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Full text of "Histoire des drogues d'origine v©♭g©♭tale [electronic resource]"

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HISTOIRE 


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DROGUES 


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D’ORIGINE  VEGETALE 


, 


Professeur  à l’Université  de  Strasbourg,  Membre  de  la  Société  Royale, 

Membre  correspondant  étranger  do  la  Société  de  la  Société  Linnéenne  et  de  la  So.iéLé  chimique 

I , de  Pharmacie  de  Paris.  de  Londres. 


F.-A.  FLUCKIGER 


PAU 


ET 


DANIEL  IIANBURY 


TRADUCTION  DE  L’OUVRAGE  ANGLAIS  « PHARMAC0GRAPII1A  » 

augmentée  de  très-kombreuses  notes 


PAR 

LE  Dr  J.-L.  DE  LANESSAN 

Professeur  agrégé  d’histoire  naturelle  à la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Avec  une  préface  pur  H.  J SS^ILLO  N 

320  FIGURES  DESSINÉES  POUR  CETTE  TRADUCTION  PAR  L.  HUGÛN 


TOME  SECOND 


PARIS 

OCTAVE  DO  IN  T ÉDITEUR 

8,  PLACE  DE  L’ODÉON,  8 

1878 

Tous  droits  réservés. 


KING’S 

College 

LONDON 


Founded  1829 

\y-r,  Library  \Jo  ) . Z 

\A  iS*o  . <~£-  <>  çV^O  v'-C.,  S 

CX  C 1 Cj  *-\j2-  Vj  \ Ov 

Sco,--'OL 
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20071 


3572  4 


KING’S  COLLEGE  LONDON 


HISTOIRE 


DBS  DROGUES 


D’ORIGINE  VÉGÉTALE 


PARIS.  — TYPOGRAPHIE  A.  HENNUYER,  RUE  d'aRCET,  7 


HISTOIRE 


DES  DROGUES 

D'ORIGINE  VÉGÉTALE 


PAR 


F.-A.  FLUCKIGER 

Professeur  à l’Université  de  Strasbourg, 
Membre  correspondant  étranger  de  la  Société 
de  Pharmacie  de  Paris. 


DANIEL  ÏÏANBURY 

Membre  de  la  Société  Royale, 
do  la  Société  Linnéenne  et  de  la  Société  chimique 
de  Londres. 


TRADUCTION  DE  L’OUVRAGE  ANGLAIS  « PHARMACOGRAPIIIA  )) 

AUGMENTÉE  DE  TRES-NOMBREUSES  NOTES 


PAR 

LE  Dr  J.-L.  DE  LANESSAN 

Professeur  agrégé  d’histoire  naturelle  à la  Faculté  de  médecine  do  Paris. 


Avec  une  préface  par  H.  BAILLON 

ET  320  FIGURES  DESSINÉES  POUR  CETTE  TRADUCTION  PAR  L.  HUGON 


TOME  SECOND 


PARIS 

OCTAVE  DO  IN  , ÉDITEUR 

8,  PLACE  DE  L’ODÉON,  8 


1878 

Tous  droits  réservés. 


HISTOIRE 


DES 

DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE 


PLANTES  PHANÉROGAMES 


DICOTYLÉDONES 

COMPOSÉES. 

RHIZOME  D’AUNÉE. 

Radia;  Inulx  ; Radix  Enulx  ; Radix  Helenii ; angl.,  Elecampanc  fl)  ; allem.,  Alantwurzcl. 

Origine  botanique.  — L ' Inula  Helenium  L.  est  une  grande  plante 
vivacfe,  très-répandue.  On  la  trouve  dans  toute  1 Europe  centrale  et 
orientale,  d’où  elle  s’étend  vers  l’est  jusqu’au  Caucase,  dans  la  Sibérie 
et  rHimalaya.  On  la  trouve  çà  et  là,  en  apparence  à l’état  sauvage,  dans 
le  sud  de  l’Angleterre  et  de  l’Irlande,  dans  le  sud  de  la  Norwége  (Schii- 
beler)  et  en  Finlande.  On  la  cultivait,  autrefois,  dans  les  jardins,  comme 
plante  médicinale  et  culinaire,  et  elle  a été  transportée,  à ce  titre,  dans 
l’Amérique  du  Nord.  En  Hollande  et  dans  quelques  parties  de  l’Angle- 
terre et  de  la  Suisse,  on  la  cultive  sur  une  plus  grande  échelle  [a). 

Historique.1 — Cette  plante  était  connue  des  anciens,  notamment  de 
Cclsc,  de  Columella,  de  Dioscoride  et  de  Pline.  On  l’employait  alors 
comme  médicament  et  comme  condiment.  Marcellus  Empiricus,  au  cin- 
quième siècle,  et  saint  Isidore,  au  commencement  du  septième,  la  dési- 
gnent sous  le  nom  d ’ Inula  ; le  dernier  ajoute  : « quam  Alain  rustici  vo- 
cant.  » Elle  est  fréquemment  men  tionnée  dans  les  ouvrages  anglo-saxons 
sur  la  médecine,  écrits  avant  la  conquête  des  Normands  et  était  géné- 
ralement connue  au  moyen  âge.  On  n’employait  pas  seulement  sa  racine 

(I)  Ce  terme  dérive  â’Enula  Campancl,  ce  dernier  mol  »e  rapportant  a la  présence 
île  la  plante  dans  la  Campanie  (Italie). 

1 

IIIST.  DES  DROGUES,  T.  U. 


2 COMPOSÉES. 

eumuie  médicament,  mais  encore  on  la  faisait  cuire  et  confire  comme 
aliment  sucré. 

Description.  — Pour  l'usage  pharmaceutique,  on  prend  les  racines  (b) 
de  plantes  âgées  de  deux  ou  trois  uns;  lorsqu’elles  sont  plus  vieilles, 
elles  sont  trop  ligneuses.  La  masse  principale  de  la  racine  est  formée 
d’une  couronne  courte  et  épaisse  Celle-ci  se  divise,  inférieurement,  en 
plusieurs  branches  charnues  de  3 à S centimètres  de  diamètre,  cou- 
vertes d’une  écorce  jaune-pâle,  blanchâtres  et  juteuses  à l’intérieur.  On 
fait  sécher  les  racines  les  plus  petites  en  entier;  on  coupe  les  plus 
grosses  en  tranches  irrégulières  qui  se  contournent  de  différentes  fa- 
çons. Sèches,  elles  sont  d’un  gris  clair,  cassantes,  cornées,  à cassure 
lisse.  Coupées  transversalement,  les  jeunes  racines  offrent  une  struc- 
ture rayonnée  peu  marquée  et  une  zone  cambiale  plus  foncée  qui  sé- 
pare une  écorce  épaisse  de  la  portion  centrale  ligneuse.  La  moelle  n’est 
pas  nettement  définie  ; elle  est  souvent  poreuse  et  creuse.  Dans  les 
vieilles  racines,  l’écorce  est  relativement  plus  mince  et  la  substance  in- 
térieure est  presque  uniforme.  La  racine  d’Aunée  possède  une  faible 
odeur  aromatique  qui  rappelle  celle  de  l’Iris  et  du  Camphre,  et  un  goût 
un  peu  amer,  aromatique,  qui  n’est  pas  déplaisant. 

structure  microscopique.  — Les  rayons  médullaires  du  bois  et  de  la 
portion  interne  de  l’écorce  ( endophlœum ) offrent  de  larges  canaux  balsa- 
miques. Dans  la  racine  fraîche,  ils  contiennent  un  liquide  aromatique 
qui,  en  se  desséchant,  laisse  déposer  des  cristaux  de  Stéaroptène  proba- 
blement dérivés  de  l’huile  essentielle.  Les  cellules  parenchymateuses  de 
la  drogue  sont  remplies  d’inuline  en  masses  fendillées  dépourvues  de 
structure  particulière  (c). 

Composition  chimique.  — Dès  1660,  Le  Febvre  (1)  observa  que  lors- 
qu’on soumet  la  racine  d’Aunée  à la  distillation  avec  de  l’eau,  il  s'ac- 
cumule dans  le  sommet  du  chapiteau  une  substance  cristallisable 
incolore,  qui  se  dissipe  bientôt  lorsque  l'opération  continue.  On  peut 
observer  la  même  substance  après  avoir  chauffé  une  tranche  mince  de 
la  racine,  et  on  la  trouve  même,  souvent,  sous  forme  d’efflorescences,  à 
la  surface  des  racines  qui  ont  été  longtemps  conservées.  Son  odeur  est 
faible;  son  goût  est  aromatique;  elle  fond  à T2  degrés  centigrades; 
elle  est  facilement  soluble  dans  l’alcool,  mais  non  dans  l'eau.  Jusqu'à 
ces  derniers  temps,  elle  a été  considérée  comme  un  corps  distinct  sous 


(1)  Apothicaire  ordinaire  du  Roy,  distillateur  chymiquc  de  Sa  Majesté.  Traité  de  la 
ehymie , Paris,  1660,  I,  375-377. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 
le  nom  d ’ffélénine  (l);mais,  d’après  les  recherches  de  Kallen  (2),  elle  pa- 
raît être  composée  de  deux  substances  cristallisables,  a I mie  desquelles 
il  donne  le  nom  d’ Hé  lénine,  tandis  qu’il  nomme  l’autre  Camphre  d'Au- 
née.  Kallen  assigne  à son  hélénine  la  formule  G6H80  ; il  la  décrit  comme 
fusible  à HO  degrés  centigrades  et  dépourvue  d’odeur  et  de  saveur.  Le 
Camphre  d’Aunée  a probablement  pour  formule  G,0H16O  ; il  fond  à Gi  de- 
grés centigrades  ; sa  saveur  et  son  odeur  rappellent  celles  de  la  menthe 


Kig.  130.  In ul i ne  du  rhizome  de  l’Année. 

A,  cristaux  déposés  en  dehors  des  cellules  d'une  préparation  provenant  d'un  fragment  de  rhizome 
<pii  avait  séjourné  pendant  plusieurs  jours  dans  l’alcool  concentré  ; B,  masse  d'inuline  à aspect 
amorphe,  après  séjour  dans  l’alcool;  C,  sphôro-cristal  d'inuline  volumineux,  formé  de  trois 
portions  séparées  par  des  parois  cellulaires,  préparation  dans  la  glycérine  après  séjour  dans 
l'alcool  ; U,  sphêro-cristaux  de  formes  diverses  ; E,  sphéro-cristal  de  la  même  préparation 
déchiqueté  sur  le  bord,  après  séjour  dans  l’alcool  et  traitement  par  l'acide  acétique. 


poivrée.  11  est  très- difficile  de  séparer  complètement  l’hélénine  du  cam- 
phre d’Aunée,  ces  deux  substances  étant  presque  également  solubles 
dans  l’alcool  et  l’éther.  En  distillant  la  seconde  avec  du  pentasulfurc 
de  phosphore,  on  a obtenu  du  Cymol , Cl0Hu.  Il  paraît  y avoir  dans  l’Au- 

(1)  Gmemk,  Chefnistry,  1 8(i(],  XVII,  5 2 "2. 

(2)  Bcrichte  (1er  deütschen  chtUnischcii  OtàselUchaft,  1874,  I HOU  ; 1 870,  ldi. 


4 


COMPOSÉES. 


noe,  d’après  les  récentes  recherches  de  Kallen,  une  huile  volatile,  Y Alan- 


thaï  C,0Ill6O. 


La  substance  qui  existe  en  quantité  dominante  dans  la  racine  d’Aunée 
est  Ylnuline,  découverte,  dans  celte  plante,  par  Valentin  llose,  en  1804. 
Elle  possède  la  même  composition  que  l’amidon,  GnHî0O10,  mais  se 
montre,  jusqu’à  un  certain  point,  en  opposition  avec  ce  corps  qu’elle 
remplace  dans  les  racines  des  Composées.  L’inuline  n’a  encore  été 
découverte,  avec  certitude,  dans  aucune  autre  famille  de  plantes,  excepté 
les  Campanuiacées,  Lobéliacées,  Goodénoviées  et  Stylidées  (I).  Dans 
les  plantes  vivantes,  elle  est  tenue  en  dissolution  dans  le  suc  aqueux  ; 
sous  l’influence  de  la  dessiccation,  elle  se  dépose  dans  les  cellules  sous 
forme  de  masses  amorphes  qui  n’-agissent  pas  sur  la  lumière  polarisée 
et  ne  sont  pas  colorées  par  l’iode.  11  existe  d’autres  caractères  variés 
par  lesquels  l’inuline  diffère  de  l’amidon.  Ainsi,  l’inuline  se  dissout  faci- 
lement dans  environ  3 parties  d’eau  bouillante  ; la  solution  est  parfaite- 
ment claire  et  fluide  et  non  gommeuse,  mais  en  refroidissant  elle  laisse 
déposer  presque  toute  l’inuline.  Cette  solution  est  lévogyre  et  se  trans- 
forme facilement  en  sucre  incristallisable.  L’inuline  ne  donne  pas  avec 
l’acide  azotique  de  composé  explosible,  comme  le  fait  l’amidon.  Sachs 
a montré,  en  1864,  qu’en  immergeant  les  racines  de  l’Aunée,  du  Dahlia 
variabilis , ou  celles  de  plusieurs  autres  Composées  vivaces,  dans  l'alcool 
ou  la  glycérine,  on  peut  précipiter  l’inuline  sous  la  forme  cristalline. 
Ces  agrégations  de  cristaux  en  forme  d’aiguilles  (sphéro-cristaux)  offrent 
alors,  sous  le  microscope  polarisant,  une  croix  semblable  à celle  des 
grains  d’amidon.  La  proportion  d’inuline  varie  avec  la  saison,  mais  elle 
est  plus  abondante  en  automne.  Parmi  ses  diverses  sources,  la  plus  riche 
paraît  être  l’Aunée.  Dragendorff,  qui  a publié  sur  ce  sujet  un  traité  (2) 
très-étendu,  a retiré,  en  octobre,  de  la  racine  d’Aunée,  jusqu’à  44  pour  I Oü, 
et,  en  hiver,  seulement  19  pour  100  d’inuline  (c). 

Dans  les  racines  des  Composées,  l’inuline  est  accompagnée,  d a- 
près  Popp  (4),  par  deux  substances  très- voisines,  la  Synanthrose , 
C12H"0"-)-H20,  et  Ylnuloïde , C6H10O5  + IPO.  La  Synanthrose  est  so- 
luble dans  l’alcool  dilué  ; elle  est  dépourvue  de  tout  pouvoir  rotatoire 


(1)  L’inuline  existe  aussi,  parait-il,  en  dissolution,  dans  le  suc  cellulaire  de  certaines 
Algues,  notamment  dans  celui  de  1 ’Acetabularia,  Algué  monocellulaire  de  la  famille 
des  Dasycladées  (J.  Sachs,  Traité  de  botan.,  trad.  fr.,  86).  [Trad.] 

(2)  Materialien  zu  einèr  Monographie  des  Inulins,  Saint-Pétersbourg,  1870,  111  p. 
Voyez  aussi  le  mémoire  de  Prantl  sur  PInuline  résumé  dans  le  Pharm.  Jouni.,  sept. 
1871,  262. 

(3)  Wiggehs  et  Husemann,  Jahvesbcricht,  1870,  68. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  »J 

et  est  déliquescente.  L’Inuloïde  est  beaucoup  plus  soluble  dans  l’eau 
que  rinuline.  Ces  deux  substances  existent  probablement  ensemble  dans 
l’Aunée. 

Usages.  — L’Aunée  est  tonique  et  aromatique,  mais  on  n'c  l’emploie 
plus  comme  médicament.  On  la  vend  surtout  pour  la  pratique  vétéri- 
naire. Eu  France  et  en  Suisse  (Neuchâtel),  on  l’emploie  dans  la  distilla- 
tion de  l 'Absinthe. 


(o)  L'Inula  Helenium  L.  (S perdes,  1236),  vulg 
herboristes)  est  une  plante  à rhizome  souterrain, 
vivace,  duquel  s’élèvent,  chaque  année,  des  tiges 
aériennes  dressées,  atteignant  de  80  centimètres 
à lm,2a  de  haut,  rameuses,  anguleuses,  striées 
et  pubescentes.  Les  feuilles  radicales  émises  par 
le  rhizome  sont  très-grandes,  pétiolées,  ellipti- 
ques-oblongues.  Les  feuilles  portées  par  les  axes 
aériens  sont  amplexicaules,  cordiformes,  ovales, 
acuminées,  munies  sur  les  bords  de  dents  iné- 
gales, rudes  en  dessus  et  couvertes  en  dessous 
d’un  duvet  fin.  Les  capitules  sont  grands  et  ter- 
minaux. Leur  involucre  est  formé  d’écailles  im- 
briquées ; les  extérieures  sont  ovales,  lâches  ; les 
intérieures  sont  spatulées.  Le  réceptacle  est  nu. 
Les  fleurs  sont  jaunes.  Celles  du  centre  sont  des 
fleurons  tubuleux,  hermaphrodites  ; elles  sont 
entourées  d’un  rayon  de  demi-fleurons  femelles. 
Les  anthères  des  tleurs  hermaphrodites  sont  mu- 
nies, à la  base,  de  deux  soies.  Le  fruit  est  glabre 
et  couronné  par  une  aigrette  simple  et  roussàtre. 
L’Aunée  fleurit,  dans  le  centre  de  la  France,  eu 
juillet  et  août.  Elle  recherche  les  lieux  frais  et 
couverts,  les  prairies  humides  et  un  peu  ombra- 
gées des  terrains  argileux  (Voy.  Bentham  et  IIoo- 
ker,  Généra  plant.,  U,  330.  — Boreau,  Flore  du 
centre  de  la  France,  II,  326).  [Trad.1 

(6)  La  portion  de  la  plante  que  les  auteurs  dé- 
signent ici,  sans  doute  pour  se  conformer  aux 
usages  pharmaceutiques,  sous  le  nom  de  racine 
est,  en  réalité,  la  tige  souterraine,  le  rhizome 
vivace  de  l’Aunée.  Les  racines  qui  en  partent 
sont  grêles  et  peu  propres  à être  utilisées.  La 
structure  histologique  du  rhizome  est  très-sim- 
ple. Au  centre,  existe  une  moelle  formée  de 
grandes  cellules  irrégulièrement  polygonales;  au 
dehors,  est  une  écorce  large  dont  les  couches  su- 
perficielles aplaties  et  brunâtres  constituent  un 
faux  suber.  Les  cellules  de  l’écorce  sont  allongées 


. Aunée  ( Enula  Campana  des 


Fig.  131.  Rhizome  d'Amiée. 
Coupo  transversale. 

tangentiellement.  Les  faisceaux 


fi bro- Vasculaires  sont  nombreux,  étroits,  disposés  on  cercle  autour  de  la  moelle 


(i  COMPOSÉES. 

et  séparés  par  de  larges  rayons  médullaires.  Leur  portion  ligneuse  est  constituée 
presque  uniquement  paroles  'vaisseaux  assez  larges  à parois  brunes,  entourés  d’une 
bande  de  cellules  un  peu  plus  étroites  que  celles  des  rayons  médullaires.  Le  liber 
de  chaque  faisceau  forme  une  bande  étroite  et  allongée,  peu  distincte,  sur  une 
coupe  transversale,  car  ses  éléments  ne  diffèrent  de  ceux  des  larges  ravons  mé- 
dullaires que  par  un  diamètre  un  peu  moindre.  Dans  l’écorce,  les  rayons  médul- 
laires et  la  moelle,  sont  disséminés,  en  grand  nombre,  des  canaux  sécréteurs,  rem- 
pli* d’huile  ainsi  que  les  cellules  sécrétantes  qui  les  bordent.  Ces  canaux  sont 
constitués,  comme  dans  toutes  les  Composées,  par  des  méats  intercellulaires  très- 
d datés  servant  de  réservoirs  et  des  cellules  sécrétantes  disposées  en  cercles  concen- 
triques autour  de  chaque  méat,  formées  par  sectionnement  des  cellules  qui  bordaient 
primitivement  ce  dernier.  [Trad.J 

(c)  Pour  étudier  l’inuline  qui  existe  en  grande  quantité  dans  le  parenchyme  du 
rhizome  de  l’Aunée,  il  faut,  ou  bien  laisser  dessécher  à l’air,  pendant  quelques  jours, 
des  morceaux  du  rhizome,  ou  mieux  les  faire  macérer  dans  de  l’alcool  concentré 
ou  même  absolu.  Des  coupes  minces  placées  dans  la  glycérine  offrent  alors  l’inuline 
sous  les  aspects  divers  que  montre  la  figure  130.  En  laissant  séjourner  la  prépa- 
ration pendant  quelques  minutes  dans  l’acide  acétique,  et  la  plaçant  ensuite  dans 
de  la  glycérine  acidulée  avec  un  peu  de  cet  acide,  l’observation  est  plus  facile  et 
certaines  masses  offrent  bien,  comme  dans  la  figure  130,  la  structure  ravonnée,  les 
aiguilles  se  montrant  isolées  les  unes  des  autres  vers  la  périphérie. 


RACINE  DE  PYRÈTHRE. 

Radie  Pyrelhvi;  Pyrèthre  salivaire  ; angl.,  Pellitory  Root,  PclHtary  Of  Spain  ; 
ail em . , IJ er tram wursel. 

Origine  botanique.  — Anacyclus  Pyrethrum  DG.  ( Anthémis  Pyrethrum 
L.).  C’est  une  herbe  vivace,  de  petite  taille,  à feuilles  très-divisées  et  à 
fleurs  radiales  semblables  à celles  de  la  pâquerette.  Elle  est  originaire 
d’Algérie  où  elle  croît  sur  les  hauts  plateaux  qui  s’étendent  entre  les 
régions  fertiles  de  la  côte  et  le  désert  (a). 

Historique.  — Le  Tî’jpsOpsv  de  Dioscoride  était  une  plante  ombellifère 
dont  la  détermination  n’est  encore  que  conjecturale.  Le  Pyrèthre  des 
temps  modernes  était  connu  des  médecins  arabes  ; l’un  d’eux,  Ibn  Baytar 
(1248),  la  décrit  très- correctement,  d’après  les  échantillons  recueillis  par 
lui-même  près  de  la  ville  de  Gonstantine,  en  Algérie.  La  plante  est  nom- 
mée, dit-il,  par  les  Berbères,  Sandasab  ; on  ne  la  trouve  que  dans 
l’Afrique  occidentale,  d’où  on  la  transporte  dans  les  autres  pays(l).  La 
racine  de  Pyrèthre  constitue  en  Orient  un  remède  favori  et  a été 
longtemps  un  article  d’exportation  pour  l’Inde,  à travers  l’Egypte.  L'un 
de  ses  noms  arabes  est  Aâqarquarhd  ou  Akulkara , mot  qu’on  retrouve 


(1)  Tracluct.de  Sontiieime»,  1842,  II,  179. 


7 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VEGETALE. 

avec  de  faillies  variantes  dans  les  idiomes  principaux  de  l'Inde.  En  Alle- 
magne, le Pyrèthre  était  connu  dès  le  douzième  siècle;  il  y est  cité  dans 
les  plus  anciens  ouvrages  imprimés  de  matière  médicale. 

Description.— Telle  qu’elle  se  trouve  dans  les  boutiques,  la  racine  de 
Pyrèthre  est  simple;  elle  a de  7 à 10  centimètres  de  long  sur  1 centi- 
mètre à 1 centimètre  et  quart  d’épaisseur;  elle  est  cylindrique  ou  fusi- 
forme, quelquefois  surmontée,  à la  base,  de  restes  de  feuilles  brisées  et 
munie  d’un  petit  nombre  de  radicules  capilliformes.  Sa  surface  est  brune, 
rugueuse,  ridée.  Elle  est  compacte  et  cassante,  avec  une  surface  de 
cassure  radiée  et  dépourvue  de  moelle.  L’écorce,  qui  a,  au  plus,  1 milli- 
mètre d’épaisseur,  adhère  fortement  au  bois,  dont  elle  est  séparée  par 
une  couche  étroite  de  cambium.  La  colonne  ligneuse  est  traversée  par 
de  larges  rayons  médullaires,  dans  lesquels,  comme  dans  1 écorce , 
sont  dispersés  de  nombreux  canaux  résineux  de  couleur  foncée.  Cette 
racine  possède  une  faible  odeur  aromatique  et  un  goût  persistant,  brû- 
lant, qui  excite  une  sensation  singulière  de  picotement  et  un  écoulement 
abondant  de  salive.  La  drogue  est  très-susceptible  d’être  attaquée  par 
les  insectes. 

Structure  microscopique.  — L’écorce  de  la  racine  est  remarquable 
par  sa  couche  subéreuse  qui  est  en  partie  formée  de  cellules  scléren- 
chymateuses  (cellules  à parois  épaisses).  Les  conduits  résineux  (cel- 
lules à huile)  se  présentent  aussi  bien  dans  la  partie  moyenne  de  l’écorce 
que  dans  les  rayons  médullaires.  La  plupart  des  cellules  parenchyma- 
teuses sont  remplies  de  masses  d’inuline.  Le  Pyrèthre  est,  en  réalité, 
l'une  des  racines  les  plus  riches  en  cette  substance  (b). 

Composition  chimique.  — Le  Pyrèthre  a été  analysé  par  plusieurs 
chimistes.  Leurs  travaux  ont  montré  que  sa  saveur  brûlante  est  due  à 
une  résine  qui  n’a  pas  encore  été  complètement  étudiée.  La  racine  con- 
tient aussi  un  peu  d’huile  volatile,  du  sucre,  de  la  gomme  et  des  traces 
d’acide  tannique.  La  substance  désignée  sous  le  nom  de  Pyrêthrine  est 
un  corps  complexe. 

Commerce.  — La  racine  de  Pyrèthre  est  recueillie  surtout  en  Algérie, 
elle  est  exportée  d’Oran,  et  en  plus  petite  quantité,  d’Alger.  D’après  les 
informations  que  nous  avons  reçues  du  colonel  Playfair,  consul  général  v 
d’Angleterre  en  Algérie,  et  de  M.  AVood,  consul  d’Angleterre  à Tunis, 
il  paraît  que  la  plus  grande  quantité  de  cette  racine  est  expédiée  de 
Tunis  à Leghorn  et  en  Egypte.  M.  Wood  nous  a informé  que  la  drogue 
est  importée  de  la  ville  frontière  de  Tebessaen  Algérie,  dans  la  régence 
de  Tunis,  dans  la  proportion  de  500  ccinlars  (50000  livres)  par  an. 


8 


COMPOSÉES. 

Bombay. a importé,  pendant  l’année  1871-1875,  740  quintaux  de  cette 
drogue,  dont  plus  de  la  moitié  à destination  des  autres  ports  del'lnde(l  ). 

Usages. — Le  Pyrèthre  est  surtout  employé  comme  sialagogue,  contre 
les  maux  de  dents,  et  parfois,  sous  forme  de  teinture,  comme  stimulant 
et  rubéfiant  (2). 

Substitutions.  — En  Allemagne,  en  ltussie  et  en  Danemark,  le  Py- 
rèthre d’Afrique  est  remplacé  par  la  racine  de  l 'Anacyclus  ufficinarum 
Hayne,  herbe  annuelle  qu’on  cultive,  depuis  longtemps,  en  Prusse  et  en 
Saxe  (3).  Sa  racine,  colorée  en  gris  clair,  est  moitié  moins  épaisse  que 
celle  de  Y Anacyclus  Pyrelhrum  et  porte  toujours  un  grand  nombre  de 
restes  de  pédoncules  de  feuilles.  Elle  est  aussi  brûlante  que  celle  des 
espèces  vivaces  (e). 

(a)  Les  Anacyclus  L.  ( Gênera , n°  969)  sont  des  Composées  de  la  tribu  des  Anthé- 
midées,  à capitules  pédoncules,  hétérpgames,  radiés  ; à involucre  hémisphérique 
ou  largement  campanulé;  à achaines  comprimés  dans  le  dos,  les  plus  extérieurs 
étant  munis  de  deux  ailes. 

U Anacyclus  Pyrethrum  DC.  (Fl.  fr.,  Suppl.,  480),  vulg.  OEil  de  bouc,  Camo- 
mille Pyrèlhre , Racine  salivaire,  est  une  herbe  vivace,  à rameaux  procombants  et 
pubescents;  à feuilles  d’un  vert  bleuâtre;  les  caulinaires  sessiles;  les  radicales  pétio- 
lées,  étalées  en  rosette  sur  le  collet  de  la  racine,  à peu  près  glabres,  pinnatiséquées, 
à segments  divisés  en  lobes  profonds,  linéaires,  subulés.  Chaque  rameau  se  termine 
par  un  seul  capitule  dont  l’involucre,  hémisphérique  ou  largement  campanulé,  est 
formé  d’écailles  lancéolées,  jaunâtres  sur  le  bord.  Le  réceptacle  est  convexe,  cou- 
vert d’écailles  oblongues-ovales,  obtuses.  Les  fleurs  du  rayon  sont  ligulées,  uni- 
sériées,  femelles,  fertiles  ou  stériles,  blanches  en  dessus  et  pourprées  en  dessous. 
Les  fleurs'  du  disque  sont  des  fleurons  hermaphrodites,  jaunes,  à corolle  étroite, 
peu  dilatée  au  niveau  du  limbe  qui  est  divisé  en  cinq  dents  égales.  Les  anthères  sont 
obtuses  à la  base,  entières.  Le  fruit  est  formé  d’achaines  glabres,  comprimés,  mu- 
nis de  deux  ailes  membraneuses,  dépourvus  d’aigrette.  Le  Pyrèthre  croit  très-bien 
dans  les  environs  de  Montpellier.  11  vient  de  préférence  dans  les  terrains  secs  et 
bien  exposés  à la  chaleur.  On  le  multiplie  par  semis  et  par  boutures.  Dans  la  récolte 
pour  les  drogueries,  il  faut  choisir  les  racines  de  la  première  année  (Cazin).  [Trad.] 

(b)  Ainsi  qu’on  le  voit  dans  la  figure  132,  faite  d’après  une  racine  fraîche  de 
Pyrèthre  cultivé  à Paris,  l’écorce  est  formée  d’un  assez  grand  nombre  de  couches 
de  cellules  allongées  tangentiellement,  à parois  minces  : celles  des  couches  exté- 

(1)  Statement  of  the  Trade  and  Navigation  of  the  Présidence  of  Bombay,  in  1871-72, 
P.  II,  19,  98. 

(2)  La  poudre  de  fleurs  de  Pyrèthre  entre  dans  la  composition  de  plusieurs  poudres 
insecticides.  Elle  agit  fort  bien  pour  détruire  les  punaises.  Il  paraît  qu’on  y ajoute 
parfois  frauduleusement  des  fleurs  de  Matricaire.  Quelques  marchands  se  servent  de  la 
racine  pour  donner  de  la  force  aux  eaux-de-vie  de  mauvaise  qualité.  Cette  fraude 
n’est  pas  sans  dangers.  [Trad.] 

(3)  Pour  plus  de  détails  sur  les  espèces  médicinales  tY  Anacyclus,  voir  un  mémoire 
du  docteur  P.  Ascherson,  in  Bonplandia,  lu  avril  1858. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


Heures  sc  vident,  leurs  parois  brunissent  et  s’aplatissent  et  il  se  forme  ainsi,  une 
zone  do  faux  sulier.  Dans  notre  figure  on  voit, 

1 dans  l’épaisseur  do  l’écorce,  deux  canaux  à 
huile  entourés  d’un  cercle  de  petites  cellules  sé- 
crétantes. L’écorce  est  séparée  de  la  portion 
centrale  par  une  simple  couche  de  cellules  un 
peu  aplatiees,  représentant  la  gaine  des  fais- 
ceaux. Ces  derniers  partent  en  rayonnant  du 
centre  même  de  la  racine,  où  se  voient  d'ordi- 
naircf,  comme  dans  notre  figure,  deux  groupes 
de  vaisseaux  séparés  l’un  de  l’autre  par  une 
bande  de  tissu  parenchymateux  ininterrompue. 

Le  nombre  des  faisceaux  est  très-variable.  Cha- 
cun se  compose  de  vaisseaux  réticulés  et  dé- 
hiscents, courts,  fusiformes,  à parois  minces, 
sans  fibres  ligneuses  proprement  dites.  Dans 
les  racines  de  Pyrèthre  cultivé  à Paris  que 
nous  avons  étudiées,  les  canaux  à huile' n’exis- 
taient que  dans  l’écorce  et  étaient  en  petit 
nombre.  Dans  les  racines  plus  volumineuses  du 
commerce,  la  structure  est  la  même,  mais  on 
voit  un  certain  nombre  de  canaux  à huile  dis- 
séminés dans  les  rayons  médullaires.  Les  ra- 
cines du  commerce  sont  fréquemment  mélan» 
gées  de  fragments  de  tiges  souterraines.  Ces 
dernières  se  distinguent  sous  le  microscope 
parla  présence  d’une  moelle  centrale, l’absence 
de  gaine  des  faisceaux  et  un  nombre  plus  con- 
sidérable de  faisceaux.  Mais  la  structure  de  ces 
derniers  est  la  même.  [Trad.] 

(c)  En  France,  on  mélange  parfois  à la  racine 
de  Pyrèthre  celle  de  VAchillea  Plarmica  L. 

Sa  saveur  est  également  âcre  et  brûlante  et  elle  excite  vivement  la  salivation.  Sa 
poudre  est  sternutatoire  comme  celle  du  Pyrèthre.  En  un  mot,  elle  jouit  de  pro- 
priétés semblables,  mais  moins  énergiques.  [Trad.] 


132.  Racine  de  Pyrèthre. 
Coupe  transversale, 


FLEURS  DE  CAMOMILLE. 

Flores  Anthemidis  ; Fleurs  do.  Camomille  romaine;  angl.,  Chamomilo  Flowers  ; 
allern.,,  Jlûmischc  Kamillcn. 

Origine  botanique.  — L’ Anthémis  nobilis  L.,  Camomille  commune  ou 
romaine,  est  une  petite  plante  vivace,  couchée,  qui  donne,  vers  la  fin  de 
1 été,  des  capitules  floraux  solitaires.  Elle  existe  en  abondance  dans  les 
terrains  vagues  des  environs  de  Londres;  elle  est  commune  dans  le  sud 
de  l’Angleterre  et  s’étend  jusqu’en  Irlande,  mais  elle  n’est  pas  indigène 
en  Ecosse.  On  la  trouve  en  grande  quantité  dans  le  centre  de  la  France, 


10 


COMPOSÉES. 

ou  Espagne,  en  Portugal,  en  Italie  et  en  üahnatic  ; on  la  trouve  dans 
le  centre  et  le  sud  do  la  Russie,  où  il  est  douteux  qu’elle  soit  indigène. 

Historique.  — Il  paraît  impossible  de  reconnaître  la  Camomille  dans 
les  auteurs  classiques  et  autres  anciens,  à cause  du  grand  nombre  d<* 
plantes  voisines  qui  ont  des  inflorescences  semblables.  Elle  est  cultivée, 
depuis  des  siècles,  dans  les  jardins  anglais  et  les  fleurs  constituent  un 
médicament  populaire.  La  variété  double  était  bien  connue,  en  Angle- 
terre, au  seizième  siècle.  Cette  plante  fut  introduite,  d’après  Gessner,  en 
Allemagne,  vers  la  fin  du  moyen  âge  ; elle  venait  d’Espagne.  Tragus  la 
désigna  le  premier  sous  le  nom  de  Chamomilla  no  b i lis  (-1).  Joachim 
Cnmerarius,  qui  avait  constaté  sa  présence  en  grande  quantité  dans  les 
environs  de  Rome,  lui  donna  le  nom  de  Camomille  romaine. 

Production.  — La  Camomille  est  cultivée  à Nicham,  près  de  Londres. 
En  1 864,  la  surface  de  terre  consacrée  à cette  culture  était  de  55  acres 
(près  de  3 000  hectares),  et  le  rapport  était  d’environ  4 quintaux  par  acre. 
Les  fleurs  sont  soigneusement  recueillies  et  séchées  à l’aide  de  la  chaleur 
artificielle.  Elles  atteignent  sur  le  marché  un  prix  élevé  (2).  Cette 
plante  est  cultivée  sur  une  large  échelle  à Kieritzsch,  entre  Leipzig  et 
Altenburg,  et  près  de  Zeiz  et  de  Borna,  en  Saxe,  et,  dans  une  certaine 
proportion,  en  Belgique  et  en  France. 

Description.— Les  fleurs  de  Camomille  qu’on  trouve  dans  le  commerce 
ne  proviennent  jamais  de  plantes  sauvages.  Elles  appartiennent  à une 
variété  dans  laquelle  les  fleurs  tubuleuses  sont  toutes  ou  presque  toutes 
transformées  en  fleurs  ligulées.  Dans  les  fleurs  provenant  de  quelques 
localités  cette  métamorphose  est  moins  complète.  Ces  fleurs,  dont  le 
centre  est  un  peu  jaune,  sont  désignées  par  les  droguistes  sous  le  nom 
de  Camomilles  simples,  tandis  que  celles  dont  toutes  les  fleurs  sont  ligu- 
lées et  blanches  sont  connues  sous  celui  de  Camomilles  doubles. 

Les  fleurs  de  Camomille  ont  l’organisation  générale  des  Composées. 
Elles  ont  de  1 à 2 centimètres  de  large  et  sont  entourées  de  nombreuses 
bractées  presque  égales,  scarieuses  sur  les  bords.  Le  réceptacle  est  plein, 
conique  ; il  a environ  un  demi-centimètre  de  haut  et  il  est  muni  d’écailler 
minces,  concaves,  mousses,  étroites,  de  la  base  desquelles  s’élèvent  de 
nombreuses  fleurs.  Dans  la  plante  sauvage,  les  fleurs  extérieures 

(1)  De  stv'pium...  1052,  149.  — Eu  Allemagne,  l’épithète  edel  ( nobilis ) est  fré- 
quemment employée,  dans  la  botanique  populaire,  pour  désigner  des  plantes  utiles  ou 
remarquables.  Tragus  peut  avoir  été  amené  ;i  donner  cette  épithète  à l'espèce  dont  nous 
parlons,  à cause  de  la  supériorité  qu’elle  a sur  le  Mcitvicaria  Chamomilla  ou  Camomille 
vulgaire  des  Allemands. 

(2)  Environ  9 livres  st  le  quintal.  La  Camomille  étrangère  vaut  de  3 a i livres. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  11 

ligulées,  au  nombre  de  douze  ou  davantage,  sont  blanches,  étroites,  en 
forme  de  lames  et  légèrement  dentées  au  sommet.  Les  üeurs  du  contre 
sont  jaunes  et  tubuleuses;  leur  limbe  est  campaniformo  et  laisse  échap- 
per deux  stigmates  réfléchis.  Dans  la  plante  cultivée,  les  fleurs  ligu- 
léos  prédominent  ou  remplacent  entièrement  les  fleurs  tubuleuses.  Les 
(leurs  sont  entièrement  dépourvues  d’aigrette  et  sont  réfléchies,  de  sorte 
que  le  capitule,  lorsqu'il  est  sec,  ofl're  l’aspect  cl’une  petite  boule  blanche. 
Depotitcs  glandes  àhuile  sont  dispersées  sur  la  portion  tubuleuse  des  deux 
sortes  de  fleurs.  Les  fleurs  de  Camomille  possèdent,  comme  les  parties 
vertes  de  la  plante,  une  odeur  aromatique  forte  et  un  goût  très-amer. 

Dans  le  commerce,  on  recherche,  de  préférence,  les  fleurs  de  grande 
taille,  doubles  et  d’un  blanc  pur;  cette  dernière  qualité  est  due,  en 
grande  partie,  à une  dessiccation  parfaite,  effectuée  au  moment  de  l’épa- 
nouissement des  fleurs.  Celles  qui  sont  colorées  en  chamois  ou  en  brun, 
ou  qui  ne  sont  qu’en  partie  doubles,  sont  cotées  à un  prix  inférieur. 

Composition  chimique.  — Les  fleurs  de  Camomille  donnent  environ 
I /5  pour  100  d’une  huile  essentielle  qui  est  d’abord  colorée  en  bleu  pille, 
mais  devient  d’unbrun  jaunâtre  au  bout  de  quelques  mois.  Les  recherches 
récentes  de  D.emarçay  (1873)  montrent  que  cette  huile  doit  être  regardée 
comme  un  mélange  d’angélate  et  de  valérate  butylique  et  amylique, 
corps  qui  se  décomposent  facilement  sous  l’action  des  alcalis  caustiques. 
En  chauffant,  doucement,  pendant  quelques  instants,  6 parties  de  cette 
huile  avec  5 parties  de  potasse,  Jaffé,  en  1863,  obtint  de  l’angélate  de 
potassium,  qui,  traité  par  l’acide  sulfurique  dilué,  donna  de  V Acide  An- 
gélique fusible  45  degrés  centigrades.  Toute  la  proportion  d’acide  an- 
gélique n’est  pas  de  la  sorte  isolée  sous  forme  de  cristaux,  mais  on  peut 
l’obtenir  en  faisant  passer  à travers  le  liquide  un  courant  d’acide  nitreux  ; 
l'acide  angélique  flotte  alors  à la  surface,  où  il  forme  une  couche  hui- 
leuse. Parce  procédé,  on  peut,  retirer  de  100  parties  d’huile  50 parties 
d'acide  angélique  brut  ou  30  parties  d’acide  pur.  Tous  ces  résultats  pa- 
raissent douteux  d’après  les  recherches  récentes  de  Fittig  etKopp  (1876). 

A Mitcham,  on  distille  ordinairement  l’huile  de  Camomille  de  la 
plante  entière,  après  avoir  cueilli  les  plus  belles  fleurs.  Cette  huile  pos- 
sède une  teinte  verte  qu’on  fait  disparaître  en  l’exposant  à la  lumière 
du  soleil.  Elle  acquiert  ainsi  une  coloration  jaune-brunâtre,  en  même 
temps  qu’elle  abandonne  un  dépôt  abondant. 

Gamboulises,  en  1871,  a extrait  de  la  Camomille  double  un  acide 
amer  qui  forme  des  prismes  en  forme  d’aiguilles,  mais  en  trop  petite 
quantité,  pour  permettre  l’analyse;  il  le  regarde  comme  identique  à 


12 


COMPOSÉES. 


l’acide  A nthémique  retiré  parPatlone,  en  1859,  de  Y Anthémis  arvensis.  Il 
n'a  pu  découvrir  dans  la  Camomille  ni  V Antheinine  de  ce  dernier  chi- 
miste, ni  aucun  autre  alcaloïde.  Nous  avons  fait  un  certain  nombre 
d’expériences  clans  le  but  d’isoler  le  principe  amer,  mais  nous  n’avons 
pas  pu  l’obtenir  dans  un  état  satisfaisant  de  pureté.  11  forme  un  ex- 
trait brun  qui  est  probablement  un  glucoside.  Nous  n’avons  pas  pu 
confirmer  non  plus  l’absence  d’alcaloïdes. 

Usage.  — On  emploie  l’infusion  ou  l’extrait  de  Camomille  comme 
tonique  amer. 

Falsifications  et  substitutions.  — Les  capitules  du  Matricaria  Camn- 
millci  L.,  désignés,  en  allemand,  sous  le  nom  de  Camomille  commune 
(f/emeine  Kamillen ),  sont  souvent  employés,  dans  ce  pays,  à la  place  de  la 
Camomille.  Ils  diffèrent  beaucoup,  par  l’aspect  et  l’odeur,  de  la  Ca- 
momille des  pharmacies  anglaises.  Ils  sont  très-simples,  dépourvus 
d’amertume,  et  leur  réceptacle  n’a  ni  écailles  ni  cavité. 

Une  variété  cultivée  de  Chrysanthemum  Parlhenium  Pers.,  ou  Matri- 
caire,  avec  des  fleurs  blanches,  toutes  ligulées,  et  quelques  écailles  sur 
le  réceptacle  (mais  dont  le  réceptacle  n’est  pas  nu  comme  à l’état  sau- 
vage), commune  dans  lesjardins(l),  a des  capitules  deux  fois  plus  grands 
que  ceux  de  la  Camomille.  On  peut  les  distinguer  de  ces  derniers  à 
leur  réceptacle  convexe  ou  presque  aplati,  muni  d’écailles  lancéolées  et 
aiguës,  mais  moins  membraneuses. 

Les  Camomilles  des  bazars  indiens  qui  sont  apportées  de  Perse  et 
connues  sous  le  nom  de  Bâbünah  sont  (ainsi  que  nous  pouvons  en  juger 
d’après  ce  que  dit  Royle)  les  fleurs  du  Matricaria  suaveolens  L.,  formo 
réduite  du  Matricaria  Chamomïlla.  Elle  croît  dans  le  sud  de  la  Russie, 
la  Perse,  le  sud  de  la  Sibérie  et  le  nord  de  l’Amérique. 

La  plante  sauvage  d 'Anthémis  nobilis  L.  fraîchement  arrachée  du  sol 
est  vendue  à Londres  pour  fabriquer  un  extrait;  ce  procédé  est  haute- 
ment répréhensible,  en  supposant  qu’on  vende  l’extraît  pour  l’emploi 
médical. 

(a)  Les  Anthémis  L.  ( Gen .,  n°  970)  sont  des  Composées  de  lu  tribu  des  Anthé- 
midées  très-voisines  des  Anacyclus  qui  faisaient  autrefois  partie  du  même  genre.  Ils 
se  distinguent,  des  Anacyclus  principalement  par  leurs  achaines,  qui  sont  arrondis 
ou  légèrement  tétragoncs,  striés  ou  lisses. 

(1)  N'est-ce  pas  cette  plante  qui  est l’.<4n<Amis (?) parthenioides  Bernh  , dont  De  Can- 
dolle  (Proclr.,  VI,  7)'dit  : « Simillima  M.  Parthenio,  sed  paleis  inter  flores  instructa. 
Fere  semper  plena  in  bortis  occurrit,  et  forte  ideo  paleæ  receptaculi  ex  luxuriante  statu 
ortæ  ut  in  Chrysantliemi  indico  et  sinensi...  » ? 


HISTOIRE  DES  PLANTES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  13 

L’ Anthémis  nohilis  L.  [Species,  1260.—  Ormcnis  nobilis  .1.  Gay  (Fl.  Par. 
éd.  I,  398)  est  mie  plante  à rhizome  vivace,  un  peu  traçant,  à rameaux  aériens  ordi- 
nairement assez  nombreux,  atteignant  de  20  à 30  centimètres,  étalés,  ascendants,  ou 
parfois  dressés,  couverts,  comme  les  feuilles,  de  poils  plus  ou  moins,  denses.  Les 
feuilles  sont  alternes,  pinnatiséquées,  à segments  découpés  en  lobes  étroits  et  courts. 
Les  achaines,  dépourvus  d’aigrette,  sont  munis  de  trois  côtes  filiformes.  L' Anthémis 
nobilis  est  assez  abondante  à l’état  sauvage  dans  les  environs  de  Paris,  sur  le  bord 
des  routes  et  des  allées  des  bois,  dans  les  pâturages  et  les  pelouses.  (Voy.  Coss.  et 
Geiui.  de  St-Pierre,  Fl.  des  envir.  de  Paris,  491.)  [Trad.] 


SEMEN  CONTRA. 

Sanlonlca  ; Flores  Cinæ;  Semen  Cinæ  (t);  Semen  Santonicæ  ; Semen  Zedoariæ;  Semen  Contra; 
Semcn  Sanction;  Semencine,  Barbutine  ; angl.,  Wormseed;  allem..  Wurmsamen,  Zilwersamen. 


Origine  botanique.  — Arlemisia  marithna , var.  a.  Stechmcinniana 
Besser  (2)  ( Artemisia  Lercheana  Karel,  et  Kiril.,  in  Herb.  Kew  et  Mus. 
Brit. ; Arlemisia  marithna,  x ar.  a,  pauciflora  Weber,  quoadLEDEBOUR,  Flor. 
Ross , II,  570) . 

Les  Artémises  delà  section  Seriphidium  offrent  une  grande  diversité 
de  formes  (3).  Elles  ont  été  l’objet  d’une  étude  attentive  de  la  part  des 
botanistes  russes  Besser  (1834-1835)  et  Ledebour  (1844-1846),  dont  les 
recherches  ont  eu  pour  résultat  la  réunion  d’un  certain  nombre  d’es- 
pèces supposées  sous  le  nomLinnéen  d' Arlemisia  marithna.  Cette  plante 
est  très-répandue,  à l’état  sauvage,  dans  l’hémisphère  nord  de  l’ancien 
monde,  surtout  dans  les  terres  salines.  On  la  trouve  dans  les  marais 
salins  des  Iles-Britanniques,  sur  les  côtes  de  la  Baltique,  de  la  France, 
de  la  Méditerranée  et  dans  les  terres  salines  de  la  Hongrie  et  de  la  Po- 
logne. De  là  elle  s’étend  vers  l’est  et  couvre  d’immenses  espaces  dans 
le  sud  de  la  Russie,  les  régions  voisines  de  la  mer  Caspienne,  la  Sibérie 
centrale,  jusque  dans  la  Mongolie  chinoise.  La  variété  particulière  qui 
fournit  au  moins  la  majeure  partie  de  la  drogue  est  une  petite  plante 
frutescente,  aromatique;  elle  se  distingue  par  ses  capitules  très-petits, 

(1)  De  l’italien  Semenzina,  diminutif  de  Semenza , graine. 

(2)  W.  S.  Besser,  in  Bull,  de  la  Soc.  lmp.  des  Natural.  de  Moscou,  1834,  VII,  31.  — 
Il  existe  dans  l’Herbier  du  Jardin  royal  de  Kcw  un  échantillon  de  la  plante  en  ques- 
tion, étiqueté  de  la  main  de  Besser,  aveo  une  note  indiquant  qu’on  l’a  recueilli  pour 
l’usage  médical.  Cet  échantillon  ressemble  tout  à lait  au  Semen  Contra  du  commerce 
russe  et  allemand.  Cette  remarque  s’applique  aussi  îi  un'  échantillon  d ’ Artemisia  Ler- 
cheana Karel,  et  Kiril. , qui  existe  dans  le  même  herbier. 

(3)  « Si  alicP  Arlemisia)  multum  variant,  Serip/ûdiu  inconstantia  l'ormarum  omnes 
superan  t...»  Besser. 


dressés,  ovoïdes,  enveloppés  d’un  invo lucre  dont  les  bradées  sonl  ob- 
tuses, oblongucs,  les  plus  intérieures  étant  scarieuses.  La  tige  se  ter- 
mine par  un  panicule  thyrsoïde  couvert  de  capitules.  Les  localités  dan- 
lesquelles  croit  cette  plante  sont  : le  voisinage  du  Don,  les  régions  que 
traverse  le  Volga  inférieur,  près  de  Zarepta  et  de  Zaritzyn,  et  tes  déserts 


de  Kirghiz. 

La  drogue  consiste  eu  petits  capitules  non  épanouis.  On  la  recueille 
en  grande  quantité,  ainsi  que  nous  en  a informé  Bjôrklund,  en  I8G7, 
dans  les  vastes  plaines  ou  steppes  de  Kirghiz,  dans  la  partie  nord  du 
Turkestan;  on  en  recueillait  autrefois  près  de  Zarepta,  riche  colonie 
allemande  établie  dans  le  gouvernement  de  Saratov,  mais,  d’après  des 
informations  directes  reçues  récemment  (187-2),  il  paraît  qu’on  ne  tardera 
pas  à ne  plus  en  trouver  dans  cette  région. 

Le  marché  du  Semen  Contra  est  la  grande  foire  de  Nishnei-Xovgorod. 
d’où  la  drogue  est  expédiée  à Moscou,  à Saint-Pétersbourg  et  dans 
l’Europe  occidentale-. 

On  trouve  le  Semen  Contra  dans  les  bazars  indiens.  Nous  en  avons 
reçu  de  Bombay  un  échantillon  qui  ne  diffère  nullement,  par  la  forme, 
de  la  drogue  russe,  mais  est  un  peu  velu  et  mêlé  de  pédoncules  tomeu- 
Leux.  11  est  probablement  apporté  .dans  l’Inde  de  l’Afghanistan  et  de 
Gabul  (•!). 

Wilkomm  (2)  a décrit  récemment,  comme  plante  mère  du  Semen 


Contra,  une  Artémise  qu’il  nomme  Artemisia  Chia.  Elle  avait  été  obtenue 
dans  le  Turkestan  par  le  professeur  Petzholdt  ; il  la  tenait  des  per- 
sonnes qui  recueillent  la  drogue.  L’échantillon  que  nous  a gracieuse- 
ment communiqué  le  professeur  Wilkomm  possède  des  capitules  qui  ne 
diffèrent  de  ceux  du  commerce  que  par  des  écailles  moins  nombreuses. 

Historique.  — Plusieurs^  espèces  d 'Absinthium  sont  mentionnées  par 
Dioscoride.  L’une  d’elles,  qu’il  nomme  ’Aéavôtcv  OaAft'sc.sv  ou  Xéptscv.  a de 
très-petits  capitules  et  croît  en  Cappadoce.  Il  l’indique  comme  un  re- 
mède utile  contre  les  ascaris  et  les  lombrics.  On  peut  à peine  douter  que 
ce  soit  le  Semen  Contra  des  modernes.  Il  désigne  l’autre  espèce  sous  le 
nom  de  Savtivtcv,  parce  qu’elle  croît  dans  le  pays  des  Santones,  en  Gaule, 
(la  moderne  Saintonge),  et  affirme  qu’elle  ressemble  au  Sépiesv  par  ses 
propriétés. 

Dans  une  épitre  sur  les  vers  intestinaux,  attribuée  à Alexander  Tral- 


(1)  L’ Artemisia  n°  3201,  lierb.  GrifTllli,  Afghanistan,  de  l’herbier  de  Kow,  a des  ca- 
pitules qui  ressemblent  précisément  à ceux  de  la  drogue  de  Bombay. 

(2)  Bot . /rit.,  1er  mars  1S72;  Pharm.  Jour» .,  23  mars  1372,  7<i2  (extrait). 


15 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

lianus  (1),  qui  pratiqua  la  médecine  à Rome,  avec  grand  succès,  au 
sixième  siècle,  l’emploi  de  Y Absintluum  marinum  (OaXa esta  à^ivOv;),  est 
recommandé  contre  les  ascaris  et  les  vers  ronds. 

Le  Semen  Sanctum  vel  Alexandrinum  est  mentionné  comme  vermifuge 
pour  les  enfants  par  Saladinus,  vers  1450,  et  par  Ruellius,  Dodonæus, 
les  Bauhin  et  d’autres  naturalistes  du  seizième  siècle.  Son  ancienne 
réputation  s’est  pleinement  conservée  chez  les  modernes  et  l’on  em- 
ploie encore  beaucoup  cette  drogue,  particulièrement  sous  la  forme  de 
Santonine. 

Description.  — Lesbons  échantillons  de  la  drogue  consistent,  presque 
exclusivement,  en  capitules  entiers,  non  épanouis,  si  petits  qu’il  en  faut 
environ  90  pour  faire  le  poids  de  0 centigrammes.  Dans  les  échantillons 
moins  purs,  on  trouve  un  mélange  de  capitules,  de  pédoncules  et  de 
fragments  de  petites  feuilles  pennées.  Les  capitules  sont  elliptiques 
ou  oblongs;  ils  ont  à peu  près  un  quart  de  centimètre  de  long,  sont  co- 
lorés en  jaune  verdâtre  lorsqu’ils  sont  frais,  et  deviennent  bruns  à la 
longue.  Ils  se  développent  isolément,  moins  souvent  par  paires,  sur  de 
courts  pédoncules,  et  sont  entourés  d’environ  18  écailles  oblongues, 
obtuses,  concaves,  étroitement  imbriquées*.  Get  involucre  est  très-rétréci 
à la  base,  à cause  de  la  brièveté  plus  grande  des  écailles  inférieures. 
Les  capitules  sont  quelquefois  mélangés  d’un  petit  nombre  des  feuilles 
supérieures  de  la  tige,  qui  sont  courtes,  étroites  et  simples.  Par  suite  de 
la  compression,  les  capitules  sont  un  peu  anguleux  (2)  et  munis  d'arêtes 
produites  par  les  nervures  médianes  saillantes  des  écailles  de  l’invo* 
lucre.  La  partie  moyenne  de  chaque  écaille  est  couverte  de  petites 
glandes  jaunes,  sessiles,  qui  manquent  sur  les  bords  transparents  et 
scarieux.  Ges  derniers  sont  marqués  de  fines  stries  et  tout  cà  fait  glabres'; 
à l’état  jeune,  la  nervure  médiane  porte  un  petit  nombre  de  poils  lai* 
lieux,  incolores,  mais  a la  maturité,  le  capitule  tout  entier  est  lisse  et 
presque  glabre  (3).  Les  fleurs  sont  au  nombre  de  3 à 5 ; elles  offrent, 
dan?  le  bouton,  une  corolle  ovoïde,  glanduleuse  dans  le  bas,  un  peu 
plus  longue  que  l’ovaire,  qui  est  dépourvu  d’aigrette. 

Le  Semen  Contra,  écrasé  entre  les  doigts,  exhale  une  odeur  forte  et 


fl)  Contenu  dans  un  ouvrage  de  Dieronyinus  Mercurialis,  intitulé  : Variarum  Lec- 
tionum  libvi  quatuor .,  Venet.,  1570. 

.ij  La  macération  dans  l’eau  qui  rétablit  la  forme  naturelle  des  capilules  indique 
que  ces  angles  n’existent  pas  sur  la  plante  fraîche. 

(-1)  Cependant  il  ne  faut  pas  attacher  une  trop  grande  importance  à ce  caractère  ; car, 
ainsi  que  le  lait  remarquer  Bosser,  « periclinii  squama;  in  uno  loco  tomento  brevi  plus 
minus  vc-canæ,  in  aliis  nudæ,  imo  nitidæ.  » 


10 


COMPOSÉES. 


agréable,  semblable  à celle  du  Gajeput  et  du  Camphre;  son  goût  est 
amer  et  aromatique. 

Composition  chimique. — Le  Semen  Contra  donne  environ  1 pour  100 
d’une  huile  essentielle  qui  a une  odeur  et  un  goût  caractéristiques. 
Elle  bout  à 175  degrés  C.  Elle  est  constituée,  en  grande  partie, 
d’après  les  recherches  de  Kraut  (1862-1863)  par  le  Camphre  de  Cince- 
hene  de  Hirzel,C'°H180,  qui,  distillé,  abandonne  facilement  HsO.  Cette  par- 
tie de  l’huile  se  résout  ainsi  en  G10H18  et  en  eau.  Cette  dernière  trouble 
l’huile  préalablement  déshydratée.  L’hydrocarbone  n’a  pas  d’action  sur 
la  lumière  polarisée,  mais  l’huile  brute  est  faiblement  lévogyre.  Cette 
dernière  contient  peut-être,  dans  le  principe,  un  hydrocarbone  diffé- 
rent, isomérique,  la  Cynœbene  d’ilirzel,  Cinene  ou  Cynene  de  Volckel. 

L’eau  qui  distille  entraîne  avec  elle  des  acides  volatils  de  la  série 
grasse  et  aussi  (comme  dans  le  cas  de  1 Anthémis  nobilis)  de  1 acide  An- 
gélique. 

La  substance  à laquelle  le  Semen  Contra  doit  son  action  remar- 
quable sur  le  corps  humain  (1)  est  la  Santonine  C'5H,80:|.  Elle  fut  décou- 
verte, en  1830,  parKahler,  pharmacien  à Düsseldorf,  qui  publia  sur  elle 
line  c'ourte  notice  dans  Y Arùhiv  der  Pharmacie  de  Brandes  (XXXIV,  318  . 
Aussitôt  après,  Auguste  Alms,  commis  pharmacien  h Penzlin,  dans 
le  grand  duché  de  Mecklemburg-Schwerin,  sans  avoir  connaissance  de 
la  découverte  de  Kahler,  obtint  la  même  substance  et  lui  donna  le  nom 


de  Santonine.  Alms  la  recommanda  pour  la  pratique  médicale,  en  mon- 
trant qu’elle  constituait  le  principe  anthelmintique  du  Semen  Contra  ('2). 
La  Santonine  représente  de  11/2  à 2 pour  100  de  la  drogue,  mais  paraît 
diminuer  beaucoup  de  quantité  après  l’épanouissement  des  fleur.-.  On 
l’extrait  facilement  à l’aide  du  lait  de  chaux  ; quoiqu’elle  ne  soit  pas  acide 


et  qu’elle  soit  peu  soluble  dans  l’eau,  même  bouillante,  elle  est  suscep- 
tible de  se  combiner  avec  les  bases.  Elle  est  inodore  ; son  goût  est  amer. 
Il  est  surtout  sensible  lorsqu’elle  est  dissoute  dans  le  chloroforme  ou 

l’alcool  (3).  .... 

La  Santonine  forme  des  cristaux  rectangulaires,  aplatis,  incolores  ; 

m La  santonine  affecte  la  vision  de  telle  sorte,  que  les  objets  paraissent  vus  à travers 
un  voilejkune.  Les  autres  effets  sont  rappelés  par  Stillé  (Therapeutics  and  Mat,  Med., 

11  \l)  Le  mémoire  d'Alms  étant  contenu  dans  le  même  journal  ^ 

Kahler  (et  aussi  dans  le  vol.  XXXIX,  190),  l’indépendance  des  deux  decouvertes 

bl(3)é^f Solubilité  facile  dans  3 ou  4 parties  de  forme  rend  so., «***» 

aisée  lorsqu’elle  est  mélangée  avec  du  sucre,  comme  dans  les  pastilles  de  Santonu 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  17 

lorsqu’on  les  expose  à la  lumière  du  jour  ou  bien  aux  rayons  bleus  ou 
violets,  mais  non  aux  autres  couleurs  du  spectie,  ils  piennent  une 
teinte  jaune  et  se  divisent  en  fragments  irréguliers.  11  n’est  pas  démontre 
que  ce  changement  d état,  qui  se  produit  meme  sous  1 eau,  1 alcool  ou 
l’éther , soit  accompagné  d’aucune  altération  chimique.  Cependant 
Sestini,  en  1865,  a affirmé  que  la  San  tourne  jaune,  Photo- Santonine  (1), 
possède  une  composition  différente,  C23H3406,  et  un  point  de  fusion  infé- 
rieur. La  Santonine  se  comporte,  lorqu’on  l’expose  à la  lumière,  comme 
YErythrocentaarine.  G27H'2i03.  Cette  dernière  a été  retirée,  à l’aide  de 
l’éther,  de  l’extrait  alcoolique  de  Y Erythræa  Centaunum  et  de  quelques 
autres  Gentianacêes.  Méhu,  en  1866,  a montré  que  les  cristaux  incolores 
de  cette  substance  prennent,  lorsqu’on  les  expose  à la  lumière  du  soleil, 
une  belle  couleur  rouge,  sans  subir  aucune  altération  chimique.  Les 
solutions  colorées  de  ce  corps  dans  l’alcool  ou  le  chloroforme  fournissent 
la  substance  primitive.  Avec  des  précautions  convenables  on  peut  subli- 
mer la  Santonine  sans  l’altérer. 

D’après  les  recherches  d’Hesse  (1873),  la  Santonine  paraît  être  l’anhy- 
dride  d’un  corps  cristallisable  qu’il  nomme  cicicle  Santoninique , Cl3H2"Ol. 
Lorsqu’on  chauffe  cet  acide  à 120°  G.,  il  se  décompose  en  Santonine 
et  en  eau.  Cannizzaro  et  Sestini  (1873)  ont  montré  que  lorsqu’on 
chauffe  la  Santonine  avec  un  alcali,  on  peut  la  convertir  en  acide 
Santonique , substance  isomérique  de  l’acide  santoninique,  mais  qui  ne 
se  décompose  pas,  comme  ce  dernier,  sous  l’influence  de  la  chaleur,  en 
santonine  et  en  eau. 

Le  Semen  Contra  contient,  indépendamment  des  deux  corps  que  nous 
venons  de  décrire,  de  la  résine,  du  sucre,  une  graisse  cireuse,  des  sels 
de  calcium  et  de  potassium  et  de  l’acide  malique  ; choisi  avec  soin  et 
desséché,  il  nous  a donné  6,5  pour  100  de  cendres  riches  en  silice. 

Commerce.  — Ludwig,  de  Saint-Pétersbourg,  a établi,  pour  l’impor- 
tation du  Semen  Contra  dans  cette  ville,  les  chiffres  suivants  : en  1862, 
7400  quintaux  ; en  1863,  10500  quintaux  ; en  1864,  11  400  quintaux.  La 
drogue  avait  été  apportée  des  steppes  de  Kirghiz  par  Semipalatinsk  et, 
par  Orenburg. 

Usages.  — Cette  drogue  est  employée  exclusivement  pour  ses  pro- 
priétés anthelminthiques,  en  partie  sous  forme  de  santonine.  Elle 
possède  une  efficacité  spéciale  pour  l’expulsion  de  l’Asca?vs  lumbn- 
coideSi 

(t)  Coite  substance  vient  d’être  reconnue  comme  un  éther  diélhylique  de  l’acide  san- 
liniquc.  [P.  A.  F.] 

niST.  uns  drogues,  T.  U.  a 


18 


COMPOSE  liS. 


Los  Armoises  (Artemisia  L.,  Généra,  lJf5)  sont  des  Composées  de  la  tribu  des 
Anthémidées,  à involucre  formé  d’un  petit  nombre  dérangées  de  bractées;  h récep- 
tacle convexe,  dépourvu  de  paillettes;  à fleurs  toutes  tubuleuses,  celles  de  la  cir- 
conférence très-grêles  et  ordinairement  femelles,  celles  du  centre  hermaphrodites  ou 
quelquefois  stériles.  Les  fruits  sont  des  urbaines  cylindriques,  obovales,  dépourvus 
de  côtes  et  d’angles  et  terminés  par  un  disque  étroit. 

Dans  V Artemisia  marilima  L.  ( Species , 1 180)  les  capitules  sont  disposés  en  gloiné- 
rules,  en  épis  ou  en  panicules  d’épis  ou  de  grappes.  Les  feuilles  sont  à peu  près 
nues,  blanches  ou  couvertes  de  poils  laineux  blancs,  bipinnatiséquées,  à segments 
linéaires  ou  filiformes. 

La  variété  A.  Sleclimanniana  (Besser,  iu  Bull.  Soc.  imp.  des  nalur.  de  Moscou, 
VII,  31 . — A.  pauciflora  Stechm.;  A pulchella  Gmkl.)  se  distingue  par  : ses  capitules 
cylindriques  disposés  en  panicules  fastigiés,  thvrsoïdes  ; ses  feuilles  radicales  pen- 
nées, à sept-neuf  folioles  subdivisées  en  segments  rapprochés  comme  dans  les  feuilles 
eaulinaires  inférieures.  « Ilujus  sembla  colligunt  circa  Sarcptam  pro  Pharmacopœis 
sub  nominc  seminuin  Cinœ  s.  Cynœ  teste  CL  Czerniagevio.  Saltem  sat  sunt  gra- 
veolentia  ».  [T rad.  | 


RHIZOME  D’ARNICA. 

Radix  Amicæ  ; ang!.,  Arnica  Root-,  altéra.,  AmicawurxeL 

Origine  botanique,  — L 'Arnica  rnonlana  L.  est  une  plante  vivace  qui 
Croît  dans  les  prairies  des  régions  septentrionales  et  centrales  de  1 hé- 
misphère nord,  mais  ne  s’étend  pas  jusque  dans  les  Iles-Britanniques. 
Dans  l’Europe  occidentale  et  centrale,  elle  habite  les  montagnes,  mais, 
dans  les  pays  plus  froids,  elle  descend  dans  les  plaines.  Dans  les  régions 
élevées,  comme  l’Asie  et  l’Amérique  arctiques,  on  trouve  une  variété 
particulière  de  cette  plante  qui  se  distingue  par  des  feuilles  étroites, 
presque  linéaires;  elle  a reçu  le  nom  d 'Arnica  angustifolia  Vahl;  mais 
l’existence  de  formes  transitoires  nombreuses  prouve  son  identité  avec 
V Arnica  montana  ordinaire  d’Europe  (a). 

Historique.  — Les  anciens  botanistes,  notamment  Matthiolus,  Gessucr, 
Camerarius,  Taberuæmonlanus  et  Clusius  connaissaient  l’Arnica  et 
avaient  quelques  notions  sur  ses  propriétés  médicinales.  Il  paraît  avoir 
constitué,  en  Allemagne,  un  remède  populaire,  à une  période  reculée, 
mais  il  ne  fut  introduit  dans  la  médecine  officielle  que  vers  1712,  sur  la 
recommandation  de  Johann  Michael  Fehr,  de  Schvvcinfurt,  et  de  quel- 
ques autres  médecins.  Mais,  au  point  du  vue  de  l’éloge  du  remède 
nouveau , tous  ces  écrivains  restent  bien  en  arrière  de  Collin,  de 
Vienne.  Ce  dernier  (I)  pensa  avoir  trouvé  dans  l’Arnica  un  remède  eu- 

(1)  Arnic.r,  in  febribus  et  uliis  morbis  putridis  vires  (in  A nui  mcdici  de  Stôrck  el 
Collin,  ed.  nov.,  Amstel.,  1779,  111,  133), 


histoire  des  drogues  dorigine  végétale.  i «j 

ropéen  possédant  toutes  les  propriétés  du  quinquina.  Entre  ses  mains, 
les  fièvres  disparaissaient  par  son  emploi,  et  de  1771  à 1774  plus 
de  mille  malades  de  l’hôpital  de  Pazman  furent  guéris  de  fièvres  in- 
termittentes à l’aide  d’un  électuaire  fabriqué  avec  les  fleurs  d’ Arnica  ! 
Des  résultats  aussi  heureux  ne  purent  être  obtenus  par  les  autres 
médecins. 

L’Arnica  (herbe,  fleurs,  racine)  avait  sa  place  dans  la  Pharmacopée 
de  Londres  de  1788,  mais  il  tomba  bientôt  dans  un  tel  oubli  que 
Woodville,  en  1790,  dit  qu’il  n’a  pu  se  le  procurer  chez  aucun  droguiste 
de  Londres.  Dans  ces  dernières  années,  il  a acquis  de  nouveau  une  cer- 
taine notoriété  populaire  et  s’emploie,  en  applications  externes,  sous 
forme  de  teinture,  pour  prévenir  la  formation  des  taches  noires  qui  suc- 
cèdent aux  contusions.  En  Angleterre,  on  le  prescrit  rarement  à l’in- 
térieur. 

Description.  — La  racine  d’Arnica  des  pharmacies  consiste  en  mor- 
ceaux de  souches  minces,  contournés  et  colorés  en  brun  foncé  ; ils  ont  de 
2 à 5 centimètres  de  long  et  émettent,  parleur  face  inférieure,  un  grand 
nombre  de  racines  simples,  filiformes  qui  ont  de  7 à 10  centimètres  de 
long  ou  davantage.  Ces  fragments  portent,  d’ordinaire,  des  restes  delà 
rosette  de  feuilles  caractéristiques , ovales,  coriaces,  munies  de  3 à 
S nervures,  ciliées  sur  les  bords  et  un  peu  pubescentes  sur  la  face 
supérieure.  Leur  odeur  est  agréable,  aromatique,  herbacée,  et  leur  goût 
est  un  peu  âcre. 

structure  microscopique.  — Sur  une  section  transversale,  la  souche 
offre  une  large  moelle  entourée  d’un  cercle  ligneux  épais.  Dans  la 
partie  interne  de  la  couche  corticale  sont  de  larges  canaux  à huile 
qui  correspondent  aux  faisceaux  fibro-vasculaires.  On  ne  voit  dans  le 
parenchyme  ni  grains  d’amidon,  ni  inuline,  ni  oxalate  de  calcium.  Les 
racines  offrent  une  structure  différente,  mais  contiennent  aussi  des 
canaux  à huile. 

Composition  chimique. — Plusieurs  chimistes  se  sont  efforcés  d’isoler 
le  principe  actif  de  l’Arnica.  Bastick  a décrit,  en  1851,  une  substance 
qu’il  avait  retirée,  en  petite  quantité,  des  fleurs,  et  qu’il  nomma  Arni- 
cine.  Il  dit  qu’elle  possède  des  propriétés  alcalines,  qu’elle  n’est  pas 
volatile,  qu’elle  est  faiblement  soluble  dans  l’eau,  davantage  dans 
l’alcool  et  l’éther  ; lorsqu’elle  est  neutralisée  par  l’acide  chlorhydrique, 
elle  forme  un  sel  cristallin. 

L’arnicine,  extraite  par  Walz,  en  1861,  des  fleurs  et  de  la  racine  de 
I Arnica,  est  une  substance  différente;  elle  soprôsente  en  masse  amorphe, 


20 


COMPOSÉES. 

jaune,  d’un  goût  âcre;  elle  est  faiblement  soluble  dans  l’eau  ; très-soluble 
dans  l’alcool  et  l’éther  et  se  dissout  aussi  dans  les  solutions  alcalines. 
L’acide  Ijannique  et  l’eau  la  précipitent  de  sa  solution  alcoolique.  Walz 
assigne  àsonarnicine  la  formule  G20H!l0Ol  et  d’autres  chimistes,  G35Hi40\ 
On  n’a  pas  démontré  encore  que  l’arnicine  soit  un  glucoside,  quoiqu’elle 
soit  décomposée  par  les  acides  dilués. 

Sigel  (I)  a retiré  de  la  racine  sèche  d’ Arnica  environ  1/2  pour  100 
d’huile  essentielle  et  1 pour  100  de  la  racine  fraîche.  L’huile  de  cette 
dernière  a pour  poids  spécifique  0,099  à 180°  G.  La  composition  de 
cette  huile  est  représentée  par  la  formule  C°H90.  On  a trouvé  qu'elle 
était  constituée  par  un  mélange  de  différents  corps,  dont  le  principal 
est  l 'éther  diméthylique  de  Thymokydroquinone.  L’eau  de  laquelle  l’huile 
se  sépare  contient  de  Y acide  Isobutyrique  et  probablement  aussi  un  peu 
A’ acide  Angélique  et  d’ acide  Formique;  mais  on  n’y  trouve  ni  l'acide 
capronique  ni  l’acide  caprylique  qui  ont  été  signalés  par  Walz. 

La  racine  d’ Arnica  contient  de  Ylnuline  que  Dragendorff  a retirée 
dans  la  proportion  de  10  pour  100. 

Usages.  — L’Arnica  est  surtout  employé,  sous  forme  de  teinture,  dans 
la  médecine  populaire,  contre  les  meurtrissures  et  les  engelures.  On 
l’administre,  parfois,  à l’intérieur,  comme  stimulant  et  diaphorétique. 

Falsification.  — On  a récemment  constaté  (2)  la  falsification  de  1 Ar- 
nica à l’aide  de  la  racine  du  Geum  urbanum  L.,  plante  herbacée,  com- 
mune, de  la  famille  des  Rosacées.  La  racine  de  cette  dernière  est  plus 
épaisse  que  le  rhizome  de  l’Arnica  ; elle  a de  50  à 75  millimètres  de 
diamètre  ; c'est  une  racine  véritable,  couverte  de  radicules  sur  toutes 
ses  faces,  et  d’une  saveur  astringente.  Les  feuilles  du  Geum  sont  pen- 
nées et  tout  à fait  différentes  de  celles  de  l’Arnica. 

FLEURS  D'ARNICA 

\J Arnica  montana  produit  de  grandes  et  belles  (leurs,  d’un  jaune 
orange,  solitaires  au  sommet  de  la  tige  ou  des  branches.  Les  écailles 
de  l’involucre  sont  au  nombre  de  20  à 24,  égales  en  longueur,  imbri- 
quées et  disposées  sur  deux  rangées.;  elles  sont  très-velues  et  les  poils 
les  plus  courts  sont  terminés  par  des  glandes  visqueuses.  Le  réceptacle 
est  muni  de  paillettes;  il  a près  de  1 centimètre  de  diamètre  et  porte 

(1)  Annal,  de  Licbirj,  1873,  CLXX,  iWS-364. 

(2)  Hoi.mes,  in  Pharm.  Journ.,  H avril  1874,  810. 


21 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

environ  20  fleurs  ligulées  et  un  nombre  beaucoup  plus  grand  de  fleurs 
tubuleuses.  Les  fleurs  ligulées  ont  2 centimètres  et  demi  de  long;  elles 
sont  oblongues,  dentées  au  sommet  et  parcourues  par  environ  dix  ner- 
vures parallèles.  Les  achaines  sont  bruns  et  velus,  et  couronnés  par  une 
aigrette  formée  d’un  seul  cercle  de  poils  barbelés,  blanchâtres. 

Les  fleurs  de  l'Arnica  ont  une  odeur  faible  qui  n’est  pas  désagréable. 
On  les  emploie  surtout  pour  fabriquer  une  teinture  ; mais,  comme  la 
Pharmacopée  de  Londres  prescrit,  aujourd’hui,  de  faire  cette  dernière 
avec  les  racines,  les  fleurs  sont  presque  hors  d’usage,  du  moins  dans  la 
Grande-Bretagne.  Elles  paraissent  être  plus  riches  que  la  racine  en 
arnicine  et  passent  pour  avoir  des  propriétés  médicinales  égales,  sinon 
supérieures;  cependant  l’huile  essentielle  qu’elles  contiennent  n’est  pas 
la  même. 

(a)  Les  Arnica  L.  ( Généra , n°  958)  sont  des  Composées  de  la  tribu  des  Sénécicmi- 
dées,  à capitules  radiés,  à involucre  formé  d’une  ou  deux  rangées  de  bractées  her- 
bacées, acuminées,  il  styles  des  fleurs  hermaphrodites  divisés  en  deux  branches 
stigmatiques  allongées,  renflées  et  pubescentes. 

L 'Arnica  monlana  L.  (Species,  1245)  est  une  petite  plante  à rhizome  vivace, 
oblique,  émettant  des  rameaux  aériens  dressés,  hauts  'de  40  à 60  centimètres,  à 
peu  près  cylindriques,  striés,  simples  ou  divisés  en  trois  ou  quatre  branches  dres- 
sées presque  opposées,  qui  se  terminent  chacune  par  une  grande  fleur  jaune  un  peu 
penchée.  A la  base  de  chaque  pédoncule  floral  se  trouve  une  grande  bractée.  Les 
feuilles  sont  toutes  sessiles,  entières,  oblongues,  munies  de  trois  à cinq  nervures 
longitudinales,  très-prononcées.  Les  feuilles  radicales  sont  étalées  en  rosette  ; les 
caulinaires,  peu  nombreuses,  sont  géminées.  Toute  la  plante  est  aromatique  et  cou- 
verte de  poils  courts.  L 'Arnica  monlana  recherche  les  terrains  granitiques  et 
tertiaires.  [Thad.] 


RACINE  DE  PISSENLIT. 

nadir  Taraxaci ; nngl.,  Dandc.Hon  Root,  Taraxacum  Root  : allem.,  TAœmsahmntrsel. 

Origine  botanique.  — Le  Taraxacum  officinale  Weber  ( Taraxacum 
Dens-leonis  Desfontaines,  Leontodon  Taraxacum.  L.)  est  une  plante  de 
l’hémisphère  nord.  On  la  trouve  dans  toute  l’Europe,  l’Asie  centrale  cl 
septentrionale,  et  l’Amérique  du  Nord.  Elle  s’étend  jusqu’aux  régions 
arctiques.  Elle  offre  un  nombre  considérable  de  formes,  dont  plusieurs 
ont  été  regardées  comme  des  espèces  distinctes.  Dans  quelques  pays, 
elle  constitue  une  mauvaise  herbe  incommode  (a). 

Historique.  — Quoique  le  Pissenlit  commun  doive  avoir  été  bien 
connu  des  anciens,  nous  ne  trouvons  aucun  renseignement  sur  lui 


22 


COMPOSÉES. 

dans  les  auteurs  classiques  grecs  ou  latins.  Le  mot  Taraxacum  est  cepen- 
dant regardé,  communément,  comme  cl’origine  grecque  (I)  ; nous  le  trou- 
vons d’abord  écrit  Taralthshagün  dans  les  ouvrages  des  médecins  ara- 
bes, qui  en  parlent  comme  d’une  sorte  d’Endive  sauvage.  Il  est  aussi 
mentionné  par  Rhazes  au  dixième  siècle  et  par  Avicenne  au  onzième 
siècle. 

Le  nom  Dens  Leoms , son  équivalent,  qu  on  trouve  dans  presque  toutes 
les  langues  de  l’Europe,  a été,  d’après  l’herbier  de  Johann  von  Cube  (2), 
donné  à cette  plante  par  un  certain  Wilhelm,  médecin,  qui  la  tenait  en 
grande  estime  ; mais  nous  avons  cherché  en  vain  quelques  détails  sur  ce 
personnage  et  sur  l’époque  à laquelle  il  vivait.  Le  Pissenlit  était  très- 
estimé  dans  la  médecine,  à l’époque  de  Gerarde  et  Parkinson,  et  est 
encore  employé  sur  une  assez  large  échelle. 

Récolte.  — En  Angleterre,  la  racine  de  Pissenlit  passe  pour  être  très- 
bonne  à arracher  pendant  le  mois  de  novembre,  son  suc  étant  à cette 
époque  plus  abondant  et  de  meilleure  qualité  qu’à  tout  autre-  mo- 
ment. Bentley  prétend  qu’elle  est  plus  amère  en  mars,  qu'elle  l’est 
plus  que  jamais  en  juillet,  et  qu’on  doit  préférer  pour  la  récolte  à tout  le 
moins  la  première  date. 

Description. — Laracine duPissenlitestvivace,  pivotante,  simpleoupeu 
ramifiée;  dans  un  bon  terrain  elle  atteint  30  centimètres  et  plus  de  long  et 
de  1 à 3 centimètres  de  diamètre.  Les  vieilles  racines  se  divisent,  au  niveau 
du  collet,  en  plusieurs  têtes. Cette  racine  eslcharnue  et  cassante;  extérieu- 
rement elle  est  d’un  brun  pâle  ; elle  est  blanche  en  dedans  et  riche  en 
un  suc  inodore,  laiteux  et  amer.  Elle  se  contracte  beaucoup  en  se  dessé- 
chant et  perd  environ  76  pour  100  de  son  poids  (3).  La  racine  de  Pissen- 
lit sèche  a un  centimètre  environ  de  diamètre;  elle  est  colorée  en  brun 
foncé,  et  parcourue  de  rides  transversales  qui  ont  souvent  une  direc- 
tion spiralée.  Lorsqu’elle  est  tout  à fait  sèche,  elle  se  casse  facilement; 
sa  cassure  est  courte,  subéreuse,  et  met  en  évidence  une  écorce  très- 
épaisse,  blanche,  qui  entoure  une  colonne  ligneuse.  Cette  dernière  est 
jaunâtre,  très-poreuse,  sans  moelle  ni  rayons.  Une  zone  cambiale  assez 
large,  mais  peu  distincte,  sépare  le  bois  de  l’écorce,  qui  offre  de  nom- 

(1)  U vient  peut-être  de  ou -rpd^uvov,  laitue  sauvage  ; d’après  quelques  au- 

teurs, de  Tapalji;,  maladie  des  yeux  qu’on  traitait  avec  cette  plante,  ou  du  verbe 
Totp doao),  je  trouble. 

(2)  fierbarius  zu  teutsch  und  von  aller  handt  kreuteren,  Augspurg,  1488,  cap.  eut. 

(3)  Ainsi,  S496  livres  de  racines  lavées  donnèrent,  après  dessiccation,  seulement 
1277  livres  ou  23,2  pour  100.  Information  communiquée  par  MM.  Allen  et  Hanburys, 
de  Londres. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  23 

breuses  couches  concentriques  bien  définies.  Gctle  racine  est  inodore; 
elle  possède  un  goût  un  peu  amer. 

Structure  microscopique.  — Sur  une  section  1 0 il  g i Lu  il  i il  £1 L e , surtout 
tangentielle,  on  voit  des  zones  brunâtres  qui  contiennent  des  vaisseaux 
laticifères  qui  ont  2 millièmes  de  millimètre  environ  de  diamètre. 
Ils  traversent  les  zones  verticalement,  en  émettant  de  nombreuses 
branches  transversales  qui  restent  toujours  confinées  dans  la  meme 
zone.  Dans  l’épaisseur  de  chacune  de  ces  zones  les  vaisseaux  latici- 
fères  forment  un  réseau  anastomotique  très-manifeste.  La  racine  est 
ainsi  verticalement  traversée  par  environ  dix  à vingt  couches  concen- 
triques de  vaisseaux  laticifères  (1).  On  peut  les  rendre  très-apparents 
nu  moyen  du  bleu  d’aniline,  en  humectant  avec  sa  solution  une  mince 
tranche  longitudinale  de  la  racine  fraîche.  Il  faut  d’abord  laisser  des- 
sécher en  partie  la  racine  jusqu'à  ce  que  le  suc  laiteux  se  coagule  ; 
les  tranches  minces  absorbent  alors  énergiquement  la  matière  colo- 
rante (2). 

Le  parenchyme  de  la  racine  desséchée  est  rempli  d'inuline,  qui  ne  se 
présente  pas  à l’état  solide  dans  la  plante  vivante.  La  partie  ligneuse  de 
la  racine  de  Pissenlit  est  formée  de  larges  vaisseaux  scalariformes, 
accompagnés  de  tissu  parenchymateux,  mais  les  premiers  dominent 
beaucoup  (b). 

Composition  chimique.  — Le  suc  laiteux  frais  de  Pissenlit  est  amer  et 
neutre,  mais  il  acquiert  bientôt  une  réaction  acide  et  une  coloration 
brun-rougeâtre,  en  même  temps  qu’il  se  coagule,  avec  séparation  d’une 
substance  que  Kromayer,  en  1861,  a désignée  sous  le  nom  de  Leon- 
lodoriium.  Ce  chimiste,  en  traitant  cette  substance  par  l’eau  chaude, 
obtint  une  solution  amère  ; celle-ci  abandonne  sur  le  charbon  animal 
un  principe  actif  (?)  qu’on  en  sépare  à l’aide  de  l’esprit-de-vin  bouillant. 
Après  évaporation  de  l’alcool,  Kromayer  purifia  le  liquide  par  addition 
d’acétate  de  plomb  basique,  saturation  de  la  solution  filtrée  avec  de 
l’hydrogène  sulfuré  et  évaporation  jusqu’à  siccité.  Le  résidu  abandonna 
alors  à l’éther  une  résine  âcre,  et  laissa  une  masse  amorphe,  incolore, 
très-amère,  nommée  par  Kromayer  Taraxacme. 

Polex  (1839)  obtint  apparemment  le  même  principe  en  cristaux  ver- 

(1)  Pour  plus  de  détails  à ce  sujet,  voyez  : Vogl,  Sitzungsber.  (1er  Wiener  Akademie , 
1863,  VI,  668,  avec  planche;  Hanstein,  M ilchsaftgefasae  unçl  vcrvandlc.  Organe  der 
liinde,  Berlin,  1864,  72,  73,  t.  IX. 

(2)  Le  lecteur  peu  familier  avec  ce  procédé  peut  se  rapporter  à un  mémoire  de  Poc- 
klington,  in  Phnrm.  Journ.,  13  avril  1872,  822. 


24 


COMPOSEES. 


ruqueux.  Il  faisait  simplement  bouillir  le  suc  laiteux  avec  do  l’eau  et 
abandonnait  à l’évaporation  la  décoction  concentrée.  La  portion  du 
Leontodonium  non  dissoute  dans  l’eau  cède  à l’alcool  une  substance 
cristalline,  la  Taraxacérine  de  Kromayor,  C8H,#0.  Cette  dernière  res- 
semble à la  lactucérine  et  sa  solution  alcoolique  possède  une  saveur 
âcre.  Nous  ne  savons  pas  encore  jusqu’à  quel  point  les  propriétés  médi- 
cinales du  Pissenlit  sont  dues  aux  substances  ainsi  obtenues. 

Dragendorff,  en  1870,  a retiré  de  racines  recueillies  près  de  Dorpat 
en  octobre,  et  séchées  à 100°  C.,  24  pour  100  d'inuline  et  du  sucre. 
Des  racines  recueillies  en  mars,  dans  le  même  endroit,  donnèrent 
seulement  1,74  pour  100  d’inuline,  17  de  sucre  incristn  1 lisable  et  18,7 
de.  Lévuline.  Ce  dernier  corps,  découvert  par  Dragendorff,  a la  même 
composition  que  l’inuline,  mais  se  dissout  dans  l’eau  froide.  Sa  solu- 
tion possède  un  goût  douceâtre;  elle  est  dépourvue  de  tout  pouvoir 
rotatoire.  Lorsqu’on  fait  dissoudre  dans  l’eau  l’extrait  de  Pissenlit, 
l’inuline  se  présente  souvent  sous  la  forme  d'une  poudre  brillante. 

T.  et  H.  Smith,  d’Edimbourg,  ont  montré,  en  1849,  que  le  suc  de  la 
racine,  après  une  courte  exposition  à l’air,  subit  une  sorte  de  fermen- 
tation dont  le  résultat  est  une  production  abondante  de  mannite,  dont 
on  ne  peut  retirer  la  moindre  trace  de  la  racine  tout  à fait  fraîche.  Les 
mêmes  chimistes  y trouvèrent  une  grande  quantité  de  sucre  qui  subissait 
promptement  la  fermentation  vineuse. 

Les  feuilles  et  les  tiges  du  Pissenlit  (mais  non  les  racines)  offrirent  à 
Marmé,  en  1864  (I),  un  sucre  particulier  nommé  Inosite,  Cl2Hsl012.  Des 
racines  recueillies  dans  les  prairies  des  environs  de  Berne,  immédiate- 
ment avant  la  floraison,  lavées  soigneusement  et  desséchées  à 100°  C , 
nous  donnèrent  5,24  pour  100  de  cendres,  consistant  en  carbonates, 
phosphates,  sulfates,  et  en  une  petite  quantité  de  chlorures. 

Usages.  — Le  Pissenlit  est  très-employé  dans  la  Grande-Bretagne 
comme  laxatif  doux  et  tonique,  surtout  dans  les  maladies  du  foie.  Eu 
France  il  est  inusité. 

Falsification.  — Les  racines  du  Leontodon  hispidus  L.  sont  parfois 
vendues  en  fraude  par  les  récolteurs  d’herbes  à la  place  de  celles  du 
Pissenlit.  Les  deux  plantes  ont  les  feuilles  roncinées,  mais  celles  du 
Leontodon  hispidus  sont  velues,  tandis  que  celles  du  Pissenlit  sont  lisses. 
La  racine  fraîche  du  premier  est  coriace,  difficile  à casser  et  laisse  rare- 
ment exsuder  un  suc  laiteux  (2). 

(1)  G melin,  Chemistry,  1864,  XV,  351. 

(2)  Giiæs,  Pharm.  Journ.,  1852,  XI,  107. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VEGETALE.  2?i 

La  racine  desséchée  du  Pissenlit  est  très-susceptible  d’être  attaquée 
parles  vers  et  ne  doit  pas  être  conservée  pendant  plus  d’une  saison. 


(„)  Les  Taraxacum  (Haller,  Stirp.  Helv.,  1, 23)  sont  des  Composées  de  la  tribu  d 
arhoriaeées  à bractées  extérieures  de  l'involucre  toutes  réfléchies  a la  maturité 


des 

Cichoriacées  à bractées  extérieures  de  l’involucre  toutes  renecmes  a ia  maturité  et 
formant  une’ sorte  de  calicule  ; à réceptacle  nu  ; à achaines  munis  de  côtes  ordinai- 
rement muriquées  et  terminées  par  un  bec  fili- 
forme ; à aigrette  formée  de  soies  disposées  sur 
plusieurs  rangs. 

Le  Taraxacum  officinale  Wiggers  ( Prim . 

Boisai.,  56),vulg.  Pissenlit,  est  une  herbe  h souche 
vivace,  courte  et  épaisse,  fréquemment  ramifiée, 
terminée  par  une  longue  racine  pivotante  char- 
nue, Les  feuilles  sont  toutes  radicales,  disposées 
en  rosette  et  persistantes  pendant  l’hiver.  Elles 
sont  alternes,  oblongues.  Quelques-unes  sont  par- 
fois entières  ou  seulement  ondulées,  mais  la 
plupart  sont  profondément  découpées  en  lohes 
inégaux,  triangulaires,  terminés  par  une  pointe 
assez  aiguë,  et  tantôt  entiers,  tantôt  découpés 
sur  les  bords  en  dents  inégales,  fines  et  aiguës.  Le 
limbe  de  la  feuille  est  supporté  par  un  pétiole 
court,  embrassant,  souvent  rougeâtre.  Delà  sou- 
che partent  des  hampes  florales  plus  longues  que 
les  feuilles,  dressées,  fistuleuses,  souvent  couver- 
tes de  poils  floconneux,  dépourvues  de  bractées  et 
terminées  par  une  seule  fleur  volumineuse.  L'in- 
volucre est  obeonique,  formé  d’ écailles  disposées 
sur  plusieurs  rangées,  un  peu  carénées  au  som- 
met ; les  supérieures,  linéaires,  obtuses  ; les  in- 
férieures, plus  petites,  moins  serrées,  lancéolées- 
linéaires,  réfléchies  et  formant  une  sorte  de 
collerette  autour  de  la  base  du  capitule.  Le  ré- 
ceptacle est  nu,  aplati.  Les  fleurs  sont  très-nombreuses  ; elles  ont  toutes  le  périanthe 
ligule,  jaune,  livide  en  dessous,  beaucoup  plus 
long  que  l’involucre,  tronqué  au  sommet  et  dé- 
coupé en  cinq  dents.  Les  anthères  sont  sagittées 
à la  base.  Les  styles  sont  divisés  en  branches 
grêles,  longues  et  recourbées.  Les  achaines  sont 
oblongs,  rétrécis  à la  base,  marqués  de  côtes 
longitudinales  striées  et  terminées  en  haut  par 
des  pointes  tuberculeuses  plus  courtes  que  le 
support  de  l’aigrette.  Ce  dernier  est  plus  long 
que  l’aigrette  elle-même.  La  plante  fleurit  dans 
les  environs  de  Paris  d’une  façon  presque  conti- 
nue d’avril  à octobre.  Certaines  variétés  sont  gla- 
bres, tandis  que  d’autres  sont  un  peu  pubes- 
centes  [Trad.] 

(ô)  Ainsi  que  le  montre  la  figure  133,  la  racine  de  Pissenlit  offre  de  dehors  en  de- 


Fip 


133.  Racine  de  Pissenlit. 
Coupe  transversale. 


Fig. 

Coupe 


134.  Haci.no  do  Pissenlit, 
longitudinale  radiale  dans 
la  portion  libérienne. 


20 


COMPOSÉES. 


il;ms  : 1°  une  couclio  do  i'uux  suber  formée  do  cellules  aplaties,  brunes,  desséchées, 
appartenant  h la  périphérie  du  tissu  cortical  ; 2°  un  parenchyme  cortical  épais,  formé 
de  grandes  cellules  allongées  tangenticllcinent,  à parois  minces  ; 3°  un  liber  formé 
d éléments  allongés,  à parois  minces  et  blanches  et  à cloisons  transversales  hori- 
zontales. Ces  éléments  sont  assez  régulièrement  empilés  les  uns  au-dessus  des 
autres,  comme  on  le  voit  sur  la  coupe  longitudinale  de  la  ligure  CM;  4°  le  centre 
«le  la  racine  est  occupé  par  un  cylindre  ligneux  formé  uniquement  de  gros  vais- 
seaux réticulés  irrégulièrement  dispersés  et  de  cellules  parenchymateuses,  à parois 
minces,  interposées  aux  vaisseaux.  Le  bois  est  séparé  du  liber  par  une  zone  continue 
«le  cambium.  Les  vaisseaux  laticifères  n’existent  pas  dans  le  bois.  On  les  trouve 
«lans  le  parenchyme  cortical  et  dans  le  liber,  disposés  en  cercles  concentriques.  Dans 
le  liber  ils  sont  formés  par  des  éléments  un  peu  plus  étroits  que  les  autres,  mais 
«le  même  forme,  parallèles  les  uns  aux  autres  et  reliés  par  des  branches  transversales 
plus  ou  moins  obliques.  Chaque  groupe  de  laticifères  est  séparé  des  voisins  par  des 
éléments  libériens  et  aucune  communication  n’existe  d’un  cercle  à un  autre  entre 
les  difféients  gioupes,  ainsi  qu  on  peut  s en  assurer  a l’aide  de  coupes  longitudinales 
radiales,  comme  celle  de  la  figure  134.  Dans  le  parenchyme  cortical,  les  laticifères 
sont  formés  par  des  cellules  parenchymateuses  communiquant  les  unes  avec  les 
autres  et  ils  sont  disposés  d’une  façon  beaucoup  moins  régulière.  [Trad.1 


LAITUE  VIREUSE. 

Herba  Lactucæ  virasse-,  nngl.,  Prickly  Lettuce;  altéra. , Giftlattich. 

Origine  botanique.  — Lactuca  virosa  L.  (1).  — La  Laitue  viveuse  est 
une  grande  herbe  qui  pousse  dans  les  champs  pierreux  et  sur  les  bords 
des  chemins,  dans  toute  l’Europe  occidentale,  centrale  et  méridionale. 
Elle  abonde  dans  la  péninsule  espagnole  et  en  France.  En  Angleterre 
elle  n’est  que  peu  répandue  et  ne  s’étend  pas  vers  le  nord  au  delà  des 
montagnes  du  sud-est  de  l’Ecosse  (a). 

Historique. — L’introduction  de  cette  Laitue  dansla  médecine  moderne 
estdue  àCollin,  célèbre  médecin  devienne,  qui,  vers  1771,  recommanda 
son  suc  épaissi  dans  le  traitement  de  l’hydropisie.  Dans  les  cas  de  lon- 
gue durée,  on  administrait  cet  extrait  à la  dose  d’une  demi-once  par 
jour.  Le  Collège  des  médecins  d’Edimbourg  introduisit  la  Laitue  vireusc 
dans  sa  Pharmacopée  en  1792,  tandis  qu’en  Angleterre  sa  place  était 
occupée  par  la  Laitue  de  jardin  ( Lactuca  satina  L.).  Les  auteurs  de  la 
British  Phcirmacopæia  de  I8ü7  ont  écarté  cette  dernière  et  ordonné  de 
préparer  l'Extrait  de  Laitue  ( Extraction  Lactucæ)  par  épaississement  du 
suc  du  Lactuca  virosa  L. 

Description.  — La  Laitue  viveuse  est  une  plante  bisannuelle.  Elle  pvo- 

(1)  Bentham  réunit)  cette  plante  au  Lactuca  Scariola  L.,  mais  dans  la  plupart  des 
livres  de  botanique  ces  deux  espèces  sont  maintenues  distinctes. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  27 

duit  la  première  année  clos  feuilles  obovales,  indivises,  déprimées,  et 
pendant  la  seconde  une  tige  tonique,  dressée,  de  I métré  à 1 ,50  de  haut, 
terminée  par  un  panicule  de  petites  (leurs  coloiées  en  jaune  pale,  sem- 
blables à celles  de  la  Laitue  de  jardin.  La  tige  est  cylindrique,  un  pou 
épineuse  dans  le  bas.  Elle  porte  des  feuilles  horizontales,  d un  xoil 
glauque,  ovales-oblongues,  souvent  un  peu  lobées,  auriculées,  embras- 
santes, munies  sur  les  bords  de  dents  irrégulières,  épineuses.  Leur  ner- 
vure médiane  est  blanche  et  couverte  d’épines.  La  plante  entière  est 
riche  en  suc  amer,  laiteux,  à odeur  opiacée,  forte  et  désagréable. 

Composition  chimique.  — Nous  ne  connaissons  pas  de  recherches 
chimiques  modernes  sur  la  Laitue  vireuse.  Les  principes  les  plus  impor- 
tants de  cette  plante  sont,  sans  doute,  ceux  qu’on  trouve  dans  le  Lactu- 
carium et  nous  renvoyons  le  lecteur  à cet  article. 

Usages.  — Le  suc  exprimé  et  épaissi  de  la  plante  fraîche  est  consi- 
déré comme  narcotique  et  diurétique,  mais  il  est  probablement  à peu 
près  inerte. 

(a)  Les  Lactuca  L.  ( Généra , n°  909)  sont,  des  Composées  de  la  tribu  des  Ciclioria- 
eées,  à capitules  homogames,  liguliflores  ; à involucre  oblong,  lormé  d écailles 
imbriquées  ; à réceptacle  plan  et  uni  ; à fruit  comprimé,  prolongé,  il  la  partie  supé- 
rieure, en  un  bec  capillaire  qui  supporte  une  aigrette  à poils  lisses  ou  légèrement 
scabres  disposés  sur  un  seul  rang. 

Le  Lactuca  virosa  L.  (Species,  1119)  a les  fleurs  disposées  en  grappes  réunies  en 
un  long  panicule  terminal,  pyramidal,  lâche.  L’involucre  est  étroit  et  formé  de 
bractées  disposées  sur  plusieurs  rangs,  d'autant  plus  courtes  qu’elles  sont  plus  in- 
férieures. Les  fleurs,  toutes  ligulées,  ont  le  périanthe  jaune  pâle,  tronqué  au  sommet 
et  découpé  en  cinq  dents.  Les  anthères  sont  sagittées  à la  base.  Les  acharnes  sont 
comprimés,  marqués,  de  chaque  côté,  de  cinq  stries,  entourés  d’un  bord  saillant, 
glabres  au  sommet,  aussi  longs  que  le  bec  capillaire  qui  les  surmonte  et  qui  porte 
l’aigrette,  colorés  en  brun  noir.  Les  bractées  florales  sont  sessiles,  amplexicaules. 
Dans  le  centre  de  la  France  la  plante  fleurit  de  juin  à septembre.  Elle  recherche  les 
lieux  incultes,  les  haies,  les  bois  pierreux. 

Le  L'icluca  saliva  L.  ( Spccies , 1118)  a la  tige  un  peu  moins  élevée  et  presque, 
pleine.  Il  se  distingue  nettement  de  l’espèce  précédente  par  ses  feuilles  dépourvues 
d’aiguillons  sur  la  nervure  médiane  et  de  cils  sur  les  bords,  oblongues-obovales  ou 
presque  orbiculaires,  entières,  plus  ou  moins  ondulées,  sinueuses  ou  découpées  en 
dents  irrégulières,  les  supérieures  cordées  et  amplexicaules  ; ses  capitules  disposés 
en  panicules  ordinairement  denses.  La  patrie  de  cette  plante  est  inconnue.  Elle 
pourrait  bien  ne  constituer,  comme  le  Lactuca  virosa,  qu’une  variété  du  Lactuca 
Scariola.  Elle  fleurit  dans  les  jardins  des  environs  de  Paris  de  juin  a septembre. 
On  distingue  généralement  trois  variétés  principales  de  Lactuca  saliva  : 

a.  romana  ( Laitue  romaine,  Romaine),  à feuilles  imbriquées  avant  la  floraison, 
oblongues,  concaves,  carénées,  peu  ondulées; 

[L  capitata  ( Laitue  pommée),  ne  se  distingue  de  la  précédente  que  par  ses  feuilles 
suborbiculaires,  davantage  ondulées; 


28 


COMPOSÉES. 


. i'.  crispa  ( La üue  frisée ), 
l'osettc  avant  la  floraison, 
•crispées.  [Tit.w>.] 


sc  distingue  des  deux  autres  par  ses  feuilles  étalées  en 
profondément  pinnntipnrtites,  sjnuée.%  très-ondulées  et 


LACTUCARIUM. 

Lactucarium  ; nng!.,  Lrttucc  Opium,  Thvhlanc  (i);  «ilem..  Lactucarium. 

Origine  botanique.  — Les  espèces  de  Lactuca  dont  on  retire  le  Lac. 
I ncarium  sont  au  nombre  de  Irois  ou  quatre  : 

■1°  Lactuca  virosa,  L.,  décrite  dans  l’article  précédent  ; 

2n  Lactuca  Scanola  L.,  plante  très-voisine  de  l'espèce  précédente  dont 
elle  ne  constitue  peut-être  qu’une  variété;  son  feuillage  est  cependant 
moins  abondant  et  plus  glauque,  ses  feuilles  divisées  en  lobes  plus  ai- 
gus, beaucoup  plus  dressées  et  presque  parallèles  à la  tige.  Sa  distribu  - 
fion  géographique  est  la  même  que  celle  du  Lactuca  virosa  (2)  ; 

3n  Lactuca  altissima  Bieb.,  originaire  du  Caucase,  maintenant  cultivée 
en  France,  en  Auvergne,  pour  la  production  du  lactucarium.  C’est  une 
herbe  gigantesque,  dont  la  tige  atteint,  sous  l’influence  de  la  culture,  une 
hauteur  de  3 mètres  et  un  diamètre  de  4 centimètres.  Le  professeur  G. 
Planchon  la  considère  comme  une  simple  variété  du  Lactuca  Scariola  L.: 

4°  Lactuca  sativaL.,  laitue  commune  des  jardins  (3)  (voir  page  27, 
note  a). 

Historique.  Le  docteur  Coxe,  de  Philadelphie,  suggéra  le  premier 
l’idée  que  le  suc  de  la  Laitue  recueilli  de  la  même  façon  que  l’opium  sur 
les  tètes  de  Pavot  pourrait  être  employé  utilement  en  médecine.  Les 
résultats  de  ses  expériences  sur  le  suc  de  la  Laitue  de  jardin,  qu’il 
nomma  opium  de  Laitue , furent  publiés  en  1799  (4).  Les  essais  de  Coxe 
furent  continués,  quelques  années  plus  tard,  par  Duncan,  Young,  An- 


(1)  Le  nom  de  Thridacc  est  aussi  appliqué  à l’Extrait  de  Laitue. 

(2)  La  fleur  et  le  fruit  du  Lactuca  Scariola  sont  semblables  à ceux  du  Lactuca  virosa. 
Le  fruit  offre  cependant  un  petit  caractère  qui  permet  de  le  reconnaître.  Ses  stries  sont 
glabres  dans  le  I.actuca  virosa,  tandis  qu'elles  sont  hérissées  vers  le  haut  dans  le  Lac- 
tuca sativa.  Mois  ce  sont  là,  incontestablement,  des  caractères  de  trop  peu  de  valeur 
pour  qu’on  puisse  conserver  les  deux  espèces.  [Tuad.] 

(3)  Les  auteurs  du  Codex  français  de  1866  indiquent  comme  source  du  lactucarium 
une  forme  de  Laitue  de  jardin  qui  a reçu  de  De  Candolle  le  nom  de  Lactuca  capitata. 
Maisch  retira  du  lactucarium  du  Lactuca  elongata  Mühl.  (in  Amer.  Journ.  ofPharm., 
1869,  148). 

(4)  Jnquiry  on  the  comp.  effccts  of  the  Opium  officivarum,  extract  from  the  Papaver 
somniferum  or  White  Poppy  of  Linnæus  and  that.procurcd from  the  Lactuca  sativa  or 
Common  cultivated  Lettuce  of  the  samr  author  (in  Traits,  of  the  American  Philoso • 
phical  Society,  1799,  IV,  387). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  59 

derson,  Scudamore  et  d 'autres  6n  Ecosse,  et  par  Bidault  de  Villiers  et 
de  nombreux  observateurs  eu  France.  Ea  production  du  lactucarium 
en  Auvergne  fut  commencée  (1),  vers  1841,  par  Aubergier,  pharmacien 
de  Clermont-Ferrand. 

Sécrétion.  — Toutes  les  parties  vertes  de  la  plante  sont  traversées 
par  un  système  de  vaisseaux  qui,  lorsqu’on  les  coupe,  surtout  pendant 
la  floraison,  laissent  immédiatement  exsuder  un  suc  blanc  laiteux.  La 
tige,  d’abord  pleine  et  charnue,  devient  ensuite  creuse  ; elle  doit  sa  rigi- 
dité à un  cercle  d’environ  trente  faisceaux  fibrovasculaires,  dont  chacun 
contient  un  cylindre  de  cambium.  Entre  ce  tissu  et  le  parenchyme  cor- 
tical primaire  est  situé  le  système  des  vaisseaux  laticifères  qui  présente, 
sur  une  coupe  transversale,  un  cercle  simple  ou  double  de  tubes  à pa- 
rois minces,  dont  la  cavité  contient  une  masse  de  suc  coagulé,  coloré 
en. brun  foncé.  Sur  une  coupe  longitudinale,  ces  tubes  paraissent  rami- 
fiés et  reliés  transversalement  les  uns  aux  autres  comme  les  laticifères 
du  Pissenlit.  Les  plus  larges  de  ces  tubes  ont  35  millièmes  de  millimètre 
de  diamètre  et  correspondent  à peu  près  régulièrement  aux  faisceaux 
vasculaires.  Chacun  de  ces  derniers  est  aussi  séparé  de  la  moelle  par 
une  bande  de  tissu  cambiforme  dans  la  circonférence  duquel  sont 
situés  des  laticifères  isolés  et  plus  petits.  11  existe  donc  deux  systèmes  de 
laticifères,  contigus,  l’un  à la  moelle,  l’autre  à l’écorce,  et  séparés  l’un  de 
l’autre  par  le  bois  privé  de  sucs  (2).  Les  laticifères  de  l’écorce  sont  pro- 
tégés seulement  par  deux  à six  rangées  de  cellules  du  parenchyme  de 
l’écorce  moyenne.  Ces  cellules  diminuent  rapidement  de  taille  de  dedans 
en  dehors  et  sont  enveloppées  par  un  épiderme  à parois  peu  épaisses.  Il 
est  donc  facile  de  comprendre  que  la  plus  légère  piqûre  ou  incision 
soit  suffisante  pour  atteindre  le  système  très-riche  des  laticifères.  Les 
gouttes  du  suc  laiteux  abandonnées  à l’air  durcissent  rapidement  et 
forment  de  petites  masses  d’un  brun  jaunâtre  en  dehors,  blanchâtres 
en  dedans. 

Rccoite  et  description . — Le  lactucarium  est  recueilli,  particulière- 
ment depuis'|184o,  dans  le  voisinage  de  la  petite  ville  de  Zell,  sur  la 
Moselle,  entre  Coblentz  et  Trêves,  dans  la  Prusse  rhénane.  L in- 
troduction de  cette  industrie  est  due  à M.  Gocris,  pharmacien  de 
cette  ville,  auquel  nous  devons  les  informations  qui  suivent.  Nous 

(1)  Comptes  rendus  de  l'Ac.  des  sc.,  1812,  XV,  923. 

(2)  Très-bien  figurés  par  Hanstein  dans  l'ouvrage  signalé  îi  la  page  23,  note  1.  Voyez 
aussi:  Trécul,  in  Ann.  sc.nat.,  1806,  V,  09.  — Dippei.,  Entstehung  der  Milclisa ftcje fasse, 
Rotterdam,  1803,  l.  1,  f.  17. 


M COMPOSÉES. 

devons  aussi  quelques  détails  plus  particuliers  à M.  Meurer,  de  Zell. 

La  plante  est  cultivée  dans  les  jardins,  où  elle  produit  sa  tige  seule- 
ment pendant  la  seconde  année.  En  mai,  au  moment  où  la  plante  va 
fleurir,  on  coupe  la  tige  à 30  centimètres  environ  au-dessous  de  sou 
sommet.  On  on  sépare  ensuite,  tous  les  jours,  un  morceau,  à l’aide  d'une 
section  transversale,  jusqu’au  mois  de  septembre.  On  recueille  avec  le 
doigt  le  suc  d’abord  blanc,  mais  bientôt  brun  à la  surface,  qui  s’écoule 
par  l’extrémité  sectionnée  et  on  le  dépose  dans  des  vases  hémisphé- 
riques en  terre,  où  il  durcit  assez  complètement  pour  qu’on  puisse  le 
renverser  en  une  seule  masse.  On  le  fait  alors  sécher  au  soleil  jusqu’à  ce 
qu’on  puisse  le  couper  en  morceaux.  On  achève  la  dessiccation  en  l'ex- 
posant à l’air,  sur  des  châssis,  pendant  quelques  semaines. 

Zell  produit  annuellement  de  300  à 400  kilogrammes  de  lactucarium; 
le  district  entier  en  fournit  20  quintaux  par  an.  Le  prix  de  la  drogue 
atteint  sur  place  de  12  à 30  marcs  le  kilogramme. 

Le  district  d’Eifel,  dans  lequel  autrefois  on  recueillait  du  lactucarium, 
n’en  produit  plus  aujourd’hui. 

Tel  qu’on  le  trouve  dans  le  commerce,  le  lactucarium  se  présente  en 
morceaux  anguleux,  obtenus  comme  nous  l’avons  dit  plus  haut,  mais 
plus  ou  moins  contractés  et  irréguliers  par  suite  de  la  perte  d’eau  et 
des  cassures.  Au  dehors  il  est  d’un  brun  rougeâtre  foncé,  opaque  et 
comme  cireux  en  dedans  et  d’un  blanc  crémeux  lorsqu’il  est  récent. 
Par  l’exposition  à l’air  ce  blanc  devient  d’abord  jaune,  puis  brun.  L’o- 
deur du  lactucarium  est  forte,  désagréable,  et  rappelle  celle  de  l’opium. 
Son  goût  est  très-amer. 

Le  lactucarium  produit  par  Aubergier,  de  Clermont-Ferrand,  est 
d’excellente  qualité,  mais  ne  paraît  pas  différer  de  celui  qu’on  obtient 
sur  la  Moselle.  11  est  en  pains  circulaires  de  4 centimètres  de  diamètre, 
au  lieu  d’être  en  morceaux  anguleux.  Le  lactucarium  d’Ecosse,  qui  seul 
se  trouvait  autrefois  sur  le  marché,  s’y  rencontre  encore  aujourd’hui 
(1872).  M.  Fairgrieve,  qui  le  produit  dans  les  environs  d’Edimbourg,  re- 
cueille le  suc  dans  de  petits  vases  d’étain  où  il  se  dessèche;  on  le  retire 
du  vase  et  on  le  fait  sécher  à une  chaleur  douce.  La  drogue  se  brise, 
sous  l’influence  de  ce  procédé  de  dessiccation,  et  se  présente  en  masses 
terreuses,  irrégulières,  d’un  brun  foncé,  dont  la  plus  grande  atteint  à 
à peu  près  2 centimètres  et  demi  de  long;  son  odeur  ressemble  exacte- 
ment à celle  de  la  drogue  recueillie  sur  le  continent  (1). 


(1)  Nous  sommes  redevables  à M.  II.  C.  Baildon  d’un  échantillon  de  lactucarium 


Ml 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Nu  us  11c  connaissons  pas  le  lactucarium  de  Russie,  qui  a été  coté  sur 
quelques  catalogues  du  continent  à un  prix  très-élevé. 

Composition  chimique.  — Le  lactucarium  est  un  mélange-  de  sub- 
stances organiques  très-différentes  avec  8 à 10  pour  100  de  matière 
inorganique.  Aucun  dissolvant  ne  le  dissout  complètement  et  lorsqu’on 
le  chauffe  il  se  ramollit,  mais  ne  fond  pas. 

En  l’épuisant  avec  de  l’alcool  bouillant,  nous  en  avons  retiré  58,7  pour 
100  de  Lactuccrine  ou  Lactucone,  Ct0H2SO  (I),  qui  se  dépose  en  cristaux. 
Ceux-ci,  convenablement  purifiés,  se  présentent  en  fines  aiguilles  inco- 
lores qui  fondent  vers  185°  G.  et  se  transforment  en  une  masse  amorphe. 
Lalactucérine  est  une  substance  neutre,  inodore,  insipide,  insoluble  dans 
l’eau,  mais  soluble  dans  l’éther  et  dans  les  huiles  fixes  et  volatiles  ; un  peu 
moins  dans  la  benzine  et  le  bisulfure  de  carbone.  Elle  paraît  étroitement 
alliée  à Y Euphorbone  avec  laquelle  il  serait  nécessaire  de  la  comparer 
soigneusement.  L’alcool  froid  et  l’eau  bouillante  enlèvent  au  lactuca- 
rium environ  0,3  pour  100  d’une  substance  amère  cristallisable,  la 
Lac  lutine,  C"Hl203,  IPO,  qui  n’est  pas  un  glucdside,  quoiqu’elle  ré- 
duise le  tartrate  alcalin  de  cuivre.  La  lactucinc  forme  des  écailles  d’un 
blanc  de  perle,  facilement  solubles  ejans  l’acide  acétique,  insolubles  dans 
l’éther.  Elle  perd  son  amortune  lorsqu’on  la  traite  par  un  alcali. 

Ludwig  a retiré  de  la  liqueur  mère  ayant  fourni  la  lactucine,  de  l’a- 
ticle  Laclucique  sous  forme  d’une  substance  amorphe,  d’un  jaune  bril- 
lant qui  cristallise  après  un  repos  prolongé.  Récemment  on  a retiré  du 
lactucarium  une  petite  proportion  d’une  substance  amorphe,  la  Laclu- 
copicrine , C44IIGi021,  probablement  produite  par  oxydation  de  la  lactu- 
cine. D’après  Kromayer  (1802)  elle  est  soluble  dans  l’eau  et  l’alcool,  et 
est  très -aepère. 

Parmi  les  principes  constituants  les  plus  répandus  dans  les  plantes, 
le  lactucarium  contient  de  la  résine,  de  l’albumine,  de  la  gomme,  des 
acides  oxalique,  citrique,  malique  et  succinique,  du  sucre,  de  la 
mannite,  de  l’asparagine,  des  nitrates  et  phosphates  de  potassium, 
de  calcium  et  de  magnésium.  En  concentrant  une  décoction  aqueuse  de 
lactucarium,  nous  avons'  obtenu  des  cristaux  de  nitrate  de  potassium. 
La  distillation  avec  de  l’eau  entraîne  une  très-petite  quantité  d’une 
huile  volatile,  qui  a l’odeur  du  lactucarium. 

d’Ecosse  recueilli  vers  1844,  cl  ù MM.  T.  el  II.  Smith  d’un  échantillon  récent  récolté 
par  M.  Fairgrieve. 

(1)  Des  recherches  plus  récentes  commencées  dans  mon  laboratoire  fournissent  des 
résultats  qui  se  rapprochent  plutôt  de  la  formule  Cl9II;,0O.  [F.  A.  F. J 


3 2 


LOBÉLIÉES. 


Usages.  — On  suppose  que  les  propriétés  narcotiques  universelle- 
ment attribuées  autrefois  à la  Laitue  existent  avec  plus  d’énergie  dans 
le  lactucarium.  Cependant,  de  nombreuses  expériences  n’ont  pu  nous 
démontrer  dans  ce  produit  que  des  propriétés  sédatives  très-faibles, 
sinon  une  inerlie  absolue  (I  ). 


LOBÉLIÉES 


LOBÉLIE  ENFLÉE. 

Ucrba  Lobclix  ; angl.,  Indian  Tobacco;  allem.,  Lobeliakraul. 


Origine  botanique.  — Le  Lobelia  inflata  L.  est  une  herbe  an- 
nuelle qui  atteint  de  25  à 50  centimètres  de  haut  ; sa  tige  est  dres- 
sée, anguleuse,  simple  ou  plus  fréquemment  ramifiée  près  de  son 
extrémité.  Elle  est  très-répandue  dans  le  nord  de  l’Amérique,  depuis  le 
Canada  jusqu’au  Mississipi.  Elle  se  plaît  dans  les  champs  abandonnés, 
sur  le  bord  des  routes  et  sur  la  lisière  des  bois.  Elle  réussit  bien  dans 
les  jardins  européens  (a).  * 

Historique.  — Le  Lobelia  inflata  fut  décrit  et  figuré  par  Linné  (2)  d a- 
près  des  échantillons  cultivés  par  lui-même  a Upsala,  vers  1741,  mais 
il  n’attribua  à cette  plante  aucune  propriété  médicinale.  Les  indigènes 
de  l’Amérique  du  Nord  font  usage  de  l’herbe,  qui  pour  ce  motif  et  à 
cause  de  son  goût  âcre  a reçu  le  nom  d 'Indian  Tobacco  (Tabac  indien*. 
En  Europe,  elle  fut  signalée  par  Schoepf  (3),  mais  avec  une  faible  appré- 
ciation de  scs  propriétés.  En  Amérique  elle  était  depuis  longtemps 
entre  les  mains  des  charlatans,  lorsque  son  action  contre  l’asthme  fut 
signalée,  en  1813,  par  Cutler.  Elle  ne  fut  pas  employée  en  Angleterre 
jusqu’en  1829.  Reece  (4)  l’introduisit  alors  dans  la  pratique  médicale 
en  même  temps  que  plusieurs  autres  médicaments. 

Description.  — Les  feuilles  ont  de  2 centimètres  et  demi  a 7 centi- 
mètres de  long;  elles  sont  épaisses,  sessiles,  ovales-lancéolées,  aiguës, 
légèrement  dentées,  un  peu  pubescentes.  Les  bords  de  la  feuille  portent 


(U  Stille,  Th crap.  and  Mat.  Med.,  1868,  I,  756.  -Garrod  (in  Med.  Time?  and  Ga- 
zette  26  mars  186'.)  a prescrit  le  lactucarium  h la  dose  de  1 drachme  O*/7'1)  répétée 
trois  ou  quatre  fois  par  jour,  sans  pouvoir  constater  aucun  effet  anodm  ou  narco- 
tique. 

(2)  Acta  Soc.rcg.  scient.  Upsal.,  1746,  23. 

(3)  Mat.  med.  Amcricana,  Erlangæ,  1787,  128. 

(4)  Treatisc  on  the  Bladdcr-podded  Lobelia,  Loud.,  1829. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

de  petites  glandes  blanchâtres,  et,  entre  elles,  des  poils  isolés  qui  sont 
plus  fréquents  sur  la  face  inférieure  que  sur  la  supérieure.  Elles  sont 
d’ordinaire  plus  nombreuses  dans  le  bas  et  vers  la  portion  moyenne 
de  la  tige.  La  tige  de  la  plante  verte  laisse  exsuder,  lorsqu’on  la  coupe, 
une  petite  quantité  de  suc  laiteux,  âcre,  contenu  dans  des  vaisseaux  lac- 
tifères  qui  se  prolongent  dans  les  feuilles.  Les  fleurs,  peu  remarquables, 
sont  disposées  en  grappes  terminales  feuillues.  La  corolle,  à cinq  divi- 
sions, bilabiée,  est  bleuâtre, avec  une  tache  jaune  sur  la  lèvre  inférieure  ; 
son  tube  est  aussi  long  que  le  limbe  divergent  du  calice.  Le  fruit  est  une 
capsule  ovoïde,  renflée,  munie  de  dix  nervures,  et  couronnée  par  les 
cinq  sépales  qui  sont  moitié  aussi  longs  que  le  fruit  mûr.  Ce  dernier 
est  divisé  en  deux  loges  qui  contiennent  un  grand  nombre  de  graines 
de  5 millimètres  de  long,  ovales-oblongues , réticulées  et  creusées 
de  fossettes.  Dans  le  commerce,  cette  herbe  se  présente  en  paquets 
rectangulaires  qui  ont  de  2 centimètres  et  demi  à 3 centimètres  d’épais- 
seur, et  sont  constitués  par  les  parties  herbacées,  coupées  et  com- 
primées lorsqu’elles  étaient  encore  humides,  et  ensuite  soigneusement 
arrangées.  Les  paquets  arrivent  enveloppés  de  papier,  scellés  et  por- 
tant la  marque  de  quelque  droguiste  ou  herboriste  américain.  La 
Lobélie  possède  une  odeur  herbacée,  et  lorsqu’on  la  mâche,  un  goût 
âcre,  brûlant,  qui  ressemble  à celui  du  tabac. 

Composition  chimique.  — La  Lobélie  a été  étudiée  au  point  de  vue 
chimique  par  Procter  (1838-1841),  Pereira  (1842),  Reinsch  (1843),  Bas- 
tick  (1851)  et  F.  F.  Mayer  (1).  Le  premier  de  ces  chimistes  (2)  attribua 
1 activité  de  la  plante  à un  alcaloïde  liquide,  volatil,  qu’il  nomma 
Lobéhne.  Ses  observations  furent  confirmées,  quelques  années  plus 
tard,  par  les  recherches  indépendantes  de  Bastick  (3).  D’après  les  tra- 
\aux  de  ces  chimistes,  la  lobéline  paraît  être  un  liquide  huileux,  vis- 
queux, transparent,  a réaction  alcaline  énergique,  surtout  lorsqu’il 
est  en  solution.  A 1 état  pur  elle  exhale  une  odeur  faible,  semblable  à 
celle  de  la  plante,  qui  devient  plus  forte  quand  on  la  mêle  à l’ammonia- 
que. Son  goût  est  piquant  et  semblable  à celui  du  tabac.  Prise  à faible 
dose,  cette  substance  produit  d’une  manière  énergique,  l’action  toxique 
de  la  drogue.  La  lobeline  est  volatile,  mais  ne  s’évapore  pas  sans  subir 
quelque  modification.  Elle  se  dissout  dans  l’eau;  plus  facilement,  dans 

(B  Amer.  Journ.  of  Phann.,  1800,  XXXVII,  2Ô9.  — Jahresbericht  do  Wiggers  cl 
Husemann,  1866,  252. 

(2)  Amer.  JoUrn.  of  Phann.,  1 838,  III,  98  ; 181 1,  VII,  i ■ — Phann.  Journ.,  1851,  X,  156, 

(3)  Pharrn.  Joürn  , 1851,  X,  270. 

HIST.  DES  DROGUES,  T.  II.  3 


•'*-*  LOBÈLIÉES. 

1 nlcoul  et  l’éther.  Ce  dernier  la  sépare  de  sa  solution  aqueuse.  Les  al- 
calis caustiques  la  décomposent  facilement.  Elle  neutralise  les  acides, 
en  formant  avec  eux  des  sels  cristallisables,  solubles  dans  l’eau  et  dans 
l’alcool.  Son  hydrochlorate  est  décrit  comme  formant  des  cristaux  aci- 
culaires  bien  définis,  incolores  et  transparents.  On  a obtenu  aussi  un 
sulfate,  un  nitrate  et  un  oxalate  de  lobélinc. 

L’herbe  contient  encore  des  traces  d’une  huile  essentielle  (la  Lnbélia- 
nine  de  Pereira?),  une  résine  et  une  gomme.  Les  graines  ont  donné  à 
Procter  environ  30  pour  1 00  d’une  huile  fixe  pesant  0,940,  qui  se 
dessèche  très-rapidement.  La  Lobéliine  de  Eeinsch  paraît  être  un  com- 
posé non  défini. 

En  1871,  Enders  lit,  a notre  demande,  quelques  recherches  sur  la 
Lobélie,  dans  le  but  d'is.oler  la  substance  âcre  à laquelle  l’herbe  doit 
son  goût.  11  épuisa  la  drogue  avec  de  l’esprit-de-vin,  et  distilla  le  li- 
quide en  présence  du  charbon  qui  retint  le  principe  âcre.  Le  charbon 
fut  lavé  avec  de  l’eau,  et  traité  par  l’alcool  bouillant.  Ce  dernier, 
laissa,  en  s’évaporant,  un  extrait  vert,  qui  fut  purifié  à l'aide  du  chloro- 
forme. On  obtint  ainsi  finalement  des  houppes  verruqueuses,  de  couleur 
brunâtre,  facilement  solubles  dans  l’éther  et  ie  chloroforme,  mais  peu 
solubles  dans  l’eau,  ayanl  la  saveur  âcre  de  la  Lobélie.  Cette  substance, 
que  nous  pouvons  nommer  fjobélacrine,  se  décompose  quand  on  la  fait 
bouillir  dans  l’eau.  Sous  l’influence  des  alcalis  ou  clés  acides,  elle  se 
dédouble  en  sucre  et  en  acide  Lobèlique.  Ce  dernier  est  soluble  dans 
l’eau  et  l’alcool;  il  n’est  pas  volatil  ; il  donne  avec  l’oxyde  de  baryum 
un  sel  soluble,  tandis  que  son  sel  plombique  est  insoluble  dans  l’eau. 

Usages.  — La  Lobélie  est  puissamment  nauséeuse  et  émétique;  à 
haute  dose,  elle  constitue  un  poison  narcotico-âcre.  On  la  prescrit  con- 
tre l’asthme  spasmodique. 

(a)  Les  Lobéliées  sont  des  Campaiiulucées  à Heurs  irrégulières  el  à ovaire  infère. 

Le  Lobelia  inflata  L.  (in  Ad.  Vps.,  1741,  23,  t.  1)  est  une  plante  annuelle, 
dressée,  rameuse,  très-velue,  à feuilles  alternes,  scssiles,  décurrentes.  Au-dessous 
du  point  d’insertion  de  chacune  d’elles  la  tige  offre  deux  ailes  membraneuses  qui 
prolongent  les  bords  de  la  feuille.  Elles  sont  ovales-lancéolées,  pointues  ; leurs  bords 
sont  repliés  en  dedans,  ondules,  sécrétés,  avec  des  dents  munies  de  petites  glandes 
blanches.  Elles  sont  plus  ou  moins  velues  sur  les  deux  faces,  et  parcourues,  sur  la 
face  inférieure,  par  des  nervures  très-saillantes.  Les  fleuri  sont  disposées  eu  grappes 
terminales,  feui liées.  Les  pédoncules  floraux,  beaucoup  plus  courts  que  les  feuilles, 
sont  dépourvus  de  bractéoles.  La  fleur  est  irrégulière,  de  taille  moyenne.  Le  calice  est 
formé  de  cinq  sépales  linéaires,  aigus,  étalés,  lisses  ou  légèrement  pubescents.  La 
corolle  est  très-irrégulière,  gamopétale,  bilahiée,  colorée  eu  bleu  pale.  Son  tube  est 
fendu  en  arrière  et  muni,  sur  la  face  interne,  de  poils  qui  deviennent  plus  longs  au 


HISTOIRE  LIES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  ;j:j 

niveau  de  la  gorge.  Sou  limbe  est  divisé  eu  cinq  lobes  profonds,  les  deux  supérieurs 
dressés,  ou  légèrement  réfléchis,  linéaires,  aigus,  les  trois  inférieurs  ovales,  émoussés 
au  sommet,  étalés.  L’androcéc  est  formé  de  cinq  étamines  à filets  indépendants  ve- 
lus à la  base,  et  à anthères  conniventes,  biloculaires,  introrses,  déhiscentes  par  deux 
fentes  longitudinales.  L’ovaire  est  infère,  muni  de  eûtes,  biloculaire,  chaque  lotre. 
contenant  plusieurs  ovules  anatropes,  insérés  dans  l’angle  interne  ; il  est  surmonté 
d’un  style  lisse,  terminé  par  un  stigmate  bilobé.  Le  fruit  est  une  capside  renflée 
presque  globuleuse,  surmontée  par  le  calice  persistant  et  parcourue  par  une  dizaine 
de  nervures  longitudinales  saillantes.  Chacune  des.  deux  loges  contient,  sur  un  gros 
placenta  axile,  un  grand  nombre  de  petites  graines  albuminées,  à embryon  droit. 
[Trad.] 


ERIGAGÉES 


FEUILLES  DE  BUSSEROLE. 

l'ulia  Uae  Lrsi  ; angl.,  Bearbervij  Lcaces  ; allem.,  Bài'cntraubcnblàtln'. 

Origine  botanique.  — Arctostaphylos  Uva-Ursi  Sprengel  (. Arbutus  Uva- 
Ursi  L.).  C est  un  petit  arbuste  procombaut,  toujours  vert,  répandu  dans 
la  plus  grande  partie  de  l’hémisphère  boréal  (I).  On  le  trouve  dans  l’Amé- 
rique du  Nord,  en  Islande,  dans  le  nord  delà  Russie  d’Europe  et  d’Asie, 
et  sur  les  principales  chaînes  de  montagnes  de  l’Europe  centrale  et 
méridionale.  Dans  la  Grande-Bretagne,  il  est  limité  à l’Ecosse  et  au  nord 
de  l’Angleterre  et  de  l’Irlande  (a). 

Historique.  — La  Busserole,  décrite  pour  la  première  fois  par  Clusius 
en  1601,  fut  recommandée  pour  l’usage  médical  en  1763,  par  Gerhard, 
de  Berlin,  et  d’autres  (2).  Elle  fut  introduite,  pour  la  première  fois,’ 
dans  la  Pharmacopée  de  Londres  en  1788. 

Description.  _ Les  feuilles  sont  d’un  vert  sombre  ; elles  ont  environ 
2 centimètres  de  long  sur  1 centimètre  de  large.  Elles  sont  obovales, 
arrondies  a l’extrémité,  et  graduellement  amincies  en  un  court  pétiole. 
Elles  sont  entières,  avec  le  bord  un  peu  réfléchi  et,  à l’état  jeune,  un 
peu  pubcscent.  La  feuille  entière  est  lisse,  glabre  et  coriace;  sa  faae 
supérieure  est  luisante  et  profondément  sillonnée  par  un  réseau  de 
nenuies,  sa  face  inférieure  est  réticulée  de  nervures  foncées.  Les 
feuilles  ont  une  saveur  très-astringente,  et  lorsqu’elles  sont  pulvérisées, 
une  odeur  semblable  à celle  du  thé. 

serole^UdtnDlii^Æ^^  Kor™gcm,  187 5,  270)  a constate  que  les  tiges  de  laBus- 
^ p , k •-  Scandinavie,  jusqu’à.  46  ans  d’âge  et  un  diamètre  do  22  millimètres# 

(-)  Murray,  Appuratus  mcdicaminum,  1794,  II,  04-81. 


;ig 


ÈRICACftES. 


Composiiion  chimique.  — Kawalici’  a montré,  en  i8r»3,  qu’une 
décoction  de  Busserolc  traitée  par  l'acétate  basique  de  plomb  donne 

un  gallate  de  ce  métal,  prouvant  ainsi 
ipie  l’acide  gallique  préexiste  dans  les 
feuilles.  Lorsque  le  liquide  filtré,  préa- 
lablement privé  de  plomb  par  le  sul- 
fure d’hydrogène,  est  convenablement 
concentré,  il  laisse  déposer  des  cris- 
taux d 'Arbutine,  Ga5lPOr\  C’est  une 
substance  neutre,  amère,  facilement 
soluble  dans  l’eau  chaude,  moins  so- 
luble dans  l’eau  froide,  soluble  dans 
l’alcool,  mais  peu  dans  l’éther  (t). 

Sous  l’influence  d’un  contact  de 
quelques  jours  avec  l’émulsine,  ou 
sous  l’action  de  l’acide  sulfurique  dilué 
bouillant,  l’arbutine  se  décompose  en 
Hydrohinone,  C6H602  ( ArcLuvine  de  Ka- 
walier),  en  Méthylhydrokinone,  C7H80!, 
et  en  glucose.  Le  peroxyde  de  manga- 
nèse et  l’acide  sulfurique  dilué,  d’autre 
part,  convertissent  l’arbutine  en  Ki- 
none,  C6Hl20,  et  en  acide  formique. 

Fig.  i3o.  Busseroie.  Lorsqu’on  abandonne  au  repos  pen- 

Extrémitû  d’un  rameau.  . 

dant  quelques  mois  une  décoction  con- 
centrée des  feuilles,  il  se  produit  une  décomposition  de  l'arbutine,  et 
on  peut  isoler  une  certaine  quantité  d'hydrokinone  en  agitant  le  liquide 
avec  de  l’éther. 

L’hydrokinone  a été  aussi  trouvée  par  Uloth,  en  1859,  parmi  les  pro- 
duits de  distillation  de  l’extrait  aqueux  des  feuilles  de  Busserole  en 
même  temps  qu’une  substance  isomériqüe,  la  Pyrocatécliine.  L’arbu- 
tine elle-même  donne  aussi  de  l’hydrokinone  par  la  distillation  sèche. 
L’hydrokinone  forme  des  cristaux  incolores  qui  fondent  à 177°, S C.  La 
kinone  cristallise  en  écailles  brillantes,  jaunes,  qui  fondent  à 1 I5°,7  C., 
en  émettant  une  odeur  particulière.  Ses  vapeurs  irritent  fortement  les 
yeux,  et  sa  solution  aqueuse  colore  la  peau  en  jaune. 

Il  reste  dans  la  liqueur  mère  où  a cristallisé  l’arbutine  une  petite 


(I)  IIi.asiwetz  et  IIaheumann,  1875. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  ;i7 

quantité  d'uno  substance  très-amère  nommée  Ericoline , qui  se  présente 
en  plus  grande  abondance  dans  d’autres  Ericacées  (1).  L ericoline, 
C3*H36021,  est  une  substanee  jaunâtre,  amorphe,  qui  se  ramollit  à 
100°  G.,  et  se  décompose,  lorsqu’on  la  chauffe  avec  de  l’acide  sul- 
furique dilué  en  sucre  et  en  Ericinol , huile  incolore,  qui  se  résinifîe 
rapidement,  et  est  isomère  du  camphre  des  Laurinées.  Il  a une  odeur 
particulière  qui  n’est  pas  désagréable. 

II.  Trommsdorff,  en  1854,  a retiré  des  feuilles  de  Busserole,  en  les 
épuisant  avec  do  l’éther,  une  substance  peu  soluble  cependant  dans 
ce  liquide,  neutre,  cristallisable,  incolore  et  sans  goût,  YUrsone,  C20H320'1 2, 
Elle  fond  à 200°  G.,  et  sublime  sans  changement  apparent.  Tonner,  en 
1866,  a trouvé  cette  substance  dans  les  feuilles  d’un  Epacris  australien, 
plante  appartenant  à la  même  famille  que  la  Busserole. 

Enfin  on  trouve  dans  les  feuilles  de  la  Busserole  de  l’acide  tannique. 
Leur  infusion  aqueuse  est  presque  incolore,  mais  devient  violette 
lorsqu’on  ajoute  une  solution  de  sulfate  ferreux.  Il  se  produit,  au  bout 
de  peu  de  temps,  un  précipité  rougeâtre  qui  tourne  rapidement  au 
bleu.  Lorsqu’on  emploie  du  chlorure  ferrique,  il  se  forme  immédiate- 
ment un  précipité  noir  bleuâtre. 

Falsification.  — Les  feuilles  du  Vaccinium  Vitis-Jdœa  L.,  nommé  Red 
Wliortleberry  ou  Cowberry , ont  été  confondues  avec  celles  de  la  Busse- 
role, auxquelles  elles  ressemblent  beaucoup  par  la  forme.  Elles  s’en  dis- 
tinguent facilement  parce  qu’elles  sont  un  peu  crénelées  vers  le  som- 
met, pointillées  et  réticulées  sur  la  face  supérieure,  et  plus  révolutées 
sur  les  bords.  L infusion  des  feuilles  de  ViUs-ldseci  se  comporte  diflé- 
îemment  avec  les  réactifs.  Le  sulfate  ferreux  additionné  d’un  peu  d’acé- 
tate sodique  y produit  un  précipité  brun  noirâtre,  tandis  que  dans  les 
mêmes  circonstances  1 infusion  de  la  Busserole  fournit  un  précipité 
d un  beau  violet.  Cette  dernière,  en  outre,  est  colorée  en  vert  par  l’eau 
de  chaux. 

Usages.  Les  ieuilles  de  Busserole  constituent  un  tonique  astrin- 
gent, particulièrement  employé  contre  les  maladies  de  la  vessie. 

(a)  Les  Arbutus  T.  ( Instit .,  b!!8,  t.  368)  sont  des  Ericacées  de  la  tribu  des  Arbu- 
tées,  a fruit  indéhiscent,  divisé  en  cinq  loges  monospermes.  Sous  le  nom  d’Arctu- 
stuphylos , Adanson  ( b am . II,  165)  a séparé  des  Arbutus  un  certain  nombre 

d espèces  à fruit  drupacé,  contenant  cinq  noyaux  monospermes.  Ce  caractère  n’a 
pas  assez  d’importance  pour  permettre  d’établir  autre  chose  qu’une  section  dans  le 
genre  Arbutus. 

(1)  Notamment  dans  les  feuilles  des  Calluna , Ledum,  Rhododendron.  L’arbutine  a 

«'le  egalement  signalée  dans  le  Kalmia  latifolia  L.,  dans  les  Pyrola , etc.  [P.  A.  P.] 


:w 


É1UCACÉES. 

1/ Arbulus  Uoa-Ursi ' L.  (Speries,  Ü66)  est  nn  sous-arbrisseau,  ii  rameaux  longs 
di'  HO  centimètres  à I mètre  et  davantage,  étalés  à la  surface  du  sol,  relevant  à 
peine  leurs  extrémités,  pubescents  dans  le  jeune  âge,  glabres  à l’état  adulte,  tou- 
jours verts,  à feuilles  alternes,  obovales,  arrondies  à l’extrémité,  portées  par  un 
court  pétiole,  tournant  presque  toutes  leur  face  supérieure  en  haut,  colorées  en  vert 
foncé,  un  peu  plus  pâle  sur  la  face  inférieure,  luisantes,  très-glabres  à l’état  adulte 
et  tout  à fait  entières  sur  les  bords.  Los  Heurs  sont  disposées  en  grappes  courtes, 
denses,  terminales.  Elles  sont  portées  par  des  pédicellcs  plus  courts  que  la  corolle  et 
accompagnées  de  bractées  lancéolées,  pubescentes  sur  les  bords,  persistantes,  pres- 
que aussi  longues,  à la  maturité  du  fruit,  que  le  pédoncule.  La  fleur  est  régulière  et 
hermaphrodite,  avec  un  réceptacle  convexe.  Le  calice  est  gamosépale,  it  cinq  lobe- 
larges  et  courts.  La  corolle  est  ovoïde,  campanulêc,  divisée  en  cinq  lobes  alternes 
avec  les  sépales,  courts,  réfléchis,  couverts  de  poils  sur  la  face  interne.  Elle  est  co- 
lorée en  rose.  L’androcée  est  formé  de  dix  étamines  insérées  comme  la  corolle  sur 
un  disque  hypogyne,  cinq  sont  opposées  aux  sépales  et  cinq  aux  pétales.  Les  filets 
sont  indépendants  de  la  corolle  et  libres  entre  eux  ; ils  sont  pubescents  et  terminés 
chacun  par  une  anthère  à deux  loges  déhiscentes  par  un  pore  terminal  introrse. 
Chaque  anthère  est  munie  vers  le  sommet,  sur  la  face  dorsale,  de  deux  appendices 
filiformes  à peu  près  aussi  longs  que  le  filet.  L'ovaire  est  libre,  formé  de  cinq  car- 
pelles, divisé  en  cinq  loges  dont  chacune  renferme  un  seul  ovule  anatrope,  inséré 
dans  l’angle  interne,  pendant,  à micropvle  dirigé  en  haut.  L’ovaire  est  surmonte 
d’un  style  filiforme,  terminé  par  une  surface  stigmatique  capitée.  Le  fruit  est  une 
petite  drupe  globuleuse,  rouge,  à chair  âpre,  contenant  cinq  noyaux  monospermes. 
Les  graines  sont  pendantes  et  contiennent,  sous  un  tégument  arilliforme,  un  albu- 
men charnu  et  un  embryon  droit  à radicule  supère.  En  France,  cette  iolie  plante 
fleurit  en  avril  et  mai.  [Trad.] 


ÉBÉNAGÉES 


FRUIT  DE  DIOSPYROS. 

' Fructus  Diospyri. 

/ 

Origine  botanique. — Le  Diospyros  Embryopiens  Fers.  {Embry optons 
ylutinifera  Roxburgh)  est  un  arbre  toujours  vert,  de  taille  moyenne  ou 
édevée,  originaire  de  la  côte  ouest  de  l'Inde,  de  Geylan,  du  Bengale,  de 

Burina,  de  Siam  et  de  Java  (1).  (a) 

Historique.  — Cet  arbre,  qui  possède  un  nom  sanscrit,  était  connu  de 
Rheede,  et  fut  figuré  dans  son  Hortus  mcdabaricus  (2).  Sir  "William 
Jones  apprit  à Roxburgh,  en  1791,  que  les  fruits  encore  verts  contien- 
nent un  liquide  astringent,  visqueux,  employé  par  les  indigènes  de 

(1)  On  trouvera  une  description  complète  de  cet  arbre  et  de  toute  la  famille  à la- 
quelle il  appartient  dans  : Éicrn,  Monograpli  of  Ebenacex  (m  Tramact.  or  Cam- 
bridge Philosophieal  Society , 1S73,  XII,  P.  I )• 

(2)  HT.  t.  VI. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTA  LE.  ;j<j 

l’Inde  pom-  enduire  les  carènes  de  leurs  barques.  L'introduction  de  ce 
fruit  dans  la  pratique  médicale  est  due  à O’Shaughnessy  (I).  Elle  a été 
suivie  de  son  admission  dans  la  Pharmacopée  de  l’Inde  en  1868. 

Description.  — Le  fruit  est  ordinairement  solitaire,  subsessile  ou  pé- 
donculé,  globulaire  ou  ovoïde.  Il  a de  4 à 5 centimètres  de  long.  11  est 
entouré  à la  base  par  un  large  calice  divisé  en  quatre  lobes  profonds. 
Il  est  jaunâtre  et  couvert  d’un  duvet  couleur  de  rouille.  En  dedans,  il 
est  pulpeux,  et  divisé  en  6-10  loges,  qui  contiennent  chacune  une 
graine  solitaire,  aplatie.  Avant  la  maturité,  la  pulpe  est  très-astringente, 
mais  elle  perd  peu  à peu  cette  qualité,  au  point  de  devenir  comestible, 
lorsqu’elle  est  tout  à fait  mûre.  On  n’emploie  le  fruit  qu'avant  la  matu- 
rité et  à l’état  frais . 

Composition  chimique.  — On  n’a  pas  encore  fait  d’analyse  conve- 
nable de  ce  fruit,  mais  on  ne  peut  pas  douter  qu’il  ne  soit,  comme  celui 
des  autres  espèces  de  Diospyros , riche  en  tannin  avant  la  maturité. 
Charropin  (2),  qui  a étudié,  en  1873,  le  fruit  du  Diospyros  Virginiana  L. 
d’Amérique,  y a trouvé  un  acide  tannique  qu’il  regarde  comme  identique 
avec  celui  de  la  noix  de  galle,  une  grande  quantité  de  pectine,  du  glu- 
cose, et  une  matière  colorante  jaune,  insoluble  dans  l’eau,  mais  faci- 
lement soluble  dans  l’éther. 

Usages. — Le  suc  épaissi  du  fruit  de  Diospyros  a été  recommandé, 
comme  astringent,  contre  la  diarrhée  et  la  dysenterie  chronique. 

(a)  Les  Diospyros  Daléchamfs  (Bist.,  lib.  III,  cap.  xxi,  349)  sont  des  Ébénacées 
à fleurs  dioïques  ou  polygames,  ordinairement  tétramères  et  à ovaire  divisé  eu 
4 ou  8-16  loges. 

Le  Diospyros  Embryopteris  Persoox  ( Synops .,  II,  024,  n°  G)  a des  fleurs  régu- 
lières, dioïques  ou  polygames.  Les  fleurs  males  sont  disposées  en  grappes  de  cymes 
pauciflores,  axillaires.  Elles  sont  ordinairement  tétramères,  parfois  pentamères,  pu- 
bescentes,  jaunâtres,  accompagnées  de  bractées  caduques.  Le  calice  est  gamosépale, 
étalé,  a quatre  divisions  profondes  et  puiescentes  en  dedans.  La  corolle  est  campa- 
nulée,  a lobes  obtus,  pubescents  en  dehors,  glabres  en  dedans,  imbriqués  dans  la 
préfloraison.  L androcée  est  formé  d’étamines  en  nombre  indéfini,  à peu  près  de 
même  taille,  insérées  directement  sur  le  réceptacle  ou  connées  avec  la  corolle,  à 
anthères  linéaires,  dressées,  plus  ou  moins  velues,  à filaments  très-courts,  velus, 
bifides  au  sommet.  Au  centre  de  k fleur  il  existe  parfois  un  rudiment  d’ovaire. 
Les  fleurs  femelles  sont  disposées  en  petites  cymes  à pédoncules  très-courts,  ou  soli- 
taires à 1 aisselle  des  feuilles.  Elles  sont  tétramères,  plus  grandes  que  les  feuilles 
males,  glabres  ou  pubescentes  et  accompagnées  de  bractées  caduques.  Le  calice  esl 
découpé  en  quatre  lobes  profonds,  pubescents  ou  glabres,  subcordés  à la  base.  La 

(1)  Hengal  Digpensatory , Calcula,  1842,  428. 

G)  Etudes  sur  I v P laque  minier , Diospyros),  Thèse,  1 87:!,  28-110. 


■40  STYRACÉES. 

corolle  est  divisée  en  lobes  courts  presque  dressés.  L’androcée  est  représenté  par  un 
à douze  staminodes  velus,  connés  à la  base  de  la  corolle  ou  en  pariic  hypogvnes, 
à anthères  parfois  fertiles.  L’ovaire  est  globuleux,  glabre,  rougeâtre,  glanduleux  ou 
entouré  à.  la  base  d’un  cercle  de  poils.  Il  est  divisé  en  huit  à dix  loges  contenant 
chacune  un  seul  ovule  anatrope  suspendu,  inséré  dans  le  hnut  de  l’angle  interne  de 
la  loge.  L’ovaire  est  surmonté  de  quatre  styles  étalés,  velus  à la  base,  dilatés  et  lobés 
au  sommet.  Le  fruit  est  globulaire  ou  ovoïde,  glanduleux  ou  glabre,  à 6-8-10 
loges,  entouré  à la  base  par  le  calice  persistant.  Les  graines  contiennent  un  albu- 
men cartilagineux  et  un  embryon  axile  à radicule  supère  et  à cotylédons  foliacés. 
Le  Diospyros  Embryopteris  est  un  arbre  de  taille  moyenne,  dressé,  à rameaux 
épars,  étalés,  glabres  dans  le  jeune  âge,  à écorce  à peu  près  glabre,  colorée  en  brun 
ferrugineux.  Les  fouilles  sont  alternes,  oblongues  ou  ovales,  ordinairement  acumi- 
nées,  obtuses  à la  base,  coriaces,  glabres,  pétiolées,  réticulées,  molles  et  rouges  dans 
le  jeune  âge,  dépourvues  de  stipules.  (Voy.  in  Botanicul  lingister,  VI,  t,  4-99.) 
[Trad.] 


STYRACÉES 

RÉSINE  DE  BENJOIN. 

Résina  Benzoë;  Benzoïnum  ; Benjoin;  angl.,  Denzoin,  Gum  Benjamin; 
allom.,  Benzaëharz  (1). 

Origine  botanique.  — Styrax  Benzoin  Dryander.  C’est  un  arbre  de 
moyenne  taille,  dont  la  tige  atteint  la  grosseur  du  corps  de  l’homme  et 
se  termine  par  une  belle  couronne  de  feuillage.  Il  est  indigène  de  Su- 
matra et  de  Java.  C’est  la  première  de  ces  îles  qui  produit  le  Benjoin  (a). 

L’arbre  qui  produit  le  Benjoin  supérieur  de  Siam,  quoique  commu- 
nément rapporté  à cette  espèce,  n’a  jamais  été  étudié  botaniquement, 
et  est  actuellement  inconnu.  D’après  l’expédition  française  d’explora- 
tion du  Mékong  et  de  la  Cochinchine  (1866-68),  cette  drogue  serait  pro- 
duite dans  les  forêts  qui  fournissent  la  Casse,  sur  la  côte  orientale  du 
Mékong,  vers  19  degrés  de  latitude  nord.  Nous  ignorons  si  une  cer- 
taine quantité  de  Benjoin,  est  produite,  comme  le  supposait  Royle,  par 
le  Styrax  Finlaysonianum  Wall  (a). 

Historique.  — Il  ne  paraît  pas  que  les  Grecs  et  les  Romains  (2)  ni  les 
plus  anciens  médecins  arabes  aient  eu  connaissance  du  Benjoin.  On  ne 
reconnaît  pas  non  plus  cette  drogue  parmi  les  marchandises  que  les 
commerçants  arabes  et  persans  transportaient  en  Chine,  entre  le 

fl)  Le  Benjoin  se  nomme  en  malais  et  en  javanais  : Kamûnan,  Kamiflan  et  Ka- 
mayan,  en  abrégé  Mânan  et  Mihan  (Crawfurd) ; eàsiamois  : Kom-Yan  et Kan-Yan;  en 

chinois  : Ngdn-si-hidng.  .. 

(2)  Crawfurd  suppose  que  le  Malabathrum  des  anijens  est  le  Benjoin  ( Dict . of  Indian 

I statuts,  50). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  Tl 

dixième  et  le  treizième  siècle,  quoique  le  Camphre  de  Sumatra  soit 
expressément  nommé. 

La  première  mention  du  Benjoin  dont  nous  ayons  connaissance  se 
trouve  dans  les  Voyages  d’Ibn  Batuta  (1),  qui  visita  Sumatra  pendant 
son  expédition  en  Orient,  de  1325  à 1349.  Il  note  que  cette  île  produit 
de  l’Encens  de  Java  et  du  Camphre.  Le  nom  de  Java  désignait  à cette 
époque  l’île  de  Sumatra  ; il  était  même  employé  par  les  Arabes  pour 
indiquer,  d’une  façon  générale,  les  îles  et  les  produits  de  l’Archipel  (2). 
De  là  dérivale  nom  arabe  de  Lubân  Jâwi , c est-à-dire  Encens  de  Java, 
qui  s’est  transformé  par  corruption  en  Banjawi , Benjui , Ben*ui,  Bcn^ue 
et  Benzovi,  et  en  un  nom  anglais  plus  vulgaire  encore,  celui  de  Ben- 

jamin. 

Nous  ne  possédons  pas  d’autres  renseignements  sur  cette  drogue, 
jusque  dans  la  dernière  moitié  du  siècle  suivant,  où  nous  tiouvons 
qu’en  1461,  le  sultan  d’Egypte,  Melech  Elmaydi,  envoya  à Pasquale 
Malipiero,  doge  de  Venise,  un  présent  de  30  rotoli  de  Benzol , 20  ? otoh 
de  Bois  d’Aloès,  deux  paires  de  tapis,  un  petit  flacon  de  Baume  de  la 
Mecque,  15  petites  boîtes  de  Thériaque,  42  pains  de  sucre,  5 boîtes  de 
Sucre  Candi,  une  corne  de  Civette,  et  20  pièces  de  porcelaine  (3).  Agos- 
tino  Barberigo,  un  autre  doge  de  Venise,  reçut  de  même,  en  1490,  du 
sultan  d’Egypte,  35  rotoli  de  Bois  d’Aloès,  la  même  quantité  de  Benzm 
et  100  pains  de  sucre  (4).  Parmi  les  épices  précieuses  envoyées  d’Egypte, 
en  1476,  à Calarina  Cornaro,  reine  de  Chypre,  se  trouvaient  10  livres 
de  Bois  d’Aloès  et  15  livres  de  Benzui( 5).  C.es  faits  indiquent  le  haut  prix 
qu’on  attachait  à cette  drogue,  à l’époque  de  sa  première -introduction 
en  Europe. 

Le  Benjoin  de  Siam  est  noté  dans  le  journal  du  voyage  de  Vasco  de 
Gama  (6).  Dans  l’énumération  des  royaumes  de  l’Inde,  il  est  établi  quo 
Xarnauz  (Siam)  (7)  fournit  beaucoup  de  Benjoin,  coté  3 cruzados , et  d’a- 
loès,  coté  25  cruzados  par  farazola.  D’après  le  même  récit,  le  prix  du 

(1)  Voyages  d’Ibn  Batoutah,  trad.  Defrémery  et  Sanguinetti,  Paria,  1853-59,  IV, 
22S,  240. 

(2)  Yule,  Boolc  of  Ser  Marco  Polo,  1871,  II,  228. 

(3)  Muratori,  Renan  Italicarum  Scriptores,  1733,  XXII,  1170.  — 100  rotoli  répon- 
dent à environ  80  kilogrammes. 

(4)  L.  De  Mas  Latrie,  Hist.  de  l’tle  de  Chypre,  etc.,  1801,  III,  483. 

(а)  Ibid.,  III,  400. 

(б)  Roteiro  da  Viagcm  de  Vasco  da  Gama  em  1497,  par  Herculano  e o Banlo  Gasteillo 
de  Paiva,  seg.  edie.,  Lisboa,  1801,  109.  — Flükiger,  Documents  inédits  pour  servira 
l’histoire  de  la  Pharmacie,  Halle,  1870,  12,  48. 

(7)  Yule,  op.  cit.,  II,  222. 


12 


STVHACÉES. 

Benjoin  ( Beijoim ) était,  à Alexandrie,  de  I cruzaclu  par  arratel,  la  moitié 
du  prix  du  Bois  d'Aloès. 

Le  voyageur  portugais  Barbosa,  qui,  en  1511,  visita  Galicul,  sur  la 
côte  de  Malabar,  constata  que  le  Benzui  était  un  article  d’exportation 
des  plus  estimés,  un  farazola  (22  livres  G onces)  coûtant  de  65  à 70  fu- 
mes, le  camphre  valant  à peu  près  autant,  et  le  macis  de  25  à 30  fanon 
seulement.  Nous  savons  d'autre  part  que  le  Benjoin  constituait,  au  com- 
mencement du  seizième  siècle,  un  des  articles  du  commerce  de 
Venise. 

Garcia  d’ürta,  qui  écrivait  à Goa  de  1534  à 1563,  fut  le  premier  à 
donner  sur  le  Benjoin  des  renseignements  précis  et  scientifiques.  Il 
exposa  avec  détail  les  procédés  de  récolte,  et  distingua  la  drogue  de 
Siam  et  de  Martaban  de  celle  qui  était  produite  par  Java  et  Sumatra. 

Dans  la  première  partie  du  dix-septième  siècle,  il  existait  des  rela- 
tions commerciales  directes  entre  l’Angleterre  et  Siam  et  Sumatra.  11 
exista  à Ayulhia  (Siam),  une  factorerie  anglaise  jusqu’en  1623,  et  le 
Benjoin  fut,  sans  aucun  doute,  une  des  marchandises  importées.  L’im- 
pôt levé  en  Angleterre  sur  ce  produit,  en  1635,  s’élevait  à 10  s.  par 
livre  (1).  L'acide  Benzoïque  fut  décrit,  dès  1617,  par  Biaise  de  Yige- 
nère  (2),  et  même  avant  lui  par  le  célèbre  astrologue  Michel  de  Nostre- 
Dame,  dans  son  « Excellent  et  moult  utile  opuscule  à touts  nécessaire  qui 
désirent  avoir  cot/noissance  de  plusieurs  exquises  receptes  »,  1556. 

Production.  — Le  Benjoin  est  recueilli  dans  le  nord  et  dans  l'est  de 
Sumatra,  surtout  dans  le  district  de  Batta,  situé  vers  le  sud  de  l’état 
d’Achin  (3).  L’arbre  croit  aussi  en  abondance  dans  les  terres  élevées 
de  Palembang,  dans  le  sud  de  l’île,  où  l’on  recueille  la  résine.  C’est 
principalement  dans  le  voisinage  des  côtes  qu’on  en  trouve  des  planta- 
tions considérables.  Teysmann  a observé  sa  culture  sur  le  cours  de  la 
rivière  Batang  Leko,  où  les  arbres  atteignaient  environ  15  pieds  de 
haut.  Le  Benjoin  qui  provient  de  l’intérieur,  est  récolté,  en  majeure 

(1)  The  Rates  of  Marchandises,  Lond.,  1635. 

(2)  Traicté  du  Feu  et  du  Sel,  Paris,  1622,  91.  — On  dit  qu’il  en  existe  une  édition 
de  1608,  que  nous  n’avons  pas  vue. 

(3)  Miquel,  Pmdromus  Floræ  Sumatranæ,  1860,  72.  — Marsdex,  Hist.  of  Sumatra, 
Lond.,  1783, 123.  Ce  dernier  résida  à Beneoolen  pendant  huit  ans  en  qualité  d’employé 
du  gouvernement  anglais.  Ses  échantillons  de  Benjoin  sont  maintenant  dans  le  musée 
de  la  l'harmaceutical  Society.  L’assertion  de  Crawfurd  ( Dict . of  the  Indian  Islands, 
1856,  50),  d’après  laquelle  le  Benjoin  serait  recueilli  à Bornéo  [On  the  Northern  Coast 
■in  the  Territory  of  Brunai)  est  pour  nous  inexplicable.  M.  Saint-John,  consul  anglais  à 
Bornéo,  dans  un  rapport  officiel  sur  le  commerce  de  Brunai,  daté  de  cette  ville,  du 
29  janvier  1858,  énumère  les  divers  produits  du  district,  mais  ne  nomme  pas  le 
Benjoin. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 
partie,  sur  des  arbres  sauvages  qui  vivent  au  pied  des  montagnes,  à une 
altitude  de  90  à 300  mètres. 

Ges  arbres  croissent  rapidement;  on  les  sème  sur  les  bords  des  riziè- 
res et  ils  n’exigent  aucun  autre  soin  que  d’être  débarrassés  du  Voisinage 
de  toute  autre  plante,  jusqu’à  ce  qu’ils  aient  six  à huit  ans.  Leur  tronc  a 
alors  de  15  à 20  centimètres  de  diamètre,  et  ils  sont  susceptibles  de  four- 
nir de  la  résine.  A cet  âge,  on  incise  la  tige;  il  s’en  écoule  un  suc 
résineux, épais,  blanchâtre,  qui  ne  tarde  pas  à durcir  par  l'exposition  à 
l’air,  et  qu’on  recueille  avec  soin  à l’aide  d’un  couteau. 

Chaque  arbre  continue,  pendant  dix  à douze  ans,  adonner  environ 
3 livres  par  an  de  résine.  Ensuite  on  les  abat.  La  résine  qui  s’écoule 
pendant  les  trois  premières  années  passe  pour  être  plus  riche  en  lar- 
mes blanches,  et  par  suite  de  qualité  supérieure  à celle  qui  s’écoule  ul- 
térieurement; elle  est  désignée  par  les  Malais  sous  le  nom  de  Head  Ben- 
zoin.  Celle  qui  suinte  pendant  les  sept  ou  huit  années  suivantes  est 
plus  brune  et  moins  estimée  ; elle  est  connue  sous  le  nom  de  Belhj  Ben- 
zpin.  La  troisième  sorte,  nommée  Foot.  Benzoii },  est  obtenue  en  fen- 
dant l’arbre  et  raclant  le  bois.  Elle  est  mélangée  de  beaucoup  d’écorce 
et  de  débris  (I). 

Le  Benjoin  est  apporté  pour  la  vente  dans  les  ports  de  Sumatra,  en 
larges  pains  nommés  Tampangs , enveloppés  dans  des  paillassons.  On 
les  brise  et  on  les  fait  ramollir,  soit  par  la  chaleur  du  soleil,  soit  par 
l’eau  bouillante,  puis  on  les  emballe  dans  des  caisses  carrées,  que  la 
résine  est  destinée  à remplir  complètement. 

Los  seuls  renseignements  que  nous  possédions  sur  la  récolte  du  Ben- 
join de Siam ont  été  donnés,  il  y a quelques  années,  par  Sir  R.  H.  Schom- 
burgk,  consul  anglais  à Bangkok  (2).  Il  dit  qu’on  incise  toute  la  sur- 
face de  l’écorce,  et  que  la  résine  qui  s’écoule,  s’accumule  et  durcit  entre 
le  bois  et  l’écorce  qu’on  enlève  ensuite.  Ce  renseignement  est  confirmé 
par  l’aspect  de  certains  benjoins  de  Siam,  du  commerce,  et  par  celui 
des  morceaux  d’écorce  qui  sont  en  notre  possession  ; mais  il  est  évident 
que  tout  le  Benjoin  de  Siam  n’est  pas  obtenu  parce  procédé.  Schorn- 
burgk  ajoute  que  la  résine  est  très-détériorée  et  brisée  pendant  son 

(1)  Les  expressions  anglaises,  Head  (tète),  Belly  (ventre)  et  Foot  (pied)  répondent 
;i  nos  mots  supérieur,  moyen  et  inférieur.  Elles  sont  employées,  en  Orient,  pour  distin- 
guer les  qualités  de  plusieurs  aulres  marchandises,  notamment  le  Camphre  de  Bornéo, 
les  nids  comestibles  d’oiseaux,  le  Cardamome,  le  Gaibanum,  etc. 

(2)  Ces  renseignements  doivent  avoir  été  puisés  à quoique  source  antérieure,  car 

Sir  R.  II.  Schomburgk  n’a  certainement  jamais  visité  la  région  qui  produit  le 
Benjoin.  ’ 


4i  STYRACÉES. 

transport,  dans  dos  petits  paniers,  sur  le  dos  des  bœufs,  jusqu'aux  par- 
ties navigables  du  Mcnam,  d’où  elle  descend  à Bangkok  (1). 

11  reste  encore  à rechercher  si  le  Benjoin  doit  sa  fluidité  primitive  ù 
une  huile  volatile,  tenant  la  résine  en  dissolution,  et  déterminant  par 
son  évaporation  la  solidification  du  produit,  ou  si  la  résine  elle-même 
durcit  par  oxydation,  phénomènes  qui  produisent  la  diversité  remar- 
quable d’aspect  qui  existe  entre  le  liquide  opaque  et  laiteux  primitif 
et  la  résine  complètement  transparente  du  commerce. 

Description.  — Le  Benjoin  (toujours  désigné,  dans  le  commerce  an- 
glais, sous  le  nom  de  G urn  Benjamin)  est  distingué  en  deux  sortes; 
celui  de  Siam  et  celui  de  Sumatra;  toutes  les  deux  présentent  des  de- 
grés variables  de  pureté  et  de  grandes  différences  d’aspect. 

1°  Benjoin  de  Siam.  — La  sorte  la  plus  estimée  consiste  entièrement 
en  larmes  aplaties  ou  en  gouttes  de  résine,  qui  ont  do  2 1/2  à 5 centi- 
mètres de  long,  sont  opaques,  d’un  blanc  laiteux,  et  étroitement  aggluti- 
nées. Plus  fréquemment,  la  masse  est  tout  à fait  compacte,  et  consisto 
en  une  certaine  quantité  de  larmes  blanches,  de  la  taille  d’une  amande, 
englobées  dans  une  résine  translucide  d’une  belle  coloration  brun 
d’ambre  foncé.  Parfois  la  résine  translucide  prédomine  et  les  larmes 
blanches  manquent  presque  complètement.  Dans  quelques  envois,  les 
larmes  de  la  résine  blanche  sont  très-petites  et  la  masse  entière  a l’as- 
pect d’un  granit  brun-rougeâtre.  Il  existe  toujours  un  certain  mélange 
de  fragments  de  bois,  d’écorce  et  d’autres  impuretés  accidentelles. 
Lorsqu’on  brise  les  larmes  blanches,  elles  montrent  une  certaine  stratifi- 
cation, avec  des  couches  plus  ou  moins  translucides.  A la  longue,  la 
résine  d’abord  d’un  blanc  laiteux,  devient  brune  et  transparente  à la 
surface.  D’après  les  recherches  de  l’un  de  nous  (F.),  cette  opacité  ne 
paraît  pas  due  à de  l’eau,  mais  plutôt  à un  état  moléculaire  particulier 
(semi-cristallin  ?)  que  prend  la  résine. 

Le  Benjoin  de  Siam  est  très-cassant  ; dans  les  larmes  opaques,  la 
cassure  est  un  peu  cireuse  ; elle  est  vitreuse  dans  la  partie  trans- 
parente. Il  se  ramollit  facilement  dans  la  bouche,  et  se  laisse  facile- 
ment mâcher  comme  le  mastic.  Son  odeur  est  très-délicate,  balsamique, 
semblable  à celle  de  la  vanille,  mais  sa  saveur  est  très-faible.  Lorsqu’on 
le  chauffe,  il  exhale  une  odeur  très-forte,  et  dégage  des  vapeurs  irri- 
tantes d’acide  benzoïque.  11  fond  à 75°  G.  La  présence  de  l'acide  ben- 
zoïque peut  être  révélée  par  l’examen  microscopique  de  lames  minces 
de  résine  placées  dans  l'huile  de  térébenthine. 

(I)  Pharm.  Journ.,  1862,  III,  126. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  /*§ 

Le  Benjoin  de  Siam  est  importé  en  blocs  cubiques,  dont  la  forme  est 
moulée  sur  celle  des  caisses  en  bois  dans  lesquelles  il  a été  emballé 
pendant  qu’il  était  encore  mou. 

51°  Benjoin  de  Sumatra.  — Avant  le  renouvellement  de  nos  rela- 
tions commerciales  directes  avec  Siam,  en  1853,  cette  sorte  de  Ben- 
join était  la  plus  commune  dans  le  commerce.  Elle  est  importée  en 
blocs  cubiques  semblables  à ceux  de  la  sorte  précédente,  dont  ils  dif- 
fèrent par  une  teinte  généralement  plus  grise.  Lorsque  la  drogue  est 
de  bonne  qualité,  la  masse  contient  de  nombreuses  larmes  opaques, 
englobées  dans  une  résine  translucide  d’un  brun  grisâtre,  mélangée  de 
fragments  de  bois  et  d’écorce.  Lorsque  la  qualité  est  moins  bonne,  les 
larmes  blanches  manquent  et  la  proportion  des  impuretés  est  plus 
considérable.  Nous  avons  même  des  échantillons  formés  presque  entiè- 
rement de  fragments  d’écorce.  L’odeur  du  Benjoin  de  Sumatra  est 
plus  faible  et  moins  agréable  que  celle  de  la  drogue  de  Siam.  L’appa- 
rence de  cette  sorte  de  Benjoin  est  généralement  moins  belle,  et  sa 
pureté  moins  graude,  d’où  son  prix  de  beaucoup  inférieur  (1).  La  por- 
tion colorée  en  brun  grisâtre  fond  à 95°  G.,  les  larmes  à 85°  G.  Nous 
n’avons  pas  encore  examiné  le  Benjoin  de  Zanzibar  mentionné  dans  le 
Pharmaceutical  Journal  du  4 novembre  1876,  p.  383. 

Les  droguistes  de  Londres  distinguent  une  variété  de  Benjoin  de 
Sumatra  sous  les  noms  de  Penang  Benjamin  ou  Storax-Smelling  Ben- 
jamin. Nous  en  avons  vu  d’une  très-belle  qualité,  avec  des  larmes  blan- 
ches, dont  quelques-unes  avaient  jusqu’à  5 centimètres  de  long,  englo- 
bées dans  une  résine  grisâtre  (v2).  Son  odeur  est  très-agréable;  elle  diffère 
nettement  de  celle  du  Benjoin  dç  Siam  et  de  celle  du  Benjoin  ordi- 
naire de  Sumatra.  Nous  ignorons  si  cette  sorte  est  produite  à Sumatra, 
et  si  elle  découle  du  Styrax  Benzoin  ; mais  il  est  digne  de  remarque 
que  le  S.  subdent iculat uni  Miquel,  qui  habite  l’ouest  de  Sumatra,  porte 
le  même  nom  indigène  (Kajoe  Kimënjan)  que  le  N.  Benzoin;  Miquel 
dit  de  lui  : « an  etiam  benzoiferuYn  ? » (3). 

Composition  chimique.  — Le  Benjoin  est  composé  en  grande  partie 
de  résines  amorphes,  parfaitement  solubles  dans  l’alcool  et  dans  la 
potasse,  douées  de  propriétés  acides  faibles,  un  peu  différentes  par 
la  façon  dont  elles  se  comportent  vis-à-vis  des  dissolvants,  ce  qui  les  a 

(1)  Dans  le  Public  Ledger,  2 mai  1874  , les  prix  sont  établis  de  la  façon  suivante  ; 
Benjoin  de  Siam,  lre  et  2°  qualité,  de  10  îi  28  1.  st.  le  quintal  ; Benjoin  de  Sumatra, 
1,c  et  2e  qualité,  de  7 1.,  10  s.  ïi  12  1. 

(2)  Huit  caisses  de  cette  drogue  furent  mises  en  vente  publique  le  lit  avril  1871. 

(8)  Prnd.  Flor.  Sumatramr,  1800,  474. 


4(j 


STVKACKES. 


I;iil  désigner  sous  les  noms  à! alpha-résine,  heta-rêsine , etc.  Cependant 
elles  paraissent  avoir  les  mêmes  propriétés  essentielles.  Lorsqu’on  fait 
fondre  du  Benjoin  avec  de  la  potasse,  il  se  décompose  en  partie  et  four- 
nit, d après  Illasiwetz  et  Barth,  parmi  d autres  produits,  de  l 'acide  Pro- 
tocatéchuique  (plus  de  5 pour  100),  de  l’acide  P ave^oxy  benzoïque  C7H6Ü\ 
et  de  la  Pyrocatéchine. 

Soumis  a la  distillation  sèche,  le  Benjoin  donne,  comme  produit  prin- 
cipal, de  \ acide  Benzoïque,  G7H60- , et  des  principes  empyreumatiquos. 
parmi  lesquels  Berthelot  a démontré  la  présence  (dans  le  Benjoin  de 


Siam)  du  St  y vol.  L’acide  benzoïque  existe  tout  formé  dans  la  propor- 
tion de  14  à 18  ou  davantage  pour  100.  Quoique  cet  acide  se  dissolve 
facilement  dans  12  parties  d’eau  bouillante,  la  résine  à laquelle  il 
est  mélangé  empêche  de  l’extraire  complètement  par  ce  procédé.  Celte 
extraction  est  cependant  accomplie  facilement  à l’aide  d’un  alcali,  et 
avec  plus  d’avantages  à l’aide  d’un  lait  de  chaux  qui  ne  se  combine  pas 
avec  la  résine  amorphe. 

Le  Benjoin  n’est  pas  attaqué  d’une  façon  manifeste  par  le  bisulfure 
de  carbone  ; mais,  si  on  le  laisse  en  contact  avec  lui  pendant  un  mois  ou 
deux,  il  se  montre  de  très-gros  cristaux  incolores  d’acide  benzoïque. 
Transportés  dans  une  chambre  chaude,  ces  cristaux  se  dissolvent  rapi- 
dement, mais  se  reproduisent  avec  facilité  sous  l’influence  du  froid. 

La  plupart  des  pharmacopées  prescrivent,  non  point  l’acide  inodore 
obtenu  par  fa  voie  humide,  mais  celui  qui  se  dégage  dans  la  sublima- 
tion sèche,  et  qui  contient  une  petite  proportion  de  principes  empyreu- 
matiques odorants. 

La  résine,  soumise  à des  sublimations  répétées,  donne  jusqu'à 
14  pour  100  d’acide  benzoïque.  On  sait  depuis  longtemps  que  les  larmes 
blanches,  opaques,  du  Benjoin,  sont  moins  riches  en  acide  benzoïque 
que  la  résine  brune  transparente  dans  laquelle  elles  sont  englobées. 
S.  W.  Brown  a retiré  de  cette  dernière,  en  1833,  13  pour  lüû  d'acide 
impur,  et  des  larmes  à peine  8 et  demi  pour  100.  Nous  ne  sommes  pas 
certains  que  cette  différence  soit  constante. 

L'huile  d’amandes  amères  qui,  par  oxydation,  fournit  de  l’acide  ben- 
zoïque n’existe  pas  dans  le  Benjoin.  On  n’y  trouve  en  réalité  que  très-peu 
d’huile  volatile.  Une  demi-livre  de  Benjoin  de  Penang,  de  la  meilleure 
qualité,  ne  nous  a donné  par  distillation  avec  l’eau  que  quelques  gouttes 
d’une  huile  extrêmement  odorante  ( Styrol  ?). 

Le  chlore  ferrique  colore  la  solution  alcoolique  de  Benjoin  en  vert 
brunâtre  sombre,  coloration  que  ne  prend  pas,  sous  la  même  influence, 


17 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

J a décoction  aqueuse  de  la  résine  réduite  en  poudre.  Cette  réaction  ne 
peut  donc  pas  être  attribuée  au  tannin. 

Le  Benjoin  se  dissout  dans  l’huile  froide  de  vitriol  en  formant  une 
solution  d’une  splendide  couleur  carmin,  de  laquelle  l'eau  sépare  des 
cristaux  d’acide  benzoïque. 

Kolbe  et  Lautemann,  en  1860,  découvrirent  dans  le  Benjoin  de  Pe- 
nang et  de  Siam,  indépendamment  de  l'acide  benzoïque,  un  acide  d’une 
constitution  différente,  qu’ils  reconnurent,  en  1861,  pour  de  l 'acide 
Cinnamique,  C°H901 2 3.  Aschoff,  en  1861,  trouva  dans  un  échantillon  de 
Benjoin  de  Sumatra,  seulement  de  l’acide  einnamique  dans  la  pro- 
portion de  11  pour  1 00,  et  dans  un  Benjoin  amygdaloïde  de  Siam  et 
de  Penang  l’acide  Benzoïque  seul.  Dans  quelques  échantillons  de  ce 
dernier,  l’un  de  nous  (F.)  a trouvé  aussi  de  l’acide  einnamique.  En 
triturant  cette  sorte  avec  du  peroxyde  de  plomb,  et  faisant  bouillir  le 
mélange  dans  l’eau,  on  détermine  la  production  de  l’odeur  d'amandes 
amères  due  à l’oxydation  de  l’acide  einnamique. 

La  présence  simultanée,  dans  le  Benjoin,  des  deux  acides  benzoïque 
et  einnamique  ou  l’absence  de  l'un  ou  de  l’autre  sont  dues  à des  circon- 
stances encore  inconnues. 

Commerce.  — Les  statistiques  de  Singapore  (1),  qui  est  le  grand 
entrepôt  du  commerce  de  l’archipel  Indien,  établissent  qu’en  1871  les 
importations  d’e Benjoin  s’élevèrent  à 7 442  quintaux.  Sur  cette  quantité, 
6 1 85  quintaux  avaient  été  expédiés  de  Sumatra  et  405  quintaux  de  Siam . 
Penang,  qui  sert  aussi  de  marché  pour  cette  drogue,  parait,  d’après  le 
même  document,  avoir  rèou  de  Sumatra  pour  être  réexpédiés,  4959  quin- 
taux de  Benjoin.  Padang,  à Sumatra,  exporta,  en  1870,  4 303  peculs 
(3  122  q.)  et,  en  1871,4  064  peculs  (4  838  q.)  de  Benjoin  (2).  Les  impor- 
tations de  Benjoin,  de  Bombay,  pendant  l’année  1871-72,  ne  furent  pas 
moindres  de  5 975  quintaux,  et  les  exportations,  de  1043  quintaux  (3). 

Usages. — Le  Benjoin  paraît  être  à peu  près  dépourvu  de  proprié- 
tés médicinales  cl  n'est  que  peu  employé.  Il  est  importé  surtout  pour 
être  utilisé  comme  encens  dans  les  temples  de  l’Église  grecque. 

(a)  Ées  Styrax  Touiunkfout  sont  des  Styracées  à fleurs  régulières  et  herma- 
phrodites; ;i  calice  gamosépale  et  à corolle  gamopétale  ; il  androcée  diplostémonc  ; 
à ovaire  à demi  infère,  triloeulaire,  et  à fruit  drupacé. 

(1)  HI ho,  liook  for  the,  Colony  of  the  Straits  Setlments , Singapore,  1 872. 

(2)  Comular  Reports,  août  1873,  953. 

(3)  Statement  of  the  T rude  and  Navigation  of  the  Presidcncg  of  Bombay)  foi' 
1871-72,  P.  II,  20,  29. 


18  OLÉACÉES. 

Le  Styrax  Benzoin  Dryander  (in  Philos.  Trans.,  LXXVI1,  308,  t.  12)  est  un  petit 
arbre  à feuilles  alternes,  simples,  dépourvues  de  stipules,  oblongues-acuminées,  cour- 
tement  pétiolées,  colorées  en  vert  foncé  et  glabres  en  dessus,  couvertes  sur  la  face  infé- 
rieure de  poils  blanchâtres.  Les  fleurs  sont  disposées  en  cvmes  axillaires  plus  longues 
que  les  feuilles.  Le  calice  est  urcéolé,  divisé  en  cinq  dents  aigues,  persistant.  La  corolle 
est  formée  de  cinq  pétales  unis  en  tube  à la  base,  beaucoup  plus' grands  que  les  sépales, 
alternes  avec  ces  derniers,  valvaires  dans  le  bouton,  jaunes-verdâtres  en  dehors, 
rouges  en  dedans,  un  peu  charnus.  L’androcée  est  formé  de  dix  étamines,  cinq  oppo- 
sées aux  sépales  et  cinq  opposées  aux  pétales,  toutes  fertiles,  à filets  adhérents  avec 
le  tube  de  la  corolle,  à anthères  biloculaires,  introrses,  déhiscentes  par  deux  fentes 
longitudinales.  L'ovaire  est  à demi  infère,  ovoïde,  triloculaire,  surmonté  d’un  style 
trilobé.  Chaque  loge  contient  un  nombre  variable  d’ovules  insérés  dans  1 angle  in- 
terne, anatropes,  à micropyle  dirigé  en  bas  et  en  dehors.  Le  fruit  est  une  drupe  a 
novau  monosperme  par  avortement.  Les  graines  sont  albuminées.  [Trad.] 


OLÉACÉES 


MANNE. 


Marna;  nngl.  et  allem.,  Manna. 


Origine  botanique.  — Fl'ClXinUS  OvïlUS  L.  ( FvClXinUS  CU'/'OpXü  PERS.). 
Le  Frêne  à Manne  est  un  petit  arbre  qu’on  trouve  en  Italie,  d’où  il 
s’étend  vers  le  nord  jusque  dans  le  canton  du  Tessin  en  Suisse  et  le  sud 
du  Tyrol.  On  le  trouve  aussi  en  Hongrie  (Buda)  et  sur  la  côte  orientale 
de  l’Adriatique,  en  Grèce,  en  Turquie  (Constantinople),  en  Asie  Mineure 
près  de  Smyrne,  et  à Adalia  sur  la  côte  sud.  Il  croît  en  Sicile,  en  Sai- 
daigne  et  en  Corse.  On  le  trouve  en  Espagne,  à Moxente,  dans  la  pro- 
vince de  Valencia  (1).  Il  a été  introduit,  en  qualité  d’arbre  ornemental 
dans  l’Europe  centrale,  où  il  atteint  souvent  de  grandes  dimensions.  Il 
s’élève  parfois,  en  effet,  jusqu’à 9 mètres  de  haut.  Il  fleurit  au  commen- 
cement de  l’été.  Il  se  couvre  alors  de  nombreux  panicules  de  fleurs  d un 
blanc  sombre  qui  lui  donnent  un  aspect  très-agréable.  Ses  ieuilles 
offrent  beaucoup  de  variations  dans  la  forme  de  leurs  folioles,  meme 
sur  les  arbres  incultes.  Les  fruits  présentent  aussi  des  formes  très- 

variables  {a). 

Dans  quelques  points  de  la  Sicile,  on  retire  une  petite  quantité  de 

Manne  du  Frêne  commun,  Fraxinus  excelsior  L.  (/>)■ 

Historique,  — Le  nom  de  Manne,  donné  d’abord  à l’aliment  miraculeux 
qui  passe  pour  avoir  nourri  les  Israélites  pendant  la  traversée  du  désert, 


(t)  Le  Fraxinus  liungcana  DC.,  arbre  du  nord  de  la  Chine,  parait  n’étre  qu«  peu  dis- 
tinct du  Fraxinus  Ornus. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  49 

a cté  ensuite  employé  pour  désigner  d autres  substances  d origine  et  de 
nature  diverses.  Parmi  elles,  la  plus  importante  est  l’exsudation  sucrée 
du  Fraxinus  Ornus  L.  qui  constitue  la  Manne  delà  médecine  européenne. 

D'après  des  recherches  récentes  (I),  il  paraît  évident  qu’avant  le 
quinzième  siècle,  la  Manne  employée  en  Europe  était  importée  d Orient 
et  ne  provenait  pas  d’un  Frêne.  Raffaele  Maffei,  nommé  aussi  Volater- 
ranus,  écrivain  de  la  seconde  moitié  du  quinzième  siècle,  dit  qu’on 
commença,  de  son  temps,  à recueillir  de  la  Manne  en  Calabre,  mais 
quelle  était  inférieure  à celle  de  l’Orient  (2).  A cette  époque,  la  Manne 
qu’on  recueillait  s’écoulait  spontanément  des  feuilles  de  l’arbre  et  por- 
tait le  nom  de  Manna  di  foglia  ou  Manna  di  fronda.  Celle  qui  s’écoulait 
de  la  tige  se  nommait  Manna  di  corpo  et  était  moins  estimée.  Toute 
cette  Manne  coûtait  fort  cher. 

Vers  le  milieu  du  seizième  siècle,  on  commença  à faire  des  incisions 
au  tronc  et  aux  branches.  Cette  coutume  fut  vigoureusement  combat- 
tue, même  à l’aide  d’ordonnances  législatives;  mais,  comme  elle  four- 
nissait aux  collecteurs  une  quantité  plus  considérable  de  marchandise, 
elle  finit  par  être  généralement  adoptée.  La  Manna  di  foglia  finit  par  être 
inconnue  au  point  que  Girillo  de  Naples,  en  1770,  mettait  en  doute 
qu’elle  eût  jamais  existé  (3). 

En  ce  qui  concerne  l’histoire  de  la  production  de  la  Manne  en  Sicile,  il 
existe  un  fait  curieux.  Près  de  Gefalù,  dans  la  chaîne  de  Madonia,  se 
trouve  une  éminence  nommée  Gibelman  ou  Gibelmanna.  Ce  nom,  qui,  en 
arabe,  signifie  montagne  de  la  manne , n’est  pas  d’origine  moderne,  on  le 
trouve  dans  un  diplôme  de  l’année  1082,  relatif  à la  création  de  l’évêché 
de  Messine,  et  il  est  considéré  comme  preuve  que  laManne  était  recueillie 
dans  cet  endroit  à l’époque  de  l’occupation  de  la  Sicile  par  les  Sarrasins, 
de  827  à 1070.  Nous  n’avons  pu  obtenir  aucune  démonstration  de  ce  fait. 
D’autre  part,  il  est  remarquable  qu’aucun  écrivain,  aussi  loin  que  re- 
montent nos  connaissances,  ne  mentionne  laManne,  comme  production 
de  la  Sicile,  antérieurement  à Paolo  Boccone,  de  Païenne.  Après  avoir 
nommé  plusieurs  localités  où  l’on  récoltait  cette  drogue  dans  l’Italie 
continentale,  il  ajoute  qu’on  l’obtient  aussi  en  Sicile  (4). 

Jusqu’à  une  époque  récente,  la  Maremme  de  Toscane  produisait  aussi 
de  la  Manne  ; mais  il  n’en  arrive  plus  aujourd’hui  dans  le  commerce, 

(1)  Hanuurv,  Historical  Notes  on  Manna,  in  Pharm.  Journ  , 1870,  X,  326;  Science 
Papcrs,  355. 

(2)  Commentarii  Urbani,  Paris,  1515,  lib.  xxxvm,  f.  1 13. 

(3)  Phil.  Traits.,  1771,  LX,  233. 

(1)  Museo  di  Fisicd,  Vend.,  1697,  Obs.  xiv,  xv. 

II1ST.  UES  DROGUES,  T.  II.  1 


50 


ÜLÉACÉKS. 

ni  de  cetle  localité,  ni  des  Etats  do  l'Eglise,  où  l'on  en  recueillait  à 

1 époque  de  Boccone.  Cependant,  on  applique  encore  le  nom  de  Tolfa, 
ville  voisine  de  Civita  Vccchia,  à une  sorte  inférieure  de  Manne. 

La  récolte  de  la  Manne,  très-importante  en  Calabre  avant  la  fin  du 
siècle  dernier,  n’y  existe  maintenant  presque  plus  (I). 

Production.  — La  Manne  du  commerce  est  recueillie,  aujourd'hui, 
uniquement  en  Sicile.  Les  principales  localités  qui  la  produisent  sont  les 
districts  voisins  de  Capaci,  de  Carini,  de  Cinisi  et  de  Favarota,  petites 
villes  situées  à 25  milles  à l’est  de  Païenne,  près  des  bords  de  Castella- 
maie.  On  en  recueille  aussi  à Geraci,  Gastelbuono  et  autres  points  du 
district  de  Cefalù,  situés  à 50  ou  70  milles  à l'est  de  Païenne. 

Le  Fiêne  à Manne  ne  forme  plus,  dans  les  districts  qui  fournissent  la 
meilleuie  Manne,  des  bois  naturels,  mais  ils  sont  cultivés  dans  des 
plantations  régulières  désignées  sous  le  nom  de  frassinetti.  Les  arbres 
atteignent  de  3 a 6 mètres  de  hauteur.  Ils  sont  disposés  en  rangées,  à 

2 mètres  de  distance  les  uns  des  autres.  De  temps  à autre,  on  laboure  le 
sol  entre  eux  et  on  le  fume.  Lorsque  l’arbre  est  âgé  d’environ  huit  ans  et 
que  sa  tige  a atteint  au  moins  8 centimètres  d’épaisseur,  la  récolte  peut 
commencer,  et  continuer  pendant  dix  ou  douze  ans.  On  abat  alors, 
généralement,  la  tige  de  l’arbre  et  un  jeune  rejeton  s’élève,  à sa  place, 
sur  la  même  souche.  Du  même  pied  s’élèvent  ainsi  quelquefois  deux  ou 
trois  tiges. 

* 

Pour  obtenir  la  Manne,  on  pratique  dans  l’écorce  des  incisions  trans- 
versales qui  pénètrent  jusqu’au  niveau  du  bois  et  sont  situées  à 4 ou 
o centimètres  lune  de  1 autre.  On  fait  chaque  jour  une  incision  nou- 
velle ; la  première  au  moment  de  la  floraison  de  l’arbre,  la  seconde 
directement  au-dessus  de  la  première,  et  ainsi  de  suite  jusqu’à  la  fin  de 
la  saison  sèche.  L’année  suivante,  on  pratique  les  incisions  sur  une  partie 
intacte  de  la  tige  et  on  agit  de  la  même  façon  pendant  chaque  saison 
sèche.  Au  bout  de  quelques  années,  lorsque  l’arbre  a été  incisé  sur 
toute  sa  surface  et  qu’il  est  épuisé,  on  l’abat.  On  enfonce  dans  les  inci- 
sions des  petits  morceaux  de  bois  ou  de  paille  qui  se  recouvrent  d'une 
Manne  de  qualité  supérieure,  nommée  Marina  a cannolo,  inconnue  dans 
le  commerce  comme  sorte  particulière.  La  belle  Manne  que  nous  voyons 
d’habitude  paraît  s’être  durcie  sur  la  tige  de  l’arbre.  La  Manne  qui 
s’écoule  des  incisions  inférieures,  et  qu’on  recueille  souvent  sur  des 
tuiles  ou  des  fragments  de  tiges  d 'Opuntia  en  forme  de  coupes,  est  moins 

(1)  Hanbury,  iu  Giornalc  Botanico  Itclliano,  oct.  1872,  207  ; Phann.  Journ.,  30  nov. 
1872,  421. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


cristalline,  plus  gommeuse  et  plus  gélatineuse,  et  considérée  comme  de 
qualité  inférieure.  Le  moment  le  pins  favorable  pour  inciser  les  tiges 
répond  aux  mois  de  juillet  et  août,  les  arbres  ayant,  a cette  époque, 
cessé  de  produire  des  feuilles.  Pour  obtenir  une  bonne  récolte,  il  est 
nécessaire  que  la  température  soit  sèche  et  chaude.  Après  a\  oir  recueilli 
la  Manne,  on  l’abandonne  sur  des  planches  pour  la  faire  sécher  et  dur- 
cir avant  de  l’emballer.  La  Manne  qui  reste  sur  la  tige  après  qu’on  a 
recueilli  les  plus  beaux  morceaux,  est  enlevée  séparément  et  constitue 
la  petite  Manne  du  commerce  (1). 

Secrétion.  — Nous  avons  étudié  au  microscope  l’écorce  des  liges  du 
Fraxinus  Omws*qu’on  incise  à Capaei  pour  obtenir  la  Manne  ; nous  n’y 
avons  trouvé  aucune  organisation  particulière  pouvant  expliquer  la  for- 
mation de  la  Manne,  ni  aucune  apparence  que  l’exsudation  saccharine 
soit  due  à une  altération  des  parois  cellulaires,  comme  cela  existe  pour 
la  gomme  adragante.  Cette  écorce  est  pauvre  en  matière  tannique  ; 
elle  contient  de  l’amidon  et  donne  à l’eau  une  magnifique  fluorescence 
due  à la  présence  de  la  Fraxine. 

Description.  — Les  pharinacologistes  ont  employé  diverses  dénomi- 
nations pour  désigner  les  qualités  de  la  Manne,  mais  dans  le  commercé 
anglais  ces  noms  ne  sont  pas  actuellement  employés.  Les  meilleures 
qualités  de  Manne  y sont  désignées  sous  le  nom  de  Flake  Manna  ( Manne 
en  larmes  ou  mieux  enstalactiques  des  pharinacologistes  français),  tandis 
que  les  morceaux  plus  petits,  imparfaitement  agglutinés,  sont  nommés 
petite  Manne  ou  Tolfa  Manna  (Manne  commune  ou  Manne  en  sorte  des 
pharinacologistes  français). 

La  Manne  se  présente  sous  un  aspect  stalactiforme  dû  à.  l’exsudation 
graduelle  du  suc  et  au  dépôt  successif  des  couches  les  unes  au-dessus 
des  autres.  Les  plus  beaux  morceaux  ont  le  plus  souvent  la  forme  de  ba- 
guettes triangulaires  ayant  parfois  jusqu’à  15  à 20  centimètres  de  long 
et  2 centimètres  et  demi  ou  davantage  de  large,  évidés  sur  la  face  in- 
terne qui  a été  souillée  par  son  contact  avec  l’écorce.  Ils  sont  poreux, 
cristallins,  friables,  colorés  en  jaune  brunâtre  pâle,  et  en  blanc  presque 
pur  dans  les  parties  qui  ont  été  le  plus  éloignées  de  l’écorce.  Les  mor- 
ceaux dont  la  couleur  est  plus  foncée  et  dont  l’apparence  est  onctueuse 

(1)  Les  renseignements  que  nous  donnons  sur  la  production  de  la  Manne  découlent 
des  observations  de  Stettner,  qui  visita  la  Sicile  pendant  l’été  de  1847  (in  Archiv.  (1er 
Pharm.,  III,  194;  in  Jahresbcricht  de  Wiggers,  1848,  35;  in  Jauni,  of  Bot.,  de  Hooker, 
1849,  1,124),  dccelles  de  Cleghorn  (in  l'rans.  of  the  Bot.  Soc.  ofEdinb.,  1868-69,  X,  132) 
et  des  recherches  personnelles  faites  par  l’un  de  nous  dans  les  environs  de  Païenne, 
en  mai  1872. 


32  OLÉACÈES. 

ou  gommeuse  sont  moins  estimés.  La  bonne  Manne  est  cassante  et  cro- 
quante, et  fond  dans  la  bouche  ; sou  goût  est  agréable,  sucré,  et  sem- 
blable à celui  du  miel,  mais  cependant  n'est  pas  dépourvu  d’un  peu 
d’amertume  et  d’âcreté.  Son  odeur  peut  être  comparée  n celle  du  miel 
ou  du  sucre  mouillé. 

La  Manne  de  la  meilleure  qualité  se  dissout,  à la  température  ordi- 
naire, dans  6 parties  environ  d’eau,  en  formant  un  liquide  clair,  neutre. 
Elle  contient,  indépendamment  de  la  mannite,  une  petite  proportion  de 
sucre  et  de  gomme.  La  Manne  qui  exsude  des  vieilles  liges  ou  des  parties 
inférieures  des  jeunes  arbres  eux-mêmes  contient  une  quantité  plus  ou 
moins  considérable  de  gomme,  de  sucre  fermentescible. et  d'impuretés. 
La  température  moins  favorable  de  la  fin  de  l’automne  et  de  l’été  pro- 
voque une  certaine  altération  dans  la  composition  du  suc  et  lui  enlève, 
en  partie,  la  propriété  de  se  concréter  en  masses  cristallines. 

Composition  chimique. — Le  principe  dominant  de  la  Manne,  du  moins 
dans  les  meilleures  sortes,  est  le  sucre  de  Manne  ou  Mannite,  G6Hu06, 
qui  existe  aussi,  mais  en  moins  grande  quantité,  dans  un  certain  nombre 
d’autres  plantes  que  le  Frêne.  On  la  produit  artificiellement  en  traitant 
le  glucose,  G6IIl20G,  par  un  amalgame  de  sodium,  et  indirectement  en 
faisant  fermenter  du  glucose  ou  du  sucre  de  canne.  Elle  est  isomérique 
de  la  dulcite  ou  mélampyrine  ; elle  cristallise  en  prismes  ou  en  plaques 
brillants,  appartenant  au  système  rhombique  ; elle  fonda  165°  C.,  et 
peut,  en  très-petite  quantité,  être  sublimée  par  la  chaleur  sans  subir  de 
décomposition.  Elle  se  dissout  dans  6 parties  d’eau  à la  température 
ordinaire,  moins  facilement  dans  l’alcool  étendu  d'eau,  très  difficilement 
dans  l’acool  absolu  et  pas  du  tout  dans  l’éther.  La  solution  ne  possède 
qu’un  pouvoir  rotatoire  très-faible  et  elle  n’est  pas  altérée  par  l’ébulli- 
tion avec  les  acides  ou  les  alcalis  ou  avec  le  tartrate  cuprique  alcalin. 

Berthelot  a montré  que  la  mannite  est  susceptible  de  fermenter, 
mais  moins  facilement  que  les  sucres  appartenant  au  groupe  des  hy- 
drates de  carbone.  Lorsqu’on  la  mélange  avec  du  noir  de  platine  hu- 
mide, elle  s’échauffe  beaucoup  et  donne  de  Y acide  d/a»»^fy»eincristalli- 
sable,  G6H120T,  et  de  la  Mannitose,  CGHl20G,  sorte  de  sucre  semblable  au 
sucre  de  raisin,  et  probablement  isomérique  avec  lui,  mais  optiquement 
inactif  et  ne  paraissant  pas  être  cristallisable.  Traitée  par  l’acide  ni- 
trique, la  mannite  ne. fournit  ni  acide  tartrique,  ni  acide  mucique,mais 
du  sucre  et  une  certaine  quantité  d’acide  racémique.  Par  la  distillation 
sèche,  elle  donne  de  l’acroléine,  de  l’acide  formique  et  d'autres  produits. 
Toutes  les  réactions  chimiques  de  la  mannite  démontrent  qu'elle  ap- 


«3 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE, 
partient  au  groupe  des  alcools,  ot  parmi  eux  elle  sc  rapproche  surtout 
de  la  glycérine. 

La  quantité  de  mannite  qui  existe  dans  la  meilleure  Manne  varie  do 
70  à 80  pour  100 

Lorsqu’on  mélange  une  solution  de  Manne  avee  du  tartrate  de  cuivre 
alcalin  ce  dernier  est  réduit  très-rapidement,  meme  à lioid,  à 1 état 
d’hydrate  cupr eux.  Cette  action  est  due  à la  présence  d’un  sucre  qui, 
d'après  Backhaus,  est  du  dextro-glucose  ordinaire.  Il  peut  en  exister  jus- 
qu’à 16  pour  100,  et  on  le  trouve  même  dans  la  meilleure  Manne,  mais 
il  est  plus  abondant  dans  les  Mannes  onctueuses.  D’après  Buignet(i),  ce 
sucre  ne  possédant  qu’un  pouvoir  rotatoire  peu  considérable,  il  consiste 
probablement  en  un  mélange  de  sucre  de  canne  et  de  lévulose.  Il  a trouvé 
cependant  qu’une  solution  aqueuse  de  Manne  dévie  fortement  la  lumièie 
à droite,  fait  qu’il  attribue  à la  présence  d’une  forte  proportion  de  dex- 
Lrine.  Les  meilleures  sortes  de  Manne  contiennent,  d’après  Buignet, 
20  pour  100  environ  de  dextrine  ; les  inférieures,  beaucoup  plus.  Sous 
l’influence  de  l’acide  nitrique,  la  dextrine  ne  donné  pas  d’acide  mucique  ; 
sa  solution  n’est  pas  précipitable  par  l’acétate  tannique  de  plomb,  mais 
elle  est  précipitée  par  l’alcool. 

Dans  nos  expériences,  nous  n’avons  réussi  à isoler  ni  de  la  dextrine 
ni  du  sucre  de  canne.  11  existe,  même  dans  la  plus  belle  Manne,  une  pe- 
tite proportion  d’un  mucilage  dextrogyre  qui  est  précipité  par  l’acétate 
neutre  de  plomb  et  donne  de  l’acide  mucique  par  ébullition  avec  l’acide 
nitrique  concentré. 

On  peut  retirer,  à l’aide  de  l’éther,  des  solutions  aqueuses  de  Manne, 
une  très-petite  proportion  de  résine  d’un  brun  rougeâtre,  qui  possède 
une  odeur  forte  et  une  saveur  un  peu  âcre,  et  des  traces  d’un  acide  qui 
réduit  les  sels  d’argent  et  paraît  être  aisément  résinifié.  La  proportion 
d’eau  qui  existe  dans  les  qualités  inférieures  de  Manne  s’élève  souvent  à 
10  ou  15  pour  100.  La  meilleure  Manne  abandonne  environ  3,6  pour  100 
de  cendres. 

La  coloration  verdâtre  de  certains  morceaux  de  Manne  était  attribuée 
autrefois  à la  présence  du  cuivre.  Gmclin,  se  fondant  sur  la  fluorescence 
de  la  solution,  l’attribua  à YÆsculine.  Elle  est  due  en  réalité  a un  corps 
très- ressemblant  à l’æsculine,  la  Fraxine , ClcH18010,  qui  existe  dans 
l’écorce  du  Frêne  à Manne  et  du  Frêne  commun,  et  aussi,  en  compagnie 
de  l’æsculine,  dans  celle  du  Marronnier  d’Inde. .La  fraxine  cristallise 
en  prismes  incolores,  facilement  solubles  dans  l’eau  chaude  et  dans 

(1)  Journ.  de  Pharm.,  1807,  VII,  401  ; 1868,  VIII,  6. 


M OLÉACÉES. 

1 alcool , et  pourvus  d’une  saveur  astringente  et  amère.  Les  acides  di- 
lués la  décomposent  en  Fraxétine,  G10Il8O5,  et  on  glucose,  C8II1206.  La 
présence  de  la  fraxine  dans  la  Manne,  surtout  dans  les  sortes  infé- 
rieures, est  révélée  parla  belle  fluorescence  de  la  solution  alcoolique 
de  la  Manne. 

Commerce.  — Les  exportations  de  Manne  faites  par  la  Sicile  il),  sur- 
tout par  Païenne,  ont  été  : en  1869,  de  2 546  quintaux,  valant  15972 
liv.  st.;  en  1870,  de  1 564  quint,  valant  10220  liv.  st.;  en  1871,  de  3 038 
quint,  valant  19  528  liv.  st.  La  moitié  environ  de  ces  quantités  a été 
expédiée  en  France.  Les  statistiques  commerciales  italiennes  (2)  expri- 
ment de  la  façon  suivante  l’exportation  de  la  Manne  en  1870:  incanelli , 
58691  kilogrammes  ; in  sorte , 186  664  kilogr.  Le  Royaume-Uni  a importé, 
en  1870,  230  quintaux  de  Manne,  évalués  à 4 447  liv.  st.  (3). 

Falsification.  — On  ne  peut  guère  dire  que  la  Manne  soit  soumise 
à des  falsifications,  quoiqu'il  soit  possible  de  rappeler  des  essais  d’in 
troduction  d’une  Manne  fausse  fabriquée  avec  du  glucose  ; mais  des  ef- 
forts considérables  ont  été  faits  dans  le  but  de  transformer  la  Manne 
de  qualité  inférieure  en  une  sorte  ayant  l’aspect  de  la  Manne  en  larmes 
naturelle,  les  fabricants  reconnaissant  toutefois  la  nature  de  leur  pro- 
duit. La  Manne  en  larmes  artificielle  offre  la  plus  grande  ressemblance 
extérieure  avec  les  très-beaux  morceaux  de  la  drogue  naturelle,  mais 
elle  en  diffère  par  l'uniformité  plus  grande  de  coloration  et  parce 
qu’elle  est  débarrassée  des  quelques  impuretés  dont  la  Manne  naturelle 
n’est  jamais  exempte.  Elle  en  diffère  encore  en  ce  que,  lorsqu’on  la  casse, 
on  ne  voit  pas  de  cristaux  de  mannite  dans  les  interstices  des  fragments 
et  en  ce  qu’elle  est  dépourvue  de  l’odeur  particulière  et  de  la  saveur 
légèrement  amère  de  la  Manne  naturelle.  Lorsqu’on  la  fait  bouillir  avec 
quatre  parties  d’alcool  à 0,838,  on  obtient  un  résidu  visqueux,  sem- 
blable à du  miel,  tandis  que  la  Manne  naturelle  abandonne  une  sub- 
stance dure,  non  dissoute.  Histed  (4)  a trouvé  qu’elle  contient  seulement 
40  pour  100  de  mannite,  tandis  que  la  belle  Manne,  traitée  de  la  même 
façon,  en  donne  70  pour  100. 

Usages.  — La  Manne  constitue  un  laxatif  léger,  beaucoup  moins  em- 
ployé aujourd’hui  en  Angleterre  qu’autrefois,  mais  encore  très-usité 

(1)  Report  by  Consul  Dennis  on  the  commerce  and  navigation  ofSicily  in  1869,  1870, 
1871. 

(2)  Direzione  generale  delle  Gabelle  : Movimento  commerciale  del  regno  d'Italia  net 
1870,  Milano,  1871. 

(3)  Annual  Statement  of  the  trade  and  navigation  of  the  U.  K.  for  1870,  102. 

(4)  On  artifieial  Flalce  Manna,  in  Pharm.  Journ.,  1870,  XI,  629. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  RS 

dans  l’Amérique  du  Sud.  On  prescrit  souvent,  en  Italie,  la  mannite,  qui 
possède  des  propriétés  semblables. 


AUTRES  SORTES  DE  MANNE. 

Diverses  plantes  peuvent,  comme  le  Frêne,  produire,  dans  certaines 
conditions,  des  exsudations  saccharines,  dont  certaines  ont  constitué  la 
Manne  orientale , employée  autrefois  en  Europe.  D’après  ce  que  nous 
savons,  ces  produits  diffèrent  de  la  Manne  officinale  en  ce  qu’ils  ne  con- 
tiennent pas  de  mannite. 

Manne  d’Aiiiagî;  Turanjabln  des  Arabes.  — Elle  est,  fournie  par 
YAlhagi  Camelorum  Fischer,  petite  plante  épineuse  de  la  famille  des 
Légumineuses,  de  la  Perse,  de  l’Afghanistan  et  du  Beluchistan.  D’après 
les  excellents  échantillons  de  cette  Manne,  qui  ont  été  recueillis  pour 
nous  dans  le  nord-ouest  de  l’Inde  par  le  docteur  E.  Burton  Brown  et  par 
M.  T.-W.-H.  Tolbort,  cette  substance  se  présente  en  petites  larmes  ar- 
rondies, dures,  sèches,  dont  la  taille  varie  depuis  celle  d'une  Muscade 
jusqu’à  celle  d’un  grain  de  Chènevis  ; sa  coloration  est  d’un  brun  clair, 
son  goût  est  sucré,  agréable,  son  odeur  ressemble  à celle  du  Séné. 
D’après  Ludwig  (1),  elle  contient  des  larmes  ou  des  grains  cristallins  de 
sucre  de  canne,  un  peu  de  dextrine,  une  substance  mucilagineuse  dou- 
ceâtre et  une  très-petite  quantité  d’amidon.  M.  A.  Villiers  vient  de  dé- 
montrer (janvier  1877)  que  cette  Manne  contenait  de  la  mélézitose.  Les 
folioles,  les  épines  et  les  gousses  de  la  plante,  mélangées  aux  grains  de 
cette  Manne,  sont  caractéristiques  et  facilement  reconnaissables. 

La  Manne  d’Alhagi  est  recueillie  près  de  Kandahar  et  de  Hérat.  On 
la  trouve  sur  les  plantes  à l’époque  de  la  floraison.  Elle  est  importée 
dans  l’Inde,  de  Kabül  et  de  Kandahar,  dans  la  proportion  d’environ 
25  maunds  (2000  livres)  par  an;  son  prix  est  fixé  à 30  rupees  le  seer 
(30  sh.  la  livre)  (2). 

Ga*  Anjabin  des  Arabes;  Manne  «le  Tamaris  (en partie).  — Pendant 
les  mois  de  juin  et  juillet,  les  arbustes  du  Tamaris  ( Tamarix  Gallica , 
var.  mannifera  Ehrenberg),  qui  croissent  dans  les  vallées. de  la  pénin- 
sule du  Sinaï,  et  surtout  dans  le  Wady  es  Sheikb,  laissent  exsuder  de 
leurs  branches  grêles,  à la  suite  de  la  piqûre  d’un  insecte  ( Coccus  man- 
niparus  Ehrenberg),  des  gouttes  d’un  liquide  semblable  à du  miel,  qu’on 

(1)  Archiv  der  Pharm.,  1870,  193,  32-52. 

(2)  Stewart,  Punjab  Plants,  Lahore,  18G9,  57.  — Davies,  Report  on  the  trade  and 
ressources  of  the  countries  on  the  N.  W.  boundary  of  British  India,  Lahore,  1862. 


56 


OLftACÉES. 

Iiouvo  à 1 étal  solide  pendant  la  fraîcheur  du  matin.  Celle  substance  est 
la  Manne  de  Tamanx.  Les  Arabes  la  recueillent  et  la  vendent  aux 
moines  do  Sainte-Catherine.  Ceux-ci  l’offrent  aux  voyageurs  qui  visitent 
le  couvent.  La  Manne  de  Tarnarix  est  aussi  produite  (mais  on  ne  la  re- 
cueille peut-être  plus)  en  Perse,  où  on  la  nomme  Gaz  Anjabin  (I),  et 
probablement  aussi  dans  le  Punjab  (2).  Il  est  probable  qu’elle  a été 
apportée  de  ces  pays  en  Europe  à une  époque  reculée. 

Un  échantillon  de  Manne  de  Tarnarix,  rapporté  du  Sinaï,  étudié 
en  1801  par  Berlhelot,  avait  1 apparence  d'un  sirop  épais,  jaunâtre, 
souillé  de  débris  végétaux.  On  le  trouva  composé  de  sucre  de  canne, 
de  sucre  interverti  (lévulose  et  glucose),  de  clextrine  et  d’eau,  celte  der- 
nière formant  un  cinquième  de  la  niasse  totale  (3). 

Quoique  la  dénomination  de  Gaz  Anjabin  signifie  Miel  de  Tarnarix , 

( lie  est  employée  actuellement,  d après  Haussknecht  (4),  en  Perse,  pour 
désigner  certains  pains  ronds,  connus  dans  tous  les  bazars,  dont  la 
partie  constituante  principale  est  une  Manne  recueillie  dans  les  districts 
montagneux  de  Chahar-Mahal  et  de  Faraidan,  et  surtout  dans  le  voisi- 
nage de  la  ville  de  Khonsar,  au  sud-ouest  d’Ispahan,  produite  par  l’As- 
Iragalus  jlovulentus  Boissier  et  Haussknecht  et  VAstragalus  adscendens 
Boissier  et  Haussknecht.  Les  meilleures  sortes  de  cette  Manne,  nommées 
Gaz  Ale  fi  ou  Gaz  Khonsari , sont  recueillies,  pendant  le  mois  d'août,  sur 
les  branches  des  arbres,  à l’état  de  petites  gouttes  qui  s’agglutinent 
et  finissent  par  former  une  masse  impure,  d’un  blanc  grisâtre,  molle. 
La  sorte  commune,  recueillie  sur  la  tige,  est  encore  plus  impure.  Un 
échantillon  de  cette  drogue,  rapporté  par  Haussknecht,  donna  à 
Ludwig  (5)  de  la  dextrine,  un  sucre  incristallisable  et  des  acides  orga- 
niques. 

Shîr-khisiit. — Les  anciens  auteurs  de  matière  médicale,  comme  Garcia 
d’Orta  (15G3),  mentionnent  une  sorte  de  Manne  connue  sous  ce  nom, 
qu’on  trouve  encore  dans  les  bazars  du  nord-ouest  de  l’Inde,  où- elle  est 
importée  en  petite  quantité  de  l’Afghanistan  et  du  Turkestan  (G). 
Haussknecht,  dans  son  mémoire  sur  la  Manne  orientale,  déjà  cité,  dit 
qu’elle  est  un  produit  d’exsudation  du  Cotoneaster  nummularia  Fisu. 
et  Meyer,  de  la  famille  des  Rosacées,  et  de  Y Atraphaxis  spinosa  L., 

(1)  Angélus,  Pharm.  Persica,  1681,  339. 

(2)  Stewart,  op.  cit.,  92. 

(3)  Compt.  rend.  Ac.  sc.,  1861,  LIII,  683.  — Pharm.  Journ.,  1862,  III,  274. 

(4)  Archiv  der  Pharm.,  1870,  192,  246. 

(5)  Loc.  cit. 

(6)  Davies,  ouvrage  cité  à la  page  55,  note  2. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  57 

de  la  famille  des  Polygonacées,  et  qu'elle  provient,  en  majeure  partie 
de  Hérat.  Nous  devons  au  docteur  Burton  Brown,  de  Lahore,  et  à 
M.  Tolbort  des  échantillons  de  cette  Manne,  qui,  d’après  les  fragments 
qu’elle.contient,  provient  sans  aucun  doute  d’un  Coloneaster.  Elle  est  eu 
larmes  irrégulières,  arrondies,  dont  Je  plus  grand  diamètre  a d’un  demi- 
centimètre  à I centimètre  et  demi,  d’un  blanc  opaque  foncé,  légèrement 
visqueuses  et  faciles  à pétrir  entre  les  doigts.  Elle  a une  faible  odeur  de 
Manne,  une  saveur  simplement  sucrée.  Sa  cassure  est  cristalline.  Elle 
forme  dans  l’eau  une  solution  sirupeuse  qui  abandonne  un  résidu  abon- 
dant de  grains  d’amidon. 

D’après  Ludwig,  la  Manne  de  Shir-khisht  constitue  un  produit  d’ex- 
sudation analogue  à la  gomme  adragante,  mais  contenant  en  même 
temps  deux  sortes  de  gomme,  un  sucre  lévogyre  amorphe,  de  l’amidon 
et  de  la  cellulose. 

Manne  de  Chône.  — La  présence  d’une  substance  saccharine  sur  le 
Chêne  est  signalée  par  Ovide  et  par  Virgile,  et  mentionnée  aussi  par  les 
médecins  arabes,  notamment  par  Ibn  Baytar(l)  et  Elluchasem  Elimi- 
thar  (2).  Ce  dernier,  mort  en  1052,  dit  que  dans  le  Diarbékir  un  pro- 
duit d exsudation  apparaît  sur  le  chêne.  Aujourd’hui  ce  produit  est 
1 objet  dune  certaine  industrie  parmi  les  tribus  errantes  du  Kurdis- 
tan, qui,  d après  Haussknecht,  le  recueillent  sur  le  Quercus  Vallonea 
Kotscuy  et  le  Quercus  Persica  Jaubert  et  Spach.  Ces  arbres  sont  fréquen- 
tés, au  mois  d août,  par  de  nombreux  petits  Coccus  blancs  dont  la  pi- 
qûre est  suivie  de  l’exsudation  d’un  liquide  sucré  qui  se  solidifie  en 
petits  grains.  Le  matin,  avant  le  lever  du  soleil,  les  indigènes  font 
tomber  les  grains  de  Manne  sur  des  toiles  étendues  au-dessous  des 
arbres. 

On  recueille  aussi  le  produit  de  cette  exsudation  en  faisant  tremper  les 
petites  branches  qui  le  portent  dans  des  vases  pleins  d’eau  chaude  où  il 
se  dissout.  On  évapore  ensuite  la  solution  jusqu’à  consistance  d’un  sirop 
qui  sert  pour  sucrer  les  aliments  ou  qu’on  mélange  à de  la  farine  pour 
fabriquer  une  sorte  de  gâteau. 

Un  bel  échantillon  de  Manne  de  chêne  du  Diarbékir  fut  envoyé  à 
1 exposition  internationale  de  Londres  de  1862.  C’était  une  masse  molle, 
humide,  formée  de  larmes  agglutinées,  très-semblable  à une  sorte  infé- 
rieure de  Manne  de  frêne.  Son  goût  était  sucré  et  agréable. 

H existe  une  forme  moins  pure  de  cette  Manne,  qui  se  présente  en 

(1)  E(l.  Sontheimeu,  Bd.  I,  375. 

(2)  Tacuini  Sanitatis,  Argent.,  1331,  24. 


38 


OLÊACÉES. 

masses  compactes,  grisâtres,  saccharines,  parfois  assez  dures  pour  qu’on 
doive  les  broyer  avec  un  marteau.  Elle  est  formée  d’une  matière  sucrée 
mélangée  à une  grande  quantité  de  petits  fragments  de  fouilles  vertes  ; 
son  odeur  est  herbacée  ; son  goût  est  sucré  et  agréable.  Un  échantillon 
de  cette  substance  rapporté  du  Diarbékir,  examiné  par  l’un  de  nous, 
donna  90  pour  100  de  sucre  dextrogyre,  qui  ne  put  être  obtenu  à l’état 
cristallin,  quoiqu’il  existât  sous  cette  forme  dans  la  drogue  brute.  L’ami- 
don et  la  dextrine  manquaient  complètement  (1). 

Un  échantillon  fourni  à Ludwig  (“2)  par  Haussknecht  donna  beaucoup 
de  mucilage,  un  peu  d’amidon,  environ  48  pour  100  de  sucre  de  raisin 
dextrogyre  et  des  traces  d’acide  tannique  et  de  chlorophylle. 

Manne  de  Briançon.  — On  désigne  ainsi  une  substance  saccharine 
blanche  qui,  dans  le  fort  de  l'été  et  pendant  les  premières  heures  du 
jour,  se  trouve  en  grande  quantité  sur  les  feuilles  des  Larix  ( Pinus  La- 
rix L.)  des  montagnes  du  Dauphiné,  dans  les  environs  de  Briançon. 
Autrefois  on  la  recueillait  pour  l’usage  médical  ; mais  elle  était  déjà 
rare  du  temps  de  Jeoffroy  (1709-1731),  et  aujourd’hui  elle  a tout  à fait 
disparu  du  commerce,  quoique  les  paysans  la  recueillent  encore.  Un 
échantillon  récolté  pour  l’un  de  nous,  en  1864,  près  de  Briançon,  consiste 
en  petites  larmes  indépendantes,  opaques,  blanches,  souvent  ohlongues 
et  creusées  en  gouttières,  incrustées  sur  les  feuilles  en  aiguilles  du 
Larix.  Leur  saveur  est  douce  et  leur  odeur  faible.  Sous  le  microscope, 
elles  présentent  des  cristaux  peu  distincts. 

La  Manne  de  Briançon  a été  étudiée  par  Berthelot,  qui  y a découvert 
un  sucre  particulier  nommé  Mélézilose  (3). 

Plusieurs  autres  exsudations  saccharines  ont  été  observées  par  les 
voyageurs  et  les  naturalistes;  mais,  comme  la  plupart  d’entre  elles  nous 
sont  inconnues,  nous  nous  bornerons  à énumérer  les  plus  remarquables, 
en  renvoyant  aux  sources  originales  le  lecteur  désireux  de  plus  de 
détails. 

Le  Pirus  glabra  Boissier  donne,  dans  le  Luristan,  une  substance  qui, 
d’après  Haussknecht,  est  recueillie  par  les  habitants  et  ressemble  beau- 
coup à la  Manne  du  chêne.  Le  môme  voyageur  dit  que  le  Salix  fragi- 
lis  L.  et  le  Scrophularia  frigida  Boissier  donnent  aussi,  en  Perse,  des 
exsudations  saccharines.  On  récoltait  autrefois  sur  le  Cèdre  (Pinus  Ce- 

(1)  Pour  plus  de  détails,  voy.  Flückiger,  Ueber  die  Eiclienmanna  von  Kurdistan, 
in  Ai'ch.  der  Pharm.,  200  (1872),  159. 

(2)  Loc.  cit.,  35. 

(3)  Gmelin,  Chemistry,  XV,  298  ; Journ.  de  Pharm.,  1858,  XXXIV.  292. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  59 

drus  L.)(l)  une  sorte  de  Manne.  En  Espagne,  le  Cistm  ladani férus  L.(2) 
fournit  une  Manne, 

La  Manne  d'Australie  qui  se  présente  en  petites  masses  sèches, 
arrondies,  opaques,  blanches,  découle  des  feuilles  de  Y Eucalyptus  vimi- 
nalis  Labillardière.  Elle  contient  un  sucre  nommé  Mélitose  (3).  Sa  sa- 
veur est  douce  ; elle  est  dépourvue  de  propriétés  médicinales  et  n’est 
pas  recueillie  pour  l’usage  (4). 

La  substance  désignée  sous  le  nom  de  Tigala,  et  par  corruption 
Trehala,  dont  011  a retiré  un  sucre  particulier  (5),  est  le  cocon  d’un 
insecte,  et  non  une  exsudation  saccharine  proprement  dite  (6). 

La  Mamie  de  Lerp  d’Australie  est  aussi  d’origine  animale  (7).  Elle  se 
compose  de  14  parties  d’eau,  de  33  parties  d’une  substance  filamenteuse 
et  de  53  parties  de  sucre.  Les  filaments  ont  les  propriétés  caractéris- 
tiques de  l’amidon,  dont  ils  diffèrent  par  leur  forme  et  par  leur  inaltéra- 
bilité même  dans  l’eau  bouillante.  Cependant,  dans  des  tubes  scellés,’ 
ils  se  dissolvent  dans  30  parties  d’eau  à 135°  C.  Le  sucre  est  dextrogyre  ; 
il  imprègne  les  filaments  à l’état  d’une  mousse  brune,  molle,  amorphe. 
A l’état  pur,  il  ne  cristallise  pas,  même  au  bout  d’un  temps  très-long. 
Les  filaments  sont  convertis  par  l’acide  sulfurique  dilué  en  sucre  de  rai- 
sin cristallin. 


{a)  Les  Frênes  ( Fraxinus  Tournefort,  Instit.fHn,  t.  343)  sont  des  Oléaoées  de  la 
tribu  des  Fraxinées,  à ovaire  biloculaire  et  à loges  biovulées  ; à fruit  sec,  en  samare, 
uniloculaire  et  monosperme  par  avortement. 

Le  Fraxinus  Ornus  L.  ( Spec .,  1510)  ou  Ornus  europœa  Pers.  est  un  arbre 
dressé,  a tete  arrondie,  à rameaux  noueux, [irréguliers.  Les  feuilles  sont  opposées, 
sans  stipules,  composées,  imparipennées,  à sept  ou  neuf  folioles  pétiolulées,  ovales- 
lanceolées  ou  oblongues,  atténuées  aux  deux  extrémités,  aiguës,  munies  dans  les 
deux  tiers  supérieurs  de  leurs  bords  de  dents  ovales-arrondies,  et  barbues  sur  la 
face  inférieure  des  pétioles  et  de  la  nervure  dorsale.  Les  bourgeons  sont  tomenteux. 
Les  fleurs  apparaissent  en  même  temps  que  les  feuilles  ; elles  sont  petites,  d’un 
blanc  verdâtre,  disposées  en  grappes  axillaires  et  terminales,  composées,  à ramifi- 
cations opposées  et  souvent  très-développées.  Les  fleurs  sont  régulières,  polygames, 


(1)  Geoffroy,  Mat.  med.,  1741,  II,  584. 

(2)  Dillon,  Travels  through  Spain , 1780,  127. 

(3)  Gmelin,  Chemistry,  XV,  296. 

(4)  Pharm.  Journ.,  1863,  IV,  108. 

(5)  Compt.  rend.  An.  sc.,  1858,  XLVI,  1276.  — * Gmelin,  Chemistry,  XV,  299. 

(6)  Belon,  Singularité: , 1554,  livr.  II,  cap.  xci.  — Guibourt,  in  Comp.  rend.  Ac. 
sc.,  21  juin  1858,  1213.  — IIanbury,  in  Journ.  of  the  Linn.  Soc.,  Zool.,  1859,  III, 
178;  Science  Paper s,  1876,  158,  159. 

17)  Dobson,  Proceed.  of  Roy.  Soc.  of  Van  Diemens  Land,  1851,  I,  234  ; Pharm. 
oui  n. , 1863,  IV,  108.  — Flückiger,  in  Vierteljahresschr.,  de  Wittstein,  1868,  XVII, 
191  ; Archiv  der  Pharm.,  196  (1872), 7 ; in  Ycarbook  ofPharm.,\sn,  188. 


60 


OLÉACÉES. 

à réceptacle  convexe.  I.e  calice  est  gamosépale,  petit,  à quatre  dents,  deux  anté- 
rieures et  deux  latérales,  calvaires  dans  la  préfloraison.  La  corolle  est  formée  de 
quatre  pétales  blancs,  beaucoup  plus  longs  que  les  sépales,  unis  à la  base,  calvaires 
dans  la  préfloraison,  étroits,  caducs.  I.'androcée  se  compose  de  deux  étamines  libres, 
latérales,  à filet  grêle  et,  à anthère  biloculaire,  déhiscente  par  «leux  fentes  latérales. 
Dans  les  fleurs  femelles,  les  étamines  manquent  complètement.  Le  gynécée,  très-ru- 
dimentaire dans  les  fleurs  mâles,  est  composé  dans  les  fleurs  hermaphrodites  et  les 
fleursïemelles  de  deux  carpelles  situés  l’un  en  avant,  l’autre  en  arrière,  réunis  en  un 
ovaire  biloculaire  ovoïde,  surmonté  d’un  style  court  à extrémité  stigmatique  bilo- 
bée.  Chaque  loge  ovarienne  contient  deux  ovules  descendants,  anatropes,  insérés 
sur  un  placenta  axile,  collatéraux,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dedans  et  à 
raphé  regardant  le  dos  de  la  loge.  Le  fruit  est  une  samare  linéaire  à aile  bilaté- 
rale. Elle  a 2 centimètres  de  long  sur  3 à 4 millimètres  de  large;  elle  est  émarginée 
obliquement  au  sommet  et  souvent  surmontée  d’une  pointe  formée  par  le  style  per- 
sistant, atténuée  et  un  peu  tronquée  à la  base.  Le  fruit  ue  contient,  par  suite  d’avor- 
tement de  l’une  des  loges  et  de  l’un  des  ovules  de  celle  qui  persiste,  qu’une  seule 
graine,  descendante,  à peu  près  cylindrique  et  linéaire,  renfermant  sous  ses  tégu- 
ments un  embryon  droit,  entouré  d’albumen. 

Sous  le  nom  de  Fraxinus  rotundifolia  L.  ( Spec .,  1510)  ou  Ornus  rolundifolia 
Link  ( Enum .,  Il,  452),  quelques  auteurs  conservent,  comme  espèce  distincte,  une 
variété  du  Fraxinus  Ornus  qui  croît  dans  le  Levant  et  dans  la  Calabre  et  qui  ne  se 
distingue  de  la  variété  précédente  que  par  ses  folioles  subsessiles,  arrondies,  ovales, 
aiguës,  serretées  vers  l’extrémité,  entières  et  un  peu  cunéiformes  à la  base,  lisses 
en  dessous.  Cette  plante  fournit  de  la  Manne  comme  la  précédente.  [Trad.] 

(6)  Le  Fraxinus  excelsiorL.  [Spec.,  1509)  ou  Frêne  commun  se  distingue  nette- 
ment du  précédent  par  ses  fleurs  apétales,  caractère  qui  lui  avait  fait  donner  par  les 
anciens  le  nom  de  Frêne  sans  fleurs.  C’est  un  arbre  de  10  à 12  mètres  de  haut.  Les 
feuilles  ont  de  neuf  à treize  folioles  pétiolulées,  ovales-lancéolées  ou  oblongues, 
acuminées,  dentées,  velues  en  dessous  de  chaque  côté  de  la  nervure  médiane.  Les 
bourgeons  sont  noirs.  Les  fleurs  sont  polygames,  disposées  en  grappes  de  cymes,  axil- 
laires. Le  calice  est  formé  de  quatre  sépales  valvaires,  unis  à la  base.  La  corolle  est 
nulle.  L’androcée  se  compose  de  deux  étamines  latérales  à anthères  introrses.  Le 
gynécée  ressemble  à celui  de  l’espèce  précédente.  Le  fruit  est  également  une  sa- 
mare ; il  est  elliptique,  arrondi  à la  base,  tronqué  ou  obliquement  emargiué  au 
sommet,  qui  est  mucrouulé,  par  le  style  persistant.  Grenier  et  Godron  [Fl.  Fr.}  II, 
471)  distinguent  trois  variétés  de  Fraxinus  excelsior  : 
a.  borealis,  à folioles  lancéolées  ; 

p.  auslralis,  â folioles  plus  étroites,  oblongues-lancéolées  ; 

y.  monophylla,  à foliole  terminale  seule  développée,  les  folioles  latérales  n existant 

pas. 

Le  Fraxinus  excelsior  fournit  incontestablement  une  certaine  quantité  de  Manne. 
Les  feuilles  sont  considérées  comme  douées  de  propriétés  purgatives  analogues  a 
celles  du  Séné.  Elles  passent  aussi  pour  diurétiques.  Son  écorce  est  un  peu  amère  et 
a été  regardée  comme  tonique  et  même  fébrifuge.  La  première  de  ces  deux  actions 

est  seule  admissible.  . 

L'Écorce  de  Frêne  [Cortex  Fraxini,  Cortex  Linguœ  Avis)  est  aujourd  hui  tout  a 
fait  abandonnée  et  ne  doit  être  mentionnée  que  pour  mémoire.  On  la  trouve  en 
plaques  enroulées  ou  en  forme  de  gouttières,  minces,  provenant  de  jeunes  rameaux. 
Sa  face  externe  est  lisse,  grisâtre  ou  jaunâtre,  couverte  de  petites  verrues  saillantes 


61 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

blanchâtres.  Sa  face  interne  est  lisse,  jaunâtre  ou  brunâtre.  Sur  une  coupe  trans- 
versale mince,  elle  offre  de  dehors  en  dedans  : 1°  un  faux  suber  peu  épais  rempli  de 
chlorophylle,  à cellules  irrégulières  brunâtres  ou  jaunâtres,  sèches,  plus  ou  moins 
aplaties  ; 2"  un  parenchyme  moyen  à grandes  cellules  allongées  tangentiellement, 
parmi  lesquelles  sont  disséminées  des  cellules  sclérenchymateuses  jaunâtres,  à parois 
épaisses  ponctuées,  isolées  ou  réunies  en  petits  groupes  irréguliers  ; 3°  une  courbe 
mince  de  cellules  sclérenchymateuses,  â parois  épaisses  et  jaunâtres,  ponctuées.  Ces 
cellules  forment  une  zone  circulaire  non  continue,  immédiatement  en  contact  avec 
le  liber.  Au  milieu  des  cellules  sclérenchymateuses  de  cette  zone  sont  distribués  de. 
petits  groupes  d’éléments  proscnchymateux,  à parois  épaisses,  qui,  sur  la  coupe  trans- 
versale, se  distinguent,  par  leur  diamètre  moindre  et,  leur  forme  plus  régulière,  des 
cellules  sclérenchymateuses  voisines.  Ces  petits  groupes  représentent,  des  fais- 
ceaux libériens  primaires  ; 4°  un  liber  composé  de  fibres  et  de.  parenchyme  libériens. 
Ses  faisceaux  sont  séparés  l'un  de  l’autre  par  des  rayons  médullaires  très-visibles, 
formés  chacun  de  deux  ou  trois  rangées  radiales  de  cellules  quadrangulaires  ou  un 
peu  allongées  radialement.  Chaque  faisceau  est  formé  de  trois  sortes  d’élé- 
ments : des  fibres  à parois  épaisses,  brillantes,  et  à cavité  très-étroite,  disposées  par 
petits  groupes  et  formant  des  cercles  assez  réguliers  ; des  fibres  â parois  minces  des- 
tinées à s’épaissir  plus  tard  ; et  du  parenchyme  libérien.  Cette  écorce  est  dépourvue 
d’odeur  ; sa  saveur  est  amère  et  astringente. 

L’écorce  de  frêne  contient  du  tannin  et  une  substance  particulière,  retirée,  en  1 839, 
par  Salm-Horstmar,  la  Fraxinc  (voir  p.  33).  [Trad.] 


HUILE  D’OLIVE. 

Oleum  otlvx  ; angl.,  Olive  OU,  SaladOil;  àllem.,  Oliuenôl,  Baumol,  Provencer  Oet. 

Origine  botanique.  — Olea  europêea  L.  C’est  un  arbre  toujours  vert, 
qui  dépasse  rarement  12  mètres  de  haut,  mais  atteint  un  âge  très- 
avancé.  On  le  cultive  beaucoup  sur  les  bords  de  la  Méditerranée,  jus- 
qu’à une  altitude  de  600  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  (1).  On 
a soupçonné  que  l 'Olea  cuspidala  Wall  (Olea  ferruginea  Roy  le),  qui 
abonde  dans  l’Afghanistan,  le  Beluchistan  et  le  Sind  occidental,  était  la 
forme  sauvage  de  Y Olea  europæa;  mais  il  est  regardé  par  Brandis  (2) 
comme  une  espèce  distincte.  Il  ne  paraît  pas  avoir  encore  été  cultivé  ; 
cependant  son  fruit,  qui  est  de  petite  taille  et  peu  abondant,  est  suscep- 
tible de  fournir  une  huile  de  bonne  qualité  (a). 

Historique.  — D’après  les  recherches  faites  par  Ritter  (3)  et  A.  de 

(1)  Grisebach  [Die  Vegèt.  der’Erde  nach  ihrer  klimatologischen  Anordnung,  1872,  I, 
ÜG2,  283,  342)  a établi  que  les  limites  de  la  culture  de  l’Olivier  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer  sont  les  suivantes  : en  Portugal  (Algarve),  420  mètres;  dans  la  Sierra  Nevada, 
000  mètres;  sur  les  pentes  occidentales  de  la  même  chaîne,  1-260  mètres;  sur  l’Etna, 
060  mètres  ; en  Macédoine,  300  mètres;  eu  Cilicie,  000  mètres. 

(2)  Forent  Flora  of  North-Westem  ancl  Central  India , 1874,  307. 

(3)  Erdkunde  von  Ani.cn,  1844,  VII,  P.  11,  510-537. 


62  ObÉACÉES. 

Candolle  (1),  on  ne  peut  pas  dputer  que  l’Olivier  ne  soit  originaire  de  la 
Palestine  et  peut-être  de  l’Asie  Mineure  et  de  la  Grèce.  Schweinfurth  (2) 
le  considère  comme  incontestablement  sauvage  dans  les  montagnes 
d’Elbe  et  de  Soturba,  22°  nord  de  latitude',  sur  les  côtes  occidentales  de 
la  mer  Rouge,  qu’il  visita  en  1868.  L’Olivier  paraît  avoir  été  introduit  à 
une  époque  très-reculée  dans  le  nord  de  l’Afrique  et  en  Espagne.  11 
réussissait  très-bien  dans  la  Cyrénaïque,  dès  l’époque  de  Théophraste, 
au  troisième  siècle  avant  Jésus-Christ. 

Aujourd’hui,  on  le  cultive  beaucoup  en  Algérie,  en  Espagne,  en  Por- 
tugal, dans  le  midi  de  la  France,  en  Italie,  dans  la  péninsule  grecque 
et  en  Asie  Mineure.  En  Crimée  il  pousse  bien,  mais  ne  donne  pas  de  bon- 
fruits.  11  a été  transporté  à Lima  (Pérou),  en  1560,  et  y réussit  bien 
encore  dans  les  vallées  de  la  côte,  en  descendant  vers  le  sud  jusqu’à 
Santiago  dans  le  Chili  (3). 

L’huile  d’olive  est  si  fréquemment  mentionnée  dans  la  Bible  qu'elle 
doit  avoir  constitué  un  des  produits  importants  des  anciens  Hébreux. 
Elle  occupait  une  place  égale  chez  les  Grecs  et  chez  les  Romains  (4).Leuis- 
écrivains  sur  l’agriculture  et  l’histoire  naturelle  en  parlent  de  la  façon 
la  plus  détaillée.  Les  fruits  de  l’Olivier  conservés  dans  la  saumure  ser- 
vaient chez  les  Romains  à l’alimentation  et  constituaient,  dès  le  hui- 
tième siècle  (5),  un  objet  important  de  commerce  avec  le  nord  de  l’Eu- 
rope. 

Production.  — De  même  que  la  plupart  des  plantes  importantes  cul- 
tivées, l’Olivier  offre  plusieurs  variétés  qui  diffèrent  plus  ou  moins  de 
la  forme  sauvage,  et  dont  les  plus  belles  sont  propagées  à l'aide  de  la 
greffe.  On  le  multiplie  aussi  à l’aide  des  rejets  que  les  vieux  arbres  pro- 
duisent sur  leurs  racines,  et  qui  se  développent  facilement  en  plantes 
indépendantes  (6).  Le  fruit  est  une  drupe  ovale,  longue  de  1 à 3 centi- 
mètres ou  plus,  colorée  en  pourpre  foncé  et  remarquable  par  la  grande 
quantité  d’huile  grasse  que  renferme  sa  partie  charnue  ou  sarcocarpe.  Ce 
dernier  est  plus  riche  en  huile  lorsqu’il  est  mûr.  11  en  contient  alors  près 
de  70  pour  100  et  25  pour  100  d’eau.  Avant  sa  maturité,  le  fruit  est, 

(I)  Géographie  botdnique,  ISotJ,  912. 

Î2)  Bot.  Zeit .,  1868,  860. 

(3)  Perez- Rosaces,  Essai  silr  le  Chili,  Hambourg,  1857,  133. 

(/,)  Hehn,  Kulturpfianzen  und  Hausthiere  in  ilirem  Uebergailge  aus  Asie n nach 
Griechenland  wld  Italien,  Berlin, 1870,  44-60. 'Cet  ouvrage  contient  des  détails  intéres- 
sants sur  l’importance  de  l’olivier  dans  l’antiquité. 

(B)  Diplôme  de  Chilpéric , 616  ap.  J.-Ç.  - Pardessus,  Diplomata,  Chartæ,  etc.  Paris, 
1849,  II,  309. 

(6)  Winter,  in  Pharm.  Journ .,7  sept.  1872. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  63 

comme  les  autres  parties  de  la  plante,  riche  en  mannite,  qui  disparaît 
à mesure  que  l’huile  se  forme.  L’olive  mûre  ne  contient  plus  de  man- 
nite, celle-ci  s étant  probablement  transformée  en  huile  grasse  (1). 

Les  procédés  d’extraction  de  l’huile  varient  un  peu  avec  les  pays, 
mais  consistent,  d’une  façon  générale,  à soumettre  la  pulpe  crue  du  fruit 
mûr  à une  pression  modérée.  On  cueille  les  olives  sur  les  arbres  ou  on 
les  ramasse  sur  le  sol,  en  novembre,  ou  pendant  toute  la  durée  de  l’hiver 
ou  au  commencement  du  printemps,  et  on  les  réduit,  sous  une  meule  en 
pierre,  en  une  masse  pulpeuse.  On  place  cette  dernière  dans  de  larges 
sacs  qu’on  empile  les  uns  au-dessus  des  autres,  et  qu’on  soumet  à une 
pression  modérée  dans  un  pressoir  à vis.  L’huile  ainsi  obtenue  est  con- 
duite dans  des  cuves  ou  des  citernes  pleines  d’eau,  à la  surface  de  la- 
quelle on  l’écume  avec  des  cuillers.  On  nomme  cette  première  huile 
Huile  vierge.  Après  qu’elle  a cessé  de  couler,  le  contenu  des  sacs  est 
versé  dans  de  l’eau  bouillante  et  soumis  à une  pression  plus  forte'  que 
la  première,  qui  donne  une  huile  de  deuxième  qualité.  Lorsqu’on  laisse 
les  fruits  trop  longtemps  entas,  ils  se  décomposent  et  donnent  à la  pres- 
sion une  qualité  d'huile  très-inférieure,  nommée  en  France  Huile  fer- 
mentée. L huile  la  plus  inférieure,  retirée  des  résidus,  porte  le  nom 
d 'Huile  tournante  ou  Huile  d'enfer  (2). 

Il  paraît  que  dans  quelques  pays  les  meules  en  pierre  sont  établies 
de  façon  à écraser  la  pulpe  sans  briser  le  noyau.  On  obtient  ainsi  l’huile 
de  la  pulpe  sans  mélange  avec  celle  de  l’amande  (3).  Nous  avons  fait 
quelques  recherches  en  Italie  et  en  France  au  sujet  de  ce  procédé  de 
fabrication,  mais  nous  n’avons  pas  pu  découvrir  les  endroits  où  il  est 
employé  {b). 

L’huile  fixe  de  l’amande  des  olives  mûres  a été  extraite  et  étudiée 
par  l’un  de  nous  (F.).  Quoique  les  amandes  aient  une  saveur  amère, 

I huile  qu  elles  fournissent  est  tout  à fait  douce  ; par  exposition  à la 
sapeur  de  1 acide  hyponitrique,  elle  se  concrète  comme  celle  de  la 
pulpe.  Si  on  l’obtenait  tout  entière  en  fabricant  l’huile  d’olive,  celle-ci 
contiendrait  environ  une  partie  d’huile  d’amande  et  quarante  parties 
d’huile  de  pulpe. 

(1)  De  Luc  a,  in  Journ.  de  Pharm.,  1864,  XLV,  614.  Ann.  aes  sc.  nat,  1861 . - Ou 

es  1 cchcrches  de  Ilarz  sur  la  formation  de  l’huile  d’olive  dans  ViertCljahrcs - 
c/irift  fürprakt.  Pharm.,  de  Wittstein,  1870,  161. 

(2)  Le  nom  à Iiuile  d enfer  vient  de  ce  que  les  bassins  dans  lesquels  on  la  recueille 

son  nommes  enfers.  Ce  sont  des  citernes  voûtées,  bien  étanches,  qui  communiquent 

Ca,  “nCT,1 2 * * S,)1Vf  lcs  auU;(i's  Par  ^s  siphons.  ( Voy.  Coutance,  l’Olivier,  1877,  202.)  [Trad.] 

U j K <-r>'ocert  25  avril  1868,  Supplément.  — Pereira,  H lem.  of  Mat.  med.,  1850, 


OLÉACÉES. 


64 

Description.  — L’huile  d’olive  est  un  liquide  jaune  pâle  ou  jaune 
verdâtre,  un  peu  visqueux,  d’une  odeur  agréable  et  d’une  saveur  douce, 
oléagineuse,  suivie  d’une  légère  sensation  d’âcrcté  (I).  Son  poids  spé- 
cifique est,  en  moyenne,  0,916  à 17°  G:  Dans  l’eau  froide,  l’huile  d’olive 
perd  sa  transparence  par  suite  de  la  séparation  d’un  corps  gras  cristal- 
lin. Ce  dépôt  sc  forme  à quelques  degrés 'au-dessus  du  point  de  congé- 
lation de  l’eau,  et  même  dans  quelques  huiles  à 10°  G.  Lorsqu’on  fait 
congeler  l’huile  complètement  et  qu’on  la  soumet  alors  à une  forte  pres- 
sion, on  peut  en  séparer  environ  le  tiers  de  son  poids  d’un  corps  gras 
solide.  Après  des  cristallisations  répétées,  ce  dernier  fond  entre  20° 
et  28°  G.  La  partie  liquide  ou  Oléine  reste  fluide  jusqu’à  — 4°  à — 10°  C. 
L’huile  d’olive  appartient  à la  classe  des  huiles  non  siccatives  les  moins 
altérables. 

La  description  que  nous  venons  d’en  donner  ne  s'applique  pas  aux 
sortes  inférieures,  qui  se  congèlent  plus  facilement,  ont  une  coloration 
plus  ou  moins  foncée,  une  odeur  et  un  goût  désagrables  et  deviennent 
très-vite  rances.  Ges  huiles  inférieures  trouvent  leurs  applications  par- 
ticulières dans  l’industrie. 

Composition  chimique.  — Le  principe  le  plus  important  de  l’huile 
d’olive  est  Y Oléine  ou,  plus  correctement,  la  Trioléine  C(l) * 3H303,  3GIRH330, 
identique,  autant  que  nous  pouvons  l’affirmer  aujourd’hui,  avec  la  partie 
fluide  de  toutes  les  huiles  non  siccatives.  La  proportion  d’oléine  qui  existe 
dans  l’huile  d’olive  aussi  bien  que  dans  les  autres  huiles  est  soumise  à 
des  variations  qui  résultent  en  partie  dès  circonstances  naturelles  et  en 
partie  des  procédés  de  fabrication.  Les  meilleures  huiles  sont  compara- 
tivement riches  en  oléine.  Chevreul  pensait  que  la  partie  solide  de 
l’huile  d’olive  était  la  Margarine , qu'il  observa  la  première  fois  en  1820, 
mais  Heintz  (1852  et  plus  tard)  a montré  que  la  margarine  est  nn  mé- 
lange de  palmitine  avec  d’autres  composés  de  glycérine  et  d acides 
gras.  Collet,  en  1854,  isola  V acide  Palmitique,  C16H3202,  de  l’huile  d’olive. 
Heintz  et  Krug,  en  1857,  ont  prouvé  en  outre  que  la  Tripalmitine  est  le 
principal  constituant  de  la  partie  solide  de  l’huile  d’olive.  Ils  y trouvè- 
rent aussi  un  acide  qui  fond  à 71°, 4 G.,  et  qu’ils  regardèrent  comme  étant 
Y acide  Arachique.  Heintz  et  Krug  ne  parvinrent  pas  à démontrer  la  pré- 
sence de  l’acide  stéarique  dans  l’huile  d’olive. 

Enfin,  Benecke  a découvert  dans  l’huile  d’olive  une  petite  quantité 

(l)  D’après  nos  expériences,  cet  arrière-goût  est  produit  même  par  1 huile  qui 

s’écoule  de  la  pulpe  et  qui  est  de  la  plus  grande  fraîcheur, mais  il  est  plus  sensible  avec 

l’huile  qui  a été  longtemps  conservée. 


63 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

de  Cholestérine,  GMHuO,  qu’on  peut  enlever  au  moyen  de  l’acide  acé- 
tique froid  ou  de  l’alcool,  qui  11e  dissolvent  qu’une  très-petite  partie  de 

l’huile. 

Commerce.  — On  distingue  sur  le  marché  anglais  plusieurs  sortes 
d’huiles  d’olive,  notamment  celles  de  Florence,  de  Gallipoli,  de  Gioja, 
d’Espagne  (Malaga  et  Séville),  de  Sicile,  de  Mytilène,  de  Gorfou  et  de 

Mogador. 

Pendant  l’année  1872,  il  fut  importé  dans  le  Royaume-Uni  pour 
1 193  064  livres  sterl.  d’huile  d’olive.  Près  de  la  moitié  de  cette  quan- 
tité avait  été  expédiée  d’Italie,  un  cinquième  d’Espagne  et  le  reste  des 
autres  ports  de  la  Méditerranée. 

La  production  annuelle  moyenne  de  l’Italie  est  estimée  à plus  de 
1 500000  hectolitres,  représentant  une  valeur  de  8 millions  de  liv.  st. , 
mais  la  quantité  exportée  ne  dépasse  pas  la  valeur  de  2800000  liv.  st.  (1). 
D’après  les  statistiques  du  gouvernement  français,  la  production  an- 
nuelle de  l’huile  d’olive  eu  France  ne  dépasse  pas  250000  hectolitres, 
représentant  30  millions  de  francs  (2). 

lisages.  — L’emploi  de  l’huile  d’olive  en  médecine  et  l’immense 
consommation  qui  s’en  fait  pour  l’alimentation  dans  les  parties 
chaudes  de  l’Europe  sont  trop  connus  pour  que  nous  ayons  besoin  d’v 
insister  (c). 

Falsification.  — L’huile  d’olive  étant  sujette  à être  mélangée  fraudu- 
leusement avec  un  grand  nombre  d’huiles  moins  coûteuses,  les  moyens 
de  découvrir  ces  fraudes  ont  beaucoup  attiré  l’attention.  Parmi  les 
divers  procédés  qui  ont  été  tentés  par  les  chimistes  pour  s’assurer  de 
la  pureté  de  l’huile  d’olive,  les  plus  dignes  d’attention  sont  les  sui- 
vants : 

a.  Les  huiles  siccatives  (comme  celles  de  pavot  et  de  noix)  peuvent 
être  distinguées  à ce  qu’elles  ne  se  convertissent  pas  en  élaïdine  solide 
cristal! isable  sous  l’influence  de  l’acide  hyponitrique  ou  d’une  solution 
concentrée  de  nitrate  de  protoxyde  de  mercure.  Toute  huile  d’olive 
qui  contient  une  proportion  un  peu  considérable  de  l’une  de  ces  huiles 
ne  se  solidifie  pas  lorsqu’on  l’expose  pendant  un  moment  à l’un  des 
réactifs  mentionnés  plus  haut.  Cependant  ces  moyens  11e  sont  pas  suffi- 
samment délicats  pour  révéler  la  présence  d’une  petite  quantité  d huile 
siccative. 


(1)  Juum.  of  Soc.'oj  Arts,  22  mai  1868. 

(2)  Exposition  de  Paris  de  1867,  Rapports  du  jury  international , XI,  108. 
lltST.  UES  DROGUES,  T.  II. 


ou 


OLÉACÉES. 

./'•  L’huile  d’olivo  élanl  des  huiles  les  plus  légères,  le  poids  spé- 
cifique peut  indiquer,  dans  une  certaine  limite,  son  mélange  avec  une 
huile  plus  lourde.  Pour  tirer  parti  de  cette  propriété,  Gobley  et  d’autres 
chimistes  ont  (inventé  un  instrument  nommé  Elaïomètre,  destiné  à in- 
diquer le  poids  spécifique  des  huiles. 

c.  L’huile  d’olive  mélangée  à de  l'acide  sulfurique  concentré  aban- 
donne moins  de  calorique  que  la  plupart  des  huiles  analogues  traitées 
de  la  même  façon,  mais  comme  l’estimation  de  la  quantité  de  calorique 
dégage  demande,  une  grande  habileté  d’expérimentation,  cette  méthode 
ne  peut  pas  être  d’une  grande  utilité  pratique. 

d.  Observation  de  la  figure  de  cohésion.  _ Ce  procédé,  proposé  par 
M.  Tomhnson  en  1864  (1),  repose  sur  les  forces  de  cohésion,  d’adhésion 
et  de  diffusion.  Lorsqu’une  goutte  d’huile  suspendue  à l’extrémité  d’une 
baguette  de  verre  est  déposée  doucement  à la  surface  d’une  eau  chimi- 
quement pure,  contenue  dans  un  verre  propre,  il  se  produit  une  lutte  entre 
les  forces  en  question,  au  moment  où  la  goutte  d’huile  tombe  en  vertu  de 
son  poids  sur  la  surface  de  l’eau.  L’adhésion  de  la  surface  liquide  tend 
à etaler  la  goutte  d’huile,  la  force  de  cohésion  des  particules  de  la 
goutte  tend  à prévenir  cette  extension,  et  la  résultante  de  ces  forces 
est  une  figure  que  M.  Tomlinson  considère  comme  définie  pour  chaque 
sorte  de  liquide.  La  figure  ainsi  produite  porte  le  nom  de  figure  de 
Cohésion.  Il  est  nécessaire  de  faire  un  grand  nombre  d’expériences 
soigneuses  avec  des  matériaux  d’une  pureté  incontestable,  pour  arriver 
à démontrer  la  possibilité  d’appliquer  cette  méthode  de  recherche 
h l’huile  d’olive.  D’après  les  figures  données  par  M.  Tomlinson,  nous 
craignons  qu  il  n’y  ait  guère  d’espoir  de  pouvoir  l’appliquer  à la  re- 
cherche de  l’huile  de  sésame,  à moins  que  cette  dernière  n’existe  en 
très-forte  proportion. 

Autant  que  nous  pouvons  en  juger  d après  nos  propres  expériences, 
les  moyens  que  nous  venons  d’indiquer  pour  essayer  l’huile  d’olive  (et 
il  en  est  plusieurs  autres  que  nous  n’avons  pas  mentionnés)  ne  sont 
utiles  que  dans  les  cas  où  la  falsification  est  considérable  et  sont  tout 
à fait  insuffisants  pour  découvrir  le  mélange  d’une  petite  quantité  d au- 
tres huiles  avec  1 huile  d olive.  On  peut  juger  du  peu  de  valeur  qu’on 
leur  accorde  parce  fait  que  la  Chambre  de  commerce  de  Nice  (2)  a pro- 
posé récemment  une  récompense  de  15000  francs  pour  tout  procédé 


(1)  Phanm.  Joarn.,  1864,  V,  387,  495,  avec  des  ligures, 
(âj  Annales  de  Chimie  et  de  Physique,  murs  1869,  309. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’OIüGINE  VÉGÉTALE.  07 

simple  et  facile  de  faire  reconnaître  le  mélange  avec  l’huile  d'olive  de 
5 pour  100  au  moins  d’une  autre  huile  de  graines. 


(a)  Les  Olea  Tournefort  ( Instit .,  598,  t.  370)  sont  des  Oléacées  de  la  tribu  des  Oléi- 
nées,  à périanthe  tétramère,  à deux  étamines  exsertes,  à fruit  drupacé  ordinairement 
uniloculaire  et  monosperme  par  avortement. 

L 'Olea  curopœa  L.  ( Spec .,  1 1 ; — Olea  sa- 
liva Hoffmansegg.)  est  un  arbre  toujours 
vert  à coloration  générale  grisâtre,  à branches 
rigides,  blanchâtres.  Les  feuilles  sont  oppo- 
sées, simples,  entières,  à bords  un  peu  réflé- 
chis en  dessous,  lancéolées  ou  ovales-lancéo- 
lées,  mucronées,  courteinent  pédonculées, 
glabres  et  lisses,  vertes  en  dessus  et  grisâtres 
en  dessous,  coriaces,  à nervures  peu  mar- 
quées. Les  fleurs  sont  disposées  en  grappes 
simples  ou  composées,  axillaires,  dressées, 
plus  courtes  que  les  feuilles.  Les  fleurs  sont 
hermaphrodites  et  régulières,  à réceptacle 
convexe.  Le  calice  est  gamosépale,  cupuli- 
forme,  vert,  coriace,  découpé  en  quatre  dents 
courtes  et  arrondies.  La  corolle  est  gamosé- 
pale, à tube  court,  ne  dépassant  guère  le 
calice,  à limbe  divisé  en  quatre  lobes  rota- 
cés,  aigus,  d’un  blanc  jaunâtre,  assez  épais,  Fig.  pjo.  olea  euvopm. 

à préfloraison  valvaire  indupliquée,  alternes 

avec  les  sépales.  L’androcée  se  compose  de  deux  étamines  latérales,  connées  au  tube 
de  la  corolle,  de  même  longueur  que  les  pétales,  à filet  court  et  grêle,  il  anthère 
volumineuse  ovoïde,  basifixe,  biloculaire,  déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales 


Fig.  137.  Olea  europoiu. 
Fleur  entière. 


Fig.  138.  Olea  europxa.  Fleur. 
Coupe  longitudinale. 


Fig.  139.  Olive. 
Coupe  longitudinale. 


extrorses.  L’ovaire  est  il  peu  près  conique,  atténué  en  un  style  cylindrique  qui  se 
divise  en  deux  gros  lobes  stigmatiques  divergents.  Il  est  divisé  en  deux  loges,  l’une 
antérieure,  l’autre  postérieure,  contenant  chacune  deux  ovules  anatropes,  insérés 
dans  l’angle  interne,  descendants,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dedans  et  à 
raphé  dorsal.  L’une  des  loges  avorte  d’ordinaire  complètement  ainsi  que  l’un  des 
ovules  de  celle  qui  persiste.  Le  fruit  est  une  drupe  ovoïde,  elliptique  ou  plus  ou 
moins  arrondie,  il  épicarpe  vert  d’abord,  puis  pourpre  et  presque  noir,  à chair 


68 


ÜLÉACÉliS. 


«ihondante,  gorgée  il  huile,  a noyau  ligneux  dur  et  épais  contenant  d'ordinaire  une 
>lu1i,  gi aine  suspendue,  Celle-ci  renferme  sous  ses  téguments  un  albumen  charnu 
qui  enveloppe  complètement  un  embryon  droit,  formé  de  deux  cotylédons  charnus 
et  d’une  radicule  conique  dirigée  vers  l’extrémité  libre  du  fruit. 

Beaucoup  d’auteurs  admettent  dans  VOlea  europaia  deux  variétés  : 

a.  oleaster,  Olivier  sauvage. 

P.  saliva , Olivier  cultivé. 

Il  est  loi  t probable  que  ces  deux  variétés  ne  sont  dues  qu’à  la  culture.  Les  fruits 
de  la  première  variété  sont  d’ordinaire  plus  petits  et  moins  riches  en  huile,  mais 
cette  dernière  esl  plus  agréable  au  gout  et  se  conserve  davantage  que  celle  des  fruits 
plus  volumineux  de  la.  deuxième  variété.  Les  feuilles  de  la  première  sont  plus  espa- 
(ées,  plus  xertes,  plus  courtes  et  plus  étroites,  ses  rameaux  sont  plus  quadraugu- 
laiies  et  souvent  terminés  par  une  pointe  droite  et  dure  ',  son  écorce  est  plus  lisse  et 
plus  grise. 

L époque  a laquelle  ou  effectue  la  récolte  des  olives  influe  beaucoup  sur  les 
caractères  de  l’huile.  Certains  agriculteurs  conseillent  de  cueillir  les  olives  vers 
mois  de  novembre,  avant  qu’elles  noircissent,  d’autres,  lorsqu’elles  sont  tout  à fait 
mûres.  Les  premières  donnent  une  huile  verte,  les  secondes  une  huile  blanche, 
mais  moins  agréable  au  goût. 

En  b rance,  la  culture  de  1 Olivier  est  limitée  à douze  départements  groupés  de  la 
façon  suivante:  l’Ardèche  et  la  Drôme  sont  les  moins  productifs;  dans  l'Aude  et 
celui  de  Vaucluse  il  est  davantage  cultivé  ; les  Basses-Alpes  viennent  ensuite,  puis 
1 Héiault,  le  Gaid,  les  I yrénées-Orientales,  ou  il  est  beaucoup  plus  commun  ; son 
abondance  augmente  ensuite  graduellement  dans  la  Corse,  les  Bouches-du-Rhône, 
et  enfin  les  Alpes-Maritimes  et  le  Var,  qui  sont  les  plus  productifs  (1). 

En  Espagne,  l’orientation  générale  des  montagnes  de  l’est  à l’ouest  agit  très-puis- 
samment sur  la  culture  de  l’Olivier.  L’arbre  croît  bien  sur  les  pentes  dirigées  vers  le 
sud  et  s y élève  même  a des  altitudes  considérables,  tandis  qu’il  ne  pousse  pas  sur 
les  pentes  dirigées  vers  le  nord.  D’après  M.  D.  J.  H.  Tablada,  l’Olivier  ne  peut  être 
cultivé  en  Espagne  avec  profit  que  dans  les  localités  dont  la  température  moyenne 
est  de  13°  C.  pour  le  printemps,  de  21°  C.  pour  l’été  et  de  14°  C.  pour  l’automne, 
et  où  le  thermomètre  ne  descend  pas  à 0°  en  hiver.  Certaines  variétés  supportent  eu 
outre  des  températures  nuisibles  à d’autres  (2).  [Trad.] 

[b)  M.  Coutance  (3)  figure  et  décrit  les  meules  employées  autrefois  pour  déchirer 
la  pulpe  du  fruit  sans  broyer  le  noyau,  mais  il  ne  fait  nullement  allusion  à l’emploi 
actuel  d’aucun  procédé  de  cette  nature.  11  est  au  moins  probable  que  dans  le  midi  de 
la  France,  où  habite  cet  auteur,  on  broie  partout  l’olive  entière  pour  retirer  à la  fois 
l’huile  du  péricarpe  et  celle  de  l’amande.  [Trad.] 

(c)  Les  olives  vertes  destinées  à être  servies  sur  les  tables  et  qui  dans  le  midi  de 
1 Europe  constituent  une  partie  importante  de  1 alimentation  ont  naturellement  une 
saveur  amère  très-prononcée  qui  empêche  de  les  consommer  directement.  Pour  faire 
disparaître  ce  goût  désagréable,  on  les  fait  macérer  pendant  quelques  jours  dans  une 
lessive  de  cendres  de  bois  ou  parfois  de  cendres  de  noyaux  d’olives,  puis-  on  les  place 
dans  la  saumure  (100  gr.  de  sel  pour  1 000  gr»  d’eau). 


(1)  Coutance,  l 'Olivier,  Paris,  1877,  153. 

(2)  Voy.  Coutance,  loc.  cit .,  156. 

(3)  Luc.  cit.,  283,101. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE, 


09 


APOCYNACÉES 


ÉCORCE  D’ALSTONIA. 


Cortex  Alatoniæ  Sctiolaris  ; nngl..  Alatonia  Car  le  ; allcm..  Jh'tnrmle, 


Origine  botanique.  — Alstonia  (I)  scholaris  R.  Brown  (Ec, hiles  schola- 
ris  L.).  C’est  un  bel  arbre  qui  atteint  plus  de  13  mètres,  et  quelquefois 
jusqu’à  23  à 27  mètres  de  haut  (2),  commun  dans  les  forêts  de  la  pénin- 
sule indienne,  depuis  l’Himalaya  jusqu’à  Ceylan  et  Burma.  On  le  trouve 
aussi  dans  les  Philippines,  à Java,  à Timor,  dans  l’est  do  l’Australie  et 
dans  l’Afrique  tropicale.  Les  feuilles  sont  oblongues,  obovales  ; les  cap- 
sules sont  grêles,  pendantes,  et  atteignent  30  centimètres  ou'davantago 
de  long  (a). 


Historique.  — Rheede  (3),  en  1678,  et  Rumphius  (4),  en  1 741 , ont  décrit 
et  figuré  cet  arbre  et  mentionné  l’usage  fait  de  son 
écorce  par  les  médecins  indigènes.  Rumphius  dit  que 
son  nom  spécifique  scholaris  vient  de  ce  que  son  bois 
à grain  fin  est  employé  pour  faire  des  planches  sur 
lesquelles  on  écrit  comme  sur  les  ardoises  de  nos 
écoles.  Graham  parla  avantageusement  des  propriétés 
toniques  de  son  écorce,  dans  son  Catalogue  of  Bom- 
bay Plants  (1839),  et  elle  fut  recommandée  plus  tard, 
en  1853,  par  le  docteur  Alexandre  Gibson  (5).- Cette 
drogue  a sa  place  dans  la  Pharmacopée  de  l’Inde  de 
1868. 

Description.  — La  drogue,  telle  qu’elle  a été 
présentée  à l’un  de  nous  par  le  Dr  Gibson  et  par 
M.  Broughton  d’Ootacamund,  consiste  en  fragments 
irréguliers  d’écorce  ayant  de  2 à 3 millimètres  d’épais- 
seur. Elle  est  spongieuse  et  se  brise  facilement  ; sa 
cassure  est  grossière  et  courte.  La  surface  externe  est 
très-inégale  et  rugueuse,  brunâtre  ou  gris  foncé,  quel- 
quefois semée  de  taches  blanchâtres.  L’intérieur  et  la  surface  interne 


Fig.  140.  Ecorce 
A Alatonia  Scholaris. 


(1)  Ainsi  nommée  en  l’honneur  do  Charles  Atslon,  professeur  de  botanique  et  de 
matière  médicale  (1740-,17G0)  fi  l’Université  d’Edinburgh. 

(2)  D’après  Brandis  (Far.  Flor.of  centv.  and  wednni  India). 

(3)  Hortus  malabancit.i,  I,  t.  43.  — Wight,  Icônes  Fl.  Ind.  or.,  t.  422. 

(4)  Herb.  Am.b.,  II,  t.  82. 

(3)  Pharm.  Journ.,  1853,  XII,  422. 


70 


APOCYNACÉES. 

<lu  liber  sont  colorés  en  chamois  clair.  Sur  une  section  transversale,  le 
liber  se  montre  traversé  par  de  nombreux  rayons  médullaires  étroits. 
Ciette  écorce  est  presque  inodore,  son  goût  est  simplement  amer,  sans 
Acreté  ni  arôme. 

Structure  microscopique.  — L’écorce  est  revêtue  d’une  couche 
mince  de  suber.  Sa  couche  moyenne  est  composée  de  cellules  parenchy- 
mateuses à parois  minces,  au  milieu  desquelles  sont  dispersées  en  grand 
nombre  d’immenses  cellules  à parois  dures,  épaisses,  formant  des 
groupes  irréguliers  de  couleur  jaune,  visibles  même  à l’œil  nu.  Vers  la 
région  interne,  ces  cellules  pierreuses  disparaissent  et  le  tissu  est  tra- 
versé par  des  rayons  médullaires  onduleux,  dont  les  cellules  sont  rem- 
plies de  petits  grains  d’amidon.  Un  grand  nombre  des  cellules  paren- 
chymateuses du  liber  contiennent  des  cristaux  d’oxalate  de  calcium. 
Sur  une  coupe  longitudinale,  le  liber  montre  des  vaisseaux  laticifères 
larges,  mais  peu  nombreux,  formés  par  des  cellules  ordinaires,  dont 
les  parois  transversales  sont  détruites.  Ces  vaisseaux  sont  remplis 
d’un  latex  brunâtre  concrété,  qui  abonde  dans  toutes  les  parties  de 
l’arbre  [b). 

Composition  chimique.  — Gruppe  (1),  pharmacien  à Manille,  a re- 
tiré de  cette  écorce  une  substance  amère,  incristallisable,  qu’il  nomme 
Dilaïne  (2),  et  à laquelle  il  attribue  les  propriétés  fébrifuges  de  la  drogue. 
D’après  les  recherches  chimiques  faites  sur  l'écorce  d’une  plante  voisine 
d’Australie,  YAlstonia  constricta  F.  Mülleiï,  on  peut  supposer  que  le 
principe  amer  de  YAlstonia  scholaris  n’est  pas  un  alcaloïde.  L’écorce 
australienne  analysée  par  Palm,  dans  le  laboratoire  de  Wittstein  (3), 
donna  un  corps  résineux,  amorphe,  amer,  soluble  dans  l'alcool,  mais 
très-peu  soluble  dans  l’éther  et  l’eau,  une  huile  essentielle  à odeur 
camphrée,  et  une  substance  tannique,  colorée  en  vert  par  les  sels  de  fer. 
Palm  s’assura  que  le  principe  amer  n’était  pas  une  base.  L’écorce  aus- 
tralienne, dont  un  échantillon  a été  présenté  à l’un  de  nous  par  le  doc- 
teur Wittstein,  est  tout  à fait  différente  parles  caractères  anatomiques 
de  celle  de  YAlstonia  scholaris  (4). 


(1)  Zeitschrift  des  Œsterreich.  Apoth.-Vereins,  1873,  219. 

(2)  De  Dita,  nom  de  l’arbre  dans  l’ile  de  Luzon. 

(3)  Viertelj ahresschrift  für  prakt.,  1863,  XII,  161. 

(4)  MM.  Hesse  et  Jobst  (in  Annalcn  der  Chemie,  178,  1876,  49)  viennent  de  con- 
stater la  présence,  dans  l’écorce  de  YAlstonia  scholaris,  de  deux  alcaloïdes,  la  Ditamine, 
soluble  dans  l’éther,  et  la  Ditaine,  qui  se  dissout  dans  l’eau,  mais  pas  dans  l’éther. 
L’écorce  contient  de  plus  un  acide  huileux,  deux  substances  amorphes,  YEehicaout 
chine,  CS8HwO*,  et  VÉchirétine  C^II5C01 2 3 4,  dont  la  solution  dans  l’éther  est  dextrogyre; 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  7J 

Usages.  — L’écorco  d’Alstonia  a été  recommandée  comme  tonique  et 
antispériodique,  mais  ollo  n’a  pas  encore  été  employée  en  Europe  (I). 

(a)  Les  Alslonia  R.  Brown  (in  Mem.  Wern.  Soc.,  I,  75)  sont  des  Apocynacées,  de  la 
tribu  des  Plumériées,  à feuilles  vertieillées  ou  opposées,  à calice  dépourvu  d’écailles 
et  de  glandes,  à.  corolle  dépourvue 
de  couronne,  à étamines  incluses  ; 
à gynécée  formé  de  deux  carpelles 
distincts  dans  la  portion  ovarienne, 
multiovulés,  à fruit  formé  de  deux 
follicules  linéaires. 

L 'Alslonia  scholaris  R.  Brown 
(in  Mem,  Wern.  Soc.,  I,  75)  est  un 
grand  arbre  glabre,  dont  les  inflores- 
cences seules  sont  velues.  Les  feuilles 
sont  vertieillées  en  nombre  variable  (/ 
entre  cinq  et  sept.  Elles  sont  sim- 
ples, entières,  coriaces,  luisantes  en 
dessus,  opaques  et  pâles  en  dessous, 
oblongues  ou  obovales-oblongues, 
obtuses,  rarement  aiguës,  atténuées 
à la  base  en  un  pétiole  court,  munies 
de  nervures  secondaires  pennées, 
nombreuses,  transverses  et  parallè- 
les. Les  fleurs,  colorées  en  blanc 
grisâtre,  sont  relativement  petites  et 
disposées  en  panicules  de  cvmes 
ombelliformes  disposés  dans  Fais- 
selle des  verticilles  terminaux  des 
feuilles.  Le  calice  est  gamosépale, 
pubescent,  à tube  obeonique,  court, 
découpé  en  cinq  petites  dents.  La 
corolle  est  gamosépale  et  pubescente 
comme  le  calice,  h tube  cylindri- 
que et  a limbe  formé  do  cinq  lobes  plus  courts  que  le  tube,  étalés.  L’androcée 
est  formé  do  cinq  étamines  à filets  courts  insérés  sur  la  gorge  de  la  corolle  en  alter- 
nance avec  les  lobes,  à anthères  biloculaires  introrses,  déhiscentes  par  deux  fentes 
longitudinales.  Le  gynécée  se  composo  do  deux  carpelles  libres  dans  la  portion 

liesse  et  Jobst  ont  enfin  isolé  de  i’écorce  en  question,  les  trois  substances  suivantes 
eristallisables  : 1 ’Êchicérine  C®°H«0®,  VÉchitine  et  1 ’Êchitéine  C43H70O2  ; elles 

sont  dextrogyres  toutes  les  trois. 

Ces  trois  substances  paraissent  être  très-voisines  de  plusieurs  principes  également 
eristallisables  que  l'on  a découverts  dans  le  latex  d’autres  plantes,  par  exemple  dans 
celui  du  Cynanchum  acutum  L.,  du  Galactodendron  utile  Kuntii,  du  Lactuca  virosa 
L.,  de  l’ Euphorbia  resinifera  Berg,  de  YAntictris  toxicaria  Leschenault.  — Ces  sub- 
stances, produites  toutes,  autant  que  l’on  peut  en  juger,  dans  des  vaisseaux  laticifôres, 
méritent  une  étude  d’ensemble  approfondie.  [P.  A.  F.] 

(1)  On  Fa  récemment  préconisée  ii  outrance  à Manille  comme  substitutif  de  la 
quinine. 


Fig,  141.  Ecorce  A'Alstonia  scholaris. 
Coupe  transversale. 


72 


ASCLÜPIADACÉES. 

ovarienne,  velus,  surinonjés  d’un  style  cylindrique  que  termiue  un  stigmate  renflé 
en  boule.  Chaque  loge  contient  un  nombre  indéfini  d’ovules  nnnfropes,  insérés  dans 
1 angle  interne.  Le  fruit  consiste  en  deux  follicules  grêles,  allongés,  distincts,  con- 
tenant. un  grand  nombre  de  petites  graines  oblongues,  comprimées,  peltées,  cou- 
vertes sur  le  bord  de  longs  poils,  et  contenant  un  albumen  peu  abondant  et  un 
embryon  à radicule  supère  et  il  cotylédons  oblongs,  aplatis.  [Trad. | 

[b)  Ainsi  que  le  montre  la  figure  I il,  l’écorce  (Y  Alslonia  offre  de  dehors  en  dedans  : 
1°  une.  couche  de  subor  a,  formée  de  petites  cellules  tabulaires,  aplaties,  à parois 
minces  sèches  et  brunes  ; 2°  une  couche  de  cellules  sclérenchymateuses  b,  de  môme 
forme  que  les  précédentes,  mais  se  distinguant  par  des  parois  épaisses,  dures,  jau- 
nâtres, fortement  ponctuées.  Le  bord  inférieur  de  cette  zone  est  ordinairement  ir- 
régulier; 3°  un  parenchyme  cortical  épais,  c,  c,  formé  en  majeure  partie  de  cellules 
à parois  minces  allongées  tangentiellement.  Dans  l’épaisseur  de  cette  zone  sont  dis- 
tribués des  groupes,  d,  J,  de  grandes  cellules  sclérenchymateuses  à contours  irré- 
guliers, à parois  épaisses,  jaunâtres,  ponctuées,  à cavité  parfois  très-réduite.  Vers  la 
partie  interne  du  parenchyme  cortical  sont  dispersés  des  éléments  prosenchvmateux, 
p,  o,  fusiformes,  à contours  elliptiques  sur  la  coupe  transversale,  à cavité  capillaire 
et  à parois  très-épaisses  offrant  de  nombreux  cercles  concentriques  qui  répondent  à 
des  couches  de  densité  différente  ; 4°  un  liber  formé  en  majeure  partie  de  paren- 
chyme à parois  épaisses  entremêlées  de  fibres  à parois  peu  épaisses  et  contenant 
de  nombreux  vaisseaux  laticifères  qui,  sur  des  coupes  longitudinales,  se  mon- 
trent fréquemment  anastomosés  et  contiennent  un  latex  blanchâtre  granuleux, 
[Trad.] 


ASCLÉPTADACÉES 

RACINE  D’HEMIDESMUS. 

Jtadix  Bemidesmi;  angl.,  Hemidesmus  liant,  IVitnnari  liant,  ïndian  Sarsaparilla. 


Origine  botanique,  — Hemidesmus  indicus  R.  Brown  ( Periploca  in- 
dic.a  Willd. , Asclepias  pseudo-sarsa  Roxb.).  C’est  un  arbuste  sarmenteux, 
répandu  dans  toute  la  péninsule  Indienne  et  à Ceylan.  Les  feuilles  sont 
très-dissemblables,  les  inférieures  étant  étroites  et  lancéolées,  tandis 
qu’elles  sont  larges  et  ovales  sur  les  branches  supérieures  (a). 

Historique.  — La  racine  do  cette  plante  est  depuis  longtemps  em- 
ployée en  médecine,  dans  les  parties  méridionales  de  l’Inde  (1),  sous  le 
nom  de  Nannârî  ou  Ananto-mül.  Ashburner,  en  1831,  attira  le  premier 
l’attention  des  médecins  européens  sur  ses  propriétés  médicinales  (2). 

(1)  La  racine  indienne  figurée  par  Acosta  ( Troctado  de  las  Drogas de  las  Indias 

Orientales,  1578,  c.  lv),  sous  le  nom  de  Palode  Culebra , ressemble  beaucoup  à la  drogue 
en  question.  Il  la  décrit  aussi  comme  ayant  une  odeur  douce  de  mélilot.  Il  dit  que  la 
plante  est  nommée,  en  canarese,  Buda  Sali.  Cette  figure  est  reproduite  dans  la  tra- 
duction d’Antoine  Colin,  mais  non  dans  celle  de  Clusius. 

(2)  Land.  Med.  and  Phys.  Journal,  LXV,  189. 


73 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

En  1864,  elle  fut  admise  dans  la  Pharmacopée  anglaise,  mais  son  effi- 
cacité n’a  guère  été  mise  en  relief. 

Description  (I).  — La  racine  d’Hémidesmus  se  présente  en  fragments 
de  15  centimètres  ou  davantage  de  long.  Elle  est  cylindrique,  tortueuse, 
sillonnée  dans  le  sens  de  la  longueur,  épaisse  de  5 à 15  millimètres,  le 
plus  souvent  simple  ou  munie  de  quelques  minces  radicules.  Elle  émet 
des  tiges  aériennes  ligneuses,  grêles,  ramifiées,  épaisses  de  6 millimè- 
tres ou  même  moins.  Elle  est  colorée  entièrement  en  brun  foncé,  par- 
fois avec  des  reflets  gris  violacés  clairs,  visibles  surtout  au  soleil.  Cette 
racine  est  dure.  Sur  une  section  transversale,  elle  offre  une  couche  ex- 
térieure corticale  blanchâtre,  brunâtre  ou  légèrement  violette,  n’ayant 
pas  plus  de  2 millimètres  d’épaisseur,  et  un  cylindre  ligneux  jaunâtre, 
séparé  de  l’écorce  par  une  ligne  foncée,  ondulée,  de  tissu  cambial.  Dans 
les  gros  fragments,  ni  le  bois,  ni  l’écorce  n’offrent  de  structure  radiée  ; 
dans  ceux  qui  sont  plus  minces,  la  partie  ligneuse  montre  des  rayons 
médullaires.  La  partie  intérieure,  qui  est  très-mince,  se  sépare  facile- 
ment de  l’écorce,  qui  est  fréquemment  marquée  de  larges  crevasses 
transversales.  La  racine  exhale  à l’état  frais  et  sec  une  odeur  faible, 
mais  agréable,  analogue  à celle  de  la  fève  tonka  et  du  mélilot.  La  ra- 
cine sèche  a une  saveur  sucrée  mélangée  d’un  peu  d’âcreté.  Les  tiges 
sont  presque  insipides  et  inodores.  La  racine  qu’on  trouve  sur  le  marché 
anglais  est  souvent  de  très-mauvaise  qualité. 

structure  microscopique.  — Le  tissu  cortical  tout  entier  est  formé 
d’un  parenchyme  uniforme,  dans  lequel  on  ne  peut  distinguer  ni  liber,  ni 
rayons  médullaires,  ni  mésophlœum.  Cependant,  à l’aide  d’une  section 
longitudinale,  on  peut  voir  quelques  vaisseaux  laticifères  allongés,  rem- 
plis d’un  suc  laiteux  concrété,  incolore.  Sur  une  coupe  transversale,  ils  se 
montrent  répandus  irrégulièrement  dans  l’écorce,  surtout  dans  ses 
couches  internes,  mais  leur  nombre  n’est  même  en  ce  point  que  peu 
considérable.  Ils  ont  fréquemment  30  millièmes  de  millimètre  de  dia- 
mètre et  ne  sont  pas  ramifiés.  Le  bois  est  traversé  par  de  petits  rayons 
médullaires,  visibles  seulement  sur  les  coupes  longitudinales.  Le  tissu 
parenchymateux  de  la  racine  est  rempli  de  gros  grains  ovoïdes  d’ami- 
don. On  n’y  trouve  guère  de  matière  tannique,  si  ce  n’est  dans  les  cou- 
ches subéreuses  extérieures. 

Composition  chimique,  — GeLtc  racine  n’a  été  soumise  à aucun  exa- 
men chimique  sérieux.  Son  goût  et  son  odeur  ne. paraissent  pas  dus  à 

(I)  Elle  est  tracée  d’après  d’excellents  échantillons  qui  nous  ont  été  obligeamment 
envoyés  de  l’Inde  par  le  docteur  L.  W.  Stewart  et  par  M.  Broughton. 


7i  ASCLÜPIADACÉES. 

une  huile  essentielle,  autant  du  moins  qu’on  peut  en  juger  par  l’examen 
microscopique.  Tl  est  plus  probable  qu’on  doit  les  attribuer  à un 
corps  appartenant  au  même  groupe  que  lacuinarinc.  D’après  Scott  (1), 
cette  racine  donne,  par  simple  distillation  avec  l’eau,  un  stéréaptène, 
qui  est  probablement  la  substance  obtenue  par  Garden,  en  T 837,  et  con- 
sidérée comme  un  acide  volatil. 

Usages.  — Cette  drogue  est  considérée  comme  altérante,  tonique, 
diurétique  et  diaphonique  ; mais  elle  est  rarement  employée,  du  moins 
en  Angleterre. 

(a)  Les  ffemidesmus  R.  Brown  (in  Mem.  Wern.  Soc.,  1,  30]  sont  des  Asclépia- 
dacées,  de  la  tribu  des  Périplocées,  à corolle  rotacée  et  volvaire,  à couronne  formée 
de  cinq  écailles  fixées  à la  corolle. 

L ’Hemidesmus  indicus  R.  Br.  (in  Hort.  Kew.,  Il,  7o)  est  une  plante  tomenteuse, 
diffuse,  ligneuse,  dont  la  tige  à peu  près  lisse,  ne  dépasse  pas  d’ordinaire  le  diamètre 
d’une  plume  d’oie.  Les  feuilles  sont  opposées,  courtement  pédonculées,  dimorphes. 
Celles  des  jeunes  pousses  qui  naissent  des  vieilles  souches  et  rampent  sur  le  sol  sont 
linéaires,  aiguës  et  striées  de  blanc  sur  le  milieti  de  la  face  inférieure  ; celles  des 
parties  supérieures  et  des  vieilles  branches  sont  d’ordinaire  larges,  lancéolées,  par- 
fois ovales  ou  ovoïdes  ; toutes  sont  entières,  lisses,  luisantes,  coriaces,  très-variables 
en  taille.  Elles  sont  accompagnées  de  stipules  latérales,  caduques,  petites.  Les  fleurs 
sont  disposées  en  grappes  axillaires  et  sessiles.  Elles  sont  petites,  vertes  en  dehors, 
pourpre  foncé  en  dedans.  Le  calice  est  gamosépale,  à cinq  lobes  aigus,  pourvu  do 
glandes.  La  corolle  est  gamosépale,  rotacée,  à cinq  lobes  oblongs,  pointus,  rugueux; 
elle  est  munie,  au  niveau  de  la  gorge,  de  pinq  écailles  obtuses  insérées  au-dessous 
des  sinus.  L’androcée  est  formé  de  cinq  étamines  à filets  connés  au  tube  de  la  corolle 
et  connés  entre  eux  à la  base,  distincts  dans  le  haut  ; à anthères  cohérentes  entre 
elles,  dépourvues  de  barbes,  non  bifurquées  à l’extrémité  supérieure,  à deux  loges 
introrses,  déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Le  pollen  est  granuleux,  disposé 
en  masses,  attachées  dans  chaque  loge  en  deux  à des  appendices  dilatés,  cuculliformes 
des  corpuscules.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  à deux  loges  surmonté  d’un 
style  à stigmate  aplati,  dépourvu  de  pointe.  C.haque  loge  ovarienne  contient  un 
nombre  indéfini  d’ovules  anatropes  insérés  dans  l’angle  interne.  Le  fruit  consiste 
en  deux  follicules  cylindriques,  très-divariqués,  lisses,  allongés  et  grêles,  contenant 
de  nombreuses  graines  chevelues.  Celles-ci  renferment,  dans  un  albumen  charnu,  un 
embryon  axile,  à radicule  supère.  [Trad.] 


ÉCORCE  DE  MUDAR. 

Cortex  Mudar  ; Cortex  Calotropidis  ; Ecorce  de  racine  de  Mudar;  nngl.,  Mudar. 

Origine  botanique.  — La  drogue  dont  nous  allons  parler  est  fournie 
par  deux  espèces  très-voisines  de  Calotropis  (a),  qui  occupent  une  situa- 


(1)  Pharmacopœia  of  India,  457;  Chem.  Gazette,  1843,  378. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  75 

tion  géographique  un  peu  différente,  mais  qui  ne  sont  pas  distinguées 
l’une  de  l’autre  dans  les  idiomes  de  l’Inde.  Ges  plantes  sont  : 

1°  Calotropis  procura  R.  Brown  {C.  Hamiltonii  Wight).  C’est  un  grand 
arbuste,  haut  de  lm,80  ou  davantage,  à feuilles  d’un  vert  foncé,  oppo- 
sées, ovales,  laineuses  en  dessous,  riches  en  suc  laiteux  âcre.  Il  est 
originaire  des  parties  sèches  de  l’Inde,  notamment  du  Deccan,  des  pro- 
vinces supérieures  du  Bengale,  du  Punjab  et  du  Sind,  mais  il  est  tout 
à fait  inconnu  dans  les  provinces  méridionales.  Il  s’étend  en  Perse, 
en  Palestine,  dans  la  péninsule  Sinaïtique,  en  Arabie,  en  Egypte,  en 
Abyssinie,  dans  les  oasis  du  Sahara  et  du  Soudan  et  dans  la  région  du 
grand  lac  Tsad  (Nachtigal,  1877).  Il  a été  récemment  naturalisé  dans 
les  Indes  Occidentales. 

2 0 Calotropis  gigantea  R.  Brown  ( Asclepias  gigantea  Willden.).  C’est 
un  grand  arbuste  dressé,  haut  de  2 à 3 mètres  ; sa  tige  atteint  la  gros- 
seur de  la  cuisse  d’un  homme  (I).  Cette  espèce  ressemble  beaucoup  a 
la  précédente.  Elle  est  indigène  des  parties  basses  du  Bengale,  du  sud 
de  l’Inde,  de  Ceylan,  de  la  péninsule  malaise  et  des  Moluques. 

Les  deux  espèces  sont  très-communes  dans  les  terres  incultes  de  leurs 
aires  respectives  (2). 

Historique.  — Le  Mudar  est  fréquemment  mentionné  dans  les  écrits 
de  Susruta  et  doit,  par  conséquent,  avoir  été  employé  dans  l’Inde  avant 
l’ère  chrétienne.  Il  était  bien  connu  aussi  des  médecins  arabes  (3). 

Le  Calotropis  procera  fut  observé  en  Egypte  par  Prosper  Alpinus 
(1380-1584),  qui  le  figura  à son  retour  en  Italie  et  donna  quelques  ren- 
seignements sur  ses  propriétés  médicinales  (4). 

Le  Calotropis  gigantea  fut  figuré  par  Rheede  (5),  en  1679,  et  de  nos 
jours  par  Wight  (6). 

Les  propriétés  médicinales  du  Mudar,  quoique  très-estimées  depuis 
longtemps  par  les  indigènes  de  l’Inde,  ne  furent  pas  étudiées  expéri- 

(1)  D’où  le  nom  spécifique  gigantea. 

(2)  Les  différences  botaniques  qui  existent  entre  les  deux  espèces  peuvent  être  résu- 
mées de  la  façon  suivante  : 

C.  procera  : corolle  cupuliforme,  h.  pétales  un  peu  dressés  ; bourgeons  floraux  sphé- 
riques; appendices  de  la  corolle  terminés  par  une  pointe  dressée,  dirigée  vers  le  haut. 

C.  gigantea  : corolle  étalée,  à bourgeons  floraux  coniques  ou  oblongs,  mousses  ; ap- 
pendices de  la  corolle  arrondis. 

(3)  Ibn-Baytiiau,  trad.  de  Sontheimer,  1842,  II,  193. 

(4)  De  Plantis  Ægypti,  Venet,.,  1592,  c.  25. 

(5)  H or  tus  malabaricus,  II,  t.  31. 

(C)  Illustrations  of  Inclian  liotang,  Madras,  1850,  II,  t.  155.  — Le  C.  procera  est 
figuré  par  le  même  auteur  dans  ses  Icônes  plantarum  Indiæ  orientalis,  IV,  t.  1278. 


70 


ASCLÉPIÀDACÉES. 

mentalement  par  les  Européens  avant  notre  siècle.  Playfair  recommanda 
alors  cette  drogue  contre  l’éléphantiasis.  Ses  bons  effets  furent  ensuite 
signalés  par  Vos  (1826),  Cumin  (1827)  et  Duncan  (1829).  Ce  dernier  mé- 
decin fit  aussi  des  recherches  chimiques  sur  l’écorce  de  la  racine,  dont 
il  attribua  l’action  à une  matière  extractive  qu’il  nomma  Mudarine  (I). 

Description.  — L’écorce  de  la  racine  du  Calotropis  procera,  telle  que 
nous  l’avons  reçue  (2),  consiste  en  fragments  courts,  arqués,  pliés  en  gout- 
tière, ou  presque  plats,  épais  de  3 à 5 millimètres.  Elle  est  revêtue 
d’une  couche  de  suber  spongieux,  épais,  d’un  gris  jaunâtre,  plus  ou 
moins  fendillé  dans  la  longueur,  et  fréquemment  détaché  de  l’écorce 
moyenne.  Celle-ci  est  formée  d’un  tissu  blanc,  farineux,  traversé  par 
d’étroits  rayons  de  liber  brunâtres.  L’écorce  est  cassante  et  facilement 
pulvérisable  ; son  goût  est  mucilagineux,  amer,  âcre  ; elle  n’a  pas 
d'odeur  particulière.  Certains  fragments  portent  des  débris  d’un  bois  fi- 
breux, coloré  en  jaune  clair. 

Les  racines  du  Calotropis  gigantea  sont  recouvertes  d’une  écorce  qu’il 
ne  paraît  pas  possible  de  distinguer  de  celle  du  Calotropis  procera , dont 
nous  venons  de  parler.  Le  bois  de  la  racine  est  formé  d’un  tissu  poreux, 
jaune  pâle,  offrant  de  larges  faisceaux  vasculaires  et  de  nombreux 
rayons  médullaires  très-petits,  formés  d’une  à trois  rangées  de  cellules 
qui  n’offrent  rien  de  particulier  (3). 

Structure  microscopique.  — Dans  l’écorce  de  la  racine  du  Calotropis 
procera , la  couche  subéreuse  est  formée  de  grandes  cellules  à parois 
minces,  polyédriques,  ou  presque  cubiques.  La  couche  corticale 
moyenne  est  formée  d’un  parenchyme  uniforme,  rempli  de  gros  grains 
d’amidon,  et  offrant  çà  et  là  quelques  cellules  à parois  épaisses  (sclé- 
renchymateuses)  et  des  touffes  d’oxalate  de  calcium.  Les  larges  rayons 
médullaires  sont  formés  des  cellules  ordinaires  à parois  ponctuées,  rem- 
plies d’oxalate  de  calcium  et  d’amidon.  Sur  une  coupe  longitudinale,  le 
tissu  de  la  portion  médiane  de  l’écorce  se  montre  parcouru  de  nom- 
breux vaisseaux  laticifères,  remplis  d’un  suc  brunâtre,  granuleux,  inso- 
luble dans  la  potasse  (4).  Les  caractères  microscopiques  de  l’écorce  de 

(1)  E clin  b.  Med.  and  Surg.  Jour.,  1829,  XXXII,  60. 

(2)  Nous  en  devons  un  échantillon  authentique  au  docteur  E.Burton  Brown,  deLahore. 

(3)  Les  racines  du  C.  gigantea  qui  ont  été  envoyées  h l’un  de  nous  par  le  docteur  Bi- 
die,  de  Madras,  consistent  en  tronçons  ligneux,  ayant  de  1 à 5 centimètres  de  diamètre. 

(4)  C’est  évidemment  dans  le  but  de  faire  conserver  le  latex  que  la  Pharmacopée 
île  l’Inde  prescrit  de  n’enlever  l’écorce  des  racines  que  lorsqu’elles  sont  a demi  sèches. 
Moodeen  SherifT  fait  remarquer  que  le  C.  gigantea,  quoique  fréquemment  employé  en 
médecine,  n’est  pas  vendu  dans  les  bazars,  sans  doute  parce  que  la  plante  se  trouve 
partout  ?i  l’état  sauvage  et  peut  être  recueillie  fi  volonté. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  77 

la  racine  du  Ccilotropis  gigantea  sont  les  mêmes.  La  tige  des  Calolropis 
se  distingue  par  de  fortes  fibres  libériennes  qu’on 
ne  trouve  pas  dans  la  racine. 

Composition  chimique.  — En  suivant  le  pro- 
cédé indiqué  par  Duncan,  200  grammes  d’écorce 
pulvérisée  de  Ccilotropis  gigantea  ne  nous  ont 
fourni  aucun  corps  semblable  à sa  mudarine , mais 
seulement  2b',4ü  d’une  résine  âcre,  soluble  dans 
l’éther  et  dans  l’alcool.  Sa  solution  dans  l’alcool 
rougit  le  tournesol.  Sa  solution  éthérée  aban- 
donne par  l’évaporation  la  résine  sous  forme 
d’une  masse  presque  incolore.  En  séparant  le 
liquide  aqueux  de  la  résine  brute,  et  ajoutant 
une  grande  quantité  d’alcool  absolu,  on  déter- 
mine la  production  d’un  abondant  précipité  de 
mucilage.  Le  liquide  contient  alors  un  principe 
amer  qui,  après  une  concentration  convenable, 
peut  être  séparé  au  moyen  de  l’acide  tannique. 

Nous  avons  obtenu  des  résultats  semblables 
en  épuisant  l’écorce  du  Calotropis  procera  avec 
de  l’alcool  dilué.  Le  composé  tannique  du  prin- 
cipe amer  fut  mélangé  avec  du  carbonate  de 
plomb,  séché,  et  ensuite  bouilli  avec  de  l’esprit- 
de-vin.  Ce  dernier,  en  s’évaporant,  abandonna 
unq  substance  amorphe,  très-amère,  insoluble 
dans  l’eau,  mais  facilement  soluble  dans  l’alcool 
absolu.  Cette  solution  n’est  pas  précipitée  par 
une  solution  alcoolique  d’acétate  de  plomb.  En  purifiant  le  principe 
amer  par  le  chloroforme  ou  l’éther,  nous  l’obtînmes  enfin  incolore. 

Cette  substance  amère  constitue  probablement  le  principe  actif  des  Ca- 
lotropis; nous  nous  sommes  assurés  à l’aide  des  procédés  ordinaires  qu’il 

n’existe  dans  la  drogue  aucun  alcaloïde.  La  tige  des  Calotropis  devrait 
être  mieux  étudiée  ( J ). 

Usages.  Le  Mudar  est  un  tonique  altérant  et  diaphorétique;  à 
haute  dose  il  est  émétique.  Les  indigènes  de  l’Inde  l’emploient  dans  les 
maladies  vénériennes  et  cutanées  ; ils  utilisent  presque  toutes  les  parties 
de  la  plante.  D après  Moodeen-Sheriff,  l’écorce  de  la  racine  et  le  suc 


Fig.  142.  Ecorco  do  Mudar. 
Coupc  transversale.  — a,  su- 
ber;  b,  parenchyme  cortical, 
avec  des  laticifères  ; c,  liber  ; 
d,  cambium  ; e,  bois. 


fl)  Un  pourra  y rechercher  1 ’Asclépione  de  List,  Gmblin,  Chem.,  XVH,  3üS. 


78  ASCLÉPIADACÉËS. 

laiteux  desséché  sont  les  parties  les  plus  efficaces  (1).  L’action  de  ce 
dernier  est  cependant  un  peu  irrégulière  et  dangereuse.  Le  même  écri- 
vain fait  remarquer  que  l’action  de  l'écorce  est  d’autant  plus  éner- 
gique, que  la  plante  est  plus  âgée.  11  recommande  d’enlever  la  couche 
subéreuse  qui  est  inerte  et  sans  goût,  avant  de  pulvériser  l’écorce. 
AO  à 50  grains  de  la  poudre  ainsi  préparée,  suffisent  pour  provoquer 
les  vomissements. 

La  tige  du  Calotropis  gujanteaïowriù  d’excellentes  fibres  qui  peuvent 
servir  à faire  un  fil  très-bon  pour  la  couture  ou  le  tissage  (2). 


(a)  Les  Calotropis  R.  Brown  (in  Mèm.  Wern.  Soc.,  I,  39)  sont  des  Asclépiadueées 
de  la  tribu  des  Cynanchées,  à corolle  légèrement  campanulée  ; îi  couronne  stami- 
nale  formée  de  cinq  appendices  écailleux,  charnus,  adnés  au  tube  des  étamines, 
munis  d’un  court  éperon  recourbé  en  haut;  à anthères  terminées  par  une  mem- 
brane. 

Le  Calotropis  gigantea  R.  Brown  (in  Horl.  Kew.,  éd.  2,  II,  79)  est  un  petit  arbre 
à feuilles  opposées,  décussées,  subsessiles,  embrassantes,  larges,  obovales,  longues 
de  10  à lo  centimètres,  munies  de  poils  sur  la  portion  de  la  face  supérieure  qui 
touche  au  pétiole,  à peu  près  lisses  dans  le  reste  de  cette  face,  couvertes  sur  la  face 
inférieure  de  poils  blancs  et  laineux.  Les  jeunes  pousses  sont  également  couvertes 
de  poils  laineux,  mous  et  blancs.  Les  Heurs  sont  disposées  en  cymes  ombelliformes, 
simples  ou  composées,  insérées  alternativement  entre  les  paires  de  feuilles  opposées 
et  atteignant  la  moitié  de  la  longueur  de  ces  dernières.  Elles  sont  grandes,  belles, 
panachées  de  rose  et  de  pourpre.  Le  réceptacle  est  convexe,  en  forme  de  cône 
surbaissé.  Le  calice  est  gamosépale,  divisé  en  cinq  lobes  profonds.  La  corolle 
ii  plus  de  6 centimètres  de  diamètre  ; elle  est  gamopétale,  a tube  légèrement  cam- 
panulé,  anguleux,  et  à limbe  formé  de  cinq  lobes  étalés,  oblongs,  obtus,  réfléchis 
à la  pointe  ; les  angles  du  tube  corollaire  sont  creusés  en  sac  intérieurement  ; la  co- 
rolle est  munie  au  niveau  de  la  gorge  d’appendices  arrondis.  L’androcée  est  fqrnie 
de  cinq  étamines  dont  les  anthères  sont  appliquées  contre  le  stigmate  et  terminées 
chacune  par  un  appendice  membraneux.  La  couronne  est  formée  de  cinq  appendices 
plus  longs  que  la  colonne  staminale,  étroits,  couverts  de  poils.  Les  masses  polli- 
niques  sont  comprimées,  pendantes,  iixées  par  une  caudicule  grêle.  Le  gynécée  est 
formé  de  deux  ovaires  à deux  loges  pluriovulées,  à stigmate  dépourvu  de  pointe  ter- 
minale. Le  fruit  se  compose  de  deux  follicules  ventrus,  lisses,  polyspermes. 

Le  Calotropis  procera  R.  Brown  (in  Hort.  Kcw.,  ed.  2,  II,  78)  se  distingue  par 
les  dimensions  beaucoup  moins  considérables  de  sa  tige  qui  est  couverte  de  poils  : 
sa  fleur  plus  petite  ; sa  corolle  pourpre,  bordée  de  blanc  sur  la  face  supérieure  et 
argentée  en  dessous  ; campanulée,  à lobes  dressés  ; les  appendices  de  la  couronne 
pas  plus  longs  que  la  colonne  staminale,  presque  aussi  larges  que  longs,  ordinaire- 
ment glabres;  ses  feuilles  cordées  obovales  ou  obovales-oblongues,  sessiles  ou  sub- 
sessiles. 


(1)  Supplément  to  the  Pharmacopœia  of  India,  Madras  18(,9r  364.  Pour  plus  de 
détails  sur  l’emploi  thérapeutique  du  Mudar,  voyez  aussi  Pharm.  of  Incita,  4a8. 

(2)  Dru  R y,  Une  fui  Plants  of  India,  2°  édit.,  1873,  101. 


HISTOIRE  UES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 


79 


FEUILLES  DE  TYLOPHORA. 

l'olia  Tylophoræ  ; Country  or  Indian  Ipecacuanha. 


Origine  botanique.  — Tylophora  asthmaticci  Wight  et  Arnott  ( Ascle - 
puis  asthmatica  Roxb.).  G’est  une  plante  vivace,  sarmenteuse,  commune 
clans  les  terrains  sablonneux  de  la  péninsule  indienne  et  naturalisée 
cà  Maurice.  Elle  se  distingue  de  ses  congénères  par  ses  fleurs  rou- 
geâtres ou  d’un  rose  foncé,  et  les  écailles  de  sa  couronne  staminale 
contractées  brusquement  en  une  longue  dent  aiguë  (a). 

Historique.  - L’emploi  de  cette  plante  en  médecine  est  bien  connu 
des  Hindous,  qui  lui  donnent  le  nom  d 'Antamul  et  s’en  servent  avec 
succès  contre  la  dyssenterie.  A la  fin  du  siècle  dernier,  elle  attira  l’at- 
tention de  Roxburgh  (I),  qui  recueillit  plusieurs  observations  sur  l’ad- 
ministration de  sa  racine,  pendant  qu’il  était  médecin  de  l’Hôpital  gé- 
néral de  Madras,  de  1776  à 1 77S.  Elle  fut  aussi  employée,  avec  beaucoup 
de  succès,  à la  place  de  l’ipécacuanha,  par  Anderson,  médécin  général 
de  1 armée  de  Madras  (2).  Plus  récemment,  cette  plante  a été  prescrite 
par  O Shaughnessy,  qui  proclama  la  racine  un  substitutif  excellent  de 
1 ipécacuanha,  lorsqu’elle  est  employée  cà  plus  forte  dose  que  ce  der- 
nier (3).  Kirkpatrick  (4.)  l’administra  dans  une  centaine  de  cas  au  moins, 
et  la  trouva  très-utile.  Il  prescrivait  la  feuille  desséchée,  non-seulement 
parce  qu’il  considérait  son  action  comme  plus  sûre  que  celle  de  Ja  ra- 
cine, mais  encore  parce  que  sa  récolte  n’entraîne  pas  la  perte  de  la 
plante.  Cette  drogue  a été  administrée  dans  l’Inde  par  beaucoup 
d autres  praticiens.  Le  Tylophora  est  également  employé  à Maurice,  où 
il  est  connu  sous  le  nom  d 'Ipéca  sauvage  ou  Ipéca  du  pays.  Il  a sa 
place  dans  la  Pharmacopée  du  Bengale  de  1844,  et  il  se  trouve  dans  la 
Pharmacopée  de  l’Inde  de  1868. 

, Mescr,pt,on  (^)-  Les  leuilles  sont  opposées,  entières,  longues  de  5 
a 12  centimètres,  larges  de  2 à 6 centimètres,  un  peu  variables  dans  la 
oi  me,  ovales  ou  subarrondies,  ordinairement  un  peu  cordées  à la  base, 
courtement  acuminées  ou  presque  mueronées,  coriaces,  glabres  en  des- 

(1  ) Flora  indica,  ed.  Carey,  1832,  II,  33. 

(2)  Flemi Catalogue  of  Indian  Plants  andDrugs,  Calcutta,  1810,  8. 
bu  Henyal  Dispensatory,  1842,  455. 

(lia  Cadras  Exhibition  of  1855,  List  of  Mysore  Druys ; Pharm.  of  In- 


(5)  Tracé  d’après  un  riche  échantillon 
racine,  par  M.  Moodcen  Sherilî,  de  Mad 


qui  nous  a été  offert,  en  même  temps  que  la 
ras. 


80  ASCLÉPI  AD  ÂGÉES. 

sus,  plus  ou  moins  laineuses  en  dessous,  à poils  simples  et  mous.  Le 

pétiole  est  cannelé,  et  long  de  1 a 2 centimètres. 

A l’état  sec,  les  feuilles  sont  épaisses  et  rudes, 
colorées  en  vert  jaunâtre  pâle.  Elles  ont  une 
odeur  herbacée  qui  n’est  pas  désagréable  et  une 
saveur  très-faible  (I). 

Composition  chimique.  — L’infusion  concen- 
trée des  feuilles  a une  saveur  un  peu  âcre. 
L’acide  tannique,  l’acétate  neutre  de  plomb  et 
la  potasse  caustique  y produisent  un  précipite 
abondant,  et  le  perchlorure  de  ter  la  colore  en 
noir  verdâtre.  Broughton  d’Ootacamund  (Inde) 
nous  a informé,  en  1872,  qu  il  avait  retiré  d une 
grande  masse  de  feuilles  une  faible  quantité  de 
cristaux  insuffisante  pour  1 analyse.  Lne  disso- 
lution de  ces  cristaux  injectée  chez  un  petit 

chien,  détermina  des  vomissements  et  de  la  purgation. 

lisages.  - Les  feuilles  de  Tylophora  sont,  comme  nous  l’avons  déjà 
dit,  employées  dans  l’Inde  à la  place  de  l’ipécacuanha,  particulièrement 
dans  la  dysenterie.  La  dose  de  la  poudre  des  feuilles  employée  connue 
émétique  est  de  25  à 30  grains,  comme  diaphonique  et  expectorant 

de  3 à 5 grains. 


Kig.  143.  Feuille 
de  Tylophora,  face  infér. 
Grandeur  naturelle. 


RACINE  DE  TYLOPHORA. 

Radix  Tylophoræ. 

Cette  racine  se  trouve  dans  les  bazars  indiens,  et  a été  employée, 
comme  nous  l’avons  dit,  de  la  même  façon  que  les  feuilles  et  meme 
davantage  qu’elles.  Elle  est  courte,  noueuse,  descendante,  g.osse 
o millimètres  environ.  Elle  émet  deux  ou  trois  tiges  aeriennes  et 
nombre  considérable  de  radicules  filiformes.  Les  racines  ont  souvent 
15  centimètres  ou  davantage  de  long,  et  un  diamètre  d’une  demi-ligne, 
elles  sont  très-cassantes.  La  drogue  entière  est  d un  brun  jaunatic  pa  t , 

elle  n’a  guère  d’odeur,  -mais  son  goût  est  d’abord  un  peu  sucre,  \nu> 
âcre.  Son  aspect  général  rappelle  celui  de  la  valériane,  mais  elle  est  un 
peu  plus  longue  et  plus  vigoureuse. 

Wiüiit,  Icônes  Plantanm  Indue  Orientait s,  1850,  1\ , t 1 • 


SI 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Examinée  au  microscope,  l’enveloppe  parenchymateuse  des  radicules 
se  montre  composée  de  deux  couches,  dont  1 interne  forme  un  petit 
noyau  noueux.  La  portion  externe  est  formée  de  grandes  cellules  rem- 
plies de  grains  d’amidon  et  de  cristaux  d’oxalate  de  calcium.  Les  sels 
de  fer  n’exercent  aucune  action  sur  ses  tissus. 

(a)  Les  Tylophora  R.  Brown  (in  Mem.  Wern.  Soc.,  I,  18)  sont  des  Asclépkula- 
cées  de  la  tribu  des  Marsdéniées,  à corolle  rotacéee  ; à couronne  staminale  formée 
de  cinq  appendices  charnus,  simples  ; à anthères  terminées  par  un  appendice  mem- 
braneux ; à stigmate  non  surmonté  d’une  pointe;  à follicules  lisses  et  fusiformes, 
terminés  en  pointe,  comprimés,  un  peu  anguleux  sur  chaque  face. 

Le  Tylophora  aslhmalica  Wight  et  Arnott  ( Ascl .,  SI)  est  Une  plante  à souche 
vivace,  émettant  plusieurs  tiges  aériennes  sarmenteuses,  grêles,  longues  de  1 m , 80  a 
-i  mètres,  laineuses  dans  les  parties  jeunes.  Les  fleurs  sont  disposées  en  cymes 
ombelliformes  composées,  axillaires,  solitaires  et  alternes,  à pédoncules  laineux. 
Elles  sont  petites,  jaunes.  Leur  calice  est  gamosépale,  muni  en  dedans  de  cinq 
glandes,  et  divisé  en  cinq  lobes  profonds,  lancéolés,  très-aigus.  La  corolle  estrotacée,  a 
cinq  lobes  profonds,  étalés,  ovales,  jaunes,  tachés  d’orange,  tordus  à droite  dans  la 
préfloraisou,  ou  valvaires.  La  couronne  staminale  est  formée  de  cinq  écailles  char- 
nues, adossées  au  tube  staminal,  comprimées  latéralement,  et  plus  ou  moins  gib- 
beuses  dans  le  dos.  L’androcée  est  formé  de  cinq  étamines  fixées  sur  la  gorge  de 
la  corolle,  à filets  connés  en  un  tube  très-court;  à anthères  dressées,  courtes,  sur- 
montées d’un  appendice  membraneux  infléchi,  biloculaires,  introrses,  déhiscentes 
par  deux  fentes  longitudinales,  chaque  loge  contenant  une  seule  pollinie  de  petite 
taille,  globuleuse  ou  ovoïde,  qui  se  rattache  au  corpuscule  par  une  caudicule  presque 
horizontale,  les  loges  étant  situées  à peu  près  à la  hauteur  du  corpuscule.  Le  gyné- 
cée se  compose  de  deux  ovaires  distincts,  surmontés  chacun  d’un  style  également  in- 
dépendant et  d'un  stigmate  pentagonal,  surmonté  d’un  mamelon  muni  à chacun  de 
ses  angles  d’un  corpuscule  glanduleux,  auquel  se  rattachent  les  caudicules  des  pol- 
linies. Les  loges  de  l’ovaire  contiennent  chacune  un  nombre  indéfini  d’ovules  ana- 
tropes,  insérés  dans  l’angle  interne,  et  imbriqués.  Le  fruit  se  compose  de  deux  folli- 
cules écartés  l’un  de  l’autre  et  étalés,  lancéolés,  lisses,  longs  de  8 à 10  centimètres, 
et  ayant  à peu  près  5 centimètres  de  circonférence.  Ils  renferment  chacun  de  nom- 
breuses graines  chevelues,  albuminées,  à embryon  droit,  formé  de  deux  cotylédons 
aplatis  et  d’une  radicule  supère.  [Trad.] 


LOGANIACÉES 

NOIX  VOMIQUE. 

Nux  Vomica;  Scmén  Nucis  vomicæ;  angl.,  Nux  V arnica  ; allem.,  Brechnüsse. 

Origine  botanique.  — Stvychnos  Nux  vomicci  L-  C est  un  arbre  de 
moyenne  taille,  à tige  courte,  épaisse,  souvent  courbée,  et  à fleurs  pe- 
tites, d’un  blanc  verdâtre,  tubuleuses,  disposées  en  corymbes  terminaux. 
Il  est  indigène  des  parties  les  plus  élevées  de  l’Inde,  et  particulièrement 

HIST.  DES  DROGUES,  T.  U.  ' 0 


82 


LOGANIACÉES. 

<lcs  dislricls  voisins  des  côtes.  On  le  trouve  dans  le  Burmah,  dans  le 
royaume  de  Siam,  en  Gochinchine,  et  dans  le  nord  de  l’Australie. 

1( . Muller  (1)  rapporte  le  Strychnos  lucida  R.  Brown  et  le  Strychnos 
ligustnna  Blüme  au  Strychnos  Nux  vomica.  Bentham  (2),  malgré  quelques 
différences,  admet  cette  manière  de  voir. 

L’ovaire  du  Strychnos  Nux  vomica  est  biloculaire  ; mais,  à mesure 
qu  il  avance  vers  la  maturité,  les  cloisons  deviennent  charnues  et  ne 
sont  plus  distinctes.  Le  fruit  est  une  baie  indéhiscente,  du  volume  et  de 
la  foi  me  d une  petite  orange.  Il  est  rempli  d’une  pulpe  blanche,  géla- 
tineuse, amère,  dans  laquelle  les  graines,  au  nombre  de  1 à 5,  sont  dis- 
posées vei ticalement  et  sans  ordre.  L épicarpe  forme  une  enveloppe 
mince,  lisse  et  dure,  verdâtre  au  début,  mais  colorée  en  jaune  orange 
à la  maturité.  La  pulpe  du  fruit  contient  de  la  strychnine  (3)  ; on  dit 
cependant  que  dans  l’Inde  les  oiseaux  la  mangent  (4).  Le  bois  est  dur, 
se  conserve  longtemps  et  est  très-amer  (a). 

Historique.  — La  Noix' vomique  était  inconnue  des  anciens.  On  pense 
qu’elle  a été  introduite  dans  la  médecine  par  les  Arabes.  Cependant  les 
passages  de  leurs  écrits  qui  paraissent  s’y  rapporter,  sont  loin  d’ètre 
suffisamment  clairs  (5).  Nous  n’avons  aucune  preuve  qu’elle  ait  été  em- 

(1)  Fragmenta  Phytogr.  austral.,  IV,  44. 

(2)  Flora  austral.,  IV,  369. 

(3)  L’assertion  de  Roxburgh  que  « la  pulpe  paraît  tout  à fait  inolTensive,  » nous  a 
engagés  â l’étudier  au  point  de  vue  chimique.  Nous  avons  pu  le  faire  grâce  à la  géné- 
rosité du  D>-  Thwaites,  directeur  du  Jardin  botanique  royal  de  Geylan.  La  pulpe  épaissie 
reçue  du  Dr  Thwaites,  diluée  avec  de  l’eau,  forma  une  gelée  très-consistante,  à réaction 
acide  légère  et  à saveur  très-amère.  Une  partie  de  cette  gelée  fut  mélangée  avec  de  la 
chaux  éteinte,  desséchée,  puis  épuisée  par  le  chloroforme  bouillant.  Le  liquide,  en 
s’évaporant,  abandonna  mie  masse  résinoïde  jaunâtre,  qui  fut  chauffée  avec  de  l’acide 
acétique.  La  solution  incolore  abandonna  un  résidu  cristallin  parfaitement  blanc,  qui 
fut  dissout  dans  l’eau  et  précipité  par  le  bichromate  de  potassium.  Le  précipité  des- 
séché, puis  humecté  avec  de  l’acide  sulfurique  concentré,  offrit  la  coloration  violette 
caractéristique  de  la  strychnine.  Dans  le  but  de  confirmer  cette  expérience,  nous  nous 
sommes  procurés,  par  l’obligeant  intermédiaire  du  Dr  Bidie,  de  Madras,  une  certaine 
quantité  de  pulpe  blanche,  prise  dans  le  fruit  à l’aide  d’une  cuillère,  et  conservée  dans 
1 alcool.  Le  liquide  alcoolique  nous  manifesta  la  présence  d’une  grande  quantité  de 
strychnine. 

(4)  Elle  est  mangée  par  le  Buceros  malabaricus , d’après  Cleghorn,  et  d’après  Roxburgh 
par»  plusieurs  sortes  d’oiseaux.»  Beddome  [Flora  sglvatica,  Madras,  1872,  243)  dit  que 
la  pulpe  est  tout  â fait  inofîensive  et  recherchée  par  beaucoup  d’oiseaux. 

(5)  Il  faut  pourtant  rapporter,  ce  nous  semble,  à la  graine  du  Strychnos  les  passages 
suivants  : 

1°  Dans  le  fameux  livre  de  l’Ecole  de  Salcrne  connu  sous  le  nom  de  Cirça  instans, 
écrit  par  Platcarius  au  douzième  siècle,  édition  de  Lyon,  1525,  fol.,  244  : Nux  vomica... 
interioribus  et  non  corticibus  utimur...  provo'candi  vomitum  et  purgandi.  » La  tra- 
duction, en  vieux  français  du  quinzième  siècle,  de  ces  phrases,  se  trouve  dans  VArbo- 
layre  que  nous  avons  cité  â l’occasion  de  l’article  Elémi. 

2°  Nux  vomica,  Nux  indica  idem  se  trouve  inscrite  dans  l’intéressante  liste  des  mé- 


83 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

ployée  dans  l’Inde  à une  époque  reculée.  Garcia  d’Orla,  qui,  au  milieu 
du  seizième  siècle,  connaissait  bien  les  drogues  de  la  côte  occidentale 
de  l’Inde,  garde  un  silence  absolu  à l’égard  de  la  Noix  vomique.  Fle- 
ming (1),  au  commencement  de  notre  siècle,  fait  remarquer  que  la  Noix 
vomique  est  rarement  employée  en  médecine  par  les  Hindous,  si  même 
elle  l’est,  mais  ce  renseignement  est  aujourd’hui  sans  valeur. 

Cette  drogue  était  cependant  sûrement  connue  en  Allemagne  dès  le 
seizième  siècle.  Valerius  Gordus  (2)  en  écrivit,  vers  1540,  une  descrip- 
tion remarquable  par  son  exactitude.  Fuchs,  Bauhin  et  d’autres,  l’ont 
signalée  sous  le  nom  de  Nux  Metella , nom  dérivé  du  Methel  d’Avi- 
cenne et  d’autres  auteurs  (3). 

Elle  se  trouvait  en  Angleterre  dans  les  boutiques  à l’époque  de  Par- 
kinson (1640).  Il  dit  qu’on  l’employait  principalement  pour  empoisonner 
les  chiens,  les  chats,  les  coqs,  les  corneilles,  et  qu’on  l’administrait  ra- 
rement comme  médicament. 

Description.  — On  donne  le  nom  de  Noix  vomique  à la  graine  débar- 
rassée de  la  pulpe  et  de  l’épicarpe.  Elle  est  discoïde  ou  plutôt  irréguliè- 
rement orbiculaire.  Elle  a un  peu  moins  de  2 centimètres  et  demi  de 
diamètre,  et  un  demi-centimètre  d’épaisseur.  Sa  face  dorsale  est  légère- 
ment concave,  et  sa  face  ventrale  est  convexe,  ou  bien  les  deux  faces 
sont  à peu  près  planes.  Son  pourtour  est  souvent  assez  épais  pour  que 
la  partie  médiane  paraisse  déprimée.  Le  bord  extérieur  est  arrondi  ou 


dicaments  de  l’Ecole  de  Salerne,  publiée  par  Salvatore  de  Renzi,  dans  sa  Collectio  Sa- 
lernitana , Napoli  (1834),  III,  270,  sous  le  nom  d ’Alphita.  J’ai  fait  voir,  dans  mes  Docu- 
ments pour  servir  à l'Histoire  de  la  Pharmacie , Halle,  1876,  18,  que  le  nom  de  Nux 
indica  s’appliquait  également,  au  moyen  âge,  à la  noix  de  Coco,  à la  noix  muscade,  et 
plus  tard  même  fut  attribué  à la  noix  d’Arec. 

3°  Nux  vornica,  Nux  indica  furent  énumérées  (comme  synonymes?)  dans  le  livre 
d’Othon  Brunfels,  Reformation  der  Apotecken , Strasbourg,  1536. 

4°  Dans  Foutanon  (Edicts  et  ordonnances  des  roys  de  France,  II,  347),  nous  trouvons 
qu’en  1342  les  autorités  françaises  évaluaient  à 2 sols  10  deniers  la  pièce  les  Noix  d’Inde 
(Noix  muscades  ?)  et  3 deniers  la  pièce  les  Noix  vomiques. 

Les  anciens  auteurs,  comme  Platearius,  cités  plus  haut  parlent  de  Y écorce  de  la  noix 
vomique,  ce  qui  s’explique  peut-être  par  la  supposition  qu’on  aurait  importé  alors  le 
fruit  entier,  ou  au  moins  avec  une  partie  de  la  pulpe  et  de  l’épicarpe. 

Pereira  tendait  plutôt  à identifier  la  Noix  vomique  des  anciens  auteurs  il  la  fève  de 
Saint-Ignace  ; nous  ne  trouvons  ni  l’une  ni  l’autre  dans  le  récit  du  voyage  de  Pigafetta 
aux  Philippines,  en  1521, où  figurent  pourtant  plusieurs  drogues  qui  sont  produites  dans 
ces  îles.  [F.  A.  F.] 

(1)  Catalogue  of  Indian  Med.  Plants  and  Dr ug s,  Calcutta,  1810,  37. 

(2)  Hist.  Stirpium,  éd.  C.  Gesner,  Argentorat.,-  1561,  lib.  iv,  c.  21. 

(3)  Clusius  et  d’autres  pensaient  que  la  Nux  Methel  des  Arabes  était  le  fruit  d’un 
Dutura,  et  une  espèce  indienne  de  ce  genre  fut,  en  conséquence,  nommée  par  Linné 
D.  Metel. 


Fig.  144.  Face 
antérieure  montrant 
le  hile  et  le  raphé. 

Noix  vomique.  Grnndeur  naturelle. 


Fig.  14S.  Face 
postérieure. 


Fig.  146. 

Coupe 

verticale. 


LOGANIACÏiliS. 

développé  en  une  crèlc  saillante.  Chaque  graine  offre,  sur  son  bord,  une 
petite  protubérance  de  laquelle  part  une  ligne  saillante,  étroite  (raphé), 

aboutissant  à une  dépression 
centrale,  qui  est  le  bile  ou 
ombilic.  Une  légère  dépres- 
sion est  située  au  niveau  de 
ce  point,  sur  la  face  opposée 
de  la  graine.  Les  graines 
sont  d’un  gris  clair,  elles 
sont  luisantes  et  satinées, 
à cause  des  poils  serrés,  dé- 
primes et  rayonnants  dont  elles  sont  couvertes.  La  Noix  vomique  est 
compacte  et  cornée,  son  goût  est  très-amer. 

Après  avoir  été  ramollies  par  digestion  dans  l’eau,  les  graines  se 
laissent  facilement  diviser,  au  niveau  de  leur  périphérie,  et  offrent 
alors  un  albumen  translucide,  cartilagineux,  divisé  en  deux  parties 
par  une  fente  dans  laquelle  est  logé  l’embryon.  Ce  dernier  a environ 
6 millimètres  de  long.  Il  est  formé  d’une  paire  de  cotylédons  minces, 
oordiformes,  à 5-7  nervures,  et  d’une  radicule  claviforme,  dont  la  position 
est  indiquée,  a l’extérieur,  par  la  petite  protubérance  que  nous  avons 
signalée  sur  le  pourtour  de  la  graine. 

Structure  microscopique.  — Les  poils  de  la  Noix  vomique  ont  une 
structure  remarquable.  Ils  sont  formés,  comme  d’habitude,  par  des  cel- 
lules épidermiques  allongées.  Leurs  parois  sont  épaissies  par  des  dépôts 
secondaires,  qui  sont  interrompus  par  des  pores  étendus  longitudinale- 
ment. Ils  constituent  un  magnifique  objet  d’observation  dans  la  lumière 
polarisée.  L’albumen  est  formé  de  grandes  cellules  remplies  de  matière 
albuminoïde  et  de  gouttes  d’huile,  mais  privées  d’amidon.  Dans  l’eau, 
les  parois  épaisses  des  cellules  de  ce  parenchyme  se  gonflent,  et  produi- 
sent du  mucilage.  Les  cotylédons  sont  formés  d’un  tissu  beaucoup  plus 
délicat,  traversé  par  de  petits  faisceaux  fibro-vasculaires.  Les  alcaloïdes 
ne  peuvent  pas  être  reconnus  directement  par  le  microscope  ; mais,  si 
l’on  conserve  pendant  un  temps  assez  long  des  coupes  minces  de  Noix 
vomique  dans  la  glycérine,  il  s’y  développe  des  cristaux  plumeux,  in- 
contestablement formés  par  ces  bases. 

Composition  chimique.  — Le  goût  âcre  et  l'action  puissamment  toxi- 
que de  la  Noix  vomique  sont  dus  principalement  à la  présence  de  la 
Strychnine  et  de  la  Brucine.  La  strychnine,  G21II!2AzsOs,  fut  trouvée 
d’abord,  en  1818,  par  Pelletier  et  Caventou,  dans  la  fève  de  Saint- 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  85 

Ignace,  et  immédiatement  après,  dans  la  Noix  vomique.  Elle  cristallise 
de  sa  solution  alcoolique  en  larges  prismes  anhydies  du  système  ortho- 
rhombique.  Elle  exige,  pour  se  dissoudre,  environ  6700  parties  d’eau 
froide,  et  2 500  parties  d’eau  bouillante.  Sa  solution  est  nettement  alca- 
line, et  son  amertume  tellement  forte,  qu’elle  peut  être  perçue  dans 
une  solution  ne  contenant  pas  plus  de  1/600000  d’alcaloïde.  Les  meil- 
leurs dissolvants  de  la  strychnine  sont  l’alcool  et  le  chloroforme.  Elle 
n’est  que  peu  soluble  dans  l’alcool  absolu,  la  benzine,  l’alcool  amy- 
lique,  et  l’éther.  Sa  solution  alcoolique  dévie  la  lumière  polarisée  à 
gauche.  La  présence  de  la  strychnine  n est  pas  limitée  au  fruit,  cette 
substance  se  trouve  aussi  dans  le  bois  de  l’arbre  (1).  On  1 a trouvée  en- 
core dans  le  bois  de  la  racine  du  Strychnos  colubrinaL.,  et  dans  l’écorce 
de  la  racine  du  S.  Tieule  Lesch.,  espèces  indigènes  de  l’archipel  Indien. 

La  découverte  de  la  Brucine  fut  faite,  en  1819,  par  les  mêmes  chi- 
mistes, dans  l’écorce  de  la  Noix  vomique,  qu’on  supposait  alors  provenir 
du  Bruceaferruginea.  Sa  présence  dans  la  noix  vomique,  et  dans  la  fève 
de  Saint-Ignace,  fut  indiquée  par  eux,  en  1824.  La  brucine,  desséchée 
au-dessus  de  l’acide  sulfurique,  a pour  formule  C23H26Az1 20\  mais  elle 
cristallise  de  ses  solutions  alcooliques  avec  4H20.  Elle  neutralise  rapide- 
ment les  acides  en  formant  des  sels  cristallins.  Par  l’amertume  et  les 
propriétés  toxiques,  ainsi  que  par  le  pouvoir  rotatoire,  elle  ressemble 
beaucoup  à la  strychnine,  dont  elle  diffère  cependant  par  les  caractères 
suivants  : elle  est  soluble  dans  environ  150  parties  d’eau  bouillante,  et 
fond,  sans  s’altérer,  un  peu  au-dessus  de  100°  G.  ; elle  prend,  ainsi  que 
ses  sels,  une  coloration  rouge  sombre,  lorsqu’on  l’humecte  avec  de 
l’acide  nitrique  concentré.  En  chauffant  la  brucine  avec  de  l’acide  chlor- 
hydrique ou  de  l’acide  sulfurique  dans  des  tubes  scellés,  on  la  décom- 
pose entièrement,  et  l’on  obtient,  d’après  Baudrimont  (1869),  parmi  d’au- 
tres produits,  du  sucre. 

La  proportion  de  strychnine  qui  existe  dans  la  Noix  vomique  paraît 
varier  de  0,25  à 0,50  pour  100.  Celle  de  la  brucine  a été  estimée  de  fa- 
çons différentes  : 0,12  pour  100  d’après  Merck,  0,5  d’après  Wittstein, 
et  1 ,01  d’après  Mayer. 

Une  troisième  base  cristallisablc,  nommée  Igasuriae,  fut  découverte, 
en  1853,  par  Desnoix,  dans  les  liqueurs  dont  la  strychnine  et  la 
brucine  avaient  été  précipitées  à l’aide  de  la  chaux.  Schützcnhergcr 


(1)  Il  est  remarquable  que  les  plantes  parasites  de  la  famille  des  Lorantliaoées, 
croissant  sur  le  Strychnos  Nux  vomica , acquièrent  les  propriétés  toxiques  de  ce  dernier 

(Pharm.  of  India,  18G8,  -108). 


80 


LOGANI  ÂGÉES. 

a établi,  on  1858,  quo  la  substance  ainsi  obtenue  est  formée  de  bases 
distinctes  nombreuses,  jusqu’à  neuf,  qui  n’appartiennent  même  pas 
n la  même  série  homologue,  et  qu’il  a distinguées  par  des  lettres  (a-iga- 
surine,  é-igasurino,  etc.).  Ces  bases  diffèrent  l’une  de  l’autre  par 
leur  composition,  leur  solubilité,  et  la  proportion  d’eau  qu’elles  per- 
dent lorsqu  on  les  chauffe  a 130°  G.  L’igasurine  a la  saveur  amère  et 
les  propriétés  toxiques  des  autres  alcaloïdes  des  Strychnos  (I).  D’après 
Schützenberger,  la  strychnine  elle-même  n’est  pas  une  substance  définie, 
mais  un  mélange  de  trois  bases  différentes.  Toutes  ces  opinions  sur 
l'igasurine  et  la  strychnine  ont  besoin,  à notre  avis,  d’être  confirmées 
par  de  nouvelles  recherches. 

Dans  la  Noix  vomique,  comme  dans  la  fève  de  Saint-Ignace,  les  alca- 
loïdes sont,  d’après  ceux  qui  les  ont  découverts,  combinés  avec  Y acide 
Strychnique  ou  Igasurique.  Ludwig,  qui,  en  1873,  retira  ce  corps  de  la 
fève  de  Saint-Ignace,  le  décrit  comme  une  masse  amorphe,  d’un  brun 
jaunâtre,  à réaction  acide  très-prononcée  et  à saveur  acide,  se  colorant 
en  vert  foncé  sous  l’influence  des  sels  ferriques  (2). 

La  Noix  vomique  desséchée  à 100°  C.  et  brûlée  avec  de  la  chaux  so- 
dique,  nous  a donné  1 ,822  pour  100  d’azote,  ce  qui  indique  11 ,3  pour  100 
environ  de  matières  albuminoïdes.  A l’aide  de  l'éther  bouillant,  nous 
avons  retiré  des  graines  4,14  pour  100  de  graisse.  Elles  contiennent 
aussi  du  mucilage  et  du  sucre.  Ce  dernier  qui,  d’après  Rebling  (1853), 
existe  dans  la  proportion  de  6 pour  100,  réduit  l’oxyde  cuprique  sans 
l’aide  de  la  chaleur.  Les  graines  subissent  facilement,  par  la  macéra- 
tion dans  l’eau,  la  fermentation  lactique  sans  qu’il  y ait  décomposition 
des  alcaloïdes.  La  stabilité  delà  strychnine  est  remarquable,  même  après 
dix  ans  de  contact  avec  des  substances  animales  putréfiées. 

Commerce.  — On  importe  des  Indes  anglaises,  sur  le  marché  de 
Londres,  de  grandes  quantités  de  Noix  vomique  (3).  L’exportation  de 
Bombay,  pendant  l’année  1871-72,  a été  de  3341  quintaux,  expédiés  vers 
le  Royaume-Uni  (4).  Madras  en  a exporté,  en  1809-70,  4805  quintaux,  et 
Calcutta,  2801,  en  1865-60.  La  quantité  importée  dans  le  Royaume- 
Uni,  en  1870  (5),  fut  de  5 534  quintaux. 

(1)  Pour  plus  dedétailssur  l’igasurine,  voyez  : Gmgltn,  Chemistry , 1866, XVII,  5S9. 
— Watts,  Diction,  of  Chemistry,  1865,  III,  243.  — Pharm.Journ  , 1859,  XVIII,  432.  — 
Dict.  de  chimie  de  Wurtz,  II,  87. 

(2)  Je  suis  en  mesure  de  confirmer  ces  renseignements.  [F.  A.  F.] 

(3)  Nous  en  avons  vu  1136  caisses  offertes  dans  une  seule  vente  de  drogues,  le  30  mars 
1871. 

(4)  Statemcnt  of  lhe  Trade  and  Navigation  of  tiombay  for  1871-72,  P.  II,  62. 

(5)  Nous  n’avons  pas  pu  connaître  les  entrées  plus  récentes. 


87 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Usages.  — On  administre  souvent,  dans  certaines  maladies,  la  tein- 
ture et  l’extrait  de  Noix  vomique,  ainsi  que  la  strychnine,  en  qualité  de 
toniques  (b). 

(а)  Les  Strychnos  L.  ( Généra , n.  253)  sont  des  Loganiacées  de  la  tribu  des  Eulo- 
ganiées,  à fleurs  tétraméres  ou  pentamères  ; à corolle  tubuleuse,  régulière  ; à éta- 
mines connées  avec  la  corolle  ; à gynécée  formé  de  deux  carpelles  ; à ovaire  biloculaire, 
contenant  un  nombre  indéfini  d’ovules,  et  surmonté  d’un  stigmate  simple;  à baie 
cortiquée;  à graines  discoïdes  contenant  un  grand  albumen  divisé  en  deux  lames, 
entre  lesquelles  est  un  embryon  ii  cotylédons  foliacés. 

Le  Strychnos  Nux  vomica  (L.,  Species,  271)  est  un  arbre  à branches  irrégulières, 
couvertes  d’une  écorce  grisâtre,  cendrée, 
et  à bourgeons  lisses,  colorés  en  vert  foncé. 

Ses  feuilles  sont  opposées,  simples,  tout  cà 
fait  entières,  longues  de  5 à 1 0 centimètres, 
et  larges  de  3 à 7 centimètres,  courtement 
pétiolées,  à limbe  ovale,  atténué  aux  deux 
extrémités,  lisse  sur  les  deux  faces,  'd’un 
vert  foncé  ; de  la  base  de  la  nervure  mé- 
diane partent  deux  nervures  longitudi- 
nales, qui  s’étendent  parallèlement  aux 
bords  de  la  feuille  jusque  vers  son  extré- 
mité, en  s’anastomosant  avec  d’autres  ner- 
vures secondaires  qui  partent  obliquement, 
en  petit  nombre,  de  la  nervure  médiane, 
dans  toute  sa  longueur;  parfois,  il  existe 
deux  autres  nervures  latérales  longitudi- 
nales. Les  fleurs  sont  petites,  [régulières, 
à réceptacle  convexe,  colorées  en  blanc 
verdâtre,  et  disposées  en  petites  cymes  terminales.  Le  calice  est  gamosépale,  cà  tube 
court,  divisé  au  sommet  en  cinq  dents  aiguës  ; il  persiste  à la  base  du  fruit,  et  s’ac- 
croît en  même  temps  que  lui,  mais  sans  atteindre  jamais  une  grande  taille.  La  corolle 
est  gamopétale,  à tube  droit,  beaucoup  plus  long  que  le  calice,  à limbe  formé  de 
cinq  petites  lobes  triangulaires,  valvaires  dans  la  préfloraison.  L’androcée  est  formé 
de  cinq  étamines  alternes  avec  les  pétales,  connées  au  tube  de  la  corolle,  à filets 
presque  nuis  ou  très-courts,  à anthères  oblongues,  à demi  exsertes,  biloculaires, 
introrses,  déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Le  gynécée  se  compose  de  deux 
carpelles,  l’un  antérieur,  l’autre  postérieur,  réunis  en  un  ovaire  biloculaire,  surmonté 
d’un  style  simple  que  termine  un  stigmate  capité,  à peine  bilobé.  Chaque  loge  ova- 
rienne offre,  dans  son  angle  interne,  un  gros  placenta  sur  lequel  sont  insérés  de 
nombreux  ovules  semi-anatropes,  à micropyle  dirigé  en  bas.  [Trad.] 

(б)  La  Noix  vomique  et  surtout  la  strychnine  qui  est  le  principe  actif  le  plus  im- 
portant de  cette  graine  et  de  la  fève  de  Saint-Ignace,  comptent  parmi  les  médica- 
ments les  plus  puissants,  mais  leur  mode  d’action  n’est  encore  connu  que  d’une 
manière  insuffisante.  A faible  dose,  elle  constitue  un  tonique  amer  et  stimulant  très- 
efficace.  Elle  réveille  l’appétit,  et  détermine  chez  les  personnes  habituellement  con- 
stipées des  selles  régulières,  sans  provoquer  de  coliques.  On  peut  l’employer  as- 
sociée au  fer,  avec  beaucoup  de  succès,  dans  les  diverses  formes  de  l’anémie.  [Trad.] 


88 


LOGANIACÉES. 


FÈVE  DE  SAINT-IGNACE. 

Scme,i  Ignatii  ; Faba  Sancti  Ignatii  ; Fine  do  Saint-Ignace;  Aol  Iyasur,  angl  , St  fgnatm 
Béons;  allem.,  Jgnatiusbohnen  (1). 

Origine  botanique.  — Strychnos  Ignatii  Bergius  (2)  (S.  philippensis 
Blanco,  Ignaliana  philippinica  Loureiro).  C’est  un  grand  arbuste  grim- 
pant qui  croît  à Bohol,  Samar,  et  Çebu,  îles  du  groupe  Bisaya  des  Phi- 
lippines, et,  d’après  Loureiro,  en  Cochinchine  où  il  a été  introduit.  Son 
inflorescence  et  son  feuillage  ne  sont  connus  des  botanistes  que  d’après 
les  descriptions  de  Loureiro  (3)  et  de  Blanco  (4).  Le  fruit  est  sphérique, 
ou  parfois  ovoïde.  Il  a 10  centimètres  ou  davantage  de  diamètre,  et  est 
formé  d une  enveloppe  lisse,  cassante,  renfermant  environ  24  graines  (a). 
G.  Bennett  (5)  qui  vit  les  fruits  à Manille,  où  on  les  vendait  dans  les 
bazars,  dit  qu’ils  contiennent  de  1 à 12  graines  immergées  dans  une 
pulpe  glutineuse  noirâtre  (6). 

Historique.  — D’après  Murray  (7)  et  d’autres  écrivains,  la  graine  fut 
transportée  des  Philippines  en  Europe  par  les  jésuites  qui,  à cause  de 
ses  propriétés,  lui  donnèrent  le  nom  d’Ignace,  fondateur  de  leur  ordre. 
Quoi  qu’il  en  soit,  les  plus  anciens  renseignements  relatifs  à cette  drogue 
paraissent  avoir  été  fournis  par  le  jésuite  Camelli,  missionnaire  de  Ma- 
nille, à Ray,  et  Petiver,  qui  les  communiquèrent  à la  Société  royale  de 
Londres,  en  1690(8).  Camelli  prétendait  que  cette  graine  était  la  Nux 

(1)  La  plante  et  les  graines  sont  connues  dans  la  langue  bisaya  sous  les  noms  de 
Pangaguason,  Aguason,  Canlara,  Mananaog , Dancagay,  Catalonga  et  Igasur.  Dans 
les  îles  Bohol  et  Çebu,  où  les  graines  sont  produites,  on  les  nomme  Cogacoy.  Les  Espa- 
gnols des  Philippines  les  nomment  Pépita  cle  Bisaya  ou  Pépita  de  Catbalogan  (Clain, 
Remedios  faciles,  Manila,  1857,  CIO).  Le  nom  de  Fèves  de  Saint-Ignace  qu’on  leur  ap- 
plique en  Europe,  est  employé,  dans  l’Amérique  du  Sud,  pour  désigner  les  graines  de 
plusieurs  Cucurbitacées  médicinales,  notamment  celles  duj Feuillea  trilobata  L.,  des  Hy- 
panthera  Guapeva  Manso  et  celles  de  Y Anisosperma  Passiflora  Manso. 

(2)  Materia  Medica , Stockholm,  1778,  I,  146.  — Nous  ne  citons  pas  YIgnatia  amara, 
Bentham  ayant  montré  que  la  plante  ainsi  nommée  par  Linné  fils  est  le  Posogueria 
longiflora  Aublet,  de  la  famille  des  Rubiacées,  originaire  de  la  Guyane. 

(3)  Flora  cochinchinensis,  éd.  Willd.,  1793,  I,  155. 

(4)  Flora  de  Filipinas,  éd.  2,  1 8 45,  61. 

(5)  Fond  Med.  and  Phys.  Journ.,  janvier  1832. 

(6)  Le  seul  échantillon  du  fruit  que  j’aie  vu  était  en  la  possession  de  mon  défunt  ami 
Morson.  Il  mesurait  exactement  10  centimètres  de  diamètre,  et  lorsqu’on  l’ouvrit  (15 
janvier  1872),  on  trouva  dans  son  intérieur  17  graines  mûres,  bien  formées,  avec  des 
restes  de  pulpe  desséchée.  Il  existe  également  un  de  ces  fruits  au  Muséum  de  Paris. 
D’après  Camelli,  le  fruit  est  ovoïde,  et  mesure  17  centimètres  de  long  sur  1 1 centimètres 
de  large.  [D.  Hanb.] 

(7)  Apparatus  Medicaminum , 1792,  VI,  26. 

(8)  Phil.  Trans.,  1699,  XXI,  44,  87.  — Ray,  Hist.  pl.,  III,  lih.  xxxi,  cxvin. 


, HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  89 

■vomica  légitima  du  médecin  arabe  Serapion,  qui  vivait  au  neuvième 
siècle,  mais  nous  pensons  qu’il  n’existe  aucun  motif  de  supposer  qu’elle 
ait  été  connue  à une  époque  aussi  reculée  (1).  Camclli  dit  que  la  gi  aine 
nommée  par  lui  Nux  pepita  seu  Faba  Sancti  Ignatii  est  très-éstimée 
comme  remède  contre  diverses  maladies  ; mais  il  connaissait  bien  ses 
propriétés  toxiques  lorsqu’elle  est  administrée  en  trop  grande  quantité. 
En  Allemagne,  la  Fève  de  Saint-Ignace  fut  signalée,  vers  la  même  épo- 
que, parBohn,  de  Leipzig  (2). 

Cette  drogue  se  trouve  dans  les  bazars  indiens  sous  un  nom  qui  vient 
évidemment,  par  corruption,  de  l’espagnol  pepita.  On  la  trouve  aussi 
dans  les  drogueries  chinoises  sous  le  nom  de  Leu-sung-kwo , c’est-à-dire 
fruit  de  Luzon. 

Description.  — La  Fève  de  Saint-Ignace  a environ  2 centimètres  et 
demi  de  long.  Sa  forme  est  ovoïde,  mais  rendue  très- 
irrégulière  par  pression  réciproque  ; elle  offre  trois, 
quatre,  ou  cinq  faces  anguleuses  ou  aplaties,  et  un 
hile  bien  visible  sur  l’une  des  extrémités.  A l’état  frais, 
elle  est  recouverte  de  poils  déprimés,  argentés.  Sur 
celles  qu’on  trouve  dans  le  commerce  on  voit  encore, 

Fi".  148. 

çà  et  là,  quelques  restes  de  l’épiderme,  mais  la  plupart  Fève  de°Saint_ignaoei 
ont  une  surface  d’un  gris  foncé,  granuleuse, 'répon-  entière.  Grand,  nat. 
dant  à la  face  externe  de  l’albumen.  A part  la  différence  d’aspect  exté- 
rieur, la  Fève  de  Saint-Ignace  offre  une  organisation 
semblable  à celle  de  la  noix  vomique.  Cependant, 
sa  radicule  esL  plus  longue,  plus  épaisse,  quelquefois 
un  peu  recourbée,  et  les  cotylédons  sont  plus  poin- 
tus. Son  albumen  est  brunâtre,  corné,  translucide, 
très-dur,  et  se  fend  difficilement.  La  graine  entière 
se  ramollit  beaucoup,  se  gonfle  par  digestion  pro- 
longée dans  l’eau  chaude,  et  exhale  alors  une  odeur 
désagréable,  terreuse;  son  goût  est  très-amer.  La  Fève 
de  Saint-Ignace  est  éminemment  toxique. 

Structure  microscopique. — Les  poils  de  l’épiderme  ont  une  structure 
analogue  à celle  des  poils  de  la  noix  vomique,  mais  plus  simple.  L’albu- 

(1)  Les  Philippines  ôtaient  tout  à fait  inconnues  des  Européens  de  l’antiquité  et  du 
moyen  âge.  Elles  furent  découvertes  par  Magellan  en  1521,  mais  leur  conquête  par 
les  Espagnols  ne  commença  effectivement  qu’en  1565.  Avant  l’occupation  espagnole, 
elles  étaient  gouvernées  par  de  petits  chefs,  et  étaient  fréquentées,  dans  un  but  com- 
mercial, par  les  Japonais,  les  Chinois,  et  les  Malais. 

(2)  Ma  ht  in  y,  Encyhlopüdie  d.  Rohwaarenkunde.,  1813,  1,  576. 


Fig.  149.  Fève 
do  Saint  - Igniioe. 
Coupe  verticale. 


90  LOGANIACÉES. 

men  et  les  cotylédons  ont  aussi  la  môme  structure  que  les  parties  cor- 
respondantes de  la  noix  vomique. 

Composition  chimique.  — La  Strychnine  existe  dans  ces  graines  dans 
la  proportion  d’environ  1,5  pour  100.  Elles  contiennent  aussi  0,5  pour 
100  de  Brucine.  Desséchées  au-dessus  de  l’acide  sulfurique,  et  brûlées 
avec  de  la  chaux  sodique,  elles  nous  ont  donné  une  moyenne  de  1,78 
pour  100  d’azote,  répondant  à environ  10  pour  100  do  matières  albumi- 
noïdes. 

Commerce.—  Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  sur  la  récolte 
de  cette  drogue.  Les  graines  arrivent  dans  le  commerce  anglais  d’une 
façon  très-irrégulière  ; elles  sont  parfois  très-abondantes,  tandis  que 
d’autres  fois  il  est  difficile  de  se  les  procurer. 

Usages.  — Ils  sont  les  mêmes  que  ceux  de  la  noix  vomique.  Lorsqu’on 
peut  se  les  procurer  à prix  modéré,  les  fèves  de  Saint-Ignace  sont  re- 
cherchées pour  l’extraction  de  la  strychnine. 

(a)  L eStrychnos  Ignatii  Bergius  ( Materia  medica,  1778, 1,  146)  se  distingue  par 
ses  feuilles  ovales,  aiguës,  presque  sessiles,  portées  par  des  rameaux  très-longs, 
comme  sarmenteux;  ses  fleurs,  ;ï  corolle  très-allongée,  blauche,  exhalent  une 
odeur  de  jasmin  et  sont  disposées  en  petites  panicules  de  cymes  qui  portent  de  3 
il  o fleurs.  [Trad.] 


RHIZOME  DE  SPIGÉLIE. 

Radix  Spigeliæ  ; Radix  Spigeliæ  marilandicæ  ; angl.,  Indian  Pink  Root,  Carolina  Pink  Root  ; 

Spigelia  (1). 

Origine  botanique.  — Spigelia  marilandica  L.  C’est  une  plante  her- 
bacée, de  30  centimètres  de  haut  environ,  indigène  des  forêts  de  l’Amé- 
rique du  Nord,  depuis  la  Pennsylvaniejusqu’auWisconsin,  et  encore  plus 
au  sud.  D’après  Wood  et  Bâche,  on  la  recueille  particulièrement  dans 

les  Etats  de  l’Ouest  et  du  Sud-Ouest  (a). 

Historique.  — Les  propriétés  anthelmin- 
thiques  du  rhizome,  découvertes  par  les  In- 
diens, furent  signalées  en  Europe,  vers 
l’année  1754,  par  Linning,  Garden  et  Chal- 
mers,  médecins  de  Charleston,  dans  la 
Caroline  du  sud.  Cette  drogue  fut  admise 
dans  la  Pharmacopée  de  Londres  en  1788. 

Description.  — La  « racine  de  Spigélie  » offre  une  très-grande  res- 

(1)  Dans  quelques  catalogues,  la  racine  de  Spigélie  est  parfois  latinisée,  par  erreur, 
sous  le  nom  de  Radix  Caryophylli. 


Fig.  150.Rhizomo  de  Spigélie,  sec. 
Grandeur  naturelle. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  91 

semblance  avec  la  Serpent  aire.  Elle  consiste  en  un  rhizome  court,  noueux, 
d’un  brun  foncé,  émettant  des  racines  grêles  et  souples.  La  Spigélie  est 
tout  à fait  dépourvue  de  l’odeur  particu- 
lière de  la  Serpentaire,  et  de  tout  autre 
arôme.  Son  goût  est  légèrement  amer  et 
âcre.  On  importe  parfois  la  plante  entière, 
avec  ses  tiges  quadrangulaires,  hautes  de 
30  centimètres  environ.  Les  feuilles  sont 
opposées,  longues  de  7 centimètres  en- 
viron, sessiles,  ovales-lancéolées,  acumi- 
nées,  lisses  ou  pubescentes. 

Structure  microscopique.  — Le  rhi- 
zome a 4 millimètres  environ  de  dia- 
mètre. Il  offre,  sur  une  coupe  transversale, 
une  petite  zone  ligneuse  enveloppant  une 
moelle  large,  à contour  elleptique,  for- 
mée de  cellules  à parois  minces.  Le  tissu 
central  est  ordinairement  détruit.  Dans 
les  racines,  la  couche  corticale  moyenne 
prédomine.  Elle  se  gonfle  dans  l’eau, 
et  ses  larges  cellules  otîrent  des  épaississements  spiralés  remarquables. 
Le  noyau,  qu’on  observe  dans  la  Serpentaire,  manque  dans  la  racine 
de  Spigélie. 

Composition  chimique.  — Elle  n’est  pas  suffisamment  connue.  Les 
vaisseaux  du  bois  contiennen  t de  la  résine,  et  le  parenchyme  de  l’amidon. 
On  trouve  du  tannin  dans  la  partie  corticale  du  rhizome,  mais  non  dans 
les  racines.  Feneulle  assura,  en  1823,  que  la  drogue  contenait  un  peu 
d’huile  essentielle.  Les  expériences  de  Bureau  (I)  ont  montré  que  la 
Spigélie  agit  sur  les  lapins  et  d’autres  animaux  comme  un  poison  nar- 
cotico-âcre. 

Csages.  — La  Spigélie  a longtemps  été  regardée  comme  un  médica- 
ment efficace  pour  déterminer  l’expulsion  de  l’Ascans  lumbncoides. 
Mais,  d’après  Stillé  (2),  son  action  a été  probablement  exagérée.  Cet 
auteur  parle  de  ses  propriétés  altérantes  et  toniques.  En  Angleterre, 
elle  est  rarement  prescrite  par  les  médecins,  mais  elle  est  employée,  dans 
quelques  endroits,  comme  médicament  domestique.  Aux  Etats-Unis,  elle 
est  beaucoup  usitée. 

(1)  De  la  famille  des  Loganiacées,  1856,  130. 

(2)  Therapeittics  and  Materia  Mediea,  Philadelphia,  1868,  II,  651. 


Fig.  151.  Rhizome  de  Spigélie, 
après  macération  dans  l’eau. 


9“  LOGANIACÉES. 

co^r,^^LlNDT  {NalUr-  Sj/s*’’.ed-  2>  2!)8)  80111  d°8  Eoganiacées  à 
h îbuhforme  dont  lo  limbe  est  divisé  en  cinq  lobes  égaux;  à anthères 

convergentes  ; à fruit  capsulaire,  contenant  un  nombre  indéfini  do  graines  didv- 
namo,  bdoculaire,  déhiscent  en  quatre  valves. 

Le  Spigelia  marilandica  L.  ( Syst . vègèL,  197)  est  une  plante  à rhizome  vi- 
\ft0e  omettant  de  nombreux  rameaux  aériens,  dont  les  souches  portent  les  cicatrices 
circulaires,  et  qui  sont  dressés,  simples,  quadrangulaires,  presque  lisses,  renflés  au 
niveau  des  nœuds.  Les  feuilles  sont  opposées,  sessiles,  ovales,  acuminées,  entières, 
parfois  pubescentes  au  niveau  des  nervures  et  sur  les  bords,  lisses  dans  le  reste  de 
leur  étendue.  Les  fleurs  sont  petites,  hermaphrodites  et  régulières,  disposées  en 
une  petite  cyme  scorpioïde  terminale,  ordinairement  solitaire,  et  portées  par  de 
très-courts  pédoncules.  Le  réceptacle  est  convexe.  Le  calice  est  gamosépale,  à cinq 
divisions  profondes,  linéaires,  subulées,  finement  serruléex  sur  les  bords,  imbri- 
quées en  quinconce  dans  la  préfloraison;  il  est  persistant,  et  réfléchi  au-dessous  du 
fruit  au  moment  de  la  maturité.  La  corolle  est  beaucoup  plus  longue  que  le  calice, 
gamopétale,  infundibuliforme,  à tube  renflé  et  anguleux  au  sommet,  à limbe  di- 
visé en  cinq  lobes  aigus  et  étalés,  valvaires  dans  le  bouton.  Elle  est  colorée,  extérieu- 
rement, en  écarlate,  ou  en  cramoisi,  eteu  orange,  à l’intérieur.  L’androcée’ est  formé 
de  cinq  étamines  alternes  avec  les  pétales,  insérées  sur  la  gorge  de  la  corolle,  à filets 
très-courts,  et  à anthères  oblongues,  cordées,  biloculaires,  déhiscentes,  sur'  la  face 
interne,  par  deux  fentes  longitudinales.  Le  gynécée  est  supère,  formé  de  deux  car- 
pelles, l’un  antérieur,  l’autre  postérieur,  unis  en  un  ovaire  bdoculaire,  petit,  ovale, 
surmonté  d’un  style  plus  long  que  la  corolle,  articulé  près  de  sa  base,  et  barbu  à 
l’extrémité,  qui  estterminée  par  un  stigmate  renflé.  Les  loges  ovariennes  contiennent 
de  nombreux  ovules  semi-anatropes,  insérés  dans  l’angle  interne,  sur  un  gros  pla- 
centa. Le  fruit  est  une  capsule  bdoculaire,  globuleuse,  contenant  de  nombreuses 
graines,  et  se  séparant,  à la  maturité,  du  réceptacle  qui  s’est  aplati  peu  à peu,  puis 
déprimé  jusqu’à  devenir  cupuliforme.  A la  maturité,  les  deux  carpelles  se  séparent 
l’un  de  l’autre,  puis  s’ouvrent  à la  fois  par  la  face  ventrale  et  par  la  face  dorsale, 
chacun  en  deux  valves.  Les  graines  sont  nombreuses,  et  renferment  un  embryon  logé 
dans  l’axe  de  l’albumen.  [Trad.] 

(6)  Le  rhizome  de  Spigélie  offre  de  dehors  en  dedans  : 1°  une  zone  de  faux 
suber,  formée  par  certain  nombre  des  couches  corticales  superficielles  devenues 
brunes  et  sèches;  2«  un  parenchyme  cortical,  à grandes  cellules  polygonales,  mu- 
nies de  parois  claires  ; 3°  un  liber  peu  épais,  mou,  formé  de  fibres  rectangulaires  à 
parois  minces  et  molles  ; 4°  en  dedans,  une  mince  couche  de  cambium.  Le  bois 
forme  une  zone  circulaire  peu  épaisse,  dans  laquelle  il  est  impossible  de  distinguer 
des  rayons  médullaires.  La  plus  grande  partie  des  éléments  qui  le  composent 
offrent,  sur  une  coupe  transversale,  un  contour  presque  quadrangulaire  ; un  certain 
nombre,  épars  au  milieu  des  autres,  sont  plus  grands  et  plus  arrondis  ; ou  ellipti- 
ques. Les  parois  de  tous  ces  éléments  sont  relativement  minces.  Sur  les  coupes 
longitudinales,  soit  radiales,  soit  tangentielles,  il  est  également  impossible  de  recon- 
naître des  rayons  médullaires.  Presque  tous  les  éléments  se  ressemblent  ; ils  sont 
ordinairement  courts,  ou  séparés  les  uns  des  autres  par  des  cloisons  obliques,  et 
munis  de  grandes  ponctuations  elliptiques.  Quelques-uns  cependant,  ceux  qui  sur 
la  coupe  transversale  se  montrent  arrondis  ou  elliptiques,  sont  plus  larges  que  les 
autres  et  offrent,  sur  leurs  cloisons  transversales,  un  très-large  orifice  arrondi  qui  fait 
communiquer  les  cavités  de  deux  éléments  superposés  et  les  transforme  en  vais- 
seaux. La  moelle  qui  occupe  le  centre  du  rhizome  offre  un  diamètre  relativement 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’OIUGINE  VÉGÉTALE.  93 

considérable  ; elle  est  formée  de  grandes  cellules  parenchymateuses,  polyédriques, 
A parois  molles  et  claires. 

La  racine  de  Spigélie  offre  la  même  structure  fondamentale  que  le  rhizome,  mais 
la  moelle  manque  complètement.  Au-dessous  de  l’épiderme,  existe  une  couche  très- 
épaisse  de  parenchyme  cortical  à grandes  cellules  polygonales,  munies  de' parois 
minces  et  laissant  entre  elles  de  petits  méats  inter  cellulaires.  Le  liber  est  très-étroit, 
formé  seulement  de  trois  ou  quatre  couches  de  fibres  rectangulaires,  à parois  molles 
et  blanches.  Le  bois  occupe  tout  le  centre  de  la  racine.  Il  offre  la  même  structure 
que  le  rhizome,  mais  les  vaisseaux  sont  plus  larges  et  les  éléments  du  centre  sont 
polygonaux  et  plus  larges  que  les  autres.  Le  bois  du  rhizome  et  de  la  racine  du  Spi- 
gelia  marilandica  ressemble  beaucoup  h celui  que  nous  avons  figuré  dans  la  racine 
du  Cephœlis  Ipecacuanha.  Sur  la  coupe  transversale,  les  éléments  larges,  à contour 
arrondi  ou  elliptique  delà  Spigélie  et, sur  la  coupe  longitudinale,  la  largeur  un  peu 
plus  grande  de  tous  les  éléments  et  les  larges  orifices  de  communication  des  élé- 
ments pseudovasculaires,  sont  les  seuls  caractères  qui  permettent  de  distinguer  his- 
tologiquement le  bois  de  ces  deux  plantes.  [Trad.] 


RHIZOME  ET  RACINE  DE  GELSEMIUM. 

Ang.,  Yelloio  false  Jessamine  Root;  Yellow  Jasmine  Root. 

Origine  botanique.  — Gelsemium  nitidum  Michaux. 

Les  Gelsemium  Jussieu  ( Généra , n.  ISO;  — Medicia  Gardn.  ; Leptopteris  Bl.) 
ont  été  placés  par  les  différents  auteurs  dans  des  familles  très-distinctes.  M.  Asa 
Gray  les  considérait  comme  des  Rubiacées  à ovaire  libre  (1)  ; d’autres  les  ont  réunis 
auxScrofulariacées,  auxApocynacées,  aux  Gentianacées,  ou  en  ont  fait,  comme  Endli- 
cher  (Généra),  une  famille  distincte.  Enfin,  M.  A.  De  Candolle  (2)  et  MM.  Ben- 
tham et  Hooker  (3)  ont  placé  ce  genre  dans  la  famille  des  Loganiacées  dont  il  a 
tous  les  caractères  principaux,  et  en  ont  fait  le  type  d’une  tribu  des  Gelsemiées  : à 
lobes  de  la  corolle  imbriqués  dans  la  préfloraison,  à style  divisé  en  deux  branches 
linéaires  bifides  et  à capsule  bivalve,  septicide.  Trois  espèces  seulement  constituent 
actuellement  le  genre  Gelsemium.  Elles  ont  pour  caractères  communs,  génériques: 
des  carpelles  contenant  de  nombreux  ovules,  des  graines  suborbiculaires,  entourées 
d’une  aile  large,  et  une  tige  volubile. 

Le  Gelsemium  nilidum  Michaux  (Flor.  Bor.  Amer.,  I,  120  ; — Bignonia  semper- 
virens  L.  ; Lisianlhus  sempervirens  Miller  ; Anomjmos  sempervirens  Walt.  ; Gcl- 
semium  lucidum  Poir.;  Gelsemium  sempervirens  Ait.)  habite  les  terrains  plats  des 
côtes  et  des  bords  des  fleuves,  dans  la  Virginie,  la  Caroline,  la  Géorgie,  la  Floride, 
et  même  le  Mexique. 

C’est  un  arbuste  grimpant,  glabre  et  lisse,  à feuilles  opposées,  entières,  persis- 
tantes d’après  les  auteurs  anciens,  caduques  pendant  l’hiver,  d’après  Catesby,  sim- 
ples, entières,  ovales  ou  lancéolées,  luisantes,  munies  d’un  pétiole  très-court.  Les 
fleurs  sont  belles,  jaunes,  très-odorantes,  disposées  en  cymes  axillaires  parfois  ré- 
duites à une  seule  fleur,  ordinairement  formées  de  trois  à cinq  fleurs  portées  par 
des  pédicelles  munis  de  plusieurs  bractées.  Les  fleurs  sont  régulières,  hermaphro- 

(1)  Manaal  of  thc.  Rotang  of  the  North  United-Stàtes,  éd.  2;  J 8üG,  703. 

(2)  Prodr.,  IX,  23. 

(3)  Généra,  II,  789. 


94  LOGANIACÉES. 

dites,  à réceptacle  convexe.  Le  calice  est  gamosépale, -à  cinq  divisions  profondes, 
imbriquées  dans  la  préfloraison,  sèches  sur  les  bords.  La  corolle  est  infundibuli- 
forme,  dilatée  au  niveau  de  la  gorge,  à cinq  lobes  imbriqués  dans  le  bouton.  L’an- 
drocée  se  compose  de  cinq  étamines  connées  au  tube  de  la  corolle,  incluses,  à an- 
thères oblongues,  sagittées,  biloculaires,  introrses,  déhiscentes  par  deux  fentes 
longitudinales.  Le  gynécée  est  formé  de  deux  carpelles  unis  en  un  ovaire  oblong, 
biloculairc,  surmonté  d’un  style  filiforme,  long,  bifide,  chaque  branche  étant  elle- 
même  bilobée  et  couverte,  sur  la  lace  interne,  de  papilles  stigmatiques.  Chaque  loge 
ovarienne  contient  de  nombreux  ovules  insérés  dans  l’angle  interne  de  la  loge,  sur 
trois  ou  quatre  rangées  verticales.  Le  fruit  est  une  capsule  elliptique,  aplatie,  bilo- 
culaire,  déhiscente  en  deux  valves  septicides,  creusées  en  carène.  Chaque  loge  con- 
tient cinq  ou  six  graines  aplaties,  larges,  orbieulaires,  rugueuses  et  tuberculeuses, 
entourées  d’une  aile  à bord  déchiqueté,  contenant  un  albumen  charnu  et  un  em- 
bryon droit,  à cotylédons  ovales,  aplatis,  courts,  et  à radicule  cylindrique. 

Historique.  Le  rhizome  et  la  racine  de  Gelsemium  sont  depuis  longtemps 
employés,  dans  1 Amérique  du  Nord,  contre  les  fièvres  intermittentes,  concurremment 
avec  la  quinine,  et  dans  les  affections  inflammatoires  des  enfants,  mais  son  étude 
chimique  et  physiologique  n’a  été  faite  que  dans  ces  dernières  années  et  son  emploi 
thérapeutique,  assez  répandu  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  est  encore  très-res- 
treint en  France.  Il  a surtout  été  tenté  à Paris  par  M.  Dujardin-Beaumetz. 

Description.  — On  trouve  dans  le  commerce  la  racine  véritable  et  le  rhizome  du 
Gelsemium  mélangés  et  aucune  expérience  n’a  encore  été  faite  sur  la  valeur  relative 
de  ces  deux  parties  de  la  plante.  Elles  sont  aussi,  parfois,  mélangées  de  fragments 
de  la  tige  aérienne. 

Les  trois  portions  axiles  de  la  plante  sont  souvent  expédiées  en  Angleterre  à 
1 état  de  fragments  très-petits  et  mélangés,  comprimés  à l’aide  d’un  presse  hydrau- 
lique. On  les  trouve  aussi  en  fragments  longs  de  o à 10  et  même  20  centimètres  ou 
davantage. 

Les  fragments  de  rameaux  aériens  sont  faciles  à distinguer  ci  la  présence  d’une 
cavité  centrale  produite  par  la  destruction  de  la  moelle,  à leur  coloration  pourpre 
et  à la  structure  très-fibreuse  de  leur  écorce,  dont  le  liber  est  constitué  par  des  fibres 
souples  et  longues,  semblables  à celles  du  chanvre. 

Les  fragments  de  rhizome  ont  un  diamètre  de  1 à 3 centimètres  environ.  Ils  sont 
généralement  droits,  colorés  extérieurement  en  brun  jaunâtre  clair,  avec  des  rayures 
longitudinales  plus  foncées.  Ils  offrent  parfois,  de  distance  en  distance,  des  ramifica- 
tions assez  volumineuses  et  des  racines  adventives  grêles,  longues  et  souples.  Leur 
cassure  est  fibreuse.  Sur  la  coupe  transversale,  on  voit  à l’oeil  nu:  une  écorce  mince 
fibreuse  ; un  bois  de  coloration  brunâtre,  traversé  par  des  rayons  médullaires  blancs, 
de  longueur  inégale,  plus  larges  vers  la  périphérie  que  vers  la  portion  interne  du 
bois  ; une  moelle  centrale  peu  épaisse,  mais  nettement  visible  à l’œil  nu  et  plus 
foncée  en  couleur  que  le  bois. 

Les  fragments  de  racine  se  distinguent  sans  peine  à l’absence  de  moelle.  Leur 
diamètre  ordinaire  est  de  1 à 2 centimètres  environ.  Les  gros  fragments  sont  rare- 
ment ramifiés,  mais  ou  trouve  à leur  surface  un  assez  grand  nombre  de  petites  ra- 
cines filiformes  jaunâtres,  assez  résistantes  et  rigides.  Les  fragments  sont  souvent 
tordus  sur  eux-mêmes.  Leur  surface  extérieure  est  très-rugueuse,  marquéede  crevasses 
et  de  sillons  irréguliers,  longitudinaux,  avec  de  nombreuses  cicatrices  des  petites  ra- 
dicules. Sa  coloration  est  d'un  jaune  grisâtre  plus  ou  moins  foncé.  Sur  une  section 
transversale  de  la  racine,  on  distingue,  à l’œil  nu,  comme  le  montre  la  figure  1 52, 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


95 


semium.  Section  trans- 
versale. Grand,  natur. 


une  couche  corticale  mince,  jaune  brunâtre,  très-adhérente  au  bois,  et  une  partie 
centrale  ligneuse,  colorée  en  jaune  clair,  traversée  par  des 
rayons  médullaires  blancs,  très-inégaux  en  longueur,  s’amin- 
cissant à mesure  qu’ils  s’enfoncent  davantage  dans  le  centre 
du  bois.  Lorsqu’on  mouille  la  surface  de  section,  les  rayons 
médullaires  se  détachent  plus  nettement  en  blanc  sur  le  fond 
du  bois,  dont  le  jaune  devient  plus  vif  avec  une  teinte  brun 
clair  au  centre.  On  peut  alors  suivre  h la  loupe  et  même  à 
l’œil  nu  les  rayons  médullaires  jusque  dans  la  couche  interne 
de  l’écorce.  Le  rhizome  et  la  racine  de  Gelsemium  n’ont  Fiff-  1S2-  Racine  do  Gel- 
aucune  odeur  particulière  marquée.  Leur  saveur  est  un  peu 
amère,  surtout  celle  de  l’écorce. 

Structure  microscopique.  — Un  fragment  de  racine  de  Gelsemium  sempervirens 
ayant  2 centimètres  et  demi  de  diamètre  m’a  offert  la  structure  suivante  : sur  une 
coupe  transversale  examinée  à un  faible  grossissement,  on  voit  en  dedans  de  l’écorce 
un  cercle  de  faisceaux  fibrovasculaires  pressés  les  uns  contre  les  autres  et  se  pro- 
longeant jusqu’au  centre  de  la  racine  où  existent  de  nombreux  vaisseaux  ; les  fais- 
ceaux sont  nettement  cunéiformes  et  séparés  par  des  rayons  médullaires  très-larges 
dont  les  uns  se  prolongent  jusque  vers  le  centre  de  la  racine,  tandis  que  d’autres 
n’ont  qu’une  longueur  beaucoup  moindre. 

L’écorce  offre,  de  dehors  en  dedans,  ainsi  que  le  montre  la  figure  153  : 1°  une 
couche  de  suber  a,  assez  épaisse,  formée 
de  cellules  quadrangulaires,  aplaties,  vi- 
des, à parois  brunes  et  sèches  ; 2»  une 
couche  6,  de  parenchyme  cortical,  relati- 
vement peu  épaisse,  formée  de  cellules 
allongées  tangentiellement , à parois 
minces etblanches  ; 3°un  liber  c,  dont  les 
faisceaux  sont  séparés  les  uns  des  autres 
par  de  très-larges  rayons  médullaires,  h 
cellules  quadrangulaires,  allongées  dans 
le  sens  du  rayon.  Les  faisceaux  libériens 
sont  formés  de  fibres  irrégulières,  à pa- 
rois minces,  et  de  parenchyme  dont  les 
éléments  paraissent,  sur  la  coupe  trans- 
versale, disposés  en  couches  irrégulière- 
ment concentriques.  Entre  les  éléments 
du  liber  et  le  bois  de  chaque  faisceau, 
existe  une  couche  de  cambium  à élé- 
ments petits  et  pressés  les  uns  contre  Fig.  133.  Racine  de  Gelsemium. 

les  autres.  Le  contour  extérieur  du  fais-  Coupo  transversale, 

ceau  libérien  est  nettement  indiqué  par  la  direction  des  éléments  ; il  est  convexe  en 
dehors.  Les  faisceaux  ligneux  sont  cunéiformes,  à bords  latéraux  droits  et  à bord 
externe  concave  en  dehors.  Ils  sont  séparés  les  uns  des  autres  par  de  larges  rayons 
médullaires  qui  continuent  directement  en  dehors  ceux  du  liber  et  offrent  la  même 
organisation.  Un  petitnombre  de  faisceaux  seulement  sc  prolongent  jusqu’au  centre 
de  la  racine,  les  autres  sont  de  longueur  très-inégale.  Chaque  faisceau  est  formé 
de  fibres  ligneuses  fusiformes,  à parois  très-épaisses,  à cavité  linéaire,  il  contour 
quadrangulaire  ou  polygonal  sur  la  coupe  transversale.  Au  milieu  de  ces  fibres,  sont 


96 


LOGANIACÉES. 

distribués  de  très-nombreux  vaisseaux,  larges,  arrondis,  à parois  épaisses  et  ponc- 
tuées. Le  centre  de  la  racine  offre  des  fibres  ligneuses  très-pressées  les  unes  contre 
les  autres  et  des  vaisseaux  de  plus  en  plus  étroits  à mesure  qu’ils  sont  plus  rap- 
prochés du  centre.  Les  cellules  de  l’écorce  contiennent  de  nombreux  grains  d’ami- 
don arrondis,  et  un  petit  nombre  de  cristaux  d’oxalate  de  chaux.  Les  fibres  ligneuses 
renferment  une  matière  résineuse  colorée  en  jaune  clair. 

Composition  chimique.  — En  1870,  M.  Wormley  a retiré  de  la  racine  de 
Gelsemium  un  acide  cristallisable,  l’acide  Gelséminique,  qui  a été  ensuite  bien 
étudié  par  M.  Fredigke.  Pour  l’obtenir,  M.  Wormley  épuise  par  l’alcool  un  extrait 
fluide  de  la  racine,  il  traite  le  produit  alcoolique  par  l’eau  pour  précipiter  la  résine, 
puis  il  ajoute  au  liquide  aqueux  de  l’acide  chlorhydrique.  Agité  avec  de  l’éther,  ce 
nouveau  mélange  lui  cède  l’acide  gelséminique  qu’on  obtient  à l’état  impur  par  éva- 
poration de  l’étlier.  M.  Fredigke,  pour  obtenir  l’acide  gelséminique,  réduit  la  racine 
en  poudre  qu’il  soumet  à des  décoctions  répétées  dans  l’eau,  il  filtre  les  décoctés 
bouillants  et  les  réduit  en  un  extrait  qu’il  traite,  à diverses  reprises, par  l’éther.  Ce 
dernier  en  s’évaporant  abandonne  l’acide  gelséminique.  Pour  obtenir  cet  acide  à 
l’état  de  pureté  complète,  on  le  transforme  en  un  sel  de  plomb  qu’on  traite  par 
l’hyclrogène  sulfuré;  l’acide  gelséminique  est  ainsi  mis  en  liberté  à l’état  d’aiguilles 
cristallisées,  diversement  groupées,  incolores,  inodores,  et  «à  peu  près  dépourvues  de 
saveur.  Cet  acide  sature  facilement  les  bases.  Il  est  très-soluble  dans  le  chloroforme 
et  l’éther  ; l’eau  froide  n’en  dissout  qu’un  millième  de  son  poids  ; l’eau  bouil- 
lante le  dissout  mieux,  mais  le  laisse  déposer  par  refroidissement  à l’état  cristallin. 
Il  se  dissout  bien  dans  les  alcalis,  en  donnant  des  solutions  qui  possèdent  une  fluo- 
rescence bleue  très-prononcée.  Il  se  sublime  sans  décomposition.  Il  donne  avec  le 
bichlorure  de  mercure  un  précipité  jaune,  et  avec  le  nitrate  d’argent  un  précipité 
jaune  brun.  M.  Fredigke  a retiré,  par  le  procédé  que  nous  venons  d’indiquer, 
2ç,47  d’acide  gelséminique  de  373  grammes  de  racine. 

M.  Fredigke  a retiré  de  la  racine  de  Gelsémium  un  alcaloïde  auquel  il  a donné  le 
nom  de  Gelsemina  ou  Gelsémine  qui  représente  la  partie  active  de  la  plante,  mais 
n’a  pas  encore  été  obtenu  à l’état  cristallin.  Ce  chimiste  concentre  l’extrait  aqueux 
auquel  il  a enlevé,  préalablement,  par  l’éther,  l’acide  gelséminique  ; puis  il  l’agite  avec 
le  double  de  son  poids  d’alcool  concentré  qui  précipite  une  matière  gommeuse  ; 
il  filtre  le  liquide,  le  concentre,  puis  ajoute  de  la  potasse,  et  agite  la  liqueur  avec  du 
chloroforme  ou  de  l’éther  qui  enlèvent  la  gelsémine.  C’est  une  substance  solide, 
amorphe,  incolore,  inodore,  à saveur  amère  très-prononcée,  sensible  même  dans  une 
solution  qui  n’en  renferme  qu’un  millième.  Elle  est  à peine  soluble  dans  l’eau  pure, 
soluble  dans  2o  parties  d’éther,  dans  le  chloroforme,  le  bisulfure  de  carbone,  l’eau 
acidulée  d’acide  chlorhydrique.  Les  alcalis  la  précipitent  de  ses  solutions  acides.  Ses 
sels,  notamment  le  sulfate,  le  nitrate  et  l’acétate,  sont  très-solubles  dans  l’eau  ; ils  fon- 
dent à 100°  C.  et  forment  en  se  refroidissant  une  masse  vitreuse  ; au-dessus  de  100°  C., 
la  gelsémine  se  volatilise  et  va  se  condenser  en  petites  gouttelettes  sur  les  parois  du 
vase.  Le  bichlorure  de  mercure  précipite  la  gelsémine  en  blanc;  le  tannin,  l’acide 
carboazotique,  le  biiodure  de  potassium,  le  bichlorure  de  platine,  le  chlorure  d’or, 
donnent  des  précipités  dans  des  solutions  qui  ne  renferment  qu’un  millième  de 
grain.  Un  excès  d’alcalis  ajouté  à l’un  de  ses  sels  le  précipite  en  blanc  qui  passe  au 
rouge  ou  rouge-brique  ; l’acide  sulfurique  concentré  colore  la  gelsémine  ou  scs  sels 
en  rouge  brun  qui  passe  au  pourpre  quand  on  élève  la  température  (I). 

(11  Voyez  Holmes,  in  Pharm.  Journ .,  décembre  1875.  — Journal  de  Pharm.  et  de 
Chimie,  1876,  XXIII,  216.  — Bullet.  génàr.  de  Thérapeut.,  1876,  XG,  255, 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  97 

,wES  Ml  - Le  Gelsémium  et  la  gelsémine  constituent  des  agents  toxiques  et 
usages  y,.  injection  de  3 milligrammes  de  gelsémine  sous  la 

E"  t!.S.-»pev.Uqu0,  on  s'ert  Sé.-vi  surtout 
Th  c t e Je  CMmim  (1  Partie  ■'«  Gelsémium  p.-  5 parties  d’alcool)  mais 
cette  teinture  détermine  tacilement  dos  accidents  touques  lorsqu  on  dépasse  la.dosc 
le  2 centimètres  cultes.  Les  accidents  mortels  signalés  sont  déjà  trop  nombreux  pour 
de  2 centime!  e tent  pas  une  prudence  extrême  dans  son  emploi.  La  poudre 

Tl  “radne  » été  «commandée  par  le  docteur  Satvjer  (2)  à la  dose  de  6 à 12  cen- 
“ imm  " Sous  cette  forme,  le  médicamenta  également  occasionne  des  acc.den  s 
mort””  u docteur  Grorer  Coe  donne  la  gelsémme  a la  dose  de  32  a 6o  mtllt- 

Te'Gelsémium  et  la  gelsémine  produisent  la  paralysie  des  mouvements  volon- 
,,ires  et  réflexes.  Cette  paralysie  serait  due,  d'après  Ringer  et  Murell,  i une  ac  ton 
di  eete  sù  la  moelle  épinière.  A la  suite  de  la  paralyste,  ,1  peu  survenu- des  ph.no- 
n nés  convulsifs  qui  ont  été  décrits  sous  le  nom  de  tétanos  gelum,que  On  a pense 
eue  cette  double  action  paralysante  et  tétanisante  était  due  il  des  substances  diffé- 
rés Ainsi  la  solution  aqueuse  de  Gelsémium  serait  exclus, yement  paralysante, 

tandis  crue  la  gelsémine  serait  tétanisante. 

On  a attribué  au  Gelsémium  la  propriété  de  diminuer  la  fréquence  de  la  respira- 
tion Il  agirait  peu  sur  le  pouls,  et  déterminerait  dans  le  cœur  des  phénomènes  va- 
riables Son  action  sur  la  pupille  serait  variable  suivant  le  mode  d administration 
de  la  drogue.  Prisa  l’intérieur,  le  Gelsémium  produirait  le  resserrement  de  la  pu- 
pille tandis  qu’administré  localement,  à l’extérieur,  il  amènerait  la  dilatation  de  1» 
pupille.  Il  détermine  chez  les  animaux,  et  particulièrement  chez  le  lapin,  de  exoph- 
thalmie.  On  a particulièrement  recommandé  le  Gelsémium  contre  les  névra  gies  e 
la  cinquième  paire,  et  surtout  contre  les  névralgies  dentaires.  On  1 administre  aussi, 
comme  calmant,  dans  les  affections  fébriles.  [Trad.] 


GENTIANACÉES 

RACINE  DE  GENTIANE. 

JXadix  Gentianæ  ; angl.,  Gentian  Root;  allem.,  Enzianwurzel. 

Origine  botanique.  --  Gentiam  lutea  L.  C’est  une  belle  herbe  vivace, 
haute  de  90  centimètres  environ,  indigène  des  prairies  découvertes  des 
montagnes  du  centre  et  du  sud  de  l’Europe.  On  la  trouve  en  Portugal, 
en  Espagne,  dans  les  Pyrénées,  dans  les  îles  de  Sardaigne  et  de  Corse, 
dans  les  Apennins,  les  montagnes  de  l’Auvergne,  le  Jura,  les  Vosges, 
la  forêt  Noire,  et  la  chaîne  dés  Alpes  jusque  dans  les  Principautés  Da- 
nubiennes. En  Allemagne,  on  la  trouve  sur  les  Alpes  de  là  Souabe  près 

(1)  La  plupart  des  détails  qui  suivent  sont  empruntés  à «ne  note  manuscrite  qui  m’a 
été  remise  par  M.  Dujardin-Beaumelz.  [Tuad.] 

(2)  Voyez  liullet.  génér.  de  Thérap.,  1 87G , XC,  238. 

hist.  des  drogues,  t.  ii. 


7 


98  GENTIANACIÏES. 

do  Würzburg,  çà  et  là  en  Thuringe,  mai,  pas  davantage  ver,  le  nord, 
un  ne  la  trouve  pas  non  plus  dan,  les  Iles-Britannique,  (a). 

Historique.  - Le  non,  de  Genliana  passe  pour  dériver  de  Gentiu, 

;01  deS  I",y',C,,S’  ^ui  virait  <le  fs°  i <07  avant  J.-C.  et  par  lequel’ 
d apres  Pline  et  D.oseoride,  la  plante  fut  signalée.  Il  est  douteux 

que  la  plante  nommée  fût  le  Genliana  lutea.  Au  moyen  âge  la 
Gentiane  éta.t  communément  employée  comme  médicament  et  comme 
antidote  des  poisons.  Tragus,  en  1532,  la  mentionne  comme  un  moyen 
de  guérir  les  p aies,  application  qui  a été  préconisée  de  nouveau  dans 
la  pratique  medicale  moderne  depuis  1834. 

Description  - La  plante  a une  racine  cylindrique,  charnue,  simple, 
de  couleur  pale,  atteignant  parfois  jusqu’à  i“,20  de  long  et  4 centimètres 
de  diamètre,  et  produisant  d’une  à quatre  tiges  aériennes.  La  racine 
desséchée  du  commerce  est  en  morceaux  irréguliers,  contournés,  de  plu- 
sieurs centimètres  de  long,  de  I à 3 centimètres  d’épaisseur.  Les  mor- 
ceaux sont  tres  -ndés  longitudinalement,  etmarqués,  surtout  dans  la  par- 
tie supérieure,  de  nombreux  sillons  transversaux.  Très-souvent,  on  les 
fend  pour  faciliter  la  dessiccation.  Ils  sont  colorés  en  brun  jaunâtre  à 
extérieur  et  en  brun  orangé  à l’intérieur.  Ils  sont  spongieux.  Leur 
odeur  est  particulière,  désagréable,  nauséeuse,  et  leur  saveur  est  très- 
amere.  C’est  pas  ironie  populaire,  d’après  Schübler,  qu’en  Norwége  la 
racine  du  Gentiana  purpurea  s’appelle  Sotrot,  racine  douce'  La  cou- 
ronne de  la  racine,  qui  est  un  peu  plus  épaisse,  est  recouverte  par  la 
3ase  ecailleuse  des  feuilles.  La  racine  est  forte  et  flexible,  cassante, 
mais  seulement  aussitôt  après  la  dessiccation.  Nous  avons  trouvé  qu’elle 
perd,  par  la  dessiccation  dans  l’étuve,  18  pour  100  de  son  poids  et 
qu’elle  en  regagne  16  pour  100  par  l’exposition  à l’air. 

Structure  microscopique.  — Sur  une  coupe  transversale,  l’écorce  se 
montre  séparée  de  la  colonne  centrale  par  une  zone  cambiale  foncée. 
La  disposition  radiale  des  tissus  se  voit  seulement  dans  le  centre.  Dans 
1 ecorce,  les  fibres  libériennes  manquent,  et  au  centre  il  n’y  a pas  de 
moelle  distincte.  Les  faisceaux  fibro-vasculaires  sont  dépourvus  de  pro- 
senchyme  ligneux  à parois  épaisses.  Ce  caractère  explique  la  consistance 
particulière,  et  la  cassure  courte  de  la  racine.  Elle  est  remarquable  par 
1 absence  d amidon  et  d oxalate  de  calcium.  Les  cellules  paraissent  con- 
tenir surtout  du  sucre  et  une  petite  quantité  d’huile  grasse. 

Composition  chimique.  - La  saveur  amère  de  la  Gentiane  est  due  à 
une  substance  nommée  Gentiopicrine  ou  amer  de  Gentiane  (I).  Plusieurs 
(1)  Gmelin,  C /ternis try,  1864,  XVI,  193. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  99 

chimistes,  notamment  Henry  et  Gaventou,  Trommsdorff,  Leconte  et  Dulk , 
ont  décrit  le  principe  amer  de  la  Gentiane,  a 1 état  impur,  sous  le  nom 
de  Gentianine,  mais  Kromayer  le  premier,  en  1862,  l’a  obtenu  à l’état 

de  pureté. 

La  Gentiopicrine,  G20H30O'1 2,  est  un  corps  neutre,  cristallisant  en  aiguilles 
incolores  qui  se  dissolvent  facilement  dans  l’eau.  Elle  est  soluble  dans 
l’esprit-de-vin,  et  dans  l’alcool  absolu,  mais  pour  ce  dernier  il  faut  l’aide  de 
la  chaleur.  Elle  ne  se  dissout  pas  dans  l’éther.  Une  solution  de  potasse 
caustique  ou  de  soude  forme  avec  elle  une  solution  jaune.  Sous  l’in- 
fluence des  acides  minéraux  dilués,  la  gentiopicrine  se  résout  en  glu- 
cose, et  en  une  substance  amorphe,  d’un  brun  jaunâtre,  neutre,  nommée 
Gentiogénine.  Les  racines  de  Gentiane  fraîches  fournissent  un  peu  plus 
de  0,1  pour  100  de  gentiopicrine;  on  peut  la  retirer  de  la  racine  fraîche 
à l’état  cristallin.  La  teinture  médicinale  de  Gentiane,  mélangée  avec 
une  solution  de  potasse  caustique,  perd  son  amertume  au  bout  de  quel- 
ques jours,  par  suite  probablement  de  la  destruction  de  la  gentiopici ine. 

La  racine  de  Gentiane  contient  un  autre  principe  constituant,  la 
Gentisine  (1),  acide  Gentisique  ou  acide  Gentianique , GuH10O\  substance 
insipide,  formant  des  cristaux  soyeux  d’un  jaune  pâle,  qu’on  peut  subli- 
mer en  chauffant  avec  soin.  Elle  est  peu  soluble  dans  l’eau,  soit  à chaud, 
soit  à froid,  et  dans  l’éther,  mais  se  dissout  dans  l’alcool  concentré 
chaud,  à l’aide  duquel  on  peut  la  faire  cristalliser.  Elle  se  dissout  aussi 
dans  les  alcalis  aqueux,  en  formant  des  composés  cristallisables.  Elle 
paraît  être  sans  action  sur  l’organisme. 

La  racine  de  Gentiane  est  riche  en  pectine.  Elle  contient  aussi  envi- 
ron 12  à 15  pour  100  d’un  sucre  incristaliisable,  ce  qui  la  fait  employer 
dans  le  sud  de  la  Bavière,  et  en  Suisse,  pour  fabriquer,  par  fermentation 
et  distillation,  une  eau-de-vie  potable  (2).  Cet  emploi  spécial,  et  celui 
qui  en  est  fait  en  médecine,  sont  cause  que  la  plante  est  aujourd’hui 
presque  entièrement  extirpée  de  certaines  parties  de  la  Suisse  où  elle 
était  autrefois  abondante.  D’autre  part,  la  Gentiane  est  dépourvue  de 
tannin. 

Commerce.  — La  racine  de  Gentiane  parvient  dans  le  commerce  an- 

(1)  Hlasiwetz  et  Habermann  ont  fait  voir,  en  1875,  que  la  Gentisine  répond  il  la 
constitution  suivante  : 

C8H8 ) cqH)S  — C6H* ) o-O- 

Elle  se  rapproche  de  la  maelurine,  et  fournit,  par  la  fusion  avec  de  la  potasse,  de  1 acide 
Oxysalicylique,  C7H8CP,  de  la  Phloroglucine,  C6H603,  et  de  X acide  Acétique,  [tf.  A.  F.] 

(2)  Th.  Martvus,  in  Pliarm.  Journ.,  1853,  XII,  371. 


100 


GENTIANACfcES. 


SlfS  pa!'  ï’intermôdiairo  de  maisons  allemandes.  Une  certaine  quantité 
est  aussi  expédiée  ,1c  Marseille.  La  quantité  importée  dans  le  Royaume- 
Um,  en  1870,  fut  de  1 100  quintaux. 

Usages.  _ La  Gentiane  est  beaucoup  employée  on  médecine  comme 
tonique  amer.  Réduite  en  poudre,  cette  racine  entre  dans  certaines 
compositions  vendues  pour  l’alimentation  du  bétail. 


fcuiistitntions.  - On  ne  peut  guère  dire  que  la  Gentiane  soit  falsifiée  • 
cependant  on  recueille  parfois  les  racines  de  quelques  autres  espèces 
qui  possèdent  des  propriétés  analogues.  Ces  espèces  sont  les  suivantes  : 
1°  Gentiana  pur  pur ea  L.  — Cette  espèce  habite  les  régions  moyennes 
a pines,  des  Apennins,  de  la  Savoie,  de  la  Suisse,  de  la  Transylvanie  et  dii 
sud-ouest  delà  Norwége.  Il  en  existe  une  variété  dans  le  Kamtchatka (1  ). 
On  recueille  fréquemment  sa  racine,  qui  atteint  au  plus  50  centimètres 
de  long  et  2 centimètres  et  demi  de  diamètre  à la  hase,  de  laquelle  s’é- 
lèvent huit  à dix  tiges  aériennes  revêtues,  dans  le  bas,  par  de  nombreux 
restes  écailleux  de  feuilles.  La  souche  de  la  racine  offre  aussi  un  aspect 
branchu  particulier  qu’on  ne  voit  jamais  dans  le  Gentiana  lutea , auquel 
le  Gentiana purpurea  ressemble  sous  tous  les  autres  rapports.  Cette  der- 
nière espèce  est  peut-être  même  douée  d’une  amertume  plus  intense. 

2°  Gentiana  punctata  L.  — La  même  description  s’applique  presque  à 
cette  espece,  qui  est  originaire  des  Alpes  méridionales,  s’étendant  vers 
l’est,  en  Autriche,  en  Hongrie  et  enRoumélie. 

3°  Gentiana pannonica  Scop.  - Cette  plante,  indigène  des  montagnes 
de  1 Autriche,  inconnue  dans  les  Alpes  suisses,  possède  une  racine  qui 
n’atteint  ni  la  longueur,  ni  l’épaisseur  de  celle  du  Gentiana  purpurea,  à 
laquelle  elle  ressemble  sous  les  autres  rapports.  Elle  est  inscrite  comme 
officinale  dans  la  Pharmacopée  autrichienne. 


(a)  Les  Gentianes  ( Gentiana  T.,  ImtiL,  80,  t.  40)  sont  des  Gentianacées  de  la 
tribu  des  Gentianées,  à capsule  atténuée  en  un  style  court  que  termine  un  stigmate 
bifide,  persistant. 

Le  Gentiana  lutea  L.  ( Spec .,  329),  vulg.  Grande  Gentiane,  est  une  plante  à souche 
\ivace,  cvlindiique,  marquée  de  cicatrices  foliaires,  et  portant  de  petits  bourgeons 
disposés  sur  plusieurs  lignes  spiralées  très-régulières.  La  racine  continue  directe- 
ment la  tige  , elle  est  cylindrique,  longue,  rameuse.  Les  rameaux  aériens  annuels 
sont  hauts  de  1 mètre  ou  davantage,  dressés,  fistuleux,  non  ramifiés,  terminés  par 
les  fleurs.  Les  feuilles  sont  opposées,  entières,  toutes  munies  de  cinq  à sept  nervures 
longitudinales  qui  convergent  vers  l’extrémité  de  la  feuille.  Les  feuilles  radicales 


(1)  Grisebach  ( Die  Végétation  der  Erde , 1872,  I,  223),  donne  des  détails  très-inté- 
ressants relativement  à faire  de  croissance  des  Gentiana  purpurea,  punctata  et  pan- 
nonica. Il  admet  que  ce  sonl  bien  des  espèces  distinctes. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  101 

sont  grandes,  elliptiques,  pétiolées,  celles  du  bas  de  la  tige  ont  un  pétiole  plus  court, 
les  moyennes  et  les  supérieures  sont  sessilcs  et  em- 
brassantes à la  base.  Les  fleurs  sont  disposées  en 
cymes  fasciculées  a 1 aisselle  des  paii  es  c e eui  es 
supérieures,  et  sont  munies  chacune  d’un  pédoncule 
court.  Le  calice  est  gamosépale,  tubuleux,  ovale, 
membraneux,  irrégulièrement  découpé,  au  sommet, 
en  quatre  à dix  dents,  et  fendu  d’un  côté  jusu  à 
la  base,  de  façon  à simuler  une  sorte  de  spathe.  La 
corolle  est  gamopétale,  grande,  d’un  beau  jaune,  ré- 
gulière, divisée  très-profondément  en  cinq,  sept,  ou 
neuf  lobes  étroits,  lancéolés,  contournés  dans  la 
préfloraison,  étalés  en  étoile  pendant  1 an  thèse. 

L’androcée  est  formé  d’étamines  en  nombre  égal  à 
celui  des  pétales,  alternes,  à filets  connés  au  tube 
de  la  corolle,  à anthères  libres,  linéaires,  biloculai- 

res,  introrses,  déhiscentes  par  des  fentes  longitu-  _ , 

dinales.  Le  gvnécée  est  formé  de  deux  carpelles  unis  en  un  ovaire  supere,  libre, 
uniloculaire,  atténué  en  un  style  court  que  terminent  deux  stigmates  roules  en  de- 
hors, persistants.  La  cavité  unique  de  l’ovaire  contient  de  nombreux  ovules  ana- 
tropes,  horizontaux,  insérés  sur  deux  placentas  pariétaux  très-saillants.  Le  fruit  est 
une  capsule  sèche,  uniloculaire,  ovoïde,  acuminée,  à déhiscence  septicic  e en  c eux 
valves.  Il  contient  de  nombreuses  graines  ovales,  comprimées,  ailées,  contenant, 
dans  des  enveloppes  membraneuses,  un  albumen  abondant  et  un  embryon  tiès- 
petit,  situé  près  du  hile.  [Trad.] 


tiUCGHL 

Fig.  134.  Gentiana  lutea. 
Sommet  de  la  tige. 


CHIRAYTA. 

Hùrba  Chiratæ  ; Herba  Chirettæ  vel  Chiray t&  1 ttngl.,  Chii'etta  or  Chiraytd. 

Origine  botanique.  — Ophelici  (1)  Chivata  Grisebach  {Gentiana  Cluj- 
rayita  Roxb.).  C’est  une  herbe  annuelle  clés  régions  montagneuses  du  nord 
de  l’Inde,  s’étendant  depuis  le  Simla  jusqu’au  district  de  Murung,  dans 
le  sud-est  du  Népaul,  en  passant  par  le  Kumaon  (a). 

Historique.  — Le  Chirayta  a été  longtemps  tenu  en  grande  estime 
par  les  Hindous,  et  est  fréquemment  mentionné  dans  les  écrits  de  Sus- 
ru  ta.  Il  se  nomme,  en  sanskrit,  Kirâtu-tikta , c’est-à-dire  plante  ambre 
des  Kirâtas , les  Kirâtas  étant  une  caste  errante  de  montagnards  du  nord 
de  l’Inde.  En  Angleterre,  il  commença  à attirer  l’attention  vers  1 an- 
née 1829.  En  1839,  il  fut  introduit  dans  la  Pharmacopée  dEdin- 
burgh.  La  plante  fut  décrite  pour  la  première  lois  par  Roxburgh,  en 
1814. 

Le  Chirayta  était  regardé  par  Guibourt  comme  le  Calamus  aromaticus 

(1)  Ùqiklîvi,  bénir,  allusion  aux  vertus  médicinales  de  la  plante. 


102  gentianacées. 

des  anciens,  mais  l’erreur  de  cetle  manière  de  voir  a été  bien  détnon- 

pai  I éc  (l,1,  et  par  Royle,  et  elle  est  aujourd’hui  généralement 
abandonnée. 

Description.  On  recueille  les  plantes  entières  lorsqu’elles  sont  en 

ou  plus  communément  lorsque  les  capsules  sont  complètement  for- 
mées. On  les  he,  avec  une  corde  de  bambou,  en  paquets  un  peu  aplatis, 
ongs  de  90  centimètres  environ  (2),  et  pesant  chacun,  après  dessicca- 
tion, de  1 livre  et  demie  à 2 livres.  La  tige  a de  4 ou  6 millimètres  à 
- centimètres  et  demi  d’épaisseur;  elle  est  colorée  en  brun  orangé,  et 
parfois  en  pourpre  foncé.  La  racine  est  simple,  fusiforme,  souvent  plus 
épaisse  que  la  tige,  longue  de  5 à 10  centimètres,  et  épaisse  d’un  centi- 
mètre environ.  Elle  est  rarement  ramifiée,  mais  toujours  munie  de 
quelques  radicules.  Dans  les  plus  forts  échantillons,  la  souche  est  un 
peu  oblique  ou  géniculée.  Dans  ce  cas,  la  tige  est  peut-être  un  produit 
de  végétation  de  seconde  année,  et  la  plante  n’est  pas  nécessairement 
annuelle.  Chaque  plante  est  formée  ordinairement  d’une  tige  simple, 
mais  parfois  il  s’élève  d’une  même  souche  deux  ou  un  plus  grand  nom- 
bre de  tiges.  La  tige  s’élève  à une  hauteur  de  60  à 70  centimètres.  Elle 
est  cylindrique  dans  ses  portions  inférieure  et  moyenne,  et  quadrangu- 
laire  dans  le  haut,  les  quatre  angles  étant  pourvus  chacun  d’une  ligne 
•saillante,  comme  dans  YErylhræa  Centcmrium , et  plusieurs  autres  plantes 
de  la  même  famille.  Sa  ramification  est  décussée  comme  celle  des  autres 
Gentianes.  Les  nœuds  sont  situés  à une  distance  de  3 à 5,  et  même  10 
centimètres  l’un  de  l’autre,  et  présentent  des  feuilles  opposées,  semi- 
amplexicaules,  ou  leurs  cicatrices.  La  tige  est  représentée,  dans  sa  partie 
inférieure,  par  une  grosse  colonne  ligneuse,  revêtue  d’une  écorce  mince, 
et  enveloppant  une  moelle  relativement  volumineuse.  Les  parties  supé- 
rieures de  la  tige  et  des  bz'anches  contiennent  un  large  cercle  de  paren- 
chyme ligneux  à parois  épaisses.  Les  rameaux  nombreux,  axillaires  et 
opposés,  sont  grêles,  allongés,  et  forment  une  panicule  ombelliforme, 
dense.  Ils  sont  lisses  et  glabres,  colorés  en  gris  verdâtre  ou  brunâtre. 

Les  feuilles  sont  ovales,  acuminées,  cordées  à la  base,  entières,  ses- 
siles.  Les  plus  grandes  ont  2 centimètres  et  demi  ou  plus  de  long. 
Elles  ont  de  3 à 5,  7 nervures  dont  la  médiane  est  très-forte.  Au  niveau 
de  chaque  division  de  la  panicule  sont  deux  petites  bractées.  La  corolle 
est  jaune,  rotacée,  à 4 lobes,  munie  de  petites  fossettes  glanduleuses  au- 
dessus  de  la  base.  Le  calice  a le  tiers  de  la  longueur  des  pétales  qui  ont 

(1)  Cours  d’Hist.  nat. pharmaceut.,  1828,  II,  395. 

(2)  Les  autres  espèces  de  Chirayta  sont  ordinairement  plus  courtes. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  103 

environ  1 centimètre  de  long.  Le  fruit  est  une  capsule  uniloculaire,  bi- 
valve, contenant  de  nombreuses  graines.  Les  fleurs  partagent  l’amer- 
tume intense  delà  plante  entière.  Le  bois  des  tiges  les  plus  fortes  est 

dépourvu  de  principes  amers.  • 

Composition  chimique.  — L’étude  chimique  du  Chirayta  a ete  faite, 
sur  notre  demande,  dans  le  laboratoire  du  professeur  Ludwig,  dléna, 
par  son  aide,  M.  Hôhn.  Les  résultats  principaux  de  ces  soigneuses  et 
difficiles  recherches  peuvent  être  exposés  de  la  façon  suivante  (1)  : 

Parmi  les  piûncipes  amers  de  la  drogue,  c est  1 acide  Ophélique, 
çt3jpQio^  gUj  se  présente  en  plus  grande  quantité.  C est  une  substance 
jaune,  amorphe,  visqueuse,  d’une  saveur  acidulé  et  amère,  très-persis- 
tante, et  d’une  odeur  agréable,  semblable  à celle  de  la  Gentiane.  Ce  prin- 
cipe produit  avec  l’acétate  basique  de  plomb  un  abondant  précipité 
jaune.  Il  ne  forme  pas  avec  le  tannin  de  composé  insoluble.  lise  dissout 
dans  l’eau,  l’alcool  et  l’éther.  La  première  de  ces  solutions  produit,  dans 
le  tartrate  alcalin  de  cuivre,  un  précipité  de  protoxyde  de  cuivre. 

Un  second  composé  amer,  la  Chiratine , C26H',8Ol0,  peut  être  obtenu  a 
l’aide  de  l’acide  tannique,  avec  lequel  il  forme  un  composé  insoluble. 
La  chiratine  est  une  poudre  neutre,  non  cristalline,  colorée  en  jaune 
clair,  hygroscopique,  soluble  dans  1 alcool,  1 éther  et  1 eau  chaude.  Elle 
se  décompose,  sous  l’influence  de  l’acide  chlorhydrique  bouillant,  en 
Chiratogénine , C13H2403,  et  en  acide  ophélique.  La  chiratogénine  est  une 
substance  amorphe,  brunâtre,  soluble  dans  1 alcool,  insoluble  dans  1 eau, 
et  ne  donnant  pas  de  composé  tannique.  Il  ne  se  forme  pas  de  sucie 
dans  sa  décomposition. 

Ces  résultats  n’offrent  aucune  analogie  avec  ceux  qu’on  obtient  dans 
l’analyse  des  Gentianes  européennes.  Enfin,  Hôhn  a trouvé  dans  le  Chi- 
rayta une  substance  jaune,  cristallisable,  insipide,  dont  la  quantité 
était  si  faible,  qu’il  ne  put  pas  en  faire  l’étude.  Les  feuilles  de  Chirayta, 
chauffées  à 100°  C.,  donnèrent  7,5  pour  100,  et  les  tiges  3,7  pour  100 
de  cendres,  parmi  lesquelles  dominaient  les  sels  de  potassium  et  de 
calcium. 

Usages.  — Le  Chirayta  est  un  tonique  amer,  dépourvu  d arôme  et 
d’astringence.  Son  amertume  intense  surpasse  celle  de  la  Gentiane,  de 
YErythræa,  et  des  autres  plantes  européennes  de  la  même  famille. 
11  est  très-estimé  dans  l’Inde,  mais  son  emploi  ne  s est  répandu  que 
peu  en  Angleterre  et  pas  du  tout  sur  le  continent.  Il  passe  poui  êtie 


(1)  Pour  plus  de  détails,  voyez  : Archiv  de'  Phurm.,  1869,  229 


U1  gentianacées. 

employé,  lorsqu  il  est  à 1ms  prix,  à la  place  de  la  Gentiane,  dans  la  pré- 
paration de  la  composition  désignée  sous  le  nom  de  Cattle  Foods. 
Substitution  et  Falsification.  — Quatre  autres  espèces  d 'Ophelia  : les 
pulchella  Don,  O.  angustifolia  Don,  densifolia  Crises.,  elegans  Wigiit, 
multiflora  Dalz.,  deux  ou  trois  espèces  à'Exacum,  et  Y Andrographis 
pamculala  Wall.  (voy.  p.  161),  sont  plus  ou  moins  connus  dans  les 
bazars  indiens  sous  le  nom  de  Chiretta  (1),  et  possèdent,  à un  degré  plus 
ou  moins  élevé,  les  piopiiétés  amères  et  toniques  de  cette  drogue.  Une 
autre  Gcntianacée,  le  Slevogtia  orienlalis  Gmseb.,  porte  le  nom  de 

Chota  Chiretta  ou  Petit  Chiretta.  Nous  dépasserions  les  limites  qui  nous 
sont  assignées,  en  décrivant  chacune  de  ces  plantes.  Nous  avons  donné 
une  description  un  peu  détaillée  du  véritable  Chirayta  qui  suffira  poul- 
ie taire  reconnaître.  Nous  avons  fréquemment  examiné  le  Chirayta  qui 
se  trouve  sur  le  marché  anglais,  et  nous  n'y  avons  jamais  trouvé  aucune 
autre  sorte  de  Chirayta  que  le  véritable  (2). 

(a)  Les  Ophelia  Don  (in  Phil.  Mag.,  1836,  77)  sont  des  Gentianacées  de  la  tribu 
j es  Lisianthees,  très-voisins  des  Sicerlia  avec  lesquels  MM.  Bentham  et  Hooker 
les  confondent.  Ils  ont  un  calice  4 ou  5 parti  te,  à segments  connés  à la  base 
valvaires  ; une  corolle  rotacée,  marcescente,  munie  de  glandules  au-dessus  de  là 
base;  des  anthères  incombantes;  un  ovaire  uniloculaire,  pluriovulé,  surmonté  de 
deux  stigmates  souvent  sessiles;  une  capsule  bivalve,  septicide,  plurisperme.  [Trad.J 

PETITE  CENTAURÉE. 

Origine  botanique  et  description.  — Erytlirœa  Centaurium  PçpsooN. 

Les  Erylhrœa  Renealm.  ( Species , 77,  t.  76)  sont  des  Gentianacées  de  la  tribu  des 
Gentianées,  a fleurs  pentamères  ; à anthères  se  contournant  en  spirale  après  la  dé- 
hiscence ; a style  filiforme  et  caduc,  trifide  ; à capsule  linéaire,  presque  biloculaira  ; 
à graines  subglobuleuses,  comprimées,  réticulées  ou  ridées. 

L ’ Erylhrœa  CenfaimtmPERsooN  ( Syn . pl.,  I,  283),  vulg.  Petite  Centaurée , Herbe 
à mille  florins , est  une  petite  plante  herbacée,  bisannuelle,  dont  la  souche  émet  de 
deux  à cinq  ou  dix  rameaux  aériens  dressés,  hauts  de  20  à 30  centimètres,  à rami- 
fications opposées.  La  racine  est  fusiforme,  courte  et  ramifiée.  Tous  les  axes  sont 
grêles,  quadrangulaires,  et  munis,  au  niveau  des  angles,  d’arêtes  saillantes.  Les  feuilles 
sont  toutes  opposées  et  entières.  Les  feuilles  radicales  sont  obovées,  obtuses,  atté- 
nuées .i  la  base,  disposées  en  rosettes.  Les  feuilles  caulinaires  sont  ovales-oblongues 
ou  oblongues,  aiguës  ou  obtuses,  sessiles  ; vers  le  sommet  de  la  tige,  elles  sont 
étioites  et  très-aiguës,  et  dans  le  voisinage  des  fleurs  elles  deviennent  linéaires. 
Elles  sont  toutes  d’un  vert  gai,  glabres,  tout  à fait  entières.  Elles  sont  munies  de 

(1)  Moodeen  Siieriff,  Suppl,  to  the  Phann.  of  India,  1867,  188,  189.  — Pharmaco - 
pœia  of  India,  1878,  148-149. 

(2)  M.  E.  A.  Wedu  a signalé  un  cas  de  falsification  dans  lequel  des  racines  de  Ru- 
bia  cordifolia  L.  ( Munjit ) avaient  été  enfermées  dans  des  paquets  de  Chirayta. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  ]0Î> 

trois  nervures  longitudinales,  qui  convergent  vers  l’extrémité  de  la  feuille,  en  di- 
minuant graduellement  de  force,  et  s’v  réunissent.  La  nervure  médiane  est  plus 
marquée  que  les  deux  autres,  et  sc  prolonge,  dans  le  Las,  en  une  petite  arête  longi- 
tudinale qui  s’éteint  sur  la  face  correspondante 
du  rameau  ; les  deux  bords  de  chaque  feuille 
continuent  les  deux  arêtes  qui  leur  correspon- 
dent ; comme  les  deux  feuilles  sont  très-rappro- 
chécs  au  niveau  de  leur  insertion,  les  quatre 
arêtes  de  l’axe  qui  répondent  à leurs  bords  sont 
rapprochées  deux  à deux.  Les  quatre  faces  de 
l’axe  sont  ainsi  fort  inégales  ; au  niveau  de 
chaque  nœud,  deux  plus  larges  répondent  aux 
deux  faces  inférieures  des  feuilles,  et  deux  plus 
étroites  correspondent  aux  intervalles  des  feuil- 
les. Chaque  rameau  se  termine  par  une  sorte 
de  corymbe  dense,  formé  de  cvmes  très-rappro- 
chées, situées  à l’aisselle  de  feuilles  linéaires,  et 
formées  de  fleurs  très-courtement  pédicellées. 

Les  fleurs  sont  régulières,  hermaphrodites,  à 
réceptacle  convexe.  Le  calice  est  gamosépale, 
vert,  tubuleux,  muni  de  cinq  angles  saillants 
qui  répondent  à cinq  dents  allongées  et  poin- 
tues. La  corolle  est  rouge,  gamopétale,  tubu- 
leuse, à tube  presque  moitié  plus  long  que  le 
calice  au  moment  de  l’anthèse,  cylindrique  ou 
un  peu  rétréci  au  niveau  de  la  gorge.  Le  limbe 
de  la  corolle  est  divisé  en  cinq  lobes  lancéolés, 
obtus,  tordus  dans  la  préfloraison.  La  corolle 
est  marcescente,  et  enveloppe  le  fruit  au-dessous 
duquel  elle  se  contourne.  L’androcée  est  formé 
de  cinq  étamines  alternes  avec  les  pétales,  à 
lilets  connés  au  tube  de  la  corolle  jusqu’au  niveau  de  sa  gorge,  à anthères  ovoïdes, 
étroites  et  allongées,  basifixes,  biloculaires,  introrses,  déhiscentes  par  des  fentes 
longitudinales.  Après  l’émission  du  pollen,  l’anthère  se  contourne  en  spirale  à deux 
tours.  Le  gynécée  est  formé  de  deux  carpelles  connés  en  un  ovaire  supère,  unilocu- 
laire, linéaire,  surmonté  par  un  style  filiforme,  renflé  et  bifide  au  niveau  de  son  ex- 
trémité stigmatique  ; chaque  branche  de  la  bifurcation  est  repliée  en  dehors  et 
couverte  de  papilles  sur  sa  face  interne,  convexe.  La  cavité  ovarienne  offre  deux  pla- 
centas pariétaux  très-saillants,  bilabiés,  épais,  divisant  presque  l’ovaire  en  deux  loges, 
et  chargés,  sur  chacune  de  leurs  lèvres,  d’un  très-grand  nombre  d’ovules  anatropes, 
horizontaux.  Le  fruit  est  une  capsule  étroite,  plus  longue  que  le  calice,  presque  bi- 
loculaire,  terminée  par  la  base  du  style  qui,  seule,  persiste  sous  forme  d’une  petite 
pointe.  La  déhiscence  est  septicide  ; chaque  valve  entraîne  deux  demi-placentas 
répondant  à ses  deux  bords  renflés  en  dedans,  chargés  de  petites  graines  cunéifor- 
mes, aplaties,  paraissant,  sur  une  coupe  transversale,  triangulaires,  avec  une  face 
convexe  et  deux  faces  plus  petites,  concaves,  séparées  par  une  arête  longitudinale. 
Les  téguments  sont  noirs  et  réticulés,  et  renferment  un  albumen  abondant  qui 
entoure  un  petit  embryon  cylindrique,  à radicule  dirigée  vers  la  petite  extrémité, 
foutes  les  parties  de  la  plante  possèdent  une  saveur  amère  très-prononcée.  Les 


Fig.  ISo.  Erythræa  Centaurium. 
Port.  Coupe  verticale  de  la  fleur.  Anthères. 


106  CONVOLVULACÉES. 

fleurs  ont  une  odeur  assez  agréable  qui  disparaît,  en  partie,  sous  l’influence  de  la  des- 
siccation. 

On  emploie  particulièrement  les  sommités  fleuries  de  la  petite  Centaurée, 
recueillies  au  moment  où  elles  sont  en  pleine  floraison.  En  France,  la  récolte  se  fait 
en  juillet  et  en  août.  La  plante  paraît  être  d’autant  plus  active  que  la  floraison  est 
plus  avancée.  Pour  conserver  la  coloration  des  fleurs,  on  les  fait  sécher  dans  des  cor- 
nets de  papier. 

Composition  chimique.  — • M.  Méhu  (l)  a trouvé  dans  la  petite  Centaurée  une  ma- 
tière analogue  à la  santonine,  qu’il  a nommée  Erythrocentaurine  (Cs5Htv08).  Il  la 
prépare  en  agitant  l’extrait  alcoolique  de  la  plante  avec  de  l’éther  qui,  en  s’évaporant, 
abandonne  un  résidu  semi-fluide,  brun.  De  celui-ci,  se  séparent  des  cristaux  d’érv- 
throcentaurine  impure.  On  la  purifie  par  recristallisation  dans  l’eau  et  décoloration 
par  le  charbon  animal.  L’érythrocentaurine  est  neutre  ; elle  fond  à 136°  C.,  et  cris- 
tallise par  refroidissement  de  sa  solution  aqueuse.  Elle  est  très-peu  soluble  dans  l’eau 
froide,  et  se  dissout  dans  35  parties  d’eau  bouillante.  Elle  est  soluble  dans  l’alcool, 
davantage  dans  le  chloroforme,  et  moins  dans  l’éther.  L’acide  sulfurique  fumant  la 
dissout  sans  l’altérer.  Elle  se  colore,  sous  l’influence  de  la  lumière,  en  rouge  vif,  mais 
donne  alors  des  solutions  incolores  qui  la  fournissent  incolore  sans  qu’elle  ait  subi 
d’altération. 

M.  Méhu  a indiqué,  en  outre,  dans  la  petite  Centaurée,  une  matière  résineuse  beau- 
coup moins  connue  qu’il  a nommée  Cenlauri-résine,  et  un  principe  amer  que  les 
dissolvants  divisent  en  deux  parties  : une  matière  sèche,  et  une  matière  molle.  Cette 
dernière  donnerait,  d’après  M.  Méhu,  à l’eau  distillée,  son  odeur  particulière.  De  nou- 
velles recherches  sont  nécessaires  pour  la  détermination  de  tous  ces  corps. 

Usages.  — La  petite  Centaurée  constitue  un  tonique  amer  et  stomachique  im- 
portant. On  l’emploie  beaucoup  dans  la  médecine  populaire,  comme  vermifuge.  Elle 
jouit  aussi  d’une  réputation  de  fébrifuge  presque  égale  à celle  de  la  grande  Centau- 
rée, mais  aussi  peu  méritée.  On  l’administre  en  décoctions  de  sommités  fleuries, 
ou  eu  extrait.  Elle  entre  dans  la  composition  d’un  certain  nombre  de  vieilles  prépa- 
rations pharmaceutiques,  telles  que  la  Thériaque,  le  Baume  vulnéraire,  1 Esprit 
carminatif  de  Sylvius,  etc.  [Trad.] 


CONVOLVULACÉES 

SCAMMONÉE. 

Scammonium  ; angl.,  Scammomj:  allem.,  Scammonium. 

Origine  botanique.  — Convoloulus  Scammonia  L.  C’est  une  plante  vo- 
lubile,  ressemblant  beaucoup  au  Convoloulus  civvensis  d'Europe,  dontelle 
diffère  par  sa  taille  plus  considérable,  et  par  sa  racine  renflée  en  fuseau. 
On  la  trouve  dans  de  vastes  régions  buissonneuses,  en  Syrie,  en  Asie  Mi- 
neure, en  Grèce,  dans  les  îles  grecques,  s’étendant  vers  le  nord  jusqu’en 
Crimée,  et  dans  le  sud  de  la  Russie.  Elle  paraît  manquer  dans  le  nord 
de  l’Afrique,  en  Italie  et  dans  toutes  les  parties  occidentales  du  bassin 
de  la  Méditerranée  (a). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  107 

Historique.  — Le  suc  épaissi  de  la  Scamraonée  est  connu  en  médecine 
depuis  une  époque  très-reculée.  Théophraste,  au  troisième  siècle  avant 
Jésus-Christ,  en  avait  connaissance.  Il  était  également  connu  de  Dios- 
coride,  de  Pline,  de  Gelse,  de  Rufus  d'Ephèse,  qui  ont  tous  donné 
des  détails  sur  la  façon  dont  on  le  récoltait.  Les  médecins  arabes  con- 
naissaient également  le  suc  de  la  Scammonée,  et  la  plante  qui  le  fournit. 
La  drogue  était  employée  en  Angleterre  aux  dixième  et  onzième  siècles. 
Elle  paraît  avoir  ôté  recommandée  au  roi  Alfred  le  Grand  par  Hélias, 
patriarche  de  Jérusalem  (1).  Elle  est  fréquemment  nommée  dans  les 
écrits  médicaux  antérieurs  à la  conquête  des  Normands  (1066).  Dans 
l’un  d’eux,  on  donne  le  moyen  de  reconnaître  la  bonté  de  la  drogue  à 
l’émulsion  blanche  qu’elle  produit  lorsqu’on  la  mouille. 

Les  botanistes  du  seizième  et  du  dix- septième  siècle,  notamment  Brun- 
fels,  Gesner,  Matthiolus,  Dodonæus,  etlesBauhin,  décrivent  et  figurent 
la  plante  sous  le  nom  de  Scammonia  syriaca.  La  récolte  de  la  drogue 
fut  bien  décrite,  en  1752,  parRussel,  médecin  anglais  d’Alep,  dont  le 
récit  (2)  est  accompagné  d’une  excellente  figure  représentant  la  plante 
et  le  moyen  de  recueillir  son  suc. 

Les  qualités  de  la  Scammonée  furent  d’abord  distinguées  par  les  noms 
A'Alep  et  de  Smyrne,  la  première  sorte  coûtant  deux  ou  trois  fois  plus 
que  la  seconde.  Aujourd’hui  la  Scammonée  d’Alep  a tout  à fait  perdu 
sa  priorité. 

Localités  qui  produisent  la  drogue.  — La  Scammonée  est  recueillie 
dans  l’Asie  Mineure,  de  Brussa  et  Boli  dans  le  Nord,  à Macri  et  Adalia 
dans  le  Sud,  et  vers  l’Est  jusqu’à  Angora.  Dans  cette  aire,  les  localités  les 
plus  productives  sont  : la  vallée  du  Mendereh,  au  sud  de  Smyrne,  et  les 
districts  de  Kirkagach  et  Demirjik  au  nord  de  cette  ville.  Les  environs 
d’Alep  en  produisent  aussi,  ün  en  recueille  une  petite  quantité  plus  au 
sud,  en  Syrie,  sur  les  montagnes  boisées,  et  dans  les  vallées  voisines  du 
lac  de  Tibériade  et  du  mont  Carmel. 

Production.  — La  plante  qui  fournit  la  Scammonée  possède  une  longue 
racine  ligneusequi  produit,  dans  le  bas,  un  petit  nombre  debrancheslaté- 

(1)  C est  l’opinion  exprimée  par  le  R.  O.  Cockayne.  La  lettre  d’Helias  à Alfred  est  in- 
complète, et  mentionne  seulement  le  baume,  le  pétrole,  la  thériaque,  et  une  pierre 
blanche  employée  comme  charme.  Mais  un  renvoi,  lait  dans  une  autre  partie  du  ma- 
nuscrit, à ces  quatre  articles,  etenmême  temps  à lasoammonée,  la  gomme  ammoniaque, 
la  gomme  adragante  et  le  galbanum,  nous  conduit  à penser  que  ces  dernières  dro  ■ 
gués  de  Syrie  et  de  Perse  étaient  signalées  dans  la  partie  perdue  de  la  leLtrc  du  pa- 
triarche. — Voyez  : Lcechdoms,  Wortcunning  and  Starcraft  of  Early  Enylahd,  édit, 
par  Cockayne  (Master  of  the  Rolls  Sériés),  II,  xxiv,  289,  175  et  273,  281 . 

(2)  Medical  Observations  and  Inquiries,  1757,  1,  12. 


108 


CONVOLVULACÉES, 
raies,  el  émet,  au  niveau  de  sa  base  noueuse,  de  nombreuses  tiges  vo- 
lubiles,  persistantes,  et  ligneuses  à la  base.  Dans  une  plante  de  trois  à 
quatre  ans,  la  racine  peut  avoir  2 centimètres  et  demi  ou  plus  de  dia- 
mètre. Dans  les  vieux  échantillons,  elle  acquiert  parfois  un  diamètre  de 
8 a 10  centimètres.  Sa  longueur  varie  de  00  à 00  centimètres,  suivant  les 
profondeurs  du  sol  dans  lequel  elle  croît.  Lorsqu’on  coupe  cette  ra- 
cine, elle  laisse  exsuder  un  suc  laiteux  qui  se  dessèche  en  une  sub- 
stance d’un  brun  doré,  transparente,  gommeuse.  C’est  la  Scammonée 
pure  (1). 

La  méthode  employée  pour  la  récolte  de  la  Scammonée  destinée 
à 1 usage  médical  paraît  être  la  même  dans  toutes  les  localités.  Elle 
a été  décrite,  de  la  façon  suivante,  à l’un  de  nous,  par  deux  témoins  ocu- 
laires, qui  avaient  longtemps  résidé  en  Orient  (2).  On  commence  par 
éclaircir  les  buissons  au  milieu  desquels  croît  la  plante.  On  creuse  alors 
la  terre  autour  de  cette  dernière,  de  façon  à mettre  à nu  10  ou  12  centi- 
mètres de  la  racine.  On  incise  ensuite  obliquement  la  racine  à 3 ou 
5 centimètres  au-dessous  de  la  couronne,  et  l’on  enfonce,  au-dessous  de 
l’extrémité  inférieure  de  l’incision,  une  coquille  de  moule  destinée  à 
recevoir  le  suc  laiteux,  qui  s’écoule  immédiatement.  On  laisse  d’ordi- 
naire les  coquilles  jusqu’au  soir  ; on  les  recueille  alors,  et  on  racle  la 
plaie  de  la  racine  avec  un  couteau,  pour  enlever  les  gouttes  de  suc  qui 
s’y  sont  desséchées.  Ces  dernières  sont  nommées  par  les  paysans  de 
Smyrne  Kcrimak  , crème,  tandis  qu’ils  désignent  le  contenu  plus  mou 
des  coquilles  sous  le  nom  de  Gala , lait. 

On  laisse  parfois  la  Scammonée  se  dessécher  dans  les  coquilles,  et 
l’on  a une  qualité  de  la  drogue  qui  peut  être  considérée  comme  la 
dernière  limite  de  perfection  qu’elle  puisse  atteindre.  Cette  Scammonée 
en  coquilles  n’entre  pas  dans  le  commerce,  mais  les  paysans  en  gardent 
une  certaine  quantité  pour  leur  usage  personnel. 

Le  contenu  des  coquilles,  et  les  gouttes  raclées  sur  la  racine,  sont 
réunis  dans  un  vase  en  cuivre  couvert,  ou  dans  un  sac  en  cuir,  pour 
être  rapportés  à la  maison.  On  rend  la  masse  homogène  en  la  mélan- 
geant à l’aide  d’un  couteau,  et  on  l’abandonne  à la  dessiccation.  On 
obtient  ainsi  une  sorte  de  Scammonée  qui  se  rapproche  beaucoup  de 

(1)  Son  nom  dérive  probablement  de  oxâu.jj.a,  fossé  ou  trou,  par  allusion  a l’excava- 
tion qu’on  pratique  autour  de  la  racine. 

(2)  L’un  est  S.  II.Maltass,  de  Smyrne, dont  on  trouvera  un  mémoire  intéressantdans 
le  Pharm.  Jourti , 185'.,  XIII,  264,  et  l’autre  M.  Edward  T.  Rogers,  consul  d'Angle- 
terre, d’abord  à CaifTa  et  maintenant  (1874)  au  Caire. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  10g 

celle  qui  s’est  desséchée  dans  les  coquilles,  et  qui  est  d’une  qualité 
exceptionnelle.  Ordinairement,  les  paysans  ne  font  pas  sécher  le  suc 
aussi  promptement.  Ils  laissent  accumuler  leurs  récoltes  journalières 
et  lorsqu’ils  en  ont  recueilli  une  ou  deux  livres,  ils  exposent  la  drogue 
au  soleil  pour  la  faire  ramollir,  puis  ils  la  pétrissent,  parfois  en  y 
ajoutant  un  peu  d’eau,  en  une  masse  plastique  qu’on  abandonne  enfin 
à la  dessiccation.  Par  cette  longue  exposition  à la  chaleur,  et  le  maintien 
à l’état  humide,  la  Scammonée  subit  une  fermentation,  acquiert  une 
odeur  forte  de  fromage,  et  une  coloration  foncée,  et  lorsqu’enfin  elle 
est  sèche,  elle  offre  une  structure  plus  ou  moins  poreuse  ou  bulleuse 
que  ne  présente  pas  la  Scammonée  en  coquilles. 

La  Scammonée  est  falsifiée  sur  une  grande  échelle.  La  falsification  est 
fréquemment  faite  par  les  paysans,  qui  mélangent  à la  drogue  encore 
molle  des  substances  étrangères.  Elle  est  effectuée  aussi  par  les  mar- 
chands, dont  quelques-uns  l’achètent  aux  paysans  à demi  desséchée. 
Les  substances  employées  pour  cette  sophistication  sont  nombreuses; 
les  plus  communes  et  les  plus  faciles  à reconnaître,  d’après  notre  expé- 
1 ience,  sont  le  caibonate  de  chaux  et  la  farine.  On  emploie  aussi  les 
cendres  de  bois,  la  terre  (fréquemment  calcaire),  la  gomme  arabique  et 
la  'gomme  adragante  ; plus  rarement,  la  cire,  le  jaune  d’œuf,  la  poudre 
de  racine  de  Scammonée  et  la  mine  de  plomb. 

Description.  — Le  suc  pur  de  la  racine,  simplement  desséché  par  ex- 
position au  soleil  et  à 1 air,  est  une  substance  amorphe,  transparente, 
cassante,  à aspect  résineux,  à coloration  d’un  brun  jaunâtre  et  à cassure 
luisante.  On  tiouve  accidentellement  de  la  Scammonée  offrant  ces  carac- 
tères, en  masses  aplaties,  irrégulières,  épaisses  de  1 à 2 centimètres,  très- 
cassantes,  en  raison  de  leurs  fissures  intérieures,  mais  contenant  peu 
de  cavités  à air.  En  masse,  elle  est  d’un  brun  marron,  mais,  en  petits 
fiagments,  elle  est  d un  brun  jaunâtre  très-pâle,  transparente,  avec  une 
surface  de  cassure  vitreuse  et  luisante  ; réduite  en  poudre,  elle  est  colo- 
rée en  chamois  très-clair.  Lorsqu’on  la  frotte  avec  le  doigt  mouillé,  elle 
forme  une  émulsion  blanche.  Traitée  par  l’éther,  elle  donne  de  88  à 90 
pour  100  de  matière  soluble,  et  un  résidu  presque  incolore.  La  Scammo- 
née, comme  le  suc  pur  des  coquilles,  moisit  très-facilement,  et  lorsqu’on 
la  conserve  longtemps,  elle  se  recouvre  d’un  efflorescence  blanche,  ma- 
melonnée, cristalline,  dont  nous  n’avons  pas  pu  déterminer  la  nature. 
Cependant,  lorsqu’elle  est  conservée  à l’état  de  dessiccation  parfaite, 
on  ne  voit  se  produire  ni  moisissures  ni  efflorescence. 

La  belle  Scammonée  du  commerce,  connue  sous  le  nom  de  Scam- 


110 


CONVOLVULACÉES. 

monée  vierye , sc  présente  aussi  en  larges  plaques,  ou  bien  en  gâteaux 
et  en  fragments  irrégulièrement  aplatis,  qui,  vus  en  masse,  sont  noi- 
râtres ou  colorés  en  gris  foncé.  Elle  se  brise  très-facilement,  sa  cassure 
est  luisante,  sa  poudre  est  d’un  gris  cendré,  elle  a une  odeur  parti- 
culière de  fromage.  Certains  morceaux  ont  une  structure  poreuse  ou 
bulleuse,  indiquant  la  fermentation  qu’elle  a subie.  Les  plus  volumi- 
neux offrent  parfois  l’efflorescence  dont  nous  avons  parlé.  LaScammo- 
née  n’a  pas  beaucoup  de  goût,  mais  elle  laisse  dans  la  gorge  une  sensa- 
tion d’âcreté. 

Composition  chimique.  — La  Scammonée  doit  ses  propriétés  médica- 
menteuses à une  résine,  que  Spirgatis,  en  1860,  a montré  être 
identique  à celle  que  l’on  trouve  dans  la  racine  de  Ylpomæa  oriza- 
bensis  du  Mexique,  connue,  dans  le  commerce,  sous  le  nom  de  Jalap 
mâle.  Cette  résine,  nommée  Jalapine,  sera  décrite  dans  l’article  suivant. 
Les  autres  principes  constituants  de  la  Scammonée  pure  ne  sont  pas 
bien  connus.  L’un  d’eux  est  la  substance  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut,  qui  se  sépare  en  cristaux  mamelonnés  à la  surface  de  la  Scam- 
monée conservée  dans  un  état  de  dessiccation  imparfaite. 

Il  y a à rechercher  si  l’odeur  de  la  Scammonée  du  commerce  est  due 
à un  acide  gras  volatil  développé  par  la  fermentation. 

Commerce.  — L’exportation  de  la  Scammonée  faite  par  Smyrne  s éleva, 
en  187 1 ,à  278  caisses,  valant  8 320  livres  sterling  ; en  1872,  à 183  caisses, 
valant  6100  livres  sterling.  D’après  un  rapport  du  consul  Skene,  sur  le 
commerce  du  nord  de  la  Syrie  (I),  737  caisses  de  Scammonée  furent  ex- 
portées de  la  province  d’Alep,  en  1872,  la  sixième  partie  de  cette  quan- 
tité à destination  de  l’Angleterre.  En  1873,  l’Angleterre  a reçu  900  ki- 
logrammes de  Scammonée,  et  46  500  kilogrammes  de  racine  de  Scam- 
monée, exportés  d’Alep  par  voie  d’Alexandrette. 

Usages. —La  Scammonée  est  employée  comme  cathartique  énergi- 
que, souvent  mélangée  avec  la  coloquinte  et  le  calomel. 

Falsification.  — La  Scammonée  est  très-souvent  importée  à l’état  fal- 
sifié, mais  la  falsification  est  si  grossière  et  si  facile  à découvrir  par  des 
procédés  simples,  ou  même  à la  seule  vue,  que  les  droguistes  ne  peu- 
vent être  excusés  lorsqu’ils  acceptent  un  article  de  mauvaise  qualité. 

Nous  avons  déjà  indiqué  les  substances  employées  pour  falsifier  la 
Scammonée  ; parmi  elles,  le  carbonate  de  chaux  et  les  farines  sont  celles 
qu’on  trouve  le  plus  fréquemment.  On  peut  ordinairement  découvrir  le 


(1)  Présenté  au  Parlement  en  juillet  1873. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  \\\ 

premier  en  examinant  la  surface  de  cassure  de  la  drogue  avec  une 
bonne  loupe  qui  rend  visibles  les  particules  blanches  de  carbonate.  Si 
l’on  touche  alors  la  surface,  sous  la  loupe,  avec  de  l’acide  chlorhy- 
drique, il  se  produit  une  effervescence  qui  indique  la  présence  du  car- 
bonate. On  peut  découvrir  les  autres  matières  terreuses  par  l’incinération, 
ou  en  examinant  le  résidu  de  la  drogue  préalablement  traitée  par  l’éther. 
On  peut  soupçonner  la  présence  des  matières  féculentes  par  la  diffi- 
culté qu’on  éprouve  à casser  la  drogue,  et  les  reconnaître  à l’aide  du 
microscope  ou  de  la  solution  d’iode,  la  décoction  froide  de  Scammonée 
n’étant  pas  affectée  par  ce  réactif.  On  doit  rejeter  toute  Scammonée  qui 
est  lourde,  terne  et  terreuse,  et  qui  ne  se  brise  pas  facilement  entre  les 
doigts,  ou  dont  la  cassure  n’est  pas  nette,  luisante,  et  celle  qui  ne  con- 
tient pas  au  moins  80  pour  100  de  matières  solubles  dans  l’éther.  Celle 
qui  se  présente  en  pains  durs,  foncés,  circulaires,  est  très-différente  de  la 
Scammonée  pure. 

On  peut  distinguer  la  Scammonée  de  la  Résine  de  Scammonée  à sa  pro- 
priété de  former  une  émulsion  lorsqu’on  l’humecte.  La  résine  est  aussi 
plus  luisante,  et  presque  entièrement  soluble  dans  l’éther. 


RACINE  DE  SCAMMONÉE. 

Les  fraudes  auxquelles  la  Scammonée  du  commerce  est  communément 
soumise,  ont  donné  naissance  à des  procédés  divers  pour  l’obtenir  sous 
une  forme  plus  pure,  et  en  même  temps  moins  coûteuse  (1). 

Dès  1839,  le  Collège  d Edinburgh  prescrivit  une  Résina  Scammonii , 
préparée  en  épuisant  la  Scammonée  avec  de  l’alcool,  distillant  l’es- 
piit,  et  lavant  le  résidu  avec  de  l’eau.  Cet  extrait  était  fabriqué  par 
Maltass,  de  Smyrne,  et  accidentellement  expédié  à Londres.  Sous  l’in- 
spiration de  M.  Clark,  fabricant  de  réglisse  à Sochia,  près  de  Scala  Nuova, 
une  patente  fut  prise,  en  1856,  par  le  professeur  A.  W.  Williamson,  de 
Londres,  pour  1 extraction  de  la  résine,  directement  des  racines  sèches,  à 
1 aide  de  1 alcool. Le  même  chimiste  imagina  plus  tard  un  procédé  perfec- 
tionné qui  consiste  à faire  d’abord  bouillir  les  racines  dans  l’eau,  puis 
dans  un  acide  dilué,  de  façon  à les  priver  de  toutes  les  matières  solubles 
dans  ces  liquides,  et  à extraire  ensuite  la  résine  à l’aide  de  l’alcool. 

La  résine  de  Scammonée  retirée  soit  de  la  Scammonée, soit  de  la  racine 

, ?a  ®cammonée  est  cotée  dans  un  prix  courant  de  Londres  d’avril  1874,  de  8 

G s îillings  la  livre,  et  la  résine  de  Scammonée  à 14  shillings  la  livre. 


Fig.  150.  Convoluulus  Scammonia.  Port.  Coupe  verticale  de  la  fleur.  Pistil  isolé. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  1J3 

sèche,  est  prescrite  par  la  Pharmacopée  anglaise  de  1867,  et  est  fabri- 
quée par  un  petit  nombre  de  maisons.  C’est  une  substance  cassante 
brune,  translucide  ; à cassure  résineuse  ; entièrement  soluble  dans  l’éther 
et  ne  formant  pas  d’émulsion  lorsqu’on  l’humecte  avec  de  l’eau. 

La  racine  de  Scammonée  est  accidentellement  apportée  sur  le  marché 
de  Londres,  et  parfois  en  grande  quantité  (1);  mais  elle  n’est  générale- 
ment pas  vendue  par  les  droguistes,  et  ne  se  trouve  pas  dans  leurs  prix 
courants.  Sa  récolte  est  interdite,  dans  quelques  parties  de  la  Turquie, 
par  les  autorités  locales  (2). 

La  racine  se  présente  en  fragments  cylindriques,  épais,  ligneux,  sou- 
vent tordus  en  spirale,  larges  de  5 à 7 centimètres,  et  couverts  d’une 
écorce  rugueuse,  ridée,  d un  brun  grisâtre.  Elle  est  colorée  intérieure- 
ment en  brun  pâle  ; elle  esL  dure  et  résineuse  ; son  odeur  est  faible,  et 
sa  saveur  ressemble  à celle  du  jalap.  Un  bon  échantillon  nous  a donné 
5,50  pour  100  de  résine. 


(?)  ^es  Convolvulus  L.  (Gcn.,  n.  215)  forment  le  type  d’une  série  de  Convolvu- 
lacées à fleurs  régulières  et  hermaphrodites,  pentamères  ; à ovaire  entouré  d’un 
disque  hypogyne,  et  surmonté  d’un  long  style,  bifide  au  niveau  de  son  extrémité  stig- 
matique  ; à deux  loges  biovulées  ; à fruit  capsulaire,  septicide  ; à graines  albumi- 
nées ; à embryon  recourbé,  muni  de  cotylédons  très-larges  et  plusieurs  fois  repliés 
sur  eux-mêmes. 

, Le  Convolvulus  Scammonia  L.  (Species,  218)  est  une  plante  à souche  vivace, 
émettant  chaque  année  de  nombreuses  tiges  aériennes  grêles,  volubiles,  lisses  ar- 
rondies, un  peu  anguleuses  vers  les  extrémités,  ramifiées.  Les  feuilles  sont  alternes, 
simples,  entières  sur  les  bords,  assez  longuement  pétiolées,  à limbe  oblong,  étroit, 
sagitte,  aigu  au  sommet,  prolongé  à la  base  en  deux  auricules,  terminées  chacune 

5ar  ' ÏUX  P°Intes  ,né°ales  et  ai£uës;  11  est  entièrement  lisse  sur  les  deux  faces, 
f ont  1 inferieure  est  uu  peu  plus  pâle;  il  est  muni  d’une  nervure  médiane  étendue 
( epius  e pétiole  .jusqu  à 1 extrémité  de  la  feuille,  et  de  deux  autres  nervures  qui  s'en- 
foncent dans  les  deux  auricules  aiguës  de  la  base.  De  ces  trois  nervures  de  premier 
ordre,  partent  des  nervures  secondaires  qui  s’anastomosent  sur  les  bords  de  la  feuille  ; 
es  premières  sont  peu  saillantes,  les  autres  sont  plutôt  déprimées.  Le  limbe  est 
on^  ce.  à 8 centimèties.  Le  pétiole  est  long  de  2 à 4 centimètres.  Les  fleurs  sont 
isposees  en  cymes  axillaires  de  deux  ou  trois  fleurs,  portées  par  de  longs  pédoncules 
greles,  et  distribuées  sur  toute  la  longueur  des  rameaux.  Le  calice  est  gamosépale,  à 
nnq  oies  imbriques ,en  quinconce  dans  la  préfloraison.  La  corolle  est  monopétale, 
campaniforme,  colorée  en  blanc  jaunâtre  pâle,  à bord  entier  à l’état  de  complet  déve- 
oppement,  formant  dans  le  bouton  cinq  plis  qui  se  recouvrenten  préfloraison  tordue. 

an  ioc  ;e  est  formé  de  cinq  étamines  nées  en  alternance  avec  les  pétales.  Les  filets 
s animaux  sont  connés,  dans  le  bas,  avec  le  tube  de  la  corolle, jusqu’au  niveau  de  la 

flj  balles  furent  offertes  dans  une  vente  de  drogues  le  3 juillet  1873. 

i i?  a*n3i  k a*ns‘  fIue  nous  en  avons  été  informé  par  une  lettre  du 

consul,  M.  Skene.  [D.  Hanb.] 

HIST.  DES  DKOGUES,  T.  11. 


8 


114  CONVOLVULACÉES. 

base  du  style  ; ils  sont  rétrécis  vers  le  haut,  et  terminés  chacun  par  une  anthère  ba- 
silixe,  allongée-ovoïde,  à deux  loges  étroites,  fixées  sur  les  bords  du  connectif,  et  dé- 
hiscentes chacune  par  une  fente  longitudinale.  M.  Bâillon  (1)  a montré  que  les  loges 
sont  primitivement  introrses,  mais  qu’au  moment  de  la  déhiscence  le  connectif 
qui  s’étend  entre  les  deux  loges  en  forme  de  lame,  et  qui  était  d’abord  plan,  de- 
vient concave  en  dehors  en  rapprochant  scs  bords  qui  portent  les  loges,  de  sorte 
que  celles-ci  deviennent  extrorses.  Le  gynécée  est  formé  de  deux  carpelles  connés 
en  un  ovaire  biloculaire,  supère,  un  peu  rétréci  à la  base,  et  atténué  au  sommet  en 
un  style  cylindrique  aussi  long  que  les  étamines,  et  se  terminant  au  niveau  des 
anthères  par  deux  branches  stigmatiques  allongées,  aplaties  en  dedans,  convexes  et 
couvertes  de  papilles  stigmatiques  en  dehors.  Entre  la  base  de  l’ovaire  et  l’androcée, 
le  réceptacle  se  soulève  pour  former  un  disque  hvpogyne,  annulaire,  charnu,  à bord 
arrondi  et  entier.  Chaque  loge  ovarienne  contient  deux  ovules  insérés  à la  base 
de  l’angle  interne,  anatropes,  dressés,  à micropvle  dirigé  en  bas  et  en  dehors. 
Le  fruit  est  une  capsule  septicide,  contenant,  dans  chaque  loge,  deux  graines  à al- 
bumen muciiagineux,  et  h.  embryon  recourbé,  avec  deux  cotylédons  très-larges,  re- 
pliés plusieurs  fois  sur  eux-mêmes.  [Trad.] 


RACINE  DE  JALAP. 

Radix  Jalapæ  ; Tubcr  Jalapæ  ; angl.,  Jalap,  Vera-Crus  Jalap  , allcrn.,  Jalapc. 


Origine  botanique.  — Ipnmæa  Purga  Hayne  ( Convolvulus  Purga  Wen- 
deroth,  Exogonium  Purga  Bentham).  C’est  une  plante  herbacée,  à ra- 
cines tubéreuses  et  à tiges  volubiles,  à feuilles  cordées,  acuminées,  mu- 
nies d’auricules  aiguës,  et  à fleurs  élégantes,  campanulées,  colorées  en 
rose  foncé.  Elle  croît  spontanément  dans  les  parties  orientales  déclives 
des  Andes  mexicaines,  aune  hauteur  d’environ  1500  à 2400  mètres  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer.  On  la  trouve  surtout  autour  de  Ghicon- 
quiaco  et  des  villages  adjacents,  et  aussi  dans  le  voisinage  de  San  Sal- 
vador, sur  les  pentes  orientales  du  Cofre  de  Perote.  Dans  ces  localités, 
la  pluie  tombe  presque  tous  les  jours,  et  la  température  diurne  varie  de 
15°  à 24°  G. ; la  plante  y vit  dans  les  bois  ombragés,  et  réussit  très-bien 
dans  ce  sol  végétal  riche  et  profond  (a). 

Le  Jalap  croît  facilement  dans  le  sud  de  l’Angleterre,  lorsqu’on  le 
plante  le  long  d’un  mur  qui  le  protège,  mais  il  fleurit  trop  tard,  en  au- 
tomne, et  ses  fleurs  ne  s’épanouissent  que  rarement.  Les  tubercules,  qui 
se  produisent  en  assez  grande  abondance,  périssent  facilement  pendant 
l'hiver,  à moins  d’être  protégés  contre  la  gelée. 

La  plante  a été  introduite  dans  les  montagnes  de  Neilgherry,  dans  le 

(1)  Bulletin  de  l'Association  française  pour  l’avancement  des  sciences,  1874,  453. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  j|g 

sud  de  l’Inde.  Elle  yré'ussit(l)  d’une  façon  remarquable,  et  pourrait  être 
facilement  répandue,  si  l’on  y trouvait  quelque  avantage.  Cependant 
des  nouvelles  plus  récentes  ne  confirment  guère  cette  manière  de  voir. 

Historique.  — L’emploi,  en  qualité  de  purgatif,  d’une  plante  convol- 
vulacée  du  Mexique,  fut  indiqué  par  les  premiers  voyageurs  espagnols. 
L’estime  accordée  à la  nouvelle  drogue  fut  si  grande,  que,  pendant  le 
seizième  siècle,  on  en  importa  en  Europe  des  quantités  considérables. 

Monardes,  en  1565,  dit  que  la  nouvelle  drogue  était  nommée  Ruybarbo 
de  las  Indias  ou  Ruybarbo  de  Mechoacan,  ce  dernier  nom  lui  étant  donné 
par  allusion  à la  province  de  Michoacan,  d’où  la  marchandise  provenait. 
Quelques  écrivains  ont  émis  l’opinion  que  la  racine  de  Mechoacan  était 
le  Jalap  moderne,  mais  rien  ne  confirme  cette  manière  de  voir.  La 
description  donnée  du  Mechoacan,  et  le  lieu  de  sa  production,  ne 
s’appliquent  pas  bien  au  Jalap.  Les  deux  drogues  étaient  en  outre 
connues  vers  1610.  Elles  sont  parfaitement  distinguées  par  Colin,  apo- 
thicaire de  Lyon  (1619),  qui  mentionne  le  Jalap  (î racine  de  Ialap)  comme 
récemment  apporté  en  France  (2).  Elles  étaient  cependant  souvent  con- 
fondues, ou  du  moins  distinguées,  seulement,  par  la  différence  de  leur 
coloration.  Le  Jalap,  qui  était,  à cette  époque,  importé  en  tranches 
tranversales  (3),  portait,  à cause  de  Isa  couleur  noire,  le  nom  de  Mechoa- 
can noir  ; tandis  que  le  mechoacan  le  plus  pâle  était,  dans  les  derniers 
temps,  connu  sous  le  nom  de  Jalap  blanc.  On  sait  aujourd’hui  que  la 
racine  de  Mechoacan  était  constituée,  du  moins  en  partie,  par  le  tuber- 
cule épais  de  Vlpomæa  Jalapa  Purs n(RatatasJalapa  Choisy), plante  du  sud 
des  Etats-Unis  et  du  Mexique.  Elle  est  depuis  longtemps  abandonnée, 
comme  drogue,  en  Europe,  et  a cédé  sa  place  au  Jalap,  qui  est  plus  actif. 

La  source  botanique  du  Jalap  ne  fut  définitivement  déterminée  que 
vers  l’année  1829,  par  le  docteur  Goxe,  de  [Philadelphie.  Il  publia  une 
description  et  une  figure  coloriée,  prises  sur  une  plante  vivante,  qui 
lui  avait  été  envoyée  de  Mexico  deux  années  auparavant  (4). 

Mode  de  croissance.  — Quoique  nous  ayons  cultivé  le  Jalap  pendant 
plusieurs  années,  nous  n avons  pas  eu  les  moyens  d’étudier  la  plante 
venue  de  semences.  En  jugeant  par  analogie,  nous  supposons  qu’elle 

( j ^ cn  est  ainsi,  par  exemple,  à Ootacamund.  M.  Broughton,  dans  une  lettre  adressée 
; 1 un  de  nous,  dit  qu’il  a reçu  « une  grappe  de  tubercules  b pesant  plus  de  9 livres. 

II  fait  remarquer  que  la  plante  croît  aussi  facilement  que  l’igname. 

(2)  Monardes,  Hist.  des  médicam.,  traduite  par  Colin,  éd.  2,  .1619, 131.  — La  pre- 
mierc  édition  do  ce  livre  paraît  etre  inconnue, 

(3)  Hill,  Hist.  of  the  Mat.  Med.  Lond.  1751,  f; /, g . 

(4)  Amer.  Journ.  of  Med.  Se.,  1829,  V,  300,  t.  1 et  2. 


116  CONVOLVULACÉES. 

possède  d’abord  une  petite  racine  fusiforme  qui  s’épaissit  ensuite  peu  à 
peu  à la  façon  d’un  radis.  La  racine  renflée  du  Jalap,  nommée  par  un 
grand  nombre  de  botanistes  tubercule  de  Jalap,  produit,  indépendamment 
des  tiges  aériennes,  des  pousses  grêles,  souterraines,  desquelles  naissent 
des  racines  à divers  intervalles.  Ces  dernières,  lorsqu’elles  ont  de  3 à 
5 centimètres  de  long,  s’épaississent,  prennent  la  forme  d’une  carotte, 
et  s’élargissent  graduellement  en  corps  napiformes,  semblables  à des 
tubercules,  qui  émettent  par  leur  surface  un  petit  nombre  de  radicules, 
et  se  prolongent  inférieurement  en  longues  ramifications  grêles.  Les  ra- 
cines épaissies  n’offrent  aucune  trace  d’organes  foliacés.  La  tige  aérienne 
puise  sa  nourriture  dans  la  souche  qui  lui  a donné  naissance.  Les  ra- 
cines fraîches  de  Jalap  sont  extérieurement  rugueuses,  et  colorées  en 
brun  foncé  ; à l’intérieur  elles  sont  blanches  et  charnues. 

Récolte.  — Le  Jalap  passe  pour  être  récolté  au  Mexique  pendant 
toute  la  durée  de  l’année  (1).  Les  petites  racines  sont  séchées  entières  ; 
les  plus  grosses  sont  coupées  transversalement,  ou  incisées  de  façon  à ce 
qu’elles  sèchent  avec  plus  de  rapidité.  Comme  la  dessiccation  au  soleil 
serait  presque  impossible,  à cause  de  la  douceur  du  climat,  on  place  les 
racines  dans  un  filet  qu’on  suspend  au-dessus  du  foyer,  presque  toujours 
allumé,  des  huttes  indiennes.  Les  racines  s’y  dessèchent  lentement,  et 
contractent  en  même  temps  une  odeur  de  fumée.  Une  grande  partie 
du  Jalap,  importé  dans  ces  derniers  temps,  était  davantage  coùpé  en 
tranches,  et  avait  dû  être,  par  suite,  desséché  avec  moins  de  difficulté. 

D’après  Schiede,  dont  le  mémoire  fut  écrit  en  1829  (2),  les  Indiens 
de  Chiconquiaco  commençaient,  à cette  époque,  à cultiver  le  Jalap  dans 
leurs  jardins. 

Description.  — Le  Jalap  du  commerce  consiste  en  racines  irrégu- 
lières, ovoïdes,  dont  la  taille  varie  depuis  celle  d un  œuf  jusqu  à celle 
d’une  noisette  ; parfois  elles  atteignent  la  grosseur  du  poing  de  l’homme. 
Elles  sont,  d’ordinaire,  pointues  à l’extrémité  inférieure,  profondément 
ridées  et  contournées,  colorées  en  brun  foncé,  et  marquées  de  petites 
cicatrices  très-nombreuses,  allongées,  plus  claires,  disposées  en  cercles 
transversaux.  Les  grosses  racines  sont  incisées  dans  le  sens  de  la  lon- 
gueur, ou  coupées  en  tranches  ou  en  quartiers,  taudis  que  les  plus  petite* 
sont  ordinairement  entières.  Quelques-unes  de  ces  dernières  sont  fusi- 


(1)  Il  est  évident  qu’un  pareil  procédé  est  irrationnel.  Les  racines  ne  devraient  être 

arrachées  que  lorsque  les  tiges  aériennes  sont  mortes. 

(2)  Linnæa,  1830,  III,  473  ; Pharm.  Journ.,  1867,  VIII,  652.  Nous  ne  possédons  pas 
de  renseignements  plus  récents. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  117 

formes  ou  cylindriques.  On  peut  en  trouver  de  presque  globuleuses, 
lisses  et  comme  poisseuses,  mais  ces  dernières  sont  rarement  pleines. 
Le  bon  Jalap  est  pesant,  solide,  dur  et  souvent  corné.  Il  devient  cassant 
lorsqu’on  le  conserve  longtemps.  Sa  cassure  est  résineuse,  et  non  fi- 
breuse. Il  est  coloré,  intérieurement,  en  brun  noirâtre  pâle,  ou  en  blanc 
sale.  Il  a une  odeur  faible  de  fumée,  ou  plutôt  de  café,  et  une  saveur 
fade,  accompagnée  d’âcreté. 

Structure  microscopique.  — Sur  une  coupe  transversale,  le  Jalap 
n’offre  pas  de  structure  radiée,  mais  de  nombreux  petits  cercles  concen- 
triques qui,  'sur  un  grand  nombre  d’échantillons,  sont  très-régulière- 
ment disposés.  Ils  sont  dus  aux  cellules  laticifères,  qui  ne  diffèrent  du 
parenchyme  environnant  que  par  leur  contenu  et  leurs  dimensions  plus 
considérables.  Ces  laticifères  traversent  le  tissu  en  direction  verticale, 
en  constituant  des  bandes  verticales,  ainsi  qu’on  peut  l’observer  sur  une 
coupe  longitudinale.  Les  cellules  qui  les  forment  sont  simples  et  dis- 
posées les  unes  au-dessus  des  autres,  sans  former  de  vaisseaux  véri- 
tables comme  ceux  qu’on  trouve  dans  la  Laitue  et  le  Pissenlit. 

Les  faisceaux  fibro-vasculaires  du  Jalap  ne  sont  ni  nombreux  ni  larges  ; 
ils  sont  accompagnés  par  des  cellules  à parois  minces,  de  sorte  qu’il 
n’existe  pas  de  faisceaux  ligneux  durs.  Les  cellules  parenchymateuses 
sont  abondantes,  et  paraissent  former,  sur  une  coupe  longitudinale,  des 
couches  concentriques.  Les  cellules  laticifères  se  trouvent  toujours  dans 
la  partie  extérieure  de  chaque  couche.  La  zone  de  suber  qui  recouvre 
la  racine  est  formée,  selon  l’habitude,  de  cellules  tabulaires.  Le 
parenchyme  du  Jalap  est  rempli  de  grains  d’amidon.  Dans  les  morceaux 
qui  ont  été  desséchés  à la  chaleur,  l’amidon  se  présente  en  masses 
amorphes.  La  drogue,  au  lieu  d’être  farineuse,  offre  alors  une  consis- 
tance cornée  et  une  cassure  grisâtre.  Les  cellules  laticifères  contiennent 
le  jalap  à l’état  de  résine  demi-fluide,  même  dans  la  drogue  sèche. 
Lorsqu’on  humecte  les  coupes  minces  avec  un  liquide  aqueux,  des 
gouttes  d’huile  sortent  des  cellules. 

Composition  chimique.  — Le  Jalap  doit  ses  propriétés  médicinales  à 
une  résine  qu’on  peut  extraire  en  épuisant  la  drogue  avec  de  l’alcool, 
concentrant  la  solution  alcoolique  jusqu’à  réduction  à un  faible  vo- 
lume, et  la  versant  ensuite  dans  l’eau.  La  résine  se  précipite;  on  la 
lave  et  on  la  dessèche.  La  racine  en  contient  dans  la  proportion  de  12  à 
18  pour  100  (1). 

(1)  Guibourtcn  retira  17  pour  100;  Umney,  21,5;  Squibb,  de  11  à IG;  T.  et  H.  Smith, 
«pas plus  de  15»  Iianbury,  de  11  îi  15,8  pour  100.  Un  Jalap  poussé  iiBonn  en  donna 


118  CONVOLVULACÉES. 

Do  cette  résine  brute,  qui  constitue  la  Résina  Jalapæ  des  pharmaco- 
pées, on  extrait,  à l’aide  de  l’éther,  de  5 à 7 (12  d’après  Umney)  pour  100 
d’une  résine  qui,  d’après  Kayser  (1),  se  solidifie  en  partie  en  aiguilles 
cristallines,  lorsqu’on  la  met  en  contact  avec  de  l’eau.  Nous  ne  pouvons 
pas  confirmer  l’assertion  de  Kayser.  La  résine  insoluble  dans  l’éther 
constitue  l’une  des  substances  auxquelles  on  a appliqué  le  nom  de 
Jalapine  (2).  W.  Mayer,  en  1852-1855,  la  désigna  sous  le  nom  de 
Convolvuline  (3)  ; il  trouva  sa  composition  représentée  par  la  formule 
G31H50O16.  Lorsque  celte  substance  est  purifiée,  elle  est  incolore,  se  dis- 
sout facilement  dans  les  alcalis  fixes,  et  n’est  pas  reprécipitée  par  les 
acides  parce  qu’elle  s’est  transformée,  par  absorption  d’eau,  en  acide  Con- 
volvulique  qui  est  amorphe,  et  facilement  soluble  dans  l’eau.  La  convol- 
vuline et  l’acide  convolvulique  se  décomposent,  lorsqu’on  les  chauffe 
doucement  avec  les  acides  dilués  ou  avec  de  l’émulsine,  en  Convolvulinol 
qui  est  cristallisable,  C'26H50O7,  et  en  sucre.  Le  convolvulinol,  mis  en  con- 
tact avec  des  alcalis  aqueux,  se  convertit  en  acide  Convolvulinolique, 
CS8H480*,  qui  est  peu  soluble  dans  l’eau  et  cristallisable. 

Lorsqu’on  traite  la  convolvuline  ou  ses  dérivés  par  l’acide  nitrique, 
il  se  produit  de  l’acide  oxalique,  et  un  corps  qui  a été  désigné  sous  le 
nom  d’acide  Ipomæique,  C10Hl8O4,  isomérique  de  l’acide  sébacique. 

La  convolvuline  sèche  fond  à 150"  G.,  mais  l’addition  d’une  faible 
proportion  d’eau  la  rend  fusible  au-dessous  de  100°  G.  Elle  est  insoluble 
dans  l’huile  de  térébenthine  et  dans  l’ammoniaque.  Elle  se  dissout  dans 
l’acide  nitrique  dilué,  sans  se  colorer  ou  dégager  de  gaz.  La  convolvuline 
possède  à un  haut  degré  les  propriétés  purgatives  du  Jalap.  11  n’en  est 
est  pas  ainsi  du  convolvulinol. 

Les  autres  principes  constituants  du  Jalap  sont  : de  l’amidon,  un  sucre 
incristallisable,  delà  gomme  et  de  la  matière  colorante.  Le  sucre  y existe, 
d’après  Guibourt,  dans  la  proportion  de  19  pour  100. 

Commerce.  — Nous  ignorons  dans  quelle  proportion  le  Jalap  est  pro- 
duit par  le  Mexique.  Les  importations  de  la  drogue  dans  le  Royaume- 
Uni  s’élevèrent,  en  1870,  à 169  951  livres.  11  en  parut  récemment  (1873) 

à Marquart  12  pour  100.  Une  racine  cultivée  il  Municli  en  donna  à Widnmann  22 
pour  100.  W.  G.  Smith  en  retira  de  9 il  10  pour  100  de  plantes  venues  h Dublin.  Do 
beaux  échantillons  provenant  d’Ootacamund,  dans  l’Inde,  donnèrent  à l’un  de  nous 
18  pour  100  de  résine.  Broughton  pense  que  l’exposition  à l’air,  pendant  la  dessiccation, 
des  tubercules  coupés  en  tranches,  favorise  la  formation  de  la  résine  par  oxydation 
d’un  hydrure  de  carbone. 

(1 J Gmelin,  Chemistry,  18G4,  XVI,  159. 

(2)  Notamment  par  Pereira,  Elem.  of  Mat.  Med.,  1850,  II,  1463. 

(3)  Gmelin,  loc.  cit.,  XVI,  154. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  119 

de  très-grandes  quantités  dans  les  ventes  de  drogues  de  Londres. 

Usages.  — Le  Jalap  est  employé  comme  cathartique  énergique. 

AUTRES  SORTES  DE  JALAP. 

Indépendamment  du  Jalap  véritable,  les  racines  d’un  certain  nombre 
d’autres  Convolvulacées  du  Mexique  ont  été  employées  en  Europe,  soit 
sous  la  forme  de  jalapine,  soit  comme  éléments  de  falsification  de  la  dro- 
gue véritable,  qui  est  plus  coûteuse.  Les  deux  sortes  suivantes  ont  été 
importées  sur  une  grande  échelle,  et  l’on  a pu  remonter  à leur  source 
botanique,  mais  il  en  est  d’autres  qui  ne  se  montrent  que  plus  rarement, 
et  dont  l’origine  n’a  pu  être  découverte  (I). 

d°  Jalap  blanc,  fusiforme  ou  Jalap  ligneux , Jalap  mâle , Racine  cl'O- 
rizaba;  Jalap  Tops,  Jalap  Stalks  des  Anglais  ; Pur  go  macho  des  Mexicains. 

Cette  drogue  est  produite  par  Ylpomæa  orizabensis  Ledanois  (2),  plante 
d’Oi’izaba  encore  imparfaitement  connue.  Elle  est  décrite  comme  une 
liane  pubescente,  à racine  fusiforme,  longue  d’environ  60  centimètres, 
ligneuse  et  fibreuse  (b).  La  drogue  se  présente  en  morceaux  irréguliers, 
rectangulaires,  ou  en  petites  bûches  provenant  évidemment  d’une  racine 
très-grosse,  divisée  en  travers  et  en  long.  Parfois  elle  ressemble  davan- 
tage au  véritable  Jalap  ; les  racines  sont  entières,  de  petite  taille,  non 
sphériques,  fusiformes.  Sa  coloration  est  plus  claire  que  celle  du  Jalap, 
et  elle  est  plus  ridée  longitudinalement.  Les  gros  morceaux  offrent  sou- 
vent des  entailles  profondes  faites  avec  le  couteau  ou  la  hache.  On  ne  la 
rencontre  que  rarement  entranches  transversales.  Quoique  moins  lourde 
d’ordinaire  que  le  Jalap,  la  drogue  d’Orizaba  offre  parfois  une  structure 
compacte  et  cornée.  Elle  se  distingue  facilement  du  Jalap,  sur  une  sec- 
tion transversale,  par  son  aspect  radié,  et  par  les  faisceaux  ligneux  nom- 
breux et  épais  qui  font  saillie  à la  surface  de  sa  cassure. 

Par  sa  constitution  chimique,  la  racine  d’Orizaba  ressemble  beaucoup 
au  Jalap.  Sa  résine  a été  nommée  par  Mayer  Jalapine  (3).  C’est  la  jala- 
pine de  Gmelin  ( Chemistry , XYI,  405)  et  peut-être  la  jalapine  de  la  phar- 
macie anglaise  (4).  A l’état  pur,  cette  résine  est  incolore,  amorphe, 

(1)  Pour  plus  de  détails  sur  quelques-uns  d’entre  eux,  voyez  Guibourt,  Hist.  des 
Drogues,  1869,  II,  523. 

(2)  Joum.  de  Chim.  médic.,  1834,  X,  1-22,  t.  1,  2. 

(3)  Ce  nom  est  mal  choisi  et  expose  à des  confusions;  mais,  comme  il  a été  adopté  dans 
les  ouvrages  classiques,  ce  serait  augmenter  la  confusion  que  de  tenter  de  le  rem- 
placer, ainsi  que  ceux  de  ses  nombreux  dérivés. 

(4)  Du  moins,  les  nombreux  échantillons  de  jalapine  que  nous  avons  examinés 
(1871',  se  sont  tous  montrés  entièrement  solubles  dans  l’éther . 


120 


CONVOLVULACÉES, 
transparente.  Elle  se  dissout  complètement  dans  l’éther,  différant  ainsi 
d(  la  convolvuline  du  Jalap.  Nous  l’avons  trouvée  facilement  soluble 
dans  l’acétone,  l’alcool  amylique,  la  benzine  et  le  phénol,  et  insoluble 
dans  le  sulfure  de  carbone.  Sa  composition  est  représentée  par  la  for- 
mule G"HM0".  Elle  est  donc  homologue  de  la  convolvuline.  Les  produits 
de  décomposition  de  la  jalapine  obtenus  par  les  mêmes  traitements, 
c’est-à-dire  l’ acide  J alapique , le  Jalapinol  et  Y acide  Jalapinolique,  sont  éga- 
lement  homologues  des  substances  correspondantes  retirées  de  la  con- 
volvuline.  Tous  ces  corps,  traités  par  l’acide  nitrique,  donnent  de  X acide 
Ipomæique.  La  jalapine  fond  à la  même  température  que  la  convolvuline, 
et  se  comporte  de  la  même  façon  avec  les  alcalis. 

La  racine  nous  a donné  1 1 ,8  pour  1 00  de  résine  sèche  à 100°C.  Celle-ci, 
parfaitement  lavée,  décolorée,  dissoute  dans  deux  parties  d’alcool,  et  en 
colonne  de  50  millimètres  de  long,  dévia  le  plan  de  polarisation  de 
9°, 8 à gauche.  La  convolvuline,  dans  les  mêmes  conditions,  produisit 
seulement  une  déviation  de  5°, 8. 

La  résine  de  la  racine  d Orizaba  est  considérée  par  les  chimistes 
comme  identique  à celle  de  la  Scammonée,  dont  elle  possède  les  pro- 
priétés drastiques. 

2°  Jalap  clé  Tampico  ( Purga  de  Sierra  Corda  des  Mexicains).  - La 


CCRDIE* 

Fig.  157.  Ipomxa  simulons. 
Fragment  de  rameau. 


Fig.  158.  Ipomxa  simulons. 
Tubercule. 


plante  qui  fournit  cette  drogue  a été  décrite  par  l’un  de  nous,  en  1869, 
sous  le  nom  d’ Ipomxa  simulans  (1).  Elle  est  très-voisine  de  1'/.  Purga 

(1)  Hanbury,  One  species  of  Ipomæa  affording  Tampico  Jalap , in  Journ.  of 
Linn.  Soc.,  Bot.,  1870,  XI,  279,  t.  2 ; in  Pharm.  Journ.,  1870,  XI,  818;  in  Amer.  Journ. 
ofPharm.,  1870,  XVIII,  330  ; Science  Papers , 849. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  121 

Hayne,  dont  elle  ne  peut  pas  être  distinguée  par  le  feuillage,  mais  elle 
possède  une  corolle  campaniforme,  et  desbourgeons  pendants  très-diffé- 
rents. L’ Ipomæà  simulons  Hanbury  croît  au  Mexique  le  long  de  la  chaîne  de 
montagnes  de  la  Sierra  Gorda,  dans  les  environs  de  San  Luis  de  la  Paz. 
Sa  racine  est  expédiée,  de  ces  villes  et  des  villages  voisins,  à Tampico. 
On  l’a  trouvée  aussi  dans  les  Cordillères  supérieures,  près  d’Oaxaca, 
mais  nous  ignorons  si  on  y récolte  la  racine. 

La  drogue  à laquelle  on  donne,  dans  le  commerce,  le  nom  de  Jalap  de 
TarMico  a été  importée,  pendant  ces  dernières  années,  en  grande  quan- 
tité. Elle  ressemble  beaucoup  au  Jalap  véritable,  mais  les  racines  sont 
généralement  plus  petites,  plus  allongées  ou  digitiformes,  plus  ridées 
et  d’aspect  subéreux,  dépourvues  des  petites  cicatrices  transversales  qui 
sont  très-répandues  sur  les  racines  du  Jalap  véritable.  Certains  moi- 

ceaux  cependant  ne  peuvent  pas  être  distingués  à l’œil  du  Jalap  véri- 
table, dont  ils  ont  aussi  l’odeur  et  la  saveur.  Le  Jalap  de  Tampico  a donné 
à l’un  de  nous  10  pour  100  de  résine  purifiée,  entièrement  soluble  dans 
l’éther.  Umney  (1)  en  retira  12  à 15  pour  100  de  résine  presque  entiè- 
rement soluble  dans  l’éther.  Evans  en  obtint  13  pour  100,  mais  la  moitié 
seulement  de  cette  quantité  se  montra  soluble  dans  1 éther  (2).  D après 
Andouard  (3),  la  résine  du  Jalap  de  Tampico  n’est  pas  dépourvue  de 
propriétés  purgatives. 

(a)  Les  Ipomœa  L.  ( Généra  n.  216)  ne  diffèrent  des  Convolvulus  (vov.  page  113, 
note  a)  que  par  leurs  stigmates  très-courts  et  globuleux. 

L ’ Ipomœa  Purga  Wenderoth  (in  Lilt.  ad  Zuccar.  ex  Schlechtend.,  in  Linnœa, 
VIII,  515)  est  une  plante  à souche  vivace,  émettant  des  rameaux  aériens  et  des  ra- 
meaux souterrains  munis  de  racines  tuberculeuses,  charnues  et  globuleuses.  La  tige 
est  volubile,  brunâtre,  lisse.  Les  feuilles  sont  longuement  pétiolées,  oblongues,  cor- 
dées à la  base,  acuininées  et  mucronées  au  sommet,  lisses,  entières.  Les  fleurs  sont 
disposées  dans  l’aisselle  des  feuilles  en  cymes  biflores  ou  triflores,  portées  par  de 
longs  pédoncules  grêles.  Le  calice  est  gamosépale,  tubuleux,  à cinq  sépales  obtus, 
lisses,  inégaux,  imbriqués  en  quinconce  dans  la  préfloraison.  La  corolle  est  très-dé- 
veloppée,  colorée  en  rose  plus  ou  moins  foncé  ou  en  rouge  pourpre,  ou  violacé  ; son 
tube  est  deux  fois  long  comme  le  calice,  à peu  près  cylindrique  ; son  limbe  est 
étalé,  muni,  sur  la  face  inférieure,  de  cinq  bandes  rayonnantes  plus  foncées,  trian- 
gulaires, à sommet  correspondant  au  sommet  de  chacun  des  cinq  pétales  ; le  pour- 
tour du  limbe  est  pentagonal,  à angles  arrondis  et  à bords  un  peu  échancrés  entre 
les  angles.  Dans  le  bouton,  le  limbe  forme  cinq  plis  qui  se  recouvrent  en  préfloraison 
contournée.  L’androcée  est  formé  de  cinq  étamines  exsertes,  à filets  connés  au  tube 
de  la  corolle,  grêles,  terminés  chacun  par  une  anthère  étroite,  biloculaire,  introise, 

(1)  Pharm.  Journ.,  18G8,  IX,  282. 

(2)  Ibid.,  IX  (1868),  330.' 

(3)  Etude  sur  les  Convolvulacées  purgatives  (llièso),  Paris,  1864,  31. 


122 


CONVOLVULACÉES. 


déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales. 


Le  gynécée  est  formé  de  deux  carpelles 


UUI®  un  ovaire  supère,  bilocu- 
laire,  surmonté  d’un  style  grêle, 
cylindrique,  aussi  long  que  les 
étamines,  terminé  par  deux  bran- 
ches stigmatiques  courtes  et  glo- 
buleuses. Chaque  loge  ovarienne 
contient  deux  ovules  anatropes, 
dressés,  insérés  dans  le  bas  de 
1 angle  interne,  à micropyle  di- 
rigé en  bas  et  en  dehors.  Le  fruit 
est  une  capsule  biloculaire,  sep- 
ticide.  Chaque  loge  contient  deux 
graines  à albumen  mucilagineux 
et  embryon  courbé,  avec  deux 
cotylédons  plusieurs  fois  repliés 
sur  eux-mêmes.  [Thad.] 

(6)  L 'Ipomœa  orizabensis  Pel- 
leta?! (in  Journ.  Chim.  mêdic ., 
X,  1)  est  une  plante  à souche 
vivace,  racine  tubéreuse,  char- 
nue, accompagnée  de  nombreux 
tubercules.  La  tige  est  volubile, 
verte,  velue.  Les  feuilles  sont  cor- 
dées,  acuminées,  mucronées,  ve- 
lues ; les  premières  développées  sont  réduites  à l’état  de  bractées.  Les  fleurs  sont 
disposées  par  deux  ou  trois,  portées  par  des  pédoncules  trois  fois  aussi  longs  que 
la  corolle.  Les  sépales  sont  oblongs,  mucronés,  velus.  La  corolle  est  pourpre,  cam- 
panulée,  avec  un  tube  renflé  au  niveau  de  la  partie  médiane,  et  un  limbe  ondulé,  à 
cinq  plis  tordus  dans  la  préfloraison.  Les  étamines  sont  plus  courtes  que  le  tube 
de  la  corolle,  velues  à la  base.  La  capsule  est  biloculaire,  chaque  loge  contenant 
deux  graines  (voy.  Lindley,  Flora  medica,  397).  [Trad.] 


Fig.  159.  Ipomæa  Purcja. 


SEMENCES  DE  KALADANA. 

Semen  Kaladanæ  ; Semen  P/iarbitidis  ; Kaladana. 

Origine  botanique.  — Pharbitis  Nil  (1)  Choisy  ( Convolvulus  Nil  L.), 
C’est  une  plante  annuelle,  volubile,  à grande  corolle  bleue,  très-sem- 
blable au  Grand  Convolvulus  ( Pharbitis  hispida  Choisy)  des  jardins  an- 
glais, mais  ayant  des  feuilles  trilobées.  On  la  trouve  dans  les  régions  tro- 
picales des  deux  hémisphères.  Elle  est  commune  dans  l’Inde,  où  elle 
s’élève  sur  les  montagnes  jusqu’à  une  altitude  de  1500  mètres  (a). 

(1  ) Pharbitis  dérive  de  p&ô,  couleur,  par  allusion  à la  fleur.  En  hindoustani, 
Nil  signifie  bleu,  et  Kala-dana,  graine  noire. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  123 

Historique.  — Les  graines  de  cette  plante  étaient  employées  par  les 
médecins  arabes  sous  le  nom  de  Habbun-nil,  et  sont  probablement  em- 
ployées depuis  une  époque  très-reculée  par  les  indigènes  de  l’flindous- 
tan  Récemment,  elles  ont  été  recommandées  par  O’Shaughnessy, 
Kirkpatrick,  Bidie,  Waring  (1),  et  plusieurs  autres  praticiens  européens 
de  l’Inde,  en  qualité  de  cathartique  sûr  et  efficace. 

Description.  — La  forme  des  graines  est  celle  qui  résulterait  de  la 
division  perpendiculaire  d’un  corps  à peu  près  sphérique  en  six  ou  huit 
segments  à peu  près  égaux.  Leur  dos  est  seulement  un  peu  moins  ré- 
gulièrement convexe.  Ces  graines  ont  1/2  centimètre  de  haut  et  à peu 
près  autant  de  large;  une  centaine  pèsent  environ  6 grammes.  Il  en 
existe  une  variété  plus  petite,  importée  de  Calcutta,  dont  cent  graines  ne 
pèsent  pas  plus  de  3 grammes.  Les  deux  variétés  sont  identiques  sous 
tous  les  autres  rapports.  Elles  sont 
d’un  noir  foncé,  sauf  au  niveau  de 
l’ombilic,  qui  est  brun  et  un  peu  velu. 

Les  parties  adjacentes  des  téguments, 
qui  sont  minces,  se  fendent  dans  di- 
verses directions  lorsqu  on  laisse  les 
graines  dans  l’eau  froide  pendant  un 

peu  de  temps.  Lorsqu’on  enlève  la  Fig.  igo.  Graine  entière 
* . -,  , vne  par  la  face  ven- 

partie  supérieure  des  téguments  de  la  trale 
région  dorsale,  la  radicule  devient  Graine 

visible,  entourée  parles  feuilles  ondulées  des  cotylédons,  qui  se  re- 
joignent perpendiculairement,  mais  ne  peuvent  pas  être  facilement 
dépliés,  parce  qu’ils  sont  enveloppés  dans  tous  leurs  replis  par  le 
tégument  séminal  interne  (2).  Sur  une  coupe  transversale,  les  cotylé- 
dons offrent  la  même  disposition  plissée.  Dans  leur  tissu  se  voient, 
même  sans  loupe,  de  petites  glandes  brillantes  très-nombreuses. 
L’amande  est  dépourvue  d’albumen,  elle  a d’abord  une  saveur  de  noi- 
sette, accompagnée  d’une  âcreté  désagréable,  très-persistante.  Broyées, 

les  graines  développent  une  odeur  terreuse  forte. 

Structure  microscopique.  — La  graine  est  couverte  d une  enveloppe 
noirâtre  foncée,  formée  de  cellules  pressées,  à contours  en  zigzag. 
L’épiderme  est  d’un  brun  foncé  ; il  est  formé  de  cellules  cylindiiques 
très-serrées,  longues  d’environ 70  millièmes  de  millimètie  et  laiges  de 

(1)  Phann.  Journ.,  18G6,  VII,  496. 

(2)  Ce  que  les  auteurs  nomment  ici  tégument  interne  est  en  réalité  un  albunen 
dont  ils  nient  plus  bas  l’existence.  Voy.  p.  125,  f.  162.  [Trad.] 


Fig.  161.  Coupe 
longitudinale. 


CONVOLVULACÉES. 

f à 7 millièmes  de  millimètre.  Pour  bien  voir  leur  organisation,  il  faut 

es  traiter  par  l’acide  chromique.  Le  tissu  de  l’amande  est  formé  de  cel- 
lules à parois  épaisses.  Entre  ce  tissu  et  les  enveloppes,  il  existe  une 
couche  incolore,  épaisse  d’environ  70  millièmes  de  millimètre,  formée 
d un  parenchyme  à parois  minces.  Les  cotylédons  sont  peu  épais  et 
renferment  dans  leur  tissu  de  nombreux  granules  de  matière  albumi- 
noïde, du  mucilage,  un  peu  d’acide  tannique,  des  cristaux  d’oxalate  de 
calcium  et  un  peu  d’amidon.  Les  glandes  ou  cavités,  que  nous  avons 
déjïi  signalées  dans  le  tissu  des  cotylédons,  ont  environ  70  millièmes  de 
millimètre  de  diamètre,  et  contiennent  un  liquide  huileux  {b). 

Composition  chimique.  _ En  épuisant  les  graines  desséchées  à 
•100°  C.  avec  de  l’éther  bouillant,  nous  avons  obtenu  une  huile  colorée  en 
brun  clair,  épaisse,  à saveur  âcre,  et  se  concrétant  au-dessous  de  18°  C. 
Les  graines  pulvérisées  donnèrent  i4,4  pour  100  de' cette  huile.  L’eau 
enleva  aux  graines  une  quantité  considérable  de  mucilage,  des  matières 
albuminoïdes,  et  un  peu  d’acide  tannique.  Le  mucilage  est  soluble  en 
certaine  proportion  dans  l’alcool  dilué,  d’où  il  peut  être  précipité  par 
une  solution  alcoolique  d’acétate  de  plomb. 

Le  principe  actif  des  semences  de  Kaladana  est  une  résine  soluble 
dans  l’alcool,  mais  insoluble  dans  la  benzine  et  dans  l’éther.  Le  résidu 
des  gi  aines,  épuisé  par  1 éther,  puis  traité  par  l’alcool  absolu,  abandonna 
une  résine  jaunâtre  pâle,  dans  la  proportion  de  8,2  pour  100  de  graines. 

La  résine  de  Kaladana  a été  introduite,  dans  l’Inde,  dans  la  pratique 
médicale,  sous  le  nom  de  Pharbitisine  (1).  Elle  possède  un  goût  âcre, 
nauséeux,  et  une  odeur  désagréable,  surtout  lorsqu’elle  est  chauffée. 
Elle  fond  vers  160°  G.  Elle  se  dissout  plus  ou  moins  facilement  dans  l’al- 
cool ordinaire,  l’alcool  absolu,  l’acide  acétique  froid,  l’acétone,  l’éther 
acétique,  l’alcool  méthylique,  l’alcool  amylique,  et  les  solutions  alcalines. 

D autre  part,  elle  est  insoluble  dans  l’éther,  la  benzine,  le  chloroforme, 
et  le  sulfure  de  carbone.  Elle  forme  avec  l’acide  sulfurique  concentré 
une  solution  jaune  brunâtre,  qui  tourne  rapidement  au  violet.  Cette 
réaction,  cependant,  ne  se  produit  qu’avec  une  très-petite  quantité  de 
résine  pulvérisée.  Si  l’on  acidulé  une  solution  de  la  résine  dans  l’am- 
moniaque, après  l’avoir  conservée  pendant  un  peu  de  temps,  il  ne  se 
forme  pas  de  précipité,  mais  la  solution  est  devenu  susceptible  de  pré- 
cipiter du  protoxyde  de  cuivre  d’une  solution  de  tartrate,  tandis  qu’au 
début  elle  en  était  incapable.  Chauffée  avec  de  l’acide  nitrique,  la  résine 
donne  l 'acide  Ipomæique  de  Meyer. 

(1)  Pharmacopœia  of  India , 1868,  15G. 


125 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

D’après  ces  réactions,  nous  sommes  conduits  à admettre  que  la  résine 
de  Kaladana  ressemble  à la  résine  de  jalap  ou  Convolvuline.  Pour  la 
préparer  en  quantité,  le  meilleur  procédé  serait,  sans  doute,  de  traiter 
les  graines  par  l’acide  acétique  commun,  et  de  la  précipiter  en  neutrali- 
sant la  solution.  Nous  nous  sommes  assurés  que  la  résine  ne  se  dé- 
compose pas  lorsqu’on  la  fait  digérer  avec  de  l’acide  acétique  a 
•100°  G même  pendant  une  semaine.  Nous  avons  eu  1 occasion  d’exa- 
miner un  échantillon  d’une  résine  de  Kaladana  préparée  par  MM.  Rogers 
et  Cic  chimistes  de  Bombay  et  Poona,  et  nous  l’avons  trouvée  semblable 
à celle  préparée  par  nous-mêmes.  C’est  une  sustance  friable,  d’un  jaune 
clair,  semblable  à la  résine  de  jalap  purifiée,  et  susceptible,  comme  elle, 
d’être  complètement  décolorée  par  le  charbon  animal. 

Usages.  — Les  graines  de  Kaladana  jouissent  des  propriétés  cathar- 
tiques du  jalap.  On  a introduit  dans  la  Phar- 
macopée de  l’Inde,  non-seulement  la  résine, 
mais  encore  une  teinture  et  une  poudre  com- 
posée. Dans  plusieurs  parties  de  l'Inde,  les 
indigènes  mangent,  pour  se  purger,  les  graines 
de  Kaladana  rôties. 

(a)  Les  Pharbitis  Choisy  [(Convolv.  or.,  56)  ne 
constituent  réellement  qu’une  section  du  genre 
lpomœa  à stigmate  capité  et  trilobé,  et  a ovaire  tri- 
loculaire. 

Le  Pharbitis  Nil  (Choisy,  Convolv.  or.,  57  ; Con- 
volvulus  Nil  L.  ; lpomœa  cœrulea  Roxb.)  est  une 
plante  volubile,  annuelle,  à tige  et  rameaux  arrondis, 
velus,  atteignant  une  hauteur  de  2 à 4 métrés  et  la 
grosseur  d’une  plume  d’oie.  Les  feuilles  sont  pe- 
donculées,  larges,  cordées  a la  base,  aiguës  au  som- 
met, trilobées,  laineuses,  longues  de  5 à 10  centi- 
mètres. Les  fleurs  sont  disposées  en  cyrnes  axillaires 
de  deux  ou  trois  fleurs,  portées  par  des  pédoncules 
aussi  longs  que  les  pétioles,  arrondis  et  velus,  et 
accompagnées  de  bractées  linéaires.  Les  sépales  sont 
linéaires.  La  corolle  est  large,  campanulée,  infundi- 
lmliforme,  colorée  en  bleu  clair  très-brillant.  L ovaire 
est  triloculaire,  surmonté  d’un  style  cylindrique,  ter- 
miné par  un  stigmate  subglobuleux,  volumineux, 
trilobé.  Chaque  loge  ovarienne  contient  deux  ovules 
anatropcs,  dressés,  à micropyle  dirigé  en  bas.  et  en  dehois.  La  capsu  e es 
coup  plus  courte  que  le  calice,  lisse,  triloculaire,  chaque  ogo  cou  en  an  cei. 
graines  à téguments  épais  et  noirs,  à albumen  mucilagineux , a tmbi  j ou  oi  me  ( une 


Fig.  162.  Graine  de  Kaladana. 
Coupe  transversale  des  tégu- 
ment?, do  l’albumen,  et  d’une 
portion  do  cotylédon. 


tor, 

SOLANACÉES. 

r:e„;af!CUl,e  (lirig6e  vers  ,e  inic,’°Pyle  et  ^ deux  cotylédons  foliacés  et  épais 
de  h b’  ",S"nif’0s’  aPPl‘cIués  l’un  contre  l’autre  parleur  face  interne,  munis  près 
de  la  hase  rie  deux  auricules  qui  descendent  de  chaque  côté  de  la  radicule.  Les 
ds  externes  des  deux  cotylédons  se  rapprochent  l’un  de  l’autre,  et  deviennent 
ontigus  au  niveau  du  bord  mince  de  la  graine,  tandis  que  leur  limbe  forme  de 
nombreux  replis.  L albumen  pénètre  dans  l’intervalle  de  tous  ces  plis.  [Tiiad.1 

J C iT11'0  kI°frC  162’  ICS  té*umeats  dc  g*’aine  de  Kaladana 

sont  constitués  de  dehors  en  dedans  par:  t<>une  couche,  a,  de  cellules  épithéliales  à 

paroi  extérieure  épaisse,  cuticularisée,  soulevée  en  papilles  coniques  ; 2»  une  couche,  b 
depetites  cellules  quadrangulaires,  A parois  assez  épaisses  ; 3°  une  couche,  c,  de  cellules 
prismatiques,  très-allongées  radialement  ; 4<>  une  zone,  d,  formée  de  plusieurs  couches 
de  cellules  uTéguheres  très-comprimées  dans  certains  points,  à parois  minces  et 
clan  es.  En  dedans  des  téguments,  on  trouve  l’albumen  c,  dont  la  couche  extérieure 
est  formée  de  cellules  prismatiques  bien  distinctes,  aplaties  sur  leur  face  externe  ; 
les  couches  plus  intérieures  sont  transformées  en  mucilage,  et  n'offrent  plus  nue 
des  lignes  vagues,  indécises,  les  parois  cellulaires  ayant  été  gonflées,  puis  détruites 

lonVcm  si  f r1'  T'  S de  Cellules  Iloly°onales-  Les  fondes  qu’ils  renferment 
ont  constituées  chacune,  autant  qu  on  peut  en  juger  d’après  l’état  adulte,  par  un 

néat  mtercellulan-e,  tres-dilaté,  dans  lequel  s’accumule  un  liquide  jaunâtre f cette 
cavité  est  bordée  par  une  couche  de  cellules  allongées  dans  le  sens  de  la  circonfé- 
ience,  un  peu  aplaties,  destinées  à sécréter  l’huile.  [Thad.] 


SOLANACÉES. 


DO  U CE-AMÉRE. 

sapes  Dulcamaræ  ; Coules  Dulcamaræ  ; Douce-amère,  Morille  grimpante  ; angl.,  Bitter  Sweet, 
ûulcamara,  Woody  Nightshade;  allem.,  DittersÜss. 


Origine  botanique.  — Solanum  Dulcamara  L.  C’est  un  petit  arbuste 
giimpant,  à fleurs  petites,  pourprées  et  à baies  rouges  (a).  On  le  trouve 
dans  toute  l’Europe,  sauf  dans  l’extrême  Nord.  Il  existe  aussi  dans  le 
nord  de  l’Afrique  et  de  l’Asie,  ainsi  qu’en  Asie  Mineure,  et  il  se  natura- 
lise dans  1 Amérique  du  Nord.  Il  est  commun  dans  les  buissons  et  les 
haies  humides  et  ombragées  (I). 

Historique.  Les  sarments  de  la  Douce-amère  furent  introduits  dans 
la  pratique  médicale  par  les  médecins  et  les  botanistes  allemands  du 
seizième  siècle.  L’un  deux,  Tragus  (1552),  l’a  figurée  et  décrite,  sous  le 
nom  de  Dulcis  amara  ou  Dulcamarum. 

Description. —Les  vieilles  tiges  sont  ligneuses;  les  plus  élevées  et 


(1)  Le  Solanum  nigrurii  L.,  qui  ressemble  un  peu  â la  Douce-amère,  est  une  plante 
annuelle  ou  bisannuelle,  de  petite  taille,  à tiges  herbacées,  et  â baies  ordinairement 
noires. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  127 

jes  plug  jeunes  sont  molles  et  vertes,  longues  et  ti  amantes,  et  atteignent, 
en  s’appuyant  sur  d’autres  plantes,  une  hauteur  de  lm,80  et  plus.  Elles 
se  dessèchent  pendant  l’hiver.  On  doit  recueillir  pour  l’usage  médicinal 
les  rameaux  d’une  année  ou  deux,  soit  à la  fin  de  l’année,  soit  au 
début  du  printemps,  avant  la  pousse  des  feuilles.  Ges rameaux  ont  plu- 
sieurs pieds  de  long,  et  environ  un  demi-centimètre  d’épaisseur.  Ils  sont 
d'un  brun  verdâtre  clair,  parfois  cylindriques,  d’autres  fois  presque 
carrés  ou  pentagonaux,  un  peu  sillonnés  dans  le  se;is  de  la  longueur,  et 
quelque  peu  verruqueux. 

La  partie  subéreuse  de  l’écorce  est  mince,  luisante,  s exfolie  facile 
ment,  en  mettant  à découvert  un  mésophlœum  riche  en  chlorophylle. 
Les  rameaux  sont  le  plus  souvent  creux,  et  partiellement  munis  d une 
moelle  blanchâtre.  Lorsque  le  bois  est  sec,  il  représente  à peu  près  la 
moitié  du  diamètre  du  vide  central,  et  l’écorce  est  beaucoup  plus  mince 
que  le  bois.  Ce  dernier  possède  une  structure  radiée,  et  offre,  dans  les 
vieilles  tiges,  deux  ou  trois  cercles  annuels  bien  définis.  On  coupe  ordi- 
nairement les  tiges  en  petits  morceaux  pour  les  faire  sécher. 

L’odeur  est  fétide  et  désagréable  ; elle  se  dissipe,  en  grande  partie, 
sous  l’influence  de  la  dessiccation.  La  saveur  est  d’abord  un  peu  amère, 
et  ensuite  légèrement  douce.  L'amertume  paraît  être  plus  prononcée 
pendant  le  printemps  qu’à  l’automne. 

structure  microscopique.  — L’épiderme  des  jeunes  bourgeons  est 
formé  de  cellules  tabulaires  à parois  épaisses,  dont  plusieurs  se  pro- 
longent au-dessus  de  la  surface  en  poils  courts  et  recourbés.  Les  vieilles 
tiges  sont  recouvertes  d’une  enveloppe  subéreuse  normale.  La  sépara- 
tion entre  le  mésophlœum  et  l’endophlœum  est  marquée  par  un  cercle 
de  fortes  fibres  libériennes,  dont  quelques-unes  se  présentent  aussi 
dans  la  moelle.  La  partie  ligneuse  est  riche  'en  larges  vaisseaux.  Dans 
le  tissu  parenchymateux,  qui  est  à la  fois  doux  et  amer,  on  trouve  de 
petits  cristaux  d’oxalate  de  calcium,  et  de  petits  grains  d’amidon. 

Composition  chimique.  — La  saveur  de  la  Douce-amère  paraît  due, 
d’après  Schoonbroodt  (1867),  à un  principe  amer  qui  fournit,  par  dé- 
composition, du  sucre  et  de  la  Solanine,  cette  dernière  en  très-petite 
proportion.  La  solanine  est  un  alcaloïde.  Elle  fut  retirée  pour  la  pre- 
mière fois,  en  1820,  par  Desfosses,  pharmacien  à Besançon,  des  baies  du 
Solarium  niffrum  L.  Plus  tard  elle  fut  découverte  par  le  même  chimiste 
dans  les  feuilles  et  les  tiges  du  S.  Du/camara,  et  par  Peschier  dans  les 
baies.  Winckler,  en  1841 , observa  que  l’alcaloïde  des  tiges  delà  Douce- 
amère  ne  peut  être  obtenu  qu’à  l’état  amorphe,  et  qu’il  se  comporte, 


1/8  SOLANACÉES. 

vis-u-vis  des  chlorures  de  platine  et  de  mercure,  autrement  que  la 
solamne.de  la  pomme  de  terre.  Moitessier,  en  1856,  confirma  cette 
observation,  et  n’obtint  que  des  sels  amorphes  avec  la  solanine  de  la 
Douce-amère.  Zwcnger  et  Kind,  d’une  part,  et  0.  Gmelin,  d’autre  part, 
en  1858  et  1859,  trouvèrent  que  la  solanine  C*sH«®AzO“,  est  un  composé 
de  sucre  et  d’un  alcaloïde  particulier,  cristallisable,  la  Solanidine 
C2TI39AzO.  Ce  dernier,  sous  l’influence  de  l’acide  chlorhydrique  concen- 
tre, donne  de  l’eau,  et  se  convertit  en  un  composé  amorphe  et  basique 
la  Solamcine,  CS0H76Az2O. 

Geissler  (1875)  a retiré  de  la  Douce-amère  une  matière  amère  amor- 
phe, la  Dulcamarine,  dont  l’arrière-goût  est  douceâtre,  et  qui,  sous  l’ac- 
tion des  acides  convenablement  dilués,  se  dédouble  en  Dukamarétine  et 
glucose,  conformément  à l'équation  suivante  : 

C22H3iO10  + 2H20  — C6bP06  -f-  C16H260G 

Dulcamarine.  Dulcamarétine. 


Usages.  On  administre  parfois  la  Douce-amère  sous  forme  de  dé- 
coction , dans  le  rhumatisme  et  les  affections  cutanées.  Son  action 
î celle,  d après  Garrod,  est  inconnue.  Ce  médecin  fait  remarquer  (1  ) qu’elle 
ne  dilate  pas  la  pupille,  et  ne  détermine  pas  la  sécheresse  de  la  gorge, 
comme  la  belladone,  la  jusquiame  et  le  datura.  Il  administra  à un  ma- 
lade trois  pintes  de  décoction  par  jour,  sans  observer  d’action  marquée, 

et  fit  prendre  jusqu’à  un  demi-litre  de 
baies  fraîches,  sans  produire  aucun 
effet  fâcheux. 


(a)  Les  Solarium  Tommvom (lnslil.,t.  62) 
sont  des  Solanacées,  de  la  série  des  Solanées, 
à anthères  conniventes,  déhiscentes  par  deux 
pores  terminaux. 

Le  Solarium  Dulcamara  L.  ( Species , 26-i) 
xulg.  Douce-amère , est  une  plante  vivace,  à 
tiges  ligneuses,  tomenteuses,  très-ramifiées. 
Les  feuilles  sont  alternes,  les  unes  simples, 
cordées  à la  hase,  ovales-acuminées,  les  au- 
tres composées,  à trois  folioles,  l’une  termi- 
nale, plus  grande,  ayant  la  même  forme  que 
Fig.  163.  Douce-amère.  les  feuilles  simples,  les  deux  autres  opposées, 

très-courtementpétiolées,  plus  petites,  et  sou- 
vent insymétriques  a la  hase.  Toutes  les  feuilles  sontpétiolées,  entières  sur  les  bords, 
colorées  en  vert  fonce,  glabres  ou  finement  pubescentes,  quelquefois  presque  toinen- 


(I)  Essentials  of  Malcria  medica,  1855,  196. 


129 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

teases  eu  dessous.  Les  fleurs  sont  disposées  en  inlloresucnces  dont  l’axe  principal  est 
souvent  entraîné  à une  hauteur  considérable  au-dessus  de  la  feuille  axillante.  L’inflo- 
rescence est  une  cyme  très-ramifiée,  rendue  fort  irrégulière  par  les  entraînements  de 
ses  branches.  La  fleur  est  hermaphrodite  et  régulière,  à réceptacle  convexe.  Son  dia- 
mètre ne  dépasse  guère  I centimètre.  Le  calice  est  petit,  gamosépale,  à cinq  lobes 
courts,  triangulaires,  verts.  La  corolle  est  gamopétale,  rotacée,  violette,  à tube  court,  à 
cinq  lobes  o vales-lancéolés,  disposés  dans  le  bouton  en  préfloraison  contournée,  sou- 
vent réfléchis  en  bas  dans  les  fleurs  âgées,  munis  chacun,  au  niveau  de  la  base,  de 
deux  petites  glandes  vertes,  bordées  de  blanc.  L’androcée  est  formé  de  cinq  étamines 
alternes  avec  les  pétales,  connées  avec  le  tube  de  la  corolle,  formées  chacune  d’un 
filet  court  et  d’une  anthère  allongée,  biloculaire,  introrse,  déhiscente  par  deux  pores 
terminaux.  Les  cinq  anthères  sont  rapprochées  en  un  cône  violacé  autour  du  style  qui 
les  dépasse  un  peu.  Le  gynécée  est  formé  de  deux  carpelles  connés  en  un  ovaire  bi- 
loculaire, surmonté  d’un  style  cylindrique,  à extrémité  stigmatique  divisée  en  deux 
lèvres  courtes.  Chaque  loge  ovarienne  contient  un  grand  nombre  d’ovules  anatropes, 
insérés  sur  un  gros  placenta  charnu,  fixé  au  centre  de  la  cloison  mince  qui  sépare 
les  deux  loges.  Le  fruit  est  une  baie  ovoïde,  pendante,  rouge  à la  maturité,  conte- 
nant une  grande  quantité  de  graines  aplaties,  noyées  dans  une  pulpe  molle,  conte- 
nant, sous  leurs  téguments,  un  albumen  au  milieu  duquel  est  un  embryon  roulé  en 
spirale.  [Tiud.] 


PIMENT. 

Fructus  Capsici;  Piment  ou  Corail  des  jardins,  Poivre  d'Inde  ou  de  Guinée;  angl.,  Pod  Pepper, 
Red  Pepper,  Guinea  Pepper , Chillies,  Capsicum  ; allem.,  Spanischer  Pfeffer. 


Origine  botanique.  — Les  plantes  dont  les  fruits  sont  connus  sous  le 
nom  de  Piments,  sont  cultivées,  depuis  une  époque  très-reculée,  dans 
les  pays  tropicaux,  et  se  présentent  maintenant  en  variétés  si  nom- 
breuses, qu’il  est  très-difficile  de  retrouver  les  espèces  primitives  (a). 
Parmi  les  nombreuses  espèces  à fruits  brûlants,  les  deux  suivantes  four- 
nissent ceux  qu’on  trouve  dans  le  commerce  anglais  : 

-1°  Capsicum  fastigiatum  Blume  (1).  C’est  un  petit  arbuste  rameux,  à 
rameaux  carrés,  fastigiés,  divergents;  à pédoncules  fructifères  subgé- 
minés, grêles,  dressés;  à fruit  très-petit,  subcylindrique, oblong,  droit; 
à calice  obconique  et  tronqué.  On  le  trouve  à l’état  sauvage  particulière- 
ment dans  le  sud  de  l’Inde;  il  est  très-répandu,  à l’état  de  culture,  dans 
l’Afrique  tropicale  et  l’Amérique. 

Roxburgh,  qui  a décrit  cette  plante  sous  le  nom  de  Capsicum  mini- 
mum, la  nomme  East  Indian  birdChilly  ou  Cayenne  Pepper  Capsicum. 

(1)  Wight,  Icônes  plant.  Ind.  Orient.,  1830,  IV,  t.  1017  ; Capsicum  minimum  Rox- 
burgh ,'Flor.  ind.,  1832,  1,  574.  Farre  s’est  assuré  que  cette  espèce  est  le  Capsicum  fru- 
tescens  du  Species  plantarum  de  Linné,  mais  non  celui  de  Y II or  tus  Cliffortianus  du 
meme  botaniste,  auquel  on  applique  fréquemment  le  nom  de  Capsicum  frutescens. 

HIST.  DES  DROGVES,  T.  II.  9 


*30  SOLANACÉES. 

AN'ight  dit  qu'il  est  consommé  par  les  indigènes  de  l’Inde,  mais  que  ce 
n’est  pas  la  variété  préférée.  C’est  cette  espèce  que  les  auteurs  de  la 
Pharmacopée  anglaise  ont  désignée  comme  la  source  des  FructusCapsici 
(Piments),  qui  doivent  être  employés  en  médecine,  et  elle  fournit  cer- 
tainement la  plus  grande  partie  des  Piments  qu’on  trouve  maintenant 
sur  le  marché  de  Londres. 

2°  C.  annuum  L.  C’est  une  plante  herbacée  (parfois  un  petit  arbuste?) 
dont  le  fruit  varie  beaucoup  en  taille,  en  forme  et  en  couleur.  Dans 
quelques  variétés,  il  est  dressé  ; dans  d’autres,  il  est  pendant.  D’après 
Naudin,  dont  nous  partageons  l’opinion,  le  C.  longurn  DC.  (1)  et  le 
C.  grossum  Willd.  ne  sont  pas  spécifiquement  distincts  de  cette  plante. 
Elle  fournit  les  plus  grosses  variétés  de  Piments,  et,  à notre  avis,  une 
grande  partie  du  Poivre  de  Cayenne  qui  est  importé  en  poudre. 

Historique. — Toutes  les  espèces  de  Capsicum  paraissent  être  d’origine 
américaine.  Nous  ne  connaissons  pas  de  noms  anciens,  sanscrits  ou  chi- 
nois, du  genre  Capsicum , et  les  noms  grecs  ou  latins  qu’on  a rapportés  à 
ces  plantes  sont  extrêmement  douteux  (2).  Le  plus  ancien  renseigne- 
ment sur  ce  fruit,  comme  condiment,  que  nous  connaissions,  se  trouve 
dans  une  lettre  adressée,  en  1494,  au  chapitre  de  Séville,  par  Ghanca, 
médecin  de  la  flotte  de  Colomb,  pendant  son  second  voyage  aux  Indes 
occidentales.  L’écrivain,  en  indiquant  les  productions  d’Hispaniola,  dit 
que  les  indigènes  vivent  d’une  racine  nommée  Age,  qu’ils  assaisonnent 
avec  une  épice  nommée  Agi,  et  qu’ils  mangent  aussi  cette  dernière  avec 
le  poisson  et  la  viande  (3).  Le  premier  de  ces  noms  se  rapporte  à 
Y Igname  et  le  second  au  Piment.  Il  constitue  encore,  en  espagnol,  la  dé- 
nomination vulgaire  du  Piment.  Le  Capsicum  et  ses  usages  furent  dé- 
crits plus  particulièrement  par  Gonzalo  Fernandez  de  Oviedo,  qui 
partit  d’Espagne  pour  l’Amérique  tropicale  en  1514  (4). 

Dans  Y Historia  Stirpium,  de  Léonard  Fuchs,  publiée  à Bàle  en  1542, 
nous  trouvons,  à la  page  733,  la  première  et  excellente  figure  du  Cap- 
sicum longurn  DC.,  sous  le  nom  de  Siliquastrum  ou  Poivre  de  Calicut. 
L’auteur  dit  que  la  plante  a été  introduite  de. l’Inde  en  Allemagne 
quelque  temps  auparavant.  On  pourrait  en  déduire  son  origine  indienne  ; 
mais,  d’autre  part,  Clusius  affirme  que  la  plante  fut  apportée  de  Per- 


(1)  La  principale  distinction  qui  existe  entre  le  Capsicum  annuum  et  le  Capsicum 
longurn,  consiste  en  ce  que  le  fruit  est  dressé  dans  le  premier  et  pendant  dans  le  second . 

(2)  Dunal,  in  DC.,  Prodr.,  XIII,  s.  I,  422. 

(3)  Lettcrs  of  Christopher  Columbus,  traduct.  de  Major  (Ilakluyt  Society),  1870,  08. 

(4)  Oviedo,  Historia  de  las  Indias.  Madrid,  1851, 1, 275. 


1.31 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

nambuco  par  les  Portugais,  dont  les  relations  commerciales  avec  l’Inde 
expliqueraient  aisément  qu'elle  y eût  été  apportée  à une  époque  anté- 
rieure. Il  dit,  en  outre,  que  le  Capsicum  d’Amérique  avait  été  généra- 
lement introduit  dans  les  jardins  de  la  Castille,  et  que,  dans  ce  pays, 
on  s’en  servait,  pendant  toute  l’année,  à l’état  frais  ou  sec,  comme  condi- 
ment, de  la  même  façon  que  le  poivre.  Il  ajoute  qu’on  le  cultivait 
en  grande  quantité,  en  1585  (1),  à Brüun,  en  Moravie.  Le  Capsicum  lon- 
gum  DC.  était  cultivé  en  Angleterre  par  Gerarde,  en  1597,  et  anté- 
rieurement. Il  dit  que  les  Piments  sont  bien  connus  et  vendus  « dans 
les  boutiques  de  Billingsgate,  sous  le  nom  de  Ginnie  Pepper.  » 

Description.  — Les  Piments  du  commerce  appartiennent  à deux 
variétés  : 

1°  Fruits  du  Capsicum  fastigiafum.  Ils  sont  longs  de  1 à 2 centimètres, 
et  ont  4 millimètres  environ  de  diamètre  ; leur  forme  est  allongée,  sub- 
conique ; ils  sont  atténués  en  une  pointe  mousse,  et  un  peu  contractés 
vers  la  base.  Le  calice,  qui  n’existe  pas  toujours,  est  cupuliforme,  divisé 
en  cinq  dents,  et  porté  par  un  pédoncule  grêle  et  droit,  long  de  2 à 
3 centimètres.  Les  fruits  sont  un  peu  aplatis,  très-ridés  par  la  dessic- 
cation, et  cassants  lorsqu’ils  sont  vieux.  Leur  péricarpe  est  coriace, 
lisse,  luisant,  translucide,  mince,  sec,  coloré  en  rouge  orange  ; il  ren- 
ferme environ  dix-huit  graines,  insérées,  dans  les  deux  loges,  sur  la 
mince  cloison  interloculaire.  Les  graines  sont  disciformes,  arrondies  ou 
ovales;  elles  ont  environ  3 millimètres  de  diamètre,  et  sont  un  peu 
épaissies  au  niveau  du  bord.  L’embryon  est  recourbé,  presque  circu- 
laire. La  saveur  du  péricarpe,  et  aussi  celle  des  graines,  est  extrême- 
ment piquante  et  brûlante.  Le  fruit  sec  possède  une  odeur  faible,  que 
nous  ne  pouvons  comparer  à celle  d’aucune  autre  substance. 

2°  Fruits  du  Capsicum  annuum.  Ils  constituent  la  variété  la  plus  com- 
mune. Ils  ressemblent  à ceux  du  C.  fastigiatum,  mais  leur  taille  est 
beaucoup  plus  considérable  ; ils  ont  de  5 à 7 centimètres,  et  davantage, 
de  long,  et  sont  plus  atténués  à l’extrémité.  Les  graines  sont  à peine 
plus  larges  que  celles  du  C.  fastigiatum. 

Structure  microscopique. — Le  péricarpe  est  formé  de  deux  couches  : 

1 extérieure  composée  de  cellules  à parois  épaisses  et  jaunes,  l’intérieure 
deux  fois  aussi  épaisse,  formée  d’un  parenchyme  mou,  contracté,  tra- 
verse par  de  minces  faisceaux  fibro-vasculaires.  Les  cellules  de  la  couche 
extérieure  sont  particulièrement  le  siège  d’une  belle  matière  colorante 


(I)  Caiiolus  Clusius,  Cuvæ  posteriores,  Antverp.,  LG11,  95. 


132 


SOLANACÉES. 

granuleuse.  Lorsqu’on  enlève  cetle  dernière,  à l’aide  d’une  solution 
alcoolique  de  potasse,  on  distingue  le  noyau  de  la  cellule,  et  des  gouttes 
d’huile  grasse.  Les  détails  de  structure  de  ce  fruit  constituent  des  objets 
intéressants  d’observation  microscopique. 

Composition  chimique.  — Bucholz,  en  1810,  et  Braconnot,  vers  la 
même  époque,  ont  attribué  l’âcreté  du  Piment  à une  substance  parti- 
culière, la  Capsicine.  On  la  retire  en  traitant  l’extrait  alcoolique  avec 
l’éther.  C’est  un  liquide  épais,  rouge  jaunâtre,  peu  soluble  dans  l’eau. 
Lorsqu’on  chauffe  doucement  cette  substance,  elle  devient  très-fluide, 
et,  à une  température  plus  élevée,  se  dissipe  en  fumées  irritantes.  La 
capsicine  est  évidemment  une  substance  complexe,  consistant  en  ma- 
tières résineuses  et  grasses. 

Felletàr,  en  1869,  épuisa  les  fruits  de  Capsicum  avec  l’acide  sulfu- 
rique dilué,  et  distilla  la  décoction  avec  la  potasse.  Le  produit  de  dis- 
tillation se  montra  fortement  alcalin,  et  dégagea  une  odeur  semblable  à 
celle  de  la  conine.  On  le  satura  avec  de  l’acide  sulfurique,  on  évapora  à 
siccité,  et  on  épuisa  par  l’alcool  absolu  ; la  solution  fut,  après  évapora- 
tion de  l’alcool,  traitée  par  la  potasse,  et  donna,  par  la  distillation,  un' 
alcaloïde  volatil,  à odeur  de  conine. 

D’après  les  expériences  faites  par  l’un  de  nous  (F.),  nous  pouvons 
confirmer  pleinement  les  observations  de  Felletàr.  Nous  avons  obtenu 
la  base  volatile  en  question,  et  nous  lui  avons  trouvé  l’odeur  de  la  co- 
nine. Nous  la  trouvâmes  dans  le  péricarpe  et  dans  les  graines,  mais  en 
si  faible  proportion,  qu’il  nous  fut  impossible  de  l’isoler  en  quantité 
suffisante  pour  la  soumettre  à un  examen  complet. 

D’après  Dragendorff(1871),  l’éther  de  pétrole  est  le  meilleur  dissolvant 
de  l’alcaloïde  du  Piment.  11  obtint  des  cristaux  de  son  chlorhydrate, 
dont  la  solution  aqueuse  fut  précipitée  par  la  plupart  des  réactifs  ha- 
bituels, mais  non  par  l’acide  tannique.  La  matière  colorante  des  piments 
n’est  que  peu  soluble  dans  l’alcool,  mais  se  dissout  bien  dans  le  chlo- 
roforme. Après  évaporation,  on  obtient  une  masse  molle,  colorée  en 
rouge  foncé,  qui  n’est  plus  beaucoup  altérée  par  la  potasse. 

Les  fruits  du  Capsicum  fasligiatum  ont  une  odeur  un  peu  forte.  En 
distillant  successivement  deux  lots  de  50  livres  chacun,  nous  obtînmes 
une  faible  proportion  d’une  matière  grasse  floconneuse,  qui  possédait 
une  odeur  analogue  à celle  du  Persil.  Cette  matière  se  montra,  ainsi 
que  l’eau  distillée,  neutre  au  tournesol,  et  l’eau  n’avait  aucune  saveur. 
Nous  séparâmes  cette  dernière,  et  nous  exposâmes  la  matière  grasse  à 
une  température  d’environ  50°  C.;  elle  fondit  en  majeure  partie.  Le  li- 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  133 

quide  clair  se  solidifia,  en  se  refroidissant,  en  touffes  de  cristaux,  qui 
furent  purifiés  par  la  cristallisation  dans  l’alcool.  Nous  obtînmes  ainsi 
environ  2 centigrammes  d’un  stéaroptène  neutre,  blanc,  à saveur  nette- 
ment aromatique,  très-persistante,  sans  aucune  âcreté,  et  assez  sem- 
blable à celle  de  l’huile  essentielle  du  persil.  Les  cristaux  fondirent 
à 38°  C.  En  les  maintenant  pendant  quelques  jours  à la  température  de 
la  vapeur  d’eau,  recouverts  d’un  verre  de  montre,  quelques  gouttes 
d’huile  essentielle  se  volatilisèrent  ; elles  avaient  la  même  saveur,  mais  ne 
se  solidifièrent  pas.  Les  cristaux  se  montrèrent  alors  accompagnés  par 
une  huile  liquide.  Conservés  quelques  jours  de  plus  dans  les  mêmescondi- 
tions,  les  cristaux  commencèrent  eux-mêmes  à se  volatiliser,  et  la  par- 
tie restante  prit  une  teinte  brunâtre  qui  indiquait,  sans  aucun  doute, 
l’existence  d’une  autre  impureté,  ainsi  que  nous  nous  en  sommes  as- 
surés par  l’expérience  suivante  : En  faisant  bouillir  la  solution  de  po- 
tasse, le  stéaroptène  produit  une  sorte  de  savon  qui,  en  se  refroidis- 
sant, forme  une  gelée  transparente.  Si  l’on  dissout  et  dilue  celle-ci,  elle 
devient  trouble  quand  on  ajoute  un  acide.  Cela  dépend  probablement 
de  la  présence  d’une  petite  quantité  d’acides  gras,  supposition  confirmée 
par  l’odeur  un  peu  forte  que  dégage  notre  stéaroptène  lorsqu’on  le 
chauffe  dans  un  tube  en  verre  (I). 

Commerce.  — Le  Piment  est  expédié  de  Zanzibar,  de  la  côte  occi- 
dentale d’Afrique  et  de  Natal  ; mais  nous  n’avons  pu  nous  procurer 
aucune  statistique  générale  des  quantités  importées  dans  la  Grande- 
Bretagne.  Les  exportations  de  Sierra -Leone  s’élèvent,  en  1871 , à 7 258  li- 
vres (2).  La  colonie  de  Natal,  qui  produit  le  Piment  de  Cayenne,  dans 
le  comté  de  Victoria,  où  l’on  cultive  aussi  du  sucre  de  canne  et  du  café, 
en  expédia,  dans  la  même  année,  9072  livres  (3). 

Les  rapports  officiels  (4)  montrent  qu’en  1871,  Singapore  importa 
1 071  quintaux  de  Piments,  provenant  surtout  de  Penang  et  de  Pegu. 
Cette  épice  est  beaucoup  consommée  par  les  Chinois.  Bombay  importa, 
pendant  l’année  1872-73,  55G7  quintaux  de  Piments  secs,  provenant 

(1)  En  1876,  Thresh  n retiré  de  celle  drogue  la  Capsaïcine  > substance  cristallisable, 
incolore,  non  volatile,  dont  l’analyse  élémentaire,  faite  dans  mon  laboratoire,  conduit  à 
la  formule  empirique  C9II,4Oî.  Elle  n’a  pas  le  caractère  d’un  acide,  bien  qu’elle  soit  so- 
luble dans  les  alcalis,  pas  dans  l’eau.  Chauffée  dans  une  éprouvette  la  capsaïcine  émet  des 
vapeurs  extrêmementirritantes.  Il  est  nécessaire  de  prendre  des  précautions  sérieuses 
pour  manier  cette  substance  très-remarquable,  I Voir  aussi  Pharm.  Journ.,  9 déc.  1871, 
P-  473.)  [F.  A.  F.] 

(2)  Blue  Book  de  la  colonie  de  Sierra  Leone  pour  1871. 

(3)  Id.  de  Natal  pour  1871. 

(4)  Ici-  des  Etablissements  des  Détroits  pour  1871. 


134  SOLANACÉES. 

surtout  do  la  Présidence  de  Madras,  et  en  exporta  3323  quintaux  (1). 

(Jsngcs.  — Le  Piment  est  souvent  administré,  à cause  de  ses  propriétés 
excitantes,  comme  stimulant  local,  sous  forme  de  gargarisme,  et  parfois 
de  Uniment.  A l’intérieur,  on  l’emploie  pour  faciliter  la  digestion.  Dans 
tous  les  pays  chauds,  on  en  fait  un  grand  usage  comme  condiment. 

(a)  Les  Capsicum  L.  ( Généra , n.  232)  sont  des  Solanacées  de  la  tribu  des  Solanées 
à corolle  rotacée  ; à filaments  staminaux  très-courts  ; à anthères  convergentes,  dé- 
hiscentes par  des  fentes  longitudinales  ; à fruit  pulpeux,  biloculaire,  contenant  de 
nombreuses  graines. 

Le  Capsicum  annuum  L.  ( Species , 270),  vulg.  Corail  des  jardins,  Poivron,  Poivre 
de  Guinée,  est  une  plante  annuelle,  herbacée,  rameuse,  à tige  anguleuse,  sillonnée, 
à ramification  dichotome  par  suite  d’entraînements  des  rameaux  les  uns  sur  les  autres. 
Elle  s’élève  à 30  ou  60  centimètres.  Les  feuilles  sont  alternes,  simples,  entières  ou  pres- 
que entières,  fréquemment  entraînées,  elliptiques  ou  ovales,  acuminées,  longuement 
pétiolées,  glabres,  quelquefois  velues  en  dessous  au  niveau  des  nervures,  penninerves  ; 
elles  ontde  5 à 10  centimètres  de  long,  y compris  le  pétiole  qui  a de  1 à 2 centimètres. 
Les  fleurs  sont  axillaires  et  solitaires,  supportées  par  un  long  pédoncule  tordu.  Elles 
sont  pendantes,  blanches,  avec  des  anthères  de  couleur  foncée.  Le  calice  est  petit, 
vert,  cupuliforme,  divisé  en  cinq  dents  courtes.  La  corolle  est  rotacée,  à cinq  lobes 
oblongs,  aigus,  valvaires  dans  la  préfloraison.  Les  étamines  sont  alternes,  connées 
au  tube  court  de  la  corolle,  à filets  très-courts,  à anthères  allongées,  conniventes, 
dépourvues  de  prolongements  du  connectif,  biloculaires,  introrses,  déhiscentes  par 
deux  fentes  longitudinales.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  biloculaire,  contenant, 
dans  chaque  loge,  sur  un  gros  placenta  charnu,  de  nombreux  ovules  anatropes. 
[Trad.] 


RHIZOME  ET  RACINE  DE  BELLADONE. 

P a dix  Belladonæ;  angl.,  Belladonna  Root;  allem.,  Belladonna  Wurzel. 

Origine  botanique.  — Atropci  Bellcidonu  L.  C’est  une  grande  herbe 
glabre  ou  légèrement  velue,  à souche  vivace.  Elle  est  originaire  du  centre 
et  du  sud  de  l’Europe,  où  elle  croît  dans  les  clairières  des  bois.  Elle 
s’étend  vers  l’est  jusque  dans  la  Crimée,  le  Caucase  et  le  nord  de  l’Asie 
Mineure.  En  Angleterre,  on  la  trouve  surtout  dans  les* districts  du  Sud, 
mais  il  est  douteux  qu’elle  y soit  à l’état  indigène.  Elle  n’est  pas  indi- 
gène non  plus  en  Norwége,  et  ne  supporte  pas,  même  à l’état  cultivé, 
le  climat  de  Christiania  (Schübeler).  Dans  quelques  parties  de  1 Angle- 
terre et  de  la  France,  on  la  cultive  pour  l’usage  médical  (a). 

Historique.  — Quoique  la  Belladone  ne  puisse  guère  avoir  été  incon- 

(1)  Statement  of  the  t rade  and  navigation  of  Bombay  for  1872-73,  P.  II,  58,  91. 


135 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

nue  des  auteurs  classiques  de  l’antiquité,  il  est  difficile  de  la  reconnaître 
dans  les  écrits  qu’ils  nous  ont  laissés. 

Saladinus  d’Ascoli  (I),  qui  fit,  vers  1430,  une  énumération  des  plantes 
médicinales,  nomme  les  feuilles  du  Solatrum  furialee  t du  Solatrum  minus  ; 
la  première  de  ces  plantes  est  probablement  la  Belladone.  Cependant, 
la  première  mention  indubitable  de  cette  plante  que  nous  ayons  trouvée, 
est  peut-être  celle  du  Grand  Herbier , imprimé  à Paris,  probablement 
vers  1304 (5).  Elle  est  mentionnée,  vers  la  même  époque,  sousle  nom de,Sb- 
latruni  mortale  ou Dolwurtz  dans  les  écrits  d’Hieronymus  Brunschwyg  (3). 

En  1342,  la  Belladone  fut  bien  figurée,  sous  le  nom  de  Solanum  Somni- 
ferurn  ou  Dollkraut,  par  le  botaniste  allemand  Leonard  Fuchs,  qui 
connaissait  bien  ses  propriétés  toxiques  (4).  Elle  fut  méconnue  par 
d’autres  écrivains  de  cette  époque  , notamment  par  Tragus  (5)  qui 
reproduisit  la  figure  de  Fuchs  sous  le  nom  de  u Solanum  hortense!  » 
Matthiolus,  en  1548,  la  nomme  Solanum  majus,  et  dit  qu’elle  est  dé- 
signée par  les  Vénitiens  sous  le  nom  d'Herba  Bella  donna , parce  que  les 
dames  italiennes  emploient  l’eau  distillée  de  la  plante  comme  cosmétique. 
L’introduction  de  la  racine  de  Belladone  dans  la  médecine  anglaise  est 
de  date  récente  ; elle  est  due  à M.  Peter  Squire,  de  Londres,  qui,  vers  1860, 
la  recommanda  comme  base  d’un  liminent  anodin  très-employé. 

Description. —La  Belladone  possède  une  grande  racine  (6)  épaisse  de 
2 à 5 centimètres,  et  longue  de  30  centimètres  ou  davantage,  de  la- 
quelle partent  des  branches  divergentes.  Extérieurement,  les  racines 
fraîches  sont  d’un  brun  terreux,  rugueuses,  avec  des  cicatrices  et  des 
rides  transversales.  L’écorce  est  épaisse  et  succulente,  et  colorée  inté- 
rieurement, ainsi  que  la  portion  centrale,  en  blanc  crémeux  foncé.  La 
racine  principale  offre  une  structure  radiée  bien  marquée.  Cette  racine 
possède  une  odeur  terreuse,  et  une  saveur  d’abord  faible  puis  brûlante, 
(t  La  racine  sèche  de  Belladone » se  vend  en  morceaux  irréguliers,  rugueux, 
colorés  en  gris  sale  au  dehors,  blanchâtres  à l’intérieur.  Ils  se  cassent 


(1)  Compendium  Aromatariorum,  1488. 

(2)  Le  Grand  Herbier  en  francoys,  contenât  les  qualités,  vertus  et  propriété:  des 
herbes,  etc.,  Paris  (sans  date),  in-4°,  cap.  De  Solastro  rustico. 

(3)  Bas  dcstillier  Buch  (sub.  voce  NachtschetWasser) , Strassb.,  1545;  il  en  existe 
une  édition  de  1S0Ü. 

(4)  Historia  Slirpium,  Basil.,  1342,  689. 

(5)  De  Stirpium  Historia,  301. 

(6)  La  partie  que  les  auteurs  nomment  ici  « racine  t et  ailleurs  « racine  principale  », 
est,  en  réalité,  une  tige  souterraine,  un  véritable  rhizome.  La  « Racine  de  Belladone  », 
dos  Pharmacopées,  est  constituée  à la  fois  par  ce  rhizome  et  par  les  racines  véritables, 
Le  rhizome  a une  moelle,  tandis  que  les  racines  en  sont  dépourvues.  [Trad.] 


136  SOLANACÉES. 

facilement;  leur  cassure  est  courte  ; ils  exhalent  une  odeur  terreuse  qui 
n’est  pas  sans  analogie  avec  celle  de  la  racine  de  réglisse.  On  doit  pré- 
férer les  racines  qui  n’excèdont  pas  la  grosseur  du  doigt.  Celte  drogue 
est  importée,  en  majeure  partie,  d’Allemagne  ; elle  est  souvent  de  qualité 
douteuse.  Les  racines  cultivées  en  Angleterre,  et  achetées  à l’état  frais, 
(on  rejette  celles  qui  sont  vieilles  et  grosses),  lavées,  puis  divisées  trans- 
versalement en  morceaux,  et  séchées  à une  chaleur  douce,  constituent 
un  article  de  meilleure  qualité. 

structure  microscopique.— Il  existe  une  différence  anatomique  consi- 
dérable entre  «la  racine  principale»  et 
les  branches,  la  première  contenant 
seule  une  moelle  distincte  enfermée 
dans  un  cercle  ligneux  que  traversent 
des  rayons  médullaires  étroits.  Dans 
la  partie  extérieure  du  cercle  ligneux, 
le  tissu  parenchymateux  est  plus 
abondant  que  les  faisceaux  vasculai- 
res. Sur  la  section  transversale  des 
branches  de  la  racine,  on  trouve  une 
colonne  fibrovasculaire  centrale  à la 
place  de  la  moelle.  Les  faisceaux  vas- 
culaires extérieurs  n’offrent  pas  d’ar- 
rangement régulier,  et  les  rayons 
médullaires  ne  sont  pas  nettement  vi- 
sibles dans  la  coupe  transversale. 

Lapartie  ligneuse  de  «la  racine  principale  » et  de  ses  branches  offre  des 
vaisseaux  ponctués  très-larges,  accompagnés  de  tissu  parenchymateux. 
Les  cellules  de  ce  dernier  ont  toujours  des  parois  minces,  et  l'absence 
de  tissu  ligneux  proprement  dit  rend  compte  de  la  cassure  facile  de  la 
racine.  Le  prosenchyme,  dont  les  vaisseaux  sont  entourés,  prendparfois 
une  teinte  brunâtre,  présente  une  apparence  cireuse,  et  offre  alors  une 
structure  très-irrégulière.  Dans  la  portion  corticale  de  la  racine  de 
Belladone,  un  grand  nombre  des  cellules  de  la  couche  moyenne  sont, 
comme  les  cellules  de  la  moelle,  remplies  de  cristaux  octaédriques,  ex- 
trêmement petits,  d’oxalate  de  calcium,  mais  le  plus  grand  nombre  des 
cellules  contiennent  des  grains  d’amidon. 

Composition  chimique. — En  1833,  Mein  retira  de  la  racine  de  Bella- 
done un  alcaloïde  cristallisable  l'Atropine,  C17H23Az03,  que  Geiger  et 
Hesse  retirèrentdes  parties  herbacées.  Les  recherches  de  Lefort,  en  1872, 


Fig.  164.  Tigo  souterraine  de  Belladone. 
Coupe  transversale. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  137 

ont  prouvé  que  les  racines  contiennent  cet  alcaloïde  en  proportion 
très-variable  et  que  les  jeunes  en  sont  plus  riches  que  les  vieilles  (I).  La 
proportion  maximum  obtenue  fut  0,6  pour  100.  Elle  fut  retirée  d’une 
racine  delà  grosseur  du  doigt.  Les  grosses  racines,  âgées  de  7 à 8 ans,  en 
donnèrent  d°e  0,25  à 0,31  pour  100.  Elles  possèdent  une  écorce  relati- 
vement plus  mince  que  les  jeunes  racines,  et  c’est  particulièrement  dans 
l’écorce  que  paraît  résider  l’alcaloïde.  Les  fabricants  d’atropine  em- 
ploient uniquement  la  racine. 

Ludwig  et  Pfeiffer  (1861),  en  décomposant  1 atropine  par  le  chromate 
de  potassium  et  l’acide  sulfurique,  obtinrent  de  l’acide  benzoïque  et  de 
la  propylamine.  D’autres  produits  se  forment  lorsqu’on  traite  l’atropine 
par  l’acide  chlorhydrique  concentré,  l’eau  de  baryte  ou  la  soude  caus- 
tique; on  obtient  l’équation  suivante  : Atropine,  C17H23Az034-IT1 20  ==  acide 
Tropique , C9H,0O3  + Tropine , C8HlsAzO. 

L’acide  tropique  est  cristallisable,  et  se  décompose  facilement  en  acide 
Atropique,  et  en  acide  Isatropique,  qui  sont  l’un  et  l’autre  isomères  avec 
l’acide  cinnamique,  C0H8O2.  La  tropine  est  fortement  alcaline,  soluble 
dans  l’eau  et  dans  l’alcool,  et  forme,  par  évaporation  de  ses  solutions 
étbérées,  des  cristaux  tabulaires.  Ni  la  tropine,  ni  l’acide  tropique  ne 
préexistent,  d’après  Kraut  (1863),  dans  les  feuilles  et  la  racine  de  Bella- 
done. 

Hübschmann  a découvert,  en  1858,  dans  la  racine  de  Belladone,  un 
second  alcaloïde,  la  Belladonine,  qui  est  incristallable,  et  possède  un 
aspect  résineux,  une  réaction  alcaline  manifeste,  et  émet  comme  1 atro- 
pine, lorsqu’on  le  chauffe,  une  odeur  particulière. 

La  racine  de  Belladone  contient  en  outre,  d’après  Richter  (1837)  et 
Hübschmann, une  substance  fluorescente,  et  une  matière  colorante  rouge 
nommée  Atrosine  (2).  Cette  dernière  existe  en  grande  quantité  dans  le 
fruit,  et  demande  probablement  de  nouvelles  recherches. 

Usages.  — La  racine  de  Belladone  est  surtout  employée  dans  la  fabri- 
cation de  l’atropine,  qui  sert  pour  dilater  la  pupille.  On  emploie  aussi, 
contre  les  douleurs  névralgiques,  un  Uniment  préparé  avec  la  racine  de 
Belladone. 

Les  AtropaL.  ( Généra , n.  249,  ex  parte)  sont  des  Solanacées  de  la  tribu  des  Atro- 
péesà  calice  accrescent,  étalé  en  étoile  à la  base  du  fruit  mûr  ; a corolle  campa- 

(1)  Pour  le  procédé  employé  par  Lefort  clans  l’estimation  de- 1 alropine,  voyez  p.  139. 

(2)  Gmelin,  Chemistry,  18GG,  XVII,  1.  Voir  de  plus  Fassbisndeu,  Deutsche  che- 
misette Gesellschaft,  1870,  1357. 


138 


SOLANACÉES. 

miléc;  a anthères  déhiscentes  par  des  fentes  longitudinales,  non  commentes  • à 
haie  pulpeuse  et  succulente. 

I.  Alropa  belladona  L.  (Spec.,  200)  est  une  plante  à souche  vivace,  épaisse,  char- 
nue, ramifiée,  un  peu  traçante,  que  les  auteurs  confondent  avec  la  racine,  émettant 
au  printemps  des  rameaux  aériens  verts  et  charnus,  à feuilles  et  à rameaux  très-entrai- 
nes, de  taçon  que,  la  ramification  paraisse  dichotome.  Les  rameaux  sont  verts,  fine- 
ment pubescents  ou  glanduleux  vers  le  haut.  Les 
feuilles  sont  d’un  vert  foncé,  glabres  ou  fine- 
ment pubescentes,  alternes,  simples,  entières 
ou  légèrement  sinuôes  ; elles  sont  longues  de 
1 0 a 20  centimètres  et  larges  de  6 à 1 0 centimè- 
tres, ovales,  atténuées  à la  base  en  un  pétiole 

court,  acuminées.  Les  fleurs  sont  solitaires  à l’ais- 
selle des  feuilles  qui,  par  suite  d’entraînements, 
sont  disposées  par  deux  à la  même  hauteur, 

1 une  grande,  et  l’autre  beaucoup  plus  petite. 
Les  fleurs  sont  grandes,  pédicellées,  un  peu 
penchées.  Le  calice  est  profondément  découpé 
en  cinq  lobes  verts,  pubescents,  beaucoup  plus 
courts  que  la  corolle,  mais  s’accroissant  en 
même  temps  que  le  fruit,  et  formant  autour 
de  lui,  à la  maturité,  une  grande  collerette 
"verte,  en  étoile.  La  corolle  est  campanulée, 
un  peu  rétrécie  a la  base,  violette,  pubescente  en  dehors,  un  peu  plissée  longitu- 
dinalement, divisée  en  cinq  lobes  courts,  arrondis,  réfléchis  en  dehors.  L’androcée 
est  formé  de  cinq  étamines  alternes  avec  les  lobes  de  la  corolle,  connées  à son 
tube,  incluses,  à filets  assez  longs,  velus  à la  base,  à anthères  courtes,  bilocu- 
laires,  introrses,  déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales,  non  conniventes,  réflé- 
chies sur  le  filet  après  la  déhiscence.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  biloculaire 
surmonté  d’un  style  cylindrique,  inclus,  capité.  Chaque  loge  ovarienne  contient,  sur 
un  gros  placenta  charnu,  un  grand  nombre  d’ovules  anatropes.  Le  fruit  est  une  baie 
grosse  comme  une  cerise,  arrondie,  colorée  en  violet-noir  à la  maturité,  très-pul- 
peuse, à suc  noirâtre,  contenant  un  grand  nombre  de  graines  aplaties,  albuminées 
à embryon  recourbé.  [Thad.] 


FEUILLES  DE  BELLADONE. 

Folia  Belladonæ;  angl.,  Belladonna  Leaues  ; nllem.,  Tollkraut. 

Origine  botanique.  — Atropa  Belladona  L. 

Historique.  — Les  feuilles  de  Belladone,  et  l’extrait  qu'on  prépare 
avec  elles,  furent  introduits  dans  la  Pharmacopée  de  Londres,  en  1809. 
Pour  plus  de  détails  sur  l’histoire  de  la  Belladone,  voyez  l’article  pré- 
cédent. 

Description.  — La  Belladone,  ou  Morelle  meurtrière,  produit  des  ti- 
ges herbacées  épaisses,  lisses,  qui  atteignent  de  ■lm,‘2üà  lœ,50  de  haut. 


HISTOIRE  des  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  139 

Elles  sont  simples  dans  la  partie  inférieure,  puis  ordinairement  trifur- 
quées  ensuite  bifurquées,  et  produisent,  sur  leurs  branches  supé- 
rieures un  grand  nombre  de  feuilles  d’un  vert  brillant,  disposées  en 
paires  inégales,  portant,  dans  leur  aisselle,  des  fleurs  solitaires,  pen- 
dantes, pourpres,  en  forme  de  cloches,  et  de  grosses  baies  noires  et 

1 LT  LS‘111  t6S 

Les  feuilles  ont  10  à 20  centimètres  de  long;  elles  sont  pédonculées, 
largement  ovales,  acuminées,  atténuées  à la  base,  molles  et  juteuses  ; 
celles  des  tiges  stériles  sont  alternes  et  solitaires.  Les  jeunes  pousses 
sont  pubescentes,  à poils  noirs  et  courts,  qui,  sur  le  calice,  sont  parfois 
très-persistants,  et  prennent  le  caractère  de  glandes  visqueuses.  Les 
feuilles  exhalent,  lorsqu’on  les  froisse,  une  odeur  désagréable,  herba- 
cée, qui  disparaît  par  la  dessiccation.  Desséchées,  elles  sont  minces  et 
friables,  colorées  en  vert  brunâtre  sur  la  face  supérieure,  grisâties  en 
dessous.  Leur  saveur  est  désagréable,  un  peu  amère.  1 00  livres  de 
feuilles  fraîches  ne  donnent  que  16  livres  de  feuilles  sèches  (Squiie). 

Compositiou  chimique.  — Le  principe  important  des  feuilles  de  Bel- 
ladone est  Y Atropine.  Lefort,  en  1872  (1),  a déterminé  sa  proportion  en 
épuisant,  par  l’alcool  dilué,  les  feuilles  préalablement  desséchées  à 100°  G. 
concentrant  la  teinture,  et  précipitant  l’alcaloïde  a l’aide  d’une  solution 
d’iodohydrargyrate  de  potassium.  Le  précipité  ainsi  obtenu  contenait, 
d’après  le  calcul  de  Lefort,  33,25  pour  100  d’atropine. 

Lefort  examina  les  feuilles  de  plantes  cultivées  et  déplantés  ciois- 
sant  à l’état  sauvage  dans  les  environs  de  Paris  ; il  les  recueillait  avant 
et  après  la  floraison.  Il  trouva  que  la  culture  ne  modifie  pas  la  propor- 
tion de  l’alcaloïde  ; que  les  fèuilles  des  jeunes  plantes  sont  moins  riches 
que  celles  recueillies  pendant  la  floraison.  Ges  dernières,  desséchées,  lui 
donnèrent  de  0,44  à 0,48  pour  100  d’atropine. 

Les  feuilles  de  Belladone  contiennent  de  Y Asparagine  qui,  d’après  Biltz 
(1839),  cristallise  dans  l’extrait  longtemps  conservé.  Cependant  Attfield, 
en  1862,  no  trouva  dans  l’extrait  que  des  cristaux  de  chlorure  et  de 
nitrate  de  potassium.  Le  même  chimiste  obtint,  par  la  dialyse  du  suc 
de  Belladone,  du  nitrate  de  potassium,  et  des  prismes  carrés  d’un  sel  de 
magnésium,  contenant  un  acide  organique.  Le  suc  lui  donna  aussi  de 
l’ammoniaque  (2). Les  feuilles  desséchées  nous  ont  donné  14, o pour  100 


(1)  Journ.  de  Pharm.,  1872,  XV,  209,  341. 


(2)  Le  suc  frais  conservé  pendant  quelques  jours  dégage  des  vapeurs  iougcs  (d  acide 
,e  le  vase  qui  le  contient  (H.  S.  Evans,  in  Pharm.  Journ.,  18b0, 


nitreux?;  lorsqu’on  ouvr 
IX,  ICO). 


110  SOLANACÉES.  • 

nMilf63’  °0nSiSt“t’  °"  majeure  P»rti«.  O"  carbonates  calcaire,  et 

Usages.  — Les  feuilles  lie  Belladone  sont  employées,  à l’état  frais 
pour  la  préparation  de  V Extrait  de  Belladone , et,  à l’état  sec,  pour  pré! 
~ tdnture-  0n  doil  recueillir  lorsque  la  plante  est  en  pleine 


STRAMOINE. 

Herb“  Stramonii-  anSl-  Stramonium,  Thornapple;  nllcm.,  StechapfeMæltcr. 

Origine  botanique.  - Datura  (I)  Stramonium  L.  C’est  une  grande 
lerbe  dressee,  annuelle,  à croissance  rapide,  à fleurs  blanches,  rappe- 
lant par  leur  forme  celles  des  Convolvulus,  et  à fruits  ovoïdes,  épineux 
On  la  trouve  aujourd’hui  à l’état  de  culture  dans  presque  toutes  les  ré- 
gions tempérées  et  chaudes  du  globe.  Dans  le  sud  de  l’Angleterre  on  la 

trouve  fréquemment  en  grande  abondance,  surtout  auprès  des  jardins 
et  des  habitations  (a). 

Historique.  — Les  botanistes  ont  beaucoup  discuté  sur  la  patrie  de 
cette  plante,  et  sur  son  aire  primitive  de  distribution.  Alphonse  de  Can- 
doUe  (2)>  aPrès  avoir  discuté  avec  talent  les  arguments  avancés  en  fa- 
veur de  1 opinion  qui  considère  la  plante  comme  originaire  à la  fois  de 
1 Europe,  de  1 Amérique  et  de  l’Asie,  énonce  son  opinion  de  la  façon 
suivante  : « Le  Datura  Stramonium  paraît  être  indigène  de  l’ancien 
monde,  probablement  des  bords  de  la  mer  Caspienne  et  des  pays  adja- 
cents, mais  certainement  pas  de  l’Inde.  Il  est  douteux  qu’il  existât  en 
Europe  à l’époque  des  anciens  Romains,  mais  il  paraît  s’être  répandu  de 
lui-même,  entre  cette  époque  et  celle  de  la  découverte  de  l’Amérique.  » 
La  Stramoine  fut  cultivée  à Londres,  vers  la  fin  du  seizième  siècle, 
par  Gerarde.  Il  en  avait  reçu  les  graines  de  Constantinople,  et  propagea 
beaucoup  la  plante,  dont  il  tenait  en  haute  estime  les  propriétés  médi- 
cinales. Son  emploi,  à une  époque  plus  récente,  est  dû  aux  expériences 
de  Stôrck  (3). 

Description.  — La  Stramoine  possède  une  tige  herbacée,  verte,  dres- 
sée, vigoureuse,  qui,  cà  peu  de  distance  au-dessus  du  sol,  émet  des  ra- 

(1)  Le  mot  Datura  vient  du  sanskrit  D'/iustùra,  nom  appliqué  au  Datura  fastuosa  L. 
Nous  ignorons  l’origine  du  mot  Stramonium. 

(2)  Géographie  botanique,  1855,  II,  731. 

(3)  Libellas  quo  demonslratur  Stramonium,  Hyoscyamum,  Aconitum...  esse  remedia 
Vindob.,  1762. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  141 

meaux  étalés,  bifurques,  dans  l’angle  desquels  se  développe  une  fleur 
solitaire,  blanche,  à laquelle  succède  une  capsule  ovoïde  et  épineuse. 
Au  niveau  de  chaque  bifurcation,  en  dehors,  est  une  large  feuille.  Cette 
disposition  des  parties  se  répète  plusieurs  fois,  et,  lorsque  la  plante 
jouit  d’une  croissance  vigoureuse,  elle  se  ramifie  beaucoup,  et  acquiert, 
dans  le  cours  de  l’été,  une  taille  considérable. 

Les  feuilles  de  la  Stramoine  ont  un  long  pétiole.  Le  limbe  est  inégal 
à la  base  ; il  est  ovale,  acuminé,  sinueux-denté,  avec  des  dents  ou  des 
lobes  larges,  pointus;  il  est  velu  à l’état  jeune,  et  glabre  à la  maturité. 
A l’état  frais,  les  feuilles  sont  fermes  et  succulentes,  et  émettent,  lorsqu’on 
les  froisse  entre  les  doigts,  une  odeur  fétide,  désagréable.  Les  plus 
grandes  feuilles  des  plantes  de  moyenne  taille  ont  de  15  à 20  centimètres, 
et  plus,  de  long.  Pour  l’usage  médicinal,  on  arrache  la  plante  entière, 
on  enlève  les  feuilles  et  les  j eunes pousses,  qu’on  coupe  en  bandes  courtes 
destinées  à être  introduites  dans  une  pipe  ou  roulées  en  cigarettes; 
c’est  surtout  sous  cette  forme  qu’on  en  fait  usage  en  Angleterre.  L’odeur 
forte  de  la  plante  fraîche  disparaît  sous  l’influence  de  la  dessiccation, 
et  est  remplacée  par  une  odeur  très-agréable.  L herbe  sèche  possède 
une  saveur  salée  et  un  peu  amère. 

Composition  chimique.  — Les  feuilles  de  Stramoine  contiennent, 
ainsi  que  les  graines,  un  alcaloïde,  la  Datunne  (voy.  page  144)  en  très- 
faible  proportion,  pas  plus  de  2/10  à 3/10  pour  1000.  Elles  sont  riches 
en  principes  salins  et  terreux.  Les  feuilles  choisies,  desséchées  à 100°  G., 
nous  ont  donné  17,4  pour  100  de  cendres. 

Usages.  — Les  feuilles  de  Stramoine  ne  sont  guère  employées  qu’en 
cigarettes  ou  dans  la  pipe,  et  fumées,  comme  le  tabac,  contre  l’asthme. 

Substitution.  — Datura  Tatula  L.  Cette  plante  est  très-voisine  du 
Datura  Stramonium  L.  Elle  se  propage  dans  les  champs  cultivés  avec 
presque  autant  de  facilité  que  la  Stramoine,  mais  elle  n’est  pas  aussi 
répandue.  De  Candolle  pense  qu’elle  est  indigène  des  parties  chaudes  de 
l’Amérique,  d’où  elle  a été  importée  en  Europe,  vers  le  seizième  siècle, 
et  naturalisée  en  Italie,  puis  dans  le  sud-ouest  de  l’Europe.  Plusieurs 
botanistes  réunissent  cette  plante  au  Datura  Stramonium,  maisNaudin  (1  ), 
qui  a étudié  les  deux  plantes  avec  la  plus  grande  attention,  surtout  au 
point  de  vue  de  leurs  hybrides,  les  considère  comme  distinctes.  Le 
Datura  Tatula  diffère  du  Datura  Stramonium  par  sa  tige,  les  pétioles 
et  les  nervures  de  scs  feuilles  qui  sont  pourpres,  au  lieu  d être  verts, 


(!)  Comptes  rendus  Ac.  sc.,  18G2,  LV,  32!. 


SOLANACÉES. 

]mi  sa  corolle  et  ses  anthères  violettes  et  non  blanches;  mais  ces  ca- 
ractères, si  toutefois  on  peut  les  admettre,  n’ont  qu’une  bien  faible 
importance  botanique.  On  a recommandé  de  fumer  le  Uatura  Tatula 
contie  1 asthme,  et  1 on  a considéré  son  action  comme  plus  énergique 
que  celle  du  IJatura  Stramonium.  Il  nous  est  impossible  d.’apprécier  la 
valeur  relative  de  ces  deux  plantes. 


(a)  Les  )atura  L.  (Généra,  n.  246)  sont  des  Solanacées  de  la  tribu  des  Solanées, 
à calice  tubu  eux,  se  divisant,  <\  la  maturité,  en  deux  parties  dont  la  supérieure  tombe 
avec  la  corolle,  et  1 inferieure  persiste  à la  base  d u fruit  ; à corolle  infundibuliforme  * 
a anthères  déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales  ; à fruit  capsulaire,  déhiscent 
en  quatre  valves. 

Le  Datura  Stramonium  L.  (Spec.,  255)  est  une  plante  annuelle,  herbacée,  ro- 
buste, dressée,  a rameaux  entraînés  de  façon  à former  une  ramification  en  appa- 
rence dichotomique.  La  plante  est  entièrement  glabre  et  d’un  vert  sombre.  Les 
feuilles  sont  alternes,  longuement  pétiolées,  ovales-acuminées,  lobées,  îi  lobes  mu- 
nis de  dents  aiguës  et  un  peu  recourbées.  On  trouve  dans  la  partie  supérieure  de  la 
tige,  au  niveau  de  chaque  feuille,  trois  axes  : deux  latéraux,  destinés  à produire  eux- 

mêmes  des  feuilles,  et  un  médian  court, 
terminé  par  une  fleur.  Chacun  des  deux 
axes  latéraux  offre  à son  tour,  un  peu  plus 
haut,  une  feuille,  et  à sa  hauteur  trois  axes 
qui  se  comportent  comme  les  précédents. 
La  fleur  est  ainsi  toujours  solitaire.  L'axe 
qui  la  porte  est  court,  cylindrique.  Le 
calice  est  gamosépale,  à tube  long,  for- 
mant, dans  la  préfloraison,  un  sac  allongé 
et  conique,  pentagonal.  Il  est  découpé 
en  cinq  dents  courtes,  triangulaires,  ai- 
gues, dont  les  nervures  médianes  conti- 
nuent les  cinq  côtes  du  tube.  La  préflorai- 
son est  valvaire.  La  corolle  est  blanche, 
très-grande,  infundibuliforme,  à cinq  lo- 
bes acuminés-subulés, formant  chacun,  au 
niveau  de  leur  nervure  médiane,  un  pli 
saillant,  et  tordus  dans  la  préfloraison. 
L’audrocée  est  formé  de  cinq  étamines 
alternes  avec  la  corolle,  incluses,  à filets 
connés  au  tube  de  la  corolle,  îi  anthères 
oblongues,  allongées,  biloculaires,  in- 
trorses,  déhiscentes  par  deux  fentes  lon- 
gitudinales. Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  îi  deux  loges,  contenant  chacune  de 
nombreux  ovules  anatropes  insérés  sur  un  placenta  central.  L’ovaire  estsurmonté  d’un 
style  cylindrique,  à peu  près  aussi  long  que  les  étamines,  terminé  par  un  renflement 
stigmatique  un  peu  aplati  et  imparfaitement  bilobé.  Le.  fruit  est  une  capsule  A deux 
loges,  subdivisées  chacune,  dans  le  bas,  en  deux  loges  secondaires,  à l’aide  d’une 
fausse  cloison  formée  par  le  placenta.  Pour  bien  comprendre  cette  structure,  il  est 
nécessaire  de  faire  des  coupes  transversales  du  fruit  à différentes  hauteurs,  et  mieux 


Fig.  166.  Datura  Stramonium, 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


14 


encore  de  suivra  sa  formation.  Au  début,  la  cloison  inmce  qui  séparé  les  deux  loges 
porte,  sur  chacune  de  ses  faces,  un  placenta  vertical  chargcd  ovules.  Vers  la  base  du 
Lt  la  lame  placentaire  fait  bientôt,  dans  chaque  loge,  une  saillie  de  plus  en  plus  pro- 
noncée pendant  que  les  deux  lèvres  de  son  bord  externe,  chargées  d ovules,  s épais- 
sissent ’ et  s’écartent.  Une  saillie  se  forme  ensuite  entre  ces  deux  lèvres,  et  va  rejoindre 
la  face' interne  de  la  paroi  dorsale  de  la  loge.  Cette  dernière  se  trouve  alors  divisée 
en  deux  fausses  loges,  dont  chacune  offre  un  gros  placenta  saillant  charge  d ovules. 
La  situation  de  ces  deux  lames  placentaires  sur  la  fausse  cloison  es  tres-variable  ; 
elles  sont  parfois  tellement  rapprochées  delà  paroi  externe  delà  capsule,  qu  elles  pa- 
raissent pariétales.  Ces  phénomènes  ne  se  produisent  pas  dans  la  superieuie 

du  fruit  qui  reste  biloculaire.  La  déhiscence  est  septicide,  a quatre  valves  , elle  s 
fectue  par  deux  fentes  longitudinales,  qui  se  coupent  en  croix;  Lune  se  produit  au 
niveau  de  la  vraie  cloison,  et  l’autre  au  niveau  des  fausses  cloisons.  Les  graines 
sont  nombreuses,  réniformes,  à téguments  noirs  et  chagrinés  ; a albumen  conte- 
nant un  embryon  courbé.  [Trad.] 


GRAINES  DE  STRAMOINE. 

Sente»  Stramonii;  Semences  de  Stramoine;  angl.,  Stramonium  Seeds ; allem  , S techapfelsamen. 

Origine  botanique.— Datura  Stramonium L.  (voy.  l’article  précédent). 

Description.  — La  capsule  ovoïde  et  épineuse  de  la  Stramoine 
s’ouvre  au  sommet  en  quatre  valves  régulières.  Elle  est  biloculaire  ; 
chaque  loge,  incomplètement  divisée  en  deux  loges  secondaires,  contient 
un  grand  nombre  (400  environ). de  graines  aplaties,  réniformes.  Les 
graines  sont  noirâtres  ou  d’un  brun  foncé;  elles  ont  environ  4 milli 
mètres  de  long,  et  1 millimètre  d’épaisseur  ; elles  sont  amincies  au  ni- 
veau du  hile,  qui  est  situé  sur  la  face  la  plus  droite.  La  surface  de  la 
graine  est  creusée  de  petites  fossettes,  et  marquée  d’un  grand  nombre 
de  réticulations  ou  de  rugosités  plus  prononcées.  Sur  une  section  pa- 
rallèle aux  faces  de  la  graine,  on  voit  un  embryon  contourné  suivant  la 
courbure  de  la  graine,  et  plongé  dans  un  albumen  huileux,  blanc.  Sur  une 
coupe  transversale,  l’embryon  paraît  cylindrique.  Les  graines  ont  une  sa 
veur  un  peu  amère,  et  exhalent,  lorsqu’on  les  brise,  une  odeur  désa- 
gréable. Lorsqu’on  fait  digérer  les  graines  entières  dans  l’alcool,  elles 
donnent  une  teinture  douée  d’une  fluorescence  verte. 

structure  microscopique.  — Le  testa  est  formé  d une  couche 
Iules  allongées  radialement,  à parois  épaisses.  Loin  foi  me  n e- 1 PdS 
simplement  cylindrique,  mais  leurs  parois  sont  sinueuses  et  pUocs  dans 
le  sens  de  la  longueur.  Vues  sur  une  coupe  tangenticllc  par  rapport  a la 
surface,  les  cellules  paraissent  pénétrer  les  unes  dans  les  autres.  A la 
surface  de  la  graine,  les  parois  cellulaires  s’élèvent  en  tubercules  et  en 


SOLANACÉES. 


144 

plis  qui  donnent  à la  graine  son  apparence  réticulée,  et  forment  les  fos- 
settes dont  elle  est  creusée.  L’albumen  et  l’embryon  offrent  les  contenus 
habituels,  c est-à-dirc  des  gouttes  d’huile  grasse,  et  des  substances 
albuminoïdes. 

Composition  chimique.  — Le  principe  actif  des  graines  de  Stramoine 
est  un  alcaloïde  puissamment  toxique,  la  Daturine.  Elles  en  contiennent 
seulement  1/10  pour  100,  tandis  que  les  racines  et  les  feuilles  en  ren- 
ferment encore  moins  (1).  La  daturine  fut  découverte,  en  1833,  par 
Gciger  et  Hesse.  Elle  fut  considéré  par  A.  von  Planta,  en  1850,  comme 
identique  avec  1 atropine.  Il  lui  trouva  la  composition  chimique  de  ce 
dei  niei  alcaloïde.  Les  deux  corps  se  ressemblentparleur  solubilité,  et  leur 
point  de  fusion,  qui  est  de  88°  à 90°  C.  Ils  cristallisent  avec  la  même 
facilité.  Les  expériences  de  Schroff  (1852)  tendent  à montrer  que  la  da- 
tuiine  et  1 atropine  agissent  delà  même  façon,  ce  qui  confirmerait  en- 
core l’identité  des  deux  substances.  Cependant,  la  dernière  est  deux 
fois  plus  toxique  que  la  première.  Il  paraît  résulter  des  observations 
faites  par  Erhard,  en  1866,  que  la  forme  cristalline  de  quelques-uns  de 
leurs  sels  est  différente.  Dans  les  graines  de  la  Stramoine,  la  daturine 
paraît  être  combinée  à l’acide  malique.  Les  graines  donnèrent  à 
Cloëz  (1865)  2,9  pour  100  de  cendres  et  25  pour  100  d’huile  fixe. 

Usages.  — On  prescrit  les  graines  de  Stramoine,  sous  forme  d’extrait 
ou  de  teinture;  on  les  considère  comme  sédatives  et  narcotiques. 

GRAINES  ET  FEUILLES  DE  DATURA  ALBA. 

Angl. , Seeds  and  Leaves  of  the  Jndian  or  White-floioèred  Datura. 

Origine  botanique.  — Datura  alba  Nees.  C’est  une  grande  plante 
annuelle,  étalée,  haute  de  60  à 70  centimètres,  àbelles  fleurs  tubuleuses, 
blanches,  longues  de  12  à 15  centimètres.  Les  capsules  sont  pendantes, 
globuleuses-déprimées,un  peu  plus  larges  que  hautes,  couvertes  d’épines 
tuberculeuses,  ou  épaisses  et  courtes.  Elles  ne  s’ouvrent  pas  à l’aide  de 
valves  régulières,  comme  dans  le  Datura  Stramonium,  mais  se  fendent 
dans  diverses  directions  en  fragments  irréguliers.  Le  Datura  alba  paraît 
à peine  distinct  du  Datura  fastuosa  L.  Les  deux  pilantes  sont  communes 
dans  l’Inde,  et  sont  cultivées  dans  les  jardins  du  sud  de  l’Europe  (2). 

(1)  Günther,  in  J ahresbericht  (le  Wiggers  et  Husemann,  4806,  S4. 

(2)  Dca  graines  de  Datura  alba  qui  nous  avaient  été  envoyées  par  le  docteur  Bidie, 
de  Madras,  ont  été  semées  par  notre  ami  M.  Naudin,  de  Gollioure  (Pyrénées-Orientales), 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  US 

Historique.  — Les  médecins  arabes  du  moyen  âge  connaissaient  bien 
le  Datura  alba.  Il  est  bien  décrit  parlbn  Baytar  (1)  sous  le  nom  arabe 
qu’il  porte  encore  aujourd’hui,  Jouz-masal.  Gcs  médecins  n’ignoraient 
pas  non  plus  ses  propriétés  toxiques.  Garcia  d’Orta  (2)  observa  la  plante 
dans  l’Inde,  en  1563,  et  y entendit  raconter  que  ses  fleurs  et  ses  graines 
étaient  mélangées,  par  les  malfaiteurs,  aux  aliments  des  personnes  qu’ils 
se  proposaient  de  voler.  Elle  fut  aussi  décrite  par  Christoval  Acosta.  Dans 
son  livre  sur  les  drogues  indiennes  (3),  il  en  mentionne  deux  variétés, 
dont  l’une  à fleurs  jaunes;  il  ajoute  que  les  graines  de  toutes  les  deux 
sont  très-toxiques,  et  souvent  administrées,  soit  dans  un  but  criminel, 
soit  pour  guérir  certaines  maladies.  Graham  (4)  dit  que  la  plante  pos- 
sède des  propriétés  narcotiques  très-puissantes,  et  qu’elle  est  fréquem- 
ment employée,  à Bombay,  par  les  voleurs,  qui  l’administrent  à leurs 
victimes  afin  de  leur  ôter  toute  force  de  résistance.  Les  graines  et  les 
feuilles  fraîches  figurent  dans  la  Pharmacopée  de  l’Inde  de  1868. 

Description.  — Les  graines  du  Datura  alba  diffèrent  beaucoup,  par 
leur  aspect  extérieur,  de  celles  du  Datura  Stramonium  ; elles  sont  d’un 
brun  jaunâtre  clair,  plus  volumineuses,  de  forme  irrégulière  et  un  peu 
ridées.  Leur  forme  peut  être  comparée  à celle  d’une  oreille  d’homme; 
elles  sont  un  peu  triangulaires,  ou  aplaties  et  pyriformes  ; l’extrémité  ar- 
rondie est  épaissie  en  un  bord  sinueux,  convoluté,  tandis  que  le  centre 
de  la  graine  est  déprimé.  Le  hile  s’étend  depuis  l’extrémité  pointue 
jusque  vers  le  milieu  de  la  longueur  de  la  graine.  Les  téguments  sont 
marqués  de  petites  rugosités,  mais  n’offrent  pas  les  fossettes  très-pro- 
noncées qu’on  trouve  à la  surface  des  graines  du  Datura  Stramonium  ; 
ils  sont  plus  épais,  et  offrent,  sur  une  coupe  mince,  de  grands  espaces 
intercellulaires  auxquels  est  due  leur  structure  spongieuse.  Les  graines 
des  deux  espèces  se  ressemblent  par  leur  organisation  intérieure  et  leur 
saveur,  mais  celles  du  Datura  alba  ne  fournissent  pas  de  teinture  fluores- 
cente comme  celles  du  D.  Stramonium. 

Les  feuilles  ne  sont  employées  qu’à  l’état  frais;  elles  ont  de  12  à 25  cen- 
timètres de  long,  avec  un  long  pétiole,  et  un  limbe  ovale,  souvent 


cl  ont  reproduit  la  plante  sous  trois  formes  : l°le  véritable  Datura  alba,.  tel  qu’il  est  Th 
guré  dans  les  Icônes  de  Wight;  2°  des  plantes  à fleurs  violettes,  avec  la  surface  interne 
presque  blanche  (D.  fastuosd)  ; 3°  des  plantes  avec  une  corolle  double,  de  grande  taille 
et  jaune. 

(1)  Traduction  de  Sontheimer,  I,  269. 

(2)  Aromatum  Historia,  1574,  lib.  nf  c.  24. 

(3)  Tractado  de  las  Drogas....  de  las  Indias  Orientales , Durgos,  1378,  85. 

(4)  Catalogue  of  Bombay  Plants,  1839,  141. 

IlIST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


10 


UG  SOLANACÉES. 

inégal  à la  l)asc,  acüminé,  finement  dentelé,  avec  un  petit  nombre  de 
giandes  dents  étalées.  Elles  exhalent,  lorsqu’on  les  froissé,  une  odeur 
forte  et  désagréable. 

structure  microscopique.  - Les  téguments  offrent  les  mêmes  tissus 
que  ceux  de  la  graine  du  Datura  Stramonium , mais  les  cellules  à parois 
épaisses,  qui  constituent  la  partie  spongieuse,  sont  beaucoup  plus  larges, 
et  offrent  des  dépôts  secondaires  nombreux  qui  constituent  un  bel  objet 
d’observation  microscopique. 

Composition  chimique.  — On  n’a  étudié,  au  point  de  vue  chimique, 
ni  les  graines,  ni  les  feuilles  du  Datura  alba,  mais  il  n'est  guère 
permis  de  douter  que  leurs  propriétés  ne  soient  ducs  à la  Daturine,  dont 
les  semences  constituent,  sans  aucun  doute,  la  source  la  pdus  impor- 
tante. 

Usages.  — Les  graines  ont  été  employées,  dans  l’Inde,  sous  forme  de 
teinture  ou  d’extrait,  comme  sédatives  et  narcotiques;  les  feuilles 
fraîches,  pilées  et  réduites  en  pulpe  avec  de  la  farine,  sont  usitées 
comme  médicament  anodin. 


FEUILLES  DE  JUSQUIAME. 

Folia  Byoscyami  ; angl.,  Henbane  Leaves  ; allcrn.,  Bilsentcraut. 

■ 

Origine  botanique.  — Hyoscyarffus  niyer  L.  C’est  une  herbe  trapue, 
h feuilles  molles,  visqueuses,  velues,  douées  d’une  odeur  désagréable; 
à fleurs  pâles,  jaunâtres,  élégamment  veinées  de  pourpre  ; à calice  tubu- 
leux, cinq-denté  (a).  On  la  trouve  en  Europe,  depuis  le  Portugal  et  la 
Grèce  jusque  dans  le  centre  de  la  Norwége  et  de  la  Finlande  ; en  Égypte, 
dans  l’Asie  Mineure,  le  Caucase,  la  Perse,  la  Sibérie,  et  le  nord  de  l’Inde. 
On  la  cultive  aujourd’hui  dans  l’Amérique  du  Nord  (I)  et  le  Brésil.  Eu 
Angleterre,  on  la  trouve  à l’état  sauvage,  surtout  dans  le  voisinage  des 
habitations,  et  on  la  cultive  pour  l’usage  médical.  La  Jusquiame  existe  à 
l’état  de  deux  variétés,  connues  sous  les  noms  d 'annuelle  et  bisannuelle, 
mais  n’offrant  guère  aucun  caractère  botanique  différentiel. 

La  Jusquiame  bisannuelle  ( Hyoscyamus  niyer , var.  a biennis ) est  plus 
estimée  pour  les  préparations  pharmaceutiques.  On  l’obtient  de  graines. 
La  plante  ne  produit  la  première  année  qu’une  rosette  de  nombreuses 

(1)  Elle  a été  naturalisée  dans  l’Amérique  du  Nord  avant  1672.  Elle  est,  eu  effet, 
mentionnée  par  Josselyn,  dans  son  New  England’s  Rarities  discovered  (Lond.,  1672), 
parmi  les  plantes  « sprung  up  since  lhe  English  planted,  and  kept  cattlc  in  New  Eug- 
glatid.  » 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  U7 

feuilles  pédonculées,  longues  de  25  centimètres  ou  davantage.  La 
seconde  année,  clic  émet  une  tige  fleurie  haute  de  30  à 60  centimètres. 
La  plante  entière  meurt  après  la  maturation  des  fruits. 

La  Jusquiame  annuelle  ( Hyoscyamus  niger , var.  P annua,  vel  agrestis) 
est  plus  petite,  et  parcourt  toutes  les  périodes  de  son  développement 
pendant  une  seule  saison.  Elle  constitue  la  forme  sauvage  commune, 
mais  elle  est  également  cultivée  par  les  herboristes  (1). 

Historique.  — L 'Hyoscyamus,  nom  sous  lequel  on  distinguait  probable- 
ment autrefois  une  espece  voisine,  du  sud  de  1 Europe,  I Hyoscyamus albci, 
était  considéré  comme  médicinal  par  les  anciens.  Cette  plante  est  par- 
ticulièrement recommandée  par  Dioscoride.  En  Europe,  la  Jusquiame 
est  employée  depuis  une  époque  très-reculée.  Benedictus  Grispus,  ar- 
chevêque de  Milan,  dans  un  ouvrage  écrit  peu  avant  681,  la  mentionne 
sous  le  nom  d 'Hyoscyamus  et  de  Symphoniaca  (2).  Au  dixième  siècle,  ses 
propriétés  furent  particulièrement  rappelées  par  Macer  Floridus  (3) 
qui  la  nommait  Jusquiamus.  Il  en  est  fait  mention,  fréquemment,  dans 
les  ouvrages  médicinaux  anglo-saxons  du  onzième  siècle  (4).  Elle  y est 
appelée  Henbell  et  parfois  Belene;  ce  dernier  nom  dérive  peut-être,  de 
ptXivo’JViia,  terme  que  Dioscoride  (5)  indique  comme  le  nom  gaulois  de 
la  plante'.  Le  mot  Hennebone  se  trouve,  avec  les  synonymes  Jusquiame 
et  Chenille , dans  un  vocabulaire  du  treizième  siècle,  et  le  mot  Hennebane 
dans  un  vocabulaire  latin  et  anglais  du  quinzième  siècle  (6).  Dans  YAr- 
bolayre , herbier  français  du  quinzième  siècle  (7),  la  plante  est  décrite 
sous  le  nom  d 'Hanibcine  ou  Hanebane  de  la  façon  suivante  : « Elle  est 
aultrement  appelée  cassilago  et  aultrement  simphoniaca.  La  semence 
proprement  a nom  jusquiame  ou  hanebane,  et  herbe  a nom  cassilago...» 
Les  termes  Hyoscyamus  et  JuSquiamus  dérivent  du  grec  Tocy.ùajzoç,  c’est- 
à-dire  : f'eve  à cochon.  Quoique  la  Jusquiame  constitue  un  remède  d’une 
puissance  incontestable,  elle  tomba  en  désuétude  pendant  la  première 
moitié  du  siècle  dernier.  Elle  ne  figura  pas  dans  les  Pharmacopées  de 
Londres  de  1756  et  de  1778,  et  n’y  fut  rétablie  qu’en  1809.  Sa  réintro- 
duction dans  la  médecine  est  due  surtout  aux  expériences  et  aux  recom- 
mandations de  Store k (8). 

(1)  Pharm.  Journ.,  1860,  I,  414. 

(2)  S.  de  Renzi,  Collectio  Salcrnitana,  Napoli,  1862,  I,  74,  84. 

(3)  De  viribus  Hcrbarum,  édit,  par  Ciioulant,  Lips.,  1832,  108. 

(4)  Leeclidoms,  etc.,  ofEarly  England,  1866,  III,  313. 

(5)  Lit>.  iv,  c.  69  (éd.  Sprengel). 

(6)  Wright,  Volume  of  Vocabularies,  1887,  141,  263. 

(7)  Voy.  t.  I,  p.  279,  note  1;  et  Brunet,  Manuel  du  Libraire , 1860,  I,  377. 

(8)  Voy.  p.  140,  note  3. 


148 


SOLANACÉES. 

Description.  — Les  tiges  de  la  Jusquiame,  celles  de  la  forme  annuelle 
comme  celles  de  la  forme  bisannuelle,  sont  couvertes  de  feuilles  molles, 
visqueuses  et  velues.  Les  supérieures  sont  larges,  sessiles,  grossièrement 
dentées,  et  constituent  lesbractées  d’unecyme  unilatérale  ; les  moyennes 
sont  munies  de  dents  plus  prononcées  et  amplexicaules  ; les  inférieures 
sont  pétiolées,  ovales-oblongues,  découpées  en  larges  dents,  et  attei- 
gnent une  grande  taille.  La  tige,  les  feuilles  et  le  calice  de  la  Jusquiame 
sont  épais,  et  couverts  de  longs  poils  noirs  articulés.  Le  dernier  article 
d un  grand  nombre  de  ces  poils  excrète  un  liquide  visqueux,  qui  rend 
la  plante  gluante.  Les  poils  diminuent  sous  l’influence  de  la  culture. 
Après  la  dessiccation,  la  nervure  médiane,  qui  est  plus  claire,  devient  très- 
visible;  le  reste  de  la  feuille  se  ride  beaucoup,  et  prend  une  coloration 
d’un  vert  grisâtre.  La  drogue,  provenant  de  plantes  fleuries,  qu’on  trouve 
dans  le  commerce,  est  ordinairement  très-brisée.  L’odeur  fétide  et 
opiacée  des  feuilles  fraîches  diminue  beaucoup  par  la  dessiccation.  La 
plante  fraîche  ne  possède  que  peu  de  saveur. 

On  vend  la  Jusquiame  desséchée  sous  trois  formes  qui  généralement 
ne  sont  pas  distinguées  par  les  droguistes  : i°  plante  annuelle.  On  vend 
les  feuilles  et  les  pousses  vertes;  2° plante  bisannuelle  : feuilles  de  la 
première  année;  3°  plante  bisannuelle  .'feuilles  et  pousses  vertes.  La 
troisième  forme  est  toujours  considérée  comme  la  meilleure,  mais  il  n'a 
pas  été  fait  d’expériences  dans  le  but  de  déterminer,  d’une  façon  précise, 
la  valeur  relative  des  trois  variétés  de  la  drogue. 

Composition  chimique.  — Le  plus  important  des  principes  de  la  Jus- 
quiame, Vlhjoscyamine,  fut  obtenu,  à l’état  impur,  en  1832,  par  Geiger 
et  Hesse.  Hôhn,  en  1871 , l’isola  pour  la  première  fois  des  graines,  qui  sont 
beaucoup  plus  riches  que  les  feuilles  (I).  On  dépouille  les  graines  de 
l’huile  grasse  qu’elles  contiennent  dans  la  proportion  de  26  pour  100, 
et  on  les  traite  par  de  l’alcool  contenant  de  l’acide  sulfurique,  qui 
enlève  l’hoscyamine  sous  la  forme  de  sulfate.  On  évapore  alors  l’alcool 
et  on  ajoute  de  l’acide  tannique.  On  mélange  le  précipité,  ainsi  obtenu, 
avec  de  la  chaux,  et  on  l’épuise  par  l’alcool.  L’hyosciamine  est  de 
nouveau  convertie  en  sulfate,  dont  on  précipite  la  solution  aqueuse  avec 
du  carbonate  de  sodium;  on  dissout  ensuite  l’alcaloïde  à l'aide  de 
l’éther.  Après  évaporation  de  ce  dernier,  l’hyoscyamine  se  présente  sous 
la  forme  d’un  liquide  huileux  qui,  au  bout  de  peu  de  temps,  se  concrète 

(1)  D’après  les  expériences  faites  par  Schoonbroodt,  en  1SG8,  il  est  permis  de  penser 
que  le  principe  actif  do  la  Jusquiame  peut  être  extrait  plus  aisément  de  la  plante  fraîche 
que  de  la  plante  sèche. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  149 

en  touffes  de  cristaux  verruqueux,  solubles  dans  la  benzine,  le  chloro- 
forme, l’éther  et  l’eau.  Hûhn  et  Reichardt  assignent  à l’hyoscyamine  la 
formule  G15Hs3Az01 2 3 4.  Les  graines  n’en  contiennent  que  0,05  pour  100. 

L’hyoscyamine  est  facilement  décomposée  par  les  alcalis  caustiques. 
Quand  on  la  fait  bouillir  avec  de  la  baryte,  dans  une  solution  aqueuse, 
elle  se  décompose  en  Hyoscine,  C°H13Az,  et  en  acide  ffyoscinique,  C9R10O3. 
Le  premier  est  un  alcaloïde  volatil.  L’acide  hyoscyamique  est  une  sub- 
stance cristal! isable,  ayant  une  odeur  semblable  à celle  de  l’acide 
benzoïque  empyreumatique  (1).  Attfiekl  (2)  a montré  que  1 extrait  de 
Jusquiame  est  riche  en  nitrate  de  potassium,  et  autres  sels  inorgani- 
ques. Dans  les  feuilles,  la  proportion  du  nitrate  de  potassium  est,  d après 
Thorey  (3),  plus  considérable  avant  la  floraison.  La  même  observation 
s’applique  à l’hyoscyamine. 

Usages.  — La  Jusquiame  est  employée,  sous  forme  de  teinture, 
comme  médicament  anodin,  sédatif  ou  hypnotique.  Les  expériences  de 
Garrod  (4)  ont  démontré  qu’il  ne  faut  pas  l’administrer  mélangée 
avec  de  la  potasse  ou  de  la  soude  libre,  qui  la  rendent  tout  à fait  inerte. 
L’Hyoscyamine  possède,  comme  l’atropine,  la  propriété  de  dilater  la 
pupiUe. 

Substitutions.  — L ' H yoscyamus  albiis  L.,  plante  plus  grêle  que  1 Hyo- 
scyamus  niyev , avec  des  feuilles  et  des  bractées  pédonculées,  oiiginaiie 
de  la  région  méditerranéenne,  est  parfois  employée,  dans  le  sud  de 
l’Europe,  de  la  même  façon  que  la  Jusquiame  officinale.  L’ Hyoscyamus 
insanus  Stocks,  plante  du  Beluchistan,  est  mentionnée  dans  la  Pharma- 
copœia  of  India  comme  douée  d’une  virulence  particulière;  on  la  fume 
parfois. 

(a)  Les  Jusquiames  ( Hyoscyamus  Tournefort,  lnslit.,  t.  42)  sont  des  Solana- 
cées de  la  tribu  des  Hyoscyamées,  ;\  calice  campanule,  accrescent  ; à corolle  un 
peu  irrégulière  ; à anthères  déhiscentes  par  des  fentes  longitudinales  ; à fruit  cap- 
sulaire, enveloppé  du  calice  persistant,  et  déhiscent  vers  le  haut  par  une  fente  cii- 
culaire. 

L ’ Hyoscyamus  niger  L.  ( Spec .,  237),  vulg.  Jusquiame , llanebane , Heibe  des 
chevaux , est  une  plante  annuelle  ou  bisannuelle,  à racine  persistante,  chai  nue, 
peu  ramifiée.  Lorsque  la  plante  est  bisannuelle,  la  partie  inférieure  de  la  tige  pei- 
siste  au-dessus  delà  racine  sous  la  forme  d’un  cylindre  court,  couvert  de  cicatrices 
et  de  portions  de  feuilles.  La  tige  aérienne  est  haute  de  30  à 80  centimètres,  dies- 

(1)  Nous  avons  eu  l’occasion  d’examiner,  en  1871,  ces  substances  préparées  par  les 
chimistes  dont  nous  parlons.  [F.  A.  F.] 

(2)  Pharm.  Jouru.,  1 802,  III,  447. 

(3)  Jahrcsbericlit,  de  Wiggers  et  Husemann,  18G9,  56. 

(4)  Pharm.  Journ.,  1858,  XVII,  462;  1809,  XVIII,  174. 


KiO 


SOLANACÉES. 


„ont  Z !!’  , 1 î’  Bt  T <le  ',oiIs  **«««.  visqueux.  Les  feuilles 

t alternes,  simples,  molles,  pubescentcs,  les  radicales  pétioles,  les  oaulinaires 

sessiles  et  presque  amplexicaules.  Elles  sont  longues  de  S A 10  centimètres  envi- 
ion  Leur  contour  général  est  elliptique  ou  ovoïde,  avec  une  pointe  allongée.  Leur 
bord  est  sinueux,  denté,  ou  bien  elles  sont  dans  le  bas  presque  pinnatifides,  avec  des 
segments  inégaux,  tr.angulaires-lancéolés.  Vers  le  haut  de  la  tige,  elles  sont  beau- 
coup moins  découpées,  et  n’offrent  qu’une  ou  deux  paires  de  dents  coniques  larges- 
sur  les  rameaux  elles  sont  même  fréquemment  entières.  Les  Heurs  sont  solitaires 
et  sessiles  dans  1 aisselle  des  feuilles  supérieures,  qui  sont  très-rapprochées.  L’en- 
semble de  l’inflorescence  forme  ainsi  une  sorte  d’épi 
florifère,  roulé  en  crosse  au  sommet,  avec  les  fleurs  dis- 
posées sur  sa  face  extérieure  en  par  deux  rangées  ver- 
ticales. Après  la  floraison,  la  portion  fructifère  do  l’axe 
, s allonge,  mais  reste  courbé  en  arc.  Le  calice  est  tomen- 
teux,  à tube  cylindrique,  un  peu  renflé  à la  base,  découpé 
dans  le  haut  en  cinq  dents  courtes,  triangulaires,  poin- 
tues. Il  s accroît  autour  du  fruit,  et  l’enveloppe  à la  matu- 
rité d’un  sac  desséche,  jaunâtre,  très-résistant.  La  corolle 
est  infuudibuliforme,  à tube  de  la  même  longueur  que  le 
calice,  à limbe  relativement  grand,  oblique.  Son  limbe 
est  divisé  profondément  en  cinq  lobes  imbriqués  en  quin- 
conce dans  le  bouton,  inégaux,  trois  plus  larges  et  deux 
plus  étroits  et  plus  courts;  il  est  jaune  et  parcouru  de 
nervures  violettes  très-nombreuses , anastomosées  en 
un  réseau  élégant  ; la  face  interne  du  tube  est  colorée  en 
violet  foncé.  Dans  la  variété  pallidus,  la  corolle  est  blan- 
, châtre,  et  les  nervures  ne  sont  pas  colorées.  L’androcée 

est  tonne  de  cinq  étamines  alternes  avec  la  corolle,  un  peu  saillantes  hors  du 
tube,  avec  lequel  elles  sont  connées  ; leurs  filets  sont  un  peu  réfléchis  et  arqués  ; 
leurs  anthères  sont  violettes,  courtes,  ovoïdes,  biloculaires,  recourbées  en  dehors 
après  la  déhiscence,  qui  s’effectue,  au  niveau  de  la  face  interne,  par  deux  fentes  lon- 
gitudinales. Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  supère,  biloculaire,  surmonté  d’un 
style  cylindrique,  oblique,  plus  long  que  les  étamines,  et  terminé  par  une  tète  stig- 
matique  simple.  Chaque  loge  ovarienne  contient  un  grand  nombre  d’ovules  ana- 
tropes,  insérés  sur  un  gros  placenta  porté  par  la  cloison.  Le  fruit  est  une  pyxide 
allongée,  presque  cylindrique,  terminée  par  un  dôme  qui  se  détache  circulaire- 
ment.  Les  graines  sont  nombreuses,  petites,  réuiformes  et  renferment,  au  centre  de 
l’albumen,  un  embryon  arqué.  [Trad.] 


Fig.  167. 

Eyoscyamus  niger. 


FEUILLES  DE  TABAC. 


Folia  Tabati;  Herba  Nicotianx;  angl..  Tobacco;  nllem.,  Tabakblüttcr. 


Origine  botanique.  — Nicoticina  Tabacum  L.  Le  Tabac  commun  est 
originaire  du  Nouveau-Monde,  et  cependant  on  ne  l’y  trouve  pas  au- 
jourd’hui à l’état  sauvage  (a). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  151 

Historique.  — Von  Martius  (I  ) a établi  que  l’habitude  de  fumer  le  Tabac 
était  très-répandue,  depuis  un  temps  immémorial,  parmi  les  indigènes  de 
l’Amérique  du  Sud,  de  même  que  parmi  les  habitants  de  la  vallée  du  Mis- 
sissipi,  limite  la  plus  nord  de  l’aire  dans  laquelle  sa  culture  est  possible. 
Les  Espagnols  trouvèrent  le  Tabacà  Cuba,  en  1492,  et  l’introduisirent  en 
Europe,  à cause  de  ses  propriétés  médicinales.  Ils  apprirent  des  Indiens  la 
façon  de  fumer  cette  herbe,  et  à la  fin  du  seizième  siècle  cette  habitude 
devint  générale  en  Espagne  et  en  Portugal,  d’où  elle  se  répandit  dans 
le  reste  de  l’Europe,  en  Turquie,  en  Egypte  et  dans  l’Inde,  quoique 
combattue  sévèrement  par  les  gouvernements  chrétiens  et  musulmans. 

On  pense  généralement  que  l’habitude  de  fumer  le  Tabac  se  propagea 
en  Angleterre,  et  dans  tout  le  nord  de  l’Europe,  en  grande  partie  grâce 
h l’exemple  donné  par  sir  Walter  Raîeigh  et  ses  compagnons. 

Le  Tabac  fut  introduit  en  Chine,  probablement  par  la  voie  du  Japon 
ou  de  Manille,  pendant  le  seizième  ou  le  dix-septième  siècle;  mais  son 
usage  fut  interdit  par  les  empereurs  des  deux  dynasties  de  Ming  et  de 
Tsing.  Il  est  maintenant  cultivé  dans  la  plupart  des  provinces  de  la 
Chine,  et  y est  très-employé  (2). 

La  première  description  suffisamment  exacte  de  la  plante  au  tabac 
fut  donnée  par  Gonzalo  Fernandez  de  Oviedo  y Valdès,  gouverneur  de 
Saint-Domingue,  dans  son  Historici  general  de  las  Indias  (3),  imprimée  à 
Séville  en  1535.  Dans  cet  ouvrage,  il  est  dit  que  l’on  fume  la  plante  dans 
un  tube  à deux  branches,  en  forme  d’Y,  que  les  indigènes  nomment  Ta - 
baco.  C’est  seulement  vers  le  milieu  de  ce  siècle  qu’on  vit  des  pieds  de 
Tabac  croissant  en  Europe.  Les  premiers  pieds  poussèrent  à Lisbonne, 
d’où  l’ambassadeur  français  Jean  Nicot  en  envoya  des  graines  en  France, 
en  1560,  en  les  décrivant  comme  celles  d’une  plante  médicinale  de 
grande  valeur,  alors  répandue  dans  le  Portugal  (4).  Monardès  (5),  en 
1571,  parle  du  Tabac  comme  d’une  plante  apportée  en  Espagne  quel- 
ques années  auparavant,  et  très-estimée  à cause  de  sa  beauté  et  de  ses 
propriétés  médicinales.  Il  s’étend  beaucoup  sur  ces  dernières,  et  décrit 
les  procédés  employés  par  les  Indiens  pour  fumer  et  chiquer  cette  herbe. 

(1)  Beitrüge  zur  Ethnographie  und  Sprachenkunde  Americas,  ■ zumal  Brasiliens, 
1867,  I,  719. 

(2)  Mayers,  in  Hong  Kong  Notes  and  Queries,  mai  1807  ; F.  P.  Smith,  Mat.  med. 
and  Nat.  Ilist.  of  China,  1871,  219. 

(8 J Lib.  v,  c.  2.  . 

(4)  Nicot,  Thrésor  de  la  langue  Fratiçoyse,  Paris,  1606,  429. 

(5)  Segunda  parte  del  libro  de  las  cosas  que  se  traen  de  nuestras  Indias  occidentales, 
que  sirven  al  uso  de  medicina.  Do  se  trata  del  Tabaco,,.,  Sevilla,  1671,  3. 


152  SOLANACÉES. 

11  ajoute  une  petite  figure  sur  bois  représentant  la  plante,  qu’il  décrit 
vec  des  fleurs  blanches,  rouges  au  centre.  Jacques  Gohory  (I),  qui  cul. 
•va  la  plante  a Paris,  dès  1 572,  décrit  ses  fleurs  comme  tachées  dc^ouge 
et  énumère  les  düféren les  préparations  médicinales  dans  lesquelles  elle 
entre.  Dans  la  Maison  rustique  de  Charles  Estiennc,  édition  de  J 583  l’au- 
teur donne  un  « Discours  sur  la  Nicotiane  ou  Peturri  muscle»  dans  lequel 
il  réclame  pour  la  plante  la  première  place  parmi  les  herbes  médici- 
nales, a cause  de  ses  propriétés  singulières  et  presque  divines. 

La  culture  du  Tabac  a été  prohibée  en  Angleterre,  sauf  en  très-petite 
quantité  dans  les  jardins,  par  une  loi  (2)  qui  est  en  vigueur  depuis  1G60 

Description , Parmi  les  diverses  espèces  de  Mcotiana  cultivées  pour  la 
fabrication  du  tabac  à fumer  et  à priser,  Je  N.  Tabacum  est  de  beaucoup 
a p us  frequente.  Elle  est  presque  la  seule  citée  dans  les  Pharmacopées 
comme  médicinale.  Sa  tige  est  simple;  elle  porte  au  sommet  une  pani- 
cule  de  fleurs  tubuleuses,  roses  ; elle  atteint  la  taille  de  l’homme;  ses 
feuilles  sont  simples,  oblongues-lancéolées,  entières  sur  les  bords.’  I es 
feuilles  inférieures  sont  plus  largement  lancéolées,  et  atteignent  à peu 
près  GO  centimètres  de  long  sur  15  centimètres  de  large.  Les  feuilles 
caulinaires  sont  à demi  amplexicaules  et  décurrentes  à la  base.  Sous 
1 influence  de  la  culture,  les  feuilles  deviennent  parfois  cordées-ovales, 
et  les  bords  de  leur  limbe  peuvent  devenir  inégaux  ou  presque  révo- 
lutés.  Toutes  les  parties  herbacées  de  la  plante  sont  recouvertes  de 
longs  poils,  formés  de  cellules  larges,  rubanées,  striées,  et  secrétant 
à leur  extrémité  un  liquide  glutineux.  De  petites  glandes  sessiles  sont 
distribuées  çà  et  là  sur  la  surface  de  la  feuille.  Les  nervures  laté- 
rales partent  de  la  nervure  médiane  en  ligne  droite,  en  formant  un 
angle  de  40  à 75  degrés;  elles  se  recourbent  un  peu  vers  le  bord.  Sous 
1 influence  de  la  dessiccation,  Jes  feuilles  deviennent  cassantes  et  minces 
comme  du  papier,  et  prennent  une  coloration  brune.  On  ne  peut  pas, 
même  à 1 aide  des  plus  grands  soins,  conserver  la  teinte  verte  des 
feuilles.  L odeur  de  la  plante  fraîche  est  narcotique  ; sa  saveur  est  amère 
et  nauséeuse.  L’odeur  caractéristique  que  possède  le  Tabac  sec  se 
développe  pendant  les  opérations  destinées  à le  conserver. 

Composition  chimique.  — Le  principe  actif  du  Tabac,  isolé  pour  la 
première  fois,  en  1828,  par  Posselt  et  Reimann,  est  un  alcaloïde  volatil, 

(1)  Instruction  sur  l’herbe  Petum  clitte  en  France  l’herbe  de  la  Roi/ne  ou  Mèdicée 

Paris,  1572.  "J 

(2)  12,  Car.  II,  c.  34  ; 15,  Car.  II,  c.  7. — Pour  plus  de  détails  sur  l’histoire  du  Tabac 
voyez  : Tiedemann,  Geschichte  des  l'aba/is,  Frankfurt,  1854.  — Fairiiolt,  Tobacco , 
ils  History;  with  Account  of'the  Plant,  London,  1869. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  153 

la  Nicotine,  G1QHuAz2.  On  le  retire  facilement  du  Tabac  au  moyen  de 
l’alcool  et  de  l’eau,  à l’état  de  malate,  dont  on  peut  séparer  l’alcaloïde 
par  agitation  avec  de  la  potasse  caustique  et  de  l’éther.  On  expulse 
l’éther  en  chauffant  le  liquide,  qui  doit  être  enfin  mélangé  avec  de  la 
chaux  éteinte,  et  distillé  dans  un  courant  d’hydrogène.  La  nicotine 
commence  à se  dégager  à 200°  G.  environ. 

La  Nicotine  est  un  liquide  huileux,  incolore,  lévogyre,  ayant  pour  poids 
spécifique  1,027,  à 15°  G.,  bouillant  à 250°  C.,  et  ne  cristallisant  pas, 
même  à — 10°  C.  Elle  possède  une  réaction  alcaline  énergique,  une  odeur 
désagréable,  et  une  saveur  brûlante.  Elle  acquiert  rapidement,  par  expo- 
sition à l’air  et  à la  lumière,  une  coloration  brune,  et  paraît  même  subir 
une  certaine  décomposition  sous  l’influence  de  la  distillation  dans  une 
atmosphère  dépourvue  d’oxygène.  La  nicotine  se  dissout  dans  l’eau, 
mais  se  sépare  quand  on  ajoute  de  la  potasse  caustique.  La  plupart  des 
sels  de  nicotine  ne  cristallissent  que  difficilement;  son  chlorhydrate 
forme  avec  le  chlorure  de  zinc  un  composé  qu’on  peut  obtenir  en  cris- 
taux volumineux.  La  nicotine  constitue  le  principe  puissamment  toxique 
du  Tabac.  On  la  trouve,  dans  les  feuilles  sèches,  dans  la  proportion  d’en- 
viron 6 pour  100;  mais  elle  est  sujette,  à cet  égard,  à beaucoup  de  va- 
riations. Elle  n’a  pas  pu  être  trouvée  dans  le  Tabac  à fumer  par  Vohl 
et  Eulenberg  (1871),  quoique  d’autres  chimistes  assurent  qu’elle  y 
existe.  Vohl  et  Eulenberg  trouvèrent  que  les  vapeurs  contenaient  des 
substances  basiques  de  la  série  picolinique,  et  abandonnaient  à la  po- 
tasse caustique  de  l’acide  cyanhydrique,  de  l’hydrogène  sulfuré,  plu- 
sieurs acides  gras  volatils,  du  phénol,  et  de  la  créosote.  Ils  observèrent 
en  outre,  pendant  la  combustion  incomplète  du  Tabac,  la  formation  de 
lamelles  fusibles  à 94°  G.,  et  ayant  la  composition  C19H18.  Les  feuilles  de 
Tabac  fraîches  ou  sèches  fournissent,  lorsqu’on  les  distille  avec  de  l’eau, 
un  produit  trouble  dans  lequel,  ainsi  que  l’observa  Ilermbstâdt  en  1823, 
il  se  forme,  après  quelques  jours,  des  cristaux  de  Nicotianine  ou  Cam- 
phre de  Tabac.  D’après  J.  A.  Barrai,  la  nicotianine  contient7,!2  pour  100 
d’azote  (?).  En  soumettant  4 kilogrammes  de  bon  Tabac  de  l’année  pré- 
cédente à la  distillation  avec  une  grande  quantité  d’eau,  nous  avons 
obtenu  de  la  nicotianine  qui  flottait  à la  surface  du  liquide  distillé  sous 
’ forme  de  petits  cristaux  aciculaires,  dépourvus  d’action  sur  la  lumière 
polarisée.  Ges  cristaux  n’ont  aucun  goût  particulier,  du  moins  en  faible 
quantité.  Ils  possèdent  une  odeur  semblable  à celle  du  Tabac,  due  peut- 
être  uniquement  à l’eau  qui  les  mouille.  Nous  essayâmes  de  les  séparer 
par  la  filtration,  mais  ils  disparurent,  probablement  dissous  dans  une 


1,1  SOLANACÉES. 

petite  quantité  d’huile  essentielle  qui  les  accompagnait.  L’eau  dis- 
tillée était  claire,  et  offrait  une  réaction  alcaline  due  en  partie  à la  nico- 
tine; nous,  pûmes  nous  en  assurer  en  ajoutant  une  solution  d’acide 
tannique,  qui  détermina  un  trouble  très-prononcé. 

Parmi  les  principes  constituants  ordinaires  des  feuilles,  le  Tabac  con- 
tient de  l’albumine,  de  la  résine  et  de  la  gomme.  Ces  substances  de 
meme  que  la  cellulose  de  la  nervure  médiane,  produisent  pendant  leur 
combustion  des  principes  désagréables  au  consommateur.  Pour  éviter 
cet  inconvénient,  les  fabricants  de  Tabac  à fumer  enlèvent  la  nervure 
médiane,  et  s’efforcent  de  déterminer  la  destruction  des  matières  désa- 
gréables, en  même  temps  que  la  formation  de  certains  produits  de  fer- 
mentation, qui  contribuent  peut-être  à donner  au  Tabac  son  arôme, 
surtout  lorsqu’on  y ajoute, pendant  la  macération,  des  substances  saccha- 
rines, du  suc  de  réglisse  ou  de  l’alcool.  Les  feuilles  de  Tabac  sont  remar- 
quablement riches  en  principes  inorganiques.  La  proportion  de  ces  der- 
niers varie  entre  16  h 27  pour  -100.  D’après  Boussingault,  ils  contiennent 
câpres  dessiccation  \ pour  100  environ  d’acide  phosphorique,  et  de  3 à 
o pour  100  de  potasse,  avec  2 et  demi  à 4 et  demi  pour  100  d’azote,  en 
partie  a l’état  de  nitrate.  Pour  que  la  plante  pousse  bien,  il  lui  faut  un 
sol  riche  ou  constamment  fumé.  Les  cendres  contiennent  environ  un 
quart  ou  une  moitié  de  leur  quantité  totale  de  chaux,  qui  est  combinée 
dans  les  feuilles  avec  des  acides  organiques,  surtout  l’acide  malique,  et 
peut-être  aussi  l’acide  citrique.  La  proportion  déjà  potasse  varie  beau- 
coup, mais  peut  être  évaluée,  en  général,  à 30  pour  100  des  cendres. 

Commerce.  — En  1872,  il  a été  importé  dans  le  Royaume-Uni 
45549700  livres  de  Tabac  non  manufacturé  ; plus  de  la  moitié  provenait 
des  Etats-Unis  d Amérique.  La  valeur  totale  de  la  marchandise  importée 
s elev a à 1 563  882  livres  sterling,  et  l’impôt  levé  sur  la  quantité  retenue 
poui  la  consommation  sur  place,  s’éleva  à 6 694  037  livres  sterling. 

Usages.  Le  Tabac  jouit  d’une  certaine  réputation  comme  moyen 
de  combattre  les  obstructions  alvines,  mais  ses  propriétés  sont  très-éner- 
giques, et  il  n’est  que  rarement  employé. 

Substitutions.  — Parmi  les  autres  espèces  do  Nicotiana  cultivées,  le 
N.  rustica  ( b ) est  probablement  la  plus  répandue.  Elle  est  facile  à distin- 
guer par  ses  fleurs  d’un  jaune  verdâtre,  et  par  ses  feuilles  ovales  pétiolées. 
Par  suite  de  leur  texture  plus  serrée,  ses  feuilles  sèchent  plus  rapidement 
que  celles  du  N.  Tabacum  et  l’on  peut,  avec  quelques  soins,  leur 
conserver  leur  coloration  verte.  Le  N.  rustica  produit  le  Tabac  des 
Indes  orientales,  et  les  sortes  connues  sous  le  nom  de  Lalakié  et  de  Tabac 


li>3 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

tia'C.  Le  N.  persica  Lindley  fournit  le  Tabac  de  Shtraz.  Les  N.  quadn- 
v(ih)is Puitsii, iV.  multivalvis  Lindley,  et.Ar. vcpcutda AYi li. d . , sont  egalement 
cultivés.  Le  dernier  ost  cultive  à la  Havane,  et  est  employé  dans  la  fabri- 
cation d’une  sorte  Irès-eslimée  de  cigares. 

(а)  Les  Tabacs  {Nicotiana  L.,  Généra , n°  248)  constituent  le  type  d’une  série  do 
Solanacées  à fleurs  régulières  et  hermaphrodites  ; i\  anthères  non  con inven  tes,  déhis- 
centes par  deux  fentes  longitudinales  ; à stigmate  bilobô;  à l'ruit  capsulaire,  sep- 
ticide. 

Le  Nicotiana  Tabacum  L.  {Spec.,  258)  est  une  plante  annuelle,  à racine  pivo- 
tante, àtige  dressée,  rameuse,  cylindrique,  haute  de  80  centimètres  à lm, 50,  cou- 
verte d’une  pubescence  visqueuse.  Les  feuilles  sont 
alternes,  simples,  ovales-aigues,  atténuées  à la  base, 
mais  dépourvues  de  pétioles  , entières,  pubescentes 
et  visqueuses  sur  les  deux  faces.  Les  fleurs  sont 
disposées  à l’extrémité  des  rameaux  eu  sortes  de 
panicules  de  cymes,  et  accompagnées  de  bractées 
ovales,  étroites.  Le  calice  est  tubuleux,  ventru,  pu- 
bescent,  persistant,  divisé  profondément  en  cinq 
lobes  aigus  au  sommet,  imbriqués  en  quinconce 
dans  la  préfloraison.  La  corolle  est  tubuleuse,  infun- 
dibuliforme,  grande,  renflée  au  niveau  de  la  gorge, 
colorée  en  rose  au  niveau  du  limbe  qui  est  profon- 
dément divisé  en  cinq  lobes  plissés  et  imbriqués 
dans  le  bouton, puis  étalés,  larges,  aigus.  L’androcée 
est  formé  de  cinq  étamines  alternes  avec  les  pétales, 
de  la  même  longueur  que  le  tube  de  la  corolle,  et 
connées  avec  lui  jusque  vers  le  milieu  de  sa  hau- 
teur, à filets  subulés,  velus  dans  le  bas,  à anthères 
ovoïdes,  obtuses,  biloculaires,  avec  des  loges  écar- 
tées dans  le  bas,  introrses,  déhiscentes  par  des  fen- 
tes longitudinales.  Le  gynécée  est  formé  de  deux 
carpelles  unis  en  un  ovaire  bilooulaire,  entouré  à la 
base  d’un  disque  hypogvne,  atténué  au  sommet  en 
un  style  cylindrique,  à peu  près  de  la  longueur  des 
étamines,  glabre,  un  peu  élargi  vei’s  le  haut  en  un 
stigmate  aplati,  convexe,  légèrement  bilobé.  Chaque 
loge  ovarienne  contient  un  grand  nombre  d’ovules 
anatropes,  insérés  sur  un  gros  placenta  charnu  que 
porte  la  cloison  de  séparation.  Le  fruit  est  une  cap- 
sule entourée  à la  base  par  le  calice,  ovoïde,  pointue, 
septicide,  à deux  valves  qui  se  séparent  de  la  cloison 
munie  de  ses  deux  gros  placentas.  Les  graines  sont 
très-nombreuses  et  très-petites  ; elles  renferment 
un  embryon  petit,  recourbé,  entouré  d’albumen. 

[Trad.] 

(б)  Le.  Nicotiana  ruslica  L.  {Spec.,  258),  vulg.  Tabac  des  paysans,  Tabac  fe- 
melle, se  distingue  du  Nicotiana  Tabacum  par  ses  feuilles  pétiolées,  ovales,  ob- 


15G 


SCROFULARIACÉES. 


tusi  s,  par  ses  fleurs  beaucoup  plus  petites,  disposées  en  grappes  de  cvmes  • par  sa 
corolle  a tube  court,  colorée  eu  jaune  verdâtre,  et  par  sa  capsule  arrondie  Su  tire 
ne  dépasse  pas  00  à 90  centimètres  de  haut,  et  ses  feuilles,  beaucoup  plus  courtes 
que  celles  de  l’espèce  précédente,  n’ont  guère  plus  de  20  à 30  centimètres  de  Ion- 
loute  la  plante  est  couverte  de  poils  glutineux  et  fétides. 

Le  Nicotiana  persica  Lindley  {Bot.  Regist.,  t.  1392)  sè  distingue  par  ses  feuilles 
radicales  oblongues,  spatulées,  les  caulinaires  sessiles,  semi-amplexicaules  acu- 
îninées ; ses  fleurs  blanches,  à odeur  agréable;  le  tube  de  la  corolle  hvpocratéri- 
morphe,  grêle,  ventru  au  niveau  de  la  gorge,  le  limbe  à segments  ovales,  émanri- 
nés,  un  peu  inégaux. 

Le  Nicotiana quadrivalvis  Punss  ( Flor . Am.  sept.,  I,  lit)  sc  distingue  par  : ses 
feuilles  oblongues,  entières,  à peu  près  nues  sur  les  deux  faces,  les  supérieures  plus 
petites,  longues  d un  doigt  et  larges  d’un  pouce,  les  médianes  et  les  inférieures  pé- 
tiolées,  les  supérieures  subsessiles;  sa  corolle  blanche  en  dedans,  livide  en  dehors 
a tube  pubescent  deux  fois  plus  long  que  le  calice;  ses  capsules  subglobuleuses,’ 
glabres,  déhiscente^  en  quatre  "valves. 

, Le  Nicotiana  mulliualvis  Lindley  (Bot.  Regist.,  t.  1037),  très-voisin  du  précédent, 
s'on  distingue  par  ses  feuilles  ovales,  lancéolées,  épaisses,  velues,  glanduleuses^ 
glutineuses,  les  supérieures  subsessiles,  les  inférieures  longuement  pétiolées;  son 
calice  enflé,  multifide;  sa  corolle  blanche;  sa  capsule  multiloculaire. 

Le  Nicotiana  repanda  Willdenow  {herb.,  ex.  Lehm.,  Nie.;  40,  n.  10.,  t.  III)  se 
distingue  par  ses  feuilles  amplexicaules,  cordées,  spatulées,  presque  arrondies,  à 
peu  près  glabres  à 1 âge  adulte,  longues  de  G centimètres  environ;  sa  corolle  blan- 
che; sa  capsule  ovale,  glabre,  recouverte  par  le  calice.  [Trad.] 


SCROFULARIACÉES 

FEUILLES  DE  DIGITALE. 

Folia  Digitalis  ; angl.,  Floxglove  Leaues  ; allem.,  Finyerhutblatter. 

Origine  botanique.  — Digitalis  purpurea  L.  — C’est  une  belle  plante 
répandue  clans  la  plus  grande  partie  de  l’Europe,  et  recherchant  les 
terrains  siliceux.  Elle  manque  d’ordinaire  dans  les  terrains  calcaires. 
On  la  trouve  sur  les  bords  des  bois  et  des  buissons,  dans  les  terrains 
vagues,  et  les  endroits  déserts.  Dans  les  parties  chaudes  de  l’Europe, 
elle  s’élève  sur  les  montagnes.  On  la  trouve  dans  le  centre  et  le  sud  de 
l’Espagne,  dans  le  nord  de  l’Italie,  en  France,  en  Allemagne,  dans  les 
Iles-Britanniques,  dans  le  sud  de  la  Suède,  et  en  Nonvége  jusqu’au  62e  de 
latitude  nord.  Elle  est  très-inégalement  distribuée,  et  manque  complè- 
tement dans  les  Alpes  suisses  et  le  Jura  (I).  Elle  est  bien  connue  comme 
plante  de  jardin  (a). 

Historique.  — Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  très-ancien 

(1)  Le  docteur  R.  O.  Cunningham  a trouvé,  en  1S68,  le  Digitalis  purpurea  complète- 
ment naturalisé  dans  les  environs  de  San  Carlos,  dans  Plie  de  Chiloe,  au  sud  du  Chili. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  157 

sur  l’emploi  de  la  Digitale  dans  la  médecine.  Fuchs  (1)  et  Tragua  (2), 
vers  le  milieu  du  seizième  siècle,  ont  figuré  la  plante.  Le  premier  lui 
donna  le  nom  de  Digitalis , en  faisant  remarquer  qu’à  l’époque  où  il 
écrivait  elle  ne  possédait  aucun  nom  grec  ou  latin.  On  la  considérait  à 
cette  époque  comme  un  médicament  violent.  Elle  fut  inscrite  dans  la 
Pharmacopée  de  Londres  de  1650,  et  dans 
plusieurs  éditions  ultérieures.  Les  premières 
recherches  sur  son  action  thérapeutique  (1776- 
1779)  et  son  introduction  dans  la  pratique  mo- 
derne sont  dues  surtout  à Withering,  botaniste 
et  médecin  anglais  bien  connu  (3). 

Le  mot  anglais  Foxglove  passe  pour  dériver 
de  l’anglo-saxon  Foxesglew,  c’est-à-dire  musique- 
de-renard , par  allusion  à un  ancien  instrument 
de  musique  qui  consistait  en  une  clochette 
suspendue  à un  support  recourbé  en  arc  (4). 

Description.  — La  Digitale  est  bisannuelle  ou 
vivace.  On  doit  recueillir  les  feuilles  lorsque  la 
plante  est  en  pleine  floraison.  Les  feuilles  infé- 
rieures sont  ovales  ; leur  limbe  s’atténue  à la 
base  en  un  long  pétiole.  Les  feuilles  caulinaires 
sont  graduellement  de  plus  en  plus  étroites,  et 
deviennent  ovales-lancéolées,  avec  un  pétiole 
court,  largement  ailé  de  chaque  côté;  puis  tout 
à fait  sessiles,  à mesure  qu’elles  sont  plus  éle- 
vées sur  la  tige.  Toutes  ont  les  bords  crénélés, 
crénelés-dentés  ou  subserrés;  elles  sont  plus  ou 
moins  recouvertes  d’une  pubescence  molle,  ou 
presque  glabres  sur  la  face  supérieure,  beau- 
coup plus  pâles  et  très-pubescentes  sur  la 
face  inférieure,  qui  est  parcourue  par  un  réseau 
de  nervures  saillantes.  Les  nervures  principales 
partent  en  divergeant  à angle  aigu  de  la  ner- 
vure moyenne,  qui  est  épaisse  et  charnue.  Les  feuilles  inférieures  ont 
souvent  30  centimètres  ou  davantage  de  long,  sur  12  à 15  centime- 


Fig.  170. 

Feuille  do  Digitalis  purpurea, 
vue  par  la  face  dorsale. 


(1)  De  Hist.  Stirpium , 1542,  892. 

(2)  De  Stirpium....  nomenclaturis,  etc.,  Iüu2,  — « Canipanula  sylvestvis  scu  Diyi- 
talis.  » 

(3)  Withering  (William),  Account  of  the  Floxylove , Birmingham,  1783,  in-8u. 

(A)  Pnion,  Popular  Namcs  of  Britisli  Plants , ed.  2,  1870,  84. 


158  SCROFULAKIACÉES. 

Ii'es  de  large;  celles  de  la  lige  sont  plus  petites.  A l’aide  d’une  loupe, 
on  peut  constater  que  la  pointe  de  chaque  crénelure  ou  de  chaque 
dent  de  la  feuille  est  munie  d’une  petite  glande  luisante,  en  forme 
de  verrue.  Les  poils  de  la  face  inférieure  sont  simples,  et  formés 
de  cellules  articulées  qui  s’aplatissent  en  se  desséchant;  ceux  de  la 
face  supérieure  sont  plus  courts. 

Dans  la  préparation  de  la  Digitale  pour  l’usage  médical,  quelques 
droguistes  ont  1 habitude  d’enlever  le  pétiole  tout  entier  et  la  partie  la 
plus  épaisse  de  la  nervure  médiane,  en  ne  conservant  que  le  limbe, 
qu’on  fait  dessécher  à une  chaleur  douce  (1).  La  feuille  fraîche  froissée 
exhale  une  odeur  herbacée  désagréable  qui,  après  la  dessiccation,  de- 
vient agréable  et  semblable  à celle  du  thé.  La  feuille  sèche  possède 
une  saveur  très-amère. 

Composition  chimique.  — Depuis  le  commencement  de  notre  siècle, 
de  nombreuses  tentatives  ont  été  faites  dans  le  but  de  préparer  le  prin- 
cipe actif  de  la  Digitale,  et  le  nom  de  Digitaline  a été  donné  successive- 
ment à des  substances  très-différentes.  Parmi  les  observateurs  qui  se 
sont  livrés  à ces  recherches,  nous  devons  indiquer  particulièrement 
Walz  (1846-1858),  Kosmann  (1845-46, 1860),  Homolle  qui  a fait  une  par- 
tie de  ses  travaux  en  collaboration  avec  Quévenne  (1843-61),  O.  A.  Nati- 
velle  (4872)  et  Schmiedeberg  (1874). 

La  Digitaline  de  Walz , d’abord  nommée  Digitasoline , a pour  formule 
C28fP8Ou.  Elle  est  amorphe,  faiblement  soluble  dans  l’eau  froide,  davan- 
tage dans  l’eau  chaude,  très-soluble  dans  l’alcool.  Sous  l’influence  des 
acides  dilués,  elle  se  décompose  en  sucre,  en  Digitalirétine  et  en  Para- 
cligitalétine.  Ces  deux  derniers  corps  sont  amorphes. 

La  Digitaline  de  Kosmann  est  décrite  comme  formant  des  écailles 
cristallines,  faiblement  solubles  dans  l’eau,  facilement  solubles  dans 
l’alcool,  et  insolubles  dans  l’éther. 

La  Digitaline  de  Homolle  et  Quévenne , qui  est  adoptée  par  la  Pharma- 
copée anglaise  et  par  le  Codex  français,  est  une  substance  incolore, 

« en  masses  verruqueuses  ou  en  fines  écailles  »,  inodore,  extrêmement 
amère,  facilement  soluble  dans  l’alcool,  très-peu  soluble  dans  l’eau  et 
l’éther,  soluble  dans  les  acides,  mais  ne  fournissant  pas  avec  eux  de 
composés  neutres.  Sa  solution  dans  l’acide  chlorhydrique  est  d’abord 


(1)  Celle  méthode  de  préparation  de  la  feuille  a été  prescrite  par  la  Pharmacopée 
de  Londres  do  1831,  mais  elle  est  depuis  longtemps  en  usage.  La  Pharmacopée  anglaise 
ne  donne  à cet  égard  aucune  indication. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  159 

jaune  pâle,  mais  devient  très-rapidement  verte.  Cette  substance  n’a  pas 
une  composition  définie. 

La  Digitaline  de  Native  lie.  Les  recherches  de  ce  chimiste  sur  J a Digi- 
tale, récompensées,  en  1872,  par  le  prix  Orfila  de  6 000  francs,  ont  eu 
pour  résultat  l’extraction  d’une  digitaline  cristallisée,  possédant  des 
propriétés  médicinales  actives.  On  peut  l’obtenir  par  le  procédé  suivant  : 
on  épuise  d’abord  les  feuilles  avec  de  l’eau,  puis  on  en  fait  un  extrait 
à l’aide  d’alcool  à 0,930.  La  teinture  est  concentrée  jusqu’à  ce  que  son 
poids  égale  celui  des  feuilles  employées,  puis  diluée  de  trois  fois  son 
poids  d’eau.  Il  se  forme  alors  un  dépôt  poisseux;  la  digitaléine,  et 
d’autres  substances  restent  dans  la  solution.  On  dessèche  le  dépôt  sur 
du  papier  buvard,  puis  on  le  fait  bouillir  avec  le  double  de  son  poids 
d’alcool  à 0,907.  Par  le  refroidissement,  des  cristaux  se  déposent  peu  à 
peu  durant  quelques  jours.  On  lave  ces  derniers  avec  un  peu  d’alcool  dilué 
à 0,938,  puis  on  les  dessèche.  Pour  les  purifier,  il  faut  les  faire  recris- 
talliser dans  le  chloroforme,  puis  dans  l’alcool  bouillant  à 0,828,  en  ajou- 
tant du  charbon.  La  digitaline  ainsi  obtenue  se  présente  en  cristaux 
incolores,  en  forme  d’aiguilles.  Elle  prend  une  belle  coloration  vert- 
émeraude,  lorsqu’on  l’humecte  avec  de  l’acide  chlorhydrique,  et  possède 
une  saveur  extrêmement  amère.  Elle  produit  sur  l’économie  animale 
tous  les  effets  propres  à la  digitale;  à la  dose  de  1 milligramme,  une 
ou  deux  fois  par  jour,  elle  détermine,  parfois,  chez  l’adulte,  des  effets 
inquiétants,  mais  à plus  faible  dose  elle  jouit  des  propriétés  sédatives 
de  l’herbe  (1). 

Schmiedeberg  a isolé  les  principes  suivants  : 

1°  La  Digitoxine,  C31H33  07,  substance  cristalline,  qui  possède  à un 
très-haut  degré  les  propriétés  physiologiques  de  la  plante,  de  même 
que  la  Toxirésine  qui  résulte  de  la  décomposition  par  les  acides  de  la 
digitoxine  sans  qu’il  y ait  en  même  temps  formation  de  glucose  ; 

2°  La  Digitaline , G5H802,  matière  amorphe,  qui  se  dédouble  en  glu- 
cose et  Digitalirésine,  principe  qui  reste  à étudier  de  plus  près; 

3°  La  Digitaléine , étroitement  liée  avec  la  digitaline,  mais  soluble^ 
dans  l’eau  aussi  bien  que  dans  l’alcool; 

4°  La  Digitonine  G3lli82017,  substance  cristal  lisable  de  la  série  des  sapo- 
nines,  susceptible  de  se  dédoubler  en  glucose  et  les  dérivés  suivants  : 
digitorésine,  digitonéine,  digitogénine  et  paradigitogénine. 

\ 

(1)  J’ai  donné  un  résumé  des  recherches  très- approfondies  de  Schmiedeberg'  dans  le 
Pharrn.  Journ,,  20  mars  187S.  [P.  A.  F.] 


lbU  SCROFULARIACÊES. 

On  trouve  encore  dans  la  Digitale  un  sucre  cristallisable  nommé  Ino- 

sùe- 11  a élé  trouvé  par  Marmé  dans  les  feuilles  de  cette  plante,  ainsi  que 
dans  celles  du  Pissenlit. 

lisages.  La  Digitale  est  un  médicament  puissant.  Elle  jouit  de  la 
propriété  de  diminuer  la  fréquence  et  la  force  des  contractions  du  cœur; 
elle  est  aussi  employée  comme  diurétique. 

Falsification.  Les  feuilles  sèches  de  quelques  autres  plantes  ont 
été  vendues  parfois  à la  place  des  feuilles  de  la  Digitale,  notamment 
celles  du  Verbascum , qu  il  est  facile  de  reconnaître  à la  couche  épaisse 
de  poils  ramifiés  en  étoiles  qui  les  recouvre;  celles  de  ïlnula  conyza  DC. 
et  de  1 1.  Helenium  L.  qui  ont  le  bord  presque  entier,  et,  dans  la  dernière 
de  ces  plantes,  des  nervures  secondaires  partant  à angle  droit  de  la 
nervure  médiane.  Dans  ces  deux  plantes,  la  face  inférieure  de  la 
feuiUe  est  moins  fortement  réticulée  que  dans  la  Digitale.  Cependant, 
pour  éviter  toute  chance  d'erreur,  les  droguistes  doivent  acheter  la 
plante  en  fleur  ; elle  ne  peut  alors  être  confondue  avec  aucune  autre, 
et  ils  doivent  cueillir  et  faire  dessécher  les  feuilles  eux-mêmes. 


(a)  Les  Digitales  ( Digitulis  Tournefort,  lnstit.,  t.  73)  sont  des  Scrofulariacées 

de  la  tribu  des  Digitalées,  à calice  cinq-partite,  à corolle 
campanulée  ou  tubuleuse-ventrue,  à limbe  oblique 
imparfaitement  bi labié  ; à quatre  étamines  fertiles;  à 
capsule  polysperme,  septicide. 

Le  Digitalis  purpurea  L.  (Spec., 866)  vulg.  Digitale, 
Gants  de  bergère , Gants  de  Notre-Dame , Queue  de 
loup,  est  une  belle  plante  herbacée,  bisannuelle  ou 
quelquefois  vivace,  à racines  fibreuses,  à tige  dressée, 
haute  de  oO  centimètres  à 1 mètre,  ordinairement  sim- 
ple, très-pubescente,  d’un  vert  grisâtre,  à feuilles  alter- 
nes, les  inférieures  formant  une  large  rosette  d’abord 
presque  dressée,  puis  plus  ou  moins  étalée,  et  se 
détruisant  peu  à peu  à mesure  que  les  fruits  appro- 
chent de  la  maturité.  Les  feuilles  caulinaires  sont  de 
plus  en  plus  petites,  et  se  transforment  graduellement 
en  bractées  dans  l’aisselle  desquelles  naissent  les  fleurs. 
L’inflorescence  occupe  ainsi  tout  le  haut  de  la  tige  et 
forme  une  longue  grappe  simple,  lâche.  Le  calice  est 
formé  de  cinq  sépales  unis  à la  base,  oblongs,  c:i  peu 
r.  ...  n.  ..  pi’ès  égaux,  les  deux  antérieurs  recouvrant  dans  le 

bouton  les  deux  latéraux  qui  couvrent  le  postérieur. 
La  corolle  est  longuement  campanulée  ; son  tube  est  d’abord  cylindrique  sur  une 
faible  hauteur,  puis  se  renfle  beaucoup  et  s’évase  peu  â peu  jusqu’au  niveau  de 
son  ouverture.  Le  limbe  est  court,  oblique,  incomplètement  bilabié,  divisé  en  cinq 
lobes,  deux  supérieurs  formant  une  lèvre  obtuse,  tronquée  ou  légèrement  émargiuée, 


ICI 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

qui  recouvre  clans  le  bouton  la  lèvre  inférieure  formée  de  trois  lobes  courts  et 
arrondis.  La  corolle  est  glabre  en  dehors,  colorée  ordinairement  en  rose  pourpré, 
parfois  blanche,  munie  en  dedans,  au  niveau  de  la  gorge,  de  taches  pourpres  en- 
tourées d’une  aréole  blanche.  L’androcée  est  formé  de  quatre  étamines  incluses  (la 
postérieure  manquant  tout  à fait),  didynames, 
deux  opposées  aux  deux  sépales  antérieurs,  et 
deuxplus  courtes  situées  en  face  des  deux  sépales 
latéraux.  Leurs  filets  sont  connés  au  tube  de  la 
corolle  dans  leur  tiers  inférieur,  et  portent  cha- 
cun une  anthère  biloculaire  à deux  loges  unies  au 
connectif  par  leur  sommet  seulement  et  divari- 
quées,  introrses,  déhiscentes  par  des  fenteslongitu- 
dinales.  L’écartement  des  deux  loges  de  l'anthère 
est  assez  considérable,  surtout  après  la  déhiscence, 
pour  qu’elles  paraissent  alors  n’en  former  qu’une 
seule,  fixée  par  le  milieu  de  sa  longueur  au  som- 
met du  connectif.  Avant  la  déhiscence,  elles  sont 
moins  écartées.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire 
biloculaire,  entouré  à la  base  d’un  disque  hypo- 
gvne,  et  atténué  au  sommet  en  un  long  style  que  terminent  deux  lamelles  stig- 
inatiques.  Chaque  loge  ovarienne  contient  un  grand  nombre  d’ovules  anatropos 
insérés  sur  un  gros  placenta  porté  par  la  cloison.  Le  fruit  est  une  capsule  biloculaire, 
à déhiscence  septicide,  s’ouvrant  par  deux  valves  qui  abandonnent  les  placentas  char- 
gés de  petites  graines  ; celles-ci  renferment  un  embryon  entouré  d’albumen.  [Tiun.j 


Fig.  172.  Digitalis  purpurea. 
Corolle  étalée. 


ACANTHACÉES 

ANDROGRAPHIS. 

Hcvba  Andrographidis  ; nngl.,  Kariyat  ou  Cregat . 

Origine  botanique.  — Andrographis  (I)  paniculata  Nees  ab  EsenB. 
[Justicia  Burm.).  G est  une  herbe  annuelle,  haute  de  30  à 60  centimètres, 
commune  dans  toute  l’Inde,  où  elle  croît  à l’ombre  des  arbres.  On  la 
trouve  aussi  à Geylan  et  à Java,  et  elle  a été  introduite  dans  les  Indes 
occidentales.  On  la  cultive  dans  quelques  districts  de  l’Inde  (a). 

Historique.  U est  probable  que  dans  l’ancienne  médecine  des  Hin- 
dous cette  plante  était  administrée  concurremment  avec  le  Ghirayta,  et 
quelques  autres  espèces  d'Ophelia , car  elle  est  désignée,  dans  l’Inde,  à 
peu  près  par  le  même  nom  vulgaire.  Ainslie  affirme  qu’elle  entrait  dans 
la  composition  de  la  fameuse  teinture  amère,  nommée  par  les  Portugais 
de  1 Inde  Droga  amara ; mais  en  consultant  l’autorité  .qu’il  cite  (2),  nous 

(t)  De  àvnp  et  qpa«pt;,  par  allusion  uses  étamines  en  forme  de  pinceaux. 

(2)  Paolino  da  San  Bartoi.omeo,  Voyage  to  the  East  Indies,  1770-1789,  traduit  de 
l’allemand,  Lond.  1800,  14,  409. 

HIST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


162  ACANTIIACÉES. 

avons  trouvé  que  la  drogue  amère  employée  dans  la  fabrication  de  ce 
médicament  était  le  Colombo,  VAndrographis  est  connu  au  Bengale  sous 
le  nom  de  Maha-tita,  c’est-à-dire  roi  des  amers  ; il  mérite  si  bien  ce  titre, 
qu’il  a été  admis  dans  la  Pharmacopée  de  l’Inde. 

Description.  — La  tige  est  droite,  noueuse,  ramifiée,  obtusément  qua- 
drangulaire,  épaisse  d’un  demi-centimètre  environ  au  niveau  de  sa  base, 
colorée  en  vert  foncé,  et  sillonnée  dans  le  sens  de  la  longueur.  Les 
feuilles  sont  opposées,  pétiolées,  lancéolées,  entières;  les  plus  grandes 
ont  un  demi-centimètre  ou  davantage  de  large,  et  8 centimètres  de  long. 
Leur  face  supérieure  est  colorée  en  vert  sombre,  l’inférieure  est  un  peu 
plus  pâle,  et  paraît,  à la  loupe,  finement  granuleuse.  Les  feuilles  sont 
très-minces,  cassantes,  et  entièrement  glabres  comme  la  tige.  Dans  les 
échantillons  bien  desséchés  que  nous  avons  sous  les  yeux,  et  qui  nous 
ont  été  envoyés  par  le  docteur  G.  Bidie,  de  Madras,  les  fleurs  manquent, 
et  il  n’existe  qu’un  petit  nombre  de  racines.  Cette  dernière  est  fusiforme 
et  simple  ; elle  émet  de  nombreuses  radicules  minces  ; elle  est  grisâtre 
au  dehors,  ligneuse  et  blanchâtre  en  dedans.  La  plante  est  inodore,  et 
possède  une  saveur  franchement  amère  et  persistante. 

Composition  chimique.  — L’infusion  aqueuse  de  cette  plante  offre  une 
réaction  acide  faible,  et  possède  une  saveur  amère  intense,  qui  paraît 
due  à un  principe  indifférent,  non  basique,  car  les  réactifs  ordinaires 
ne  décèlent  la  présence  d’aucun  alcaloïde.  D’autre  part,  l’acide  tannique 
y produit  un  précipité  abondant,  qui  est  constitué  par  une  combinaison 
de  cet  acide  avec  le  principe  amer.  L’infusion  n’est  que  peu  altérée 
par  les  sels  de  fer  ; elle  contient  une  quantité  considérable  de  chlorure 
de  sodium. 

lisages.  — On  emploie  VAndrographis , comme  tonique  amer,  de  la 
même  façon  que  le  Quassia,  la  Gentiane  et  le  Chirayta  ; on  le  confond 
quelquefois  avec  ce  dernier. 

(a) Les Andrographis  NEEs(in  Walligh,  Catal., n.2454;  Plant,  asiat.rar.,  111,77) 
sont  des  Acanthacées  de  la  tribu  des  Andrographidées,  à fleurs  herinaphrodites>et 
irrégulières  ; à corolle  bilabiée  ; à androcée  formé  seulement  de  deux  étamines  ; à 
ovaire  biloculaire  ; à capsule  loculicide. 

VAndrographis  paniculata  Nees  (in  Wall.,  PL  as.  rar.,  III,  116)  est  une  herbe 
à tige  dressée,  ramifiée,  grêle,  haute  de  30  à 60  centimètres,  articulée,  lisse,  qua- 
drangulaire.  Les  rameaux  sont  opposés,  décussés,  étalés.  Les  feuilles  sont  oppo- 
sées, simples,  courtement  pédonculées,  lancéolées,  entières,  lisses,  longues  de  o a 
7 centimètres.  Les  fleurs  sont  disposées  en  grappes  terminales,  unilatérales,  lâches. 
Elles  sont  portées  par  de  longs  pédoncules,  alternes  sur  l’axe  principal,  dressés,  lai- 
neux, situés  dans  l’aisselle  de  larges  bractées  opposées,  et  munis  chacun  de  deux 
bractéoles  plus  petites  que  le  calice.  Le  calice  est  formé  de  cinq  sépales  étroits, 


16? 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

presque  libres,  égaux.  La  corolle  est  formée  d’un  tube  recourbé,  et  d’un  limbe  divisé 
en  deux  lèvres  linéaires  et  réfléchies,  la  supérieure  plus  ou  moins  bifide,  l’inférieure 
plus  large,  divisée  en  trois  dents.  La  corolle  est  colorée  en  rose.  L’androcée  est  formé 
seulement  des  deux  étamines  antérieures.  Leurs  filets  sont  connés  au  tube  de.la  co- 
rolle, aussi  longs  que  les  lèvres  de  cette  dernière,  velus,  et  supportent  chacun  une 
anthère  à deux  loges  introrses,  obovales,  barbues  et  unies  à la  base.  Le  gynécée  est 
formé  d’un  ovaire  biloculaire,  atténué  en  un  style  terminé  par  une  extrémité  stigma- 
tique  aiguë.  Chaque  loge  de  l’ovaire  contient  de  deux  à quatre  ovules  anatropes.  Le 
fruit  est  une  capsule  loculicide,  déhiscente  en  deux  valves.  Chaque  loge  contient  trois 
ou  quatre  graines  scrobiculées,  alvéolées,  tronquées  à la  base,  et  munies  d’un  prolon- 
gement placentaire  arqué.  La  graine  renferme  sous  ses  téguments  un  embryon  sans 
albumen.  [Trad.] 

BIGNONIACÉES 

HUILE  DE  SÉSAME. 

Oleum  Sesami  ; angl.,  Sesamë  OU,  Gingeli,  Gingili  ou  Jingili  OU,  TU  ou  Teel  OU,  Benné  OU  ; 

allem.,  Sesamôl. 

Origine  botanique.  — Sesamwn  indicum  DC.  C’est  une  plante  dressée, 
pubescente,  annuelle,  haute  de  30  à 60  centimètres,  indigène  de  l’Inde, 
mais  répandue  par  la  culture  dans  toutes  les  régions  chaudes  du  globe. 
En  Europe,  le  Sésame  n’est  cultivé  que  dans  quelques  districts  de  la 
Turquie  et  de  la  Grèce,  et,  sur  une  petite  échelle,  en  Sicile,  et  dans  les 
lies  de  Malte  et  de  Gozo.  Elle  ne  réussit  pas  dans  le  sud  de  la  France  (a). 

Historique.  — D’api’ès  les  plus  anciens  documents  sanskrits,  grecs,  ou 
latins,  le  Sésame  a été  employé,  depuis  les  temps  les  plus  reculés,  pour 
l’huile  de  ses  graines.  A l’époque  de  Pline,  cette  huile  était  exportée  du 
Sind  en  Europe  par  la  voie  de  la  mer  Rouge,  de  la  même  façon  que  les 
graines  en  sont  aujourd’hui  exportées.  Pendant  le  moyen  âge,  la  plante, 
connue  sous  les  noms  de  Suseman  et  Sempsen,  était  cultivée  en  Chypre, 
en  Egypte  et  en  Sicile  (I).  A une  époque  plus  récente,  l’huile  de  Sésame 
commença  à faire  concurrence  à l’huile  d’olive,  et  aujourd’hui,  quoique 
moins  renommée,  elle  est  consommée  en  plus  grande  quantité. 

Le  mot  Sésame  dérive  de  Svnsim , nom  arabe  de  la  plante.  Les  idiomes 
de  l’Inde  possèdent  pour  cette  plante  des  noms  spéciaux;  son  nom  hin- 
dustani  est  TU;  son  nom  sanskrit,  qui  est  l’un  des  plus  connus,  est  Ti- 
laha  (2). 

(1)  Il  parait  qu’on  a aussi  tenté  la  culture  du  Sésame- en  France,  car  il  est  brièvement 
mentionné  dans  la  Maison  rustique  de  Charles  Estienne  et  Jean  Liébault,  édit.,  1883, 
304.  [F.  A.  F. J 

(2)  Nous  ignorons  l’origine  du  mot  Gingeli  ,*  Roxburgli  fait  remarquer  qu’il  était  U 


I(ii  WGNONIACÉIiS. 

Production.  — La  plante  acquiert  tout  son  développement  en  trois  ou 
quatre  mois.  Sa  capsule  contient  de  nombreuses  graines  aplaties  qui 
ont  environ  4 millimètres  de  long,  et  2 millimètres  depaisseur,  et  pèsent 
environ  4 milligrammes.  Pour  les  recueillir,  on  coupe  la  plante  lors- 
qu’elle est  parvenue  à maturité,  on  l’abandonne  pendant  quelques 
jours,  puis  on  l’expose  au  soleil  pendant  le  jour,  en  ayant  soin  de 
la  rentrer  pendant  la  nuit.  Sous  l’influence  de  ce  traitement,  les  capsules 
s’ouvrent  peu  à peu,  éclatent,  et  les  graines  tombent  (1). 

La  plante  se  présente  sous  plusieurs  variétés,  qui  fournissent  respec- 
tivement des  graines  blanches,  jaunâtres,  rougeâtres,  brunes  ou  noires. 
Les  graines  noires  peuvent  être  privées  d’une  partie  de  leur  matière  colo- 
rante parle  lavage,  qu’on  emploie  quelquefois  afin  d’obtenir  une  huile 
plus  pâle  (2).  Nous  avons  retiré,  de  graines  jaunâtres,  56  pour  1 00 
d’huile.  Le  rendement  varie  avec  la  variété  des  graines  employées,  ot 
les  procédés  de  pression,  de  45  et  50  pour  100. 

Description.  — Les  meilleures  qualités  d’huile  de  Sésame  possèdent 
une  saveur  douce,  agréable,  une  coloration  jaunâtre  claire,  et  n’ont  que 
peu  d’odeur,  mais,  à tous  ces  points  de  vue,  l’huile  est  susceptible  de 
varier  beaucoup,  avec  les  conditions  dont  nous  venons  de  parler.  Les 
graines  blanches,  produites  dans  le  Sind,  sont  considérées  comme  four- 
nissant la  plus  belle  huile.  Nous  avons  préparé  une  certaine  quantité 
d’huile  de  Sésame  à l’aide  de  l’éther,  et  nous  lui  avons  trouvé  un  poids 
spécifique  de  0,919  à 23°  G.  Elle  se  solidifia  à 5°  G.,  et  devint  trouble 
quand  on  abaissa  la  température  de  quelques  degrés  au-dessous  de 
ce  point.  Cependant,  l’huile  de  Sésame  est  plus  fluide  à la  température 
ordinaire  que  l’huile  de  noix,  et  elle  se  modifie  moins  promptement  sous 
l'influence  de  l’air.  Lorsqu’elle  est  de  bonne  qualité,  elle  constitue  l’une 
des  huiles  les  moins  altérables. 

Composition  chimique.  — L’huile  de  Sésame  est  un  mélange  d’oléine, 
de  stéarine,  et  d’autres  composés  de  glycérine,  avec  des  acides  de 

sou  époque,  et  cela  est  vrai  encore  aujourd’hui,  très-fréquemment  employé  par  les  Eu- 
ropéens. Ce  nom  ne  figure  pas  dans  les  longues  listes  dressées  par  Moodeen  SherifT, 
et  publiées  dans  le  Supplément  to  the  Pharmacopœia  of  India.  Nous  croyons  que  le 
mot  henné  est  originaire  de  l’Afrique  occidentale,  et  n’a  aucune  connexion  avec  le  mot 
lien,  qui  est  le  nom  du  Moringa. 

(1)  Pour  plus  de  détails  voyez  : Buchanan  , Journey  from  Madras  tlirough  My- 
sore, etc.,  1807,  I,  95,  et  II,  224. 

(2)  Ce  curieux  procédé  est  décrit  dans  le  Reports  of  Juries,  Madras  Exhibition,  1856, 
31.  Le  fait,  que  la  matière  colorante  des  graines  est  soluble  dans  l’eau,  se  trouve  con- 
firmé dans  des  notes  manuscrites  adressées  par  Lépine,  de  Pondichéry,  au  Musée  des 
Produits  des  Colonies  de  France,  à Paris.  Ces  graines  peuvent  même  être  employées 
dans  la  teinture. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  165 


la  série  grasse.  Nous  avons  préparé  avec  elle  l’emplâtre  de  plomb  ordi- 
naire et  traité  ce  dernier  par  l’éther,  dans  le  but  d’écarter  l’oléate  de 
plomb.  La  solution  fut  alors  décomposée  par  l’hydrogène  sulfuré,  éva- 
porée, et  exposée  à l’action  de  vapeurs  nitreuses.  Nous  obtînmes,  par  ce 
procédé,  72,6  pour  100  d 'acide  Elaique.  L’échantillon  préparé  par  nous- 
mêmes  contenait  76,0  pour  100  d’oléine  existant,  autant  que  nous  pou- 
vons le  supposer,  sous  la  forme  de  trioléine.  Dans  les  huiles  du  com- 
merce, la  proportion  d’oléine  est  certainement  peu  constante. 

Nous  sommes  parvenus  à retirer  des  acides  gras  fondant  facilement 
à 67°  C.  après  des  cristallisations  répétées.  Ils  consistent  en  acide  stéa- 
rique, mélangé  d’un  ou  plusieurs  acides  voisins  homologues,  notamment 
d’acide  palmitique  et  d’acide  myristique.  En  précipitant  par  l’acétate  de 
magnésium,  ainsi  que  l’a  proposé  Heintz,  nous  avons  isolé  des  acides 
fondant  entre  52°, 5 et  53°  G.,  62°  et  63°  G.  et  69°, 2 G.,  et  correspondant 
aux  acides  myristique,  palmitique  et  stéarique. 

La  faible  proportion  de  substance  solide  qui  se  sépare  de  l’huile  sous 
l’influence  de  la  congélation,  ne  peut  pas  être  enlevée  par  la  piession, 
même  à plusieurs  degrés  au-dessous  du  point  de  congélation , elle  îeste 
à l’état  d’un  magma  mou.  Sous  ce  rapport,!  huile  de  Sésame  diffèie  de 


l’huile  d’olive. 

L’huile  de  Sésame  contient  une  très-petite  quantité  d’une  substance, 
peut-être  résinoïde,  qui  n’a  pas  encore  été  isolée.  On  peut  la  retirer,  en 
solution,  en  agitant,  à plusieurs  reprises,  5 volumes  d’huile  avec  1 vo- 
lume d’acide  acétique  froid.  Si  l’on  ajoute  à un  certain  volume  de  la 
solution  acétique  un  mélange  de  poids  égaux  d acide  sulfurique  et 
d’acide  nitrique,  la  solution  acétique  prend  une  coloration  jaune  ver- 
dâtre. La  même  expérience  étant  faite  avec  de  l’alcool , substitué 
à l’acide  acétique,  le  mélange  prend  une  coloration  bleue  qui  tourne 
rapidement  au  jaune  verdâtre.  L’huile  elle-même,  étant  agitée  douce- 
ment avec  les  acides  nitrique  et  sulfurique,  prend  une  belle  teinte  verte, 
ainsi  que  l’a  montré,  en  1852,  Behrens,  qui,  à la  même  époque,  indi- 
qua qu’aucune  autre  huile  ne  présente  cette  réaction.  Cette  dernière 
se  produit  également  avec  l’huile  bien  purifiée,  et  tout  à fait  incolore. 
Elle  peut  permettre  de  reconnaître  un  mélange  d’huile  de  Sésame  avec 
d’autres  huiles,  pourvu  qu’il  en  existe  au  moins  10  pour  100.  11  faut  re- 
chercher cette  réaction  à l’aide  d’une  petite  quantité  d huile,  1 gramme 
par  exemple,  et  1 gramme  du  mélange  acide  préalablement  refroidi. 

Commerce.  — L’importance  commerciale  du  Sésame  est  suffisam- 
ment indiquée  parce  fait  que  la  France  a importé,  en  1870,  83  millions 


,Ub  bignoniacées. 

Cle  kilogrammes  ; en  1871 , 57  millions  et  demi  de  kilogrammes;  en  1872, 
50  millions  do  kilogrammes  de  graines  (1).  La  quantité  expédiée  de 
l'Inde  anglaise,  pendant  l’année  1871-72,  a été  de  575  854  quintaux,  sur 
lesquels  la  Franco  a pris  au  moins  495  414  quintaux  (2).  L’importation 
de  ces  graines  dans  le  Royaume-Uni,  pendant  l’année  1870,  a été  éva- 
luée à 13  000  livres  sterling  seulement.  Le  Sésame  est  produit  en  grande 
quantité  dans  l’île  chinoise  de  Formose  qui,  en  1869,  en  a exporté 
46  000  péculs  (3).  Zanzibar  en  fournit  aussi  de  grandes  quantités,  tan- 
dis que  sur  la  côte  occidentale  d’Afrique  la  graine  à huile  est  la  pis- 
tache de  terre  {Avachis  hypogæa  L.).  La  principale  ville  de  fabrication 
de  l’huile  de  Sésame  est  Marseille. 

Usâmes.  bonne  huile  de  Sesame  peut  être  employée,  sans  désa- 
vantage, à tous  les  mêmes  usages  que  l’huile  d’olive  (4).  Comme  son 
point  de  congélation  est  inférieur  de  quelques  degrés  à celui  de  l’huile 
d olive,  elle  convient  mieux  que  cette  dernière  aux  climats  froids.  Dans 

l’Inde, et  dans  l’Afrique  tropicale,  les 
graines  de  Sésame  sont  beaucoup 
consommées  directement  dans  l'ali- 
mentation. Les  feuilles  de  la  plante 
sont  riches  en  mucilage,  et  sont  par- 
fois employées,  dans  les  Etats-Unis, 
sous  forme  de  cataplasmes. 

(a)  Les  Sésames  ( Sesamum  L.,  Généra, 
n.  782)  sont  des  Bignoniacées  de  la  tribu 
des  Sésamées,  à fleurs  hermaphrodites  et 
irrégulières  ; à calice  petit,  cinq-partite  ; à 
tube  de  la  corolle  recourbé,  oblique  à la 
base  ou  un  peu  bossu  dans  le  dos,  dilaté 
dans  le  haut  ; à quatre  étamines  fertiles, 
didynames;  à ovaire  d’abord  bil oculaire,  puis 
quadriloeulaire  ; à fruit  capsulaire. 

Le  Sesamum  indicum  DC.  ( Prodr .,  îx, 
250)  est  une  herbe  à feuilles  opposées,  simples,  eutières,  pétiolées,  ellip- 
tiques, atténuées  aux  deux  extrémités,  à nervation  pennée.  Les  fleurs  sont  soli- 

(1  ) Documents  statistiques  réunis  par  l’Administration  des  Douanes  sur  le  commerce 
de  la  France,  1872. 

(2)  Statement  ofthe  Trade  and  Navigation  ofBritish  India  with  Foreign  Countries, 
Calcutta,  1872,  62. 

(3)  Reports  on  Trade  at  the  Treaty  Ports  in  China  for  1870,  Shanghai,  1871,  81.— 
Un  pécul  = 60k,479. 

(4)  Pour  les  usages  pharmaceutiques,  il  est  utile  de  ne  pas  oublier  te  grande  pro- 
portion d’oléine,  et  par  suite  la  tendance  moindre  è la  solidification,  qu’offre  l’huile  de 
Sésame. 


Fig.  173,  Sésame.  Extrémité  florifère, 
et  coupe  longitud,  do  la  graine. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  1G7 

taircs  à l’aisselle  des  feuilles,  courtement  pédonculées,  irrégulières,  à réceptacle 
tanes  .lias  . . sépales  étroits,  inégaux,  â peine  réunis  par 

convexe.  Le  cah  e est  très  petit ^ * J^uWopme|  , tubo  oblique,  dilaté  A 

a base.  La  cmofl  JyS  P supévieure  formée  de  deux  lobes  courts,  arron- 

inférieure  formée  de  trois  lobes  arrondis,  le  médian 
dis,  à peine  d stm  ’ les  autres.  L'androcée  est  formé  de  quatre  etamines 

plus  long  et  P^S  LD  ^sq  deux  aux  sépales  latéraux,  et  deux  aux  sépales  anté- 

“Èilès  sont  incluses,  tonnées  chacune  d'un  flirt  conné  au  tube  de  la  cocolle, 
neuis.  Elles  so  \ intr0rses,  parallèles,  déhiscentes  par  des  fentes 

longitudinales  Le  gynécée  est  formé  d'un  ovaire  biloculaire  au  début  entouré 
long!  uchna  es  IN  h atténué  au  sommet  en  un  style  cylindrique, 

inclus’1  que  terminent  deux  lobes  stigmatiques  aplatis  et  couverts  de  papilles  sur  leur 
. • ’ . P,,np  nans  le  premier  âge,  l’ovaire  est  biloculaire,  et  offre,  dans  chaque  loDe, 

un^seul  placenta  adossé  à la  cloison,  chargé  d’ovules anatropes  ; plus  tard,  il  se  forme, 
sur  la  face  interne  de  la  paroi  dorsale  de  chaque  loge,  une  fausse  cloison,  qui  s a- 
vance  vers  le  placenta,  et  divise  chaque  loge  en  deux  compartiments.  Le  fruit  est  une 
capsule  déhiscente  de  haut  en  bas,  au  niveau  de  la  face  dorsale  de  chaque  loge,  pai 
le  dédoublement  de  la  fausse  cloison.  Il  contient  de  nombreuses  graines  depom- 
vues  d’ailes,  aplaties,  petites,  ovoïdes,  renfermant,  sous  un  tégument  jaunat 
embryon  sans  albumen,  à cotylédons  épais  et  huileux,  a radicule  coui  te.  [T  .] 


LABIÉES 

FLEURS  DE  LAVANDE. 

Flores  Lavandulæ  ; ang).,  Lavander  Flowers;  allern.,  Lavendelblumen, 

Origine  botanique.  — Lavandulci  vera  DG.  C’est  une  plante  suffru- 
tescente,  haute,  à l’état  sauvage,  de  30  à 60  centimètres,  mais  atteignant 
90  centimètres  ou  davantage  de  haut,  sous  l’influence  de  la  culture. 
Elle  est  indigène  des  régions  montagneuses  des  contrées  qui  bordent  la 
moitié  occidentale  du  bassin  méditerranéen.  On  la  trouve  dans  l’est  de 
l’Espagne,  le  sud  de  la  .France,  s’étendant  vers  le  nord  jusqu’à  Lyon 
et  dans  le  Dauphiné;  on  la  trouve  encore  dans  la  haute  Italie,  la  Corse, 
la  Calabre,  et  le  nord  de  l’Afrique,  dans  la  région  de  l’Olivier  (1).  A l’état 
de  culture,  elle  croît  très-bien  en  plein  air  dans  la  majeure  partie  de 
l'Allemagne,  et  vers  le  nord,  jusque  dans  la  Norwége  et  la  Livonie  (a). 

Historique.  — On  a fait  beaucoup  de  recherches  dans  le  but  de  re- 
connaître la  Lavande  dans  les  écrits  des  auteurs  classiques,  mais  les 
résultats  obtenus  ne  sont  pas  satisfaisants,  et  on  n’a  trouvé  dans  les 

(1)  Sur  le  mont  Ventoux,  près  d’Avignon,  la  région  du  Lawndula  vera  est  com- 
prise, d'après  Martins,  entre  430  et  1 350  mètres  au-cles9us  du  niveau  de  la  mci  (m  - nn. 
sc.  nat.,  1838, X,  145,149). 


108 


LABIÉES. 


auteurs  aucun  détail  qui  puisse  se  rapporter,  d'une  façon  incontestable, 
soit  au  Lavandula  ver  a,  soit  au  L.spica  (I).  La  plus  ancienne  mention  de 
la  Lavande,  que  nous  ayons  pu  trouver,  existe  dans  les  écrits  de  l’abbesse 
Hddegard  (2),  qui  vivait  près  de  Bingen,  sur  le  Rhin,  au  douzième  siècle, 
et  qui,  dans  un  chapitre  De  Lavandula,  fait  allusion  à l’odeur  forte  et 
aux  nombreuses  vertus  de  cette  plante.  Dans  un  poëme  de  l’Ecole  de 
Salerne,  intitulé  Flos  medicinæ  (3),  on  trouve  les  lignes  suivantes  : 

Salvia,  castoreum,  lavendula,  primula  veris, 

Nasturtium,  allianas  hæc  snnant  paralytica  membra. 

La  Lavande  fut  introduite  en  Angleterre  vers  15G8  (4). 

Description.  Les  (leurs  de  la  Lavande  com- 
mune sont  disposées  en  un  épi  lâche,  terminal, 
supporté  par  un  long  pédoncule  nu.  Elles  sont 
disposées  en  six  ou  dix  groupes,  dont  les  plus 

inférieurs  sont  très-écartés  des  supérieurs.  Chaque 

groupe  consiste  en  deux  cymes,  dont  chacune, 
lorsqu’elle  est  entièrement  développée,  est  for- 
mée d environ  trois  fleurs.  Chaque  cyme  est  si- 
tuée dans  1 aisselle  d’une  bractée  rhomboïdale, 
acuminée  ; 'des  bractées  plus  petites  et  étroites 
accompagnent  chaque  fleur.  Le  calice  est  tubu- 
leux, rétréci  au  niveau  de  son  ouverture,  par- 
couru de  treize  nervures,  et  divisé  en  cinq  dents, 
dont  la  postérieure  est  beaucoup  plus  grande  que 
les  autres.  La  corolle  est  tubuleuse,  colorée  en 
violet,  bilabiée,  la  lèvre  supérieure  formée  de 
deux  lobes,  et  l’inférieure  de  trois  lobes.  La  co- 
rolle et  le  calice  sont  couverts , ainsi  que  les 
feuilles  et  les  pédoncules,  d'un  tomentum  dense 
de  poils  en  étoile,  parmi  lesquels  on  peut  voir,  à 
la  loupe,  de  petites  glandes  à huile,  luisantes.  Les  fleurs  exhalent, 

(1)  F.  de  Gïngins-Lassaraz,  Hist.  clés  Lavandes , Genève  et  Paris,  1826.  — Le  La- 
vanclula  Stoechas  L.  est  manifestement  confondu  avec  ces  deux  espèces  par  Dioscoride 
et  par  Pline. 

(2)  Opéra  omnia,  accuranteJ.  P.  Migne,  Paris,  1855,  1143. 

(3)  S.  de  Renzt,  Collectio  Saleniitana,  Napoli,  I,  417-516.  Le  Napolitain  Porta,  qui 
s’occupait  beaucoup  de  la  distillation,  recommande,  dans  son  livre  De  Distillationibus, 
Rome,  1008,  p.  78,  de  préférer  l’essence  d’Aspic  il  celle  de  la  Lavande  de  France. 

(4)  D’après  Samuel  Perks  il  Hitchin  dans  le  Ilertfordshire.  Voir  Proc.  American 
Pharm.  Assoc.,  1876,  819.  [F.  A.  F.] 


Fig.  174.  Lavandula  vera  DC. 
Extrémité  florifère,  et  fleur 
avant  la  déhiscence. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  1G9 

lorsqu’on  les  froisse,  une  odeur  délicieuse,  et  possèdent  une  saveur  aro- 
matique agréable. 

Les  feuilles  sont  oblongues-linéaires  ou  lancéolées,  révolutées  sur 

les  bords,  et  très-velues  cà  l’état  jeune. 

Pour  l’usage  pharmaceutique  et  pour  la  parfumerie,  on  sépare  les 
fleurs  de  Lavande  des  pédoncules,  et  on  les  fait  sécher  à une  douce 
chaleur.  On  ne  les  conserve  que  rarement  dans  les  boutiques.  On  ne  les 

cultive  guère  que  pour  1 huile  essentielle. 

Production  de  l'huile  essentielle.  — On  cultive  la  Lavande  a Mit- 
cham,  à Carshalton,  àBeddington,  et  dans  un  petit  nombre  de  localités 
voisines,  toutes  situées  dans  ie  comté  de  Surrey.  L’aire  de  cette  culture 
est  d’environ  300  acres.  On  la  cultive  aussi  à Market  Deeping,  dans  le 
Lincolnshire,  et  il  Hitchin,  dans  l’Hertfordshire.  Dans  ces  dernières  loca- 
lités, 50  acres  environ  étaient  consacrées  à cette  culture  en  1871. 

Les  plantes  sont  de  petite  taille,  et  croissent  dans  les  champs  secs , 
elles  fleurissent  en  juillet  et  en  août.  On  coupe  ordinairement  les  fleurs 
avec  leurs  pédoncules,  on  les  entasse  sur  des  nattes,  et  on  les  transporte 
à la  distillerie  : la  distillation  est  effectuée  dans  les  vastes  appareils 
qu’on  emploie  pour  la  menthe.  On  distille  communément  les  fleurs  avec 
leurs  pédoncules,  soit  dans  l’état  où  elles  ont  été  récoltées,  soit  dans 
un  état  de  dessiccation  plus  ou  moins  avancé.  Quelques  cultivateurs  ne 
distillent,  que  les  bourgeons  floraux,  dans  le  but  d’obtenir  un  produit  de 
qualité  supérieure.  Plus  rarement  encore,  on  sépare  les  fleurs  des  pédon- 
cules, et  on  rejette  tout  à fait  ces  derniers.  D’après  les  expériences 
soigneuses  de  Bell  (1),  l’huile  essentielle  fabriquée  par  cette  dernière 
méthode  est  d’une  qualité  exceptionnelle.  En  1846,  il  retira  26  onces  et 
demie  de  100  iivres  de  fleurs  entièrement  privées  de  leurs  pédoncules  ; 
en  1847,  il  en  retira  25  onces  et  demie;  et  en  1848,  20  onces.  Les  quan- 
tités de  fleurs  employées  pendant  ces  diverses  années  s’élevèrent 
à 417,  633,  et  933  livres.  L’huile  essentielle,  obtenue  par  distillation  des 
pédoncules  seuls , possède  une  odeur  particulière , rance.  Dans  la 
distillation  de  la  Lavande,  l’huile  essentielle  qui  distille  pendant  la 
première  partie  de  l’opération  passe  pour  posséder  un  parfum  plus 
agréable  que  celle  de  l’essence  qui  distille  ensuite. 

Nous  ne  possédons  aucune  donnée  certaine  relativement  à la  produc- 
tion de  l’essence  obtenue  parles  procédés  ordinaires,  mais  onadmetgéné- 
ralement  que  le  rendement  est  extrêmement  variable,  suivant  la  saison. 


(1)  Pharm.  Journ.,  1849,  VIII,  27G. 


170 


LABIÉES. 

Warren  (1)  fixo  à 10  ou  12  livres,  et  exceptionnellement  à 24  livres,  le 
produit  de  chaque  acre  consacré  à cette  culture.  A Ilitchin  (2),  le  ren- 
dement paraît  se  rapprocher  du  dernier  de  ces  chiffres.  Les  expériences 
faites  dans  le  laboratoire  de  Bell,  citées  plus  haut,  montrent  que  les  fleurs 
privées  de  leurs  pédoncules  donnent,  en  moyenne,  I et  demi  pour  100 
d’huile  essentielle. 

On  distille  de  1 essence  de  Lavandula  vera  en  Piémont,  et  dans  les 
parties  montagneuses  du  sud  de  la  France,  ainsi  que  dans  les  villages 
voisins  du  mont  Ventoux,  près  d’Avignon,  et  dans  quelques  communes 
des  environs  de  Montpellier  (Saint-Guilhen-le-Désert,  Montarnaud  et 
Saint-Jean  de  Fos).  C’est  toujours  la  plante  sauvage  que  l’on  y emploie. 
Cette  essence  se  présente  dans  le  commerce  sous  diverses  qualités,  dont 
la  meilleure  atteint  à peine  le  dixième  du  prix  de  l’essence  fabriquée  à 

Mitcham  (3).  Les  sortes  inférieures  sont  obtenues  par  distillation  de  la 
plante  entière. 

Composition  chimique.  — Le  seul  principe  constituant  des  fleurs  de 
Lavande  qui  ait  attiré  l’attention  des  chimistes  est  l’huile  essentielle 
(Oleum  Lavandulæ) . C’est  un  liquide  jaune  pâle,  mobile,  dont  le  poids 
spécifique  est  de  0,87  à 0,94  (Zeller).  Son  odeur  est  très-agréable,  sem- 
blable à celle  des  fleurs  de  la  plante.  Son  goût  est  aromatique  et  très- 
prononcé.  Une  huile  essentielle,  distillée  à Mitcham,  déviait  le  plan 
de  polarisation  de  4°, 2 à gauche,  en  colonne  de  50  millimètres. 
L huile  essentielle  de  Lavande  est  un  mélange,  en  proportions  variables, 
d’un  hydrocarbure,  C^H™  et  de  stéaroptène.  Le  premier  de  ces  corps 
bout  entre  200°  et  210°  C.  Le  stéaroptène  est  identique,  d’après  Dumas, 
avec  le  camphre  commun.  On  prétend  qu’il  existe  dans  quelques  échan- 
gions dans  la  proportion  de  moitié.  Il  se  sépare  quelquefois  de  l’huile 
sous  l’influence  du  froid  ; nous  n’avons  cependant  pas  pu  nous  assurer 
de  ce  fait. 

Commerce.  — Les  fleurs  de  Lavande  desséchées  sont,  dans  le  sud  de 
l’Europe,  l’objet  d’un  certain  commerce.  D’après  le  Tableau  général  du 
commerce  de  la  France , HO  958  kilogrammes  de  fleurs  de  Lavande  et 
de  fleurs  d’oranger  (qui  ne  sont  pas  séparées  dans  la  statistique)  furent 
exportés  en  1870.  La  plus  grande  partie  fut  expédiée  vers  la  Barbarie, 

(1)  Pharm.  Journ.,  1865,  VI,  257. 

(2)  Ibid.,  1860,  I,  278.  — On  dit  qu’un  acre  de  Lerre  fournit  environ  « 6 Winchester 
quarts  » d’huile  essentielle. 

(3)  L’huile  essentielle  de  Mitcham  coûte  de  30  à 60  shillings  la  livre,  suivant  la 
saison. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  171 

la  Turquie  et  l’Amérique.  Nous  ne  possédons  aucune  donnée  relative  au 
chiffre  de  l’importation  de  la  Lavande  en  Angleterre. 

Usages  - On  ne  prescrit  pas  les  fleurs  de  Lavande  dans  la  pratique 
médicale  moderne  anglaise.  L’huile  volatile  possède  des  propriétés  qui 
lui  sont  communes  avec  les  corps  de  la  même  classe  ; elle  est  beaucoup 
employée  dans  la  parfumerie. 


autres  espèces  employées. 

r Lamndula  spica  DG.  - Cette  plante  ressemble  beaucoup  au  Lavan- 
clula  vera , dont  Linné  la  considérait  comme  une  simple  variété  ; aujour- 
d’hui on  la  regarde  comme  une  espèce  distincte.  Son  aire  est  beaucoup 

plus  étendue  que  celle  du  Lamndula  vera , mais  elle  remonte  moins  vers 
le  nord,  et  on  ne  la  trouve  pas  dans  des  régions  aussi  élevees,  ou  en 
dehors  de  la  limite  des  oliviers.  Elle  est  réellement  plus  méridionale  et 
craint  davantage  le  froid,  de  sorte  qu’on  ne  peut  pas  la  cultiver  en  An- 
gleterre en  plein  air,  si  ce  n’est  dans  des  endroits  abrites.  Dans  le  Lan- 
guedoc et  la  Provence,  elle  est  commune  jusqu’à  une  altitude  e 
G00  mètres  ; elle  est,  à partir  de  cette  hauteur,  remplacée  par  le  Lavan- 
dula vera  (i).  . 

Le  Lamndula  spica  est  distillé  dans  le  sud  de  la  France.  On  emploie 

pour  cela  la  plante  entière.  Son  huile  essentielle,  désignée  en  France  sous 
le  nom  d ’ Essence  d' Aspic,  est  connue  des  droguistes  anglais  sous  les  noms 
de  : Oleum  Lavandulæ  Spicæ , Oleum  Spicæ  ou  Oil  ofSpike.  Elle  ressemble 
à l’huile  essentielle  véritable  de  Lavande,  mais  elle  possède  un  parfum 
beaucoup  moins  délicat  que  l’essence  distillée  en  Angleterre  ("2).  Elle 
ressemble  par  sa  composition  chimique  à l’huile  essentielle  àe,  Lavandula 
vera.  L’essence  de  Lavandula  spica  est  employée  dans  la  peinture  sur 
porcelaine,  et  dans  la  médecine  vétérinaire. 

2°  Lavandula  Stœchas  L.  - Cette  plante  était  bien  connue  des  anciens. 
Dioscoride  fait  remarquer  qu’elle  a donné  son  nom  aux  Stœchades,  les  îles 
d’Hyères,  près  de  Toulon,  oùla  plante  est  encore  très-abondante . Son  aire 
est  encore  plus  étendue  que  celle  des  deux  espèces  précédentes,  car  on  la 
trouve  dans  les  Canaries,  en  Portugal,  et  vers  l’est,  dans  toute  la  région 
méditerranéenne,  jusqu’en  Grèce,  et  en  Asie  Mineure.  Elle  se  distingue 

(1)  Dans  les  régions  montagneuses  moyennes  situées  entre  Nice  etlurbiaj  ai  observe 
les  deux  espèces  croissant  ensemble.  Le  Lavandula  vera  y est  en  eurs  eux  ou 

semaines  plus  tôt  que  le  L.  spica.  [D.  H.]  .....  \ 

(2)  Cependant,  les  fleurs  des  deux  espèces  {L.  vera  et  L.  sp^ca),  qui  croissen 
côte  dans  les  jardins  anglais,  se  distinguent  beaucoup  par  leur  par  uni. 


17“  LABIÉES. 

cteaUBHP,™TdCS  T S0S  6pis  ^ fl°ra“  portés  sur  un  court  pédon- 
b|es’  g P‘"  <oux  ou  tr01s  bractées  pourpres  très-remarqua- 

I SCS  n°U,'s-  llommées  Flores  Slœchadot  ou  Stœcha,  arabica  (t)  se 
vendaient  autrefois  dans  les  boutiques,  et  eurent  leur  place  dan,  la 
Pharmacopée  do  Londres  jusqu’en  1746.  Nous  ignorons  si  elles  sont  dis- 

T P°‘"  exl,'acl,°n  do  l'huile  essentielle,  quoiqu'elles  soient  consi- 
derees  comme  la  source  de  la  véritable  essence  d' Aspic  (2). 

son' Jes  ^ek 

sue:  I,,  I vre  supérieure  formée  ,1e  deux  lobes,  et  l'inférieure  di^is  lob",  plt 
petits  que  ks  supérieurs.  Dans  le  Bouton,  les  deux  lobes  supérieurs  recouvrent  les 
ois  infeneurs.  L androcee  est  formé  de  quatre  étamines  incluses,  opposées  deuxaux 
sépales  latéraux,  et  deux  aux  sépales  antérieurs,  ces  dernières  plus  longues  1 es  filets 
son  connés  au  tube  de  la  corolle,  et  les  anthères  sont  bilocufairL  inCes  déS 
rentes  par  des  fentes  longitudinales.  Le  gynécée  est  formé  de  deux  carpelles  unis  en 
un  ovaire  supere,  biloculaire,  contenant,  dans  chaque  loge,  deux  ovules  anatrones 
ascendants,  insérés  dans  le  bas  de  l’angle  interne, \ micropyle  dir^é  en  bteTe^ 
dehois  Une  fausse  cloison  se  forme  ensuite  dans  chaque  loge,  et  la  divise  en  deux 
ST  un-iovulés.  L’ovaire  est  surmonté  dJstvle^obasique,  bifide.au 
ommet.  Le  fruit  est  constitué  par  quatre  nucules  lisses,  oblongs,  convexes  au  som- 
t,  contenant  chacun  une  seule  graine  dressée,  qui  renferme  un  embrvon  droit, 
-ans  a bumeu.  Les  Lavandes  sont  des  plantes  vivaces,  ou  frutescentes,  à fleurs  dis- 
posées en  longs  épis  terminaux  de  cvmes  pauciflores.  [Trad.] 


MENTHE  VERTE. 

ffei'ba  Menthæ  viridis  ; angl.,  Spearmint. 


Origine  botanique.  — Menlha  vïndis  L.  G’esl  une  plante  vivace,  odo- 
rante, connue  surtout  en  Europe,  en  Asie  et  dans  l’Amérique  du  Nord, 
comme  la  Menthe  commune  des  jardins.  On  ne  la  trouve  guère  en  ap- 
parence à l’état  sauvage  que  dans  les  pays  où  elle  est  cultivée  depuis 
longtemps.  On  la  trouve  parfois  en  Angleterre  dans  ces  conditions  (3). 

(1)  L incorrection  de  1 épithète  arabica  est  notée  par  Pomet.  Nous  ignorons  pour 
quel  motif  il  a été  donné  h cette  plante.  Martiny,  Rohwaarenkunde , I,  655,  prétend 
que  les  Vénitiens  faisaient  autrefois  venir  ces  fleurs  de  l’Arabie  par  voie  d’Egypte. 

(2)  Pereira,  Elem.  Mat.  Med.,  1850,  II,  1368.  — Nous  ignorons  si  le  Lavanduta 

lanata  Boissier,  espèce  très-odorante,  voisine  du  L.  Spica,  et  originaire  d’Espagne  est 
distillé  dans  ce  pays.  ’ 

(3)  Bentham,  llandbook  of  the  Dritisli  Flora , 1858,  418.  — Parkinson  (1640)  fait  re- 
marquer que  la  Speare  Mint  ne  se  trouve  qu’à  l’état  de  culture  dans  les  jardins. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  173 

Le  Ment  ha  vin, là  est  considéré  par  Bentham  comme  constituant  pro- 
bablement une  simple  variété  du  Mentha  süvestm  L.,  perpétuée  uni- 
quement à l aide  de  bourgeons.  J.  G.  Baker  fait  remarquer  que  tand.s 
que  ces  plantes  sont,  eu  Angleterre,  suffisamment  distinctes  on  trouve 
sur  le  continent  des  formes  qui  les  rattachent  les  unes  aux  autres  (!)(»)• 
Historique.  - La  Menthe  est  mentionnée  dans  toutes  les  anciennes 
listes  de  plantes  du  moyen  ftge,  et  était  certainement  cultivée  dans  les 
jardins  des  couvents,  au  neuvième  siècle.  Turner,  qui  a été  nomme  e 
L * ta  Botanique  anglaise , établit,  dans  son  Herball  (2),  que  la  Menthe 
des  jardins  était,  à son  époque,  désignée  sous  le  nom  de  Spere  M ynte. 
Nous  la  trouvons  aussi  décrite  par  Gerarde,  qui  la  nomme  Mentha  Ro- 
mana  ou  Sarracemea,  ou  Commun  Garde n Mini,  mais  sa  description 
des  feuilles,  qu’il  indique,  comme  blanches,  molles  et  velues  ne  peut 
pas  s'appliquer  à la  plante  que  nous  cultivons  aujourd  hui.  L essence 
de  celte  dernière  portait,  vers  la  fin  du  moyen  âge,  du  moins  en  Aile- 

magne,  le  nom  de  Balscimum  Menthæ. 

Description. -La  plante  possède  une  souche  vivace,  qui  émet  de 
longs  coulants.  Sa  tige,  haute  de  60  à 90  centimètres,  est  dressée,  et  se 
ramifie  beaucoup  à la  partie  inférieure.  Ses  rameaux  sont  courts,  éta- 
lés, dressés,  pleins,  quadrangulaires,  nus  ou  légèrement  velus  au-dessous 
des  nœuds,  souvent  teintés  de  pourpre.  Les  feuilles  sont  sessiles,  ou  bien 
les  plus  inférieures  sont  pétiolées  ; elles  sont  lancéolées  ou  ovales-lan- 
céolées,  arrondies  ou  même  cordées  à la  base,  colorées  en  vert  sombie 
et  glabres  en  dessus,  plus  pâles  et  munies  en  dessous  de  nervures  proé- 
minentes, vertes  ou  pourpres  ; elles  sont  ordinairement  glanduleuses,  et 
tantôt  tout  à fait  nues,  tantôt  velues  seulement  au  niveau  de  la  nervure 
médiane  et  des  nervures  secondaires  principales.  La  pointe  du  limbe 
est  rétrécie  et  aiguë  ; ses  bords  sont  découpés  en  dents  peu  serrées  et 
peu  profondes.  Les  feuilles  inférieures  ont  environ  2 centimètres  et  demi 
de  large  sur  8 à 10  centimètres  de  long.  L’inflorescence  est  une  pamcule 
d’épis,  longue  de  8 à 10  centimètres  sur  2 centimètres  de  large,  les  plus 
inférieurs  écartés  parfois  l’un  de  l’autre  de  plus  de  1 centimètre,  et  ac- 
compagnés de  bractées  foliacées.  Les  bractéoles  sont  linéaires-subu  ees, 
de  même  taille  ou  plus  larges  que  les  fleurs  épanouies,  lisses  ou  legere- 
ment  ciliées.  Les  pédicelles  floraux  ont  environ  1 millimètre  de  long  ; 
üs  sont  pourpres,  glanduleux,  dépourvus  de  poils.  Le  calice  est  souven 

(1)  Journ.  ofBotan.  <lc  Sbemann,  août,  1865,  239.  Nous  empruntons  à M.  Baker  sa 
description  détaillée  du  Mentha  viridis. 

(2)  Part.  II,  1568,  54. 


J/4  LABIÉES. 

aussi  coloré  en  pourpre;  son  tube  esL  cylindrique-campanulé,  long  de 
1/2  millimètre,  découpé  en  dents  lancéolées,  subulées,  aussi  longues 
que  le  tube;  les  dents,  et  parfois  la  face  supérieure  du  tube  calicinal, 
sont  munies  de  poils  plus  ou  moins  serrés  et  dressés.  La  corolle  est 
pourprée,  deux  fois  aussi  longue  à peu  près  que  le  calice,  nue  en  de- 
dans et  en  dehors.  Le  fruit  est  lisse.  Cette  plante  offre  quelques  varia- 
tions dans  la  forme  de  ses  feuilles,  la  longueur  de  ses  épis,  et  le  plus  ou 
moins  de  richesse  en  poils  de  son  calice.  La  plante  entière  exhale, 
loi^qu  on  la  froisse,  une  odeur  très-prononcée  et  agréable;  son  goût  est 
fortement  aromatique. 

Production.  — Cette  plante  est  cultivée  dans  les  jardins  particuliers, 
et  surtout  dans  les  jardins  des  industriels.  Quelques  acres  seulement 
sont  consacrées  à sa  culture  à Mitcham,  et  on  vend  ordinairement  la 
plante  entière  à l’état  de  dessiccation  plus  ou  moins  complète.  Aux 
Etats-Unis,  on  cultive  la  Menthe  verte  de  la  même  façon  que  la  Menthe 
poivrée,  mais  en  moins  grande  quantité.  M.  H.  G.  Hotchkiss,  de  Lyons, 
canton  de  Wayne,  Etat  de  New-York,  nous  a informés  que  la  quantité 
d’huile  essentielle  fabriquée  par  lui,  en  1870,  s’élevait  à 1 162  livres.  La 
plante  qu  il  emploie  nous  paraît  être,  d’après  les  échantillons  qu’il  nous 
a envoyés,  la  Menthe  verte  des  jardins  anglais,  et  non  la  Menthe  cris- 
pée ( Mentha  crispa ) de  l’Allemagne. 

Composition  chimique.  — La  Menthe  verte  fournit  une  huile  essen- 
tielle (Oleum  Menthæ  vindis ),  dans  laquelle  résident  les  propriétés  médi- 
cinales de  la  plante.  Elle  constitue  un  mélange  d’un  hydrocarbure 
isomère  de  l’essence  de  térébenthine,  et  de  la  modification  lévogyre  du 
Carvol,  ainsi  que  nous  l’avons  exposé  dans  l’article  relatif  aux  Fruits  de 
Carvi  (Yoy.  t.  I,  p.  545). 

Usages — La  Menthe  verte  est  employée,  sous  forme  d’huile  essen- 
tielle et  d’eau  distillée,  de  la  même  façon  que  la  Menthe  poivrée.  Aux 
Etats-Unis,  1 huile  essentielle  est  aussi  employée  par  les  confiseurs,  et  par 
les  fabricants  dç  savons  parfumés. 

Substitutions.  - L’huile  essentielle  de  Menthe  verte  est  aujourd’hui 
rarement  distillée  en  Angleterre,  son  prix  élevé  la  rendant  presque 
impossible  à vendre.  L’essence  fabriquée  à l'étranger  est  offerte,  dans 
les  prix  courants,  sous  deux  variétés  : 1 ’ américaine  et  l 'allemande.  Nous 
avons  déjà  parlé  de  la  première;  la  seconde,  désignée  en  allemand 
sous  le  nom  de  Krausemünzôl,  est  produite  par  le  Mentha  aquatica  L. 
var.  y crispa  Bentham,  qu’on  cultive  dans  le  nord  de  l’Allemagne. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  175 

, , ,,,  I Gen  n.  713)  sont  des  Labiées  de  la  tribu  des  Sa- 

(a)  Les  Menthes  {Me  ’>  tubuleux  divisé  en  cinq  dents  presque  égales  ; à 
turéinées,  à calice  campanule  ou  tabule»,  clmse^  J ^ ^ ^ ôrganeg 

corolle  tubuleuse,  un  peu  p us  °’^u  * u déc0Upé  en  cinq  lobes  obtus,  presque 

l'un  de  l'autre;  à quatre 

égaux,  les  deux  supérieurs  . I chacune  d'uu  filet  conué  avec  le 

fT4“làM“Ùr.Æ  anthte  ir  deux  loges  parallèles,  intror-sos,  déhiscentes 
££  ZZ  tgila.es;  fi  nu  eu,  es  lisses  ; à «eurs  disposées  en  longs  eprs  con- 
ques, terminaux,  de  cjmes  axillaires,  très-serrees.  [T  .] 


MENTHE  POIVRÉE. 

llcrba  Menthæ piperitx  ; angl.,  Peppermint  ; allem.,  Pfe/fci  muue. 

Origine  botanique.  - Mentha  piperita  Hroso»  (non  L).  C’est  une 
herbe  vivace,  dressée,  ordinairement  glabre,  très-semblab  e a la  Menthe 
verte  commune  des  jardins,  dont  elle  diffère  par  ses  feu es  ou . es - 
tiolées,  ses  fleurs  plus  grandes,  ses  groupes  floraux  super.eu  s tre  -kç 
nrochés  les  uns  des  autres,  les  intérieurs  séparés.  D api  es  Bentha  , 
elle  ne  constitue  peut-être  qu'une  simple  variété  du  Mentha  ht.nv.ta  ., 
auquel  elle  se  rattache  par  de  nombreuses  formes  intemediair  . 

La  Menthe  poivrée  se  propage  rapidement  d elle-mem  , 
coulants,  et  on  la  trouve  maintenant  dans  beaucoup  de  localités  - 
gleterre,  et  sur  le  continent.  Elle  est  cultivée  sur  une  grande  échelle 
Angleterre,  en  France,  en  Allemagne  et  dans  l' Amérique  du  i 01  . 

Historique.  - Le  Menti, a piperita  fut  observé  d abord  dans  le  Hei  - 
fordshire,  par  le  docteur  Eales,  et  communiqué  à Ray  qui,  dans  a 
seconde  édition  de  son  Synopsis  StirpivM  Britanmcanm,  1696,  le  men- 
tionna sous  le  nom  de  Mentha  spicis  brmionhm  et  hahttoribus,  fous 
Menthes  fuscee,  sapore  fervido  piperis,  et  dans  son  Htslorm  Planlarum  ( ), 
sous  le  nom  de  Mentha  palmtris...  Peper-mint  (2).  Dale,  qui  trouva 
plante  dans  le  comté  d’Essex  (3),  dit  qu'elle  est  considérée  comme  spé- 
cifique contre  les  calculs  des  reins  et  de  la  vessie.  Ray,  ans  a i 

sième  édition  de  son  Synopsis,  la  déclare  supérieure  à toutes  les  au  re 
Menthes,  comme  remède  contre  la  faiblesse  de  l’estomac  e a mu  ' 
La  Menthe  poivrée  fut  admise  dans  la  Pharmacopée  de  Londres,  en 
sous  la  désignation  de  Mentha  pipevitis  sapoi  e. 

(1)  T.  111,  1704,  284.  • • i pnnservé  oarmi  les  plantes  de 

(2)  Nous  avons  examiné  l’échantillon  original  en  ressemblPe  parfaitement  îi  la 

Ray,  dans  le  British  Muséum,  et  nous  trouvoi . I 

plante  cultivée  aujourd’hui. 

(3)  Pharmacolorjix  Supplemcntum , Lond.,  1705, 


1,0  LABIÉES. 

La  culture  de  la  Menthe  poivrée  à Mitcham,  dans  le  Surrey,  date 
de  t7o0  environ  (I).  A cette  époque,  quelques  acres  seulement  étaient 
consacrées  à la  culture  de  cette  plante.  A la  fin  du  dernier  siècle, 
100  acies  environ  étaient  plantés  en  Menthe  poivrée.  En  1805  il 
n’existait  pas  encore  d’appareil  à distillation  à Mitcham,  et  l’on  appor- 
tait la  plante  à Londres,  pour  l’extraction  de  son  huile  essentielle.  Dans 
ces  dernières  années,  l’imporlance  de  cette  culture  a diminué,  à cause 
de  la  valeur  toujours  croissante  des  terrains,  et  de  la  concurrence  faite 
a l’essence  anglaise  par  les  essences  étrangères.  En  Allemagne,  la 
Menthe  poivrée  fut  pratiquement  connue  pendant  la  seconde  partie  du 
dernier  siècle,  et  sa  réputation  fut  faite  surtout  par  Knigge  (2). 

Description  (3).  La  souche  de  la  Menthe  poivrée  est  vivace,  et  émet 

des  coulants.  La  tige  est  dressée, 
haute  de  90  centimètres  à 1 m ,20,  avec 
une  ramification  luxuriante.  Ses 
branches  sont  dressées  et  un  peu 
étalées,  rigides,  quadrangulaires, 
un  peu  velues,  souvent  teintées  dé 
pourpre.  Les  feuilles  sont  toutes  pê- 
tiolées  ; les  pétioles  des  feuilles  in- 
férieures sont  longs  de  1 à 2 centi- 
mètres, nus  ou  à peu  près  ; le  limbe 
est  lancéolé,  rétréci,  ou  un  peu  ar- 
rondi à la  base,  étroit  et  aigu  au 
sommet  ; celui  des  feuilles  inférieu- 
res est  long  de  5 à 8 centimètres,  et 
large  de  2 centimètres  environ,  nu 
et  d’un  vert  foncé  en  dessus,  plus 
pâle  et  glanduleux  en  dessous,  où  il 
offre  un  petit  nombre  de  poils  sur  scs 
nervures.  Les  bords  sont  découpés 
en  dents  fines,  droites  et  étalées.  L’inflorescence  est  formée  d’épis 
lâches,  lancéolés  ou  coniques,  et,  aigus,  longs  de  5 à 8 centimètres, 
et  larges  d’environ  2 centimètres;  les  groupes  inférieurs  de  fleurs 
sont  écartés  les  uns  des  autres,  et  accompagnés  de  bractées  foliacées. 


Fig.  175.  Mentha  piperita. 
Extrémité  florifère  et  fleur. 


(1)  Lysons,  Environs  of  London,  1800,  1,  254. 

(2)  De  Mentha  piperitide  Commentatio , Erlangat,  1780. 

(3)  Cette  description  est  tirée  du  mémoire  de  M.  Baker  sur  les  Menthes  anglaises, 
cité  it  la  page  173,  note  1. 


177 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Les  bractéolcs  sont  lancéolées,  acuminées,  légèrement  ciliées,  à peu 
près  de  môme  longueur  que  les  fleurs.  Les  pédicules  ont  de  2 à 
3 millimètres  de  long;  ils  sont  pourpres,  glanduleux,  mais  non  velus. 
Le  calice  est  souvent  pourpré,  son  tube  est  long  de  2 millimètres  à 
peu  près,  et  ses  dents  de  l millimètre.  Le  tube  est  cylindrique-campa- 
nulé,  pourpré,  non  velu,  mais  couvert  de  glandes  proéminentes  ; les 
dents  sont  lancéolôes-subulées,  et  munies  de  poils  courts  et  dressés. 
La  corolle  est  pourprée,  à peu  près  deux  fois  aussi  longue  que  le 
calice,  nue  en  dedans  et  en  dehors.  Le  fruit  est  lisse  (j rugueux , d’après 
nos  observations).  L’odeur  et  la  saveur  de  la  plante  cultivée  sont  très- 
aromatiques. 

Dans  la  variété  vulgaris  de  Sole,  M.  pipemta  [3  Smith,  la  plante  est 
damntage  velue;  elle  porte  des  épis  plus  larges  et  plus  courts,  ou  même 
presque  capités. 

Composition  ciiiniïf|uc. — Le  principe  pour  lequel  on  cultive  la  Menthe 
poivrée  est  l’huile  essentielle  (Oleum  Menthæ  piperitæ).  C’est  un  liquide 
incolore,  jaune  pâle  ou  verdâtre,  dont  le  poids  spécifique  varie  entre 
0,84  et  0,92.  Son  odeur  est  forte  et  agréable  ; sa  saveur  est  aromatique, 
et  accompagnée  d’une  sensation  de  froid,  lorsque  1 air  aspiré  traverse  la 
bouche.  Une  essence  fabriquée  à Mitcham,  et  examinée  en  colonne 
de  50  millimètres  de  long,  déviait  la  lumière  polarisée  de  14°  à gauche. 

Lorsqu’on  refroidit  l’huile  essentielle  de  Menthe  poivrée  à— 4°  C.,  elle 
laisse  parfois  déposer  des  cristaux  hexagonaux,  incolores,  d’un  Camphre 
de  Menthe , Cl0Hl9OH,  nommé  Menthol.  Ce  camphre,  dont  nous  n’avons 
pas  pu  observer  le  dépôt  dans  l’essence,  bout  à 212°  G.,  et  possède 
l’odeur  de  l’essence  brute.  Sa  solution  alcoolique  dévie  la  lumière  po- 
larisée à gauche.  La  proportion  de  menthol  contenue  dans  les  essences 
d’origines  différentes  est  très-variable.  Le  menthol  cristallisé,  pur, 
se  trouve  parfois  dans  le  commerce,  sous  le  nom  d 'Essence  chinoise  ou 
japonaise  de  Menthe  poivrée  (1). 

La  partie  liquide  de  l’essence  de  Menthe  poivrée  n’a  pas  encore  été 
étudiée  chimiquement.  Cette  essence  n’offre  pas  une  constitution  uni- 
forme; son  odeur  et  ses  propriétés  chimiques  sont  également  variables, 
et  nous  ne  possédons  aucun  moyen  satisfaisant  de  nous  assurer  de  sa 
valeur  et  de  sa  pureté.  Lorsqu’on  ajoute  1 goutte  d’acide  nitrique 


(1)  On  la  fabrique  îi  Canton,  par  distillation  d’une  plante  qui  paraît  être  le  Mcntha 
arvensis  L.  var.  javanica  (M.  javanica  Bl.).  En  1872,  il  fut  exporté  de  Canton  800  livres 
de  cette  essence,  estimée  à 30  sliellings  environ  la  livre,  fVoy.  Flückiger,  in  Phann. 
Journ.,  H oct.  1871,  321.) 

H1ST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


12 


178 


LABIÉES. 

(d  *’“)  a ^ a ^0  gouttes  d’essence,  le  mélange  passe  de  la  coloration 
jaunâtre  au  brun,  puis,  au  bout  d’une  heure  ou  deux,  devient  bleuâtre, 
violet  ou  verdâtre  ; dans  la  lumière  réfléchie,  il  paraît  rougeâtre  et 
non  transparent.  Cette  magnifique  coloration  dure  pendant  une  quin- 
zaine de  jours  (1).  Nous  avons  examiné,  à ce  point  de  vue,  les  di- 
vers échantillons,  d essence  de  Menthe  poivrée  que  nous  avons  eus 
à notre  disposition,  et  nous  nous  sommes  assurés  que  les  essences 
les  meilleures  sont  celles  qui  prennent  les  plus  belles  colorations  ; 
mais  ces  dernières  sont  soumises  à des  variations  très-appréciables. 
Une  essence  inférieure,  d origine  américaine,  ne  se  colora  pas;  un 
vieil  échantillon  d’une  essence  anglaise,  primitivement  excellente, 
ne  se  colora  pas  non  plus  sous  l’influence  du  réactif.  Le  menthol, 
qui  est  considéré  comme  l’essence  de  Menthe  poivrée  de  la  Chine, 
n’est  pas  modifié  par  le  même  réactif  (2).  Cette  réaction  de  l'acide  ni- 
trique ne  peut  pas  révéler  les  falsifications  de  l’essence  de  Menthe 
poivrée,  car  la  coloration  caractéristique  se  produit  avec  une  essence  à 
laquelle  on  a mélangé  une  quantité  considérable  d’essence  de  térében- 
thine. Des  colorations  remarquables  se  produisent  encore  dans  l’essence 
de  Menthe  poivrée,  sous  l’influence  de  divers  autres  agents  chimiques. 
Ainsi,  elle  se  colore  en  vert  ou  en  brun  sous  l’influence  du  chloral 
anhydre;  elle  devient  bleuâtre,  ou  verdâtre,  ou  rose,  lorsqu’on  l’agite 
avec  une  solution  concentrée  de  bisulfure  de  sodium.  Il  est  important 
de  faire  remarquer  que  les  essences  d’origine  différente,  qui  ne  peuvent 
pas  être  distinguées  au  moyen  de  l’acide  nitrique,  offrent  des  colora- 
tions tout  à fait  différentes  lorsqu'on  les  mélange  avec  l’un  des  liquides 
que  nous  venons  de  mentionner.  Ces  réactions  peuvent  être  utilisées 
dans  l’examen  des  diverses  sortes  commerciales  d’essences  de  Menthe 
poivrée.  Le  bisulfure  de  sodium  forme,  avec  certaines  sortes  d’essences 
de  Menthe  poivrée,  une  petite  quantité  d’un  composé  solide  que  nous 
n’avons  pas  encore  étudié. 

Production  et  commerce.  —Dans  plusieurs  parties  de  l’Europe  et  dans 
les  Etats-Unis,  on  cultive  la  Menthe  poivrée  sur  une  grande  échelle, 
comme  plante  médicinale.  En  Angleterre,  cette  culture  se  fait  dans 

(1)  Elle  peut  même  persister  beaucoup  plus  longtemps  si  on  ajoute  une  grande  quan- 
tité d’alcool  ou  d’éther.  La  solution  alcoolique,  convenablement  diluée,  de  l’essence  de 
Menthe  qui  a été  colorée  par  le  contact  avec  l’acide  azotique,  présente  des  particularités 
très- remarquables  quand  on  l’examine  au  spectroscope.  Elle  fait  voir  une  très-large 
bande  d’absorption  entre  la  partie  rouge  et  la  partie  orange  du  spectre,  et  plusieurs 
autres  vers  le  bleu.  (F.  A.  F.) 

(2)  Pharm.  Journ.,  25  février,  1871, 682. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  179 

les  environs  do  Mitch8.ni  dfiiis  le  Surjcy,  pi  os  de  Wisbocich  dans  le 
Gambridgeshire,  à Market  Deeping  dans  le  Lincolnshire,  et  à Hitchin 
dans  l’Hertfordshire.  A Mitcham,  en  1850,  500  acres  étaient  employés 
à cette  culture  ; en  1864,  il  n’y  en  avait  plus  que  219  acres  (1);  à Mar- 
ket Deeping,  il  y en  avait,  en  1871 , 150  acres  environ.  Le  produit  ordi- 
naire en  essence  peut  etre  évalué  entre  8 et  12  livies  pai  acie.  Les 
champs  de  Menthe  poivrée  de  Mitcham  sont  plats  ; le  sol  est  riche,  bien 
fumé,  et  naturellement  humide.  On  le  débarrasse  des  mauvaises  herbes, 
et  on  l’entretient  avec  beaucoup  de  soin.  On  fait  la  récolte  en  août,  et  on 
laisse  d’ordinaire  sécher  l’herbe  dans  les  champs  avant  de  la  soumettre 
àla  distillation.  Les  alambics  sont  très-grands;  ils  contiennent  de 
1 000  à 2 000  gallons  ; on  les  chauffe  avec  le  charbon  de  terre.  Chaque 
alambic  est  muni  d’un  appareil  condensateur  ordinaire,  qui  se  déverse 
dans  une  petite  cage  en  fer,  fermée  avec  un  cadenas,  et  contenant  le 
vase  dans  lequel  l’essence  se  dépose.  La  distillation  est  effectuée  à une 
température  aussi  basse  que  possible.  L’eau  qui  passe  avec  l’essence 
n’est  pas  redistillée  avec  un  autre  lot  de  plantes  ; on  la  laisse  en  ma- 
jeure partie  s’écouler,  et  on  n’en  conserve  qu’une  faible  portion  comme 
bénéfice  de  l’ouvrier.  Le  rendement  est  très-variable,  et  il  n’est  pas  fa- 
cile de  l’évaluer  avec  soin  (2).  On  estime  cependant  qu’une  tonne  de 
Menthe  poivrée  sèche  fournit  de  2 livres  1/2  à 3 livres  1/2  d’essence, 
c’est-à-dire  0,11  à 0,15  pour  100;  un  cultivateur  de  Mitcham  nous  a 
assuré  que  le  rendement  pouvait  s’élever  jusqu’à  6 livres  par  tonne, 
c’est-à-dire  à 0,26  pour  100. 

A Mitcham  et  dans  les  environs,  on  admet  aujourd’hui  deux  variétés 
de  Menthe  poivrée:  l’une  est  connue  sous  le  nom  de  Menthe  blanche , et 
l’autre  sous  celui  de  Menthe  noire  ; il  n’existe  entre  les  deux  qu’une  très- 
faible  différence.  La  Menthe  noire  possède  une  tige  pourprée,  tandis 
que  celle  de  la  Menthe  blanche  est  verte  ; les  feuilles  de  cette  dernière 
sont  aussi,  d’après  nos  observations,  plus  grossièrement  serretées  que 
celles  de  la  Menthe  noire.  Celle-ci  donne  plus  d’huile  essentielle,  et  est 


(1)  Pharm.  Journ.,  1851,  X,  297,  310  ; — Warren,  in  Pharm.  Journ.,  1868,  VI,  257. 
C’est  à ces  mémoires,  et  à nos  recherches  personnelles,  que  nous  devons  la  plupart  des 
détails  que  nous  donnons  sur  la  culture  de  la  Menthe  poivrée  il  Mitcham.  L’acre  vaut 
0,104  hectare,  le  gallon  vaut  1,54  litres. 

(2)  Les  grands  cultivateurs  seuls  possèdent  des  appareils  à distillation.  Ils  les  louent 
aux  petits  propriétaires,  qui  payent  une  certaine  somme  par  chaque  charge  do  l’appa- 
reil, c’est-à-dire  pour  la  quantité  qu’il  peut  contenir,  sans  qu'on  s’occupe  du  poids  des 
plantes  ; il  en  résulte  qu’on  préfère  distiller  les  plantes  à l’état  sec,  parce  que  l’appareil 
peut  en  contenir  davantage  que  si  elles  étaient  fraîches. 


180 


LABIÉES. 

plus  généralement  cultivée,  mais  l’essence  de  la  Menthe  blanche  possède 
une  odeur  plus  délicate,  et  atteint  un  prix  plus  élevé.  La  Menthe  blan- 
che passe  pour  être  cultivée  principalement  dans  le  but  d’être  desséchée 
en  faisceaux  ou,  comme  on  dit,  en  « bouquets  ». 

On  cultive  la  Menthe  poivrée  sur  une  large  échelle  en  Amérique,  et 
particulièrement  dans  le  sud  du  Michigan,  dans  l’ouest  du  New-York  et 
dans  l’Ohio.  La  plante  fut  introduite  dans  le  Michigan  en  1858  ; elle  y 
occupe  aujourd’hui  une  surface  de  2 000  acres  environ,  situés,  à l’ex- 
ception d’une  centaine,  dans  le  district  de  Saint-Joseph.  La  production 
moyenne  de  cette  localité  était  évaluée,  en  1858,  à 15000  livres, 
mais  elle  varie  beaucoup.  Pendant  la  saison  exceptionnelle  de  1855,  elle 
fut  de  30000  livres.  Nous  pouvons  supposer  qu’elle  est  aujourd’hui 
beaucoup  plus  considérable,  car  M.  H.  G.  Hotchkiss,  de  Lyons,  l’un  des 
distillateurs  les  plus  connus,  nous  informe,  dans  une  lettre  du  10  oc- 
tobre 1871,  que  la  quantité  expédiée  par  lui-même,  pendant  l’année 
précédente,  s’éleva  au  chiffre  énorme  de  57  365  livres.  D’après  les  sta- 
tistiques indiquées  par  Stearns  (I),  il  paraît  que  le  rendement  en  es- 
sence, par  acre,  est  un  peu  plus  élevé  qu’en  Angleterre,  mais  ces  docu- 
ments ne  présentent  guère  aucune  certitude. 

On  cultive  la  Menthe  poivrée  en  France,  à Sens,  dans  le  départe- 
ment de  l’Yonne  (2).  On  la  cultive  aussi  en  Saxe,  et  tout  récemment, 
elle  a été  introduite  dans  le  sud  de  l’Inde,  dans  les  montagnes  de 
Neilgherry. 

La  valeur  commerciale  de  l’huile  essentielle  de  Menthe  poivrée  est 
très-variable.  Celle  de  Mitcham  se  vend  deux  ou  trois  fois  plus  cher  que 
la  belle  essence  d’Amérique,  mais  sa  qualité  n’est  pas  non  plus  uni- 
forme, et  certains  champs  donnent  un  produit  beaucoup  plus  odorant 
que  d’autres.  Un  sol  humide,  et  imparfaitement  drainé,  est  connu  comme 
défavorable  à la  qualité  et  à la  quantité  de  l’essence.  La  présence  des 
herbes  sauvages  parmi  les  pieds  de  Menthe  constitue,  à Mitcham,  une 
cause  importante  de  détérioration  de  l’essence.  Certains  cultivateurs 
donnent  une  gratification  particulière  aux  ouvriers  pour  les  encourager 
à rejeter  avec  soin  toutes  les  herbes  étrangères,  lorsqu’ils  coupent  la 
Menthe  pour  la  distillation.  Un  cultivateur  de  notre  connaissance  fut 

(L)  Nous  devons  à son  mémoire  On  the  Peppermint  Plantations  of  Michigan  (in 
The  Proceeclings  of  the  Amer.  Pharm.  Assoc.,  185S),  les  quelques  détails  que  nous  don- 
nons, et  que  le  manque  d’espace  nous  oblige  à réduire. 

(2)  Journ.  de  Pharm.,  1868,  VIII,  130.  - Extrait  de  : Roze,  la  Menthe  poivrée,  sa 
culture  en  France,  ses  produits;  falsifications  de  l'essence,  et  moyens  de  les  reconnaître, 
Paris,  1868,  13  pages. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D ORIGINE  VÉGÉTALE.  181 

obligé  d’abandonner  la  culture  de  la  Menthe  poivrée,  à cause  de  l’impos- 
sibilité dans  laquelle  il  se  trouvait  de  détruire  le  Mentha  amenais,  qu’on 
ne  pouvait  pas  séparer  de  la  Menthe  poivrée,  et  qui  détruisait  le  par- 
fum de  cette  dernière.  En  Amérique,  de  grandes  pertes  sont  causées 
parla  présence,  dans  les  champs  de  Menthe  poivrée,  de  Y Eriger  on  ca- 
nadense  L.  Les  champs  nouvellement  défrichés,  et  plantés  de  Menthe 
poivrée,  sont  aussi  très-souvent  envahis  par  une  autre  plante  de  la  fa- 
mille des  Composées,  VErechtites  hieracifolia  Raf.,  qui  est  également 

très-nuisible  à la  qualité  de  1 essence  (I). 

Usages. La  solution  aqueuse  ou  alcoolique  d’essence  de  Menthe 

constitue  un  bon  stimulant,  qu’on  ajoute  fréquemment  à d’autres  médi- 
caments. On  consomme  beaucoup  l’essence  de  Menthe  poivrée  pour 
parfumer  les  bonbons  et  les  liqueurs. 


MENTHE  POULIOT. 

Herba  Pulegii;  Pouliot  vulgaire , Menthe  Pouliot  ; angl.,  Pennyroyal  (2);  allem.,  Polei. 

Origine  botanique.  — Mentlia  Pulegium  L.  C’est  une  petite  plante  vi- 
vace, aromatique,  commune  dans  le  sud  de  1 Europe,  et  s étendant  vers 
le  nord,  en  Suède,  en  Danemark,  en  Angleterre,  et  en  Irlande  ; vers 
l’est,  dans  l’Asie  Mineure  et  la  Perse;  et  vers  le  sud,  dans  l’Abyssinie, 
l’Algérie,  les  îles  de  Madère  et  de  Ténériffe.  Elle  a été  introduite  dans 
l’Amérique  du  Nord  (3),  et  dans  l’Amérique  du  Sud.  On  ne  la  cultive  que 
peu  pour  l’usage  médicinal. 

Historique.  — Le  Pouliot  jouissait  chez  les  anciens  d une  grande  i im- 
putation. Dioscoride  et  Pline  décrivent  ses  nombreuses  vertus.  Dans  le 
nord  de  l’Europe,  il  était  également  très-estimé,  ainsi  qu’on  peut  en 
juger  par  ce  qui  en  est  dit  dans  les  ouvrages  médicaux  Anglo-Saxons. 
Gcrarde  le  considérait  comme  « si  bien  connu  de  toute  la  nation  an- 
glaise», qu’il  jugeait  inutile  de  le  décrire.  A son  époque  (vers  1390),  on 
le  recueillait  d’ordinaire  dans  les  terrains  vagues  situés  autour  de 
la  capitale,  d’où  il  était  apporté  en  grande  quantité  sur  les  marchés  de 
Londres.  Aujourd’hui  le  Pouliot  est  tombé  dans  l’oubli,  et  n est  même 
pas  cité  dans  la  Pharmacopée  anglaise  de  1 867 . 

(1)  Maisch,  Amer.  Journ.  of  Pharm.,  mars  1870,  120. 

(2)  Le  nom  de  Pennyroyal , écrit  dans  les  vieux  herbiers  Puliol  royal,  dérive  de 
Puleium  regium , vieux  nom  latin  donné  îi  la  plante,  parce  qu  on  supposait  qu  elle  dé- 
truisait les  puces  (Prior). 

(3)  Le  Pouliot  des  Américains  ( Penny  royal)  est  cependant  une  plante  différente, 
YHedeoma  pulegioides  P eus. 


I 


LABIÉES. 

Description,  La  lige  du  Pouliot  est  basse,  décombante,  ramifiée; 
au  moment  de  la  floraison,  elle  atteint  15  centimètres  de  haut.  Ses 
ieudles  ont  à peine  2 centimètres  et  demi  de  long,  et  sont  souvent 
beaucoup  plus  courtes  ; elles  sont  pétiolées,  ovales,  obtuses  au  sommet, 
crénelées  sur  les  bords,  munies  de  glandes  à huile  sur  les  deux  faces! 
Les  flems  sont  disposées  au  sommet  de  la  tige  en  une  série  de  groupes 
en  apparence  verticillés,  denses,  globuleux.  La  plante  entière  est  plus  ou 
moins  velue.  Elle  possède  une  odeur  forte,  moins  agréable,  au  goût  du 
plus  grand  nombre  des  personnes,  que  celle  de  la  Menthe  verte  et  de  la 
Menthe  poivrée.  Sa  saveur,  très-masquée  dans  l’eau  distillée,  est  forte- 
ment aromatique. 

composition  chimique.  — Le  principe  constituant  le  plus  important 
du  Pouliot  est  l’huile  essentielle,  connue  en  pharmacie  sous  le  nom 
à'Oleum  Pulegii,  à laquelle  la  plante  doit  son  odeur.  Elle  a été  étu- 
diée par  Kane  (I)  en  1838.  D’après  cet  auteur,  son  poids  spécifique  est 
0,927  ; son  point  d’ébullition  varie  entre  183°  et  188°  C.,  et  sa  formule 
est  C10H1GO.  Nous  nous  sommes  assurés;qu’elle  ne  contient  pas  de  carvol. 

Production.  — Le  Pouliot  est  cultivé  à Mitcham.  On  le  vend  surtout 
à l’état  sec.  L’essence  de  Pouliot  du  commerce  est  en  effet,  en  majeure 
partie,  d’origine  allemande  ou  française,  et  se  vend  beaucoup  moins 
cher  que  pelle  qui  est  quelquefois  fabriquée  en  Angleterre. 

Usages.  — L’eau  distillée  de  Pouliot  est  carminative  et  antispasmo- 
dique, on  l’emploie  aux  mêmes  usages  que  l’eau  de  Menthe  poivrée. 


THYM  VULGAIRE. 

fferba  Thymi  vulgaris  ; angl.,  Garden  Tliyme  ; allem.,  Thymiankraut. 

Origine  botanique.  — Thymus  vulgaris  L.  C’est  une  petite  plante  suf- 
frutèseente,  ligneuse,  dressée,  ne  dépassant  pas  20  à 25  centimètres  de 
haut.  Elle  vit  en  abondance  dans  les  terrains  incultes  du  Portugal,  de 
l’Espagne,  de  la  France  et  de  l’Italie,  et  dans  les  parties  montagneuses 
de  la  Grèce  (a). 

Sur  le  mont  Ventoux,  près  d’Avignon,  elle  s’élève  jusqu’à  1 100  mè- 
tres au-dessus  du  niveau  de  la  mer  (Martins).  On  la  cultive  communément 
dans  les  jardins  anglais  (2). 

(1)  Phil.Mag .,  1838,  XIII,  442. 

(2)  Un  grand  nombre  des  détails  chimiques  que  nous  donnons  sur  le  Thym  s’ap- 
pliquent au  Thym  sauvage  ( Thymus  Serpyllum ) et  non  au  Thymus  vulgaris  L. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  183 

Historique.  — Le  Thym  vulgaire  était  beaucoup  cultivé  en  Angle- 
terre au  seizième  siècle,  et  a été  bien  figuré  et  décrit  à cette  époque  par 
Gcrarde.  Il  passe  môme  pour  avoir  ôté  cultivé  sur  une  grande  échelle, 
pour  l’usage  médical,  dans  les  environs  de  Deal  et  de  Sandwich,  dans  le 
I^nt  (1).  Le  Thymol  ou  Camphre  du  Thym  fut  décrit  par  Neumann,  apo- 
thicaire de  la  cour,  à Berlin,  en  1725  (2). 

Description.  - La  plante  produit  des  tiges  ramifiées,  ligneuses, 
grêles,  à feuilles  sessiles,  linéaires-lancéolées,  ou  ovales-lanceolecs  ; 
longues  de  i centimètre  environ,  révolutées  sur  les  bords,  plus  ou 
moins  blanchâtres,  surtout  sur  la  face  supérieure,  et  couvertes  de  glandes 
à huile.  Les  fleurs  sont  petites,  pourpres  ; elles  sont  disposées  en  in- 
florescences capitées,  terminales,  et  en  groupes  situés  plus  bas  sur  la 
tige,  dans  l’aisselle  des  feuilles.  La  plante  entière  possède  une  colora- 
tion grisâtre  due  à des  poils  blancs  et  très-courts.  Elle  exhale,  lorsqu’on 
la  froisse,  une  odeur  très-vive,  et  possède  une  saveur  aromatique  très- 
prononcée  (3). 

Production  de  l’huile  essentielle.  — Le  Thym  n’est  cultivé  dans  les 
jardins  anglais  que  pour  les  usages  culinaires.  Son  huile  essentielle 
( Oleum  Thymi ),  qui  seule  intéresse  les  droguistes,  est  distillée  dans  le 
sud  de  la  France.  Dans  les  environs  de  Nîmes,  où  nous  avons  observé 
les  procédés  d’extraction,  on  emploie  la  plante  entière,  et  on  fait  deux 
distillations  par  an  : l’une  pendant  les  mois  de  mai  et  de  juin,  tandis 
que  la  plante  est  en  fleur,  et  l'autre  en  automne.  L’essence  est  colorée 
en  brun  rougeâtre,  foncé  ; elle  devient  incolore,  et  en  même  temps 
moins  odorante,  lorsqu’on  la  redistille.  Les  deux  sortes  d essences  se 
trouvent  dans  le  commerce,  sous  les  noms  d 'Huile  rouge  de  Thym , et 
d 'Huile  blanche  de  Thym.  Dans  le  commerce  anglais,  on  désigne  fré- 
quemment l’essence  de  Thym  sous  le  nom  de  Oïl  of  Onganum , mais 
elle  ne  ressemble  nullement  à l’essence  d’Origan  qui,  à notre  connais- 
sance, ne  se  trouve  jamais  dans  le  commerce  (4). 

Composition  chimique.  — L’essence  de  Thym,  sous  l’influence  de 
distillations  fractionnées,  se  divise  en  deux  parties  : la  première,  bouil- 
lant entre  178°  et  180°,  est  un  mélange  de  Cymène,  C10H1 2 3 4\  et  de  Thy- 
mène,  C10HIG.  La  seconde  constitue  le  Thymol , C10HuO,  dont  les  relations 


(1)  Bootii,  in  Treasury  of  Botany,  1866,  II,  1149. 

(2)  Pliil.  trans.,  n°  389.  ... 

(3)  Cette  description  est  faite  d’après  des  échantillons  sauvages.  La  plante  cultivée 
dans  les  jardins  est  plus  luxuriante,  plus  verte,  et  beaucoup  moins  tomeuteuse. 

(4)  Voyez  une  note  sur  V Essence  véritable  d’Origan , in  Phurm.  Journ.  1831 , X,  3-  i. 


LABIÉES. 

avec  le  Phénol  sont  indiquées  par  la  formule  C6H3.OILCH3.C3H3,  qui  re- 
piésonte  la  structure  du  thymol.  11  forme  de  gros  cristaux  du  système 
hexagonal,  fondant  h 44°,  et  entrant  en  ébullition  à 230°.  Le  thymol 
peut  facilement  être  extrait  de  l’essence  brute  de  Thym  à l’aide  des  al- 
calis caustiques,  dans  lesquels  il  se  dissout  aussi  facilement  que  le 
phénol.  Le  thymol  présente  le  plus  grand  intérêt  théorique. 

Usages.  — L’essence  de  Thym  est  un  stimulant  externe  efficace,  et 
est  parfois  employée  en  Uniment.  Elle  trouve  son  emploi  le  plus  important 
dans  la  médecine  vétérinaire.  Le  thymol  a été  proposé,  sous  le  nom 
d’acide  thymique,  comme  désinfectant,  à la  place  de  l’acide  carbolique, 
pour  les  cas  ou  1 odeur  et  les  propriétés  toxiques  de  ce  dernier  font 
rejeter  son  emploi.  L herbe  elle-même  n’est  pas  usitée  dans  la  mé- 
decine anglaise  moderne,  mais  on  l’emploie  souvent  sur  le  continent. 

(a)  Les  Thyms  ( Thymus  L.,  Généra,  u°  727,  ex  parte)  sont  des  Labiées  de  la  tribu 
des  Saturéinées.  Le  calice  est  tubuleux,  campanulé,  parcouru  par  10  à 13  ner- 
vures, bilabié,  la  lèvre  supérieure  étant  formée  de  trois  lobes  aigus,  et  l'infé- 
rieure de  deux  lobes  plus  étroits  et  plus  profondément 
divisés.  La  gorge  du  calice  est  munie  de  poils  blancs.  La 
corolle  est  formée  d’un  tube  à peine  plus  long  que  le 
calice,  et  d’un  limbe  bilabié,  à lèvre  supérieure  droite, 
plane,  simplement  éehancrée  au  sommet,  à lèvre  infé- 
rieure étalée,  divisée  profondément  en  trois  lobes  égaux, 
ou  le  médian  un  peu  plus  développé.  L’androcée  est  formé 
de  quatre  étamines  exsertes,  situées  deux  de  chaque  côté 
du  pétale  moyen  de  la  lèvre  inférieure,  et  deux  entre  les 
pétales  latéraux  de  cette  lèvre  et  les  lobes  de  la  lèvre 
supérieure.  Les  deux  dernières  sont  plus  courtes  que  les 
autres.  Les  anthères  sont  biloculaires,  à loges  parallèles 
ou  divergentes.  L’ovaire  est  celui  de  toutes  les  Labiées; 
il  est  surmonté  d’un  long  style  exsert,  recourbé  en  haut 
et  bifide  au  sommet.  Le  fruit  est  constitué  par  quatre  nu- 
cules  ovoïdes  ou  subglobuleux.  Les  fleurs  sont  petites, 
blanches  ou  roses,  ou  purpurines;  elles  sont  disposées 
en  cy mes  rapprochées  en  épis  au  sommet  des  rameaux. 

Le  Thymus  Serpyllum  L.  ( Spec .,  82o,  ex  parte)  vulg. 
Serpolet,  Thym  bâtard,  Pouliot  bâtard , auquel  s’appli- 
que en  grande  partie  ce  qui  a été  dit  des  propriétés 
chimiques  du  Thym  dans  l’article  ci-dessus,  se  distingue 
du  Thymus  vulgaris  par  sa  souche  traçante,  très-ra- 
meuse, et  par  ses  rameaux  nombreux,  couchés  sur  le  sol, 
radicants,  redressés  au  sommet,  et  portant  des  branches  ascendantes  simples  ou  ra- 
meuses, munies  de  cymes  multiflores  dans  l’aisselle  de  leurs  feuilles  supérieures. 
Les  rameaux  sont  plus  ou  moins  pubescents.  Les  feuilles  sont  très-petites,  sessiles, 
glabres  ou  pubescentes,  ovales  ou  oblongues,  étroites  ou  linéaires-oblongues,  ai- 
guës au  sommet,  entières  et  ordinairement  ciliées  sur  les  bords,  qui  sont  repliés  en 


Fig.  176. 

Thymus  Serpyllum. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  I8o 

, elles  sont  ponctuées,  glanduleuses  soc  la  face  inférieure.  Les  fleurs  sont 

disposée’s  en  cymos  multiflores  réunies  en 

T : « d.  caiic;  es, 

n“£Tun  f eeu  de  poils  I, loues,  serrés.  Le  Serpolet  habite  les  endroits  secs, 


Fig.  177.  Fleur  entière. 


Fig.  178.  Fleur  ooupée  verticalement. 
Thymus  Serpyllum. 


sablonneux,  où  il  couvre  souvent  de  grandes  surfaces.  Dans  les  environs  de  Paris,  il 
fleurit  de  juin  à octobre. 

MM.  Cosson  et  Germain  de  Saint-Pierre  ( Flor . Par.,  394)  en  distinguent  deux 

a.  Serpyllum  ( Thymus  Serpyllum  Fries),  à tiges  appliquées  sur  le  sol,  t è - 
radicantes,  couvertes  sur  toute  leur  surface  de  petits  poils  réfléchis  ; a feuilles  atté- 
nuées à la  base  et  munies  de  nervures  saillantes,  à cymes  rapprochées  en  tetes  glo- 
buleuses ou  ovoïdes  très-compactes. 

b Chamœdris  {Thymus  Chamœdris  Fries),  à tiges  couchées  ascendantes,  offrant 
seulement  de  deux  il  quatre  rangées  de  poils  ; à feuilles  ordinairement  pét.olees 
munies  de  nervures  peu  saillantes  ; à cymes  disposées  en  épis  interrompus.  LIrad.J 


romarin. 

Herba  Rosmarini ; Herba'Antlios ; angl.,  Rosemary  ; allom.,  Rosmcinn. 

Origine  botanique.  — Rosmarinus  officinalis  L.  — C’est  un  arbuste 
toujours  vert,  atteignant  de  90  centimètres  à lm,c20  de  hauteur,  abon- 
dant sur  les  collines  sèches  et  rocheuses  de  la  région  méditerranéenne, 
depuis  la  péninsule  espagnole  jusqu’à  la  Grèce  et  à l’Asie  Mineure.  Il 
recherche  d’ordinaire  le  voisinage  de  la  mer,  mais  on  le  trouve  jusque 
dans  le  Sahara,  où  il  est  recueilli  et  transporté  par  des  caravanes 

jusque  dans  le  centre  de  l’Afrique  (I). 

Historique.  — Le  Romarin  (2)  est  mentionné  par  Pline,  qui  lui  assigne 

(1)  Duveyrier,  Les  Touaregs  du  Nord,  1864,  187.  . . 

(2)  De  ros  et  marinus,  littéralement  rosée  marine.  Diverses  opinions  ont  été  émises 

au  sujet  de  l’allusion  contenue  dans  ce  nom. 


180  LABIÉES: 

do  nombreuses  vertus.  Il  était  bien  connu  des  médecins  arabes  d’Es- 
pagne. L un  d eux,  Ibn  Baytar,  au  treizième  siècle,  dit  qu’il  fait  partie 
du  commerce  des  vendeurs  d’aromates  (1).  Au  moyen  âge,  le  Romarin 
était  incontestablement  très-estimé,  ainsi  que  nous  pouvons  en  juger 
par  ce  fait  qu’il  figure  parmi  les  plantes  dont  Charlemagne  ordonna  la 
culture  dans  les  fermes  .impériales.  John  Philip  de  Lignamine  (2),  écri- 
Aain  (1li  quinzième  siècle,  le  décrit  comme  un  condiment  ordinaire 

des  viandes  salées.  On  le  cultivait  probablement  en 
Angleterre  avant  la  conquête  des  Normands,  car 
son  emploi  est  recommandé  dans  un  herbier  anglo- 
saxon  du  onzième  siècle  (3).  L’huile  essentielle 
de  Romarin  fut  distillée  pour  la  première  fois, 
vers  1330,  parRaymundus  Lullus  (4). 

Description.  — Le  Romarin  possède  des  feuilles 
opposées,  entières,  sessiles,  linéaires,  longues  de 
2 centimètres  et  demi  environ,  révolutées  sur  les 
bords,  coriaces,  vertes  et  glabres  en  dessus,  cou- 
vertes en  dessous  d’un  tomentum  dense  et  blanc. 
Quand  on  examine  à la  loupe  je  tomentum  des 
feuilles  et  des  jeunes  bourgeons,  il  se  montre  formé 
de  poils  blancs,  pressés  les  uns  contre  les  autres, 
étoiles.  Paimi  les  poils  étoilés  qui  forment  le  tomentum  des  pousses  et 


Fig.  179. 

Rosmarinus  officinalis. 


Fig.  180.  Fleur  entière. 


Fig.  181.  Fleur  coupée  verticalement. 
Rosmarinus  officinalis. 


qui  sont  plus  ou  moins  serrés,  on  peut  distinguer  de  petites  glandes  à 
essence.  Ces. glandes  sont  de  deux  sortes  : les  unes  grandes,  les  autres 


(1)  Traduction  de  Sontheimer,  1,73. 

(2)  Conservatorium  Sanitatis,  cap.  81. 

(3)  Herbarium  Apuleii  ( Leechcloms , etc.,  of  Early  England,  1864,  1,  185). 

(4)  Manget,  Ribtiotheca  chemica  curiosa,  Genevæ,  1702,  I,  829. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  187 

eU„  ne  fournissent  probablement  pas  la  même  essence.  Les 

Tels  offrent  un  caliee  bi.abié,  campanulé,  et  une  corolle  blanche  ou 
in  ,m0  Tn  lpvre  supérieure  du  limbe  de  la  corolle  est 

émargbôe  et  dressée;  la  lèvre  inférieure  est  trilobée,  avec  le  lobe 
médian  concave  et  pendant.  La  plante  entière  ^ ^odenr  res 
agréable,  et  possède  une  saveur  aromatique,  forte.  Elle  lleu.it 

"" essentielle.  - Le  Romarin  est  cultivé  sur  une 

très-grande  échelle  dans  les  jardins  anglais  de  production,  mais  qu  i 
„u  i Pait  parfois  distillée,  l’huile  essentielle  anglaise  ne  constitue  pas 

un  obiet  de  commerce.  .Celle  qui  figure  sur  les  marches  est  fabriquée 

dans  le  sud  de  la  France  et  sur  les  côtes  voisines  de  1 Ita ha.  La  plante 
y pousse  abondamment  à l’état  sauvage  ; on  la  recolle  a 1 automne,  et 
non  pendant  la  floraison.  Les  distillateurs  sont  parfois  des  herboristes 
ambulants  qui  transportent  leur  appareil  de  place  en  place,  et  le  m 
lent  dans  les  endroits  où  l’herbe  est  abondante,  et  ou  un  courant  c eau 
permet  d’employer  un  condensateur  de  construction  tres-pr.mitive 
L’essence  de  Romarin  est  aussi  fabriquée,  en  assez  grande  quantité,  dans 
nie  de  Lésine,  au  sud  de  Spalato,  dans  la  Dalmatie,  d ou  elle  est  exp 
tée,  par  la  voie  de  Trieste,  en  France,  et  en  Italie,  en  quantité  cens.- 

dérable,  de  300  à 330  quintaux  par  an  (1). 

Quelques  fabricants  français  offrent  une  essence  de  Romarin  d un 
prix  élevé,  comme  retirée  clés  fleurs.  Nous  pensons  qu  il  faut  en- 
tendre par  cette  expression  les  sommités  fleuries,  car  on  ne  pourrai 
retirer  des  fleurs  seules  qu’une  très-faible  quantité  d’essence.  La  plus 
grande  quantité  de  celle  qu’on  trouve  dans  le  commerce  est  obtenue  par 

distillation  de  la  plante  entière. 

composition  chimique.  - L’odeur  du  Romarin  est  due  à l’essence, 
que  nous  avons  trouvée  lévogyre.  En  soumettant  cette  essence  a la  dis- 
tillation fractionnée,  on  remarque  qu’elle  fournit  à peu  près  les  4/o  de 
son  poids  d’une  essence  bouillant  entre  165°  et  172°,  qui  correspon 
aux  essences  de  térébenthine  lévogyres.  Mais  les  portions  de  1 essence 
qui  passent  à partir  de  200»  présentent  un  pouvoir  rotatoire  a droite,  et 
prennent  une  odeur  décidément  camphrée,  quand  on  les  chaufle  légè- 
rement avec  de  l’acide  azotique.  _ v , 

Traitée  par  l’acide  ebromique,  l’essence  de  Romarin  a onn  a o 


(1)  Unger,  Ber  Romarin  und  seine  Verwcndung  in  Dalmatien  (in  Sitzungsberichte 
der  Wiener  Akademie,  1867,  LVI,  686). 


LABIÉES. 

(1853)  de  1 acide  Limettique;  nous  estimons  que  c’est  simplement  de 
V acide  Téréphtalique , C°H*(COOH)«. 

L essence  de  Romarin  laisse  déposer,  à une  basse  température,  un  stéa- 
roptène  qui,  d’après  les  recherches  de  Montgolfier  (1876),  paraît  être 
constitué  par  deux  camphres  doués  de  pouvoirs  rotatoires  opposés. 

Usages.  -Les  sommités  fleuries  et  les  feuilles  sèches  sont  conservées 
par  les  herboristes,  mais  ne  sont  pas  employées  dans  la  médecine  offi- 
cielle. L huile  essentielle  est  employée  comme  stimulant  externe,  en 
liniments,  et  comme  parfum.  On  admet  généralement  dans  le  public 
que  le  Romarin  provoque  la  pousse  des  cheveux. 


MÉLISSE. 

Herbci  Melissæ  officinalis  ; angl.,  Common  Balm  ; allcm.,  Melissenkraut,  Citronenkraut. 

Origine  botanique.  — Melissa  officinalis  L. 

^ Les  Mélisses  ( Melissa  Tournefort,  Instit.,  t.  91)  sont  des  Labiées  de  la  tribu  des 
Saturéinées,  à calice  tubuleux,  campanulé,  bilabié  ; à corolle  bilabiée  ; à quatre 
étamines  plus  ou  moins  conniventes  sous  la  lèvre  supérieure  de  la  corolle,  didy- 
names,  les  deux  inférieures  plus  grandes. 

La  Mélisse  officinale  ( Melissa  officinalis  L.,  Species , 827)  est  une  plante  à ra- 
meaux aériens  buissonnants  sur  une  souclie  vivace, 
dressés,  très-ramifiés,  à branches  étalées,  hautes  de 
30  à 80  centimètres,  plus  ou  moins  velues,  quadran- 
gulaires.  Les  feuilles  sont  opposées,  pétiolées,  sim- 
ples, colorées  en  vert  gai,  ovales,  crénelées  sur  les 
bords,  obtuses  au  sommet,  arrondies  et  quelquefois 
même  cordées  à la  base,  très-velues,  longues  de  0 
à 8 centimètres  et  larges  de  3 à 5 centimètres.  Le  limbe 
forme,  entre  les  nervures  anastomosées  en  réseau,  des 
saillies  qui  donnent  à la  feuille  un  aspect  gaufré. 
Les  fleurs  sont  disposées,  au  sommet  des  rameaux, 
en  cyrnes  axillaires  de  six  à douze  fleurs  chacune, 
courtement  pédonculées , toutes  dirigées  vers  le 
même  côté  de  l’axe,  plus  courtes  que  les  feuilles 
axi liantes.  Le  calice  est  tubuleux,  campanulé,  aplati 
en  dessus,  parcouru  par  treize  stries  longitudinales, 
muni  d’une  touffe  de  poils  en  dedans,  au  niveau  de 
la  gorge,  velu  sur  toute  sa  face  externe,  à limbe 
bilabié,  la  lèvre  supérieure  ascendante,  large,  plane, 
réticulée,  veinée,  découpée  en  trois  dents  très-courtes,  mucronées  ; la  lèvre  infé- 
rieure bifide,  k dents  lancéolées,  aristées.  La  corolle  est  plus  longue  que  le  calice; 
son  tube  est  un  peu  courbé,  dépourvu  d’anneau  de  poils  ; son  limbe  est  bilabié,  à 
lèvre  supérieure  dressée,  concave,  émarginée,  simplement  échancrée  au  niveau  de  la 
ligne  médiane,  à lèvre  inférieure  divisée  en  trois  lobes  inégaux,  le  médian  plus  grand 
que  les  latéraux.  Dans  la  préfloraison,  la  lèvre  supérieure  recouvre  les  deux  lobes 


182.  Melissa  officinalis. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  189 

, ■ i 1 ij>  i>o  inférieure  oui  à leur  tour  recouvrent  le  lobe  médian.  L'androoée 
latéraux  de  la  lèvie  mfé  q ^ ^ infépioureg  plu8  grandes,  alternes  avec  le 

se  compose  de  quatie  etc  , supérieures  situées  entre  les  deux  lobes 

!“!"  mMir  ÆtrXîU  s-  rrM  r 

latéraux  de  cette  loue  et  16^supérieure,  manque  complètement.  Les  quatre 

située  entre .les  to  «1,  c01ltre  „ lèvre  supérieure  de  le  corolle.  Les 

etammes  sont  tele ée  o PP  1 ni,eau  de  le  gorge,  et  portent  chacun 

mets  sont  comte  ™ tube  unie8  pal.  leur  sommet,  introrses  , dehts- 

r.::1  p”a;s  u. 

dhabord  hilocidann,  puis  quadidocu  au^,  ‘r,iments  uni„,ulés.  Chaque  fausse  loge 

fausse  cloison  qui  ait  ^ ^ ^ ^ tateme,  ascendant,  avec  le 

contient  un  u c «.a  p , stJle  est  gjnohasique  et  bifide  a»  sommet. 

Sttï 1 quatre  «haines  oblongs,  bruns,  monospermes,  a graine  con- 
tenant un  embryon  entouré  d un  froisse  entre  les  doigts,  une 

Toutes  les  parties  de  la  plan  e exhal  n 1 sq  on  les  k £ 

odeur  agréable,  analogue  a ce  e e u ci  1 ' fructification  est  avancée,  elle 

Elle  possède  une  -tenrana.ogn^  celle  du  chton  ÇWe  e,  un  ^ • 

“«in  avec  beau.  E„e  contient  aussi  une  su, 

stance  résineuse,  amère.  , f mip„  dp  ia  niante.  Il 

Rfcolte  - On  emploie  uniquement  les  sommité,  et  les  feu  lies  de  là  pu 

smmmm 

avec  leur  coloration,  il  faut  les  cueillir  avant  la  floraison,  les 

faire  sécher  an  soleil  ou  1 l'étuve,  et  les  conserver  dans  un  endioit  , P 

ta. 

tlt^^dSeÆnr,  etc.  Elle  forme  1»  base  de  l'Eau  de 
Mélisse  des  Carmes.  [Trad.] 


SAUGE  OFFICINALE. 


Origine  botanique.  — Salvia  officinal is  L.  „ de  i„  tribu  des 

Les  Sauges  [Salvia  Tournent,  InstiL,  t.  83)  sont  des  Lid  ne  , de 

Monardées,  à calice  tubuleux,  bùabié,  nu  au  niveau  a g g > , ;mdl.oc6e 

biée,  avec  la  lèvre  supérieure  concave  et  recourbée  eu  orm.  p d.im’  £uet  collrl, 
constitué  seulement  par  deux  étamines  fertiles,  formées  « 
articulé  avec  un  connectif  très-allongé  transversalcm.en  en  me 
chacune  de  ses  extrémités  une  loge,  la  loge  inférieure  étant 

Le  Salvia  officinalis  L.  (Spec. , 34)  est  une  plante  a tige  suffrutescente  a la  base, 


190 


LABIÉES. 

*es  l’ilmeaux  supérieurs  se  desséchant  chaque  année  après  la  maturation  des  fruits, 
tandis  que  les  inférieurs  persistent.  Les  rameaux  sont  buissonnants,  dressés,  très-ra- 
mifiés,  hauts  de  20  à 50  centimètres,  quadrangulaircs,  blanchâtres,  pubescents.  Les 
feuilles  sont  opposées,  simples,  d’un  vert  blanchâtre,  plus  ou  moins  pubescentcs, 
finement  réticulées  et  rugueuses,  épaisses,  gauffrées,  finement  crénelées  sur  les 
bords.  Les  feuilles  inférieures  sont  pétiolées,  oblongues-lancéolées,  quelquefois  auri- 
culées  à la  base,  longues  de  12  à 15  centimètres,  larges  de  2 à 3 centimètres  avec  un 

pétiole  long  de  4 à 5 centimètres.  Les  supérieures  sont  plus 
petites,  sessiles,  acuminées,  aiguës.  Les  fleurs  sont  courte- 
mcnt  pédicellées,  et  disposées  en  cymes  axillaires  de  trois 
a quatre  fleurs  dans  l’aisselle  de  bractées  opposées,  larges, 
ovales,  acuminées,  mucronées,  caduques.  Le  calice  estpu- 
bescent,  campanulé  ; sou  tube  est  nu  au  niveau  de  la  gorge  ; 
son  limbe  est  bilabié,  la  lèvre  supérieure  tridentée,  et  l’infé- 
rieure bifide,  avec  toutes  les  divisions  lancéolées,  mucronées, 
carénées.  La  corolle  est  violette,  à tube  court,  muni  d’un 
anneau  transversal  de  poils;  à limbe  divisé  en  deux  lèvres 
très-distinctes.  La  lèvre  supérieure  est  à peu  près  droite, 
émarginée,  comprimée,  creusée  en  forme  de  capuchon  ; la 
lèvre  inférieure  est  trilobée.  L’androcée  est  formé  de  deux 
staminodes  répondant  aux  deux  étamines  supérieures  de  la 
Mélisse  (voy.  page  188),  et  réduitsàdes  fdets  très-courts,  et 
de  deux  étamines  fertilesalternesavecle lobe  médian  delà 
lèvre  inférieure  de  la  corolle.  Leurs  filets  sont  connés  avec  le 
Fig.  183.  Salvia  o/pcinalis,  tube  de  la  corolle,  très-courts  dans  leur  partie  libre.  Chaque 
infioiesccncc.  filet  s’articule  avec  un  long  connectif  cylindrique,  courbé 

en  arc,  formé  de  deux  branches  inégales:  la  supérieure,  logée  dans  le  capuchon  que 
forme  la  lèvre  supérieure  de  la  corolle,  porte  une  loge  anthérique  fertile,  oblongue, 

déhiscente  par  une  fente 
longitudinale;  l’inférieure, 
pluscourte,estterminée  par 
une  loge  souvent  avortée, 
arrondie,  insérée  presque 
latéralement.  Le  gynécée 
est  comme  celui  de  toutes 
les  Labiées.  Le  style,  logé 
dans  la  lèvre  supérieure  de 
la  corolle,  se  termine  par 
deux  branches  stigmati- 
ques  inégales.  Le  fruit  est 
semblable  à celui  des  Labiées  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Toutes  les  parties  de  la 
Sauge  olficinale  exhalent  une  odeur  forte,  aromatique,  spéciale,  qui  persiste  après 
la  dessiccation,  et  une  saveur  chaude,  piquante,  agréable,  accompagnée  d’un  peu 
d’amertume. 

1 ropmétés  chimiques.  La  Sauge  doit  ses  propriétés  à uue  essence  verte  dont 
la  dentite  est  0,89(5,  a 12°  G.  Son  pouvoir  rotatoire  est  de  8,93  et  son  indice  de  ré- 
fraction 1,475.  D’après  Rochleder  (1),  elle  est  formée  parle  mélange  d’un  hydrocar- 

(1)  Annal,  der  Chem,  und  Pharm.,  LXIV,  4. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 


191 


luire  et  d’an  corps  oxygéné  identique  au  camphre  des  Laurinées.  La  Sauge  contient 
un  peu  d’acide  gallique. 

Culture  et  Récolte.  - La  Sauge  officinale  est  cultivée  pour  1 usage  pharmaceu- 
tique dans  les  parties  méridionales  de  l’Europe,  et  particulièrement  en  France  dans  le 
Languedoc  et  la  Provence,  où  elle  croît  d’ailleurs  à l’état  sauvage.  Elle  préfère  les 
terrains  légers  et  un  peu  chauds.  La  plus  active  est  celle  qui  croit  dans  les  terrains 
secs  et  élevés,  à l’état  sauvage.  On  la  multiplie  à l’aule  d’eclats  de  pied  qu  on  fait  au 
printemps,  et  qu’on  replante  de  suite  dans  un  terrain  bien  préparé  en  les  dispo- 
sant à 4b  centimètres  les  uns  des  autres.  Il  faut  renouveler  la  plante  tous  les  tiois  ou 

quatre  ans.  , . 

On  emploie  les  feuilles  et  les  fleurs.  On  récolte  les  fleurs  en  plein  épanouisse- 
ment. Les  feuilles  peuvent  être  cueillies  en  toute  saison,  mais  on  les  recolle  de  pré- 
férence au  printemps,  avant  la  floraison,  ou  en  automne.  On  les  fait  sécher  au  so  ci  , 

ce  qui  ne  leur  enlève  aucune  de  leurs  propriétés. 

Usages.  — La  Sauge  est  aujourd’hui  peu  employée  par  les  médecins,  mais  e e 
Test  beaucoup  dans  les  campagnes,  où  on  la  considère  comme  douée  de  qualités  febii- 
fuges.  Les  Chinois  la  recherchaient  autrefois  beaucoup  et  la  préféraient  au  the. 
D’après  Valmont  de  Bomare,  ils  donnaient,  à la  fin  du  siècle  dernier,  deux  caisses 
de  thé  pour  une  caisse  de  Sauge  apportée  par  les  Hollandais.  Dans  les  parties  méii- 
dionales  de  l’Europe,  on  en  fait  des  infusions  destinées  à remplacer  le  thé  ; on  en 
parfume  les  sauces,  les  jambons,  etc.  [Trad.] 


AUTRES  ESPÈCES  EMPLOYÉES. 

1°  Salvia  pralensis  L.  ( Species , 3b).  — C’est  une  petite  plante  herbacée,  à 
souche  vivace,  à lige  ‘aérienne  souvent  unique,  mourant  chaque  année  après  la  flo- 
raison, dressée,  ascendante,  simple  ou  ramifiée  dans 
le  haut,  peu  feuillée,  velue,  terminée  par  un  long  épi 
de  fleurs  bleues,  haute  de  20  à 80  centimètres  ou 
1 mètre.  A la  base  de  la  tige,  existe  une  grande  rosette 
de  feuilles  très-développées,  pétiolées,  ovales-lancéolées, 
un  peu  cordées  à la  base.  Les  feuilles  caulinaires  sont 
plus  petites,  sessiles  et  même  embrassantes  dans  le 
haut.  Elles  sont  réticulées,  gaufrées,  d’un  vert  foncé 
en  dessus,  plus  pâles  et  pubescentes  en  dessous,  inégale- 
ment incisées-crénelées  sur  les  boxais.  Les  fleurs  sont 
grandes,  courtement  pédonculées,  disposées  an  som- 
met des  rameaux  en  cymes  de  deux  à trois  fleui’s,  dans 
l’aisselle  de  bractées  opposées,  plus  courtes  que  le  calice, 
herbacées,  lai-ges,  ovales,  acuminées,  velues,  glandu- 
leuses, embrassantes,  réfléchies  après  leur  épanouisse- 
ment, puis  caduques.  Le  calice  est  couvert  de  poils 
glanduleux  ; sa  lèvre  supérieure  est  divisée  en  trois 
petites  dents  subulées,  conniveutes,  la  médiane  plus 
courte  ; sa  lèvre  inférieure  est  divisée  en  deux  lobes 
lancéolés.  La  corolle  est  ordinairement  d’un  beau  bleu, 
parfois  rose  ou  blanche  ; elle  est  deux  ou  trois  fois  plus  longue  que  le  calice,  cou- 
verte de  poils  glanduleux;  son  tube  est  plus  long  que  le  calice,  dilaté  vois  lô 


Fig.  ISO.  Salvia  pratennis. 
Extrémité  d’un  rameau  fleuri. 


192  PLANTAGINACÉES. 

liant,  dépourvu  de  bosse  sur  sa  face  antérieure  ; sa  lèvre  supérieure  est  recourbée  en 
faux,  comprimée  latéralement,  échancrée  au  sommet.  Le  style  est  terminé  par 
deux  branches  stigmatiques  de  longueur  inégale.  Les  fruits  sont  des  acharnés  bruns, 
lisses  et  luisants.  Le  Salvia  pratensis  croît  indifféremment  dons  les  plaines  hu- 
mides et  sur  les  coteaux  arides. 

Toutes  les  parties  herbacées  de  la  plante  sont  douées  d’une  odeur  désagréable 
très-prononcée,  surtout  quand  on  les  froisse.  Les  fleurs  sont  dépourvues  d’odeur. 

La  Sauge  des  près  jouit  de  propriétés  excitantes  moins  prononcées  que  celles  de 
la  Sauge  officinale,  dont  elle  n a pas  la  saveur  agréable,  et  qu’elle  est  par  suite  inca- 
pable de  remplacer  comme  aromate. 

2»  Saloia  Sclarea  L.  ( Species , 38)  vulg.  Toute  Bonne,  Sclarée,  Oroale.  — C’est 
une  plante  vivace,  a tiges  multiples,  dressées,  très-rami fiées  au  sommet,  quadrangu- 
laires,  liantes  de  30  centimètres  «à  1 mètre,  velues,  glanduleuses.  Les  feuilles  sont  ré- 
ticulées et  gauffre.es,  bosselées,  couvertes  de  poils  courts  et  laineux  \ elles  sont  pres- 
que toutes  pétiolées,  les  supérieures  seules  sont  sessiles,  ovales  ou  oblongues,  sou- 
vent cordées  a la  base,  les  inférieures  plus  obtuses,  irrégulièrement  crénelées  ou 
dentées  sur  les  bords,  colorées  en  vert  plus  pâle  sur  la  face  inférieure.  Les  fleurs 
sont  disposées  au  sommet  des  rameaux  en  longs  épis  de  cymes  à trois  ou  quatre 
fleurs  courtement  pédonculées,  situées  dans  l’aisselle  de  grandes  bractées  opposées, 
membraneuses,  rosées  ou  violacées,  plus  longues  que  le  calice,  larges  et  concaves, 
ciliées,  suborbiculaires,  cordées,  terminées  par  une  pointe  allongée,  réfléchies  après 
1 épanouissement  des  fleurs.  Le  calice  est  couvert.de  poils  glanduleux  ; sa  lèvre  su- 
périeure est  divisée  en  trois  dents  courtes,  triangulaires,  aristées,  écartées  les  unes 
des  autres,  la  médiane  plus  courte  que  les  deux  latérales  ; la  lèvre  inférieure  est 
bifide,  à dents  lancéolées,  aiguës,  aristées.  La  corolle  est  grande,  colorée  en  violet 
très-pâle,  couverte  de  poils  glanduleux,  à tube  aussi  long  que  le  calice,  bossu  sur 
la  face  antérieure,  dilaté  au  niveau  de  la  gorge  ; à limbe  bilabié,  la  lèvre  supérieure 
très-grande,  recourbée  en  crochet,  concave,  comprimée  latéralement,  bilobée  à l’ex- 
trémité. L’ovaire  est  surmonté  d’un  style  recourbé,  logé  dans  la  lèvre  supérieure 
de  la  corolle,  terminé  par  deux  branches  stigmatiques  divergentes,  inégales. 

La  Sclarée  est  répandue  dans  presque  toutes  les  parties  de  la  France,  mais  parti- 
culièrement dans  le  Midi.  On  la  trouve  aussi  en  Belgique,  etc. 

Toutes  les  parties  de  la  plante  exhalent  une  odeur  forte,  agréable,  qui  rappelle  un 
peu  celle  du  baume  de  Tolu.  Leur  saveur  est  chaude,  aromatique,  un  peu  amère. 
Tuad.] 


PLANTAGINACÉES 

GRAINES  D’ISPAGHULA. 

Semen  Jspaghulæ  ; angl.,  Ispaghul  Sceds,  Spogcl  Sccds. 


Origine  botanique. — PlantagodeciwibensFoRSK.(P . Ispag/mla Iloxn.)(l). 

(1)  Après  examen  de  nombreux  échantillons,  nous  adoptons  l’opinion  du  docteur  Ait- 
cliison  ( Catalogue  of  the  Plants  of  the  Punjab  and  Smd , London,  1869)  qui  réunit  les 
Plantago  Ispaghula  et  decumbens.  Il  est  probable  d’ailleurs  que  la  réduction  des  espèces 
de  ce  genre  peut  être  poussée  plus  loin. 


103 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

— C'est  une  plante  à aspect  très- variable,  haute  de  3 à 30  centimètres, 
dressée  ou  décombante,  à feuilles  linéaires,  lancéolées,  presque  glabres, 
ou  couvertes  de  poils  hérissés.  Les  épis  floraux  diffèrent  d’après  la  vigueur 
de  la  plante;  ils  sont,  dans  quelques  échantillons,  cylindriques,  longs 
de  3 centimètres,  et  réduits  dans  d’autres  à une  tête  globuleuse.  L’aire 
de  cette  plante  est  très-étendue.  On  la  trouve,  en  effet,  dans  les  îles 
Canaries,  en  Egypte,  en  Arabie,  dans  le  Beluchistan,  1 Afghanistan,  et  le 
nord-ouest  de  l’Inde.  Stewart  (1)  dit  qu’elle  est  commune  dans  la  vallée 
de  Peshawar  et  dans  les  régions  situées  sur  la  rive  droite  de  l’Indus,  à 
une  altitude  de  600  mètres.  Il  ajoute  qu’on  la  trouve  aussi  dans  les 
plaines  et  les  collines  basses  du  Punjab,  mais  qu’elle  n’a  jamais  été  vue 
à l’état  de  culture  dans  cette  dernière  région.  Elle  passe  pour  être 
cultivée  à Multan  et  àLahore,  ainsi  que  dans  le  Bengale  et  le  Mysore  (2). 

Historique.  — Les  graines  de  cette  plante  se  trouvent  dans  tous  les 
bazars  de  l’Inde,  et  sont  tenues  en  grande  estime  ; on  les  désigne  par  le 
nom  persan  Ispaghul mais  elles  portent  aussi  le  nom  arabe  de 
qatünâ , sous  lequel  nous  les  trouvons  mentionnées,  au  dixième  siècle, 
par  le  médecin  persan  Alhervi  (3),  et  vers  la  même  époque  ou  un  peu 
plus  tard  par  Avicenne  (4).  Plusieurs  autres  écrivains  orientaux  sont 
cités  par  Ibn  Baytar  (5)  comme  ayant  mentionné  une  drogue  du  même 
nom.  Ce  dernier  peut  aussi  avoir  été  appliqué  aux  graines  d autres 
espèces,  comme  celles  du  Plcintago  Psyllium  L.  et  du  P . Cynops  L.  qui 
ont  des  propriétés  analogues,  et  sont  communes,  et  employées  depuis  une 
époque  très-reculée.  L 'Ispaghul  indien  attira  l’attention  des  Européens 
vers  la  fin  du  dernier  siècle  (6),  et  a été  prescrit  comme  émollient  contre 
la  diarrhée  et  la  dysenterie.  Ces  graines  furent  admises  dans  la  Phar- 
macopée de  l’Inde  de  1868. 

Description.  — Les  graines  du  P.  Ispaghula  sont,  comme  celles  des 
autres  espèces  de  Plantago , creusées  en  carène,  l’une  des  faces  de  1 albu- 
men étant  concave  et  l’autre  convexe.  Elles  sont  très-petites;  elles  ont 
à peu  près  2 millimètres  de  long,  et  à peine  1 millimètre  de  large  ; 

(1)  Punjab  Plants,  Lahore,  1869,  174,  et  note  manuscrite  attachée  aux  échantillons  de 
l’Herbier  de  Kew. 

(2)  J'ai  réussi  à cultiver  ce  Plantago  h Strasbourg:,  en  été,  et  en  pleine  terre,  f b • A. F .J 

(3)  Liber  Fundamentorum  Pharmacologiæ,  éd.  Seligmann,  Vindobonæ,  1830,  40. 

(4)  Lib.  n,  tract.  2,  cap.  541  (édition  de  Valgrisi,  1664,  I,  337). 

(5)  Traduction  de  Sonthëimer,  1840,  I,  132. 

(6)  Fleming,  Catal.  of  Indiati  Med.  Plants  and  Drugs,  Calcutta,  1810,  3t.  — Je 
trouve  une  description  nette  de  ces  graines  due,  eu  1719,  au  pharmacien  LincK,  de 
Leipzig,  dans  l’ouvrage  Sammlung  von  Natur  und  Medicin-Gcschic/iten  (Leipzig,  1719, 
p.  257).  [F.  A.  F.] 

HIST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


13 


194 


PLANTAGINACÉES. 


elles  sont  si  légères,  que  100  graines  pèsent  à peine  18  centigrammes. 
Elles  sont  colorées  en  gris  rosé  clair,  avec  une  tache  brune  allongée, 
située  sur  la  face  convexe,  et  répondant  à l’embryon  qui,  dans  ce  point, 
est  en  contact  direct  avec  le  tégument  translucide  de  la  graine.  De  cette 
tache,  la  radicule  s’étend  jusqu’à  l’extrémité  de  la  graine.  La  face  con- 
cave de  la  graine  est  également  brune,  et  en  partie  couverte  par  une  mince 
membrane  blanche.  Ces  graines  sont  très-mucilagineuses,  mais  elles 
n’ont  ni  saveur  ni  odeur.  Celles  de  l’espèce  voisine,  P.  Psyllium , ont  à 
peu  près  la  même  forme,  mais  sont  luisantes  et  colorées  en  brun  foncé. 

Structure  microscopique.  — Pour  bien  les  étudier,  il  faut  plonger  les 
graines  dans  la  benzine  qui  ne  dissout  pas  le  mucilage.  La  surface  en- 
tière de  la  graine  se  montre  alors  formée  de  cellules  polyédriques, 
séparées  de  l’albumen  par  une  mince  couche  brune,  qui,  sur  la  face  dor- 
sale de  la  graine,  n’a  pas  plus  de  70  millièmes  de  millimètre  d’épaisseur. 
L’albumen  est  formé  de  cellules  à parois  épaisses,  remplies  de  granula- 
tions qui  prennent  une  coloration  orange  sous  l’influence  de  l’iode.  Les 
deux  cotylédons  adhèrent  l'un  à l’autre  dans  une  direction  perpendicu- 
laire à la  cavité  de  la  graine.  Leur  tissu  est  formé  de  petites  cellules 
contenant  des  granulations  de  matière  albumineuse,  et  des  gouttes 
d’huile  grasse.  Lorsqu’on  place  la  graine  dans  l’eau,  les  cellules  épi- 
dermiques se  gonflent  immédiatement,  s’allongent,  puis  se  brisent,  et 
l’on  ne  trouve  plus  que  des  fragments  de  leurs  parois.  Lorsqu’on  les 
examine  dans  la  glycérine,  ces  changements  se  font  plus  lentement;  la 
paroi  extérieure  des  cellules,  qui  forme  le  mucilage,  offre  une  série  de 
couches  minces  qui  se  gonflent  lentement,  et  disparaissent  quand  on 
ajoute  de  l’eau.  Le  mucilage  n’est  donc  pas  contenu  dans  les  cellules, 
mais  il  est  formé  par  les  dépôts  secondaires  de  leurs  parois,  comme 
dans  les  graines  de  lin  et  de  coing. 

Composition  chimique.  — Ces  graines  fournissent  une  si  grande  quan- 
tité de  mucilage,  qu’une  partie  de  graines  dans  20  parties  d’eau  forme 
une  gelée  épaisse,  insipide.  En  ajoutant  une  plus  grande  quantité  d'eau, 
et  filtrant,  une  petite  quantité  seulement  du  mucilage  passe  à travers 
le  filtre,  la  plus  grande  partie  reste  adhérente  aux  graines.  Le  mucilage, 
séparé  par  pression,  ne  rougit  pas  le  tournesol,  n’est  pas  affecté  par 
l’iode,  ni  précipité  par  le  borax,  l’alcool,  ou  le  chlorure  ferrique.  L’huile 
grasse  et  la  matière  albumineuse  contenues  dans  les  graines  d’Ispa- 
ghula  n’ont  pas  été  étudiées. 

Usages.  — On  emploie,  dans  l’Inde,  la  décoction  des  graines  (1  partie 
pour  70  parties  d’eau)  comme  boisson  froide  émolliente.  Les  graines 


195 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

pulvérisées  ou  mélangées  avec  du  sucie,  ou  îendues  gélatineuses  pai 
l’eau,  sont  parfois  administrées  contre  la  diarrhée  chronique. 

(a)  Les  Plantains  ( Plantago  L.,  Gen.,  n.  142)  sont  des  Plantaginocées,  à fleurs 
hermaphrodites  et  régulières,  tétramères,  et  à réceptacle  convexe,  à fruit  capsu- 
laire, biloculaire,  membraneux,  déhiscent  par  une  fente  circulaire,  transversale. 

Le  Plantago  decumbens  Forskall  (P.  Ispagula  Flem.,  in  As.  researeh.,  XI,  174) 
est  une  plante  annuelle,  à tige  aérienne  nulle  ou  très-courte,  bientôt  divisée  en 
trois  ou  quatre  branches  ascendantes,  arrondies,  villeuses,  longues  de  10  a 20  cen- 
timètres. Les  feuilles  sont  alternes,  linéaires-lancéolées,  trinerviées,  munies  de 
petites  dents,  un  peu  laineuses,  sessiles,  amplexicaules,  longues  de  15  à 20  centi- 
mètres et  larges  de  10  à 20  millimètres.  Les  hampes  florales  sont  axillaires,  solitaires, 
nues,  dressées,  arrondies,  un  peu  villeuses,  de  la  même  longueur  que  les  feuilles, 
terminées  chacune  par  un  épi  d’abord  ovale,  puis  cylindrique  au  moment  de  la 
floraison,  dressé,  et  long,  à la  maturité,  de  2 à 4 centimètres.  Les  fleurs  sont  nom- 
breuses, imbriquées,  petites,  blanches,  situées  chacune  dans  l’aisselle  d’une  bractée 
ovale,  concave,  carénée,  verte  au  niveau  de  la  ligne  médiane,  membraneuse  sur  les 
bords.  Le  calice  est  formé  de  quatre  sépales  libres  jusqu’en  la  base,  oblongs,  ovales, 
à bords  larges  et  membraneux,  imbriqués  dans  la  préfloraison.  La  corolle  est  gamo- 
pétale, hypocratérimorphe,  membraneuse,  à tube  gibbeux,  à limbe  formé  de  quatre 
folioles  ovales,  aiguës.  L’androcée  est  formé  de  quatre  étamines  très-longues, 
exsertes,  à filets  counés  au  tube  de  la  corolle,  à anthères  oscillantes,  bilocu- 
laires,  introrses,  déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Le  gynécée  est 
formé  d’un  ovaire  biloculaire,  chaque  loge  contenant  un  ou  plusieurs  ovules  aua- 
tropes.  11  est  surmonté  d’un  style  simple.  Le  fruit  est  une  capsule  biloculaire, 
déhiscente  par  une  fente  circulaire,  transversale.  [Trad.] 


POLYGONAGÉES 

RHIZOME  O DE  RHUBARBE. 

Radix  Rhei ; Rhubarbe ; angl.,  Rhubarb;  allem.,  Rhabarber. 

■ ■ ' • • ’ î 

Origine  botanique.  — Rheum  officinale  H.  Bâillon.  C’est  une  plante 
vivace.  Les  feuilles  printanières  forment  une  couronne  qui  fait  une  saillie 
de  quelques  pouces  au-dessus  de  la  surface  du  sol;  elles  ont  un  pétiole 
subcylindrique,  couvert,  comme  la  face  inférieure  des  nervures  du 
limbe,  de  poils  courts  et  dressés.  Le  limbe  est  orbiculaire,  cordé  à la 
base,  divisé  en  cinq  ou  sept  lobes  courts  et  irrégulièrement  dentés.  Les 
feuilles  atteignent  de  Im,20  à 1 œ ,50  de  long,  et  sont  un  peu  plus  laiges 
que  longues. 

(1)  Ainsi  que  beaucoup  d’autres  tiges  souterraines,  on  le  désigne  dans  tous  les  ou- 
vrages sous  le  nom  de  racine, qui  est  employé  également  dans  cet  article  par  les  auteurs 
anglais  [Trad.]. 


196 


POLVGONACÉES. 

(jette  plante  a cto  découverte  dans  le  sud-est  du  Thibet,  où  elle  passe 
pour  être  cultivée  à cause  de  sa  racine  médicinale;  mais  on  suppose 
qu’elle  croît  dans  diverses  parties  de  l’ouest  et  du  nord-ouest  de  la 
Chine,  d’où  la  rhubarbe  nous  parvient.  Elle  fut  trouvée,  vers  1867,  par 
les  missionnairesfrançais,  et  donnée  à Dabry,  consul  français  de  Hankow, 
qui  en  transmit  des  échantillons  à Soubeiran,  de  Paris.  M.  Bâillon  dé- 
crivit la  plante  d'après  un  de  ces  échantillons,  qui  fleurit  à Montmo- 
rency eu  1871  (1). 

Nous  ignorons  si  la  Rhubarbe  du  commerce  est  produite  uniquement 
par  cette  espèce,  mais  il  est  permis  d’admettre  qu’elle  constitue  véri- 
tablement  une  source  de  la  drogue,  car  il  n’existe  aucune  différence 
sérieuse  entre  elle  et  les  descriptions  et  les  figures  imparfaites,  il  est 
vrai,  qui  ont  été  données  de  la  plante  à la  Rhubarbe  par  les  auteurs 
chinois  et  les  anciens  missionnaires  jésuites.  Cette  opinion  est  encore 
mieux  corroborée  par  ce  fait,  qu’il  n’existe  aucune  différence  entre  sa 
racine  et  la  Rhubarbe  asiatique  du  commerce  (2). 

Historique  (3).  — Les  Chinois  paraissent  avoir  eu  connaissance  des  pro- 
priétés de  la  Rhubarbe,  dès  une  époque  très-antérieure  à l’ère  chré- 
tienne. 11  est,  en  effet,  question  de  cette  drogue  dans  le  traité  de  bota- 
niques nommé  Pen-Ktng,  qui  est  attribué  à l’empereur  Shen-Nung,  le 
père  de  l’agriculture  et  de  la  médecine  chinoise,  qui  régnait  2 700  ans 
environ  avant  Jésus-Christ  (4). 

En  ce  qui  concerne  l’Asie  occidentale  et  l’Europe,  nous  trouvons  une 
racine  nommée  ££  ou  p r,ov,  mentionnée  par  Dioscoride  comme  apportée 
des  rives  du  Bosphore.  La  même  drogue  est  mentionnée,  au  quatrième 
siècle,  par  Annnianus  Marcellinus  (5).  Il  dit  qu’elle  tire  son  nom  de  la 
rivière  Rha  (le  moderne  Volga),  sur  les  bords  de  laquelle  elle  croît.  Pline 
décrit  une  racine  nommée  Rhacoma  qui,  étant  pulvérisée,  prend  une 
couleur  semblable  à celle  du  vin,  ou  plutôt  à celle  du  safran;  il  dit 
qu’elle  est  apportée  des  environs  du  Pont.  La  drogue,  ainsi  décrite, 
est  ordinairement  considérée  comme  la  Rhubarbe,  ou  au  moins  comme 

f • 

- (I)  Adansonia,  X,  246  ; Associât,  franç.pour  l’avanc,  des  sc.,  1872,  514-529,  t.  10. 

(2)  Nous  avons  examiné  particulièrement  la  très-grosse  racine  de  pieds  de  R.  of- 
ficinale cultivés  à Londres,  à Bodicott,  près  d’Oxford,  à Paris  et  ;i  Strasbourg.  Voir 
mon  mémoire  sur  la  Rhubarbe,  dans  Buchner,  Repertorium  filr  Pharmacie,  XXV  (1876) 
1 à 18,  reproduit  dans  les  Proceedings  of  the  American  Pharm.  Association,  1876,  p.  10, 
[F.  A.’ F.] 

(3)  Voir  pour  quelques  développements  historiques  le  mémoire  cite  dans  lu  note  pré- 
cédente, 

(4)  Bretschneider,  Chinese  Botanical  Works,  Fo’ochow,  1870,  2. 

(5)  Scriptores  Historiée  Romanæ  latini  veteres,  1743,  II,  511  (Amm.  Marc.,  xxii.c.  8). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  197 

la  racine  d’une  autre  espèce  de  Rheum,  mais  il  nous  est  impossible  de 
savoir  si  elle  venait  réellement  du  Pont,  ou  si  elle  était  apportée  de 
contrées  plus  éloignées.  11  est  certain  que  le  nom  de  Radix  pontica  ou 
Rhaponticum,  employé  par  Scribonius  Largus  (!)  et  Celse  (2),  fut  donné 
à la  drogue  par  allusion  à la  région  d’où  on  la  recevait.  Lassen  a mon- 
tré que  les  caravanes  commerciales  venaient  de  Shensi,  dans  le  nord  de 
la  Chine,  à Bokhara,  dès  l’année  114  avant  Jésus-Christ.  Les  marchan- 
dises, ainsi  transportées,  pouvaient  gagner  l’Europe,  soit  par  la  voie  de 
la  mer  Noire,  soit  en  descendant  l’Indus,  jusqu’à  l’ancien  port  de  Bar- 
bariké.  Vincent  suppose  (3)  que  le  Rha  importé  parla  première  route,  a 
dû  recevoir  le  nom  de  Rha  ponticum,  tandis  que  le  Rha  transporté  par 
la  seconde,  reçut  celui  de  Rha  barbarum.  Nous  ne  sommes  pas  en  mesure 
de  corroborer  cette  hypothèse,  quoiqu’elle  paraisse  très-plausible.  Elle 
n’est  pas  appuyée  par  l’auteur  du  Periplus  de  la  mer  Erythrée  (\eis  64 
après  Jésus-Christ),  dont  la  liste  des  produits  exportés  de  Barbariké  (4) 
ne  renferme  pas  la  Rhubarbe.  Cette  drogue  n est  pas  nommée  non 
plus  parmi  les  articles  sur  lesquels  un  impôt  était  levé  par  la  douane 
romaine  d’Alexandrie  (176-180)  (5). 

Les  termes  Rheum  barbarum  ou  barbaricum,  ou  Reu  barbarum  se 
trouvent  dans  les  écrits  d’Alexander  Trallianus  (6),  vers  le  milieu  du 
sixième  siècle,  dans  ceux  de  Benedictus  Crispus  (7),  archevêque  de 
Milan,  et  d’Isidore  (8),  de  Séville,  qui  vivaient  au  septième  siècle.  Parmi 
les  écrivains  arabes  qui  ont  écrit  sur  la  medecine,  Mésue  le  Jeune,  dans 
la  première  partie  du  onzième  siècle,  mentionne  la  Bhubarbe  de  Chine 
comme  supérieure  à celle  de  Barbarie  ou  de  Turquie  (9).  Vers  la  même 
époque, Constantinus  Africanus  (10)  parle  du  Rheum  indien,  et  du  Rheum 
pontique,  et  déclare  que  le  premier  est  préférable. 

(1)  De  Compositione  Medicamentorum , c.  167. 

(2)  De  Medicina,  lib.  v,  c.  23. 

(3)  Vincent,  Commerce  and  Navigation  of  the  Ancients,  1807,  11,  389. 

(4)  Ibid.,  op.  cit.,  II,  390.  Barbariké  était  le  principal  port  du  golfe  de  Cambai,  dans 
le  nord  de  la  péninsule  de  l’Inde. 

(5)  Ibid.,  op.  cit.j  II,  686. 

(6)  Lib.  vin,  cap.  3,  édition  de  Haller. 

(7)  Migne,  Patrologiæ  Cursus,  lxxxix,  374.  . 

(8)  Migne,  op.  cit.,  lxxxii,  628.  — L’explication  donnée  par  Isidore  est  la  sui- 
vante : « Reubarbarum  sive  Reuponticum  : illud  quod  trans  Danubium  in  solo  barbarico  , 
istud  quod  circa  Pontum  colligitur,  nominatum  est.  Reu  autem  radix  dicitur.  Reubar- 
barum ergo,  quasi  radix  barbara,  Reuponticum  quasi  radix  pontica,  » mais  I si  oie 

aimait  beaucoup  ces  étymologies.  , 

(9)  Ravedsceni , Raved  barbarum,  et  Raved  TurcMcum  sont  les  termes  employés  dans 

la  traduction  latine  que  nous  avons  consultée. 

(10)  De  omnibus  medico  cognitu  necessariis,  Basil.,  1539,  354. 


19S  POLYGONACÉES. 

Au  douzième  siècle,  la  Rhubarbe  fut  probablement  importée  de  l’Inde, 
ainsi  que  le  prouve  le  tarif  des  impôts  levés  à Acre,  en  Syrie.  Dans  ce 
document  (1),  elle  est  énumérée  parmi  plusieurs  drogues  de  l’Inde. 
Une  liste  semblable,  datée  de  1271,  relative  à Barcelone,  mentionne  le 
Ruibarbo  (2).  Dans  un  statut  de  la  cité  de  Pise,  désigné  sous  le  nom  de 
Brève  Fundacariorum,  daté  de  1305,  la  Rhubarbe  ( ribarbari ) est  classée 
parmi  les  marchandises  du  Levant  et  de  l’Inde  (3). 

Le  premier,  et  presque  le  seul  Européen  qui  ait  visité  les  régions  à 
Rhubarbe  delà  Chine,  est  le  fameux  voyageur  vénitien  Marco  Polo  (4), 
qui,  à propos  de  la  province  de  Tangut,  dit  : « Et  par  toutes  les  mon- 
tagnes de  ces  provinces  se  treuve  le  reobarbe  en  grant  haboudance.  Et 
illec  l’achatent  les  marchans  et  le  portent  par  le  monde.  » 

Ce  résumé  de  l’histoire  de  la  Rhubarbe  serait  incomplet  si  nous  ne 
signalions  pas  les  diverses  routes  par  lesquelles  la  drogue  a été  appor- 
tée en  Europe  des  provinces  occidentales  de  l’empire  chinois,  et  qui  ont 
donné  naissance  aux  dénominations  vulgaires  de  Rhubarbe  de  Russie,  de 
Turquie  et  de  Chine. 

La  première  route  traverse  les  steppes  de  l’Asie  centrale,  en  passant 
par  Yarkand,  Kashgar,  le  Turkestan  et  la  mer  Caspienne,  jusqu’en 
Russie. 

La  seconde  passe  par  l’Indus  ou  le  golfe  Persique,  jusqu’à  la  mer 
Rouge  et  Alexandrie,  ou,  à travers  la  Perse,  jusqu’à  la  Syrie  et  l’Asie 
Mineure. 

La  troisième  passe  par  Canton,  seul  port  de  l’empire  chinois  qui, 
avant  l’année  1842,  eut  des  communications  directes  avec  l’Europe. 

En  1653,  la  Chine  permit,  pour  la  première  fois,  à la  Russie,  de  faire 
du  commerce  sur  ses  frontières.  Le  commerce  des  produits  chinois  fut 
alors  détourné  de  la  ligne  de  la  mer  Caspienne  et  de  la  mer  Noire,  et 
porté  davantage  vers  le  nord.  Il  suivit  une  route  partant  de  Tangut  et 
passant  à travers  les  steppes  du  haut  Gobi,  et  à travers  la  Sibérie,  par 
Tobolsk,  jusqu’à  Moscou.  En  1719,  Urga,  sur  le  côté  nord  du  désert  de 
Gobi,  est  mentionné  comme  le  principal  entrepôt  de  la  Rhubarbe.  Dé- 
fi) Asssises  de  Jérusalem,  in  Recueil  des  Historiens  des  Croisades,  Lois,  1S43, 

II,  176. 

(2)  Capmany,  Memorias  historicas  de  Barcelona,  1779,  1,  44. 

(3)  Bonaim,  Statuti  inediti  délia  città  di  Pisa  dal  xn  al  xiv  secolo,  Firenze,  18a  i, 

III, 106,115.  . . . .... 

(4)  Pauthier,  Le  Livre  de  Marco  Polo rédigé  en  français  sous  sa  dictee,  en  1298, 

par  Rusticien,  de  Pise,  1865,  I,  165;  II,  490.  - L’ancien  royaume  de  Tangut  est  in- 
clus en  partie  dans  la  province  moderne  de  Kansuli. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  199 

puis  les  temps  les  plus  reculés,  les  marchands  buclmriens  paraissent  avoir 
été  les  agents  de  ce  trafic,  les  producteurs  de  la  drogue  ne  s’occupant 

jamais  eux-mêmes  de  son  exportation. 

A la  suite  d’une  rectification  de  frontières,  faite  en  1728,  une  ligne  de 
douanes  fut  établie  par  traité  entre  la  Russie  et  la  Chine,  et  le  commerce, 
autrefois  libre,  fut  restreint  aux  caravanes  gouvernementales,  qui  tra- 
versaient la  frontière  seulement  à Kiachta  et  a Zuruchaitu,  au  sud  de 
Nerchinsk.  La  dernière  de  ces  localités  est  toujours  restée  sans  impor- 
tance, tandis  que  Kiachta  et  la  ville  chinoise  située  en  face,  Maimat- 
chin,  devinrent  les  principaux  entrepôts  de  la  Rhubarbe.  Cette  racine 
était  soumise,  dès  1687-1697,  à un  contrôle  spécial  de  la  part  du  gou- 
vernement russe,  qui,  en  1704,  finit  par  en  monopoliser  le  commerce. 
Les  caravanes  envoyées  par  le  gouvernement  apportaient  la  drogue  a 
Moscou.  Cet  état  de  choses  dura  jusqu’en  1762.  A cette  époque,  le  com- 
merce se  ralentit  pendant  quelque  temps.  C’est  seulement  a partir  de 
cette  date  que  l’exportation  de  la  Rhubarbe  devint  considérable, 
quoique  les  règlements  sévères  établis  en  1736  fussent  maintenus.  Le  con- 
trôle de  la  Rhubarbe  se  faisait  à Kiachta,  dans  un  bureau  spécial  nommé 
le  Brake  (1),  sous  la  direction  du  ministre  de  la  guerre  de  Russie. 
11  était  fait  par  un  pharmacien  nommé  pour  six  ans,  et  dont  la  fonction 
était  de  rejeter  tous  les  morceaux  de  Rhubarbe  de  qualité  inférieure  ou 
avariés,  et  de  préparer  les  morceaux  choisis  en  les  pelant,  enlevant  les 
parties’ détériorées,  et  les  perforant.  On  les  faisait  ensuite  sécher  avec 
soin,  et  on  les  emballait  dans  des  caisses  doublées  de  toiles,  et  rendues 
imperméables  à l’humidité  par  un  enduit  de  goudron  et  une  enveloppe 
en  cuir.  On  expédiait  alors  la  drogue,  mais  seulement  par  lots  de 
1000  puds  (16380  kil.)  à la  fois,  chaque  année.  Elle  était  dirigée, 
par  la  voie  du  lac  Baïkal  et  Irkutsk,  sur  Moscou,  d’où  on  l’envoyait  à 
Saint-Pétersbourg,  pour  être  en  partie  délivrée  aux  apothicaires  de  la 
couronne,  et  en  partie  vendue  aux  droguistes. 

Nous  devons  la  plupart  de  ces  détails  à Calau  (2),  pharmacien 
chargé  de  la  surveillance  de  la  Rhubarbe,  qui  résida  longtemps  à 
Kiachta.  Von  Schrôder(3),  en  1864,  a tracé  l’histoire  de  la  surveillance 
rigoureuse  exercée  par  le  gouvernement  russe  sur  la  Rhubarbe. 

Tant  que  la  Chine  tint  ses  ports  fermés  au  commerce,  sauf  Canton,  à 

(1)  Du  mot  allemand  Draclce,  appliqué  aux  personnes  employées  à 1 examen  des 

marchandises  apportées  dans  les  ports  de  la  Baltique. 

(2)  Repart,  für  Pharm.  und  Çhemie  de  Gauger  ; — Pliarm.  Journ.,  1843,  II,  0o8. 

(3)  Jahregbericht  de  Canstatt,  1864,  I,  35-42. 


-uu  POLYGONACÉES. 

l’extrême  Sud,  une  grande  quantité  de  belle  Rhubarbe  fut  expédiée  en 
Europe  par  la  voie  de  la  Russie.  Mais  les  désagréments  qui  résultaient 
de  la  surveillance  extrêmement  sévère  (I)  exercée  par  les  Russes,  et  la 
lenteur  extrême  des  transports,  décidèrent  les  Chinois  à accepter  des 
débouchés  meilleurs  pour  leurs  produits.  L’ouverture  d’un  certain 
nombre  de  ports  du  nord  de  la  Chine  diminua  considérablement  le 
commerce  de  Kiachta,  qui  fut  encore  rendu  plus  difficile  par  l’insurrec- 
tion qui  surgit  dans  l’intérieur  de  la  Chine,  en  1852,  et  dura  pendant 
plusieurs  années.  Lu  1855,  la  Russie  supprima  un  certain  nombre  de 
restrictions  apportées  à son  commerce,  sans  abandonner  cependant  le 
bureau  de  la  Rhubarbe.  Elle  transporta,  en  1800,  les  douanes  à Irkutsk, 
et  déclara  Kiachta  ville  libre,  en  même  temps  que,  par  un  traité  passé 
avec  la  Chine,  en  novembre  1860,  elle  insista  pour  que  ce  pays  aban- 
donnât toute  restriction  apportée  au  commerce. 

Cependant,  le  commerce  de  la  Rhubarbe  par  la  voie  de  terre  avait 
déjà  été  supprimé  : les  Chinois,  tentés  parles  demandes  croissantes  que 
déterminait  le  commerce  des  nouveaux  ports,  apportaient  moins  de 
soins  à la  récolte  et  à la  préparation  de  la  drogue,  tandis  que  les  Russes 
insistaient  avec  la  plus  grande  rigueur  pour  que  la  drogue  offrît  tou- 
jours sa  qualité  ordinaire.  Il  en  résulta  qu’à  partir  de  1860,  il  ne  fut 
reçu  à Kiachta  qu’une  très-petite  quantité  de  Rhubarbe  destinée,  soit 
aux  particuliers,  soit  au  gouvernement  russe  lui-même.  Enfin,  en  1863, 
le  bureau  delà  Rhubarbe  fut  aboli. 

La  drogue  désignée  sous  le  nom  de  Rhubarbe  de  Russie  ou  de  Mosco- 
vie ou  Rhubarbe  royale,  connue  en  Angleterre  sous  le  nom  vulgaire  de 
Rhubarbe  de  Turquie,  et  qui  jouissait,  à cause  de  sa  bonne  qualité,  d’une 
haute  réputation,  est  aujourd’hui  devenue  un  objet  historique  qui  ne  se 
trouve  plus  que  dans  les  musées.  Cette  sorte  de  Rhubarbe  commença  à 
se  montrer  dans  le  commerce  anglais  dans  les  premières  années  du 
dernier  siècle.  Alston  (2),  qui  professait  la  botanique  et  la  matière 
médicale  à Edinburgh,  en  1720,  parle  de  la  Rhubarbe  comme  apportée 
de  Turquie  et  des  Indes  orientales  « et  aussi,  depuis  peu,  de  Moscovie». 

Nous  avons  dit  plus  haut  qu'au  douzième  siècle  la  Rhubarbe  était 
expédiée  de  Syrie.  Vasco  de  Gaina  (3)  la  mentionne,  en  1497,  parmi 

(1)  En  1860,  les  Russes  forcèrent  les  Chinois  à brûler  6 000  livres  de  Rhubarbe  sous 
le  prétexte  qu’elle  était  trop  petite  ! 

(2)  Lectures  on  the  Mat.  Med.,  1770,  I,  502. 

(3)  Roteiro  da  Viagem  de  Vasco  da  Gama,  par  A.  Herculano  e o Barâo  de  Castello 
de  Paiva,  ed.  2,  Lisboa,  1861,115. — Flückigeh,  Documente  sur  Gesc/iichte  der  Phar- 
macie, Halle,  1876,  13. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  201 

les  produits  exportés  d’Alexandrie.  En  réalité,  cette  drogue  était  expé- 
diée de  l’extrême  Orient  vers  la  Perse,  d où  elle  était  apportée  par  les 
caravanes  à Alep,  à Tripoli,  à Alexandrie,  et  même  à Smyrne.  De  ces 
ports  du  Levant,  elle  pénétrait  en  Europe,  et  se  répandait  sous  le  nom 
de  Rhubarbe  de  Turquie , tandis  que  celle  qui  était  expédiée  par  mer 
directement  de  la  Chine,  ou  par  la  voie  de  l’Inde,  reçut  le  nom  de  Rhu- 
barbe de  Chine , de  Canton , ou  des  Indes  orientales.  Cette  dernière  sorte  a 
toujours  été  la  plus  commune  en  Angleterre,  depuis  l’année  1640  (1). 
Lorsque  la  Rhubarbe  du  Levant  disparut  du  commerce,  celle  de  Russie 
prit  non-seulement  sa  place,  mais  encore  son  nom,  et  le  terme  « Rhubarbe 
de  Turquie  » fut  employé,  en  Angleterre,  pour  désigner  la  drogue  im- 
portée de  Russie.  Cette  étrange  confusion  de  noms  ne  prévalut  pas 
cependant  sur  le  continent,  et  resta  à peu  près  complètement  limitée 
au  commerce  anglais. 

Les  risques  et  la  dépense  des  transports  par  terre  à travers  1 Asie 
presque  entière,  furent  cause  qu’autrefois  la  Rhubarbe  était  1 une  des 
drogues  les  plus  coûteuses.  Ainsi,  à Alexandrie,  en  1497,  elle  valait 
douze  fois  plus  que  le  benjoin.  En  France,  en  1542  (2),  elle  coûtait 
dix  fois  plus  que  la  cannelle,  ou  plus  de  quatre  fois  le  prix  du  safian. 
A Ulm,  en  1596  (3),  elle  coûtait  plus  cher  que  l’opium.  Dans  un  tarif 
allemand  de  1614  (4),  le  Radix  Rha  Barban  est  coté  six  fois  autant 
que  la  belle  myrrhe,  et  plus  de  deux  fois  autant  que  1 opium.  Une 
liste  officielle  anglaise  (5),  qui  donne  le  prix  des  drogues  en  1657,  cote 
l’opium  à 6 shillings  la  livre,  la  scammonée  à 12  shillings  et  la 
Rhubarbe  à 16  shillings. 

Production  et  commerce.  — Les  districts  de  1 empire  chinois  qui 
produisent  la  Rhubarbe  s’étendent  sur  une  aire  très-vaste,  qui  com- 
prend : les  quatre  provinces  de  la  Chine  propre,  connues  sous  les  noms 
de  Chihli,  Shansi,  Shensi  (6)  et  Honan;  l’immense  province  nord-ouest 
de  Kansuh,  autrefois  comprise  dans  celle  de  Shensi,  mais  étendue  au- 
jourd’hui jusqu’au  désert  de  Gobi  et  aux  frontières  du  Tibet  ; la  province 
de  Tsing-hai,  habitée  par  les  Mongols,  et  renfermant  le  grand  lac  salé 


(1)  Parkinson,  Theatrum  Botanicum,  1640,  155. 

(2)  Leber,  Appréciation  de  la  fortune  privée  au  moyen  âge,  éd.  2,  1847,  308,  309. 

(3)  Reiciiard,  Beitrüge  zur  Geschichte  der  Apotheken,  Ulm,  1825,  208. 

(4)  Celui  de  Schweinfurt  (Flückiger,  Documente,  43.) 

(5)  Book  o / the  values  of  merchandize  imported,  according  to  wich , Excize  is  to  he 
paidby  the  First  Buyer,  London,  1657. 

(6)  D’après  le  consul  Hughes,  de  Hankow,  San-Yuan,-  dans  le  Shensi  (au  nord  de 
Singanfu),  est  l’un  des  principaux  marchés  de  la  Rhubarbe. 


20  2 


POLYGONACÉES. 


de  Koko-nor  ; les  districts  do  Tangut,  Sifan  et  Turfan  ; enfin  les  mon- 
tagnes de  la  province  occidentale  de  Szechuen.  La  plante  croît  dans  les 
pâturages  des  hauts  plateaux,  et  particulièrement  dans  les  endroits  dont 
le  sol  a été  enrichi  par  les  campements.  Les  quelques  détails  que  nous 
possédons,  relativement  à la  production  de  la  Rhubarbe,  et  à sa  prépara- 
tion pour  le  marché,  sont  dus,  en  partie  aux  autorités  chinoises,  et  en 
partie  aux  missionnaires  catholiques  (1);  ils  n’ont  que  peu  d’impor- 
tance, et  sont  fort  peu  satisfaisants.  On  arrache  la  racine  au  commence- 
ment de  l’automne,  lorsque  la  végétation  de  la  plante  a décliné;  l’opé- 
i a tion  continue  pi obablement  pendant  quelques  mois,  ou  même,  dans 
quelques  districts,  pendant  tout  1 hiver.  On  nettoie  la  racine,  on  enlève 
sa  portion  corticale,  et  on  la  coupe  en  morceaux  pour  la  faire  sécher.  La 
dessiccation  est  effectuée  soit  à l’aide  de  la  chaleur  artificielle,  soit  pat- 
simple  exposition  au  soleil  et  à l’air,  ou  bien  on  fait  d’abord  sécher  en 
partie  les  morceaux  de  racine  sur  des  pierres  chaudes,  puis  on  les  en- 
file avec  une  corde,  et  on  les  suspend  jusqu’à  ce  que  la  dessiccation  soit 
complète. 


La  Rhubarbe  destinée  au  marché  européen  est  aujourd’hui  achetée 
en  grande  partie  à Hankow  sur  le  Yangtsze  supérieur,  où  elle  est  apportée 
des  provinces  de  Shensi,  Kansuh  et  Szechuen.  De  Hankow  on  la  trans- 
porte à Shanghai,  et  là  on  l’embarque  pour  l’Europe.  Les  exportations 
de  Hankow,  y compris  celles  de  Ningpo  et  de  Tientsin,  qui  sont  un  peu 
moins  considérables,  se  sont  élevées,  en  1874,  à 300000  kil. 

On  en  exporte  aussi,  occasionnellement,  de  Canton,  d’Amoy,  et  de 
Foochow.  Les  importations  de  la  Rhubarbe  dans  le  Royaume-Uni 
ont  été,  en  1870,  de  343  306  livres,  estimées  à 62  716  livres  sterling. 

Description.  — La  Rhubarbe  de  Chine  importée  en  Europe  (2)  consiste 
en  morceaux  d’une  racine  volumineuse,  offrant  une  grande  variété  de 
formes,  dues  à la  façon  dont  on  a coupé  les  racines  et  au  mode  de 
nettoyage.  Certains  morceaux  sont  cylindriques,  ou  en  forme  de 
tonneaux,  d’autres  sont  coniques,  un  grand  nombre  sont  plan-con- 
vexes, et  d’autres  affectent  des  formes  irrégulières.  Ces  formes  ne  se 
présentent  pas  toutes  dans  le  même  emballage  ; on  a au  contraire  l’ha- 
bitude d’assortir  la  Rhubarbe  en  morceaux  ronds  ou  plats,  constituant 


(1)  Faure,  in  Pharm.  Journ.,  18GG,  VII,  375  ; Chauveau,  vicaire  apostolique  du 
Tibet  (1870),  et  Biet,  missionnaire  français,  cités  par  Collin,  dans  sa  thèse  : des  Rhu- 
barbes, Paris,  1871,  22,21. 

(2)  Elle  est  maintenant  préparée  par  les  droguistes  de  façon  îi  simuler  la  vieille 
Rhubarbe  de  Russie. 


Fig.  187.  Rhubarbo  do  Chine, 
dembgrand,  nat. 


HISTOIRE  des  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  203 

U Rhubarbe  arrondie , et  la  Rhubarbe  plate.  La  dimension  la  plus  ordi- 
naire des  fragments  est  S à 10  centimètres  de  long,  mais  on  peut 
trouver  des  morceaux  ayant  jusqu’à  15  cen- 
timètres ou  davantage  de  long.  L épaisseur 
des  morceaux  est  ordinairement  de  o a 8 cen 
timètres.  La  surface  extérieure  de  la  racine 
est  un  peu  ridée;  elle  offre  souvent  des  de- 
bris  de  l’écorce  noire  qui  n’ont  pas  été 
enlevés.  Un  grand  nombre  de  fragments 
sont  percés  d’un  trou,  dans  lequel  on  re- 
trouve les  débris  de  la  corde  qui  a été  em- 
ployée pour  les  suspendre  pendant  la  dessic- 
cation. Les  fragments  sont  recouverts  d une 
poussière  d’un  jaune  brunâtre  clair.  Leur 
surface,  débarrassée  de  cette  poussière,  se 
montre  colorée  en  brun  de  rouille  ; vue  à la  loupe,  elle  est  masquée 
par  les  rayons  médullaires  qui  se  présentent  sous  l’apparence  d une 

infinité  de  lignes  courtes,  bri- 
sées, colorées  en  brun  foncé,  sui 
un  fond  blanc. 

Le  caractère  qui  permet  le 
mieux  de  reconnaître  la  Rhu- 
barbe de  Chine  consiste  en  ce 
que,  lorsqu’on  la  coupe  trans- 
versalement, ces  lignes  foncées 
paraissent  disposées  en  groupes  étoilés.  Quoique  ce  caractère  ne  soit 
pas  offert  par  tous  les  fragments  de  la  Rhubarbe  de  Chine,  il  est  fort 
important,  parce  que  dans  la  Rhubarbe  d’Europe  il  manque  d’ordinaire 
complètement,  ou  bien  les  groupes  étoilés  sont  beaucoup  plus  isolés. 

Dans  l’estimation  de  la  Rhubarbe,  on  tient  grand  compte  de  1 aspect 
offert  par  la  cassure  ; sa  surface  ne  doit  présenter  aucune  trace  de  dété 
rioration,  de  décoloration,  et  aucune  apparence  spongieuse  (1).  Dans 
la  bonne  Rhubarbe,  l’intérieur  doit  être  compacte,  bien  veiné  de  lignes 
brunes-rougeâtres  et  blanches,  et  parfois  de  lignes  d’un  gris  de  fer. 

Lorsqu’on  mâche  la  racine,  elle  croque  sous  la  dent,  à cause  des  ciis 

(1)  La  qualité  et  l’apparence  delà  rhubarbe  sûntbeaueûup  plus  considérées  en  Angle 

terre  que  sur  le  continent.  Pour  obtenir  une  belle  poudre  de  teinte  bnl  an  e,  P P 
drogue  avec  le  plus  grand  soin.  On  fend  chaque  racine,  on  en  ve  °a  , 

altérées  ou  noires  avec  des  ciseaux  ou  une  lime,  et  l’opérateur  ne  1 ° 

qu’avec  des  gants  en  cuir. 


Fig.  188.  Rhubarbo  de  Chine. 
Coupe  transversale  d’ensemble. 


204 


POLYGONACÉES. 

taux  d’oxalate  de  calcium  qu’elle  contient;  elle  est  en  outre  amère, 
astringente  et  nauséeuse.  Son  odeur  est  particulière  ; elle  est  regardée, 
sauf  par  les  droguistes,  comme  très-désagréable. 

Structure  microscopique.  — La  racine  de  Rhubarbe  est  formée  d’un 
parenchyme  blanc,  traversé  par  des  rayons  médullairesbruns,  et  par  un 
petit  nombre  de  larges  faisceaux  fibro-vasculaires  épars,  dépourvus  de 
flbres'ligneuses.  Sur  une  section  transversale  des  échantillons  qui  n’ont 
pas  été  entièrement  décortiqués,  on  peut  distinguer  une  zone  cambiale 
foncée,  étroite.  Dans  cette  partie  de  la  racine,  les  rayons  médullaires  seuls 
offrent  leur  disposition  radiale  ordinaire  ; dans  l’intérieur  de  la  racine, 
on  ne  trouve  aucune  structure  régulière.  Il  n’y  existe  pas  de  moelle  bien 
distincte,  mais  la  portion  centrale  offre  un  mélange  de  parenchyme 
blanc  et  de  rayons  médullaires  disposés  dans  toutes  les  directions.  Dans 
les  racines  très-développées,  la  portion  centrale  est  séparée  de  la  zone 
cambiale  par  une  bande  foncée  des  groupes  étoilés  déjà  mentionnés.  Les 
cellules  blanches  sont  remplies  d’amidon  ou  de  touffes  de  cristaux  d’oxa- 
late de  calcium.  La  quantité  de  ces  derniers  est  particulièrement  variable. 
Scheele,  après  avoir  découvert  l’acide  oxalique,  montra,  en  1784,  que 
les  cristaux  dont  nous  parlons  sont  formés  par  une  combinaison  de  cet 
acide  avec  la  chaux.  Les  rayons  médullaires  contiennent  des  substances 
particulières  à la  Rhubarbe,  mais  aucune  d’elles  ne  se  présente  à l’état 
cristallin. 

Composition  chimique.  _ On  a supposé  longtemps  que  les  principes 
constituants  actifs  de  la  racine  résidaient  dans  la  matière  rouge  jau- 
nâtre des  rayons  médullaires.  Schrâder  prépara,  dès  1807,  un  amer  de 
Rhubarbe,  auquel  il  attribua  les  propriétés  médicinales  de  la  drogue. 
Depuis  cette  époque,  plusieurs  substances  du  même  ordre  ont  été  sépa- 
rées à l’aide  de  procédés  divers,  et  décrites  sous  des  noms  différents  ; 
telles  sont  le  Rhabarberstoff  de  Trommsdorf,  la  Rheumine  de  Horne- 
mann,  la  Rhabarbérine  de  Buchner  et  Herberger,  le  jaune  de  Rhubarbe 
ou  Rhèine , et  l’acide  Rhabarbique  de  Brandes. 

Schlossberger  et  Dopping  reconnurent  les  premiers,  en  1844,  parmi 
les  substances  ci-dessus  nommées,  un  corps  de  composition  chimique  dé- 
finie, la  Chrysophane  ou  acide  Chrysophanique,  GuH5GH3(OH)îOs,  qui  avait 
été  autrefois  trouvé  dans  un  lichen  jaune,  le  Parmelia  parietina.  Ce  corps 
forme  en  partie  le  contenu  jaune  des  rayons  médullaires  de  la  Rhubarbe, 
et,  après  avoir  été  isolé,  il  cristallise  en  aiguilles  ou  en  plaquesjaunes.  11 
se  dissout  dans  l’éther,  l’alcool  et  la  benzine;  quoique  à peine  soluble 
dans  l’eau,  on  peut  cependant  l’extraire  de  la  racine,  dans  une  certaine 


HISTOIKE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  205 

raide  de  ce  dissolvant,  probablement  parce  qu’il  est 
accompagné'd'autres  substance..  Les  alcali,  le  dissolvent  en  formant 

dTnréci"dttriersolu™ons  alcooliques  d'extrait  de  Rhubarbe  par 
fétler  Se  bssberger  et  DOpping  ont  obtenu  avec  la  ohrysophane, 
Ws  lmps  résineux  qu'ils  ont  nommés  : Aporét,ne,  Prenne  et  Euj- 

rt’DWeta  Rue  etMirller,  en  1857,  retirèrent  de  la  Rhubarbe,  indépendam- 
ment de  la  ohrysophane,  une  substance  voisine,  l’Emoi, ne,  qui 
lise  en  prismes  oranges,  ayant  parfois  jusqu'à  5 centimètres  de  ong. 
composition  de  cette  substance  s'est  montrée  conforme  a U formule 

“IS  —s  faites  sur  ce  «le  suivent  celles  de 

Kubly  (2).  Il  a retiré  de  la  Rhubarbe  les  substances  su  c 

Acide  Rhéo-tannique,  C»H«0“.  C'est  une  poudre  J™natre  qui  ex«t 
eu  abondance  dans  la  Rhubarbe.  Elle  est  solub  e dans  eau e ^ alcool 
et  insoluble  dans  l'éther.  Ses  solutions  donnent  avec  1 s perse  s de  fer 
des  précipités  d'un  vert  noirâtre,  et  avec  les  protosels  de  fer,  p.ec 

nités  grisâtres  qui  tournent  lentement  au  bleu  ; „ 

2»  Acide  Rheumique  CMH160».  11  se  forme  sous  . 1 aspect  d un 
poudre  d’un  brun  rougeâtre,  quand  on  fait  bouillir  1 aci  e i rco- 
tannique  avec  un  acide  minéral  dilué;  il  se  produit  en  meme .temps t u. 
sucre  fermentescible.  L’acide  rheumique  offre  a peu  près  les  memes 
réactions  que  l’acide  rhéo-tannique,  mais  il  n est  que  tres-peu  so  ud  ■ 
dans  l’eau  froide.  Il  préexiste  en  partie  dans  la  Rhubar  oe  , 

3-  Une  substance  incolore,  neutre,  faiblement  soluble  dans  eau 
chaude,  et  se  séparant  de  cette  dernière  à l'état  de  cristaux  qui  ont 
pour  formule  Gl0H,2Oh  On  ne  lui  a pas  donné  de  nom  spécial  , _ 

40  De  la  Phéorétine,  Gl6H1607,  semblable  àla  substance  nommee  ainsi 
par  Schlossberger  et  Dôppiug.  C'est  une  poudre  brune  soluble  dans 
l’alcool  et  l'acide  acétique,  insoluble  dans  1 éther,  ec  010011 

UBciu  * • 

5°  La  Chrysophane , décrite  plus  haut.  Elle  est  isomère  de  VAhzanne  ; 

6°  Une  Matière  pectique  qui  abonde  dans  la  Rhubarbe,  et  qui  n a pas 

encore  été  étudiée  d’une  façon  satisfaisante. 

(1)  Liebermann  et  Watdsteiu  ont  signalé,  en  1870,  la  presence  de  1 einodme  dans 

l’écorce  de  lUiamnus  Frangula.  nna!Vsé  dans  le  Jahrcsbc- 

(2)  Pharm.  Zeitschrift  fur  Russland,  1867,  VI,  603-62/,  analyse 

richt  de  Wiggers  et  Husemann,  1867,  10. 


206  POLYGONACÉES. 

La  proportion  des  principes  minéraux  est  extrêmement  variable. 
Deux  échantillons  de  bonne  Rhubarbe  de  Chine  desséchés  à 100°  C.,  et 
incinérés,  nous  ont  donné  12,9  et  13,87  pour  100  de  cendres.  Un  autre 
échantillon,  que  nous  avions  choisi  à cause  de  sa  teinte  pâle,  ne  nous 
donna  pas  moins  de  43,27  pour  100  de  cendres.  Les  cendres  consistent 
en  carbonates  de  calcium  et  de  potassium.  Une  Rhubarbe  anglaise,  pro- 
venant de  Banbury,  et  appartenant  à un  bon  échantillon,  laissa,  après 
incinération,  10,90  pour  100  de  cendres. 

Au  point  de  vue  pratique,  l’histoire  chimique  de  la  Rhubarbe  est  loin 
d’être  satisfaisante,  car  nous  ignorons  encore  à quels  principes  la  drogue 
doit  ses  propriétés  thérapeutiques,  et  quelles  sont  les  préparations  phar- 
maceutiques qui  sont  les  plus  propres  à mettre  en  évidence  la  substance 
active.  La  chrysophane  passe,  il  est  vrai,  pour  être  purgative,  mais  son 
action  est  plus  faible  que  celle  de  la  Rhubarbe  elle-même. 

Usages.  — La  Rhubarbe  est  un  des  purgatifs  les  plus  estimés,  et  le 
plus  communément  employés.  On  l’administre  aussi  comme  stoma- 
chique et  tonique. 

Substitution.  — Les  drogues  substituées  à la  Rhubarbe  sont  consti- 
tuées par  les  racines  de  diverses  espèces  de  Rheum  cultivées  en  Eu- 
rope. Dans  la  plupart  des  pays,  la  culture  de  la  Rhubarbe,  pour  l’usage 
médicinal,  a été  essayée  à diverses  reprises,  mais  peu  d’expériences  ont 
été  conduites  avec  une  persistance  suffisante,  et,  quoique  les  produits 
obtenus  aient  eu  fréquemment  une  bonne  apparence,  et  ne  fussent  pas 
dépourvus  des  propriétés  caractéristiques  de  la  Rhubarbe  d’Asie,  ils 
n’ont  jamais  obtenu  la  confiance  des  médecins,  et  n’ont  pu  acquérir 
beaucoup  d’importance  sur  les  marchés  à drogues.  Ces  résultats  sont 
dus,  sans  doute,  en  grande  partie,  aux  espèces  de  Rhubarbe  cultivées, 
qui  n’ont  jamais  été  les  mêmes  qui  produisent  la  belle  Rhubarbe  de 
Chine.  Maintenant  que  nous  connaissons  l’espèce  vraisemblablement 
productrice  de  cette  drogue,  il  est  permis  de  compter  sur  des  succès 
plus  sérieux  (1). 

La  Rhubarbe  européenne  la  plus  intéressante,  à notre  point  de  vue, 
est  la  Rhubarbe  anglaise.  Dès  -1333,  André  Boorde,  moine  chartreux 
anglais,  et  médecin,  obtint  des  graines  de  Rhubarbe  qu’il  envoya  comme 
« un  grand  trésor  » à sir  Thomas  Cromwell , secrétaire  d’Etat 
de  Henri  YI1I  ; mais  il  ajoute  que  « venues  de  Barbarie  »,  il  est  permis 

(1)  M.  Usher,  de  Bodicott,  près  Banbury,  ayant,  en  1873,  commencé  à cultiver  le 
Rheum  officinale  Baii.lon,  en  possède  maintenant  (1877)  plus  de  quarante  forts  pieds, 
et  deux  cents  jeunes  pieds  qui  réussissent  fort  bien. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  207 

de  considérer  leur  qualité  comme  douteuse  (1).  Au  siècle  suivant, 
vers  1608,  Prosper  Alpinùs,  de  Padoue,  cultiva,  comme  véritable  Rhu- 
barbe, une  plante  qui  est  maintenant  connue  sous  le  nom  de  Rheum 
Rhaponticwn  L.,  originaire  du  sud  de  la  Sibérie  et  des  régions  voisines 
du  Volga  (2).  SirMatthew  Lister,  médecin  de  Charles  Ier,  se  procura 
des  graines  en  Italie,  et  les  donna  à Parkinson  (3),  qui  en  obtint 
des  plântes.  Collinson  obtint  des  Rhubarbes  de  graines  qui  avaient 
été  recueillies  dans  la  Tartarie,  et  qui  lui  furent  envoyées,  en  1742, 
par  le  professeur  Siegesbeck,  de  Saint-Pétersbourg  (4).  Vers  1777, 
Hayward,  pharmacien  à Banbury,  dans  1 Oxfordshire,  commença  a 
cultiver  les  Rheum  Rkàponticumve nus  de  graines  qui  lui  avaient  été  en- 
voyées de  Russie,  en  1762.  La  drogue  qu  il  obtint  était  si  bonne,  que  la 
Society  of  Arts  lui  accorda,  en  1789,  une  médaille  d’argent,  et  en  1794, 
une  médaille  d’oi'  (5).  La  même  société  accorda,  vers,  la  meme  époque 
(1789-1793),  des  médailles  à des  cultivateurs  du  Somersetshire,  du 
Yorkshire  et  du  Middlesex,  dont  un,  paraît-il,  cultivait  le  Rheum  palma- 
tum.  A la  mort  d’Hayward,  en  1811,  ses  Rhubarbes  tombèrent  en  la 
possession  de  M.  P.  Usher  et  de  ses  descendants.  M.  R.  Usher  et  fils  les 
cultivent  encore  à Bodicott,  village  situé  près  de  Banbury.  Nous  avons 
eu  le  plaisir  de  visiter,  le  4 septembre  1872,  les  champs  de  Rhubarbe 
de  MM.  Usher,  et  d’observer  complètement  le  procédé  employé  pour 
préparer  la  racine  destinée  au  marché  (6).  La  surface  de  terre  consa- 
, crée  à cette  culture  est  d’environ  17  acres.  Le  sol  est  une  glaise,  riche  et 
friable.  On  arrache  les  racines  pendant  l’automne,  jusqu’au  mois  de 
novembre.  Il  est  considéré  comme  avantageux  qü’elles  aient  de  six  à 
sept  ans,  mais  on  leur  laisse  rarement  atteindre  plus  de  trois  ou  quatre 
ans.  Les  monceaux  de  racines  sont  enlevés  des  champs  et  transportés 
dans  la  cour  de  la  ferme,  où  se  fait  le  nettoyage.  Le  volume  des  racines 
est  considérable  ; chacune  pèse,  avec  la  terre  qui  lui  est  attachée,  jus- 
qu’à 60  ou  70  livres.  On  les  nettoie  en  partie  ; on  enlève  les  plus  petites 
racines,  et  on  réduit  les  autres,  parle  décorticage,  en  masses  cylindriques, 
courtes,  du  volume  de  la  tête  d’un  enfant.  Ces  morceaux  sont  ensuite 
nettoyés  de  nouveau,  et  enfin  coupés  en  tranches  transversales.  Les 

(1)  Boorde,  Introduct.  and  Dietary,  réimprimé  par  l’Early  English  Tcxt  Society, 
1870,  56. 

(2)  Prosper  Alpinus,  De  Bhapontico,  Lugd.  Bat.,  1718. 

(3)  Theatrum  Botanicum,  1640,  167. 

(4)  Dillwyn,  Hortus  Collinsonianus,  1843,  45. 

(5)  Tram.  of  Soc.  of  Arts,  1790,  VIII,  75;  1794,  XII,  2So. 

(6)  On  n’emploie  pas  les  feuilles. 


208  POLYGONACÉES. 

autres,  moins  estimés,  sont  aussi  nettoyés,  triés,  et  assortis  d’après  la 
taille.  Les  racines  fraîches  sont  charnues,  faciles  cà  couper,  et  colorées 
en  beau  jaune  foncé.  On  les  fait  sécher  dans  des  bâtiments  construits 
dans  ce  but,  et  chauirés  avec  des  cheminées.  La  dessiccation  dure  plu- 
sieurs semaines.  Après  avoir  été  desséchées,  les  racines  sont  ridées  ; 
leur  aspect  est  peu  agréable,  mais  on  l’améliore  en  les  pelant  et  les 
raclant.  La  drogue,  entièrement  préparée,  est  conservée  dans  un  en- 
droit chaud  et  sec.  La  Rhubarbe  de  Banbury,  bien  préparée,  est  douée 
d une  bonne  apparence.  Les  plus  beaux  morceaux  sont  demi-cylin- 
driques, et  égaux  en  taille  à ceux  de  la  drogue  de  Chine.  La  coloration 
est  aussi  bonne,  et  la  surface  de  cassure  offre  les  taches  étoilées  non 
moins  distinctes  et  brillantes.  Les  plus  petites  racines  elles-mêmes, 
desséchées,  possèdent  une  belle  coloration  intérieure,  et  donnent  une 
poudre  fine.  L’odeur  de  cette  Rhubarbe  est  cependant  un  peu  différente 
de  celle  de  la  Rhubarbe  de  Chine  ; son  goût  est  moins  amer,  mais  plus 
mucilagineux  et  astringent.  La  racine  est  plus  spongieuse,  plus  molle 
et  plus  cassante. 

La  structure  est  la  même  que  dans  la  Rhubarbe  de  Chine;  mais, 
comme  nous  l’avons  dit,  les  taches  étoilées  sont,  lorsqu’elles  existent, 
isolées,  et  non  disposées  en  une  zone  régulière.  La  drogue  n’atteint 
qu’un  bas  prix;  elle  est  vendue,  dit-on,  pour  être  exportée  à l’état  de 
poudre.  Elle  n’est  pas  facile  à vendre  sur  le  marché  de  Londres. 

Rhubarbe  de  France  et  d' Allemagne.  — La  culture  de  la  Rhubarbe  , 
a été  essayée  en  France  pendant  la  seconde  moitié  du  dernier 
siècle,  et  a été  poursuivie  avec  persévérance  dans  diverses  localités. 
Les  espèces  qui  ont  été  cultivées  sont  les  R.  palmatum  L.  (i),  R.  undula- 
lum  L.,  R.  compactum  L.,  et  R.  Rhaponlicum  L.  La  première  fournit, 
d’après  Guibourt  (1),  une  racine  qui  se  rapproche  beaucoup  plus  que 
celle  de  toute  autre  espèce  de  celle  de  la  Rhubarbe  de  Chine  ; mais 
elle  n’est  guère  cultivée,  parce  que  le  centre  de  la  racine  se  détruit 
très-facilement.  Cette  plante  et  le  R.  undulatum  furent  d'abord  cultivés, 
par  ordre  du  gouvernement  russe,  sur  une  large  échelle,  à Kolywan  et 
à Krasnojarsk,  dans  le  sud  de  la  Sibérie,  mais  nous  croyons  que  cette 
culture  est  depuis  longtemps  abandonnée  (2).  En  France,  d’après  les 

(1)  Histoire  des  Drogues,  J 849,  II,  398. 

(2)  Douze  caisses  de  cette  Rhubarbe,  considérées  comme  provenant  de  la  récolte  de 
1793,  qui  avaient  été  abandonnées  dans  les  magasins  du  gouvernement  russe,  furent 
mises  en  vente  à Londres,  le  l«r  décembre  1833.  Des  échantillons  de  cette  drogue,  ayant 
aujourd’hui  quatre-vingts  ans  d’âge,  qui  sont  entre  mes  mains,  possèdent  encore  leur 
odeur  et  leur  goût.  [D.  II.] 


200 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

recherches  que  nous  avons  faites  dernièrement  (1873),  il  semble  que, 
sauf  aux  environs  d’Avignon,  et  dans  un  petit  nombre  d’autres  localités 

éparses,  cette  culture  a complètement  disparu. 

Le  Rheum  Rhaponticum  est  la  source  de  la  Rhubarbe  qui  est  produite 
h Austerlitz  et  à Auspitz,  en  Moravie,  à llmitz,  Kremnitz  et  Frauen- 
kirchen  en  Hongrie.  Une  certaine  quantité  de  Rhubarbe  est  aussi  pro- 
duite, dans  la  Silésie,  par  le  R.  Emocli  Wall.  (R.  australe  Don). 


(a)  Les  Rheum  L.  ( Gen  , n.  401  ; Amœnit.,  RI,  211,  t.  IV)  constituent  le  type 
d’une  série  de  Polygonacées.  Ils  ont  des  fleurs  régulières  et  hermaphrodites,  nvoe 
un  réceptacle  cupuliforme  portant  sur  ses  bords  le  périanthe  et  l’androcée.  Le 
périanthe  est  formé  de  deux  verticilles  trimères  ; l’androcée  se  compose  de  neuf 
étamines  sur  deux  verticilles,  l’extérieur  cà  six  étamines  disposées  par  paires,  1 ulté- 
rieur a trois  étamines  alternes  avec  les  paires  du  verticille  externe.  Loi  ail  e Ont 

uniloculaire,  uniovulé,  et  surmonté  de  trois  styles. 

Le  Rheum  officinale  II.  Bn  (in  Adansonia  X,  246  ; Assoc.  fr.  pour  Vcivanc.  des  sc., 
1872  514-529)  est  une  plante  à souche  vivace,  cylindrique,  en  grande  partie  enfoncée 
obliquement  d.ans  le  sol,  faisant  dans  l’air  une  saillie  de  15  a 20  centimètres  ou 
peut-être  davantage  au-dessus  de  la  surface,  couverte  de  cicatrices  de  feuilles,  de  cica- 
trices de  bourgeons,  et,  dans  le  haut,  munie  pendant  l’hiver  de  nombreux  bourgeons 
arrondis,  couverts  de  bractées  écailleuses  brunes.  La  partie  supérieure  de  cette 
souche  produit  chaque  année  un  grand  bouquet  de  vastes  feuilles  palmées,  dont 
la  croissance  est  très-rapide,  et  dont  les  dimensions  peuvent  être  très-considérables. 
La  forme  générale  du  limbe  est  ovoïde,  a base  très-large,  (cordée,  a sommet  aigu. 
Il  est  découpé  en  cinq  ou  sept  grands  lobes  subdivisés  eux-mêmes  en  lobes  plus 
petits,  dentés.  Au  niveau  de  la  base  du  limbe,  le  pétiole  émet  cinq  a sept  nervures 
palmées,  une  médiane,  et  deux  de  chaque  côté  de  cette  dernière,  se  rendant  chacune 
à l’un  des  lobes,  et  le  parcourant  jusqu’à  son  extrémité.  De  ces  nervures  principales, 
partent  des  nervures  secondaires  pennées  qui  s’enfoncent  dans  les  lobes  secon- 
daires, et  émettent  des  branches  anastomosées  en  réseau,  entre  lesquelles  le  limbe 
est  bombé.  Le  pétiole  est  a peu  près  cylindrique,  très-dilaté  à la  base,  et  entourant 
une  grande  partie  de  l’axe.  11  est  couvert,  comme  les  nervures  de  la  face  inférieure 
du  limbe,  de  poils  courts  et  serrés.  Les  feuilles  sont  accompagnées,  comme  dans  les 
autres  Polygonées,  d’un  ochrea  qui  entoure  la  tige  et  se  déchire  irrégulièrement. 
Après  avoir  produit  dès  le  commencement  du  printemps  un  grand  bouquet  de 
feuilles,  la  souche  fournit  a Tété  un  certain  nombre  de  rameaux  dressés,  hauts  de 
Im,b0  à 2 mètres,  portant  un  petit  nombre  de  feuilles  beaucoup  plus  petites  que  celles 
de  la  base,  et  plus  allongées,  également  lobées-dentées,  dans  l’aisselle  desquelles  se 
développent  des  rameaux  florifères  ramifiés  en  longues  grappes  cylindriques, 
simples,  dressées  ou  un  peu  courbées  au  sommet.  Des  inflorescences  pareilles  toi  - 
minent  chaque  branche  aérienne  principale.  La  figure  189,  qui  a été  mise  a notre 
disposition  par  M.  Bâillon,  représente  un  pied  en  pleine  floraison  de  cette  Rhubarbe 
qui  vit  en  pleine  terre  dans  le  jardin  de  l’Ecole  de  médecine  de  Paris  depuis  1871. 
Les  fleurs  sont  courtement  pédonculées,  et  situées  chacune  dans  1 aisselle  d une 
bractée.  Le  réceptacle  est  évasé  cl  légèrement  creusé' eu  coupe.  Il  porte  sur  ses  bords 
un  périanthe  formé  de  six  folioles  disposées  sur  deux  vcrticillcs  alternes,  indépen- 
dantes les  unes  des  autres,  ovoïdes,  concaves,  vertes,  imbriquées  dans  la  préflorai- 
HIST,  DES  DROGUES,  T.  II.  1 


Fig.  189.  liheum  officinale  H.  Bn 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  21 1 

Bon  En  dedans  de  ce  périanthe,  sont  disposées  neuf  étamines.  Un  premier  verticille 
est  formé  de  trois  paires  d’étamines  opposées  aux  pièces  du  périanthe  extérieur  ; un 
deuxième  verticille,  plus  intérieur,  se  compose  seulement  de  trois  pièces  situées  en 
face  des  nièces  du  périanthe  interne  et  alternes  avec  les  trois  paires  extérieures.  Les 
étamines  sont  toutes  indépendantes,  à peu  près  de  la  même  longueur  que  les  folioles 
du  oérianthe  et  formées  chacune  d’un  filet  épais,  atténué  à l’extrémité,  portant  une 
anthère  insérée  par  le  milieu  de  sa  face  dorsale,  versatile,  ovoïde,  biloculaire,  in- 
trorso  déhiscente  par  deux  fontes  longitudinales.  Entre  l’androcée  et  le  gvnecée,  le 
réceptacle  est  soulevé  en  un  disque  charnu,  épais,  circulaire,  divisé  au  niveau  du 
bord  supérieur  en  neuf  lobes  alternes  avec  les  étamines.  Le  gynécée,  inséré  dans 
le  fond  de  la  coupe  réceptaculaire,  est  formé  de  trois  carpelles  opposés  aux  trois  fo- 
lioles externes  du  périanthe,  unis  en  un  ovaire  a une  seule  loge,  surmonté  de  trois 
styles  épais,  cylindriques,  terminés  par  une  grosse  tète  stigmatique,  et  recourbés  en 


Fig.  1 90.  Fleur  entière. 


Fig.  191.  Fleur  coupéo 
verticalement. 
Hheum  officinale  H.  Bn. 


Fig,  192.  Pistil  entouré 
du  disque. 


dehors.  La  loge  ovarienne  contient  un  seul  ovule  orthotrope,  inséré  sur  le  fond  de 
la  loge,  dressé,  à micropyle  dirigé  en  haut,  et  à enveloppe  double.  Le  fruit  est  un 
akène  triangulaire,  à angles  amincis,  tranchants,  entouré  des  enveloppes  florales 
persistantes,  et  contenant  une  seule  graine  dressée  qui  renferme  sous  ses  téguments 
un  albumen  farineux  et  un  embryon  latéral,  arqué.  Après  la  maturation  des  fruits, 
toutes  les  parties  aériennes  de  la  plante  se  détruisent,  sauf  la  courte  portion  de  la 
souche  qui  a porté  les  feuilles  et  les  rameaux,  et  qui  reste  enveloppée  des  débris  des 
pétioles  et  des  ochreas  protégeant  les  bourgeons  arrondis  déjà  formés  pour  l’année 
suivante  [Trad.]. 

[b)  Le  lieutenant-colonel  russe  Prejevalsky,  pendant  un  voyage  accompli  récem- 
ment dans  la  province  de  Kansuh  a pu,  paraît-il,  s’y  assurer  qu’au  moins  une 
partie  de  la  rhubarbe  du  commerce  est  produite  par  le  Rheum  palmatum  !.. 

Le  Rheum  palmatumL.(Species,  531)  se  distingue  de  l’espèce  précédente  par  ses 
feuilles  à limbe  arrondi,  palmé,  divisé  jusqu’au  milieu  de  sa  hauteur  en  sept  lobes 
très-aigus,  incisés  sur  les  bords  et  presque  pinnatifides,  ondulés,  acuminés,  fine- 
ment laineux  sur  la  face  inférieure,  colorés  en  vert  foncé.  Le  pétiole  est  presque 
cylindrique,  coloré  en  vert  pâle,  et  marqué  de  lignes  pourpres.  La  partie  aérienne 
de  l’axe  est  haute  de  GO  centimètres  à 1 mètre  et  plus,  terminée  par  une  grande 
panicule  à ramifications  lâches,  et  à fleurs  petites,  jaunâtres,  pédicelléos,  organi- 
sées, comme  celles  du  Rheum  officinale  IL  Bn. 


212 


POLYGONACÉES. 

Le  Ilheum  onilulatum  L.  ( Species , 331  ; Rheum  Rhabarbarum  L.)  a des  feuilles 
ovales,  obtuses,  très-ondulées,  colorées  en  vert  foncé,  avec  des  nervures  pourpres  à 
la  base.  Le  limbe  est  souvent  plus  court  rpie  le  pétiole,  deux  fois  au  moins  plus  long 
que  large,  laineux  sur  les  deux  faces,  scabre  sur  les  bords,  cordé  à la  base,  acuminé 
au  sommet,  à sinus  très-ouverts,  et  à lobes  inférieurs  relevés  en  dessus.  Le  pétiole 
est  laineux,  coloré  en  rouge-sang,  à demi  cylindrique. 

Le  Rheum  Emoïi  Wallich  (mss,  Cal.  herb.  inclic .,  n.  1727  ; Itlieum  auslrale\)os) 
a des  feuilles  à limbe  très-grand,  arrondi,  cordé,  entier,  un  peu  ondulé  sur  les 
bords,  ii  pétiole  épais,  anguleux  ou  sillonné. 

Le  Rheum  compactum  L.  (Species,  531)  a des  feuilles  cordiformos,  obtuses,  très- 
ondulées,  colorées  en  vert  foncé,  scabres  sur  les  bords,  lisses  sur  les  deux  faces. 

Le  Ilheum  Rhaponlicum  L.  ( Species , 331)  a des  feuilles  arrondies-ovales,  cordées 
n la  base,  peu  ondulées,  obtuses,  colorées  en  vert  pale,  concaves,  très-légèrement 
laineuses  sur  la  face  inférieure,  surtout  près  des  bords,  et  sur  les  bords  eux-mêmes 
qui  sont  scabres.  Le  pétiole  est  déprimé,  cannelé  sur  la  face  supérieure,  strié,  coloré 
en  vert  pâle.  Les  feuilles  atteignent,  de  30  à CO  centimètres  de  long. 

La  racine  du  Rheum  Rhaponlicum,  souvent  désignée  sous  le  nom  de  Rhubarbe 
indigène,  et  autrefois  très-employée,  ne  peut  pas  être  confondue  avec  celle  du  Rheum 
officinale.  L’examen  le  plus  superficiel  permet  de  distinguer  les  deux  drogues.  La 


Fig.  193.  Face  extérieure).  Fig.  194.  Face  transversale.  Fig.  19a.  Frag.  muni  de  nœuds. 

Rhubarbe  Rhapontic. 


racine  du  Rhapontic  se  présente  en  fragments  plus  ou  moins  cylindriques,  fréquem- 
ment aplatis  et  contournés,  n’ayant  ordinairement  pas  plus  de  3 à 4 centimètres  de 
diamètre,  colorés  en  gris  rougeâtre  ou  jaunâtre.  La  surface  extérieure  périphérique 
n’offre  pas  les  iines  lignes  croisées  de  façon  â former  de  petits  losanges  que  l'on 
trouve  sur  la  racine  de  la  Rhubarbe  officinale,  mais  un  piqueté  clair  sur  un  fond  beau- 
coup plus  foncé,  rougeâtre.  La  surface  de  cassure  ne  présente  ni  l’aspect  marbré  ni 
les  étoiles  de  la  Rhubarbe,  mais  des  stries  rayonnantes  très-régulières  qui  partent  de 
la  périphérie,  et  s’enfoncent  vers  le  centre  du  cylindrique,  où  se  trouve  une  moelle 
plus  ou  moins  développée,  les  rayons  blanchâtres  correspondant  aux  faisceaux  li- 
gneux. Certains  fragments  également  cylindriques  offrent  en  outre,  extérieurement, 
des  petites  fossettes  disposées  en  zones  circulaires  et  correspondant  aux  points  par 
lesquels  sortent  les  faisceaux  qui  se  rendent  aux  feuilles  et  aux  ochréas  ; chacune 
de  ces  zones  correspond  à un  nœud  de  la  tige  (fig.  193). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÊ1ALE. 


213 


MYRISTICAGÉES 

MUSCADE. 

Muristica  Nuelei  Myristiae,  Semon  Myristicæ,  Nux  Moschata  ; Muscade,  Noix  de  Muscade  ; 
angl.,  Nutmo.g  ; allcm.,  Mushatnuss . 

Orisinc  botanique.  - Myristica  fragrans Houttu yn  (M.  moschcUa Tiiunb.  ; 
AI . officinalis  L.  fil.).  C’est  un  bel  arbre  touffu,  toujours  vert,  à feuilles 
luisantes,  d’un  vert  sombre.  Dans  ses  îles  natales,  il  s’élève  à une  hau- 
teur de  12  à 15  mètres.  On  le  trouve  à l’état  sauvage  dans  les  des  de 
Jilolo,  Ceram,  Amboine,  Bouro,  dans  la  péninsule  occidentale  de  la 
Nouvelle-Guinée,  et  dans  plusieurs  des  îles  adjacentes,  y compris  le  tres- 
petit  groupe  volcanique  situé  au  sud  de  Ceram,  mais  il  n est  pas  indi- 
gène des  îles  situées  plus  à l’ouest,  ni  des  îles  Philippines  (Crawfurd), 

3 Le  Muscadier  a été  introduit  à Bencoolen,  sur  la  côte  occidentale  de 
Sumatra,  à Malacca,  dans  le  Bengale,  dans  les  îles  de  Singapore  et  de 
Penang,  ainsi  qu’au  Brésil,  et  dans  les  Indes  occidentales  ; mais  sa  cul- 
ture n’a  été  couronnée  de  succès  que  dans  un  très-petit  nombre  de  loca- 
lités. Dans  son  pays  d’origine,  l’arbre  commence  à produire  vers  la  neu- 
vième année,  et  continue  à fructifier  jusqu’à  soixante  ou  quatre-vingts 
ans.  Il  donne,  chaque  année,  jusqu’à  2000  fruits.  Il  est  dioïque,  et  les 
indigènes  considèrent  chaque  pied  mâle  comme  suffisant  pour  féconder 
vingt  pieds  femelles  (a). 

Historique.  — On  pense  généralement  que  ni  la  Muscade  ni  le  Macis 
n’étaient  connus  des  anciens.  C.  F.  Ph.  von  Martius  (I),  cependant, 
admet  qu’il  est  fait  allusion  au  Macis  dans  les  comédies  de  Plaute  (2), 
écrites  deux  siècles  environ  avant  l’ère  chrétienne. Les  mots  Macer , Ma- 
cas,  Machir  ou  Macir,  qui  se  trouvent  dans  les  écrits  de  Scribonius  Lar- 
gus,  de  Dioscoride,  de  Galien  et  de  Pline,  sont  considérés,  par  Martius, 
comme  se  rapportant  toujours  au  Macis.  Cependant  Acosta,  il  y a pies 
de  trois  siècles,  et  plusieurs  autres  écrivains  ultérieurs,  nous  paraissent 
avoir  bien  démontré  (3)  que  la  substance  désignée  par  ces  noms  n est 
pas  le  Macis,  mais  l’écorce  d’un  arbre  du  Malabar. 

Les  Muscades  et  le  Macis  furent  importés  de  l’Inde,  a une  date  recu- 
ti) Flora  Bras  Moisis,  fasc.  11-12,  133.  — Repertorium  fur  Pharmacie,  de  Buciineii, 

18G0,  IX,  529-538. 

(2)  Pseudolus,  act.  III,  sc.  2. 

(3)  Mékat  et  de  Lens,  Dict.  de  Mat.  raidie,,  1832,  IV,  173. 


21 4 MYRISTICACÉES. 

lée,  par  les  Arabes,  'qui]  les  transmirent  aux  peuples  de  l’Occident. 
Aëtius,  qui  résida  à la  cour  de  Constantinople  vers  540,  paraît  avoir 
connu  la  Muscade,  si  du  moins  c’est  à elle  que  s’applique  le  mot  Nuces 
Indicæ , qu’il  cite  avec  les  clous  de  girofle,  le  nard,  le  costus,  le  calamus 
aromaticus,  et  le  bois  de  santal,  comme  ingrédients  du  Suffumigium 
rnoschatum  (1).  Masudi  (2),  qui  paraît  avoir  visité  l’Inde  de  916  à 919, 
signala  la  Muscade  avec  les  clous  de  girofle,  la  noix  douce  et  le  bois  de 
santal,  comme  produits  des  îles  orientales  de  l’archipel  indien.  Le 
géographe  arabe  Edrisi,  qui  écrivait  au  milieu  du  douzième  siècle,  men- 
tionne les  Muscades  et  le  Macis  comme  articles  d’importation  àAden(3). 
Les  « Nois  mousccides  » figurent  parmi  les  épices  sur  lesquelles  un  impôt 
était  levé  à Saint-Jean  d’Acre,  en  Palestine,  vers  1180  (4).  Un  siècle 
plus  tard  environ,  un  autre  auteur  arabe,  Kazwini  (5),  cite  expressé- 
ment les  Moluques  comme  le  pays  d’origine  des  épices  dont  nous  par- 
lons. Un  des  plus  anciens  renseignements  que  nous  possédions  sur 
l’usage  des  Muscades,  en  Europe,  se  trouve  dans  un  poëme  écrit, 
vers  1195,  par  Petrus  d’Ebulo  (6).  En  décrivant  l’entrée  à Rome  de 
l’empereur  Henri  YI,  avant  son  couronnement,  en  avril  1191,  il  dit  que 
les  rues  étaient  parfumées  avec  des  aromates  qu'il  énumère  dans  le 
vers  suivant  : 

Balsama,  thus,  aloë,  myristica,  cynnama,  nardus. 

A la  fin  du  douzième  siècle,  les  Muscades  et  le  Macis  se  trouvaient 
dans  le  nord  de  l’Europe,  même  en  Danemark,  ainsi  qu’on  peut  le 
conclure  des  allusions  qui  y sontfaites  dans  les  écrits  de  Harpestreng  (7). 
En  Angleterre,  le  Macis  était  bien  connu,  mais  coûtait  fort  cher  ; de 
1284  à 1377,  son  prix  fut  en  moyenne  de  Ash.l  den.  la  livre,  tandis  que 
le  prix  moyen  d’un  mouton,  pendant  la  même  période,  n’était  que 

(1)  Aetius,  Tetrabiblos,  IV,  serm.  4,  c.  122.  Le  nom  de  Nux  indicaa.  ete  appliqué, 
dans  le  courant  des  siècles,  à différents  produits,  comme  par  exemple  la  Noix  de  coco 
(voir  mes  documents  pour  servir  îi  l’histoire  de  la  pharmacie.  Halle,  1876,  p.  18). 
L’école  de  Salerne(dans  Renzi,  Collectio  Salernitana,  III,  1854,  P-  270  etsuiv.)  déclara: 
« Nux  vomica,  nux  indica  idem  »,  et  dans  Berlu,  the  Treasury  of  drugs  nulock  rf;  Lon- 
don, 1724,  on  trouve  sous  le  nom  de  Nuces  Indicæ  très-distinctement  la  noix  d Arec. 
[F.  A.  F.] 

(2)  Les  Prairies  d'or , 1861,  I,  341. 

(3)  Géographie , traduction  de  Jaubert,  1836,  I,  51. 

(4)  Dans  l’ouvrage  indiqué  à la  page  500  du  t.  I,  note  1. 

(5)  Kosmographie,  übersetzt  von  Ethé,  1869,  I,  227. 

(6)  Carmen  de  motibus  siculis,  Basil.,  1746,  23.  - Une  nouvelle  édition  de  ce  livre, 
par  le  professeur  Winkelmann,  a paru  en  1874. 

(7)  Danske  Lacgebog , cité  par  Meyer,  Geschichte  der  Botanik,  1856,  III,  »37. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  215 

de  1 sh  5 den.,  et  celui  d’une  vache  9 sh.  5 dm.  (1).  Il  était,  également 
très-cher  en  France,  car  dans  le  Compte  de  l'exécution  du  testament  de 
Jeanne  d’Evreux,  reine  de  France,  en  1372,  six  onces  de  Macis  furent 
estimées  3 sols  8 deniers  Fonce,  ce  qui  répond  à 8 sh.  3 den.  de  notre 
monnaie  actuelle  (2). 

L’usa°e  de  ces  épices  s’était  répandu  en  Europe  longtemps  avant  que 
les  Portugais  découvrissent,  en  1512,  la  plante  mère  dans  les  îles  de 
Banda.  Les  Portugais  possédèrent  le  commerce  des  îles  à épices  pendant 
un  siècle  environ;  il  leur  fut  ensuite  enlevé  parles  Hollandais,  qui  em- 
ployèrent, pour  la  Muscade,  les  mêmes  mesures  restrictives  que  pour  les 
clous  de  girofle  et  la  cannelle.  Afin  d’assurer  leur  monopole,  ils  s’effor- 
cèrent de  restreindre  la  culture  des  arbres  à Banda  et  a Amboine,  et 
les  détruisirent  partout  ailleurs,  notamment  à Ceram  et  dans  les  petites 
îles  voisines  de  Kelang  et  Nila.  Le  commerce  de  cette  épice  était  telle- 
ment entre  leurs  mains,  que  les  récoltes  de  seize  années  restaient  en- 
tassées dans  leurs  magasins,  et  qu’on  n’apportait  jamais  sur  le  marché 
le  produit  des  années  nouvelles.  La  récolte  de  1 744,  par  exemple,  ne 
fut  vendue  qu’en  1760.  Cette  année-là  on  brûla,  à Amsterdam,  une  im- 
mense quantité  de  clous  de  girofle  et  de  Muscades,  pour  empêcher  que 
le  prix  ne  tombât  trop  bas  (3). 

Pendant  l’occupation  des  îles  à épices  par  les  Anglais,  de  1796  à 1802, 
la  culture  du  Muscadier  fut  introduite  à Bencoolen  et  à Penang  (4),  et 
quelques  années  plus  tard  à Singapore.  De  grandes  plantations  de  Mus- 
cadiers furent  faites  dans  ces  deux  îles,  et  ne  tardèrent  pas  à rapporter 
beaucoup,  grâce  à une  culture  soignée  et  continue  (5).  En  1860,  les 
arbres  furent  envahis  par  un  champignon  destructeur,  dont  les  cultiva- 
teurs furent  impuissants  à arrêter  le  développement,  et  qui  détermina 
la  ruine  des  plantations,  au  point  qu’en  1867  on  ne  pensait  plus  à la 


(1)  Rogers,  Hist.  of  Agriculture  and  Prices  in  England,  1866,  I,  361-362,  628. 

11  est  à remarquer  que  les  noix  muscades  ne  sont  pas  mentionnées,  quoique  le  macis 
soit  plusieurs  fois  cité. 

(2)  Leber,  Appréciation  de  la  fortune  privée  au  moyen  âge,  éd.  2,  1847,  9b. 

(3)  Valmont  de  Bomare,  Dict.  d’Histoire  nat.,  1775,  IV,  297.  — Cet  auteur  pai  e 
en  témoin  oculaire  de  la  destruction  que  nous  rappelons  : « Le  10  juin  1760,  j en  ai  vu 
^Amsterdam,  près  de  l’Amirauté,  un  feu  dont  l'alimentation  était  estimee  nu  nui  ions, 
argent  de  France;  on  devait  en  brûler  autant  le  lendemain.  Les  pieds  des  spcc  a cuis 

baignaient  dans  l’huile  essentielle  de  ces  substances...  » 

(4)  On  peut  juger  des  tentatives  qu’a  pu  provoquer  celte  culture  pai  ce  ai  que  e 
prix  du  macis  était  coté,  le  3 janvier  1806,  dans  le  London  Pi  icc  Cuiren  (qui  0,1  uc 
seulement  les  prix  d’importation),  îi  85  shillings  ou  90  shillings  la  livie , a ce  pnx  î 
faut  ajouter  encore  l’impôt  de  7 shillings  et  1 denier  par  livre. 

(5)  Seemann,  in  Journ.  of  Bot.  de  IIooker,  1852,  IV,  83. 


21  fj 


JV1VUISTICACÉES. 

culture  du  Muscadier  à Penang  et  à Singapore  (t).  Quoique  très-esti- 
més  en  Europe  et  en  Asie,  les  Muscades  et  le  Macis  n’ont  jamais  été 
employés  comme  condiments  dans  les  îles  qui  les  produisent  (2). 

Collection  Ot  préparation.  - D’après  M.  Wallace  (3),  presque  toute 
la  surface  des  îles  Banda  est  plantée  de  Muscadiers,  qui  croissent  à 
l’ombre  des  grands  Canarium  commune.  La  nature  volcanique,  l’ombre,  et 
1 humidité  excessive  de  ces  îles,  qui  reçoivent  de  la  pluie  presque  chaque 
mois  de  1 année,  paraissent  convenir  admirablement  au  Muscadier, 
qui  n y exige  aucune  culture,  et  presque  aucune  attention.  Dans  le  Ben- 
coolen  (4),  les  arbres  produisent  à peu  près  pendant  toute  l’année, 
mais  la  récolte  principale  se  fait  dans  les  derniers  mois;  une  se- 
conde, moins  importante,  est  faite  en  avril,  en  mai  et  en  juin.  Lorsque 
le  fruit  se  fend,  on  le  cueille  avec  un  crochet  fixé  à un  long  bâton  ; on 
enlève  le  péricarpe,  et  on  sépare  avec  soin  le  Macis.  On  fait  alors  sécher 
les  graines  dans  une  construction  en  briques,  où  on  les  expose  sur  des 
châssis  a la  chaleur  douce  d'un  feu  très-modéré,  au  milieu  d’un  courant 
d’air  bien  actif.  La  dessiccation  dure  deux  mois,  pendant  lesquels 
on  retourne  les  Muscades  tous  les  deux  ou  trois  jours.  Au  bout  de  ce 
temps,  les  amandes  sont  devenues  mobiles  dans  les  enveloppes,  et  y 
produisent  un  bruit  de  grelot  quand  on  les  secoue,  ce  qui  indique  que 
la  dessiccation  est  complète.  On  brise  alors  les  téguments  avec  un  mar- 
teau en  bois  ; on  enlève  les  amandes,  on  les  assortit,  et  enfin  on  les 
roule  dans  de  la  chaux  tamisée.  Dans  l’île  de  Banda,  on  retire  celles  qui 
sont  noires,  petites  et  moins  belles,  et  on  les  réserve  pour  la  prépa- 
ration d’une  huile  par  pression. 

L’ancienne  police  commerciale  des  Hollandais  donna  naissance  à la 
singulière  habitude  de  briser  les  enveloppes  de  la  graine,  et  d’immerger 
les  amandes  des  graines,  séchées  artificiellement,  dans  un  lait  de  chaux, 
parfois  pendant  une  période  de  trois  mois.  On  faisait  cela  dans  le  but  de 
rendre  impossible  la  germination  des  amandes  transportées  sur  les 
marchés.  L’inutilité  de  ce  procédé  fut  prouvée  par  Teissmann;  il  montra 
qu’une  simple  exposition  des  graines  au  soleil,  pendant  une  semaine, 
est  suffisante  pour  détruire  la  vitalité  de  l’embryon.  Pendant  l’immer- 

(1)  Gollingwood,  in  Jourii.  of  Linné  an  Society , Bot.,  1S69,  X,  45. 

(2)  Crawfurd,  Dict.  of  Vie  Indian  Islamh,  1856,  304.  — On  trouvera  dans  ce  livre 
heaucoup  de  détails  complémentaires. 

(3)  The  Malay  Archipelago,  1809,  1,  452.  Voyez  aussi  : Bickmore,  Travels  in  the 
Enst  Indian- Archipelago,  1868,  225. 

(4)  Lumsdaîne,  in  Pharm.  Journ  , 1852,  XI,  516.  — Pour  plus  de  détails  sur  les 
plantations  de  Muscadiers  de  Sumatra,  consultez  le  mémoire  original. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  217 

sion  dans  le  lait  de  chaux,  un  certain  nombre  de  graines  se  per- 
dent, et  une  seconde  dessiccation  est  rendue  nécessaire.  Lumsdaine 
a montré  également  que  ce  procédé  est  au  moins  entièrement  inu- 
tile. Les  Muscades  se  conservent  très-bien  dans  leur  enveloppe  natu- 
relle, et  les  Chinois  ont  le  bon  sens  de  les  préférer  dans  cet  état.  Le 
procédé  de  chaulagc  des  Muscades  est  cependant  encoie  beaucoup 
employé,  et  le  préjugé,  en  faveur  de  l’épice  ainsi  préparée,  est  si 
fort  dans  certains  pays,  que  des  Muscades,  non  chaulées  dans  le  pays 
de  production,  le  sont  à Londres  avant  d’être  expédiées  dans  d’autres 
contrées.  Les  Muscades  de  Penang  sont  toujours  transportées  à 1 état 
naturel,  c’est-à-dire  non  chaulées. 

Description.—  Le  fruit  du  Myristica  fragrans  est  une  drupe  pendante, 
globuleuse,  ayant  S centimètres  environ  de 
diamètre,  assez  semblable  à une  petite  poire 
arrondie.  Elle  est  parcourue  par  un  sillon  qui 
l’entoure,  et  au  niveau  duquel,  à la  maturité, 
son  péricarpe  épais  se  fend  en  deux  valves, 
et  met  à nu,  dans  sa  cavité,  une  seule  graine 
enveloppée  par  un  arille  charnu,  foliacé,  cra- 
moisi, désigné  sous  le  nom  de  Macis.  La 
graine  est  colorée  en  brun  foncé,  luisante, 
ovale,  marquée  de  dépressions  qui  corres- 
pondent aux  lobes  de  l’arille  ; sur  une  de 
ses  faces,  qui  est  plus  pâle,  et  légèrement 
aplatie,  se  voit'  une  ligne  qui  indique  le 
raphé.  Le  testa  ligneux  de  la  graine  ne  parvient  pas  dans  le  com- 


Fig.  196.  Fruit  du  Myristica 
fragrans  entrouvert. 


Fig.  197.  Graine  entourée 
de  son  arille  ou  maci3. 


Fig.  198.  Coupe  verticale 
do  la  graine  entière. 
Graine  du  Myristica  fragrans. 


Fig.  199.  Amande  dépouillée 
de  sou  enveloppe. 


mcrce  européen,  et  la  Noix  muscade  est  formée  uniquement  par  l’a- 
mande de  la  graine.  La  Noix  muscade  offre  à peu  près  la  même 


218 


MYIUSTICACÉES. 

forme  que  la  graine  entière,  avec  une  taille  moindre.  Les  marchands 
anglais  estiment  les  noix  d’après  la  taille  ; les  plus  grandes,  qui  ont  en- 
viron 2 centimètres  et  demi  de  long,  et  2 centimètres  de  large,  et  dont 
quatre  seulement  pèsent  1 once,  atteignent  le  prix  le  plus  élevé.  Lors- 
qu’elles n’ont  pas  été  chaulées,  elles  sont  colorées  en  brun  grisâtre. 
Elles  sont  lisses,  mais  sillonnées  longitudinalement,  et  marquées,  sur  la 
face  la  plus  plate,  d’une  rainure  étroite.  Sur  une  section  transversale, 
on  voit  que  le  tégument  interne,  dont  elles  sont  revêtues,  pénètre  dans 
l’albumen  jusqu’au  centre,  en  formant  des  bandes  allongées,  étroites, 
brunes,  qui  lui  donnent  un  aspect  marbré  particulier  et  bien  connu.  Au 
niveau  de  la  base  de  l’albumen,  et  près  du  hile,  se  trouve  l’embryon, 
formé  d’une  radicule  courte,  et  de  deux  cotylédons  en  forme  de  coupes, 
dont  les  bords,  amincis  et  recourbés,  pénètrent  dans  l’albumen.  Le  tissu 
de  la  graine  se  laisse  couper  avec  la  même  facilité  dans  toutes  les  direc- 
tions; il  est  très-huileux,  et  possède  une  odeur  aromatique  délicieuse  ; 
son  goût  est  épicé  et  un  peu  âcre. 

Structure  microscopique.  — Le  testa  est  formé  de  cellules  rigides, 
longues,  minces,  disposées  radialement,  très-pressées  les  unes  contre 
les  autres,  et  n’offrant  pas  de  cavités  bien  distinctes.  L’endoplèvre,  qui 
forme  l’enveloppe  de  l’amande,  et  pénètre  dans  son  épaisseur,  est  formé 
de  cellules  à parois  molles,  brunes,  et  offre  des  petits  faisceaux  fibro-vas- 
culaires.  Dans  les  couches  extérieures  de  l’endoplèvre,  existent  de  petites 
cellules  aplaties  ; mais  la  couche  qui  pénètre  dans  l’épaisseur  de  l'albu- 
men est  formée  de  cellules  beaucoup  plus  grandes.  Le  tissu  de  l’albu- 
men est  formé  de  cellules  à parois  molles,  remplies  de  grains  d’amidon 
et  de  graisse  en  partie  cristallisée.  Parmi  les  cristaux  prismatiques  de  la 
graine,  se  voient  de  grandes  plaques  épaisses,  rhombiques  ou  à six  faces. 
A ces  substances  se  joignent  des  granulations  de  matières  albuminoïdes. 

Composition  chimique.  — Après  l'amidon  et  la  matière  albuminoïde, 
le  principe  constituant  le  plus  important  de  la  Noix  muscade  est  la 
graisse,  qui  forme  environ  le  quart  de  son  poids,  et  qui  est  connue  dans 
le  commerce  sous  le  nom  de  Beurre  de  Muscade  (voy.  page  220). 
L’huile  volatile,  à laquelle  sont  dus  le  goût  et  l'odeur  des  Muscades, 
existe  dans  la  proportion  de  2 à.3  pour  100  (I)  environ,  et  est  constituée, 
d’après  Cloëz  (tSGi),  presque  en  entier,  par  un  hydrocarbone  Cl0II16, 
bouillant  à 163°  G.;  Gladstone,  qui  lui  assigne  la  même  composi- 

(1)  MM.  IIerrings  et  O,  de  Londres,  nous  ont  informés  que  2 874  livres  de  noix 
muscades,  distillées  dans  leur  laboratoire,  ont  donné  67  livres  d huile  essentielle,  c’est- 
à-dice  2,33  pour  100. 


219 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D ORIGINE  VÉGÊTALIi. 

lion  a signalé  de  plus,  dans  l’essence  brute,  la  présence  d’un  composé 
correspondant  à la  formule  C10H“O,  qu’il  appelle  Myristicol  Quoique 
isomérique  avec  le  carvol  du  Carvi,  le  myristicol  ne  s’unit  pas  avec 

l’acide  sulfhydrique. 

Une  huile  essentielle  de  Noix  muscade,  distillée  a Londic»  par 
MM.  Herrings  et  C°,  examinée  en  colonne  de  200  millimètres  de  long, 
nous  a présenté  une  déviation  de  la  lumière  polarisée  de  15°, 3 a droite. 
Celle  de  la  Noix  muscade  longue  ( Myristica  falua  Houtt.),  qui  nous 
avait  été  fournie  par  la  même  maison,  dévia  la  lumière  polarisée  de 

28°, 7 à droite. 

MM.  Herrings  et  Ce  ont  mis  à notre  disposition  une  substance 
cristalline,  qu’ils  avaient  obtenue  pendant  la  seconde  partie  de  la  distil- 
lation de  la  Noix  muscade  commune,  et  de  la  longue.  C’est  une  masse 
graisseuse,  grisâtre;  par  cristallisation  répétée  dans  l’alcool,  nous 
l’avons  obtenue  sous  forme  d’écailles  incolores,  brillantes,  fusibles 
à 5-4“  C.,  et  exhalant  l’odeur  de  la  Noix  muscade.  Ces  cristaux  se  dis- 
solvent facilement  dans  la  benzine,  le  sulfure  de  carbone,  et  le  chloro- 
forme, difficilement  dans  l’éther  de  pétrole.  Leur  solution  dans  l’alcool 
possède  une  réaction  nettement  acide,  et  est  dépourvue  de  pouvoii 
rotatoire.  En  les  faisant  bouillir  dans  l’alcool  à 0,843,  avec  du  carbonate 
anhydre  de  sodium,  nous  obtînmes  une  solution  qui,  après. enlèvement 
de  l’alcool,  abandonna  un  résidu  tout. à fait  soluble  dans  1 eau  bouil- 
lante, se  prenant  en  gelée  par  le  refroidissement.  En  ajoutant  de  1 acide 
chlorhydrique  à la  solution  aqueuse  chaude,  la  substance  cristalli sable 
primitive  se  montre  de  nouveau,  mais  elle  est  dépourvue  d odeui. 
Cette  substance  n’est  pas  autre  chose,  en  réalité,  que  de  \ acide  Myris- 
tique (1).  On  l’avait  autrefois  considérée  comme  un  stéai'optène  ( Myns - 
licine). 

Production  et  commerce.  — Les  Noix  muscades  et  le  Macis  qu  on 
apporte  aujourd’hui  sur  le  marché  sont,  en  grande  partie,  produits  pâl- 
ies îles  Banda  (2),  parmi  lesquelles,  cependant,  trois  seulement, 
Lontar  ou  Grande  Banda,  Pulo  Ai,  et  Pulo  Nera,  ont  été  désignées  sous  le 
nom  de  Parcs  aux  Muscades.  D’après  les  documents  officiels  hollandais, 
la  première  de  ces  îles  possédait,  en  1864,  environ  266000  arbres  poi- 
tant  des  fruits  ; Ternate,  sur  la  côte  ouest  de  Jilolo,  en  possédait  46000  , 

(1)  Plückiger,  Pharm.  Journ.,  15  août  1874. 

(2)  On  aura  une  idée  du  peu  de  surface  de  ces  fameuses  lies  par  ce  fait,  que  la 
Grande  Banda,  la  plus  vaste  de  toutes,  n’a  que  7 milles  de  long  sur  2 milles  de  laige. 
la  surface  entière  du  groupe  ne  dépasse  pas  17,0  milles  géographiques  carrés. 


220 


MYIUSTICACÉES. 

Menado,  dans  le  groupe  des  Célèbes,  en  avait  35000,  et  Araboine  seule- 
ment 31000.  Les  Muscades  des  îles  Banda  sont  expédiées  à Batavia.  La 
quantité  exportée  de  Java,  en  1871,  et  provenant,  à notre  avis,  de  Ba- 
tavia, par  conséquent  produite  par  les  îles  Banda,  fut  de  8107  péculs, 
sur  lesquels  2300  péculs  furent  expédiés  aux  Etats-Unis,  et  la  plus 
grande  partie  à Singapore  (1).  Ce  dernier  port  expédia  aussi,  pendant 
la  même  année,  une  très-grande  quantité  (310570  livres)  de  Noix  mus- 
cade vers  l’Amérique  du  Nord  (2).  Il  a été  exporté  de  Padang,  port  de 
Sumatra,  pendant  l’année  1871,  2766  péculs  de  Muscades,  expédiés 
surtout  pour  1 Amérique  et  Singapore.  La  quantité  importée  dans  le 
Royaume-Uni,  en  1870,  fut  de  537  978  livres. 

Lisages.  — La  Noix  muscade  est  un  aromatique  stimulant,  particu- 
lièrement employé  pour  parfumer  d’autres  médicaments.  On  s’en  sert 
aussi  journellement  comme  condiment,  mais  elle  est  moins  estimée 
qu’au  trefois. 


BEURRE  DE  MUSCADE. 

Oleum  Myristicæ  expression;  Oleum  Macidis  ; Balsamum  vel  Oleum  Nucistse  ; angl.,  Expressed 
OU  oj  Nutmegs,  Nutmeg  Butter , OU  of  Mace  ; allem.,  Muskatbutler , Mus  Icat  mis  soi. 

Cette  drogue  parvient  en  Angleterre,  surtout  par  la  voie  de  Singapore, 
en  .blocs  oblongs,  rectangulaires,  ayant  environ  25  centimètres  de 
long  sur  6 centimètres  de  large,  enveloppés  dans  une  natte  en  feuilles 
de  palmier.  C’est  une  substance  solide,  onctueuse,  de  couleur  brun 
orange,  plus  ou  moins  foncée,  et  d’aspect  marbré.  Son  odeur  est  très- 
agréable,  son  goût  est  gras  et  aromatique.  En  opérant  sur  2 livres  de 
noix  muscades,  d’abord  pulvérisées,  puis  chauffées  à l’étuve,  et  pres- 
sées encore  chaudes,  nous  obtînmes  9 onces  d’huile  solide,  c’est-à-dire 
28  pour  100.  Cette  huile  ne  différait,  ni  par  la  coloration,  ni  par  l’odeur 
et  la  consistance,  de  celle  qui  est  importée  ; elle  fond  à 45°  C.  environ, 
et  se  dissout  parfaitement  dans  deux  parties  d’éther  chaud,  et  dans 
quatre  parties  d’alcool  chaud  à 0,800. 

Le  Beurre  de  Muscade  contient  l’huile  volatile,  déjà  décrite,  dans  la 
proportion  de  6 pour  100  environ,  indépendamment  de  plusieurs  autres 
corps  gras.  Un  de  ces  derniers,  nommé  Myristine,  C45H8606,  peut  être 
retiré  à l’aide  de  la  benzine,  ou  par  dissolution  dans  l’éther  de  la  partie 
du  Beurre  de  Muscade  qui  est  insoluble  dans  l’alcool  froid.  Les 

(1)  Consulat'  Reports,  août  1873,  932-9S3. 

(2)  H lue  Book  for  the  Colon;/  of  the  Straits  Settlements  for  1871,  Singapore,  1872. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  221 

cristaux  de  Myristine  fondent,  d’après  Playfair  (1841),  à 31°  G.  Par  sa- 
ponification, ils  fournissent  de  la  glycérine  et  de  Y acide  Myristique, 

QUtl2802  ce  dernier  fusible  à 53°, 8 G. 

La  myristine  existe  aussi  dans  le  blanc  do  baleine  et,  d'après  Mulüer, 
en  petite  quantité,  dans  les  huiles  fixes  de  Lin  et  de  graines  de  Pavot. 
Les  noix  muscades  contiennent,  d'après  Comar  (1859),  10  à 13  pour  100 

de  myristine.  . 

La  partie  du  Beurre  de  Muscade,  qui  est  la  plus  soluble  dans  1 alcool 

et  la  benzine,  contient  un  autre  corps  gras,  qui  n’a  pas  encore  etc 
étudié.  Il  est  accompagné  d’une  matière  colorante  rouge. 

la)  Les  Muscadiers  ( Myristica  L.,  Généra , n.  1399)  constituent  seuls  la  petite  fa- 
mille des  Myristicacées.  Leurs  fleurs  sont  régulières  et  dioïques,  avec  un  réceptacle 
convexe.  Les  fleurs  mâles  sont  composées  d’un  périan- 
the  simple  et  d’un  androcée  à étamines  en  nombre  va- 
riable, monadelphes.  Les  fleurs  femelles  ont  également 
un  périantbe  simple,  et  un  ovaire  uniloculaire  contenant 
un  seul  ovule  anatrope,  ascendant.  Le  fruit  est  charnu, 
déhiscent  et  monosperme.  La  graine  est  arillee. 

Le Myristica fragrans Houttuyn  (Hist.  jiaL,H,P.HT, 

233)  est  un  arbre  à feuilles  alternes,  simples,  entières, 
pétiolées,  dépourvues  de  stipules.  Le  tronc  s élève  â 6 ou 
8 mètres  de  haut;  il  est  recouvert  d’une  écorce  d’un 
brun  grisâtre,  assez  lisse,  riche  en  suc  jaunâtre.  Les 
feuilles  sont  longues  de  8 à 15  centimètres,  oblongues- 
elliptiques,  obtuses  à la  base,  acuminôes,  glabres,  colo- 
rées en  vert  foncé  et  luisantes  sur  la  lace  supérieuie, 
beaucoup  plus  pâles  en  dessous.  Les  fleurs  sont  dispo- 
sées en  cymes  pauciflores,  axillaires  ou  entraînées  un 
peu  au-dessus  de  l’aisselle  de  la  feuille  mère,  pédon- 
culées.  Le  pédoncule  principal  et  les  pédicelles  sont 
glabres.  Chaque  pédicelle  est  situé  à l’aisselle  d’une  bractée  caduque,  et  porte  près 
de  la  fleur  une  autre  bractée  éga- 
lement caduque,  alterne  avec  les 
deux  divisions  antérieures  du  pé- 
rianthe. 

La  fleur  mâle  offre  un  calice 
gamosépale  charnu,  divisé  en  trois 
dents  très-courtes,  valvaires  dans 
la  préfloraison.  En  dedans  de  ce 
périanthe  simple,  le  réceptacle  se 
soulève  en  une  colonne  cylindrique 
un  peu  renflée  â la  base,  et  por- 
tant une  vingtaine  d’anthères  li- 
néaires, adhérentes  par  toute  l’é-  - ‘ Myristica  fragrans. 

tendue  de  leur  face  interne  à la 
colonne  centrale,  formées  chacune  d’une  seule  loge(?)  extrorse,  déhiscente  par  une 

fente  longitudinale. 


Fig.  200.  Myristica  fragrans, 
Extréra.  d'un  rameau  fleuri. 


Fig.  201.  Flour  mùle, 
coupée  vertie. 


Fig.  202.  Fleur  Ternelle, 
coupée  vertio. 


222  MYRIST1CACÉES. 

Dans  la  fleur  femelle  le  périanthe  est  également  gamosépale,  charnu,  velu  en  de- 
hors, et  divisé  dans  le  haut  en  trois  dents  courtes,  valvaires,  réfléchies  au  moment 
de  l’nnthèse,  et  un  peu  plus  longues  que  celles  du  calice  de  la  fleur  mâle.  Il  n’existe 
aucune  trace  d’organes  mâles.  Au  centre  de  la  fleur,  s’insère  un  ovaire  supèrc,  uni- 
loculaire, atténué  dans  le  haut  en  un  cône  court  et  arrondi  au  sommet.  La  face  pla- 
centaire de  l’ovaire  est  parcourue  par  un  sillon  longitudinal,  dont  les  deux  lèvres 
sont  couvertes  dans  le  haut  de  papilles  stigmatiques,  et  se  renversent  en  dehors. 

Toute  la  face  externe  de  l’ovaire  est  velue  comme  le  périanthe.  Dans  la  loge  unique, 
se  trouve  inséré,  sur  un  placenta  â peu  près  basilaire,  un  seul  ovule  anatrope,  à peu 
près  dressé,  â micropyle  dirigé  en  bas  et  du  côté  opposé  au  sillon  qui  parcourt 
l’ovaire.  Le  fruit  estime  baie  charnue,  ordinairement  pyriforme,  déhiscente,  en  deux 
valves  par  une  fente  longitudinale  qui  parcourt  ses  deux  faces.  La  graine  unique 
qu’elle  renferme  est  ascendante,  à téguments  très-résistants,  â albumen  ruminé. 
L’arille  qui  l’enveloppe  est  lacinié,  il  naît  à la  fois  autour  du  micropyle  et  du  hile, 
exemple  excellent  signalé  par  M.  Bâillon,  de  l’erreur  dans  laquelle  tombent  les  bota- 
nistes qui  prétendent  réserver  le  nom  (Varille  aux  productions  du  hile,  et  donnent 
celui  d’aritlode  aux  productions  du  micropyle  ; ici  en  effet  l’arille  est  à la  fois  hilaire 
etmicropylaire(voy.  l’article  Arille,  du  Dictionnaire  de  Botanique  de  H.  Bâillon). 
[Ttiad.] 


MACIS. 

Angl.,  Mace  ; allem.,  Macis,  MuskatbliXthe. 

Origine  botanique.  — Myristica  fragrans  Houttuyn,  voy.  page  221, 
note  a.  La  graine,  qui,  privée  de  son  tégument  dur,  est  connue  sous  le 
nom  de  noix  muscade,  est  enfermée,  à l’état  frais,  dans  une  enveloppe 
extérieure  charnue,  assez  semblable  à l’involucre  d’une  noisette.  Cet 
organe  est  uni,  au  niveau  de  la  base  de  l’enveloppe  ligneuse,  avec  le  mi- 
cropyle, le  hile,  et  la  portion  contiguë  du  raphé,  dont  il  constitue  une 
expansion.  On  lui  a donné  le  nom  d 'arille  (1).  Lorsqu’il  est  séparé  et 
sec,  il  constitue  le  Macis  du  commerce.  A l’état  frais,  il  est  charnu,  et 
d’une  belle  coloration  cramoisie  ; il  enveloppe  complètement  la  graine 
au  niveau  de  sa  base,  et  se  divise,  plus  haut,  en  lobes  larges  et  aplatis, 
ramifiés  en  lanières  étroites  qui  convergent  les  unes  vers  les  autres,  au 
niveau  du  sommet  de  la  graine. 

Historique.  — Voyez  l’article  précédent. 

Description.  — On  sépare  le  Macis  de  la  graine  avec  les  doigts,  et  on 
le  fait  sécher  au  soleil.  Il  perd,  en  se  desséchant,  sa  belle  coloration 
rouge,  et  prend  une  couleur  brun  orange.  Son  aspect  est  lustré,  grais- 
seux; lorsqu’on  le  presse  avec  l’ongle,  il  en  exsude  de  l'huile;  il  est 
court,  cassant  et  translucide.  Dans  l’eau,  il  se  gonfle  beaucoup.  L’arille 

(1)  Sur  la  nature  et  l’origine  de  ces  organes  voir  H.  Bâillon,  Hist.  des  plantes,  II, 
499;  Adansonia ; Diction,  de  Botan.,  art.  Arille. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  223 

entier,  comprimé  et  froissé  par  1 emballage,  ci  4 centimcties  do  long  en- 
viron,'et  une  épaisseur  générale  de  1 millimètre  ou  même  2 millimètres 
à la  base.  Son  odeur  est  agréable,  aromatique,  assez  semblable  à celle 
de  la  muscade  ; sa  saveur  est  piquante,  épicée,  un  peu  âcre. 

structure  microscopique.  — Son  parenchyme  est  unifoime,  compose 
de  petites  cellules  anguleuses,  au  milieu  desquelles  sont  dispersées  de 
nombreuses  cellules  à huile,  brunes,  plus  grandes.  La  portion  interne 
du  tissu  contient  aussi  de  minces  faisceaux  fibro-vasculaires  bruns.  Les 
cellules  de  l’épiderme  de  chaque  face  sont  incolores,  étendues  longi- 
tudinalement, munies  de  parois  épaisses,  et  recouvertes  d’une  cuticule 
épaisse  qu’on  peut  enlever  en  bandes  continùes.  Le  parenchyme  est 
rempli  de  petits  granules,  qui  sont  colorés  en  rouge  par  le  réactif  de 
Millon  (solution  de  nitrate  de  mercure),  en  orange -par  l’iode,  et  sont 
par  conséquent  constitués  par  une  matière  albuminoïde.  L amidon 
manque  complètement. 

Composition  chimique.  — La  nature  des  principes  constituants  chi- 
miques du  Macis  peut  être  déduite  des  expériences  suivantes,  faites  par 
l’un  de  nous  : 17  grammes  de  Macis  finement  pulvérisé  furent  épuisés 
entièrement  par  de  l’éther  bouillant,  qu’on  abandonna  à l’évaporation. 
Ils  laissèrent  5e, 57  de  résidu,  qui,  après  dessiccation  à 100°  G.,  se  rédui- 
sirent à 4e,17.  La  différence,  16,40,  répond  à l’huile  essentielle,  dont  il 
existait  par  conséquent  8,2  pour  100.  Le  résidu,  s’élevant  à 24,5  pour  100, 
était  un  baume  assez  épais,  aromatique,  dans  lequel  il  nous  fut  impossible 
(de  découvrir  la  présence  de  la  graisse  ; il  était  formé  de  résine  et  d’huile 
essentielle  à demi  résinifiée.  L’alcool  enleva  1,4  pour  100  d’un  sucre  in- 
cristallisable  qui  réduisait  l’oxyde  cuprique. -La  drogue,  ainsi  traitée  par 
l’éther  et  l’alcool,  n’abandonna  presque  rien  à l’eau  froide  ; mais  l’eau 
bouillante  en  retira  1 ,8  pour  100  de  mucilage  qui  se  colorait  en  bleu 
sous  l’influence  de  l’iode,  ou  en  violet  rougeâtre,  lorsqu’il  avait  ôté  préa- 
lablement desséché.  Cette  substance  n’est  pas  soluble  dans  une  solution 
ammoniacale  d’oxyde  cuprique;  elle  paraît  être  plutôt  un  corps  inter- 
médiaire entre  le  mucilage  et  l’amidon  (1).  On  voit  que  la  composition 
du  Macis  est  très-différente  de  celle  de  la  noix  muscade. 

L’huile  volatile,  que  plusieurs  observateurs  ont  obtenue  dans  la  pro- 
portion de  7 à 9 pour  100  (2),  est  un  liquide  incolore,  odorant,  qui, 

(1)  Voyez  mon  mémoire  : Ueber  Stdrke  und  Cellulose , in  Archiv  der  Pharm.,  196, 
1871,  31.  [P.  A.  F.] 

(2)  Dans  une  expérience  récente  (1868),  faite  dans  le  laboratoire  de  MM.  IIerring 
et  Ce  de  Londres,  32  livres  de  macis  donnèrent  23  onces  d’huile  volatile,  cest-ïi-dire 
0 un  quart  pour  100. 


221 


LAURACÉES. 

d’après  nos  observations,  dévie  la  lumière  polarisée  de  18°, B à droite, 
en  colonne  de  200  millimètres  de  long.  La  partie  la  plus  importante 
consiste,  d’après  Schacht  (1862),  en  J In  cène,  Cl0H16,  hydrocarbone 
bouillant  à 160°  G.,  distinct  de  l'essence  de  térébenthine  en  ce  qu'il  ne 
forme  pas  un  hydrate  cristallin  lorsqu’on  le  mélange  avec  de  l’alcool  et 
de  l’acide  nitrique.  Koller  (1865)  dit  que  le  macène  est  identique  avec 
l’hydrocarbone  de  l’huile  essentielle  de  la  noix  muscade  (Myristicène)  ; 
cependant,  ce  dernier  passe,  d’après  Gloëz,  pour  ne  pas  fournir  de 
composé  solide  lorsqu’on  le  traite  par  le  gaz  chlorhydrique.  Le  macène, 
d’autre  part,  donne  des  cristaux  de  G,0H16HG1.  L’essence  brute  de  Macis 
contient,  comme  celle  de  la  noix  muscade,  une  partie  oxygénée,  dont 
les  propriétés  restent  à étudier. 

Commerce.  — Le  Macis  paraît  être  produit  en  grande  partie  par  les 
îles  Banda.  En  1871,  il  en  fut  expédié  de  Java  2 101  pêculs,  et  de  Pa- 
dang,  port  de  Sumatra,  sans  compter  les  embarquements  pour  Java, 
457  péculs  (I).  Cette  épice  est  expédiée  surtout  eu  Hollande,  à Singa- 
pore  et  aux  Etats-Unis. 

Usages.  — Le  Macis  n’est  que  rarement  employé  en  médecine.  On  le 
consomme  surtout  comme  condiment. 


LAURACÉES 

ÉCORCE  DE  CANNELLE. 

Cortex  Cinnamomi  : Cortex  Cinnàtiïomi  Zeylanici;  Cannelle  de  Ceylan  ; angl.,  Cinnamon 
allem.,  Zimmt,  CeylonZimmt,  Kaneel. 

Origine  botanique.  — Cmnamomum  zeylcinicim  Breyne.  C’est  un 
petit  arbre  toujours  vert,  couvert  de  belles  feuilles  luisantes,  ordinaire- 
ment un  peu  glauques  en  dessous,  et  portant  des  panicules  de  fleurs  ver- 
dâtres, à odeur  désagréable  (a).  Il  est  originaire  de  Ceylan,  où,  d’après 
Thwaites,  il  est  généralement  répandu  dans  les  forêts  jusqu’à  une  alti- 
tude de  90Û  mètres  environ,  et  même,  pour  une  de  ses  variétés,  jusqu’à 
2 500  mètres.  Sa.  taille  est  très-variable,  ainsi  que  les  contours,  les  di- 
mensions, et  la  consistance  de  ses  feuilles;  plusieurs  de  ses  formes  ex 
trêmes  diffèrent  beaucoup  les  unes  des  autres,  et  ont  reçu  des  noms 
spécifiques  particuliers.  Cependant,  les  formes  intermédiaires  sont  très- 
nombreuses,  et,  lorsqu’on  examine  un  grand  nombre  d'échantillons,  on 


(1)  Consiliav  Reports,  août  1873,  952-9Ü3. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  m 

en  trouve  qu’on  ne  sait  à quelle  espèce  rapporter.  Thwaites  (1)  pense 
que  certaines  espèces,  encore  admises  aujourd  hui,  notamment  les 
C.  obtusifolium  Nees  et  C.  iners  Reinw.,  devront,  lorsqu’elles  seront 
mieux  connues,  être  considérées  comme  de  simples  formes  du 
C.  zeylanicum. 

Beddome  (2),  conservateur  des  forêts  à Madras,  fait  remarquer  que, 
dans  les  forêts  humides  du  sud-ouest  de  l’Inde,  il  existe  sept  ou  huit 
variétés  bien  déterminées,  qu’on  pourrait  aisément  regarder  comme 
autant  d’espèces  distinctes  ; mais,  comme  elles  sont  reliées  entre  elles 
par  des  formes  intermédiaires,  il  est  impossible  de  trouver  des  carac- 
tères assez  constants  pour  établir  des  distinctions  spécifiques.  Elles 
croissent  depuis  le  niveau  de  la  mer  jusqu’aux  plus  grandes  hauteurs. 
Beddome  pense  que  les  différences  qu’elles  présentent  sont  dues  à des 
influences  locales,  et  il  est  disposé  à les  considérer  comme  de  simples 
formes  du  C.  zeylanicum. 

Historique.  — La  Cannelle  a été  tenue  en  grande  estime  dès  les 
époques  historiques  les  plus  reculées.  D’après  ce  que  dit  le  savant  doc- 
teur Vincent,  doyen  de  Westminster  (3),  la  Cannelle  paraît  avoir  été  la 
première  épice  demandée  dans  les  voyages  en  Orient.  La  Cannelle  et  le 
Cassia  sont  mentionnés,  l’un  et  l’autre,  comme  des  substances  odorifé- 
rantes précieuses,  dans  les  écrits  mosaïques,  et  dans  les  livres  bibliques 
des  Psaumes,  des  Proverbes,  des  Cantiques,  d’Ezékiel  et  des  Révélations, 
ainsi  que  dans  les  ouvrages  de  Théophraste,  d’Hérodote,  de  Galien,  de 
Dioscoride,  de  Pline,  de  Strabon,  et  de  plusieurs  autres  écrivains  de  l’anti- 
quité. D’après  ce  que  nous  savons,  il  paraît  y avoir  des  raisons  de  croire 
que  les  épices  dont  ils  parlent  étaient  très-analogues  à celles  que  nous 
connaissons  aujourd’hui.  Nous  trouvons  une  preuve  que  le  Cassia  et  la 
Cannelle  étaient  très-analogues,  dans  cette  remarque  de  Galien,  que  le 
meilleur  Cassia  diffère  si  peu  de  la  qualité  la  plus  inférieure  de  Cannelle, 
qu’on  peut  le  substituer  à cette  dernière,  pourvu  qu’on  en  emploie  un 
poids  double. 

Il  est  évident  aussi  que  ces  deux  substances  étaient  rangées  parmi 
les  aromates  les  plus  précieux,  car  au  nombre  des  présents  offerts  par 
Seleucus  II,  roi  de  Syrie,  et  par  son  père  Antiochus  Hierax,  au  temple 
d’Apollon  de  Milet  (246-227  av.  J.-C.),  et  consistant  surtout  en  vases 

(1)  Enumératio  plant.  Zcylaniœ,  1804,  252.  — Voyez  aussi  : Meissner,  in  DC, 
Proch'.,  XV,  S.  1, 10. 

(2)  Flora  sylvatica  for  Southern  India,  1872,  262. 

(3)  Commerce  and  navig.  ofthe  Ancients  in  the  lndiun  Océan,  1807,  II,  512. 

HIST.  Dl'.S  DROGUES,  T.  II.  13 


22G  LÀURACÉES. 

d’or  et  d’argent,  il  se  trouvait  2 livres  de  Gassia  (-/.aaîa)  et  une  quantité 
égale  de  Cannelle  (vuvvap.<I)p.ov)  (1). 

Nous  devons,  à cet  égard,  signaler  un  fait  important,  c’est  que  les 
anciens  ne  tiraient  pas  du  tout  de  Cannelle  de  l’île  de  Ceylan.  « Dans 
aucun  écrit,  soit  européen,  soit  asiatique,  dit  Tonnent  (2),  on  ne  trouve, 
depuis  l’époque  la  plus  reculée  jusqu’à  la  fin  du  treizième  siècle,  au- 
cune mention  relative  à la  Cannelle,  ni  comme  produit  indigène,  ni 
même  comme  objet  de  commerce  de  Ceylan.  » Dans  les  annales  des  Chi- 
nois, qui,  du  quatrième  au  huitième  siècle,  eurent  des  relations  fré- 
quentes, et  firent  des  échanges  de  marchandises  avec  les  habitants  de 
Ceylan,  on  ne  trouve  pas  non  plus  le  nom  de  la  Cannelle  parmi  ceux  des 
produits  de  l’île.  Les  livres  sacrés,  et  les  autres  anciens  souvenirs  des 
Singalais,  sont  également  muets  à cet  égard. 

Le  Cassia  est  mentionné,  sous  le  nom  de  Kwei , dans  le  plus  ancien 
traité  de  botanique  Chinois,  celui  de  l’empereur  Shen-Nung,  qui  régnait 
vers  2700  av.  J. -G.;  dans  les  anciens  Classiques  Chinois  (3),  et  dans  le 
lîh-ya,  herbier  datant  de  1200av.  J.-C.  Dans  le  Hai-yao-pên-tsao,  écrit  au 
huitième  siècle,  il  est  fait  mention  du  Tien-chu-Kivei ; Tien-chu  étant  le 
nom  ancien  de  l’Inde,  peut-être  la  dénomination  se  rapporte-t-elle  à 
l’écorce  de  Gassia  du  Malabar. 

A ces  documents,  extrêmement  anciens,  nous  pouvons  ajouter  qu'une 
écorce,  supposée  être  le  Cassia,  est  mentionnée  comme  importée  en 
Egypte,  avec  l’or,  l’ivoire,  l’encens,  les  bois  précieux,  et  les  singes,  au 
dix-septième  siècle  av.  J. -G.  (4). 

Les  renseignements  fournis  par  Dioscoride,  Ptolémée,  et  l’auteur  du 
Périple  de  la  mer  Erythrée,  indiquent  que  la  Cannelle  et  le  Gassia  pro- 
venaient de  l’Arabie  et  de  l’Afrique  occidentale.  Nous  savons,  en  outre, 
que  les  importateurs  étaient  les  Phéniciens,  qui  trafiquaient  avec  1 Ara- 
bie à travers  l’Egypte  et  la  mer  Rouge.  On  a beaucoup  discuté  pour  sa- 
voir si  l’épice  désignée  sous  ce  nom  était  réellement  un  produit  de 
l’Arabie  ou  de  l’Afrique,  ou  si  elle  était  apportée  du  sud  de  la  Chine,  qui 
produit  actuellement  la  meilleure  sorte  de  Gassia.  Nous  sommes  parti- 
sans de  cette  seconde  manière  de  voir,  d’abord  parce  que  nous  ne  connais- 
sons aucune  substance  de  la  nature  de  la  Cannelle  qui  soit  produite  par 

(1)  Ghishull,  AntiquitatéS  Asiaticx,  1728,  63-72. 

(2)  Ceylon,  1859,  I,  573. 

(3j  Nous  devons  au  docteur  Brestchneider  ees  renvois  à la  littérature  chinoise.  Pour 
les  détails  sur  les  livres  cités,  voyez  son  mémoire  On  the  study  and  T alue  of  Chincse 
Hotanical  Works,  1870. 

(4)  Dümichen,  Flect  of  an  Ëgyptian  Quecti , Leipzig,  1808,  1. 


227 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

l’Afrique,  et,  en  second  lieu,  parce  que  les  relations  commerciales  qui 
ont,  sans  contredit,  existé  entre  la  Chine,  1 Arabie,  1 Inde,  et  entre 
l’Arabie,  l’Inde  et  l’Afrique,  suffisent  largement  pour  expliquer  l’impor- 
tation du  produit  chinois  (1).  Le  nom  même  de  Darchini,  qui  lui  était 
donné  par  les  Arabes  et  les  Persans,  et  qui  vient  de  Dar,  bois  ou  écorce, 
et  Chini , chinois,  indique  suffisamment  que  la  Cannelle  était  une  pro- 
duction de  l’extrême  Orient. 

Nous  regardons  aussi  l’ancienne  Cannelle  comme  étant  la  substance 
connue  aujourd’hui  sous  le  nom  de  Cassia  lignea  de  Chine , ou  Cannelle 
de  Chine.  Le  Cassia  est  une  des  écorces  les  plus  épaisses,  et  les  moins 
aromatiques  qu’on  trouve  actuellement  dans  le  commerce.  Nous  ne 
possédons  aucun  renseignement  sur  les  circonstances  qui  ont  amené  les 
Geylanais  à recueillir  la  Cannelle  véritable,  et  sur  l’époque  à laquelle 
cette  récolte  a commencé.  IJ  est  permis  de  supposer  que  les  Chinois 
n’y  furent  pas  étrangers,  si  l’on  se  rappelle  qu’ils  faisaient  le  com- 
merce avec  Ceylan,  et  qu’ils  connaissaient  les  espèces  de  Cinnamomum 
qui  fournissent,  dans  le  sud  de  la  Chine,  les  écorces  de  Cassia,  et  qui  sont 
très-semblables  au  Gannelier  de  Ceylan.  Quoi  qu’il  en  soit,  les  notions 
les  plus  anciennes,  relativement  à la  Cannelle  produite  par  Ceylan,  ne 
sont  pas  antérieures  au  treizième  siècle.  La  première  indication  qu’on 
en  trouve  est  fournie,  d’après  Yule  (2),  par  Kazwini,  écrivain  arabe 
de  1275  environ;  bientôt  après,  elle  est  signalée  par  John  de  Montecor- 
vino,  missionnaire  qui  visita  l’Inde.  Dans  une  lettre  datée  de  H292  ou 
1293,  existant  encore  dans  la  Bibliothèque  des  Medici,  à Florence,  il  dit 
que  l’arbre  à la  Cannelle  est  de  moyenne  taille,  qu’il  ressemble  au  laurier 
par  son  tronc,  son  écorce  et  son  feuillage,  et  qu’une  grande  quantité 
de  son  écorce  est  exportée  de  l’ile  située  près  de  Malabar  (3).  Elle  est 
de  nouveau  mentionnée  par  le  voyageur  mahométan  Ibn  Batuta, 

(1)  « 11  est  indubitable  qu’il  se  faisait  un  commerce  au-delà  de  Ceylan  ; car  à Ceylan 
les  commerçants  venus  de  Malacca  et  de  la  Chersonèse  d’Or,  trouvaient  les  marchands  de 
l’Arabie,  de  la  Perse  et  de  l’Egypte.  Ce  commerce  peut  avoir  été  entre  les  mains  des 
Malais  ou  môme  des  Chinois,  qui  paraissent  avoir  été,  à toutes  les  époques,  des  navi- 
gateurs, comme  les  Arabes.»  (Vincent,  op.  cit.,  II,  284,  285.)  — A l’époque  de  Marco 
Polo,  le  commerce  de  la  Chine  avec  l’Occident  ne  rencontrait  plus  le  commerce  de  la 
mer  Rouge  à Ceylan,  mais  sur  la  côte  de  Malabar,  apparemment  à Calicut,  où  les  Por- 
tugais le  trouvèrent  dès  leur  arrivée.  Là,  dit  Marco,  les  bâtiments  venus  d’Aden  pre- 
naient leur  chargement  de  marchandises  venues  de  l’Orient,  et  les  transportaient  dans 
la  mer  Rouge  à destination  d’Alexandrie;  elles  passaient  de  là  en  Europe  par  l’inter- 
médiaire des  Vénitiens.  — Voyez  aussi  : Yule,  Book  of  Ser  Marco  Polo , 1871,  II, 
325,  327. 

(2)  Op.  cit..  II,  255. 

(3)  Yule,  Cathay  and  thc  way  thithev , I,  213. 


m LAURACÊES. 

vers  1340(1),  cl  un  siècle  plus  tard,  par  le  marchand  vénitien  Nicole 
di  Gonti,  qui  donne  une  description  très-correcte  de  1 arbre  (2).  Les 
voyages  de  circumnavigation  du  Gap  de  Bonne-Espérance  conduisirent 
à la  découverte  complète  de  Ceylan  parles  Portugais,  en  1505,  et  à leur 
occupation  permanente  de  l’île,  en  1536,  surtout  au  point  de  vue  du 
commerce  de  la  Cannelle.  C’est  seulement  à partir  delà  première  de  ces 
dates  que  des  renseignements  précis  sur  la  Cannelle  commencèrent  à 
parvenir  en  Europe.  En  1511,  Barbosa  distingua  la  belle  Cannelle  de 
Ceylan  de  la  sorte  inférieure  de  Cannella  trista  du  Malabar.  Garcia 
d’Orta,  dans  le  milieu  du  même  siècle,  établit  que  la  Cannelle  de  Ceylan 
coûtait  quatre  fois  autant  que  celle  du  Malabar.  Clusius,  le  traducteur 
de  Garcia,  vit  des  branches  du  Cannellier,  dès  1571,  à Bristol  et  en 
Hollande.  A cette  époque,  on  prenait  l’écorce  sur  les  Cannelliers  qui  vi- 
vaient à l’état  sauvage  dans  les  forêts  de  l’intérieur  de  Ceylan  ; l’écorce 
constituait  un  tribut  levé  par  les  Portugais  sur  les  chefs  du  pays.  Une 
caste  particulière,  nommée  Chalias,  qui  passe  pour  avoir  émigré  de 
l’Inde  à Ceylan,  au  treizième  siècle,  se  livra  à la  décortication,  et  vendit 
l’écorce  aux  Portugais.  L’oppression  cruelle  à laquelle  étaient  soumis 
les  Chalias  ne  cessa  pas  sous  la  domination  des  Hollandais  qui,  dès  1656, 
se  rendirent  virtuellement  maîtres  de  toute  la  côte,  et  concédèrent  le 
monopole  du  commerce  de  la  Cannelle  à la  Compagnie  des  Indes  Orien- 
tales. Celle-ci  l’exerça- avec  une  très-grande  rigueur  (3).  L’écorce  était 
minutieusement  examinée,  avant  son  embarquement,  par  des  agent? 
spéciaux,  afin  de  prévenir  la  fraude  de  la  part  des  Chalias. 

Vers  1770,  De  Koke  conçut  l’idée  heureuse,  en  opposition  avec  le  pré- 
jugé universellement  répandu  en  faveur  des  Cannelliers  sauvages, 
d’essayer  la  culture  de  cet  arbre.  Ce  projet  fut  mis  en  pratique  sous  le 
gouvernement  de  Falck  et  celui  de  Van  der  Graff,  et  couronné  d’un 
très-grand  succès,  au  point  que  les  Hollandais  purent,  sans  compter  le 
royaume  de  Kandy,  fournir  environ  400000  livres  de  Cannelle  par  an, 
et  satisfaire  entièrement  aux  demandes  de  l’Europe.  Ils  accaparaient 
complètement  ce  commerce,  et  brûlaient  même  la  Cannelle  en  Hollande, 
lorsqu’elle  était  trop  abondante,  pour  empêcher  les  prix  de  tomber. 

Après  que  Ceylan  eut  été  enlevé  aux  Hollandais  par  les  Anglais,  en  1796, 
le  commerce  de  la  Cannelle  devint  le  monopole  de  la  compagnie  des 


(1)  Travels  of  Ibn  Batuta,  trad.  par  Là?,  Lond.,  ^29,  184. 

(2)  Ramusio,  Baccolta  dalle  navigation  et  viaggi,  1563,  h 339. 
Kenntniss  Indiens  im  fünfzehnten  Jahrhundert,  1803,  39. 

(3)  Tennknt,  op.  cit .,  II,  52. 


— Kunstmann  , 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  229 

Indes  orientales,  qui  retira  une  plus  grande  quantité  de  Cannelle  des 
forêts,  surtout  après  1815,  époque  à laquelle  le  royaume  de  Kandy 
tomba  au  pouvoir  de  l’Angleterre.  Cependant,  quoique  lesChalias  aient 
beaucoup  augmenté  en  nombre,  la  production  annuelle  de  la  Cannelle 
ne  paraît  pasavoir  excédé  500000  livres.  La  condition  malheureuse  des 
Chabas  ne  fut  améliorée  qu’après  1833,  époque  à laquelle  le  monopole 
concédé  à la  Compagnie  fut  définitivement  aboli.  Le  gouvernement,  ces- 
sant d’être  le  seul  exportateur  de  la  Cannelle,  permit  aux  marchands  de 
Colombo  et  de  Galles  de  se  livrer  à ce  commerce. 

La  Cannelle  fut  encore,  cependant,  frappée  d’un  impôt  d’exportation 
égal  au  tiers  ou  à la  moitié  de  sa  valeur,  par  suite  duquel  la  Cannelle 
de  Ceylan  trouva  des  concurrents  dans  la  Cannelle  cultivée  a Java,  dans 
le  Cassia  de  Chine  et  d’autres  localités,  et  les  cultures  de  Ceylan  com- 
mencèrent à souffrir.  Cet  impôt  ne  fut  supprimé  qu’en  1853. 

La  plus  ancienne  notice,  relative  à la  présence  de  la  Cannelle  dans  le 
nord  de  l’Europe,  que  nous  ayons  trouvée,  est  contenue  dans  un  diplôme 
délivré  par  Chilpéric  II,  roi  de  France,  au  monastère  de  Corbie,  en  Nor- 
mandie, en  716.  11  y est  fait  mention  d’une  certaine  quantité  d epices, 
parmi  lesquelles  se  trouvent  5 livres  de  Cannelle  (I). 

La  valeur  extraordinaire,  accordée  à la  Cannelle  a cette  époque,  est 
bien  indiquée  par  quelques  lettres  écrites  d’Italie,  dans  lesquelles  il  est 
fait  accidentellement  mention  de  présents  d’épices  et  d’encens  (2). 
En  745,  Gemmules,  diacre  romain,  envoie  à Boniface,  archevêque  de 
Mayence,  cum  magna  reverentiâ , 4 onces  de  Cannelle,  4 onces  de  cos- 
tus,  et  2 livres  de  poivre.  En  748,  Theophilacias,  archidiacre  romain, 
offre  au  même  archevêque  des  épices  semblables,  et  de  l’encens.  Lullus, 
successeur  de  Boniface,  envoie  à Eadburga,  abbatissa  Thanetensis  (3), 
vers  732-751,  « unum  graphium  argenteum,  et  storacis  et  cinnamomi 
partem  aliquam  » ; et,  vers  la  même  époque,  un  autre  présent  de  Can- 
nelle est  envoyé  à l’archevêque  Boniface.  A la  date  de  732-742,  trois 
personnes  écrivent  à l’abbesse  Cuneburga,  à laquelle  elles  offrent  « turis 
et  piperis  et  cinnamomi  permodica  xenia,  sed  omni  mentis  aflectione 
destinata».  En  Angleterre  (4),  la  haute  valeur  pécuniaire  de  celte  épice 

(1)  Pardessus,  Diplomata,  etc.,  Paris,  1849,  II,  309. 

(2)  Jaffé,  Bibliotheca  Renan  Germanicarum , Berlin,  1866,  III,  134,  199,  214,  216, 
218,  109. 

(3)  Sans  doute  Eadburh , troisième  abbesse  du  monastère  do  Minster  dans  1 île  de 
Thanet,  dans  le  Kent.  Elle  mourut  en  751. 

(4)  Eden,  State  of  the  Poor,  1797,  II,  appendice.  — Rogers,  Hist.  aj  Agriculture 
and  Priées  in  England,  1866,  II,  543. 


230 


LAURÀCÉES. 

est  indiquée  dès  1264,  et  plus  tard.  Au  seizième  siècle,  elle  était  proba- 
blement rare,  autant  que  nous  pouvons  en  juger  par  ce  fait,  qu’elle 
figure  parmi  les  présents  de  nouvel  an  offerts  à Philippe  et  Marie(1556-57), 
et  à la  reine  Elizabeth  (1561-62)  (t). 

Production  et  Commerce  (2).  — La  meilleure  Cannelle  est  produite, 
d'après  Thwaites  (3),  par  une  forme  cultivée  et  choisie  de  l’arbre  (var.  a), 
distinguée pardo  grandes  feuillesun  peu  irrégulières.  Cependant,  l’écorce 
de  toutes  les  formes  possède  l’odeur  de  Cannelle,  à un  degré  plus  ou  moins 
élevé.  Il  n’est  pas  toujours  facile  de  juger  de  la  valeur  de  l’écorce  d’après 
la  forme  du  feuillage  ; les  décortiqueurs  qui  récoltent  l’écorce  sur  des 
arbres  non  cultivés  ont  l’habitude  de  goûter  l’écorce  avant  de  com- 
mencer leur  opération,  et  laissent  de  côté  les  arbres  qui  ne  leur  offrent 
pas  les  conditions  voulues.  L’écorce  des  variétés  £ multiflorum,  et  7 ova- 
lifolium,  est  de  qualité  très-inférieure,  et  passe  pour  n’être  jamais  re- 
cueillie que  dans  le  but  de  falsifier  l’autre.  La  meilleure  variété  paraît 
trouver  les  conditions  les  plus  favorables  à sa  culture  dans  une  par- 
tie de  l’île,  ayant  12  à 15  milles  de  large,  située  sur  la  côte  sud-ouest, 
entre  Negumbo,  Colombo  et  Matura.  L’arbre  y croît  à une  altitude  de 
150  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Un  sol  argileux  et  sablon- 
neux ou  un  beau  quartz  blanc,  avec  un  bon  sous-sol,  et  l’exposition  au 
soleil  et  à la  pluie,  sont  les  conditions  les  plus  favorables  à la  culture 
du  Cannellier.  L’aménagement  des  plantations  ressemble  à celui  des 
taillis  de  chênes  en  Europe.  On  taille  la  plante  pour  l’empêcher  de 
devenir  un  arbre,  et  on  lui  fait  former  une  souche,  de  laquelle  partent 
quatre  ou  cinq  rameaux,  qu’on  laisse  croître  et  qu’on  coupe  à l’âge  d’un 
an  et  demi  ou  deux  ans,  lorsque  l’épiderme  commence  à devenir  gri- 
sâtre, par  suite  de  la  formation  d’une  couche  subéreuse.  On  ne  les  coupe 
pas  tous  à la  fois,  mais  seulement  à mesure  qu’ils  arrivent  à la  maturité 
désirée.  Ils  ont  alors  de  lm,80  à 3 mètres  de  haut,  et  de  3 à 5 centi- 
mètres de  diamètre.  Dans  quelques-uns  des  jardins  à Cannelle  de  Co- 
lombo, il  existe  des  souches  très-grosses  et  très-vieilles,  qu’on  suppose 
dater  de  l’époque  des  Hollandais. 

En  raison  de  la  circulation  de  la  sève,  qui  se  produit  après  les  pluies, 

en  mai  et  juin,  et  de  nouveau  en  novembre  et  décembre,  l’écorce  est,  à 

ces  époques,  facile  à séparer,  du  bois  ; aussi  fait-on  la  principale  récolte 
♦ 

(1)  Nicholls,  Progresses  and  Processions  of  Q.  Elizabeth,  1823,  I,  xxxiv,  118. 

(2)  On  trouvera  des  détails,  complémentaires  dans  deux  mémoires  de  Marshall,  in 
A, mais  of  Philosophy  de  Thomson,  1817,  X,  241,  346.  - Voyez  aussi  Leschenault 
de  la  Toun,  Mém.  du  Musée  d'Hist.  nat.,  1822,  VIII,  436-440. 

(3)  Op.  cit.,  252-253. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE,  231 

au  printemps,  et  une  autre,  moins  importante,  àlafin  de  l’année.  On  coupe 
les  rameaux  à l’aide  d’une  longue  serpe  en  forme  de  faucille,  nommée 
catty;  on  enlève  les  feuilles,  on  nettoie  légèrement  les  rameaux  avec  un 
couteau  ; les  petits  morceaux  ainsi  enlevés  sont  mis  de  côté,  et  vendus 
sous  le  nom  de  Cinnamon  chips  (raclures  de  Cannelle).  On  coupe  alors 
l’écorce  à des  distances  de  30  centimètres  environ,  et  on  la  fend  dans  le 
sens  de  la  longueur  ; on  l’enlève  ensuite  avec  soin  et  complète- 
ment à l’aide  d’un  couteau  particulier  nommé  marna;  on  facilite  sa  sé- 
paration en  la  tournant  vigoureusement  avec  la  main.  On  emboîte  soi- 
gneusement les  morceaux  d’écorce  les  uns  dans  les  autres,  et  on  lie  les 
tubes  emboîtés  en  faisceaux.  On  les  abandonne  pendant  vingt-quatre 
heures  ou  davantage  à une  sorte  de  fermentation,  qui  facilite  l’enlève- 
ment ultérieur  des  parties  périphériques.  Pour  cette  dernière  opération, 
on  place  chaque  tube  sur  une  baguette  de  bois,  d’une  épaisseur  conve- 
nable, et  on  racle  avec  soin,  à l’aide  d’un  couteau,  la  couche  externe  de 
l’écorce.  Quelques  heures  après  cette  opération,  le  décortiqueur  place 
les  petits  tubes  dans  les  plus  grands,  et  emboîte  entre  les  grands  tubes 
les  petits  fragments,  de  façon  à former  une  baguette  solide,  ayant  à peu 
près  1 mètre  de  long.  On  laisse  la  Cannelle,  ainsi  préparée,  pendant  un 
jour  à l’ombre,  et  on  la  place  ensuite  sur  des  claies  d’osier  pour  la  faire 
sécher.  Lorsque  la  dessiccation  est  suffisante,  on  réunit  les  baguettes 
en  faisceaux  pesant  chacun  à peu  près  30  livres  (1). 

De  1860  à 1864,  on  estimait  que  les  Cannelliers  cultivés  de  Ceylan  oc- 
cupaient une  aire  de  14400  acres  environ  (2).  Aujourd’hui,  la  culture 
du  café  a remplacé,  en  partie,  celle  de  la  Cannelle.  M.  Howe,  du  jardin 
botanique  de  Maurice,  faisait  remarquer,  en  1866,  qu’on  ne  fait  plus 
aucune  plantation  nouvelle,  et  que  plusieurs  des  anciennes  tombent  en 
ruine.  Les  exportations  de  Cannelle  faites  par  . Ceylan  ont  été,  en  1871, 
de  1359327  livres,  valant  67  966  livres;  en  1872,  de  1 267 963  livres, 
valant  64  747  livres. 

Sur  cette  dernière  quantité,  1 179516  livres  furent  expédiées  en  Angle- 
terre, 53  439  livres  aux  Etats-Unis,  et  10000  livres  àHamburg.  Indépen- 
damment des  exportations  de  Cannelle  que  nous  venons  d’indiquer,  les 

(1)  Autrefois  nommé  farclelo  ou  fardello  yUom  qui  signifie,  dans  les  langues  romanes, 
faisceau  ou  paquet. 

(2)  Cependant  la  culture  était  beaucoup  plus  étendue  pendant  la  première  partie  du 
siècle,  autant  que  nous  pouvons  en  juger  par  le  fait  que  les  cinq  principaux  jardins  a 
Cannelle  entourant  Negumbo,  Colombo,  Barberyn,  Galle  et  Matura,  avaient  chacun  de 
15  à 20  milles  de  circonférence  (Tennent,  Ceylan,  II,  163).  Un  mille  anglais  vaut 
1 609  mètres.  L’acre  vaut  40,46  ares. 


232  LAUBACÉES. 

statistiques  officielles  (I)  signalent,  en  1871,  une  exportation  de 
8846  livres,  et,  en  1872,  une  exportation  de  23  449  livres  de  « Cinnamon 
Dark  ».  Sous  cette  dénomination,  sont  compris  deux  articles  distincts  : 
les  rognures  de  Cannelle , et  une  écorce  très-épaisse  provenant  des  vieilles 
tiges.  Les  rognures  de  Cannelle  proviennent,  comme  nous  l’avons  dit 
plus  haut,  du  premier  nettoyage  des  rameaux;  elles  sont  très-aroma- 
tiques, mais  on  les  considère,  d’habitude,  comme  sans  valeur,  et  on  les 
rejette.  Le  second  article,  auquel  les  marchands  de  Londres  donnent  le 
nom  de  Cinnamon  Dark , se  présente  en  morceaux  aplatis  ou  légère- 
ment creusés  en  gouttières  ; ils  ontjusqu’à8  millimètres  d’épaisseur,  et 
rappellent  l’une  des  écorces  de  Quinquina  de  la  Nouvelle-Grenade.  Us 
sont  très-dépourvus  de  propriétés  aromatiques,  et  tout  à fait  impropres 
aux  usages  pharmaceutiques.  Dans  la  plupart  des  autres  pays  où  l’on  a 
transporté  le  Cinnamomum  zeylanicum,  on  a remarqué  que  partout,  à 
cause  de  la  tendance  de  cet  arbre  à fournir  de  nouvelles  variétés,  et  peut- 
être  en  partie  à cause  du  manque  de  soin  apporté  à sa  culture,  ou  de 
l’absence  de  décortiqueurs  expérimentés,  l’écorce  qu’il  produit  diffère 
d’une  manière  sensible  de  celle  de  Ceylan.  Parmi  les  autres  districts 
producteurs  de  Cannelle,  ceux  du  sud  de  l’Inde  peuvent  être  mention- 
nés comme  fournissant  la  Cannelle  de  Malabar  ou  Tinnevelly , et  la  Can- 
nelle de  Tellicherry  du  commerce.  Cette  dernière  est  presque  aussi  bonne 
que  celle  de  Ceylan  (2).  On  a commencé,  à Java,  à se  livrer  à cette  cul- 
ture en  1825.  D’après  Miquel,  la  plante  qu’on  y cultive  est  une  variété 
du  C . zeylanicum , distincte  par  des  feuilles  très-grandes,  ayant  fréquem- 
ment 20  centimètres  de  long  sur  12  centimètres  de  large.  Cette  île  a 
exporté,  en  1870,  1 109  péculs,  et  en  1871,  seulement  446  péculs 
d’écorce  de  ce  Cannellier  (3). 

Le  Cannellier  est  également  cultivé  dans  la  Guyane  française,  et  au 
Brésil,  mais  sur  une  petite  échelle.  Les  échantillons  d’écorces  de  ces  pays, 
que  nous  avons  examinés,  sont  tout  à fait  différents  de  l’écorce  de  Cey- 
lan. L’écorce  du  Brésil,  en  particulier,  avait  évidemment  été  prise  sui- 
des tiges  âgées  de  plusieurs  années. 

L’importation  de  la  Cannelle  de  Ceylan,  dans  le  Royaume-Uni,  va  en 
diminuant:  en  1869,  elle  fut  de 261 1473  livres;  en  1870,  de  2 148  403  li- 
vres; en  1871,  de  1 430518  livres;  en  1872,  de  1 015461  livres.  En  1872, 
il  y fut  importé  56000  livres  de  Cannelle  provenant  d’autres  pays. 

(1)  Ceijlon  niue  Books  for  1871  et  1872,  imprimés  à Colombo. 

(2)  Quelques  morceaux  cependant  sont  très-épais,  quoique  nettement  roulés  en  tube. 

(3)  Consulat'  Reports , août  1873,  932. 


233 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Description.  — La  Cannelle  de  Ceylan,  la  plus  belle,  est  importée 
sous  forme  de  baguettes  ayant  environ  I mètre  de  long  et  2 centimètres 
d’épaisseur,  formées  de  morceaux  tubuleux  d’écorce  longs  de  30  centi- 
mètres environ,  emboîtés  les  uns  dans  les  autres,  de  façon  à former,  un 
ensemble  dur  ot  solide.  Les  fragments  d’écorce  ne  sont  pas  roulés  en 
tubes  simples,  mais  ils  forment  des  gouttières  dont  les  deux  bords  sont 
roulés  en  dedans,  ce  qui  donne  à l’ensemble  de  la  baguette  la  forme 
d’un  cylindre  un  peu  aplati.  Les  écorces  sont  extrêmement  minces  ; 
elles  n’ont,  d’ordinaire,  pas  plus  de  2 millimètres  d’épaisseur.  Leur  sur- 
face est  mate,  colorée  en  brun  clair,  marquée  de  lignes  brillantes,  on- 
dulées, et  offrant,  çàet  là,  de  petites  cicatrices  ou  des  trous  qui  corres- 
pondent à l’insertion  des  feuilles  ou  des  bourgeons.  La  surface  interne 
est  plus  foncée  en  couleur.  L’écorce  est  cassante  et  se  brise  facilement 
en  éclats  ; elle  exhale  une  odeur  particulière  à elle-même  et  aux  écorces 
voisines  du  même  genre;  elle  possède  une  saveur  saccharine,  piquante, 
aromatique  et  agréable. 

Les  balles  de  Cannelle  qui  arrivent  à Londres  sont  toujours  réembal- 
lées dans  les  docks,  ce  qui  détermine  la  production  d’une  certaine 
quantité  de  débris.  Ces  derniers  sont  mis  de  côté,  et  vendus  sous  le  nom 
de  petite  Cannelle.  On  les  emploie  d’habitude  en  pharmacie;  ils  sont 
fréquemment  d’excellente  qualité. 

structure  microscopique.  — A l’aide  du  raclage  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut,  la  Cannelle  de  Ceylan  est  débarrassée  de  la  couche  subé- 
reuse et  de  la  plus  grande  partie  de  la  couche  corticale  moyenne,  de 
sorte  qu’elle  est  formée,  en  majeure  partie,  de  liber  (enduphlœum).rYvo\?1 
couches  différentes  peuvent  être  distinguées  sur  une  coupe  transversale 
des  tissus  de  cette  écorce  : 

1°  La  couche  externe  est  composée  d’une  à trois  rangées  de  grandes 
cellules  à parois  épaisses  cohérentes.  Elle  n’est  interrompue  que  par  des 
faisceaux  de  fibres  libériennes,  qui  se  voient  même  à l’œil  nu,  et  forment 
les  lignes  onduleuses  dont  nous  avons  parlé  plus  haut; 

2°  La  couche  moyenne  est  formée  de  dix  rangées  environ  de  cellules 
parenchymateuses  à parois  minces,  entremêlées  de  cellules  beaucoup 
plus  grandes,  contenant  des  dépôts  de  mucilage,  tandis  que  d’autres 
cellules,  pas  plus  grandes  que  celles  du  parenchyme  lui-même,  sont 
remplies  d’huile  essentielle  ; 

3°  La  couche  interne  offre  les  mêmes  cellules  à parois  minces,  mais 
plus  petites,  entrecoupées  de  rayons  médullaires  étroits,  plus  foncés  et 
entremêlés  de  cellules  à mucilage  et  à huile  essentielle. 


234 


LAURACÉES. 


Indépendamment  des  faisceaux  do  fibres  libériennes,  des  ûbres  or- 
dinairement isolées  sont  disposées  dans  les  deux  couches  internes,  dont 
le  parenchyme  abonde  en  petits  grains  d’amidon,  accompagnés  de  ma- 
tière tannique.  Sur  une  coupe  longitudinale,  la  longueur  des  fibres  libé- 
riennes devient  plus  évidente,  de  même  que  les  conduits  à huile  et  ù 
gomme  (b). 

Composition  chimique. — Le  principe  constituant  le  plus  intéressant 
et  le  plus  utile  de  la  Cannelle  est  l’huile  essentielle,  que  l’écorce  fournit 
dans  la  proportion  de  1/2  à 1 pour  100,  et  qu’on  distille  à Ceylan,  très- 
rarement  en  Angleterre.  Elle  fut  préparée  par  Valerius  Cordus 
avant  1544  (1).  Vers  la  fin  du  siècle  dernier,  les  Hollandais  avaient  l’ha- 
bitude de  la  transporter  en  Europe.  De  1775  à 1779  inclus,  la  quantité 
moyenne,  mise  annuellement  en  vente  par  la  Compagnie  hollandaise  des 
Indes  orientales,  fut  de  176  onces.  Son  prix,  à Londres,  était,  entre  1776 
et  1782,  de  21  shillings  l’once  ; mais  de  1785  à 1789  il  s’éleva  à 63  shil- 
lings et  68  shillings,  renchérissement  occasionné  par  la  guerre  entre 
l’Angleterre  et  la  Hollande,  commencée  en  1782.  Ceylan  produit  aujour- 
d’hui une  grande  quantité  de  cette  essence. En  1871,  il  en  a été  exporté 
14796  onces, etenl872, 39 100  onces(2).  Celte  essence  est  expédiée  sur- 
tout en  Angleterre.  L’essence  de  Cannelle  est  un  liquide  jaune  doré , son 
poids  spécifique  est  1 ,035  ; elle  possède  une  odeur  forte  de  Cannelle,  et 
une  saveur  douce,  aromatique,  non  brûlante.  Elle  dévie  la  lumière  po- 
larisée très -faiblement  à gauche. 

Cette  essence  est  formée  surtout  d 'Aldéhyde  Cinnamique , C9H»0,  mé- 
langée d’une  proportion  variable  d’hydrocarbones.  Aune  basse  tempe- 
rature,  elle  devient  trouble,  par  suite  du  dépôt  d’un  camphre  que  nous 
n’avons  pas  examiné.  Elle  absorbe  rapidement  1 oxygène,  et  est  aloi s 
contaminée  par  une  résine  et  de  1 acide  cinnamique. 

La  Cannelle  contient  du  sucre,  de  la  mannite,  du  mucilage  et  de 
l’acide  tannique.  Wittstein  amontré  que  la  Cinnamomine  de  Martin  (1868) 
n’est  très-probablement  que  de  la  mannite.  L’action  de  1 iode  sur  la 
décoction  de  Cannelle. sera  signalée  au  chapitre  du  Cassia  lignea.  La 
Cannelle  a donné  à Schatzler,  en  1862,  5 pour  100  de  cendres,  cons- 
tant, surtout  en  carbonates  de  calcium  et  de  potassium. 


(1)  Be  artificiosU  extractionibus  liber,  p.  226  de  l’édition  des  œuvres  de  tordus  par 
Gesner.  Strasbourg,  1561.  Cordus  remarque  que  lee  essences  de  Cannelle  et  de  Gno 
gaKnent  dans  la  distillation,  le  fond  du  récipient,  au  lieu  de  surnager  comme  les 
autres  essences.  Cordus,  professeur  de  matière  médicale  à \\  îttenberg,  est  mor  a 

Rome,  en  1544  [F.  A.  F.] 

(2)  Ceijlon  Blue  Books  for  1871-1872. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  235 

Usages. Dans  la  médecine,  la  Cannelle  est  employée  comme  cor- 

dial et  stimulant,  mais  elle  est  consommée  en  quantité  beaucoup  plus 
considérable  comme  épice. 

Falsification.  — L’écorce  de  Cassia  lignea,  étant  beaucoup  moins 
coûteuse  que  la  Cannelle,  lui  est  fréquemment  substituée.  Tant  que 
cette  écorce  est  entière,  il  n’est  pas  difficile  de  la  reconnaître;  mais  si 
elle  a été  réduite  en  poudre,  il  en  est  tout  autrement.  Les  réactifs  sui- 
vants nous  ont  rendu  quelques  services  dans  l’examen  de  cette  poudre  : 
on  prend  une  décoction  de  Cannelle  pulvérisée,  de  qualité  bien  connue, 
et  une  décoction  semblable  de  la  poudre  suspecte.  Lorsque  les  décoc- 
tions sont  froides,  on  les  fdtre,  et  on  ajoute,  à 30  grammes  de  chacune 
d’elles,  une  ou  deux  gouttes  de  teinture  d’iode.  La  décoction  de  Can- 
nelle n’est  que  peu  affectée,  mais  celle  de  Cassia  prend  immédiatement 
une  coloration  d’un  bleu  noir.  Les  sortes  bon  marché  de  Cassia, 
connues  sous  le  nom  de  Cassia  vera,  peuvent  être  distinguées  du 
Cassia  de  Chine  et  de  la  Cannelle  par  leur  richesse  en  mucilage.  On 
peut  extraire  ce  dernier,  à l’aide  de  l’eau  froide,  à l’état  d’un  liquide 
épais,  glaireux,  formant,  avec  le  sublimé  corrosif  ou  l’acétate  neutre  de 
plomb,  mais  non  avec  l’alcool,  un  précipité  dense,  visqueux. 

AUTRES  PRODUITS  DU  CANNELLIER. 

Huile  essentielle  de  feuilles  de  Cannellier  [Oleum  Cinnamomi  foliorum). 

— C'est  une  huile  essentielle  brune,  visqueuse,  à odeur  de  clou  de  gi- 
rofle, exportée  parfois  de  Geylan.  Elle  a été  examinée  par  Stenhouse, 
en  1834.  Il  a trouvé  que  son  poids  spécifique  est  1,053,  et  qu’elle  est 
composée  par  un  mélange  d 'Eugenol  (voyez  t.  I,  p.  503),  et  d’un  hydro- 
carbone neutre,  ayant  pour  formule  G10H16.  Elle  contient  aussi  une  petite 
quantité  d’acide  benzoïque. 

Huile  essentielle  de  Racine  de  Cannellier  [Oleum  C mnaxnonil  Radias) . 

— C’est  un  liquide  jaune,  plus  léger  que  l’eau,  à odeur  de  camphre  et  de 
Cannelle  mélangée,  et  à saveur  camphrée, forte.  Cette  huile,  et  celle  de 
la  feuille,  furent  décrites  par  Kâmpfer,  en  1712,  etparSeba,  en  1731  (1), 
et  peut-être  même  par  Garcia  d’Orta,  dès  1563.  On  peut  aussi  retirer 
de  la  racine  un  camphre  solide. 

Les  anciens  écrivains  signalent  encore  une  eau  distillée  des  fleurs,  et 
une  huile  grasse  exprimée  des  fruits,  qui  nous, sont  inconnus. 


0)  Phil.  tram.,  1731,  XXXVI,  107. 


m 


LAURÀCÉES. 

(a)  Los  Cinnamomum  Burmann  ( Flor . zeyl.,  02)  constituent  lo  type  d'une  série 
de  Lauvacées  à fleurs  ordinairement  hermaphrodites,  pourvues  de  quatre  verticilles 
d’étamines  dissemblables,  d’un  fruit  supère,  non  enclos  dans  le  réceptacle,  de  feuilles 
persistantes,  et  de  bourgeons  à écailles  incomplètes. 

Le  Canncllier  ( Cinnamomum  zeylanicum  Breyn,  in  Eph.  nat.  cur.,  dec.  1, 
ann.  4,  130  ; — Cassia  cinnamomea  Herm.,  ; Cassia  lignea  Herm.  ; Laurus  Cin- 
namomum L.;  Laurus  Cassia  Burm.  ; Laurus  Malabathrum  Wall.  ; l’ersea  Cin- 
namomum Spreng.)  est  un  arbre  à ramifications  décussées,  à feuilles  opposées,  pé- 
tiolées,  sans  stipules,  ovales  ou  ovales-oblongues,  longues  de  10  à 13  centimètres, 


Fig.  203. 


Cinnamomum  zeylanicum. 


larges  de  4 à H centimètres,  coriaces,  lisses  et  luisantes,  d’un  vert  brillant  en  dessus, 
glauque  en  dessous.  Le  limbe  est  entier  sur  les  bords,  et  muni  de  trois  nervures 
longitudinales,  une  médiane  et  deux  latérales,  situées  près  des  bords.  De  ces  ner- 
vures principales,  partent  un  grand  nombre  de  fines  nervures  secondaires  anastomo- 
sées, pennées  et  presque  transversales.  Entre  les  plus  importantes  de  ces  nervures 
le  limbe  est  parfois  un  peu  bombé  sur  la  face  supérieure.  Il  existe  parfois  cinq  ner- 
vures principales  au  lieu  de  trois.  Les  fleurs  sont  disposées  en  grappes  terminales 
ramifiées  de  cvmes  bipares.  Les  ramifications  des  grappes  sont  opposées  et  décus- 
sées comme  celles  de  la  tige.  Chaque  fleur  est  située  dans  1 aisselle  d une  bractée; 
elle  est  pédicellée,  et  son  pédicelle  porte  deux  bractéoles  latérales,  opposées,  fertiles. 


Fig.  204. 

Fleur  de  Cinnamomum  seylanicutn, 
coupée  verticalement. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  23 1 

Les  fleurs  sont  petites  et  jaunes,  hermaphrodites,  régulières,  à réceptacle  creusé  en 
cupule,'  portant  sur  ses  bords  le  périanthe  et  l’androcée,  et  dans  le  fond  un  ovaire 
libre.  La  face  externe  du  réceptacle  est  velue  comme  lo  pédoncule.  Le  périanthe  est 
formé  de  deux  verticilles  trimères.  Le  verticille  extérieur,  qui  représente  le  calice,  est 
formé  de  trois  folioles  libres,  égales,  colorées,  vulvaires  dans  la  préfloraison,  épais- 
ses, couvertes  de  poils  sur  les  deux  faces.  Le  ver- 
ticille interne  ou  corolle  est  formé  de  trois  pétales 
alternes  avec  les  sépales,  également  épais,  velus 
et  colorés,  également  valvaires  dans  le  bouton. 

Considérées  autrefois  comme  formant  un  deuxième 
calice  intérieur  au  premier,  ces  trois  folioles  doi- 
vent être  regardées,  ainsi  que  l’a  fait  remarquer 
Payer,  comme,  des  pétales  ; elles  apparaissent 
en  effet  toutes  les  trois  à la  fois,  ce  qui  est  le 
caractère  des  pétales,  tandis  que  les  trois  pièces 
du  verticille  externe  se  comportent  comme  des 
sépales  en  ce  qu’elles  naissent  l’une  après  l’autre. 

L’androcée  est  formé  de  quatre  verticilles  égale- 
ment trimères.  Le  premier  est  constitué  par  trois 
étamines  alternes  avec  les  pétales,  indépendantes, 
formées  chacune  d’un  filet  aplati,  dilaté  en  haut 
eu  un  connectif  comprimé,  qui  porte  sur  sa  face  interne  quatre  logettes  superposées 
deux  à deux  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane,  et  déhiscentes  chacune  par  un  petit 
panneau  qui  se  relève  pour  permettre  l’issue  du 
pollen.  Le  deuxième  verticille  est  formé  de  trois 
étamines  alternes  avec  les  premières,  plus  courtes, 
mais  organisées  de  la  même  façon  et  également  in- 
trorses.  Les  trois  étamines  du  troisième  verticille 
alternent  avec  celles  du  deuxième  ; leurs  filets  sont 
munis  chacun,  au-dessus  de  la  hase,  de  deux  gros- 
ses glandes  latérales  stipitées,  et  leurs  anthères, 
également  à quatre  logettes,  sont  extrorses.  Le  qua- 
trième verticille  est  formé  de  trois  staminodes 
courts,  alternes  avec  les  pièces  du  troisième  ver- 
ticille, formées  d’un  filet  aplati  et  d’une  tète  apla- 
tie, cordiforme,  stérile.  Le  gynécée  est  constitué 
par  un  seul  carpelle  formant  un  ovaire  unilocu- 
laire, inséré  sur  le  fond  du  réceptacle,  libre,  sur- 
monté d’un  style  un  peu  excentrique,  dilaté  au 
sommet  en  une  tète  stigmatique,  et  parcouru  sur 
sa  face  ventrale  par  un  sillon  longitudinal.  La  loge 
ovarienne  offre  un  placenta  pariétal  superposé  à • " Fig. 203. 

l’un  des  pétales,  et  donnant  insertion,  près  de  son  Ecorce  de  Cannelle  de  Ceylan, 
sommet,  à un  seul  ovule  anatrope  suspendu,  à.  mi-  Coupe  transversale, 

cropvle  dirigé  en  haut  et  du  côté  du  placenta.  Le  fruit  est  une  baie,  à parois  minces, 
peu  charnues,  se  desséchant  de  bonne  heure,  accompagnée  à la  base  par  le  récep- 
tacle et  le  périanthe  persistants,  et  contenant  une  graine  suspendue  qui  renferme 
sous  ses  téguments  un  gros  embryon  sans  albumen,  à cotylédons  charnus,  plan- 
convexes,  et  à radicule  rectiligne,  courte,  supère,  cachée  par  les  cotylédons,  qui 


238  LAURACÉES. 

sont  munis  chacun  d’une  demi-gaine  entourant  la  radicule  et  se  prolongeant  au-delà 
de  son  sommet.  [Trad.] 

(6)  Ainsi  que  le  montre  la  figure  201»,  l’écorce  de  Cannelle  de  Ceylan  offre  de  de- 
hors en  dedans  : iu  une  couche  de  suber  a produite  par  un  phellogène  d’origine 
corticale,  qui  a donné  naissance  il  la  fois  au  liège  a en  dehors,  et  au  parenchyme  cor- 
tical secondaire  b.  La  couche  a est  en  voie  de  séparation  de  la  couche  sous-jacente 
constituée  par  du  liège  plus  jeune.  Elle  entraîne  avec  elle,  en  tombant,  le  tissu  cor- 
tical extérieur  à elle  ; ce  tissu  est  déjà  en  grande  partie  détaché,  mais  il  en 
reste  à gauche  une  portion  représentée  par  des  cellules  sclérenchymateuses  dont 
nous  verrons  le  siège  plus  bas;  2°  la  couche  6 formée  par  le  phellogène,  dont  nous 
venons  de  parler,  est  constituée  par  des  cellules  allongées  tangentiellement,  sans 
méats  à parois  minces,  blanchâtres.  Certaines  de  ces  cellules  sont  très-dilatées  et 
remplies  d’huile,  les  autres  sont  riches  en  grains  d’amidon  ; 3°  en  dedans  de  la 
couche  b,  est  une  zone  c de  cellules  sclérenchymateuses,  très-grandes,  irrégulières, 
à parois  jaunâtres  et  criblées  de  ponctuations  ramifiées  ; 4°  la  couche  d,  située  au- 
dessous  et  qui  fait  partie,  comme  les  deux  précédentes,  du  parenchyme  cortical  secon- 
daire, est  formée  des  mêmes  cellules  que  la  couche  6.  C’est  dans  cette  couche  que  se 
formera  plus  tard  une  zone  de  phellogène,  destinée  à produire,  en  dehors,  duliége  qui 
déterminera  la  mortification  et  la  chute  de  toutes  les  parties  extérieures,  et  en  dedans 
un  nouveau  parenchyme  cortical  ; 5°  la  couche  libérienne  e,  qui  constitue  la  partie 
interne  de  l’écorce,  est  formée  de  faisceaux  séparés  les  uns  des  autres  par  des  rayons 
médullaires  assez  larges,  à trois  ou  quatre  rangées  radiales  de  cellules  rectangulaires. 
Chaque  faisceau  est  formé,  en  majeure  partie,  de  parenchyme  libérien  et  de  libres 
molles,  au  milieu  desquels  sont  dispersées  un  assez  grand  nombre  de  fibres  libé- 
riennes, fusiformes,  lignifiées,  à parois  épaisses,  blanches,  se  colorant  en  bleu  dans 
la  solution  acétique  d’aniline,  et  limitant  une  cavité  linéaire.  Le  nombre  de  ces  élé- 
ments lignifiés  est  assez  considérable,  ils  sont  épars  ou  disposés  en  rangées  radiales 
plus  ou  moins  régulières.  Dans  le  liber,  sont  répandues,  comme  dans  l’écorce,  de 
nombreuses  et  larges  cellules  à huile. 


ÉCORCE  DE  CASSIA  LIGNEA. 

Angl.,  Cassia  Bark. 


Origine  botanique.  — La  drogue,  désignée  dans  le  commerce  sous 
le  nom  de  Cassia  lignea,  est  produite  par  plusieurs  espèces  de  Cinnamo- 
murn  des  parties  chaudes  de  l’Asie,  à l’est  de  l’Inde.  Ces  arbres  sont 
très-différents  les  uns  des  autres  par  le  feuillage,  l’inflorescence  et  les 
propriétés  aromatiques  ; la  distinction  de  plusieurs  des  espèces,  établie 
par  des  ouvrages  môme  récents,  est  encore  incertaine. 

L’écorce  qui  porte  par  excellence  le  nom  de  Cassia  ou  Cassia  iignea, 
et  qu’on  distingue  sur  le  continent  sous  le  nom  de  Cannelle  de  Chine , est 
un  produit  des  provinces  de  Kwangsi  et  de  Kweichau,  dans  le  sud  de  la 
Chine.  L’expédition  française  du  lieutenant  Garnier,  pour  l’exploration 
du  Mékong  et  delà  Cochinchine  (1806-68),  trouva  le  Cassia  vers  le  I9cde 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  239 

latitude  nord,  dans  des  forêts  traversées  par  l’un  des  affluents  de  gauche 
du  Mékong,  près  de  la  frontière  de  l’empire  d’Annam.  Une  partie  de  ce 
Gassia  est  transportée,  par  terre,  en  Chine,  tandis  qu  une  autre  partie 
est  dirigée  vers  Bangkok  (1).  Quoiqu’on  ait  l’habitude  de  rapporter  cette 
écorce,  sans  hésitation,  au  Cinnamomum  Cassia,  nous  ne  nous  croyons 
pas  autorisés  à admettre  cette  opinion.  Aucun  observateur  compétent 
n’a,  en  effet,  visité  et  décrit  les  districts  de  la  Chine  qui  produisent 
l’écorce  de  Cassia,  et  aucun  n’a  rapporté  des  échantillons  qui  puissent 
permettre  d’affirmer  quelle  est  l’origine  botanique  de  cette  écorce  (a)  (2). 

Le  Cassia  lignea  est  produit  aussi  dans  les  montagnes  de  Khasya, 
dans  l’est  du  Bengale,  d’où  on  l’apporte  à Calcutta  pour  l’y  embar- 
quer (3).  Il  existe,  dans  cette  région,  trois  espèces  de  Cinnamomum , qui 
croissent  entre  300  et  1 200  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  et 
possèdent  des  écorces  à odeur  de  Cannelle  plus  ou  moins  franche.  Ce 
sont  les  Cinnamomum  obtusifolium  Nees,  C.  pauciflorum  Nees,  et  C.  Ta- 
mala  Fa.  Nees  et  Eberm. 

Le  Cinnamomum  iners  Reinw.,  espèce  très-variable,  qui  habite  le  conti- 
nent Indien,  Geylan,  Tavoy,  Java,  Sumatra  et  d’autres  îles  de  l’archipel 
Indien,  est  peut-être,  suivant  l’opinion  de  Thwaites,  une  simple  variété 
du  C.  Zeylanicum;  mais,  d’après  Meissner,  il  s’en  distingue  bien  par  ses 
feuilles  plus  pâles  et  plus  minces,  sa  nervation  et  la  nature  de  son  arôme. 
Cet  arbre  paraîtrait  fournir  l’écorce  de  Cassia  ou  Cannelle  sauvage  du 
sud  de  l’Inde  (4). 

Le  C.  Tamala  Fr.  Nees  et  Eberm.,  qui  croît  à Khasya,  mais  se  trouve 
aussi  dans  les  régions  continentales  du  Silhet,  du  Sikkim,  du  Nepaul, 
de  Kumaon,  et  même  en  Australie,  fournit  probablement  une  certaine 
partie  de  l’écorce  de  Cassia  du  nord  de  l’Inde. 

De  grandes  quantités  d’une  sorte  d’écorce  épaisse  de  Cassia  sont  par- 
fois importées  de  Singapore  et  de  Batavia.  Elles  étaient  produites  par 
Sumatra.  En  l’absence  de  toute  information  digne  de  confiance  sur 
l’origine  botanique  de  celte  écorce,  nous  pouvons  considérer  comme 


(1)  Tiiorel,  Notes  médicales  du  Voyage  d’exploration  du  Mékong  et  de  Cochinchinc , 
Paris,  1870,  30. 

(2)  Le  plus  grand  marché  chinois  du  Cassia  et  de  la  Cannelle  est,  d’après  le  docteur 
F.  Porter  Smith,  Taiwu,  dans  le  Ping-nan-hien  (Sin-chau-fu),  dans  la  province  de 
Kwangsi  (Mat.  med.  and  Not.  Hist.  of  China.,  1871,  52).  La  capitale  du  Kwangsi  est 
Kweilin-fu,  c’est-à-dire  forât  de  Cassia. 

(3)  IIooker,  Himatayan  Jovrnals,  ed.  2,  1855,  II,  303. 

(1)  Un  échantillon  de  l’écorce  de  la  tige  du  Cassia  mers  de  Travancore,  qui  nous 
a été  présenté  par  le  docteur  Waring,  possède  une  odeur  délicieuse,  mais  est  dé- 
pourvu de  la  saveur  propre  à la  cannelle. 


210  LAURACÉES. 

probable  qu'elle  vient  des  C.  Cassia  Bl.  et  C.  Burmanni  Bl.,  var.  a, 
Chineuse.  Ces  deux  plantes  sont,  en  effet,  d’après  Teijsmann  et  Binnen- 
dijk,  cultivées  à Java  (1).  La  dernière,  qui  croît  aussi  dans  les  Philip- 
pines, produit  très-probablement  l’écorce  de  Cassia,  qui  y est  expédiée 
de  Manille. 

Historique.  — Dans  l’article  précédent  (p.  226),  nous  avons  indiqué 
la  période  éloignée  à laquelle  l’écorce  de  Cassia  paraît  avoir  été  connue 
des  Chinois,  et  nous  avons  établi  les  raisons  qui  nous  permettent  de  croire 
que  cette  substance  constituait  la  Cannelle  des  anciens.  Nous  devons  ce- 
pendant faire  remarquer  que  Théophraste,  Dioscoride,  Pline,  Strabon  et 
d’autres,  de  même  que  la  remarquable  inscription  du  temple  d’Apollon, 
à Milct,  représentent  la  Cannelle  et  le  Cassia  comme  des  substances  dis- 
tinctes, mais  très-voisines.  D'autre  part,  cependant,  l’auteur  du  Périple 
de  la  mer  ErytJu'ée , en  énumérant  les  produits  expédiés  des  divers  ports 
commerçants  de  l’Afrique  orientale  (2),  au  premier  siècle,  mentionne 
diverses  sortes  de  Cassia  (y.aa ta  ou  y.aaala),  mais  n’emploie  jamais  le  mot 
Cannelle  (vuvva^&p-ov). 

Sur  la  liste  des  produits  de  l’Inde,  qui  payaient  tribut  à la  douane  ro- 
maine d’Alexandrie,  vers  176-180,  le  Cinnamomum  est  mentionné,  ainsi 
que  le  Cassia  turiana , 1 e Xylocassia  et  le  Xylocinnamomum  (3).  Nous  ne 
pouvons  donner  aucune  explication  de  la  distinction  établie  là  entre  le 
Cinnamomum  et  le  Cassia,  mais  il  est  important  de  noter  que  l’on  vend, 
chez  les  droguistes  chinois,  des  rameaux  d’un  Cinnamomum  qu’il  n’est 
pas  improbable  de  considérer  comme  les  Xylocassia  et  Xylocinnamomum 
des  anciens  (4).  Le  nom  de  Cassia  liynea  semble  avoir  été  d’abord  appli- 
qué à quelque  substance  de  ce  genre  plutôt  qu’à  la  simple  écorce  que 
nous  nommons  ainsi  aujourd’hui.  Cette  épice  était  aussi,  sans  aucun 
doute,  nommée  Cassia  syrinx  et  Cassia  fistularis  (t.  I,  p.  399),  dénomma- 
it) Catalogus  plantarum  quæ  in  Horto  Botanico  Bogoriensi  coluntur,  Batavia, 
1866,  92. 

(2)  Vincent,  Commerce  and  Navigation  of  the  Ancients  in  the  Indian  Océan,  1807, 
II,  130,  134,  149,150,  157.  — Nous  ne  devons  pas  être  surpris  de  ce  que  les  anciens 
aient  confondu  les  différentes  sortes  de  Cassia,  car  les  botanistes,  pharmacolo- 
gistes  et  épiciers  modernes,  ne  possèdent  aucun  caractère  permettant  de  distinguer  les 
écorces  de  ce  groupe,  ou  même  de  donner  des  dénominations  précises  à celles  qui  se 
trouvent  dans  nos  magasins. 

(3)  Vincent,  op  cit.,  II,  701-716. 

(4)  Le  grand  port  de  Ilankow,  sur  le  Yan-Tsc-Kiang,  est  un  entrepôt  de  ces  rameaux 
ou  branches  de  Cannelle,  dont  il  y a été  importé,  en  1874,  1925  péculs.  Une  quantité 
plus  considérable  de  la  même  drogue  est  expédiée  du  port  de  Canton,  mais  également 
pour  d’autres  ports  de  la  Chine,  jamais  pour  l’étranger.  ( Commercial  Reports  from 
II.  M.  Consuls , in  China,  1874). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  241 

tions  qui  se  rapportent  évidemment  à une  écorce  en  forme  de  tube.  Il 
peut  y en  avoir  de  plusieurs  qualités,  dont  quelques-unes  d’un  prix 
peut-être  très-élevé.  Il  est  digne  de  remarque  qu’il  en  est  encore  ainsi 
en  Chine,  et  que  les  Chinois  riches  emploient  une  sorte  d’écorce  de  Cas- 
sia,  épaisse,  qui  coûte  jusqu’à  18  dollars  le  cattij  (près  de  65  francs  les 
454  grammes)  (I). 

Il  est  douteux  que  VAromata  Cassiæ,  offert  à l’église  de  Rome  sous 
saint  Sylvestre  (314-335),  soit  notre  écorce  moderne  de  Cassia.  Le  pré- 
sent le  plus  considérable,  qui  paraît  être  venu  d’Egypte  (2),  fut  de  200  li- 
vres ; il  était  accompagné  de  poivre,  de  safran,  de  styrax,  de  girofle  et  de 
baume.  Le  Cassia  paraît  avoir  été  connu  dans  l’Europe  occidentale  dès 
le  septième  siècle,  car  il  est  mentionné,  avec  la  Cannelle,  par  saint  Isidore, 
archevêque  de  Séville  (3).  Le  Cassia  est  nommé  dans  un  des  Leech-Books 
(livres  de  médecine  vétérinaire)  en  usage  en  Angleterre  avant  la 
conquête  des  Normands  (4).  Cette  épice  était  vendue,  à Londres,  sous 
le  nom  de  Canel , en  1264,  au  prix  de  10  deniers  la  livre,  le  sucre  valant, 
à la  même  époque,  12  d.,  le  cumin  2 d.,  et  le  gingembre  18  d.  (5).  Dans 
le  Boke  of  Nurtuve  (6),  écrit  au  quinzième  siècle  par  John  Russel,  cham- 
bellan de  Humphry , duc  de  Gloucester,  le  Cassia  est  désigné  comme 
semblable  à la  Cannelle,  mais  moins  cher  et  plus  commun,  exactement 
comme  à notre  époque. 

Production.  — Nous  ignorons  si  l’arbre  qui  fournit  l’écorce  de  Cassia 
du  sud  de  la  Chine  (7)  est  cultivé,  ou  s’il  ne  se  trouve  qu’à  l’état 
sauvage  (8). 

L écorce  de  Cassia  de  Calcutta,  recueillie  dans  les  montagnes  de 

(1)  Nous  devons  de  très-beaux  échantillons  de  cette  écorce,  qui  coûte  fort  cher, 
au  docteur  H.-F.  Hance,  vice-consul  anglais  à Whampoa. 

(2)  Vignolius,  Liber  Pontificalis,  Romæ,  1724,  I,  94,  95. 

(3)  Migne,  Patrologiæ  Cursus,  1850,  LXXNII,  G22.  - Saint  Isidore  cite  évidem- 
njent  Galien,  mais  il  fait  remarquer  que  les  deux  épices  étaient  connues  à son  époque. 

(4)  Cockayné,  Leechdoms,  etc.,  of  Early  England,  1865,  II,  143. 

(o)  Rogers,  Hist.  of  Agriculture  and  Prices  in  England,  1866,  II,  543. 

(G)  Ce  livre  a été  réimprimé  par  l 'Early  English  Text  Society,  1868.  - Russel  dit  : 

« Vo^ez  que  vos  bâlons  de  Synamome  soient  minces,  cassants  et  de  couleur  blonde... 
car  a Canelle  n est  pas  si  bonne,  d Dans  sa  formule  de  VHypocras,  il  prescrit  le  Syna - 
morne  pour  1 hypoeras  des  lordes,  et  la  Canelle  pour  celui  du  commyn  peple. 

(7)  D après  M.  Tliorel  (voy.  page  248,  note  a)  cet  arbre  n’habite  pas  le  sud  de  la 
Chine,  mais  le  Laos  et  la  Cochinchinc,  entre  le  170  et  le  21®  degré  de  latitude.  On 
exporte  chaque  année  de  cette  région  son  écorce  en  Chine.  [Trad.] 

(8)  Nous  sommes  informés  par  une  note  insérée  dans  le  Preussisches  Handelsarchiv, 
1873,  672,  que  l’arbre  est  cultivé,  mais  sans  exiger  des  soins  particuliers.  Quand  il  a 
dix  ans,  on  enlève  l’écorce  des  branches,  puis  on  laisse  reposer  l’arbre  pendant  dix- 
autres  années.  [F.  A.  F.] 

HIST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


IG 


242  ' LAURACÉES. 

Khasya,  d’où  clic  est  apportée  à Calcutta,  est  fournie  par  des  arbres 
sauvages  de  petite  taille. 

Le  docteur  Ilooker,  qui  visita  ce  district  en  compagnie  du  docteur 
Thomson,  en  1850,  fait  observer  que  le  commerce  de  l’écorce  de  Cassia 
lignea  produite  par  cette  région  est  d’origine  récente  (1). 

Cette  ccorce  offre  une  épaisseur  qui  varie  beaucoup  avec  les  échan- 
tillons ; elle  a été  dépouillée  de  ses  couches  extérieures. 

Sumatra  produit  une  grande  quantité  d’écorce  de  Cassia  lignea,  au- 
tant que  nous  pouvons  en  juger  parce  fait  quePadang,  port  de  cette  île, 
exporta,  en  1871,  G 128  peculs  de  cette  écorce,  dont  la  majeure  partie 
fut  expédiée  en  Amérique  (2).  Nous  ne  savons  pas  qu’il  ait  été  publié 
des  renseignements  au  sujet  de  la  récolte  du  Cassia  sur  la  côte  de 
Malabar,  à Java  et  dans  les  îles  Philippines. 

Il  a été  importé  en  Espagne,  par  la  voie  de  Cadix,  en  1871,  93  000  li- 
vres de  Cassia  lignea  provenant  des  Philippines  (3). 

Description.  — L’écorce  de  Cassia  lignea  de  Chine,  appelée  aussi  pni- 
fois  Cannelle  de  Chine,  est  de  toutes  les  sortes  la  plus  estimee,  et  celle 
qui  se  rapproche  le  plus  de  la  Cannelle  de  Geylan.  Elle  arrive  en  petits 
paquets  qui  ont  environ  30  centimètres  de  long,  et  pèsent  1 livre 
(454  grammes  environ).  Les  morceaux  d écorce  sont  réunis  les  uns  aux 
autres  en  nombre  variable,  suivant  leur  épaisseur  et  leur  diamètre,  et 
maintenus  au  moyen  de  liens  faits  avec  des  bandes  de  bambou. 

Cette  écorce  a l’aspect  général  de  la  Cannelle,  mais  elle  est  en  tubes 
simples,  non  emboîtés  les  uns  dans  les  autres.  Les  tubes  sont  moins 
droits,  moins  réguliers,  et  colorés  en  brun  plus  foncé  ; quelques  mor- 
ceaux sont  extrêmement  minces,  mais  la  plupart  sont  plus  épais  que 
les  morceaux  de  belle  cannelle  ; ils  sont  en  général  beaucoup  moins  uni- 
formes. La  couche  extérieure  de  l’écorce  a été  enlevée  avec  moins  de 
soin  que  dans  la  cannelle  de  Geylan,  et  l’on  trouve  facilement  des  mor- 
ceaux dont  la  couche  subéreuse  n’a  pas  été  entamée  par  le  couteau 

du  décortiqueur.  , 

L’écorce  de  Cassia  lignea  offre  une  cassure  courte.  Les  écorces  les 

plus  épaisses  présentent,  sur  une  coupe  transversale,  une  belle  ligne 

blanche  centrale  parallèle  à la  suiface.  t 

Le  bon  Cassia  ressemble,  par  la  saveur,  à la  cannelle  ; .1  n est  ni 


(1)  Hooker,  op.  cit. 

(2)  Consular  Reports,  août  1873,  953. 

(3)  Consul  Reade,  Report  on  thc  Trade,  elc., 
désignée  sous  le  nom  de  Çinncwioi i . 


of  Cadiz  for  1871 . Cette  épice  y est 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  243 

moins  doux,  ni  moins  aromatique,  quoiqu’on  décrive  souvent  son  odeur 
comme  moins  fine  etmoins  délicate. 

On  a récemment  (1870)  importé  de  Chine  une  sorte  peu  habituelle  de 
Cassia,  qui  a été  offerte  sur  le  marché  de  Londres  sous  le  nom  de  China 
Cinnamon  (Cannelle  de  Chine)  (1),  quoique  ce  ne  soit  pas  Je  nom  que 
l’écorce  porte  dans  le  commerce  continental. 

Cette  nouvelle  drogue  est  en  morceaux  non  raclés  qui  ont,  presquetous, 
à peu  près  la  grosseur  ordinaire  de  l’écorce  de  Cassia  lignea  de  Chine. 
Elle  possède  une  saveur  très-sucrée  et  un  arôme  piquant  de  cannelle. 

Les  sortes  les  moins  estimées  d’écorces  de  Cassia,  qui  depuis  ces  ùer- 
nières  années  ont  été  apportées  en  grande  quantité  sur  le  marché,  sont 
connues  dans  le  commerce  sous  les  noms  de  Cassia  lignea,  Cassia  vera  ou 
Cassia  sauvage,  et  sont  distinguées  les  unes  des  autres  par  les  noms  des 
localités  d’où  elles  sont  expédiées,  Calcutta,  Java,  Timor,  etc. 

Les  écorces  qu’on  se  procure  ainsi  varient  beaucoup  par  la  couleur, 
l’épaisseur  et  l’arome,  au  point  qu'il  serait  inutile  d’essayer  de  les 
classer.  Quelques-unes  ont  une  coloration  de  cannelle  pâle,  mais  la 
plupart  sont  colorées  en  brun  plus  foncé.  Elles  présentent  toutes  les 
variations  d’épaisseur  depuis  celle  du  carton  jusqu’à  celle  d’un  demi- 
centimètre  et  plus.  Leur  parfum  ressemble  plus  ou  moins  à celui  de  la 
cannelle,  mais  est  parfois  mélangé  d’une  odeur  désagréable  de  punaise. 
Quelques-unes,  tout  en  étant  aromatiques,  sont  très-mucilagineuses,  et 
abandonnent  facilement  leur  mucilage  à l’eau  froide. 

Enfin  nous  avons  trouvé  des  écorces  épaisses  de  Cassia,  de  bonne 
apparence,  qui  se  distinguent  par  leur  astringence  et  une  absence  pres- 
que complète  d’arome  (2). 

Structure  microscopique.  - Sur  une  section  transversale,  les  mor- 
ceaux de  Cassia  lignea  de  Chine,  encore  munis  de  leur  enveloppe  subé- 
reuse, offrent  les  caractères  suivants  : La  surface  externe  est  formée  de 
plusieurs  couches  de  cellules  subéreuses  ordinaires,  remplies  d’une 
matière  colorante  brune. 

Sui  les  échantillons  dont  le  liège  a été  complètement  enlevé,  la  sur- 
lace extéiicuie  est  formée  par  l’écorce  moyenne  ( mesophlœum ),  mais 
la  plus  grande  partie  de  1 écorce  est  formée  par  le  liber  ou  endophlœum. 

(1)  MM.  Dalton  ctVoung,  de  Londres,  nous  ont  obligeamment  donné  un  échan- 

* 011  e ce^c  écorce.  Voyez  aussi  Flückiger,  in  J ahresbericht  de  Wiggers  et 
TIusemann,  1872,  32. 

(2)  G est  une  écorce  de  cette  sorte  que  Guibourt  (Hist.  des  Drogues,  1849  II  380) 
considérait  comme  le  véritable  Cassia  lignea,  et  à laquelle  il  réservait  exclusivement 


2H  LAÜRACÉES. 

Des  fibres  libériennes  isolées,  et  des  cellules  à parois  épaisses  (cellules 
pierreuses)  sont  répandues  même  dans  les  couches  extérieures.  Dans  1a. 
zone  moyenne,  sont  de  nombreux  éléments  sclcrenchymateux,  qui  ce- 
pendant ne  forment  pas,  comme  dans  la  cannelle  de  Ceylan,  une  couche 
continue.  La  partie  interne  du  liber  offre  la  structure  caractéristique  de 
la  cannelle  avec  des  différences  dues  à l’âge,  comme  par  exemple  un 
plus  grand  développement  des  rayons  médullaires.  Des  cellules  à huile, 
et  des  conduits  à gomme,  sont  aussi  distribués  dans  le  parenchyme  de 
ces  derniers. 

La  Cannelle  de  Chine  de  1870  (p.  243)  ressemble  encore  davantage  à la 
cannelle  de  Ceylan,  sauf  en  ce  qu’elle  est  revêtue  de  son  suber.  Une 
coupe  transversale  d’un  tube,  n’ayant  pas  plus  d’un  millimètre  d’épais- 
seur, offre  les  trois  couches  décrites  comme  caractéristiques  de  cette 
écorce.  La  zone  sclérenchymateuse  est  recouverte  par  un  parenchyme 
riche  en  canaux  huileux,  de  sorte  qu  il  est  manifeste  que  1 odeur  de  la 
drogue  ne  pourrait  pas  être  supprimée  par  le  raclage.  La  couche  subé- 
reuse est  constituée  par  les  cellules  tabulaires  habituelles.  Le  liber 
ressemble  à celui  de  la  cannelle  de  Ceylan. 

Dans  les  écorces  de  Cassia  d'épaisseur  considérable  on  trouve  la  même 
disposition  des  tissus,  mais  leur  développement  considérable  entraîne 
une  certaine  dissemblance.  Ainsi,  les  cellules  à parois  épaisses  sont  plus 
ou  moins  séparées  les  unes  des  autres,  au  point  de  former  de  petits 
groupes  isolés.  Le  même  phénomène  se  produit  dans  le  liber,  dont  les 
fibres  sont,  dans  les  écorces  épaisses,  entourées  d’un  parenchyme  rempli 

de  cristaux  volumineux  d’oxalate  de  calcium. 

Les  cellules  gommeuses  ne  sont  pas  plus  larges,  mais  elles  sont  plus 
nombreuses  dans  ces  écorces,  qui  se  gonflent  beaucoup  plus  dans  l’eau 
froide  que  la  canelle  de  Ceylan. 

Composition  chimique.  — L’écorce  de  Cassia  doit  ses  propriétés 
aromatiques  à une  huile  essentielle  qui  est  expédiée  de  Canton  en 
grande  quantité.  Au  point  de  vue  chimique,  on  ne  peut  pas  indiquer  de 
différence  entre  cette  essence  et  celle  de  la  cannelle  de  Ceylan.  Le  par- 
fum de  l’essence  de  Cassia  est  un  peu  moins  agréable,  et  tel  qu  on  le  trou  ve 
dans  les  sortes  les  moins  estimées  de  Cassia,  il  est  manifestement  moins 
délicat  que  celui  de  l’essence  de  cannelle.  Nous  avons  trouvé  comme 
poids  spécifique  de  l’huile  essentielle  de  Cassia  de  Chine,  1 066.  Son 
pouvoir  rotatoire,  en  colonne  de  50  millimètres  de  long,  est  seulement 
de  o°l  à droite.  L’huile  essentielle  de  Cassia  diffère  donc,  a cet  egard, 
de  celle  que  produit  la  cannelle  de  Ceylan. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  245 

L’huile  de  Cassia  laisse  parfois  déposer  un  stéaroptène  qui,  purifié, 
est  incolore,  inodore,  et  cristallise  en  prismes  brillants  et  cassants. 
Nous  n’avons  jamais  trouve  cette  subslancc,  qui  aete  examinée,  en  1850, 
par  Rochleder  et  Schwarz  (1). 

Lorsqu’on  humecte  des  tranches  minces  de  Cassia  avec  une  solution 
diluée  de  perchlorure  de  fer,  le  contenu  de  toutes  les  cellules  paren- 
chymateuses prend  une  belle  couleur  brune.  Dans  les  couches  exté- 
rieures, les  granules  d’amidon  eux-mêmes  se  colorent.  Le  tannin  est 
par  conséquent  l’un  des  principaux  constituants  de  cette  écorce  ; les 
parois  cellulaires  elles-mêmes  en  sont  imprégnées.  Les  persels  de  fer 
colorent  en  vert  noirâtre  la  décoction  de  l’écorce. 

Lorsqu’on  épuise  l’écorce  de  Cassia  (ou  la  cannelle  de  Geylan)  avec 
de  l’eau  froide , le  liquide,  qui  est  clair,  se  trtmble  sous  l’influence  de 
l'iode  et  d’une  solution  concentrée  d’iodure  de  potassium.  Un  précipité 
abondant  se  produit  lorsqu’on  ajoute  une  dissolution  d’iode  dans  un 
sel  de  potassium.  La  couleur  de  l’iode  disparaît  alors.  Il  existe  donc  une 
substance  qui  s’unit  à l’iode  ; et  en  fait,  lorsqu’oil  ajoute  à une  décoction 
de  Cassia  ou  de  cannelle  la  solution  d’iode  dont  nous  venons  de  parler, 
la  décoction  prend  une  coloration  d’un  bleu  brillant  due  à l’amidon. 
Cependant,  cette  coloration  disparaît  bientôt,  et  ne  devient  permanente 
qu’après  qu’on  a ajouté  une  grande  quantité  du  réactif.  Nous  ne  nous 
sommes  pas  assurés  de  la  nature  de  la  substance  qui  modifie  ainsi  l’ac- 
tion de  l’iode  ; ce  pourrait  être  du  tannin,  car  nous  avons  vu  que  la 
réaction  était  la  même  lorsque  nous  faisions  usage  d’écorce  préalable- 
ment traitée,  à plusieurs  reprises,  par  l’alcool,  et  ensuite,  plusieurs  fois, 
par  l’éther  bouillant. 

Le  mucilage  contenu  dans  les  cellules  gommeuses  des  écorces  minces 
de  Cassia  se  dissout  facilement  dans  l’eau  froide,  et  peut  être  précipité 
par  le  tannin  et  par  l’acétate  neutre  de  plomb,  mais  non  par  l’alcool. 
Dans  les  écorces  plus  épaisses,  il  paraît  moins  soluble,  et  se  gonfle  seu- 
lement en  une  gelée  visqueuse. 

Commerce.  — Le  Cassia  lignea  est  exporté  de  Canton  en  quantités 
considérables  et  toujours  croissantes.  Les  chargements  s’élevèrent,  en 
1864,  à 13800  péculs  ; en  1869  (2),  ils  atteignirent  40600  péculs;  en 
1871,  61  220  péculs,  et  en  1872  (3),  76464  péculs,  valant  267703  livres 

(1)  Chemistry,  de  Gmelin,  XVII,  395. 

(2)  Canton  Trade  Report  for  1869. 

(3)  Commercial  Reporte  from  II.  M.  Consuls  in  China,  présentés  au  parlement  en 
1873  (Consul  Robertson). 


246 


LAQRACÉES. 

sterling.  Une  très-grande  partie  du  Cassia  lignea  importé  en  Angleterre 
est  réexpédiée  vers  d’autres  pays. 

La  quantité  de  Cassia  expédiée  du  sud  de  la  Chine  vers  le  Royaume- 
Uni,  s’éleva,  en  1869,  à 47  517  livres  ; en  1870,  à 28  389  livres  (1). 

Usages.  — Us  sont  les  mêmes  que  ceux  de  la  cannelle  deCeylan. 

AUTRES  PRODUITS  ANALOGUES 

Bourgeons  de  Cassia  ( Cassia  Buds ). — On  désigne  ainsi  les  fruits  non  en- 
core mûrs  de  l’arbre  qui  produit  le  Cassia  lignea  de  Chine.  Us  sont  em- 
ployés en  Europe  depuis  le  moyen  âge.  Dans  le  Journal  des  Dépenses 
(1359-60)  de  Jean,  roi  de  France,  alors  prisonnier  au  château  de  So- 
merton,  en  Angleterre,  on  trouve  cette  épice  inscrite,  à plusieurs  re- 
prises, sous  le  nom  de  Flor  de  Cannelle  ; elle  coûtait  fort  cher,  de  8 à 
10  shillings  la  livre,  plus  du  double  du  prix  du  macis  et  du  girofle. 
Dans  une  circonstance,  on  fit  venir  de  Bruges  (2)  deux  livres  de  cette 
drogue  pour  l’usage  du  roi.  D’après  le  Form  of  Cary  (3),  écrit  en 
1390,  il  paraît  que  les  bourgeons  de  Cassia  [Flô  de  Queynel ) étaient  em- 
ployés à la  préparation  d’un  vin  épicé,  désigné  sous  le  nom  d ' Hippocras. 

Les  bourgeons  de  Cassia  sont  expédiés  de  Canton,  mais  leur  exporta- 
tion a beaucoup  diminué.  Rondot,  en  1848  (4),  estimait  leur  exporta- 
tion à 400  péculs  (53  333  livres)  par  an.  En  1866,  on  en  expédia  de 
Canton  233  péculs  ; en  1867, 165  péculs  (5).  La  quantité  de  bourgeons 
de  Cassia  importée  dans  le  Royaume-Uni  en  1870  fut  de  29  321  li- 
vres (6).  Cette  épice  est  vendue  surtout  par  les  épiciers. 

Dans  le  sud  de  l’Inde,  on  recueille  pour  l’usage  les  fruits  plus  mûrs 
d’une  des  variétés  du  Cinnamomum  iners  Reinw.,  mais  ils  sont  très-infé- 
rieurs aux  bourgeons  de  Cassia  de  Chine. 

Folia  Malabathri  ou  Folia  Indien. — On  donne  ce  nom  aux  feuilles  dessé- 
chées, aromatiques,  de  certaines  espèces  indiennes  de  Cinnamomum.  On 
les  employait  autrefois  dans  la  médecine  européenne,  mais  elles  sont 
aujourd’hui  abandonnées.  Elles  sont  encore  utilisées  dans  l’Inde  sous  le 
nom  de  Taj-pàt.  On  les  cueille  dans  le  Mysore  sur  des  arbres  sauvages. 

(1)  Annual  Statement  of  the  trade  and  navigation  of  the  United  Kingdom  for 
1870,  290. 

(2)  Douet  d’Arcq,  Comptes  de  l’argenterie  de  France,  1851,  206,  218,  222,  239,  etc. 

(3)  Voyez  t.  I,  440,  note  5. 

(4)  Commerce  d’exportation  de  la  Chine,  45. 

(5)  Report  on  trade  at  the  Treaty  Ports  in  China  for  1867,  Shanghai,  1868,  94. 

(6)  Animal  Statement  of  the  Trade  and  navigation  of  the  United  Kingdom  for 
1870,  101. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  247 

Ishpingo. On  désigne  ainsi  à Quito  le  calice  d’un  arbre  de  la  fa- 

mille des  Lauracées,  employé  dans  1 Equfiteur  et  au  Déi  ou  à la  place  de 
la  cannelle.  Cette  drogue  est  peu  connue  en  Europe,  mais  son  histoire 
est  remarquable. 

Les  conquérants  espagnols,  ayant  entendu  parler  de  1 existence,  dans 
le  sud  de  l’Amérique,  d’une  région  productive  d’épices,  considérèrent 
le  fait  comme  si  important,  qu’ils  organisèrent  une  expédition  pour 
explorer  cette  contrée.  La  direction  de  l’entreprise  fut  confiée  à Gonzalo 
Pizarro.  Il  partit  de  Quito  le  jour  de  Noël  1539,  avec  340  soldats,  etplus 
de  4 000  Indiens  chargés  de  provisions.  L’expédition  dura  deux  ans,  et 
ne  produisit  que  des  résultats  lamentables;  130  Espagnols  seulement 
survécurent  aux  fatigues  du  voyage.  Dans  le  compte  rendu  qui  en  fut 
fait  par  Garcilasso  de  la  Yega,  l’arbre  à cannelle  est  décrit  comme  ayant 
de  grandes  feuilles  semblables  à celles  du  laurier,  avec  des  fruits  sem- 
blables à des  glands,  et  disposés  en  grappes  (1).  Oviedo  (2)  a aussi 
donné  quelques  détails  sur  cette  épice,  accompagnés  d’une  figure  qui 
représente  bien  sa  forme  remarquable. 

Ce  sujet  a été  traité  en  outre  par  plusieurs  autres  écrivains  espagnols, 
notamment  par  Monardes  (3). 

Malgré  la  célébrité  ainsi  accordée  à cette  épice,  et  le  fait  qu’elle  donne 
son  nom  à une  vaste  région  (4)  et  qu’elle  est  encore  l’objet  d’un  trafic 
considérable,  l’arbre  lui-même  est  tout  à fait  inconnu  des  savants. 
Meissner  le  place,  avec  doute,  dans  le  genre  Nectandra,  avec  le  nom  spé- 
cifique de  Cinnamomoïdes , mais  il  avoue  que  ses  fleurs  et  ses  fruits  sont 
également  inconnus  (5). 

Cette  épice,  dont  nous  devons  un  riche  échantillon  à M.  Destruge,  de 
Guayaquil,  consiste  en  un  calice  ligneux,  large  et  mûr  ; il  a de  3 à 5 cen- 


(1)  Travels  of  Pedro  de  Cieza  de  Leon,  1532-50,  trad.  par  Markham  (Hakluyt  So- 
ciety), Lond.,  1864,  ch.  39-40;  Expédition  of  Gonzalo  Pizarro  to  the  Land  of  Cinna - 
mon,  par  Garcilasso  Inca  de  la  Vega,  faisant  partie  du  même  volume. 

(2)  Historia  de  las  Indias,  Madrid,  1851,  I,  357,  lib.  ix,  c.  31. 

(3)  De  la  Canela  de  nuestras  Indias.  — Historia  de  las  cosas  que  se  iraen  de  nues- 
tras  Indias  occidentales,  Sevilla,  1574,  98. 

(4)  Le  village  de  San  Iosé  de  Canelos,  qui  peut  être  considéré  comme  le  centre  de  la 
région  à cannelle,  est  situé,  d’après  Spruce,  par  1°20'  de  latitude  sud,  et  77°45'  de  lon- 
gitude ouest,  <i  une  altitude  d’environ  1590  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
Les  «forêts  do  Canelos»,  ainsi  qu’on  les  nomme,  n’ont  pas,  d’après  ce  qu’on  nous  a 
dit,  de  limites  naturelles.  Mais  cette  dénomination  est  donnée  vulgairement  à toute  la 
région  supérieure  du  Pastasa  et  de  ses  affluents,  depuis  une  hauteur  de  1 200  il 
2100  mètres  sur  les  flancs  des  Andes,  jusqu’à  la  vallée  de  l’Amazone  et  le  point  de 
confluence  du  Pastasa  et  du  Bombonasa. 

J5)  De  Candolle,  Prodromus,  XV,  sect.  I,  167. 


248  LAUMCÉES. 

timètres  de  diamètre  ; sa  forme  est  celle  d’un  entonnoir  peu  profond, 
dont  l'ouverture  ressemble  à la  cupule  d’un  grand  Y,  avec  des  bords 
larges,  irréguliers,  ordinairement  récurvés.  Sa  surface  extérieure  est 

rugueuse  et  veinée.  Le  calice  entier  est 
coloré  en  brun  foncé,  son  goût  est  très- 
''  sucré,  aromatique,  semblable  à celui  de 
la  cannelle,  qu’il  remplace  communé- 
ment dans  l’Equateur. 

Le  docteur  Destruge  nous  a aussi  en- 
té ° 

voyé  un  échantillon  de  Yécorce.  Elle  est 
en  très-petits  tubes  dépouillés  de  leur 
suber,  et  tout  à fait  semblables  à la 
cannelle  véritable.  Nous  ne  savons  pas 
e si  l’on  prépare  ainsi  cette  écorce  en 
grande  quantité. 


[a)  M.  Thorel  nous  communique  au  dernier 
moment  une  note  dans  laquelle  il  émet  l’opi- 
nion que  le  Cassia  lignea  de  Chine  est  produit 
par  le  Cinnamomum  Cassia , dont  il  a rapporté 
un  échantillon  du  Laos.  Nous  placerons  cette 
note  à la  fin  du  présent  volume.  [Trad.] 

(b)  L'Ecorce  de  Cassia  lignea  offre,  ainsi  que 
l’indique  la  figure  206,  représentant  la  coupe 
transversale  d’une  écorce  de  Cassia  épaisse,  qui 


Fig.  206.  Ecorce  de  Cassia  lignea. 

Coupe  transversale. 

nous  a été  donnée  par  M.  Dorvault,  une  structure  microscopique  très-analogue  à 
celle  de  la  Cannelle  de  Ceylan  (voy.  p.  238,  note  b).  On  y trouve  également  de  de- 
hors en  dedans  : 1°  une  couche  de  suber  o;  2°  une  couche  de  parenchyme  corti- 
cal h,  d dans  laquelle  est  disposée  une  zone  c de  cellules  sclérenchvmateuses.  Cette 
dernière  est  formée  des  mêmes  éléments  que  la  zone  correspondante  de  la  Cannelle 
de  Ceylan,  mais  elle  est  beaucoup  plus  irrégulière.  Dans  la  couche  d se  forme 
aussi,  ii  un  moment  donné,  une  zone  de  phellogène  qui  produit  : en  dehors,  du 
liège,  et  en  dedans  une  nouvelle  couche  de  parenchyme  cortical.  Le  liber  e offre  la 
même  structure  que  dans  la  Cannelle  de  Ceylan,  mais  les  fibres  lignifiées  y sont  beau- 
coup plus  nombreuses  et  réunies  par  groupes  souvent  volumineux.  Dans  le  liber,  sont 
dispersées  de  nombreuses  cellules  à huile  essentielle,  très-larges.  [Trad.] 

(c)  D’après  Nees  von  Esenbeck,  l’écorce  qu’on  désigne  dans  le  commerce  sous  le 
nom  de  Cannelle  de  Chine,  serait  produite  par  le  Cinnamomum  aromaticum  Nees 
(Laurin.,  62),  arbre  à branches  anguleuses  et  à pétioles  couverts  de  poils  laineux. 
Les  feuilles  sont  oblongues,  aiguës  aux  deux  extrémités,  munies  de  trois  nervures 
longitudinales.  Les  fleurs  sont  disposées  en  grappes  de  cymes,  étroites  et  soyeuses. 

M.  Dorvault,  directeur  de  la  Pharmacie  Centrale  de  Paris,  a mis  à notre  dispo- 
sition un  très-bel  échantillon  de  cette  variété  de  Cannelle  qui  se  distingue  aisé- 
ment soit  de  la  Cannelle  de  Ceylan,  soit  du  Cassia  lignea  figuré  plus  haut,  par  ses 
caractères  extérieurs,  mais  moins  par  sa  structure  anatomique. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


240 


Cette  Cannelle  se  présente  en  morceaux  tubuleux,  enroulés,  simples,  et  non  em- 
boîtés les  uns  dans  les  autres  comme  ceux  de  la  Cannelle  de  Ceylan.  Leur  épaisseur 
est  de  1 à 2 millimètres,  intermédiaire  à celle  du  Cassia  lignea,  qui  est  plus  grande, 
et  à celle  de  la  Cannelle  de  Ceylan  qui  est  moindre.  La  surface  extérieure  est  raclée  et 
colorée  en  jaune  fauve  plus  ou  moins  foncé.  Elle  offre  parfois,  en  certains  points,  des 
plaques  de  la  couche  subéreuse  grisâtre,  fendillée,  et  pointillée  de  petites  taches  plus 
claires.  La  surface  interne  est  colorée  en  jaune  brunâtre  plus  foncé,  mais  brillant  et 
parcourue  de  très-fines  stries  longitudinales,  cour- 
tes, visibles  surtout  â la  loupe.  Sa  cassure  est  nette 
et  colorée  en  gris  jaunâtre  un  peu  plus  foncé  vers 
la  surface  externe.  Son  odeur  est  moins  agréable 
que  celle  de  la  Cannelle  de  Ceylan  ; il  s’y  mêle  un 
peu  d’odeur  de  punaise.  Sa  saveur  est  piquante  et 
mucilageuse.  La  structure  microscopique  de  cette 
écorce  ne  diffère  que  fort  peu,  ainsi  que  le  montre  la 
ligure  207,  de  celle  de  la  Cannelle  de  Ceylan  et  du 
Cassia  lignea.  On  y trouve  également,  de  dehors  en 
dedans  : une  couche  de  suber  a,  un  parenchyme 
cortical  b,  d,  contenant  de  grandes  cellules  à huile, 
et  divisé  par  une  zone  c de  cellules  sclérenchyma- 
teuses.  Cette  dernière  est  beaucoup  plus  régulière 
que  dans  le  Cassia  lignea,  et  elle  offre,  de  distance  en 
distance,  dans  les  jeunes  écorces,  des  groupes  d’élé- 
ments prosenchymateux  fusiformes,  à parois  blan- 
ches, très-épaisses,  à cavité  linéaire,  à contour  exté- 
rieur arrondi  ou  polygonal.  Ces  éléments  sont  beau- 
coup plus  étroits  que  les  cellules  sclérenchymateuses  voisines.  Le  liber  e,  semblable 
au  fond  à celui  de  la  Cannelle  de  Ceylan  et  du  Cassia  lignea  s’en  distingue  par  ses 
fibres  libériennes  lignifiées  beaucoup  moins  nombreuses  et  éparses.  On  trouve 
parfois  certains  éléments  parenchymateux  du  liber  devenus  sclérenchymateux,  et 
réunis  par  petits  groupes  jaunâtres  de  trois  ou  quatre  éléments.  Ces  groupes  sont 
toujours  rares,  et  la  plupart  des  faisceaux  libériens  des  écorces  que  j’ai  observées 
n’en  offraient  pas.  [Trad.] 


Fig.  207.  Fcoroe  de  Cannelle 
de  Chine. 


CAMPHRE. 

Camphora;  angl.,  Camphor  (1).  Common  Camphor,  Laurel  Camphor  ; 
aliéna.,  Campher. 

Origine  botanique.  — Cinnamomum  Camphora  Fr.Nees  et  Ebermaier 
(■ Laurus  Camphora  L.,  Camphora  officinarum  C.  Batjii.).  Le  Camphrier  vit 
dans  une  aire  très-étendue,  car  on  le  trouve  dans  toute  la  Chine  cen- 
trale et  les  îles  du  Japon.  En  Chine,  il  abonde 'particulièrement  dans 
les  provinces  de  l’Est  et  du  Centre,  celles  de  Ghekiang,  de  Fokien  et  de 

(1)  Le  mot  Camphre,  généralement  écrit  par  les  auteurs  latins  Caphura,  et  par  les 
anciens  Anglais  Camphire,  dérive  de  l’arabe  Kapûr,  qu’on  suppose  venir  du  sanskrit 
Karpura,  blanc. 


250 


LAURACÉES. 

Kiangsi.  Il  est  également  abondant  dans  l’île  de  Formose,  où  il  couvre 
toute  la  chaîne  de  montagnes  qui  s’étend  du  nord  au  sud,  et  s’élève 
jusqu’à  une  altitude  de  600  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Il 
croît  vigoureusement  dans  les  contrées  tropicales  et  subtropicales.  Dans 
les  jardins  de  l’Italie,  il  se  développe  en  un  grand  et  bel  arbre  qu’on 
peut  cultiver  jusqu’au  lac  Majeur  vers  le  Nord  (1). 

Les  feuilles  sont  petites,  luisantes,  glauques  en  dessous,  longuement 
pétiolées  ; les  tiges  fournissent  un  excellent  bois,  très-estimé  à cause  de 
son  odeur,  et  employé  dans  la  fabrication  des  malles,  des  tiroirs 
d’armoires  et  d’un  grand  nombre  do  petits  objets  (a). 

On  retire  du  camphre  d’autres  plantes  que  le  Camphrier  de  Chine, 
parmi  lesquelles  la  plus  remarquable  est  le  Dryobalanops  aromatica, 
grand  arbre  de  l’Archipel  indien. 

Historique.  — Les  deux  sortes  de  Camphre,  fournies  par  les  deux 
arbres  dont  nous  venons  de  parler,  ont  toujours  été  regardées  par  les 
Chinois  comme  parfaitement  distinctes.  Ce  fait  doit  être  présent  à l’es- 
prit quand  on  étudie  l’histoire  du  Camphre. 

En  parcourant  les  notions  qui  sont  fournies  sur  le  Camphre  par  les 
écrits  chinois  (2),  on  s’assure  que,  quoique  l’arbre  fût  évidemment 
connu  au  sixième  siècle,  et  probablement  à une  époque  antérieure,  et 
particulièrement  signalé  à cause  de  son  bois  précieux,  il  n’est  fait  au- 
cune mention  de  son  camphre. 

Le-She-Chin,  l’auteur  du  célèbre  traité  de  botanique  Pun-Tsao-Kang- 
Muh,  écrit  au  milieu  du  seizième  siècle,  connaissait  bien  les  deux  sortes 
de  camphre,  l’une  produite  par  le  Camphrier  de  son  propre  pays,  l’autre 
importée  des  îles  Malaises.  Il  raconte  qu’on  prépare  le  premier  en  faisant 
bouillir  le  bois,  et  qu’on  le  purifie  à l’aide  de  sublimations  répétées. 
Marco  Polo,  vers  la  fin  du  treizième  siècle,  visita  les  forêts  de  Fokien, 
dans  le  sud-est  de  la  Chine,  et  raconte  qu’elles  possèdent  un  grand 
nombre  d’arbres  qui  donnent  du  Camphre  (3).  Il  paraît  en  résulter  que 
le  Camphrier  était  connu  à l’époque  de  Marco  Polo  ; cependant,  il  est 
bien  certain  que  les  renseignements  les  plus  anciens  que  nous  ayons  pu 
trouver  sont  relatifs  au  Camphre  très-estimé  des  îles  Malaises,  qui  con- 


(1)  Le  Camphrier  était  cultivé  dès  le  commencement  du  dix-huitième  siècle  dans  les 
serres  de  Dresde  et  de  Leipzig. 

(2)  Des  passages  de  plusieurs  auteurs  chinois  ont  été  traduits  et  mis  obligeamment 
à notre  disposition  par  M.  A.  Wylie.  Le  docteur  Bretschneider,  de  Pékin,  nous  a 
aussi  aidés  de  la  môme  façon. 

(3)  Yule,  Ilook  of  Ser  Marco  Polo,  1871,  II,  185. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  251 

stitue  encore  aujourd  hui  un  des  corps  les  plus  en  faveur  parmi  ce 
groupe  de  substances. 

11  ne  paraît  pas  que  le  Camphre  soit  parvenu  en  Europe  pendant  la 
période  classique  de  la  Grèce  et  de  Rome.  La  première  mention,  rela- 
tive à ce  corps,  qui  nous  soit  connue,  se  trouve  dans  l’un  des  plus  an- 
ciens monuments  de  la  langue  arabe,  le  poëme  d Imru-I-Kais  (I),  prince 
de  la  dynastie  de  Kindahs,  qui  vivait,  dans  l’Hadramaut,  au  commence- 
ment du  sixième  siecle.  A peu  près  a la  meme  époque,  Actius,  d Amidn 
(la  moderne  Diarbekir),  employait  le  Camphre  en  médecine;  mais,  d'a- 
près la  façon  dont  il  en  parle,  il  était,  à cette  époque,  évidemment  fort 
rare  (2).  Pendant  plusieurs  siècles  consécutifs  à cette  époque,  le  Cam- 
phre fut  considéré  comme  l’un  des  parfums  les  plus  rares,  et  les  plus 
précieux.  Il  est  mentionné,  en  636,  avec  le  musc,  l’ambre  gris,  et  le  bois 
de  santal,  parmi  les  trésors  que  Ghosroes  II,  roi  de  Perse,  de  la  dynastie 
de  Sassanian,  possédait  dans  le  palais  deMadaïn,  sur  le  Tigre,  au  nord 
de  Babylone  (3).  Parmi  1, 'immensité  des  choses  précieuses,  dispersées 
au  Caire,  à la  chute  du  Khalif  Fatimite  Mostanser,  au  onzième  siècle, 
les  historiens  arabes  (4)  signalent  avec  étonnement  les  masses  de  Cam- 
phre, et  les  figures  de  melons  de  Camphre  ornés  d’or  et  de  bijoux,  ainsi 
que  de  grandes  quantités  de  musc  et  de  bois  d’aloès.  Nous  devons  rap- 
peler aussi  que,  vers  642,  les  princes  indiens  envoyaient  du  Camphre, 
comme  tribut  ou  présent,  aux  empereurs  de  la  Chine  (5),  et  qu’à  l’époque 
de  Teenpaou  (742-755)  les  Cochinchinois  apportaient  à la  cour  de  Chine 
un  tribut  de  Camphre  de  Barus,  recueilli,  d’après  le  dire  des  ambassa- 
deurs, dans  le  tronc  des  vieux  arbres,  et  possédant  un  parfum  tel, 
qu’on  n’en  trouverait  jamais  de  pareil  (6).  Masudi(7),  quatre  siècles  plus 
tard,  mentionne  un  présent  semblable  offert  par  les  Indiens  à un  po- 
tentat chinois  : d 000  menns  (8)  de  bois  d’aloès  étaient  accompagnés 

(1)  Dans  la  description  de  l’Arabie  faile  par  Ibn  Hagik  el  Hamdany,  fol.  170  du  ma- 
nuscrit d’Aden  (Prof.  Sprenger). 

(2)  Il  indique  d’ajouter  2 onces  de  Camphre  à une  certaine  préparation,  pourvu 
qu’on  ait  assez  de  Camphre  (Tetr.  iv,  sermo  4,  c.  114). 

(3)  G.  Weil,  Geschichte  der  Clialifen,  Mannheim,  1846,  I,  75.—  Des  faits  analogues 
se  trouvent  rapportés  de  plus  dans  Tabari,  chronique,  traduite  par  Zotenberg.  Paris, 
1867-1874,  vol.  II,  304,  vol.  III,  335,  373,  417,  504,  vol.  IV,  159.  [P.  A.  F.] 

(4)  Quatremère,  51/dm.  sur  l’Egypte,  1811,  II,  366-375.  — Il  est  intéressant  de 
trouver  que  le  mot  Kàfüre-Kaisùri,  c’est-à-dire  Camphre  de  Kaisùri , est  encore  le 
terme  employé  dans  les  bazars  indiens. 

(5)  Kauffer,  Geschichte  von  Ostasien,  1859,  II,  491. 

(6)  Traduction  du  chinois,  communiquée  par  M.  A.  Wylie.  . 

(7)  Les  Prairies  d’or,  Paris,  1861,  1,  200. 

(8)  Le  menti  ou  menu  arabe  vaut  933  grammes. 


-S-  LAURACÉES. 

de  \ 0 menns  de  Camphre,  dont  la  qualité  supérieure  était  indiquée  par 
ce  fait  qu’il  se  présentait  en  morceaux  aussi  gros  ou  plus  gros  qu’une 
pistache.  Entre  1342  et  1332,  une  ambassade  quitta  Pékin,  portant  une 
lettre  du  Grand  Khan  au  pape  Benoît  XII,  et  des  présents  de  soie,  de 
pierres  précieuses,  de  musc,  de  Camphre  et  d’épices  (1). 

Le  célèbre  voyageur  Ibn  Batuta  rapporte  qu’après  avoir  visité  le 
roi  de  Sumatra,  on  lui  présenta,  au  moment  de  son  départ  (1347),  du 
bois  d’aloès,  du  Camphre,  des  clous  de  girofle,  du  bois  de  santal,  et 
diverses  provisions. 

Ishâk  Ibn  Amrân,  médecin  arabe,  qui  vivait  vers  la  fin  du  neuvième 
siècle,  et  Ibn  Kurdadbah,  géographe  de  la  même  époque,  furent  les 
premiers. à signaler  que  le  Camphre  était  un  produit  d’exportation  de 
l’archipel  Malais.  Leurs  renseignements  sont  reproduits  par  les  écri- 
vains arabes  du  moyen  âge,  qui  affirment  tous  que  le  meilleur  Camphre 
est  un  produit  deFansür.  Cette  localité,  nommée  aussi  Kansürou  Kaisür, 
fut  visitée,  au  treizième  siècle,  par  Marco  Polo,  qui  parle  de  son 
Camphre  comme  se  vendant  au  poids  de  l’or.  Yule  (2)  pense  que  cette 
localité  est  la  même  que  Barus,  ville  située  sur  la  côte  occidentale  de 
Sumatra,  et  qui  donne  encore  de  nos  jours  son  nom  au  Camphre 
produit  par  cette  île. 

De  tous  ces  faits,  et  de  plusieurs  autres  que  nous  pourrions  ajouter  (3), 
il  est  permis,  sans  aucun  doute,  de  conclure  que  le  premier  camphre 
employé  fut  celui  qu’on  trouve  tout  formé  dans  le  tronc  du  Dryobala- 
nops  aromatica  de  Sumatra,  et  non  celui  du  Camphrier.  Nous  ignorons 
même  à quelle  époque,  et  sous  l’influence  de  quelle  instigation,  les  Chi- 
nois commencèrent  à exploiter  le  Cinnamomum  Camphora  pour  en 
extraire  du  Camphre. 

Le  Camphre  était  connu  en  Europe,  comme  médicament,  dès  le 
douzième  siècle.  Cela  est  prouvé  par  la  mention  qu’en  font  l’abbesse  Hil- 
degard  (4),  qui  le  nomme  Ganphora,  Otho  de  Crémone  (5),  et  le  cha- 
noine danois  Harpestreng,  mort  en  1244.  Garcia  d’Orta  dit,  en  1363,  que 
le  Camphre  de  Chine  est  seul  importé  en  Europe,  celui  de  Bornéo  et  de 
Sumatra  coûtant  cent  fois  plus  cher,  et  étant  consommé  tout  entier  par 

i 

(1)  Yule,  Cathay  and  the  way  thither,  II,  357. 

(2)  The  Book  of  Ser  Marco  Polo,  II,  1874,  282,  285. 

(3)  Pour  plus  de  détails  historiques,  voyez  mon  mémoire  dans  Schweizerische 
Wochenschrift  f.  Pharmacie,  27  septembre,  4 et  11  octobre  1867,  et  daus  le  Reperto- 
rium  f.  Pharmacie  de  Buchner,  1868,  XVII,  28.  [F.  A.  F.]. 

(4)  ’S.  Hildegardis  Opéra  omnia,  accurante  J.  P.  Migne,  Paris,  1855,  1145. 

(5)  Croulant,  Macer  Floridus,  Lips.,  1832,  161. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VEGETALE.  253 

les  peuples  de  l’Orient.  Kampfer  (1),  qui  visita  le  Japon  en  1690-92,  et 
qui  figura  l’arbre  au  Camphre  du  Japon  sous  le  nom  de  Laurus  campho- 
rifera,  déclare  expressément  que  cet  arbre  diffère  entièrement  de  celui 
qui  fournit  le  camphre  de  l’archipel  Indien.  Il  dit  aussi  que  le  Camphre 
de  Bornéo  figurait  parmi  les  marchandises  les  plus  précieuses  impor- 
tées au  Japon  par  les  Hollandais,  dont  les  cargaisons  de  retour  com- 
prenaient le  Camphre  du  Japon,  dans  la  proportion  de  6000  à 12  000  li- 
vres par  an  (2).  Ce  camphre  était  raffiné  en  Hollande  par  un  procédé 
qui  fut  tenu  longtemps  secret  ; on  l’introduisait  ensuite  sur  le  marché. 
A l’époque  de  Pomet  (1694  et  auparavant),  le  Camphre  brut  était 
commun  en  France,  mais  on  l’envoyait  en  Hollande  pour  le  faire 

purifier. 

Il  est  douteux  qu’à  cette  époque,  et  même  beaucoup  plus  tard,  on 
retirât  aucun  Camphre  de  l’île  de  Formose.  Du  Halde  (3)  n’y  fait  au- 
cune allusion  comme  production  de  cette  île  , il  ne  le  mentionne  pas 
non  plus  parmi  les  marchandises  d’Emouy  (Amoy),  port  chinois  qui 
était  alors  en  relations  fréquentes  avec  Formose. 

Production.  — Le  Camphre  du  commerce  européen  est  produit  par 
les  îles  de  Formose  et  du  Japon.  Rien  ne  prouve  qu’on  en  fabrique  au- 
jourd’hui en  Chine. 

A Formose,  les  districts  producteurs  de  Camphre  occupent  une  bande 
étroite  de  terre,  qui  sépare  les  établissements  chinois  du  littoral  du 
territoire  encore  occupé  par  les  tribus  aborigènes.  On  retire  le  Cam- 
phre du  bois.  On  enlève  aux  arbres  de  petits  copeaux  de  bois  à l’aide 
d'une  gouge  à long  manche.  Ce  procédé  est  très-destructif,  parce 
qu’après  avoir  coupé  les  arbres  on  laisse  perdre  une  grande  partie  de 
leur  bois.  On  expose  le  bois  aux  vapeurs  de  l’eau  bouillante,  et  on  re- 
cueille le  Camphre  qui  se  volatilise  avec  ta  vapeur.  Les  alambics  des- 
tinés à cette  opération  sont  disposés  de  la  façon  suivante  : une  grande 
auge  en  bois,  figurant  un  tronc  creusé,  est  fixée  au-dessus  d’un  fourneau, 
et  protégée  par  une  couche  d’argile.  On  remplit  cette  auge  d’eau,  et  on 
lute,  au-dessus  d’elle,  une  planche  percée  de  nombreux  petits  trous. 
Au-dessus  de  ces  trous,  on  place  les  copeaux,  qu’on  recouvre  avec  des 
pots  en  terre.  On  allume  du  feu  dans  le  fourneau,  l’eau  s’échauffe,  et 
sa  vapeur,  en  traversant  les  copeaux,  entraîne  le  Camphre  qui  se  con- 
dense en  petits  cristaux  dans  le  fond  des  pots.  On  l’enlève  des  pots  au 

(1)  Amœnitates  exoticæ,  1712,  770. 

(2)  ttist.  o f Japon,  trad.  par  Sciieuciizeu,  1727,  I,  353,  370. 

(3)  Description  de  la  Chine,  1735,  I,  161. 


254  LAURACÉES. 

bout  de  quelques  jours  ; il  est  alors  très-pur  et  translucide.  Quatre  appa- 
reils, surmontés  chacun  de  dix  pots,  sont,  en  général,  disposés  en  des- 
sous d’un  hangar.  On  change  ces  appareils  de  place  de  temps  à autre, 
suivant  que  l’épuisement  du  bois  dans  la  localité  rend  ce  changement 
nécessaire.  On  fabrique  aussi  dans  les  villes  une  quantité  considérable 
de  Camphre;  on  y apporte  les  copeaux  des  localités  qui  les  produisent. 

Le  Camphre  est  apporté  de  l’intérieur  à Tamsui,  principal  port  de 
lile  Formose,  dans  des  paniers  qui  en  contiennent  chacun  un  demi- 
pécul  environ,  et  qui  sont  revêtus  de  toiles,  et  couverts  de  grandes 
feuilles.  A 1 arrivée,  on  place  le  Camphre  dans  des  cuves  contenant 
chacune  de  300  à 330  kil . , ou  bien  on  l’emballe  dans  des  barils,  ou  des 
caisses  en  bois  doublées  de  plomb,  dans  lesquels  on  l’exporte.  Il  s’é- 
coule des  barils  ou  des  cuves  une  huile  essentielle  jaunâtre,  connue 
sous  le  nom  d Huile  de  Camphre,  employée  par  les  Chinois  contre  le 
rhumatisme  (1). 

Kampfer  (2)  raconte  que,  dans  les  provinces  japonaises  de  Satzuma, 
et  dans  les  îles  de  Gotho,  on  lait  bouillir  les  copeaux  dans  une  marmite 
en  fer,  recouverte  d un  chapiteau  en  terre,  contenant  de  la  paille,  dans 
laquelle  le  Camphre  se  dépose.  Il  ne  fait  pas  mention  de  l’écoulement 
de  l’huile  essentielle  (3). 

Purification.  A son  arrivée  en  Europe  le  Camphre  doit  être  pu- 
rifié par  sublimation.  A l’état  brut,  il  est  formé  de  petits  granules 
cristallins  qui  adhèrent  les  uns  aux  autres  en  masses  irrégulières, 
friables,  colorées  en  blanc  grisâtre  ou  rosé.  Quand  on  le  fait  dissoudre 
dans  1 alcool,  il  abandonne  de  2 à 10  pour  100  d’impuretés,  consistant 
en  gypse,  en  sel  commun,  en  soufre,  et  en  fragments  végétaux. 

En  Europe,  on  sublime  le  Camphre  avec  un  peu  de  charbon  ou  de 
sable,  de  la  limaille  de  fer,  ou  de  la  chaux  vive.  On  l’envoie  ensuite  sur 
le  marché  sous  la  forme  de  calottes  ou  de  gâteaux  concaves,  ayant 
25  centimètres  environ  de  diamètre  et  8 centimètres  d’épaisseur,  et  po- 
li) Les  détails  ci-dessus  sont  tirés  surtout  du  Tra'de  Reports  of  Tamsui,  par 
E.-C.  Taintor,  agent  des  douanes,  publié  dans  les  Reports  on  trade  at  the  Treaty 
Ports  in  China  for  1869,  Shanghai,  1870,  et  des  Commercial  reports  of  H.  M.  consuls 
in  China,  1874. 

(2)  Op.  cit.,  772. 

(3)  Nous  devons  des  détails  récents  relatifs  au  Japon  il  M.  de  Roretz  [Journal poly- 
technique de  Dingler,  318,  1875,  p.  450).  Il  donne  la  figure  de  l’appareil  dont  on  se  sert 
dans  la  province  de  Posa,  dans  l’île  de  Sikok.  On  y établit  un  tonneau  en  bois  au  lieu 
d’une  auge,  et  le  Camphre,  imprégné  de  l’essence  liquide,  va  se  condenser  dans  une 
caisse  en  bois,  refroidie  par  de  l’eau  courante.  L’essence  liquide  est  séparée  par  une 
légère  pression  à laquelle  ou  soumet  le  Camphre.  [F.  A.  F.] 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  255 

sant  de  9 à 12  livres  (I).  Chaque  calotte  offre  à son  centre  un  trou  qui 
correspond  à l’ouverture  de  l’alambic  dans  lequel  on  a fait  la  sublima- 
tion. Cette  opération  est  faite  dans  des  vases  en  verre  spéciaux,  nommes 
en  Angleterre  bomboloes , et  dans  la  partie  supérieure  desquels  le 
Camphre  se  concrète.  On  charge  ces  alambics,  et  on  les  placé  dans  un 
bain  de  sable  qu’on  chauffe  rapidement  entre  120°  et  190°  C.,  afin  d en- 
lever l’eau.  On  l’élève  ensuite  à une  température  un  peu  plus  haute, 
à 204°  C.  environ,  et  on  la  maintient  à ce  point  pendant  vingt-quatre 
heures.  On  brise  ensuite  les  vases. 

Comme  le  Camphre  est  neutre,  la  chaux  sert  sans  doute  à retenir  les 
traces  de  la  résine  et  de  l’huile  empyreumatique.  Le  fer  retient  le  soufre 
et  l’eau  qui  pourraient  s’y  trouver. 

Le  raffinage  du  Camphre  se  fait  sur  une  large  échelle,  en  Angleterre, 
en  Hollande,  à Hamburg  et  à Paris.  Cette  opération  exige  beaucoup  de 
soins  à cause  de  l’inflammabilité  du  produit.  La  température  doit  aussi 
être  bien  réglée  pour  que  le  Camphre  sublimé  se  dépose,  non  en  cristaux 
épars,  mais  en  masses  compactes.  Dans  l’Inde,  où  la  consommation  du 
Camphre  est  très-considérable,  les  indigènes  effectuent  la  sublimation 
dans  un  alambic  en  cuivre,  dont  la  charge  est  d’environ  \ maund  et 
demi  (19  kil.).  On  place  le  feu  dans  la  partie  inférieure,  tandis  qu’on 
refroidit  l’extrémité  supérieure  (2). 

Description.  — Le  Camphre  purifié  forme  une  masse  incolore,  cris- 
talline, translucide,  traversée  par  de  nombreuses  fissures  ; malgré  une 
certaine  élasticité,  il  se  casse  facilement  sous  des  coups  répétés.  Par 
évaporation  lente  et  spontanée  à la  température  ordinaire,  le  Camphre  se 
sublime  en  plaques  ou  en  prismes  hexagonaux  lustrés,  n’ayant  que  très- 
peu  de  dureté.  Lorsqu’on  le  triture  dans  un  mortier,  il  adhère  au  pilon, 
et  ne  se  laisse  pas  pulvériser;  mais  si  on  V humecte  avec  de  l’alcool, 
de  l’éther,  du  chloroforme,  ou  une  huile  essentielle  ou  grasse,  la 
pulvérisation  s’effectue  sans  difficulté.  La  poudre  conservée  pendant 
un  certain  temps  acquiert  une  forme  cristalline.  Le  Camphre  additionné 
d’un  poids  égal  de  sucre  se  laisse  aisément  pulvériser. 

Le  Camphre  fond  à 175o  C.  ; il  bout  à 205°  C.,  et  se  volatilise  assez 
rapidement,  même  à la  température  ordinaire.  On  peut  attribuer  a cette 
dernière  propriété,  et  à sa  faible  solubilité,  le  curieux  phénomène  de 
dotation  que  présentent  les  petits  morceaux  de  Camphre  (aussi  bien  que 

(1)  Ce  sont  les  dimensions  des  pains  fabriqués  dans  le  laboratoire  do  MM.  Howard, 
de  Stratford,  mais  elles  varient  beaucoup  avec  les  fabricants. 

(2)  Mattiieson,  England  to  Delhi , Lond.,  1870,  474. 


2jb  LAURACÉES. 

les  fragments  de  butyrate  de  baryum,  de  bromure  d’étain  et  de  quel- 
ques autres  substances)  lorsqu’on  les  place  sur  l’eau. 

La  solubilité  du  Camphre  dans  l'eau  est  très-faible;  \ 300  parties 
d’eau  ne  dissolvent  qu’une  partie  de  Camphre;  et  cette  faible  quantité 
se  sépare  partiellement  quand  on  ajoute  un  sel  alcalin  ou  terreux, 
comme  le  sulfate  de  magnésium.  Les  alcools,  les  éthers,  le  chloroforme, 
le  bisultuie  de  carbone,  les  huiles  fixes  et  volatiles,  et  les  hydrocarbones 
liquides  dissolvent  le  Camphre  facilement. 

Le  poids  spécifique  du  Camphre,  à 6°  C.  et  au-dessous  de  6°  C.,  est  le 
môme  que  celui  de  l’eau  ; cependant,  à une  température  un  peu  plus 
élevée,  il  se  dilate  plus  rapidement,  et,  entre  10°  et  12°  C.,  son  poids  spé- 
cifique est  seulement  0,992. 

Ln  solution  concentrée,  ou  à 1 état  de  fusion,  le  Camphre  dévie  forte- 
ment le  plan  de  polarisation  à droite.  La  solution  officinale  de  Camphre 
(■ Spiritus  Camphoræ)  est  trop  faible,  et  ne  produit  guère  de  déviation  de 
la  lumière  polarisée  (IJ.  Les  cristaux  de  Camphre  sont  dépourvus  de 
pouvoir  rotatoire  (2). 

Le  Camphre  possède  une  saveur  et  une  odeur  sui  generis,  ou  qui  du 
moins  n’appartiennent  qu’au  groupe  de  substances  dont  il  fait  partie. 
Il  ne  s’altère  pas  par  exposition  à l’air  ou  à la  lumière.  Il  brûle  avec 
facilité  en  donnant  une  flamme  brillante,  fuligineuse. 

Composition  chimique.  — Le  Camphre,  C'°H160,  traité  par  divers 
réactifs,  donne  un  grand  nombre  de  produits  intéressants.  Lorsqu’on  le 
distille  à plusieurs  reprises  avec  du  chlorure  de  zinc  ou  de  l’acide  phos- 
phorique  anhydre,  il  se  convertit  en  Cymène , G10HU,  corps  contenu  dans 
plusieurs  huiles  essentielles,  ou  qui  du  moins  peut  en  être  retiré.  Le 
Camphre  et  l’huile  de  Camphre,  soumis  à des  agents  oxydants  puis- 
sants , absorbent  de  l’oxygène  et  se  transforment  graduellement  : 
d abord  en  acide  C amphorique,  Cl0Hl6Ol,  puis  en  acide  Camphrétique, 
C'°HuO'  ; de  1 eau  et  de  l’acide  carbonique  sont  en  même  temps  éli- 
minés. 

Plusieurs  huiles  essentielles,  résines  et  gommes-résines  donnent  ces 
mêmes  acides  sous  l’influence  du  même  traitement.  Au  moyen  d’agents 
oxydants  moins  énergiques,  on  peut  convertir  le  Camphre  en  Oxy- 
Camphre,  C,0H1(îO2,  qui  garde  l’odeur  et  la  saveur  primitives  (3). 

(!)  Pharm.  Journ.,  18  avril  1874,  830. 

(2)  Des  Ci.oizeaux,  Comptes  rendus  Ac.  sc.,  1870,  LXX,  1209. 

(3)  Pour  les  détails  relatifs  aux  nombreux  autres  composés  du  Camphre,  consultez 
le  Dictionnaire  de  chimie  de  Wurtz. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  257 

Commence.  — Ou  connaît  sur  le  mut  clic  anglais  deux  sortes  de  Gain- 
phre  brut  : 

1°  Camphre  de  Formose  ou  de  Chine.  — Il  est  importé  en  caisses  dou- 
blées de  feuilles  de  plomb,  ou  en  caisses  de  fer  étamé  qui  pèsent  cha- 
cune 1 quintal.  Sa  coloration  est  d’un  brun  clair  ; il  est  en  petits  grains 
et  toujours  humide,  parce  que  les  marchands  ajoutent  de  l’eau  dans  les 
caisses  avant  rembarquement,  dans  le  but,  dit-on,  de  diminuer  la  perte 
par  évaporation.  Les  exportations  de  ce  Camphre  faites  par  le  port  de 
Tarnsui,  dans  l’île  Formose  (I),  pendant  les  années  1870,  1871,  1872, 
ont  été  les  suivantes:  en  1870,  14481  péculs  (2);  en  1871,  9691  pé- 
culs;  en  1872, 10281  péculs.  Les  embarquements  de  Camphre  effectués  à 
Takow,  autre  port  de  Formose,  ont  été  insignifiants.  On  exporte  main- 
tenant une  certaine  quantité  de  planches  de  Camphrier,  de  Tamsui. 

2°  Camphre  du  Japon.  — Il  est  plus  clair  en  couleur,  et  parfois  rosé  ; 
il  est  aussi  en  grains  plus  volumineux.  Il  arrive  dans  de  doubles  fûts, 
non  doublés  de  métal  ; il  est  par  suite  plus  sec  que  le  précédent.  Chaque 
fût  en  contient  environ  1 quintal.  Il  atteint  un  prix  un  peu  plus  élevé 
que  le  Camphre  de  Formose. 

Hiogo  et  Osaka  en  ont  exporté,  en  1871,  7 089  péculs,  et  Nagasaki, 
745  péculs,  dont  la  valeur  totale  était  de  116  718  dollars  (3).  Les 
importations  de  Camphre  non  raffiné  dans  le  Royaume-Uni  s’élevèrent, 
en  1870,  à 12  368  quintaux,  celles  de  Camphre  raffiné  furent,  pendant 
la  même  année,  de  2 361  quintaux  (4). 

Le  Camphre  est  beaucoup  consommé  par  les  indigènes  de  l’Inde.  La 
quantité  de  drogue  brute  importée  à Bombay,  pendant  l’année  1872-73, 
fut  de  3 SOI  quintaux  (5). 

Usages.  — Le  Camphre  jouit  de  propriétés  stimulantes  ; il  est  fré- 
quemment employé  en  médecine  soit  à l’intérieur,  soit  à l’extérieur. 
Dans  l’Inde,  on  en  fait  un  grand  usage.  11  est  inutile  de  rappeler  les 
propriétés  anaphrodisiaques  qui  lui  ont  été  attribuées  et  l’importance 
que  lui  accordent  certaines  personnes.  On  l’administre  particulièrement' 
en  frictions  et  autres  applications  externes,  à l’état  de  solution  dans 
l’alcool  ou  l’eau-de-vie. 

(1)  Rcturns  of  Trade  at  the  Treaty  Ports  in  China  for  1872.,  P.  11,124. 

(2)  Commercial  Reports  from  H.M.  Consuls  in  Japan,  n»  1,  1872.  — Le  rapport 
pour  Hiogo  et  Osaka  s’appuie  sur  l’autorité  de  la  Chambre  de  commerce. 

(3)  Statement  of  the  Trade  and  Navigation  of  the  united  Kingdom  for  1870,  61 . 

(4)  Le  pécul  vaut  60.47  kil. 

5)  Statement  of  the  Trade  and  Navigation  of  Bombay  for  1872-73,  II,  27.  Le  quin- 
tal vaut  60.8  kil. 

IIIST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


17 


258 


LAURACÉES. 


autres  sortes  de  camphres,  huiles  de  camphre. 

Camphre  de  Barus,  Camphre  de  Bornéo,  Camphre  Malais,  Camphre 
de  Dryobaianops.  - Comme  nous  l’avons  dit  plus  haut,  c’est  à cette 
substance  que  se  rapportent  les  plus  anciens  documents.  L’arbre  qui  le 
fournit  est  le  Dryobaianops  aromatica  Gærtn.  {D.  Camphora  Colebrooke), 
de  la  famille  des  Diptérocarpacées,  l’une  des  plus  belles  du  règne  végé- 
tal. Le  tronc  est  très-élevé,  cylindrique,  droit,  dilaté,  près  de  la  base, 
en  énotmes  arcs-boutants.  Il  s’élève  jusqu’à  30  ou  45  mètres  sans  pro- 
duire une  seule  branche,  et  se  termine  alors  par  une  cime  touffue  de 
feuilles  luisantes,  large  de  15  à 20  mètres,  sur  laquelle  sont  semées  de 
magnifiques  fleurs  blanches,  d’une  odeur  délicieuse  (1).  Cet  arbre  est 
indigène  des  résidences  hollandaises,  sur  la  côte  nord-ouest  de  Su- 
matra, entre  0°  et  3°  de  latitude  nord,  depuis  Ayer  et  Bangis,  jusqu’à 
Barus  et  Singkel.  Il  habite  aussi  la  partie  nord  de  Bornéo,  et  la  petite 
île  anglaise  de  Labuan  (c). 

Le  Camphre  est  retiré  de  son  tronc,  dans  les  fissures  longitudinales 
duquel  on  le  trouve  à l’état  solide  et  cristallin;  on  l’extrait  péniblement 
en  fendant  le  bois.  On  ne  peut  l’obtenir  qu’en  détruisant  l’arbre  com- 
plètement. Tous  les  arbres  n’en  contiennent  pas,  et  pour  éviter  un 
abatage  inutile,  on  a aujourd  hui  l’habitude  de  les  choisir  en  pratiquant 
un  trou  sur  le  côté  du  tronc  ; cependant  l’observation  ainsi  faite  est  sou- 
vent tiompeuse.  Spenser  Saint-John,  consul  anglais  à Bornéo,  dit  que  le 
plus  beau  Camphre  se  trouve  souvent  dans  les  arbres  en  voie  de  dépé- 
rissement (2).  Après  avoir  retiré  le  Camphre,  on  le  trie  avec  soin,  on 
le  lave  et  on  le  nettoie  ; on  le  divise  ensuite  en  trois  qualités,  dont  la  meil- 
leure est  formée  des  plus  grands  et  des  plus  beaux  cristaux,  tandis  que 
1 inférieure  est  grisâtre  et  pulvérulente.  Il  est  difficile  de  dire  combien 
1 on  retire  d ordinaire  de  Camphre  d’un  seul  arbre  ; mais  le  témoignage 
de  Colebrooke,  d après  lequel  un  seul  arbre  pourrait  produire  1 1 livres, 
nous  paraît  vraisemblable  (3).  Une  grande  partie  de  la  petite  quantité 

(1)  Pour  des  observations  récentes  sur  la  botanique  du  Dryobaianops,  voyez  un  mé- 
moire de  W.  T.  Thiselton  Dyer,  in  Journ.  of  Botan.  de  Trimen,  avril  1874,  98. 

(2)  Life  in  the  For  ests  of  the  Far  East,  \ 862,  II,  272. 

(3)  De  Vriese  et  Motley,  in  Journ.  of  Botany  de  Hooker,  18S2,  IV,  33,  302.  De 
Vriese  déclare  que  ces  chiffres  sont  exagérés,  et  que  le  plus  haut  et  le  plus  vieux  des 
arbres  en  contient  rarement  plus  de  2 onces!  Si  ce  dernier  chiffre  était  vrai,  il  faudrait 
au  moins  mille  arbres  pour  donner  un  seul  pécul  de  camphre.  Miquel  ( Prodr . Floræ  Su - 
matranæ,  66)  confirme  les  chiffres  de  Colebrooke  en  disant  que  100  livres  lui  avaient  été 
indiquées  comme  le  produit  de  neuf  arbres.  Il  cite  un  autre  témoignage  d’après  lequel 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  259 

produite  est  consommée  dans  les  cérémonies  funéraires  des  princes  de 
Batta,  dont  les  familles  sont  souvent  ruinées  par  les  achats  de  Camphre 
et  de  buffles  que  nécessitent  d’ordinaire  ces  obsèques.  Le  Camphre 
exporté  est  acheté  surtout  pour  le  marché  de  la  Chine,  mais  une  petite 
quantité  est  également  expédiée  au  Japon,  dans  le  Laos,  la  Gochinchine, 
le  Cambodge  et  Siam. 

La  quantité  annuellement  expédiée  de  Bornéo  fut  évaluée, en  1851 , par 
Motley,  à environ  7 péculs.  L’exportation  de  Sumatra  fut  estimée,  par 
de  Vriese,  à 10  ou  15  quintaux  par  an  (I).  La  quantité  importée  à 
Canton,  en  1872,  fut  évaluée  à 23  7/10  péculs  valant  42  326  taels,  la 
livre  (2).  Dans  VAnnuai  Statement  of  the  Tracle  of  Bombay,  pour  l’an- 
née 1872-73,  on  trouve  2 quintaux  de  Malayan  Camphor  signalés  comme 
ayant  été  importés  à Bombay.  Ils  valaient  9 141  rupies  (24  450  francs)  (3). 
A Bornéo,  le  prix  du  Camphre  de  belle  qualité  était,  en  1851 , de  30  dol- 
lars le  catty,  ou  environ  250  francs  le  kil.  La  drogue  ne  pénètre  par  suite 
jamais  dans  le  commerce  européen. 

Le  Camphre  de  Bornéo,  ou  Bornéol,  est  un  peu  plus  dur  que  le  Camphre 
commun,  et  un  peu  plus  lourd;  il  s’enfonce  dans  l’eau.  Il  est  moins  vo- 
latil, et  ne  cristallise  pas  dans  l’intérieur  du  flacon  dans  lequel  on  le 
conserve.  Ses  cristaux  appartiennent  au  système  cubique.  Il  exige  pour 
fondre  une  température  plus  élevée,  198°  C.  Son  odeur  est  un  peu  diffé- 
rente ; elle  ressemble  à la  fois  à celle  du  Camphre  commun,  et  à celle  du 
patchouly  ou  de  l’ambre  gris.  La  composition  du  Bornéol  est  représentée 
par  la  formule  C10H18O.  Il  peut  être  converti,  par  l’action  de  l’acide  ni- 
trique, en  Camphre  commun.  Berthelot  a montré,  en  1858,  que  l’on  peut 
préparer  le  Bornéol  à l’aide  du  Camphre  commun,  en  chauffant  ce  dernier 
avec  de  la  potasse  alcoolique.  On  peut  le  faire  aussi,  d’après  Baubigny 
(1866),  en  traitant  une  solution  de  Camphre  ordinaire  dans  le  toluol  par 
du  sodium. 

Huile  de  Camphre  de  Bornéo.  — Indépendamment  du  Camphre,  le- 
Dryobalanops  fournit  un  autre  produit  qui  est  liquide,  et  se  nomme  Huile  de 

un  seul  arbre  donnerait  seulement  un  petit  nombre  de  catties  (1  oatty  vaut  1 livre  1/3 
ou  604  grammes). 

(1)  A l’époque  de  Milbdrn  ( Oriental  Commerce,  1813,  II,  308)  Sumatra  passait  pour 
en  exporter  50  péculs,  et  Bornéo  30  péculs,  par  an.  L’assertion  de  Rondol,  que  la  Chine 
importe  environ  800  péculs  de  Camphre  de  Barus  par  an,  est  tout  à fait  erronée. 

(2)  Retums  of  Tradc  al  the  Treaty  Ports  in  China  for  1872,  30.  Le  tael  chinois 
vaut  à peu  près  7 fr.  50. 

(3)  Le  nouveau  tarif  de  la  douane  anglaise  dans  l’Inde,  de  18.75,  porte  le  droit  d’en- 
trée du  camphre  de  Bornéo  (camphor  Bhemsaini)  à 80  rupies  par  livre,  c’est-à-dire  à 
plus  de  400  francs  par  kilogramme,  [P.  A.  F.] 


2G0 


LAURACÉES. 

Camphre.  Il  11e  laut  pas  la  confondre  avec  l'huile  do  Camphre  qui  s'écoule 
du  Camphre  brut  du  Camphrier,  h' Huile  de  Camphre  de  Bornéo  ou  de 
Sumatra  est  obtenue  par  la  ponction  ou  l’abatage  des  arbres  (voy.  aussi 
1. 1,  p.  170).  Motley,  après  avoir  abattu  un  arbre  dans  le  Labuan,  en 
mai  1851 , pratiqua  dans  son  tronc  un  réservoir  duquel  il  retira  environ 
5 gallons  d’huile  de  Camphre  (1).  Ce  liquide  était  une  huile  volatile, 
tenant  en  solution  une  résine  qui,  après  quelques  jours  d’exposition  à 
1 air,  se  déposa  à 1 état  sirupeux.  Cette  huile  de  Camphre,  nommée  Bor- 
nééne,  est  isomôrique  de  l’essence  de  térébenthine,  G'°H16,  mais  à l’état 
brut,  elle  tient  en  solution  du  bornéol  et  de  la  résine.  Par  distillation 
fractionnée,  on  peut  la  diviser  en  deux  parties,  l’une  plus  volatile  que 
l’autre,  mais  toutes  les  deux  semblables  par  la  composition. 

Huile  de  Camphre  de  Formose.  — Nous  avons  dit  déjà  qu’elle  s’écoule 
du*  Camphre  brut  du  Cinnamomum  Campkora.  C’est  un  liquide  tenant  en 
solution  une  grande  quantité  de  Camphre  commun,  qui  se  dépose  en 
cristaux  lorsqu  on  abaisse  un  peu  la  température.  Elle  se  distingue  de 
l’Huile  de  Gamphre  de  Bornéo,  par  son  odeur  de  Sassafras.  Nous  n’avons 
trouvé  aucune  différence  optique  dans  le  pouvoir  rotatoire  de  ces  deux 
huiles  ; toutes  les  deux  sont  dextrogyres  avec  la  même  intensité  ; il  en 
est  de  même  lorsqu’on  a séparé  par  refroidissement  le  Camphre  com- 
mun de  son  huile.  Un  échantillon  d’essence  de  Camphre  de  Bornéo,  qui 
nous  a été  donné  par  le  professeur  de  Vriese,  ne  laissa  pas  déposer  de 
Camphre,  même  en  étant  maintenu  à 15°  C. 

Camphre  de  Ngaï,  Camphre  de  Blmnea.  — On  sait  depuis  plusieurs 
années  que  les  Chinois  ont  l’habitude  d’employer  une  troisième  variété 
de  Camphre,  ayant  une  valeur  pécuniaire  intermédiaire  à celles  du 
Camphre  commun  et  du  Camphre  de  Bornéo.  Il  a été  montré  récem- 
ment (1874)  que  cette  substance  se  fabrique  à Canton,  et  que  la  plante 
qui  la  produit  est  le  Blmnea  balsamifera  DG.,  grande  plante  herbacée, 
de  la  famille  des  Composées,  nommée  en  chinois  Ngai,  abondante 
dans  l’Asie  orientale  tropicale  (d). 

Cette  drogue  nous  a été  envoyée  à l’état  brut  et  à l’état  pur  (2).  Sous 
la  première  forme,  elle  est  en  grains  cristallins  d’un  blanc  sale,  souillés 
par  des  débris  végétaux.  Sous  la  seconde  forme,  elle  est  en  cristaux 
incolores  ayant  jusqu’à  2 centimètres  et  demi  de  long.  Par  sublimation, 
on  peut  obtenir  cette  substance  en  cristaux  distincts,  brillants,  sem- 

(1)  Ibn  Khurdadbah,  au  neuvième  siècle,  la  mentionne  comme  étant  obtenue  par 
ce  procédé. 

(2)  Grâce  à la  courtoisie  de  M.  F.  H.  Ewer,  des  Douanes  maritimes  impériales 
chinoises,  à Canton. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  «CI 

blables  à ceux  du  Camphre  do  Bornéo,  dont  ils  ont  aussi  l’odeur  et  la 
densité;  ils  sont  également,  comme  eux,  un  peu  plus  lourds  que  l'eau,  et 
ne  se  volatilisent  pas  comme  le  Camphre  commun. 

L’examen  chimique  du  Camphre  de  Ngaï,  fait  par  Plowmah  (I), 
sous  la  direction  du  professeur  Attfîeld,  a prouvé  qu’il  possède  la  com- 
position C‘°H180,  comme  le  Camphre  de  Bornéo.  Cependant  ces  deux 
substances  diffèrent  parleurs  propriétés  optiques  (2),  la  solution  alcoo- 
lique du  Camphre  de  Ngaï  étant  lévogyre  au  môme  degré  que  celle  du 
Camphre  de  Bornéo  est  dextrogyre.  L’acide  nitrique  bouillant  trans- 
forme le  Camphre  de  Bornéo  en  Camphre  dextrogyre  commun,  tandis 
qu’il  transforme  le  Camphre  de  Ngaï  en  un  Camphre  lévogyre,  probable- 
ment identique  avec  le  stéaroptène  du  C hrysantliemum  Parthenium  Pers. 

Comme  le  Camphre  de  Ngaï  coûte  environ  dix  fois  plus  que  le  Camphre 
de  Formose,  il  n’en  parvient  jamais  en  Europe,  comme  article  de  com- 
merce. En  Chine,  il  est  consommé  en  partie  dans  la  médecine,  et  en 
partie  pour  parfumer  les 
belles  sortes  d’encres  de 
Chine.  L’exportation  de  ce 
Camphre,  par  la  voie  de 
Canton,  est  évaluée  à en- 
viron 3 000  livres  par  an. 

(a)  Le  Cinnamomum  Cam- 
phora  Nees  et  Ebermann  [Med. 
ph.  Bot.,  Il,  430  ; PL  off.,  I, 

127),  vulg.  Camphrier  du  Ja- 
pon, autrefois  considéré  comme 
le  type  d’un  genre  distinct  sous 
le  nom  de  Camphora  (Nees) 
ofjicinarum , est  un  arbre  à 
feuilles  alternes,  persistantes, 
protégées  dans  le  bouton  par 
de  grandes  écailles  rigides  et 
imbriquées,  à branches  lisses 
et  assez  écartées.  Les  feuilles 
sont  pétiolées,  simples,  un  peu 
coriaces,  colorées  en  vert  bril- 
lant et  luisantes  en  dessus,  un 
peu  plus  pâles  en  dessous,  por- 
tées par  un  pétiole  grêle  et  lisse,  long  de  3 â 4 centimètres,  et  munies  d’une  nervure 
médiane  saillante,  de  laquelle  partent  un  petit  nombre  de  nervures  latérales  obli- 
ques, dont  les  deux  inférieures  sont  saillantes,  et  munies,  dans  l’angle  qu’elles 

(1)  Pharm.  Joum .,  7 mars  4 874,  710. 

(1 2)  Fi.&ckioer,  in  Pharm.  Joum.,  18  avril  1874,  82!). 


262 


LAURACÉES. 


forment  avec  la  [nervure  principale,  d’une  glande  saillante  en  dessus,  luisante, 
ouverte  en  dessous  par  un  pore  ovale.  Les  fleurs  sont  disposées  en  grappes 
axillaires  ou  terminales,  lâches,  ramifiées  de  cymes.  La  fleur  est  construite  comme 
celle  du  Cannellier  (voy.  p.  236,  note  a)  ; sa  face  extérieure  est  lisse  et  son  ca- 
.lice  se  détache  circulai remont,  pendant  la  maturation  du  fruit,  au  niveau  de  son  in- 
sertion, de  façon  à no  laisser  autour  de  la  hase  du  fruit  que  la  cupule  réceptacu- 
laire  durcie,  [Trad,] 

(6)  11  n’existe  dans  le  Camphrier  aucun  organe  de  sécrétion  analogue  soit  aux 
canaux  sécréteurs  des  Boswellia  et  des  Garcinia  (voy.  1. 1,  p.  166,  fig.  37),  soit  aux 
glandes  des  Citrons  (t,  I,  p.  218,  fig.  70).  Le  camphre  paraît  être  sécrété  par  des 
cellules  parenchymateuses  assez  semblables  à leurs  voisines,  et  le  produit  de  sécré- 
tion s’accumule  dans  des  fentes  et  des  cavités  résultant  de  la  destruction  des  parois 
cellulaires.  Il  se  répand  ainsi  dans  les  diverses  parties  de  l’arbre,  où  il  se  dessèche 
plus  ou  moins,  et  dont  on  l'extrait  par  sublimation.  Les  mômes  faits  se  produisent 

dans  le  Dryobalanops  aromalica  qui  fournit 
le  Camphre  de  Bornéo.  [Trad.] 

(c)Les Dryobalanops  (GærtnerFil.,  Frucl., 
III,  S0,  t.  187,  188)  sont  des  Diptérocarpa- 
cées,  de  la  série  des  Diptérocarpées,  à fleurs 
régulières  , hermaphrodites  et  pentamères , 
avec  un  réceptacle  un  peu  concave,  des  éta- 
mines nombreuses,  et  un  fruit  entouré  de 
cinq  sépales  persistants  en  ailes  membraneu- 
ses d’égale  longueur. 

Le  Dryobalanops  aromalica  Gærtner  Fil. 
(/oc.  cit.),  vulg.  Camphrier  de  Sumatra , ou 
de  Bornéo,  est  un  très-grand  et  bel  arbre  à 
feuilles  alternes,  simples,  entières,  coriaces, 
penninerviées,  à limbe  porté  par  un  pétiole 
court,  et  accompagné  à la  base  de  deux  pe- 
tites stipules  qui  tombent  de  très-bonne  heure. 
De  la  nervure  médiane  du  limbe  partent  un 
grand  nombre  de  nervures  secondaires  paral- 
lèles qui  s’en  détachent  obliquement.  Les 


Fig.  209.  Dryobalanops  aromalica. 


fleurs  sont  disposées  en  grappes  ramifiées,  terminales  ou  axillaires,  lâches.  Chaque 
fleur  est  portée  par  un  pédoncule  articulé  sur  un  petit  coussinet 
saillant,  au-dessous  duquel  se  voit  une  petite  bractée  ou  sa  ci- 
catrice. Le  réceptacle  est  légèrement  concave  et  cupuliforme. 
Le  calice  inséré  sur  ses  bords  est  formé  de  cinq  sépales  à peu 
près  égaux,  imbriqués  dans  la  préfloraison,  obtus  au  sommet, 
persistants  et  accrescents.  La  corolle  est  formée  de  cinq  pétales 
alternes  avec  les  sépales,  à peu  près  de  la  même  longueur 
qu’eux,  tordus  dans  la  préfloraison,  également  insérés  sur  les 

bords  du  réceptacle,  en  dedans  du  calice.  L androcée  se  com- 

Fig.  210.  Dryobalanops  pose  d’étamines  nombreuses,  indépendantes,  insérées  en  dedans 
aromatica.  Fleur  de  ]a  corolle  et  un  peu  périgynes  comme  cette  dernière,  com- 
coupée  verticalement.  p()sées  chacune  d’un  filet  court  et  d’une  anthère  allongée, 

étroite,  surmontée  par  un  prolongement  conique  et  aplati  du  connectif.  Chaque 
anthère  est  formée  de  deux  loges  linéaires,  introrscs,  déhiscentes  par  des  fentes  Ion- 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  263 

« 

gitudinales.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  libre,  inséré  dans  le  fond  delà  cupule 
réceptaculaire,  ovoïde,  divisé  en  trois  loges  plus  ou  moins  complètes,  et  surmonté 
d’un  style  cylindrique,  de  même  longueur  que  les  étamines,  terminé  par  un  stig- 
mate un  peu  dilaté  en  forme  de  cupule  crénelée  sur  les  bords.  Chaque  loge  ova- 
rienne contient  deux  ovules  insérés  dans  l’angle  interne,  collatéraux,  incomplètement 
anatropes,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors.  Le  fruit  est  une  capsule  arron- 
die, entourée  par  les  sépales  développés  en  cinq  grandes  ailes  à peu  près  égales, 
allongées,  arrondies  au  sommet,  rigides,  un  peu  coriaces,  parcourues  par  des 
nervures  longitudinales  saillantes.  La  capsule  s’ouvre  à la  maturité  en  trois  valves  à 
sommet  triangulaire.  Elle  ne  contient  d’ordinaire  qu’une  seule  graine  qui  renferme 
sous  ses  téguments  uu  gros  embryon  charnu,  sans  albumen,  à cotylédons  très- 
irrégulièrement  lobés  ou  ruminés,  contortupliqués,  très-inégaux,  le  plus  grand  en- 
tourant le  petit,  et  à radicule  supère  conique.  La  graine  germe  souvent  dans  le 
fruit.  [Trad.] 

(d)  Les  Blumea  DC  (in  Guillem.  Arch.  Bot.,  U,  514  ; Prodr.,  V,  432)  sont  des 
Synanthéracées,  de  la  tribu  des  Inuloidées,  à achaines  petits  ; à aigrette  formée  de 
soies  grêles  et  nombreuses  ; à capitules  disposés  en  panicules  terminales,  oblon- 
gues  ou  pyramidales,  ou  en  glomérules  contractés,  ou  plus  rarement  presque  soli- 
taires ; à involucre  formé  de  bractées  étroites,  aiguës,  rigides  ; à corolle  des  fleurs 
femelles  filiformes  ; à anthères  appendiculées  ; à style  des  fleurs  hermaphrodites  or- 
dinairement bifide  au  sommet. 

Le  Blumea  balsamifera  DC  (Prodr.,  V,  447  ; Coniza  balsamifera  L.)  est  une 
plante  il  tige  suffrutescente  à la  base,  à rameaux  cylindriques,  velus  ou  laineux;  à 
feuilles  pétiolées,  oblongues  ou  elliptiques-lancéolées,  doublement  dentées,  velues 
en  dessus,  laineuses  en  dessous.  Les  pétioles  sont  munis  de  lobes  appendiculaires, 
linéaires-lancéolés.  Les  fleurs  sont  disposées  en  un  corymbe  subpaniculé,  divariqué. 
L involucre  est  formé  d’écailles  linéaires,  aiguës,  velues.  [Trad.] 


ECORCE  DE  BIBIRU. 

Cortex  Bibiru  ; Cortex  Nectcindræ  ; angl.,  Greenheart  Bark,  Bibiru  or  Bebeeru  Bark. 

Origine  botanique.  — Nectcindra  Rocliœi  Schomburgk.  Le  Bibiru  est 
un  grand  arbre  de  forêt,  croissant  sur  les  terrains  rocheux  de  la 
Guyane  anglaise,  jusqu’à  50  milles  dans  l’intérieur  des  terres.  On 
le  trouve  en  abondance  sur  les  côtes  élevées  qui  bordent  les  rivières 
d Essequibo,  Cuyuni,  Demerara,  Pomeroon  et  Berbice.  L’arbre  atteint 
une  hauteur  de  24  à 30  mètres;  son  tronc  est  dressé,  indivis,  et  fournit 
un  excellent  bois,  qui  est  considéré,  en  Angleterre,  comme  un  des  pre- 
miers bois  de  constructions  navales.  On  peut  le  débiter  en  poutres  de 
18  à 20  mètres  de  long  [a). 

Historique.  — En  1769,  Bancroft,  dans  son  Ilistory  of  Guiana,  appela 
1 attention  sur  un  excellent  bois  fourni  par  le  Greenheart  ou  Sipeira.  Vers 
1835,  on  apprit  que  Hugh  Rodie,  médecin  de  la  marine,  qui  avait  sé- 
journé à Demerara  pendant  vingt  ans,  avait  découvert  dans  l’écorce 


2Gi  LAURACÉES. 

do  cet  arbre  un  alcaloïde  d’une  grande  efficacité  comme  fébrifuge  (i). 

En  1843,  cet  alcaloïde,  auquel  Rodie  a donné  le  nom  de  Bébéérine, fut 
examiné  par  le  docteur  Douglas  Maclagan,  et  l’année  suivante  l’arbre 
fut  décrit  par  Schomburgk  sous  le  nom  de  Nectandra  Ilodiæi{2). 

Description.  — L’écorce  de  Bibiru  se  présente  en  longs  morceaux 
aplatis,  grossiei’s,  assez  fréquemment  larges  de  10  centimètres  et  épais 
de  6 millimètres  à 2 centimètres  et  demi,  colorés  extérieurement  en 
brun-grisâtre  clair,  avec  une  surface  externe  de  couleur  cannelle  plus 
uniforme,  munie  de  fortes  stries  longitudinales. 

Celte  écorce  est  dure  et  cassante  ; sa  cassure  est  grossièrement  grenue, 
un  peu  foliacée,  et  fibreuse  dans  les  coucbes  internes  seulement.  La 
couche  subéreuse  grisâtre  est  toujours  mince;  elle  forme  souvent  de 
petites  verrues,  et  laisse  voir,  lorsqu’on  l’enlève,  des  dépressions  longitu- 
dinales, analogues  aux  dépressions  digitales  de  l’écorce  plate  de  calisaya, 
mais  ordinairement  plus  longues.  L’écorce  de  Bibiru  possède  une  saveur 
amère  très-prononcée,  mais  elle  n’est  pas  aromatique.  Son  infusion 
aqueuse  est  colorée  en  brun  cannelle  très-pâle. 

Structure  microscopique  (3).  — La  structure  générale  de  cette  écorce 
est  très-uniforme,  presque  tout  son  tissu  s’étant  transformé  en  cellules 
à parois  épaisses.  Les  cellules  de  la  couche  subéreuse  elle-même  offrent 
des  dépôts  secondaires  ; l’enveloppe  primaire  a entièrement  disparu,  et 
il  n’existe  pas  de  transition  entre  le  suber  et  le  liber.  Les  éléments 
dominants  de  cette  écorce  sont  des  cellules  pierreuses  et  des  fibres  libé- 
riennes très-courtes.,  entrecoupées  par  des  rayons  médullaires,  et  croisées 
transversalement  par  du  parenchyme  et  de  petites  cellules  prosenchy- 
mateuses  à parois  un  peu  moins  épaisses,  formant  sur  une  section 
transversale  des  carrés  ou  de  petits  groupes.  Les  seules  cellules  qui 
affectent  un  caractère  particulier  sont  les  fibres  pointues  du  liber  in- 
terne, qui  ont  une  curieuse  forme  de  scie,  due  aux  nombreuses  protube 
rances  et  sinuosités  dont  elles  sont  pourvues.  La  très-petite  cavité  des 
cellules  à parois  épaisses  contient  une  substance  d’un  brun  foncé,  qui 
se  colore  en  noir  grisâtre  sous  l’influence  du  sulfate  de  fer.  La  même 
coloration  se  produit  dans  le  tissu  moins  dense  qui  entoure  les  grou- 
pes de  cellules  pierreuses.  Cette  coloration  est  due  à la  présence  d’une 
matière  tannique. 

(1)  Halliday,  On  ihe  Bebeeru  tree  of  British  Guiana,  and  Sulphate  of  Bebeerine,  the 
former  a substitute  for  Cinchona,  the  lutter  for  Sulphate  of  Quinine  (in  Edinb.  Med. 
and  Surg.  Journ.,  1835,  LX). 

(2)  Journ.  of  Botany,  de  Hooker,  1844,  624. 

(3)  Voir  aussi  Vogl,  Jahresbericht,  1871,  p.  44. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  263 

Composition  chimique.  — L’écorce  do  Bibiru  contient  un  alcaloïde 
qui  u été  regardé  pendant  longtemps  comme  une  espece  chimique  dis- 
tincte sous  le  nom  de  Bibirine  ou  Bibirine.  Walz  a montré,  en  1860,  que 
ce  corps  est  probablement  identique  avec  la  Buxine , substance  .décou- 
verte, dès  1830,  dans  l’écorce  et  les  feuilles  du  Buis  ( Buxus  sempervi- 
rens  L.).  En  1869,  l’observation  de  Walz  fut  confirmée  dans  un  certain 
sens  par  l’un  de  nous  (I).  Il  démontra  que  la  Pélosine,  alcaloïde  qui  se 
trouve  dans  les  tiges  et  les  racines  du  Cissampelos  Pareira  L.  et  du 
C bondodendron  tomentosum  Roiz  et  Pavon,  ne  peut  pas  être  distinguée  de 
l’alcaloïde  du  Bibiru  et  du  Buis.  L’alcaloïde  de  l’écorce  de  Bibiru  peut 
être  facilement  préparé  à l’aide  du  sulfate  brut  employé  en  médecine  sous 
le  nom  de  Sulfate  de  Bibirine.  C’est  une  substance  amorphe,  incolore, 
ayant  pour  formule  C18II21Az03.  Cet  alcaloïde  est  soluble  dans  5 parties 
d'alcool  absolu,  dans  13  d’éther,  et  dans  1 400  (1  800  d’après  Walz)  d’eau 
bouillante;  ces  solutions  sont  nettement  alcalines  au  tournesol.  lise 
dissout  facilement  dans  le  bisulfure  de  carbone,  et  dans  les  acides  di- 
lués. Les  sels  sont  incristallisables.  La  solution  de  son  acétate  neutre 
donne  un  abondant  précipité  sous  l’influence  d’un  phosphate  alcalin, 
d’un  nitrate,  ou  de  l’iode,  de  l’iodo-hydrargyrate  ou  du  platino-cyanure 
de  potassium,  du  perchlorure  de  mercure,  et  de  l’acide  nitrique  ou 
iodique. 

Maclagan,  l’un  des  plus  anciens  investigateurs  du  Bibiru,  a récem- 
ment retiré,  en  collaboration  avec  Gamgee  (2),  des  alcaloïdes  du  bois 
de  l’arbre.  Ces  chimistes  ont  assigné  à l’un  de  ces  corps  la  for- 
mule C20H2:iAzO4,  et  lui  ont  donné  le  nom  de  Nectandria.  Deux  autres 
alcaloïdes,  dont  les  caractères  n’ont  pas  été  suffisamment  étudiés,  ont 
été  retirés  du  même  bois. 

L 'acide  Bibirique,  que  Maclagan  a retiré  des  graines,  est  décrit  comme 
incolore,  cristallin,  déliquescent,  fusible  à 150°  C.,  et  volatil  à 200°  C. 
en  formant  alors  des  touffes  d’aiguilles. 

Commerce.  — L’écorce  de  Bibiru  ne  se  trouve  pas  toujours  sur  le 
marché.  Elle  est  importée  en  barils  contenant  de  80  à 84  livres  chacun, 
ou  en  sacs  qui  contiennent  un  demi  ou  un  quart  de  quintal. 

Usages.  — L’écorce  de  Bibiru  a été  recommandée  comme  tonique 
amer  et  fôbifruge,  mais  elle  n’est  que  peu  employée,  sauf  sous  la  forme 

(1)  FlIIckiger,  Noues  Jnhrbuch  fur  Pharmacie,  1869,  XXXI,  287  ; Pharm.  Joum. 
1870,  XI,  192. 

(2)  Pharm.  Joum.,  1870,  XI,  19. 


2GG  LAURACÉES. 

de  Sulfate  de  Bibirine,  qui  est  un  sulfate  brut  de  buxine  (f).  C’est  une 
substance  noire,  amorphe,  qui,  ayant  été  étendue  à l’état  sirupeux  dans 
une  assiette  vernie,  s’obtient  en  lames  minces  et  transparentes.  Elle 
nous  a présenté  à peine  un  tiers  de  son  poids  d’alcaloïde  pur. 

(a)  Les  Neclandra  Roland  (ex  Rorrn.,  in  Ad.  litt.  Jlafn.  (1778),  I,  279)  sont  des 
Lnuracées  de  la  tribu  des  Ocotéées,  à fleurs  hermaphrodites  ou  polygames  ; à récep- 
tacle cupuliforme  ; à périanthe  étalé,  souvent  presque  charnu,  formé  de  six  folioles, 
les  trois  intérieures  souvent  plus  grandes,  toutes  valvaires  dans  la  préfloraison,  et 
caduques  ; à androcée  formé  de  neuf  étamines  munies  chacune  d’une  grande  an- 
thère h quatre  logettes,  introrses  dans  les  six  étamines  extérieures,  latérales  oy  sub- 
extrorses  dans  les  trois  intérieures  ; à fruit  entouré  par  la  base  du  réceptacle. 

Le  Nedandra  Rodiœi  Scuombdrgk  (in  Journ.  of  Botany  de  Hooker,  1844,  624) 
est  un  grand  arbre  à feuilles  opposées,  penninerviées,  coriaces,  arrondies  ou  aiguës 
à la  hase,  recourbées  sur  les  bords,  ovales,  oblongues,  aiguës  ou  courtement  acu- 
miuées  au  sommet,  glabres  ; à fleurs  disposées  en  panicules  courtes  presque  ses- 
siles,  couvertes  de  poils  tomenteux  fauves.  Les  fleurs  sont  portées  par  des  pédi- 
celles  à peu  près  aussi  longs  que  le  calice.  Elles  exhalent  une  odeur  de  jasmin. 

Le  N.  Cymbarum  Nees  ( Syst .,  305)  qui  produit  une  huile  odorante  (voy.  p.  270) 
se  distingue  par  ses  feuilles  allongées,  oblongues-lancéolées,  atténuées  aux  deux 
extrémités,  et  sa  cupule  réceptaculaire  très-développée,  turbinée,  hémisphérique. 
[Trad.] 


RACINE  DE  SASSAFRAS. 

Radia j Sassafras,  Lignum  Sassafras;  angl.,  Sassafras  Root  ; allem.,  Sassafrasholz. 


Origine  botanique.  — Sassafras  officinalis  Nees  ( Laurus  Sassafras  L.). 
Cet  arbre  croît  dans  l’Amérique  du  Nord,  depuis  le  Canada  jusqu'à  la 
Floride  et  le  Missouri.  Dans  le  nord,  il  ne  forme  qu’un  arbuste  ou  un 
petit  arbre  de  6 à 9 mètres  de  haut,  mais  dans  le  centre  et  le  sud  des 
Etats-Unis,  et  surtout  dans  la  Virginie  et  la  Caroline,  il  atteint  une  hau- 
teur de  30  mètres.  Ses  feuilles  sont  dimorphes;  les  unes  sont  ovales 
et  entières,  tandis  que  les  autres  sont  découpées  en  deux  ou  trois  lobes, 
les  premières  paraissant  plus  âgées  que  les  autres  (a). 

Historique.  — Monardes  rapporte  que  les  Français,  pendant  leur  expé- 
dition de  la  Floride,  vers  i 562 , guérissaient  leurs  maladies  avec  le  bois 
et  la  racine  d’un  arbre  nommé  Sassafras,  dont  les  Indiens  leur  avaient 
appris  l’usage  (2).  Tené  de  Laudonnière,  en  exposant,  en  f 564,  les  objets 
curieux  de  la  Floride,  dit  que  le  plus  remarquable  des  arbres  des 

(1)  M.  W.  H.  Campbell,  de  Georgetown,  Demerara,  m’a  assuré  que  ni  l’écorce  ni 
son  alcaloïde  ne  sont  estimés  dans  la  colonie  [D.  H.]. 

(2)  Historia  médicinal  de  las  cosas  que  se  traen  de  nucslras  Indias  Occidentales 
1574,  51. 


267 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

forêts,  à cause  de  son  bois,  et  surtout  du  parfum  de  son  écorce,  est  celui 
qui  est  désigné  par  les  indigènes  sous  le  nom  de  Pcwcime , et  par  les 
Français  sous  celui  de  Sassafras  (1). 

En  IG  10,  les  instructions  du  gouvernement  anglais  au  gouverneur  de 
la  nouvelle  colonie  de  Virginie  mentionnent,  parmi  les  marchandises  à 
expédier  dans  la  métropole,  « Small  Sassafras  Rootes  » qu’on  devra 
« arracher  pendant  l’hiver,  et  faire  sécher,  et  non  préparer  pendant 
l’été;  et  qui  valent  50  livres  et  davantage  la  tonne  (2).  » Les  embar- 
quements acquirent  plus  tard  une  importance  relativement  exagérée, 
car  en  1622,  on  se  plaignait  que  l'expédition  des  autres  marchandises 
était  négligée  pour  celle  du  tabac  et  du  sassafras  (3). 

Le  Sassafras  fut  introduit  en  Angleterre  à l’époque  de  Gérarde 
(vers  1597),  qui  parle  d’un  de  ces  arbres  croissant  à Bow.  A cette  époque, 
le  bois  et  l’écorce  de  la  racine  étaient  employés  surtout  dans  le  traite- 
ment de  la  goutte. 

Description.  — Le  Sassafras  est  importé  en  grands  morceaux  ramifiés, 
qui  offrent  souvent  la  portion  inférieure  de  la  tige,  et  qui  ont  de  15  à 
30  centimètres  de  diamètre  (4).  Les  racines  proprement  dites  diminuent 
de  taille  jusqu’à  avoir  la  dimension  d’une  plume;  elles  sont  couvertes 
d’une  écorce  spongieuse,  terne,  rugueuse.  Cette  écorce  offre  une  couche 
subéreuse  inerte,  molle  ; et  au-dessous  une  écorce  interne  d’une  teinte 
très-brillante,  riche  en  huile  essentielle.  Le  bois  de  la  racine  se  laisse 
facilement  couper  ; il  est  coloré  en  brun  rougeâtre  foncé  ; il  possède  une 
odeur  agréable,  et  une  saveur  épicée  semblable  à celle  de  l’écorce,  mais 
moins  forte.  On  le  vend  ordinairement  en  copeaux  et  en  bandes  pro- 
duites par  le  rabot.  L’écorce  de  la  racine  ( Cortex  Sassafras ) constitue 
un  article  de  commerce  distinct,  peu  employé  en  Angleterre.  Elle  consiste 
en  morceaux  irréguliers,  aplatis,  pliés  en  gouttières  ou  recourbés,  ayant 
rarement  plus  de  10  centimètres  de  long,  8 centimètres  de  large,  et 
généralement  beaucoup  plus  petits,  épais  de  1 à 5 millimètres.  La 
couche  externe,  qui  est  inerte,  a été  soigneusement  enlevée,  et  laisse  une 
surface  exfoliée.  La  face  interne  est  finement  striée,  et  offre  de  très- 

(1)  De  Laet,  Novus  Orbis,  1633,  215.  -•  J’ai  fait  voir  dans  mes  Documents  pour 
servir  à l’histoire  de  la  pharmacie,  Halle,  1876,  30-33,  qu’en  Allemagne  les  pharmacies 
étaient  pourvues  de  bois  de  Sassafras  dès  l’année  1652.  [F.  A.  P.] 

(2)  Colonial  Papers,  I,  n.  23  (manusc.  in  the  Record  Office,  London). 

(3)  Colonial  Papers,  II,  n.  4. 

(4)  Les  bûches  de  Sassafras  qu’on  trouve  dans  le  commerce  anglais,  renferment 
souvent  une  portion  considérable  d’aubier  qui,  de  môme  que  l’écorce  qui  le  re- 
couvre, est  inerte,  et  doit  être  rejeté  avant  de  raboter  le  bois. 


2G8 


LAURACÉES. 

petits  cristaux  brillants.  Celte  écorce  possède  une  cassure  courte,  subé- 
reuse, colorée  en  brun  cannelle  brillant.  Son  odeur  est  forte  et  agréa- 
ble, sa  saveur  est  astringente,  aromatique,  un  peu  amère. 

Structure  microscopique.  - Le  bois  de  la  racine  offre,  sur  une 
section  transversale,  des  zones  concentriques  traversées  par  des  ravons 
médullaires  étroits.  Chaque  zone  contient,  dans  sa  partie  interne,  de 
lai  ges  vaisseaux,  et,  dans  sa  partie  externe,  des  éléments  plus  serrés.  La 
plus  grande  partie  du  bois  est  formée  de  cellules  parenchymateuses. 
Des  cellules  globuleuses,  remplies  d’une  huile  essentielle  jaune,  sont 
distribuées  dans  le  parenchyme  ligneux.  Ce  dernier  est  riche  en  ami- 
don ainsi  que  les  rayons  médullaires. 

L écorce  offre  un  grand  nombre  de  cellules  à huile,  et  des  cellules 
remplies  de  mucilage.  Elle  doit  son  apparence  spongieuse,  et  son  exfo- 
liation, à la  formation  de  couches  subéreuses  secondaires,  en  dedans  du 
mésophlœum,  et  même  dans  le  liber.  Le  tissu  cortical  abonde  en  matière 
colorante  rouge  ; il  contient  aussi  de  l’amidon,  et,  en  moindre  quantité, 
des  cristaux  d’oxalate  de  calcium. 

Composition  chimique.  — Le  bois  de  la  racine  fournit  1 à 2 pour  100 
d huile  volatile  (1  ) et  l’écorce  de  la  racine  deux  fois  autant  . La  tige  et  les 
feuilles  n’en  contiennent  qu’une  très-petite  quantité.  L’huile  essentielle 
qui  se  trouve  dans  le  commerce  est  toute  fabriquée  en  Amérique  ; elle 
possède  l’odeur  particulière  du  Sassafras;  elle  est  incolore,  jaune,  ou 
d’un  brun  rougeâtre,  d’après  le  caractère  de  la  racine  employée,  au 
dire  des  distillateurs.  Comme  la  coloration  de  l’essence  n’influe  pas  sur 
son  odeur  et  sur  sa  valeur  commerciale,  on  ne  fait  aucun  effort  pour 
séparer  les  différentes  sortes  de  racines.  L’essence  est  constituée 
principalement  par  du  Safrol  C10H10O2,  et  du  Safrène  C'°H16  ; le  premier 
forme  à peu  près  les  neuf  dixièmes  de  l’essence  brute  (2).  11  est  capable 
de  se  solidifier  en  cristaux  superbes  du  système  monosymélrique  (3), 
de  plus  d’un  décimètre  de  longueur  et  de  3 à 4 centimètres  de  diamètre. 
Ces  cristaux  de  Safrol  se  maintiennent  à une  température  de  8 à 10°, 
ot  fondent  à une  température  un  peu  plus  élevée  ; quand  on  l’expose 
alors,  à l’état  liquide  à une  basse  température,  il  ne  cristallise  quelque- 
fois qu’au  bout  de  quelques  semaines.  La  densité  du  safrol  en  cristaux 

(1)  D’après  les  résultats  obtenus  par  Procter,  onze  fagots  de  copeaux,  la  charge 
d'un  alambic,  donnent  de  1 ci  S livres  d’huile  essentielle,  la  proportion  de  cette  dernière 
variant  avec  la  qualité  de  la  racine  et  la  quantité  d’écorce  qu’elle  possède  (Procter, 
Essay  on  Sassafras,  in  Proceedings  of  the  Amer.  Pharm.  Assoc .,  1860,  217). 

(2)  Grimaux  et  Ruottë,  in  Compt.  rend.  Ac.  sc.,  1869,  LXV1I,  928. 

(3)  Arzruni  et  FtiüciUGER,  Pcggendorf  Annalen,  1S8  (1876),  241. 


269 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

est  de  1,245,  et  de  1,11  à l’état  liquide  à 12°, 5 ; il  bout  à 233».  Le  sa- 
frol  liquide  ne  possède  pas  de  pouvoir  rotatoire. 

Le  . Sa  frêne,  au  contraire,  dévie  la  lumière  polarisée  à droite,  et  bout 
à 156°  ; sa  densité  est  0,834. 

Quand  on  fait  cristalliser  le  safrol,  et  que  l’on  décante  le  peu  de 
liquide  qui  se  refuse  à cristalliser,  on  parvient  à l’aide  de  la  potasse 
caustique  à en  extraire  une  petite  quantité  d’une  substance  apparte- 
nant à la  classe  des  phénols , qui  se  colore  en  vert  bleuâtre  avec  le  per- 
chlorure  de  fer. 

L’écorce  et  le  bois  de  la  racine  contiennent  de  l'acide  tannique  qui 
produit,  avec  les  persels  de  fer,  une  coloration  bleue.  Nous  pouvons 
supposer  que,  sous  l’influence  de  l’oxydation,  il  se  convertit  en  cette 
substance  rouge  qui  existe  dans  l’écorce,  et  en  plus  petite  quantité  dans 
le  cœur  du  bois  des  vieux  arbres.  Le  jeune  bois  est  presque  blanc.  La 
substance  rouge  ressemble  probablement  à celle  que  Reinsch,  en  1841, 
a nommée  Sassafnde,  et  elle  est,  sans  doute,  analogue  au  rouge  de 
quinquina  et  au  rouge  de  ratanhia.  Reinsch  l’a  obtenue  dans  la  propor- 
tion de  9,2  pour  100. 

Production  et  Commerce.  — Baltimore  est  le  principal  marché  de  la 
racine,  de  l’écorce  et  de  l’huile  de  Sassafras,  qui  y sont  apportées  de 
l’intérieur,  dans  un  rayon  de  300  milles.  Les  racines  sont  arrachées  du 
sol  à l’aide  de  leviers  ; on  les  expédie  sur  le  marché,  en  partie  décorti- 
quées, et  en  partie  intactes,  ou  bien  on  les  divise  en  copeaux  pour  les 
distiller  sur  place.  Baltimore  reçut,  en  1866,  jusqu’à  100000  livres 
d’écorce.  La  quantité  d’huile  produite  annuellement,  avant  la  guerre, 
était  évaluée  à 15000  ou  20000  livres.  Il  existe  des  distillateurs,  ré- 
pandus dans  la  Pensylvanie  et  le  West  New-Jersey,  autorisés  par  les 
propriétaires  de  Sassafras  sauvages,  « sassafras  ivilderness  »,  à arracher 
du  sol  les  racines  et  les  souches,  sans  rien  payer. 

La  racine  même  du  Sassafras  n’est  pas  employée  en  médecine  aux 
États-Unis  ; on  lui  préfère,  avec  raison,  son  écorce,  qui  est  beaucoup 
plus  aromatique  (1). 

Usages.  — Le  Sassafras  est  considéré  comme  sudorifique  et  stimulant. 
Dans  la  pratique  médicale  anglaise,  on  ne  l’administre  que  combiné  à 
la  salsepareille  et  au  gaïac.On  vend  les  copeaux  de  Sassafras  pour  faire 
du  Thé  de  Sassafras.  En  Amérique,  l’huile  essentielle  est  employée  pour 

(I)  La  •moelle  de  Sassafras  y est  employée  comme  remède  populaire;  elle  est 
entièrement  dépourvue  d’odeur  et  de  saveur,  et  n’est  que  très-peu  muoilagi- 
neuse. 


270 


LAU  K AGEES. 


donner  une  odeur  agréable  aux  boissons  effervescentes,  au  tabac  et  au 
savon  de  toilette  (i). 

Substitution.  —L’odeur  de  Sassafras  est  commune  à plusieurs  plantes 
de  la  famille  des  Lauracées.  Ainsi,  l’écorce  du  Mespilodaphne  Sassafras 
Meissn.,  arbre  du  Brésil,  ressemble,  par  l’odeur,  à celle  du  vrai  Sassa- 
fras. Nous  avons  vu  une  écorce  de  Sassafras  très-épaisse,  apportée  de 
l’Inde,  que  nous  supposons  être  celle  décrite  par  Mason  (2),  comme 
abondamment  produite  à Burma.  Les  deux  larges  cotylédons,  séparés 
de  deux  Lauracées  du  Bio  Negro,  rapportées  avec  doute  par  Meissner 
au  genre  Nectandra,  constituent  la  drogue  désignée  sous  le  nom  de 
Noix  de  Sassafras  ( Sassafras  Nuis)  ou  Fèves  de  Puchury  ou  de  Pichurime 
du  Brésil,  qu’on  trouve  parfois  dans  les  vieilles  drogueries.  Sur  les 
bords  de  l’Orénoque,  dans  la  Guyane,  le  liquide  nommé  Huile  de  Sas- 
safras s’obtient  en  perforant  la  tige  de  Y Oreodaphne  opifera  Nees,  qui 
contient  parfois,  dans  les  cavités  dont  il  est  creusé,  une  grande  quan- 
tité de  ce  liquide.  Une  huile  semblable,  Aceite  de  Sassafras,  est  fournie 
sur  les  bords  du  Rio-Negro,  par  le  Nectandra  C y mbarum  Nees  (3). 

(0)  Les  Sassafras  Bauhin  (Pin.,  431)  sont  des  Lauracées  de  la  tribu  des  Ocotéées, 
à fleurs  dioïques  ou  polygames  ; à étamines  libres,  toutes  fertiles  ; à anthères  qua- 
driloculaires  et  introrses  ; à fruit  accompagné  à la  base  par  le  calice  persistant  et  par 
le  réceptacle  que  supporte  un  pédicelle  renflé  en  massue. 

Le  Sassafras  officinale  Nf.es  ( Siyst .,  488)  est  un  petit  arbre  à feuilles  caduques, 
membraneuses,  d’un  vert  clair,  lisses  en  dessus,  finement  laineuses  en  dessous,  très- 
variables  de  formes  ; les  unes  sont 'entières,  obovales  ; d’autres  sont  profondément 
découpées  en  trois  lobes  et  trinerviées  ; d’autres  sont  réduites  à deux  lobes,  l’un  des 
côtés  restant  entier  ; toutes  sont  atténuées  à la  base  en  un  pétiole  grêle.  Les  fleurs 
sont  diclines,  disposées  en  grappes  laineuses,  et  accompagnées  de  bractées  subu- 
lées,  caduques.  Le  réceptacle  est  à peine  concave.  Le  périantke  est  formé  de  six  fo- 
lioles membraneuses,  égales.  L’androcée  se  compose  de  neuf  étamines  disposées  sur 
trois  verticilles  concentriques  et  alternants,  les  trois  intérieures  munies  à la  base  de 
deux  glandes.  Les  anthères  sont  toutes  fertiles,  quadriloculaires,  introrses.  Le  gyné- 
cée, tout  h fait  absent  ou  représenté  par  une  sorte  de  cornet  dans  les  fleurs  mâles, 
est  accompagné  dans  les  fleurs  femelles  d’un  nombre  variable  d’étamines  rudimen 
taires.  Il  est  formé  d’un  ovaire  sessile,  inséré  dans  le  fond  de  la  coupe  réceptacu- 
laire,  et  surmonté  d’un  style  grêle  plus  ou  moins  arqué,  capité  et  presque  discoïde 
au  sommet.  L’ovaire  est  uniloculaire,  et  renferme  un  seul  ovule  anatrope.  Le  fruit  est 
une  baie  de  la  grosseur  d’un  pois,  ovale  ou  à peu  près  globuleuse,  entourée  à la 
base  par  le  périanthe  persistant,  et  supportée  par  un  pédoncule  charnu,  claviforme. 
La  graine  est  dépourvue  d’albumen,  et  renferme  sous  ses  téguments  un  gros  em- 
bryon à cotylédons  épais.  [Trad.] 

(1)  Amer.  Journ.of  Pharm.,  1871,  470. 

(2)  Burmah,  its  People  ancl  Natural  Productions,  1860,  497. 

(3)  Spruce,  in  Journ.  of  Bot.,  de  Hooker,  1833,  VII,  278. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


271 


THYMÉLÉACÉES 

ÉCORCE  DE  MÉZÉRÉON. 

Cortex  Meserei;  angl.,  Mesereon  Bar/c  ; allem.,  Seidelbast-Rinde. 

Origine  botanique.  — Daphné  Mezereum  L.  C’est  un  arbuste  dressé, 
haut  de  30  à 90  centimètres,  dont  les  branches  sont  terminées  par  des 
fleurs  pourpres,  se  développant  dès  lespremiers  jours  du  printemps,  avant 
l’apparition  des  feuilles,  qui  sont  oblongues,  lancéolées,  caduques.  Aux 
fleurs  succèdent  des  baies  rouges.  Cette  plante  est  originaire  des  parties 
montagneuses  de  presque  toute  l’Europe,  depuis  l’Italie  jusqu’aux  ré- 
gions arctiques,  et  vers  l’est  jusqu’à  la  Sibérie.  Dans  la  Grande-Bre- 
tagne, elle  se  présente,  çà  et  là,  dans  un  petit  nombre  de  contrées  du 
centre  et  du  sud,  et  même  dans  le  Yorkshire  et  le  Westmoreland, 
mais  il  y a des  raisons  de  croire  qu’elle  n’y  est  pas  véritablement  indi- 
gène. Gerarde,  qui  la  connaissait  bien,  ne  la  regardait  pas  comme  une 
plante  anglaise  (a). 

Historique.  — Les  médecins  arabes  employaient  une  plante  nommée 
Mâzamyün,  désignation  qui  certainement  dérive  du  grec,  quoique  nous 
ne  sachions  pas  l’expliquer;  ils  comparaient  ses  effets  à ceux  de  l’eu- 
phorbe ; cette  plante  était  probablement  une  espèce  de  Daphné.  Le 
D.  Mezereum  était  bien  connu  des  premiers  botanistes  de  l’Europe,  sous 
les  noms  de  Daphnoïcles,  Chamælæa,  Thymelæa  ou  Chamædaphne.  Tragus 
le  décrivit  et  le  figura,  [en  1546,  sous  le  nom  de  Mezereum  germanicum. 

Description.— Le  Mézéréon  possède  une  écorce  souple  et  fibreuse,  qui 
se  laisse  facilement  détacher  en  longues  bandes,  et  se  roule  en  dedans 
sous  1 influence  delà  dessiccation.  On  la  recueille  pendant  l’hiver,  et  on 
la  dispose  en  rouleaux  ou  en  faisceaux.  Elle  a rarement  plus  de  1 milli- 
mètre d épaisseur;  elle  est  revêtue  d’une  couche  subéreuse  grisâtre  ou 
d un  brun  rougeâtre,  qui  se  sépare  facilement  ; la  couche  interne  est 
verte  en  dehors,  blanche  et  satinée  sur  la  face  contiguë  au  bois.  L’écorce 
des  jeunes  branches  est  marquée  par  les  cicatrices  proéminentes  des 
feuilles.  Cette  écorce  est  trop  flexible  pour  pouvoir  être  cassée,  mais  elle 
se  laisse  facilement  diviser  en  bandes  fibreuses,  étroites.  A l’état  frais, 
elle  possède  une  odeur  désagréable,  qui  disparaît  pendant  la  dessicca- 
tion. Sa  saveur  est  brûlante,  âcre  et  persistante.  Appliquée  à l’état  hu- 
mide sur  la  peau,  elle  occasionne,  au  bout  de  quelques  heures,  de  la 
rougeur  et  môme  de  la  vésication. 


272  THVMÉLÉACÉES. 

Structupc  microscopique.  — La  zone  cambiale  est  formée  d’environ 
dix  couches  de  cellules  délicates  et  inégales.  Le  liber  est  constitué,  en 
majeure  partie,  par  des  fibres  simples,  alternant  avec  des  faisceaux  pa- 
renchymateux. 11  est  traversé  par  des  rayons  médullaires.  Ses  fibres 
sont  très-longues  ; elles  ont  fréquemment  plus  de  3 millimètres  et  de 
5 à 10  millièmes  de  millimètre  de  diamètre;  leurs  parois  sont  tou- 
jours très-peu  épaisses.  Dans  la  partie  extérieure  du  liber  se  trouvent 
des  faisceaux  d’éléments  prosenchymatcux  à parois  épaisses.  La  couche 
corticale  moyenne  offre  de  la  chlorophylle  et  des  grains  d’amidon.  La 
couche  subéreuse  est  formée  d’environ  trente  couches  serrées  de  cel- 
lules tabulaires  à parois  minces,  qui,  examinées  sur  une  section  tan- 
gentielle,  possèdent  un  contour  hexagonal.  De  petites  quantités  de  ma- 
tière tannique  sont  déposées  dans  les  zones  cambiale  et  subéreuse  [b). 

Composition  chimique.  — Le  principe  âcre  du  Mézéréon  est  une  sub- 
stance résinoïde,  contenue  dans  la  portion  interne  de  l’écorce;  elle  n'a 
pas  encore  été  étudiée.  Martius  trouva  dans  les  fruits,  en  1862,  plus  de 
10  pour  1000  d’une  huile  grasse,  vésicante,  qui  paraît  exister  aussi  dans 
l’écorce  de  la  tige  et  des  rameaux. 

Le  nom  de  Daphnine  a été  donné  à une  substance  cristallisable,  trou- 
vée par  Vauquelin,  en  1808,  dans  le  Daphné  alpina,  et  découverte  plus 
tard  par  C.  G.  Gmelin  et  Baer  dans  l’écorce  du  D.  Mezereum.  Zwenger, 
en  1860,  s’assura  que  ce  corps  est  un  glucoside  à saveur  amère,  ayant 
la  composition  C31H3!>019-(- 4H20.  Lorsqu’on  fait  bouillir  la  daphnine 
avec  de  l’acide  chlorhydrique  ou  de  l’acide  sulfurique  dilués,  elle  donne 
de  la  daphnétine , G19HU09,  cristallisant  en  prismes  incolores.  Par  la 
distillation  sèche  d’un  extrait  alcoolique  d’écorce  de  Mézéréon  le  même 
chimiste  a obtenu  de  V Umbelliférone  (voyez  t.  I,  p.  568). 

Usages.  — Le  Mézéréon,  pris  à l’intérieur,  est  considéré  comme  alté- 
rant et  sudorifique,  et  employé  dans  les  maladies  vénériennes,  rhuma- 
tismales et  scrofuleuses.  Dans  la  pratique  médicale  anglaise,  il  n’est 
que  peu  administré,  sauf  comme  ingrédient  de  la  décoction  composée 
de  Salsepareille.  On  a employé,  en  1867,  un  extrait  éthéré  de  l’écorce 
comme  ingrédient  d’un  Uniment  très-stimulant.  Sur  le  continent,  on 
emploie  parfois  l’écorce  elle-même,  ramollie  dans  le  vinaigre  ou  dans 
l’eau,  pour  produire  la  vésication. 

Substitutions.  — Par  suite  de  la  difficulté  de  se  procurer  l’écorce  de 
la  racine  du  Daphné  Mezereum,  les  herboristes  qui  fournissent  les  dro- 
guistes de  Londres  ont,  depuis  longtemps,  l’habitude  de  lui  substituer 
celle  du  Daphné  Laweola  L.,  espèce  toujours  verte,  qui  n’est  pas  rare 


273 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

dans  les  bois  et  les  haies  de  plusieurs  parties  de  F Angleterre.  La  Phar- 
macopée anglaise  de  1864  et  celle  de  1867  autorisent  à employer,  comme 
Cortex  Mezerei,  l’écorce  de  l’une  ou  l’autre  de  ces  deux  espèces,  et 
n’imitent  pas  le  London  College,  qui  insiste  pour  qu’on  se  serve  seule- 
ment de  l’écorce  de  la  racine. 

L’écorce  de  la  tige  du  Daphné  Laureola  a la  même  structure  que  celle 
du  D.  Mezereum,  mais  elle  n’offre  pas  les  cicatrices  de  feuilles  proémi- 
nentes qui  marquent  l’écorce  des  branches  supérieures  de  la  dernière 
espèce.  L’écorce  de  Mézéréon,  du  commerce  anglais,  est  aujourd’hui, 
en  très-grande  partie,  importée  d’Allemagne,  et  paraît  être  fournie  par 
le  D.  Mezereum. 

En  France,  on  emploie  l’écorce  de  la  tige  du  D.  Gnidium  L.,  arbuste 
qui  croît  dans  toute  la  région  méditerranéenne,  jusqu’au  Maroc.  Son 
écorce  est  d’un  gris  foncé  ou  brun,  marquée  de  nombreuses  petites  ci- 
catrices foliaires  blanches,  qui  affectent  une  disposition  spéciale.  Les 
feuilles  elles-mêmes,  dont  quelques-unes  sont  parfois  mélangées  à 
l’écorce,  sont  très-étroites  etmucronées.  Gomme  particularités  de  struc- 
ture, l’écorce  du  D.  Gnidium  possède  des  rayons  médullaires  plus  nom- 
breux et  plus  riches  en  matière  tannique  que  ceux  du  D.  Mezereum, 
mais  la  zone  corticale  moyenne  est  moins  développée.  Cette  écorce, 
désignée  sous  le  nom  à' Ecorce  de  Garou,  est  employée  comme  épispas- 
tique,  surtout  en  France. 

(a)  Les  Daphné  L.  [Sysl.  nat.,  ed.  1 ; Gen.,  u°  311)  sont  des  Thyméléacées  de  la 
tribu  des  Thymélées,  à fleurs  hermaphrodites,  tétramères;  <\  calice  ordinairement 
coloré,  tubuleux  ou  infundibuliforme  ; h androcée  formé  de  huit  étamines  subses- 
siles,  insérées  au  niveau  de  la  gorge  de  la  corolle  , sur  deux  cercles  situés  à des 
hauteurs  différentes;  à ovaire  uniloculaire  et  uniovulé  ; à fruit  drupacé. 

Le  Daphné  Mezereum  L.  ( Species , 356)  est  une  petite  plante  buissonneuse,  .à  ra- 
meaux dressés,  alternes,  lisses,  flexibles,  feuillus  seulement  à l’état  jeune,  et  plus 
tard  au  niveau  des  extrémités.  Les  feuilles  sont  alternes,  éparses,  pétiolées,  lancéo- 
lées, lisses,  entières,  longues  de  5 centimètres  environ.  Elles  se  montrent  après  les 
fleurs,  qui  s épanouissent  dès  les  premiers  jours  du  printemps,  et  elles  ne  tardent 
pas  a être  accompagnées  de  bourgeons  floraux  destinés  au  printemps  suivant.  Les 
fleurs  sont  disposées  en  petits  fascicules  de  quatre  à six  fleurs,  au  sommet  des  bran- 
ches nues,  dans  1 aisselle  des  feuilles  de  l’année  précédente,  et  accompagnées  de 
bractées  ovales,  lisses,  brunes.  Elles  sont  régulières  et  hermaphrodites,  apétales, 
avec  le  réceptacle  convexe.  Le  calice  est  tubuleux,  coloré  en  rouge  cramoisi  ; son  tube 
est  cylindrique,  coriace,  velu  en  dehors,  à peine'plus  long  que  le  limbe,  qui  est 
profondément  divisé  en  quatre  segments  ovales,  étalés,  colorés.  L’androcée  se 
compose  de  huit  étamines  insérées  sur  deux  rangées  superpçsées  et  alternes,  l’in- 
férieure au  niveau  du  milieu  de  la  hauteur  du  tube  calicinal,  la  supérieure  sur  la 
gorge.  Les  quatre  étamines  du  vertici lie  inférieur  alternent  avec  les  lobes  du  calice, 

BIST,  DES  DROGUES,  T.  II. 


18 


274 


THYMÉLÉACÉES. 


celles  du  verticillc  supérieur  sont  situées  en  face  de  ces  lobes.  Les  filets  staminaux 
sont  très-courts,  filiformes.  Les  anthères  sont  basilixes,  oblongues,  incluses,  bilocu- 
laires,  introrses,  déhiscentes  par  des  fentes  longitudinales.  Le  calice  est  caduc  et 
entraîne  landrocée  dans  sa  chute.  Le  gynécée  est  entouré  d’un  disque  hypogyne, 
et  formé  d’un  ovaire  supère,  ovale,  uniloculaire,  surmonté  d’un  stvle  terminal, 
court,  à extrémité  stigmatique  capitée,  déprimée,  entière.  La  loge  unique  de 
1 ovaire  ue  contient  qu  un  seul  ovule  anatrope,  suspendu,  inséré  vers  le  sommet  de 
la  loge,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors.  Le  fruit  est  une  drupe  rouge, 
dont  le  noyau,  revêtu  d’une  chair  molle  et  succulente,  renferme  une  seule  graine 
suspendue,  à tégument  crustacé,  à embryon  charnu,  accompagné  d’une  faible 
quantité  d’albumen,  et  formé  de  deux  gros  cotylédons  plan-convexes,  appliqués 
l’un  contre  l’autre,  et  d’une  radicule  courte  dirigée  vers  le  micropyle.  [Trad.] 

Le  Daphné  Laureola  L.  ( Species , 356)  est  un  arbrisseau  dressé,  ordinairement 
haut  de  30  à 60  centimètres,  mais  ayant  parfois  jusqu’à  près  de  2 mètres.  Ses  feuil- 
les sont  très-glabres,  oblougues  ou  obovales-lancéolées,  aiguës,  atténuées  à la  base, 
longues  de  3 à 12  centimètres,  persistantes.  Les  fleurs  sont  disposées  en  grappes 
axillaires,  luisantes,  subsessiles,  munies  de  bractées,  et  portant  de  cinq  à dix  fleurs 
à pédicelles  très-courts.  Le  calice  est  formé  d’un  tube  infundibuliforme  trois  fois 

plus  long  que  le  limbe,  qui  est  divisé  en  lobes 
a ovales  et  aigus.  Le  fruit  est  une  baie  charnue 
6 et  glabre,  noire  à la  maturité. 

Le  Daphné  Gnidium  L.  ( Species , 3o7)  est  un 
c arbrisseau  de  60  centimètres  à lm,o0  de  haut; 
à feuilles  subcoriaces,  annuelles,  réunies  au 
sommet  des  rameaux,  lancéolées-linéaires,  acu- 
minées-mucronées,  glabres,  longues  de  2 à 
rl  4 centimètres,  larges  de  4 à 8 millimètres, 
atténuées  à la  base  ; à grappes  terminales,  ra- 
e initiées,  dépourvues  de  bractées,  et  ne  portant 
qu’un  petit  nombre  de  fleurs  courtement  pé- 
dicellées  ; à calice  caduc  ; à tube  calicinal  cam- 
panulé-infundibuliforme,  blanc  ou  rougeâtre, 
un  peu  plus  long  que  le  limbe,  qui  est  divisé  en 
i-  lobes  ovales  et  obtus  ; à fruit  ovale,  rouge,  de 
la  grosseur  d’un  pois,  charnu.  [Trad.] 

(6)  L’écorce  de  Daphné  Mezereum  offre  de 
dehors  en  dedans,  ainsi  que  nous  le  montre  la 
figure  211,  représentant  la  coupe  transversale 
d’un  rameau  de  deux  années  : l°une  couche  a 
g de  suber,  formée  de  cellules  quadrangulaires, 
aplaties,  sèches  et  brunes  ; 2<>  un  parenchyme 
^ cortical,  h,  formé  de  grandes  cellules  très-irré- 
gulières, laissant  entre  elles  de  vastes  méats 
intercellulaires.  Entre  les  cellules  brunes  de  la 
couche  subéreuse  a,  et  les  grandes  .cellules  irré- 
gulières de  la  couche  />,  il  existe  un  certain  nombre  de  couches  de  cellules  quadran- 
gulaires comme  celles  du  suber,  mais  encore  remplies  de  protoplasma  et  en  voie 
de  segmentation.  C’est  cette  zone  qui  produit  le  suber,  sa  couche  la  plus  externe 
produisant  sans  cesse,  par  segmentation  tangentielle,  de  nouvelles  couches  de  cellules 


Fig.  2H.  Daphné  Mezereum. 
Rameau.  Coupe  transversale. 


275 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

subcreuses,  qui  plus  tard  se  dessèchent  comme  celles  de  la  couche  a,  puis  s’exfolient. 
En  dedans  de  la  couche  6,  est  une  couche  circulaire,  étroite,  c,  formée  d’éléments 
prosenchymateux,  fusiformes,  h parois  très-épaisses,  blanches,  et  à cavité  linéaire. 
Cette  couche  est  séparée  du  liber,  d,  jjar  une  zone  assez  épaisse  de  cellules  paren- 
chymateuses sans  méats,  à cellules  polygonales.  Le  liber,  d,  est  formé  de  faisceaux 
larges,  séparés  les  uns  des  autres  par  des  rayons  médullaires  à une  seule  rangée  de 
cellules  étroites  et  allongées  radialement.  Chaque  faisceau  libérien  est  formé  de  deux 
sortes  d’éléments  : des  fibres  à parois  très-épaisses,  à contours  très-irréguliers,  dis- 
posées en  groupes  irréguliers,  et  des  éléments  parenchymateux,  polygonaux,  à pa- 
rois minces.  Entre  le  liber  et  le  bois,  se  trouve  une  couche  très-nettement  visible  de 
cambium,  e.  Le  bois,  f,  est  constitué,  en  majeure  partie,  par  des  fibres  ligneuses  à 
contours  polygonaux,  à parois  assez  épaisses,  au  milieu  desquelles  sont  épars  un 
nombre  relativement  peu  considérable  de  vaisseaux  ponctués,  et  quelques  éléments 
parenchymateux.  En  dedans  du  bois,  se  trouve  une  couche  de  liber  interne,  g,  sépa- 
rée de  l’étui  médullaire  du  bois  par  une  zone  de  cellules  parenchymateuses,  claires, 
et  constituée  par  des  fibres  à parois  épaisses  et  claires,  et  à cavité  linéaire,  groupées 
en  faisceaux  qui  forment  un  cercle  à peu  près  continu.  Au  centre  du  rameau,  la 
moelle,  fi,  est  formée  de  grandes  cellules  polygonales  ou  arrondies,  à parois  minces 
et  claires.  [Tbad.] 


ULMACÉES 

FIGUES. 

Caricæ,  Fructus  Caricæ,  Fici;  angl.,  Figs;  allem.,  Feigen. 

Origine  botanique.  — Ficus  Carica  L.  G’est  un  arbre  de  4 à 6 mètres 
de  haut,  avec  de  larges  feuilles  rugueuses  qui  forment  une  magnifique 
masse  de  feuillage  (a). 

L’aire  primitive  du  Figuier  s’étend  depuis  les  steppes  de  l’est  de  l’Ou- 
ral, le  long  de  la  côte  sud  et  sud-est  de  la  mer  Caspienne  (Ghilan,  Ma- 
zanderan  et  le  Caucase),  à travers  le  Kurdistan,  jusqu’à  l’Asie  Mineure 
et  la  Syrie.  Dans  ces  pays,  le  Figuier  s’élève  sur  les  montagnes.  Il  croît, 
sans  aucun  doute  à l’état  sauvage,  dans  le  Taurus,  à une  altitude  de 
4800  mètres  (1). 

Le  Figuier  est  fréquemment  mentionné  dans  les  Ecritures,  où  il  re- 
présente souvent,  avec  le  vin,  le  symbole  de  la  paix  et  de  l’abondance. 
Ni  le  Figuier,  ni  le  vin,  n’étaient  connus  en  Grèce,  dans  l’Archipel,  et 
sur  les  côtes  voisines  de  l’Asie  Mineure,  à l’époque  d’Homère,  mais  les 
deux  étaient  devenus  communs  du  temps  de  Platon.  Le  Figuier  fut  à 

^ (1)  Ritter,  Erdkunde  von  Asien,  1844,  VII,  2,  544.  —Il  faut  beaucoup  étendre,  d’après 
Brandis,  Forest  Flotta  of  N.-W.  and  C.  India,  418,  l’aire  primitive  du  Figuier.  Cet  au- 
teur le  suppose  indigène  dans  les  districts  nord-ouest  de  ITIimalaya,  par  exemple 
dans  celui  de  Khagan,  au  nord-est  de  Pcshawar.  [F.  A.  F.] 


2"G  ULMACÉES. 

une  très-ancienne  date  introduit  en  Italie,  d’où  il  gagna  l’Espagne  et  la 
Gaule.  Charlemagne,  en  81 2,  ordonna  sa  culture  dans  le  centre  de 
l’Europe.  11  fut  apporté  en  Angleterre  sous  le  règne  de  Henri  VIII,  par  le 
cardinal  Pôle,  et  les  arbres  plantés  par  lui  existent  encore  dans  le  jar- 
din de  Lambcth  Palace  ; mais  il  avait  certainement  été  cultivé  à une 
époque  beaucoup  plus  reculée,  car  l’historien  Mattliew  Paris  rap- 
porte (1)  que  l’année  1257  fut  si  inclémente  que  les  poires  et  pommes 
devinrent  très-rares  en  Angleterre,  et  que  les  /lys,  les  cerises  et  les 
pommes  ne  purent  pas  mûrir. 

Aujourd  hui,  le  Figuier  existe,  à l’état  de  culture,  dans  la  plupart 
des  régions  tempérées  des  deux  mondes.  Son  fruit  ne  peut  arriver  à 
maturité  que  dans  les  pays  où  l’été  et  l’automne  sont  très-chauds  et 
secs- 

Historique. — Les  figues  constituaient  pour  les  anciens  Hébreux  (2)  et 
les  Grecs  un  article  important  d’alimentation  ; elles  jouent  aujourd’hui 
le  même  rôle  dans  toutes  les  contrées  chaudes  qui  bordent  la  Méditer- 
ranée (3).  A l’époque  de  Pline,  on  en  cultivait  plusieurs  variétés.  Le 
mot  latin  C aviva  fut  d’abord  employé  pour  désigner  la  figue  sèche  de 
Caria,  petit  district  de  l’Asie  Mineure,  situé  en  face  de  Rhodes;  cette  va- 
riété estimée  de  figues  correspond  à la  figue  de  Smyrne  de  notre 
époque. 

Dans  le  diplôme  délivré  par  Chilpéric  II,  roi  des  Francs,  au  monas- 
tère de  Corbie,  en  716,  il  est  fait  mention  de  « Karigas  » , ainsi  que  de 
dattes,  d’amandes  et  d’olives  ; nous  pensons  que  le  terme  Karigas  dési- 
gnait les  figues  ( caricæ ) (4).  Les  figues  sèches  constituaient,  au  moyen 
âge,  un  article  de  commerce  régulier  entre  le  sud  et  le  nord  de  l’Eu- 
rope. En  Angleterre,  leur  prix  moyen,  entre  1264  et  1398,  était  d'envi- 
ron 1 3/4  denier  la  livre,  les  raisins  et  les  groseilles  coûtant  2 3/4  de- 
niers (5). 

Description.  — La  figue  est  formée  d’un  réceptacle  commun,  charnu, 
en  forme  de  poire,  portant  sur  sa  face  interne  un  grand  nombre  de 
fruits  très-petits,  et  muni  à son  extrémité  supérieure  d’un  orifice. 

11  est  d'abord  vert,  rugueux  et  coriace,  et  laisse  exsuder,  quand  on  le 

(1)  English  History , ed.  de  Bolm,  J 854,  III,  255. 

(2)  Voyez  particulièrement  i I Sam.,  XXV,  18  et  1 Ohro7l. , xii,  40,  ou  nous  lisons 
qUe  de  grands  achats  de  figues  furent  faits  pour  l’usage  des  combattants. 

(3)  Sur  la  côte  de  Gènes,  les  figues  sèches,  mangées  avec  du  pain,  constituent,  pen- 
dant l’hiver,  la  nourriture  habituelle  des  paysans. 

(4)  Pardessus,  Diplomata,  Charlæ,  etc.,  1849,  II,  309. 

(5)  Rogers,  llist.  of  Agriculture  and  Priées  in  England,  1866,  I,  632. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  277 

fend,  un  suc  laiteux,  âcre.  Son  orifice  est  entouré  et  presque  fermé  par 
des  écailles  cliarnucs,  eu  dedans  desquelles  sont  situées  les  lleuis  males, 
qui  manquent  souvent  ou  ne  sont  que  peu  développées.  Les  Heurs  fe- 
melles tapissent  plus  bas  la  face  interne  du  réceptacle,  et  sont  très-pres- 
sées les  unes  contre  les  autres  ; elles  sont  pédonculées,  munies  d’un 
périanthe  à cinq  divisions  ; un  stigmate  bipar- 
tite surmonte  un  ovaire  généralement  unilocu- 
laire. Ce  dernier  devient  un  fruit  sec,  petit, 
dur,  indéhiscent  ; il  est  considéré  vulgairement 
comme  une  graine.  A mesure  que  la  figue  avance 
vers  la  maturité,  le 'réceptacle  s’agrandit,  il 
devient  plus  mou,  plus  succulent,  et  un  li- 
quide saccharin  remplace  son  suc  laiteux,  âcre. 

Il  acquiert  en  dedans  une  coloration  rougeâtre, 
tandis  qu’à  l’extérieur  il  devient  pourpre,  brun 
ou  jaunâtre  ; dans  quelques  variétés  cependant 
il  reste  vert.  La  figue  fraîche  possède  une  sa- 
veur agréable  et  très-sucrée,  mais  elle  est  peu 
riche  en  suc,  et  elle  est  dépourvue  de  l’acidité  rafraîchissante  que  pos- 
sèdent la  plupart  des  autres  fruits. 

Lorsqu’on  ne  cueille  pas  la  figue,  son  pédoncule  perd  peu  à peu  sa 
rigidité,  le  fruit  pend  à la  branche,  il  se  ride,  devient  de  plus  en  plus 
sucré  par  suite  delà  perte  de  son  eau,  et  enfin,  si  le  climat  estfavorable, 
il  prend  les  caractères  de  la  figue  sèche.  On  ne  laisse  cependant  pas 
les  figues  sécher  sur  l’arbre  ; on  les  cueille,  et  on  les  expose  au  soleil 
et  à l’air  sur  des  claies,  jusqu’à  ce  qu’elles  soient  sèches. 

Les  figues  sèches  sont  désignées  par  les  vendeurs  sous  les  noms  de 
naturelles  et  pressées.  Les  premières  n’ont  pas  été  comprimées  dans  l’em- 
ballage, et  offrent  même  leur  forme  primitive  (I).  Les  secondes,  après 
avoir  été  séchées,  ont  été  ramollies  par  malaxation,  et,  dans  cet  état, 
emballées  avec  pression  dans  des  caisses  et  des  boîtes. 

Les  figues  de  Smyrne,  qui  sont  les  plus  estimées,  appartiennent  à cette 
dernière  variété.  Elles  ont  une  forme  aplatie,  irrégulière;  elles  sont 
molles,  translucides,  couvertes  d’une  efflorescence  saccharine;  elles  ont 
une  odeur  de  fruits  et  une  saveur  sucrée  agréables.  Les  figues  de  qualité 
inférieure,  celles  qu'on  nomme,  sur  le  marché,  figues  de  Grèce , différent 

(1)  Le  n±ôt  Eleme,  appliqué,  dans  les  drogueries  de  Londres,  aux  figues  sèches  de 
qualité  supérieure,  « Eleme  Figs  d,  dérive  probablement  du  turc  ellémé,  qui  signifie 
choisi  à la  main. 


Fig.  212.  Figue 
coupée  verticalement. 


278  ULMACÉES. 

C*R‘S  ^'B'ues  dites  de  Smyrne  par  leur  petite  taille  et  par  la  quantité  moins 
considérable  de  leur  pulpe. 

structure  microscopique.  — La  couche  extérieure  de  la  figue  sèche 
est  formée  de  cellules  petites,  à parois  épaisses,  très-pressées  les  unes 
contre  les  autres,  de  façon  à former  une  sorte  de  tégument.  Le  paren- 
chyme interne  est  lâche;  il  est  constitué  par  de  grandes  cellules  à parois 
minces,  et  traversé  par  des  faisceaux  fibro-vasculaircs  et  des  laticifères 
larges,  peu  ramifiés.  Ces  derniers  contiennent  une  substance  granu- 
leuse insoluble  dans  1 eau.  Dans  le  parenchyme,  on  trouve  des  cristaux 
étoilés  d’oxalate  de  calcium  peu  nombreux. 

Composition  chimique.  — Les  changements  chimiques  qui  se  produi- 
sent dans  la  figue  en  voie  de  maturation  sont  importants,  mais  il  n’a 
pas  été  fait  de  recherches  dans  le  but  do  les  déterminer.  La  substance 
chimique  principale  du  fruit  mûr  est  le  sucre  de  raisin,  qui  constitue  60  à 
/O  pour  100  du  fruit  sec.  La  gomme  et  les  corps  gras  ne  paraissent 
exister  qu  en  très-petite  quantité.  Nous  avons  trouvé  dans  le  fruit  vert 
de  l’amidon. 

Production  et  Commerce.  - La  quantité  de  figues  sèches,  importées 
dans  le  Royaume-Uni  en  1872,  s’éleva  à 141  847  quintaux,  parmi  les- 
quels 91  721  provenant  de  la  Turquie  d’Asie,  le  reste  du  Portugal,  de 
1 Espagne,  des  diverses  parties  de  l’Autriche  et  d’autres  pays.  La  valeur 
totale  de  la  quantité  importée  fut  évaluée  à 231  571  livres  sterling. 

Usages.  — Les  figues  sèches  sont  considérées  comme  légèrement  laxa- 
tives, et  sont,  à ce  titre,  recommandées  contre  la  constipation  habituelle. 
Elles  entrent  dans  la  Confectio  Sennæ. 

(a)  Les  Figuiers  (Ficus  T.)  sont  des  Ulmacées  de  la  tribu  des  Artocarpées,  à fleurs 
monoïques,  disposées  sur  la  face  interne  d’un  réceptacle  profondément  excavé, 
et  muni  seulement  d’une  étroite  ouverture  près  de  laquelle  sont  situées  les  fleurs 
mâles,  tandis  que  les  fleurs  femelles  occupent  le  fond  de  la  coupe  ; les  fleurs  mâles 
sont  trimères,  à étamines  dressées  dans  le  bouton  ; les  fleurs  femelles  sont  formées 
d’un  calice  pentamère  et  d’un  ovaire  d’abord  biloculaire,  puis  uniloculaire  ; le  fruit 
est  sec  et  indéhiscent,  monosperme. 

Le  Ficus  Carica  L.  ( Species , 1 513)  est  un  arbre  à port  très-variable,  parfois  ré- 
duit à l’état  de  buisson,  muni  de  branches  arrondies,  cassantes,  à moelle  abondante  ; 
à écorce  verte  ou  rousse,  couverte,  à l’état  jeune,  d’un  duvet  laineux  court  et  rude. 
Les  feuilles  sont  alternes,  cordées,  à 3-5  lobes  arrondis,  et  découpés  en  grosses 
dents  de  scie  plus  ou  moins  arrondies  ou  aiguës  ; parfois  les  feuilles  sout  presque 
entières;  leur  face  supérieure  est  colorée  en  vert  foncé  et  très-rugueuse  ; leur  face  in- 
férieure est  couverte  d’un  duvet  grossier.  Le  pétiole  est  long,  cylindrique,  et  émet  à 
son  extrémité  cinq  nervures  palmées  destinées  à chacun  des  lobes,  et  sur  lesquelles 
naissent  des  nervures  secondaires  alternes,  pennées.  Chaque  feuille  est  accompagnée 


279 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

de  (leux  stipules  connues  qui  l’enveloppent  dans  le  bouton.  Les  inflorescences  sont 
solitaires  dans  l'aisselle  des  feuilles.  Elles  sont  constituées  par  un  pédoncule 
court,  muni  de  quelques  bractées  écailleuses,  dures,  alternes,  de  petite  taille.  Le 
sommet  de  l’axe  floral  se  développe  au-dessus  de  ces  bractées  en  une  coupe  qui  de- 
vient de  plus  en  plus  profonde,  par  suite 
d’un  accroissement  très-inégal,  le  lond  de 
la  coupe  qui  répond  au  sommet  organique 
de  l’axe  cessant  de  se  développer,  tandis 
que  les  bords  qui  correspondent  à la  base 
organique  du  réceptacle  prennent  un  ac- 
croissement considérable  et  très-rapide.  Le 
réceptacle  prend  ainsi  peu  à peu  la  forme 
d’une  poire,  dont  la  base  offre  un  orifice 
étroit,  bordé  par  la  base  organique  du  récep- 
tacle, qui  est  couverte  de  petites  écailles  fer- 
mant l’orifice.  Sur  la  face  interne  du  récep- 
tacle, apparaissent  les  fleurs,  qui  sont  dispo- 
sées, ainsi  que  l’a  montré  M.  Bâillon,  en 
petites  cymes  très-uombreuses  et  très-rap- 
prochées  de  façon  à couvrir  toute  la  face  in- 
terne de  la  coupe  récep taculaire.  Les  pre- 
mières fleurs  apparaissent  près  de  l’orifice 
de  la  cavité  , ce  qui  est  naturel,  cette  par- 
tie correspondant  à la  base  organique  du 
réceptacle  ; elles  se  montrent  ensuite  graduellement  de  plus  en  plus  près  du  fond 
de  la  cavité,  c’est-à-dire  du  sommet  organique  du  réceptacle.  On  trouvé  encore 
dans  le  plus  grand  nombre  des  auteurs  classiques  l’inflorescence  de  la  Figue  dé- 
crite comme  une  sorte  de  capitule  dont  le  réceptacle  serait  concave  au  lieu  d’être 
convexe  ou  plat,  comme  dans  les  Composées.  M.  Bâillon  a montré  cependant 
qu’il  existe  une  très-grande  différence  entre  un  capitule  véritable  et  1 inflores- 
cence de  la  Figue.  Dans  un  vrai  capitule,  les  fleurs  se  montrent  isolément  et 
Tune  après  l’autre,  de  la  base  au  sommet  de  l’axe.  Ici,  au  contraire,  les  fleurs  se 
montrent  sur  la  face  interne  de  l’axe  floral,  développé  en  coupe,  par  groupes  isolés 
qui  constituent  autant  de  petites  cymes.  La  fleur  centrale  (1e  chaque  groupe  se 
montre  la  première,  puis  autour  d’elle  apparaissent  successivement  un  nombre  va- 
riable de  fleurs  qui  appartiennent  à (les  générations  successives  ; chaque  groupe  se 
comporte,  en  un  mot,  comme  une  véritable  cyme.  Les  fleurs  mâles  sont  groupées 
en  petit  nombre  au  voisinage  (1e  l’orifice,  en  dedans  des  bractées  qui  le  garnissent. 
Elles  sont  formées  chacune  d’un  calice  à trois  petits  sépales,  et  d’un  androcée  à 
trois  étamines  superposées  aux  sépales.  Les  étamines  sont  constituées  chacune  par 
un  filet  dressé  dans  le  bouton  et  une  anthère  biloculaire,  introrse,  déhiscente  par 
deux  fentes  longitudinales.  Les  fleurs  femelles  sont  supportées  par  (1e  petits 
pédicelles  charnus  qui  s’allongent  graduellement.  Elles  se  composent  d’un  calice 
à cinq  sépales  et  d’un  pistil.  L’ovaire  est  supère,  et  surmonté  d’un  style  bifurqué  en 
deux  branches  stigmatiques.  La  cavité  ovarienne  est  primitivement  divisée  en 
deux  loges,  mais  Tune  des  loges  avorte  habituellement,  et  l’ovaire  se  trouve 
réduit  à une  seule  loge,  contenant  un  seul  ovule  inséré  sur  la  cloison  de  la  loge 
avortée,  anatrope,  suspendu,  à micropylc  dirigé  en  haut  et  en  dehors.  A mesure 
que  la  maturation  se  produit,  les  pédoncules  des  Heurs  femelles  et  les  calices 


Fig.  213.  Figuier. 
Rameau  florifère  et  fruit. 


280 


ULMACÉES. 

!"  5UG  la  portion  intei'ne  d"  réceptacle,  et  constituent  plus 
tlc  Itt  "*»*,  tondis  que  le  fruit  luknôme  est  un  S 

- peut  iissrsÆÆr1  un°  sc'"° Brainc’  d,"‘  '■”ii,umen  ««*«• 


mures. 

FrUCtm  M0ri:  BaCCæ  Mori>  angl.,  allcm.(  Maulbeeren. 


Origine  botanique.  - Morus  nigra  L.  C’est  un  bel  arbre  touffu,  haut 
cl  environ  9 métrés,  croissant  à l’état  sauvage  dans  le  nord  de  l’Asie  Mi- 
neure, en  Amérique,  et  dans  le  sud  des  régions  caucasiennes  jusqu’en 
Perse.  En  Italie,  il  était  .employé,  jusque  vers  l’année  1434,  à la  nour- 
riture des  vers  a soie.  A cette  époque,  on  y introduisit  du  Levant  (J)  le 
Moj-us  alba  L.,  qui  depuis  a toujours  été  généralement  préféré.  Cepen- 
dant, en  Grèce,  dans  plusieurs  des  îles  grecques,  dans  la  Calabre,  et  en 
Corse,  l’espèce  plantée  pour  les  vers  à soie  est  toujours  \eMorus  nigra  (a). 

Le  Mûrier  noir  est  aujourd’hui  cultivé  dans  toute  l’Europe,  mais  est 
peu  abondant,  sauf  dans  les  pays  cités  en  dernier  lieu.  Son  fruit  mûrit 
en  Angleterre,  ainsi  que  dans  le  sud  de  la  Suède  et  de  la  Norwége,  et 
même  à Christiania  d’après  Schübeler. 

Histoi  ique.  Le  Muiiei  est  mentionne  dans  1 Ancien  Testament  (2j 
et  par*  la  plupart  des  anciens  écrivains  grecs  et  romains.  Parmi 


un  grand  nombre  de  plantes  utiles  que  Charlemagne  ordonna,  en  812, 
de  cultiver  dans  les  fermes  impériales,  se  trouve  le  Mûrier  (Mora- 
rim)  (3).  Nous  le  trouvons  aussi  sur  un  plan  tracé,  en  820,  pour  les 
jardins  du  monastère  de  Saint-Gall  en  Suisse  (4).  La  culture  du  Mûrier 
en  Espagne,  pendantle  moyen  âge,  est  prouvée  par  la  préparation  d’un 
Sirop  de  Mitres , indiqué  dans  le  Calendrier  de  Cordoue  de  961  (3). 

Le  Mûrier  était  beaucoup  plus  estimé  autrefois  qu’il  ne  1 est  aujour- 
d hui.  Dans  les  statuts  de  1 abbaye  de  Corbie,  en  Normandie,  nous  trou- 


vons un  Brevis  de  Melle,  indiquant  la  quantité  de  miel  que  les  tenan- 
ciers des  terres  du  monastère  devront  payer  chaque  année,  ainsi  que 
la  quantité  de  fruits  de  Mûrier  que  chaque  fermier  devra  fournir  (6). 

Description.  — Le  Mûrier  porte  des  chatons  unisexués.  Les  chatons 
femelles  sont  ovoïdes,  et  formés  de  nombreuses  fleurs  à périanthe  vert, 


(1)  A.  de  Candolle,  Géographie  Botanique,  1855,  II,  856. 

(2)  2 Sam.,  V,  23,  24. 

(3)  Pf.rtz,  Monumenta  Germanise  historien  (Legcs),  1855,  III,  181. 

(4)  F.  Keller,  Bauriss  des  Klosters  S.  Galien,  fac-similé,  Zurich,  1844. 

(5)  Le  Calendrier  de  Cordoue  de  l’année  961,  publié  par  R.  Dozy,  Leyde,  1873,  67. 

(6)  Guérard,  Polyptiquc  de  l’abbé  Irminon,  Paris,  II,  335. 


281 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

tétramère,  et  à deux  stigmates  linéaires.  Les  lobes  du  périanthe  se  re- 
couvrent mutuellement,  deviennent  charnus,  et  par  leur  agrégation 
latérale  forment  une  fausse  baie,  courtementpédonculée,  oblongue,  lon- 
gue de  2 centimètres  et  demi,  et  colorée,  à la  maturité,  en  pourpre 
foncé.  En  détachant  chaque  fruit,  les  lobes  du  périanthe  deviennent  vi- 
sibles. Chaque  fruit  possède  un  noyau  lenticulaire,  dur,  recouvrant  une 
graine  suspendue,  avec  un  embryon  courbe  et  un  albumen  charnu. 
Les  fruits  du  Mûrier  sont  très-succulents,  et  possèdent  une  saveur  ra- 
fraîchissante, un  peu  acide,  saccharine,  mais  ils  sont  dépourvus  de 
l’arome  qui  distingue  plusieurs  autres  fruits  de  la  famille  des  Rosacées. 

Composition  chimique.  — D’après  une  analyse  faite  par  H.  van  Hees, 
en  1857,  les  fruits  du  Mûrier  contiennent  les  principes  suivants  : 


Glucose  et  sucre  incristallisable 9,19 

Acide  libre  (supposé  être  l’acide  malique) 1,86 

Matières  albuminoïdes 0,39 

Matières  pectiques  et  grasses,  sels,  gommes.  . . . 2,03 

Cendres 0,57 

Matières  insolubles,  enveloppes  des  graines,  pectose, 

cellulose,  etc  ....  1,25 

Eau 84,71 


100  00 

En  comparant  ces  résultats  avec  ceux  qui  ont  été  fournis  par  l’ana- 
lyse d’autres  fruits,  faite  à la  même  époque  dans  le  laboratoire  de  Frese- 
nius,  les  mûres  paraissent  être  des  plus  riches  en  sucre. 

Elles  ne  sont  surpassées  à cet  égard  que  par  les  cerises  (10,79  de  su- 
cre), et  par  les  raisins  (10,6  à 19,0)  (1),  mais  elles  sont  plus  riches 
en  sucre  que  les  fruits  suivants  : 

Framboises,  qui  donnent  4,0  pour  100  de  sucre  et  1,48  d’acide  malique. 


Fraises, 

)) 

5,7 

)) 

4,31 

» 

Myrtilles, 

)) 

5,8 

)) 

4,34 

)) 

Groseilles, 

)) 

6,1 

» 

2,04 

)) 

La  proportion  d’acide  libre  qui  existe  dans  les  mûres  n’est  pas  con- 
sidérable. La  petite  quantité  de  matières  insolubles  qu’elles  renferment 
n’est  pas  comparable  avec  celle  qu’on  trouve  dans  les  groseilles,  où  elle 
est  d’au  moins  13  pour  100.  La  matière  colorante  des  mûres  n’a  pas  été 
étudiée.  L’acide  est  probablement,  non  pas  de  l’acide  malique  seul , mais 
aussi  de  l’acide  tartrique. 

Usages.  — Le  seul  usage  qui  soit  fait  en  médecine  des  fruits  du 


(1)  Il  faut  excepter  la  figue,  qui  est  le  plus  riche  de  tous  les  fruits  en  sucre. 


282 


ULMACÉES. 

Murier  consiste  clans  la  préparation  d’un  sirop  employé  pour  colorer  et 
parfumer  d’autres  médicaments.  En  Grèce,  ou  soumet  le  fruit  à la  fer- 
mentation pour  fabriquer  une  boisson  enivrante. 

(a)  Les  Mûriers  (Monts  Tournefort,  Inst.,  589)  sont  des  Ulmacées  de  la  tribu 
des  Morées,  à fleurs  régulières  et  unisexues,  apétalées,  tétramères  ; à filets  staminaux 
recourbés  en  dedans  dans  le  bouton  ; à ovaire  supère,  surmonté  de  deux  styles,  uni- 
loculaire par  avortement  ; à inflorescences  constituées  par  un  épi  serré,  h axe  court  • 
a fruit  compose,  forme  d acharnes  enveloppés  par  les  calices  accrus  et  charnus. 

Le  Morus  nigra  L.  ( Species , 1 398)  est  un  petit  arbre  à jeunes  pousses  laineu- 
ses, a écorce  très-rugueuse.  Les  feuilles  sont  alternes,  simples,  accompagnées  cha- 
cune de  deux  stipules  caduques  ; elles  sont  arrondies,  cordées  à la  base,  un  peu  acu- 
minées  au  sommet,  pubescentes,  découpées  en  dents  de  scie  irrégulières  et  larges, 
rugueuses  au  toucher,  courtement  pétiolées.  Les  stipules  sont  aussi  longues  ou  plus 
longues  que  le  pétiole,  caduques,  oblongues,  membraneuses,  laineuses.  Les  fleurs 
sont  disposées  en  un  épi  axillaire,  dont  l’axe  est  très-court,  de  sorte  qu’elles  sont  très- 
pressées  les  unes  contre  les  autres.  Elles  sont  monoïques.  Les  fleurs  mâles  offrent  un 
réceptacle  cupuliforme,  dont  les  bords  portent  quatre  sépales  imbriqués  dans  le  bou- 
ton. L’androcée  est  formé  de  quatre  étamines,  insérées  en  face  des  sépales,  munies 
chacune  d’un  filet  recourbé  en  dedans  dans  la  préfloraison,  et  d’une  anthère  bilocu- 
laire,  introrse,  déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales.  Il  n’existe  pas  ordinaire- 
ment de  rudiment  d’organe  femelle.  Dans  les  fleurs  femelles,  le  calice  est  également 
formé  de  quatre  sépales,  disposés  sur  deux  verticilles  alternes,  les  deux  extérieurs 
plus  grands.  Il  n’existe  ni  corolle,  comme  dans  la  fleur  mâle,  ni  rudiment  d’andro- 
cée.  Le  gynécée  se  compose  d’un  çtvaire  supère,  d’abord  biloculaire,  puis  uniloculaire 
par  avortement  d’une  des  loges,  surmonté  de  deux  styles  recouverts  de  papilles  stig- 
matiques.  La  loge  ovarienne  qui  persiste,  renferme  un  seul  ovule  anatrope,  inséré  sur 
la  cloison  de  la  loge  avortée,  suspendu,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors.  Le 
fruit  est  un  achaine  entouré  des  sépales  devenus  charnus.  Il  renferme  une  seule 
graine  albuminée,  à embryon  recourbé.  Tous  les  calices  des  fleurs  de  l’inflorescence 
se  développent  et  s’accroissent  en  même  temps  que  les  fruits  qu’ils  enveloppent  ; il 
en  résulte  un  fruit  composé,  mamelonné,  dont  la  partie  charnue  est  représentée  par 
les  calices  accrus  devenus  succulents  et  formant  indusie  autour  des  acharnes. 

Le  Morus  alla  L.  ( Specics , 1398)  se  distingue  du  Mûrier  noir  par  ses  feuilles 
profondément  cordées  et  inégales  à la  base,  ovales  ou  lobées,  inégalement  serretées, 
lisses.  [Trad.] 


CHANVRE  INDIEN. 

Herba  Cannabis;  Cannabis  indien;  angl.,  Indian  ffemp  ; nllem.,  Hanfkmut . 

Origine  botanique.  — Cannabis  sativa  L.  Le  Chanvre  commun  est 
une  plante  dioïque,  originaire  de  l’Asie  occidentale  et  centrale,  cultivée 
dans  les  régions  tempérées  et  tropicales  (a).  Il  croît  en  abondance,  à l’état 
sauvage,  sur  les  bords  de  l’Oural  inférieur  et  du  Volga,  près  de  la  mer 
Caspienne.  Il  s’étend  de  là  en  Perse,  sur  la  chaîne  d'Altaï,  et  dans  le 
nord  et  l’ouest  de  la  Chine.  On  le  trouve  dans  le  Kashmir  et  dans  l’IIi- 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  283 

malaya,  où  il  atteint  de  3 à 4 mètres  de  haut,  et  croît  vigoureusement  à 
une  altitude  de  1 800  à 3 000  mètres.  On  le  trouve  aussi  dans  l’Afrique 
tropicale,  sur  les  côtes  orientales  et  occidentales,  et  dans  les  parties 
centrales  arrosées  par  le  Zambèse  et  le  Congo , mais  il  est  permis  de 
douter  qu’il  soit  réellement  indigène  de  cette  région.  Il  a été  naturalisé 
au  Brésil,  dans  le  nord  de  Rio  de  Janeiro,  à l’aide  de  graines  apportées 
par  les  nègres  de  la  côte  occidentale  d’Afrique.  On  cultive  le  Chanvre 
dans  un  grand  nombre  de  parties  de  l’Europe  continentale,  mais  sur- 
tout dans  le  centre  et  le  sud  de  la  Russie. 

Le  Chanvre  qui  croît  dans  l’Inde  offre  avec  celui  qu’on  cultive  en 
Europe  certaines  différences  qui  ont  été  signalées  par  Rumphius,  au 
dix-septième  siècle,  et  qui  ont  conduit  plus  récemment  Lamarck  à con- 
sidérer la  plante  de  l’Inde  comme  une  espèce  distincte,  à laquelle  il 
donna  le  nom  de  Cannabis  indica.  Cependant,  les  différences  observées 
entre  les  deux  plantes  ont  si  peu  d’importance  botanique,  et  sont  si  in- 
constantes, que  les  botanistes  ont  été  unanimes  à abandonner  le  Can- 
nabis indica  comme  espèce  distincte  du  Cannabis  sativa. 

Au  point  de  vue  médicinal,  il  existe  une  grande  dissemblance  entre 
le  Chanvre  cultivé  dans  l’Inde  et  celui  que  produit  l’Europe,  le  premier 
étant  beaucoup  plus  actif.  Cependant,  dans  l’Inde  même  l’énergie  de  la 
plante  varie  beaucoup  ; en  outre,  le  Chanvre  cultivé  à une  altitude 
de  1 800  à 2400  mètres  donne  une  résine  nommée  C haras,  qu’on  ne 
peut  pas  retirer  de  celui  qui  est  cultivé  dans  les  plaines  (1). 

Historique.  — Le  Chanvre  est  cultivé,  pour  ses  fibres  textiles  et  ses 
graines  huileuses,  depuis  une  époque  très-reculée.  L’ancien  traité  de  bo- 
tanique chinois,  nommé  Rh-ija , écrit  vers  le  quinzième  siècle  avant  Jésus- 
Christ,  note  ce  fait  qu’il  existe  deux  sortes  de  Chanvre,  l’une  qui  produit 
des  graines,  et  l’autre  seulement  des  fleurs  (2).  Dans  les  écrits  de  Susruta, 
sur  la  médecine  des  Hindous,  qu’on  suppose  dater  de  quelques  siècles 
avant  l’ère  chrétienne,  le  Chanvre  ( B’hangâ ) est  mentionné  comme  mé- 
dicament. Hérodote  dit  que  le  Chanvre  croît  dans  la  Scythie  à l’état 
sauvage  et  à l’état  de  culture,  et  que  les  habitants  de  la  Thrace  en 
font  des  vêtements  difficiles  à distinguer  de  ceux  de  lin.  Il  décrit  aussi 
la  façon  dont  les  Scythes  s’exposent,  dans  une  sorte  d’étuve,  à la  vapeur 
des  graines  placées  sur  des  charbons  enflammés  (3). 

(!)  Journ.  of  thc  Agric.  and Ilortic.  Soc.  of  India,  VIII,  -1G7 . 

(2)  Bretsciineideu,  On  Cldnesc  Botanical  Works,  1870,  5,  10.. — Une  partie  du  Rli-ya 
fut  écrite  pendant  le  douzième  siècle  avant  Jésus-Christ. 

(3)  Trad.  de  Rawlinson,  1859,  III,  liv.  4,  ch.  74,  75. 


281 


ULMACÉES. 

Les  Grecs  et  les  Romains  paraissent  n’avoir  pas  connu  les  propriétés 
médicinales  du  Chanvre,  à moins  que  leur  NyjravOéç  enivrant  ne  soit, 
comme  l’a  supposé  Royle,  la  plante  dont  nous  parlons.  D’après  Stanis- 
las Julien  (1),  les  Chinois  attribuaient,  dès  le  commencement  du  troi- 
sième siècle,  des  propriétés  anesthésiques  aux  préparations  de  Chanvre. 

L emploi  médical  et  diététique  du  Chanvre  paraît  n’avoir  été  intro- 
duit que  tardivement  chez  les  Arabes,  par  l’intermédiaire  de  l’Inde  et 
de  la  Perse.  Les  Arabes  faisaient  usage  de  la  plante  dès  le  commence- 
ment du  moyen  âge.  La  fameuse  secte  mahométane  dont  les  habitudes 
meurtrières  inspiraient  la  terreur  aux  croisés,  pendant  les  onzième  et 
douzième  siècles,  tirait  son  nom,  Hashishin,  ou,  comme  on  l’écrit  plus 
communément,  Assassins,  de  Hâshih , nom  arabe  du  Chanvre  (2),  parce 
que  ses  adeptes  employaient  cette  plante  dans  leurs  cérémonies  reli- 
gieuses pour  s’enivrer  (3). 

L emploi  du  Chanvre  ( Bhang ) dans  l’Inde  fut  particulièrement  noté 
pai  Gai  cia  d Orta  (4),  en  1363.  La  plante  fut  plus  tard  figurée  par 
Rheede,  qui  parle  de  la  drogue  comme  étant  en  grand  usage  sur  la  côte 
de  Malabar.  Elle  paraît  avoir  été,  vers  la  même  époque,  importée  en 
Euiope,  au  moins  accidentellement,  car  Berlu,  dans  son  Treasury  of 
Drugs , 1690,  la  décrit  comme  provenant  de  Bantam,  dans  les  Indes 
orientales,  et  comme  étant  aof  an infatuating  quality  and  pernicious  use» . 

L’expédition  de  Napoléon  èn  Egypte  attira  de  nouveau  l’attention  sur 
les  propriétés  particulières  du  Chanvre,  grâce  aux  documents  recueil- 
lis par  de  Sacy  (1809)  et  Rouger  (1810).  Cependant,  l’introduction  delà 
drogue  indienne  dans  la  pratique  médicale  est  de  date  encore  plus 
récente;  elle  est  due  surtout  aux  expériences  faites  à Calcutta  par 
O’Shaughnessy,  en  1838-39  (3).  Quoique  les  effets  étonnants  produits 
dans  l’Inde  par  l’administration  des  préparations  de  Chanvre  s’observent 

(1)  Compt,  rend.  Ac.  sc.,  1849,  XXVIII,  195. 

(2)  D’où  les  mots  assassin  et  assassinat.  Weil,  cependant,  pense  que  le  mot  assassin 
dérive  plus  probablement  de  si/ckin,  poignard  [Gescliichte  der  Chalifen,  1860,  IV,  101). 

(3)  Le  misérable  qui  assassina  le  juge  Norman,  ?i  Calcutta,  le  20  septembre  1871, 
passe  pour  avoir  agi  sous  l’influence  du  haschisch.  Bellew  ( Indus  to  the  Tigris,  1874. 
218)  dit  que  le  chef  afghan  qui  massacra  le  docteur  Forbes,  en  1842,  était  intoxiqué 
depuis  quelques  jours  par  le  Cliaras  ou  le  Bhang. 

(4)  Colloquios  dos  simples  e drogas  e cotisas  medicinaes  da  India,  ed.  2,  Lisboa, 
1872,  2 f. 

(5)  Pour  les  détails,  voyez  O’Siiaughnessy  (On  the  préparation  of  the  indian  Hemp 
or  Gunjalk,  Calcutta,  1839,  et  Bengal  Dispensatonj,  Calcutta,  1842,  579-604).  — On 
trouve  un  nombre  considérable  de  renvois  aux  écrivains  qui  ont  parlé  des  propriétés 
médicinales  du  Chanvre,  dans  le  mémoire  intitulé  : Studien  üher  den  Ilanf,  par  le  doc- 
teur G.  Martius,  Erlangen,  1855. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  285 

rarement  dans  le  climat  pins  froid  de  la  Grande-Bretagne,  les  propriétés 
de  la  drogue  sont  suffisamment  manifestes  pour  autoriser  son  intro- 
duction dans  la  Pharmacopée. 

Production.  — Quoique  le  Chanvre  soit  cultivé  dans  la  plus  grande 
partie  de  l’Inde,  il  n’est  produit  comme  drogue  que  sur  une  aire  li- 
mitée des  districts  de  Bogra  et  Râjshâhi,  au  nord  de  Calcutta,  ou  la 
plante  est  cultivée  d’une  façon  spéciale. 

La  vente  au  détail  est  soumise,  comme  celle  de  l’opium  et  des  spiri- 
tueux, à un  impôt  qui,  en  1871-72,  a rapporté  au  gouvernement  du  Ben- 
gale environ  120  000  livres  sterling,  tandis  que  celui  de  l’opium  (con- 
sommé surtout  dans  l’Assam)  s’éleva  à 310  000  livres  sterling  (I). 

Le  Chanvre  ( Bhang ) est  une  des  principales  marchandises  importées 
du  Turkestan  dans  l’Inde. 

Description.  — Les  feuilles  du  Chanvre  sont  munies  d’un  long  pé- 
tiole accompagné  à la  base  de  petites  stipules  ; leur  limbe  est  formé  de 
5 à 7 folioles  lancéolées,  acuminées,  découpées  en  dents  serretées,  ai- 
guës. Les  panicules  lâches  des  fleurs  mâles  et  les  épis  serrés  des  fleurs 
femelles  sont  portés  par  des  pieds  distincts,  et  naissent  dans  l’aisselle 
des  feuilles.  Les  fruits,  nommés  Graines  de  Chanvre , sont  de  petits 
achaines  grisâtres,  contenant  chacun  une  seule  graine  huileuse.  Le 
Chanvre  est,  comme  les  autres  plantes  de  la  même  famille,  riche  en  si- 
lice qui  rend  ses  feuilles  et  sa  tige  rigides.  Dans  la  médecine  européenne, 
on  n’emploie  que  le  Chanvre  cultivé  dans  l’Inde  ; il  se  présente  sous 
les  deux  formes  principales  suivantes  : 

1°  Bhang , Siddhi  ou  Sabzt  (noms  hindoustanis)  ; H ami  h ou  Quinnah 
(noms  arabes).  — Cette  drogue  est  constituée  par  des  feuilles  sèches  et 
par  de  petits  pédoncules,  colorés  en  vert  foncé,  brisés  en  fragments 
grossiers,  et  mélangés  d’un  petit  nombre  de  fruits.  Son  odeur  est  spé- 
ciale et  n’est  pas  désagréable;  elle  n’a  que  peu  de  saveur.  Dans  l’Inde, 
on  fume  cette  drogue  isolément  ou  avec  le  tabac  ; mais  plus  commu- 
nément on  en  fait,  avec  de  la  farine  et  d’autres  substances,  une  pâte 
sucrée,  nommée  majun  (2),  de  couleur  verte.  On  la  prend  aussi  en  infu- 
sion, préparée  par  immersion  des  feuilles  pulvérisées  dans  l’eau  froide. 

2°  Ganja  (hindustani)  ; Quinnah  (arabe)  ; Guaza  (3)  des  droguistes 
de  Londres.  — Cette  drogue  est  constituée  par  les  rameaux  fleuris  ou 

(1)  lilue  Book,  cité  à la  page  111,  note  1 du  t.  I. 

(2)  Le  Père  Ange,  de  Toulouse,  dans  sa  Pharmacopœia  Persica , 1 G S 1 , donne  de 
nombreuses  formules  d’électuaires  sous  le  nom  de  magi-oun . • 

(3)  Ce  nom  n’est  pas  employé  dans  l’Inde,  mais  paraît  dériver,  par  corruption, 
de  ganja. 


28G 


ULMACÉES. 

fructiflés  de  la  planle  femelle.  Quelques  échantillons  sont  formés  de 
liges  ligneuses  droites,  dures,  longues  de  quelques  pouces,  entourées 
des  pédoncules  floraux  ramifiés.  D’autres  échantillons  consistent  en 
bourgeons  plus  courts  et  plus  succulents,  longs  de  2 à 3 pouces,  et  de 
forme  moins  régulière.  Dans  les  deux  cas,  les  pousses  sont  compri- 
mées et  glutineuses,  très- cassantes,  et  colorées  en  vert  brunâtre.  Par 
l’odeur  et  l’absence  de  saveur,  le  Ganja  ressemble  au  Bhrng.  On  dit 
qu  après  que  les  feuilles  qui  constituent  le  Bhang  ont  été  recueillies,  la 
tige  produit  de  petites  pousses  qu’on  récolte,  qu’on  fait  sécher,  et  qui 
forment  le  Ganja  (1)  ( b ). 

Composition  chimique.  — Les  principes  constituants  les  plus  inté- 
ressants du  Chanvre,  au  point  de  vue  chimique,  sont  la  résine  et  Y huile 
volatile.  La  résiné  fut  obtenue  pour  la  première  fois,  dans  un  état  de 
puieté  relative,  par  T.  et  H.  Smith,  en  t846  (2).  C’est  une  substance 
solide,  brune,  amorphe,  brûlant  avec  une  flamme  blanche,  brillante, 
sans  laisser  de  cendres.  Elle  possède  une  action  physiologique  très- 
puissante  ; à la  dose  de  deux  tiers  de  grain,  elle  constitue  un  narco- 
tique puissant,  et  à la  dose  d’un  grain  elle  produit  une  intoxication 
complète.  D’après  les  expériences  de  MM.  Smith,  il  paraît  impossible  de 
douter  que  ce  ne  soit  à cette  résine  que  sont  dus,  en  majeure  partie, 
les  effets  exercés  par  le  Chanvre. 

Lorsqu’on  distille  à plusieurs  reprises  de  l’eau  contenant  une  grande 
quantité  de  Chanvre,  en  renouvelant  la  plante  à chaque  opération,  et  la 
remplaçant  par  des  parties  fraîches,  on  obtient  une  huile  volatile  plus 
légère  que  l’eau,  et  de  l’ammoniaque.  Cette  essence  possède,  d’après 
les  expériences  de  Personne  (1857),  une  coloration  ambrée  et  une  odeur 
de  chanvre  très-prononcée.  Elle  laisse  parfois  déposer  une  grande  quan- 
tité de  petits  cristaux.  Avec  des  précautions  convenables,  on  peut  la  dé- 
doubler en  deux  corps  : l’un,  nommé  par  Personne  Cannabène  (3),  est 
liquide,  incolore,  et  répond  à la  formule  C18H20  ; l’autre,  nommé  Hy- 
drureile  C dnnabène , est  solide,  et  se  sépare  de  l’alcool  en  cristaux  apla- 
tis, auxquels  Personne  attribue  la  formule  C1SH22.  Il  affirme  que  le  can- 
nabène possède  une  action  physiologique  incontestable,  et  le  con- 
sidère comme  le  seul  principe  actif  du  Chanvre.  Il  s’est  assuré  que  sa 
vapeur  produit,  lorsqu’on  la  respire,  une  sensation  singulière  de  fré- 
missement, un  désir  de  locomotion,  suivis  de  prostration  et  parfois  de 

(1)  Powell,  Economie  Products  o f the  Bunjaà,  Roorkee,  1868,  I,  293. 

(2)  Pharm.  Joum.,  1847,  VI,  171. 

(3)  Joum.  de  Pharm.,  1857,  XXXI,  48  ; Jahresbericht  de  Canstatt,  1857,  I,  2S. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D ORIGINE  VÉGÉTALE.  287 

syncope  (I).  Bohlig,  en  1840,  observca  des  effets  identiques  produits 
par  l’essence  retirée  de  la  plante  fraîche  aussitôt  après  la  floraison, 

dans  la  proportion  de  0,3  pour  100. 

Les  autres  principes  constituants  du  Chanvre  sont  ceux  qu  on  trouve 
communément  dans  les  autres  plantes.  Les  feuilles  donnent  environ 
20  pour  100  de  cendres. 

Bolas  et  Francis,  en  traitant  la  résine  du  Chanvre  indien  par  l’acide 
nitrique,  la  convertirent  en  Oxycannabine,  C20H20Az2O7.  Cette  substance, 
retirée  en  gros  prismes  de  sa  solution  dans  1 alcool  méthylique,  fond  a 
176°  C.  et  s’évapore  alors  sans  décomposition.  Elle  est  neutre  (2).  L un 
de  nous  (F.)  a essayé  sans  succès  de  la  préparer  à l’aide  de  la  résine 
pure  de  Charas. 

Usages.  — Le  Chanvre  est  employé  comme  soporifique,  anodin, 
antispasmodique,  et  comme  stimulant  du  système  nerveux.  On  1 emploie 
sous  la  forme  d’extrait  alcoolique,  administré  soit  dans  un  véhicule  li- 
quide, soit  à l’état  solide.  En  Orient,  les  Hindous  et  les  mahométans  en 
font  une  consommation  énorme  ; ils  le  fument  avec  le  tabac,  ou  le 
mangent  mélangé  à d’autres  substances  (3). 


CHARAS. 


L’histoire  du  Chanvre  ne  serait  pas  complète  si  nous  ne  parlions  pas 
d’une  substance  à laquelle  les  nations  de  l’Asie  attachent  une  grande 
importance,  et  qui  est  connue  sous  le  nom  de  Charas. 

Le  Charas  ou  Churrus  est  une  résine  qui  exsude  en  petites  gouttes  des 
feuilles  et  des  rameaux  du  Chanvre.  On  la  recueille  de  plusieurs 
manières.  L’une  consiste  à rouler  dans  les  mains  les  sommités  de  la 
plante  lorsque  les  graines  sont  mûres,  et  à racler  ensuite  les  doigts 
auxquels  s’est  attachée  la  résine.  D’après  un  autre  procédé,  des  hommes 

( !)  Quoique  Personne  admette  l’activité  de  la  résine  préparée  par  le  procédé  de  Smith, 
il  considère  cette  dernière  comme  un  corps  composé,  et  pense  qu’une  purification  plus 
complète,  en  la  privant  de  toute  son  huile  volatile,  la  rend  inerte.  Son  opinion  n’a  rien 
d’étonnant,  car  l’un  de  nous  [F.]  a trouvé  que  cette  « purification»  fut  effectuée  en  trai- 
tant la  résine  par  la  chaux  ou  la  soude  caustique,  et  en  l’exposant  à une  température  de 
300°  C.  Ce  qui  prouve  que  la  résine  des  chimistes  d’Edinburgh  no  doit  pas  sou  acti- 
vité à la  présence  de  l’huile  volatile,  c’est  qu’aprôs  avoir  exposé  une  petite  quantité  de 
cette  résine  en  couche  très-mince,  pendant  huit  heures,  à une  température  de  82°  C., 
ils  constatèrent  qu’elle  n’avai't  pas  perdu  ses  propriétés. 

(2)  Chemical  News,  1871,  XXIV,  77. 

(3)  Pour  plus  de  détails,  voyez:  Cûoke,  Seven  Sisters  of  Slcep,  Lond.,  cliap.  18-17 


288 


ULMACÉES. 

revêtus  d’un  vêtement  en  cuir  se  promènent  dans  les  champs  de 
Chanvêe,  la  résine  s’attache  à leur  vêtement,  qu’ils  raclent  de  temps  à 
autre.  Une  troisième  méthode  consiste  à recueillir,  avec  beaucoup  de 
précautions  pour  éviter  son  action  toxique,  la  poussière  qui  se  dégage 
des  monceaux  de  bhancj  qu’on  agite  (1). 

Recueilli  par  ces  procédés,  le  Charas  est  une  drogue  brute  et  impure, 
dont  1 usage  est  exclu  de  la  médecine  scientifique.  Gomme  nous  l’avons 
indiqué  déjeà,  on  ne  le  recueille  pas  indifféremment  dans  l’Inde,  sur  tous 
les  chanvres  cultivés,  mais  seulement  sur  ceux  qui  croissent  sur  les 
montagnes,  à une  certaine  altitude. 

Le  meilleur  Charas  est  celui  qu’on  apporte  d’Yarkand;  c’est  une 
substance  brune,  à aspect  terreux,  disposée  en  masses  volumineuses, 
irrégulières,  compactes,  mais  friables.  Examiné  à l’aide  d’une  forte  loupe 
de  poche,  il  se  montre  formé  de  petits  grains  transparents  d’une 
résine  brune,  agglutinée  avec  les  poils  courts  de  la  plante.  Il  possède  une 
odeur  semblable  à celle  du  Chanvre;  sa  saveur  est  faible,  même  en 
solution  alcoolique.  Il  existe  une  deuxième  et  une  troisième  qualité  de 
Charas,  constituées  par  la  même  substance  dans  un  état  de  moindre 
pureté.  Le  Charas,  observé  au  microscope,  offre  une  structure  cristalline, 
due  à une  matière  inorganique.  Il  fournit  un  quart  ou  un  tiers  de  son 
poids  de  résine  amorphe,  qui  se  dissout  facilement  dans  le  bisulfure  de 
carbone  et  l’alcool.  Cette  résine  ne  rougit  pas  le  tournesol,  elle  est 
insoluble  dans  la  potasse  caustique.  Elle  possède  une  coloration  brun 
foncé  que  nous  ne  sommes  pas  parvenus  à faire  disparaître  à l’aide  du 
charbon  animal.  Le  résidu  du  Charas  abandonne  à l’eau  une  petite 
quantité  de  chlorure  de  sodium,  et  est  formé  en  grande  partie  de  car- 
bonate de  calcium  et  de  peroxyde  de  fer.  Ces  résultats  ont  été  obtenus 
par  l’examen  d’échantillons  d’Yarkand  (2).  D’autres  échantillons,  que 
nous  avons  aussi  examinés,  offraient  l’aspect  d’une  résine  foncée 
compacte. 

Le  Charas  est  importé  d’Yarkand  (3)  et  de  Kashgar.  La  première  de 
ces  places  en  a exporté  à Lê,  en  1867,  1 830  maunds  (146400  livres).  De 
Lé,  cette  marchandise  est  expédiée  au  Punjab  et  au  Kashmir.  Une 
quantité  plus  faible  est  exportée  chaque  année  de  Kandahar  et  de 

(1)  Powell,  Economie  Products  of  the  Punjab,  Roorkee,  1868,  293. 

(2)  Recueillis  parle  colonel  H.  Strachey,  et  maintenant  dans  le  Muséum  de  Ivew. 
On  ignore  par  quel  procédé  ils  ont  été  obtenus. 

(3)  Forsyth,  Correspondance  on  Mission  to  Yarkand,  publié  par  ordre  de  la  Cham- 
bre des  communes,  28  février  1871.  — IIenderson  et  Hume,  Laliora  to  Yarkand, 
London,  1869,  216. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  289 

Samarkand  (I).  Celle  drogue  est  surtout  fumée  avec  le  tabac;  on  ne  la 

trouve  pas  dans  le  commerce  européen. 

unu  t 309)  sont  des  Ulmacées  de  la  tribu  des 
Les  Cannât^  OORN ^ , ‘ ’’  ^ k fleur  mâle  pentamère;  à fleur  ie- 

« t surmonté  de  doux  stïles,  uniloculaire  par  .avorte- 

melle  dimère , à ovane  supc  «nvelonné  de  la  bractée  mère 


ment,  et  uniovulé;  à IMt  co#ué  ptt  un  ttchoino  enveloppé  de  la  l.raotéc  mère 

*TÜ  nS7)  est  une  plante  annuelle,  diolque,  dues- 

sée,  ordinairement  peuramifiée,  ou  n’ayant 
que  des  ramifications  chargées  de  fleurs, 
qui  partent  d’une  tige  droite,  cannelée  et 
anguleuse.  Toutes  les  parties  delà  plante, 
couvertes  d’une  fine  pubescence  ru- 
gueuse, sont  d’un  vert  clair,  et  exhalent 
une  odeur  particulière  très-prononcée.  Les 
feuilles  sont  alternes  ou  opposées,  lon- 
guement pétiolées,  à limbe  divisé  jusqu  an 
niveau  de  l’extrémité  supérieure  du  pé- 
tiole en  lobes  étroits,  lancéolés,  pointus, 
scabres,  découpés  sur  les  bords  en  dents 
de  scie  aiguës.  Le  nombre  des  folioles  de 
chaque  feuille  varie  sur  le  même  pied  , il 
est  toujours  plus  considérable  dans  le  bas 
de  la  tige  que  daus  le  haut.  Sur  les  pieds 
femelles  les  feuilles  inférieures  ont  parfois 
neuf  lobes,  mais  plus  ordinairement  sept, 
tandis  que  les  feuilles  supérieures  en  ont 
d’habitude  cinq  ou  trois.  Sur  les  pieds 
mâles,  avec  des  conditions  de  vigueur  éga- 
les, le  nombre  des  folioles  est  toujours 
moindre  ; les  feuilles  inférieures  n’en  ont 

d’habitude  que  cinq,  et  les  supérieures  .. 

trois.  La  largeur  des  folioles  diminue  aussi  de  la  hase  au  sommet  de  la  tige  ; i en 
est  de  môme  de  la  longueur  des  pétioles.  Les  feuilles  inférieures  sont  opposées,  et  les 
supérieures  souvent  alternes.  Elles  sont  toutes  ac- 
compagnées de  deux  stipules  latérales,  relativement 
peu  développées. 

Les  fleurs  mâles  sont  disposées  en  grappes  axil- 
laires, lâches,  pendantes,  ramifiées  et  dépourvues 
de  feuilles  à la  base.  Chaque  fleur  est  formée  d’un 
calice  à cinq  sépales  velus,  indépendants  jusqu’à  la 
hase,  imbriqués  en  quinconce  dans  le  boulon,  et 
d’un  androcée  à cinq  étamines  libres  et  superposées 
aux  sépales.  Les  filets  staminaux  sont  dressés  dans 
le  bouton.  Les  anthères  sont  biloculaires,  introrses, 
déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Les 
fleurs  femelles  sont  disposées  en  grappes  axillaires,  dressées,  fouillées 

(1)  Stewart,  Punjab  Plants,  Laliore,  1809,  210. 

I1IST.  UES  DROGUES,  T.  U. 


Fig.  214.  Chanvre  Icmelle.  Sommité. 


es  a 


la  base. 


19 


290 


Fig.  216. 
Cannabis 
sativa. 
Fleur 
femelle. 


ULMÀCÉES. 

.V’mi'io'i  11C,UI  CSt  I)0rtée  Par  un  pédoncule  court,  et  se  développe  dans  l’aisselle 
1 '",C  "”S"C’  TCrte-  r-  U„c  pointe  offlS.  D“ 

ni  oiesccnce,  ces  bractées  sont  très-rapprochées  les  unes  des  autres  et 
imbriquées,  leurs  pointes  effilées  faisant  une  saillie  très-prononcée  Cha- 
que fleur  femelle  se  compose  d’un  périanthe  en  forme  de  coupe  formé 
par  deux  sépales  connés,  couverts  de  petites  glandes  brunâtres,  et  d’un 
pistil  a ovaire  supère,  d’abord  biloculaire,  puis  uniloculaire  par  avor- 
tement de  1 une  des  loges.  L’ovaire  est  supère,  arrondi,  surmonté  de 
deux  styles  couverts  de  papilles  stigmatiques.  La  loge  ovarienne  qui 
persiste  contient  un  seul  ovule  anatrope,  inséré  sur  la  cloison  de  la  lo-e 
avortée,  suspendu,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors.  Le  fruit  est  un 
acharne  enveloppé  par  la  bractée  mère,  arrondi,  à graine  sans  albumen 
contenant  un  gros  embryon  recourbé,  huileux.  [Trad.] 

{b)  La  tige  du  Chanvre  offre  de  dehors  en  dedans,  ainsi  que  l’indique 
b coupe  transversale  de  la  figure  217  : 1°  un  épiderme  à cellules  revêtues 
. Lluc  cutlcule  épaisse  ; 2°  un  parenchyme  cortical  à cellules  polygonales 
' ans  1 épaisseur  duquel  se  voit  en  b une  zone  circulaire  d’éléments  prosenchy- 

mateux  fusiformes,  à contour  elliptique,  irrégulier, 
a parois  épaisses  et  brillantes.  Le  liber,  c,  est  formé 
de  faisceaux  séparés  les  uns  des  autres  par  des 
rayons  médullaires  formés  d’une  seule  rangée  de 
cellules  allongées,  radiales.  Chaque  faisceau  offre 
deux  sortes  d’éléments  : des  fibres  à contours  irré- 
guliers, elliptiques,  très-longues,  fusiformes,  à parois 
épaisses  et  à cavité  étroite.  A un  fort  grossissement, 
et  en  se  servant  de  la  solution  d’aniline,  on  voit 
bien  nettement  sur  la  coupe  transversale  que  la 
paroi  de  chaque  fibre  est  formée  de  deux  couches 
emboîtées,  l’une  extérieure  se  colorant  fortement 
en  bleu,  et  l’autre  interne  restant  incolore  et  bril- 
lante. Ces  fibres  sont  disposées  en  groupes  qui 
forment  des  zones  variables  en  nombre  avec  l’âge 
e de  la  tige,  et  séparées  les  unes  des  autres  par  des 
f éléments  à parois  minces  et  molles.  La  portion 
interne,  et  en  voie  de  développement  du  liber,  d, 
est  dans  la  figure  217  entièrement  formée  de  ces 
derniers  éléments,  dont  certains  se  transforment 
c/  ultérieurement  en  fibres  semblables  à celles  qui 
existent  déjà  dans  la  partie  externe  des  faisceaux. 
Entre  le  liber  et  le  bois,  se  trouve  une  zone  de 
cambium,  e,  a cellules  quadrangulaires,  délicates. 
Le  bois,  g,  est  formé  en  majeure  partie  de  fibres 
ligneuses  à contour  quadrangulaire  ou  polygonal, 
entremêlées  de  larges  vaisseaux  ponctués,  et  d’une 
petite  quantité  de  parenchyme  ligneux.  Dans  la  partie  encore  jeune  du  bois,  en  f 
tous  les  éléments  en  voie  de  formation  out  des  parois  minces  et  molles.  La  moelle 
se  détruit  de  bonne  heure  ; elle  est  formée  de  grandes  cellules  polyédriques 
[Trad.] 


d 


pf 

SÉf 


VQbU 
LU 

Fig.  217.  Chanvre.  Tige. 
Coupe  transversale. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 


21)1 


CONES  DE  HOUBLON. 

Sirobili  Jlumuli;  Humulus  vel  Lupulus  ; Cônes  ou  Strobilcs  de  Houblon  ; angl.,  Hops  ; 

allem.  Hopfen. 

Origine  botanique.  - Humulus  Lupulus  L.  C’est  une  plante  vivace, 
dioïque,  sarmenteuse,  grimpant  sur  les  arbres  et  les  arbrisseaux.  On  la 
trouve  à l’état  sauvage,  surtout  dans  les  buissons  des  bords  des  rrneres, 
dans  toute  l’Europe,  depuis  l’Espagne,  la  Sicde  et  la  Grèce,  jusqu  a a 
Scandinavie.  Elle  s’étend  aussi  dans  le  Caucase,  le  sud  de  la  mer  Cas- 
pienne le  centre  et  le  sud  de  la  Sibérie,  jusqu’aux  monts  Altaï.  Elle  a 
été  introduite  dans  l’Amérique  du  Nord,  le  Brésil  [Rio  Grande  do  Sul)  et 

l’Australie  (a).  , , 1 

Historique.  - Les  cônes  de  Houblon  sont  employés  depuis  une 

époque  reculée  à la  fabrication  de  la  bière,  dont  ils  sont  aujourd’hui 
considérés  comme  un  ingrédient  indispensable.  Le  Houblon  des  jardins 
est  mentionné  sous  les  noms  de  Humularia  ou  Humuleta,  comme  exis- 
tant en  France  et  en  Allemagne,  aux  huitième  et  neuvième  siècles.  En 
Bohême  et  en  Bavière,  les  cônes  de  Houblon  sont  estimés  depuis  le 
onzième  siècle.  Une  donation  de  houblon  et  de  terres  à houblon  passe 
pour  avoir  été  faite  en  1069  par  Guillaume  le  Conquérant,  dans  le 
comté  de  Salop  (1);  ce  qui  indiquerait  que  la  culture  de  cette  plante 
date,  en  Angleterre,  d’une  époque  très-reculée.  Les  cônes  de  hou- 
blon paraissent,  alors,  avoir  été  considérés  comme  médicamenteux. 
Dans  Y Herbarium  of  Apuleius  (2),  manuscrit  anglais  écrit  vers  1050, 
il  est  dit  que  les  bonnes  qualités  du  houblon  (. tiymele ) sont  telles, 
que  les  hommes  l’introduisent  dans  leurs  boissons  habituelles.  Hilde- 
gard  (3),  un  siècle  plus  tard,  dit  que  l’on  ajoute  le  houblon  (Hoppho) 
aux  boissons,  à cause  de  son  amertume,  et  en  partie  parce  qu’il  permet 
de.  les  conserver.  Au  commencement  du  neuvième  siècle,  le  houblon 
destiné  à la  fabrication  de  la  bière  figure  parmi  les  produits  que  les 
tenanciers  de  l’abbaye  de  Saint-Germain  de  Paris  (4)  devaient  fournir 
au  monastère.  Cependant,  au  milieu  du  quatorzième  siècle,  on  fabri- 
quait encore  à Paris  de  la  bière  sans  houblon. 

(L)  Blount,  T mures  of  Land  and  Cnstoms  of  Manors,  cd.  IIazlitt,  1874,  IG5. 

(2)  Leechdorns,  Wortcunning  and  Starcraft  of  Early  England,  cd.  Cockayne,  ISG  i, 
I,  173  ; 1865,  II,  IX. 

(3)  Opéra  omnia,  ed.  J.-P.  Migne,  Paris,  1855,  1153.  • 

(/,)  Guérard,  l'olyptique  de  l'abbé  Irminon,  1844,  I*  714,  8UÜ. 


292 


ÜLMACËES. 

Les  brasseurs,  boulangers  et  meuniers  de  Londres  furent,  en  1298, 
1 objet  d’un  mandai  d’Edouard  Ier,  maison  ne  peut  pas  en  déduire  que 
la  fabrication  de  la  liqueur  fermentée  d’orge  employât  à cette  époque  le 
houblon.  11  est  bien  certain  qu’à  une  époque  postérieure  le  houblon 
n était  pas  encore  employé,  car,  la  quatrième  année  du  règne 
d’Henri  IV  (1425-1426),  une  enquête  fut  faite  contre  un  individu,  pour 
d\oii  introduit  dans  la  bière  « une  mauvaise  herbe  nommée  Bopp  » (1), 
et  pendant  la  durée  du  même  règne  une  pétition  fut  adressée  au  parle- 
ment contre  « cette  mauvaise  herbe  nommée  Uops  ».  11  est  bien 
évident,  cependant,  que  le  houblon  lut  bientôt  considéré  comme  pos- 
sédant de  bonnes  qualités,  et  que,  bien  que  son  emploi  fût  dénoncé,  il 
ne  fut  pas  supprimé.  Ainsi,  dans  la  réglementation  de  la  maison 
de  Henri  4111  (1530-15.! I),  il  est  dit  que  les  brasseurs  «ne  devront 
mettre  dans  l’ale  ni  houblon  ni  soufre  » (2),  tandis  que,  pendant  la 
même  année  (1530),  des  centaines  de  livres  de  houblon  flamand  furent 
achetées  pour  l’usage  de  la  noble  famille  de  L’Estrange,  de  Hunstan- 
ton  (3).  En  1552,  la  culture  du  houblon  en  Angleterre  fut  nettement 
sanctionnée  par  les  cinquième  et  sixième  décrets  d’Edouard  VI,  G.  5,  qui 
oi  donnent  que  les  terres  autrefois  en  labour  devront  être  de  nouveau 
cultivées  de  la  meme  façon,  sauf  le  cas  où  elles  ont  été  plantées  en  hou- 
blon ou  en  safran.  Malgré  ces  faits,  le  houblon  fut  longtemps  difficile- 
ment considéré  comme  nécessaire  à la  fabrication  de  la  bière,  autant 
qu’on  peut  en  juger  par  ce  que  dit  Gérarde  (mort  en  1607),  qu’on  l’em- 
ploie « pour  assaisonner  » la  bière  et  l’ale,  et  que  malgré  ses  propriétés 
on  doit  plutôt  1 employer  à fabriquer  des  boissons  médicamenteuses,  que 
des  liqueurs  destinées  à apaiser  la  soif.  En  réalité,  on  employa  pendant 
tort  longtemps  d autres  plantes  pour  donner  à la  bière  de  l’amertume 
ou  une  saveur  aromatique,  notamment  le  Lierre  terrestre  (Nepeta 
Glechoma  L.),  le  Baume  ( Bahamita  vulgaris  L.),  le  Cirier  ( Myrica  gale L.), 
Siveet  Gale  des  Anglais,  et  la  Sauge  (. Salvia  officinale  L.).  Le  Poivre 
long  et  les  baies  de  Laurier  furent  aussi  employées  dans  ce  but  (4), 
mais  avec  addition  de  houblon. 

Quoique  le  houblon  anglais  fût  considéré  comme  supérieur  à celui  de 
l’étranger,  et  fût  très-cultivé,  dès  1603,  ainsique  le  montre  un  acte  de 

( 1)  - D’après  un  mémoire  isolé  dans  un  volume  manuscrit  (n°  980),  par  Thomas  Gyb- 
bons,  conservé  dans  « l’Harleiau  collection  » du  British  Muséum. 

(2)  Archæologici,  178G,  111,  157. 

(3)  Ibicl.,  1834,  XXV,  505. 

(4)  IIolinshed,  Chronicles,  I,  liv.  2,  cap.  G. 


293 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

James  Ier  ( I),  le  houblon  flamand  continua  à être  importé  en  grande 
quantité  jusqu’en  1 093 . 

Structure.  — L’inflorescence  de  la  plante  mâle  constitue  une  grande 
panicule  ; colle  de  la  fleur  femelle  est  moins  visible.  Elle  consiste  en 
cônes  pédonculés,  remarquables,  par  le  grand  développement  de  lems 
bractées  imbriquées,  qui  forment  un  cône  ovoïde  ou  strobiie,  consti- 
tuant la  partie  officinale  de  la  plante.  Ce  cône  est  formé  d un  axe  cen- 
tral, court,  en  zigzag,  portant  des  folioles  rudimentaires,  qui  se  re- 
couvrent mutuellement,  et  qui  représentent  chacune  une  paire  de 
stipules.  Entre  elles  sont  quatre  fleurs  femelles,  portées  chacune  par 
une  bractée.  Après  la  floraison,  les  stipules  et  les  bractées  augmentent 
beaucoup  de  taille,  et  forment  un  strobile  pendant,  persistant,  d’un  vert 
jaunâtre.  A la  maturité,  chaque  bractée  offre  à la  base  un  petit  fruit 
lenticulaire  indéhiscent,  qui  a 2 millimètres  de  diamètre  ; il  est  entouré 
par  le  périgone  membraneux,  monophylle,  et  contient,  en  dedans  de 
son  tégument  brun  et  fragile,  une  graine  dépourvue  d’albumen.  Ces 
fruits,  de  même  que  l’axe  et  la  base  de  tous  les  organes  foliacés,  sont 
munis  de  petites  glandes  brillantes,  translucides,  auxquelles  le  houblon 
doit  son  odeur  aromatique  et  son  amertume. 

Description.  — Le  houblon  qu’on  trouve  dans  le  commerce  est  formé 
entièrement  de  strobiles  arrivés  à leur  complet  développement,  et  plus 
ou  moins  comprimés.  Leur  coloration  est  jaune  verdâtre,  leur  arôme 
est  agréable  et  spécial,  leur  saveur  est  amère,  aromatique  et  brûlante. 
Lorsqu’on  les  rouie  dans  les  mains,  ils  y adhèrent  un  peu,  et  émettent 
une  odeur  très-forte.  A la  longue,  les  strobiles  perdent  leur  coloration 
verdâtre  et  deviennent  bruns  ; ils  acquièrent  en  même  temps  une  odeur 
désagréable,  par  suite  de  la  formation  d’un  peu  d’acide  valérianique. 
L’exposition  à la  vapeur  de  l’acide  sulfureux  retarde  cette  altération. 
Pour  l’usage  médicinal,  on  doit  rejeter  les  strobiles  qui  sentent  l’acide 
sulfureux,  quoique,  en  réalité,  cet  acide  devienne  très-rapidement  inof- 
fensif. Liebig  a réfuté  les  objections  faites  par  les  brasseurs,  relative- 
ment à la  sulfuration  des  cônes  de  houblon. 

Composition  chimique. — Indépendamment  des  principes  constituants 
des  glandes,  qui  seront  décrits  dans  l’article  suivant,  le  houblon  con- 
tient 3 à 5 pour  100  d’un  acide  tanniquc  G2SH24013,  qui  vient  d’être  étudié 
par  Etti  (1876),  de  la  chlorophylle,  de  la  gomme;  5 à 9 pour  100  de 
cendres,  surtout  des  sels  de  potassium,  et  environ  12  pour  100  d’eau. 
Siewcrt,  en  1870,  a analysé  six  échantillons  de  houblon  cultivé  en 

(1)  James  1, 1603,  cap.  18. 


294 


ULMACÉES. 

Allemagne;  il  a trouvé  que  la  résine  soluble  dans  l’alcool  variait 
de  9,7  à 18,4  pour  100. 

L’odeur  des  cônes  de  houblon  est  duo  à une  huile  essentielle,  dont 
ils  renferment  I a 2 pour  100.  Personne  a trouvé  que  cette  essence 
contient  du  Valérol,  CfiII100,  qui  passe  à l’acide  valérianique  ; ce  dernier 
se  trouve  réellement  dans  les  glandes,  dans  la  proportion,  d’après 
Mehu  (1),  de  0,1  a 0,17  pour  100  seulement.  Lorqu’on  la  prépare  avec 
des  cônes  Irais,  1 essence  est  verdâtre  ; elle  est  d'un  brun  rougeâtre 
quand  les  cônes  employés  sont  vieux.  Nous  l’avons  trouvée  dépourvue  de 
pouvoir  rotatoire,  neutre  au  papier  de  tournesol,  et  ne  prenant  aucune 
coloration  marquée  sous  1 influence  de  l’acide  sulfurique  concentré. 

Griessmaycr,  en  1874,  a montré  que  les  cônes  de  houblon  contiennent 
de  la  triméthy lamine,  et  une  faible  proportion  d’un  alcaloïde  liquide,  vo- 
latil, non  encore  analysé,  qu’il  a nommé  lupuline.  Ce  dernier  à l’odeur 
de  la  conicine,  et  se  colore  en  violet  lorsqu’on  le  traite  par  le  chromate 
de  potassium  et  l’acide  sulfurique. 

Production  et  Commerce.  — - En  1873,  l’Angleterre  était  considérée 
comme  ayant  63276  acres  cultivés  en  houblon.  Le  principal  centre  de 
cette  culture  est  le  comté  de  Kent.  En  1873,  39040  acres  y étaient  occu- 
pés par  cette  plante.  Elle  est  cultivée  sur  une  étendue  beaucoup  moins 
étendue  dans  le  comté  de  Sussex,  et  encore  moins  dansl’Herefordshire, 
le  Hampshire,  le  Worcestershire  et  le  Surrey.  Les  autres  comtés  anglais 
et  la  principauté  de  Galles  n’en  produisent  que  fort  peu,  et  l’Ecosse  pas 
du  tout. 

Dans  l’Europe  continentale,  le  houblon  est  très-cultivé,  dans  la 
Bavière,  la  Bohême  et  le  Wurtemberg,  la  Belgique  et  la  France,  mais 
cependant  sur  une  moins  grande  échelle  qu’en  Angleterre.  En  1872,  la 
France  avait  9223  acres  cultivés  en  houblon  (2). 

Malgré  la  grande  culture  de  houblon  qui  se  fait  en  Angleterre,  on  en 
apporte  encore  des  autres  pays.  En  1872,  l’importation  fut  de  133  965 
quintaux,  évalués  à 679276  livres  sterling.  Sur  cette  quantité,  la  Bel- 
gique fournit  66930  quintaux  ; l’Allemagne,  36612  quintaux;  la  Hol- 
lande, 16675  quintaux;  les  Etats-Unis,  10414  quintaux,  et  la  France 
5328  quintaux.  Pendant  la  même  période,  le  Royaume-Uni  en  exporta 
31  215  quintaux  (3). 

(1)  Thèse , Montpellier,  1867. 

(2 1 Agriculture  Returns  of  Great  Britain,  etc.,  1873,  présentés  au  Parlement,  48, 
49,  70,  71. 

(3)  Annual  Statement  ofthe  trade  of  the  United-Kingdorn  for  1872,  49,  93. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  21)5 

Usages. Le  houblon  est  administré,  en  médecine,  comme  tonique 

et  sédatif  surtout  sous  la  forme  de  teintuie,  d infusion  ou  d extiait. 


Fig.  21S.  Houblon, 


Les  Houblons  ( Bumulus  L.,  Généra , 304)  sont  des  Ulmacées  de  la  série  des 
Cannabinées,  à fleurs  dioïques,  régulières;  à fleurs  mâles  pentamères  ; à filets  sta- 
minaux  dressés  dans  le  bouton  ; il  fleurs  femelles  nées  dans  l’aisselle  d’une  bractée 
incomplètement  embrassante  ; à ovaire  uniloculaire  par  avortement  et  uniovulé;  à 
achaines  enveloppés  par  le  périantlie. 

Le  Houblon  commun  (Humulus  Lupulus  L.  Species,  1457)  est  une  plante  à sou- 
che vivace  et  à rameaux  aériens  annuels,  volubi- 
les,  s’enroulant  de  droite  à gauche,  et  pouvant 
s’élever  à une  grande  hauteur.  Ils  sont  anguleux, 
rudes  au  toucher,  munis  de  petits  poils  réfléchis 
et  rudes.  Les  feuilles  sont  opposées,  munies  de 
longs  pétioles  presque  cylindriques,  cannelés  sur 
la  face  supérieure,  et  chargés  de  petits  poils  coni- 
ques très-résistants.  Entre  les  points  d’insertion 
des  deux  pétioles  d’une  même  paire  de  feuilles  se 
voit,  de  chaque  côté,  une  paire  de  stipules  courtes, 
connées  dans  leur  moitié  inférieure  et  quelquefois 
dans  presque  toute  leur  étendue,  triangulaires  et 
aiguës  au  sommet,  membraneuses.  Le  limbe  des 
feuilles  varie  de  forme  suivant  ses  dimensions, 
qui  sont  d’autant  plus  considérables  quelafeuille 
est  située  plus  bas  sur  la  tige.  Le  limbe  des  feuil- 
les inférieures  est  presque  arrondi  dans  son  contour  général,  cordé  à la  base,  divisé 
en  trois  ou  cinq  grands  lobes  principaux  séparés  les  uns  des  autres  par  des  sinus 
profonds  ; tous  sont  aigus  au  sommet,  et  découpés  sur  les  bords  en  larges  dents 
acuminées.  Les  feuilles  situées  dans  le  voisinage  du  sommet  des  rameaux,  et  celles 
qui  se  trouvent  à la  base  des  inflorescences  femelles,  sont  beaucoup  plus  petites, 
ovoïdes,  aiguës  au  sommet,  plus  ou  moins  cordées  à la  base,  également 
dentées  sur  les  bords.  Le  limbe  des  feuilles  inférieures  a de  10  à 15 
centimètres  de  long,  et  de  13  à 16  centimètres  de  large.  Leur  pétiole 
a de  12  à 15  centimètres  de  long.  Le  limbe  des  feuilles  terminales  les 
plus  grandes  a de  5 à 7 centimètres,  et  leur  pétiole  a de  3 à 4 centimè- 
tres. A partir  de  ces  dimensions  extrêmes  les  feuilles  terminales 
offrent  une  taille  d’autant  plus  réduite  qu’elles  sont  plus  voisines  du 
sommet  des  rameaux.  Sur  certaines  branches,  toutes  les  feuilles  sont 
lobées.  Toutes  les  feuilles  sont  colorées  en  Vert  gai,  un  peu  plus  pâle  sur  la  face 
inférieure  ; elles  sont  très-rudes  au  toucher.  Les  fleurs  mâles  et  les  fleurs  fe- 
melles sont  portées  par  des  pieds  différents.  Les  fleurs  mâles  sont  disposées  en 
grappes  axillaires,  longues  et  lâches,  de  cymes.  Leur  calice  est  formé  de  cinq  sépales 
indépendants  jusqu’à  la  base,  imbriqués  en  quinconce  dans  la  préfloraison.  I.  an- 
drocée  se  compose  de  cinq  étamines  libres,  situées  en  face  des  sépales,  munies  cha- 
cune d’un  filet  droit  dans  le  bouton,  et  d’une  anthère|allongée,  biloculaire,  introrse, 
déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales.  Les  fleurs  femelles  sont  disposées  en  lon- 
gues cymes  axillaires  de  chatons  supportés  chacun  par  un  pédoncule  long,  grêle 
et  nutant.  A la  base  de  chaque  chaton,  il  existe  un  certain  nombre  de  bractées  sté- 


Fig.  219. 
ncmblon,  brac- 
tée et  fruit. 


29G 


ULMÀCÉES. 


i puis  viennent  îles  bractées  qui  ont  chacune  dans  leur  aisselle  une  fleur  femelle. 
Celte  dernière  est  incomplètement  enveloppée  par  la  bractée  mère,  qui  se  replie  autour 
d elle  dans  le  bas,  mais  la  laisse  libre  dans  toute  sa  partie  supérieure,  même  après 
la  maturation  du  fruit,  tandis  que  dans  le  Chanvre  (voy.  p.  289,  note  a)  elle  enve- 
loppe complètement  ce  dernier.  La  fleur  femelle  est  réduite  à un  périanthe  simple 
formé  de  divisions  connées,  et  ci  un  pistil  d’abord  biloculaire,  mais  dont  une  loge 
avorte.  L’ovaire  uniloculaire  qui  persiste  est  arrondi,  un  peu  aplati  de  dehors  eu 
dedans,  supère,  surmonté  de  deux  styles  allongés  et  entièrement  recouverts  de  pa- 
pilles stigmatiques.  Tl  renferme  un  seul  ovule  inséré  sur  la  cloison  qui  divisait  au 
début  les  deux  loges,  anatrope,  suspendu,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors. 
Le  fruit  est  un  petit  achaino  aplati,  enveloppé  complètement  par  le  périanthe  accru 
en  un  sac  membraneux,  vésiculeux,  jaunâtre.  La  graine  est  dépourvue  d’albumen  ■, 
elle  renferme  un  embryon  volumineux,  recourbé  sur  lui-même.  Pendant  la  matura- 
tion du  fruit,  les  bractées  mères  se  développent  beaucoup,  tout  en  restant  membra- 
neuses, et  constituent  la  partie  connue  sous  le  nom  de  Cône  de  Houblon.  [Thad. 


GLANDES  DU  HOUBLON. 

Glandulæ  Humuli ; l.upulina  ; angl.,  Lupulin,  Lupulinic  grains  ; allem  , Hopfendrüscn, 

Hopfenstaub. 

Origine  botanique.  — Hiimulas  Lupulus  L.  (voyez  l’article  précédent). 
Les  petites  glandes  luisantes  et  translucides  du  strobile  constituent, 
après  en  avoir  été  détachées,  la  substance  désignée  sous  le  nom  de 
Lupulin. 

Historique.  — Les  glandes  du  Houblon  furent  isolées  et  étudiées 
chimiquement  par  L.  A.  Planche,  pharmacien  à Paris.  Ses  observations 
furent  d’abord  décrites  brièvement  par  Loiseleur-Deslongchamps,  en 
1819  (1).  L’année  suivante,  le  docteur  A.  W.  îves,  de  New-York,  pu- 
blia (2)  un  récit  de  ses  expériences  sur  les  strobiles  de  Houblon,  et  leurs 
glandes,  auxquelles  il  donna  le  nom  de  Lupulin.  Payen  et  Chevallier, 
Planche  et  d’autres,  firent  de  nouvelles  expériences,  et  adoptèrent  l’opi- 
nion d’Ives,  d’après  laquelle  le  Lupulin  (ou,  comme  ils  préféraient  le 
nommer,  la  Lupuline ) pouvait  être  employé  avec  avantage  à la  place 
des  strobiles  de  Houblon. 

l’roiiuctiou.  — Pour  obtenir  le  Lupulin,  on  détache  les  bractées,  on 
les  secoue,  on  les  frotte,  puis  on  en  sépare  la  poudre  à l'aide  d’un 
tamis.  Celle-ci  doit  alors  être  lavée  par  décantation,  afin  d’écarter  le 
sable  et  la  terre  dont  elle  est  toujours  mélangée.  On  la  fait  ensuite  sé- 
cher, et  on  la  conserve  dans  des  flacons  bien  bouchés.  On  peut  retirer, 
des  strobiles  de  Houblon  secs,  8 à 12  pour  100  de  Lupulin. 

(1)  Manuel  des  plantes  usuelles  et  indigènes , 1819,  It,  503. 

(2)  Joum.  of  Science,  de  Siluman,  1820,  II,  302. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  297 

Description.  — Le  Lupulin,  va  en  masse,  constitue  une  poudre  gra- 
nuleuse d'un  brun  jaunâtre,  exhalant  une  odeur  agréable  de  houblon, 
et  possédant  une  saveur  aromatique  et  amère.  Cette  poudre  est  mouillée 
graduellement  par  l’eau,  instantanément  par  l’alcool  et  par  l’éther,  mais 
non  par  la  potasse  et  l’acide  sulfurique.  Lorsqu’on  la  triture  dans  un 
mortier,  les  cellules  se  rompent,  et  la  poudre  peut  être  réduite  en  une 
masse  plastique.  Lorsqu’on  l’enflamme  dans  l’air,  elle  brûle  avec  une 

flamme  brillante  comme  le  lycopode. 

structure  microscopique.  — Les  glandes  du  Houblon  sont  formées 
par  un  soulèvement  de  la  cuticule,  du  nuculc,  et  des  bractées  du 
strobile.  Chaque  glande  est  primitivement  attachée  par  un  pédicule 
très-court,  qu’on  ne  voit  plus  dans  la  drogue.  La  glande,  épuisée 
par  l’éther,  et  macérée  dans  l’eau,  forme  un  sac  globuleux  ou 
ovoïde,  à paroi  mince,  mesurant  de  140  à 240  millièmes  de  milli- 
mètre. Elle  est  formée  de  deux  parties  distinctes,  presque  hémisphé- 
riques. Celle  qui  esL  primitivement  en  rapport  avec  le  pédicule  est 
formée  de  cellules  polyédriques,  tabulaires,  tandis  que  l’hémisphère 
supérieur  offre  une  membrane  délicate,  continue.  Cette  partie  s’af- 
faisse aisément,  et  offre  une  grande  variété  de  formes,  suivant  que  le 
grain  offre  son  pôle  ou  son  équateur  à l’observateur  (1).  Les  glandes 
du  Houblon  sont  remplies  d’un  liquide  jau- 
nâtre ou  brun  foncé,  qui,  dans  la  drogue,  est 
contracté  en  une  masse  occupant  son  centre. 

Il  peut  être  expulsé  en  petites  gouttes,  lors- 
qu’on détermine  la  rupture  des  parois  de  la  Fig.  220. 

glande,  en  la  faisant  chauffer  dans  la  glycé-  Lupuhn  idapu'3  Bcro)‘ 
rine.  La  matière  colorante,  à laquelle  la  paroi  doit  sa  belle  couleur 
jaune,  adhère  plus  particulièrement  à l’hémisphère  le  plus  mince  ; on 
l’extrait  plus  aisément  de  l’hémisphère  le  plus  épais  à l’aide  de  l’é- 
ther (a). 

Composition  chimique,  — L’odeur  du  Lupulin  est  due  a 1 essence  dé- 
crite dans  l’article  précédent.  Le  principe  amer,  nommé  autrefois  Lupu- 
line  ou  Lupulile , fut  d’abord  isolé  par  Lermer,  en  I8G3,  qui  le  nomma 
acide  amer  du  Houblon  (Hop fenùillersaüre) . Il  cristallise  en  grands 
prismes  rlmmbiques,  cassants,  et  possède,  à un  haut  degré,  la  saveur 
amère  particulière  de  la  bière,  dans  laquelle,  cependant,  il  n existe 

(1)  Pour  plus  île  détail  sur  ccs  glandes,  voyez  : Tuécul,  in  Ann.  se.  nat , Bot.,  18S1, 
1,  299.  On  trouvera  un  extrait  de  ce  travail  dans  Misnu,  Etude  du  Houblon  et  du  Lu- 
pulin, thèse,  Montpellier,  1807. 


298 


ULMACÉES. 

qu  en  très-petite  quantité,  car  il  est  presque  insoluble  clans  l’eau,  mais 
il  -se  dissout  aisément  dans  la  plupart  des  autres  liquides.  La  composi- 
tion de  cet  acide,  C32H60O7,  paraît  se  rapprocher  de  celle  de  l’absinthine  ; 
il  n’existe,  dans  les  glandes,  qu’en  faible  proportion.  Plus  faible  encore 
est  la  quantité  d’un  autre  principe  cristallisable,  que  Lermer  regarde 
comme  un  alcaloïde.  Un  second  alcaloïde  volatil  et  liquide  a été  signalé, 
en  1874,  par  Griessmayer. 

Les  principes  constituants  les  plus  abondants  des  glandes  de  Hou- 
blon sont  : une  cire  ( palmitate  myricylique , d’après  Lermer) , et  des 
résines,  dont  1 une  est  cristalline  et  s’unit  aux  bases. 

Ln  bon  échantillon  de  Lupulin  d’Allemagne,  desséché  au-dessus  de 
l’acide  sulfurique,  nous  a donné  7,3  pour  100  de  cendres.  La  même 
drogue,  épuisée  par  l’éther  bouillant,  nous  adonné  76,82  pour  100  d’un 
extrait  très-aromatique,  qui,  exposé  dans  une  étuve  pendant  une  se- 
maine, subit  une  perte  de  3,03  pour  100,  correspondant  à l’huile  vola- 
tile et  aux  acides.  Le  résidu  était  soluble  dans  l’acide  acétique  cristal- 
lisable, et  ne  pouvait  contenir,  par  conséquent,  qu’une  très-petite 
quantité  de  matière  grasse. 

Usages.  — Le  Lupulin  possède  les  propriétés  du  Houblon,  mais  il  est 
moins  astringent.  On  ne  le  prescrit  que  rarement. 

Falsification.  — Le  Lupulin  est  susceptible  de  contenir  du  sable,  et 
laisse  souvent,  à l’incinération,  une  grande  quantité  de  cendres.  On 
peut  y reconnaître,  assez  fréquemment,  à l’aide  de  la  loupe,  d’autres 

substances  étrangères.  Comme  l’essence 
du  Lupulin  se  résinifie  rapidement,  on 
doit  rechercher  le  Lupulin  aussi  frais  que 
possible,  et  le  conserver  à l’abri  de  l’air. 

(a)  Les  glandes  du  Houblon  se  développent, 
d’après  les  recherches  de  M.  Trécul,  de  la  façon 
suivante  : une  cellule  de  l’épiderme  se  soulève 
et  se  développe  en  un  cul-de-sac  elliptique 
(fig.  221,  à)  qui  ne  tarde  pas  à se  limiter  à la 
base  par  une  cloison  transversale  ; puis  elle 
se  divise,  cà  l’aide  d’une  cloison  transversale,  en 
deux  cellules  superposées  b.  La  cellule  supé- 
rieure se  renfle  ensuite  beaucoup  plus  que  l’in- 
férieure et  se  remplit  d’une  matière  granuleuse.  C’est  elle  qui  donnera  naissance  à 
la  glande,  tandis  que  la  cellule  inférieure  formera  le  pédicule.  Les  segmentations  de 
la  cellule  supérieure  se  font  toutes  à l’aide  de  cloisons  transversales.  Elle  se  divise 
d’abord  en  deux  cellules  collatérales,  puis  en  trois  et  quatre  (fig.  221  ,c,d,e  ; fig.  222, 
f,g,  h,i).  Ces  quatre  cellules  se  divisent  ensuite  à leur  tour  dans  le  sens  du  rayon 


b a 


c cl  c 

Fig.  221 . Développement  du  Lupulin 
(d’après  M.  Trécul). 

Glande  vue  de  profil. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 
diraension^tî'ès-inégales,  leur  taille  état  d'autant  plus  petite  que  les  Se6mc„ta- 


Fig.  222.  Développement  du  Lupulin  (d  après  M.  1 recul). 
Glande  vue  par  sa  face  supérieure. 


Fig.  223.  Fragment  de  bractée 
de  Houblon  avec  des  glandes  à peu 
près  formées.  Une  glande  isolée. 


tiofls  ont  été  plus  nombreuses.  Les  bords  de  ce  plateau  se  relèvent  ensuite,  et  chaque 
Inde  forme  bientôt  une  sorte  de  onpnle  semisphérique  Me  a l ep, derme  par 
„n  court  pédicule,  et  marquée  à l’extérieur  et  a l’intérieur  de .»tn« t lou|.tnd,nahs 
oui  répondent  aux  cloisons  radiales  de  segmentation  des  cellules  (fig.  —3).  Uuant 
la  glande  est  complètement  formée,  les  cellules  qui  la  composent  commencent  a se- 
créter avec  activité  un  liquide  jaunâtre  qui 
traverse  la  paroi  des  cellules  par  exosmose 
et  soulève  peu  à peu  devant  lui  la  cuticule 
qui  revêt  la  face  externe  et  concave  de  la 
glande,  et  s’accumulant  entre  elle  et  les 
cellules  qui  forment  la  cupule  glandu- 
laire lui  fait  former  une  sorte  de  coupole 
hémisphérique,  saillante  au-dessus  de  la 
glande.  La  figure  224  représente  en  6 la 
coupe  verticale  de  la  glande  complètement 
formée.  On  voit  que  sa  cavité  est  limitée  par  deux  demi-sphères  : l’une  inférieure  con- 
stituée par  les  cellules  sécrétantes,  disposées  en  une  seule  couche  ; 1 autre  supé- 
rieure, représentée  par  la  cuticule  soulevée.  La  cavité  est  remplie  par  le  produit  c e 
sécrétion  des  cellules  qui  constituent  la  cupule  inférieure  de  la  glande.  Dans  1 eau, 
les  solutions  alcalines  et  l’alcool,  la  cuticule  se  déchire,  et  met  en  liberté  le  liquic  e 
huileux  jaunâtre  qui  remplit  le  réservoir  glandulaire.  Avant  que  la  cuticule  soit  nor- 
malement soulevée  par  ce  dernier,  on  peut  déterminer  son  soulèvement,  et  même 
sa  déchirure,  en  plaçant  la  glande  dans  de  l’eau  légèrement  alcaline.  [Trad.] 


Fig.  224.  Glande  entièrement  formée, 
entière  et  coupée  verticalement. 


ÉCORCE  D’ORME  CHAMPÊTRE. 

Cortex  Ulmi;  nngl.,  Elm  Bark;  allcm.,  Ulmenrinde,  Msterrinde. 

Origine  botanique.  — Ulmus  cawpcslris-  Smitii.. L’Orme  commun  est 
un  bel  arbre  très-répandu  dans  l’Europe  centrale,  méridionale  et  orien- 


'300  ULMACÉES. 

laïc.  Il  s’étend  jusqu’en  Norvège,  par  66°  de  latitude  nord,  et  vers  le 
sud  jusque  dans  le  nord  de  l’Afrique,  et  l’Asie  Mineure.  Dans  l’est  il  va 
jusqu’à  l'Amurland,  le  nord  de  la  Chine  et  le  Japon.  Il  n’est  probable- 
ment pas  indigène  de  la  Grande-Bretagne,  mais  Y Ulmus  montants  Wjtii 

( Wych  Elm  des  Anglais)  est  certainement  sauvage  dans  les  comtés  du 
nord  et  de  l’ouest  (I). 

Historique.  - Les  écrivains  classiques,  et  particulièrement  Dioscoride 
connaissaient  bien  les  propriétés  astringentes  de  l’écorce  du  n-sÀéa’ 
nom  sous  lequel  ils  désignaient  V Ulmus  campes  tris.  Des  vertus  imaginaires 
sont  accordées  par  Pline  à l’écorce  et  aux  feuilles  de  V Ulmus  Cette 
écorce  est  prescrite,  en  Angleterre,  dans  les  livres  médicaux  du 
onzième  siecle.  A cette  époque,  un  grand  nombre  de  plantes  du  sud  de 
l’Europe  avaient  été  introduites  dans  la  Grande-Bretagne  (2).  L’emploi 
de  1 ecorce  de  l’Orme  est  également  mentionné  dans  YHerbal  de  Tur- 
ner (lo68)  et  dans  le  Theater  of  plants  de  Parkinson  (1640).  L’auteur 
de  ce  dernier  ouvrage  fait  remarquer  que  « toutes  les  parties  de  l’Orme 
sont  d’un  grand  usage  en  médecine  » . 


Description.— L’écorce  d’Orme  destinée  à l’usage  médicinal  doit  être 
enlevée  de  1 arbre  au  commencement  du  printemps,  privée  de  sa  couche 
subéreuse,  puis  desséchée,  Ainsi  préparée,  elle  se  présente  sous  la 
foi  me  de  larges  fragments  aplatis,  colorés  en  jaune  de  rouille,  et  striés 
a la  surface,. surtout  en  dedans.  Cette  écorce  est  souple,  fibreuse,  pres- 
que inodore,  et  possède  une  saveur  un  peu  astringente. 

Structure  microscopique.  - Le  liber,  qui  est  la  seule  partie  officinale 
de  1 écorce,  est  formé  de  cellules  parenchymateuses  à parois  épaisses, 
allongées  tangentiellement,  au  milieu  desquelles  sont  disposées  quelques 
grandes  cellules  à mucilage,  tandis  que  les  autres  contiennent  une 
matière  colorante  d un  rouge  brun.  Le  mucilage  forme,  en  dedans  des 
cellules,  des  dépôts  stratifiés.  De  larges  faisceaux  à fibres  sont  disposés 
en  cercles  réguliers  avec  lesquels  alternent  des  zones  de  parenchyme,  et 
sont  coupés  par  des  rayons  médullaires  étroits  et  rougeâtres,  formés  cha- 
cun de  deux  à trois  rangées  radiales  de  cellules.  Les  faisceaux  libériens 
sont  formés  de  nombreuses  fibres  allongées,  épaisses  de  30  millièmes  de 


(1)  Le  docteur  Prior  fait  remarquer  que  le  nom  de  l’Orme,  en  anglais  Elm,  est  .à  peu 
près- identique  dans  tous  les  dialectes  germaniques  et  Scandinaves,  mais  que  sa  racine 
ne  se  trouve  dans  aucun  d’entre  eux,  et  que  ses  différents  noms  ne  sont  qu’une  adapta- 
tion du  mot  latin  Ulmus  {Popular  Naines  of  Br itish  Plants,  ed.2,  1870,  71). 

(2)  Leechdoms,  Wortcunning  and  Starcraft  of  Early  England,  ed.  O.  Cockayne, 
1863,  II,  53,  G7,  79,  99,  127  et  xn.  Dans  les  recettes  anglaises  on  trouve  à la  fois  Elm 
et  Wych  Elm. 


301 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

millimètre,  à cavité  étroite,  et  parfois  d’un  certain  nombre  de  fibres 
plus  larges  à parois  transversales  poreuses  (vaisseaux  cribriformes). 
Chaque  cellule  cubique  du  parenchyme  libérien  voisin  îenfenne  un  gios 
cristal,  rarement  bien  defini,  d oxalate  de  calcium. 

Com position  chimique.  — Le  principe  constituant  soluble  le  plus 
important  de  l’écorce  d Orme  est  le  mucilage,  et  une  petite  quantité 
d’acide  lannique.  La  décoction  de  cette  écorce  fournit  un  précipité  brun 
sous  l’influence  du  perchlorure  de  fer;  la  décoction  diluée  prend  sous 
l’influence  de  ce  réactif  une  coloration  verte.  L’amidon  y manque  d’or- 
dinaire, ou  n’existe  que  dans  l’écorce  moyenne,  qui  est  habituellement 
rejetée.  L’Orme  laisse  exsuder  pendant  l’été  une  gomme  qui,  au  contact 
de  l’air,  se  convertit  en  une  masse  insoluble  brune,  nommée  Ulmine. 
Cette  dénomination  a été  étendue  à divers  produits  de  décomposition 
de  corps  organiques,  dont  la  nature  et  les  affinités  ne  sont  que  peu 
connues  (I). 

Usages.  — On  prescrivait  autrefois  l’écorce  d’Orme  en  décoction, 
comme  astringent  mucilagineux  léger;  son  emploi  est  cà  peu  près  aban- 
donné aujourd’hui. 

Les  Ormes  ( Ulmus  Toürnefort,  Inst.,  601,  t.  372)  sont  des  Ulmacées  de  la  tribu 
des  Ulmées,  à fleurs  hermaphrodites  ou  polygames  ; apétales  ; à réceptacle  cupuli- 
forrne  ; à ovaire  supère  primitivement  biloculaire,  puis  uniloculaire  et  uniovulé, 
surmonté  de  deux  styles  ; à fruit  sec  et  ailé. 

L 'Ulmus  campestris  L.  ( Species , 327)  est  un  arbre  .à  tronc  ordinairement  plus  ou 
moins  contourné,  recouvert  d’une  écorce  rugueuse  et  crevassée,  et  à branches  éta- 
lées, arrondies,  irrégulières,  courbées  en  zigzag,  couvertes  d’un  feuillage  abondant. 
Les  feuilles 'sont  alternes,  pétiolées,  longues  de  3 à C centimètres  et  larges  de  2 à 
3 centimètres,  atténuées  aux  deux  extrémités,  inégales  iila  base,  doublement  serre- 
tées  sur  les  bords,  colorées  en  vert  foncé,  et  très-rudes  au  niveau  de  la  face  supé- 
rieure, plus  pâles  et  moins  rudes  eu  dessous,  avec  une  nervure  médiane  très-sail- 
lante sur  la  face  inférieure,  émettant  de  nombreuses  nervures  secondaires,  transver- 
sales, parallèles,  munies  chacune,  au  niveau  de  leur  origine,  d’une  petite  touffe  de 
poils.  Chaque  feuille  est  accompagnée  de  deux  petites  stipules  latérales  qui  tombent 
de  bonne  heure.  Les  fleurs  se  développent  beaucoup  plus  tôt  que  les  feuilles,  par 
l’épanouissement  des  bourgeons  inférieurs  des  rameaux.  Elles  sont  disposées  en  fas- 
cicules serrés,  arrondis,  colorés  eu  pourpre  foncé.  Elles  sont  à peu  près  sessiles,  et  ac- 
compagnées chacune  d’une  bractée  oblongue,  à bords  frangés.  Dans  la  fleur  mâle,  le 
périanthe  est  formé  de  quatre  divisions  égales  entre  elles,  counées  à la  base,  imbri- 
quées en  quinconce  dans  le  bouton,  et  insérées  sur  les  bords  d’un  réceptacle  cupuli- 
forme.  Les  étamines  sont  en  môme  nombre  que  les  sépales,  et  insérées  en  face  d’eux 
sur  la  face  interne  de  la  coupe  réceptaculaire.  Elles  sont  formées  chacune  d’un  filet 
libre  et  d’une  anthère  colorée  en  pourpre  foncé,  biloculaire,  extrorse,  déhiscente  par 
deux  fentes  longitudinales.  Le  pistil  est  inséré  dans  le  fond  du  réceptacle.  11  est  formé 


(l)  Gmeun,  Chemistry,  1866,  XVII,  168. 


302 


ULMACÉIÏS. 

d’un  ovaire  supère,  primitivement  biloculaire,  mais  rendu  uniloculaire  par  avorte 
ment  de  l’une  des  loges,  surmonté  de  deux  styles  élargis,  couverts  sur  leur  face  in- 
terne de  papilles  stigmatiques.  La  loge  ovarienne  contient  un  seul  ovule  analropc, 
inséré  sur  la  cloison  de  la  loge  avortée,  suspendu,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en 
dehors.  Le  fruit  est  une  samare  oblongue  ou  presque  obovale,  aplatie,  colorée  en 
brun  pâle,  un  peu  brillante,  offrant  au  niveau  de  son  extrémité  supérieure  une  échan- 
crure profonde  bordée  par  les  styles,  dont  les  faces  externes  se  continuent  avec  les 
bords  de  la  samare.  La  graine  renferme  un  embryon  dépourvu  d’albumen.  [Tiiad.J 


ÉCORCE  D’ORME  ROUGE. 

Slippenj  Elm  Bark. 


Origine  botanique.  — Ulmus  fulva  Michaux.  L’Orme  rouge  est  un 
arbre  de  petite  ou  de  moyenne  taille,  ayant  rarement  plus  de  9 à 
12  mètres  de  haut.  Il  croît  sur  le  bord  des  cours  d’eau,  dans  le  centre  et 
le  nord  des  Etats-Unis,  depuis  le  New-England  occidental  jusqu’au  Vis- 
consin  et  au  Kentucky.  On  le  trouve  aussi  dans  le  Canada  (a). 

Historique  — Les  Indiens  de  l’Amérique  du  Nord  attribuent  à l’écorce 
de  l’Orme  rouge  des  propriétés  médicinales  ; ils  l’emploient  en  applica- 
tions externes  contre  les  plaies,  et  en  décoction,  contre  les  maladies  des 
reins.  En  Europe  cette  écorce  était  connue  sous  le  nom  de  Cortex  un- 
guentarius  (Schôpf,  Materie  medica  Americana,  Erlanger,  1787).  Bigelow, 
en  1824,  fait  remarquer  que  les  propriétés  mucilagineuses  de  la  por- 
tion interne  de  l’écorce  sont  bien  connues. 

Description.  — L’écorce  de  l’Orme  rouge  employée  en  médecine  est 
constituée  uniquement  parle  liber.  Elle  se  présente  en  grands  morceaux 
aplatis,  souvent  longs  de  60  à 90  centimètres,  et  larges  de  plusieurs 
pouces,  ordinairement  épais  de  1 à 2 millimètres,  souples  et  fibreux. 
Leur  coloration  est  d’un  brun  rougeâtre  clair;  leur  odeur  ressemble  à 
celle  du  fenugrec,  et  est  également  présentée  par  les  feuilles  de  l’arbre  ; 
leur  saveur  est  simplement  mucilagineuse. 

Pour  recueillir  l’écorce  on  détruit  l’arbre,  et  on  ne  prend  aucun  soin 
pour  sa  reproduction,  parce  que  son  bois  est  à peu  près  sans  valeur. 
La  drogue  diminue  ainsi  d’année  en  année.  Les  collecteurs,  qui  autre- 
fois en  retiraient  de  grandes  quantités  de  New-York  et  des  Etats  de 
l’Est,  sont  aujourd’hui  obligés  d’aller  la  chercher  dans  les  Etats  de 
l’Ouest  (I). 

structure  microscopique.  — Sur  une  section  transversale,  on  observe 

(1)  Proceedings  uf  the  American  Pharmaceutical  Association , 1873,  XXI,  435. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  .103 

une  série  de  couches  ondulées  de  larges  faisceaux  jaunâtres  de  fibres 
libériennes  jaunes,  alternant  avec  de  petites  bandes  de  parenchyme 
brun.  Le  tissu  entier  est  traversé  par  de  nombreux  rayons  médullaires 
étroits,  et  entremêlé  de  larges  conduits  intercellulaires  à mucilage. 
Pour  observer  ces  derniers,  il  faut  humecter  les  coupes  longitudinales 
avec  de  la  benzine,  parce  que  les  liquides  aqueux  déterminent  une 
grande  altération.  Sur  les  coupes  longitudinales,  les  canaux  à mucilage 
paraissent  longs  de  70  à 100  millimètres,  et  contiennent  des  masses 
incolores  de  mucilage,  qui  offrent  de  nombreuses  couches  très-visibles. 
Le  parenchyme  voisin  contient  des  cristaux  d’oxalate  de  calcium,  et  de 
petits  grains  d’amidon  qu’on  ne  trouve  pas  dans  les  conduits  à muci- 
lage. 

Composition  chimique.  — Le  principe  constituant  le  plus  intéressant 
de  cette  écorce  est  le  mucilage.  Il  est  enlevé  par  l’eau  chaude  ou  froide, 
mais  sans  former  de  solution  véritable.  L’écorce,  humectée  avec  20  par- 
ties d’eau,  se  gonfle  beaucoup,  et  est  bientôt  enveloppée  par  une 
couche  épaisse  de  mucilage  neutre,  qui  n’est  altéré  ni  par  l’iode,  ni  par 
le  pei’chlorure  de  fer.  Ce  mucilage  dilué,  même  avec  trois  fois  son 
volume  d’eau,  ne  laisse  filtrer  que  quelques  gouttes.  Le  liquide  qui  filtre 
est  précipitable  par  l’acétate  neutre  de  plomb.  Quand  on  ajoute  de 
l’alcool  absolu,  le  mucilage  ne  se  trouble  pas,  mais  forme  un  dépôt 
fluide,  transparent  et  incolore. 

Usages.  — L’écorce  d’Orme  rouge  est  émolliente  comme  l’Althæa  et 
le  Lin.  On  utilise  beaucoup  sa  poudre  (1),  en  Amérique,  pour  faire  des 
cataplasmes.  Elle  passe  pour  jouir  de  la  propriété  de  préserver  le  lard 
contre  la  rancidité  ; pour  cela  il  suffit  de  la  mélanger  avec  le  lard,  et  de 
la  laisser  en  contact  avec  lui  pendant  un  peu  de  temps. 

(a)  L’Uhnus  fulva  Michaux  (Flor.  Bor.-Amer.,  I,  172)  se  distingue  de  ÏUlmus 
campeslris  L.  par  ses  feuilles  grandes,  oblongues,  acuminées  et  aiguës  au  som- 
met, inégales,  obtuses  ou  subcordées  à la  base,  doublement  serretées,  à dents 
larges,  pubescentes  en  dessous,  couvertes  en  dessus  de  poils  rudes  ; ses  bourgeons 
tà  écailles  internes  et  à bractées  munies  de  poils  rouges  et  serrés;  ses  fleurs  réunies 
en  capitules  subglobuleux  et  denses;  ses  samares  oblongues,  courtement  stipitées, 
à ailes  plus  ou  moins  glabres  et  à disque  pubérulent.  [Trad.J 


(1)  Celle  qu’on  vend  en  Amérique  est  souvent  mélangée  de  substances  féculentes. 


304 


EUPHORBIÀCÉES. 


EU  P H O RI3 1 ACÉ  ES 

GOMME-RÉSINE  D’EUPHORBE. 

Euphorbium  ; angl.,  Gum  Euphorbium  ; allem.,  Euphorbium. 

Oi'igiuR  botanique.  — Euphorbia  resinifera  Berg.  C’est  une  plante  vi- 
vace, aphylle,  glauque,  semblable  à un  Cactus,  atteignant  lm,80  ou 
davantage  de  haut.  Sa  tige  est  dressée,  charnue,  quadrangulaire, 
chaque  face  ayant  à peu  près  3 centimètres  de  large.  Les  angles  de  la 
tige  sont  munis,  de  distance  en  distance,  de  paires  d’épines  droites, 
divergentes,  horizontales,  longues  de  15  millimètres  environ,  con- 
fluentes à la  base  en  un  disque  ovale,  subtriangulaire.  Ces  épines  re- 
présentent des  stipules.  Au-dessus  de  chaque  paire  existe  une  dépres- 
sion qui  indique  la  place  d’un  bourgeon  à feuille.  Les  inflorescences 
sont  disposées  au  sommet  des  rameaux.  Chacune  est  formée  de  trois 
fleurs,  dont  les  deux  extérieures  sont  portées  par  des  pédicelles.  Le 
fruit  est  formé  de  trois  coques  ; il  est  large  de  6 millimètres,  et  formé  de 
carpelles  comprimés  et  carénés  (a). 

Cette  plante  est  originaire  du  Maroc.  Elle  croît  sur  les  pentes  infé- 
rieures de  l’Atlas,  dans  la  province  méridionale  de  Suse.  Le  docteur 
Ilooker  et  ses  compagnons  de  voyage  la  trouvèrent,  en  1870,  àlmsfuia, 
au  sud-est  de  la  ville  de  Maroc.  Ce  point  paraît  êti'e  sa  limite  occiden- 
tale. 

Historique.  — La  gomme-résine  d’Euphorbe  était  connue  des  anciens. 
Dioscoride  (1)  et  Pline  (2)  décrivent  sa  récolte  sur  le  mont  Atlas,  en 
Afrique,  et  signalent  son  extrême  âcreté.  D’après  le  dernier  de  ces 
écrivains,  le  nom  de  cette  drogue  lui  a été  donné  en  l’honneur  d’Eu- 
phorbus,  médecin  de  Juba  II,  roi  de  Mauritanie.  Ce  monarque,  qui  mou- 
rut après  un  long  règne,  en  l’an  18,  est  remarquable  par  ses  œuvres 
littéraires  ; il  est  l’auteur  de  plusieurs  ouvrages  (3),  parmi  lesquels  se 
trouvent  des  traités  sur  l’opium  et  sur  la  gomme-résine  d’Euphorbe. 
Ce  dernier  ouvrage  était  apparemment  répandu  à l’époque  de  Pline. 

La  gomme-résine  d’Euphorbe  est  également  mentionnée  par  de  nom- 
breux écrivains  anciens  sur  la  médecine,  notamment  par  Rufus  Ephe- 

(1)  Lib.  III,  c.  86. 

(2)  Lib.  X,  c.  \ ; lib.  XXV,  c.  38. 

(3)  Smith,  Dict.  of  Greelc  and  Roman  Biography , 1846,  II,  636. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  305 

• • o-f  ni'nhnhlemerit  à l’époque  de  Trajan;  par  Galien,  au  pre- 

sius,  quivivait  proDaoieiuouu  t 1 

micr  siècle  ; par  Vindicianus'  et  par  Oribase  au  quatneme  siècle.  Aebus 
et  Paul  d’Æginète.  qui  vivaient,  le  premier  au  s.x.eme,  et  le  second  au 
septième  siècle,  connaissaient  aussi  cette  gomme-restne.  Elle  Otait  ega- 
lement connue  de  l'Ecole  médicale  arabe.  Cette  drogue  est  inscrite 

dans  toutes  les  anciennes  pharmacopées  imprimées. 

La  plante  qui  fournit  la  gomme-résine  d’Euphorbe  fut  décrite  pour 

la  première  fois,  au  commencement  de  notre  siècle,  par  un  marcian 
anglais  nommé  Jackson,  qui  résida  pendant  plusieurs  années  au  i ai  oc. 
D’après  les  figures  qu’il  publia  (I),  l’espèce  fut  identifiée,  avec  doute, 
avec  VEuphorbia  canariensis , grand  arbuste  semblable  à un  cactus,  qui 
croît  sur  les  rochers  nus  et  arides  des  îles  Canaries.  En  1849,  il  fut  si- 
gnalé dans  le  ( Admiralty ) Manual  of  Scientific  Enquiry , que  les  tiges, 
dont  les  fragments  sont  mélangés  à la  gomme-résine  d’Euphorbe  du 
commerce,  ne  ressemblent  pas  à VE.  canariensis.  Berg  poussa  cette 
étude  plus  loin,  et  dressa  enfin,  d’après  ces  fragments,  une  description 
botanique  à laquelle  il  ajouta  une  excellente  figure  (2),  et  créa  une  es- 
pèce nouvelle  sous  le  nom  VEuphorbia  resmifera.  La  justesse  de  ses 
observations  a pu  être  vérifiée  sur  des  individus  (3)  qui  ont  été  envoyés 
au  jardin  de  Kew,  et  qui  maintenant  sont  en  pleine  prospérité. 

Récolte.—  On  obtient  la  gomme-résine  d’Euphorbe  à l’aide  d’incisions 
pratiquées  sur  les  branches  vertes  et  charnues  de  la  plante.  Ces  inci- 
sions fournissent  une  exsudation  abondante  d’un  suc  laiteux  qui  durcit 
à l’air,  et  se  dessèche  sur  la  tige  le  long  de  laquelle  il  coule.  On  le  re- 
cueille vers  la  fin  de  l’été.  L’âcreté  de  ce  suc  est  telle  que  les  collec- 
teurs sont  obligés  de  se  couvrir  la  bouche  et  les  narines  pour  les  mettre 
à l’abri  de  sa  poussière  irritante.  La  drogue  passe  pour  être  recueillie 
dans  les  districts  situés  à l’est  et  au  sud-est  de  la  ville  de  Maroc, 

Description.  — La  drogue  se  présente  en  morceaux  irréguliers, 
ayant  rarement  plus  de  2 centimètres  et  demi  de  diamètre,  colo- 
rés en  jaune  foncé,  offrant  un  aspect  cireux,  et  mélangés  de  frag- 
ments anguleux  et  épineux  de  la  tige.  Un  grand  nombre  de  morceaux 
contiennent  des  touffes  d’épines  et  de  pédoncules  floraux,  ou  sont 

(1)  Account  o fi  lie  Empire  of  Morocco  and  the  district  of  Suse,  Loncl.,  1800,  81,  t.  7. 
— Celle  planche  représente  une  plante  entière,  et  aussi  une  portion  de  branche  de  gran- 
deur naturelle.  Cette  dernière  est  réellement  la  figure  d’une  espèce  differente,  proba- 
blement celle  qui  a été  récemment  nommée  par  Cosson  Euphor/na  Beaumicrana. 

(2)  Berg  et  Schmidt,  Offizinclte  G-ewcichsc,  1 863,  IV,  t.  24,  d. 

(3)  Ils  ont  été  récoltés  par  M.  William  Grâce,  etenvoyés  en  Angleterre  par  M.  C.  L< . Car- 
stensen,  vice  consul  d’Angleterre  à Mogador. 

UIST.  DES  nnOGUES,  T.  II. 


20 


■{0(>  EUPHORBIÂCÉES. 

crcusos  en  goultière.  La  gomme-résine  est  cassanle  et  translucide; 
des  lames  minces,  examinées  sous  le  microscope,  n’offrent  aucune  struc- 
tuie,  même  dans  la  lumière  polarisée;  on  n’y  trouve  pas  de  grains 
d amidon.  L odeur  de  la  drogue  est  un  peu  aromatique,  surtout 
quand  on  la  chauffe;  cependant  10  livres  soumises  à la  distilla- 
tion ne  fournirent  pas  du  tout  d’essence.  Son  goût  est  très-âcre  et 
peisistant , sa  poussière  provoque  1 eternument,  et,  lorsqu’on  inhale  la 
drogue  pulvérisée,  il  se  produit  des  phénomènes  alarmants. 

Composition  chimique.  — D’après  les  analyses  faites  par  l'un  de 
nous  (I),  la  gomme-résine  d Euphorbe  olïre  la  composition  suivante  : 


Résine  amorphe,  C!0H32O4 38 

Euphorbone,  Cî6HwO* 22 

Mucilage 

Malates,  surtout  de  calcium  et  de  sodium.  12 
Composés  minéraux 10 


100 

La  résine  amorphe  se  dissout  facilement  dans  l’alcool  contenant 
30  pour  100  d’eau.  Cette  solution  ne  possède  pas  de  réaction  acide, 
mais  sa  saveur  est  très-âcre  et  brûlante.  C’est  à cette  résine  amor- 
phe et  neutre  que  la  gomme-résine  d’Euphorbe  doit  son  extrême 
âcreté. 

Après  que  ce  principe  constituant  a été  enlevé,  l’éther  s’empare  de 
1 Euphorbone,  qu’on  peut  obtenir  en  cristaux  incolores,  mais  mal  définis, 
et  doués  au  début  d’une  certaine  âcreté.  Par  cristallisations  répétées,  et 
ébullition  dans  une  solution  faible  de  permanganate  de  potassium,  on  peut 
les  purifier  au  point  de  les  rendre  tout  à fait  insipides.  L’euphorbone 
est  insoluble  dans  l’eau  ; elle  exige,  pour  se  dissoudre,  à la  température 
ordinaire,  60  parties  environ  d’alcool  à 0,830.  Elle  se  dissout  abondam- 
ment dans  l’alcool  bouillant,  dans  l’éther,  la  benzine,  l’alcool  amylique, 
le  chloroforme,  l’acétone  et  l’acide  acétique  froid.  Elle  fond  à H6  de- 
grés C.  sans  émettre  aucune  odeur.  Par  distillation  sèche,  011  en  retire 
une  substance  qui  exige  de  nouvelles  recherches. 

Lorsqu’on  abandonne  une  dissolution  alcoolique  d’euphorbone  en 
couche  mince  dans  une  capsule  en  porcelaine,  et  qu’on  y ajoute  ensuite 
un  peu  d’acide  sulfurique,  il  se  produit  au  contact  d’une  goutte  d’acide 
nitrique  une  belle  coloration  violette.  La  même  réaction  est  offerte  par 

(I)  Fluckigrii,  in  Vierteljahresschrift  für  prakt.  Pharmacie  de  Wittstein,  1868, 
XVII.  82-102.  — La  drogue  analysée  consistait  en  fragments  choisis,  débarrassés  de 
toute  substance  étrangère. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  307 

la  lacluoérine  (voy.  II,  31),  à laquelle  l'euphorbona  ressembla  par  la 

plupart  de  ses  caractères.  _ , , 

On  peut  retirer  le  mucilage  de  la  partie  de  la  drogue  qui  a ete  épui- 
sée par  l’alcool  froid  et  par  l’éther.  L’acétate  neutre  de  plomb,  le  sili- 
cate et  le  borate  de  sodium,  le  précipitent,  ce  qui  n a pas  lieu  avec  la 

gomme  arabique. 

Lorsqu’on  mélange  un  extrait  de  gomme-résine  d Euphorbe  avec  de 
l’alcool,  et  qu’on  évapore  le  liquide,  le  résidu  prend  uneappaience  ciis- 
talline,  et  offre  la  réaction  de  Y acide  indique.  Si  on  le  soumet  à la  distil- 
lation sèche,  il  se  produit,  par  décomposition  de  l’acide  malique,  des 
écailles  blanches  et  des  cristaux  aciculaires  diacide  Maléique  et  d'acide 
Fumarique , qui  se  subliment  dans  le  sommet  de  l’appareil.  On  peut 
parfois  obtenir  une  sublimation  analogue  en  chauffant  des  fragments 
de  gomme-résine  d’Euphorbe. 

Parmi  les  principes  minéraux  de  cette  drogue  il  faut  noter  les  chloru- 
res de  sodium  et  de  calcium  ; on  y trouve  à peine  des  traces  de  sels  de 
potassium. 

Commerce.  — La  gomme-résine  d’Euphorbe  est  expédiée  de  Moga- 
dor.  La  quantité  importée  dans  le  Royaume-Uni,  en  1870,  a été,  d’a- 
près Y Annual  Statement  oflrade,  de  12  quintaux. 

Usages.  — La  gomme-résine  d’Euphorbe  était  autrefois  employée 
comme  émétique  et  purgative,  mais  elle  est,  aujourd’hui,  tout  à fait 
abandonnée  comme  médicament  interne.  Nous  avons  entendu  dire 
qu’elle  était  recherchée  comme  ingrédient  de  peintures  pour  les  carènes 
des  bâtiments. 

(a)  Les  Euphorbes  ( Euphorbia  L.,  Gen .,  243)  constituent  le  type  d’une  série  d’Ëu- 
phorbiacées  à fleurs  ordinairement  hermaphro- 
dites, régulières  ou  irrégulières,  munies  d’un 
calice  en  forme  d’involucre,  accompagne  de  glan- 
des qui  alternent  avec  ses  divisions,  d’étamines  à 
filets  articulés,  d’un  ovaire  stipité,  et  de  glandes 
ou  de  bractéoles  disposées  eu  faisceaux  alternes 
avec  les  groupes  d’étamines. 

Parmi  les  espèces  très-nombreuses  qui  consti- 
tuent le  genre  Euphorbia,  Y Euphorbia  resinifera 
Berg  ne  constitue  une  exception  que  par  son  port 
de  Lactée,  mais  ses  fleurs  offrent  l’organisation 
générale  du  genre.  Elles  sont  polygames  et  régu- 
lières. Le  réceptacle  est  creusé  en  forme  de  coupe 
profonde,  et  porte  cinq  sépales  arrondis,  imbri- 
qués en  quinconce  dans  la  préfloraison,  étalés 
après  l’anthèse.  En  dedans  du  calice,  sont  des  appendices  peu  développés,  opposés 


308 


I 

EUIMIORUIACÉES. 

à scs  divisions.  L’androcée  est  constitué  par  un  nombre  indéfini  ordinairement  peu 
considérable  d’étamines  formées  chacune  d’un  filet  articulé,  et  d’une  anthère  bilocu- 
laire,  déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales,  latérales.  Dans  l’intervalle  des 
étamines  se  trouvent  un  très-grand  nombre  de  languettes  charnues.  Le  gynécée  est 
supporté  par  un  long  pédicule  formé  par  le  prolongement  de  la  partie  centrale  du  ré- 
ceptacle. Il  est  constitué  par  un  ovaire  arrondi,  triloculaire,  surmonté  d’un  style  tri- 
fide.  Chaque  loge  contient  un  ovule  anatropc,  inséré  dans  l’angle  interne,  descendant, 
à raphé  tourné  vers  le  placenta,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors,  et  coiffé 
d’un  obturateur  formé  par  un  épaississement  localisé  du  placenta.  Le  fruit  est  une 
capsule  triloculaire,  contenant  dans  chaque  loge  une  seule  graine  à albumen  abon- 
dant, et  à embryon  droit.  [Trad.] 


GRAINES  DE  CROTON  TIGLIUM. 

Semen  Tig/ii;  Semen  Crotonis  ; Graines  de  Tilly  ou  des  Moluques,  Petits  Pignons  d'Inde;  angl., 
Croton  Seeds  ; allem.,  Puvgirkorner,  Granatill. 

Origine  botanique.  — Croton  Tiglium  L.  [Tiglium  officinale  Klotzsch}. 
C’est  un  petit  arbre  de  5 à 6 mètres  de  haut,  indigène  de  la  côte  de  Ma- 
labar et  de  Tavoy,  cultivé  dans  les  jardins  de  plusieurs  contrées  de 
l’Orient,  depuis  Maurice  jusque  dans  l’archipel  indien.  Ses  fleurs  sont 
petites,  peu  visibles  ; ses  fruits  sont  des  capsules  brunes,  à trois  loges, 
contenant  une  seule  graine  chacune.  Les  feuilles  ont  une  odeur  désa- 
gréable et  une  saveur  nauséeuse  (a). 

Historique.  — En  Europe,  les  graines  et  le  bois  de  l’arbre  furent  dé- 
crits, pour  la  première  fois,  en  1578,  par  Christoval  Acosta.  Les  pre- 
mières  étaient  accompagnées  d’une  figure  de  la  plante,  et  désignées 
sous  le  nom  de  Pinones  de  Maluco  (1).  La  plante  fut  aussi  décrite  et 
figurée  par  Rlieede  (2),  en  1079,  et  par  Rumphius  (3),  en  1713.  Les 
graines,  introduites  dans  la  médecine  au  dix-septième  siècle,  puis  tout  à 
fait  abandonnées,  furent  recommandées,  vers  1812,  par  les  médecins 
anglais  de  l’Inde  (4),  et  l’huile  qu’on  en  retire  par  expression  fut  pré- 
conisée par  Perry,  Frost,  Conwell  et  d’autres,  vers  1821-1824.  L’huile 
alors  en  usage  était  importée  de  l’Inde,  et  sa  pureté  était  souvent 
douteuse,  de  sorte  que  les  droguistes  se  virent  dans  la  nécessité  de 
presser  eux-mêmes  les  graines. 

(1)  Tractado  de  las  drogas  y medlcmas  de  tas  Indias  Orientales,  Bnrgos,  1578,  c.  48. 
— Après  avoir  parlé  des  vertus  des  graines  il  ajoute:  « Tambien  las  buenas  mugeres 
de  aquellas  partes,  amigas  de  sus  maridos,  les  dit  hasta  quatro  destos  por  la  boca,  para 
embiar  a los  pobretos  al  otro  mundo.  » 

(2)  Hortus  malabaricus,  II,  t.  3D. 

(3)  Hcr  barium  Amboinense,  IV,  t.  42. 

(4)  Ainslie,  Mal.  Med.  o,  Hindoostan.  1813,  292. 


309 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


Description  Les  graines  de  Croton  ont  à peu  près  15  millimètres 

de  long  et  I centimètre  do  large.  Elles  sont  ovoïdes  ou  oblongues, 
obtuses  divisées,  dans  la  longueur,  en  deux  parties  inégalés,  1 une 
convexe’,  répondant  à la  face  dorsale,  l’autre  aplatie,  correspondant  àla 
face  ventrale.  Du  hile,  part  une  ligne  saillante,  droite,  le  raphé,  qui  va 
jusqu’à  l’autre  extrémité  de  la  graine,  où  elle  se  termine  par  un  point 
plus  foncé,  qui  indique  la  chalaze.  La  surface  de  la  graine  est  plus  ou 
moins  couverte  d’une  couche  colorée  en  brun-cannelle  clair,  qui  met  à 
nu,  lorsqu’on  l’enlève,  un  testa  noir,  doublé  d’une  couche  interne  mince 
et  délicate.  Les  téguments  recouvrent  une  amande  blanchâtre,  huileuse, 
facilement  séparable  en  deux  parties,  qui  représentent  un  albumen 
huileux,  et  entre  lesquelles  se  trouvent  deux  cotylédons  foliacés,  larges, 
munis  de  nervures  saillantes,  et  la  radicule  de  l’embryon.  La  saveur  de 
la  graine  est  d’abord  simplement  oléagineuse,  mais  elle  devient  bientôt 
désagréable  et  âcre;  elle  est  très-persistante. 

structure  microscopique.  — Les  téguments  sont  formés  p ai  une  cou- 
che extérieure  de  cellules  disposées  radialement,  très-allongées,  et  à pa- 
rois épaisses.  La  couche  parenchymateuse  intérieure  contient  de  petits 
faisceaux  fibro- vasculaires.  Le  tissu  mou  de  l’albumen  est  rempli  de 
gouttes  d'huile  grasse.  Après  qu’on  a enlevé  cette  dernière  au  moyen 
de  l’éther  et  d’une  lessive  faible  de  potasse,  il  reste  des  petits  granules  de 
matière  albuminoïde,  de  l’aleurone,  et  des  cristaux  d oxalate  de  cal- 
cium. 


Composition  chimique.  — Le  principal  corps  constituant  des  giaines 
de  Croton  est  l’huile  grasse,  Oleum  Crotonis  ou  Oleum  Tiglii  des  phar- 
macies. L’amande  en  fournit  50  à 00  pour  100.  Celle  qu’on  emploie  en 
Angleterre  est,  en  majeure  partie,  fabriquée  à Londres,  et  regardée,  avec 
raison,  comme  préférable  à celle  qu’on  importe  de  1 Inde  et  qui,  autre- 
fois, figurait  seule  sur  le  marché.  L’huile  de  Croton  est  transparente, 


visqueuse;  elle  a la  couleur  du  sherry;  elle  est  un  peu  fluorescente,  et 
possède  une  odeur  un  peu  rance,  et  une  saveur  huileuse,  âcre.  Sa  solu- 
bilité dans  l’alcool  paraît  dépendre  beaucoup  de  son  âge  et  de  la  fraî- 
cheur plus  ou  moins  grande  des  graines  dont  elle  a été  retirée.  L huile 
oxydée  ou  résinifiée  est  celle  qui  se  dissout  le  plus  facilement  ( I).  Une 
huile  extraite  par  l’un  de  nous,  au  moyen  du  bisulfure  de  carbone,  s est 
montrée  lévogyre. 

Quoique  l’huile  de  Croton  ne  se  solidifie  pas  au  contact  de  1 acide 


( 1 ) Warrington,  Pharm,  Journ.,  18G!>,  VI,  382-3  87. 


JIU  EUPHORBIACÉES. 

nitrique,  et  qu’elle  s’épaississe  un  peu  par  cxposiliun  à l’air,  elle 
no  paraît  pas  contenir  l’acide  gras  des  véritables  huiles  siccatives. 
Elle  contient,  cependant,  sous  la  forme  de  glycéridcs,  plusieurs 
des  membres  de  la  série  des  acides  gras  (OIP»02),  tels  que  les  acides 
stéarique,  palmitique,  myristique  et  laurique;  elle  contient  aussi  des 
acides  plus  volatils,  tels  que  les  acides  acétique,  butyrique  et  valéria- 
nique.  La  partie  volatile  des  acides  fournis  par  l’huile  de  Croton  est  for- 
mée, pour  un  tiers  environ  de  son  poids,  d’un  acide  qui  a été  regardé 
pai  Schlippe,  en  1858,  comme  1 acide  angélique,  mais  que  Geuther 
et  Frolich  ont  montré,  en  1869,  être  un  corps  particulier,  métamê- 
rique  de  l’acide  angélique,  fondant  à 65°  G.  et  bouillant  à 198°, 5 G. 
11  a été  nommé,  par  ces  chimistes,  acide  Tiglinique , et  a pour  for- 
mule C8H802. 

Schlippe  a trouvé  aussi,  dans  1 huile  de  Croton,  un  acide  liquide  par- 
ticulier nommé  acide  Crotonique,  C4Ii602.  Cependant,  d’après  Geuther 
et  Frolich,  aucun  acide  de  cette  formule  ne  se  trouve  dans  l’huile  do 
Croton,  mais  on  peut  déterminer  artificiellement  sa  production  au 
moyen  du  perchlorure  de  phosphore  et  de  l’acide  éthyldiacétique.  Ils 
lui  donnent  le  nom  d'acide  Quarténylique  au  lieu  de  celui  d'acide  Croto- 
nique. Ce  dernier  nom  a été  donné  à un  acide  cristallisable,  fondant 
à 72°  C.  et  bouillant  cà  172°' C.,  artificiellement  préparé  par  Will  et 
Kôrner  (1863),  Wislicenus  (1869)  et  d’autres  chimistes. 

Le  principe  drastique  de  l’huile  de  Croton  n’a  pas  encore  été  isolé.  Il 
paraît  exister  non-seulement  dans  les  graines,  mais  encore  dans  le  bois 
et  dans  les  feuilles  de  la  plante.  On  le  retire  plus  facilement  de  ces  der- 
nières. Schlippe  prétend  avoir  séparé  la  matière  vésicante  de  l’huile 
de  Croton.  D’après  ses  observations,  lorsqu’on  agite  l’huile  de  Croton 
avec  de  la  soude  alcoolique,  puis  avec  de  l’eau,  la  liqueur  qui  surnage 
est  dépourvue  d’âcreté,  tandis  que  la  solution  alcoolique  abandonne, 
par  addition  d’acide  chlorhydrique,  une  petite  quantité  d’une  huile 
brune,  foncée,  nommée  Crotonol , C18H"280'’,  qui  possède  des  propriétés 
vésicantes  énergiques.  Nous  n’avons  pas  réussi  à obtenir  ce  corps. 

Les  téguments  des  graines  donnent,  par  l’incinération,  2,6  pour  100 
de  cendres.  L’amande  desséchée  à 100°  C.  en  donne  3,0  pour  100. 

Commerce.  — Les  embarquements  de  graines  de  Croton  se  font  par- 
ticulièrement à Bombay  et  à Cochin.  Elles  sont  expédiées  en  caisses, 
en  balles  ou  en  sacs.  Il  n’existe  pas  de  statistique  indiquant  le  cbilfre 
de  ce  commerce. 

Usages.  — On  n’administre  pas  directement  les  graines  de  Croton. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE,  311 

On  donne  l'huile  à l’intérieur  comme  cathartique  puissant,  et  on  l’ap- 
plique à l’extérieur  pour  déterminer  do  la  rubéfaction  (b). 

Substitution.  - On  dit  que  les  graines  du  Croton  Pavanæ  IIamilton, 
qui  sont  originaires  d’Ava  et  de  Gamrup,  dans  l’Assam,  et  celles  du 
Croton  oblongifolius  Rom,  petit  arbre  commun  dans  les  environs  de  Gai- 
cutta,  ressemblent  à celles  du  C.  Tiglium , mais  nous  n’avons  pas  pu  les 
comparer.  Celles  du  Baliospermum  montanum  Mull.  Ab  G . (Croton 
polyandrum  Roxb.)  partagent  les  propriétés  des  graines  du  C.  Tiglium 
et  sont,  d’après  Roxburgh,  employées  comme  purgatives  par  les  indi- 
gènes de  l’Inde. 


(a)  Les  Croton  L.  ( Généra , 1083,  ex  parte)  constituent  le  type  d'une  série 
cl’Eupkorbiacées.  Ils  ont  des  fleurs 
dioïques  ou  monoïques,  pentamères, 
pétalées  ; à disque  glanduleux  ; à éta- 
mines en  nombre  limité  ou  à peu 
près  limité  ; à filets  staminaux  recour- 
bés dans  le  bouton  ; à loges  ovarien- 
nes uniovulées  ; à fruit  tricoque 
(voy.  H.  Bâillon,  Histoire  des  plein- 
tes,  V,  129,  213). 

Le  Croton  Tiglium  L.  ( Species , 

1004)  est  une  plante  à ramuscules 
et  à pétioles  glabres  ; à feuilles  alter- 
nes, pétiolêes,  simples,  accompa- 
gnées de  deux  stipules  latérales  sti- 
pulées. Le  pétiole  est  ordinairement 
deux  ou  trois  fois  plus  court  que  le 
limbe,  qui  est  long  de  8 à 16  centi- 
mètres et  large  de  4 à 7 centimètres, 
jaune,  ovale,  aigu  au  sommet,  obtus 
ou  subobtus  à la  base,  plus  ou  moins 
crénelé-serreté  sur  les  bords,  parfois 
presque  entier,  muni  à la  base  de 
deux  glandes  sessiles,  parcouru  de 
nervures  latérales  très-obliques  par 
rapport  à la  nervure  médiane  ou  à peu 
près  longitudinales.  Les  stipules  sont 
longues  de  3 millimètres,  étalées  et 
un  peu  recourbées.  Les  fleurs  sont  F;gj  220.  Croton  tiglium. 

disposées  en  grappes  multiflores,  ter- 
minales, les  mâles  occupant  le  sommet  de  l’inflorescence,  tandis  que  les  femelles, 
ordinairement  peu  nombreuses,  sont  situées  dans  la  partie  inférieure.  Chaque  fleur 
est  située  dans  l’aisselle  d’une  bractée  lancéolée,  subulée,  et  portée  par  un  pêdiçelle. 
plus  long  que  le  calice,  très-grêle  dans  les  fleurs  mâles,- et  muni  de  deux  petites 
bractées  secondaires.  Le  réceptacle  floral  est  convexe.  Dans  la  fleur  male,  le  calice 


312 


EUPHORBIACÉES. 

est  lormé  de  cinq  sepales  unis  à la  base,  ovales,  membraneux  et  blanchâtres  sur 
les  bords,  munis  de  bouquets  de  poils  rigides,  et  imbriqués  en  quinconce  dans  la  pré- 
floraison. La  corolle  est  formée  de  cinq  pétales  alternes  avec  les  sépales,  imbriqués 
dans  le  bouton,  munis  sur  les  bords  de  longs  poils  soyeux,  à peu  près  de  même  lon- 
gueur que  le  calice.  En  dedans  de  la  corolle,  existe  un  verticille  de  petites  glandes 
alternes  avec  les  pétales.  L’androcée  se  compose  de  quinze  à dix- 
buit  étamines  disposées  sur  plusieurs  verticilles  normalement  com- 
posés chacun  de  cinq  pièces;  celles  du  premier  verticille,  plus 
grandes,  alternant  avec  les  cinq  pétales,  celles  du  deuxième  verti- 
cille étant  plus  petites  et  alternes  avec  les  premières.  Les  filets  sta- 
minaux  sont  glabres,  indépendants  les  uns  des  autres,  incurvés 
dans  le  bouton,  terminés  chacun  par  une  anthère  basifixe,  bilocu- 
laire,  introrse,  déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales.  11  n’existe 
Fÿj.  227.  ai1  centre  de  la  fleur  mâle  aucun  rudiment  d’ovaire.  Dans  la  fleur 
Croton  Tiglium.  femelle,  le  calice  est  formé  de  cinq  sépales  ovales-lancéolés,  un  peu 
réfléchis  en  dehors  après  1 anthèse,  persistants,  vulvaires  dans  la 
pi  éfloraison.  La  corolle  est  représentée  par  cinq  pétales  alternes  avec  les  sépales, 
beaucoup  moins  développés  que  dans  la  fleur  mâle,  réduits  à l'état  de  languettes 
subulées,  épaissies  au  sommet.  En  dedans,  se  trouvent  cinq  glandes  plus  dévelop- 
pées que  dans  la  fleur  mâle  et  alternes  avec  les  pétales.  Le  gynécée  est  formé  d’un 

» ovaire  supère,  à trois  loges,  couvert  de  poils  étoilés,  et  surmonté 
d un  style  simple  et  cylindrique  dans  le  bas,  mais  bientôt  divisé  en 
trois  branches  qui  elles-mêmes  se  subdivisent  chacune  en  deux 
lames  grêles,  recourbées  en  dehors,  enroulées  sur  elles-mêmes,  et 
terminées  en  pointe.  Chaque  loge  ovarienne  contient  un  seul  ovule 
anatrope,  inséré  vers  le  haut  de  l'angle  interne  de  la  loge,  descen- 
Fig.  228,.  dant,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors,  et  recouvert  d'un 
C'0lGrJnel'"m'  °Percu^e  produit  par  un  épaississement  localisé  du  placenta.  Le 
fruit  est  une  capsule  elliptique,  longue  de  2 centimètres  et  large 
de  lü  .i  18  millimètres,  parcourue  par  six  sillons,  dont  trois  profonds  qui  répondent 
aux  points  de  contact  des  trois  carpelles,  et  trois  superficiels  situés  au  niveau  de  la 
ligne  médiane  dorsale  de  chaque  carpelle.  A la  base  du  fruit,  se  trouve  le  calice 
persistant,  non  accru,  desséché.  A la  maturité,  la  capsule  est  entièrement  glabre  ; les 
trois  carpelles  ou  coques  se  séparent  alors  l’un  de  l'autre,  en  abandonnant  une  colu- 
melle  centrale  qui  répond  au  prolongement  de  l’axe  floral.  Chacun  d’eux  s'ouvre 
ensuite  en  deux  valves,  à la  fois  par  sa  face  ventrale  et  par  sa  face  dorsale,  et  met  à 
nu  une  seule  graine  descendante,  à micropyle  recouvert  d’un  arille  charnu.  La 
graine  renferme  un  embryon  droit,  à cotylédons  foliacés,  situé  au  centre  d'un 
albumen  abondant  et  huileux.  [Thad.] 

(b)  L huile  de  Croton  Tiglium  est  un  médicament  assez  énergique  pour  devoir 
être  manié  avec  de  grandes  précautions.  Prise  à l'intérieur,  elle  purge  énergique- 
ment à la  dose  de  quelques  gouttes,  et  peut,  par  cons  quent,  être  prescrite  avec 
avantage  aux  personnes  qui  supportent  difficilement  l'huile  de  Ricin.  Appliquée 
sur  la  peau,  elle  détermine,  au  bout  de  douze  à vingt-quatre  heures,  de  la  rubé- 
faction et  une  éruption  souvent  très-intense.  A tous  ces  égards,  l'huile  de  Croton 
est  un  médicament  important,  trop  peu  employé  peut-être  à cause  de  l’énergie  de 
son  action. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 


313 


ÉCORCE  DE  CASCARILLE. 


Cortex 


Cascarilla!  ; Cortex  Eleutheriæ  ; angl.,  Cascarilla  Carie,  Sweet  Wood  Carie, 
Eleuthera  Bar  le  (l);nllem.,  Cascarill-IUnde. 


ondine  botanique.  - Croton  Eluteria  Bennett  (2).  C’est  un  arbuste 
ou  un  petit  arbre,  originaire  des  îles  Bahama  {ci). 

Historique.  — U n’est  pas  improbable  que  l’écorce  de  Cascarille  ait 
été  importée  en  Europe  pendant  la  première  moitié  du  dix-septième 
siècle,  car  il  existait,  à partir  de  l’année  1630,  des  communications  fré- 
quentes entre  l’Angleterre  et  les  îles  Bahama  (3).  Quoi  qu’il  en  soit,  les 
plus  anciens  renseignements  que  nous  possédions  sur  cette  écorce  sont 
dus  à Stisser,  médecin  et  professeur  à Helmstedt,  dans  le  Brunswick.  Il 
raconte  qu’il  reçut  cette  drogue,  sous  le  nom  de  Cortex  Eleuterü,  d’une 


personne  qui  revenait  d’Angleterre,  et  qui  avait  appris  dans  ce  pays 
qu’on  avait  l’habitude  de  la  mélanger  au  tabac  à fumer  pour  améliorer 
son  odeur.  Il  ajoute  que  cette  écorce  a été  confondue  avec  l’Ecorce  du 
Pérou,  dont  elle  diffère  beaucoup  cependant  par  son  odeur,  etc.  (4). 
Stisser,  Apinus,  professeur  à Altorf,  et  d’autres,  prescrivirent  cette 
écorce  comme  fébrifuge.  Elle  ne  tarda  même  pas  à être  confondue 
avec  l’écorce  de  Quinquina , et  substituée  à cette  dernière,  qui 
était  alors  fort  rare  (5).  De  là,  le  nom  de  Cascarilla , en  espagnol 
petite  écorce , qui  fut  donné  à l’écorce  de  Bahama,  et  qui  était  même 
attribué  alors  habituellement  à l’Ecorce  du  Pérou.  Plus  tard  même,  ce 
nom  remplaça  la  première  dénomination,  qui  était  plus  correcte  (6). 

Cette  écorce  fut  introduite,  pour  la  première  fois,  dans  la  Pharma- 


(1)  De  Eleuthera,  une  des  îles  Bahama,  ainsi  nommée  du  grec  sXeûO-po;,  libre  ou  in- 
dépendant. 

(2)  Journal  of  Proceedings  of  Linn.  Soc.,  1860,  IV,  29. 

(3)  Cette  année-là  une  patente  fut  délivrée  par  Charles  Ier  pour  l’organisation  d’une 
Compagnie  destinée  à coloniser  les  îles  Bahama.  Nous  possédons  les  comptes  rendus 
détaillés  des  travaux  de  cette  compagnie  pendant  les  sept  premières  années  de  son 
existence.  Dans  quelques-uns  de  ces  documents,  il  est  fait  mention  de  l’introduction  ac- 
complie ou  projelée  de  diverses  piaules  utiles,  telles  que  le  coton,  le  tabac,  le  figuier,  le 
poivre,  le  grenadier,  le  ricin,  le  mûrier,  le  lin,  l'indigo,  la  garance  et  le  jalap.  Il  y est 
aussi  fréquemment  question  des  importations  des  îles,  mais  il  n’est  pas  tait  mention  de 
l’écorce  de  Cascarille  (voy.  Cctlendar  of  State  Papcrs,  Colonial  Sériés,  1574-1060,  édit. 
Sainsbury,  Lond.,  1800,  146,  148,  149,  164,  168,  185,  etc.) 

(4)  Stisser,  Actorum  Laboratorii  Chemici spécimen sccundum,  Ilclmcstad.,  1693,  c.  ix. 

(5)  Geoffroy,  Tract,  de  Mat.  inÇd.,  1741,  11,  202. 

(6)  J’ai  fait  voir  dans  mes  Documente  zur  Geschichte  dur  Pharmacie,  Halle,  1876,  75, 
que  cette  écorce  était  connue  sous  le  nom  de  Chind  Nova  ou  Cascarilla,  dés  1691, 
dans  les  pharmacies  allemandes.  [P.  A.  P.] 


314 


EUPI10RBIACÉES. 

copée  do  Londres,  en  1746,  sous  le  nom  à'Eleuthoriœ  Cortex , qui  lui  fut 
donné  habituellement  par  les  droguistes  jusqu’à  la  fin  du  dernier  siècle. 
Dans  les  îles  Bahama,  le  nom  de  Cascarilla  est  encore  à peine  connu,  et 
l’écorce  est  nommée  Sweet  Wood  Bark  (Ecorce  de  Bois  doux)  ou  Eleu- 
thera  Bark  (Ecorce  d’Eleuthera)  (1). 

La  plante  qui  fournit  l’écorce  de  Cascarille  a été  le  sujet  de  beaucoup 
de  discussions,  résultant  de  ce  que  plusieurs  espèces  du  genre  voisin 
Croton,  originaires  des  Indes  occidentales,  possèdent  des  écorces  aroma- 
tiques plus  ou  moins  semblables  à la  drogue  dont  nous  parlons.  Ca- 
tesby,  en  1731,  figura  une  plante  de  Bahama,  le  Croton  Cascarilla  Ben- 
nett, qui  produisait  probablement  l’écorce  d’Eleuthera  primitive,  mais 
qui,  sans  aucun  doute,  ne  fournit  pas  du  tout  l’écorce  de  Cascarille  du 
commerce  moderne.  Woodville,  en  1794,  et  Lindley,  en  1838,  étudiè- 
rent la  partie  botanique  de  cette  question.  Le  dernier  possédait  des 
échantillons  authentiques  qui  lui  avaient  été  fournis  par  J.  C.  Lees,  de 
New-Providence,  auquel  l’un  de  nous  doit  la  môme  faveur.  La  question 
ne  fut  cependant  résolue  complètement  qu’en  1839.  A cette  époque, 
J.  J.  Bennett  traça,  à l’aide  d’échantillons  recueillis  dans  les  îles  Baha- 
ma par  Daniell,  1837-58,  une  diagnose  très-claire  des  diverses  plantes 
qui  avaient  été  jusque-là  confondues,  et  débrouilla  leur  synonymie  (2). 

Description.  — L’écorce  de  Cascarille  se  présente  en  morceaux  tubu- 
leux ou  pliés  en  gouttière,  un  peu  grossiers  et  irréguliers,  ayant 
rarement  plus  de  10  centimètres  de  longueur,  et  1 centimètre  et  demi 
de  diamètre.  La  plus  grande  partie  de  celle  qu’on  importe  aujourd’hui 
est  en  tubes  ou  en  fragments  minces,  très-petits,  ayant  à peine  3 centi- 
mètres de  long,  et  provenant  sans  aucun  doute  de  rameaux  très-jeunes. 

Les  écorces  les  plus  jeunes  sontrevêtues  d’une  couche  mince  de  suber, 
qui  se  détache  facilement,  et  qui  est  couverte  de  plaques  blanches  argen- 
tées, d’un  petit  lichen,  le  Verrucaria  albissima  Ach,,  dont  le  périthèce 
forme  de  petites  taches  noires.  Les  vieilles  écorces  sont  plus  rugueuses, 
fendillées  dans  le  sens  de  la  longueur,  et  munies  de  fissures  transver- 
sales moins  nombreuses.  Au-dessous  de  l’enveloppe  subéreuse,  l’écorce 
offre  une  coloration  d’un  brun  grisâtre.  L’écorce  de  Cascarille  se  casse 
facilement.  Sa  cassure  est  courte  et  offre  un  aspect  résineux.  Son  odeur 
est  très-prononcée;  elle  est  particulièrement  agréable  lorsqu’elle 
s’exhale  de  plusieurs  livres  d’écorce  réduite  en  poudre  grossière  et 

(L)  Murray,  Apparatuè  medicaminum,  1787,  IV,  128.  — Martiny,  Encyklop&die 
der  Rohwaarenkunde,  1813,  I,  271. 

(2)  Bennett,  toc.  cit.  — Daniell,  in  Pharm.  Joum.,  1863,  IV,  144;  226,  avec  figures. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  .'H 5 

enfermée  dans  un  vus e • Su  saveur  est  a m ère  el  nauséeuse.  Elle  exhale 
en  brûlant  une  odeur  aromatique,  et  entre  dans  la  composition  des  pas- 
tilles employées  pour  les  fumigations. 

Caractères  microscopiques.  — La  couche  subéreuse  est  formée  de 
nombreuses  rangées  de  cellules  tabulantes,  dont  les  plus  extéiieuies  ont 
des  parois  très-épaisses,  Le  mésophlceum  offre  sa  stiucture  habituelle. 
11  contient  de  l’amidon,  de  la  chlorophylle,  de  l’huile  essentielle,  des 
cristaux  d’oxalate  de  calcium,  et  une  matière  colorante  brune.  Cette 
dernière  prend  une  coloration  d’un  bleu  foncé  sous  l’influence  du  per- 
scl  de  fer.  Le  liber  est  formé  de  parenchyme  et  de  fibres  entrecoupés 
par  des  rayons  médullaires  étroits.  Sur  une  section  transversale,  les 
faisceaux  fibreux  offrent  un  contour  cunéiforme  ; ils  sont  formés,  en 
majeure  partie,  non  de  cellules  libériennes  ordinaires,  mais  de  cellules 
cylindriques,  dont  les  parois  transversales  sont  perforées  comme  un 
crible  ( vasa  cribriformia) . On  y trouve  aussi  des  vaisseaux  laticifères. 
Le  contenu  de  la  partie  parenchymateuse  du  liber  est  le  même  que 
celui  du  mésophlœum.  Les  cristaux  d’oxalate  de  calcium  offrent  une 
apparence  particulière  (b). 

Composition  chimique.  — L’écorce  de  Gascarille  contient  une  huile 
volatile  qu’elle  fournit  dans  la  proportion  de  1 à 3 pour  100.  D’après 
Vôlckel,  la  première  partie  qui  distille  est  incolore,  mobile,  et  réfracte 
fortement  la  lumière  ; la  suivante  est  jaunâtre  et  un  peu  visqueuse,  et  la 
dernière  est  très-épaisse.  Ce  chimiste  considère  l’huile  volatile  brute 
comme  un  mélange  d’au  moins  deux  essences,  dont  la  plus  volatile  ne 
contient  probablement  pas  d’oxygène  (I).  Gladstone,  enl872,  attribua  à 
l’hydrocarbone  de  l’huile  de  Cascarille  la  composition  de  l’essence  de 
térébenthine.  L’essence  de  Cascarille  rectifiée,  distillée  il  y a quelques 
années  par  l’un  de  nous,  dévie  la  lumière  polarisée  de  2°, 9 à gauche, 
en  colonne  de  50  millimètres  de  long. 

L’écorce  de  Cascarille  a donné  à Trommsdorff  lo  pour  100  de  résine 
consistant  en  deux  parties,  l’une  acide,  soluble  dans  les  alcalis,  l’autre 
indifférente.  Elle  paraît  contenir  de  lagomme  dans  la  même  proportion. 

Le  principe  amer  de  l’écorce  de  Cascarille  a été  isolé,  en  1845,  par 
Duval,  et  nommé  Cciscarilline.  C.  etE.  Mylius,  en  1873,  l’ont  retirée  d’un 
dépôt  formé  dans  un  extrait  officinal,  sous  la  forme  de  prismes  microsco- 
piques, facilement  solubles  dans  l’éther  et  dans  l’alcool  chaud,  très-peu 
dans  l’eau,  le  chloroforme  et  l’alcool  étendu.  Ils  fondent  à 205°  G.,  et  ne 


(1)  C-melin,  Chemistry,  1860,  XIV,  363. 


316 


EUPHORBIACÉES. 

sont  pas  volatils.  Ce  corps  n’est  pas  un  glucoside.  Sa  composition  répond 
à la  formule  C'HPO1. 

Commerce.  — L’écorce  de  Gascarille  est  expédiée  de  Nassau,  princi- 
pale ville  de  New-Providence  (Baliama).  Elle  est  ordinairement  emballée 
dans  des  sacs.  La  quantité  importée  dans  le  Royaume-Uni,  en  1870, 
fut  de  12  261  quintaux,  évalués  à 16482  livres  sterling. 

Usages.  — On  prescrit  l’écorce  de  Gascarille  comme  tonique,  ordi- 
nairement sous  la  forme  de  teinture  ou  d’infusion. 

Falsification.  — On  a récemment  signalé  sur  le  marché  de  Londres 
une  écorce  fausse  de  Gascarille.  Elle  provenait  de  Baliama,  et  était  mé- 
langée avec  l’écorce  véritable,  à laquelle  elle  ressemble  beaucoup.  Ses 
tubes  ressemblent  aux  tubes  les  plus  gros  de  l’écorce  de  Gascarille  ; ils 
sont  couverts  d’un  lichen,  mais  ce  dernier  n’offre  pas  la  blancheur  ar- 
gentée du  Vernie  aria  de  la  Gascarille.  Cette  écorce  fausse  offre  une 
écorce  subéreuse  qui  no  se  détache  pas  ; sa  surface  interne  est  colorée 
en  brun  rosé,  et  nettement  striée  dans  le  sens  de  la  longueur;  par  sa 
structure  microscopique,  elle  ressemble  à l’écorce  dé  Cascarille  véri- 
table, et  encore  davantage  à l’écorce  de  Copalchi.  Cependant,  elle  est 
facile  à reconnaître  à ses  nombreux  groupes  arrondis  de  cellules  sclérencky- 
mateuses,  très-visibles  quand  on  humecte  l’écorce  avec  de  l’ammoniaque, 
et  ensuite  avec  une  solution  d’iode  dans  l’iodure  de  potassium.  Cette 
écorce  possède  une  saveur  astringente,  sans  amertume  ni  arôme.  Sa 
teinture  ne  devient  pas  laiteuse  quand  on  y ajoute  de  l’eau,  mais  elle 
noircit  sous  l’influence  du  perchlorure  de  fer.  Elle  diffère  sous  ces  rap- 
ports de  la  teinture  de  Cascarille.  M.  Holmes  (1)  pense  que  cette  écorce 
fausse  de  Cascarille  est  fournie  probablement  par  le  C rot  on  luçidus  L. 

(a)  Le  Crolon  Eluleria  Bennett  (in  Proc,  of  the  Linn.  Societ.,  1\ , 29)  est  un 
arbre  à feuilles  alternes,  simples,  penninerviées,  à pétiole  trois  ou  quatre  fois  plus 
court  que  le  limbe,  qui  est  lancéolé,  ovale,  longuement  acuminé,  arrondi  ou  légère- 
ment cordé  il  la  base,  denticulé  sur  les  bords,  muni  de  poils  déprimés  argentés, 
rares  sur  la  face  supérieure,  denses  sur  la  face  inférieure,  dépourvu  de  glandes  au 
niveau  de  son  point  d’insertion  sur  le  pétiole.  Ce  dernier  est  accompagné  de  sti- 
pules latérales  peu  développées.  Les  fleurs  sont  monoïques  et  offrent,  ainsi  que 
le  fruit,  la  môme  organisation  générale  que  dans  le  Crolon  Tighum  (voy.  p.  311, 
note  a),  mais  ici  la  corolle  est  également  développée  dans  les  deuv  sexes,  et  formée 
dans  la  fleur  femelle  de  cinq  pétales  lancéolés-obovales,  arrondis,  obtus,  barbus 
sur  les  bords,  plus  ou  moins  imbriqués  dans  le  bouton.  Dans  la  fleur  mâle,  1 an- 
drocée  est  représenté  par  douze  étamines,  à filets  velus  sur  toutes  les  faces.  Dans 
la  fleur  femelle,  l’ovaire  est  recouvert  de  poils,  et  surmonté  d’un  style  divisé  en 


(I)  Phanm.  Journ.,  11  avril  1871,8)0. 


317 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

trois  branches  elles-mêmes  bifurquées  en  lames  bifides  et  recourbées.  [Tuad.] 
(6)  L’écorce  do  Cascarille  offre  sur  une  coupe 
transversale,  ainsi  que  le  montre  la  figure  228  : 

1°  une  couche  a de  suber,  formée  de  cellules  qua- 
drangulaires,  aplaties,  sèches  et  brunes  ; 2°  une 
couche  de  parenchyme  cortical  b,  formée  de  cellules 
polygonales,  à parois  minces  et  claires.  Un  grand 
nombre  de  ces  cellules  contiennent  une  matière  co- 
lorante brune,  qui  persiste  après  qu’on  a fait  bouillir 
la  coupe  dans  la  solution  acétique  d’aniline,  et  ont 
même  acquis  une  teinte  noire  foncée.  Ces  cellules, 
répandues  non-seulement  dans  le  parenchyme  cor- 
tical, mais  encore  dans  le  liber,  donnent  aux  coupes 
de  l’écorce  de  Cascarille  un  aspect  tout  particulier 
qui  permet  de  distinguer  cette  drogue  de  toutes  les 
autres  écorces  médicinales  dont  nous  avons  déjà 
parlé.  Le  liber  c représente  la  partie  de  beaucoup  la 
plus  considérable  de  l’écorce.  Ses  faisceaux  sont 
séparés  les  uns  des  autres  par  des  rayons  médul- 
laii’es  ordinairement  réduits  à une  seule  rangée  ra- 
diale de  grandes  cellules  polygonales,  qui  contien- 
nent chacune  un  gros  cristal  d’oxalate  de  calcium. 

Chaque  faisceau  est  formé  en  partie  de  cellules 
parenchymateuses,  dont  un  certain  nombre  contien- 
nent la  matière  colorante  noire  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut,  et  d’éléments  allongés.  Les  parois  d’une 
partie  de  ces  derniers  se  colorent  en  bleu  dans  la 
solution  d’aniline,  tandis  que  les  autres  restent  incolores.  Les  premiers  sont  indi- 
qués dans  la  figure  par  des  contours  plus  foncés.  [Trad.] 


Fig.  229.  Ecorce  do  Cascarille. 
Coupc  transversale. 


ÉCORCE  DE  COPALCRI. 


Cette  drogue  est  fournie  par  le  Croton  niveus  Jacqoin  ( Crolon  Pseuclo - 
China  Sciilecht).  C’est  un  arbuste  de  3 mètres  de  haut  environ,  origi- 
naire des  Indes  occidentales,  du  Mexique,  de  la  Nouvelle  Grenade  et  du 
Vénézuela  (a).  Elle  est  parfois  importée  en  Europe  en  tubes  ayant  de  30 
à 00  centimètres  de  long,  ordinairement  plus  larges  et  plus  épais  que 
ceux  de  l’écorce  de  Cascarille,  dont  cette  écorce  se  rapproche  par  son 
odeur  et  sa  saveur. 

L’écorce  de  Copalchi  possède  une  couche  subéreuse  mince,  grisâtre, 
papyracée,  qui,  en  tombant,  met  à nu  une  surface  marquée  de  petites 
fossettes  transversales,  semblables  à des  ligues  faites  avec  une  lime.  Sa 
cassure  est  courte. 

L’écorce  de  Copalchi  a été  étudiée  par  J.  Eliot  Howard  (I).  Il  y a 

(1)  Pharm.  Journ.,  1835,  XIV,  319. 


318  ËUPHORBIACÉES. 

trouvé  une  petite  proportion  d’un  alcaloïde  amer,  soluble  dans  l’éther, 
semblable  à la  quinine  en  ce  qu’il  prend  une  coloration  vert  foncé 
lorsqu’on  le  traite  par  le  chlore  et  l’ammoniaque,  mais  ne  formant  avec 
l’iode  aucun  composé  caractéristique..  Mau  ch  (1),  qui  a également  ana- 
lysé cette  écorce,  n’a  pu  en  retirer  aucune  base  organique.  Il  obtint  par 
distillation  une  huile  essentielle  qu’il  trouva  constituée  par  un  hydro- 
carbone  et  un  acide  organique.  Ce  dernier  n’a  pas  été  étudié.  Il  en  re- 
tira également  un  principe  amer  incristal lisable,  qu’il  a démontré  ne  pas 
être  un  glucoside. 

(a)  Le  Crolon  nioeus  (Jacq.,  Stirp.  Amer,  flist.,  2oi>,  t.  162,  fig.  2)  appartient, 
comme  l’espèce  précédente,  à la  section  Eluteria  du  genre  Crolon , et  possède  égale- 
ment la  corolle  de  la. fleur  femelle  bien  développée.  C’est  un  arbuste  à rameaux  su- 
périeurs, à feuilles  et'  à fleurs  recouverts  de  poils  ramifiés,  argentés  ou  ferrugi- 
neux ; à feuilles  pétiolées,  longues  de  3 à 12  centimètres,  ovales,  cordées  à la  base, 
plus  ou  moins  acuininées,  rigides,  membraneuses  ',  a limbe  quintuplinervié, dépourvu 
de  glandes  à la  base,  couvert  en  dessous  de  poils  ramifiés,  argentes  ; à pétiole  de  deux 
à quatre  fois  plus  court  que  le  limbe,  accompagné  de  stipules  rudimentaires.  Les 
fleurs  sont  disposées  en  grappes  axillaires,  deux  fois  plus  courtes  que  les  feuilles.  Les 
fleurs  mâles  ont  de  dix  à seize  étamines,  à filets  velus.  Les  fleurs  femelles  ont  des 
pétales  oblongs-ovales.  L’ovaire  est  surmonté  de  trois  styles  à quatre  divisions 
entières  ou  bifides.  La  capsule  est  recouverte  de  poils.  [Trad.] 


GRAINES  DE  RICIN. 

Semen  Ricini  ; Semen  Cataputix  major*  ; Semences  de  Ricin,  Semences  de  Raima  Christi  ; 
angl..  Castor  oilSeeds,  Raima  Christi  Seeds  ; allem.,  Ricimssamen. 


Origine  botanique.  — Ricinus  commuais  L.  Le  Ricin  est  originaire  de 
l’Inde  où  il  porte  plusieurs  anciens  noms  sanskrits  (2).  Il  a été  répandu 
par  la  culture  dans  toutes  les  régions  tropicales,  et  dans  un  grand 
nombre  de  pays  tempérés.  Dans  les  climats  les  plus  favorables  à sa 
croissance,  il  atteint  une  hauteur  de  12  mètres.  Dans  les  Açores,  et  dans 
les  parties  les  plus  chaudes  de  la  région  méditerranéenne,  telles  que  1 Al- 
gérie, l'Egypte,  la  Ligurie  et  la  Grèce,  il  forme  un  petit  arbre  de  3 à 
S mètres  de  haut,  tandis  qu’en  France,  en  Allemagne,  et  dans  le  sud  de 
l’Angleterre,  il  reste  à l’état  de  plante  annuelle,  à feuillage  magnifique, 
ne  dépassant  pas  1»,20  à i“,50  de  hauteur.  Dans  les  étés  favorables, 
il  mûrit  ses  graines  en  Angleterre,  et  même  plus  haut  dans  le  nord, 
jusqu’à  Christiania,  en  Norwége. 


(1)  Viertelj ahresschrift  für  prald.  Phavm.,  de  Wittstein,  1869,  XVIII,  161. 

(2)  Le  plus  usité  est  Eranda  ou  Yeranda,  qui  est  passe  dans  plusieu 


rs  autres 


idiomes. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  319 

Le  Ilicinus  conimunis  offre  un  grand  nombre  de  variétés  dont  plusieurs 
ont  été  décrites  et  figurées  comme  des  espèces  distinctes.  Muller,  après 
un  examen  sérieux  de  toute  la  série,  n’en  fait  qu’une  seule  espèce  dans 
laquelle  il  distingue  dix  formes  plus  ou  moins  bien  marquées.  (I ). 
M.  Bâillon  (2)  admet  la  même  opinion. 

Historique.  — Le  Ricin  était  connu  d’Hérodote,  qui  le  nomme  Ké/.i,  et 
dit  qu’il  fournit  une  huile  très-employée  par  les  Egyptiens.  A l’époque 
où  il  écrivait,  le  Ricin  avait  probablement  été  déjà  introduit  en  Grèce, 
oii  il  est  encore  cultivé  sous  son  ancien  nom  (3).  Le  Kikajon  du  Livre  de 
Jonas,  que  les  traducteurs  anglais  rendent  parle  mot  Gourd , est  consi- 
déré comme  étant  la  même  plante.  LeKùu  est  également  mentionné  par 
Strabon  comme  une  production  de  l’Egypte;  son  huile  était  employée 
pour  brûler  dans  les  lampes,  et  pour  faire  des  onguents.  Théophraste  et 
Nicander  donnent  au  Ricin  le  nom  de  Kp 6xm.  Dioscoride  le  nomme 
Kr/.i  et  Kpéxuv,  et  le  décrit  comme  étant  de  la  taille  d’un  petit  figuier, 
avec  des  feuilles  semblables  à celles  du  platane,  et  des  fruits  à péri- 
carpe épineux.  Il  fait  remarquer  que  le  nom  de  Kpoxuv  est  appliqué  à 
sa  graine  à cause  de  sa  ressemblance  avec  un  insecte  ( Ixodes  Ricinus 
La.tr.)  connu  sous  ce  nom.  Il  expose  aussi  le  procédé  employé  pour  ex- 
traire l’huile  de  Ricin  (Kiy.'.vov  *EXaicv).  Il  dit  qu’on  ne  mange  pas  cette 
dernière,  mais  qu’on  l’emploie  comme  médicament  externe,  et  repré- 
sente les  graines  comme  très-purgatives.  On  trouve  une  figure  assez 
exacte  du  Ricin  dans  le  fameux  manuscrit  de  Dioscoride  qui  fut  exécuté 
pour  l’impératrice  Juliana  Anicia,  en  505,  et  qui  est  aujourd’hui  con- 
servé dans  la  bibliothèque  impériale  de  Vienne. 

Le  Ricin  était  cultivé  par  Albert  le  Grand,  évêque  de  Ratisbonne,  au 
milieu  du  treizième  siècle  (4).  Il  était  bien  connu,  comme  plante  de 
jardin,  à l’époque  de  Turner  (1568),  qui  mentionne  l’huile  sous  le  nom 
d ’Oleum  cicinum  vel  ricininum  (5).  Gerarde,  vers  la  fin  du  même  siècle, 
le  connaissait  sous  le  nom  de  Ricinus  ou  Kik.  Il  dit  que  l’huile  porte  le 
nom  ùi O leum  cicinum  ou  Oleum  de  Cherua,  et  est  employée,  à l’extérieur, 
contre  les  maladies  de  la  peau.  Après  cette  époque,  l’huile  paraît  être 
tombée  dans  un  oubli  complet;  elle  n’est  même  pas  notée  dans  l’excel- 
lente Pharmacolocjia  de  Dale  (1693).  A l’époque  de  Hill  (1751)  et  de 
Lewis  (1761),  on  ne  trouvait  que  rarement  l’huile  de  Palma-Christi 

(1)  De  Candoi.le,  Prodr.,  XV,  S.,  II,  1017. 

(2)  Histoire  des  Plantes,  1874,  Y,  Euphorbiacées,  110. 

(3)  JIeldreicii,  Nutzpflanzen  Griechenlands , Athen,  1862,  08.  • 

(4)  De  Vegetabilibus,  ed.  Jessen,  1867,  347. 

(5)  Herbal  de  Turner,  P.  II,  116. 


320 


EUl’HOll  IMAGÉES. 


dans  les  boutiques,  où  elle  était  à peine  connue  (1).  En  1764,  Peter 
Canvane,  qui  pratiqua  pendant  de  longues  années  la  médecine  dans  les 
Indes  Occidentales,  publia  une  Dissertation  on  l/ie  Oleum  P aima:  Christi, 
siue  Oleum  Ricini,  or  (as  it  is  commonly  call’d)  Castor  oïl  (“2).  11  recom- 
mandait beaucoup  son  emploi  comme  purgatif  doux.  Cet  essai  eut  deux 
éditions  et  fut  traduit  en  français.  Il  fut  suivi  de  plusieurs  autres  (3)  qui 
attirèrent  beaucoup  l’attention  sur  la  valeur  de  cette  huile.  Les  graines 
de  Ricin  furent  admises  dans  la  Pharmacopée  de  Londres  de  1788,  avec 
des  indications  pour  l’extraction  de  leur  huile.  Woodville,  dans  sa  Me- 
dical Dotant/,  en  1790,  parle  de  cette  huile  comme  étant  devenue  de- 
puis quelque  temps  d'un  usage  fréquent. 

A cette  époque,  et  pendant  les  années  suivantes,  la  petite  quantité  de 
graines  et  d’huile  employées  parla  médecine  européenne  provenait  delà 
Jamaïque  (4).  Cette  huile  fut  peu  à peu  remplacée  sur  le  marché  par 
celle  des  Indes  Orientales.  La  rapidité  avec  laquelle  sa  consommation 
augmenta  peut  être  appréciée  par  les  chiffres  suivants,  indiquant  la  va- 
leur de  l’huile  de  Ricin  expédiée  du  Bengafe  en  Angleterre  pendant  trois 
années  du  commencement  de  notre  siècle.  En  1813-14  cette  valeur  était 
de  610  livres  sterling;  en  1815-16,  de  1 269 livres  sterling;  en  1819-20, 
de  7 102  livres  sterling  (5). 

Description.  — Le  fruit  du  Ricin  est  une  capsule  tricoque,  ordinaire- 
ment couverte  d’épines  molles,  et  contenant  une  graine  dans  chacune 
de  ses  trois  loges.  Les  graines  ont  de  6 à 1 2 millimètres  de  long,  et  8 mil- 
limètres environ  d’épaisseur;  elles  sont  ellipsoïdes  et  comprimées.  Le 
sommet  de  la  graine  est  prolongé  en  un  bec  court,  sur  la  face  inférieure 
duquel  se  trouve  une  caroncule  renflée.  De  cette  dernière,  part  un 
raphé  qui  s’étend  jusqu’à  l’extrémité  inférieure  de  la  face  ventrale,  qu  il 

(1)  ÏIïll,  Hist.  ofthe  Mat.  Med.,  Lond.,  1751,  537.-  Lewis,  Hist.  of  the  Mat.  Med., 
Lond.,  1761,  468. 

(2)  Le  nom  anglais  Castor  donné  aux  graines  du  Ricin  vient  de  la  Jamaïque,  ou,  par 
une  erreur  étrange,  la  plante  a reçu  le  nom  d’Agnns  Castus,  tandis  que  le  Vitex  Agnus 
Castus  est  originaire  de  la  région  méditerranéenne,  et  non  des  Indes  Occidentales. 

(3)  Pour  la  liste  de  ces  auteurs  consultez  : Mehat  et  De  Lens,  Dict.  de  Mat.  med ., 

1834,  VI,  95.  , 

(4)  Le  peu  d’importance  de  ce  commerce  à cette  époque  est  bien  indique  par  ce  tait 
qu’en  1777  la  provision  d’un  droguiste  de  Londres  (Joseph  Gurney  Bevan,  prédécesseur 
de  MM.  Allen  et  Hanbury),  était  seulement  de  deux  bouteilles,  évaluées  à 8 shillings 
l’une.  Les  comptes  de  la  même  maison  montrent  qu’en  1732  la  quantité  d’huile 
existant  en  magasin  était  de  vingt-cinq  bouteilles,  qui  avaient  coulé  10  shillings 
chacune.  En  1799,  la  Jamaïque  exporta  236  barils  d'huile  de  Ricin,  et  10  barils  de 
graines  (Renny,  Hist.  of  Jamaica,  1807,  235). 

(5)  H.  II.  Wilson,  Iieview  of  thfi  Externat  Commerce  of  Bengal  from  1813  to  1828, 

Calcutta,  1830,  14-15. 


321 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

parcourt,  où  il  se  termine  en  un  point  du  tégument  indiqué  par  une 
petite  protubérance.  Lorsqu’on  enlève  la  caroncule,  il  reste,  au-dessous 
d’elle,  une  cicatrice  noire,  formée  par  deux  petites  dépressions.  L’épi- 
derme est  luisant,  grisâtre,  marqué  de  bandes  et  de  taches  brunâtres,  et 
diversement  bariolé.  On  ne  peut  pas  faire  disparaître  ces  taches,  mais, 
après  macération,  la  couche  superficielle  du  tégument  s’enlève  facile- 
ment en  petites  bandes.  Le  tégument  sous-jacent  est  noir  en  dehors, 
gris  en  dedans,  pas  plus  épais  que  celui  de  la  graine  de  croton,  mais 
beaucoup  plus  cassant.  L’amande  remplit  entièrement  les  téguments  et 
s’en  sépare  avec  facilité,  mais  en  entraînant  avec  elle  la  membrane  in- 
terne, qui  est  blanche  et  molle.  L’amande  ressemble  tout  à fait,  par  sa 
structure  et  par  la  situation  de  l’embryon,  à celle  du  Croton  Tiglium 
(voy.p.309);  mais  les  cotylédons  du  Ricin  sont  proportionnellement  plus 
larges,  leur  nervure  médiane  est  épaisse,  et  émet  deux  ou  trois  paires 
de  nervures  latérales.  Lorsqu’elle  n’est  pas  rance,  l’amande  du  Ricin 
possède  une  saveur  douce,  accompagnée  seulement  d’un  peu  d’âcreté. 

Structure  microscopique.  — L’épiderme  mince  de  la  graine  est 
formé  de  cellules  tabulaires  pentagonales  ou  hexagonales,  ponctuées. 
Leurs  parois  sont  imprégnées,  en  certains  points,  d’une  matière  colo- 
rante brunâtre  qui  donne  à la  graine  son  aspect  tacheté  particulier. 
Ce  sont  ces  cellules  seules  qui  noircissent  lorsqu’on  traite  de  minces 
couches  tangentielles  des  téguments  par  une  solution  alcoolique  de 
chlorure  ferrique.  Au-dessous  de  ces  cellules  tabulaires,  on  trouve  dans 
la  graine  non  mûre  (1)  une  couche  de  cellules  à parois  épaisses,  inco- 
lores, allongées  radialement  par  rapport  à la  surface  du  tégument.  Dans 
les  graines  mûres,  cette  couche  de  cellules  n’est  pas  visible,  elle  paraît 
se  détruire  pendant  la  maturation.  Le  tégument  lui-même  est  formé  de 
cellules  cylindriques,  très-pressées,  longues  de  300  à 320  millièmes  de 
millimètre,  et  larges  de  6 à 10  millièmes  de  millimètre.  L’amande  offre 
la  même  structure  que  celle  du  Croton  Tiglium , mais  on  n’y  trouve  pas 
de  cristaux  d oxalate  de  calcium.  Lorsqu’on  humecte  l’endoplèvre  du 
Ricin  avec  de  1 acide  sulfurique  dilué,  il  s’en  sépare,  au  bout  de  quel- 
ques heures,  des  cristaux  aciculaires  de  sulfate  de  calcium.  Lorsqu’on 
examine  de  minces  tranches  de  l’amande  dans  la  glycérine  concentrée, 
on  ne  voit  pas  les  gouttes  d’huile,  malgré  leur  abondance  ; mais  elles  de- 
viennent visibles  si  l’on  ajoute  beaucoup  d’eau  à la  préparation.  Il  est 
donc  probable  que  l’huile  existe  dans  l’amande  sous  la  forme  d’une 

(1)  Guis,  Ann.  sc.  nat.,  Botan .,  1881,  XV,  S-U. 

HIST.  DES  DROfîUES,  T.  II. 


322  EÜWIORBIACÉES. 

sorte  de  composé  avec  les  matières  albuminoïdes  (1).  Ces  dernières  se 
présentent  dans  l’albumen  du  Ricin  en  partie  sous  la  forme  de  cristal- 
loïdes octaédriques  ou  tétraédriques,  qu’on  trouve  aussi  dans  beaucoup 
d’autres  graines  (b). 

Composition  chimique.  — Le  principe  constituant  le  plus  important 
de  la  graine  du  Ricin  est  l’huile  fixe  désignée  sous  le  nom  d 'huile  de 
Ricin  [Castor  oit  des  Anglais).  L’amande,  débarrassée  des  téguments,  en 
contient  au  plus  la  moitié  de  son  poids.  L’huile  retirée  par  simple 
pression  des  graines  décortiquées , et  soigneusement  nettoyées , 
ne  possède  que  très-peu  d’âcreté,  et  ne  contient  qu’une  très-faible 
proportion  du  principe  drastique  que  renferment  les  graines.  Il  en  ré- 
sulte que  les  graines  elles-mêmes,  ou  leur  émulsion,  agissent  avec  beau- 
coup plus  d’efficacité  qu’une  quantité  équivalente  d’huile.  L'huile  de 
Ricin,  extraite  à l’aide  de  l’alcool  absolu  du  du  bisulfure  de  carbone, 
purge  également  avec  beaucoup  plus  d’énergie  que  l’huile  obtenue  par 
pression. 

Le  poids  spécifique  de  l’huile  de  Ricin  du  commerce  est  ordinaire- 
ment de  0,96  environ  ; sa  coloration  habituelle  est  jaune  pâle  ; elle  est 
visqueuse,  et  possède  une  odeur  et  une  saveur  faibles  de  moisi.  Exposée 
au  froid,  elle  ne  se  solidifie  d’ordinaire  complètement  qu’à  18°  C.  Dis- 
posée en  couches  minces,  elle  se  dessèche  en  formant  un  vernis.  La  pro- 
priété qu’elle  possède,  de  se  mélanger  en  toutes  proportions  avec  l’acide 
acétique  cristallisable  et  l’alcool  absolu,  est  caractéristique.  Elle  est  so- 
luble, même  à 15°  G.,  dans  quatre  parties  d’alcool  à 0,838,  et  se  mélange, 
sans  se  troubler,  avec  son  poids  du  même  dissolvant,  à 23°  C.  Les  huiles 
commerciales,  cependant,  diffèrent  beaucoup  les  unes  des  autres,  à ce 
point  de  vue,  et  à beaucoup  d’autres  égards.  Les  propriétés  optiques  de 
l’huile  de  Ricin  demandent  à être  étudiées  de  nouveau  ; nous  avons 
constaté,  en  effet,  que  certains  échantillons  dévient  la  lumière  polarisée 
à droite,  tandis  que  d’autres  la  dévient  à gauche. 

L’huile  de  Ricin  fournit,  par  saponification,  plusieurs  acides  gras, 
dont  l’un  paraît  être  Y acide  Palmitique.  Un  autre  acide  particulier  à cette 
huile  est  Y acide  Ricinoléique , C18fP03.  Il  se  solidifie  au-dessous  de  0“C.; 
il  ne  se  solidifie  pas  au  contact  de  l’air  par  absorption  d’oxygène,  et 
n’est  pas  homologue  de  l’acide  oléique  ou  de  l’acide  linoléique,  qui  ne 

(1)  Sachs,  Lehrbuch  (1er  Botan.,  1870,  53. 

(2)  Pour  plus  do  détails,  voyez  : Trécul,  in  Ann.  se.  nat.,  Bot.,  1858,  X,  355.  — 
Radlkofer,  Krystalle proteinartiger  Kôrper,  Leipzig,  1859,  61,  t.  2,  f.  10.  — Pkeffer, 
Proteinktirner,  in  J ahr bûcher  für  Wissenschaftliche  Botanik  de  Pringsiieim,  1872,  VIII, 
429,  464. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  323 

sc  trouvent,  ni  l’un  ni  l’autre,  clans  l'huile  de  Ricin  (1).  Celte  huile 
se  solidifie,  cependant,  quand  on  en  fait  chauffer  six  parties  avec  une 
partie  d’amidon  et  cinq  parties  d’acide  nitrique  à 1 ,25  ; il  se  forme  alors 
de  la  Ricinélaïdine , dont  on  peut  facilement  retirer  de  V acide  Riciné- 
laïdique  en  cristaux  brillants.  Fleury,  en  1865,  a retiré  des  graines  de 
Ricin  3,23  pour  10Û  d’azote,  répondant  à environ  20  pour  100  de  ma- 
tières albuminoïdes.  Le  même  chimiste  en  a extrait,,  en  outre, 
46,6  pour  100  d’huile  fixe,  2,2  pour  100  de  sucre  et  de  mucilage,  et 
18  pour  100  de  cellulose. 

D’après  Bower  (2),  les  graines  contiennent  une  substance  protéique, 
et  un  corps  semblable  à l’amygdaline,  qui,  en  agissant  l’un  sur  l’autre 
en  présence  de  l’eau,  produisent  une  très-petite  quantité  d’un  corps  fé- 
tide, toxiqu-e,  qui  agit  énergiquement  sur  les  organes  digestifs.  Ces 
faits  exigent  de  nouvelles  recherches. 

Tuson,  en  1864,  en  épuisant  les  graines  de  Ricin  à l’aide  de  l’eau 
bouillante,  en  retira  un  alcaloïde  qu’il  nomma  Ricinine.  Il  dit  que  ce 
corps  cristallise  en  prismes  rectangulaires  et  en  plaques,  qui  fondent 
lorsqu  on  les  chauffe,  et  se  solidifient,  pendant  le  refroidissement,  en 
une  masse  cristalline  ; on  peut  même  sublimer  les  cristaux.  Brûlés  sur 
une  plaque  de  platine,  ils  ne  laissent  aucun  résidu.  La  ricinine  se  dis- 
sout facilement  dans  l’eau  et  dans  l’alcool,  moins  facilement  dans  l’éther 
et  la  benzine.  L’acide  sulfurique  concentré  la  dissout  sans  se  colorer. 
Elle  se  combine  avec  le  chlorure  de  mercure,  en  formant  des  touffes 
de  cristaux  soyeux,  soluhles  dans  l’eau  et  dans  l’alcool.  Chauffée  avec 
de  la  potasse,  elle  dégage  de  l’ammoniaque.  La  ricinine  passe  pour 
n avoir  qu’une  saveur  faible,  et  ne  paraît  pas  constituer  le  principe  pur- 
gatif des  graines.  Werner,  en  1869,  en  répétant  les  expériences  de 
Tuson  sur  30  livres  de  graines  de  Ricin  d’Italie,  obtint  aussi  des  cris- 
taux qui,  par  1 aspect  et  la  volatilité,  ressemblaient  en  partie  à la  rici- 
nine, mais  en  différaient  par  ce  point  essentiel,  que  leur  incinération 
donnait  un  résidu  de  magnésie  ; chauffés  avec  de  la  potasse,  ils  ne  don- 
naient pas  d’ammoniaque.  Tuson  (3)  rejette  l’idée  que  la  ricinine 
puisse  être  identique  au  composé  magnésien  de  Werner.  E.  S.  Wayne, 
de  Cincinnati,  a trouvé  récemment  (1874),  dans  les  feuilles  du  Ricin, 
une  substance  semblable  en  apparence  à la  ricinine  de  Tuson,  mais  il 
pense  qu’on  ne  peut  pas  la  considérer  comme  un  alcaloïde.  Les  tégu- 

(1)  Gmelin,  Chemistry,  1886,  XVII,  131-144.  • 

(2)  Amer.  Juuvn.  of  Pharm.,  1854,  XXVI,  207. 

(3)  Chemical  News,  1870,  XXII,  229. 


321 


KUPHORBIÀCÉES. 


ments  des  graines  de  Ricin  nous  ont  donné  10,7  pour  100  de  cendres, 
dont  un  dixième  était  formé  par  de  la  silice.  Les  cendres  de  l'amande, 
desséchées  à 100°  C.,  s’élèvent  à 3,5  pour  100. 

Production  et  Commerce.  — L’huile  de  Ricin  est  fabriquée  en  très- 
grande  quantité  dans  l’Inde,  où  l’on  distingue  deux  variétés  de  graines  : 
des  grosses  et  des  petites  ; les  dernières  sont  considérées  comme  four- 
nissant un  meilleur  produit  que  les  autres.  Pour  fabriquer  l’huile  de 
Ricin,  on  écrase  légèrement  les  graines  entre  des  rouleaux,  et  on  les 
débarrasse  à la  main  des  débris  de  téguments  et  des  graines  vides.  A 
Calcutta,  100  parties  de  graines  donnent,  en  moyenne,  70  parties 
d’amandes  mondées,  qui , sous  la  presse  hydraulique , fournissent 
0,46  à 51  pour  100  d.e  leur  poids  d’huile.  Cette  dernière  est  ensuite 
purifiée  par  un  procédé  très-imparfait,  qui  consiste  à la  chauffer  avec 
de  l’eau  (I). 

L’exportation  de  l’huile  de  Ricin  faite  par  Calcutta  (2)  pendant  l'an- 
née 1870-71  s’est  élevée  à 654917  gallons,  sur  lesquels  214959  gallons 
furent  expédiés  dans  le  Royaume-Uni.  L’importation  totale  de  l’huile 
de  Ricin,  dans  le  Royaume-Uni  (3),  pendant  l’année  1870,  s’est  élevée 
à 36  986  quintaux  (environ  416  000  gallons),  estimés  à 82  490  livres  ster- 
ling. L’Inde  britannique,  et  particulièrement  le  Bengale,  en  avaient 
fourni  environ  les  deux  tiers,  et  l’Italie  11  856  quintaux  (environ 
133  000  gallons)  ; la  petite  quantité  restante  provenait  d’autres  pays. 

L’huile  de  Ricin  d’Italie,  qui,  depuis  quelque  temps,  jouit  d'une 
grande  célébrité,  est  retirée  par  pression  des  graines  de  plantes  culti- 
vées particulièrement  dans  les  environs  de  Vérone  et  deLegnago,  dans 
le  nord  de  l’Italie.  La  fabrique  de  M.  Bellino  Valeri,  située  dans  la  der- 
nière de  ces  villes,  a produit,  en  1873,  1 200  quintaux  d’huile  de  Ricin, 
provenant  en  entier  de  graines  récoltées  en  Italie.  On  cultive,  dans  ces 
localités,  deux  variétés  de  Ricin  : la  variété  à graines  noires  d’Egypte, 
et  la  variété  à graines  rouges  d’Amérique.  Les  graines  de  ce  dernier 
sont  celles  qui  fournissent  le  plus  d’huile,  mais  sa  coloration  est 
moins  pâle.  On  dépouillé  les  graines  de  leurs  téguments  n'vtc 
beaucoup  de  soin  ; on  les  brise,  et  on  les  soumet  à une  presse  hy- 
draulique puissante  dans  une  salle  qui,  en  hiver,  est  chauffée  à envi- 
ron 21°  C,  L’écoulement  de  l’huile  est  favorisé  par  des  plaques  en  fer 

(1)  Madras  Exhibition  of  Raw  Products , etc.,  of  Southern  India  { Reports  bij  the 
Juries,  Madras,  185G,  28). 

(2)  Annual  volume  of  trade  and  navigation  for  the  Bengal  Presidency  for  1870-/1, 
Calcutta,  1871,  119. 

(3)  Annual  statement  of  the  trade,  etc.,  of  the  United- Kimjdom  for  1870. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  32o 

chauffées  entre  32°  et  38°  G.,  et  placées  entre  les  sacs  pressés.  Les  graines 
décortiquées  donnent  40  pour  100  environ  d huile  (1). 

Toute  l’huile  de  Ricin  pressée  en  Italie  ne  provient  pas  de  graines 
produites  par  le  pays.  Il  résulte  des  documents  officiels  (2)  que  pen- 
dant l’année  1872-73  il  a été  exporté  de  Bombay  à Gênes  1 330  quin- 
taux de  graines  de  Ricin,  indépendamment  de  2 452  gallons  d’huile. 
Nous  ne  possédons  aucun  document  indiquant  la  quantité  de  ces  pro- 
duits exportés  des  autres  parties  de  l’Inde  pendant  la  même  année. 

Usages.  — L’huile  de  Ricin  est  très-estimée  comme  purgatif  doux.  On 
emploie  les  qualités  inférieures  dans  la  fabrication  du  savon,  et,  dans 
l'Inde,  on  les  brûle  pour  l’éclairage.  Aujourd’hui,  on  n’administre  pas  les 
graines.  Les  feuilles  de  la  plante,  appliquées  après  décoction  sur  les 
mamelles  de  la  femme,  passent  pour  provoquer  la  sécrétion  du  lait. 
Celte  propriété,  connue  depuis  longtemps  des  habitants  des  îles  du 
cap  Vert  (3),  fut  particulièrement  constatée,  vers  1830,  par  le  doc- 
teur Mac  William.  On  a affirmé  même  que  cette  action  était  produite 
par  les  feuilles  prises  à l’intérieur. 

(a)  Les  Ricins  (Ricinus  Tournefort,  Instit.,  532,  t.  307)  constituent  le  type  d’une 
série  d’Eupliorbiacées  uniovulées  ; à tleurs  régulières 
et  monoïques  ; apétales  ; à fleurs  mâles  pourvues  d’éta- 
mines en  nombre  indéfini,  polyadelphes  (voy.  H.  Bâil- 
lon, Histoire  des  plantes , V,  109). 

Le  Ricinus  commuais.  L.  ( Species , 1007)  est  une 
plante  à feuilles  alternes,  longuement  pétiolées,  accom- 
pagnées de  deux  stipules  latérales  ordinairement  connées 
en  un  sac  membraneux  caduc  qui,  dans  le  bouton,  en- 
veloppe les  jeunes  feuilles.  Le  limbe  des  feuilles  est 
palmé,  à cinq,  sept,  neuf  ou  même  onze  lobes  séparés  par 
des  sinus  plus  ou  moins  profonds,  pénétrant  parfois  jus- 
que près  du  sommet  dit  pétiole.  Les  lobes  inférieurs  sont 
souvent  conués,  et  la  feuille  est  alors  véritablement  peltée. 

Les  lobes  foliaires  sont  ovales-lancéolés,  acuminés,  iné_ 
gaiement  dentés.  Du  sommet  du  pétiole  principal  partent 
autant  de  nervures  primaires  qu’il  y a de  lobes,  et  cha- 
cune parcourt  directement,  dans  toute  sa  longueur,  le  Fl£'  23°-  $&ms  commuais. 
lobe  auquel  elle  est  destinée,  en  émettant  de  chaque  côté  des  nervures  secondaires 
pennées.  Le  pétiole  est  très-allongé,  cylindrique,  tubuleux  quand  il  est  bien  déve- 
loppé ; il  offre,  d’ordinaire,  de  grosses  glandes  sessiles,  situées  sur  les  bords  de 

(1)  H.  Ghoves,  Pharm.  Journ . , 1867,  VIII,  250. 

(2)  Annual  statement  of  the  trade  and  navigation  of  the  Président')]  of  Bombay  for 

1.872-73,  p.  II,  87,  88. 

(3)  Frezier,  Voyage  to  the  South  Seas,  Lond.,.1717, 13.  — Turner,  dans  son  Iter- 
bal  (1568),  attribue  à la  plante  une  propriété  opposée. 


.326 


EÜPHORBIACÉIÏS. 


sn  lace  supérieure,  qui  est  un  peu  cannelée.  Les  dimensions  des  feuilles  sont  très 
variables.  Elles  ont  souvent,  y compris  le  pétiole,  jusqu’à  90  centimètres  de  long. 
Les  fleurs  sont  monoïques  et  disposées  en  inflorescences  terminales  ou  oppositifoliées; 


Fig.  231 . 
Rioin.  Fruit. 


Fig.  232.  Ricin.  Fig.  233.  Ricin 
Graine  entière.  Graine  coupée  ve: 


les  mâles  et  les  femelles  sont 
réunies  sur  la  même  inflores- 
cence. Cette  dernière  est  une 
longue  grappe  de  cvmes  mul- 
tillores  alternes,  insérées  dans 
l’aisselle  de  bractées  triangu- 
laires, membraneuses,  marees- 
centes,  accompagnées  chacune 
de  deux  glandes  stipulaires. 
Les  cymes  inférieures  sont 
d’ordinaire  formées  de  fleurs 


males,  et  les  supérieures  do.  fleurs  femelles,  qui  parfois  deviennent  hermaphrodites. 
Tl  existe  parfois,  au  milieu  de  l’inflorescence,  des  cymes  mixtes,  dont  la  fleur  cen- 
trale est  femelle  et  les  autres  mâles.  Les  pédicelles  floraux  sont  articulés. 

Dans  la  fleur  mâle,  le  calice  est  formé  de  cinq  sépales,  valvaires  dans  le  bouton, 
réfléchis  après  l’anthèse,  triangulaires,  ovales,  membraneux.  L’androcée  se  compose 
d un  nombre  indéfini  et  très-considérable  d’étamines,  dont  les  filets  sont  connés  en 
faisceaux  plusieurs  fois  ramifiés,  tout  à fait  semblables  à de  petits  arbres,  dont  cha- 
que branche  se  termine  par  une  anthère  biloculaire,  à loges  presque  arrondies,  fixées 
au  connectif  seulement  par  un  point,  extrorses,  déhiscentes  par  des  fentes  longitu- 
dinales. Dans  la  fleur  femelle,  le  calice  est  semblable  à celui  de  la  fleur  mâle.  Le  gy- 
nécée est  formé  d’un  ovaire  supère,  libre,  globuleux,  à trois  loges,  dont  deux  anté- 
rieures et  une  postérieure,  surmonté  d’un  style  simple  et  cylindrique  à la  base,  puis 
bientôt  divisé  en  trois  branches  allongées,  elles-mêmes  bipartites,  couvertes  de  gros- 
ses papilles  rouges.  Chaque  loge  contient  un  seul  ovule  anatrope,  inséré  dans  le 
haut  de  l’angle  interne,  descendant,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors  et  re- 
couvert d’un  obturateur  formé  par  un  épaississement  du  placenta.  Le  fruit  est  une 
capsule  lisse  ou  chargée  d’aiguillons  mous,  un  peu  flexueux;  elle  est  arrondie,  un  peu 
déprimée  au  sommet,  marquée  de  trois  sillons  profonds  répondant  aux  interstices 
des  carpelles,  et  de  trois  plus  superficiels  situés  au  niveau  de  la  ligne  médiane  dorsale 
de  chaque  carpelle.  A la  maturité,  les  trois  carpelles  secs  ou  coques  se  séparent,  puis 
chacun  s’ouvre  en  deux  valves,  et  met  à découvert  une  graine  descendante  à micro- 
pyle recouvert  d’un  arille  charnu.  Les  téguments  propres  de  la  graine  sont  recou- 
verts d’un  arille  généralisé  mince  et  membraneux.  La  graiue  contient  sous  ses  tégu- 
ments durs  et  cassants  un  albumen  huileux  abondant  et  un  embryon  droit,  à 
cotylédons  foliacés,  minces  et  larges. 

On  a distingué  dans  cette  espèce  un  grand  nombre  de  variétés,  dont  quelques- 
unes  ont  été  décrites  comme  des  espèces  distinctes.  On  s’est  appuyé  surtout,  pour 
distinguer  ces  variétés,  sur  la  forme  et  la  grandeur  de  la  capsule  et  des  graines.  La 
coloration  de  la  plante  a également  servi  à distinguer  deux  formes  : le  Ricin  san- 
guin et  le  Grand  Ricin  ordinaire  (voy.  Vilmorin,  Annuaire  des  Essais,  1862,  293. 
— Muller,  in  DC.,  Prodr.,  XV,  S.  II,  1017).  [Trad.] 

(b)  Les  grains  d’Àleurone,  qui  existent  en  grande  abondance  dans  les  graines  du 
Ricin,  constituent  l’un  des  objets  les  plus  intéressants  à étudier  dans  ces  graines. 
Les  corps  qu’on  a désignés  sous  le  nom  d’Aleurone  parce  qu’on  les  a trouvés  d’abord 
dans  les  graines  des  Aleurücs , ont  une  constitution  complexe.  On  trouve  l'réqueni- 


d 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE,  327 

ment  dans  chacun,  et  c’est  précisément  le  cas  de  ceux  dos  graines  du  Ricin  : 1°  une 
masse  albuminoïde  affectant  la  figure  d’un  cristal,  nommée  cristalloïde  ; 2°  un  amas 
arrondi  ou  ovoïde  de  matière  calcaire,  qui,  à cause  do  sa  forme,  a été  nommé  glo~ 
boïde  • 3°  ces  deux  masses  sont  enveloppées  par  une  couche  de  matière  albuminoïde 
amorphe,  plus  ou  moins  épaisse  ; 4°  enfin,  le  tout  est  enveloppé,  d’après  M.  Rafi- 
nesque  (I),  par  une  mince  membrane  amorphe  et  transparente.  Pour  bien  observer 
les  grains  d’Aleurone  du  Ricin,  il  est  nécessaire  de  les  examiner  dans  des  réactifs 
différents,  destinés  à rendre  plus  visible  tel  ou  tel  détail  de  leur  organisation.  Quand 
on  examine  une  coupe  mince  de  l’albumen  du  Ricin  dans  la  glycérine  épaisse,  les 
grains  d’Aleurone  se  présentent  dans  chaque  cellule  en  nombre  assez  considérable, 
sous  l’aspect  de  corps  ovoïdes,  grisâtres,  très-réfringents  (fig.  233,  a),  dans  lesquels 
on  ne  distingue  que  deux  parties  : l’une,  formant  la  masse  principale  du  grain  d’A- 
leurone,  correspond  au  cristalloïde  enveloppé  par  de  la  matière  albuminoïde  amorphe 
qui  le  voile  et  le  rend  tout  à fait  invisible  ; l’autre,  située  à l’une  des  extrémités  du 
grain,  est  le  globoïde.  En  chauffant  alors  la  préparation,  on  rend  visible  le  cristalloïde 
et  on  peut  facilement  distinguer  les  trois 
parties  constituantes  du  grain  (fig.  233,  b), 
le  globoïde  et  le  cristalloïde,  enveloppés  par 
du  protoplasma  amorphe.  En  plaçant  la 
coupe  mince  de  l’albumen  dans  de  la  gly- 
cérine étendue  d’eau  on  obtient  un  résul- 
tat tout  à fait  différent.  Au  milieu  du  pro- 
toplasma granuleux  qui  remplit  la  cellule, 
et  qui  est  maintenant  bien  visible,  on  voit 
des  espaces  vides  arrondis  ou  ovoïdes 
(fig,  233,  c),  dans  l’intérieur  de  chacun  des- 
quels se  trouvent  un  cristalloïde  et  un  glo- 
boïde isolés.  L’eau  ayant  dissous  la  couche 
albuminoïde  amorphe  qui  forme  le  revê-  p;g,  «34. 

tement  de  chaque  grain,  les  autres  parties  Cellules  de  l’albumen  du  Ricin,  contenant 
constituantes  de  ce  dernier,  c’est-à-dire  le  des  graines  d’Alemone  (d’après  J,  Saohs). 
cristalloïde  et  le  globoïde,  se  trouvent  mis  à nu  et  sont  facilement  observables. 
Enfin,  si  l'on  traite  la  coupe  de  l’albumen  d’abord  par  une  solution  alcoolique  d’iode, 
puis  par  l’acide  sulfurique,  le  protoplasma  granuleux  des  cellules,  coloré  par  l’iode, 
se  montre  creusé  de  grandes  cavités  (fig.  233,  d)  absolument  vides  ; les  grains  d’A- 
leurone qui  remplissaient  ces  cavités  ont  été  détruits  entièrement  par  l’acide  sulfu- 
rique. Pour  rendre  la  membrane  des  grains  d’Aleurone  visible,  M.  Rafinesque  traite 
la  préparation  par  l’eau,  qui  dissout  la  matière  albuminoïde  amorphe  sans  attaquer 
la  membrane  ; celle-ci  devient  alors  visible  dans  les  points  où  elle  passe  du  globoïde 
sur  le  cristalloïde,  et  où  elle  se  montre  déprimée.  Ces  recherches  ont  été  faites  sur 
les  cellules  de  l’albumen  des  Aleurites.  Il  reste  aies  renouveler  sur  les  nombreuses 
graines  qui  renferment  de  l’Aleurone.  Les  dimensions  et  la  structure  des  grains 
d’Aleurone  sont  très-variables  d’une  plante  à l’autre  et  môme  dans  une  plante  dé- 
terminée. Certaines  cellules  offrent  un  gros  grain  (le  solitaire  de  M.  Hartig)  dont 
le  cristalloïde  offre  parfois  une  forme  spéciale,  entouré  de  grains  plus  petits.  Les 
cristalloïdes  peuvent  aussi  manquer,  etc.  (voy.  les  mémoires  cités  page  322,  et 
J.  Sachs,  Botan.,  tr.  fr.,  72).  [Trad.]. 

(1)  Bulletin  de  la  Société  Linnéenne  de  Paris,  1874,  n°  1 ; Dictionnaire  de  Botani -*■ 
que  de  H.  Bâillon,  article  Aleurone. 


EUPHORBIACÉES. 


328 


KAMALA, 

Kamela,  Glamhdæ  liôttlerse. 

Origine  botanique.  — Echinu sphilippinensis,  H.  Bâillon  (Crotonphtlip- 
pense  Lamk;  Roltlera  tincloria  Eoxb;  Mallotus  pMippinensis  Müll.  Ahg). 
C’est  un  grand  arbuste  ou  un  petit  arbre  de  G à 9 mètres  de  haut,  dont 
1 aii  e est  très-étendue.  On  le  trouve  en  Abyssinie  et  dans  le  sud  de 
l’Arabie,  dans  la  péninsule  indienne,  où  il  croît  sur  les  montagnes 
jusqu’à  1 500  mètres  d’altitude,  à Ceylan,  dans  l’archipel  Malais,  dans 
les  Philippines,  dans  l’est  de  la  Chine,  dans  le  nord  de  l’Australie,  à 
Queensland  et  dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  (a). 

Les  lruits  tricoques  d un  grand  nombre  d’Euphorbiacées  sont  recou- 
\eits  de  piquants,  de  poils  étoilés  ou  de  glandes  faciles  à enlever.  Dans 
plusieurs  espèces  de  Mallotus , les  capsules  sont  couvertes  de  poils 
étoilés  et  de  petites  glandes.  Dans  l’espèce  dont  nous  nous  occupons  ici, 
la  capsule  est  pourvue  de  petites  glandes  rouges,  très-nombreuses,  qui, 
enlevées  et  broyées,  constituent  la  poudre  connue  sous  le  nom  bengali 
de  Kamala.  Ces  glandes  n’existent  pas  seulement  sur  la  capsule  ; elles 
recouvrent  encore  les  autres  parties  de  la  plante;  on  les  trouve  surtout 
au  milieu  du  tomentum  qui  tapisse  la  face  inférieure  des  feuilles. 

Historique.  — Cette  drogue  fut  mentionnée  par  quelques  médecins 
arabes  (1)  dès  le  dixième  siècle,  sous  le  nom  de  Kanbil  ou  Wars.  Ibn 
Khurdàdbah,  géographe  arabe,  qui  vivait  entre  869  et  885,  dit  qu’il 
arrive  de  l’Yémen  : de  la  soie,  de  l’ambre  gris,  du  wars,  et  de  la 
gomme  (2).  Le  Wars  est  décrit  comme  une  poudre  rougeâtre,  semblable 
à du  sable,  qui  tombe  sur  le  sol  dans  les  vallées  de  l’Yémen,  et  qui  con- 
stitue un  bon  remède  contre  le  ver  solitaire  et  les  maladies  cutanées. 
Un  écrivain  le  compare  à du  safran  pulvérisé  ; un  autre  parle  de  deux 
sortes  : l’une  abyssinienne,  qui  est  noire  (ou  violette),  et  l’autre  indienne, 
qui  est  rouge.  Abul-Abbas  el-Nebâti,  qui  était  né  en  Espagne,  fait 
remarquer  que  la  drogue  est  connue  dans  le  Hejaz,  et  apportée  de 
l’Yémen,  mais  qu’elle  est  inconnue  dans  l'Andalousie,  et  n’y  croît  pas. 

Dans  les  temps  modernes,  Niebuhr  (3)  parle  de  la  même  substance 
sous  le  nom  de  Wars.  Il  dit  qu’elle  sert  comme  matière  tinctoriale,  et 

(1)  Signalé  par  Ibn  Baytar  (voy.  tract,  de  Sontheimer,  1842,  II,  326,  585). 

(2)  Ibn  Khurdadbaii,  Livre  des  routes  et  des  provinces,  trad.  Barbjer  de  Meynard 
(in  Journ.  Asiatique,  1865,  V,  295). 

(3)  Description  de  l’Arabie,  1774,  133.  . 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  329 

qu’elle  est  exportée  de  Molcha  à Oman.  Celte  drogue  doit  être  connue 
depuis  longtemps  dans  l’Inde,  car  elle  possède  plusieurs  noms  sanskrits  : 
l’un  d’eux  est  Kapila;  il  est  parfois  employé,  comme  le  nom  lelugu 
Kâpila-podi , par  les  Européens  ; mais  moins  fréquemment  que  Kamala  ou 
Kamela . qui  appartient  aux  idiomes  hindustani,  bengali  et  guzratti.  Il 
ne  paraît  pas  que  cette  drogue  ait  été  employée  pour  l’usage  médical 
en  Europe,  jusqu’à  une  époque  très-récente,  quoiqu’elle  eût  été  signalée 
par  Ainslie,  par  Roxburgh,  par  Royle,  et  par  Buchanan,  quia  donné  des 
détails  intéressants  sur  sa  récolte  et  son  emploi  (I).  En  1832,  des  échan- 
tillons de  cette  drogue  trouvés  dans  les  bazars  d’Aden  sous  le  vieux  nom 
arabe  de  Wars  furent  envoyés  à l’un  de  nous  par  Yaughan,  mé- 
decin du  Port,  qui  nous  informait  de  son  emploi  dans  la  teinture  de  la 
soie,  et  contre  les  maladies  de  la  peau  (2).  Son  introduction  dans  la 
médecine  scientifique  est  due  à Mackinnon,  médecin  de  l’hôpital  du 
Rengale,  qui  l’administra  souvent  avec  succès  contre  le  ver  solitaire. 
Anderson,  de  Calcutta,  C.  A.  Gordon  et  Corbyn,  dans  l’Inde,  et  Leared 
à Londres,  confirmèrent  les  observations  de  Mackinnon,  en  établissant 
pleinement  les  propriétés  du  Kamala  comme  ténifuge  (3).  En  1804,  il 
fut  introduit  dans  la  Pharmacopée  anglaise. 

Production.  — Le  Kamala  est  l’un  des  produits  de  l’administra- 
tion des  forêts  dans  la  présidence  de  Madras,  mais  on  le  récolte  aussi 
dans  plusieurs  autres  parties  de  l’Inde.  Les  détails  suivants  ont  été  com- 
muniqués à l’un  de  nous  par  un  correspondant  qui  habite  les  provinces 
du  nord-ouest  de  l'Inde  (4).  «...  On  trouve  au  pied  de  ces  montagnes 
une  énorme  quantité  de  Rottlerci  tinctoria , et  à chaque  saison  un  grand 
nombre  d’individus,  particulièrement  des  femmes  et  des  enfants,  sont 
employés  à la  récolte  de  la  poudre,  qu’on  expédie  dans  la  plaine.  Ils 
récoltent  les  fruits,  les  déposent  dans  un  panier,  et  les  y roulent  en  les 
frottant  entre  les  mains,  de  façon  à en  détacher  une  poudre  qui  tra- 
verse le  fond  du  panier,  et  tombe  sur  des  toiles  étendues  au-dessous. 
Cette  poudre  constitue  le  Kamala  du  commerce.  Elle  jouit  d’une  grande 
réputation  comme  anthelminthique,  mais  on  l’emploie  surtout  comme 
matière  tinctoriale.  On  la  falsifie  principalement  avec  les  feuilles  pul- 
vérisées de  la  plante,  les  pédoncules  des  fruits,  et  une  petite  quantité 
de  matière  terreuse,  mais  dans  de  faibles  proportions.  La  récolte  des 

(1)  Journey  Ihrough  Mysore , Cancira,  etc.,  Lond.,  1807,  1,  168,  211,  II,  313. 

(2)  Pharm.  Jouni.,  1833,  XII,  386,  389. 

(3)  Ibid.,  1838,  XVII,  108. 

(4)  Mr  Matlhews,  îi  Nainee  Tal. 


Jd0  EUPBORBIACÉES. 

fruits  et  la  préparation  de  la  poudre  commencent  ici  dans  les  premiers 
jours  do  mars,  et  durent  un  mois  environ...  » On  recueille  la  poudre 
de  la  même  façon  dans-le  sud  de  l’Arabie,  d’où  elle  est  expédiée  vers 
le  golfe  Persique  et  Bombay;  on  l’apporte  aussi,  sous  le  nom  de  Wars, 
de  Hurrur,  ville  de  l’Afrique  orientale,  qui  constitue  une  très-impor- 
tante station  commerciale  entre  les  pays  de  Galba  etde  Berbera  (1). 

Description.  — Le  Kamala  est  une  poudre  fine,  mobile,  consistant  en 
granules  cramoisis,  dont  la  couleur  brillante  est  un  peu  ternie  par  un 
mélange  de  poils  étoilés  gris,  de  débris  de  feuilles,  et  d’autres  substances 
étrangères.  Elle  est  à peu  près  dépourvue  de  saveur  et  d’odeur,  mais  sa 
solution  alcoolique,  versée  dans  l’eau,  émet  une  odeur  semblable  à celle 
du  melon.  Le  Kamala  est  à peine  attaqué  par  l’eau,  même  à la  tempé- 
rature d ébullition  ; 1 alcool,  l’éther,  le  chloroforme  et  la  benzine  lui 
enlèvent  une  résine  d’un  beau  rouge.  Ni  l’acide  sulfurique,  ni  l’acide 
nitrique  ne  1 attaquent  à froid,  et  l’essence  de  térébenthine  n'est  pas 
colorée  par  lui,  si  ce  n’est  à chaud.  Il  flotte  sur  l’eau,  mais  s’enfonce 
dans  l’essence  de  térébenthine.  Lorsqu’on  le  projette  dans  la  flamme, 
il  brûle  à la  façon  de  la  poudre  de  lycopode.  Chauffé,  il  émet  une 
odeur  aromatique  faible.  Lorsqu’il  est  pur,  il  laisse  à l’incinération 
1,37  pour  100  de  cendres  grises. 

Structure  microscopique.  — Les  granules  de  Kamala  sont  des  glandes 
sphériques,  irrégulières,  ayant  de  30  à 60  millimètres  de  diamètre. 
Leur  surface  est  cireuse;  elles  sont  un  peu  aplaties  ou  déprimées  sur 
une  de  leurs  faces,  et  renferment  dans  leur  membrane  jaunâtre  déli- 
cate une  masse,  sans  structure,  jaune,  dans  laquelle  sont  dispersées  de 
nombreuses  cellules  simples,  claviformes,  contenant  une  substance 
transparente,  rouge,  homogène.  Ces  cellules  sont  disposés  en  groupes 
rayonnants  autour  du  centre  de  la  face  aplatie,  de  sorte  que  sur  la 
partie  située  en  face  de  l’observateur  on  peut  en  compter  aisément  de 
10  à 30,  tandis  que  la  glande  entière  peut  en  contenir  de  -40  à 60.  Dans 
un  petit  nombre  de  cas,  on  voit  au  centre  de  la  base  de  la  glande  un 
pédicule  cellulaire  très-court. 

Lorsque  les  glandes  ont  été  épuisées  par  l’alcool  et  la  potasse,  puis 
brisées  par  pression  entre  des  plaques  de  verre  minces,  les  diverses 
cellules  se  séparent  et  se  gonflent  un  peu,  tandis  que  la  membrane 
d’enveloppe  se  détache  complètement,  et  se  présente  comme  une  mem- 
brane simple.  Après  ce  traitement,  les  cellules  de  la  glande,  mais  non 


(1)  Burton,  Journ.  of  /?.  Gcoyr.  Society,  1S55,  XXV,  146. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  331 

leur  membrane  d’enveloppe,  prennent  sous  1 influence  de  1 (ici cl c sulfu™ 
ri (| u o concentre  et  de  1 ga.ii  i*odee  une  coloration  In  une  ou  bleue  plus  ou 
moins  foncée.  Les  parois  des  cellules  seules  sont  donc  formées  de 
cellulose.  Yogi  (1864)  suppose  que,  pour  former  ces  glandes,  une  cel- 
lule de  l’épiderme  du  fruit  se  soulève  et  s’allonge,  puis,  par  biparti- 
tion, se  divise  en  une  cellule  jouant  le  rôle  de  pédicule,  et  en  une 
autre  cellule  superposée  qui  forme  la  petite  masse  cellulane  pioduc- 
trice  de  la  résine.  Au  début,  le  contenu  de  cette  masse  cellulaire  n’offre 
rien  de  particulier,  mais  il  passe  peut-être  graduellement  à l’état  de 
résine,  par  transformation  de  la  substance  cellulaire. 

Les  glandes  du  Karnala  sont  toujours  accompagnées  par  des  poils 
étoilés,  incolores  ou  brunâtres,  à parois  épaisses,  deux  ou  trois  fois  aussi 
longs  que  les  glandes,  contenant  souvent  de  l’air,  et  n’offrant  aucun 
caractère  qui  permette  de  les  distinguer  des  poils  de  beaucoup  d’autres 
plantes,  notamment  de  ceux  des  Verbascum  et  des  Allhæa. 

Composition  chimique.  — Le  Karnala  a été  analysé  par  Anderson,  de 
Glasgow  (1835),  et  par  Leube  (1860).  Il  abandonne  à l’alcool  ou  à l’éther 
près  de  80  pour  100  de  résine,  que  nous  avons  trouvée  soluble  dans  l’acide 
acétique  cristallisable  et  dans  le  bisulfure  de  carbone,  mais  non  dans 
l’éther  de  pétrole.  En  traitant  la  résine  extraite  par  l’éther  avec  l’al- 
cool froid,  Leube  l’a  dédoublée  en  deux  résines,  l’une  plus  facilement 
soluble,  fondant  à 80°  C.,  l’autre  fondant  à 191°  G.  Toutes  les  deux  se 
dissolvent  dans  les  solutions  alcalines,  et  peuvent  être  précipitées  par 
les  acides  sans  changement  apparent.  Anderson  a trouvé  qu’une  solu- 
tion éthérée  concentrée  de  Karnala,  abandonnée  au  repos  pendant 
quelques  jours,  fournit  des  cristaux  granuleux,  qui,  par  cristallisations 
répétées  dans  l’éther,  s’obtiennent  à l’état  de  pureté.  Cette  substance, 
nommée  par  Anderson  Rottléi'ine,  forme  de  petits  cristaux  aplatis, 
jaunes,  satinés,  facilement  solubles  dans  l’éther,  difficilement  solubles 
dans  l’alcool  froid,  plus  solubles  dans  l’alcool  chaud,  et  insolubles 
dans  l’eau.  La  moyenne  de  quatre  analyses  a donné  pour  la  rottlérine 
la  composition  G22H506.  On  ne  peut  obtenir  aucun  composé  défini  de 
cette  substance  avec  les  oxydes  métalliques. 

Nous  pouvons  confirmer  les  observations  précédentes,  car  nous 
avons  obtenu  plusieurs  fois  une  certaine  quantité  de  petits  cristaux,  en 
abandonnant  une  solution  éthérée  de  Karnala  à une  lente  évaporation; 
mais  nous  n’avons  pas  toujours  bien  réussi  à les  préparer  (1). 

(1)  Je  viens  (le  m’assurer  que  la  Rotllerine  fournit  de  l’acide  paraoxybenzoïque 
quand  on  la  fond  avec  de  la  poLasse  caustique.  [P.  A.  F.] 


332  EUPHORBIACÉES. 

Usages.  — On  administre  le  Kamala  pour  provoquer  l’expulsion  du 
ténia.  11  a aussi  été  employé,  en  applications  externes,  contre  l’herpès 
circiné.  Dans  l’Inde,  on  s’en  sert  pour  donner  à la  soie  une  belle  cou- 
leur brun  orange. 

Falsification.  — Le  Kamala  est  souvent  falsifié  avec  des  substances 
terreuses,  dont  la  proportion  peut  s’élever  jusqu’à  CO  pour  100.  On  re- 
connaît aisément  cette  talsificalion  a la  couleur  grisâtre  de  la  poudre, 
et  à ce  qu’elle  s'enfonce  en  partie  quand  on  la  verse  dans  l’eau  ; on  la 
décèle  encore  d’une  façon  plus  certaine,  par  l’incinération.  Le  Kamala 
contient  parfois  une  quantité  très-considérable  de  matières  végétales 
étrangères,  telles  que  des  débris  de  capsules,  de  feuilles,  etc.,  qu’on 
peut  facilement  en  séparer  à l’aide  du  tamis. 

Substitutions.  — Il  y a quelques  années,  une  forme  remarquable  de 
Kamala  a été  importée  d’Aden  pour  MM.  Allen  et  Hanbury,  droguistes 
a Londres  (1).  Elle  arrivait  enfermée  dans  des  sacs  en  calicot  blanc, 
oblongs,  de  trois  dimensions,  portant  des  inscriptions  en  caractères 
arabes,  qui  indiquaient  le  nom  du  vendeur  ou  du  collecteur,  et  le  poids 
net,  lequel  était  de  100,  50  et  25  onces  turques.  La  drogue  se  présentait 
en  particules  plus  grossières  que  le  Kamala  ordinaire;  elle  était  colorée 
en  pourpre  foncé,  et  possédait  une  odeur  manifeste,  semblable  à celle 
qu’exhale  le  Kamala  ordinaire  quand  on  le  verse  dans  l’eau.  Elle  avait 
été  soigneusement  recueillie,  et  était  débarrassée  de  tout  mélange  ter- 
reux, au  point  de  ne  laisser  que  12  pour  100  de  cendres.  Sous  le  micros- 
cope, elle  présentait  des  différences  plus  grandes  encore.  Chaque  gra- 
nule était  cylindrique  ou  subconique,  long  de  170  à 200  millièmes  de 
millimètre,  large  de  70  à 100  millièmes  de  millimètre,  et  formé  de  cel- 
lules à résine  oblongues,  superposées  en  trois  ou  quatre  couches;  les 
granules  étaient  mélangés  de  poils  peu  nombreux,  allongés,  simples. 
Un  autre  fait  digne  d’intérêt,  c’est  que,  sous  l’influence  d’une  tempé- 
rature de  93  à 100°  C.,  ce  Kamala  devient  tout  à fait  noir,  tandis  que  le 
Kamala  ordinaire  ne  change  pas  de  coloration. 

On  ne  put  obtenir  aucun  renseignement  sur  le  lieu  de  production 
de  cette  drogue,  et  on  n’en  reçut  que  deux  expéditions,  s’élevant  en 
tout  à 136  livres.  On  ne  peut  guère  douter  qu’elle  ne  soit  produite  par 
une  espèce  de  Mallotus,  mais  rien  n’indique  si  c’est  une  espèce  indienne, 
arabe  ou  africaine.  Grâce  à M.  Binnendyk,  du  jardin  botanique  de 
Buitenzorg,  à Java,  nous  avons  pu  examiner  les  fruits  de  nombreuses 

(1)  Ce  Kamala  a été  particulièrement  décrit  par  moi  dans  le  Pharm.  Journal,  I8GS, 
IX,  279,  avec  des  dessins  sur  bois.  [F.  A.  F.] 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  333 

espèces  de  Mallotus  (. Rottlera ) et  ceux  des  Cœlodepas,  Maippa  et  Chlo- 
radenia  ; mais  aucun  de  ces  fruits  ne  porte  de  glandes  semblables  à 
celles  qui  constituent  la  drogue  dont  nous  venons  de  parler.  Nous  avons 
aussi  examiné  les  échantillons  de  Rottlera  de  l’herbier  royal  de  Kew, 
et  consulté  le  docteur  Müller,  de  Genève,  qui  a rédigé  la  Monographie 
des  EuphorSmcées,  dans  le  Prodromus  de  De  Candolle  ; malgré  toutes 
ces  recherches,  il  nous  a été  impossible  de  découvrir  quelle  est  la 
plante  qui  produit  cette  variété  de  poudre  de  Kamala. 

[a)  Les  Echinus  (Loureiro,  Flor.  Cochinch.,  éd.  1790,  633  ; Mallotus  Lour., 
Roulera  Roxb.,  etc)  sont  des  Euphorbiacées  uniovulées,  de  la  série  des  Jatrophées  ; 
à fleurs  monoïques  ou  plus  rarement  dioïques,  apétales  ; à calice  valvaire  ; à étami- 
nes en  nombre  indéfini,  et  insérées  au  centre  de  la  fleur  sur  un  prolongement  du 
réceptacle;  à ovaire  libre;  à fruit  capsulaire  (vov.  H.  Bâillon,  Histoire  des 
plantes,  V,  196). 

h' Echinus  philippinensis  H.  Bâillon  (in  Adasonia,  VI,  314;  Rottlera  tinctoria 
W.  ; Croton  philippinensis  Lamarck  ; Mallotus  philippinensis  Müll.  Arg.,  etc.)  est 
un  arbre  à rameaux  jeunes,  pétioles  et  inflorescences  couverts  de  poils  étoilés  courts, 
couleur  de  rouille.  Les  feuilles  sont  alternes,  à pétiole  ordinairement  deux  fois  plus 
court  que  le  limbe,  renflé  au  sommet,  et  accompagné  à la  base  de  deux  bractées  la- 
térales, larges,  triangulaires,  ovales,  aigues,  l.c  limbe  foliaire  est  long  de  8 à 12  cen- 
timètres et  large  de  6 à 7 centimètres,  triplinervié,  rhomboïdo-ovale,  ou  rhomboïdo- 
lancéolé,  acuminé,  aigu,  ou  plus  rarement  subcordé  à la  base,  non  pelté,  muni  à la 
base  de  deux  glandes,  entier  ou  subdenticulé  sur  les  bords,  glabre  sur  la  face  supé- 
rieure, couvert  en  dessous  de  poils  tomenteux  et  de  glandes  pulvérulentes,  rou- 
geâtres. Les  fleurs  sont  disposées  en  épis  axillaires  et  terminaux,  et  situées  dans  l’ais- 
selle de  petites  bractées.  Les  fleurs  mâles  sont  disposées  trois  par  trois  dans  l’aisselle 
de  chaque  bractée  ; leur  calice  est  profondément  divisé  en  trois  à cinq  lobes  valvai- 
res  dans  la  préfloraison,  ovales-lancéolés.  L’androcée  se  compose  de  quinze  â vingt- 
cinq  étamines  insérées  au  centre  de  la  fleur  sur  un  prolongement  du  réceptacle  un 
peu  dilaté  et  dépourvu  de  glandes.  Les  filets  sont  allongés  et  portent  chacun  une 
anthère  biloculaire,  introrse,  déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales.  Les  loges 
sont  obliques  et  surmontées  par  le  connectif  ovoïde,  épaissi  et  subapiculé.  Les  fleurs 
femellec  sont  solitaires  clans  l’aisselle  de  chaque  bractée.  Leur  calice  est  divisé  en 
cinq  lobes  réguliers,  ovales-lancéolés.  Elles  sont  dépourvues  de  disque,  ainsi  que  les 
fleurs  mâles.  L’ovaire  est  triloculaire,  couvert  de  petits  poils  tomenteux  étoilés,  et  de 
glandes  pourprées,  et  surmonté  cl’un  style  d’abord  simple,  puis  bientôt  divisé  en  trois 
branches  couvertes  sur  leur  face  interne  de  papilles  stigmatiques,  et  six  à sept  fois 
plus  longues  que  larges.  Chaque  loge  ovarienne  contient  un  seul  ovule  anatrope, 
suspendu,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors.  Le  fruit  est  une  capsule  trico- 
que,  longue  de  8 à 9 millimètres  et  à peu  près  aussi  large,  deux  ou  trois  fois  plus 
lougue  que  son  pédoncule,  couverte  de  glandes  granuleuses  jaunâtres.  Chaque  coque 
de  l'ovaire  s’ouvre  en  deux  valves,  et  met  à découvert  une  seule  graine  suspendue,  à 
micropyle  recouvert  d’un  arillc  peu  développé.  Elle  renferme  sous  ses  téguments  un 
albumen  abondant  et  un  petit  embryon  à cotylédons  foliacés.  [Trad.] 


331 


PIPfcllA.CfcES. 


PIPÉRACÉES 

POIVRE  NOIR. 

Fructus  piperis  nigri;  Piper  nigrum,  angl..  Black  Popper  (1)  allem..  Schwarzcr  Pfeffer. 


Origine  botanique. — Piper  nigrum  L.  Le  Poivrier  noir  est  un  arbuste 
vivace,  volubile,  à tige  articulée,  ramifiée  dichotomiquement,  et  à feuilles 
pétiolées,  larges,  ovales,  à 5-7  nervures.  Les  fleurs  sont  disposées  en 
épis  opposés  aux  feuilles,  pédonculés,  longs  de  8 à 15  centimètres.  Les 
fruits  sont  scssiles  et  charnus  [a). 

Le  Poivrier  noir  est  indigène  des  forêts  de  Travancore  et  du  Malabar, 
d’où  il  a été  introduit  à Sumatra,  à Java,  à Bornéo,  dans  la  péninsule 
malaise,  à Siam,  dans  les  Philippines  et  dans  les  Indes  occidentales. 

Historique.  — Le  Poivre  noir  est  une  des  épices  le  plus  ancienne- 
ment employées  par  l’homme.  Il  ne  constitue  aujourd’hui  qu’un  objet 
de  trafic  de  faible  importance  en  comparaison  du  sucre,  du  café  et 
du  coton,  mais  il  a été,  pendant  longtemps,  le  principal  objet  du  com- 
merce de  l’Europe  avec  l’Inde. 

Au  quatrième  siècle  avant  Jésus-Christ,  Théophraste  nota  l’existence 
de  deux  sortes  de  poivre  (rcéicspi),  qui  répondaient  probablement  au 
poivre  noir  et  au  poivre  long  des  temps  modernes.  Dioscoride  dit  que 
le  poivre  est  un  produit  de  l’Inde  ; il  connaissait  aussi  le  poivre  blanc 
(aîu'/.ov  TCTTcft).  Les  détails  donnés  par  Pline  sur  le  même  sujet  sont  cu- 
rieux. 11  nous  dit  qu’à  son  époque,  une  livre  de  poivre  long  coûtait 
15  deniers,  une  livre  de  poivre  blanc  7 deniers,  et  une  livre  de  poivre 
noir  4 deniers.  11  exprime  son  étonnement  de  ce  que  les  hommes 
aiment  tant  le  poivre,  qui  n’a  ni  saveur  douce,  ni  apparence  agréable, 
ni  aucune  autre  qualité  estimable  mais  seulement  une  saveur  brûlante. 

Dans  le  Périple  de  la  mer  Erythrée,  écrit  vers  l’année  64  après 
Jésus-Christ,  il  est  dit  que  le  poivre  est  exporté  de  Baraké,  port  de 
Nelkunda,  et  qu’il  ne  croît  en  abondance  que  dans  cette  région.  Cette 
localité  a été  considérée  comme  répondant  à la  partie  de  la  côte  de 
Malabar  située  entre  Mangalore  et  Calicut  (2). 

Le  Poivre  long  et  le  Poivre  noir  figurent  parmi  les  épices  indiennes, 

(1)  Le  mot  anglais  Pepper,  qui  avec  de  faibles  variations  a passé  dans  presque  toutes 
les  langues,  vient  du  nom  sanskrit  du  Poivre  long,  pippali.  Le  changement  de  / en  r a 
été  fait  par  les  Persans,  dans  la  vieille  langue  desquels  / manquait. 

(2)  Vincent,  Commet' ce  and  navigation  of  the  Ancients,  1807,  II,  'i58. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  335 

sur  lesquelles  les  Romains  levaient  un  impôt  à Alexandrie,  vers  617 
après  Jésus-Christ  (I).  Cosmas  Indicopleustes  (2),  commerçant,  qui,  vers 
la  fin  de  sa  vie,  se  fit  moine,  et  qui  écrivait  vers  540,  paraît  avoir  visité 
la  côte  de  Malabar,  ou  du  moins  il  connaissait  la  plante  au  Poivre  pour 
l’avoir  vue  lui-même.  C’est  lui  qui  donna  sur  elle  les  premiers  détails; 
il  dit  que  c’est  une  plante  grimpante,  s’élevant  sur  les  grands  ar- 
bres, à la  façon  de  la  vigne.  Il  nomme  son  pays  d’origine  Male  (3). 
Les  auteurs  arabes  du  moyen  âge,  notamment  Ibn  Khurdâdbah 
(vers  869-885) , Edrisi,  au  milieu  du  douzième  siècle,  et  Ibn  Batuta,  au 
quatorzième  siècle,  en  parlèrent  à peu  près  de  la  même  façon. 

Parmi  les  auteurs  européens  qui  décrivirent  la  plante  au  Poivre  avec 
quelque  exactitude,  le  premier  fut  Benjamin  de  Tudela,  qui  visita  la 
côte  de  Malabar  en  1166.  Nous  citerons  encore  le  moine  catalan 
Jordanus  (4),  qui,  vers  1330,  décrivit  la  plante  comme  assez  analogue 
au  lierre,  et  produisant  des  fruits  semblables  à ceux  de  la  vigne  sau- 
vage. « Ce  fruit,  dit-il,  est  d’abord  vert,  et  devient  noir  à la  maturité.  » 
Les  mêmes  détails,  à peu  près,  furent  répétés  par  le  Vénitien  Nicolo 
Conti,  qui,  au  commencement  du  quinzième  siècle,  vécut  pendant  vingt- 
cinq  ans  en  Orient.  Il  vit  la  plante  à Sumatra,  et  la  décrivit  aussi  comme 
semblable  au  lierre  (5). 

En  Europe,  le  Poivre  était,  pendant  le  moyen  âge,  la  plus  estimée  de 
toutes  les  épices,  et  le  symbole  du  commerce  des  épices  auquel  Gênes, 
Venise  et  les  cités  commerciales  du  centre  de  l’Europe  durent  une 
grande  partie  de  leur  richesse.  Son  importance  comme  objet  d’échanges 
commerciaux,  pendant  le  moyen  âge,  et  par  suite  comme  élément 
de  relations  civilisatrices  entre  les  nations,  fut  tellement  considérable 
qu’on  pourrait  à peine  l'exagérer. 

On  levait  des  impôts  de  Poivre  (6),  on  en  faisait  des  donations,  et  il 
servait  souvenl  pour  les  échanges,  dans  les  époques  où  la  monnaie  était 
rare.  Pendant  le  siège  de  Rome  par  Alaric,  roi  des  Goths,  en  408,  la 
rançon  réclamée  à la  ville  comprenait,  parmi  d’autres  objets,  5 000  livres 

(1)  Vincent,  ibicl.,  Il,  754,  — Meyer,  Geschichte  der  Botanik,  1865,  II,  167. 

(2)  Migne,  Patrologiæ  Cursus,  sériés  Græca,  1860,  LXXXV1II,  443,  446. 

(3)  Bar  (comme  dans  Malabar ) signifie,  en  arabe,  côte. 

(4)  Mirabilia  descripta  du  moine  Jordan-us,  traduits  par  Col.  Yule,  Lond.  (Hackluyth 
Society),  1863,  27. 

(5)  « Piperis  arbor  persimilis  est  hederæ,  granaejus  viridia  ad  formnm  grani  juni- 
peri,  qum  modico  cinere  aspersa  torrentur  ad  solem.  » (Kuntsmann,  Kenntniss  In- 
diens irn  XV  Jahrliundert,  München,  1863,  40.) 

(6)  On  en  trouve  des  exemples  dans  Lis  Grand  d’Aussy,  Histoire  de  la  vie  privée 
des  Français,  ed.  2,  1815,  182. 


33G 


PlPÊRACÊES. 

d’or,  30000  livres  d’argent  et  3 000  livres  de  Poivre  (1).  Des  faits  de 
celte  nature,  dont  il  serait  facile  de  multiplier  le  nombre,  indiquent 
suffisamment  l’importance  du  Poivre  pendant  le  moyen  âge.  A cette  épo- 
que, il  existait  un  impôt  particulier,  consistant  dans  l’obligation  pour  le 
tenancier  de  fournir  à son  seigneur,  à des  époques  déterminées,  une  cer- 
taine quantité  de  Poivre,  ordinairement  une  livre.  Ce  fait  montre  que 
ce  condiment  était  alors  très-recherché,  et  prouve  le  vif  désir  des 
classes  élevées  de  ne  passe  trouver  dépourvues  de  cette  denrée,  à une 
époque  où  l’approvisionnement  des  marchés  n’était  pas  toujours  assuré 
d’une  façon  régulière  (2). 

Les  plus  anciens  documents  relatifs  au  commerce  du  Poivre,  en  An- 
gleterre, que  nous  ayons  pu  nous  procurer,  se  trouvent  dans  les  statuts 
d’Ethelred,  978-1016  (3).  Il  y est  établi  que  les  Allemands  du  Nord,  ve- 
nant avec  leurs  navires  à Billingsgate , devront  payer  à Noël  et  à 
Pâques,  en  échange  du  privilège  de  commercer  avec  Londres,  un  petit 
tribut  de  vêtements,  cinq  paires  de  gants,  dix  livres  de  Poivre, 
et  deux  barils  de  vinaigre  (4).  Les  marchands  qui  faisaient  le 
trafic  de  cette  épice  furent  nommés  Piperarii ; en  anglais,  Peppe- 
rers ; en  français,  Poivriers  ou  Pébriers.  Ils  sont  mentionnés 
comme  existant  en  corporation  à Londres,  sous  le  règne  d’Henri  II 
(1154-1189).  Ils  furent  plus  tard  incorporés  à la  compagnie  des  épiciers, 
et  avaient  la  surveillance  et  le  contrôle  du  commerce  des  épices,  des  dro- 
gues, des  matières  tinctoriales,  et  même  des  métaux  (5).  Au  moyen  âge, 
le  prix  du  Poivre  était  déjà  très-élevé,  et  les  gouverneurs  de  l’Egypte 
retiraient  un  revenu  considérable  de  tous  ceux  qui  se  livraient  à ce  com- 
merce et  à celui  des  autres  épices  (6).  En  Angleterre,  entre  1263  et  1399, 
le  Poivre  noir  coûtait  en  moyenne  1 shilling  la  livre,  ce  qui  corres- 
pond à peu  près  à 8 shillings  de  notre  monnaie.  Entre  1330  et  1360  (7), 
il  valait  2 shillings  la  livre.  En  1370,  il  valait,  en  France,  7 sous  6 de- 

(1)  Zosimus,  Historia  (Lips  , 1784),  liv.  V,  c.  41. 

(2)  Rogers,  Agriculture  and  Prices  in  England,  1866,  1,  626.  Le  mol  peppercorn- 
rent,  qui  a survécu  en  Angleterre  jusqu’à,  uotre  époque,  ne  signifie  aujourd’hui  qu’un 
payement  nominal. 

(3)  Ancient  Laws  and  Institutes  of  England,  publié  par  la  Record  Commission, 
1840,  I,  301. 

(4)  Il  est  curieux  de  comparer  ces  chiffres  avec  ceux  que  donne  aujourd’hui  le  com- 
merce du  poivre.  Un  journal  commercial  du  27  février  1874  indiquait  pour  la  semaine 
précédente,  dans  les  docks  de  Londres,  un  stock  de  6 03b  tonnes. 

(5)  Herbert,  Hist.  of  the  ’twelve  grcat  Livery  Companics  of  London,  Lond.,  1834 
303,  310. 

(6)  Reinaud,  Nouveau  Journal  asiatique,  1829,  juillet,  22-bl. 

1 7 ) Rogers,  op.  cit.,  I,  641. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  337 

niers  la  livre  (21  francs  30);  en  1542,  son  prix  était  de  11  francs  la 
livre  (1). 

Le  prix  élevé  de  cet  important  condiment  poussa  les  Portugais  à 
chercher  un  passage  pour  se  rendre  dans  l’Inde  par  mer.  Quelque  temps 
après  la  découverte  de  ce  passage  (1498),  le  prix  du  Poivre  commença 
à diminuer  beaucoup,  et  vers  la  même  époque  la  culture  de  la  plante  fut 
en  même  temps  répandue  dans  les  îles  occidentales  de  l’archipel  Malais. 
Le  commerce  du  Poivre  continua  à être  un  monopole  du  gouvernement 
portugais  jusqu’au  dix-huitième  siècle.  Les  Vénitiens  firent  de  grands 
efforts  pour  retenir  cet  important  commerce  entre  leurs  mains,  mais 
tout  fut  inutile,  et  ce  fut  un  fait  d’un  grand  intérêt  que  l’arrivée, 
en  1522,  du  premier  navire  portugais,  apportant  des  épices  directement 
à Anvers.  Il  est  étrange  de  voir  qu’il  fut  reçu  avec  une  grande  méfiance. 
Le  Poivre  était  taxé  très-cher,  en  Angleterre.  En  1623,  l’impôt  levé  sur 
lui  était  de  5 shellings  par  livre;  même  après  1823,  il  était  soumis  à un 
impôt  de  2 shellings  6 deniers  par  livre. 

Production  — Dans  le  sud-ouest  de  l’Inde,  le  Poivre,  ou  vigne  à poivre 
des  colons  anglais,  croît  sur  les  pentes  des  vallées  étroites,  dont  le  sol 
riche  et  humide  produit  des  arbres  élevés,  qui  entretiennent  une 
fraîcheur  continuelle.  Dans  ces  endroits,  le  Poivre  traîne  sur  le  sol,  et 
sc  piopage  à 1 aide  des  racines  adventives  qu  il  émet.  Les  indigènes  re- 
lèvent l’extrémité  du  sarment  couché  sur  le  sol  et  l’attachent  sur  l’arbre 
le  plus  voisin  ; les  tiges  enfoncent  leurs  racines  dans  l’écorce  de  ce  der- 
nier jusqu’au  niveau  du  point  auquel  elles  sont  attachées,  les  pousses 
situées  plus  haut,  pendant  vers  le  sol.  La  plante  est  susceptible  de  s’éle- 
ver jusqu’à  une  hauteur  de  20  ou  30  pieds,  mais  pour  la  commodité  de 
la  récolte  on  la  maintient  plus  bas,  et  on  la  fait  grimper  sur  des  perches. 
Dans  les  endroits  où  le  Poivre  ne  pousse  pas  naturellement,  on  propage 
la  plante  à l’aide  de  boutures,  qu’on  plante  clans  le  voisinage  des  arbres 
destinés  plus  tard  à la  soutenir. 

Lorsque  le  Poivre  croît  dans  un  sol  riche,  il  commence  à produire 
dès  la  première  année,  et  la  quantité  de  ses  fruits  augmente  graduelle- 
ment jusque  vers  la  cinquième  année.  Chaque  pied  donne  alors  de  8 à 
10  liv  1 es  de  baies,  et  cette  récolte  moyenne  continue  jusqu’à  l’âge  de 
quinze  à vingt  ans.  Elle  commence  alors  à diminuer.  On  coupe  les 
épis  dès  que  les  deux  ou  trois  baies  inférieures  se  colorent  en  rouge. 
Le  jour  suivant,  on  fait  tomber  les  baies  avec  la  main  et  on  les  nettoie, 

^ (1)  Leher,  Appréciation  de  la  fortune  privée  au  moyen  âge,  2'  éd.,  Paris,  1847 
J ■> , 3 0 5 . * 


II1ST.  DES  DIIOQUES,  T.  II. 


22 


338 


PIPÉRACfcES. 


puis  on  les  fait  sécher  pendant  trois  jours  sur  des  nattes  ou  sur  un  sol 
durci,  ou  bien  dans  des  paniers  de  bambou  devant  un  feu  doux.  Dans  le 
Malabar,  le  Poivrier  fleurit  en  mai  et  juin,  et  l’on  commence  la  récolte 
des  fruits  au  commencement  du  mois  suivant  (t). 

Description.  — Les  fruits  ressemblent  à de  petites  cerises  arrondies, 
et  sont  fixés  au  nombre  de  20  à 30  sur  un  pédoncule  commun,  pendant. 
Ils  sont  d’abord  verts,  puis  deviennent  rouges,  et  enfin  jaunes  si  on  les 
laisse  mûrir  complètement,  mais  on  les  cueille  avant  la  maturité  com- 
plète, et  par  la  dessiccation  ils  deviennent  gris  noirâtre  ou  bruns.  Lors- 
qu’on les  laisse  mûrir  ils  perdent  peu  à peu  de  leur  saveur  brûlante,  et 
tombent  les  uns  après  les  autres.  Apres  dessiccation,  les  baies  sont 
sphériques;  elles  ont  4 millimètres  environ  de  diamètre  ; leur  surface 
est  ridée  ; elles  offrent  une  tache  peu  visible  au  niveau  de  l’insertion  du 
court  pédoncule  qui  les  supportait,  et  sont  couronnées  par  les  trois 
ou  quatre  lobes  très-peu  distincts  du  stigmate.  Leur  péricarpe  est 
mince  et  enveloppe  étroitement  une  seule  graine,  dont  1 embryon  est 
très-peu  développé  à cause  de  l’époque  prématurée  de  la  récolte;  une 
petite  cavité  indique  sa  place  au-dessous  du  sommet.  La  graine  elle-même 
contient,  en  dedans  d’un  tégument  mince,  coloré  en  brun  rouge,  un 
albumen  luisant,  gris  et  corné  en  dehors,  farineux  en  dedans.  Tout  le 
monde  connaît  la  saveur  brûlante  et  l’odeur  particulière  que  possède 
le  fruit  du  Poivrier. 

Structure  microscopique.  — Sur  une  section  transversale,  le  giain 
de  Poivre  noir  offre  d’abord  un  épiderme  jaunâtre,  mou,  qui  forme  la 
partie  externe  du  péricarpe.  Le  tissu  sous-jacent  est  formé  de  cellules 
étroitement  pressées,  dont  chacune  contient  dans  sa  petite  ca^té  une 
masse  de  résine  d’un  brun  foncé.  La  couche  moyenne  du  péricarpe  est 
formée  d’un  parenchyme  mou,  à cellules  allongées  tangentiellement, 
contenant  une  grande  quantité  de  petits  grains  d’amidon  et  de  goutte? 
d’huile.  C’est  à la  contraction  de  ce  parenchyme  que  la  baie  doit,  en 
majeure  partie,  les  rides  de  sa  surface.  La  couche  interne  du  péricarpe 
est  formée  de  deux  zones  : l’une,  extérieure,  formée  soit  de  cellules  allon- 
gées tangentiellement,  molles,  à parois  présentant  des  stries  spiralées, 
soit  de  fibres  spirales;  l’autre,  interne,  constituée  parmi  parenchyme 
lâche,  dépourvu  d’amidon,  et  contenant  de  grosses  gouttes  d huile. 
Le  tégument  de  la  graine  est  formé  extérieurement  d une  couche 
de  petites  cellules  jaunes,  à parois  épaisses.  En  dedans,  il  présente 


Pour  plus  de  détails  sur  la  culture  du  Poivrier,  voyez  : Buchanan , Journey 
throuyh  Mysore,  Canard  and  Malabar,  1807,  II,  455-520  ; III,  158 


' HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  339 

une  couche  de  cellules  lignifiées,  serrées,  colorées  en  brun  foncé,  à 
contours  impossibles  à distinguer.  L’albumen  est  constitué  par  un  pa- 
renchyme cà  grandes  cellules  anguleuses,  disposées  en  rangées  radiales. 
Le  plus  grand  nombre  sont  incolores  et  remplies  d’amidon;  les  autres 
contiennent  une  substance  amorphe,  molle,  jaune.  Lorsqu’on  conserve 
pendant  quelque  temps  de  minces  tranches  de  cet  albumen  dans  la 
glycérine,  il  se  transforme  en  cristaux  de  pipérine  ayant  la  forme 
d’aiguilles  {b). 

Composition  chimique.  — Le  Poivre  contient  une  résine  et  une  huile 
essentielle.  C’est  à la  première  qu’est  due  la  saveur  brûlante  du  fruit. 
L’huile  essentielle  possède  beaucoup  plus  l’odeur  que  le  goût  du 
Poivre  (1).  La  drogue  fournit  de  1,6  à 2,2  pour  100  de  cette  essence, 
qui  ressemble  à l’essence  de  térébenthine  par  sa  composition  chimique, 
par  son  poids  spécifique,  et  par  son  point  d’ébullition.  En  colonne  de 
50  millimètres  de  long,  nous  lui  avons  trouvé  un  pouvoir  rotatoire  de 
3°, 4 à gauche. 

Le  principe  constituant  le  plus  intéressant  du  Poivre  est  la  Pipérine , 
contenue  dans  le  fruit  dans  la  proportion  de  2 à 3 pour  100.  Sa  compo- 
sition répond  à la  formule  C17TI19Az03,  elle  est  donc  isomérique  de  la 
morphine.  La  pipérine  est  sans  action  sur  le  papier  de  tournesol.  Elle 
ne  peut  pas  se  combiner  directement  avec  les  acides,  mais  elle  s’unit 
avec  l’acide  chlorhydrique,  en  présence  du  chlorure  mercurique  et 
d’autres  chlorures  métalliques,  en  formant  des  composés  cristallisables. 
Elle  est  insoluble  dans  l’eau;  lorsqu’elle  est  parfaitement  pure,  ses  cris- 
taux sont  dépourvus  de  coloration,  de  saveur  et  d’odeur.  Sa  solution 
alcoolique  est  sans  action  sur  la  lumière  polarisée.  La  pipérine  peut 
être  dédoublée,  comme  l’a  montré  Anderson  en  1850,  en  acide  Pipérique 
ClsH10O4,  et  en  Pipéricline  C'dP'Az.  Ce  dernier  composé  est  un  alcaloïde 
liquide  incolore,  bouillant  à 106°  G.,  ayant  l’odeur  du  Poivre  et  de 
f ammoniaque,  et  fournissant  des  sels  cristallisables. 

Indépendamment  de  ces  principes,  le  Poivre  contient  encore  dans  son 
mésocarpe  une  huile  grasse.  Il  donne,  par  l’incinération,  5 pour  100 
environ  de  matières  inorganiques. 

Commerce.  — L’importation  du  Poivre  dans  le  Royaume-Uni,  en 
1 872,  a été  de  27  576  710  livres,  évaluées  à 753  970  livres  sterling.  Sur 

.(U  Ce  fait  a été  indiqué  par  Rheedc  dés  I G88  « ...oleum  ex  pipere  dislillatum  levem 
pipens  odorcm  spirans,  saporis  parum  acris  » ( Hort . Malab.,  VII,  24).  — L’essence  de 
poivre  était  déjà  fabriquée,  un  siècle  avant  Rlieede,  par  J.  B. Porta,  de  Naples  [MucÀ.r 
Nat.,  lib.  XX,  1589,  185).  v * ' 


310  PIPÉRACÈES. 

cette  quantité,  les  Établissements  fies  Détroits  ont  fourni  2u  000  000  li- 
vres, et  l’Inde  anglaise,  230  000  livres.  Le  Poivre  noir  est  importe  dans  la 
colonie  de  Singaporc  (principal  port  des  Etablissements  des  Détioits), 
de  Rhio,  de  la  péninsule  Malaise  et  de  Penang.  Le  Poivre  blanc  provient 
presque  exclusivement  de  Rhio  (t). 

Les  exportations  de  Poivre  faites  par  le  Royaume-Uni,  en  1872,  se  sont 
élevées  à 17  891  020  livres,  dont  la  plus  grande  partie  était  achetée  par 
l’Allemagne  (2  SOI  S74  livres).  Venaient  ensuite  : l’Italie  (2 288  047  livres); 
la  Russie,  la  Hollande  et  l’Espagne,  qui  chacune  en  ont  pris  plus  d'un 
million  de  livres  (2). 

Les  variétés  de  Poivre  cotées  dans  les  prix  courants  portent  les 
noms  de  : Malabar , Aleppee  et  Cochin,  Penang,  Singapore , Siam. 

Usages.  — Le  Poivre  ne  jouit  d’aucune  importance  comme  médica- 
ment ; il  n’est  que  rarement  ou  même  jamais  prescrit,  si  ce  n est  comme 

ingrédient  de  quelques  préparations. 

Falsification.  — Le Poivre  en  grains  n’est  pas,  à notre  avis,  susceptible 
de  subir,  en  Europe,  de  falsification  (3)  ; il  n’en  est  pas  ainsi  du  Poivre 
pulvérisé.  Malgré  l’énorme  amende  de  100  livres  sterling  à laquelle 
sont  soumis  les  fabricants,  les  possesseurs  ou  les  vendeurs  de  Poivre 
falsifié (4),  et  le  prix  peu  élevé  de  cette  marchandise,  le  Poivre  est  con- 
stamment falsifié  par  un  mélange  d’amidon  de  céréales  et  de  pommes  de 
terre,  de  sagou,  de  poudres  de  moutarde,  de  lin  et  de  piment.  Le  mé- 
langé de  ces  substances  peut  facilement  être  découvert,  avec  de  1 habi- 
tude, à l’aide  du  microscope  (5). 


POIVRE  BLANC. 


Cetle  forme  de  l’épice  est  préparée  à l’aide  du  Poivre  noir,  auquel  on 
enlève  la  couche  noire  extérieure  du  péricarpe,  et  qu’on  prive  ainsi 
d’une  partie  de  sa  saveur  brûlante.  Buchanan  dit  qu’à  Travancore, 
pour  obtenir  le  Poivre  blanc,  on  laisse  mûrir  les  fruits  ; on  cueille  alors 
les  grappes,  et,  après  les  avoir  conservées  pendant  trois  jours  dans  la 


Blue  Book  üf  the  Straits  Settlements  for  1871. 

L!  Annual  Statement  of  the  Trade  of  the  U.  K.  for  1872,  59,  l-o. 

3 D'après  Moodeen  Shérif!  [Suppl  to  the  Pharm.  of  India,  134)  les  baies  delÆw- 
heUa  Ribes  passent  pour  être  employées,  dans  les  bazars  indiens,  à la  falsification 

Poivre  noir. 

Si  £££  "I’  Ü»  Lond.,  « «.  - Evans, 

Joum.,  1800,  1,  005. 


341 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 


maison,  on  les  lave  et  on  les  frotte  entre  les  mains  dans  un  baquet, 
jusqu’à  ce  que  les  pédoncules  et  la  pulpe  aient  été  enlevés. 

Le  plus  beau  Poivre  blanc  vient  de  Tellicherry,  sur  la  côte  do  Ma- 
labar, mais  seulement  en  petite  quantité.  Les  points  les  plus  impor- 
tants pour  sa  préparation  sont  les  Etablissements  des  Détroits,  qui  en 
exportent  chaque  année  de  2 millions  à 2 millions  et  demi  de  livres.  La 
plus  grande  partie  de  cette  épice  est  dirigée  vers  la  Chine,  où  elle  est  très- 
estimée.  En  Europe,  on  préfère,  avec  raison,  le  Poivre  à l’état  naturel. 


Les  grains  de  Poivre  blanc  sont  de  plus  grande  taille  que  les  noirs, 
et  colorés  en  gris;  ils  sont  presque  sphériques  ou  un  peu  aplatis.  A la 
base,  le  tégument  du  fruit  est  épaissi  en  une  proéminence  mousse,  de 
laquelle  partent  une  douzaine  de  raies  claires  qui  se  dirigent  comme 
des  méridiens  vers  le  sommet  du  fruit.  Lorsque  la  couche  interne  du 
péricarpe  a été  enlevée,  on  voit  le  tégument  brun  foncé  de  la  graine, 
enveloppant  un  albumen  dur  et  translucide.  Par  la  structure  ana- 
tomique, ainsi  que  par  l’odeur  et  la  saveur,  le  Poivre  blanc  res- 
semble au  noir,  dont  il  repré- 
sente un  état  plus  avancé  de 
développement. 


(a)  Les  Poivriers  ( Piper  L.,  Gé- 
néra, n.  43  ; part.)  constituent  le 
type  d’une  série  de  la  famille  des 
Piperacées  ; ils  ont  des  fleurs  nues, 
hermaphrodites  ou  unisexuées;  un 
ovaire  uniloculaire,  uniovulé,  à 
ovule  anatrope  ; une  haie  mono- 
sperme, et  un  albumen  double 
(voy.  II.  Bâillon,  Histoire  des 
plantes,  III,  409). 

Le  Poivre  noir  ( Piper  nigrurn 
L.,  Spec.,  40)  est  une  plante  grim- 
pante, flexible,  à tiges  noueuses 
produisant  des  racines  adventives 
à 1 aide  desquelles  la  plante  se  fixe 
sur  les  arbres  qui  lui  servent  de 
point  d’appui.  Ses  feuilles  sont 
alternes,  simples,  pétiolées,  ovales, 
acuminées,  luisantes  et  colorées  en  vert  foncé  en  dessus,  plus  pâles  en  dessous, 
penninerves  et  subtriplinerves  à la  base,  longues  de  10  il  15  centimètres.  Le 
petio  e est  arrondi,  inséré  sur  les  rameaux  au  niveau  de  nœuds  renflés  et  articu- 
os’  ( 1 1 *'a^  au  nh'eau  de  son  point  d’attache  en  une  gaine  qui  embrasse  le  ra- 
meau et  se  développe  en  deux  stipules  latérales.  Les  fleurs  sont  disposées  en  épis 
allongés,  insérés  sur  la  tige  au  niveau  des  feuilles  et  en  face  d’elles.  Chaque 


Fig.  235.  Piper  nigrum.  Extrémité  d'un  rameau 
fructifère. 


3is  PIPÉKACÉES. 

fleur  est  sessile  dans  l’aisselle  d’une  bractée  cupuliforme,  et  logée  dans  une  fos- 
sette de  l’axe  à bords  relevés  de  chaque  coté  de  la  fleur  et  si- 
mulant deux  bractées  latérales.  Les  fleurs  sont  hermaphrodites 
ou  unisexuées  par  avortement  de  l’un  des  sexes.  Quand  la 
Heur  est  hermaphrodite,  elle  offre  deux  étamines,  l’une  à droite 
et.  l’autre  à gauche  de  la  bractée  mère,  composées  chacune 
d'un  tilet  libre,  aplati,  et  d’une  anthère  basifixe,  articulée,  ln- 
loculaire,  à loges  adossées  s’ouvrant  d’abord  par  deux  fentes 
longitudinales,  puis  se  divisant  en  quatre  valves.  Le  gynécée  se 
compose  d’un  ovaire  sessile,  inséré  au-dessus  des  étamines, 
globuleux,  uniloculaire,  et  surmonté  d’un  style  très-court  qui 
se  divise  en  un  nombre  variable  de  petites  languettes  stigma- 
tiques  rabattues  sur  le  sommet  de  l’ovaire.  La  loge  ovarienne 
unique  contient  un  seul  ovule  orthotrope,  dressé,  à micropyle 
supérieur  inséré  sur  un  placenta  à peu  près  basilaire.  Le  fruit 
qui  constitue  le  grain  de  poivre  est  une  baie  sessile,  conte- 
nant une  seule  graine.  Celle-ci  offre  sons  ses  téguments  un 
albumen  double,  l’extérieur  très-considérable,  remplissant  la 
23G-  ..  ‘ius  ^ande  partie  de  la  graine;  le  supérieur  relativement  tres- 

P^Z:::;r0n  petiM^é  dans  le  voisinage  du  micropyle  et  logeant  dans  son 
épaisseur  un  très-petit  embryon  droit,  à radicule  conique,  du  icee 
Ters  le  micropyle,  et  à cotylédons  tournés  directement  vers  la 

base  du  fruit.  [Trac.]  . , _ . . . 

(61  Une  coupe  transversale  d’un  grain  de  Poivre  non  of- 
fre ainsi  que  l’indiquent  les  figures  238  et  239  : 1°  un  épi- 
derme  a,  formé  de  petites  cellules  quadrangulaires  ou  plus 
ou  moins’  irrégulières,  revêtues  d’une  cuticule  très-épaisse  qui 
se  colore  en  bleu  foncé  dans  la  solution  acétique  d aniline  , 
2°  une  zone  6,  formée  d’une  seule  ou  de  plusieurs  couches  su- 
perposées de  cellules  à parois  très-épaisses,  ponctuées,  ligneuses, 

. , ...  À.  xtroite  • 3°  une  couche  épaisse  o de  cellules  îrregulieres, 

jaunes,  et  a cavité  ties-  , ^ parois minceS)  allongées  tangentiellement 

a et  plus  ou  moins  aplaties,  surtout  dans  le  bas,  où 
elles  sont  fortement  comprimées.  Dans  la  partie 
b inférieure  d de  cette  zone  se  voient,  au  milieu 
des  cellules  aplaties,  un  grand  nombre  de  grandes 
cellules  arrondies  ou  ovoïdes  remplies  d’une  huile 
jaunâtre.  Cette  zone,  qui  dans  la  baie  fraîche  con- 
C stitue  le  sarcocarpe,  est  limitée  par  une  couche 
unique  de  cellules  (fig.  239,  e)  dont  la  paroi  ex- 
d terne,  celle  qui  est  en  contact  avec  le  paren- 
chyme dont  nous  venons  de  parler,  est  mince, 
tandis  que  la  paroi  interne  est  fortement  épaissie 

. •%  . r 1 /V  .11^  n AM  n Iv  A l'U  IV  l*(  1 w 


UlLtUlP  IJIU/  11V  J^l,A  “ f 

[ ainsi  que  les  parois  latérales.  Cette  couche  repré- 
sente l’épiderme  interne  du  péricarpe,  1 em  o- 
carpe,  si  on  veut  lui  donner  ce  nom,  tandis  que 
Fig.  238.  Poivre  noir.  ies  couches  d,  c et  6 représentent  le  mésocarpe, 

Coupe  transversale.  t j;l  couclie  épidermique  o l'épicarpe.  Le  te- 

«tata.1  «dhtoWs-f.rUB.eut  à fendoerpe  ; il  est  représenté  p.r  deux 


Fig;  237.  Poivre  noir 
Coupe  longitudinale.. 


343 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

couches  : 1°  une  couche  f (#g.  239)  formée  de  cellules  allongées  tangentiellement, 
très-aplaties,  à parois  minces  ; dans  le  fruit  sec,  il  est  très- 
difficile  de  voir  cette  couche,  parce  que  ses  cellules  sont 
très-aplaties  et  comprimées  ; on  la  rend  visible  en  soumet- 
tant des  coupes  très-minces  à l’ébullition  dans  la  solu- 
tion acétique  d’aniline  ; ses  cellules  se  dilatent  alors  et 
leurs  parois  se  colorent;  2Ü  une  couche  g de  cellules  qua- 
drangulair'es  remplies  d’une  matière  colorée  eu  brun 
marron . 

En  dedans  du  tégument  séminal,  se  trouve  l’albu- 
men t,  limité  extérieurement  par  une  couche  h de 
cellules  A parois  externes  et  latérales  épaissies,  et  à paroi 
interne  restée  mince.  [Trad,] 

POIVRE  LONG. 

Fructus  Pipéri  Longis;  Piper  longum;  angl.,  Long  Pepper  ; allem.,  Langer  P fc/fer. 

Origine  botanique.  — Piper  officimrum  C.  DG.  ( Chavica  (I)  offici- 
narum  Min.).  C’est  une  plante  frutescente,  clioïque,  à feuilles  ovales 
oblongues,  acuminées,  atténuées  à la  base,  et  munies  de  nervures  pen- 
nées. Elle  est  originaire  de  l’archipel  Indien,  notamment  de  Java,  de 
Sumatra,  des  Célèbes  et  de  Timor.  Le  poivre  long  est  constitué  par 
l’épi  de  fruits  cueilli  un  peu  avant  la  maturité  complète,  et  desséché  (a). 

Le  Piper  longum , L.  ( Chavica  Roxburghii , Miq.),  arbuste  indigène  de 
Malabar,  de  Ceylan,  du  Bengale  oriental,  de  Timor  et  des  Philippines 
fournit  aussi  du  Poivre  long.  On  le  cultive  dans  ce  but  le  long  des  côtes 
orientales  et  occidentales  de  l’Inde.  Il  se  distingue  de  l’espèce  précé- 
dente par  ses  feuilles  munies  de  cinq  nervures  et  cordées  à la  base  (2)  (b). 

Historique.  — Les  anciens  Grecs  et  Romains  connaissaient  une 
drogue  nommée  IléTïcpi  p.az.pcv,  Piper  longum , qui  pourrait  bien  être  la 
même  que  le  Poivre  long  des  temps  modernes.  Dans  les  poésies  latines 
qui  portent  le  nom  de  Macer  Floridus  (3),  et  qui  probablement  furent 
écrites  au  dixième  siècle,  il  est  fait  mention  du  poivre  noir,  du  poivre 
blanc  et  du  poivre  long.  Cette  dernière  épice,  Macropiper , est  signalée 
par  Simon,  de  Gênes  (4),  qui  fut  médecin  du  pape  Nicolas  IV,  et  chape- 

(1)  Le  genre  Chavica,  séparé  du  genre  Piper  par  Miquel,  a été  réuni  de  nouveau  îi  ce 
dernier  par  C.  de  Candolle  ( Prodr .,  XVI,  S.  I).  Le  genre  Piper  est  aujourd’hui  com- 
posé d’environ  620  espèces. 

(2)  Pour  de  bonnes  ligures  des  deux  plantes,  voyez  : Hayne,  Arzney-GewÜchse.XlY , 

t.  20,  21.  ’ 

(3)  Croulant,  Macer  Floridus  de  Viribus  Hcrbarum,  Leip's.,  1832,  114. 

(4)  C lavis  Sanationis,  Venet.,  1510. 


Fig.  239.  Poivre  noir. 
Tégument  séminal. 


3-ii 


PIPÉRACÉES. 


lainde  Boniface  YIÏI  (1288-1303),  el  qui  voyagea  en  Orient  pour  étudier 
les  plantes.  Saladinus  au  milieu  du  quinzième  siècle,  énumère  le 
Poivre  long  parmi  les  drogues  que  les  apothicaires  doivent  posséder.  11 
a disparu  des  pharmacopées  modernes. 

Production.  — Au  Bengale,  le  Poivre  long  est  cultivé  par  les  produc- 
teurs de  cannes  à sucre.  Il  exige  un  sol  riche,  élevé  et  sec.  On  doit 
placer  les  plantes  à cinq  pieds  environ  les  unes  des  autres.  Une  acre  an- 
glaise peut  donner  pendant  la  première  année  3 maunds  (1  maund  vaut 
près  de  29  kilogrammes)  de  poivre;  la  seconde  année  12,  et  la  troisième 
80  maunds.  La  plante  produit  ensuite  de  moins  en  moins.  On  arrache 
alors  les  racines,  on  les  fait  sécher,  et  on  les  vend  sous  le  nom  de  Pipli- 
mul.  Les  Indiens  emploient  beaucoup  ces  racines  comme  médicament. 
On  cueille  le  poivre  au  mois  de  janvier,  en  pleine  croissance,  et  on 
l’expose  au  soleil  jusqu’à  ce  qu’il  soit  entièrement  sec.  Après  que  les 
fruits  ont  été  récoltés,  la  tige  et  les  branches  de  la  plante  meurent 
jusqu’au  niveau  du  sol  (1). 

Description.  — Le  Poivre  long  est  formé  d’un  grand  nombre  de  pe- 
tites baies  étroitement  serrées  sur  un  axe  commun,  et  constituant  un  épi 
long  de  4 centimètres  environ,  et  large  d’un  peu  plus  de  1 centimètre, 
supporté  par  un  pédoncule  de  \ centimètre  de  long  environ.  Cet  épi  est 
arrondi  aux  deux  extrémités,  et  un  peu  effilé  au  niveau  de  son  extrémité 
supérieure.  Les  fruits  sont  ovoïdes,  longs  de  2 millimètres,  couronnés  par 
une  petite  pointe  mamelonnée  qui  représente  les  restes  du  stigmate;  ils 
sont  disposés  sur  l’axe  suivant  une  ligne  spirale,  et  accompagnés  chacun 
d’une  petite  bractée  peltée.  Une  section  transversale  de  l’épi  offre  huit 
à dix  fruits  disposés  radialement,  avec  leur  extrémité  la  plus  étroite 
dirigée  vers  l’axe.  Au-dessous  du  péricarpe,  se  trouve  le  tégument 
mince  de  la  graine,  qui  enveloppe  un  albumen  incolore,  dont  la  petite 
extrémité  est  occupée  par  un  embryon  de  petite  taille. 

Le  Poivre  long  des  boutiques  est  d’un  blanc  grisâtre,  et  semble  avoir 
été  roulé  dans  une  poussière  terreuse.  Le  lavage  rend  aux  épis  leur 
coloration  naturelle,  qui  est  d’un  brun  rougeâtre  foncé.  La  drogue  pos- 
sède une  saveur  aromatique,  brûlante,  et  une  odeur  agréable  mais  peu 

prononcée. 

Cette  description  s’applique  au  Poivre  long  du  commerce  anglais,  qui 
vient  maintenant  en  majeure  partie  de  Java,  où  le  Piper  officinarum 
constitue  l’espèce  la  plus  commune.  Les  fruits  de  cette  espece  qui  nous 


(1)  Roxburgii,  Flora  indica,  1832,  I,  153. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  m 

ont  été  envoyés  par  M.  Binnendijk,  du  Jardin  botanique  de  Buitenzorg, 
près  de  Batavia,  ne  diffèrent  pas  de  ceux  qu’on  trouve  dans  les  boutiques 
de  Londres.  Les  fruits  du  Piper  Belle,  L.  var.  y.  densmn  leur  ressemblent 
beaucoup,  mais  nous  ignorons  si  on  les  recueille  pour  les  utiliser. 

Structure  microscopique.  — La  structure  du  Poivre  long  ressemble  à 
celle  du  poivre  noir,  mais  elle  présente  cependant  quelques  différences 
caractéristiques.  L’épicarpe  offre,  sur  sa  faceexterne,  des  cellules  étroites 
à parois  épaisses,  allongées  tangentiellement,  et  contenant  de  la  gomme. 
La  couche  moyenne  est  formée  de  cellules  parenchymateuses  plus  larges, 
à parois  minces  et  ponctuées,  contenant  des  grains  d’amidon  et  des 
gouttes  d’huile.  Dans  les  couches  externes  et  moyennes  du  fruit  sont 
répandues  de  nombreuses  cellules  larges,  à parois  épaisses,  semblables 
à celles  qu’on  trouve  dans  l’épicarpe  du  poivre  noir  ; mais  dans  le  Poivre 
long  elles  ne  forment  pas  une  couche  régulière.  La  partie  interne  du 
péricarpe  est  formée  par  une  couche  de  grandes  cellules  cubiques,  ou 
allongées  radialement,  remplies  d’huile  volatile.  Une  couche  de  cellules 
plus  petites,  allongées  tangentiellement,  sépare  ces  cellules  à huile  du 
tégument  de  la  graine,  qui  est  coloré  en  rouge  brun,  et  formé  de  cellules 
pressées,  lignifiées,  semblables  à celles  qui  forment  la  couche  interne 
du  tégument  de  la  graine  du  poivre  noir,  mais  on  n’y  trouve  pas  les  cel- 
lules à parois  épaisses  particulières  à ce  dernier.  L’albumen  du  Poivre 
long  se  distingue  de  celui  du  poivre  noir  par  l’absence  d’huile  volatile. 

Composition  chimique.  — Les  principes  constituants  du  Poivre  long 
paraissent  être  les  mêmes  que  ceux  du  poivre  noir.  Nous  n’en  possédons 
aucune  analyse  récente,  et  nous  ignorons  si  les  proportions  de  la  pipé- 
rine  et  de  l’huile  volatile  ont  été  déterminées.  La  résine  et  l’essence 
résident  exclusivement  dans  le  péricarpe. 

Commerce  — Le  Poivre  long  est  aujourd’hui  exporté  de  Singapore, 
où  il  est  apporté  en  majeure  partie  de  Java  et,  dans  une  proportion 
moindre,  de  Rhio.  La  quantité  exportée  de  Singapore  en  1871  s’est 
élevée  à 3 366  quintaux,  sur  lesquels  447  seulement  furent  expédiés  pour 
le  Royaume-Uni,  le  reste  étant  destiné  surtout  à l’Inde  anglaise  (1).  Il 
se  fait  aussi  une  exportation  considérable  de  Poivre  long  à Calcutta. 

Usages.  — Lq  Poivre  long  est  à peine  employé  en  médecine,  le  poivre 
noir  lui  ayant  été  substitué  dans  le  petit  nombre  de  préparations  dont  il 
faisait  autrefois  partie.  On  l’emploie  dans  la  médecine  vétérinaire,  et 
comme  épice. 


( 1 ) tWae  Book  of  l/ie  Straiis  Settlements  for  1871. 


346 


PIPÉKACÊES. 

La  racine  aromatique  du  Poivre  long,  nommée  en  sanskrit  Pippali- 
inula  (d’où  le  nom  moderne  de  piph-mul ),  constitue  un  médicament 
favori  des  Hindous,  également  connu  des  Arabes  et  des  Persans. 

(а)  Le  Piper  officinarum  C.  DC.  ( Prodr .,  XVI,  S.  I.,  336)  est  une  plante  dioïque, 
à rameaux  glabres,  à feuilles  très-courtement  pétiolées,  oblongues-elliptiques,  atté- 
nuées au  sommet  et  subacuminées,  aiguës,  plus  ou  moins  inégales  et  atténuées  à la 
base,  ou  un  peu  cordées,  coriaces,  glabres  sur  les  deux  faces,  penninerviées  ; sur  les 
pieds  mâles,  elles  ont  de  80  à 83  millimètres  de  long  et  33  millimètres  de  large;  sur 
les  pieds  femelles  elles  ont  de  14  à 13  millimètres  de  long  et  3 millimètres  de  large. 
La  nervure  médiane  émet  de  chaque  côté,  vers  les  deux  tiers  de  sa  longueur,  trois 
nervures  secondaires  ascendantes.  Le  pétiole  est  glabre.  Les  chatons  mâles  sont  aussi 
longs  que  les  feuilles,  cylindriques,  à fleurs  serrées.  La  bractée  de  chaque  fleur  est 
glabre,  coriace.  Les  étamines  sont  au  nombre  de  deux  ou  trois  et  formées  d’anthères 
sessiles.  Les  chatons  femelles  sont  beaucoup  plus  courts  que  les  feuilles.  Les  brac- 
tées sont  arrondies,  lixées  par  le  centre,  sessiles.  L’ovaire  qui  constitue  la  fleur  femelle 
est  niché,  à l’aisselle  de  la  bractée,  dans  une  dépression  de  l’axe,  et  surmonté  de  trois 
stigmates.  Les  baies  sont  subglobuleuses,  très-pressées  les  unes  contre  les  autres  en 
un  cylindre  serré,  et  prennent  ainsi  une  forme  pyramidale.  (Voy.  H.  Bâillon,  Hist. 
des  Plantes,  III,  470,  lig.  307.)  [Trad.] 

(б)  Le  Piper  longum  L.  ( Species , 41)  est  une  plante  dioïque  comme  la  précédente, 
à rameaux  glabres.  Les  feuilles  sont  longues  de  6 centimètres  et  larges  de  63  milli- 
mètres, le  pétiole  est  plus  long  dans  le  bas  des  rameaux,  et  les  supérieures  sont  même 
à peu  près  sessiles.  Les  feuilles  inférieures  sont  ovales-arrondies,  couitemeut  acu- 
minées,  aiguës,  largement  cordées  à la  base  ; les  supérieures  sont  oblongues-ovales, 
atténuées  au  sommet,  cordées  à la  base.  Toutes  sont  membraneuses,  subpellucides, 
glabres  sur  les  deux  faces,  pubérulentes  en  dessous  au  niveau  des  nervures,  3-7  nci- 
viées,  à nervures  un  peu  proéminentes  en  dessous,  les  trois  nervures  centrales  se  di- 
rigeant vers  le  sommet.  Le  pétiole  est  puhérulent.  Les  chatons  males  sont  au>si 
longs  que  les  feuilles  et  filiformes.  Leurs  bractées  sont  oblongues-arrondies,  peltées 
au  centre,  courtement  pédicellées,  glabres.  L’androcée  est  formé  de  deux  étamines 
à anthères  à peu  près  sessiles.  Les  chatons  femelles  sont  plus  courts  et  plus  épab  , 
leurs  bractées  sont  oblongues-arrondies,  un  peu  atténuées  au  sommet,  à peu  prè» 
sessiles  au  centre,  glabres.  L’ovaire  est  surmonté  de  trois  à quatre  stigmates  lan- 
céolés. Les  baies  sont  étroitement  appliquées  contre  les  bractées  et  contre  Taxe,  et 
pressées  les  unes  contre  les  autres,  leur  sommet  demeurant  seul  libre,  et  leur 
masse  affectant  la  forme  d’une  pyramide  allongée.  [Trad.] 


POIVRE  CUBÈBE. 

Cubebæ ; Fructus  vel  Baccæ  vel  Piper  Cubcbx  (1)  ; angl.,  Cubebs  ; allem.,  Cubeben. 

Origine  botanique.  - Piper  Cubeba  L.  F.  [Cubeba  offtcinalis  Miq.) 
C’est  un  arbuste  grimpant,  ligneux,  dioïque,  indigène  de  Java,  du  sud 
de  Bornéo  et  de  Sumatra, 
tl)  Le  nom  de  Cubèbe  vient  de  l’arabe  Kababah. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  347 

Historique. Le  Cubèbe  paraît  avoir  été  introduit  dans  la  médecine 

par  Jes  médecins  arabes  du  moyen  âge,  qui  le  décrivent  comme  ayant 
la  forme,  la  couleur  et  les  propriétés  du  Poivre.  Masudi  (1),  au  dixième 
siècle,  le  regarde  comme  une  production  de  Java.  Le  géographe 
Edrisi  (2),  en  1153,  l’énumère  parmi  les  importations  d’Aden.  Parmi 
les  écrivains  européens,  Lonstantinus  Afncanus,  de  baleine,  connaissait 
cette  drogue  des  le  onzième  siecle,  et,  au  commencement  du  treizième, 
ses  verttis  furent  signalées  dans  les  écrits  de  l’Abbesse  Hildegarde,  en 
Allemagne,  et  même  dans  ceux  d’ Henri kHarpestreng,  du  Danemark  (3). 
Le  Cubèbe  est  mentionné  comme  un  produit  de  la  « grant  isle  de  Java  », 
par  Marco  Polo  et  par  Odoric,  moine  italien,  qui  visita  cette  île  une 
cinquantaine  d’années  plus  tard.  On  levait  à Barcelone,  en  1271  (4),  un 
impôt  sur  le  Cubèbe,  sous  le  nom  de  Cubebas  silvestres.  Le  Cubèbe  est 
mentionné,  vers  la  même  époque,  comme  vendu  dans  les  foires  de  la 
Champagne,  en  France.  Son  prix  était  de  4 sous  la  livre  (5)  ; on  le  vendait 
aussi  en  Angleterre.  Dans  des  documents  datés  de  1284,  il  est  énuméré 
parmi  les  amandes,  le  safran,  les  raisins  de  Corinthe,  le  poivre  blanc,  les 
graines  de  paradis,  le  macis,  le  galanga  et  le  pain  d’épice,  et  indiqué 
comme  coûtant  2 shellings  la  livre.  En  1285,  il  coûtait  3 shellings  la 
livre;  en  1307,  une  livre  achetée  pour  la  garde-robe  du  roi  coûta 
9 shellings  (6).  D’après  le  journal  des  dépenses  de  Jean,  roi  de  France, 
pendant  son  séjour  en  Angleterre,  de  1359  à 1360,  le  Cubèbe  paraît 
avoir  constitué,  à cette  époque,  une  épice  très-habituellement  employée. 
Ceux  qui  pouvaient  se  procurer  ce  luxe  se  servaient  de  Cubèbe  en  poudre, 
mélangé  aux  aliments,  ou  en  grains  entiers  et  confits.  La  patente  délivrée 
en  1305,  par  Edouard  Ier,  pour  aider  à réparer  le  pont  de  Londres,  et 
autorisant  la  vente,  sur  ce  pont,  de  divers  objets,  mentionne,  parmi  di- 
verses épices,  le  Çubebs  comme  soumis  à un  impôt  (7).  Le  poivre  Cu- 
bèbe est  mentionné  dans  1 eConfectbuch  deHansFolcz,  de  Nuremberg (8), 


(1)  Les  Prairies  d’or,  l,  341. 

(2)  Géographie,  trad.  J aubert,  I,  51,  89. 

(3)  Meyer,  Gcschichte  der  Botanik,  III,  537. 

(4)  Capmany,  Memorias  sobre  la  Marina , etc.,  de  Barcelona,  I,  44. 

(5)  Bourquelot,  Etudes  sur  les  foires  de  la  Champagne  (in  Mém . de  l’Institut, 
1865, V,  288). 

(0)  Rogers,  Hist.  of  Agricult.  and  Priées  in  England,  I,  627,  028  ; II,  544.  — Pour 
avoir  une  idée  de  la  valeur  comparée  des  marchandises  ù.  cette  époque  et  h la  nôtre, 
il  faut  multiplier  les  prix  anciens  par  8. 

(7)  Liber  niger  Scaccarii,  Lond.,  1771,  I,  478.,—  On  en  trouvera  une  traduction 
dans  les  Chronicles  of  London  Bridge,  1827,  155. 

(8)  Croulant,  Macer  Floridus,  etc.,  Lips.,  1832,  188. 


348 


PIPÉRACÉES. 

vers  1480.  Cependant  le  Gubèbe  était , cette  époque,  beaucoup 
moins  usité  comme  épice  que  le  Poivre  ou  le  Gingembre,  et  surtout 
que  les  grains  de  Paradis  et  le  Galanga.  Garcia  d’Orta,  en  1563, 
en  parle  comme  étant  rarement  employé  en  Europe.  Le  Gubèbe 
est  cependant  cité,  par  Saladinus,  parmi  les  drogues  qui  doivent 
exister  dans  chaque  apotheca  (I).  Dans  une  liste  des  drogues 
qui  doivent  être  vendues  dans  toutes  les  boutiques  d’apothicaires 
do  la  cité  d’Ulm,  en  1596,  le  Gubèbe  est  mentionné  sous  le  *norn  de 
Fructus  carpesiorum  vel  cubebarum,  et  le  prix  d’une  demi-once  est  fixé 
à 8 kreuzers,  ainsi  que  l’opium,  la  meilleure  manne  et  l’ambre,  tandis 
que  le  Poivre  noir  et  le  Poivre  blanc  sont  évalués  à 2 kreuzers  (2). 
L’action  spécifique  du  Gubèbe  sur  les  organes  génito-urinaires  n’est 
connue  que  depuis  une  époque  très-récente.  Les  écrivains  de  matière 
médicale  du  commencement  de  ce  siècle  ne  mentionnent  eux-mêmes  le 
Cubèbe  que  comme  un  aromatique  stimulant,  semblable  au  Poivre, 
mais  inférieur  à lui,  et  rarement  employé  (3).  Il  était  même,  à cette 
époque,  tombé  dans  une  désuétude  telle,  qu’il  ne  figure  pas  dans  la 
Pharmacopée  de  Londres  de  1809.  D’après  Crawfurd,  son  importation  en 
Europe,  pendant  longtemps  interrompue,  recommença  à se  faire 
en  1815,  après  que  ses  propriétés  médicinales  eurent  été  signalées  aux 
médecins  anglais  de  Java  par  leurs  serviteurs  hindous  (4). 

Culture  et  Production  (5).  — Le  Cubèbe  est  cultivé  dans  de  petites 
plantations  spéciales,  et  aussi  dans  les  plantations  de  café,  à Banjoemas, 
dans  le  sud  de  Java.  Les  fruits  sont  achetés  par  les  Chinois,  qui  les  ap- 
portent à Batavia.  On  en  produit  dans  l’est  de  Java,  et  près  de  Bantam, 
dans  le  nord-ouest.  Sa  culture  est  très-répandue  dans  le  district  de 
Lampong,  à Sumatra.  On  a fait  récemment  une  grande  distribution 
de  cette  plante  aux  planteurs  de  café  européens.  La  culture  du  Gu- 
bèbe est  aisée.  Dans  les  plantations  de  café,  certains  arbres  sont  cul- 
tivés pour  produire  de  l’ombre.  On  plante  le  Cubèbe  au  pied  de  ces 

(1)  Compendium  aromatariorum,  Bonon.,  1488. 

(2)  Reichard,  Beitrcige  zur  Geschichte  der  Apotheken,  4825,  424. 

(3)  Dans  VEdinburgh  jiciv  Dispensatory , de  Duncan,  ed.  2,  1804,  le  Piper  Cubeba  est 
très-brièvement  décrit,  mais  sans  qu’il  soit  fait  allusion  aux  propriétés  médicinales  qu  il 
possède.  Dans  la  sixième  édition  du  même  ouvrage,  de  4811,  il  est  tout  îi  fait  laissé  de 
côté  — Voyez  aussi  Murray,  System  of  Mat.  Med.  and  Pharm  , 4810,  1,  266. 

(4)  Dictionary  ofthe  lndian  Islands,  4856,  117.  -M.  Crawfurd  a communiqué  lui-  „ 
même  ti  VEdinburgh  Medical  and  Surgical  Journal,  de  4818,  XIV,  32,  un  mémoire  fai- 
sant connaître  le  « succès  remarquable  » avec  lequel  lo  Cubèbe  est  employé  contre  la 

gonorrhée.  . T , 

(5)  Nous  devons  une  partie  des  détails  qui  suivent  il  M.  Binnendijk,  du  Jardin  bo- 
tanique de  Buitenzorg,  près  Batavia.  [D.  H.] 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  349 

arbres,  sur  lesquels  il  grimpe  jusqu’à  une  hauteur  de  5à6  mètres, 
en  formant  de  larges  buissons. 

Description.  — Le  Cubèbe  du  commerce  est  fourni  par  les  fruits  glo- 
buleux, secs,  cueillis  en  plein  développement,  mais  un  peu  avant  qu’ils 
soient  arrivés  à une  maturité  complète.  Le  fruit  a environ  4 millimètres 
de  diamètre;  lorsqu’il  est  très-jeune,  il  est  sessile,  mais  il  est  ensuite 
graduellement  soulevé  par  un  pédicule  droit  et  mince,  un  peu  plus  long 
ou  même  deux  fois  plus  long  que  lui-même.  Les  fruits  sont  attaches 
. par  ces  pédicules,  en  grand  nombre,  parfois  plus  de  cinquante  sur  un 
rachis  commun,  épais,  long  d’environ  4 centimètres.  Les  fruits  de  Cu- 
bèbe du  commerce  sont  sphériques,  parfois  déprimés  à la  base,  un  peu 
pointus  au  sommet,  fortement  ridés  par  suite  de  la  contraction  du  péri- 
carpe charnu.  Ils  sont  d’un  brun  grisâtre  ou  noirâtre,  fréquemment  cou- 
verts d’une  poussière  d’un  gris  cendré.  Le  pédicule  est  formé  par  la  base 
prolongée  du  fruit,  et  persiste  indéfiniment.  L’axe  commun  ou  rachis 
est  presque  dépourvu  d’huile  essentielle  ; on  le  trouve  aussi  fréquem- 
ment mélangé  à la  drogue.  Le  tégument  du  fruit  recouvre  un  noyau 
qui  contient  la  g'raine.  Cette  dernière  est  sphérique,  un  peu  comprimée  ; 
sa  surface  est  lisse;  elle  n’adhère  au  péricarpe  que  par  sa  base.  Son 
sommet  est  tantôt  légèrement  prolongé,  tantôt,  au  contraire,  un  peu 
déprimé.  L’albumen  est  forme,  blanchâtre,  huileux;  il  renferme  un 
petit  embryon  situé  au-dessous  du  sommet.  Dans  le  Cubèbe  des  bou- 
tiques, la  graine  est  le  plus  souvent  incomplètement  développée  et  ridée, 
et  le  péricarpe  est  presque  vide. 

Le  Cubèbe  possède  une  saveur  forte,  aromatique,  persistante,  accom- 
pagnée d’un  peu  d’amertume  et  d’âcreté.  Son  odeur  est  légèrement 
aromatique  et  n’est  pas  désagréable. 

Structure  microscopique.  — La  structure  microscopique  du  Cubèbe 
offre  quelques  particularités.  Le  péricarpe  est  formé,  au-dessous  de 
l’épiderme,  par  de  petites  cellules  cubiques,  à parois  épaisses,  disposées 
en  une  couche  interrompue,  et  n’ayant  que  la  moitié  de  la  largeur  de 
celle  qu’on  trouve  dans  le  Poivre  noir.  La  couche  moyenne,  large,  est 
formée  de  petites  cellules  contenant  des  gouttes  d’huile,  des  granules 
d’amidon  et  des  groupes  cristallins  de  cubébine,  probablement  aussi  de 
la  graisse.  Cette  couche  moyenne  est  interrompue  par  de  larges  cellules 
à huile,  qui  contiennent  fréquemment  des  cristaux  de  cubébine  en 
forme  d’aiguilles,  unis  en  groupes  concentriques.  La  zone  interne, 
beaucoup  plus  mince,  est  formée  d’environ  quatre  couches  de  cellules 
un  peu  plus  larges,  allongées  tangentiellement,  molles  et  contenant  de 


350 


PIPÉRACÉES. 

l'huile  essentielle.  En  dedans  de  cette  zone,  se  trouve  le  noyau  cassant, 
coloré  en  jaune  clair,  et  formé  d’une  couche  de  cellules  très-pressées,  à 
parois  épaisses,  allongées  radialement.  Enfin,  l’embryon  est  recouvert 
d’une  membrane  brune,  mince,  offrant  la  structure  et  le  contenu  de 
celle  qu’on  trouve  dans  le  Poivre  noir,  mais  différant  de  cette  dernière 
en  ce  que,  dans  le  Cubèbe,  les  cellules  sont  plus  arrondies,  et  contiennent 
des  cristaux  de  cubébine  et  non  de  pipérine. 

Composition  chimique. — Le  principe  constituant  le  plus  abondant 
du  Cubèbe  est  l’huile  volatile.  La  proportion  fournie  par  la  drogue  varie 
entre  6 à 15  pour  100.  La  cause  de  cette  grande  variation  peut  être  trou- 
vée dans  la  constitution  même  de  la  drogue,  dans  la  grande  altérabi- 
lité de  l’huile,  et  dans  ce  fait  que  son  point  d’ébullition  est  très-élevé. 
Cette  essence  est  la  source  de  l’arome  du  fruit  ; elle  est  polymérique 
de  l’essence  de  térébenthine,  et  dévie  fortement  à gauche  les  rayons 
de  la  lumière  polarisée.  Dans  les  temps  froids,  l’essence  de  Cubèbe 
vieillie  laisse  déposer  de  larges  octaèdres  rhombiques,  d une  substance 
qui  a été  désignée  sous  le  nom  de  Camphre  de  Cubèbe  ou  Hydrate  de 
Cubébine , ayant  pour  formule  G30Ht82IPO.  En  la  conservant  longtemps, 
nous  l’avons  vu  prendre  parfois  l’aspect  d’un  liquide  visqueux,  assez 
semblable,  par  sa  consistance,  à l’anéthol.  La  portion  dominante  de 
l’essence  nommée  Cubébine , a pour  composition  CloH2i.  Elle  bout 
à 264°  C.  Elle  est  accompagnée  d’une  petite  quantité  d’une  essence  C10H16 
bouillant  à 160°  d’après  Oglialoro  (1875). 

Un  autre  principe  constituant  du  Cubèbe  est  la  Cubébine , dont  on  peut 
parfois  voir  les  cristaux  dans  le  péricarpe,  à l'aide  d’une  loupe  ordi- 
naire. Elle  fut  découverte,  en  1839,  par  Soubeiran  et  Capitaine.  Elle 
est  inodore,  insipide,  neutre;  elle  cristallise  en  petites  aiguilles  ou  eu 
écailles;  elle  est  presque  insoluble  dans  l'eau  froide,  mais  un  peu  so- 
luble dans  l’eau  chaude;  se  dissout  facilement  dans  l’alcool  bouil- 
lant, mais  se  dépose  en  majeure  partie  sous  l’influence  du  refroidisse- 
ment. Elle  exige  30  parties  d’éther  froid  pour  se  dissoudre.  Bernatzik 
a retiré  du  Cubèbe  0,40  pour  100  de  cubébine  (1);  Schmidt  en  a 
retiré  2,5  pour  100(2).  Les  cristaux  qui  se  déposent  dans  1 extrait  al- 
coolique ou  éthéré  de  Cubèbe  sont  formés  de  cubébine  à 1 état  impur. 
La  cubébine  est  dépourvue  de  toute  action  thérapeutique  remarquable  ; 
sa  composition  répond  à la  formule  G33HHOl0,  ou  peut-être  C H Ü (3). 

(1)  Bernatzik,  in  J ahresbericlit  über  die  Fortschritte  in  der  Pharmacie  de  Canstatt, 
1866,  XIV,  I,  15. 

(2)  Wiggers  et  IIusemann,  J ahresbericlit , 1870,  52.  ...  , 

(3)  La  cubébine  dissoute  dans  26  parties  de  chloroforme  dévie  à gauche  le  plan  de 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  331 

La  résine  extraite  du  Gubehc  est  constituée  par  une  partie  indifférente, 
près  de  3 pour  100,  et  par  l’acte  cubébique , qui  s’élève  à la  proportion  de 
1 pour  100  environ  de  la  drogue.  Ges  deux  corps  sont  amorphes  ; il  en 
est  de  même,  d’après  Schmidt,  des  sels  de  l’acide  cubébique.  Bernatzik, 
cependant,  a trouvé  que  certains  d’entre  eux,  notamment  celui  de  ba- 
rium, sont  cristallisables.  Schulze  a préparé,  en  1873, 1 acide  cubébique, 
en  le  retirant  de  son  sel  cristallisé  de  sodium,  mais  il  n’a  pu  l’avoir  qu’à 
l’état  amorphe. 

Schmidt  a signalé,  en  outre,  dans  le  Gubèbe,  la  présence  de  la  gomme, 
dans  la  proportion  de  8 pour  100,  d’huile  grasse,  et  celle  des  malates 
de  magnésium  et  de  calcium. 

Commerce.  — Il  a été  importé  à Singapore,  en  1872,  3062  quintaux, 
sur  lesquels  2348  quintaux  provenaient  des  îles  hollandaises.  Pendant 
la  même  année,  il  fut  réexpédié  de  Singapore  2 766  quintaux  de  la 
drogue.  La  quantité  exportée  pour  le  Royaume-Uni  fut  de  1 180  quin- 
taux; 1 244  quintaux  furent  dirigés  vers  les  Etats-Unis  d’Amérique,  et 
104  quintaux  envoyés  dans  l’Inde  anglaise  (1).  Pendant  l’année  précé- 
dente, il  eu  avait  été  expédié  une  quantité  plus  grande  dans  l’Inde  qu’en 
Angleterre. 

Usages. — Le  Gubèbe  est  très-employé  dans  le  traitement  de  la 
blennorrhagie.  On  l’administre  ordinairement  en  poudre,  et  moins  fré- 
quemment sous  la  forme  d’extrait  alcoolique  ou  éthéré,  ou  d’huile  es- 
sentielle. 

Bernatzik  et  Schmidt  ont  montré  que  l’efficacité  du  Gubèbe  est 
due  à la  résine  indifférente  et  à l’acide  cubébique,  et  qu’on  doit 
préférer  les  préparations  qui  contiennent  ces  corps  en  plus  forte  pro- 
portion, à l’exclusion  des  autres  principes,  lis  rejettent  l’huile  essen- 
tielle, dont  l’administration  est  accompagnée  d’une  action  thérapeu- 
tique différente.  Les  préparations  qui  doivent  être  recommandées  sont 
les  baies  dépourvues  de  leur  huile  essentielle  et  de  leurs  principes  so- 
lubles dans  l’eau,  puis  desséchées  et  pulvérisées;  ou  bien  l’extrait 
alcoolique  préparé  avec  ces  baies,  ou  bien,  enfin,  la  résine  purifiée. 

Falsification.  — Le  Gubèbe  est  très-peu  sujet  à être  falsifié, 
mais  la  drogue  importée  en  Europe  contient  toujours  une  proportion 
indue  de  pédoncules  inertes,  qu’on  doit  enlever  avant  de  pulvériser  les 

polarisation;  chauffée  avec  du  pentoxyde  de  phosphore,  elle  prend  une  teinte  bleue 
persistante.  L’essence  de  Cubèbe  agitée  avec  un  peu  de  pentoxyde  acquiert  la  même  co- 
loration. [P.  A.  F.]  ■ . 

(1)  straits  Settlements  Dlue  Boolc  for  1872,  294,  338. 


352  PIPÉRACÉES. 

baies  (l).  L’acheteur  juge  de  la  qualité  du  Cubèbe,  d’après  son  état  plus 
ou  moinshuileux,  et  l’odeur  qu’exhalent  les  baies  après  avoir  étébroyées. 
Les  échantillons  qui  contiennent  une  grande  proportion  de  baies  pâles, 
lisses,  tout  à fait  mûres,  qui  paraissent  secs  apres  avoir  été  broyés, 
doivent  être  rejetés. 

Nous  avons  accidentellement  trouvé  dans  le  commerce  un  petit  fruit 
lisse,  bil oculaire,  de  la  taille,  de  la  forme  et  de  la  couleur  du  Cubèbe, 
mais  dépourvu  du  long  pédicclle  de  ce  dernier.  Un  examen  superficiel 
suffisait  pour  reconnaître  que  ces  fruits  n’étaient  pas  des  fruits  de  Cu- 
bèbe. Nous  avons  aussi  trouvé  certains  échantillons  de  Cubèbe  formés 
de  fruits  plus  volumineux  que  ceux  de  la  sorte  ordinaire,  très-ridés, 
munis  d’un  pédicelle  aplati  et  plus  gros,  une  fois  et  demie  ou  deux  fois 
plus  long  que  la  baie.  Cette  drogue  avait  une  odeur  agréable,  diffé- 
rente de  celle  du  Cubèbe  ordinaire,  et  une  saveur  très-amère.  En  com- 
parant ces  fruits  avec  ceux  d’échantillons  d’herbier,  nous  nous  sommes 
arrêtés  à l’opinion  qu’ils  pouvaient  provenir  du  Piper  crassipes  Kon- 
thals  ( Cubeba  crassipes  Miq.),  espèce  qui  habite  Sumatra. 

Les  fruits  du  Piper  Loivong  Blume  ( Cubeba  Loivong  Miq.),  espèce  ori- 
ginaire de  Java,  et  ceux  du  Piper  ribesioicles  Wall.  ( Cubeba  Wallichii 
Miq.)  sont  extrêmement  semblables  à ceux  du  Cubèbe.  Les  fruits  du 
Piper  caninum  A.  Djetr.  ( Cubeba  canina  Miq.),  plante  très-répandue  dans 
l’archipel  Malais,  sont,  d’après  un  échantillon  que  nous  devons  àM.  Bin- 
nendijk,  de  Buitenzorg,  plus  petits  que  ceux  du  véritable  Cubèbe,  et  leurs 
pédoncules  n’ont  que  la  moitié  du  diamètre  de  la  baie. 

Dans  le  sud  de  la  Chine,  les  fruits  du  Laurus  Cubeba  Lour.  ont  été 
fréquemment  confondus,  par  les  Européens,  avec  ceux  du  Cubèbe. 
L’arbre  qui  les  produit  est  inconnu  des  botanistes  modernes.  Meissner 
le  rapporte,  avec  doute,  au  genre  Tetranthera  (2). 

CUBÈBE  AFRICAIN  OU  POIVRE  NOIR  DE  L'AFRIQUE 

OCCIDENTALE. 

Cettëdrogueestlcfruitdu  Piper  67wsiVC.DC.  ( Cubeba  Clusii Miq.).  C’est 
une  baie  arrondie,  ayant  beaucoup  de  ressemblance  avec  le  Cubèbe 
commun,  mais  plus  petite,  moins  rugueuse,  atténuée  en  un  pédicelle 
grêle,  une  ou  deux  fois  aussi  long  que  la  baie,  et  ordinairement  rc- 

(1)  Ils  ont  donné  îi  Schmidt  1,7  pour  100  d’essence  et  3 pour  100  de  résine. 

(2)  De  Candolle,  Prodr.,  XV,  S.  I,  199.  — Hanbury,  in  Pharm.  Journ.,  1802, 
III,  203,  avec  figure. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  383 


courbé.  Les  baies  sont  disposées  autour  d’un  pédoncule  commun  ou  ra- 
chis. Leur  coloration  est  rouge,  et  passe  pai  la  dessiccation  au  giis  cen- 
dré. Elles  ont  l'odeur  et  la  saveur  chaude  du  Poivre.  D’après  Stenhousc, 
elles  contiennent  de  la  pipérine  et  non  de  la  cubcbinc  (1). 

Le  fruit  du  Piper  Clusii  ôtait  connu,  dès  1364,  des  marchands  de 
Rouen  et  de  Dieppe,  qui  l’importaient  de  la  Côte  des  Graines,  aujourd’hui 
Liberia  (2),  sous  le  nom  de  Poivre.  Les  Portugais  l’importaient  aussi 
de  Bénin,  dès  1485,  sous  le  nom  de  Pimienta  de  rabo,  c’est-à-dire  Poivre 
à queue , et  essayaient  en  vain  de  le  vendre  dans  les  Flandres  (3).  Clu- 


sius  reçut  de  Londres  un  échantillon  de  cette  drogue,  dont  il  a laissé 
une  bonne  figure  dans 
ses  Exotica  (4).  Il  dit 
que  son  importation  fut 
interdite  parle  roi  dcPor- 
tugal,  par  crainte  qu'il 
ne  dépréciât  le  Poivre  de 
l’Inde.  Cette  épice  était 
connue  également  de  Ge- 
rarde  et  de  Parkinson.  A 
notre  époque,  elle  a été 
récemment  signalée  de 
nouveau  par  le  docteur 
Daniell  (3).  On  l’em- 
ploie sur  la  côte  occiden- 
tale d’Afrique  comme 
condiment  (6). 


(a)  Le  Piper  Cubebah. Fil. 

(Suppl.,  90)  est,  comme  les 

espèces  dont  il  a déjà  été 

,.  , . . Fig.  240.  Piper  Cubbea, 

question,  une  plante  à tiges  D 

aériennes  ligneuses,  grimpantes  ; à branches  arrondies,  de  la  grosseur  d’une  plume 
d’oie,  lisses,  d’un  gris  cendré,  renflées  et  articulées  au  niveau  des  nœuds,,  et  émet- 
tant dans  ces  points  des  racines  adventives  à l’aide  desquelles  elles  se  lixent  sur 


(1)  Pharm.  Journ.,  1855,  XIV,  3G3. 

(2)  Mahgry,  les  Navigations  françaises  et  la  Révolution  maritime  du  XIVe  au 
XVIe  siècle,  1867,  26. 

(3)  Giovanni  di  Barros,  l'Asia,  Vcnet.,  1361,  I,  80. 

(4)  Lib.  I,  c.  22,  p.  184. 

(5)  Pharm.  Journ.,  1855,  XIV,  198  ; et  plus  récemment  aussi  par  Schweinfurth. 

(6)  Un  baril  de  ce  poivre  fut  mis  en  vente  à Londres,  sous'  le  nom  de  « Cubë'ôs »,  le 
Il  février  1858. 

IIIST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


23 


354  PIPÉRAGÉES. 

les  objets  qui  les  supportent.  Les  jeunes  rameaux  sont  finement  laineux,  ainsi  que 
les  pétioles.  Les  feuilles  sont  pétiolées,  oblongues  ou  ovales-oblongues,  acumi- 
nées,  arrondies  ou  obliquement  cordées  à la  base,  coriaces,  lisses,  penninerves,  mu- 
nies de  nervures  saillantes;  elles  sont  longues  de  10  à 15  centimètres,  et  larges  de 
4 â 5 centimètres.  Les  épis  floraux  sont  disposés  à l’extrémité  des  branches,  en  face 
des  feuilles,  et.  portés  par  des  pédoncules  aussi  longs  que  les  pétioles.  Les  fleurs  sont 
dioïques,  les  mâles  et  les  femelles  étant  portés  par  des  pieds  différents.  Les  brac- 
tées florales  sont  adnées  au  rachis  de  l'inflorescence,  sauf  au  niveau  de  leurs  bords. 
Les  fleurs  offrent  l’organisation  de  celles  du  Poivre  noir  (vov.  p.  342,  note  a).  Les 
fruits  se  distinguent  par  les  longs  pédoncules  qui  les  supportent.  [Thad.] 


MA  T I C O. 

Iicrba  Matico. 

Origine  botanique,  — Piper  angustifolàm  Ruiz  et  Pavon  ( Artanthe 
elongata  Miq.).  C’est  un  arbuste  qui  croît  dans  les  terres  humides  de  la 
Bolivie,  du  Pérou,  du  Brésil,  de  la  Nouvelle-Grenade  et  du  Venezuela.  On 
le  cultive  aussi  dans  quelques  localités  (à).  On  trouve  dans  les  provinces 
brésiliennes  de  Bahia,  Minas  Geraes  et  Cearâ,  ainsi  qu’au  Pérou  et  dans 
les  parties  nord  de  l’Amérique  du  Sud,  une  forme  plus  vigoureuse  de 
cette  plante,  avec  des  feuilles  longues  de  18  à 20  centimètres,  la  var.  x 
cordulatum  C.  DC. 

Historique.  — Les  propriétés  styptiques  de  cette  plante  passent  pour 
avoir  été  découvertes  par  un  soldat  espagnol  nommé  Matico  (1),  qui, 
ayant  appliqué  sur  ses  plaies  quelques  feuilles,  observa  que  l’écoule- 
ment du  sang  s’était  immédiatement  arrêté.  La  plante  reçut  pour  ce  mo- 
tif le  nom  d’ Yerba  ou  Polo  del  soldado  (Herbe  ou  Arbre  du  soldat).  Cette 
histoire  n’est  peut-être  pas  très-véridique,  mais  elle  est  très-répandue 
dans  plusieurs  parties  de  l’Amérique  du  Sud.  La  plante  dont  nous  par- 
lons n’est  pas  du  reste  la  seule  à laquelle  on  applique  cette  légende. 

Les  propriétés  hémostatiques  du  Matico  sont  notées  dans  les  ou- 
vrages de  Ruiz  et  Pavon.  Elles  furent  signalées  pour  la  première  fois 
en  Europe,  en  1839,  par  Jeffreys  (2)/  médecin  de  Liverpool,  mais  elles 
avaient  déjà  attiré  l’attention  dans  l’Amérique  du  Nord,  dès  1827 . 

Description.  — Le  Matico,  tel  qu’il  arrive  dans  le  commerce,  consiste 
en  une  masse  comprimée,  adhérente  et  cassante,  de  tiges  et  de  feuilles 
colorées  en  vert  clair,  et  exhalant  une  odeur  herbacée  agréable.  Exa- 
minée de  plus  près,  cette  masse  se  montre  formée  de  tiges  articulées, 

Le  mot  Matico  est  un  diminutif  de  Matco,  traduction  espagnole  de  Matthieu. 

(2)  Remarks  on  the  cfficacy  of  Matico  as  a styptic  and  astringent,  cd.  3,  Lond., 

ms. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’OIUGINE  VÉGÉTALE.  355 

portant  des  feuilles  lancéolées,  acuminées,  cordées  et  inégales  à la  hase, 
et  munies  de  très-courts  pétioles.  Les  feuilles  sont  un  peu 
épaisses  ; toute  leur  surface  supérieure  est  parcourue  par 
un  système  de  petites  nervures  déprimées  qui  la  divisent 
en  petits  carrés  et  lui  donnent  une  apparence  marquetée. 

Sur  la  face  inférieure,  ces  carrés  forment  des  séries  cor- 
respondantes de  dépressions  couvertes  de  poils  hérissés. 

Les  feuilles  ont  de  12  à 13  centimètres  de  long,  et  environ 
4 centimètres  de  large.  Les  épis  de  fleurs  et  de  fruits  ont 
souvent  10  à 12  centimètres  de  long;  ils  sont  grêles  et 
cylindriques,  portent  des  fleurs  et  des  fruits  très-pressés. 

Les  feuilles  de  Matico  possèdent  une  saveur  aromatique, 
et  un  peu  amère. 

Composition  chimique.  — Les  feuilles  de  Matico  four- 
nissent une  faible  proportion  d’huile  essentielle  que  nous 

/sTi  Fig.  241  • Feuille 

avons  trouvée  légèrement  dextrogyre  (I).  La  plus  grande  d e Piper  angustifo- 
partie  de  cette  essence  distille  entre  180°  et  200°  G.,  le  hum  reckute- 
reste  devient  plus  épais.  Les  deux  portions  sont  plus  légères  que  l’eau  ; 
mais  un  autre  échantillon  de  cette  huile  essentielle,  que  nous  avons 
conservé  pendant  quelques  années,  s’enfonce  dans  l’eau.  Nous  avons 
observé  que,  pendant  l’hiver,  l’essence  de  Matico  laisse  déposer  des 
cristaux  extrêmement  remarquables  d’un  camphre,  longs  de  plus  de 
1 centimètre,  fusibles  à 103°  G.,  et  que  nous  croyons  être  un  mélange 
de  deux  substances. 

Le  Matico  fournit,  en  outre,  d’après  les  recherches  faites  par  Mar- 
cotte, 1864  (2),  un  acide  cristallisable,  nommé  acide  Artanthique , et  une 
certaine  quantité  de  tannin.  La  présence  de  ce  tannin  est  décelée  par  la 
coloration  brun  foncé  que  prend  une  infusion  de  Matico  quand  on  y 
ajoute  du  chlorure  ferrique.  Les  feuilles  contiennent  aussi  de  la  résine, 
mais,  ainsi  que  l’a  montré  S tell,  en  1858,  elles  ne  renferment  ni  pipé- 
rine  ni  cubébine. 

Commerce.  — Cette  drogue  est  importée  en  balles  et  en  sacs  par  la 
voie  de  Panama. 

Usages.  — Les  feuilles  de  Matico,  préalablement  ramollies  dans  l’eau 
ou  à l’état  de  poudre,  sont  parfois  employées  pour  arrêter  l’écoulement 
de  sang  des  blessures.  On  prend  aussi  leur  infusion  contre  les  hémor- 
rhagies internes. 

(1)  La  déviation  est  seulement  de  0°,7  en  colonne  de  50  millimètres. 

(2)  üumouHT  et  Planchon,  Ilist.  des  Drogues,  1869,  II,  278. 


336  PIPÉRACÉES. 

Substitutions.  — Plusieurs  plantes  ont  été  parfois  apportées  sur  le 
marché  sous  le  nom  de  Matico.  L’une  d’elles  est  le  Piper  aduncum  L. 

( Artanthe  adunca  Miq.).  Une  certaine  quantité  en  fut  importée  à Lon- 
dres, de  l’Amérique  Centrale,  en  1863,  et  déterminée  par  Bentley  (1). 
Par  la  couleur,  l’odeur  et  la  forme  de  la  feuille,  elle  ressemble  beaucoup 
au  Matico  ordinaire,  mais  elle  en  diffère  en  ce  que  ses  feuilles  sont  mar- 
quées en  dessous  d'un  plus  grand  nombre  de  nervures  ascendantes 
parallèles,  entre  lesquelles  le  limbe  n'est  pas  rugueux,  mais  au  contraire 
relativement  lisse  et  presque  glabre.  Par  leurs  caractères  chimiques,  les 
feuilles  du  Piper  aduncum  paraissent  ressembler  à celles  du  Piper  anyus- 
ti folium.  Le  Piper  aduncum  est  très-répandu  dans  l’Amérique  tropicale. 
Sous  le  nom  de  Nhandi  ou  Piper  longum,  il  fut  mentionné  par  Pison, 
en  1648  (2),  à cause  de  l’action  stimulante  de  ses  feuilles  et  de  sa  ra- 
cine. On  l’emploie  encore  pour  ce  motif  au  Brésil,  mais  on  ne  paraît 
lui  attribuer  aucune  propriété  styptique  (3).  Dans  ce  pays,  on  se  sert  de 
ses  fruits  à la  place  de  ceux  du  Cubèbe. 

D’après  Triana,  le  Piper  lanceæfçlium  H.  B.  K.  ( Artanthe  Miq.)  est  une 
autre  espèce  non  déterminée,  fournissant,  à la  Nouvelle-Grenade,  du 
Matico  (4).  Le  Waltherid  glomerata  Presl,  de  la  tribu  des  Sterculiées,  est 
nommé,  à Panama,  Palo  del  soldaclo,  et  ses  feuilles  y sont  employées 
comme  vulnéraires  (o).  , 

Le  Piper  anguslifolium  Ruiz  et  Pavon  ( Flor . peruv.,  I,  38,  f.  »7,  f.  o)  est  une 
plante  à fleurs  hermaphrodites  ou  unisexuées,  à rameaux  glabres,  à ramuscules  plus 
ou  moins  velus.  Les  feuilles  sont  courtement  pétiolées,  un  peu  obliques,  lancéolées 
ou  elliptiques-oblongues,  longuement  acuminées,  arrondies  et  inégales  à la  base  et 
même  un  peu  cordées,  verruqueuses  et  couvertes  de  poils  rigides  sur  la  face  supé- 
rieure, revêtues  en  dessous  d’une  pubescence  molle;  elles  sont  rigides,  subcoriaces, 
munies  de  ponctuations  pellucides,  et  de  nervures  saillantes  en  dessous,  la  nervure 
médiane  émettant  des  nervures  latérales  parmi  lesquelles  les  sept  ou  huit  supé- 
rieures remontent  vers  le  sommet  de  la  feuille.  Le  pétiole  est  velu  et  engainant  à 
la  base.  Les  inflorescences  sont  oppositifoliées  et  supportées  par  des  pédoncules  a 
peu  près  deux  fois  aussi  longs  que  les  pétioles  et  velus.  Les  bractées  sont  lisses, 
peltées  au  sommet,  triangulaires,  velues  sur  les  bords.  L’androcée  est  formé  de 
quatre  étamines.  L’ovaire  est  surmonté  de  stigmates  sessiles,  filiformes.  Les  baies 
sont  glabres.  Les  chatons  mûrs  sont  allongés  et  épais.  [Trad.] 

(1)  Pharm.  Journ.,  1864,  V,  290. 

(2)  De  Medicinâ  Brasiliensi , lib.  iv,  c.  57. 

(3)  Langgaard,  Diccionario  de  medicinâ  domestica  e popular,  Rio  de  Janeiro,  1865, 
II  44. 

’(4)  Expositioii  de  1867,  Catalogue  de  M.  José  Triana,  14. 

(3)  Seemann,  Botany  of  the  Herald,  1852,  57,  85. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


357 


ARISTOLOCHIACÉES. 


RACINE  DE  SERPENTAIRE. 

Jiadix  Serpentcirix;  Radix  Serpentarix  Virginianx;  Serpentaire  de  Virginie;  angl.,  Virginian 
Snake-Root ; Serpentary  Root;  allem.,  Schlangemvurzel. 


Origine  botanique.  — Aristolochia  Serpentaria  L.  C’est  une  herbe  vi- 
vace, atteignant  à peine  d’ordinaire  30  centimètres  de  haut,  avec  des 
tiges  aériennes  flexueuses,  simples  ou  peu  ramifiées,  qui  portent  des 
fleurs  petites,  solitaires,  colorées  en  pourpre  foncé.  Elle  croît  dans  les 
bois  ombreux  des  Etats-Unis,  depuis  le  Missouri  et  l’Indiana  jusqu’à  la 
Floride  et  la  Virginie.  Elle  est  abondante  dans  les  Alleghanies  et  dans 
les  montagnes  du  Cumberland;  on  la  trouve  en  moindre  quantité  dans 
le  New-York,  le  Michigan  et  les  autres  Etats  du  Nord.  La  forme  des 
feuilles  est  extrêmement  variable  (a). 

Historique.  — Les  plus  auciens  renseignements  que  nous  possédions 
sur  la  racine  de  Serpentaire  sont  dus  à Thomas  Johnson,  apothicaire 
de  Londres,  qui  publia  une  édition  de  Gerarde  en  1636.  Il  est  évident, 
cependant,  que  Johnson  confondit  une  espèce  d 'Aristolochia  de  Crète 
avec  celle  qu'il  nomme  « la  Serpentaire , qui  est  apportée  de  Virginie, 
et  qui  a été  cultivée  par  M.  John  Tradescant,  à Lambeth  sud,  en  1632  » . 
Elle  fut  aussi  brièvement  indiquée  par  Cornuti,  dans  sa  Canadensium 
Platitarum  B tsloria  { 1633),  et  d’une  façon  plus  scientifique  par  Parkinson, 
en  -1640.  Ces  auteurs,  ainsi  que  Dale  (1693)  et  Geoffroy  (1741),  exaltent 
les  vertus  de  la  racine  contre  les  morsures  des  serpents,  et  contre 
la  rage.  La  Serpentaire  fut  introduite  dans  la  Pharmacopée  de  Londres 
en  1650. 

Description.  — La  Serpentaire  du  commerce  est  formée,  en  partie, 
par  le  rhizome,  qui  est  noueux,  contourné,  long  de  moins  de  3 centi- 
mètres et  épais  de  3 millimètres  environ  ; il  porte  sur  sa  face  supérieure 
les  hases  courtes  des  tiges  des  années  précédentes,  et  sur  sa  face  infé- 
rieure de  nombreuses  racines  grêles,  ramifiées,  longues  de  5 à 10  cen- 
timètres. Le  rhizome  est  souvent  encore  fixé  à une  portion  de  tige  her- 
bacée qui,  parfois,  porte  des  fruits,  et  plus  rarement  des  fleurs  et  des 
feuilles.  La  drogue  est  colorée  en  brun  foncé  ; elle  possède  une  odeur 
aromatique  analogue  à celle  de  la  Valériane,  mais  moins  désagréable, 
et  une  saveur  aromatique,  un  peu  amère,  rappelant  celles  du  camphre, 
de  la  térébenthine  et  de  la  Valériane. 


388  ARISTOLOGHIACÉES. 

Structure  microscopique.  — Dans  le  rhizome,  la  couche  extérieure 
de  l’écorce  est  formée  d’une  couche  simple  de  cellules  cuboïdes.  La 
portion  corticale  moyenne  (mésophlœum)  se  compose  d environ  six 
couches  de  grandes  cellules.  Le  liber  est  constitué  par  de  nombreuses 
couches  de  cellules  plus  petites;  celles  des  rayons  médullaires  sont 
presque  cubiques  et  pourvues  de  parois  ponctuées;  celles  des  faisceaux 
libériens  sont  plus  petites,  et  disposées  en  forme  de  croissant.  Dans  les 
faisceaux  ligneux,  des  groupes  de  vaisseaux  courts,  réticulés  et  ponc- 
tués, alternent  avec  des  fibres  ligneuses,  ponctuées,  qui,  dans  le  voisi- 
nage de  la  moelle,  ont  des  parois  épaisses.  Les  cellules  les  plus  larges 
sont  celles  qui  composent  la  moelle.  Cette  dernière,  vue  sur  une  sec- 
tion transversale,  n’occupe  pas  tout  à fait  le  centre  de  la  souche,  mais 
est  plus  rapprochée  de  sa  face  supérieure.  Les  racines  offrent  un 
faisceau  fibrovasculaire  central,  entoure  par  une  gaine.  Dans  le  mé- 
sophlœum  delà  souche  et  des  racines,  on  trouve  un  petit  nombie  de 
cellules  qui  contiennent  une  huile  essentielle  jaune.  Les  autres  cellules 
sont  remplies  d’amidon. 

Composition  chimique.  — L’huile  essentielle  existe  dans  la  drogue 
dans  la  proportion  d’environ  \ demi  pour  100.  La  résine  y est  à peu 
près  dans  la  même  proportion.  La  couche  corticale  externe,  et  la  zone  de 
la  gaine,  contiennent  une  petite  quantité  de  tannin,  et  l’infusion  aqueuse 
de  la  drogue  se  colore  en  vert  sous  l’influence  du  perchlorure  de  fer. 
L’acétate  neutre  de  plomb  précipite  un  peu  de  mucilage  et  un  principe 
amer  qui  est  peut-être  Y Aristolochùie  de  Chevallier.  On  peut  aussi  obtenir 
ce  dernier  à l’aide  de  l’acide  tannique.  C’est  une  substance  amorphe, 
amère  ; elle  demande  de  nouvelles  investigations.  La  solution  de  tartrate 
alcalin  de  cuivre  rend  évidente,  dans  la  Serpentaire,  la  présence  du 
sucre  • 

Commerce.  — La  Serpentaire  de  Virginie  est  importée  de  New-Yoïk 

et  de  Boston,  en  balles,  en  sacs  et  en  caisses. 

Usages.  — La  Serpentaire  est  employée  sous  forme  d infusion  et  de 
teinture,  comme  tonique  stimulant  et  diaphorétique.  On  la  présent 
plus  souvent  combinée  à l’écorce  de  Quinquina  que  seule.  Son  ancienne 
réputation  dans  le  traitement  des  plaies  produites  par  les  morsures 

de  serpent  est  aujourd’hui  perdue. 

Falsification  et  substitution.- La  Serpentaire  de  Virginie  passe  pour 

être  parfois  falsifiée  avec  la  racine  de  Spigelia  manlandxca  L.,  qui  n a 
ni  son  odeur  ni  sa  saveur,  ou  avec  celle  du  Cypripedium  pubescens  L 
qui  lui  ressemble  à peine.  Il  n’est  pas  rare  de  trouver,  çà  et  la,  dans  a 


3S9 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Serpentaire  du  commerce,  la  racine  du  Panax  'qüinquef  olium  L.,  re- 
cueillie par  accident,  mais  non  ajoutée  dans  un  but  de  falsification. 

La  racine  de  Y Aristolochia  reticulata  Nutt.,  plante  de  la  Louisiane 
et  de  l’Arkansas,  a été  introduite  dans  le  commerce  en  quantité  con- 
sidérable, sous  le  nom  de  Serpentaire  du  Texas  ou  Serpentaire  de  la 
Rivière-Rouge  (1).  Nous  avons  sous  les  yeux  un  échantillon  authentique 
provenant  du  pays  de  Gherokee,  et  dû  à M.  Merrell,  grand  marchand 
herboriste  de  Saint-Louis,  Missouri.  Il  nous  informe  que  toute  la  Ser- 
pentaire recueillie  dans  le  sud-ouest  des  montagnes  Rocheuses  est  pro- 
duite par  cette  espèce.  Le  professeur  Parrish,  de  Philadelphie,  nous  a 
envoyé  la  même  drogue,  et  de  bons  échantillons  de  la  véritable  Ser- 
pentaire de  Virginie  ou  Middle  States  Snake-root. 

La  Serpentaire  du  Texas  est  un  peu  plus  épaisse  et  moins  aplatie  que 
celle  qui  provient  de  VA.  Serpentaria.  Elle  en  possède  la  saveur  et  l’o- 
deur, mais  elle  est  un  peu  moins  aromatique.  La  plante,  dont  quelques 
parties  sont  souvent  mélangées  auxrhizomes,  se  distingue  facilement  par 
ses  feuilles  coriaces , sessiles  et  fortement  réticulées  sur  leur  face  inférieure. 

(a)  Les  Aristoloches  ( Aristolochia  Tournefort,  Inslit .,  162,  t.  71)  sont  des  Aris- 
tolochicRcées  à calice  coloré,  tubuleux,  permanent,  souvent  indivis  ; à anthères  unies 
dans  toute  leur  longueur  avec  le  style  ; à ovaire  infère,  divisé  en  six  loges  plurio- 
vulées  ; à capsule  déhiscente  en  six  valves. 

L’Aristolochia  Serpentaria  L.  (, Species , 1363)  est  une  plante  à souche  vivace,  as- 
cendante, courte,  émettant  un  assez  grand  nombre  de  rameaux  aériens  articulés, 
flexueux,  grêles,  souvent  teintés  de  rouge,  simples  ou  peu  ramifiés,  feuillés  dans  le 
haut,  nus  dans  le  bas  où  naissent  les  fleurs.  Les  feuilles  sont  alternes,  courtement 
pétiolées,  entières,  acuminées,  ordinairement  ovales-cordées  et  trinerviées  à la  base, 
plus  rarement  hastées-cordées  ou  ohlongues.  Les  feuilles  les  plus  grandes  sont  poly- 
morphes, longues  de  9 centimètres  environ  et  larges  de  5 centimètres.  Les  fleurs 
sont  portées  chacune  par  un  rameau  floral  qui  s’élève  de  la  partie  inférieure  de  la 
tige,  et  produit  d abord  quatre  à six  bractées,  puis  se  termine  par  une  fleur.  Les  fleurs 
sont  hermaphrodites,  irrégulières.  Le  calice  est  coloré  en  pourpre  brunâtre,  sombre  ; 
il  est  gamosépale  et  constitué  par  un  long  tube  recourbé  en  S,  renflé  â ses  deux  ex- 
trémités, limité  au  niveau  de  son  ouverture  par  un  bord  dilaté  et  réfléchi  en  dehors, 
formant  deux  lèvres,  l’une  supérieure,  l’autre  inférieure,  qui  dans  le  bouton  se  réu- 
nissent en  triangle.  L’androcée  est  formé  de  six  anthères  biloculaires,  extrorses,  dé- 
hiscentes par  des  fentes  longitunales,  connées  avec  les  six  faces  du  style  qui  est  si- 
tué entre  elles  et  surmonté  d’un  stigmate  convoluté,  étalé  au-dessus  des  anthères, 
de  façon  <i  rendre  la  fécondation  directe  il  peu  près  impossible.  Le  gynécée  se  com- 
pose d un  ovaire  tout  â fait  infère,  allongé,  ohlong,  hexagonal,  divisé  en  six  loges 
qui  contiennent  chacune  un  grand  nombre  d’ovules  anatropes,  insérés  dans  leur 
angle  interne  sur  deux  rangées  verticales  et  se  touchant  par  leurs  raphés.  Le  fruit 

(I)  Wiegand,  in  American  Journal  of  Pharm.,  1845,  X;  Pt'occedinrjs  ofthe  amcri- 
can  pharmaceutical  Association,  4 873,  XXI,  441. 


300 


CASTANÉACÉES. 

est  une  capsule  oliovnle,  ii  six  angles,  divisée  en  six  loges  contenant  de  nombreuses 
petites  graines  triangulaires,  aplaties,  horizontales,  couchées  les  unes  au-dessus  des 
autres.  La  déhiscence  est  scpticide.  Les  graines  contiennent  un  albumen  corné,  à la 
base  duquel  se  trouve  un  petit  embryon.  [Tiud.] 


CASTANÉACÉES. 

ÉCORCE  DE  CHÊNE. 

Cortex  Quercus;  nngl.,  Gale  Bark;  nllcm.,  Eichenrinde. 

Origine  botanique.  — Quercus  robur  L.  C’est  un  arbre  indigène  de 
presque  toute  l’Europe,  partant  du  Portugal  et  de  la  péninsule  Grecque, 
pour  atteindre  le 58e  de  latitude  nord  en  Ecosse,  le  62°  en  Norwége,  et 
le  5ôe  dans  les  montagnes  de  l’Oural  («). 

Il  existe  deux  formes  remarquables  de  cet  arbre,  regardées  par  plu- 
sieurs botanistes  comme  des  espèces  distinctes,  mais  considérées  par 
De  Candolle  (1)  comme  des  sous-espèces  : 

1°  pedunculata , à feuilles  sessiles  ou  courtement  pétiolées,  à fruits  por- 
tés par  un  long  pédoncule  ; 

2°  sessiliflora,  à pétioles  plus  ou  moins  allongés,  et  à fruits  sessiles  ou 
portés  par  un  pédoncule  court. 

Ces  deux  formes  existent  dans  la  Grande-Bretagne.  La  première  est  le 
Chêne  commun  de  la  plus  grande  partie  de  l’Angleterre  et  des  parties 
inférieures  de  l’Ecosse.  La  seconde  se  rencontre  fréquemment  dans  les 
bois,  où  domine  la  première,  et  elle  forme  la  plus  grande  partie  des 
forêts  du  sud  de  l’Angleterre.  Dans  la  Galles  du  Nord,  sur  les  collines  éle- 
vées du  nord  de  l’Angleterre,  et  en  Ecosse,  elle  est  plus  commune  que 
l’autre  forme  (Bentham). 

Historique.  — Les  propriétés  astringentes  de  toutes  les  parties  du 
Chêne  (2)  étaient  bien  connues  de  Dioscoride,  qui  recommande  la  dé- 
coction de  la  partie  interne  de  l’écorce  contre  la  diarrhée,  la  dysenterie 
et  les  crachements  de  sang.  Cependant,  l’écorce  de  Chêne  paraît  n’avoir 
jamais  été  tenue  en  grande  estime  comme  médicament,  probablement 
parce  qu’elle  est  très-commune.  Elle  est  aujourd’hui  à peu  près  com- 
plètement remplacée  par  les  autres  astringents.  Elle  a toujours  été 
beaucoup  employée  dans  le  tannage  des  peaux. 

Description.  — Pour  l’usage  médicinal,  on  recueille  l’écorce  des 

(1)  Prodromus,  1804,  XVI,  S.  IL  faso.  1. 

(2)  Probablement,  pas  du  Quercus  robur  L. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  3G) 

jeunes  tiges  et  clés  branches,  au  début  du  printemps.  Son  aspect  varie 
avec  l’âge  du  bois  sur  lequel  elle  a été  prise.  Celle  qu’on  trouve  d’ordi- 
naire chez  les  droguistes  anglais  est  en  morceaux  plats  ou  en  forme  de 
gouttières,  de  longueur  variable,  et  épais  de  2 millimètres  au  moins, 
lisses,  colorés  en  gris  argenté,  luisants,  avec  des  taches  brunes  et  de  pe- 
tites écailles.  La  surface  interne  est  colorée  en  brun  de  rouille  clair,  et 
munie  de  stries  longitudinales.  La  cassure  est  courte  et  fibreuse.  Sur  une 
section  transversale,  on  voit  une  couche  subéreuse  mince,  grisâtre,  en 
dedans  de  laquelle  se  trouve  un  parenchyme  brun,  traversé  par  de 
nombreuses  zones  de  taches  translucides  et  incolores.  L’écorce  sèche 
de  Chêne  ne  possède  qu’une  odeur  très-faible  ; mais  lorsqu’on  la 
mouille,  elle  dégage  une  odeur  de  tan  manifeste.  Sa  saveur  est  astrin- 
gente et  un  peu  amère  dans  les  vieilles  écorces. 

structure  microscopique.  — La  couche  extérieure  des  jeunes  écorces 
de  Chêne  est  formée  de  petites  cellules  subéreuses  aplaties.  La  couche 
moyenne  présente  des  cellules  plus  larges,  à parois  épaisses,  un  peu 
allongées  tangentiellement,  contenant  de  la  chlorophylle  et  des  granu- 
lations de  matière  colorante  brune.  De  ce  tissu,  on  passe  graduellement 
au  parenchyme  plus  mou  et  plus  étroit  de  l’écorce  interne,  qui  est  ré- 
gulièrement traversé  par  des  rayons  médullaires  étroits.  Il  offre,  en 
outre,  une  couche  un  peu  interrompue  de  cellules  à parois  épaisses 
(sclérenchyiue),  et  des  faisceaux  isolés  de  fibres  libériennes.  Des  groupes 
de  cristaux  d’oxalate  de  calcium  se  rencontrent  fréquemment  dans 
l’écorce  moyenne  et  interne,  mais  le  contenu  le  plus  important  des  cel- 
lules consiste  en  granules  bruns  de  matière  colorante  et  en  tannin.  A 
mesure  que  l’épaisseur  de  l’écorce  s’accroît,  le  liber  devient  de  plus 
en  plus  superficiel,  la  couche  moyenne  de  l’écorce  étant  en  partie 
détruite  par  une  formation  de  liège  secondaire  (rhytidome).  Il  en  résulte 
que  les  écorces  les  plus  jeunes,  qui  seules  sont  médicinales,  ont  une 
structure  et  un  aspect  très-différents  de  ceux  des  vieilles  écorces  (b). 

Composition  chimique.  — Le  principe  constituant  le  plus  important 
de  l’écorce  de  Chêne  est  une  sorte  particulière  de  tannin.  Stenhouse 
indiqua,  en  1843,  que  l’acide  tannique  de  l’écorce  de  Chêne  n’est  pas 
identique  à celui  de  la  noix  de  galle.  Ces  observations  ont  été  plus 
tard  confirmées.  La  première  de  ces  deux  substances,  nommée  aujour- 
d hui  acide  Querci-Lannique,  donne,  par  distillation  sèche,  de  la  pyroca- 
téchinc  et  non  du  pyrogallol.  Il  ne  fournit  pas  par  oxydation  d’acide 
gallique.  Une  solution  de  gélatine  est  précipitée  par  l’acide  querci-t'an- 
nique  de  même  que  par  l’acide  gallo-lannique  ; cependant,  le  composé 


3G2 


CASTANÉACÉES. 

formé  avec  co  dernier  se  décompose  très-facilement,  tandis  que  le  tan- 
nin de  l’écorce  de  Chêne,  qui  est  cependant  accompagné  par  une  grande 
quantité  de  matière  extractive,  fournit  un  composé  stable,  et  est  ca- 
pable de  produire  un  bon  cuir. 

Comme  l’acide  querci-tanniquc  n’a  pas  encore  été  isolé  à l’état  de  pu- 
reté, l’estimation  exacte  de  l’énergie  du  principe  tannant  de  l’écorce  de 
Chêne  n’a  pu  être  encore  obtenue,  ce  qui  aurait,  cependant,  une  grande 
importance,  aussi  bien  au  point  de  vue  économique  qu’au  point  de  vue 
scientifique.  La  meilleure  méthode  employée  pour  cela  est  celle  de 
Ncubauer  (1873).  Elle  repose  sur  la  proportion  de  permanganate  de  po- 
tassium que  peut  décomposer  l’extrait  d’un  poids  déterminé  d’écorce  de 
Chêne.  Neubauer  a trouvé,  dans  l’écorce  de  jeunes  tiges  cultivées  pour 
le  tannage,  de  7 à 10  pour  100  d’acide  querci-tannique  soluble  dans 
l’eau  froide.  En  1843,  Gerbe r retira  de  l’écorce  de  Chêne  une  substance 
neutre,  incolore,  cristallisable,  amère,  soluble  dans  l’eau,  insoluble  dans 
l’alcool  absolu  et  dans  l’éther.  Il  la  nomma  Quercine.  Elle  exige  de  nou- 
velles recherches.  G.  Eckert  (1)  n’a  pas  pu  la  découvrir  dans  l’écorce  du 
Chêne  jeune. 

Usages.  — L’écorce  de  Chêne  n’est  que  rarement  employée  en  qua- 
lité d’astringent,  et'l’on  n’en  fait  guère  usage  qu’à  l’extérieur. 

(a)  Les  Chênes  ( Quercus  L.  Généra,  725)  sont  des  Castanéacées  à fleurs  monoïques  ; 
les  mâles  disposées  en  chatons  et  formées  de  huit  étamines  ou  davantage  ; les 
femelles  formées  d’un  périanthe  à six  divisions,  et  d’un  ovaire  infère,  globuleux,  à 
trois  loges  biovulées  ; à fruit  uniloculaire  et  monosperme  par  avortement,  sec,  en- 
touré à la  base  par  une  cupule  écailleuse  ou  tuberculeuse. 

Le  Quercus  robur  L.  ( Species , 1414)  est  un  grand  arbre  à tronc  ordinaire- 
ment droit  et  court,  très-ramiûé,  à rameaux  étalés  et  très-feuillus,  les  plus  gros  re- 
couverts, comme  le  tronc,  d’une  écorce  subéreuse  épaisse,  crevassée,  les  plus  jeunes 
lisses  et  colorés  en  brun  grisâtre.  Les  feuilles  sont  alternes,  caduques,  portées  par 
des  pétioles  plus  ou  moins  allongés,  sessiles  même  dans  la  variété  qui  a tiré  son 
nom  de  ce  caractère.  Leur  limbe  est  mince,  mais  résistant,  coloré  en  vert  foncé  et 
luisant  en  dessus,  plus  pâle  et  parfois  laineux  en  dessous,  obovale-oblong,  sinueux 
ou  même  divisé  sur  les  bords  en  lobes  arrondis  et  pourvus  chacun  d une  nervure 
saillante  en  dessous,  qui  part  de  la  nervure  principale,  et  fournit  elle-même  des  ner- 
vures latérales  fines  et  anastomosées.  Les  feuilles  sont  accompagnées  de  deux  sti- 
pules caduques.  Les  fleurs  males  sont  sessiles  sur  1 axe  du  pédoncule  commun  al- 
longé, distantes  les  unes  des  autres,  et  situées  à l’aisselle  de  bractées  membraneuses. 
Chaque  fleur  se  compose  d’un  périanthe  simple,  à divisions  libres,  variables  en 
nombre,  et  d’étamines  en  même  nombre  que  les  folioles  du  périanthe  auxquelles 
elles  sont  superposées,  ou  quelquefois  plus  nombreuses.  Chaque  filet  supporte 
une  anthère  biloculaire,  extrorse,  déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales.  Les 

(1)  Wittstiîin,  Vierteljahrcssehv.  für  pmkt.  Phctrm.,  1864,  XIII,  494. 


363 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

fleurs  femelles  sont  également  disposées,  mais  en  nombre  moindre,  le  long  d’un  pé- 
doncule commun,  à l’aisselle  de  bractées  qui  restent  membraneuses.  Chaque  fleur 
se  compose  d’un  périanthe  <\  trois  divisions,  et  d un  ovaire  infère,  triloculairc,  sur- 
monté d’un  style  divisé  en  trois  branches  stiginatiques  situées  en  face  des  folioles 
du  périanthe.  Chaque  loge  ovarienne  contient  deux  ovules  anatropes,  insérés  dans 
l’angle  interne,  suspendus,  à micropyle  dirigé  en  haut  et  en  dehors.  L’ovaire  est 
entouré  d'une  cupule  formée  par  une  dilatation  du  pédoncule  floral  revêtu  d appen- 
dices en  forme  de  bractées  ou  de  tubercules  plus  ou  moins  développés  (1).  Deux 
des  loges  de.l’ovaire  avortent  normalement,  ainsi  que  l’un  des  ovules  de  la  loge  unique 
qui  persiste,  et  le  fruit  est  un  akène  uniloculaire,  renfermant  une  seule  graine  dé- 
pourvue d’albumen  et  contenant  un  gros  embryon  à cotylédons  épais  et  allongés. 
Le  fruit  est  entouré,  à la  base,  de  la  cupule  accrue  et  devenu  ligneuse.  On  a donné 
n son  ensemble  le  nom  de  gland.  [Trad.] 

(b)  L’écorce  de  Chêne  offre,  comme  l’indique  la  coupe  transversale  repré- 
sentée dans  la  figure  242  pratiquée  sur  une  écorce 
de  jeune  chêne,  épaisse  de  7 à 8 millimètres  : 

1°  une  couche  subéreuse  a,  a'  qui  forme  la  limite  de 
l’écorce,  l’épiderme  ayant  été  détaché  ainsi  que  le 
parenchyme  cortical  situé  au-dessous  de  lui  par  un 
procédé  que  nous  indiquerons  plus  bas.  La  zone  a, 
a'  se  décompose  nettement  en  deux  couches  très- 
distinctes  : l’une  externe  a,  formée  de  cellules  qua- 
drangulaires  à parois  brunes,  sèches,  à cavité  dé- 
pourvue de  protoplasma,  et  ayant  par  suite  perdu 
toute  vitalité  ; l'autre  intérieure,  a'  formée  égale- 
ment de  cellules  quadrangulaires  comme  la  pre- 
mière, mais  très-différente  par  la  présence  dans  ses 
cellules  d’un  protoplasma  abondant  et  par  la  colo- 
ration blanche,  claire,  des  parois  cellulaires.  Les 
cellules  de  cette  couche  constituent  le  phellogène,  ou 
couche  génératrice,  qui  a produit  d’une  part  les 
cellules  brunes  situées  en  dehors  d’elle,  et  d’autre 
part  la  zone  de  parenchyme  cortical  sous-jacente  b. 

Celle-ci  est  formée  de  cellules  polygonales,  sans 
méats  intercellulaires,  à parois  minces  et  claires. 

Elle  a été  produite  par  la  couche  phellogénique  de  la 
zone  a.  Au  milieu  des  cellules  parenchymateuses 
minces  qui  la  composent  en  majeure  partie,  sont  dispersés  de  petits  groupes  irrégu- 
liers de  cellules  sclérenchymateuses  à parois  épaisses,  lignifiées  et  fortement  ponc- 
tuées, et  d’autres  groupesplus  petits  de  cellules  prosenchvmateuses,  allongées,  fusifor- 
mes, h parois  claires,  très-épaisses  et  à cavité  capillaire.  En  dedans  du  parenchyme  b,  se 
trouve,  en  c,  c\  une  nouvelle  zone  subéreuse  formée  également,  dans  toute  sou  épais- 
seur, de  cellules  rectangulaires  très-régulières,  et  décomposable  comme  la  plus  externe 
en  deux  couches,  l’une  extérieure  c dont  les  cellules  commencent  à brunir  et  à perdre 
leur  protoplasma.  Lorsque  leur  vitalité  sera  entièrement  supprimée,  elles  intercepte- 
ront les  communications  duparenchyme  situé  en  dehors  d’elle,  et  la  portion  interne  de 

(1)  Voyez  pour  le  développement  de  l’organe  analogue  des  Châtaigniers  : H.  Bâil- 
lon, Bull,  de  l’Assoc.  pour  l’avanc.  des  sc.,  187B,  145. 


3G1  CASTAN  ÉACÉES. 

l’écorce  ainsi  que  le  parenchyme  se  mortifieront,  puis  se  détacheront  en  entraînant  les 
couches  a et  a',  qui  elles-mêmes  ont  déjà  déterminé  de  la  sorte  la  chute  du  parenchyme 
cortical  et  de  l’épiderme  qui  formaient  clans  le  jeune  rameau  la  périphérie  de  l’é- 
corce. La  couche  interne  c'  joue  également  le  même  rôle  que  la  couche  a',  et  offre 
les  mêmes  caractères.  Elle  constitue  comme  elle  une  couche  génératrice  qui  produit 
en  dehors  les  cellules  de  la  couche  c et  en  dedans  les  cellules  du  parenchyme  d.  Ce 
dernier  offre  les  mêmes  caractères  et  la  même  structure  que  celui  de  la  zone  b.  Eu 
dedans  de  lui  se  trouve,  en  c,  e'  une  troisième  zone  de  phellogène  également  décoin- 
posable  en  une  couche  e,  en  voie  de  mortification  et  en  une  couche  e génératrice  de 
la  couche  e,  et  donnant  naissance  en  même  temps  <\  un  nouveau  parenchyme  qui 
comme  le  montre  la  figure,  n’est  encore  représenté  que  par  une  ou  deux  rangées  de 
cellules,  situées  entre  la  couche  e'et  le  liber  g.  Lorsque  ce  parenchyme  aura  acquis 
une  certaine  épaisseur,  les  cellules  situées  dans  sa  région  interne,  au  voisinage  du 
liber,  se  transformeront  à leur  tour  en  une  couche  phellogénique  nouvelle,  produi- 
sant en  dehors  du  liège  et  en  dedans  un  nouveau  parenchyme. 

Par  suite  de  ces  formations  successives  dont  la  figure  212  peut  donner  une  bonne 
idée,  la  portion  de  l’écorce  du  Chêne  située  en  dehors  du  liber  subit  sans  cesse  un 
accroissement  en  épaisseur,  mais  en  môme  temps  elle  s’exfolie  au  niveau  de  sa  su- 
perficie par  suite  de  la  mortification  qu’entraînent  les  zones  de  cellules  subéreuses 
qui  se  produisent  dans  son  épaisseur.  Le  liber  g offre  une  épaisseur  assez  considé- 
rable. Il  est  formé  de  faisceaux  assez  étroits,  séparés  les  uns  des  autres  par  des 
rayons  médullaires  formés,  d’ordinaire,  d’une  seule  rangée  de  cellules  allongées  ra- 
dialement.  Chaque  faisceau  se  compose  de  bandes  alternantes  d éléments  à parois 
minces,  polygonaux,  et  de  fibres  libériennes  à parois  épaisses,  blanches  et  claires,  et 
à cavité  capillaire.  Ces  fibres  ont  une  très-grande  solidité,  mais  elles  n atteignent 
qu’une  longueur  peu  considérable,  ce  qui  explique  la  cassure  fibreuse  de  1 écorce 
de  Chêne.  [Trad.] 


GALLES  D’ALEP. 

G allas  Halepenses;  Gallæ  Turcicx  ; Noix  de  Galle,  Galle  d'Alep;  angl.,  Galls,  A utgalls,  Gale  Galts, 
Aleppo  or  Turkey  G ails  ; allem.,  Levantisehe  oder  Alcppische  Galien,  GalUepfel. 

Origine  botanique. — Quercus  lusilanica  Webb,  var.  infectoria  ( Quercus 
infectoria  Oliv.)  (1).  C’est  un  arbuste,  ou  rarement  un  arbre,  croissant  en 
Grèce,  en  Asie  Mineure,  clans  l’île  de  Chypre  et  en  Syrie  (a).  Il  est  pro- 
bable que  d’autres  variétés  de  cette  espèce,  et  même  d autres  espèces  voi- 
sines de  Chênes,  contribuent  à fournir  les  Galles  d’Alep  du  commerce. 

Historique.  — Les  Noix  de  Galle  sont  nommées  par  1 héopbraste,  qui 
vivait  au  troisième  ou  au  quatrième  siècle  avant  Jésus-Christ.  Elles 
étaient  bien  connues  des  autres  écrivains  anciens.  Pline  (2)  mentionne 
ce  fait  intéressant,  que  le  papier  imbibé  d’une  infusion  de  Noix  de  Galle 
peut  être  employé  pour  découvrir  le  sulfate  de  fer  avec  lequel  on  falsifie 
le  vert-de-gris,  plus  coûteux.  C’est  là,  d’après  Kopp,  la  plus  ancienne 

(1)  De  Candolle,  Prodromus,  X\  I,  S.  II,  17. 

(2)  Lib.  34,  c . 20. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  3G5 

mention  de  l’application  scientifique  d’une  réaction  chimique  (1).  Dès 
les  temps  les  plus  reculés,  on  a employé  la  Noix  de  Galle  dans  le  tannage 
cl  dans  la  teinture. 

La  Noix  de  Galle  constitue,  depuis  fort  longtemps,  un  objet  de  com- 
merce entre  l’Asie  occidentale  et  la  Chine.  Barbosa,  dans  sa  Descrip- 
tion des  Indes  Orientales  (2),  écrite  en  1514,  la  nomme  Magican  (3),  et 
dit  quelle  est  apportée  du  Levant' à Cambay  par  la  voie  de  Mekka,  et 
qu’elle  constitue  un  objet  de  commerce  très-important  en  Chine  et  à 
Java.  Porter  Smith  (4)  nous  apprend  qu’elle  est  encore  aujourd’hui 
très-estimée  des  Chinois. 

Formation.  — Un  grand  nombre  de  plantes  sont  piquées  par  des  in- 
sectes qui  déposent  leurs  œufs  dans  la  plaie,  et  ces  piqûres  sont  ordi- 
nairement suivies  d’excroissances  qui  ont  reçu  d’une  façon  générale  le 
nom  de  galles  (5).  Les  Chênes  sont  particulièrement  fréquentés  dans  ce 
but  par  des  insectes  hyménoptères,  et  par  le  genre  Cynips,  dont  une 
espèce,  le  Cynips  Gallæ  tinctoriæ  Olivier  ( Diplolepis  Gallæ  tinctoriæ 
Latreille),  détermine  la  formation  de  la  galle  dont  nous  nous  occu- 
pons ici. 

La  femelle  de  ce  petit  insecte  est  munie  d’une  tarière  délicate  ou  ovis- 
cape,  qu’elle  peut  faire  saillir  de  l’extrémité  postérieure  de  son  abdo- 
men, et  dont  elle  se  sert  pour  perforer  les  jeunes  bourgeons  du  Chêne,  et 
y déposer  un  ou  plusieurs  œufs.  Cette  petite  opération  détermine  dans  le 
bourgeon  une  accumulation  considérable  des  sucs  de  la  plante,  dont  le 
résultat  est  la  production  rapide  d’une  excroissance  souvent  très-volumi- 
neuse, dans  le  centre  de  laquelle  (mais  cela  n’est  visible  que  lorsque  la 
galle  a atteint  tout  son  développement)  la  larve  éclôt,  et  subit  toutes  ses 
métamorphoses.  Lorsqu’elle  a atteint  la  dernière  phase  de  son  évolution, 
et  qu’elle  est  devenue  un  insecte  ailé,  ce  qui  exige  une  durée  de  cinq  ou 
six  mois,  elle  se  creuse  un  chemin  cylindrique  depuis  le  centre  de  la 
galle  jusqu  à sa  surface,  et  prend  son  vol.  Dans  les  meilleures  galles  du 
commerce  la  sortie  de  l’insecte  n’a  pas  encore  eu  lieu,  parce  qu’on  les  a 
ceuillies  tandis  que  1 insecte  était  encore  à l’état  de  larve.  En  choisissant 

(1)  Geschichte  der  C hernie,  1844,  II,  81. 

(2)  Publié  par  la  Ilakluyt  Society,  Lond.,  1866,  191. 

(1 2 3 4)  On  emploie  encore  aujourd’hui  à peu  près  le  même  nom  dans  tes  langues  tamul, 
teiugu,  malayalim  et  canarese. 

(4)  Mat.  Med.  and  Nat.  Hist.  of  China,  1871,  100. 

(•>)  Les  écrivains  français, notamment  Moquin-Tandan,  distinguent  les  galles  à parois 
épaisses  u Cynips,  des  galles  capsulaires,  à parois  minces  des  Aphis  ; ils  nomment  les 
premières  galles,  et  les  secondes  coques. 


3GG 


CASTANÉACÉES. 


dans  un  certain  nombre  do  galles,  il  n’est  pas  difficile  d en  trouver  a 
toutes  les  phases  du  développement  de  1 insecte,  depuis  celle  où  la 
galle  ne  contient  qu’une  larve  très-petite,  jusqu’à  celle  où  l’on  voit  l’in- 
secte parfait,  mort  pendant  qu’il  cherchait  à perforer  les  murs  de  sa 


prison, 

Description.  — Los  galles  d’Alep  (1)  sont  sphériques,  et  ont  de  8 à 
16  millimètres  de  diamètre.  Leur  surface  est  lisse  et  un  peu  luisante, 
couverte,  dans  sa  moitié  supérieure,  de  petits  tubercules  pointus  et 
d’arêtes  saillantes,  dispersés  sans  aucun  ordre  régulier;  dans  la  partie 
inférieure,  elles  sont  habituellement  lisses.  L’ouverture  par  laquelle 
le  petit  insecte  s’est  échappé  est  ordinairement  située  vers  la  partie 
médiane.  Lorsque  les  galles  ne  sont  pas  perforées,  elles  sont  colorées 
en  vert-olive  et  relativement  lourdes,  mais  après  la  sortie  de  l’in- 
secte, leur  coloration  passe  au  brun  jaunâtre,  et  leur  poids  diminue. 

De  là  les  noms  employés  dans  le  commerce  de  Noix  de 
galle  bleues  ou  vertes , et  Noix  de  galle  blanches.  Les  Galles 
d’Alep  sont  dures  et  cassantes,  et  se  fendent  sous  le  mar- 
teau. Leur  saveur  est  acidulé,  très-astringente  et  accom- 
pagnée d’une  certaine  douceur,  faible  ; elles  ne  possèdent 
pas  d’odeur  marquée.  Leur  surface  de  cassure  est  fine- 
Gaiie  d’Alep.  raent  grenue,  avec  un  aspect  cireux  et  lustré  ; elles  offrent 
parfois,  surtout  vers  le  centre,  une  structure  granuleuse  moins  serrée, 
ou  bien  elles  ont  une  apparence  radiée,  ou  sont  crevassées.  La  colora- 
tion du  tissu  intérieur  varie  du  brun  pâle  au  jaune  verdâtre  foncé.  La 
cavité  centrale,  parfois  large  de  plus  d’un  demi-centimère,  qui  sert  de 
logement  â l’insecte,  est  limitée  par  une  couche  dure  formant  une  sorte 
de  noyau.  Lorsque  l’insecte  est  mort  pendant  son  jeune  âge,  la  cavité 
centrale  et  l’ouverture  contiennent  une  masse  de  tissu  cellulaire  lâche, 
riche  en  amidon,  ou  les  restes  pulvérulents  de  ce  tissu,  si  l’insecte  ne 
s’est  pas  du  tout  développé  ; la  portion  centrale  de  la  galle  est  formée 
entièrement  par  ce  tissu. 

Structure  microscopique.  — Le  tissu  cellulaire  de  la  Noix  de  Galle 

est  formé,  dans  la  partie  moyenne,  de  grandes  cellules  sphériques  a 
parois  un  peu  épaisses,  ponctuées.  Ces  cellules  deviennent  beaucoup 
plus  petites  vers  la  périphérie.  Les  couches  extérieures  sont  formées  de 


Ml  II  existe  plusieurs  autres  variétés  de  Noix  de  Galle;  pour  la  description  de  cer- 
tain s l’entre  elles,  voyez  Guibourt,  Hist.  des  Drogues,  1869,  II  292  ; et  pour  plus  de 
détaiîs  sur  les  divers  insectes  à galles  de  la  famille  des  Cynipsidæ , et  les  excroissances 
S L ïaïlent  I.  production,  coucullcc  1.  mémoire , d.  Ab.  dan,  V,er,e,jakrtl. 
schrift  fier  prakt.  Pharm.,  de  Wïttstein,  1857,  VI,  343-361. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  367 

cellules  à parois  épaisses,  à cavité  très-petite,  formant  une  sorte  de  té- 
gument. Des  faisceaux  fibro-vasculaires  sont  dispersés  dans  divers 
points  de  ces  tissus  ; ils  proviennent  du  pédoncule  de  la  galle.  Vers  le 
centre,  le  parenchyme  est  formé  de  cellules  de  plus  en  plus  allongées 
radialement,  plus  larges,  à parois  minces  et  marquées  de  stries  spira- 
lées. La  paroi  dure  de  la  cavité  centrale  (1)  est  formée  de  cellules  plus 
grandes,  allongées  radialement,  à parois  épaisses,  munies  de  ponc- 
tuations et  de  stries.  Sur  la  face  interne  de  cette  coque,  on  trouve, 
après  la  sortie  de  l’insecte,  les  restes  du  tissu  riche  en  amidon,  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut,  lequel  remplissait  au  début  la  chambre  cen- 
trale, et  a été  consommé  par  l’insecte  pour  son  alimentation.  Les  cellules 
parenchymateuses  situées  en  dehors  des  parois  de  la  cavité  centime 
contiennent  de  la  chloi’ophylle  et  du  tannin.  Ce  dernier  se  présente  eix 
masses  incolores,  transparentes,  anguleuses,  insolubles  dans  la  benzine, 
peu  solubles  dans  1 eau,  et  tout  à fait  solubles  dans  l’alcool.  De  minces 
coupes  de  ce  tissu  placées  dans  la  glycérine  se  montrent  couvertes,  au 
bout  de  peu  de  temps,  de  beaux  cristaux  d’acide  gallique.  Les  cellules  à 
parois  épaisses  (cellules  pierreuses),  et  les  cellules  striées  qui  les  avoi- 
sinent, sont  riches  en  cristaux  octaédriques  d’oxalate  de  calcium.  Le 
tissu  situé  entre  les  parois  de  la  cavité  interne  et  les  cellules  à parois 
épaisses  contient  de  gros  granules  comprimés,  et  ordinairement  sphé- 
riques, d’amidon,  et  des  masses  isolées  d’une  résine  brune.  Il  paraît 
existei  aussi,  dans  cette  partie  du  tissu,  un  composé  albuminoïde. 

Composition  chimique.  — La  saveur  âpre  de  la  Noix  de  Galle  est  due 
à son  principe  constituant  le  plus  important,  le  Tannin  ou  acide  Gallo- 
tannique.  Cet  acide  est  le  type  d’une  famille  nombreuse  de  corps  (2) 
auxquels  les  substances  végétales  doivent  leurs  propriétés  astringentes. 
Les  substances  tanniques  furent  longtemps  considérées  comme  toutes 
semblables  et  identiques  à celle  de  la  Noix  de  Galle,  mais  les  recherches 
faites  dans  ces  dernières  années  ont  prouvé  que  le  tannin  des  différentes 
plantes  jouit  de  propriétés  distinctes,  et  l’on  a donné  le  nom  d’acide  Gallo- 
tanmque  à celui  de  la  Noix  de  Galle,  qui  le  produit  en  quantité  particu- 
lièrement considérable.  Stenhouse  a montré,  en  effet,  dès  1843,  puis  en 
1861,  et  par  des  expériences  plus  récentes  encore,  que  l’acide  tannique 
de»  feuilles  du  Rhus  Conaria  L.,  le  Sumac  de  Sicile,  est  identique  à 

(1)  Louche  protectrice  de  Lacazc-Duthiers  ( Recherches  pour  servir  à l’histoire  des 
halles,  in  Ann.  se.  nat.,  Bot.,  1858,  XIX,  273-354). 

(2)  G melin,  Chemistry,  1802,  XV,  449.  — Schorlemmer,  Chemistry  of  the  Carbon 
Compounds,  1874,  4G3. 


308  CÀSTANÉACÉES. 

celui  dos  Noix  de  Galle.  Lowe,  en  1873,  est  parvenu  aux  mêmes  insul- 
tais. Les  meilleures  galles  fournissent  de  60  a 70  pour  100  de  cet  acide  , 
on  y trouve  aussi  du  sucre,  de  la  résine  et  des  substances  protéiques, 
mais  elles  ne  contiennent  ni  dcxtrine  ni  gomme.  Rapidement  formées, 
les  galles  renferment  aussi  de  1 acide  galliquc. 

Commerce.  — Les  progrès  récents  de  la  teinture  ont  amené  l’emploi 
croissant  du  sumac  et  des  myrobalans,  et  par  suite  une  diminution  con- 
sidérable dans  le  commerce  de  la  Noix  de  Galle.  La  province  d Alep,  qui 
en  fournissait  habituellement  de  10  000  à 12  000  quintaux  par  an,  n’en 
A exporté,  en  1871 , que  3000  quintaux  (1).  Les  Noix  de  Galle  recueillies 
dans  les  montagnes  du  Kurdistan,  trouvent  un  marché  important  à 
Diarbekir,  d’où  on  les  exporte  à Trébizonde  pour  les  embarquer.  On 
expédie  aussi  une  certaine  quantité  de  galles  à Bassorah,  à Bagdad,  a 
Bushire  et  à Smyrne.  Il  a été  importé  dans  le  Royaume-Uni,  en  1872, 
des  ports  de  la  Turquie  et  delà  Perse,  6349  quintaux  de  Noix  de  Galle, 
valant  18  581  livres  sterling. 

Usages.  - Les  Noix  de  Galle  ne  sont  que  rarement  employées  en 
médecine  à l’état  brut,  si  ce  n’est  pour  l’usage  externe,  mais  on  admi- 
nistre fréquemment  les  acides  tannique  et  gallique  qu’on  en  extrait. 


AUTRES  SORTES  DE  GALLES. 

Galles  rte  Chine  ou  rtu  Japon.  - La  plante  qui  produit  cette  impor- 
tante sorte  de  galles  est  le  Rhus  semialata  Murray  (R.  Bucki-Amela  Boxu.), 
petit  arbre  de  la  famille  des  Anaoardiacées,  commun  dans  le  nord  de 
l’Inde,  la  Chine  et  le  Japon.  Ces  Galles  commencèrent  à être  importées 
en  Europe  dès  1724.  Elles  sont  notées  par  Geoffroy  (2)  sous  le  nom 
& Oreilles  des  Indes , mais  elles  paraissent  avoir  ensuite  disparu  du  mar- 
ché Pereira  dirigea  l’attention  sur  elles  en  1841,  et,  depuis  cette  époque, 
elles  constituent  un  article  important  et  régulier  de  commerce  exporte 
par  la  Chine  et  1®  Japon . Aujourd’hui  elles  nous  arrivent 
kow.  L’exportation  de  cette  grande  cité  fut,  en  1875,  de  30049  pe- 
culs  (3).  La  quantité  importée  de  Chine  dans  le  Royaume-  ni,  en 
fut  de  8 621  quintaux,  valant  20098  livres  sterling. 

(1)  Consul  Skcné,  in  Reports  of  H.  M.  Consuls, ,11°  1,  18/2,  2/0. 

(2)  Mém.  de  l’Acad.  roy.  des  se.,  Paris,  172 1,  . Dans  ]ps  rap- 

ü xrrr»»  « * - • - 

« Gallnuts  ». 


369 


H ISTO l H E DES  DROGUES  D’ORIGINE  VEGETALE. 

Les  Galles  de  Chine  sont  des  protubérances  vésiculeuses  produites 
sur  les  pétioles  foliaires  et  sur  les  branches  du  Rhus  semialata  par  la  pi- 
qûre d’un  insecte  figuré  par  Doubleday  (1),  considéré  par  lui  comme 
appartenant  au  genre  Aphis,  et  nommé  par  Jacob  Bell  (2)  Aphis  chinen- 
sis.  Nous  n’avons  pas  de  renseignements  émanant  d hommes  com- 
pétents sur  le  développement  et  la  récolte  de  cette  Galle  ; nous  ne  pou- 
vons juger  de  sa  formation  que  par  celle  des  productions  analogues 
d’Europe.  D’après  Doubleday,  il  est  probable  que  l’ Aphis  femelle  pique 
la  face  supérieure  de  la  feuille  ou  plutôt  son  petiole,  et  détermine  pai 
cette  plaie  l’hypertrophie  du  tissu.  L’insecte  se  loge  dans  la  cavité  ainsi 
produite,  et  y dépose  sa  progéniture,  qui  vit  en  suçant  la  face  interne  de 
sa  loge  et  détermine  ainsi  une  nouvelle  croissance  du  tissu.  Tandis  que 
les  parois  de  ce  sac  s’accroissent,  l’ouverture  se  ferme  peu  à peu,  et  tous 
les  jeunes  se  trouvent  enfermés  dans  une  prison  où  ils  vivent  et  se  mul- 
tiplient, jusqu’à  ce  que  les  parois  en  se  rompant  les  mettent  en  liberté, 
comme  cela  se  produit  pour  la  Galle  du  Pistachier  d Europe.  Cette  rup- 
ture se  produit,  autant  que  nous  pouvons  le  supposer,  à l’époque  où, 
après  une  série  de  générations  aptères,  et  peut-être  uniquement  fe- 
melles, il  survient  une  génération  ailée  et  composée  d individus  des  deux 
sexes.  Ces  derniers  s’envolent  vers  d’autres  plantes,  et  déposent  des  œufs 
destinés  à produire  de  nouvelles  générations. 

Les  Galles  de  Chine  sont  claires  et  creuses;  elles  ont  de  3 à 6 centi- 
mètres de  long  ; leur  forme  est  très-variable  et  très-irrégulière.  Les  plus 
simples  sont  un  peu  ovoïdes,  et  fixées  par  leur  petite  extrémité  au  pé- 
tiole d’une  feuille  ; mais  leur  forme  est  rarement  aussi  régulière,  et  le 
plus  souvent  elles  sont  déformées  par  des  protubérances  noueuses  ou  en 
forme  de  cornes,  ou  sont  plus  ou  moins  ramifiées.  La  Galle  peut  aussi 
être  constituée  par  plusieurs  lobes  unis  dans  le  bas,  et  graduellement 
atténués  jusqu'au  [niveau  du  point  où  l’excroissance  est  attachée  à la 
feuille  (3).  Malgré  ces  variétés  de  forme,  la  structure  de  ces  Galles  est 
très-caractéristique.  Elles  sont  striées  vers  la  base,  et  complètement 
couvertes,  dans  le  reste  de  leur  étendue,  d’un  duvet  épais,  velouté,  gri- 

(1)  Phann.  Journ.,  1 84 8,  VII,  310. 

(2)  Ibid.,  1831,  X,  128. 

(3)  Nous  avons  vu  des  Galles  importées'de  Shanghaï  qui  différaient  des  Galles  chi- 
noises ordinaires  en  ce  qu’elles  n’étaient  pas  munies  de  cornes,  mais  avaicnL  touLes 
une  forme  allongée,  ovoïde;  un  grand  nombre  étaient  terminées  en  pointe  ïi  1 extré- 
mité supérieure  ; elles  exhalaient  en  outre  une  forte  odeur  de  fromage.  11  est  possible 
qu’elles  aient  été  produites  par  le  Distylium  racemosum  S.  et  Z.,  quoiqu  elles  u eussent 
pas  exactement  la  forme  de  poire  figurée  par  Siebold  et  Zuocarini  ( Flora  Japoilica , 
t.  94). 


IIIST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


24 


370 


CASTANÉACÉES. 


sa*'re>  flu‘  ,,ouA'it  au  niveau  des  protubérances,  et  cache  la  coloration 
brun  rougeâtre  propre  aux  parois  mêmes  de  la  Galle.  Celles-ci  ont  de 


1 112  millimètres  d’épaisseur;  elles  sont  translucides  et  cornées,  mais 
cassantes,  et  leur  cassure  est  lisse  et  luisante.  Leur  face  interne  est  plus 
lisse  et  plus  claire  que  l’externe.  Lorsqu’on  casse  les  Galles,  on  y trouve 
habituellement  une  substance  blanche,  laineuse,  et  les  corps  desséchés 
des  petits  insectes. 


Les  Galles  de  Chine  contiennent  environ  70  pour  tOO  d’un  acide  tan- 
nique  que  Stenhouse  (1)  regarde  comme  identique  à celui  des  Galles 
d Alep.  11  est  important  de  faire  remarquer  que  les  fabricants  de  pyro- 
gallol  pour  la  photographie]  prétendent  que  les  Galles  de  Chine  et  les 
Galles  communes  ne  fournissent  pas  cette  substance  exactement  sous 
la  même  forme.  Les  Galles  de  Chine  sont  employées,  particulièrement 
en  Allemagne,  à la  préparation  des  acides  tannique.  et  gallique. 

Galles  des  Pistachiers.  — Les  plantes  du  genre  Pistacia,  qui  appartient 
à la  même  famille  que  les  Rhus,  sont  très-fréquemment  attaquées  par 
des  Ap/us,  qui  déterminent  sur  leurs  feuilles  et  leurs  branches  la  for- 
mation d’excroissances  de  même  nature  que  les  Galles  de  Chine.  Dans 
le  sud  de  l’Europe,  on  trouve  fréquemment  sur  les  branches  du  Pistacia 
Terebinthus  des  Galles  en  forme  de  cornes,  qui  ont  souvent  plusieurs 
pouces  de  long  (2).  Les  feuilles  du  P.  lentiscus  offrent  des  excroissances 
de  même  nature,  mais  beaucoup  plus  petites. 

D’autres  productions  de  même  ordre  constituent  les  petites  Galles 
très-astringentes,  connues,  dans  les  bazars  indiens,  sous  le  nom  de 
Bazghanj  e t Gule-pistah.  Le  dernier  de  ces  noms  signifie  fleur  de  Pista- 
chier. Elles  ont  été  nommées  en  Europe  Galles  de  Bokhara  ( Bokhara 
Galls).  Pendant  l’année  1872-73,  il  en  a été  importé  par  mer  à Bombay, 
18-i  quintaux  provenant  surtout  du  Siud  (3).  On  en  apporte  aussi  dans 
le  nord-ouest  de  l’Inde,  par  la  voie  de  Peshawar  et  par  lapasse  deBolân. 
Il  en  arrive  parfois  quelques  balles  sur  le  marché  de  Londres. 

Galles  de  Tamarix.  — Ces  Galles  sont  des  excroissances  arrondies, 
noueuses,  ayant  depuis  le  volume  d’un  pois  jusqu’à  1 centimètre  et  demi 
de  diamètre.  On  les  trouve,  dans  l’Inde,  sur  les  branches  du  Tamarix 
orientais  L.,  grand  arbre  à croissance  rapide,  très-abondant  dans  les 
terrains  salés.  On  les  emploie  à la  place  des  Noix  de  Galle;  elles  sont 
mentionnées  comme  « non  officinales  » dans  la  Pharmacopœia  of  India 


(1)  Proceedings  of  the  Iioyal  Society , 18G2,  XI,  40-2. 

(2)  Pour  une  figure,  voyez  : Pharm.  Journ.,  1844,  III,  387. 

(3)  Statèment  of  the  Trade  and  Navig.  of  the  Presid.  of  Bombay  for  1872-73. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  371 

de  1867.  Nous  ne  croyons  pas  qu’elles  aient  été  l’objet  de  recherches 
chimiques  spéciales.  Yogi  en  a fait,  eu  18/7,  1 étude  micrographique. 


LORANTHACÉES 

BOIS  DE  SANTAL. 

Lignum  Santali;  Lignuin  Santalinum  album  vel  citrinum;  Bois  de  Santal  citrin  ; 
angl.,  Sandal  Wood;  allom.,  Weisses  oder  Gclbes  Sandelholz. 

Origine  botanique.  — Santalum  album  L.  — C’est  un  petit  arbre  de 
6 à 9 mètres  de  haut,  avec  un  tronc  de  45  à 90  centimètres  de  circon- 
férence. Il  est  originaire  des  parties  montagneuses  de  la  péninsule  in- 
dienne, et  surtout  du  Mysore,  de  certaines  parties  de  Coimbatore,  du 
nord  du  Canara  et  de  la  Présidence  de  Madras.  Il  croît  dans  les  régions 
sèches  et  découvertes,  souvent  dans  les  haies,  mais  non  dans  les  forêts. 
On  le  trouve  aussi  dans  les  îles  de  l’archipel  oriental,  notamment  dans 
l’île  de  Sumba  (nommée  aussi  Ghandana  ou  île  au  Bois  de  Santal),  et 
dans  l’île  Timor  (a). 

On  a récemment  recueilli  une  grande  quantité  de  bois  de  Santal  dans 
les  îles  Hawaïennes  ou  Sandwich,  où  son  existence  avait  été  signalée 
dès  1778.  On  l’extrait  du  Santalum  Freycinetianum  Gaud.  et  du  Santa- 
lum pyrularium  A.  Gray  (1).  Dans  les  îles  Yili  ou  Fiji,  on  le  retire  du 
Santalum  Yasi  Seem.  Dans  la  Nouvelle-Calédonie,  il  est  produit  par  le 
Santalum  austro-caledonicum  Vieill.  (2),  et  dans  l’Australie  occiden- 
tale par  le  Santalum  Fusanus  spicalus  Br.  ( Santalum  spicatum  DG., 
Santalum  cygnorum  Mm)  (3).  Dans  l’Inde,  l’arbre  au  bois  de  Santal  est 
protégé  par  le  gouvernement,  et  constitue  la  source  d’un  commerce 
productif.  Dans  les  autres  pays,  où  il  est  abandonné  à lui-même,  il  a été 
détruit,  du  moins  dans  les  endroits  accessibles,  peu  d’années  après 
avoir  été  découvert. 

Historique.  — Le  bois  de  Santal,  dont  le  nom  sanskrit  C/ianclana  a 
passé  dans  plusieurs  autres  idiomes  de  l’Inde,  est  mentionné  dans  les 
Nirukta  ou  écrits  d’Yaska,  le  plus  vieux  commentaire  védique  qui  existe, 
écrit  vers  le  cinquième  siècle  avant  Jésus-Christ.  Ce  bois  est  aussi 

(1)  Seemann,  Flora  Vitiensis,  18GS-73,  210-215. 

(2)  Soubeiran,  in  Journ.  de  Pharm.,  1870,  XI,  243. 

(3)  Nous  ignorons  si  le  Santalum  lanceolatum  Br  , arbre  qu’on  trouve  dans  le  nord 
et  l’est  de  l’Australie,  et  qui  est  nommé  par  les  colons  Sandal  wood,  constitue  un  objet 
de  commerce. 


372  lorantiiacées. 

mentionné  dans  les  anciens  poëmes  épiques  sanskrits,  notamment  le 
Ramayana  et  le  Mahabharata,  dont  certaines  parties  sont  d’une  date 
à peu  près  aussi  reculée. 

L’auteur  du  Periplus  de  la  mer  Erythrée,  écrit  vers  le  milieu  du  pre- 
miei  siècle,  énumère  le  bois  de  Santal  (EûXa  cay aXiva)  parmi  les  mar- 
chandises indiennes  importées  à Omana  dans  le  golfe  Persique  (t).  Le 
TÇavSdvx  mentionné  vers  le  milieu  du  sixième  siècle  par  Cosmas  Indi- 
copleustes  (2),  comme  apporté  à Taprobane  (Ceylan),  de  la  Chine  et 
d auties  pays,  était  probablement  le  bois  dont  nous  parlons.  A Ceylan, 
son  huile  essentielle  était  employée,  dès  le  neuvième  siècle,  dans  l'em- 
baumement du  corps  des  princes.  Le  bois  de  Santal  est  cité  par  Ma- 
sudi  (3),  comme  l’un  des  aromates  les  plus  coûteux  de  l’archipel  orien- 
tal. Dans  l’Inde,  il  était  employé  aux  usages  les  plus  sacrés.  Il  en  existe 
an  exemple  remarquable  dans  les  célèbres  portes  de  Somnath,  qu’on 
suppose  dater  de  mille  ans  (4). 

Parmi  les  écrivains  européens,  Gonstantinus  Africanus,  qui  vivait  à 
Salerne  au  onzième  siècle,  est  l’un  des  premiers  qui  fassent  mention  du 
Sandalmï  (5).  Ebn  Serabi,  nommé  Serapion  le  Jeune,  qui  vivait  vers  la 
même  époque,  connaissait  les  bois  de  Santal  blanc , jaune  et  rouge  (6). 
Ces  trois  sortes  de  bois  de  Santal  se  trouvent  aussi  dans  une  liste  (7) 
de  drogues  en  usage  à Francfort  vers  1450.  Dans  le  Compendium  aro- 
màtanorum  de  Saladiuus,  publié  en  1488,  nous  trouvons  mentionnés 
comme  devant  être  tenus  par  les  apothicaires  italiens  : « Sandali  irium 
generum , scilicet  albi,  rubri  et  citrini.  » Il  est  extrêmement  douteux  que 
le  bois  de  Santal  rouge,  associé  ainsi  avec  le  blanc  et  le  jaune,  fût  le 
bois  inodore  du  Pterocarpus  santalinus,  aujourd’hui  nommé  Lignum 
Santalinum  rubrum  ou  Bois  de  Santal  rouge  ( Red  Sanders  des  Anglais) 
(voir  I,  363).  Il  se  rapporte  plutôt  à un  véritable  bois  de  Santal,  dont 


(1)  Vincent,  Commerce  and  Navigation  of  the  Ancients,  1S07,  II,  378. 

(2)  Migne,  Patrologiæ  Cursus,  sériés  Græca,  lxxxviii,  446. 

(3)  Les  Prairies  d'Or,  texte  et  trad.  par  Barbier  de  Meynard  et  Pavet  de  Cour- 
teille,  1861,  I,  222. 

(4)  Elles  ont  11  pieds  de  haut  et  9 pieds  de  large,  et  sont  richement  ornées  de  sculp- 
tures en  bois  de  Santal.  Elles  furent  construites  pour  le  temple  de  Somnath,  à Guzerat, 
alors  considéré  comme  le  temple  le  plus  sacré  de  l’Inde.  A l’époque  de  la  destruction 
de  cette  ville,  en  102o,  ces  portes  furent  transportées  il  Ghuzni,  dans  l’Afghanistan,  où 
elles  restèrent  jusqu’il  la  prise  de  la  ville  par  les  Anglais  en  1842.  Elles  furent  alors 
transportées  dans  l’Inde.  On  les  conserve  aujourd’hui  dans  la  citadelle  d’Agra.  Pour 
les  figures  de  ces  portes  voyez  : Archæologia,  1844,  XXX,  1.  14. 

(o)  Opéra,  Basil.,  lo36-39,  Lib.  de  Gradibus,  369. 

(6)  Liber  Scrapionis  aggregatus  in  medicinis  simplicibus,  1473. 

(7)  Flückiger,  Die  Frankfurter  Liste,  Halle,  1873,  11. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’OR 1GINE  VÉGÉTALE. 


trois  sortes  désignées  sous  les  noms  de  blanche,  rouge  et  jaune,  sont 
encore  distinguées  par  les  commerçants  indiens  (I).  Barbosa  (-2)  nous 
apprend,  d’autre  part,  que,  vers  151 1 , le  bois  de  Santal  blanc  et  le  jaune 
valaient  à Calicot,  sur  la  côte  de  Malabar,  huit  à dix  fois  autant  que  le 
rouge.  Cela  semblerait  indiquer  qu’à  cette  époque  le  bois  de  Santal 
rouge  ne  constituait  pas  une  simple  variété  des  deux  autres  espèces, 
mais  une  marchandise  très- différente,  comme  le  bois  de  Santal  rouge 
du  commerce  moderne. 

En  1635,  l’impôt  levé  sur  le  bois  de  Santal  importé  en  Angleterre 
était  de  J shilling  par  livre  pour  le  bois  blanc,  et  de  2 shillings  par  livre 
pour  le  jaune  (3). 

La  première  figure  et  la  première  description  satisfaisante  du  San- 
t aluni  album  se  trouvent  dans  1 Hevbarium  Amboinense  de  Rumphius 
(II,  t.  11). 

Production.  — Les  régions  sèches  dans  lesquelles  on  trouve  le  bois  de 
Santal  forment  une  zone  limitée,  située  surtout  dans  le  Mysore  et  le 
Coimbatore,  au  nord  et  au  nord-ouest  des  montagnes  de  Neilgherries, 
séparées  de  l’océan  Indien  par  le  Courg  et  le  Canara.  On  le  trouve 
aussi,  davantage  vers  l’est,  dans  les  districts  de  Salem  et  du  nord 
d’Arcot,  où  l’arbre  croît  à une  altitude  de  900  mètres  au-dessus  du 
nncau  de  la  mer.  Dans  le  Mysore,  qui  produit  la  plus  grande  quan- 
tité de  bois  de  Santal,  les  arbres  appartiennent  tous  au  gouverne- 
ment, et  ne  sont  abattus  que  par  ses  propres  employés.  Ce  privilège 
fut  conféré  à la  Compagnie  des  Indes  orientales  par  un  traité  passé 
avec  Hyder  Ali,  le  8 août  1770,  et  ce  monopole  a été  conservé  jus- 
qu’à nos  jours.  Les  exportations  de  bois  de  Santal  faites  par  le  Mysore 
sont  estimées  à environ  700  tonnes  par  an,  valant  27  000  livres  ster- 
Irng  (4).  Le  bois  est  embarqué  à Mangalore.  Un  monopole  semblable 
existait’  dans  la  présidence  de  Madras  ; il  a été  abandonné  il  y a quelques 
années.  Cependant  le  bois  de  Santal  constitue  encore  pour  le  gouverne- 
ment de  Madras  une  source  de  revenus,  dont  l’importance  s’est  accrue 
régulièrement  pendant  ces  dernières  années,  par  suite  d’un  aménage- 


G)  Ainsi,  Milburn,  dans  son  Oriental  Commerce  (1813),  dit:  «Plus  la  couleur  est 
onoen,  p us  grand  est  le  parfum;  il  en  résulte  que  les  marchands  divisent  le  Santal  en 
rouge,  jaune  et  blanc , mais  ces  mots  se  rapportent  à différents  degrés  d’une  même 
co  oration,  et  non  à des  différences  dans  l’espèce  do  l’arbre.»  (I,  291,) 

n„,l  „USI° ,Navigationi  et  Viaggi,  etc.,  Venet.,  1534,  fol.  357  b.,  Libro  di  Odoardo 

nui  oosa  rortog/icse. 

(3)  The  Rates  of  Marchandises,  Lond.,  1G35. 

Raden  Powell,  Report  on  the  Administration  of  the  Foresis  Department 
te  several  provinces  under  the  Government  of  India,  1872-73,  Calcutta,  1874, 1,  27, 


37  i 


LORANTHACÉES. 

ment  systématique  des  forêts  du  gouvernement.  La  quantité  de  bois 
de  Santal  coupée  dans  les  forêts  réservées,  pendant  l’année  1872-187.'], 
été  évaluée,  dans  les  rapports,  à 15  329  maunds  (547  tonnes  et  demie)  (1  ). 
L’arbre  au  bois  de  Santal,  indigène  des  régions  que  nous  venons  de 
nommer,  se  multiplie  à l’aide  de  graines  qui  se  sèment  spontanément, 
ou  qui  sont  semées  par  les  oiseaux;  aujourd’hui,  on  en  fait  aussi  des 
plantations  régulières.  On  place  les  graines  au  nombre  de  deux  ou  trois 
dans  un  trou  avec  des  graines  de  Capsicum.  Ces  dernières  poussent 
très-rapidement,  et  les  jeunes  Piments  protègent  les  jeunes  Santals  (2). 

Il  est  probable  aussi  que  les  Piments  subviennent  à l’alimentation  des 
Santals,  car  il  a été  récemment  démontré  (3)  que  le  Santalum  est  pa- 
rasite, et  que  ses  racines  se  fixent  par  des  renflements  tuberculeux  sur 
les  racines  de  plusieurs  autres  plante».  On  dit  aussi  que  les  jeunes 
Santals  croissent  surtout  très-bien  lorsqu’on  établit  une  prairie  dans  les 
lieux  où  on  les  a semés.  Les  arbres  atteignent  la  taille  voulue  au  bout 
de  vingt  à trente  années.  Leurs  troncs  ont  alors  jusqu’à  30  centimètres 
de  diamètre.  On  abat  l’arbre;  on  enlève  les  branchés,  et  on  abandonne 
le  tronc  sur  le  sol  pendant  quelques  mois.  Pendant  ce  temps,  les  four- 
mis blanches  mangent  la  plus  grande  partie  du  bois  mou  et  inodore. 
On  nettoie  alors  grossièrement  le  tronc,  et  on  le  débite  en  billes  lon- 
gues de  60  à 75  centimètres  qu’on  transporte  dans  les  dépôts  des  forêts. 
Là  on  les  pèse,  on  les  soumet  à un  second  nettoyage  plus  soigneux,  et 
on  les  classe  d’après  leur  qualité.  Dans  quelques  localités,  on  a 1 habi- 
tude d’arracher  l’arbre  au  lieu  de  le  couper.  Dans  les  auties,  on  aiiacht 
la  racine  après  avoir  coupé  le  tronc.  La  racine  fournit  un  bois  estimable 
qu’on  conserve  avec  les  copeaux  et  la  sciure  pour  la  distillation  ou 
pour  brûler  dans  les  temples.  Le  bois  mou  et  les  branches  n ont  pas  de 
valeur  (4). 

En  1863,  une  sorte  de  bois  de  Santal  fournie  parle  Fusanus  spicatus 
constituait  l’un  des  principaux  objets  d’importation  de  l’Australie  occi- 
dentale, d’où  elle  était  expédiée  en  Chine.  La  seule  barrière  mise  à l’aba- 
tage des  arbres  était  le  payement  d’une  légère  redevance  pour  obtenir  la 


(1)  Report  of  the  Administration  of  the  Madras  Presidency  dunng  the  y car  18/2- 
73,  Madras,  1874,  18,  143. 

(2)  Beddome,  Flora  Sylvatica  for  Southern  India,  1872,  286 

(3)  Scott,  in  Journ.  of  Agricult.  and  Hortic.  Soc.  of  India , Calcutta,  1871,  II, 

P’(4)’  Elliott,  Expériences  of  a Planter  in  the  Jungles  of  Mysore,  1871,  II,  237  ; et 
aussi  d’après  des  communications  du  Capt.  Campbell  Walker,  conservateur  des  forets* 

Madras. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  375 

permission  de  couper  les  diverses  sortes  de  bois  de  charpente.  Les  fer- 
miers employaient  leurs  attelages,  pendant  la  mauvaise  saison,  à trans- 
porter à Pcrth  ou  à Guildford  les  bûches  de  Santal  qu’ils  avaient  coupées 
dans  les  forêts.  11  se  fit  ainsi  un  commerce  actif  de  bois  de  Santal,  tant 
qu’on  put  trouver  des  arbres  de  belle  taille  dans  un  rayon  de  100  à 
150  milles  des  villes,  où  elles  se  vendaient  de  6 livres  sterling  à 6 livres 
10  shillings  la  tonne.  Mais  la  destruction  mal  réglée  et  imprévoyante 
des  arbres,  qui  eut  lieu  dans  les  districts  les  plus  accessibles,  réduisit 
tellement  leur  nombre,  que  ce  commerce  ne  tarda  pas  à disparaître  de 
cette  partie  de  l’Australie  (1).  Le  bois  de  Santal  d’Australie  paraît  ce- 
pendant constituer  encore  un  objet  de  commerce,  autant  qu’on  peut  en 
juger  par  ce  fait  que,  pendant  l’année  1872,  47  904  quintaux  de  ce  bois 
furent  transportés  d’Australie  à Singapore.  La  plus  grande  partie  fut 
expédiée  pour  la  Chine  (2). 

Description.  — Le  bois  de  Santal  n’est  que  peu  connu  dans  le  com- 
merce anglais,  et  il  n est  pas  toujours  facile  d’en  trouver,  même  à Lon- 
dres. Celui  que  nous  avons  examiné,  et  que  nous  croyons  être  d’origine 
indienne,  était  en  bûches  cylindriques  ayant  en  général  15  centimètres 
de  diamètre  ; les  plus  grosses  avaient  20  centimètres  et  les  plus  petites 
8 centimètres  ; elles  avaient  de  90  centimètres  à lm,40  de  long  ; elles 
étaient  très-lourdes  ; l’écorce  avait  été  enlevée.  Sur  une  section  trans- 
versale, le  bois  de  Santal  offre  une  coloration  d’un  brun  pâle,  avec  des 
zones  concentriques  plus  foncées,  et,  si  on  le  regarde  à la  loupe,  de  nom- 
breux pores.  Le  tissu  est  traversé  par  des  rayons  médullaires  qui  sont 
également  visibles  à la  loupe.  Le  bois  se  fend  facilement,  et  émet,  quand 
on  le  frotte,  une  odeur  agréable,  très-persistante  ; il  possède  une  sa- 
veur aromatique  assez  forte.  Les  diverses  variétés  de  bois  de  Santal  ne 
sont  pas  classées  par  les  quelques  personnes  qui  en  font  le  commerce  à 
Londres,  et  il  nous  est  impossible  d’indiquer  les  caractères  à l’aide  des- 
quels on  peut  les  distinguer.  Dans  les  prix  courants  des  maisons  de 
commerce  de  la  Chine,  trois  sortes  de  bois  de  Santal  sont  énumérées  : 
le  bois  des  îles  de  la  mer  du  Sud,  celui  de  Timor  et  celui  de  Malabar.  La 
dernière  sorte  est  cotée  trois  ou  quatre  fois  plus  cher  que  les  deuxau- 
ties.  Le  bois  de  Santal  de  l’Inde  est  lui-même  susceptible  de  présenter 
fb.  grandes  variations.  Beddome  (3),  conservateur  des  forêts  de  Ma- 

(l)  Millett,  An  Australian  Parsonage,  Lond.,  1872,  43,  93,  382. 

(f)  Stra'ts  Settlements  Plue  Book  for  1872,  Singapore,  1873,  298,  347.  — Il  est  pos- 

M / k°*s  de  Santal  en  question  ait  été  produit' par  les  îles  de  la  mer  du  Sud,  et 
expédié  d un  port  australien.  ; 

(3)  Op.  cit. 


37  G • 


LORANTHACÉES. 

dras  el  excellent  observateur,  fait  remarquer  que  le  plus  beau  bois  de 
Santal  est  celui  qui  a poussé  dans  les  terrains  rocheux  secs  et  pauvres, 
et  que  les  arbres  qui  croissent  clans  les  riches  terrains  d’alluvion  ne 
produisent  pas  de  duramen,  et  sont  par  suite  sans  valeur.  Une  variété 
de  l’arbre,  à feuilles  plus  lancéolées  (var.  Ç>.  myrlifolium  DG.),  originaire 
des  montagnes  orientales  de  la  Présidence  de  Madras,  produit  un  bois 
de  Santal  presque  inodore. 

Structure  microscopique. — Les  faisceaux  ligneux  offrent  une  largeur 
de  35  à 420  millièmes  de  millimètre;  les  faisceaux  primaires  sont  fré- 
quemment divisés  par  des  rayons  médullaires  secondaires.  Ces  derniers 
sont  formés  d’une  ou  souvent  de  deux  rangées  de  cellules  ayant  la 
forme  habituelle.  Le  tissu  ligneux  qu’ils  limitent  est  formé  en  majeure 
partie  de  petites  fibres  ligneuses  à extrémités  pointues,  de  quelques 
cellules  parenchymateuses  plus  larges,  et  de  vaisseaux  cù  parois  épaisses. 
La  résine  et  l’huile  essentielle  résident  surtout  clans  les  rayons  médul- 
laires auxquels  elles  donnent  une  coloration  plus  foncée. 

Composition  chimique.  — Le  principe  le  plus  important  du  bois  de 
Santal  est  l’huile  essentielle,  qu’il  renferme  dans  une  proportion  de 
1 à 4 pour  100  environ.  C’est  un  liquide  jaune-clair,  épais,  possédant 
l’odeur  caractéristique  du  Santal.  Celui  que  nous  avons  examiné  a\ait 
pour  poids  spécifique  0,963.  Nous  n’avons  pu  lui  trouver  un  point  fixe 
d’ébullition  : il  commence  à bouillir  à 214°  C.,  mais  la  température  s é- 
lève  de  suite,  et  l’essence  acquiert  une  coloration  plus  foncée.  L’intensité 
et  le  caractère  de  l’arome  de  cette  huile  varient  beaucoup  a'vec  la  \ii- 
riété  de  bois  qui  l’a  produite.  En  traitant  du  bois  de  Santal  pai  1 alcool 
bouillant,  nous  en  avons  retiré  7 pour  100  d’un  extrait  noirâtre,  qui 
laissa  précipiter  un  tannate  quand  on  le  traita  par  une  solution  alcoolique 
d’acétate  de  plomb.  Décomposé  par  l’hydrogène  sulfuré,  ce  tannate 
donna  un  acide  tannique  peu  coloré,  et  prenant  une  teinte  verdàtie 
sous  l’influence  d’un  sel  ferrique.  L’extrait  contenait  aussi  une  résine 

noirâtre. 

Commerce.  — Le  marché  le  plus  important  pour  le  commerce 
du  bois  de  Santal  est  la  Chine.  Pendant  l'année  1860,  il  a été  im- 
porté, dans  les  quatre  ports  ouverts  de  cet  empire,  87  321  peculs  de 
bois  de  Santal.  Sur  cette  quantité,  la  ville  de  Hankow,  située  sur  la  ri- 
vière Yangtsze,  en  a reçu  61  414  péculs,  plus  de  sept  fois  autant  que 
les  trois  autres  ports  réunis  (I).  Les  importations  plus  récentes  d Han- 

(1)  Reports  on  Trade  at  the  ports  in  China  open  to  foreign  Tradefor  18GG,  publiés 
par  ordre  de  l’Inspecteur  général  des  douanes,  Shanghai,  1867,  120,  121. 


377 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

kow  sont  moindres;  en  1871,  elles  ont  été  de  14989  péculs,  et  en  1872, 
de  12  798  péculs  (I).  Shanghaï,  situé  à remhouchure  de  la  même  ri- 
vière, a importé,  en  1872,  54  485  péculs  de  Lois  de  Santal,  dont  la  va- 
leur a ôté  estimée  à 100000  livres  sterling.  Il  se  fait  aussi,  à Bombay, 
un  commerce  important  de  bois  de  Santal.  La  quantité  importée  an- 
nuellement dans  cette  ville  est  de  650  tonnes,  et  la  quantité  exportée 
d’environ  400  tonnes  (2).  L’essence  de  bois  de  Santal  est  fabriquée  sur 
une  grande  échelle  dans  les  pays  situés  entre  Mangalore  et  Mysore,  où 
le  combustible  est  abondant.  D’après  les  rapports  officiels  (3),  la  quan- 
tité de  cette  essence,  importée  à Bombay  pendant  l’année  1872-73,  a été 
do  10  348  livres,  estimées  à 8374  livres  sterling;  4500  livres  furent 
réexportées  par  mer. 

Usages.  — L’huile  essentielle  de  Santal  a été  récemment  prônée 
comme  substitutif  du  Copahu.  Le  bois  de  Santal  n’est  lui-même  d’au- 
cun usage  dans  la  médecine  européenne.  Il  est  employé  comme  parfum, 
et  sert  à la  fabrication  de  petits  objets  d’ornementation.  Les  indigènes 
de  l’Inde  l'emploient  beaucoup  dans  les  rites  mortuaires.  Les  riches 
Hindous  témoignent  de  leur  respect  pour  les  morts  par  la  quantité  de 
bûches  de  bois  de  Santal  qu’ils  ajoutent  au  bûcher  funéraire.  On  em- 
ploie la  poudre  du  bois  mise  en  pâte  avec  de  l’eau  pour  les  marques 
distinctives  des  castes,  dans  l’Inde,  et  aussi  comme  médicament.  En 
Chine,  le  bois  de  Santal  paraît  être  surtout  employé  à la  préparation 
de  l’encens  qu’on  brûle  dans  les  temples. 

(a)  Les  Santalum  L.  ( Gênera , éd.  2,  n.  383)  sont  des  Loranthaeées  de  la  tribu  des 
Santalées,  à fleurs  ordinairement  tétrainères,  plus  rarement  pentamères,  à placenta 
fusiforme,  portant  les  ovules  près  de  sa  base. 

Le  Santalum  album  L.  ( Species , 497)  est  un  arbre  à feuilles  opposées,  sans  sti- 
pules, ovales-elliptiques,  ordinairement  aiguës  à la  base  et  au  sommet,  longues  de 
4 à G centimètres,  membraneuses,  pâles  en  dessous,  entières.  Les  fleurs  sont  dispo- 
sées en  panicules  de  cymes  terminales  et  axillaires,  à ramifications  opposées,  triflores, 
avec  des  bractées  très-petites  et  des  pédicelles  à peu  près  aussi  longs  que  l’ovaire.  Les 
fleurs  sont  hermaphrodites  et  régulières.  Le  périanthe  est  simple,  à quatre  folioles 
rougeâtres  en  dedans,  munies  de  poils  depuis  la  base  jusqu’au  niveau  des  anthères, 
valvaires  dans  la  préfloraison.  L’androcée  est  formé  de  quatre  étamines  opposées  aux 
sépales,  à filets  grêles,  à anthères  plus  courtes  que  le  filet,  biloculaires,  introrses, 
déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Entre  les  étamines,  se  trouve  un  disque 
formé  de  quatre  glandes  aussi  longues  que  les  filets,  alternes  avec  les  divisions  du 
périanthe.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  à trois  carpelles;  d’abord  libre,  mais,  au 

(1)  Commercial . Reports  of  H.  M.  Consuls  in  China- for  1871,  80,  et  1872,  62,  189. 

(2)  D’après  le  document  officiel  cité  â la  page  512,  note  3,  t.  I. 

(3)  Voyez  page  373,  note  4. 


378 


CONIFlîKES. 


moment  de  l'épanouissement  de  la  fleur,  totalement  infère.  Il  est  uniloculaire 
et  surmonté  d’un  style  conique,  allongé,  divisé  en  trois  lobes  stigmatiques  qui 
s’élèvent  il  la  hauteur  des  anthères.  La  loge  unique  de  l’ovaire  contient  un  pla- 
centa central  libre,  fusiforme,  dont  la  base  est,  chargée  d’ovules  orthotropes,  sus- 
pendus, en  mémo  nombre  que  les  carpelles  et  situés  en  face  de  ces  derniers.  Les 
ovules  sont  dépourvus  de  membrane  d’enveloppe,  le  sac  embryonnaire  étant  con- 
stitué par  une  simple  cellule  du  placenta  qui  fait  saillie  à la  surface  de  ce  dernier, 
et  va  pour  ainsi  dire  à la  rencontre  du  tube  pollinique  (1).  Le  fruit  est  une  drupe 
globuleuse,  de  la  grosseur  d’une  petite  cerise,  noire  à la  maturité,  couronnée  par  la 
cicatrice  îles  lobes  du  périanthe,  et  contenant  un  noyau  ligneux,  plus  ou  moins  ru- 
miné. Elle  contient  une  seule  graine  à endosperme  épais,  à embryon  fusiforme, 
formé  d’une  radicule  supère  beaucoup  plus  longue  que  les  cotylédons.  [Trad.] 


CONIFERES 

TÉRÉBENTHINE  COMMUNE. 

Terebcnthina  vulgaris-,  angl.,  Crnde  or  Common  Turpentinc ; allem.,  Gemeiner  Terpenthin. 

Origine  botanique.  — Les  arbres  qui  fournissent  la  térébenthine 
commune  peuvent  être  divisés  en  deux  groupes  : l’un  européen,  l’autre 
américain  (a)  : 

1°  Groupe  européen.  Dans  la  Finlande  et  la  Russie,  le  Pin  d’Ecosse, 
P inus  silveslris  L.;  en  Autriche  et  en  Corse,  le  Punis  Laricio  Poiret; 
dans  le  sud-ouest  de  la  France,  le  Pinus  Pinaster  Solander  ( P.  mari - 
tima  Poiret),  connu  sous  le  nom  de  Pin  maritime,  fournissent  de  la  Té- 
rébenthine chacun  dans  le  pays  qu’ils  habitent; 

2°  Groupe  américain.  Dans  les  Etats-Unis,  les  Conifères  les  plus  impor- 
tantes, au  point  de  vue  do  la  production  de  la  Térébenthine,  sont  le 
Pin  des  marais,  Pinus  australis  Michaux  (P.  palustris  Mile.),  et  le  Pinus 
Tæda  L.  ( Loblolly  Pine  des  Américains)  (2). 

Historique.  — La  résine  des  Pins  et  des  Sapins  était  bien  connue  des 
anciens,  qui  la  recueillaient  par  des  procédés  à peu  près  semblables  cà 
ceux  qu’on  emploie  aujourd’hui.  La  Térébenthine  employée  en  Angle- 
terre a été,  pendant  de  longues  années,  produite  par  l’Amérique.  Pen- 
dant le  dernier  siècle,  on  importait  de  France  cette  Térébenthine,  et  une 
autre  désignée  sous  le  nom  anglais  de  Common  Frankincense . La  der- 

(1)  Pour  le  développement  de  la  (leur  femelle  des  Loranthacees,  voy ez . II . Bâillon,  iti 
Adansonia,  1862  ; Bullet.  de  l’ Associât,  pour  l’avancem.  des  sciences , Clermout-Fer- 

rand,  1876.  . ... 

(2}  Quant  à.  la  synonymie  et  îi  la  distribution  des  Conifères  mentionnes  dans  cet 

article,  consulter  le  Mémoire  très-détaillé  de  Morel,  Pharm.  Journal,  14  juillet  187/, 
et  suiv. 


370 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

nièro  guerre  civilo  d'Amérique  et  le  blocus  des  ports  du  Sud  détermi- 
nèrent une  très-grande  rareté  de  la  .Lerebentbine  américaine,  et  on 
apporta  sur  le  marché  de  Londres  des  substances  térébenthineuses  pro- 
venant d’autres  pays.  Actuellement,  cette  marchandise  nous  est  fournie 
en  majeure  partie  par  la  France. 

lvopp  (!)  cite  un  passage  qui  montre  que  l’huile  essentielle  de  téré- 
benthine était  connue  de  Marcus  Græcus,  qui  la  nommait  Aqua  arclem. 
Ce  personnage,  presque  inconnu,  passe  pour  être  l’inventeur  du  feu 
grégeois,  agent  terrible  de  destruction  employé  dans  les  guerres  du 
moyen  âge. 

Sécrétion.  — Laformation  des  canaux  résineux  dans  l’écorce  des  Co- 
nifères a été  bien  étudiée  par  Dippel  (2),  par  Millier  (3)  et  par  Frank(4). 
La  diffusion  ultérieure  de  la  résine  dans  le  cœur  du  bois,  l’aubier  et 
l’écorce,  a été  soigneusement  observée  par  Hugo  von  Molli  (5).  Les  mé- 
thodes employées  pour  recueillir  les  sucs  térébenthineux  sont  fondées 
sur  les  diverses  façons  dont  se  fait  cette  diffusion  dans  les  différentes 
espèces.  Ainsi , dans  le  bois  du  Sapin  ( Pinus  Picea  L.  ) , les  con- 
duits résineux  manquent  complètement,  et,  guidés  par  l’expérience, 
les  montagnards  des  Alpes  recueillent  la  Térébenthine  de  cet  arbre  à 
l’aide  de  ponctions  pratiquées  dans  les  petites  cavités  qui  se  forment 
sous  son  écorce. 

Dans  le  Pin  d’Ecosse  ( Pinus  silvestris  L.),  les  canaux  sont  plus  abon- 
dants dans  le  bois  que  dans  l’écorce;  on  aurait  pu  soupçonner  cette  or- 
ganisation en  constatant  que  cet  arbre  n’émet  que  rarement  sa  résine 
d’une  façon  spontanée. 

L’huile  essentielle  de  térébenthine  et,  en  général,  toutes  les  huiles 
volatiles  se  résinifient  par  l’exposition  à l’air.  L’acide  formique,  qui  se 
produit  en  petite  quantité  pendant  cette  altération,  indique  qu’elle  est 
due  à une  oxydation.  Les  produits  principaux,  cependant,  n’en  sont 
pas  exactement  connus,  et  aucun  d’entre  eux  n’a  été  démontré  iden- 
tique à une  résine  naturelle.  L’opinion  générale,  d’après  laquelle  les  ré- 
sines sont  produites  par  simple  oxydation  des  huiles  volatiles,  n’est  donc 
pas  encore  parfaitement  justifiée.  Cependant,  Hlasiwetz  etBarth  ont  ob- 
tenu des  substances  très-voisines  des  résines  des  Conifères  en  chauffant, 

(1)  Geschichte  cler  Chenue , 181-7,  IV,  392. 

(2)  Bot.  Zeit.,  1803. 

(3)  Pringsheim,  Jahrh.  fur  Wissenschaftl.  Botan.,  1SGG. 

(h)  Beitrüge  zur  Bflanzenpkysio logie , Leipzig,  1808,  119. 

(b)  liotan.  Zeit.,  1839,  329. 


380 


CONIFÈRES. 

dans  des  tubes  scellés,  des  huiles  essentielles  de  Térébenthine,  de  Ge- 
névrier et  d’autres  semblables,  avec  une  solution  alcoolique  de  po- 
tasse (1). 

Extraction.  — Dans  les  Etats-Unis  (2),  on  relire  une  grande  quantité  de 
Térébenthine  du  Pinus  anstralis,  qui  forme  de  vastes  forêts  dans  le  nord 
et  le  sud  do  la  Caroline,  dans  la  Géorgie  et  dans  l’Alabama;  mais  c’est 
dans  le  nord  de  la  Caroline  qu’on  se  livre  plus  particulièrement  à la  ré- 
colte de  la  Térébenthine.  Pendant  l’hiver,  c’est-à-dire  de  novembre  à 
mars,  les  ouvriers  noirs  sont  occupés  dans  les  Turpentine  Orchards , 
c’est  ainsi  qu’on  nomme  les  parties  de  la  forêt  qui  doivent  être 
exploitées  , à pratiquer  dans  le  tronc  des  arbres  des  cavités  nom- 
mées vulgairement  boxes.  Ils  emploient,  pour  cela,  une  hache  lon- 
gue et  étroite,  et  ils  doivent  posséder  une  certaine  habitude  pour 
que  leur  travail  soit  convenablement  fait.  Les  boxes  sont  pratiqués 
aune  hauteur  de  15  à 30  centimètres  au-dessus  du  sol;  ils  ont  la 
forme  d’une  poche,  dont  le  fond  est  situé  à 10  centimètres  environ 
au-dessous  de  la  lèvre  inférieure,  et  à 20  ou  25  centimètres  au-des- 
sous de  la  lèvre  supérieure.  Le  boxe  d’un  arbre  de  moyenne  taille  doit 
pouvoir  contenir  un  peu  plus  d’un  litre.  11  est  bon  que  la  hache  pénètre 
le  moins  possible  dans  le  centre  de  l'arbre,  afin  que  sa  vitalité  ne  soit 
pas  compromise.  Un  ouvrier  habile  peut  faire  un  boxe  en  moins  de 
dix  minutes.  On  en  pratique  d’un  à quatre  sur  chaque  arbre,  en  lais- 
sant entre  eux  quelques  pouces  d’écorce.  La  plupart  des  arbres  qui  pro- 
duisent actuellement  la  Térébenthine  ont  de  30  à 45  centimètres  de 
diamètre  et  présentent  chacun  trois  boxes.  Après  avoir  creusé  le  boxe, 
l’ouvrier  entaille  au-dessus  de  lui  l’écorce  et  le  bois  qu'il  recouvre.  Le 
liquide  qui  commence  à s’écouler  de  cette  plaie  vers  le  milieu  de  mars 
descend  dans  le  boxe.  La  plaie  doit  être  drainée  tous  les  huit  ou  dix  jours 
et  prolongée  un  peu  vers  sa  partie  supérieure.  On  renouvelle  et  on  pra- 
tique les  mêmes  entailles  chaque  année,  jusqu’à  ce  qu’elles  atteignent 
une  hauteur  de  12  à 15  pieds,  en  employant  des  échelles  lorsque  cela 
est  devenu  nécessaire.  On  enlève  la  Térébenthine,  nommée  Dtp,  des 
boxes  à l’aide  d’une  cuiller  d’une  forme  particulière,  et  on  la  verse 
dans  des  barils  qu’on  construit  sur  place  et  qui  sont  très-grossiers.  Le 
premier  liquide  qui  s’écoule  d’un  nouvel  arbre,  n ayant  qu  une  petite 
surface  à traverser  pour  tomber  dans  le  boxe,  est  d’une  qualité  excellente 

(1)  Wiesneu,  Die  Gummiarten,  Harzeund  Balsame,  Erlangen,  1869,  78. 

(2)  Les  détails  que  nous  donnons  ici  sont  empruntés  il  : F.  L.  Olmsted,  Journey  in 
the  Seaboard  Slave  States , New-York,  18;>6,  38. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  381 

et  porto  le  nom  de  Virgin  dip.  On  récolte  parfois,  et  on  met  dans 
des  barils  distincts,  la  Térébenthine  qui  se  concrète  sur  le  tronc 
de  l’arbre;  elle  est  connue,  sur  le  marché,  sous  le  nom  de  scrape,  et 

par  les  droguistes  anglais,  sous  le  nom  de  Common  Frankincense  ou 
G uni  T/ws. 

Quoiqu’on  expédie  vers  les  ports  du  Nord  une  grande  quantité  de  té- 
rébenthine pour  y être  distillée,  on  en  distille  une  quantité  encore  plus 
considérable  dans  le  voisinage  des  Turpentine  orcfiards.  On  emploie, 
pour  cela,  des  alambics  en  cuivre,  qui  contiennent  de  5 à 20  barils  de 
térébenthine.  La  distillation  se  fait  sans  eau  ; on  reçoit  l’huile  volatile 
qui  s’écoule  de  l’appareil  dans  le  même  baril  qui  doit  servir  à la  trans- 
porter sur  le  marché.  Lorsqu’on  a obtenu  toute  l’essence  qu’on  peut  dis- 
tiller avec  avantage,  on  ôte  le  bouchon  qui  ferme  un  orifice  pratiqué 
dans  le  fond  de  l’alambic,  et  on  laisse  écouler  le  résidu  visqueux,  qui  est 
connu  sous  le  nom  de  Rosin.  La  première  qualité  du  Rosin,  celle  qui 
provient  du  Virgin  dip , est  seule  considérée  généralement  comme 
aj  ant  quelque,  valeur  ; on  laisse  perdre  les  qualités  moins  bonnes. 

Lorsqu’on  veut  conserver  le  Rosin,  on  le  reçoit  dans  une  cuve  pleine 
c eau,  ou  les  copeaux  et  les  autres  impuretés  se  séparent,  et  on  le  verse 
ensuite  dans  des  barils  pour  le  porter  au  marché..  Dans  le  nord  de  la 
aroline,  une  forêt  à Térébenthine  peut  être  exploitée,  avec  le  traitement 
ordinaire,  pendant  une  cinquantaine  d’années. 

La  récolte  delà  Térébenthine  se  fait  dans  les  départements  des  Landes 

e ce  a monde,  dans  le  sud  de  la  France,  d’une  façon  plus  rationnelle 

qu  en  Amérique.  On  pratique  sur  le  tronc  de  l’arbre  une  plaie  longitu- 
male  qui  entame  l’écorce  et  les  couches  superficielles  du  bois.  La 
résiné  qui  en  découle  s’amasse  dans  un  vase  en  terre  qui  est  fixé  au 
niveau  de  la  partie  inférieure  de  l’incision  et  qu’on  vide  de  temps  à 

aulie  (I).  La  Terebenthine  qui  se  concrète  sur  les  arbres  est  nommée, 
en  France,  Galipot  ou  Barras. 

~ 11  exislc  «i™*  variétés  principales  de  Térébenthine 
ommnne  : celle  d’Amérique  et  celle  de  Bordeaux.  La  première  est  seule 
connue  sur  le  marché  anglais. 

Téicùenl/anë  d Amérique.  — C’est  un  liquide  visqueux  comme  du  miel, 

Ur  Jaunâtrc,  un  peu  opaque,  devenant  transparent  par  exposi- 
Don  a lair.  Son  odeur  est  agréable,  sa  saveur  est  chaude  et  un  peu 
onservé  pendant  longtemps  dans  un  récipient,  il  se  sépare  en 

O P°Ur  plus  de  détaiU>  voyvz  : Dictionnaire  de  Chimie  de  WurU. 


382  CONIFÈRES. 

deux  couches,  l’une  supérieure,  claire  et  douée  d une  belle  fluorescence, 
l’autre  inférieure,  trouble  ou  granuleuse.  Celte  dernière  partie,  exami- 
née au  microscope,  se  montre  formée  d’un  grand  nombre  de  petits 
cristaux  d’une  forme  courbe  particulière,  ou  elliptiques.  Ces  cristaux 
sont  constitués  par  de  l’acide  abiétique  ; lorsqu’on  chauffe  la  Térében- 
thine, ils  se  dissolvent  rapidement. 

Térébenthine  de  Bordeaux.  — Elle  ressemble,  par  tous  ses  caractères 
essentiels,  à celle  d’Amérique,  mais  elle  paraît  se  diviser  plus  facilement 
que  cette  dernière  en  deux  couches  : l’une  transparente,  et  l’autre  opaque 
ou  cristalline. 

Composition  chimique.  — Les  Térébenthines  sont  des  mélanges  de 
résine  et  d’huile  essentielle.  Cette  dernière  s’élève  à la  proportion  de 
15  à 30  pour  100  ; elle  est  formée,  en  majeure  partie,  de  divers  hydro- 
carbones, qui  tous  correspondent  à la  formule  C10H16.  Un  grand 
nombre  des  essences  de  Térébenthine  brutes,  et  quelques-unes  d’entre 
elles,  après  rectification,  sont  attaquées  par  le  sodium  métallique. 
Cette  réaction  y démontre  la  présence  d’une  certaine  quantité 
d’essences  oxygénées,  dont  aucune  n’a  pu  encore  être  isolée.  Les  es- 
sences de  Térébenthine  offrent,  malgré  l’identité  de  leur  composition, 
une  série  de  différences  physiques  qui  correspondent  à leur  origine.  Les 
différents  organes  d’un  même  arbre  produisent  même  des  essences 
jouissant  de  propriétés  différentes.  Leur  point  d’ébullition  varie 
entre  152°  et  172°  C.  Leur  poids  spécifique  varie  également,  à 17°  C., 
de  0,856  à 0,870. 

Les  différences  les  plus  considérables  sont  offertes  par  les  propriétés 
optiques,  certaines  essences  déviant  le  plan  de  polarisation  a droite,  et 
d’autres  à gauche.  Le  pouvoir  rotatoire  de  l’essence  diffère  de  celui  de 
la  Térébenthine  dont  elle  dérive  (1).  L’odeur  de  l’essence  varie  avec 
•l’espèce  végétale  qui  l’a  produite. 

Lorsqu’on  distille  la  Térébenthine  brute  avec  de  l’eau,  l’essence  passe 
presque  entièrement,  tandis  que  la  résine  reste.  Cette  dernière  estnom- 
mée  Colophane  ( Rosin  des  Américains).  Lorsqu’elle  contient  encore  une 
petite  quantité  d’eau,  elle  est  distinguée,  dans  le  commerce  anglais, 
sous  le  nom  de  Résine  jaune  (Yelloiv  Rosin),  tandis  que  lorsqu  elle  est 
entièrement  privée  d’eau,  elle  prend  le  nom  de  Résine  transparente 
(; Transparent  Rosin ) ; celle  qui  a pris  une  coloration  plus  foncée  par  une 

(1)  Pour  plus  de  détails,  voyez  mou  mémoire  dans  : Jahrcsbericht  de  Wiggbrs  et 
IIusumann,  1869,  36.  [F.  A.  F.) 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  3S3 

exposition  plus  prolongée  à la  chaleur,  porte  le  nom  de  Résine  noire 
( Black  Rosi n). 

La  colophane  se  ramollit  à 80°  G.  et  fond  complètement  à 100°  C.  en 
lm  clair.  Vers  150°  G.,  elle  forme  un  liquide  un  peu  plus  foncé, 

mais  sans  perdre  de  son  poids.  A une  température  plus  élevée,  elle  se 
décompose  graduellement.  Le  poids  spécifique  de  la  colophane  pure  est 
L07,  elle  est  homogène,  transparente,  amorphe  et  très-cassante.  Entre 

Jo°  et  2°U  C->  elle  eXl#e>  Pour  se  dissoudre,  8 parties  d’alcool  dilué 
a 0,883  ; quand  on  ajoute  à l’alcool  un  alcali  caustique,  elle  s’y  dissout 

beaucoup  plus  facilement.  Elle  est  complètement  soluble  dans  l’acétone 
et  la  benzine. 


P4m<,COmP°S1ÜOn  chimique  de  la  colophane  répond  à la  formule 
»HG2(>.  Quand  on  agite  de  la  colophane  grossièrement  pulvérisée  avec 
ce  1 alcool  dilué  tiède,  elle  se  convertit  en  un  corps  cristallin,  V acide 
Abiétique,  C«H*0».  Gette  transformation  est  due  à une  simple  hydrata- 
tion. Sous  l’influence  de  ce  traitement,  la  colophane  donne  de  80  à 
90  pour  100(1)  d’acide  abiétique,  ce  qui  montre  qu’elle  consiste,  en 
majeure  partie,  en  un  anhydride  de  cet  acide.  Il  en  est  probablement 
ainsi  des  résines  des  autres  Conifères.  Les  arbres  vivants  ne  contiennent 
que  1 anhydride,  car  le  suc  résineux  frais  est  clair  et  amorphe  après 
qu  on  en  a séparé  l’essence  ; lorsqu’on  l’expose  à l’air,  il  perd  son  es- 
sence, prend  de  l’eau,  et  se  solidifie  comme  l’acide  cristallin.  On  peut  fa- 
cilement, à l’aide  du  microscope,  suivre  ces  changements  dans  une 
goutte  de  suc  prise  sur  l’arbre.  La  colophane  amorphe  conserve  sa 
transparence,  même  dans  une  atmosphère  humide,  et  ne  paraît  suscep- 
i e de  passer  a l’etat  d’acide  abiétique  que  lorsque  l’absorption  de  la 
molécule  d eau,  nécessaire  pour  cette  transformation,  est  aidée  par  la 
présence  de  l’huile  essentielle  ou  par  celle  de  l’alcool.  Lorsqu’on  fait 
bouillir  la  colophane  avec  des  solutions  alcalines,  elle  forme  des  sels 
d acide  abietique,  nommés  savons  résineux  (resin-soaps),  qui  sont  em- 
ployés a 1 état  de  mélange  avec  d’autres  savons. 

acide  Sylvique  de  Siewert  est  considéré  par  Maly  (1864)  comme  un 
produit  de  décomposition  de  l’acide  abiétique.  Les  acides  Pimarique, 
inique  et  Sylvique  des  observateurs  antérieurs  sont  considérés,  aujour- 
d ui,  comme  de  l’acide  abiétique  à l’état  impur.  L’acide  pimarique, 
cependant,  qui  est  le  principe  constituant  le  plus  important  du  Galipot, 
parai  c ie  cifférent,  autant  que  nous  pouvons  en  juger  par  les  expé- 


(1)  Flückiger,  loc.  cit.,  1807,  36. 


384  CONIFÈRES. 

riences  de  Buvernoy  (1865),  et  par  celles  de  l’un  de  nous  (Flückiger). 

L’acide  abiétique,  de  même  que  les  résines  inaltérées  des  Conifères, 
dévie  la  lumière  polarisée  à droite,  tandis  que  la  colophane  améri- 
caine, dissoute  dans  l’acétone,  est  dépourvue  de  tout  pouvoir  optique. 

Commerce.  — La  Térébenthine  nous  vient,  en  majeure  partie,  des 
Etats-Unis,  mais  son  importance  commerciale  a subi  de  grandes  varia- 
tions, ainsi  que  le  montrent  les  chiffres  suivants,  qui  représentent  les 
quantités  importées  pendant  quatre  années:  en  1869,  il  en  fut  importé 
60408  quintaux  ; en  1870,  51257  quintaux;  en  1871,  2231  quintaux; 
en  1872,  1 000  quintaux.  Cette  diminution  croissante  de  l’importation 
de  la  Térébenthine  brute  s’explique,  en  partie,  par  une  plus  grande  im- 
portation de  l’essence  de  Térébenthine  et  de  la  résine;  mais  l'accrois- 
sement de  ces  dernières  importations  n’est  pas  suffisant  pour  rendre 
compte  de  la  diminution  considérable  indiquée  par  les  chiffres  que  nous 
venons  de  citer.  Les  quantités  de  ces  deux  articles  importées  dans  le 
Royaume-Uni,  pendant  l’année  1872,  ont  été  les  suivantes  : essence  de 
Térébenthine , 220292  quintaux,  valant  470085  livres  sterling,  les  six- 
septièmes  fournis  par  les  Etats-Unis  d’Amérique,  et  le  reste  surtout  par 
la  France;  résine,  919494  quintaux,  valant  492246  livres  sterling;  les 
neuf  dixièmes  fournis  parles  Etats-Unis,  et  le  reste  en  grande  partie  par 

la  France  (I). 

Usages.  — La  Térébenthine,  les  résines  brutes  et  la  colophane  en- 
trent dans  la  composition  de  certains  onguents  et  emplâtres.  On  admi- 
nistre parfois  l’essence  de  Térébenthine  à l’intérieur  comme  Munii- 

fuge  ou  diurétique,  et  extérieurement  comme  topique  stimulant;  mais 

ces  substances  sont  incomparablement  moins  usitées  dans  la  médecine 
que  dans  les  arts. 

ENCENS  AMÉRICAIN  OU  COMMUN. 

Cette  substance,  connue  des  droguistes  anglais  sous  le  nom  de  Corn- 
mon  Frankincense  ou  Gum  Thus,  est  constituée  par  la  résine  qui  se  con- 
crète spontanément  sur  la  tige  des  Pins,  dans  les  forêts  américaines,  ou 
elle  est  nommée  Scrape.  Elle  correspond  au  Galipot  ou  Barras  des  Fran- 
çais, qui  autrefois  ôtait  utilisé  à sa  place. 

J C’est  une  résine  semi-opaque,  un  peu  molle,  jaune  pâle,  à odeur  de 
Térébenthine.  Elle  est,  en  général,  mélangée  de  feuilles  de  Pm,  de 

(1)  Annual  Statement  of  the  Tracte  of  the  U.  K.  for  1S72,  53,  oO,  GO,  -10. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  385 

fragments  de  bois  et  d’autres  impuretés,  de  sorte  qu’il  est  nécessaire  de 
la  purifier  avant  d’en  faire  usage.  Conservée  pendant  quelque  temps, 
elle  devient  sèche  et  cassante  ; sa  coloration  se  fonce  et  son  odeur  de- 
vient plus  douce.  Sous  le  microscope,  elle  offre  une  structure  cristalline 
due  à V acide  Abiétique,  qui  la  constitue  en  majeure  partie.  Elle  est  im- 
portée d’Amérique  dans  des  barils,  mais  en  quantité  insignifiante  et  seu- 
lement pour  l’usage  des  droguistes.  Parfois,  cependant,  on  la  distille 
comme  la  Térébenthine  commune.  La  résine  de  Pin  sèche,  dont  le 
Common  Frcinkincense  (. Encens  commun ) est  le  type,  émet,  lorsqu’on  la 
chauffe,  une  odeur  agréable  qui,  autrefois,  la  faisait  employer  dans  les 
églises  anglaises  a la  place  de  l’oliban,  dont  le  prix  est  beaucoup  plus 
élevé.  Aujourd’hui,  on  ne  l’emploie  guère  qu’eà  la  fabrication  de  quel- 
ques emplâtres. 


(a)  Les  Pms  (Pinus  L.,  Généra,  879)sont  des  Conifères,  de  la  tribu  des  Abiétinées, 
sous-tribu  des  Pinées,  à fleurs  monoïques  ; à chatons  mâles  formés  de  bractées  qui 
portent  chacune  deux  anthères  ; à cônes  femelles  formés  d’écailles  épaissies  au 
sommet;  chacune  de  ces  écailles  porte  près  de  sa  base  deux  fleurs  réduites  à un 
ovaire  renversé,  dicarpellé,  uniovulé  (1  ) ; ces  fleurs  produisant  deux  fruits  secs, 
indéhiscents,  ailés. 

Le  Pinus  sylvestris  L.  ( Specics , 1418)  est  un  arbre  élevé,  à tronc  cendré  ou  rou- 
geâtre, terminé  par  une  tète  de  feuillage  arrondie  ; 
à rameaux  presque  verticillés,  ascendants.  Les 
feuilles  sont  reunies  deux  par  deux  sur  de  petits 
ïameaux  très-grêles  et  très-courts,  disposés  en 
spirale  sur  les  branches,  pouvant  au  premier 
abord  facilement  passer  inaperçus,  et  recouverts 
d’écailles  scarieuses  qui  s’élèvent  comme  une 
gaine  autour  de  la  base  des  feuilles.  Les  écailles 
qui  recouvrent  les  bourgeons  sont  très-pressées 
les  unes  contre  les  autres,  flmbriées-ciliées,  lan- 
céolées atténuées,  jaunâtres  et  sèches.  Les  feuilles 
sont  geminees,  c est-a-dire  réunies  deux  par  deux 
et  très-rapprochées  par  la  base,  où  elles  sont  re- 
tenues en  contact  par  la  gaine,  écartées  l’une  de 
1 autre  vers  le  haut  et  plus  ou  moins  étalées.  Elles 
sont  rigides,  longues  de  2 à 6 centimètres  ou  plus, 
rarement  de  7 â 8 centimètres,  larges  de  moins 
de  2 millimètres,  à demi  cylindriques,  creusées  en 

n ii'1 1| ! n pC ru/ ^ f la  filC(i  interne’  qui  est  limitéc  P®*  deux  bords  scabres,  et  terminées 
nenciant  lVivnr  u ’ piquantC  ; eIles  sont  colorées  en  vert  glauque  et  persistent 

i a ; K ....  ' jCS  eues  mâles  sont  disposées  en  chatons  nombreux  et  petits,  longs 

de  6 a 8 m, II, mètres  et  larges  de  3 à 4 millimètres,  colorés  en  jaune-orange.  Ils  sont 

B"*™™»,  Oie  45  ZaMelZ nmr  ^ " *">'  ««•  ~ 

HIST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


Fig.  244.  Pinus  sylvestris. 


25 


386 


CONIFERES. 

réunis  en  épis  denses,  serrés,  ovales-coniques,  disposés  latéralement  à la  partie 
inférieure  des  rameaux  de  nouvelle  formation,  qui  s’allongent  pendant  leur  épa- 
nouissement et  produisent  de  jeunes  feuilles. 

Chaque  chaton  nulle  est  formé  d’un  axe  central  sur  lequel  sont  disposées  en 
spirale  de  nombreuses  écailles  rétrécies  et  presque  stipitées  à la  base,  orbicu- 
1 ai  res  au  sommet,  lisses  et  concaves  en  dessus,  convexes  sur  la  face  inférieure,  et 
renflées  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane  pour  constituer  deux  loges  antliéri- 
ques  collatérales,  subglobuleuses,  uniloculaires  et  déhiscentes  chacune  par  une  fente 
longitudinale.  Les  grains  de  pollen  présentent  au  moment  de  la  fécondation  des 
phénomènes  très-remarquables  qui  les  ont  fait  comparer  au  prothalle  mille  des  crypto- 
games vasculaires,  mais  qui  u’ont  encore  été  étudiés  que  d’une  façon  imparfaite  (1). 
Les  fleurs  femelles  sont  également  disposées  en  chatons  portés  par  le  môme  pied  que 
les  mâles,  mais  terminaux,  solitaires  ou  réunis  par  deux  ou  trois  ; à l’état  jeune,  ils 
sont  ovales-globuleux,  portés  par  un  petit  rameau  de  la  même  longueur  que  le  cône 
et  recourbé  vers  le  sol  ; à l’état  adulte,  ils  sont  subsessiles,  pendants,  coniques- 
ohlongs,  un  peu  obtus  au  sommet,  longs  de  3 à 6 centimètres  et  larges  de  2 à 
4 centimètres  ; verts  à l’état  jeune,  il  deviennent  bruns  à la  maturité.  L’axe  princi- 
pal du  chaton  femelle  porte  d’abord  de  petites  bractées  foliacées,  disposées  en  spi- 
rale, et  destinées  à rester  toujours  très-courtes  et  rudimentaires  ; puis,  dans  l’aisselle 
de  chacun  de  ces  appendices  foliaires  se  développe  un  axe  secondaire  qui  s’aplatit 
bientôt  et  produit  deux  fleurs  ; cet  axe  se  développe  beaucoup  plus  par  la  partie  située 
au-dessus  des  fleurs  que  par  la  partie  située  à leur  niveau  et  «au-dessous  d’elles,  de 
sorte  que  les  fleurs  se  renversent  de  façon  à avoir  leur  sommet  dirigé  en  bas,  et  se 
trouvent  finalement  situées  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane  de  la  face  dorsale  du 
rameau  qui  les  porte  et  vers  la  base  de  ce  rameau.  Ce  dernier,  en  s’allongeant,  s’est 
fortement  aplati  et  étalé  de  façon  à constituer  une  écaille  ligneuse,  dure,  plus  large 
et  plus  épiiisse  au  sommet  qu’à  la  base,  et  terminée  dans  le  haut  par  une  «apophyse 
aphatie  ou  élevée  et  pyramidale,  et  un  peu  recourbée.  Toutes  les  écailles  florifères 
sont  étroitement  appliquées  les  unes  contre  les  autres  et  imbriquées.  Au  moment  de 
la  maturité  des  fruits,  elles  s’écartent  et  permettent  la  chute  de  ces  derniers.  Chacune 
des  deux  fleurs  femelles  portées  par  les  diverses  écailles  du  cône  est  dépourvue  de 
périanthe,  et  constituée  par  un  ovaire  dont  l’existence,  autrefois  niée,  a été  bien 
démontr  ée  par  M.  B«aillon  en  1860.  L’ovaire  est  formé  de  deux  feuilles  carpellaires 
connées  d«ans  une  grande  partie  de  leur  étendue,  mais  indépendantes  au  sommet,  de. 
façon  que  l’ovaire  reste  ouvert  dans  sa  partie  supérieure  ; son  ouverture  est  bor- 
dée de  deux  petites  saillies  stigmatiques  qui  répondent  «aux  extrémités  des  feuilles 
carpellaires,  et  en  partie  bouchée  par  une  goutte  d’un  liquide  visqueux,  destiné  à 
retenir  les  grains  de  pollen,  et  sans  doute  à les  nourrir  pendant  leur  germination. 
Par  suite  du  renversement  subi  par  la  fleur  pendant  l’accroissement  de  1 axe  écailleux 
qui  la  porte,  l’orifice  de  l’ovaire  se  trouve  dirigé  en  bas.  Dans  sa  cavité,  existe  un 
seul  ovule  orthotrope,  dépourvu  de  membrane  d’enveloppe.  Autrefois  on  considé- 
rait l’ovaire  comme  l’enveloppe  de  l’ovule.  Le  fruit  qui  succède  à chacune  des  fleurs 
est  un  achaine  ov«ale-oblong,  aplati,  à péricarpe  dur,  sec,  luisant,  noirâtre,  entoure 
d’une  aile  membraneuse  trois  ou  quatre  fois  plus  grande  que  lui-même.  Le  fruit 
contient  une  seule  graine  renfermant  un  albumen  huileux  et  un  embryon  droit,  si- 
tué dans  l’axe  de  l’albumen,  à peu  près  aussi  long  que  ce  dernier,  et  formé  d’une  ra- 
dicule courte  et  de  deux  cotylédons  multipartites.  [Trad.] 


(1)  Voyez  J.  Sachs,  Botan.,  trad.  fr.,  592. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  387 

Lo  Pinus  Laricio  Poiiiet  ( Dict . encyclop.,  V,  339)  est  un  arbre  à cyme  à peu  près 
pyramidale,  s’élevant  parfois  jusqu’à  une  hauteur  de  30  mètres  et  au  delà,  à tronc 
droit,  recouvert  d'une  écorce  fauve,  crevassée  ; à branches  verticillées,  étalées  hori- 
zontalement ou  se  relevant  vers  l’extrémité.  Les  feuilles  sont  géminées,  plus  ou  moins 
étalées,  semi-cylindriques,  parfois  contournées,  vertes,  rigides,  longues  de  9 à 10  ou 
de  12  à lo  centimètres,  larges  de  1 à 2 millimètres.  Les  écailles  des  bourgeons  sont 
lancéolées-atténuées,  fimbriées-ciliées  sur  les  bords.  Les  chatons  mâles  sont  épais, 
longs  de  lo  millimètres,  larges  de  5 à 6 millimètres,  peu  nombreux  sur  chaque  épi, 
étalés,  droits  ou  recourbés.  Les  écailles  anthérifères  sont  suborbiculaires,  denticu- 
lées.  Les  chatons  femelles  sont  solitaires  ou  en  verticilles  de  deux  à quatre,  les  plus 
jeunes,  ovales-globuleux,  portés  par  un  pédoncule  plus  court  qu’eux,  droit  et  étalé  ; 
les  adultes,  horizontaux,  subsessiles  ou  sessiles,  ovales  ou  ovales-coniques,  terminés 
en  pointe,  longs  de  b à 7 centimètres  et  larges  de  3 centimètres  près  de  la  base.  Les 
écailles  fructifères  sont  noirâtres  en  dessous,  munies  dans  le  haut  d’une  apophyse 
subrhomboïde,  ombiliquée  et  d’une  carène  transversale  élevée,  avec  la  face  supérieure 
convexe  et  l’inférieure  obscurément  carénée  en  long.  Les  fruits  sont  petits,  ovales, 
convexes  sur  les  deux  faces,  munis  d’une  aile  deux  à quatre  fois  plus  grande  qu’eux- 
mèmes. 

Le  Pinus  Pinasler  Solander  (in  Ait.,  fJorl.  Kew,  éd.  1,  III,  367),  vulg.  Pin 
maritime,  est  un  arbre  de  18  à 24  mètres  de  haut,  à écorce  rougeâtre,  cendrée  ou 
jaunâtre,  à cyme  à peu  près  pyramidale,  à rameaux  verticillés,  étalés  ; à écailles  des 
bourgeons  larges,  ovales-lancéolées,  atténuées-acuminées,  réfléchies  dans  le  haut, 
longuement  fimbriées-ciliées  sur  les  bords.  Les  feuilles  sont  géminées,  entourées  à 
la  base  d’une  gaine  courte,  lâche,  jaunâtre;  elles  sont  épaisses,  rigides,  plus  ou 
moins  étalées,  demi-cylindriques,  à peine  scabres  sur  les  bords,  mucronées,  vertes, 
lougues  de  12  à 20  centimètres  et  larges  de  2 millimètres.  Les  chatons  mâles  sont 
oblongs,  obtus,  un  peu  allongés,  réunis  en  grand  nombre  en  un  épi  épais,  oblong. 
Les  écailles  anthérifères  sont  suborbiculaires,  denticulées.  Les  cônes  femelles  sont 
solitaires  ou  verticillés  par  deux,  quatre  ou  plus  rarement,  cinq  à sept.  A l’état  jeune, 
ils  sont  ovales  ou  oblongs,  étalés  ou  dressés,  portés  par  un  rameau  plus  court  qu’eux- 
mémes  ; à l’état  adulte,  ils  sont  portés  par  un  rameau  court  et  épais,  pendants, 
oblongs-coniques,  obtus  au  sommet,  longs  de  lb  à 19  centimètres,  larges  de 
7 a 8 centimètres.  Les  écailles  fructifères  sont  munies  d’une  carène  transversale 
saillante,  d’une  apophyse  élevée,  pyramidale,  blanche,  aiguë,  d’un  ombilic  large, 
comprimé,  aigu,  piquant,  droit  ou  un  peu  recourbé.  Les  fruits  sont  ovales  ou  oblongs, 
convexes  sur  les  deux  faces,  et  munis  d’une  aile  obtuse  et  tronquée  dans  le  haut, 
trois  ou  quatre  fois  plus  grande  qu’eux. 

Le  Pinus  auslralis  Michaux  (Ârbr.,  I,  62,  t.  6)  est  un  arbre  haut  de  18  à 21  mètres, 
a cyme  étalée,  a rameaux  étalés,  horizontaux  ou  relevés  à l’extrémité  ; à feuilles  ter- 
nées,  très-longues,  grêles,  rapprochées  à l’extrémité  des  rameaux,  étalées  ou  pen- 
dantes, comprimées-triquètres,  scabres  sur  les  bords,  mucronées,  longues  de  2b  à 
3b  centimètres,  larges  de  1 millimètre  et  demi,  entourées  à la  base  de  gaines  assez 
longues,  circinées  au  sommet.  Les  cônes  femelles  sont  pendants,  coniques-cylindri- 
ques,  obtus,  courbés  ou  presque  droits.  Leurs  écailles  sont  munies  d’une  apophyse 
un  peu  élevée,  pyramidale,  à ombilic  large,  proéminent,  surmonté  d’une  pointe 
courte  et  recourbée.  Les  achaines  sont  ovales,  convexes  sur  les  deux  faces,  entourés 
d une  aile  oblongue  près  do  trois  fois  plus  grande  qu’eux. 

Le  Pinus  Tœda  L.  ( Species , 1419,  ex  parte)  a,  comme  l’espèce  précédente,  des 
feuilles  ternées,  longues  de  16  à 20  centimètres,  à peine  larges  de  1 millimètre  et 


388 


CONIFERES. 


demi,  rigides,  dressées  ou  subétalées,  comprimées,  triquètres,  un  peu  geabres  sur 

les  bords,  courtement  mucronées.  Les  chatons 
milles  sont  longs,  cylindriques-obtus,  droits  ou 
un  peu  courbés,  réunis  en  fascicules  subcapités. 
Les  écailles  anthérifères  sont  suborbiculaires, 
crénelées-ciliées.  Les  chatons  femelles  sont  ver- 
ticillés  par  deux  ou  cinq,  sessiles,  étalés,  ou 
subhorizontaux,  ovales-oblongs,  un  peu  obtus. 
Les  écailles  sont  munies  d’une  apophyse  un 
peu  comprimée,  pyramidale,  et  d’une  caréné 
transversale  aiguë,  d’un  ombilic  mucroné,  à 
pointe  droite,  aiguë,  piquante.  Les  fruits  sont 
ovales,  convexes  sur  les  deux  faces,  entourés 
d’une  aile  large.  [Tiud.] 

{b)  Dans  un  jeune  rameau  de  Pinus  sylves- 
tris on  trouve,  de  dehors  en  dedans,  comme 
l’indique  la  figure  245,  représentant  la  coupe 
transversale  d’un  rameau  de  deux  ans  : 1°  une 
couche  épidermique  a,  qui  peut  avoir  disparu  et 
être  remplacée  par  un  petit  nombre  de  couches 
de  liège  ; 2°  un  parenchyme  cortical  épais,  6, 
formé  de  grandes  cellules  irrégulièrement  poly- 
gonales, à parois  claires  et  minces.  Dans  cette 
zone,  sont  contenus  de  nombreux  canaux  sécré- 
teurs ayant  la  structure  que  nous  .avons  déjà 
trouvée  dans  le  Garcinia  Morella  (voyez  tome  I, 
p.  166,  fig.  57),  les  Balsamodendron,  etc., 
c’est-à-dire  formés  par  des  méats  intercellulaires  très-dilatés,  constituant  un  canal 
parallèle  à l’axe  du  rameau,  et  bordé  de  plusieurs  couches  de  cellules  sécrétantes. 
En  dedans  du  parenchyme  cortical,  se  trouve  le  liber,  c,  dont  les  faisceaux  sont 

séparés  les  uns  des  autres  par  des 
rayons  médullaires  qui  se  prolongent 
dans  le  bois,  et  sont  formés  d’ordi- 
naire chacun  d’une  seule  rangée  de 
cellules  allongées  radialement.  Cha- 
que faisceau  libérien  est  formé  dans 
toute  son  épaisseur  d’éléments  uni- 
formes, allongés  parallèlement  à 
l’axe  du  rameau,  à contour  presque 
quadrangulaire , à parois  minces, 
molles  et  claires.  Une  couche  de 
cambium  d sépare  le  liber  du  bois  ; 
ses  cellules  sont  quadrangulaires, 
à parois  minces.  Le  bois  e est  formé 
de  faisceaux  séparés  par  des  rayons 
médullaires  à uue  seule  rangée  de  cellules  allongées  radialement.  11  est  composé 
uniformément  de  fibres  ligneuses  à ponctuations  aréolées,  à contour  polygonal  et 
à parois  épaisses,  à cavité  plus  large  dans  la  zone  extérieure  qui  est  de  la  seconde 
année  que  dans  la  zone  interne  qui  répond  à la  première  année.  Cette  dernière 


Fig.  24o.  Pinus  sylvestris. 

Coupe  transv.  d'un  rameau  de  deux  ans. 


nr 


Fig.  246.  Pinus  sylvestris. 
Canal  sécréteur  à une 
seule  couche  do  cellules 
sécrétantes. 


Fi; 


247.  Pinus  sylvestris. 
Canal  sécréteur  à deux 
couches  de  cellules  sé- 
crétantes. 


380 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


est  limitée  ù lu  partie  interne  de  chaque  faisceau,  au  voisinage  de  la  moelle,  par  un 
petit  groupe  de  vaisseaux  trachéens.  Dans  les  faisceaux  ligneux,  sont  dispersés  un 
assez  grand  nombre  de  canaux  sécréteurs  organisés  comme  ceux  de  l’écorce.  Il 
existe  ordinairement  un  vaisseau  dans  chaque  faisceau  en  dehors  du  groupe  de 
trachées  qui  le  limite  au  voisinage  de  la  moelle.  Il  n’existe  pas  de  canaux  dans  la 
moelle,  qui  est  formée  de  grandes  cellules  arrondies  ou  polygonales,  à parois 
minces. 

Les  figures  246,  247,  248,  249,  ci-jointes,  empruntées  à M.  Sachs  ( Botanique ),  in- 


Fig.  249.  Pinus  syluestris. 
Canal  sécréteur  dans  lo  bois. 


diquent  bien  le  mode  de  formation  de  ces  canaux  dans  le  Pinus  sylvestris.  Dans  la 
figure  240,  représentant  un  canal  sécréteur  en  voie  de  formation  dans  le  voisinage 
de  la  moelle  d’un  rameau  d’un  an,  le  méat  intercellulaire  dilaté  n’est  limité  que  par 
un  seul  cercle  de  cellules  sécrétantes,  remplies  d’une  oléorésine  à gouttes  très-réfrin- 
gentes. Dans  la  figure  247,  on  voit  que  les  cellules  de  bordure  du  canal  se  sont  segmen- 
tées parallèlement  à la  circonférence  du  méat  intercellulaire  pour  produire  deux  cer- 
cles concentriques  de  cellules  qui  sont  déjà  remplies  d’oléorésine.  Dans  la  figure  248, 
les  cellules  sécrétantes,  empêchées  sans  doute  de  se  séparer  les  unes  des  autres  pour 
former  un  méat  intercellulaire  destiné  à servir  de  réservoir,  sont  restées  en  conti- 
guïté, mais  sécrètent  néanmoins  de  l’oléorésine  qui  se  frayera  plus  tard  un  chemin 
vers  l’extérieur  à travers  le  rayon  médullaire  à cellules  allongées  radialement  qui 
se  trouve  en  avant  de  la  masse  cellulaire  glanduleuse.  Dans  la  figure  249,  les 
cellules  glandulaires  appartenant  au  parenchyme  ligneux  et  entourées  de  fibres  li- 
gneuses ont  pu  s’écarter  pour  produire  un  méat,  et  sa  sont  déjà  en  partie  segmen- 
tées parallèlement  à la  circonférence  de  ce  dernier.  [Trad.] 


TÉRÉBENTHINE  DE  VENISE. 

Terebenthina  Venela,  Terebenthina  Lancina;  Térébenthine  de  Venise  on  de  Briançon,  Térébenthine 
du  Mélèze  ; angl.,  Venioo  Turpentine,  Larch  Turpentine;  allom  , Venetianischer  Tmpenthin, 
L'drchen-Terpentltin. 


Origine  botanique.  — Pinus  Lcirix  L.  ( Lctrix  Europæa  DC.)  C’est  un 
bel  arbre  des  forêts  qui  couvrent  les  montagnes  du  sud-ouest  du 


31,0  CONIFÈRES. 

centre  de  l’Europe,  depuis  le  Dauphiné  jusqu’à  la  Styrie  et  les  Car- 
pathos,  en  passant  par  les  Alpes.  Il  s’élève  jusqu’à  900  et  I 000  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Il  est  cultivé  sur  une  très-grande  échelle 
en  Angleterre  et  en  Ecosse  [a). 

Historique.  — La  térébenthine  du  Mélèze  était  connue  deDioscoride 
comme  importée  des  régions  alpines  de  la  Gaule  (I).  Pline  la  connais- 
sait également,  car  il  fait  remarquer  qu’elle  ne  durcit  pas.  Galien,  au 
deuxième  siècle,  la  mentionne  aussi;  il  admet  qu’on  peut  la  substituer 
à la  térébenthine  de  Chio,  qui  ôtait  alors  considérée  comme  la  véri- 
table Terebinthina.  A une  époque  plus  récente,  vers  1550,  Mattioli 
expose  la  façon  dont  on  la  recueille  dans  les  environs  de  Trente,  dans 
le  Tyrol,  en  perforant  les  arbres  jusqu’au  centre  de  leur  tronc,  ce  qui 
se  fait  encore  aujourd’hui.  On  l’exportait  autrefois,  habituellement,  de 
Venise.  Le  nom  anglais  Larch  paraît  appartenir  à la  térébenthine  plu- 
tôt qu’à  l’arbre.  Dioscoride  dit  que  la  résine  est  nommée  par  les  indi- 
gènes Xâpixa.  Galien  indique  le  même  nom.  Dans  un  guide  commercial 
nommé  Tariffa  de  pesi  e misure,  qui  parut  àVenise  en  1503,  nous  trou- 
vons la  « Termentina  sive  Larga  »,  et  Larga  est  encore  le  nom  italien 
de  la  térébenthine  du  Mélèze.  Les  paysans  du  sud  du  Tyrol  la  nom- 
ment Lerget,  et  en  Suisse  son  nom  allemand  est  Lôrtsch. 

Extraction. — La  térébenthine  du  Mélèze  est  recueillie  dans  le  Tyrol, 
et  surtout  dans  les  environs  de  Meran,  Bautzen  et  Trente.  On  en  re- 
cueille parfois  une  petite  quantité  en  Suisse,  dans  le  Valais,  et  dans 
quelques  localités  du  Piémont  et  de  la  France.  On  retire  la  résine 
du  cœur  de  l’arbre  , en  pratiquant , au  printemps , à 30  centimè- 
tres au-dessus  du  sol,  une  cavité  étroite  qui  pénètre  jusqu’au  centre 
de  la  tige,  et  qu’on  bouche  jusqu’à  l’automne  de  la  même  année  ou  de 
l’année  suivante  ; on  l’ouvre  alors  et  on  en  retire  la  résine  à l’aide  d’une 
cuiller  en  fer.  Si  l’on  n’a  pratiqué  qu’un  seul  trou,  l’arbre  donne  envi- 
ron une  demi-livre  de  térébenthine  par  an,  sans  dommage  appréciable  ; 
mais  si  on  pratique  plusieurs  larges  trous  dans  le  même  arbre,  et  sur- 
tout si  on  les  laisse  ouverts,  comme  cela  se  pratiquait  autrefois  en  Pié- 
mont et  dans  les  Alpes  françaises,  on  peut  obtenir  jusqu’à  8 livres  de 
térébenthine  par  an,  mais  au  bout  de  quelques  années  l’arbre  cesse 
de  produire,  et  son  bois  perd  beaucoup  de  sa  valeur. 

Mohl,  qui  assistaà  la  récolte  de  la  térébenthine  dans  le  sud  du  Tyrol(-2), 
observa  que  lorsqu’on  sciait  en  travers  une  tige  de  Mélèze  en  pleine 


(1)  Lib.  I,  c.  92. 

(2)  Bot.  Zeit.,  1859,  XVII,  329. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  391 

croissance,  la  résine  s’écoulait  en  plus  grande  quantité  du  cœur  du  bois 
que  de  son  aubier,  d’où,  cependant,  son  écoulement  était  plus  rapide, 
et  que  l'écorce  ne  contenait  qu’un  petit  nombre  de  canaux  à résine. 
La  pratique  de  boucher  les  trous  qui  ont  été  faits  dans  l’arbre  est 
adoptée  non-seulement  dans  le  but  de  préserver  le  bois  et  de  recueillir 
plus  facilement  la  térébenthine,  mais  aussi  parce  qu’elle  contribue  à 
conserver  à cette  dernière  plus  de  transparence  et  de  pureté. 

Description.  — La  térébenthine  de  Venise'estun  liquide  épais,  sem- 
blable à ou  miel  un  peu  trouble,  mais  ni  granuleux,  ni  cristallin  (I), 
coloré  en  jaune  pâle  et  doué  d’une  légère  fluorescence.  Son  odeur  res- 
semble à celle  de  la  térébenthine  commune,  mais  elle  est  plus  faible. 
Sa  saveur  est  amère  et  aromatique.  Lorsqu’on  l’expose  à l’air,  elle 
s’épaissit  lentement  et  prend  l’aspect  d’un  vernis  clair;  elle  ne  durcit 
pas  quand  on  la  mélange  avec  de  la  magnésie.  La  térébenthine  du 
Mélèze  n’est  pas  rare  sur  le  continent,  mais  on  ne  l’importe  que  fort 
peu  en  Angleterre  (2),  et  celle  qu’on  y vend  est  presque  toujours  fal- 
sifiée. 

Composition  chimique.  — La  térébenthine  du  Mélèze  se  dissout  dans 
l’alcool  en  formant  un  liquide  clair  qui  rougit  le  tournesol  ; l'eau 
chaude  qu’on  agite  à son  contact  acquiert  également  une  réaction  acide 
manifeste,  due  à l’acide  formique,  et  probablement  aussi  à l’acide  suc- 
cinique.  L’acide  acétique  cristallisable,  l’alcool  amylique  et  l’acétone 
se  mélangent  complètement  avec  elle.  Par  la  distillation,  elle  donne  en 
moyenne  15  pour  100  d’une  huile  essentielle,  C10H1<S,  qui  bout  à 157°  G. 
Elle  produit  facilement  des  cristaux  d’un  composé  C10H16-}- HCl.  Le  ré- 
sidu résineux  est  soluble  dans  2 parties  d’alcool  à 75  pour  100,  et 
plus  abondamment  dans  l’alcool  concentré.  Deux  parties  de  térében- 
thine, diluées  d’une  partie  de  benzine  ou  d’acétone,  dévient  la  lu- 
mière polarisée  de  9°, 5 à droite.  L’huile  essentielle  la  dévie  de  6°, 4 à 
gauche;  la  résine,  entièrement  privée  d’huile  essentielle,  et  dissoute 
dans  la  moitié  de  son  poids  d’acétone,  la  dévie  de  12°, 6 à droite,  en 
colonne  de  50  millimètres  de  long. 

Nous  n’avons  pu  réussir  à préparer,  avec  la  résine  de  la  térében- 
thine de  Venise,  aucun  acide  cristallisé,  quoique  sa  composition  soit, 

(1)  J’ai  observé  une  fois  cette  résine  en  gouttes  cristallisées  sur  le  tronc  d’un 

Mélèze,  auprès  de  Berne.  [P.  A.  P.]  . 

(2)  J'ai  vu,  dans  une  circonstance,  la  térébenthine  de  Venise,  dans  une  vente  pu- 
blique de  drogues;  vingt  et  un  barils,  importés  de  Trieste,  furent  mis  en  vente  le 
14  juillet  1864.  [D.  H.] 


392 


CONIFÈRES. 

d'après  Maly,  la  môme  que  celle  de  la  colophane  d’Amérique,  qui  se 
transforme  facilement  en  acide  abiétique  cristallisé. 

Usages.  — La  térébenthine  de  Venise  possède  les  propriétés  médici- 
nales qui  appartiennent,  à des  degrés  très-divers,  aux  autres  sub- 
stances du  môme  groupe,  et  son  emploi  est  abandonné  ; on  la  prescrit 
tout  au  plus  dans  la  médecine  vétérinaire. 

Falsification.  - Alston  (1740-1760)  dit  de  la  térébenthine  de  Ve- 
nise (1)  qu  elle  se  trouve  rarement  dans  les  boutiques.  Cette  remarque 
est  également  vraie  de  nos  jours,  car  peu  de  droguistes  se  donnent  la 
peine  de  se  la  procurer  à l’état  naturel.  Celle  qu’on  vend  d’ordinaire 
e>t  un  mélange  de  résine  commune  et  d’essence  de  térébenthine.  On 
peut  facilement  distinguer  ce  mélange  de  la  térébenthine  du  Mélèze  par 
la  facilité  avec  laquelle  il  se  dessèche  lorsqu’on  l’étend  sur  une  feuille 
de  papier  (2),  et  par  son  odeur  plus  forte  de  térébenthine. 

(a)  Le  Pinus  Larix  L.  ( Species , 1420  ; Larix  decidua  Miller;  Ab  les  Larix  L\- 
marck  ; Larix  pyramidalis  Salisb.;  Larix  europœa  DC.;  Larix  excelsa  Jjnk  ; Larix 
commuais  Laws.)  est  un  arbre  de  27  à 30  mètres  de  haut,  à tronc  droit,  recouvert 

d’une  écorce  cendrée  ou  rougeâtre  et  lisse  en  dessous;  â 
cyrne  pyramidale,  à branches  verticillées,  à peu  près  hori- 
zontales ou  pendantes  et  relevées  au  sommet,  émettant 
des  rameaux  allongés,  grêles  et  pendants.  Les  feuilles 
sont  caduques,  réunies  sur  de  petits  ramuscules  courts, 
écailleux,  au  nombre  de  trente  à quarante,  ou  même,  mais 
rarement,  de  cinquante  à soixante  ; elles  sont  inégales, 
plus  ou  moins  étalées,  molles,  d’un  vert  gai,  linéaires, 
obtuses,  atténuées  vers  la  base,  un  peu  renflées  au  mi- 
lieu, et  parcourues  par  un  sillon  longitudinal  peu  profond, 
blanchâtre.  Elles  sont  longues  de  22  à 38  millimètres  et 
larges  de  1 millimètre  au  plus.  Les  chatons  mâles  sont 
ovoïdes,  subglobuleux,  longs  de  5 à 8 millimètres,  larges 
de  S millimètres,  souvent  ascendants,  solitaires  au  som- 
met des  bourgeons  foliifères.  Les  écailles  anthérifères 
sont  pyramidales,  munies  d’une  crête.  Les  cônes  femelles 
sont  solitaires  sur  un  rameau  court  ; ils  sont  ascendants, 
ovoïdes  ou  ovoïdes-oblongs,  obtus.  Les  écailles  fructifères 
sont  nombreuses,  imbriquées,  coriaces,  cartilagineuses, 
orbiculaires  ovales,  tronquées,  planes  et  un  peu  convexes  dans  le  dos.  Les  bractées 
mères  des  écailles  fructifères  sont  très-développées,  et  font  souvent  saillie  à la 
• surface  des  cônes  ; elles  sont  terminées  par  une  pointe  saillante  et  dentées  sur  les 

(1)  Lectures  on  the  Mat.  Medic.,  Lond.,  1770,  II,  398. 

(2)  Lorsqu’on  étend  sur  une  feuille  de  papier  une  couche  mince  de  térébenthine  de 
Venise,  et  sur  une  autre  une  couche  égale  de  térébenthine  commune,  au  bout  de  quel- 
ques semaines  on  no  pourra  pas  toucher  la  première  avec  le  doigt  sans  qu’elle  y adhère, 
tandis  que  la  seconde  formera  un  vernis  sec  et  dur. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  393 

bords.  Les  fruits  sont  petits,  obovales,  munis  d’une  aile  semiovnle,  obtuse,  à peine 
deux  fois  plus  longue  qu’eux.  [Thad.] 


ÉCORCE  DE  MÉLÈZE. 

Cortex  larioAs;  angl.,  Larch  Bark. 

Origine  botanique.  — Pinus  Larixlj.  (voirp.  392,  noie  a). 

Historique.  — L’écorce  du  Mélèze  a passé  longtemps  pour  posséder 
des  propriétés  astringentes,  et  était  employée  dans  le  tannage.  Ge- 
rarde  (I),  qui  écrivait  vers  la  fin  du  seizième  siècle,  la  compare  à celle 
du  Pin,  qu'il  décrit  comme  possédant  la  propriété  de  déterminer  la 
constipation,  mais  il  n’y  a là  aucune  indication  réelle  qu’elle  fût  alors 
employée  en  médecine. 

Yers  l’année  1858,  l’écorce  du  Mélèze  fut  recommandée  par  le  doc- 
teur Frizell,  de  Dublin,  et  plus  tard  par  d’autres  médecins,  comme  as- 
tringent stimulant  et  expectorant.  Les  résultats  favorables  qui  suivi- 
rent son  emploi,  la  firent  admettre  dans  les  Additions  to  the  British 
Pharmacopœia  de  1867,  publiées  pendant  la  même  année. 

Description.  — L’écorce  du  Mélèze  est  en  morceaux  aplatis  ou  re- 
pliés en  larges  tubes,  colorés  extérieurement  en  brun-rougeâtre.  Les 
fi agments  îecueillis  sur  de  vieux  arbres  otïrent  une  couche  subéreuse 
épaisse,  en  voie  d exfoliation,  qui  met  à nu,  lorsqu’on  l’enlève,  une 
suitace  colorée  en  rose  clair,  tandis  que  le  liber,  offrant  une  texture 
différente,  est  un  peu  fibreux  et  blanchâtre.  La  surface  interne  est  lisse 
et  colorée  en  brun  rosé  ou  en  jaune  pâle.  La  cassure  de  cette  écorce  est 
courte,  son  odeur  est  balsamique,  térébenthineuse,  agréable.  Sa  saveur 
est  dune  astringence  très-prononcée.  Pour  l’usage  médicinal,  on  doit 
préférer  la  partie  interne  de  l’écorce. 

Structure  microscopique.  — Sur  une  section  transversale,  on  ob- 
sene  des  canaux  résineux,  mais  en  nombre  moindre  que  dans  l’écorce 
de  plusieurs  autres  arbres  voisins.  Les  rayons  médullaires  ne  sont  pas 
très-distincts.  Dans  la  couche  moyenne  de  l’écorce,  sont  éparses  de 
larges  cellules  à parois  épaisses,  de  forme  très-irrégulière. 

Composition  chimique.  — L’écorce  du  Mélèze  a été  étudiée  par 
Stenhouse  (2).  11  y a trouvé  une  quantité  considérable  d’un  tannin  par- 
ticulier qui  donne,  avec  les  sels  de  fer,  un  précipité  vert-olive.  Le  même 
chimiste  a trouvé  aussi,  dans  cette  écorce  (3),  une  substance  cristalü- 

(1)  HerLall,  enlarged  by  Johnson , Lond.,  1036,  1366. 

(2)  Proceedings  of  the  Royal  Society,  1862,  XI,  404.  ' 

(3)  Philos.  Tram.,  1862,  vol.  162,  53. 


391 


CONIFÈRES. 


sable  nommée  Larixine  ou  acide  Larixinique , dont  la  composition  ré- 
pond à la  formule  C10II10()!'.  On  peut  l’obtenir  en  faisant  digérer  l’écorce 
dans  l’eau  à 80°  G.,  et  évaporant  le  liquide  jusqu’à  consistance  siru- 
peuse ; en  le  faisant  chauffer  dans  une  cornue,  avec  précaution,  on  dé- 
termine la  distillation  do  la  larixine,  dont  une  partie  est  entraînée  par  le 
liquide  qui  distille,  tandis  que  l’autre  partie  se  dépose  en  cristaux  sur  les 
parois  internes  de  la  cornue.  On  peut  obtenir  à l’état  cristallin  la  la- 
rixine  entraînée  par  le  liquide  distillé,  en  faisant  évaporer  ce  dernier. 
Cette  substance  forme  des  cristaux  incolores  qui  ont  parfois  plus  de 
<25  millimètres  de  long,  se  volatilisent  à 93°  C.,  et  fondent  à 153°  C.  Ils 
exigent  pour  se  dissoudre  88  parties  d’eau  environ  à 13°  C ; mais 
leur  dissolution  est  plus  facile  dans  l’eau  bouillante  et  dans  l’alcool. 
La  larixine  est  peu  soluble  dans  l’étber  et  s’en  sépare  en  cristaux 
brillants.  Ses  solutions  possèdent  une  saveur  astringente,  un  peu 
amère,  et  une  réaction  légèrement  acide.  Elles  sont  colorées  en  pourpre 
par  le  chlorure  ferrique.  Quand  on  ajoute  une  solution  de  baryte 
à une  solution  concentrée  de  larixine,  il  se  forme,  si  cette  dernière 
est  en  excès,  un  précipité  gélatineux  abondant  qui  se  dissout  facile- 
ment dans  l’eau  bouillante , mais  se  dépose  de  nouveau  quand  la 
liqueur  se  refroidit.  La  larixine  est  voisine  du  pyrogallol  et  de  la  pyro- 
catéchine,  mais  elle  en  diffère  en  ce  qu’elle  préexiste  dans  l’écorce,  et 
n’est  pas  un  produit  secondaire  comme  les  deux  autres  corps.  Stenhouse 
n’est  parvenu  à la  retirer  ni  de  l’écorce  du  Pinus  abies  L.,  ni  de  celle  du 
P inus  sylvestris  L. 

Usages.  — L’écorce  du  Mélèze  a été  prescrite  particulièrement  sous 
forme  de  teinture  pour  faciliter  l’expectoration  dans  la  bronchite  chro- 
nique. On  l’emploie  aussi  pour  arrêter  les  hémorrhagies  internes. 


TÉRÉBENTHINE  DU  CANADA. 

Terebenthina  Canadensis,  Balsamum  Canadense  ; Térébenthine  ou  Baume  de  Canada; 
angl.,  Canada  Balsam,  Canadian  Turpentine;  allem.,  Canada  Balsam. 

Origine  botanique.  — Pinus  balsamea  L.  ( Abies  balsamea  Marshall). 
Le  Pin  qui  produit  le  Baume  du  Canada  (. Balsam  Fir  ou  Gilead  Fir  des 
Anglais)  est  un  bel  arbre,  haut  de  6 à 12  mètres,  dont  le  tronc  a de 
15  à 30  centimètres  de  diamètre,  et  parfois  davantage.  Il  croît  en  abon- 
dance dans  le  nord  et  l’ouest  des  Etats-Unis  d’Amérique,  delà  Nou- 
velle-Ecosse et  du  Canada  ; mais  on  ne  l’observe  pas  au-delà  du  62e  de- 
gré de  latitude  nord.  Il  ressemble  au  Pinus  Picea  L.  d’Europe,  mais 


395 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

scs  bractées  sont  munies  d’une  pointe  courte,  et  ses  cônes  sont  plus 
aigus  aux  deux  extrémités  (a). 

Une  certaine  quantité  de  Baume  du  Canada  est  également  produite 
par  le  Pînus  Fraseri  Pursii  ( Small  fruited  ou  Double  Balsarn  Fir),  arbre 
des  montagnes  de  la  Pcnsylvanie,  de  la  Virginie,  et,  vers  le  sud,  des 
parties  les  plus  élevées  des  Alleghanies  (1). 

Le  Pînus  ccinadensis  L.  {A Lies  canadensis  Michaux)  ( Hemlock  Spruce 
ou  P émusse) , grand  arbre  abondant  dans  les  pays  où  croît  le  Pînus  balsa- 
mea,  et  s’étendant  dans  toute  l’Amérique  anglaise  jusqu’à  Alaska, 
passe  pour  fournir  une  térébenthine  semblable,  qui  n’a  pas  encore  été 
suffisamment  étudiée.  Cet  arbre  est  d’une  grande  utilité  par  la  ré- 
sine recueillie  sur  son  tronc  et  l’huile  essentielle  qu’on  distille  de  ses 
feuilles.  Celte  dernière  opération  s’effectue  sur  une  grande  échelle 
dans  le  comté  de  Madison,  dans  le  New-York.  L’écorce  interne  du 
même  arbre  est  très-bonne  pour  le  tannage. 

Historique. — Nous  avons  trouvé  la  première  mention  du  Baumede 
Canada  dans  le  Tarif  des  pharmacies  de  Strasbourg,  publié  en  1759 
par  le  magistrat  de  cette  ville  (2).  Le  Baume  du  Canada  fut  introduit 
pour  la  première  fois  dans  la  Pharmacopée  de  Londres  en  1788.  D’après 
les  livres  d’un  droguiste  de  Londres,  J.  Gurney  Bevan,  son  prix,  dans 
les  ventes  en  gros,  était,  en  1776,  de  4 shillings,  et  en  1788,  de  5 shil- 
lings, la  livre. 

Description. — Le  Baume  du  Canada  est  une  résine  transparente,  ayant 
la  consistance  du  miel,  et  une  coloration  jaune-paille  un  peu  verdâtre. 
Quand  on  le  conserve,  il  devient  peu  à peu  plus  épais,  et  sa  teinte  se 
fonce,  mais  il  garde  toujours  sa  transparence.  Examiné  avec  soin  à 
la  lumière  directe  du  soleil,  il  offre  une  teinte  légèrement  verdâtre, 
comme  les  autres  térébenthines,  et  comme  le  baume  de  Copahu.  Cette 
fluorescence  paraît  croître  quand  on  l’expose  à une  température  d’en- 
viron 200°  C.  Il  possède  une  odeur  aromatique,  agréable,  et  une  saveur 
un  peu  amère  et  légèrement  âcre,  qui,  cependant,  n’est  pas  désagréa- 
ble. On  le  nomme  parfois,  à cause  de  son  odeur,  Baume  de  Gilead,  déno- 
mination erronée,  car  ce  dernier  provient  d’un  arbre  appartenant  au 
genre  Balsa?nodendron,  qui  croît  en  Arabie.  Un  baume  du  Canada  com- 
mercial, de  bonne  qualité,  nous  a offert  comme  poids  spécifique  0,998 
a 14°, 5 G.,  celui  de  l’eau  à la  même  température  étant  1,000  ; 4 parties 


(1)  Asa  Gray,  Botany  of  the  Northern  United  States , New-York,  1866,  422. 

(2)  Prückiger,  Documente  zur  Geschichtc  der  P/iarm.,  1876,  92. 


396 


CONIFÈRES. 

tic  co  baume,  mélangées  avec  1 partie  de  benzine,  et  observées  en  co- 
lonne de  50  millimètres  de  long,  dévient  la  lumière  polarisée  de  2 de- 
grés à droite.  Le  Baume  du  Canada  est  parfaitement  soluble  en  toutes 
proportions  dans  le  chloroforme,  la  benzine,  l’éther  et  l’alcool  amylique 
chauds.  Ces  solutions  rougissent  le  tournesol.  11  se  mélange  facilement 
avec  le  sulfure  de  carbone,  mais  le  mélange  est  un  peu  trouble.  L’acide 
acétique  cristallisable,  l’acétone  et  l'alcool  absolu  le  dissolvent  en  par- 
tie, en  abandonnant,  après  ébullition  et  refroidissement,  un  abondant 
résidu  amorphe.  La  colophane  et  la  térébenthine  de  Venise  sont,  au 
contraire,  complètement  dissoutes  par  ces  liquides,  ainsi  que  par  l’al- 
cool contenant  70  à 75  pour  100  d’alcool  absolu. 

Composition  chimique.  — Comme  toutes  les  exsudations  analo- 
gues des  Conifères,  le  Baume  du  Canada  est  un  mélange  de  résines  avec 
une  huile  essentielle.  Lorsqu’on  fait  évaporer  celte  dernière,  les  résines 
restent  sous  forme  d’une  masse  transparente,  un  peu  molle  et  élastique. 
La  proportion  des  deux  sortes  de  substances  varie,  dans  de  certaines 
limites,  avec  les  échantillons.  L’échantillon  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut,  abandonna,  après  exposition  pendant  plusieurs  jours  dans  une 
étuve,  jusqu’à  20  pour  100  d’huile  volatile,  et  même  24  pour  100  lors- 
que l’expérience  était  faite  avec  une  petite  quantité,  20  grammes  ou 
moins,  de  baume  étalé  en  couche  mince.  Par  distillation  avec  l’eau, 
il  n’est  pas  facile  d’obtenir  plus  de  17  pour  100  d’huile  essentielle. 
Dans  ce  cas  la  résine  est  molle,  élastique,  non  transparente  ; elle  re- 
tient une  grande  quantité  d’eau  qu’on  ne  peut  lui  enlever  qu’en  la 
maintenant  pendant  quelque  temps  à une  température  de  100°  à 
176°  C. 

L’huile  essentielle,  obtenue  par  distillation  avec  l’eau,  est  incolore  et 
possède  l’odeur  de  l’essence  commune  de  térébenthine  plutôt  que  le  par- 
fum agréable  du  baume.  Elle  est  formée  d’une  essence  C10H16,  mélangée 
avec  une  proportion  insignifiante  d’une  huile  essentielle  oxygénée, 
dont  la  présence  peut  être  démontrée  par  le  léger  dégagement  d’hydro- 
gène qui  se  produit  lorsqu’on  ajoute  du  sodium  métallique,  après  avoir 
débarrassé  l’essence  de  son  eau  à l’aide  du  chlorure  de  calcium  fondu. 
Après  ce  traitement,  une  petite  quantité  commence  à distiller  vers 
160°  C.,  mais  la  plus  grande  partie  passe  à 167°  C.,  et  une  petite  pro- 
portion seulement  distille  à 170°  C.  et  au-dessus  L essence  obtenue  à 
167°,  examinée  dans  les  conditions  déjà  mentionnées,  nous  offrit  un 
poids  spécifique  de  0,863  et  dévia  la  lumière  polarisée  de  5°, 6 à gauche. 
La  partie  qui  distille  à 160°  présente  le  même  caractère;  mais  celle  qui 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  397 

distille  au-dessus  de  170°  dévie  la  lumière  de  7°, 2 à gauche.  L’essence 
dissout  facilement  une  grande  quantité  d’acide  acétique;  un  poids  égal 
des  deux  corps  se  mélange  facilement  à 54°  C.,  mais  un  peu  d acide 
acétique  se  sépare  pendant  le  refroidissement. 

L’huile  essentielle  du  Baume  du  Canada,  saturée  d’acide  chlorhy- 
drique sec,  ne  donne  pas  de  composé  solide  cristallisable  ; mais  on 
l’obtient  facilement  en  ajoutant  de  l’acide  nitrique  fumant  et  chauf- 
fant doucement;  les  parois  internes  de  la  cornue  se  couvrent  bientôt 
de  cristaux  sublimés,  ayant  la  composition  C10H1B+HC1. 

Cette  essence  offre  ainsi,  dans  ses  caractères  généraux,  une  étroite 
ressemblance  avec  l’huile  essentielle  des  cônes  du  Pinus  Picea  L.  et  des 
feuilles  du  Pinus  Pumilio  Hanke,  ainsi  qu’avec  celle  de  la  plupart  des 
variétés  françaises  de  térébenthine,  plutôt  qu’avec  les  essences  de 
térébenthine  américaines,  qui  dévient  la  lumière  polarisée  à droite,  et  se 
combinent  immédiatement  avec  l’acide  chlorhydrique  pour  former  un 
composé  cristallin.  Mais,  par  contre,  la  résine  du  Baume  du  Canada 
est  dextrogyre.  Deux  parties  de  résine  privée  de  son  huile  essentielle, 
dissoutes  dans  une  partie  de  benzine,  dévient  le  rayon  de  lumière  pola- 
risée de  8°, 5 vers  la  droite.  Les  propriétés  optiques  des  deux  prin- 
cipes constituants  du  Baume,  résine  et  essence,  sont  clone  complètement 
opposées. 

La  résine  du  Baume  du  Canada  est  formée  de  deux  corps  différents. 
78,7  pour  -100  de  cette  résine  sont  solubles  dans  l’alcool  absolu  bouil- 
lant, tandis  que  21 ,3  pour  100  (dans  notre  échantillon)  restaient  sous 
forme  d’une  masse  amorphe,  facilement  soluble  dans  l’éther.  Ni  la 
solution  alcoolique,  ni  la  solution  éthérée,  ne  donnent  de  résidu  cristal- 
lin quand  on  les  fait  évaporer.  Elles  rougissent  le  tournesol,  mais 
nous  n’avons  pu  réussir  à obtenir  aucun  acide  résineux  cristallisé,  tel 
que  l’acide  abiétique,  dont  les  cristaux  se  forment  si  facilement  quand 
on  fait  digérer  la  térébenthine  ordinaire  ou  la  colophane  dans  l’al- 
cool étendu.  L’acide  acétique  cristallisable  agit  sur  la  résine  comme 
1 alcool  absolu.  Les  alcalis  caustiques  ne  dissolvent  ni  le  Baume  ni  la 
résine;  le  premier  s’épaissit  considérablement  quand  on  lui  ajoute  un 
cinquième  de  son  poids  de  magnésie  récemment  calcinée.  Lorsqu’on 
conserve  ce  mélange  humecté  d’alcool  absolu  à 93°  C.  pendant  quelques 
jours,  eu  l’agitant  fréquemment,  il  se  forme  une  masse  dure,  finale- 
ment translucide.  L’ammoniaque  caustique,  chauffée  dans  un  tube 
fermé  avec  du  Baume  du  Canada,  forme  avec  lui  une  gelée  laiteuse, 
épaisse,  et  ne  s’en  sépare  pas  ultérieurement. 


39S  CONIFÈRES. 

O après  nos  recherches,  100  parties  de  Baume  du  Canada  contiennent: 


Iluilo  essentielle,  C10ll16,  avec  une  très-petite  proportion  d’huile  oxygénée.  24 


Résine  soluble  dans  l’alcool  bouillant C.O 

Résine  soluble  seulement  dans  l’éther IG 


100 

Les  résultats  obtenus  par  Wirzcn  (1)  dans  l’analyse  du  Baume  du 
Canada  ne  concordent  pas  tout  à fait  avec  les  nôtres.  Il  a trouvé 
16  pour  100  d’huile  essentielle,  et  trois  résines  amorphes  différentes, 
dont  l’une  a la  composition  de  l 'acide  Abiétique. 

l’roduction  et  Commerce.  — On  obtient  le  Baume  du  Canada  soit  en 
ponctionnant  les  vésicules  qui  se  forment  sous  l’écorce  du  tronc  et  des 
branches,  et  recueillant  dans  une  bouteille  le  liquide  qui  s’en  écoule, 
soit  en  pratiquant  des  incisions  sur  l’arbre.  On  le  récolte  surtout  dans  le 
bas  Canada,  et  on  l’expédie  de  Montréal  et  de  Québec  dans  des  caques  ou 
larges  barils.  Dans  les  environs  de  Québec,  on  en  récolte  annuellement 
2 000  gallons  environ  ; mais,  en  1868,  par  suite  des  besoins  des  fermiers, 
la  récolte  fut  inusitée,  et  on  estime  que  près  de  7000  gallons  furent 
exportés  en  Angleterre  et  aux  Etats-Unis  (2).  Dans  ces  derniers  temps, 
(1872-1873),  le  Baume  du  Canada  étant  devenu  rare,  on  lui  a substitué, 
sur  le  marché  américain,  une  sorte  de  baume  provenant  de  l'Orégon  (3). 

Usages — Les  propriétés  médicinales  du  Baume  du  Canada  ressem- 
blent à celles  du  copahu  et  des  autres  oléo-résines  térébenthineuses  ; 
mais  il  est  aujourd’hui  rarement  employé  comme  médicament.  Il  est 
très-estimé  pour  la  conservation  des  objets  microscopiques,  parce  qu'il 
conserve  indéfiniment  sa  transparence,  et  ne  cristallise  pas.  On  l'em- 
ploie aussi  dans  la  fabrication  des  vernis. 

(a)  Le  IHnus  balsamea  L.  ( Species , 1421;  Abies  balsamea Miller;  Abies  balsami- 
fera  Michaux  ; Picea  balsamea  Lond.)  est  un  arbre  de  10  à 15  mètres  de  haut,  à 
cyme  pyramidale,  à rameaux  subverticillés,  horizontaux  ou  étalés,  à minuscules  sub- 
distiques. Les  feuilles  sont  longues  de  15  à 22  millimètres,  solitaires,  rigides,  cour- 
tes, ne  dépassant  pas  25  millimètres  de  long,  droites  ou  un  peu  courbées,  à base  large, 
orbiculaire,  parcourues  sur  leur  face  supérieure  par  un  sillon  longitudinal,  tordues 
au-dessus  de  la  base,  linéaires,  planes,  obtuses,  carénées  dans  le  dos  et  munies  de  cha- 
que côté  de  la  carène  d’une  bandelette  blanche.  Les  chatons  mâles  sont  axillaires, 
ovales-oblongs,  obtus,  pendants,  plus  courts  que  la  feuille  axillante.  Les  chatons 

(1)  De  Balsamis  et  præsertivi  de  Balsamo  Canadensc,  Helsingforsiæ,  1849,  analysé 
dans  le  Jahresbericht  de  Wiggers  et  Husemann,  1849,  38. 

(2)  D’après  des  renseignements  qui  nous  ont  été  obligeamment  communiqués  par 
M.  N.  Mercer,  de  Montréal,  et  M.  IL  Sugden  Evans,  de  Londres. 

(3)  Proceed.  of  tlie  Amer.  Pharm.  Assoc.,  Philadelphia,  1873, 119;  1874,  433. 


399 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

femelles  arrivent  à maturité  pendant  la  première  année.  Ils  sont  solitaires,  dressés, 
subscssiles.  Les  écailles  florifères  sont  suborbiculaires,  fimbriées-denticulées,  munies 
au  sommet  d’une  longue  pointe  droite.  Les  bractées  sont  plus  courtes  que  les  écailles, 
un  peu  épaisses,  suborbiculaires,  denticulées  et  ciliées  sur  les  bords.  Le  cône  mûr 
est  oblong-cvlindrique,  obtus  ; ses  écailles  sont  onguiculées,  dilatées,  à bord  supé- 
rieur arrondi.  [Trad.] 


TÉRÉBENTHINE  D’ALSACE. 

Terebenthina  Argentoratensis  ; Térébenthine  d'Alsace  ou  de  Strasbourg,  Térébenthine  du  Sapin  ; 
angl.,  Strassburg  Turpentine;  allcm.,  Strassburger  Terpenthin. 


Origine  botanique.  — Pinus  Picea  L.  (Abies  pectinatci  DC.).  Le  Sapin 
( Silver  Fir  des  Anglais,  Weisslanne  ou  Edeltanne  des  Allemands)  est  un 
bel  arbre  des  parties  montagneuses  du  centre  et  du  sud  de  l’Europe, 
depuis  les  Pyrénées  jusqu’au  Caucase,  et  sous  une  forme  un  peu  diffé- 
rente (var.  fi  eephalonicci ) dans  la  Grèce  continentale  et  les  îles  d’Eubée 
et  de  Géphalonie  («). 

Historique.  — Belon,  dans  son  traité  De  arboribus  coniferis  (1553),  a 
décrit  cette  térébenthine.  Elle  a été  soigneusement  indiquée  par  Samuel 
Dale  (1),  savant  apothicaire  de  Londres,  et  'aussi  par  Sloane  et  Ray. 
Elle  eut  sa  place  dans  la  Pharmacopée  de  Londres  jusqu’en  1788. 

Extraction.  — La  résine  du  Pinus  Picea , comme  celle  du  Pinus  bal- 
samea,  est  contenue  dans  de  petits  réservoirs  de  l’écorce  des  jeunes  tiges. 
On  l’extrait  en  ponctionnant  ces  cavités,  et  recueillant  dans  un  vase 
approprié  les  deux  ou  trois  gouttes  qui  s’en  écoulent.  On  la  recueille 
encore  (1873)  près  de  Barr,  dans  les  Vosges,  en  très-petite  quantité  (2). 

Description. — Un  échantillon  authentique,  recueilli  pour  l’un  de  nous 
par  un  surveillant  des  forêts  dans  le  Jura  bernois,  ressemble  beau- 
coup au  Baume  du  Canada,  mais  il  ne  manifeste  aucune  fluores- 
cence. Il  est  jaune  clair;  son  odeur  est  plus  agréable  (3)  que  celle  du 
Baume  du  Canada,  et  il  n’en  a pas  la  saveur  âcre  et  un  peu  amère. 
Notre  échantillon  possède  le  poids  spécifique  de  l’eau  distillée.  Il  dévie 
la  lumière  polarisée  de  3°  à gauche,  soit  à l’état  de  pureté,  soit  mélangé 
avec  quatre  fois  son  poids  de  benzine.  Il  est  soluble  dans  les  mêmes 

(1)  Pharmacologia,  Lond.,  1693,  395. 

(2)  J’ai  vu  récemment,  (sept.  1877),  dans  les  environs  de  Schwarzburg,  en  Tlmringe, 
des  troncs  de  Pinus  Picea  desquels  on  extrait  de  la  térébenthine  à l’aide  de  plaies  lon- 
gues de  10  à 50  centimètres  et  larges  de  4 à 5 centimètres,  traversant  l’écorce  et  les 
couches  jeunes  de  bois.  Les  lèvres  de  ces  plaies  étaient  couvertes  do  résine.  Les  pieds 
de  Pinus  Aines  étaient  traités  de  la  même  façon'.  [TiiAb.] 

(3)  A cause  de  son  odeur,  on  la  nomme  parfois,  eu  France,  Térébenthine  au  citron. 


■400 


CONIFÈRES. 

liquides  que  le  Baume  du  Canada,  mais  il  se  mélange  avec  l’acide  acé- 
tique cristallisable,  l’alcool  absolu  et  l’acétone,  sans  laisser  de  résidu 
floconneux  notable.  Il  est  même  soluble  dans  l’alcool  sans  trouble 
manifeste.  Ses  solutions  possèdent  une  réaction  acide. 

Composition  chimique.  - Une  petite  quantité  de  celte  substance, 
complètement  desséchée,  laissa  7:2, 4 pour  400  d’une  résine  cassante, 
tiansparente,  soluble  dans  1 acide  acétique  cristallisable,  mais  incomplè- 
tement soluble  dans  1 alcool  absolu  et  dans  l’acétone.  En  soumettant 
I demi-li\  ie  de  cette  térébenthine  à la  distillation  avec  de  l’eau,  nous 
obtînmes  24  pour  400  d huile  essentielle  ; la  résine  qui  resta  était,  à 
froid,  paifaitement  friable.  L essence  récente,  purifiée  par  le  sodium, 
dévie  la  lumière  polarisée  à gauche,  tandis  que  la  résine,  dissoute  dans 
la  moitié  de  son  poids  de  benzine,  manifeste  un  faible  pouvoir  rotatoire 
a dioite.  L essence  bout  à 463°  G.  Après  l’avoir  conservée  pendant 
deux  ans  et  demi  dans  un  flacon  bien  bouché,  nous  la  trouvâmes  consi- 
dérablement épaissie,  et  déviant  la  lumière  à droite.  Saturée  d’acide 
chlorhydrique  sec,  l’essence  ne  donne  pas  de  composé  solide.  Elle  pos- 
sède à peu  près  la  même  odeur  que  l’oléo-résine  naturelle,  mais  l'huile 
essentielle  fournie  par  les  cônes  du  même  arbre  est  encore  beaucoup 
plus  odorante.  Cette  dernière  constitue  l’une  des  essences  possédant  le 
pouvoir  rotatoire  le  plus  considérable;  elle  dévie  en  effet  la  lumière 
polarisée  de  51  degrés  à gauche,  et  diffère  par  suite  beaucoup  de  l’es- 
sence retirée  de  la  térébenthine  produite  par  la  tige,  quoique  sa  com- 
position soit  représentée  par  la  même  formule,  C10H16. 

Ilochleder  (1868)  a découvert  dans  les  feuilles  du  Sapin  un  sucre 
particulier  nommé  abiétile , très-yoisin  de  la  mannite,  mais  ayant  la 
composition  C,2Hl6Os  (4). 

Usages.  — La  térébenthine  de  Strasbourg  possède  les  propriétés  de 
la  térébenthine  commune,  mais  offre  sur  elle  l’avantage  de  son  parfum 
très-agréable..  On  la  tenait  autrefois  en  grande  estime,  mais  aujour- 
d hui  elle  est  à peu  près  complètement  tombée  dans  l’oubli. 


POIX  DE  BOURGOGNE. 

L'tx  Burgundica,  Pix  Abietina  ; Poix  de  Bourgogne  ou  des  Vosges,  Poix  jaune  ; 
angl.,  Burgundy  Pitch;  allom.,  Fichtenharz,  Tannenharz. 

Origine  botanique.  — Le  Piniis  abies  L.  {Abies  excclsa  DG.),  vulg. 
Pesse  ou  Epicéa  (. Norway  Spruce  Fir  des  Anglais,  Fie  h te  ou  Rothtanne  des 

(1)  WiGGEns  et  I lus  em  an  N,  Jahresbericht,  18GS,  53. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  m 

Allemands)  est  un  bel  arbre  qui  atteint  un-e  hauteur  de  30  à 30  mètres.  Il 
est  abondamment  répandu  dans  le  nord  et  dans  les  parties  monta- 
gneuses du  centre  de  l’Europe,  mais  il  n’est  pas  indigène  de  la  Grande- 
Bretagne,  quoiqu’il  y existe  en  grande  quantité.  Dans  la  Laponie  russe, 
il  s’élève  jusqu’au  68°  degré  de  latitude  nord,  presque  jusqu’à  la  li- 
mite de  la  végétation  des  arbres,  tandis  que  vers  le  sud  de  l’Europe 
il  s’étend  jusqu’aux  Pyrénées  espagnoles.  Dans  les  Alpes,  il  s’élève  jus- 
qu’à I 800  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  (a). 

Historique.  — Suivant  la  définition  donnée  parla  Pharmacopée  de 
Londres,  et  d’après  l’exemple  des  droguistes  de  Londres,  nous  restrei- 
gnons le  nom  de  Poix  de  Bourgogne  au  produit  de  l’espèce  botanique 
mentionnée  plus  haut.  Les  pharmacologistes  français  accordent  à ce 
terme  un  sens  analogue,  mais,  sur  d’autres  points  du  continent,  le  nom 
de  Pix  Burgundica  possède  une  signification  plus  étendue  et  s’applique 
aux  térébenthines  d’autres  Conifères.  Il  est  ici  employé  dans  le  même 
sens  qu’en  Angleterre  et  en  France. 

Parkinson,  apothicaire  de  Londres  et  herboriste  du  roi  Charles  Ier,  parle 
du  Burgondy  Pitch  comme  d’une  drogue  bien  connue  de  son  temps (1). 
Dale,  dans  sa  Pharmacologia , mentionne  la  Pix  Burgundica  comme  im- 
portée d’Allemagne  en  Angleterre.  Elle  est  aussi  signalée  par  Salrnon, 
en  1693,  qui  dit:  « elle  nous  est  apportée  de  Bourgogne,  d’Allemagne, 
et  d’autres  lieux  voisins  de  Strasbourg  (2).  » Pomet,  qui  écrivait  à Paris 
acis  la  même  époque,  regarde  le  nom  de  Poix  de  Bourgogne  comme  er- 
roné, et  dit  que  la  meilleure  Poix  grasse  vient  de  Hollande  et  de  Stras- 
bouig  (3).  Il  nous  est  impossible  de  savoir  si  cette  résine  a jamais  été 
recueillie  en  Bourgogne.  Ce  nom  peut  lui  avoir  été  donné  parce  qu’elle 
était  apportée  dans  le  commerce,  de  Suisse  ou  d’Alsace,  par  la  voie  de  la 
Tranche-Comté,  appelée  aussi  Comté  de  Bourgogne  ou  Haute-Bour- 
gogne (4).  La  Poix  de  Bourgogne  est  énumérée  dans  la  matière  médicale 
de  la  Pharmacopée  de  Londres  de  1677,  et  dans  les  éditions  suivantes. 
Dans  celle  de  1809,  elle  est  inscrite  sous  le  nom  de  Pix  arida  comme 
résine  extraite  du  Pinus  Abies. 

Production.  — La  Poix  de  Bourgogne  est  produite  par  la  Finlande, 


(1)  Thcaterof'  Plants , 1040,  1542. 

(2)  Comptent  English  Physician,  1093,  1031. 

(3)  Mst.  des  Drogues,  Paris,  1094,  P.  1,  287. 

(4)  Ci.AuuÆL-s,  dans  sa  Stirpium  Sciagr.aphia  (1000),  dit  qu’il  a vu  le  Pesse  (Pinus 
y nés  L j en  grande  abondance  «in  Burgundicis  montibus  »,  mais  il  no  fait  aucune 
allusion  a la  production  d’une  résine  par  cet  arbre. 

IIIST.  DES  DnOOl'ES,  T.  II. 


20 


402 


CONIFÈRES. 

la  Forêt-Noire,  le  grand-duché  de  Bade,  l’Autriche  et  la  Suisse.  Dans 
les  domaines  du  baron  Linder,  à Svarta,  près  d'Helsingford,  on  l’obtient 
en  fondant  la  résine  brute  au  contact  de  la  vapeur  d’eau,  et  pressant. 
La  quantité  qui  y est  annuellement  produite  était  estimée,  en  1867,  à 
35  000  kilogrammes  (1);  celle  fournie  par  un  établissement  situé  à Ibn, 
dans  le  même  pays,  s’élève  à 80000  kilogrammes  (2).  Dans  les  environs 
d’Oppenau,  et  sur  la  montagne  dcKniebis,  dans  le  grand-duché  de  Bade, 
on  fait  sur  les  tiges  des  Picea  des  plaies  également  distantes  les  unes 
des  autres,  en  forme  de  gouttières  larges  de  2 à 4 centimètres,  et  égale- 
ment profondes.  La  résine  qui  en  exsude  est  recueillie  à l’aide  dun 
instrument  en  fer  disposé  pour  cet  usage  ; on  la  purifie  en  la  faisant 
fondre  dans  l’eau  chaude,  et  on  la  presse.  Cela  se  fait  dans  trois  ou 
quatre  petits  établissements,  à Oppenau,  et  dans  un  village  voisin,  celui 
de  Lôcherberg.  Dans  cet  état,  la  résine  est  opaque  et  contient  beaucoup 
d’humidité;  on  lui  donne  le  nom  de  Wasserharz.  En  la  pressant  davan- 
tage, et  évaporant  une  partie  de  son  eau,  on  améliore  sa  qualité.  Dans 
cette  partie  de  l’Allemagne,  la  fabrication  de  la  Poix  de  Bourgogne 
diminue,  en  partie  parce  que  les  arbres  sont  fatigués  par  les  plaies 
qu’on  pratique  sur  leurs  troncs,  et  en  partie  parce  que  la  récolte  de  la 
résine  n’est  pas  permise  dans  les  grandes  forêts  qui  appartiennent  aux 
gouvernements  de  Bade  et  de  Wurtemberg.  Nous  avons  eu  1 occa- 
sion (3)  d’observer  que,  dans  les  établissements  dont  nous  venons  de 
parler,  la  térébenthine  importée  de  Bordeaux  ou  galipot,  et  la  résine 
d’Amérique  ou  colophane,  sont  employées  en  quantités  certainement 
plus  considérables  que  la  résine  recueillie  dans  la  localité  même. 

Au  milieu  du  dernier  siècle,  on  produisait  dans  le  canton  suisse  de 
Neuchâtel,  d’après  Duhamel  (4),  une  certaine  quantité  de  Poix  de  Bour- 
gogne; mais,  actuellement,  on  n’y  exerce  plus  cette  industrie,  du 
moins  sur  une  grande  échelle.  Dans  les  districts  de  Moutier  et  de  Delé- 
mont,  dans  le  Jura  bernois,  on  recueille  encore  cette  résine,  mais  elle 
n’y  est  pas  connue  sous  le  nom  de  Poix  de  Bourgogne  ; on  la  nomme 
Poix  blanche.  L’inspecteur  des  forêts  de  ce  district,  1 un  des  plus  îiehes 
en  Pinus  Abies,  a informé  l’un  de  nous  qu’on  y recueille  chaque  année 
de  790  à 830  quintaux  de  résine,  qu’on  exporte  à Bâle,  a Zurich,  à Aa- 
rau  et  dans  le  pays  de  Vaud.  La  poix  se  vend  sur  place  (1868)  de  100  à 

(1)  Pharm.  Journ.,  1867,  IX,  164. 

(2)  Oesterreichischer  Ausstellungs-Beric/it,  Wien,  1808,  X,  471. 

(3)  Je  suis  reslé  plusieurs  jours  dans  ces  localités  en  1873.  [b . • ' -J 

(4)  Traité  (les  Arbres,  etc.,  1705,  I,  12. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  403 

1 10  francs  la  bosse  de  G quintaux.  Les  quantités  recueillies  dans  d’autres 
parties  de  la  Suisse  sont  encore  moins  considérables. 

Description.  — La  Poix  de  Bourgogne  pure,  dont  nous  possédons  de 
nombreux  échantillons  authentiques,  est  une  substance  un  peu  opaque, 
d’un  brun  jaunâtre,  dure  et  cassante  lorsqu’elle  est  froide,  mais  pre- 
nant peu  à peu  la  forme  du  vase  dans  lequel  on  la  conserve.  Elle  est 
très-adhésive,  se  casse  avec  une  cassure  nette,  conchoïdale,  et  possède 
une  odeur  aromatique  agréable,  surtout  lorsqu’on  la  chauffe.  Elle 
n’offre  pas  déstructuré  cristalline,  quoique  la  résine  qui  se  concrète  sur 
la  tige  de  l’arbre  soit,  ainsi  que  nous  l’avons  souvent  constaté,  nette- 
ment cristalline.  La  Poix  de  Bourgogne  est  facilement  soluble  dans 
l’acide  acétique  cristallisable,  l’acétone,  l’alcool  absolu,  et  même  l’al- 
cool à 73  pour  100'(p.  spéc.  0,860);  mais  sa  solubilité  dans  ces  liquides 
est  considérablement  diminuée  par  la  présence  de  l’eau  ou  de  l’huile 
essentielle,  et  davantage  encore  par  la  formation  d’acide  abiétique  dans 
la  lésiné  elle-même.  Les  memes  influences  s’exercent  aussi  sur  son 
point  d’ébullition. 

Une  résine  brute  de  Pinus  Abies  (1),  privée  d’huile  essentielle  et  dis- 
soute dans  1 partie  d alcool  absolu,  dévia  la  lumière  polarisée  de  3°  à 
gauche,  en  colonne  de  30  millimètres.  L’huile  essentielle  la  dévia 
de  8°, 3,  dans  la  même  direction.  L’essence  contient  une  faible  propor- 
tion d’une  huile  essentielle  oxygénée.  Après  traitement  par  le  sodium, 
l’essence  qui  reste  ne  forme  pas  de  composé  solide,  quand  on  la  sature 
d’acide  chlorhydrique. 

Composition  chimique.  — Les  recherches  de  Maly  mentionnées  plus 
haut,  à la  page  383,  ont  élucidé  d’une  façon  satisfaisante  les  propriétés 
chimiques  des  exsudations  résineuses  des  Pins.  Elles  sont  toutes,  d’après 
ce  chimiste,  des  mélanges  d’une  même  résine  amorphe,  GWHG2CP,  avec 
des  huiles  essentielles  de  la  formule  C10H16.  Ces  sucs  térébenthiireux  sont 
recueillis  et  vendus,  soit  dans  leur  état  naturel,  comme  térébenthines , soit 
après  avoir  été  privés  plus  ou  moins  complètement  de  leur  huile  volatile  ; 
dans  cet  état,  ils  sont  représentés  par  la  Poix  de  Bourgogne,  et  finalement 
pai  la  résine  ou  colophane.  Les  térébenthines  qui  s’écoulent  des  tiges  des 
arbres  perdent  graduellement  leur  transparence  si  on  les  laisse  sécher 
lentement  à 1 air,  et  deviennent  en  même  temps  plus  dures  et  un  peu  gra- 
nuleuses. Cette  altération  est  due  à une  absorption  d’eau,  qui  ne  se  mé- 
lange pas  seulement  aux  principes  constituants  du  suc  résineux,  mais 


(1)  Recueillie  par  moi-même.  [F.  A.  F.] 


i 0 4 


CONIFERES. 


sc  combine  chimiquement,  en  certaine  quantité,  avec  la  résine  qu  elle 
transforme  en  un  corps  cristallin  ayant  les  propriétés  d’un  acide.  On 
observe  facilement  ce. fait,  quand  on  recueille  des  gouttes  pures  de  la 
térébenthine  du  P inus  silvestris  ou  du  P inus  Picea,  dans  les  canaux  de 
l’arbre,  et  qu’on  les  conserve  dans  un  milieu  parfaitement  sec.  Dans  ces 
conditions,  ces  térébenthines  restent  transparentes,  mais  si  l’on  ajoute 
de  l’eau,  il  se  forme,  au  bout  de  peu  de  temps,  des  cristaux  d’acide 
abiotique  qui  les  rendent  plus  ou  moins  opaques. 

Lorsqu’on  recueille  les  térébenthines  avant  qu’elles  aient  perdu  leur 
huile  essentielle  par  évaporation  ou  oxydation,  et  avant  qu’elles  soient 
devenues  cristallines,  on  peut  les  conserver  dans  un  état  de  transpa- 
rence complète  en  distillant  l’huile  volatile  sans  l’intermédiaire  de 
l’eau.  Mais  d'ordinaire,  on  effectue  la  distillation  avec  de  l’eau,  et  la 
résine  est  alors  opaque. 

Maly  pense  que  la  même  résine  amorphe  existe  dans  toutes  les  Coni- 
fères, et  qu’elle  donne  par  hydration  le  même  acide,  qui  est  Y acide 
Abiétique , décrit  par  les  anciens  chimistes  sous  les  noms  d’acide  Pim- 
qnc,  acide  Sylvique  et  acide  Pimarique ; on  admet,  du  reste,  que  tous 
ces  acides  ont  la  même  composition  chimique.  Nous  devons  cependant 
rappeler  que  plusieurs  sortes  de  térébenthines,  notamment  le  baume 
du  Canada,  paraissent  incapables,  d’après  nos  expériences,  de  fournir 
aucun  composé  résinoïde  cristallin,  et  que  leur  résine  amorphe  n’étant 
qu’en  partie  soluble,  n’est  certainement  pas  une  substance  homogène. 

Les  cristaux  qui  se  forment  naturellement  dans  les  térébenthines 
communes  n’offrent  pas  exactement  les  mêmes  formes  que  ceux  qu’on 
obtient  artificiellement,  lorsqu’on  agite  la  résine  avec  de  l’alcool  absolu 
chaud,  comme  dans  la  préparation  de  1 acide  abiétique.  Quant  a 1 acide 
Pimarique , nous  l’avons  préparé  en  grande  quantité  avec  le  galipot, 
résine  du  Pinus  P inaster,  et  nous  avons  toujours  trouve  sa  forme  ciis- 
talline  différente  de  celle  de  l’acide  abiétique  (1).  Nous  inclinons  en 
conséquence  à penser  que  la  composition  des  résines  des  Conifères 
n’est  pas  aussi  uniforme  que  le  pense  Maly.  La  remarquable  diversité 
qui  existe  dans  leurs  huiles  essentielles  nous  paraît  venir  à l’appui  de 
notre  opinion. 

Usages.  — On  prescrit  la  Poix  de  Bourgogne  comme  ingrédient  des 
emplâtres,  et  on  l’emploie  sous  cette  forme  comme  stimulant.  En  Alle- 
' niagne,  elle  trouve  certaines  applications  économiques  ; elle  sert  notam- 

(1)  Jakresbencht  de  Wiggers  et  Husemann,  1867,  37. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  4CÎ> 

ment  à enduire  Jcs  barils  à bière.  On  emploie  pour  cela  une  composition 
nommée  Brauerpech  (poix  de  brasseur),  constituée  par  un  mélange  do 
Poix  de  Bourgogne  et  de  colophane  ou  galipot. 

Falsification.  — Il  n’est  guère  de  drogue  qui  soit  plus  sujette  à être 
falsifiée  que  la  Poix  de  Bourgogne.  C’est  au  point  que  certains  pharma- 
cologistes  appliquent  ce  nom  à un  composé  artificiellement  préparé. 
La  substance  qu’on  vend  communément  en  Angleterre  comme  Poix  de 
Bourgogne,  est  un  mélange  de  colophane  et  d’huile  de  palme,  ou  de 
quelque  autre  corps  gras  qu’on  agite  avec  de  l’eau  pour  le  rendre  opa- 
que. Son  aspect  est  très-variable,  chaque  échantillon  présentant  une 
coloration  différente,  jaune  clair,  jaune  foncé,  on  brun  jaunâtre.  Un 
grand  nombre  offrent,  lorsqu’on  les  casse,  des  cavités  remplies  d’air  ou 
d’eau;  tous  sont  plus  ou  moins  opaques,  et  deviennent,  à la  longue, 
transparents  par  suite  de  la  perte  de  leur  eau.  La  Poix  de  Bourgogne 
artificielle  est  mise  en  vente  dans  des  vessies.  Elle  possède  une  odeur 
térébenthineuse  faible,  et  n’a  pas  le  parfum  particulier  de  la  substance 
naturelle.  On  y découvre  facilement  la  présence  d’une  huile  grasse 
en  la  traitant  par  le  double  de  son  poids  d’acide  acétique  cristallisable  ; 
il  se  forme  un  mélange  trouble  qui  se  sépare  par  le  repos  on  deux 
couches,  dont  la  supérieure  est  huileuse. 

(a)  Le  Pinus  Abies  Du  Roi  ( Obsero . bot.,  39;  Âbies  excelsa  DC.)  est  un  arbre 
magnifique,  haut  de  30  à 4b  mètres,  à écorce  cendrée,  à cvme  pyramidale  ; à 
rameaux  horizontaux,  les  supérieurs  plus  ou  moins  étalés  ; à minuscules  subop- 
posés et  presque  distiques,  pubérulents  à l’état  jeune.  Les  feuilles  sont  solitaires, 
serrées,  tordues  à la  hase,  étalées,  rigides,  courtes,  droites  ou  un  peu  recourbées 
en  faux,  linéaires,  planes,  obtuses  ou  terminées  par  un  mucron  obtus,  parcou- 
rues sur  la  face  supérieure  par  un  sillon  lisse  longitudinal,  carénées  dans  le  dos, 
et  munies  de  chaque  côté  de  la  carène  d’une  bandelette  d’un  blanc  argenté.  Les 
chatons  males  sont  réunis  en  grand  nombre,  cylindriques-oblongs,  obtus,  à peu 
près  sessiles  et  un  peu  pendants,  plus  courts  que  les  feuilles.  Les  chatons  fe- 
melles sont  disposés  au  sommet  des  rameaux  supérieurs  de  l’arbre  ; ils  sont  solitaires, 
dressés,  cylindriques-oblongs,  obtus.  Leurs  bractées  sont  suborbiculaires,  fim- 
briées-ciliées,  prolongées  au  sommet  en  une  longue  pointe  étalée,  un  peu  réfléchie; 
leurs  écaillés  sont  un  peu  épaisses,  orbiculaires-subcordées,  à peu  près  entières  et 
plus  courtes  que  les  bractées.  Les  cônes  sont  dressés,  cylindriques,  obtus  et  presque 
tronqués,  longs  de  14  à 20  centimètres,  et  larges  de  4 à b centimètres.  Leurs 
écailles  sont  cunéiformes,  dilatées  et  arrondies  au  sommet,  pubérulentes-tomen- 
teuses  dans  le  dos  près  du  bord  supérieur,  caduques  ; les  bractées  sont  plus  longues 
que  les  écailles,  spatulées-linéaires,  denticulées,  terminées  par  une  longue  pointe 
subulée  réfléchie.  Les  fruits  sont  jaunâtres,  beaucoup  plus  courts  que  l'aile  qui 
les  entour.-',  qui  est  large  et  à peu  près  cunéiforme.  L’embryon  offre  ordinairement 
cinq,  parfois  de  quatre  à sept  cotylédons  verticillés,  étalés,. linéaires,  bidentés  au 
sommet.  [Tiud.] 


40G  CONIFÈRES. 

(fc)  La  structure  anatomique  du  Pinus  Abies  est  très-analogue  à celle  du  Pinus 
silveslris  que  nous  avons  décrite  p.  338,  note  6,  et  la  résine  est  contenue  dans  des  ca- 
naux sécréteurs  organisés  d’une  façon  analogue,  mais  n’ayant  pas  la  même  situation. 
Sur  une  coupe  transversale  d’un  rameau  de  Pinus  Aines  âgé  de  deux  ans  on  trouve 
de  dehors  en  dedans  : 1°  une  couche  subéreuse  à cellules  quadrangulaires  sèches  et 
brunes;  2°  un  parenchyme  cortical  à cellules  très-irrégulières,  laissant  entre  elles 
de  vastes  méats  ; 3°  un  liber  assez  semblable  à celui  du  Pinus  silceslris  : il  en  est 
de  même  du  bois  et  de  la  moelle  qui  viennent  ensuite.  Les  canaux  sécréteurs  sont 
très-nombreux  dans  le  parenchyme  cortical,  mais  il  n’en  existe  ni  dans  le  liber,  ni 
dans  le  bois,  ni  dans  la  moelle.  Dans  les  tiges  volumineuses  que  l’on  incise  pour 
recueillir  la  résine,  cette  dernière  n’existe  que  dans  les  couches  internes  du  paren- 
chyme cortical  et  dans  les  couches  ligneuses  les  plus  extérieures.  La  portion  pro- 
fonde du  bois  n’en  laisse  pas  exsuder  ; ce  fait  est  fort  bien  connu  des  collecteurs 
de  résine,  car  les  grandes  plaies  longitudinales  qu’ils  pratiquent  sur  le  tronc  des 
arbres  n’entament  que  l’écorce  et  l’aubier,  du  moins  c’est  ce  que  j’ai  observé  ré- 
cemment dans  les  environs  de  Swartzburg,  dans  la  Thuringe,  où  l’on  récolte  dans 
certains  bois  la  résine  del’Aô/es  excelsa  et  celle  de  l’Aèî'es  peclinala.  [Trad.] 


GOUDRON  VÉGÉTAL. 

Pix  liquida  ; Goudron  végétal , Poix  liquide  ; angl.,  Wood  Tar  ; allem.,  Holztheer,  Fichtenilieer . 


Origine  botanique.  — On  obtient  ce  Goudron  en  soumettant  le  bois 
des  tiges  et  des  racines  des  Conifères  à la  distillation  sèche  ou  destruc- 
tive. Celui  qu’on  trouve  dans  le  commerce  est  fabriqué  dans  le  nord  de 
l’Europe.  On  le  retire  surtout  de  deux  espèces,  le  Pinus  silvestms  L.  et 
le  Pinus  Ledebourii  Endlicher  ( Larix  sibirica  Ledeb.).  Ces  arbres  con- 
stituent les  vastes  forêts  de  l’Europe  et  de  1 Asie  arctiques. 

Historique.  — Théophraste  donne  une  description  détaillée  de  la 
préparation  du  Goudron.  Elle  s’applique  parfaitement  au  procédé 
encore  employé  dans  les  endroits  où  les  méthodes  perfectionnées  de 
fabrication  n’ont  pas  encore  été  introduites. 

Production.  — Le  Goudron  végétal,  employé  en  Europe  en  très- 
grande  quantité  et  connu  sous  le  nom  de  Goudron  d 'Archangel  ou  de 
Stockholm,  est  fabriqué  dans  la  Finlande,  dans  le  nord  et  le  centre  de 
la  Russie  et  en  Suède. 

On  emploie  le  procédé  suivant:  de  grandes  quantités  de  bois  de  Pin, 
consistant  surtout  en  racines  et  en  portions  inférieures  des  troncs  (les 
parties  les  meilleures  de  l’arbre  étant  employées  comme  bois  de  con- 
struction) et  s’élevant  jusqu’à  30 000  et  70  000  pieds  cubes,  sont  amonce- 
lées avec  soin,  et  recouvertes  d’une  couche  épaisse  de  tourbe,  de  mousses 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  407 

et  de  terre,  qu’on  bat  avec  de  lourds  pilons.  Ce  tas  de  bois  est  élevé 
au-dessus  d’une  cavité  conique,  ou  en  forme  d’entonnoir,  creusée  dans 
le  sol,  autant  que  possible  sur  le  flanc  d’une  montagne,  destinée  à 
recueillir  le  produit  de  distillation  qui  s’écoulera.  On  met  le  feu  au 
bois,  qui  brûle  lentement  et  sans  flamme,  de  façon  à donner  une 
quantité  considérable  de  Goudron  et  un  charbon  de  bonne  qualité.  Les 
produits  de  la  combustion,  et  particulièrement  le  Goudron,  s’accumulent 
dans  la  cavité  en  entonnoir  du  sol,  d’où  on  les  fait  écouler,  par  un  tube, 
dans  un  bassin  en  fonte,  ou  simplement  dans  des  troncs  d’arbre  creux. 
Le  temps  nécessaire  pour  la  combustion  est  d’une  à quatre  semaines, 
suivant  les  dimensions  des  bûches.  Dans  ces  dernières  années,  on  a 
perfectionné  ce  procédé  grossier,  et  on  a rendu  l’opération  plus  rapide 
par  l’adoption  d’alambics  en  fer  forgé,  munis  de  condensateurs  à réfrigé- 
rants,comme  cela  avait  été  proposé  en  Russie,  par  Hessel,  en  1861 . Parce 
procédé,  la  quantité  de  Goudron  fournie  par  le  bois  de  Pin  est  d’envi- 
ron 14  pour  100,  pour  les  tiges  préalablement  desséchées  par  exposition 
en  plein  air,  et  de  16  à 20  pour  100  pour  les  racines.  On  recueille  en 
même  temps  de  grandes  quantités  d’acide  pyroligneux  et  d’essence  de 
térébenthine.  Le  bois  du  hêtre  et  d’autres  arbres,  autres  que  les  Coni- 
fères, paraissent  ne  pas  fournir  plus  de  10  pour  100  de  Goudron,  et  la 
tourbe  n’en  donne  que  de  3 à 9 pour  100. 

Description.— Les  nombreux  produits  empyreumatiques  qui  résultent 
de  la  distillation  destructive  du  bois  de  Pin,  et  qui  portent  le  nom  de  Gou- 
dron, constituent  une  substance  semi-liquide,  colorée  en  brun  foncé  ou 
noirâtre,  à odeur  particulière  et  à saveur  âcre.  Privé  d’eau  et  examiné 
en  couche  mince,  le  Goudron  est  tout  à fait  transparent.  Le  microscope 
révèle,  dans  certaines  variétés,  la  présence  de  cristaux  incolores  de 
Pyrocatéchine , répandus  dans  une  substance  visqueuse,  noire,  et  don- 
nant à ces  Goudrons  une  apparence  granuleuse,  analogue  à celle  du 
miel  (1).  Sous  l’influence  d’une  chaleur  douce,  ces  cristaux  fondent  et 
se  mélangent  avec  les  autres  principes  constituants.  Le  véritable  Gou- 
dron végétal  possède  toujours  une  réaction  nettement  acide.  11  se  mé- 
lange facilement  avec  l’alcool,  l’acide  acétique  cristallisable,  l’éther,  les 
huiles  fixes  et  volatiles,  le  chloroforme,  la  benzine,  l’alcool  amylique  et 
1 acétone.  Il  est  soluble  dans  les  solutions  alcalines  caustiques,  mais 
non  dans  l’eau  pure  ou  dans  les  liquides  aqueux.  Le  poids  spécifique 
du  Goudron  retiré  des  racines  des  Conifères  est,  d’après  Hessel,  d’envi- 

(1)  Ces  cristaux  constituent  un  fort  bon  sujet  d’observation  .microscopique  dans  la 
lumière  polarisée. 


408 


CONIFERES. 

ron  1,06;  mais,  à une  température  un  peu  élevée,  il  devient  un  peu  plus 
léger  que  l'eau.  L’eau  qu’on  agite  avec  du  Goudron  acquiert  une 
teinte  jaunâtre  claire,  la  saveur  et  l’odeur  du  Goudron,  et  une  réaction 
acide.  Sous  l’influence  de  l'évaporation,  cette  solution  devient  brune, 
on  obtient  enfin  des  cristaux  microscopiques  et  un  résidu  brun  sem- 
blable au  Goudron  lui-même,  et  désormais  insoluble  dans  l’eau.  L’exa- 
men microscopique  du  Goudron  qui  a été  épuisé  par  l’eau  montre  que 
tous  les  cristaux  ont  disparu. 

Composition  chimique.  — Le  bois  soc  peut  être  chauffé  à 150°  C. 
environ  sans  se  décomposer,  mais  à une  température  plus  élevée  il 
commence  à subir  des  modifications;  il  donne  un  grand  nombre  de 
produits  dont  la  nature  et  les  quantités  relatives  dépendent  de  plusieurs 
conditions.  Si  l’opération  est  faite  dans  un  vase  clos,  on  obtient  un 
résidu  qui  a plus  ou  moins  de  ressemblance  avec  la  houille.  C’est  ainsi 
qu’en  chauffant  du  bois  de  Sapin  à 400°  C.  dans  un  vase  clos,  Daubrée, 
en  1857,  a obtenu  une  substance  semblable  à la  bouille,  qui  ne  donna  à 
une  température  plus  élevée  qu’une  très-petite  quantité  d'huile  volatile. 

Les  résultats  sont  tout  à fait  différents  lorsqu’on  suit  un  procédé  qui 
permet  la  formation  des  corps  volatils,  et  ces  substances  se  produi- 
sent surtout  en  grande  quantité  lorsque  la  chaleur  agit  rapidement  et 
avec  énergie.  A une  température  moins  élevée,  il  se  produit  davantage 
de  charbon  et  d’eau. 

Parmi  les  produits  volatils  de  la  distillation  destructive  du  bois,  ceux 
qui  se  condensent  à la  température  ordinaire  de  l'atmosphère  offrent 
seuls  un  intérêt  pharmaceutique,  et  parmi  eux  le  plus  utile  est  la  partie 
insoluble  dans  l’eau,  ou  celle  qui  a été  nommée  Goudron  ou  Poix  liquide. 
La  portion  aqueuse  des  produits  est  constituée,  en  majeure  partie,  par 
de  l’acide  acétique  empyreumatique  (acide  pyroligneux),  auquel  le  Gou- 
dron doit  sa  réaction  acide. 

Les  tissus  du  bois  sont  formés  surtout  de  cellulose  intimement  com- 
binée avec  une  substance  saccharine,  qu’on  peut  séparer  du  bois  en  le 
faisant  bouillir  dans  les  acides  dilués.  La  cellulose  qui  reste  n’est  ce- 
pendant pas  pure  ; elle  est  encore  unie  à une  substance  qui,  comme  l’a 
montré  Erdmann  (1),  est  susceptible  de  donner  de  la  pyrocatéchine. 

11  est  bien  connu  que  le  sucre,  soumis  à une  température  élevée, 
donne  une  série  de  produits  pyrogénés.  Le  même  fait  se  produit  lors- 
qu’on chauffe  la  cellulose  de  la  même  façon.  Cependant,  pour  préparer 

(1)  Liebig,  Annalen  (1er  Chemie  und  Pharmacie,  1867,  Suppl.,  V,  220. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  409 

le  Goudron,  on  doit  préférer  les  bois  imprégnés  de  résines  et  d’huiles 
essentielles.  Ces  dernières  fournissent  une  autre  série  de  produits  ern- 
pyreumatiques.  Dans  ces  conditions,  les  principes  constituants  du  Gou- 
dron de  bois  ont  des  caractères  très-divers,  surtout  lorsque  des  bois 
autres  que  ceux  des  Conifères  font  partie  des  matières  soumises-  à la 
distillation.  Lorsqu’on  emploie  du  bois  de  hêtre,  il  se  forme  de  la  Créo~ 
sote ; celui  des  Conifères  n en  donne  qu  une  très-petite  quantité.  Les  al- 
caloïdes volatils  et  l’acide  carbolique  qui  se  produisent  en  grande 
quantité  pendant  la  distillation  destructive,  paraissent  11e  pas  exister 
dans  le  Goudron  végétal. 

Les  principes  constituants  de  ce  dernier  peuvent,  être  divisés  en  deux 
groupes:  1°  une  portion  aqueuse  plus  légère , qui  se  sépare  des  autres 
produits  de  la  distillation  et  constitue  Yacide  pyroligneux  impur.  Elle 
est  formée  surtout  d 'Acide  Acétique  et  à' Alcool  M éthylique,  GH'O; 
A Acétone , CW);  de  Mésile,  C6H1202;  de  Fur  fur  ol  (1),  C5IP02,  et 
d’autres  principes  liquides  très-solubles  dans  l’eau  et  dans  l’acide 
acétique.  On  y trouve  aussi  une  petite  quantité  de  pyrocatéchine ; 
2°  le  second  groupe  de  produits  pyrogénés  du  bois  est  formé  d’une 
série  homologue  d’bydrocarbones  liquides , à peine  solubles  dans 
l’eau  et  contenus  dans  la  couche  plus  lourde  que  surnage  l’acide  pyro- 
ligneux; ces  corps  constituent  le  Goudron  de  bois  proprement  dit.  Ce 
groupe  contient  les  composés  suivants  : Toluol  ou  Toluène,  C708  (bouil- 
lant à 114°  G.);  Xylène , C8H10;  Cumol  ou  Cumène,  C9H12  (bouillant 
à 148°  C.);  Mélhol,  CW  (bouillant  à 160°  C.). 

Le  bois  de  hêtre,  qui  est  employé  dans  quelques  pays  à la  fabrication 
du  Goudron  végétal,  donne  de  la  Créosote , constituée  surtout  par  du 
Créosol,  C8H10O\  bouillant  à 219°  C.,  tandis  que  le  bois  de  Pin  donne 
une  certaine  quantité  d’essence  de  térébenthine  ou  d’huiles  pyrogénées 
ayant  la  même  formule. 

Indépendamment  de  tous  ces  corps  bien  définis,  le  Goudron  végétal 
contient  plusieurs  autres  corps  moins  connus,  et  qui  n’ont  pas  encore 
été  parfaitement  isolés,  tels  que  le  Capnomor,  YEupione,  YAssamar,  etc. 

En  redistillant  le  Goudron  végétal,  et  employant,  vers  la  fin  de  l’opé- 
ration, une  température  élevée,  on  obtient  une  certaine  quantité  de 
corps  solides  crislallisables,  dont  le  plus  important,  nommé  Paraffine, 
a pour  formule  CnH2n,  n variant  de  20  à 24.  La  Naphthalène  C10H8,  et 

(1)  Ce  liquide  aromatique  se  produisant  dans  la  distillation  destructive  du  sucre,  il 
est  très-probable  qu’il  se  trouve  aussi  parmi  les  produits  du  bois,  car  le  Pin  contient 
de  la  cellulose  combinée  avec  du  sucre. 


CONIFÈRES. 


-ilO 

I ’Anthracène  C'Il10,  sc  produisent  aussi  dans  les  mômes  circonstances. 

Les  cristaux,  que  nous  avons  déjà  mentionnés  dans  le  Goudron  végé- 
tal, sont  constitués  par  de  la  Pyrocatéchine.  Ils  se  subliment  facilement 
à quelques  degrés  au-dessus  de  leur  point  de  fusion  (ill°  G.),  ou  bien 
on  peut  les  séparer  à l’aide  de  l’acide  acétique,  dans  lequel  ils  sont  faci- 
lement solubles,  ainsi  que  dans  l’eau.  Les  variétés  de  Goudron  végétal 
qui  n’offrent  pas  cette  substance  en  ont  été  probablement  débarrassées 
à l’aide  de  l’eau.  La  pyrocatéchine  peut  être  obtenue  par  distillation 
d’un  grand  nombre  d’autres  substances,  telles  que  le  cachou,  le  kino, 
les  extraits  de  ratanhia  et  de  feuilles  de  busserolle,  et  d’autres  extraits 
riches  en  cette  sorte  de  tannin  qui  forme  avec  les  sels  de  fer  des  pré- 
cipités verdâtres  (etjnon  bleu-noirs).  On  l’extrait  des  variétés  granuleuses 
de  Goudron  végétal  en  les  exposant  à un  courant  d’air  sec  chauffé,  ou 
en  les  épuisant  avec  de  l’eau.  L’éther,  agité  avec  la  solution  aqueuse  con- 
centrée, puis  abandonné  à l’évaporation,  abandonne  la  pyrocatéchine 
en  cristaux  incolores  qui,  après  purification,  sont  dépourvus  de  réaction 
acide.  Ils  possèdent  une  saveur  brûlante  spéciale  et  persistante,  et 
sont  très-irritants  lorsqu’on  les  abandonne  à l’évaporation.  La  solution 
de  pyrocatéchine  prend,  sous  l’influence  du  perchlorure  de  fer,  une 
coloration  vert  foncé  qui  passe  au  noir  au  bout  de  quelques  instants, 
et  devient  rouge  quand  on  ajoute  de  la  potasse;  ce  mélange  acquiert 
finalement  une  magnifique  couleur  violette,  rappelant  celle  d'une 
solution  de  permanganate  alcalin.  Aucune  coloration  n’est  produite 
dans  la  solution  de  pyrocatéchine  par  les  protosels  de  fer. 

Parmi  le  petit  nombre  de  préparations  médicinales  dont  fait  partie 
le  Goudron  végétal,  l’une  des  plus  importantes  est  Veau  de  goudron  ( Aqua 
vel  Liquor  Picis).  On  la  prépare  en  agitant  le  Goudron  avec  de  l’eau. 

II  est  facile  de  démontrer  la  présence,  dans  ce  liquide,  de  la  pyrocaté- 
chine, à l’aide  des  réactions  indiquées  plus  haut,  ou  en  ajoutant  quel- 
ques gouttes  de  chromate  rouge  de  potassium,  qui  produit  une  colora- 
tion brunâtre.  On  peut  en  déduire  que  la  pyrocatéchine  est  peut-être 
le  principe  actif  de  l’eau  de  Goudron,  et  que,  pour  préparer  cette  eau, 
on  doit  préférer  les  sortes  granuleuses  de  Goudron  végétal  (1). 

Commerce.  — Le  Goudron  végétal  se  fabrique  particulièrement  en 
Finlande.  On  l’expédie  des  différents  poi’ts  du  golfe  de  Bothnie,  notam- 
ment d’Uleaborg, de  Gamla,  de  Garleby,  de  Jacobstad,  de  Ny  Carleby  et 

(1)  Nous  devons  supposer  que  les  auteurs  du  Codex  français  ne  partagent  pas 
cette  opinion,  car  ils  recommandent,  dans  la  préparation  de  Y Eau  de  Goudron,  de  re- 
jeter le  premier  liquide  de  macération  du  Goudron. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  411 

de  Chrislinestad.  On  l’exporte  également  d’Archangel  et  d’Onega  sur 
la  mer  Blanche.  La  Volhynie  produit  aussi  une  certaine  quantité  de 
Goudron,  qui  est  dirigé  par  le  Dnieper  vers  la  mer  Noire. 

Le  nord  de  la  Suède  produit  également  du  Goudron,  particulièrement 
dans  les  environs  d’Umea  et  de  Lulea  j la  distillation  y est  efiectuee  dans 
des  appareils  en  fer  perfectionnés. 

Les  forêts  de  Pin  de  l’Amérique  du  Nord  produisent  du  Goudron  et 
de  la  poix.  Wilmington,  dans  le  nord  de  la  Caroline,  a exporté,  en  1871 , 
23  560  barils  de  Goudron  et  3 788  barils  de  poix  (I). 

Les  importations  de  Goudron  du  Royaume-Uni  ont  été,  en  1872,  de 
' 189291  barils,  estimés  à 218  339  livres  sterling.  Sur  cette  quantité, 
145  483  barils  provenaient  des  ports  du  nord  de  la  Russie. 

Les  barils  dans  lesquels  le  Goudron  nous  arrive  en  contiennent  envi- 
ron 30  gallons.  On  emploie  aussi,  mais  moins  fréquemment,  des  barils 
plus  petits  qui  portent  le  nom  de  clemi-barils. 

Usages.  — Le  Goudron  n’a  pas  une  grande  importance  médicinale. 
On  emploie  parfois  un  onguent  au  Goudron  contre  les  maladies  de  la 
peau,  et  l’eau  de  Goudron  à l’intérieur.  Les  grandes  quantités  de  cette 
substance  qu’on  importe  chez  nous  sont  employées  dans  la  construction 
des  navires,  et  pour  la  conservation  des  clôtures  en  bois. 

I 

AUTRES  VARIÉTÉS  DE  GOUDRON. 

Goudron  de  Genévrier.  — ( Huile  de  Cade ; Pyroleum  oxycedri;  Oleum 
Juniperi  empyreumaticum  ; Oleum  cadinum ).  Cè  Goudron  est  préparé  par 
la  distillation  du  bois  de  Cade,  Juniperus  Oxycedrus  L.,  arbuste  ou  petit 
arbre  originaire  des  contrées  quibordent  la  Méditerranée.  On  l’employait 
autrefois,  dans  le  sud  de  la  France,  comme  médicament  externe,  sur- 
tout pour  les  animaux  domestiques  ; puis  il  était  tombé  dans  l’oubli. 
Dans  ces  dernières  années,  on  a commencé  de  nouveau  à le  prescrire 
dans  les  maladies  de  la  peau. 

h' Huile  de  Cade  actuellement  employée  est  transparente  et  dépour- 
vue de  cristaux.  Elle  est  un  peu  plus  claire  que  le  Goudron  de  Suède, 
mais  lui  ressemble  sous  tous  les  autres  rapports.  On  l’importe  du  con- 
tinent, mais  nous  ignorons  avec  quel  bois  on  la  prépare.  Elle  est  men- 
tionnée par  le  Français  Olivier  de  Serres  (2),  qui  s’est  rendu  célèbre,  au 

(1)  Consul  Walker,  Report  ontlie  trade  ofNorth  and  South  Carolina,  in  Consulat'- 
Reports,  présentés  nu  parlement,  mai  1872. 

(2)  Traité  d’ Agriculture,  Paris,  1G00,  941. 


412 


CONIFÈRES. 

seizième  siècle,  par  ses  écrits  sur  l’agriculture.  Elle  est  nommée  par 
Parkinson  (I),  en  1040  ; et  par  Pomet  (2).  A l’époque  de  ce  dernier,  on 
la  vendait  rarement  pure  ; on  lui  substituait  d’habitude  le  Goudron 
ordinaire. 

Goudron  de  Hêtre.  — On  le  prépare  avec  le  bois  du  Hêtre  (Fagus 
silvatica  L.)  Il  a sa  place  dans  quelques  pharmacopées  comme  la  meil- 
leure source  de  la  créosote. 

Goudron  de  Bouleau.  —On  le  prépare  en  grande  quantité  en  Russie, 
où  on  le  nomme  Daggel,  avec  le  bois  du  Detula  alla  L.  Il  contient  une 
grande  quantité  de  pyrocatécliine,  et  est  très-estimé  à cause  de  son  odeur 
bien  connue  qui  se  retrouve  dans  le  cuir  de  Russie.  Les  distillateurs  de 
Leipzig  vendent  une  essence  purifiée  de  Goudron  de  Bouleau. 


POIX  NOIRE. 

Pix  nigra  Pix  sicca.vel  solkia,  vel  navalis ; angl.,  Pitch,  Iliade  Pitch  ; 
ftllem.,  Sdiiffspech,  Schusterpech,  Sclnoaries  Pech: 

Origine  botanique.  — Voyez  l’article  Poix  liquide. 

Production,  — Lorsqu’on  soumet  les  produits  bruts  delà  distillation 
sèche  dubois  de  Pin,  décrits  dans  l’article  précédent,  à une  redistillation, 
on  obtient  les  résultats  suivants.  Les  premières  portions,  10  à 15  pour  100 
de  matières  volatiles,  sont  constituées  en  majeure  partie  par  de  l’alcool 
méthylique  et  de  l’acétone.  A une  température  plus  élevée,  l’acide  acé- 
tique se  vaporise,  tandis  que  l’alambic  conserve  le  goudron.  Ce  dernier, 
soumis  aune  nouvelle  distillation,  peut  être  dédoublé  en  une  portion 
liquide,  nommée  Huile  de  goudron  ( Oleum  Picis  liguidæ),  et  un  résidu 
qui  en  se  refroidissant  durcit  et  constitue  la  substance  connue  sous  le 
nom  de  Poix  noire.  Chauffée  de  nouveau  à une  température  très-élevée, 
cette  substance  est  susceptible  de  donner  de  la  paraffine,  de  l’anthra- 
cène  et  de  la  naphthaline. 

Description.  — La  Poix  noire  est  une  substance  opaque,  noire,  cas- 
sante, à cassure  conchoïdale,  luisante.  Les  fragments  minces  sont  trans- 
lucides et  brunâtres  au  niveau  des  bords.  On  ne  peut  distinguer  au  mi- 
croscope, même  à l’aide  de  la  lumière  polarisée,  dans  les  fragments 
minces,  aucune  trace  de  cristallisation  distincte.  L’odeur  est  particulière 
et  désagréable,  différente  de  celle  du  goudron.  La  solution  alcoolique 

(1)  Theatrum  Botanicüm,  1033. 

(2)  Hist.  (tes  Drogues,  Paris,  1694,  P.  I,  cl»,  xn,  xiv. 


413 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

possède  une  saveur  faible,  assez  semblable  à celle  du  goudron,  mais  la 
Poix  elle-même  se  montre  presque  insipide  quand  on  la  mâche. 
Elle  se  ramollit  sous  l’influence  de  la  chaleur  de  la  main,  et  se  laisse 
entamer  par  l’ongle.  Elle  se  dissout  facilement  dans  les  liquides  qui 
dissolvent  le  goudron.  L alcool  a /3  pour  100  agit  facilement  sui  elle, 
et  ne  laisse  intacte  qu’une  petite  quantité  d’un  résidu  visqueux,  foncé. 
La  solution  est  brune  et  rougit  le  tournesol.  Elle  donne  avec  le  perchlo- 
rure  de  fer  un  précipite  brun-rosé,  et  un  précipité  blanchâtre  avec  la 
solution  alcoolique  d’acétate  neutre  de  plomb  étendue  d’eau  distillée. 
La  Poix  se  dissout  dans  La  solution  de  potasse  caustique  en  émettant  une 
odeur  forte  et  désagréable. 

Composition  chimique.  — Nous  pouvons  déduire  de  la  méthode  par 
laquelle  on  prépare  la  Poix  noire  qu’elle  doit  contenir  un  certain  nom- 
bre des  composés  les  moins  volatils  et  les  moins  cristallisables  du 
goudron.  D’après  Volckel,  la  Poix  obtenue  avec  le  bois  de  hêtre, 
bouillie  avec  de  l’alcali  caustique,  donne  une  huile  volatile  fétide  ; lors- 
qu’on acidulé  cette  solution,  il  se  dégage  des  acides  gras  volatils.  Ces 
principes  n’ont  cependant  pas  encore  été  isolés  de  la  Poix  du  hêtre 
ou  de  celle  du  pin,  et  aucun  autre  constituant  de  la  drogue  n’a  encore 
été  séparé.  Le  précipité  blanchâtre,  formé  par  l’acétate  de  plomb  dans  la 
solution  alcoolique  de  la  Poix,  demande  à être  étudié,  et  pourrait  peut- 
être  servir  de  point  de  départ  pour  arriver  à une  connaissance  chimique 
plus  complète  de  cette  substance. 

Commerce.  — La  Poix  noire  est  produite  par  les  mêmes  pays  que  le 
goudron.  Il  en  a été  importé  dans  le  Royaume-Uni,  pendant  l’an- 
née 1872,  33  482  quintaux,  fournis,  pour  les  quatres  cinquièmes,  par  la 
Russie.  On  fabrique  aussi,  en  Angleterre,  de  la  Poix  noire  avec  le  gou- 
dron ordinaire. 

Usages.  — On  administre  parfois  la  Poix  noire  sous  forme  de  pilules, 
ou  à l’extérieur  à l’état  d’onguent,  mais  ses  propriétés  médicinales 
sont  tout  au  moins  douteuses. 


FRUITS  DU  GENÉVRIER. 

Fructus  Juniperi,  Jdaccæ  vel  Ga.lbu.li  Juniperi;  Haies  <ln  Genicom;  nng-1 . , Juniper  Bernes , 
allcm.,  Wachholderbeeren,  Éaddigbeeren. 

Origine  botanique.  — Juniperus  communis  L.  C’est  un  arbuste  ou 
un  petit  arbre  dioïque,  toujours  vert,  répandu  en  Europe  depuis  la 


M ‘l 2 3 4 5  CONIFÈRES. 

Méditerranée  jusqu’aux  régions  arctiques,  et  dans  la  Russie  d'Asie.  On 
le  trouve  aussi  bien  dans  les  hautes  régions  de  l’IIiraalaya  que  dans 
1 Amérique  du  Nord.  Dispersé  sur  une  aire  aussi  considérable,  le  Gené- 
vrier commun  présente  plusieurs  variétés.  Dans  la  plus  grande  partie 
de  l’Europe,  il  forme  un  arbuste  buissonneux  de  GO  centimètres  à tm,80 
de  haut,  mais  dans  l’intérieur  de  la  Norwégc  il  devient  un  petit  arbre 
de  lorét,  haut  de  9 à 12  mètres,  et  vivant  une  centaine  d’années  (1). 
Dans  les  hautes  régions  montagneuses  de  l’Europe  tempérée,  et  dans 
les  contrées  arctiques,  il  est  décombant  ( Juniperus  nana  Willd.),  et  ne 
s’élève  que  de  quelques  pouces  au-dessus  du  sol  (a). 

Historique.  — Les  fruits  du  Genévrier,  mais  peut-être  pas  exclusive- 
ment ceux  du  Genévrier  commun,  étaient  employés  en  médecine  par 
les  Grecs  et  les  Romains,  ainsi  que  par  les  Arabes.  Ils  sont  mentionnés 
dans  les  plus  anciens  traités  de  botanique  imprimés.  Leur  essence 
était  distillée  par  Schnellenberg  (2)  dès  1546.  On  se  servait  autre- 
fois de  ces  fruits  dans  diverses  parties  de  l’Europe  pour  la  médecine 
populaire.  Ils  étaient  employés  comme  épices  (3),  et  l’on  en  retirait,  par 
fermentation  et  distillation,  une  boisson  alcoolique  dans  la  composition 
de  laquelle  entrait  l’absinthe.  Cette  boisson,  nommée  en  France  Ge- 
nièvre, était  connue  en  Angleterre  sous  le  nom  de  Geneva,  qui  plus 
tard  par  contraction  est  devenu  le  mot  Gin  (4). 

Description.  — Les  fleurs  du  Genévrier  forment  de  petits  chatons 
axillaires.  Celles  de  la  plante  femelle  sont  formées  de  trois  à cinq  ver- 
ticilles  de  bractées  imbriquées.  Les  trois  plus  élevées  de  ces  bractées 
deviennent  bientôt  charnues  et  écailleuses,  et  alternent  avec  trois  ovaires 
ayant  au  sommet  un  petit  pore  (5).  Après  que  les  feuilles  se  sont  fanées, 
les  trois  bractées  charnues  s’accroissent  en  même  temps  de  façon  à 
former  un  fruit  semblable  à une  baie,  nommé  galbulus , enfermant  trois 
achaines.  Le  jeune  fruit  offre  dans  le  haut  les  trois  pointes  et  les  sutures 
des  écailles,  mais  à la  maturité  les  sutures  seules  restent  visibles,  et 
forment  au  sommet  du  fruit  une  petite  dépression.  La  base  du  fruit  est 

(1)  Schübeler,  Culturpflanzen  Norwagens,  Christiania,  1875,  143. 

(2)  Artzneybucli , Kônigsberg,  1556,  35. 

(3)  Valmont  de  Bomare,  Dict.  d’Hist.  nat.,  1775,  II,  45. 

(4)  Le  Gin  distillé  en  Hollande  est  parfumé  avec  les  baies  de  Genièvre,  mais  seu- 
lement en  très-petite  quantité  ; d’après  ce  que  nous  avons  entendu  dire,  on  n’en  emploie 
que  2 livres  pour  100  gallons. 

(5)  Gôppert  a signalé  en  Allemagne  une  variété  du  Jimipenis  communis  dont  le  fruit 
se  compose  de  six  bractées  et  de  six  ovaires  au  lieu  de  trois.  Le  même  nombre  se 
rencontre  très-souvent  dans  les  baies  du  Juniperus  Oxycedrus  qui  habite  les  régions 
méditerranéennes.  [F.  A.  F.] 


HISTOIRE  DES  DltOGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  415 

indiquée  pur  une  petite  cicatrice  qu  entourent  deux  ou  tiois  gioupcs 
de  trois  bractées  chacun.  Ce  fruit,  ou  pseudo-baie,  reste  ovale  et  vert 
pendant  la  première  année,  et  n’arrive  à maturité  que  pendant  le  second 
automne.  11  est  alors  sphérique  ; il  a de  6 à 8 millimètres  de  diamètre  ; 
il  est  coloré  en  pourpre  foncé,  et  recouvert  dunepiuine  d un  gris 
bleuâtre.  Au-dessous  d’un  épiderme  mince,  existe  un  tissu  coloré  en 
brun  jaunâtre,  formé  d’un  parenchyme  lâche  qui  renferme  de  grandes 
cavités  à huile.  Les  trois  carpelles  durs,  et  très-étroitement  pressés  l’un 
contre  l’autre,  sont  triangulaires  et  anguleux  au  sommet,  attachés  au 
sarcocarpe  par  leur  face  externe,  et  seulement  au  niveau  de  leur  moitié 
inférieure,  La  moitié  supérieure  est  libre  et  recouverte  d’une  mince 
membrane.  Dans  le  sillon  longitudinal  qui  parcourt  leur  tégument, 
vers  la  moitié  inférieure  du  carpelle,  sont  de  petits  sacs  proéminents. 
Chaque  carpelle  porte  sur  sa  face  interne  un  ou  deux,  et  sur  la  face 
externe,  quatre  ou  huit  de  ces  sacs,  qui  dans  les  vieux  fruits  sont 
remplis  d’une  huile  résinifiée,  amorphe,  incolore. 

Les  fruits  du  Genévrier  exhalent,  lorsqu’on  les  écrase,  une  odeur  aro- 
matique ; leur  saveur  est  térébeuthineuse,  épicée  et  un  peu  sucrée. 

Structure  microscopique.  — ■.  La  couche  extérieure  du  fruit  est  for- 
mée d’une  cuticule  transparente  et  incolore,  qui  recouvre  un  petit  nom- 
bre de  couches  de  grandes  cellules  cubiques,  ou  des  cellules  tabulaires 
à parois  épaisses  et  ponctuées.  Ces  cellules  contiennent  une  substance 
granuleuse  de  coloration  foncée,  et  une  grande  quantité  de  résine.  La 
portion  molle  est  formée  à la  maturité  de  grandes  cellules  elliptiques,  à 
parois  minces,  peu  cohérentes,  contenant  de  la  chlorophylle,  des  gouttes 
d’huile,  et  une  substance  cristalline  soluble  dans  l’alcool,  qui  est  sans 
doute  un  stéaroptène.  Avant  la  maturité,  cette  partie  contient  aussi 
des  granules  d’amidon  et  de  larges  réservoirs  à huile.  Elle  est  tra- 
versée par  de  très-petits  faisceaux  fibrovasculaires,  contenant  des  vais- 
seaux annelés  et  ponctués. 

Composition  chimique.  — Le  principe  le  plus  important  des  fruits  du 
Genévrier  est  l’huile  essentielle,  qu’on  peut  obtenir  dans  la  proportion 
de  1 à 2 pour  100  (1).  Elle  est  constituée  par  un  mélange  de  deux  essences 
lévogyres,  dont  l’une  a la  composition  C10H16  et  bout  à 155°  G.,  tandis 
que  l’autre,  qui  prédomine  dans  le  fruit  mûr,  a pour  formule  G-°H32  et 
boutà20o°  G.  L’essence  brute,  distillée  par  l’un  de  nous,  dévie  lalumière 


(1)  Le  produit  est  quelquefois  très-faible;  245  livres,  distillées  par  MM.  Allen  et 
Hanbury,  de  Londres,  Plough  Court,  Lombard  Street,  en  18G8,  ne  donnèrent  que 
17  onces  et  demie  d’huile  essentielle,  c’est-à-dire  0,44  pour  100. 


CONIFERES. 


polarisée  de  3°,o  à gauche,  en  colonne  de  50  millimètres  de  long.  Ces 
fruits  sont  riches  en  sucre  : 33  pour  100  d’après  Trommsdorff  (1822), 
23  pour  100  d’après  Donath  (1873).  Ils  contiennent  aussi,  d’après  Do- 
nath,  de  petites  quantités  d’acides  prussique,  acétique  etmalique,  une 
résine  et  une  substance  nommée  Junipérine.  Cette  dernière  n’existe 
qu’en  très-faible  proportion  ; elle  est  soluble  dans  l’eau  chaude,  mais 
n’est  pas  cristallisablc. 

Récolte  et  Commerce.  — On  recueille  une  grande  quantité  de  fruits  de 
Genévrier  en  Savoie,  et  dans  les  départements  français  du  Doubs  et  du 
Jura.  On  lés  expédie  aux  droguistes  de  Genève.  On  en  recueille  aussi  en 
Autriche,  dans  le  sud  de  la  France  et  en  Italie.  Dans  les  prix  courants 
de  Hamburg  ils  sont  désignés  sous  les  épithètes  d 'allemands  et  ita- 
liens. 

Usages. — Les  fruits  du  Genévrier,  et  l’huile  essentielle  qu’on  en  retire, 
passent  pour  être  diurétiques.  On  ne  les  prescrit  guère  en  Angleterre. 

(a)  Les  Genévriers  ( Juniperus  L.,  Généra,  n.  1134)  sont  des  Conifères,  de  la  tribu 
des  Cupressées,  à fleurs  unisexuées,  portées  par  des  pieds  différents  ou  réunies  sur  le 
même  pied,  mais  portées  par  des  rameaux  distincts  ; à chatons  femelles  munis  d é- 
cailles  opposées  et  déclassées  ou  ternées,  cohérentes  en  un  fruit  composé,  charnu. 

Le  Genévrier  commun  ( Juniperus  communis  L.,  Species,  1 470)  est  uu  arbuste  ou 


un  arbre  dioïque,  pouvant  atteindre  jusqu’à  12  ou  lo  mètres  de  hauteur,  mais  ordinai- 
rement beaucoup  moins  élevé  et  parfois  même  nain  et  presque  couché  sur  le  soL 
Les  rameaux  sont  étalés  ou  pendants  ; les  minuscules  sont  courts,  dressés  et  éta- 
lés, triquetr.es,  à angles  saillants,  obtus.  Son  port  est  extrêmement  variable.  Il  forme 
parfois  un  cône  très -régulier  couvert  de  rameaux  et  de  feuilles  depuis  la  base  ; 
d’autres  fois,  le  tronc  est  nu  dans  sa  partie  inférieure,  et  porto  plus  haut  des  branches 


Fig.  2S1.  Juniperus  communie. 
Mùle. 


Fig.  ïoî.  Juniperus  communie. 
Femelle. 


417 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

très-irrégulières,  inclinées  vers  le  sol;  plus  souvent,,  il -affecte  la  forme  d’un  buisson 
irrégulier.  Les  feuilles  sont  ternées,  assez  rapprochées,  plus  ou  moins  étalées,  ri- 
gides, colorées  en  vert  cendré  ; elles  sont  linéaires,  acuminées  et  très-aiguës  au  som- 
met, légèrement  canaliculées  au  niveau  de  la  face  supérieure,  et  marquées  d’une 
bandelette  blanche  à peu  près  continue  ; elles  sont  munies  en  dessous  d’une  carène 
légèrement  sillonnée  ; leurs  bords  sont  entiers,  obtus,  dépourvus  de  glandes'.  Les 
chatons  sont  petits,  axillaires,,  deux  à quatre  fois  plus  courts  que  la  feuille,  ovales, 
globuleux  ou  ovales-oblongs,  subsessiles,  munis  de  larges  bractées  ovales,  acuminées, 
entières,  opposées,  décussées  ou  ternées,  lâchement  imbriquées  ; chaque  bractée 
porte  sur  sa  face  inférieure  de  trois  à six  anthères  sessiles,  à peu  près  globuleuses 
ou  plus  ou  moins  anguleuses,  uniloculaires,  déhiscentes  par  une  fente  longitudinale. 
Le  pollen  est  sphérique  et  lisse.  Les  chatons  femelles  sont  solitaires  dans  l’aisselle 
des  feuilles.  Ils  offrent  à la  base  un  petit  nombre  de  bractées  striées,  étroitement 
pressées  contre  l’axe,  et  se  terminant  par  trois  ou  plus  rarement  six  écailles  ter- 
nées  épaisses  et  charnues.  Les  fleurs  se  composent  de  pistils  géminés,  et  collatéraux 
à la  base  des  écailles^  dressés.  L’ovaire  est  à peu  près  orbiculaire  et  comprimé  ; il 
est  surmonté  d’un  style  très-court,,  cylindrique,  épais,  terminé  par  un  stigmate  à 
peu  près  orbiculaire  et  perforé.  Le  fruit  n’arrive  â maturité  que  la  seconde  année.  Il 
est  constitué  par  les  écailles  connées,  épaissies,  charnues,  terminées  au  sommet  par 
une  petite  pointe  saillante  et  recourbée  en  dehors  ; elles  enveloppent  trois,  ou  seu- 
lement deux,  et  même  parfois  un  seul  fruit  sec,  indéhiscent,  véritable  acharne, 
dressé,  ovale-oblong,  triangulaire.  La  graine  est  formée  d’un  embryon  à deux  coty- 
lédons et  d’un  albumen  charnu.  [Trad.] 


SABINE. 

fferba  Sabinæ  ; Cacumina  vel  Summitatcs  Sabinæ  ; angl.,  Savin  or  Savine; 
allem.,  Sevenkraut. 

Origine  botanique.  — Junipérus  Sabina  L.  C’est  un  arbuste  ligneux 
toujours  vert,  de  petite  taille,  et  ayant  une  grande  tendance  à s’étaler 
sur  le  sol,  mais,  dans  quelques  localités,  dressé  et  arborescent.  On  le 
tiouve  dans  les  Alpes  du  sud  de  l’Autriche  et  de  la  Suisse,  et  sur  les 
montagnes  adjacentes  de  la  France  et  du  Piémont,  jusqu’à  une  altitude 
de  I 200  à I 500  mètres.  On  le  rencontre  aussi  dans  les  Pyrénées,  dans  le 
centie  de  1 Espagne,  en  Italie  et  en  Crimée,  ainsi  que  dans  le  Caucase, 
ou  il  s’élève  jusqu’à  3 600  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Vers 
1 Est,  il  s étend  jusque  sur  la  chaîne  d’Elburs,  au  sud  de  la  mer  Cas- 
pienne, et  dans  le  sud  de  la  Sibérie.  Dans  l’Amérique  du  Nord,  on  l’a 
trouvé  sur  les  bords  de  la  rivière  Saskatchewan,  du  lac  Huron,  et  dans 
le  Newfoundland  (a). 

Historique.  La  Sabine  est  mentionnée  parmi  les  drogues  em- 
ployées dans  la  médecine  vétérinaire  par  Marcus  Porcius  Calo  (•!), 


(I)  Cap.  lxx  ( Hu/jus  rnedicamenturn). 
histoire  des  drogues,  t.  ii. 


27 


418 


CONIFÈRES. 


écrivain  romain  qui  vivait  au  second  siècle  avant  Jésus-Christ,  et  a 
publié  des  ouvrages  sur  l’agriculture.  Elle  était  bien  connue  de 
Dioscoridc  et  de  Pline.  Elle  est  fréquemment  nommée  dans  les  anciens 
traités  de  médecine  vétérinaire  anglais  écrits  avant  la  conquête  des 
Normands  (1),  et  avait  probablement  été  introduite  dans  la  Grande- 
Bretagne  par  les  Romains.  Charlemagne  ordonna  sa  culture  dans  les 
fermes  impériales  du  centre  de  l’Europe.  Son  action  excitante  sur  les 
plaies  et  les  ulcères  est  notée  dans  les  vers  de  Macer  Floridus  (2) 
composés  au  dixième  siècle. 

Description.  — La  partie  médicinale  de  la  Sabine  est  représentée  par 
les  bourgeons  verts,  jeunes  et  tendres,  séparés  des  branches  plus 
ligneuses.  Ces  bourgeons  sont  recouverts  de  petites  feuilles  rhomboïdes 
en  forme  d’écailles,  disposées  par  paires  alternantes.  Sur  les  jeunes 
pousses,  elles  sont  étroitement  appliquées  les  unes  contre  les  autres, 
épaisses,  concaves,  arrondies  dans  le  dos,  au  milieu  duquel  se  voit 
une  glande  à huile,  déprimée.  Lorsque  les  rameaux  vieillissent,  les 
feuilles  deviennent  plus  pointues  et  s’écartent  de  l’axe  qui  les  porte.  La 
Sabine  émet,  quand  on  la  froisse  entre  les  doigts,  ou  quand  on  1 écrase, 
une  odeur  forte,  qui  n’est  pas  désagréable.  Le  cône  ou  galbulus  res- 
semble à une  petite  baie;  il  est  de  la  taille  dun  pois,  poite  pai  un 
court  pédoncule  recourbé,  et  recouvert  d une  pruine  bleue.  11  est  glo- 
buleux, sec,  mais  riche  en  huile  essentielle,  et  contient  de  un  à quatre 

petits  achaines. 

Composition  chimique . — L’odeur  de  la  Sabine  est  due  à une  huile 
essentielle  que  les  bourgeons  frais  fournissent  dans  la  proportion  de 
2 à 2 3/4  pour  100,  et  les  baies  environ  10  pour  100.  Examinée  en  co- 
lonne de  50  millimètres  de  long,  elle  dévie  la  lumière  polarisée  de  27»  à 
droite.  L’essence  observée  avait  été  distillée  pari  un  de  nous  à Londres, 
d’une  plante  fraîche  cultivée  à Mitcham.  Le  même  résultat  nous  a été 
offert  par  une  huile  essentielle  préparée  dix  ans  auparavant  à 1 aide 
d’une  Sabine  recueillie  à l’état  sauvage  dans  les  Alpes  du  canton  de 
Vaud,  en  Suisse.  Nous  avons  observé  que,  sous  1 influence  de  1 action 
prolongée  de  l’air,  l’essence,  conservée  dans  un  vase  mal  fermé,  perd 
au  bout  de  quelques  années  une  grande  partie  de  son  pouvoir  rotatoire. 
L’essence  de  Sabine  a la  même  composition  que  celle  de  térébenthine. 
Nous  n’avons  pas  pu  en  retirer  de  composé  chlorhydrique  cristallisé. 
Les  bourgeons  de  Sabine  contiennent  des  traces  de  matière  tanmque. 


(1) 

(2) 


caVNë.  Leechdoms,  etc.,  of  Early  England,  1865,  II,  xn. 
u Lan t,  Macer  Floridus , De  l'iribas  herbarum,  Lipsiæ,  1832,  48. 


419 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Usages. — La  Sabine  est  un  stimulant  énergique  de  l’utérus  ; à haute 
dose,  elle  produit  des  effets  très-graves.  On  l’administre  rarement  à 
l’intérieur.  On  emploie  pour  faire  suppurer  les  vésicatoires  un  onguent 
préparé  avec  la  Sabine,  auquel  la  chlorophylle  donne  une  belle  colora- 
tion verte. 

Substitutions.  — Plusieurs  espèces  de  Genévriers  ont  une  grande 
ressemblance  avec  la  Sabine.  L’un  d’eux,  qui  croît  communément  dans 
les  jardins  et  bosquets,  est  souvent  pris  pour  elle.  C’est  le  Juniperus 
virginiana  L.  ( Red  Cedar  ou  Savin  de  l’Amérique  du  Nord).  Dans  son 
pays  d’origine,  c’est  un  arbre  qui  atteint  15  mètres  et  davantage  de 
haut,  mais  dans  la  Grande-Bretagne  il  reste  à l’état  de  grand  arbuste, 
étalé,  très-différent  par  son  port  de  la  Sabine,  qui  reste  basse  et  com- 
pacte (1).  Son  feuillage  se  présente  sous  deux  formes.  Dans  l’une,  il 
consiste  en  petites  feuilles  rhomboïdes,  spinifonnes,  semblables  à 
celles  de  la  Sabine  ; dans  l’autre,  qui  est  plus  rare,  les  feuilles  sont 
allongées,  aiguës,  divergentes,  longues  de  6 millimètres,  semblables  à 
celles  du  Genévrier  commun.  Cette  plante  est  beaucoup  moins  riche  en 
huile  essentielle  que  la  Sabine  véritable  (2),  à laquelle  on  la  substitue 
parfois  aux  Etats-Unis. 

Les  pousses  feuillées  du  Juniperus  phæniceci  L.,  espèce  méditerra- 
néenne, offrent  une  certaine  ressemblance  avec  celles  de  la  Sabine,  aux- 
quelles on  les  substitue  parfois  (3),  mais  elles  sont  tout  à fait  dépourvues 
de  l’odeur  particulière  de  cette  dernière. 

(a)  Le  Juniperus  Sabina  L.  ( Species , 1472)  est  un  arbuste  ou  un  petit  arbre  mo- 
noïque, souvent  bas  et  presque  couché  sur  le  sol,  particulièrement  dans  les  régions 
alpines  ou  subalpines.  Les  rameaux  sont  cylindriques,  tantôt  dressés,  tantôt  au 
contraire  étalés  sur  le  sol,  et  couvrant  parfois  une  très-large  surface.  Les  feuilles 
sont  ti  ès-pressées  les  unes  contre  les  autres  ',  celles  des  rameaux  sont  opposées  ou 
ternées,  en  grande  partie  adnées,  libres  et  étalées  au  niveau  de  l’extrémité,  lan- 
céolées, linéaires,  aiguës,  mucronées,  piquantes  ; celles  des  minuscules  sont  op- 

(1)  Nous  avons  examine  dans  les  [herbiers  de  nombreux  échantillons  de  J.  vir- 
giniana et  de  J.  Sabina  ; sauf  la  différence  de  stature  et  de  port,  on  ne  peut  guère 
trouver  aucun  caractère  permettant  de  distinguer  les  deux  espèces.  Le  pédoncule  du 
fruit  est,  dans  le  J.  virginiana,  souvent  pendant  comme  dans  le  /.  Sabina.  Chacune 
des  deux  plantes  a deux  formes,  l’une  arborescente,  l’autre  frutescente. 

(2)  Nous  nous  en  sommes  assurés  en  distillant,  dans  des  conditions  identiques, 

G livres,  G onces  de  bourgeons  frais  de  chacune  des  deux  plantes.  Le  ./.  Sabina  nous 

onua  J drachmes  d’huile  essentielle,  et  le  J.  virginiana  un  demi-drachme  seulement. 

L huile  essentielle  de  ce  dernier  possédait  une  odeur  moins  prononcée  et  un  pouvoir 
dextrogyre  différent. 

(3)  Donplanrlia,  18G2,  X,  SiL 


4'2Ü 


CONIFÈRES. 

posées,  imbriquées,  rhomboïdales,  plus  ou  moins  aiguës,  mucronulées,  convexes 
au  niveau  de  la  face  dorsale  et  munies  dans  la  partie  médiane  d'une  glande 

ovale.  Elles  sont  tantôt  étroitement  appliquées  contre 
le  rameau,  courtes  et  imbriquées,  comme  dans  la 
figure  2!>3  ; tantôt  apprimées  seulement  à la  base, 
libres  et  étalées  dans  le  reste  de  leur  étendue,  plus 
longues,  linéaires,  aiguës  et  mucronées,  à peu  près 
planes  et  glauques  en  dessus,  convexes  en  dessous 
et  munies  d’une  glandé  linéaire-oblongue.  Les  cha- 
tons môles  sont  situés  à l’extrémité  des  rameaux  la- 
téraux ; ils  sont  dressés,  formés  de  bractées  suborbicu- 
laires,  planes  dans  le  dos,  entières  et  munies  dans  le 
milieu  d’une  petite  glande  arrondie.  Les  chatons 
femelles  sont  également  situés  à l’extrémité  de  petits 
rameaux  latéraux  ; ils  sont  incurvés.  Les  cônes  sont 
solitaires,  pendants,  portés  par  un  minuscule  plus 
court  que  le  cône  et  recourbé  ; ils  sont  ovales  ou 
Fig.  253,  Jumpents  Sabma.  peu  près  globuleux,  colorés  en  pourpre  bleuâtre, 
et  revêtus  d’une  pruine  bleue  ; ils  sont  constitués  par  quatre  à six  écailles  op- 
posées, étroitement  connées,  courtement  apiculées  au-dessous  du  sommet,  et  en- 
veloppant à la  maturité  un  ou  deux,  plus  rarement  trois  ou  quatre  achaines  blan- 
châtres, convexes  sur  les  deux  faces,  à bords  et  à sommet  obtus.  [Trad.] 


MONOCOTYLÉDONES 


AMOMACÉES 

A R R O W ROOT. 

Amylum  Marante. 


Origine  botanique. — Marantci  arundinacea  L.  C’est  une  plante  her- 
bacée, ramifiée,  haute  de  -lm,20  à Im,80.  Ses  feuilles  sont  ovales-lan- 
céolées,  pubérulentes  ou  presque  glabres.  Ses  fleurs  sont  petites,  soli- 
taires, ou  disposées  en  grappes  lâches.  Elle  est  originaire  des  parties 
tropicales  de  l’Amérique,  depuis  le  Mexique  jusqu’au  Brésil,  et  des  îles 
des  Indes  occidentales  (a).  Sous  une  forme  un  peu  différente,  Maranta 
indica  Tussac,  on  la  trouve  aussi  dans  le  Bengale,  à Java,  et  dans  les  îles 
Philippines.  Cette  variété  asiatique  existe  maintenant  dans  les  Indes 
occidentales  et  dans  l’Amérique  tropicale,  mais  elle  y a probablement 
été  introduite  par  la  culture  (I). 

Historique.  — L’histoire  de  l’Arrowroot  est  relativement  récente.  En 
laissant  de  côté  les  anciens  renseignements,  donnés  par  les  écrivains 
français  qui  se  sont  occupés  des  Indes  occidentales,  se  l’apportant  à une 
Herbe  aux  flèches  qu’il  est  impossible  d’identifier  avec  le  Maranta , nous 
trouvons  dans  le  catalogue  des  plantes  de  la  Jamaïque  dressé  par  Sloane, 
en  1696,  un  Canna  indica , radice  alba  alexipharmaca.  Cette  plante,  dé- 
couverte dans  l’île  Dominica,  fut  importée  à cette  époque  dans  l’île  de 
Barbados,  et  plus  tard  à la  Jamaïque.  Elle  était,  dit  Sloane,  « très- 
estimée  pour  ses  propriétés  alexipharmaques  » . On  a observé,  ajoute- 

(1)  Nous  acceptons  l’opinion  de  Kôrnicke  [Monogvapliiæ  Marantearum  Prodromus,  in 
Bull,  de  la  Soc.  imp.  des  naturalistes  de  Moscou,  1862,  XXXV,  1),  d’après  laquelle  le 
Maranta  arundinacea  L.  et  le  Maranta  indica  Tuss.  ne  constituent  qu’une  seule  et  même 
espèce.  Grisebach  conserve  ces  deux  espèces  ( Flora  of  the  Brïtish  West  Indian  Is- 
lands,  1864,  605)  et  les  considère  toutes  les  deux  comme  originaires  de  l’Amérique 
tropicale,  mais  il  ne  signale  aucun  caractère  important  qui  permelte  de  les  distinguer 
l’une  de  l’aulre.  D’après  Miquel  (in  Linnæa,  1844,  XVIII,  71;,  la  plante  étiquetée 
Maranta  arundinacea  dans  l'herbier  de  Linné,  est  le  Maranta  indica.  Nous  avons 
nous-mêmes  préparé  de  l’arrowroot  avec  le  rhizome  Irais  du  Maranta  arundinacea,  dans 
le  but  de  le  comparer  avec  un  échantillon  authentique  provenant- de  Java,  et  préparé 
avec  le  Maranta  indica,  et  nous  n’avons  pu  trouver  entre  eux  aucune  différence. 


422 


AMOMÀCÉES. 

t-il,  que  les  Indiens  emploient  avec  succès  la  racine  de  cette  plante 
contre  le  poison  des  flèches  : « ils  la  mâchent  cl  l’appliquent  sur  les 
plaies  empoisonnées.  » Elle  annihile  aussi  le  poison  du  Mancenillier 
(Ifippomane  Mancinella  L.),  guérit' les  piqûres  des  guêpes  de  la  Guada- 
loupo,  et  même  arrête  « la  gangrène  à ses  débuts  (d)  ». 

Patrick  Browne,  en  1756,  signale  les  propriétés  alexipharmaques  attri- 
buées au  Maranta , qui  était  alors  cultivé  dans  les  jardins  de  la  Jamaïque, 
cl  dit  que  la  racine  « lavée,  broyée  et  blanchie,  donne  une  belle  farine 
et  de  1 amidon  » qu’on  emploie  parfois  dans  l’alimentation  lorsque  les 
vivres  sont  rares  (2).  Hughes,  dans  ses  écrits  sur  l’île  de  Barbados, 
en  1750,  décrit  l’Arrowroot  comme  une  plante  très-utile,  et  dit  qu’on 
considère  son  suc  mélangé  avec  de  l’eau,  et  pris  en  boisson,  comme  « pré- 
servatif contre  tout  poison  de  nature  brûlante»,  tandis  qu’on  prépare 
avec  la  racine  un  très-bel  amidon,  de  beaucoup  préférable  à celui  du 
froment  (3).  Lunan  (4)  insiste  beaucoup  sur  les  propriétés  du  Maranta 
arundinacea  comme  contre-poison,  et  termine  son  histoire  de  la  plante 
par  un  exposé  détaillé  des  procédés  employés  pour  extraire  l’amidon 
contenu  dans  son  rhizome. 

L’Arrowroot  commença  à être  employé  en  Angleterre  vers  le  commen- 
cement de  notre  siècle.  On  le  faisait  venir,  à ce  qu’il  paraît,  de  la  Ja- 
maïque (5).  Les  indications  de  Sloane,  confirmées  par  Browne  et  par 
Lunan,  donnent  l’origine  et  le  sens  du  mot  Arroivroot,  et  montrent 
l’erreur  commise  par  le  savant  C.  F.  Ph.  von  Martius  (1867),  d’après 
lequel  ce  nom  dériverait  de  ce  que  les  Indiens  Aruac  ou  Aruaquis, 
de  l’Amérique  du  Sud,  nomment  la  plus  belle  sorte  de  fécule  qu'ils 
retirent  du  Manioc,  aru-aru.  Il  est  vrai  que  le  Maranta  arundinacea 
est  connu  aujourd’hui  au  Brésil  sous  le  nom  d 'Araruta,  mais  ce  nom 
dérive  sans  contredit  du  mot  anglais  Arroivroot ; la  plante,  d’après 
l’opinion  générale,  a été  introduite  au  Brésil  (6). 

Fabrication.  — Pour  préparer  l’arrowroot,  on  arrache  la  plante  lors- 

(1)  Sloane,  Catal.  plant,  quæ  in  ins.  Jamaica  sponte  proveniunt,  vel  vulgo  colun- 
tur,  Lond.,  1696,  122  ; Hist.  of  Jamaica,  1707,  I,  250. 

(2)  Civil  and  Natural  History  of  Jamaica,  1756,  112,  113. 

(3)  Natural  History  of  Barbados,  1756,  221. 

(4)  Hortus  Jamaicensis,  1814,  I,  30. 

(5)  Ainsi,  en  1799,  il  fut  exporté  de  la  Jamaïque  vingt-quatre  fûts  et  caisses  d’arrow- 
root  (Renny,  Hist.  of  Jamaica,  235). 

(6)  Nous  avons  reçu  de  M.  Spruco  les  lignes  suivantes  relatives  à cette  question  •’ 
« ....  J’ignore  l’étymologie  donnée  par  M.  Martius  au  mot  arrowroot.  Sur  les  bords  de 
l’Amazone,  on  le  nomme  « ararùta  »,  corruption  du  nom  anglais,  qui  s’explique  par  le 
fait  que  la  plante  a été  cultivée  d’abord,  à ce  que  j’ai  entendu  dire,  îi  l’aide  de  tubercules 
provenant  des  Indes  orientales.  » 


423 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

qu’ello  est  parvenue  à.  sa  maturité  complote,  qui,  en  Gcoigio,  se  pio- 
duit  au  commencement  de  l’hiver.  On  enlève  les  écailles  qui  recouvrent 
les  rhizomes,  on  lave  ces  derniers,  puis  on  les  hroic  à l’aide  d’un 
moulin,  et  on  lave  la  pulpe  sur  des  tamis  ou  dans  des  machines  à laver 
spéciales,  afin  d’enlever  l’amidon.  On  laisse  celui-ci  se  déposer  dans 
Peau,  on  le  fait  égoutter  puis  sécher  à une  douce  chaleur.  Au  lieu 
de  les  broyer  dans  un  moulin,  on  réduit  parfois  les  rhizomes  en 
pulpe  à l’aide  d’une  machine  à râper  spéciale.  Pendant  toutes  les 
phases  de  l’opération,  on  prend  les  plus  grands  soins  pour  éviter  que 
l’amidon  ne  soit  souillé  par  la  poussière,  la  rouille  du  fer,  les  insectes, 
ou  toute  autre  impureté  qui  pourrait  altérer  la  coloration  ou  la  saveur 
du  produit.  Le  rhizome  contient  environ  68  pour  100  d’eau,  et  fournit  à 
peu  près  le  sixième  de  son  poids  d’amidon  (I). 

Description.  — L’Arrowroot  est  une  poudre  brillante,  blanche,  insi- 
pide, inodore,  parfois  agrégée  en  petites  masses  qui  peuvent  dépasser 
le  volume  d’un  pois.  Lorsqu’on  le  presse  entre  les  doigts  il  craque 
avec  un  son  clair.  Il  offre  les  propriétés  générales  de  l’amidon,  et 
est  formé  en  entier  de  granules  à peu  près  sphériques,  ou  anguleux 


Fig.  254.  Amidon  de  Maranta  arundinacea.  Fig.  255.  Amidon  do  Maranta  arundinacea. 
Etat  naturel  (d'après  Berg  et  Schmidt).  Après  torréfaction  (d'après  Berg  et  Sohmidt). 

et  irréguliers.  Examinés  dans  l’eau,  ces  granules  offrent  une  stratifica- 
tion très-manifeste,  sous  forme  de  lignes  fines  concentriques  disposées 
autour  d’un  petit  hile.  Leur  diamètre  varie  entre  5 et  7 millièmes  de 
millimètre,  lorsqu’on  les  observe  à sec  ou  dans  la  benzine.  Si  l’on 
chauffe  avec  soin,  sur  le  porte-objet  du  microscope,  l’eau  dans  laquelle 
fisse  trouvent,  on  voit  qu’ils  commencent  à se  gonfler  vers  70°  C.  Chauffé 
à 100u  C.  avec  20  parties  d’eau  distillée,  l’Arrowroot  forme  une  gelée 
demi-transparente  dont  l’odeur  et  le  goût  sont  un  peu  terreux.  L’acide 
chlorhydrique,  ayant  pour  poids  spécifique  1 ,06,  dissout  imparfaitement 
l’Arrowroot  à 40“  C..  La  densité  de  toutes  les  variétés  d’amidon  varie 

(1)  Résultats  obtenus  dans  la  colonie  allemande  de  Blumcnau,  dans  le  sud  du  Brésil 
(Ebeiuiaud,  Arch.  der  Pliarm.,  1808,  134,  207). 


424  AMOMACÉES. 

suivant  la  quantité  d’eau  que  les  granules  contiennent  à la  tempéra- 
ture ordinaire.  Après  une  exposition  prolongée  dans  une  atmosphère 
d’humidité  moyenne,  l’Arrowroot,  maintenu  à tOÛ°  C.  jusqu’à  ce  que 
son  poids  reste  constant,  perd  L'1,3  pour  100  d’eau.  Par  une  exposi- 
tion ultérieure  à l’air,  il  reprend  la  quantité  d’eau  qu’il  contenait 
primitivement.  Pesé  dans  un  liquide  entièrement  dépourvu  d’action  sur 
l’amidon,  tel  que  le  pétrole  ou  la  benzine,  l’Arrowroot  a offert  à l’un  de 
nous,  comme  poids  spécifique,  1,504,  et  1,565  après  que  sa  poudre  eut 
été  desséchée  à 100°  G. 

Structure  microscopique  de  l'Arrowroot  et  de  l'Amidon  en  général. 

— Les  granules  d amidon  sont  formés  de  couches  concentriques  qui 
sont  rendues  bien  évidentes  par  l’action  lente  du  chlorure  de  calcium, 
de  1 acide  chromique,  ou  d’une  solution  ammoniacale  d’oxyde  cuprique. 
Lorsqu’on  fait  agir  sur  l’amidon  une  de  ces  dissolutions  dans  un  état  de 
concentration  convenable,  ou  quand  on  opère  avec  un  liquide  dont  l’ac- 
tion n’est  pas  trop  énergique,  comme  la  diastase,  la  bile,  la  pepsine,  ou 
la  salive,  on  obtient  un  résidu  qui,  d’après  Nageli,  n’est  plus  susceptible 
de  se  gonfler  dans  l’eau  bouillante,  ni  d’être  coloré  en  bleu  par  l’iode,  à 
moins  qu’on  ajoute  de  l’acide  sulfurique,  mais  qui  est  dissous  par  l’oxyde 
cuprique  ammoniacal.  Ce  sont  là  les  propriétés  essentielles  de  la  cel- 
lulose, et  le  résidu  a été  considéré  par  Nâgeli  comme  de  la  cellulose  vé- 
ritable, tandis  que  la  portion  dissoute  a été  désignée  sous  le  nom  de 
Granulose  (Maschke,  1852).  Dans  son  importante  monographie  de  l’a- 
midon (1),  Ntïgeli  a décrit  l’action  exercée  par  la  salive  sur  ce  corps, 
quand  on  le  fait  digérer  pendant  un  jour  à une  température  de  40° 
à 47°  C.  11  décrit  le  résidu  comme  un  squelette  correspondant  à la  forme 
primitive  du  grain  d’amidon,  mais  un  peu  plus  petit,  clair,  et  très- 
mobile  dans  l’eau.  11  en  conclut  que  les  interstices  de  ce  squelette 
étaient  primitivement  remplis  par  la  granulose. 

Cette  expérience,  qui  a été  répétée  par  l’un  de  nous  (F.),  ne 
nous  paraît  pas  comporter  toutes  les  déductions  que  M.  Nügeli  en 
a tirées.  Il  est  vrai  que  plusieurs  parties  du  grain  d’amidon  sont  dis- 
soutes par  la  salive,  tandis  que  d’autres  sont  attaquées  d’une  ma- 
nière très-irrégulière  ; mais  nous  ne  pouvons  admettre  qu’il  reste 
quelque  chose  d’analogue  à un  squelette  du  grain  d’amidon.  Après 
une  action  plus  prolongée,  et  à une  température  plus  élevée  , qui 
cependant  ne  doit  pas  dépasser  65°  G.,  il  se  produit  une  dissolution 


(1)  Die  StürkekOrner,  Zurich,  1858,  in-4°. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  425 

plus  considérable  du  grain  d’amidon,  soit  sous  l’action  de  la  salive,  soit 
sous  celle  de  labile,  mais  elle  n’est  jamais  complète  (1). 

Composition  chimique  «le  l'amidon.  — On  assigne  communément  la 
formule  C6H10O5  à l’amidon,  quelle  que  soit  la  plante  qui  le  produise. 
Musculus  a.  montré  cependant,  en  1861,  que  sous  l’influence  des  acides 
dilués  ou  de  la  diastase,  l’amidon  se  dédouble  en  Dexlrine,  C12Hî0O10,  et 
en  Dextrose , CGH|206,  et  quo  la  formule  C18H20O1B  répondrait  mieux  à 
cette  décomposition. 

L’eau  froide  n’est  pas  sans  action  sur  l’amidon.  Lorsqu’on  le  triture 
avec  l’eau  pendant  longtemps,  le  liquide  filtré,  quoique  ne  con- 
tenant aucune  particule  d’amidon,  se  colore  en  bleu  sous  l’influence 
de  l’iode,  sans  qu’il  se  forme  aucun  précipité.  La  quantité  d’amidon 
tenue  ainsi  en  dissolution  est  extrêmement  faible,  mais  les  grains  sont 
légèrement  entamés.  Il  est  probable  que  la  dissolution  qui  se  produit 
dans  ces  circonstances  est  due  à la  légère  élévation  de  température  qui 
est  produite  par  la  trituration. 

Certains  réactifs  susceptibles  d’attaquer  l’amidon  agissent  sur  lui  par 
des  procédés  très-différents.  L’action,  à froid,  des  solutions  aqueuses 
concentrées  des  sels  neutres  solubles  ou  de  l’hydrate  de  chloral  est  re- 
marquable. Le  bromure,  l’iodure  de  potassium,  ou  le  chlorure  de  cal- 
cium, par  exemple,  font  gonfler  les  grains  et  les  rendent  solubles  dans 
l’eau  froide.  A un  certain  degré  de  dilution,  il  se  forme  un  liquide  par- 
faitement limpide,  qui  ne  contient  au  début  ni  dextrine  ni  sucre;  il  est 
coloré  en  bleu,  sans  précipité,  par  l’eau  iodée  , et  l’alcool  en  précipite 
l’amidon.  Ce  précipité,  quoique  entièrement  dépourvu  de  la  structure 
propre  à l’amidon,  offre  encore  un  certain  nombre  des  principales  pro- 
priétés de  cette  substance  ; il  est  coloré  en  bleu  par  l’iode,  ne  se  dis- 
sout pas,  même  à l’état  humide,  dans  l’oxyde  cuprique  ammoniacal,  et, 
après  dessiccation,  est  insoluble  dans  l’eau  froide  ou  bouillante.  La 
marche  de  la  dissolution  est  plus  facile  à suivre  lorsqu’on  emploie  le 
chlorure  de  calcium,  parce  que  ce  sel  agit  plus  lentement  que  ceux  que 
nous  avons  déjà  mentionnés.  Il  ne  laisse  qu’un  résidu  imperceptible. 
Ce  fait  est  contraire,  à notre  avis,  à l’opinion  d’après  laquelle  l’amidon 
serait  formé  d’une  substance  amylacée  particulière,  déposée  dans  les 
mailles  d’un  squelette  de  cellulose. 

L action  remarquable  de  l’iode  sur  l’amidon  fut  découverte,  en  1814, 
par  Colin  et  Gaultier  de  Glaubry.  Son  énergie  varie . beaucoup  avec 

(1)  Pour  plus  (]u  détails  sur  celte  question,  voyez  mon  mémoire:  Ueher  Sltlrke  und 
Cellulose,  in  Archiv  (1er  Pharmacie,  1871,  196,  7.  [P.  A.  P.] 


•42(5  AMOMACÉES. 

chaque  sorte  d’amidon,  avec  la  proportion  d’iode,  et  avec  la  nature  de 
la  substance  dont  les  grains  se  trouvent  imprégnés  soit  avant,  soit  après 
l’action  do  l’iode.  Celte  action  est  même  entièrement  arrêtée,  et  la  co- 
loration bleue  ne  se  produit  pas,  en  présence  d’une  certaine  quantité 
de  quinine,  de  tannin,  d’eau  de  goudron,  et  d’autres  corps. 

La  combinaison  de  l’iode  avec  l’amidon  ne  s’effectue  pas  dans  des 
proportions  definies,  et  elle  est  facilement  détruite  par  la  chaleur.  La 
proportion  d’iode  combinée  s’élève  au  plus  à 7,5  pour  100.  Ce  com- 
posé se  forme  plus  facilement  en  présence  de  l’eau,  et  il  se  produit 
alors  une  coloration  bleu-indigo  foncé.  La  plupart  des  autres  sub- 
stances susceptibles  de  pénétrer  les  grains  d’amidon,  font  passer  la 
couleur  du  composé  iodé  au  violet,  au  jaune  rougeâtre,  au  jaune  ou 
au  bleu  verdâtre.  Ces  différentes  colorations,  dont  la  production  a été 
décrite  parNâgeli  avec  beaucoup  de  détails,  répondent  aux  couleurs  pro- 
pres de  l’iode  lui-même  à l’état  solide,  liquide  ou  gazeux.  Elles  indi- 
quent peut-être  que  les  particules  de  l’iode  pénètrent  dans  un  état  par- 
ticulier, et  d’une  façon  inexpliquée,  dans  l’amidon  ramolli  ou  dissous. 

Commerce  de  l’Arrowroot. — Les  principales  sortes  d’Arrowroot  qu’on 
trouve  dans  le  commerce  sont  connues  sous  les  noms  d’Arroivroot  des 
Bermudes,  de  Saint-Vincent  et  de  Natal;  mais  on  trouve  encore  coté 
dans  les  prix  courants,  du  moins  accidentellement,  l’Arrowroot  de  la 
Jamaïque,  des  Indes  occidentales,  du  Brésil,  de  Sierra-Leone  et  des 
Indes  orientales.  Parmi  ces  variétés,  celle  qui  jouit  de  la  plus  grande 
réputation,  et  qui  atteint  de  beaucoup  le  prix  le  plus  élevé,  est  celle  des 
Bermudes  ; mais  elle  est  fréquemment  mélangée  d’Arrowroot  des  autres 
localités,  qui,  cà  l’état  d’égale  pureté,  ne  peuvent  pas  être  distingués. 

Les  importations  d’Arrowroot  dans  le  Royaume-Uni,  pendant  l’année 
^ 1870,  se  sont  élevées  à 21  770  quintaux,  valant  33  063  livres  sterling. 
Sur  cette  quantité,  l’île  Saint-Yincent,  dans  les  Antilles,  avait  fourni 
près  de  17  000  quintaux,  et  la  colonie  de  Natal  environ  3000  quintaux. 

La  fabrication  de  l’Arrowroot  paraît  décliner  dans  les  îles  des  Indes 
occidentales.  Les  Bermudes,  particulièrement,  n’en  exportent  plus 
qu’une  quantité  insuffisante  pour  les  besoins  du  commerce  (1). 

Usages.  — L’Arrowroot  bouilli  dans  l’eau  ou  le  lait  constitue  un  ex- 
cellent aliment  pour  les  convalescents.  C’est  aussi  un  aliment  agréable 
sous  forme  de  pudding  et  de  blanc-manger. 

Falsification.  — On  vend  parfois  sous  le  nom  d Arroivroot  d autres 

(1)  Pendant  l’année  1868,  il  n’en  a été  exporté  que  60  quintaux,  et  en  1869,  91  quin- 
taux. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  427 

amidons  que  celui  du  Maranta.  On  ne  peut  les  distinguer  qu’à  l’aide  du 
microscope. 

AUTRES  AMIDONS. 

Amidon  de  Pomme  de  terre.  — Cette  substance,  connue  dans  le 
commerce  sous  le  nom  de  Fécule  ou  Farine  de  Pommes  de  terre , est  pré- 
parée avec  les  tubercules  du  Solanum  tuberosum  L.  par  un  procédé 
analogue  à celui  qui  est  employé  pour 
la  préparation  de  l’arrowroot.  L’amidon 
de  pommes  de  terre  offre  les  caractères 
suivants  : Examinés  au  microscope,  les 
granules  paraissent  être  surtout  de  deux 
sortes  : les  uns  petits  et  sphériques,  les 
autres  beaucoup  plus  gros,  ayant  par- 
fois jusqu’à  100  millièmes  de  millimètre 
de  long,  avec  un  contour  irrégulier, 
ovale  ou  anguleux;  ils  sont  marqués  de 
fines  lignes  concentriques  disposées 
autour  d’un  hile  peu  visible.  Lorsqu’on  les  chauffe  dans  l’eau  ils  se 
gonflent  beaucoup,  même  à 60°  C.  L’acide  chlorhydrique,  ayant  pour 
poids  spécifique  1 ,06,  les  dissout  même  à 40°  C.,  rapidement  et  pres- 
que entièrement,  et  il  ne  se  dépose  plus  ensuite  de  granulations 
comme  dans  le  cas  de  l’arrowroot.  Le  mélange  d’arrowroot  et  d’acide 
chlorhydrique  est  inodore,  tandis  que  celui  d’amidon  de  pommes  de 
terre  et  d’acide  chlorhydrique  possède  une  odeur  particulière,  mais 
faible. 

Amidon  de  Canna  ( Amidon  de  Tous  les  mois  (I),  de  Toulema , de  Tolo- 
mane).  — On  cultive  dans  les  îles  des  Indes  occidentales,  et  particu- 
lièrement dans  l’île  de  Saint-Kitts,  une  espèce  de  Canna  dont  le  rhizome 
sert  depuis  1836  à l’extraction  d’une  sorte  particulière  d’amidon.  On 
emploie  le  même  procédé  que  pour  l’arrowroot.  Le  nom  spécifique  de 
la  plante  est  encore  indéterminé.  Nous  avons  reçu  de  Saint-Kitts  des 
rhizomes  vivants,  et  nous  avons  cultivé  la  plante  pendant  plusieurs  an- 

(I)  On  admet  généralement  que  le  nom  de  Tous  les  mois  a été  donné  à la  plante 
parce  qu’elle  fleurit  pendant  toute  l’année,  mais  cette  explication  ne  nous  paraît  pas 
vraisemblable.  Ce  nom  n’est  mentionné  ni  par  Rochefort,  ni  par  Aublet,  ni  par  Des- 
courtilz,  qui  nomment  la  plante  Balisier  ou  Canna.  Il  paraît  plus  probable  qu’il  vient, 
par  corruption,  d’une  dénomination  aucienne,  peut-être  Touloula,  qui  est  l’un  des  noms 
caraïbes  du  Canna  et  du  Calathea. 


Fig.  256.  Amidon  do  Solanum  tuberosum. 


428  AMOMACÉES. 

nées,  mais  nous  n’avons  pas  pu  obtenir  de  fleurs,  et  les  feuilles  n’of- 
fraient pas  de  caractères  suffisants  pour  permettre  de  reconnaître 
l’espèce.  L’amidon  porte  le  môme  nom  que  la  piaule  ; c’est  une  poudre 
blanc  foncé,  douée  d’un  aspect  satiné  ou  lustré  particulier,  dû  à la 
grosseur  extraordinaire  des  granules  dont  elle  est  composée.  Les 
grains  de  cet  amidon,  [examinés  au  microscope,  paraissent  aplatis  et 
irréguliers,  circulaires,  ovales,  oblongs  ou  ovales-tronqués.  Le  centre 
des  nombreuses  lignes  concentriques  qui  marquent  chaque  granule  est 
situé  à une  dos  extrémités  du  grain.  Le  hile  n’est  pas  visible.  Les 
granules,  quoique  beaucoup  plus  grands  que  ceux  de  la  pomme  de 
terre,  ont  la  même  densité  que  ceux  de  la  petite  variété  de  l’amidon  de 
pommes  de  terre,  et  flottent  comme  eux  à la  surface  du  chloroforme. 
Lorsqu’on  les  chauffe,  ils  commencent  à éclater  vers  72°  C.  L’acide 
chlorhydrique  dilué  agit  sur  eux  comme  sur  ceux  de  l’arrowroot. 

L’amidon  de  Canna,  bouilli  dans  vingt  fois  son  poids  d’eau,  donne  une 
gelée  moins  claire  et  plus  tenace  que  celle  de  l’arrowroot,  mais  cepen- 
dant susceptible  des  mêmes  applications.  Cet  amidon  n’est  fabriqué 
qu’en  très-petite  quantité;  il  est  peu  connu  et  peu  estimé  en  Eu- 
rope (1). 

Amidon  de  Curcuma  ( Tikor , Tiklwr ).  — Les  tubercules  pendants  et 

incolores  de  quelques  espèces  de  Cur- 
cuma  , et  particulièrement  du  C.  angus- 
tifolia  Roxb.  et  du  C . leucorrhiza  Roxb., 
1 sont  depuis  longtemps  utilisés,  dans  le 
| sud  de  l’Inde,  pour  la  préparation  d’une 
| sorte  d’arrowrool  connu  sous  le  nom 
| hindoustani  de  Tikhar,  et  nommé  parfois 
j par  les  Européens  Arrowroot  des  Indes 
Orientales  (2).  Les  granules  de  cet  ami- 
Fis?-  257-  don  ressemblent  beaucoup  à ceux  du 

Amidon  de  Curcuma  leucorrhiza ■ ,,  ...  . . . , . 

Maranta , mais  ils  ne  sont  ni  sphenques 
ni  anguleux.  On  peut  les  décrire  plutôt  comme  des  disques  aplatis, 
ayant  de  S à 7 millièmes  de  millimètre  d’épaisseur,  à contour  elliptique 
ou  ovoïde,  parfois  tronqué.  Un  grand  nombre  ont  de  00  à 70  millièmes 
de  millimètre  de  long.  Le  hile  est  généralement  situé  au  niveau  de  la 

(1)  Il  en  a été  mis  en  vente,  il  Londres,  le  10  mai  1871,  vingt  barils  provenant  de 
Saint- Kilts.  Ils  furent  vendus  à raison  de  2 deniers  et  demi  la  livre. 

(2)  Des  racines  vivantes  de  la  plante,  employées  pour  la  préparation  de  cet  arrow- 
root,  il  Cochin,  nous  ont  été  obligeamment  envoyées  par  A.  F.  Sealy,  Esq.  de  cette 
ville. 


-529 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

petite  extrémité.  D’après  nos  observations,  quand  on  chauffe  ces  gra- 
nules dans  l’eau,  ils  commencent  à se  gonfler  à 72°  G. 

L’amidon  du  Curcuma  possède  les  propriétés  générales  de  l’arrow- 
root  commun.  On  le  fabrique  sur  une  grande  échelle,  mais  d’une  façon 
très-primitive,  à Travancore,  à Gochin  et  à Ganara,  sur  la  côte  sud-ouest 
de  l’Inde.  Drury  (I)  dit  qu’il  constitue  un  des  aliments  favoris  des  in- 
digènes. et  qu’on  l’exporte  de  Travancore  et  de  Madras.  Nous  pouvons 
ajouter  qu’il  n’est  pas  connu  sur  le  marché  anglais  comme  marchandise 
spéciale,  et  que  l’amidon  que  nous  avons  vu  en  vente  dans  les  boutiques 
de  Londres,  sous  le  nom  d ’Arrowroot  des  Indes  orientales , était  de  l’ami- 
don de  Maranta. 

(a)  Les  Maranla  Plumier  ( Généra , 36)  sont  des  Amomacées  de  la  tribu  des  Ma- 
rantées  à corolle  irrégulière  ; à étamines  pétaloïdes,  l’une  d’elles  seulement  fertile  et 
ne  portant  qu’une  demi-anthère  sur  son  bord  ; à ovaire  infère,  triloculaire,  avec  des 
loges  uniovulées. 

Le  Maranta  arundinacea  L.  ( Species , 2)  est  une  plante  à souche  vivace,  fibreuse, 
produisant  au  niveau  de  sa  couronne  de  nombreux  tubercules  fusiformes,  charnus, 
écailleux,  et  une  tige  aérienne  haute  de  30  à 60  centimètres,  très-ramifiéè,  grêle,  fi- 
nement velue,  renflée  au  niveau  des  nœuds.  Les  feuilles  sont  alternes  et  munies  de 
longues  gaines  foliacées,  velues-,  elles  sont  ovales-oblongues,  acuminées,  légèrement 
velues  en  dessous,  colorées  sur  les  deux  faces  en  vert  pâle.  Les  fleurs  sont  disposées  en 
panicules  terminales,  lâches,  étalées,  munies,  au  niveau  de  leurs  ramifications,  de 
longues  bractées  linéaires,  engainantes.  La  fleur  est  irrégulière  et  hermaphrodite. 
Le  calice  est  formé  de  trois  sépales  verts,  lisses  imbriqués  dans  la  préfloraison.  La 
corolle,  ou  calice  intérieur,  est  petite,  blanche,  composée  de  trois  pétales  connés  en 
tube  dans  le  bas.  L’androcée  est  formé  de  trois  étamines  pétaloïdes;  Tune  d’elles 
seulement  est  fertile  et  porte  une  seule  loge  anthérique  fixée  sur  l’un  de  ses  bords; 
les  deux  autres  sont  des  staminodes  pétaloïdes,  dont  l’une  reste  simple  et  l’autre 
se  dédouble  en  deux  lames.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  infère,  triloculaire, 
surmonté  d’un  style  tubuleux,  recourbé,  terminé  par  trois  lobes  stigmatiques.  Cha- 
que loge  de  l’ovaire  ne  contient  qu’un  seul  ovule  anatrope  inséré  dans  l’angle  in- 
terne. Le  fruit  est  d’abord  bacciforme,  mais  il  se  dessèche  après  la  maturité,  et 
ne  renferme,  par  avortement,  qu’une  seule  graine  dépourvue  d’arille,  dont  l’albu- 
men est  corné  et  l’embryon  recourbé  (2).  [Trad.] 

RHIZOME  DE  GINGEMBRE. 

Uhizoma  Zingiberis  ; Radia  Zingiberis;  angl.,  Ginger  ; allera.,  Ingwer. 

Origine  botanique. — Zingiber  officinale  Roscoe  ( Amomum  Zingiber  L.) . 
C’est  une  plante  à port  de  roseau,  avec  des  tiges  annuelles,  feuillées, 

(1)  Use  fui  Plants  of  India,  éd.  2,  1873,  168. 

(2)  Pour  le  Développement  et  l'Organisation  de  la  fleur  d-es  Maranlées,  voyez  H. 
Bâillon,  in  Adansonia,  1861. 


4JU  AMOMACÉES. 

hautes  de  90  centimètres  à im,20,  et  des  Heurs  disposées  en  épis  coni- 
fjucs  portés  par  d autres  rameaux  qui  s’élèvent  directement  du  rhizome. 
Le  Gingembre  est  indigène  de  l'Asie,  dans  les  parties  les  plus  chaudes 
de  laquelle  il  est  très-cultivé  (1).  Mais  il  est  inconnu  à l’état  sauvage.  11 
a été  introduit  dans  la  plupart  des  contrées  tropicales;  on  le  trouve 
aujourd’hui  dans  les  Indes  occidentales,  dans  l’Amérique  du  Sud,  dans 
l’Afrique  tropicale  occidentale,  et  dans  le  Queensland  en  Australie  (a). 

Historique.-  Le  Gingembre  est  connu  dans  l’Inde,  depuis  les  temps 
les  plus  reculés,  sous  le  vieux  nom  sanscrit  de  Sringavéra,  d’où  dé- 
ii\ent  son  nom  gi ec Z^yiêepi  et  son  nom  latin  Zingiber.  11  était  employé 
comme  épice  par  les  Grecs  et  par  les  Romains,  qui  le  recevaient  proba- 
blement par  la  voie  de  la  mer  Rouge,  car  ils  le  considéraient  comme  un 
produit  du  sud  de  l’Arabie. 

Dans  une  liste  des  drogues  importées  de  la  mer  Rouge  à Alexandrie, 
qui,  au  deuxième  siècle  de  notre  ère,  ôtaient  frappées  d’un  impôt 
par  le  fisc  romain,  nous  trouvons  le  Zingiber  parmi  d’autres  épices  de 
1 Inde  (2).  Pendant  le  moyen  âge,  il  est  fréquemment  mentionné  dans 
des  listes  semblables,  et  il  constituait  évidemment  un  objet  important 
de  commerce  entre  1 Europe  et  1 Orient.  Nous  le  trouvons  dans  le  tarif 
des  impôts  levés  à Saint-Jean  d’Acre,  en  Palestine,  vers  1173  (3);  dans 
celui  de  Barcelone  (4),  en  1221;  dans  celui  de  Marseille  (3),  en  1228; 
dans  celui  de  Paris  (6),  en  1296.  Le  Tarif  des  Péages , ou  tarif  des 
douanes  des  comtes  de  Provence,  au  milieu  du  treizième  siècle,  prescrit 
de  lever  dans  les  villes  et  châteaux  d’Aix,  Digne,  Valensole,  Tarascon, 
Avignon,  Orgon,  Arles,  etc.,  un  impôt  sur  diverses  marchandises  im- 
portées d Orient,  parmi  lesquelles  se  trouvent  des  épices,  notamment  le 
poivre,  le  Gingembre , les  clous  de  girofle,  le  zédoaire,  le  galanga,  le 
cubèbe,  le  safran,  la  « canella  »,  le  cumin,  l’anis;  des  matières  tinc- 
toriales, notamment  : la  laque,  1 indigo,  le  bois  du  Brésil,  et  surtout 
l’alun  ; des  denrées  diverses,  telles  que  le  sucre,  le -riz  et  les  dattes  (7). 

En  Angleterre,  le  Gingembre  paraît  avoir  été  assez  bien  connu,  même 
avant  la  conquête  des  Normands,  car  il  est  fréquemment  nommé  dans 

(1)  Le  mode  de  culture  a été  décrit  par  Buchanan,  Jouvney  from  Madras  througli 
Mysore , etc.,  1807,  11,  469. 

(2)  Vincent,  Commerce  and  Navigation  of  the  Ancients,  1807,  II,  695. 

(3)  Recueil  des  Historiens  des  Croisades  ; Lois  1843,  II,  176. 

(4)  Capmany,  Mcmorias  sobre  la  Marina,  etc.,  de  Barcelona , Madrid,  1779,  IF,  3. 

(5)  Méuy  et  Guindon,  Hist.  des  Actes de  la  municipalité  de  Marseille,  1841, 

I,  372.  Guérahd,  Cartul.  de  Saint- Victor  de  Marseille. 

(6)  Revue  Archéologique,  1852,  IX,  213. 

(7)  Collection  des  Cartulaires  de  France,  Paris,  1857,  VIII,  pp.  lxxiii-xci. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  4.31 

les  traités  de  médecine  vétérinaire  anglo-saxons  du  onzième  siècle. 
Pendant  les  treizième  et  quatorzième  siècles,  il  était,  après  le  poivre, 
la  plus  commune  des  épices,  et  coûtait,  en  moyenne,  a peu  près  1 shil- 
ling 7 deniers  la  livre,  à peu  près  le  prix  d’un  mouton  (I). 

Vers  le  milieu  du  quatorzième  siècle,  les  marchands  d’Italie  connais- 
saient trois  sortes  de  Gingembre,  nommées  Belledi,  Colombino  et  Mic- 
chino.  Ges  dénominations  peuvent  s’expliquer  de  la  façon  suivante  : 
Belledi  ou  Baladi  est  un  mot  arabe  qui,  appliqué  au  Gingembre,  signi- 
fierait sauvage  ou  du  pays , c’est-à-dire  Gingembre  commun.  Colombino  se 
rapporte  à Columbum,  Kolam  ou  Quilon,  port  du  Travancore  fréquem- 
ment mentionné  au  moyen  âge.  Le  nom  de  Micchino  paraît  indiquer  que 
l’épice  était  apportée  de  la  Mecque  ou  par  la  voie  de  la  Mecque  (2). 

On  importait  aussi,  pendant  le  moyen  âge,  du  Gingembre  conservé 
dans  du  sirop,  qu’on  nommait  Gingembre  vert  ; on  le  considérait  comme 
une  friandise  de  premier  choix. 

La  plante  qui  produit  le  Gingembre  doit  avoir  été  bien  connue  de 
Marco  Polo  (1280-1290).  Il  dit  l’avoir  vue  en  Chine  et  dans  l’Inde.  Gio- 
vanni de  Monte-Corvino,  qui  visita  l’Inde  vers  1292  (voy.  Il,  227)  décrit 
le  Gingembre  comme  un  glaïeul  dont  on  peut  arracher  et  transporter 
la  racine.  Nicolo  Conti,  au  commencement  du  quinzième  siècle,  donne 
aussi  une  description  de  la  plante,  et  la  façon  dont  on  arrache  sa  racine, 
d’après  les  observations  faites  par  lui-même  dans  l’Inde  (3). 

Les  Vénitiens  recevaient  le  Gingembre  par  la  voie  d’Egypte  ; cer- 
taines sortes  supérieures  cependant  étaient  transportées  de  l’Inde  par 
terre,  puis  suivaient  la  voie  de  la  mer  Noire,  ainsi  que  l’établit  Marino 
Sanudo  (4),  vers  1306.  Le  Gingembre  fut  introduit  en  Amérique  par 
Francisco  de  Mendoça  qui  le  récolta  dans  les  Indes  orientales  poul- 
ie transporter  dans  Nouvelle-Espagne  (5).  On  l’expédiait  commerciale- 
ment de  file  de  Saint-Domingue  dès  1385,  et  des  Barbades  en  1654  (6). 
D’après  Renny,  on  en  exportait  de  très-grandes  quantités  des  Indes 
occidentales  pour  l’Espagne,  dès  1547  (7). 

Description.  ■ — Le  Gingembre  se  présente  sous  deux  formes.  Dans 

(1)  Rogers,  Hist.  oj  Agriculture  and  Prices  in  England,  1866,  I,  629. 

(2)  Yule,  Booli  of  Ser  Marco  Polo,  1871,  II,  316. 

(3)  Voyez  p.  828,  note  2,  t.  2. 

(4)  Marinus  Sanutus,  Liber  secretorum  fidelium  crucis,  l-Ianau.,  1611,22. 

(5)  Monardes,  Uist.  de  las  cosas  que  se  Iraen  de  nuestras  Induis  occidentales,  Se- 
villa,  1874,  99. 

(6)  Calendar  of  State  Papcrs,  Colonial  Sériés,  1874-1660,  Loud.,  1860,  4,  414,  434. 

(7)  22  083  quintaux.  Voyez  : Renny,  Hist.  of  Jamciica,  Lond.,  1807,  184. 


432 


AMOMACÉES. 

1 une,  le  rhizome  a ôté  desséché  avec  son  épiderme;  on  lui  donne  le  nom 
de  Gingembre  cortiqué.  Dans  l’autre,  le  rhizome  est  privé  de  son  épi- 
derme, c est  le  Gingembre  décortiqué.  Les  morceaux  sont  nommés  par 
les  épiciers  racines  ou  mains.  Ils  ont  rarement  plus  de  10  centimètres  de 
long;  leur  forme  est  palmée;  chacun  d’eux  porte  une  série  de  lobes 
courts,  comprimés  latéralement,  répondant  à autant  de  bases  de  ra- 
meaux, et  offrant  chacun  au  niveau  du  sommet  une  petite  dépression, 
qui  représente  la  cicatrice  de  l’axe  fouillé. 

Pour  préparer  le  rhizome  décortiqué  on  racle  le  rhizome,  on  le 
lave  et  on  le  fait  sécher  au  soleil.  Il  offre  alors  une  coloration  cha- 
mois pale  ; sa  surface  est  striée  et  un  peu  fibreuse  ; il  se  casse  faci- 
lement, et  sa  cassure  est  courte  et  farineuse  ; elle  met  à nu  de  nom- 
bieuses  fibres  semblables  à des  soies.  Coupée  avec  un  canif,  la  portion 
terminale  et  jeune  du  rhizome  se  montre  colorée  en  jaune  pâle;  elle 
est  molle  et  amylacée,  tandis  que  la  partie  la  plus  vieille  est  dure, 
pierreuse  et  résineuse. 

Le  Gingembre  cortiqué , c’est-à-dire  celui  qui  a été  séché  avec  son  épi- 
derme, est  recouvert  d’un  tégument  brun,  ridé,  strié,  qui  lui  donne  un 
aspect  extérieur  rude  et  grossier.  Sa  coloration  interne  est,  d’ordinaire, 
moins  claire  que  celle  du  Gingembre  décortiqué.  Beaucoup  de  morceaux 
de  cette  sorte  de  Gingembre  sont  foncés,  cornés  et  résineux. 

Le  Gingembre  possède  une  odeur  aromatique  agréable,  et  une  saveur 
forte,  piquante. 

Variétés.  — Les  diverses  sortes  de  Gingembre  qu’on  trouve  actuelle- 
ment sur  le  marché  de  Londres  sont  désignées  sous  les  noms  de  Gin- 
gembre de  la  Jamaïque , de  Cocliin , du  Bengale  et  d'Afrique.  Les  trois 
premières  sortes  sont  décortiquées , la  dernière  est  cortiquée  , c’est 
cette  dernière  qui  est  la  plus  estimée;  après  elle,  vient  celle  de  Gochin, 
mais  il  existe  un  grand  nombre  de  qualités  de  chacune  de  ces  sortes, 
offrant  entre  elles  de  grandes  différences. 

Le  Gingembre  décortiqué  est  fréquemment  blanchi,  soit  par  l’acide 
sulfureux,  soit  par  immersion  pendant  un  temps  très-court  dans  une 
solution  d’hypochlorite  de  chaux.  Celui  qu’on  trouve  chez  les  épiciers 
paraît  souvent  avoir  été  badigeonné  à la  chaux,  car  il  est  recouvert 
d’une  couche  mince  de  substance  calcaire,  qui  est  du  sulfate  ou  car- 
bonate de  calcium  (1). 

Structure  microscopique.  — Sur  une  coupc  transversale,  le  Gin- 


(1)  M.  Garside  ( Pharm . Journ.,  18  avril  1874)  y a trouvé  ces  deux  sels.  Nous  n’avons 
pas  observé  nous-mêmes  le  carbonate. 


133 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

gembre  cortiqué  offre  une  couche  externe  brune,  cornée,  épaisse  d’un 
millimètre  environ,  séparée  par  une  ligne  fine  cio  la  paitie  interne  qui 
est  blanchâtre  et  farineuse,  et  dans  laquelle  sont  dispersés  sans  ordre  de 
nombreux  faisceaux  fibro-vasculaires  et  des  cellules  à résine.  Le  tissu 
externe  est  formé  d’une  couche  extérieure  lâche,  et  d’une  couche  interne 
composée  de  cellules  tabulaires.  En  dedans  de  cette  dernière,  se  trouve 
une  zone  de  cellules  parenchymateuses  courtes,  qui,  sur  une  section 
transversale,  offrent  un  contour  sinueux  et  des  parois  partiellement  épais- 
sies ; elles  ont  une  apparence  cornée  particulière.  C’est  ce  tissu  qui  forme 
le  revêtement  du  Gingembre  décortiqué,  et  donne  à sa  surface  un  aspect 
strié.  C’est  lui  aussi  qui  est  le  siège  principal  de  la  résine  et  de  l’huile 
volatile  qui  sont  contenues  dans  de  larges  cavités.  Le  tissu  à grandes 
cellules  qui  vient  ensuite  est  rempli  d’amidon,  et  contient  aussi  de 
grandes  quantités  de  résine  et  des  gouttes  d’huile.  Les  grains  d’amidon 
sont  irrégulièrement  sphériques  ; ils  ont  au  plus  40  millièmes  de  milli- 
mètre de  diamètre.  Certaines  variétés  de  Gingembre,  dont  l’amidon  a 
été  rendu  gélatineux  par  l’ébullition,  sont  cornées  et  translucides.  Le 
cercle  de  faisceaux  fibro-vasculaires  qui  sépare  les  couches  externes  de 
la  portion  centrale  est  étroit,  et  offre  la  même  disposition  et  la  même 
structure  que  dans  le  Gurcuma. 

Composition  chimique.  — Le  Gingembre  contient  une  huile  volatile, 
qui  seule  parmi  ses  principes  constituants  a été  jusqu’à  ce  jour  étudiée. 
En  distillant  50  kil.  de  Gingembre  de  la  Jamaïque  avec  de  l’eau,  de 
la  façon  habituelle,  nous  avons  obtenu  124  grammes  de  cette  essence, 
c’est-à-dire  1/4  pour  100  environ.  C’est  un  liquide  jaune  pâle,  ayant 
pour  poids  spécifique  0,878  ; son  odeur  est  semblable  à celle  du  Gin- 
gembre, mais  il  n’a  pas  la  saveur  brûlante  de  ce  dernier.  Sa  réaction 
n'est  pas  acide,  il  ne  se  dissout  que  difficilement  dans  l’alcool  (0,83)  et 
dévie  la  lumière  polarisée  vers  la  gauche,  de  21°, 6,  en  colonne  de 
50  millimètres.  La  saveur  brûlante  du  Gingembre  est  due  à une  résine 
qui  produit  de  l’acide  protocatéchique  quand  on  la  fond  avec  de  la 
potasse  (Stenhouse,  1877). 

Commerce.  — La  Grande-Bretagne  a importé  pendant  ces  dernières 
années  les  quantités  suivantes  de  Gingembre  : en  1868,  52  194  quin- 
taux; en  1869,  34  535  quintaux;  en  1870,  33  854  quintaux  ; en  1871, 
32723  quintaux  ; en  1872,  32  174  quintaux. 

En  1872,  les  quantités  importées  se  décomposent  de  la  façon 
suivante,  par  rapport  au  pays  producteur  : d’Egypte,  4 923  quin- 
taux ; de  Sierra-Leone,  6167  quintaux  ; de  l’Inde  Anglaise,  13  310  quin- 

HIST.  DES  DROGUES,  T.  II.  28 


AMOMACÉES. 

taux;  dos  Indes  occidentales  anglaises,  7 543  quintaux;  des  autres 
pays,  231  quintaux. 

Les  importations  de  Gingembre  provenant  des  Indes  occidentales  ont 
beaucoup  diminué  pendant  ces  dernières  années. 

Usages.  _ Le  Gingembre  est  un  aromate  agréable  et  stomachique. 
A ce  point  de  vue,  il  peut  être  ajouté  avec  avantage  à d’autres  médica- 
ments, mais  on  1 emploie  beaucoup  plus  comme  condiment  que  comme 
drogue. 


Les  Gingembres  {Zingiber  Gærtneu,  Fruct.,  1,33,  t.  12)  sont  des  Amomacées- 
Zingibérées  à corolle  tripartite;  à androcée  formé  d’un  verticille  de  trois  étamines 
dont  une  seule  est  fertile  et  munie  d’une  anthère  biloculaire,  surmontée  d'un  loin- 
appendice  subulo  et  canalicule,  les  deux  autres  etamines  étant  connées  eu  un  sta- 
minode  pétaloïde  ou  labelle  ; à ovaire  infère,  triloculaire,  contenant  plusieurs  ovules 
dans  chaque  loge  ; à capsule  triloculaire,  déhiscente  en  trois  valves. 

Le  Zingiber  officinale  Roscoe  (in  Trans.  Linn.  Soc.,  VIII,  348)  est  une  plante  h 
rhizome  tubéreux,  bisannuel,  émettant  des  rameaux  foliaires  aériens,  dressés,  an- 
nuels, hauts  de  30  centimètres  à lm,20.  Les  feuilles  sont  munies  de  longues  gaines 
lisses,  qui  enveloppent  complètement  la  tige  ; elles  sont  étroites,  linéaires-lancéolées, 

très-lisses  en  dessus,  un  peu  moins  lisses  en  des- 
sous ; au  niveau  du  point  de  jonction  de  la  feuille 
et  de  la  gaine  se  voit  une  ligule  bifide.  Les  fleurs 
sont  portées  par  d autres  rameaux  ou  scapes,  émis 
directement  par  le  rhizome,  hauts  de  la  à 30  centi- 
mètres, enveloppés  par  un  petit  nombre  d’écailles 
engainantes,  obtuses,  qui  vers  le  haut  se  développent 
parfois  en  feuilles  véritables,  mais  beaucoup  plus 
courtes  que  celles  des  rameaux  foliaires.  Les  fleurs 
sont  disposées  au  sommet  du  scape  en  un  épi  du  vo- 
lume du  pouce,  oblong,  muni  de  bractées  im- 
briquées, obovales,  lisses,  membraneuses  sur  les 
bords,  parcourues  de  stries  longitudinales,  enve- 
loppant chacune  une  seule  fleur  axillaire,  portée 
par  un  pédoncule  très-court.  Ce  dernier  porte 
une  bractée  plus  petite  que  la  bractée  mère  et 
enveloppant  l’ovaire,  le  Calice,  et  une  partie  de  la 
corolle.  Les  fleurs  sont  petites  relativement  ci  celles 
des  plantes  de  cette  famille.  Le  calice  est  tubuleux, 
fendu  sur  l’une  de  ses  faces,  divisé  en  trois  dents.  La  corolle  est  tubuleuse,  à 
tube  allongé  et  cylindrique,  à limbe  divisé  en  trois  segments  à peu  près  égaux, 
oblongs,  terminés  en  pointe,  naissant  en  alternance  avec  les  trois  divisions  du  ca- 
lice et  imbriqués  dans  la  préfloraison.  L’androcée  se  compose  de  trois  étamines,  dont 
une  seule  fertile,  pétaloïde,  portant  une  anthère  allongée,  oblongue,  biloculaire, 
déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales,  et  surmontée  par  un  long  prolongement 
subulé  et  canaliculé  du  connectif.  Les  deux  autres  étamines  sont  stériles  et  connées 
en  une  lame  pétaloïde  ou  labelle.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  ovale,  trilo- 
culaire, surmonté  d’un  style  filiforme  que  termine  un  stigmate  en  entonnoir,  cilié, 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  435 

logé  au-dessous  du  sommet  de  la  corne  qui  termine  l’anthère.  Entre  la  hase  du 
style  et  l’androcée  sont  deux  lames  allongées  représentant  un  disque  épigyno. 
Chaque  loge  ovarienne  contient  un  nombre  iudéfini  d’ovules  anatropes,  insérés 
dans  l’angle  interne.  Le  fruit  est  une  capsule  triloculaire,  loculicide,  déhiscente 
en  trois  falves.  Elle  contient  dans  chaque  loge  un  nombre  variable  de  graines 
munies  d’un  arillc,  et  renfermant  un  embryon  axile  dans  un  albumen  charnu. 

[Trad.] 

RHIZOME  DE  CURCUMA. 

lihisoma  Curcuma  ( I),  Radix  Cia'cumss  ; Angl.,  Turmeric  ; allem.,  Gelbwurxel,  Kurkuma. 

Origine  botanique.  — Curcuma  longa  L.  Le  Curcuma  est  indigène 
de  l’Asie  méridionale,  où  il  est  très-cultivé  sur  le  continent  et  dans 
les  îles  (a). 

Historique.  — Dioscoride  mentionne  une  plante  indienne,  une  sorte 
de  Cyperus  (Kiksipoç),  semblable  au  Gingembre,  mais  offrant  une  colo- 
ration jaune,  et  ayant,  lorsqu’on  la' mâche,  une  saveur  amère  ; il  est  pro- 
bable qu’il  faisait  allusion  au  Curcuma.  Garcia. d’Orta,  en  1563,  et  Fra- 
goso,  en  1572,  décrivent  le  Curcuma  sous  le  nom  de  Crocus  indiens. 
Dans  une  liste  des  drogues  qui  se  vendaient  à Francfort  vers  1450,  on 
trouve  le  Curcuma  à côté  du  Zédoaire  et  du  Gingembre  (2). 

Dans  son  pays  d’origine,  le  Curcuma  est,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés,  tenu  en  grande  estime,  soit  comme  condiment,  soit  comme  ma- 
tière tinctoriale.  En  Europe,  il  a toujours  été  moins  apprécié  que  les 
autres  épices  appartenant  au  même  groupe  que  le  Gingembre.  Dans 
un  inventaire  des  biens  d’un  commerçant  du  Yorkshire,  daté  du 
20  septembre  1578,  on  trouve  énuméré  « x.  owneis  of  turmeracke , 
x d.  » (3). 

Description.  — La  base  de  la  tige  du  Curcuma  s’épaissit  pendant  la 
première  année  en  une  souche  ovale  qui  émet  ultérieurement  des  bour- 
geons, et  forme  des  rhizomes  latéraux  secondaires,  de  chacun  desquels 
partent  des  racines.  Ces  dernières  se  ramifient  et  restent  fibreuses,  ou  bien 
se  renflent  parfois  en  tubercules  incolores,  fusiformes,  riches  en  ami- 
don. Les  rhizomes  latéraux  sont  sans  aucun  doute  susceptibles  de  pro- 
duire autant  de  plantes  indépendantes  qui  peuvent  vivre  isolées  de  la 
plante  mère.  Le  rhizome  central,  autrefois  connu  sous  le  nom  de  Cur- 
cuma rotunda , et  les  rhizomes  latéraux,  allongés,  ou  Curcuma  longa, 

(1)  Le  mot  Curcuma  vient  du  persan  Kurkum,  nom  qu’on  applique  au  Safran. 

(2)  Fi.ückiger,  Die  Frankfurter  Liste , Halle,  1873,  11. 

(3)  Raine,  Wills  and  Invent.  o(  the  Archdeac.  of  Richmond  (Surtees  Society), 
1833,  277. 


43G  . AMOMACÈES. 

étaient  considérés  par  Linné  comme  produits  par  des  espèces  distinctes. 

Les  tubercules  radicaux  de  quelques  espèces  de  Curcuma , et  notam- 
ment du  C.  angustifolia  Roxb.,  sont  employés  à la  préparation  d’une 
sorte  d’arrow-root  (p.  428). — On  les  fait  parfois  dessécher,  et  ils  consti- 
tuent alors  une  espèce  particulière  de  Curcuma  que  les  Chinois  nomment 
Yuh-Kin  (t). 

Le  Curcuma  du  commerce  est  constitué  par  les  deux  sortes  de  rhi- 
zomes dont  nous  avons  parlé  plus  haut  : les  rhizomes  du  centre  ou  ronds, 
et  les  rhizomes  latéraux  ou  longs.  Les  premiers  sont  ovales,  pyri- 
fonnes.ou  presque  sphériques, parfois  pointus  au  niveau  de  l’extrémité 
supérieure,  et  couronnés  par  le  reste  des  feuilles,  tandis  que  les  faces 
portent  les  racines  et  sont  marquées  de  sillons  concentriques.  Leur  dia- 
mètre est  très-variable,  mais  ils  ont  rarement  moins  de  2 centimètres, 
et  fréquemment  beaucoup  plus.  Un  a l’habitude  de  les  couper  et  de  les 
échauder  pour  détruire  leur  vitalité  et  faciliter  leur  dessiccation.  Les 
rhizomes  latéraux  sont  à peu  près  cylindriques,  atténués  aux  deux  ex- 
trémités, généralement  recourbés,  couverts  d’une  écorce  rugueuse,  et 
marqués  de  sillons  transversaux  plus  ou  moins  nombreux.  On  observe 
parfois  sur  une  de  leurs  faces  une,  deux,  ou  plusieurs  saillies  qui  ré- 
pondent à autant  de  bourgeons.  Les  rhizomes  de  Curcuma  des  deux 
variétés,  ronds  ou  longs,  sont  très-durs,  et  offrent  une  surface  de  cassure 
foncée,  à aspect  résineux,  colorée  en  orange  ou  en  brun  orangé  plus 
ou  moins  brillant.  Ils  possèdent  une  odeur  et  une  saveur  aromatiques, 
particulières. 

On  trouve  sur  le  marché  anglais  plusieurs  variétés  de  Curcuma  qu’on 
distingue  par  les  noms  des  pays  qui  les  produisent  ; mais  quoiqu’elles 
offrent  des  caractères  assez  marqués  pour  qu’un  commerçant  exercé  ne 
puisse  s’y  tromper,  ces  caractères  ne  sont  ni  assez  prononcés  ni  assez 
constants  pour  qu’on  puisse  les  décrire  de  façon  à ce  qu’il  soit  possible  de 
toujours  bien  les  reconnaître.  Les  sortes  principales  qui  existent  actuel- 
lement dans  le  commerce  sont  celles  de  Chine , de  Madras,  du  Bengale, 
de  Java  et  de  Cocliin.  La  première  est  la  plus  estimée,  mais  on  ne  la 
trouve  que  rarement  sur  le  marché  européen  (2). 

L q Curcuma  de  Madras  est  une  belle  sorte  se  présentant  en  gros 

(])  Pharm.  Jourtl.,  1862,  III,  260,  fig.  II.  — Elle  n’est  pas  entièrement  dépourvue  de 
matière  odorante  jaune. 

(2)  On  en  exporte  une  assez  grande  quantité  de  Takow,  port  de  l’ile  Formose,  en 
majeure  partie  à destination  des  ports  de  la  Chine  { Retums  of  Trade  at  t/ie  Trcaty  Ports 
o f China  for  1872,  106). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  T.'!7 

morceaux.  Certaines  caisses  ne  contiennent  parfois  que  des  rhizomes 
ronds,  tandis  que  d’autres  sont  remplies  uniquement  de  rhizomes  longs 

ou  latéraux. 

Le  Curcuma  du  Bengale  diffère  surtout  des  autres  variétés  par  sa  co- 
loration plus  foncée,  ce  qui  le  fait  rechercher  de  préférence  pour  la 
teinture. 

Le  Curcuma  de  Java  ne  présente  guère  de  caractères  particuliers  ; il 
est  recouvert  d’une  pousssière  produite  par  sa  propre  substance,  mais 
la  surface  de  sa  cassure  n’offre  pas  une  coloration  très-brillante.  A en 
juger  par  le  bas  prix  auquel  il  se  vend,  il  n’est  guère  estimé.  Il  est  pro- 
duit parle  Curcuma  longa,  var.  (3  min  or  Hasskarl  (I). 

structure  microscopique.  — La  couche  subéreuse  est  formée  de  huit 
à dix  rangées  de  cellules  tabulaires.  Le  parenchyme  de  la  couche  corticale 
moyenne  présente  de  grandes  cellules  polyédriques  à angles  arrondis. 
Vers  lè  centre  du  rhizome,  on  voit,  sur  la  coupe  transversale,  un  cercle 
de  faisceaux  fibro-vasculaires  pressés  les  uns  contre  les  autres,  et  for- 
mant une  sorte  de  gaine  autour  de  la  moelle.  Le  parenchyme  limité 
extérieurement  par  ce  cercle  est  traversé  par  des  faisceaux  épars  ; ses 
cellules  renferment,  pour  la  plupart,  des  grains  d’amidon  arrondis  ou 
anguleux,  mais  tellement  désorganisés  qu’ils  n’offrent  plus  dans  la  lu- 
mière polarisée  l’aspqct  caractéristique  de  l’amidon  ; cependant  ils  sont 
colorés  en  bleu  par  l’iode.  Cette  structure  particulière  de  l’amidon  est 
due  àl’action  de  l’eau  bouillante.  On  trouve  aussi  dans  certaines  cellules 
des  granules  de  résine  colorés  en  rouge  jaunâtre.  Le  tissu  tout  entier 
est  imprégné  d’une  matière  colorante  jaune,  et  offre  de  nombreuses 
gouttes  d’huile  essentielle  qui,  dans  le  rhizome  frais,  est  sans  aucun 
doute  renfermée  dans  des  cellules  particulières. 

Composition  chimique.  — Le  Curcuma  contient  environ  1 pour  100 
d’une  huile  essentielle  qui,  d’après  Suida  et  Daube  (1868),  est  con- 
stituée en  majeure  partie  par  un  liquide  correspondant  à la  formule 
Gt0HuO,  identique  à celle  du  Carvol  (2).  Ce  liquide  est  accompagné 
dans  la  drogue  d’une  faible  proportion  d’un  hydrocarbure. 

La  matière  colorante,  nommée  Curcumine,  s’obtient  en  épuisant  la 
drogue  avec  la  benzine,  après  qu’on  a distillé  l’huile  essentielle.  Les 
cristaux  impurs  retirés  de  la  benzine  sont  dissous  dans  l’alcool,  et  pré- 

(1)  D’après  une  information  qui  nous  a été  communiquée  par  M.  Binnendyk,  du  Jar- 
din botanique  de  Buitenzorg,  à Java. 

(2)  J’ai  fait  voir,  ainsi  que  l’avaient  déjà  avancé  Suida  et  Daube,  que  cette  essence  de 
Curcuma  n’est  nullement  identique  avec  le  Carvol.  (Voir  Fruits  de  Cauvi).  [F.  A.  F.] 


*38  AMOMACÉES. 

oipités  par  l’acétate  basique  cio  plomb.  On  élimine  cc  dernier  par  l’hy- 
drogène sulfuré,  et  on  fait  recristalliser  la  curcumiue  dans  l’alcool.  Elle 
forme  alors  des  cristaux  jaunes,  ayant  l’odeur  delà  vanille,  et  présentant 
dans  la  lumière  réfléchie  une  belle  coloration  bleue.  Daube  (1871)  leur 
assigne  la  formule  C10H10O13.  D’après  Ivanow  Gajewsky  (1873),  la  meil- 
leure façon  de  préparer  la  curcumine  consiste  à laver  avec  de  l’ammo- 
niaque faible  un  extrait  éthéré  de  Curcuma,  à dissoudre  le  résidu  dans 
l’ammoniaque  concentrée  bouillante,  puis  à faire  passer  dans  la  solu- 
tion un  courant  d’acide  carbonique  qui  précipite  la  curcumine  en 
flocons. 

Un  fragment  de  papier  humecté  d’une  solution  alcoolique  de  cur- 
cumine prend  au  contact  d’un  alcali  une  belle  coloration  rouge-brun, 
qui  passe  au  violet  par  la  dessiccation.  L’acide  boracique  communique 
à la  curcumine  une  coloration  orange,  qui  tourne  au  bleu  quand  on 
ajoute  une  solution  alcaline  (1).  Cette  réaction  de  la  curcumine  impure 
fut  signalée  par  Vogel  dès  1815.  On  l'a,  depuis  cette  époque,  utilisée 
comme  réaction  chimique  caractéristique. 

Lorsqu’on  ajoute  du  borax  à la  curcumine,  il  se  produit  une  substance 
rose,  la  Rosocyanine  de  Schlumberger  (1866),  que  Daube  a obtenue  à 
l’état  cristallin.  Ivanow  Gajewsky,  qui  l’a  isolée  en  chauffant  un  extrait 
alcoolique  de  Curcuma  avec  les  acides  boracique  et  sulfurique,  la  décrit 
comme  une  poudre  cristalline  pourpre,  à reflet  métallique  vert,  inso- 
luble dans  l’eau  et  soluble  dans  l’alcool.  Les  alcalis  colorent  sa  solution 
en  bleu  foncé. 

D’après  le  même  chimiste  (1870),  il  existe  encore  dans  le  Curcuma  un 
alcaloïde,  en  très-petite  proportion.  Kachler  (1871)  a trouvé  dans  la 
décoction  aqueuse  de  ce  rhizome  une  grande  quantité  de  bioxalate  de 
potassium. 

Commerce.  — Il  a été  importé  dans  le  Royaume-Uni,  pendant  l’an- 
née 1860,  64  280  quintaux  de  Curcuma  ; en  1870,  44900  quintaux.  Une 
grande  partie  provenait  du  Bengale  et  de  Pegu.  L’exportation  de  Cal- 
cutta (2),  pendant  l’année  1870-71,  fut  de  59  352  quintaux.  Bombay  en  a 

(1)  L’expérience  suivante  montre  d’une  manière  frappante  quelques-uns  de  ces  chan- 
gements de  coloration  : on  place  une  petite  quantité  de  Curcuma  broyé,  ou  de  la  poudre 
de  Curcuma  sur  du  papier  buvard,  et  on  l’humecte  à plusieurs  reprises  avec  du  chlo- 
roforme qu’on  laisse  évaporer.  Il  se  produit  sur  le  papier  une  tache  jaune  qui,  sous 
l’influence  d’une  solution  légèrement  acidulée  de  borax  offre,  après  dessiccation,  une 
teinte  pourpre.  En  humectant  alors  le  papier  avec  de  l’ammoniaque  diluée,  on  voit  la 
tache  prendre  une  coloration  bleue  passagère.  Cette  reaction  permet  de  reconnaître  la 
présence  du  Curcuma  dans  la  poudre  de  Rhubarbe  ou  dans  colle  de  Moutarde. 

(2)  Rapports  cités  tome  II,  page  324,  note  2. 


-439 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D ORIGINE  VÉGÉTALE. 

exporté,  en  1871-72,  29  780  quintaux,  la  plus  grande  partie  fut  expé- 
diée vers  le  Sind  et  dans  le  golfe  Persique,  et  910  quintaux  seulement 
arrivèrent  en  Europe  (I). 

Usages.  — Le  Qurcuma  est  employé  comme  condiment  dans  la  fabri- 
cation de  la  poudre  de  Curry  ; à ce  titre,  il  est  fréquemment  vendu  par 
les  droguistes,  mais  il  n’est  d’aucun  usage  en  médecine.  On  s’en  sert 
beaucoup  dans  la  teinture. 

Substitution.  — On  a récemment  apporté  sur  le  marché  de  Londres 
une  grande  quantité  d’une  drogue  nommée  Curcuma  de  Cochin,  pro- 
duite par  des  espèces  de  Curcuma  autres  que  le  C.  longa.  Elle  est  formée 
uniquement  d’un  rhizome  bulbeux,  de  grandes  dimensions,  coupé 
transversalement,  ou  dans  le  sens  de  la  longueur,  en  tranches  ou  en 
morceaux.  La  portion  corticale  est  colorée  en  brun  foncé  ; la  substance 
interne  est  cornée  et  colorée  en  brun  orange  foncé,  ou,  lorsque  les 
tranches  sont  minces,  en  jaune  brillant.  M.  A.  Forbes  Sealy,  de  Cochin, 
a été  assez  bon  pour  nous  envoyer,  en  1873,  des  rhizomes  vivants  de  ce 
Curcuma,  en  nous  informant  qu’il  croît  en  majeure  partie  à Alwaye, 
au  nord-ouest  de  Cochin,  et  qu’on  ne  l’emploie  jamais  dans  le  pays 
comme  Curcuma,  mais  qu’on  retire  de  son  rhizome  une  sorte  d’arrow- 
root,  Les  rhizomes  qu’il  nous  a envoyés  sont  épais,  courts,  coniques  et 
d’un  volume  considérable;  quelques-uns  ont  jusqu’à  6 centimètres  de 
diamètre.  Ils  sont  colorés  intérieurement  en  jaune  orange  brillant  (2). 

(a)  Les  Curcuma  L.  (Gênera,  u.  6)  sont  des  Amomacées  de  la  tribu  des  Zingibô- 
rées,  à calice  tubuleux,  tridenté;  à corolle  tubuleuse,  tripartite;  à androcée  formé 
d’un  staminode  ou  Libelle  bifide , et  d’une  étamine  fertile , à anthère  bîloculaire 
munie  à la  base  de  deux  éperons,  et  portée  par  un  filament  pétaloïde,  trilobé  ; à style 
capillaire  ; à ovaire  triloculaire,  contenant  plusieurs  ovules  dans  chaque  loge  ; à cap- 
sule triloculaire,  avec  des  loges  polyspermes. 

Le  Curcuma  longa  L.  ( Specics , 3)  est  une  plante  à souches  tubéreuses,  oblon- 
gnes,  palmées,  colorées  intérieurement  en  orange  foncée.  Les  feuilles  sont  alternes, 
longuement  pétiolées,  lancéolées,  rétrécies  aux  deux  extrémités,  glabres,  colorées  en 
vert  uniforme.  Les  fleurs  sont  portées  par  un  scape  enveloppé  par  les  gaines  des 
feuilles  et  terminé  au  centre  de  ces  dernières  par  un  épi  oblong,  vert,  muni  de  brac- 
tées aiguës,  aussi  longues  que  les  fleurs  qui  sont  insérées  solitairement  dans  leur 
aisselle.  Les  fleurs  sont  jaunes.  Le  calice  est  tubuleux,  divisé  en  trois  dents  ; la  co- 
rolle est  tubuleuse,  élargie  vers  le  haut,  tripartite.  L’androcée  est  formé  de  trois 

(1)  Staternent  of  tlie  Trade  and  Navigation  of  Bombay  for  1871-72,  p.  II,  9b. 

(2)  La  Curcumine  sc  trouve  encore  dans  les  rhizomes  du  Zingiber  Cassumunar 
Roxn.  (autrefois  nommé  Radix  Cassumunar ),  et  des  Curcuma  amarissima  Roscoe, 
C.  alata,  et  C.  petiolata  Roscoe.  Toutes  ces  plantes  sont  figurées  dans  le  magni- 
fique ouvrage  de  Roscoe,  Monanclrous  Riants  of  the  order  Scitamine.r,  Li ver- 
pool,  1828.  [P.  A.  P.] 


440 


AMOMACÉES. 

rtamiiies,  dont  deux  sont  oonnées  en  un  staminodfi  ou  lnbellc  très-développé,  bifide  ; 
! autre  étamine  est  fertile,  pétaloïdc,  trilobée,  à lobe  médian  portant  une  an- 
thère biloculaire,  déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales,  munie  à la  base  de 
deux  appendices  en  forme  d’éperons.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  infère,  trilo- 
culaire,  surmonté  d’un  stylo  filiforme.  Chaque  loge  ovarienne  contient  un  nombre 
indéfini  d’ovules  anatropes  insérés  dans  l’angle  interne.  Le  fruit  est  une  capsule 
triloculaire,  s’ouvrant  par  déhiscence  loculicide  en  trois  valves,  et  contenant  dans 
chaque  loge  un  nombre  indéfini  do  graines  arillées,  qui  renferment  un  albumen 
abondant  et  un  embryon  axile. 

Le  Curcuma  leucorhiza  Roxburgh  ( Flora  indica,  I,  30)  qui  fournit  YArrovo- 
rool  de  l'Inde  (voy.  page  428)  se  distingue  par  son  scape  latéral,  son  rhizome  tubé- 
reux  droit,  et  souvent  long  do  près  de  30  centimètres,  émettant  de  nombreuses  ra- 
cines tuberculeuses,  oblongues,  colorées  intérieurement  en  blanc. 

Le  Curcuma  angustifolia  Roxburcii  (ds.  Research .,  XI,  338,  t.  3)  qui  fournit 
également  une  partie  de  Y Arrow-root  de  l'Inde,  se  distingue  par  ses  feuilles  étroites, 
lancéolées,  très-aiguës,  longues  de  30  à 90  centimètres,  y compris  le  pétiole  et  la 
gaine  ; par  ses  fleurs  plus  grandes  que  les  bractées.  [Trad.] 


RHIZOME  DE  GALANGA, 

Rhizome  Galangæ  (1)  ; Radix  Galangæ  minoris  ; Rhizome  de  Galanga;  Racine  de  Galanga  ; 

angl.,  Galangal;  allem.,  Galgant. 

Origine  botanique.  — rllpinia  offîcinarum  Hance  (2).  — C’est  une 
plante  à port  de  roseau,  avec  des  tiges  hautes  de  lm,20,  à feuilles 
étroites,  lancéolées,  engainantes,  et  à fleurs  blanches,  élégantes,  tachées 
et  veinées  de  rouge  foncé,  disposées  en  grappes  terminales,  courtes, 
simples.  On  la  cultive  dans  l’île  de  Hainan,  dans  le  sud  de  la  Chine, 
et  peut-être  dans  quelques-unes  des  provinces  méridionales  de  l’em- 
pire chinois  [a). 

Historique.  — La  plus  ancienne  mention  du  Galanga  que  nous  con- 
naissions se  trouve  dans  les  écrits  du  géographe  arabe  lbn  Khur- 
dàdbah  (3),  vers  869-883.  En  énumérant  les  productions  d’un  pays  qu  il 
nomme  Sila,  il  cite  le  Galanga,  avec  le  musc,  l’aloès,  le  camphre,  la 
soie  et  le  cassia.  Edrisi  (4),  trois  siècles  plus  tard,  est  plus  explicite  ; il 
mentionne  le  Galanga,  parmi  d’autres  produits  de  1 extrême  Oiienl, 

• * 

(1)  Le  mot  Galanga  paraît  dériver  de  l’arabe  Kliulanjan , qui  à sou  tour  vient  du  chi- 
nois Kau-liang  Kiang , signifiant,  d’après  F.  Porter  Smith,  Gingembre  de  Kau-liang ; 
Kau-liang  est  le  nom  ancien  d’un  district  île  la  province  de  kwangtung. 

(2)  Journal  of  Linnean  Society,  Rotang,  1873,  XIII,  1 . — Journ.  of  Botan.,  de  Tri  - 
MEN,  1873,  II,  175.-  Le  docteur  Thwaites,  de  Ceylan,qui  cultive  la  plante,  a été  assez 
bon  pour  nous  envoyer  un  dessin  colorie  do  la  fleur. 

(3)  Le  Livre  des  routes  et  des  provinces,  trad.  C.  Bardier  de  Meynard,  in  Journ. 

Asiat.,  s6r.  G,  V,  294. 

(4)  Géographie  d'Edrisi,  traduct.  de  Jaubert,  1836, 1,  51. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  U\ 


comme  apporté  de  l’Inde  cl  de  là  Chine  à Aden,  alors  le  grand  entre- 
pôt du  commerce  de  l’Asie  avec  l’Egypte  et  l’Europe.  Le  médecin  Al- 
kindi  (1),  qui  vécut  à Bassora  et  à Bagdad  pendant  la  seconde  moitié  du 
neuvième  siècle,  et  un  peu  plus  tard  Rhazes  et  Avicenne,  signalent  le 
Galanga,  dont  l’emploi  se  répandit  en  Europe  avec  leur  système  médical. 
Il  existe  un  certain  nombre  de  faits  indiquant  que  le  Galanga  était  im- 
porté avec  le  poivre,  le  gingembre,  les  clous  de  girofle,  la  muscade,  le 
cardamome  et  le  zédoaire,  et  que  pendant  le  moyen  âge  il  était  com- 
munément employé  avec  ces  substances  dans  la  cuisine  ; il  en  est  encore 
ainsi  dans  certaines  parties  de  l’Europe  (2).  La  plante  qui  fournit  la 
drogue  resta  inconnue  jusqu’en  1870.  Une  description  en  fut,  à cette 
époque,  communiquée  à la  Société  Linnéenne  de  Londres  par  le  doc- 
teur H.  F.  Hance,  d’après  des  échantillons  recueillis  par  M.  E.  C.  Tain- 
tor,  près  de  Hoihow,  dans  le  nord  de  Hainan. 

Description.  — La  drogue  consiste  en  un  rhizome  cylindrique,  dont 


Fie 


259.  Rhizome  de  Galanga  mineur, 
fAlpinia  ofjîcinarum.J 


le  diamètre  maximum  est  d’envi- 
ron 2 centimètres,  mais  est  sou- 
vent beaucoup  moindre.  Ce  rhi- 
zome a été  coupé  , encore  frais, 
en  morceaux  de  3 à 7 centimètres, 
souvent  ramifiés,  et  marqués  trans- 
versalement, et  à de  courts  intervalles,  de  sillons  étroits  et  sinueux, 
indiquant  les  points  d'attache  des  feuilles  ou  des  écailles.  Les  morceaux 
sont  durs,  résistants,  ridés,  colorés  extérieurement  en  brun  rougeâtre 
foncé,  et  offrant,  quand  on  les  coupe  en  travers,  un  intérieur  un  peu 
plus  pâle,  mais  jamais  blanc,  avec  une  partie  centrale  plus  foncée. 
Lorsqu’on  la  broie,  cette  drogue  exhale  une  odeur  agréable  ; sa  saveur 
est  épicée,  forle,  brûlante. 


Structure  microscopique.  — La  portion  centrale  du  rhizome  est  sé- 
parée de  la  couche  extérieure  par  une  gaine  qui  se  présente  sous  l’as- 
pect d une  ligne  foncée,  bien  limitée.  Cependant  le  tissu  central  ne 
diffère  pas  beaucoup  de  celui  qui  l’entoure  ; tous  les  deux  sont  com- 
posés de  cellules  parenchymateuses  uniformes,  traversées  par  des  fais- 
ceaux fibro-vasculaires  épars.  On  trouve  aussi  dans  ce  parenchyme 
quelques  cellules  remplies  d’huile  essentielle  ou  de  résine,  mais  la  plu- 
part d entre  elles  contiennent  de  gros  grains  d’amidon  qui  affectent  la 


( 1)  De  Rerum  gradibus,  Argentorali,  1531,  162. 

(2)  Hanbury,  Historical  Notes  on  the  Radix  Galangœ  of  Pharmacy,  iu  Science  Pa- 
pers,  370. 


442  AMOMACÉES. 

forme  exceptionnelle  de  massues.  Quelques  cellules  renferment  une 
substance  brune,  qui  diffère  de  la  résine  en  ce  qu’elle  est  insoluble  dans 
l’alcool.  La  couche  subéreuse  est  remarquable  par  ses  cellules  à parois 

ondulées. 

Composition  chimique.  — L’odeur  du  Galanga  est  duc  aune  huile 
essentielle  que  le  rhizome  renferme,  dans  la  proportion  de  1/3  a 1/2 
pour  100  seulement.  D’après  les  recherches  de  Vogel,  elle  paraîtrait 
avoir  la  composition  C10II,6O.  Brandes  (1)  a extrait  du  Galanga,  à 
l’aide  de  l’éther,  un  corps  neutre,  inodore,  insipide,  cristallin, nomme 
Kampfcride,  qui  demande  à être  étudié  plus  complètement.  Le  piincipc 
qui  donne  à la  drogue  sa  saveur  brûlante,  et  qui  est  sans  doute  ana- 
logue à celui  du  gingembre,  n’a  pas  encore  été  étudié. 

Commerce.  - Le  Galanga  est  expédié  de  Canton  pour  les  autres 

ports  de  la  Chine,  1 Inde 
et  l’Europe,  mais  il  n’existe 
aucune  statistique  qui  per- 
mette déjuger  de  l'impor- 
tance de  la  production  to- 
tale. D’après  les  rapports 
officiels  cités  par  Hance, 
les  exportations  de  l’année 
1869,  qui  paraissent  avoir 
été  exceptionnelles,  s’éle- 
vèrent à 370,800  livres. 
Pendant  l’annéè  1870-71, 
Fig.  2go.  Rhizome  do  Galanga  majeur.  Bombay  en  a importé  333 

[Alpinia  Galanga.)  quintaux  (2). 

Usages.  — Le  Galanga  est  un  aromatique  stimulant  de  même  natuie 
que  le  Gingembre.  11  est  aujourd’hui  h peu  près  abandonné  dans  la  pra- 
tique médicale,  mais  il  est  populaire  comme  remède  et  comme  épice 
dans  la  Livonie,  l’Esthonie  et  la  Russie  centrale.  Les  Tartares  l’em- 
ploient en  guise  de  thé.  Il  est  également  employé  en  Russie  par  les 
brasseurs  et  par  les  fabricants  de  vinaigres  et  de  liqueurs.  Enfin  on  s en 
sert  dans  la  médecine  vétérinaire. 

Substitutions.  — Le  rhizome  de  YAlpinia  Galanga  Swartz,  plante  de 
Java,  constitue  la  drogue  connue  sous  le  nom  de  Radix  Galangæ  majo- 
ra ou  Galanga  majeur  (Greater  Galanga),  qui  est  apportée  parfois  sur  e 

(1)  Archiv  (1er  Pharm.,  1830,  XIX,  02. 

(-2)  Rapporta  cités  plus  haut,  la  page  47,  note  3. 


m 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

marché  de  Londres.  Il  se  distingue  par  ses  dimensions  plus  considé- 
rables, et  la  teinte  chamois  pâle  de  la  couche  interne  qui  contraste 
avec  la  coloration  brun  orange  de  sa  couche  externe. 

Les  Alpinia  L.  ( Généra , n.  4)  sont  des  Àmomacées  de  la  tribu  des  Zingibérues, 
h fleurs  disposées  en  panicules  au  sommet  des  tiges  foliacées  ; à calice  tubuleux  ; h 
tube  de  la  corolle  court;  à filet  staminal  simple,  dressé;  à anthère  non  appendi- 
culée  ; à ovaire  infère  ; à fruit  bacciforme,  triloculajre,  polysperme  ; à graines 
nrillées. 

h' Alpinia  officinarum  Hance  (in  Journal  of  the  Linn.  Soc.,  1873,  XIII,,  G)  est 
une  plante,  â longs  rhizomes  rampants  recouverts  de  grandes  écailles  glabres,  blan- 
châtres, fibreuses,  auxquelles  succèdent  des  cicatrices  annulaires  sinueuses.  Les  ra- 
meaux aériens  sont  hauts  de  60  centimètres  à 1 mètre,  et  munis  de  feuilles  engai- 
nantes, coriaces,  très-glabres,  lancéolées,  rétrécies  au  niveau  de  la  jonction  du 
limbe  et  de  la  gaine,  mais  non  pétiolées,  pourvues  d’une  ligule  très-développée, 
oblongue,  scarieuse,  dressée,  un  peu  aiguë  au.  sommet.  Les  feuilles  sont  longues  de 
25  à 35  centimètres.  Les  fleurs  sont  disposées,  au  sommet  de  la  tige  foliacée,  en  une 
grappe  simple,  dressée,  dense,  ne  dépassant  pas  d’ordinaire  10  centimètres  de 
long.  Chaque  fleur  est  accompagnée  de  deux  bractées  en  forme  de  spathe,  l’une  ex- 
térieure verte,  l’autre  plus  intérieure  blanche.  Les  fleurs  sont  dépourvues  de  brac- 
téoles  et  sessiles.  Le  calice  est  blanc,  tubuleux,  tomenteux,  divisé  en  deux  ou  trois 
lobes  scarieux.  La  corolle  est  également  blanche,  tubuleuse  et  tomenteuse,  à lobes 
oblongs,  obtus,  cucullés.  L’androcée  est  formé  d’une  étamine  fertile,  â filet  court, 
dressé,  à anthère  non  appendiculée,  biloculaire,  déhiscente  par  deux  fentes  longi- 
tudinales, et  d’un  staminode  ou  labelle  très-développé,  entier  ou  bilobé  au  som- 
met, muni  à la  base  de  deux  cornicules  charnues  et  rigides  ; il  est  blanc  et  muni 
de  stries  d’un  rouge  vineux  qui  se  réunissent  près  du  sommet  en  une  tache  étalée  en 
éventail.  Le  gynécée  est  formé  d'un  ovaire  tomenteux,  infère,  triloculaire,  surmonté 
d’un  style  un  peu  plus  long  que  l’anthère,  dilaté  au  sommet  et  cilié.  Le  sommet  de 
l’ovaire  offre  deux  glandes  épigynes  jaunes,  oblongues,  pourprées,  entières  ou  ta- 
bulées. Le  fruit  est  à peu  près  globuleux,  tomenteux,  à péricarpe  coriace  ; il  con- 
tient plusieurs  graines  munies  d’arilles,  anguleuses,  très-cohérentes.  [Trad.] 

(b)  L’ Alpinia  Galanya  Swartz  ( Obs . bot.,  8)  est  une  plante  â tiges  aériennes 
plus  ou  moins  vivaces,  à peu  près  dressées,  lisses,  arrondies,  hautes  de  lm,80  à 
2 mètres  au  moment  de  la  floraison,  couvertes,  au-dessus  de  la  partie  médiane,  de 
gaines  foliaires  dépourvues  de  limbes.  Les  feuilles  sont  courtement  pétiolées, 
lancéolées,  lisses,  un  peu  calleuses  sur  les  bords,  blanches,  tangues  de  30  à 60  cen- 
timètres et  larges  de  10  â 15  centimètres  ; elles  sont  munies  au  niveau  du  point  de 
jonction  de  la  gaine  et  du  limbe  d’une  ligule  courte,  arrondie  et  ciliée.  Les  fleurs 
sont  disposées  en  une  panicule  terminale,  dressée,  oblongue,  étalée,  dichotome,  dont 
chaque  division  porte  de  deux  à six  fleurs  colorées  en  vert  pâle.  Le  staminode  ou 
labelle  est  ovale  ou  ovale-oblong,  concave,  profondément  bilobé,  finement  lacinié, 
blanc  avec  de  petites  taches  rougeâtres,  onguiculé,  et  muni  à la  base  de  deux  petites 
dents  colorées.  L’ovaire  est  lisse,  ovale,  surmonté  d’un  style  filiforme  â stigmate  en 
entonnoir.  Chaque  loge  contient  deux  ovules  insérés  vers  1e  milieu  de  la  hauteur 
de  la  loge.  Le  fruit  est  une  capsule  de  la  taille  d’une  petite  cerise,  obovale, 
lisse,  colorée  en  rouge-orange  foncé,  triloculaire,  indéhiscente,  ne  contenant  d’or- 
dinaire dans  chaque  loge  qu’une  seule  graine  enveloppée  d’un  arille,  contenant  un 
embryon  nxile  au  centre  d’un  albumen  abondant.  [Trad.] 


-iii 


AMOMACÊES. 


FRUITS  DE  CARDAMOME. 

Fructus  Cardamomi;  Semina  Cardamnmi  minoris,  Cardamomes  ; nngl.,  CardaMoms, 
Malabar  Cardamoms  ; nllcm.,  Cardamomen. 

Origine  botanique.  — Elettaria  (I)  Cardamomum  Maton  ( Alpinia  Car- 
damomum  Roxb.)  — C’est  une  plante  vivace,  à port  de  roseau,  haute  de 
1 m , 80  à 3m,60,  avec  de  grandes  feuilles  lancéolées,  engainantes,  et  des 
(leurs  portées  par  des  scapes  horizontaux,  lâches,  longs  de  15  à 45  cen- 
timètres, et  poussant  près  du  sol  au  nombre  de  trois  à quatre.  Le  fruit 
est  ovoïde,  à trois  faces,  lisse  et  renflé,  muni  d’un  péricarpe  vert  et 
charnu  (a). 

Le  Cardamome  croît  en  grande  quantité,  soit  à l’état  sauvage,  soit 
à l’état  de  culture  dans  les  forêts  montagneuses  du  nord  du  Canara, 
du  Coorg  et  du  Wynaad,  sur  la  côte  de  Malabar,  à une  altitude  de  750  à 
J 500  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  11  vit  tout  a fait  à 1 état 
sauvage  dans  les  forêts  d’Anamalai,  de  Cochin  et  de  Travancore.  La  ré- 
gion au  Cardamome  offre  une  température  moyenne  de  22°C.;  il  y 
tombe  par  année  302  centimètres  de  pluie. 

On  trouve  à l’état  sauvage,  dans  les  forêts  des  provinces  centrales  et 
méridionales  de  Geylan,  une  variété  de  Cardamome  qui  diffère  surtout 
de  la  précédente  par  sa  grande  taille  et  la  forme  allongée  de  son  fruit. 
On  la  décrivait  autrefois  comme  une  espèce  distincte,  sous  le  nom 
d 'Elettaria  major , mais  l'observation  attentive  d échantillons  vivants  a 
montré  qu’elle  ne  possède  aucun  caractère  permettant  d en  faire  autre 
chose  qu’une  simple  variété  de  la  plante  typique,  et  elle  est  aujoui- 
d’hui  nommée  E.  Cardamomum  var.  (L  On  ne  la  connaît  qu  à Cejlan, 
où  le  Cardamome  ordinaire  du  Malabar  se  trouve  seulement  à 1 état  de 
culture  (2). 

Historique.  — Le  Cardamome  du  Malabar  est  mentionné  dans  les 
écrits  de  Susruta;  nous  pouvons  en  déduire  qu’il  est  employé  dans 
l’Inde  depuis  une  époque  très-reculée.  11  n’est  pas  improbable  qu  il  soit 
parvenu  en  Europe,  dès  l’époque  classique,  avec  le  gingembre  et  le 
poivre;  mais  il  n’est  pas  possible  de  déterminer,  à l’aide  des  des- 
criptions que  nous  avons  en  main,  ce  qu’étaient  le  Ivapcdp.ü>p.ov  de 
Théophraste  et  de  Dioscoride,  et  l”'Ap.ü>p.ov  du  dernier  de  ces  écrivains. 
Le  même  doute  existe  au  sujet  de  VAmomum,  Amomis,  ou  Cardamomum 


(1)  De  Elettari , nom  malais  de  la  plante. 

(2)  Tiiwaites,  Enumeratio  ptantarum  Zeylaniœ,  18G4,  318. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  4 f 5 

de  Pline.  La  description  qu’il  donne  de  son  Cardarnomum  est  inintel- 
ligible si  on  l’applique  aux  produits  connus  aujourd’hui  sous  ce  nom. 

Dans  la  liste  des  épices  de  l’Inde  soumises  à un  impôt  par  la  douane 
romaine  d’Alexandrie,  vers  176-180  de  notre  ère,  VAmomum  et  le  Car- 
damomum  se  trouvent  mentionnés  ( I).  Saint  Jérôme  cité  VAmomum  en 
même  temps  que  le  musc,  comme  parfum  en  usage  parmi  les  ecclésias- 
tiques sensuels  du  quatrième  siècle  (2).  Le  Cardamome  est  cité,  par 
Edrisi  (3),  vers  1 loi,  comme  production  de  Ceylan,  et  comme  article  du 
commerce  de  la  Chine  avec  Aden.  A la  même  époque,  il  est  mentionné 
avec  la  cannelle  et  les  clous  de  girofle,  comme  objet  importé  en  Pales- 
tine par  la  voie  de  Saint-Jean  d’Acre,  qui  était  alors  la  ville  commer- 
çante du  Levant.  Le  premier  écrivain  qui  détermina  exactement  le  pays 
d’origine  du  Cardamome  paraît  être  le  navigateur  portugais  Bar- 
bosa  (1314)  ; il  le  nomme  fréquemment  (4)  parmi  les  produits  de  la  côte 
du  Malabar.  Garcia  d’Orta  (3),  médecin  du  vice-roi  de  Goa,  vers  1563, 
mentionne  1 exportation  de  la  drogue  en  Europe.  Il  affirme  aussi 
qu’une  variété  de  taille  plus  grande  est  produite  par  Ceylan.  La  plante 
qui  fournit  le  Cardamome  du  Malabar  fut  décrite  par  Rheede  sous  son 
nom  indigène  d 'Elettari  (6). 

Culture  et  production.  — Quoique  la  plante  au  Cardamome  croisse  a 
1 état  sauvage  dans  les  forêts  du  sud  de  l’Inde,  où  on  la  nomme  vulgai- 
rement Ildchi,  les  fruits  sont  en  majeure  partie  produits  par  des  plantes 
cultivées.  Les  méthodes  de  culture  varient  avec  les  localités. 

I.  — Avant  le  commencement  des  pluies,  les  cultivateurs  vont  chercher 
sur  les  flancs  des  montagnes,  et  à l’ombre  d’arbres  toujours  verts,  des 
endroits  où  la  plante  pousse  à l’état  sauvage,  en  certaine  quantité. 
Ils  pratiquent  dans  ces  endroits  de  petites  éclaircies  pour  qu’elle 
puisse  se  développer  facilement.  Les  plantes  acquièrent  pendant  la 
saison  suivante  une  hauteur  de  30  à 60  centimètres.  On  débarrasse 
alors  de  nouveau  le  sol  des  mauvaises  herbes,  on  l’entoure  d’une  clô- 
tuie,  et  on  abandonne  les  plantes  à elles-mêmes  pendant  une  année. 
Deux  années  environ  après  le  premier  nettoyage  du  sol,  les  plantes 

(1)  Meyer,  Gesc/iichte  der  Botanik,  1858,  II,  167.  - Vincent,  Commerce  of  the  An- 
cicntx , 1807,  II,  698. 

(2)  S.  Hieronymi  Opéra  omnia,  éd.  Migne,  1845,  II,  297. 

(3)  Géographie  d Edrisi,  trad.  Jaubert,  1836,  I,  73,  61.  — 11  est  douteux  que  ce  soit 
VEtettaria  qui  est  mentionné  à la  page  61. 

(4)  Description  of  the  Coasts  of  East  Africa  and  Malabar  (Ilakluyt  Sociol.v),  186G  89. 

04,  147,  164,  etc. 

(5)  Dans  l'ouvrage  cité  plus  haut,  II,  284,  note  4. 

(6)  II or  tus  malaharicus , 1692,  XI,  t.  4-6. 


44G 


AMOMACÉES. 

commencent  à fleurir,  et  cinq  mois  plus  tard  quelques  fruits  mûrissent , 
mais  le  plus  grand  nombre  n’arrive  à maturité  qu  au  bout  d une  année. 

La  plante  continue  à produire  pendant  six  ou  sept  ans.  Un  jardin  de 
484  yards  carrés,  dont  on  peut  faire  quatre  dans  une  acre  de  forêt, 
donne,  en  moyenne,  12  livres  et  demie,  par  an,  de  Cardamomes  triés  (1). 
Ludlow,  assistant  - conservateur  des  forêts,  admet  qu’une  acre  de 
forêt  ne  peut  pas  produire  plus  de  28  livres  de  Cardamomes  par  an. 
D’après  ce  qu’il  dit,  il  paraît  aussi  que  les  plantes  qui  poussent  dans  les 
clairières  des  forêts  du  Goorg  sont  en  majeure  partie  des  sauvageons 
qui  se  développent  d’une  façon  à peu  près  spontanée,  comme  les  plantes 
des  clairières  de  nos  bois  d’Europe.  11  dit  qu’elles  commencent  à pro- 
duire trois  ans  et  demi  environ  après  leur  apparition  (2).  Le  mode  de 
culture  que  nous  venons  de  décrire  est  celui  qu’on  emploie  dans  le= 

forêts  de  Travancore,  de  Goorg  et  de  Wynaad. 

XL  _ Sur  les  parties  inférieures  des  montagnes  de  Pulney,  près  de  Dm- 
dio-ul,  à une  altitude  de  1 500  mètres  environ  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer,  on  cultive  la  plante  au  Cardamome  à l’ombre.  Dans  les  forets 
denses  et  toujours  humides,  connues  sous  le  nom  de  sholas,  les  indi- 
gènes brûlent  toutes  les  plantes  qui  croissent  au-dessous  des  arbre?, 
et  coupent  les  petits  arbres.  Les  Cardamomes  se  montrent  bientôt  a la 
surface  du  sol  dénudé,  et  lorsqu’ils  ont  atteint  quelques  centimètres  de 
haut,  on  les  transplante  soit  isolément,  soit  deux  par  deux  à l’ombre 
des  grands  arbres.  Ils  ne  produisent  pas  de  fruits  avant  cinq  ans.  « En 
octobre,  dit  notre  correspondant  (3),  j’ai  vu  des  plantes  en  pleine  flo- 
raison et  en  fruits,  mais  ces  derniers  n’étaient  pas  mûrs.  » 

III.  — Dans  le  nord  du  Canara  et  dans  l’ouest  du  Mysore,  on  cultive 
le  Cardamome  dans  les  plantations  d’ Aréquiers.  Les  plantes  venues  de 
semence  sont  disposées  entre  ces  palmiers  et  les  bananiers  qui  leur  four- 
nissent de  l’ombre.  On  dit  qu’elles  produisent  des  fruits  dès  la  troisième 


ann 0 0 # 

Les  Cardamomes  commencent  à mûrir  en  octobre,  et  la  récolte  dure 
nendanl  les  deux  ou  trois  premiers  mois  de  la  saison  sèche.  Tous  es 
fruits  d’une  même  hampe  n’arrivent  pas  en  même  temps  a maturité. 
Cependant  on  coupe  la  hampe  entière  et  on  la  fait  dessécher,  au  det.  t- 

g 

Su'rSToïûrKins,  directeur  du  j.rdiu  botanique  de  Calcutta. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  447 

ment  manifeste  de  la  récolte.  On  fait  cela  en  partie  pour  empêcher  les 
fruits  d’être  mangés  par  les  serpents,  les  grenouilles  et  les  écureuils, 
et  en  partie  pour  prévenir  la  déhiscence  des  capsules  qui  se  produit  au 
moment  de  la  maturité.  Dans  quelques  plantations  cependant,  011  fait 
la  récolte  d’une  façon  plus  rationnelle.  Après  avoir  cueilli  les  fruits,  on 
les  transporte  dans  les  maisons,  où  on  les  abandonne  pendant  quelques 
jours  sur  des  nattes.  On  les  sépare  alors  des  hampes,  et  on  achève  leur 
dessiccation  à l’aide  d’un  feu  doux.  Dans  le  Coorg,  on  détache  les  fruits 
de  la  hampe  avant  la  dessiccation,  qui  est  effectuée  uniquement  par 
exposition  au  soleil. 

Dans  les  Etats  de  Cochin  et  de  Travancore,  le  Cardamome  consti- 
tue un  monopole  du  gouvernement  du  pays.  Le  rajah  de  ce  dernier  Etat 
exige  que  toutes  les  récoltes  soient  vendues  à ses  employés,  qui  les  dé- 
posent cà  Alapalli  ou  Aleppy,  port  du  Travancore,  où  réside  son  agent 
commercial.  Le  rajah  tient  beaucoup  à ses  droits,  et  dans  les  conces- 
sions qu’il  fait  aux  planteurs  de  café  européens,  désireux  de  s’établir 
dans  ses  Etats,  il  insère  toujours  une  clause  interdisant  la  culture  du 
Cardamome.  A Aleppy,  les  fruits  de  Cardamome  sont  vendus  aux  en- 
chèies,  et  achetés  surtout  par  les  marchands  Moplah  qui  les  trans- 
portent dans  les  différentes  parties  de  l’Indë,  et  en  expédient  un  tiers 
environ  en  Angleterre.  Toutes  les  qualités  inférieures  sont  consommées 
dans  1 Inde  , les  plus  belles  seules  sont  expédiées  en  Europe. 

Dans  les  forêts  qui  appartiennent  au  Gouvernement  Britannique,  les 
Cardamomes  sont  comptés  parmi  leurs  divers  produits  secondaires  ; 
mais  dans  le  Coorg,  les  forêts  à Cardamome  étaient  louées  moyen- 
nant 3 000  livres  par  an,  par  un  bail  qui  expira  en  -1872  (I).  Le  doc- 
teur Cleghorn,  ancien  conservateur  des  forêts  de  la  Présidence  de  Madras, 
fait  remarquer,  dans  une  lettre  adressée  à l’un  de  nous,  que  la  rapide 
extension  de  la  culture  du  café  sur  les  flancs  des  montagnes  du  Mala- 
bar tend  à entraîner  une  diminution  dans  celle  du  Cardamome,  et  em- 
piète sur  l’aire  occupée  par  cette  plante.  Un  écrivain  sérieux  (2)  a 
montré  dernièrement  par  sa  propre  expérience  que  la  culture  du  Car- 
damome constitue  une  branche  d’industrie  digne  de  l’attention  des 

Européens  eux-mêmes,  et  a donné  des  détails  précieux  pour  assurer 
son  succès. 

Description.  - Le  fruit  du  Cardamome  du  Malabar,  tel  qu’il  se 
trouve  dans  le  commerce,  est  une  capsule  ovoïde  ou  oblongue,  à trois 

(1)  Rapport  cité  à la  page  446,  note  1.  ' 

(2)  Elliot,  0)>.  cit.,  ch.  xn. 


418 


AMOMACÉES. 

faces,  déhiscente  par  trois  valves,  contenant  de  nombreuses  graines  dis- 
posées dans  ses  trois  loges.  11  est  arrondi  à la  base  qui  porte  souvent  un 
fragment  d’un  petit  pédoncule.  11  est  plus  ou  moins  contracté  vers  le 
sommet,  et  s’y  termine  par  un  bec  court.  Le  péricarpe  est  strié  dans 
le  sens  de  la  longueur,  inodore,  insipide,  coloré  en, jaune  verdâtre  pale, 
ou  en  chamois,  ou  en  brun  lorsqu’il  est  tout  à fait  mûr;  il  est  mince, 
parcheminé,  et  s’ouvre  longitudinalement  en  trois  valves.  Du  milieu  de 
la  face  interne  de  chaque  valve,  part  une  mince  cloison  qui  s’avance  vers 
le  centre.  Le  fruit  est  ainsi  divisé  en  trois  loges  qui  contiennent  cha- 
cune de  cinq  à sept  graines  d’un  brun  foncé,  aromatiques,  disposées 

sur  deux  rangées  et  fixées  dans  1 angle  interne. 

Les  graines  ont  à peu  près  4 millimètres  de  long  ; elles  sont  irrégu- 
lières, anguleuses,  munies  de  rugosités  transversales  ; leur  hile  est  dé- 
primé, et  leur  ra'phé  est  profondément  cannelé.  Chaque  graine  est 

enveloppée  d'un  arille  mince  et  incoloie. 

Les  Cardamomes  varient  entaille,  en  forme,  en  coloration  et  en  par- 
fum. On  désigne,  dans  le  commerce,  sous  le  nom  de  Cardamomes  courts , 
ceux  qui  sont  courtement  ovoïdes  ou  presque  globuleux,  et  longs  de  8 
à 1 2 millimètres.  Ceux  qui  sont  plus  allongés,  pointus  à chaque  extrémité, 
et  longs  de  14  à 18  millimètres,  sont  nommés  courts-longs.  On  distingue 
aussi,  d’après  les  localités  qui  les  produisent  : les  Cardamomes  du  Ma- 
labar, de  Madras  et  d’Aleppy.  Les  Cardamomes  du  Malabar  sont  les  p u= 
estimés  ; leur  coloration  est  foncée  ; ils  se  présentent  sous  deux  formes  . 
courts  et  courts-longs.  On  les  apporte  en  Europe  par  la  voie  de  Bombay . 
Les  Cardamomes  de  Madras  sont  d’ordinaire  courts-longs,  et  ont  une  co- 
loration plus  pâle.  On  les  embarque  à Madras  et  à Pondichéry.  Les 
Cardamomes  d'Aleppy  sont  généralement  courts,  rendes,  lerniini;1|’11 
un  bec,  et  d’une  teinte  verdâtre  particulière.  On  les  importe  de  Calicut 

et  parfois  d’Aleppy  et  de  Mangalore. 

Les  Cardamomes  sont  d’autant  plus  estimés  qu’ils  sont  plus  reguhe  . 
et  plus  lourds,  et  que  les  graines  qu’ils  contiennent  sont  plus  mures. 
Les  bons  échantillons  donnent,  en  moyenne,  les  trois  quarts  de 

^sfru^kieconde  forme  d ’Ekttaria  Cardmmmn  (var . S), 
connus  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  Cariai  de  Ceylan 
ont  de  3 & 5 centimètres  de  long,  et  de  6 à 8 millimètres  d epatsseur , 

|'l’r'a.°ot  d°  MM  Allen  et  llanbur,,  à tondre,,  M Court,  Lombard  Sir.). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  449 

ils  sont  nettement  triangulaires,  souvent  arqués,  et  toujours  colorés  en 
brun  grisâtre.  Les  graines  sont  plus  grandes  et  plus  nombreuses  que 
dans  la  variété  du  Malabar  ; leur  odeur  et  leur  saveur  sont  un  peu 
différentes. 

Structure  microscopique.  — Le  tégument  des  graines  de  Cardamome 
présente  trois  couches  distinctes  : une  extérieure , formée  de  cel- 
lules à parois  épaisses  et  striées  en  spirale,  un  peu  allongées  parallèle- 
ment au  grand  axe  de  la  graine,  et  offrant,  sur  une  section  transver- 
sale, une  cavité  carrée  peu  considérable;  une  moyenne,  formée  d’une 
seule  couche  de  grandes  cellules  à parois  minces  ; une  interne,  colorée 
en  brun  foncé,  et  formée  de  cellules  disposées  radialement,  à cavité 
très-étroite  et  à parois  très-épaisses.  L’albumen,  en  forme  de  sac,  est 
granuleux,  incolore,  et  renferme  un  endosperme  corné,  dans  lequel 
est  enfermé  un  embryon  dont  la  radicule  est  dirigée  vers  le  hile.  Les  cel- 
lules de  l’albumen  ont  la  forme  de  polyèdres  allongés  ; elles  sont  rem- 
plies de  très-petits  grains  d’amidon.  On  trouve,  en  outre,  dans  la  plu- 
part des  cellules,  de  grosses  masses  de  matière  albuminoïde,  h forme 
rhomboïdale,  faciles  à voir  quand  on  observe  de  minces  tranches  de  la 
graine  dans  l’huile  d’amandes  douces,  à la  lumière  polarisée.  Ces  re- 
marquables corps  cristalloïdes  ressemblent  à ceux  qu’on  trouve  dans 
les  graines  du  cumin  (voy.  t.  I,  p.  584). 

Composition  chimique.  — Le  parenchyme  de  l’albumen  et  de  l’em- 
bryon est  rempli  d’huile  grasse  et  d’huile  essentielle.  La  première  existe 
dans  les  graines  dans  la  proportion  de  10  pour  100  environ.  L’huile  es- 
sentielle, dont  la  proportion  est,  en  moyenne,  de  4, G pour  100,  possède 
l’odeur  et  la  saveur  des  graines.  Elle  est  composée  en  majeure  partie, 
d’après  Dumas  et  Péligot  (1835),  d’un  liquide  correspondant  à la  for- 
mule G'°1P203  (I).  L’eau  qui  passe,  quand  on  distille  les  Cardamomes, 
contient  de  l’acide 'acétique.  La  cendre  des  Cardamomes  est,  comme 
celle  de  plusieurs  autres  plantes  de  la  même  famille,  particulièrement 
riche  en  manganèse  (2). 

Commerce.  • — Nous  ne  possédons  pas  de  statistiques  relatives  à la 
quantité  de  fruits  de  Cardamome  produite  par  le  sud  de  l’Inde,  ou 
à la  quantité  exportée.  Les  embarquements  faits , pendant  l’an- 

(1)  L’essencc  brûle  de  Cardamome  est,  dextrogyre  ; elle  laisse  déposer  à la  longue 
un  camphre  que  je  suis  porté  à croire  identique  avec  le  camphre  ordinaire,  autant 
que  j’ai  pu  en  juger  par  les  propriétés  optiques  et  cristallographiques  que  j’ai  obser- 
vées dans  l’échantillon  que  j’avais  à ma  disposition,  et  qui  était  du  reste  très- 
minime.  [F.  A.  F.] 

(2)  Flückigf.u,  in  Pharm.  Journ.,  1872,  III,  208.  [F.  A.  F.] 

HIST.  DES  DUOOUES,  T.  II.  20 


AMOMACÉKS. 


loi) 

née  1 871-1872,  à Bombay,  port  vers  lequel  on  expédie  la  majeure  partie 
du  Cardamome  récollé  dans  la  Présidence  de  Madras,  se  sont  élevés 
à 1 G50  quintaux,  sur  lesquels  1 035  quintaux  étaient  destinés  au 
Royaume-Uni  (1).  9 273  livres  de  Cardamomes,  produites  par  Ceylan, 
et  appartenant,  par  suite,  à la  grande  variété,  ont  été  exportées  de  cette 
île,  en  1872,  à destination  du  Royaume-Uni  (2). 

Usages.  — Les  fruits  de  Cardamome  constituent  un  aromate  agréa- 
ble, souvent  administré  avec  d’autres  médicaments.  On  les  emploie 
aussi  comme  condiments,  et  ils  entrent  dans  la  préparation  de  la  poudre  de 
Curry.  La  consommation  qui  s’en  fait  en  Angleterre  est  faible  en  com- 
paraison de  celle  qui  se  fait  en  Russie,  en  Suède,  en  Norwége,  et  dans 
certaines  parties  de  l’Allemagne,  où  l’on  en  fait  un  usage  constant 
comme  épice  et  pour  parfumer  des  gâteaux.  On  emploie  aussi  dans  ces 
pays  le  Cardamome  de  Ceylan,  mais  uniquement  dans  la  fabrication 
des  liqueurs.  Dans  l’Inde,  on  emploie  le  Cardamome  en  médecine, 
comme  condiment,  et  comme  ingrédient  des  chiques  de  Bétel. 

AUTRES  SORTES  DE  CARDAMOMES. 

Les  fruits  de  plusieurs  autres  plantes  de  la  tribu  des  Zingibérées 
ont  été,  à diverses  époques,  employés,  en  pharmacie,  sous  la  dénomina- 
tion commune  de  Cardamome.  Nous  notons  seulement  ceux  qui  offrent 
quelque  importance  dans  le  commerce  de  l’Europe  ou  de  l’Inde  (3). 

Cardamome  rond  ou  en  grappes.  — Il  est  produit  par  YAmomum  Carda- 
momum  L.,  plante  originaire  du  Cambodge,  de  Siam,  de  Sumatra  et  de 
Java(â).  Pendant  le  commencement  du  dix-septième  siècle,  les  relations 
commerciales  avec  Siam  étant  fréquentes,  et  cette  sorte  de  Cardamome 
étant  d’un  usage  commun  dans  le  pays,  on  l’apporta  accidentellement 
en  Europe.  Glusius  en  reçut  un  échantillon,  en  1605,  sous  le  nom 
(YAmomum  véritable  des  anciens,  et  le  regarda  comme  une  très-grande 
rareté  (4).  Il  eut  sa  place,  sous  le  nom  d 'Amomum  verum,  dans  les  tarifs 
et  les  pharmacopées  de  cette  époque.  Parkinson,  en  1640,  le  décrit 
sous  le  nom  d’ Amomum  genuinum,  et  dit  que,  « dans  ces  derniers  jours, 

(1)  Statemcnt  of  the  Trade,  etc.,  of  Bombay  for  1873-73,  II,  58,  90. 

(2)  Ceijlon  Blue  Book  for  1872,  Colombo,  1873,  543. 

(3)  Pour  plus  de  détails  sur  les  diverses  sortes  de  Cardamomes,  voyez  : Guibourt, 
Ilist.  des  Drogues,  1809,  II,  215-217.— Pereira,  Eléments  of  Mat.  Med.,  1850,  II,  1 128. 
— Hanbury,  in  Phamn.  Journ.,  1855,  XIV,  352,  410  ; Journ.  de  Pharmacie,  mai  et 
juin  1855  ; Science  Papers , 93. 

(4)  Exoticorum  Libri,  377. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  481 

il  fi  été  envoyé  à Venise  clés  Indes  orientales  ».  Dale,  en  1 (jL)<3 , et 
Poinet,  en  1640,  le  regardent  comme  une  drogue  rare  ; ce  dernier  au- 
teur ajoute  que  YAmomum  est  apporte  de  Hollande,  et  que  cette  espèce 
seule  doit  être  employée.  En  1751 , il  était  si  rare  que  dans  la  prépara- 
tion de  la  Theriaca  Andromachi,  on  lui  substituait  toujours  quelque  autre 
drogue  (1).  Il  avait  ainsi  complètement  disparu,  lorsqu’en  1853  des 
relations  commerciales  furent  renouées  avec  Siam,  et  parmi  les  mar- 
chandises qui  furent  apportées  sur  le  marché  se  trouva  le  Cardamome 
rond.  Le  prix  auquel  il  fut  coté  n’était  pas  rémunérateur,  et  les  impor- 
tations, devenant  improductives,  ne  tardèrent  pas  à cesser  (2).  Cepen- 
dant, il  constitue  dans  l’Asie  orientale  un  article  de  commerce  important. 
Les  Cardamomes  ronds  sont  disposés  en  petites  grappes  compactes.  Le 
fruit  est  globuleux  ; il  a de  10  à 14  millimètres  de  diamètre  ; il  est  marqué 
de  sillons  longitudinaux  et  est  nettement  trilobé.  Le  péricarpe  est  mince, 
fragile,  un  peu  velu,  de  couleur  chamois  ; il  renferme  une  masse  tri- 
lobée de  graines,  qui  sont  ridées  lorsque  le  fruit  a été  cueilli  avant  la 
maturité.  Ces  graines  ont  une  grande  ressemblance  avec  celles  du  Car- 
damome du  Malabar;  leur  saveur  est  forte,  aromatique,  camphrée.  Il  se 
fait  à Siam  une  exportation  considérable  de  cette  sorte  de  Cardamome 
et  de  la  suivante.  Les  embarquements  faits  à Bangkok,  en  1871,  s’éle- 
vèrent à 4 678  péculs,  valant  232  464  dollars  ; ils  étaient  tous  à desti- 
nation de  Singapore  et  de  la  Chine  (3).  Il  en  fut  importé  à Singapore, 
pendant  la  même  année,  102  quintaux  provenant  de  Java,  et  75  quin- 
taux venant  de  Sumatra  ; mais  nous  ignorons  si  ces  derniers  apparte- 
naient à la  même  variété  (4). 

Cardamome  épineux;  Cardamome  sauvage  ouCardamome  bâtard  de  B irma 
ou  de  Siam. — Il  est  produit  par  YAmomum  xanthioides  Wallich,  originaire 
de  Tenasserim  et  de  Siam  (c).  Pendant  ces  vingt  dernières  années,  les 
graines  de  cette  plante,  privées  de  leur  capsule,  ont  souvent  été  importées 
sur  le  marché  de  Londres,  et  elles  sont  également  très-communes  aujour- 
d’hui dans  les  bazars  de  l’Inde  (5).  Elles  ressemblent  beaucoup  aux 
graines  du  Cardamome  du  Malabar,  dont  elles  diffèrent  surtout  par 
leur  odeur  et  par  leurs  rugosités  plus  fines.  On  les  importe  encore  cohé- 

(1)  Hill,  History  of  the  Mat.  Med.,  Lond.,  1751,  472. 

(2)  Ainsi  43  balles,  importées  directement  de  Bangkok,  furent  mises  en  vente  à 
Londres,  le  26  mars  1857,  et  achetées  au  prix  de  1 shelling  6 deniers  la  livre. 

(3)  Commercial  Report  of  H.  M.  Consul  General  in  Siam  for  1871. 

(4)  Bluc  Book  of  the  Straits  Settlements  for  1871. 

(5)  Moodeen  SiiEtUFF,  Supplément  to  Pharmacopœia  oj  india,  Madras,  1869, 
44,  270. 


AMOMACftES. 


452 

rentes  en  une  masse  ovoïde,  trilobée,  comme  elles  sont  disposées  dans 
le  péricarpe.  On  les  désigne  parfois  sous  le  nom  de  Cardamome  sauvage 
ou  bâtard , mais  plus  généralement  on  les  nomme  graines  de  Cardamome 
(Cardamom  seeds).  Elles  constituent  un  article  important  du  commerce 
de  Siam,  mais  dans  les  rapports  commerciaux  on  ne  les  distingue  pas 
des  précédentes. 

Les  fruits  de  cette  espèce  sont  réunis  en  grappes  arrondies.  Ils  sont 
remarquables  par  les  épines  charnues  qui  recouvrent  leur  péricarpe, 
et  qui  leur  donnent  une  certaine  ressemblance  avec  les  fruits  du  Xan- 
t Ilium,  d’où  le  nom  spécifique  qui  a été  donné  à la  plante  (1). 

Cardamome  du  Bengale.  — Cette  drogue  a ôté  jusqu’ici  confondue 
avec  les  deux  suivantes  sous  une  môme  dénomination  (2).  Elle  est 
fournie  par  1 ' Amomum  aromaticum  Roxb.,  plante  originaire  des  vallées 
situées  sur  la  frontière  orientale  du  Bengale  (d).  D’après  Roxburgh  (3), 
la  plante  fleurit  pendant  la  saison  chaude,  avant  la  période  des  pluies, 
et  les  fruits  arrivent  à maturité  en  septembre.  A cette  époque,  on  les 
cueille  et  on  les  vend  aux  marchands  de  drogues  sous  le  nom  de 
Morung  Elachi.  Le  Cardamome  du  Bengale  (4)  a en  moyenne  2o  mil- 
limètres de  long;  il  est  ovoïde. ou  un  peu  obeonique,  et  imparfai- 
tement triangulaire;  l’extrémité  inférieure  est  arrondie  et  ordinaire- 
ment dépourvue  de  pédoncule.  La  partie  supérieure  du  fruit  est  munie 
de  neuf  côtes  ou  ailes  étroites,  déchiquetées,  qui  deviennent  surtout 
apparentes  après  macération  ; le  sommet  est  terminé  par  un  mamelon 
tronqué,  soyeux,  et  n’est  jamais  prolongé  en  un  long  tube.  Le  péricarpe 
est  grossièrement  strié  et  coloré  en  brun  foncé.  Il  s’ouvre  facilement  en 
trois  valves,  et  renferme  une  masse  trilobée  formée  de  60  à 80  graines 
agglutinées  à l’aide  d’une  pulpe  visqueuse,  saccharine,  formée  par  l’a- 
rille  dont  chaque  graine  est  enveloppée.  Les  graines  sont  arrondies, 
mais  rendues  anguleuses  par  pression  réciproque;  elles  ont  2 millimè- 
tres de  long  environ  ; leur  saveur  est  très -aromatique,  et  camphrée. 

Cardamome  du  Népaul.  — La  description  du  Cardamome  du  Bengale 
s’applique  à plusieurs  égards  à celui-ci.  Les  deux  drogues  offrent  en 
effet  une  grande  ressemblance.  Le  fruit  est  de  la  même  taille  et  pré- 

(1)  Voyez  les  ligures  dans  : Han'bury,  Science  Papers,  loi  et  103. 

(2)  Notamment  par  Pereira,  Etcm.  of  Mat.  Medic .,  1850,  II,  1135. 

(3)  Flora  indica , Serampore,  1S32,  I,  45. 

(/,)  m.  Jolin  Scott,  du  Jardin  botanique  de  Calcutta,  a été  pissez  bon  pour  nous 
envoyer  un  échantillon  de  Cardamome  du  Bengale  qu’il  nous  dit  être  le  meilleur,  connu 
dans  les  bazars  indiens  sous  le  nom  de  Buro  Elachi.  Les  fruits  ressemblent  à ceux  que 
nous  avions  déjà  entre  les  mains. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  453 

sente  la  même  forme  ; il  est  également  couronné  dans  sa  parlio  supé- 
rieure par  de  minces  côtes  déchiquetées,  et  marqué  de  stries  longitudi- 
nales semblables;  enfin,  les  graines  ont  la  même  forme  et  la  même 
odeur.  Le  fruit  diffère  d’abord  en  ce  qu’il  est  surmonté  par  un  calice 
tubuleux  aussi  long  ou  plus  long  que  le  fruit  lui-même;  et  en  second 
lieu,  en  ce  qu’il  est  souvent  fixé  à un  court  pédoncule.  Les  fruits  sont 
disposés  en  une  grappe  ovoïde,  longue  de  8 à 10  centimètres,  couverte 
de  bractées  pressées  et  imbriquées,  très-larges  et  tronquées,  avec  une 
pointe  centrale  aiguë , très- distinctes  par  conséquent  des  bractées 
ovales  et  beaucoup  plus  étroites  de  Y A.  aromaticum , ainsi  qu’il  est  fa- 
cile de  le  voir  dans  un  dessin  inédit  de  Roxburgh  représentant  cette 
plante. 

Nous  devons  au  colonel  Richard  G.  Lawrence,  résident  anglais  à 
Katmandu,  des  grappes  de  fruits  conservées  dans  l’alcool,  quelques 
feuilles  desséchées,  et  la  drogue  elle-même.  Cette  dernière  ressemble 
parfaitement  aux  échantillons  que  nous  avons  obtenus  d’autres  sources. 

Le  Cardamome  du  Népaul,  dont  Hamilton(l)  a parlé  le  premier,  est 
cultivé  sur  la  frontière  du  Népaul,  près  de  Darjiling.  D’après  le  colonel 
Lawrence,  la  plante  atteint  de  90  centimètres  à lm,80  de  haut; 
elle  croît  sur  les  pentes  bien  arrosées  des  montagnes,  à l’ombre 
des  arbres  (2).  Les  fruits  sont  exportés  dans  les  autres  parties  de 
l’Inde. 

Cardamome  de  Java.  — C’est  un  fruit  bien  caractérisé,  produit  par 
1 Amomum  maximum  Roxb.,  plante  de  Java  (f).  Les  fruits  sont  disposés 
au  nombre  de  30  à 40  sur  un  pédoncule  court,  épais,  et  forment  une 
grappe  globuleuse  ayant  10  centimètres  de  diamètre.  Ils  sont  pédon- 
culés,  ovoïdes  ou  coniques;  ils  ont  à l’état  frais  trois  centimètres  envi- 
ron de  long  et  deux  centimètres  et  demi  de  large.  Chaque  fruit  est 
muni  de  neuf  à dix  ailes  proéminentes,  hautes  de  deux  millimètres, 
étendues  de  la  base  au  sommet,  et  grossièrement  dentées,  sauf  dans 
leur  partie  inférieure.  Le  sommet  est  couronné  par  un  tube  calicinal 
court,  desséché.  M.  Binnendyk,  du  Jardin  botanique  de  Buitenzorg,  à 
Ja\a,  nous  a envoyé  un  bel  échantillon  d’A.  maximum , et  un  magnifique 
dessin  colorié.  Il  fait  remarquer  que  la  plante  est  cultivée,  et  qu’on 
vend  scs  fruits  à cause  de  leur  pulpe  comestible,  d’un  goût  agréable. 
Nous  ignorons  si  l’on  a jamais  exporté  soit  les  fruits  secs,  soit  les  grai- 

( I)  Account  of  the  Kingdom  of  Népal,  Edinb.,  1819,  74-75. 

(2)  Nous  avons  été  informé  plus  lard  par  le  docleur  King,  de  Calcutta,  que  c'est 
Amomum  subulatum  Roxn.  (e)  qui  fournit  le  Cardamome  du  Népaul.  [P.  A.  P.] 


4Î>4 


AMOMACÉES. 


ncs.  Perdra  a confondu  ce  Cardamome  avec  ceux  du  Bengale  et  du 
Népaul. 

Cardamome  du  Korarima.  — Les  médecins  arabes  avaient  connais- 
sance d’une  sorte  de  Cardamome  nommé  Heil,  qui  fut  plus  tard  connue  en 
Europe,  et  est  mentionnée  dans  les  plus  anciennes  pharmacopées  impri- 
mées sous  le  nom  de  C ardamomum  majus  (\).  Gomme  les  autres  drogues 
de  l’Orient,  il  disparut  ensuite  peu  à peu  du  commerce  européen  (2),  et 
son  nom  fut  donné  aux  Graines  de  Paradis , qui,  aujourd’hui  encore,  sont 
connues  dans  les  boutiques  sous  le  nom  de  Semina  Cardamomi  majons. 

Le  véritable  Cardamomum  majus  est  un  fruit  conique,  de  la  taille  et  de 
la  forme  d’une  petite  figue  renversée;  il  contient  des  graines  arrondies, 
anguleuses,  douces  d’une  saveur  aromatique  agréable,  très-semblable  à 
celle  du  Cardamome  du  Malabar,  et  tout  à fait  dépourvues  de  la  sa- 
veur brûlante  des  graines  de  Paradis.  Chaque  fruit  est  perforé,  parce 
qu'il  a été  enfilé  à l’aide  d’une  corde  pendant  la  dessiccation.  Les  Arabes 
se  servent  parfois  de  ces  Cardamomes  enfilés  comme  de  rosaires.  Le 
fruit  en  question  se  nomme  dans  la  langue  Galla  Korarima , mais  il  est 
également  connu  sous  le  nom  de  Guràgi,  et  sous  les  noms  arabes  de 
Heil  et  Habhal-habashi  (3).  D’après  Beke,  on  le  transporte  sur  le  mar- 
ché de  Baso,  dans  le  sud  de  l’Abyssinie,  de  Turnbé,  région  située  vers 
le  90e  degré  de  latitude  N.,  et  le  35»  degré  de  longitude  E.  On  l’ex- 
porte de  Baso  à Massowah  sur  la  mer  Rouge,  et  de  là  dans  l’Inde  et  dans 
l’Arabie  (4).  Von  Heuglin  (5)  dit  qu’on  l’apporte  du  pays  de  Galla.  Il 
n’est  pas  improbable  que  ce  soit  le  même  fruit  que  Speke  (6)  vit  sur 
pied,  en  1862,  à Uganda,  par  0°  latitude,  et  qu’il  dit  être  employé  poui 
faire  des  colliers  par  les  habitants  de  Wagonda.  Pereira  a propose  pour 
la  plante  qui  produit  ces  fruits  le  nom  d 'Amomum  Korarima ; mais  elle 

n’a  jamais  été  décrite  d’une  façon  scientifique. 


(1)  Notamment  dans  le  Thésaurus  Aromatariorum,  imprimé  à Milan,  en  1496,  dans 
, j psi  nommé  Heil  ou  Gardamomum  majus. 

J’ai  été  surpris  de  voir  ce  Cardamome  envoyé  de  l’Abyss.me  à l’exposition  de 
J } J 1873-  Ven  dois  aussi  un  bon  échantillon  à la  maison  Schimmel  et  C*  de 
qui  vient  d'importer,  il  ius.Se  de  la  distillerie,  une  eerlaino  quant, te  de  ce 

'Tsi  Ainsi  noimé  par  Forskal,  en  1775  (Moi aria  Uedka  Kalm-ina,  151,  n.  41),  q»i 

'“,tf  «-S ».  «*,  H «*• 

— Vaugiian,  in  Pliai'm.  Jounl.,  18o3,  XII,  5S,. 

g rzx  zzz’j;  * «•  ».  *-»■  «• 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  455 

(a)  Les  Elettaria  Rheede  ( Hort . malab.,  XI,  9,  t.  4,  5)  sont  des  Amomncées  de 
la  tribu  des  Zingibérées,  à calice  tubuleux  ; à tube  do  la  corolle  allongé  ; à anthère 
non  appendiculée  ; à fruit  sec  ; à scape  radical,  paniculé. 

V Elettaria  Cardamomum  Maton  (Ad.  Linn.,  X,  254)  est  une  plante  à rhizome 
accompagné  de  nombreuses  racines  charnues,  émettant  des  ïameaux  aéiiens  viva- 
ces, dressés,  lisses,  articulés,  enveloppés  par  les  gaines  des  feuilles,  et  hauts  de 
i“,80  à 2m,80.  Les  feuilles  sont  à peu  près  sessiles  sur  leurs  gaines,  lancéolées, 
pointues,  pubescentes  en  dessus,  soyeuses  en  dessous,  entières,  longues  de  30  à 
GO  centimètres,  portées  par  des  gaines  légèrement  villeuses,  et  accompagnées,  au  ni- 
veau de  leur  point  d’union  avec  le  limbe  foliaire,  d’une  ligule  arrondie,  saillante.  Les 
scapes  floraux  partent,  au  nombre  de  trois  a çjuatre,  de  la  base  souterraine  dos  tiges 
feuillées  ; ils  sont  décombants,  flexueux,  articulés,  ramifiés,  longs  de  30  à GO  centi- 
mètres. Les  branches  ou  grappes  partent  du  niveau  des  articulations  ; elles  sont  al- 
ternes, à peu  près  dressées,  longues  de  5 à 8 centimètres.  Au  niveau  de  chaque  nœud 
du  scape  est  une  bractée  engainante,  membraneuse,  striée,  lisse,  oblongue.  Les 
grappes  sont  articulées,  et  portent  au  niveau  de  chaque  nœud  une  seule  fleur  alterne 
avec  celles  qui  sont  situées  au-dessous  et  au-dessus,  courtement  pédonculée.  Le  ca- 
lice est  infundibuliforme,  tridenté,  strié  de  fines  nervures,  persistant.  Le  tube  de  la 
corolle  est  grêle,  de  la  même  longueur  que  le  calice,  divisé  en  trois  lobes  à peu  près 
égaux,  oblongs,  concaves,  colorés  en  blanc  verdàtrepâle.  Le  Libelle,  formé  par  l’union 
des  deux  étamines  stériles  et  pétaloïdes  antérieures,  est  obovale,  beaucoup  plus  long 
que  la  corolle,  un  peu  replié  sur  le  bord  et  légèrement  trilobé  au  sommet,  marqué, 
surtout  au  centre,  de  bandes  d’un  violet  pourpré.  L’étamine  fertile  est  constituée  par 
un  filet  court,  dressé,  et  par  une  anthère  biloculaire,  émarginée,  déhiscente  par  deux 
fentes  longitudinales.  Le  gynécée  est  formé  d'un  ovaire  infère,  ovale,  lisse,  trilocu- 
laire,  surmonté  d’un  style  grêle  que  termine  un  stigmate  infundibuliforme.  Chaque 
loge  contient  un  nombre  indéfini  d’ovules  anatropes,  insérés  dans  l’angle  interne. 
Le  fruit  est  une  capsule  ovale,  du  volume  d’une  muscade,  triloculaire,  trivalve,  à 
déhiscence  loculicide,  contenant  de  nombreuses  graines  noirâtres,  albuminées. 
[Trad.] 

(b)  Les  Amoinum  Schreber  (Généra  plant.,  n.  3)  sont  des  Amomacées  de  la  tribu 
des  Amomées,  à calice  tubuleux  ; à étamine  fertile  unique,  munie  d’une  anthère  bi- 
loculaire que  surmonte  un  appendice  du  connectif  en  forme  de  crête  entière  ou 
lobée  ; à capsule  triloculaire,  trivalve,  contenant  plusieurs  graines  arillées. 

L’Amomum  Cardamomum  L.  ( Species , édit.  Willd.,  I,  8)  est  une  plante  à sou- 
che vivace,  blanche,  émettant  un  grand  nombre  de  racines  charnues  et  des  tiges 
aériennes  ordinairement  bisannuelles,  dressées,  obliques,  hautes  de  30  à GO  centi- 
mètres, couvertes  par  les  gaines  des  feuilles  qui  sont  lisses  et  colorées  en  vert  foncé. 
Les  feuilles  sont  alternes,  courtement  pétiolées,  lancéolées,  larges  dans  le  bas  de  la 
tige,  étroites  vers  le  haut,  entières,  lisses  sur  les  deux  faces,  terminées  par  une 
pointe  allongée,  et  longues  de  15  à 30  centimètres.  Les  fleurs  sont  disposées  en 
épis  radicaux,  sessiles,  oblongs,  qui  se  montrent  dans  l’intervalle  des  tiges  feuillées, 
et  restent  à demi  enfoncés  dans  le  sol.  Ils  offrent  des  bractées  étroitement  imbri- 
quées, lancéolées,  aiguës,  villeuses,  scarieuses,  de  coloration  cendrée.  Chaque  brac- 
tée présente  une  seule  fleur  dans  son  aisselle.  Le  pédoncule  de  chaque  fleur  porte 
lui-même  une  bractée  scarieuse,  plus  ou  moins  tubuleuse,  bidentée,  enveloppant 
l’ovaire.  Le  calice  est  tubuleux,  tridenté,  velu,  de  la  longueur  du  tube  de  la  corolle. 
Ce  dernier  est.  grêle  et  légèrement  recourbé  ; son  limbe  est  divisé  en  trois  lobes  à 
peu  près  égaux.  Le  labclle  est  plus  long  que  la  corolle,  trilobé,  replié  et  crénelé 


AMOMACÉES. 


436 

sur  le  bord  ; son  lobe  médian  est  jaune,  et  parcouru  par  deux  lignes  roses  qui  partent 
de  la  gorge  de  la  corolle.  Le  filament  staminal  est  à peine  aussi  long  que  le  limbe 
de  la  corolle  et  incurvé  sur  l’orifice  du  tube;  de  chaque  côté  de  sa  base  se  trouve 
une  corne  grêle,  subuléé,  presque  aussi  longue  que  lui.  L’anthère  est  biloculaire, 
déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales,  surmontée  d’une  crête  large,  concave, 
trilobée.  Le  gynécée  est  formé  d’iln  ovaire  infère,  laineux,  triloculaire,  surmonté  en 
dedans  de  la  base  du  tube  de  la  corolle  de  deux  écailles  nectarifères  courtes  et  tron- 
quées. Chaque  loge  ovarienne  contient  plusieurs  ovules  anatropes,  insérés  dans  l’an-  ♦ 
gle  interne.  Le  fruit  est  une  capsule  triloculaire,  à déhiscence  loculicide,  trivalvaire  ; 
chaque  loge  contient  plusieurs  graines  albuminées  munies  d’un  arille.  [Trad.] 

(e)  L ’Amomum  xanthioides  Walliçu  [Calai,  of  lhe  East  Ind.  Ilcrbar .,  n.  6557) 
se  distingue  par  scs  feuilles  linéaires-lancéolées,  non  cordées  ; par  le  développe- 
ment plus  grand  de  tous  ses  organes  végétatifs  et  surtout  par  ses  fruits  plus  gros, 
couverts  d’épines  charnues,  aplaties  et  réunies  en  groupes  de  deux  ou  trois.  [Trad. J 
[à)  L ’Amomum  aromalicum  Roxbcrgh  (Flora  indica,  I,  44)  est  une  jolie  plante 
à souches  tubéreuses,  émettant  une  grosse  touffe  de  rameaux  aériens  dressés  ou 
plus  ou  moins  obliques,  enveloppés  par  les  gaines  des  feuilles  et  hauts  de  30  à 
90  centimètres.  Les  feuilles  sont  lancéolées,  acuminées,  lisses,  longues  de  25  a 
bO  centimètres,  larges  de  b à 10  centimètres.  Les  épis  sont  radicaux,  il  abord  clavi- 
formes,  puis  arrondis  à la  maturité  des  fruits.  Les  fleurs  sont  colorées  en  jaune 
pâle,  situées  chacune  à l’aisselle  d’une  bractée  oblonguè,  concave,  lisse.  Le  calice 
est  tubuleux,  cylindrique,  entier  ou  denté,  villeux.  La  corolle  est  formée  d’un  long 
tube  grêle  et  d’un  limbe  à trois  segments  sublancéolés,  obtus,  le  supérieur  re- 
courbé au-dessus  de  l'étamine  et  du  stigmate.  Le  Libelle  est  presque  arrondi  et  indi- 
vis, coloré  eu  rouge  au-dessous  de  sa  partie  médiane.  Le  filet  staminal  est  linéaire, 
incurvé.  L’anthère  est  surmontée  d’un  appendice  en  forme  de  crête  trilobée.  L'o- 
vaire est  villeux.  [Trad.] 

(e)  L'Amomum  subulalum  Boxburgh  ( Flor . ind.,  I,  44)  se  distingue  par  ses 
feuilles  lancéolées,  lisses,  sessile%  ; ses  épis  ovales  à bractées  longuement  subulées 
et  colorées  en  rouge  foncé  ; ses  fleurs  grandes  et  jaunes  son  labelle  oblong;  son 
anthère  surmontée  d’une  crête  entière.  [Trad.] 

(f)  L ’Amomum  maximum  RoxuüRGn  ( Flora  indica,  I,  41)  se  distingue  par  ses 
feuilles  lancéolées,  villeuses  en  dessous  ; ses  épis  floraux  ovales,  à bractées  lancéo- 
lées ; son  labelle  entier,  étalé,  oblong,  marqué  au-dessous  de  la  partie  médiane 
d’une  bande  jaune  ; son  filament  staminal  court  ; son  anthère  surmontée  d une  crête 
large,  sémilunaire,  entière;  ses  capsules  arrondies.  [Trad.] 


GRAINES  DE  PARADIS. 

Grana  Paradisi ; Scmina  Cardamomi  majoris  ; Piper  Melcgueta;  Graines  de  Paradis,  Maniguctte; 
nngl..  Grains  of  Paradise  ; Guinea  Grains,  Male  guet  a Pcpper  (t);  nllcm.,  Paradiesl, -orner. 

Origine  botanique.  — Amomum  Melcgueta  Roscoe.  C’est  une  plante 
herbacée,  à port  de  roseau,  haute  de  90  centimètres  à Im,50,  produisant, 

(I)  Le  mot  Meleguetta  a été  écrit  do  diverses  façons:  Mclcgcttc,  Melligctta,  Malla- 
guetta,  Manigete,  Maniguctte  ; c’est  le  nom  africain  dés  Graines  de  Paradis  II  est 
cependant  rapporté  par  Humboldt  au  mot  indien  Molaga,  poivre  (Examen  critique  de 
l’histoire  de  la  géographie,  1, 1836,  257).  [F.  A.  F.] 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  457 

sur  un  scape  qui  s’élève  à peine  à 3 centimètres  au-dessus  du  sol,  une 
fleur  délicate,  à aspect  cireux,  à laquelle  succède  un  fruit  ovoïde, 
lisse,  écarlate,  long  de  8 à 10  centimètres,  sortant  do  bractées  imbri- 
quées. Les  dimensions  des  diverses  parties  de  la  plante  varient  beau- 
coup suivant  les  conditions  plus  ou  moins  favorables  du  soi  et  du  climat. 
Dans  le  Demcrara,  où  la  plante  réussit  très-bien  sous  l’influence  de  la 
culture,  le  fruit  devient  aussi  gros  qu’une  belle  poire  ; il  mesure,  avec 
sa  partie  tubuleuse,  jusqu’à  13  centimètres  de  long 'et  o centimètres  de 
large.  Dans  quelques  parties  de  l’Afrique  occidentale,  au  contraire,  ses 
dimensions  dépassent  à peine  celles  d’une  grosse  aveline.  Son  péricarpe 
est  épais  et  charnu  ; il  renferme  une  pulpe  incolore,  acide,  d’un  goût 
agréable,  dans  laquelle  sont  nichées  des  graines  nombreuses  (a). 

L’A.  Melegueta  est  très-répandu  dans  l’Afrique  occidentale  tropicale. 
On  le  trouve  sur  la  côte,  depuis  Sierra  Leone  jusqu’au  Congo.  Nous  ne 
possédons  aucune  information  exacte  au  sujet  de  sa  distribution  dans 
l’intérieur  des  terres.  La  région  du  littoral  qui,  à cause  de  la  production 
des  Graines  de  Paradis,  a été  nommée  Côte  des  graines , est  située  entre 
Liberia  et  le  cap  Palmas.  La  Côte  d’Or,  d’où  les  graines  sont  aujourd’hui 
particulièrementexpédiées,  est  située  plus  à l’est,  dans  le  golfe  de  Guinée. 

Historique.  — Il  ne  paraît  guère  probable  que  les  anciens  aient  eu 
connaissance  des  Graines  de  Paradis.  Nous  n’avons  pu  trouver  aucune 
mention  de  ces  graines  antérieurement  à la  description  d’une  fête  re- 
marquable donnée  à Treviso,  en  1214(1),  dans  laquelle  leur  nom  africain 
se  trouve  accidentellement  cité.  C’était  une  sorte  de  tournoi  dans  lequel 
un  simulacre  de  forteresse,  gardé  par  douze  nobles  dames  et  leur  suite, 
était  attaqué  par  des  assaillants  armés  de  fleurs,  de  fruits,  de  bonbons, 
de  parfums  et  d’épices,  parmi  lesquels  se  trouvaient  Melegetæ  ! Après 
cette  époque,  on  trouve  plusieurs  indications  qui  montrent  que  ces  graines 
étaient  d’un  usage  commun.  Nicolas  Myrepsus  (2),  médecin  de  la  cour 
de  l’empereur  Jean  III,  à Nicée,  au  treizième  siècle,  prescrivait  les 
Msvsvévai  ; et  son  contemporain,  Simon  de  Gênes  (3),  à Rome,  désigne 
la  même  drogue  sous  le  nom  de  Melegete  ou  Melegelte.  Les  Graines  de 
Paradis  sont  énumérées  parmi  les  épices  qui  se  vendaient  à Lyon  (4) 
en  1215;  elles  sont  citées,  sous  le  nom  de  Greyn  Paradijs,  dans  un  tarif 

( I)  Rolandini  Patavini  Chronica,  Peutz,  Monumenta  Gerinaniæ  historien  ; scrip- 
tores,  1860,  XIX,  45-46. 

(2)  De  Compositione  Mendicamentorum  ; de  Antidotis,. c.  xxir. 

(3)  Clavis  Sanationis,  Vcnet.,  la  10,  19,  12. 

(1)  Bihliothek  d.  lit.  Vereins,  Stdtlgai-t,  XVI,  xxm. 


45  8 


AMOMACÉES. 


des  impôts  levés  à Dordrecht,  en  Hollande  (1),  en  1358.  On  les  trouve 
parmi  les  épices  employées  par  Jean,  roi  de  France,  pendant  sa  capti- 
vité en  Angleterre,  1359-60  ; elles  sont  citées,  à plusieurs  reprises,  sous 
le  nom  de  Grainne  de  Paradis  (2) . 

Dans  les  temps  les  plus  reculés,  la  drogue  était  transportée,  parterre, 
de  l’Afrique  tropicale  à la  côte  de  Tripoli  (3),  comme  elle  l’est  encore  au- 
jourd'hui, mais  en  petite  quantité.  Gomme  elle  était  produite  par  une 
région  inconnue  et  tenue  en  grande  estime,  on  lui  donna  le  nom  de 
Graine  de  Paradis.  Vers  le  milieu  du  quatorzième  siècle,  des  relations 
commerciales  directes  commencèrent  à s’établir  entre  l’Europe  et 
l’Afrique  occidentale  tropicale.  Margry  (4)  raconte  que  des  bâtiments 
furent  expédiés  de  Dieppe,  en  1364,  et  rapportèrent  des  cargaisons 
d’ivoire  et  de  Malaguette,  prises  vers  l’embouchure  de  la  rivière  Gestos. 
Un  siècle  plus  tard,  la  côte  fut  visitée  par  les  Portugais,  qui  lui  don- 
nèrent le  nom  de  Terra  de  Malaguet.  Colomb,  qui  fit  aussi  des  voyages 
commerciaux  sur  la  côte  de  Guinée,  la  nomme  Costa  de  Maniguetta. 
Bientôt  après  cette  époque,  les  Graines  de  Paradis  devinrent  un  mono- 
pole entre  les  mains  des  rois  de  Portugal. 

Des  voyageurs  anglais  visitèrent  aussi  la  Côte  d’Or,  au  seizième  siècle, 
et  rapportèrent,  en  échange  des  marchandises  européennes,  de  1 or,  de 
l’ivoire,  du  poivre  et  des  Graines  de  Paradis  (5).  Le  poivre  était  sans 
doute  celui  du  Piper  Clusii  (voy.  page  353). 

Les  Graines  de  Paradis,  souvent  nommées  par  abréviation  Graines , 
étaient  autrefois  employées  comme  condiment,  de  la  même  façon  que  le 
poivre.  On  les  employait  aussi  avec  la  cannelle  et  le  gingembre  pour 
préparer  le  vin  épicé  nommé  hippocras , qui  était  en  vogue  pendant  le 
quatorzième  et  le  quinzième  siècle. 

La  plante  qui  produit  cette  drogue  a été  l’objet,  de  la  part  des  bota- 
nistes modernes,  d’une  série  d’erreurs  qu’il  est  inutile  de  rappeler.  11 
suffit  de  dire  que  YAmomum  Granum  Paradisi  de  Linné  ne  peut  être  iden- 
tifié avec  aucune  plante;  qu’en  1817,  Afzelius,  botaniste  suédois  qui 
résida  pendant  plusieurs  années  à Sierra  Leone,  publia  une  description 
de  YAmomum  Granum  Paradisi  Linn.  (6),  et  que  l’échantillon  qu  d a en- 


(L)  Sartorius  et  Lappenberg,  Geschichte  der  Deutschen  Hansa,  U,  4 . . 

(2)  Douet  d’Arcq,  Compt.  de  l’Argent,  des  rois  de  France,  2 19,  2GG. 

(3)  G.  di  Barros,  Asia,  Venet.,  1561,  33  (65). 
il,)  Ouvrage  cité  plus  haut,  h la  page  246,  note  2. 

(5)  Hakluyt,  Principal  Navigations,  II,  P.  II,  First  Voyage  of  the  Pr.merose  and 
Liou  to  Guinea  and  Bénin,  A.  D.  1553. 

(6)  Remedia  Guineensia,  Upsaliæ,  71. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  4G9 

voyé,  et  qui  est  actuellement  conservé  dans  l’herbier  de  sir  J.  E.  Smith, 
appartient  à une  autre  espèce.  Dans  ces  conditions,  le  nom  Amomum 
M de  g ue  ta,  donné  par  Roscoe  à la  plante  qui  produit  les  Graines  de  Pa- 
radis, a été  accepté  sans  contestation  (I). 

Description.  — Les  Graines  de  Paradis  ont  environ  2 millimètres  de 
diamètre  ; leur  forme  est  variable  ; elles  sont  tantôt  arrondies,  avec  des 
angles  mousses,  tantôt  un  peu  pyramidales.  Elles  sont  dures  ; leur  sur- 
face est  luisante,  colorée  en  brun  rougeâtre  et  chagrinée.  Le  hile  est  en 
forme  de  bec  et  d’une  couleur  plus  pâle.  Les  graines  broyées  sont 
fort  peu  aromatiques,  mais  elles  possèdent  une  saveur  très-piquante  et 
brûlante. 

Structure  microscopique.  — Les  Graines  de  Paradis  ressemblent,  à 
beaucoup  d’égards,  par  la  structure,  à celles  du  Cardamome;  mais  dans 
les  premières,  les  cellules  de  l’albumen  sont  très-minces,  leurs  parois 
sont  délicates,  et  elles  sont  beaucoup  plus  allongées.  La  couche  interne 
du  tégument  seule  ressemble  à la  couche  correspondante  de  la  graine 
de  Cardamome.  Les  cellules  de  la  couche  moyenne  ont  deux  parois  tel- 
lement épaissies,  qu’il  reste  à peine  une  cavité.  La  couche  extérieure  du 
tégument  est  formée  de  cellules  à parois  épaisses,  dont  les  cavités  parais- 
sent, sur  une  section  transversale,  allongées  radialement.  L’albumen  est 
rempli  de  grains  d’amidon,  qui  ont  de  2 à 5 millièmes  de  millimètre  de 
diamètre,  et  sont,  dans  chaque  cellule,  agglutinés  les  uns  aux  autres 
de  façon  à former  une  masse  cohérente. 

Composition  chimique. — LesGraines  deParadis  contiennentune  petite 
quantité  d’huile  essentielle  ; 53  livres  nous  en  ont  donné  seulement 
2 onces  et  demie,  c’est-à-dire  0,30  pour  100  environ  (2).  Cette  essence  est 
jaunâtre,  neutre;  elle  possède  une  odeuEagréable,  qui  rappelle  celle  des 
graines,  et  une  saveur  aromatique,  dépourvue  d’âcreté.  Son  poids  spéci- 
fique, à 15°, 5 C.  est  0,825.  Elle  est  peu  soluble  dans  l’alcool  absolu 
ou  étendu,  mais  elle  se  mélange  avec  le  bisulfure  de  carbone  en  un 
liquide  clair,  elle  dissout  l’iode  sans  explosion.  Lorsqu’on  la  sature  avec 
du  gaz  chlorhydrique  sec,  il  ne  se  forme  aucun  composé  solide.  Elle  com- 
mence à bouillir  vers  236°  C.,  et  la  plus  grande  quantité  distille  entre 
257°  et  258°  C.;  le  résidu  est  constitué  par  un  liquide  épais  et  brunâtre. 

(1)  J’ai  plusieurs  fois  fait  germer  les  graines  de  Paradis  du  commerce,  j’ai  cultivé  la 
plante  pendant  plusieurs  années,  et  j’ai  obtenu  non-seulement  des  fleurs,  mais  des  fruits 
arrivant  à complète  maturité,  et  contenant  des  graines  fertiles.  [D.  H.] 

(2)  Cette  essence  fut  distillée  et  employée  en  médecine  des  le  commencement  du 
dix-septième  siècle  (Porta,  De  DistiUatione,  Romæ,  JG08,  lib . iv,  c.  4). 


400 


AMOMACÉES. 

Examinée  en  colonne  de  50  millimètres,  l’huile  essentielle  brute 
dévie  la  lumière  polarisée  de  1°,9  à gauche.  La  portion  qui  distille  au- 
dessus,  à 2370-258u,  la  dévie  de  1°, 2 ; le  résidu  la  dévie  de  2 degrés  à 
gauche.  Les  propriétés  optiques  tendent  à faire  admettre  que  celte 
huile  essentielle  est  homogène.  Cette  opinion  est  corroborée  par  les  ré- 
sultats de  trois  analyses  élémentaires  qui  nous  ont  conduit  à la  for- 
mule C20H32O  ou  G,0H‘6+G10H,6O. 

Dans  le  but  de  nous  assurer  si  les  Graines  contiennent  une  huile 
grasse,  dix  grammes  furent  pulvérisés  avec  du  quartz,  et  épuisés  avec 
de  l’éther  bouillant.  Nous  obtînmes,  par  évaporation  de  l’éther,  0gr,583 
d’un  résidu  brun  visqueux,  à peu  près  dépourvu  d’odeur,  mais  doué 
d’une  saveur  piquante  très-forte.  Comme  il  se  montra  entièrement 
soluble  daus  l’acide  acétique  cristallisable  et  dans  l’alcool  étendu,  on 
peut  le  considérer  comme  une  résine , et  admettre  que  les  Graines  de  Pa- 
radis ne  contiennent  pas  d’huile  grasse. 

Desséchées  à 100°  G.,  les  Graines  de  Paradis  nous  ont  donné  2,13 
pour  100  de  cendres,  qui,  par  suite  de  la  présence  du  manganèse, 
avaient  une  coloration  verte. 

Commerce.  — Les  Graines  de  Paradis  sont  expédiées  surtout  des  éta- 
blissements de  la  Côte  d'Or,  dont  les  plus  importants  sont  Cape  Coast 
Castle  et  Accra.  Les  rapports  officiels  (1)  indiquent,  pour  les  exporta- 
tions de  ces  localités,  en  1871 , les  chiffres  suivants  : pour  la  Grande- 
Bretagne,  85502  livres;  pour  les  Etats-Unis,  35G301ivres;  pour  l’Alle- 
magne, 28501  livres  ; pour  la  France,  27  125  livres  ; pour  la  Hollande, 
14  250  livres.  Total  : 86000  kilog. 

Usages.  — Les  Graines  de  Paradis  sont  employées  dans  la  médecine 
vétérinaire  ; on  s’en  sert  aussi  comme  condiment,  mais  surtout,  paraît- 
il,  pour  donner  une  saveur  piquante  aux  cordiaux. 

(a)  L ' Amomurn  Meleguela  Roscoe  (A ton.  PL  of  the  orJer  Scilam.,  t.  98)  se  dis- 
tingue des  espèces  à’ Amomurn  décrites  plus  haut  (voyez  page  455)  par  ses  feuilles 
lancéolées,  acuminées,  étroites,  subsessiles  ; par  son  scape  radical  ne  s’élevant  que 
fort  peu  au-dessus  du  sol,  et  muni  de  bractées  distiques  au  nombre  de  cinq  h sept 
seulement.  Ses  fleurs  sont  grandes  et  très-belles.  Le  calice  est  vert,  tubuleux,  cylin- 
drique, fendu  d’un  côté.  La  corole  est  tubuleuse,  avec  un  limbe  blanc,  très  déve- 
loppé, divisé  en  trois  lobes  très-inégaux,  les  deux  latéraux  étroits,  le  médiane  très- 
largo,  concave  et  dressé.  Lelabelloou  staminode  pétaloïde  est  très-grand,  orguiculé, 
arrondi  en  entier,  coloré  en  rouge  cramoisi  dans  le  haut  et  jaune  dans  le  bas.  Les 
deux  lames  du  disque  qui  surmontent  1 ovaire  ont  25  millimètres  de  long.  Le  finit 
est  une  capsule  de  15  centimètres  de  long,  coriace,  jaune,  cylindrique.  [Trad.] 

(I)  Mue  Pool:  for  the  colonij  of  the  Gold  Coast  in  1871. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 


461 


ORGHIDAGÉES 


SALEP. 

ltadi.c  Salcp  ; Tlailix  Satyrii  ; nngl.,  Salep;  allom.,  Salepknollen. 


Origine  boJaniqne.  — La  plupart,  sinon  toutes  les  espèces  cl 'Orchis 
qu’on  trouve  en  Europe  et  dans  le  nord  de  l’Asie  (a),  sont  pourvues  de 
tubercules  qui,  convenablement  préparés,  sont  susceptibles  de  fournir 
du  Salep.  Parmi  celles  qui  sont  actuellement  employées,  les  plus  impor- 
tantes sont  : Y Orchis  mascula  , L.  , YO.  Mario  L.  , YO.  militûris  L., 
1 ’O.  iistulata  L.;  l’O.  pyramidalis  L.,  l’O.  coriophora  L.  et  YO.  loncji- 
cruns  Link.  Ces  espèces,  dont  les  tubercules  sont  entiers,  sont  origi- 
naires de  la  plus  grande  partie  de  l’Europe  centrale  et  méridionale,  de 
la  Turquie,  du  Caucase  et  de  l’Asie  Mineure  (I). 

Les  espèces  suivantes,  pourvues  de  tubercules  palmés  ou  lobés,  ont  une 
aire  de  distribution  non  moins  étendue  : 0.  maculata  L.,  O.  saccifera 
Bro.ngn.,  O.  conopsea  L.  et  0.  latifoha  L.  La  dernière  s’étend  jusque 
dans  le  nord-est  de  1 Inde  et  dans  le  Thibet,  et  l’O.  conopsea  se  trouve 
dans  les  régions  arrosées  par  l’Amur,  dans  l’extrême  est  de  l’Asie. 

Le  Salep  des  Bazars  Indiens,  connu  sous  le  nom  de  Sali  b misri,  est 
acheté  par  les  Orientaux  à des  prix  extravagants  à cause  de  son  excel- 
lente qualité  ; il  est  produit  par  certaines  espèces  d 'Eulophia(V),  notam- 
ment par  VE.  campestris  Lihdl.,  YE.  herbacea  Lindl.,  et  probablement 
par  d’autres  espèces. 

Historique.  — Sous  l’influence  des  superstitions  attribuant  aux 
plantes  des  propriétés  en  rapport  avec  ta  forme  de  certains  de  leurs  or- 
ganes, le  Salep  (3)  jouit  depuis  longtemps  en  Orient  de  la  réputation 
de  stimulant  des  fonctions  génésiques;  beaucoup  d’Européens  de  l’Inde, 
peu  disposés  à admettre  les  vertus  extravagantes  qui  lui  sont  attribuées 
Par  ^es  Hindous  et  les  Mahometans,  le  regardent  cependant  comme  un 
excellent  aliment  dans  la  convalescence. 

\ 

f 

(1)  Tchihatcheff  énumère  trente-six  espèces  d ’ Orchis  en  Asie  Mineure  (Asie Mineure 

Bot. , II,  1860).  ’ 

(2)  Les  espèces  indiennes  d’Eulophia  ont  616  révisées  par  Liiidlcv  in  Journ  of  Linn 

Soc,  Bot.,  1859,  III,  23.  ‘ 

(3)  Le  mot  Salcp  est  le  nom  arabe  du  renard,  et  la  drogue  est  nommée  dans  cette 
langue  A hus  yatu’s  sulah,  c’est-à-dire  testicule  de  renard,  ou  Khus  yatu'l  kalb  tes- 
ticule de  chien.  Le  mot  Orchis,  et  les  vieux  noms  populaires  dans  les  diverses  langues 
de  1 Europe  ont,  de  même,  été  donnés  par  allusion  à la  forme  des  tubercules. 


462  ORCHIDACÉES. 

Colle  drogue  était  connue  de  Dioscoride  cl  des  Arabes,  ainsi  que  des 
herboristes  et  des  médecins  du  moyen  âge,  qui  la  prescrivaient  souvent 
à l’état  frais.  Gerarde,  en  4 G3G , a donné  d’excellentes  ligures  des  divers 
Orchis  dont  les  tubercules  étaient  employés  à son  époque. 

Geoffroy  (1),  ayant  reconnu  que  le  Salep  importé  de  l’Orient  était 
fourni  par  les  tubercules  d’un  Orchis,  indiqua,  en  1740,  comment  on 
pouvait  le  préparer  à l’aide  des  espèces  indigènes  de  la  France. 

Récolte.  — On  arrache  les  tubercules  après  la  floraison  de  la  plante, 
on  enlève  ceux  qui  sont  ridés  et  flétris,  on  lave  ceux  qui  sont  renflés, 
on  les  enfile  à l’aide  d’une  corde,  et  on  les  échaudé  pour  détruire  leur 
vitalité,  puis  on  les  fait  dessécher  au  soleil  ou  devant  un  feu  doux. 

A l’état  frais,  ils  sont  blancs  et  succulents,  mais  en  se  desséchant  ils 
deviennent  durs  et  cornés,  et  perdent  leur  saveur  un  peu  amère  et  leur 
odeur  particulière.  La  drogue  qu’on  trouve  dans  le  commerce  anglais  est 
importée  en  majeure  partie  de  Smyrne.  Celle  qui  se  vend  en  Allemagne 
provient  en  partie  de  plantes  croissant  à l’etat  sauvage  dans  les  monta- 
gnes de  Taunus,  dans  le  Westerwald,  le  Rhôn,  i’Odenwald  et  la  France. 
On  récolte  aussi  du  Salep  en  Grèce,  et  on  l’emploie  dans  ce  pays,  ainsi 
qu’en  Turquie,  sous  forme  de  décoction  qu’on  édulcore  avec  du  miel,  et 
qu’on  prend  comme  boisson  matinale  (2).  Le  Salep  de  l’Inde  est  récolté 
sur  les  montagnes  de  l’Afghanistan,  du  Beluchistan,  de  Kabul  et  de 
Bokhara  (3).  Les  montagnes  du  Neilgherry  dans  le  sud,  et  même  Cey- 
lan,  passent  aussi  pour  en  produire  une  certaine  quantité. 

Description.  - Le  Salep  du  Levant,  tel  qu’on  le  trouve  sur  le  marché 
anglais,  consiste  en  tubercules  longs  de  1 à 3 centimètres. environ, 
ovoïdes  ou  oblongs,  souvent  pointus  à l’extrémité  inférieure,  et  arrondis 
dans  le  haut,  où  ils  offrent  une  cicatrice  déprimée  laissée  par  la  tige  , ils 
sont  assez  fréquemment  palmés.  Ils  sont  généralement  contractés  et 
contournés,  couverts  d’un  tégument  granuleux  et  rugueux,  colorés  en 
brun  pâle,  translucides,  très-durs  et  cornés  ; ils  n’ont  que  peu  d’odeur  et 
une  saveur  légère  qui  n’est  pas  déplaisante.  Après  macération  dans  l’eau 
pendant  plusieurs  jours,  ils  reprennent  leur  forme  et  leur  volume  primi- 
tifs. Le  Salep  d’Allemagne  est  plus  translucide,  et  comme  gommeux,  il 

semble  avoir  été  préparé  avec  plus  de  soin. 

structure  microscopique.  - Les  tubercules  frais  offrent,  sur  une 


(1)  Mém.  del’Ac.  des  Sc.,  1740,  99. 

(2)  HiiLDREicn,  Nutzpflanzen  Gnechenlands,  Alhen,  1862  9. 

(3)  Powell,  Economie  Products  of  the  Punjab,  Rooikec,  1868,  I,  2bl. 
Punjab  Plants , Lahore,  1869,  236. 


— Stewart, 


HISTOIRE  UES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  403 

section  transversale,  un  petit  nombre  de  couches  de  cellules  à parois 
minces,  riches  en  amidon.  En  dedans  se  trouve  un  parenchyme  formé 
de  cellules  incolores,  allongées,  contenant  aussi  de  l’amidon  et  des  fais- 
ceaux isolés  de  cristaux  aciculaires  d’oxalate  de  calcium.  Dans  ce  pa- 
renchyme se  trouvent  un  grand  nombre  de  grandes  cellules  remplies 
d’un  mucilage  homogène.  De  petits  faisceaux  fibrovasculaires  sont  irré- 
gulièrement dispersés  dans  le  tubercule.  Dans  l’O.  mascula  et  YO.  lalif.o- 
lia,  les  grains  d’amidon  sont  presque  globuleux,  et  ont  23  millièmes 
de  millimètre  environ  de  diamètre.  Dans  le  Salep  sec,  les  cellules 
sont  défigurées,  et  les  grains  d’amidon  sont  agglomérés. 

Composition  chimique.  — Le  principe  le  plus  important  du  Salep  est 
une  sorte  de  mucilage  dont  la  proportion  s’élève,  d'après  Dragen- 
dorff  (1869),  à 48  pour  100,  mais  est,  sans  aucun  doute,  sujette  à 
de  grandes  variations.  Le  Salep  abandonne  ce  mucilage  à l’eau  froide, 
en  formant  une  solution  que  l’iode  colore  en  bleu,  et  qui  donne,  avec  l’a- 
cétate neutre  de  plomb,  un  mélange  limpide  comme  la  gomme  arabique. 
Quand  on  ajoute  de  l’ammoniaque,  il  se  forme  un  précipité  abondant. 
Le  mucilage  de  Salep  précipité  par  l’alcool,  puis  desséché,  se  colore 
en  violet  ou  en  bleu  quand  on  l’humecte  avec  une  solution  d’iode  ou 
d iodure  de  potassium.  Le  mucilage  sec  se  dissout  facilement  dans  une 
solution  ammoniacale  d’oxyde  de  cuivre.  Lorsqu’on  le  fait  bouillir  avec 
de  1 acide  nitrique,  il  se  produit  de  l’acide  oxalique,  mais  non  de  l’acide 
mimique.  Sous  ces  rapports,  le  mucilage  de  Salep  ressemble  à la  cellu- 
lose plutôt  qu’à  la  gomme  arabique.  Il  n’offre,  dans  les  grandes  cellules 
qui  le  contiennent,  aucune  trace  de  stratification,  de  sorte  que  sa  for- 
mation ne  paraît  pas  due  à une  métamorphose  de  la  paroi  cellulaire 
elle-même.  Le  mucilage  de  Salep  contient  de  l’azote,  et  une  matière 
inorganique  dont  on  ne  le  sépare  que  difficilement,  par  précipitations 
répétées,  à l’aide  de  l’alcool.  C’est  à ce  mucilage  que  le  Salep  doit  la 
propriété  de  former,  même  avec  quarante  parties  d’eau,  une  gelée 
épaisse,  qui  s’épaissit  encore  davantage  quand  on  y ajoute  de  la  magné- 
sie ou  du  borax.  On  trouve,  dans  cette  gelée,  une  certaine  quantité 
d amidon,  mais  sa  proportion  est  faible  ou  même  nulle  dans  les  tuber- 
cules qui  portent  la  tige  florifère,  tandis  qu’elle  est  considérable  dans 
les  jeune»  tubercules  latéraux.  L’amidon  est  évidemment  consommé 
dans  la  période  suivante  de  végétation,  ce  qui  explique  qu’on  trouve 
des  tubercules  dont  la  décoction  n’est  pas  colorée  en  bleu  par  la  tein- 
ture d’iode.  Le  Salep  contient  aussi  du  sucre  et  de  l’albumine,  et,  à 
I état  frais,  des  traces  d’huile  volatile.  Desséché  à 100°  C.,  il  donne 


m OIlCHIDACÉES. 

2 pour  100  de  cendres,  qui  consistent  surtout  en  phosphate  et  en  chlo- 
rure de  potassium  et  de  calcium  (Dragendorfi). 

Usages.  — Le  Salep  ne  possède  pas  de  propriétés  médicinales,  mais  à 
cause  de  la  gelée  abondante  qu’il  forme  dans  l'eau,  on  le  considère 
comme  très-nutritif.  Il  nous  est  impossible  d’admettre  cette  opinion  po- 
pulaire. Sa  décoction  édulcorée  et  aromatisée  avec  des  épices  ou  du  vin 
constitue,  pour  les  malades,  une  boisson  agréable,  mais  qui  n’est  pas 
employée  en  Angleterre  (1). 


(a)  Los  Orchis  L.  ( Généra , n.  1009)  sont  des  Orchidacées,  de  la  tribu  des  Ophry- 
dées,  à ovaire  tordu,  à périgone  ouvert  en  forme  de  gueule  bilabiée  ; à Libelle  trilobé, 
muni  d’un  éperon  ordinairement  plus  court  que  l’ovaire;  à anthère  unique,  à peu 
près  terminale,  biloculaire  ; à rostellum  prolongé  entre  les  loges  ; à pollinies  for- 
mant deux  masses  stipitées,  fixées  à deux  rétinaclcs,  libres  et  logés  dans  une  seule 

bursicule  biloculaire.  , 

L' Orchis  militari*  L.  (Specics,  333)  parvenu  à son  développement  complet 
se  compose  d’une  tige  aérienne  herbacée,  annuelle,  haute  de  20  à 30  centi- 
mètres, portant  un  petit  nombre  de  feuilles  disposées  en  rosette  colorées  en  vert 
o-ai  glabres  et  lisses,  oblongues,  aiguës,  assez,  larges,  longues  de  io  a 20  centi- 
mètres, parcourues  de  nervures  longitudinales  parallèles.  La  tige  se  termine  par 

une  grappe  simple  de  fleurs  courtement  pédonculées, 
insérées  chacune  dans  l’aisselle  d’une  bractée  très-coui  te. 
La  portion  inférieure  et  souterraine  de  la  tige  offte  pen- 
dant la  préfloraison  ordinairement  deux  tubercules  ovoï- 
des de  grosseur  inégale,  le  plus  volumineux  ayant  a peu 
près  les  dimensions  d’une  noisette,  1 autre  plus  jeune  eu 
voie  de  formation  (ainsi  qu’on  le  voit  dans  la  figure 
261).  Le  plus  volumineux  de  ces  tubercules  se  continue 
manifestement  avec  la  tige  aérienne  ; le  plus  inférieur 
est  constitué  par  un  bourgeon  né  au-dessous  du  sol  dans 
l’aisselle  d’une  feuille  inférieure  ordinairement  réduite 
i\  l’état  d’écaille  membraneuse  jaune.  Lorsque  ce  bour- 
geon a atteint  une  certaine  dimension,  il  produit  au- 
dessous  de  son  sommet  une  racine  adventive  qui  grandit 
rapidement,  se  renfle,  presse  sur  la  feuille  dans  1 ais- 
selle de  laquelle  se  trouve  le  bourgeon,  finit  par  la 
déchirer  et  fait  saillie  au  dehors,  comme  on  le  voit  dans 
la  figure  261.  Cette  racine  augmente  alors  graduellement 
FiK  -et.  Or  chia  militari*,  de  volume  et  devient  tuberculeuse,  tandis  que  sou  boni- 

(I)  comme  le  Solep  pul.Msé  »«  se  m«.nBe 

r*“  C°'"’'  °l 

saut  bouillir  le  mélangé. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  4Go 

sauce  à une  racine  adventive  destinée  à former  un  nouveau  bulbe,  et  il  en  sera  de 
même  chaque  année.  II  est  facile  de  voir  que  ce  bulbe  se  détruit  à mesure  que  les 
organes  reproducteurs  se  développent,  les  matériaux  nutritifs  qu’il  renferme  étant 
consommés  pendant  cette  formation  (I).  La  base  de  la  tige  produit  également  un 
nombre  ordinairement  considérable  de  racines  adventives  fibreuses,  cylindriques 
simples,  destinées  à la  nutrition  de  la  plante. 

La  fleur  de  YOrdiis  militaris  est  irrégulière  et  bilabiée,  ouverte  en  forme 
de  gueule.  Le  périgone  est  formé  de  six  folioles  disposées  sur  deux  verticilles  con- 
centriques et  alternes.  Dans  la  fleur  adulte,  les  trois  folioles  extérieures  ou  sépales 
sont  à peu  près  de  même  taille,  ovales,  pointus,  membraneux  ; ils  sont  disposés 
l’un  en  arrière  ou  en  haut  et  les  deux  autres  sur  les  côtés.  Les  trois  pièces  de  la 
corolle  sont  très-inégales  ; les  deux  postérieures  sont  étroites  et  trôs-rapprochées 
des  trois  pièces  du  calice  pour  former  la  lèvre  supérieure,  concave,  en  forme  de 
casque,  du  périgone  ; la  troisième  foliole,  située  en  avant  et  en  bas  est  beaucoup 
plus  développée,  et  constitue  seule  la  lèvre  inférieure  du  périgone  ou  labelle  ; elle 
a la  forme  d’une  lame  réfléchie  en  dehors  et  en  bas,  étalée,  tripartite,  à lobes  laté- 
raux linéaires,  le  médian  rétréci  à la  base  et  au  niveau  de  son  point  d’union  avec 
les  latéraux,  puis  dilaté  et  arrondi  vers  son  extrémité,  qui  est  échancrée  sur  la  ligne 
médiane,  et  munie  dans  le  fond  de  l’échancrure  d’une  petite  dent.  Ce  périgone°est 
blanchâtre  ou  légèrement  rosé  avec  des  taches  pourpres  parsemées  sur  le  labelle.  La 
base  du  labelle  se  prolonge  en  un  éperon  conique,  creux,  deux  fois  plus  court  que 
l’ovaire.  L’androcée  est  formé  par  une  seule  étamine  fertile,  connée  avec  le  style  en 
une  colonne  ou  gynostème  un  peu  aplatie,  connée  dans  le  bas  avec  la  base  du  la- 
belle, et  portant  à son  extrémité  une  anthère  unique,  biloculaire,  déhiscente  par 
deux  fentes  longitudinales.  Chaque  loge  de  l’anthère  contient  une  masse  polli- 
mque,  ou  pollinie,  ovoïde,  rattachée  par  un  pédicule  à une  petite  glande  ou 
rétinacle  qui  est  logée  sous  la  face  inférieure  du  stigmate,  dans  une  des  loges 
d’une  petite  poche  ou  bursicule  biloculaire  (2).  L’ovaire  est  infère,  allongé,  tordu 
à l’âge  adulte,  uniloculaire,  à trois  placentas  pariétaux  portant  un  très-grand 
nombre  d’ovules  anatropes,  extrêmement  petits.  Le  stigmate  qui  termine  la  colonne 
est  prolongé  en  une  petite  pointe  ou  rostellum,  qui  se  prolonge  entre  les  loges  de 
1 anthère.  Le  fruit  est  une  capsule  triloculaire,  contenant  de  nombreuses  graines 
très-petites,  sans  albumen  ; il  s’ouvre  à la  maturité  en  trois  valves  qui  portent  les 
graines  au  niveau  de  leur  ligne  médiane. 

L ’Orclus  mascula  L.  [Species,  1333)  se  distingue  de  l’espèce  précédeute  par  ses 
ieuilles  lanceolees  ; ses  bractées  florales  aussi  longues  que  l’ovaire  ; les  folioles  de 
son  périgone  aigues,  les  trois  supérieures  conniventes  en  casque,  les  deux  latérales 
étalées,  puis  réfléchies  ; son  labelle  profondément  trilobé,  à lobes  larges  dentés 
e médian  émarginé  ou  échancré  ; son  éperon  ascendant,  à peu  près  aussi 'long  que 
1 ovaire.  Les  fleurs  sont  disposées  en  épi  lâche,  allongé;  elles  sont  colorées  en  rouge 
plus  ou  moins  foncé,  ou  rarement  presque  blanches. 

L Orchis  maculata  L.  ( Species , 183b),  se  distingue  nettement  des  espèces  pre- 
cedentes par  : ses  bulbes  aplatis  et  divisés  au  sommet  en  deux  ou  trois  branches 
ce  qui  leur  a fait  donner  l’épithète  de  palmés;  ses  feuilles  oblongues,  lancéolées’ 
tachées  de  noir;  ses  bractées  florales  plus  courtes  que  les  fleurs  qui  sont  blanches 
et  tachées  de  pourpre  ou  de  violet,  plus  rarement  de  rose  ou  de  lilas.  [Trad.] 


(1)  Pour  le  développement  des  bulbes  des  Orchidées,  voyez  : Tiiilo 
und  Morphologie  de. s*  Orchidccn,  1853. 

(2)  Pour  le  mode  de  fécondation,  voyez  : Darwin,  les  Orchidées. 

HIST.  DES,  DROUUES,  T.  II. 


Irmiscii,  Biologie 


30 


ORCHIDACÉES. 


4GG 


VANILLE. 

Vanilla  [l)‘.  angl.,  Vanilla  ; ullcm..  Vanille. 


Origine  botanique.  — Vanilla  plant 'folia  Andrews.  — C’est  une  plante 
succulente,  indigène  de  la  région  chaude  ( tierra  caliente)  de  l’est  du  Mexi- 
que, cultivée  maintenant  dans  d’autres  pays  tropicaux.  Elle  se  plaît 
dans  les  forêts  humides  et  ombreuses,  où  elle  grimpe  sur  les  arbres 
et  s’y  fixe  à l’aide  de  ses  racines  aériennes.  La  Vanille  porte  de  grandes 
fleurs  vertes  dépourvues  de  parfum  (a). 

Historique.  — Les  Espagnols  trouvèrent  la  Vanille  en  usage  au 
Mexique  comme  condiment  du  chocolat,  et  l’apportèrent  en  Europe, 
mais  elle  resta  longtemps  très-rare , car  Clusius  , qui  en  reçut, 
en  1602,  un  échantillon  de  Morgan,  apothicaire  de  la  reine  Elisabeth, 
la  décrit  sous  le  nom  de  Lobus  oblongus  ar orna ticus,  sans  avoir  connais- 
sance de  son  pays  d’origine  ni  de  son  emploi  (2).  Dans  le  Thésaurus 
d’Hernandez,  la  plante  est  figurée  et  décrite  sous  le  nom  à'Araco  aro- 
matico  (3).  A l’époque  de  Pomet  (1604),  la  Vanille  était  importée  par  la 
voie  d’Espagne,  et  très-employée  en  France  pour  parfumer  le  chocolat 
et  le  tabac.  Elle  eut  sa  place  dans  la  Pharmacopée  de  Londres  de  1721 , 
et  était  bien  connue  des  droguistes  de  la  première  moitié  du  dix- 
huitième  siècle  ; elle  paraît  avoir  ensuite  disparu  graduellement  des 
boutiques.  Dans  ces  derniers  temps,  elle  a été  importée  en  grande 
abondance,  et  on  en  fait  aujourd’hui  grand  usage,  non-seulement  dans 
la  fabrication  du  chocolat,  mais  aussi  dans  la  cuisine  et  la  confection  des 


gâteaux,  des  bonbons  et  des  liqueurs. 

Culture. — La  culture  de  la  Vanille  est  très-simple.  Lorsque  les  pousses 
ont  90  centimètres  environ  de  haut,  on  les  attache  aux  arbres  de  façon 
à ce  qu’elles  touchent  à peine  le  sol.  Elles  émettent  bientôt  des  racines 
qui  s’appliquent  sur  l’écorce  de  l’arbre  et  y fixent  la  plante;  au  bout 
de  trois  ans,  elles  commencent  à porter  des  fruits,  et  en  produisent  en- 
suite pendant  trente  ou  quarante  années.  La  fertilisation  des  fleurs 
est  effectuée  par  les  insectes.  Morrcn  (4)  a montré,  en  1837,  quelle 

(1)  Diminutif  de  l’espagnol  vaina,  gousse  ou  capsule. 

(21  Exotica , 1605,  lib.  ni,  c.  18,  72.  T j • 

3)  Rerum  Mcdicarum  Novæ  Hispaniæ  Thésaurus,  Romæ,  1651,88.  - Le  dessin  - 
ginal  fait  partie  d’une  série  de  1 200  dessins  exécutés  à grands  frais,  au  Mexique,  pai 
ordre  du  roi  d’Espagne  pendant  le  siècle  précédent. 

(4)  Ann.  of  Nat.  Hist.,  1839,  III,  1. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  467 

pouvait  être  faite  artificiellement  par  l’homme  (I).  Depuis  celte  époque, 
la  fécondation  et  la  production  des  gousses  ont  été  déterminées  dans 
tous  les  pays  tropicaux  sans  l’aide  des  insectes.  En  Europe  même, 
la  Vanille  vient  bien  dans  les  serres,  et  elle  y donne  des  fruits  de  grande 
taille  qui  ne  le  cèdent  pas  pour  le  parfum  à ceux  du  Mexique.  Dans  les 
plantations  de  Vanille,  on  ne  laisse  pas  arriver  les  gousses  à complète 
maturité  ; on  les  cueille  lorsque  leur  coloration  verte  commence  à 
changer.  D’après  de  Vriese  (2),  on  les  fait  sécher  à l’aide  d’un  procédé 
spécial;  on  les  expose  à l’air  en  les  laissant  alternativement  décou- 
vertes et  couvertes  de  toiles  en  coton  ; elles  mûrissent  ainsi  artifi- 
ciellement, et  acquièrent  peu  cà  peu  leur  arôme  et  leur  coloration  foncée. 
On  les  lie  alors  en  petits  faisceaux. 

Description.  — Lorsque  le  fruit  est  mûr,  il  est  de  la  grosseur  du  petit 
doigt,  imparfaitement  triangulaire,  et  déhiscent  dans  le.  sens  de  la  lon- 
gueur en  deux  valves  inégales.  Il  est  ferme,  charnu,  lisse  ; lorsqu’on  le 
coupe  en  travers,  il  laisse  exsuder  un  suc  inodore,  visqueux,  qui  con- 
tient une  grande  quantité  de  spiculés  d’oxalate  de  calcium  (3).  Il  est  uni- 
loculaire avec  une  cavité  triangulaire  ; chaque  face  porte  un  placenta 
divisé  en  deux  lames,  qui  se  subdivisent  elles-mêmes  en  deux  lobes 
recourbés  en  dehors.  Il  existe  ainsi  en  tout  douze  lames  chargées  de 
graines,  et  parcourant  la  cavité  du  fruit  dans  toute  sa  longueur.  Des 
poils  fins,  semblables  à des  papilles,  garnissent  les  trois  angles  de  la 
cavité  du  fiuit,  et  sécrètent  une  matière  inodore  qui,  après  la  dessicca- 
tion, se  trouve  répandue  dans  toute  la  gousse.  Ces  papilles  contiennent 
aussi  des  gouttes  d huile  qui  sont  absorbées  par  le  papier  dans  lequel 
on  enveloppe  les  gousses.  Nous  nous  sommes  assurés  que  la  matière 
odorante  n’est  pas  contenue  dans  la  partie  extérieure  et  charnue  du 
fruit;  en  coupant  le  fruit  frais  en  tranches  minces  que  nous  faisions 
séchei  séparément,  nous  avons  constaté  que  celles  qui  provenaient  de 
la  partie  interne  étaient  seules  odorantes. 

La  V anille  du  commerce  se  présente  sous  la  forme  de  gousses  char- 
nues, flexibles,  semblables  à de  petites  baguettes,  longues  de  8 à 20  cen- 
timètres et  épaisses  de  6 à 8 millimètres,  cylindriques,  atténuées  et 
courbées  en  crochet  au  niveau  de  l’extrémité  qui  porte  le  pédoncule. 


(1)  Cette  observation  avait  été  faite  déjà  par  Edmond,  créole  de  l’ile  de  la  Réunion 
un  peu  après  1817.  ’ 

(-1)  De  Vanielje,  Leyden,  1856,  22. 

(.!)  Ce  suc  possède  comme  celui  de  la  scille  une  action  irritante  sur  la  peau,  l'ait  ciuc 
les  cultivateurs  de  Maurice  connaissent  bien. 


4G8 


ORCUIDACÉES. 


La  surface  est  finement  sillonnée  dans  le  sens  de  la  longueur,  luisante, 
onctueuse,  et  souvent  recouverte  d’une  efflorescence  formée  de  petits 
cristaux  incolores.  La  gousse  s’ouvre  dans  sa  longueur  en  deux  valves 
inégales,  qui  portent  une  multitude  de  petites  graines  lenticulaires,  lui- 
santes, dures,  noires,  imprégnées  d’un  suc  visqueux  et  aromatique. 

La  plus  belle  Vanille  est  celle  du  Mexique.  La  Vanille  de  Bourbon, 
qui  est  la  plus  abondante,  est  généralement  plus  courte,  et  douée  d'une 
odeur  moins  forte  ; elle  atteint  un  prix  moins  élevé. 

structure  microscopique.  — La  moitié  interne  du  péricarpe  renferme 
une  vingtaine  de  faisceaux  flbro-vasculaires  disposés  en  cercle,  et  assez 
distants  les  uns  des  autres.  L’épiderme  est  formé  d’une  couche  de  cellules 
tabulaires  à parois  épaisses  contenant  une  substance  granuleuse,  brune. 
La  couche  moyenne  du  péricarpe  est  constituée  par  de  grandes  cellules 
à parois  minces,  les  plus  extérieures  allongées  dans  le  sens  de  1 axe, 
tandis  que  les  plus  centrales  sont  cubiques  ou  à peu  près  sphériques. 
Toutes  contiennent  des  gouttes  d’huile  grasse  et  des  masses  granu- 
leuses, brunes,  qui  n’offrent  pas  d une  façon  manifeste  la  réaction  du 
tannin.  Ce  tissu  renferme  en  outre  des  cristaux  aciculaires  d oxalate  de 
calcium  et  des  prismes  de  vanilline.  Les  cellules  des  couches  exté- 
rieures  du  péricarpe  (1)  offrent  sur  leurs  parois  des  épaississements 
spiralés,  qui  sont  plus  visibles  encore  dans  les  racines  aériennes  et  dans 
le  parenchyme  des  feuilles  des  autres  Orchidées.  Les  placentas  sont 
revêtus  d’une  couche  de  cellules  à parois  minces. 

Composition  chimique.  — La  Vanille  ne  contient  pas  d’huile  essen- 
tielle. Elle  doit  le  parfum  qui  la  fait  rechercher  à une  substance  qui  se 
trouve  à l’état  cristallin  dans  l’intérieur  ou  à la  surface  du  fruit,  ou 
h l’état  de  dissolution  dans  le  liquide  huileux  et  visqueux  qui  entoure 
les  graines.  Cette  substance  était  autrefois  considérée  comme  de  l’acide 
cinnamique  ou  benzoïque,  mais  Gobley  a démontré  qu’elle  était  d’une 
nature  spéciale,  et  lui  a donné  le  nom  de  Vanilline  (2).  Pour  la  préparer, 
on  épuise  la  drogue  par  l’éther,  puis  on  soumet  le  liquide  fi  la  distilla- 
tion, afin  d’éliminer  la  plus  grande  partie  de  l’éther.  Le  liquide  qui  reste 
est  agité  avec  une  solution  saturée  de  bisulfite  sodique  qui  s'empare 
de  la  vanilline.  Cette  dernière  est  mise  en  liberté  par  1 addition  d une 


m La  Vanille  qui  croit  en  Europe  est  dépourvue  de  ces  cellules.  Nous  pouvons  conflr- 
r-n  fnit  simialé  d’abord  par  Berg,  d’après  les  observations  que  nous  avons  fades  sur 

avons  du  reste  cherché  vainement  ces  cellules  remarquables  dans  la  Vanille  du  com- 
merce actuel  (1876). 


(2) 


Journ.  de  Pharm.,  1868,  XXXIV,  401. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  469 

quantité  convenable  cTacide  sulfurique  étendu.  On  la  retire  alors  à 
l’aide  de  l’éther. 

La  vanilline  forme  des  cristaux  aciculaires  qui  fondent  à 81°  ; ils  so 
dissolvent  dans  l’éther  et  l’alcool,  moins  bien  dans  l’eau  chaude,  très- 
peu  dans  l’eau  froide.  Leur  solution  aqueuse  prend  une  teinte  violette 
avec  le  chlorure  ferrique.  La  meilleure  Vanille  fournit  en  moyenne 
2 3/4  pour  100  de  vanilline. 

Tiemann  et  Haarmann  ont  démontré,  par  d’admirables  recher- 
ches commencées  à Berlin  en  1874,  que  la  vanilline  peut  être  pré- 
parée artificiellement.  Dans  l’aubier  des  Pins,  on  trouve  une  sub- 
stance nommée  Conifêrine , C16H2208  + 2H30,  observée  d’abord  en  1861 
par  Hartig,  et  étudiée  en  1866  par  Kubel.  Sous  l’influence  de  l’é-* 
mulsine,  la  conifêrine  prend  H20  et  se  dédouble  en  sucre,  et  en  une 
autre  substance  cristallisable,  comme  l’indique  l’équation  suivante  : 
Cl6H22O8+H2O  = G6Hl2O6  + G10H12O3.  La  seconde  substance  ainsi  pro- 
duite, peut  être  recueillie  au  moyen  de  l’éther  qui  ne  dissout  ni  la 
conifêrine  ni  le  sucre.  En  l’oxydant,  ou  en  oxydant  la  conifêrine  elle- 
même  à l’aide  du  bichromate  de  potassium  et  de  l’acide  sulfurique, 
on  obtient  de  la  Vanilline.  En  la  faisant  fondre  avec  de  la  potasse  on 
détermine  la  production  d’acide  prolocatéchique,  G7H°Ov.  En  réalité, 
d’après  ces  recherches,  la  vanilline  C8H803  est  l’éther  méthylique  de 
l’aldéhyde  protocatéchique,  et  doit  être  représentée  par  la  formule 
CGH30(GH3)0H . GOH  (I). 

Cette  manière  devoir  est  confirmée  par  la  décomposition  que  subit  la 
vanilline  lorsqu’on  la  chauffe  dans  un  tube  fermé  avec  de  l’acide  chlor- 
hydrique ; il  se  forme  du  chlorure  méthylique  CH3C1.  Tiemann  a trouvé 
de  plus  (1876)  dans  la, Vanille  de  V acide  Vanillique,  CTEOHO  (CH3)  GOOH. 

Leutner  a trouvé  aussi  dans  la  Vanille  : H, 8 pour  100  de  matières 
grasses  et  cireuses,  4 pour  100  de  résine,  et  16,5  pour  100  de  sucre  et 
dégommé  ; il  a obtenu,  par  incinération  de  la  drogue,  4,6  pour  100  de 
cendres. 

Production  et  Commerce.  — Les  principales  localités  du  Mexique 
qui  produisent  de  la  Vanille  sont  les  parties  du  littoral  de  l’Etat  de 
Vera-Cruz.  Le  centre  de  cette  culture  est  Jicaltepec,  dans  le  voisinage 
de  Nautla  (2).  On  cultive  aussi  la  Vanille  sur  les  pentes  occidentales 
des  Cordillères,  dans  l’Etat  d’Oaxaca,  et  en  moindre  quantité  dans  les 


(O  Voir  Dictionnaire  de  Chimie , Wurvrz,  art.  Vanilline. 

(2)  Culture  du  Vanillier  au  Mexique,  in  Revue  Coloniale , 1849,  H,  383-390. 


-470 


OHCIIIDÀCÉJïS. 


Etals  do  Tabasco,  de  Chiapas  et  d’Yuoatan.  Les  parties  orientales  du 
Mexique  ont  exporté  en  1864,  par  la  voie  de  la  Vera-Cruz  et  de  Tam- 
pico, environ  20000  kilogrammes  de  Vanille,  expédiée  en  majeure  par- 
tie à Bordeaux.  Depuis  cette  époque,  la  production  paraît  avoir  beau- 
coup diminué;  les  importations  de  la  France  n’ont  atteint,  en  effet, 
en  1871,  que  6809  kilogrammes,  et,  en  1872,  1 938  kilogrammes 
seulement  (1). 

La  culture  de  la  Vanille  fut  introduite  dans  la  colonie  française  de 
la  Réunion  ou  Bourbon  par  Marchant  qui,  en  1817,  y transporta  des 
rejetons  pris  à lile  Maurice.  Cette  culture  a si  bien  réussi,  malgré  les 
cyclones  périodiques  qui  ravagent  cette  colonie,  qu’en  1871  elle  exporta 
39200  livres  de  gousses  (2).  L’ile  Maurice,  située  près  de  la  Réunion, 
produit  aussi  de  la  Vanille.  Elle  en  a exporté,  en  1872,  7 139  livres  (3). 
On  cultive  également  la  Vanille  sur  une  grande  échelle  à Java. 

La  Vanille  parvient  sur  le  marché  européen  en  majeure  partie  par  la 
voie  de  la  France.  D'après  les  statistiques  officielles  signalées  plus 
haut,  ce  pays  en  a importé,  en  1871,  29914  kilogrammes  et,  en  1872, 
26587  kilogrammes.  La  moitié  à peine  de  cette  quantité  a été  retenue 
en  France  pour  la  consommation  du  pays. 

Tiemann  a établi  à Minden  (Prusse)  une  fabrique  qui  fournit  déjà 
des  quantités  considérables  de  vanilline  artificielle  préparée  à 1 aide 
de  la  coniférine. 

Usages La  Vanille  n’est  plus  depuis  longtemps  employée  en  mé- 

decine, du  moins  en  Angleterre,  mais  elle  est  souvent  vendue  par  les 
droguistes  pour  parfumer  le  chocolat,  les  glaces,  les  crèmes,  les  pâtis- 
series, les  bonbons,  etc. 

(a)  Les  Vanilles  ( Vanilla  Swartz,  Flor.  ind.  occid III,  1318)  sont  des  Or- 
cliidaeées  de  la  tribu  des  Aréthusées,  à labelle  adossé  à la  colonne,  convoluté, 
à périgone  connu  à la  base,  étalé,  dressé  ; à colonne  nue  ; a pollinies  au  nomlne 
de  deux  ; à tige  grimpante  se  fixant  à l'aide  de  racines  adventives  ; a feuilles  ar- 
ticulées à la  base  ; à ileurs  disposées  en  grappes  axillaires  ; à capsule  pulpeuse  en 
‘dedans. 

Le  Vanilla  plant  folia  Andrews  {Bot.  Beposit.,  t.  338)  est  une  belle  plante  à tige 
cylindrique,  charnue,  verte,  émettant  au  niveau  de  ses  nœuds  des  racines  adven- 
tives à l’aide  desquelles  elle  se  fixe  sur  les  plantes  ou  les  corps  voisins  qui  lui  ser- 
vent de  point  d’appui.  Les  feuilles  sont  alternes,  charnues,  oblongues  ou  ovales- 

(1)  Documents  statistiques  réunis  par  l'administration  des  Douanes  sur  le  com- 
merce de  la  France,  1872,  64. 

(2)  Consul  Segrave,  de  la  Réunion,  in  Consular  Reports,  présentes  au  Parlement  en 
août  1872. 

(3)  Mauritius,  Bitte  Book  for  the  ye.ar  1872. 


471 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

oblongues,  pointues,  contractées  à la  base,  parcourues  par  liuit  à quinze  nervures 
longitudinales,  longues  de  12  il  15  centimètres  et  larges  de  b à 7 centimètres  ; elles 
sont  portées  par  un  petiole  court,  articule  sur  la  tige,  qui  est  un  peuienflee  au  ni- 
veau de  leur  point  d’insertion.  Les  fleurs  sont  disposées  en  grappes  axillaires, 
pauciflores,  à l'aisselle  de  bractées  foliacées  ; elles  ont  b centimètres  de  large  en- 
viron, et  sont  colorées  à peu 
près  uniformément  en  vert 
pâle.  Les  folioles  du  péri- 
gone  sont  vertes,  lancéolées, 
oblongues,  connées  à la  base, 
dressées  et  étalées.  Lelabelle 
est  conné  à la  base  de  la  co- 
lonne ; il  a la  forme  d’une 
lame  épaisse,  repliée  en  gout- 
tière, étroite  à la  base,  di- 
latée à l’extrémité  dont  le 
bord  est  serreté  et  calleux  ; 
il  est  couvert  dans  sa  partie 
médiane  de  petits  appendices 
écailleux  et  recourbés.  La, 
colonne  est  nue,  longuement 
stipitée,  marginée  au  sommet  ; elle  porte  une  anthère  unique,  terminale,  hilocu- 
laire,  'déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales,  et  contenant  un  pollen  granuleux. 
L’ovaire  est  infère,  uniloculaire  avec  trois  placentas  pariétaux  portant  un  très-grand 
nombre  d’ovules  anatropes,  très-petits.  Le  fruit  est  une  gousse  contenant  un  très- 
grand  nombre  de  petites  graines  immergées  dans  une  pulpe  molle.  [Trad.] 


IRIDAGÉES 

RHIZOME  D’IRIS. 

Rhizoma  Iridis  ; Radix  Iridis  Florentins; ; angl.,  Omis  Root;  allem.,  Vei Iclienwurzel. 

Origine  botanique.  — Cette  drogue  est  fournie  par  trois  espèces 
d’iris  (a)  : 

•1°  1ns  (/ermamca  L.  — C’est  une  plante  vivace  à grandes  et  belles 
fleurs  d’un  bleu  foncé,  commune  dans  les  environs  de  Florence  et  de 
Lucca,  et  remontant  jusqu’à  la  région  des  Châtaigniers.  On  la  trouve 
aussi  çà  et  là  dans  le  centre  et  le  sud  de  l’Europe,  dans  le  nord  de  l'Inde 
et  dans  le  Maroc.  C’est  une  des  plantes  le  plus  communément  cultivées 
dans  les  jardins  de  l’Europe  tempérée. 

2°  Iris  palhda  Lamk.  — Cette  plante  ressemble  à la  précédente,  mais 
ses  fleurs  sont  d’un  bleu  plus  pâle  ; elle  croît  à l’état  sauvage  dans  les 
terrains  calcaires  de  l’Istric.  Elle  est  abondante  dans  les  environs  de  Flo- 


472  1RIDACÉES. 

venco  et  de  Lucca,  dans  la  région  do  l’olivier,  mais  il  est  douteux- qu’elle 
y soit  indigène. 

3°  Iris  florentina  L.  — Cette  espèce  porte  de  grandes  fleurs  blanches. 
Elle  est  indigène  du  littoral  de  la  Macédoine,  et  des  bords  sud-ouest  de 
la  mer  Noire  ; elle  vit  aussi  à l’état  indigène  à Hersek  dans  le  golfe 
d’ïsmid,  et  dans  les  environs  d’Adalia  en  Asie  Mineure.  On  la  trouve  en- 
core dans  les  environs  do  Florence  et  de  Lucca,  mais  nous  pensons 
qu’elle  y a été  simplement  acclimatée  (I). 

Ces  trois  espèces,  mais  surtout  Y Iris  germanica  et  Y Iris  pallida,  sont 
cultivées  dans  les  environs  de  Florence  pour  la  production  du  rhizome 
d’iris.  On  les  plante  sur  les  bords  des  terrasses  et  sur  les  lisières  in- 
cultes et  pierreuses  des  champs  cultivés.  On  ne  trouve  guère  V Iris  Flo- 
rentina en  dehors  des  enceintes  des  villas,  et  il  est  beaucoup  moins 
cultivé  que  les  deux  autres  espèces. 

Historique.  — Dans  l’ancienne  Grèce  et  l’ancienne  Rome,  le  Rhizome 
d’iris  était  beaucoup  employé  pour  la  parfumerie.  La  Macédoine,  Elis 
et  Corinthe  étaient  célèbres  pour  leurs  onguents  parfumés  à l’Iris  (2). 
Théophraste  et  Dioscoride  connaissaient  bien  le  rhizome  d’iris.  Ce  der- 
nier, de  même  que  Pline,  fait  remarquer  que  les  meilleurs  viennent 
d’Illyricum,  d’autres  de  la  Macédoine,  qu’une  sorte  inférieure  est  four- 
nie par  la  Libye,  et  que  ce  rhizome  est  employé  dans  la  parfumerie  et 
la  médecine.  Visiani  (3)  pense  que  Y Iris  germanica  est  l’Iris  Illyrien  des 
anciens,  ce  qui  est  très-probable  si  l’on  considère  que  cette  espèce  est 
très-abondante  dans  la  Dalmatie,  l’ancien  Illyricum,  tandis  que  les  Iris 
florentina  et  pallida  ne  s’y  trouvent  pas.  Nous  ignorons  à quelle  époque 
ces  deux  dernières  espèces  furent  introduites  dans  le  nord  de  1 Italie, 
mais  il  est  probable  que  c’est  vers  le  commencement  du  moyen  âge.  Les 
anciennes  armes  de  Florence,  un  lis  ou  un  Iris  blanc  sur  champ  rouge  (4), 

. (i)  D’après  des  observations  faites  il  Florence,  pendant  le  printemps  de  1872, je  suis 
porté  à considérer  ces  trois  espèces  comme  tout  à fait  distinctes.  Les  caractères  com- 
paratifs suivants  permettent  de  les  reconnaître  : 

Iris  germanica:  Hampe  florale  â peine  une  fois  et  demie  aussi  longue  que  les  feuilles  ; 
fleurs  plus  pressées  que  dans  Y Iris  pallida,  variant  beaucoup  comme  intensité  de  colo- 
ris, mais  n’étant  jamais  colorées  en  bleu  pâle. 

Iris  pallida  : Bractées  brunes  et  scarieuses  ; hampe  florale  deux  fois  aussi  haute  que 

les  feuilles. 

Iris  florentina  : Bractées  vertes  et  charnues  ; hampe  florale  de  la  meme  longueur 
relativement  aux  feuilles  que  dans  17m  germanica  ; organes  végétatifs  plus  délicats  que 
dans  les  autres  espèces,  et  floraison  plus  tardive.  [D.  VI.] 

(2)  Pour  plus  de  détails,  consultez:  Blümner,  Die  gewerbliche  Thütigkeit  der  Voi- 
lier des  klassischen  Alterthums,  1869,  57,  76,  83. 

(3)  Flora  Dalmatica,  1842,  I,  116. 

(4)  Dante,  Divina  Commedia,  canl.  xvi. 


473 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

semblent  indiquer  que  cette  ville  était  célèbre  pour  la  culture  de  ces 
plantes.  Petrus  de  Crescontiis  (I),  de  Bologne,  qui  vivait  au  treizième 
siècle,  mentionne  la  culture  de  l’Iris  blanc  et  celle  de  l’Iris  pourpre,  et 
indique  la  saison  pendant  laquelle  il  faut  recueillir  le  rhizome  pour 
l’usage  médicinal.  Cependant,  la  drogue  d’illyrie  était  considérée  comme 
la  meilleure,  et  Yalerius  Cordus  (2),  mort  en  1544,  se  plaint  qu’elle  ait 
été  remplacée  par  celle  de  Florence,  quoiqu’on  puisse  se  la  procurer 
par  l’intermédiaire  des  Vénitiens.  Le  rhizome  d’iris  mélangé  avec  l’anis 
était  employé  en  Angleterre  dès  1480  pour  parfumer  le  linge  (voir 
h I,  p.  551).  Il  est  mentionné  à cette  date  dans  les  Wardrobe  Accounts 
d’Edouard  IV. 

Toutes  les  espèces  d’iris  que  nous  avons  nommées  étaient  cultivées 
en  Angleterre  àl’époque  de  Gerarde,  c’est-à-dire  vers  la  fin  du  seizième 
siècle.  L’amidon  du  rhizome  était  autrefois  considéré  comme  médicinal, 
et  l’on  trouve  des  indications  pour  sa  préparation  dans  le  Traicté  de  la 
Chymie , de  Le  Fèbvre,  publié  en  1660. 

Production.  — Les  espèces  d’iris  mentionnées  plus  haut  sont  con- 
nues des  paysans  toscans  sous  le  nom  de  Giaggiolo.  On  en  recueille  les 
rhizomes  indistinctement,  mais  la  majeure  partie  est  évidemment  four- 
nie parles  Iris  germanica  et pallida  qui  sont  les  espèces  les  plus  répan- 
dues. On  les  arrache  au  mois  d’août;  on  les  décortique,  on  les  nettoie, 
et  on  les  laisse  sécher  au  soleil,  en  réservant  les  plus  gros  morceaux 
pour  les  replanter.  Dans  l’établissement  du  comte  Strozzi,  fondé,  en  1 806, 
à Pontasieve,  près  de  Florence,  au  centre  de  la  culture  des  Iris,  les  rhi- 
zomes, achetés  aux  paysans  par  des  marchands  ambulants,  sont  divisés 
en  plusieurs  qualités,  notamment  en  scelti  (choisis)  et  in  sorte  (en  sorte). 
On  les  apporte  dans  le  commerce,  soit  entiers,  soit  en  petits  fragments 
( frantumi ),  en  rognures  (raspature) , en  poudre  ( polvere  di  Giaggiolo 
o d’Ireos),  ou  préparés  en  pois  d’iris. 

La  culture  de  l’Iris  est  une  très-faible  branche  d’industrie,  et  la  ré- 
colte ne  constitue  qu’un  produit  accessoire,  mais  néanmoins  elle  est  par- 
tagée entre  le  propriétaire  et  le  cultivateur,  suivant  la  coutume  adoptée 
dans  l’agriculture  toscane  (3). 

(t)  De  omnibus  agricultures  partibus,  Basil.,  1548,  219. 

(2)  Dispensatorium,  Norimb.,  1529,  288. 

(3)  Gkoves,  in  Pharm,  Journ.,  21  septembre  1872,  229.  — Nous  lui  devons  aussi  des 
remcrciments  pour  les  renseignements  qu’il  nous  a donnés  directement.  La  ville  de 
Vérone  produit  aussi  un  peu  de  rhizome  d'iris.  D’après  les  renseignements  que  j’ai 
pu  recueillir  le  5 seplembrc  1870,  c’est  très-probablement  l’Iris  germanica  qui  four- 
nit l’Iris  de  Vérone.  On  l’v  apporte  de  Valdonega  et  d’autres  villages  des  montagnes 
situés  aux  environs  de  la  ville;  la  plante  ne  paraît  pas  être  cultivée,  [P.  A.  F.] 


IRIDACÉES. 


474 

Description.  — Le  rhizome  est  charnu,  articulé,  ramifié,  et  rampe 
horizontalement  au-dessous  de  la  surface  du  sol.  11  est  formé,  dans  les 
plantes  âgées,  par  l’articulation  des  souches  de  cinq  à six  années  suc- 
cessives, dont  les  plus  vieilles  sont  dans  un  état  manifeste  de  dépéris- 
sement. Ces  articles  sont  pour  la  plupart  dichotomes  en  apparence,  à 
peu  près  cylindriques,  un  peu  comprimés  verticalement,  devenant  peu  à 
peu  obconiquos,  et  atteignant  le  maximum  de  leur  taille  au  bout  de  trois 
années  environ.  Ils  ont  de  8 à 10  centimètres  de  long,  et  parfois  plus 
de  5 centimètres  d’épaisseur.  Ceux  de  l’année  courante  seuls  émettent 
des  feuilles  au  niveau  de  leur  extrémité.  Le  rhizqme  est  coloré  à l’exté- 
rieur en  brun  jaunâtre  ; en  dedans  il  est  succulent  et  blanc  ; il  possède 
une  odeur  terreuse  et  une  saveur  âcre.  Sous  l’influence  de  la  dessicca- 
tion. il  acquiert  graduellement  une  odeur  agréable  de  violette,  mais  il 
n’atteint  son  maximum  de  parfum  qu’au  bout  de  deux  années.  Nous 
avons  soigneusement  comparé  les  uns  avec  les  autres  les  rhizomes  des 
trois  espèces  que  nous  avons  citées  plus  haut,  sans  pouvoir  découvrir 
un  seul  caractère  qui  permît  de  les  distinguer. 

Le  rhizome  d’iris,. tel  qu’il  se  trouve  dans  les  boutiques,  se  présente 
en  morceaux  longs  de  5 à 10  centimètres  et  souvent  épais  de  3 centi- 
mètres. Les  fragments  volumineux  paraissent  formés  d’une  portion 
allongée,  irrégulièrement  subconique,  émettant,  au  niveau  de  sa  grosse 
extrémité,  une  ou  deux,  rarement  trois  branches  qui  ODt  été  coupées 
pendant  l’opération  de  l’émondage,  et  ne  forment  plus  que  des  cônes 
courts  et  larges,  attachés  par  leur  sommet  au  rhizome  qui  leur  a donné 
naissance.  La  souche  est  aplatie,  un  peu  arquée,  souvent  contournée, 
ridée  et  sillonnée.  La  face  inférieure  est  marquée  de  petites  cicatrices 
circulaires  indiquant  les  points  d’insertion  des  racines.  La  couche  cor- 
ticale brune  a d’ordinaire  été  enlevée  pendant  le  nettoyage,  et  le  rhi- 
zome sec  est  coloré  en  blanc  foncé,  opaque.  Il  est  lourd,  ferme  et  com- 
pacte ; il  possède  une  odeur  agréable  et  douce  de  violette,  et  une  saveur 
un  peu  amère,  aromatique,  accompagnée  d’une  certaine  âcreté. 

On  trouve  dans  les  bazars  indiens  une  sorte  de  rhizome  d’iris  qui  a été 
desséchée  sans  qu’on  ait  enlevé  l’écorce,  et  qu’on  apporte  aujourd’hui 
sur  le  marché  de  Londres.  Nous  pensons  qu’il  est  produit  par  1 fris  ger- 
manica  L.  ( Iris  nepalensis  Wall.),  qui,  d’après  Hooker,  est  cultivé  dans  le 
Kashmir.  On  exporte  actuellement  un  rhizome  d’iris  de  qualité  infé- 
rieure, récolté  au  Maroc;  nous  croyons  qu’il  est  produit  exclusivement 
par  Y Iris  germamca. 

structure  microscopique.  — L écorce  blanche  de  1 Iris  pi  e>cnU , 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  475 

sur  une  coupc  transversale,  une  épaisseur  de  2 millimètres  environ; 
elle  est  séparée  par  une  fine  ligne  ])runo  d un  tissu  cential  jaunâtre* 
Celui-ci  est  parcouru  par  de  nombreux  faisceaux  fibrovasculaires,  dis- 
posés en  cercle  irrégulier  et  épars,  et  contient  ça  et  la  de  petits  ciis- 
taux  brillants  d’oxalate  de  calcium.  Ce  tissu  est  formé  uniformément 
de  cellulles  sphériques,  à parois  épaisses  et  ponctuées,  remplies  de 
granules  d’amidon  ovales,  volumineux  et  très-nombreux.  Des  prismes 
d’oxalate  de  calcium  y sont  aussi  très-visibles.  Les  vaisseaux  spiralés  sont 
petits,  et  occupent  différentes  positions.  Cette  description  s’applique  in- 
distinctement aux  trois  espèces  mentionnées  plus  haut. 

Composition  chimique.  — Quand  on  distille  le  rhizome  d’iris  avec  de 
l’eau,  on  trouve,  flottant  à la  surface  du  liquide  aqueux  distillé,  une  sub- 
stance solide,  cristalline  qui  a reçu  le  nom  de  Camphre  d'iris.  Cette  sub- 
stance que  nous  nous  sommes  procurés  dans  le  laboratoire  de  MM.  Her- 
rings  et  C°,  de  Londres,  est  produite,  d’après  les  renseignements  que 
nous  a donnés  M.  Umney,  dans  la  proportion  de  0,12  pour  100; 
175  kilogrammes  de  rhizome  en  fournirent  226  grammes  (1).  Nous 
avons  purifié  cette  substance  à l’aide  du  charbon,  et,  par  recristalli- 
sations répétées  dans  l’alcool  absolu,  nous  l’avons  obtenue  en  très- 
grosses  écailles  brillantes  qui  fondent  à 51°, 5 C.,  mais  ne  se  volatilisent 
pas  en  proportion  considérable,  même  à 150°  C.  D’après  une  moyenne 
de  trois  analyses,  ces  cristaux  contiennent  73,96  pour  100  de  carbone  et 
12,26  pour  100  d’hydrogène  ; cette  composition  conduit  à la  formule 
CuH280'1 2,  qui  est  celle  de  l'acide  Myristique  (voir  t.  I,  p.  219).  Ces 
cristaux  ont  une  réaction  acide,  ils  se  dissolvent  facilement  dans  l’am- 
moniaque, et  en  sont  de  nouveau  séparés  par  un  acide.  Ils  sont  simple- 
ment formés  d’acide  myristique  imprégné  d’une  petite  quantité  d’huile 
essentielle  qu’ils  retiennent  avec  énergie.  Les  résultats  obtenus  par 
Dumas  en  1835,  ne  s’accordent  pas  avec  les  nôtres. 

En  épuisant  le  rhizome  d’iris  avec  de  l’alcool,  on  obtient  une  résine 
molle  et  brunâtre,  et  un  peu  de  matière  tannique.  La  résine  possède 
une  saveur  un  peu  âcre.  La  matière  tannique  se  colore  en  vert  sous 
l’influence  des  persels  de  fer. 

Commerce.  — Les  rhizomes  d’iris  sont  exportés  de  Livourne,  de 
Trieste  et  de  Mogador.  Ce  dernier  port  en  a expédié,  en  1872, 
456  quintaux  (2).  Nous  ne  possédons  aucune  statistique  relative  aux 

(1)  Le  produit  de  quelques  opérations  antérieures,  dans  lesquelles  23  quintaux  d’iris 
avaient  été  distillés,  ne  s’élevait  guère  à plus  de  0,10  pour  100. 

(2)  Consulat • Reports,  août  1873,  917. 


476  IRIDACfcES. 

importations  de  la  Grande-Bretagne.  La  France  en  a importé,  en  1870, 
cinquante  tonnes  environ. 

Usages.  — Le  rhizome  d’iris  pulvérisé  entre  dans  la  préparation  des 
poudres  dentifrices,  et  sert  en  Franco  à la  confection  des  pois  à cau- 
tères, ou  pois  d’iris.  Mais  il  est  plus  particulièrement  employé  dans  la 
parfumerie. 

(a)  Les  Iris  L.  ( Gcnera , n.  59)  sont  des  Iridacées,  à fleurs  hermaphrodites  et  ré- 
gulières ; à périanthe  tubuleux;  à sépales  recourbés  en  dehors  et  en  bas,  tandis 
que  les  pétales  sont  dressés  et  convergents  ; à androcée  formé  de  trois  étamines  ca- 
chées sous  les  trois  lobes  du  style  qui  sont  très-développés,  pétaloïdes,  réfléchis  en 
dehors  ; à capsule  triloculaire,  déhiscente  en  trois  valves. 

L.  Iris  germanica  L.  ( Species , 55)  est  une  magnifique  plante  vivace,  à rhi- 
zome charnu,  horizontal,  ramifié  en  sympode,  c’est-à-dire  terminé  par  un  bour- 
geon qui  se  développe  en  une  tige  aérienne  destinée  à mourir  au  bout  d’un 
certain  temps , après  avoir  produit  au  niveau  de  sa  base  un  bourgeon  des- 
tiné n se  comporter  de  la  même  façon.  Le  rhizome  porte  des  écailles  épaisses  et 
blanchâtres.  Les  feuilles  aériennes  portées  par  les  rameaux  dont  nous  venons  de 
parler  sont  alternes,  engainantes,  ensiformes,  hautes  de  30  à 40  centimètres, 
pliées  et  emboîtées  les  unes  dans  les  auti’es  , équitantes , c’est-à-dire  que  les 
deux  feuilles  les  plus  extérieures  étant  pliées  dans  leur  longueur  sont  disposées 
de  tello  sorte,  qu’elles  sont  pour  ainsi  dire  à cheval  l’une  sur  1 autre,  la  moitié 
gauche  de  l’une  étant  recouverte  par  la  moitié  droite  de  celle  qui  est  située  vis- 
à-vis,  et  sa  moitié  droite  recouvrant  la  moitié  gauche  de  cette  dernière,  entre  les 
deux  moitiés  ainsi  disposées  des  deux  feuilles  extérieures  sont  placées  toutes  les 
feuilles  plus  jeunes,  s’embrassant  deux  par  deux  de  la  même  -façon. 

La  tige  est  aplatie  sur  l’une  de  ses  faces  et  arrondie  au  niveau  de  l’autre  ; elle 
est  haute  de  50  à 80  centimètres  environ,  et  terminée  par  un  petit  nombre  de  fleurs 
portées  chacune  par  un  pédoncule  très-court,  inséré  dans  l’aisselle  d une  bractée 
scarieuse  en  forme  de  spathe.  Le  périanthe  est  tubuleux  et  divisé  en  six  folioles  co- 
lorées en  bleu  foncé.  Les  trois  folioles  extérieures  sont  réfléchies  en  dehors  et  en 
bas;  elles  sont  membraneuses,  larges,  ovales-lancéolées,  minces  sur  les  bords,  qui 
sont  plus  ou  moins  ondulés.  Les  trois  folioles  internes,  également  membraneuses  et 
larges,  allongées,  sont  dressées  et  rapprochées  par  leurs  extrémités;  leur  coloration 
est  fréquemment  un  peu  plus  pâle  que  celle  des  folioles  extérieures.  L androcée  se 
compose  de  trois  étamines  à filets  allongés  et  à anthères  biloculaires,  extioises, 
déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Les  étamines  alternent  avec  les  lobes  in- 
ternes du  périanthe  et  sont  entièrement  recouvertes  par  les  lobes  du  style.  Le  gyné- 
cée se  compose  d’un  ovaire  infère,  allongé,  ovoïde,  a peu  près  triangulaire,  sur- 
monté d’un  style  divisé  jusqu’au  voisinage  de  sa  base  en  trois  grands  lobes  membra- 
neux, pétaloïdes,  couverts  de  longues  papilles  stigmatiques  au  niveau  de  la  ligne 
médiane  de  leur  face  supérieure,  réfléchis  en  dehors  en  passant  entre  les  folioles 
dressées  du  périgone  interne  et  recouvrant  les  étamines.  Chaque  loge  de  l’ovaire 
contient  un  nombre  considérable  d’ovules  anatropes,  insérés  dans  l'angle  interne 
sur  deux  rangées  verticales,  disposés  horizontalement  et  se  touchant  par  leurs  re- 
pliées. Le  fruit  est  une  capsule  allongée,  triloculaire,  s’ouvrant  par  déhiscence  lo- 
licide  en  trois  valves.  Chaque  loge  contient  de  nombreuses  graines  aplaties,  a bon 
aminci,  albuminées,  à embryon  axile,  à radicule  dirigée  vers  le  mieropylc.  [1  nAD.J 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


477 


SAFRAN. 


Crocus,  Croci  Stigmata  ; angl.,  Saffron  (1);  allom.,  Safran. 


Origine  botanique.  — Crocus  sativus  L.  C’est  une  petite  plante  à 
tige  bulbeuse,  charnue,  et  à feuilles  de  graminée,  très-semblable  au 
Crocus  printanier  commun  des  jardins,  mais  ne  fleurissant  qu’en  au- 
tomne. Ses  fleurs  sont  élégantes,  colorées  en  pourpre,  avec  un  grand 
style  d’un  rouge  orangé,  dont  les  trois  divisions  stigmatiques  font  saillie 
en  dehors  du  périanthe  (a).  Le  Safran  est  considéré  comme  originaire  de 
la  Grèce,  de  l’Asie  Mineure,  et  peut-être  de  la  Perse;  mais  il  est  cultivé 
depuis  si  longtemps  en  Orient  que  sa  patrie  véritable  est  fort  dou- 
teuse (2). 

Historique.  — Le  Safran  est,  depuis  une  époque  très-reculée,  hau- 
tement prisé  comme  médicament,  condiment,  parfum,  ou  matière 
tinctoriale,  et  il  occupe  une  place  importante  dans  l’histoire  du 
commerce.  Sous  le  nom  hébreu  de  Carcôm , qu’on  suppose  s’appliquer 
au  bulbe  du  Crocus , la  plante  est  mentionnée  par  Salomon  (3).  Elle  se 
trouve  sous  celui  de  Kpoxoç  dans  Homère,  Hippocrate,  Théophraste  et 
Théocrite.  Virgile  et  Columella  citent  le  Safran  du  mont  Tmolus.  Le 
dernier  auteur  mentionne  aussi  le  Safran  de  Corycus  en  Cilicie,  et  celui 
de  Sicile.  Ces  deux  localités  sont  citées  par  Dioscoride  et  par  Pline 
comme  célèbres  par  la  culture  de  cette  drogue.  Le  Safran  constituait  pen- 
dant le  premier  siècle  de  notre  ère  un  article  du  commerce  de  la  mer 
Rouge;  l’auteur  du  Periplus  fait  remarquer  que  le  Kpoxoç  est  exporté 
d’Egypte  dans  le  sud  de  l’Arabie,  et  de  Barygaza  dans  le  golfe  de  Cam- 
bay  (4).  11  était  cultivé  au  dixième  siècle  à Derbend,  j,  Ispahan  en  Perse, 
et  dans  la  Transoxania  (o) , d’où  il  n’est  pas  improbable  que  la  plante  fut 
exportée  en  Chine;  car,  d’après  les  Chinois, elle  venait  du  pays  des  ma- 
hométans.  Les  écrivains  chinois  rappellent  que  sous  la  dynastie  des 
ùuen  (1280-1368  de  notre  ère)  on  avait  l’habitude  de  mélanger  aux 
aliments  du  Sa-fa-lang  [Safran]  (6). 

(1)  Le  mot  Saffron  dérive  de  l’arabe  As  far. 

(2)  Cliapellier  a montré  que  le  Crocus  sativus  L,  est  inconnu  ;i  l’état  sauvage  et  qu’il 
ne  produit  que  difficilement  des  graines,  même  quand  on  le  féconde  artificiellement.  Il 
argué  de  ces  faits  pour  émettre  l’opinion  qu'il  constitue  probablement  un  hybride  (in 
fiullct.  Soc.  bot.  de  Fr.,  1873,  XX,  191). 

(3)  Cantiques , ch.  iv,  14. 

(4)  Lassen,  hidische  Alterthumskunde,  1837,  III,  32. 

(o)  Istaciuu,  Buch  der  Lânder,  trad.  de  Moudt.uann,  87,  93,  124,  120.  — Ernusi 
Géographie,  trad.  de  Jaubert,  108,  192.  • 3 

(0)  Bhetscuneider,  Chinese  Botanieal  Works,  Foocliow,  1870,  13. 


478 


HUDACfcliS. 


Il  est  probable  que  le  Safran  était  cultivé  en  Espagne  (I)  dès 
l’année  961  de  notre  ère;  cependant  il  n’est  mentionné  au  septième 
siècle  par  saint  Isidore,  archevêque  de  Séville,  que  comme  pro- 
duit étranger.  En  ce  qui  concerne  la  France,  l’Italie  et  l’Allemagne,  on 
pense  communément  que  le  Safran  y fut  introduit  par  les  Croisés.  Por- 
ehaires,  gentilhomme  français,  passe  pour  en  avoir  apporté  quelques 
bulbes  à Avignon,  vers  la  fin  du  quatorzième  siècle,  et  avoir  commencé 
à le  cultiver  dans  le  comtat  Venaissin,  où  le  Safran  existait  encore 
dans  ces  derniers  temps.  Vers  la  même  époque,  la  culture  du  Safran 
fut,  pense-t-on,  introduite  par  la  même  personne  dans  le  Gâlinais  (2). 
A cette  époque,  cette  plante  était  un  produit  de  l’île  de  Chypre  (3),  et 
la  France  avait  avec  cette  île,  par  l’intermédiaire  des  princes  de  Lusi- 
gnan, des  relations  étroites. 

Pendant  le  moyen  âge,  le  Safran,  cultivé  à San  Gcmignano,  en  Tos- 
cane, constituait  un  important  article  d’exportation  pour  Gènes  (4). 
Celui  d’Aquila,  dans  les  Abruzzes,  jouissait  aussi  d’une  grande  répu- 
tation, et  était  encore  coté  dans  les  prix  courants  du  commencement 
de  notre  siècle.  En  Sicile,  la  culture  du  Safran  est  notée  par  Columella; 
elle  s’y  est  perpétuée  jusqu’à  nos  jours  ; mais  la  quantité  produite  est 
insuffisante  même  pour  la  consommation  locale  (5).  En  Allemagne  et 
en  Suisse,  où  la  rigueur  du  climat  rend  les  difficultés  plus  grandes,  la 
culture  du  Safran  a été  cependant  entreprise  dans  quelques  loca- 
lités (6).  Dans  le  commerce  de  Venise,  le  Safran  constituait,  pendant 
le  moyen  âge,  un  article  de  premier  ordre  (7). 

Le  Safran  passe  pour  avoir  été  introduit  en  Angleterre  sous  le  règne 
d’Edouard  III  [1327-1377]  (8).  Deux  siècles  plus  tard,  le  Safran  anglais 
était  exporté  sur  le  continent,  car  une  liste  d’épices  vendues  par  les 
apothicaires  du  nord  de  la  France,  de  1365  à 1570,  mentionne  trois 
sortes  de  Safran,  parmi  lesquelles  le  « Safren  d' Engleterre  » est  le 
plus  estimé  (9). 


(1)  le  Calendrier  de  Cordoue  de  l’année  961,  Leyclc,  1873,  33,  109. 

(2)  Conrad  et  Waldmann,  Traité  du  Safran  du  Gàtinais , Paris,  1846. 

(3)  De  Mas  Latrie,  Hist.  de  l’ilc  de  Chypre,  III,  498. 

(4)  Bourquelot,  Foires  de  la  Champagne,  Mém.  de  T Acad,  des  inse.  et  belles-lettres, 


1863,  V,  286. 

(5)  Inzenga,  in  Annali  di  Agricoltura  Siciliana,  1831, 1,  31. 

(6)  Tragus,  DeStirpium , etc.  1532,  763.  - Ochs,  Geschielite  der  Stadt  und  Land- 

schaft  üasel,  1819,  III,  189.  . . T/.  . • • 

(7)  Pour  en  avoir  une  idée,  il  faut  consulter  Thomas,  Il  Capdolare  dci  Fw  dommi 

del  Fontego  dei  Todeschi  in  Venczia.  Berlin,  1874,  235,  277.  [F.  A.  F.] 

(8)  Morant,  Hist.  and  Antiq.  of  Essex,  II,  1768,  545. 

(9)  Les  autres  sortes  de  Safran  sont:  le  « Safran  Calulomc  »,  et  le  « Safran  Nuort  » 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  479 

Au  commencement  du  dernier  siècle  (1723-1728)  la  culture  du  Safran 
occupait,  d’après  un  écrivain  contemporain  (I),  « toute  cette  grande 
surface  de  sol  qui  s’étend  entre  Saffron  Walden  et  Cambridge,  dans  un 
cercle  d’environ  dix  milles  de  diamètre  ».  Le  même  écrivain  fait  remar- 
quer que  le  Safran  était  autrefois  cultivé  dans  plusieurs  autres  comtés 
de  l’Angleterre.  La  culture  du  Safran  dans  les  environs  de  Saffron 
Walden,  qui  était  en  pleine  activité  à l’époque  où  écrivait  Norden  (2), 
avait  cesse  en  1768,  et  disparut  également  vers  la  même  époque  des 
environs  de  Cambridge  (3).  Cependant,  cette  culture  avait  sans  doute 
persisté  dans  quelques  localités,  car  dans  la  première  partie  de  notre 
siècle  on  apportait  encore  chaque  année,  de  Cambridge  à Londres,  une 
petite  quantité  de  Safran,  qui  se  vendait  comme  drogue  de  choix  à ceux 
qui  voulaient  le  payer  un  prix  élevé. 

Le  Safran  était  beaucoup  plus  employé  autrefois  qu’il  ne  l’est  à notre 
époque.  Il  faisait  partie  de  tous  les  médicaments  internes  ou  externes, 
et  servait  à colorer  et  à parfumer  une  grande  quantité  de  préparations 
culinaires.  Par  suite  de  son  prix,  inévitablement  élevé,  il  a toujours  été 
l’objet,  dès  les  temps  les  plus  reculés,  de  nombreuses  falsifications. 
Dioscoride  et  Pline  parlent  des  fraudes  dont  il  est  l’objet,  et  le  dernier 
ajoute  : « adulteratur  nihil  æque.  » 

Pendant  le  moyen  âge,  les  plus  sévères  mesures  étaient  prises  et  exé- 
cutées contre  ceux  qui  falsifiaient  le  Safran,  ou  même  qui  le  possé- 
daient falsifié. 

Ainsi,  à Pise,  en  1303,  les  « Fundacarii  »,  ou  gardiens  des  entrepôts  pu- 
blics, étaient  requis  par  serment,  et  sous  peine  de  sévères  châtiments,  de 
dénoncer  les  propriétaires  de  tout  Safran  falsifié  confié  à leur  garde  (4). 
Les  « Pepperers  » de  Londres  étaient  aussi,  vers  la  même  époque, 
chargés,  sous  leur  propre  responsabilité,  de  contrôler  les  mélanges 
fiauduleux  dont  le  Safran  pouvait  etre  l’objet  (3).  En  France,  un  édit 

( Aichiv . génér.  du  Pas-de-Calais),  cité  par:  Dorvault,  in  Revue  pharmaceutique  de 
1858,  58.  L’exportation  de  ce  Safran  anglais  doit  avoir  été  très-considérable.  J’ai  fait 
voir,  en  effet,  dans  mes  Documente  zur  Geschichle  der  Pharmacie,  Halle  187(1,  46 
et  G9,  que  le  tarif  des  pharmacies  de  Copenhague,  de  1619,  mentionne  le  Safran  an- 
glais, et  le  tarif  de  Celle,  dans  le  Hanovre,  1682,  cite  même  le  Crocus  communia  an- 
glicus.  [P.  A.  F.] 

(1)  Douglass,  Phil.  trans.,  novembre  1728,  566. 

(2)  Description  of  Essex,  Camden,  Society,  1840,  8. 

(3)  Morant,  Op.  cit.  - Lysons,  Magna  Britannia , 1808,  II,  P.  I,  36.  Lysons  rap- 
porte qu  à Fulbourn,  village  situé  près  de  Cambridge,  il  n’y  a pas  eu  de  dîme  sur  le 
Safran  depuis  1774. 

(4)  Bonaini,  Statuti  inediti  delta  cittù  di  Pisa  dal  xir,  al  xiv  sccolo,  1857,  III,  101 . 

. ü :b^  , ^EY»  Memorials  of  London  and  London  Life  in  the  13°,  1 1°  and  15»  centuries, 

1 H io . 1 zl) . 9 


480  ÎIUDACÉES. 

de  Henri  II,  daté  du  8 mars  4 550,  énumère  les  avantages  que  retire  le 
royaume  de  la  culture  du  Safran  dans  diverses  localités,  et  ordonne  la 
confiscation  et  la  destruction  par  le  feu  de  la  drogue  falsifiée,  en  même 
temps  que  des  châtiments  corporels  contre  les  coupables  (1).  Les  au- 
torités allemandes  étaient  encore  plus  sévères.  Une  Inspection  du 
Safran  fut  établie,  en  1441,  à Nuremberg.  La  même  année,  treize 
livres  de  Safran  furent  publiquement  brûlées,  près  du  Schônen 
Brunnen,  dans  cette  ville.  En  1344,  Jobst  Findckcr  fut  brûlé  lui-même 
en  môme  temps  que  son  Safran  falsifié  ! En  1536,  Hans  Kôlbele,  Lien- 
liart  Frey  et  une  femme,  impliqués  dans  un  procès  de  falsification  du 
Safran,  furent  brûlés  vifs.  Cette  inspection  était  encore  en  vigueur  en 
1591  ; mais  de  nouvelles  prescriptions  furent  édictées  en  1613  relative- 
ment à la  falsification  du  Safran  (2).  Il  y eut  aussi  dans  la  même  ville, 
de  1441  à 1797,  une  Inspection  des  Epices. 

Description.  — La  fleur  du  Safran  possède  un  style  long  de  8 cà 
10  centimètres,  dont  la  partie  inférieure  est  incolore  et  incluse  dans  le 
tube  du  périanthe,  et  dont  la  portion  supérieure  est  coloi’ée  en  jaune, 
divisée  en  trois  stigmates  tubuleux,  filiformes,  colorés  en  x-ouge  orange 
et  longs  de  2 à 3 centimètres.  Les  stigmates  s’étalent  vers  leur  extrémité 
supérieure;  leur  bord  est  denté,  et  leur  tube  est  fendu  au  niveau  de  la 
surface  interne.  Le  stigmate  est  la  seule  partie  officinale,  et  la  seule  riche 
en  matièi-e  colorante. 

Le  Safran  du  commerce  est  formé  d’une  masse  lâche  de  stigmates 
filiformes  qui,  lorsqu’ils  n’ont  pas  été  brisés,  sont  unis  par  trois  à 
l’extrémité  jaune  du  tube.  Il  est  onctueux  au  toucher,  élastique  et 
flexible,  coloré  en  rouge  orange  foncé,  et  doué  d’une  odeur  aroma- 
tique particulière,  et  d’une  saveur  amère  et  un  peu  piquante.  Il  est  hy- 
groscopique  et  difficile  à pulvériser;  il  perd  par  la  dessiccation  à 
100°  C.,  12  pour  100  d’humidité,  qu’il  absorbe  de  nouveau  très-rapide- 
ment (3).  Le  pouvoir  colorant  du  Safran  est  très-remarquable  ; 1 mil- 
ligramme suffit  pour  donner  une  coloration  jaune  à 700  grammes 
d’eau. 

Structure  microscopique.  — Les  stigmates  sont  formés  d’un  tissu  il 
cellules  filifonnes,  minces,  sinueuses,  feutrées,  et  de  petits  vaisseaux 

(1)  De  la  Mare,  Traité  de  la  Police,  Paris,  1719,  III,  428. 

(2)  J.  P.  Rotii,  Geschichte  des  Nürnbergischen  Handels,  1800-1802,  IV,  221. 

(3)  Huit  lots  de  Safran  pesant  en  tout  61  livres,  desséchés  à diverses  époques  pen- 
dant le  cours  de  neuf  années,  perdirent  7 livres  2 onces?  un  quart,  c’est-à-dire  11,7 
pour  100.  (Laboratoire  do  MM.  Allen  et  Ilanbury,  Plough  Court,  Lombard  Street, 
London.) 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  /,8I 

spiralés.  La  matière  colorante  jaune  est  répandue  dans  toutes  les  cel- 
lules et  s’y  trouve  en  partie  déposée  sous  forme  de  granulations.  Le 
microscope  y révèle  aussi  des  gouttes  d’huile  et  de  petits  corpuscules 
probablement  constitués  par  un  corps  gras  solide.  On  trouve  égale- 
ment de  gros  grains  de  pollen  épars  sur  les  papilles  stigmatiques. 

Composition  chimique.  — La  magnifique  matière  colorante  du  Sa- 
fran a ôté  longtemps  connue  sous  le  nom  de  Polychroïte  ; mais,  en  1831, 
Quadrat  lui  donna  le  nom  de  Crocine,  qui  fut  aussi  adopté,  en  1858,  par 
Rochleder.  Les  expériences  de  Weiss,  en  1867  (1),  ont  montré  : 1°  que 
cette  substance  colorante  ( Polychroïte , Crocine  de  Rochleder)  est  un  glu- 
coside  particulier  qui,  sous  l’action  des  acides,  se  décompose  en  sucre, 
en  huile  volatile  et  en  une  matière  colorante  nouvelle  ; 2°  que  le  Safran 
contient  une  petite  quantité  d’huile  essentielle  et  de  sucre  préalable- 
ment formé  ; 3°  que  la  polychroïte  qu’on  a préparée  jusqu’ici  contient  tou- 
jours une  certaine  proportion  de  la  nouvelle  matière  colorante  qui 
apparaît  pendant  sa  décomposition. 

Weiss  conserve  pour  le  glucoside  naturel  le  nom  de  Polychroïte , et  dé- 
signe sous  le  nom  de  Crocine  la  nouvelle  matière  colorante  qui  résulte 
de  sa  décomposition  sous  l’influence  des  acides.  Sa  crocine  ressemble  à 
la  Crocétine  de  Rochleder.  La  polychroïte  fut  préparée  par  Weiss  de  la 
façon  suivante  : il  traita  le  Safran  par  l’éther,  qui  enleva  le  corps  gras, 
la  cire  et  l’huile  essentielle.  Il  l’épuisa  ensuite  avec  de  l’eau.  De  cette 
solution  aqueuse,  il  précipita,  à l’aide  de  l’alcool  concentré,  des  matières 
gommeuses  et  quelques  sels  inorganiques.  Après  la  séparation  de  ces 
substances, la  polychroïte  fut  précipitée  par  addition  d’éther.  Ainsi  ob- 
tenue, c est  une  substance  déliquescente,  visqueuse,  colorée  en  rouge 
orangé  ; desséchée  sur  l’acide  sulfurique,  elle  devient  cassante  et  prend 
une  belle  coloration  rubis.  Elle  possède  une  saveur  douceâtre,  mais  elle 
est  dépourvue  d’odeur;  elle  se  dissout  facilement  dans  l’alcool  étendu  et 
1 eau,  mais  difficilement  dans  l’alcool  absolu.  Sous  l’influence  des  acides 
dilués,  elle  se  dédouble  en  Crocine , en  sucre  et  en  huile  volatile  aro- 
matique qui  possède  l odeur  du  Safran.  Weiss  assigne  à cette  réaction 
l’équation  suivante  : 

C48H6°0'8  -H  HsO  = 2 (CICII'80(!)  -f  C'°Hl40  4-  C^tWO8 
polychroïto  enu  crocine  huile  essentielle  sucro 

La  crocine  est  une  poudre  rouge,  insoluble  dans  l’éther,  facilement 
soluble  dans  l’alcool,  et  précipitée  de  cette  solution  par  l’éther.  Elle 

(1)  Wiggers  et  IIusbmann,  •lahresbericht,  1808,  30. 

HIST,  DES  DROGUES,  T.  II. 


31 


482 


IU1DACÉES. 

n’ost  que  peu  soluble  dans  l’eau,  mais  sc  dissout  bien  dans  une  solution 
alcaline,  d’où  les  acides  la  précipitent  en  flocons  d’un  rouge  pourpre. 
L’acide  sulfurique  concentré  et  l’acide  nitrique  y déterminent  la  même 
coloration  qu’ils  produisent  avec  la  polycliroïte.  Le  premier  donne  une 
coloration  bleu  foncé  qui  tourne  au  violet  et  au  brun  ; et  le  dernier  une 
coloration  verte,  jaune  et  enfin  brune.  Il  est  digne  de  remarque  que  les 
hydrocarbones  du  groupe  de  la  benzine  ne  dissolvent  pas  la  matière 
colorante  du  Safran. 

L’huile  essentielle  obtenue  en  décomposant  la  polychroïte  est  plus 
lourde  que  l’eau  ; elle  bout  à 209°  G.  et  elle  est  facilement  altérée  même 
par  l’eau.  Elle  est  probablement  identique  à l’huile  essentielle  qu’on 
peut  retirer,  dans  la  proportion  de  1 pour  100,  de  la  drogue  elle-même, 
et  à laquelle  est  duc  son  odeur. 

Le  Safran  contient  du  sucre  (glucose?),  indépendamment  de  celui 
qu’il  fournit  par  décomposition  de  la  polychroïte.  11  abandonne  à 
l’incinération  de  5 à 6 pour  100  de  cendres. 

Production  et  Commerce.  — En  France,  on  récolte  les  fleurs  à la  fin 
de  septembre  ou  au  commencement  d’octobre.  On  enlève  les  stigmates, 
et  on  les  fait  immédiatement  sécher  sur  des  cribles  au-dessus  d’un  feu 
doux,  auquel  on  les  expose  seulement  pendant  une  demi-heure.  D’après 
Dumesnil  ( I),  il  faut  de  sept  à huit  mille  fleurs  pour  produire  500  gram- 
mes de  Safran  frais,  qui  sont  réduits  par  la  dessiccation  à 100  grammes. 

Malgré  le  prix  élevé  du  Safran,  sa  culture  n’est  pas  toujours  avan- 
tageuse, à cause  des  nombreuses  difficultés  dont  elle  est  entourée.  Indé- 
pendamment des  dégâts  qui  peuvent  être  produits  accidentellement 
par  la  température,  les  bulbes  sont  souvent  endommagés  parles  cham- 
pignons parasites,  comme  l’ont  établi  Duhamel,  en  1728  (2),  et  plus 
tard  Montagne,  en  1848  (3). 

Les  localités  qui  produisent  en  ce  moment  le  plus  de  Safran  sont 
l’Aragon,  la  Murcie  et  la  Mancha,  en  Espagne.  Ce  Safran  entre  dans  le 
commerce  sous  le  nom  de  Safran  d'Alicante  et  de  Valencia.  L’Espagne 
a exporté,  en  1864,  pour  190  062  livres  sterling  de  Safran;  en  1865, 
pour  135  316  livres  sterling  ; en  1866,  pour  47  083  livres  st.  La  drogue 
fut  importée  en  majeure  partie  en  France  (4). 

Le  Safran  de  France  jouit,  à cause  de  sa  pureté,  d’une  meilleure 

(!)  Bulletin  de  la  Soc.  imp.  d’acclimatation , avril  186». 

(2)  Mém.  de  l’Acad.  des  sc.,  1728,  100. 

(3)  Etude  micrographique  de  la  maladie  du  Safran  connue  sous  le  nom  de  lacon. 

(4)  Statistical  Tables  relating  to  Foreign  Countries  [Bine  Book),  1870,  286,  289. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  483 

réputation  que  celui  d’Espagne;  il  est  cultivé  dans  l’arrondissement  de 
Pithiviers-en-Gâtinais,  dans  le  département  du  Loiret.  Cette  localité  en 
fournit  annuellement  pour  1 800  000  francs  (I).  La  culture  est  faite  par 
des  paysans  propriétaires.  En  Autriche,  Maissau,  au  nord-est  de  Krems 
sur  le  Danube,  produit  encore  d’excellent  Safran.  Une  grande  quantité 
de  Safran  est  produite  dans  le  Ghayn,  région  montagneuse  élevée  qui 
sépare  l’Afganistan  occidental  de  la  Perse  (2).  On  en  recueille  une 
petite  quantité  à Pampur,  dans  le  Kashmir,  où  il  est  lourdement  imposé 
par  le  Maharaja  (3).  On  cultive  aussi  le  Safran  dans  quelques  districts 
de  la  Chine.  Enfin,  sa  culture  a été  introduite  dans  les  Etats-Unis,  et 
une  petite  quantité  est  recueillie  par  les  habitants  allemands  du  Lan- 
caster County,  dans  la  Pensylvanie  (4).  Mais,  dans  tous  ces  pays,  la 
culture  du  Safran  diminue  chaque  jour,  et  dans  quelques-uns  même 
elle  a déjà  complètement  disparu. 

Les  importations  de  Safran  dans  le  Royaume-Uni  se  sont  élevées, 
en  1870,  à 43  930  livres,  évaluées  à 93690  livres  sterling.  Il  est  beau- 
coup exporté  de  l’Europe  dans  l’Inde,  mais  aucune  statistique  générale 
n’indique  dans  quelles  proportions.  Bombay  en  a importé,  pendant 
l’année  1872-73,  21  994  livres,  valant  35  113  livres  sterling  (5). 

Usages.  — Le  Safran  ne  possède  aucune  propriété  médicinale,  et  il 
ne  conserve  sa  place  dans  les  Pharmacopées  qu’à  cause  de  son  utilité 
comme  matière  colorante.  Dans  quelques  pays,  on  l’estime  beaucoup 
comme  condiment,  pjarticulièrement  en  Autriche,  en  Allemagne  et  dans 
quelques  parties  de  la  Suisse.  Ce  goût  existe  même  en  Angleterre,  du 
moins  dans  le  Cornwall,  où  l’emploi  du  Safran  pour  colorer  les  gâ- 
teaux est  encore  commun.  Les  indigènes  de  l’Inde  en  font  un  grand 
usage  dans  les  cérémonies  religieuses,  et  s’en  servent  aussi  pour  colorer 
et  parfumer  leurs  aliments.  Comme  matière  tinctoriale,  le  Safran  n’est 
plus  employé,  du  moins  dans  nos  pays,  où  il  est  remplacé  par  des 
produits  moins  coûteux. 

Falsification.  - Le  Safran  est  fréquemment  falsifié,  mais  les  fraudes 
dont  il  est  1 objet  ne  sont  pas  difficiles  à découvrir.  On  y ajoute  parfois 
des  fleurs  de  Calcndula  teintes  avec  du  bois  de  Campêche,  ou  des  fleurs 
de  Carthame,  ou  bien  des  étamines  du  Crocus  salivas  lui-même.  On  peut 

(I)  Dumesnil,  loc.  cit. 

(i)  Beli.ew,  F rom  the  Indus  to  the  Tigris,  Lond.,  1874,  304. 

(3)  Powell,  Punjab  Products,  1808,  I,  449. 

(4)  Proc,  of  the  Amer.  Pliarm.  Assoc.,  1866,  254. 

fov\  872-7 Tp^nTo^  °r  thC  TmdC  Und  Navigation  01  the  presir-lency  o { Bombay, 


m IRIDÀCÉES. 

découvrir  toutes  ces  falsifications  en  faisant  infuser  une  pincée  de  la 
drogue  dans  l’eau  chaude  ; les  stigmates  du  Safran  reprenant  leur 
forme  particulière  sont  alors  faciles  a distinguer.  Une  autre  falsifi- 
cation beaucoup  pratiquée  dans  ces  derniers  temps,  et  parfois  difficile 
à reconnaître  à la  simple  vue,  consiste  à revêtir  le  Safran  véritable  de 
carbonate  de  chaux  préalablement  teint  en  rouge  orange.  Si  l’on  place 
une  pincée  de  cette  drogue  dans  un  verre  d’eau  et  qu’on  agite,  l’eau 
devient  trouble,  et  le  carbonate  de  chaux,  se  détachant  du  Safran,  se 
dépose  à l’état  de  poudre  blanche  dans  le  fond  du  verre.  Le  Safran 
ainsi  falsifié  fait  effervescence  quand  on  l’humecte  d'acide  chlorhy- 
drique dilué.  Nous  avons  vu  du  Safran  d’Alicante  dont  le  poids  avait 
été  augmenté  de  20  pour  100  à l’aide  de  cette  fraude.  Il  paraît  qu’on 
emploie  quelquefois  pour  falsifier  le  Safran  de  la  poudre  d émeii  ren- 
due adhérente  à l’aide  du  miel.  Du  Safran  falsifié  avec  le  carbonate  de 
chaux  nous  a donné  de  12  à 28  pour  100  de  cendres. 


(a)  Les  Crocus Tournefout  (Instil.,  t.  183,  183)  soutdes  Iridacées  à périanthe  ré- 
gulier, infundibuliforme,  formé  d’un  tube  très-long  et  étroit,  et  d un  limbe  à six 
divisions  égales  ; à style  divisé  en  trois  lobes  stigmatiques  en  forme  de  cornets,  dila- 
tés dans  le  haut,  et  denticulés  sur  le  bord  ; h capsule  triloculaire,  polysperme. 

Le  Crocus  sativus  L.  (. Specics , S0)  est  une  plante  à bulbe  arrondi,  plein,  aplati 
en  dessous,  portant  des  racines  adventives  nombreuses  au 
pourtour  de  sa  face  inférieure  et  couvert  d 'écailles  sèches 
et  brunes,  puis  portant  près  de  son  sommet  un  certain 
nombre  de  feuilles  rudimentaires  blanchâtres,  et  enfin  des 
feuilles  vertes,  très-étroites,  linéaires,  allongées,  convexes 
sur  la  face  externe,  creusées  en  gouttière  sur  la  face  in- 
terne, se  laissant  tomber  sur  le  sol  lorsqu’elles  ont  atteint 
toute  leur  longueur.  Les  fleurs  sont  axillaires,  tantôt  soli- 
taires, tantôt  disposées  en  petites  cymes  dont  les  axes  sont 
très-courts,  de  sorte  que  la  portion  inférieure  du  tube  pé- 
rianthique  et  l’ovaire  sont  cachés  dans  le  sol.  Elles  sont  en- 
veloppées de  deux  bractées  en  forme  de  spathes  membra- 
neuses et  apparaissent  avec  les  feuilles.  Les  fleurs  sont 
grandes,  pourprées,  parcourues  de  stries  longitudinales.  Le 
périanthe  est  formé  d’un  tube  cylindrique,  étroit,  très- 
allongé,  un  peu  dilaté  dans  le  haut,  barbu  au  niveau  de 
la  gorge,  et  terminé  par  un  limbe  campanulé,  à six  divi- 
sions égales,  imbriquées  dans  la  préfloraison,  ovales-oblon- 
gues,  terminées  en  pointe  mousse.  L’androcée  est  formé 
de  trois  étamines  insérées  sur  le  tube  du  périanthe,  plus  courtes  que  le  limbe, 
formées  d’un  filet  grêle  et  d’une  anthère  allongée,  biloculaire,  mtrorse,  déhis- 
cente par  deux  fentes  longitudinales.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  infère, 
allongé  f triloculaire,  contenant  dans  chaque  loge  un  grand  nombre  d ovules 
anatropes,  insérés  dans  l’angle  interne.  11  est  surmonté  par  un  long  style  filiforme, 


Fis.  203.  Crocus  sativus. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  485 

divisé  au  niveau  do  la  gorge  du  pêrianthe  eu  trois  lobes  stignmtiques  colorés  en 
jaune-orange  foncé,  flasques  et  tombant  en  dehors  de  la  fleur,  entre  les  divisions 
du  pêrianthe.  Ils  ont  la  forme  de  cornets  coniques,  recouverts  sur  la  face  in- 
terne de  papilles  stigmatiques,  échancrés  dans  le  haut  au  niveau  de  la  face  interne 
et  denticulés  sur  le  bord.  Le  fruit  est  une  capsule  élevée  au-dessus  du  sol  par  ral- 
longement du  pédoncule  floral;  elle  est  triloculaire,  loculicide,  trivalvaire,  et  con- 
tient dans  chaque  loge  un  grand  nombre  de  graines  qui  renferment  sous  leurs  tégu- 
ments un  albumen  abondant  et  un  embryon  axilo  à radicule  tourné  vers  le  hile.  Le 
bulbe  du  Safran  se  multiplie  à l’aide  de  bourgeons  bulbeux  qui  se  développent  dans 
l’aisselle  des  bractées  et  se  détachent  du  bulbe  qui  leur  a donné  naissance  quand 
ils  ont  atteint  un  certain  volume,  par  suite  de  la  formation  au  niveau  de  leur  point 
d’attache  d’une  zone  de  tissu  qui  se  mortifie  et  interrompt  toute  communication 
entre  les  deux  bulbes.  [Trad.] 


PALMIERS 

SEMENCES  D’AREC. 

Semen  Arecæ  ; Nuces  Areas  vel  Betel  ; Semences  d’Arec , Noix  d'Arec  ; angl.,  Areca  nuis, 
Betel  nuts  ; allem.,  Arekanüsse,  Betelnüsse. 

Origine  botanique.  — Areca  Catechu  L.  C’est  un  Palmier  élégant,  à 
tronc  lisse  et  droit,  haut  de  12  à 15  mètres,  et  ayant  50  centimètres  en- 
viron de  circonférence.  L’inflorescence  est  disposée  en  un  spadice  ramifié, 
dont  les  fleurs  mâles  occupent  le  sommet  et  les  fleurs  femelles  la  base. 
On  cultive  cet  arbre  dans  l’archipel  Malais,  dans  les  parties  les  plus 
chaudes  de  la  péninsule  indienne  et  de  l’Indo-Chine,  à Ceylan  et  dans 
les  Philippines.  Il  est  probablement  originaire  de  la  première  de  ces 
régions  (a). 

Historique.  — L’Arec  est  mentionné  dans  les  ouvrages  sanskrits  sous 
le  nom  de  Guvâca.  Il  se  nomme  en  chinois  Pin-lang,  nom  apparem- 
ment dérivé  de  Pinang,  désignation  de  l’arbre  dans  les  îles  Malaises 
d’où  les  Chinois  tiraient  leurs  provisions  de  graines  d’Arec.  Le  plus  an- 
cien ouvrage  chinois  qui  mentionne  le  Pin-lang  est  le  San-fu-huang-tu , 
description  de  Chang-an,  la  capitale  de  l’empereur  Hiav-Wou-tii,  do  140 
à 80  avant  notre  ère.  Il  y est  dit  qu’après  la  conquête  du  Yunnan, 
en  111  avant  Jésus-Christ,  des  arbres  remarquables  et  des  plantes  du 
Sud  furent  apportés  dans  la  capitale,  et  parmi  eux  plus  de  100  Pin- 
lang  qui  furent  plantés  dans  les  jardins  impériaux.  Bretschneider  (1), 
aux  recherches  duquel  nous  devons  ces  détails,  cite  plusieurs  autres 

G)  On  the  Study  of  C/rinesc  Bolaniccil  Works,  Foofliow,  1870,  27. 


PALMIERS. 


-i8G 

ouvrages  chinois  datant  du  premier  siècle  et  indiquant  que  les  noix 
d’Arec  étaient  apportées  des  provinces,  alors  indépendantes,  du  sud  de  la 
Chine,  de  l’archipel  Malais  et  de  l’Inde.  La  coutume  de  présenter  la  noix 
d’Arec  aux  hôtes  est  mentionnée  dans  un  ouvrage  du  quatrième  siècle. 

Les  anciens  écrivains  arabes  connaissaient  bien  la  noix  d’Arec,  qu’ils 
nommaient  Fôfal , et  l’habitude  qu'avaient  les  Indiens  de  la  mastiquer 
avec  de  la  chaux  (1). 

La  noix  d’Arec  est  trôs-estimée  des  Asiatiques  comme  masticatoire, 
et  considérée  par  eux  comme  fortifiant  les  gencives,  adoucissant  l’ha- 
leine,  et  favorisant  la  digestion,  mais,  jusqu’à  ces  derniers  temps,  elle 
n’était  pas  considérée  comme  jouissant  de  propriétés  médicinales  par- 
ticulières, si  ce  n’est  une  légère  astringence.  On  l’a  souvent  administrée 
aux  chiens  comme  vermifuge,  et  dans  l’Inde  et  la  Chine  on  la  donne 
également  à l’homme  au  même  titre.  Quelques  essais  suivis  de  succès 
dans  le  traitement  du  tænia  ont  déterminé  son  introduction  dans  les 
Additions  to  tlie  British  Pharmacopœia  de  1867,  publiées  en  1874. 

Description.  — L’Aréquier  produit  un  fruit  ovoïde,  lisse,  du  volume 
d’un  petit  œuf  de  poule,  légèrement  pointu  au  niveau  de  son  extrémité 
supérieure,  et  couronné  par  les  restes  des  stigmates.  Il  est  formé  exté- 
rieurement d’un  péricarpe  épais,  d’abord  charnu,  mais  composé,  à la 
maturité,  de  fines  et  fortes  fibres  disposées  dans  le  sens  de  sa  longueur, 
les  plus  internes  étant  plus  fortes  que  les  autres.  Cette  enveloppe  fibreuse 
est  consolidée  en  dedans  par  une  mince  enveloppe  crustacée  ou  endo- 
carpe, qui  contient  une  graine  solitaire.  Cette  dernière  a la  forme  d un 
cône  très-court  et  arrondi  ; elle  est  à peine  longue  de  2 centimètres  et 
demi,  déprimée  au  centre  de  la  base,  et  fréquemment  munie,  sur  l’un 
des  côtés  de  cette  dépression,  d’une  touffe  de  fibres  qui  indiquent  son 
point  d’attache  sur  le  péricarpe.  Les  téguments  semblent  adhérer  par- 
tiellement à l’endocarpe  ; ils  sont  mal  délimités  et  inséparables  de 
l’amande.  Leur  surface  est  marquée  d'un  réseau  très-visible  de  ner- 
vures qui  partent  en  majeure  partie  du  hile.  Lorsqu’on  fend  la  graine, 
on  voit  que  ces  nervures  s’enfoncent  dans  l’albumen  qui  forme  la  grande 
masse  de  la  graine,  et  pénètrent  jusqu’au  centre  en  donnant  a la  graine 
une  ressemblance  très-grande  avec  celle  de  la  muscade.  L’embryon  est 
petit  et  conique  ; il  est  situé  au  niveau  de  la  base  de  la  graine.  Les 
graines  d’Arec  sont  denses  et  pesantes  ; elles  sont  difficiles  a couper  ou 

(1)  Dans  l’ouvrage  de  Berlu,  The  treasury  of  drugs  unlock’d,  e n 1724,  les  Noix 
d’Arec  sont  mentionnées  sous  le  nom  de  Nuces  indicæ  et  comparées,  quant  a leur 
apparence,  aux  noix  muscades.  [P.  A.  F.] 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  487 

à briser;  lorsqu’elles  sont  fraîchement  brisées,  elles  exhalent  une  odeur 
faible  de  fromage  ; leur  saveur  est  légèrement  astringente. 

Structure  microscopique.  — L’albumen  blanc  et  corné  de  la  graine 
d'Àrec  est  formé  de  grandes  cellules  à parois  épaisses,  remplies  d’une 
matière  albuminoïde  quisous  l’influence  de  l’iode  sc  colore  en  brun. 
Les  parois  des  cellules  sont  munies  de  larges  pores  dont  la  disposition 
devient  très-visible  quand  on  les  examine  dans  la  lumière  polarisée  après 
les  avoir  fait  bouillir  dans  la  potasse  caustique.  Le  tissu  brun  qui  en- 
toure l’albumen  offre  une  texture  lâche,  et  ressemble  à celui  qui  occupe 
le  même  siège  dans  la  muscade.  Les  parois  minces  de  ses  cellules  sont 
munies  de  fines  stries  spiralées,  et  dans  son  épaisseur,  comme  dans  la 
surface  brune  de  la  graine,  sont  dispersés  des  vaisseaux  spiralés.  Toutes 
les  cellules  brunes  de  la  graine  prennent  une  belle  coloration  rouge 
lorsqu’on  les  humecte  avec  de  la  potasse  caustique,  et  sont  colorées  en 
vert  foncé  par  le  chlorure  ferrique. 

Composition  chimique.  — En  épuisant  avec  de  l’éther  la  poudre 
de  ces  graines,  préalablement  desséchées  à 100°  G.,  nous  avons  obtenu 
une  solution  incolore,  qui,  après  évaporation,  nous  a laissé  un 
liquide  huileux,  se  concrétant  en  se  refroidissant.  Cette  matière  grasse 
représente  14  pour  1 00  delà  graine;  elle  est  cristalline,  et  fond  à 39°  G. 
En  la  saponifiant,  nous  avons  obtenu  un  acide  gras  cristallin,  fondant  à 
41°  G.  qui  peut  être  considéré  comme  un  mélange  des  acides  laurique 
et  myristique.  Nous  fîmes  bouillir  dans  l’eau  un  peu  de  la  matière 
grasse  ; l’eau  en  s’évaporant  nous  donna  une  très-petite  quantité  de 
tannin,  mais  nous  n’obtînmes  pas  les  cristaux  qui  auraient  dû  se  former 
• s’il  y avait  eu  de  la  catéchine. 

Les  graines  pulvérisées,  qui  avaient  été  traitées  par  l’éther,  furent 
alors  épuisées  par  de  l’alcool  (à  0,732)  et  nous  obtînmes  14,77  pour  100 
du  poids  primitif  des  graines,  d’une  matière  tannique  rouge,  amorphe, 
qui,  après  dessiccation,  se  montra  peu  soluble  dans  l’eau,  soit  froide, 
soit  bouillante.  Soumise  à la  distillation  destructive,  elle  donna  de  la 
Pyrocatéchine.  Sa  solution  aqueuse  n’est  pas  altérée  par  le  sulfate  fer- 
reux, à moins  qu’on  n’ajoute  un  alcali;  elle  prend  alors  une  coloration 
violette,  et  il  se  sépare  un  précipité  abondant,  noir  pourpré.  En  ajoutant 
un  sel  ferrique  à une  petite  quantité  de  la  solution  aqueuse  de  cette 
matière  tannique,  on  obtient  une  belle  coloration  verte,  qui  tourne  au 
brun  quand  on  ajoute  un  excès  du  réactif,  et  au  violet  sous  l’influence 
d un  alcali.  Il  se  forme  en  même  temps  un  abondant  précipité  noirâtre. 

Les  graines,  après  avoir  été  épuisées  successivement  par  l’éther  et  par 


488 


PALMIERS. 


l’alcool,  furent  traitées  par  l’eau,  qui  enleva  surtout  un  mucilage  pré- 
cipitable par  l’alcool.  La  liqueur  alcoolique  filtrée  donna  des  traces 
d’un  acide  dont  l’examen  ne  fut  pas  poursuivi.  Après  avoir  épuisé 
les  graines  par  l’éther,  l’alcool  et  l’eau,  nous  obtînmes,  en  les 
faisant  digérer  dans  l’ammoniaque,  une  solution  d’un  brun  foncé. 
Dans  cette  solution,  il  se  forma  un  précipité  acide,  abondant,  inso- 
luble même  dans  l’alcool  bouillant.  Nous  n’avons  pu  retirer  de  cris- 
taux ni  d’une  décoction  aqueuse  des  graines  ni  en  les  épuisant  direc- 
tement par  l’alcool.  Nous  devons  en  conclure  que  la  catéchine  n’entre 
pas  dans  la  constitution  des  graines  d’Arec,  et  que  l’extrait  préparé  avec 
ces  graines  est  essentiellement  différent  de  celui  du  Cachou  de  Y Acacia 
Catechu  et  du  Nauclea,  et  doit  plutôt  être  considéré  comme  une  matière 
tannique  analogue  au  Rouge  de  Ratanhia  et  au  Rouge  de  Cinchona. 

En  incinérant  les  graines  d’Arec  pulvérisées,  nous  avons  obtenu 
2, 20  pour  100  de  cendres,  qui  contiennent  du  peroxyde  de  fer  et  du 
phosphate  de  magnésium. 

Commerce.  — Les  graines  d’Arec  se  vendent,  dans  l’Inde,  avec  ou 
sans  le  péricarpe  qui  les  enveloppe.  Les  deux  sortes  sont  énumérées 
dans  les  Rapports  des  douanes  sous  des  titres  différents.  La  consomma- 
tion considérable  qùi  s’en  fait  en  Orient  donne  lieu  à un  commerce 
énorme,  dont  on  peut  avoir  une  idée  par  les  quelques  statistiques  qu’il 
est  possible  de  consulter.  Ceylan  en  a exporté,  en  1871,  66  543  quin- 
taux, valant  62  593  livres  sterling;  en  1872,  71  715  quintaux,  cette  der- 
nière quantité  entièrement  destinée  à l’Inde  (1).  La  Présidence  deMadras 
en  fait  également  un  grand  commerce.  Pendant  l’année  1872-73,  il  en 
a été  embarqué  pour  Bombay  43  958  quintaux,  indépendamment  de 
2 millions  environ  de  fruits  entiers  (2).  Il  se  fait  encore  un  très-grand 
commerce  de  graines  d’Arec  à Singapore,  et  surtout  à Sumatra. 

Usages.  — On  peut  administrer  la  graine  d’Arec  contre  le  tænia  à la 
dose  de  4 à 6 drachmes  dans  du  lait.  Il  faut  prendre  le  médicament 
après  une  abstinence  de  douze  heures  environ  ; quelques  médecins  re- 
commandent de  le  faire  précéder  d’un  purgatif.  Il  passe  pour  être  aussi 
efficace  contre  les  lombrics  que  contre  le  tænia.  On  vend  comme  poudre 
dentifrice  le  charbon  des  graines  d’Arec  brûlées  dans  un  vase  clos  ; mais, 
à part  sa  plus  grande  densité,  ce  charbon  ne  possède  aucun  avantage 
sur  le  charbon  de  bois  ordinaire. 

(1)  Ceylon  Blue  Books  for  1871  et  1872. 

(2)  D’aprés  les  rapports  cités  à la  page  302,  note  2. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  m 

Quand  la  graine  d’Arec  est  employée  comme  masticatoire,  on  lui 
ajoute  un  peu  de  chaux  et  une  feuille  de  Poivre  Bétel  (Piper  Dette  L.). 
Qn  emploie  pour  cela  la  graine  jeune  et  encore  tendre,  ou  préalable- 
ment bouillie  dans  l’eau  (b).  On  y ajoute  parfois  des  substances  aroma- 
tiques, notamment  du  camphre  et  du  cardamome. 

(a)  Les  Areca  L.  ( Généra , n.  1225)  sont  des  Palmiers  de  la  tribu  des  Arécinées,  à 
fleurs uuiSexuées,  réunies  sur  le  même  spadice;  à périanthe  double,  trimère;  à an- 
drocée  formé  de  trois  à douze  étamines  ; à ovaire  triloculaire,  surmonté  do  trois  stig- 
mates sessiles;  à fruit  drupacé,  fibreux,  monosperme;  à albumen  ordinairement 
ruminé  ; à feuilles  pennées. 

V Areca  Catechu  L.  ( Species  pi,  ed.  Willd.,  IV,  594  ; Pinanga  Rumpii.  ; Belel- 
nut  Knox)  est  un  Palmier  à tronc  dressé,  terminé  par  une  belle  cyme  de  grandes 
feuilles,  ordinairement  peu  nombreuses,  étalées,  engainantes  à la  base,  munies 
d’un  pétiole  principal  creusé  en  gouttière  au  niveau  de  sa  face  supérieure,  et  portant 
des  folioles  dressées,  étroites,  linéaires  ou  oblongues,  les  plus  inférieures  et  les  mé- 
dianes acuminées,  longues  de  90  centimètres  à 1 m ,20,  et  larges  de  10  centimètres  en- 
viron, les  supérieures  beaucoup  plus  courtes.  Les  fleurs  sont  unisexuées,  et  réunies 
sur  le  même  spadice  ; les  femelles  occupent  la  portion  inférieure  du  spadice  et  y sont 
accompagnées  chacune  de  deux  fleurs  mâles,  tandis  que  la  partie  supérieure  n’offre 
que  des  fleurs  mâles.  Les  spadices  sont  très-ramifiés  et  accompagnés  de  deux  brac- 
tées oblongues,  l’extérieure  très-caduque.  Chaque  fleur  mâle  est  accompagnée  d’une 
bractée  peu  développée  et  plus  ou  moins  connée  avec  l’axe  floral.  Les  fleurs  mâles 
sont  petites,  lisses,  glabres  ; leur  calice  est  peu  développé,  divisé  en  trois  folioles 
aiguës  et  carénées,  blanches.  La  corolle  est  formée  de  trois  pétales  d’un  hlanc  jau- 
nâtre, oblongs,  rigides,  striés,  volvaires  dans  la  préfloraison.  L’androcée  se  compose 
de  six  à neuf  étamines,  à filets  courts,  aplatis,  plus  ou  moins  cohérents  à la  base  ; à 
anthères  biloculaires,  introrses,  déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Au 
centre  de  la  fleur  mâle,  existe  un  rudiment  de  pistil  plus  long  que  les  étamines  et 
divisé  en  stigmates  très-courts  et  obtus.  Les  fleurs  femelles  sont  solitaires  sur  un  ra- 
inuscule  dilaté,  et  entourées  «d’une  bractée  coriace,  large,  triangulaire,  carénée  au 
niveau  de  la  ligne  médiane  ; elles  sont  trois  ou  quatre  fois  plus  grandes  que  les  fleurs 
mâles  qui  les  accompagnent.  Leur  calice  est  formé  de  trois  folioles  cordées,  rigi- 
des, un  peu  charnues  à la  base.  La  corolle  est  formée  de  trois  pétales  alternes  avec 
les  sépales,  mais  semblables  à eux.  L’androcée  est  représenté  par  une  cupule  mem- 
braneuse entourant  la  base  du  pistil,  découpée  en  six  dents  subulées  qui  représen- 
tent autant  de  staminodes  réduits  cà  des  filets  sans  anthères.  Le  gynécée  se  compose 
d’un  ovaire  triloculaire,  surmonté  par  un  style  très-court,  à peine  distinct  même, 
divisé  en  trois  stigmates  triangulaires.  Chaque  loge  contient  un  seul  ovule  anatrope, 
dressé,  inséré  dans  l’angle  interne.  Le  fruit  est  une  drupe  uniloculaire  et  mono- 
sperme par  avortement  de  deux  des  trois  carpelles  primitifs.  Il  est  ovale,  de  la  gros- 
seur d’un  œuf  de  poule  ou  de  pigeon,  glabre,  d’abord  vert,  puis  rougeâtre  ou  orangé. 
Il  contient  une  seule  graine  à albumen  abondant,  ruminé,  corné,  renfermant  un 
petit  embryon  basilaire.  [Trad.] 

(b)  Pour  conserver  les  graines  destinées  à être  chiquées  avec  le  bétel,  on  les  dé- 
pouille du  péricarpe  encore  vert  et  tendre  qui  les  enveloppe,  on  les  coupe  en  quar- 
tiers et  on  les  fait  sécher  au  soleil  ; elles  prennent  ainsi  une  coloration  d’un  brun 
rougeâtre  plus  ou  moins  foncé. 


490 


PALMIERS. 


SANG-DRAGON. 

Sanguis  Draconia  ; Résina  Draconis;  angl.,  Draqoris  Dlood ' ; allcm.,  Drachenblut. 

Origine  botanique.  — Calamus  Draco  Willd.  ( Dæmonorops  Draco 
Maut.).  Cette  espèce  fait  partie  du  groupe  des  Palmiers  Rotangs,  remar- 
quables par  leurs  tiges  très-longues  et  flexibles,  grimpant  sur  les  bran- 
ches des  arbres  et  s’y  maintenant  à l’aide  d’épines  dont  sont  munis 
les  pétioles  de  leurs  feuilles.  L’espèce  dont  nous  nous  occupons  ici  se 
nomme  en  malais  Rotang  Jernang  (a)  ; elle  croît  dans  les  forêts  ma- 
récageuses de  la  Résidence  de  Palembang,  sur  le  territoire  de  Jambi, 
dans  l’est  de  Sumatra,  et  dans  le  sud  de  Bornéo,  régions  qui  fournissent 
le  Sang-Dragon  du  commerce.  Elle  passe  pour  exister  aussi  à Penang 
et  dans  quelques  îles  du  détroit  de  la  Sonde  (1). 

Historique.  — La  substance  que  Dioscoride  mentionne,  sous  le  nom 
de  KtvvâSaptç,  comme  une  matière  colorante  et  un  médicament  coûteux 
apporté  d’Afrique,  qui  fut  décrite  aussi  par  Pline,  lequel  la  distingue  du 
minium,  était  certainement  celle  que  nous  connaissons  aujourd’hui  sous 
le  nom  de  Sang-Dragon.  Ce  n’était  pas,  cependant,  celui  du  Calamus 
Draco,  ni  même  d’aucun  arbre  de  l’archipel  Indien,  mais  une  produc- 
tion de  l’île  de  Socotra  (voy.  p.  494).  Nous  croyons  que  le  Sang- 
Dragon  n’est  nommé  par  aucun  des  premiers  voyageurs  qui  ont  visité 
lesîles  de  l’Inde.  Ibn  Batuta,  qui  visita  Java  et  Sumatra  entre  1325  et  1349, 
et  qui  signale  ces  îles  comme  produisant  le  benjoin  (voy.  t.  II,  p.  41), 
es  clous  de  girofle,  le  camphre  et  le  bois  naturel  d’aloès,  garde  le  si- 
lence au  sujet  du  Sang-Dragon.  Barbosa  (2),  dont  les  récits  relatifs  aux 
Indes  orientales,  écrits  en  1514,  sont  remplis  de  renseignements  sur  le 
commerce  et  les  productions  des  différentes  localités  qu’il  visita,  dit  que 
l’aloès  et  le  Sang-Dragon  sont  produits  par  Socotra  ; mais  il  ne  dit  pas 
qu’on  trouve  la  dernière  de  ces  drogues  soit  à Malacca,  soit  à Java,  à 
Sumatra  ou  à Bornéo.  Notre  opinion  est  encore  corroborée  par  les  ren- 
seignements relatifs  aux  anciennes  relations  commerciales  établies  entre 
les  Chinois  et  les  Arabes  et  publiés  récemment  par  Bretschneider  (3).  Du 
treizième  au  quinzième  siècle,  il  existait  entre  ces  deux  nations  un  com- 
merce considérable,  non-seulement  des  produits  du  golfe  Persique  et 

(1)  Blume,  in  Rumphia,  II  (187G),  tab.  181,  132,  en  donne  d’excellentes  figures. 

(2)  Description  of  the  Coasts  of  East  Africa  and  Malabar  (Hakluyt  Society),  18G6, 
30, 191-197. 

(3)  Knowledge  posscssed  bg  the  Chinese  of  the  Àrabs,  etc.,  1871. 


491 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

des  régions  plus  méridionales,  mais  encore  des  produits  de  1 nrclnpel 
Indien.  Une  des  îles  avec  lesquelles  les  Arabes  et  les  Persans  entrete- 
naient un  commerce  important  est  Sumatra,  d ou  ils  liiaient  le  pré- 
cieux camphre,  si  estime  des  Chinois,  mais  non,  autant  qu  on  peut  en 
juger,  le  Sang-Dragon.  Les  produits  apportés  d’Arabie  étaient  les 
plumes  d’autruche,  l’oliban,  le  styrax  liquide,  la  myrrhe,  le  Sang-dragon 
et  d’autres  drogues  encore  indéterminées.  Il  est  digne  de  remarque  que 
les  Chinois  sont  encore  actuellement  les  plus  grands  consommateurs 
de  Sang-Dragon,  mais  ils  se  contentent,  comme  les  autres  nations,  de 
la  drogue  qui  est  produite  en  abondance  par  Sumatra  et  Bornéo,  et  qui 
a remplacé  l’ancienne  sorte  produite  par  Socotra. 

Les  premiers  détails,  relatifs  à la  production  de  cette  substance  dans 
l’Inde,  sont  dus  à Rumphius,  qui,  dans  son  H er barium  Amboinense  (I), 
décrit  le  procédé  employé  à Palembang  pour  sa  préparation. 

Production.  — Le  fruit  du  Calamus  Draco  est  disposé  en  grandes  pa- 
nicules  qui  en  portent  un  nombre  considérable.  Il  est  globuleux,  de  la 
taille  d'une  grosse  cerise,  revêtu  d’écailles  lisses,  imbriquées,  à peu  près 
quadrangulaires,  épaisses,  marquées  de  sillons  longitudinaux.  Les  plus 
larges  se  trouvent  vers  le  milieu  du  fruit  ; elles  ont  4 millimètres  de 
long  sur  6 millimètres  de  large.  A la  maturité,  le  fruit  est  recouvert 
d’une  couche  de  résine  rouge  qui  en  exsude  en  si.grande  abondance,  que 
l’on  ne  peut  plus  voir  les  écailles  qu’avec  difficulté.  Cette  résine  est 
naturellement  friable  ; on  la  recueille  en  grattant  les  fruits,  en  les 
secouant  ou  les  battant  dans  un  sac  ; elle  se  sépare  ainsi  très-vite.  On 
la  tamise  ensuite  pour  la  débarrasser  des  écailles  et  des  autres  portions 
du  fruit  qu’elle  entraîne.  En  l’exposant  à la  chaleur  du  soleil  ou  à celle 
de  l’eau  bouillante,  dans  un  vase  couvert,  on  la  ramollit  assez  pour  qu’il 
soit  possible  de  lui  donner  la  forme  de  bâtons  ou  de  boules  qu’on  en- 
veloppe dans  un  morceau  de  feuille  de  palmier.  C’est  ainsi  qu’on  pré- 
pare le  meilleur  Sang-Dragon  ou  Jernang.  On  prépare  une  qualité  infé- 
rieure en  faisant  bouillir  dans  l’eau  les  fruits  préalablement  écrasés,  et 
disposant  la  résine  en  une  masse,  à laquelle  on  ajoute  fréquemment 
d’autres  substances  pour  la  falsifier.  Ces  indications  sur  la  fabrication 
du  Sang-Dragon  sont  celles  qui  ont  été  données  par  Blume  (2). 

Description.  — Le  Sang-Dragon  se  présente  dans  le  commerce  sous 
deux  formes  qui  ont  reçu  les  noms  de  Sang-Dragon  rouge  et  Sang-Dra- 
gon en  masses. 

(1)  Pars  V,  1847,  114-115,  t.  58. 

(2)  Rumphia,  1847,  III,  9,  t.  131,  132. 


m 


PALMIERS. 

1°  i Seing-Dragon  rouge;  Sang-Dragon  en  bâtons  ( Reed  Dragon' s JJlood, 
Dragon' s blood  in  sticks,  Sanguis  Draconis  in  baculis). — Une  certaine 
quantité  de  beau  Sang-Dragon,  acheté  à Londres  en  1842,  se  présente 
en  bâtons  longs  de  82  à 85  centimètres,  et  épais  de  2 à 3 centimètres, 
enveloppés  dans  une  feuille  de  palmier  maintenue  à l’aide  de  huit  ou 
neuf  liens  transversaux  faits  avec  une  herbe  flexible.  Le  poids  moyen 
de  chaque  bâton,  y compris  son  enveloppe,  est  de  5 onces.  La  résine  a 
évidemment  été  enveloppée  pendant  qu’elle  était  encore  molle,  car  elle 
porto  des  sillons  longitudinaux  dus  à la  pression  de  la  feuille  qui  la 
recouvre.  Sa  surface  est  lisse  et  colorée  en  brun  noirâtre  foncé.  En 
tranches  minces,  la  résine  paraît  transparente  et  colorée  en  rouge 
cramoisi  brillant.  La  surface  de  sa  cassure  est  résineuse  et  rugueuse; 
elle  est  un  peu  poreuse,  et  contient  de  nombreuses  parcelles  d’écailles 
du  fruit.  Quand  on  la  frotte  sur  du  papier,  elle  laisse  une  trace  qui  n’est 
pas  d’un  beau  rouge.  Chauffée  avec  de  l’alcool,  elle  abandonne 
20  pour  100  d’un  résidu  pulvérulent,  consistant  surtout  en  matière  vé- 
gétale. Les  bâtons  de  moindre  taille  sont  plus  nombreux. 

2°  Sang-Dragon  en  masses  ( Lump  Dragon's  Blood  ; Sanguis  draconis  in 
massis ).  — Il  est  importé  en  gros  blocs  rectangulaires  ou  en  masses 
irrégulières.  Il  diffère  de  la  belle  sorte  que  nous  venons  de  décrire,  en 
ce  qu’il  contient  une  quantité  plus  considérable  de  débris  du  fruit  ; on 
y trouve  même  des  écailles  entières.  Sa  surface  de  cassure  est  par  suite 
plus  grossière  et  d’une  coloration  moins  foncée.  Sa  saveur  est  un  peu 
âcre.  Epuisé  par  l’alcool,  il  abandonne  un  résidu  dont  la  propor- 
tion s’est  élevée,  dans  l’échantillon  examiné  par  nous,  à 27  pour  100. 

Le  Sang-Dragon  est  soluble  en  majeure  partie  dans  les  dissolvants 
ordinaires  des  résines,  c’est-à-dire  les  alcools,  même  l’alcool  dilué,  la 
benzine,  le  chloroforme,  le  bisulfure  de  carbone,  et  les  huiles  essen- 
tielles oxygénées,  par  exemple,  celle  de  girofle.  Le  résidu  laissé  par  l’éva- 
poration de  ces  liquides  est  amorphe,  et  offre  une  belle  couleur  rouge. 
La  drogue  se  dissout  aussi  dans  l’acide  acétique  cristallisable,  et  dans 
la  soude  caustique.  Cette  dernière  solution  donne,  sous  l’influence  d'un 
excès  d’acide,  un  précipité  brun  rosé,  semblable  à de  la  gelée  qui,  en 
se  desséchant,  prend  la  coloration  rouge  primitive  de  la  drogue.  Le 
Sang-Dragon  est  peu  soluble  dans  l’éther,  encore  moins  dans  l'es- 
sence do  térébenthine,  et  entièrement  insoluble  dans  les  parties  les 
plus  volatiles  du  pétrole  ou  éther  de  pétrole.  Sa  saveur  est  un  peu 
douce  et  accompagnée  d’une  certaine  âcreté.  Il  fond  à 120°  C.,  en  déga- 
geant des  fumées  aromatiques  irritantes  d’acide  benzoïque.  Quand 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  493 

on  le  fait  bouillir  avec  de  l’eau,  il  se  ramollit  et  se  liquéfie  en  partie. 

Composition  chimique.- Le  Sang-Dragon  est  une  résine  particulière  • 
qui,  d'après  Johnston  (I),  répond  àla  formule  GW.  En  le  chauffant, 
et  en  condensant  sa  vapeur,  on  obtient  un  liquide  aqueux,  acide,  une 
huile  lourde,  à saveur  brûlante,  et  des  cristaux  d’acide  benzoïque.  La 
composition  de  ces  produits  n’est  pas  encore  bien  déterminée,  mais  on 
a signalé  la  présence  de  l’acétone,  du  Toluol,  C7R8  (le  Dracyl  de  Glénard  et 
Boudault,  1844),  et  du  Styrol,  C8H8  ( Draconyl ) ; le  dernier  de  ces  corps  est 
peut-être  dû  à l’existence  dans  la  drogue  dumétastyrol  (t.  I,  p.  485),  ainsi 
que  l’a  supposé  Kovalewsky  (2).  Les  deux  hydrocarbones  sont  plus  lé- 
gers que  l’eau;  cependant  nous  avons  constaté  que  la  partie  huileuse, 
obtenue  par  distillation  sèche,  mentionnée  plus  haut,  s’enfonce  dans 
l’eau,  ce  qui  est  peut-être  dû  à la  présence  d’alcool  benzoïque,  C7H80. 

Comme  l’acide  benzoïque  est  facilement  soluble  dans  l’éther  de 
pétrole,  on  pourrait  le  séparer  de  la  drogue  à l’aide  de  ce  dissolvant.  En 
faisant  cette  expérience,  nous  avons  obtenu  des  traces  d’une  matière 
rouge,  amorphe,  et  une  petite  quantité  d’un  liquide  huileux,  mais  aucun 
corps  cristallin.  Le  liquide  aqueux  prend  une  coloration  bleue  sous 
l’influence  du  perchlorure  de  fer,  d’où  on  peut  déduire  qu’il  contient 
du  phénol  ou  du  pyrogallol,  plutôt  que  de  la  pyrocatéchine.  En  faisant 
bouillir  le  Sang-Dragon  avec  de  l’acide  nitrique,  on  obtient  surtout 
des  acides  benzoïque,  nitro-benzoïque  et  oxalique,  et  seulement  une 
petite  quantité  d’acide  picrique.  Hlasiwetz  et  Barth,  en  faisant  fondre 
la  drogue  avec  de  la  potasse  caustique,  ont  trouvé,  parmi  les  produits 
formés,  de  la  Phloroglucine  (voy.  t.  I,  p.  357),  des  acides  para-oxyben- 
zoïque,  protocatéchique  et  oxalique,  et  divers  acides  de  la  série  grasse. 
Le  benjoin  donne  des  produits  semblables. 

Commerce.  — Le  Sang-Dragon  est  expédié  de  Singapore  et  de  Ba- 
tavia. On  en  exporte  chaque  année  de  grandes  quantités  de  Banjar- 
masin  dans  l’île  de  Bornéo,  à destination  de  ces  ports  et  de  la  Chine  (3). 

Usages.  — Le  Sang-Dragon  n’est  employé,  en  médecine,  que  pour 
les  emplâtres  et  les  poudres  dentifrices  ; dans  les  arts  il  sert  à préparer 
des  vernis. 

Falsification.  — La  qualité  du  Sang-Dragon  est  extrêmement  va- 
riable (4).  Le  principal  caractère  qui  attire  l’attention  des  marchands 

(1)  Philos.  Tram.,  1839,  131;  1810,  384. 

(2)  Ann.  de  Chimie , 1801,  CXX,  68. 

(3)  Low,  Sarawah , its  Inhabilanls  and  Productions,  1818,  13. 

(1)  Les  prix  actuels,  qui  varient  de  3 à 11  livres  le  quintal,  indiquent  cela  suffisam- 
ment. 


/l!,i  PALMIERS. 

est  la  coloration.  Quelques  qualités-  inférieures  ne  laissent  sur  le  panier 
que  des  marques  d’un  rouge  sombre,  et  ont  une  cassure  terreuse.  Les 
Jutons  falsifiés  ne  portent  pas  la  marque  de  la  feuille  qui  les  enveloppe, 
comme  loi squ  ils  sont  constitués  par  de  la  résine  pure.  Un  échantillon 
de  qualité  inféneure  de  Sang-Dragon  rouge  ou  en  bâtons  nous  a donné 
40  pour  100  de  matières  insolubles  dans  l’alcool. 


AUTRES  SORTES  DE  SANG-DRAGON. 

Sang-Dragon  de  Socotra.  - Nons  avons  dit  plus  haut  que  le  Cinnabar 
mentionné  par  Dioscoride  était  exporté  d’Afrique.  Il  paraît  évident  que 
cette  dénomination  s appliquait  à une  sorte  de  Sang-Dragon,  car  l’auteur 
du  Periplus  de  la  mer  Erythrée  (I),  qui  vivait  vers  l’an  54-68  de  notre 
ère,  cite  le  KiwaESapiç  comme  un  produit  de  l’île  Dioscorida,  nom  ancien 
de  l’île  Socotra. 

^ Les  Arabes,  notamment  Abu  Hanifa  et  Ibn  Baytar  (2),  décrivent  le 
Sang-Dragon  comme  apporté  de  Socotra,  et  donnent  à la  drogue  le 
nom  même  sous  lequel  elle  est  encore  connue  des  Arabes,  Dam-ul- 
akhawein.  Barbosa,  en  1514,  et  Giovanni  di  Barros  (3),  le  mentionnent 
comme  un  produit  de  cette  île;  et  il  y a été  signalé,  à notre  époque, 
par  Wellstead  (4),  Vaughan  (5),  et  von  Kremer  (6).  On  n’en  recueille 
aujourd’hui  qu’une  petite  quantité  (7).  Vaughan  dit,  comme  vonWrede, 
que  l’aebre  se  trouve  dans  l’Hadramaut  et  sur  la  côte  orientale  de 
l’Afrique.  On  rencontre  dans  ces  régions  une  espèce  de  Dracæna,  mais 
nous  ne  savons  rien  sur  la  flore  de  l’île  de  Socotra  elle-même. 

Le  Sang-Dragon  en  larmes  ( Drop  Dragon' s Blood ),  dont  de  jietites  quan- 
tités importées  de  Bombay  et  de  Zanzibar  se  montrent  accidentelle- 
ment sur  le  marché  de  Londres,  paraît  appartenir  tt  cette  variété  de  la 
diogue.  Il  se  présente  en  petites  larmes  ou  en  fragments  qui  dépassent 
î ai  ement  25  millimètres  de  long,  et  possèdent  une  cassure  nette,  lui- 
sante. En  lames  minces,  il  est  transparent,  et  présente  une  magnifique 

(1)  Voyage  of  Nearc/tus  and  Periplus  of  the  Erythrean  tica,  trad.  Vincent,  Oxford 
1809,  90. 

(2)  Edit,  de  Sontiieimer,  I,  104,  420;  II,  117. 

(3)  L’Asia,  sec.  deçà,  Venet.,  1861,  10,  a. 

(4)  Travcls  in  Arabia , Lond.,  1838,  II,  449. 

(5)  Pharm.  Joarn.,  1853,  XII,  385. 

(6)  Ægypten , Leipzig,  1863. 

(7)  J’ai  sous  les  yeux  un  excellent  échantillon  que  M.  le  capitaine  Hunier  a bien 
voulu  recueillir  pour  moi  ii  Socotra  même.  [F.  A.  F.] 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  495 

coloration  rouge.  On  peut  le  distinguer  du  Sang-dragon  de  Sumatra,  en 
ce  qu’il  ne  contient  jamais  les  écailles  qu’on  trouve  toujours  dans  ce 
dernier  et  en  ce  qu’il  n’émet  pas,  lorsqu’on  le  chauffe  sur  la  pointe  d’un 
couteau,  de  vapeurs  irritantes  d’acide  benzoïque. 

Sang-Dragon  des  îles  Canaries.  — Cette  substance  est  fournie  par  le 
Dracæna  Draco  L.,  arbre  de  la  famille  des  Liliacées  (I),  à port  de 
Yucca.  On  a souvent  décrit,  à cause  de  ses  dimensions  gigantesques  et 
de  son  grand  âge,  le  pied  qui  existait  encore,  il  y a une  dizaine  d’an- 
nées, à Orotava,  dans  l’île  de  Ténériffe  (2). 

Lors  de  l’exploration  de  Madère  et  de  Porto-Santo,  au  quinzième 
siècle,  le  Sang-dragon  fut  l’un  des  principaux  produits  recueillis  par  les 
voyageurs  (3).  Alvise  da  ca  da  Mosto,  en  1454  (4),  lui  donna  le  nom 
qu’il  porte  encore.  Il  est  aussi  mentionné  par  le  médecin  allemand  Hie- 
ronymus  Münzer,  qui  visita  Lisbonne  vers  1494  (5). 

L’arbre  fournit  la  résine  par  des  incisions  pratiquées  sur  sa  tige  ; 
mais  nous  ne  croyons  pas  que  ce  produit  ait  jamais  constitué  un  objet 
de  commerce  régulier  et  habituel  avec  l’Europe.  On  l’a  trouvé  dans  les 
sépulcres  des  habitants  primitifs  de  l’île. 

Le  nom  d e.  Sang -Dragon  a encore  été  donné  encore  à un  produit  d’exsu- 
dation recueilli,  dans  les  Indes  occidentales,  sur  le  Pterocarpus  Draco  L. 
et  sur  le  Croton  Draco  Schlecut.,  mais  ce  dernier,  d’après  Henkel,  possède 
la  nature  duKino,  et  on  ne  le  trouve  pas  dans  le  commerce  européen. 

(a)  Les  Calamus  L.  ( Généra , n.  436)  sont  des  Palmiers  à fleurs  dioïques  ou  her- 
maphrodites ; à calice  et  à corolle  tripartites  ; à six  étamines  stériles  dans  les  fleurs 
femelles,  connées  à la  hase  et  munies  d’anthères  sagittées  ; à ovaire  triloculaire, 
surmonté  de  trois  stigmates  sessiles  ; à fruit  monosperme,  couvert  d’écailles;  à 
feuilles  pennées. 

Le  Calamus  Draco  Willdenow  (Specïes,  II,  203)  est  une  plante  très-élégante  ; à 
l’état  jeune,  elle  est  dressée  et  forme  un  petit  arbre  grêle,  armé  d’innombrables 
épines  de  coloration  foncée,  aplaties,  souvent  disposées  en  rangées  obliques  ; en 
avançant  en  âge,  ce  palmier  s’allonge  beaucoup  tout  en  restant  très-grêle,  devient 
grimpant  et  s’élève  sur  les  arbres  voisins  à des  hauteurs  souvent  très-considérables. 


(1)  On  trouvera  des  observations  histologiques  sur  la  structure  de  la  tige,  accom- 
pagnées d’excellentes  figures,  dans  : Rauwenhoff,  Bijdrage  tôt  de  Kennis  van  Dra- 
cæna Draco,  55,  t.  5 (in  Verhand  d.  lion.  Acad.  v.  Wetensch.,  afd.  Natuurlc.,  1803,  X). 

(2)  11  a été  détruit  en  1867  par  un  ouragan. 

(3)  11  parait  qu’il  était  connu,  en  1102,  du  chevalier  français  Jean  de  Bethencourt, 
qui  occupa  les  Cauaries  jusqu’en  11 14,  époque  à laquelle  les  Espagnols  s’en  empa- 
rèrent. [P.  A.  F]. 

(4)  Ramusio,  Baccolla  dette  Navigationi  et  Viaggi,  Vcnet.,  I,  97. 

(5)  Kuntsmann,  Abhandlungen  der  Daicrischen  Akademie  der  Wissenschaflen,  1856, 
VII,  342. 


496 


ARACÉES. 


Les  feuilles  sont  pennées,  avec  les  gaines  et  les  pétioles  armés  d’aiguillons.  Les  fo- 
lioles sont  simples,  alternes,  cunéiformes,  avec  les  bords  et  les  nervures  couverts 
d aiguillons  ; elles  ont  de  30  h 40  centimètres  de  long  et  2 centimètres  de  large.  Les 
spadices  sont  fixés  sur  l’ouverture  de  la  gaine  foliaire  en  face  de  la  feuille  par  de  courts 
pédoncules  armés  d’aiguillons;  ils  ressemblent  à de  grandes  panicules  oblongues 
et  décomposées.  Chaque  spadice  porte  plusieurs  spathes,  une  au  niveau  de  chacune  des 


quatre  ou  cinq  ramifications  primaires.  Les  spathes  sont  lancéolées  et  lisses,  sauf  la 
plus  extérieure,  qui  est  couverte  d’aiguillons  sur  sa  face  externe.  Les  fleurs  mâles  of- 
frent un  périanthe  double  et  un  androcée.  Le  calice  est  turbiné,  divisé  en  trois  dents 
plus  ou  moins  profondes.  La  corolle  est  également  formée  de  trois  pétales  connés  à 
la  base,  alternes  avec  les  sépales.  L’androcée  se  compose  de  six  étamines  dont  les  filets 


sont  connés  à la  base  de  la  corolle  et  terminés  chacun  par  une  anthère  sagittéc,  bi- 
loculaire,  introrse,  déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales.  Dans  les  fleurs  fe- 
melles, le  calice  et  la  corolle  offrent  la  même  organisation  que  dans  la  fleur  mâle;  à 
la  maturité,  1a  portion  tubuleuse  et  turbinée  du  calice  se  fend  en  trois  parties  et  per- 
siste ainsi,  avec  la  corolle,  autour  du  fruit.  Ln  dedans  de  la  corolle,  est  un  androcée 
stérile,  formé  de  six  étamines  rudimentaires,  à filets  connés  à la  base  et  formant  une 


sorte  de  cupule.  L’ovaire  est  triloculaire,  ovale,  surmonté  de  trois  stigmates  sessi- 
lcs,  îévolutés,  glanduleux  sur  la  face  interne.  Chaque  loge  ovarienne  contient  un 
seul  ovule  anatrope,  inséré  dans  l’angle  interne.  Le  fruit  est  une  baie  arrondie, 
de  la  taille  d’une  cerise,  contenant  une  seule  graine,  et  recouvert  d’écailles  renver- 
sées. La  graine  contient  un  albumen  corné,  à surface  lisse  ou  ruminée,  et  un  em- 
bryon situé  près  de  la  base.  [Trad.] 


ARACÉES 

RHIZOME  D’ACORE. 

Rhizoma  Calcimi  aromatici ; Radix  Calami  aromatici ; Radix  Acori;  Acore  odorant  ou  vrai, 
Roseau  aromatique  ; angl.,  Sioeet  Flag  Root  ; allem.,  Kalmus. 

Origine  botanique.  — Acorus  Calamus  L.  C’est  une  plante  à fport  de 
roseau,  aromatique,  qui  croît  sur  les  bords  des  cours  d’eau,  des  marais 
et  des  lacs,  depuis  les  côtes  de  la  mer  Noire  jusqu’aux  pays  parcourus 
par  l’Amur  et  l’Ussuri,  dans  le  nord  de  la  Chine  et  le  Japon,  dans  le 
sud  de  la  Sibérie,  l’Asie  centrale  et  l’Inde.  Elle  est  également  indigène 
de  l'Amérique  du  Nord.  Elle  vit  aujourd’hui  à l’état  sauvage  dans  la 
plus  grande  partie  de  l’Europe,  où  elle  s’étend  vers  le  nord  jusqu’en 
Ecosse,  en  Scandinavie,  et  dans  le  nord  de  la  Russie.  Elle  est  cultivée 
sur  une  grande  échelle  à Burma  et  à Ceylan.  Au  sujet  de  l’introduction 
de  l 'Accrus  Calamus  dans  l’Europe  occidentale,  Glusius  (1)  fait  re- 
marquer qu’il  reçut  lui-même  la  première  plante  vivante,  en  1574; 
elle  lui  avait  été  envoyée  du  lac  Apollonia,  prèsBrussa,  en  Asie  Mineure. 

(1)  Hariorum  Stirpium  Historia,  Anlv.,  1575,  520. 


497 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Camcrarius  (1),  on  1588,  en  parle  comme  ayant  été  introduite  depuis 
peu  d’années  et  étant  alors  abondante  en  Allemagne,  ce  qui  paraît 
indiquer  une  propagation  très-rapide.  Gerarde,  à la  fin  du  môme  siècle, 
regardait  l’Acore  comme  une  plante  d’Orient,  qui,  dit-il,  croît  main- 
tenant dans  un  grand  nombre  de  jardins  anglais.  Berlu  (2),  en  1724, 
fait  remarquer  que  la  racine  « est  apportée  en  grande  quantité  d’Alle- 
magne » . Nous  pouvons  en  conclure  qu’elle  n’était  pas  récoltée  à cette 
époque  en  Angleterre,  comme  nous  savons  qu’elle  le  fut  plus  tard  (3). 

Historique.  — L’Acore  constitue,  depuis  les  temps  les  plus  reculés, 
un  des  médicaments  favoris  des  indigènes  de  l’Inde.  On  le  vend  dans 
tous  les  bazars  indiens.  Ainslie  (4)  affirme  qu’il  est  considéré  comme 
si  utile  contre  les  coliques  des  enfants,  qu’il  existe  des  pénalités  pro- 
mulguées contre  tout  droguiste  qui  refuse  d’ouvrir  pendant  la  nuit  son 
magasin  pour  vendre  cette  drogue. 

Les  descriptions  de  YAcoron,  plante  de  Colchis,  de  Galatia,  du  Pont 
et  de  la  Crète,  données  par  Dioscoride  et  Pline,  se  rapportent,  sans  au- 
cun doute,  à cette  drogue.  Nous  pensons  que  le  KâXagoç  àpwpaxtxoç  de 
Dioscoride,  qui,  d’après  cet  auteur,  croissait  dans  l’Inde,  est  également 
notre  Acorc  ; Royle  croit,  cependant,  que  c’est  une  espèce  d ’Andropo- 
(jon.  Le  IvâXagoç  de  Théophraste,  et  le  Calamus  de  la  Bible  anglaise  (5), 
sont  considérés,  par  quelques  auteurs,  comme  désignant  l’Acore. 
Celse,  pendant  le  premier  siècle,  mentionne  le  Calamus  Alexandrinus, 
qui  était  probablement  apporté  de  l’Inde  par  la  voie  de  la  mer  Rouge. 
Nous  savons,  par  le  témoignage  d’Amatus  Lusitanus  (6),  qu’au  sei- 
zième siècle,  il  était  communément  importé  à Venise.  Rheede  (7)  décrivit 
et  figura  V Acorus  Calamus  comme  une  plante  indienne,  sous  le  nom  de 
Vacha  qu’il  porte  encore  sur  la  côte  du  Malabar.  Murray  (8)  dit  expres- 
sément qu’a  son  époque  (1790),  le  Calamus  asiatique  se  trouvait  encore 
dans  les  pharmacies  de  l’Europe  continentale,  mais  qu’il  avait  été  en 
grande  partie  remplacé  par  la  plante  récoltée  en  Europe  même  (9).  Au- 
jourd  hui,  le  Calamus  aromaticus  du  commerce  est  exclusivement  re- 

(1)  Mort  us  medicus  et  philosophicus,  Prancof.,  15S8,  5. 

(2)  Treasury  of  Drugs,  1724,  115. 

(3)  Voyez  aussi  : Trimen,  i n Journal  of  Iiotany,  1871,  IX,  103. 

(4)  Mal.  med.  of  Hindoostan,  Madras,  1813,  84. 

(5)  Exod .,  xxx,  23;  Cant.,  iv,  14;  Ezéch.,  xxvu,  19. 

(G)  In  Diosc.  de  Mat.  med.  Enarrationes,  Argent.,  1584,  33. 

(7)  Hortus  Malabaricus,  1092,  XI,  t.  48,99. 

(8)  Apparatus  Medicarninum,  V,  40. 

(9)  On  voit,  dans  mes  Documente  zur  Geschichtè  der  Pharmacie,  Halle,  1870,  7S, 

n»  96,  qu’en  1664  on  vendait  déjà  en  Allemagne  du  Calamus  indigène.  [F.  A.  P.]  ’ 

HÎST.  DES  DROGUES,  T.  II.  32 


408 


A RACÉES. 

cueilli  en  Europe.  11  ressemble,  par  tous  ses  caractères  essentiels,  à 
celui  de  l’Inde,  que  l’on  trouve  de  temps  à autre  dans  les  ventes  de 
drogues  à Londres. 

Récolte.  — Le  marché  de  Londres  est  approvisionné  de  cette  drogue 
par  l’Allemagne,  où  elle  est  probablement  apportée  du  sud  de  la  Russie. 
On  ne  la  récolte  plus  en  Angleterre,  du  moins  en  quantité  un  peu  consi- 
dérable; mais  il  y a encore  quelques  années,  on  avait  l’habitude  de  la 
recueillir  dans  le  Norfolk. 

Description.  — Le  rhizome  de  l’Acore  se  présente  en  morceaux  un 
peu  tortueux,  à peu  près  cylindriques  ou  aplatis,  longs  de  quelques  cen- 
timètres et  ayant  de  1 à 3 centimètres  de  diamètre.  Chaque  morceau  est 
marqué  extérieurement,  au  niveau  de  sa  face  supérieure,  de  cicatrices 
souvent  velues,  laissées  par  la  base  des  feuilles,  et,  sur  sa  face  infé- 
rieure, d’une  série  de  cicatrices  un  peu  saillantes,  provenant  des  racines, 
et  disposées  suivant  une  ligne  courbée  en  zigzag.  Le  rhizome  est  d’ordi- 
naire rugueux  et  ridé  ; sa  coloration  varie  du  brun  sombre  au  brun 
orange;  il  est  spongieux  en  dedans.  Son  odeur  est  aromatique  et 
agréable  ; sa  saveur  est  piquante  et  un  peu  amère. 

Le  rhizome  frais  est  coloré  en  rouge  brunâtre  ou  verdâtre  ; il  est  blanc 
ou  rougeâtre  et  spongieux  en  dedans.  Sur  une  section  transversale, 
il  offre  une  structure  à peu  près  uniforme.  Une  gaine  médullaire,  sépare, 
sous  l’aspect  d’une  ligne  fine,  le  tissu  extérieur  de  la  partie  centrale  qui 
est  plus  claire,  et  dont  le  diamètre  est  deux  ou  trois  fois  plus  consi- 
dérable que  celui  de  la  partie  corticale. 

Structure  microscopique.  — La  couche  extérieure  est  formée  de  cel- 
lules allongées,  où  d’un  tissu  subéreux  brun,  qui  n’apparaît  que  dans 
les  parties  où  manquent  les  cicatrices  des  feuilles.  Le  tissu  qui  do- 
mine, tant  dans  la  partie  extérieure  que  dans  la  partie  centrale,  est  un 
parenchyme  formé  de  cellules  uniformes,  presque  sphériques,  traversé 
par  de  nombreux  faisceaux  fibrovasculaires,  surtout  au  niveau  de  la 
gaine  médullaire.  Le  rhizome  offre  aussi,  comme  celui  de  beaucoup  de 
plantes  aquatiques,  un  grand  nombre  d’espaces  intercellulaires  remplis 
d’air,  un  peu  allongés  parallèlement  au  grand  axe  du  rhizome,  de  fa- 
çon à former  une  sorte  de  réseau  (1)  qui  donne  au  rhizome  frais  sa 
consistance  spongieuse.  Dans  certains  points,  où  les  séries  de  cellules 


( l ) Cette  disposition  moniliforme  ou  étoilée  des  cellules  fut  observée  par  Albertus 
Magnus  (1193-1280).  Il  dit  : « (Calamus  aromaticus)  naseitur  in  India  et  Ethiopia  sub 
cancro,  et  habel  interius  ex  parte  concava  pellem  subtilem  sicut  telæ  sunt  araiiearum.  » 
{De  Vegetabilibus , ed.  J essen,  1867,  376). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  409 

se  croisent,  il  existe  des  cavités  remplies  d’huile  essentielle  (1)  qu’on 
peut  rendre  très-visibles  en  traitant  les  coupes  par  la  potasse  diluée  ou 
le  perchlorure  de  fer.  Les  autres  cellules  sont  remplies  de  petits  grains 
d’amidon.  On  trouve  aussi,  dans  la  zone  externe,  un  peu  de  mucilage 
et  de  matière  tannique. 

Composition  chimique.  — Le  rhizome  d’Acore  sec  nous  a donné 
1,3  pour  100  d’une  huile  essentielle  neutre,  jaunâtre,  douée  d’une 
odeur  agréable,  et  déviant  la  lumière  polarisée  de  13°, 8 à droite,  en 
colonne  de  50  millimètres  de  long.  D’après  Kurbatow  (1873),  cette 
essence  contient  deux  hydrocarbones,  l’un  C10H16,  qui  bout  à 195°  G.,  et 
fournit  un  composé  cristallin  avec  l’acide  chlorhydrique,  l’autre,  qui 
bout  entre  255°  et  238°,  et  ne  donne  pas  de  composé  cristallin  avec  ce 
même  acide.  L’huile  essentielle  impure  prend,  sous  l’influence  du  per- 
chlorure de  fer,  une  coloration  brunâtre  foncée,  mais  elle  n’est  pas 
soluble  dans  une  solution  concentrée  de  potasse  ; elle  se  mélange  avec 
l’alcool  et  avec  quatre  ou  cinq  volumes  de  bisulfure  de  carbone,  mais 
ne  forme  pas  avec  ce  dernier  une  solution  limpide. 

Le  principe  amer,  Acorine,  de  l’Acore,  fut  isolé  par  P'aust,  en  1867, 
sous  la  forme  d’un  glucoside  semi-fluide,  brunâtre,  contenant  de  l’azote, 
soluble  dans  l’éther  et  dans  l’alcool,  mais  insoluble  dans  la  benzine 
et  dans  l’eau.  Dans  le  but  d’obtenir  cette  substance,  nous  avons  préci- 
pité la  décoction  de  5 kilogr.  de  la  drogue,  à l’aide  de  l’acide  tannique, 
et  nous  avons  suivi  la  méthode  communément  employée  pour  la  pré- 
paration des  principes  amers.  A la  fin  de  l’opération,  en  épuisant  le 
résidu  par  le  chloroforme,  nous  avons  réussi  à obtenir  une  substance 
amère,  parfaitement  cristalline,  mais  en  si  petite  quantité  que  nous 
n’avons  pu  étudier  sa  nature. 

Usages.  — L’Acore  est  un  stimulant  aromatique  et  tonique,  rarement 
employé  aujourd’hui  en  médecine.  Il  est  vendu  par  les  herboristes  pour 
parfumer  la  bière,  et  on  le  mâche  pour  rendre  la  voix  plus  nette.  11 
passe  pour  être  employé  dans  certaines  manufactures  de  tabac  à priser. 

l' alsification.  — Le  rhizome  de  l’Iris  jaune  ( Iris  Pseudacorus  L.)  est 
parfois  mélangé  frauduleusement  à celui  de  l’Acore,  dont  il  se  dis- 
tingue pari  absence  d’arome,  par  sa  saveur  astringente,  par  sa  colora- 
tion foncée  et  par  la  différence  de  sa  structure. 

Les  ^corus  L.  ( Généra , n°  434)  sont  des  Aracées  de  la  tribu  des  Acorinécs,  à 

(1)  Il  faut  donc  abandonner  l’habitude  de  peler  le  rhizome,  qui  est  adoptée  dans 
quelques  pays  du  continent. 


500 


LILIACÉES. 

fleurs  hérmaphrodites,  disposées  sur  un  spadice  cylindrique  qu'elles  recouvrent  com- 
plètement et  qui  est  dépourvu  de  spathe  : à périanthe  liypogyne,  glumacé,  hexa- 
mère  ; à six  étamines  liypogynes,  opposées  aux  folioles  du  périanthe;  h ovaire  su- 
père,  triloculnire  ; è loges  polyspermes  ; h.  ovules  orthotropes,  suspendus  ; à baie 
gélatineuse. 

UAcorus  Calmnus  L.  ( Species , 402)  est  une  plante  à rhizome  épais,  horizontal,  an- 
noté, émettant  de  longues  racines  et  portant  des  feuilles  aériennes  dressées,  hautes 
de  60  à 90  centimètres  et  larges  de  3 centimètres  environ,  colorées  en  vert  clair, 
parcourues  de  nervures  parallèles.  L’axe  qui  porte  l’inflorescence  ou  scape  s’élève 
du  sol  entre  les  feuilles  ; il  est  un  peu  moins  haut  qu’elles,  aplati  et  renflé  au-dessous 
du  spadice  qui  le  termine.  Ce  dernier  est  long  de  b à 8 centimètres,  fusiforme,  cou- 
vert. d’un  très-grand  nombre  de  petites  fleurs  colorées  en  vert  p;\le  et  n’exhalant  au- 
cune odeur,  si  ce  n’est  quand  on  les  écrase.  Le  spadice  est  dépourvu  de  spathe  vé- 
ritable ; on  observe  seulement  au  niveau  de  sa  base  une  membrane  étroite,  ondulée, 
qu’on  peut  considérer  comme  un  rudiment  de  spathe.  Les  fleurs  sont  hermaphro- 
dites et  régulières,  dépourvues  de  bractées.  Le  périanthe  est  formé  de  six  folioles 
égales,  écailleuses.  L’androcée  se  compose  de  six  étamines  situées  en  face  des  divi- 
sions du  périanthe,  formées  d’un  filet  indépendant  et  d’une  anthère  biloculaire, 
extrorse,  déhiscente  par  des  fentes  longitudinales.  Le  gynécée  est  formé  d’un 
ovaire  supère,  triloculnire,  surmonté  d’un  stigmate  sessile.  Chaque  loge  ovarienne 
contient  plusieurs  ovules  orthotropes,  suspendus,  insérés  dans  l’angle  interne  de 
la  loge.  Le  fruit  est  une  baie  gélatineuse  contenant  une  seule  graine  qui  renferme 
dans  son  albumen  un  embryon  axile.  [Trad.] 


LILIACÉES 


ALOÈS. 

Aloë ; Aloès  (1)  ou  Suc  d’ Alocs  ; nngl.,  Aloes;  allem.,  Aloë. 


Origine  botanique.  — Plusieurs  espèces  d'Aloe  fournissent  un  suc 
amer  qui,  après  épaississement,  constitue  la  drogue  désignée  sous  le 
nom  d 'Aloès.  Ces  plantes  sont  pour  la  plupart  originaires  des  parties 


(1)  Le  mot  Aloès  dérive  du  syriaque  Alwai.  Il  est  important  de  rappeler  que  le 
mot  Aloès  ou  bois  d’ Aloès,  en  latin  Lignum  Aloès,  employé  dans  la  Bible  et  dans  un 
grand  nombre  d’ouvrages  anciens,  désigne  une  substance  tout  à fait  différente  de  Y Aloès 
moderne;  c’est  le  bois  résineux  de  YAquilaria  Agallocha  Roxb.,  drogue  autrefois 
très-employée  comme  parfum,  mais  qui  n’est  plus  usitée  aujourd’hui  qu’en  Orient. 

Diverses  espèces  d 'Agave,  notamment  VA.  americana  L.,  sont  désignées  vulgaire- 
ment sous  le  nom  d 'Aloès.  Toutes  ces  plantes  sont  originaires  du  Mexique,  tandis  que 
le  véritable  Aloès  est  originaire  de  l’ancien  monde.  Au  point  de  vue  botanique,  le 
genre  Agave  diffère  du  genre /1/oe  par  son  ovaire  infère,  taudis  que  celui  des  Aloc  est 
supère. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  ROI 

arides  et  chaudes  de  l’Afrique  méridionale  et  orientale,  d’où  un  petit 
nombre  d’espèces  ont  été  introduites  dans  le  nord  de  l’Afrique,  en 
Espagne,  et  dans  les  Indes  orientales  et  occidentales  (a). 

Les  Aloès  sont  des  plantes  succulentes,  à port  de  Liliacées,  avec 
des  feuilles  persistantes,  charnues,  ordinairement  épineuses  - sur  les 
bords,  et  des  fleurs  jaunes  ou  rouges,  disposées  en  épis.  Un  grand  nombre 
* d’espèces  sont  dépourvues  de  tige  aérienne  ; d’autres  produisent  des 
tiges  de  quelques  pieds  de  haut,  ligneuses  et  ramifiées.  Dans  les 
districts  éloignés  du  pays  de  Namaquaet  de  Damara,  dans  le  sud-ouest 
de  l’Afrique,  au  nord  de  la  rivière  Kei  et  dans  le  nord  du  Natal, 
on  a découvert  des  Aloès  hauts  de  9 mètres,  avec  des  tiges  ayant 
jusqu’à  9 mètres  1/2  de  circonférence  (1).  Les  espèces  suivantes  peu- 
vent être  indiquées  avec  plus  ou  moins  de  certitude  comme  produisant 
la  drogue  : 

1°  Aloe  socotrina  Lamarck  (A.  vera  Miller).  — 11  est  originaire  des  ri- 
vages méridionaux  de  la  mer  Rouge  et  de  l’océan  Indien,  de  Socotra  et 
de  Zanzibar  (?).  Il  produit  Y Aloès  socotrin  et  l' Aloès  de  Moka.  L 'Aloe 
officinalis  Forsk.,  et  l’A.  rubescens  DG.,  sont  considérés  comme  des 
variétés  de  cette  espèce.  L’A.  abyssinica  Lamarck  contribue  probable- 
ment à fournir  l’Aloès  qui  est  expédié  de  la  mer  Rouge. 

2°  Aloe  vulgaris  Lamarck  (A.  per  foliota,  var.  tu,  vera  L.  ; A.  barbadensis 
Miller).  Cette  plante  appartient  à l’Inde  et  à l’Afrique  orientale  et  sep- 
tentrionale ; on  la  trouve  aussi  sur  les  côtes  du  sud  de  l’Espagne, 
de  la  Sicile,  de  la  Grèce  et  des  Canaries  ; elle  existe  dans  les  Indes 
occidentales,  soit  qu’elle  y ait  été  introduite,  soit,  comme  nous  le  suppo- 
sons, qu'elle  y soit  indigène.  L’A.  vulgaris  fournit  V Aloès  de  Barbados  et 
Y Aloès  de  Curaçao.  L’A.  indica  Royle  (2),  plante  indigène  des  provinces 
situées  dans  le  nord-ouest  de  l’Inde,  commune  dans  les  jardins  indiens, 
paraît  être  une  simple  variété  de  l’A.  vulgaris  Lamarck.  L’A . littoralis 
Konig  passe  pour  croître  en  abondance  au  cap  Comorin  ; il  nous  est 
inconnu.  Le  docteur  Bidie  pense  qu’il  constitue  une  simple  forme  de 
l’espèce  précédente,  atténuée  par  un  sol  pauvre  et  salin,  et  par  l’expo- 
sition aux  vents  de  mer.  L’A.  indica  et  VA . littoralis  sont  l’un  et  l’autre 
cités  dans  la  Pharmacopée  de  l’Inde. 

2°  Aloe  feroxL.  — Celte  espèce,  et  les  hybrides  obtenus  en  la  croisant 
avec  l’A.  africana  Mill.  et  les  A.  spica  Tiicnb.,  A.  perfoliata  L.  [quoad 

(1)  Dyur,  in  Gardencrs’  Chronicle,  2 mai  1874,  avec  figures. 

(2)  Le  docteur  Bidie,  de  Madras,  a eu  la  bonté  de  nous  envoyer  un  échantillon  vivant 
de  cette  plante. 


502  LILIACÉES. 

Roxb.),  et  A.  linguæformis , sont  considérés  comme  fournissant  le  meilleur 
Alo'es  du  Cap. 

4°  A.  africana  Miller.  — Cette  espèce  et  ses  variétés,  ainsi  que  l’A. 
plicatüis  Miller  fournissent  un  extrait  qui,  d’après  Pappe  (1),  est 
considéré  comme  moins  énergique. 

5°  A.  arborescens  Mill.;  A.  Commelini  Willd.;  A .purpurescem  Haw.  — 
Ces  espèces  sont  considérées  comme  fournissant  une  partie  de  VAloès 
du  Cap  du  commerce  (2). 

Historique.  — L’Aloès  était  connu  des  Grecs,  comme  produit  de  l’île 
de  Socotra,  dès  le  quatrième  siècle  avant  notre  ère,  si  du  moins  nous 
pouvons  ajouter  foi  au  récit  suivant , fait  par  le  géographe  arabe 
Edrisi  (3)  : Après  qu’Alexandre  eut  conquis  le  royaume  de  Perse,  que 
sa  flotte  se  fut  emparée  des  îles  de  l’Inde,  et  qu’il  eut  tué  Porus,  roi  des 
Indes,  son  maître  Aristote  lui  recommanda  de  chercher  l’île  qui  pro- 
duisait l’Aloès.  Lorsqu’il  eut  achevé  les  conquêtes  de  l’Inde,  il  revint, 
en  conséquence,  par  la  voie  de  la  mer  des  Indes,  dans  la  mer  d'Oman  , 
s’empara  des  îles  de  cette  mer,  et  arriva  enfin  à Socotra,  dont  il  admira 
la  fertilité  et  le  climat.  D’après  l’avis  d’Aristote,  il  se  détermina  à en 
éloigner  les  habitants  primitifs  et  à la  peupler  de  Grecs,  enjoignant  à 
ces  derniers  de  conserver  avec  soin  la  plante  qui  fournit  l’Aloès,  à cause 
de  son  utilité,  et  parce  que  sans  elle  on  ne  pouvait  composer  certains 
médicaments  souverains.  Il  pensait  que  le  commerce  et  l’usage  de 
cette  drogue  devaient  constituer  un  avantage  pour  tous  les  peuples. 
Il  enleva  la  population  indigène  de  l’île  de  Socotra,  et  mit  à sa 
place  une  colonie  d’ioniens  qui  restèrent  sous  sa  protection  et  celle  de 
ses  successeurs,  et  acquirent  de  grandes  richesses  jusqu  a l’époque  où 
la  religion  du  Messie  se  répandit  jusque  dans  leur  île.  Ils  se  firent  alors 
chrétiens,  et  leurs  descendants  ont  conservé  cette  religion  jusqu  à nos 
jours  (vers  1154). 

Ce  curieux  récit,  qui,  d’après  Yule  (4),  doit  être  considéré  sans 
aucun  doute  comme  une  fable,  mais  qui  a été  inventé  pour  rendre 
compte  des  faits,  est  mentionné  par  les  voyageurs  mahométans  du 

il)  Floræ  Capensis  Medicæ  Prodromus , éd.  2,  1857,  41. 

(2)  Pour  donner  celte  liste  des  espèces  médicales  du  genre  Aloe,  nous  avons  fait  de 
nombreux  emprunts  aux  récentes  observations  de  M.  Bâillon  sur  ce  sujet,  consignées 
dans  le  Dictionnaire  des  sciences  médicales,  III,  et  dans  le  Journal  de  pharmacie,  1867, 
V 40G  Nous  avons  aussi  consulté  avec  profit  W.  Wilson  Saunders,  Esq.,  F.  R.  S., 
dont  l’opinion  est  prépondérante  par  suite  des  connaissances  qu’il  possède  sur  la  culture 

de  ces  plantes.  . 

l3)  Géographie  d’Edrisi , traduite  par  P.  A.  Jaubert,  Paris,  183G,  I,  47. 

(4)  Marco  Polo,  II,  343. 


HISTOIllE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  503 

neuvième  siècle  (1).  Au  dixième  siècle,  Masudi  (2)  dit  que  i’Aloès  est 
produit  uniquement,  à son  époque,  par  1 de  Socotra,  ou  sa  préparation 
a été  améliorée  par  les  Grecs  envoyés  dans  1 île  par  Alexandre.  . 

L’Aloès  n’est  pas  mentionné  par  Théophraste  ; mais  il  paraît  avoir  ôté 
bien  connu  de  Celse,  de  Dioscoride,  de  Pline,  de  l’auteur  du  Periplus 
de  la  mer  Erythrée,  et  des  médecins  grecs  et  arabes.  D'après  les  indica- 
tions qu’on  trouve  dans  les  traités  de  médecine  vétérinaire  anglo- 
saxons,  et  ce  fait  qu’il  figure  parmi  les  drogues  recommandées  à Alfred 
le  Grand  par  le  Patriarche  de  Jérusalem,  nous  pouvons  admettre  que 
son  usage  n’était  pas  inconnu  en  Angleterre  dès  le  dixième  siècle  (3). 

A cette  époque,  et  longtemps  plus  tard,  la  drogue  était  introduite  en 
Europe  par  la  voie  de  la  mer  Rouge  et  d’Alexandrie.  Après  la  décou- 
verte du  cap  de  Bonne-Espérance,  l’ancienne  voie  suivie  par  ce  com- 
merce ne  fut  sans  doute  plus  employée. 

Thomé  Pyres,  apothicaire  à Gochin,  dans  une  lettre  sur  les  drogues 
orientales  (4)  adressée  à Manuel,  roi  de  Portugal,  en  1516,  l’apporte 
que  l’Aloès  croît  dans  l’île  de  Çacotora,  à Aden,  à Cambaya,  à Valencia 
d’Aragon,  et  dans  d’autres  pays;  que  la  sorte  la  plus  estimée  est  celle 
de  Çacotora,  et  après  elle  celle  d’Espagne,  tandis  que  la  drogue  d’Aden 
et  celle  de  Cambaya  sont  de  si  mauvaise  qualité,  qu’on  ne  leur  attribue 
aucune  valeur. 

Pendant  la  première  moitié  du  dix-septième  siècle,  l’Aloès  était  ex- 
pédié directement  de  Socotra  en  Angleterre.  Dans  les  Mémoires 
de  la  Compagnie  des  Indes  orientales,  il  est  plusieurs  fois  fait  mention 
de  la  drogue  achetée  au  « roi  de  Socotra».  Fréquemment,  il  est  indiqué 
que  le  stock  entier  d’Aloès  du  roi  a été  acheté  (5).  Wellstead,  qui  vi- 
sita Socotra  en  1833  (6),  dit  qu’ autrefois  l’Aloès  y était  cultivé  en  beau- 
coup plus  grande  quantité  qu’aujourd’hui,  et  qu'on  peut  voir  encore  les 
vallées  dans  lesquelles  se  trouvaient  les  plantations.  Il  ajoute  que  le 
produit  constituait  un  monopole  entre  les  mains  du  sultan  de  l’île.  Au- 
jourd’hui, la  petite  quantité  d’Aloès  qui  est  expoi’tée  de  Socotra  est 
transportée  par  les  bâtiments  arabes  côtiers  qui  vont  chaque  année 


(1)  Anciennes  relations  des  Indes  et  de  la  Chine  de  deux  voyageurs  mahométans,  qui 
y allèrent  dans  le  neuvième  siècle , trad.  de  l’arabe,  Paris,  1718,  113. 

(2)  III,  30,  voyez  t.  II,  page  256,  note  3. 

(3)  Voyez  t.  II,  page  107,  note  1. 

(4)  Joum.  de  Soc.  Pliurm.  Lusit.,  1838,  2,  30. 

(5)  Calendar  of  State  Papers,  Colonial  Sériés,  Easi  Indies,  China  and  Japan,  1513- 
1010,  Lond.  1802. 

(0)  Joum.  ofthe  Roy.  Geograph.  Soc.,  1835,  V,  129-229. 


504  LILIACÉES. 

du  golfe  Persique  il  Z'anzibar.  Dans  cê  dernier  port,  on  transborde 
l’Aloès  à destination  de  l’Inde  et  d’autres  ports.  Le  docteur  Kirk,  qui 
a résidé» à Zanzibar  de  1866.  à 1873,  nous  informe  que  I Aloès  de  So- 
cotra  arrive  dans  un  état  de  très-grande  mollesse,  emballé  dans  des 
peaux  de  chèvre.  On  le  transvase  dans  des  caisses  en  bois,  dans  les- 
quelles il  se  concrète,  et  qui  servent  à l’expédier  en  Europe  ou  en  Amé- 
rique. Pour  nettoyer  les  peaux,  on  les  lave  et  on  fait  évaporer  l’eau  de 
lavage  qui  renferme  de  l’Aloès. 

Ligon(I),  qui  visita  l’île  de  Barbados  en  1047-50,  c’est-à-dire  une 
vingtaine  d’années  après  l’arrivée  des  premiers  colons,  parle  do  l’Aloès 
comme  d’une  plante  indigène,  et  mentionne  aussi  les  plantes  utiles  qui 
avaient  ôté  introduites.  A cette  époque,  les  colons  savaient  préparer  le 
suc  d’Aloès  pour  les  usages  médicinaux,  mais  ils  n’avaient  pas  encore 
commencé  à l’exporter.  L’Aloès  de  Barbados  figurait  dans  les  drogue- 
ries de  Londres  en  1693  (2). 

La  fabrication  de  l’Aloès  dans  la  colonie  du  Gap,  dans  le  sud  de 
l’Afrique,  fut  observée  par  Thunberg,  en  1773,  dans  la  fabrique  d’un 
colon  nommé  Peter  de  Wctt,  qui  le  premier  prépara  la  drogue  dans  ce 
pays  (3).  L’Aloès  du  Gap  est  énuméré,  en  1780,  parmi  les  marchandises 
d’un  droguiste  de  Londres  ; son  prix  était  fixé  à 10  livres  sterling  le 
quintal. 

Une  sorte  nouvelle  et  distincte  d’Aloès,  fabriquée  dans  la  colonie  de 
Natal,  s’est  montrée  sur  le  marché  de  Londres  en  1870.  Nous  la  décri- 
rons plus  loin. 

Structure  de  la  feuille,  — Les  feuilles  fortes  et  charnues  de  1 Aloès 
possèdent  une  cuticule  résistante  et  un  épiderme  à parois  épaisses.  Le 
tissu  intérieur  est  formé  d’un  parenchyme  très-lâche,  mou,  à grandes 
cellules  incolores,  représentant  dix  fois  au  moins  l’épaisseur  du  paren- 
chyme coloré  par  la  chlorophylle  qui  le  sépare  de  l’épiderme.  La  couche 
corticale  interne  contient,  au  niveau  de  son  point  de  contact  a\ce  le  pa- 
renchyme pulpeux,  un  grand  nombre  de  faisceaux  fibrovasculaires  qui, 
sur  une  section  transversale,  paraissent  disposés  à égale  distance  les  uns 
des  autres  autour  de  la  pulpe  centrale.  La  portion  interne  de  chaque 
faisceau  est  formée  d’un  tissu  à éléments  délicats,  allongés,  et  de  plu- 
sieurs couches  de  cellules  à parois  minces,  limitées  par  une  couche  re- 
marquable de  cellules  plus  petites,  prismatiques,  tronquées.  Ges  cel- 

(1)  History  of  Barbadoes , Lond.  1673,  98. 

(2)  Dale,  Pliarmacologia,  1693,  361. 

(3)  Thunberg,  Travels  in  Europe,  Asia  and  Africa,  II,  -cJ,  ;»0. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  505 

Iules  sont  simplement  disposées  l’une  au-dessus  do  l’autre  et  côte  à 
côte,  et  n’ont,  par  suite,  aucune  ressemblance  avec  le  système  des  vais- 
seaux qu’on  trouve  dans  les  plantes  à laLicifères.  Ces  cellules,  exami- 
nées pendant  l’été  dans  la  feuille  de  Y Aloe  socotrina , se  montrent  rem- 
plies d’une  substance  visqueuse,  transparente,  jaune,  qui  cristallise 
lorsqu’on  abandonne  dans  la  glycérine,  pendant  quelques  jours,  une 
coupe  mince  de  la  feuille.  Trécul  (I)  a également  trouvé  ces  cellules 
particulières,  remplies  d’un  suc  amer,  dans  la  feuille  d’un  Aloe  mitræ- 
f orrais  cultivé  à Paris.  Il  a observé  que  leurs  parois  transversales  dispa- 
raissent quelquefois,  et  qu’il  peut  se  former  ainsi  des  conduits  considé- 
rables, remplis  du  suc  préalablement  sécrété  par  les  cellules.  Dans  les 
régions  chaudes,  ce  phénomène  se  produit  sans  doute  fréquemment, 
ce  qui  explique  qu’on  puisse  obtenir  sans  pression  une  quantité  considé- 
rable de  suc.  Le  reste  du  tissu  cortical  est  rempli  de  granules  de  chloro- 
phylle, et  offre,  entre  les  cellules,  des  groupes  d’aiguilles  d’oxalate  de 
calcium.  On  trouve  aussi  des  cristaux  de  même  nature,  en  petite  quan- 
tité, dans  le  parenchyme  pulpeux.  Ce  dernier  est  rempli  d’un  mucilage 
insipide,  visqueux,  incolore,  qui,  après  dilution  dans  l’eau,  est  préci- 
pité par  l’acétate  neutre  de  plomb,  mais  n’est  pas  coagulé  par  l’ébulli- 
tion, même  après  addition  d’acide  nitrique  (2).  Il  réduit  en  partie,  sous 
l’influence  de  la  chaleur,  la  solution  alcaline  detartrate  cuprique.  11  ne 
se  colore  pas  quand  on  le  laisse  exposé  à l’air.  Les  groupes  de  cel- 
lules qui  entourent  les  vaisseaux  contiennent,  en  grande  quantité  dans 
les  Aloe  socotrina  et  spicala,  en  moindre  abondance  dans  les  A.  vulyaris 
et  arborescens,  un  suc  incolore  qui,  lorsqu’on  l’expose  à l’air,  prend, 
surtout  sous  l’influence  de  la  chaleur,  une  coloration  violette  foncée.  On 
voit  bien  que  ces  groupes  de  cellules  sont  le  siège  de  cette  substance 
chromogène  quand  on  expose  aux  vapeurs  de  l’ammoniaque  une  coupe 
mince  d’une  feuille  d 'Aloe  socotrina. 

La  proportion  de  principes  amers  contenus  dans  la  feuille  varie  sans 
doute  avec  l’âge  de  cette  dernière  et  avec  la  saison  de  l’année.  Haax- 
man  signale  que  dans  l’Aloès  de  Curaçao  la  proportion  maximum  de 
ces  principes  se  montre  au  moment  où  les  feuilles  passent  de  la  couleur 
verte  à la  coloration  brune. 

Culture  et  Fabrication.  — Barbados  (3),  où  V Aloe  vulgaris  est  eu  1- 

(1)  Ann.  SC.  nat.,  Dot.,  1872,  85. 

(2)  Ce  tissu  pulpeux  central  est  tout  à fait  insipide;  on  l’emploie  actuellement 
comme  aliment  dans  quelques  parties  de  l’Inde,  pendant  les  années  de  disette  (Stewart, 
Punjab  Plants,  1869,  232). 

(3)  Pour  les  détails  que  nous  donnons  sur  l’Aloés  do  Barbados,  nous  devons  des 


50G  L1LIACÉES. 

tivô  d’uno  façon  systématique  pour  la  production  de  la  drogue, 
les  plantes  sont  disposées,  à 15  centimètres  l’une  de  l’autre,  dans  des 
sillons  espacés  de  30  à 48  centimètres,  le  sol  ayant  été  soigneusement 
préparé  et  fumé.  Pour  les  préserver  des  graminées  et  autres  mauvaises 
herbes,  on  cultive  souvent  entre  les  pieds  d’Aloès  des  légumes  ou  des 
pois.  Les  plantes  restent  toujours  petites  et  dépourvues  de  toute  tige 
aérienne  ; presque  toutes  produisent  au  bout  d’un  an  de  belles  fleurs 
d’un  jaune  brillant.  Les  feuilles  ont  de  30  à 40  centimètres  de  long  ; 
on  les  coupe  chaque  année,  mais  cela  n’entraîne  pas  la  perte  de  la 
plante  qui,  avec  une  bonne  culture,  vit  pendant  plusieurs  années. 
La  coupe  des  feuilles  se  fait  en  mars  ou  en  avril  et  pendant  la  cha- 
leur de  la  journée.  On  coupe  les  feuilles  près  du  pied  de  la  plante 
et  on  les  place  très-rapidement,  avec  la  surface  de  section  en  bas,  dans 
une  auge  en  bois,  en  forme  de  Y,  longue  de  lm,20  environ  et  profonde 
dé  30  à 43  centimètres.  Cette  auge  est  disposée  sur  un  plan  incliné,  de 
façon  que  le  suc  qui  s’écoule  immédiatement  des  feuilles  glisse  le  long 
de  ses  bords  et  s’échappe  par  un  orifice  pratiqué  à son  extrémité  infé- 
rieure pour  tomber  dans  un  vase  placé  au-dessous.  On  n’exerce  sur  les 
feuilles  aucune  espèce  de  pression.  11  faut  à peu  près  un  quart  d’heure 
pour  couper  la  quantité  de  feuilles  nécessaires  pour  remplir  une 
auge;  celle-ci  est  disposée  de  façon  à être  facilement  accessible  aux 
ouvriers.  Le  nombre  des  auges  est  ordinairement  de  cinq  ; lorsque  la 
cinquième  est  remplie,  les  coupeurs  reviennent  à la  première,  dont  ils 
enlèvent  les  feuilles  qu’ils  considèrent  comme  épuisées.  On  ne  fait  ni 
infuser  ni  bouillir  les  feuilles,  et  on  n’en  fait  plus  tard  aucun  usage,  si 
ce  n’est  comme  engrais. 

Lorsque  les  vases  qui  reçoivent  le  suc  sont  pleins,  on  les  verse  dans 
une  cuve,  où  l’on  conserve  le  suc  pour  le  faire  évaporer.  Cette  dernière 
opération  peut  se  faire  en  une  seule  fois,  ou  être  prolongée  pendant  des 
semaines  ou  même  des  mois,  le  suc  passant  pour  ne  subir  aucune  fer- 
mentation ni  aucune  perte.  L’évaporation  se  fait  d’ordinaire  dans  un 
vase  en  cuivre,  dans  le  fond  duquel  est  une  large  cuillère  qui  leçoit  les 
impuretés,  et  sert  à les  rejeter  de  temps  à autre  pendant  l’ébullition. 
Dès  que  l’épaississement  du  liquide  a atteint  le  point  voulu,  déterminé  à 
simple  vue  par  l’ouvrier  qui  a l’expérience  de  l’opération,  on  verse  le 
suc  épaissi  dans  de  larges  gourdes  ou  dans  des  caisses,  et  on  le  laisse 

durcir. 

remercîments  à Sir  R.  Bowcher  Clarke,  Chicf  Justice  de  Barbados,  et  au  major  géné- 
ral Munro,  qui  commande  actuellement  (1874)  les  troupes  de  cette  île. 


507 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

La  drogue  n’est  pas  toujours  facile  à vendre  dans  l’île  même,  mais 
elle  est  achetée  par  des  spéculateurs  qui  la  conservent  jusqu  a ce  qu’on 
en  fasse  la  demande  en  Angleterre.  Les  cultivateurs  sont  de  petits  pro- 
priétaires, peu  capables  parleurs  connaissances  et  leur  fortune  de  faire 
des  expériences  pour  améliorer  la  fabrication  de  la  drogue.  On  dit  ce- 
pendant qu’on  prépare  pour  des  besoins  particuliers  une  petite  quantité 
d’Aloès  de  qualité  très-supérieure.  On  expose  pour  cela  le  suc  au  so- 
leil dans  des  vases  plats,  et  on  le  laisse  évaporer  jusqu’à  siccilé  com- 
plète; mais  la  préparation  de  cette  drogue  est  considérée  comme  de- 
mandant trop  de  temps  et  de  soins  pour  être  de  quelque  profit  (1).  La 
préparation  de  l’Aloès  dans  l’île  hollandaise  de  Curaçao,  des  Indes  oc- 
cidentales, est  effectuée  par  le  même  procédé  (“2). 

Dans  la  colonie  du  Cap,  la  préparation  de  l’Aloès  a été  décrite  de  la 
façon  suivante,  dans  une  lettre  (3)  adressée  à l’un  de  nous  par  M.  Pe- 
ter Mac  Owan,  du  Gill  College,  Somerset  East  : L’ouvrier  creuse  dans  le 
sol,  qui  est  très-sec,  une  cavité  peu  profonde,  hémisphérique,  dans  la- 
quelle il  étend  une  peau  de  chèvre  ; il  étale  alors  sur  les  bords  de  cette 
dernière  une  rangée  de  feuilles  disposées  en  rayonnant,  avec  la  surface 
de  section  tournée  en  dedans  ; au-dessus  de  cette  première  couche  de 
feuilles,  il  en  dispose  une  seconde,  puis  une  troisième,  en  ayant  soin 
de  faire  dépasser  suffisamment  les  extrémités  sectionnées  de  chaque 
rangée  pour  que  le  suc  s’écoule  dans  le  centre  de  la  cavité.  Lorsque  ces 
préparatifs  sont  faits,  l’ouvrier  va  recueillir  du  miel  sauvage,  ou  plutôt 
se  livre  au  sommeil.  Lorsque  la  peau  de  chèvre  est  à peu  près  pleine, 
quatre  ouvriers  la  prennent  par  ses  quatre  angles,  l’enlèvent  de  la  cavité 
creusée  dans  le  sol,  et  versent  son  contenu  dans  une  chaudière  en  fer 
où  l’on  fait  bouillir  le  liquide  en  conduisant  l’opération  avec  la  plus 
grande  incurie;  on  ajoute  du  suc  frais  à celui  qui  a déjà  acquis  à peu 
près  la  consistance  voulue  ; on  ralentit  le  feu  ou  on  l’active  sans  aucun 
motif,  et  souvent  même  on  interrompt  l’ébullition  pendant  plusieurs 
heures,  suivant  les  dispositions  des  ouvriers.  En  réalité,  l’opération  est 
tout  à fait  primitive  et  conduite  sans  intelligence.  Elle  est  faite  surtout 
par  les  Bastaards  et  les  Hottentots  et  non  par  les  Gafres.  ('Le  seul  Aloès 
que  j’ai  vu  employer,  dit  M.  Mac  Owan,  est  celui  qui  possède  une 
grande  inflorescence  di-  ou  tri-chotome,  l’A.  ferox,  je  crois.  » Back- 

(1)  Un  très-bel  Aloès  de  Bnrbados,  qui  s’est  montré  sur  le  marché  de  Londres, 
en  1842,  était  présenté  comme  ayant  été  préparé  dans  le  vide. 

(2)  Oudemans,  Handleiding  tôt  de  Pharmacognosie,  1805,  316. 

(3)  Sous  la  date  du  16  mai  1871,  cl  adressée  à moi-même.  [D.  H.] 


LILIACÉRS. 


nos 

house  (1)  cite  aussi  l 'Aloe  ferox  comme  une  espèce  qu’il  a vu  employer 
près  de  Port-Elizabeth,  on  1838. 

Nous  apprenons  par  un  autre  correspondant  que,  dans  la  colonie  du 
Cap,  la  fabrication  de  l’Aloès  ne  constitue  pas  un  travail  spécial,  mats 
qu’on  s’y  livre  seulement  lorsqu’on  ne  trouve  pas  à faire  de  travail  plus 
profitable.  La  drogue  est  vendue  par  les  fermiers  aux  marchands  des 
villes  de  la  côte,  dont  quelques-uns  ont  fait  des  efforts  dans  ces  der- 
niers temps  pour  obtenir  une  marchandise  meilleure,  et  ont  fait  venir 
des  plantes  vivantes  de  Barbados. 

Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  sur  le  procédé  employé 
dans  la  fabrication  de  l’ Alocs  socotrin  et  nous  ignorons  même  d’une 
façon  précise  dans  quelles  localités  on  le  prépare. 

Description  générale.  — Les  différences  qui  existent  entre  les  nom- 
breuses sortes  d’Aloès  du  commerce  sont  dues  à des  causes  diverses, 
notamment  à l’espèce  d 'Aloe  employée,  et  à la  méthode  d’extraction  du 
suc.  L’aspect  de  la  drogue  varie  beaucoup.  Elle  est  parfois  parfaitement 
transparente  et  amorphe,  avec  une  cassure  conchoïdale  et  luisante;  d’au- 
tres fois,  opaque  et  foncée,  avec  une  cassure  terne  et  cireuse,  ou  opaque 
et  pâle;  parfois  très-cristalline  et  colorée  en  brun  orange  clair.  Elle  peut 
offrir  tous  les  degrés  de  consistance,  depuis  celle  d’une  pâte  jusqu’à  celle 
d’une  substance  sèche  et  cassante  ; elle  peut  même  être  entièrement 
fluide  et  sirupeuse. 

Ces  divers  états  sont  facilement  expliqués  par  l’examen  d’un  Aloès 
très-fluide  qui  est  importé  depuis  quelques  années  de  Bombay.  Si  l’on 
abandonne  au  repos  une  certaine  quantité  de  cet  Aloès,  il  se  divise  peu 
à peu  en  deux  parties:  une  supérieure,  transparente,  noire, liquide; une 
inférieure,  sédimenteuse,  cristalline,  colorée  enbrun  orangé.  Si  l on  aban- 
donne la  masse  entière  à l’évaporation  spontanée,  on  retrouve  dans  le 
résidu  les  deux  sortes  d’Aloès  superposées;  celui  delà  partie  supérieure 
est  foncé,  transparent  et  amorphe,  tandis  que  l’autre  est  plus  opaque 
et  très-cristallin.  Quand  on  mélange  les  deux  couches  de  la  drogue  on 
obtient  une  forme  intermédiaire. 

V Aloès  hépatique  des  anciens  écrivains  (2)  était  sans  doute  la  forme 
opaque  de  l’Aloès  socotrin;  mais  cette  dénomination  a ensuite  été  appli- 

(1)  Visit  to  Mauritius  and  South  Africa,  184L  157, 121. 

(2)  Notamment  Macer  Floridus,  qui,  au  dixième  siècle,  écrit . 

« Sunt  Aloes  spceies  geminæ,  quaj.  subrubet  est  que 
Intus  sicuthepar  cum  frangitur,  hæc  cpatite 
Dicitur  et  magnas  liabet  in  medicaminc  vires, 

Utilior  picco  quæ  fracta  colore  videtur.  » 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  R09 

quée  à toute  espèce  d’Aloès  ayant  la  coloration  du  foie,  et  elle  ne  paraît 
pas  devoir  être  conservée.  Une  grande  partie  de  l’Aloès  opaque  dit 
Aloès  hépatique , ne  doit  pas  cependant  son  opacité  il  des  cristaux,  mais 
à une  matière  féculente  dont  la  nature  est  encore  douteuse.  Les  mar- 
chands attachent  une  grande  importance  à l’odeur  de  l’Aloès  et  s’en 
servent  pour  distinguer  les  diverses  variétés,  mais  ce  caractère  11e  peut 
être  apprécié  que  par  les  hommes  expérimentés,  et  on  ne  peut  pas  le 
décrire  (1). 

Variétés.  — Les  principales  variétés  d’ Aloès  qu’on  trouve  dans  le 
commerce  anglais  sont  les  suivantes  : 

•1°  Aloès  socotrin.  — On  le  nomme  aussi  Aloès  de  Bombay , des  Indes 
orientales  ou  de  Zanzibar , et,  lorsqu’il  est  opaque  et  offre  la  coloration  du 
foie  : Aloès  hépatique.  On  l’importe  dans  des  barils  et  des  caisses  doublées 
d’étain,  de  Bombay,  où  il  est  apporté  ; il  nous  vient  par  les  bâtiments 
arabes,  des  côtes  d’Afrique,  des  ports  de  la  mer  Rouge  et  de  Socotra, 
par  la  voie  de  Zanzibar.  Lorsqu’il  est  de  bonne  qualité,  il  est  coloré  en 
brun  rougeâtre  foncé,  et  possède  une  odeur  particulière,  agréable,  com- 
parable à celle  de  la  myrrhe  et  du  safran.  En  fragments  minces,  il  pa- 
raît d’un  brun  orange  ; sa  poudre  est  colorée  en  brun  rougeâtre  fauve. 
Lorsqu’on  l’humecte  avec  de  l’alcool,  et  qu’on  l’examine  en  couches 
minces  sous  le  microscope,  il  présente,  s’il  est  de  bonne  qualité,  une 
grande  quantité  de  cristaux.  Il  est  ordinairement  importé  à l’état  mou, 
du  moins  dans  l’intérieur  delà  masse,  mais  il  se  dessèche  rapidement, 
et  ne  tarde  pas  à durcir  (2).  Il  est  parfois  importé  à l’état  tout  à fait 
fluide  ( Aloès  socotrin  liquide , suc  d’Aloès)',  assez  fréquemment,  il  est 
un  peu  acide  et  plus  ou  moins  détérioré. 

Une  certaine  quantité  de  bel  Aloès  provenant  de  Zanzibar,  qui  fut  mis 
en  vente  en  1867,  était  renfermée  dans  une  peau,  et  composée  de  deux 
couches,  l’une  amorphe,  l’autre  granuleuse,  translucide,  claire;  cette 
dernière  examinée  à l’aide  d’une  loupe,  se  montra  formée  d’une  masse 
de  cristaux. 

On  a apporté  de  l’intérieur  à Aden  une  sorte  très-mauvaise,  noire, 

(1)  Ainsi,  l’Aloès  pâle,  à coloration  hépatique,  de  Natal,  est  invariablement  associé 
avec  l' Aloès  transparent  du  Cap,  simplement  parce  que  les  deux  drogues  possèdent  la 
meme  odeur.  On  reconnaît  aussi  l’Aloès  de  Curaçao  à son  odeur,  qu’un  droguiste 
expérimenté  déclare  être  tout  h fait  différente  de  celle  de  l’Aloès  produit  par  Bar- 
bados. 

(2)  La  moyenne  do  la  perte  subie  pendant  la  dessiccation,  par  560  livres,  a été,  dans 
diverses  circonstances,  de  14  environ  pour  100.  (Stàtistiques'de  laboratoire,  communi- 
quées par  MM.  Allen  et  Ilanbury,  de  Londres.) 


510 


LILIACÉES. 

fétide,  d’Alocs,  qui  paraît  être  l’/l lobs  de  Moka  de  quelques  écrivains. 

La  quantité  d’Aloès  importée  à Bombay,  en  1871-72,  a été  de  8U2  quin- 
taux, sur  lesquels  736  quintaux  étaient  expédiés  des  ports  de  la  mer 
Rouge  et  d’Aden  (1). 

2°  Aloès  de  Barbados.  — D’après  des  échantillons  caractéristiques, 
cet  Aloès  est  une  substance  sèche  et  dure,  colorée  en  brun  chocolat 
foncé,  avec  une  cassure  nette,  cireuse.  En  petits  fragments,  il  est 
translucide  et  coloré  en  brun  orange.  Lorsqu’on  le  broie,  il  exhale 
une  odeur  analogue  à celle  de  l’Aloès  socotrin,  mais  cependant  facile 
à distinguer.  Les  gourdes  dans  lesquelles  il  a été  versé  par  un  trou 
carré  qu’on  ferme  ensuite  avec  un  morceau  de  calicot,  contiennent 
de  10  à 40  livres  ou  davantage.  Pendant  ces  dernières  années,  on  a 
importé  un  Aloès  de  Barbados  à cassure  lisse  et  luisante.  Il  est  connu 
des  droguistes  de  Londres  sous  le  nom  de  Capey- Barbados.  Au  bout 
d’un  certain  temps,  il  prend  les  caractères  de  la  sorte  habituelle,  et  sa 
cassure  devient  mate.  Les  exportations  d’Aloès  faites  par  Barbados, 
en  1871 , se  sont  élevées,  d’après  le  Livre  Bleu  de  la  colonie,  à 1046  quin- 
taux, sur  lesquels  954  quintaux  furent  expédiés  vers  le  Royaume-Uni. 

3°  Alo'es  de  Curaçao.— U est  fabriqué  dans  les  îles  de  Curaçao,  Bonaire 
et  Aruba,  qui  font  partie  des  Indes  orientales  hollandaises.  11  est  im- 
porté en  Angleterre  par  la  voie  de  la  Hollande,  emballé  dans  des  caisses 
qui  en  contiennent  chacune  de  1 5 à 28  litres.  Il  ressemble  par  son  aspect 
à l’Aloès  de  Barbados,  mais  possède  une  odeur  caractéristique. 

4°  Aloès  du  Cap.  — Les  caractères  distinctifs  de  cette  sorte  d’Aloès 
sont  sa  cassure  conchoïdale  brillante  et  son  odeur  spéciale.  De  petits 
fragments  vus  dans  la  lumière  transmise  paraissent  très-transparents  et 
d’une  coloration  ambrée  ; la  poudre  est  colorée  en  jaune  fauve  pâle. 
Humecté  d’alcool,  et  examiné  sous  le  microscope  en  couche  mince,  il  ne 
présente  pas  de  cristaux,  même  au  bout  de  quelques  jours. 

L’Aloès  du  Cap  possède  Codeur  des  autres  sortes  d’Aloès,  mélangée 
d’une  certaine  odeur  de  souris  qui  le  fait  reconnaître  aisément.  On  en 
distingue  plusieurs  qualités,  caractérisées  surtout  par  le  plus  ou  moins 
d’éclat  de  la  cassure  et  par  la  coloration  de  la  poudre. 

D’après  le  Livre  bleu  delà  colonie  du  cap  de  Bonne-Espérance,  publié 
à Cape-Town,  en  1873,  la  quantité  d’Aloès  exportée  en  1872  fut  de 
484532  livres;  sa  valeur  moyenne  sur  le  marché  fut  pendant  la  même 
année  de  3 deniers  trois  quarts;  le  prix  le  plus  bas,  1 denier  et  demi, 

( i)  Statemcnt  of  the  Trade  and  Navigation  of  tlie  Presidency  of  Bombay  for  1871-72, 
P.  II,  19. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  RM 

fut  celui  de  Riversdal  et  de  Mossel-Bay,  et  le  plus  élevé,  I l deniers,  fut 
atteint  à Swcllendam.  La  drogue  est  embarquée  à Gape-Town,  à Mos- 
sel-Bay et  à Algoa-Bay. 

5°  Alo'es  de  Natal.  — On  importe  aussi  de  l’Aloès  de  Natal,  et  de- 
puis 1870,  en  quantité  considérable  (I).  La  majeure  partie  de  cet  Aloès 
offre  la  coloration  hépatique,  et  diffère  complètement  de  l’Aloès  ordi- 
naire du  Cap  en  ce  qu’il  est  d’un  brun  grisâtre  et  très-opaque.  Il  con- 
tient en  outre  un  principe  cristallin  qui  n’a  été  trouvé  dans  aucune 
autre  sorte  d’Aloès.  La  drogue  est  fabriquée  dans  les  districts  supé- 
rieurs de  Natal,  entre  Pietermaritzburg  et  les  montagnes  de  Quathlamba, 
surtout  dans  les  districts  d’Umvoti  et  de  Mooi  River,  à une  altitude 
de  600  à 1200  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  La  plante  em- 
ployée est  une  grande  espèce  d’Aloès  qui  n’a  pas  encore  été  détermi- 
née (2).  La  drogue  est  préparée  par  des  colons  anglais  et  hollandais 
qui  emploient  des  ouvriers  cafres.  Le  procédé  n’est  pas  très-différent 
de  celui  qu’on  suit  pour  préparer  l’Aloès  du  Gap,  mais  il  est  mis  en  pra- 
tique avec  plus  d’intelligence.  On  coupe  les  feuilles  obliquement  en 
tranches,  et  on  laisse  exsuder  leur  suc  pendant  la  plus  forte  chaleur  et 
en  plein  soleil.  On  fait  ensuite  bouillir  le  suc  dans  des  chaudières  en 
fer  ; on  l’empêche  de  brûler  en  le  remuant  à mesure  qu’il  s’épaissit. 
Tandis  que  la  drogue  est  encore  chaude  on  la  verse  dans  des  caisses  en 
bois  qui  servent  à 1 expédier  en  Europe  (3).  Les  chiffres  d’exportation 
de  la  colonie  sont  les  suivants  (4)  : en  1868,  0;  en  1869,  38  quintaux; 
en  1870,  646  quintaux;  en  1871,  372  quintaux;  en  1872,  SOI  quintaux. 

Composition  chimique.  — Toutes  les  sortes  d’Aloès  possèdent  une 
odeur  analogue,  et  une  saveur  amère,  désagréable.  L’odeur  est  souvent 
assez  agréable,  surtout  dans  l’Aloès  socotrin.  Elle  est  due  à une  huile 
volatile  qui  n’existe  qu  en  très-faible  proportion  dans  la  drogue. 
T*  et  H-  Smith,  d Edinburgh,  nous  informent  qu’en  soumettant  à la  dis- 
tillation avec  de  1 eau  181  kilogrammes  d’Aloès,  ils  ont  obtenu  environ 
28  grammes  de  cette  essence.  D’après  les  communications  que  nous 
a/sons  reçues  de  ces  chimistes,  cette  essence  est  un  liquide  mobile,  co- 
loré en  jaune  pâle,  ayant  pour  poids  spécifique  0,863,  et  bouillant 
entre  266  et  271°  G. 


(1)  On  doit  le  rejeter  de  l’usage  médicinal.  [F.  A.  F.] 

(2)  Nous  en  possédons  un  petit  pied  venu  de  graines  envoyées  par  un  fabricant  de 
a drogue  a un  marchand  de  Natal,  il  Londres,  qui  m’en  a fait  présent.  [D.  I-I  ] 

3)  Nous  devons  remercier  J.  W.  Akerman,  Esq.,  de  Pietermaritzburg,  pour  les 
informations  que  nous  donnons  au  sujet  de  cette  drogue. 

(i)  B lue  Books  for  t/ie  Colony  of  Natal  for  18G8,  18G9,  1870,  1871,  1872. 


512 


LIL1ACÉES. 

L’Aloès  pur  sc  dissout  facilement  dans  l’alcool,  à l’exception  de  quel- 
ques flocons.  11  ept  insoluble  dans  le  chloroforme  et  le  bisullure  de  car- 
bone, ainsi  que  dans  l’éther  de  pétrole,  c’est-à-dire  la  portion  la  plus 
volatile  du  pétrole  américain.  D’après  les  recherches  do  1 un  de  nous  (F.), 
le  poids  spécifique  de  beaux  fragments  d’Aloès  desséchés  à 100°  C.,  et 
pesés  dans  l’éther  de  pétrole  a 16°  C.  est  de  1,334.  LAloès  est  donc 
beaucoup  plus  pesant  que  la  plupart  des  résines,  dont  le  poids  spéci- 
fique dépasse  rarement  1,00  ou  1,10.  L’Aloès  se  dissout  complètement 
dans  l’eau,  mais  seulement  à chaud.  En  se  refroidissant,  la  solution 
aqueuse,  qu’elle  soit  concentrée  ou  diluée,  devient  trouble,  par  suite  de 
la  séparation  de  gouttes  résineuses  qui  se  réunissent  en  un  masse  brune, 
désignée  sous  le  nom  très-impropre  de  Résine  d’Aloès  (1).  La  solution, 
devenue  limpide  après  la  séparation  de  cette  substance,  possède  une 
réaction  acide  faible.  Elle  est  colorée  en  brun  foncé  par  les  alcalis, 
en  noir  par  le  chlorure  ferrique,  et  donne  un  précipité  gris  verdâtre 
quand  onia  traite  par  l’acétate  neutre  de  plomb.  L eau  dissout  enviiou 
la  moitié  de  son  poids  d’Aloès,  en  formant  un  liquide  acide  qui  pré- 
sente des  réactions  semblables  aux  précédentes.  La  solution  d’Aloès 
dans  la  potasse  ou  l’ammoniaque  est  précipitée  par  les  acides,  mais 
non  par  l’eau. 

Les  principes  constituants  les  plus  intéressants  de  lAloès  sont  la 
substance  qui  a reçu  le  nom  d ’Aloine.  Ce  nom  fut  d’abord  donné  à une 
aloïne  qui  paraissant  ne  se  trouver  que  dans  i’Aloès  de  Barbados  est 
aujourd’hui  nommée  Barbaloine , afin  de  la  distinguer  des  substances 
analogues  qui  existent  dans  l’Aloès  de  Natal  et  dans  1 Aloès  socotrin. 

La  barbaloïne  fut  découverte  par  T.  et  H.  Smith,  dEdinburgh,  en 
1851  (2);  elle  fut  décrite  peu  de  temps  après  par  Stenhouse  (3).  On 
peut  la  retirer,  d’après  Tilden  (4),  des  bonnes  qualités  de  la  drogue, 
sous  la  forme  d’une  substance  cristalline,  dans  la  proportion  de  20  à 
23  pour  100  ; mais  dans  les  qualités  inférieures  elle  paraît  exister  en 
partie  à l’état  amorphe  ou  plus  ou  moins  altérée  chimiquement.  La 
barbaloïne  est  une  substance  neutre,  cristallisant  en  toutles  de  petits 


(O  l 'analyse  de  cinq  expériences  portant  sur  179  livres  d’extrait  aqueux  d’Aloès 
préparé  suivant  les  indications  de  la  Pharmacopée,  et  contenant  U pour  0°deaunous 
a donné  une  moyenne  de  résine  d’Aloès  de  62.7  pour  100.  L’Aloès  de  Barbados  a 

donné  une  moyenne  de  SO  pour  100.  .6<J  CL,S 

(2)  De  très-beaux  échantillons  de  cette  substance  nous  ont  etc  présentés  par  cts 
chimistes. 

(3)  Phil.  Marj.,  1831,  XXXVII,  4SI . 

(4)  Pharm.  Journ.,  20  avril  1872,  845;  b nov.  1870,  3/5. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  513 

prismes  jaunes,  qui  paraissent  doublement  réfringents  dans  la  lumière 
polarisée.  Ces  cristaux  représentent  l’aloïne  hydratée,  et  perdent  un 
équivalent  d’eau  (2,69  pour  100)  par  la  dessiccation  dans  le  vide  ou  par 
l’action  prolongée  de  la  chaleur  dans  une  étuve.  La  barbaloïne, 
G34H36Ou  -f-  TPO,  est  peu  soluble  à froid  dans  l’eau  et  l’alcool,  mais 
elle  se  dissout  bien  dans  l’un  et  l’autre  de  ces  liquides  quand  on  chauffe 
légèrement  ; elle  est  insoluble  dans  l’éther.  Ses  solutions  s’altèrent 
rapidement  si  on  les  rend  un  peu  alcalines,  mais  si  elles  sont  neutres 
ou  légèrement  acides,  elles  ne  sont  pas  très-promptes  à se  décomposer. 
La  barbaloïne  oxydée  par  l’acide  nitrique  donne,  ainsi  que  Tilden  l’a 
montré,  un  tiers  environ  de  son  poids  d 'acide  C hrysammique , et  des 
acides  Alaétique , Oxalique  et  Picrique.  Elle  se  combine  facilement  avec 
le  brome  pour  former  une  substance  neutre,  qui  cristallise  en  aiguilles 
jaunes,  et  qui  a reçu  le  nom  de  Bromaloine,  C3tH30BrGOu.  On  a obtenu  un 
dérivé  chloré  analogue,  la  Chloraloïne,  qui  cristallise  en  prismes,  et  a 
pour  formule  C1 * 3 *’*H30C1U  + G H20  (1). 

En  examinant,  en  187-1,  l’Aloès  de  Natal,  nous  avons  trouvé  qu’il 
contient  un  corps  cristallin,  beaucoup  plus  soluble  que  l’aloïnc  ordi- 
naire de  l’Aloès  de  Barbados.  Un  examen  plus  complet  nous  a montré 
qu’il  diffère  complètement  de  cette  aloïne,  et  nous  lui  avons  donné  le 
nom  de  Nalaloine.  La  nataloïne  existe  naturellement  dans  l’Aloès  de 
Natal,  dont  on  peut  facilement  la  séparer  à l’état  brut,  en  triturant  la 
drogue  avec  un  poids  égal  d’alcool  tà  une  température  qui  ne  doit 
pas  dépasser  48°  G.  L’alcool  dissout  la  partie  amorphe,  dont  on  peut 
séparer  des  cristaux  en  filtrant  et  lavant  avec  une  petite  quantité  d’al- 
cool froid.  On  peut  obtenir  ainsi  de  16  à 25  pour  100  de  nataloïne 
brute  en  cristaux  jaunes.  Purifiée  par  cristallisation  dans  l’alcool  méthy- 
lique  ou  l’alcool  chauds,  elle  forme  des  écailles  rectangulaires  minces, 
cassantes,  qui  ont  souvent  un  ou  plusieurs  de  leurs  angles  tronqués. 
La  formule  assignée  à la  nataloïne  par  Tilden  (2),  indiquée  par  la  com- 
position d’un  dérivé  acélyl  qu’il  a pu  obtenir,  est  C2sIP6Ou. 

A 15°5  G.,  une  partie  de  nataloïne  est  dissoute  par  60  parties  d’alcool 
éthylique,  par  35  parties  d’alcool  inéthylique  (3),  par  50  d’éther  acé- 
tique, par  1 236  d’éther  et  par  230  d’alcool  absolu.  Elle  est  un  peu  plus 
soluble  dans  l’alcool  chaud  que  dans  l’alcool  froid,  de  sorte  que  pour 
obtenir  des  cristaux  il  est  préférable  d’abandonner  la  solution  à l’éva- 

(1)  Tii.den,  in  Jùurn.  ofChem.  Soc.,  1872,  X,  204. 

(2j  Chemical  News,  17  mai  1872,  229  ; P/iarm.  Journ.,  23  mai  1872,  931. 

(3)  Les  plus  beaux  cristaux  sont  donnés  par  ce  dissolvant. 

H1ST.  DES  DUOGUES,  T.  II.  ü j 


514 


L1LIÀCÉES. 


poralion  spontanée.  L'eau,  soit  chaude,  soit  froide,  ne  la  dissout  que 
fort  peu.  La  nataloïne  n’abandonne  pas  d eau  lorsqu  on  1 expose  au- 
dessus  de  l’acide  sulfurique,  ni  lorsqu’on  la  chauffe  à 1G0°C.  Sous 
l’action  de  l’acide  nitrique,  elle  donne  des  acides  oxalique  et  picrique, 
mais  pas  d’acide  chrysammique.  Elle  ne  peut  pas  se  combiner  avec  le 
chlore  et  le  brome  et  nous  n’avons  pu  préparer  avec  elle  aucun  corps 


analogue  à la  bromaloïne. 

Un  Aloès  socotrin  liquide,  importé  à Londres  vers  1852,  fut  signalé 
par  Pereira  comme  riche  en  petits  cristaux  qu’il  nomma  Aloïne  de  ï Aloès 
socotrin,  et  qu’il  regarda  comme  probablement  identique  avec  l’aloïne 
de  l’ Aloès  de  Barbados.  Groves,  en  1856,  la  retira  de  l’Aloès  socotrin 
du  commerce,  qui  se  montre  facilement  très-cristallin  lorsqu'il  est  co- 
loré en  orange  brunâtre,  qu’il  est  opaque  et  mou,  comme  il  l’est  sou- 
vent quand  il  arrive  en  Europe.  Une  certaine  quantité  de  bel  Aloès 
provenant  de  Zanzibar,  à coloration  très-pâle,  que  nous  avons  en  notre 
possession,  est  en  réalité  une  masse  parfaitement  ciistalline. 

Histed,  qui,  à la  'requête  de  l’un  de  nous,  a entrepris  l’examen  de 
quelques  échantillons  d’ Aloès,  est  le  premier  qui  ait  affirmé  que  la  sub- 
stance cristalline  contenue  dans  l’Aloès  socotrin  ou  de  Zanzibar  est  un 
corps  particulier,  différent  de  la  nataloïne  et  de  la  barbaloïne.  Cette 
observation  fut  entièrement  confirmée  par  nos  propres  recherches  (l), 
faites  en  majeure  partie  sur  l’Aloès  de  Zanzibar,  et  nous  appellerons 
cette  substance  Socaloïne.  Dans  cette  drogue,  les  cristaux  sont  piis- 
matiques  et  ont  une  taille  considérable  qu’on  n’observe  jamais  dans 
l’Aloès  de  Natal.  Ils  ne  sont  pas  aussi  faciles  à isoler  que  la  nataloïne, 
parce  qu’ils  ne  sont  guère  plus  solubles  que  la  matière  amorphe  qui 
les  entoure.  Histed,  qui  nous  en  a remis  de  beaux  échantillons,  recom- 
mande de  traiter  la  drogue  brute  pulvérisée  par  un  peu  d alcool 
à 0,96,  et  de  presser  fortement  la  masse  pâteuse  entre  plusieuis 
doubles  de  calicot;  on  dissout  ensuite  la  masse  cristalline  jaune  dans 
de  l’alcool  dilué  chaud,  et  on  recueille  les  cristaux  qui  se  forment  au 
repos  pendant  le  refroidissement.  La  socaloïne  se  présente  en  touffes  de 
prismes  aciculaires  qui,  lorsqu’ils  se  sont  formés  dans  une  solution  d al- 
cool méthylique,  peuvent  atteindre  2 ou  3 millimètres  de  long.  Elle 
est  beaucoup  plus  soluble  que  la  nataloïne.  A la  température  ordinaire, 
une  partie  de  socaloïne  se  dissout  dans  30  parties  d’alcool  dilué,  dans 
9 parties  d’éther  acétique,  dans  380  parties  d’éther,  dans  90  parties 


(1)  Flückiger,  Crystalline 
bre  1871,  195. 


Principles 


in  Aloes,  in  Phv'in.  Journ.,  ï septem- 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  M5 

d’eau;  elle  est  soluble  en  plus  grande  quantité  dans  l’alcool  méthy- 
lique.  La  socaloïne  est  un  hydrate;  elle  perd,  lorsqu’on  la  dessèche  au- 
dessus  de  l’acide  sulfurique,  11  à 12  pour  100  d’eau,  mais  elle  les  re- 
prend lentement  dans  l’air.  Sa  composition  élémentaire  répond,  d’après 
les  analyses  de  l’un  de  nous  (F.),  à la  formule  C34H380,s  + 5IPO.  Nous 
n avons  pas  pu  réussir  a obtenir  avec  la  socaloïne  de  composé  bromé 
bien  défini. 

Les  trois  espèces  d’aloïne,  Barbaloïne , Nataloïne  et  Socaloïne,  sont  faciles 
a reconnaître  à l’aide  de  la  réaction  suivante,  qui  a été  signalée  par  His- 
ted  . une  goutte  d acide  nitrique  deposee  sur  une  soucoupe  en  porcelaine 
donne,  avec  quelques  particules  de  barbaloïne  ou  de  nataloïne,  une 
coloration  rouge  cramoisi  vif  (I),  mais  ne  produit  que  peu  d’effet  avec 
la  socaloïne.  Pour  distinguer  la  barbaloïne  de  la  nataloïne,  on  ajoute 
aune  petite  quantité  de  chacun  de  ces  corps  une  goutte  ou  deux  d’acide 
sulfurique,  et  on  fait  passer  à la  surface  du  mélange  la  vapeur  qui  se 
dégage  d’une  baguette  de  verre  trempée  dans  l’acide  nitrique  ; la  bar- 
baloïne et  la  socaloïne  ne  changent  pas,  tandis  que  la  nataloïne  prend 
une  belle  coloration  bleue  (2). 

Les  dernières  recherches  faites  sur  l’aloïne  sont  celles  d’E.  von  Somma- 
ruga  et  d Egger,  dans  le  laboratoire  du  professeur  Rochleder,  de  Vienne, 
en  1874.  Elles  ont  été  dirigées  particulièrement  sur  l’aloïne  de  l’Aloès 
socotrin.  Le  point  de  fusion  de  cette  aloïne  se  trouve,  d’après  ces 
chimistes,  entre  118  et  120°  G.,  celui  de  la  barbaloïne  étant  beaucoup 
plus  élevé.  En  comparant  les  analyses  de  ces  deux  sortes  d’aloïne  qui 
ont  été  publiées,  avec  celles  de  la  socaloïne  faite  par  eux-mêmes,  les 

auteurs  supposent  que  les  trois  sortes  d’aloïne  forment  la  série  homo- 
logue suivante  : 

Barbaloïne Cl7H2<>07 

Nataloïne C'°Hl807 

Socaloïne Cl5H1607 


La  partie  de  l’Aloès  insoluble  dans  l’eau  froide  ôtait  autrefois  dési- 
gnée sous  le  nom  de  Résine  d'Aloès  et  distinguée  de  la  portion  soluble 
qui  portait  le  nom  à! Amer  d’Aloès  ou  Aloétine.  D’après  les  recherches 
ai  es  pai  Kosrnann,  en  1863,  la  portion  soluble  traitée  par  l’acide 
SU  urique  fournirait  des  acides  Aloërésique  et  A hérétique,  tous  les  deux 


avec  if  nltSTt  mS™' ^ d°  ,a  barbaloïne>  mais  est  permanente 

talome,  à moins  qu  on  no  lasse  intervenir  l’action  de  la  chaleur 

(-1  i peut  quelqueiois  obtenir  ces  réactions  avec  la  drogue  impure  elle-même. 


rilG  LILIACÊES. 

cristal lisablcs,  et  une  substance  indifférente,  VAloërilme.  Ces  observa- 

lions  n’ont  pas  été  confirmées  depuis.  . . 

Tilden  et  Rammell  (I)  ont  montré  que  la  Résine  d Aloes  (p.  SU)  peut 
être  divisée,  à l’aide  de  l’ébullition  prolongée  dans  l’eau  en  deux  corps, 
qu’ils  ont  nommés  Résine  Ml e A et  Résine  insoluble  B.  On  peut  format 
avec  le  premier  un  composé  bromé  qui  n’est  pas  cristallin,  mais  parait 

cependant  constituer  un  composé  défini.  # 

D’après  la  manière  de  voir  de  ces  chimistes,  la  résine  d Aloès  serai 
une  sorte  d’anhydride  de  barbaloïne,  4(C“H»W)  - H«0  = Résine  d A- 
loès  A C“H,aO".  La  résine  d’Aloès  bouillie  avec  l'acide  nitrique  donne 
une  forte  proportion  d’acide  chrysammiqne,  des  acides  picrique  et  oxa- 
lique, et  de  l’anhydride  carbonique.  La  Résine  insoluble  B parait  avoir 
la  même  composition  que  la  Résine  soluble  A. 

L’Aloès  traité  par  divers  réactifs  donne  un  certain  nombre  de  produits 
remarquables.  Ainsi,  d’après  Rochleder  et  Czurapelick  (ISOI),  il  donne 
quand  on  le  fait  bouillir  dans  une  lessive  sodiqne,  des  cristaux  i, .colon» 
L 45  millimètres  de  long,  qui  paraissent  être  constitués  pa.  un  s 
d ’ acide  Paracumarique,  de  petites  quantités  d'huiles  essentielles  o - 
rantes  d’acides  gras  volatils,  et  une  base  volatile.  Lorsqu  on  le  fait 
bouillir  avec  de  l’acide  sulfurique,  il  donne  de  l’acide  paracumarique 
faisant  fondre  soit  eo  dernier  acide,  soit  l’Aloès  lui-meme  avec 
de  là  potasse  caustique,  Hlasiwetz  (1865)  a obtenu  de  Vacide  Pam- 
ZlLque.  WelsesK,  a montré,  en  1814-13,  que  ces  deux  derniers 
corps  sont  accompagnés  d’un  acide  particulier  qu’il  a nomme  am , 

A En  Mant  de  l’ Aloès  avec  de  la  chaux  vive,  E.  Robiquet  a obtenu. 

en  1846,  VAloüol,  huile  jaunâtre, 

en  1866,  a montré  être  un  mélange  de  / y eno  , 

n vpn  ri pg  hvdrocarbones. 

' L.,cide  nitrique  forme  avec  l’ Aloès  de  Barbades,  et  surtout,  comn  e 
Lucide  mil  | ^ ^ barMoIne , dc  X acide  Modique , 

«"»  C/unjsa, «nique,  C"H‘(AzO-)‘0',  et  enta  de  Vacide 

P^riquel  de  Vacide  Oxalique  (3).  Les  deux  premiers  acides  se  d,»- 

(1)  Hiarm . Jouvn.,  21  septembre  1872,  235. 

(»  Mm-  Je»™.,  20  avril  1818  SIS.  (oornU  point  d’acide  clirysammiquc. 

rü*  rca  crislnllisablc,  t’Alacwllèine,  OIB-Ü.,  que  la 

loi  ne  no  fournit  pus.  [F.  A.  F -1 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  517 

tinguent  parles  magnifiques  colorations  de  leurs  sels,  qui  peuvent  être 
utilisés  dans  la  teinture. 

Le  chlore,  en  passant  dans  une  solution  d’Aloès,  forme  un  grand 
nombre  de  produits  variés  de  substitution,  et  enfin  du  Chloranil 
(quinine  tétracldorée)  G6CP02. 

Quand  on  chauffe  un  peu  fortement  l’Aloôs,  il  se  gonfle  beaucoup, 
puis  entre  en  ignition,  en  laissant  un  charbon  brillant,  peu  combus- 
tible, presque  entièrement  dépourvu  de  principes  inorganiques.  L'Aloès 
ordinaire  du  Cap,  par  exemple,  desséché  à 100°  C.  ne  laisse  que 
1 pour  100  de  cendres. 

Commerce.  - Pendant  l’année  1S70,  il  a ôté  importé  dans  le  Royaume- 
Uni,  6264  quintaux  d’Aloès  ; sur  cette  quantité,  le  sud  de  l’Afrique  en 
a' expédié  481 1 quintaux,  et  1 île  de  Barbados  970  quintaux.  Le  reste 
était  probablement  fourni  par  l’Afrique  orientale. 

La  valeur  commerciale  des  diverses  sortes  d’Aloès  est  très-diffé- 
rente. En  ce  moment  (juin  1874),  ['Aloès  de  Barbados  est  coté,  dans  les 
prix  courants,  de  3 livres  sterling  5 shellings,  h 9 liv.  5 sh.  le  quintal; 
l 'Aloès  socotrin,  de  5 à 13  livres  sterling,  tandis  que  V Aloès  du  Cap  est 
offert  à 1 livre  5 sh.  ou  2 livres  sterling.  En  Angleterre,  les  deux  pre- 
mières sortes  seules  sont  destinées  aux  usages  pharmaceutiques. 

L Aloes  du  Cap  est  estimé  sur  le  continent,  où  il  est  surtout  consommé. 

Csases.  — L’Aloès  est  un  bon  purgatif,  très-communément  employé. 
On  l’administre  généralement  associé  avec  d’autres  drogues. 

Falsification.  — Les  caractères  physiques  de  l’Aloès,  notamment  son 
odeur,  la  coloration  de  sa  poudre,  sa  consistance  et  l’absence  de  matières 
étrangères,  associées  à sa  solubilité  dans  l’alcool  faible,  suffisent  ordi- 
nairement pour  indiquer  sa  bonne  qualité. 


Les  Aloès  ( Alon  Touhnefout,  lnstit.,  t.  190)  sont  des  Liliacées  de  la  tribu  des 
Asphodélées,  a périanthe  tubuleux,  droit,  nectarifère  dans  le  fond,  hexamère  • à an- 
clrocee  formé  de  six  étamines  ; à capsule  triloculaire,  membraneuse,  contenant  dans 
chaque  ogc  de  nombreuses  graines  disposées  sur  deux  rangées  verticales,  parfois 
ai  ées  albuminées  ; à embryon  axile  ; à scape  florifère  ramifié  ; à tige  arborescente 
ou  trutescente,  parfois  nulle. 

frmèttirC°r1>!a,  LAMARCK  (Enc'Jd°Pédie>  L 8b  ; A.  vera  Mill.)  est  une  plante 
. ,l.  '^e  'nncuse)  cylindrique,  souvent  ramifiée  dichotomiquement,  haute 

, Cfin  ameties  environ  ou  davantage,  nue  dans  sa  partie  inférieure  qui  est  rnar- 
qm  e p.u  i cicatrices  de  feuilles  trôs-rapprochées  les  unes  des  autres,  et  terminée 
par  un  bouquet  de  feuilles  amplexicaules,  uniformes,  graduellement  atténuées  de  h 
et  terminées  Par  une  llointc  ; elles  sont  ascendantes,  com- 
■;  h ',CC  ,cxternc  011  inférieure  convexe  et  la  face  interne  plane  ou  légère- 
meD  “”C™  ^ •"«  »loré«  « « glauque,  et  Mquemmcn!  p.Z^,  d. 


r;i8  LILIACfcES. 

quelques  taches  blanchâtres  ; leurs  bords  sont  cartila  gin  eux 

aiguës,  dures,  blanches,  un  peu  iit  /feuille.  s’élève,  au 

épaisse,  charnue  et  très-succulente.  ■ heaucoup  p]us  grêle  que  la  tige 

moment  de  la  llora^  couvert  de  bractées  rosées,  dentées  sur 

florifère,  non  ramifie  et  tics-allonge  » 1 , . , 1 ,ase  pius  pâles  vers 

les  bords,  et  se  termine  par  une  grappe  de  fleurs  éclate rai, 

le  milieu  do  loue  „ ,,t 

selle  d'une  ^"^^“^fejlindrique'wdllre.  U fleur  est  régulière  et  her- 

P°Tlf  f"  "1°  èrim  he  est  tubuleux,  droit,  » peu  près  cylindrique,  mum  dons  le 
maphrodite.  Le  penant  i;mi,p  est  divisé  en  six  lobes  tnnerviés  dont 

fond  de  glandes  nectovifères,  *.  S»  ^ ^ ^ ‘ „ bouton  les  trois 
'es  1^  extérieurs,  un  peu  gon[  pl„s  mi„ces  c.  à peu  près 

de  même  longueur.  Dans  le  bouton,  les  six  fo- 
lioles sont  rapprochées  en  un  cône  allongé;  dans 
la  fleur  épanouie  ils  s’écartent  sans  se  réflé- 
chir en  dehors.  L’androcée  est  formé  de  six 
étamines  hypogynes,  connées  avec  le  pénanthe 
dans  la  moitié  inférieure  du  tube,  inégalés, 
trois  étant  à peu  près  de  la  même  longueur  que 
le  calice  et  trois  un  peu  plus  longues.  Les  an- 
thères sont  allongées,  fixées  sur  le  sommet  du 
filet  par  le  milieu  de  leur  longueur,  bifides  dans 
le  bas  et  versatiles,  biloculaires,  introrses,  ( e- 
hiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Le 
o=Ynécée  est  formé  d'un  ovaire  supere,  sessile, 
triloculaire,  surmonté  d’un  style  terminal, 
grêle,  parcouru  par  trois  sillons  longitudinaux 
et  terminé  par  un  stigmate  légèrement  trilobé, 
papilleux.  Chaque  loge  ovarienne  contient  un 

grand  nombre  d’ovules  anatropes,  ™ ^ SSaiw.Uïil 

gle  interne,  et  se  touchant  pai  les  îaphe  . milieu  de  leur  face  interne 

eide,  se  divisant  en  entier  en  trois  valves  qui  portent  sur 

deux  rangées  de  graines  ; ces  dernières  sont  eempnmees,  •„ 

laires,  noires,  munies  d’un  ar.lle  membraneux,  ’ ’ embTïoo  cvHndrique,  droit, 
les  bords  ; elles  renferment  un  albumen  abondant,  et  vu  . 

axile,  un  peu  plus  court  que  l’aibumen  qui  l’enveioppt^  [Tr.^  v]  précédent 

(b)  VAloe  vulgaris  Lahabck  (Encycloped  e 86).^S^^étaléesP  puis  as- 
que  par  sa  tige  suffrutescente,  non  1 ami  m » ^ ^ dents  droites,  perpendiculaires 

(vendantes  et  lancéolées,  munies  sui  . • ramifié-  ses  fleurs  jaunes. 

à la  surface  qui  les  porte  ; son  ave  d’in  oresMnc * ^ par  sa  tige  arborescente, 

(c)  VAloe  ferox  Miller  (Dict.,  ed.  8,  n’  2.^  ® , • S P abondantes  sur  la  face 
simple  ; ses  feuilles  ovales-oblongues  muni  ■ fél,ieure  hurles  bords  ; ses  étamines 

supérieure,  mais  très-nombreuses  sur  a ■ ^ le  haut  de  lignes  pourprées. 

longuement  exsertes  ; ses  sepa  es ‘ rosc-’  u 4 . ed  [,  n.  30)  a des  feuilles  lai- 
te/) VAloe  africana  Miller  [Dict., ed  . ^ ’d^te  au.dessus  de  la  partie  mé- 

d’épines  rouges  au  sommet  ; «n  ép, 
terminal  très-long,  des  fleurs  pendantes  et  imbriquées. 


Fig.  264.  Aloe  socotrina. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


519 


Fig.  2G5.  Fouille  à'Aloe  socotrina, 
Coupe  transversale  d'une  moitié. 


(e)  L'Aloe  plicatilis  Miller  ( Dict ed.  8,n.  7)  sc  distingue  par  ses  feuilles  nette- 
ment distiques,  linguiformes,  obtuses,  à peu  près  entières  sur  les  bords,  lisses  sur 
les  deux  faces,  très-molles  ; sa  tige  frutescente,  dichotome,  renflée  à la  base. 

(f)  L'Aloe  arborescent  Miller  (Dict.,  ed.  8,  n.  3)  a une  tige  frutescente;  des 
feuilles  agrégées,  uniformes,  réfléchies 
au  sommet,  munies  de  dents  margina- 
les verdâtres;  ses  fleurs  sont  coccinées, 
striées  de  vert,  les  extérieures  verdâtres  au 
sommet,  les  intérieures  jaunes  au  som- 
met. 

(g)  L ’Aloe  Commelyni  Willdenow  (in 
Berl.  Mag.,  V,  282)  n’a  qu’une  tige  peu 
développée,  débile  ; des  feuilles  ovales-oblongues,  atténuées,  étalées,  glaucescentes, 
lisses  en  dessus,  carénée  en  dessous  et  munie  vers  le  sommet  au  niveau  de  la  carène 
et  des  bords  de  dents  épineuses,  blanchâtres. 

(h)  L’Aloe  purpurescens  Haworth  (in  Linn.  Trans.,  VJI,  20)  se  distingue  par  sa 
teinte  pourprée  ; sa  tige  épaisse,  dichotome,  ses  feuilles  uniformes,  atténuées,  allon- 
gées, dressées-incurvées , glauces- 


rentes,  tachées  de  blanc,  cartilagi- 
neuses et  sinueuses-serretées  sur 
les  bords  ; sa  grappe  simple,  munie 
de  bractées  pourpres,  entières  ; ses 
folioles  calicinales  rouges,  jaunâtres 
au  sommet  et  parcourues  par  une 
ligne  verte. 

(î)  Ainsique  le  montrent  les  figu- 
res 265  et  266,  la  feuille  d’Aloès 
offre,  sur  une  coupe  transversale  : 

1°  une  couche  épidermique  a,  for- 
mée de  petites  cellules  â peu  près 
quadrangulaires  , revêtues  d’une 
couche  épaisse  de  cuticule  et  offrant 
de  distance  en  distance  des  stoma- 
tes ; 2°  une  couche  sous-épidermi- 
que  b,  formée  de  cellules  irréguliè- 
rement polygonales,  ne  laissant  entre 
elles  qu’un  petit  nombre  de  méats 
intercellulaires.  Celles  de  la  couche 
situées  au-dessous  de  l’épiderme  sont 
fréquemment,  comme  dans  la  fi- 
gure 266,  allongées  radialement.  De 
distance  en  distance,  on  trouve  dans 
cette  couche  des  cellules  remplies 

de  faisceaux  de  cristaux  aciculaires  Fig.  soc.  Feuille  dvUoe  socotrina. 

OU  l'aphides  d’oxalate  de  calcium.  Coupe  transversale  au  niveau  d’un  faisceau. 

Les  cellules  qui  les  contiennent  se  montrent  d’habitude,  sur  une  coupe  longitudi- 
nale de  la  feuille,  disposées  bout  à bout,  en  rangées  parallèles  au  grand  axe  de  la 
feudle,  mais  elles  restent  séparées  les  unes  des  autres  par  des  cloisons  transversales. 
Le  grand  axe  de  ces  cellules  est  parallèle  â celui  de  la  feuille  et  il  en  est  de  même 


fi20  LILIACÊES. 

des  faisceaux  do  cristaux.  Les  autres  cellules  de  la  couche  b sont  riches  eu  chlo- 
rophylle. Au  niveau  de  la  limite  interne  de  cette  couche,  on  trouve  les  faisceaux 
fibrovasculaire  d disposés  comme  le  montre  la  figure  260.  route  la  partie  médiane 
de  la  feuille  est  formée  de  grandes  cellules  incolores,  à parois  très-minces,  c.^ 

La  limite  extérieure  de  chaque  faisceau  est  formée  par  un  arc  de  cellules  allongées, 
teintées  dans  la  figure  266,  qui  contiennent  l’aloès.  Eu  dedans  de  cet  arc,  c,  de  cel- 
lules à Aloès  très-remarquable  par  l’allongement  tangentiel  de  ses  cellules  et  la  co- 
loration de  ces  dernières,  se  trouvent  deux  ou  trois  couches  d’éléments  très-larges 
en  dehors  plus  étroits  en  dedans,  dont  l’ensemble  a été  désigné  sous  le  nom  de 
tiSSU  chromogène  (voyez  p.  SOo).  Immédiatement  en  dedans  de  ces  éléments  se  trouve 
le  tissu  libérien  ou  piilocoine  du  faisceau,  très-facile  à distinguer  sur  la  coupe  trans- 
versale de  la  figure  266  par  l’étroitesse  de  ses  éléments,  qui  sont  polygonaux,  al- 
longés et  munis  de  parois  minces  et  claires.  Le  bois  ou  xylème  est  situé  plus  en 
dedans  • il  est  représenté  par  deux  ou  trois  vaisseaux  plus  ou  moins  larges,  a parois 
épaisses’,  entourés  d’un  grand  nombre  d’éléments  allongés,  polygonaux,  à parois  non 
lignifiées.  [Trad.] 


BULBE  DE  SCILLE. 

Battus  Seill»  ; Badix  Soillæ;  Bulbe  ou  Squames  de  Scltle,  Ognon  marin  ; angl.,  Sguill, 

allem.,  Meerswiehel. 

Origine  botanique.  — Urcjinea  maritima  Baker  (\)  (S cilla  maritima  L., 
Urginea  S cilla  Steiniieil).  — Cette  plante  habite  les  régions  qui  boi- 
dentla  Méditerranée,  notamment  dans  le  sud  de  la  France,  en  Italie, 
en  Dalmatie,  en  Grèce,  en  Asie  mineure,  en  Syrie,  dans  le  nord  de 
l’Afrique  et  dans  les  îles  de  la  Méditerranée.  Elle  est  très-commune  dans 
le  sud  de  l’Espagne,  où  elle  n’est  pas  confinée  sur  les  côtes  ; on  la  trouve 
aussi  en  Portugal.  Les  droguistes  distinguent  deux  variétés  dc  Scille, 
désignées  sous  les  noms  de  blanche  et  rouge.  Dans  la  première,  les  ecai  es 
du  bulbe  sont  incolores  ; dans  la  seconde  elles  ont  une  teinte  rosee. 
n’existe  pas  de  différence  botanique  entre  les  deux  plantes,  qui  pos- 
sèdent la  même  aire  de  croissance  [a). 

Historique.  - La  Scille  est  un  des  médicaments  le  plus  ancienne- 
ment  employés.  Le  grec  Epiménide,  qui  -rivait  pendant  la  trentième 
olympiade,  passe  pour  en  avoir  fait  grand  usage,  ce  qui  fit  donner  a a 
drogue  le  nom  d ’Epimenidea  (2).  Elle  est  aussi  mentionnée  par  Ihto- 
nhraste  et  fut  probablement  bien  connue  des  autres  médecins  grecs 
C.  W-  la  connaissait  et  même  en  distinguait  deux  variées. 
Dioscoride  décrit  le  procédé  de  préparation  du  vinaigre  de  Selle.  s 

(1)  ofLinn.So,. 

graines  aplaties,  discoides,  tant  is  que  t.  1 algérienne  Ben  Urgin,  près 

rÆS  oalto  V»,  « .«• 

(2)  I-Ialler,  Bibliotheca  Botanica,  1,  'L 


521 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

médecins  arabes  employaient  celte  même  préparation,  qui  est  encore  en 
usage,  et  un  mélange  de  Scille  et  de  miel. 

Description.  — Le  bulbe  de  la  Scille  est  pyriforme  ; il  atteint  le  vo- 
lume du  poing  ou  davantage,  et  pèse  parfois  plus  de  2 kilogr.  Il  pos- 
sède la  structure  habituelle  des  bulbes  tuniqués.  Les  écailles  extérieures 
sont  colorées  en  brun  rougeâtre,  sèches,  scarieuses,  et  munies  de  ner- 
vures parallèles.  Les  écailles  internes  sont  charnues  et  succulentes,  in- 
colores ou  colorées  en  rose  pâle,  épaisses  dans  leur  partie  moyenne, 
très-minces  et  délicates  sur  les  bords,  lisses  et  luisantes  à la  surface.  Le 
bulbe  frais  possède  une  saveur  mucilagineuse  amère,  âcre;  il  n’a  guère 
d'odeur.  La  Scille  destinée  aux  usages  médicinaux  est  ordinairement  im- 
portée à l’état  sec.  On  recueille  les  bulbes  pendant  le  mois  d’août;  à cette 
époque,  ils  sont  dépourvus  de  feuilles;  on  enlève  les  écailles  exté- 
rieures ; on  coupe  les  bulbes  en  tranches  transversales  minces  qu’on 
fait  sécher  au  soleil.  Ainsi  préparée,  la  drogue  se  présente  sous  la  forme 
de  bandes  étroites,  aplaties  ou  quadrangulaires,  recourbées,  longues  de 
3 à 3 centimètres  et  larges  de  5 à 10  millimètres,  flexibles,  translucides, 
colorés  en  jaune  pâle,  ou  roses  lorsqu'elles  proviennent  de  la  variété  à 
bulbe  rose.  Lorsqu’elles  ont  été  trop  desséchées,  elles  sont  cassantes  et 
p ulvérisables,  mais  elles  absorbent  facilement  12  pour  lOOenviron  d’eau. 
La  Scille  humectée  par  l’eau  qu’elle  absorbe  dans  l’air,  s’agrège  facile- 
ment en  une  masse  dure. 

Structure  microscopique.  — La  portion  médicinale,  étant  constituée 
par  des  feuilles  modifiées,  possède  la  structure  histologique  propre 
à ces  sortes  d’organes.  Son  tissu  est  formé  de  cellules  polyédriques, 
recouvertes  sur  les  deux  faces  de  l’écaille  par  un  épiderme  muni  de 
stomates.  Il  est  traversé  par  de  nombreux  faisceaux  fibrovasculaires 
et  offre  aussi  des  faisceaux  plus  petits  de  vaisseaux  laticifères.  Lors- 
qu’on humecte  une  tranche  mince  d’écaille  de  Scille  avec  de  l’alcool 
dilué,  la  plupart  des  cellules  parenchymateuses  se  montrent  remplies 
d un  mucilage  qui  se  contracte  en  gelée  quand  on  ajoute  de  l’alcool. 
Dans  1 intérieur  de  cette  gelée,  se  trouvent  des  particules  cristallines 
d oxalate  de  calcium.  Ce  sel  existe  en  grande  abondance  dans  les  cel- 
lules, soit  en  faisceaux  d’aiguilles,  soit  en  gros  prismes  carrés,  sol i- 
taire3,  ayant  souvent  jusqu’à  un  millimètre  de  long.  Dans  l’un  et  l’autre 
ca»,  les  cristaux  sont  enveloppés  de  matière  mucilagineuse.  On  sait  que 
dan.->  beaucoup  d autres  plantes  l’oxalate  de  calcium  se  forme  ainsi  au 
centre  d’une  matière  mucilagineuse.  Ce  fait  est  très-évident  dans  la 
Scille,  et  il  est  surtout  facile  à observer  dans  la  lumière  polarisée. 


322  LILIACÉES. 

Quand  on  agite  dans  l'eau  de  minces  tranches  d écailles  de  Seillc,  il 
se  forme  un  dépôt  cristallin  assez  abondant  pour  qu’on  puisse  le  voir  à 
l’œil  nu,  malgré  la  faiblesse  de  sa  densité.  D’après  nos, recherches 
sur  la  proportion  d’acide  oxalique,  en  employant  pour  cette  analyse 
la  solution  titrée  de  permanganate  de  potasse,  la  Scdle  blanche  des- 
séchée à 100°  G.  donne  seulement  3,07  pour  100  d oxalalc  de  chaux, 
C204Ca  -f-  311*0  ; elle  donne  ensuite  de  2 a 3 pour  100  de  cendies. 
C’est  à ces  cristaux  extrêmement  aigus  et  cassants  qu  est  due  la  rubé- 
faction et  parfois  même  la  vésication  qui  se  produisent  quand  on  frotte 
la  peau  avec  de  minces  tranches  de  Scille.  Ces  effets,  connus  depuis 
longtemps,  ont  été  attribués  aune  huile  essentielle,, jusqu’à  l’époque 
où  leur  cause  véritable  a été  reconnue  par  Schroff  (1). 

Le  mucilage  contient  aussi  des  matières  albuminoïdes,  auxquelles 
est  due  la  coloration  orange  qu’il  prend  quand  on  le  traite  pari  iode.  Les 
faisceaux  fibrovasculaires  sont  accompagnés  de  quelques  couches  de 
cellules  allongées  dans  le  sens  du  grand  axe  du  faisceau,  et  contenant 
de  petits  grains  d’amidon.  Dans  la  Scille  rouge,  la  matière  colorante 
est  contenue  dans  une  partie  des  cellules  parenchymateuses,  tandis  que 
les  autres  en  sont  tout  à fait  dépourvues.  Cette  matière  rouge  passe  au 

vert  noirâtre  quand  on  la  traite  par  un  persel  de  fer. 

Composition  chimique.  - Le  principe  le  plus  abondant  du  bulbe  de 
la  Scille  est  le  mucilage  précipitable  par  l’acétate  neutre  de  plomb.  En 
ajoutant  de  l’alcool  à une  infusion  aqueuse  de  Scille,  on  détermine  a 
séparation  du  mucilage  et  de  la  matière  albuminoïde.  Si,  apres  avoir 
fait  évaporer  l’alcool,  on  ajoute  une  solution  d’acide  tanmque,  ce  deimei 
se  combine  avec  te  principe  amer  de  la  Scille  qui  n’a  pas  encore  été  isole 
quoique  plusieurs  chimistes  aient  porté  sur  lui  leurs  recherches,  et  qui 
reçu  le  nom  de  Scillitine  ou  Skuléine.  Nous  avons  obtenu  une  proportion 
considérable  d’un  sucre  incristallisable,  lévogyre,  en  épuisant  la  Scille 
par  l’alcool  dilué  (2).  Schroff,  auquel  on  doit  une  bonne  monographie  de 
i Scille  (3),  conclut,  d’aprèsses  recherches  physiologiques  a a preseuc 
clans  le  bulbe  de  cette  plante  d’un  principe  non  volatil,  a 
coexistant  avec  la  scillitine  qu’il  suppose  être  un  glucoside  (>). 

{1)  Nous  avons  constaté  que  le  suc  visqueux  des  feuilles  de  VAçapartku* 

L’Hérit.,  qui  est  très-riche  en  cristaux  a.c\cu  ■ durent  pendant  plusieurs  heures, 

donne  la  peau,  des  démangeaisons  clc  - J , , , (ids!Ull  fermenter  et  en 

(2)  En  Grèce,  on  a même  essaye  ^ GMa, ta.*,  1802,  7). 

distillant  les  bulbes  de  SciUe  (Heldreici  , er  Aerzte  zu  Wien,  1SG4,  n®  42.  — Il 

(3)  Reproduit  du  Zeitschnt  do  cisTATT,  1864,  19  ; 1865,  238. 

on  a été  publié  un  extra.t  dans  le  ^ p 63 

(4)  Voir  aussi  Lebouudais,  Ann.  de  Ch.  it  .1 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  523 

Commerce.  — La  Scillo  desséchée,  ordinairement  emballée  dans 
des  barils,  est  importée  en  Angleterre,  de  Malte. 

Usages. On  emploie  communément  la  Sci lie  à l’état  de  teinture; 

elle  est  considérée  comme  diurétique  et  expectorante. 

Substitutions.  — Les  bulbes  de  plusieurs  plantes  sont  employés  à la 
place  de  celui  de  la  Scille  officinale,  mais  à cause  du  bas  prix  de  ce 
dernier  et  de  son  abondance,  on  ne  les  trouve  jamais  sur  les  marchés 
européens.  Les  principales  de  ces  plantes  sont  les  suivantes  : 

1°  Urginea  altissimci  Baker  ( Ornithogcilum  ciltissimum  L.  ) , espèce  du 
sud  de  l’Afrique,  très-voisine  de  la  Scille  commune,  et  ayant, paraît-il, 
les  mêmes  propriétés  que  cette  dernière  (1). 

2°  Urginea  inclica  Ivra  ( Scilla  indica  Roxb.).  C’est  une  plante  très- 
répandue  ; on  la  trouve  dans  le  nord  de  l’Inde,  sur  la  côte  du  Coro- 
mandel, en  Abyssinie,  en  Nubie  et  dans  la  Sénégambie.  Elle  est  désignée 
en  arabe  et  en  persan  par  le  même  nom  que  Y Urginea  maritima,  et  son 
bulbe  est  employé  aux  mêmes  usages.  D’après  Moodeen  Sheriff  (2),  il 
ne  remplace  que  mal  celui  de  la  Scille  maritime  et  son  action  est  faible 
ou  nulle  lorsqu’il  est  vieux  et  volumineux. 

3°  Scilla  indica  Baiceb  (3)  non  Roxb.  ( Ledebouria  hyacinthina  Rotii.). 
Elle  est  indigène  de  l’Inde  et  de  l’Abyssinie,  et  possède  un  bulbe  qui  est 
souvent  confondu,  dans  les  bazars  indiens,  avec  celui  de  l’espèce  précé- 
dente, mais  s’en  distingue  parfaitement,  lorsqu’il  est  entier,  parce  qu’il 
est  écailleux  et  non  tuniqué.  Il  passe  pour  le  meilleur  remplaçant  de  la 
Scille  d’Europe  (4). 

4°  Drimia  ciliaris  Jacq.  — C’est  une  plante  du  Cap  de  Bonne-Espé- 
rance, de  la  famille  des  Liliacées.  Son  bulbe  ressemble  beaucoup  à 
celui  de  la  Scille  officinale,  mais  il  possède  un  suc  si  irritant,  lorsqu’on 
le  met  en  contact  avec  la  peau,  que  la  plante  est  nommée  parles  colons 
Jeukbol , c’est-à-dire  Bulbe  à gratter.  On  l’emploie  comme  émétique, 
expectorant  et  diurétique  (5). 

o°  Crinum  asiaticum  var.  toxicanum  Herbert  [C . toxicarium  Roxb.). 
C’est  une  grande  plante  à belles  fleurs  blanches  et  à feuillage  magni- 
fique, cultivée  dans  les  jardins  indiens.  On  la  trouve  aussi  à l’état  sau- 
vage dans  les  parties  humides  et  basses  de  diverses  localités  de  l’Inde, 
dans  les  Moluques  et  sur  les  côtes  de  Ceylan.  Son  bulbe  a été  admis 

(1)  Pappe,  Floræ  Medicæ  Capensis  Prodomus,  ud.  2,  1857,  41. 

(2)  Supplément  to  the  Pharmacopœia  of  India,  Madras,  1869,  250. 

(3)  Saunders,  Refugium  Botanicum , 1870,  III,  append.,  12. 

(O  Supplément  to  the  Pharmacopœia  of  India,'  1800,  250. 

(5)  Pappe,  Op.  cit.,  42. 


524 


LILIACÉES. 


dans  la  pharmacopée  de  l'Iiulc  de  1808,  à la  recommandai  ion  de 
O’Shaughnessy,  qui  le  considère  comme  un  bon  émétique.  Nous  n’avons 
vu  aucun  échantillon  de  cotte  drogue,  et  nous  no  croyons  pas  qu’elle 
ait  ôté  l’objet  d’aucune  recherche  chimique. 


Les  Urqinea  Steinheil  (in  Ann.  Sc.  nal.,  1834,  I,  321)  sont  des  Liliacécs  de  la 
tribu  des  Asphodélées,  ït  fleurs  disposées  en  grappes  et  accompagnées  de  bractées; 
à périanthe  étalé,  hexamère  comme  l’androcée;  à étamines  égales;  à ovaire  trilocu- 
laire,  multiovulé,  parcouru  par  six  sillons  longitudinaux  ; à capsule  parcheminée,  lo- 
culicide,  trivalve,  contenant  dans  chaque  loge  un  nombre  variable  de  graines  isolées. 

L’Urqinea mari  lima  Baker  (in  Journ.  of  Linn.  Soc.,  1873, XIII,  24)  est  une  plante 
à bulbe  tuniqué,  très-volumineux,  toujours  à moitié  émergé  au-dessus  du  sol,  avec  des 
téguments  colorés  en  vert  pâle  ou  en  rouge.  Il  émet  d’abord,  avant  les  feuilles,  un 
long  axe  d’inflorescence  ou  scape  haut  de  00  centimètres  environ,  terminé  par  une 
grappe  dense,  allongée,  ovale,  de  fleurs  étalées,  larges  d’environ  2 centimètres,  co- 
lorées en  vert  jaunâtre  pâle,  avec  une  bandelette  verte  au  milieu  de  chaque  seg- 
ment. Les  feuilles  se  montrent  longtemps  après  l’inflorescence  et  persistent  pen- 
dant l’hiver  ; elles  sont  ovales-lancéolées,  aiguës,  cannelées,  étalées  et  recourbées  en 
dehors,  glabres,  colorées  en  vert  glauque,  longues  de  30  a 45  centimètres,  larges 
de  a à 10  centimètres  au-dessus  de  leur  partie  médiane.  Les  fleurs  sont  situées  cha- 
cune dans  l’aisselle  d’une  bractée  et  leur  pédoncule  assez  long  porte  lui-mome  deux 


bractéoles.  Les  bractéoles  sont  trinerviées,  subpersistantes,  éperonnées  au-dessus 
de  la  partie  médiane.  Les  fleurs  sont  régulières  et  hermaphrodites.  Le  périanthe  est 
formé  de  six  sépales  pôtaloïdes,  caducs,  connés  à la  base,  oblongs,  obtus, unineiviés, 
égaux  et  étalés  ; dans  la  préfloraisou,  trois  d’entre  eux  sont  plus  extérieurs  et  recou- 
vrent les  trois  autres.  L’androcée  est  formé  de  six  étamines  d’égale  longueur,  connées 
avec  la  base  des  sépales,  et  formées  chacune  d’un  filet  filiforme,  dilaté  à la  base 
et  subulé  au  sommet,  et  d’une  anthère  linéaire,  oblongue,  mucronée  au  sommet, 
bifide  à la  base,  fixée  par  le  milieu  de  sa  face  dorsale,  biloculaire,  mtrorse,  déhis- 
cente par  deux  fentes  longitudinales.  Le  gynécée  est  formé  d’un  ovaire  libre,  sc>- 
silc,  oblong,  triangulaire,  parcouru  par  six  sillons  et  divisé  en  trois  loges,  surmonté 
d’un  style  filiforme  et  dressé  que  termine  un  stigmate  convexe,  trilobé.  Le  sommet 
de  l’ovaire  est  muni  de  trois  glandes  nectarifères.  Chaque  loge  ovarienne  contient 
une  douzaine  d’ovules  anatropes,  insérés  dans  l’angle  interne  sur  deux  rangées  ver- 
ticales, horizontaux  et  se  touchant  par  leurs  raphés.  Le  fruit  est  une  capsule  mem- 
braneuse, elliptique,  arrondie  à la  base,  déprimée  au  sommet,  triloculaire,  triva  ve, 
loculicide,  à valves  portant  sur  leur  ligne  médiane  un  nombre  de  graines  variai,  e 
de  dix  à douze.  Les  graines  sont  comprimées,  discoïdes  entourées  d une  aile  large, 
et  contiennent  un  embryon  cylindrique  dans  l’axe  d’un  albumen  charnu. 

M Baker  considère  comme  de  simples  variétés  de  cette  espèce  : 1»  le  Squilla  1 a i- 
cralion  Steinh.,  dont  le  bulbe  est  moitié  plus  petit,  dont  les  feuilles  et  les  pedi- 
celles  floraux  sont  plus  courts,  et  dont  l’ovaire  et  les  étamines  sont  colores  en  b eu 
verdâtre  ; 2°  le  Squilla  numidica  Jord.  et  Four.,  variété  algérienne  à bulle  . 
développé  et  entouré  de  tuniques  rouges,  à ovaire  et  anthères  rouges  ; e qui 
insularis  Jord.  et  Four.,  à bulbe  de  moyenne  taille,  entouré  de  tun‘Jues  J ' 
très  à anthères  et  ovaires  verts;  4°  le  Squilla  liUorahs  oan.  et  1 olr.,  h bu  le 
de  moyenne  taille,  encouré  de  tuniques  vertes,  à feuilles  plus  petites,  a folioles 
raies  plus  larges,  à ovaire  et  anthères  verts.  [Trad.J 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 


COLCHIGAGÉES 

RHIZOME  DE  VÉRATRE  BLANC. 

It/ihonia  Veralri  albi  : Hadix  Veralri  ; Jtadix  Hellabori  albi;  angl.,  Hhizome  d' Hellébore  blanc 
White  Hellébore;  allom.,  Weisse  Nieswurzel,  Germer. 

Origine  botanique.  — Veratrum  album  L.  — Cette  plante  croît  dans 
les  prairies  humides  des  régions  montagneuses  du  centre  et  du  sud  de 
l’Europe,  en  Amérique,  dans  les  Pyrénées,  en  Espagne,  en  Suisse  et 
en  Autriche.  On  la  trouve  aussi  dans  la  Russie  d’Europe  et  d’Asie,  jus- 
qu’au 61e  degré  de  latitude  nord,  dans  les  contrées  parcourues  par  l’A- 
in u r , dans  l’île  de  Saghalin,  et  dans  le  nord  de  la  Chine  et  du  Japon  (a). 

Historique.  — La  confusion  établie  parles  anciens  entre  le  Melam- 
podium , Y Helleborus  et  le  Veratrum  rend  très-difficile  l’identification  de 
la  plante  dont  nous  parlons  (1).  Elle  était  parfaitement  connue  de  Ge- 
rarde  vers  -1600,  et  elle  est  citée,  sous  le  nom  d 'Elle borus  (ou  Ilelle- 
borus)albus,  et  sous  celui  d eVeratrum,  dans  les  anciennes  Pharmacopées. 

Description.  — Le  Yératre  blanc  possède  un  rhizome  cylindrique, 
charnu,  vivace,  long  de  5 à 7 centimètres  et  épais  de  2 centimètres 
environ,  accompagné  de  longues  racines  flexibles.  A l’état  frais,  son 
odeur  est  alliacée.  A l’état  sec,  tel  qu’on  le  trouve  dans  le  commerce, 
il  est  cylindrique  ou  à peu  près  conique,  coloré  en  noir  terreux  foncé, 
très-rugueux  dans  sa  moitié  inférieure,  et  couvert  de  fossettes  et  de 
cicatrices  de  racines;  il  porte  souvent  des  restes  de  racines  récentes. 
Sa  portion  supérieure  est  couronnée  par  les  bases  des  feuilles,  dont  les 
plus  extérieures  sont  grossièrement  fibreuses.  La  plante  a généralement 
été  coupée  près  de  la  hase  du  rhizome;  ce  dernier  est  rarement  entier; 
il  a souvent  été  brisé  au  niveau  de  son  extrémité  inférieure,  ou  coupé 
transversalement  pour  faciliter  la  dessiccation.  En  dedans,  il  est  pres- 
que incolore  ; sa  section  transversale  montre  un  large  cercle  blanc,  en- 
tourant une  portion  centrale  spongieuse,  colorée  en  chamois  pâle. 

Cette  drogue  possède  une  saveur  douceâtre,  un  peu  amère,  et  laisse 
sur  la  langue  une  sensation  d’engourdissement  et  de  démangeaison.  A 
l’état  de  poudre,  elle  provoque  de  violents  êternuments. 

structure  microscopique.  — Sur  une  coupe  transversale,  le  rhizome 
de  Yératre  blanc  offre,  à une  distance  de  2 à 4 millimètres  en  dedans 

(1)  Consultez  : Muuuay,  Apparatus  Mcdicarnmuin,  1790,  V,  142-lGü. 


526 


COLCIIICACÉES. 


de  la  couche  corticale  extérieure  colorée  en  noir,  une  fine  ligne  brune, 
contournée  en  zigzag,  qui  représente  sa  gaine  médullaire,  et  enveloppe 
la  portion  centrale,  qui  présente  une  moelle  mal  limitée.  La  zone  située 
entre  la  couche  corticale  externe  et  la  gaine  médullaire  est  colorée  en 
blanc  pur,  à l’exception  de  quelques  cellules  isolées  qui  contiennent  de 
la  résine  ou  une  matière  colorante,  et  des  points  au  niveau  desquels 
les  racines  traversent  de  dedans  en  dehors.  La  moelle  est  entourée  de 
faisceaux  fibro-vasculaires  à teinte  claire,  disposés  irrégulièrement  dans 
toutes  les  directions.  Le  parenchyme  du  rhizome  entier  est  rempli 
d’amidon  et  contient  de  nombreuses  aiguilles  d’oxalatc  de  calcium. 


Les  radicules,  qu’on  enlève  d’ordinaire  en  taisant  la  récolte,  ne  sont 
vivantes  et  succulentes  que  dans  la  moitié  supérieure  du  rhizome,  dont 
la  moitié  inférieure  est  ligneuse  et  poreuse. 

Composition  chimique. — En  1819,  Pelletier  et  Gaventou  découvrirent 
dans  le  rhizome  du  Vératre  une  substance  qu  ils  considérèrent  comme 
identique  à la  Vératrine , dont  l’existence  venait  d’être  découverte  par 
W.  Meissner  dans  les  graines  de  Cévadillë.  D’après  les  observations 
récentes  de  Dragendorff  (1),  la  vératrine  de  la  Cévadillë  ne  se  trouve  ni 


dans  le  Veratrum  album , ni  dans  le  V.  viride. 

Simon  trouva,  en  1837,  dans  ce  rhizome,  un  second  alcaloïde,  la  Jer- 
vine , C30H46Az2O3,  qu’il  distingua  de  la  vératrine  par  la  faible  solubilité 
de  ses  sels,  surtout  de  son  sulfate,  dans  l’eau.  C.  L.  Mitchell,  en  1874, 
a extrait  la  jervine  du  Veratrum  album  et  du  V.  viride.  Il  obtint,  dans 
le  premier  cas,  le  sulfate  sous  forme  d’une  poudre  granuleuse,  dont  il 
sépara  l’alcaloïde  à l’état  d’une  substance  blanche,  brillante,  insipide 
et  inodore,  douée  d’une  réaction  alcaline  faible  et  susceptible  de  cristal- 
liser dans  l’alcool.  Sa  réaction  la  plus  caractéristique  est  la  coloration 
jaune  d’abord,  puis  verte  qu’elle  prend,  sous  l’influence  de  1 acide  sulfu- 
rique concentré. 

Weppen  a retiré  du  Vératre,  en  1872,  la  Vératr amariné,  principe 
amer,  amorphe,  déliquescent.  Elle  n'y  existe  qu’en  petite  quantité  ; 
elle  est  décomposable  en  sucre  et  en  autres  produits.  Elle  se  dissout 
dans  l’eau  et  dans  l’alcool,  mais  est  insoluble  dans  1 éther  et  le  c.liloio- 

forme.  Le  même  observateur  a également  obtenu  1/2  pour  1000  envi- 
ron d'acide  Jervique,  en  cristaux  durs,  de  grande  taille,  ayant  pour 
formule  Gt4H'0OlîH-2H!O.  Cet  acide  exige  pour  sc  dissoudre  100  parties 
d’eau  à la  température  ordinaire,  et  un  peu  moins  d'alcool  bouillant.  11 


(!')  Beitr.  zur  gei 


nchtl.  C hernie,  Saint-Pétersbourg,  1872,  95. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  527 

est  nettement  acide,  et  forme  des  sels  cristallisabl.es  bien  définis,  con- 
tenant 4 équivalents  de  métal. 

En  épuisant  le  rhizome  entier,  y compris  les  racines,  avec  l’éther  et 
l’alcool  anhydre,  nous  avons  obtenu  28,8  pour  100  d’une  résine  molle, 
qui  demande  à être  étudiée  plus  complètement.  Wiegand  obtint,  en  1841 , 
10  pour  100  de  matière  pectique.  D’après  Schroff  (1860),le  principe  actif 
du  Vératre  blanc  réside  dans  la  portion  corticale  des  racines,  la  portion 
centrale  ligneuse  étant  inerte.  Il  affirme  aussi  que  le  rhizome  agit  avec 
moins  d’énergie  que  les  racines,  et  d’une  façon  un  peu  différente. 

Commerce.  — La  drogue  est  importée  d’Allemagne  en  ballots.  Les 
prix  courants  distinguent  un  Veratre  suisse  et  un  autrichien , et  indi- 
quent généralement  la  drogue  comme  « sans  fibres  ». 

Usages.  Le  Vératre  blanc  est  un  émétique  et  un  purgatif  drastique 
rarement  employé  à l’intérieur.  On  le  prescrit  quelquefois  en  Uniment 
contre  la  gale.  Il  est  surtout  usité  dans  la  médecine  vétérinaire. 

Substitutions.  — Le  rhizome  du  Veratrum  nigrurn  L.  passe,  en  Au- 
triche, pour  être  quelquefois  recueilli  comme  celui  du  V.  album.  Il  est 
beaucoup  plus  petit,  et,  d après  Schroff,  moins  énergique.  Celui  de 
1 Helonias  frigida  Lindl.  ( Veratrum  frigidum  Schl.)  du  Mexique,  paraît 
ressembler  exactement  à celui  du  Veratrum  album. 


(a)  Les  Veratrum  Tournefort  [Inst il.  t.  145)  sont  des  Colchicacées  de  lu  tribu  des 
Melanthées,  à fleurs,  polygames,  disposées  eu  panicules  ; ù périanthe  et  androcée 
nexameres  ; à folioles  du  périanthe  distinctes  ; à anthères  formées  de  deux  loges 
confluentes  dans  le  haut  ; à ovaire  surmonté  de  trois  stigmates  divergents  ; à fruit 
tonne  de  trois  carpelles  séparés  dans  le  haut,  polyspermes  ; à graines  comprimées 

c L clllccS» 

Le  Veratrum  album  L.  ( Species , 1479)  est  une  plante  à rhizome  horizontal, 
obiong,  de  1 épaisseur  du  doigt,  noirâtre  en  dehors,  blanchâtre  en  dedans,  émet- 
ant  une  tige  aérienne  haute  de  60  centimètres  à lm,20  et  terminée  par  une  paui- 
cule  de  fleurs.  Cette  tige  porte  des  feuilles  larges,  ovales,  aiguës  ou  un  peu  mousses 
au  sommet,  parcourues  par  de  nombreuses  nervures  longitudinales  et  plissées  dans 
e sens  de  la  longueur,  munies  de  gaines  entières  qui  embrassent  la  tige.  Les  feuilles 
supérieures  sont  plus  petites  et  dépourvues  de  gaines.  Les  fleurs  sont  disposées  en 
une  pamcule  terminale,  pubescente,  dont  les  rameaux  naissent  à l’aisselle  de  brac- 
I?  ° ^ 1<ulue  tleur  est  portée  par  un  pédicelle  beaucoup  plus  court  que  le 

-e.  ^es  cuis  sont  légulières,  colorées  en  blanc  jaunâtre  dans  une  variété  et  eu 
blanc  verdâtre  dans  une  autre  variété.  Le  périanthe  est,  formé  de  six  folioles  per- 
M^mtes,  distinctes,  oblongues,  un  peu  rétrécies  à la  base  et  munies  sur  les  bords 

' pal,tlf  ,nférieure  d’UI,e  üÇne  glanduleuse.  L’androcée  est  formé  de  six  éta- 
bbnes,  connées  â la  base  des  folioles  du  périanthe  et  plus  courtes  qu’elles  étalé» 

d’UU  met  ;ilifüT  ^ d’Une  «oges  confluentes  dansTê 

X.  S i r r 1,1  fc**,,*,u*1*- u «*  *»*  .««ire 

P“  ’ ’ tr,l00ul*11''’  d»  trois  styles  court»,  tlirariqutSs,  terminés 


328  C0LCH1CACÉES. 

chacun  par  un  stigmate  réniforme.  Chaque  loge  ovarienne  contient  une  douzaine 
d’ovules  anatropes,  ascendants,  insérés  dans  1 angle  interne  sur  deux  rangées  ver- 
ticales. Le  fruit  est  une  capsule  oldongue,  triloculaire,  se  séparant  a la  maturité  en 
trois  carpelles  qui  s’ouvrent  ensuite  par  une  fente  longitudinale  au  niveau  de  leur 
bord  ventral.  Chaque  carpelle  contient  plusieurs  graines  sessiles,  un  peu  ascen- 
dantes, oblongues,  comprimées,  entourées  d’une  grande  aile  papyracée.  Les  graines 
renferment  un  albumen  charnu  et  un  embryon  cylindrique  situé  vers  la  base  de 
l’albumen,  dans  le  voisinage  du  hile.  [Tjud.] 


RHIZOME  DE  VÉRATRE  VERT. 

Mhisoma  veralri  viridis  ; angl.,  American  White  Hellébore  (I);  Indian  Pôle. 


Origine  botanique.  — Veratrum  viri.de  Aiton.  Cetle  espèce  ressemble 
beaucoup  au  Veratrum  album,  dont  elle  constitue  une  des  nombreuses 
formes.  En  réalité,  la  variété  à fleur  verte  de  cette  dernière  ( V.  lobe- 
lianum  B ern h.),  qui  n’est  pas  rare  dans  les  prairies  des  Alpes,  est  si 
voisine  du  Veratrum  viride  américain,  qu’on  ne  peut  distinguer  les 
deux  espèces  l’une  de  l’autre  par  aucun  caractère  de  quelque  impor- 
tance (2)  Le  Veratrum  américain  est  commun  dans  les  marécages  et  les 
terres  basses,  depuis  le  Canada  jusqu’à  la  Géorgie  (a). 

Historique.  — Les  aborigènes  de  l’Amérique  du  Nord  connaissaient 


bien  les  propriétés  de  cette  plante,  avant  d’avoir  établi  des  relations  avec 
les  Européens;  ils  s’en  servaient,  d’après  Josselyn  (3),  qui  visita  le  pays 
de  1638  à 1671,  comme  vomitif  dans  une  sorte  d’épreuve.  Cet  auteur  la 
nomme  Hellébore  blanc , et  dit  qu’elle  est  employée  par  les  colons  comme 


purgative,  antiscorbutique  et  insecticide.  Kalm,  en  1749,  dit  (4)  que 
les  premiers  colons  trempaient  leurs  graines  de  maïs  dans  la  décoction 
des  racines,  afin  de  les  rendre  toxiques  pour  les  oiseaux.  Il  ajoute  que 
les  oiseaux  qui  mangeaient  les  graines  ainsi  préparées  devenaient  « de- 
lirious  »,  mais  n’étaient  pas  tués.  Cette  coutume  était  encore  pratiquée 

m On  donne  quelquefois  à celte  drogue  le  nom  A' Hellébore  vert  [grem  Hellébore ), 
JJ  cette  dénomination  appartient  déjà  à VHelleborus  viridis  L„  qu.  dans  quelques 

nnriips  de  l'Europe  est  employé  en  médecine. 

(2)  Sims  en  réunissant  1 eVeratrum  viride  au  Veratrum  album , fait  remarquer  que  es 
fleurs  du  premier  ont  « plus  de  tendance  à se  colorer  en  vert».,  que  les  pétales  sont  plus 
lar-es  et  nias  droits,  et  ont  les  bords,  surtout  au  niveau  de  l’onglet,  épaissis  et  «ouverts 

s» 

(3)  New  England's  Rarieties  Discovcred,  London,  le72,  U , Account  of  JJ 

lu  New  Enqland , Lond.,  1674,  00,  76. 

{V ) Trajet,  in  North  America,  1771,  II,  01,  et  .870,  1 (WoRMunr). 


UISTOIliE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  529 

dans  le  Ncw-England,  en  1835  (Osgood).  Les  effets  de  la  drogue  ont  été 
expérimentés,  à diverses  reprises,  aux  Etats-Unis,  pendant  notre  siècle  ; 
et  Vers  1862,  sur  les  vives  recommandations  des  docteurs  Osgood,  Nor- 
wood,  Cutter  et  autres,  on  a commencé  dans  ce  pays  à la  prescrire  aux 
malades. 

Description.  — Parleur  forme,  leur  structure  intérieure,  leur  odeur 
et  leur  saveur,  le  rhizome  et  les  racines  du  Veratrum  viride  ressemblent 
aux  mêmes  parties  du  Veratrum  album.  Cependant,  par  suite  du  pro- 
cédé employé  pour  faire  sécher  et  préparer  la  drogue  destinée  au  com- 
merce, le  Yératre  américain  se  distingue  immédiatement  du  Vératro 
blanc  d’Europe.  Nous  en  avons  eu  entre  les  mains  trois  variétés; 

1°  Le  rhizome  portant  encore  ses  racines,  ordinairement  coupé  en 
quartiers  dans  sa  longueur,  quelquefois  transversalement,  couvert 
de  nombreuses  racines  colorées  en  brun  pâle,  et  munies,  au  niveau  de 
leurs  extrémités,  de  radicules  fibreuses,  grêles. 

2°  Le  rhizome  et  les  racines  comprimés  en  masses  solides  rectangu- 
laires, épaisses  de  23  millimètres  ; 

3°  Le  rhizome  seul,  coupé  transversalement  en  tranches  et  sec.  Il  se 
présente  en  disques  blanchâtres,  chamois  ou  brunâtres,  de  15  à 23  mil- 
limètres de  diamètre  ou  davantage,  très-ridés  et  contournés  par  la  des- 
siccation. C’est  cette  forme  qui  est  prescrite  par  la  Pharmacopée  des 
Etats-Unis. 


Composition  chimique.  - 11  n’a  été  établi  aucune  différence  chi- 
mique entre  le  Veratrum  viride  et  le  Veratrum  album.  La  présence  de  la 
Vératrine , soupçonnée  par  divers  chimistes,  fut  indiquée  par  Worthing- 
ton  (I),  en  1839,  J.  S.  Richardson,  de  Philadelphie,  en  1857,  el  S.  R. 
Percy,  en  1864,  Scattergood  (2)  a retiré  de  la  drogue  américaine, 
0,4  pour  100  de  cet  alcaloïde,  qui  cependant,  par  suite  de  quelques 
observations  de  Dragendorff  (p.  526),  doit  être  considéré  comme  d’une 
identité  douteuse  avec  celui  de  la  cévadille.  Comme  il  a été  dit  plus 
haut  (p.  526),  la  jeivine  existe  dans  le  Yératre  vert  comme  dans 
celui  d’Europe.  Un.  peut  extraire  la  résine  en  épuisant  la  drogue  avec 
de  l’alcool  concentré  et  précipitant  avec  de  l’eau  acidulée  bouillante,  en 
répétant  l’opération  pour  obtenir  l’élimination  entière  des  alcaloïdes. 
C’est  une  substance  d’un  brun  foncé,  qui  abandonne  le  quart  de  son 
poids  environ  à l’éther.  Scattergood  l’a  obtenue  dans  la  proportion  de  4 et 
demi  pour  100.  En  épuisant  la  drogue  successivement  avec  de  l’éther, 


(1)  Am.  Journ . of  Pharm.,  1839,  IV,  80. 

(2)  Proc,  of  Am.  Pharm.  Assoc.,  1862,  22G. 
IlIS'r.  DES  DUO  G U ES,  T.  II. 


34 


530  COLCHICACÉES. 

de-  l’alcool  absolu  et  de  l’alcool  dilué,  nous  avons  extrait  31  pour  100 
d’une  niasse  résinoïde  molle.  Worthington  a signalé  dans  la  diogue  la 

présence  d’acide  gallique  et  do  sucre. 

Usages.  — Le  Vcratmm  viride  a été  beaucoup  recommandé  dans  ces 
derniers  temps  comme  sédatif  cardiaque,  artériel  et  nerveux.  11  passe 
pour  diminuer  le  pouls,  la  respiration  et  la  température  du  corps,  sans 
être  narcotique,  et  en  n’occasionnant  que  rarement  de  la  purgation  (I), 
mais  on  n’a  pas  encore  établi  à quel  principe  est  due  son  action.  D’après 
quelques  observateurs,  notamment  Bigclow  (2),  Fée  (3),  Schroll  (4)  et 
Oulmont  (3),  il  aurait  les  mêmes  propriétés  médicinales  que  le  Vera- 
trum  album. 


Le  Veralrum  viride  L.  [Speciês,  1479)  est  une  plante  à rhizome  épais  et  charnu, 
couvert  dans  sa  partie  supérieure  de  feuilles  écailleuses,  nu  dans  sa  portion  infé- 
rieure de  laquelle  partent  de  nombreuses  racines  blanchâtres.  11  emet  une  tige  haute 
de  90  centimètres  à im,50,  arrondie,  pleiue,  striée  et  puhescente,  recouverte  par  les 
o-aînes  des  feuilles  et  terminée  par  une  panicule  à rameaux  étalés.  Les  feuilles  son 
hu-es  oblongues,  acuminées,  plissées  dans  la  longueur,  pubescentes^  en  dessous. 
Les  bractées  mères  des  rameaux  de  la  panicule  sont  oblongues-lancéolées  ; les  brac- 
téoles  sont  plus  longues  que  les  pédicelles  floraux  qui  sont  pubescents.  Les  fleurs 
sont  organisées  comme  celles  du  Veralrum  album  (voy.  page  Ü2/,  note  a),  avec  un 
périauthe  à folioles  oblongues,  acuminées,  rétrécies  à la  base,  denticulees,  ci  ees, 
et  des  étamines  deux  fois  plus  longues  que  le  périanthe.  [Thad.  | 


GRAINES  DE  CÉVADILLE. 

Semen  Sabadillx,  Fructus  Sabadillte  ; Cévadille;  angl.,  Cevadilla,  Cebadüla  ; 

• allem.,  Scibadillsanioi,  Lciuscsaniai . 

Origine  botanique.  — Asagræa  officinalis  Lindley  ( Veralrum  offici- 
nale Schlecut.  ; Sabadilla  officinarum  Biundt,  Schœnocaulon  officinale 
A.  Gray).  C’est  une  plante  bulbeuse  qui  croît  au  Mexique  dans  les  prai- 
ries et  sur  les  pentes  orientales  de  la  chaîne  volcanique  du  Cofre  de 
Perote,  à Orizaba,  près  de  Teosolo,  à Huatusco,  Èi  Zacuapan,  pim, 
bas,  sur  les  bords  de  la  mer,  et  dans  le  Guatemala.  La  Cévadille  est  cul- 
tivée ou  du  moins  était  autrefois  cultivée  près  de  Vera-Cruz,  d Alva- 
rado  et  de  Tlacatalpan  dans  le  golfe  du  Mexique  (a).  Lue  autre  forme 

(1)  Cutter,  Lancet,  4 janvier,  10  août  1862  ; Pharm.  Journ.,  1863,  IV,  134. 

(2)  American  Médical  Botany,  1819,  II,  121-13  . 

(3)  Cours  d’Hist.  nat.  Pharm.,  1828,  I,  319. 

(4)  Medizinische  J ahr bûcher,  Vienne,  30  jahresbericht  de. 

(5)  Hcpcrtorium  für  Pharm.,  de  Buchner,  1868,  XV111,  , 

Wiggers  et  Husemann,  1868,  605. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  531 

d’/lsZMa,  signalée  cl’abord  par  Berg  (I),  puis  avec  plus  de  détails 
par  Ernst,  de  Caracas,  qui  pense  qu’elle  peut  constituer  une  espèce 
distincte,  se  trouve  en  abondance  sur  les  pentes  herbeuses,  à une  alti- 
tude de  160  à I 200  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  dans  le  voi- 
sinage de  Caracas,  et  vers  le  sud  dans  la  région  montagneuse  qui  horde 
la  vallée  du  fleuve  Tuy  (2).  Elle  diffère  surtout  par  ses  feuilles  plus  larges 
et  plus  carénées.  Dans  ces  dernières  années,  elle  a fourni  une  grande 
quantité  de  graines  débarrassées  de  leur  capsule,  qui  ont  été  exjDédiées 
de  la  Guaira  à Hamburg  (3). 

Historique.  —La  Cévadille  fut  décrite  pour  la  première  fois  en  1571, 
par  Monardes.  Il  dit  quelle  est  employée  par  les  Indiens  de  la  Nouvelle- 
Espagne  en  applications  caustiques  et  corrosives  sur  les  plaies  ; mais  il 
ne  paraît  pas  qu’elle  fût  alors  apportée  dans  le  commerce  européen,  car 
Parkinson  qui  la  décrivit  en  1040,  sous  le  nom  d 'Orge  bridante  de 
llnde,  et  Ray,  en  1693,  se  contentèrent  de  copier  Monardes.  Pen- 
dant la  seconde  moitié  du  dernier  siècle,  on  commença  à la  recom- 
mander en  France  et  en  Allemagne  pour  la  destruction  des  poux.  Une 
composition  célèbre  pour  cet  usage  était  la  Poudre  des  Capucins,  qui 
consistait  en  un  mélange  de  staphysaigre,  de  tabac  et  de  Cévadille 
qu  on  appliquait  soit  à sec,  soit  à l’état  d’onguent  préparé  avec  la 
graine  (4).  La  Cévadille  était  aussi  administrée  en  pilules,  mélangée  à la 
gomme-gutte  et  à la  valériane  (5),  pour  la  destruction  des  vers  intesti- 
naux, mais  son  action  toxique  la  rendait  dangereuse 
Au  moment  de  l'introduction  de  la  Vératrine  dans' la  médecine,  vers 
8-1,  la  Cevadille  acquit  une  certaine  importance,  et  on  l’administra 
parfois  sous  forme  de  teinture  et  d’extrait.  Elle  tomba  ensuite  en  désué- 

det’latrtoeeS‘  auj°m'd’hui  1“  P°w  * Préparation 


(1)  Beho  et  Schmidt,  Offiz.  Gewüchse,  1858,  1,  t.  IX  e 
2)  Lhnst,  Communication  à la  Société  Linnéennc  de  1 nnd..p=  u 
P)  Le  VeratrumSabadilla  Retz, us  est  considéré  W,t 

comme  or minairo  du  Merimie  Hcc  îi  ' i T . 1 imndley  (btora  meclica,  586) 

une  partie  des gmine» ^ “ Cév.dit  occidentales,  et  comme  fourni,  J 

à Saint-Domingue,  montre  ZÏ  ï ,,alt  rocuwl11  I.lunlc  rivante 

conséquent  très-dilférente  dés  Asagræa.  ’ ° eralrum  album.  L-  et  qu’elle  est  par 

Mal  «““wfvHot  MtiMnum’  ”»»■  V.  171.  - HÈnar  et  De  Leas,  Dict. 
t°)  PEYrULHEj  Cours  d’Hist.  Nat.  Méd.,  1804,  II,  /,oo. 


332 


COLCHICACÉIiS. 

Description.  — Chaque  fruit  est  formé  de  trois  follicules  oblongs, 
pointus,  longs  de  12  millimètres  environ,  entourés  dans  le  bas  par  les 
restes  du  ealieebi-partile,  et  portés  par  un  court  pédoncule.  Les  folli- 
cules sont  réunis  à la  base,  un  pou  étalés  au  sommet;  ils  s ouvient  au 
niveau  de  leur  face  ventrale.  Us  sont  papyracés  et  colorés  en  Imm 
clair  Chaque  follicule  contient  d'ordinaire  deux  graines  noires,  étroites, 
pointues, longues  de  6 millimètres  environ, luisantes,  rugueuses,  et  angu- 
leuses ou  concaves  par  pression  réciproque.  Les  téguments  sont  épais 
et  enveloppent  un  albumen  huileux,  à la  base  duquel  se  trouve  un  p i 
embryon  situé  dans  l'extrémité  opposée  au  sommet  de  la  graine  qui  es 
terminé  par  un  bec.  La  graine  est  inodore  etposséde  une  saveur  amerc. 

Sa  poudre  détermine  des  éternuments  violent». 

structure  microscopique.  - Une  section  transversale  de  la  graine 
met  à découvert  un  albumen  corné,  étroitement  applique  contre  le  testa, 
et  formé  de  cellules  disposées  radialement  en  couches  conoenti  ,qu  ... 
Les  téguments  sont  formés  d'une  couche  extérieure  de  cellules  cubo.to, 
et  de  trois  couches  de  cellules  plus  petites,  allongées  langent, elleme  U, 

I parois  minces  et  brunes.  Le  tissu  de  l'albumen  est  forme  de  grande 
ceUules  ponctuées  contenant  des  gouttes  d'huile,  des  granulations  < 
matière  albuminoïde  et  dn  mucilage.  On  trouve  des  traces  d acide  tan- 
nique  dans  les  couches  extérieures  de  la  graine. 

II  Composition  mimique.  - W.  Meisner,  en  1818,  découvrit  dans  la 

Gévadille  un  alcaloïde,  la  Vératrine  (1),  qui  fut  étudié  lannee  sultan  o 
a ec  plus  de  soins  par  Pelletier  et  Caventou.  Pendant  plusieurs  années 
on  ne  connut  cette  substance  qu'à  l’état  de  poudre  amorphe  et  dans 
cet  état,  elle  contenait  fréquemment  une  quantité  considérable  - 

ai  • i k Merck  l’obtint  en  gros  prismes  rhombiques.  La  Cl 

0„:  ,00  de  vératrine.  Cet  alcaloïde  se  dissout 
vadille  non  chloroforme  ; ces  solutions  et  les 

Il  existe  que  dan  g nt  de  nouveau  étudiés,  dans  le 

kbimafoire^de  Dragendorff,  parWeigelin(2).  11  a trouvé  que  la^ératrine 

.«nsi  nommée  » couse  Un  nom  donné  à U P»  SohlecMendl.  VeraP», 

yfficiAale-  , Sqtfldîmfl, liens,  Dorpal,  1871.  U n"  8 elc 


rm 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

existait  sous  deux  états  isomériques,  l’un  soluble  dans  l’eau  et  l’autre 
insoluble,  ayant  pour  formule  C52H86Az2013  (I).  Quoiqu’il  ait  réussi  à faire 
cristalliser  l’alcaloïde,  il  n’a  pu  obtenir  le  sulfate  et  le  chlorhydrate 
qu’à  l’état  amorphe. 

Couerbe  découvrit,  en  1 834,  un  second  alcaloïde  cristallisable,  la  Sa- 
badilline , insoluble  dans  l’éther,  mais,  d’après  Weigelin,  plus  ou  moins 
soluble  dans  l’eau,  la  benzine,  l’éther  de  pétrole,  l’alcool  amylique  et 
le  chloroforme.  On  peut  le  retirer  de  sa  solution  dans  la  benzine  en 
longues  aiguilles  incolores.  Il  sature  les  acides,  et  forme,  avec  l’acide 
sulfurique  et  l’acide  chlorhydrique,  des  sels  amorphes  gommeux.  Les 
analyses  plus  récentes  de  Weigelin  assignent  à la  sabadilline  la  formule 
GuH68AzsOts.  Gette  substance  ne  provoque  pas,  comme  la  vératrine, 
d’élernuments. 

Dans  le  cours  de  ses  recherches,  Weigelin  trouva  dans  la  Cêvadille  un 
troisième  alcaloïde,  qu’il  a nommé  Scibatrine , et  auquel  il  assigne  la  for- 
mule CslH8GAz2017.  C’est  une  subslance  à aspect  résineux,  incristallisable, 
soluble  dans  l’éther,  la  benzine,  l’éther  de  pétrole,  l’alcool  amylique  et 
le  chloroforme,  mais  peu  soluble  dans  l’eau.  Elle  neutralise  les  acides 
en  formant  des  sels  amorphes.  La  vératrine  du  commerce  contient  tou- 
jours, d’après  Weigelin,  plus  ou  moins  de  sabadilline  et  de  sabatrine. 

La  Cêvadille  a fourni  à Pelletier  et  Caventou  un  acide  gras  volatil, 

Y acide  SabadilUme  ou  Cévadique,  dont  les  cristaux  en  forme  d’aiguilles 
fonaent  a 20°  G.  Enfin,  E.  Merck  y a trouvé,  en  -1839,  un  second  acide 
particulier,  Y acide  Véralrique , G9Ii10Ol  ; il  cristallise  en  prismes  qua- 
drangulaires,  qu’on  peut  sublimer  sans  les  décomposer  (2).  La  Cêvadille 
en  fournit  un  sixième  pour  1 000. 

Commerce.  — D’après  Ernst,  la  quantité  de  Cêvadille,  à l’état  de 
graines  isolées,  exportée  de  la  Guayra,  port  de  Caracas,  est  de  3000  à 
3 G00  quintaux  par  an.  On  n’en  importe  aujourd’hui  aucune  autre  sorte. 

lisages.  — La  Cêvadille  n’est  employée  aujourd’hui,  à notre  connais- 
sance, que  pour  la  préparation  de  la  vératrine.  Au  Mexique,  on  emploie 
la  bulbe  de  la  plan  te  comme  anthelminthique,  sous  le  nom  de  Cebolleja , 
mais  son  action  passe  pour  être  très-dangereuse. 

Les  Asagrœa  Lindley  (in  Botan.  Beght.,  1839,  XXV,  t.  33)  sont  des  Colckica- 
cees  de  la  tribu  des  Mélanthées  à fleurs  polygames  ; à périanthe  coloré,  persistant, 

C8S]|5  jÿrmule  n’est  null(!mont  assurée.  E.  Schmidt,  en  1877,  a proposé  la  formule 
(2)  G est,  selon  borner  (187C),  l’acide  prolocatécliique  dimélhyle  C6H3(OCtl3)2COOII. 

L ’ J 


COLCHICACÉIÏS. 


r»3-i 

formé  de  six  folioles  connées  dans  le  bas,  ncctarifères  à la  base;  à androcée  hexa- 
mère;  h anthères  extrorses  ; à ovaire  libre,  formé  de  trois  carpelles  distincts  dans 
le  haut  ; à loges  contenant  chacune  de  quatre  à six  ovules  bisériés. 

L 'Asagrœa  officinalis  Lindley  (in  / totem.  Ilegist.,  sér.  2,  1839,  t.  33)  est  une 
herbe  bulbeuse,  à bulbe  tunique,  émettant  directement  des  feuilles  radicales  très- 
longues,  linéaires,  atteignant  jusqu’à  près  de  1 mètre  de  haut,  munies  de  nervures 
longitudinales  parallèles  avec  une  nervure  médiane  proéminente  et  carénée  en 
dessous  ; elles  sont  planes,  rigides,  un  peu  scabres  sur  les  bords,  engainantes  à la 
base.  Les  tleurs  sont  portées  par  un  scape  simple,  nu,  haut  de  1 m,50  environ,  ter- 
miné par  une  grappe  grêle,  allongée.  Les  Heurs  de  la  partie  supérieure  de  la  grappe 
sont  mâles.  Les  tleurs  sont  jaunâtres,  portées  par  des  péd icelles  munis  à la  base 
d’une  seule  bractée  et  plus  courts  que  les  fleurs.  Le  périanthe  est  formé  de  six  fo- 
lioles pétaloïdes,  persistantes,  connées  à la  base,  linéaires-lancéolées,  trinerviées,  à 
peu  près  de  même  longueur,  étalées,  munies  chacune  dans  le  bas,  en  dedans,  d’une 
fossette  nectarifère.  L’androcéo  se  compose  de  six  étamines  connées  avec  les  folioles 
du  périanthe,  formées  chacune  d’un  filet  filiforme,  subulé,  et  d’une  anthère  réni- 
forme,  à loges  confluentes  dans  le  haut.  Le  gynécée  est  constitué  par  un  ovaire  supèro, 
libre,  ovale-oblong,  formé  de  trois  carpelles  distincts  et  écartés  l’un  de  l’autre  dans 
le  haut,  atténués  chacun  en  un  style  subulé  que  termine  un  stigmate  oblique,  en 
forme  de  languette.  Chaque  carpelle  contient  de  quatre  à six  ovules  anatropes, 
dressés,  insérés  dans  l’angle  interne  sur  deux  rangées  verticales.  Le  fruit  est  une 
capsule  oblongue,  tricoque,  parcheminée,  dont  les  trois  carpelles  se  séparent  et 
s’ouvrent  par  leur  face  ventrale.  Ils  contiennent  chacun  deux  ou  trois  graines  fixées 
dans  l’angle  interne,  au-dessus  de  la  base,  dressées,  entourées  d’une  aile  membra- 
neuse et  contenant  un  petit  embryon  obovale,  situé  près  du  hile  dans  un  albumen 
charnu.  [Trad.] 


BULBE  DE  COLCHIQUE. 

Connus  Colchici,  Tuber  vel  Bitlbus  vel  Radix  Colchici  ; angl.,  Meudow  Sa/fron  Root  ; 

nllem.,  Zeitlosenknollen. 


Origine  botanique.  — Colchicum  autumnale  L.  Cette  plante  croît  dans 
les  prairies  et  les  pâturages  de  la  plus  grande  partie  de  1 Europe 
moyenne  et  méridionale  ; elle  est  abondante  aussi  dans  plusieurs  loca- 
lités d’Angleterre  et  d’Irlande.  Dans  les  Alpes  du  Valais,  en  Suisse,  elle 
s’élève  jusqu’à  une  hauteur  de  1 600  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer  (a). 

Historique.  — Dioscorides  attira  l’attention  sur  les  propriétés  toxiques 
de  cette  plante,  qu’il  nomme  KoXyy/.bv,  et  à laquelle  il  attribue  pour  patrie 
la  Messenie  et  le  Golchis(l).  Le  caractère  toxique  du  Colchique  paraît 
avoir  empêché  son  emploi  pendant  la  période  classique,  et  pendant  le 


fil  Sa  description  est  exacte,  sauf  en  ce  qu’il  déclare  que  le  bulbe  a une  saveur  douce, 
ce  qui  est  faux  pour  le  bulbe  du  Colchicum  autumnale,  mais  peut  être  vrai  pour  quelque 
autre  espèce. 


535 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

moyen  âge.  Ainsi,  Tragus,  en  1552,  prémunit  ses  lecteurs  contre  son 
usage  qui  se  répandait  sur  la  recommandation  des  médecins  arabes. 
Jacques  Grévin,  médecin  de  Paris,  auteur  de  Deux  Livres  des  Venins , 
dédiés  à la  reine  Elisabeth  d’Angleterre,  imprimés  cà  Anvers  en  1568, 
fait  remarquer  que  « ce  poison  est  ennemy  de  la  nature  de  l’homme  en 
lout  et  partout  » (1).  Dodoens  le  nomme  perniciosum  Culchicum  ; et, 
Lyte,  dans  sa  traduction  de  cet  auteur,  publiée  en  1588,  dit  : « Le  Sa- 
fran sauvage  est  corrupteur  et  vénéneux,  et  par  suite,  n’est  pas  employé 
en  médecine.  » Gerarde  déclare  que  les  racines  du  « Safran  des  prés  » 
sont  « très-nuisibles  à l’estomac  ».. 

Wedel  publia,  en  1718,  un  essai  De  Colchico  veneno  et  alexiphar- 
maco  (2),  dans  lequel,  pour  montrer  la  grande  défaveur  qui  atteignait 
alors  cette  plante,  il  dit  : «Hactenus...  velut  infâme  habitum  et  dam- 
nation fuit  Colchicum,  indignum  habitum  inter  herbas  medicas  vel 
officinales. ..  » Il  ajoute  qu’au  dix-septième  siècle  ses  bulbes  étaient  em- 
ployés dans  quelques  parties  de  l’Allemagne  comme  charme  contre  la 
peste. 

En  présence  de  ces  sévères  appréciations,  il  est  étrange  de  trouver 
dans  la  Pharmacopée  de  Londres  de  1618  (seconde  édition)  la  « Radix 
Colchici  » et  Y Hermodactylus  énumérés  parmi  les  drogues  simples.  Elle 
est  omise  dans  celle  de  1650,  et  ne. reparaît  plus  dans  les  éditions  sui- 
vantes jusqu’en  1788  ; vers  cette  époque,  les  recherches  de  Stôrck  (1763), 
de  Kratochwill  (1764),  de  De  Berge  (1765),  d’Ehrmann  (1772)  et  d’autres 
avaient  démontré  la  possibilité  de  l’employer  avec  succès  dans  la  pra- 
tique médicale. 

Développement  du  bulbe.  — A l’époque  de  la  floraison,  le  bulbe 
est  entouré  d une  double  membrane  ou  tunique  close,  brune,  qui  se 
prolonge  vers  le  haut  en  une  gaine  entourant  la  tige  florifère  ; à la  base 
du  bulbe,  se  trouve  une  touffe  de  racines  simples.  En  écartant  ces  mem- 
branes on  découvre  un  gros  corps  charnu  ovoïde  (bulbe  n"  1),  marqué 
à son  sommet  d’une  cicatrice  déprimée  représentant  le  point  d’attache 
de  la  tige  florale  de  l’année  précédente;  ce  bulbe  est  aplati  sur  une  de 
ses  faces  et  parcouru  par  un  sillon  longitudinal  peu  profond  de  la  partie 
supérieure  duquel  s’élève  un  bulbe  beaucoup  plus  petit,  rudimentaire 
(bulbe  n°  2),  portant  une  tige  florale.  Après  la  production  de  la  fleur, 
en  automne,  le  bulbe  n°  2 augmente  de  taille,  émettant,  à mesure  que  le 
printemps  avance,  sa  tige  fructifère  et  ses  feuilles,  et  acquérant  son  en- 

M)  Anvers,  in-4”,  228. 

(2)  Jéna,  in-4°. 


«30  COLCHICAGÉES. 

lier  développement  après  que  ccs  dernières  sont  parvenues  à l’âge 
adulte.  D’autre  part,  le  bulbe  n"  I ayant  accompli  toutes  ses  fonctions 
se  vide,  et  diminue  de  volume  à mesure  que  le  bulbe  n'1  2 avance  vers 
sa  maturité;  enfin,  il  se  détruit  en  laissant  une  cicatrice  arrondie  qui 
indique  son  point  d’union  avec  son  successeur. 

Récolte.  — En  Angleterre,  on  arrache  d’ordinaire  les  bulbes  et  on  les 
apporte  sur  le  marché,  pendant  le  mois  de  juillet,  aune  époque  intermé- 
diaire entre  la  destruction  du  feuillage  et  la  production  de  la  fleur,  ou 
même  après  que  cette  dernière  s’est  déjà  montrée.  Pour  quelques  pré- 
parations, on  emploie  les  bulbes  à l’état  frais.  Lorsqu’on  veut  les  faire 
sécher  on  a l’habitude  de  les  couper  avec  un  couteau  en  tranches  trans- 
versales égales,  qu’on  fait  sécher  dans  une  étuve  à une  douce  chaleur; 
on  enlève  ensuite  les  membranes  en  les  tamisant  et  en  les  vanant. 

Schroff  a établi,  comme  résultat  de  ses  expériences  (1),  que  les  bulbes 
jouissent  de  leur  plus  grande  activité  médicinale  quand  on  les  récolté  en 
automne,  pendant  ou  après  l’inflorescence;  qu’on  doit  les  faire  sécher 
entiers  par  exposition  au  soleil  et  à l’air,  et  que,  préparés  de  la  sorte,  on 
peut  les  conserver  pendant  plusieurs  années  sans  qu’ils  perdent  de  leur 
activité. 

Description.  — Le  bulbe  frais  est  conique  et  en  forme  de  poire  ren- 
versée ; il  est  long  de  5 centimètres  environ  et  large  de  2 à 3 centimè- 
tres, arrondi  sur  une  de  ses  faces,  aplati  sur  l’autre,  couvert  d’une  tu- 
nique membraneuse  colorée  en  brun  clair,  et  doublée  en  dedans  d une 
seconde  enveloppe  plus  pâle.  Lorsqu’on  le  coupe  en  travers,  il  se  mon- 
tre blanc,  ferme,  charnu  et  homogène,  riche  en  un  suc  amer  et  en 
amidon.  Son  odeur  est  désagréable.  Les  tranches  sèches  sont  inodores, 
et  possèdent  une  saveur  un  peu  amère.  Elles  doivent  être  d’un  beau 
blanc,  crispées  et  cassantes,  sans  moisissures  ni  taches. 

Structure  microscopique.  — La  membrane  extérieure  est  formée  de 
cellules  allongées  tangentiellement,  à parois  épaisses  et  brunes.  Le 
corps  même  du  bulbe  est  formé  de  grandes  cellules  a parois  minces, 
plus  ou  moins  régulièrement  sphériques,  remplies  d amidon,  et  entremê- 
lées de  faisceaux  vasculaires  qui  contiennent  des  trachées.  La  forme 
primitive  des  grains  d’amidon  est  globuleuse  ou  ovoïde  ; mais,  par  pres- 
sion réciproque  et  agglutination  ils  deviennent  plus  ou  moins  anguleux 
ou  tronqués  ; un  grand  nombre  sont  plus  ou  moins  composés  et  formés 
de  plusieurs  granules  unis  en  un  seul.  Dans  tous,  le  hile  est  très-distinct , 

(1)  OEsterreichische  Zeitschri/t  fur  praktische  Êeilkunde , 1S5G,  n"s  22-24  ; Jahrcsbe- 
richt  der  Pharm.  de  Wiggers,  185G,  15. 


337 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

il  affecte  clans  quelques-uns  la  forme  d’un  simple  point,  mais  dans  la 
plupart  il  a la  forme  d’une  ligne  ou  d’une  étoile. 

Composition  chimique.  — Le  bulbe  du  Colchique  contient  : delà  Col- 
chicine  (voyez  l’article  suivant);  environ  10  pour  100  d’amidon;,  du  su- 
cre, de  la  gomme,  delà  résine,  du  tannin  et  un  corps  gras.  Lorsqu’il  est 
coupé  en  tranches  et  desséché,  il  perd  environ  70  pour  100  d’eau  (I). 
Par  la  dessiccation,  le  corps,  probablement  volatil,  auquel  il  doit  son 
odeur,  se  dissipe. 

Usages.  — On  prescrit  beaucoup  le  Colchique  contre  la  goutte,  le 
rhumatisme,  l’hydropisie  et  les  maladies  cutanées. 


AUTRES  ESPÈCES  MÉDICINALES  DE  COLCHIQUES. 

Sous  le  nom  d’ Hennodaclylus  (2),  les  bulbes  de  quelques  autres  es- 
pèces de  Colchiques,  d’origine  orientale,  ont  joui  autrefois  d’une  grande 
réputation  médicinale.  Ces  bulbes  sont  semblables  à ceux  du  Colchique 
commun; ils  sont  entiers,  mais  dépourvus  de  membranes  d’enveloppes; 
ils  sont  cordiformes,  aplatis,  non  ridés  à la  surface,  et  souvent  très- 
petits.  Les  grains  d’amidon  qu’ils  renferment  ressemblent  à ceux  du 
Colchicum  autumnale , mais  dans  quelques  échantillons  ils  sont  deux 
fois  plus  gros. 

Il  existe  une  grande  incertitude  à l’égard  de  l’espèce  de  Colchicum  qui 
produit  les  Hermodactyles.  Le  professeur  J.  E.  Planchon,  qui  a écrit 
sur  ce  sujet  un  article  savant  et  consciencieux  (3),  penche  en  faveur  dû 
Colchicum  variegatum  L.,  espèce  originaire  du  Levant  ; mais  il  est  diffi- 
cile de  supposer  que  cette  espèce  produise  l’ITermodactyle  ( Sürinjân ) des 
bazars  indiens,  qui  est  apporté  du  Kashmir. 

Les  Colchiques  (Colchicum  Touhnefort,  Instit.,  t.  181,  182)  sont  des  Colchica- 
cées  a fleurs  régulières  et  hermaphrodites  ; à périanthe  coloré,  campanule,  formé 
il  un  tube  grêle  et  très-allongé  et  d’un  limbe  à six  divisions  régulières  ; à androcée 
hexamère  ; à ovaire  triloculaire,  contenant  dans  chaque  loge  de  nombreux  ovules  ; 
a fruit  capsulaire,  déhiscent  en  trois  valves,  et  polysperme. 

Le  Colchicum  aulumnale  L.  ( Specics , 48o)  est  une  plante  à bulbe  plein,  à feuilles 
lancéolées,  atténuées  au  sommet,  lisses,  colorées  en  vert  foncé,  longues  de  30  cen- 
timètres environ,  et  larges  de  3 centimètres,  munies  d’une  nervure  médiane  plus 

(I)  C est  la  moyenne  obtenue  pendant  dix  années  par  la  dessiccation  de  IC  quintaux 
de  bulbes,  dans  le  laboratoire  do  MM.  Allen  et  llanbury  de  Londres. 

L llermodactijle  amer  de  Royle  n’est  pas,  à notre  avis,  produit  par  un  Colchicum  ; 
voyez  aussi  Cooke,  in  PJiarm.  Journ.,  1er  avril  1871. 

(8)  Ann.  sc.  nat.,  Dot.,  1855,  IV,  132  ; Pharrn.  Journ.,  1850,  XV,  1G3. 


538 


COLCHICACÉliS. 

sa i Liante  que  les  autres  et  formant  dans  le  dos  une  sorte  de  carène  longitudinale. 
Les  feuilles  ne  se  développent  qu’au  printemps  en  même  temps  que  le  fruit  et  se 
détruisent  pendant  l’été,  tandis  que  les  fleurs  se  sont  montrées  pendant  l’automne 

précédent.  Les  fleurs  sont  radicales,  solitaires,  ou 
plus  ordinairement  groupées  en  petit  nombre  sur 
chaque  bulbe.  Elles  sont  colorées  en  violet  clair  et 
portées  par  un  pédoncule  très-court.  Le  calice  est 
formé  d’un  tube  très-long,  grêle  qui  est  enfoncé  en 
grande  partie  dans  le  sol  et  émerge  au-dessus  de  lui 
de  1 5 à 20 centimètres;  il  est  blanc  dans  sa  partiesou- 
terraine,  et  dilaté  légèrement  vers  le  haut.  Le  limbe 
est  divisé  en  six  lobes  profonds,  imbriqués  dans  la 
préfloraison,  les  trois  extérieurs  recouvrant  les  trois 
autres  qui  sont  un  peu  plus  courts.  Us  sontoblongs- 
lancéolés,  terminés  en  pointe,  parcourus  par  une  ner- 
vure médiane  assez  saillante.  L’androcée  se  compose 
de  six  étamines  à fdets  filiformes,  connées  avec  le 
tube  du  périanthe  jusqu’au  uiveau  de  sa  gorge,  à 
anthères  allongées,  biloculaires,  extrorses,  versatiles, 
déhiscentes  par  deuxfentes  longitudinales.  Le  gynécée 
est  formé  d’un  ovaire  supère,  à trois  carpelles  connés 
dans  la  plus  grande  partie  de  leur  étendue,  mais  in- 
dépendants dans  le  haut.  L’ovaire  est  surmonté  de 
trois  stvles  indépendants,  filiformes,  aussi  longs  que 
le  périanthe,  renflés  dans  le  haut  et  couverts  en  ce  poipt,  sur  leur  face  interne, 
de  papilles  stigmatiques.  Chaque  carpelle  contient  un  grand  nombre  d ovules 
anatropes,  insérés  dans  l’angle  interne  sur  quatre  rangées  verticales,  inégu- 
lières.  Le  fruit  est  une  capsule  triloculaire,  dont  les  trois  loges  se  séparent  à la 
maturité,  au  niveau  de  la  partie  supérieure,  et  s’ouvrent  en  ce  point  par  une  fente  qui 
se  produit  au  niveau  de  la  suture  ventrale.  Chaque  loge  contient  de  nombreuses 
graines  subglobuleuses,  à téguments  épais  et  rugueux,  à raphé  court  et  spongieux  ; 
elles  renferment  un  albumen  charnu  très-épais  et  un  petit  embryon  presque  cylin- 
drique, à radicule  dirigée  vers  le  hile.  [Tuad.] 


Fig.  2G7. 

Colchicum  autufnnalc. 


SEMENCES  DE  COLCHIQUE. 


Semen  Colchici;  angl.,  Colchicum  Seed  ; allern.,  Zeitlosensamen. 

Origine  botanique.  — Colchicum  uulumncilc  L.  (Voyez  page  33/).  Au 
printemps,  après  la  disparition  de  la  fleur  qui  s’est  épanouie  en  au- 
tomne, la  capsule  est  soulevée  au-dessus  du  sol;  elle  est  triloculaire, 
déhiscente  au  niveau  du  sommet,  par  sa  face  ventrale,  et  contient  de 
nombreuses  graines  globuleuses,  réunies  dans  l'angle  interne  des  car- 
pelles. Ces  graines  arrivent  à maturité  dans  la  dernière  partie  de  1 été. 

Historique.  — Les  semences  de  Colchique  furent  introduites  dan?  la 
pratique  médicale  par  le  docteur  W.  H.  Williams,  d’Ipswich,  vers  18-20, 


539 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

parce  qu’il  considérait  leur  action  comme  plus  énergique  que  celle  du 
bulbe  (I).  Elles  furent  admises  dans  la  Pharmacopée  de  Londres 
en  J 824. 

Description.  — Les  graines  sont  globuleuses;  elles  ont  2 milli- 
mètres de  diamètre,  et  sont  rendues  un  peu  pointues  par  la  présence 
d’une  strophiolc  qui  n’est  guère  visible  quand  elles  sont  sèches.  Elles 
sont  rugueuses  et  sombres  ; lorsqu’elles  sont  récentes,  elles  sont  colo- 
rées en  brun  pâle,  mais  elles  se  foncent  peu  à peu  en  se  desséchant,  et 
en  même  temps  laissent  exsuder  une  sorte  de  matière  saccharine.  Elles 
sont  inodores,  même  à l’état  frais,  mais  possèdent  une  saveur  amère 
et  âcre.  Elles  sont  très-dures  et  difficiles  à pulvériser. 

Structure  microscopique.  — L’enveloppe  brune  et  réticulée  des  graines 
est  formée  d’un  petit  nombre  de  couches  de  grandes  cellules  allongées 
tangentiellement,  à parois  minces,  devenant  beaucoup  plus  petites  en 
dedans  ; celles  des  couches  extérieures  contiennent  une  petite  quantité 
de  grains  d’amidon.  Le  tégument  est  mince  et  très-adhérent  à l’albu- 
men, qui  est  corné  et  grisâtre.  Les  cellules  de  ce  dernier  sont  remar- 
quables par  leurs  parois  épaisses,  munies  de  larges  ponctuations;  elles 
contiennent  un  plasma  granuleux  et  des  gouttes  d’huile.  On  peut 
observer  sur  une  coupe  transversale  le  très-petit  embryon  sans  feuilles, 
situé  au-dessous  des  enveloppes,  sur  la  face  opposée  à la  strophiole. 

Composition  chimique.  — Le  principe  actif  des  graines  de  Colchique, 
la  Colchicine,  paraît  n’exister  que  dans  la  proportion  de  0,05  pour  100 
environ.  Les  chimistes  qui  l’ont  étudié  ne  sont  guère  d’accord  sur  ses 
propriétés.  Ainsi,  Oberlin,  en  1856,  a montré  qu’elle  contient  de  l’azote, 
mais  sans  posséder  de  propriétés  basiques.  En  traitant  par  les  acides 
la  colchicine  amorphe  on  obtient  un  corps  crislallisable,  la  Colchicéine. 
Hübler,  en  1864,  a attribué  à cette  dernière  des  propriétés  acides,  et, 
chose  assez  étrange,  il  lui  assigne  la  même  formule  qu  ala  Colchicine  elle- 
même,  C17H19AzOs.  Maisch  (2)  et  Diehl  (3)  ont  obtenu  de  leur  côté  des 
résultats  discordants,  et  il  semble  probable  qu’on  n’a  pas  encore  isolé  la 
colchicine  à l état  de  composition  définie  (4).  Les  graines  contiennent 

(1)  London  Medical  Repository , 1er  août  1820. 

(2)  Pharm.  Journ.,  1867,  IX,  219. 

(3)  Proc.  Amer.  Pharm.  Assoc.,  1867,  363. 

PO  On  peut  déceler  la  moindre  trace  de  Colcliicine  à l’aide  de  la  manipulation  sui- 
\ante  : on  épuise  une  dizaine  de  graines  de  Colchique  entières  avec  de  l’alcool  très- 
faible  (0,94  p.  spécif.).  On  évapore  jusqu’à  consistance  de  sirop,  on  ajoute  de  l’alcool 
absolu  qui  précipite  des  matières  mucilagineuses  que  l’on  décante.  Le  liquide  clair  est 
additionné  d’eau  et  chauffé  pour  en  chasser  l’alcool.  La  résidu  prend  une  leinte  jaune 
quand  on  y ajoute  de  l’acide  sulfurique  ou  azotique.  La  solution  d’ioduro  mercurio- 


SiO  . SMILACÉES. 

des  I races  d’acide  gallique,  du  sucre  et  une  huile  grasse.  Nous  avons 
obtenu  cette  dernière  dans  la  proportion  de  6,6  pour  100,  en  épuisant 
les  graines  sèches  avec  de  l’éther.  Gettc;  huile  se  concrète  a — 8"  C. 
Usages.  — Ils  sont  les  mêmes  que  ceux  du  bulbe. 


SMILACÉES 


RACINE  DE  SALSEPAREILLE. 

jladix  Saraaparillte ; liadix  Sarzæ  vel  Sarsæ;  angl..  Sarsaparilla  ; allem.,  Sarsaparillwursel. 


Origine  botanique.  — La  racine  de  Salsepareille  est  fournie  par  plu- 
sieurs plantes  du  genre  Smilax , indigènes  de  la  moitié  nord  de  1 Amé- 
rique du  Sud,  et  de  toute  l’Amérique  centrale,  jusqu’aux  côtes  sud  et 
ouest  du  Mexique  (a). 

Ces  plantes  possèdent  des  tiges  ligneuses  et  grimpantes,  s’élevant 
souvent  sur  les  arbres  les  plus  hauts  à 1 aide  de  vrilles  qui  paitent  du 
pétiole  de  la  feuille.  Leurs  tiges  sont  ordinairement  angul euscs  c! 
armées  d’aiguillons  durs  ; elles  partent  d un  gros  rhizome  ligneux.  Les 
espèces  médicinales  habitent  les  forets  tropicales  marécageuses,  tiè>- 
nuisibles  à la  santé  des  Européens,  et  ne  pouvant  être  explorées  qu’avec 
les  plus  grandes  difficultés.  Ces  conditions  jointes  à la  dioïcitéetau 
port  des  plantes  qui  rendent  leurs  fleurs  et  leurs  fruits,  développés  dans 
des  saisons  différentes,  difficilement  accessibles,  et  enfin  la  variation 
considérable  des  formes  de  leurs  feuilles,  expliquent  que  nous  ne  pos- 
sédions que  des  renseignements  botaniques  très-imparfaits  sur  les 
sources  de  la  Salsepareille.  On  peut  affirmer  sans  crainte  qu  aucune 
plante  à Salsepareille  des  différents  districts  de  l’Amérique  tropicale 
n’est  scientifiquement  bien  connue.  Les  espèces,  en  outre,  ont  pour  la 
plupart  été  créées  à l’aide  de  caractères  tout  en  fait  insuffisants,  de  sorte 
qu’après  une  étude  attentive  des  échantillons  des  herbiers  nous  sommes 
obligés  de  considérer  comme  encore  douteuses  plusieurs  des  plantes 
qui  ont  été  nommées  par  les  écrivains  précédents (1). 


potassique  (50  gr.  d'iodure  de  potassium,  13», 5 de  chlorure  mercunque  eau  dist.llee 
q.  s.  pour  1 litre)  produit  dans  le  résidu  un  léger  trouble,  puis  un  abondant  Palpite 
jaune  aussitôt  que  l’on  y ajoute  une  gouttelette  d’un  acide  minerai  quelconque  F A.  F 
(I)  Le  Smilax  aspera  L.  commun  du  sud  de  l’Europe  présente  tant  de  d fférences 
dans  le  feuillage  que  s'il  n’était  connu  comme  ses  con générés  de  1 Amérique  tropi- 
cate’que  par  de^’échantillons  herbier  peu  rbl.eS  en  feuille,  ou  le  diviserait  oerUuue- 
ment  en  plusieurs  espècos. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VEGETALE.  S'il 

Après  ces  remarques  préliminaires,  nous  énumérerons  les  plantes 
auxquelles  on  a attribué  la  racine  de  Salsepareille  du  comnicice  . 

1 0 Smilax  officinalis  TI.  B.  K.— Cette  plante  a été  recueillie,  en  1803, 
par  Humboldt,  à Baj orque,  village  situé  sur  la  Magdalena,  dans  la  Nou- 
velle-Grenade (l).  Ces  échantillons,  composés  seulement  d’un  petit 
nombre  de  feuilles  très-imparfaites,  que  nous  avons  vus  dans  l’Herbier 
National  de  Paris,  sont  les  éléments  à laide  desquels  Kunth  a établi  1 es- 
pèce. Humboldt  (“2)  dit  que  de  grandes  quantités  de  ces  racines  sont  expé- 
diées par  la  voie  de  Mompox  et  de  Cartagena  à la  Jamaïque  et  à Cadiz. 
En  1853,  cette  plante  fut  de  nouveau  récoltée  à Bajorque  par  De  Warsze- 
wicz,  qui  envoya  à l’un  de  nous  (H.)  des  feuilles  et  des  tiges  accom- 
pagnées de  la  racine.  Cette  dernière  ressemble  à la  Salsepareille  de  la 
Jamaïque  du  commerce;  mais  à Bajorque  on  ne  récolte  plus  la  racine 
pour  l’exportation.  Le  même  botaniste,  à la  demande  de  l’un  de  nous, 
obtint  en  1851,  sur  le  volcan  et  la  cordillère  de  Chiriqui,  dans  Costa 
Rica,  des  fruits,  des  fleurs,  des  tiges,  et  des  racines  de  la  plante 
récoltée  alors  par  les  Indiens  sous  le  nom  de  Sarsa  peluda  ou  Sarson. 
Ces  échantillons  ressemblent,  autant  que  la  comparaison  est  possible,  à 
ceux  de  la  plante  de  Bajorque,  tandis  que  la  racine  est  impossible  à 
distinguer  de  la  Salsepareille  de  la  Jamaïque  des  boutiques.  D’autres 
échantillons  de  la  même  plante,  recueillis  par  le  même  collectionneur 
en  1853,  furent  envoyés  en  Angleterre  avec  une  souche  vivante,  mais 
cette  dernière  ne  put  pas  croître.  Enfin,  en  4869,  M.  R.  B.  White  nous 
a obligeamment  communiqué  des  feuilles  et  des  racines  d’une  Salsepa- 
reille récoltée  à Patia,  dans  la  Nouvelle-Grenade,  et  qui  nous  paraît 
être  la  même  espèce. 

On  a cultivé  dans  i’île  de  la  Jamaïque,  pendant  plusieurs  années,  et 
dans  les  derniers  temps  en  vue  d’un  emploi  médicinal,  une  Salsepa- 
reille qui  paraît  être  le  Smilax  officinalis.  Les  échantillons  qui  furent 
envoyés  à l’un  de  nous  ne  contenaient  ni  fleurs  ni  fruits,  mais  les 

(1)  Ce  village  n’existe  plus;  il  était  situé  au-dessous  de  l'embouchure  du  (lcuvc  So- 
gamore.  [F.  A.  F.] 

(2)  Kunth,  Synopsis  plant.,  1821,  I,  278.  — Le  Smilax  officinalis  est  une  grande 
et  forte  plante  grimpante,  haute  de  12  à 13  mètres,  avec  une  tige  tout  à fait  quadran- 
gulaire,  armée  d’aiguillons  au  niveau  de  ses  angles.  Les  feuilles  ont  souvent  jusqu’à 
30  centimètres  de  long;  elles  sont  polymorphes,  triangulaires,  ovales-oblongues,  ou 
oblongues-lancéolées,  tantôt  rétrécies  graduellement  vers  le  sommet,  tantôt  arrondies 
et  apiculées;  leur  base  est  atténuée,  tronquée  ou  cordée.  Elles  sont  d’ordinaire  cinq-ner- 
viées,  les  trois  nervures  internes  étant  proéminentes,  et  limitant  une  surface  elliptique. 
Les  Heurs  sont  disposées  en  ombelles  pédoneulées.  Un  bel  échantillon  de  cette  plante 
croit  actuellement  ( 1 8 7 A ) dans  le  jardin  royal  de  Kew,  mais  il  n’a  pas  encore  fleuri. 


SMILACfeES. 


:ü2 

feuilles  et  la  tige  quadrangulairc  ressemblaient  exactement  à celles  de 
la  plante  recueillie  à Bajorque  (1).  La  racine  est  colorée  en  brun-can- 
nelle clair,  et  beaucoup  plus  amylacée  que  celle  de  la  Salsepareille  de  la 
Jamaïque  du  commerce  (voy.  page  549). 

2°  Smilax  medica  Sciio.  et  Ciiam.  — Cette  espèce  (2)  fut  découverte  au 
Mexique  par  Schiede,  en  1820.  Elle  est  sans  aucun  doute  la  source  de 
la  Salsepareille  expédiée  de  laVera  Cruz.  D’après  nos  observations,  elle 
possède  une  tige  tlcxueuse,  ou  en  zigzag,  et  des  feuilles  beaucoup  plus 
petites  que  le  S.  officinalis;  les  feuilles,  quoique  très-variables,  pren- 
nent souvent  une  forme  auriculée,  avec  des  lobes  basilaires  larges  et 
obtus.  Elle  croit  sur  les  pentes  orientales  des  Andes  mexicaines,  et  elle 
est  la  seule  espèce  de  cette  région  dont  on  récolte  les  racines.  Ces  der- 
nières, d’après  Scheide,  sont  arrachées  pendant  toute  la  durée  de  l’année, 
séchées  au  soleil,  et  ensuite  disposées  en  faisceaux. 

Il  existe  des  doutes  et  des  confusions  au  sujet  des  autres  espèces 
de  Smilax  qui  ont  été  signalées  comme  sources  de  la  Salsepareille.  Le 
5’.  syphilitica  H.  B.  K.  avec  des  fleurs  en  une  grappe  d’ombelles,  décou- 
verte sur  le  Gassiquiare,  dans  la  Nouvelle-Grenade,  et  bien  figurée  par 
Berg  et  Schmidt  d’après  un  échantillon  authentique,  paraît,  d’après  les 
dires  de  Pôppig,  fournir  une  certaine  quantité  cle  la  Salsepareille  qui 
est  embarquée  à Para.  Cependant  Kunth  dit  que  la  plante  de  Pôppig, 
recueillie  près  d’Ega,  n’est  pas  celle  d’Humboldt  et  Bonpland.  Spruce, 
qui  a recueilli  le  S.  syphilitica  (herb.,  n°  3779)  en  descendant  le  Rio 
Negro,  en  1854,  nous  a informés  que,  sur  différents  points  de  la  vallée 
de  l’Amazone,  les  Indiens  lui  ont  toujours  affirmé  énergiquement  que 
cette  espèce  était  impropre  pour  la  « Salsa.  » 

Le  Smilax  papyracea,  décrit  par  Poiret  (3),  en  1804,  et  figuré  par 
Martius  (4), n’est  que  très-imparfaitement  connu.  Son  feuillage  ressemble 
à celui  du  S.  officinalis,  mais  en  jugeant  d’après  les  échantillons  de 
Spruce  (n°  1871),  recueillis  sur  le  Rio  Negro,  sa  tige  est  poly angulaire. 
Cette  espèce  est  probablement  la  source  de  la  Salsepareille  de  Para. 

Le  Smilax  cordato-ovata  Rien,  est  une  plante  douteuse,  peut-être  iden- 
tique au  S.  Schomburgkiana  Küntii,  espèce  du  Panama.  Pôppig  pense 
que  sa  racine  est  mélangée  à celle  de  la  plante  qu’il  nomme  S.  syphi- 
litica. 

(1)  Nous  les  devons  à la’générosité  de  3.  Kemble,  Esq.,  qui  se  les  est  procurés,  avec 
des  échantillons  de  la  racine,  au  jardin  gouvernemental  de  Cnstlclon. 

(2)  Figurée  dans  Nëes  von  Esënbeck,  Plantæ  médicinales,  Suppl.,  t.  7. 

(3)  Lamarck,  Encyclopédie  méthodique , dot.,  VI,  1804,  408. 

(4)  Flor.  Bras.,  1842-71,  I,  t.  1. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  543 

Le  Smilax  Purhampuy  Ruiz,  espèce  péruvienne,  passe  pour  fournir 
une  bonne  sorte  de  Salsepareille  ; elle  est  pratiquement  inconnue,  et 
n’est  pas  admise  par  Ivunth  (1). 

Historique.— Monardes(â)  a rappelé  que  la  Salsepareille  fut  introduite 
à Séville  vers  1545,  où  elle  était  apportée  de  la  Nouvelle-Espagne,  et 
qu’une  sorte  meilleure  vint  ensuite  du  Honduras.  Il  ajoute  qu’une  Salse- 
pareille de  qualité  excellente  fut  importée  plus  tard  de  la  province  de 
Quito,  qu’elle  était  récoltée  dans  le  voisinage  de  Guayaquil,  et  qu’elle  était 
de  couleur  foncée,  plus  longue  et  plus  épaisse  que  celle  du  Honduras. 
Ces  détails  sont  confirmés  par  le 'témoignage  des  premiers  écrivains. 
Ainsi  Joâo  Rodriguez  de  Gastello  Branco,  communément  connu  sous  le 
nom  d’Amatus  Lusitanus,  médecin  portugais  d’origine  juive,  qui  prati- 
qua surtout  en  Italie,  a laissé  un  ouvrage  (1556)  rappelant  ses  expé- 
riences médicales,  et  racontant  les  cas  de  traitement  suivis  de  suc- 
cès (3).  Un  de  ces  derniers  se  rapporte  à un  malade  qui  souffrait  de 
rhumatisme  aigu  pour  lequel  il  prescrivit  en  dernière  ressource  la  Sal- 
sapanlla.  Cette  drogue,  dit-il,  a été,  depuis  quelques  années,  apportée 
d un  pays  nouvellement  découvert,  du  Pérou  ; c’est  une  longue  racine 
semblable  à un  sarment  croissant  sur  la  souche  d’une  sorte  de  ronce 
semblable  à une  vigne;  les  Espagnols  la  nomment  Zarsa  parrilla,  et 
elle  constitue  un  excellent  médicament. 

■Vers  la  même  époque  (4),  la  Salsepareille  fut  décrite  par  Auger  Fer- 
rier  (5),  médecin  de  Toulouse;  il  dit  que  dans  le  traitement  de  la 
syphilis,  qu’il  nomme  Lues  hispanica,  elle  est  considérée  comme  préfé- 
î aille  à la  ? ucine  de  Chine  et  au  Lignum  sanetwn.  Girolamo  Cardano,  de 
Milan,  dans  un  petit  ouvrage  intitulé  De  Radice  Cina  et  Sarza  Porilia 
pudicium , exprime  une  opinion  semblable.  Turner,  dans  la  troisième 
partie  de  son  Herhall,  imprimée  en  1568,  mentionne  la  Salsaperilla  à 
laquelle  il  dit  que  des  écrivains  modernes  assignent  les  mêmes  vertus 
qu’au  Gaïac. 

(1)  On  ne  peut  pas  supposer  que  toutes  les  espèces  de  Smilax  soient  susceptibles  de 
produire  la  drogue.  Il  y en  a plusieurs,  même  dans  l’Amérique  du  Sud,  qui,  comme  le 
Smilax  aspera  d'Europe,  possèdent  des  racines  minces,  filiformes,  qui  ne  pourront  ja- 
mais passer  pour  la  Salsepareille  médicinale. 

(2)  Pages  18  et  88,  de  l’ouvrage  cité  à la  page  247,  note  3. 

(3)  Curationum  medicinalium  C entur  iæ  quatuor,  Basil  eæ,  155G,  3G3. 

( 0 J ai  fait  voir  dans  mes  « Documente  zur  gcschichte  (1er  Pharmacie , » Ilallc,  187(i, 

T*’  qUedcs  15G:i  la  Salsepareille  était  cotée  dans  le  tarif  de  la  petite  ville  d’Anna- 
berg,  en  Saxe.  [P.  A.  F.] 

(o)  De  Puctendacjra  lue  Hispanica , lihri  duo , publié  d’abord  à Toulouse  en  1553  et 
plusieurs  fois  réimprimé.  Nous  avons  consulté  l’édition  d’Anvers)  de  1564.  avec  laquelle 
CS  imP,,rr"  ouvrage  de  Cardano.  Ce  dernier  passe  pour  avoir  paru  d’abord  en  1559. 


l)U  SMILACÈES. 

Pedro  de  Cieza  de  Leon,  dans  sa  chronique  du  Pérou  (I),  qui  con- 
tient les  observations  faites  par  lui  dans  l’Amérique  du  Sud,  entre 
4 532  et  1530,  donne  des  détails  particuliers  sur  la  Salsepareille,  qui 
croît  dans  la  province  de  Guayaquil  et  l'île  voisine  de  Puna,  et  recom- 
mande le  traitement  sudorifique  de  la  syphilis  suivi  à cette  époque. 
Gerarde  (2),  qui  écrivait  vers  la  fin  du  même  siècle,  dit  que  la  Salsepa- 
reille du  Pérou  est  importée  en  Angleterre  en  grande  quantité. 

Récolte  île  la  racine.  — M.  Richard  Spruco,  le  hardi  botaniste  explo- 
rateur de  la  vallée  de  l’Amazone,  nous  a communiqué  sur  ce  sujet  les 
particularités  suivantes  que  nous  citons  textuellement  : 

« Lorsque  j’allai  à Santarem , sur  l’Amazone,  en  1 849-30,  où  de  grandes 
quantités  de  Salsepareille  sont  apportées  des  parties  hautes  de  la  rivière 
de  Tapajôz,  et  plus  tard,  en  1851-53,  lorsque  je  me  trouvai  sur  le  Rio 
Negro  supérieur,  et  l’Uaupés,  j’interrogeai  souvent  les  commerçants  au 
sujet  de  leurs  criteria  des  bonnes  sortes  de  Salsepareille.  Quelques-uns 
d’entre  eux  avaient  acheté  leur  marchandise  aux  Indiens  des  forêts,  et 
ne  possédaient  eux-mêmes  aucun  moyen  certain  de  reconnaître  sa  pu- 
reté ou  sa  qualité,  si  ce  n’est  la  taille  des  racines,  les  plus  épaisses  étant 
achetées  à Para  aux  prix  les  plus  élevés.  Ceux  qui  avaient  recueilli  eux- 
mêmes  la  Salsepareille  étaient  guidés  par  les  caractères  suivants  : l"  plu- 
sieurs tiges  partant  d’une  même  souche;  2°  des  aiguillons  très-serrés  ; 
3°  des  feuilles  minces.  Le  premier  caractère  était,  d’après  eux,  le  seul 
essentiel,  car  dans  les  espèces  de  Smilax  qui  ont  des  tiges  solitaires  ou 
qui  n’en  ont  pas  plus  de  deux  ou  trois,  les  racines  sont  si  peu  nom- 
breuses qu’on  ne  gagne  rien  à les  arracher,  tandis  que  les  espèces  mul- 
ticaules  ont  des  racines  nombreuses  et  longues,  trois  au  moins  pour 
chaque  tige,  s’étendant  horizontalement  dans  tous  les  sens. 

« En  1851,  pendant  que  je  me  trouvais  aux  chutes  du  Rio  Negro,  qui 
sont  croisées  par  l’équateur,  neuf  hommes  partirent  du  village  de  Saint- 
Gabriel  pour  recueillir  la  Salsa,  ainsi  qu'ils  nomment  les  racines  de  Sal- 
separeille, aux  sources  de  la  rivière  Cauaburis.  Pendant  leur  absence, 
je  fis  la  connaissance  d’un  vieil  Indien  qui  me  dit  que  quatre  années 
auparavant  il  avait  apporté  du  Cauaburis  des  pousses  de  Salsa,  et  qu  il 
les  avait  plantées  dans  un  tabocâl,  groupe  de  bambou  indiquant  la  place 
d’un  ancien  village  indien,  situé  de  l’autre  côté  des  chutes,  et  il  m'invita 


(L)  Parte  primera  de  la  Chronica  del  Peru,  Sevilla,  1552,  fol.  ueix.  - H en  existe 
une  traduction  faite  en  1864  pour  l’Iiakluyt  Society,  par  Markham,  qu.  fait  observer  que 
Cieza  de  Leon  n’a  jamais  visité  lui-même  Guayaquil. 

(2)  Herball,  enlarged  by  Johnson,  1636,  859. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  545 

à aller  assister  à sa  première  récolte  de  racines.  Le  23  mars,  je  visitai  le 
tabocâl  et  j’y  trouvai  une  demi-douzaine  de  pieds  d’un  Smilax  à tiges 
très-épineuses,  mais  sans  fleurs  ni  fruits.  A ma  demande,  l’Indien  opéra 
d’abord  sur  le  plus  beau  pied.  Il  avait  cinq  tiges  partant  de  sa  souche 
et  de  nombreuses  racines,  longues  d’environ  9 pieds,  s’étendant  horizon- 
talement de  tous  les  côtés.  Il  enleva  d’abord  avec  la  main  la  mince 
couche  de  terre  qui  recouvrait  les  racines  en  s’aidant  d’un  bâton 
pointu;  si  la  Sal'sa  avait  été  la  seule  plante  poussée  dans  ce  sol,  la  tâche 
eût  été  facile,  mais  ses  racines  étaient  souvent  difficiles  à distinguer  de 
celles  des  bambous  et  des  autres  plantes  qu’il  était  obligé  de  couper 
avec  un  couteau  pour  suivre  la  trace  des  premières.  Les  racines  ayant 
été  extraites  du  sol  (ce  qui  fut  l’affaire  d’une  demi-journée,  mais  avec 
des  plantes  de  grande  taille,  il  faut  souvent  un  jour  entier  et  davantage) 
il  les  coupa  près  de  la  souche,  ne  laissant  que  les  plus  grêles  pour 
permettre  à la  plante  de  continuer  à croître.  Il  ramena  aussi  le  bas  des 
tiges  sur  le  sol  et  les  recouvrit,  ainsi  que  la  couronne,  d’un  peu  de  terre 
et  de  feuilles  mortes  pour  que  de  nouveaux  bourgeons  produisissent 
bientôt  de  nouvelles  tiges.  Cette  plante,  âgée  de  quatre  années,  produisit 
10  livres,  la  moitié  d’un  arroba  portugais  de  racines;  mais  une  plante 
bien  développée  donne  à la  première  récolte  de  un  à deux  arrobas.  Au 
bout  d’une  couple  d’années,  on  peut  faire  une  nouvelle  récolte  sur  le 
même  pied,  mais  les  racines  sont  alors  plus  grêles  et  moins  riches  en 
amidon.  » 

Description  générale.  - Les  espèces  médicinales  de  Smilax  possè- 
dent un  rhizome  épais,  court,  noueux.  Il  en  part  horizontalement  de 
longues  racines  charnues,  ayant  l’épaisseur  d’une  plume  d’oie  ou  du 
petit  doigt,  ordinairement  simples,  bifurquées  seulement  vers  leur 
extrémité  et  émettant  des  radicules  capillaires,  ramifiées,  de  taille  à 
peu  près  uniforme;  on  ne  les  trouve  guère  en  grande  quantité  dans  la 
partie  la  plus  grêle  de  la  racine,  voisine  de  la  souche.  A l’état  frais,  les 
lacines  sont  succulentes  (I),  mais  à l’état  de  siccité,  comme  on  les 
trouve  dans  le  commerce,  elles  sont  plus  ou  moins  sillonnées  dans  leur 
longueur,  du  moins  dans  le  voisinage  du  rhizome.  Examinées  avec  une 
bonne  loupe,  les  racines  et  les  radicules  se  montrent,  dans  quelques 
échantillons,  revêtues  de  poils  courts,  veloutés  ou  rigides. 

La  présence  ou  l’absence  et  la  quantité  plus  ou  moins  grande  d’ami- 

(I)  Nous  avons  été  autorisé  a examiner  la  racino  fraîche  du  beau  pied  de  Smilax 
officinalis  du  Jardin  royal  de  Kcw,  et  nous  avons  trouvé  qu’elle  ressemble  par  son  as- 
pect et  sa  structure  ît  la  Salsepareille  do  la  Jamaïque. 

HISTOIRE  DES  DROGUES,  T.  II. 


35 


S46  SMI  LACÉES. 

« 

don  dans  les  racines  sont  considérées  comme  un  caractère  important 
pour  estimer  la  qualité  de  la  drogue.  En  Angleterre,  on  préfère  les  ra- 
cines non  amylacées  ou  peu  riches  en  amidon,  et  qui  seules  con\icnnent 
à la  préparation  d’un  extrait  fluide,  foncé  en  couleur,  recherché  par  le 
public.  Sur  le  continent,  et  surtout  en  Italie,  on  estime  surtout  les 
racines  qui,  coupées  transversalement,  offrent  une  écorce  épaisse  et 
une  substance  interne  blanche. 

La  quantité  plus  ou  moins  considérable  d'amidon  dans  la  racine  des 
Smilax  est  un  caractère  sans  importance  botanique,  et  qui  paraît  varier 
beaucoup  dans  une  même  espèce.  L’examen  de  fragments  d’écorce  de 
Salsepareille  de  la  Jamaïque  montre  que  dans  le  plus  grand  nombre 
des  échantillons  l’amidon  n’existe  pas  dans  toute  la  longueur  d’une  même 
racine  ; certaines  n’offrent  pas  d’amidon  dans  le  voisinage  du  rhizome, 
mais  possèdent,  dans  leurs  parties  moyennes  ou  près  de  leurs  extrémi- 
tés, une  écorce  amylacée  et  rendue  blanche  par  l’amidon;  d’autres  sont 
peu  amylacées  dans  leur  point  de  contact  avec  le  rhizome,  et  le  devien- 
nent de  plus  en  plus  à mesure  qu’on  s’éloigne  de  ce  dernier.  Dans  la 
Salsepareille  du  Guatemala,  qui  est  considérée  comme  une  sorte  très- 
amylacée,  il  est  facile  de  constater  que  l’écorce  est  peu  riche  en  ami- 
don dans  le  voisinage  du  rhizome,  mais  présente  des  dépôts  abondants 
de  fécule  dans  les  parties  plus  éloignées.  La  quantité  de  radicules  atta- 
chées aux  racines  de  Salsepareille  est  très-variable  ; on  donne,  dans  le 
commerce  anglais,  à celles  qui  en  ont  beaucoup,  le  nom  de  barbues.  Ce 
caractère  dépend  en  partie  des  circonstances  naturelles  et  en  partie  de  la 
coutume  adoptée  par  les  collecteurs  qui  laissent  ou  enlèvent  les  radi- 
cules. Le  docteur  Rhys,  de  Belize,  a montré  que  la  quantité  des  radicule» 
dépend  beaucoup  de  la  nature  du  sol,  leur  développement  étant  d au- 
tant plus  considérable  que  le  sol  est  plus  humide. 

La  Salsepareille  sèche  ne  possède  guère  d’odeur;  cependant,  quand 
on  la  fait  bouillir  en  grande  quantité,  ou  quand  on  évapore  sa  décoction, 
il  s’en  dégage  une  odeur  particulière  et  très-facile  à percevoir.  La  sa- 
veur de  la  racine  est  terreuse  et  peu  prononcée  ; la  décoction  elle-memc 

ne  possède  pas  de  saveur  très-prononcée. 

structure  microscopique.  - Sur  une  section  transversale  de  là  ra- 
cine les  faisceaux  fibro-vasculaires  se  montrent  limités  a la  partie  cen- 
trale où  ils  sont  entourés  d’une  ligne  circulaire  brune  En  dedans 
de  ce  cercle,  les  faisceaux  sont  disposés  à côté  les  uns  de*  autres  de 
façon  à former  une  zone  ligneuse.  La  portion  tout  a fait  centrale  de  la 
racine  est  formée  d’un  tissu  médullaire  blanc,  dans  lequel  sont  parfois 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  Ml 

dispersés  un  certain  nombre  de  faisceaux.  Un  parenchyme  semblable 
existe  entre  le  cercle  brun  ou  gaine  des  faisceaux  et  l’épiderme.  Sur 
une  section  longitudinale,  l’épiderme  offre  plusieurs  couches  de  cel- 
lules allongées,  à parois  extérieures  brunes  et  épaissies  par  des  dépôts 
secondaires.  La  gaine  des  faisceaux  est  formée  d’une  seule  couche  de 
cellules  prismatiques,  dont  les  parois  internes  et  latérales  seules  offrent 
des  dépôts  secondaires.  Les  faisceaux  contiennent  de  larges  vaisseaux 
scalariformes  et  des  cellules  parenchymateuses  lignifiées. 

Les  cellules  parenchymateuses,  lorsqu’elles  ne  sont  pas  dépourvues 
de  contenu  solide,  sont  remplies  de  gros  grains  d’amidon.  Quelques- 
unes  offrent  aussi  des  faisceaux  de  cristaux  aciculaires  d’oxalate  de 
calcium.  Dans  les  Salsepareilles  non  farineuses,  les  vaisseaux  et  les 
cellules  ligneuses  contiennent  parfois  une  résine  jaune. 

Les  diverses  sortes  de  Salsepareille  diffèrent  les  unes  des  autres,  non- 
seulement  par  1 absence  ou  la  présence  de  l’amidon,  mais  aussi  par 
l 'épaisseur  de  la  zone  ligneuse,  qui  dans  quelques-unes  offre  plusieurs 
fois  le  diamètre  de  la  zone  centrale.  Dans  d’autres,  le  diamètre  de  la 
zone  ligneuse  est,  au  contraire,  beaucoup  moindre.  La  gaine  des  fais- 
ceaux offre,  sur  la  coupe  transversale,  des  caractères  encore  meilleurs 
pour  distinguer  les  diverses  sortes  de  la  drogue.  Le  contour  des  cellules 
peut  être  quadrangulaire  ou  un  peu  arrondi,  ou  bien  il  peut  être  plus 
ou  moins  allongé.  Dans  ce  dernier  cas,  il  peut  être  allongé  dans  le  sens 
du  rayon,  ou,  au  contraire,  dans  une  direction  tangentielle.  L’épaisseur 
des  parois  cellulaires  peut  aussi  varier  beaucoup. 

Caractères  des  diverses  sortes  de  Salsepareilles.  - Dans  l’état  actuel 
de  nos  connaissances,  aucune  classification  botanique  des  diverses 
sortes  de  Salsepareilles  n’étant  possible,  nous  nous  bornerons  à adopter 
le  groupement  établi  par  Pereira,  et  nous  les  diviserons  en  deux 
classes  : celles  qui  sont  farineuses,  c’est-à-dire  dans  lesquelles  l’amidon 
constitue  un  principe  prédominant;  et  celles  qui  sont  non  farineuses  ou 

dans  lesquelles  l’amidon  n’existe  qu’en  quantité  relativement  peu  con- 
sidérable. 


A.  SALSEPAREILLES  FARINEUSES. 

1°  Salsepareille  du  Honduras.  - Cette  drogue  est  expédiée  de  Belize. 
Je  est  disposée  en  paquets  longs  de  73  centimètres  et  épais  de  8 à 
centimètres,  étroitement  serrés  avec  une  racine  enroulée  autour 
eux.  Les  paquets  sont  réunis  en  balles  à l’aide  de  grandes  pièces  de 


548  SMILACfcES. 

cuir,  placées  aux  deux  extrémités,  et  maintenues  pai  des  counoies  de 
cuir  renforcées  de  cercles  en  fer. 

Les  racines  sont  profondément  sillonnées,  ou  parfois  dodues  et  lisses, 
plus  ou  moins  barbues , c’est-à-dire  couvertes  de  radicules.  Dans  la  plus 
grande  partie  de  leur  longueur,  elles  offrent,  lorsqu’on  les  coupe  en 
travers,  une  écorce  épaisse,  remplie  d’amidon.  Dans  les  parties  voisines 
du  rhizome  cependant,  l’écorce  est  brune,  résineuse  et  non  amylacée. 
Elles  sont  colorées  en  brun  pâle,  parfois  un  peu  orangé.  La  drogue 
offre  de  grandes  variations,  de  sorte  qu’il  est  à peu  près  impossible  de 
lui  assigner  des  caractères  distinctifs  absolus. 

Les  importations  annuelles,  dans  le  Royaume-Uni,  de  la  Salsepareille 
du  Honduras  anglais  ont  été  en  moyenne,  pendant  les  cinq  années  posté- 
rieures à 1870,  de  52  000  livres  environ. 

Salsepareille  du  Guatemala.  — Cette  sorte  de  Salsepareille  apparut 
pour  la  première  fois  dans  le  commerce  en  1852.  Elle  ressemble  a celle 
du  Honduras  par  plusieurs  de  ses  caractères,  et  est  emballée  de  la  même 
façon;  mais  elle  possède  une  coloration  plus  nettement  orançjee.  Dans 
le  voisinage  du  rhizome,  les  racines  sont  maigres,  ridées  et  peu  amy- 
lacées, mais  elles  deviennent  graduellement  plus  épaisses,  6 millimétrés 
environ,  et  acquièrent  une  écorce  épaisse  qui,  intérieurement,  est  très- 
blanche  et  amylacée.  L’écorce  de  cette  Salsepareille  possède  une  grande 
tendance  à se  fendre  et  à s’enlever,  et  dans  beaucoup  de  points  elle 

laisse  à nu  la  colonne  ligneuse  centrale. 

D’après  Bentley  (1),  qui  a examiné  des  échantillons  de  la  plante, 

Cette  racine  est  produite  par  le  Smilax  papyracea;  nous  n’avons  pas  de 
motifs  suffisants  pour  adopter  cette  opinion. 

3»  Salsepareille  du  Brésil , de  Para  ou  de  Lisbonne.  — Quoique  tenue 
autrefois  en  grande  estime,  la  Salsepareille  du  Brésil  est  peu  appréciée 
en  ce  moment  en  Angleterre,  et  on  ne  la  voit  que  rarement  sur  le  mar- 
ché de  Londres  (2).  Elle  est  emballée  d’une  manière  toute  spéciale. 
Les  racines  sont  fortement  comprimées  en  un  cylindre  de  90  centimètres 
de  long  ou  davantage  et  de  15  centimètres  de  diamètre  ; la  tige  fiexible 
d’une  plante  de  la  famille  des  Bignoniacées  est  enroulée  autour  de 
chaque  cylindre,  et  les  extrémités  sont  coupées  net. 


m Pharm.  Journ.,  1853,  XII,  470,  avec  figure.  , „ . 

; Nous  avons  Mf  que  sotantc-si*  paquet»  de  celte  droB„e  provenant  de  Par. 

furent  mis  en  vente  le  15  décembre  1S53.  [D.  II.] 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


F40 


B.  SALSEPAREILLES  NON  FARINEUSES. 

4°  Salsepareille  de  la  Jamaïque.  — Cette  sorte  est  considérée  par  les 
droguistes  anglais  comme  la  plus  importante  ; elle  paraît  être  celle 
qui  possède  les  propriétés  médicinales  les  plus  prononcées,  et  elle  est 
seule  admise  par  la  Pharmacopée  anglaise.  Quoique  désignée  constam- 
ment sous  le  nom  de  Salsepareille  de  la  Jamaïque , on  sait  bien  qu’elle 
doit  ce  nom  uniquement  à ce  qu’elle  nous  est  apportée  de  l’Amérique 
centrale  en  passant  par  cette  île.  Au  commencement  du  dernier 
siècle,  la  Jamaïque  était  l’entrepôt  de  la  Salsepareille.  De  grandes 
quantités  y étaient  apportées,  d’après  Sloane,  du  Honduras,  de  la 
Nouvelle-Espagne  et  du  Pérou.  La  patrie  réelle  de  la  Salsepareille  de 
la  Jamaïque,  d après  De  Warszewicz  (1857),  est  la  chaîne  de  montagnes 
connue  sous  le  nom  de  Cordillère  de  Chiriqui,  dans  la  partie  de  l’isthme 
de  Panama  qui  confine  à la  république  de  Costa-Rica.  La  plante  y 
croît  à une  altitude  de  1 200  à 2 400  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer.  La  racine  est  apportée  par  les  indigènes  à Boca  del  Toro,  sur  la 
côte  de  l’Atlantique,  ou  elle  est  embarquée. 

La  drogue  est  formée  de  racines  de  1 m,80  ou  davantage  de  long, 
pliées  de  façon  à.  former  un  paquet  de  50  centimètres  de  long  et 
de  10  centimètres  de  diamètre,  lié  et  entouré,  mais  d’une  façon  moins 
serrée  que  la  racine  du  Honduras,  à l’aide  d’une  racine  de  la  même 
plante.  Le  rhizome  manque  entièrement,  mais  les  radicules  sont  conser- 
vées, et  forment  une  proportion  importante  de  la  drogue.  Les  racines 
sont  profondément  sillonnées,  ridées,  et  généralement  plus  grêles  que 
celles  du  Honduras.  L’écorce,  raclée  avec  un  canif,  paraît  brune,  dure 
et  non  farineuse.  Il  n’est  pas  rare  cependant  de  trouver  des  racines  qui 
possèdent  une  écorce  lisse  et  riche  en  amidon.  La  coloration  de  la  Sal- 
separeille de  la  Jamaïque  varie  du  brun  terreux  pâle  à une  teinte  fer- 
] ugiueuse  plus  foncée.  Cette  dernière  est  la  plus  recherchée. 

La  drogue  cultivée  dans  file  même  de  la  Jamaïque,  dont  nous  avons 
parlé  à la  page  541,  est  bien  préparée,  mais  sa  coloration  est  si  pâle  et 
elle  est  si  riche  en  amidon,  qu’elle  n’obtient  que  peu  de  faveur  sur  le 
marché  de  Londres.  Il  en  a ôté  exporté  de  la  Jamaïque,  en  1870, 
1747  livres,  et  en  1871,  1 290  livres  (1). 

a Salsepareille  du  Mexique.  — Les  racines  de  cette  variété  ne  sont 

(I)  Blue  Books , hland  of  Jamaïca  for  1870,  1871. 


830  SMILACfŒS. 

pas  disposées  en  faisceaux,  mais  empaquetées  en  ballots,  en  fragments 
longs  de  90  centimètres  environ.  Elles  sont  souvent  mélangées  de  frag- 
ments de  tige  anguleux,  mais  non  carrés  et  épineux.  Les  racines  sont 
colorées  en  brun  pâle  ; elles  sont  maigres,  ridées,  et  ne  portent  que  peu 
de  radicules.  Lorqu’clles  sont  épaisses,  elles  possèdent  une  écorce  assez 
riche  en  amidon,  mais  lorsqu’elles  sont  minces  et  proviennent  du  voi- 
sinage du  rhizome,  elles  ne  sont  pas  amylacées. 

6°  Salsepareille  de  Guayaquil.  — On  exporte  depuis  longtemps  de 
Guayaquil  (voyez  p.  543)  une  sorte  estimée  de  Salsepareille.  M.  Spruce 
nous  a informés  qu’elle' provient  en  grande  partie  des  vallées  qui  débou- 
chent dans  la  plaine  sur  le  versant  occidental  des  Andes  Equatoriales, 
mais  surtout  de  la  vallée  cl’Alausi,  où,  en  1859,  il  put  observer  la  plante 
elle-même,  à la  jonction  de  la  petite  rivière  Puma-Gocha  avec  le  Yagua- 
chi.  La  plante  paraît  être  très-productive;  on  raconte,  en  effet,  qu’une 
seule  souche  a pu  fournir  jusqu’à  75  livres  de  racines  fraîches  (1). 

La  Salsepareille  de  Guayaquil  diffère  beaucoup  des  sortes  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  Elle  est  grossièrement  empaquetée  en  grosses  balles,  et 
n’est  pas  disposée  d’ordinaire  en  paquets  distincts.  Le  rhizome  et  une 
partie  de  la  tige  sont  souvent  mélangés  aux  racines.  La  tige  est  ronde  et 
non  épineuse.  La  racine  est  épaisse,  longue,  son  apparence  est  gros- 
sière, et  elle  porte  un  grand  nombre  de  radicules.  L’écorce  est  sillonnée, 
assez  épaisse,  dépourvue  d’amidon  dans  les  parties  grêles  de  la  racine 
qui  avoisinent  le  rhizome;  mais  dans  les  portions  épaisses  l’écorce  est 
plus  lisse,  plus  épaisse  et  amylacée,  et  offre  intérieurement,  sur  la  sec- 
tion, une  coloration  fauve  bu  jaune  pâle,  lien  a été  exporté  de  Guaya- 
quil, en  1871,  1 017  quintaux  valant  3 814  livres  (2). 

Composition  chimique. — Galileo  Pallotta,  de  Naples,  vers  1 824,  réussit 
le  premier  à retirer  delà  Salsepareille  un  principe  particulier  qu’il  prit 
pour  un  alcaloïde  et  nomma Pariglina,  ou,  comme  on  l’écrit  aujourd  hui, 
Parilline.  11  épuisa  la  drogue  brute  par  l’eau  bouillante,  et  mélangea  sa 
décoction  avec  un  lait  de  chaux;  il  se  produisit  un  précipite  grisa  re, 
qu'il  detesécha  et  traita  par  l’alcool  chaud;  ce  dernier  enleva  la  pari - 
line.  Pallotta  dit  que  cette  substance  rougit  légèrement  e touineso  , 
mais  il  ne  dit  pas  explicitement  s’il  l’obtint  à l’état  cristallin  ou  non. 
Elle  paraît  cependant  identique  à la  substance  que  d’autres  chimistes 
ont  obtenue  à l’état  de  cristaux,  et  qui  a été  nommée  Salseparme  par 


g}  in  “ ” *■ 

ports,  présentés  au  parlement  en  juillet  18/2. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  551 


Thubeuf,  en  1831,  acide  Parillinique  par  Batka,  en  1833,  et  Srnilacine 
par  d’autres  chimistes  plus  récents. 

Nous  avons  isolé  la  parilline  en  épuisant  la  Salsepareille  du  Mexique 
par  l’alcool,  et  évaporant  la  teinture.  Le  résidu  brun,  après  avoir  été 
traité  à plusieurs  reprises  par  l’alcool  et  le  charbon,  donna  des  cris- 
taux qui  furent  purifiés  par  recristallisation  dans  l’alcool.  Nous  l’avons 
aussi  retirée  des  rhizomes  noueux;  dans  ce  cas,  nous  employâmes 
le  procédé  suivant  : les  rhizomes,  grossièrement  pulvérisés,  furent 
épuisés  par  l’eau,  à une  température  inférieure  à 60°  G.,  afin  de  ne  pas 
dissoudre  l’amidon  ; le  liquide  aqueux  fut  alors  évaporé  à consistance 
sirupeuse,  et  mélangé  avec  deux  fois  son  volume  d’alcool  qui  sépara 
le  mucilage  et  les  sels.  Le  liquide  fut  filtré  et  l’alcool  distillé.  La  solu- 
tion laissa  alors  déposer  une  masse  verruqueuse  de  cristaux  jaunâtres 
de  parilline,  qui  furent  purifiés  par  cristallisations  répétées  dans  l’al- 
cool dilué,  avec  addition  d’un  peu  de  charbon  (1). 

La  parilline  forme  des  cristaux  aciculaires  incolores,  solubles  dans 
1200  parties  d’eau  à 20°  C.,  et  beaucoup  plus  solubles  dans  l’eau 
chaude.  La  solution  est  neutre  et  mousse  quand  on  l’agite.  A 25°  G.,  la 
parilline  exige  pour  se  dissoudre  25  parties  d’alcool  à 0,814.  La  solu- 
tion possède  une  saveur  âcre,  persistante  ; elle  est  dépourvue  de  pouvoir 
rotatoire.  Dans  l’acide  sulfurique  chaud  concentré,  la  parilline  tourne 
au  brun  rougeâtre  et  prend,  au  fur  et  à mesure  de  l’hydratation  de 
1 acide,  une  belle  teinte  violette.  La  parilline  est  insoluble  dans  l’éther 
et  presque  insoluble  dans  le  chloroforme. 

Nous  avons  retiré  de  la  Salsepareille  0,19  pour  100  en  moyenne  de 
parilline  parfaitement  blanche  et  cristallisée,  nous  n’avons  pas  réussi  à 
la  préparer  à 1 aide  des  rhizomes  de  Smilax  aspera. 

Les  cristaux  de  parilline  contiennent  une  quantité  d’eau  qui  varie 
depuis  6 à 12  pour  100;  nous  ne  sommes  pas  arrivés  à des  chiffres  bien 
constants.  Elle  commence  à s’altérer  à partir  de  140°  et  devient  liquide 
en  se  décomposant,  à 210°. 

La  pai  illine  rentre  dans  la  classe  des  Saponines.  En  la  faisant  bouillir 


VD  Je  préféré  maintenant  la  méthode  suivante  : 12  parties  de  Salsepareille  sontchauf- 
tées  à deux  reprises  au  moins  avec  de  l’alcool  ayant  pour  poids  spécifique  0,835;  le  liquide 

es  soumis  ! la  distillation;  le  résidu,  égal  è 2 parties,  est  ensuite  mélangé  à 3 parties 
deau  froide.  On  réussit  aussi  parfaitement,  au  bouL  de  quelques  jours,  à décanter  du 
précipité  le  liquide  très-foncé  sans  recourir  à la  filtration.  La  parilline  précipitée  ii 
ctat  pâteux  est  alors  placée  sur  le  filtre  après  avoir  étendu  d’un  peu  d’alcool.  On  lave 
la  par, Mme  au  moyen  d’alcool  très-faible,  et  on  la  fait  enfin  cristalliser  en  la  dissol- 
aMS  de  l’alcool  h 0,835,  après  l’avoir  traitée  avec  du  charbon  animal. 


552  SMILACÉES. 

avec  de  l’acide  sulfuriquo  dilué  on  obtient  un  nouveau  produit  cristal  1 i- 
sablc,  la  Parigénine,  et  du  sucre  qui,  du  moins  en  partie,  cristallise  à la 
longue.  Le  liquide,  au  sein  duquel  ce  dédoublement  s accomplit,  prend 
une  teinte  remarquable  d’un  vert  foncé,  ainsi  que  1 a observé,  le  pre- 
mier, en  1874,  M.  Klunge.  La  parigénine  est  peut-être  identique  à la 
sapogénine  "décrite  en  1867  par  Rochleder  (I). 

Nous  avons  déjà  signalé,  dans  la  Salsepareille,  la  présence  d’amidon, 
de  résine,  d’oxalale  de  calcium  qui  sont  révélés  par  le  microscope. 
Pereira  (2)  a examiné  l’huile  essentielle,  qui  est  plus  lourde  que  l’eau, 
et  possède  l’odeur  et  la  saveur  de  la  drogue  ; 140  livres  de  Salsepareille 
de  la  Jamaïque  ne  lui  en  fournirent  que  quelques  gouttes. 

La  nature  de  la  matière  extractive  noire  que  l’eau  enlève  en  abon- 
dance à la  drogue,  et  dont  la  quantité  est  considérée  par  les  droguistes 
comme  un  critérium  de  bonne  qualité,  n’a  pas  encore  été  étudiée. 

Commerce.— La  quantité  de  Salsepareille  importée  dans  le  Royaume- 
Uni,  en  1870  (nous  ne  possédons  pas  de  statistique  plus  récente),  a été 

de  345907  livres,  valant  26  564  livres  sterling. 

Usages.  — La  Salsepareille  est  considérée  par  plusieurs  thérapeu- 
tistes comme  un  tonique  altérant  d’une  certaine  valeur;  dautie»  la 
regardent  comme  ne  possédant  que  peu  ou  pas  du  tout  de  propriétés 
médicinales.  Elle  est  encore  beaucoup  employée,  mais  beaucoup  moins 
qu’il  y a quelques  années.  Les  préparations  le  plus  en  usage  sont  celles 
qu’on  obtient  par  l’ébullition  prolongée  de  la  racine  dans  1 eau. 


(a)  Les  Smlax  Tournefort  (Inslit.,  t.  481)  sont  de.  Liliacees .de  la  tribu  de. 
Smilacées,  à fleurs  régulières.  Le  pôrianthe  est  formé  de  six  folio  es  petaloides, 
étalées,  distinctes,  uninerviées  ; les  trois  extérieures  ordinairement  P ^ ^s  que 
les  trois  autres.  L’androcée  se  compose  de  six  etaunnes  insérées  sur  la  ba»e  du  p 
aX,  plus  courtes  que  lui,  formées  Je  filets  linéaires  qui  estent  seuls  dans  es 
fleurs  femelles,  et  dans  les  fleurs  mâles,  d’anthères  a deux  loges,  hneaues,  obtu»e  , 
Ms IfiVes  lut,-»  -ses,  déhiscentes  par  des  feules  longitudinales.  Le  gjnec  est  tonne 
d un  ovalresupère, libre,  ordinairement triloculuire;  chaque  loge  contenant  un  seul 
os  u°e  n éré  au  sommet  de  l'angle  interne,  suspendu,  «natrope,  a nucrop.l  dmgé 
en  haut  et  en  has.  L'ovaire  est  surmonté  d'un  style  à .rois  stigmates,  allonges, 
rouverts  de  papilles  sur  leur  face  interne,  recourbés  en  dehors.  Le  finit  est  une 
^globuleuse,  ordinairement  à trois  loges,  contenant  chacune  une  gratnc  sub- 
olobuleuse  qui  renferme  un  albumen  cartilagineux  et  un  embryon  tie.-petit,  si  c 
dans  le  voisinage  de  la  ehalase.  Les  Smlax  sont  des  plantes  suffrutescentes,  gu  • 

0)  Consulter  pour  tes  délai,.  - — ?*£  MES T fSX 
C VArc„ tu  *r  .«  (««m. 

■ 2;  Eléments  of  Malcria  Mcclica,  1850,  11,  1168. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  583 


pantes,  toujours  vertes,  à racines  fibreuses  ou  tubéreuses  ; à souche  vivace  émet- 
tant des  rameaux  ordinairement  munis  d’aiguillons,  et  plus  ou  moins  anguleux; 
à feuilles  pétiolées,  éparses-distiques,  ordinairement  cordées  ou  hastées  et 
digitiuerviées  ; à fleurs  disposées  en  inflorescences  ombelliformcs,  axillaires. 


(b)  Le  Smilax  Medica  Schlechtendal 
et  Chamisso  (in  Linnœa,  VI,  47)  est  une 
plante  glabre,  ti  rameaux  imparfaitement 
hexagonaux,  parcourus  de  stries  très-fines, 
ilexueux,  munis  au  niveau  des  nœuds  d’ai- 
guillons géminés,  comprimés,  droits  ou 
légèrement  recourbés,  jaunâtres  au  sommet. 
Lesramuscules  sont  tendres  et  inermes.  Les 
feuilles  sont  éparses  ; celles  des  rameaux 
sont  cordées,  deltoïdes  ovales,  subtrilobées, 
à lobes  basilaires  arrondis,  à lobe  terminal 
ovale- oblong,  courtement  acuminé  ; elles 
sont  munies  de  sept  nervures  proéminentes 
en  dessous  ; elles  sont  glabres,  vertes,  un  peu 
plus  pâles  sur  la  face  inférieure,  parcourues 
de  lignes  pellucides,  longues  de  18  centi- 
mètres environ  et  larges  de  lb  centimètres. 
Celles  des  minuscules  sont  plus  petites,  cor- 
dées à la  base,  ovales-oblongues,  aiguës, 
quinquenerviées,  longues  de  10  à 11  centi- 


Cig.  208.  Smilax  pseuclo-syphilitica 
(d’après  Berg  et  Schmidt). 


mètres  et  larges  â la  base  de  5 a 6 centimètres.  Les  pétioles  sont  dilatés  au  niveau  de 
leur  point  cl  insertion  et  munis  de  deux  cirrhes  stipulâmes 'filiformes,  tordus  en 
spirale  ; ils  sont  glabres  et  plus 

nés  elliptiques  ou  presque  ar- 
rondies, un  peu  anguleuses  au  r g- , Rftcino  de  Salsepareille  du  Honduras, 
niveau  du  I f .1  Coupe  transversale  d'ensemble  de  la  portion  centrale, 

niveau  de  la  face  ventrale,  con- 


vexes dans  le  dos,  à peu  près  lisses,  colorées  en  brun  pâle,  avec  un  bile  très-grand 
noirâtre.  ’ 

(c)  Le  Smilax  syphililica  IIumboldt  et  Bonpland  (in  Willdenow,  Spec .,  IV,  780) 


554  SMI  LACÉES. 

sc  distingue  par  ses  rameaux  cylindriques,  lisses,  munis  au  niveau  des  nœuds  d ai- 
guillons rares  et  forts-,  scs  feuilles  coriaces,  oblougucs-lancéolécs,  mucronees,  ui- 
rondies  à la  base,  trincrviécs,  inermes,  munies  de  cirrlies  stipulâmes,  et  inermes. 
[Tuad.] 

(e)  Sur  des  coupes  transversales,  comme  celle  des  figures  209,  270  et  des  coupes 
longitudinales,  la  racine  de  Salsepareille  offre  de  dehors  en  dedans:  l°une  couche 
épidermique  (fig.  270,  a)  formée  de  cellules  quadrangulaires  ou  cunéiformes  a 
parois  très-épaisses,  à cavité  étroite,  allongée  radialement.  La  paroi  est  plus  épaisse 

en  dehors,  où  elle  est  doublée  d’une 
couche  cuticulaire,  et  sur  les  cotés. 

I Cette  première  couche  épidermique 
superficielle  est  fréquemment  accom- 
pagnée d’une  deuxième  et  même  d’une 
troisième  couche  formées  de  cellules 
semblables.  En  dedans  de  cet  épi- 
derme à plusieurs  assises,  se  trouve 
\l  une  couche  b de  renforcement,  con- 
e stituée  par  des  éléments  à contours 
polygonaux,  à parois  assez,  épaisses  et 
j-  dures,  allongés  parallèlement  au  grand 
axe  de  la  racine,  disposés  bout  à bout 
et  séparés  les  uns  des  autres  par  des 
parois  transversales  plus  ou  moins 
obliques.  En  dedans  de  ces  assises  de 
cellules  allongées,  existe  un  paren- 
chyme e,  très-épais,  constitué  par  de 
g grandes  cellules  polyédriques  , ou 
presque  arrondies,  à parois  minces  et 
claires,  laissant  entre  elles  des  méats. 
En  dedans,  cette  couche  parenchyma- 
h teuse  est  limitée  par  une  zone  ininter- 
rompue de  cellules  à parois  épaissies  ^ 
qui  constitue  la  gaine  des  faisceaux. 
Les  cellules  qui  la  forment  sont  assez 
semblables  à celles  des  assises  épi- 


Fig\  270.  Racino  do  Salsepareille  dn  Honduras. 
Coupe  transversale  de  détail. 


dermiques.  Leur  cavité  est  petite,  allongée  radialement  et  leurs  parois  son  très- 
épaisses  surtout  en  dedans  et  sur  les  côtés.  Immédiatement  eu  contact  avec  la  face 
interne  de  cette  gaine  on  voit  trois  ou  quatre  couches  e,  d’élements  a contours  ni e- 
guliers,  à parois  un  peu  épaissies,  assez  analogues  à ceux  que  nous  avons  deciits 
au-dessous  de  l’épiderme,  puis  vient  un  cercle  /de  faisceaux  fibrovasculaires  avau  la 
structure  habituelle  des  faisceaux  de  monocotylédones.  Chaque  faisceau  est  const.tue 
par  une  portion  libérienne,  ou  phloème  do  M.  Mgeli,  d élémonU  ». longée  pourvu» 
de  parois  minces  et  claires,  et  d'une  portion  ligneuse  ou  xvlèrae  de  M.  NageU,  em- 
buée par  des  vaisseaux  plus  ou  moins  larges,  le  lent  entoure  d une  couche  epa,  se 
d'éléments  prosenchymateux  i contours  polygonaux,  trbs-prcsses  les  uns  coulre  les 
autres  et  constituant  ici  la  partie  résistante  de  la  racine. 

Dans  la  partie  centrale  de  la  racine,/.,  formée  de  cellules  polyédnques  ou  a - 
rondies,  laissant,  entre  elles  de  vastes  méats  intercellulaires  se  voien  , on.  e . 
Sinage  du  cercle  fibrovasculaire,  des  groupes  isolés  de  grands  vaisseaux  g,  entomes 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  555 

des  mêmes  éléments  prosencliymaleux  qui  séparent  les  faisceaux  les  uns  des  autres 
et  les  entourent  (I).  [Trad.] 


SQUINE. 

Tubcr  C/iinæ  ; Jiadix  Chimie;  nngl.,  China  liant;  aliéna.,  Chinawurxel, 


Origine  botanique.  — Smilax  China  L.  [S.  ferox  Wall.).  C’est  un  ar- 
buste grimpant,  ligneux,  muni  d’aiguillons,  originaire  de  la  Chine,  du 
Japon  et  de  l’Inde  orientale,  notamment  du  Népal,  du  Khasia,  du 
Silckim  et  de  l’Assam.  C’est  à cette  espèce  qu’on  attribue  généralement 
la  drogue.  L’autorité  la  plus  importante  en  faveur  de  cette  opinion  est 
celle  de  Kampfer,  qui  a figuré  la  plante  dans  ses  Amœnitates,  p.  783, 
en  1712,  et  dont  les  échantillons  sont  encore  conservés  dans  le  British 
Muséum  (a). 

Le  Smilax  glabra  Roxb.  et  le  Smilax  lanceæfolia  Roxb.,  indigènes  de 
l'Inde  et  du  sucf  de  la  Chine,  possèdent  des  tubercules  qui,  d’après 
Roxburgh , ne  peuvent  pas  être  distingués  de  la  Squine  de  la  médecine, 
quoique  ces  plantes  diffèrent  beaucoup  par  leur  aspect  général  du  Smi- 
lax China.  Le  docteur  Hance  (2),  de  Wampoa,  reçut  un  échantillon  vi- 
vant de  la  plante  qu’il  s’assura  être  le  S.  glabra.  Les  trois  espèces  ci- 
dessus  nommées  croissent  dans  l’île  de  Hong-Kong. 

Historique.  — L’usage  de  cette  drogue,  comme  remède  contre  la  sy- 
philis, fut  indiqué  aux  Portugais  de  Goa  par  les  négociants  chinois, 
vers  1535.  Garcia  d’Orta,  qui  raconte  ce  fait,  ajoute  que  la  nouvelle 
drogue  acquit  une  telle  réputation,  que  de  petites  quantités  employées 
à Malacca  furent  achetées  au  prix  de  10  couronnes  le  ganta , poids  de 
24  onces.  On  parla  des  bons  effets  produits  par  la  Squine  sur  Charles- 
Quint,  qui  souffrait  de  la  goutte,  et  la  drogue  en  acquit  en  Europe  une 
telle  célébrité,  que  plusieurs  ouvrages  (3)  furent  écrits  pour  célébrer  ses 

(1)  Pour  plus  de  détails  sur  ce  tissu  proseuchymateux  qui  existe  dans  toutes  les 
monocotylédones,  voyez:  Schxvendener,  Das  Mecanische  Princip  irn  Anatom.  Bau  (1er 
Monocotylen,  1874. 

(2 ) Jour.  of  Bot.,  do  Trimen,  1872,  I,  102.— Le  S.  glabra  et.le  S.  lanceæfolia  ont  été 
figurés  par  Seemann  dans  son  Botany  of  the  Herald,  1852-57,  t.  99-100.  Le  Smilax 
China  est  bien  représenté  dans  l’herbier  de  Kew.  Nous  avons  examiné  des  échantil- 
lons provenant  de  Nagasaki,  de  Hakodadi  et  de  Yokohama  ; de  Loochoo,  de  Corea,  de 
f ormosa,  de  Ningpo  ; et  des  échantillons  indiens  provenant  de  Khasia,  d’\ssam  et 
du  Népal. 

(3)  Le  plus  ancien  est  celui  d’Andréas  Vesalius,  Epistola  rationem,  modumque  pro- 
pinandi  radiais  Chÿmæ  dccocti,quo  nnper  mvictissimus  Carolus  V imperator  usas  est, 
Venot.,  1540.  On  trouve  cependant  une  assez  bonne  description  do  la  Squine  dans 
1 Hisloria  stirpium  de  Valérius  Cordus  (212),  publié  à Strasbourg,  par  Conrad  Gesnor, 


SMILACÉES. 


mc> 


vertus.  Cependant,  on  ne  tarda  pas  à s’apercevoir  que  ses  propriétés 
avaient  ôté  beaucoup  exagérées,  mais  elle  conserva  une  certaine  répu- 
tation comme  sudorifique  et  altérante,  et  lut  beaucoup  employée  jus- 
qu’à la  fin  du  dix-septième  siècle  aux  mêmes  usages  que  la  Salsepareille. 
Elle  occupe  encore  sa  place  dans  quelques  Pharmacopées  modernes. 

Description.  — La  plante  produit  des  racines  fibreuses,  flexueuses, 
qui,  çà  et  là,  se  renflent  en  gros  tubercules.  Ces  derniers  constituent, 
après  dessiccation,  la  drogue  qui  porte  le  nom  de  Squine  ou  Racine  de 
Chine.  Tels  qu’on  les  trouve  sur  le  marché,  ces  tubercules  sont  irrégu- 
lièrement cylindriques,  ordinairement  un  peu  aplatis  et  produisant  par- 
fois de  courtes  branches  noueuses.  Ils  ont  de  10  à 15  centimètres  ou 
davantage  de  long,  et  de  3 à 5 centimètres  d’épaisseur;  ils  sont  recou- 
verts d’une  écorce  de  couleur  rouille,  un  peu  luisante,  lisse  dan»  quel- 
ques échantillons,  mais  plus  ou  moins  ridée  dans  d’autres.  Ils  ne  pré- 
sentent aucune  trace  visible  de  feuilles  rudimentaires,  que  cependant 
on  peut  voir  sur  les  tubercules  de  quelques  espèces  voisines.  Quelques- 
uns  offrent  encore  des  restes  de  la  racine  traçante  ligneuse  et  semblable 
à une  corde  sur  laquelle  ils  se  sont  développés,  et  la  base  de  quelques 
racines.  La  plupart  des  tubercules  portent  des  cicatrices  indiquant  qu  ils 
ont  été  nettoyés  avec  un  couteau. 

La  Squine  est  inodore  et  presque  insipide.  Sur  une  section  transver- 
sale, elle  offre  une  substance  interne,  dense,  granuleuse,  coloree  en 
brun  fauve  pâle. 

structure  microscopique.  - La  partie  externe  de  l’écorce  est  formée 
d’une  couche  de  cellules  brunes,  à parois  épaisses,  allongées  tangen- 
tiellement.  Ces  cellules  contiennent  de  nombreuses  touffes  de  cristaux 
aciculaires  d’oxalate  de  calcium,  et  des  masses  d'une  résine  brun  rou- 
geâtre. A l’écorce  succède  un  parenchyme  interne  qui  contraste  forte- 
ment avec  elle  par  sa  structure  ; il  est  formé  de  grandes  cellules  à parois 
minces  et  ponctuées,  gorgées  d’amidon,  mais  contenant  aussi,  ça  et  la, 
de  la  résine  brune  et  des  cristaux  aciculaires  d’oxalate  de  calcium,  es 
grains  d’amidon  sont  volumineux  ; ils  ont  jusqu’à  50  millièmes  de  mil- 
limètre de  diamètre,  sont  sphériques,  souvent  aplatis  ou  anguleux  par 
pression  réciproque.  Ils  offrent,  comme  ceux  du  colchique,  un  hile  radie  ; 
ils  sont  très-fréquemment  crevés  et  réunis  les  uns  aux  autres,  proba  j e- 


cmestion  à l’occasion  de  l'histoire  de  la  Salsepareille.  [F.  A.  I .j 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  557 

ment  parce  que  le  tubercule  a été  échauclé.  Les  faisceaux  vasculaires 
sont  dispersés  dans  le  parenchyme  ; ils  contiennent  d’ordinaire  deux 
larges  vaisseaux  scalariformes  ou  des  vaisseaux  réticulés,  un  paren- 
chyme à parois  minces  et  délicates,  et  de  belles  cellules  ligneuses 
épaisses  et  munies  de  ponctuations  linéaires. 

Composition  chimique.  — La  drogue  passe  pour  ne  contenir  aucun 
principe  auquel  on  puisse  attribuer  des  propriétés  médicinales.  Nous 
avons  essayé,  sans  aucun  succès,  d’en  retirer  de  la  parilline,  substance 
active  cristallisable  de  la  salsepareille. 

Commerce.  - La  Squine  est  importée  en  Europe  du  sud  de  la  Chine, 
ordinairement  de  Canton.  La  quantité  embarquée  dans  ce  port,  en  1872, 
a été  seulement  de  384  péculs;  tandis  que  la  même  année  il  en  fut  ex- 
pédié, deHankow,  la  grande  cité  commerçante  du  Yangtsze,  à destina- 
tion des  ports  de  la  Chine,  10258  péculs  (I). 

Usages.  — Malgré  la  haute  opinion  qu’on  avait  autrefois  des  pro- 
priétés de  la  Squine,  cette  drogue  est  aujourd'hui  complètement  tombée 
en  désuétude  en  Europe.  En  Chine  et  dans  l’Inde,  elle  est  encore  tenue 
en  haute  estime  contre  les  maladies  rhumatismales  et  syphilitiques,  et 
comme  aphrodisiaque  et  adoucissante.  Polak  affirme  que  les  tubercules 
de  Smilax  servent  à l’alimentation  des  Turcomans  et  des  Mongols  (2). 

Substitution.  — Plusieurs  espèces  américaines  de  Smilax  fournissent 
une  drogue  qui,  à diverses  époques,  a été  apportée  sur  le  marché  sous 
le  nom  de  Raclix  Chinæ  occidental is.  Il  est  difficile  de  dire  exactement 
par  quelle  espèce  elle  est  fournie  ; cependant  les  S.  Pseudo-  China  L., 
S.tamnoides  L.,  qui  croissent  aux  Etats-Unis,  dans  le  New-Jersey,  et 
plus  au  sud,  le  S.  Balbisiana  Kuntm,  plante  connue  dans  toutes  les  îles 
des  Indes  occidentales,  et  les  S.  Japicanga  Griseb.,  S.  Syringnides  Griseb. 
et  le  S.  hrasiliensis  Spreng.,  sont  considérés  comme  fournissant  de  gros 
rhizomes  tuberculeux,  qui  remplacent,  dans  plusieurs  localités,  la 
Squine  d Asie,  et  sont  employés  aux  mêmes  usages. 


Le  Smilax  china  L.  ( Species , 1459)  possède  avec  les  caractères  généraux  du  ] 
geme  (voyez  page  552,  note  a)  une  lige  aérienne  frutescente,  cylindrique,  grimpante,  <■ 

munie  d’aiguillons  peu  nombreux,  très-courts  et  épars  ; des  feuilles  alternes,  hier-  1 


(1)  lletums  of  Trafic  àt  the  Treaty  Ports  in  China  for  1872,  34,  154. 

(2)  Nous  signalons  cette  indication  avec  réserves  sachant  que  les  Chinois  et  les  Eu- 
lopéens  ont  souvent  confondu  la  Squine  avec  la  singulière  production  fongoïde  nom- 
mée Pacht/ma  Cocos.  La  première  est  nommée  par  les  Chinois  Tu-fuh-ling,  la  seconde 
tuh-luiy  ou  Pc-fuh-ling  ( Pharm . Journ.,  1862,  III,  421.  — R.  Poivrai  Smith,  Mat. 
i ci.,  and  Nat.  Hist.  of  China , 1871,  198.  — Dragendohff,  Volksmedicin  Turkestcins 
m Hcpcrtorium  de  Buciiner,  1873.  XXI  f,  135). 


558  GRAMINÉES. 

mes,  ovales,  aiguës,  quinquenerviées,  glabres,  pétiolées,  et  accompagnées  de  deux 
cirrhes  stipulaires;  des  pétioles  bidentés.  Les  fleurs  sont  disposées  eu  petites  inllo- 
rcscences  ombclliformes,  axillaires.  Le  fruit  est  une  petite  baie  arrondie,  rouge,  tri- 
loculaire. 

Le  Smilax  glabra  Roxihirgh  ( Flora  indica,  111,  792)  se  distingue  pat  scs  îa- 
meaux  inernics,  cylindriques,  lisses;  ses  feuilles  lanceolécs-acuminées,  anondies  a 
la  base,  trinerviées  ; ses  folioles  calicinales  larges,  obcordées  ; ses  anthères  très- 
grandes  et  sessiles. 

Le  Smilax  lanccœ folia  Roxhuhgii  ( Flora  indica,  III,  792)  possède  également  des 
rameaux  cylindriques,  inernics  et  lisses  ; ses  feuilles  sont  lancéolées,  lisses,  triner- 
viées ; les  segments  de  son  périanthe  sont  linéaires-oblongs.  [Thad.) 


GRAMINÉES 


SUCRE  DE  CANNE. 

Saccharum;  angl.,  Ctma  Sugar,  Suyar,  Sucrosc  ; allcm..  Zuclcer,  Rohrzucker. 

Origine  botanique.  — Saccharum  officinarum  L.  C’est  une  plante  a 
tige  articulée,  haute  de  lm,80  à 2”, 60,  solide,  dure,  dense,  succulente 
en  dedans,  creuse  seulement  au  niveau  des  pousses  florales.  On  en  cul- 
tive plusieurs  variétés, notamment  la  Canne  de  Pays  ( Counlry  Cane),  qui 
est  la  forme  primitive  de  l’espèce  ; la  Canne  rouge  ( Ribbon  Cane),  dont 
la  tige  est  munie  de  raies  pourpres  ou  jaunes  ; la  Canne  de  Bourbon  ou 
de  Taïti , qui  est  plus  allongée,  plus  forte,  plus  velue  et  très-produc- 
tive. Lo  Saccharum  violaceum  TossAC,qui  constitue  la  Canne  de  Batavia, 
est  également  considéré  comme  une  simple  variété;  mais  le  grand  Sai  - 
charum  chinense  Roxb.,  introduit  de  Canton  en  1796,  dans  le  jardin  bo- 
tanique de  Calcutta,  peut  être  considéré  comme  une  espèce  distincte.  11 
possède  une  longue  panicule  grêle,  dressée,  tandis  que  celle  du  Saccha- 
rum officinarum  est  chevelue  et  étalée,  avec  des  ramifications  alternes  et 
plus  composées,  sans  compter  d’autres  différences  dans  les  feuilles  et 

les  fleurs. 

On  multiplie  la  Canne  à sucre  à l’aide  de'  boutures,  parce  que  en- 
graines, qui  sont  très-petites,  n’arrivent  que  rarement  à maturité.  Elle 
croît  fort  bien  dans  tous  les  pays  tropicaux  et  subtropicaux,  et  s éleve, 
dans  l’Amérique  du  Sud  et  le  Mexique,  jusqu’à  une  altitude  de  I 500  a 
■1  800  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Elle  est  cultivée,  dans  a 
plus  grande  partie  de  l’Inde  et  de  la  Chine,  jusqu’au  30  et  31°  degré 
de  latitude'nord,  excepté  dans  les  régions  montagneuses. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  539 

D’après  les  recherches  de  Ritter  (1),  le  Saccharum  officinarum  paraît 
être  originaire  du  Bengale  et  de  l’Indo-Ghine,  ainsi  que  de  Java,  de 
Bornéo,  de  Bali,  des  Célèbes,  et  d’autres  îles  de  l’archipel  Malais,  mais 
il  n’est  pas  probable  qu’on  le  trouve  nulle  part  aujourd’hui  à l’état  sau- 
vage. 

Historique.  — La  Canne  à sucre  est  probablement  connue  dans  l’Inde 
depuis  un  temps  immémorial  ; et  y a sans  doute  d’abord  été  cultivée  pour 
servir  directement  à l’alimentation,  comme  elle  l’est  encore  aujourd’hui 
dans  les  régions  qui  sont  peu  propres  à la  fabrication  du  sucre  (2). 

Hérodote,  Théophraste,  Sénèque,  Strabon,  et  d’autres  écrivains, 
avaient  quelque  connaissance  du  sucre  brut;  ils  parlent  en  effet  d’un 
Miel  de  canne,  d’un  Miel  fait  par  les  mains  des  hommes , différent  de  celui 
des  abeilles.  Mais  c’est  seulement  à partir  du  commencement  de  l’ère 
actuelle  que  les  anciens  connurent  incontestablement  le  sucre  auquel 
ils  donnèrent  le  nom  de  Saccharon. 

Ainsi,  Dioscoride  (3),  vers  77  ap.  J.-C.,  mentionne  le  miel  concrété 
nommé  2xx/apov  qu’on  trouve  sur  les  cannes  (èrà  xwv  xa\dp.wv)  dans  l’Inde 
et  dans  l’Arabie  heureuse,  et  il  dit  que  cette  substance  ressemble  au  sel 
par  son  aspect  et  sa  cassure.  Pline  connaissait  évidemment  la  même 
substance  sous  le  nom  de  Saccharum , et  l’auteur  du  Periplus  de  la  mer 
Erythrée , vers  54-68,  dit  que  le  miel  des  Cannes,  nommé  cdx/apov,  est 
exporté  de  Barygaza,  dans  le  golfe  de  Cambay,  pour  les  ports  de  la  mer 
Rouge,  à l’ouest  du  Promontorium  Aromatum,  c’est-à-dire  sur  la  côte 
opposée  à Aden.  Il  reste  encore  à savoir  si  à cette  époque  le  sucre  était 
un  produit  des  Indes  occidentales,  ou  s’il  y fut  apporté  du  Gange. 

Le  Bengale  est  probablement  le  pays  dans  lequel  on  fabrique  du  sucre 
depuis  le  plus  long  temps;  car  son  nom  dans  toutes  les  langues  de  l’Asie 
occidentale  et  de  l’Europe  dérive  du  sanscrit  Sharliarâ , qui  signifie  une 
substance  ayant  la  forme  de  petits  cailloux  ou  de  prismes.  Il  est  étrange 
que  ce  mot  ne  contienne  aucune  allusion  à la  saveur  de  la  substance.  Le 
mot  C'andy,  par  lequel  on  désigne  le  sucre  en  gros  cristaux,  dérive  de 
1 arabe  Kand  ou  Kandat,  qui  a la  même  signification  que  le  mot  sans- 


(I)  Erdkunde  von  Asien,  IX,  West-Asi&h., Berlin,  1840,  230-291. 

rv!!i  Pr°dUtU  que  108  traducLeurs  anSlais  de  la  Bible  ont  rendu  par  le  mot  Swect 
doucc)  et  au(Rlel  fait  allusion  le  prophète  Isaïe  (ch.  xli.i,  24)  et  Jérémie 

e9'2r^  7PChandise  imP0I * 3'tée  d’un  éloigné,  a été  l’objeL  de  nombreu- 
tre,  riT  î'  Quelques-uns  ont  supposé  qu’il  s’agissait  de  la  Canne  à sucre  ; d’au- 

sunnoser  nue'r  “ al'°malT°’  1 ' Andropogon.  Nous  pensons  qu’il  y a plus  de  motif  de 
| poser  que  celte  dénomination  s applique  à une  espéco  de  cannelle. 

(3)  Lib.  II,  c.  104. 


300  GRAMINÉES. 

crit.  Un  vieux  nom  sanscrit  du  Bengale  central  est  Gura,  d’où  est  venu 
le  mot  Gula,  signifiant  sucre  brui , nom  appliqué  au  sucre  d’une  façon 
générale  dans  l’Archipel  Malais,  où  il  existe  des  noms  spéciaux  pour  dé- 
signer le  sucre  de  canne,  mais  non  le  sucre  en  général.  Ce  fait  vient  à 
l'appui  de  l’opinion  de  Ritter,  que  la  première  préparation  du  sucre  a 

l’état  cristallin  est  duc  aux  habitants  du  Bengale. 

Sous  le  nom  de  Shi-mi,  c’est-à-dire  pierre  de  miel , le  sucre  est  fré- 
quemment mentionné  dans  les  anciennes  annales  chinoises  parmi  les 
produits  de  l’Inde  et  de  la  Perse.  Il  y est  dit  que  l’empereur  Tai-tsung, 
en  627-650  de  notre  ère,  envoya  un  ambassadeur  dans  le  royaume  de 
Magadha,  dans  l’Inde,  le  moderne  Bahar,  pour  apprendre  la  méthode 
de  la  préparation  du  sucre  (I).  Les  Chinois  reconnaissent  réellement 
qne  les  Indiens  furent,  entre  766  et  780,  leurs  premiers  maîtres  dans 
l’art  de  raffiner  le  sucre,  car  pour  le  désigner  ils  ne  possèdent  aucun 

ancien  caractère  écrit  spécial. 

Un  écrivain  arabe,  Abu  Zayd  al  Hasan  (2),  nous  apprend  que  vers 
850  la  canne  à sucre  était  cultivée  sur  la  côte  nord-est  du  golfe  Per- 

S‘ An  siècle  suivant,  le  voyageur  Ali  lstakhri  (3)  trouva  le  sucre  pro- 
duit en  abondance  dans  la  province  perse  de  Knzistan,  ancienne 

^VeTla  même  époque  (950),  Moses  de  Chorene,  Arménien,  dit  aussi 
nue  la  fabrication  du  sucre  était  florissante  près  de  la  célébré  Ecole  de 
médecine  de  Jondisabur,  dans  la  même  province,  et  d existe  encore 
dans  les  environs  d’Ahwas  des  traces  de  cette  industrie,  représentée  pa, 

des  meules  en  pierre,  etc.  ..  , . 

Les  médecins  persans  du  dixième  et  du  onzième  siècle,  notamment 

Rhazes  Haly  Abbas  et  Avicenne,  introduisirent  le  sucre  dans  la  mede- 
“es  Arabes  cultivaient  la  canne  à sucre  dans  plusieurs  de  leurs 
établissements  de  la  Méditerranée,  notamment  dans  Vile  de  Chypre,  en 
Sicile  en  Italie,  dans  le  nord  de  l’Afrique  et  en  Espagne. 

En  France,  le  sucre  était  parfaitement  connu  des  le  treizième  s, ode, 
et  beaucoup  antérieurement  sans  doute  ; nous  trouvons  en  effet,  » sucre 
in  panibus  et  in  pulvere  » dans  la  collection  des  Cartulatres  de  I ra»  , 

par  Guérard  (4). 

(D  BnETSCUNCieca,  Cllbme  IManical  Works.  «• 

h "■ ,G  ot  78,  mi,i'u  * 

treizième  siècle.  [F.  A.  F.] 


50 1 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Le  Calendrier  de  Gordouc  (I)  montre  que  dès  961  sa  culture  était  bien 
établie  en  Espagne,  seul  pays  de  l’Europe  où  il  existe  encore  actuelle- 
ment des  moulins  à sucre  (2).  Guillaume  II,  roi  de  Sicile,  offrit  en  1176 
au  couvent  de  Montréal  des  moulins  pour  broyer  la  canne  à sucre,  dont 
la  culture  existe  encore  à Avola,  près  de  Syracuse;  mais  la  canne  n’y 
sert  qu’à  la  fabrication  du  rhum.  En  1767,  les  plantations  de  canne  et 
les  fabriques  de  sucre  de  cette  région  furent  décrites  par  un  voyageur  (3) 
comme  ayant  une  certaine  importance. 

Pendant  le  moyen  âge,  l’Angleterre  et  le  reste  de  l’Europe  du  Nord 
étaient  approvisionnés  de  sucre  par  les  pays  méditerranéens,  surtout  par 
l'Egypte  et  l’île  de  Chypre.  Il  était  importé  d’Alexandrie,  dès  la  fin  du 
dixième  siècle,  par  les  Yénitiens,  pour  lesquels  il  constitua  longtemps  un 
objet  important  de  commerce.  Ainsi,  nous  trouvons  (4)  qu  en  1319  un 
marchand  de  Venise,  Tommaso  Loredano,  expédia  par  mer  à Londres 
100  000  livres  de  sucre,  dont  la  valeur  devait  être  payée  en  laines,  qui 
constituaient  à cette  époque  le  grand  produit  de  l’Angleterre.  Le  sucre 
coûtait  alors  fort  cher  : de  1259  à 1350  son  prix  moyen,  en  Angleterre, 
était  d’environ  1 shelling  la  livre,  et  de  1351  à 1400  il  était  de  1 shelling 
7 deniers  (5).  En  France,  pendant  la  même  période,  il  devait  être  très- 
répandu,  mais  également  très-coûteux. Le  roi  Jean  II  ordonna,  en  1353, 
aux  apothicaires  de  Paris  de  ne  pas  employer  le  miel  pour  les  prépa- 
rations dans  lesquelles  devait  entrer  un  bon  sucre  blanc  nommé 
ca félin  (6). 

L’importance  de  la  fabrication  du  sucre  en  Orient  fut  constatée 
de  visu , dans  la  dernière  moitié  du  treizième  siècle,  par  Marco  Polo  (7), 
et  en  1510  par  Barbosa  et  d’autres  voyageurs  européens  ; les  nations 
commerçantes  de  l’Europe  transportèrent  rapidement  la  canne  à sucre 
dans  tous  les  pays  où  sa  culture  était  rendue  possible  par  le  climat. 
Ainsi,  elle  fut  introduite  à Madère,  en  1420;  à Saint-Domingue,  en 
1494(8);  dans  les  îles  Canaries,  en  1503;  au  Brésil,  dès  le  commence- 
ment du  seizième  siècle  ; au  Mexique,  vers  1520  ; à la  Guyane,  vers  1 600  ; 

(1)  Le  calendrier  de  Cordoue  de  l’année  9GI,  par  R.  Dozÿ,  Lcyde,  1873,  3b,  41,  91. 

(2)  11  en  existe  un  certain  nombre  dans  les  environs  de  Malaga,  d’Alicante  et  de 
Valencia. 

(3)  Riêdesel,  Travels  through  Sicilg,  Lond.,  1773,  07. 

(4)  Marin,  Commercio  de  Veneziani,  V , 300. 

(5)  Rogers,  Hist.  of  Agriculture  and  Priées  in  Engl  and,  1866,1,  633,  641. 

(6)  Ordonnances  des  rois  de  France,  1729,  II,  63b. 

(7)  Yole,  Doolc  of  Ser  Marco  Polo,  1871,  II,  79,  171,  180,  etc. 

(8)  Letters  of  Christ.  Columbus  (Hakluyt  Society),  1S70,  81-8Î. 

HIST.  DES  DROGUES,  T.  II.  30 


GRAMINEES. 


562 

u la  Guadeloupe,  en  1 G40  ; à la  Martinique,  en  1650  (1);  à Maurice, 
vers  1750  ; dans  le  Natal  (2)  et  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  vers  1852  (3)  ; 
tandis  que  dès  une  époque  très- antérieure  elle  s’était  propagée  de 
l’Inde  dans  toutes  les  îles  de  l’océan  Pacifique. 

La  culture  qui  se  faisait  autrefois  en  Egypte,  et  qui  probablement  ne 
s’y  est  jamais  éteinte  entièrement,  a été  entreprise  de  nouveau  sur  une 
grande  échelle  par  le  vice-roi  actuel,  Ismaïl  Pacha.  Il  y avait  en  1872 
treize  fabriques  de  sucre  brut,  appartenant  au  gouvernement  égyptien, 
et  environ  10000  acres  de  terres  consacrées  à la  culture  de  la  canne. 
L’exportation  du  sucre  faite  par  l’Egypte,  en  1872,  a atteint  2 millions 
de  kantars  ou  environ  89  200  tonnes  (4). 

L’imperfection  des  procédés  chimiques  employés  au  milieu  du  dix- 
huitième  siècle  ne  permettait  pas  de  recherches  exactes  sur  la  nature 
chimique  du  sucre.  Cependant  Marggraf,  de  Berlin  (5),  prouva,  en  1747, 
que  le  sucre  existe  dans  un  grand  nombre  de  végétaux,  et  parvint  à le 
retirer  à l’état  cristallin  du  suc  de  la  betterave.  L’énorme  importance 
de  cette  découverte  ne  lui  échappa  point,  et,-  dans  le  but  de  la  rendre 
profitable,  il  détermina  des  essais  sérieux  ; ceux-ci  obtinrent  un  succès 
tel,  que  la  première  fabrique  de  sucre  de  betterave  fut  établie  en  1796, 
par  Achard,  à Kunern,  en  Silésie  (6). 

Cette  nouvelle  branche  d’industrie  (7)  fut  très-favorisée  par  les  me- 
sures prohibitives  que  prit  Napoléon  en  interdisant  l’entrée  du  sucre 
des  colonies  dans  presque  tout  le  continent.  Elle  est  aujourd’hui  telle- 
ment développée  que  l’Europe  produit  annuellement  de  640  000  à 
680  000  tonnes  de  sucre  de  betterave,  la  production  de  la  Canne  à sucre 
étant  évaluée  à 1 260000  ou  1413000  tonnes  par  an  (8). 

Parmi  les  colonies  anglaises,  Maurice,  la  Guyane  anglaise,  la  Trinité, 

(1)  De  Candolle,  Géographie  botanique,  836. 

(2)  La  valeur  du  sucre  exporté  de  Natal,  en  1871,  a atteint  le  chiffre  considérable 
de  180,496  livres  sterling. 

(3)  Cependant,  par  suite  de  la  découverte  de  l'or  en  Australie,  la  culture  de  la  Canne 
à sucre  y fut  un  peu  abandonnée  jusqu’en  1866  ou  1867  : à cette  époque  on  n’y  fabri- 
quait qu’une  petite  quantité  de  sucre. 

(4)  Consul  Rogers,  Report  on  the  Trade  of  Cairo  for  1872,  présenté  au  Parle- 
ment. 

(b)  Expériences  chimiques  faites  dans  le  dessein  de  tirer  un  véritable  sucre  de  di- 
verses plantes  qui  croissent  dans  nos  contrées,  par  M.  Marggraf,  Lrad.  du  latin  (Hist.  de 
l’Ac.  roy.  des  Sc.  et  Belles-lettres,  1747,  Berlin,  1749,  79-90). 

(6)  Voir  Scheibler,  Actenstücke,  etc.  (Documents  pour  servir  il  l’histoire  de  l’in- 
dustrie du  sucre  en  Allemagne),  Berlin,  1875. 

(7)  Et  aussi,  en  Suisse,  celle  du  sucre  de  lait  qui  était  alors  très-employé  sur  le  con- 
tinent pour  falsifier  le  sucre  de  canne. 

(8)  Produce  Markets  Review,  28  mars  1808. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  563 

Bavbados  et  la  Jamaïque  sont  celles  qui  produisent  actuellement  les 
plus  grandes  quantités  de  sucre. 

Production.  — On  ne  trouve  pas  de  cristaux  dans  le  parenchyme  de 
la  Canne  à sucre.  Le  sucre  y existe  à l’état  de  solution  aqueuse,  surtout 
dans  les  cellules  du  centre  de  la  tige.  Sur  une  section  transversale  de 
la  moelle,  on  voit  de  nombreux  faisceaux  fibro-vasbulaires  répandus 
dans  toute  l’épaisseur  du  tissu,  comme  dans  les  autres  tiges  de  mono- 
cotylédones.  Cependant  ces  faisceaux  sont  plus  nombreux  dans  la  partie 
externe  de  la  tige,  où  ils  forment  une  couche  dense,  recouverte  par  un 
mince  épiderme  rendu  très-dur  par  la  silice  qui  se  dépose  dans  les  pa- 
rois cellulaires  (I).  Au  centre  de  la  tige,  les  faisceaux  fibro-vasculaires 
sont  peu  nombreux;  le  parenchyme  y est  beaucoup  plus  abondant,  et 
contient  dans  ses  cellules  à parois  minces  une  solution  claire  de  sucre, 
avec  une  petite  quantité  de  grains  d'amidon  et  un  peu  de  matière  albu- 
minoïde dissoute.  Cette  dernière  existe  en  plus  grande  quantité  dans  la 
portion  cambiale  des  faisceaux  vasculaires.  Des  ' principes  pectiques 
existent  dans  les  parois  des  cellules  de  la  moelle,  qui  cependant  ne  se 
gonflent  pas  beaucoup  dans  l’eau  (Wicsner). 

D’après  les  indications  fournies  par  la  structure  microscopique,  les 
procédés  à suivre  pour  retirer  de  la  Canne  à sucre  la  plus  grande  quan- 
tité possible  de  sucre  deviennent  évidents.  On  devra  faire  macérer  de 
minces  tranches  de  la  Canne  dans  l’eau  ; celle-ci  pénétrera  dans  le  pa- 
renchyme rempli  de  sucre  en  attaquant  beaucoup  moins  les  faisceaux 
fibro-vasculaires  qui  contiennent  plus  de  matières  albuminoïdes  que 
de  matière  saccharine.  Par  cette  méthode,  les  couches  épidermiques 
de  la  Canne  ne  se  satureront  pas  de  sucre  et  n’empêcheront  pas  son 
extraction,  résultats  qui  se  produisent  lorsqu’on  broie  et  presse  la 
Canne  (2). 

Le  procédé  le  plus  généralement  suivi  dans  les  colonies,  celui 
qui  consiste  à extraire  le  suc  de  la  Canne  par  broiement  et  pres- 
sion, a été  soigneusement  décrit  et  critiqué  par  le  docteur  Icery,  de 

(1)  Les  tiges  de  Cannes  ii  sucre  d’Amérique  desséchées  à 100°  C.  donnent  4 pour  100 
do  cendres,  dont  près  de  la  moitié  est  constituée  par  la  silice  (Popp,  in  Jahresberichl 
de  Wiggeus,  1870,  315). 

(2)  Le  procédé  consistant  à obtenir  un  sirop  par  macération  dans  l’eau  de  tranches 
minces  de  Canne  fraîche,  a été  expérimenté  à la  Guadeloupe,  mais  il  a ôté  abandonné  à 
cause  de  quelques  inconvénients  pratiques  dans  l’épuisement  de  la  Canne,  et  par  suite 
de  la  dimculté  de  faire  évaporer  les  liqueurs  avec  une  rapidité  suffisante.  Des  expé- 
riences tentées  dans  lo’but  do  retirer  un  sirop  pur  eu  traitant  par  l’eau  chaude  la  Canne 
coupée  en  tranches  et  desséchée,  paraissent  promettre  de  bons  résultats  (voyez  le  Mé- 
moire du  docteur  H.  S.  Mitchell,  in  Journ.  of  Soc.  of  Arts,  23  oct.  1808). 


56-4 


GRAMINÉES. 

Maurice  (1).  Dans  celte  île,  on  cultive  six  variétés  de  Canne  à sucre. 

Lorsque  la  Canne  à sucre  est  parvenue  à maturité,  elle  se  compose 
de  : cellulose , 8 à 4 2 pour  IÜ0  ; sucre , 48  à 21  pour  400;  eau,  contenant 
la  matière  albuminoïde  et  les  sels,  07  à 73  pour  4 00.  On  a retiré  par 
évaporation  de  70  à 84  pour  100  de  la  quantité  entière  de  suc  contenue 
dans  la  Canne;  et  ce  suc  abandonne  à l’état  cristallin  les  trois  cin- 
quièmes environ  du  sucre  contenu  primitivement  dans  la  Canne.  Ce 
suc,  nommé  en  français  Vesou , possède  en  moyenne  la  composition 


suivante  : 

Matières  albuminoïdes 0,03 

Matière  granuleuse  (amidon?; 0,10 

Mucilage  contenant  de  l’azote 0,22 

Sels 0,20 

Sucre 1 8,30 

Eau 8b00 


100,00 


Les  deux  premiers  groupes  de  substances  rendent  le  suc  trouble  et 
provoquent  sa  fermentation,  mais  on  les  sépare  aisément  par  1 ébullition, 
et  l'on  peut  alors  conserver  le  suc  pendant  quelque  temps,  sans  qu  il 
subisse  de  modification. 

Dans  un  grand  nombre  de  colonies,  le  produit  passe  pour  être  très- 
inférieur  à ce  qu’il  devrait  être;  mais  on  obtient  le  suc  dans  un  état  qui 
rend  sa  purification  plus  facile  lorsqu’on  ne  pousse  pas  son  extraction 
jusqu’aux  dernières  limites. 

Le  sucre  de  Canne  passe  pour  exister  seul,  soit  dans  la  Canne,  soit 
dans  la  racine  de  Betterave.  Cependant  Icery  a montré  que  dans  la 
Canne  il  existe  également  toujours  une  certaine  quantité  de  sucre 
incristallisable  ou  sucre  interverti.  Sa  quantité  varie  beaucoup  avec 
les  localités  dans  lesquelles  la  Canne  croît  et  avec  1 âge  de  cette  der- 
nière. De  jeunes  Cannes  poussées  très-rapidement  donnèrent  un  vesou 
contenant  2,4  pour  100  de  sucre  incristallisable,  3,6  de  sucre  de  Canne, 
et  94  d’eau.  L’humidité  et  l’ombre  favorisent  beaucoup  la  formation  du 
sucre  incristallisable,  qui  domine  aussi  dans  le  sommet  des  pousses, 
surtout  avant  la  maturité.  Icery  en  déduit  que  le  sucre  incristallisable 
se  produit  d’abord  et  est  ensuite  transformé  en  sucre  de  Canne  sous 
l’influence  de  la  végétation  et  surtout  de  la  lumière.  Les  Cannes  com- 

m Annales  de  Chimie,  et  de  Physique , 186b,  V,  360-410.  - Voyez  aussi  pour  Cuba, 
Alvaro  Reynoso,  Ensayo  sobre  cl  cultiva  de  la  Cana  de  Azueav,  Madrid,  1865,359  - 
Pour  la  Guyane  anglaise,  Catal.  of  Contributions  from  Brit.  Guiana  lo  Pans  Exhib., 
1867,  xxxvni-xLi. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'OIUGINE  VÉGÉTALE.  565 

plôtement  mûres  ne  contiennent  qu’un  soixante-quinzième  ou  un  cin- 
quantième de  la  totalité  de  leur  sucre  à l’état  incristallisable. 

Description  et  Composition  chimique.  — Le  sucre  de  Canne  est  le 
type  d’une  classe  nombreuse  de  composés  organiques  bien  définis,  qui 
se  présentent  fréquemment  dans  les  végétaux  et  les  animaux,  et  peu- 
vent être  obtenus  artificiellement  par  décomposition  de  certaines  autres 
substances.  Dans  ce  dernier  cas,  cependant,  on  obtient  du  glucose  ou 
quelque  autre  sucre  différent  du  sucre  de  Canne.  Le  sucre  de  Canne, 
C,2H2S0",  fonda  160°  C.  sans  subir  de  décomposition,  tandis  que  plu- 
sieurs autres  sortes  de  sucres  donnent  de  l’eau,  avec  laquelle  ils  forment, 
à la  température  ordinaire,  des  composés  cristallisés. 

Le  sucre  de  Canne  cristallise  en  cristaux  durs,  du  système  rhombique 
oblique,  ayant  pour  poids  spécifique  1,59.  Deux  parties  do  ce  sucre  se 
dissolvent  dans  une  partie  d’eau  froide  (1),  et  dans  beaucoup  moins 
à une  température  élevée  ; dans  le  premier  cas,  on  observe  une  faible 
dépression  du  thermomètre.  Une  partie  de  sucre  dissoute  dans  une 
partie  d’eau  forme  un  liquide  ayant  pour  poids  spécifique  1,23;  deux 
parties  de  sucre  dans  une  partie  d’eau,  un  liquide  ayant  pour  poids 
spécifique  1,33.  Le  sucre  exige,  pour  se  dissoudre,  65  parties  d’alcool 
à 0,84  et  80  parties  d’alcool  anhydre;  l’éther  n’agit  pas  sur  lui. 

Une  solution  aqueuse  de  sucre  de  Canne  dévie  la  lumière  polarisée  à 
droite  ; mais  d’autres  sortes  de  sucres  la  dévient  à gauche,  ainsi  que  l’a 
montré  le  premier  Biot.  Ces  propriétés  optiques  ont  une  grande  impor- 
tance au  point  de  vue  du  dosage  des  solutions  de  sucre  et  au  point 
de  vue  des  études  scientifiques  à faire  sur  le  sucre  et  les  substances 
saccharogènes.  Les  propriétés  optiques  du  sucre  sont,  comme  ses  pro- 
priétés chimiques,  modifiées  par  diverses  causes,  notamment  par  l’ac- 
tion des  acides  ou  des  alcalis  dilués  et  par  celle  de  champignons  micro- 
scopiques. Dans  ces  conditions,  le  sucre  subit  la  fermentation  alcoolique. 
D’autres  ferments  agissent  sur  lui  en  déterminant  la  production  des 
acides  butyrique,  lactique  ou  propionique. 

' Le  sucre  de  Canne  possède  une  saveur  plus  nette  et  plus  sucrée  que 
celle  de  la  plupart  des  autres  sucres.  Quoiqu’il  n’agisse  pas  sur  le  tour- 
nesol, il  forme  cependant,  avec  les  alcalis,  des  composés,  dont  quelques 
uns  sont  cristallisables.  Le  sucre  de  Canne  ne  détermine,  dans  la  solu- 
tion alcaline  de  bitartratc  de  cuivre,  aucun  précipité  de  protoxyde. 
Quand  on  conserve  pendant  un  peu  de  temps  du  sucre  de  Canne  à 

Ç)  On  admet  généralement  que  3 parties  peuvent  être  dissoutes  dans  1 parüe  d’eau 
froide,  mais  cela  n’est  pas  exact. 


5G0  GRAMINÉES. 

l’état  do  fusion  à 160°  CM  il  sc  convertit  on  c/lucose  et  en  lévulosane.  Le 
premier  peut  être  isole  par  cristallisation  ou  détruit  par  la  fermenta- 
tion ; la  seconde  est  incapable  de  cristalliser  et  de  fermenter. 

Le  sucre  de  Canne  fjui  a été  fondu  a 160°  G.  est  déliquescent,  et  faci- 
lement soluble  dans  l’alcool  anhydre;  son  pouvoir  rotatoire  est  dimi- 
nué ou  entièrement  détruit;  il  n’est  plus  cristallisable,  et  son  point  de 
fusion  est  descendu  à 93°  C.  Avant  de  subir  ces  modifications  évidentes, 
il  devient  amorphe  quand  on  le  fait  fondre  avec  un  tiers  de  son  poids 
d’eau,  et  il  est  toujours  coloré  par  quelques  produits  pyrogènes.  Au 
bout  d’un  certain  temps  cependant,  ce  sucre  amorphe  reprend  sa  trans- 
parence et  sa  forme  cristalline.  De  même  que  le  soufre  et  l’acide  arsé- 
nieux, il  est  susceptible  d’exister  soit  à l’état  cristallin,  soit  a 1 état 
amorphe. 

Lorsqu’on  chauffe  le  sucre  à 190°  C.  environ,  il  se  dégage  de  l’eau  et 
on  obtient  un  produit  brun  foncé,  nommé  généralement  Caramel  ou 
Sucre  brûlé.  Ce  corps  est  doué  d’une  odeur  forte  particulière  et  d’une 
saveur  amère  ; il  est  incapable  de  fermenter  et  est  déliquescent.  L un 
des  principes  constituants  du  caramel,  la  Caramelane , C1-II190°,  a etc 
obtenu  par  Gélis,  en  1862,  à l’état  tout  a fait  incolore.  Lorsqu  on  aug- 
mente la  chaleur,  le  sucre  finit  par  subir  une  décomposition  qui 
ressemble  à celle  qui  produit  le  goudron  (voy.  p.  406),  et  les  principes 
pyrogènes  formés  sont  semblables  ou  très-analogues  à ceux  qui  se  pio- 

duisent  pendant  la  distillation  du  bois. 

Arariétcs  de  Sucre  de  Canne.  — Les  expériences  de  Marggraf,  indi- 
quées à la  page  552,  ont  montré  que  le  sucre  de  Canne  ne  se  trouve  pas 
seulement  dans  la  Canne  à sucre,  mais  qu’on  peut  le  retirer  encore  de 
plusieurs  autres  plantes,  dont  les  plus  importantes  sont  les  suivantes  . 

Racine  de  Betterave.  — La  fabrication  du  sucre  de  Canne  à 1 aide  de 
la  racine  de  Betterave  {Beta  maritima  L.)  se  fait  aujourd  hui  dans  1 Lu- 
rope  continentale  et  en  Amérique,  et  donne  des  résultats  admirables  , 
100  parties  de  racines  fraîches  contiennent  en  moyenne  80  pour  100 
d’eau,  11  à 13  pour  100  de  sucre  de  Canne  et  environ  7 pour  100  de 
matières  pectiques  et  albuminoïdes,  de  cellulose  et  de  sels.  On  extrait 
environ  les  huit  neuvièmes  de  la  quantité  totale  du  suc  contenu  dans 
les  racines , et  par  les  meilleurs  procédés  aujourd’hui  employés  on 
retire  8 à 9 parties  de  sucre  de  100  parties  de  racines  fraîches.  La  pro- 
portion du  sucre  cristallin  obtenue  augmente  chaque  jour  par  suite  des 
perfectionnements  mécaniques  et  chimiques  apportés  dans  les  procec  es 

de  fabrication. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  507 

Palmiers.  — Plusieurs  espèces  de  Palmiers  sont  d’une  très-grande 
utilité  pour  la  production  d’une  variété  de  sucre  nommée  par  les  Euro- 
péens Jaggery  (1).  Cette  substance  est  préparée  par  les  indigènes  de 
l’Inde  de  la  façon  suivante  : on  coupe  très-près  de  la  base  les  jeunes 
spadices  en  voie  de  croissance  ou  les  bourgeons  à fleurs  et  on  place  au 
niveau  de  la  blessure  des  vases  en  terre  destinés  à recevoir  le  suc  qui 
s'en  écoule.  On  enlève  le  vase  chaque  jour,  et  en  même  temps  on  ravive 
la  plaie  en  coupant  à sa  surface  une  mince  tranche  de  tissu  afin  de 
favoriser  l’écoulement  d’une  nouvelle  quantité  de  liquide.  Le  suc  ainsi 
récolté,  soumis  à l’ébullition,  donne  un  sucre  brut,  brun,  nommé  Jag- 
gery. Lorsqu’on  le  laisse  fermenter,  il  produit  une  boisson  alcoolique, 
nommée  7 ocldy  ou  Vin  de  Palme , ou  bien  il  se  convertit  en  vinaigre. 
L’alcool  distillé  du  toddy  porte  le  nom  à’Arrack. 

Parmi  les  palmiers  à suc  sucré  de  l’Asie,  l’un  des  plus  importants 
est  le  Phœnix  silvestris  Roxb.,  qui  passe  pour  être  la  forme  sauvage  du 
Dattier.  Le  Cocotier,  Cocos  nucifera  L. , lemagnifique  Palmier  de  Palmyre, 
Porassus  flabelliformis  L.  et  le  Sagou  bâtard,  Caryota  urens  L.,  fournis- 
sent aussi  des  quantités  importantes  de  sucre.  Dans  l’archipel  Indien, 
on  retire  du  sucre  de  l’aubier  de  1 ' Arengci  saccharifera  Mart.  qui  y croît 
en  abondance,  ainsi  que  dans  les  Philippines  et  dans  l’Indo-Chine.  On 
en  retire  aussi  du  Nipa  frulicans  Tiiunb.,  arbre  des  régions  littorales 
basses,  très-cultivé  à Tavoy. 

De  A ry  a prôné  (2)  la  fabrication  du  sucre  de  Palmier  comme  la 
plus  scientifique,  parce  que  le  suc  de  ces  plantes  est  une  solution  aqueuse 
presque  pure  de  sucre,  parce  que,  aucun  principe  minéral  n’étant  en- 
levé au  sol  par  le  suc,  les  engrais  très-coûteux  et  les  procédés  pénibles 
employés  pour  éliminer  le  suc  de  la  Canne  à sucre  et  de  la  Betterave 
sont  ici  inutiles  ; enfin,  parce  que  les  palmiers  sont  vivaces  et  peuvent 
être  cultivés  dans  un  sol  qui  ne  convient  à aucune  céréale. 

Érable.  — En  Amérique,  on  obtient,  dans  les  forêts  du  nord  des 
Etats-Unis  et  du  Canada,  une  quantité  considérable  de  sucre  par  éva- 
poration du  suc  de  l Érable.  L’espèce  le  plus  généralement  employée 
est  Y Acer saccharinum  Wang.,  Érable  à sucre  commun,  et  la  variété 
nigrum,  Érable  à sucre  noir.  L’Acer pensylvanicum  L.,1  'Acer  Negundo  L 
(■ Negundoaceroides  Mœnch.)  et  Y Acer  dasycarpum  Emui.,  sont  aussi  em- 
ployés ; l’aubier  du  dernier  passe  pour  être  le  moins  riche  en  sucre. 
Comme  le  suc  de  ces  arbres  ne  contient  pas  plus  de  2 pour  100 

(1)  C’est  un  mot  d’origine  sanscrite  dérivé  du  canaris  Sliarkari  (sucre) 

(2)  Journ.  dePharm.,  1865,  1,  270. 


3(18 


GRAMINÉES. 


de  sucre,  la  fabrication  de  ce  dernier  exige  une  grande  quantité  do 
combustible,  et  elle  ne  peut  être  avantageuse  que  dans  des  pays  éloi- 
gnés des  marchés  sur  lesquels  on  peut  se  procurer  le  sucic  ordinaiie, 
ou  dans  ceux  qui  renferment  une  quantité  considérable  de  combustible. 
Dans  le  nord  de  l’Amérique,  on  en  fabrique  surtout  entre  le  40°  et  le 
48°  degré  de  latitude  nord.  Nous  ne  possédons  aucun  chiffre  indiquant  sa 
production  totale.  Le  recensement  de  la  Pensylvanie,  de  1870,  donne 
les  chiffres  suivants  pour  la  production  du  sucre  d’Erable  dans  cet  Etat: 
en  1870,2320523  livres  ; en  1800,  2788  903  livres  ; en  1870,  1 343917  li- 
vres (1). 

Sorgho.  — Une  autre  plante  do  la  même  famille  que  les  Saccharum, 
le  Sorghum  saccharalum  Pfias.  ( Holcus  saccharatus  L.),  originaire  du 
nord  de  la  Chine  (2),  a été,  pendant  ces  dernières  années,  expérimentée 
comme  plante  à sucre  en  Europe  et  dans  l’Amérique  du  Nord,  mais  sans 
grand  succès,  parce  que  la  purification  du  sucre  offre  des  difficultés 
particulières.  11  existe  dans  le  Sorgho,  comme  dans  la  Canne  à sucre, 
du  sucre  cristallisable  et  du  sucre  incristallisable,  la  proportion  du  pre- 
mier atteint  son  maximum  lorsque  les  fruits  arrivent  à la  maturité.  Ce- 
pendant, l’importance  de  la  plante  est  beaucoup  augmentée  par  la  valeur 
de  ses  feuilles  et  de  ses  fruits,  qui  sont  très-propres  à la  nourriture  des 
chevaux  et  du  bétail,  et  par  celle  de  ses  tiges,  qui  peuvent  etre  em- 
ployées à la  fabrication  du  papier  et  de  l'alcool. 

Commerce. -La  valeur  de  la  quantité  du  sucre  importé  dans  le 
Royaume-Uni  augmente  sans  cesse,  ainsi  que  le  montrent  les  chiffres 
suivants  : en  1868,  il  a ôté  importé  pour  13  339  738  livres  sterling  Ae 

sucre  brut  et  pour  1136188  livres  sterling  de  sucre  raffiné  ; en  18/0, 

pour  14  440  302  livres  sterling  de  sucre  brut  et  pour  2744  366  livres  ster- 
ling de  sucre  raffiné  ; en  1 872,  pour  1 8 044  898  livres  sterling  de  sucre 
brut  et  pour  3 142  703  livres  de  sucre  raffiné.  La  quantité  de  sucre  brut 
importée  en  1872  a été  de  13776  696  quintaux,  sur  lesquels  3 millions 
de  quintaux  environ  ont  été  fournis  par  les  îles  espagnoles  des  Indes 
occidentales,  2 700  000  quintaux  parles  îles  anglaises  des  Indes  occi- 
dentales; 1 800000  quintaux  par  le  Brésil;  1 100000  quintaux  pai  a 

France,  et  960  000  quintaux  par  Maurice. 

Usa„cs.  _ Le  sucre  raffiné  est  employé  en  pharmacie  pour  préparer 


(!)  Consul  KoRTRi&in.in  Consular  Reports,  présentés  au  Parlement  en  juillet  1873, 
— Joulte,  Joum.  de  Pharm.,  1805,  1,  188. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  369 

des  sirops,  dos  électuaires  et  des  pastilles  ; il  est  également  employé  en 
grande  quantité  dans  la  préparation  des  enduits  destinés  à revêtir  les 
médicaments  à saveur  désagréable  et  aussi  à cause  de  l’action  préser- 
vatrice qu'il  exerce  sur  les  principes  actifs  des  autres  drogues. 

La  cassonade  ou  sucre  brut  n’est  pas  employée  en  médecine.  Le 
sirop  noir  incristallisable,  connu  sous  les  noms  de  Mélasse  (Mêlasses, 
Treacle)  (1)  ou  Syrupus  Hollandicus  vel  communis  de  certains  phar- 
maciens, qui  se  produit  pendant  la  préparation  du  sucre  raffiné,  sous 
l’influence  de  la  chaleur,  des  corps  alcalins,  des  végétaux  microsco- 
piques et  de  l’oxygène  de  l’air,  est  parfois  employé  dans  la  préparation 
des  masses  pilulaires.  On  ne  se  sert  pour  cela  que  de  la  mélasse  du  sucre 
des  colonies,  celle  du  sucre  de  Betterave  possédant  une  saveur  désa- 
gréable et  contenant  de  19  à 21  pour  100  d’oxalate,  de  tartrate  et  de 
malate  de  potassium  et  seulement  56  à 6i  pour  100  de  sucre  (2).  La 
mélasse  du  sucre  des  colonies  ne  contient  ordinairement  que  de  5 à 7 
pour  100  de  sels. 

Les  Saccharum  L.  ( Généra , n.  73)  sont  des  Graminées  de  la  tribu  des  Andropo- 
gonées,  à épillets  tous  fertiles,  disposés  par  paires  sur  l’axe  commun  de  l’épi,  arti- 
culés, l’un  des  deux  sessile,  l’autre  courtement  pédoncule.  Chaque  épillet  est  formé 
de  deux  fleurs,  l’une  neutre  et  pourvue  d’une  seule  glumelle,  l’autre  fertile,  à deux 
glumelles.  L’androcée  est  formé  de  trois  étamines.  L’ovaire  est  lisse  et  surmonté 
de  deux  longs  styles  à extrémités  stigmatiques  munies  de  poils  simples,  dentés. 

Le  Saccharum  o/Jîcinarum  L.  ( Species , 79)  est  une  grande  plante  herbacée,  à 
souche  vivace,  à tige  pleine,  haute  de  1 m,20  à 3 mètres  environ,  colorée  en  jaune 
ou  en  rouge  plus  ou  moins  foncé,  à nœuds  peu  saillants  et  d’autant  plus  distants  les 
uns  des  autres  que  la  croissance  de  la  tige  est  plus  rapide.  Les  feuilles  sont  engai- 
nantes, planes,  atténuées  et  aiguës  au  sommet,  longues  de  60  centimètres  à 1 mètre, 
larges  de  4 h 5 centimètres,  rudes,  rapprochées  les  unes  des  autres.  Les  fleurs  sont 
disposées  en  une  grande  panicule  terminale,  étalée,  à forme  générale  à peu  près 
pyramidale,  dressée,  longue  de  30  à 90  centimètres.  Les  rameaux  de  cette  grande 
inflorescence  sont  alternes  et  étalés,  striés  ; ils  portent  un  grand  nombre  d’épillets 
disposés  par  paires,  l’un  sessile  sur  le  rachis,  l’autre  courtement  pédonculé,  tous  les 
deux  articulés.  Chaque  épillet  offre  deux  bractées  ou  glumes,  l’une  inférieure  et  ex- 
terne, embrassant  la  seconde  qui  est  un  peu  plus  élevée  et  interne  ; elles  sont 
toutes  les  deux  membraneuses  et  lisses  et  environnnées  de  poils  persistants.  En  de- 
dedans  des  deux  glumes,  chaque  épillet  porte  deux  fleurs  hermaphrodites,  dont 
1 une,  inférieure,  avorte  et  se  trouve  réduite  à une  seule  bractée  ou  glumelle.  La 
fleur  fertile  est  munie  de  deux  bractées  ou  glumelles,  l’une  uninerviée  et  l’autre 

(1)  Nous  ignorons  comment  le  mot  anglais  Treacle,  qui  autrefois  désignait  un  mé- 
dicament opiacé,  a pu  finir  par  être  appliqué  à la  mélasse.  Dans  la  description  du 
sucre  donnée  par  Salomon,  dans  son  English  Physicean  or  Druggist’s  Shop  opened, 
Lond.,  16911,  le  treacle  n’est  jamais  mentionné,  mais  seulement  le  mot  « melussas  ». 

(2)  Landolt,  Zeitschr.  fur  analyt.  Chem.,  1808,  VII,  1,  29. 


570  GRAMINÉES. 

binerviée.  En  dedans  de  ces  bractées  se  trouvent  deux  petites  écailles  distinctes, 
obscurément  divisées  au  sommet  en  deux  ou  trois  lobes.  E androcée  se  compose  de 
trois  étamines  indépendantes,  à filets  grêles  et  allongés,  a anthères  versatiles, 
oblongues,  biloculaires,  introrscs,  déhiscentes  par  deux  fentes  longitudinales.  Lë 
gynécée  se  compose  d’un  ovaire  supère,  uniloculaire,  lisse,  ovoïde,  surmonté  de 
deux  longs  styles  dont  les  extrémités  stigmatiques  ont  la  forme  d’aigrettes  à poils 
simples,  dentés.  La  loge  ovarienne  contient  un  seul  ovule  anatrope,  inséré  dans 
l’angle  interne  de  l’ovaire.  Le  fruit  est  un  caryopse  lisse  contenant  une  graine  à al- 
bumen féculent,  et  un  embryon  latéral  de  graminée.  [Trad.] 


ORGE  PERLÉ. 

Hordeum  décortication,  Hordeum  perlatum,  Fructus  vel  semen  Hordei;  Orge  mondé  ou  perlé  ; 
angl. , Pearl  Darley  ; allem.,  Gerollte  Gerste,  Gerstegraupen. 

Origine  i>ota nique . — Hovdcwu  distichuïïi  L.  L Orge  commune  est 
probablement  indigène  de  l’Asie  tempérée  occidentale,  mais  elle  est  cul- 
tivée, depuis  des  temps  très-reculés,  dans  l’hémisphère  nord.  En  Suède, 
sa  production  s’étend  jusqu’au  08°, 38  de  latitude  nord  ; sur  la  côte  de 
Norwége,  elle  s’étend  jusqu  a Attenfjord,  par  76  degrés  de  latitude  nord  ; 
en  Laponie,  elle  réussit  même  jusqu’à  une  altitude  de  270 à 400  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Dans  plusieurs  des  vallées  méridionales 
des  Alpes  suisses,  elle  mûrit  à 1 500  mètres,  et  dans  l’Himalayaà  3 300  mè- 
tres au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Dans  les  Andes  équatoriales,  où  elle 
est  très-cultivée,  elle  s’élève  jusqu’à  une  altitude  d’au  moins  3 300  mè- 
tres. Aucune  autre  céréale  ne  peut  être  cultivée  sous  des  climats  aussi 

différents. 

D’après  Bretschneider  (1),  l’Orge  est  comprise  parmi  les  cinq  céréales 
qui,  d’après  les  historiens  chinois,  furent  semées  par  1 empereur  Shcn- 
Nung,  qui  régnait  9700  ans  environ  avant  Jésus-Christ,  mais  elle  ne  fait 
pas  partie  actuellement  des  cinq  sortes  de  graines  qui  sont  employées 
dans  la  cérémonie  du  labour  et  de  l’ensemencement  célébrée  tous  les 

ans  par  les  empereurs  de  la  Chine. 

Théophraste  connaissait  bien  les  diverses  sortes  d Orge  (KpiO-q)  et 
parmi  elles,  celle  à six  rangs  ( hexasticlion ),  qui  est  représentée  sur  les 
monnaies  frappées  à Métapontum  (2),  en  Lucanie,  entre  le  sixième  et 

le  deuxième  siècle  avant  Jésus-Christ. 

Strabon  et  Dioscoride,  au  premier  siècle,  parlent  de  boissons  prepa- 


(1)  On  Chinese  llotanical  Works,  etc.,  Foochow,  1870  7,  8. 

(2)  Métapontum  est  situé  dans  la  plaine  qui  s’étend  entre  les  rivières  BradanoetBa- 
sento  dans  le  golfe  de  Tarente. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  571 

rées  avec  l’Orge,  qui,  d’après  Tacite,  étaient  même  alors  familières  aux 
tribus  germaines,  comme  on  sait  qu’elles  l’étaient  à une  époque  plus 
reculée  encore  chez  les  Grecs  et  les  Egyptiens.  L’Orge  est  mentionnée, 
dans  la  Bible,  comme  plante  cultivée  en  Egypte  et  en  Syrie,  et. doit 
avoir  constitué,  chez  les  anciens  Hébreux,  un  article  important  d’alimen- 
tation, à en  juger  d’après  la  quantité  accordée  par  Salomon  aux  servi- 
teurs d’Hiram,  roi  de  Tyr,  en  1015  avant  Jésus-Christ.  Le  tribut  d’Orge 
payé  au  roiJotham  par  les  Ammonites,  en  741  avant  Jésus-Christ,  est 
aussi  exactement  rappelé.  Les  anciens  avaient  l’habitude  d’enlever  le 
tégument  dur  de  l’Orge  en  faisant  rôtir  les  fruits  qui  faisaient  partie 
de  leur  alimentation. 

Préparation.  — Pour  l’usage  de  la  médecine  et  pour  l’alimentation 
des  malades,  on  emploie  l’Orge  à l’état  naturel,  mais  on  la  prive  plus 
ou  moins  complètement  de  son  enveloppe  crustacée.  Pour  cela,  on  em- 
ploie des  meules  spéciales,  horizontales,  entre  lesquelles  on  fait  passer 
les  grains,  et  qui  sont  disposées  de  façon  à enlever  les  téguments  sans 
attaquer  les  grains  eux-mêmes.  On  désigne,  en  Angleterre,  les  grains 
qui  n’ont  été  que  partiellement  dépouillés  de  leurs  téguments  sous 
le  nom  d 'Orge  à l’Ecossaise.  Lorsque,  par  une  opération  plus  longue 
et  plus  minutieuse,  les  téguments  ont  été  complètement  enlevés,  on 
donne  à l’Orge  le  nom  à’ Orge  perlé. 

Description.  — L’Orge  perlé  se  présente  en  grains  presque  sphériques 
ou  un  peu  ovoïdes,  longs  de  4 millimètres  environ,  à aspect  farineux, 
souvent  rendus  un  peu  jaunâtres  par  les  débris  de  téguments  qui  per- 
sistent à la  surface  et  dans  le  sillon  profond  qui  parcourt  chaque  grain. 
Sa  saveur  est  amylacée  et  son  odeur  est  semblable  à celle  de  tous  les 
autres  grains  de  céréales. 

Structure  microscopique.  — L’albumen  constitue  la  partie  impor- 
tante du  grain  d’Orge;  il  est  formé  de  grandes  cellules  parenchyma- 
teuses, à parois  minces,  qui,  sur  une  section  transversale,  paraissent  dis- 
posées en  rangées  rayonnantes  à partir  du  sillon  et  être  plutôt  allongées 
dans  cette  direction  que  parallèlement  au  grand  axe  du  grain.  Dans  le 
voisinage  du  sillon  seulement,  les  cellules  de  l’albumen  sont  plus 
étroites.  Les  grandes  cellules  qui  forment  la  plus  grande  partie  de  son 
parenchyme  sont  polygonales  ou  ovales,  tandis  que  la  couche  exté- 
rieure est  formée  de  deux,  trois  ou  quatre  rangées  de  cellules  pressées 
les  unes  contre  les  autres,  à peu  près  cubiques,  munies  de  parois 
épaisses  et  riches  en  gluten.  Cette  zone,  large  d’environ  70  millièmes 
de  millimètre,  est  revêtue  par  un  tégument  brun  extrêmement  mince 


J-J72  GRAMINÉES. 

auquel  succède  une  couche  épaisse  de  30  millièmes  de  millimèlic  en\i- 
von,  formée  de  très-petites  cellules  très-serrées,  tabulaiies,  grisâties  ou 
jaunâtres.  Dans  le  sillon,  cette  enveloppe  propre  du  fruit  offre  une  ap- 
parence un  peu  spongieuse. 

Dans  quelques  variétés  d’Orge,  le  fruit  est  constitué  uniquement  par 
les  tissus  que  nous  venons  de  décrire;  mais  dans  la  plupart,  il  existe 
aussi  des  écailles  formées  en  majeure  partie  de  longues  cellules  fibreuses, 
à parois  épaisses,  disposées  sur  trois  ou  quatre  couches  concentriques 
et  constituant  une  zone  très-dure.  Sur  une  section  transversale,  cette 
couche  forme  une  enveloppe  cohérente,  épaisse  de  33  millièmes  de  mil- 
limètre environ.  Ces  cellules,  examinées  sur  une  coupe  longitudinale, 
ne  présentent  qu’une  cavité  capillaire  dont  les  parois  sont  ondulées 
d’une  façon  toute  particulière  et  épaissies  par  des  dépôts  secondaires. 

Les  cellules  à gluten,  variant  beaucoup  dans  les  différents  fruits  de 
céréales,  offrent  des  caractères  suffisants  pour  les  distinguer  avec  certi- 
tude. Dans  le  froment,  par  exemple,  elles  forment  une  seule  couche  ; 
dans  le  riz,  elles  sont  disposées  en  couche  double  ou  simple,  mais  elles 
sont  allongées  transversalement.  Le  tissu  intérieur  de  1 albumen  de 
l’Orge  est  rempli  de  gros  grains  d’amidon,  irrégulièrement  lenticulaii  «■>, 
mélangés  de  grains  globuleux,  extrêmement  petits.  Les  premiers  ont  de 
20  à 35  millièmes  de  millimètre,  les  seconds  ont  I,  2 ou  3 millièmes  de 
millimètre  de  diamètre  ; il  en  existe  un  grand  nombre  ayant  des  dimen- 
sions intermédiaires.  Les  couches  concentriques  sont  visibles  dans  les 
gros  grains  humectés  d’acide  chromique  dissous  dans  100  parties  d eau. 

3 La  couche  décrite  comme  composée  de  cellules  à gluten  est  remplie  de 
granules  extrêmement  petits  de  matière  albuminoïde  (gluten)  qui,  sous 
l’influence  de  l’iode,  se  colorent  en  jaune  foncé.  Ces  granules,  qui  dans 
l'Orge  mondé  destiné  à l’alimentation  sont  d’une  haute  importance,  ne 
sont  pas  confinés  dans  la  couche  à gluten  ; les  cellules  à amidon  en 
contiennent  aussi  en  faible  proportion.  Dans  la  zone  étroite  du  tissu 
plus  dense  qui  du  sillon  s’enfonce  dans  l’albumen,  on  trouve  ega  emen 
des  dépôts  de  principes  albuminoïdes,  comme  le  prouve  la  belle  colo- 
ration jaune  que  prend  le  contenu  des  cellules  sous  1 influence  de 

1 1 Les" cellules  à gluten,  membrane  embryonnaire  de  Mége-Mouriès,  con- 
tiennent  aussi,  d'après  les  recherches  faites  sur  le  pain  (I)  par  ce  elu- 
raiste  en  1856,  delà  Cêréaline,  principe  alhummo.de  soluble  dans  1 eau, 

(,)  Il  s'agit  a du  blé,  pas  de  l'orge  ; nous  supposons  que  la  eonslUnlion  el.imique 
des  deux  fruits  est  semblable. 


573 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

qui  détermine  la  transformation  de  l’amidon  en  dextrine,  en  sucre  et 
en  acide  lactique.  Dans  les  parois  de  fruit,  épiderme,  épicarpe  et  endo- 
carpe, du  froment,  Mége-Mouriès  a trouvé  un  peu  d’huile  volatile  et 
une  matière  extractive  jaune,  à laquelle,  ainsi  qu’à  la  céréaline,  est  due 
l’acidité  du  pain  fait  avec  de  la  farine  contenant  le  son. 

Composition  chimique.  — L’Orge  a été  soumise  à des  analyses  soi- 
gneuses par  un  grand  nombre  de  chimistes,  et  plus  spécialement  par 
Lermer  (I).  Les  grains  contiennent  habituellement  de  13  à 15  pour  100 
d’eau  ; après  dessiccation,  ils  abandonnent  à l’éther  3 pour  100  d’huile 
grasse  et  des  proportions  insignifiantes  de  principes  tanniques  et  amers 
résidant  surtout  dans  les  enveloppes.  Lermer  a trouve  en  outre  dans  les 
grains  entiers,  63  pour  100  d’amidon,  7 pour  100  de  cellulose,  6,0 
pour  100  de  dextrine,  2,5  d’azote,  une  petite  proportion  d’acide  lactique 
et  2,4  pour  100  de  cendres. 

. Les  analyses  de  Poggiale  (1856)  indiquent  à peu  près  la  même  compo- 
sition : eau,  15;  huile,  2,4;  amidon,  60;  cellulose,  8,8;  principes  albu- 
minoïdes, 10,7  ; cendres,  2,6  (2). 

. La  Protéine  ou  matière  albuminoïde  est  formée  de  différents  prin- 
cipes dont  la  plupart  sont  insolubles  dans  l’eau.  La  portion  soluble  est 
en  partie  coagulée  par  l’ébullition,  en  partie  maintenue  en  solution  : 
2,5  pour  100  d’azote,  et  comme  ci-dessus,  répondraient  à environ  16 
pour  100  de  matières  albuminoïdes.  La  partie  soluble  paraît  être  con- 
tenue dans  les  cellules  à amidon,  dans  le  voisinage  des  cellules  à gluten 
qui  contiennent  la  portion  insoluble. 

Les  cendres  contiennent,  d’après  Lermer,  29  pour  100  d’acide  sili- 
cihque  ; 32,6  d’acide  phosphorique  ; 22,7  de  potasse  ; et  seulement  3 7 de 
chaux.  D’après  Salms-Horstmar,  le  fluor  et  le  lithium  sont  des  prin- 
cipes constituants  indispensables  de  l’Orge. 

L’huile  fixe  de  l’Orge  est,  comme  l’a  prouvé  Hanamann,  en  1863  un 
composé  de  glycérine,  soit  avec  un  mélange  d’acide  palmitique  et 
d acide  launque,  soit,  moins  probablement,  avec  un  acide  gras  parti- 


L acide  Hordéique  de  Beckmann,  obtenu,  en  1855,  par  la  distillation 
e Orge  avec  l’acide  sulfurique,  est  probablement  de  Vacide  Launque. 

' L-intner,  en  1868,  a montré  que  l’Orge  contient  aussi  une  petite  quantité 
de  Cholestérine.  L’orge  maltée  perd  7 pour  100;  elle  contient  alors  10  à 


(I)  Wittstein,  Vierteljahvenchr.  fürprakt.  Pharm.,  1863,  XII,  4-23 

Kü.ixem"nx  ï)lillcïATî  'n  1 Zeilsc,»W  fi*  analytische  C hernie,  1872  60. 

ixuiiNLMANrt,  Deutsche  c/lêrmsche  Gesellscftdft,  187G,  1385.  ’ U 


GRAMINÉES. 


374 

12  pour  100  clc  sucre  produit  aux  dépens  de  l’amidon.  Avant  le  maltage, 
on  n’y  trouve  pas  de  sucre,  mais  seulement  de  la  dextrine. 

Usages.  — L’Orge  n’a  aucune  importance  comme  médicament.  On 
prescrit  parfois  sa  décoction  comme  tisane  émolliente.  On  fait  égale- 
ment usage  d’un  extrait  aqueux  de  malt. 

(a)  Los  Ilorcleum  !..  ( Généra , n.  9G)  sont  des  Graminées  delà  tribu  des  Triticées, 
à épillets  uniflores,  réunis  par  trois,  les  deux  latéraux  étant  d’ordinaire  stériles. 
Chaque  épi  Uct  est  muni  de  deux  glumes  linéaires-lancéolées,  terminées  par  une 
arête  subulée.  Les  deux  glumelles  de  chaque  fleur  sont  herbacées,  l’inférieure 
concave,  terminée  par  une  arête,  la  supérieure  bicarénéc.  L’androcée  est  formé  de 
trois  étamines.  L’ovaire  est  velu  au  sommet.  Les  deux  écailles  sont  entières  ou  mu- 
nies d’un  lobe  latéral  ; elles  sont  d’ordinaire  velues  ou  ciliées.  Le  fruit  est  velu  au 
sommet,  oblong,  sillonné  sur  l’une  de  ses  faces,  adhérent  aux  glumes,  rarement  nu. 

L 'Hordcum  distichum  L.  ( Species , 12b)  est  une  Graminée  à tiges  ordinairement 
solitaires  ou  peu  nombreuses,  hautes  de  CO  à 90  centimètres,  dressées,  creuses, 
sauf  au  niveau  des  nœuds  qui  offrent  une  cloison  transversale  pleine.  Les  feuilles 
sont  alternes,  engainantes,  munies  d’une  ligule,  linéaires,  larges,  planes,  avec  une 
gaine  glabre.  Chaque  tige  est  terminée  par  un  seul  épi  dense  et  épais,  comprimé  la- 
téralement, souvent  penché.  L’épi  est  formé  d’épillets  réunis  trois  par  trois  et  dis- 
posés sur  six  rangs,  dont  quatre  déprimés  constitués  par  les  épillets  males  et  deux 
saillants  formés  par  les  épillets  hermaphrodites  et  fructifères.  Chaque  groupe  d épil- 
lets offre  en  effet  un  épillet  médian,  sessile,  fertile  et  deux  épillets  latéraux  courte- 
nient  pédoncules,  stériles.  Chaque  épillet  est  constitué  par  une  seule  fleur,  herma- 
phrodite dans  l’ épillet  médian,  mâle  dans  les  deux  latéraux.  Chaque  épillet  otire 
extérieurement  deux  glumes  linéaires-lancéolées,  insensiblement  atténuées  au  som- 
met en  une  arête  subulée,  et  étroitement  appliquées  contre  la  fleur.  Cette  dernièie 
offre  deux  glumelles  : l’une  inférieure,  concave,  munie  d’une  seule  nervure  mé- 
diane, saillante  dans  le  dos  ; elle  est  entière  au  sommet,  mutique  dans  les  fleurs 
mâles,  prolongée  dans  les  fleurs  femelles  en  une  arête  robuste,  dressée,  plus  lon- 
gue que  l’épi;  l’autre  glumelle,  supérieure,  est  plus  aplatie  et  muuie  de  deux 
nervures  longitudinales,  carénées.  En  dedans  des  deux  glumelles  sont  deux  squa- 
mules  membraneuses,  obtuses.  L’audrocée  est  formé  de  trois  étamines  a filets  grêles, 
indépendants,  à anthères  bifides  aux  deux  extrémités,  fixées  au  filet  par  le  milieu  du 
dos,  biloculaires,  introrses,  versatiles,  déhiscentes  par  deux.fentes  longitudinales.  Le 
gynécée  est  formé  d’un  ovaire  supère,  uniloculaire,  atténué  à la  base,  velu  au  som- 
met, surmonté  de  deux  stigmates  subterminaux,  plumeux,  à poils  simples,  sortant 
sur  les  côtés  et  vers  la  base  de  la  fleur.  La  loge  ovarienne  contient  un  seul  ovule 
anatrope,  inséré  dans  l’angle  interne,  ascendant,  à micropylc  dirigé  en  bas  et  en 
dehors.  Le  caryopse  organisé  comme  dans  le  reste  de  la  famille  est  oblong,  coin  exe 
sur  la  face  externe,  concave  et  parcouru  par  un  sillon  longitudinal  au  niveau  de  la 
face  interne.  Il  est  poilu  au  sommet  et  couvert  par  les  glumelles  auxquelles  il  adhèi  e. 

D’autres  espèces  d’Orge  sont  cultivées  sur  une  grande  échelle  : L'Hordeum  hexas- 
ticon  L.  ( Species , 12b)  ou  Orge  à six  rangs,  Orge  d'hiver,  Orge  carrée,  Escourgon, 
se  distingue  par  un  épi  hexagonal,  dont  les  épillets  tous  également  développes  sont 
disposés  sur  six  rangées  verticales;  YHordeum  vulgare  L.  (Species,  12o)  a egale- 
ment tous  les  épillets  fertiles  et  disposés  sur  six  rangs,  mais,  à la  maturité,  deux 
rangs  sont  moins  saillants  que  les  quatre  autres.  [Trad.] 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


ESSENCE  D’ANDROPOGON. 


Oleum  Andropogonis,  Oleum  Gramiriis  Indici ; angl.,  Indian  Grass  OU. 


Origine  botanique. — Parmi  les  nombreuses  espèces  d'Anclropogon  (1) 
qui  possèdent  des  feuilles  riches  en  huile  essentielle,  les  suivantes  four- 
nissent l’essence  d’Andropogon  du  commerce  : 
t°  Andropogon  Nardus  L.  (2).  - C’est  une  herbe  haute,  lorsqu’elle 
est  en  fleur,  de  Im,80  et  davantage,  très-cultivée  à Ceylan  et  à Singa- 
pore  pour  la  production  de  l'Essence  de  Citronnelle. 

2 A.  citratus  DC.  (3).  C’est  une  grande  herbe  glauque,  connue 
seulement  à 1 état  de  culture,  et  ne  produisant  que  très-rarement  des 
fleurs.  On  la  cultive  à Ceylan  et  à Singapore  pour  la  production  d’une 
huile  essentielle  nommée  Essence  de  Verveine  ou  Essence  de  Mélisse  in- 
dienne ( Lemon  Oïl,  Grass  Oïl).  On  la  trouve  aussi  communément  dans  les 
jardins  de  l’Inde,  et  elle  n’est  pas  rare  dans  les  serres  des  jardins  an- 
glais. A Java,  on  lui  donne  le  nom  de  Sireh. 

3 A.  S c /menant  lias  L.  (4).  — C’est  une  herbe  du  nord  et  du  centre 
de  l’Inde,  h feuilles  arrondies  ou  légèrement  cordées  à la  base,  fournis- 
sant, par  distillation,  l’essence  connue  en  Angleterre  sous  le  nom  de 

Basa  Oïl,  Od  of  Ginger  Grass , ou  Oil  of  Géranium  (Essence  de  Géra- 
uium). 


Historique.  - Les  propriétés  aromatiques  de  certaines  espèces  d’ An- 
dropogon étaient  bien  connus  de  Rlieede,  de  Rhumphius  et  d’autres 
anciens  écrivains  qui  se  sont  occupés  de  l’histoire  naturelle  de  l’Inde. 
Des  1717,  on  connaissait,  comme  curiosité,  une  essence  distillée  du 
Sireh  d’Amboine  (o),  mais  c’est  seulement  à une  époque  récente  que 
I huile  essentielle  de  ces  plantes  est  devenue  un  objet  de  commerce 
avec  l’Europe.  L’essence  d’Andropogon  est  mentionnée  par  Roxburgh, 
en  1820,  comme  ayant  été  importée  à Londres  pour  la  première  fois 


(1)  Le  major  général  Munro  a étudié  ii  notre  demande  les  caractères  botaniques  des 
„nlC!S°d01!an  eS  d’Andropogon  et  examiné  un  grand  nombre  d’échantillons  en  notre 
{lossessmn  Les  synonymes  que  nous  donnons  dans  nos  notes  ont  été  établis  par  lui. 

-)  A.  Martini  Thwaites,  Enumeratio  plantarum  Zeylaniæ,  nec  aliorum. 

( J A.  citratum  A.  P.  DG.,  Catalogua  plantarum  horti  botanici  MonspeUensis,  1813  • 

ifrr  t0WALLICH’  PlanL  asiaL  rariores>  1832>  III,  t.  280;  Roxbuugh,  Flora  in- 
..  ’ ,,  ’ ’ ’ fluant  aux  observations,  mais  non  pour  ce  qui  concerne  la  diagnose. 

9«n-  i EN1E;NATy  arr^n  de  Ccls,  1803,  l.  89  ; A.  Martini  Roxu.,  Flora  indica.  1820  I 
Pachn°des  Trinius,  Species  Graminum,  1830,  III,  t.  327  ; A.  Calamus  aroma- 
icus  Royle,  Illustrât,  of  Bot.  of  Himalayan  Mountains,  1839,  t.  97. 

[O)  Ephemeridès  Naturæ  Curiosorum,  177,  cent,  v-vi,  append.,  187. 


570  GRAMINÉES. 

vers  l’année  1832.  L'introduction  de  l’essence  de  Citronnelle  est  beau- 
coup plus  récente.  L’essence  de  Géranium , nommée  en  hindoustam 
1 Usa  ka  tel , a été  signalée  pour  la  première  fois,  d’après  AVaring(P, 

en  1823,  par  le  docteur  N.  Maxwell. 

Production.  — Les  Andropocjon  Nardus  et  citratus  sont  cultivés 

dans  les  environs  de  Galle  et  à Singaporc,  et  souvent  ensemble.  On  les 
distille  séparément,  leurs  huiles  essentielles  étant  considérées  comme 
tout  à fait  distinctes,  et  ayant  une  valeur  différente.  A Ceylan  on  les 
coupe,  pour  la  distillation,  à toute  époque  de  l’année,  mais  surtout  en 
décembre  et  en  janvier.  Dans  la  propriété  de  Persévérance,  à Gaylan, 
Singapore,  qui  appartient  à M.  John  Fisher,  930  acres  sont  consacrées  à 
la  culture  des  herbes  aromatiques  et  d’autres  plantes  pour  la  produc- 
tion d’huiles  essentielles.  En  1863,  la  fabrication  ne  s’effecluait  que  sur 
une  petite  échelle,  mais  elle  a été  tellement  fructueuse,  qu’il  s’y  fabri- 
que aujourd’hui  200  livres  de  diverses  essences  par  jour.  Ces  essences 
sont  celles  de  Citronnelle,  de  Verveine,  de  Patchouli,  de  Muscade,  de 
Macis,  de  Poivre  et  d’Ajowan  (voy.  1. 1,  p.  542);  on  y cultive  aussi  la 

Menthe  (2).  _ 

On  distille  de  l’essence  de  Géranium  à Khandesh,  dans  la  Présidence 

de  Bombay.  Celle  qui  est  produite  dans  le  district  de  Nim.âr,dans  la  val- 
lée de  la  Nerbudda  est  parfois  désignée  sous  le  nom  d Essence  de  Ver- 
veine de  Nimâr  ( Grass  OU  of  Nimâr ).  Nous  ne  possédons  pas  de  ren- 
seignements particuliers  sur  cette  distillation,  qui  doit  cependant  être 
effectuée  sur  une  grande  échelle. 

Description. — Les  essences  indiennes  d’Andropogon  sont  plus  lé- 
gères que  l’eau  et  n’agissent  pas  sur  le  papier  de  tournesol.  Elles  sont 
très-odorantes,  et  possèdent  une  odeur  mélangée  de  rose  et  de  citron. 
L’essence  de  Verveine  est  colorée  en  brun  doré  foncé;  son  odeur  res- 
semble à celle  de  la  Verveine  odorante  des  jardins,  L>ppia  cilnodora 
H.  B.  K.  L’essence  de  Géranium  dont  la  coloration  varie  du  jaune  verdâ- 
tre pale  au  brun  jaunâtre,  possède  l’odeur  du  Pélargonium  Radula  . it. 
La  couleur  de  l’essence  de  Citronnelle  est  jaune  verdâtre  clair.  Les  fa- 
briques de  Winter,  à Ceylan,  et  de  Fisher,  à Singapore,  jouissent  d une 
grande  réputation  pour  l’excellence  de  leurs  produits  qui  sont  générale- 
ment indiqués  par  leurs  noms  dans  les  catalogues  des 

composition  chimique.  - Stenhouse  (3)  examina,  en  18*4, 1 essence 

m pharmacopœia  of  India,  68,465. 

2 Straits  Settlements  Blue  Book  for  1872,  Singapore,  1873,  . b. 

(3)  Mem.  of  Chem.  Soc.,  1845,  II,  122. 


577 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

d 'Andropogon  citratus  qui  lui  avait  été  donnée  par  Ghristison  sous  le  nom 
d Essence  de  Naniur  (ou  N un/h') . L’échantillon  était  d un  jaune  foncé, 
et  apparemment  déjà  ancien,  car,  lorsqu  on  le  mélangea  avec  de  1 eau 
et  qu’on  le  soumit  à la  distillation,  il  abandonna  près  de  la  moitié  de 
sa  masse  d’une  résine  fluide,  tandis  que  l’huile  qui  distilla  était  inco- 
lore. Après  rectification  par  le  chlorure  de  calcium,  elle  se  montra  for- 
mée d’un  hydrocarbure  mélangé  avec  une  petite  proportion  d’une 
essence  oxygénée.  Cette  dernière  ayant  été  décomposée  par  le  sodium, 
puis  de  nouveau  rectifiée,  on  fit  une  seconde  analyse  qui  montra 
qu’elle  était  isomérique  de  l’essence  de  térébenthine. 

Une  essence  d’Andropogon,  provenant,  autant  que  nous  pouvons  le 
supposer,  de  la  même  espèce,  a été  examinée  par  l’un  de  nous  (F.).  Sa- 
turée d’acide  chlorhydrique  sec,  elle  ne  fournit  aucun  composé  cristal- 
lin, mais  lorsqu’on  traita  ensuite  le  liquide  par  de  l’acide  nitrique  fu- 
mant, des  cristaux,  d’un  composé  Gt0H16,HCl,  se  sublimèrent  dans  la 
partie  supérieure  du  vase.  Nous  avons  observé  que  les  essences  des 
Andropogon  Nardus  et  Citratus  donnent  des  composés  solides  lorsqu’on 
les  agite  avec  une  solution  saturée  de  bisulfite  de  sodium. 

Gladstone  a trouvé,  en  187 ”2,  que  l’essence  de  citronnelle  était  com- 
posée surtout  d’une  huile  oxygénée  qu’il  a nommée  Citronellol  (1)  et  qui 
se  sépare  par  distillations  fractionnées  en  deux  portions  : l’une  bouillant 
entre  202°  et  205°  G.;  l’autre  bouillant  entre  190°  et  202°  G.  Le  poids 
spécifique  de  la  première,  à 20°  G.,  était  de  0,8749,  et  celui  de  la  se- 
conde 0,8741.  La  composition  des  deux  est  indiquée  par  la  formule 
C‘°H160. 

Commerce. — L’accroissement  du  commerce  des  essences  d’Andropo- 
gon  est  bien  indiqué  par  les  chiffres  suivants  : en  1864,  l’exportation  de 
Y Essence  de  Citronnelle  faite  par  Geylan 'fut  de  622000  onces,  valant 
8230  livres  sterling.  Dans  le  Livre  Bleu  de  Ceylan  ( Cexylan  Dlue  Book), 
publié  à Golomba  en  1873,  les  exportations  de  l’année  1872  sont  dé- 
composées de  la  façon  suivante  : à destination  du  Royaume-Uni, 
1 163074  onces;  de  l’Inde  anglaise,  5713  onces;  des  Etats-Unis, 
426470  onces;  au  total  : 1 595  257  onces  (2). 

Il  a été  exporté  de  Ceylan,  pendant  la  même  année,  13515  onces 

(1)  Le  nom  de  Citronellol  est  appliqué  par  Wright  (1874)  à une  fraction  d’essenco 
qui  entre  en  ébullition  à.  210°  C et  à laquelle  il  attribue  la  composition  C10H18O  ; par 
une  ébullition  prolongée,  elle  perd  H1 20.  [F.  A.  F.] 

(2)  11  faut  y ajouter  « 248  dozens  et  33  packages  » do  la  même  essence  expédiée  aux 
Etats-Unis.  L’once  vaut  288/3. 

I1IST.  UES  DnOGl'ES,  T.  II. 


37 


;;/,s  GRAMINÉES. 

d essence  A Andropogon  citratus  {OU  of  Lemon  Grass ) ou  Essence  de 
Verveine  qui  coûte  plus  cher  que  les  autres  et  est  produite  en  moindre 
quantité  , plus  de  la  moitié  était  destinée  au  Royaume-Uni.  Nous  n’a- 
vons pas  de  statistique  relative  à l’exportation  de  ces  deux  essences 
laite  par  Singapore,  où  nous  avons  déjà  dit  qu’elles  sont  maintenant 
fabriquées  en  grande  quantité. 

Dans  le  document  officiel,  Report  on  thè  External  Commerce  oj  Rom- - 
Imy,  publié  en  1867,  nous  trouvons  que,  pendant  l’année  finissant  le 
31  mars  1867,  il  fut  exporté  de  cette  ville  4 1 643  livres  d’essence  d’Ara- 
dropogon  Schœnant/ius  (Ginger  Grass  OU,  ou  Rüsa  OU)  ou  Essence  de 
Géianium,  destinées  au  Royaume-Uni  et  aux  ports  de  la  mer  Rouge. 

Usages.  — Les  essences  d’Andropogon  sont  très-estimées  dans  l'Inde 
contre  le  rhumatisme  ; on  les  emploie  en  applications  externes.  L’es- 
sence d 'Andropogon  Schœnant/uis  passe  pour  stimuler  la  pousse  des  che- 
veux. On  administre  parfois  ces  essences  à l’intérieur  comme  carmina- 
tives,  contre  les  coliques,  et  l’on  prescrit  l’infusion  des  feuilles  de 
Citronnelle  comme  diaphorétique  et  stimulant.  En  Europe,  et  en  Amc- 
îique,  les  essences  d Andropogon  ne  sont  employées  que  par  les  parfu- 
meurs et  les  fabricants  de  savons  (1). 

L emploi  le  plus  important  qui  soit  fait  des  essences  d’Andropogon 
oonsiste  dans  la  falsification  de  1 essence  de  Roses,  dans  la  Turquie  d’Eu- 
rope. L’essence  dont  on  se  sert  pour  cette  fabrication  est  celle  de  l’Ara- 
dropogon  Schœnanthus  L.  (voy.  t.  1,  p.  475)  et  il  est  assez  curieux  de 
remarquer  que  les  nomshindoustanis  de  cette  essence  ont  une  désinence 
qui  rappelle  le  nom  de  la  Rose.  Ainsi,  sous  les  dénominations  de  Rusa, 
Rowsah,  Rosa,  Rose  ou  Roshé  {A),  elle  est  exportée  en  grande  quantité 
de  Bombay,  à destination  des  ports  de  l’Arabie,  probablement  surtout 
de  Jidda,  d où  elle  est  transportée  en  Turquie  par  les  pèlerins  maho- 
métans.  En  Arabie  et  en  Turquie,  elle  porte  le  nom  d'Idris  Yàghi , tan- 
dis que  dans  les  districts  producteurs  d’essence  de  Roses,  elle  est  connue, 
du  moins  parmi  les  Européens,  sous  le  nom  d 'Essence  de  Géranium  ou 
Essence  de  Palmarosa.  Avant  de  la  mélanger  à l’essence  de  roses  on  la 
soumet  à une  certaine  préparation,  qui  consiste  à l’agiter  avec  de  l’eau 
acidulée  avec  du  suc  de  citron,  puis  on  l’expose  au  soleil  et  à l’air.  Par 

(1)  Les  feuilles  des  grandes  espèces  odorantes  d 'Andropogon  sont  employées  dans 
l’Inde  pour  fabriquer  des  toitures  de  chaume.  Les  bestiaux  les  mangent  avec  avi- 
dité, et  leur  chair  et  leur  lait  se  parfument  de  leur  arôme. 

(2)  Cinquante  caisses,  contenant  environ  2 250  livres,  importées  de  Bombay,  furent 
mises  en  vente  sous  le  nom  d’ « Essence  de  Roses  » dans  une  vente  publique  par  un  com- 
missionnaire en  drogues  de  Londres  le  31  juillet  1873. 


571) 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

celte  opération,  qui  a été  récemment  décrite  par  Baur  (1),  l’essence 
perd  son  arrière-odeur  pénétrante  et  acquiert  une  coloration  jaune- 
paille  claire.  Les  différences  optiques  et  chimiques  qui  existent  entre 
l’essence  de  Géranium  ainsi  raffinée  et  l’essence  de  roses  sont  faiblçs  et  ne 
permettent  pas  de  reconnaître  un  mélange  dans  lequel  n’entre  qu’une 
petite  quantité  de  la  première. 

Falsification.  — Les  essences  d’Àndropogon  préparées  par  les  indi- 
gènes de  l’Inde  sont  assez  fréquemment  mélangées  d’une  huile  grasse. 

AUTRES  PRODUITS  DU  GENRE  ANTROPOGON. 

Herbu  Schœnanthi  vel  Squinanthi  ( Juncus  odoratus,  Fœnum  Camelo- 
rum).  — La  droguejqui  porte  ces  noms  a occupé  sa  place  dans  la  phar- 
macie depuis  l’époque  de  Dioscoride  jusqu’à  la  fin  du  siècle  dernier  et 
on  la  trouve  encore  en  Orient.  La  plante  qui  la  fournit,  autrefois  con- 
fondue avec  d’autres  espèces,  est  aujourd’hui  connue  sous  le  nom  d’Arc- 
dropogon  laniger  Desf.  C’est  une  herhe  très-répandue  dans  les  régions 
chaudes  et  sèches  du  nord  de  l’Afrique  (Algérie),  en  Arabie  et  dans  le 
nord-ouest  de  l’Inde  ; elle  s’étend  jusqu’au  Tibet  où  on  la  trouve  même  à 
une  altitude  de  3 300  mètres.  M.  Tolbort  nous  en  a envoyé  des  échantil- 
lons sous  le  nom  de  Khâvi,  recueillis  par  lui-même,  en  1869,  entre  Mul- 
tàn  et  Kot  Sultan,  et  très-semblables  à la  drogue  de  la  Pharmacie.  Cette 
herbe  possède  une  saveur  aromatique  piquante  qui  se  retrouve  même 
dans  les  très-vieux  échantillons.  Nous  ignorons  si  on  la  distille  pour  en 
retirer  une  huile  essentielle. 

C uscus  ou  Vetli-ver  (2).  — Cette  drogue  est  constituée  par  la  racine 
fibreuse  de  Y Andropogon  muncatus  Retz,  grande  herbe  qui  se  trouve  en 
abondance  dans  les  sols  riches  et  humides  du  sud  de  l’Inde  et  du 
Bengale.  Des  inscriptions  tracées  sur  des  plateaux  en  cuivre  récemment 
découverts  dans  le  district  d’Etawah,  au  sud-ouest  d’Agra,  et  datant 
de  1103  et  1174,  rappellent  la  concession  de  ces  villages  faite  aux 
Brahmines  par  les  rois  de  Kanauj  et  énumèrent  les  impôts  qui  devront 
être  levés.  Ces  derniers  consistent  en  taxes  sur  les  mines,  les  salines, 
sur  le  commerce  des  métaux  précieux,  et  sur  le  Bassia,  les  mangliers  et 
le  C uscus  (3). 

(1)  Voyez  t.  I,  p.  471,  note  2. 

_ f2)  Lc  mot  Cuscus,  écrit  aussi  Khus-khus,  est  le  nom  adopté  par  les  Anglais  de 
l’Inde  ; il  dérive  probablement  du  persan  Khas.  Vetti-ver  est  le  nom  malais  de  la 
plante. 

(3)  Proccedings  of  Asiat.  Soc.  of  Bengal,  août  1873,  161. 


5SÙ 


GRAMINÉES. 


Le  Yetti-ver  sc  montre  souvent  sur  le  marché  anglais.  Il  sert  à parfu- 
mer les  vêtements  et  le  linge.  Dans  l'Inde,  il  sert  à faire  des  écrans 
qu’on  place  devant  les  fenêtres  et  les  portes  et  qui,  lorsqu’on  les  agile, 
répandent  une  odeur  agréable  en  même  temps  qu’ils  procurent  de  la 
fraîcheur.  On  en  fabrique  aussi  des  paniers  et  une  foule  de  petits  objets. 
11  jouit  également  d’une  certaine  réputation  comme  médicament. 


Les  Andropogon  L.  ( Généra , n.  L14b)  sont  des  Graminées  de  la  tribu  des  Au  - 
thropogonées  à épillets  composés  de  deux  fleurs  : l’une  inférieure  neutre,  munie 
d’une  seule  glumelle,  l’autre  supérieure,  hermaphrodite  ou  unisexuée.  Les  épillets 
sont  réunis  par  deux  ou  trois,  celui  du  milieu  sessile  et  fertile,  les  deux  autres  pé- 
donculés  et  stériles.  Chaque  épillet  est  enveloppé  de  deux  glumes  mutiques,  indu- 
rées. Les  glumelles  des  fleurs  sont  plus  courtes  que  les  glumes.  La  glume  inférieure 
de  la  fleur  fertile  est  mutique  ou  prolongée  en  arête,  la  supérieure  est  plus  petite, 
mutique  et  manque  même  parfois.  Le  périanthe  est  représenté  par  deux  squainules 
tronquées,  ordinairement  glabres.  L’androcée  se  compose  d’une  à trois  étamines. 
L’ovaire  est  surmonté  de  deux  styles  plumeux,  terminaux.  Le  fruit  est  un  caryopse 
libre  entre  les  glumes.  [Trad.] 


RHIZOME  DE  CHIENDENT. 

Rhizome.  ürambiis,  Radix  Graminis  ; Chiendent  commun  ou  petit  Chiendent  ; angl.,  Couch  Grass, 
Quicch  Grass,  Dorj's  Grass  ; allem.,  Queclcemuurzel,  Graswursel. 

Origine  botanique.  — Agropyrum  repens P.  Beauv.  ( Triticum  repens,  L.). 
C’est  une  herbe  très-diffuse,  croissant  dans  les  champs  et  les  endroits 
abandonnés,  dans  toutes  les  parties  de  l’Europe,  dans  le  nord  de  l’Asie, 
jusqu’au  sud  de  la  mer  Caspienne  et  dans  l’Amérique  du  Nord  (a). 

Historique.  — Les  anciens  connaissaient  très-bien  une  herbe  qu  ils 
nommaient  ’ Aypwtoc  et  Grcwien,  et  qui  avait  un  rhizome  traçant  comme 
celui  de  l'herbe  dont  nous  parlons  ici.  Il  est  impossible  de  déterminer 
à quelle  espèce  leur  plante  se  rapporte,  mais  il  est  probable  que  le 
Cynodon  Dactylon  Purs.,  et  Y Agropyrum  repens  étaient  l’un  et  l’autre 
désignés  par  les  noms  que  nous  venons  de  citer. 

Dioscoride  affirme  que  la  décoction  de  la  racine  est  un  remède  utile 
dans  la  rétention  de  1 urine  et  les  calculs  de  la  vessie.  I line  paitage 
cette  opinion,  qu’on  retrouve  dans  les  écrits  d'Oribase  (1)  et  de  Mar- 
cellus  Empiricus  (2)  au  quatrième  siècle,  d’Aëtius  (3)  au  sixième  siècle, 

(0  De  Virtute  Simplicium,  c.  i,  Agrostis. 

(2)  De  Medicamentis,  c.  xxvi. 

(3)  Telvabibli  primæ,  Sermo  i. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VEGETALE.  S8I 

et  qui  est  reproduite  dans  les  herbiers  du  moyen  âge  (1).  Turner  (2) 
et  Gerarde  attribuent  aussi  à la  racine  de  Chiendent  des  propriétés  diu- 
rétiques et  lithontriptiques.  Cette  drogue  constitue  encore  un  remèdo 
populaire  très-estimé  en  France  ; on  la  prend  sous  forme  de  tisane 
considérée  comme  adoucissante  et  sudorifique. 

Description.  — Le  Chiendent  possède  un  long  rhizome  grêle,  coloré 
en  jaune  pâle,  épais  de  2 millimètres,  rampant  au-dessous  de  la  surface 
du  sol,  se  ramifiant  parfois  et  marqué,  à des  intervalles  de  3 centi- 
mètres environ  ou  davantage,  de  nœuds  qui  portent  des  racines  grêles, 
ramifiées  et  des  restes  de  feuilles  écailleuses,  rudimentaires. 

Tel  qu’on  le  trouve  dans  les  boutiques,  le  rhizome  est  toujours  dé- 
pourvu de  racines,  coupé  en  morceaux  longs  de  1 à 2 centimètres  et 
séchés.  Ses  fragments  sont  luisants,  colorés  en  jaune  paille,  tubuleux, 
à plusieurs  faces;  ils  sont  dépourvus  d’odeur  et  possèdent  une  saveur 
douce, légère. 

structure  microscopique.  — Sur  une  section  transversale,  le  rhizome 
offre  deux  parties  différentes,  séparées  l’une  de  l’autre  par  une  zone 
circulaire  ou  gaine.  Celle-ci  est  formée  d’un  cercle  continu  de  cellules 
prismatiques,  analogues  à celles  qu’on  trouve  dans  la  Salsepareille. 
La  partie  située  en  dehors  de  la  gaine  offre  une  vingtaine  de  faisceaux 
libériens  disposés  en  cercle,  et  la  partie  inférieure,  un  nombre  à peu 
près  égal  de  faisceaux  vasculaires  plus  serrés.  La  moelle  est  réduite 
à un  petit  nombre  de  rangées  de  cellules,  le  rhizome  étant  toujours 
creux,  sauf  au  niveau  des  nœuds.  On  ne  trouve  pas  dans  les  cellules  de 
contenu  solide. 

Composition  cSiimiquc,  — Les  principes  constituants  du  Chiendent 
ne  comprennent  aucune  substance  à laquelle  on  puisse  attribuer  des 
propriétés  médicinales.  Le  suc  du  rhizome  a fourni  à H.  Müller  (3) 
3 pour  100  environ  de  sucre,  et  7 à 8 pour  100  de  Triticine,  ClâH22On, 
substance  gommeuse  amorphe,  insipide,  qui  se  transforme  aisément  en 
sucre  quand  on  conserve  pendant  un  peu  de  temps  sa  solution  concen- 
trée à 110°  C.  Lorsqu’on  la  traite  par  l’acide  nitrique,  elle  donne  de  l’a- 
cide oxalique.  Le  rhizome  fournit  aussi  une  autre  matière  gommeuse 
qui  contient  de  l’azote  et  qui  se  décompose  rapidement;  la  drogue  est 

(1)  Notamment  dans  l’Herbarius  Patavias  imprimé  en  1485,  dans  lequel  il  est  dit  du 

(Iranien:  « aqua  decoctionis  ejus valet  contra  dissuriam...  et  frangit  lapidem  et 

curai  vulnera  vesicæ  et  provocat  urinam » Cette  drogue  se  trouve  aussi  dans  les 

tarifs  des  pharmacies  du  moyen  âge. 

(2)  Herball,  P.  II,  15G8,  13. 

(3)  Archiv  der  Pharm.,  1873,  203,  17. 


*>82  GKAMINÊKS. 

on  outi'o  riche  on  malqtos  acides.  La  raannito  doit  aussi  probablement 
s’y  trouver  parfois,  comme  dans  le  Taraxacum  (p.  24),  autant  que  nous 
pouvons  on  juger  d’après  les  résultats  contradictoires  obtenus  par 
Stenhouse  et  par  Vülckcr.  On  n’y  trouve  ni  amidon,  ni  résine,  ni  pec- 
tine. Lo  rhizome  donne  4 1/2  pour  100  de  cendres. 

Usages.  — On  a recommandé  la  décoction  du  rhizome  du  Chien- 
dent contre  les  maladies  de  la  muqueuse  vésicale. 

Substitutions.  — L ' Agropyrum  aculum  R.  et  S.,  VA.  pungens  R.  et  S., 
et  VA . junceum  P.  Beauv.,  considérés  par  quelques  botanistes  comme 
de  simples  variétés  de  l'A.  repens,  possèdent  des  rhizomes  tout  à fait 
semblables  à celui  du  Chiendent.  Le  Cynodon  Da.cf.ylon  Peus.,  herbe  très- 
commune  dans  le  sud  de  l’Europe  et  dans  le  nord  de  l’Afrique,  fournit 
le  Gros  Chiendent  ou  Chiendent  pied-de-poule  des  Français.  Son  rhizome 
diffère  de  celui  du  Chiendent  commun  par  son  épaisseur  beaucoup 
plus  considérable.  Sous  le  microscope,  il  offre  une  structure  tout  à fait 
différente.  Il  contient,  en  effet,  un  grand  nombre  de  faisceaux  fibro- 
vasculaires beaucoup  plus  épais  et  un  tissu 
cellulaire  rempli  d’amidon;  il  est  aussi 
beaucoup  plus  ligneux.  Il  se  rapproche 
ainsi  du  rhizome  du  Carex  arenaria  L., 
qui  est  beaucoup  employé  en  Allemagne, 
comme  celui  du  Cynodon  l’est  dans  le  sud 
de  l’Europe.  Ce  dernier  paraît  contenir  de 
Y Asparagine  ( Cynodine  (1)  de  Semmola) 
ou  une  substance  semblable  à elle. 

(a)  Les  Agropyrum  (Paliss.,  Agrost.,  101), 
considérés  par  certains  auteurs  comme  con- 
stituant un  genre  particulier  de  Graminées, 
sont  réunis  par  un  grand  nombre  d’autres  bo- 
tanistes au  genre  Triticum,  dont  ils  ne  diffèrent 
en  effet  par  aucun  caractère  essentiel  et  dans  le- 
quel ils  ne  constitueraient  qu’une  simple  section 
comprenant  des  plantes  vivaces,  à glumes  non 
ventrues,  entières  au  sommet,  mutiques  ou  plus 
rarement  aristées,  munies  de  trois  ou  plusieurs 
nervures  à peu  près  égales;  à caryopse  ordinaire- 
Fig.  2/1.  Triticum  repens.  ment  adhérent  aux  glumelles,  plan  ou  concave  au 
niveau  de  sa  face  interne;  à épi  muni  d’un  rachis  à entrenœuds  allongés.  De  même 

(1)  Delta  Cinodma  tutovo  prodotto  organico,  trovata  nella  gramina  officinale,  Cyn- 
don  Dactylon  ( Opéré  minori  di  Giovanni  Semmota,  Napoli,  1841).  11  en  a été  publié  un 
extrait  dans  le  Jahresbericht  de  Berzebius,  Ttibingen,  1845,  535. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


ris:1 


les  ép 


llets  sont  solitaires  et  formés  chacun  do  trois  h dix 


que  dans  les  Trüicum 
Heurs  hermaphrodites,  la  supérieure  souvent  rudimentaire  ; chaque  fleur  offre  en  do- 
dans  des  glumelles,  deux  squamules  membraneuses  ; l’androcée  est  formé  de  trois 
étamines  ; les  deux  stigmates  sont  plumeux.  Les  épillets  sont  disposés  on  uu  épi 
solitaire  et  terminal. 

L’Agropyrum  repens,  ou  mieux  Trüicum  repens  L.  ( Species , 128),  est  une  plante 
à souche  vivace,  rampante,  très-étalée  au-dessous  du  sol  et  se  ramifiant  beaucoup, 
Ce  rhizome  émet  des  rameaux  aériens  dressés,  hauts  de  oO  centimètres  il  1 mètre, 
Les  feuilles  sont  rudimentaires,  écaillées  et  jaunâtres  sur  le  rhizome  ; sur  les  ra- 
meaux aériens  elles  sont  vertes  ou  un  peu  glaucescentes,  linéaires,  planes,  lisses  ou 
à peu  près  lisses  sur  la  face  inférieure,  plus  ou  moins  rudes  et  pubescentes  sur  la 
face  supérieure.  Chaque  rameau  se  termine  par  un  seul  épi  allongé,  aplati,  à entre- 
nœuds  presque  aussi  longs  que  les  épillets  qui  sont  distiques,  au  nombre  de  douze 
à quinze  et  insérés  chacun  sur  le  rachis  principal  de  l’épi  au  niveau  d’un  coude 
saillant  ; ils  sont  plus  rapprochés  dans  le  haut  que  dans  le  bas  et  formés  chacun  de 
quatre  à six  fleurs.  Les  glumes  sont  égales  entre  elles  ot  ont  ii  peu  près  la  même 
longueur  que  les  fleurs  ; elles  sont  lancéolées,  acuminôes,  dépourvues  d’arêtes,  non 
ventrues,  concaves,  non  carénées,  munies  do  cinq  â sept  nervures  un  peu  scabres. 
Chaque  fleur  est  protégée  par  deux  glumelles  à peu  près  de  même  longueur,  l’infé- 
rieure concave,  un  peu  carénée,  lancéolée,  nautique,  acuminée,  mucronée  ou  cour- 
tement  aristée,  la  supérieure  membraneuse,  bicarénée.  En  dedans  des  glumelles, 
chaque  fleur  offre  deux  squamules  membraneuses,  un  peu  charnues,  ovales,  ciliées 
sur  les  bords.  L’androcée  est  formé  de  trois  étamines  indépendantes,  à filets  grêles, 
à anthères  allongées,  biloculaires,  dé- 
hiscentes par  deux  fentes  longitudina- 
les. Le  gynécée  se  compose  d’un  ovaire 
supère,  couvert  dans  le  haut  de  poils 
roides  et  longs  et  surmonté  de  deux 
styles  réfléchis  en  dehors,  plumeux,  à 
poils  simples,  papilleux.  L’ovaire  et  le 
fruit  offrent  l’organisation  des  Grami- 
nées ; le  fruit  adhère  ordinairement 
aux  glumelles,  sa  face  interne  est  plane 
ou  concave  et  son  extrémité  supérieure 
est  velue.  [Thad.] 

(6)  Ainsi  que  le  montre  la  figure  272, 
le  rhizome  du  Trüicum  repens  offre  : 
l°une  couche  épidermique  a,  formée 
de  grandes  cellules,  presque  quadran- 
gulaires,  revêtues  d’une  couche  cuticu- 
laire  épaisse  ; 2°  un  couche  6 de  ren- 
forcement, constituée  par  des  éléments 
allongés,  A parois  épaisses,  pressés  les 
uns  contre  les  autres,  disposés  bout  à 
bout  et  séparés  par  des  cloisons  trans- 
versales plus  ou  moins  obliques  ; il 
existe  d’ordinaire  trois  ou  quatre  couches  concentriques  de  ces  éléments  ; 3°  une 
couche  épaisse  c de  tissu  parenchymateux  â parois  minces  et  claires,  il  cavités  très- 
grandes  ; 4°  en  dedans,  cette  zone  parenchymateuse  est  limitée  par  une  couche  cir- 


Fig.  272.  Triticum  repens.  Rhizome. 
Coupo  transversale. 


584 


GRAMINÉES. 


eulaire  unique  d'éléments  à grande  cavité,  et  à parois  internes  et  latérales  épais- 
sies ; cette  zone  forme  h gaine  des  faisceaux  ; 5°  en  dedans  d’elle  se  trouvent  plu- 
sieurs couches  concentriques  e d’éléments  ii  parois  épaisses,  analogues  à ceux  de  la 
couche  b.  Les  faisceaux  fihro-vasculaires  forment,  en  dedans  de  ces  éléments,  une 
couche  circulaire  f ; les  faisceaux  sont  séparés  les  uns  des  autres  par  des  éléments 
prosenchymateux  à parois  épaisses,  lignifiées.  Ils  sont  formés  chacun  d’une  portion 
libérienne  ou  phloème  à éléments  allongés,  munis  de  parois  minces  et  claires  et 
d’une  portion  ligneuse  qui  offre  de  gros  vaisseaux  elliptiques  ou  arrondis.  [Trad.] 


CRYPTOGAMES 


LYCOP  ODIACÉES 


SPORES  DE  LYCOPODE. 

Lycopodium,  Semai  vel  Sporulæ  Lycnpodn  ; Lycopode,  Poudre  de  Lycopode  ; nngl,,  Ly copodium  ; 

allom;,  Bürlappsarnen,  ÿexenmehl. 


Origine  botanique.  — Lycopodium  clauatum  L.  — Le  Lycopode  com- 
mun est  presque  cosmopolite.  On  le  trouve  dans  les  pâturages  monta- 
gneux et  dans  les  bruyères  de  l’Europe  centrale  et  septentrionale, 
depuis  les  Alpes  et  les  Pyrénées  jusqu’aux  régions  arctiques;  dans  les 
montagnes  de  l’est  et  du  centre  de  l’Espagne  ; dans  la  Russie  d’Asie,  jus- 
qu a la  vallée  de  l’Amur  et  au  Japon;  dans  le  nord  et  le  sud  de  l’Amé- 
rique; dans  les  îles  Falkland;  en  Australie  et  au  cap  de  Bonne-Espé- 
rance. Il  se  trouve  dans  la  Grande-Bretagne,  mais  il  est  plus  abondant 
dans  les  landes  des  pays  septentrionaux  (a). 

La  partie  de  la  plante  employée  en  pharmacie  est  constituée  par 
les  petites  spoies  qui  sortent  sous  la  forme  d une  fine  poudre  jaune  de 
capsules  triangulaires  ou  sporanges  situés  sur  la  face  interne  des  brac- 
tées qui  couvrent  l’épi  fructifère. 

Historique.  — Le  Lycopode  commun  était  bien  connu,  sous  le  nom 
de  Muscus  tèrrestris  ou  Muscus  clavatus,  des  anciens  botanistes,  notam- 
ment de  Tragus,  Dodonæus,  Tabernæmontanus,  Bauhin,  Parkinson  et 
Rey,  qui  ont  rappelé  les  propriétés  qu’on  lui  attribuait.  Quoique  la 
poudre  de  Lycopode  (spores)  fût  officinale  en  Allemagne,  et  employée 
en  applications  sur  les  plaies  dès  le  milieu  du  dix-septième  siècle  (1),  il 
ne  paraît  pas  qu  elle  ait  été  connue  dans  les  boutiques  anglaises  jus- 
qu a une  époque  beaucoup  plus  récente.  Elle  n’est  pas  comprise  par 
Deale  (2)  dans  la  liste  des  drogues  vendues  par  les  droguistes  de  Lon- 
dien  en  1G92,  ni  énumérée  dans  les  listes  des  drogues  anglaises  du  der- 


(1)  Schrûdf.r,  Pharmacopaiia  Medico - chymica,  ed.  \ 
ger,  Documente,  zuv  Geschichte  der  Pharm .,  G3. 

(2)  Pharrnacohxjia,  Lond.,  J «93. 


Lugd.,  1G5G,  538.  — Flücki- 


LYCOPODIACÉES. 


r»sG 

nier  siècle,  et  n’a  jamais  eu  sa  place  dans  la  London  Pltarmacopœia. 

Description.  — La  poutli'c  de  Lycopode  est  fine,  mobile,  insipide, 
colorée  en  jaune  pille;  son  poids  spécifique  est  1 ,062.  Elle  flotte  sur 
l’eau  et  ne  se  mouille  que  difficilement,  mais  s’enfonce  dans  l’eau 
quand  on  l’y  fait  bouillir.  Sous  l’influence  d’une  trituration  prolongée, 
elle  devient  cohérente,  prend  une  teinte  grise,  et  laisse  sur  le  papier 
une  tache  huileuse  ; on  peut  alors  la  mélanger  avec  >l’eau.  Elle  est  im- 
médiatement mouillée  par  les  liquides  huileux  et  alcooliques,  le  chlo- 
roforme et  l’éther.  Desséchée  à 100°  G.,  elle  ne  perd  que  4 pour  100 
d’eau.  Chauffée  lentement,  elle  brûle  petit  à petit,  mais  lorsqu’on  la 
projette  dans  une  flamme  elle  prend  feu  aussitôt  et  fait  explosion  en 
brûlant  avec  beaucoup  de  lumière.  Ce  phénomène  est  également  pré- 
senté par  quelques  autres  corps  pulvérulents  ayant  une  structure  par- 
ticulière, comme  les  spores  de  Fougère  et  la  poudre  de  Kamala. 

Structure  microscopique.  — Sous  le  microscope,  la  poudre  de  Ly- 
copode se  montre  composée  de  granules  uniformes,  ayant  35  mil- 
lièmes de  millimètre  de  diamètre,  munis  de  quatre  faces,  dont  l’une, 
la  base,  est  convexe,  tandis  que  les  autres  se  réunissent  en  une  pyra- 
mide triangulaire  dont  les  trois  bords  sillonnés  ne  se  prolongent  pas 
tout  à fait  jusqu'à  la  base.  Ces  tétraèdres  sont  marqués  de  fines  côtes 
formant  par  leurs  intersections  des  mailles  régulières  à cinq  ou  six  faces. 
Au  niveau  des  points  d’intersection,  il  existe  de  petites  saillies  qui,  sous 
un  faible  grossissement,  donnent  aux  spores  une  apparence  mouchetée. 
Au-dessous  de  cette  couche  réticulée,  se  trouve  une  membrane  jaune, 
cohérente,  mince,  mais  compacte  et  très-résistante,  car  elle  ne  se  rompt 
pas  quand  on  la  fait  bouillir  dans  l’eau  ou  même  dans  la  potasse  caus- 
tique. L’acide  sulfurique  n’agit  pas  sur  elle  à froid,  même  au  bout  de 
plusieurs  jours;  mais  il  pénètre  les  granules  instantanément  et  les  rend 
transparents  en  même  temps  que  de  nombreuses  gouttes  d’huile  en 
exsudent. 

Composition  chimique.  — Un  des  plus  remarquables  principes  consti- 
tuants des  spores  de  Lycopode  est  une  huile  grasse  ,qu’elles  contiennent 
dans  la  proportion  énorme  de  47  pour  1 00.  Bucholz  a signalé  son  exis- 
tence en  1807,  mais  il  ne  l’obtint  que  dans  la  proportion  de  6 pour  100. 
Cependant,  en  brisant  les  spores  par  une  trituration  prolongée  avec  du 
sable,  et  en  les  épuisant  ensuite  avec  du  chloroforme,  nous  avons  ob- 
tenu la  proportion  considérable  d’huile  essentielle  que  nous  venons 
d’indiquer.  L’huile  est  douce  et  ne  se  solidifie  pas  même  à — 15°  G.  En 
soumettant  le  Lycopode  ou  son  extrait  a la  distillation  avec  ou  sans  ad- 


HISTORIE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  387 

dition  d’alcali,  Stenhouse  a obtenu  des  bases  volatiles  dont  nous  avons 
pu  vérifier  la  présence,  mais  qui  n’existent  qu’en  très-faible  proportion. 
Le  Lycopode  abandonne  4 pour  100  de  cendres  non  alcalines,  contenant 
de  l’alumine,  et  J pour  100  d’acide  phosphorique,  principes  qu’on  trouve 
aussi  dans  les  parties  vertes  de  la  plante. 

Production  et  Commerce.  — Pour  recueillir  la  poudre  de  Lycopode, 
on  coupe  les  épis  fructifèrés  un  peu  avant  la  maturité,  et  on  les  secoue 
pour  faire  tomber  la  poudre,  qu’on  sépare  à l’aide  d’un  tamis.  Ep  Russie, 
en  Allemagne  et  en  Suisse,  on  la  récolte  surtout  en  juillet  et  en  août, 
La  quantité  obtenue  varie  beaucoup  à cause  des  arrêts  fréquents  de 
développement  de  la  plante. 

En  1870,  la  France  a importé  7 262  kilogrammes  de  poudre  de  Lyco- 
pode, provenant  en  majeure  partie  d’Allemagne.  La  consommation  qui 
s’en  fait  en  Angleterre  est  probablement  beaucoup  plus  faible,  mais 
nous  ne  possédons  à cet  égard  aucune  donnée. 

Usages.  — La  poudre  de  Lycopode  est  aujourd’hui  considérée  comme 
ne  possédant  pas  du  tout  de  propriétés  médicinales;  on  ne  l’emploie  à 
l’extérieur  que  pour  recouvrir  les  surfaces  excoriées,  et  pour  saupoudrer 
les  pilules,  afin  de  les  empêcher  d’adhérer  les  unes  aux  autres.  Elle  est 
aussi  employée  par  les  artificiers. 

Falsification.  — Les  spores  de  Lycopode  possèdent  une  structure  si 
caractéristique,  qu’on  peut  facilement  les  distinguer  à l’aide  du  mi- 
croscope de  toutes  les  autres  substances.  Les  espèces  de  Lycopodiacées 
voisines  du  L.  clavatum  (1),  possèdent  un  produit  analogue  et  pouvant 
être  employé  aux  mêmes  usages. 

L’amidon  et  la  dextrine,  qu’on  mélange  parfois  frauduleusement  à la 
poudre  de  Lycopode,  sont  faciles  à distinguer  à l’aide  des  réactifs  que 
tout  le  monde  connaît.  Les  poudres  inorganiques,  notamment  le  gypse 
et  la  magnésie,  se  reconnaissent  à l’aide  du  bisulfure  de  carbone,  dans 
lequel  elles  s’enfoncent,  tandis  que  la  poudre  de  Lycopode  reste  à la 
surface,  et  aussi  par  l’incinération,  la  poudre  de  Lycopode  ne  laissant 
pas  plus  de  4 pour  100  de  cendres.  Le  polie»  de  quelques  plantes  pha- 
nérogames, notamment  celui  du  P inus  silveslris,  ressemble  à première 
vue  aux  spores  de  Lycopode,  mais  son  organisation  est  tout  à fait  diffé- 
rente, et  il  est  toujours  facile  de  distinguer  ces  deux  sortes  de  corps. 

(a)  Les  Lvcopodes  ( Lycoporlium  L.,  Gênera , n.  1184)  sont  des  Lycopodiacées  îi 
une  seule  espèce  de  spores  contenues  dans  des  sporanges  dépendant  des  feuilles  de 
1 inflorescence  et  déhiscents  par  une  fente  transversale. 

(I)  Notamment  les  L.  annotinum , L.  nomplanatum  et  L.  inundatum. 


ÎJ88 


LYCOPODIACÉES. 


lie  Lycopodium  clavalwn  L.  ( Species , 1564)  est  une  plante  vivace,  atteignant  de 
30  à bO  centimètres  et  parfois  1 mètre  de  long;  sa  tige  est  très-ramifiée,  rampante, 
et  émet  de  distance  en  distance  des  racines  adventives  qui  parvenues  au  niveau  du 
sol  se  ramifient  diehotomiquement.  De  cette  tige  couchée  sur  le  sol,  s’élèvent  des 
rameaux  fructifères,  «tressés,  cylindriques,  ramifiés  diehotomiquement  et  chargés 
comme  la  tige  de  feuilles  spiralées,  disposées  sur  plusieurs  rangs,  trè's-rapprochées 
les  unes  des  autres  et  formant  aux  axesqui  les  portent  un  revêtement  complet;  elles 
sont  linéaires-lancéolées,  et  terminées  par  une  soie,  plus  ou  moins  étalées  et  arquées, 
infléchies,  roules,  munies  d’une  seule  nervure  longitudinale,  peu  prononcée.  Vers  le 
sommet  des  rameaux,  les  feuilles  sont  un  peu  plus  petites  et  plus  espacées  et  enfin  le 
rameau  se  termine  soit  par  une  seule,  soit  par  deux  inflorescences  nées  de  sa  dicho- 
tomie. Les  inflorescences  ou  épis  sont  cylindriques,  fusiformes,  formés  d’un  axe  cy- 


lindrique sur  lequel  s’insèrent  un  grand  nombre  de  bractées  ovales  acuminées,  toi  - 
minées  par  une  pointe  allongée  et  roule,  colorées  en  jaune  pâle,  axec  des  bord? 
membraneux,  ondulés  et  très-finement  denticulés,  et  une  base  rétrécie.  Chaque 
bractée  porte,  sur  sa  face  interne,  au-dessus  de  la  portion  rétrécie  par  laquelle  elle 
s’insère  sur  l’axe  d’inflorescence,  un  sac  réniforme  ou  sporange,  allongé  transversa- 
lement, à bord  inférieur  concave,  adhérent  à la  bractée,  à bord  supérieur  convexe, 
arrondi,  épais,  déhiscent  par  une  grande  fente  longitudinale  qui  le  parcourt  dans 
toute  son  étendue.  La  cavité  unique  de  chaque  sporange  contient  un  grand  nombre 
de  spores  dont  le  rôle  physiologique  n’est  pas  encore  complètement  connu.  M.  de 
Bary  (1)  a pu  cependant  observer  la  germination  des  spores  d une  espèce  voisine,  le 
Lycopodium  inundatum,  et  assister  à un  commencement  de  formation  de  prothalle; 
plus  récemment  M.  Fankhauser  (2)  a rencontré  des  prothalles  de  Lycopodium 
annolinum  provenus  sans  doute  des  spores  de  cette  espèce.  Ces  prothalles  étaient 
souterrains,  dépourvus  de  chlorophylle,  blancs,  munis  sur  leur  face  inferieure  île 
poils  radicaux  et  sur  la  face  supérieure  d’organes  mâles  ou  anthéridies  ovales,  enfon- 

(1)  U ber  Keimung  (1er  Lycopodium,  in  Bericht.  (L  naturf.  Gesellsch.  zu  Freiburg 
in  Brisgau,  1858. 

(2)  In  Bot.  Zeit.,  3 janvier  1873. 


Fig.  273. 

Lycopodium  clavatum. 


Fig.  274.  Lycopodium  clavatum. 
Bractées  sporangiféro  et  spores. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  589 

cées  dans  le  tissu  clu  prothalle  et  contenant  un  grand  nombre  d’anthérozoïdes  à 
corps  relativement  volumineux  et  a filament  no  formant  que  deux  tom s de  spiie* 
D’autres  bourrelets  paraissaient  indiquer  la  place  des  archégones  ou  organes  femel- 
les, mais  ces  derniers  n’étaient  pas  encore  développés  ; sur  quelques-uns  de  ces  pro- 
thallcs  de  jeunes  plantulcs  étaient  déjà  développées.  D’après  ces  observations,  le  pro- 
thalle des  Lvcopodes  serait  monoïque,  ce  qui  explique  la  présence  dans  ces  plantes 
d’une  seule  espèce  de  spores.  De  nouvelles  recherches  plus  complètes  sont  cepen- 
dant encore  nécessaires.  [T  h ad.] 


FOUGÈRES 

RHIZOME  DE  FOUGÈRE  MALE. 

’ Ithizoma  Filicis,  JViizoma  Filicis  maris  ; angl.,  Male  Font  Rhizome,  Male  Fera  Roui; 

allom.,  Farnwurzcl. 


Origine  botanique.  — Aspidium  Filix-mas  Swahtz  (Polypodium  L.). 
— La  Fougère  male  est  une  des  espèces  les  plus  répandues.  On  la  trouve 
dans  toute  l’Europe,  depuis  la  Sicile  jusqu’à  l’Islande,  dans  le  Groen- 
land, dans  l’Asie  centrale  et  russe,  jusqu’à  l’Himalaya,  et  au  Japon.  Elle 
se  trouve  en  Chine,  à Java  et  dans  les  îles  Sandwich.  Dans  l’Amérique 
du  Nord,  elle  manque  aux  Etats-Unis,  où  elle  est  surtout  remplacée  par 
les  espèces  voisines,  Aspidium  marginale  Sw.  et  Aspidium  Goldieanum 
Hook.;  mais  on  la  trouve  dans  le  Canada,  la  Californie  et  le  Mexique, 
de  même  que  dans  la  Nouvelle-Grenade,  le  Vénézuéla,  Je  Brésil  et  le 
Pérou.  En  Afrique,  elle  s’étend  depuis  l’Algérie  jusqu’à  la  colonie  du 
Cap  et  à Maurice  (a). 

Historique.  — L’usage  du  rhizome  de  Fougère  comme  vermifuge 
était  connu  des  anciens  (I),  mais  cette  drogue  fut  ensuite  négligée 
jusqu’au- moment  où  son  emploi  fut  de  nouveau  mis  en  relief  par  l’in- 
troduction de  certains  remèdes  secrets  contre  les  vers  ronds,  dont  le 
rhizome  de  Fougère  mâle  pulvérisé  et  mélangé  à des  purgatifs  drasti- 
ques formait  le  principal  constituant. 

Un  médicament  de  cette  sorte  fut  préparé  par  Daniel  Mathieu,  de 
Neuchâtel,  né  en  1741,  qui  s’établit  comme  apothicaire  à Berlin.  Son 
traitement  contre  les  vers  obtint  tant  de  succès,  qu’il  attira  l’attention  de 

(l)  Murray,  A pparalus  Medicaminum,  1790,  V,  453-471.  — Un  coup  d’œil  jeté  dans 
les  auteurs  (U  les  tarifs  pharmaceutiques  des  seizième  et  dix-septième  siècles  nous 
apprend  cependant  que  les  propriétés  vermifuges  de  cette  drogue  n’étaient  point  tom- 
bées eu  oubli.  Voir  par  exemple  : Tragus , De  Stirpium Ilistoria,  Argcntorali, 

1332.  — Flückiger,  Documente  zur  Geschkhte  (1er  Pharmacie,  Italie,  1876,  26.  •— 
Schrôder,  M ed i c in isch ■ C hym isch c Apotheke,  Nürnberg,  1636,  920.  [P.  A.  F.] 


FOUGIÏIŒS. 


de  200  thalers,  indépendamment  de  la  qualité  de  conseiller  aulique 
qu’il  conféra  à l’inventeur  (1).  Une  célébrité  considérable  fut  aussi 
obtenue,  grâce  à sa  méthode  de  traitement  des  vers  fusiformes,  par 
Mmo  Nufller  ou  Nufl'or,  veuve  d’un  chirurgien  de  Murten  (Moral),  en 
Suisse.  Eu  1770,  après  des  eesais  faits  par  les  savants  de  l’époque  (Las- 
sone,  Marquez,  Goulez  de  la  Motte,  A.  L.  de  Jussieu,  J.  B.  Caburi,  Cadet), 
elle  vendit  son  secret  à Louis  XIV  moyennant  18000  livres.  Sa  méthode 
de  traitement  consistait  dans  l’administration  : 1°  d’une  panade  faite 
avec  du  pain  et  un  peu  de  beurre  ; 2°  un  lavement  d’eau  salée  et  d’huile 
d’olive;  3°  le  « spécifique  »,  qui  consistait  en  rhizome  de  Fougère  pul- 
vérisé; 4°  un  bol  purgatif  composé  de  calomel,  de  gomme:gutte,  de 
scannnonée  et  de  Confectio  hyacynthidis /le  tout  administré  dans  l’ordre 
que  nous  venons  d’indiquer  (2). 

Peschier  (3),  de  Genève,  recommanda  de  substituer  à la  masse  trop 
considérable  de  poudre  de  rhizome  un  extrait  éthéré,  préparation  effi- 
cace qui,  quoique  préconisée  en  1823,  était  àpeine  adoptée  en  Angleterre 
en  1851;  aujourd’hui,  c’est  la  seule  forme  sous  laquelle  on  emploie 
la  Fougère  mâle. 

Description.  — • Le  rhizome  de  Fougère  mâle  frais  est  court  et  épais  ; il 
atteint  souvent  5 à 8 centimètres  de  diamètre  ; il  est  décombant  ou 
s’élève  de  quelques  centimètres  au-dessus  du  sol  et  porte  à son  extré- 


Fig.  27 j.  Rhizome  de  Fougère  mile,  partie  supérieure  a été  détruite.  De  ces 
bases  foliaires  charnues,  partent  des  racines  noires,  filiformes,  rami- 
fiées. Le  rhizome  est  un  peu  charnu  et  se  laisse  facilement  couper 
avec  un  couteau;  il  est  coloré  intérieurement  en  vert  jaunâtre  clan-; 
son  odeur  est  très-faible;  sa  saveur  est  douceâtre  et  astringente. 

(1)  ConNAZ,  Les  familles  médicales  de  la  ville  de  Neuchâtel,  1864,  20. 

(2)  Traitement  contre  le  Taenia  ou  ver  solitaire,  pratiqué  à Moral,  en  Suisse , exa- 
miné et  éprouvé  à Paris,  publié  par  ordre  du  Roi,  1774,  in-4°,  30,  3 planches  dont  une 
représentant  la  plante.,  son  rhizome  et  ses  feuilles.  — Il  en  existe  une  traduction  an- 
glaise par  le  docteur  Simmons,  Lond.,  1778,  in-8°. 

(3)  liihliothèque  universelle,  1823,  XXX,  205  ; 1826,  XXX,  326. 


mité  une  touffe  de  feuilles  ou  frondes 
qui,  dans  leur  partie  inférieure,  sont 
accompagnées  d’écailles  brunes.  Au- 
dessous  des  frondes  vertes,  le  rhizome 


) offre  les  bases  de  celles  des  années 
précédentes,  qui  restent  vivaces  pen- 
dant  plusieurs  années  après  que  leur 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


591 


Pour  l’usage  pharmaceutique,  il  faut  Je  cueillir  à la  fin  de  l'automne, 
pendant  l’hiver  ou  au  commencement  du  printemps  ; il  faut  le  débar- 
rasser des  portions  mortifiées,  le  fendre,  le  faire  sécher  à une  douce  cha- 
leur, le  réduire  en  poudre  grossière  et  l’épuiser  de  suite  avec  l’éther. 
L’extrait  obtenu  par  ce  procédé  est  plus  efficace  que  celui  qui  est  pré- 
paré avec  le  rhizome  préalablement  conservé  pendant  quelque  temps. 

Structure  microscopique.  — Sur  une  section  transversale,  le  rhi- 


zome se  montre  tonné  d’un  tissu  à cellules  polyédriques  ponctuées  ; les 
cellules  des  couches  extérieures  sont  brunes  et  petites,  mais  n’offrent 
pas  la  forme  aplatie  régulière  qui  caractérise  les  cellules  subéreuses.  En 


dedans  de  celte  couche  corticale,  existe  un  cercle  d’environ  dix  gros 
laisceaux  fibro-vasculaires,  et  un  nombre  plus  considérable  de  faisceaux 
plus  petits,  dispersés  en  dehors  du  cercle.  Les  bases  des  feuilles  offrent 


une  structure  un  peu  différente  ; leurs  faisceaux  fibro- vasculaires,  ordi- 
nairementau  nombre  de  huit,  forment  un  cercle  irrégulier. 

Les  cellules  parenchymateuses  contiennent  de  l’amidon,  des  granu- 
lations verdâtres  ou  brunâtres  de  matière  tannique  et  des  gouttes 
d huile.  Dans  les  parties  vertes  et  vigoureuses  du  rhizome,  se  voient  de 
nombreux  petits  espaces  intercellulaires,  dans  lesquels  se  prolongent  un 
petit  nombre  de  glandes  pédonculées,  ainsi  que  l’a  montré  le  professeur 
Schacht,  de  Bonn,  en  1863.  Ges  glandes  globuleuses  prennent  naissance 
sur  les  cellules  qui  bordent  les  espaces  intercellulaires.  Après  leur  com- 
plet développement,  et  lorsque  l’amidon  s’est  déjà  formé  dans  le  pareil- 
ch}  me  adjacent,  ces  glandes  exsudent  un  liquide  Verdâtre  qui  se  soli- 
difie en  cristaux  aciculaires  (1)  quand  on  conserve  pendant  quelque 
temps  dans  la  glycérine  les  coupes  minces  du  rhizome.  Ges  glandes  pa- 
raissent manquer  dans  la  plupart  des  espèces  voisines,  notamment  dans 
1 Aspulmm  Oreoptens  Sw.  et  dans  V Asplénium  Füix-feniina  Bernh.  Elles 
ont  été  observées  par  l’un  de  nous  (F.)  dans  le  rhizome  de  VA.  spinulo - 
sam  Sw.  Des  glandes  semblables,  mais  n’exsudant  pas  de  liquide  vert,  se 
fiouvent  entre  les  écailles,  sur  le  cône  végétatif  du  rhizome. 


Composition  chimique.  - Parmi  les  nombreuses  analyses  de  celte 
drogue  qui  ont  été  faites,  celles  de  Bock  (1852)  et  de  Luck  (1860)  doivent 
cli  e plu»  pat  ticu librement  mentionnées.  Indépendamment  des  principes 
qui  existent  généralement  dans  les  plantes,  ils  ont  trouvé  dans  le  rhi- 
zome de  la  Fougère  mâle  3 à 6 pour  100  d’une  huile  grasse  verte,  des 
traces  d’huile  volatile,  de  la  résine,  du  tannin. {acides  Tannaspidique  et 


m!!i  f,!,wiC  v éMdlmr  la  nalurG  chimifIuc  ces  corps.  Les  cristaux  sont  probable- 
ont  formes  d arndc  flhcique,  accompagné  de  chlorophylle  et  d’huile  essentielle. 


592 


FOUGÈRES. 

Ptéritannique  de  Luck)  et  un  sucre  cristallisablc  qui,  d’après  Bock,  est 
probablement  du  sucre  de  canne. 

L’extrait  médicinal  éthéré  dont  le  rhizome  fournit  environ  8 pour  100, 
laisse  déposer  une  substance  cristalline  incolore,  granuleuse,  si- 
gnalée par  Peschicr  dès  1826,  et  désignée  plus  tard  par  Luck  sous  le 
nom  d'acide  Filicique.  Grabowski  (1807)  lui  a assigné  laformule  G“H,805. 
Le  professeur  Buchhcim  nous  informe  qu’il  regarde  l’acide  filicique 
comme  le  principe  médicinal  actif  de  la  plante.  Par  fusion  avec  delà 
potasse,  l’acide  filicique  se  convertit  en  phloroglucinc  et  acide  buty- 
rique. La  portion  liquide  verte  de  l’extrait  est  formée,  en  majeure  partie, 
d’un  glycéride  nommé  Filixoline.  Luck  a obtenu  par  sa  saponification 
deux  acides  : l’un  volatil,  acide  Filosmylique ; l'autre  non  volatil,  acide 
Filixolique. 

Malin,  en  1867,  a montré  que  l’acide  tannique  de  la  Fougère  mâle 
peut  être  décomposé,  par  ébullition  dans  les  acides  dilués,  en  sucre  et 
en  une  substance  rouge,  le  rouge  de  Fougère , G8GH18Ol!,  analogue  au 
rouge  de  Ginchona. 

Schoonbroodt  (1)  a montré  que  le  rhizome  de  Fougère  mâle  contient 
des  acides  volatils  de  la  série  grasse,  parmi  lesquels  se  trouve  probable- 
ment l’ acide  Formique , et  aussi  un  acide  fixe  accompagné  d’une  huile  à 
odeur  désagréable.  Le  liquide  distillé  de  la  racine  sèche  ne  dégage 
pas  d’odeur  analogue  et  ne  contient  aucun  corps  acide.  Une  petite 
quantité  d’huile  essentielle  peut  être  retirée  au  moyen  de  l éther  de 
l’extrait  alcoolique  du  rhizome  frais,  mais  non  du  rhizome  sec. 

La  substance  nommée  Aspidine,  considérée  par  Pavesi  comme  le 
principe  actif  du  rhizome,  paraît  être  l’acide  filicique.  Le  rhizome  de  la 
Fougère  mâle  abandonne  2 à 3 pour  100  de  cendres,  consistant  surtout 
en  phosphates,  carbonates  et  sulfates  de  calcium  et  de  potassium  et  en 
silice. 

Usages.  — L’extrait  éthéré  a été  prescrit  contre  toutes  les  sortes  de 
vers  intestinaux  ; mais  des  expériences  récentes  ont  montré  que  son  ac- 
tion s’exerce  particulièrement  sur  les  vers  plats.  Il  agit  avec  la  même 
efficacité  sur  le  Tænia  solium , le  T.  mediocanellata  et  le  Dothrioccphalus 

latus. 

Substitution.  — Les  rhizomes  de  V Asplénium  Filix-femina  Beunii., 
de  VAspidium  Oreopteris  Sw.  et  de  l’A.  spinulosum  S\v.  peuvent  être 
confondus  avec  celui  de  VA . filix-mas.  Le  meilleur  moyen  de  les  distin- 

(1)  Journal  de  Médecine  de  Bruxelles , 1867,  1868,  et  Vierteljahresschrift  fSrpraki. 
l'harm..  1869,  XVIll.  106. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 


guer  est  de  pratiquer  des  sections  transversales  dans  la  base  des  feuilles. 
Dans  la  Fougère  mâle,  la  coupe  offre  huit  faisceaux  fibro-vasculaires, 
tandis  que  dans  les  autres  olle 
n’en  présente  que  deux.  Cette 
différence  est  facile  à constater, 
même  avec  une  loupe. 

Les  Aspiclium  Swartz  ( Journ . de 
Schrader,  1801)  sont  des  Fougères 
do  la  tribu  des  Aspidiées,  A indusie 
plane,  réniforme  ; à nervilles  pen- 
nées ; â pinnules  non  articulées, 

•libres  ou  conuiventes  ; à sporanges 
s’élevant  perpendiculairement  des 
nervilles. 

L’ Aspidium  Filix  - mas  Swartz 
(in  Journ.  de  Schrader,  38)  est  une 
plante  à souche  vivace,  traçante,  re- 
couverte de  feuilles  très-pressées  les 
unes  contre  les  autres  au  niveau  de 
leur  base  et  étroitement  imbriquées  de 
façon  à recouvrir  entièrement  le  rhi- 
zome. Dans  le  voisinage  de  leur  point 
d’insertion  sur  ce  dernier,  elles  émet- 
tent des  racines  adventives  noires, 
filiformes  et  ramifiées,  destinées  à 

nourrir  la  plante.  Le  rhizome  et  la  „ , , . 

. , , , Fig.  27b,  Aspidium  Filix-mas. 

base  des  pétioles  sont  couverts  de 

longs  poils  brunâtres  très-pressés  les  uns  contre  les  autres.  Le  rhizome  est  terminé 
par  un  sommet  aplati  qui  ne  se  ramifie  pas.  Dans  le  voisinage  de  ce  sommet  nais- 


Fig.  277.  Aspidium  Filix-mas.  Sommet 
du  Rhizome.  Coupo  longitudinale. 


Fig.  278.  A.  Filix-mas. 
Foliole  fructifère. 


sent  successivement  des  feuilles  alternes,  disposées  en  spirale,  recourbées  en  crosse 
à l’état  jeune,  comme  on  le  voit  dans  les  figures  27G  et  277.  Les  feuilles  adultes  sont 
constituées  par  un  pétiole  principal  élargi  à la  hase  qui  persiste  longtemps  dans  sa 
portion  souterraine  après  la  destruction  du  reste  de  la  feuille,  et  par  un  limbe  formé 
HIST.  DES  DROGUES,  T.  II.  38 


;i!4 


FOUGÈRES. 


<lo  folioles  primaires  opposées  par  paires  pemiatiséquées,  à segments  également 
opposes,  [.es  pétioles  sont  couverts  sur  la  face  inférieure  de  poils  squamiformes, 


I'ig.  -79.  Coupe  verticale  d’un  lobe  do  feuille  d'Aspidium  Filix-mas, 
passant  par  un  sore  (d’après  Sachs). 


laige>,  brunâtres:.  Lcs^  feuilles  sont  réunies  en  touffes  partant  du  sommet  du 
îhizome  , elles  sont  longues  de  30a  GO  centimètres,  oblongucs  lancéolées  et  acumi- 
nées  dans  leur  contour  général,  avec  des  segments  primaires  étalés,  lancéolés, 
acuminés,  segmentés  en  quinze  a vingt-cinq  paires  de  lobes  plus  volumineux  vers 
le  milieu  qu’aux  extrémités,  oblongs,  obtus,  dentés  sur  les  bords  (Gg.  278),  plus 
pi ofondément  séparés  les  uns  des  autres  vers  la  base  du  segment  qu’au  niveau  de 
son  extrémité  supérieure,  où  ils  sont  confluents.  Chaque  lobe  offre  une  nervure 
principale  médiane  qui  le  parcourt  dans  toute  sa  longueur  et  émet  de  chaque  côté, 
à angle  un  peu  aigu,  des  nervures  secondaires  latérales  se  bifurquant  bientôt  cha- 
cune en  deux  nervures  tertiaires  grêles  qui  se  terminent  dans  la  même  dent  du 
lobe.  C est  sur  la  face  dorsale  du  lobe  et  sur  ces  nervilles  que  sont  disposés  les 
sores  (Gg.  278). 


Fig.  280.  Sporange  Fig.  281.  Sporange  d’Aspidium 

d'Aspidium  Filix-mas  jeune  Filix-mas , à peu  près  mûrs,  portant 
(d’après  Sachs).  une  glande  (d’après  Sachs). 


Fig.  282.  Sporange 
d'Aspidium  Filix-mas 
* après  la  déhiscence. 


La  plante  que  nous  venons  de  décrire  représente  la  génération  asexuée  de  YAspi- 
(lium  Filix-mas.  On  donne  le  nom  de  sores  aux  organes  reproducteurs  asexués 
qu’elle  porte  et  qui  sont  fixés  comme  nous  venons  de  le  dire  sur  la  face  dorsale  des 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  R95 

folioles  ; chaque  sore  est  constitué  par  un  pédicule  fixé  sur  la  face  inférieure  de  la 
nervure  qui  lui  donne  naissance  et  par  une  lame  protectrice  ou  indusie  recouvrant  • 
des  sacs  pédioulés  ou  sporanges.  Dans  Y Aspidium  Filix-mas  l’indusie  (fig.  279,  a,  a) 
est  une  lame  aplatie,  réniforme,  fixée  au  niveau  de  son  bord  concave  par  un  pédicule 
très-court  à la  face  inférieure  d’une  nerville  foliaire  ; ses  bords  sont  au  début 
très-rapprocliés  de  la  face  inférieure  de  la  feuille,  mais  au  moment  de  la  maturité 
ils  s’en  écartent  et  laissent  voir  les  sporanges  situés  au-dessous  de  l’indusie. 
Chaque  sporange  est  constituée  par  un  sac 
ovoïde,  pédicule,  contenant  les  spores.  Dans 
l’espèce  de  Fougère  qui  nous  occupe  ici  les 
sporanges  sont  nombreux,  insérés  tout  autour 
du  pédicule  de  l’indusie  sur  le  bourrelet 
formé  par  l’épaississement  de  la  nervure  de 
la  feuille.  Chaque  sporange  (fig.  280)  provient 
d'une  cellule  de  l’épiderme  de  la  feuille  et  re- 
présente morphologiquement  un  poil.  11  est 
constitué  par  un  pédicule  grêle,  formé  d’un 
petit  nombre  de  cellules  allongées.  Ce  pédi- 
celle  porte  fréquemment,  comme  dans  la  fi- 
gure 281,  une  glande  pédicellée  a , dont  la 
cavité  renflée  en  tête  contient  de  l’huile  essen- 
tielle. La  cavité  du  sporange  est  renflée,  ovoïde,  U'  ' cl"1111cmon1,  cI°  1 Aspidnim  Filix-mas. 

un  peu  aplatie  ; ses  parois  sont  formées  sur  les  deux  faces  par  une  seule  couche  de 
cellules  polygonales,  et  au  niveau  du  pourtour  par  une  rangée  de  cellules  plus 
épaisses,  constituant  un  bourrelet  saillant,  qui  fait  tout  le  tour  du  sporange  et  a 
reçu  le  nom  d’a?ine<2u.  Ici  l’anneau  est  longitudinal,  c’est-à-dire  qu’il  part  de°chaque 
côté  de  la  base  de  la  cavité  du  sporange  pour  atteindre  son  sommet.  Les  cellules  qui 


Fig.  284.  Développement  du  prothallo  Fig.  28b.  Protliallo  adnlto 

de  V Aspidium  Filix-mas  (d’après  Behq).  de  l' Aspidium  Filix-mas. 

le  forment  sont  plus  consistantes  que  celles  des  deux  parois  latérales  du  sporange  ; 
elles  sont  très-hygrométriques  et,  sous  l’influence  de  la  contraction  qu’elles  subissent 
quand  elles  se  dessèchent,  l’anneau  se  rompt  à la  maturité  (fig.  282)  et  sa  déchi- 
rure entraînant  celle  des  parois  latérales  du  sporange,  il  se  produit  une  fente  trans- 
versale, bientôt  béante,  par  laquelle  s’échappent  les  spores.  Tandis  que  les  cellules  de 
1 anneau  et  celles  des  parois  du  sporange  acquièrent  leurs  formes  et?  leurs  propriétés 


Î59G 


LICHENS. 


particulières,  la  cellule  unique  qui  occupe  le  centre  du  renflement  se  divise  pour 
donner  naissance  aux  spores  (fig.  280  et  280).  Par  une  première  segmentation,  cette 
cellule  centrale  donne  naissance  à deux  autres  qui  elles-mêmes  se  segmentent  à 
leur  tour  ; la  cavité  du  sporange  contient  alors  quatre  cellules  (fig.  280)  qui  en  se 
divisant  donnent  naissance  à un  certain  nombre  de  cellules  arrondies  dites  cellules 
mères  des  spores.  Chacune  de  ces  dernières  se  segmente  en  deux,  puis  en  quatre 
cellules  tilles  représentant  autant  de  spores.  La  figure  283  montre  ces  segmenta- 
tions successives:  a est  une  cellule  mère  pourvue  d’un  noyau;  en  b,  elle  a perdu 
son  novau  ; en  c,  elle  possède  deux  noyaux  nouveaux  et  elle  est  déjà  divisée  en  deux- 
cellules  tilles.  Dans  les  figures  suivantes  on  voit  les  quatre  spores  se  séparant  peu  à 
peu  l'une  de  l’autre  ; il  montre  une  spore  adulte,  remarquable  par  sa  membrane  ex- 


terne munie  de  nombreux  plis  saillants. 

Placée  sur  un  sol  humide  cette  spore  germe  (fig.  284)  et  donne  naissance  à une 
lame  verte,  cordiforme  (fig.  285),  qui  se  fixe  au  sol  et  se  nourrit  à l’aide  de  filaments 
radiculaires  et  qui  produit  des  organes  mâles  ou  anlhéridies  et  des  organes  femelles 
ou  archégones.  Cette  lame  verte,  munie  d’organes  reproducteurs,  a été  désignée 
sous  le  nom  de  prothalle  ; elle  représente  la  génération  sexuée  de  la  plante  ; ses 
dimensions  sont  peu  considérables. 

Dans  YAspidium  Filix-mas  l’anthéridie  est  représentée  par  une  cavité  saillante, 

production  de  l’épiderme  du  prothalle,  contenant 
un  nombre  assez  considérable  de  cellules-mères  d’an- 
thêrozoïdes  donnant  chacune  naissance  à une  cellule 
filamenteuse,  enroulée  en  spirale,  mobile,  munie  de 
cils  vibratiles  à l’aide  desquels  Y anthérozoïde  peut 
aller  à la  recherche  de  la  cellule  femelle. 

L’archégone  ou  organe  femelle  (fig.  286)  est  con- 
stitué par  un  mamelon  celluleux,  saillant,  contenant 
une  cellule  femelle  destinée  après  fécondation  à 
donner  naissance  à un  embryon  qui  se  développe 


JFig.  286.  Archégono  d ’Aspidium 
Filix-mas  (d’après  Berg). 


rapidement  en  une  jeune  plante  asexuée  comme  celle  que  nous  avons  décrite  au 
début.  [Trad.] 


LICHENS 

LICHEN  D’ISLANDE. 

lichen  Islandicus  ; Lichen  ou  Mousse  d'Islande  ; nngl.,  Iceland  Moss  ; nllem.,  Isliindischcs  Moos. 

Origine  botanique.  — Celraria  islandica  Aciuiuus  (I).  — Il  est  abon- 
dant sous  les  latitudes  septentrionales,  notamment  dans  le  Groenland, 
le  Spitzberg,  la  Sibérie,  la  Scandinavie  et  l’Islande,  où  il  croît  même 
dans  les  plaines.  On  le  trouve  dans  les  parties  montagneuses  de  la 
Grande-Bretagne,  de  la  France,  de  l’Italie  et  de  l’Espagne,  en  Suisse  et 

p 

(1)  Le  mol  Celraria  vient  do  Cetra , l’antique  bouclier,  à cause  de  la  forme  circulaire 
des  apothécies. 


597 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

dcins  les  régions  méridionales  du  Danube.  Ou  le  tiouvc  aussi  dans 
l’Amérique  du  Nord  et  dans  les  régions  antarctiques. 

Historique.  — Dans  le  nord  de  l’Europe,  ce  lichen  est  depuis  long- 
temps employé  sous  les  noms  de  Mosi,  Mossa  ou  Mus , dans  l’alimenta- 
tion. Ole  Borrich,  de  Copenhague,  en  1671,  l’a  nommé  Muscus  ’cathar- 
ticus,  parce  que,  au  début  du  printemps,  il  possède  des  propriétés 
purgatives  (1).  Son  emploi  dans  les  affections  pulmonaires  fut  préconisé 
par  Hjârne,  en  1633  (2),  mais  ce  n’est  qu’en  1757  qu’il  devint  général 
parmi  les  médecins,  grâce  sur- 
tout à la  recommandation  de 
Linné  et  de  Scopoli. 

Description.  — La  plante  con- 
•siste  en  un  thalle  dressé,  foliacé, 
ramifié,  haut  de  10  centimètres 
environ,  plié,  cannelé  ou  roulé 
en  tubes,  terminé  par  des  lobes 
étalés,  tronqués,  aplatis,  dont 
les  bords  sont  frangés  en  petites 
proéminences.  Le  thalle  est  lisse, 
gris,  ou  coloré  en  brun  olive 
clair.  La  surface  inférieure  est  plus  pâle  et  offre  de  petites  dépres- 
sions irrégulières.  Les  fructifications  ou  apothécies  sont  rares;  elles 
ont  la  forme  de  corps  arrondis,  semblables  à des  bosses,  larges  de 
4 à 6 millimètres  dans  le  sens  transversal,  colorées  en  jaune  de  rouille 
foncé  (3).  La  coloration  et  le  mode  de  division  du  thalle  sont  très- 
variables,  et  ont  permis  de  distinguer  un  grand  nombre  de  variétés  de 
la  plante. 

A l’état  sec,  le  lichen  d’Islande  est  plus  clair,  rude  et  élastique.  Il 
absorbe  l’eau  dans  laquelle  on  le  place,  dans  la  proportion  d’un  tiers 
de  son  poids,  en  devenant  mou  et  cartilagineux;  il  contient  à l’état  de 
siccitô  10  pour  100  d’eau;  il  est  inodore,  mais  lorsqu’on  le  brise,  il 
exhalé  une  légère  odeur  de  varech  ; sa  saveur  est  un  peu  amère . 

(1)  Bergius,  Materia  Medica,  Stockholm,  1 778,  II,  856. 

(2)  Murray,  Apparatus  Mcdicaminum,  1790,  V,  510.  — Il  se  trouve,  sous  le  nom 
de  Muscus  calharticus  islandicus,  dans  le  tarif  des  Pharmacies  de  Copenhague  do 
1672.  [F.  A.  F.] 

(3)  Les  apothécies,  fig.  288,  a,  sont  constituées  par  des  cellules  allongées,  claviformes, 
désignées  sous  le  nom  d’as^wes,  contenant  chacune  de  G ;i  8 spores  ovoïdes  qui,  en  ger- 
mant, produisent  un  nouvel  hypha;  entre  ces  asques  existent  un  grand  nombre  de  cel- 
lules également  allongées,  mais  plus  étroites  et  stériles,  considérées  comme  des  asques 
avortées  et  nommées  paraphyses.  [Trad.] 


Fig.  287.  Cetraria  islandica. 


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structure,  microscopique.--  Sur  une  coupe  transversale,  on  observe, 
a l’aide  d’un  Tort  grossissement,  une  couche  centrale  lâche  et  large  de 
cellules  allongées,  à parois  épaisses,  ramifiées,  constituant  Yhypha 
(fig.  288,  c).  Celte  couche  offre  de  nombreux  espaces  inter-cellulaires 
remplis  d air.  Sa  partie  moyenne  renferme  un  certain  nombre  de 

grandes  cellules  nommées  gonidies , colorées 
en  vert  par  la  chlorophylle.  Ces  cellules  ne 
a sont  détruites  ni  par  l’acide  sulfurique  con- 
centré, ni  par  l’ébullition  dans  la  potasse. 
Elles  prennent  une  coloration  violette  quand 
on  les  traite  par  la  potasse  et  qu’on  les  laisse 
b ensuite  pendant  vingt-quatre  heures  dans 
une  solution  dïodurc  de  potassium  iodé.  Le 
tissu  situé  de  chaque  côté  de  cette  zone 
médiane,  gonidiale,  est  formé  de  cellules 
d’hypha  feutrées,  très-serrées,  sans  espaces 
c inter-cellulaires,  et  ne  paraissant  contenir 
aucune  substance  spéciale.  De  ce  tissu 
compacte  et  tenace,  on  passe  à une  couche 
à corticale  mince  (fig.  288,  e)  formée  de  cellules 
disposées  en  faisceaux  très-serrés.  Sous  l'in- 
fluence des  réactifs,  cette  couche  devient 
e 

tres-évidente  ; lorsqu’on  l’humecle  avec  de 
l’acide  sulfurique  concentré  ou  de  l’acide 
chlorhydrique,  elle  se  sépare  des  tissus  sous- 
jacents  sous  la  forme  d’une  membrane  cohérente,  et  se  replie  en  de- 
hors sur  elle-même.  Sous  l’influence  de  l’ébullition  dans  l’eau,  le  tissu 
intérieur  se  gonfle  et  les  parois  de  ses  cellules  se  dissolvent  en  par- 
tie. Des  tranches  minces  du  thalle  se  colorent  en  brun  rougeâtre  ou 
en  bleu  pâle  sous  l'influence  de  l’eau  iodée,  et  plus  nettement  en 
bleu  lorsqu’on  les  a traitées  au  préalable  par  l’acide  sulfurique.  La 
couleur  se  répand  uniformément  dans  tout  le  tissu  intérieur,  mais 
on  n’y  peut  pas  découvrir  de  granules  d’amidon.  La  couche  cor- 
ticale est  simplement  colorée  en  brun  par  l’iode.  Les  fossettes  blan- 
châtres qui  existent  à la  surface  du  thalle  se  réduisent,  sous  l’in- 
fluence de  la  pression  entre  deux  plaques  de  verre,  à l’état  de  petits 
granules  ronds,  transparents,  qui  ne  sont  pas  colorés  par  l’iode,  et 
en  cellules  ramifiées,  épaisses,  semblables  à celles  de  la  couche  cen- 
trale. 


Fig.  288.  Coupe  transversale 
du  Cetraria  islandica,  au  niveau 
d’une  npochccic  (d’après  Berg). 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  S9‘J 

Les  proéminences,  courtes  et  épaisses,  qui  existent  sur  les  bords  du 
thalle  se  terminent  fréquemment  par  une  ou  plusieurs  petites  cavités 
ou  sacs,  nommés  spermogonies  (fi g.  289),  contenant  une  grande  quantité 
de  petites  cellules,  en  forme  de  baguettes  courtes,  nommées  sperma- 
ties,  longues  seulement  de  6 millièmes  de  millimètre,  enveloppées 
d’un  mucus  transparent,  et  faciles  à expulser  par  pression  entre  les 
lames  de  verre.  Stahl,  en  1874  (I),  a montré  que  ces  petites  cellules  re- 
présentent l’analogue  des  corpuscules  fécondateurs  des  algues  de  la 
famille  des  Floridées. 

Les  observations  de  De  Bary  (1868)  et  de  Schwendener  (1867-1870), 
confirmées  et  étendues  par 
celles  de  Bornet  (2)  en  1873- 
1874,  ont  montré  que  les 
gonidies  des  Lichens  sont  con- 
stituées par  des  espèces  d’Al- 
gues  inférieures,  et  sont  sus- 
ceptibles de  vivre  d’une  façon 
indépendante;  que  les  rela- 
tions de  l’hypha  avec  les  go- 
nidies sont  de  nature  à exclure  l’idée  que  l’un  de  ces  corps  peut  être 
produit  par  l’autre,  et,  en  outre,  que  la  théorie  du  parasitisme  est  la 
seule  capable  d’expliquer  d’une  façon  satisfaisante  les  relations  de  ces 
deux  ordres  d’éléments.  D’après  cette  théorie,  les  Lichens  sont  des  or- 
ganismes composés  d’une  algue  et  d’un  champignon,  le  dernier  vivant 
en  parasite  sur  la  première  (a). 

Composition  chimique.  — L’eau  bouillante  retire  du  Lichen  d’Islande 
jusqu’à  70  pour  100  d’une  substance  nommée  Lichénine  ou  Amidon  de 
Lichen , qui  est  tout  à fait  dépourvue  de  structure.  La  décoction  (1  : 20) 
se  gélatinise  en  refroidissant  et  prend  une  teinte  rougeâtre  ou  bleuâtre 
sous  l’influence  de  la  solution  d’iode.  Cette  propriété  de  la  lichénine  est 
facile  à constater  lorsque  la  drogue  a d’abord  été  épuisée  par  l’alcool 
bouillant  contenant  un  peu  de  carbonate  de  potassium  ; on  la  fait  alors 
bouillir  dans  50  à 100  parties  d’eau  et  on  précipite  la  décoction  à l’aide 
de  l’alcool.  La  lichénine,  ainsi  obtenue  à l’état  de  pureté,  doit  être  pri- 
vée d’alcool  par  un  lavage  soigneux  à l’eau.  Tant  qu’elle  est  encore 

(1)  Botanisehc  Zeitung,  20,  Man.,  1874,  1 80 . 

(2)  Recherches  sur  les  gonidies  des  Lichens , in  Ann.  Sc.  nat .,  Rot.,  sér.  5,  XVII,  4S- 
110,  11  planches;  XIX,  314-320. 


Fig.  289.  Spermogonies  du  Cetraria  islandica. 


600 


LICHENS. 

humide,  la  poudre  d'iode  lui  donne  immédiatement  une  coloration 
bleue  inle™e.  Sa  composition,  ressemble  à celle  de  l’amidon  et 

de  la  cellulose;  on  peut  la  considérer  comme  une  modification  de  cette 
dernière  devenue  soluble  dans  l’eau  et  dans  la  solution  ammoniacale 
de  cuivre.  La  lichen  inc  ne  peut  pas  être  considérée  comme  une  sorte 
de  mucilage,  car  elle  ne  fournit  que  des  traces  insignifiantes  d’acide 
mucique;  lorsqu  on  la  traite  par  l’acide  nitrique  concentré,  elle  ne  con- 
tient pas  de  matières  inorganiques  (1).  La  très-petite  proportion  d’acide 
mimique  qu  elle  fournit  peut  provenir  d’un  corps  mucilagineux  indé- 
pendant, mélangé  à elle  en  petite  quantité  (2). 

La  chlorophylle  des  gonidies  n’est  pas  soluble  dans  l’acide  chlorhy- 
drique et  a été  distinguée  pour  ce  motif  par  Knop  et  Schnedermann 
sous  le  nom  de  Thallochlor.  Sa  quantité  est  extrêmement  faible. 

Le  principe  amer  du  Cetraria  nommé  acide  Cétrarique  ou  Cêlrarine , 
GI8H,RÜ8,  cristallise  en  aiguilles  microscopiques;  il  est  à peu  près  inso- 
luble dans  l’eau  froide  et  forme  avec  les  alcalis  des  sels  jaunes,  amers, 
facilement  solubles.  Le  Lichen  d’Islande  contient  aussi  un  peu  de  sucre, 
et,  envii  on  I pour  100  d un  corps  particulier,  1 acide  Lichénostéarique, 
G HJ  O , dont  les  cristaux  fondent  à 120°  G.  L 'acide  Lichénîque,  trouvé 
par  Pfaff , en  1826,  dans  le  Lichen  d’Islande  et  autrefois  considéré 
comme  un  corps  particulier,  est  en  réalité  identique  avec  l'acide  Fu- 
mariquè. 

De  même  qu’un  grand  nombre  de  lichens,  le  Cetraria  contient  de 
Yacide  Oxalique  et  passe  pour  contenir  aussi  de  l’acide  tartrique.  Ses 
cendres  s’élèvent  à la  proportion  de  I à 2 pour  100  ; les  deux  cin- 
quièmes sont  formés  d’acide  silicique  combiné  surtout  avec  de  la  po- 
tasse et  de  la  chaux. 

Recolle  et  Commerce.  — Le  lichen  d’Islande  est  recueilli  dans  plu- 
sieurs localités  où  il  existe  en  abondance,  notamment  en  Suède,  d’où  on 
l’expédie  dans  d’autres  pays.  On  le  recueille  aussi  en  Suisse  et  parti- 
culièrement sur  les  montagnes  du  canton  de  Lucerne,  et  en  Espagne  (3). 
On  n’en  exporte  pas  du  tout  d’Islande. 

Usages.  — Le  lichen  d’Islande  est  administré  en  décoction  comme 

(1)  Les  différents  mucilages  ou  gommes  donnent  de  4 à 20  pour  100  de  cendres;  la 
lichénine  n’en  donne  pas  du  tout. 

(2)  D’après  les  recherclies  de  Berg  (1873),  la  lichénine  préparée  comme  nous  venons  de 
l’indiquer  serait  un  mélange  d’un  corps  auquel  il  conserve  le  nom  de  lichénine,  accom- 
pagné d’une  substance  isomérique.  Cette  dernière  serait  soluble  à froid  dans  l’eau;  c’est 
elle  qui  sc  colore  en  bleu  pür  l’iode,  et  non  la  lichénine  proprement  dite.  [P.  A.  F.] 

(3)  Cat.  of  Spanish  Product.,  Lond.  Exhibif . , 1851. 


GOI 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

tonique  léger,  combiné  avec  des  médicaments  plus  actifs.  On  l’emploie 
beaucoup  en  Islande,  mais  seulement  dans  les  années  de  disette  ; on 
le  réduit  alors  en  poudre  et  on  le  mélange  avec  de  la  farine  pour  faire  le 
grout.  On  le  mange  parfois  bouilli  dans  du  lait.  On  ne  le  donne  pas, 
comme  cela  a été  affirmé,  aux  animaux  domestiques. 

On  a récemment  expérimenté  en  Suède  et  en  Russie  une  utilisation 
intéressante  du  lichen  d’Islande  et  d’autres  lichens.  Sten-Stenberg  le 
traite  par  l’acide  sulfurique  ou  l’acide  chlorhydrique  ; il  se  forme 
alors  72  pour  100  de  glucose  qui  peut  être  converti  en  alcool  (1). 

(a)  D’après  cette  théorie  qui  est  admise  aujourd’hui  par  le  plus  grand  nombre  des 
botanistes,  chaque  lichen  se  compose  de  deux  végétaux  déclassé  différente  associés  : 
un  champignon  dépourvu  de  matière  colorante  verte,  représenté  par  des  fila- 
ments ramifiés  qui  constituent  l’hypha  du  lichen,  et  une  algue  colorée  par  la 
chlorophylle  qui  constitue  les  gonidies.  Les  filaments  du  champignon  vivent  en  pa- 
rasites aux  dépens  des  cellules  vertes  de  l’Algue.  La  partie  des  lichens  désignée  sous 
le  nom  d'apolhécie  représente  les  organes  de  multiplication  propres  aux  champi- 
gnons ascomycètes.  Les  spermogonies  sont  aussi  des  organes  de  reproduction  habi- 
tuels ce  groupe  de  champignons,  mais  dont  le  rôle  n’est  pas  encore  nettement 
déterminé.  Quant  aux  gonidies  elles  se  multiplient  par  segmentation. 

Des  observations  récentes  communiquées  au  congrès  des  naturalistes  de  Munich, 
le  20  septembre  1877,  par  M.  Stahl,  apportent  à cette  théorie  une  confirmation 
importante  en  même  temps  qu’elles  éclairent  d’un  jour  nouveau  les  relations  qui 
existent  dans  les  lichens  entre  l’algue  et  le  champignon.  Il  a constaté  qu’une 
petite  masse  isolée  de  gonies  offrait  un  accroissement  considérable  dans  l’activité  de 
sa  végétation  dès  qu’on  mettait  en  contact  avec  elle  des  filaments  incolores  de 
l’hypha  du  lichen  et  qu’en  même  temps  ces  dernières  commençaient  après  ce  con- 
tact à végéter  avec  une  grande  vigueur,  comme  si  le  champignon  et  l’algue  se  four- 
nissaient mutuellement  des  éléments  de  nutrition.  [Thad.] 


CHAMPIGNONS 

ERGOT  DE  SEIGLE. 

Secale  cornuhon  ; angl.,  Ergota  (2),  Ergot  of  Hge,  Spurred  Jtye ; allem.,  Mutterkorn. 

Origine  botanique.  — C ’laviceps purpurect  Tulasne.  — C’est  un  cham- 
pignon du  groupe  des  Pyrénomycètes , dont  l’ergot  représente  une 
forme  non  encore  parvenue  à maturité,  désignée  sous  le  nom  de  sck- 
rotium,  sc  développant  dans  l’intérieur  des  paillettes  d’un  grand  nombre 
de  Graminées. 

(1)  Dingi.ur,  P olytechni ’sches  Journal,  1 870,  177  ; Chemisches  Centralblatt , 1870,  G07; 
et  1872,  844. 

(2)  Du  mot  français  ergot,  autrefois  argot,  éperon  de  coq. 


602 


CHAMPIGNONS. 


L'ergot  employé  en  pharmacie  est  recueilli  presque  exclusivement 
sur  le  Seigle  (Secale  cerealc  L.),  mais  le  même  champignon  sc  déve- 
loppe sur  des  graminées  appartenant  à d’autres  genres,  notamment  les 
Ayropyrum , Alopecurus,  Ammophila,  Anthoxantlium,  Arrhenalherum, 
Avena,  Brachy podium,  Calamagrostis,  Dactylis , Glycena,  Hordeum , Lo- 
lium,  Poa  et  Triticum.  D’autres  organismes  de  formes  diverses,  mais 
ne  constituant  que  des  espèces  douteuses,  se  développent  sur  les  Mo- 
linia , Oryza,  P /vaginites,  et  d’autres  Graminées.  Dans  la  famille  des 
Cypéracées  on  connaît  aussi  des  ergots  particuliers. 

Historique.  — Quoiqu’il  soit  difficile  qu’une  production  aussi  singu- 
lière que  l’ergot  n’ait  pas  été  notée  dans  les  écrits  des  auteurs  clas- 
siques, nous  croyons  qu’on  n’a  trouvé  dans  ces  ouvrages  aucune  men- 
tion s’appliquant  d’une  façon  certaine  à ces  champignons  (1).  La  date 
la  plus  ancienne  à laquelle  nous  trouvions  l’ergot  mentionné  à cause 
de  ses  propriétés  obstétriques  est  le  milieu  du  seizième  siècle.  Adam  Lo- 
nicer,  de  Francfort,  décrit  sa  formation  sur  les  épis  du  Seigle  et  ajoute 
qu’il  est  considéré  par  les  femmes  comme  jouissant  d’une  action  re- 
marquable et  incontestable  (2).  Il  se  trouve  aussi  très-clairement  décrit 
par  Johannes  Thalius,  en  1588  ; il  dit  qu’il  est  employé  « ad  sistendurn 
sanguinem  » (3).  Pendant  le  siècle  suivant,  il  est  signalé  par  Caspar 
Bauhin,  en  1623,  qui  le  nomme  Secale  luxurians  (4)  ; et  en  1693  par  le 
botaniste  anglais  Ray,  qui  fait  allusion  à ses  propriétés  médicinales  (o). 
Rathlaw,  accoucheur  hollandais,  employait  l’ergot  en  1747.  Trente  ans 
plus  tard,  Desgranges,  de  Lyon,  le  prescrivit  avec  succès;  mais  ses 
propriétés  particulières  et  importantes  ne  furent  guère  connues  avant 
le  commencement  de  notre  siècle.  Le  docteur  Stearns,  de  New-York,  le 
fit  alors  mieux  connaître  (6).  Cependant  l’ergot  de  Seigle  ne  fut  admis 
dans  la  Pharmacopée  anglaise  qu’en  1836  (7). 

L’emploi  de  farine  contenant  une  quantité  considérable  d’ergot  de 
seigle  donne  lieu  à une  maladie  terrible,  désignée  actuellement  sous  le 
nom  d 'Ergotisme,  mais  connue  à des  époques  reculées  sous  des  noms 
divers  : Morbus  spasmodicus,  convulsions,  malignus,  epidemicus  vcl  cerealis, 


(1)  Consultez  : Pline,  Nat.  Hist.,  liv.  xvm,  ch.  44. 

(2)  Kreuterbuch,  ed.  1582,  285  (non  dans  l’édition  de  1560). 

(3)  Sylva  Hercynia,  Franco!’.,  1588,  47. 

(4)  Pinax  Tlieatri  Botaliici,  Basil.,  1023,  23. 

(5)  Hist.  Plant.,  1693,  III,  1241. 

(0)  St  il  lé,  Therapeutics  and  Hat.  Med.,  1868,  II,  609. 

(7)  De  1825  à 1828,  le  prix  de  l’Ergot  de  Seigle  à Londres  était  de  36  é 50  shelliugs 
la  livre,  c’est-îi-dire  de  douze  îi  quinze  lois  sa  valeur  actuelle. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  G03 

liaphama,  Convulsio  rapkania  (4),  et  Ignis  Sancti  Antonii , par  allusion  à 
l’ancienne  abbaye  de  Saint- Antoine,  en  Dauphiné. 

Quelques-unes  des  épidémies  qui  ont  ravagé  l’Europe  au  moyen  âge 
après  des  pluies  abondantes  et  des  disettes  ont  été  rapportées  avec  plus 
ou  moins  de  probabilité  à l’ergotisme  (2).  Les  chroniqueurs  du  sixième 
et  du  huitième  siècle  signalent  certaines  maladies  qui  pourraient  être 
dues  à des  grains  ergotés.  C’est  moins  douteux  en  ce  qui  concerne  les 
maladies  qui  ont  régné  en  France  au  dixième  siècle,  et  en  Espagne  au 
douzième  siècle.  Pendant  l’année  1596,  la  Hesse  et  les  régions  avoisi- 
nantes furent  ravagées  par  une  peste  terrible  que  la  Faculté  de  méde- 
cine de  Marburg  attribua  à la  présence  d’ergot  dans  les  céréales  con- 
sommées,par  la  population.  La  même  maladie  se  montra  en  France 
en  1630  ; dans  la  Saxe,  pendant  les  années  1648,  1649  et  1673  ; de 
nouveau  dans  diverses  parties  de  la  France,  notamment  dans  l’Aqui- 
taine et  la  Sologne,  en  1650,  1670  et  1674.  Fribourg  et  le  pays  voisin 
furent  visités  par  la  même  maladie  en  1702;  d’autres  parties  de  la  Suisse 
en  1715  et  1716;  la  Saxe  et  la  Lausitz  en  1716;  d’autres  localités 
d Allemagne  en  1717,  1722,  1736,  1741,  1742  (3).  La  dernière  épidé- 
mie produite  en  Europe  par  l’ergot  paraît  être  celle  qui,  après  la  saison 
pluvieuse  de  1816,  ravagea  la  Lorraine  et  la  Bourgogne  et  entraîna  la 
mort  d’un  grand  nombre  de  pauvres  gens.  La  maladie  de  l’ergot  s’ob- 
serve quelquefois  de  nos  jours  en  Abyssinie  (4)  et  on  a signalé  récem- 
ment quelques  cas  de  mort  produits  par  elle  en  Bavière  (5). 

Développement  de  l’ergot.  — La  nature  véritable  de  l’ergot  a été 
pendant  longtemps  l’objet  d’un  grand  nombre  d’opinions  diverses  ; 
elle  a été  établie  par  les  admirables  recherches  de  Tulasne,  dont  le  Mé- 
moire sur  l'ergot  clés  Glumacées  (6)  nous  fournira  la  plupart  des  détails 
que  nous  allons  donner. 

L ergot  ne  se  forme  souvent  que  sur  un  petit  nombre  des  fruits 
d un  même  épi,  parfois  cependant  il  en  attaque  une  vingtaine  ou  davan- 
tage. Dans  le  premier  cas,  Je  développement  des  autres  fruits  n’est  pas 
empêché,  mais  si  un  grand  nombre  sont  attaqués  à la  fois,  l’épi  entier 

(1)  Pereira,  Elem.  of  Mat.  Med.,  1850,  II,  1007. 

(2)  Consultez  : Hæser,  Lehrbuch  (1er  Gcschichte  der  Medicin  uncl  der  Volkskrank 
iciten,  1815,  I,  250,8,10  ; II,  94.  — G.  F.  IIeusinger,  Recherches  de  pathologie  comparée. 

,\rn1853,  ’’  543"334--  MératcI,  De  Lens,  Dict.  de  Mat.  Medic .,  III.  131  ; Vil,  208, 

(3)  Iissot  de  Lausanne,  Phil.  Trans.,  I7GG,  LV,  106.  - Hist.  de  la  Soc.  roy.  (V 
Médec.,  1776,  345.  — Mém.  de  Mécl.  et  de  Phys,  méd.,  1776,  260-311,  417. 

(4)  Tu.  von  IIeuglin,  Rcisc  nach  Abessinien,  etc.,  Jena,  1868,  180. 

(5)  Wiggers  et  Husemann,  Jahresbcricht , 1870,  582. 

(6)  Ann.  sc.  nat .,  Bot.,  1853,  XX,  1-36,  4 planches. 


(i(H 


CHAMPIGNONS. 


sc  détruit.  Les  ergots  isolés  deviennent  généralement  plus  gros  ; ils 
atteignent  leur  taille  maximum  sur  les  pieds  de  seigle  qui  vivent  isolés 
au  milieu  d’autres  graminées. 

Le  premier  symptôme  qui  indique  la  formation  de  l’ergot  est  la  pré- 
sence sur  l’épi  de  gouttes  d’une  substance  particulière  qui  a reçu  le 
nom  de  miel  de  seigle.  C’est  un  mucus  jaunâtre,  possédant  une  saveur 
douce,  très-prononcée  et  l’odeur  particulière  désagréable  qui  appartient 
aux  champignons.  Des  gouttes  de  ce  mucus  se  montrent  çà  et  là  dans 
le  voisinage  des  grains  malades  et  attirent  des  fourmis  et  d’autres 
insectes,  surtout  1 c Rhagonycha  melanura  Fabr.,  jaune  rougeâtre,  mais 
pas  les  abeilles.  On  a supposé  que  les  insectes  étaient  les  agents  de 
la  propagation  de  l’ergot,  et  il  peut  bien  en  être  ainsi,  mais  ce  serait 
seulement  en  transportant  le  mucus  saccharin  d’une  plante  aune  autre. 

Le  mucus  du  seigle  ne  contient  ni  gouttes  d’huile  ni  amidon.  Après 
dilution  dans  l’eau,  il  produit  dans  la  solution  alcaline  de  tartrate  cu- 
prique un  précipité  abondant  et  rapide  d’oxyde  de  cuivre.  Desséché  sur 

l’acide  sulfurique,  il  se  solidifie  en 
une  masse  cristalline.  Après  quel- 
ques jours , les  gouttes  de  mucus 
disparaissent  des  épis  ; les  grains 
commencent  à cette  époque  à être 
complètement  désagrégés  et  sont 
dépourvus  d’amidon. 

Les  ovaires  ergotisés  sont  mous, 
recouverts  et  imprégnés  d’un  tissu 
feutré  blanc,  spongieux,  qui  consti- 
tue le  mycélium  du  jeune  champi- 
gnon. Il  est  formé  de  cellules  fili- 
formes grêles,  qui  constituent  les 
hyphas  revêtues  par  une  couche  de 
cellules  divergentes  radialement, 

Fig.  290.  Développement  de  l’ergot  do  Soiglc  ^ SOnt  les  basides.  Le  mycélium 

( d’après  Sachs);  a,  Sphacélic  ; A,  coupe  dans  la  entier  est  Cl’eusé  de  Cavités  et  de 

gphacélie,  elle  enveloppe  le  style  dont  le  stig-  . , , , , ^ 

mate  est  soulevé;  c,  l 'hyménium  ou  spcrmnto-  fentes  qui  s ouvrent  au  dehors.  De  sa 

pllore  portant  des  spores;  d,  conidies  en  ger-  couc]le  extérieure,  qui  a été  dési- 
mination  ; l’une  d’elles  porte  à son  extrenulc 

do  nouvelles  conidies  qui,  elles-mêmes,  pour-  gnôe  SOUS  le  nom  (1  hyménium  OU 
ront  produire  un  nouveau  mycélium.  spermatophore , se  détachent  un  grand 

nombre  de  petites  cellules  allongées,  agglutinées,  désignées  sous  le 
nom  de  conidies.  Gcs  cellules  sont  produites  par  les  baaides  , ellca 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  G05 

n’ont  pas  plus  de  4 millièmes  de  millimètre  de  long,  et  revêtent  les 
organes  floraux  comme  d une  fine  poussière  blanchâtre.  Le  mucus 
sucre  contient  aussi  une  grande  quantité  de  conidies,  mais  c est  seule- 
ment. quand  on  le  dilue  qu’elles  se  précipitent  et  deviennent  visibles. 

La  formation  de  ce  mucus  est  intimement  liée  à celle  des  conidies 
elles-mêmes.  Dans  ce  premier  état,  l’ergot  a été  considéré  autrefois 
comme  un  champignon  spécial.  Léveillé,  en  1827,  lui  donna  le  nom  de 
Sphacelia  segetum.  D’après  Kühn  (1803),  il  peut  être  produit  directe- 
ment par  germination  des  conidies  sur  les  épis  du  seigle. 

Le  mycélium  pénètre  et  enveloppe  le  fruit,  à l’exception  de  son  som- 
met, et  empêche  son  accroissement  ultérieur  en  détruisant  surtout  l’é- 
picarpe  et  l’embryon.  A la  base  du  caryopse,  il  se  forme  alors,  par  tumé- 
faction et  séparation  graduelle  transversale  des  cellules  filiformes  du 
mycélium,  un  corps  plus  compacte  qui  est  le  futur  ergot  ; il  est  coloré 
en  dehors  en  violet  noirâtre;  il  est  blanc  en  dedans  ; sa  taille  augmente 
graduellement,  et  enfin  il  se  sépare  du  mycélium  dont  il  semble  repré- 
senter le  tissu  contracté  après  l’accomplissement  de  ses  fonctions. 
Pendant  son  développement,  il  soulève  les  [restes  du  caryopse,  encore 
reconnaissables  à leurs  poils  et  aux  débris  du  style,  ainsi  que  les  poin- 
tions restantes  du  tissu  mycélial.  Ces  parties  deviennent  visibles  au- 
dessus  des  paillettes  portées  par  l’ergot  parvenu  à sa  maturité  et  faisant 
saillie  en  dehors  de  l’épi.  Très- rarement  l’ergot  est  couronné  par  un 
fruit  bien  développé  ; dans  la  drogue  commerciale,  son  sommet  est  or- 
dinairement brisé. 

Il  est  évident  que  pendant  le  développement  de  l’ergot  que  nous  ve- 
nons de  décrire  le  tissu  du  caryopse  ne  se  transforme  pas,  mais  qu’il 
est  simplement  détruit.  Ni  par  sa  forme  extérieure,  ni  par  sa  structure, 
l’ergot  n’offre  aucune  ressemblance  avec  le  caryopse  ou  avec  la  graine  du 
seigle,  quoique  sa  production  s’effectue  entre  le  moment  de  l’épanouis- 
sement de  la  fleur  et  celui  de  la  maturation  des  fruits.  Il  a été  considéré 
autrefois  comme  un  champignon  complet  et  distinct.  De  Gandolle,  en 
1816,  lui  donna  le  nom  de  Sderotiwn  Clames,  et  Fries,  celui  de  Sper- 
mœdia  Clavus. 

Aucun  autre  changement  ne  se  produit  dans  l’ergot  tant  qu’il  reste 
attaché  à l’épi;  mais  lorsqu’il  est  tombé  sur  le  sol,  il  se  passe  des  phé- 
nomènes intéressants.  Sur  certains  points  de  sa  surface,  de  petites 
masses  orbiculaires  se  montrent  et  se  développent  graduellement  sous 
la  forme  de  petites  têtes  blanches  qui  augmentent.de  taille  peu  à peu, 
tandis  que  les  couches  extérieures  du  tissu  voisin  perdent  de  leur  fer- 


606  CHAMPIGNONS. 

niclé  et  deviennent  molles  et  un  peu  granuleuses,  en  même  temps  que 
les  cellules  dont  elles  sont  fournies  se  vident  et  s’allongent.  Dans  l’In- 
térieur de  l’ergot,  les  cellules 
conservent  leurs  gouttes 
d’huile  intactes.  Les  petites 
têtes  prennent  une  coloration 
jaune  grisâtre  qui  se  change 
ensuite  en  pourpre,  et  enfin 
au  bout  de  quelques  semai- 
nes elles  sont  soulevées  par 
des  pédoncules  grêles,  colo- 
rés en  violet  pâle,  et  qui  attei- 
gnent souvent  £5  millimètres 
de  long  et  l millimètre  en- 
viron d’épaisseur.  Les  pé- 
doncules sont  formés  de  cel- 
lules filiformes,  parallèles, 
étroitement  feutrées,  dépour- 
vues d’huile  grasse.  On  a 
donné  à ces  renflements  pé- 
donculés  le  nom  de  récepta- 
cles. L’ergot  n’est  susceptible 
de  subir  ce  nouveau  déve- 
loppement que  tant  qu’il  est 
frais,  et  il  ne  conserve,  dit- 
on,  cet  état  que  jusqu’à  l’époque  de  la  floraison  suivante  du  seigle. 
Pendant  cette  période,  cependant,  ses  fragments  mêmes  sont  suscep- 
tibles de  présenter  les  phénomènes  que  nous  venons  de  décrire.  Il  se 
produit  aussi  fréquemment  à la  surface  de  l’ergot  des  filaments  inco- 
lores d’un  mycélium  qui  appartient  à un  autre  champignon,  le  Verti- 
cillium  cylindrosporurn  Corda,  qui  se  développe  aux  dépens  du  67a- 
viccps  purpurea  (I  ). 


Fig.  291.  Développement  ot  organisation  du  concepiacle 
adulte  du  Claviceps  purpurea  (d'après  SachsJ  ; a,  ergot 
produisant  des  réceptacles  fructifères;  b,  coupe  verticale 
du  renflement  terminal  du  réceptacle  ; c,  coupe  d’un  con- 
ceptacle  très-grossi,  rempli  de  thèques  ; cl,  asque  déchiré 
à une  extrémité  et  laissant  sortir  les  spores. 


(1)  De  l’ergot  de  seigle  recueilli  par  moi-même  en  août,  placé  sur  de  la  terre  dans  un 
pot  fi  fleurs  et  abandonné  en  plein  air,  sans  protection,  pendant  l’hiver,  commença  it 
développer  des  réceptacles  fructifères  le  20  mars  ; dans  une  autre  occasion  le  20  avril  ; 
à cette  date  quelques-uns  qui  avaient  été  semés  en  février  commencèrent  à germer. 
Les  froids  rigoureux  paraissent  retarder  la  végétation  ; ainsi,  après  l’hiver  froid  de 
1869-70,  les  clciviccps  ne  commencèrent  à se  montrer,  même  en  serre,  que  le  1 1 mai. 
L’époque  la  plus  hiltive  de  la  formation  complète  de  1 ergot  que  j aie  observée  est 
le  11  juin  ; ordinairement  il  n’arrive  ît  son  développement  complet  qu’en  juillet.  [P.A.F.] 


GO  7 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Dans  le  point  où  le  pédoncule  du  réceptacle  fructifère  se  rattache  au 
renflement  sphérique  ou  un  peu  aplati,  ce  dernier  est  déprimé  et  en- 
toure le  pédoncule  d’une  bordure  annulaire.  Au  bout  de  peu  de  temps, 
il  se  montre  à la  surface  du  renflement,  qui  est  large  de  2 millimètres 
environ,  un  grand  nombre  de  verrues  brunâtres,  munies  d’une  ouver- 
ture qui  conduit  dans  une  petite  cavité.  Ces  dernières  sont  désignées 
sous  le  nom  de  conceptcieles  ou  périthèces.  Sur  une  coupe  transversale, 
elles  paraissent  disposées  radialement  en  cercle  autour  du  renflement. 
Dans  chaque  cavité,  se  trouvent  un  grand  nombre  de  petits  sacs  délicats, 
larges  de  3 à S millièmes  de  millimètre  seulement  et  longs  de  100  mil- 
lièmes de  millimètre  environ  ; ce  sont  les  thèques  ou  asques.  Ils  repré- 
sentent la  fructification  véritable  du  champignon.  Chacun  contient  huit 
spores,  représentées  par  des  cellules  filiformes  entourées  d’une  sub- 
stance homogène.  . 

Les  asques  s’ouvrent  au  niveau  de  leur  extrémité  la  plus  large,  pen- 
dant qu’ils  sont  encore  contenus  dans  les  conceptacles  ; les  spores  en 
sortent  unies  en  une  seule  masse  et  sont  expulsées  par  l’ouverture  dont 
le  conceptacle  est  muni.  Par  suite  de  leur  consistance  un  peu  gluti- 
neuse,  elles  restent  unies  même  après  leur  sortie  et  forment  des  fila- 
ments blancs  et  soyeux.  Le  nombre  des  spores  contenues  dans  les  vingt 
ou  trente  réceptacles  capités  produits  parfois  par  un  seul  ergot  dé- 
passe souvent  un  million.  Les  réceptacles  eux-mêmes  se  détruisent  deux 
ou  trois  semaines  après  leur  apparition.  Cet  état  de  la  plante  paraît  avoir 
été  découvert  en  1801,  par  Schumacher,  qui  le  nomma  Sphæria;  il  fut 
désigné  plus  tard  sous  les  noms  de  Cordiceps,  Cordyliceps,  Kentrospo- 
rium,  etc.,  jusqu’à  ce  que  Tulasne  ait  montré  qu’il  constituait  la  der- 
nière phase  du  développement  de  l’ergot  (1). 

Ces  trois  différentes  formes  d’organisation  : le  mycélium,  l’ergot  et 
les  renflements  ou  réceptacles  fructifères,  ne  sont  que  des  états  succes- 
sifs d’un  seul  champignon  bisannuel  que  Tulasne  a désigné  sous  le  nom 
de  Claviceps  purpurea.  Le  solérotium  n’est  qu’un  état  intermédiaire, 
qui  se  présente  dans  un  grand  nombre  de  champignons  différents  ; 
ce  n’est  qu’une  phase  de  repos  de  ces  végétaux.  La  preuve  directe 
que  le  mycélium  est  produit  par  les  spores  contenues  dans  les  concep- 

(U  Lorsque  les  spores  produites  par  les  asques  du  réceptacle  fructifère  tombent 
sur  une  jeune  fleur  du  seigle,  elles  y germent  et  produisent  un  nouveau  mycélium  mou, 
conidifère,  et  le  cycle  de  développement  qui  vient  d’être  décrit  recommence.  L’état  de 
repos  du  mycélium  qui  constitue  l’ergot  se  constituant  pendant  l’été,  et  l’ergot  ne  pro- 
duisant de  réceptacles  fructifères  qu’au  printemps  suivant,  les  spores  produites  par  ces 
réceptacles  arrivent  à maturité  au  moment  même  de  la  floraison  des  graminées.  [Trad.] 


G08 


CHAMPIGNONS. 


lacles  que  produit  l’ergot  fut  donnée  par  Kühn,  en  1863.  Nous  avons 
dit  déjà  que  le  mycélium  pouvait  aussi  être  produit  parles  conidies, 
d’où  il  résulte  que  dans  le  champignon  qui  nous  occupe,  comme  dans 
beaucoup  d’autres,  il  existe  deux  formes  différentes  de  multiplication. 

Description.  — L’ergot  de  Seigle,  tel  qu’il  se  trouve  dans  le  com- 
merce, est  formé  de  corps  fusiformes,  longs  de  25  à 35  et  même  GO  mil- 
limètres et  épais  de  2 à 4 ou  même  6 millimètres,  subeylindriquês  ou 
prismatiques-obtus,  amincis  au  niveau  des  extrémités,  ordinairement 
arqués,  et  munis,  sur  chaque  face,  d’un  sillon  longitudinal.  Au  sommet 
de  chaque  ergot,  se  trouve  souvent  un  petit  appendice  blanchâtre  qui 
se  détache  facilement,  tandis  que  l’extrémité  opposée  est  un  peu  arron- 
die. L’ergot  est  ferme,  corné,  un  pou  élastique  ; sa  cassure  est  courte 
et  nettç  ; quand  il  est  sec,  il  est  cassant,  mais  difficile  à pulvériser.  Sa 
substance  interne  est  blanchâtre  ; il  offre  souvent  ^des  fentes  transver- 
sales profondes.  Son  tissu  ne  se  laisse  que  difficilement  pénétrer  par 
l’eau  et  de  minces  sections  ne  se  gonflent  même  que  peu  dans  l’eau. 

L’ergot  de  Seigle  possède  une  odeur  particulière,  désagréable  et  une 
saveur  de  moisi,  rance.  Il  se  détériore  facilement  avec  le  temps,  surtout 
lorsqu’il  a été  réduit  en  poudre,  en  partie  par  suite  de  l’oxydation  de 
l’huile  qu’il  renferme  et  aussi  sous  l’influence  d’une  mite  du  genre 
Trombidium.  Pour  pouvoir  le  conserver,  il  faut  le  faire  dessécher  com- 
plètement et  l’enfermer  dans  des  flacons  bien  clos. 

Structure  microscopique.  — Dans  un  ergot  bien  développé,  il  est  im- 
possible de  distinguer  aucun  organe.  Il  consiste  en  un  tissu  uniforme, 
très-serré,  formé  de  cellules  filiformes  à parois  épaisses,  irrégulièrement 
disposées  et  si  bien  enchevêtrées  qu’on  ne  peut  les  isoler  qu’en  faisant 
bouillir  de  minces  tranches  de  l’ergot  pendant  longtemps  dans  la  po- 
tasse et  en  traitant  les  coupes  alternativement  par  les  acides  et  l’éther. 
Observées  sans  ce  traitement,  les  cellules  paraissent,  même  sur  les 
coupes  les  plus  minces,  être  presque  arrondies  et  pourvues  de  dia- 
mètres égaux.  Le  tissu  de  l’ergot  offre  ainsi  un  aspect  un  peu  différent 
de  celui  de  l’hypha  des  autres  champignons.  Cependant,  sur  des  coupes 
longitudinales  minces  de  la  portion  interne  de  l'ergot,  traitées  par  une 
solution  d’acide  chromique  à 1 pour  100,  on  peut  distinguer  des  cellules 
d’hypha  qui  sont  plus  courtes  que  celles  des  autres  champignons.  Elles 
contiennent  de  nombreuses  gouttes  d’huile,  mais  on  n’y  voit  ni  amidon 
ni  cristaux.  11  est  remarquable  de  voir  un  parenchyme  formé  de  cel- 
lules si  peu  épaissies  constituer  un  tissu  aussi  compacte  et  aussi  résis- 
tant. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  009 

u.  sssx 

S0US  >e  te»  a L préalablement 

S par  l'acide  sulfurique  ou  conservé  pendant  quelques  jours  en  cou- 
le avec  la  potasse  et  l'alcool  absolu  à 100-  0.  Sous  ce  rapport,  la  cel- 
! se  L champignons  diffère  de  celle  des  plantes  phanérogames 
Un  net  t nombre  des  couches  extérieures  de  l'ergot  sont  formées  de 
seuls  cils  en  violet,  mais  on  ne  peut  pas  les  distinguer,  ad  autres 
égU  des  cellules  incolores,  si  ce  n'est  peut-être  par  l'épaisseur  un  peu 

plus  considérable  de  leurs  parois.  . , lWe-ot  de 

composition  chimique.  — La  composiUon  chimique  de  l é got  de 

Seigle  a été  plusieurs  fois  étudiée,  notamment  par  Wtggers,  des  1830. 
La  drôle  contient  environ  30  pour  100  d'une  huile  grasse,  non  s, ce  - 
tive  jaunâtre,  saponifiable,  consistant  surtout  en  oleine,  pa  mi  i" 
une  petite  proportion  d'acides  gras  volatils,  surtout  d acide  acetiqu 
butyrique,  combinés  avec  la  glycérine.  L'huile  est  accompagnée  de  pe- 
tites quantités  de  résine  et  de  cholestérine.  Ce  serait  une ; erreur  d attribuer 
à cette  huile  les  propriétés  toxiques  de  l'ergot,  quoique  Ganse.  (I  ait 
montré  que,  prise  à la  dose  de  6 grammes  environ,  elle  jouit  de  p.o- 
priétés  irritantes  ; mais  les  effets  observés  paraissent  dépendre  de  la  ic- 
sine  qui  l’accompagne  dans  la  proportion  de  7 pour  100. 

D’après  Wenzell  (1861),  l’ergot  de  Seigle  contient  deux  alcaloïdes 
particuliers  qu’il  a nommés  Ecboline  et  Ercjotine  (2).  Ils  sont  solubles 
dans  l’ean  ; leur  réaction  est  alcaline  et  leur  saveur  est  un  peu  amere. 
On  ne  les  a pas  obtenus  à l’état  de  pureté,  mais  seulement  sous  la  forme 
de  substances  amorphes  formant,  avec  les  acides,  des  composes  déli- 
quescents, également  amorphes.  Ganser,  cependant,  dit  avoir  obtenu  de 
longs  cristaux  aciculaires  de  chlorhydrate  d’ergotine. L’ecbolme  possédé, 
à un  haut  degré,  les  propriétés  médicinales  de  l’ergot  de  Seigle  ; ergo- 
tine,  qui  est  moins  amère,  n’est  que  peu  active.  Manassewitz,  en  186  , 
a obtenu  0,12  pour  100  d’ergotine;  Ganser  a obtenu  0,04  pour  100  c u 
même  alcaloïde  et  0,16  pour  100  d’ecboline.  Les  deux  corps  peuven 
être  facilement  séparés  à laide  du  chlorure  mercurique,  qui  donne  un 

composé  insoluble  avec  l’ecboline  seule.  _ 

Wenzell  a trouvé  que  les  deux  bases  de  l’ergot  de  Seigle  sont  combi- 


IC  Avùlnv  der  Phcirm.,  1870,  GA.LIV,  200.  , , 

2 Le  nom  d ’Ergotine  a été  donné  aussi  à un  extrait  médicinal  de  1 Ergot,  préparé 

d’après  la  méthode  indiquée  par  Bonjean,  pharmacien  è Chmbery;  voyez  . Journ.  c 6 
Pharm .,  1843,  IV,  107.  — P ereira,  Elem.  of  Mut.  Med.,  18b0,  II,  1012.  ^ 

11IST.  DES  DROGUES,  T.  U. 


610 

CHAMPIGNONS. 

iïiïiïïïtr 

J^z:zt^:z:  tzz  r r r» n - 

nommé  rnieUe  Seigle.  diffère  par  ses  caractères 

1'““*  idà T''  !’aIC°01  °°  d°  |,eau  méla”«és  d'nn  peu  d’ammoniaque 

. ‘ )e  dos.  ac,des  nnnéraux,  mais  non  à l'aide  de  l'acide  acétique 

C e est  précipitée  par  l’acétate  de  plomb  de  sa  solution  alcoolique  neu 

du  fer  et  de  ,'azolc  <wi"dde"’ Ma— . 

1 examinant  a 1 aide  du  spectroscope,  nous  avons  trouvé  que  «a  so 

lution  éteint  les  rayons  bleus  et  verts  Q ' 

Schoonbroodt,  en  1860,  et  Ludwig,  en  1869,  ont  signalé,  dans  Permit 
Seigle,  la  presence  de  la  Cholestérine,  principe  cristallisable,  très ;-ré- 

gnons  o“n  uU’S  “l  “llimaIet  qUi  a é‘é  tr°UVé  da"S  d'a“tr‘*  champi- 
gno ns.  On  peut  1 isoler  en  agitant  l'huile  grasse  de  l’ergot  avec  de  Pal- 

100  nart^Td3  T J ’ P!“'  °°  Pr0Cédé’  °'°313  Parties  dc  ^olestérine  de 
0 parties  de  la  drogue.  Schoonbroodt  a aussi  trouvé,  dans  l’ergot 

dc  lac.de  lactique.  Plusieurs  autres  chimistes  y ont  signalé  auTl  ’ 
presence  des  acides  acétique  et  formique.  L’amidon  manque  complète- 
ment dans  1 ergot  à toutes  les  époques  de  son  développement  La 
( . ogue  fournit  3 pour  100  environ  d’azote,  qui  répondent  probablement 
a une  fo, te  proportion  de  matières  albuminoïdes.  Ganser,  cependant 
Il  a obtenu  que  3, SpourlOO  d’albumine  soluble  dans  Peau. 

Lorsqu’on  traite  l’ergot  ou  son  extrait  alcoolique  par  un  alcali,  il 
donne,  comme  produit  de  décomposition,  des  matières  albuminoïdes,  de 

1 TTT6  et  dCS  bases  ammonia“les,  d’après  Ludwig  et  Stahl,  de 
a Metkylammc,  et  d’après  d’autres  de  la  Triméthylamim.  Manassewitz 
t ■ endell  assurent  qu’il  existe  du  phosphate  de  triméthylamine  dans 
1 extrait  aqueux  d’ergot,  mais  Ganser  s’est  assuré  que  celte  base  ne 


(1)  Voyez  : Müktz,  in  Comptes  vendus , As.  sc.,  1873,  LXXV1,  64». 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE.  011 

préexiste  pas  dans  l’ergot  lui-même.  Nous  avons  trouvé  que  les  cris- 
taux qui  abondent  dans  l’extrait,  après  qu’il  a ôté  conserve  pendant  un 
certain  temps,  sont  constitués  par  un  phosphate  acide  de  sodium  et  t o 
magnésium  avec  une  faible  proportion  de  sulfate  (i). 

réduction  Ct  commerce. -L’ergot'  de  Seigle  est  importe  a Londres, 
en  majeure  partie  de  Vigo  en  Espagne,  de  Ténériffe  de  Mogador  et 
même  de  Calcutta.  Le  docteur  de  Lanessan,  écrivant  de  Vigo  a 1 un  de 
nous  en  1872,  fait  remarquer  qu’on  cultive  dans  la  Galice  de  grandes 
quantités  de  Seigle  qui,  grâce  à l’humidité  du  climat,  est  toujours  tres- 
ergotô  ; un  épi  sur  trois  en  moyenne  est  envahi  par  ce  parasite  ; au 
moment  de  la  récolte,  on  enlève  les  ergots,  et  le  Seigle  est  ainsi  rendu 


propre  à l’alimentation.  , , 

Le  sud  et  le  centre  de  la  Russie  produisent  de  grandes  quantités  de  la 
drogue.  Dans  les  parties  centrales  de  l’Europe,  l’Ergot  n existe  pas  en 
quantité  suffisante  pour  être  recueilli  et  sa  proportion  diminue  a me- 
sure que  les  procédés  d’agriculture  se  perfectionnent.  Nous  avons  re- 
marqué que  l’Ergot  qui  vient  d’Odessa  offre  une  teinte  ardoisée  et  se 
présente  en  grains  plus  petits  que  celui  d’Espagne  (2). 


m La  couleur  rouge  de  la  solution  alcoolique  peut  servir  à révéler  dans  la  farine  la 
présence  d’une  petite  quantité  d’ergot.  La  réaction  avec  la  potasse  et  la  production  de 
l'odeur  caractéristique  de  hareng  saur  peut  aussi  être  utile  à cet  egard.  L extraction  de 
l’huile  grasse  à l’aide  du  bisulfure  de  carbone  peut  aussi  être  recommandée  comme 
réactif,  car  les  bons  grains  de  céréale  ne  contiennent  qu’une  tres-petite  quantité  de 


Nous  devons  de  nouvelles  recherches  chimiques  sur  l’ergot  de  Seigle  îi  Dragendorff 
eUes  élèves  d’un  côté,  et  h Tanret,  d’autre  part.  Les  premiers  en  ont  isolé  (1876  et 
1877)  les  principes  immédiats  suivants  : l’acide  Sclèrotinique , [auquel  ils  attribuent 
surtout  l’activité  de  l’ergot  de  Seigle;  2°  la.  Scier  omucine,  matière  gommeuse,  mais  égale- 
ment douée  de  propriétés  thérapeutiques  ; 3»  la  Scléroxanthine,  matière  colorante  jaune, 
dont  les  cristaux  offrent  la  composition  C7H703  -+-  H20  : la  Sclérocrystalline,  qui  u est 
autre  chose  que  l’anhydride  de  la  substance  précédente  ; 5»  la  Sclérérytlirine,  matière 
colorante  rouge  très-voisine  de  la  purpurine  fournie  par  la  garance;  6°  la  Sclérojodine 
matière  colorante  d’un  bleu  très-foncé  quand  on  la  dissout  dans  la  soude  ou  l’acide 
sulfurique  concentré;  la Picrosclérotine,  alcaloïde  amer;  8°  l’acide  Fuscosclérotinique , 
qui  a probablement  pour  formule  Cl4H^07  et  qui  paraît  être  capable  de  cristalliser. 
(Pour  les  détails,  voir  les  Jahresberichte  de  Dragen>dorff.) 

M.  Tanret,  de  Troyes,  dit  [Journ.  de  Pharm.,  octobre  1873,  p.  321)  avoir  retiré  de 
l’ergot  de  Seigle  1 ’Ergotinine,  alcaloïde  parfaitement  incolore  et  cristallisable,  jouis- 
sant d’éminentes  propriétés  hémorrhagiques.  Cette  subtance  est  très-altérable,  ses  solu- 
tions alcooliques  virent  bientôt  au  vert  et  rouge;  elles  sont  fortement  fluorescentes.  Le 
même  cliimste  a de  plus  retiré  de  l’ergot  de  Seigle  une  substance  volatile  à la  tempé- 
rature ordinaire,  qui  ressemble  au  camphre  ; ses  cristaux  fondent  à 163°  et  entrent  en 
ébullition  à 209°.  [F.  A.  F.] 

(2)  L’ergot  se  développe  tout  aussi  bien  dans  les  pays  du  Nord,  en  Norwége  jus- 
qu’au 60°  degré  de  latitude,  et  dans  les  régions  alpines  que  dans  les  pays  méridionaux. 
[F.  A.  F.] 


f,‘“  ALGUES. 

Usages  — L ergot  dc  Seigle  est  particulièrement  employé  à cau<c 
_ a°tl0n  sPécifi(Iue  sur  ï’^lérus  pendant  la  parturition  ' 

Pr tûTon^T’  T"  ~ Da'’S  qUel,I"eS  |larliES  * «<  el  dc  la 

être  22 véf  1  1 2  3 ", ma"’ ICS  Crg°‘S  d<  f,  °mcnt  dcs  8™"s  qui  doivent 
employés  a la  fabrication  du  vermicelle  et  des  autres  pâle,  ana- 

dWeTfi  ) '0eV7V?T  CT80tS  C"CZ  108  dl'°«l,istes-  Curbonneaux  Le  Per- 
el  (I)  s est  efforcé  dc  montrer  que  l’ergot  du  froment  s’altère  moins 

■ p.dement  que  celui  du  Seigle  et  qu'il  ne  produit  jamais  les  effets 
xiques  qui  sont  parfois  provoqués  par  ce  dernier 

Le  même  écrivain  affirme  que  l 'ergot  d’ Avoine  est' parfois  recueilli  et 
'en  u séparément  ou  mélangé  avec  celui  du  Seigle.  Il  diffère  de  ce  der- 
mer  par  une  taille  plus  grande.  L’ergot  d’une  herbe  de  l’Amérique  du 
Noid,  connue  sous  le  nom  de  Dm,  Arundo  AmpelodemosCwuo,  est  par- 
s '«cueilli  pour  I usage  médicinal.  D’après  Lallemant  (2),  il  est  deux 
OIS  plus  actif  que  celui  du  Seigle.  Il  a de  25  millimètres  à 8 centimètres 
te  ong  et  seulement  2 millimètres  de  large  ; il  est  ordinairement  arqué 
ou  pa.  fois,  quand  ,1  est  très-long,  tordu  en  spirale.  Nous  lui  avons  trouvé 
la  meme  organisation  qu’à  l’ergot  de  Seigle. 


ALGUES 


CHONDRUS  CRISPUS. 


FucUS  hernies  ; Mousse  d'Irlande,  Mousse  perlée,  Carrageen  (3)  • an»!  r 

Iris/i  Moss  ; «Hem.,  Fnorpcltany  ,^Irlündische^Moos^Perbnoos.  Cana^ecl>  ’ 

Origine  botanique.  - Chondrus  crispus  Lyngbye  (Fucus  crispus  L ) — 
C est  une  algue  de  la  famille  des  Ploridées,  abondante  sur  les  rochers 
du  littoral  de  l’Europe  depuis  le  cap  Nordjusqu’à  Gibraltar  et  sur  les 
cotes  orientales  de  l’Amérique  du  Nord. 


Historique.  Le  Carrageen  fit  son  introduction  dans  la  médecine 
en  Angleterre,  en  1831,  et  bientôt  après  attira  l’attention  en  Allemagne. 
11  n a jamais  été  admis  dans  la  Pharmacopée  de  Londres  ni  dans  la 
Pharmacopée  anglaise,  et  il  n’est  que  peu  estimé  par  les  médecins. 

Description . - On  recueille  la  plante  entière.  A l’état  frais,  elle  est 
molle  et  cartilagineuse  ; sa  coloration  varie  du  vert  jaunâtre  au  pourpre 


(1)  De  l'ergot  de  Froment  et  de  ses  propriétés  méd .,  thèse,  Montpellier  1862 

(2)  Etude  sur  l’Ergot  du  Diss,  Alger  et  Paris,  1863  ; Journal  de  PI, arm.,  ’l 86S  *1  4/, 4 

(3)  Carrageen  est  un  mot  irlandais  qui  signifie  mousse  des  rochers.  Nous  apprenons 
d un  etudiant  irlandais  qu’on  devrait,  pour  plus  d’exactitude,  l’écrire  Carraigccn. 


G13 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE. 

livide  ou  brun  pourpré,  mais  après  lavage  et,  exposition  au  soleil,  elle 
devient  blanche  ou  jaunâtre,  et  lorsqu’elle  est  sèche,  elle  est  ridée, 
cornée  et  translucide.  La  base  est  un  petit  disque  aplati;  il  s’en  élève 
un  thalle  de  10  à 15  centimètres  de  haut,  à lige  grêle,  subcylindrique, 
étalé  en  éventail,  découpé  en  segments  cunéiformes  de  diverses  tailles, 
aplatis  ou  plissés,  tronqués,  émarginés  ou  bifides  au  sommet. 

La  fructification  consiste  en  tétraspores  et  en  cystocarpes  qui  ne 
s’élèvent  que  peu  au-dessus  de  la  substance  du  thalle  et  forment  do 
petites  protubérances  verruqueuses. 

Dans  l’eau  froide,  le  Carrageen  se  gonfle,  reprend  ses  dimensions 
primitives,  et  acquiert  une  odeur  distincte  de  varech.  Quand  on  le  fait 
bouillir  dans  Î20  ou  30  fois  son  poids  d’eau,  il  forme,  en  se  refroidis- 
sant, une  gelée  pâle,  fade. 

structure  microscopique.  — Le  tissu  du  C hondrus  crùpus  est  formé 
de  cellules  globuleuses  ou  allongées,  à parois  épaisses.  Les  couches 
superficielles  des  deux  faces  des  lobes  du  thalle  constituent  une  sorte 
de  tégument  qui  se  sépare  facilement  sur  les  coupes  microscopiques.  La 
partie  interne  ou  médullaire  est  constituée  par  un  tissu  beaucoup  moins 
serré  et  formé  de  cellules  plus  grandes.  Les  larges  cavités  de  ce  tissu 
contiennent  une  matière  mucilagineuse,  granuleuse,  qui  se  colore  en 
violet  clair  sous  l’influence  de  l’iode.  Dans  l’eau,  les  parois  cellulaires 
se  gonflent  et  forment  une  masse  gélatineuse,  dans  laquelle  on  ne  peut 
bientôt  plus  distinguer  aucune  cellule  (1).  A l’état  frais,  les  cellules  con- 
tiennent aussi  des  granulations  de  chlorophylle  imprégnées  d’une  ma- 
tière rouge  nommée  Phyco-êrythrine ; mais  par  le  lavage  et  l’exposition 
à 1 air,  ces  matières  colorantes  se  séparent  ou  s’atténuent  beaucoup,  et 
on  ne  les  voit  plus  dans  la  drogue  commerciale. 

Composition  chimique.  — Les  principes  constituant  du  Carrageen 
sont  ceux  qu’on  trouve  dans  les  algues  marines,  du  moins  en  ce  qui 
concerne  le  mucilage.  Ce  dernier  est  insoluble  dans  une  solution  ammo- 
niacale de^ cuivre  (réactif  de  Schweizer)  ; sous  l’action  de  l’acide  nitrique 
fumant,  il  fournit,  comme  la  gomme,  une  grande  quantité  d’acide  mu- 
cique.  Le  mucilage  de  Carrageen,  comme  plusieurs  autres  corps  sem- 
blables, retient  énergiquement  les  matières  inorganiques.  Après  avoir 
été  trois  fois  dissout  dans  l’eau  et  autant  de  fois  précipité  dans  l’alcool, 
il  nous  a présenté  encore  la  même  quantité  de  cendres  que  la  drogue 
brute  elle-même,  c’est-à-dire  plus  de  15  pour  100.  Le  mucilage  parfai- 

(1)  L’alcool,  la  glycérine  et  les  huiles  grasses  sont  les  liquides  les  plus  convenables 
pour  l’observation  microscopique  de  cette  drogue. 


A LG  U IÎS. 


(Il  i 

lement  soc  est  une  substance  cornée,  flexible,  de  couleur  grisâtre,  qui 
se  gonfle  rapidement  dans  l’eau,  en  formant  une  gelée  qui  est  précipi- 
table par  l’acétate  neutre  de  plomb. 

D’après  Blondeau  (1),  le  mucilage  de  Carragcen  contient  21  pour  100 
d’azote  et  2,5  de  soufre  ; mais  nous  sommes  en  mesure  de  considérer 
ces  résultats  comme  erronés.  Nous  n’y  avons  pas  trouvé  de  soufre  et 
seulement  0,88  pour  100  d’azote.  La  drogue  elle-même  ne  nous  a pas 
donné  plus  de  10,12  pour  100  d’azote.  Quand  on  traite  par  la  potasse  de 
minces  tranches  de  la  plante  et  qu’on  les  laisse,  après  les  avoir  lavées, 
pendant  vingt-quatre  heures  au  contact  d’une  solution  d’iode  dans  l’io- 
dure  de  potassium,  elles  se  colorent  en  bleu  foncé.  Cependant  on  ne 
trouve  pas  d’amidon  dans  cette  algue  (2).  Enfin,  on  peut  citer,  à propos 
du  Carrageen,  le  Fucusol,  liquide  huileux,  isomérique  dufurfurol,  qu’on 
obtient  en  faisant  bouillir  les  algues  avec  de  l’acide  sulfurique  dilué. 

Commerce.  — On  recueille  la  plante  sur  les  côtes  ouest  et  nord-ouest 
de  l’Irlande.  Sligo  passe  pour  être  un  dépôt  considérable  de  celte  algue. 
On  la  récolte  aussi  en  certaine  quantité  sur  les  côtes  du  Massachusetts, 
où  l’on  a adopté  un  procédé  systématique  de  préparation  (3).  On  im- 
porte parfois  de  Hamburg  un  Carragaen  de  qualité  supérieure. 

Usages.  — La  décoction  mucilagineuse  et  la  gelée  de  Carrageen 
constituent  des  remèdes  populaires  contre  les  affections  pulmonaires  et 
quelques  autres  maladies,  mais  on  recherche  surtout  ces  préparations 
pour  l’alimentation  (4). 

On  emploie  parfois  le  Carrageen  pour  engraisser  les  vaches  et  les 
veaux,  et  sous  le  nom  d ’Alga  marina,  pour  rembourrer  les  matelas.  Son 
mucilage  sert  pour  épaissir  les  couleurs  employées  dans  la  teinture  du 
calicot  et  pour  coller  le  papier  et  le  coton.  En  Amérique  on  1 em- 
ploie pour  coller  la  bière. 

Substitutions.  — Le Gigartina  mammillosa  J.  Ag.  (Chondrus  mammillosus 
Grev.)  est  recueilli  indistinctement  avec  le  Chondrus  crispas » Il  se  dis- 
tingue surtout  de  ce  dernier  parce  que  la  portion  aplatie  du  thalle  est 
munie  de  tubercules  élevés  et  pédonculés  portant  les  cystocarpes.  Il 
possède  les  mêmes  propriétés. 

Le  Gigartina  acicularis  Lamour.,  espèce  commune  sur  les  côtes  de 

(1)  Joum.  de  Pharm.,  18G5,  II,  159.  _ 

(2)  Traité  par  l’acide  sulfurique  dilué,  le  Carrageen  fournit  un  sucre  încnstallisable, 
dépourvu  de  pouvoir  rotatoire.  [F.  A.  F.] 

(3)  G.  II.  Bâtes,  in  Pharm.  Joum.,  1870,  XI,  298. 

(4)  H faut  manger  une  livre  de  gelée  faite  avec  cette  algue  pulvérisée  pour  prendre 
une  demi-once  de  matière  solide  sèche. 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D’ORIGINE  VÉGÉTALE.  OIS 

France  et  d’Espagne,  à branches  cylindriques  et  grêles,  est  parfois 
recueilli  en  même  temps  que  le  Chondrm  cnspus.  Daim  on,  qui  l’a  étudié 
en  1874,  affirme  qu’il  est  moins  soluble  dans  l’eau  bouillante  que  le 
véritable  Carrageen. 

De  petites  quantités  d’autres  algues  marines  se  trouvent  parfois  mé- 
langées au  Chondrus  crispas  par  suite  de  la  négligence  des  collecteurs. 


SPHÆROCOCCUS  LICHENOIDES. 

Al  g a zeylanica,  Fucus  amylaceus;  angl.,  Ceylon  moss,  Jajfna  Moss. 

Origine  botanique. — Sphærococcus  lichenoides  Agardh  ( Gracillaria  li- 
chenoides Grev.,  Plocciria  candida  Nees).  — C’est  une  algue  colorée  en 
pourpre  clair  ou  verdâtre,  de  la  classe  des  Floridées.  Elle  se  trouve 
sur  les  côtes  de  Ceylan,  de  Burma  et  des  îles  Malaises  (1). 

Historique. — Le  Spæhrococcus  amylaceus  est  depuis  longtemps  employé 
par  les  habitants  de  l’archipel  Indien  et  de  la  Chine.  Il  est  probablement 
une  des  plantes  décrites  par  Rumphius  (2)  sous  le  nom  d ’Alga  coralloides. 
A notre  époque,  il  a été  porté  à la  connaissance  des  médecins  euro- 
péens par  O’Saughnessy  (3). 

Description. — Telle  qu’elle  se  trouve  dans  le  commerce,  la  plante 
est  blanche  et  opaque  ; elle  a été  privée  de  sa  coloration  par  la  dessicca- 
tion au  soleil  et  à l’air  ; elle  est  formée  de  tiges  filamenteuses  cylindriques, 
ramifiées,  larges  de  2 millimètres  et  longues  de  3 à 1S  centimètres  ou  da- 
vantage. La  plupart  des  tiges  portent  de  nombreuses  branches  simples 
ou  divisées  elles-mêmes  en  ramifications  secondaires  et  tertiaires,  ter- 
minées par  une  pointe  courte.  Lorsqu’on  la  mouille,  elle  augmente  un 
peu  de  volume  et  devient  plus  translucide.  Elle  offre  fréquemment  des 
fruits  blanchâtres,  globuleux  ou  mammiformes  (cystocarpes).  Elle  est 
un  peu  friable,  et  facile  à pulvériser  après  dessiccation  à 100°  G.  Elle 
est  dépourvue  de  saveur  et  d’odeur,  et  diffère  en  cela  de  la  plupart  des 
algues  marines. 

(1)  La  Pharmacopœia  of  India  de  1868,  cite  le  Sphærococcus  confervoülcs  Ag.  (Gra- 
cillaria  Ghev.),  plante  de  l’océan  Atlantique  et  de  la  Méditerranée,  assez  abondante 
sur  les  cé tes  de  Bretagne,  comme. fournissant  une  partie  de  la  drogue  dont  nous  par- 
lons ici.  Cependant,  les  échantillons  que  nous  avons  examinés  étaient  très-différents  du 
S.  lichenoides  et  ne  contenaient  pas  d’amidon. 

(2)  Hcrb.  Amboin.,  VI,  lib.  xi,  c.  56. 

(3;  Indian  Jauni,  of  Med.  Science,  Calcutta,  mars  1834  ; fini  y ni  Dispcmatory,  1841, 


OIG 


ALGUES. 


structure  microscopique.  — Sur  une  section  transversale,  la  plante  se 
montre  formée  d’un  tissu  lâche,  formé  de  grandes  cellules  vides,  enve- 
loppé par  une  zone  corticale  épaisse  de  30  à 70  millièmes  de  millimè- 
tre et  constituée  par  de  petites  cellules  remplies  de  granulations  globu- 
leuses d’amidon  qui  ont  de  1 à 3 millièmes  de  millimètre  de  diamètre, 
et  sont  si  pressées,  qu’elles  paraissent  former  au  premier  abord  une 
seule  masse  dans  chaque  cellule.  Dans  les  plus  grandes  cellules,  les 
granulations  d’amidon  sont  fixées  aux  parois;  elles  ne  présentent  pas 
dans  la  lumière  polorisée  la  trace  caractéristique  des  grains  d’amidon. 
Les  parois  épaisses  des  cellules  offrent  une  stratification  bien  distincte, 
surtout  après  qu’on  les  a humectées  d’acide  chromique.  Sous  l’influence 
d’une  solution  d’iode  dans  l’iodure  de  potassium,  elles  prennent  une 
coloration  brun  foncé,  mais  les  grains  d’amidon  qui  abondent  aussi 
clans  le  cystocarpe  prennent  la  teinte  bleue  caractéristique  de  l’amidon. 

Composition  chimique.  — La  drogue  donne,  d’après  O’Shaughnessy, 
54,5  pour  100  de  gelée  végétale  ; 45,0  d’amidon;  18,0  de  fibres  li- 
gneuses (cellulose?)  ; 4,0  de  mucilage,  et  7,5  de  sels  inorganiques. 

L’eau  froide  enlève  le  mucilage  qui,  après  une  concentration  conve- 
nable, peut  être  précipité  par  l’acétate  neutre  de  plomb.  Bouilli  pen- 
dant quelque  temps  dans  l’acide  nitrique,  ce  mucilage  produit  de  l’a- 
cide oxalique  et  des  cristaux  microscopiques  d’acide  mucique,  solubles 
dans  l’eau  bouillante  mais  se  précipitant  pendant  le  refroidissement.  En 
faisant  bouillir  une  partie  de  la  drogue  dans  400  parties  d’eau,  on 
obtient  un  liquide  épais  qui  donne  des  précipités  transparents  avec 
l’acétate  neutre  de  plomb  et  l’alcool,  comme  le  Carrageen.  Avec 
50  parties  d’eau,  il  se  produit  une  gelée  transparente,  insipide,  dépour- 
vue de  visquosité,  fournissant  de  l'acide  mucique  quand  on  la  traite  par 
l’acide  nitrique.  Les  réactifs  microchimiques  ne  révèlent  pas  dans  la 
plante  de  principes  albuminoïdes. 

Quelques  chimistes  ont  considéré  la  gelée  extraite  par  l’eau  bouillante 
comme  identique  avec  la  pectine  ; mais  cette  opinion  demande  a être 
prouvée.  Payen  (4)  la  nomme  Gelose,  et  la  trouve  composée  de  : 
carbone,  42,77;  hydrogène,  5,77,  et  oxygène,  54,45  pour  100.  La 
gomme  arabique  contient  : carbone,  42,42;  hydrogène,  6,41,  et  oxy- 
gène, 54,47  = CllH“Ou.  La  gelose  de  Payen  donne  une  consistance  gé- 
latineuse à 500  parties  d’eau.  On  l’extrait  par  1 eau  bouillante  de  la 
plante  préalablement  épuisée  à l’eau  froide  légèrement  acidulée  (2). 

(1)  Comptes  rendus  Ac.  sc.,  1859,  XLIX,  521  ; Pliarm.  Journal,  1860,  I,  470,  508. 

(2)  La  gelose,  môme  à l’état  humide,  n’est  que  peu  susceptible  de  changement,  et  la 


017 


HISTOIRE  DES  DROGUES  D'ORIGINE  VÉGÉTALE. 

Les  sels  inorganiques  du  Sphærococcus  lichenoides  consistent,  d’après 
O’Shaughnessy,  en  sulfates,  phosphates  et  chlorures  de  sodium  et  de 
calcium,  sans  iode  ni  brome.  Cette  algue  desséchee  à 100°  C.,  nous  a 
donné  9,15  pour  100  de  cendres. 

Usages.  — On  a recommandé  le  Sphærococcus  lichenoides  aromatisé  et 
sucré,  comme  médicament  adoucissant,  et  comme  aliment  léger  pour 
les  convalescents. 

Dans  l’archipel  Indien  et  en  Chine,  on  emploie  pour  faire  des  gelées, 
et  pour  un  certain  nombre  d’autres  usages,  d’immenses  quantités  de 
cette  algue  et  de  quelques  autres  espèces  (I). 

gelée  faite  par  les  Chinois  avec  le  Splierococcus  lichenoides , et  mangée  par  eux  comme 
confiture  peut  être  conservée  sans  inconvénients. 

(1)  Consultez  : Martius,  Nenes  Jahrb.  f.  Pharm,  Bd.,  IX,  Mttrs  1858.  — Cooke, 
Pharm.  Journ.,  1860,  I,  504. 


FIN  DU  TOME  SECOND. 


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TABLE  DES  MATIÈRES  DU  TOME  II. 


Composées  

Rhizome  d’Aunée . , 
Racine  de  Pyrèthre. 
Fleurs  de  Camomille 
Semen  Contra . . . 
Rhizome  d’Àrnica  . 
Fleurs  d’Arnica.  . . 
Racine  de  Pissenlit. 
Laitue  vireuse  . . . 
Lactucarium  . . . 

Lobéliées 

Lobélie  enflée  . . . 

Ericacées 

Feuilles  de  Russerole 

Ebénacées  

Fruit  de  Diospyros  . 

Styracées 

Résine  de  Benjoin  . 

Oléacées ....... 

Manne  

Huile  d’Olive  . . . 


Pages. 

1 

1 

6 

9 

13 

18 

20 

21 

26 

28 

32 

32 

33 
33 

38 

38 

40 

40 

48 

48 

61 


Apocynacées 09 

Ecorce  d’Alstonia 92 

Asclépiadacées 72 

Racine  d’Hemidesmus 72 

Ecorce  de  Mudar 74 

Feuilles  de  Tylophonr _ 79 

Racine  de  Tylophora 80 


G20 


TABLE  DES  MATIERES. 


Pages. 

Loganiacées gl 

Noix  vomiquo Si 

Fève  de  Saint-Ignace 88 

Rhizome  de  Spigélie 90 

Rhizome  et  Racine  de  Gelsemium 93 

Gentianacées 97 

Racine  de  Gentiane 97 

Chirayta loi 

Petite  Centaurée 104 

Convolvulacées 106 

Scammonée 100 

Racine  de  Scammonée 111 

Racine  de  Jalap 1 1 i 

Semences  de  Kaladana 122 

Solanacées 126 

Douce-Amère 126 

Piment . . 129 

Rhizome  et  Racine  de  Belladone.  134 

Feuilles  de  Belladone 138 

Stramoine 140 

Graines  de  Stramoine 143 

Graines  et  Feuilles  de  Datura  alba  144 

Feuilles-de  Jusquiame 146 

Feuilles  de  Tabac 130 

SCROFULARIACÉES 136 

Feuilles  de  Digitale 136 

Acanthacées 161 

Andrographis 161 

Bignoniacées 

Huile  de  Sésame 1 (|3 

Labiées 

Fleurs  de  Lavande 1®^ 

Menthe  verte * ' - 

Menthe  poivrée * ,u 

Menthe  Pouliot *8* 

Thym  vulgaire ^8~ 

Romarin ^8r> 

Mélisse ' 188 

Sauges *8!) 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Plantaginacées  

Graines  d’Ispaghula.  . 

PoLYGONACÉES 

Rhizome  de  Rhubarbe.  . . . 

Myiusticacées 

Muscade 

Beurre  de  Muscade  . . ’ 
Macis 

Laubacées  

Ecorce  de  Cannelle  . . . 
Ecorce  de  Cassia  Lignea. 

Camphre 

Ecorce  de  Bibiru.  . 
Racine  de  Sassafras.  . 

1 hyméléacées 

Ecorce  de  Mézéréon.  . . 

Elmacées 

Figues 

Mûres 

Chanvre  indien 

Charas 

Cônes  de  Houblon  . . . , 
Glandes  du  Houblon.  . . 
Ecorce  d’Orme  champêtre  . 
Ecorce  d’Orme  rouge.  . . 

Eüphorbiacées 

Gomme-résine  d’Euphorbe. 
Gi aines  de  Croton  Tiglium. 
Ecorce  de  Cascarille  . . . 
Ecorce  de  Copalchi  .... 

Graines  de  Ricin 

Kamaîa 

Pjl'ÉnACÉES 

Poivre  noir 

Poivre  blanc 

Poivre  long 

Poivre  Cubèbe 

Cubèbe  africain 

Matico 


621 

Pages. 

102 

192 

195 

195 


. 213 

. 213 

. 220 
. 222 

. 224 
. 224 

. 238 

. 249 
. 263 

. 266 

. 271 

, 271 

275 
275 
. 280 
282 
287 
291 
296 
299 
302 


304 

304 

308 

313 

317 

318 
328 


334 

334 

340 

343 

346 

352 

354 


62-2 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Aristolochiacées 

Racine  de  Serpentaire.  . . . 

Castanéacêes 

Ecorce  de  Chêne 

Galles  d’Alep 

Loranthacées  

Bois  de  Santal 

Conifères 

Térébenthine  commune  . . . 
Encens  américain  ou  commun 
Térébenthine  de  Venise  . . . 

Écorce  de  Mélèze 

Térébenthine  du  Canada.  . . 
Térébenthine  d’Alsace.  . . • 

Poix  de  Bourgogne 

Goudron  végétal 

Poix  noire 

Fruit  du  Genévrier 

Sabine 

MONOCOTYLÉDONES 

Amomacées 

Arrowroot 

Rhizome  de  Gingembre.  . 
Rhizome  de  Curcuma  . . . 
Rhizome  de  Galanga  . . . 
Fruits  de  Cardamome.  . • 
Graines  de  Paradis .... 

Orchid 

Salep 

Vanille • • • 

Iridacées  

Rhizome  d’iris 

Safran 

Palmiers 

Semences  d’Arec 

Sang-Dragon 

AnACÉES  

Rhizome  d’Acore 


Pages. 

3Ü7 

337 

360 
360 
. 361 

. 371 

. 371 

. 378 

. 378 

. 384 

. 389 

. 393 

. 394 
. 399 

. 400 

. 406 

. 412 
. 413 

. 417 

. 421 

. 421 

. 421 
. 429 

. 433 
. 440 
. . 444 
, . 436 

. . 461 
. . 461 
. . 466 

. . 471 

. . 471 
. . 477 

. . 483 
. . 483 

. . 490 

. . 496 
. . 496 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Liliacées 

Aloès 

BulBe  de  Scille 

CoLCHICACÉES 

Rhizome  de  Vératre  blanc 
Rhizome  de  Vératre  vert. 
Graines  de  Cévadille.  . . 
Bulbe  de  Colchique  . . . 
Semences  de  Colchique  . . 

Smilacées 

Racine  de  Salsepareille . 
Squine 

Graminées 

Sucre  de  Canne 

Orge  perlé 

Essence  d Andropogon  . 
Rhizome  de  Chiendent  . 

CRYPTOGAMES 

Lycopodiacées  .... 

Lycopode 

Fougères 

Rhizome  de  Fougère  mâle. 

Lichens 

Lichen  d’Islande 

Champignons.  . 

Ergot  de  Seigle 

Algues.  . , 

Chondrus  crispus  .... 
Sphærococcus  licluenoidcs.  . 


623 

Pages. 

. 600 
• 600 
. 620 

• 626 
. 626 
. 628 
. 630 

. 534 

. 538 


. 540 
. 540 

. 555 

. 558 

558 
570 
575 
580 

585 

585 

585 

580 

589 

596 

596 

601 

601 

612 

612 

615 


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• 4.  ' * 


TAELE  ANALYTIQUE. 


A 

Ariquarquarhà,  II,  6. 

Abelmoschus  esculentus,  I,  181,  183. 
Abic.s  balsamca,  II,  391,  398. 

— balsamifera , II,  398. 

— canaclensis,  II,  373. 

— excelsa,  11,100,  103,  106. 

— Larix,  II,  392. 

— pectinata,  II,  399. 

Abiétile,  II,  100. 

Abilo,  I,  278. 

Abkari- Opium,  I,  111. 

A b rus,  I,  330,  331. 

— prccatorius,  I,  330,  331,  332. 
Absinthium,  II,  14. 

Abuta,  I,  76. 

— amara,  I,  71. 

— rufescens,  I,  70,  70. 

Abutua,  I,  64,  67. 

Abutua  Una  de  Vaca,  I,  71. 

Acacia,  I,  136',  269,  428,  429,  430. 

— ægyptiaca,  I,  430,  431. 

— arabica , 1,  420,  430,  431. 

— capensis,  I,  420. 

— Catechu,  I,  433,  438. 

— clealbata,  I,  420,  432. 

— decurrens,  I,  420,  432. 

— Fistula , I,  419,,424. 

— homalophxjlla,  I,  420,  432. 

— liorrida , I,  420,  424. 

— indica,  I,  431. 

— Kraussiana,  I,  420. 

— mollissima,  I,  420,  432. 

— nilotica,  I,  420,  430,  431. 

— pycnantha,  I,  420,  432. 

— Scyal,  I,  430. 

— stenocarpa,  I,  419,  430. 

— Suma,  I,  433,  438. 

— Sundra,  I,  433. 

— tomentosa,  1,431. 

— vcra,  I,  420,  430,  431. 

— Ve.rc.ck,  I,  419,  424,  429,  430,  431. 
IIIST.  DES  DUOGUES,  T.  II. 


Acacien-Gummi,  I,  419. 
Acanthacéks,  II,  161. 

Aceite,  I,  410. 

Aceite  de  Sassafras,  II,  270. 

Acer  dasÿcarpum,  II,  567. 

— Negundo,  II,  567. 

— pensylvanicum.  II,  567. 

— saccharmum,  II,  567. 

Acétone,  II,  409. 

— méthyinonylique,  I,  247. 
Achillea  Ptarmica , II,  9. 

Açide  abiétique,  II,  383. 

— aconilique,  1, 23. 

— alocinique,  II,  516. 

— aloérésique,  II,  515. 

— aloélique,  II,  510. 

— alocrélique,  II,  515. 

— amer  du  Houblon,  II,  297. 

— anamirtique,  I,  79. 

— anémonique,  I,  32. 

— angélique,  1,  555-  11,  11,  16. 

— anthémique,  II,  12. 

— arabique,  I,  427. 

— arachique,  I,  338;  II,  64. 

— artanthique,  II,  355. 

— atropique,  II,  137. 

— bénique,  I,  136,  140. 

— benzoïque,  II,  40. 

— bibirique,  II,  265. 

— brassiquc,  I,  136. 

— campborique,  II,  256. 

— eamphrétique,  I,  569  ; II,  256. 

— carmufellique,  I,  504. 

— caryophyllinique,  I,  504. 

— catéchique,  I,  437,  592. 

— catéchu-tannique,  I,  437. 

— cathartique,  I,  394. 

— catharLogénique,  I,  395. 

— cétrarique,  11,  000. 

— cévadique.  II,  533. 

— uhélidoninique,  1, 131. 

— chélidonique,  I,  131. 

— chinovique,  I,  629,  030. 

40 


table  analytique. 


Acide  ebrysamiquo,  II,  516. 

— chrysopbaniquc,  II,  204. 

— cincho-tannique,  I,  629. 

— cinnamique,  I,  570,  486;  II,  47. 

— citridique,  I,  23. 

— columbique,  I,  61. 

— coménique,  I,  121. 

— convolvulique,  II,  118. 

— copahuvique,  I,  412. 

— crotonique.  II,  310. 

— cubébique,  II,  351. 

— cuminique,  I,  585. 

— cumique,  I,  585. 

— cyanhydrique,  I,  436. 

— élaïdique,  I,  32S. 

— élaïque,  II,  165. 

— élatérique,  I,  525. 

— élémique,  I,  283. 

— ellagique,  I,  521. 

— équisétique,  I,  23. 

— ergotique,  II,  610. 

— érucique,  I,  136,  311. 

— eugénique,  I,  40,  503,  511,  564. 

— férulaïque,  I,  564. 

— filicique,  II,  592. 

— filiosmylique,  II,  592. 

— filixolique,  II,  592. 

— fumarique,  II,  307,  600. 

— formique,  II,  592. 

— fuscosclérotinique,  II,  611. 

— gallo-tannique,  367. 

— géidinique,  I,  328. 

— gelséminique,  II,  96. 

— gentianique,  II,  99. 

— gentisique,  II,  99. 

— guaiacique,  I,  200. 

— guaiaconique,  I,  200. 

— guaiarétique,  I,  200. 

— gurgunique,  I,  173. 

— hagénique,  I,  461. 

— hyoscinique,  II,  149. 

— hypogéique,  I,  328. 

— liypopicrotoxique,  I,  79. 

— igasurique,  II,  86. 

— ipécacuanhique,  I,  647,  648. 

— ipomæique,  II,  118,  120,  124. 

— isatropique,  II,  137. 

— jalapinolique,  II,  120. 

— jalapique,  II,  120. 

— jervique. 

— kino-tannique,  I,  357. 

— lactique,  I,  121. 

— lactucique,  II,  31. 

— larixinique,  II,  394. 

— licliénique,  II,  600. 


Acide  lichénostéarique,  II,  600. 

— limcttique,  II,  188. 

— linoléique,  1,  190. 

— lobélique,  II,  34. 

— maléique,  II,  307. 

— malique,  I,  319;  II,  307. 

— mannitique,  II,  52. 

— margosique,  I,  300. 

— méconiquc,  I,  121,  125. 

— mélacopahuvique,  I,  413. 

— métacopaïvique,  I,  173. 

— 'myristique,  I,  169  ; II,  219. 

— oléique,  I,  169,  185,  328,  442,  475. 

— ophélique,  II,  103. 

— opianique,  I,  118. 

— oxalique,  II,  516,  600. 

— oxycopahuvique,  I,  413. 

— oxylinoléique,  I,  190. 

— oxysalicylique,  II,  99. 

— palmitique,  I,  328;  II,  64,  322. 

— papavérique,  I,  92. 

— paracumarique,  II,  516. 

— paraoxybeuzoïque,  II,  461. 

— parillinique,  II,  551. 

— picrique,  II,  516. 

— pinarique,  II,  383,  404. 

— pinique,  383,  404. 

— pipérique,  II,  339. 

— polygalique,  I,  151. 

— protocatéchique,  I,  314  ; II,  46,  469. 

— ptéri-tannique,  II,  592. 

— punico-tannique,  I,  521 

— pyrocatéchique,  I,  357. 

— pyroligneux  impur,  II,  400. 

— quarténylique,  II,  310. 

— querci-tannique,  II,  361. 

— quinique,  I,  629. 

— quinovique,  I,  593,  629,  630. 

— rhabarbique,  II,  204. 

— rhéo-tannique,  II,  205. 

— rheumique,  II,  205. 

— rliœadique,  I,  92. 

— rhatanbia-tannique,  I,  155. 

— ricinélaïdique,  II,  323. 

— ricinoléique,  II,  322. 

— rutinique,  1/246. 

— rutique,  I,  246. 

— sabadillique,  II,  533. 

— salicylique,  I,  503. 

— santalique,  I,  365. 

— santoninique,  II,  17. 

— santonique,  II,  17. 

— sclérotinique,  II,  619. 

— sinapique,  I,  141. 

— sinapoléique,  I,  136. 


G27 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Acide  stéarique,  I,  169. 

— stéarophanique,  I,  79. 

— strychnique,  II,  86. 

— styphnique,  I,  869. 

— sumbulamique,  I,  888. 

— sumbulique,  I,  388. 

— sumbulolique,  I,  888. 

— sylvique,  II,  383,  404. 

— tannaspidiquc,  11,391. 

— téreplitalique,  II,  188. 

— Uiébolactique,  I,  121. 

— tiglinique,  II,  310. 

— tropique,  II,  137. 

— valérianique,  I,  639. 

— vanillique,  II,  469. 

— vératrique,  II,  533. 

— virgi nique,  I,  132. 
Aeolycline,  I,  19. 

Aconella,  I,  19,  23. 

Aconine,  II,  499. 

Aconit,  I,  1 4. 

Aconit  féroce,  I,  26. 

Aconite  Leaves,  I,  22. 

— Root,  I,  14. 

— indian,  I,  24. 

— Népal,  I,  24. 

Aconit  Napel,  I,  22,  23. 

Aconitine,  I,  16,  17. 

— anglaise,  I,  17. 

— cristalline,  I,  18. 
Aconitum , I,  13,  14,  20,  27. 

— Anthora,  I,  20. 

— Cammanm,  I,  20. 

— ferox , I,  24,  25,  27. 

— heterophyllum,  I,  27. 

— japonicum,  I,  21,  27. 

— luridum , I,  24. 

— Lgcoctotum,  1, 19. 

— Napellus,  I,  14,  20. 

— palmatum,  1,24. 

— panicidatwn,  I,  20. 

— Storkcamm,  1,  20. 

— uncinatum,  I,  24. 

— variegatum,  I,  20. 
Acore  odorant  ou  vrai,  II,  495. 
Acorine,  II,  499. 

Acoron,  II,  497. 

Acorus,  II,  499. 

— Calamus , II,  496,  500. 
Acrinylc  (sulfocyanate  d’),  I,  140. 
Actæa , I,  3. 

— racemosa,  I,  29,  31. 

— spicnta,  1,  4,  29,  30. 
Adragantbine,  I,  351. 

Ægle,  I,  236. 


Ægle  Marmelos,  I,  233,  234,  236. 
Æsculine,  II,  53. 

Ætliusa  Cynapium,  I,  537. 

Ættrgy,  I,  469. 

Alüum,  I,  106. 

Africain  or  Gambia-Kino,  I,  359. 

Afyun,  I,  98. 

Agapanthus  umbellatus,  II,  522. 

Agciricus  Oreades , I,  449. 

Ag'i,  II,  130. 

Agropyrum , II,  582. 

— acutum , II,  582. 

— junceum > II,  382. 

— pungens,  II,  582. 

— rcpens,  580.  583. 

Aguason,  II,  88. 

Ajava  Seeds,  I,  542. 

Ajowau,  I,  542. 

Ajvân,  I,  542. 

Akulkara,  II,  6. 

Alantwurzel,  II,  1. 

Alcaraliueya,  I,  546. 

Alcool  benzoïque,  I,  487. 

— méthylique,  II,  408. 

Aldéhyde  cinnamique,  II,  234. 

Aleppo  or  Turkey  Galls,  II,  364. 

Aleurone,  I,  584;  II,  326. 

Alfovaca  de  Cobra,  I,  257. 

Algues,  II,  612. 

Alga  marina,  II,  614. 

— zeylanica,  II,  615. 

Alhagi  Camelorum,  II,  35. 

All-Spice,  I,  508,  509. 

Allyle  (cyanure  d’),  I. 

— (sulphocyanure  d’),  I. 

Almond  Légumine,I,  442. 

Aloe,  II,  500,  501,  517. 

— abyssinica,  II,  501. 

— africana,  II,  501,  502,  518. 

— arborescens , II,  502,  505. 

— bctrbadensis,  II,  501. 

— Commclyni,  II,  502,  519. 

— ferox,  II,  501,  507,  508,  510. 

— indica , II,  501. 

— linguæformis , II,  502. 

— littoralis,  II,  501. 

— mitræformn,  II,  505. 

— officinalis,  II,  501. 

— per  foliota,  II,  501. 

— plicatilis,  II,  502,  519. 

— purpurescens,  II,  502,  519. 

— rubescens,  II,  501. 

— socotriiia  II,  501,  505,  511  518,  519 
— Spica,  II,  501,  505. 

— vcra,  II,  517. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Aloc  vulgaris,  II,  SOI,  SOS,  Sl8. 
Aloérétine,  II,  SIG, 

Aloès,  II,  S00. 

Aloès  de  Barbados.  II,  S10. 

— de  Bombay,  U,  509. 

— de  Curaçao,  II,  501,  510. 

— de  Moka,  II,  501,  510. 

— de  Natal,  II,  511. 

— de  Zanzibar,  II,  509. 

— des  Indes  orientales,  II,  507. 

— du  Cap,  II,  502,  510. 

— hépatique,  II,  508,  509. 

— liquide,  II,  509. 

— socotrin,  II,  501,  509,  509. 
Aloétiue,  II,  515. 

Aloïne,  II,  513. 

Aloïsol,  II,  51G. 

Aloxantbine,  II,  516. 

Alpha-résine  de  Mastic,  I,  292,  29G. 
Alphita,  II,  83. 

Alpinia,  II,  443. 

— Cardamomum,  II,  444. 

— Galanga,  II,  442,  443. 

— officinarurn , II,  440,  443. 

Alstonia,  II,  71,  72. 

— cons  trie  ta,  II,  70. 

— scholaris,  II,  G9,  70,  71. 

Alstonia  Bark,  II,  69. 

Althæa,  I,  178,  181,  183  ; II,  331. 

— officinalis,  I,  176,  178,  179,  208. 

— rosca , I,  179. 

Altingia  excelsa,  I,  483;  492. 

Amandalarii,  I,  440. 

Amandes  amères,  I,  445. 

Amandes  de  Barbarie,  I,  441,  445. 
Amandes  douces,  I,  439. 

Amandes  de  France,  I,  448. 

— de  Sicile,  I,  441,  445. 

— de  Valence,  I,  441. 

Amandier  amer,  I,  444,  44S. 

— des  dames  ou  Coquemolle,  I. 

144. 

— à gros  fruits,  I,  445. 

— Pêcher,  I,  445. 

— à petits  fruits  ou  Amandes 

douces,  I,  444. 

— Pistache,  I,  445. 

— Sultane,  I,  445. 

Amandine,  I,  442. 

Amer  d'Aloôs,  II,  515. 

— de  Gentiane,  II,  98. 

— de  Rhubarbe,  II,  204. 

American  Wbite  llellebore,  II,  528. 
Amidon,  II,  424,  425,  427. 

— de  Canna,  II,  427. 


Amidon  de  Curcuma,  II,  428. 

— de  Lichen,  II,  599. 

— de  Pommes  de  terre,  II,  427. 

— de  Tolomane,  II,  427. 

— de  Toulema,  II,  427. 

— de  Tous  les  mois,  II,  427. 

Ammi,  I,  545. 

— Copticum,  I,  542,  544,  545. 

— majus,  I,  544. 

— perpusillum,  I,  542. 

Ammoniac,  I,  571. 

Ammoniacum  or  Gum  Ammoniacum,  I, 
571. 

— Suffimen,  I,  572. 

— Thymiama,  I,  572. 

Ammoniak-Gummibarz,  I,  571. 
Ammoniaque,  I,  571. 

Amome,  I,  509. 

Amomacées,  II,  421. 

Amomum,  II,  455. 

— aromalicum,  II,  452. 

— Cardamomum,  II,  455,  450. 

— genumum,  II,  450. 

— Granum  Pardisi,  II,  458. 

— Korarima,  II,  454. 

— maximum,  II,  453,  456. 

— Mclcgueta,  II,  456,  460. 

— subutatum,  II,  453,  456. 

— xantliioides , II,  451,  456. 

— Zingiber,  II,  429. 

Amomum  verum,  II,  450. 

Ampélidées,  I,  309. 

Ampélopsis  hederacea,  I,  35S. 

Amygdalæ  amaræ,  I,  445. 

— dulces,  I,  439. 

Amygdali  amari,  I,  440. 

Amygdaline,  I,  446,  454,  456. 
Amygdalophora,  I,  443. 

Amygdalus,  I,  443. 

— commuais , I,  439,  44  4,  445. 
Amylum  Maranlæ,  II,  421. 

Amyrine,  I,  281,  283. 

Amyris,  I,  277. 

— altissima,  I,  286. 

— ambrosiaca,  1,  286. 

— Canara,  I,  287. 

— elemifera,  I,  283. 

— guianensis,  I,  286. 

— Kataf,  I,  276. 

— papyracca,  I,  267. 

Anacyclus,  II,  8. 

— officinarurn,  II,  8. 

— Pyrethrum,  II,  G,  8. 

Anamirta,  I,  77,  79. 

— Cocculus,  I,  76,  79,  80. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Ananto-mül,  II,  72. 

Andirova  (huile  d’).  I,  409. 

Andrographis,  II,  102. 

— paniculata,  II,  161,  102. 
Andropogùn,  I,  475,575,  580. 

— Calamus  aromaticus,  II,  595. 

— citratum,  II,  575. 

v citratus,  II,  575. 

— laniger,  II,  579. 

— Martini,  II,  575. 

— muricatus,  II,  579. 

— Nardils,  II,  575. 

— pachnocles,  II,  575, 

— Schœnanthus,  I,  II,  575 

Anémones,  I,  31. 

Anémone,  I,  31. 

— montand,  I,  32. 

— nemorosa,  I,  32. 

— pratensis,  I,  32. 

— Pulsatilla,  I,  31. 

Anémonine,  I,  32. 

Anéthol,  I,  539,  552. 

Anetlium,  I,  570,  577. 

— Fœniculum,  I,  537,  5 VI. 

— graveolens,  I,  570,  577,  578. 

— Segetum,  I,  577. 

— Sowa,  I,  577. 

Angelica,  I,  508. 

Angéline,  I,  150. 

Angostura  Bark,  I,  201. 

Angostura-Rinde,  I,  201. 

Angüsa,  I,  558. 

Angusture  vraie,  I,  57. 

Animi,  I,  279,  285. 

Anis,  I,  550. 

— chinois,  I,  54. 

— de  Sibérie,  I,  152. 

— étranger,  I,  547. 

— vert,  I,  550. 

Anis  étoilé,  I,  51 , 55. 

Anise,  I,  550. 

Aniseed,  I,  550. 

Anisium,  I,  550. 

Anisum  officinale,  I,  553. 

Antamul,  II,  79. 

Anthémis,  II,  12. 

— nobilis,  II,  9,  13. 

Anthophylle,  I,  500. 

Anthophylli,  I,  506. 

Anthracène,  II,  410. 

Anthriscus  vulgaris , I,  537. 

Antiaris  toxicària,  II,  71. 

Aphis  chinensis,  II,  309. 

— Pistaciæ,  I.  295. 

Apocodéinc,  I,  119. 


029 

Apocynacées,  II,  69. 

Apomorphiue,  I,  119. 

Aporétine,  II,  205. 

Aqua  ardens,  II,  379. 

— Auranlii  florum,  I,  229. 

— Lauro-Cerasi,  I,  457. 

— Naphæ,  I,  229. 

— Picis,  II,  410. 

— Pimentæ,  I,  511 . 

Aquilaria  AgaUocha,  II,  500. 

Arabine,  I,  427. 

Arabisches  Gummi,  I,  419. 

Ahacéics,  II,  496. 

Arachides,  I,  326. 

Arachis  oil,  I,  320. 

Arachis,  I,  329. 

— hypogæa,  I,  329,  330. 

Araco  nromatico,  II,  466. 

Araignée,  I,  35. 

Araruta,  II,  422. 

Arbol  a brca,  I,  278. 

— de  la  brea,  I,  280. 

Arbre  à la  Poix,  II,  278. 

Arbutine,  II,  36. 

Arbutus,  II,  37. 

— Uva-Ursi,  II,  35,  38. 
Arctostaphylos,  11,37. 

— Uva-Ursi,  II,  35. 

Arctuvine,  II,  36. 

Areca,  II,  489. 

— Catechu,  I,  438;  II,  485,  489. 

Areca  Nuts,  II,  485. 

Arekanüsse,  II,  485. 

Arenga  saccharifera,  II,  567. 

Argel,  I,  396. 

Argemone,  I,  130. 

— mexicana,  I,  131. 

Aricine,  I,  023. 

Aristolociiiacées,  II,  357. 

Aristolochia,  II,  357,  359. 

— reticulata,  II,  359. 

— Serpentaria,  II,  359. 

Aristolochine,  II,  358. 

Arnieniaca,  I,  443. 

Armoises,  II,  18. 

Armon,  I,  142. 

Armoraeia,  I,  142. 

Arnica,  II,  21. 

— angustifolia,  II,  18. 

— montana,  II,  18,  20,  21. 

Arnica  Root,  II,  18. 

— YVurzel,  II,  18. 

Arnicine,  II,  19. 

Aromata  inincensum,  I,  262. 

Arosine,  II,  137. 


030 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Arrowroot,  II,  421. 

Arrowroot  des  Bermudes,  II,  420. 

— de  Natal,  II,  426. 

— de  Saint, -Vincent,  II,  426. 

— des  Indes  orientales,  11,  428. 
Artanthc,  II,  356. 

— adunca,  II,  350. 

— elongata,  II,  354. 

— lanccæ folia,  II,  350. 

Artemisia,  II,  18. 

— Cina,  II,  14. 

— Lercheana,  II,  13. 

— maritima,  II,  13. 

— mariiima  Stc/nnamiiana , II, 

18. 

Artocarpus  incisa,  I,  592, 

Aru-Aru,  II,  422. 

Arundo  Ampelodesmos,  II,  612. 
Asa-fœtida,  1,  556. 

Asa  fœtida  disgunensis,  I,  558,  565. 
Asa-fretida  nauséeuse,  I,  563. 

Asagræa,  II,  533. 

— of/xcinalis , II,  530,  534. 

Asant,,  I,  556. 

Asclépiadacèes,  II,  72. 

Asclépios  asthmaticd,  II,  79. 

— gigantea,  II,  75. 

— pseudo-sarza,  II,  72. 
Asparagine,  I,  177,  319,  443;  II,  139,  582. 
Asparagus  sarmentosus,  I,  28. 

Aspartate  d’ammonium,  I,  278. 

Aspidine,  II,  592. 

Aspidium,  II,  593. 

— Filix-mas,  II,  589,  593. 

— Oreoptcris,  II,  592. 

spimdosum , II,  592. 

Asplénium  Filix-femina,  II,  592. 

Assa  fætida,  I,  556. 

Assamar,  II,  409. 

Astaphis  agria,  I,  10. 

Astragales,  I,  352. 

Astragalus,  I,  346,  352. 

— adscendens,  I,  346,352,11,50. 

— Doissieri,  I,  354. 

— bracbycalix,  I,  346,  353. 

— creticus,  I,  353,  354. 

— cylleneus , I,  347,  353. 

— denudatus,  I,  353. 

— eriocaulos,  I,  353. 

— eriostylus , I,  350. 

— flomlentus,  II,  56. 

— gummifer , I,  346,  348,  353. 

— kurdicus , I,  347,  353. 

— microeephalus,  I,  346,  347, 

.353. 


Astragalus  nudatus,  I,  353. 

— pycnocladus,  I,  347.  353. 

— pycnophyllus,  I,  353. 

— stromatodcs,  I,  347,  353. 

— verus,  I,  353,  354. 
Atar-Jelianghiri,  I,  470. 

Atees,  I,  27. 

Atis,  I,  27,  28. 

Atisine,  I,  28. 

Ativisha,  I,  24. 

Atraphaxis  spinosa,  II,  56. 

Atropa,  II,  137. 

— Belladona,  II,  134. 

Atropine,  II,  130,  139. 

Atrosine,  II,  137. 

Attar  of  Rose,  I,  468. 

Aunée,  II,  1 , 5. 

Aune  noir,  I,  308. . 

Aurantiine,  I,  215. 

Avellanæ  gra;cæ,  I,  439. 

Azadirachta  indica,  I,  298. 

B 

Babunah,  II,  12. 

Babul  ou  Babur,  I,  420. 

Baccæ  Juniperi,  II,  413. 

— Mori,  II,  280. 

— Spinæ  Cervinæ,  I,  304. 

Bachhnâ,  I,  26. 

Bactyrilobium  Fistida,  398. 

Badiane,  I,  51. 

Bàdiyâne  Khatâi,  I,  54, 

Bael,  I,  233. 

— Fruit,  I,  233. 

Baies  de  Genévrier,  II,  413. 

— de  Nerprun,  I,  304. 

Baldrian  Wurzel,  I,  650. 

Baliospermum  montanum,  II,  311. 
Balisier,  II,  427. 

Balsam  Fir,  II,  394. 

— of  Copaiba,  I,  407. 

— of  Peru,  I,  372. 

— ofTolu,  I,  367. 

Balsamea,  I,  275,  286,  362. 

— Opobalsamum,  I,  276. 
Balsamo,  I,  410. 

— blanco,  I,  380. 

Balsamodendron , I,  275,  II,  395. 

— Ehrenbergianum,  1, 276. 

— Gileadense,  I,  276. 

— Kataf,  I,  276. 

— Myrr/id,  I,  269,  271, 

276,  277. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Balsamodendron  Opobalsamum , I,  269, 
276. 

Balsaraum,  I,  379. 

— album,  I,  409, 

— canadense,  II,  394. 

— Copaiba,  I,  407. 

— Capivi,  I,  409. 

— Diptcrocarpi,  I,  170. 

— Gurjunæ,  I,  170. 

— hispanicum,  I,  367. 

— indicum,  I,  367, 

_ — album,  1, 367. 

_ — nigrum,  I,  372. 

— Meutbæ,  II,  173. 

— Nucistæ,  II,  220. 

— peruvianum,  I,  267,372,375. 

— siccum,  I,  367. 

— Styracis,  I,  481. 

— Tolutanum,  I,  367,  368. 

Bâmiyab,  I,  182. 

Bankesiü  abyssinien,  I,  462. 

Barbaloïne,  II,  513,  515. 

Barberry  Bark,  I,  33. 

Barbotine,  II,  13. 

Bllrentraubenbliitter,  II,  35. 

Bilrlappsamen,  II,  585. 

Barley,  II,  570. 

Barosma,  I,  206,  208,  210. 

— betulina,  1,  206,  207,  208,  211. 

— crenata,  I,  206. 

— crenulata,  206,  207,  208,  209, 

210. 

— Ecklonianci,  I,  210. 

— serratifolia,  1,  206,  207,  208, 

210. 

Barracco,  II,  324. 

Barras,  II,  381,  384. 

Bassora  Gum,  1,  352. 

Bassorine,  I,  351. 

Baslard  Cortex  Winleranus,  I,  46. 

— Dittany,  I,  248. 

Batatas  Jalapa,  II,  115. 

Baume  du  Canada,  II,  394. 

— de  copahu,  I,  407. 

Baume  Capivi  de  l’Inde  orientale,  I,  174. 
Baume  de  Diphtérocarpe,  I,  170. 

Baume  de  Gilead,  II,  395. 

— de  Gurjun,  I,  414. 

Baume  du  Pérou,  I,  372. 

Baume  de  San  Salvador,  1,  372. 

Baume  de  Tolu,  I,  367. 

Baumol,  II,  61. 

Bazghanj,  II,  370. 

Bazrequatûnii,  II,  193. 

Bearberry  Leaves,  II,  35. 


631 

Bébéérine,  II,  264 . 

Bebeeru  Bark,  II,  263. 

Bébirine,  II,  205. 

Beijoim,  II,  42. 

Bêla,  I,  234. 

Beli,  I,  234. 

Belladonine,  II,  137. 

Belladonna  Leaves,  II,  13S. 

— Root,  II,  134. 

— ' YVurzel,  II,  134. 

Belly  Benzoin,  II,  43. 

Benne  Oil,  II,  16. 

Bondi  Kai,  I,  181. 

Bengal  Quince,  I,  233. 

Benjamin,  II,  41. 

Benjawi,  II,  41. 

Benjoin,  II,  40. 

— de  Penang,  II,  45. 

— de  Siam,  II,  43,  44,  45. 

— de  Sumatra,  II,  44,  45. 

Benjui,  II,  41. 

Benné  oil,  II,  163. 

Benzoë,  II,  41. 

Benzoëharz,  II,  40. 

Benzoin,  II,  40, 

Benzoin,  II,  41. 

Benzoïnum,  II,  40. 

Benzui,  II,  41,  42. 

Berbéridacées,  I,  84. 

Berbérine,  I,  9,  61,  71.  86,  90. 

Berbcris,  I,  84,  85,  80. 

— arista,  I,  84,  86,  87. 

— asiatica,  I,  84,  86,  87. 

— Lycium,  I 84,  87. 

— vulgaris , I,  S6,  522. 
Bergamottôl,  I,  222. 

Bergaptftne,  I,  221,  225. 

Bertramwurzel,  II,  6. 

Besenginster,  I,  312. 

Beta-maritima,  II,  566. 

Bcta-Résine  de  Mastic,  II,  292. 
Beta-Quinine,  I,  623. 

Betelnilsse,  II,  485. 

Betelnut,  II,  485,  489. 

Betula  alba,  II,  412. 

Beurre  de  Cacao,  I,  184. 

Beurre  de  Muscade,  II,  218,  220. 
Bevilacqua,  I,  530. 

Bhang,  II,  284,  285,  286,  288. 

B’anhgâ,  II,  283. 

Bhesabol,  1,  274. 

Bibirine,  I,  67;  II,  265. 

Bibiru,  I,  67,  IJ,  263. 

— Bark,  II,  263. 

Bignontacées,  II,  163. 


632 


TABLE 

Biliydralo  de  Cajuputène,  1, 4 93. 

Bikli,  I,  24. 

Bîlack,  I,  234 . 

— Tellor,  I,  234. 

Bilsenkraut,  II,  140. 

Bilva,  I,  234. 

Bis,  I,  24,  20. 

Bish,  I,  17.  24,  23,  26. 

Bishop’s  Weed,  I,  542. 

Bissa-Bôl,  I,  274,  275. 

Bitter  Almonds,  I,  445. 

— Apple,  I,  526. 

— Asli,  I,  237. 

Biltore  Mandein,  I,  445. 

Bitter  Orange  Peel,  220. 

— Simaruba,  I,  243. 

— Swet,  II,  126. 

— Vood,  I,  236,  237. 

Bittcrsüss,  II,  126. 

Bixacées,  I,  146. 

Black  Mustard,  1, 132. 

— Catecliu,  I,  433. 

— Coliosh,  I,  29. 

— Hellebore  Root,  I,  I. 

— Rosin,  II,  382. 

— snake-root,  I,  29,  30. 

— Pepper,  II,  334. 

Bitch,  II,  412. 

Blauholz,  I,  384. 

Blocshornsamen,  I,  342. 

Blockwood,  I,  3 84. 

Blood  Hilder,  I,  580. 

Blumea,  II,  263. 

— balsamifera,  II,  260,  263. 
Bocconia , I,  132. 

Bocksbornsamen,  I,  342. 

Boigue  Cinnamomifera,  I,  43. 

Bois  amer,  I,  236,  237,  239. 

Bois  de  Campêche,  I,  384. 

Bois  de  Gayac,  I,  194. 

Bois  d’Encens,  I,  286. 

Bois  de  Quassia,  I,  236. 

Bois  de  Quassia  de  la  Jamaïque,  I,  236. 
Bois  de  Santal,  II,  371. 

Bois  de  Santal  blanc,  II,  372,  373. 

— de  Santal  citrin,  II,  371. 

— de  Santal  jaune,  II,  372,  373. 

Bois  de  Santal  rouge,  II,  363.  372,  373. 
Bois  de  Violette,  I,  432. 

— des  Fièvres,  I,  000. 

— d’Inde,  I,  384. 

— du  Brésil,  I,  388. 

Bokara  Ga!  1s,  II,  370. 

Bol,  I,  270. 

Bola,  I,  270. 


ANALYTIQUE. 

Bonduc  Seeds,  I,  380. 

Bonplandia  tri  foliota,  I,  201. 

Borassua  flabelliformis,  II,  567. 

Bornéo!,  I,  659,  II,  259. 

Bourgène,  I,  308. 

Bourg-épine,  I,  307. 

Bourgeons  de  Cassia,  II,  240. 

Boridshcb,  I,  506. 

Boswellia,  I,  529,260,  266,  268,  277,  285, 
280,  287,  362. 

— Bhaudajiana,  I,  260,  207. 

— Carterii,  I,  200,  206,  267,  268- 

— Frereana,  I,  260,  279,  285,  287. 

— glabra,  260 . 

— mauritiana,  I,  287. 

— papy  ri  fera,  I,  260,  267,  268. 

— sacra,  I,  260. 

— serrata,  I,  260. 

— tliurifera , I,  260,  268. 

Botryopsis  platyphylla,  I,  63. 

Brassica,  I.  137. 

— alba,  1,  132,  137,  138,  139,  141. 

— juncea,  I,  137. 

— nigra,  I,  132,  137,  138,  139. 
Brasiline,  I,  388. 

Brauerpech,  II,  405. 

Brayera  anthelminthica,  I,  458,  462. 
Brazil  Wood,  I,  388. 

BrechUilsse,  II,  81. 

Brechwurzel,  I,  641. 

Bréidine,  I,  282,  283. 

Bréine,  I,  282. 

Brindonia  indica,  I,  167,  169. 

Bromaloïne,  II,  153. 

Broom  Tops,  I,  312. 

Brucea  ferruginea,  II,  85. 

Brucine,  II,  84,  85,  90. 

Bruslbeere,  I,  308. 

Bryoïdine,  I,  282,  283. 

Bubon  Galbanum,  I,  565. 

Bûcha,  Buka  Leaves,  I,  206. 

Buchu  ou  Bucchu  Leaves,  I,  206. 
Bucklandia,  I,  490. 

Buckthorn  Berries,  I,  304. 

Buena,  I,  622. 

— hexandra,  I,  623. 

— magni folia,  I,  630. 

Bugbane,  I,  29. 

Buka  Leaves,  I,  206. 

Bukublâtter,  I,  206. 

Bulbe  il  gratter,  II,  523. 

Bulbe  de  Colchique,  II,  534. 

Bulbe  de  Scille,  II,  520. 

Bulbus  Colchici,  11,534. 

— Scillæ,  II,  520. 


G33 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Bunduk,  I,  380,  3S1. 

— Hindi,  I,  381. 

Burgony  Pitch,  II,  AOO. 

Barsera,  I,  277,  27S,  286,  287. 

— paniculata,  I,  287. 
Busch-Anérhone,  I,  32. 

Busserole,  II,  35,  36. 

Butea,  I,  359,  362. 

— frondosa,  ,1,  358,  359,  362,  363. 

— superba,  I,  359,  363. 

— parviflora,  I,  357,  363. 

Bulea  Gum,  I,  358. 

— Kino,  I,  358. 

Butua,  I,  64. 

Bulyrum  Cacao,  I,  184. 

Buxine,  I.  67  ; II,  265. 

Buxus  sempervirens,  I,  67,  522  ; II,  265. 
Bysabole,  I,  274. 

C 

Caapeba,  I,  65. 

Cabbage  Rose,  I,  466. 

Cabriuva  Prêta,  I,  379. 

Cabueriba,  I,  379. 

Caburo-Iba,  I,  379. 

Cacao  Butter,  I,  184. 

— Lagarto,  I,  186. 

Cacaotalg,  I,  184. 

Cachou,  I,  433,  434,  589,  590,  593. 

Cachou  brun  ou  noir,  I,  433. 

— de  la  Noix  d’Arec,  I,  438 

— jaune,  I,  589. 

Cacumina  Sabinæ,  II,  417. 

— Scoparii,  I,  312. 

Cæsalpillia,  I,  383,  388. 

— Bonduc , I,  380. 

— Bonducella,  I,  380,  381,  383. 

— echinata,  I,  569. 

— Sappan,  I,  388,  569. 

Cafotin,  II,  560. 

Cajeputôl,  I,  493. 

Cajuputène,  I,  495. 

Cajuputol,  I,  495. 

Calabar  Beau,  I,  335. 

Calabarine,  339. 

Catamus,  II,  495,  496,  497,  500. 

— Draco,  II,  490,  495. 

Calamus  Alexandrinus,  11,  497. 

— aromaticus,  II,  101,  496,  497. 
Calatropis,  II,  74,  77,  78. 

— rjigantca,  II,  75,  76,  77,  78. 

— Hamiltonii,  II,  75. 

— procura , II,  75,  76,  77,  78. 
Calendula,  II,  483. 


Calisaya  Bark,  I,  614 . 

— alta,  I,  598. 

— blanca,  I,  598. 

— Vcrde,  I,  598. 

— Zamba,  I,  598. 

— de  Bolivie,  I,  615,  019/ 
plat. 

— en  tubes,  I,  615. 

Calluna,  II,  37. 

Calumba,  I,  59. 

— Root,  I,  58. 

Cambogia,  I,  160. 

Cambogium,  I,  161. 

Camomille  romaine,  Ii,  9. 

Campeachy,  1,  387. 

Campecheholz,  I,  384. 

Campher,  II,  249. 

Campbor,  II,  249. 

Camphorct,  II,  261. 

— officinarum , II,  261. 
Camphre,  II,  249. 

Camphre  d’anis,  I,  539,  552. 

— d’Aunée,  II,  3. 

— de  Barosma,  I,  209. 

— de  Barus,  II,  258. 

— de  Bergamote,  I,  225. 

— do  Blumea,  II,  260. 

— . de  Bornéo,  II,  25S. 

— de  Chine,  II,  257. 

— de  Cubèbe,  II,  350. 

— de  Dryobalanops,  II,  258. 

— de  Formose,  II,  257. 

— d’iris,  II,  475. 

— de  Menthe,  II,  177. 

— du  Japon,  II,  257. 

— de  Néroli,  I,  230, 

— de  Ngaï,  II,  260. 

— de  Tabac,  II,  153 . 

— de  Thym,  II,  183. 

— Malais,  II,  258. 

Canadian  Balsam,  II,  394. 

— Turpenthine,  II,  394. 
Canafistula  de  Purgar,  I,  401. 
Canarium,  I,  277,  280. 

— brunneum , I,  278. 

Candy,  II,  559. 

Canefice,  I,  398. 

Canella,  I,  41,  42,  51. 

— alba,  I,  37,  38,  41,  46,  47,  503. 
Canella  alba  Bark,  I,  37. 

— Bark,  1,  37. 

Canellacées,  I,  41. 

Canella  Rinde,  -I,  37. 

Canelline,  I,  40. 

Cane  Sugar.  II,  558. 


table  analytique. 


Canime,  I,  411. 

Canlara,  II,  88. 

Cannabène,  II,  280. 

Cannabis , II,  289. 

— indica,  II,  282,  283. 

— saliva,  II,  282,  283,  289. 
Canna  indica,  II,  421. 

Canne  de  Batavia,  II,  558. 

— de  Bourbon,  II,  858. 

— de  Pays,  II,  558. 

— de  Taïti,  II,  558. 

— rouge,  II,  558. 

Cannella  trista,  II,  228. 

Cannelle  blanche,  I,  37. 

— de  Ceylan,  II,  224. 

— de  Chine,  11,227,238,  242,244. 

— de  Malabar,  II,  232. 

— de  Tellicherry,  II,  232. 

— de  Tinnevelly,  II,  232. 

Canutillos,  I,  609. 

Canutos,  I,  606. 

Capey-Barbados,  II,  510. 

Capnomor,  II,  409. 

Capparis,  I,  136. 

Caprifouacées,  I,  586. 

Capsaïciue,  II,  133. 

Capsicine,  II,  132. 

Capsicum,  II,  129,  132,  134. 

— annuum,  II,  130, 131,  134. 

— fastigiatmn , il,  129,  131,  132. 

— grossnm,  II,  130. 

— longum , II.  130. 

— minimum,  II,  129. 

Capsulas  Hibisci  esculenti,  I,  181. 

Capsulas  Papaveris,  I,  94. 

Capsules  de  Pavot,  I,  94. 

Caqueta  Bark,  I,  6 J 6. 

Caramel,  II,  566. 

Caramélane,  II,  566. 

Carapa  Guianensis,  I,  409. 

Caraway,  I,  545. 

— Carui,  I,  545. 

— d’Andalousie,  I,  547. 

— de  Perse,  I,  547. 

— Fruits,  I,  545. 

— Seeds,  I,  545. 

Carcôm,  II,  477. 

Caretti,  I,  381. 

Cardamome,  II,  444. 

— bâtard  de  Birma  ou  de  Siam, 

II,  451. 

— court,  II,  448. 

— court-long,  II,  448. 

— d’Aleppy,  II,  448. 

— de  Ceylan,  II,  448. 


Cardamome  de  Java,  II,  453. 

— de  Korarima,  I,  454. 

— de  Madras,  II,  448. 

— do  Sibérie,  I,  52. 

. — du  Bengale,  II,  452. 

— du  Malabar,  II,  448. 

— du  Népaul,  II,  452. 

— en  grappes,  II,  450. 

— épineux,  II,  451 . 

— Rond,  I,  509, 450. 

— sauvage,  II,  451. 
Cardamom  seeds,  II,  452. 
Cardamomen,  II,  444. 

Cardamomum  majus,  II,  454. 

— siberiense,  I,  25. 

Carex  armada,  II,  582. 

Carica,  II,  276. 

Caricæ,  II,  275,  276. 

Carpobalsamum,  1,  509. 

Carolina  Pink  Root,  II,  90. 

Carony  Bark,  I,  201. 

Carrageen,  II,  612. 

Carum,  I,  549. 

— Carvi,  I,  545,  546,  550. 

— Ridolfia,  I,  577. 

Carvène,  1,  548. 

Carvi  allemand,  I,  547. 

— anglais,  I,  547. 

— hollandais,  I,  547. 

— de  Mogador,  547. 

Carvol,  I,  548,  578. 

Caryophylli,  I,  498. 

Caryophylline,  I,  504. 

Caryophyllon,  1,  499. 

Caryophyllum  regium,  I,  506. 
Caryophyllus  aromaiicus,  I,  498,  507. 
Caryophyllus  Ater,  I,  499. 

Caryota  urens,  II,  567. 

Cascarilla,  II,  313. 

— amarilla,  I,  613. 

— Bark,  II,  313,  214,  622. 

— blanca,  I,  613. 

— colorada  ou  roja,  I,  613. 

— del  Angostura,  I,  202. 

— del  Pajonal,  I,  597. 

— morada,  I,  598. 

— ■ naraujada,  I,  113. 

— negrilla,  I,  615. 

Cascarilline,  II,  315. 

Cascarill-Rindc,  II,  313. 

Caséine  végétale,  I,  443. 

Casse,  I,  398. 

Cassia,  I,  389,  397,  39S,  402  j II,  226,  3S3, 
240. 

— acuti/'olia,  I,  389,  392. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Cassia  alba,  I,  38. 

— angustifolia,  I,  390,  391,  393. 

— brasiliana,  I,  401. 

— elongata,  I,  390. 

— Fistula,  I,  398,  399,  401. 

— fistularis,  I,  399 ; II,  240. 

— grandis,  I,  401. 

— lanceolata,  I,  389,  390. 

— lenitiva,  I,  389. 

— moscliata , I,  401. 

— obovata,  I,  391,  392. 

— Senna,  I.  389. 

— turiana,  II,  240. 

— Syrinx,  II.  240,  243. 

— vera,  II,  235. 

Cassia  Bark,  II,  238. 

— Buds,  II,  246. 

— de  Chine,  II,  235. 

— in  Canna,  I,  399. 

— lignea,  II,  238,  240,  243. 

— lignea  de  Chine,  II,  227,  241,  243. 

— sauvage,  II,  243. 

— lignea  jamaicensis,  I,  38.  , 

Castor,  II,  320. 

— Oil,  II,  322. 

— Oil  Seeds,  II,  318. 

Catéchine,  I,  437,  532. 

Catalooga,  II,  88. 

Catechu,  I,  433,  434,  438. 

— nigrum,  I,  433. 

— pallidum,  I,  589. 

Catécliurétine,  I,  437. 

Catharticum  aureum,  1,  161. 
Cathartocarpus,  I,  397,  402. 

— Fistula,  I,  398. 
Cathartomannite,  I,  395. 

Caules  Dulcamaræ,  II,  126. 

Caulis  Tinosporæ,  I,  81. 

Cayenne  Pepper,  II,  129. 

Cebabilla,  II,  530. 

Cebollejü,  II,  533. 

Cédrat,  1,  233. 

Cèdre  blanc,  I,  287. 

— rouge,,  I,  287. 

Cendal  vermeil,  I,  364. 

Centifolienrosen,  I.  466. 

Centauri-résine,  II,  106. 

Cephælis,  I,  645,  650. 

— Ipecacuaiiha , 1, 641, 646, 649, 651. 
Ceraseidos,  I,  443. 

Cerasophora,  I,  443. 

Cerasus,  1,  443. 

— Lauro-Cerasus,  I,  457. 

— Serotina,,  I,  452,  454. 

Ceratonia  Sili(/ua,  I,  306. 


Céréaline,  II,  572. 

Cerolate  de  Ccrotyl,  I,  116. 
Cetraria  islandica,  II,  596. 
Cétrarinc,  II,  600. 

Cevadilla,  II,  530. 

Cévadille,  II,  530. 

Ceylon  moss,  II,  615. 

— Zimmt,  II,  224. 
Chærophyllum , I,  537. 

— Anthriscus,  I,  537. 

Chamomillc  flowcrs,  II,  9. 
Champignons,  II,  601 . 

Chandana,  II,  371. 

Chanvre  indien,  II,  282. 

Charas,  II,  283. 

Chardihia  xerantkemoides,  I,  449. 
Chasmant.hcra,  I,  62,  79,  82. 

— Columba,  I,  58,  62. 

— cor di. folia,  I,  82. 

— palmata , I,  62,  82. 
Chauïmoogra,  I,  146. 

— odorata,  I,  147. 
Chaulmugra  seed,  I,  146. 

Cliavica,  II,  343. 

— officiiiarum , II,  343. 

— Roxburghii , II,  343. 

Chelbenah,  I,  566. 

Chélérythrine,  I,  131. 

Chelidonium,  I,  130. 

— majus,  1,7,131. 
Chélidoxanthine,  I,  131. 

Chênes,  II,  362. 

Cherry-Bay,  I,  455. 

Cherry-Laurel,  I,  455. 
Cherry-Laurel  Leaves,  II,  455. 
Cheveux  de  la  Vierge,  I,  34. 
Chicantee,  I,  102. 

Chiendent  commun,  II,  580. 

— pied  de  poule,  II,  582. 
Chillies,  II,  129. 

China  bicolorata,  I,  623. 

— Febris,  I,  600. 

— nova,  I,  630,  II,  313. 

— Root,  II,  555. 

Chinarinde,  I,  594. 

Chinasilure,  I,  629. 

Chinawurzel,  II,  555. 

Chinovine,  I,  630. 

Chiquinti,  I,  102. 

Chiratine,  II,  103. 

Cbiratogénine,  II,  103. 

Chirayta,  II,  101. 

Chiretta,  II,  104. 

Chloraloïne,  II,  513. 

Chloranil,  II,  517. 


63(1 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Cholestérine,  II,  6b,  610. 

Chondodendron , I,  69,  71. 

— tomentosum,  I,  63,  6b, 
06,  72  ; II,  26b. 

Ch  and  nia  cris  pus.  II,  612. 

— mamillosus,  II,  014. 

Ghrmlin,  I,  7. 

Chop-Nut,  I,  33b. 

Chota,  II,  104. 

Chouline,  I,  7. 

Chron,  I,  142. 

Christmas  rose,  I,  1. 

Chrysanthemum  Parthenium , II,  12. 
Ghrysopliane,  I,  39b;  11,  204. 

Chrysorétine,  I,  39b. 

Chrysorhamnine,  I,  306. 

Chrisophoriana  canadensis  rncemom,  I 

29. 

Chuen-lien,  I,  7. 

Clnirrus,  II,  287. 

Chynlen,  I,  7. 

Cicuta  virosa , I,  544,  584. 

Ciguës,  I,  534. 

Ciguë  officinale,  I,  535. 

Cimicifuga,  I,  30. 

— racemosa,  1,29,31. 
Cimicifugine,  I,  30. 

Cinæbene,  II,  16. 

Cinchona,  I,  409,  594,  595,  596,  604,  609, 
610,  611,  613,  616,  629,  031, 
634,  035,  640,  641,  645.  • 

— amygdalifolia,  I,  620. 

— asperifolia,  I,  620. 

— australis , I,  638. 

— Barbacoensis.  11,610. 

— Calisaya , I,  597,  609,  610,  612, 
617,  619,  621,  622,  630,  637. 

— caloptera,  I.  621 

— carabayensis,  I,  620. 

— Chomeliana,  I,  616. 

— Condaminea,  I,  597,  003,  638. 

— cordifolia,  I,  634,  639. 

— corymbosa,  1,627,  034. 

— elleptica,  I,  637. 

— enneura,  I,  620. 

— glandulifera,  I,  621. 

— hirsuta,  I,  620. 

— Ilumboldtiana,  I,  621. 

— Hovoardiana , I,  596. 

— Josephiana , 597,  609,  630, 637. 

— lanceolata,  1,  620. 

— lancifolia . I,  610,  612,  615,  610, 

619,  627,  634. 

— lancifolia  oblonga.  I,  620. 

— lucumæfolia , I,  620. 


Cinchona  micrantha,  j,  609,  610  , 612' 
637. 

— macrocalix,  I,  620. 

— microcarpa,  I,  637. 

— Mulisii,  1,  620. 

— nitida,  I,  610,  639. 

— officinalis,  1,597,603,  604,  609, 

611,  613,  614,  616,  020,  027, 
037. 

— ovata,  I,  609,  639. 

— Pahudiana,  I,  596,  612. 

— peruviana,  I,  621 . 

— pitaycnsis,  1,  609,  615,  616,  620, 

627,  038. 

— P abcs  cens,  I,  604,609,  018,  021, 

023,  627,  639. 

— pubescens  Pelletieriana,  I,  621. 

— purpurascens , I,  621,  640. 

— purpurea,  I,  621,  639. 

— vuftnervis , I,  621,  639. 

— ragosa,  I,  620. 

— scrobiculata,  1,618,  <619, 621, 638. 

— succirubra,  I,  596,  598,  609, 

611,  612,  615,  616,  617,  019. 
621,  623,  639. 

— Tucujensis,  I,  621,  622,  034,  039. 

— umbellidifera , I,  620. 

— Uritusinga,  I,  638. 

— vera,  I,  609,  636. 

Cinchona  Bark,  I,  594. 

Cinchonicine,  I,  624,  627. 

Cinchonidine,  I,  622,  626,  627,  632,  633. 
Cinchonine,  I,  622,  626,  627,  632,  633. 
Cinchonino,  I,  022. 

Cincbovatine,  I,  623. 

Cinène,  II,  16. 

Cinnamate  Berizilique,  I,  377. 

— Ginnamyliquc,  I,  486. 
Cinnaméine,  I,  377  • 

Cinnamène,  I,  485. 

Cinnamodendron,  I,  38,  41,  45,  47,  51. 

— corticosum,  I,  41  , 46,  47, 

51. 

Cinnamol,  I,  485. 

Cinnamominc,  II,  234. 

Cinnamomum , II,  236. 

— aromaticum,  11,  248. 

— Burmanni,  II,  240. 

— Camphora , II,  26,  249. 

— Cassia,  II,  239. 

— iners,  II,  225,  239,  246. 

— obtusifolium,  11,225,  239. 

— panci florin» , II,  239. 

— Tamala,  11,  239. 

— zeilanicum,  II,  226,  235. 


I 


TABLE  ANALYTIQUE.  637 


Cinnamon,  II,  224. 

- Bark,  I,  38  ; il,  232. 
Cinnamosma,  I,  41. 

— fragrans,  1,41. 

Cipo  de  Cobra,  I,  Go. 

Cirifole,  1,  234. 

Cissampclos,  I,  66,71. 

— Abutna,  I,  63. 

— Pareil' a,  I,  G5,  G7,  68,  69, 

72,  82;  II,  266. 

Cisliis  lailaniferus,  II,  69. 

Citron,  I,  212. 

Citrone,  212. 

Citronenkraut,  II,  188.  ' 

Ci  trônent)',  I,  218. 

Citrullus,  I,  629. 

— Colocynthis , I,  626,  629. 

Citrus,  I,  215,  216,  217,  222,  233. 

— amara,  li  226. 

— Aurantium,  I,  226,  228,  229,  233. 

— Bergamia,  I,  216,  222,  226. 

— Bigaradia,  I,  226,  228. 

— decumanci,  I,  215. 

— Limetta,  I,  226. 

— Limonum,  I,  212,  214,  217,  218, 

226. 

— medica,  I,  212,  213,  216,  232,  233. 

— vulgaris,  I,  216,  222,  226,  228, 

229. 

Claviccps  purpurea,  II,  601,  607. 

Clematis,  I,  33. 

— diœca,  I,  34. 

— erecta,  I,  34. 

— Flammula,  I,  34. 

— mauritiana,  I,  34. 

— recta,  I,  34. 

— Vitalba,  I,  34,  68. 

— Viticella,  1,34. 

Clématites,  I,  33. 

Clous  de  Girofle,  I,  498. 

Clous  de  Girofle  d’Amboine,  I,  502. 

— de  Girofle  de  Bencoolen,  I,  502. 

— de  Girofle  de  Penang,  I,.  502. 

— de  Girofle  royal,  I,  506. 

— de  Girofle  de  Zanzibar,  I,  502. 

— Parfum,  I,  499. 

Cloves,  I,  498. 

Clovc  Stalks,  I,  505. 

Cniquier,  I,  380. 

Cocoi  orientales,  I,  77. 

Cocci  Orienlis,  I,  76. 

Coccola,  I,  77. 

Coecole  di  Levante,  I,  77. 

Coeculæ  orientales,  I,  77. 

Cocculus,  I,  76,  77. 


Cocculus  Cliondodendron,  I,  63. 

— cordifolius,  I,  81 . 

— indiens,  I,  76,  77. 

— Indiæ , I,  77. 

— palmatus,  I,  38. 

Coccus,  II,  57. 

— manniparus,  II,  65 . 

Cochlearia,  I,  145. 

— Armoracia,  I,  142,  145. 

— officinalis,  I,  145. 

Cocos  nucifera , II,  567, 

Cocotier,  II,  567. 

Codagam,  I,  530. 

Codamine,  I,  120. 

Codéine,  I,  96,  118,  124. 

Col,  1,  579. 

COLCtUCACÉKS,  II,  525. 

Colchicéine,  II,  539. 

Colchicine,  II,  537,  639. 

Colchieum,  II,  537. 

— automnale , II,  534,  537,  538. 

— variegaium,  II,  537. 
Colchieum  Seed,II,  538. 

Coliauder,  I,  579. 

Colocynlh,  I,  526. 

Colocynthéine,  I,  -528. 

Colocynthine,  I,  528. 

Colocynthiline,  I,  528. 

Colombo  Root,  1,  58. 

Colophane,  II,  382,  403. 

Colophonia  mauritiana,  I,  284,  287. 
Coloquinte,  I,  526. 

Coloquinth  Pulpe,  I,  528. 

Coloquinthe,  I,  526. 

Coloquintida,  I,  526. 

Columba,  I,  62. 

Columba-Bitter,  I,  61. 

Columbine,  I,  61. 

Columbowurzel,  I,  58. 

Colutea  arborescens,  I,  397. 

Comméne,  I,  582. 

Common  Balm,  II,  188. 

— Camphor,  II,  249. 

— Frankincense,  II,  378,  381,  384, 
285. 

— Garden  Miut,  II,  173. 

— Laurel,  I,  455. 

— Laurel  Leaves,  I,  455. 

— or  Garden  Rue,  I,  245. 

— T u rp  en  line,  II,  378. 

Composées,  II,  1. 

Comyne,  I,  582. 

Concombre  d’âne,  I,  526. 

— purgatif,  I,  522. 

— sauvage,  I,  522,  526. 


038  TABLE  ANALYTIQUE. 


Concrète  Oil  of  Mangoslecn,  1, 107. 

Cônes  de  Houblon,  II,  291,  29G. 
Conglutine,  I,  442. 

Conhydrine,  1,  533. 

Conicine,  I,  533. 

Conifères,  II,  378. 

Coniférine,  11,  469. 

Conine,  I,  534. 

Conium,  533. 

— macula tum,  I,  535,  537. 
Conquinine,  I,  423,  622,  626. 

Conserves  de  Roses,  I,  463. 
Convolvulacées,  II,  106. 

Convolvuline,  II,  118,  124. 

Convolvulinol,  II,  118. 

Convolvulus,  II,  113,  121. 

— m'vcnsis,  II,  106. 

— Nil,  II,  22. 

— Pur  g a,  II,  114. 

— Scammonia,  II,  106,  113. 
Conylène,  I,  533. 

Copahu,  I,  4 07,  415. 

Copaiba,  I,  408,  409. 

Copaifera,  I,  407,  414,  415. 

— Bijuga,  I,  408. 

— cordifolia,  I,  408. 

— coriacea,  I,  408. 

— glabra,  I,  408,  417,  418. 

— grandifolia,  I,  408,417,  418. 

— guianensis,  1,  407,  416. 

— Jacqidni,  I,  415. 

— Jussieui , I,  408. 

— laxa , I,  408,  417,  418. 

— Langsdorffii,  I,  408,  417,  418. 

— Martii,  I,  417,  418. 

— multijuga,  I,  408. 

— nitida,  I,  408. 

— officinalis,  I,  407,411,412,  415, 

417,  418. 

— pubifcra,  I,  417,  418. 

— rigida,  I,  417,  418. 

— Sellowii,  1,  408. 

Copaiva,  I,  415. 

Copaiva-balsam,  I,  407. 

Copal,  I,  279. 

Coptis,  I,  7,  8,  9. 

Coptis  Testa,  I,  7,  9. 

— trifolia,  I,  9. 

Çoplis  Root,  I,  7. 

Coque  du  Levant,  I,  76. 

Coquelicot,  I,  93 . 

Coquelourde,  I,  31. 

Corail  des  Jardins,  II,  129,  134. 
Cordiceps,  II,  607. 

Cordgliceps,  II,  607. 


Coriander  Fruits,  I,  579. 

— Secds,  1,  579. 
Coriandcrs,  1,  579. 

Coriandre,  II,  579. 

Coriandrum,  I,  521. 

— sativum,  1,  579,581. 
Coriaria  myrtifolia,  I,  397. 
Connus  Colcliici,  II,  534. 

Corn  Rose,  I,  91. 

Cortex  Alstoniæ  scholaris,  II,  169. 
— Angosturæ,  I,  201. 

— Angusturæ  spurius,  I,  205. 
— Aurantii,  I,  226. 

— Azadiractæ,  I,  298. 

— Berberidis,  I,  84. 

— Bibiru,  II,  263. 

— Calotropidis,  II,  74. 

— Canellæ  albat,  II,  37. 

— Cascarillæ,  II,  313. 

— Chinæ,  I,  594. 

— Chinæ  Regius,  1,  614. 

— Cinchonæ,  I,  594,  613. 

— — flavæ,  1, 614. 

— — Pallidæ,  I,  628. 

— Ciunamomi,  II,  224. 

— — zeilanici,  II,  22 
— Cuspariæ,  II,  201. 

— Eleutheriæ,  II,  313. 

— Eleutcrii,  II,  313. 

— Fraxini,  II,  60. 

— Granati,  I,  517,  518. 

— Caricis  II,  393. 

— — Fructus,  1, 517. 

— — Radicis,  1,  520. 

— Limonis,  I,  214. 

— Linguæ  Avis,  II,  60. 

— magellanicus,  I,  42. 

— Margosæ,  I,  298. 

— Mezerei,  II,  271,  273. 

— Mudar,  II,  74. 

— Nectandræ,  II,  263. 

— peruanus,  I,  603. 

— perqvianus,  I,  594. 

— Pruni  Serotinæ,  I,  452. 

— Quercus,  II,  360. 

— Sassafras,  II,  267. 

— Soymidæ,  I,  301. 

— Swieteniæ,  I.  301. 

— Tymiamalis,  I,  484,  488. 

— Ulmi,  II,  299. 

— Ulmi  fulvæ,  II, 

— unguentarius,  II,  303. 

— Pruni  virginianæ,  I,  452. 

— Winteranus,  I,  43,  46. 

— Winteranus  verus,  I,  47. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Cortex  Winleri,  I,  42. 

Coslus  corticosus,  I,  38. 

— dulcis,  I,  38. 

Cotarnine,  I,  118,  119. 

Cotoneaster,  II,  57. 

— numrnularia,  II,  5G. 

Coucli  Grass,  II,  580. 

Couhagc,  I,  333. 

Coulmon,  I,  34. 

Counlry  Cane,  II,  559. 

Country  or  indian  Ipecacuanha,  II,  79. 
Cowberry,  II,  37. 

Cowhage,  I,  334. 

Cowhage  Çow-itch,  I,  333. 

Cow-itch,  I,  334. 

Coyacoy,  II,  88. 

Cran,  I,  142. 

Cran  de  Bretagne,  I,  142,  145. 

Cranson,  I,  142,  145. 

Cratæva  Marmclos,  I,  233. 

Créosol,  II,  409. 

Créosote,  II,  409. 

Cresson  de  Fontaine,  I,  146. 

Creyat,  II,  161. 

Crinurn  asiaticum  toxicarium , II,  523. 
Crocétine,  II,  4SI. 

Croci  Stigmata,  II,  477. 

Crocine,  II,  4SI. 

Crocus,  II,  477,  484. 

- — sativus,  II,  477,  484. 

Croton,  II,  311,  318. 

— Cascarilla,  II,  314 . 

— Dracu , II,  495. 

— Eluteria,  II,  313,  316. 

— lucidus,  II,  31G. 

— niveus,  II,  317,  318. 

— oblongifolius,  II,  311. 

— P avenue , II,  311. 

— philippinensis,  II,  328,  333. 

— polyandrum,  II,  311. 

— Pseudo-China , II,  317. 

— Tigliurn,  II,  308,  311, -.316,  321,  132. 
Crolonol,  II,  310. 

Croton  Secds,  II,  308. 

Crown  Bark,  I,  G13. 

CrUCTFÈRES,  I,  132. 

Crude  turpentine,  II,  378. 

Cryptogames,  II,  585. 

Cryplopinc,  I,  119, 125. 

Cubeba  canina,  II,  352. 

— Clusii,  II,  352. 

— crassipes,  II,  352. 

— Lowong,  II,  352. 

— offîcinalis,  II,  346. 

— Wallic/di , II,  352. 


Cubebas  silvestres,  II,  347. 

Cubebæ,  II,  34G. 

Cubèbc,  II,  346. 

Cubèbe  africain,  II,  352. 

Cubeben,  II,  346. 

Cubébine,  II,  350. 

Cubebs,  II,  346,  347. 

Cuculi  de  Levante,  I,  77. 

Cucumis  Colocynthis,  I,  526,  529. 

— Hardwickii,  I,  529. 

— Prophetarüfn,  I,  525. 

— Pseudo-Colocyiithis,  I,  529. 

— trigonus,  I,  529. 
CuCURBlTACÉES,  I,  522. 

Cumacaco,  I,  186. 

Cumène,  II,  409. 

Cumich,  I,  546. 

Cumin,  I,  546. 

~ d’Arménie,  I,  547. 

— de  Montagne,  I,  547. 

— étranger,  I,  547. 

— noir,  I,  35,  36. 

— romain,  I,  547. 

Cumin  or  Cummin  Fruits,  I,  5S2. 

— Seeds,  I,  5S2. 

Cumin-aldéhyde,  I,  584. 

Cuminol,  I,  584. 

Cuminum,  I,  582,  585. 

— Cyminum , I,  582,  585, 

Cummine,  I,  5S2. 

Cumol,  II,  409. 

Cupayba,  I,  409, 

Curcuma,  II,  428,  439. 

— angusti folia,  II,  428, 436,  439. 

— leucorrhiza,  II,  428,439. 

— longa,  II,  435,  439. 

— rotunda,  II,  435. 

Curcuma  de  Chine,  II,  436. 

— de  Cochin,  II,  436,  349. 

— de  Java,  II,  436,  437. 

— de  Madras,  II,  436. 

— du  Bengale,  II,  436,  437. 

— long.  Il,  436. 

— rond,  II,  436. 

Curcumine,  II,  437. 

Cusconine,  I,  623,  627. 

Cuscus,  II,  579. 

Cusparia,  I,  203. 

— febrifuga,  I,  204. 

Cusparia  Bark,  I,  201. 

Cusparine,  I,  203. 

Cusso,  I,  458. 

Cutch,  I,  433,  589. 

Cyclamen,  I,  76. 

Cydonia,  1,  480. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


6-10 

Cydonia  Europæa , I,  480. 

— vulgaris,  I,  478,  480. 

Cymène,  I,  584  ; II,  25G. 

Cymol,  I,  584  ; II,  3. 

Cynanchum  acutum,  II,  71. 

Cynène,  II,  IG. 

Cynips,  II,  3G5. 

— Gallæ  tinctoriæ,  II,  3G5. 

Cynodine,  II,  582. 

Cynodon  Dactylon,  11,  580,  582. 
Cynorrhodon,  I,  000. 

Cynosbata,  I,  476. 

Gypripedium  pubcsccns,  1, 152 ; II,  358. 
Cytisine,  I,  315. 

Cytisus,  I,  315. 

— Laburnum , I,  315. 

— Scoparius,  I,  312. 

D 

Dachenblut,  II,  490. 

DacLyli  acetosi,  I,  403. 

Dæmonorops  Draco , II,  490. 

Dalléiochine,  I,  G25. 

Dagget,  II,  412. 

Damask  Rose,  I,  4G4,  46G. 

Dancagay,  II,  88. 

Dandelion  Root,  II,  21. 

Danewort,  I,  58G. 

Daphné,  II,  273. 

— alpina,  II,  272. 

— Gnidium,  II,  273,  274. 

— Laureola,  II,  272,  273,  274. 

— Mezereum , I,  568,  II,  27),  272, 
273,  274. 

Daphnétine,  II,  272. 

Daphnine,  II,  272. 

Darchini,  II,  226. 

Datte  indienne,  I,  403. 

Datura,  II.  83,  140,  142. 

_ atba,  II,  144,  145,  146. 

— fastuosa,  II,  140,  144. 

— Metcl,  II,  83. 

— Stramonium,  II,  140,  141,  142, 
143,  144,  145,  14  G. 

— Tatula,  II,  141,  142. 

Dalurine,  II,  141,  144,  146. 

Daun  Gatta  Gambir,  I,  589,  590. 

Delphine,  I,  11'. 

Delphinine,  I,  11. 

Delphinium,  I,  13,  20. 

— Napellus,  I,  20. 

— Staphisagria,  I,  10,  13. 

Desoxycodéine,  I,  119. 

Dcsoxymorphinc,  I,  119. 


Dcutéropinc,  I,  119. 

Dcxtrine,  II,  425. 

Dexlrocarvol,  I,  548. 

Dextrose,  II,  425. 

Dhak,  I,  358. 

Diastase,  II,  425. 

Dictamnus  albus,  I,  248. 

Dicypellium  caryophyllatum,  I,  503. 
Digitale,  II,  1G0. 

Digitaléine,  II,  139. 

Digitaline,  II,  158,  159. 

— de  Homolle  et  Quévennc,  II, 

138. 

— de  Kosmann,  II,  158. 

— deNativelle,  II,  158,  159. 

— de  Walz,  II,  138. 

Digitalirésine,  II,  159. 

Digitalirétine,  II,  138. 

Digitalis,  II,  157,  160. 

— purpurea,  II,  156,  160. 
Digitasoline,  II,  158. 

Digilonine,  II,  159. 

Digitoxine,  II,  159. 

Dill,  I,  377. 

— Fruits,  I,  576. 

— Seeds,  I,  577. 

Dilla,  Calmer,  I,  577. 

Dillfrüchte,  I,  576. 

Diméthylnornarcotine,  I,  579. 

Diosmine,  I,  209. 

Diospyros,  II,  39. 

— embryopteris,  II,  38,  39,  40. 

— virginiana,  II,  39. 

Dip,  II,  380. 

Diplolepis  Gallæ  tinctoriæ,  II,  365. 
Diplotaxis,  I,  137. 

— erucôides,  I,  132. 
Diptérocarpacées,  I,  170. 

Dipterocarpus,  1,  170,  174. 

— alatus,  I,  170, 174. 

— costatus,  I,  174. 

— • gonopterus,  1, 174. 

— gracilis,  I,  170,  175. 

— hispidus,  I,  175. 

— incanus,  1, 170. 

— indicus,  I,  170. 

— lævis,  I,  170. 

— littoralis,  I,  170,  175. 

— „ retusus,  I,  170,  17b. 

— Spanoghei,  I,  170. 

— trinervis,  I,  170,  175. 

— trispidus,  1,  170. 
tuberculatus,  I,  436. 

— turbinatus,  I,  170,  174. 

— . zcylanicus,  I,  17^,  175. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Disemeston  gummifenm , I,  871,  874. 
Diss,  II,  612. 

Distylium  racemosum,  II,  309. 

Ditaïne,  II,  70. 

Ditamine,  II,  70. 

Dilarinde,  II,  69. 

Dog’s  Grass,  II,  880. 

Doliclii  Pubes  vcl  Selæ,  I,  333. 

Dolichos  pruricns,  I,  333. 

Dorema,  I,  871,  874. 

— Ammoniacwm,  I,  871,  874. 

— Aucheri,  1,  871,  874. 

— hirsutum,  I,  874. 

— robustum,- 1,  371. 

Douce-Amère,  II,  126,  128. 

Dracæna  Draco,  II,  498. 

Draconyl,  II,  493. 

Dracyl,  II,  493. 

Dragon’s  Blood,  II,  490. 

— Blood  in  Sticks,  II,  492. 

Drimia  ciliaris,  II,  823. 

Drimys,  I,  43,  43,  47,  48. 

— Winteri,  I,  42,  43,  48,  49,  80. 

— axilaris,  I,  49. 

— chilensis,  I,  48. 

— granatensis,  1,48. 

— lanceolata,  I,  49. 

— mexicana,  I,  48. 

Drop  Dragon’s  Blood,  II,  494. 

Dnjaiiclra  corclata,  I,  170. 

Dryobalanops,  II,  262. 

— aromatica,  I,  178,  410;  II, 
230,  288,  202. 
Dulcamara,  II,  126. 

Dulcamarétine,  II,  128. 

Dulcamarine,  II,  128. 

Dulcamarum,  II,  126. 

Dulcis  Amara,  II,  126. 

E 

Earth-Nut  Oil,  I,  326. 

East-India  Myrrli,  I,  274. 

East-Indian  Kino,  I,  384. 

Eau  de  Pleurs  d’Oranger,  I,  229,  230. 

— de  Goudron,  II,  410. 

Ebénacées,  II,  38. 

Ecballinc,  I,  823. 

Ecballium,  I,  522,  325,  820. 

— Elaterium , I,  526. 

— officinale , I,  526. 

Ecboline,  II,  609. 

Echicaoutchino,  II,  70. 

Echicérine,  II,  71 . 

IIIST.  UES  DROGUES,  T.  II. 


641 

Echinas,  II,  333. 

— philippinensis,  II,  238,  333. 
Echirétine,  II,  70. 

Echitéine,  II,  71. 

Echites  scho/aris , II,  69. 

Echitinc,  II,  71. 

Ecorce  d’Alstonia,  II,  69. 

— d'Angusture,  I,  201. 

— de  Bibiru,  II,  203. 

— de  Cannelle,  II,  224. 

— de  Cannelle  blanche,  I,  37,  41. 

— de  Cascarille,  II,  313. 

— de  Cassia  lignea,  II,  238. 

— de  Chêne,  II,  360. 

— de  Copalchi,  II,  317. 

— de  Frêne,  II,  60. 

Ecorce  de  Garou,  II,  273. 

Ecorce  de  Grenade,  I,  517. 

— indienne  de  Berberis,  I,  84. 
Ecorce  de  Jaborandi,  I,  284. 

Ecorce  de  Margosa,  I,  298. 

— de  Mézéréon,  II,  271. 

— de  Mélèze,  II,  393. 

— de  Mudar,  II,  74. 

— d’Oranges  amères,  I,  226. 

— d’Orme  Champêtre,  II,  299. 

— d’Orme  rouge,  II,  302. 

Ecorce  du  Pérou,  I,  607,  613. 

Ecorce  de  Prunus  serotina,  I,  452. 

— de  Quinquina,  I,  594. 

Ecorce  de  Quinquina  Calisaya,  I,  614,  615, 
621. 

— •—  d’Arica,  I,  621. 

— — de  Bolivie,  I,  621. 

— — de  Carabaya,  I,  621. 

— — de  Cartbagène,  I, 

616,  620. 

— — de  Colombie,  I,  616 

021. 

— — de  Cusco,  I,  621. 

— — d’Huamalies,  I,  621. 

— — d’Huanuco,  I,  021. 

— — de  Jaën,  I,  631. 

— — de  Lima,  I,  621. 

— — de  Loxa,  1,  619, 020. 

— — de  Loxa  fausse, 1,621. 

— — de  Maracaïbo,  1,621. 

— — de  Palton,  I,  620. 

— — de  Pitaya,  1,610,620, 

. 623. 

— — deSanta-Anna, 1,621. 

— — grise,  1,621. 

— . ~ jaune,  I,  614,  621. 

— — molle  deColombic,I, 

020. 


41 


HU<:  ANALYTIQUE. 


012 

Ecorce  de  Quinquina  pille,  I,  013,  020. 

— — rouge,  1,615. 

— — rouge  de  Cusco,  1, 

020. 

— — royale,  1,  020. 

— — royale  cendrée, 1,020. 

Ecorces  de  Quinquina  non  employées  en 

pharmacie,  I,  015. 

Ecorce  de  Racine  de  Grenadier,  I,  520. 
Ecorce  de  racine  de  Mudar,  II,  74 ■ 

— rouge,  I,  599. 

Ecorce  de  Simarouba,  1,  243,  244. 

— de  Soymida,  I,  301 . 

— de  Winter,  1, 42,  43. 

Ecorce  de  Winter  fausse,  I,  50. 

— fausse  d’Augusture,  I,  205. 
Ecorces  fausses  de  Quinquina,  I,  022. 
Edeltanne,  II,  399. 

Eibiscliwurzel,  1, 170. 

Eichenrinde,  II,  300. 

Ein  ou  Engben,  I,  430. 

Eisenhutknollen,  l,  14. 

Eisenliutkraut,  I,  22. 

Elæis  guiancnsis,  I,  340. 

Elaphrium,  I,  277. 

Elatéride,  I,  525. 

Elatérine,  I,  523,  524. 

Elatérium,  I,  524,  525. 

— Fruit,  I,  522. 

Elder  Flowers,  I,  580. 

Elccampane,  II,  1. 

Eleme  Figs,  II,  277. 

Elcmi,  I,  201,  277,  278,  279,  280. 

— africain,  I,  285. 

— de  la  Vera-Cruz,  I,  283. 

— de  Maurice,  1,  284. 

— du  Brésil,  I,  284. 

— mexicain,  I,  283. 

— oriental  ou  africain,  I,  285. 
Elemiharz,  I,  277. 

Elettari,  II,  445. 

Elettaria,  II,  455. 

— Carclamu'm.um,  II,  444,  448,  453t 
— major,  II,  444. 

Elcusine  Coracana,  I,  434. 

Eleuthera  Bàrk,  II,  313,  314. 

Eleutheriæ  Cortex,  II,  314. 

Ellébore  noir,  I,  1. 

— blanc,  II,  000. 

Elm  Bark,  II,  299. 

Elutheria,  II,  318. 

Embelia  Ribes,  II,  340. 

Embryopteris  ylutinifera , II,  38. 

Emétine,  1,  037 . 

Emodine,  II,  205. 


Empleclocladus,  I,  443. 

Ernplc.urum,  I,  211. 

— scrrulatum,  I,  210. 

Emulsine,  I,  442. 

Encens,  I,  259,  286. 

Encens  américain  ou  commun,  II,  384. 

— commun,  II,  384,  385. 

— de  Java,  II,  41. 

Engben,  I,  430. 

Enlnemi,  I,  279. 

Enhæmon,  1,278,279. 

Entershah,  I,  475. 

Enula  Campana , II,  1. 

Enzianwurzel,  II,  97. 

Epacris , II,  37. 

Epice  Langue  d’oiseau,  1,  499. 

Epicéa,  II,  400. 

Epine  de  Cerf,  I,  307. 

Erable  noir  à sucre,  II,  567. 

Eranda,  II,  318. 

Erdnussol,  I,  320. 

Erechtites  hieracifolia,  II,  181. 

Ergot  d’Avoine,  II,  012. 

— de  Froment,  II,  612. 

Ergot  de  Seigle,  II,  001. 

Ergot  of  Kye,  II,  601. 

Ergota,  II,  001 . 

Ergotine,  II,  009. 

Ergotinine,  II,  611. 

Ericacées,  II,  35. 

Ericinol,  II,  37 . 

Ericoline,  II,  37. 

Erigeron  canadense , II,  181. 

Erucastnan,  I,  137. 

Erucine,  I,  141. 

Eryt/iræa,  II,  103. 

— Cmtaurium,  II,  104. 
Erythrocentaurine,  II,  17,  106. 
Erythrorétine,  II,  205. 

Esérine,  I,  339. 

Essence  d’Amaudes  amères,  I,  450. 
Essence  d’Andropogon,  II,  575. 

Essence  d’Aspic,  II,  171,  172. 

Essence  de  Bergamote,  I,  222. 

Essence  de  Bigarade,  I,  232. 

Essence  de  Cajeput,  I,  493. 

— de  Citron,  I,  21S/220. 

Essence  de'Citron  au  Zeste,  I,  220,  221. 

— de  Citronnelle,  II,  575. 

— légère  de  Clous  de  Girofle,  I,  503. 

— de  Fenouil,  I,  539. 

— de  Fenouil  doux,  I,  540. 

de  Géranium,  I,  475  ; II,  575,  578. 

— de  Mélisse  indienne,  II,  575. 

— de  Moutarde,  1, 134. 


643 


TABLE 

Essence  de  Namur,  II,  577. 

— de  Nimnr,  II,  577. 

— de  Néroli,  I,  228,  229. 

— de  Pc  lit- Grain,  I,  229,  231. 

— de  Palmarosa,  II,  578. 

— de  Portugal,  I,  232. 

— de  Verveine,  II,  575. 

— de  Verveine!" de.  Nimàr,  II,  576. 

Essence  de  Roses,  I,  46S  ; II,  578. 
Essence  chinoise  de  Menthe  poivrée,  II, 

177. 

— japonaise  de  Menthe  poivrée,  II, 

177. 

— or  Essential  Oil  of  Bergamot,  1> 

222. 

— véritable  d’Origan,  II,  183. 
Essential  Oil  or  Essence  of  Lemon,  I,  218. 
Essigrosenbltitter,  I,  462. 

Eubrassica,  1, 137. 

Eucalyptène,  I,  516. 

Eucalyptine,  I,  517. 

Eucalyptol,  I,  513,  514,  516,  517. 
Eucalyptolène,  I,  516. 

Eucalyptus,  I,  360,  496,  514. 

— corymbosa,  I,  361. 

— citrioclora,  I,  361. 

— gigantea,  1,361. 

— globulus,  I,  496,  512.  513,  514, 

516,  517. 

— obliqua,  I,  360,  361. 

— oleosa,  I,  496. 

— resinifera,  I,  355. 

— r os  t ni  ta,  I,  361 . 

— viminalis,  II,  59. 

Eugcnia,  I,  507. 

— caryopliyllata,  I,  49S,  500,  507, 

508,  511. 

— Pimenta,  I,  508,  511. 

Eugénine,  I,  503.  ■ 

Eugénol,  I,  503  ; II,  235. 

Eulopkia,  II,  461. 

— campes  tris,  II,  461. 

— herbacea,  II,  461. 

Euphorbes,  II,  307. 

Euphorbia,  II,  307. 

— Beaumierana,  II,  305. 

— canariensis , II,  305. 

— resinifera,  II,  71,^04,  305,307. 
EupJtORDIACÉES,  II,  304. 

Euphorbium,  II,  304. 

Euphorbone,  II,  3|,  306. 

Eupione,  II,  409. 

Euryangium,  I,  556. 

— Sumbul,  I,  553,  556. 

Exacum,  11,104. 


ANALYTIQUE. 

Exogonium  Pur  y a,  II,  000. 

Expressed  Oil  of  Nulmegs,  II,  220. 
Extractum  Conii,  I,  536. 

— Glycyrrhizæ,  I,  325. 

— — italiçum,  I,  322. 

F 

Faba  calabarica,  I,  335. 

— Physostigmatis,  I,  335. 

— Sancti  Ignntii,  II,  88,  89. 

Fagus  sylvatica,  II,  412. 

Farine  de  Moutarde,  I,  130,  141. 

de  Pommes  de  terre,  II,  427. 

Farn  Wurzel,  II,  589. 

Fausse  écorce  de  Winter,  I,  45. 

Faux  Ipécacuanha,  I,  648. 

— Pareira  Brava  commun,  I,  67  6S. 
Feigen,  II,  275. 

Fenchel,  I,  537. 

Fennel  Fruits,  I.  537. 

— Seeds,  I,  537. 

Fenouil  amer,  I,  540,  541. 

— commun,  I,  541. 

— d’Allemagne,  I,  539. 

— de  Chine,  I,  52. 

— de  Saxe,  I,  539. 

— doux,  I,  538,  541. 

— indien,  I,  539. 

— romain,  I 538. 

— sauvage  ou  amer,  539. 
Fenugreck,  I,  342. 

Fern  Root,  II,  589. 

Feronia,  I,  432. 

— asinifolius,  I,  432. 

— Elephant/ium,  I,  236,  428,  432. 

Ferreirea  spectabiiis,  I,  156. 

Ferula,  I,  556,  571. 

— alliacea,  1,  558. 

— Asafæticla,  I,  558,  565. 

— Aucheri,  I,  570. 

— erubescens,  566,  570. 

— galbaniflua,  I,  566,  570. 

— gommosa,  I,  570. 

— Nartex,  I,  557,  565 . 

— rubricaulis , I,  506,  570. 

— Sumbul,  555. 

— teterrima,  I,  556. 

— tingitana,  572. 

Ferulago  galbanifera,  I,  565. 

Festucæ  velStipites  Caryophylli,  I,  505. 
Feuilles  d'Aconit,  I,  22. 

— de  Belladone,  II,  133. 

— de  Buchu,  I,  206. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


GU 

Feuilles  de  Busserolle,  II,  352. 

— de  Ciguë,  1,  535. 

— de  Digitale,  II,  158. 

— d'Eucalyptus,  I,  512. 

Feuilles  de  Girofle,  1,  506. 

Feuilles  de  Jaborandi,  1,  252. 

— de  Jusquiame,  II,  146. 

— de  Laurier-Cerise,  1,  455. 

— de  Séné,  I,  389. 

— de  Tabac,  II,  150. 

— de  Tylophora,  II,  79. 

Fève  de  Calabar,  I,  335. 

Fève  de  Puchury,  II,  270. 

Fève  de  Saint-Ignace,  II,  88. 

Fichte,  II,  400. 

Ficlitenliarz,  II,  400. 

Fichtentheer,  II,  406. 

Fici,  II,  275. 

Ficus,  II,  278. 

— Carica,  II,  273,  278. 

Figs,  II,  276,  276. 

Figues,  II,  275. 

Figues  de  Smyrne,  II,  277. 

— de  Grèce,  II,  277. 

Filixoline,  II,  592. 

Fingerhut  bliilter,  II,  156. 

Flake  Manna,  II,  51. 

Flax  Seed,  I,  188, 

Fleurs  d’Arnica,  II,  20. 

— de  Camomille,  II,  9. 

— de  Coquelicot,  I,  91. 

— de  Cousso,  I,  458. 

— de  Lavande,  II,  167. 

— de  Mauves,  II,  181. 

— de  Sureau,  I,  586. 
Fliederblumen,  I,  586. 

Flô  de  Queynel,  II,  246. 

Flor  de  Cannelle,  II,  246. 

Flores  Anthemidis,  II,  9. 

— Brayeræ,  I,  458. 

— Cinæ,  II,  13. 

— Koso,  I,  458. 

— Lavandulæ,  II,  167. 

— Rhæados,  I,  91. 

— Rosæ  pallidæ  vel  incarnatæ,  466. 

— Rosæ  rubræ,  462. 

— Sambuci,  I,  586. 

— Stcechados,  II,  172. 

Floxglove  Leaves,  II,  156. 

Flüssigcr  Slorax,  I,'.4 81 . 

Fœnicuium , I,  540. 

— dulcc , I.  538. 

— Panmoiium,  1,539. 

— sinense,  I,  53. 

— vulgarc,  I,  537,  540. 


Fœnum  Camclorum,  II,  579. 

— gnecum,  1,  343. 

F6Tal,  II,  486. 

Folia  Aconiti,  I,  22. 

— Bclladonæ,  II,  138. 

— Bucoo,  1,  206. 

— Bucliu,  I,  206._ 

— Conii,  I,  535. 

— Digüalis,  II,  156. 

— Ilyoscyami,  II,  146. 

— indica,  II,  246. 

— Lauro-Cerasi,  I,  455. 

— Malabathri,  II,  246. 

— Sennæ,  I,  389. 

— Tabaci,  II,  150. 

— Tylopboræ  , 11,79. 

— Uvæ  Ursi,  II,  35. 

Folliculi  Sennæ,  I,  391. 

Fool’s  Parsley,  I,  537. 

Foot  Benzoin,  II,  43. 

Fougères,  II,  589. 

Fougère  mâle,  II,  589. 

Frankincense,  II. 

Fraxétine,  II,  53. 

Fraxine,  II,  51,  53,  61 . 

Fraxinelle,  I,  248. 

Fraxinns,  II,  59. 

— Bungeana,  II,  48. 

— europæa,  II,  48. 

— excelsior,  II,  48,  60. 

— Ornus;  II,  48.  42,  51,  59. 

— rotunclifolia , II,  60. 
Frêne  amer,  I,  237. 

— commun,  II,  60. 

Fructus  Ajowan,  I,  542. 

— Anetlii,  I,  576. 

— Anisi,  I,  550. 

— — stellati,  I,  51. 

- Belæ,  I,  233. 

— Gapsici,  II,  129. 

— Cardamomi,  II,  444. 

— Caricæ,  II,  275. 

— Carpesiarum,  II,  358. 

— Carui,  I,  545. 

— Cassiæ  fistulæ,  I,  398. 

— Cocculus,  I,  76. 

— Colocynthidis,  I,  526. 

— Coriaudri,  I,  579. 

— Cubebarum,  II,  348. 

— Cumini,  I,  582. 

— Cymini,  I,  582. 

— Diospyri,  II,  38. 

_ Ecballii,  I,  522. 

— Elatherii,  I,  522. 

— Fœniculi,  I,  537. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Fructus  Ilibisci  esculenti,  I,  181. 

- Ilordei.-II,  570. 

— Juniperi,  II,  413. 

— Limonis,  I,  212. 

— Mori,  II,  280. 

— Papaveris,  I,  94. 

— Pimenlæ,  I,  508. 

— Piperis  Cubebæ,  II,  345. 

~ Piperis  longi,  II,  343. 

— Piperis  nigri,  II,  334  . 

— Pruni,  I,  450. 

— Rhamni,  I,  304. 

— Rosæ  caninæ,  I,  476. 

— Sabadillæ,  II,  530. 

— Tamarindi,  I,  402. 

Fruits  d’Ammi,  I,  542. 

— d’Aneth,  I,  576. 

— d’Anis,  I,  550. 

— de  Bêla,  I,  233. 

— de  Cardamome,  II,  444. 

Fruits  du  Caneficer,  I,  398. 

Fruits  de  Carvi,  I,  545. 

— de  Ciguë,  I,  532. 

— de  Coloquinte,  I,  526. 

— de  Coriandre,  I,  579. 

— de  Cumin,  I,  582. 

— de  Cynorrhodon, I,  476. 

— de  Diospyros,  II,  38. 

— d’Ecballium,  1,522. 

— de  Fenouil,  I,  537. 

— du  Genévrier,  II,  413. 

— de  l'Anis  Étoilé,  I,  51. 

— de  l’Hibiscus  esculentus,  I,  181. 
Fruits  de  Luzon,  II,  89. 

Fruits  de  Nerprun,  I,  304. 

Fruits  of  the  Dog-Rose  Hips,  I,  47G. 
Fucus  amylaceus,  II,  615. 

— crispus,  II,  612. 

— hibernicus , II,  612. 

Fucusol,  II,  614. 

Fuh-Iing,  II,  557. 

Fung-heang,  I,  490. 

Furfurol,  II,  409. 

Fusanus  spicatus,  II,  505. 

Fusti,  I,  505. 

G 

Gala,  II,  108. 

Galactodendron  utile,  II,  71. 

Galanga  majeur,  II,  442. 

— mineur,  IL 
Galangal,  II,  440. 

Galbanum,  I,  565,  506. 


645 

Galbanum  persan,  I,  566. 

Galgnnt,  II,  440. 

Galipea,  I,  203. 

— Cusparia,  I,  201,  204,  205. 

— officincilis,  I,  201. 

Galipot,  II,  381,  383,  384. 

Gallæ  Halepenses,  II,  364. 

— Turcicæ,  II,  364. 

Gallttpfei,  II,  364. 

Galles  d’Alep,  II,  304. 

Galles  blanches,  II,  366. 

— bleues,  II,  366. 

— vertes,  II,  366. 

— do  Bokhara,  II,  370. 

Galles  de  Chine  ou  du  Japon,  II,  368. 

— de  Pistachier,  II,  370. 

— de  Tamarix,  II,  370. 

Galls,  II,  364. 

Gambia  Kino,  I,  559. 

Gambier,  I,  433,  589. 

Gambier  Catechu,  I,  589. 

Gambir,  I,  589. 

Gamboge,  I,  160. 

Gambogia,  I,  160. 

Ganja,  II,  285,  286. 

Ganphora,  II,  252. 

Gants  de  bergère,  II,  160. 

— de  Notre-Dame,  II,  150. 

Garcinia,  I,  163,  164. 

— indicci,  1,  167,  169. 

— Morella,  I,  160,  163,  164,  105, 

167,  169. 

— pictoria , I,  104,  165. 

— purpurea.,1,  167. 

— travancorica,  I,  105. 
Gardamomum  majus,  II,  454. 

Garden  Tliyme,  II,  182. 

Gaz  Alefi,  II,  56. 

— Anjabin,  II,  56. 

— Khonsari,  II,  56. 

Gelbvvurzel,  II,  435. 

Gelée  végétale,  I,  406. 

Gelose,  II,  615. 

Gelsemina,  II,  96. 

Gelsémine,  II,  90. 

Gelsemiurn , II,  93. 

— nitidum,  II,  93. 

— sempervirens,  II,  93. 

Gcmeines  Terpenthin,  II,  378. 

Genêt  à balais,  I,  312. 

Genesta,  I,  312. 

Genostra,  I,  312. 

Gcneva,  II,  414. 

Genévrier  commun,  II,  4 16. 

Genièvre,  II,  414. 


G10 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Genista,  I.  312. 

Gentian  Rool,  II,  97. 

Gontiana,  II,  98,  100. 

— Chirayta,  II, 

— lutea,  II,  97,  98,  100. 

— pannonica,  II,  100. 

— punctata,  11,100. 

— purpurea,  II,  98,  100. 

Gentianacêes,  II,  97. 

Genlianine,  II,  99. 

Gentiogénino,  II,  99. 

Gentiopicrine,  11,  98,  99. 

Gentisine,  II,  99. 

Germer,  II,  523. 

Gerollte  Gerste,  II,  570. 

Gerstegrauf'en,  II,  570. 

Geura  urbanum,  II,  20. 

Gewiirznelken,  I,  498. 

Gliitta  Jemou,  I,  161. 

Ghittaiemou,  I,  161. 

Ghyùl-Yùghi,  I,  468. 

Giaggiolo,  II,  473. 

GifUatticli,  II,  26. 

Gigartina  acicularis,  II,  614. 

— mamillosa,  II,  614. 

Gilead  Fir,  II,  394. 

Gin,  II,  414. 

Gingel  Oil,  II,  163. 

Gingembre,  II,  434. 

— cortiqué,  II,  432. 

— d’Afrique,  II,  432. 

— de  Coohin,  II,  432. 

— décortiqué,  II,  432. 

— de  la  Jamaïque,  II,  432. 

— vert,  II,  431. 

Ginger,  II,  429. 

— Grass  Oil,  II,  378. 

Gingili  Oil,  II,  163. 

Ginnie  Pepper,  II,  131. 

Giroflier  royal,  I,  501. 

Gizi,  I,  398. 

Glandes  de  Houblon,  II,  296,  298. 
Glandulæ  Humuli,  II,  296. 

— Rottleræ,  II,  328. 

Glaucium,  I,  97. 

— flavum,  I,  131. 

Gliquiricia,  I,  317. 

Glycyrrétine,  I,  319. 

Glycyrrhiza,  I.  317,  320. 

— echinata,  I,  316. 

— glabra , I,  315,  316,  318,  320, 

322. 

— (jlanduUfera,  I,  315,  318. 

— typica,  I,  315. 

Glycyrrhizine,  I,  319. 


Gobelets  amers,  1,  238. 

Gombo,  I,  181. 

Gomme  adragante,  I,  346* 

Gomme  de  Syrie,  I,  350. 

Gomme  arabique,  I,  419,  420. 

Gomme  blanche  du  Sennaar,  I,  424. 

— commune,  I,  350. 

— d'Arabie,  I,  421. 

— d’Australie  (Wattle  Gum),  1, 425. 

— de  Barbarie,  I,  424. 

— de  Caramanie,  I,  352. 

— de  Feronia,  I,  428. 

— d’Hashabi,  I,  422. 

— de  Jiddali,  I,  422. 

— de  l’Inde  orientale,  I,  425. 

— de  l’Olivier  d’Ethiopie,  I,  278. 

— de  Mogador,  I,  424. 

— de  Mosul,  I,  352. 

— de  Suakin,  I,  422,  423,  424. 

— de  Talca  ou  de  Tailla,  I,  424. 

— du  Cap,  I,  425. 
du  Maroc,  I,  424. 

— du  Pérou,  I,  ICI. 

— du  Sénégal,  I,  424. 

— Elempni,  I,  275. 

— en  feuilles,  I,  349. 

— en  plaques,  I,  349,  350. 

— en  vermisseaux,  I,  349 . 
Gomme-Résine  Ammoniaque,  I,  571. 

— Résine  d’Euphorbe,  II,  304.  . 
— Gutte,  I,  160. 

Gomme  vermiculée,  I,  350. 

Gommi  Elempnij,  I,  278. 

Goudron  de  Bouleau,  II,  412. 

— de  Genévrier,  II,  411. 

— de  Hêtre,  II,  412. 

Goudron  végétal,  II,  400. 

Gourd,  II,  319. 

Gracillaria  iichenoïdes,  II,  615. 

Graines  de  Beurre,  I,  141. 

— do  Cardamome,  II,  452. 

Graines  de  Bonduc,  1,  380. 

— de  Cévadrille,  II,  530. 

Graines  de  Chanvre,  II,  285. 

Graines  de  Croton  Tiglium,  II,  308. 

— de  Cynocarde,  I,  146. 

— de  Lin,  1, 188. 

— de  Moutarde  Blanche,  I,  138. 

— de  Moutarde  Noire,  I,  132. 

— de  Paradis,  II,  456. 

— de  Ricin,  II,  318. 

— de  Staphisaigre,  I,  10. 

— de  Stramoine,  II,  143. 

Graines  de  Tilly,  II,  308. 

— des  Moluques,  II,  308. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Graines  d’Ispaghula,  II,  192. 

Graines  du  Cniquicr,  I,  380. 

Graines  et  feuilles  de  Daturaalba,  11,  I 4 4 • 
Graines  noires,  I,  35. 

Grains  of  Paradiso,  II,  450. 

Graminées,  II,  538. 

Grana  Paradisi,  II,  450. 

Granatill,  II,  308. 

Granatine,  I,  522. 

Granatscbalen,  I,  517. 

Granalwurzelrinde,  I,  820. 

Grand  Ipecacuanha  sl.rié,  I,  049,  053. 

— Ricin  ordinaire,  II,  326. 

Grande  Chélidoine,  I,  131. 

— Ciguë,  I,  535. 

— Eclaire,  I,  131. 

Grass  Oil,  II,  575. 

Grass  Oil  of  Nimar,  II,  37G. 

Grasswurzel,  II,  580. 

Greater  Galanga,  II,  442. 

Greenheart,  II,  203. 

Greenheart  Bark,  II,  203. 

Grey  Nicker  Seeds  or  Nuts,  1,  3S0. 

Greyne  Paradijs,  II,  456. 

Grieswurzel,  I,  63. 

Griffes  de  Girolle,  I,  505,  500. 

Gros  Chiendent,  II,  582. 

Ground  Nut  Oil,  I,  320. 

Guaiacène,  I,  201. 

Guaiacol,  I,  201. 

Guaiakharz,  I,  198. 

Guaiakholz,  I,  194. 

Guaiacum,  I,  194,  197. 

— officinale,  I,  194,  195,  197,  19S, 

199. 

— sanction,  I,  194,  193,  197,  199. 
Guaiacum  Resin,  I,  198. 

— Wood,  I,  194. 

Guajol,  I,  201. 

Guanti  di  Neroli,  I,  229. 

Cuayacan,  I,  194. 

Guaza,  II,  285. 

Guilandina  Bonducclla , I,  380. 

Guinea  Grains,  II,  4 56. 

— Pepper,  II,  129. 

Gula,  II,  560. 

Gulancha,  I,  81. 

Gule-Pistah,  II,  370. 

Gum  Arabie,  I,  419. 

— Benjamin,  II,  40,  44. 

— Euphorbium,  II,  304. 

— Kino,  I,  354. 

— of  tlie  Palas  or  Drak  Trec,  I,  358. 

— Tragacanlh,  I,  346. 

Gummi  Acacia?,  I,  419. 


Gummi  Acantliinum,  1, 421. 

— Arabicum,  I,  419. 

— Elemi,  I,  278. 

Gambogia,  1,  100. 

_ Gutti,  I,  160. 

Gummi- Résina  Ammoniacum,  I,  571. 
— Galbanum,  I,  565. 

— Olibanum,  I,  259. 

Gummi  Tragacanlha,  I,  340. 

Gum  Tlius,  II,  381,  384. 

G ura,  II,  500. 

Gurâgi,  II,  454. 

Gurjun  Balsam  Wood  Oil,  I,  170. 

Gulla  Gamba,  I,  160. 

Gutta  Gambier,  I,  590. 

Guttifères,  I,  100. 

Gutti  Gummigutt,  1, 160. 

Guvâca,  II,  485. 

Gynocarde,  I,  146. 

Gynocardia  odornta,  I,  146,  1 47,  148. 

H 

Habbunnil,  II,  123. 

Habhal-habaslii,  II,  454. 

Hæmatoxylon  Campeckianum,  I,  3S4. 
Hagebutten,  I,  470. 

Hagenia,  I,  458,  462. 

— abyssinica,  I,  458,  462. 
Ilala-Jira,  I,  35. 

I-Ianebane,  II,  149. 

Hanfkraut,  II,  282. 

Hardwickia,  1,  415. 

Ilartsthorn,  I,  305. 

Ilashab,  I,  419. 

Hashabi  el  Jésiré,  I,  422. 

Hashih,  II,  285. 

Head  Benzoin,  II,  43. 

Hebbackbade,  I,  274. 

Hedeoma  pulegioides,  II,  181. 
Heera-Çol,  I,  270,  274. 

Heil,  II,  454. 

Helbeb,  I,  344. 

Hélénine,  II,  3. 

Hellébore  blanc,  II,  528. 

— vert,  I,  4. 

ITelléboréine,  1,4. 

Helléborésine,  I,  3. 

Ilelléborétine,  I,  4. 
llelléborine,  I,  3. 

Il  elle  borus,  I.  5,  9. 

— niger,  I,  1,  5. 

— fœtidus,  I,  2. 

— orientais,  I,  2. 


TADLE  ANALYTIQUE. 

Iliôblc,  I,  588. 
llill  Colocynth,  I,  5-29. 
Hiltit,  I,  559. 


048 

Helleborus  ponticus,  1,2. 

— purpurascens , I,  2. 

— Teeta,  I,  9. 

— trifolius , I,  10. 

— viridis,  I,  2. 

Helonias  frigida,  II,  527. 

Ilématéine,  I,  380. 

Ilématinc,  I,  38G. 

Hématoxyline,  I,  380. 

Ilemidesmus,  II,  74. 

— indiens,  II,  72,  74. 
Ilemidesmus  Root,  II,  72. 

Hcmiock  Leaves,  535. 

— Sprucc,  II,  395. 

Henbane  Leaves,  II,  J 46. 

Ilérapathite,  I,  625. 

Ilerba  Aconiti,  I,  22. 

— Andrographidis,  II,  161 . 

— Anthos,  II,  185. 

— Cannabis,  II,  282. 

— Chirettæ  vel  Cbiraylæ,  II,  101. 
— Ilydrocotyles,  I,  530. 

— Lactucæ  virosæ,  II,  26. 

— Lobeliæ,  II,  32. 

— Matico,  II,  354. 

— Melissæ  ofïïeiualis,  II,  188. 

— Menthæ  piperitæ,  II,  175. 

— Menthæ  viridis,  II,  172. 

— Nicotianæ,  II,  150. 

— pedicularia,  1, 10. 

— Pulegii,  II,  181. 

— Rosmarini,  II,  185. 

— Rutæ,  I,  245. 

— , Sabinæ,  II,  417. 

— sanguinaria,  I,  32. 

— Schœnanthi,  II,  579. 

— Scoparii,  I,  312. 

— Stramonii,  II,  140. 

— Tbymi  vulgaris,  II,  182. 

Herbe  aux  Cuillers,  I,  145. 

— aux  Gueux,  I,  34. 

— des  chevaux,  II,  149.  . 

Hermodactvle,  II,  537. 

— amer,  II,  537. 

Herpestes,  I,  257. 

— colubrina , I,  257. 

— gratioloides,  I,  257. 

— Monniera,  I,  257. 

Herva  de  Nossa  Senhora,  I,  65. 
I-Iespéridine,  I,  215,  228. 

Ilexcnmehl,  II,  585. 

Hibiscus,  I,  183. 

— abclmoschus,  I,  183,  184. 

— esculentus,  I,  18  L,  182,  183. 

— longifolius,  1, 183. 


Il  in  g,  I,  562,  564. 

Hingra,  I,  5G2,  564. 

Hips,  I,  476. 

Hirsclifeldia,,  1,137.' 

Ilohng  nàn,  I,  205,  206. 
llærnatoxylon,  I,  388. 

— Campcchianum,  I,  388.’ 
Ilog  Gum  Tragacantb,  I,  352. 
ilolcus  saccliaratus,  II,  568. 
Holunderbliilhe,  1,  586. 

Holztheer,  II,  406. 

Ilonglane,  I,  7. 

Ilopfen,  II,  291. 

Hopfenbittersaüre,  II,  297. 
Ilopfendriisen,  II,  296. 

Hopfenstaub,  II,  296. 

Hops,  II,  291. 

Hordeum,  II,  374. 

— disticlium,  II,  570,  574. 

— hexasticlion,  II,  574. 

— vulgare,  II,  574. 

Hordeum  decorticatum,  II,  570. 

— perlatum,  II,  570. 
Horse-Radish,  I,  142. 

Houblon,  II,  295. 

— commun,  II,  295. 

Huile  blanche  de  Thym,  II,  183. 

— rouge  de  Thym,  II,  183. 

— d’Amandes,  I,  449. 

— essentielle  d’Amandes  amères,  1,449. 

— d’Andirova,  I,  409. 

— d’Arachide,  I,  326. 

— de  Bois,  I,  170,  171,  414,  415. 

— de  Cade,  II,  411. 

— de  Camphre,  II,  254. 

— de  Camphre  de  Bornéo,  II,  259. 

— de  Camphre  de  Formose,  II,  260. 
Huile  de  Garcinia,  1,  167. 

Huile  de  Goudron,  II,  412. 

Huile  d’Olive,  II,  61. 

Huile  de  Pistaches,  I,  326. 

— de  Roses,  I,  468. 

— de  Sassafras,  II,  270,  410. 

Huile  de  Sésame,  II,  163. 

Huile  essentielle  d’Ecorce  d’Orange,  I, 
232. 

— essentielle  de  Feuilles  de  Cannol- 

lier,  II,  235. 

— essentielle  de  Racine  de  Cannol- 

lier;  II,  235. 

— d’Oüvc  fermentée,  II,  G3. 

— — tournante,  II,  63. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Huile  d’Olive  d’enfer,  II,  63. 

— _ vierge,  II,  63. 

Hunnclus,  II,  295. 

Lupulus,  II,  291,  295,  296. 
Hwaug-lien,  I,  7. 

Ilj/dnocarpus,  1, 146. 

— inebrians,  I,  148. 

— veiienata,  I,  148,  149. 

— Wightiana , I,  148,  149. 
Hydrate  de  cubébine,  II,  350. 
Hydrocotarnine,  I.  119. 

Hydrocotyle,  I,  530. 

— asiatica , I,  530,  531. 

— rotundifolia , I,  531. 

— vulgaris,  I,  531. 
llydro-éiatérine,  I,  525. 

Hydrokinone,  II,  36. 

Hydrure  de  cannabène,  II,  286. 
Ilyoscine,  II,  149. 

Hyoscyamine,  II,  148. 

Hyoscyamus,  II,  149. 

— albics,  II,  149. 

— insanus,  II,  149. 

— niger,  I,  544  ; II,  146,  147, 

149. 

1 

Iceland  Moss,  II,  596. 

Icliu  Cascarilla,  I,  597. 

Icica,  I,  277,  278,  284,  2S6,  287. 

— Abilo , I,  277. 

— altissimci,  1,284,286,287. 

— Aracouchini,  I,  286. 

— Carana,  I,  287. 

— gidanensis,  I,  284,  286. 

— heptaphylla,  I,  284,  286. 

— heterophylla,  I,  284,  286. 

— Icicariba,  I,  284,  286. 

— Tacamahca,  I,  287. 

Icicariba,  I,  286. 

Idris  Yaghi,  I,  475;  II,  578. 

Igasur,  II,  88. 

Igasurine,  II,  85. 

Ignatia  amara,  II,  88. 

Ignatiana  phiiippinica,  II,  88. 
Ignatiusbohnen,  II,  88. 

Ilâchi,  II,  445. 
lllicium , I,  54. 

— anisatum , I,  51,  54,  55,  552. 

— floridanum,  I,  55. 

— japonicum,  I,  51. 

— ptXrviflorum,  I,  55. 

— religiosum , I,  51,  55. 

— Sanki,  I,  55. 


649 

Indien  Aconito  Root,  I,  24. 

— Baol,'  I,  233. 

— Barberry  Bark,  I,  84. 

— Grass  Oil,  II,  575. 

— Hemp,  II,  282. 

— Hydrocotyle,  I,  530. 

— Liquorice,  I,  330. 

— Pennywort,  I,  530. 

— Pink  Root,  II,  90. 

— Poke,  II,  528. 

— Sarsaparilla,  II,  72. 

— Tobacco,  II,  32. 

-Ingwer,  II,  429. 

Inimboja,  I,  381. 

Inimbôy,  I,  381. 

Inosite,  II,  24,  160. 

Inula  Conyza,  II,  160. 

— Helenium,  I,  162  ; II,  1,*5,  160. 
Inuline,  II,  4,  24. 

Inuloïde,  II,  4. 

Iodo-sulfate  de  quinine,  I,  625. 

Ionidium,  I,  649. 

Ipecacuan,  I,  641. 

Ipéoacuanha,  I,  649. 

— de  Carthagène,  I,  646. 

— des  mines  d’or,  I,  654. 

— de  pays,  II,  79. 

— ondulé,  I,  650,  655. 

— strié  du  Pérou,  I,  654. 

— strié  gris  cendré  glyeyrrhizô, 

I,  653. 

— strié  mineur,  I,  653,  654. 

— strié  noir  ou  dur,  I,  649, 

653,  654. 

— violet  ou  mou,  I,  649,  653. 
Ipecacuanha  Root,  I,  641. 

Ipéca  sauvage,  II,  79. 

Ipomœa,  II,  121. 

— dissecta,  I,  449. 

— Jalapa,  II,  115. 

— orizabcnsis,  II,  110,  119,  122. 

— Purga , II,  114,  120,  121. 

— simulans,  II,  120,  121. 
Iridacées,  II,  471. 

Iris,  II,  476. 

— florentina,  II,  472. 

— germanisa,  II,  471,  472,  476. 

— nepalensis,  II,  474. 

— pallida,  II,  471,  472. 

— Pseudracorus,  II,  499. 

Irish  Moss,  II,  612. 

Irlilndisches  Moss,  II,  612. 

Islipingo,  II,  246. 

Isinen  ou  Isen'en,  I,  391. 

Islandisches  Moss,  II,  596. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


650 

Isocajuputène,  I,  495. 

Isolusine,  I,  152. 

Ispaglnïl,  II,  193. 

Ispaghül  Seeds,  II,  192. 
ltalian  Extrac  of  Liquorice,  I,  322. 
Itr-yàghi,  I,  .iG8. 

.1 

Jaborandi,  1,250,  257,  258. 

Jaborandino,  I,  256,259. 

Jadvâr,  I,  2C. 

Jaffna  Moss,  II,  G15. 

Jaggcry,  II,  5G7. 

Jalap,  II,  114. 

Jalap  blanc,  II,  1 15. 

— fusiforme,  II,  119. 

— de  Tampico,  II,  120,  121. 

— ligneux,  II,  119. 

— mâle,  II,  110,  119. 

— Sta'.ks,  II,  119. 

— tops,  II,  119. 

Jalape,  II,  114. 

Jalapine,  II,  110,  118,  1 19. 

Jalapinol,  II,  120. 

Jamaica  Pepper,  I,  508,  509. 

— Quassiaholz,  1,  23G. 

— Winter’s  Bark,  I,  38. 
Jateorhiza,  I,  62. 

— Columba,  I,  58,  62,  82. 

— Miersii,  I,  58. 

— palrnata,  I,  58. 

Jaune  de  Gayac,  I,  200. 

— de  Rhubarbe,  II,  204.  . 

Jernang,  II,  491. 

Jervine,  II,  526. 

Jeukbol,  II,  523. 

Jinjili  Oil,  II,  163. 

Jordan  Almonds,  I,  441,  445. 
Jouz-masal,  II,  145. 

Juckborsten,  I,  333. 

Jujubæ  gallicæ,  I,  308. 

Jujubes,  I,  308. 

Juncus  odoratus , II,  579. 

Juniper  Berries,  II,  413. 

Junipérine,  II,  416. 

Juniperus  Oxycedrus , II,  411. 
Jîiniperus,  II,  416. 

— communis,  II,  413,  414,  416. 

— nana,  II,  414. 

— pliænicea,  II,  419. 

— Sabina,  II,  417,  419. 

— virginiana,  II,  419. 

Jus  de  Citron,  I,  218. 

— de  Réglisse,  I,  322. 


Ju-siang,  I,  262. 

Jusquiame,  II,  149. 
Justitiapaniculata,  II,  loi. 

K 

Kababah,  II,  346. 

Kaddigbeercn,  II,  413. 

Kaimak,  II,  108. 

Kakul,  I,  419. 

Kaladana,  II,  122. 

Kalmia  lati folia,  II,  37. 

Kalmus,  II,  496. 

Kalumb,  I,  59. 

Kalumbawurzel,  I,  58. 
Kaml-i-Angüza,  I,  561. 
Kamà-i-Gawi,  I,  561. 

Kamala,  11,  328. 

Kamânan,  II,  40. 

Kamayan,  II,  40. 

Kamela,  II,  328,  329. 

Kami,  I,  421. 

Klimpféride,  II,  442. 

Kanbil,  II,  328. 

Kaneel,  II,  224. 

Kami,  II,  559. 

Ivandat,  II,  559. 

Ivano,  I,  355,  359. 

Kan-yan,  II,  40. 

Kapila  ou  Kapila-podi,  II,  329. 
Karawya,  I,  546. 

Karigas,  II,  276. 

Kariyat  ou  Creyat,  II,  161. 

Kàslni  ou  Kàchu,  I,  434. 

Katta  Ivambu,  I,  590. 
Kau-liang-kiang,  II,  440. 

Kayu-puti  Oil,  I,  493. 

Kentrosporium , II,  607. 

Khassuih,  I,  566. 

Khdvl,  II,  579. 

Kliorâsâni  Ajwau,  I,  545. 

Khulanjan,  II,  440. 

Khus  yatu’l  kalb,  461. 

Klius  yatu's  Salab,  II,  461. 

Ki  skêh  liiang,  I,  499. 

Kian-kwang,  I,  160. 

Kikar,  I,  420. 

Kinkina  urens,  I,  44. 

Kinnah,  I,  567. 

Ivino,  I,  354. 

— d’Afrique  ou  de  Gambie,  I,  359 

— d'Australie,  I,  360. 

— de  Bulea,  I,  358. 

— d’Eucalyplns,  I,  161,  360. 

— du  Bengale,  I,  358. 


651 


TABLE  AN 

Kinonc,  II,  30. 

Kirütta-tikta,  II,  101. 

Kirschlorbeerbliltter,  I,  433. 

Kiwach,  I,  334. 

Klatscbrosen,  I,  91. 

Knorpeltang,  II,  612. 

Kokkelskôrner,  I,  70. 

Kokum  Butter,  I,  107. 

Kom-yan,  II,  40. 

KBnigschina,  I,  614. 

Kordofan  Gummi,  I,  419. 

Koriander,  I,  379. 

Kosine,  I,  400. 

Koso,  I,  458. 

Kosso,  I,  458. 

Koussine,  I,  400. 

Kousso,  I,  458. 

— rouge,  I,  460. 

Krameria,  I,  156. 

— argentea,  I,  158,  139. 

— cistoidea,  I,  158. 

— granatensis,  I,  157. 

— grandi  folia,  I,  157. 

— Ixina,  I,  157. 

— secundiflora , I,  158. 

— tomentosa,  157,  159. 

— triandra , I,  153,  154,  158,  159. 
Krausemünzôl,  II,  174. 

Kren,  I,  142. 

Krenai,  I,  142*. 

Kréosol  ou  Créosol,  I,  201. 
Kreuzdornbeeren,  I,  304. 

Kreuzkümmel,  I,  582. 

Küchensehelie,  I,  31. 

Kümmel,  I,  545. 

Kunkumas,  I,  474. 

Kurkuma,  II,  435. 

Kut  ou  Kâth,  I,  435. 

Kutakan,  I,  530. 

Kwei,  I,  220. 

Kyphi,  I,  269,  288,  310,  343. 

L 

• 

Labiées,  II,  167. 

Laburnine,  I,  315. 

Lacrima  Papaveris,  I,  97. 

Lactuca,  I,  97  ; II,  27,  28. 

— attissima,  II,  28. 

— elongala , II,  28. 

— saliva,  II,  20,  27,  28. 

— Scario'la,  II,  26,  27,  28. 

— virosa,  II,  26,  27,  28. 
Lactucarium,  II,  27,  28. 

Lactucérine,  II,  31. 


.VIATIQUE. 

Lactuciuc,  II,  31. 

Lactucone,  II,  31. 

Lactucopicrine,  II,  31. 

Ladenbergia,  I,  022. 

Laitue  vircuso,  II,  20. 

Lakriz,  I,  322. 

Lakrizwurzel,  I,  315. 

Lauger  oder  Rômisclier  Kümmel,  I,  382. 

— Pfeffer,  II,  343. 

Lanthopine,  I,  120. 

Laque  d’insectes,  I,  420. 

Larch  Bark,  II,  393. 

— Turpentine,  II,  389. 

Larga,  II,  390. 

Larix  commuais,  II,  392. 

— decidua,  II,  392. 

— europæa,  II,  389,  392. 

— excelsa,  II,  392. 

— sibérien,  II,  406. 

— pyramidalis , II,  392. 

Larixine,  II,  394. 

Laser,  I,  559. 

Laserpitium  Chir onium , I,  570. 

Latakié,  II,  154. 

Laudaninc,  I,  119. 

Laudanosine,  I,  119. 

Lauracées,  II,  224. 

Laurel  Camphor,  II,  249. 

Laurier-Cerise,  I,  455. 

Lauro-Cerasus,  I,  443. 

Laurus  Camphora,  II,  249. 

— Cubeba,  II,  352. 

— Sassafras,  II,  2GG. 

Laiisesamen,  I,  10  ; II,  530. 
Lavandelblumen,  II,  167. 

Lavander-  Flowers,  II,  167. 

Lavandula,  II,  172. 

— Spica,  II,  168,  171. 

— Stœchas,  II,  171. 

— vera,  II,  167,  168,  170,  171. 
Ledebouria  hycinthina,  II,  523. 

Ledum,  II,  37. 

Légumineuses,  I,  312. 

Leinsamen,  I,  188. 

Lemon,  212,  217. 

— Oil,  II,  575, 
l.eontodon  hispidus,  II,  24. 

— Taraxacum,  11,  21. 
Leontodonium,  II,  23,  24. 

Lettuce  Opium,  II,  28. 

Leucosinapis,  1, 137. 

Leu-sung-kwo,  II,  89. 

Levantische  oder  Aleppiscbe  Gallcii,  II, 
304  . 

Levisticum,  I,  568, 


652 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Lévoearvôl,  I,  548. 

Lévuliue,  II,  24. 

Lewa,  I,  110. 

Lian  arabique,  I,  34. 

Liane  Réglisse,  I,  330. 

Lichen  d’Islande,  II,  590. 

Lichen  Islandicus,  II,  590. 

Lichénino,  II,  599. 

Lichens,  II,  590. 

Lignum  brasile,  I,  388, 

— Campechiauum,  I,  384. 

— campescanum,  I,  384. 

— Guaici,  I,  194. 

— Hæmatoxyli,  I,  384. 

— Pterocarpi,  I,  303. 

— Quassiæ,  I,  330. 

— sanctum,  I,  194. 

— Sanlali,  II,  371. 

— santalinum  album  velatrinum,  II, 

371. 

— santalinum  rubrum,  I,  303. 

— Sassafras,  206. 

— tinctile  campechense,  I,  385. 

— Vitæ,  I,  194. 

Liliacées,  II,  500. 

Limon,  I,  212. 

— Bergamotta,  I,  223. 

Limone,  I,  212,  217. 

Limonine,  I,  215. 

Linacéës,~I,  188. 

Linoxyne,  1,  190. 

Linseed,  I,  188. 

Linum,  I,  192. 

— cingustifolium,  I,  188. 

— usitatmimum,  I,  188,  192. 

Lippia  citriodora,  II,  570. 

Liquid  storax,  I,  481 . 

Liquidambar,  I,  490. 

— Altingia,  I,  490,  492. 

— altingiana , I,  492. 

— formosana,  I,  492. 

— imberbe,  I,  481. 

— orieiitalis,  I,  481,  482,  484, 

490,  491,  492. 

— styraciflua,  I,  380,  482,  492. 
Liquiritia,  I,  317. 

Liquor  Picis,  II,  410. 

Liquorice,  I,  317,  322. 

— Root,  I,  315. 

Liriodendron  Tulipifera,  I,  57. 
Lobélacrine,  II,  34. 

Lobelia  in  fiat  a,  II,  32,  34. 

Lobéliacées,  II,  32. 

Lobeiiakraut,  II,  32. 

Lobélianine,  II,  34. 


Lobéle  enflée,  II,  32. 

Lobéliine,  II.  34. 

Lobéline,  II,  33. 

Loblolly  Pinc,  II,  378. 

Lobus  ochinodes,  I,  381. 

— oblongus  aromaticus,  II,  4GG. 
Loganiacées,!II,  81. 

Logwood,  I,  384. 

Long  Pepper,  343. 

Lopez  Root,  I,  241. 

Loranthacées,  II,  371. 

Lotos  en  arbre,  I,  309. 
Lôwenzahnwurzell,  II,  21. 

Loxa  Bark,  I,  013. 

Loxachina,  I,  013. 

Lubân,  I,  262,  264,  285. 

— Bedowi,  I,  200. 

— Jàwi,  II,  41. 

— Matti,  I,  201,  285. 

— Meyeti,  I,  201,  279,  285. 

— Scheheri,  I,  260. 

Lukrabo,  I,  147. 

Lump  Ammoniacum,  I,  573. 

— Dragon’s  Blood,  II,  492. 
Lupulin,  II,  296. 

Lupulina,  II,  290. 

Lupuline,  II,  294,  296,  297. 

Lupulinic  Grains,  II,  296. 

Lupulite,  II,  297. 

Lycium , I,  84. 

Lycopode,  II,  585. 

Lycopodiacées,  II,  585. 

Lycopodium,  II,  585,  587. 

— annotinum,  II,  587. 

— clavatum,  II,  585,  587. 

— complanatum,  11,587 

— inundatum,  II,  587. 
Lycorys,  I,  317. 

M 

Macas,  II,  213. 

Mace,  II,  222. 

Macène,  II,  224. 

Macer,  II,  213. 

Machir,  II,  213. 

Macis,  II,  222. 

Macropiper,  II,  343. 

Macrotine,  I,  30. 

Magellanischer  Zimmt,  I,  42. 
Magbrayt  d’sheeharz,  I,  200,  207. 
Magioan,  II,  305. 

Magi-oun,  II,  285. 

Magistorium  Opii,  I,  117. 

Magnolia  Champaca,  I,  57. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


65 


Magnolia  glauca,  I,  57. 

— grandiflora,  I,  57. 
Magnoltacées,  I,  37. 

Maha-tita,  II,  152. 

Mahmira,  1,  7. 

Majun,  II,  285. 

Malabar  Cardamoms,  II,  M L 
Malabatlirum,  II,  10. 

Male  Fern  Rhizome,  II,  380. 

Male  Fern  Root,  II,  589. 

Mallaguetta,  II,  156. 

Mallotus,  II,  328,  332,  333. 

— philippinensis,  II,  328,  333. 
Malwn  Cydonium,  I,  231. 

Malva,  I,  181. 

— sylvestris,  I,  181. 

— rotundifolia,  1,  181. 

Malvacées,  1, 176. 

Mambroni  Chini,  I,  7. 

Mamiran,  I,  7. 

Mamirani  Chini,  I,  7. 

Mànan,  II,  10. 

Manigete,  II,  156. 

Maniguette,  II,  156. 

Manikot  utilissima , II,  119. 

Manna,  II,  18. 

— a cannolo,  II,  50. 

— di  corpo,  II,  49. 

— di  foglia,  II,  19. 

— di  fronda,  II,  19. 

Manne,  II,  18,  19. 

Manne  d’Alhagi,  II,  55. 

— d’Australie,  II,  59. 

— de  Briançon,  II,  58. 

— de  Chêne,  II,  57. 

— de  Lerp,  II,  59. 

— de  Tamaris,  II,  55,  56. 

— en  larmes,  II,  51. 

— en  sorte,  II,  54. 

— orientale,  II,  55,  56. 

Mannitan,  I,  630. 

Mannite,  I,  19;  II,  52,  610. 

Mannitose,  II,  52. 

Manonaog,  II,  88. 

Mappa,  II,  333. 

Maranta,  11,429. 

— arundinacea,  II,  121,  123,  129. 

— indica,  II,  121. 

Marchandise  noire,  I,  98. 

Margarine,  II,  Cl. 

Margosa  Bark,  I,  298. 

Margosine,  I,  300. 

Marmelos  de  Benguala,  T,  231. 
Marshmallow  Root,  1, 176. 

Mastic,  I,  288. 


Mastic  do  Bombay,  I,  293. 

— de  l’Inde  orientale,  I,  293. 
Mastiche,  I,  288. 

Masticinc,  I,  292. 

Mastix,  I,  288. 

Matico,  II,  354,  356. 

Matricaria  Cliamomilla,  I,  569. 

— suaveolcns,  II,  12. 
Maulbecrcn,  II,  280. 

Mauves,  I,  181. 

May  Apple,  I,  87. 

May’a,  I,  182. 

Meadow  Anémone,  I,  32. 

Meadow  Saffron  Root,  II,  531. 
Mechoacan  noir,  II,  115. 

Méconidine,  I,  120. 

Méconine,  I,  119, 121. 

Méconium,  I,  98. 

Meconopsis,  1, 132. 

Meerrettig,  I,  112. 

Meerzwiebel,  II,  520. 

Mekonsaüre,  I,  117. 

Melaleuca,  I,  196. 

— ericifolia,  I,  196  ,197. 

— leucodenclron,  I,  193,  497. 
linarii folia,  I,  196,  197. 

— minor,  I,  491,  197. 

— Saligna,  I,  197. 

— viridiflora,  I,  197. 
Melanosinapis,  I,  137. 

Mélasse,  II,  569. 

Melegette,  II,  456. 

Meleguetta  Pepper,  II,  456. 
Mélézitose,  II,  58. 

Melia  Azadirachta,  I,  301.  - 
— indica,  I,  298. j 
Méliacées,  I,  298. 

Melissa,  II,  188. 

— officinalis,  II,  188. 

Mélisse,  II,  188. 

Melissenkraut,  11,  188. 

Mélitosc,  II,  59. 

Melligelta,  II,  156. 

Memeren,  I,  7. 

Mènispehmacées,  I,  58. 
Ménispermine,  I,  78. 

Menispermum  Cocculus,  I,  76. 

— Colomba,  I,  58. 

— palmatum,  I,  58,  62. 
Mentha,  II,  175. 

— aquatica,  II,  171. 

— arvensis,  II,  177,  181. 

— crispa,  II,  171. 

— hirsuta,  II,  175. 

— javanica,  II,  177. 


TAULE  ANALYTIQUE. 


G54 

Mentha  piperita,  II,  175. 

— Pulcgium,  II,  181. 

— silvcstris,  II,  173. 

— viridis,  II,  172,  173. 
Monllia  romana,  II,  173. 

Menthe  blanche,  II,  179. 

— noire,  II,  179. 

Menthe  poivrée,  II,  175. 

— Pouliot,  II,  181. 

— verte,  II,  172. 

Menthol,  II,  177. 

Mère  de  Girofle,  I,  50G. 

Mésite,  II,  109. 

MespilodapJme  Sassafras,  II,  270. 
Mélastyrol,  I,  485. 

Methel,  II,  83. 

Melhi,  I,  344. 

Méthol,  II,  409. 

Méthylamiue,  II,  610. 
Méthylnornarcotinc,  I,  119. 
Méthyhydrokinone,  II,  36. 
Metrosideros , I,  496. 

— albida,  I,  497. 
Meum,  I,  568. 

— Fœniculitm,  I,  541. 
Mezereon  Bark,  II,  271. 

Middle  states  Snake-Root,  359. 
Miel  de  Seigle,  II,  602,  610. 

— de  Tamarix,  II,  56. 

Milia,  I,  482. 

Mimosa  arabica,  I,  430. 

— Catecliu,  I,  433. 

— indica,  I,  431. 

— nilotica,  I,  430. 

— Suma,  I,  433. 

— Sandra,  1,  433. 

Mifian,  II,  40. 

Mishmee,  I,  8. 

Mishmi  Biller,  I,  7. 

— Tita,  I,  7. 

Mistura  Amygdalæ,  I,  443. 

Mitlid  Zahar,  I,  26. 

Moelle  de  Coloquinte,  I,  528. 

— de  Sassafras,  II,  269. 
Mohnkapseln,  I,  94. 

Mohr  Add,  I,  267. 

— Madow,  I,  267. 
Mohrenkümmel,  I,  582. 

Molasses,  II,  569. 

Momiri,  I,  9. 

Momordica  Elaterium,  I,  522,  526. 
Monniera  trifotiata,  I,  257. 
Monocotylisdones,  II,  421. 

Mora,  II,  280. 

Morada,  1,  598. 


Morarius,  U,  280. 

Morelle  grimpante,  il,  126. 

Moringa,  1,  269. 

— ptcnjgosperma,  I,  145. 
Morphia,  I,  117. 

Morphine,  I,  117,  119,  122. 
Morphinum,  I,  117. 

Morphium,  1,  117. 

Morung  Elaehi,  II,  452. 

Morus,  II,  282. 

— alba,  II,  280,  282. 

— nigra,  II,  280,  282. 
Moschuswurzcl,  I,  553. 

Mosi,  II,  597. 

Mossa,  II,  597. 

Mountain  Damson,  I,  243. 

Mousse  d’Irlande,  II,  612. 

— perlée,  II,  612. 

Moutarde  blanche  ou  anglaise,  1,  138 

— des  Allemands,  I,  143. 

— grise,  I,  132. 

— noire,  I,  132. 

Macuna,  I,  334,  335,  340. 

— pruriens,  I,  333,  335- 

— prurita,  I,  333. 

Mudar,  II.  74. 

Mudarine,  II,  76,  77. 

Mulberries,  II,  280. 

Mundubi,  I,  327. 

Mur,  I,  270. 

Mûres,  II,  280. 

Mus,  II,  597. 

Muscade,  II,  213. 

Muscadier,  II,  221. 

Muscus  catharticus,  II,  597. 

— clavatus,  II,  585. 

— terrcstris,  II,  585. 
Muskalblülhe,  II,  222. 

Muskatbulter,  II,  220. 

Muskatnuss,  II,  213. 

Muskatnussôl,  II,  220. 

Muslagi  rùmi,  I,  293. 

Mutterharz,  I,  565. 

Mutterkorn,  II,  601. 

Mutterkümmel,  I,  582. 

Mycose,  II,  610. 

Myristica,  II,  24,  213. 

— fragrans,  II,  213,  221, 222. 
Mïristicacées,  II,  213. 

Myristicène,  II,  224. 

Myristicine,  II,  219. 

Myristine,  II,  220. 

Myrocarpus  frondosus,  I,  379. 
Myronale  de  potassium,  I,  135. 
Myrosine,  I,  135. 


655 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Myrospermum  Pereiræ , I,  372. 

— aonsonatense , I,  373. 

— toluifcrum,  I,  307. 
Myrospermum  of  Sonsonate,  I,  372. 
Myroxycarpine,  I,  380. 

Myroxylon,  I,  371,  374,  37a,  379. 

— Pereiræ,  I,  372,  373,  380. 

— peruiferum,  I,  379. 

- Toluifera,  I,  307,  371,  373, 

370,  377. 

Myrrli,  I,  208,  270. 

Myrr/ia,  I,  208. 

— indica,  I,  274. 

Myrrhe,  I,  208,  270. 

Myrrhe  d’Arabie,  I,  273. 

— liquide,  I,  271. 

Myutacées,  I,  493. 

Myrtus  Caryopliyllus , I,  307. 

— Pimenta,  I,  508,  511. 


N 


Napelline,  I,  17,  19. 

Naphthalène,  II,  409. 

Narcéine,  I,  119,  125. 

Narcotine,  I,  117,  119,  123. 

Nard  indien,  1,  554. 

Nardostachys  Jatamansi,  I,  554. 
Nataloïne,  II,  513,  5)5. 

Narthex,  I,  557,  507,  505,  558,  571. 

— Asa-Fœtida,  I,  557,  505. 
Naudea,  1,  593. 

— Gam'bir,  I,  589. 

Nannâri,  II,  72. 

Neb-Neb,  I,  431. 

Nectandra,  II,  200,  270,  4 10. 

— Cyrnbarum,  II,  200,  270. 

— Rodiæi,  II.  203,  204,  200. 

Ncctandria,  II.  205. 

Neyundo  aceroides,  II,  507. 
Nelkenkôpfe,  I,  508. 

NelkonpfefTer,  I,  508. 

Nelkenstiele,  I,  505. 

Népal  AconiLe,  I,  24. 

Népaline,  I,  17. 

Nephelium  lappaceum,  1,  328. 

Néroli,  I,  229. 

Ncroliôl,  I,  229. 

Neugewürz,  I,  508. 

Ngàï,  II,  200. 

Ngân-si-hiâng,  II,  40. 


Nhandi,  II,  350. 

Nicotiana,  II,  152,  154,  133. 

— multivalvis,  II,  155. 

— Persica , II,  135,  156. 

— quadrivalvis,  II,  155,  150. 

— repanda,  11,  155,  130. 

— rustica,  II,  154,  155; 

— Tabacum,  II,  150,  152,  134, 
1 55. 

Nicolianinc,  II,  153. 

Nicotine,  II,  153. 

Nielles,  I,  34. 

Nigella,  I,  34,  33. 

— arvensis,  I,  33,  30. 

— citrina,  1,  35. 

— cretica,  I,  35,  3G. 

— Damascœna , I,  35. 

— indica,  I,  35,  36. 

— sativa,  I,  35,  30. 

Nigelles,  I,  34. 

Nimba,  I,  299. 

Nim  Bark,  I,  298. 

Nipa  fruticans,  II,  507. 

Noir  prun,  I,  307. 

Noix  d'Arec,  II,  483. 

— d’Arec  ou  Noix  Bétel,  I,  438. 

— Bétel,  I,  438. 

— de  Galle  blanche,  II,  306. 

— de  Galle  bleue,  II,  366. 

Noix  de  Galle  d’Alep,  II,  364. 

Noix  de  Galle  verte,  II,  366. 

— d’Inde,  II,  83. 

— de  Muscade,  II,  213. 

— de  Sassafras,  II,  270. 

— Igasur,  II,  88. 

— Muscade  longue,  II,  219. 

Noix  vomique,  II,  81,  83. 

Nornarcotine,  I,  1 19. 

N.orway  Spruce  Fir,  II,  400. 

Nuces  Arecæ  vel  Betel,  II,  485. 

— Græcæ,  I,  440. 

— Indicæ,  II,  214. 

Nuclei  myristieæ,  II,  213. 

Nunnari  Root,  II,  72. 

Nushtur,  I,  109. 

Nutgalls,  II,  304. 

Nutmeg,  II,  213. 

— Butter,  II,  220. 

Nux  Indica,  II,  82,  83. 

— Metella,  II,  83. 

— Melbel,  11,  83. 

— moschata,  II,  213. 

— pepita,  II,  89. 

— Vomica,.lI,  81,  82. 

— Vomica  légitima,  II,  885. 


G56 


TABLE  ANALYTIQUE. 


0 

O-Fu-Yung,  I,  98. 

O-Pien,  I,  98. 

Oak  Bark,  II,  3fi0. 

Oak  Galls,  II,  364. 

Obis,  I,  34. 

Ognon  marin,  II,  820. 

Cil  of  Cajuput,  I,  493. 

Oil  of  Géranium,  II,  675. 

— Ginger  Grass,  II,  575. 

— Mace,  II,  220. 

— Origanum,  II,  183. 

— Spike,  II,  171 . 

— Theobroma,  I,  184. 

Oil  or  Essence  of  Neroli,  I,  229. 

Okra,  I,  181. 

Okro,  I,  181. 

Olea,  II,  67. 

— cuspidata,  11,61. 

— europæa,  II,  6i,  67,  68. 

— fcrvuginea,  II,  61. 

— sativa,  II,  67. 

Oléacées,  II,  48. 

Oléine,  II,  64. 

Olen,  I,  8. 

Oléorésine  de  Copahu,  I,  407. 

— A' Hardivickia pinnata , 1, 414, 

415. 

Oleum  Amygdalæ,  I,  442. 

— Andropogonis,  II,  575. 

— Anisi,  I,  551. 

— Arachis,  I,  326. 

— Aurantii  Florum,  I,  229. 

— Bergamii,  I,  222. 

— Bergamotæ,  I,  222,  223. 

— Cacao,  I,  184. 

— Cadinum,  II,  411. 

— Cajuputi,  I,  493. 

— Caryophylli,  I,  503. 

— Cinnamomi  foliorum,  II,  235. 

— Cinnamomi  radicis,  II,  235. 

— Copaibæ,  I,  412. 

— Crotonis,  II,  309. 

— ex  Citriorum  floribus,  I,  229. 

— Garciniæ,  I,  167.  ’ 

— Graminis  Indici,  II,  575. 

— Juniperi  empyreumaticum,  11,411 . 
— Lavandulæ,  II,  170. 

— Lavandulæ  Spicæ,  II,  171. 

— Limonis,  I,  218. 

— Macidis,  II,  220. 

— Menthæ  piperitæ,  II,  177. 

— Menthæ  viridis,  II,  174.  • 

— Myristicæ  expressum,  II,  120. 


Oleum  Neroli,  I,  229. 

— Nucislæ,  11,220. 

— Olivæ,  II,  61. 

— Picis  liquida1,,  II,  412. 

— Pimcnlæ,  I,  511. 

— Pulegii,  II,  182. 

— Rosæ,  468. 

— Rutæ,  I,  245. 

— Scsami,  II,  163. 

— Spicæ,  II,  171. 

— Thcobromatis,  I,  184. 

— Thymi,  II,  183. 

— Tiglii,  II,  309. 

— viride,  I,  587. 

— wiltnebianum,  I,  494. 
Oliban,  I,  259,  262. 

Olibanum,  I,  259. 

— Frankincense,  I,  259. 
Olive  Oil,  II,  61. 

Olivenôl,  II,  61. 

Omam,  I,  542. 

Ombellifères,  I,  530. 

Ophelia,  II,  101,  104,  161. 

— angustifolia,  II,  104. 

— Chirata , II,'k101. 

— demi  folia,  II,  104. 

— elegans,  II,  104. 

— multiflora , II,  104. 

— pulchella,  II,  104. 
Ophioxylon  serpentinum , I,  7. 
Opianine,  1, 119. 

Opianyl,  I,  121. 

Opium,  I,  98. 

Opium  d’Asie  Mineure,  I,  101. 

— de  Chine,  I,  112. 

— de  Constantinople,  1, 101. 

— d’Egypte,  I,  103. 

— d’Europe,  I,  106. 

— de  l’Inde  orientale,  I,  107. 

— de  Malwa,  1, 111. 

— de  Perse,  I,  104. 

— de  Smyrne,  I,  101. 

— de  Turquie,  I,  101,  103. 

— de  Laitue,  II,  28. 
Thebaïcum,  I,  98. 

Opiumsiiure,  I,  117. 

Opoidia  galbanifeva,  I,  565. 
Opopanax,  I,  575. 

Opopanax  Chironium , 1,  575. 

— Fenila , I,  575. 

— persicum,  I,  575,  576. 
Opuntia,  II,  60. 

Orange  de  Chine,  I,  227. 

— de  Malte,  I,  233. 

— de  Portugal,  I,  227. 


657 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Orange  de  Séville,  I,  228. 

— douce,  I,  233. 

Orchid  âgées,  II,  461. 

Or  c/iis,  II,  461,  404. 

— conopsea,  II,  461. 

— coriophora,  11,461. 

— lati folia,  II,  461. 

— longicruris,  II,  461. 

— maculata,  II,  461,  465. 

— mascula , II,  461,  465. 

— militaris,  II,  461,  4G4. 

— Morio,  II,  461. 

— pyramidalis,  II,  461. 

— saccifera,  II,  461. 

— ustulata,  II,  461. 

Ordeal  Bean  of  Old  Calabar,  I,  335. 
Oreilles  des  Indes,  II,  368. 
Oreodaplme  opifera,  II,  270. 

Orge  à l’écossaise,  II,  571. 

— brûlante  de  l’Inde,  II,  531. 

— commune,  II,  570. 
r—  mondé,  II,  570. 

Orge  perlé,  II,  570. 

Ormes,  II,  301. 

Ornithogalum  altissimum,  II,  523. 
Ornus  europæa,  II,  59. 

— rotundifolia , II,  60. 

Orobanche,  I,  109. 

Orris  Root,  II,  471. 

Orvale,  II,  192. 

Otto  of  Rose,  I,  468,  470, 
Oxyacanthine,  I,  86. 

Oxycamphre,  II,  256. 

Oxycannabine,  II,  287. 

Oxypliœnica,  I,  403. 

P 

Pachygone,  I,  71 . 

Pachyma  Cocos,  II,  557. 

Pa-co,  I,  55. 

Palas  Tree,  I,  358. 

Palas  or  Pulas  Kino,  I,  358.  - 

Pale  Catecbu,  I,  589. 

Palma-Christi  Secds,  II,  318. 
Palmiers,  II,  485. 

Palmitate  de  cérotyl,  I,  116. 

Palmitate  myricyliquc,  II,  298. 
Palmitinc,  I,  185. 

Pàlo,  I,  81. 

Palo  de  Culebra,  II,  72. 

Palo  dcl  Soldado,  II,  35i. 

Panax  quinquefolium,  1, 152;  II,  359. 
Pangaguason,  II,  88. 

U1ST.  DES  DROGUES,  T.  II. 


Papaver,  I,  93. 

— dubium,  I,  92. 

— glabrum,  I,  94, 101. 

— officinale,  I,  24,  104. 

— Rhœas,  I,  91,  92,  93,  127. 

— sctigerum,  I,  94,  127,  129. 

— somniferum,  1,  94,97,  101  , 104, 

109,  127,  129. 

— somniferum  album,  I,  129. 

— somniferum  album  depressum, 

I,  128. 

— somniferum  nigrum , 1,  128, 129. 
Papavéracées,  I,  91. 

Papavérine,  I,  96,  119,  125. 
Papavérosine,  I,  96,  121. 

Paracajuputône,  I,  495. 

Paracatharnine,  I,  246. 

Paradieskôiner,  II,  456. 

Paradigitaiétine,  II,  158. 

Paraffine,  II,  409. 

Paraménispermine,  I,  79. 

Pareira  Brava,  I,  63,  64,  65. 

— — blanc,  I,  70. 

— — faux,  I,  60. 

— — grande,  I,  70. 

— — jaune,  I,  71. 

Parfum  de  Jehan  Ghir,  I,  470. 

Paricine,  I,  623. 

Parigénine,  II,  551. 

Pariglina,  II,  550. 

Pariüine,  II,  550. 

Pasèvvà,  I,  110. 

Pasque  Flower,  I,  31. 

Passulæ  Majores,  I,  309. 

Pasta,  I,  323,  324. 

Pastinaca  Anetlium , I,  578. 

— Opopanax,  I,  575. 

Pâte  de  Réglisse,  I,  325. 

Paullinia,  I,  243. 

Pavame,  II,  267. 

Pavot,  I,  94. 

— cornu,  I,  131. 

~ Coq,  I,  93. 

— œillette,  I,  125. 

Paytine,  I,  624. 

Peachwood,  I,  384. 

Pearl  Barley,  II,  570. 

Pédoncules  do  Girofle,  I,  505. 
Pe-fuh-ling,  II,  557. 

Pegu  Catecbu,  I,  433. 

Pélargonium  Radula,  II,  576. 

Pellitory  of  Spain,  II,  6. 

— Root,  II;  6. 

Pélosino,  I,  67,  169;  II,  265. 

Pcnang  Benjamin,  II,  45. 


42 


bo8  TABLE  ANALYTIQUE. 


Pennyroynl,.II,  181. 

Pépins  de  Coings,  I,  478. 

Pépita  de  Bisaya,  II,  88. 

— Catbalogan,  II,  88. 

Pepper,  II,  334. 

Pepper  Bark,  I,  44. 

P-eppermint,  II,  178. 

Periploca  indien,  II,  72. 

Perlmoos,  II,  612. 

Perniwort  indian,  I,  630. 

Persica,  I,  443. 

Perubalsam,  I,  372. 

Pcrusse,  II,  395. 

Peruvian  Bark,  I,  594. 

Peruvian  or  Payta  Rhatany,  I,  153. 
Péruvine,  I,  378. 

Pesse,  II,  400. 

Petala  Rbœados,  I,  91. 

— Rosæ  Centifoliæ,  I,  4GC. 

— Rosæ  gallicæ,  I,  462. 

Pétales  de  Roses  de  Provins,  I,  462. 

— de  Roses  pâles,  I,  466. 
Pétales  de  Roses  rouges,  1,  462. 

Petit  Chiendent,  II,  580. 

Petit- grain,  I,  231. 

Petit  Ipecacuanha  strié,  I,  649. 

Petits  PigDons  d’Inde,  II,  308. 

Petite  Cannelle,  II,  232. 

Petite  Centaurée,  II,  104. 

Petite  Manne,  II,  51. 

Peucedanum,  I,  576,  577. 

— graveolens,  I,  578. 
Pfefferminze,  II,  175. 

Pfriemenkraut,  I,  312. 

Pharbitis  Nil,  II,  122,  125. 
Pharbitisine,  II,  124. 

Phnseolus  glycyrrhites,  I,  330. 

— multiflorus , I,  335. 

— siliqua  kirsuta,  I,  333. 
Phénol,  I,  370;  II,  269. 

Phéorétine,  II,  205. 

Phérétine,  II,  205. 

Phloroglucine,  I,  163,  314,  357  ; II,  99, 
493. 

Phœnix  silvestris,  II,  567. 
Photo-Santonine,  II,  17. 
Phyco-érythrine,  II,  613. 

Physostigma,  I,  337,  340. 

— venenosum,  I,  335,  340. 
Physostigmine,  I,  338,  339. 

Picea,  II,  402. 

— Balsamea,  II,  398. 

Picrasma  excelsa,  I,  237. 

Picræna,  I,  239. 

— excelsa , I,  236,  237,  239,  244- 


PicroscléroÜn'e,  II,  611. 

PicroLoxine,  I,  78,  80. 

Pigaya,  I,  642. 

Pilocarpine,  1,  256,  258. 

Pilocarpus , 1,  251 , 253,  255,  256,  257,  258. 
— pennatifolim , 1,  250,  251,  253, 
256,  257,  258. 

Piment,  II,  129. 

Piment  des  Anglais,  I,  508. 

— des  jardins,  II,  129. 

— Tabago,  I,  511. 

Pimenta  acris , I,  511. 

— of/icinalis , 1,  508,  511. 

Pimento,  I,  511 . 

Pimieuta  de  Tabasco,  1,511. 

Pimpinella,  I,  553. 

— Anisnm,  I,  550,  553. 
Pin-lang,  II,  485. 

Pink-Root,  II,  90. 

Pin  maritime,  II,  378. 

Pinang,  I,  570. 

Pinanga,  II,  489. 

Pinones  de  Maluco,  II,  308. 

Pinus,  II,  385. 

— Abies,  II,  400,  405. 

— australis , II,  378,  380. 

— Balsamea,  II,  394,  398. 

— canadensis,  II,  395. 

— Cednis,  II,  58. 

— Fraseri,  II,  395. 

— Laricio,  II,  378,  387. 

— Larix,  II,  58,  389,  392,  393. 

— Ledebourii , II,  406. 

— maritima,  II,  378. 

— palus  tris,  II,  378. 

— Picea,  II,  379,  397,  399. 

— Pinastcr,  II,  378,  387,  404. 

— Pumilio,  II,  397. 

— silvestris,  II,  378, 379, 385,  388, 406. 
— Tæda,  II,  378,  387. 

Piperacées,  II,  334. 

Piper,  I,  256,  257,  258  ; II,  341,  343. 

— aduncum,  II,  356. 

— angustifolium,  II,  354,  356. 

— Belle,  II,  345. 

— caninum,  II,  352. 

— Clusii,  II,  352,  353. 

— crassipes,  II,  352. 

— Citbeba,  II,  346,  348,  353. 

— densum,  II,  345. 

— lanccæfoliiim,  II,  356. 

— longum,  II,  343,  346,  356. 

— Lowong,  II,  352. 

— Melegueta,  II,  456. 

— nigrum,  II,  334,  341. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Piper  Officinarum,  II,  343,  3$  4,  346. 

— réticulation , I,  257,  258. 

— ribesioides,  II,  352. 

Pipéridine,  II,  339. 

Pipérine,  II,  339. 

Pipli-mul,  II,  344,  346. 

Pippali,  II,  334. 

Pippalimula,  II,  346. 

Pirus  Cydonia,  I,  478,  480. 

— glabra,  II,  58. 

Pispaz,  I,  560. 

Pissenlit,  II,  25. 

Pistache  de  Terre,  I,  329. 

Pistachiers,  I,  293. 

Pistacia,  I,  393;  II,  270. 

— atlantica,  I,  293. 

— Cabulica,  I,  293. 

— Khinjuk,  I,  293. 

— Lentiscus,  I,  288,  293;  II,  370. 

— palæstina,  I,  294 

— Terebinthus,  I,  294;  II,  370. 

— ver  a,  I,  298. 

Pitayo  Bark,  I,  623. 

Pitch,  II,  412. 

Pitoyine,  I,  623. 

Pivoine,  I,  36. 

— femelle,  I,  36. 

— mâle,  1,36. 

Pix  abietina,  II,  400. 

— arida,  II,  401. 

— burgundica,  II,  400. 

— liquida,  II,  406. 

— navalis,  II,  412. 

— nigra,  II,  412. 

— sicca,  II,  412. 

— solida,  II,  412. 

Plantaginacèes,  II,  192. 

Plantago , II,  195. 

— Cynops,  II,  193. 

— decumbens,  II,  192,  195. 

— Ispaghula , II,  192. 

— Psyllium,  II,  193. 

Plantains,  II,  195. 

Platanus  orientalis,  I,  482. 

Plocaria  candida,  II,  615. 

Plosslea  florifunda,  I,  267. 

Poaya,  I,  649. 

— branca,  I,  649. 

Pockholz,  I,  194. 

Pod  Popper,  II,  129. 

Podopbyiline,  I,  88,  89. 

Podophyllum , I,  88,  89,  90,  91. 

— pcltaturn,  I,  87,  90. 

— Hoot,  I,  87. 

Pœonia  corallina,  I,  36. 


Pœonia  officinalis,  I,  36. 

Pois  à Gratter,  I,  333. 

Pois  Guénie,  I,  380. 

— pouilleux,  I,  333. 

— Quéniques,  I,  380. 

Poivre  il  queue,  II,  353. 

• — blanc,  II,  340. 

Poivre  Cubèbe,  II,  346. 

Poivre  de  Calicut,  II,  130. 

— de  Guinée,  II,  129,134. 

— d’Inde,  II,  129. 

— delà  Jamaïque,  1, 508. 
Poivre  long,  II,  343. 

— noir,  II,  334. 

Poivrier,  II,  336,  341. 

Poix  blanche,  II,  402. 

Poix  de  Bourgogne,  II,  400. 

Poix  des  Vosges,  II,  400. 

— grasse,  II,  401. 

— jaune,  II,  400. 

— liquide,  II,  406. 

Poix  noire,  II,  412. 

Polei,  II,  181. 

Polycbroïte,  II,  481. 

Polygala,  I,  152,  153. 

— amara,  I,  152,  153. 

— austriaca,  I,  152. 

— Senega,  I,  3,  149,  152. 

— vulgaris,  I,  149,  153. 
PoLYGALACÉES,  I,  149. 
POLYGONACÉES,  II,  195. 
Polypodium  Filix  mas,  II,  589. 
Pomegranate  Peel,  I,  517. 
Pomeranzenschale,  I,  226. 

Pomme  de  Mai,  I,  87. 

~ d’Or,  I,  47S. 
Pommegranate  Root  Bark,  I,  520. 
Ponceau,  I,  93. 

Pontefract-Cakes,  I,  326. 

P°PPy  Capsules,  I,  94. 

— Heads,  I,  94. 

Poppytrash,  I,  110,  111. 
Porphyroxine,  I,  130. 

Potentilla  Tormentilla , 1,  156,  630. 
Poudre  des  Capucins,  II,  531. 

— de  Lycopode,  II,  585. 
Pouliot  bâtard,  II,  184. 

— vulgaire,  II,  181. 

Prickly  Lettuce,  II,  26. 

Proivron,  II,  134. 

Prophétine,  I,  525. 

Protium  Kataf,  I,  276. 

Protopine,  I,  119. 

Provencer  OEI,  II,  61 . 

Provence  Rose,  I,  466. 


6(50 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Pruna  damascnna,  I,  A 0 . 

Pruneauliana,  I,  451. 

Pruneaux,  I,  450. 

Prunes,  1,  450. 

Prunes  médicinales,  I,  450. 

Prunier  de  Saint-Julien,  I,  450. 
Prunophora,  I,  443. 

Prunum  Gallicum,  I,  450. 

Prunus,  I,  443. 

— Amygdalus,  I,  439,  443,  445. 

— domestica,  I,  450,  451,  452. 

— Juliana,  I,  450. 

— Lauro-Cerasus , I,  447  , 455, 
457. 

— œconomica,  I,  4SI. 

— Padus,  I,  447,  453. 

— Pruneaidiana,  I,  451. 

— serotina , I,  452,  453,  454. 

— virginiana,  I,  452,  453. 
Pseudo-Aconitine,  I,  17. 

— amorphe,  1, 18. 

_ cristalline,  1, 17. 

Pseudomorphine,  1, 119,  124. 

Psychotria  emetica,  I,  G49,  653. 
Ptérocarpine,  I,  366. 

Pterocarpus,  I,  361,  363,  372. 

— Draco,  II,  495. 

— erinaceus,  I,  355,  359. 

— indicus , I,  354,  364. 

— Marsupium,  I,  354, 355,356, 

360,361,  363,364,366,372. 

— santalinus,  I,  363,  364,  366; 

II,  372. 

Ptychotis  Ajowan,  I,  542. 

— Coptica , I,  542. 

Puccine,  I,  130. 

Puleium  regium,  II,  181. 

Puliol  royal,  II,  181. 

Pulpe  de  Coloquinte,  1,  528. 

Pulpe  de  Tamarin,  I,  402. 

Pulsatille  noire,  I,  32. 

Punica  Granaturn,  I,  517,  518,  520. 
Punicino,T,  522. 

Purga  de  Sierra  Gorda,  II,  120. 

Purging  Cassia,  I,  398. 

Purgirkôrner,  II,  308. 

Purgo  Macho,  II,  119. 

Putrawalli,  I,  80. 

Pyrèlhrc  salivaire,  II,  6. 

Pyrocatéchine,  1,  155,  357,  359,  366,  437  ; 

II,  36,  46,  407,  4 10,  487. 

Pyrogallol,  I,  386. 

Pyroguaiacine,  I,  201. 

Pyrola , II,  37. 

Pyroleum  Oxycedri,  II,  411. 


Pyrus,  I,  480. 

— Cydunia,  I,  478,  480,  482. 

Q 

Quassia,  I,  236,  239. 

— amara,  I,  237,  239,  240,244. 

— excnlsa,  I,  236. 

— Simaruba,  I,  244. 

Quassia  de  Surinam,  I,  237,  239. 

Qnassia  wood,  I,  236. 

Quassiine,  I,  238,  245. 

Queckewurzel,  II,  580. 

Quercétine,  I,  437,  593. 

Quercine,  II,  362. 

Quercitrin,  I,  464. 

Quercus,  II,  362. 

~ infectoria,  II,  364. 

— lusitanien,  II,  364. 

— persica,  II,  57. 

— Robur,  II,  360,  362. 

— vallonea,  II,  57. 

Quetschen  ou  Swetschcn,  1,  451. 

Queue  de  loup,  II,  160. 

Quina  de  Garoni,  I,  202. 

Quinaminc,  I,  622,  62G,  627,  632. 

Quina  verde  morada,  1,  637. 

Quince  Pips,  1 , 478. 

— Seeds,  I,  478. 

Quinicine,  I,  624,  627. 

Quinidine,  I.  622,  623,  626,  627,  632,633. 
Quinine,  I,  622,  624,  627,  632,  633. 
Quinnab,  II,  285. 

Quinoïdine,  I,  624. 

Quinone,  I,  629. 

Quinquina  bicolore,  I,  623. 

— Calisaya,  I,  636. 

— Loxa,  1,  613. 

— Royal,  I,  613. 

Quitch  Grass,  II,  580. 

Quittensamen,  I,  478. 

11 

Racine  d’Aconit  Hétérophylle,  I,  27. 

— d’Aconit  indien,  1,  24. 

— d’Aconit  Napel,  I,  14. 

— d'Althæa,  1,  176. 

Racine  de  Betterave,  II,  566. 

— de  Butua  ou  de  Pareira  Brava,  1, 

63. 

Racine  de  Colombo,  I,  58. 

Racine  de  Diclame  blanc,  I,  248. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Racine  de  Fraxinelle,  I,  24  S,  249. 
Racine  de  Galanga,  IL  440. 

— de  Gentiane,  II,  97. 

— de  Guimauve,  I,  176. 

— d’IIelleboro,  I,  1,  5. 

Racine  d’Hémidesmus,  II,  72. 

Racine  d’ipéca,  I,  641. 

Racine  d’Ipécacuanha,  I,  641. 

Racine  d’Ipécacuanba  annelé,  I,  641. 

— de  Jalap,  II,  114,  1 15. 

— d’Orizaba,  II,  119. 

— de  Pareira  Brava,  I,  63. 

Racine  de  Pissenlit,  II,  21. 

Racine  de  Polygala  de  Virginie,  I,  149. 
Racine  de  Pyrèthre,  II,  6. 

— de  Raifort,  I,  136. 

— de  Ratanhia,  I,  133. 

— de  Réglisse,  I,  315. 

— de  Salsepareille,  54  0. 

Racine  de  Sambola,  I,  553. 

— de  Sambula,  I,  553. 

— de  Sassafras,  II,  266. 

— de  Scammonée,  II,  lll. 

— de  Senega,  I,  149. 

Racine  de  Serpentaire,  II,  357. 

— de  Squine,  II,  556. 

— de  Sumbul,  I,  553. 

Racine  de  Sumbul  indien,  I,  554. 

Racine  de  Toddalia,  I,  241. 

— de  Tylophora,  IL  80. 

Racine  de  Valériane,  656. 

Radix  Abri,  I,  330. 

— Aconiti,  I,  14. 

— Acori,  II,  496. 

— Actææ  racemosæ,  I,  29. 

— Althææ,  I,  176. 

— Armoraciæ,  1, 142. 

— Arnicæ,  II,  18. 

— Belladonæ,  II,  134. 

— Calami  Aromatici,  II,  496. 

— Calurpbæ,  I,  58. 

— Cliinæ,  II,  555. 

— Chinæ  occidentalis,  II,  557. 

— Colchici,  II,  534. 

— Colurtibo,  I,  58. 

— Coptidis,  I,  7. 

— Cureumæ,  II,  435. 

— Dictamni  albi,  I,  248. 

— dulcis,  I,  316. 

— Enulæ,  II,  1. 

— Galangæ  majoris,  II,  442. 

— Galangæ  minoris,  II,  440. 

— Genlianæ,  II,  97. 

— Graminis,  II,  580. 

— Glycyrrhizæ,  I,  315. 


661 

Radix  Hellenii,  II,  1. 

— Ilellebori  nigri,  I,  1,  5. 

— Ilellebori  albi,  II,  525. 

— Hemidesmi,  II,  72. 

— indica  lopeziana,  I,  241. 

— Inulæ,  II,  1. 

— Ipecacuanhæ,  I,  641. 

— Iridis  florentinæ,  II,  471. 

— Jalapæ,  II,  114. 

— Krameriæ,  I,  153. 

— Liquiritiæ,  I,  315. 

— Melampodii,  I,  1. 

— Pareiræ,  I,  63. 

— Podophylli,  I,  87. 

— preciosa  amara,  I,  7. 

— Pyrethri,  II,  6. 

— Ratanbiæ,  I,  153. 

— Rba  Barbari,  II,  201. 

— Rliei,  II,  195. 

— Salep,  II,  461 . 

— Salsaparillæ,  II,  540. 

— Sarsæ,  II,  540. 

— Sarsaparillæ,  II,  540. 

— Sarzæ,  II,  540. 

— Sassafras,  II,  266. 

— Satyrii,  II,  461. 

— Scillæ,  II,  520. 

— Senegæ,  I,  149. 

— Senekæ,  ï,  149. 

— Serpentariæ,  II,  357 . 

— Serpentariæ  virginianæ,  II,  357. 

— Spigeliæ,  II,  90. 

— — marilandicæ,  II,  90. 

— Sumbul,  I,  553. 

— Taraxaci,  II,  21. 

— Tinosporæ,  I,  81. 

— Toddaliæ,  I,  241. 

— Tylophoræ,  II,  80. 

— Valerianæ,  I,  656. 

— Veratri,  II,  525. 

— Zingiberis,  II,  429. 

Raifort,  I,  142. 

Raisins,  I,  309. 

Raisins  au  soleil,  I,  310. 

— Chesme,  I,  310. 

— Eleme,  I,  310. 

— Muscats,  I,  310. 

— secs,  I,  309. 

— Sultane,  I,  310. 

— Valence,  I,  310. 

Ranunculus,  I,  37. 

Raplianus  rusticanus , 1, 143. 

Rasa  lia  Tel,  IL  576. 

Rasamala,  I,  490,  492. 

Rasot  ou  Rusot,  I. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


062 

llasuræ,  I,  237. 

Rntnnhia  de  Ceara,  I,  158. 

— de  la  Nouvelle-Grenade,  I,  157. 

— des  Antilles,  II,  158. 

— du  Brésil,  I,  158. 

— du  Para,  I,  158. 

Ratanhiawurzel,  1,  153. 

Ratanhine,  I,  156. 

Raute,  I,  245. 

Récolice,  I,  317. 

Red-Cole,  I,  142. 

— Dragon’s  Blood,  II,  492. 

— Pepper,  II,  129. 

— Poppy,  I,  91. 

— Poppy  Petals,  I,  91. 

— Rose  Petals,  I,  462. 

— Sanders,  II,  372. 

— Sanders  Wood,  I,  363. 

— YVhortleberry,  II,  37. 

Réglisse,  I,  317. 

— d'Alicante,  I,  318. 

— d’Amérique,  I,  330. 

— de  Russie,  I,  318. 

— de  Tortosa,  I,  318. 

Regolizia,  I,  317. 

Renonculacées,  I,  ! . 

Réquelice,  I,  317. 

Réséda  lutea,  I,  136. 

— luteola,  I,  136. 

Résina  Benzoë,  II,  40. 

— Draconis,  II,  490. 

— Elemi,  I,  277. 

— Guaiaci,  I,  198. 

— Jalapæ,  II,  118. 

— Mastiche,  I,  288. 

— Podophylli,  I,  90. 

— Scammonii,  II,  111. 

Résine,  II,  403. 

— d’Aloès,  II,  513,  515,  516. 

— — soluble,  II,  516. 

— — insoluble,  II,  516. 

— d’Altingia  excelsa,  I,  490. 

— d’Angelina  Pedra,  I,  156. 

— d’Arbol  a Brea,  I,  282. 

— de  Benjoin,  II,  40. 

— de  Gayac,  I,  198. 

— de  Scammonée,  II,  111. 

— duLiquidambarStyraciflua,  1, 489. 

— — Formosana,  1,489. 

— du  Styrax  officinale,  I,  488. 

— Élémi,  I,  277. 

— jaune,  II,  382. 

— noire,  II,  383. 

— transparente,  II,  382. 

— Soaps,  II,  383. 


Résorcine,  I,  366,  564. 

Relti,  1,  330. 

Rlia,  II,  195. 

Rhabarber,  II,  195. 

Bhabarbérine,  II,  204. 

Rhabarberstoff,  II,  204  . 

Rhacoma,  II,  196. 

Rhamnacées,  I,  304. 

Rhamnégine,  I,  306. 

Rhamnétine,  I,  306,  307. 

Rhamnine,  I,  306,  307. 
Rhamnocathartine,  I,  306. 

Rhamnus,  I,  306,  307. 

— calhartica,  I,  304,  305,  306, 

307. 

— Frangula,  I,  308. 

— Jujuba,  I,  309. 

Rhatany  or  Rhatania  Root,  I,  153. 
Rliéine,  II,  204. 

Rheum,  II,  209. 

— australe,  II,  209. 

— compactum,  II,  208,  212. 

— Emodi,  II,  209,  212. 

— officinale,  II,  195,  209. 

— palmatum,  II,  207,  208,  211. 

— Rhaponticum , II,  207,  208,  209, 

212. 

— undulatuni,  II,  208,  212. 
Rheumine,  II,  204. 

Rhizoma  Calami  Aromatioi,  II,  496. 

— Coptidis,  I,  7. 

— Curcumæ,  II,  435. 

— Filicis,  II,  589. 

— Filicis-maris,  II,  589. 

— Galangæ,  II,  440. 

— Graminis,  II,  580. 

— Iridis,  II,  471. 

— Veratri  albi,  II,  525. 

— Veratri  viridis,  II,  528. 

— Zingiberis,  II,  429. 

Rhizome  d’Acore,  II,  496. 

— d’Arnica,  II,  18. 

— d’Aunée,  II,  1. 

— de  Cimicifuga,  II,  29. 

— de  Chiendent,  II,  580. 

— de  Coptis,  I,  7. 

— de  Curcuma,  II,  435. 

— de  Fougère  mâle,  II,  589. 

— de  Galanga,  II,  440. 

Rhizome  de  Galanga  majeur,  II,  442. 

_ — mineur,  II,  441. 

Rhizome  de  Gingembre,  II,  429. 

_ d’Hellébore  noir,  I,  1. 

_ d'iris,  11,471. 

— de  Vératre  blanc,  II,  525. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Rhizome  de  Vératre  vert,  II,  52S. 

— de  Podophyllum,  I,  87. 

— de  Rhubarbe,  II,  193. 

— de  Spigélie,  II,  90. 

— et  Racine  de  Belladone,  II, 

134.  • 

— et  Racine  de  Gelsemium,  II, 

93. 

Rhododendron,  II,  37. 

Rhœadine,  I,  119,  123. 

Rhœagénine,  I,  119. 

Rhubarb,  II,  193. 

Rhubarbe,  II,  193. 

— anglaise,  II,  20G. 

— arrondie,  II,  203. 

— d’Allemagne,  II,  208. 

— de  Canton,  II,  201. 

— de  France,  II,  208. 

— de  Moscovie,  II,  200. 

— de  Russie,  II,  200. 

— des  Indes  orientales,  II,  201. 

— de  Turquie,  II,  200. 

— plate,  II,  203. 

— royale,  II,  200 . 

Rhus  Bucki-Amela,  II,  368. 

— Coriaria,  II,  367. 

— semialata , II,  368,  369. 

Rh-ya,  II,  283. 

Richardsonia,  I,  630. 

— scabra,  I,  630 
Ricin,  II,  323. 

Ricinélaïdine,  II,  323. 

Ricinine,  II,  323. 

Ricin  sanguin,  II,  326. 

Ricinus,  II,  323. 

— commimis,  II,  318,  328. 
Ricinussamen,  II,  318. 

Rocadine,  I,  93,  96. 

Rognures  de  Cannelle,  II,  232. 

Rohan,  I,  301. 

Robun  Bark,  I,  301. 

Rôhreneassie,  I,  398. 

Rohrzucker,  II,  358. 

Romarin,  II,  183. 

Romische  Kamillen,  II,  9. 

Rosa,  II,  578. 

— acicularis,  I,  476. 

— bifera,  I,  466,  476. 

— Calendarum,  I,  476. 

— canina,  I,  472,  476,  478. 

— centifolia,  I,  466,  467. 

— Cinnamomea,  1,  476. 

— centifolia  bifera,  I,  476. 

— damascena,  I,  466,  468,  472,  476. 

— (jallica,  I,  462,  463,  465,  466. 


oc:t 

Rosa  pallida,  I,  466. 

— provinciale,  I,  467. 

R'osacéks,  I,  439. 

Rosæ  incarnatæ,  I,  463. 

— provinciales,  I,  463. 

— purpureæ  odoralissimæ,  I,  463. 

— rubeæ,  I,  463. 

Rosamala,  I,  483. 

Rosa  Mallas,  I,  483. 

Rosatum,  I,  468. 

Rosé,  II,  578. 

Roseau  aromatique,  II,  496. 

Rosemary,  II,  185. 

Roses,  I,  465. 

— de  Damas,  I,  462. 

— de  Loup,  I,  93. 

Roses  de  Provins,  I,  462,  463. 

Roses  de  Puteaux,  I,  466. 

Roses  Thé,  I,  467. 

Rose  Leaves,  I,  462. 

— Malloes,  I,  483. 

Rosenôl,  I,  468. 

Rose  Oil,  I,  468. 

Roshé,  II,  578. 

Rosin,  II,  381,  382. 

Rosinen,  I,  309. 

Rosmal,  I,  4S3. 

Rosmarin,  II,  185. 

Rosmarinus,  II,  186. 

— officinale,  II,  185,  186. 
Rosocyanine,  II,  438. 

Rosum  Alloes,  I,  483. 

Rotang  Jernang,  II,  490. 

Rothes  Sandelholz,  I,  363. 

Rothtanne,  II,  400. 

Rottlera,  II,  333. 

— tinctoria,  II,  328,  329,  333. 
Rottlérine,  II,  331 . 

Rouge  de  Cinchona,  I,  629,  630  ; II,  48S. 

— de  Fougère,  II,  592. 

— de  kino,  I,  357. 

Rowsal,  II,  578. 

Rubiacées,  I,  589. 

Rubia  cordifolia,  II,  104. 

Ruby  Wood,  I,  363. 

Rue,  I,  245. 

— commune,  I,  245. 

— officinale,  I,  245. 

Ruhrrinde,  I,  243. 

Rnmex,  I,  103,  104. 

— Patientia,  I,  102. 

Rusa,  II,  578. 

— . Oil,  II,  575. 

Rusot  ou  Rasot,  I,  85. 

Rüsterrinde,  II,  289. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Ci  (H 

Ruta,  I,  245. 

— graveolens,  I,  245. 
llUTACÉES,  I,  194 . 

Rutine,  I,  24G. 

Ruybnt'bo  do  las  Indias,  II,  115. 

— do  Meohoacan,  II,  Tl  5. 

S 

Sabadilla  offîcmarum,  II,  530 . 
Sabadilline,  11,  533. 

Sabadillsamcn,  II,  53  0. 

Sabatriue,  II,  533. 

Sabine,  II,  417. 

Sabzi,  II,  235. 

Saccliarum,  II,  558,  5G9. 

— ckincnse,  588. 

— offîcmarum , II,  558,  569. 

— violaceum,  II,  558. 
Sa-fa-Iang,  II,  477. 

Saffron,  II,  477. 

Safran,  II,  477. 

Safran  d’Alicante,  II,  482. 

— de  Valencia,  II,  482 
Safrène,  II,  208,  269. 

Safrol,  II,  268. 

Sagapanum,  I,  575. 

Salep,  II,  461. 

Salepknollen,  II,  461. 

Salib  misri,  II,  461. 

Salis  fragilis,  II,  58. 

Salsa,  II,  542. 

Salsepareille  de  Guatemala,  II,  548. 

— de  Guyaquil,  II,  550. 

— de  la  Jamaïque,  II,  541,  249. 

— de  Lisbonne,  II,  548. 

— de  Para,  II,  542,  548. 

— du  Brésil,  II,  548. 

— du  Honduras,  II,  547,  553, 

554. 

— du  Mexique,  II,  549. 
Salsepareilles  farineuses,  II,  547. 

— non  farineuses,  II,  549. 
Salseparine,  II,  550. 

Salvia,  II,  189. 

— officinalis,  II,  189. 

— pratensis , II,  191,  192. 

— Sclarca,  II,  192. 

Samadera  indica,  I.  239. 

Samagh  I-Iejazi,  I,  422. 

— Sava  kumi,  I,  422. 

Sambucus,  I,  587. 

— Ebulus , I,  586,  588. 

— nigra , 586,  587. 


Saudal  Wood,  II,  371. 

Sandalum,  II,  372. 

Sandasab,  II,  6. 

Sandelliolz,  II,  371. 

Sang-Dragon,  II,  490. 

Sang-Dragon  des  îles.  Canaries,  II,  49 

— de  Socotra,  II,  494. 

— en  bâtons,  II,  492. 

— en  larmes,  II,  494. 

— en  masses,  II,  491,  492. 

— rouge,  II,  491,  492. 

Sangue  de  Drago,  1,  360. 

Sanguinaire,  1,  32,  130. 

Sanguinaria,  I,  130. 

— canadensis,  I,  130. 

Sanguinarine,  I,  130. 

Sanguis  Draconis,  II,  490. 

— — in  baculis,  II,  492. 

— — in  massis,  II,  492. 

Santal,  I,  366. 

— blanc,  I,  364. 

— jaune,  I,  364. 

— rouge,  1,  364. 

Santaline,  I,  305. 

Santaliun,  I,  364  ; II,  377. 

— album,  II,  371,  377. 

— austro-caledonicum , 11,371. 
— Cygnorum,  II,  371. 

— Freycinetianum , II,  371. 

— Fusanus  spicatus,  II,  371. 

— lanccolatwn,  II,  371. 

— pyrularium,  11,  371. 

— rubrum,  I,  363. 

— Yasi,  II,  371. 

Santonina,  II,  13. 

Santonine,  II,  16. 

Sap-green,  I,  307. 

Sapogénine,  I,  151. 

Saponine,  I,  90. 

Sarothamnus  vulgaris,  I,  312. 

Sarsa  peluda,  II,  541. 

Sarson,  II,  541. 

Sassafras,  II,  266,  267,  270. 

— Nuis,  II,  270. 

— Root,  II,  266. 

— Wilderness,  II,  269. 
Sassafras  officinalis,  II,  266,  270. 
Sassafrasholz,  II,  266. 

Sassafride,  II,  269. 

Sauge  officinale,  II,  189. 

Savanilla,  I,  157. 

Savin,  Savine,  II,  417. 

Savons  résineux,  II,  383. 
Saxieraüacées,  I,  4SI. 

Scammonée,  II,  106. 


665 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Scammonée  d’Alep,  II,  107. 

— vierge,  II,  109. 

— do  Smyrne,  II,  107. 

— pure,  II,  108. 
Soammouia  syriaca,  II,  107. 
Soammonium,  II,  106, 
Soammony,  II,  106. 
SchierlingsbÜLlter,  I,  535. 
SehilTspetch,  II,  4 12. 
Sehlangcnwurzel,  II,  357. 
SchnuLo,  I,  93. 

Scliænocolon  officinale,  II,  530. 
Sclnisterpêtch,  II,  412. 

Sclnvarze  Nieswurzel,  I,  1. 
Schwarzer  Pfeiïer,  U,  334. 

— Senf,  1,132. 

Sclnvarzes  Pecli,  II,  412. 

Scilla  inclica,  II,  523. 

— maritima,  II,  520. 

Scille  blanche,  II,  520. 

— rouge,  II,  520. 

Scillitine,  II,  522. 

Sclarée,  II,  192. 

Sclérocrystalline,  II,  Cil. 
Scléromucine,  II,  611. 

Sclerotiwn  Clavits,  II,  605. 
Scléroxanthine,  II,  611. 

Scoparine,  I,  313. 

Scoroclosma,  I,  557,  558. 

— fœtidum,  I,  557,  565. 
Scrape,'II,  384. 

Scrophularia  frigida,  II,  58. 
SCROPIiOLARIACÉES,  II,  156. 
Sculinanthe,  I,  278. 

— brunneum,  I,  27S. 
Secale  ccrealc,  II,  601. 

— cornutum , II,  601. 

— luxurians,  II,  602. 
Sedgwickia  cerasifolia,  I,  492. 
Seidelbasle-Rinde,  II,  271. 

Seigle  ergoté,  II,  601. 

Sel  d'Opium,  I,  117. 

— essentiel  de  la  Garaye,  I,  629. 
Sclinum  Anethum,  I,  578. 

Semen  Ajavæ  vel  Ajouain,  I,  542. 

— Ammi,  I,  544. 

— Amomi,  I,  508. 

— Anelhi,  I,  576. 

— Arecæ,  II,  485. 

— Badiani,  I,  51. 

— Bonducellæ,  I,  380. 

— Catapuliæ  majoris,  11,318. 

— Carui  vel  Carvi,  I,  545. 

— Cinæ,  II,  13. 

— Colchici,  II,  538. 


Semen  Contra,  II,  13. 

Semen  Coriandri,  I,  579. 

— Crotonis,  II,  308. 

— Cydoniæ,  I,  478. 

— Fœni-Græci,  I,  342. 

Fœnugræci,  I,  342. 

— Guillandinæ,  I,  380. 

— Gynocardiæ,  I,  146. 

— Ilordei,  II,  570. 

— Ignatii,  II,  88. 

— Ispaghulæ,  II,  192. 

— Kaladanæ,  II,  122. 

— Lini,  I,  188. 

— Lycopodi,  II,  585. 

— Myristicæ,  II,  213. 

— Nucis  Vomicæ,  II,  81. 

— Pharbitidis,  II,  122. 

— Physostigmatis,  I,  335. 

— Ricini,  II,  318. 

— Sabadillæ,  II,  530. 

— Santonica,  II,  13. 

— Sanctum,  II,  13. 

— Sinapis  albæ,  I,  138. 

— — nigræ,  I,  132. 

— Stramonii,  II,  143. 

— Staphisagriæ,  I,  10. 

— Tig'lii,  II,  308'. 

— Zedoariæ,  II,  13. 

Semences  d’Arec,  II,  485. 

— de  Coings,  I,  478. 

— de  Colchique,  II,  538. 

— de  Fenugrec,  I,  342. 

— de  Kaladana,  II,  122. 

Semences  de  Lin,  I,  188. 

— de  Palma  Christi,  II,  318. 

— de  Ricin,  II,  318. 

— de  Slaphisaigre,  I,  10. 

— de  Stramoine,  II,  143. 

Semencine,  II,  13. 

Semina  Cardamomi  majoris,  II,  454,  456. 

— — minoris,  1 1,  4 44  . 
Sempsen,  II,  163. 

Senapium,  I,  133. 

Séné  d’Alexandrie,  I,  390,  392. 

— d’Arabie,  I,  393. 

— de  Bombay,  I,  391,  393. 

— d’Italie,  I,  391. 

— de  la  Palte,  I,  395. 

— de  Moka,  I,  393. 

— de  montagne,  I.  392. 

— de  Tinnevelly,  I,  391,  393. 

— des  Indes  orientales,  I,  393. 

— indigène  gu  Sauvage,  I,  392. 
Seneca,  I,  149. 

— Raltle-Snako  Root,  I,  150. 


GOG 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Senega  ou  Seneka  Root,  I,  149. 
Sencgawurzel,  l,  149. 

Sénégine,  1,151. 

Senna,  I,  597. 

— acuti folia , I,  389. 

— angusti folia,  I,  390. 

— officinalis,  I,  390. 

Senna  Baladi,  I,  392. 

— Jebeli,  I,  392. 

— Leaves,  I,  389. 

— Mekki,  I,  391. 

Sennacrol,  I,  394. 

Senuapicrine,  I,  394. 

Sennesbllltter,  I,  389. 

Serapin,  I,  567. 

Serapinum,  I,  575. 

Serpentaire,  II,  357. 

— (le  Virginie,  II,  353,  359. 

— du  Texas,  II,  359. 
Serpolet,  II,  184. 

Serronia  Jaborandi , I,  257,  258. 
Sésame,  II,  163. 

Sesamé  Oil,  II,  163. 

Sesamôl,  II,  163. 

Sesamum,  II,  166. 

— indicum , II,  163,  166. 

Setæ  Mucunæ,  I,  333. 

Setwal,  I,  657. 

Sevenkraut,  II,  417. 

Sharkara,  II,  560. 

Sharkari,  II,  567. 

Shi-mi,  II,  560. 

Shir,  I,  560. 

Shîr  Khisht,  II,  56. 

Siah  Dana,  I,  36. 

Siddhi,  II,  285. 

Sigia,  I,  482. 

Silpbium,  I,  5G3. 

Silva  do  Praya,  I,  381. 

Silver  Fir,  II,  399. 

Simaruba,  I,  237,  244. 

— amara,  I,  244. 

— excelsa,  I,  237. 

— officinalis,  I,  243,  244. 
Simaruba  Bark,  I,  243. 

Simarubæ  Radix  Cortex,  I,  243. 
Simsim,  II,  163. 

Sinalbine,  I,  139. 

Sinapidendron,  I,  137. 

Sinapis  alba,  I,  137,  138. 

— erucoides,  I,  132. 

— juncea,  1,  137. 

— nigra,  I,  132,  137. 
Sinapistrum,  I,  137. 

Singyâ-Bis.  I,  26. 


Sinigrine,  1.  135. 

Sipeira,  II,  263. 

Sireli,  II,  575. 

Siri,  I,  590. 

Sison  Amomum,  I,  544. 

Skimmi,  I,  51,  55. 

Skuléine,  II,  522. 

Slevogtia  orientalis , II,  104. 

Slippery  Elm  Bark,  II,  302. 

Small  fruited  or  Double  Balsam  Fir,  II, 
395. 

— striatcd  Ipeeacuan,  I,  654. 
Smilagees,  II,  540. 

Smilacine,  II,  551. 

Smilax,  II,  540,  552. 

— aspera,  II,  540,  551. 

— Balbisiana,  II,  557. 

— brasiliensis,  II,  557. 

— China,  II,  555,  557. 

— cordato-ovata , II,  542. 

— ferox,  II,  555. 

— glabra,  II,  555,  556,  558. 

— Japicanga,  II,  557. 

— lanceæfolia,  II,  555,  556,  558. 

— medica,  II,  542,  553. 

— officinalis,  II,  541,  553. 

— papyracea , II,  542,  548. 

— Pseudo-China,  11,557. 

— pseudo-syphililica,  II,  553. 

— Purliampuy , II,  343. 

— Schomburgkiana,  11,  542. 

— syphilitica , II,  542,  553. 

— syringoïdes,  II,  557 . 

— tamnoïdes , II,  557 . 

Socaloïne,  II,  514,  515. 

Soffar,  I,  419. 

Solanacées,  II,  126. 

Solanicine,  II,  128. 

Solanidine,  II,  12S. 

Solanine,  II,  127. 

Solanum , I,  77;  II,  128. 

— Dulcamara,  II,  126,  127,  128. 

— nigrum , II,  126,  127. 

— tuberosum,  II,  427. 
Solcnostemma  Argel,  I,  392,  395. 

Sômida,  1,  301. 

Somo,  I,  51,  55. 

Sorgho  saccharatum,  II,  568. 

Sôtrot,  II,  98. 

Souline,  I,  7. 

Sôyah,  I,  576. 

Soymida , I,  303. 

— fcbrifuga,  I,  303. 

Spanischer  PfefTer,  II,  129. 

Spajiish  Juice,  I,  322. 


(i(»7 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Spanish  Liquorice,  I,  322. 

Spartéine,  1,  313,  314. 

Spartium  Scoparium,  I,  312. 

Spearmint,  I,  548  ; II,  172. 

Spere  Mynte,  II,  173. 

Spennædia  Clavus,  II,  605. 

Sphæria,  II,  607. 

Sphærococcus  amylaceus,  II,  615. 

— confervoïdes,  II,  615. 
Sphærococcus  lichenoïdes,  II,  615. 
Sphacelia  segetum,  II,  605. 

Spigelia,  II,  90,  92. 

— marilandica,  II,  90,  92,  93,  358. 
Spina  Cervina,  I,  305. 

Spina  Ægyptiaca,  I,  430. 

Spiritus  Camphoræ,  II,  256. 

Spogel  Seeds,  II,  192. 

Spores  de  Lycopode,  II,  585. 

Spot'ulæ  Lycopodi,  II,  585. 

Springgurke,  I,  522. 

Spurred  Rye,  II,  601. 

Squames  de  Scille,  II,  520, 

Squill,  II,  520. 

Squinanthus,  II,  579. 

Squine,  II,  555,  556. 

Squirting  Cucumber,  I,  522. 

Sringavéra,  II,  430. 

Stacte,  I,  270. 

Staphis,  I,  10. 

Staphisagria,  I,  10. 

Staphisagrine,  I,  12. 

Staphisaigre,  I,  10. 

Staphisaïne,  I,  11. 

Star-Anise,  I,  51. 

Stavesacre,  I,  10. 

Stéarine,  I,  185. 

Steohapfelblatter,  II,  140. 
Stechapfelsamen,  II,  143. 
Stephanskôrner,  I,  10. 

Sternanis,  I,  51. 

Stinkasant,  I,  256. 

Stipes  Dulcamaræ,  II,  126. 

Stizolobium  pruriens,  I,  333. 

Stœchas  arabica,  II,  172. 

Storace  odorifera,  I,  482. 

— en  Pain  de  Guibourt,  I,  488. 

— Isaurica,  I,  483. 

— noir,  I,  488. 

— Smeliing  Benjamin,  II,  45. 

— vrai,  I,  488. 

Storax,  I,  482,  483. 

Stourika,  I,  482. 

Stramoine,  II,  140. 

Stramonium,  II,  140. 

— Seeds,  II,  143. 


Strassburger  Turponthin,  II,  399. 

— Turpentine,  II,  399. 

Strobili  I-Iumuli,  II,  291. 

Strychnine,  II,  84,  90. 

Strychnos,  11,82,  86,87. 

colubrina,  II,  85.. 

— Ignatii , II,  88,  90. 

— ligustrina,  II,  82. 

— lucida,  II,  82. 

— Nux  vomica,  I,  203,  205,  206; 

II,  81,  82,  85,  87. 

— philippensis,  II,  88. 

— Tieutc,  II,  85. 

SLurmhulknolIen,  1, 14. 

Sturmhutkraut,  I,  22. 

Styracées,  II,  40. 

Styracine,  I,  378,  486,  488. 

Styrax,  I,  493;  II,  47. 

— Benzoin,  II,  40,  45,  48. 

— Calamita,  I,  488. 

— Finlaysonianum,l\,  40. 

— officinalis,  I,  482,  483,  488,  4S9, 

493. 

— subdenticulatum,  II,  45. 

Styrax  liquida,  I,  481. 

— liquida  folio  minore,  I,  490. 

— liquide,  I,  481,  482,  484. 

Styrol,  I,  370,  485  ; II,  46,  493. 

Styrone,  I,  487. 

Suc  d’AIoès,  II,  500,  509. 

— de  Réglisse,  I,  322. 

— — d’Espagne,  I,  325. 

— — de  Solazzi,  I,  324. 

Succus  Conii,  I,  536. 

— Glycyrrhizæ,  I,  322.  , 

— Liquiritiæ,  I,  322. 

— Limonis,  I,  214. 

— Liquiritiæ  Candiacus,  I,  323. 

— — Creticus,  I,  323. 

— — Venetus,  I,  323. 

Sucre  brûlé,  II,  566. 

Sucre  de  Betterave,  II,  566. 

— de  Canne,  II,  558. 

— d’Erable,  II,  567. 

— de  Palmiers,  II,  567. 

— de  Sorgho,  II,  568. 

Sucrose,  II,  558. 

Sugar,  II,  558. 

Sulfate  de  Bibirine,  II,  265,  266. 

— de  Cinchonidine,  I,  633. 
Sulfo-cyanate  d’acrynile,  I,  140. 

— de  Quinine,  I,  625. 
Sumarubarinde,  I,  243. 

Sumbul,  I,  554. 

Sumbul  Root,  I,  553. 


008 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Sumbuline,  I,  555. 

Summitatos  Sabinæ,  II,  417. 

— Scoparii,  I,  312. 

Suneg,  I,  35. 

Sureau  commun,  I,  587. 

Suseman,  II,  163. 

Süsse  Mandela,  I,  439. 

Süssholz,  I,  315. 

Süssholzsaft,  I,  322. 

Suvk,  I,  57G. 

Sivertia,  II,  104. 

Sweet  Almonds,  I,  439. 

— Flag  Rool,  II,  49B. 

— Gum,  I,  489. 

— Scented,  I,  509. 

— WoodBark,  II,  313,  314. 
Synanthrose,  II,  4. 

Synaptase,  I,  442. 

Syrapus  communis,  II,  5G9. 

— hollandicus,  II,  5G9. 

« 

T 

Tabac,  II,  150,  155. 

— des  paysans,  II,  155. 

— de  Shiraz,  II,  155. 

— des  Indes  orientales,  II,  154. 

— femelle,  II,  155. 

— turc,  II,  155. 

Tabacco,  II,  150. 

Tabakbliltter,  II,  150. 

Tacamaque  jaune  huileuse,  I,  285. 
Ta-fug-tze,  I,  147. 

Taj-pîit,  IL  246. 

Talch,  I,  419. 

Talha,  I,  419. 

Tamare-Hindi,  I,  403. 

Tamarin,  I,  402. 

Tamarinden,  I,  402. 

Tamarinds,  I,  402. 

Tamarin  brun,  I,  405. 

— des  Indes  occidentales,  I,  405. 

— des  Indes  orientales,  I,  405. 

— d’Egypte,  I,  404. 

— noir,  I,  405,  406. 

— rouge,  I,  405. 

Tamarindi  Pulpa,  I,  402. 

Tamar indus,  I,  40G. 

— iiidica,  I,  402,  400. 

— occiclentalis , I,  403. 
Tamariniers,  I,  40G. 

Tamarix  gallica,  II,  55. 

— orientais,  II,  370. 

Tampangs,  II,  43. 


Tang-hvvang,  I,  160. 

Tanncnharz,  II,  400. 

Tannin,  II,  3G7. 

Taraxacérine,  II,  24 . 

Taraxacine,  II,  23. 

Turaxacum , II,  22,  25. 

— Dois  Léonin,  II,  21,22. 

— officinale,  11,21,25. 

Taraxacum  Root,  11,21. 

Tasmannia  aromatica , I,  49. 

Tecamez  Bark,  I,  623. 

Teel  Oil,  II,  1G3. 

Terebinlhina,  II,  390. 

— Argenloratensis,  II,  399. 

— Canader.sis,  II,  394. 

— Chia,  I,  294. 

— Cypria,  I,  294. 

— laricina,  II,  389. 

— vcneta,  II,  389. 

— vulgaris,  II,  378. 
Térébenthine,  II,  403. 

— au  citron,  II,  399. 
Térébenthine  commune,  II,  378. 

— d’Alsace,  II,  399. 
Térébenthine  d’Amérique,  11, 381. 

— de  Bordeaux,  II,  3S2. 

— de  Briançon,  II,  389. 
Térébenthine  de  Chio,  I,  294. 

— de  Strasbourg,  II,  399. 

— de  Venise,  II,  3S9. 

— de  Chypre,  I,  294. 

Térébenthine  du  Canada,  II,  394. 
Térébenthine  du  Mélèze,  II,  387. 

— du  Sapin,  II,  399. 

TÉUÉBINTHACÉES,  I,  259. 

Térébinthe,  I,  297. 

Teriak-e-Arabistani,  I,  105. 

Termentina  sive  Larga,  II,  390. 

Terra  Japonica,  I,  433,  434,  589. 

Terræ  Medicamentosæ,  I,  435. 

Terre  Japonaise,  I,  589. 

Têtes  de  Pavot,  I,  94. 

Tetracétylène,  I,  4 86. 

Tetranthera , II,  352. 

Thalictrum,  I,  61. 

— flavum,  I,  9. 

— foliosum,  I,  9. 

Thalléioquine,  I,  625. 

Thaliochlor,  II,  599. 

Thébaïcine,  I,  119. 

Thébaïne,  l,  119,  124. 

Thébénine,  I,  119. 

Thé  de  Sassafras,  II,  269. 

Tlieobroma,  1, 185. 

— Cacao,  I,  184,  185,  186,  1S7. 


669 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Theobroma  leiocarpa,  I,  184,  186. 

— pentagona , I,  184,186. 

— Salzmanniana,  I,  184,  187. 

Thephrosia  Apollinea,  I,  3y7- 
Tlüosinammine,  I,  144. 

Thornapplo,  II,  140. 

Tli  u il  g,  I,  170. 

Tlius  Libycum,  I,  672. 

— masculum,  I,  269. 

— vulgarc,  II,  182. 

Thym  bâtard,  II,  184. 

Thyméléacées,  II,  271. 

Thymène,  II,  183. 

Thymiam  Gompbite,  I,  483. 

— — noir,  I,  482. 

Thymiankraut,  II,  182.  , 

Thymol,  I,  543,  II,  183. 

Thym  sauvage,  II,  182. 

Thymus , II,  184. 

— Chamædris,  II,  185. 

— Serpyllum,  II,  182,  184,  185. 

— vulgaris , I,  544,  585  ; 1!,  182, 

184. 

Tien-chu-kwei,  II,  226. 

Tigala,  II,  59. 

Tige  du  Cliondodendron  lomeulosum, 
I,  70. 

Tiglium  officinalis,  II,  308. 

Tikhar,  II,  428. 

Tikor,  II,  42S. 

Til,  II,  163. 

— Oil,  II,  163. 

Tilaha,  II,  163. 

Ting  Hiang,  I,  499. 

Thtospora,  I,  82. 

— cor di folia,  I,  81,  82. 

— crispa,  I,  82,  83. 

Tita,  I,  8. 

Tobacco,  II,  150. 

Toddalia,  I,  242,  243. 

— aculeata,  I,  241,  242,  243. 

— asiatica,  I,  243. 

— lanceolata,  I,  241. 

Toddy,  II,  567. 

Tolène,  1,  370. 

Tolfa  Manna,  II,  51. 

Tollkraut,  II,  138. 

Tolu,  I,  3C7. 

Tolubalsam,  I,  367. 

Toluène,  II,  409 
Toluifcra,  I,  371. 

— Balsamum,  I,  367,  371,  372. 

Toluol,  II,  409,  493. 

Touloula,  II,  427. 

Toule-Bomie,  11,192. 


Toute-Epice,  I,  36,  508. 

Toxirésinc.  II,  159. 

Tragacanth,  I,  346. 

Tragacantha,  I,  346. 

Tragacantha  cretica  incana,  I,  354. 
Tragacanthino,  I,  351. 

Traganth,  I,  346. 

Traîneau,  I,  34. 

Transparent  Rosine,  II,  382. 

Treacle,  II,  569. 

Trchala,  II,  59. 

Tréhalose,  II,  610. 

Trigonclla,  I,  344. 

— Fœnum  græcum,  I,  342,  344. 
Trimétliylaminc,  II,  294,  610. 
Trinitrorésorcine,  I,  569. 

Trioléine,  II,  64. 

Tripalmiline,  II,  64. 

Triticum,  II,  582. 

— repens,  II,  580,  5S2,  583. 
Tropine,  II,  131. 

True  Bisliop’s  Weed,  I,  542. 

— Provins  Roses,  I,  462. 

Tuber  Aconiti,  I,  14. 

— Chinæ,  II,  555. 

— Colchici,  II,  534. 

— Jalnpæ,  II,  144. 

Su-fuh-ling,  II,  557. 

Turanjabin,  II,  55. 

Turiones  Fœniculi,  1,  538. 

Turmeric,  II,  435. 

Turpentinc,  II,  378. 

Turquey  Galls,  II,  364. 

Tylopliora,  II,  SI. 

— asthmatica,  II,  7,  81. 

Tyrosine,  I,  156. 

U 

Ulex  europœus,  I,  346. 

Ulmacées,  II,  275. 

Ulmenrinde,  II,  299. 

Ulmine,  II,  301. 

Ulmus,  II,  301. 

— campestris,  II,  299,  301,  303. 

— fulva , II,  302,  303. 

— moiitana,  II,  300. 

Umbelliférone,  I,  555,  564,  56S  ; II,  272. 
Fine  aria,  I,  593. 

— acida,  I,  589,  594. 

— Gambier,  I,  589,  593. 

Urginea,  II,  624. 

— altissima,  II,  523. 

— indica , II,  523. 


G70  TABLE  ANALYTIQUE. 


Urginea  maritima,  II,  520,  523. 

— scilla,  II,  520. 

Ursone,  II,  37. 

Uruk,  I,  7. 

Ushak,  I,  572. 

Uvæ  Passæ,  I,  309.  310.. 


Vitex  Agiius  caslus,  II,  320. 
Vitis  Idæa,  II,  37. 

Vit is  vinifera , 1,  309,  310,  311. 
Vola,  I,  270. 

W 


V 

Vaccinium  Vitis-Idæa,  II,  37. 

Vacha,  II,  497. 

Valéréne,  I,  659. 

Valérol,  II,  294. 

Valérone,  I,  659. 

Vai.érianacées,  I,  656. 

Valerianaj  I,  656,  657,  660. 

— angustifolia,  I,  656. 

— celtica,  I,  657. 

— officinalis , I,  656,  660,  661. 

— Phu,  I,  661. 

Valériane,  I,  657. 

Valerian  Root,  I,  656. 

Vallàrai,  I,  531. 

Vanilla,  II,  466,  470. 

Vanilla  planifolia,  II,  466,  470,  471. 
Vanille,  II,  466,  470. 

Vanilline,  II,  468,  469. 

Vashanavi,  I,  26. 

Vaza-nabhi,  I,  26. 

Veilchenwurzel,  II,  471. 

Vellarine,  I,  531. 

Venetianischer  Terpenlhin,  II,  389. 
Venice  Turpentine,  II,  389. 

Vera-Cruz  Jalap,  II,  114. 
Vératramarine,  II,  526. 

Vératrin,  II,  532. 

Veratrum , II,  527. 

— album,  II,  525,  527. 

— frigidum,  II,  527. 

— lobelianum,  II,  528. 

— nigrum , II,  527. 

— officinale,  II,  530. 

— . Sabadilla,  II,  531. 

— viride,  II,  528,  530. 

— viride  album,  II,  528. 
Ycrbascum,  II,  160,  331. 

Verzino,  I,  388. 

Vetti-ver,  II,  579. 

Vikunia,  I,  506. 

Vin  de  Palme,  II,  567. 

Viorne,  I,  34. 

Virginian  Snake-Root,  11,  357. 

Virgin  Dip,  II,  381. 

Visha,  I,  24. 


Wachholderbeeren,  II,  4)3. 

Waltheria  glomerata,  II,  356. 

Wars,  II,  328,  329. 

Wasserharz,  II,  402. 

Watile  tree,  I,  420. 

Waythorn,  I,  305. 

Weihrauch,  I,  259. 

Weisser  Diptam,  I,  248. 

Weisscr  Sent,  I,  138. 

Weisse  Nieswurzel,  II,  525. 

Weisses  oder  gelbes  Sandelholz,  11,371. 
Weisstanne,  II,  399. 

White  Ilellebore,  II,  525. 

— flowered  Datura,  II,  ,144. 

— Mustard,  I,  138. 

— Wood  Bark,  I,  38. 
Wiesenküchenschelle,  I,  32. 

Wild  Blac  Cherry  Bark,  I,  452. 

— Cinnamon,  I,  46. 

Winter’s  Bark,  I,  42. 

— Cinnamon,  I,  42. 

Winlersrinde,  I,  42. 

Wittedoorn,  I,  420. 

Wood  Apple,  I,  236. 

— Oil,  I,  170. 

— Tar,  II,  406. 

— wind  flower,  I,  32. 

Woody  Nightshade,  II,  126. 

Wormseed,  II,  13. 

Wurmsamen,  II,  13. 

Wych  Elm,  II,  300. 

X 

Ximenia  amcricana , I,  449. 

Xylène,  II,  409. 

Xyléuol,  II,  516. 

Xylocassia,  II,  240. 

Xylocinnamomum,  II,  240. 

Y 


Ya-Pien,  I,  98. 

Yagh,  I,  484. 

Yôble,  I,  588. 

Yegaar,  I,  261,  285. 

Yellow  Cinchona  Bark,  I,  614. 


671 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Ycllovv  false  Jessamine  Root,  II,  93. 
— Jasmine  Root,  II,  93. 

— Rosine,  II,  3S2. 

Yeranda,  II,  318. 

Yuh-kin,  II,  436. 

Z 

Zadvar,  I,  26. 

Zanthoxylum,  I,  24t. 

— Bungei,  I,  241. 

Zarsa  Parilla,  II,  543. 
Zeitlosenknollen,  II,  534. 
Zeitlosensamen,  II,  538. 

Zeste  d’Oranges  amères,  I,  226. 


Zimmt,  II,  224. 

Zingiber,  II,  434. 

— officinale,  II,  429,  434. 
Zitwersàmen,  II,  13. 

Zizyplius,  I,  308,  309. 

— Jujuba,  I,  309. 

— Lotus,  I,  309. 

— Œnoplia,  I,  309. 

— Spina  Christi,  I,  309. 

— vulgaris,  I,  308,  309. 

Zuclcer,  II,  558. 

Zuli,  I,  571. 

Zwetschen,  I,  451. 

Zygia,  I,  482. 


FIN  DE  LA  TABLE  ANALYTIQUE. 


EH  HATA  ET  ADDENDA  DU  TOME  il 


H;ige  4,  ligne  2,  au  lieu  de:  Alanthal,  lisez:  Alantol. 

36,  ligne  23,  au  lieu  de:  C«HwO,  lisez:  C8I1''02. 

81  , article  noix  vomique,  ajoutez  : M.  le  docteur  Thorel,  l'un  des  naturalistes  de 
l’expédition  du  Mé-kong,  nous  transmet  au  derniermomentlanole suivante: 
« Parmi  les  sept,  espèces  de  Strychnos  que  nous  avons  rencontrées  dans  le 
sud  de  rindo-Chinc,  deux  fournissent  les  noix  vomiques  que  l'on  exporte 
en  si  grande  quantité  en  Chine.  Ces  deux  espèces  diffèrent  du  Strychnos 
î\ux  votnica  par  les  feuilles,  les  fruits  et  la  plupart  des  autres  caractères j 
toutefois  les  graines  présentent  si  peu  de  différences  entre  elles  et  avec 
celles  du  vrai  Vômiquier  qu’il  est  très-facile  de  les  confondre.  » 

136,  ligne  27,  au  lieu  de:  Floxylove,  lisez:  Foxylovc. 

184,  ligne  1,  au  lieu  de:  C6H3.OH.C3H3.CII3,  lisez : C°H3.OH.CII3.C3II3. 

248  (note  a),  ajoutez:  ha.  note  suivante  nous  a été  transmise  après  la  mise  en 
page,  par  M.  Thorel,  auquel  nous  en  laissons  la  responsabilité  : 

« Le  Cannellier  que  j’ai  trouvé  dans  le  Laos  est  bien  réellement  le  Cin- 
namomum  Cassia,  ainsi  que  l’attestent  ses  caractères,  qui  sont  les  suivants: 
« Arbre  médiocre,  fleurissant  de  décembre  à janvier,  à ramuscules 
allongés,  sub-tétragouaux,  aplatis  en  naissant,  è faces  inégales  glabriuscules. 
Bourgeons  petits,  nus.  Feuilles  coriaces  exhalant  une  odeur  plus  faible  que 
l’écorce,  alternes  ou  parfois  sub-opposées,  portées  par  un  pétiole  élargi 
supérieurement,  long  de  2 centimètres,  à limbe  oblong,  sub-aigu  h la  base, 
mousse  au  sommet,  long  de  10  à 20  centimètres,  large  de  4 à 3,  glabre, 
brillant  et  d’un  vert  foncé  en  dessus,  terne,  glauque*et  parsemé  d’un  (in 
duvet  couché  en  dessous,  trinerviôes,  les  deux  nervures  latérales  soudées  à 
la  médiane  sur  une  longueur  de  1 centimètre  environ.  Ces  nervures  visibles 
sur  les  deux  faces,  très-saillantes  inférieurement,  atteignent  le  sommet  des 
feuilles  et  sont  reliées  entre  elles  par  des  nervilles  nombreuses,  transver- 
sales, rameuses,  saillantes  en  dessus  et  en  dessous.  Fleurs  en  grappes 
làchels,  au  nombre  de  quatre  à six,  solitaires  à l’aisselle  des  feuilles  supérieures 
qu’elles  dépassent  à peine,  portées  par  un  pédoncule  grêle,  anguleux,  gla- 
briuscule  long  de  10  à 23  centimètres,  muni  en  général  à son  sommet  de- 
six  bras  triflores  opposés  ou  sub-opposés  par  deux,  pourvu  d’un  pédicelle 
glabriuscule  de  1 à 3 centimètres  de  longueur.  Fruit  noir,  luisant,  oblong, 
aigu  supérieurement,  gros  comme  une  petite  olive,  muni  à sa  base  d'un 
périanfhe  persistant  formant  une  cupule  obeonique,  atténuée  inférieure - 
met  t,  ridée,  tuberculeuse  transversalement,  il  bords  épais  érodés,  s'ub-denlés, 
hauts  de  2 à 3 millimètres. Je  doute  que  cet  arbre  croisse  spontanément  en 
Chine  comme  on  l’a  cru  jusqu’il  ce  jour;  je  pense  qu’on  le  trouve  seulement 
au  Laos  et  en  Cochinchine,  entre  le  17e  et  le  2tc  degré  de  latitude,  d’où  l’é- 
corce est  expédiée  en  Chine,  vers  les  mois  de  mai  ou  de  juin,  après  la  récolte.» 

333,  légende  de  la  figure  240,  au  lieu  de:  Cubbea , lisez  : Cubcba. 

300,  ligne  22,  au  lieu  de  : Bautzen,  lisez : Botzen. 

394,  note  2,  au  lieu  de  : Frückiger,  lisez  : Flückigcr. 

401,  ligne  18,  au  lieu  de:  Burgondy,  lisez:  Burgony. 

406,  ligne  16,  au  lieu  de:  Swatzburg,  lisez:  Sclnvarzburg. 

409,  ligne  36,  au  lieu  de  : Naphthalène,  lisez:  Naphtaline. 

438,  ligne  3,  au  lieu  de:  C'°Ill0Ol3,  lisez:  Cl0HinO3. 

442,  ligne  37,  au  lieu  de  : Greater  Galanga , lisez  : Greatcr  Galangal. 


PARIS.  — TYPOGRAPHIE  A.  1IENNUYER,  RUE  D’ARCET,  7. 


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