MATIÈRES.
Aristolochiacées
Racine de Serpentaire. . . .
Castanéacêes
Ecorce de Chêne
Galles d’Alep
Loranthacées
Bois de Santal
Conifères
Térébenthine commune . . .
Encens américain ou commun
Térébenthine de Venise . . .
Écorce de Mélèze
Térébenthine du Canada. . .
Térébenthine d’Alsace. . . •
Poix de Bourgogne
Goudron végétal
Poix noire
Fruit du Genévrier
Sabine
MONOCOTYLÉDONES
Amomacées
Arrowroot
Rhizome de Gingembre. .
Rhizome de Curcuma . . .
Rhizome de Galanga . . .
Fruits de Cardamome. . •
Graines de Paradis ....
Orchid
Salep
Vanille • • •
Iridacées
Rhizome d’iris
Safran
Palmiers
Semences d’Arec
Sang-Dragon
AnACÉES
Rhizome d’Acore
Pages.
3Ü7
337
360
360
. 361
. 371
. 371
. 378
. 378
. 384
. 389
. 393
. 394
. 399
. 400
. 406
. 412
. 413
. 417
. 421
. 421
. 421
. 429
. 433
. 440
. . 444
, . 436
. . 461
. . 461
. . 466
. . 471
. . 471
. . 477
. . 483
. . 483
. . 490
. . 496
. . 496
TABLE DES MATIÈRES.
Liliacées
Aloès
BulBe de Scille
CoLCHICACÉES
Rhizome de Vératre blanc
Rhizome de Vératre vert.
Graines de Cévadille. . .
Bulbe de Colchique . . .
Semences de Colchique . .
Smilacées
Racine de Salsepareille .
Squine
Graminées
Sucre de Canne
Orge perlé
Essence d Andropogon .
Rhizome de Chiendent .
CRYPTOGAMES
Lycopodiacées ....
Lycopode
Fougères
Rhizome de Fougère mâle.
Lichens
Lichen d’Islande
Champignons. .
Ergot de Seigle
Algues. . ,
Chondrus crispus ....
Sphærococcus licluenoidcs. .
623
Pages.
. 600
• 600
. 620
• 626
. 626
. 628
. 630
. 534
. 538
. 540
. 540
. 555
. 558
558
570
575
580
585
585
585
580
589
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596
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601
612
612
615
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TAELE ANALYTIQUE.
A
Ariquarquarhà, II, 6.
Abelmoschus esculentus, I, 181, 183.
Abic.s balsamca, II, 391, 398.
— balsamifera , II, 398.
— canaclensis, II, 373.
— excelsa, 11,100, 103, 106.
— Larix, II, 392.
— pectinata, II, 399.
Abiétile, II, 100.
Abilo, I, 278.
Abkari- Opium, I, 111.
A b rus, I, 330, 331.
— prccatorius, I, 330, 331, 332.
Absinthium, II, 14.
Abuta, I, 76.
— amara, I, 71.
— rufescens, I, 70, 70.
Abutua, I, 64, 67.
Abutua Una de Vaca, I, 71.
Acacia, I, 136', 269, 428, 429, 430.
— ægyptiaca, I, 430, 431.
— arabica , 1, 420, 430, 431.
— capensis, I, 420.
— Catechu, I, 433, 438.
— clealbata, I, 420, 432.
— decurrens, I, 420, 432.
— Fistula , I, 419,,424.
— homalophxjlla, I, 420, 432.
— liorrida , I, 420, 424.
— indica, I, 431.
— Kraussiana, I, 420.
— mollissima, I, 420, 432.
— nilotica, I, 420, 430, 431.
— pycnantha, I, 420, 432.
— Scyal, I, 430.
— stenocarpa, I, 419, 430.
— Suma, I, 433, 438.
— Sundra, I, 433.
— tomentosa, 1,431.
— vcra, I, 420, 430, 431.
— Ve.rc.ck, I, 419, 424, 429, 430, 431.
IIIST. DES DUOGUES, T. II.
Acacien-Gummi, I, 419.
Acanthacéks, II, 161.
Aceite, I, 410.
Aceite de Sassafras, II, 270.
Acer dasÿcarpum, II, 567.
— Negundo, II, 567.
— pensylvanicum. II, 567.
— saccharmum, II, 567.
Acétone, II, 409.
— méthyinonylique, I, 247.
Achillea Ptarmica , II, 9.
Açide abiétique, II, 383.
— aconilique, 1, 23.
— alocinique, II, 516.
— aloérésique, II, 515.
— aloélique, II, 510.
— alocrélique, II, 515.
— amer du Houblon, II, 297.
— anamirtique, I, 79.
— anémonique, I, 32.
— angélique, 1, 555- 11, 11, 16.
— anthémique, II, 12.
— arabique, I, 427.
— arachique, I, 338; II, 64.
— artanthique, II, 355.
— atropique, II, 137.
— bénique, I, 136, 140.
— benzoïque, II, 40.
— bibirique, II, 265.
— brassiquc, I, 136.
— campborique, II, 256.
— eamphrétique, I, 569 ; II, 256.
— carmufellique, I, 504.
— caryophyllinique, I, 504.
— catéchique, I, 437, 592.
— catéchu-tannique, I, 437.
— cathartique, I, 394.
— catharLogénique, I, 395.
— cétrarique, 11, 000.
— cévadique. II, 533.
— uhélidoninique, 1, 131.
— chélidonique, I, 131.
— chinovique, I, 629, 030.
40
table analytique.
Acide ebrysamiquo, II, 516.
— chrysopbaniquc, II, 204.
— cincho-tannique, I, 629.
— cinnamique, I, 570, 486; II, 47.
— citridique, I, 23.
— columbique, I, 61.
— coménique, I, 121.
— convolvulique, II, 118.
— copahuvique, I, 412.
— crotonique. II, 310.
— cubébique, II, 351.
— cuminique, I, 585.
— cumique, I, 585.
— cyanhydrique, I, 436.
— élaïdique, I, 32S.
— élaïque, II, 165.
— élatérique, I, 525.
— élémique, I, 283.
— ellagique, I, 521.
— équisétique, I, 23.
— ergotique, II, 610.
— érucique, I, 136, 311.
— eugénique, I, 40, 503, 511, 564.
— férulaïque, I, 564.
— filicique, II, 592.
— filiosmylique, II, 592.
— filixolique, II, 592.
— fumarique, II, 307, 600.
— formique, II, 592.
— fuscosclérotinique, II, 611.
— gallo-tannique, 367.
— géidinique, I, 328.
— gelséminique, II, 96.
— gentianique, II, 99.
— gentisique, II, 99.
— guaiacique, I, 200.
— guaiaconique, I, 200.
— guaiarétique, I, 200.
— gurgunique, I, 173.
— hagénique, I, 461.
— hyoscinique, II, 149.
— hypogéique, I, 328.
— liypopicrotoxique, I, 79.
— igasurique, II, 86.
— ipécacuanhique, I, 647, 648.
— ipomæique, II, 118, 120, 124.
— isatropique, II, 137.
— jalapinolique, II, 120.
— jalapique, II, 120.
— jervique.
— kino-tannique, I, 357.
— lactique, I, 121.
— lactucique, II, 31.
— larixinique, II, 394.
— licliénique, II, 600.
Acide lichénostéarique, II, 600.
— limcttique, II, 188.
— linoléique, 1, 190.
— lobélique, II, 34.
— maléique, II, 307.
— malique, I, 319; II, 307.
— mannitique, II, 52.
— margosique, I, 300.
— méconiquc, I, 121, 125.
— mélacopahuvique, I, 413.
— métacopaïvique, I, 173.
— 'myristique, I, 169 ; II, 219.
— oléique, I, 169, 185, 328, 442, 475.
— ophélique, II, 103.
— opianique, I, 118.
— oxalique, II, 516, 600.
— oxycopahuvique, I, 413.
— oxylinoléique, I, 190.
— oxysalicylique, II, 99.
— palmitique, I, 328; II, 64, 322.
— papavérique, I, 92.
— paracumarique, II, 516.
— paraoxybeuzoïque, II, 461.
— parillinique, II, 551.
— picrique, II, 516.
— pinarique, II, 383, 404.
— pinique, 383, 404.
— pipérique, II, 339.
— polygalique, I, 151.
— protocatéchique, I, 314 ; II, 46, 469.
— ptéri-tannique, II, 592.
— punico-tannique, I, 521
— pyrocatéchique, I, 357.
— pyroligneux impur, II, 400.
— quarténylique, II, 310.
— querci-tannique, II, 361.
— quinique, I, 629.
— quinovique, I, 593, 629, 630.
— rhabarbique, II, 204.
— rhéo-tannique, II, 205.
— rheumique, II, 205.
— rliœadique, I, 92.
— rhatanbia-tannique, I, 155.
— ricinélaïdique, II, 323.
— ricinoléique, II, 322.
— rutinique, 1/246.
— rutique, I, 246.
— sabadillique, II, 533.
— salicylique, I, 503.
— santalique, I, 365.
— santoninique, II, 17.
— santonique, II, 17.
— sclérotinique, II, 619.
— sinapique, I, 141.
— sinapoléique, I, 136.
G27
TABLE ANALYTIQUE.
Acide stéarique, I, 169.
— stéarophanique, I, 79.
— strychnique, II, 86.
— styphnique, I, 869.
— sumbulamique, I, 888.
— sumbulique, I, 388.
— sumbulolique, I, 888.
— sylvique, II, 383, 404.
— tannaspidiquc, 11,391.
— téreplitalique, II, 188.
— Uiébolactique, I, 121.
— tiglinique, II, 310.
— tropique, II, 137.
— valérianique, I, 639.
— vanillique, II, 469.
— vératrique, II, 533.
— virgi nique, I, 132.
Aeolycline, I, 19.
Aconella, I, 19, 23.
Aconine, II, 499.
Aconit, I, 1 4.
Aconit féroce, I, 26.
Aconite Leaves, I, 22.
— Root, I, 14.
— indian, I, 24.
— Népal, I, 24.
Aconit Napel, I, 22, 23.
Aconitine, I, 16, 17.
— anglaise, I, 17.
— cristalline, I, 18.
Aconitum , I, 13, 14, 20, 27.
— Anthora, I, 20.
— Cammanm, I, 20.
— ferox , I, 24, 25, 27.
— heterophyllum, I, 27.
— japonicum, I, 21, 27.
— luridum , I, 24.
— Lgcoctotum, 1, 19.
— Napellus, I, 14, 20.
— palmatum, 1,24.
— panicidatwn, I, 20.
— Storkcamm, 1, 20.
— uncinatum, I, 24.
— variegatum, I, 20.
Acore odorant ou vrai, II, 495.
Acorine, II, 499.
Acoron, II, 497.
Acorus, II, 499.
— Calamus , II, 496, 500.
Acrinylc (sulfocyanate d’), I, 140.
Actæa , I, 3.
— racemosa, I, 29, 31.
— spicnta, 1, 4, 29, 30.
Adragantbine, I, 351.
Ægle, I, 236.
Ægle Marmelos, I, 233, 234, 236.
Æsculine, II, 53.
Ætliusa Cynapium, I, 537.
Ættrgy, I, 469.
Alüum, I, 106.
Africain or Gambia-Kino, I, 359.
Afyun, I, 98.
Agapanthus umbellatus, II, 522.
Agciricus Oreades , I, 449.
Ag'i, II, 130.
Agropyrum , II, 582.
— acutum , II, 582.
— junceum > II, 382.
— pungens, II, 582.
— rcpens, 580. 583.
Aguason, II, 88.
Ajava Seeds, I, 542.
Ajowau, I, 542.
Ajvân, I, 542.
Akulkara, II, 6.
Alantwurzel, II, 1.
Alcaraliueya, I, 546.
Alcool benzoïque, I, 487.
— méthylique, II, 408.
Aldéhyde cinnamique, II, 234.
Aleppo or Turkey Galls, II, 364.
Aleurone, I, 584; II, 326.
Alfovaca de Cobra, I, 257.
Algues, II, 612.
Alga marina, II, 614.
— zeylanica, II, 615.
Alhagi Camelorum, II, 35.
All-Spice, I, 508, 509.
Allyle (cyanure d’), I.
— (sulphocyanure d’), I.
Almond Légumine,I, 442.
Aloe, II, 500, 501, 517.
— abyssinica, II, 501.
— africana, II, 501, 502, 518.
— arborescens , II, 502, 505.
— bctrbadensis, II, 501.
— Commclyni, II, 502, 519.
— ferox, II, 501, 507, 508, 510.
— indica , II, 501.
— linguæformis , II, 502.
— littoralis, II, 501.
— mitræformn, II, 505.
— officinalis, II, 501.
— per foliota, II, 501.
— plicatilis, II, 502, 519.
— purpurescens, II, 502, 519.
— rubescens, II, 501.
— socotriiia II, 501, 505, 511 518, 519
— Spica, II, 501, 505.
— vcra, II, 517.
TABLE ANALYTIQUE.
Aloc vulgaris, II, SOI, SOS, Sl8.
Aloérétine, II, SIG,
Aloès, II, S00.
Aloès de Barbados. II, S10.
— de Bombay, U, 509.
— de Curaçao, II, 501, 510.
— de Moka, II, 501, 510.
— de Natal, II, 511.
— de Zanzibar, II, 509.
— des Indes orientales, II, 507.
— du Cap, II, 502, 510.
— hépatique, II, 508, 509.
— liquide, II, 509.
— socotrin, II, 501, 509, 509.
Aloétiue, II, 515.
Aloïne, II, 513.
Aloïsol, II, 51G.
Aloxantbine, II, 516.
Alpha-résine de Mastic, I, 292, 29G.
Alphita, II, 83.
Alpinia, II, 443.
— Cardamomum, II, 444.
— Galanga, II, 442, 443.
— officinarurn , II, 440, 443.
Alstonia, II, 71, 72.
— cons trie ta, II, 70.
— scholaris, II, G9, 70, 71.
Alstonia Bark, II, 69.
Althæa, I, 178, 181, 183 ; II, 331.
— officinalis, I, 176, 178, 179, 208.
— rosca , I, 179.
Altingia excelsa, I, 483; 492.
Amandalarii, I, 440.
Amandes amères, I, 445.
Amandes de Barbarie, I, 441, 445.
Amandes douces, I, 439.
Amandes de France, I, 448.
— de Sicile, I, 441, 445.
— de Valence, I, 441.
Amandier amer, I, 444, 44S.
— des dames ou Coquemolle, I.
144.
— à gros fruits, I, 445.
— Pêcher, I, 445.
— à petits fruits ou Amandes
douces, I, 444.
— Pistache, I, 445.
— Sultane, I, 445.
Amandine, I, 442.
Amer d'Aloôs, II, 515.
— de Gentiane, II, 98.
— de Rhubarbe, II, 204.
American Wbite llellebore, II, 528.
Amidon, II, 424, 425, 427.
— de Canna, II, 427.
Amidon de Curcuma, II, 428.
— de Lichen, II, 599.
— de Pommes de terre, II, 427.
— de Tolomane, II, 427.
— de Toulema, II, 427.
— de Tous les mois, II, 427.
Ammi, I, 545.
— Copticum, I, 542, 544, 545.
— majus, I, 544.
— perpusillum, I, 542.
Ammoniac, I, 571.
Ammoniacum or Gum Ammoniacum, I,
571.
— Suffimen, I, 572.
— Thymiama, I, 572.
Ammoniak-Gummibarz, I, 571.
Ammoniaque, I, 571.
Amome, I, 509.
Amomacées, II, 421.
Amomum, II, 455.
— aromalicum, II, 452.
— Cardamomum, II, 455, 450.
— genumum, II, 450.
— Granum Pardisi, II, 458.
— Korarima, II, 454.
— maximum, II, 453, 456.
— Mclcgueta, II, 456, 460.
— subutatum, II, 453, 456.
— xantliioides , II, 451, 456.
— Zingiber, II, 429.
Amomum verum, II, 450.
Ampélidées, I, 309.
Ampélopsis hederacea, I, 35S.
Amygdalæ amaræ, I, 445.
— dulces, I, 439.
Amygdali amari, I, 440.
Amygdaline, I, 446, 454, 456.
Amygdalophora, I, 443.
Amygdalus, I, 443.
— commuais , I, 439, 44 4, 445.
Amylum Maranlæ, II, 421.
Amyrine, I, 281, 283.
Amyris, I, 277.
— altissima, I, 286.
— ambrosiaca, 1, 286.
— Canara, I, 287.
— elemifera, I, 283.
— guianensis, I, 286.
— Kataf, I, 276.
— papyracca, I, 267.
Anacyclus, II, 8.
— officinarurn, II, 8.
— Pyrethrum, II, G, 8.
Anamirta, I, 77, 79.
— Cocculus, I, 76, 79, 80.
TABLE ANALYTIQUE.
Ananto-mül, II, 72.
Andirova (huile d’). I, 409.
Andrographis, II, 102.
— paniculata, II, 161, 102.
Andropogùn, I, 475,575, 580.
— Calamus aromaticus, II, 595.
— citratum, II, 575.
v citratus, II, 575.
— laniger, II, 579.
— Martini, II, 575.
— muricatus, II, 579.
— Nardils, II, 575.
— pachnocles, II, 575,
— Schœnanthus, I, II, 575
Anémones, I, 31.
Anémone, I, 31.
— montand, I, 32.
— nemorosa, I, 32.
— pratensis, I, 32.
— Pulsatilla, I, 31.
Anémonine, I, 32.
Anéthol, I, 539, 552.
Anetlium, I, 570, 577.
— Fœniculum, I, 537, 5 VI.
— graveolens, I, 570, 577, 578.
— Segetum, I, 577.
— Sowa, I, 577.
Angelica, I, 508.
Angéline, I, 150.
Angostura Bark, I, 201.
Angostura-Rinde, I, 201.
Angüsa, I, 558.
Angusture vraie, I, 57.
Animi, I, 279, 285.
Anis, I, 550.
— chinois, I, 54.
— de Sibérie, I, 152.
— étranger, I, 547.
— vert, I, 550.
Anis étoilé, I, 51 , 55.
Anise, I, 550.
Aniseed, I, 550.
Anisium, I, 550.
Anisum officinale, I, 553.
Antamul, II, 79.
Anthémis, II, 12.
— nobilis, II, 9, 13.
Anthophylle, I, 500.
Anthophylli, I, 506.
Anthracène, II, 410.
Anthriscus vulgaris , I, 537.
Antiaris toxicària, II, 71.
Aphis chinensis, II, 309.
— Pistaciæ, I. 295.
Apocodéinc, I, 119.
029
Apocynacées, II, 69.
Apomorphiue, I, 119.
Aporétine, II, 205.
Aqua ardens, II, 379.
— Auranlii florum, I, 229.
— Lauro-Cerasi, I, 457.
— Naphæ, I, 229.
— Picis, II, 410.
— Pimentæ, I, 511 .
Aquilaria AgaUocha, II, 500.
Arabine, I, 427.
Arabisches Gummi, I, 419.
Ahacéics, II, 496.
Arachides, I, 326.
Arachis oil, I, 320.
Arachis, I, 329.
— hypogæa, I, 329, 330.
Araco nromatico, II, 466.
Araignée, I, 35.
Araruta, II, 422.
Arbol a brca, I, 278.
— de la brea, I, 280.
Arbre à la Poix, II, 278.
Arbutine, II, 36.
Arbutus, II, 37.
— Uva-Ursi, II, 35, 38.
Arctostaphylos, 11,37.
— Uva-Ursi, II, 35.
Arctuvine, II, 36.
Areca, II, 489.
— Catechu, I, 438; II, 485, 489.
Areca Nuts, II, 485.
Arekanüsse, II, 485.
Arenga saccharifera, II, 567.
Argel, I, 396.
Argemone, I, 130.
— mexicana, I, 131.
Aricine, I, 023.
Aristolociiiacées, II, 357.
Aristolochia, II, 357, 359.
— reticulata, II, 359.
— Serpentaria, II, 359.
Aristolochine, II, 358.
Arnieniaca, I, 443.
Armoises, II, 18.
Armon, I, 142.
Armoraeia, I, 142.
Arnica, II, 21.
— angustifolia, II, 18.
— montana, II, 18, 20, 21.
Arnica Root, II, 18.
— YVurzel, II, 18.
Arnicine, II, 19.
Aromata inincensum, I, 262.
Arosine, II, 137.
030
TABLE ANALYTIQUE.
Arrowroot, II, 421.
Arrowroot des Bermudes, II, 420.
— de Natal, II, 426.
— de Saint, -Vincent, II, 426.
— des Indes orientales, 11, 428.
Artanthc, II, 356.
— adunca, II, 350.
— elongata, II, 354.
— lanccæ folia, II, 350.
Artemisia, II, 18.
— Cina, II, 14.
— Lercheana, II, 13.
— maritima, II, 13.
— mariiima Stc/nnamiiana , II,
18.
Artocarpus incisa, I, 592,
Aru-Aru, II, 422.
Arundo Ampelodesmos, II, 612.
Asa-fœtida, 1, 556.
Asa fœtida disgunensis, I, 558, 565.
Asa-fretida nauséeuse, I, 563.
Asagræa, II, 533.
— of/xcinalis , II, 530, 534.
Asant,, I, 556.
Asclépiadacèes, II, 72.
Asclépios asthmaticd, II, 79.
— gigantea, II, 75.
— pseudo-sarza, II, 72.
Asparagine, I, 177, 319, 443; II, 139, 582.
Asparagus sarmentosus, I, 28.
Aspartate d’ammonium, I, 278.
Aspidine, II, 592.
Aspidium, II, 593.
— Filix-mas, II, 589, 593.
— Oreoptcris, II, 592.
spimdosum , II, 592.
Asplénium Filix-femina, II, 592.
Assa fætida, I, 556.
Assamar, II, 409.
Astaphis agria, I, 10.
Astragales, I, 352.
Astragalus, I, 346, 352.
— adscendens, I, 346,352,11,50.
— Doissieri, I, 354.
— bracbycalix, I, 346, 353.
— creticus, I, 353, 354.
— cylleneus , I, 347, 353.
— denudatus, I, 353.
— eriocaulos, I, 353.
— eriostylus , I, 350.
— flomlentus, II, 56.
— gummifer , I, 346, 348, 353.
— kurdicus , I, 347, 353.
— microeephalus, I, 346, 347,
.353.
Astragalus nudatus, I, 353.
— pycnocladus, I, 347. 353.
— pycnophyllus, I, 353.
— stromatodcs, I, 347, 353.
— verus, I, 353, 354.
Atar-Jelianghiri, I, 470.
Atees, I, 27.
Atis, I, 27, 28.
Atisine, I, 28.
Ativisha, I, 24.
Atraphaxis spinosa, II, 56.
Atropa, II, 137.
— Belladona, II, 134.
Atropine, II, 130, 139.
Atrosine, II, 137.
Attar of Rose, I, 468.
Aunée, II, 1 , 5.
Aune noir, I, 308. .
Aurantiine, I, 215.
Avellanæ gra;cæ, I, 439.
Azadirachta indica, I, 298.
B
Babunah, II, 12.
Babul ou Babur, I, 420.
Baccæ Juniperi, II, 413.
— Mori, II, 280.
— Spinæ Cervinæ, I, 304.
Bachhnâ, I, 26.
Bactyrilobium Fistida, 398.
Badiane, I, 51.
Bàdiyâne Khatâi, I, 54,
Bael, I, 233.
— Fruit, I, 233.
Baies de Genévrier, II, 413.
— de Nerprun, I, 304.
Baldrian Wurzel, I, 650.
Baliospermum montanum, II, 311.
Balisier, II, 427.
Balsam Fir, II, 394.
— of Copaiba, I, 407.
— of Peru, I, 372.
— ofTolu, I, 367.
Balsamea, I, 275, 286, 362.
— Opobalsamum, I, 276.
Balsamo, I, 410.
— blanco, I, 380.
Balsamodendron , I, 275, II, 395.
— Ehrenbergianum, 1, 276.
— Gileadense, I, 276.
— Kataf, I, 276.
— Myrr/id, I, 269, 271,
276, 277.
TABLE ANALYTIQUE.
Balsamodendron Opobalsamum , I, 269,
276.
Balsaraum, I, 379.
— album, I, 409,
— canadense, II, 394.
— Copaiba, I, 407.
— Capivi, I, 409.
— Diptcrocarpi, I, 170.
— Gurjunæ, I, 170.
— hispanicum, I, 367.
— indicum, I, 367,
_ — album, 1, 367.
_ — nigrum, I, 372.
— Meutbæ, II, 173.
— Nucistæ, II, 220.
— peruvianum, I, 267,372,375.
— siccum, I, 367.
— Styracis, I, 481.
— Tolutanum, I, 367, 368.
Bâmiyab, I, 182.
Bankesiü abyssinien, I, 462.
Barbaloïne, II, 513, 515.
Barberry Bark, I, 33.
Barbotine, II, 13.
Bllrentraubenbliitter, II, 35.
Bilrlappsamen, II, 585.
Barley, II, 570.
Barosma, I, 206, 208, 210.
— betulina, 1, 206, 207, 208, 211.
— crenata, I, 206.
— crenulata, 206, 207, 208, 209,
210.
— Ecklonianci, I, 210.
— serratifolia, 1, 206, 207, 208,
210.
Barracco, II, 324.
Barras, II, 381, 384.
Bassora Gum, 1, 352.
Bassorine, I, 351.
Baslard Cortex Winleranus, I, 46.
— Dittany, I, 248.
Batatas Jalapa, II, 115.
Baume du Canada, II, 394.
— de copahu, I, 407.
Baume Capivi de l’Inde orientale, I, 174.
Baume de Diphtérocarpe, I, 170.
Baume de Gilead, II, 395.
— de Gurjun, I, 414.
Baume du Pérou, I, 372.
Baume de San Salvador, 1, 372.
Baume de Tolu, I, 367.
Baumol, II, 61.
Bazghanj, II, 370.
Bazrequatûnii, II, 193.
Bearberry Leaves, II, 35.
631
Bébéérine, II, 264 .
Bebeeru Bark, II, 263.
Bébirine, II, 205.
Beijoim, II, 42.
Bêla, I, 234.
Beli, I, 234.
Belladonine, II, 137.
Belladonna Leaves, II, 13S.
— Root, II, 134.
— ' YVurzel, II, 134.
Belly Benzoin, II, 43.
Benne Oil, II, 16.
Bondi Kai, I, 181.
Bengal Quince, I, 233.
Benjamin, II, 41.
Benjawi, II, 41.
Benjoin, II, 40.
— de Penang, II, 45.
— de Siam, II, 43, 44, 45.
— de Sumatra, II, 44, 45.
Benjui, II, 41.
Benné oil, II, 163.
Benzoë, II, 41.
Benzoëharz, II, 40.
Benzoin, II, 40,
Benzoin, II, 41.
Benzoïnum, II, 40.
Benzui, II, 41, 42.
Berbéridacées, I, 84.
Berbérine, I, 9, 61, 71. 86, 90.
Berbcris, I, 84, 85, 80.
— arista, I, 84, 86, 87.
— asiatica, I, 84, 86, 87.
— Lycium, I 84, 87.
— vulgaris , I, S6, 522.
Bergamottôl, I, 222.
Bergaptftne, I, 221, 225.
Bertramwurzel, II, 6.
Besenginster, I, 312.
Beta-maritima, II, 566.
Bcta-Résine de Mastic, II, 292.
Beta-Quinine, I, 623.
Betelnilsse, II, 485.
Betelnut, II, 485, 489.
Betula alba, II, 412.
Beurre de Cacao, I, 184.
Beurre de Muscade, II, 218, 220.
Bevilacqua, I, 530.
Bhang, II, 284, 285, 286, 288.
B’anhgâ, II, 283.
Bhesabol, 1, 274.
Bibirine, I, 67; II, 265.
Bibiru, I, 67, IJ, 263.
— Bark, II, 263.
Bignontacées, II, 163.
632
TABLE
Biliydralo de Cajuputène, 1, 4 93.
Bikli, I, 24.
Bîlack, I, 234 .
— Tellor, I, 234.
Bilsenkraut, II, 140.
Bilva, I, 234.
Bis, I, 24, 20.
Bish, I, 17. 24, 23, 26.
Bishop’s Weed, I, 542.
Bissa-Bôl, I, 274, 275.
Bitter Almonds, I, 445.
— Apple, I, 526.
— Asli, I, 237.
Biltore Mandein, I, 445.
Bitter Orange Peel, 220.
— Simaruba, I, 243.
— Swet, II, 126.
— Vood, I, 236, 237.
Bittcrsüss, II, 126.
Bixacées, I, 146.
Black Mustard, 1, 132.
— Catecliu, I, 433.
— Coliosh, I, 29.
— Hellebore Root, I, I.
— Rosin, II, 382.
— snake-root, I, 29, 30.
— Pepper, II, 334.
Bitch, II, 412.
Blauholz, I, 384.
Blocshornsamen, I, 342.
Blockwood, I, 3 84.
Blood Hilder, I, 580.
Blumea, II, 263.
— balsamifera, II, 260, 263.
Bocconia , I, 132.
Bocksbornsamen, I, 342.
Boigue Cinnamomifera, I, 43.
Bois amer, I, 236, 237, 239.
Bois de Campêche, I, 384.
Bois de Gayac, I, 194.
Bois d’Encens, I, 286.
Bois de Quassia, I, 236.
Bois de Quassia de la Jamaïque, I, 236.
Bois de Santal, II, 371.
Bois de Santal blanc, II, 372, 373.
— de Santal citrin, II, 371.
— de Santal jaune, II, 372, 373.
Bois de Santal rouge, II, 363. 372, 373.
Bois de Violette, I, 432.
— des Fièvres, I, 000.
— d’Inde, I, 384.
— du Brésil, I, 388.
Bokara Ga! 1s, II, 370.
Bol, I, 270.
Bola, I, 270.
ANALYTIQUE.
Bonduc Seeds, I, 380.
Bonplandia tri foliota, I, 201.
Borassua flabelliformis, II, 567.
Bornéo!, I, 659, II, 259.
Bourgène, I, 308.
Bourg-épine, I, 307.
Bourgeons de Cassia, II, 240.
Boridshcb, I, 506.
Boswellia, I, 529,260, 266, 268, 277, 285,
280, 287, 362.
— Bhaudajiana, I, 260, 207.
— Carterii, I, 200, 206, 267, 268-
— Frereana, I, 260, 279, 285, 287.
— glabra, 260 .
— mauritiana, I, 287.
— papy ri fera, I, 260, 267, 268.
— sacra, I, 260.
— serrata, I, 260.
— tliurifera , I, 260, 268.
Botryopsis platyphylla, I, 63.
Brassica, I. 137.
— alba, 1, 132, 137, 138, 139, 141.
— juncea, I, 137.
— nigra, I, 132, 137, 138, 139.
Brasiline, I, 388.
Brauerpech, II, 405.
Brayera anthelminthica, I, 458, 462.
Brazil Wood, I, 388.
BrechUilsse, II, 81.
Brechwurzel, I, 641.
Bréidine, I, 282, 283.
Bréine, I, 282.
Brindonia indica, I, 167, 169.
Bromaloïne, II, 153.
Broom Tops, I, 312.
Brucea ferruginea, II, 85.
Brucine, II, 84, 85, 90.
Bruslbeere, I, 308.
Bryoïdine, I, 282, 283.
Bubon Galbanum, I, 565.
Bûcha, Buka Leaves, I, 206.
Buchu ou Bucchu Leaves, I, 206.
Bucklandia, I, 490.
Buckthorn Berries, I, 304.
Buena, I, 622.
— hexandra, I, 623.
— magni folia, I, 630.
Bugbane, I, 29.
Buka Leaves, I, 206.
Bukublâtter, I, 206.
Bulbe il gratter, II, 523.
Bulbe de Colchique, II, 534.
Bulbe de Scille, II, 520.
Bulbus Colchici, 11,534.
— Scillæ, II, 520.
G33
TABLE ANALYTIQUE.
Bunduk, I, 380, 3S1.
— Hindi, I, 381.
Burgony Pitch, II, AOO.
Barsera, I, 277, 27S, 286, 287.
— paniculata, I, 287.
Busch-Anérhone, I, 32.
Busserole, II, 35, 36.
Butea, I, 359, 362.
— frondosa, ,1, 358, 359, 362, 363.
— superba, I, 359, 363.
— parviflora, I, 357, 363.
Bulea Gum, I, 358.
— Kino, I, 358.
Butua, I, 64.
Bulyrum Cacao, I, 184.
Buxine, I. 67 ; II, 265.
Buxus sempervirens, I, 67, 522 ; II, 265.
Bysabole, I, 274.
C
Caapeba, I, 65.
Cabbage Rose, I, 466.
Cabriuva Prêta, I, 379.
Cabueriba, I, 379.
Caburo-Iba, I, 379.
Cacao Butter, I, 184.
— Lagarto, I, 186.
Cacaotalg, I, 184.
Cachou, I, 433, 434, 589, 590, 593.
Cachou brun ou noir, I, 433.
— de la Noix d’Arec, I, 438
— jaune, I, 589.
Cacumina Sabinæ, II, 417.
— Scoparii, I, 312.
Cæsalpillia, I, 383, 388.
— Bonduc , I, 380.
— Bonducella, I, 380, 381, 383.
— echinata, I, 569.
— Sappan, I, 388, 569.
Cafotin, II, 560.
Cajeputôl, I, 493.
Cajuputène, I, 495.
Cajuputol, I, 495.
Calabar Beau, I, 335.
Calabarine, 339.
Catamus, II, 495, 496, 497, 500.
— Draco, II, 490, 495.
Calamus Alexandrinus, 11, 497.
— aromaticus, II, 101, 496, 497.
Calatropis, II, 74, 77, 78.
— rjigantca, II, 75, 76, 77, 78.
— Hamiltonii, II, 75.
— procura , II, 75, 76, 77, 78.
Calendula, II, 483.
Calisaya Bark, I, 614 .
— alta, I, 598.
— blanca, I, 598.
— Vcrde, I, 598.
— Zamba, I, 598.
— de Bolivie, I, 615, 019/
plat.
— en tubes, I, 615.
Calluna, II, 37.
Calumba, I, 59.
— Root, I, 58.
Cambogia, I, 160.
Cambogium, I, 161.
Camomille romaine, Ii, 9.
Campeachy, 1, 387.
Campecheholz, I, 384.
Campher, II, 249.
Campbor, II, 249.
Camphorct, II, 261.
— officinarum , II, 261.
Camphre, II, 249.
Camphre d’anis, I, 539, 552.
— d’Aunée, II, 3.
— de Barosma, I, 209.
— de Barus, II, 258.
— de Bergamote, I, 225.
— do Blumea, II, 260.
— . de Bornéo, II, 25S.
— de Chine, II, 257.
— de Cubèbe, II, 350.
— de Dryobalanops, II, 258.
— de Formose, II, 257.
— d’iris, II, 475.
— de Menthe, II, 177.
— du Japon, II, 257.
— de Néroli, I, 230,
— de Ngaï, II, 260.
— de Tabac, II, 153 .
— de Thym, II, 183.
— Malais, II, 258.
Canadian Balsam, II, 394.
— Turpenthine, II, 394.
Canafistula de Purgar, I, 401.
Canarium, I, 277, 280.
— brunneum , I, 278.
Candy, II, 559.
Canefice, I, 398.
Canella, I, 41, 42, 51.
— alba, I, 37, 38, 41, 46, 47, 503.
Canella alba Bark, I, 37.
— Bark, 1, 37.
Canellacées, I, 41.
Canella Rinde, -I, 37.
Canelline, I, 40.
Cane Sugar. II, 558.
table analytique.
Canime, I, 411.
Canlara, II, 88.
Cannabène, II, 280.
Cannabis , II, 289.
— indica, II, 282, 283.
— saliva, II, 282, 283, 289.
Canna indica, II, 421.
Canne de Batavia, II, 558.
— de Bourbon, II, 858.
— de Pays, II, 558.
— de Taïti, II, 558.
— rouge, II, 558.
Cannella trista, II, 228.
Cannelle blanche, I, 37.
— de Ceylan, II, 224.
— de Chine, 11,227,238, 242,244.
— de Malabar, II, 232.
— de Tellicherry, II, 232.
— de Tinnevelly, II, 232.
Canutillos, I, 609.
Canutos, I, 606.
Capey-Barbados, II, 510.
Capnomor, II, 409.
Capparis, I, 136.
Caprifouacées, I, 586.
Capsaïciue, II, 133.
Capsicine, II, 132.
Capsicum, II, 129, 132, 134.
— annuum, II, 130, 131, 134.
— fastigiatmn , il, 129, 131, 132.
— grossnm, II, 130.
— longum , II. 130.
— minimum, II, 129.
Capsulas Hibisci esculenti, I, 181.
Capsulas Papaveris, I, 94.
Capsules de Pavot, I, 94.
Caqueta Bark, I, 6 J 6.
Caramel, II, 566.
Caramélane, II, 566.
Carapa Guianensis, I, 409.
Caraway, I, 545.
— Carui, I, 545.
— d’Andalousie, I, 547.
— de Perse, I, 547.
— Fruits, I, 545.
— Seeds, I, 545.
Carcôm, II, 477.
Caretti, I, 381.
Cardamome, II, 444.
— bâtard de Birma ou de Siam,
II, 451.
— court, II, 448.
— court-long, II, 448.
— d’Aleppy, II, 448.
— de Ceylan, II, 448.
Cardamome de Java, II, 453.
— de Korarima, I, 454.
— de Madras, II, 448.
— do Sibérie, I, 52.
. — du Bengale, II, 452.
— du Malabar, II, 448.
— du Népaul, II, 452.
— en grappes, II, 450.
— épineux, II, 451 .
— Rond, I, 509, 450.
— sauvage, II, 451.
Cardamom seeds, II, 452.
Cardamomen, II, 444.
Cardamomum majus, II, 454.
— siberiense, I, 25.
Carex armada, II, 582.
Carica, II, 276.
Caricæ, II, 275, 276.
Carpobalsamum, 1, 509.
Carolina Pink Root, II, 90.
Carony Bark, I, 201.
Carrageen, II, 612.
Carum, I, 549.
— Carvi, I, 545, 546, 550.
— Ridolfia, I, 577.
Carvène, 1, 548.
Carvi allemand, I, 547.
— anglais, I, 547.
— hollandais, I, 547.
— de Mogador, 547.
Carvol, I, 548, 578.
Caryophylli, I, 498.
Caryophylline, I, 504.
Caryophyllon, 1, 499.
Caryophyllum regium, I, 506.
Caryophyllus aromaiicus, I, 498, 507.
Caryophyllus Ater, I, 499.
Caryota urens, II, 567.
Cascarilla, II, 313.
— amarilla, I, 613.
— Bark, II, 313, 214, 622.
— blanca, I, 613.
— colorada ou roja, I, 613.
— del Angostura, I, 202.
— del Pajonal, I, 597.
— morada, I, 598.
— ■ naraujada, I, 113.
— negrilla, I, 615.
Cascarilline, II, 315.
Cascarill-Rindc, II, 313.
Caséine végétale, I, 443.
Casse, I, 398.
Cassia, I, 389, 397, 39S, 402 j II, 226, 3S3,
240.
— acuti/'olia, I, 389, 392.
TABLE ANALYTIQUE.
Cassia alba, I, 38.
— angustifolia, I, 390, 391, 393.
— brasiliana, I, 401.
— elongata, I, 390.
— Fistula, I, 398, 399, 401.
— fistularis, I, 399 ; II, 240.
— grandis, I, 401.
— lanceolata, I, 389, 390.
— lenitiva, I, 389.
— moscliata , I, 401.
— obovata, I, 391, 392.
— Senna, I. 389.
— turiana, II, 240.
— Syrinx, II. 240, 243.
— vera, II, 235.
Cassia Bark, II, 238.
— Buds, II, 246.
— de Chine, II, 235.
— in Canna, I, 399.
— lignea, II, 238, 240, 243.
— lignea de Chine, II, 227, 241, 243.
— sauvage, II, 243.
— lignea jamaicensis, I, 38. ,
Castor, II, 320.
— Oil, II, 322.
— Oil Seeds, II, 318.
Catéchine, I, 437, 532.
Catalooga, II, 88.
Catechu, I, 433, 434, 438.
— nigrum, I, 433.
— pallidum, I, 589.
Catécliurétine, I, 437.
Catharticum aureum, 1, 161.
Cathartocarpus, I, 397, 402.
— Fistula, I, 398.
Cathartomannite, I, 395.
Caules Dulcamaræ, II, 126.
Caulis Tinosporæ, I, 81.
Cayenne Pepper, II, 129.
Cebabilla, II, 530.
Cebollejü, II, 533.
Cédrat, 1, 233.
Cèdre blanc, I, 287.
— rouge,, I, 287.
Cendal vermeil, I, 364.
Centifolienrosen, I. 466.
Centauri-résine, II, 106.
Cephælis, I, 645, 650.
— Ipecacuaiiha , 1, 641, 646, 649, 651.
Ceraseidos, I, 443.
Cerasophora, I, 443.
Cerasus, 1, 443.
— Lauro-Cerasus, I, 457.
— Serotina,, I, 452, 454.
Ceratonia Sili(/ua, I, 306.
Céréaline, II, 572.
Cerolate de Ccrotyl, I, 116.
Cetraria islandica, II, 596.
Cétrarinc, II, 600.
Cevadilla, II, 530.
Cévadille, II, 530.
Ceylon moss, II, 615.
— Zimmt, II, 224.
Chærophyllum , I, 537.
— Anthriscus, I, 537.
Chamomillc flowcrs, II, 9.
Champignons, II, 601 .
Chandana, II, 371.
Chanvre indien, II, 282.
Charas, II, 283.
Chardihia xerantkemoides, I, 449.
Chasmant.hcra, I, 62, 79, 82.
— Columba, I, 58, 62.
— cor di. folia, I, 82.
— palmata , I, 62, 82.
Chauïmoogra, I, 146.
— odorata, I, 147.
Chaulmugra seed, I, 146.
Cliavica, II, 343.
— officiiiarum , II, 343.
— Roxburghii , II, 343.
Chelbenah, I, 566.
Chélérythrine, I, 131.
Chelidonium, I, 130.
— majus, 1,7,131.
Chélidoxanthine, I, 131.
Chênes, II, 362.
Cherry-Bay, I, 455.
Cherry-Laurel, I, 455.
Cherry-Laurel Leaves, II, 455.
Cheveux de la Vierge, I, 34.
Chicantee, I, 102.
Chiendent commun, II, 580.
— pied de poule, II, 582.
Chillies, II, 129.
China bicolorata, I, 623.
— Febris, I, 600.
— nova, I, 630, II, 313.
— Root, II, 555.
Chinarinde, I, 594.
Chinasilure, I, 629.
Chinawurzel, II, 555.
Chinovine, I, 630.
Chiquinti, I, 102.
Chiratine, II, 103.
Cbiratogénine, II, 103.
Chirayta, II, 101.
Chiretta, II, 104.
Chloraloïne, II, 513.
Chloranil, II, 517.
63(1
TABLE ANALYTIQUE.
Cholestérine, II, 6b, 610.
Chondodendron , I, 69, 71.
— tomentosum, I, 63, 6b,
06, 72 ; II, 26b.
Ch and nia cris pus. II, 612.
— mamillosus, II, 014.
Ghrmlin, I, 7.
Chop-Nut, I, 33b.
Chota, II, 104.
Chouline, I, 7.
Chron, I, 142.
Christmas rose, I, 1.
Chrysanthemum Parthenium , II, 12.
Ghrysopliane, I, 39b; 11, 204.
Chrysorétine, I, 39b.
Chrysorhamnine, I, 306.
Chrisophoriana canadensis rncemom, I
29.
Chuen-lien, I, 7.
Clnirrus, II, 287.
Chynlen, I, 7.
Cicuta virosa , I, 544, 584.
Ciguës, I, 534.
Ciguë officinale, I, 535.
Cimicifuga, I, 30.
— racemosa, 1,29,31.
Cimicifugine, I, 30.
Cinæbene, II, 16.
Cinchona, I, 409, 594, 595, 596, 604, 609,
610, 611, 613, 616, 629, 031,
634, 035, 640, 641, 645. •
— amygdalifolia, I, 620.
— asperifolia, I, 620.
— australis , I, 638.
— Barbacoensis. 11,610.
— Calisaya , I, 597, 609, 610, 612,
617, 619, 621, 622, 630, 637.
— caloptera, I. 621
— carabayensis, I, 620.
— Chomeliana, I, 616.
— Condaminea, I, 597, 003, 638.
— cordifolia, I, 634, 639.
— corymbosa, 1,627, 034.
— elleptica, I, 637.
— enneura, I, 620.
— glandulifera, I, 621.
— hirsuta, I, 620.
— Ilumboldtiana, I, 621.
— Hovoardiana , I, 596.
— Josephiana , 597, 609, 630, 637.
— lanceolata, 1, 620.
— lancifolia . I, 610, 612, 615, 610,
619, 627, 634.
— lancifolia oblonga. I, 620.
— lucumæfolia , I, 620.
Cinchona micrantha, j, 609, 610 , 612'
637.
— macrocalix, I, 620.
— microcarpa, I, 637.
— Mulisii, 1, 620.
— nitida, I, 610, 639.
— officinalis, 1,597,603, 604, 609,
611, 613, 614, 616, 020, 027,
037.
— ovata, I, 609, 639.
— Pahudiana, I, 596, 612.
— peruviana, I, 621 .
— pitaycnsis, 1, 609, 615, 616, 620,
627, 038.
— P abcs cens, I, 604,609, 018, 021,
023, 627, 639.
— pubescens Pelletieriana, I, 621.
— purpurascens , I, 621, 640.
— purpurea, I, 621, 639.
— vuftnervis , I, 621, 639.
— ragosa, I, 620.
— scrobiculata, 1,618, <619, 621, 638.
— succirubra, I, 596, 598, 609,
611, 612, 615, 616, 617, 019.
621, 623, 639.
— Tucujensis, I, 621, 622, 034, 039.
— umbellidifera , I, 620.
— Uritusinga, I, 638.
— vera, I, 609, 636.
Cinchona Bark, I, 594.
Cinchonicine, I, 624, 627.
Cinchonidine, I, 622, 626, 627, 632, 633.
Cinchonine, I, 622, 626, 627, 632, 633.
Cinchonino, I, 022.
Cincbovatine, I, 623.
Cinène, II, 16.
Cinnamate Berizilique, I, 377.
— Ginnamyliquc, I, 486.
Cinnaméine, I, 377 •
Cinnamène, I, 485.
Cinnamodendron, I, 38, 41, 45, 47, 51.
— corticosum, I, 41 , 46, 47,
51.
Cinnamol, I, 485.
Cinnamominc, II, 234.
Cinnamomum , II, 236.
— aromaticum, 11, 248.
— Burmanni, II, 240.
— Camphora , II, 26, 249.
— Cassia, II, 239.
— iners, II, 225, 239, 246.
— obtusifolium, 11,225, 239.
— panci florin» , II, 239.
— Tamala, 11, 239.
— zeilanicum, II, 226, 235.
I
TABLE ANALYTIQUE. 637
Cinnamon, II, 224.
- Bark, I, 38 ; il, 232.
Cinnamosma, I, 41.
— fragrans, 1,41.
Cipo de Cobra, I, Go.
Cirifole, 1, 234.
Cissampclos, I, 66,71.
— Abutna, I, 63.
— Pareil' a, I, G5, G7, 68, 69,
72, 82; II, 266.
Cisliis lailaniferus, II, 69.
Citron, I, 212.
Citrone, 212.
Citronenkraut, II, 188. '
Ci trônent)', I, 218.
Citrullus, I, 629.
— Colocynthis , I, 626, 629.
Citrus, I, 215, 216, 217, 222, 233.
— amara, li 226.
— Aurantium, I, 226, 228, 229, 233.
— Bergamia, I, 216, 222, 226.
— Bigaradia, I, 226, 228.
— decumanci, I, 215.
— Limetta, I, 226.
— Limonum, I, 212, 214, 217, 218,
226.
— medica, I, 212, 213, 216, 232, 233.
— vulgaris, I, 216, 222, 226, 228,
229.
Claviccps purpurea, II, 601, 607.
Clematis, I, 33.
— diœca, I, 34.
— erecta, I, 34.
— Flammula, I, 34.
— mauritiana, I, 34.
— recta, I, 34.
— Vitalba, I, 34, 68.
— Viticella, 1,34.
Clématites, I, 33.
Clous de Girofle, I, 498.
Clous de Girofle d’Amboine, I, 502.
— de Girofle de Bencoolen, I, 502.
— de Girofle de Penang, I,. 502.
— de Girofle royal, I, 506.
— de Girofle de Zanzibar, I, 502.
— Parfum, I, 499.
Cloves, I, 498.
Clovc Stalks, I, 505.
Cniquier, I, 380.
Cocoi orientales, I, 77.
Cocci Orienlis, I, 76.
Coccola, I, 77.
Coecole di Levante, I, 77.
Coeculæ orientales, I, 77.
Cocculus, I, 76, 77.
Cocculus Cliondodendron, I, 63.
— cordifolius, I, 81 .
— indiens, I, 76, 77.
— Indiæ , I, 77.
— palmatus, I, 38.
Coccus, II, 57.
— manniparus, II, 65 .
Cochlearia, I, 145.
— Armoracia, I, 142, 145.
— officinalis, I, 145.
Cocos nucifera , II, 567,
Cocotier, II, 567.
Codagam, I, 530.
Codamine, I, 120.
Codéine, I, 96, 118, 124.
Col, 1, 579.
COLCtUCACÉKS, II, 525.
Colchicéine, II, 539.
Colchicine, II, 537, 639.
Colchieum, II, 537.
— automnale , II, 534, 537, 538.
— variegaium, II, 537.
Colchieum Seed,II, 538.
Coliauder, I, 579.
Colocynlh, I, 526.
Colocynthéine, I, -528.
Colocynthine, I, 528.
Colocynthiline, I, 528.
Colombo Root, 1, 58.
Colophane, II, 382, 403.
Colophonia mauritiana, I, 284, 287.
Coloquinte, I, 526.
Coloquinth Pulpe, I, 528.
Coloquinthe, I, 526.
Coloquintida, I, 526.
Columba, I, 62.
Columba-Bitter, I, 61.
Columbine, I, 61.
Columbowurzel, I, 58.
Colutea arborescens, I, 397.
Comméne, I, 582.
Common Balm, II, 188.
— Camphor, II, 249.
— Frankincense, II, 378, 381, 384,
285.
— Garden Miut, II, 173.
— Laurel, I, 455.
— Laurel Leaves, I, 455.
— or Garden Rue, I, 245.
— T u rp en line, II, 378.
Composées, II, 1.
Comyne, I, 582.
Concombre d’âne, I, 526.
— purgatif, I, 522.
— sauvage, I, 522, 526.
038 TABLE ANALYTIQUE.
Concrète Oil of Mangoslecn, 1, 107.
Cônes de Houblon, II, 291, 29G.
Conglutine, I, 442.
Conhydrine, 1, 533.
Conicine, I, 533.
Conifères, II, 378.
Coniférine, 11, 469.
Conine, I, 534.
Conium, 533.
— macula tum, I, 535, 537.
Conquinine, I, 423, 622, 626.
Conserves de Roses, I, 463.
Convolvulacées, II, 106.
Convolvuline, II, 118, 124.
Convolvulinol, II, 118.
Convolvulus, II, 113, 121.
— m'vcnsis, II, 106.
— Nil, II, 22.
— Pur g a, II, 114.
— Scammonia, II, 106, 113.
Conylène, I, 533.
Copahu, I, 4 07, 415.
Copaiba, I, 408, 409.
Copaifera, I, 407, 414, 415.
— Bijuga, I, 408.
— cordifolia, I, 408.
— coriacea, I, 408.
— glabra, I, 408, 417, 418.
— grandifolia, I, 408,417, 418.
— guianensis, 1, 407, 416.
— Jacqidni, I, 415.
— Jussieui , I, 408.
— laxa , I, 408, 417, 418.
— Langsdorffii, I, 408, 417, 418.
— Martii, I, 417, 418.
— multijuga, I, 408.
— nitida, I, 408.
— officinalis, I, 407,411,412, 415,
417, 418.
— pubifcra, I, 417, 418.
— rigida, I, 417, 418.
— Sellowii, 1, 408.
Copaiva, I, 415.
Copaiva-balsam, I, 407.
Copal, I, 279.
Coptis, I, 7, 8, 9.
Coptis Testa, I, 7, 9.
— trifolia, I, 9.
Çoplis Root, I, 7.
Coque du Levant, I, 76.
Coquelicot, I, 93 .
Coquelourde, I, 31.
Corail des Jardins, II, 129, 134.
Cordiceps, II, 607.
Cordgliceps, II, 607.
Coriander Fruits, I, 579.
— Secds, 1, 579.
Coriandcrs, 1, 579.
Coriandre, II, 579.
Coriandrum, I, 521.
— sativum, 1, 579,581.
Coriaria myrtifolia, I, 397.
Connus Colcliici, II, 534.
Corn Rose, I, 91.
Cortex Alstoniæ scholaris, II, 169.
— Angosturæ, I, 201.
— Angusturæ spurius, I, 205.
— Aurantii, I, 226.
— Azadiractæ, I, 298.
— Berberidis, I, 84.
— Bibiru, II, 263.
— Calotropidis, II, 74.
— Canellæ albat, II, 37.
— Cascarillæ, II, 313.
— Chinæ, I, 594.
— Chinæ Regius, 1, 614.
— Cinchonæ, I, 594, 613.
— — flavæ, 1, 614.
— — Pallidæ, I, 628.
— Ciunamomi, II, 224.
— — zeilanici, II, 22
— Cuspariæ, II, 201.
— Eleutheriæ, II, 313.
— Eleutcrii, II, 313.
— Fraxini, II, 60.
— Granati, I, 517, 518.
— Caricis II, 393.
— — Fructus, 1, 517.
— — Radicis, 1, 520.
— Limonis, I, 214.
— Linguæ Avis, II, 60.
— magellanicus, I, 42.
— Margosæ, I, 298.
— Mezerei, II, 271, 273.
— Mudar, II, 74.
— Nectandræ, II, 263.
— peruanus, I, 603.
— perqvianus, I, 594.
— Pruni Serotinæ, I, 452.
— Quercus, II, 360.
— Sassafras, II, 267.
— Soymidæ, I, 301.
— Swieteniæ, I. 301.
— Tymiamalis, I, 484, 488.
— Ulmi, II, 299.
— Ulmi fulvæ, II,
— unguentarius, II, 303.
— Pruni virginianæ, I, 452.
— Winteranus, I, 43, 46.
— Winteranus verus, I, 47.
TABLE ANALYTIQUE.
Cortex Winleri, I, 42.
Coslus corticosus, I, 38.
— dulcis, I, 38.
Cotarnine, I, 118, 119.
Cotoneaster, II, 57.
— numrnularia, II, 5G.
Coucli Grass, II, 580.
Couhagc, I, 333.
Coulmon, I, 34.
Counlry Cane, II, 559.
Country or indian Ipecacuanha, II, 79.
Cowberry, II, 37.
Cowhage, I, 334.
Cowhage Çow-itch, I, 333.
Cow-itch, I, 334.
Coyacoy, II, 88.
Cran, I, 142.
Cran de Bretagne, I, 142, 145.
Cranson, I, 142, 145.
Cratæva Marmclos, I, 233.
Créosol, II, 409.
Créosote, II, 409.
Cresson de Fontaine, I, 146.
Creyat, II, 161.
Crinurn asiaticum toxicarium , II, 523.
Crocétine, II, 4SI.
Croci Stigmata, II, 477.
Crocine, II, 4SI.
Crocus, II, 477, 484.
- — sativus, II, 477, 484.
Croton, II, 311, 318.
— Cascarilla, II, 314 .
— Dracu , II, 495.
— Eluteria, II, 313, 316.
— lucidus, II, 31G.
— niveus, II, 317, 318.
— oblongifolius, II, 311.
— P avenue , II, 311.
— philippinensis, II, 328, 333.
— polyandrum, II, 311.
— Pseudo-China , II, 317.
— Tigliurn, II, 308, 311, -.316, 321, 132.
Crolonol, II, 310.
Croton Secds, II, 308.
Crown Bark, I, G13.
CrUCTFÈRES, I, 132.
Crude turpentine, II, 378.
Cryptogames, II, 585.
Cryplopinc, I, 119, 125.
Cubeba canina, II, 352.
— Clusii, II, 352.
— crassipes, II, 352.
— Lowong, II, 352.
— offîcinalis, II, 346.
— Wallic/di , II, 352.
Cubebas silvestres, II, 347.
Cubebæ, II, 34G.
Cubèbc, II, 346.
Cubèbe africain, II, 352.
Cubeben, II, 346.
Cubébine, II, 350.
Cubebs, II, 346, 347.
Cuculi de Levante, I, 77.
Cucumis Colocynthis, I, 526, 529.
— Hardwickii, I, 529.
— Prophetarüfn, I, 525.
— Pseudo-Colocyiithis, I, 529.
— trigonus, I, 529.
CuCURBlTACÉES, I, 522.
Cumacaco, I, 186.
Cumène, II, 409.
Cumich, I, 546.
Cumin, I, 546.
~ d’Arménie, I, 547.
— de Montagne, I, 547.
— étranger, I, 547.
— noir, I, 35, 36.
— romain, I, 547.
Cumin or Cummin Fruits, I, 5S2.
— Seeds, I, 5S2.
Cumin-aldéhyde, I, 584.
Cuminol, I, 584.
Cuminum, I, 582, 585.
— Cyminum , I, 582, 585,
Cummine, I, 5S2.
Cumol, II, 409.
Cupayba, I, 409,
Curcuma, II, 428, 439.
— angusti folia, II, 428, 436, 439.
— leucorrhiza, II, 428,439.
— longa, II, 435, 439.
— rotunda, II, 435.
Curcuma de Chine, II, 436.
— de Cochin, II, 436, 349.
— de Java, II, 436, 437.
— de Madras, II, 436.
— du Bengale, II, 436, 437.
— long. Il, 436.
— rond, II, 436.
Curcumine, II, 437.
Cusconine, I, 623, 627.
Cuscus, II, 579.
Cusparia, I, 203.
— febrifuga, I, 204.
Cusparia Bark, I, 201.
Cusparine, I, 203.
Cusso, I, 458.
Cutch, I, 433, 589.
Cyclamen, I, 76.
Cydonia, 1, 480.
TABLE ANALYTIQUE.
6-10
Cydonia Europæa , I, 480.
— vulgaris, I, 478, 480.
Cymène, I, 584 ; II, 25G.
Cymol, I, 584 ; II, 3.
Cynanchum acutum, II, 71.
Cynène, II, IG.
Cynips, II, 3G5.
— Gallæ tinctoriæ, II, 3G5.
Cynodine, II, 582.
Cynodon Dactylon, 11, 580, 582.
Cynorrhodon, I, 000.
Cynosbata, I, 476.
Gypripedium pubcsccns, 1, 152 ; II, 358.
Cytisine, I, 315.
Cytisus, I, 315.
— Laburnum , I, 315.
— Scoparius, I, 312.
D
Dachenblut, II, 490.
DacLyli acetosi, I, 403.
Dæmonorops Draco , II, 490.
Dalléiochine, I, G25.
Dagget, II, 412.
Damask Rose, I, 4G4, 46G.
Dancagay, II, 88.
Dandelion Root, II, 21.
Danewort, I, 58G.
Daphné, II, 273.
— alpina, II, 272.
— Gnidium, II, 273, 274.
— Laureola, II, 272, 273, 274.
— Mezereum , I, 568, II, 27), 272,
273, 274.
Daphnétine, II, 272.
Daphnine, II, 272.
Darchini, II, 226.
Datte indienne, I, 403.
Datura, II. 83, 140, 142.
_ atba, II, 144, 145, 146.
— fastuosa, II, 140, 144.
— Metcl, II, 83.
— Stramonium, II, 140, 141, 142,
143, 144, 145, 14 G.
— Tatula, II, 141, 142.
Dalurine, II, 141, 144, 146.
Daun Gatta Gambir, I, 589, 590.
Delphine, I, 11'.
Delphinine, I, 11.
Delphinium, I, 13, 20.
— Napellus, I, 20.
— Staphisagria, I, 10, 13.
Desoxycodéine, I, 119.
Dcsoxymorphinc, I, 119.
Dcutéropinc, I, 119.
Dcxtrine, II, 425.
Dexlrocarvol, I, 548.
Dextrose, II, 425.
Dhak, I, 358.
Diastase, II, 425.
Dictamnus albus, I, 248.
Dicypellium caryophyllatum, I, 503.
Digitale, II, 1G0.
Digitaléine, II, 139.
Digitaline, II, 158, 159.
— de Homolle et Quévennc, II,
138.
— de Kosmann, II, 158.
— deNativelle, II, 158, 159.
— de Walz, II, 138.
Digitalirésine, II, 159.
Digitalirétine, II, 138.
Digitalis, II, 157, 160.
— purpurea, II, 156, 160.
Digitasoline, II, 158.
Digilonine, II, 159.
Digitoxine, II, 159.
Dill, I, 377.
— Fruits, I, 576.
— Seeds, I, 577.
Dilla, Calmer, I, 577.
Dillfrüchte, I, 576.
Diméthylnornarcotine, I, 579.
Diosmine, I, 209.
Diospyros, II, 39.
— embryopteris, II, 38, 39, 40.
— virginiana, II, 39.
Dip, II, 380.
Diplolepis Gallæ tinctoriæ, II, 365.
Diplotaxis, I, 137.
— erucôides, I, 132.
Diptérocarpacées, I, 170.
Dipterocarpus, 1, 170, 174.
— alatus, I, 170, 174.
— costatus, I, 174.
— • gonopterus, 1, 174.
— gracilis, I, 170, 175.
— hispidus, I, 175.
— incanus, 1, 170.
— indicus, I, 170.
— lævis, I, 170.
— littoralis, I, 170, 175.
— „ retusus, I, 170, 17b.
— Spanoghei, I, 170.
— trinervis, I, 170, 175.
— trispidus, 1, 170.
tuberculatus, I, 436.
— turbinatus, I, 170, 174.
— . zcylanicus, I, 17^, 175.
TABLE ANALYTIQUE.
Disemeston gummifenm , I, 871, 874.
Diss, II, 612.
Distylium racemosum, II, 309.
Ditaïne, II, 70.
Ditamine, II, 70.
Dilarinde, II, 69.
Dog’s Grass, II, 880.
Doliclii Pubes vcl Selæ, I, 333.
Dolichos pruricns, I, 333.
Dorema, I, 871, 874.
— Ammoniacwm, I, 871, 874.
— Aucheri, 1, 871, 874.
— hirsutum, I, 874.
— robustum,- 1, 371.
Douce-Amère, II, 126, 128.
Dracæna Draco, II, 498.
Draconyl, II, 493.
Dracyl, II, 493.
Dragon’s Blood, II, 490.
— Blood in Sticks, II, 492.
Drimia ciliaris, II, 823.
Drimys, I, 43, 43, 47, 48.
— Winteri, I, 42, 43, 48, 49, 80.
— axilaris, I, 49.
— chilensis, I, 48.
— granatensis, 1,48.
— lanceolata, I, 49.
— mexicana, I, 48.
Drop Dragon’s Blood, II, 494.
Dnjaiiclra corclata, I, 170.
Dryobalanops, II, 262.
— aromatica, I, 178, 410; II,
230, 288, 202.
Dulcamara, II, 126.
Dulcamarétine, II, 128.
Dulcamarine, II, 128.
Dulcamarum, II, 126.
Dulcis Amara, II, 126.
E
Earth-Nut Oil, I, 326.
East-India Myrrli, I, 274.
East-Indian Kino, I, 384.
Eau de Pleurs d’Oranger, I, 229, 230.
— de Goudron, II, 410.
Ebénacées, II, 38.
Ecballinc, I, 823.
Ecballium, I, 522, 325, 820.
— Elaterium , I, 526.
— officinale , I, 526.
Ecboline, II, 609.
Echicaoutchino, II, 70.
Echicérine, II, 71 .
IIIST. UES DROGUES, T. II.
641
Echinas, II, 333.
— philippinensis, II, 238, 333.
Echirétine, II, 70.
Echitéine, II, 71.
Echites scho/aris , II, 69.
Echitinc, II, 71.
Ecorce d’Alstonia, II, 69.
— d'Angusture, I, 201.
— de Bibiru, II, 203.
— de Cannelle, II, 224.
— de Cannelle blanche, I, 37, 41.
— de Cascarille, II, 313.
— de Cassia lignea, II, 238.
— de Chêne, II, 360.
— de Copalchi, II, 317.
— de Frêne, II, 60.
Ecorce de Garou, II, 273.
Ecorce de Grenade, I, 517.
— indienne de Berberis, I, 84.
Ecorce de Jaborandi, I, 284.
Ecorce de Margosa, I, 298.
— de Mézéréon, II, 271.
— de Mélèze, II, 393.
— de Mudar, II, 74.
— d’Oranges amères, I, 226.
— d’Orme Champêtre, II, 299.
— d’Orme rouge, II, 302.
Ecorce du Pérou, I, 607, 613.
Ecorce de Prunus serotina, I, 452.
— de Quinquina, I, 594.
Ecorce de Quinquina Calisaya, I, 614, 615,
621.
— •— d’Arica, I, 621.
— — de Bolivie, I, 621.
— — de Carabaya, I, 621.
— — de Cartbagène, I,
616, 620.
— — de Colombie, I, 616
021.
— — de Cusco, I, 621.
— — d’Huamalies, I, 621.
— — d’Huanuco, I, 021.
— — de Jaën, I, 631.
— — de Lima, I, 621.
— — de Loxa, 1, 619, 020.
— — de Loxa fausse, 1,621.
— — de Maracaïbo, 1,621.
— — de Palton, I, 620.
— — de Pitaya, 1,610,620,
. 623.
— — deSanta-Anna, 1,621.
— — grise, 1,621.
— . ~ jaune, I, 614, 621.
— — molle deColombic,I,
020.
41
HU<: ANALYTIQUE.
012
Ecorce de Quinquina pille, I, 013, 020.
— — rouge, 1,615.
— — rouge de Cusco, 1,
020.
— — royale, 1, 020.
— — royale cendrée, 1,020.
Ecorces de Quinquina non employées en
pharmacie, I, 015.
Ecorce de Racine de Grenadier, I, 520.
Ecorce de racine de Mudar, II, 74 ■
— rouge, I, 599.
Ecorce de Simarouba, 1, 243, 244.
— de Soymida, I, 301 .
— de Winter, 1, 42, 43.
Ecorce de Winter fausse, I, 50.
— fausse d’Augusture, I, 205.
Ecorces fausses de Quinquina, I, 022.
Edeltanne, II, 399.
Eibiscliwurzel, 1, 170.
Eichenrinde, II, 300.
Ein ou Engben, I, 430.
Eisenhutknollen, l, 14.
Eisenliutkraut, I, 22.
Elæis guiancnsis, I, 340.
Elaphrium, I, 277.
Elatéride, I, 525.
Elatérine, I, 523, 524.
Elatérium, I, 524, 525.
— Fruit, I, 522.
Elder Flowers, I, 580.
Elccampane, II, 1.
Eleme Figs, II, 277.
Elcmi, I, 201, 277, 278, 279, 280.
— africain, I, 285.
— de la Vera-Cruz, I, 283.
— de Maurice, 1, 284.
— du Brésil, I, 284.
— mexicain, I, 283.
— oriental ou africain, I, 285.
Elemiharz, I, 277.
Elettari, II, 445.
Elettaria, II, 455.
— Carclamu'm.um, II, 444, 448, 453t
— major, II, 444.
Elcusine Coracana, I, 434.
Eleuthera Bàrk, II, 313, 314.
Eleutheriæ Cortex, II, 314.
Ellébore noir, I, 1.
— blanc, II, 000.
Elm Bark, II, 299.
Elutheria, II, 318.
Embelia Ribes, II, 340.
Embryopteris ylutinifera , II, 38.
Emétine, 1, 037 .
Emodine, II, 205.
Empleclocladus, I, 443.
Ernplc.urum, I, 211.
— scrrulatum, I, 210.
Emulsine, I, 442.
Encens, I, 259, 286.
Encens américain ou commun, II, 384.
— commun, II, 384, 385.
— de Java, II, 41.
Engben, I, 430.
Enlnemi, I, 279.
Enhæmon, 1,278,279.
Entershah, I, 475.
Enula Campana , II, 1.
Enzianwurzel, II, 97.
Epacris , II, 37.
Epice Langue d’oiseau, 1, 499.
Epicéa, II, 400.
Epine de Cerf, I, 307.
Erable noir à sucre, II, 567.
Eranda, II, 318.
Erdnussol, I, 320.
Erechtites hieracifolia, II, 181.
Ergot d’Avoine, II, 012.
— de Froment, II, 612.
Ergot de Seigle, II, 001.
Ergot of Kye, II, 601.
Ergota, II, 001 .
Ergotine, II, 009.
Ergotinine, II, 611.
Ericacées, II, 35.
Ericinol, II, 37 .
Ericoline, II, 37.
Erigeron canadense , II, 181.
Erucastnan, I, 137.
Erucine, I, 141.
Eryt/iræa, II, 103.
— Cmtaurium, II, 104.
Erythrocentaurine, II, 17, 106.
Erythrorétine, II, 205.
Esérine, I, 339.
Essence d’Amaudes amères, I, 450.
Essence d’Andropogon, II, 575.
Essence d’Aspic, II, 171, 172.
Essence de Bergamote, I, 222.
Essence de Bigarade, I, 232.
Essence de Cajeput, I, 493.
— de Citron, I, 21S/220.
Essence de'Citron au Zeste, I, 220, 221.
— de Citronnelle, II, 575.
— légère de Clous de Girofle, I, 503.
— de Fenouil, I, 539.
— de Fenouil doux, I, 540.
de Géranium, I, 475 ; II, 575, 578.
— de Mélisse indienne, II, 575.
— de Moutarde, 1, 134.
643
TABLE
Essence de Namur, II, 577.
— de Nimnr, II, 577.
— de Néroli, I, 228, 229.
— de Pc lit- Grain, I, 229, 231.
— de Palmarosa, II, 578.
— de Portugal, I, 232.
— de Verveine, II, 575.
— de Verveine!" de. Nimàr, II, 576.
Essence de Roses, I, 46S ; II, 578.
Essence chinoise de Menthe poivrée, II,
177.
— japonaise de Menthe poivrée, II,
177.
— or Essential Oil of Bergamot, 1>
222.
— véritable d’Origan, II, 183.
Essential Oil or Essence of Lemon, I, 218.
Essigrosenbltitter, I, 462.
Eubrassica, 1, 137.
Eucalyptène, I, 516.
Eucalyptine, I, 517.
Eucalyptol, I, 513, 514, 516, 517.
Eucalyptolène, I, 516.
Eucalyptus, I, 360, 496, 514.
— corymbosa, I, 361.
— citrioclora, I, 361.
— gigantea, 1,361.
— globulus, I, 496, 512. 513, 514,
516, 517.
— obliqua, I, 360, 361.
— oleosa, I, 496.
— resinifera, I, 355.
— r os t ni ta, I, 361 .
— viminalis, II, 59.
Eugcnia, I, 507.
— caryopliyllata, I, 49S, 500, 507,
508, 511.
— Pimenta, I, 508, 511.
Eugénine, I, 503. ■
Eugénol, I, 503 ; II, 235.
Eulopkia, II, 461.
— campes tris, II, 461.
— herbacea, II, 461.
Euphorbes, II, 307.
Euphorbia, II, 307.
— Beaumierana, II, 305.
— canariensis , II, 305.
— resinifera, II, 71,^04, 305,307.
EupJtORDIACÉES, II, 304.
Euphorbium, II, 304.
Euphorbone, II, 3|, 306.
Eupione, II, 409.
Euryangium, I, 556.
— Sumbul, I, 553, 556.
Exacum, 11,104.
ANALYTIQUE.
Exogonium Pur y a, II, 000.
Expressed Oil of Nulmegs, II, 220.
Extractum Conii, I, 536.
— Glycyrrhizæ, I, 325.
— — italiçum, I, 322.
F
Faba calabarica, I, 335.
— Physostigmatis, I, 335.
— Sancti Ignntii, II, 88, 89.
Fagus sylvatica, II, 412.
Farine de Moutarde, I, 130, 141.
de Pommes de terre, II, 427.
Farn Wurzel, II, 589.
Fausse écorce de Winter, I, 45.
Faux Ipécacuanha, I, 648.
— Pareira Brava commun, I, 67 6S.
Feigen, II, 275.
Fenchel, I, 537.
Fennel Fruits, I. 537.
— Seeds, I, 537.
Fenouil amer, I, 540, 541.
— commun, I, 541.
— d’Allemagne, I, 539.
— de Chine, I, 52.
— de Saxe, I, 539.
— doux, I, 538, 541.
— indien, I, 539.
— romain, I 538.
— sauvage ou amer, 539.
Fenugreck, I, 342.
Fern Root, II, 589.
Feronia, I, 432.
— asinifolius, I, 432.
— Elephant/ium, I, 236, 428, 432.
Ferreirea spectabiiis, I, 156.
Ferula, I, 556, 571.
— alliacea, 1, 558.
— Asafæticla, I, 558, 565.
— Aucheri, I, 570.
— erubescens, 566, 570.
— galbaniflua, I, 566, 570.
— gommosa, I, 570.
— Nartex, I, 557, 565 .
— rubricaulis , I, 506, 570.
— Sumbul, 555.
— teterrima, I, 556.
— tingitana, 572.
Ferulago galbanifera, I, 565.
Festucæ velStipites Caryophylli, I, 505.
Feuilles d'Aconit, I, 22.
— de Belladone, II, 133.
— de Buchu, I, 206.
TABLE ANALYTIQUE.
GU
Feuilles de Busserolle, II, 352.
— de Ciguë, 1, 535.
— de Digitale, II, 158.
— d'Eucalyptus, I, 512.
Feuilles de Girofle, 1, 506.
Feuilles de Jaborandi, 1, 252.
— de Jusquiame, II, 146.
— de Laurier-Cerise, 1, 455.
— de Séné, I, 389.
— de Tabac, II, 150.
— de Tylophora, II, 79.
Fève de Calabar, I, 335.
Fève de Puchury, II, 270.
Fève de Saint-Ignace, II, 88.
Fichte, II, 400.
Ficlitenliarz, II, 400.
Fichtentheer, II, 406.
Fici, II, 275.
Ficus, II, 278.
— Carica, II, 273, 278.
Figs, II, 276, 276.
Figues, II, 275.
Figues de Smyrne, II, 277.
— de Grèce, II, 277.
Filixoline, II, 592.
Fingerhut bliilter, II, 156.
Flake Manna, II, 51.
Flax Seed, I, 188,
Fleurs d’Arnica, II, 20.
— de Camomille, II, 9.
— de Coquelicot, I, 91.
— de Cousso, I, 458.
— de Lavande, II, 167.
— de Mauves, II, 181.
— de Sureau, I, 586.
Fliederblumen, I, 586.
Flô de Queynel, II, 246.
Flor de Cannelle, II, 246.
Flores Anthemidis, II, 9.
— Brayeræ, I, 458.
— Cinæ, II, 13.
— Koso, I, 458.
— Lavandulæ, II, 167.
— Rhæados, I, 91.
— Rosæ pallidæ vel incarnatæ, 466.
— Rosæ rubræ, 462.
— Sambuci, I, 586.
— Stcechados, II, 172.
Floxglove Leaves, II, 156.
Flüssigcr Slorax, I,'.4 81 .
Fœnicuium , I, 540.
— dulcc , I. 538.
— Panmoiium, 1,539.
— sinense, I, 53.
— vulgarc, I, 537, 540.
Fœnum Camclorum, II, 579.
— gnecum, 1, 343.
F6Tal, II, 486.
Folia Aconiti, I, 22.
— Bclladonæ, II, 138.
— Bucoo, 1, 206.
— Bucliu, I, 206._
— Conii, I, 535.
— Digüalis, II, 156.
— Ilyoscyami, II, 146.
— indica, II, 246.
— Lauro-Cerasi, I, 455.
— Malabathri, II, 246.
— Sennæ, I, 389.
— Tabaci, II, 150.
— Tylopboræ , 11,79.
— Uvæ Ursi, II, 35.
Folliculi Sennæ, I, 391.
Fool’s Parsley, I, 537.
Foot Benzoin, II, 43.
Fougères, II, 589.
Fougère mâle, II, 589.
Frankincense, II.
Fraxétine, II, 53.
Fraxine, II, 51, 53, 61 .
Fraxinelle, I, 248.
Fraxinns, II, 59.
— Bungeana, II, 48.
— europæa, II, 48.
— excelsior, II, 48, 60.
— Ornus; II, 48. 42, 51, 59.
— rotunclifolia , II, 60.
Frêne amer, I, 237.
— commun, II, 60.
Fructus Ajowan, I, 542.
— Anetlii, I, 576.
— Anisi, I, 550.
— — stellati, I, 51.
- Belæ, I, 233.
— Gapsici, II, 129.
— Cardamomi, II, 444.
— Caricæ, II, 275.
— Carpesiarum, II, 358.
— Carui, I, 545.
— Cassiæ fistulæ, I, 398.
— Cocculus, I, 76.
— Colocynthidis, I, 526.
— Coriaudri, I, 579.
— Cubebarum, II, 348.
— Cumini, I, 582.
— Cymini, I, 582.
— Diospyri, II, 38.
_ Ecballii, I, 522.
— Elatherii, I, 522.
— Fœniculi, I, 537.
TABLE ANALYTIQUE.
Fructus Ilibisci esculenti, I, 181.
- Ilordei.-II, 570.
— Juniperi, II, 413.
— Limonis, I, 212.
— Mori, II, 280.
— Papaveris, I, 94.
— Pimenlæ, I, 508.
— Piperis Cubebæ, II, 345.
~ Piperis longi, II, 343.
— Piperis nigri, II, 334 .
— Pruni, I, 450.
— Rhamni, I, 304.
— Rosæ caninæ, I, 476.
— Sabadillæ, II, 530.
— Tamarindi, I, 402.
Fruits d’Ammi, I, 542.
— d’Aneth, I, 576.
— d’Anis, I, 550.
— de Bêla, I, 233.
— de Cardamome, II, 444.
Fruits du Caneficer, I, 398.
Fruits de Carvi, I, 545.
— de Ciguë, I, 532.
— de Coloquinte, I, 526.
— de Coriandre, I, 579.
— de Cumin, I, 582.
— de Cynorrhodon, I, 476.
— de Diospyros, II, 38.
— d’Ecballium, 1,522.
— de Fenouil, I, 537.
— du Genévrier, II, 413.
— de l'Anis Étoilé, I, 51.
— de l’Hibiscus esculentus, I, 181.
Fruits de Luzon, II, 89.
Fruits de Nerprun, I, 304.
Fruits of the Dog-Rose Hips, I, 47G.
Fucus amylaceus, II, 615.
— crispus, II, 612.
— hibernicus , II, 612.
Fucusol, II, 614.
Fuh-Iing, II, 557.
Fung-heang, I, 490.
Furfurol, II, 409.
Fusanus spicatus, II, 505.
Fusti, I, 505.
G
Gala, II, 108.
Galactodendron utile, II, 71.
Galanga majeur, II, 442.
— mineur, IL
Galangal, II, 440.
Galbanum, I, 565, 506.
645
Galbanum persan, I, 566.
Galgnnt, II, 440.
Galipea, I, 203.
— Cusparia, I, 201, 204, 205.
— officincilis, I, 201.
Galipot, II, 381, 383, 384.
Gallæ Halepenses, II, 364.
— Turcicæ, II, 364.
Gallttpfei, II, 364.
Galles d’Alep, II, 304.
Galles blanches, II, 366.
— bleues, II, 366.
— vertes, II, 366.
— do Bokhara, II, 370.
Galles de Chine ou du Japon, II, 368.
— de Pistachier, II, 370.
— de Tamarix, II, 370.
Galls, II, 364.
Gambia Kino, I, 559.
Gambier, I, 433, 589.
Gambier Catechu, I, 589.
Gambir, I, 589.
Gamboge, I, 160.
Gambogia, I, 160.
Ganja, II, 285, 286.
Ganphora, II, 252.
Gants de bergère, II, 160.
— de Notre-Dame, II, 150.
Garcinia, I, 163, 164.
— indicci, 1, 167, 169.
— Morella, I, 160, 163, 164, 105,
167, 169.
— pictoria , I, 104, 165.
— purpurea.,1, 167.
— travancorica, I, 105.
Gardamomum majus, II, 454.
Garden Tliyme, II, 182.
Gaz Alefi, II, 56.
— Anjabin, II, 56.
— Khonsari, II, 56.
Gelbvvurzel, II, 435.
Gelée végétale, I, 406.
Gelose, II, 615.
Gelsemina, II, 96.
Gelsémine, II, 90.
Gelsemiurn , II, 93.
— nitidum, II, 93.
— sempervirens, II, 93.
Gcmeines Terpenthin, II, 378.
Genêt à balais, I, 312.
Genesta, I, 312.
Genostra, I, 312.
Gcneva, II, 414.
Genévrier commun, II, 4 16.
Genièvre, II, 414.
G10
TABLE ANALYTIQUE.
Genista, I. 312.
Gentian Rool, II, 97.
Gontiana, II, 98, 100.
— Chirayta, II,
— lutea, II, 97, 98, 100.
— pannonica, II, 100.
— punctata, 11,100.
— purpurea, II, 98, 100.
Gentianacêes, II, 97.
Genlianine, II, 99.
Gentiogénino, II, 99.
Gentiopicrine, 11, 98, 99.
Gentisine, II, 99.
Germer, II, 523.
Gerollte Gerste, II, 570.
Gerstegrauf'en, II, 570.
Geura urbanum, II, 20.
Gewiirznelken, I, 498.
Gliitta Jemou, I, 161.
Ghittaiemou, I, 161.
Ghyùl-Yùghi, I, 468.
Giaggiolo, II, 473.
GifUatticli, II, 26.
Gigartina acicularis, II, 614.
— mamillosa, II, 614.
Gilead Fir, II, 394.
Gin, II, 414.
Gingel Oil, II, 163.
Gingembre, II, 434.
— cortiqué, II, 432.
— d’Afrique, II, 432.
— de Coohin, II, 432.
— décortiqué, II, 432.
— de la Jamaïque, II, 432.
— vert, II, 431.
Ginger, II, 429.
— Grass Oil, II, 378.
Gingili Oil, II, 163.
Ginnie Pepper, II, 131.
Giroflier royal, I, 501.
Gizi, I, 398.
Glandes de Houblon, II, 296, 298.
Glandulæ Humuli, II, 296.
— Rottleræ, II, 328.
Glaucium, I, 97.
— flavum, I, 131.
Gliquiricia, I, 317.
Glycyrrétine, I, 319.
Glycyrrhiza, I. 317, 320.
— echinata, I, 316.
— glabra , I, 315, 316, 318, 320,
322.
— (jlanduUfera, I, 315, 318.
— typica, I, 315.
Glycyrrhizine, I, 319.
Gobelets amers, 1, 238.
Gombo, I, 181.
Gomme adragante, I, 346*
Gomme de Syrie, I, 350.
Gomme arabique, I, 419, 420.
Gomme blanche du Sennaar, I, 424.
— commune, I, 350.
— d'Arabie, I, 421.
— d’Australie (Wattle Gum), 1, 425.
— de Barbarie, I, 424.
— de Caramanie, I, 352.
— de Feronia, I, 428.
— d’Hashabi, I, 422.
— de Jiddali, I, 422.
— de l’Inde orientale, I, 425.
— de l’Olivier d’Ethiopie, I, 278.
— de Mogador, I, 424.
— de Mosul, I, 352.
— de Suakin, I, 422, 423, 424.
— de Talca ou de Tailla, I, 424.
— du Cap, I, 425.
du Maroc, I, 424.
— du Pérou, I, ICI.
— du Sénégal, I, 424.
— Elempni, I, 275.
— en feuilles, I, 349.
— en plaques, I, 349, 350.
— en vermisseaux, I, 349 .
Gomme-Résine Ammoniaque, I, 571.
— Résine d’Euphorbe, II, 304. .
— Gutte, I, 160.
Gomme vermiculée, I, 350.
Gommi Elempnij, I, 278.
Goudron de Bouleau, II, 412.
— de Genévrier, II, 411.
— de Hêtre, II, 412.
Goudron végétal, II, 400.
Gourd, II, 319.
Gracillaria iichenoïdes, II, 615.
Graines de Beurre, I, 141.
— do Cardamome, II, 452.
Graines de Bonduc, 1, 380.
— de Cévadrille, II, 530.
Graines de Chanvre, II, 285.
Graines de Croton Tiglium, II, 308.
— de Cynocarde, I, 146.
— de Lin, 1, 188.
— de Moutarde Blanche, I, 138.
— de Moutarde Noire, I, 132.
— de Paradis, II, 456.
— de Ricin, II, 318.
— de Staphisaigre, I, 10.
— de Stramoine, II, 143.
Graines de Tilly, II, 308.
— des Moluques, II, 308.
TABLE ANALYTIQUE.
Graines d’Ispaghula, II, 192.
Graines du Cniquicr, I, 380.
Graines et feuilles de Daturaalba, 11, I 4 4 •
Graines noires, I, 35.
Grains of Paradiso, II, 450.
Graminées, II, 538.
Grana Paradisi, II, 450.
Granatill, II, 308.
Granatine, I, 522.
Granatscbalen, I, 517.
Granalwurzelrinde, I, 820.
Grand Ipecacuanha sl.rié, I, 049, 053.
— Ricin ordinaire, II, 326.
Grande Chélidoine, I, 131.
— Ciguë, I, 535.
— Eclaire, I, 131.
Grass Oil, II, 575.
Grass Oil of Nimar, II, 37G.
Grasswurzel, II, 580.
Greater Galanga, II, 442.
Greenheart, II, 203.
Greenheart Bark, II, 203.
Grey Nicker Seeds or Nuts, 1, 3S0.
Greyne Paradijs, II, 456.
Grieswurzel, I, 63.
Griffes de Girolle, I, 505, 500.
Gros Chiendent, II, 582.
Ground Nut Oil, I, 320.
Guaiacène, I, 201.
Guaiacol, I, 201.
Guaiakharz, I, 198.
Guaiakholz, I, 194.
Guaiacum, I, 194, 197.
— officinale, I, 194, 195, 197, 19S,
199.
— sanction, I, 194, 193, 197, 199.
Guaiacum Resin, I, 198.
— Wood, I, 194.
Guajol, I, 201.
Guanti di Neroli, I, 229.
Cuayacan, I, 194.
Guaza, II, 285.
Guilandina Bonducclla , I, 380.
Guinea Grains, II, 4 56.
— Pepper, II, 129.
Gula, II, 560.
Gulancha, I, 81.
Gule-Pistah, II, 370.
Gum Arabie, I, 419.
— Benjamin, II, 40, 44.
— Euphorbium, II, 304.
— Kino, I, 354.
— of tlie Palas or Drak Trec, I, 358.
— Tragacanlh, I, 346.
Gummi Acacia?, I, 419.
Gummi Acantliinum, 1, 421.
— Arabicum, I, 419.
— Elemi, I, 278.
Gambogia, 1, 100.
_ Gutti, I, 160.
Gummi- Résina Ammoniacum, I, 571.
— Galbanum, I, 565.
— Olibanum, I, 259.
Gummi Tragacanlha, I, 340.
Gum Tlius, II, 381, 384.
G ura, II, 500.
Gurâgi, II, 454.
Gurjun Balsam Wood Oil, I, 170.
Gulla Gamba, I, 160.
Gutta Gambier, I, 590.
Guttifères, I, 100.
Gutti Gummigutt, 1, 160.
Guvâca, II, 485.
Gynocarde, I, 146.
Gynocardia odornta, I, 146, 1 47, 148.
H
Habbunnil, II, 123.
Habhal-habaslii, II, 454.
Hæmatoxylon Campeckianum, I, 3S4.
Hagebutten, I, 470.
Hagenia, I, 458, 462.
— abyssinica, I, 458, 462.
Ilala-Jira, I, 35.
I-Ianebane, II, 149.
Hanfkraut, II, 282.
Hardwickia, 1, 415.
Ilartsthorn, I, 305.
Ilashab, I, 419.
Hashabi el Jésiré, I, 422.
Hashih, II, 285.
Head Benzoin, II, 43.
Hebbackbade, I, 274.
Hedeoma pulegioides, II, 181.
Heera-Çol, I, 270, 274.
Heil, II, 454.
Helbeb, I, 344.
Hélénine, II, 3.
Hellébore blanc, II, 528.
— vert, I, 4.
ITelléboréine, 1,4.
Helléborésine, I, 3.
Ilelléborétine, I, 4.
llelléborine, I, 3.
Il elle borus, I. 5, 9.
— niger, I, 1, 5.
— fœtidus, I, 2.
— orientais, I, 2.
TADLE ANALYTIQUE.
Iliôblc, I, 588.
llill Colocynth, I, 5-29.
Hiltit, I, 559.
048
Helleborus ponticus, 1,2.
— purpurascens , I, 2.
— Teeta, I, 9.
— trifolius , I, 10.
— viridis, I, 2.
Helonias frigida, II, 527.
Ilématéine, I, 380.
Ilématinc, I, 38G.
Hématoxyline, I, 380.
Ilemidesmus, II, 74.
— indiens, II, 72, 74.
Ilemidesmus Root, II, 72.
Hcmiock Leaves, 535.
— Sprucc, II, 395.
Henbane Leaves, II, J 46.
Ilérapathite, I, 625.
Ilerba Aconiti, I, 22.
— Andrographidis, II, 161 .
— Anthos, II, 185.
— Cannabis, II, 282.
— Chirettæ vel Cbiraylæ, II, 101.
— Ilydrocotyles, I, 530.
— Lactucæ virosæ, II, 26.
— Lobeliæ, II, 32.
— Matico, II, 354.
— Melissæ ofïïeiualis, II, 188.
— Menthæ piperitæ, II, 175.
— Menthæ viridis, II, 172.
— Nicotianæ, II, 150.
— pedicularia, 1, 10.
— Pulegii, II, 181.
— Rosmarini, II, 185.
— Rutæ, I, 245.
— , Sabinæ, II, 417.
— sanguinaria, I, 32.
— Schœnanthi, II, 579.
— Scoparii, I, 312.
— Stramonii, II, 140.
— Tbymi vulgaris, II, 182.
Herbe aux Cuillers, I, 145.
— aux Gueux, I, 34.
— des chevaux, II, 149. .
Hermodactvle, II, 537.
— amer, II, 537.
Herpestes, I, 257.
— colubrina , I, 257.
— gratioloides, I, 257.
— Monniera, I, 257.
Herva de Nossa Senhora, I, 65.
I-Iespéridine, I, 215, 228.
Ilexcnmehl, II, 585.
Hibiscus, I, 183.
— abclmoschus, I, 183, 184.
— esculentus, I, 18 L, 182, 183.
— longifolius, 1, 183.
Il in g, I, 562, 564.
Hingra, I, 5G2, 564.
Hips, I, 476.
Hirsclifeldia,, 1,137.'
Ilohng nàn, I, 205, 206.
llærnatoxylon, I, 388.
— Campcchianum, I, 388.’
Ilog Gum Tragacantb, I, 352.
ilolcus saccliaratus, II, 568.
Holunderbliilhe, 1, 586.
Holztheer, II, 406.
Ilonglane, I, 7.
Ilopfen, II, 291.
Hopfenbittersaüre, II, 297.
Ilopfendriisen, II, 296.
Hopfenstaub, II, 296.
Hops, II, 291.
Hordeum, II, 374.
— disticlium, II, 570, 574.
— hexasticlion, II, 574.
— vulgare, II, 574.
Hordeum decorticatum, II, 570.
— perlatum, II, 570.
Horse-Radish, I, 142.
Houblon, II, 295.
— commun, II, 295.
Huile blanche de Thym, II, 183.
— rouge de Thym, II, 183.
— d’Amandes, I, 449.
— essentielle d’Amandes amères, 1,449.
— d’Andirova, I, 409.
— d’Arachide, I, 326.
— de Bois, I, 170, 171, 414, 415.
— de Cade, II, 411.
— de Camphre, II, 254.
— de Camphre de Bornéo, II, 259.
— de Camphre de Formose, II, 260.
Huile de Garcinia, 1, 167.
Huile de Goudron, II, 412.
Huile d’Olive, II, 61.
Huile de Pistaches, I, 326.
— de Roses, I, 468.
— de Sassafras, II, 270, 410.
Huile de Sésame, II, 163.
Huile essentielle d’Ecorce d’Orange, I,
232.
— essentielle de Feuilles de Cannol-
lier, II, 235.
— essentielle de Racine de Cannol-
lier; II, 235.
— d’Oüvc fermentée, II, G3.
— — tournante, II, 63.
TABLE ANALYTIQUE.
Huile d’Olive d’enfer, II, 63.
— _ vierge, II, 63.
Hunnclus, II, 295.
Lupulus, II, 291, 295, 296.
Hwaug-lien, I, 7.
Ilj/dnocarpus, 1, 146.
— inebrians, I, 148.
— veiienata, I, 148, 149.
— Wightiana , I, 148, 149.
Hydrate de cubébine, II, 350.
Hydrocotarnine, I. 119.
Hydrocotyle, I, 530.
— asiatica , I, 530, 531.
— rotundifolia , I, 531.
— vulgaris, I, 531.
llydro-éiatérine, I, 525.
Hydrokinone, II, 36.
Hydrure de cannabène, II, 286.
Ilyoscine, II, 149.
Hyoscyamine, II, 148.
Hyoscyamus, II, 149.
— albics, II, 149.
— insanus, II, 149.
— niger, I, 544 ; II, 146, 147,
149.
1
Iceland Moss, II, 596.
Icliu Cascarilla, I, 597.
Icica, I, 277, 278, 284, 2S6, 287.
— Abilo , I, 277.
— altissimci, 1,284,286,287.
— Aracouchini, I, 286.
— Carana, I, 287.
— gidanensis, I, 284, 286.
— heptaphylla, I, 284, 286.
— heterophylla, I, 284, 286.
— Icicariba, I, 284, 286.
— Tacamahca, I, 287.
Icicariba, I, 286.
Idris Yaghi, I, 475; II, 578.
Igasur, II, 88.
Igasurine, II, 85.
Ignatia amara, II, 88.
Ignatiana phiiippinica, II, 88.
Ignatiusbohnen, II, 88.
Ilâchi, II, 445.
lllicium , I, 54.
— anisatum , I, 51, 54, 55, 552.
— floridanum, I, 55.
— japonicum, I, 51.
— ptXrviflorum, I, 55.
— religiosum , I, 51, 55.
— Sanki, I, 55.
649
Indien Aconito Root, I, 24.
— Baol,' I, 233.
— Barberry Bark, I, 84.
— Grass Oil, II, 575.
— Hemp, II, 282.
— Hydrocotyle, I, 530.
— Liquorice, I, 330.
— Pennywort, I, 530.
— Pink Root, II, 90.
— Poke, II, 528.
— Sarsaparilla, II, 72.
— Tobacco, II, 32.
-Ingwer, II, 429.
Inimboja, I, 381.
Inimbôy, I, 381.
Inosite, II, 24, 160.
Inula Conyza, II, 160.
— Helenium, I, 162 ; II, 1,*5, 160.
Inuline, II, 4, 24.
Inuloïde, II, 4.
Iodo-sulfate de quinine, I, 625.
Ionidium, I, 649.
Ipecacuan, I, 641.
Ipéoacuanha, I, 649.
— de Carthagène, I, 646.
— des mines d’or, I, 654.
— de pays, II, 79.
— ondulé, I, 650, 655.
— strié du Pérou, I, 654.
— strié gris cendré glyeyrrhizô,
I, 653.
— strié mineur, I, 653, 654.
— strié noir ou dur, I, 649,
653, 654.
— violet ou mou, I, 649, 653.
Ipecacuanha Root, I, 641.
Ipéca sauvage, II, 79.
Ipomœa, II, 121.
— dissecta, I, 449.
— Jalapa, II, 115.
— orizabcnsis, II, 110, 119, 122.
— Purga , II, 114, 120, 121.
— simulans, II, 120, 121.
Iridacées, II, 471.
Iris, II, 476.
— florentina, II, 472.
— germanisa, II, 471, 472, 476.
— nepalensis, II, 474.
— pallida, II, 471, 472.
— Pseudracorus, II, 499.
Irish Moss, II, 612.
Irlilndisches Moss, II, 612.
Islipingo, II, 246.
Isinen ou Isen'en, I, 391.
Islandisches Moss, II, 596.
TABLE ANALYTIQUE.
650
Isocajuputène, I, 495.
Isolusine, I, 152.
Ispaglnïl, II, 193.
Ispaghül Seeds, II, 192.
ltalian Extrac of Liquorice, I, 322.
Itr-yàghi, I, .iG8.
.1
Jaborandi, 1,250, 257, 258.
Jaborandino, I, 256,259.
Jadvâr, I, 2C.
Jaffna Moss, II, G15.
Jaggcry, II, 5G7.
Jalap, II, 114.
Jalap blanc, II, 1 15.
— fusiforme, II, 119.
— de Tampico, II, 120, 121.
— ligneux, II, 119.
— mâle, II, 110, 119.
— Sta'.ks, II, 119.
— tops, II, 119.
Jalape, II, 114.
Jalapine, II, 110, 118, 1 19.
Jalapinol, II, 120.
Jamaica Pepper, I, 508, 509.
— Quassiaholz, 1, 23G.
— Winter’s Bark, I, 38.
Jateorhiza, I, 62.
— Columba, I, 58, 62, 82.
— Miersii, I, 58.
— palrnata, I, 58.
Jaune de Gayac, I, 200.
— de Rhubarbe, II, 204. .
Jernang, II, 491.
Jervine, II, 526.
Jeukbol, II, 523.
Jinjili Oil, II, 163.
Jordan Almonds, I, 441, 445.
Jouz-masal, II, 145.
Juckborsten, I, 333.
Jujubæ gallicæ, I, 308.
Jujubes, I, 308.
Juncus odoratus , II, 579.
Juniper Berries, II, 413.
Junipérine, II, 416.
Juniperus Oxycedrus , II, 411.
Jîiniperus, II, 416.
— communis, II, 413, 414, 416.
— nana, II, 414.
— pliænicea, II, 419.
— Sabina, II, 417, 419.
— virginiana, II, 419.
Jus de Citron, I, 218.
— de Réglisse, I, 322.
Ju-siang, I, 262.
Jusquiame, II, 149.
Justitiapaniculata, II, loi.
K
Kababah, II, 346.
Kaddigbeercn, II, 413.
Kaimak, II, 108.
Kakul, I, 419.
Kaladana, II, 122.
Kalmia lati folia, II, 37.
Kalmus, II, 496.
Kalumb, I, 59.
Kalumbawurzel, I, 58.
Kaml-i-Angüza, I, 561.
Kamà-i-Gawi, I, 561.
Kamala, 11, 328.
Kamânan, II, 40.
Kamayan, II, 40.
Kamela, II, 328, 329.
Kami, I, 421.
Klimpféride, II, 442.
Kanbil, II, 328.
Kaneel, II, 224.
Kami, II, 559.
Ivandat, II, 559.
Ivano, I, 355, 359.
Kan-yan, II, 40.
Kapila ou Kapila-podi, II, 329.
Karawya, I, 546.
Karigas, II, 276.
Kariyat ou Creyat, II, 161.
Kàslni ou Kàchu, I, 434.
Katta Ivambu, I, 590.
Kau-liang-kiang, II, 440.
Kayu-puti Oil, I, 493.
Kentrosporium , II, 607.
Khassuih, I, 566.
Khdvl, II, 579.
Kliorâsâni Ajwau, I, 545.
Khulanjan, II, 440.
Khus yatu’l kalb, 461.
Klius yatu's Salab, II, 461.
Ki skêh liiang, I, 499.
Kian-kwang, I, 160.
Kikar, I, 420.
Kinkina urens, I, 44.
Kinnah, I, 567.
Ivino, I, 354.
— d’Afrique ou de Gambie, I, 359
— d'Australie, I, 360.
— de Bulea, I, 358.
— d’Eucalyplns, I, 161, 360.
— du Bengale, I, 358.
651
TABLE AN
Kinonc, II, 30.
Kirütta-tikta, II, 101.
Kirschlorbeerbliltter, I, 433.
Kiwach, I, 334.
Klatscbrosen, I, 91.
Knorpeltang, II, 612.
Kokkelskôrner, I, 70.
Kokum Butter, I, 107.
Kom-yan, II, 40.
KBnigschina, I, 614.
Kordofan Gummi, I, 419.
Koriander, I, 379.
Kosine, I, 400.
Koso, I, 458.
Kosso, I, 458.
Koussine, I, 400.
Kousso, I, 458.
— rouge, I, 460.
Krameria, I, 156.
— argentea, I, 158, 139.
— cistoidea, I, 158.
— granatensis, I, 157.
— grandi folia, I, 157.
— Ixina, I, 157.
— secundiflora , I, 158.
— tomentosa, 157, 159.
— triandra , I, 153, 154, 158, 159.
Krausemünzôl, II, 174.
Kren, I, 142.
Krenai, I, 142*.
Kréosol ou Créosol, I, 201.
Kreuzdornbeeren, I, 304.
Kreuzkümmel, I, 582.
Küchensehelie, I, 31.
Kümmel, I, 545.
Kunkumas, I, 474.
Kurkuma, II, 435.
Kut ou Kâth, I, 435.
Kutakan, I, 530.
Kwei, I, 220.
Kyphi, I, 269, 288, 310, 343.
L
•
Labiées, II, 167.
Laburnine, I, 315.
Lacrima Papaveris, I, 97.
Lactuca, I, 97 ; II, 27, 28.
— attissima, II, 28.
— elongala , II, 28.
— saliva, II, 20, 27, 28.
— Scario'la, II, 26, 27, 28.
— virosa, II, 26, 27, 28.
Lactucarium, II, 27, 28.
Lactucérine, II, 31.
.VIATIQUE.
Lactuciuc, II, 31.
Lactucone, II, 31.
Lactucopicrine, II, 31.
Ladenbergia, I, 022.
Laitue vircuso, II, 20.
Lakriz, I, 322.
Lakrizwurzel, I, 315.
Lauger oder Rômisclier Kümmel, I, 382.
— Pfeffer, II, 343.
Lanthopine, I, 120.
Laque d’insectes, I, 420.
Larch Bark, II, 393.
— Turpentine, II, 389.
Larga, II, 390.
Larix commuais, II, 392.
— decidua, II, 392.
— europæa, II, 389, 392.
— excelsa, II, 392.
— sibérien, II, 406.
— pyramidalis , II, 392.
Larixine, II, 394.
Laser, I, 559.
Laserpitium Chir onium , I, 570.
Latakié, II, 154.
Laudaninc, I, 119.
Laudanosine, I, 119.
Lauracées, II, 224.
Laurel Camphor, II, 249.
Laurier-Cerise, I, 455.
Lauro-Cerasus, I, 443.
Laurus Camphora, II, 249.
— Cubeba, II, 352.
— Sassafras, II, 2GG.
Laiisesamen, I, 10 ; II, 530.
Lavandelblumen, II, 167.
Lavander- Flowers, II, 167.
Lavandula, II, 172.
— Spica, II, 168, 171.
— Stœchas, II, 171.
— vera, II, 167, 168, 170, 171.
Ledebouria hycinthina, II, 523.
Ledum, II, 37.
Légumineuses, I, 312.
Leinsamen, I, 188.
Lemon, 212, 217.
— Oil, II, 575,
l.eontodon hispidus, II, 24.
— Taraxacum, 11, 21.
Leontodonium, II, 23, 24.
Lettuce Opium, II, 28.
Leucosinapis, 1, 137.
Leu-sung-kwo, II, 89.
Levantische oder Aleppiscbe Gallcii, II,
304 .
Levisticum, I, 568,
652
TABLE ANALYTIQUE.
Lévoearvôl, I, 548.
Lévuliue, II, 24.
Lewa, I, 110.
Lian arabique, I, 34.
Liane Réglisse, I, 330.
Lichen d’Islande, II, 590.
Lichen Islandicus, II, 590.
Lichénino, II, 599.
Lichens, II, 590.
Lignum brasile, I, 388,
— Campechiauum, I, 384.
— campescanum, I, 384.
— Guaici, I, 194.
— Hæmatoxyli, I, 384.
— Pterocarpi, I, 303.
— Quassiæ, I, 330.
— sanctum, I, 194.
— Sanlali, II, 371.
— santalinum album velatrinum, II,
371.
— santalinum rubrum, I, 303.
— Sassafras, 206.
— tinctile campechense, I, 385.
— Vitæ, I, 194.
Liliacées, II, 500.
Limon, I, 212.
— Bergamotta, I, 223.
Limone, I, 212, 217.
Limonine, I, 215.
Linacéës,~I, 188.
Linoxyne, 1, 190.
Linseed, I, 188.
Linum, I, 192.
— cingustifolium, I, 188.
— usitatmimum, I, 188, 192.
Lippia citriodora, II, 570.
Liquid storax, I, 481 .
Liquidambar, I, 490.
— Altingia, I, 490, 492.
— altingiana , I, 492.
— formosana, I, 492.
— imberbe, I, 481.
— orieiitalis, I, 481, 482, 484,
490, 491, 492.
— styraciflua, I, 380, 482, 492.
Liquiritia, I, 317.
Liquor Picis, II, 410.
Liquorice, I, 317, 322.
— Root, I, 315.
Liriodendron Tulipifera, I, 57.
Lobélacrine, II, 34.
Lobelia in fiat a, II, 32, 34.
Lobéliacées, II, 32.
Lobeiiakraut, II, 32.
Lobélianine, II, 34.
Lobéle enflée, II, 32.
Lobéliine, II. 34.
Lobéline, II, 33.
Loblolly Pinc, II, 378.
Lobus ochinodes, I, 381.
— oblongus aromaticus, II, 4GG.
Loganiacées,!II, 81.
Logwood, I, 384.
Long Pepper, 343.
Lopez Root, I, 241.
Loranthacées, II, 371.
Lotos en arbre, I, 309.
Lôwenzahnwurzell, II, 21.
Loxa Bark, I, 013.
Loxachina, I, 013.
Lubân, I, 262, 264, 285.
— Bedowi, I, 200.
— Jàwi, II, 41.
— Matti, I, 201, 285.
— Meyeti, I, 201, 279, 285.
— Scheheri, I, 260.
Lukrabo, I, 147.
Lump Ammoniacum, I, 573.
— Dragon’s Blood, II, 492.
Lupulin, II, 296.
Lupulina, II, 290.
Lupuline, II, 294, 296, 297.
Lupulinic Grains, II, 296.
Lupulite, II, 297.
Lycium , I, 84.
Lycopode, II, 585.
Lycopodiacées, II, 585.
Lycopodium, II, 585, 587.
— annotinum, II, 587.
— clavatum, II, 585, 587.
— complanatum, 11,587
— inundatum, II, 587.
Lycorys, I, 317.
M
Macas, II, 213.
Mace, II, 222.
Macène, II, 224.
Macer, II, 213.
Machir, II, 213.
Macis, II, 222.
Macropiper, II, 343.
Macrotine, I, 30.
Magellanischer Zimmt, I, 42.
Magbrayt d’sheeharz, I, 200, 207.
Magioan, II, 305.
Magi-oun, II, 285.
Magistorium Opii, I, 117.
Magnolia Champaca, I, 57.
TABLE ANALYTIQUE.
65
Magnolia glauca, I, 57.
— grandiflora, I, 57.
Magnoltacées, I, 37.
Maha-tita, II, 152.
Mahmira, 1, 7.
Majun, II, 285.
Malabar Cardamoms, II, M L
Malabatlirum, II, 10.
Male Fern Rhizome, II, 380.
Male Fern Root, II, 589.
Mallaguetta, II, 156.
Mallotus, II, 328, 332, 333.
— philippinensis, II, 328, 333.
Malwn Cydonium, I, 231.
Malva, I, 181.
— sylvestris, I, 181.
— rotundifolia, 1, 181.
Malvacées, 1, 176.
Mambroni Chini, I, 7.
Mamiran, I, 7.
Mamirani Chini, I, 7.
Mànan, II, 10.
Manigete, II, 156.
Maniguette, II, 156.
Manikot utilissima , II, 119.
Manna, II, 18.
— a cannolo, II, 50.
— di corpo, II, 49.
— di foglia, II, 19.
— di fronda, II, 19.
Manne, II, 18, 19.
Manne d’Alhagi, II, 55.
— d’Australie, II, 59.
— de Briançon, II, 58.
— de Chêne, II, 57.
— de Lerp, II, 59.
— de Tamaris, II, 55, 56.
— en larmes, II, 51.
— en sorte, II, 54.
— orientale, II, 55, 56.
Mannitan, I, 630.
Mannite, I, 19; II, 52, 610.
Mannitose, II, 52.
Manonaog, II, 88.
Mappa, II, 333.
Maranta, 11,429.
— arundinacea, II, 121, 123, 129.
— indica, II, 121.
Marchandise noire, I, 98.
Margarine, II, Cl.
Margosa Bark, I, 298.
Margosine, I, 300.
Marmelos de Benguala, T, 231.
Marshmallow Root, 1, 176.
Mastic, I, 288.
Mastic do Bombay, I, 293.
— de l’Inde orientale, I, 293.
Mastiche, I, 288.
Masticinc, I, 292.
Mastix, I, 288.
Matico, II, 354, 356.
Matricaria Cliamomilla, I, 569.
— suaveolcns, II, 12.
Maulbecrcn, II, 280.
Mauves, I, 181.
May Apple, I, 87.
May’a, I, 182.
Meadow Anémone, I, 32.
Meadow Saffron Root, II, 531.
Mechoacan noir, II, 115.
Méconidine, I, 120.
Méconine, I, 119, 121.
Méconium, I, 98.
Meconopsis, 1, 132.
Meerrettig, I, 112.
Meerzwiebel, II, 520.
Mekonsaüre, I, 117.
Melaleuca, I, 196.
— ericifolia, I, 196 ,197.
— leucodenclron, I, 193, 497.
linarii folia, I, 196, 197.
— minor, I, 491, 197.
— Saligna, I, 197.
— viridiflora, I, 197.
Melanosinapis, I, 137.
Mélasse, II, 569.
Melegette, II, 456.
Meleguetta Pepper, II, 456.
Mélézitose, II, 58.
Melia Azadirachta, I, 301. -
— indica, I, 298. j
Méliacées, I, 298.
Melissa, II, 188.
— officinalis, II, 188.
Mélisse, II, 188.
Melissenkraut, 11, 188.
Mélitosc, II, 59.
Melligelta, II, 156.
Memeren, I, 7.
Mènispehmacées, I, 58.
Ménispermine, I, 78.
Menispermum Cocculus, I, 76.
— Colomba, I, 58.
— palmatum, I, 58, 62.
Mentha, II, 175.
— aquatica, II, 171.
— arvensis, II, 177, 181.
— crispa, II, 171.
— hirsuta, II, 175.
— javanica, II, 177.
TAULE ANALYTIQUE.
G54
Mentha piperita, II, 175.
— Pulcgium, II, 181.
— silvcstris, II, 173.
— viridis, II, 172, 173.
Monllia romana, II, 173.
Menthe blanche, II, 179.
— noire, II, 179.
Menthe poivrée, II, 175.
— Pouliot, II, 181.
— verte, II, 172.
Menthol, II, 177.
Mère de Girofle, I, 50G.
Mésite, II, 109.
MespilodapJme Sassafras, II, 270.
Mélastyrol, I, 485.
Methel, II, 83.
Melhi, I, 344.
Méthol, II, 409.
Méthylamiue, II, 610.
Méthylnornarcotinc, I, 119.
Méthyhydrokinone, II, 36.
Metrosideros , I, 496.
— albida, I, 497.
Meum, I, 568.
— Fœniculitm, I, 541.
Mezereon Bark, II, 271.
Middle states Snake-Root, 359.
Miel de Seigle, II, 602, 610.
— de Tamarix, II, 56.
Milia, I, 482.
Mimosa arabica, I, 430.
— Catecliu, I, 433.
— indica, I, 431.
— nilotica, I, 430.
— Suma, I, 433.
— Sandra, 1, 433.
Mifian, II, 40.
Mishmee, I, 8.
Mishmi Biller, I, 7.
— Tita, I, 7.
Mistura Amygdalæ, I, 443.
Mitlid Zahar, I, 26.
Moelle de Coloquinte, I, 528.
— de Sassafras, II, 269.
Mohnkapseln, I, 94.
Mohr Add, I, 267.
— Madow, I, 267.
Mohrenkümmel, I, 582.
Molasses, II, 569.
Momiri, I, 9.
Momordica Elaterium, I, 522, 526.
Monniera trifotiata, I, 257.
Monocotylisdones, II, 421.
Mora, II, 280.
Morada, 1, 598.
Morarius, U, 280.
Morelle grimpante, il, 126.
Moringa, 1, 269.
— ptcnjgosperma, I, 145.
Morphia, I, 117.
Morphine, I, 117, 119, 122.
Morphinum, I, 117.
Morphium, 1, 117.
Morung Elaehi, II, 452.
Morus, II, 282.
— alba, II, 280, 282.
— nigra, II, 280, 282.
Moschuswurzcl, I, 553.
Mosi, II, 597.
Mossa, II, 597.
Mountain Damson, I, 243.
Mousse d’Irlande, II, 612.
— perlée, II, 612.
Moutarde blanche ou anglaise, 1, 138
— des Allemands, I, 143.
— grise, I, 132.
— noire, I, 132.
Macuna, I, 334, 335, 340.
— pruriens, I, 333, 335-
— prurita, I, 333.
Mudar, II. 74.
Mudarine, II, 76, 77.
Mulberries, II, 280.
Mundubi, I, 327.
Mur, I, 270.
Mûres, II, 280.
Mus, II, 597.
Muscade, II, 213.
Muscadier, II, 221.
Muscus catharticus, II, 597.
— clavatus, II, 585.
— terrcstris, II, 585.
Muskalblülhe, II, 222.
Muskatbulter, II, 220.
Muskatnuss, II, 213.
Muskatnussôl, II, 220.
Muslagi rùmi, I, 293.
Mutterharz, I, 565.
Mutterkorn, II, 601.
Mutterkümmel, I, 582.
Mycose, II, 610.
Myristica, II, 24, 213.
— fragrans, II, 213, 221, 222.
Mïristicacées, II, 213.
Myristicène, II, 224.
Myristicine, II, 219.
Myristine, II, 220.
Myrocarpus frondosus, I, 379.
Myronale de potassium, I, 135.
Myrosine, I, 135.
655
TABLE ANALYTIQUE.
Myrospermum Pereiræ , I, 372.
— aonsonatense , I, 373.
— toluifcrum, I, 307.
Myrospermum of Sonsonate, I, 372.
Myroxycarpine, I, 380.
Myroxylon, I, 371, 374, 37a, 379.
— Pereiræ, I, 372, 373, 380.
— peruiferum, I, 379.
- Toluifera, I, 307, 371, 373,
370, 377.
Myrrli, I, 208, 270.
Myrr/ia, I, 208.
— indica, I, 274.
Myrrhe, I, 208, 270.
Myrrhe d’Arabie, I, 273.
— liquide, I, 271.
Myutacées, I, 493.
Myrtus Caryopliyllus , I, 307.
— Pimenta, I, 508, 511.
N
Napelline, I, 17, 19.
Naphthalène, II, 409.
Narcéine, I, 119, 125.
Narcotine, I, 117, 119, 123.
Nard indien, 1, 554.
Nardostachys Jatamansi, I, 554.
Nataloïne, II, 513, 5)5.
Narthex, I, 557, 507, 505, 558, 571.
— Asa-Fœtida, I, 557, 505.
Naudea, 1, 593.
— Gam'bir, I, 589.
Nannâri, II, 72.
Neb-Neb, I, 431.
Nectandra, II, 200, 270, 4 10.
— Cyrnbarum, II, 200, 270.
— Rodiæi, II. 203, 204, 200.
Ncctandria, II. 205.
Neyundo aceroides, II, 507.
Nelkenkôpfe, I, 508.
NelkonpfefTer, I, 508.
Nelkenstiele, I, 505.
Népal AconiLe, I, 24.
Népaline, I, 17.
Nephelium lappaceum, 1, 328.
Néroli, I, 229.
Ncroliôl, I, 229.
Neugewürz, I, 508.
Ngàï, II, 200.
Ngân-si-hiâng, II, 40.
Nhandi, II, 350.
Nicotiana, II, 152, 154, 133.
— multivalvis, II, 155.
— Persica , II, 135, 156.
— quadrivalvis, II, 155, 150.
— repanda, 11, 155, 130.
— rustica, II, 154, 155;
— Tabacum, II, 150, 152, 134,
1 55.
Nicolianinc, II, 153.
Nicotine, II, 153.
Nielles, I, 34.
Nigella, I, 34, 33.
— arvensis, I, 33, 30.
— citrina, 1, 35.
— cretica, I, 35, 3G.
— Damascœna , I, 35.
— indica, I, 35, 36.
— sativa, I, 35, 30.
Nigelles, I, 34.
Nimba, I, 299.
Nim Bark, I, 298.
Nipa fruticans, II, 507.
Noir prun, I, 307.
Noix d'Arec, II, 483.
— d’Arec ou Noix Bétel, I, 438.
— Bétel, I, 438.
— de Galle blanche, II, 306.
— de Galle bleue, II, 366.
Noix de Galle d’Alep, II, 364.
Noix de Galle verte, II, 366.
— d’Inde, II, 83.
— de Muscade, II, 213.
— de Sassafras, II, 270.
— Igasur, II, 88.
— Muscade longue, II, 219.
Noix vomique, II, 81, 83.
Nornarcotine, I, 1 19.
N.orway Spruce Fir, II, 400.
Nuces Arecæ vel Betel, II, 485.
— Græcæ, I, 440.
— Indicæ, II, 214.
Nuclei myristieæ, II, 213.
Nunnari Root, II, 72.
Nushtur, I, 109.
Nutgalls, II, 304.
Nutmeg, II, 213.
— Butter, II, 220.
Nux Indica, II, 82, 83.
— Metella, II, 83.
— Melbel, 11, 83.
— moschata, II, 213.
— pepita, II, 89.
— Vomica,.lI, 81, 82.
— Vomica légitima, II, 885.
G56
TABLE ANALYTIQUE.
0
O-Fu-Yung, I, 98.
O-Pien, I, 98.
Oak Bark, II, 3fi0.
Oak Galls, II, 364.
Obis, I, 34.
Ognon marin, II, 820.
Cil of Cajuput, I, 493.
Oil of Géranium, II, 675.
— Ginger Grass, II, 575.
— Mace, II, 220.
— Origanum, II, 183.
— Spike, II, 171 .
— Theobroma, I, 184.
Oil or Essence of Neroli, I, 229.
Okra, I, 181.
Okro, I, 181.
Olea, II, 67.
— cuspidata, 11,61.
— europæa, II, 6i, 67, 68.
— fcrvuginea, II, 61.
— sativa, II, 67.
Oléacées, II, 48.
Oléine, II, 64.
Olen, I, 8.
Oléorésine de Copahu, I, 407.
— A' Hardivickia pinnata , 1, 414,
415.
Oleum Amygdalæ, I, 442.
— Andropogonis, II, 575.
— Anisi, I, 551.
— Arachis, I, 326.
— Aurantii Florum, I, 229.
— Bergamii, I, 222.
— Bergamotæ, I, 222, 223.
— Cacao, I, 184.
— Cadinum, II, 411.
— Cajuputi, I, 493.
— Caryophylli, I, 503.
— Cinnamomi foliorum, II, 235.
— Cinnamomi radicis, II, 235.
— Copaibæ, I, 412.
— Crotonis, II, 309.
— ex Citriorum floribus, I, 229.
— Garciniæ, I, 167. ’
— Graminis Indici, II, 575.
— Juniperi empyreumaticum, 11,411 .
— Lavandulæ, II, 170.
— Lavandulæ Spicæ, II, 171.
— Limonis, I, 218.
— Macidis, II, 220.
— Menthæ piperitæ, II, 177.
— Menthæ viridis, II, 174. •
— Myristicæ expressum, II, 120.
Oleum Neroli, I, 229.
— Nucislæ, 11,220.
— Olivæ, II, 61.
— Picis liquida1,, II, 412.
— Pimcnlæ, I, 511.
— Pulegii, II, 182.
— Rosæ, 468.
— Rutæ, I, 245.
— Scsami, II, 163.
— Spicæ, II, 171.
— Thcobromatis, I, 184.
— Thymi, II, 183.
— Tiglii, II, 309.
— viride, I, 587.
— wiltnebianum, I, 494.
Oliban, I, 259, 262.
Olibanum, I, 259.
— Frankincense, I, 259.
Olive Oil, II, 61.
Olivenôl, II, 61.
Omam, I, 542.
Ombellifères, I, 530.
Ophelia, II, 101, 104, 161.
— angustifolia, II, 104.
— Chirata , II,'k101.
— demi folia, II, 104.
— elegans, II, 104.
— multiflora , II, 104.
— pulchella, II, 104.
Ophioxylon serpentinum , I, 7.
Opianine, 1, 119.
Opianyl, I, 121.
Opium, I, 98.
Opium d’Asie Mineure, I, 101.
— de Chine, I, 112.
— de Constantinople, 1, 101.
— d’Egypte, I, 103.
— d’Europe, I, 106.
— de l’Inde orientale, I, 107.
— de Malwa, 1, 111.
— de Perse, I, 104.
— de Smyrne, I, 101.
— de Turquie, I, 101, 103.
— de Laitue, II, 28.
Thebaïcum, I, 98.
Opiumsiiure, I, 117.
Opoidia galbanifeva, I, 565.
Opopanax, I, 575.
Opopanax Chironium , 1, 575.
— Fenila , I, 575.
— persicum, I, 575, 576.
Opuntia, II, 60.
Orange de Chine, I, 227.
— de Malte, I, 233.
— de Portugal, I, 227.
657
TABLE ANALYTIQUE.
Orange de Séville, I, 228.
— douce, I, 233.
Orchid âgées, II, 461.
Or c/iis, II, 461, 404.
— conopsea, II, 461.
— coriophora, 11,461.
— lati folia, II, 461.
— longicruris, II, 461.
— maculata, II, 461, 465.
— mascula , II, 461, 465.
— militaris, II, 461, 4G4.
— Morio, II, 461.
— pyramidalis, II, 461.
— saccifera, II, 461.
— ustulata, II, 461.
Ordeal Bean of Old Calabar, I, 335.
Oreilles des Indes, II, 368.
Oreodaplme opifera, II, 270.
Orge à l’écossaise, II, 571.
— brûlante de l’Inde, II, 531.
— commune, II, 570.
r— mondé, II, 570.
Orge perlé, II, 570.
Ormes, II, 301.
Ornithogalum altissimum, II, 523.
Ornus europæa, II, 59.
— rotundifolia , II, 60.
Orobanche, I, 109.
Orris Root, II, 471.
Orvale, II, 192.
Otto of Rose, I, 468, 470,
Oxyacanthine, I, 86.
Oxycamphre, II, 256.
Oxycannabine, II, 287.
Oxypliœnica, I, 403.
P
Pachygone, I, 71 .
Pachyma Cocos, II, 557.
Pa-co, I, 55.
Palas Tree, I, 358.
Palas or Pulas Kino, I, 358. -
Pale Catecbu, I, 589.
Palma-Christi Secds, II, 318.
Palmiers, II, 485.
Palmitate de cérotyl, I, 116.
Palmitate myricyliquc, II, 298.
Palmitinc, I, 185.
Pàlo, I, 81.
Palo de Culebra, II, 72.
Palo dcl Soldado, II, 35i.
Panax quinquefolium, 1, 152; II, 359.
Pangaguason, II, 88.
U1ST. DES DROGUES, T. II.
Papaver, I, 93.
— dubium, I, 92.
— glabrum, I, 94, 101.
— officinale, I, 24, 104.
— Rhœas, I, 91, 92, 93, 127.
— sctigerum, I, 94, 127, 129.
— somniferum, 1, 94,97, 101 , 104,
109, 127, 129.
— somniferum album, I, 129.
— somniferum album depressum,
I, 128.
— somniferum nigrum , 1, 128, 129.
Papavéracées, I, 91.
Papavérine, I, 96, 119, 125.
Papavérosine, I, 96, 121.
Paracajuputône, I, 495.
Paracatharnine, I, 246.
Paradieskôiner, II, 456.
Paradigitaiétine, II, 158.
Paraffine, II, 409.
Paraménispermine, I, 79.
Pareira Brava, I, 63, 64, 65.
— — blanc, I, 70.
— — faux, I, 60.
— — grande, I, 70.
— — jaune, I, 71.
Parfum de Jehan Ghir, I, 470.
Paricine, I, 623.
Parigénine, II, 551.
Pariglina, II, 550.
Pariüine, II, 550.
Pasèvvà, I, 110.
Pasque Flower, I, 31.
Passulæ Majores, I, 309.
Pasta, I, 323, 324.
Pastinaca Anetlium , I, 578.
— Opopanax, I, 575.
Pâte de Réglisse, I, 325.
Paullinia, I, 243.
Pavame, II, 267.
Pavot, I, 94.
— cornu, I, 131.
~ Coq, I, 93.
— œillette, I, 125.
Paytine, I, 624.
Peachwood, I, 384.
Pearl Barley, II, 570.
Pédoncules do Girofle, I, 505.
Pe-fuh-ling, II, 557.
Pegu Catecbu, I, 433.
Pélargonium Radula, II, 576.
Pellitory of Spain, II, 6.
— Root, II; 6.
Pélosino, I, 67, 169; II, 265.
Pcnang Benjamin, II, 45.
42
bo8 TABLE ANALYTIQUE.
Pennyroynl,.II, 181.
Pépins de Coings, I, 478.
Pépita de Bisaya, II, 88.
— Catbalogan, II, 88.
Pepper, II, 334.
Pepper Bark, I, 44.
P-eppermint, II, 178.
Periploca indien, II, 72.
Perlmoos, II, 612.
Perniwort indian, I, 630.
Persica, I, 443.
Perubalsam, I, 372.
Pcrusse, II, 395.
Peruvian Bark, I, 594.
Peruvian or Payta Rhatany, I, 153.
Péruvine, I, 378.
Pesse, II, 400.
Petala Rbœados, I, 91.
— Rosæ Centifoliæ, I, 4GC.
— Rosæ gallicæ, I, 462.
Pétales de Roses de Provins, I, 462.
— de Roses pâles, I, 466.
Pétales de Roses rouges, 1, 462.
Petit Chiendent, II, 580.
Petit- grain, I, 231.
Petit Ipecacuanha strié, I, 649.
Petits PigDons d’Inde, II, 308.
Petite Cannelle, II, 232.
Petite Centaurée, II, 104.
Petite Manne, II, 51.
Peucedanum, I, 576, 577.
— graveolens, I, 578.
Pfefferminze, II, 175.
Pfriemenkraut, I, 312.
Pharbitis Nil, II, 122, 125.
Pharbitisine, II, 124.
Phnseolus glycyrrhites, I, 330.
— multiflorus , I, 335.
— siliqua kirsuta, I, 333.
Phénol, I, 370; II, 269.
Phéorétine, II, 205.
Phérétine, II, 205.
Phloroglucine, I, 163, 314, 357 ; II, 99,
493.
Phœnix silvestris, II, 567.
Photo-Santonine, II, 17.
Phyco-érythrine, II, 613.
Physostigma, I, 337, 340.
— venenosum, I, 335, 340.
Physostigmine, I, 338, 339.
Picea, II, 402.
— Balsamea, II, 398.
Picrasma excelsa, I, 237.
Picræna, I, 239.
— excelsa , I, 236, 237, 239, 244-
PicroscléroÜn'e, II, 611.
PicroLoxine, I, 78, 80.
Pigaya, I, 642.
Pilocarpine, 1, 256, 258.
Pilocarpus , 1, 251 , 253, 255, 256, 257, 258.
— pennatifolim , 1, 250, 251, 253,
256, 257, 258.
Piment, II, 129.
Piment des Anglais, I, 508.
— des jardins, II, 129.
— Tabago, I, 511.
Pimenta acris , I, 511.
— of/icinalis , 1, 508, 511.
Pimento, I, 511 .
Pimieuta de Tabasco, 1,511.
Pimpinella, I, 553.
— Anisnm, I, 550, 553.
Pin-lang, II, 485.
Pink-Root, II, 90.
Pin maritime, II, 378.
Pinang, I, 570.
Pinanga, II, 489.
Pinones de Maluco, II, 308.
Pinus, II, 385.
— Abies, II, 400, 405.
— australis , II, 378, 380.
— Balsamea, II, 394, 398.
— canadensis, II, 395.
— Cednis, II, 58.
— Fraseri, II, 395.
— Laricio, II, 378, 387.
— Larix, II, 58, 389, 392, 393.
— Ledebourii , II, 406.
— maritima, II, 378.
— palus tris, II, 378.
— Picea, II, 379, 397, 399.
— Pinastcr, II, 378, 387, 404.
— Pumilio, II, 397.
— silvestris, II, 378, 379, 385, 388, 406.
— Tæda, II, 378, 387.
Piperacées, II, 334.
Piper, I, 256, 257, 258 ; II, 341, 343.
— aduncum, II, 356.
— angustifolium, II, 354, 356.
— Belle, II, 345.
— caninum, II, 352.
— Clusii, II, 352, 353.
— crassipes, II, 352.
— Citbeba, II, 346, 348, 353.
— densum, II, 345.
— lanccæfoliiim, II, 356.
— longum, II, 343, 346, 356.
— Lowong, II, 352.
— Melegueta, II, 456.
— nigrum, II, 334, 341.
TABLE ANALYTIQUE.
Piper Officinarum, II, 343, 3$ 4, 346.
— réticulation , I, 257, 258.
— ribesioides, II, 352.
Pipéridine, II, 339.
Pipérine, II, 339.
Pipli-mul, II, 344, 346.
Pippali, II, 334.
Pippalimula, II, 346.
Pirus Cydonia, I, 478, 480.
— glabra, II, 58.
Pispaz, I, 560.
Pissenlit, II, 25.
Pistache de Terre, I, 329.
Pistachiers, I, 293.
Pistacia, I, 393; II, 270.
— atlantica, I, 293.
— Cabulica, I, 293.
— Khinjuk, I, 293.
— Lentiscus, I, 288, 293; II, 370.
— palæstina, I, 294
— Terebinthus, I, 294; II, 370.
— ver a, I, 298.
Pitayo Bark, I, 623.
Pitch, II, 412.
Pitoyine, I, 623.
Pivoine, I, 36.
— femelle, I, 36.
— mâle, 1,36.
Pix abietina, II, 400.
— arida, II, 401.
— burgundica, II, 400.
— liquida, II, 406.
— navalis, II, 412.
— nigra, II, 412.
— sicca, II, 412.
— solida, II, 412.
Plantaginacèes, II, 192.
Plantago , II, 195.
— Cynops, II, 193.
— decumbens, II, 192, 195.
— Ispaghula , II, 192.
— Psyllium, II, 193.
Plantains, II, 195.
Platanus orientalis, I, 482.
Plocaria candida, II, 615.
Plosslea florifunda, I, 267.
Poaya, I, 649.
— branca, I, 649.
Pockholz, I, 194.
Pod Popper, II, 129.
Podopbyiline, I, 88, 89.
Podophyllum , I, 88, 89, 90, 91.
— pcltaturn, I, 87, 90.
— Hoot, I, 87.
Pœonia corallina, I, 36.
Pœonia officinalis, I, 36.
Pois à Gratter, I, 333.
Pois Guénie, I, 380.
— pouilleux, I, 333.
— Quéniques, I, 380.
Poivre il queue, II, 353.
• — blanc, II, 340.
Poivre Cubèbe, II, 346.
Poivre de Calicut, II, 130.
— de Guinée, II, 129,134.
— d’Inde, II, 129.
— delà Jamaïque, 1, 508.
Poivre long, II, 343.
— noir, II, 334.
Poivrier, II, 336, 341.
Poix blanche, II, 402.
Poix de Bourgogne, II, 400.
Poix des Vosges, II, 400.
— grasse, II, 401.
— jaune, II, 400.
— liquide, II, 406.
Poix noire, II, 412.
Polei, II, 181.
Polycbroïte, II, 481.
Polygala, I, 152, 153.
— amara, I, 152, 153.
— austriaca, I, 152.
— Senega, I, 3, 149, 152.
— vulgaris, I, 149, 153.
PoLYGALACÉES, I, 149.
POLYGONACÉES, II, 195.
Polypodium Filix mas, II, 589.
Pomegranate Peel, I, 517.
Pomeranzenschale, I, 226.
Pomme de Mai, I, 87.
~ d’Or, I, 47S.
Pommegranate Root Bark, I, 520.
Ponceau, I, 93.
Pontefract-Cakes, I, 326.
P°PPy Capsules, I, 94.
— Heads, I, 94.
Poppytrash, I, 110, 111.
Porphyroxine, I, 130.
Potentilla Tormentilla , 1, 156, 630.
Poudre des Capucins, II, 531.
— de Lycopode, II, 585.
Pouliot bâtard, II, 184.
— vulgaire, II, 181.
Prickly Lettuce, II, 26.
Proivron, II, 134.
Prophétine, I, 525.
Protium Kataf, I, 276.
Protopine, I, 119.
Provencer OEI, II, 61 .
Provence Rose, I, 466.
6(50
TABLE ANALYTIQUE.
Pruna damascnna, I, A 0 .
Pruneauliana, I, 451.
Pruneaux, I, 450.
Prunes, 1, 450.
Prunes médicinales, I, 450.
Prunier de Saint-Julien, I, 450.
Prunophora, I, 443.
Prunum Gallicum, I, 450.
Prunus, I, 443.
— Amygdalus, I, 439, 443, 445.
— domestica, I, 450, 451, 452.
— Juliana, I, 450.
— Lauro-Cerasus , I, 447 , 455,
457.
— œconomica, I, 4SI.
— Padus, I, 447, 453.
— Pruneaidiana, I, 451.
— serotina , I, 452, 453, 454.
— virginiana, I, 452, 453.
Pseudo-Aconitine, I, 17.
— amorphe, 1, 18.
_ cristalline, 1, 17.
Pseudomorphine, 1, 119, 124.
Psychotria emetica, I, G49, 653.
Ptérocarpine, I, 366.
Pterocarpus, I, 361, 363, 372.
— Draco, II, 495.
— erinaceus, I, 355, 359.
— indicus , I, 354, 364.
— Marsupium, I, 354, 355,356,
360,361, 363,364,366,372.
— santalinus, I, 363, 364, 366;
II, 372.
Ptychotis Ajowan, I, 542.
— Coptica , I, 542.
Puccine, I, 130.
Puleium regium, II, 181.
Puliol royal, II, 181.
Pulpe de Coloquinte, 1, 528.
Pulpe de Tamarin, I, 402.
Pulsatille noire, I, 32.
Punica Granaturn, I, 517, 518, 520.
Punicino,T, 522.
Purga de Sierra Gorda, II, 120.
Purging Cassia, I, 398.
Purgirkôrner, II, 308.
Purgo Macho, II, 119.
Putrawalli, I, 80.
Pyrèlhrc salivaire, II, 6.
Pyrocatéchine, 1, 155, 357, 359, 366, 437 ;
II, 36, 46, 407, 4 10, 487.
Pyrogallol, I, 386.
Pyroguaiacine, I, 201.
Pyrola , II, 37.
Pyroleum Oxycedri, II, 411.
Pyrus, I, 480.
— Cydunia, I, 478, 480, 482.
Q
Quassia, I, 236, 239.
— amara, I, 237, 239, 240,244.
— excnlsa, I, 236.
— Simaruba, I, 244.
Quassia de Surinam, I, 237, 239.
Qnassia wood, I, 236.
Quassiine, I, 238, 245.
Queckewurzel, II, 580.
Quercétine, I, 437, 593.
Quercine, II, 362.
Quercitrin, I, 464.
Quercus, II, 362.
~ infectoria, II, 364.
— lusitanien, II, 364.
— persica, II, 57.
— Robur, II, 360, 362.
— vallonea, II, 57.
Quetschen ou Swetschcn, 1, 451.
Queue de loup, II, 160.
Quina de Garoni, I, 202.
Quinaminc, I, 622, 62G, 627, 632.
Quina verde morada, 1, 637.
Quince Pips, 1 , 478.
— Seeds, I, 478.
Quinicine, I, 624, 627.
Quinidine, I. 622, 623, 626, 627, 632,633.
Quinine, I, 622, 624, 627, 632, 633.
Quinnab, II, 285.
Quinoïdine, I, 624.
Quinone, I, 629.
Quinquina bicolore, I, 623.
— Calisaya, I, 636.
— Loxa, 1, 613.
— Royal, I, 613.
Quitch Grass, II, 580.
Quittensamen, I, 478.
11
Racine d’Aconit Hétérophylle, I, 27.
— d’Aconit indien, 1, 24.
— d’Aconit Napel, I, 14.
— d'Althæa, 1, 176.
Racine de Betterave, II, 566.
— de Butua ou de Pareira Brava, 1,
63.
Racine de Colombo, I, 58.
Racine de Diclame blanc, I, 248.
TABLE ANALYTIQUE.
Racine de Fraxinelle, I, 24 S, 249.
Racine de Galanga, IL 440.
— de Gentiane, II, 97.
— de Guimauve, I, 176.
— d’IIelleboro, I, 1, 5.
Racine d’Hémidesmus, II, 72.
Racine d’ipéca, I, 641.
Racine d’Ipécacuanha, I, 641.
Racine d’Ipécacuanba annelé, I, 641.
— de Jalap, II, 114, 1 15.
— d’Orizaba, II, 119.
— de Pareira Brava, I, 63.
Racine de Pissenlit, II, 21.
Racine de Polygala de Virginie, I, 149.
Racine de Pyrèthre, II, 6.
— de Raifort, I, 136.
— de Ratanhia, I, 133.
— de Réglisse, I, 315.
— de Salsepareille, 54 0.
Racine de Sambola, I, 553.
— de Sambula, I, 553.
— de Sassafras, II, 266.
— de Scammonée, II, lll.
— de Senega, I, 149.
Racine de Serpentaire, II, 357.
— de Squine, II, 556.
— de Sumbul, I, 553.
Racine de Sumbul indien, I, 554.
Racine de Toddalia, I, 241.
— de Tylophora, IL 80.
Racine de Valériane, 656.
Radix Abri, I, 330.
— Aconiti, I, 14.
— Acori, II, 496.
— Actææ racemosæ, I, 29.
— Althææ, I, 176.
— Armoraciæ, 1, 142.
— Arnicæ, II, 18.
— Belladonæ, II, 134.
— Calami Aromatici, II, 496.
— Calurpbæ, I, 58.
— Cliinæ, II, 555.
— Chinæ occidentalis, II, 557.
— Colchici, II, 534.
— Colurtibo, I, 58.
— Coptidis, I, 7.
— Cureumæ, II, 435.
— Dictamni albi, I, 248.
— dulcis, I, 316.
— Enulæ, II, 1.
— Galangæ majoris, II, 442.
— Galangæ minoris, II, 440.
— Genlianæ, II, 97.
— Graminis, II, 580.
— Glycyrrhizæ, I, 315.
661
Radix Hellenii, II, 1.
— Ilellebori nigri, I, 1, 5.
— Ilellebori albi, II, 525.
— Hemidesmi, II, 72.
— indica lopeziana, I, 241.
— Inulæ, II, 1.
— Ipecacuanhæ, I, 641.
— Iridis florentinæ, II, 471.
— Jalapæ, II, 114.
— Krameriæ, I, 153.
— Liquiritiæ, I, 315.
— Melampodii, I, 1.
— Pareiræ, I, 63.
— Podophylli, I, 87.
— preciosa amara, I, 7.
— Pyrethri, II, 6.
— Ratanbiæ, I, 153.
— Rba Barbari, II, 201.
— Rliei, II, 195.
— Salep, II, 461 .
— Salsaparillæ, II, 540.
— Sarsæ, II, 540.
— Sarsaparillæ, II, 540.
— Sarzæ, II, 540.
— Sassafras, II, 266.
— Satyrii, II, 461.
— Scillæ, II, 520.
— Senegæ, I, 149.
— Senekæ, ï, 149.
— Serpentariæ, II, 357 .
— Serpentariæ virginianæ, II, 357.
— Spigeliæ, II, 90.
— — marilandicæ, II, 90.
— Sumbul, I, 553.
— Taraxaci, II, 21.
— Tinosporæ, I, 81.
— Toddaliæ, I, 241.
— Tylophoræ, II, 80.
— Valerianæ, I, 656.
— Veratri, II, 525.
— Zingiberis, II, 429.
Raifort, I, 142.
Raisins, I, 309.
Raisins au soleil, I, 310.
— Chesme, I, 310.
— Eleme, I, 310.
— Muscats, I, 310.
— secs, I, 309.
— Sultane, I, 310.
— Valence, I, 310.
Ranunculus, I, 37.
Raplianus rusticanus , 1, 143.
Rasa lia Tel, IL 576.
Rasamala, I, 490, 492.
Rasot ou Rusot, I.
TABLE ANALYTIQUE.
062
llasuræ, I, 237.
Rntnnhia de Ceara, I, 158.
— de la Nouvelle-Grenade, I, 157.
— des Antilles, II, 158.
— du Brésil, I, 158.
— du Para, I, 158.
Ratanhiawurzel, 1, 153.
Ratanhine, I, 156.
Raute, I, 245.
Récolice, I, 317.
Red-Cole, I, 142.
— Dragon’s Blood, II, 492.
— Pepper, II, 129.
— Poppy, I, 91.
— Poppy Petals, I, 91.
— Rose Petals, I, 462.
— Sanders, II, 372.
— Sanders Wood, I, 363.
— YVhortleberry, II, 37.
Réglisse, I, 317.
— d'Alicante, I, 318.
— d’Amérique, I, 330.
— de Russie, I, 318.
— de Tortosa, I, 318.
Regolizia, I, 317.
Renonculacées, I, ! .
Réquelice, I, 317.
Réséda lutea, I, 136.
— luteola, I, 136.
Résina Benzoë, II, 40.
— Draconis, II, 490.
— Elemi, I, 277.
— Guaiaci, I, 198.
— Jalapæ, II, 118.
— Mastiche, I, 288.
— Podophylli, I, 90.
— Scammonii, II, 111.
Résine, II, 403.
— d’Aloès, II, 513, 515, 516.
— — soluble, II, 516.
— — insoluble, II, 516.
— d’Altingia excelsa, I, 490.
— d’Angelina Pedra, I, 156.
— d’Arbol a Brea, I, 282.
— de Benjoin, II, 40.
— de Gayac, I, 198.
— de Scammonée, II, 111.
— duLiquidambarStyraciflua, 1, 489.
— — Formosana, 1,489.
— du Styrax officinale, I, 488.
— Élémi, I, 277.
— jaune, II, 382.
— noire, II, 383.
— transparente, II, 382.
— Soaps, II, 383.
Résorcine, I, 366, 564.
Relti, 1, 330.
Rlia, II, 195.
Rhabarber, II, 195.
Bhabarbérine, II, 204.
Rhabarberstoff, II, 204 .
Rhacoma, II, 196.
Rhamnacées, I, 304.
Rhamnégine, I, 306.
Rhamnétine, I, 306, 307.
Rhamnine, I, 306, 307.
Rhamnocathartine, I, 306.
Rhamnus, I, 306, 307.
— calhartica, I, 304, 305, 306,
307.
— Frangula, I, 308.
— Jujuba, I, 309.
Rhatany or Rhatania Root, I, 153.
Rliéine, II, 204.
Rheum, II, 209.
— australe, II, 209.
— compactum, II, 208, 212.
— Emodi, II, 209, 212.
— officinale, II, 195, 209.
— palmatum, II, 207, 208, 211.
— Rhaponticum , II, 207, 208, 209,
212.
— undulatuni, II, 208, 212.
Rheumine, II, 204.
Rhizoma Calami Aromatioi, II, 496.
— Coptidis, I, 7.
— Curcumæ, II, 435.
— Filicis, II, 589.
— Filicis-maris, II, 589.
— Galangæ, II, 440.
— Graminis, II, 580.
— Iridis, II, 471.
— Veratri albi, II, 525.
— Veratri viridis, II, 528.
— Zingiberis, II, 429.
Rhizome d’Acore, II, 496.
— d’Arnica, II, 18.
— d’Aunée, II, 1.
— de Cimicifuga, II, 29.
— de Chiendent, II, 580.
— de Coptis, I, 7.
— de Curcuma, II, 435.
— de Fougère mâle, II, 589.
— de Galanga, II, 440.
Rhizome de Galanga majeur, II, 442.
_ — mineur, II, 441.
Rhizome de Gingembre, II, 429.
_ d’Hellébore noir, I, 1.
_ d'iris, 11,471.
— de Vératre blanc, II, 525.
TABLE ANALYTIQUE.
Rhizome de Vératre vert, II, 52S.
— de Podophyllum, I, 87.
— de Rhubarbe, II, 193.
— de Spigélie, II, 90.
— et Racine de Belladone, II,
134. •
— et Racine de Gelsemium, II,
93.
Rhododendron, II, 37.
Rhœadine, I, 119, 123.
Rhœagénine, I, 119.
Rhubarb, II, 193.
Rhubarbe, II, 193.
— anglaise, II, 20G.
— arrondie, II, 203.
— d’Allemagne, II, 208.
— de Canton, II, 201.
— de France, II, 208.
— de Moscovie, II, 200.
— de Russie, II, 200.
— des Indes orientales, II, 201.
— de Turquie, II, 200.
— plate, II, 203.
— royale, II, 200 .
Rhus Bucki-Amela, II, 368.
— Coriaria, II, 367.
— semialata , II, 368, 369.
Rh-ya, II, 283.
Richardsonia, I, 630.
— scabra, I, 630
Ricin, II, 323.
Ricinélaïdine, II, 323.
Ricinine, II, 323.
Ricin sanguin, II, 326.
Ricinus, II, 323.
— commimis, II, 318, 328.
Ricinussamen, II, 318.
Rocadine, I, 93, 96.
Rognures de Cannelle, II, 232.
Rohan, I, 301.
Robun Bark, I, 301.
Rôhreneassie, I, 398.
Rohrzucker, II, 358.
Romarin, II, 183.
Romische Kamillen, II, 9.
Rosa, II, 578.
— acicularis, I, 476.
— bifera, I, 466, 476.
— Calendarum, I, 476.
— canina, I, 472, 476, 478.
— centifolia, I, 466, 467.
— Cinnamomea, 1, 476.
— centifolia bifera, I, 476.
— damascena, I, 466, 468, 472, 476.
— (jallica, I, 462, 463, 465, 466.
oc:t
Rosa pallida, I, 466.
— provinciale, I, 467.
R'osacéks, I, 439.
Rosæ incarnatæ, I, 463.
— provinciales, I, 463.
— purpureæ odoralissimæ, I, 463.
— rubeæ, I, 463.
Rosamala, I, 483.
Rosa Mallas, I, 483.
Rosatum, I, 468.
Rosé, II, 578.
Roseau aromatique, II, 496.
Rosemary, II, 185.
Roses, I, 465.
— de Damas, I, 462.
— de Loup, I, 93.
Roses de Provins, I, 462, 463.
Roses de Puteaux, I, 466.
Roses Thé, I, 467.
Rose Leaves, I, 462.
— Malloes, I, 483.
Rosenôl, I, 468.
Rose Oil, I, 468.
Roshé, II, 578.
Rosin, II, 381, 382.
Rosinen, I, 309.
Rosmal, I, 4S3.
Rosmarin, II, 185.
Rosmarinus, II, 186.
— officinale, II, 185, 186.
Rosocyanine, II, 438.
Rosum Alloes, I, 483.
Rotang Jernang, II, 490.
Rothes Sandelholz, I, 363.
Rothtanne, II, 400.
Rottlera, II, 333.
— tinctoria, II, 328, 329, 333.
Rottlérine, II, 331 .
Rouge de Cinchona, I, 629, 630 ; II, 48S.
— de Fougère, II, 592.
— de kino, I, 357.
Rowsal, II, 578.
Rubiacées, I, 589.
Rubia cordifolia, II, 104.
Ruby Wood, I, 363.
Rue, I, 245.
— commune, I, 245.
— officinale, I, 245.
Ruhrrinde, I, 243.
Rnmex, I, 103, 104.
— Patientia, I, 102.
Rusa, II, 578.
— . Oil, II, 575.
Rusot ou Rasot, I, 85.
Rüsterrinde, II, 289.
TABLE ANALYTIQUE.
Ci (H
Ruta, I, 245.
— graveolens, I, 245.
llUTACÉES, I, 194 .
Rutine, I, 24G.
Ruybnt'bo do las Indias, II, 115.
— do Meohoacan, II, Tl 5.
S
Sabadilla offîcmarum, II, 530 .
Sabadilline, 11, 533.
Sabadillsamcn, II, 53 0.
Sabatriue, II, 533.
Sabine, II, 417.
Sabzi, II, 235.
Saccliarum, II, 558, 5G9.
— ckincnse, 588.
— offîcmarum , II, 558, 569.
— violaceum, II, 558.
Sa-fa-Iang, II, 477.
Saffron, II, 477.
Safran, II, 477.
Safran d’Alicante, II, 482.
— de Valencia, II, 482
Safrène, II, 208, 269.
Safrol, II, 268.
Sagapanum, I, 575.
Salep, II, 461.
Salepknollen, II, 461.
Salib misri, II, 461.
Salis fragilis, II, 58.
Salsa, II, 542.
Salsepareille de Guatemala, II, 548.
— de Guyaquil, II, 550.
— de la Jamaïque, II, 541, 249.
— de Lisbonne, II, 548.
— de Para, II, 542, 548.
— du Brésil, II, 548.
— du Honduras, II, 547, 553,
554.
— du Mexique, II, 549.
Salsepareilles farineuses, II, 547.
— non farineuses, II, 549.
Salseparine, II, 550.
Salvia, II, 189.
— officinalis, II, 189.
— pratensis , II, 191, 192.
— Sclarca, II, 192.
Samadera indica, I. 239.
Samagh I-Iejazi, I, 422.
— Sava kumi, I, 422.
Sambucus, I, 587.
— Ebulus , I, 586, 588.
— nigra , 586, 587.
Saudal Wood, II, 371.
Sandalum, II, 372.
Sandasab, II, 6.
Sandelliolz, II, 371.
Sang-Dragon, II, 490.
Sang-Dragon des îles. Canaries, II, 49
— de Socotra, II, 494.
— en bâtons, II, 492.
— en larmes, II, 494.
— en masses, II, 491, 492.
— rouge, II, 491, 492.
Sangue de Drago, 1, 360.
Sanguinaire, 1, 32, 130.
Sanguinaria, I, 130.
— canadensis, I, 130.
Sanguinarine, I, 130.
Sanguis Draconis, II, 490.
— — in baculis, II, 492.
— — in massis, II, 492.
Santal, I, 366.
— blanc, I, 364.
— jaune, I, 364.
— rouge, 1, 364.
Santaline, I, 305.
Santaliun, I, 364 ; II, 377.
— album, II, 371, 377.
— austro-caledonicum , 11,371.
— Cygnorum, II, 371.
— Freycinetianum , II, 371.
— Fusanus spicatus, II, 371.
— lanccolatwn, II, 371.
— pyrularium, 11, 371.
— rubrum, I, 363.
— Yasi, II, 371.
Santonina, II, 13.
Santonine, II, 16.
Sap-green, I, 307.
Sapogénine, I, 151.
Saponine, I, 90.
Sarothamnus vulgaris, I, 312.
Sarsa peluda, II, 541.
Sarson, II, 541.
Sassafras, II, 266, 267, 270.
— Nuis, II, 270.
— Root, II, 266.
— Wilderness, II, 269.
Sassafras officinalis, II, 266, 270.
Sassafrasholz, II, 266.
Sassafride, II, 269.
Sauge officinale, II, 189.
Savanilla, I, 157.
Savin, Savine, II, 417.
Savons résineux, II, 383.
Saxieraüacées, I, 4SI.
Scammonée, II, 106.
665
TABLE ANALYTIQUE.
Scammonée d’Alep, II, 107.
— vierge, II, 109.
— do Smyrne, II, 107.
— pure, II, 108.
Soammouia syriaca, II, 107.
Soammonium, II, 106,
Soammony, II, 106.
SchierlingsbÜLlter, I, 535.
SehilTspetch, II, 4 12.
Sehlangcnwurzel, II, 357.
SchnuLo, I, 93.
Scliænocolon officinale, II, 530.
Sclnisterpêtch, II, 412.
Sclnvarze Nieswurzel, I, 1.
Schwarzer Pfeiïer, U, 334.
— Senf, 1,132.
Sclnvarzes Pecli, II, 412.
Scilla inclica, II, 523.
— maritima, II, 520.
Scille blanche, II, 520.
— rouge, II, 520.
Scillitine, II, 522.
Sclarée, II, 192.
Sclérocrystalline, II, Cil.
Scléromucine, II, 611.
Sclerotiwn Clavits, II, 605.
Scléroxanthine, II, 611.
Scoparine, I, 313.
Scoroclosma, I, 557, 558.
— fœtidum, I, 557, 565.
Scrape,'II, 384.
Scrophularia frigida, II, 58.
SCROPIiOLARIACÉES, II, 156.
Sculinanthe, I, 278.
— brunneum, I, 27S.
Secale ccrealc, II, 601.
— cornutum , II, 601.
— luxurians, II, 602.
Sedgwickia cerasifolia, I, 492.
Seidelbasle-Rinde, II, 271.
Seigle ergoté, II, 601.
Sel d'Opium, I, 117.
— essentiel de la Garaye, I, 629.
Sclinum Anethum, I, 578.
Semen Ajavæ vel Ajouain, I, 542.
— Ammi, I, 544.
— Amomi, I, 508.
— Anelhi, I, 576.
— Arecæ, II, 485.
— Badiani, I, 51.
— Bonducellæ, I, 380.
— Catapuliæ majoris, 11,318.
— Carui vel Carvi, I, 545.
— Cinæ, II, 13.
— Colchici, II, 538.
Semen Contra, II, 13.
Semen Coriandri, I, 579.
— Crotonis, II, 308.
— Cydoniæ, I, 478.
— Fœni-Græci, I, 342.
Fœnugræci, I, 342.
— Guillandinæ, I, 380.
— Gynocardiæ, I, 146.
— Ilordei, II, 570.
— Ignatii, II, 88.
— Ispaghulæ, II, 192.
— Kaladanæ, II, 122.
— Lini, I, 188.
— Lycopodi, II, 585.
— Myristicæ, II, 213.
— Nucis Vomicæ, II, 81.
— Pharbitidis, II, 122.
— Physostigmatis, I, 335.
— Ricini, II, 318.
— Sabadillæ, II, 530.
— Santonica, II, 13.
— Sanctum, II, 13.
— Sinapis albæ, I, 138.
— — nigræ, I, 132.
— Stramonii, II, 143.
— Staphisagriæ, I, 10.
— Tig'lii, II, 308'.
— Zedoariæ, II, 13.
Semences d’Arec, II, 485.
— de Coings, I, 478.
— de Colchique, II, 538.
— de Fenugrec, I, 342.
— de Kaladana, II, 122.
Semences de Lin, I, 188.
— de Palma Christi, II, 318.
— de Ricin, II, 318.
— de Slaphisaigre, I, 10.
— de Stramoine, II, 143.
Semencine, II, 13.
Semina Cardamomi majoris, II, 454, 456.
— — minoris, 1 1, 4 44 .
Sempsen, II, 163.
Senapium, I, 133.
Séné d’Alexandrie, I, 390, 392.
— d’Arabie, I, 393.
— de Bombay, I, 391, 393.
— d’Italie, I, 391.
— de la Palte, I, 395.
— de Moka, I, 393.
— de montagne, I. 392.
— de Tinnevelly, I, 391, 393.
— des Indes orientales, I, 393.
— indigène gu Sauvage, I, 392.
Seneca, I, 149.
— Raltle-Snako Root, I, 150.
GOG
TABLE ANALYTIQUE.
Senega ou Seneka Root, I, 149.
Sencgawurzel, l, 149.
Sénégine, 1,151.
Senna, I, 597.
— acuti folia , I, 389.
— angusti folia, I, 390.
— officinalis, I, 390.
Senna Baladi, I, 392.
— Jebeli, I, 392.
— Leaves, I, 389.
— Mekki, I, 391.
Sennacrol, I, 394.
Senuapicrine, I, 394.
Sennesbllltter, I, 389.
Serapin, I, 567.
Serapinum, I, 575.
Serpentaire, II, 357.
— (le Virginie, II, 353, 359.
— du Texas, II, 359.
Serpolet, II, 184.
Serronia Jaborandi , I, 257, 258.
Sésame, II, 163.
Sesamé Oil, II, 163.
Sesamôl, II, 163.
Sesamum, II, 166.
— indicum , II, 163, 166.
Setæ Mucunæ, I, 333.
Setwal, I, 657.
Sevenkraut, II, 417.
Sharkara, II, 560.
Sharkari, II, 567.
Shi-mi, II, 560.
Shir, I, 560.
Shîr Khisht, II, 56.
Siah Dana, I, 36.
Siddhi, II, 285.
Sigia, I, 482.
Silpbium, I, 5G3.
Silva do Praya, I, 381.
Silver Fir, II, 399.
Simaruba, I, 237, 244.
— amara, I, 244.
— excelsa, I, 237.
— officinalis, I, 243, 244.
Simaruba Bark, I, 243.
Simarubæ Radix Cortex, I, 243.
Simsim, II, 163.
Sinalbine, I, 139.
Sinapidendron, I, 137.
Sinapis alba, I, 137, 138.
— erucoides, I, 132.
— juncea, 1, 137.
— nigra, I, 132, 137.
Sinapistrum, I, 137.
Singyâ-Bis. I, 26.
Sinigrine, 1. 135.
Sipeira, II, 263.
Sireli, II, 575.
Siri, I, 590.
Sison Amomum, I, 544.
Skimmi, I, 51, 55.
Skuléine, II, 522.
Slevogtia orientalis , II, 104.
Slippery Elm Bark, II, 302.
Small fruited or Double Balsam Fir, II,
395.
— striatcd Ipeeacuan, I, 654.
Smilagees, II, 540.
Smilacine, II, 551.
Smilax, II, 540, 552.
— aspera, II, 540, 551.
— Balbisiana, II, 557.
— brasiliensis, II, 557.
— China, II, 555, 557.
— cordato-ovata , II, 542.
— ferox, II, 555.
— glabra, II, 555, 556, 558.
— Japicanga, II, 557.
— lanceæfolia, II, 555, 556, 558.
— medica, II, 542, 553.
— officinalis, II, 541, 553.
— papyracea , II, 542, 548.
— Pseudo-China, 11,557.
— pseudo-syphililica, II, 553.
— Purliampuy , II, 343.
— Schomburgkiana, 11, 542.
— syphilitica , II, 542, 553.
— syringoïdes, II, 557 .
— tamnoïdes , II, 557 .
Socaloïne, II, 514, 515.
Soffar, I, 419.
Solanacées, II, 126.
Solanicine, II, 128.
Solanidine, II, 12S.
Solanine, II, 127.
Solanum , I, 77; II, 128.
— Dulcamara, II, 126, 127, 128.
— nigrum , II, 126, 127.
— tuberosum, II, 427.
Solcnostemma Argel, I, 392, 395.
Sômida, 1, 301.
Somo, I, 51, 55.
Sorgho saccharatum, II, 568.
Sôtrot, II, 98.
Souline, I, 7.
Sôyah, I, 576.
Soymida , I, 303.
— fcbrifuga, I, 303.
Spanischer PfefTer, II, 129.
Spajiish Juice, I, 322.
(i(»7
TABLE ANALYTIQUE.
Spanish Liquorice, I, 322.
Spartéine, 1, 313, 314.
Spartium Scoparium, I, 312.
Spearmint, I, 548 ; II, 172.
Spere Mynte, II, 173.
Spennædia Clavus, II, 605.
Sphæria, II, 607.
Sphærococcus amylaceus, II, 615.
— confervoïdes, II, 615.
Sphærococcus lichenoïdes, II, 615.
Sphacelia segetum, II, 605.
Spigelia, II, 90, 92.
— marilandica, II, 90, 92, 93, 358.
Spina Cervina, I, 305.
Spina Ægyptiaca, I, 430.
Spiritus Camphoræ, II, 256.
Spogel Seeds, II, 192.
Spores de Lycopode, II, 585.
Spot'ulæ Lycopodi, II, 585.
Springgurke, I, 522.
Spurred Rye, II, 601.
Squames de Scille, II, 520,
Squill, II, 520.
Squinanthus, II, 579.
Squine, II, 555, 556.
Squirting Cucumber, I, 522.
Sringavéra, II, 430.
Stacte, I, 270.
Staphis, I, 10.
Staphisagria, I, 10.
Staphisagrine, I, 12.
Staphisaigre, I, 10.
Staphisaïne, I, 11.
Star-Anise, I, 51.
Stavesacre, I, 10.
Stéarine, I, 185.
Steohapfelblatter, II, 140.
Stechapfelsamen, II, 143.
Stephanskôrner, I, 10.
Sternanis, I, 51.
Stinkasant, I, 256.
Stipes Dulcamaræ, II, 126.
Stizolobium pruriens, I, 333.
Stœchas arabica, II, 172.
Storace odorifera, I, 482.
— en Pain de Guibourt, I, 488.
— Isaurica, I, 483.
— noir, I, 488.
— Smeliing Benjamin, II, 45.
— vrai, I, 488.
Storax, I, 482, 483.
Stourika, I, 482.
Stramoine, II, 140.
Stramonium, II, 140.
— Seeds, II, 143.
Strassburger Turponthin, II, 399.
— Turpentine, II, 399.
Strobili I-Iumuli, II, 291.
Strychnine, II, 84, 90.
Strychnos, 11,82, 86,87.
colubrina, II, 85..
— Ignatii , II, 88, 90.
— ligustrina, II, 82.
— lucida, II, 82.
— Nux vomica, I, 203, 205, 206;
II, 81, 82, 85, 87.
— philippensis, II, 88.
— Tieutc, II, 85.
SLurmhulknolIen, 1, 14.
Sturmhutkraut, I, 22.
Styracées, II, 40.
Styracine, I, 378, 486, 488.
Styrax, I, 493; II, 47.
— Benzoin, II, 40, 45, 48.
— Calamita, I, 488.
— Finlaysonianum,l\, 40.
— officinalis, I, 482, 483, 488, 4S9,
493.
— subdenticulatum, II, 45.
Styrax liquida, I, 481.
— liquida folio minore, I, 490.
— liquide, I, 481, 482, 484.
Styrol, I, 370, 485 ; II, 46, 493.
Styrone, I, 487.
Suc d’AIoès, II, 500, 509.
— de Réglisse, I, 322.
— — d’Espagne, I, 325.
— — de Solazzi, I, 324.
Succus Conii, I, 536.
— Glycyrrhizæ, I, 322. ,
— Liquiritiæ, I, 322.
— Limonis, I, 214.
— Liquiritiæ Candiacus, I, 323.
— — Creticus, I, 323.
— — Venetus, I, 323.
Sucre brûlé, II, 566.
Sucre de Betterave, II, 566.
— de Canne, II, 558.
— d’Erable, II, 567.
— de Palmiers, II, 567.
— de Sorgho, II, 568.
Sucrose, II, 558.
Sugar, II, 558.
Sulfate de Bibirine, II, 265, 266.
— de Cinchonidine, I, 633.
Sulfo-cyanate d’acrynile, I, 140.
— de Quinine, I, 625.
Sumarubarinde, I, 243.
Sumbul, I, 554.
Sumbul Root, I, 553.
008
TABLE ANALYTIQUE.
Sumbuline, I, 555.
Summitatos Sabinæ, II, 417.
— Scoparii, I, 312.
Suneg, I, 35.
Sureau commun, I, 587.
Suseman, II, 163.
Süsse Mandela, I, 439.
Süssholz, I, 315.
Süssholzsaft, I, 322.
Suvk, I, 57G.
Sivertia, II, 104.
Sweet Almonds, I, 439.
— Flag Rool, II, 49B.
— Gum, I, 489.
— Scented, I, 509.
— WoodBark, II, 313, 314.
Synanthrose, II, 4.
Synaptase, I, 442.
Syrapus communis, II, 5G9.
— hollandicus, II, 5G9.
«
T
Tabac, II, 150, 155.
— des paysans, II, 155.
— de Shiraz, II, 155.
— des Indes orientales, II, 154.
— femelle, II, 155.
— turc, II, 155.
Tabacco, II, 150.
Tabakbliltter, II, 150.
Tacamaque jaune huileuse, I, 285.
Ta-fug-tze, I, 147.
Taj-pîit, IL 246.
Talch, I, 419.
Talha, I, 419.
Tamare-Hindi, I, 403.
Tamarin, I, 402.
Tamarinden, I, 402.
Tamarinds, I, 402.
Tamarin brun, I, 405.
— des Indes occidentales, I, 405.
— des Indes orientales, I, 405.
— d’Egypte, I, 404.
— noir, I, 405, 406.
— rouge, I, 405.
Tamarindi Pulpa, I, 402.
Tamar indus, I, 40G.
— iiidica, I, 402, 400.
— occiclentalis , I, 403.
Tamariniers, I, 40G.
Tamarix gallica, II, 55.
— orientais, II, 370.
Tampangs, II, 43.
Tang-hvvang, I, 160.
Tanncnharz, II, 400.
Tannin, II, 3G7.
Taraxacérine, II, 24 .
Taraxacine, II, 23.
Turaxacum , II, 22, 25.
— Dois Léonin, II, 21,22.
— officinale, 11,21,25.
Taraxacum Root, 11,21.
Tasmannia aromatica , I, 49.
Tecamez Bark, I, 623.
Teel Oil, II, 1G3.
Terebinlhina, II, 390.
— Argenloratensis, II, 399.
— Canader.sis, II, 394.
— Chia, I, 294.
— Cypria, I, 294.
— laricina, II, 389.
— vcneta, II, 389.
— vulgaris, II, 378.
Térébenthine, II, 403.
— au citron, II, 399.
Térébenthine commune, II, 378.
— d’Alsace, II, 399.
Térébenthine d’Amérique, 11, 381.
— de Bordeaux, II, 3S2.
— de Briançon, II, 389.
Térébenthine de Chio, I, 294.
— de Strasbourg, II, 399.
— de Venise, II, 3S9.
— de Chypre, I, 294.
Térébenthine du Canada, II, 394.
Térébenthine du Mélèze, II, 387.
— du Sapin, II, 399.
TÉUÉBINTHACÉES, I, 259.
Térébinthe, I, 297.
Teriak-e-Arabistani, I, 105.
Termentina sive Larga, II, 390.
Terra Japonica, I, 433, 434, 589.
Terræ Medicamentosæ, I, 435.
Terre Japonaise, I, 589.
Têtes de Pavot, I, 94.
Tetracétylène, I, 4 86.
Tetranthera , II, 352.
Thalictrum, I, 61.
— flavum, I, 9.
— foliosum, I, 9.
Thalléioquine, I, 625.
Thaliochlor, II, 599.
Thébaïcine, I, 119.
Thébaïne, l, 119, 124.
Thébénine, I, 119.
Thé de Sassafras, II, 269.
Tlieobroma, 1, 185.
— Cacao, I, 184, 185, 186, 1S7.
669
TABLE ANALYTIQUE.
Theobroma leiocarpa, I, 184, 186.
— pentagona , I, 184,186.
— Salzmanniana, I, 184, 187.
Thephrosia Apollinea, I, 3y7-
Tlüosinammine, I, 144.
Thornapplo, II, 140.
Tli u il g, I, 170.
Tlius Libycum, I, 672.
— masculum, I, 269.
— vulgarc, II, 182.
Thym bâtard, II, 184.
Thyméléacées, II, 271.
Thymène, II, 183.
Thymiam Gompbite, I, 483.
— — noir, I, 482.
Thymiankraut, II, 182. ,
Thymol, I, 543, II, 183.
Thym sauvage, II, 182.
Thymus , II, 184.
— Chamædris, II, 185.
— Serpyllum, II, 182, 184, 185.
— vulgaris , I, 544, 585 ; 1!, 182,
184.
Tien-chu-kwei, II, 226.
Tigala, II, 59.
Tige du Cliondodendron lomeulosum,
I, 70.
Tiglium officinalis, II, 308.
Tikhar, II, 428.
Tikor, II, 42S.
Til, II, 163.
— Oil, II, 163.
Tilaha, II, 163.
Ting Hiang, I, 499.
Thtospora, I, 82.
— cor di folia, I, 81, 82.
— crispa, I, 82, 83.
Tita, I, 8.
Tobacco, II, 150.
Toddalia, I, 242, 243.
— aculeata, I, 241, 242, 243.
— asiatica, I, 243.
— lanceolata, I, 241.
Toddy, II, 567.
Tolène, 1, 370.
Tolfa Manna, II, 51.
Tollkraut, II, 138.
Tolu, I, 3C7.
Tolubalsam, I, 367.
Toluène, II, 409
Toluifcra, I, 371.
— Balsamum, I, 367, 371, 372.
Toluol, II, 409, 493.
Touloula, II, 427.
Toule-Bomie, 11,192.
Toute-Epice, I, 36, 508.
Toxirésinc. II, 159.
Tragacanth, I, 346.
Tragacantha, I, 346.
Tragacantha cretica incana, I, 354.
Tragacanthino, I, 351.
Traganth, I, 346.
Traîneau, I, 34.
Transparent Rosine, II, 382.
Treacle, II, 569.
Trchala, II, 59.
Tréhalose, II, 610.
Trigonclla, I, 344.
— Fœnum græcum, I, 342, 344.
Trimétliylaminc, II, 294, 610.
Trinitrorésorcine, I, 569.
Trioléine, II, 64.
Tripalmiline, II, 64.
Triticum, II, 582.
— repens, II, 580, 5S2, 583.
Tropine, II, 131.
True Bisliop’s Weed, I, 542.
— Provins Roses, I, 462.
Tuber Aconiti, I, 14.
— Chinæ, II, 555.
— Colchici, II, 534.
— Jalnpæ, II, 144.
Su-fuh-ling, II, 557.
Turanjabin, II, 55.
Turiones Fœniculi, 1, 538.
Turmeric, II, 435.
Turpentinc, II, 378.
Turquey Galls, II, 364.
Tylopliora, II, SI.
— asthmatica, II, 7, 81.
Tyrosine, I, 156.
U
Ulex europœus, I, 346.
Ulmacées, II, 275.
Ulmenrinde, II, 299.
Ulmine, II, 301.
Ulmus, II, 301.
— campestris, II, 299, 301, 303.
— fulva , II, 302, 303.
— moiitana, II, 300.
Umbelliférone, I, 555, 564, 56S ; II, 272.
Fine aria, I, 593.
— acida, I, 589, 594.
— Gambier, I, 589, 593.
Urginea, II, 624.
— altissima, II, 523.
— indica , II, 523.
G70 TABLE ANALYTIQUE.
Urginea maritima, II, 520, 523.
— scilla, II, 520.
Ursone, II, 37.
Uruk, I, 7.
Ushak, I, 572.
Uvæ Passæ, I, 309. 310..
Vitex Agiius caslus, II, 320.
Vitis Idæa, II, 37.
Vit is vinifera , 1, 309, 310, 311.
Vola, I, 270.
W
V
Vaccinium Vitis-Idæa, II, 37.
Vacha, II, 497.
Valéréne, I, 659.
Valérol, II, 294.
Valérone, I, 659.
Vai.érianacées, I, 656.
Valerianaj I, 656, 657, 660.
— angustifolia, I, 656.
— celtica, I, 657.
— officinalis , I, 656, 660, 661.
— Phu, I, 661.
Valériane, I, 657.
Valerian Root, I, 656.
Vallàrai, I, 531.
Vanilla, II, 466, 470.
Vanilla planifolia, II, 466, 470, 471.
Vanille, II, 466, 470.
Vanilline, II, 468, 469.
Vashanavi, I, 26.
Vaza-nabhi, I, 26.
Veilchenwurzel, II, 471.
Vellarine, I, 531.
Venetianischer Terpenlhin, II, 389.
Venice Turpentine, II, 389.
Vera-Cruz Jalap, II, 114.
Vératramarine, II, 526.
Vératrin, II, 532.
Veratrum , II, 527.
— album, II, 525, 527.
— frigidum, II, 527.
— lobelianum, II, 528.
— nigrum , II, 527.
— officinale, II, 530.
— . Sabadilla, II, 531.
— viride, II, 528, 530.
— viride album, II, 528.
Ycrbascum, II, 160, 331.
Verzino, I, 388.
Vetti-ver, II, 579.
Vikunia, I, 506.
Vin de Palme, II, 567.
Viorne, I, 34.
Virginian Snake-Root, 11, 357.
Virgin Dip, II, 381.
Visha, I, 24.
Wachholderbeeren, II, 4)3.
Waltheria glomerata, II, 356.
Wars, II, 328, 329.
Wasserharz, II, 402.
Watile tree, I, 420.
Waythorn, I, 305.
Weihrauch, I, 259.
Weisser Diptam, I, 248.
Weisscr Sent, I, 138.
Weisse Nieswurzel, II, 525.
Weisses oder gelbes Sandelholz, 11,371.
Weisstanne, II, 399.
White Ilellebore, II, 525.
— flowered Datura, II, ,144.
— Mustard, I, 138.
— Wood Bark, I, 38.
Wiesenküchenschelle, I, 32.
Wild Blac Cherry Bark, I, 452.
— Cinnamon, I, 46.
Winter’s Bark, I, 42.
— Cinnamon, I, 42.
Winlersrinde, I, 42.
Wittedoorn, I, 420.
Wood Apple, I, 236.
— Oil, I, 170.
— Tar, II, 406.
— wind flower, I, 32.
Woody Nightshade, II, 126.
Wormseed, II, 13.
Wurmsamen, II, 13.
Wych Elm, II, 300.
X
Ximenia amcricana , I, 449.
Xylène, II, 409.
Xyléuol, II, 516.
Xylocassia, II, 240.
Xylocinnamomum, II, 240.
Y
Ya-Pien, I, 98.
Yagh, I, 484.
Yôble, I, 588.
Yegaar, I, 261, 285.
Yellow Cinchona Bark, I, 614.
671
TABLE ANALYTIQUE.
Ycllovv false Jessamine Root, II, 93.
— Jasmine Root, II, 93.
— Rosine, II, 3S2.
Yeranda, II, 318.
Yuh-kin, II, 436.
Z
Zadvar, I, 26.
Zanthoxylum, I, 24t.
— Bungei, I, 241.
Zarsa Parilla, II, 543.
Zeitlosenknollen, II, 534.
Zeitlosensamen, II, 538.
Zeste d’Oranges amères, I, 226.
Zimmt, II, 224.
Zingiber, II, 434.
— officinale, II, 429, 434.
Zitwersàmen, II, 13.
Zizyplius, I, 308, 309.
— Jujuba, I, 309.
— Lotus, I, 309.
— Œnoplia, I, 309.
— Spina Christi, I, 309.
— vulgaris, I, 308, 309.
Zuclcer, II, 558.
Zuli, I, 571.
Zwetschen, I, 451.
Zygia, I, 482.
FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.
EH HATA ET ADDENDA DU TOME il
H;ige 4, ligne 2, au lieu de: Alanthal, lisez: Alantol.
36, ligne 23, au lieu de: C«HwO, lisez: C8I1''02.
81 , article noix vomique, ajoutez : M. le docteur Thorel, l'un des naturalistes de
l’expédition du Mé-kong, nous transmet au derniermomentlanole suivante:
« Parmi les sept, espèces de Strychnos que nous avons rencontrées dans le
sud de rindo-Chinc, deux fournissent les noix vomiques que l'on exporte
en si grande quantité en Chine. Ces deux espèces diffèrent du Strychnos
î\ux votnica par les feuilles, les fruits et la plupart des autres caractères j
toutefois les graines présentent si peu de différences entre elles et avec
celles du vrai Vômiquier qu’il est très-facile de les confondre. »
136, ligne 27, au lieu de: Floxylove, lisez: Foxylovc.
184, ligne 1, au lieu de: C6H3.OH.C3H3.CII3, lisez : C°H3.OH.CII3.C3II3.
248 (note a), ajoutez: ha. note suivante nous a été transmise après la mise en
page, par M. Thorel, auquel nous en laissons la responsabilité :
« Le Cannellier que j’ai trouvé dans le Laos est bien réellement le Cin-
namomum Cassia, ainsi que l’attestent ses caractères, qui sont les suivants:
« Arbre médiocre, fleurissant de décembre à janvier, à ramuscules
allongés, sub-tétragouaux, aplatis en naissant, è faces inégales glabriuscules.
Bourgeons petits, nus. Feuilles coriaces exhalant une odeur plus faible que
l’écorce, alternes ou parfois sub-opposées, portées par un pétiole élargi
supérieurement, long de 2 centimètres, à limbe oblong, sub-aigu h la base,
mousse au sommet, long de 10 à 20 centimètres, large de 4 à 3, glabre,
brillant et d’un vert foncé en dessus, terne, glauque*et parsemé d’un (in
duvet couché en dessous, trinerviôes, les deux nervures latérales soudées à
la médiane sur une longueur de 1 centimètre environ. Ces nervures visibles
sur les deux faces, très-saillantes inférieurement, atteignent le sommet des
feuilles et sont reliées entre elles par des nervilles nombreuses, transver-
sales, rameuses, saillantes en dessus et en dessous. Fleurs en grappes
làchels, au nombre de quatre à six, solitaires à l’aisselle des feuilles supérieures
qu’elles dépassent à peine, portées par un pédoncule grêle, anguleux, gla-
briuscule long de 10 à 23 centimètres, muni en général à son sommet de-
six bras triflores opposés ou sub-opposés par deux, pourvu d’un pédicelle
glabriuscule de 1 à 3 centimètres de longueur. Fruit noir, luisant, oblong,
aigu supérieurement, gros comme une petite olive, muni à sa base d'un
périanfhe persistant formant une cupule obeonique, atténuée inférieure -
met t, ridée, tuberculeuse transversalement, il bords épais érodés, s'ub-denlés,
hauts de 2 à 3 millimètres. Je doute que cet arbre croisse spontanément en
Chine comme on l’a cru jusqu’il ce jour; je pense qu’on le trouve seulement
au Laos et en Cochinchine, entre le 17e et le 2tc degré de latitude, d’où l’é-
corce est expédiée en Chine, vers les mois de mai ou de juin, après la récolte.»
333, légende de la figure 240, au lieu de: Cubbea , lisez : Cubcba.
300, ligne 22, au lieu de : Bautzen, lisez : Botzen.
394, note 2, au lieu de : Frückiger, lisez : Flückigcr.
401, ligne 18, au lieu de: Burgondy, lisez: Burgony.
406, ligne 16, au lieu de: Swatzburg, lisez: Sclnvarzburg.
409, ligne 36, au lieu de : Naphthalène, lisez: Naphtaline.
438, ligne 3, au lieu de: C'°Ill0Ol3, lisez: Cl0HinO3.
442, ligne 37, au lieu de : Greater Galanga , lisez : Greatcr Galangal.
PARIS. — TYPOGRAPHIE A. 1IENNUYER, RUE D’ARCET, 7.
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