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ELEMENS
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D’ANATOMIE GÉNÉRALE,
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DESCRIPTION
DE TOUS LES GENRES D’ORGANES
QUI COMPOSENT LE CORPS HUMAIN.
par P. A. BÉCLARD, dangers,
PROFESSEUR DANATOMIE A LA FACULTE DE MEDECINE DE PARIS.
CHEZ BÉCHET JEUNE,
LTBR AIRE DE l’aCADEMIE ROYALE DE MEDECINE,
Place de l’École de Médecine, n° 4.
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A PARIS,
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A LA MÉMOIRE
DE BIC H AT.
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PREFACE.
L’ouvrage que je publie est un sommaire clu
cours d’anatomie que je fais depuis une dixaine
d’années ; il est uniquement destiné aux étudians.
Le but que je me suis proposé en le publiant a
été de leur offrir, sous un petit volume , un abrégé
des nombreux travaux entrepris depuis plus de
vingt siècles sur la science de l’organisation hu-
)
marne.
Je divise l’anatomie de l’homme en anatomie
générale, en anatomie spéciale des organes et en
anatomie des régions. Le volume qui parait au-
jourd’hui ne contient que l’anatomie générale, et
peut être considéré soit comme un ouvrage à
part, soit comme la première partie d un traite
général.
J’ai mis à contribution , pour rédiger cette partie
de l’anatomie, l’ouvrage de notre célèbre Bichat,
et ceux qui ont été publiés depuis sur le même
sujet. Pour chaque système ou genre d’organes,
j’ai aussi, et surtout, consulté les traités ex professo
dont ils ont été l’objet. J’ai eu soin de citer à
chaque chapitre les titres tles ouvrages qui m’ont
servi à le composer; beaucoup moins pour faire
viij PRÉFACE.
un facile et vain étalage d’érudition , que pour dis-
penser les autres de lire les ouvrages que j’ai dû
lire moi-même, et en même temps pour indiquer,
au choix de ceux qui voudraient faire des études
approfondies, une sorte de bibliothèque anato-
mique choisie : j’ai aussi indiqué les figures que
l’on devra consulter sur chaque genre d’organes.
J’ai donné, en tête de chaque chapitre, une his-
toire abrégée des principales découvertes faites
sur le système d’organes qui en est le sujet. Je
me suis aidé, pour faire quelques-unes de ces
notices historiques, de l’histoire de l’anatomie de
M. Lauth, dont il n’y a encore qu’un volume de
L’introduction traite, dans une première sec-
tion, de l’organisation en général, et du corps
humain dans la seconde. J’ai eu en vue, dans la
première section, de donner au lecteur une idée
générale de l’anatomie et de la physiologie com-
paratives. Je n’ai pas eu l’intention de dispenser
par là les étudians de l’étude de l’anatomie des ani-
maux, mais, au contraire, de leur montrer l’uti-
lité de cette étude. Je me suis servi, pour com-
poser cette partie de l’introduction, des travaux
de MM. Duméril, de Blainville, Geoffroy Saint-Hi-
laire, de Lamarck, surtout de ceux de M. Cuvier,
que j’aurais pu citer à toutes les pages. Dans la
seconde partie de l’introduction , j’ai donné des
I
PRÉFACE.
IX
généralités sur le corps humain ; j’ai parlé de ses
humeurs en général , partie de la science de l’or-
ganisation beaucoup trop négligée depuis les tra-
vaux de Haller et de son école, qui ont cru à tort
trouver tout le secret de la vie dans le système
nerveux et dans les phénomènes de l’irritabilité
et de la sensibilité.
L’anatomie n’étant pas pour le médecin un ob-
jet de stérile curiosité, de pure spéculation, mais
la base de toutes les connaissances relatives au
sujet de la médecine, j’ai pensé que la physio-
logie et la pathologie n’en devaient pas être
absolument séparées. L’anatomie pathologique
surtout m’a semblé devoir être liée à l’anatomie
ordinaire; aussi la description de chaque tissu
est terminée par un aperçu des variétés et des
altérations que l’on y observe, et l’ouvrage entier
par un chapitre sur les productions accidentelles
communes à tous ou à plusieurs genres d’or-
ganes.
»
v .
Paris, le 3o août 1823.
P. A. BÉCLARI).
TABLE.
INTRODUCTION. Pag. ,
Première section. Des corps organisés. 2
Des animaux. 1 1
Des animaux vertébrés. 56
Des vertébrés ovipares. 72
Seconde section. Du corps hurtiain. 78
Des humeurs. 85
Des organes. <^3
De l’organisme. 106
Du développement et des diffé-
rences de l’organisation. 112
Des altérations de l’organisation. 121
De la mort et du cadavre. 124
CHAPITRE PREMIER. Des tissus cellulaire et adipeux. i33
Première section. Du tissu cellulaire. i33
Seconde section. Du tissu adipeux. i56
Article premier. — Du tissu adipeux commun. i56
Article II. Du tissu médullaire ou adipeux des os. 174
CHAPITRE II. Des membranes séreuses. i83
Première section. Des membranes séreuses en
général. 184
Seconde section.
Article I. Des bourses synoviales sous-cutanées. 202
Article II. Des membranes synoviales des tendons. 2o5
Article III. Des capsules synoviales articulaires. 21 1
Article IV. Des membranes séreuses splanchniques. 221
CHAPITRE III. Des membranes tégumentaires. Pag. 232
Première section. Des membranes tégumentaires en
général. 234
TABLE.
Seconde section. De la membrane muqueuse. Pag.
Troisième section. De la peau.
Article I. De la peau en général.
Article II. Des dépendances de la peau.
I. Des ongles.
II. Des poils.
CHAPITRE IV. Du système vasculaire.
Première section.
Article I. Des vaisseaux en général.
Article II. Des terminaisons des vaisseaux.
I. Des vaisseaux capillaires.
II. Du tissu érectile.
III. Des ganglions vasculaires.
Seconde section. Des artères.
Troisième section. Des veines.
Quatrième section. Du système lymphatique.
Article 1. Des vaisseaux lymphatiques.
Article II. Des ganglions lymphatiques
CHAPITRE V. Des glandes.
CHAPITRE VI. Du tissu ligamenteux.
Première section. Du tissu ligamenteux en général.
Seconde section. Des organes ligamenteux en par-
ticulier.
Article 1. Des ligamens.
«
Article II. Des tendons.
*
Article III. Des enveloppes ligamenteuses.
I. Des enveloppes des muscles.
II. Des gaines des tendons.
III. Du périoste.
IV . Des enveloppes fibreuses du système nerveux.
V. Des membranes fibreuses composées.
VI. Des capsules fibreuses de quelques organes.
Troisième section. Du tissu fibro-cartilagineux.
XJ
24G
265
266
296
297
302
3 12
5i5
332
333
357
362
364
389
404
404
412
418
429
430
439
439
442
444
444
446
447
449
450
450
451
t
xij - TABLE.
CHAPITRE VII. Des cartilages. Pag. /,58
Première section. Des cartilages en général. /,5g
Seconde section. Des différentes sortes de cartilages. 465
Article I. Des cartilages articulaires. 465
Article II. Des cartilages costaux , laryngiens , etc. 469
Article III. Des cartilages raembraniformes. 47a
CHAPITRE VIII. Du système osseux. 474
Première section. Des os. 476
Seconde section. Des articulations. 528
Troisième section. Du squelette. 542
CHAPITRE IX. Du système musculaire. 546
Première section. Du système musculaire en général. 548
Seconde section. Des muscles intérieurs. 586
Troisième section. Des muscles extérieurs. 5gi
CHAPITRE X. Du système nerveux. 612
Première section. Du système nerveux en général. 621
Seconde section. Des nerfs. 652
Troisième section. Des ganglions et du nerf sympa-
thique. 676
CHAPITRE XI. Des productions accidentelles. 698
Première section. Des humeurs accidentelles. 699
Seconde section. Des concrétions. 704
Troisième section, des tissus accidentels. 707
Quatrième section. Des corps étrangers animés. 721
Article I. Des vers intestinaux. 721
I. Des vers vésiculaires. 722
II. Des vers plats. 724
III. Des vers cylindriques. ' 726
Article II. Des animaux parasites. 728
E l N DE LA TABLE.
INTRODUCTION
§ ier. L’anatomie a pour objet l’étude des corps orga-
nisés ; elle est la science de l’organisation ; tous les
êtres organisés en sont le sujet. L’homme, le plus com-
pliqué de tous les êtres , est le sujet principal de cette
science : connaître le corps humain , les parties di-
verses dont il est composé, et l’arrangement de ces
parties entre elles ; tel est en effet le but essentiel de
l’anatomie.
L’anatomie comparative qui serait aussi bien nom-
mée anatomie générale, embrasse dans son domaine
tous les corps organisés; elle a pour objet de recher-
cher, par la comparaison, ce qu’ils ont de commun ou
de général et en quoi ils diffèrent les uns des autres.
La phytotomie est l’anatomie générale des végétaux;
celle des animaux porte le nom de zootomie. L’ana-
tomie est encore générale quand elle a pour sujet une
classe, un genre, ou un grouppe quelconque d’êtres
organisés, comme celle des animaux domestiques ou
l’anatomie vétérinaire. L’anatomie spéciale a pour sujet
une seule espèce de corps organisés ; telle est l’anato-
mie de l’éléphant, du cheval, de l’homme, etc.
Dans l’anatomie de l’homme, le terme anatomie gé-
nérale a un autre acception, qui sera indiquée plus
loin; mais il faut d’abord essayer de prendre une idée
exacte de l’organisation en général et des corps qui en
sont doués.
1
INTRODUCTION.
PREMIÈRE SECTION.
DES CORPS ORGANISÉS.
§ 2. Les corps, êtres étendus et mobiles, sont le sujet
d’une science immense appelée science de la nature,
philosophie naturelle ou physique : mais ils peuvent
être considérés sous deux points de vue différens : dans
l’état de repos et dans l’état de mouvement ou d’action.
Dans la première de ces deux manières de considérer
les objets, on s’occupe particulièrement de la forme,
soit extérieure, soit intérieure des corps : c’est à ce
genre d’étude, désigné par quelques-uns sous le nom
de morphologie, qu’appartient l’anatomie. La seconde,
qui conserve généralement le nom de physique, s’oc-
cupe de leurs changemens appréciables, c’est-à-dire de
leurs phénomènes ou mouvemens, soit de masses, soit
de molécules, et se divise pour cela en deux branches
principales, la mécanique et la chimie.
§ 3. Les corps qui ont des propriétés communes ou
générales, diffèrent aussi entre eux à beaucoup d’égards.
L’organisation et la vie constituent un caractère extrê-
mement tranché qui les divise en deux séries très-dis-
tinctes; celle des corps anorganiques ou bruts, et celle
des corps organisés et vivans.
§ 4* Les .corps ariorganiqu.es n’ayant point une struc-
ture compliquée, leurs particules étant dans une in-
dépendance absolue les unes des autres , ces corps enfin
n’étant point le sujet de l’anatomie, il serait inutile
d’insister davantage sur leur considération : il suffira
DES CORPS ORGANISÉS.
3
<le dire que les mouvemens ou les phénomènes de
masse que ces corps exécutent, sujets de la mécanique,
se reproduisent avec une régularité et une constance
qui permettent non -seulement de les observer, de
les produire et de les répéter dans des expériences, de
déterminer les lois suivant lesquelles ils sont produits,
mais de les soumettre à l’analyse mathématique ; que
les phénomènes moléculaires de ces mêmes corps, su-
jets de La chimie, peuvent être observés, peuvent être
produits ou déterminés à volonté dans des expériences ,.
que certaines lois suivant lesquelles ils sont produits,
peuvent même être déduites des observations et des
expériences, mais que ces phénomènes échappent en-
core à l’application du calcul, science instrumentale
si propre à accélérer les progrès des connaissances aux-
quelles elle peut être appliquée. La science de l’orga-
nisation et de la vie est à peu près réduite aux lois
d’observation.
§ 5. Les êtres organisés ou vivans sont les seuls dont
s’occupe l’anatomie. Outre les caractères communs
qu’ils partagent avec les: corps anorganiques, ils en ont
d’autres qui leur sont propres, et qui modifient les pre*-
miers ; ils possèden t l’orgatiisation et la vie. Ils ont cha-
cun une forme propre, constante, ordinairement ar-
rondie, ce qui paraît dû à des fluides qu’ils contiennent.
Leur forme intérieure, ou leur structure offre en effet un
mélange de parties hétérogènes, solides et fluides. Les
parties solides sont nommées organes , ce qui veut dire
instrumens, à cause de l’action qu elles exercent. Leurs
particules sont entrelacées , entrecroisées, tissues, aussi
nomme-t-on leur arrangement texture; elles sont
INTRODUCTION.
*
aréolaires, spongieuses, ou forment des cavités particu-
lières qui contiennent les fluides. Ces parties sont en
général extensibles ou susceptibles de s’allonger, et ré-
tractiles ou douées de la faculté de revenir sur elles-
mêmes. Lorsque ces parties ou organes sont multiples,
comme cela a lieu le plus communément, chacun a sa
forme déterminée, sa texture particulière, et sa situa-
tion propre. Les liquides ou humeurs sont contenus
dans les solides, et en pénètrent tous les points. Tou-
tes les parties soit solides, soit liquides, sont dans
une dépendance mutuelle et nécessaire. C’est de leur
réunion que résulte le corps organisé. Les solides et
les fluides ont une composition analogue; ils contien-
nent beaucoup d’eau , et quelques combinaisons parti-
culières ou matériaux immédiats, et peuvent se résou-
dre presque entièrement en gaz. Au reste leur matière
n’a rien de particulier; elle se retrouve dans les corps
anorganiques dans lesquels elle est puisée, et c’est
beaucoup moins sa nature que son arrangement qui la
distingue. On l’a présentée à tort comme différant es-
sentiellement de la matière brute. L’oxygène, l’hydro-
gène, le carbone, dans un grand nombre l’azote, et
quelques substances terreuses, en sont les derniers élé-
mens.
C’est cette forme propre, cette structure commune
à tous les corps vivans, ce tissu aréolaire contenant des
liquides plus ou moins abondans et de même nature
que lui, qu’on appelle organisation.
§ 6. On appelle vie l’ensemble des phénomènes pro-
pres aux corps organisés. La vie consiste essentielle-
ment en ce que les corps organisés sont tous pendant
DES CORPS ORGANISÉS.
5
un temps déterminé des centres que pénètrent des subsi-
tances étrangères qu’ils s’approprient, et desquelles en
sortent d’autres qui leur deviennent étrangères. Dans
ce mouvement de formation momentanée la matière
du corps change continuellement, mais sa forme perf
siste. C’est sous l’état de fluides que les substances étran-
gères pénètrent dans les corps organisés; c’est sous la
même forme que les molécules superflues en sortent.
Les liquides et les solides sont dans un mouvement
continuel dans l’organisation; les liquides parcourant
les cavités des solides, et ceux-ci par leur dilatation et
leur resserrement déterminant une grande partie du
mouvement des premiers. Ils se changent sans cesse
les uns en les autres, une partie de la matière mobile de-
venant fixe pour un temps, et une partie des solides re*-
devenant liquide, ce qui s’accorde avec l’analogie de leur
composition. Les corps organisés éprouvent des chan-
gemens pendant toute leur durée; depuis le moment
de leur origine ils s’accroissent en dimensions et en
densité. Ce dernier genre de changement continue jus-
qu’à la fin lorsque la structure du corps étant insensi-
blement altérée, le mouvement vital languit et s’arrête ,
ce qui constitue la mort; après la mort, les élémens
qui composaient le corps organisé se séparent et for-
ment de nouvelles combinaisons. Chaque corps organi-
nisé ayant non-seulement sa forme extérieure mais sa
structure propre et particulière, chacune de ses parties
concourt par son action au résultat général. On appelle
fonction l’action de chaque organe ou de plusieurs or-
ganes qui ont un but commun.
La nutrition, fonction comprenant l’absorption,
6
INTRODUCTION.
l’assimilation et l’excrétion dont il vient d’être question,
n’est pas le seul phénomène commun aux corps orga-
nisés; la génération est un autre phénomène aussi
général sans lequel les espèces ne subsisteraient pas ,
la jmort étant la suite nécessaire de la vie. Tous les
corps- organisés et vivans naissent de corps semblables
a eux, et tous produisent leurs semblables; pour cela
une partie du corps organisé qui a acquis son déve-
loppement, après s’être accrne sur lui, s’en sépare et
forme un être semblable à lui. Cette partie, qui aura
la même forme et présentera les mêmes phénomènes
que son parent, s’appelle germe tant qu elle fait partie
de son corps. Ce second phénomène général n’est
qu’uiie suite ou une conséquence du premier. Le germe
tant qu’il fait partie du corps de son parent, se nour-
rit et s’accroît comme un de ses organes ; sa sépara-
tion constitue une sorte d’excrétion.
Les corps organisés reproduisent aussi pour la plu-
part certaines de leurs parties quand elles leur sont
enlevées; ils réparent également jusqu’à un certain
point les lésions qu’ils peuvent éprouver.
'L’ensemble des individus nés des mêmes parens ,
et de ceux qui leur ressemblent autant qu’ils se ressem-
blent entre eux , constitue l’espèce. Les circonstances
extérieures, comme l’atmosphère, la nourriture, et
d’autres encore, suivant quelles sont plus ou moins
favorables, influent sur l’organisation et ses phéno-
mènes : de là résulte une perfection plus ou moins
grande dans le développement, et des différences de
similitude en général assez bornées entre les indi-
vidus d’une même espèce, c’est ce qui constitue les
des corps ORGANISÉS. 7
variétés; de là résulte aussi des altérations individuelles
variées dans les corps organisés etvivans; ces altéra-
tions de l’organisation et de ses phénomènes sont les
maladies, -
C’est cette série c|e:phénomènes communs à tous les
corps organisés: l’origine dans un être semblable, la
fin par la mort) l’entretien de l’individu par nutrition ,
celle de l’espèce par génération ; en un mot j une action
de formation momentanée, exercée dans un corps qui
en a reçu d’un parent et qui en transmet le principe à
des deseendans , qu’on appelle la vie.
Ce sont ces deux caractères, l’organisation et la vie j
communs à tous et propres à eux seuls, qui distin-
guent essentiellement les corps organisés et vivans.
§ 7. La forme et l’action des corps organisés et vivans,
l’organisation et la vie sont dans une connexion telle,
»
qu elles peuvent être considérées chacune comme la con-
dition del’airtre, rime supposant coostammentl autre.
On ne voit la vie que dans des cotps organisés, onr me
voit aussi l’organisation que dans des corps.' vivans. Il
fallait en effet pour que la vie put avoir lieu , des par-
ties solides pour conserver la forme^ et (J6S' parties
fluides pour entretenir le mouvement, en tin mot une
organisation; et de même pour que celle-ci put se
maintenir au milieu des causes de destruction , il fallait
un mouvement et un renouvellement continuels de ses
parties. Les corps organisés naissent vivans de corps sem-
blables a eux; dans tous,. et pendant toute la. «purée de
leur vie, les phénomènes vitaux sont dans uni rapport
exact avec l’état de l’organisation; et quand celle-ci s’al-
tère, soit par le fait même de la vie, soit par des eir-
8
INTRODUCTION.
constances accidentelles, la vie languit et s’arrête, et
l’organisation se détruit par l’action chimique de ses
propres élémens. Tous les efforts des physiciens n’ont
pu encore apercevoir la matière s’organisant, ou la vie
s’établissant soit spontanément, soit par des causes exté-
rieures , en un mot ailleurs que dans un corps déjà
organisé et vivant. La vie ne consiste en effet ni uni-
quemènt dans une réunion de molécules auparavant
séparées, comme celle que pourrait produire l’attrac-
tion chimique, ni uniquement dans une expulsion
des élémens auparavant combinés, comme celle que
pourrait produire l’action répulsive du calorique; mais
dans un mouvement de formation temporaire, dans
lequel des élémens restent unis , qui se sépareraient si
la vie cessait, et dans lequel des élémens se séparent
sans que l’action du calorique les écarte: or, cette ac-
tion vitale n’existe que dans les corps organisés. Cette
connexion intime et réciproque de l’organisation et de
la vie, a fait qu’on les a tour à tour regardées chacune
comme la cause ou l’effet de l’autre. C’est à tort sans
doute, et l’idée d’organisation et de vie est une idée
complexe , qui ne doit pas être plus divisée , si ce n’est
par abstraction, que ces deux choses ne sont elles-
mêmes séparables. La vie est l’organisation en action,
• ou bien, suivant l’expression de Stahl; c’est l’orga-
nisme. L’objet de cet ouvrage cependant étant l’exa-
men de l’organisation en repos, la vie n’y sera consi-
dérée que d’une manière fort abrégée *.
§ 7. Les corps organisés ayant une structure hété-
b;>. !■: T bri-,
1 Voyez Itiçhcrand. Élémens de Physiologie.
DES CORPS ORGANISÉS.
9
rogène, leur histoire se compose de celle de leurs di-
verses parties; c’est proprement cette étude qui est
l’objet de l’anatomie. De même la physique de ces
corps ne comprend pas seulement des phénomènes
mécaniques ou chimiques , mais encore ceux qui leur
appartiennent en propre et qui sont étrangers aux corps
anorganiques; savoir la nutrition et la génération, c’est-
à-dire l’action organique ou vitale. Cette physique par-
ticulière prend le nom de physiologie.
L’anatomie 1 peut donc être définie, la connais-
sance des corps organisés, ou la science de l’organi-
sation. D’après son étymologie, ce mot n’a point cette
signification ; il veut dire simplement dissection , mais
l’usage l’a consacré, et on le préfère aux mots morpho-
logie , organologie ( discours sur la forme , sur les or-
ganes), que quelques-uns ont proposés pour le rem-
placer. En effet l’anatomie est une science purement
d’observation , et la dissection est le principal moyen
par lequel on met à découvert les parties des corps
organisés pour les observer.
La physiologie 2 est la connaissance des phénomènes
des corps organisés , ou la science de la vie ; on l’ap-
pelle encore zoonomie et biologie ( loix de la vie et
discours sur la vie). La physiologie est, comme l’ana-
tomie, une science d’observation; mais elle consi-
dère les phénomènes des corps organisés vivans.
L anatomie et la physiologie sont liées entre elles par
un rapport très-étroit : l’observation ayant appris que
1 organisation et les phénomènes de la vie sont dans
1 De Avare/uva, je dissèque.
2 De <pv<ns, nature , et Aoyo?, discours.
IO
INTRODUCTION.
un rapport constant et réciproque, on peut conclure
de l’une à l’autre.
§ 8. Les corps organisés et vivans, sujets de l’ana-
tomie et de la physiologie, sont distingués en êtres
inanimés ou végétaux, et en animaux ou êtres animés,
d’après des différences très-tranchées enttre les ani-
maux et les végéatux dont l’organisation est compli-
quée, très-peu marquées au contraire entre ceux dont
l’organisation est la plus simple.
§ !ip. Les végétaux les plus composés sont en général
formés de deux parties séparées par une ligne médiane
horizontale, et dont l’une descendante et contenu^
dans la terre est la racine; tandis que lautre, ascen-
dante et contenue dans l’atmosphère, est la tige qui
porte les feuilles et les fleurs. Leur structure consiste
simplement en un tissu aréolaire , en vaisseaux et en
tuyaux spiraux qu’on nomme trachées. Ils n’ont point
d’autres organes que ceux de la nutrition et de la gé-
nération. Leurs parties les plus importantes sont toutes
situées à l’extérieur. Leur composition chimique est
assez simple , l’azote s’y rencontre rarement ou n’y
existe que localement. Leurs actions vitales se bor-
nent à l’accroissement et à la reproduction. Leur nu-
trition , dont les matériaux sont puisés dans le sol et
dans l’atmosphère, dans leau et dans l’air, consiste
dans une absorption exercée par les racines, dans un
mouvement de translation que les liquides éprouvent
dans les vaisseaux de la tige, et dans une sorte de res-
piration qui a lieu principalement dans les feuilles;
dans ccs diverses actions, les végétaux retiennent l’hy-
dro gène et le carbone, conservent peu ou point d a-
DES CORPS ORGANISÉS.
I I
zote, et exhalent l'oxygène superflu. Leur reproduction
se fait suivant plusieurs modes, lly a * du reste , dans
1 organisation des végétaux, une assez grande. diversité
dont l’exposition serait déplacée dans cet. ouvrage l.
Des animaux . »
§ io. Les animaux à la tête desquels se tro^uve l’homme
qui ressemble beaucoup à quelques-Uns d’entre eux,
outre les caractères généraux des corps organisés, en
ont d’autres qui leur sont propres, qui les distinguent
par conséquent des végétaux, et qui influent sur les pre-
miers et les modifient. Mais les animaux sont tellertient
diffétens les uns des autres, que leurs caractères com-
muns ne sont pas bien nombreux et bien tranchés’;
voici les caractères propres aux animaux, les uns en
petit nombre communs à tous, les autres plus où
moins généraux. .
Outre la forme arrondie qui appartient en général
à tous les êtres organisés, on observe que la plupart
des animaux sont , à l’extérieur au moins, symétriques
et divisés par une ligne médiane verticale en dètSt
moitiés latérales semblables , et que leur longueur sui*
vant cette ligne l’emporte sur les autres dimensions,
quelquefois de beaucoup. La proportion des liquides
aux solides est très-grande. Le tissu aréolaire ou cellu-
laire qui forme la masse du corps est très-mou et très-
contractile. Le corps est creusé d’une cavité intérieure
ou intestine, où sont reçus les alirnens. Cette cavité est
7 i)
4 V oyez Richard. Elémens de botanique.
INTRODUCTION.
13
ainsi que l’extérieur, tapissée par une membrane ou
peau qui limite et enveloppe tout le reste du corps. Il
y a dans beaucoup d’animaux des vaisseaux circula-
toires qui portent, dans des directions déterminées,
la matière nutritive de l’intestin dans toutes les au-
tres parties du corps; des organes respiratoires dans
lesquels cette matière est soumise à l’action de l’atmo-
sphère; et des organes sécrétoires où une partie de
cette matière se sépare de la masse. Ils ont des orga-
nes génitaux qui consistent en général en une cavité
de laquelle se détachent et sortent les germes. Dans la
plupart des animaux enfin il y a des muscles pour
exécuter les mouvemens apparens, des sens pour re-
cevoir les impressions des objets extérieurs, et un sys-
tème nerveux consistant en des cordons ou Ælets
plongés et épanouis par une extrémité dans les tégu-
mens et dans les muscles, et en des renflemens plus ou
moins gros dans lesquels tient l’autre extrémité des
cordons.
§n. Les solides, ou les organes des animaux, ont pour
base principale le tissu aréolaire ou cellulaire, substance
molle , extensible , contractile , perméable aux liqui-
des. Condensée aux deux surfaces du corps , c’est cette
substance qui forme à l’extérieur la peau, et à l’inté-
rieur les membranes muqueuses, ou la peau intérieure.
C’est cette meme membrane, la peau diversement dis-
posée , qui constitue les organes de la respiration des
sécrétions et de la génération : c’est elle aussi qui forme
les sens. Creusé en canaux rameux dans les parois des-
quels il a une consistance assez grande, le tissu cellu-
laire constitue les vaisseaux : cette même substance
DES CORPS ORGANISÉS.
l3
diversement modifiée sans perdre pourtant ses ca-
ractères distinctifs, forme encore plusieurs autres
genres d’organes dans les animaux. La fibre muscu-
laire constitue un second genre de solide différant es-
sentiellement du tissu cellulaire en ce que au milieu de
cette substance molle qui forme la masse commune , se
trouvent des séries linéaires de globules microscopi-
ques ; elle se contracte quand elle est irritée. La subs-
tance des nerfs est formée de même de globules , mais
différens de ceux qui composent les muscles; elle
transmet à des centres les impressions reçues , et con-
duit aux muscles l’influence des centres.
Les liquides animaux, ou les humeurs, sont nom-
breux et abondans. Dans beaucoup d’animaux il y a un
liquide en circulation dans des vaisseaux, c’est le sang,
masse centrale du liquide nutritif; d’autres liquides
absorbés aux surfaces, ou dans la masse même du
corps; et d’autres liquides enfin sécrétés ou séparés
du sang. Celui-ci consiste essentiellement en un véhi-
cule séreux, abondant, dans lequel sont plongés des
particules microscopiques semblables à celles des so-
lides. La composition du sang est tout-à-fait analogue
à celle des parties solides , et il suffit d’un simple chan-
gement d’état, ou de quelques faibles changemens de
proportions dans les élémens pour que les matériaux,
de liquides deviennent solides.
Les derniers élémens anatomiques des humeurs et
des organes des animaux paraissent donc être une subs-
tance amorphe, liquide dans le sang où elle constitue
le sérum ou l’albumine , et concrète dans les organes
où elle constitue le tissu cellulaire; et une substance
INTRODUCTION.
1 4
figurée en globules, libres et nageant dans le sang,
fixés clans les organes où ils forment la fibre muscu-
laire et la substance nervale. La composition chimi-
que du corps animal est plus compliquée que celle du
végétal , et consiste en élémens plus volatils; aussi l’a-
zote y entre-t-il comme partie essentielle qui se joint
aux autres élémens généraux de l’organisation. La
chaux est l’élément terreux qui y existe le plus généra-
lement. . N'
§ 12. Les phénomènes organiques généraux, la nu-
trition et la génération se retrouvent dans des animaux,
mais modifiés par les phénomènes qui leur sont pro-
pres; La nutrition, au lieu de résulter de 1 absorption
extérieure seule, résulte en même temps et principale-
ment d’une absorption intérieure qui a lieu dans leur
cavité intestinale. Le liquide nutritif puisé dans l’in-
testin est soumis à faction de l’atmosphère; il résulte
de cette respiration une production d’eau et d’acide
carbonique , ce qui est le contraire de ce qui a lieu dans
les végétaux. Outre cela, le liquide nutritif doit être
continuellement débarrassé de matières surabondantes
par. les sécrétions; elles ont lieu aux surfaces externe
et interne j tantôt par des vaisseaux simplement épar-
riouis sur de larges surfaces qui laissent perspirer le
liquide sécrété; ailleurs c’est du fond de petites cavi-
tés formées dans la peau ou la membrane muqueuse ,
que le liquide sourd ; dans d autres endroits les vais-
seaux circulatoires communiquent avec des vaisseaux
propres ou canaux excréteurs ramifiés, formés encore
par l’enveloppe du corps, et qui versent le liquide se-
crété. Parmi les liquides qui résultent de ces diverses sé-
des corps organisés. i5
crétions les uns ont çles usages dans l’exercice des
fonctions , d’autres sont rejetés comme matières super-
flues, ce qui constitue une sorte de dépuration. Le li-
quide nourricier sans cesse renouvelé par 1 absorption
intestinale, entretenu dans un état convenable par la
respiration et les sécrétions, parvient dans toutes les
parties du corps , et y opère la nutrition ; opération
merveilleuse dans laquelle il se décompose de manière
que dans chaque partie une portion du sang devient
solide et fait partie d’un organe; en même temps, et
partout aussi une partie des organes devient liquide
et rentre dans le torrent circulatoire. La génération ou
la production d’un nouvel être est tellement diversifiée
dans ses modes quelle n’offre aucun caractère propre
aux animaux et commun à eux tous. La séparation
des sexes, subordonnée au mouvement, n’est en effet
ni propre ni commune au règne animal. Les animaux
jouissent aussi , quoiqu’à un degré moindre que les
végétaux, de la faculté de reproduire, par une sorte
de végétation, certaines parties quand elles sont en-
levées.
§ i3. Le mouvement musculaire, les sensations et l’ac-
tion nerveuse donnent aux animaux, en quelque sorte,
une nouvelle vie : aussi appelle-t-on ces fonctions du
nom de vie animale, par opposition aux autres fonctions
que l’on appelle vie organique ou végétative. Les im-
pressions exercées pan. les agens extérieurs sur les
organes des sensations , c’est-à-dire sur la peau ex-
terne ou interne , ou sur quelques-unes de ses parties
organisées d une manière particulière , déterminent
dans ces organes des actions qui se propagent par les
1 6
INTRODUCTION.
nerfs jusqu’aux masses centrales du système nerveux. Il
n’est même aucune partie du corps qui , dans certains
cas, ne puisse être le siège de quelque sensation. Quand
l’animai a reçu une sensation, et quelle détermine en
lui une volition, c’est encore par les nerfs que cette vo-
lition est transmise aux muscles dont les contractions
produisent les mouvemens de l’animal.
L’action nerveuses n’est pas bornée à transmettre les
impressions reçues par les sens, et les voûtions aux mus-
cles, les masses nerveuses centrales sont encore les or-
ganes de l’instinct et des fonctions cérébrales.
Les fonctions dont il s’agit ne sont pas seulement en
plus dans les animaux ou surajoutées en eux aux fonc-
tions organiques ou végétatives , mais elles modifient
singulièrement l’exercice de ces dernières. Ainsi, dans
la nutrition, ce sont en général des mouvemens mus-
culaires qui déterminent l’introduction desalimens ; des
fibres musculaires qui garnissent l’intestin, les y font
mouvoir; des muscles qui, dans beaucoup d’animaux,
garnissent les vaisseaux à leur centre de réunion, y
meuvent le sang ; des muscles encore déterminent, par
leur mouvement, l’application du fluide atmosphé-
rique sur l’organe respiratoire. Des sens sont placés à
l’entrée des organes de la nutrition. Des nerfs se distri-
buent aussi aux organes de la nutrition, et quoique
dans l’état ordinaire ces nerfs ne transmettent point
de sensations ni de voûtions , et que les mouvemens y
soient immédiatement déterminés par les impressions
ou irritations, cependant dans les affections fortes des
centres nerveux, les mouvemens sont troublés, et dans
des cas maladifs ces fonctions sont accompagnées de
DES CORPS ORGANISÉS. 17
sensations. La génération est , comme la nutrition ,
modifiée dans ses actes par les fonctions animales.
$ 14. Il y a en effet entre tous les organes, entre toutes
les fonctions des animaux, un enchaînement qui existe
Lien dans tous les corps organisés et vivajis, mais qui
se fait remarquer encore davantage dans les animaux ,
et surtout dans quelques-uns d’entre eux. Dans les
êtres organisés réduits à la nutrition et à la reproduc-
tion, la dernière de ces fonctions est la suite et la con-
séquence de la première. Dans les animaux qui jouis-
sent du mouvement et du sentiment, la nutrition a- dû
être exécutée par une digestion , car l’animal ne pour
vait être tout à la fois locomobile et enraciné; la gé-
nération a pu être sexuelle. A mesure que chaque
ordre de fonctions devient plus compliqué , les or-
ganes qui s’ajoutent à ceux dont l’existence est plus
générale, tiennent ces premiers sous leur dépendance*
Ainsi, dans l’ordre des fonctions nutritives, la circula-
lation, et dans la circulation , l’action du cœur, beau-
coup moins générales que les autres phénomènes nu-
tritifs tiennent , quand elles existent.,, tous les autres
phénomènes sous leur influence. De même dans les
fonctions animales, l’action des centres nerveux tient
sous sa direction , des phénomènes dont l'existence est
plus générale. Les fonctions animales tiennent de
meme sous la leur toutes les fonctions nutritives et
reproductives , mais celles-ci, à leur tour, tiennent
aussi les premières sous leur dépendance : les organes
des fonctions animales devant être nourris pour rem*
plir leurs fonctions , et celles-ci déterminant l’exercice
des organes des fonctions végétatives. De sorte que
1.
a
i8
INTRODUCTION.
dans les animaux très-développés en organisation, la
vie semble essentiellement résulter de l’action réci-
proque de l’organe central des fonctions végétatives , et
de l’organe principal des fonctions animales : de la cir-
culation et de l’action nerveuse , ou de l’action du sang
sur le système nerveux, et du système nerveux sur
les organes qui meuvent le sang. Les autres phéno-
mènes entretiennent ces deux actions principales que
l’on peut regarder comme les deux fonctions essentiel-
lement vitales des animaux.
§ i 5'. A tous ces caractères, les premiers très-généraux
ou 'commUns , et les derniers beaucoup moins géné-
raux, il faut ajouter les dérangemens de l’organisation
et ides phénomènes de la vie, c’est-à-dire les maladies,
beaucoup plus fréquentes dans les animaux que dans
l’autre règne organique; et l’on trouvera aisément la
raison de cette fréquence , dans la complication de leur
organisation , dans l’enchaînement de toutes les parties
entre elles et dans l’existence d’organes centraux et
prédominans, dont Kaction ne peut être troublée sans
que tous les autres s’en ressentent. De là l’étude des
circonstances et des corps extérieurs qui influent d’une
manière utile ou nuisible sur l’organisation animale,
et l’art de coilserver ou de rétablir la santé par l’u-
sage bien dirigé des influences extérieures, ou la mé-
decine.
Tels sont les caractères les plus généraux des ani- •
maux; mais ces êtres présentent dans leurs organes et
dans leurs fonctions , une foule de variétés ou de
dégrés de complication qu’il est important d’exa-
miner.
DES COUPS ORGANISÉS. J.f)
§ 16. La forme extérieure ou la configuration qui peut
donner une idée de ia structure, dont elle est en quel-
que sorte l’expression, présente les variétés suivantes .
Quelques animaux sont punctiformes ou globuleux,
comme les monades; d’autres ont la forme d’un fila
ment comme les vibrions; quelques-uns ont la forme
aplatie comme une petite membrane, tels sont les
cyclides; d’autres enfin appartenant comme les pré
cédens au groupe des infusoires, n’ont point de forme
déterminée, leur configuration changeant à chaque
instant de la manière la plus bizarre ; ce sont les prê-
tées. Ces formes élémentaires qui appartiennent à tous
les animaux les plus simples , se retrouvent dans quel-
ques-uns d’un ordre plus élevé , et dans certaines par-
ties de tous les autres. Il en est de même de la forme
étoilée ou rayonnée qui appartient à un certain nom
bre de classes d’animaux , et qu’on retrouve dans di
verses parties de ceux qui ont une autre forme exté
rieure.
La forme rayonnée commence à se montrer dans les
rotifères, et dans les autres polypes; dans les acalèphes
■ et les éçhinodermes, la forme rayonnée n’est pas bor-
née à l’ extérieur, qui ressemble à une fleur radiée ou
à une étoile, mais toutes les parties sont disposées
autour d’un axe , et sur un plus ou moins grand nom-
bre de rayons. Dans d’autres animaux l’axe étant plus
long, la forme rayonnée devient cylindrique. Les échi-
nodermes cylindroïdes, les vers intestinaux , les an-
nélides établissent ce passage de la forme rayonnée à
laquelle ils participent encore à la forme symétrique
et à la disposition articulaire qu’ils présentent aussi ;
20
INTRODUCTION.
et les tuniciers le passage de là forme rayonnée à la
forme symétrique sans articulations.
La formé symétrique se trouve à quelques faibles
exceptions près, dans tous les autres animaux. Dans
cette forme, le corps est partagé en deux parties la-
térales ou en deux côtés semblables par un plan mé-
dian > mais elle se soüdivise en deux autres très-dif-
férentes. Dans les mollusques le corps n’est point divisé
en segmens , et il n’y a point de pieds articulés ; ces
animaux sont inarticulés. Les autres animaux symé-
triques aü contraire sont articulés, c'est-à-dire que
leur tronc est divisé en segmens mobiles les uns sur
les autres, et que leurs membres , quand ils en ont,
sont divisés èn plusieurs parties par des articulations.
On trouve déjà la disposition articulaire dans les cir-
rhipôdes qui, de toute manière, appartiennent aux
mollusques; On en trouve aussi le principe dans les
éckinodermes cylindroïdes , dans les vers, mais <re
genre de forme appartient surtout aux annélides , aux
insectes, aux crustacés, aux arachnides, que l’on ap-
pelle pour cette raison animaux articulés, et à tous les
animaux osseux ou vertébrés. Ainsi on peut rapporter
les formes animales aux suivantes : la forme symétrique
on binaire, avec ou sans articulations; la forme rayon-
née; et lès formes simples d’un globule, d’un fila-
ment * etc.
5 17. La forme extérieure des animaux présente en-
cbre d'autrès différences. Le corps se divise en tronc,
partie centrale qui contient les organes essentiels à la
vie ou les viscères; et en appendices , parties en général
destinées aux mouvemens et aux sensations. Le tronc
21
DES CORPS ORGANISÉS.
se divise en torse ou partie moyenne et eO ex^éuûtçs
qui sont la tête et la queue. Le torse lu;i*piên>e :e^
quelquefois subdivisé en abdomen cten thorax,^ La tête
est la partie qui } ou,tre la bouche, cqqtient le principal
renflement nerveux, ou le- cerveau, et les organes çiq?
sens spéciaux. Le thorax > dans les animaux articulés,
est la partie du tronc qui porte les membres; dans les
vertébrés c’est celle qui renferme le cœur et les pou*
mons. L’abdomen contient toujours les principaux qy-
ganes de la digestion et de la génération. Ces diverses
parties du tronc, qui n’existent pas toujours toutes,
offrent diverses variétés.
Dans les animaux rayonnés, dans les mollusques
acéphales, et dans les intestinaux et les annélides,
le tronc réduit à sa partie moyenne , consiste en unq .
seule cavité qui renferme tous les organes. Dans les
mollusques céphalés il y a une tête distincte; il eu
est de même des insectes , des crustacés et des aractv:
nides , qui ont en outre un thorax, tantôt distinct
de la tête et de l’abdomen, et tantôt confondu ayeç
une ou avec ces deux parties du tronc. Dans les ver-
tébrés la tête est toujours distincte, mais le thorax
est quelquefois confondu avec l’abdomen. Les appen-
dices présentent aussi diverses variétés : Dans quelques
infusoires, il y en a de petits appelés cils. Les animaux
rayonnés ont la bouche entourée d’appendices appe-
lés tentacules, qui sont destinés au mouvement et aq
sentiment. Il en est de même dans quelques mollusques
qui ont de$ tentacules sensibles et d’autres productions
charnues appelée bras ou pieds pour le mouvement.
Les crustacés et les insectes ont des antennes , filam.ens
i
Introduction.
±2
articulés, de forme très-diverses tenant à la tête, et
' s
qui paraissent des organes de sensation. Il en est de
même de leurs palpes que I on trouve aussi dans les
arachnides. Les appendices latéraux , pairs , essentiel-
lement destinés aü mouvement, et qu’on appelle
membres quand ils sont articulés, existent en rudimens
dans les cirrhopodes et dans les annélides setigères; on
les trouve en grand nombre dans les myriapodes, en
nombre assez grand, mais variable, dans les crustacés;
il y en a huit dans les arachnides, et six dans les vrais
insectes qui ont en outre, pour la plupart, des ailes
au nombre de quatre ou de deux. Dans les vertébrés
il n’y a jamais plus de quatre membres.
§ 18. Les organes de la nutrition présentent une grande
• diversité. Dans les animaux les plus simples, les in-
fusoires, cette fonction consiste uniquement dans une
absorption ou imbibition extérieure dont la matière
pénètre toutes les parties du corps de l’animal et est
immédiatement assimilée et ensuite excrétée; on re-
trouve cette simplicité d’organisation dans quelques
vers intestins et quelques acalèpbes.
A un degré plus élevé, on trouve une cavité intes-
tinale creusée dans la substance du corps, et dès lors
l’absorption se fait par deux surfaces et surtout par la
surface interne. On trouve cette simple cavité dans
quelques polypes. A un degré plus élevé encore, la
cavité consiste en un sac membraneux, distinct de
la masse du corps, formé par une membrane ou peau
intérieure continue et analogue à la peau extérieure.
Ce sont encore des polypes et des acalèphes, et quel-
ques intestinaux qui en montrent la première appa-
DES CORPS ORGANISÉS.
23
rence; clans d’autres animaux des mêmes classes, la
cavité gastrique a des prolongemens étendus dans la
masse du corps pour y distribuer la nourriture. Dans
quelques acalèphes, quelques vers intestinaux, l’es-
tomac manque, et il n’y a que les prolongemens ra-
mifiés qui s’ouvrent à la surface extérieure. Dans
toutes ces premières apparences d’une cavité intestinale,
la cavité est bornée à un sac allongé, ayant une seule
issue. Plusieurs éclîinoclermes, et vers intestinaux , ont
un canal intestinal distinct, une bouche et un anus,
disposition que l’on retrouve dans toutes les classes
élevées , où le canal plus ou moins renflé , plus ou moins
resserré, etc. , traverse le corps. L’existence de ce canal
se montre en même temps que la forme cylindroïde et
allongée du corps.
La bouche présente plusieurs variétés dont les prin-
cipales sont celles d’un simple orifice; d’une ouverture
garnie de muscles , et quelquefois de parties dures,
mais disposées uniquement par l'a succion ; d’une ouH
verture garnie de muscles et de parties dures pour
diviser les alimens.
p — « *> • i s 1. 1 : % »
§ 19. Dans beaucoup d’animaux inférieurs, le sue-
nourricier absorbé par les parois de l’intestin, simple ou
prolongé dans le corps par des appendices ramifiés , est
porté immédiatement par la substance aréolaire dans
toutes les parties du corps. Tel est le cas de tous les
animaux rayonnés et de l’immense, classe des insectps*r
Dans tous les insectes, en effet, il n’y a point de
vaisseaux, et le liquide nourricier doit passer par in)-
bibition de 1 intestin dans tout le corps; il y a seule-
ment un vaisseau dorsal qui paraît un rudiment de
introduction.
24
cœur, mais point de branches pour la circulation.
Dans les animaux plus élevés , le liquide nourricier
absorbé par les parois de l’intestin , circule dans des
vaisseaux clos , dont les dernières ramifications seules
laissent échapper dans la substance du corps , les mo-
lécules qui doivent la nourrir. Les vaisseaux qui por-
tent du centre de la circulation à toutes les autres par-
ties , sont appelés artères ; ceux qui rapportent de toutes
les parties du corps au centre, se nomment veines; au
*point de réunion des unes et des autres, on trouve
dans beaucoup d’animaux un organe charnu, le cœur,
qüi aide par ses contractions le mouvement du liquide,
et qui est ainsi que l’ensemble des vaisseaux plus ou
moins compliqué. On trouve les premiers rudimens
de vaisseaux dans quelques vers intestinaux, et le pré*
plier rudiment dé cœur dans les insectes.
Dans les annélides, seuls animaux invertébrés qui
aient le sang rouge, il y a des artères et des veines pour
la Circulation, mais le cœur est seulement ébauché.
Dans les arachnides trachéennes, les organes de la
circulation ne sont guère plus avancés que dans les
inséctes , mais dans les autres, les pulmonaires, il y a
un cϟr ou grand vaisseau dorsal et des branches de
chaque côté. Les crustacés offrent plus distinctement
le Cœür; dans quelques-uns, il est allongé en un gros
vaisseau fibreux qui règne sur toute la longueur de
la queue donnant des branches des deux côtés et qui
rappelle encore le vaisseau dorsal des insectes ; mais
dans d’autres crustacés , il y a un ventricule dorsal , im
grand vaisseau ventral , et de véritables vaisseaux cir-
culatoires. Dans les mollusques il y a un cœur plus ou
des corps organisés.
25
moins compliqué, un double système d’artères et de
veines; le sang est blanc ou bleuâtre. Enfin, dans les
vertébrés, outre les artères, les veines et le cœur, il
y a un système particulier de vaisseaux lymphatiques
et des chylifères qui portent le liquide nourricier des
intestins dans veines.
Le cœur le plus simple se compose au moins d’un
ventricule qui pousse le sang dans les artères, et sou-
vent d’une oreillette ou sinus des veines à leur en-
trée dans le cœur ; il est aortique quand il envoyé le
sang à tout le corps , et pulmonaire quand il l’envoye
à l’organe respiratioire ; il est double quand il y a deux
ventricules, qui peuvent être d’ailleurs séparés ou réu-
nis. Le cœur est simple, sans oreillette, et pulmonaire
dans tous les animaux articulés qui en sont pourvusv
Il en est de même dans les poissons , excepté qu’il y a
une oreillette. Il est simple, mais aortique dans la plu-
part des mollusques ; il est triple dans les mollusques
céphalopodes, où il y a deux ventricules pulmonaires
et un aortique séparés et sans oreillettes. Dans tous les
reptiles il y a un seul ventricule plus ou moins cloi-
sonné qui envoie le sang dans un seul tronc tout à la
fois aortique et pulmonaire ; la plupart ont deux oreil-
lettes , les batraciens n’en ont qu’une. Enfin le cœur
est double ; il y a deux oreillettes et deux ventricules
accolés , l’un aortique et l’autre pulmonaire , dans les
oiseaux et les mammifères.
S 20. Pour que le liquide nutritif soit propre à sa
fonction , il faut qu’il soit soumis à l’action de l’at-
mosphère où vit l’animal. Dans ceux qui n’ont point
de circulation , l’eau agit à la surface du corps. Tel pa-
INTRODUCTION.
2.6
raît être le cas des infusoires, des polypes, des acalè-
phes; les vers intestinaux ne présentent non plus au-
cune apparence d’organes de respiration. Dans un
autre degré d’organisation, lair ou l’eau pénètre dans
tous les points du corps par des canaux élastiques T
appelés trachées , et qui sont revêtus par des prolonge-
mens de la peau. Les échinodermes ont des trachées
aquifères ; dans les insectes il y a deux trachées longitu-
dinales étendues à tout le corps, ayant par intervalles
des centres d’où partent beaucoup de rameaux et
qui répondent à des stigmates , ouvertures exté-
rieures pour l’entrée de l’air. Dans les animaux qui
ont une circulation , une partie des vaisseaux porte
le sang dans un organe où ils se subdivisent sur une
grande surface de la peau extérieure ou de la peau in-
térieure. Cette surface est saillante et appelée branchie
quand l’élément ambiant est l’eau, nommée poumon
et creuse quand cet élément est l’air. Pour la respira-
tion branchiale ou pulmonaire, il y a en général des
organes de mouvement pour mettre le fluide ambiant
en contact avec l’organe. Dans les arachnides, on
trouve le passage de la respiration disséminée qui
existe encore dans les trachéennes à la respiration lo-
cale qui a lieu dans des sacs pulmonaires. Dans les
crustacés en général , les organes respiratoires sont
des branchies saillantes diversement configurées. Il en
est de même dans la plupart des annélides. Dans les
animaux mollusques en général, on trouve beaucoup
de variétés dans les organes de la respiration : quel-
t
ques-uns respirant lair en nature, ont une cavité
pulmonaire, ce sont les gastropodes pulmonés, d au-
des Corps Organisés.
27
très ont des branchies saillantes diversement configu-
rées, d’autres encore ont leurs branchies dans une ca-
vité où l’eau doit être attirée. Dans les poissons, la
respiration est branchiale; elle est pulmonaire dans les
autres vertébrés.
La respiration est partielle et la circulation sifnple
dans les reptiles où il n’y a qu’un ventricule et qu’une
aorte dont l’artère pulmonaire est un rameau. Dans
tous les autres animeaux qui ont une respiration lo-
cale et une circulation , celle-ci est double et la res-
piration complète, c’est-à-dire qu’à chaque circuit du
sang, tout le liquide passe par l’organe respiratoire. Dans
les articulés et les mollusques , le cercle est simple; dans
les premiers, le sang va du cœur à tout le corps en pas-
sant tout entier par les branchies, il en est de même
dans les poissons; dans les mollusques, il va du cœur
aux branchies en passant auparavant par tout le côrps.
Dans les oiseaux et les mammifères, les deux cœurs
étant accolés, le cercle est double, ou mieux, le cir-
cuit est croisé et peut être représenté par un 8, au
centre duquel est le cœur.
§ si. Le liquide nutritif ne doit pas être seulement
soumis à l’action de l’atmosphère , mais il doit être dé-
barrassé par les sécrétions des matières surabondantes.
Dans les animaux qui ont une cavité intérieure, et par
conséquent deux surfaces, ces deux surfaces servent à
l’excrétion comme à l’absorption par toute leur étendue.
La peau intérieure et la peau extérieure présentent
aussi de petites cavités ou enfoncemens particuliers
d’où le liquide sort. Enfin , dans les animaux même où
il n’y a point de circulation, si quelque liquide* parti-
28
INTRODUCTION.
cuber doit être produit , les cavités ou enfoncemens
de la peau intérieure ou extérieure sont étendues et
ramifiés en vaisseaux propres ou conduits excréteurs
dans le corps , et pompent dans le fluide nourricier les
élémens propres à la composition de ce liquide. De
même dans les animaux qui ont une circulation ,
tantôt les vaisseaux s’épanouissent simplement sur de
larges surfaces, et y laissent échapper par perspiration
le liquide sécrété ; tantôt c’est du fond de petites
cavités ou de follicules formés dans la peau intérieure
ou extérieure que le liquide sourd; dans d’autres
endroits , les artères au point où elles se changent en
veines , communiquent avec des canaux excréteurs
ramifiés et toujours formés par la peau intérieure ou
extérieure; c’est de la réunion de ces canaux avec
les vaisseaux sanguins que résultent les glandes. Ces
derniers organes de sécrétion sont propres aux ani^-
maux qui ont un cœur. Le foie par exemple, le plus
général de ces organes, n’existe encore dans les arach-
nides trachéennes que sous la forme de vaisseaux dé-
sunis comme dans les insectes; dans les arachnides
pulmonaires , et dans les crustacés au contraire , on
trouve un foie encore séparé en lohes distincts ou en
grappes dans quelques-uns. Les mollusques ont tous
un foie considérable; la plupart ont des glandes sali-
vaires, mais point de pancréas ni de reins. Plusieurs
ont des sécrétions qui leurs sont propres. Les animaux
vertébrés ont tous des glandes et, de plus que les autres,
des reins, organes qui ont beaucoup de rapports avec
ceux de la génération. Parmi les liquides qui résultent
des diverses sécrétions, les uns ont des usages dans
DES COUPS ORGANISÉS.
*9
l'exercice des fonctions, comme la salive, la bile, etc. ;
d’antres, tels surtout que l’uriïle, sont rejetés comme
matières superflues ou nuisibles. •)
Ainsi les organes des fonctions nutritives dans leur
extrême diversité , côtisistent en une substance per-
méable qui absorbe, s’assimile et excrète; en une ou
deux surfaces , la peau et l’intestin , que les matières
étrangères doivent traverser du dehors ftu dedans,
ou du dedans au dehors par absorption ou par ex-
crétion; en vaisseaux qui établissent des communi-
cations entre les surfaces du corps et tous les points
de sa substance, et réciproquement ; en organes respi-
ratoires, parties des surfaces, où le liquide est mis en
contact avec l’atmosphère; et en organes sécrétoires,,
autres parties des surfaces où une partie du liquide est
rejetée. " ■
§ 22. La génération, ou la production d’un nouvel
être semblable à celui dont il tire son origine , seconde
fonction commune à tous les corps organisés èt vi-
vans, présente aussi dans les animaux une grande va-
riété dans ses organes et dans ses phénomènes. Cette
fonction , dans le cas le plus simple , n’a point d’organe
particulier; mais le corps tout entier, très-simple, ho-
mogène, se divise en plusieurs fragmens qui conservent
chacun les propriétés du tout; c’est la génération fissi-
pare; elle appartient essentiellement aux infusoires; elle
existe accidentellement dans d’autres. Dans d’autres
animaux du même groupe on aperçoit dans la substance
du corps des globules ou corpuscules qui paraissent
reproductifs, c’est là génération subgemmipare, ou le
premier indice d’une production de gemmes. Dans un
3o
INTRODUCTION.
degré plus élevé la génération est en effet gemmipare ;
une gemme ou bourgeon croît sur la surface externe
du corps, sur la peau, et ensuite se détache pour for-
mer un nouvel être distinct de son parent, ou bien
continue de rester sur lui, et en forme un rameau. Ce
genre de génération appartient aux polypes. On y
trouve aussi la génération gemmipare interne ou subo-
vipare. Son organe consiste en des cavités prolongées
dans la masse du corps, et dans l’intérieur desquelles
croissent des gemmes ou des ovules qui se séparent
spontanément, et sortent en traversant un canal qui
s’ouvre à l’extérieur. Ce mode de génération est en-
core celui des acalèphes , celui des échinodermes,
peut - être celui des intestinaux cestoïdes. Les acé-
phales et quelques mollusques gastéropodes n’en dif-
fèrent que parce qu’ils ont un véritable ovaire. Dans
tous ces premiers cas,, il n’y a pas, à proprement par-
ler, d’organes sexuels.
§ 23. Dans toutes les organisations plus élevées, sous
ce rapport, il y a des oirganes génitaux des deux sexes,
dont le concours est nécessaire pour animer les ger-
mes.- Les uns, les Organes femelles , consistent en
un amas de germes ou un ovaire, en un canal par où
les germes détachés se portent au dehors , c’est l’ovi-
ductus, et dans plusieurs. espèces , en une cavité où ils
demeurent plus ou moins long-temps, se greffent et
s’accroissent avant de naître, c’est d’utérus ; l'orifice par
lequel ils sortent est la vulve. Les organes mâles, sont
des glandes appelées testicules, qui sécrètent le sperme,
liqueur fécondante , et quand elle doit être introduite
dans le corps de la femelle , le male est pourvu d’un
DES CORPS ORGANISÉS. 3t
pénis. Dans ce genre d’organisation le concours des
deux sortes d’organes est nécessaire pour opérer la
génération. On trouve la première apparence de cette
organisation dans quelques vers intestinaux ; mais
ces animaux étant dépourvus de circulation, leur ovaire
et leur testicule consistent uniquement en vaisseaux
sécrétoires libres ou flottans. Les organes génitaux sont
de même de deux genres dans beaucoup de mollusques,
dans les annélides et autres articulés , et dans les ver-
tébrés; seulement, dans ceux qui ont une circulation,
les ovaires et les testicules sont des masses glandu-
laires. Parmi ces animaux, certains sont hermaphrodites
ou pourvus d’organes mâles et femelles; mais cet her-
maphrodisme est incomplet, ou plutôt insuffisant; car
ils ont besoin pour engendrer, d’un accouplement ré-
ciproque avec un autre individu semblable : tel estde
cas de quelques ^nnélides et de quelques mollusques.
Dans un ordre plus élevé encore d’organisation, lçs
organes génitaux sont séparés et portés par des indi-
vidus différens , ce qui constitue les sexes. C’est le cas
de quelques vers intestinaux, de beaucoup de mollus-
ques, des insectes, des crustacés , des arachnides et de
tous les vertébrés.
§ 24. Dans la génération sexuelle , le germe est ren-
fermé avec des matières nutritives dans une enveloppe
membraneuse ou plus solide, et même calcaire; c’est ce
qu’on appelle un œuf. Tantôt l’œuf contient des maté-
riaux nutritifs en quantité suffisante pour le développe-
ment complet de l’embryon, et reçoit seulement l’in-
fluence de l’air atmosphérique, et tout au plus celle de
l’humidité au travers de son enveloppe; l’animal est
3a
INTRODUCTION.
alors ovipare, soit que l’œuf soit pondu entier, et que le
développement de l’embryon se fasse après la ponte , où
bien que le développement précède la ponte, et que
lœuf se rompe au moment de la naissance. Dans la gé-
nération ovipare le germe ne se détache en général qu’a-
près la fécondation; dans quelques cas cependant le
germe se détache avant, et l’œuf est fécondé pendant
ou même après la ponte. L’œuf ne contient pas tou-
jours des matériaux suffisans au développement de
l’embryon; il se greffe alors par sa surface dans Tu-
tetris, et y absorbe des matières nutritives; le petit
naît vivant avec les débris de son œuf membraneux,
mais dans un état de faiblesse qui exige qu’il soit nourri
d’une liqueur animale que la mère sécrète, c’est le
lait. Les mammifères sont seuls dans oe cas. Au sortir
de l’œuf quelques petits ne ressemblent point du tout
à leurs parens ; ils éprouvent , avant d’atteindre à cette
forme, des changé mens qu’on appelle métamorphoses;
tels sont les larves des insectes, et les têtards des ba-
traciens; les autres au contraire naissent semblables
à leürs parens, ou du moins ne s’en éloignent que
par dès différences de proportion qui s’effacent avec
l’àge.
§ 25. La nutrition et la génération ne sont pas les
deux seuls modes de production ou de formation des
animaux ; ils possèdent aussi , quoique à un degré
moins élevé ou moins général que les végétaux, la fa-
culté de reproduire, par une sorte de végétation les par-
ties enlevées ou détruites. Mais cette faculté n est pas
au même degré de tous les animaux. Les animaux les
u
plus simples la présentent au plus haut degré. Les
DES CORPS ORGANISÉS.
33
polypes et notamment les hydres reproduisent cons-
tamment et indéfiniment les parties qu’on leur en-
lève, de sorte que l’on multiplie à volonté les individus
au moyen de la section. La force de reproduction des
actinies n est guère moindre; elles reproduisent les
parties qu’on leur coupe, et peuvent se multiplier par
la division. Les astéries ont aussi une grande force de
reproduction ; elles repoussent les rayons qui leur sont
enlevées, un seul rayon même, pourvu qu’il soit en-
tier , peut reproduire les autres. On connaît la faculté
qu’ont les ténia de reproduire les anneaux postérieurs
de leurs corps. Parmi les annélides , les naïades ont
aussi une très-grande force de reproduction. On a
constaté sur l’écrevisse la faculté qu’ont les crus-
tacés de régénérer leurs pieds lorsqu’ils les ont per-
dus , ou qu’ils ont été mutilés. Il paraît que les
arachnides ont aussi la faculté de régénérer les pattes
qu elles ont perdues. Les salamandres aquatiques ont
une force étonnante de reproduction ; elles repoussent
plusieurs fois de suite le même membre quand on le
leur coupe, et cela avec tous ses os, ses muscles, ses
vaisseaux , etc. Les membres et la queue des têtards
de grenouilles se régénèrent aussi presque comme ceux
des salamandres. La queue des sauriens , lorsqu’elle a
été cassée, repousse, quelquefois un peu différente
de ce qu elle est naturellement. Dans les animaux à
sang chaud la reproduction est presque bornée à des
parties épidermiques et cornées. Pour les au très parties
elle se réduit à la guérison des plaies, et à la production
dune cicatrice analogue à la peau, quand celle-ci a été
entammée ou détruite.
34
INTRODUCTION.
Les organes et les fonctions propres aux animaux
présentent, comme les précédens, beaucoup de degrés
de complication ou de variétés dans les êtres qui com-
posent le règne animal.
§ 2 6. Dans les animaux les plus simples, le corps étant
ou paraissant homogène, on ne voit aucun organe parti-
culier pour le mouvement, et pourtant ces animalcules
infusoires se meuvent en totalité avec beaucoup de vi-
tesse. D’autres animaux un peu plus composés, comme
les rotifères, qui ont un organe rotatoire particulier,
comme les polypes, qui ont autour de la bouche des
appendices ou tentacules dont les mouvemens agitent
l’eau, attirent et saisissent les substances nutritives,
et dont quelques-uns ont en outre des mouvemens de
totalité ; sont encore dépourvus de tout organe mus-
culaire distinct. L’organe propre des mouvemens ap-
parens , la fibre musculaire, existe dans les acalèphes
et dans les échinodermes dont le système musculaire
est soutenu par une peau bien organisée, et dans
tous les animaux plus élevées, où les mouvemens ap-
parens, généraux ou partiels, sont produits par l’ac-
tion de ces organes. Les fibres musculaires garnissent,
dans tous les animaux qui en sont pourvus, la peau
externe et la peau interne ; elles forment le cœur dans
tous ceux qui en ont. Parmi les animaux , quelques-
uns ont la peau aussi molle que les autres parties du
corps; dans un grand nombre, elle contient dans son
épaisseur des parties dures, soit calcaires, soit cornées
qui défendent l’animal contre les atteintes extérieures,
et qui mobiles les unes sur les autres, transmettent
aux parties qu elles soutiennent le mouvement qu elles
DES CORPS .OROANISES.
35
ont reçu des muscles. Dans les animaux vertébrés, ce
sont des os intérieurs articulés et mobiles, qui rem-
plissent ce dernier office, et qui pour cela sont pour-
vus d’une grande masse de muscles qui manquent dans
les invertébrés, ou qui sont attachés à leur peau en-
durcie. • i, 1. ,!
§ 27. Les organes des sensations , dans les animaux les
plus simples, n’ont point une existence distincte ; le
corps tout entier paraît recevoir les impressions comme
il exécute les mouvemens. Dans les animaux qui ont
une peau extérieure et une peau intérieure, différentes
du reste de la masse, et tous à partir des polypes, sont
dans ce cas, la peau outre sa fonction d’absorber des
matières nutritives,. reçoit l'impression des corps exté-
rieurs. Dans ceux qui ont la peau très-molle et peu dis-
tincte du reste, elle est partout également sensible.
Mais la peau humectée dans beaucoup d’animaux par
du mucus ou par la matière sébacée, est, dan^ un grand
nombre, garnie d’épiderme, de poils, d’écailles cor-
nées, ou de croûtes calcaires, et devient ainsi un or-
gane de défense ou de soutien. Dans ce cas-là, quel-
ques parties restent dépourvues de ces enveloppes,
sont très-mobiles et sont des organes particuliers de
tact ou de toucher tels sont les tentacules des oursins,
celles de ces mollusques, les antennes des insectes des
crustacés, les barbillons de quelques poissons, etc.
L’organe du goût ne se trouve pas distinct dans tous
les animaux qui digèrent , et cependant la sensation
semble devoir exister dans tous. O11 ne voit rien dans
les animaux rayonnés à l’entrée du canal alimentaire,
qui semble être cet organe. 11 en est de même dans
36
INTRODUCTION.
les mollusques et les articulés. Dans quelques insectes
cependant on suppose que c’est l’extrémité de la trompe
ou un palpe, enfin il s’en faut beaucoup même que
tous les vertébrés aient une langue organisée d’une
manière propre au goût.
L’organe de l’odorat semble manquer dans un grand
nombre d’animaux, cependant les insectes, les crus-
tacés, les ^arachnides sentent les odeurs, mais on
ignore le siège précis de cette sensation. Il en est de
même dans les mollusques. Dans les vertébrés mêmes
les fosses nazales ne traversent pas la face dans toutes
* les classes.
L’organe de l’ouïe ou l’oreille n’existe pas ' dans les
dernières elasses d’animaux et le .son ne paraît y être «
perçu que comme impression tactile. Parmi les animaux
articulés qui entendent tous, les écrevisses sont les
seuls où l’on ait aperçu l’oreille, elle y consiste en un
sac rempli d’une lymphe gélatineuse recevant un nerf
distinct. De même parmi les mollusques, les cépha-
lopodes seuls ont cet organe, qui existe dans tous les
vertébrés, et y présente beaucoup de variétés.
Dans tous les animaux la lumière exerce une action
sur toute la peau, sur toutes les parties qui y sont
exposées mais la vue n’a lieu qu’au moyen de l’œil. Il
n’y a point d’yeux dans les animaux rayonnés. Les vers
et une partie des annelides en sont dépourvus, dans
les autres il n’est que rudimentaire ; c’est un petit point
noir. Les articulés à pieds, savoir : les crustacés, les
arachnides, et les insectes, ont tous des yeux qui
peuvent être de deux sortes, plus ou moins nom-
breux, et toujours symétriques : des yeux simples
DES CORPS ORGANISÉS.
3 7
dont la cornée n’a qu’une facetfte, l’iris qu’une ouver-
ture et le nerf optique un seul filet; et des yeux com-
posés ou à facettes multiples avec autant de pupilles et
autant de filets du nerf optique. Quelquefois les yeux
sont pédicules ou placés sur des appendices articu-
lés. Les mollusques acéphales sont dépourvus, d’yeux ,
la plupart des gastéropodes en ont, mais de très-
petits et rudimentaires, placés soit à la tête même
soit aux tentacules postérieurs. Les céphalopodes, ont
deux gros yeux recouverts par la peau transparente en
cet endroit. Les yeux ne manquent que dans un petit
nombre d’espèces dans les vertébrés.
§ 28. Le système nerveux n’est pas connu et ne paraît
pas exister, dans les animaux infusoires. On en aper-
çoit les premières traces dans les animaux rayonnés.
Les hydres, parmi les polypes ont dans leur substance
des globules microscopiques dont la nature est obscure.
Mais dans les étoiles de mer et dans les holothuries il y
a des ganglions disposés circulairement autour de la
bouche, communiquant entre eux par des filets mous,
en envoyant d’autres en rayonnant dans les divisons
du corps où ils se distribuent à la peau externe et à la
peau interne. Dans quelques vers intestinaux on aperçoit
un anneau nerveux qui entoure la bouche et d’où partent
deux cordons qui s’étendent à toute la longueur d,u
corps. Dans les animaux articulés le système nerveux
présente un caractère assez général. Il y a un petit renfle-
ment appelé cerveau placé sur l cesopliage et fournis-
sant des nerfs aux parties qui tiennent à la tête. Deux
cordons qui embrassent L’œsophage comme un collier
se continuent sous le canal intestinal, et $e réunissent
38
INTRODUCTION.
d'espace en espace en autant de doubles ganglions ou de
nœuds qu’il y a d’anneaux au corps et d’où partent les
nerfs du tronc et ceux des membres quand il y en a. La
disposition est la môme à peu près dans les cirrhopodes.
Dans les mollusques il y a une plus grande diver-
sité que dans les articulés. Néanmoins ce sont tou-
jours des ganglions communiquant par des cordons
et envoyant des filets aux diverses parties externes et in-
ternes. Dans les acéphales il y a au-dessus de la bouche
un ganglion principal qu’on appelle improprement
cerveau et un autre vers l’èxtrémité opposée du corps,
derrière la masse des intestins, deux branches ner-
veuses établissent une communication entre les gan-
glions et embrassent dans leur écartement les viscères,
d’autres filets se distribuent aux différentes parties du
corps. Dans les mollusques pourvus d’une tête , il y a
ml renflement nerveux ou une masse médullaire prin-
cipale qu’on appelle cerveau , située en travers sur
l’œsophage qu’elle enveloppe d’un collier nerveux, qui
se termine en-dessous par un autre ganglion plus gros,
ces renflemens envoyent des filets aux parties de la
tête et aux différens viscères. Dans quelques-uns il y a
en outre quelques autres petits ganglions. Les céphalo-
podes seuls ont leur cerveau enveloppé d’une espèce
de crâne cartilagineux.
Les caractères généraux du système nerveux des
animaux invertébrés consistent surtout dans la dissé-
mination des centres nerveux, et en ce que toutes les
parties soit externes,' soit internes, soit celles qui ap-
partiennent aux fonctions végétatives, soit celles qui
appartiennent aux fonctions animales, reçoivent leurs
DES CORPS ORGANISES.
39
filets nerveux des mêmes centres. On verra que dans
les animaux vertébrés, au contraire, le système nerveux
est disposé tout différemment et d’une manière qui les
distingue tout-à-fait des autres animaux.
§ 29. L’action nerveuse ou l’innervation , présente
dans les animaux des variétés correspondantes à celles
qu’on observe dans la disposition des organes nerveux.
Dans les animaux où il n’y a point de système ner-
veux, et dans ceux où ce système n’a point de centre
(les rayonnés), les impressions sont immédiatement
suivies de mouvemens ; on appelle irritables les ani-
maux et les parties dont les mouvemens sont déter-
minés par des impressions. Dans les animaux rayonnés
c’est la bouche ou l’orifice par lequel ils prennent leur
nourriture qui est le point le plus irritable; c’est là
aussi que le système nerveux commence à apparaître
dans les rayonnés qui en sont pourvus. Tous les au-
tres animaux ont aussi des parties irritables. Dans les
mollusques et dans les insectes où les divers ganglions
du système nerveux sont rattachés les uns aux autres
par des cordons , de manière à former un centre , et
où il y a des organes de sensation spéciale, les im-
pressions reçues par les sens donnent lieu à des sen-
sations , et les mouvemens sont déterminés par la
volition. Les mouvemens intérieurs cependant, sont
produits par irritation; mais l’irritabilité dans ces ani-
maux est dans la dépendance du système nerveux. On
observe aussi dans ces animaux, et surtout dans les
insectes, une faculté qu’on appelle instinct, et qui,
comme une impulsion irrésistible, leur fait produire ,
sans apprentissage et sans imitation , des actions très-
INTRODUCTION.
4 o
compliquées, nécessaires à leur conservation et à celle
de leur espèce. Les animaux vertébrés , outre l’irrita-
bilité, la sensibilité, le mouvement volontaire et l’ins-
tinct , ont encore des fonctions cérébrales qui simulent
l’intelligence, jusqu’à un certain degré.
§ 3o. Les variétés ou les degrés de complications qui
existent dans chaque appareil de fonction , se combi-
nent de diverses manières , ce qui constitue des varié-
tés de 1 organisation générale. La combinaison où la
co-existence des divers appareils d’organes est déter-
minée; certain état des organes nutritifs ou génitaux
exigeant, pour que la vie ait lieu, certain état corres-
pondant des organes du mouvement, de la sensibi-
lité, etc. D’après un caractère extrêmement tranché de
l’organisation, on divise les animaux en vertébrés et
en invertébrés. L’homme appartient à la première di-
vision.
§ 3i. Quoique les animaux invertébrés diffèrent
beaucoup de l’homme , cependant leur étude est d’un
grand intérêt pour l’anatomiste et le physiologiste; on
y voit l’organisation et la vie dans leur plus grande sim-
plicité, et dans une foule de variétés. Ils diffèrent
même tellement entre eux qu’ils n’ont aucun caractère
commun et positif. D’après l’ensemble de leur organi-
sation on les divise en trois grandes sections qui diffè-
rent entre elles autant qu elles s’éloignent des vertébrés ;
ce sont celles des animaux rayonnés, mollusques et ar-
ticulés; et même on trouve encore hors de ces trois
divisions, une classe d’êtres douteux que les zoolo-
gistes décrivent sous le nom d’infusoires, et que les
botanistes réclament parmi les conferves.
DES CORPS ORGANISÉS.
4i
§ 32. Ces animaux équivoques et microscopiques, ont
des formes très- simples, diverses, quelquefois chan-
geantes; ils sont homogènes, transparens, diffluens ;
ils n’ont aucune cavité, aucun organe distinct, cepen-
dant ils se meuvent dans les eaux qui les contiennent;
ils se nourrissent par imbibition , ils se multiplient par
scission spontanée.
§ 33. Les animaux rayonnés constituent un type parti-
culier dont le caractère essentiel est dans la forme, qui
est celle d’un centre autour duquel les parties sont
disposées en rayons. Leur structure, assez simple, pré-
sente plusieurs variétés depuis les hydres ou polypes à
bras, les plus simples d’entre eux, jusqu’aux astéries.
Ils habitent tous l’eau.
§ 34* Les polypes forment une classe extrêmement
nombreuse d’animaux rayonnés. Ils sont, en général,
allongés, ayant une seule ouverture ou bouche munie
d’appendices rayonnés; ils ont une cavité alimentaire;
ils digèrent très-vite et absorbent par imbibition; ils
produisent des gemmes qui tantôt restant adhérehs,
forment des animaux composés, phytoïdes, et tantôt
se séparent. Les surfaces extérieure et intérieure sont
semblables; la substance intermédiaire est homogène,
gélatiniforme; on n’y distingue aucun organe particu-
lier, seulement des globules microscopiques. Ils sont
tellement régénératifs que, coupés, chaque partie de-
vient un individu. La lumière, le bruit, et d’autres
causes extérieures produisent sur eux des impressions
suivies de mouvemens. Les uns sont fixés au sol , d’au-
tres sont libres. Les plus simples de tous sont ceux qui
sont nus comme les hydres, etc.; ils ont un sac ali-
INTRODUCTION.
42
mentaire simple; ils se multiplient par des gemmes ex-
térieurs. D’autres qui sont réunis, excrètent de leur sur-
face externe une substance cornée ou calcaire appelée
polypier. Dans d’autres enfin , qui sont des animaux
composés, le corps commun enveloppe une substance
sécrétée dont la consistance varie depuis celle de la gelée
jusqu’à la pierre.
§ 35. Les acalèpbes , ou orties de mer, ont une forme
circulaire ou rayonnante encore plus marquée; on les a
comparés à des fleurs rosacées ou radiées. Leur struc-
ture est variée; car quelques-uns sont aussi simples que
les plus simples des polypes, et d’autres sont bien plus
compliqués; la bouche est centrale, garnie de tentacu-
les, et conduit dans un estomac souvent ramifié, mais
qui n’a point d’autre issue. Il y a pour la génération,
des amas de gemmes internes ovariformes dans des ca-
vités particulières.
§ 36. Les échinodermes sont les animaux rayonnés
dont l’organisation est le plus compliquée : on trouve
dans cette classe la forme étoilée, la forme sphéroïde,
et la forme cylindrique. Ils ont une cavité intérieure où
flottent des viscères distincts; leur intestin a des pro-
longemens vasculiformes ramifiés dans le corps; quel-
ques-uns ont un anus distinct; les organes de la respi-
ration sont des canaux aquifères ramifiés; les organes
delà génération sont des amas ovariformes de gemmes
internes qui aboutissent à la bouche ou à l’anus; ils
ont des muscles, et dans la plupart il y a des organes
particuliers pour le mouvement , consistant en de
nombreux tentacules terminés par des ventouses, et
qu on appelle pieds ; la peau est bien organisée , et sou
DES CORPS ORGANISÉS.
vent solide; quelques-uns même ont des filets ner-
veux.
§3 7. Les animaux articules constituent une division
du règne animal dans laquelle le corps est symétrique,
divisé à l’extérieur en un certain nombre d’anneaux
ou de segmens mobiles les uns sur les autres , et formés
par la peau plus ou moins ferme, et quelquefois dure,
excepté dans les intervalles des anneaux où elle con-
serve toujours sa mollesse et sa flexibilité. Leurs muscles
sont attachés en dedans de la peau ; leurs nerfs sont des
cordons renflés d’espace en espace, situés au-dessous
du canal intestinal. Du reste ce type comprend des or-
ganisations extrêmement variées.
Les uns sont vermiformes , dépourvus de tête et de
pieds articulés, et réduits au mouvement de reptation.
Ce sont les vers et les annélides.
§ 38. Les vers intestins ou helminthes qui ont quelques
rapports avec les rayonnés, ont en général le corps al-
longé, cylindrique ou déprimé , nu , mou ; ils n’ont aucun
organe de respiration ni de circulation. Leur génération
est gennnipare interne, et sexuelle, ovipare; ils habi-
tent le corps des autres animaux; ils offrent d’ailleurs
des degrés d’organisation très-différens. Les plus sim-
ples de tous, les cestoïdes (les ligules) ressemblent à un
long ruban strié, et marqué d’une ligne longitudinale;
on n y aperçoit aucun organe extérieur, pas même des
suçoirs, et à l’intérieur, rien que des corpuscules ovi-
formes dans la masse du corps. D’autres dont les for-
mes sont très-variées ( trématodes et ténioïdes ) ont
seulement à l’extérieur des suçoirs plus ou moins
nombreux , quelquefois ramifiés dans le corps , qui
INTRODUCTION.
44
présente aussi d’autres canaux gemmifères ou ovan-
fères. Les acanthocépliales ( éehinorhynques ) , ont une
trompe armée de crochets pourvus de muscles; ils ont
deux petits intestins sans issue ; ils ont aussi des ovi-
ductes distincts, ou des vessies spermatiques suivant
les sexes qui sont séparés. Les nématoïdes ou cavitai-
res, comme les ascarides , etc., ont encore une orga-
nisation plus compliquée : ils ont une bouche , un anus,
un canal intestinal flottant dans une cavité abdominale
distincte. Leur peau extérieure est garnie de fibres
musculaires, et en général striée transversalement; ils
ont des organes génitaux distincts , consistant en très-
longs canaux. Les sexes sont séparés. Ils ont un anneau
nerveux qui entoure la bouche et deux longs cordons
l’un dorsal et l’autre ventral ; ils ont aussi deux vais-
seaux latéraux, spongieux.
§ 39. Les annélides, ou vers à sang rouge, sont des ani-
maux vermiformes dont le corps allongé est divisé en
anneaux nombreux, dont le premier, qui se nomme
tête, est peu différent des autres, la bouche est ou un
tube, ou des mâchoires. Il y a un intestin plus ou
moins long qui traverse le corps; il y a un système
double d’artères et de veines sans cœurs bien marqués ;
le sang est rouge; la respiration est branchiale. Ils
sont hermaphrodites avec accouplement réciproque;
ils ont des muscles et la plupart des soies roides qui
servent de pieds; ils ont à la tête des tentacules, et quel-
ques-uns des points noirs qu’on prend pour des yeux;
leur système nerveux est un cordon noueux.
§ 4o. Les autres animaux articulés sont tous pour-
vus d’une tête, ont tous des yeux simples ou coinpo-
DUS CORPS ORGANISÉS.
45
ses; leur bouche très-compliquée se ressemble beau-
coup et présente deux modifications, dans l’une il y a
pour broyer , plusieurs paires de mâchoires latérales ,
dont l’antérieure porte le nom de mandibules, et
souvent des palpes, filamens articulés qui paraissent
servir à reconnaître les alimens ; dans l’autre une trompe
pour sucer. Les organes de la digestion sont compli-
qués et très-variés. Ils jouissent de l’odorat, mais le
siège n’en est pas bien déterminé. Ils ont tous un ab-
domen , un thorax qui soutient au moins six pattes
articulées. Leur peau est encroûtée et solide ; chaque
article des pattes est tubuleux et contient les muscles
de l’article suivant: toutes les articulations des pattes
sont des gynglymes. La génération est sexuelle et ovi-
pare. Cette section contient trois grandes classes ,
celles des insectes, des arachnides et des crustacés.
§ 4 1 • Les insectes , ou les héxapodes, ont le corps com-
posé de segmens ou anneaux nombreux et partagé en
trois portions principales, et des pattes articulées au
nombre de six, une tête distincte munie d’yeux et de deux
antennes, un thorax qui porte les pieds, et les ailes quand
il y en a , et un abdomen qui renferme les principaux
viscères. La bouche est une partie très-composée : dans
les uns, broyeurs, il y a des mâchoires latérales, dans
les suceurs il y a une trompe. Le canal intestinal plus
ou moins long, renflé, étranglé etc., se termine par un
anus. Il y a un vestige de cœur, c’est un vaisseau attaché
le long du dos divisé en segmens par des étranglemens,
et qui éprouve des contractions alternatives. Mais on
n a pu y découvrir de branches. Le liquide qu’il con-
tient est blanc et paraît y pénétrer comme dans toute
INTRODUCTION.
46
la niasse du corps par imbibition. La respiration se fait
au moyen de trachées ramifiées et réunies en deux
troncs principaux. Les organes sécrétoires consistent
en de longs vaisseaux ou canaux spongieux repliés sur
eux-mêmes plongés dans la masse du corps et aboutis-
sant dans l’intestin ou ailleurs suivant l’usa<re de leur
I O
produit. Les sexes sont séparés. Les organes génitaux
aboutissent en général dans l’anus. Ces animaux ne s’ac-
couplent qu’une fois dans leur vie. La femelle fécondée
dépose ses œufs dans un endroit convenable. L’œuf
produit un animal vermiforme qu’on appelle larve,
celle-ci se change en une chrysalide qui est dans un
état de mort apparente, de celle-ci enfin sort l’insecte
parfait, qui bientôt se reproduit et meurt. Ces chan-
gemens considérables de forme extérieure accompa-
gnés d’autres changemens, un peu moins grands dans
la structure, sont appelés métamorphoses; tous les in-
sectes > excepté les thysanoures , et les parasites qui,
par leur ressemblance avec les mites , se rapprochent
des arachnides, les subissent; quelques-uns ne les su-
bissent pas toutes. Les organes des mouvemens sont des
muscles et la peau endurcie par une matière cornée
quelle contient dans son épaisseur; il y a six pattes
articulées, quatre ailes dans la plupart, deux ailes dans
I
quelques-uns; un petit nombre seulement est dépourvu
d’ailes. Les mouvemens sont très -variés, ce sont la
marche, la course, le saut, le vol. Les organes des
sensations sont des yeux composés, et dans plusieurs
des yeux lisses ordinairement au nombre de trois;
des antennes et des palpes. Ils jouissent de l’odorat et
de l’ouïe mais on n’en connaît pas les organes. Le
DES COUPS ORGANISÉS.
47
système nerveux a la disposition indiquée § 28, et se
termine en avant par un petit renflement ou cerveau,
situé sur l’œsopliage et qui fournit aux yeux et aux
autres parties de la tète.
§42. Les arachnides ou octopodes, dont la tête pri-
vée d’antennes j se confond avec le thorax, ont huit
pattes, et point d’ailes. Le canal alimentaire commence
dans les unes par une bouche à deux mandibules la-
térales, dans les autres par une bouche en suçoir. La
plupart ont des palpes, elles sont sujettes à des mues
ou changemens de peau et non à des métamorphoses.
Les sexes sont séparés, la génération est ovipare, la
plupart ont des yeux visibles dont le nombre et la si-
tuation varient.
Elles présentent deux degrés d’organisation ; le premier
ou le plus simple est celui des artères trachéennes, où
il n’y a pas d’organes de circulation plus appareils que
dans les insectes ; les organes de respirations sont des
trachées rameuses distinctes entre elles. Le plus com-
posé est celui des artères pulmonaires ou branchiales
( araignées, tarentules, scorpions). Elles ont un cœur
musculaire simple, dorsal, allongé, cylindrique,
branchial ou pulmonaire, d’où partent des vaisseaux
pour les organes respiratoires qui sont des sacs pu-
lmonaires, et de là pour tout le corps. Il y a aussi un
loie composé de grains ou de lobules rassemblés en
grappes. Les organes sexuels sont doubles dans chaque
sexe. Quelques-unes s’accouplent plusieurs fois et
vivent plusieurs années. Les scorpions sont ovovivi-
pares. N
S 43. Les myriapodes ou mille-pieds forment un petit
Introduction.
48
groupe d’animaux intermédiaires aux crustacés, aux-
quels ils ressemblent par la configuration , et aux in-
sectes dont ils se rapprochent par la structure; tout
en différant encore des uns et des autres. Leur corps
est allongé, formé d’une suite ordinairement considé-
rable d’anneaux portant chacun une ou deux paires
de pieds. Leur tête porte deux antennes et deux yeux.
Leurs mandibules et leurs mâchoires ont de l’analogie
Ï3
avec celles des crustacés. Leur respiration est tra-
chéale. En sortant des œufs, les petits ont six pieds
et sept ou huit anneaux ; les autres pieds et les an-
neaux qui les supportent se développent avec 1 âge.
§ 44* Les crustacés sont les animaux articulés à pieds
articulés les plus compliqués en organisation. La tête
etde reste du tronc sont tantôt confondus, tantôt dis-
tincts. Il y a une queue plus ou moins prolongée di-
visée en segmens. Ils ont en général quatre antennes.
La plupart ont la bouche disposée pour broyer, et ont
pour cela plusieurs mâchoires , au moins six , toujours
latérales. Il y a toujours au moins cinq paires de pattes
pour le mouvement, mais dont la forme varie selon le
genre de mouvement. Le nombre des pattes locomo-
tiles est en raison inverse de celui des mâchoires : en
effet les pieds antérieurs se rapprochent des mâchoires,
en prennent la forme , en remplissent une partie des
fonctions, et peuvent même les remplacer en entier.
Ils ont pour la respiration des branchies pyramidales ,
lamelleuses, filamenteuses ou en panaches, qui tien-
nent en général aux bases d’une partie des pieds, ou
qui même les remplacent en partie. Leur circulation
est double ; le sang qui a été soumis â la respiration
DES CORPS ORGANISES.
49
se rend dans un grand vaisseau ventràl, aortique qui h;
distribue à tout le corps, d’où il revient dans un autre
«nand vaisseau ou même un vrai ventricule dorsal qui
le renvoie aux branchies. Ils ont un foie plus ou moins
divisé, ou même en canaux désunis; suivant l’état
du cœur. La génération est sexuelle ovipare, sans vé-
ritables métamorphoses. La plupart transportent leurs
œufs. Ils habitent tous l’eau. Ils présentent d’ailleurs
des variétés d organisation assez grandes. Les mâ-
choires, les pattes et les branchies, sont dans un
rapport tel qu’on a regardé ces appendices comme
étant du même genre, les premiers résultant dune
transformation des derniers. La plupart ont un test,
plus ou moins solidement crustacé cpmme le reste de
la peau , et qui couvre le tronc et dans quelques-uns
la tête même. Dans plusieurs ordres, l’estomac très-
musculeux est pourvu d’un squelette cartilagineux et
de tubercules ou de dents. Le canal intestinal est en gê-
néral court et droit. La position des organes génitaux
varie; ces organes sont doubles dans quelques genres.
Les yeux présentent diverses variétés : ils manquent
tia«6 un petit nombre; dans d’autres les deux yeux Sont
très -rapprochés et comme confondus en un seul;
quelques-uns ont des yeux composés soutenus sur un
pedioule mobile. Enfin dans quelques crustacés déca*
pod|es> il y a des -organes- distincts pour (l’ouïe. ' •
*§;46. Les anim mollusques forment une division
des invertébrés dans laquelle un trouve ’en général' une
lorme symétrique «m'binaire ,maispMU’t1d:’atticalatioiisL
lis ont des estomacs simples Op hUtlliptas , quelquefois
^arnisde partiesdttrfeÿ^et desbvttqtins'dteersefnentpro-
4
i.
INTRODUCTION.
JO
longés. La plupart ont des glandes sali vaires; tous, un foie
volumineux ; et plusieurs, des sécrétions particulières.
Leur circulation est double; il y a toujours au moins
un ventricule cliarnu ; ce ventricule est aortique ; il
-reçoit le sang des organes dé la respiration et le ren-
voie dans les artères du corps. Dans ceux qui ont plus
d’un ventricule, ils ne sont pas réunis en une seule
masse; ils forment plusieurs cœurs distincts. Le sang
est bleuâtre. Les organes de la respiration varient as-
sez pour que les uns respirent l’air et les autres l’eau.
La génération présente aussi toutes ses variétés : les uns
étant sans sexes et produisant sans accouplement des
petits vivans ; les autres étant hermaphrodites avec ac-
couplement réciproque : dans d’autres , les sexes étant
séparés. Les œufs de ceux qui ont des sexes, ont tantôt
une simple viscosité pour enveloppe, d’autres ont une
coquille plus ou moins dure. Ces animaux sont très-fé-
conds et ont la vie très-tenace. Leurs muscles sont at-
tachés à l’intérieur d’une peau molle et contractile.
Leurs mouvemens sont produits par des parties dé-
pourvues de leviers solides. Ils sont très - irritables.
Leur peau nue est enduite d’une humeur mu-
queuse qu elle laisse suinter. Ils ont presque tous un
développement de leur peau , qui recouvre le corps
comme un manteau, en prenant toutefois diverses
figures. Quelquefois ce manteau reste mou, mais le plus
souvent il se forme dans son épaisseur une ou plu-
sieurs lames, quelquefois cornées , le plus souvent
calcaires ; ordinairement cette substance est assez éten-
due pour que l’animal puisse s’en envelopper totale-
ment: c est ce qu’on appelle une coquille. Beaucoup sont
DES CORPS ORGANISÉS.
privés d’yeux, quelques-uns en ont de rudimentaires,
d’autres en ont de très-développés. Leur système ner-
veux consiste en masses médullaires dispersées d&ns le
corps, et dont la principale est située en travers sur
l’œsophage qu elle entoure d’un collier nerveux. Ils
ont peu d’instinct. La plupart habitent l’eau.
Ils offrent d’ailleurs plusieurs degrés d’organisation :
les uns se rattachent aux rayonnés, d’autres aux arti-
culés , d’autres , par la complication de leur organisa-
tion, approchent des vertébrés.
§ 46. Les acéphales sans coquilles , ou tuniciers , ont
quelque ressemblance avec les animaux rayonnés. Il
y en a qui sont réunis en un corps commun comme
des polypes; parmi eux les uns sont disposés eh^étoiles ,
les anus étant au centre et les bouches à la circonfé-
rence; d’autres forment un cylindre dans lequel abou-
tissent les anus, les bouches étant ouvertes à l’exté-
rieur; d’autres ont les viscères prolongés dans une masse
commune, et la bouche rayonnée et l’anus rapprochés
vers l’extrémité libre du corps. Il y en a d’autres qui
restent seulement unis long-temps après leur naissance :
ils ont, quand ils sont séparés, la forme d’un tube con-
tractile ouvert aux deux bouts, et dans l’épaisseur
duquel sont placés les viscères ; d’autres enfin , fixés
aux rochers , ont la forme de deux tubes engainés dans
1 intervalle desquels ils font passer l’eau. Ils ont d’ail-
leurs tous un canal alimentaire à deux orifices, des
branchies, un foie, un cœur, et des ovaires ou des
gemmes internes qui produisent, sans accouplement,
des petits vivans; ils ont tous aussi des ganglions et
des filets nerveux.
INTRODUCTION.
î)2
§ 4ÿ- Lescirrhopodes forment un petit groupe d’ani-
maux intermédiaire entre les mollusques et les arti-
culés. Leur eolps T'accourci, sans tête et sans anneaux
transverses, est muni d’un manteau et d’une coquille
hiultivalve qui ressemblent à ceux des acéphales; ils
ont à la bouche des mâchoires latérales, et le lon<* du
ventre des appendices articulés, disposés par paires,
délit là peau est cornée, qui ressemblent aux pieds-
nageoires de la queue de certains crustacés, et qu’on
appelle cirrhes. L’estomac est garni de beaucoup de
petites cellules qui paraissent faire l’office de foie;
l’intestin est simple; il y a un cœur dorsal et des bran-
chies latérales; il y a un double ovaire ou amas de
genimes internes, et un double canal setpentin pour
la sortie des petits. Cës animaux sont Sessiles ou pédi-
culés, mais toujours fixés; leur système nerveux est
une série de ganglions sous le ventre.
§ 48. Les mollusques acéphales ou conehyfères ont le
corps dépourvu de tête, contenant tous les viscères,
et enveloppé en totalité, comme un livre dans sa
coüvërtüre, par le manteau ployé éii deüN et garni
dVrie coquille calcaire en général bivalve, quelquefois
muitivaïvè. Là bouche est garnie de feuillets tentacu-
laires, câchés soüS le manteau; l’aiius ëst caché de la
iinême manière à l’autre extrémité; il ÿ a quatrë feuil-
lets branchiaux très - grânds; le féië est volumineux
et embrassé l’estomac et une partie de l’intestin , qui
varié beaucoup. Le pied, lorsqu'il ëxistè, est attaché
entré' les quatre branchies ; c’est une masse charnue
qui se meut à la manière de la langue des mammi-
fères. Le cœur est généralement unique , aortique, situé
53
DES CORPS ORGANISÉS.
du côte du dos. Ils ont un ou deux nu,tscfos qui forment
la coquille, et un ligament élastique qui l’ouvré; ils
ont UP ganglion principal situé au-dessu§ de la bon-
ihe, réuni pardeux cordons nerveux, à UU autre opposé,
et quelques autres nerfs et ganglions. fis engendrent ,
sans accouplement, des petits vivans.
Les brachiopodes sont d’autres acéphales peu nom-
breux (qui, au lieu de pieds ont deux bras charnus ; ils
paraissent avoir deux cœurs aortiques; un intestin re-
plié entouré du foie. On ne connaît pas bien leur gé-
nération ni leu? système nerveux.
§ 4q. Les gastéropodes sont des moUjusqnes céphalés
qui rampent généralement sur un disque charnu, placé
sous le ventre, et dont le dos est reeauvertpar 1 e manteau
qui varie enéltendueet en figure, et qui produit générale
ment une coquille univalve au multiyaiv,e. Il y a, dans
cette classe, des mollusques, dont les organes de la res-
piration et la coquille ne sont point symétriques. Là tête ,
placée en ayant, et plus ou moins dégagée de dessous
le manteau a ordinairement des tentacules au nom foc
de deux , quatre ,ou six , placés au-dessus de la bouche ,
qui servent au tact, à la vue, et pçùt-rêtre à l’odor-at. Il
y a ordinairement aussi des yeux petits , punctiformes ,
tenant à la tête ou aux tentacules; les organes de la
digestion sont très-variés; il n’y a jamais qu’un cœur,
qui est aortique : dans ceux qui né sont point symétri-
ques il est à gauche dans là plupart , et à droite dans les
perverses. Les organes respiratoires varient beaucoup ;
la plupart ont ides branchies, quelques-uns respirent
1 air en nature, fl en est de même de la génération,
qui présente toutes les variétés ;.unisexueHe sans accou-
INTRODUCTION.
54
plement; hermaphrodite avec accouplement récipro-
que; et à sexes séparés.
Les ptéropodes forment un petit groupe de mollus-
ques entre les acéphales et les céphalés.
§ 5o. Les céphalopodes forment une petite classe
qui comprend les animaux inarticulés les plus compli-
qués dans leur organisation, et qui de même que les
crustacés parmi les articulés se rapprochent le plus
des animaux vertébrés.
Ce sont des animaux mollasses dont le corps est en-
veloppé dans un sac formé par le manteau qui par ses
côtés s’étend plus ou moins en nageoires, et dont
l ouverture donne passage à une tête ronde couronnée
de pieds ou bras charnus garnis de ventouses, qui
servent à marcher , à saisir et à nager. La bouche située
entre les bases des pieds est armée de deux fortes mâ-
choires de corne comme un bec de perroquet; il y a
une langue hérissée de pointes cornées; un œsophage
renflé en jabot, un second estomac musculaire comme
un gé2ier, et un troisième membraneux; un intestin
simple et peu prolongé qui aboutit dans l’ouverture
du sac devant le col. Il y a un double système d’artères
et de veines, deux ventricules branchiaux et un ven-
tricule aortique. Les organes respiratoires sont deux
branchies situées dans le sac où l’eau entre et sort
pour la respiration. Il y a un foie très -grand qui verse
la bile par deux conduits dans le troisième estomac.
Ges animaux ont une excrétion particulière, noire,
produite par une glande et déposée dans un réservoir.
Les sexes sont séparés; il y a un ovaire, deux oviductes
qui y prennent les œufs et les conduisent au dehors au
DES CORPS ORGANISES.
55
travers de deux grosses glandes qui les enveloppent de
matière visqueuse et les réunissent en grappes; il y a
an testicule, un canal déférent qui aboutit à un pénis
charnu à côté de l’anus ; une vésicule et une prostate
y aboutissent également. Il paraît que la fécondation
se fait par arrosement des œufs. L’œil est formé de
nombreuses membranes et recouvert par la peau qui est
transparente en cet endroit, et qui forme même quel-
quefois des replis ou paupières. Il y a pour chaque œil
un gros ganglion d’où sortent des nerfs innombrables.
L’oreille est une petite cavité simple, creusée de cha-
que côté près du cerveau, sans conduit extérieur, et
où est suspendu un sac membraneux qui contient une
petite pierre. Le cerveau est renfermé dans une cavité
cartilagineuse qui est un rudiment de crâne.
§ 5i. Telle est l’immense série des animaux inverté-
brés x. Ils forment, comme on l’a vu, trois embranche-
mens ou types différens. On a vu qu’il y a dans chaque
type une ressemblance générale et aussi divers degrés
de complication et de
sation.
Les rayonnés sont évidemment les plus simples; ils
se rapprochent pai; quelques-uns d’entre eux des in-
fusoires; les plus compliqués mêmes , parmi eux, n’ont
encore aucun organe central de circulation et aucun
organe nerveux prédominant; manquant d’organes cen-
traux ils manquent d’unité organique ou vitale.
Après les rayonnés viennent les mollusques et les ar-
ticulés. Quant à l’ordre de supériorité organique de
1 V oyez. De Lamarck. Hist. nalur. des animaux sans ver-
tèbres.
perfectionnement dans l’organi-
INTRODUCTION.
56
ees deux embranchemens il est assez difficile à déter-
miner ; car si d une part les articulés sont inférieurs aux
mollusques sous le rapport des organes et des fonctions
végétatives, puisque beaucoup d’entre eux sont dé-
pourvus d’une véritable circulation, fonction qui au
contraire existe dans tous les mollusques; d’un autre
côté ceux-ci sont inférieurs aux articulés sous le rap-
port du développement et du rapprochement des
masses nerveuses et surtout sous le rapport de l’irfetnVfct
si parfait , dans quelques articulés , qu’il les rapproche
beaucoup des vertébrés.
Des animaux vertébrés.
> J i <r l : » . > 4 i : » < ■ > : « ■ 1 t ' ' ■ - J • : j‘ ;
§52. Les animaux vertébrés constituent un type ou un
mode d’organisation auquel appartiennent l’homme et
les animaux qui lui ressemblent le plus. Ils se rappro-
chent des invertébrés par les organes des fonctions vé-
gétatives , mais ils en différent beaucoup par ceux des
fonctions animales. Leur conformation extérieure est ,
à l’exception près d’un genre, exactement symétrique;
c’est- a- dire que leurs organes des sensations et des
môuvemens sont disposés par paires aux deux côtés
d’un axe ou d’un plan médian. Ils atteignent une
grande taille ; c’est parmi eux que se trouvent les
plus grands animaux , ce qu ils doivent aux os qui
soutiennent leurs parties molles. Leur corps se com-
pose toujours d’un tronc, et, à peu d’exceptions près,
de membres. Le tronc est soutenu dans toute sa lon-
gueur par le rachis, colonne composée de vertèbres
mobiles les unes sur les autres, à 1 une des extrémités
DES CORPS ORGANISÉS. f»n
y
de laquelle est la tète, et dont l’autre extrémité se
prolonge généralement en une queue. Cette colonne ,
en partie solide, est creusée d’un canal, qui contient
la moelle épinière. La tête est formée du crâne, qui
renferme le cerveau, et de la face, qui se compose
des mâchoires et des réceptacles des sens. Le reste du
tronc forme une ou deux grandes cavités qui contien-
nent les organes des fonctions végétatives. Dans la plu-
part il y a, aux côtés de la colonne, des arcs osseux, ou
côtes , qui garantissent la grande cavité splanchnique
et dans le plus grand nombre ces côtes s’articulent en
avant avec le sternum. Les membres ne sont jamais
au nombre de plus de deux paires, qui manquent
quelquefois l une ou l’autre ou même toutes deux :
ils ont d’ailleurs des formes variées et relatives aux
mouvemens qu’ils doivent exécuter.
Les vertébrés ont tous deux mâchoires horizontales
garnies, dans la plupart, de dents, corps durs analo-
gues aux os par leur composition chimique, et aux
cornes par leur mode de formation. Dans ceux qui n’ont
pas de dents ( les oiseaux et les tortues ) , on trouve une
véritable matière cornée à la place. Dans tous les ver-
tébrés , le canal intestinal , étendu de la bouche à
lanus et présentant divers renflemens, est garni de
glandes sécrétoires, savoir : les glandes salivaires, le
pancréas et le foie. Dans tous il y a des artères , des
veines , un cœur diversement conformé et des vais-
seaux chylifères et lympathiques. Dans tous le sang
est rouge. Dans une classe seulement (les poissons),
d y a des branchies ; dans les autres l’organe respira-
toire est un poumon. La respiration d’ailleurs est plus
58
INTRODUCTION.
ou moins grande ou parfaite , suivant les classes. L’or*
gane de la sécrétion delà hile, le foie, reçoit, dans
tous les vertébrés, du sang rapporté des intestins et
de la rate par îa veine-porte. Tous ces animaux ont
aussi des reins qui secretent 1 urine, et la plupart une
vessie ou réservoir pour cette humeur excrémentitielle.
Les sexes sont toujours séparés; la femelle a un ou
deux ovaires, d’où les œufs se détachent. Le mâle les
féconde par la liqueur spermatique, mais le mode de
fécondation varie beaucoup, ainsi que d’autres phé-
nomènes de la génération.
Les muscles, outre ceux qui forment le cœur et
ceux qui appartiennent à la peau, à la membrane
muqueuse, et aux sens, sont en très-grand nombre et
s’insèrent à des os intérieurs mobiles les uns sur les
autres. Tous ceux qui ont un poumon ont aussi un
larynx , quoique tous n’aient pas de voix. Les sens
sont dans tous, deux yeux, deux oreilles, le nez, la
langue et la peau; cette membrane étant d’ailleurs
pourvue de diverses parties protectrices. Mais c’est
essentiellement le système nerveux qui , par sa dis-
position , distingue les vertébrés. Dans les inverté-
brés, les mêmes renflemens nerveux, plus ou moins
écartés, fournissent des filets tout à la fois aux or-
ganes des fonctions végétatives et à ceux des fonctions
animales; ici, au contraire, outre ces ganglions dont
les filets sont confinés aux organes des fonctions végé-
tatives, il y a un centre particulier avec lequel com-
muniquent ces renflemens , et d’où partent, ou bien
où aboutissent les nerfs des organes des sensations et
des mouvemens. Ce centre, parfaitement symétrique,
DES CORPS ORGANISÉS.
59
consiste en un gros cordon renfermé dans le rachis et
prolongé dans le crâne où il présente divers renflemens,
et est surmonté par deux organes nerveux, compli-
qués, plus ou moins volumineux , qu’on appelle le
cervelet et le cerveau. Ce centre nerveux est enveloppé
dos solidement unis entre eux et qui le protègent contre
les atteintes extérieures. On peut regarder cette fonc-
tion des os comme une des plus importantes qu’ils
remplissent.
§ 53. Outre les genres d’humeurs et d’organes qui sont
communs à tous, ou du moins à la généralité des ani-
maux, on en trouve encore dans l’embranchement des
vertébrés qui n’existent pas dans les autres ; ce sont le
sang rouge, les Taisseaux chylifères et lymphatiques,
les os, les ligamens et les tendons, les membranes sé-
reuses et synoviales.
Dans tous les invertébrés, le liquide nourricier est
d’une seule couleur et blanc ou bleuâtre, excepté dans
les annélides , où il est rouge. Dans les vertébrés au
contraire les artères, les veines, et le* cœur, contien-
nent du sang rouge, liquide composé de sérum inco-
lore dans lequel nagent des corpuscules formés d’un
globule central et d’une enveloppe colorée. Sa com-
position est plus grande que d^ns les invertébrés. Un
liquide peu coloré ou blanchâtre, est contenu dans les
vaisseaux chylifères qui commencent à 1 intestin et dans
les vaisseaux lymphatiques qui naissent de toutes
les parties du corps; les uns et les autres très-analo-
gues aux veines, aboutissent dans ces derniers vais-
seaux.
Les os sont des parties dures, propres aux verté-
6o
INTRODUCTION.
brés; iis sont situés à l’intérieur; ils sont dune nature
organique consistant en une masse de substance cel-
lulaire serrée, imprégnée d’une grande proportion de
phosphate de chaux. Ils servent d’enveloppe aux cen-
tres nerveux: ils reçoivent et transmettent le mouve-
' î>
ment musculaire ; ils seryent enfin de soutien et d’ap-
pui à toutes les parties, et par-là déterminent la forme
du corps. Dans les invertébrés les parties dures sont
en général transsudées à la surface de la peau, et
consistent en coquilles, croûtes, écaillés de carbonate
de chaux ou de substance cornée. Ce dernier genre
se retrouve aussi dans les vertébrés-, où il affecte des
dispositions extrêmement variées r comme celtes d’é-
cailAes, de plumes , de Ipoils, de eoirrres ; toutes parties
analogues entre elles par leur composition et leur mode
de formation. On trouve encore dans les vertébrés un
genre d’organes qui leur est à peu près particulier, ce
sont les tendons qui attachent les muscles aux oa, et
lies ligamens qui en tourent les articulations des os; ces
liens ou attaches sont de la substance cellulaire ti’ès-
condensée, dont toute la foncttion réside dans leai
ténacité.
Les membranes séreuses et syuoviail/es sont encore
des .parties formées par la substance cellulaire conden-
sée et disposée en vessies à parois contiguës partout où
la continuité es t interrompue entre les parties ; dans
les cavités splanohinques elles séparent les viscères des
parois, dans les articulations mobiles elles contiennent
un liquide qui humecte les extrémités contiguës des os.
§ 54. Mais ce qui distingue les vertébrés, c’est non-
seulement l'action des organes qui leur sont propres.
DES CORPS ORGANISÉS.
6 1
savoir un système nerveux plus concentré, et dont les
parties centrales sont plus volumineuses, d’où résulte
une apparence d’intelligence qui se distingue de l’ins-
tinct, un certain degré d’éducabilité, etc.; c’est non-
seulement l’influence que ces organes exercent sur les
autres pour en diriger l’exercice; mais c’est surtout
la concentration de la vie dans les organes centraux
ou prédominans : dans le cœur, et dans le centre ner-
veux, et dans l’action de ces deux parties l’une sur
l’autre. Cependant encore sous ce rapport il y a des
différences assez grandes entre les vertébrés.
§ 55. Les animaux vertébrés, qui seressemblent par tant
de caractères, présentent en effet ainsi de grandes diffé-
rences. La ressemblance existe surtout dans la partie cen-
trale du système nerveux, et dans son enveloppe, c’est-à-
dire dans la moelle et dans le rachis; et les différences
dans les extrémités et à la surface : ainsi dans le cer-
veau, le crâne, les sens, la face, les organes du mou-
vement, les membres et la peau. De même dans les
organes des fonctions végétatives , le cœur présente bien
des différences, mais elles sont surtout très-grandes
dans les organes et les phénomènes de la respiration ;
et comme l’action des muscles et du système nerveux
dépend beaucoup de la respiration , les variétés de
cette fonction en déterminent de correspondantes dans
les fonctions animales. Ainsi dans les mammifères, où
la circulation est double, c’est-à-dire que tout le sang
rapporté du corps est envoyé au poumon avant de re-
tourner au corps, et où la respiration est aérienne,
1 action musculaire a de la force. Dans les oiseaux, où la
circulation est double, et où la respiration, aérienne
INTRODUCTION.
’6’2
aussi , ne se borne pas au poumon , mais s’étend dans
divers endroits du corps, la vigueur des muscles est
encore plus grande ; elle est faible , et les mouvemens
sont lents et souvent interrompus dans ies reptiles, où
la circulation est simple, et par conséquent la respiration
partielle, puisqu’une partie du sang seulement est sou-
mise à l’action de l’air avant de retourner au corps. Les
poissons ont bien une circulation double , mais leur
respiration ne peut être complète à cause de la petite
quantité d’air que contient l’eau qu’ils respirent; aussi
sont-ils , pour la station , presque en équilibre dans
l’eau. Les animaux des deux premières classes ont le
sang bien plus chaud que ceux des deux dernières,
qu’on appelle pour cela vertébrés à sang froid.
La génération offre aussi une différence très-notable
d’après laquelle on divise les vertébrés en ovipares
et en vivipares ou mammifères.
§ 56‘. Les vertébrés ovipares se ressemblent surtout
par leur mode de génération, ils ont aussi quelques
caractères communs d’organisation dans le système
nerveux et dans les os qui l’enveloppent.
La génération ovipare consiste essentiellement en ce
que le germe est renfermé dans ses enveloppes avec
des matières nutritives suffisantes pour le nourrir jus-
qu’à l’éclosion; de sorte que $i l’œuf demeure à 1 in-
térieur, il ne se greffe point aux parois de l’oviducte,
mais qu’il en reste séparé. La nourriture du petit est
contenue dans un sac qui fait partie de son intestin, et
qu’on appelle le vitellus ou le jaune de 1 œuf. Le germe
n’en est d’abord qu’un appendice imperceptible , mais
à mesure qu’il se nourrit et s’accroît par l absorption
DES CORPS ORGANISÉS.
63
«lu jaune, celui-ci diminue en proportion, et finit par
disparaître vers l’époque de féclosement. Les fœtus des
ovipares à poumons (les oiseaux et les reptiles, excepté *
les batraciens), ont de plus une membrane très-yascu-
laire, qui paraît servir à la respiration, et qui est un
prolongement de la vessie : c’est l’allantoïde ; elle
n’existe pas dans les poissons ni dans les reptiles ba-
traciens dont les petits sont pisciformes. Certains rep-
tiles et poissons gardent les œufs à l’intérieur jus-
qu’à féclosement; c’est ce qu’on appelle des ovovivi-
pares. '
Le prolongement de la moelle dans le crâne présente ,
dans les ovipares, des tubercules dits quadrijumeaux
très-développés , le cervelet et le cerveau au contraire
le sont fort peu, et il n’y a point de pont de varole
ni de corps calleux. Leurs os du crâne sont très, ou
très long-temps subdivisés j leurs sens ne sont point
aussi complets que dans les vivipares ; leur mâchoire
inférieure, très-compliquée, s’articule par une facette
concave sur une partie saillante du temporal, qui est
distincte du rocher; leurs orbitres ne sont séparés que
par une membrane ou par une lame osseuse du sphé-
noïde. Quand ils ont des membres antérieurs, sou-
vent les clavicules se réunissent et forment une four-
chette, et les apophyses coracoïdes allongées s’articu-
lent avec le sternum. Le larynx est assez simple et
manque d’épiglotte, etc. Il n’y a point un diaphragme
complet entre la poitrine et l’abdomen.
Les ovipares se divisent d’après leur respiration,
leur température, l’atmosphère qu’ils habitent, leur
genre de mouvemens, les appendices de leur peau , etc. ;
64 INTRODUCTION.
en trois classes : les poissons, les reptiles, et les oi-
seaux.
§57. Les poissons ont un mode d’organisation évidem-
ment disposé pour la natation ; ils sont suspendus dans
un liquide presque aussi pesant qu’eux-mêmes. Beau-
coup ont dans le corps, sous la colonne vertébrale, une
vessie pleine d’air qui , en se comprimant ou en se di-
latant, fait varier la pèsanteur spécifique de l’animal.
La tête, variable pour la forme, est d’une structure
fort compliquée, soit dans le crâne, soit dans les mâ-
choires, soit dans la distribution des dents. Les mem-
bres sont fort réduits en étendue, et conformés en na-
geoires; d’autres nageoires occupent le dos, le dessous
de la queue et son extrémité. Le nombre des membres
varie; le plus souvent il y en a quatre, quelquefois
deux, quelques-uns en manquent touUà-fait, Leur po-
sition et leur connexion avec le tronc varient aussi beau-
coup. Les organes de la digestion varient également;
ie pancréas est en général remplacé par des appendices
intestinaux. La circulation est double, c’est-à-dire que
la totalité du sang passe par l’organe respiratoire, mais
l’atmosphère respirée est l’eau aérée : pour cela ils ont
aux côtés du col un appareil d’organes appelés bran-
chies , ce sont des feuillets attachés à des arceaux laté-
raux de l’os hyoïde, et Composés de beaucoup de lames
membraneuses couvertes d’un lacis d’innombrables
vaisseaux sanguins ; cette ouverture est en outre gar-
nie d’une membrane branchiale soutenue par des
rayons dé l’hyoïde , et jd’un opercule Osseux. L'eau que
le poisson presse dans la bouche comme pour 1 avaler,
s’éehappe entre les divisions des branchies, et agit sur
65
des corps organisés.
le sang. Le cœur n’a qu’une oreillette qui reçoit les
veines du corps, et un ventricule branchial. Le sang,
après avoir traversé les branchies, se rend dans un
gros vaisseau situé sous l’épine du dos, et qui, faisant
les fonctions de ventricule et d’aorte, l’envoie dans
toutes les parties du corps. Les poissons ont des reins
allongés sur les côtés de lepine, et une vessie. Leurs tes-
ticules sont deux énormes glandes connues sous le nom
de laite; leurs ovaires ne sont pas moins volumineux;
dans la plupart, les œufs sont pondus d’abord, et le
mâle les arrose pour les féconder ; dans quelques-uns il
y a accouplement et intromission de sperme : ceux-là
sont pour la plupart ovovivipares. Les muscles qui
forment une si grande partie de la masse de îeur corps
sont blancs, très-irritables, et ont une organisation
moins parfaite que dans les autres classes. Il en est
de même des os : dans quelques-uns d’entre eux , les
chondroptérygiens, les os restent cartilagineux ; la subs-
tance calcaire n'y forme pas des filamens , mais elle y reste
par grains isolés ; dans quelques-uns même les articula-
tions du rachis n’existent pas; dans les autres, les os
quoique fibreux et calcaires , varient beaucoup en soli-
dité , et diffèrent notablement des os des autres classes.
Les côtes sont souvent soudées aux apophylebles trans-
verses. Les sens sont peu parfaits; les narines sont ébau-
chées sous forme de fossettes au bout du museau; l’œil
a une cornée plate, peu d’humeur aqueuse, et un crys-
tallin presque sphérique ; l’oreille consiste en un sac
vestibulaire, qui contient suspendus des os pierreux , en
trois canaux demi-circulaires membraneux, situés en
général dans la cavité du crâne; quelques genres seule-
i.
ttà IPÎTRODÜCTtpiV.
ment ont une fenêtre ovale, située à la surface exté-
rieure; le,ur langue est le plus souvent osseuse et dentée ,
ou cornée ; la plupart opt toute la peau couverte d’é-
çailies; quelques-uns ont des barbillons charnus qui
peuvent servir au toucher. Le prolongement de la
moelle dans le crâne se termine antérieurement par
des renflemens d’où partent les nerfs olfactifs.
La classe des poissons présente, dans la nature du
squelette, et dans le mode de génération, une division
assez tranchée : en cartilagineux et en osseux.
G’e.st dans cette classe de vertébrés que l’on trouve
un genre (celui des pleuronectes ou des poissons plats),
où il y a un défaut de symétrie dans la tête, tel que les
deux yeux sont du même côté.
> § 58. Les reptiles présentent dans leur configuration ,
dans leur structure et dans leurs fonctions, des variétés
beaucoup plus grandes qu’aucune des trois autres
classes des vertébrés. En effet les uns ont quatre pieds,
d’autres en ont deux en avant, d’autres deux en ar-
rière, d’autres point. Dans les uns le corps est écail-
leux, dans d’autres la peau est nue. Quelques-uns sont
pisçiformes dans leur état de. fœtus, et éprouvent une
véritable métamorphose en grandissant. Les organes
de la digestion sont très-variés; la circulation est sim-
ple, et la respiration partielle, c’est-à-dire que le cœur,
d’ailleurs assez variable, envoie le sang dans une ar-
tère dont une branche seulement va au poumon; d’où
il résulte qu’il n’y a dans chaque circuit du sang qu’une
partie de ce fluide qui soit soumise à la respiration.
Leurs poumons ont la forme de sacs, ou du moins ont
de larges cellules. Ils peuvent sans arrêter la circula-
DES COUPS OÜGÀtfïSÉS.
Gy
tion suSpehdrè 11 respiration : léür sang est froid. Lâ
quantité de respiration n’eSt pas la même dans èette
classe , l'artère pulmonaire n étant pas dans tous dans le
même rapport avec le trotté aortique qtii 11 fournit. Ils
ont une trachée-artère et un larynx, quoiqu’ils n’aient
pas tous de la voix. Les femelles ont un double ovaire
et deux oviductes. Quelques mâles ont là verge bifur-
quée, quelques-uns en sont privés. Aucun né couve Ses
œufs. Leurs muscles ont une irritabilité qui se conserve
long-temps après leur séparation du syStèméttervèui et
même du reste du corps. Leurs Sensations sont assez
obtuses. Ils ont des narines qui traversent la face; mais
leur oreille n’est pas Complète, elle est bornée au vesti-
bule qui contient des pierres molles, aux canaux demi-
circulaires, et, dans quelques-uns, à un rudiment de
limaçon. On y trouve aussi des rudimens d’os du tynh
pan, sous la peau. Les crocodiles seuls ont une ouver-
ture auriculaire extérieure. Le cerveau, assez petit,
peut être enlevé ainsi que la tête et les moüvemens
continuer encore. Plusieurs restent engourdis une par-
tie de l’année.
On a divisé les reptiles en plusieurs familles, d'après
des variétés très-grandes d’organisation.
Les chéloniens ou tortues, ont un cœur à deut oreil-
lettes, qui reçoivent chacune un sarig difféiréht, et à un
ventricule, ayant deux loges inégales et communicantes,
dans lequel les deux sangs se mêlent. Ces animaux Sont
enveloppés d’une carapace formée par les côtes et les
lames des vertèbres, et d’un plastron formé par le ster-
num, recouverts les uns et les autres par la peau et par
uné matière cornée ou écaillée transsudée par la pêaii.
68
INTRODUCTION.
L air pour la respiration est attire par les narines , et
poussé dans le larynx par une sorte de déglutition. Le
mâle a un pénis simple, cannelé. La femelle pond des
œufs qui ont une coquille très-dure. Elles vivent sans
manger pendant des mois et même des années. Elles
survivent plusieurs semaines à la section de la tête.
Les sauriens ou lézards, crocodiles, etc., ont le
cœur comme les tortues; les côtes sont mobiles pour
la respiration , le poumon est très-étendu. Les œufs
ont une enveloppe plus ou moins dure. Il y a des dents,
des ongles, des écailles. La verge est simple ou double.
Les ophidiens ont le cœur à deux oreillettes , et point
de pieds. Quelques-uns d’entre eux sont venimeux.
Ceux qui le sont le plus ont des crochets isolés et une
disposition particulière de la mâchoire. Leurs os maxil-
laires supérieurs sont fort petits, portés sur un long
pédicule analogue a l’apophyse ptergoïde externe, et
très-mobile; il s’y fixe une dent, creusée d’un petit canal
qui donne issue à la liqueur venimeuse sécrétée par une
glande considérable située sous l'œil. Cette dent, pla-
cée avec plusieurs germes de remplacement sur l’os
maxillaire, se cache, au moyen de la mobilité de
celui-ci , dans un repli de la gencive quand l’animal ne
s’en sert pas.
Les batraciens ou grenouilles , crapauds et sala-
mandres, ont au cœur une seule oreillette et un seul
ventricule. Ils ont des poumons, et dans la jeunesse
des branchies analogues à celles des poissons. Dans
ce premier état la circulation est comme celle des pois-
sons; l’artère se divise dans les branchies; les vais-
seaux se réunissent ensuite en un tronc aortique pour
i
des corps organisés.
69
tout le corps et même pour les poumonâ. Quand les
branchies disparaissent, leurs artères s’oblitèrent, ex-
cepté deux rameaux qui se réunissent pour former
laorte , et qui donnent chacun une petite branche au
poumon Les œufs sont membraneux et fécondés pen-
dant ou après la ponte. Le petit, en naissant, a des bran-
chies, et point de pattes; il perd les premières en gran-
dissant, et les pattes se développent. Qüelques-unS
conservent les branchies toute leur vie.
§ 59. Les oiseaux ont une organisation évidemment
disposée pour le vol ; leur configuration, la proportion
de leurs parties, leur abondante respiration, d’où résulté
leur légèreté spécifique et une grande vigueur muscu-
laire : tout se réunit pour ce mode de station et de
mouvement. Ils sont bipèdes , leurs membres antérieurs
étant uniquement destinés au vol. La poitrine et l’abdo-
men forment une seule grande cavité dont les vertèbres
sont très-peu mobiles ; le sternum est d’une très grande
étendue, augmentée encore par une lame saillante
comme une carène. La partie sternale des côtes est
osseuse comme leur partie vertébrale; tout dans cette
partie du tronc, est disposé pour donner un appui solide
et des attaches musculaires aux ailes. Les épaules sont
formées par la fourchette, les os coracoïdes, qui sont
trèsr forts, et des omoplates allongées et’ faibles. L’aile
est soutenue par l’humérus, les deux os de l’avant-bras
et la main qui est allongée et qui a un doigt, et deux
autres rudimentaires; elle porte une rangée de pennes
élastiques. Le bassin, très-allongé, fournit des atta-
ches aux muscles des membres inférieurs, et ses os sont
assez écartés pour laisser la place où les œufs se déve-
INTRODUCTION .
(qppe,Dt. meaib.^ inférieurs sont formés du fémur,
du tibia et du péroné, qui sont jointe à lui par une ar-
ticulation q. ressort, se maintenant étendue sans effort
musculaire. Il y a aussi des muscles qui vont du bassin
apx doigts en passant sur le genou et le talon , de ma-
nière que le poids du corps fléchit lui-même les doigts.
Lie tarse et 1e. métatarse, sont formés par un seul os
terminé en bas par trois poulies. Il y a le plus souvent
un pouce et trois doigts diversement dirigés, et dont
lç. nombre des articulations, va en croissant du pouce,
qni n’en a que deux , au doigt externe , qui en a cinq.
L<e çol est allongé, formé de beaucoup de vertèbres, et
très-mobile; le coccyx est très- court et garni de pennes
comme les afles. Le cerveau , qui a les mêmes caractères
que celui des autres vertébrés ovipares, se fait remar-
quer par sa grandeur proportionnelle au corps qui est
Considérable ; mais ce volume ne dépend pas des hé-
misphères, qui sont petits. La peau de l’oiseau est,
CU général ,t couverte de plumes composées d’une tige
Çreuse et de barbes ; la peau est écailleuse en dessus des
doigts, et calleuse en dessous; le toucher doit être par
conséquent très-faible. L’oeil est muni de trois pau-
pières, mobiles; la cornée est très-convexe, le cristallin
plat, le corps vitré petit. Le cristallin est muni d’une
mpmbrane qui paraît propre à le mouvoir. Le devant
t^u globe est garni d’un cercle de pièces osseuses. Les
çis.eaux voient distinctement les objets de près et de
loin. L’oreille, un peu plus complète que dans les
autres, ovipares , n’a point de pierres dans le vestibule;
Le limaçon est un peu arqué; il y a un osselet entre la
fenêtre ovale et le tympan , qui est dépoiuvu de con-
DES 'CORPS ORGANISÉS. Jl
que , excepté dans lés oiseaux de htfit. Ùdrgâne dé
iodoPat, caché dans là basé du bec, a ordinairement
trois cornets cartilagineux, et ^)ôitit dé sinus, La Lingue
est peu musculaire, et est soutenue p'àr un prolorigé1-
ment osseux de l’hyôïdè. La trachée-artère à dès an-
neaux entiers; à sa bifurcation il y a Une glotte ou la>*
rynx inférieur où se forme la voix ; lé larynx supérieur
est très-simple. Les poumons, non lobes, attachés aiix
côtes, laissent passer l’air dans plusieurs cavités dé
l’abdomen, de la poitrine, des aisselles , et même dés
os , ce qui augmente la légèreté spécifique , et multiplié
la respiration. La mâchoire supérieure est formée prin*
cipalement par les os intermaxillaires, et se prolonge
en arrière en deux arcades, l’une interne, formée par
les os palatins, et l’éxtérne par les maxillaires et les
jugaux, et qui s’appuient l’une èt l’autre sur l’os càrré
ou os tympanal , qui est mobile; elle se joint aù Crâne
par des lames élastiques. L’une et l’autre mâchoire est
revêtue de corne qui tient lieu de dents, et qüi en à
quelquefois la forme. L’estorhaé eist coiifporsédè tiroïS
parties plus ou moins distinctes : le jabot, qui niàiVdpiê
quelquefois ; l’estomac membranéuk gàrÙi1 de béâu-
coup de follicules sécrétoires; ét le gëéïéf , ïiiutd dé
deux musclés vigoiireùx et fàpissé dpÙhë ihéiùferane
eoriace. Cependant dâns lés Catùi'ÉorèS, l'é gésier est
trèsunince et peu distinét de l'autre' ëstohiac. La rate
est petite, le foie a deüX conduits, le pancréas est con-
sidérable; il y a au rectum deux appeiidicés, quelque-
fois un seul , point dans quelques genres , et qui parais-
sent être lefeste de l’allantoidé. Lé rectum , les uretères ,
. Ét les canauX sperriïâtiqiies oii bien l’Ôvicluct'e abou-
INTRODUCTION.
tissent dans une poche appelée cloaque, qui s’ouvre à
l’anus. Les testicules sont à l’intérieur, au-dessous des
reins ; il n’y a qu’un ovaire et un oviducte. Dans la plu-
part des oiseaux , la copulation se fait par la simple
application des anus; cependant quelques genres ont
un pénis cannelé. L’œuf détaché de l’ovaire ne se com-
pose que du jaune et du germe, il s’enveloppe du
blanc dans l’oviducte , et au bas du même canal il se
garnit de sa coquille. La chaleur du climat , ou le plus
généralement l’incubation maternelle y développe le
petit,
Des vertébrés vivipares.
§ 60. Les vertébrés vivipares ouïes mammifères, au
nombre desquels est l’homme, ne diffèrent pas seulement
des ovipares par leur mode de génération et par leur
quantité de respiration , mais ils se distinguent surtout
par des fonctions animales plus parfaites , par une in-
telligence plus grande , moins dominée par l’instinct
et plus capable de perfectionnement.
Leur conformation générale est celle des vertébrés.
La cavité splanchnique , du torse est divisée en deux
par une cloison musculaire complète, appelée dia-
phragme. Sauf une seule exception , ils ont le cou formé
de sept vertèbres; ils ont un sternum auquel s’atta-
chent les premières côtes. Leur tête s’articule toujours
par deu:ç condyles avec la première vertèbre. Leur
crâne a la plus grande ressemblance dans sa compo-
sition. On y trouve toujours un occipital, un sphé-
noïde, un ethmoïde, des pariétaux, des frontaux et
DES COUPS ORGANISÉS. 7 3
des temporaux ; plusieurs de ces os dans les fœtus
sont divisés en plusieurs parties. La face est aussi peu
variable; elle est formée essentiellement par les maxil-
laires supérieurs, les intermaxillaires, les palatins, le
vomer, les os du nez, les cornets inférieurs, les ju-
gaux et les lacrymaux : ces os réunis entre eux for-
ment la mâchoire supérieure, qui est fixée au crâne;
l'inférieure, composée de deux pièces , est articulée par
un condyle saillant à un temporal fixe. Un os hyoïde ,
suspendu au crâne par des ligamens, soutient la langue
qui est toujours charnue. Les membres antérieurs com-
mencent par une ceinture osseuse ou épaule, formée
par l’omoplate, non articulée avec l’épine, appuyée
dans beaucoup de mammifères au sternum, au moyen
d’une clavicule. Le bras est formé d’un seul os ; l’a-
vant-bras de deux, le radius et le cubitus; la main,
qui termine ces membres , est composée de deux ran-
gées de petits os qu’on appelle carpe, cfune rangée
d’os nommée métacarpe et de doigts formés chacun
de deux ou trois os qu’on appelle phalanges. Les mem-
bres postérieurs ont une composition analogue à celle
des membres antérieurs, et cette analogie est plus ou
moins grande suivant que les membres sont destinés
à des fonctions semblables ou différentes. Au reste,
dans tous - les mammifères , excepté les cétacés , le
membre postérieur commence par une ceinture os-
seuse ou bassin formé par les os des hanches fixés à
1 épine; et dans la jeunesse ces os sont formés de trois
parties distinctes, l’ilium, le pubis et l’ischion. La cuisse
est formée dun seul os, la jambe de deux principaux,
le tibia et le péroné; le pied qui termine ce membre est
INTRODUCTION.
74
composé d’un tarse , d’un métatarse et de doigts ou
orteils.
Les muscles ont une assez grande force de contrac-
tion ; mais leur irritabilité est très-dépendante du sys-
tème nerveux. Les mouvemens sont ceux de la mar-
che; dans quelques-uns le vol peut avoir lieu au moyen
de membres prolongés et de membranes étendues ;
d’autres ont les membres très-raccourcis et ne peu-
vent que nager. Le système nerveux des mammifères
est surtout caractérisé par l’état du cervelet et du cer-
veau. Le cervelet a des lobes latéraux , ou hémisphères
volumineux , et il y a toujours un pont de Varole sous
la moelle allongée. De même le cerveau a toujours des
corps striés, et est toujours formé de deux hémisphères
volumineux , garnis de circonvolutions, formant deux
ventricules latéraux et réunis entre eux par le corps
Galleux.
Les yeux, logés dans les orbites, sont préservés par
deux paupières , et un vestige de la troisième, la sclé-
rotique est simplement fibreuse , le crystallin est fixé
par les procès ciliaires. L’oreille a , dans tous , un laby-
rinthe complet, avec un limaçon, une caisse et une
membrane du tympan , et des osselets. Les fosses na-
sales traversent la face, ont des Cornets, et s’étendent
dans des sinus des os. La langue est charnue et atta-
chée à l’os hyoïde* La peau des mammifères est en
général revêtue de poils : les cétacés seuls en sont to-
talement dépourvus.
Le canal intestinal est revêtu parle péritoine, sus-
pendu au mésentère, repli de cette membrane qui ren-
ferme les glandes conglobées des vaisseaux chylifères ,
DES CUll^ ORGANISES.
75
et couvert d’un prolongement flottant de la même mem-
brane, que l’on nomme épiploon. Ils ont une vessie
urinaire , dont l’orifice, à peu d’exceptions près, est
dans celui des organes de la génération. Les poumons
çelluleux eç le cœur sont renfermés dans une cavité
formée par les côtes, séparée de l’abdomen par le
diaphragme , et où leu? surface est libre. Leur circu-
lation est double et leur respiration est aérienne et
simple. Iis ont un larynx à l’extrémité supérieure de
la trachée qui s’ouvre dans l’arrière-bouche et les ar-
rière-narines dont la communication dépend d’un voile
charnu mobile, appelé voile du palais.
Ce qui distingue surtout Organisation des mammi-
fères, c’est leur génération; elle est essentiellement
vivipare ; c’est-à-dire que l’œuf membraneux descend ,
et se fixe dans l’utérus, après la conception qui exige
un accouplement par lequel le sperme du mâle est lancé
dans les organes de la femelle. Ils ont bien comme
tous les vertébrés ovipares, du moins tout au com-
mencement, une vésicule ombilicale ou intestinale; ils
ont aussi comme les ovipares à poumons une vessie
allantoïde; mais ils ont de plus des enveloppes dont
la plus, extérieure , le chorion , se fixe aux parois de
l’utérus par un ou plusieurs plexus de vaisseaux ap-
pelés placentas qui établissent entre lui et sa mère
une communication par laquelle il reçoit sa nourriture
et probablement aussi l’oxygène. Quand les fœtus ont
acquis le développement nécessaire , ils sont expulsés
avec leurs enveloppes déchirées. Les mamelles, glandes
sécrétoires , produisent du lait pour nourrir les petits
pendant tout le temps qu’ils en ont besoin.
I
yô
INTRODUCTION.
C’est à ce genre d’organisation , qui présente encore
certaines variétés, qu’appartient l’homme.
§61. Les mammifèresprésentent ainsi quelques organes
qui leur sont propres , tels sont les poils de leur peau
et les mamelles ; pour tout le resté, ils ne different des
autres Vertébrés que par des développemens plus grands
de certains organes , comme , par exemple , de l’oreille ,
du cerveau, etc., ou par des combinaisons différentes
des organes de la circulation, de la respiration et des
mouvemens.
Le sang des mammifères diffère de celui des ovipares
par la forme des particules colorées : elles sont circu-
laires ou plutôt lenticulaires dans les mammifères ,
tandis que dans les ovipares , elles sont en général ovales
ou ovoïdes comprimées.
Les poils des mammifères ne diffèrent pas essentiel-
lement des autres appendices cornés de la peau : ils
sont, comme tous les organes de ce genre, produits par
une excrétion à la surface de cette membrane.
• Les mamelles sont aussi tout-à-fait du même genre
que les autres organes sécrétoires glanduleux.
§ 62. Les mammifères présentent encore dans leur
organisation des variétés assez grandes : soit dans les
organes du toucher, qui sont d’autant plus parfaits que
les doigts sont plus nombreux, plus mobiles, moins
enveloppés par l’ongle j soit dans les organes de la man-
ducation et par suite dans le reste des organes diges-
tifs ; soit enfin dans les organes de la génération. Les
différentes combinaisons de ces variétés qui en en-
traînent beaucoup d’autres dans toutes les fonctions,
et même dans l’intelligence, ont donné lieu à partager
des corps organisés. 77
cette classe en plusieurs ordres au nombre desquels
est celui des bimanes , formé d’un seul genre, l’homme.
§ 63. L’homme se distingue des autres mammifères,
par quelques différences peu importantes dans les or-
ganes des fonctions végétatives, par quelques autres
plus marquées dans les organes des fonctions animales,
mais surtout par X intelligence. ,
L’intelligence qui constitue l’homme, est surtout
caractérisée par la conscience , par la raison , par une
volonté libre, par le sentiment moral et par celui
d’une cause divine.
L’homme est en outre de tous les mammifères celui
qui a les hémisphères du cerveau et du cervelet les
plus développés et les plus garnis de circonvolutions.
Ce volume des hémisphères paraît surtout considéra-
ble si on le compare à la moelle, aux nerfs, aux sens
et aux muscles. Ses fonctions cérébrales sont très-déve-
loppées et très-distinctes de l’instinct. Il est doué de
la parole ; il vit en société. Il est le seul animal vrai-
ment bimane et bipède; son corps tout entier est or-
ganisé pour la station verticale : ses mains sont évidem-
ment réservées à d’autres usages qu’à la station.
Le cœur est dirigé obliquement sur le diaphragme,
et 1 aorte disposée un peu autrement que dans les qua-
drupèdes. Les organes de la digestion sont propres à
une nourriture variée, et principalement végétale. Le
pénis est libre et sans os intérieur; l’utérus est une
cavité simple et ovale; les mamelles, au nombre de
deux seulement , sont situées au-devant de la poitrine.
Mais tout le reste de cet ouvrage étant consacré à
INTRODUCTION.
78
l’étude du corps humain, il serait superflu d’insister
sur des caractères qui seront exposés en leur lieu
SECONDE SECTION.
DU CORPS HUMAIN.
§ 64. L’homme participe, comme on le conçoit,
aux caractères généraux des corps , des êtres orga-
nisés, des animaux, des vertébrés, des mammifères;
il a en outre, comme tout autre , ses caractères propres :
c’est l’étude de tous ces caractères, soit de la confor-
mation extérieure et intérieure, soit des phénomènes,
qui est l’objet de l’anthropologie ou de la science de
l’homme. L’anatomie de l’homme, qu’on a aussi appelée
anthropotomie, a pour but particulier la connaissance
du corps humain , c’est-à-dire de toutes les parties qui
le composent et de leur arrangement mutuel.
§ 65. L’anatomiste peut étudier le corps humain dans
deux états différens : dans l’état le plus ordinaire, celui
qui est propre à l’espèce et seul compatible avec 1 état
de santé; ou bien au contraire dans ses déviations de
l’ordre naturel. Dans le premier cas, c’est l’anatomie
de l’homme sain, l’anatomie hygide, si l’on veut s ex-
primer ainsi; c’est l’anatomie morbide dans le secoue'
cas.
Dans l’étude de l’anatomie on peut considérer le
1 Voyez Blumenbaclï, de Varietcite nativa generis hurneim
— Lawrenee, Lectures on physiology , zoology, and the nn
tural histori of mari.
DU CORPS HUMAIN.
79
corps humain tout entier, examiner les caractères gé-
néraux de tous ses organes, de toutes ses humeurs, etc.
Ce sont les généralités de l’anatomie. On peut , réu-
nissant les organes multiples en genres ou en sys-
tèmes, d’après leurs analogies de texture, s’arrêter
aux caractères génériques, en faisant abstraction de
toutes les différences spéciales des organes; et pour
ceux qui , sans être multiples , sont étendus à tout le
corps, on peut ne considérer que les caractères géné-
raux,en faisant abstration des différences locales qu’ils
présentent dans les diverses régions; tel est l’objet de
l’anatomie générale : elle donne une connaissance un
peu plus précise du sujet, que les généralités; mais
pour connaître le corps humain, d’une manière po-
sitive et profitable, il faut joindre à cela une connais-
sance exacte de chaque organe en particulier, et de
chaque région du corps; tel est le double objet de
l’anatomie spéciale.
L’anatomie générale, considérant ensemble les or-
ganes semblables par leur texture, et se bornant à ce
qu’ils ont de commun ou de générique, a pour objet
spécial, mais non unique, leur texture. L’anatomie
spéciale des organes, improprement appelée anatomie
descriptive, s’occupe particulièrement de leur con-
formation , car c’est surtout en cela qu’ils diffèrent les
uns des autres; leur situation respective est l’objet
essentiel de l’anatomie des régions, ou topographique.
§ 66. La conformation extérieure du corps humain est
symétrique 1 ; il est divisé en deux moitiés latérales sem-
1 Voyez entre autres Bichat. Reeli. pliysiol. sur la vie et
la mort. — Meckel. Beitr. zur vurgl. anat. Leipz. i8ia.
8o
INTRODUCTION.
ldables, par une ligne médiane verticale. Cette ligne se
prononce même en quelques endroits, où elle forme ce
qu’on appelle des raphés ou coutures, qui semblent
en effet résulter d’une sorte de couture ou de réunion
de deux parties latérales séparées dans le principe. La
symétrie n’est pas également prononcée dans toutes
les parties du corps; elle l’est davantage dans les or-
ganes des fonctions animales , et moins dans ceux des
fonctions végétatives, dans ceux de la nutrition sur-
tout. En effet, les os, le système nerveux, les sens,
les muscles , sont les parties les plus symétriques ; et les
organes de la digestion , de la circulation , de la respi-
ration le sont moins que les organes génitaux. Cepen-
dant il ne serait pas exact de dire que la symétrie ap-
partient aux premiers, et est étrangère aux derniers;
elle appartient plutôt aux parties extérieures en gé-
néral, et est moins exacte dans les parties profondes;
ainsi les glandes lacrymales et salivaires, la thyroïde,
les mamelles, les testicules, tous organes des fonctions
de la nutrition et de la génération sont symétriques,
tandis que les nerfs du larynx, de l’estomac et des
intestins , le muscle diaphragme , ne le sont point. On
observe aussi que certaines parties qui se développent
plus tard sont moins symétriques que celles du même
genre qui se développent avant : ainsi dans le système
nerveux la moelle, qui se développe la première, est
plus symétrique que le cerveau ; les côtes sont moins
symétriques que le rachis, et plus que le sternum. Enfin
on observe encore que les parties sont plus symétri-
ques à l’époque de leur formation , et que ce ce genre
de régularité s’altère ensuite : l’estoinac, l’intestin, le
DU CORPS HUMAIN.
Si
foie, sont d’abord beaucoup moins irréguliers qu’ils ne
le deviennent ensuite; la colonne vertébrale, d’abord
exactement médiane , se renverse un peu à gauche par
la prédominance du bras droit , et de-là résultent en-
core l’inclinaison du nez, l’inégale élévation des testi-
cules , la fréquence des hernies à droite, etc. On ob-
serve quelquefois un dérangement de la symétrie, tel
que les organes d’un côté occupent le côté opposé , et
vice versa; c’est ce qu’on appelle transposition des
viscères. Dans ce cas , qui se rencontre une fois sur
trois ou quatre mille sujets environ, et que j’ai vu
quatre ou cinq fois, le poumon trilobé, le foie, le
cæcum, sont à gauche, et le poumon à deux lobes, la
pointe du cœur, la rate, la portion sygmoïde du co-
lon, etc., sont à droite: les individus, qui présentent
ce vice de situation ne sont pas pour cela gauchers.
Les maladies qui affectent les organes symétriques,
et celles qui ont leur siège dans des parties sans syrné-*
trie présentent des différences remarquables. On a
même prétendu, mais d’après des vues hypothétiques,
que les deux côtés du corps étaient chacun plus dispo-
sés à certaines maladies r.
On a aussi établi des comparaisons et cherché des
analogies entre les deux moitiés supérieure et infé-
rieure du corps. L’analogie entre les membres est évi-
dente ; les épaules et le bassin , le bras et la jambe , la
main et le pied , sont construits sur le même plan , et
ne diffèrent qu’autant que la différence de leurs fonc-
* Voyez Mehlis, de Morbis hominis dextri et sinistri.
Gotting. 1818.
1.
6
8a
INTRODUCTION.
tions le comporte. Quant à l’analogie que l’on a cru
trouver dans l’homme , comme dans les animaux ar-
ticulés, entre différentes tranches de son tronc, et en-
tre les membres et les mâchoires , elle repose sur une
comparaison entre des objets trop différens pour être
comparables.
Entraîné par une analogie forcée avec les animaux
rayonnés, on a aussi cherclié*dans la partie antérieure
du tronc des parties correspondantes à la colonne
vertébrale; on a cru les trouver dans le sternum : l’ob-
servation ne montre ici de rapprochement raisonnable
qu’entre les muscles antérieurs et les muscles posté-
rieurs de la colonne vertébrale. Laissons donc des
comparaisons qui ne peuvent conduire à rien de bon
et d’utile.
§ 67. On divise le corps humain , comme celui des
autres vertébrés, en tronc et en membres. Le tronc
est la partie centrale et principale, celle qui contient
les organes les plus essentiels à là vie, ou les viscères.
Ces parties sont logées dans trois cavités ou ventres:
l’inférieur est l’abdomen, et contient les organes de la
digestion, de la sécrétion urinaire et de la génération;
le moyen, le thorax, renferme les organes de la respi-
ration et de la circulation ; et le supérieur, la tête, dont
la cavité se prolonge dans la colonne vertébrale, loge
le centre nerveux et les sens. On a pu remarquer déjà
( Iere Section ) combien cette distribution des viscères
est en rapport avec leur importance dans le règne
animal, on verra plus tard qu’elle l’est également avec
l’ordre de leur développement. Considéré dans son
ensemble, le tronc, aplati d’avant en. arrière, pré-
DU CORPS HUMAIN.
83
sente une face antérieure ou sternale, une face pos-
térieure, ou dorsale, et des côtés; il présente deux
extrémités, l’une supérieure ou céphalique, l’autre
inférieure ou pelvienne. Les membres, appendices
articulés et destinés aux mouvemens, se distinguent
en supérieurs ou thoraciques, et en inférieurs ou
abdominaux, les uns et les autres divisés par des ar-
ticulations en plusieurs parties. Les diverses parties
du tronc et des membres sont encore soudivisées en
un certain nombre de régions, ou de portions dis-
tinctes et importantes à considérer , à cause des or-
ganes qui y sont placés. Les divisions du corps et les
subdivisions sont principalement déterminées par les
os. La connaissance des régions est nécessaire pour
déterminer la situation absolue des organes, et leur
étude approfondie est le plus sûr ou plutôt le seul
moyen de connaître la situation respective des parties :
cette connaissance constitue une sorte d’anatomie to-
pographique du plus grand intérêt.
§ 68. Le corps humain est composé , comme tous les
corps organisés , de parties solides et de fluides qui ont
une composition analogue, et qui se changent continuel-
lement les unes en les autres. Les fluides sont en très-
grande quantité et leur masse l’emporte de beaucoup sur
celle des solides ; cependant la proportion des uns aux
autres ne peut être déterminée exactement; d’une
part, parce que certains fluides, comme l’huile, se
séparent difficilement des solides; et d’autre part, sur-
tout, parce que beaucoup de parties solides sont flui-
difiables, et dans la dessication se confondent et se dis-
sipent avec les liquides. On a cependant essayé de
INTRODUCTION.
84
déterminer la proportion des liquides aux solides , soit
par la dessiccation au four ou à l’étuve, soit par la mo-
mification ; quelques-uns pensent que la proportion
des liquides aux solides est comme six est à un ; d’au-
tres, que cette proportion est comme neuf est à un.
L’examen d’une momie a donné une proportion des
liquides bien plus grande encore, puisque cette momie
d’adulte ne pèse que sept livres et demie. Mais la
proportion , fut-elle déterminée exactement dans un
cas, varierait suivant les individus; l’âge, le sexe, la
constitution, etc., y apporteraient des différences no-
tables.
Les solides et les liquides sont formés de globules
et d’une substance amorphe, liquide dans les uns,
concrète dans les autres.
§ 69. La composition chimique 1 des solides et des
fluides du corps humain résulte d’un certain nombre
de matériaux immédiats, dont les principaux sont le
gélatine, l’albumine, le mucus, la fibrine, l’huile,
l’eau, le sucre, la résine, l’urée, la picroclioline, l’os-
mazôme, la zoohématine, le phosphate de chaux, le
carbonate de chaux , etc. Ces matières elles-mêmes sont
composées, et les élémens que l’on trouve dans le corps
humain sont l’oxygène , l’hydrogène , le carbone ,
l’azote , le phosphore , le calcium , le soufre , le potas-
sium, le sodium, le chlore, le fer, le manganèse; on
y trouve même du magnésium et du silicium.
Ces substances élémentaires, pour former les maté-
riaux immédiats et ceux-ci pour composer les parties
1 Voyez Orfila. Chimie médicale.
DU CORPS HUMAIN.
85
solides et fluides du corps humain sont combinés dans
l’acte de la nutrition et de la génération d’une manière
que la chimie ne peut imiter : c’est précisément cet
acte de formation ou d’organisation qui caractérise la
vie.
Des humeurs .
§ jo. Les fluides ou les humeurs 1 du corps humain
sont contenus dans les solides et en pénètrent toutes
les parties. Ils se composent des molécules venues du
dehors pour l’entretien du corps, et de celles qui sont
détachées du corps pour être rejetées. Leur fluidité
n’est pas seulement due au calorique et à l’eau , comme
celle des fluides étrangers à l’organisation, mais elle
dépend, comme leur composition, de l’action vitale. Les
fluides diffèrent entre eux, les uns étant gazeux, d’au-
tres vaporeux, d’autres liquides et plus ou moins cou-
lans, ils diffèrent aussi en couleur; leur composition
varie également, mais elle leur est propre et ne peut
être imitée par l’art.
On peut distinguer les humeurs en trois genres:
i° le sang, masse centrale où affluent et d’où partent
toutes les autres; 2° les humeurs qui arrivent du de-
hors au sang; 3° celles qui en émanent.
§ 71. Le sang est un liquide d’une couleur rouge,
d’une odeur particulière, d’une saveur un peusalée, nau-
séeuse; sa température est celle du corps, dont il est
même la partie la plus chaude; il est visqueux au tou-
1 Voyez Plenck. Hygrologia corporis hùtnani. — Cliaussier.
labié synoptique des humeurs.
86
INTRODUCTION.
cher; sa pesanteur spéciüque est environ io5, l’eau
pesant 100. Il est contenu clans le cœur et dans les
vaisseaux sanguins. Sa quantité dans l’homme adulte
est considérable, mais variable. On a très-diversement
estimé cette quantité ; les estimations varient depuis
huit ou dix livres, jusqu’à quatre-vingt ou cent.
§ 72. Les micrographes ont fait sur cette humeur des
observations dont voici le précis : le sang se compose
d’un véhicule séreux dans lequel des particules mi-
croscopiques rouges sont tenues en suspension; en
général on a considéré ces corps comme des sphères ,
marquées d’un point lumineux dans leur centre , ou
bien comme étant percées et par conséquent de forme (
annulaire. Hewson a trouvé au contraire que les par-
ticules rouges du sang humain sont lenticulaires. Les
observations importantes de MM. Prévost et Dumas
et les miennes propres ont donné le même résultat.
M. Home avait cru, comme le Dr. Yyoung, que l’a-
platissement était postérieur à la sortie du sang, et
qu’il dépendait de la séparation de îa partie colorante.
Les particules sont en effet composées d’un globule
central, transparent, blanchâtre, et d’une enveloppe
rouge, moins transparente, ayant la forme d’un sphé-
roïde déprimé. Le diamètre des particules est, dans
l’espèce humaine, d’environ un cent cinquantième de
millimètre. Tant que le sang est contenu dans ses ca-
naux et qu’il y est en mouvement, les choses restent en
cet état.
§ j'5. Extrait des vaisseaux qui le contiennent, le sang
exhale, pendant tout le temps qu’il conserve sa chaleur,
une vapeur formée d'eau et de matière animale sus cep-
DU CORPS HUMAIN.
87
tible de putréfaction. Il se coagule bientôt, abandonne
probablement un peu de chaleur, et dégage aussi une
grande quantité de gaz acide carbonique. Ce dégage-
ment, peu sensible.quand le sang est soumis à la pres-
sion de l’atmosphère , et ne se manifestant alors que
par la production de canaux dans l’intérieur du coa-
gulum , s’opère au dehors du caillot , lorsqu’on le place
sous le récipient d’une machine pneumatique où l’on
fait le vide. Il ne faut pas confondre ce dégagement
de vapeur et de gaz du sang hors de ses vaisseaux , avec
un prétendu gaz que l’on a supposé circuler avec lui.
Peu après la coagulation du sang en une seule masse,
il se partage en deux parties ; le coagulum se resser-
rant, exprime la partie liquide ou le sérum qu’il ren-
fermait. Le resserrement continue, et par conséquent la
quantité du sérum exprimé augmente jusqu’à l'époque
de la putréfaction. Ordinairement la surface supé-
rieure du coagulum, se resserrant davantage que le
reste, devient concave. Si on lave le caillot sous un filet
d’eau en le pressant doucement et long-temps, l’eau
entraîne la matière colorante ou le cruor, et il reste
une masse fibrineuse blanche. Ainsi , par la coagulation
et par le lavage, le sang se trouve partagé en sérum r
en cruor et en fibrine.
Mais voici ce qui arrive dans ces opérations : aussitôt
que le sang est hors des vaisseaux, la matière colorante
des particules abandonne le globule blanc central, et
ceux-ci, débarassés de leur enveloppe, s’unissent
entre eux et forment des filamens qui se réunissent en
un réseau ou lacis dans lequel se trouvent renfermées
la matière colorante et beaucoup de particules entières
88
INTRODUCTION.
qui n’ont point éprouvé cette décomposition. Quand
en pétrit et qu’on lave le caillot, l’eau entraîne tout à
la fois la matière colorante libre et les particules qui
sont restées entières, et qui contiennent encore un glo-
bule blanc dans leur intérieur.
Il y a donc dans le sang trois matériaux principaux,
le sérum , les globules blancs et la matière colorante
qui les enveloppe; ces deux derniers, réunis dans le
sang coulant et formant les particules colorées, se
séparent en grande partie peu d’instans après que le
sang est tiré hors des vaissaux. Ces matériaux sont dans
des proportions très -différentes, suivant les circons-
tances d’âge, de sexe, de constitution, de maladie, etc. ;
dans l’homme adulte et sain , les particules colorées r
desséchées, font un peu plus d’un huitième du poids du
sang.
§ y4* Le sérum a une faible couleur jaune -ver-
dâtre; il a la saveur, l’odeur et le toucher du sang; il
est alcalin; il se coagule à environ 69° C. Il ressemble
alors à du blanc d’œuf cuit, et contient dans des va-
cuoles une substance que l’on a prise pour de la gélatine,
et qui paraît être* du mucus. Les parties constituantes
du sérum sont de l’eau, de l’albumine, de la soude et
des sels de soude. On peut, selon M. Brande, consi-
dérer le sérum , qui est de l’albumine liquide presque
pure, comme un albuminate de soude avec excès de
base. La coagulation paraît dépendre de la neutralisa-
tion de la soude nécessaire à sa fluidité ; l’alcool et la
plupart des acides opèrent cette coagulation en enle-
vant la soude; et par l’action de la pile galvanique
comme par la chaleur, la soude transforme en mucus
DU CORPS HUMAIN.
«9
une petite partie de l’albumine, tandis que le reste
se coagule. L’albumine et le sérum lui-même présen-
tent encore quelques particularités à noter; c’est que le
coagulum d’albumine offre à l’inspection microscopi-
que des globules , et que le sérum conservé liquide
dans une éprouvette pendant quelques jours montre
peu à peu des globules qui se déposent au fond, et
qui éprouvent un mouvement singulier d’ascension et
de descension quand on échauffe le vase en le tenant*
dans la main; enfin il faut encore noter que l’albu-
mine coagulée a la plus grande analogie avec la
fibrine, dont elle ne diffère peut-être point du tout.
§ 7 5. Le cruor du sang ou la matière colorée obte-
nue par le lavage, est toujours un mélange de matière
rouge libre, de globules enveloppés de la même ma-
tière et de sérum. Aussi les travaux des plus habiles
chimistes ont encore appris peu de choses sur la
matière colorante du sang ou la zoohématine. Cette
substance insoluble dans l’eau , mais pouvant s’y diviser
extraordinairement et de manière à traverser les filtres ,
est formée d’une matière animale en combinaison avec
le péroxide de fer. La couleur rouge du sang varie
dans ses nuances.
§ 76. La fibrine du sang, ou la lymphe coagulable de
quelques-uns , offre l’aspect de fibres feutrées , tenaces ,
élastiques, ayant au microscope l’aspect et la struc-
ture de la fibre musculaire, étant composées de glo-
bules blancs semblables à ceux des particules colorées
du sang; la fibrine, tout comme la fibre musculaire,
mise dans l’eau se résout en globules avant de se pu-
tréfier. Cette substance coagulable ou plastique paraît
9° INTRODUCTION.
être , ainsi que l’albumine , le moyen d’agglutination
qui détermine dans l’économie les réunions et les
adhérences.
Le sang contient aussi une matière grasse ou hui-
leuse.
§ 77. Le sang contenu dans les artères, dans les veines
et dans le cœur y est dans un mouvement continuel
qu’on appelle circulation. Il éprouve dans ce mouve-
ment des altérations constantes et régulières qui , se
balançant mutuellement, l’entretiennent dans un état
t> J
moyen de composition. Il reçoit de nouveaux liquides
préparés par la digestion et l’absorption intestinale ;
des molécules séparées des organes sont sans cesse
ajoutées à sa masse ; il est soumis à l’action de l’at-
mosphère dans les poumons, où il se revivifie; il est
envoyé dans toutes les parties, où il éprouve un change-
ment inverse, où il fournit des matériaux qui se fixent
dans les organes , et où il est dépouillé d’une partie de
ses principes par les sécrétions. Parmi ces altérations ,
les plus frapantes sont celle qu’il éprouve dans les
poumons, où il devient d’un rouge vermeil, et celle
qui a lieu dans tout le reste du corps, où il prend une
couleur rouge-brun. Ces altérations de couleur sont
accompagnées et paraissent dépendre d’une absorption
d’oxygène dans le premier cas , et d’une absorption de
carbone dans le dernier. Outre la matière nutritive
que le sang distribue dans tous les organes, il est en-
core le véhicule du principe de la chaleur.
§ 78. Le sang présente des variétés constantes sui-
vant les âges , les sexes et d’autres circonstances ; il
présentefaussi des altérations accidentelles.
DU CORPS HUMAIN.
9l
Dans le fœtus le sang, dont la couleur est très-foncée,
n’a presque pas de matière coagulable. Il en est de
même du sang menstruel de la femme. Le sang artériel
présente plus de particules colorées que le sang vei-
neux. Chez les personnes qui font usage d’une nour-
riture succulente , le sang abonde en caillot; il est plus
séreux dans les circonstances opposées. La soustrac-
tion répétée du sang y diminue la proportion des par-
ticules colorées et même celle de l’albumine , et y
augmente celle de l’eau.
Dans les màladies, le sang éprouve des altérations
qui n’ont pas été assez étudiées. Dans les inflamma-
tions, le caillot du sang extrait se recouvre • d’une
couenne blanche, c’est de la fibrine: et l’on trouve dans
le caillot une grande quantité de matière colorante
libre. Dans d’autres maladies , comme le scorbut et
les maladies septiques , le sang a perdu sa coagula-
bilité, il reste fluide. Il est beaucoup de maladies sur
lesquelles l’examen attentif du sang répandrait un grand
jour.
§ y g. Les liquides qui arrivent au sang sont le chyle et
la lymphe. Le premier provient du chyme, substance
grisâtre, pultacée, en laquelle les alimens se changent
dans l’estomac, et dans laquelle on commence à aper-
cevoir quelques petits globules. Absorbé par les pa-
rois de l’intestin et arrivé dans les premiers vaisseaux
chylifères , il est blanchâtre et à peine coagulable ; il
devient plus coagulable et prend une teinte rosée dans
les glandes du mésentère. Enfin , dans le canal thora-
cique et près d’arriver dans la masse du sang , il est
distinctement rose, manifestement coagulable, et con-
INTRODUCTION.
92
tient des globules nus et des particules qui ne diffèrent
de celles du sang que par une couleur moins forte. Il
semble dès lors qu’il n’ait plus besoin que d’être sou-
mis à l’action respiratoire pour devenir du sang parfait.
La lymphe , liquide incolore, visqueux , albumineux,
mais peu connu, est l’autre humeur apportée au sang.
§ 80. Les humeurs qui émanent du sang s’en séparent
par secrétion ; on peut rapporter à ce genre la matière
nutritive laissée par le sang dans tous les organes, par
une sorte de sécrétion nutritive; on y rapporte encore
celles qui sont produites et déposées comme en réserve,
par une sécrétion qu’on peut appeler intrinsèque,
dans les cavités closes du corps, comme la graisse,
la sérosité, la synovie; mais on y rapporte surtout
celles qui sont sécrétées à la surface des tégumens
externes ou internes et de leurs dépendances plus ou
moins éloignées. On les distingue, d’après leur mode
de formation , en trois genres : i° en humeurs perspira-
toires, qui sont immédiatement formées et déposées à
la surface par les vaisseaux : telles sont les matières
de la transpiration cutanée, de la sueur, de la pers-
piration pulmonaire ; 2° en humeurs folliculaires , qui
sont d’abord déposées dans des follicules ou ampoules
de la peau interne ou externe: tels sont le mucus et la
matière sébacée; et 3° en humeur glandulaires, formées
dans des glandes , organes particuliers qui ont des con-
duits excréteurs ramifiés, lesquels ont leur orifice sur
la peau et sur les membranes muqueuses , dont ils sont
des prolongemens ramifiés : telles sont la salive sécrétée
par les glandes salivaires , la bile sécrétée parle foie, etc.
On distingue aussi les humeurs sécrétoires, d après leur
DU CORPS HUMAIN.
9 3
destination , en celles qui remplissent quelque usage
dans l’organisme, comme les larmes, la bile, le
sperme, etc., et en celles qui, rejetées sans remplir
aucun usage, comme l’urine, la sueur, sont appelées
excrémentitielles. Ces dernières sont acides, tandis que
les autres sont alcalines.
Des organes.
% 81. Les organes sont les parties solides 1 ou con-
tenantes du corps; ce sont eux surtout qui détermi-
nent la forme, et qui impriment le mouvement.
La figure des organes est très-variée : cependant en
général leurs contours sont arrondis, les surfaces ne
sont jamais bien planes, les lignes bien droites, les
angles bien entiers. Dans la plupart des organes, la
longueur l’emporte sur les deux autres dimensions ;
quelques-uns sont larges et aplatis : on 'appelle mem-
branes ceux qui ont cette forme et quijsont mous, quelle
que soit d’ailleurs leur texture ; d’autres enfin ont les
trois dimensions peu différentes. On détermine la
forme extérieure des organes par le rapport de leurs
trois dimensions; on se sert souvent aussi de compa-
raisons plus ou moins triviales; car il est en général
assez difficile de déterminer la forme par la compa-
raison avec des figures géométriques.
A l’intérieur, quelques organes sont creux et for-
ment des réservoirs ou des canaux communiquant à
l’extérieur; d’autres forment des cavités fermées de
1 Voyez Chaussier. Table des solides organiques.
INTRODUCTION»
•94
toutes paris ; d’autres des canaux ramifiés et clos ; d’au-
tres sont pleins ou massifs; mais tous cependant sont
aréolaires et plus ou moins perméables.
Parmi les organes, quelques-uns s’étendent en rayon-
nant ou en se ramifiant, du centre à la circonférence ;
tels sont les vaisseaux, les nerfs, les os eux-mêmes.
Aucun n’est isolé , tous sont entrelacés et ont des
communications entre eux. Enfin il y a entre les or-
ganes comme entre les régions des analogies très-
grandes. Quelques-uns, se ressemblant tout-à-fait, cons-
tituent , pal* leur réunion , des genres.
§ 82. La couleur des organes est blanche, rouge,
brune ; quelques-uns sont transparens, d’autres sont opa-
ques. Leur consistance varie depuis une mollesse très-
grande jusqu’à une dureté extrême. Ils sont extensibles
et rétractiles , flexibles , compressibles et élastiques , mais
à des degrés très-variés. Quelques-uns ont une cohé-
sion peu marquée, d’autres une ténacité telle, qu’il faut
de très- grands efforts pour les rompre. Ces propriétés
de couleur et de cohésion dépendent beaucoup des
liquides qu’ils contiennent en grande proportion.
Ainsi des parties opaques, comme le tissu ligamenteux,
deviennent transparentes par la dessiccation ; cette même
substance, très-tenace et peu élastique quand elle est
humide , devient très-élastique quand elle est dessé-
chée; des parties élastiques, comme le tissu des artères,
deviennent cassantes par la dessiccation , etc.
§ 83. Les organes diffèrent aussi beaucoup par leur
texture. Au premier aperçu , on voit que plusieurs sont
formés de l’assemblage ou de la réunion de faisceaux
de filets parallèles ou entrecroisés : on dit quils ont
DU CORPS HtîMAlN.
95
une texture fibreuse. D’autres sont formés par la réu-
nion de couches ou de lames plus ou moins nom-
breuses et distinctes, ordinairement unies très-étroi-
tement entre elles. Dans d’autres on trouve des gra-
nulations ou grains rapprochés , réunis entre eux.
Quelques-uns ont une texture très-compacte, uniforme
ou homogène en apparence, mais en apparence seule-
ment; car tous sont aréolaiyes et perméables, d’une
manière plus ou moins distincte; tous sont plus ou
moins composés.
§ 84. Ce premier aperçu ne suffit pas pour faire con-
naître la texture intime des parties solides. En exa-
minant de plus près, on voit que ces fibres apparentes,
ces couches membraneuses , ces granulations, sont com-
posées ; et comme les solides contiennent les humeurs,
on a été généralement porté à croire que tout est vais-
seau dans les solides. Cette idée erronée, puisque les
vaisseaux sont eux-mêmes des parties composées, a été
reproduite tout récemment dans un ouvrage posthume
de Mascagni. D’autres ont admis que tout est formé
par le tissu cellulaire, et celui-ci par des fibres et des
lames entrecroisées , ou bien par des cellules ou des
vésicules accolées les unes aux autres. Mais le tissu cel-
lulaire , tout en étant bien l’élément principal de toutes
les parties, n’en est pas l’élément unique. Quant à
l’idée d’un parenchyme comme base ou élément gé-
nérateur de tous les solides, c’est une idée extrême-
ment vague, et sur laquelle on n’est pas parvenu à s’en-
tendre. Haller 1 a admis dans la composition des orga-
1 De corporis humani fabricâ et functionibus. Tom. I.
Lib. I. Seet. III.
INTRODUCTION.
96
Des , outre le tissu cellulaire formé par la réunion de
fibres et de lames, et qui est le plus général et le plus
répandu , la fibre musculaire et la substance médullaire.
Cette division a été depuis assez généralement admise,
avec quelques légères modifications plus ou moins
heureuses. Ainsi Walther admet une texture membra-
neuse ou cellulaire, une fibreuse ou vasculaire, et une
nerveuse; Pfaff une structure vasculaire, une fasci-
laire et une cellulaire; d’autres une cellulaire, une
vasculaire et une massive, ou sans cellules et sans vais-
seaux. M. Chaussier a joint aux trois parties compo-
santes de Haller une quatrième fibre, sous le nom de
fibre albuginée; c’est la base des ligamens : M. Riche-
rand y a joint la substance épidermique ou cornée.
Parmi les vingt-un tissus admis par Eichat, il en est
trois qu’il considère comme générateurs des autres ;
ce sont le cellulaire, le vasculaire et le nerveux.
M. Meyer admet 1 aussi trois organes élémentaires : i° la
cellule , le vaisseau ou la glande ; a° la fibre irritable ,
cellulaire ou musculaire; 3° la fibre sensible ou le
nerf.
§ 85. En admettant avec Haller l’existence de trois
organes simples, de trois tissus élémentaires, ou de
trois fibres distinctes les unes des autres par des ca-
ractères essentiels, savoir, du tissu cellulaire, de la
fibre musculaire et de la substance médullaire ou ner-
veuse, on n’est pas encore arrivé au dernier terme
d’analise auquel on peut arriver en anatomie. Si l’on
s’aide du microscope on voit que ces organes simples,
1 V cher histologie , etc. Bonn, 1819.
DU CORPS HUMAIN.
97
et toutes leurs modifications, et tous leurs composés ,
peuvent être ramenés ou réduits à deux éléinens ana-
tomiques. Ils sont formés d’une substance animale
aréolaire , perméable , et de globules microscopiques
semblables à ceux qu’on trouve dans les humeurs. La
première substance seule forme des lames, et le plus
souvent des libres, qui ne diffèrent les unes des autres
que par la figure allongée et filiforme dans le premier
cas, élargie dans le second, et qui quelquefois séparées,
sont le plus souvent réunies : c’est de leur réunion que
résultent les cellule^ ou les aréoles, etc. Gc premier
élément qui, à lui seul, mais diversement modifié,
constitue la plupart des organes, réuni avec l’autre
dont il rassemble et joint les particules, forme la fibre
musculaire et la substance nerveuse.
§ 86. Les organes diffèrent encore les uns des autres
par les phénomènes qu’ils présentent pendant la vie,
et qui seront examinés tout à l’heure. Il suffit de noter
ici que la substance cellulaire est surtout remarquable
par son resserrement continuel, qui peut être augmenté
par des impressions ou irritations; que le tissu liga-
menteux et le tissu élastique, ses deux principales
variétés, se font remarquer, l’un par une grande téna-
cité, et l’autre par une force de ressort; que la fibre
musculaire est par sa contraction l’organe de tous les
grands mouvemens ; et que la substance nerveuse sé
distingue de toutes les autres, par la facidté de con-
duire les impressions au centre et l’action du centre
nerveux aux muscles, etc.
§ 87. Les organes étant différens les uns des antres
par leur conformation , leur texture, leurs propriétés
1.
n
J
IftTttûDL'GTIÜK.
physiques, leur composition chimique, et dans l’état
de vie par l’action qu’ils exercent, on les a divisés en
un certain nombre de classes ou de genres. Ces genres
doivent être déterminés d’après l’ensemble des carac-
tères, et non d’après la forme seule; car autrement on
rapprocherait des choses très-différentes, comme toutes
les membranes , et l’on éloignerait des parties tout-à-
fait semblables, excepté par la forme, comme les os
larges des os longs , les aponévroses d’avec les ten-
dons et les ligamens , les nerfs d’avec les ganglions, etc. ;
la forme fibreuse ou fasciculée, la forme lainelleuse
ou membraneuse, pouvant appartenir à des parties tout-
à-fait différentes sous tous les autres rapports.
§ 88. Les anciens divisaient les parties solides du
corps en parties similaires el en parties dissimilaires ou
organiques. Les parties similaires ou homogènes sont
celles qui se divisent en particules semblables entre
elles, comme les os, les cartilages, les muscles, les
tendons, etc. Les parties dissimilaires sont celles qui
sont formées par la réunion des parties similaires, comme
la main , les viscères, les organes des sens, et autres or-
ganes composés. Cette *idée d’Aristote, reproduite avec
de nouveaux développemens par Coïter, est l’origine et
le fondement de toutes les divisions établies plus tard
entre les organes. On connaît la division généralement
admise dans les livres d’anatomie, en os, muscles,
nerfs, vaisseaux et viscères, et quelques autres genres
encore. Mais ces genres d’organes comprennent des
parties composées, quelques-unes très-composées; et
d’un autre côté ces genres, et surtout celui des vis-
cères, contiennent des organes très-dilférens les uns
DU COUPS HUMAIN.
99
des autres, ce qui ôte tous les avantages cîe la géné-
ralisation. M. Pinel, en France, et Carmichael Smyth 1 ,
en Angleterre, ayant fait observer que les tissus sim-
ples qui entrent dans la composition des parties dissi-
inilaires ou composées pouvaient être malades et
surtout enflammées à part, et que leur inflammation
était la même, quel que fût l’organe composé dont
elles fissent partie, cela a mis sur la voie de faire
une analise anatomique de l’organisation plus com-
plette que celle qui avait été faite jusqu’alors, surtout
à l’égard des viscères. Bichat 2 , développant cette idée
fécpnde et digne de son génie , a classé tous les organes
simples sous le nom de tissus ou de systèmes en vingt-
un genres. M. Chaussier a distingué les organes en
douze genres, le douzième comprenant les viscères ou
organes composés. Depuis, plusieurs auteurs, tout en
en adoptant les principales bases, ont modifié les clas-
sifications de ces deux anatomistes 3.
§ 89. Au milieu de toutes ces variations, voici une
classification ou division des organes en genres d’après
l’ensemble de leurs caractères anatomiques, chimiques,
physiologiques et pathologiques.
1 On inflammation , in medical communications . Vol. 11.
2 Anatomie générale , appliquée à la physiologie et la mé-
decine, par Xav. Bichat.
3 Voyez presque tous les ouvrages d’anatomie et de phy-
siologie, publiés depuis l’an 1801, et notamment: J. F. Mee-
kel. Handbwch de r menschlichen anatomie. Ester Band.
AUgemeine anatomie. Halle und Berlin , iSi5. — J. Gor-
don. A system of human anatomy. Vol. 1. Edinburg , i8i5.
— 1\ Mascagni. Prodromo délia grande atiatcmia. F ironie ,
j8ïq. ■ — C. Meyer. Opusd ci'. * * 1 10 me : r J
IOO
INTRODUCTION.
Le tissu cellulaire, élément principal et général de
l’organisation doit tenir le premier rang : il existe dans
-tout le règne organique, il entre dans tous les orga-
nes, et fait la base de toute l’organisation.
Ce tissu, un peu modifié dans sa consistance, dans
■sa forme , dans la proportion de substance terreuse qu’il
contient, forme plusieurs autres genres d’organes.
Disposé en membranes closes de toutes parts, dans
l’épaisseur desquelles il a plus de fermeté et moins de
perméabilité , il constitue les systèmes séreux et sy-
novial.
Il forme de même le tissu tégumentaire qui com-
prend la peau et les membranes muqueuses , ainsi que
les follicules de ces deux sortes de membranes et les
organes producteurs des poils, des dents, etc.
Il en est de même aussi du tissu élastique, qui fait
la base du système vasculaire, lequel comprend les
artères, les veines et les vaisseaux lymphatiques, et
qui appartient encore au même ordre, en se rappro-
chant du tissu musculaire.
Le système glanduleux, qui est formé par la réu-
nion des systèmes tégumentaire et vasculaire, est encore
du même ordre d’organes.
Le système ligamenteux ou desmeux, qui comprend
des organes très-tenaces et très-résistans, résulte en-
core d'iine modification du tissu cellulaire.
Enfin les systèmes cartilagineux et osseux appartien-
nent encore au tissu cellulaire, et doivent leur solidité
à sa condensation, et à la grande quantité de sels ter-
reux que contient cette substance.
Un second ordre d’organes est formé essentiellement
D »
DU CORPS HUMAIN.
IOP
par la fibre musculaire : ce sont les muscles, soit ceux
qui appartiennent aux os, soit ceux des tégumens ex-
terne et interne, et des sens, soit ceux du cœur;
Les nerfs et les masses nerveuses centrales consti-
tuent un troisième et dernier ordre d’organes formé»
essentiellement par la substance nervale.
On voit que cette classification repose sur lés bases
indiquées par Haller, et qui existent vraiment dans la^
nature.
S 9°. Quant à l’ordre successif dans lequel les genres
d’organes doivent être rangés, il peut être fondé sur*
diverses bases : si l’on avait égard à la généralité plus'
ou moins grande des organes dans la série des ani-
maux, le tissu cellulaire devrait toujours être placé le
premier ; après lui viendraient les organes tégumen-
taires, puis les muscles et les nerfs, puis les vaisseaux,
puis les glandes; les tissus cartilagineux et osseux, li-
gamenteux et séreux, ne viendraient qu’en dernier lieu,
comme propres aux vertébrés. On suivrait un autre
ordre si l’on classait d’abord les genres d’organes qui
appartiennent aux fonctions communes ou végétatives,
et en second lieu ceux qui forment les appareils des
fonctions propres aux animaux. On établirait encore-
un autre ordre si on voulait, comme Bichàt, ranger
d abord les systèmes généraux, comme le tissu cellu-
taire, les vaisseaux et les nerfs, et ensuite les systèmes-
particuliers. Il est peu important mais pourtant préfé-
rable de ranger les organes d’après leur analogie : c’est
1 ordre suivi ci-dessus.
S 91. Plusieurs physiologistes placent encore la sub
stance cornée ou épidermique parmi les filtres primi-
10 2
INTRODUCTION.
îives ; mais cette substance presque inorganique , pro-
duite par excrétion, ne saurait être considérée comme
un élément anatomique. Au reste les caractères qu’on
lui assigne sont les suivans : elle ne contient pas cle cel-
lulosité distincte; la macération la réduit en une sorte
de mucilage ; la chimie y démontre de l’albumine sui-
vant les uns, ou du mucus, suivant les autres, ce qui
n’est peut-être pas très-différent, puisque le mucus
paraît être de l’albumine unie à de la soude. Cette
substance est celle qui constitue l’épiderme , les or g,. os ,
les poils, et toutes parties cornées des animaux. Quoi-
qu’il paraisse y avoir une légère différence entre les
matières cornée et épidermique , cette différence n’est
pas assez grande pour qu’on ne puisse les rapporter à
la même substance. M. Meyer, qui a donné récem-
ment une nouvelle classification des solides du corps
humain, regarde la membrane du tympan, la cornée
et le cristallin comme formés de cette substance, qu’il
appelle tissu écailleux ou feuilleté; mais ce rapproche-
ment n’est pàs fondé, surtout pour les premières. Les
substances épidermiques sont remarquables par la fa-
cilité et la promptitude avec lesquelles elles se repro-
duisent.
§ 92. Les noms défibré, tissu, organe, etc. , dési-
gnent en général les solides organiques. Il faut préciser
un peu le sens qu’on y attache. On appelle tissu toute
partie distincte par sa texture. Le tissu ne diffère de
la fibre qu’en ce que celle-ci est plus fine et en est la
partie composante. Un tissu peut être formé par des
fibres semblables ou différentes. Lui organe résulte
ordinairement de la réunion de plusieurs tissus. Au
DU CORPS HUMAIN.
io3
reste, ces distinctions ne sont pas absolues : ainsi le
tissu cellulaire représente à la fois une fibre particu-
lière, un tissu formé par cette fibre, et un organe im-
portant de leconomie. En général, la fibre est l’élé-
ment, le tissu indique l’arrangement des parties, et
l’organe une partie composée qui exerce une action
propre. Presque tous les solides sont formés par la
fibre cellulaire et ses deux modifications; quelques
tissus ont pour base les fibres musculaire et nervale;
un seul, qui est le tégumentaire , contient de la subs-
tance épidermique. Les organes sont presque toujours
des parties plus ou moins composées : ainsi, dans un
muscle, on trouve la fibre musculaire, le tissu cellu-
laire qui l’entoure, eL à l’extrémité le tendon auquel elle
se termine ; de même dans un nerf, il y a dans le cen-
tre une substance molle et médullaire, et à l’extérieur,
une membrane particulière qui porte le nom de né-
vrilême. Certaines parties , comme l’estomac , l’œil, sont
plus composées encore. En général tout organe ou
partie agissante contient du tissu cellulaire, des vais-
seaux et des nerfs. Le tissu cellulaire est le plus ré-
pandu : il n’y a point de parties où on ne le rencontre
sous différentes formes. Apres ce tissu , ce sont les
vaisseaux qui existent le plus généralement : à part un
petit nombre d’exceptions, on trouve partout des vais-
seaux de diverses sortes , blancs ou rouges. Les nerfs
sont moins abondans que les vaisseaux et, à plus forte
raison, que le tissu cellulaire; cependant la plupart
des organes en sont pourvus. On peut donc regarder
ceux-ci comme des parties dans la composition des-
quelles il entre constamment du tissu cellulaire, près-
104 INTRODUCTION.
• t ‘
que constamment des vaisseaux , et le plus souvent du
tissu nerveux.
Les viscères ou organes splanchniques tirent leur
nom de l’importance de leurs usages. Ce sont les or^
ganes les plus essentiels à la vie , ceux par lesquels
nous vivons; ce sont les organes les plus composés;
ils sont situés dans les trois cavités du corps qu’on ap-
pelle splanchiques. Ils comprennent les organes de la
digestion, de la génération et de la secrétion urinaire,
que renferme l’abdomen; ceux de la circulation et de
la respiration, qui sont contenus dans la poitrine, et
les organes sensoriaux et nerveux , logés dans la tête et
dans le canal vertébral. C’est surtout aux organes tho-
raciques et abdominaux, et encore plus spécialement
à ces derniers, qu’on donne le nom de viscères.
§ q3. On entend par système ou genre la réunion de
parties semblables par leur texture, comme les os , les
muscles, les ligamens, etc. : cela correspond aux par-
ties similaires des anciens. On a encore désigné ainsi
des parties , telles que la peau, le tissu cellulaire , etc. ,
étendues à tout le corps , et offrant par là des régions ,
des divisions, mais non, comme les précédentes, des
portions distinctes. Biehat surtout a employé le mot sys-
tème dans cette acception. L’étude des genres d’organes
ou des systèmes fait l’objet de l’anatomie générale, qui
embrasse de cette manière tout ce que les parties sem-
blables présentent de commun , et en même temps ce
que les tissus généralement répandus ont de commun
dans leurs différentes régions.
§ 94. Les appareils sont des ensembles d’organes quel'
quefois très-distincts par leur coniormation , leur si-
DU KORPS HUMAIN.
103
tuation , leur structure et même leur action particu-
lière, mais qui concourent à un but commun, lequel
est une des fonctions de la vie. C’est à tort que l’on
a confondu cette réunion de parties avec celle qui
constitue un système ou un genre d’organes. La clas-
sification des appareils repose entièrement sur la con-
sidération des fonctions, tandis que celle des systèmes
ou genres repose sur la ressemblance des parties entre
elles. On a vu plus haut l’énumération des genres d’or-
ganes; voici maintenant comment les organes sont
réunis en appareils de fonctions.
Les os et leurs dépendances, savoir: le périoste, la
moelle, la plupart des cartilages, les ligamens , les
capsules synoviales , constituent un premier appareil
d’organes qui détermine la forme du corps, qui ser-
vent de soutien à toutes les parties, et notamment d’en-
Aeloppe aux centres nerveux, et qui, par la mobilité
des articulations, reçoivent et communiquent les mou-
vemens déterminés par les muscles.
Les muscles, les tendons, les aponévroses, les
bourses synoviales, forment l’appareil des mouvemens.
Les cartilages et les muscles du larynx et diverses
autres parties forment celui de la phonation ou de la
voix.
La peau, les autres sens et les muscles qui les meu-
vent, etc., forment l’appareil des sensations.
Les centres nerveux et les nerfs, forment celui de
linnervation.
Le canal alimentaire, depuis la bouche jusqu’à l’anus
et toutes ses nombreuses dépendances, constituent
celui de la digestion ;
INTRODUCTION.
io6
Le cœur et les vaisseaux, celui de la circulation;
Les poumons, celui de la respiration.
Les glandes , les follicules et les surfaces perspira-
toires, forment l’appareil des sécrétions; niais la plu-
part de ces organes servant à d’autres fonctions , sont
compris dans leurs appareils. Il ne reste guère que la
sécrétion urinaire, dont les organes forment à eux seuls
un appareil.
Les organes génitaux constituent un appareil diffé-
rent dans chaque sexe.
Enfin, l’œuf et le fœtus qu’il renferme, forment un
dernier groupe ou appareil d’organes.
De V organisme.
§ p5. Le corps humain présente pendant la vie, des
phénomènes très-nombreux et de divers genres. Des
actions mécaniques et chimiques ont lieu en lui comme
dans tous les corps ; mais elles sont modifiées par celles
de la vie. Il y a effectivement dans le corps humain,
comme dans tout corps organisé et vivant, les phé-
nomènes essentiels de la vie, savoir : la nutrition et la
génération, actions organiques dont l’exercice est su-
bordonné à d’autres actions propres aux animaux;
savoir, les mouvemens musculaires et les sensations,
i
soumises elles-mêmes à 1 innervation. Ces actions ani-
males enfin sont dirigées par des fonctions d’un genre
supérieur; ce sont celles de l’intelligence. Outre cet
ordre remarquable de subordination entre les phéno-
mènes de la vie, il existe entre eux un enchaînement tel,
que les fonctions d’un genre inférieur tiennent aussi
DU CORPS HUMAIN.
IO^
sous leur dépendance les fonctions d’un ordre plus
élevé, et que toutes les fonctions sont dans une dé-
pendance mutuelle telle, que les phénomènes de la
vie peuvent être comparés à un cercle qui, une fois
tracé, n’a plus ni commencement ni fin. C’est, comme
on l’a déjà dit, cet ensemble d’actions organiques qu’on
appelle organisme ou vie.
§ 96. On appelle fonction 1 , l’action d’un organe ou
d’un appareil d’organes ayant un but commun. On a
classé ou distribué les fonctions en plusieurs genres ,
non que ces divisions soient parfaitement exactes, ni
qu’elles soient bien utiles pour aider la mémoire,
puisque les objets à classer sont assez peu nombreux;
mais parce qu’il faut bien, dans leur exposition, suivre
un ordre quelconque, et qu’il vaut mieux en suivre un
naturel qu’un tout-à-fait arbitraire. La division des an-
ciens, suivie , à quelques modifications près, par Haller,
Blumenbach, Chaussier et quelques autres modernes i
consiste à ranger les fonctions en quatre classes; fonc-
tions vitales, animales, naturelles ou nutritives, et gé-
nitales. Une autre division qui vient également des
anciens, puisqu’on en trouve la première idée dans
Aristote , qui a été aussi indiquée par Buffon , Gri-
maud , etc. , et qui a été adoptée et développée par
Bichat et M. Richerand, consiste à classer les fonctions
en celles de l’espèce et en celles de l’individu , et celles-
ci en fonctions de relation ou fonctions animales, et en
celles de nutrition ou organiques.
§ 97. Voici un ordre très-naturel suivant lequel les
1 V oyez Chaussier, Table synoptique des fonctions.
io8
INTRODUCTION.
fonctions peuvent être classées. Les unes sont com-
munes , sinon par tous leurs actes et tous leurs organes,
du moins par le résultat, à tous les corps organisés,
aux végétaux comme aux animaux; ce sont les fonc-
tions communes, organiques ou végétatives : i° la
nutrition, qui comprend la digestion, l’absorption,
la circulation , la respiration et les sécrétions , et dont
je résultat définitif est l’entretien de l’individu dans
sa forme, dans sa composition et sa température;
2° la génération , qui comprend la formation des
germes, celle du sperme, la fécondation et le déve-
loppement du germe fécondé , et dont le résultat est
l’entretien de l’espèce ou d’une succession d’individus
semblables. Les autres fonctions sont propres aux ani-
maux ; ce sont : 3° l’action musculaire dont les ré-
sultats sont la locomotion, le geste et la voix, et de
plus les mouvemens musculaires nécessaires à l’exé-
cution des deux fonctions précédentes; 4° les sen-
sations, et 5° l’action nerveuse ou l’innervation. Un
autre ordre de fonctions encore appartient à l’homme
exclusivement; ce sont les fonctions intellectuelles,
qui n’existent qu’en apparence dans les animaux qui
lui ressemblent le plus. Enfin l’homme n’exerce pas
seulement des fonctions individuelles et des fonc-
tions sexuelles, mais, vivant en société, il exerce des
actions collectives dont l’observation et la direction
sont encore hors du domaine de la physiologie et de
la médecine.
§ 98. Nous n’apercevons, dans les corps en repos,
que les qualités par lesquelles ils frappent nos sens.
Dans les corps en action ou en mouvement, nous ne
DU CORPS IIUMAIX.
IO9
distinguons encore que des phénomènes ou des chan-
geniens perceptibles à nos sens. Parmi les qualités et
les phénomènes, les uns sont communs à tous les
corps, les autres sont particuliers aux corps organisés
et vivons; ces derniers sont leurs qualités et phéno-
mènes propres, en un mot, leurs propriétés. Les pro-
priétés ne sont autre chose en effet que des qualités
et des phénomènes sensibles. Quand des phénomènes
se reproduisent suivant un ordre dont on peut déter-
miner toutes les conditions, on connaît la loi de ces
phénomènes, c’est-à-dire la règle qu’ils suivent et à
laquelle ils nous paraissent être assujettis; cette loi,
quand elle est générale, est appelée théorie. Au-delà
nous 11e connaissons rien. Mais nous admettons en
général que la matière est inerte, et toutes les fois que
nous la voyons en action, nous supposons une cause
de mouvement qui la fait agir, et que nous appelons
une force. Ainsi la matière organique étant en action
pendant toute la vie dans les corps organisés, on a dit
que la vie avait pour cause une force vitale 1 .
On a considéré cette force comme une substance
différente des organes, et dont ceux-ci auraient été
les instrumens, et onia tantôt supposée rationnelle et
tantôt irrationnelle. On l’a considérée aussi comme une
faculté ou activité propre de la matière; soit de la ma-
tière organique solide, soit de la matière fluide. On l’a
regardée encore comme résulant de l’organisation ,
1 Voyez TVeii. Von der lebenshraft , in archiv fur die phy-
siologie. B. I. Halle, 1795. — Chaussier. Table synoptique
île la force vitale, etc.
î ÏO
INTRODU CTIOX.
c’est-à-dire de l’assemblage de toutes les parties so-
lides et liquides d’un corps organisé, etc.
Il aurait mieux valu, sans doute, se borner dans une
science physique, comme la science de l’organisation
de la vie, à l’observation des corps et des faits.
S 99- Les phénomènes organiques ou vitaux étant
différons les uns des autres, les forces vitales ou or<*a-
«b
niques qu’on a admises ont dû être aussi de plusieurs
genres.
11 y a des phénomènes de formation organique, tels
que ceux de la nutrition et de la génération , de la
réparation des parties lésées, de la reproduction , etc.
Aussi on a admis sous le nom de force plastique, de
force formative, d’affinité vitale, une force de forma-
tion 1 : elle est commune à tous les corps organiques
et à toutes leurs parties.
§ 100. Les parties solides des corps organisés et sur-
tout des animaux, reçoivent de la part de divers agens
des impressions suivies immédiatement de mouvemens
plus ou moins appréciables: on appelle cela des mou-
vemens d’irritation; et la force ou la cause à laquelle
on les attribue est appelée irritabilité 2. Toutes les
parties animales en sont susceptibles à des degrés très-
variés. Ou en distingue trois variétés principales. Dans
le tissu cellulaire , où elle existe à un faible degré , 011
l’appelle tonicité; dans les vaisseaux où elle est plus
marquée on l’appelle contractilité vasculaire; dans les
Voyez Blumembacli. U ber de n Bildungstricb. Gotting.
2 Voyez Gautier, de irritcibililciiis notionc , naturel et mor-
bîs , Ihilæ , 1 7^3.
DU CORPS HUMAIN.
III
muscles où elle existe au plus haut degré , on la nomme
irritabilité musculaire ou myotilité.
Il est remarquable que tous ces mouvemens con-
sistent dans des resserremens ou contractions. On a
cependant cru que certains mouvemens dépendaient
d’une expansion, d’une élongation, d’une turgescence I;
il paraît que c’est faute d’avoir bien observé.
§ ioi. Dans l’homme etles animaux qui ont des nerfs
distincts et un centre nerveux , les impressions reçues
sont transmises par des nerfs , et senties au centre ; et
les centres transmettent par des nerfs leur action aux
muscles. La cause à laquelle on rapporte ces phéno-
mènes est appelée force nerveuse , et en un mot sen-
sibilité. Parmi les sensations, les unes sont extrêmement
obscures et vaguement aperçues2 : elles sont à peu près
répandues partout , mais surtout dans les membranes
muqueuses. Dans l’état de santé elles constituent un
sentiment général de bien-être ; quand elles sont exaltées
par quelques causes elles donnent lieu à une sensa-
tion morbide qu’on appelle douleur. Il n’est aucune
partie qui ne puisse être le siège de cette sensibilité
morbide. Les autres sensations sont distinctes et quel-
ques-unes tout-à-fait spéciales.
Quant à l’action nerveuse sur les muscles, elle en
dirige l’irritabilité; elle s’exerce aussi sur les vaisseaux,
surtout les plus petits.
Les actes intellectuels et moraux diffèrent tellement
des phénomènes organiques, qu’ils ne peuvent dépendre
de la même cause : ils seraient en effet aveugles et
nécessaires , au lieu d’être éclairés et libres. La physio-
1 Voyez Hebenstreitj^e Turgore vitali; Lipsiæ, 1795.
2 Voyez Hubner, de Coenæsthesi ; Halæ, 1794.
na
INTRODUCTION.
logie qui d’un côté se rencontre avec la physique ou la
philosophie naturelle , se rencontre ici avec la philo-
sophie morale ou la métaphysique.
§ 102. Les fonctions ne s’exercent point, ou si l’on
veut, les forces vitales n’entrent point en action spon-
tanément, mais par celle des stimulans ou excitans ;
soit les corps qui agissent sur les surfaces externe et
interne de notre corps , soit le sang qui pénètre dans
toutes les parties. Relativement à leurs effets, les sti-
mulans sont très-différens les uns des autres. Relative-
ment aux sujets sur lesquels ils agissent, leur variété
n’est pas moins grande, et dépend de l’âge, du sexe,
et surtout de la diversité des organes qui éprouvent
plus ou moins l’action du même agent.
Tout se tenant dans l’organisation, l’action d’un or-
gane n’est point isolée : ceux qui sont des centres in-
fluent sur tous ceux qui leur sont subordonnés. D’au-
tres entrent en fonction par association. Quelques-uns
exécutent, pour la suppléer , faction qui s’interrompt
dans un autre. Il n’en est pas un seul qui, étant excité
d’une manière extraordinaire, par un stimulus apro-
prié, n’influe plus ou moins sur l’organisme tout entier.
Du développement et des différences de V organisation.
§ io3. Chaque organe, chaque action, et par con-
séquent l’organisme tout entier présente des stades ou
des degrés de développement et de perfection. Une pre-
mière période est celle de la jeunesse , de l accroisse-
ment et du perfectionnement successif; une seconde ,
très-courte, est celle dans laquelle l’organisation de-
meure dans un état de maturité; une troisième enfin
DU CORPS HUMAIN.
1 1 3
est celle clans laquelle l’organisme s’altère progressi-
vement, et arrive naturellement à la mort et à la des-
truction.
§ 104. C’est au commencement de la vie que la res-
semblance entre les parties latérales est la plus grande.
Le cœur est alors vertical et médian, les lobes du foie
sont à peu près égaux, l’estomac est vertical, etc. Les
membres supérieurs et les inférieurs se ressemblent
tout-à-fait, au moment et peu de temps après leur ap-
parition. Les organes génitaux des deux sexes sont
d’abord semblables. C’est aussi au commencement de
la vie que les animaux se ressemblent le plus entre eux.
La grandeur relative des parties change avec l’âge ;
ainsi le système nerveux, les sens, le cœur, le foie,
les reins, etc., sont d’abord dans une très-grande pro-
portion avec le reste du corps, tandis qu’au contraire,
l’intestin, la rate, les organes génitaux, Les poumons,
les membres, etc., sont très-petits relativement au reste
du corps et aux autres organes. Cela joint à ce que
certaines parties disparaissent ou diminuent beaucoup
avec l’âge, constitue une espèce de métamorphose;
ainsi les membranes de l’œuf et le placenta, la mem-
brane pupillaire, les dents de lait, cessent d’exister;
et les capsules surrénales, le thymus, diminuent beau-
coup, et disparaissent presque tout-à-fait.
S io5. Les organes et les humeurs ne sont pas tou-
jours dans la même .proportion : au commencement,
l’embryon n’est qu’une molécule presque tout-à-fait
liquide; avec le temps la proportion des solides aug-
mente, elle augmente jusqu’à la fin. La couleur se
développe aussi graduellement; toutes les parties sont
8
i.
INTRODUCTION.
Il4
d’abord blanches; la coloration du sang et celle des
autres parties se fait peu à peu. Il n’y a d’abord point
de texture déterminée dans les organes : il n’y a même
pas de globules au commencement; plus tard, la masse
du corps tout entière paraît globuleuse ou granulée ;
ensuite les fibres, les lames, les vaisseaux deviennent
distincts. Tous les organes ne se développent pas à
la fois. Tous ceux du même genre ou système ne se
forment pas non plus ensemble. La forme extérieure
ou la configuration se dessine avant que la consistance,
la texture et la composition soient fixées ; car, ainsi
qu’on le voit dans le fruit de l’amande, qui a déjà sa
forme, et qui n’est encore qu’un liquide glaireux qui
acquerra successivement la consistance, la texture et
la composition qui lui sont propres, de même le sys-
tème nerveux, le système osseux, ont déjà en partie leur
configuration , alors qu’ils sont encore liquides. Le tissu
cellulaire et les vaisseaux perméables aux liquides di-
minuent depuis le commencement jusqu’à la fin de la
vie: c’est ce changement surtout, qui persiste après la
fin de l’accroissement , qui paraît constituer essentiel-
lement la période de la détérioration de l’organisme,
et de la vieillesse.
§ 106. Les organes se forment par parties isolées,
qui se réunissent ensuite. Ainsi la moelle nerveuse est
d’abord un double cordon; ainsi l’intestin et la cavité
du torse, d’abord ouverts par devant, se ferment en-
suite; il en est de même pour le canal rachidien. Les
vaisseaux sont d’abord des vésicules isolées, qui s’allon-
gent et se communiquent dans la masse du corps. Les
reins, d’abord multiples, s’agglomèrent ; les os, qui, à
DU CORPS HUMAIN.
Il5
i état cartilagineux, s’allongent par une sorte de végéta-
tion , s’ossifient plus tard, par parties séparées, qui se
réunissent, etc. Il reste dans certains endroits des traces
de cette formation , plus dans quelques - uns , dans
quelques autres moins ; ainsi les raphes de la peau ,
la suture médiane du frontal, la ligne médiane de
l’utérus, etc., sont des traces assez apparentes d’une
réunion de deux moitiés; au contraire, dans la partie
supérieure du sternum, dans le corps des vertèbres,
ces traces s’effacent ordinairement tout-à-fait.
§ 107. Toutes les phases par lesquelles passe l’or-
ganisme humain répondent à des états permanens
dans le règne animal. On pourrait ici accumuler les
preuves de cette importante proposition, en mettant
en parallèle le fœtus humain à divers degrés de déve-
loppement , avec les degrés de l’organisation de l’échelle
animale. Quelques exemples suffiront. L’embryon n’est
d’abord qu’un petit bourgeon ou germe placé sur une
vésicule ; tels sont quelques-uns des vers les plus sim-
ples. Plus tard c’est un petit corps vermiforme sans
membres et sans tête distincts : c’est le cas des an-
nelides; plus tard les membres sont égaux et la queue
est saillante : c’est le cas de la plupart des quadru-
pèdes. Dans le système nerveux , on voit d’abord ap-
paraître les nerfs avec leurs ganglions : c'est le cas de
tous les invertébrés pourvus de nerfs; plus tard, on
distingue la moelle vertébrale et crânienne, les tuber-
cules de cette dernière , et seulement encore des ru-
dimens de cervelet et de cerveau : c’est le cas des pois-
sons et des reptiles ; plus tard enfin ces dernières
parties s’accroissent beaucoup plus que les tubercules ,
INTRODUCTION.
I 16
et 1 encepliale est successivement celui des oiseaux
et des mammifères , jusqu’à ce qu’enfin, par la pré-
dominance des lobes cérébraux et cérébelleux sur
le reste, il devienne celui de l’homme lui- même.
On verrait, en suivant le développement des os,
d’abord mucilagineux , puis cartilagineux , puis os-
seux, et à cet état séparés d’abord en beaucoup
de pièces qui se soudent plus tard ; en comparant ce
développement avec l’état du système osseux dans la
lamproie , dans les poissons cartilagineux , et dans les
vertébrés ovipares en général , on verrait une autre
preuve de la proposition énoncée. Il en serait de
même enfin en passant en revue tous les genres et
tous les appareils d’organes.
§ 108. L’homme se distingue entre tous les animaux
par la grande rapidité avec laquelle il parcourt les
premières périodes de sa formation ou de son dé-
veloppement; aussi est-il difficile d’apercevoir en lui
ces premiers changemens. C’est un point d’anatomie
comparée de l’homme avec les animaux et de l’homme
avec lui-même, à ses différens âges, qui, déjà riche
d’un grand nombre de faits , se recommande par son
importance à l’observation des médecins qui pra-
tiquent l’art des accouchemens.
§ 109. Les phénomènes organiques suivent, comme
on le conçoit bien , le développement successif des
organes. 11 n’y a d’abord dans l’embryon qu’une ab-
sorption, et une assimilation presque immédiate de la
matière nutritive ; les vaisseaux deviennent ensuite
apparens , et c’est alors la circulation qui porte les
matériaux de la nutrition partout ; les sécrétions com-
DU CORPS HUMAIN.
“7
mencent ensuite à se faire, et le sang du fœtus, mis en
contact dans le placenta avec celui de la mère, en
éprouve une espèce de respiration branchiale. A la
naissance , la respiration de l’air et la digestion se joi-
gnent aux autres fonctions nutritives, et les fonctions
animales entrent en exercice ; et ici, comme dans l’en-
semble du règne animal , on voit les organes les der-
niers développés et leurs fonctions , tenir tout le reste
sous leur dépendance, et la vie résulter de l’enchaîne-
ment des actions organiques les unes avec les autres.
§ 1 1 o. L’organisation de l’homme présente dans les
deux sexes des différences 1 : outre celles qui existent
dans les organes de la génération , il y en a d’autres
dans la forme générale du corps , et dans la pro-
portion de ses parties. L’homme est en général plus
grand que la femme ; le poids total de son corps est
d’environ un tiers plus considérable. Les formes sont
plus arrondies dans la femme, plus rudes et plus sail-
lantes dans l’homme ; la femme a le tronc plus court
et les membres inférieurs plus longs , de manière que
le milieu de son corps se trouve chez elle plus bas
que chez l’homme ; elle a l’abdomen , et surtout le
bassin , plus larges relativement aux épaules et à la
poitrine, qui est courte et évasée. Les organes con-
tenus dans l’abdomen sont plus grands , et ceux de la
poitrine et du cou plus petits , en proportion du reste
du corps, dans la femme que dans l’homme; les os
et les muscles sont moins développés , le tissu adipeux
1 V oyez J. F. Ackermann. de discrimine sexuum prœter
genitalia. Mogunt. 1787. — Ejusd. historia et ichnogr. in~
f antis androgyni. Jenœ , i8o5.
INTRODUCTION.
I 18
l’est davantage ; la texture générale des parties est
plus molle et plus lâche; les poils sont moins forts et
moins nombreux. Quant aux organes génitaux , les
différences très-grandes qu’ils présentent ne détruisent
pas des analogies essentielles. Les caractères extérieurs
des sexes qui viennent d’être indiqués paraissent sur-
tout dépendre de l’existence et de l’action de l’ovaire
dans la femme, et du testicule dans l’homme. Dans
l’embryon , dont le sexe est douteux, il n’y a pas de
différences extérieures appréciables; dans le fœtus et
l’enfant, elles commencent à se dessiner à mesure que
les organes génitaux se perfectionnent ; c’est à la puberté
que les caractères sexuels s’établissent surtout , et
dans la vieillesse ils redeviennent moins tranchés. Le
défaut de développement complet des ovaires ou des
testicules , leurs altérations par des maladies , et leur
ablation, empêchent également les différences géné-
rales des sexes de s’établir, ou les effacent plus ou
moins complètement. On a cherché les causes de la
différence des sexes dans une prétendue prédomi-
nance du principe coagulant ou de l’oxigène dans le
male, et de la matière nutritive bydro-carbo-azotée
dans la femelle.
§ ni. L’espèce humaine présente des différences
d organisation héréditaires dans les races ou variétés 1
répandues sur le globe, et qu’on peut rapporter à cinq?
dont trois principales; savoir la caucasienne, la mon-
gole et l’éthiopienne, et les races malaie et américaine.
§ 1 12. La race caucasienne, à laquelle nous apparte-
nons, se fait remarquer par la beauté delà forme et des
' Voyez Blumenbach. Op. cil. — Lawrence. Op. cil.
DU CORPS HUMAIN.
ll9
proportions de la tête , dans laquelle le crâne l’emporte
de beaucoup sur la face; ce dont on se convaint par
la plus simple inspection cqpmie par l’application des
méthodes céphalométriques. Le crâne est arrondi et
élevé, la face est ovale, ses parties sont peu saillantes.
La coloration de la peau est généralement blanche et
rosée, celle des yeux est bleue ou brune, celle des
cheveux , en général nombreux , fins et longs , varie
du blanc au noir.
Cette race se fait particulièrement remarquer par le
développement de son intelligence , par la civilisation
et par la culture de la philosophie , des sciences et des
arts. Les races colorées, au contraire, l’emportent par
la perfection plus grande des sens.
§ 1 1 3. La race mongole se reconnaît à la force du tronc,
à la petitesse des membres, à la forme presque carrée
de la tête et à l’obliquité du front, à la largeur et à
l’aplatissement de la face, à la saillie des pommettes,
à l’écartement, à l’étroitesse et à l’obliquité des yeux;
la couleur de la peau est olivâtre ; les cheveux sont
droits, noirs et courts; la barbe est rare, et manque
quelquefois tout-à-fait.
§ ii 4- La race nègre a le tronc mince, surtout aux
lombes et au bassin ; les membres supérieurs sont
longs, surtout l’avant-bras; les mains sont petites, les
pieds grands et aplatis; le genou et le pied sont tournés
en dehors; la tête est étroite et allongée; la partie in-
férieure de la face est saillante; le nez est écrasé; les
dents antérieures sont obliques et les lèvres saillantes;
la peau , l’iris et les cheveux sont noirs : ceux-ci sont
crépus , et la barbe est peu épaisse.
1 20
INTRODUCTION.
§ il 5. La race américaine a des caractères anato-
miques moins tranchés, et semble intermédiaire à la
race caucasique et à la race nègre. La peau est d’un
rouge cuivré; les cheveux sont noirs, droits et fins, et
la barbe rare ou nulle.
§ ii 6. La race malaie est, comme la précédente, peu
distincte par des caractères tirés de l’anatomie : elle pa-
raît intermédiaire aux deux premières. Dans cette race,
la peau est brune ou basanée, et les cheveux épais et
frisés.
§ il 7. On a admis des variétés fabuleuses : il ne
doit pas en être question ici. Les albinos sont le résul-
tat d’une altération morbide. On trouve encore dans cha-
que race des sous-variétés plus ou moins tranchées. Dans
les divers pays souvent très-rapprochés , on observe en
général un caractère national, au moins dans la phy-
sionomie; mais aussi dans chaque race, dans chaque
nation , et même dans des divisions bien plus rétrécies,
on trouve quelquefois des individus très-différens des
autres; ainsi il n’est pas très-rare de trouver dans la
race nègre tous les caractères anatomiques et physio-
logiques de la race caucasique, excepté la couleur, et ré-
ciproquement. Les variétés d’ailleurs se confondent
par des gradations insensibles. Il ne faut donc consi-
dérer ces variétés dans l’espèce que comme des dif-
férences accidentelles, dont les causes, à la vérité, ne
sont pas faciles à déterminer : mais combien aussi dans
une pareille matière les observations sont-elles courtes,
et par conséquent imparfaites, pour déterminer les con-
ditions d’un phénomène à la production duquel la na-
ture n’a pas épargné le temps!
DU CORPS HUMAIN.
121
Des altérations de V organisation.
§ ii 8. Le corps humain n’arrive pas, à beaucoup
près, toujours au terme de son existence par un change-
ment progressif de l’organisation. Le plus souvent le
développement s’arrête, se dévie de l’ordre habituel,
ou bien l’organisation régulièrement développée s’al-
tère par l’action des agens extérieurs. Le corps , ainsi
altéré dans sa conformation, dans sa texture, dans sa
composition, est le sujet de l’anatomie morbide. Poul-
ie médecin cette anatomie est le complément nécessaire
de l’anatomie de l’homme sain : elle est à la pathologie
ce que l’anatomie ordinaire est à la physiologie; il n’y
a pas plus de pathologie sans anatomie morbide, que
de physiologie sans anatomie; il n’y a pas plus de phé-
nomènes morbides ou de symptômes sans organes al-
térés, que de fonctions sans organes réguliers, que de
phénomènes sans corps, que de mouvement sans ma-
tière. L’anatomie morbide est le fondement de la pa-
thologie.
§ 119. Les dérangemens de l’organisation peuvent
intéresser la conformation du corps en général ou de
quelques organes : cela constitue une première classe,
celle des vices de conformation. Les uns sont origi-
nels ou primitifs; d’autres sont secondaires ou acquis.
Ces derniers sont nombreux et très-différens les uns
des autres. Quant aux premiers, leur observation atten-
tive a contribué à faire découvrir une des lois les plus
importantes du développement de l’organisation. Ces
1 22
INTRODUCTION.
vices ne sont, en effet, essentiellement qu’un état per-
manent, dans un ou plusieurs organes, des stades ou
degrés par lesquels ils passent dans leur développement
successif. Ainsi, par exemple, les vices nombreux qui
consistent dans une fente ou un écartement plus ou
moins grand sur la ligne médiane, comme le bec-dè-
lièvre , la fente de la voûte ou du voile du palais ,
l’ouverture du sternum, du diaphragme, de la paroi
de l’abdomen , de la paroi antérieure de la vessie , des
pubis, de l’urètre , du périnée, le spina-bifida, le crâne
bifide, etc., sont l’état permanent d’une fente qui ne
devait être que temporaire.
La réunion des doigts entre eux, le prolongement
du coccyx, la persistance de la membrane pupillaire,
l’utérus bifide, le testicule dans l’abdomen, etc., ne sont
encore que des situations, des divisions , des réunions,
des existences d’organes, qui ne devaient être que tem-
poraires et qui sont restées permanentes. Il en est de
même des communications anormales des cavités du
cœur, de l’ouverture de la vessie à l’ombilic, de 1 exis-
tence d’un cloaque, de la hernie ombilicale congéni-
tale, etc.
Quelquefois, un de ces vices existant, le reste de
l’organisation se développe à peu près comme à 1 ordi-
naire; mais dans certains cas, une imperfection en en-
traîne nécessairement d’autres à sa suite , et en voici
un des exemples plus frappans : que le nerf olfactif et
Fethmoïde qui le contient s arrêtent dans leui déve-
loppement, les orbites et les yetix se confondront plus
ou moins intimement, et constitueront ce quon ap-
bu CORPS HUMAIN.
I 23
pelle un cyclope r. Il en est de même de plusieurs autres
vices.
Cette partie de l’anatomie pathologique, qui n’a guère
été regardée que comme un objet de curiosité , est au
contraire d’un très -grand intérêt pour le physiolo-
giste et pour le pathologiste.
§ 120. Les dérangemens de l’organisation peuvent
aussi consister dans une altération de la texture et de
la composition des organes.
Tels sont les effets et les produits de l’irritation, de
l’inflammation, et d’autres dérangemens moins connus
des sécrétions et de la nutrition. L’adhésion, en gé-
néral, et les différences qu elle présente dans les divers
organes divisés; le pus et les autres produits liquides
de l’inflammation ; les transformations d’un tissu en
un autre, analogue aux tissus sains; la dégénération
ou le changement d’un organe en une substance qui
n’a point d’analogue dans l’organisation régulière; les
concrétions molles ou dures qui se forment dans les
conduits et les réservoirs des follicules et des glandes,
et qui dépendent d’une altération du liquide sécrété ,
et de l’organe sécréteur, sont autant de genres très-
importans dans cette classe, dont l’étude n’est pas d’une
utilité contestable comme pourrait le paraître celle
des vices de conformation.
Il faut joindre à ces deux classes celle des vers in-
testinaux assez nombreux, et des animaux parasites qui
peuvent exister dans l’homme.
Voyez Béclard. Mémoire sur les fœtus acéphales.
124
INTRODUCTION.
De la mort et du cadavre.
§ 121. La mort 1 est la cessation totale et définitive
des fonctions de la vie , suivie bientôt après de la dis-
solution du corps. Elle est le résultat nécessaire et
inévitable des changemens successifs de l’organisme.
Rarement cependant elle est le dernier terme de la
vie, parvenue jusqu’à l’extrême vieillese; le plus sou-
vent elle arrive par des causes accidentelles.
La vie consistant essentiellement dans l’action ré-
ciproque de la circulation du sang et de l’innervation,
la mort résulte toujours de la cessation de cette action
réciproque. La mort sénile paraît résulter de l’affai-
blissement simultané de ces deux fonctions et de l’al-
tération simultanée de leurs organes, et la mort ac-
cidentelle ou morbide de l’altération primitive de l’un
des deux organes et de sa fonction. C’est toujours en
effet par l’interruption de 1 action nerveuse sur les or-
ganes de la circulation , ou par la cessation de 1 action
du sang sur le centre nerveux, que la mort est déter-
minée par . les accidens et les maladies. Mais le sang
peut cesser d’agir sur le système nerveux de manière
à entretenir la vie ; soit parce que le cœur ne l’y
pousse plus, et que les vaisseaux cessent effectivement
de l’y conduire ; soit parce que le sang n’est plus
soumis à la respiration ; soit parce qu’il n’est pas dé-
barrassé par les sécrétions et surtout par la dépu-
1 Voyez Bichat. Recherches, etc. — C. Himly. Commentatio
mords hisloriam , causas et signa sistens. Gotting. 1794*
DU CORPS HUMAIN.
12$
ration urinaire des principes nuisibles ; soit parce cpie
la digestion et l’absorption intestinale ne lui four-
nissent pas des matériaux nutritifs; soit enfin parce
que des substances délétères sont introduites du de-
hors dans la masse de ce liquide.
§ 122. Le cadavre 1 est un corps organisé mort; mais
ce terme s’entend particulièrement d’un animal, et
surtout de l’homme qui a cessé de vivre. Le corps où
l’action vitale a cessé est insensible, la chaleur et la
motilité s’y éteignent bientôt. Quelques instans en-
core on y peut observer des phénomènes particu-
liers , derniers vestiges de la vie qui vient de finir, et
qu’on appelle phénomènes cadavériques primitifs.
Mais le cadavre n’a qu’une durée éphémère. Cons-
tamment, à moins de quelques circonstances particu-
lières, la putréfaction s’en empare au bout d’un temps
assez court; ses élémens se dissocient, et les os seuls
subsistent encore quelque temps pour se détruire eux-
mêmes à leur tour. Quoique tous les cadavres soient
disposés aux altérations dont il s’agit , cependant ils
ne s’altèrent point tous en même temps et de la même
manière. L’âge, la constitution de l’individu, la pro-
portion de ses humeurs, le genre de la mort , les cir-
constances qui l’ont précédée, la saison, le climat,
l’état de l’atmosphère , les corps qui entourent le ca-
davre, etc., sont autant de circonstances qui influent
chacune à leur manière sur le développement des
phénomènes cadavériques ; chaque organe d’ailleurs
éprouve des altérations particulières. Voici les chan-
gemens les plus généraux.
Voyez Chaussier. Table des phénomènes cadavériques.
126
INTRODUCTION.
§ 1 23. La chaleur, de même que les autres phénomènes
dénutrition, diminue quelquefois dès ayant la mort,
et cesse peu de temps après. Le refroidissement se
fait graduellement, et commence par les surfaces et
les extrémités. Il s’opère d’autant plus vite que le sujet
est plus épuisé par la vieillesse ou la maladie , qu’il
est privé de sang, qu’il est maigre, et que l’atmos-
phère est plus froide : il peut alors s’opérer en deux
ou trois heures ; communément il demande quinze à
vingt heures ; il peut même exiger plusieurs jours. Le
sang est noirâtre , il conserve en général de la fluidité et
du mouvement tant que le cadavre est chaud; l’aorte
et les principales artères se vident ; il s’accumule en
général dans les veines caves , dans les oreillettes du
cœur et dans les vaisseaux des poumons, et même
dans les veines en général , ce qui dépend de l’élasticité
des artères et des bronches, et du mécanisme de la poi-
trine. Au reste, l’accumulation du sang dans les veines
varie suivant les causes de la mort : elle est très-
grande quand il y a eu dyspnée ou suffocation ; il en
résulte alors quelquefois des congestions , des turges-
cences , des érections, et même des transsudations
sanguinolentes. Le sang, obéissant à la pesanteur et à
l’action des artères, s’accumule et forme des lividités
dans les parties qui sont déclives au moment de la mort;
et, pendant que le corps est resté chaud, le reste du
corps est au contraire pâle et jaunâtre. Pendant toute
cette période de refroidissement, le corps est en gé-
néral flexible et mou, les yeux sont entrouverts, la
lèvre et la mâchoire inférieures pendantes , la pupille
dilatée; des congestions qui avaient existé pendant la
DU CORPS HUMAIN.
1 27
vie disparaissent quelquefois ; les sphincters sont relâ-
chés , et quelquefois la défécation et même l’accouche-
ment ont eu lieu par un dernier reste de contractilité.
Les muscles sont encore irritables par divers excitans,
et surtout par le galvanisme.
§ 124. Les parties molles restent flexibles, et le sang
fluide, tant que le cadavre conserve sa chaleur; aus-
sitôt qu’elle l’abandonne, le sang se coagule, et les
parties molles se roidissent d’une manière plus ou
moins marquée. La coagulation du sang varie beau-
coup; ordinairement il se forme des concrétions blan-
ches, ou de couleur éitrine, qui se moulent dans
les vaisseaux ; quelquefois le sang prend une consis-
tance de gelée, ou même reste tout-à-fait fluide. La
roideur cadavérique est un phénomèue constant, ca-
ractérisé par la fermeté que prennent les parties molles ,
et par la résistance et l’immobilité des articulations.
Elle commence par le tronc, et s’étend aux membres
supérieurs, puis aux inférieurs. Ce phénomène, qui
paraît dépendre essentiellement de la dernière con-
traction des muscles , et aussi du refroidissement
général et de la coagulation des liquides, présente de
grandes variétés, relativement à l’époque de sa mani-
festation, à son intensité, à sa durée. Ainsi dans la
mort sénile, dans la mort par un lent épuisement ou
par des fatigues excessives, après les maladies septiques,
gangréneuses, scorbutiques, etc., la roideur survient
très-promptement , est peu intense ,et dure à peine une
ou deux heures. Au contraire dans les sujets forts ,
musclés , qui meurent tout à coup d’une mort vio-
lente; après la plupart des asphyxies et des maladies
128
/
INTRODUCTION.
aiguës, la roideur 11e survient qu’au bout de vingt à
trente heures, devient très-considérable, et dure pen-
dant trois ou quatre jours. La roideur des parties molles
cesse ensuite d’elle-même, et dans le même ordre où
elle s était manifestée; elle est remplacée par une mol-
lesse qui augmente graduellement; les parties sont
abandonnées à leur pesanteur , elles se dirigent en con-
séquence, et s’affaissent sur elles-mêmes. Les liquides
qui étaient coagulés se liquéfient de nouveau , et leur
fluidité semble même augmenter. Ce sont les premiers
phénomènes de la décomposition putride.
§ 125. Dans quelques cas, et ordinairement après une
mort prompte et violente, il se fait un dégagement
rapide et considérable de gaz, soit dans le canal intes-
tinal , soit dans les cavités séreuses , dans le tissu cel-
lulaire, soit même dans les vaisseaux : il en résulte
divers autres phénomènes remarquables. La tympanite
de l’abdomen repoussant le diaphragme, fait souvent
sortir du mucus par la bouche ou par les narines, re-
foule le sang dans le cou et la tête : d’où le gonflement
de la face, l’éclat des yeux, le resserrement de la pu-
pille ; elle fait encore refluer par l’œsophage dans le pha-
rynx, dans le larynx, dans les fosses nasales ou dans la
bouche, les matières de l’estomac; elle détermine aussi
le reflux du sang vers les organes génitaux, l’excrétion
de gaz, de fèces, et quelquefois même la rupture de la
paroi abdominale. Le développement de gaz dans le
tissu cellulaire constitue l’emphysème cadavérique; son
dégagement dans le cœur et les vaisseaux détermine
le mouvement du sang et même sa sortie par des plaies,
phénomène que l’on appelle cruentation cadavérique.
DU CORPS HUMAIN.
I29
§ 126. La putréfaction est un mouvement intestin,
inverse de l’action organique, qui s’établit dans le cada-
vre, détruit toutes les combinaisons qui s’étaient for-
mées par l’action vitale, en sépare les molécules, les
ramène à un état plus simple de composition, les réduit
en gaz, en vapeurs, en putrilage, en terreau , et les rend
ainsi à la masse générale des corps inertes. Outre la ces-
sation de la vie , la putréfaction demande encore
comme conditions, le contact de l’air, et un certain
degré de chaleur et d’humidité. Le degré et la com-
binaison de ces conditions font beaucoup varier les
phénomènes de la décomposition.
§ 127. En général, elle commence dès que la coagu-
lation et la roideur cessent : dès lors les liquides commen-
cent à se résoudre, et les parties molles se relâchent et
s’amollissent graduellement. Le cadavre, qui exhale dès
le commencement une vapeur dont la déperdition di-
minue son poids, répand alors une odeur fade. Le
sans- et les autres humeurs transsudent à travers leurs
réservoirs, et imprègnent de leur couleur et de leur
odeur les parois et les parties environnantes : de là la
coloration des veines et du tissu cellulaire environnant
en rouge, les taches imprimées à l’estomac et aux in-
testins par le foie, la rate, la vésicule biliaire, les in-
filtrations séro-sanguinolentes dans le tissu cellulaire
et les membranes séreuses, leur coloration en rose, en
rouge, en brun, et la coloration des parois de l’abdo-
men en une teinte bleuâtre ou verdâtre. Les humeurs
de l'œil transsudent, d’où l’affaissement de la cornée,
et, en se mêlant avec les corpuscules qui voltigent dans
1 œil , forment un enduit terne.
1.
y
INTRODUCTION.
t3ü
Dans cette première période les muscles rougissent
le papier de tournesol.
§ 128. La putréfaction, qui , eu égard aux régions ,
commence en général par l’abdomen, à cause des ma-
tières excrémentitielles qui y sont accumulées; qui,
eu égard aux organes, commence par les plus mous
et les plus imprégnés de liquides, comme la masse en-
céphalique, et qui attaque aussi, en premier lieu, les
parties engorgées ou altérées par la maladie ou par le
genre de mort , devient bientôt générale. L’épiderme
se détache et est soulevé par des amas de sanie bru-
nâtre; les chairs, imbibées par les liquides, deviennent
gluantes, verdâtres, pulpeuses, ammoniacales; il se
dégage une odeur putride, nauséabonde.
§ 129. Enfin la texture disparaît tout-à-fait; les par-
ties molles, confondues avec les liquides,- se réduisent
en putrilage demi-fluide, mêlé de bulles de gaz, et
répandant l’odeur la plus infecte , et la vapeur la plus
pernicieuse. Il ne reste bientôt plus que les os, qui à
leur tour deviennent friables, pulvéruiens, et ne lais-
sent qu’un faible résidu terreux.
§ i3o. Lorsque les conditions de la putréfaction
sont favorables, comme après certaines maladies, et
dans des temps ou des lieux chauds et humides, elle
commence presqu’à l’instant de la mort, et parcourt
ses périodes avec la plus grande rapidité. Dans les cas
contraires elle est lente, et peut n’être complète qu’a-
près plusieurs années. Elle peut même être indéfin i-
méfit suspendue, ou très-modifiée dans ses phéno-
mènes. Ainsi, un cadavre enfermé dans la glace peut
s y conserver sans altération sensible, tant que durera
DU CORPS HUMAIN.
1,3 I
la congélation; ainsi, un corps désseché par une at-
mosphère très-chaude et sèche, comme celle des dé-
serts de l’Afrique, ou par une terre absorbante, comme
dans certains caveaux, ou par la chaleur du four ou de
l’étuve, ou par divers procédés chimiques, peut de-
venir a peu près imputrescible. De même, un corps
plongé et retenu dans l’eau, dans un terrain humide,
ou dans une terre saturée de produits cadavériques,
peut se transformer en gras , se saponifier, par l’action
réciproque de sa graisse et de l’ammoniaque qui ré-
sulte de la décomposition des chairs.
§ i3i. Le cadavre conservant encore, quelque temps
après la mort, à peu près l’organisation et la composi-
tion que le corps avait pendant la vie , il est le sujet sur
lequel on étudie l’anatomie. Cependant , comme il ar-
rive dès le moment de la mort des changemens qui vont
sans cesse en augmentant, il faut rectifier par 1 examen
des animaux vivans les idées que l’on pourrait se faite
en n'examinant que des corps privés de vie.
Tous les corps ne sont point également propres et
convenables à l’étude de 1 anatomie /Il ne faut point se
servir , pour faire des dissections longues et suivies, de
ceux qui ont succombé à des maladies septiques ou à
la fatigue, de ceux qui sont encore chauds, de ceux
dont la putréfaction a été prompte, pu est très-avancée,
ïl faut dans dans le* recherches an ^atomiques être d’une
extrême propreté. Si l’on se blesse en disséquant , et
surtout en disséquant un sujet impropre à l’étude de
l’anatomie, il faut sur-le-champ laver et cautériser la
blessure.
§ i3s. L’anatomiste considère dans chaque partie
1 3 2 INTRODUCTION. DU CORPS HUMAIN.
solide du corps, i° sa 'Configuration ou sa forme tant
extérieure qu’intérieure, si elle est creuse, et sa dis-
position symétrique ou irrégulière; 2° sa situation
dans le corps entier, et relativement aux autres parties,
ainsi que ses rapports de contact ou de liaison, plus ou
moins intime avec elles; 3° la direction de son grand
diamètre, qui peut être parallèle, oblique ou perpen-
diculaire à l’axe du corps; 4° son étendue métrique
ou relative au corps, ou à quelqu’une de ses parties;
5° ses propriétés physiques, soit relatives à l’attraction
de ses molécules, comme sa dentité, sa cohésion, son
élasticité, etc., soit relatives à la manière dont la lu-
mière l’affecte, comme la couleur, la diaphanéité, etc.;
6° sa composition anatomique et sa texture ou l'ar-
rangement de ses parties intégrantes; rj° ses propriétés
et sa composition chimiques; 8° les liquides ou hu-
meurs qu elle contient; 90 les propriétés dont elle jouit
pendant la vie; io° son action vitale et la liaison de
cette action avec les autres; n° les variétés quelle
présente dans les âges , les sexes, les races, et les in-
dividus; 12° ses états morbides; et i3° ses phénomènes
et ses altérations cadavériques. Quoique plusieurs de
ces considérations semblent appartenir à la physique,
à la chimie, à la physiologie, et à la pathologie, plu-
tôt qu’à l’anatomie, il n’en est aucune qui ne soit
propre à éclairer l’anatomiste, aucune qu’il doive né-
gliger.
ANATOMIE GENERALE.
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CHAPITRE PREMIER.
DES TISSUS CELLULAIRE ET ADIPEUX.
§ 1 33. On a généralement confondu ces deux tissus
sous le nom de tissu cellulaire; cependant ils sont
différens et doivent être décrits à part.
PREMIÈRE SECTION.
DU TISSU CELLULAIRE.
§ i34* Le tissu cellulaire a été ainsi nommé à cause
des aréoles qu’il forme et qu’on a, peut-être mal à pro-
pos, appelées cellules. C est un tissu mou, spongieux,
répandu dans tout le corps, qui entoure tous les or-
ganes, les unit et en même temps les sépare les uns
des autres, qui pénètre dans leur épaisseur et se com-
porte de la même manière à l’égard de toutes leurs
parties, et qui, entrant dans la composition de tous
les corps organisés et de tous les organes, est le prin-
cipal élément de l’organisation.
Suivant la manière dont on l a envisagé, on lui a
donné les nonis de substance, de corps, de système,
ANATOMIE GÉNÉRALE.
I 34
d’organe , de membrane , de tissu cribreux , mu-
queux, glutineux, intermédiaire, aréolaire, réticulé,
lamineux, filamenteux, etc. Le nom de tissu cellu-
laire ne lui convient peut-être pas mieux que les au-
tres, mais il est plus généralement adopté.
§ 1 35. Malgré 1 étendue et l’importance très-grandes
de ce tissu , qui ont dû frapper de bonne heure les ana-
tomistes , on n’en trouve point de description dans les
auteurs anciens. Hippocrate parle de la perméabilité
générale des tissus, lorsqu’il dit qu’il est manifeste
que tout le corps est perspirable tant au dehors qu’au
dedans : on a voulu trouver dans ce passage les pre-
mières notions de l’existence du tissu cellulaire. Ce
t
qu’Erasistrate appelait parenchyme correspond peut-
être à ce tissu. Mais il faut arriver jusqu’à Charles
Étienne, Vésale , Adrien Spigel , pour trouver quelques
notions exactes sur la disposition du tissu cellulaire :
encore ces anatomistes et un grand nombre de ceux
qui leur ont succédé , n’ont-ils indiqué le tissu cellu-
laire qu’à l’occasion des différentes parties où on le
rencontre, comme autour des vaisseaux, des muscles, de
la graisse, etc. Kaaw-Boerhaave, Bergen, Winslow ,
ont émis les premiers quelques idées générales sur la
continuité de ce tissu dans les différentes régions-;
mais ce n’est que depuis Haller, qu’il a été présenté
sotls son véritable point de vue. Le tissu cellulaire a
donné lieu à un grand nombre de traités. Schobingcr^
Thierry, G. H un ter , Bordeu, Fouquet, Wolll, Det-
ten, Lucæ, De Felici , s’en sont particulièrement oc-
cupés. Leurs ouvrages ont ajouté peu de chose a la
description donnée par Haller; mais plusieurs d entre
DU TISSU CELLULAIRE.
1 35
eux sont remarquables 1 par quelques idées plus ou
moins fondées sur la nature et les fonctions de ce tissu.
Tous les anatomistes, et surtout ceux qui se sont oc-
cupés d’anatomie générale, en ont parlé dans leurs
traités : Mascagni seul le nomme à peine. 11 n’existe
pas de bonnes figures du tissu cellulaire, et il est en
effet impossible de le représenter, parce qu il n’a ni
forme ni couleur déterminée; W olff a tenté de le faire ,
mais sans succès.
§ i36. Pour faciliter l’étude du tissu cellulaire, on
l'examine successivement dans deux portions, dont
l une est considérée comme indépendante des organes
et remplit seulement les vidés qu’ils laissent entre
eux, tandis que l’autre n’est relative qu’aux organes
quelle enveloppe, et dans la texture desquels elle
entre. Ces portions ne sont distinctes que par la pen-
1 Dav. Ch. Schobiuger. Detelœ cellulosœ in Jabricd cordo-
ns humain dignitate. Golt. 1748. — Fr. Thierry. Ergoin
eelluloso textu. frequentiiis morbi et morborum mutatipnes.
Paris. 1749, 1757, 1788. — W. Hanter. Remarks on lhe
cellular membrane etc. , in med. obs. and inq. vol. 11. Pond.
17^7< — Th. de Bordeu. Recherches sur le tissu muqueux
ou l’organe cellulaire, etc. Paris. 1767. — Fouquel, cl
Abadie. De corpore cribroso Hippocratis Monsp. 1774. —
C. ? . Wolf. De Lelâ quant dicunt cellulosa/n obscrvationcs , in
nova acta Acad. Sc. lmp. P e trop. Vol. vi, vu. vin, 1790,
J79*' — Detten. Beylrag , etc., c’esJ-à-dire , Supplément
a l’étude des fonctions du tissu cellulaire. Munster. 1800.
S. Ch. Lucæ. Annotationes circa telam cellulosa/n , in obs.
etrea nervos , etc. Franc, ad Mocn. 1810. — G. M. de Felici.
Ccnm di u/m nuova idca sulla nation de/ tessuto cellufarc.
Pa\ ia. 1817.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
I 36
sée, car le tissu cellulaire est partout continu à lui-
niéme.
§ 137. La première portion est le tissu cellulaire
extérieur, général ou commun, ( textus cellularis in -
terrnedius , seu laxus ), celui qui ne pénètre pas dans les
organes. Ce tissu cellulaire commun, a l’étendue et la
forme générale du corps ; il formerait, si l’on suppo-
sait que tous les autres organes fussent enlevés, et qu’il
pût se soutenir de lui -même, un tout conservant la
figure du corps, et offrant une multitude de loges poul-
ies différens organes. L’épaisseur de la couche qu il
forme autour de chacun d eux n’est pas la même par-
tout. Dans le canal vertébral , le tissu cellulaire est en
très-petite quantité* dans l’intérieur du crâne, ce tissu
forme une couche presque invisible, tant sa ténuité est
grande. On en trouve davantage à l’extérieur de ces
mêmes parties : il est surtout abondant autour de
l’épine, particulièrement en devant. A la tête, les dif-
férentes parties de la face, les orbites, les joues, en
contiennent une grande quantité. Il en existe beaucoup
également au cou, le long des vaisseaux et entre les
muscles ; dans la poitrine, entre les lames du médiastin,
et à l’extérieur de cette cavité, autour des mamelles.
L’abdomen renferme, soit dans son intérieur, soit dans
l’épaisseur de ses parois, une grande quantité de tissu
cellulaire. Aux membres , ce tissu est abondant dans
l’aine, dans l’aisselle, dans le creux du jarret, à la
paume des mains et à la plante des pieds ; il forme ,
entre les muscles, des couches plus ou moins épaisses.
En général, les organes les plus importans sont ceux
qu’entoure le plus de tissu cellulaire : ce tissu est aussi
DU TISSU CELLULAIRE.
plus abondant dans les endroits qui sont le siège de
grands mouvemens. En outre , comme il enveloppe tous
les organes, qu’il forme partout des cloisons qui les sépa-
rent, il doit y en avoir davantage , toutes choses égales
d’ailleurs, là où ces organes sont nombreux : c’est ce
qu’on voit au cou, par exemple.
§ i38. La continuité du tissu cellulaire est surtout
sensible dans les grands vides que les organes laissent
entre eux. Au cou, la continuation de ce tissu est ma-
nifeste avec celui de la tête par en haut , et avec celui
de l’intérieur de la poitrine, par en bas : les ouvertures
de cette cavité qui communiquent avec les membres
supérieurs, offrent également une continuité très-mar-
quée entre le tissu cellulaire de la poitrine et celui des
membres supérieurs. De même, dans l’abdomen,
l échancrure ischiatique, l’anneau inguinal, l’arcade cru-
rale, etc., présentent d’une manière évidente la conti-
nuité du tissu cellulaire de l’intérieur à l’extérieur du
ventre, et de là aux membres inférieurs. Le long du
canal vertébral , les trous intervertébraux établis-
sent une communication entre l’intérieur et l’extérieur
du canal ; les trous de la base du crâne font de même
communiquer cette cavité avec l’extérieur de la tête.
Au reste, la continuité du tissu cellulaire n’existe pas
seulement dans les endroits que nous venons d’indi-
quer; divers phénomènes, sur lesquels nous revien-
drons, 1 indiquent, en général , pour tous les vides qui
subsistent entre les organes; seulement elle est plus
marquée là où ces vides sont eux-mêmes très-prononcés.
On conçoit que la tonne arrondie des organes doit
rendre ces vides très-nombreux.
I
*38 ANATOMIE GÉNÉRALE.
§ i3q. L autre division du tissu cellulaire fournit a
chaque organe, en particulier, une enveloppe qui lui
est propre, et pénètre, en outre, dans son épaisseur;
cette disposition en a fait établir deux subdivisions. Le
tissu cellulaire qui constitue l’enveloppe des organes
( textus cellularis strictus ), a été considéré par Bordeu
comme une sorte d’ atmosphère qui borne leur action
et leurs phénomènes morbides , et les empêche de s’é-
tendre des uns aux autres. Cette idée , adoptée par
Bichat, me paraît peu fondée; la différence de leur
organisation est la seule cause de cet isolement que les
organes présentent dans leur action, ainsi que dans
leurs maladies. Quoi qu’il en soit, la couche cellulaire
qui entoure les organes varie en épaisseur : h part ceux
qui ont des enveloppes d’une autre nature , c’est-à-dire
de tissu ligamenteux, ou de tissu séreux, tous la pré-
sentent à un degré plus ou moins marqué. L’enveloppe
que représente cette couche se continue, d’une part,
avec le tissu cellulaire commun, et d’autre part, avec
celui qui occupe l’intérieur de l’organe. Suivant la
forme de celui-ci, son enveloppe celluleuse est diver-
sement disposée. La peau, les membranes muqueuses
et séreuses, les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et
les conduits excréteurs, qui n’ont qu’une de leurs laces
libre, ne sont en rapport avec le tissu cellulaire que
d’un côté : au contraire, les organes pleins, comme
les muscles, sont entourés de toutes parts parce tissu.
Sous la peau, le tissu cellulaire forme une couche gé-
néralement répandue, si ce n est aux endroits où s in-
sèrent des muscles ou des aponévroses. Ce tissu sous-
cutané est plus ou moins dense, suivant les régions :
DU TISSU CELLUAIRE. 1 3c)
il est plus serré clans tôute l’étendue de la ligne mé-
diane, excepté au cou, où cette ligne est peu prononcée.
Bordeu a exagéré cette disposition en disant qu’elle par-
tageait tout le corps en deux moitiés : il est évident qu’a
une certaine profondeur on n’en trouve plus de traces.
Dans les endroits où les mouvemens sont très-marqués,
le tissu cellulaire est plus lâche , comme on le voit aux
paupières, au prépuce, au scrotum, aux lèvres de la
vulve. Ce tissu est, au contraire, serré dans les régions
où la peau n’offre point de glissemens, comme à la
paume des mains et à la plante des pieds, au devant
du sternum, au dos, etc. Les membranes muqueuses
sont couvertes à leur face adhérente , par un tissu cel- -
lulaire très-dense, qu’on appelle communément mem-
brane nerveuse. Celui qui couvre la face adhérente
des membranes séreuses est, en général, floconneux.
Celui qui existe autour des canaux leur forme des
gaines particulières, importantes surtout pour les ar-
tères, mais qu’on trouve également autour des veines,
des troncs lymphatiques et des conduits excréteurs.
Autour des muscles, ce tissu forme une couche qu’on
appelle leur membrane commune.
§ i4o. La portion du tissu cellulaire qui pénètre
dans les organes , qui en accompagne et en enveloppe
toutes les parties ( teætus celliilciris stipatus ), se comporte
différemment dans les divers organes. Dans les mus-
cles, elle forme pour chaque faisceau une enveloppe, et
en fournit de plus petites pour les faisceaux secondaires
et pour les fibres qui composent ces derniers : le tissu
cellulaire «1 un muscle représente ainsi une suite de
canaux emboîtés , se continuant les uns avec les
l4° ANATOMIE GÉNÉRALE.
autres , de la même manière que les enveloppes pro-
pr es aux différens organes se continuent avec l’enve-
loppe générale du corps. Les glandes sont de même
entourées dans leurs lobes, leurs lobules et les grains
qui composent ces derniers, par des enveloppes cel-
lulaires successivement plus petites, et qui, isolées du
reste de la glande , formeraient une sorte d’éponge cel-
luleuse. Les organes composés de plusieurs couches
membraneuses, comme l’estomac, l’intestin , la vessie,
contiennent du tissu cellulaire entre leurs différentes
couches. Certains organes très-composés, comme les
poumons , ont autour de chacune des parties qui en-
trent dans leur structure, plus ou moins de tissu cel-
lulaire : la quantité de ce tissu est, en général, pro-
portionnée au nombre des parties différentes que
l’organe contient. A mesure que le ti§su cellulaire se
divise et se subdivise pour embrasser les parties les
plus fines des organes, il devient lui-même plus fin,
et son enveloppe plus mince : c’est ainsi que les arté-
rioles ont autour d’elles un tissu cellulaire plus fin que
celui qui entoure les grosses artères. Les enveloppes
formées par le tissu cellulaire sont, eti général, d’au-
tant plus épaisses que les parties exécutent plus de
mouvemens : voilà pourquoi ce tissu est plus abondant
dans les muscles que dans les glandes. Certains or-
ganes, comme les ligamens, les tendons, les os, les
cartilages, ne renferment point dans leur épaisseur de
tissu cellulaire libre et bien distinct. En général, pour
qu’il soit apparent, il laut que les organes présentent
des intervalles appréciables entre leurs parties compo-
santes : ainsi , les ligamens qui ont des fibres apparentés,
DU TISSU CELLULAIRE. l4l
présentent aussi du tissu cellulaire qui sépare ces fibres,
et on n’en remarque pas dans les autres.
§ 1 4 1 . Non -seulement le tissu cellulaire entre
dans la composition de tous les oragnes , mais en-
core il fait la base de tous ( textus cellularis orga -
nicus , seu parenchymalis ) , et compose à. lui seul plu-
sieurs d’entre eux ; c’est lui , ou , si l’on veut, la fibre
ou la substance qui le compose , qui constitue , seu-
lement avec des degrés divers de consistance , les
membranes séreuses, le derme, les vaisseaux, les tissus
ligamenteux, presque toutes les parties, en un mot,
à l’exception des nerfs et des muscles ; encore ceux-ci
ne diffèrent-ils du tissu cellulaire que par les globules
surajoutés à ce tissu. Les parties cornées et épidé-
dermiques seules , n’ont rien de commun avec le tissu
cellulaire. Haller et quelques autres anatomistes ont
rangé dans le tissu cellulaire les tissus spongieux ou
caverneux , et les vésicules aériennes des poumons ;
mais ces parties ont une disposition propre qui ne
permet pas de les confondre avec le tissu cellulaire.
Les cavités de la membrane hyaloïde, comprises éga-
lement par Haller dans le tissu qui nous occupe ,
doivent également en être distinguées.
§ 142. Les anatomistes sont peu d’accord sur la con-
lormation intérieure du tissu cellulaire. Les uns le
considèrent, avec Haller, comme ayant des cellules
distinctes , d’une forme et d’un volume déterminés ,
lormées par l’entrecroisement de lamines et de fila-
mens multipliés. Les autres, au contraire, tels que Bor-
deu,Wolff, M. Meckel , disent que ce tissu n’est qu’une
substance visqueuse , tenace, continue, dépourvue de
l4r2 ANATOMIE GENERALE.
lames et de cellules, et regardent celles-ci, quand elles
existent , comme le résultat des opérations faites pour
les démontrer. Voici ce que l’inspection apprend à ce
sujet.
Quand on examine à la loupe la tranche d’un muscle,
on reconnaît que les fibres ne se touchent pas, mais
sont séparées par une substance transparente; si l’on
écarte ces fibres, cette substance forme des filamens
qui se dessinent à mesure que I on tire, et qui finissent
par se rompre. Ceux qui regardent le tissu cellulaire
comme une sorte de glu font remarquer qu’il en serait
de même si ces fibres étaient séparées par de la colle.
Autour du muscle tout entier on trouve une lame
manifeste, qui prend de même, par la distention, la
forme des filamens ; en soufflant de l’air sous cette lame,
on la transforme en cellules irrégulières, séparées par
des espèces de cloisons. Il semblerait donc qu autour des
parties les plus petites, le tissu cellulaire est réelle-
ment une sorte de gelée, tandis que ses lames sont ap-
parentes autour des parties plus volumineuses. Si , au
lieu d’air, on y pousse de l’eau et qu’on la fasse con-
geler, on obtient des glaçons irréguliers, remplissant
les cellules; on arrive au même résultat quand on y
injecte une matière coagulable. Mais ces cellules ne
sont jamais régulièrement disposées, et n’ont point
une forme géométrique, comme on l’a dit ; leur figure
peut même varier lorsqu’on les reproduit à plusieurs
reprises dans le même endroit.
Il reste, comme on le voit, une grande incertitude
sur la question de savoir si les lames, les fibres et les
cellules sont préexistantes dans le tissu cellulaire, ou
DU TISSU CELLULAIRE.
r
l43
si elles ne dépendent que de son écartement. Doué
d’une organisation assez distincte là où son épaisseur
est considérable, ce tissu semble inorganique dans les
endroits où il est plus mince, et paraît même comme
diffluent entre les fibres les plus petites des muscles.
En admettant l’existence des cellules, doit-on les re-
garder comme fermées de toutes parts, et ne commu-
niquant. ensemble qu’après la rupture de leurs parois,
ou bien comme des cellules percées de porosités, ou-
vertes dans les cellules voisines, ou enfin comme des
aréoles, des vides ouverts de tous côtés, comme des
espaces irréguliers qui subsistent entre les fibres et les
lames du tissu cellulaire? Cette dernière opinion pa-
raît la plus probable. Mais ces aréoles sont, dans l’état
ordinaire, d’une petitesse extrême, microscopiques,
à parois contiguës, et l’ampliation quelles éprouvent
par l’infiltration , l’insufflation , etc. , les altérant beau-
coup, les déchirant, ne peut en donner une idée
exacte.
§ i43. Au reste, le tissu cellulaire se comporte ab
solument comme s’il était spongieux; les liquides et
les gaz le pénètrent avec la plus grande facilité. En
effet, i° la sérosité, dans l’hydropisie de ce tissu, se
répand toujours dans les parties les plus déclives, ou
dans celles qui offrent le moins de résistance; la si-
tuation du malade influe sur la place qu’elle occupe;
les pressions extérieures la déplacent également; une
seule incision suffit souvent pour lui donner issue ;
20 l’eau que l’on pousse dans les injections artificielles
se répand de la même manière, de proche en proche,
à travers le tissu cellulaire; 3° l’air infiltré dans l’enu
ANATOMIE GÉNÉRALE.
i44
physème, celui qu’on introduit artificiellement, pré-
sentent le même phénomène; 4° le sang des ecchy-
moses s infiltre de même au loin dans le tissu cellu-
laire , et sé dissémine de plus en plus. Tout cela dé-
montre une communication générale entre les aréoles:
ceux qui n’admettent pas celles-ci expliquent ces faits
par le peu de consistance du tissu cellulaire. Soit que
les aréoles, les fibres et les lames du tissu cellulaire
N
soient inhérens à ce tissu, ou ne soient que les effets
des divers agens de distension, toujours est -il qu’il
présente sous ce rapport des variétés notables. Dans
certains endroits il est principalement filamenteux ou
fibrilleux ; dans d’autres il est surtout lamineux ou
lamelleux , comme aux paupières, au prépuce, au scro-
tum, aux lèvres de la vulve, et entre les muscles très-
mobiles; il forme des aréoles d autant plus grandes,
qu’il est lamelleux et lâche , et ces larges aréoles sem-
blent être les premiers rudimens des cavités séreuses.
§ 144. Le tissu cellulaire est incolore lorsqu’il est
en lames minces ; il paraît blanchâtre quand son épais-
seur est plus grande, et surtout lorsqu’il est distendu ;
il est demi-transparent. Sa force de cohésiou varie :
c’est simplement celle d’un liquide légèrement vis-
queux dans quelques endroits, comme entre les fibrilles
musculaires; dans d’autres, sa résistance est presque
égale à celle du tissu fibreux. Ce tissu est très-exten-
sible et très -rétractile, comme on le voir lorsqu’on
l insuffle, et qu’on y pratique ensuite une incision : il
revient alors fortement sur lui-même, et chasse 1 air
qui le distendait. Ses propriétés chimiques ont été
étudiées avec soin par Bicliat. Privé d’eau par la des-
DU TISSU CELLULAIRE. l45
siccalion, il perd une partie de ses qualités physiques,
et en acquiert de nouvelles; dans cet état, il est hygro-
métrique et susceptible de reprendre son premier as-
pect quand on le met dans l’eau : cela lui est commun
avec presque tous les tissus organiques. Exposé à la
chaleur nue, il se dessèche rapidement, se crispe, et
finit par brûler, comme tous les autres tissus, mais en
laissant tres-peu de cendres. Il résiste beaucoup à la
décoction, et ne se fond qu’après une ébullition long-
temps prolongée. Sa putréfaction et très-lente : il faut
une macération de plusieurs mois , même lorsqu’on
a soin de ne pas renouveler l’eau, pour que la décom-
position de ce tissu s’opère; il se convertit à la longue
en une substance visqueuse ressemblant à du muci-
lage, et fournit divers produits qui viennent à la sur-
face du liquide. Fourcroy l’a trouvé composé de gé-
latine; John y a rencontré, en outre, une petite
quantité de fibrine, du phosphate et du carbonate de
chaux.
§ i45. La nature intime du tissu cellulaire a donné
lieu à un grand nombre d’hypothèses. Ruyscli suppose
ce tissu entièrement vasculaire; Mascagni, qui en parle
à peine, dit qu’il est composé de vaisseaux blancs;
Fontana, de cylindres tortueux : d’autres le regardent
comme un épanouissement des nerfs. La seule base
que l’on doive y admettre est la fibre ou substance
cellulaire, § 68, 85. Il est parcouru par un grand nom-
bre de vaisseaux , et surtout de vaisseaux séreux; mais
on ne doit pas le regarder comme en étant entière-
ment formé , car c’est lui qui, en définitive, forme les
parois des derniers vaisseaux. Le tissu cellulaire a des
l4f) ANATOMIE GÉNÉRALE.
canaux ou des cavités qui lui sont propres : ce sont les
petits vides ou aréoles dont il est creusé, ou que les
liquidés y creusent à mesure qu’ils y sont déposés, et
qui par leur communication en forment un corps
spongieux et perméable. Presque tous ceux qui se
sont beaucoup occupés d’injections, comme Haller,
Albinus, Procliaska, l’ont rangé parmi les parties solides
ou non injectables; c’est-à-dire qu’il est hors du trajet
circulatoire des vaisseaux. Le sang peut néanmoins
passer dans ses canaux ou cavités propres, mais alors il
y a inflammation. Les nerfs paraissent de meme ne
point s’arrêter, ou se terminer, dans le tissu cellulaire.
Ce tissu forme une véritable substance à part, tra-
versée dans tous les sens par des vaisseaux sanguins
et des nerfs, et dans laquelle seulement les premiers
laissent un liquide.
§ i4C. Il est, en effet, continuellement baigné et
humecté d’une liqueur très-ténue qui l’imbibe, et dont
la quantité est à peine sensible; aussi se sert-on du
mot vapeur pour désigner ce fluide. Si l’on fait une
incision dans le tissu cellulaire sur un animal vivant,
ce liquide mouille les doigts introduits dans la plaie:
par un temps froid, une vapeur s’élève des tissus di-
visés, condensée et-rendue visible par l’air extérieur;
elle provient tout à la fois du tissu cellulaire et des
vaisseaux blancs. Dans l’anasarque, le liquide du tissu
cellulaire, accumulé et peut-être altéré, ressemble
beaucoup à la sérosité des hydropiques; il est coagu-
làble comihè cette dernière, et paraît contenir de même
une certaine quantité d’albumine, de 1 eau , et quel-
ques sels.
DU TISSU CELLULAIRE.
i47
§ 147. Le tissu cellulaire est la première partie formée
dans l'embryon : on le rencontre aussi dans les ani-
maux les plus inférieurs. D’abord liquide et très-abon-
dant, ce tissu diminue de proportion à mesure que
les organes se développent , et acquiert en même temps
de la consistance. A la naissance, il est encore prcsqiie
1
diffluent dans les intervalles des muscles, et très-mou
au-dessous de la peau. Sa densité devient de plus en
plus grande chez le vieillard : il est presque fibreux à
un âge avancé, dans des parties où il était très-mou
chez l’enfant. Le tissu cellulaire est plus lâche et plus
abo n d an t chez la fe m m e q u e chez 1 ho m me. B1 u m enbach
donne pour caractère de l'organisation île l’homme,
comparée à celle des autres animaux, de présenter un
tissu cellulaire plus mou , et pour ainsi dire plus
tendre ; ce qui rend , chez lui , les mouvemens plus
faciles.
§ i48. La force de formation du tissu cellulaire est
très-développée : il est la première partie formée; il
s’accroît accidentellement, se forme de toutes pièces,
se reproduit, quand il a été détruit, avec la plus grande
promptitude, comme on le voit dans les plaies, les
adhérences, les végétations, etc. Il jouit d’une force de
contraction dépendante, en partie, de 1 élasticité dont
il est doué, et en partie de l’irritabilité. Cette dernière
force reçoit ici le nom de contractilité fibriltaire, sta-
a '
minale, de tonicité : elle se manifeste par les mouve-
mens des liquides que ce tissu contient ordinairement
ou accidentellement, par le resserrement général ou
local qu’il éprouve dans divers cas; il n’est pas bien
évident que la force nerveuse influe sur ses eontrac-
1 4$ ANATOMIE GÉNÉRALE.
lions, ou les détermine. Il, n’<est point sensible hors
l’état d’inflammation.
§ i49* Les usages et les fonctions du tissu cellulaire,
sont tres-importans ; c est lui qui détermine la forme
de toutes les parties. Il est l’unique lien servant à les
unir entre elles; de sa cohésion dépend celle de tous
les autres tissus. Par son élasticité il facilite les mou-
vemens , et rétablit les organes dans l’état où ils étaient
avant le déplacement, quand ces mouvemens cessent
d’avoir lieu ; aussi ces derniers s’exercent-ils d’autant
plus facilement, que le tissu cellulaire jouit mieux de
ses propriétés.
Il est le siège d’une sécrétion prespiratoire très-abon-
dante , à raison de son étendue. Le liquide que les ar-
térioles y laissent échapper, y éprouve-t-il une sorte
de circulation, ou du moins de mouvement de trans-
lation? On l’ignore tout-à-fait. Ce n’est que dans des
cas d’accumulation morbide qu’on voit le liquide in-
filtré changer de place, en obéissant à la pesanteur, à
la pression, etc. On a supposé, mais sans aucun fon-
dement solide, que ce liquide y était dans une agitation
continuelle , dont le diaphragme serait le principal
moteur par son abaissement et son élévation alternatifs;
qu’il y avait des courans dans diverses directions; et
que, par exemple, il était la voie secrète par laquelle les
boissons «passent pour aller de l’estomac à la vessie,
supposition démentie par toutes les observations exac-
tes; qu’il était la voie des métastases, etc. Quoi qu’il en
soit, le liquide est repris ensuite par les vaisseaux, de
sorte que ce tissu est intermédiaire entre une perspira-
tion et une résorption. La contraction tonique du tissu
DU TISSU CELLULAIRE. 1 2J9
cellulaire est l’agent qui pousse la sérosité de ce tissu
dans les vaisseaux.
Le tissu cellulaire est en effet l’organe essentiel de
l’absorption ; c’est lui qui forme le corps muqueux de
la peau , la substance spongieuse des villosités des mem-
branes muqueuses, parties qui absorbent, et d’où les
substances absorbées passent dans les vaisseaux. Avant
d’être introduites dans les vaisseaux, les substances
absorbées par ce tissu cellulaire, qu’on peut appeler
extérieur ou superficiel, par opposition à tout le reste,
éprouvent sans doute des changemens ou élaborations.
De même que les matières étrangères, avant d’entrer
dans les vaisseaux , doivent traverser le tissu cellulaire ,
organe de l’absorption , de même aussi celles qui sor-
tent des vaisseaux traversent le tissu cellulaire t or-
gane de sécrétion, avant d’être déposées sur les sur-
faces où elles sont versées.
Le tissu cellulaire qui enveloppe chaque organe en
particulier, a été considéré comme lui formant une
atmosphère isolante, qui circonscrirait ses actions, soit
hygides, soit morbides : l’observation dément souvent
cette assertion, et quand le fait est vr^i, c’est dans la
texture particulière de l’organe et dans la variété des
agens qu’il faut en chercher l’explication, et non dans
cette prétendue atmosphère.
Le tissu cellulaire qui pénètre dans l’épaisseur des
organes en réunit toutes les parties.
Quant au tissu cellulaire organique ou parenchy*
■ # H
mal, il forme la base ou l'élément essentiel de chaque
organe, et y présente des variétés notables. Dans 1 hy-
pothèse la plus raisonnable sur le siège de la nutrition ,
ANATOMIE GENERALE.
i5o
on a admis' que la matière nutritive est déposée hors
des vaisseaux, dans la substance cellulaire, qui fait la
base des organes, pour leur être assimilée ; et qu’il est
ainsi l’organe essentiel de la nutrition. Quoi qu’il, en
soit, au reste, des usages hypothétiques attribués au
tissu cellulaire, il en a incontestablement dé très-im-
portans dans l’organisme.
§ i5o. Les pliénomènes du tissu cellulaire, soit en
santé , soit en maladie, sont liés à ceux des autres parties.
Ainsi, les lésions organiques du cœur, et les déran-
gemens de la respiration et de la perspiration pulmo-
naire, y déterminent souvent une accumulation de
sérosité. La même chose a lieu dans les altérations des
diverses sécrétions, et surtout de la transpiration cu-
tanée. Ses inflammations déterminent ordinairement
la fièvre. L’inflammation suppurative que l’on y pro-
voque par les sétons et les autres fonticules, fai t sou-
vent cesser les inflammations des autres organes.
§ i5i. Le tissu cellulaire est sujet à diverses altéra-
tions morbides. Lorsqu’il est entamé et mis à décou-
vert, il s’enflamme, se couvre de bourgeons charnus ,
suppure, et enfin se recouvre d’une cicatrice ou nou-
velle peau, qui sera décrite plus loin. (^Chap. III.)
Lorsqu’il est divisé et remis en contact avec lui-
même, il s’agglutine d’abord au moyen d’un liquide
versé par les surfaces divisées quand le saignement et
la douleur ont cessé. Plus tard, cette substance orga-
nisable devient un tissu très-vasculaire : alors on ne
peut plus séparer les lèvres de la plaie sans produire
de la douleur et renouveler l’écoulement du sang. Ce
nouveau tissu reste pendant long-temps plus compacte,
DU TISSU CELLULAIRE.
l;> I
plus ferme et plus vasculaire que le tissu cellulaire qu’il
réunit, et avec lequel il Finit par se confondre.
C’est par une production semblable que s’opèrent
toutes les réunions de parties divisées, avec des niodi?
ficalions relatives à chaque tissu, et qui seront exami-
nées en leur lieu.
C’est encore de la meme manière que s’établissent les
adhérences entre les surfaces contiguës des membranes
séreuses et tégumentaires , adhérences qui seront dé-
crites à l’occasion de ces membranes. ( Chap. Il, III.)
Le tissu cellulaire est susceptible d’un accroissement
extraordinaire : il pousse quelquefois des espèces de
végétations ou d’exubérances vasculaires, lorsqu’il est
dénudé. La reproduction de ce tissu est aussi, en géné-
ral, d’autant plus facile, qu’il en reste une plus grande
quantité dans la partie où il a été lésé; il semble que
cette reproduction dépende, en grande partie, /le
l’extension du tissu cellulaire préexistant.
L’inflammation du tissu cellulaire, ou le phlegmon,
est caractérisée par divers changemens qu’éprouve ce
tissu. Le premier de ces changemens est un accroisse-
ment de vascularité très -marqué Le tissu cellulaire
enflammé devient, en outre, sensible et douloureux.
Il perd entièrement sa perméabilité ; les liquides ces-
sent de pouvoir le traverser; sa consistance aug-
mente, et sa ténacité diminue : il se déchire, se
rompt par la pression, au lieu de s’allonger, comme
il faisait auparavant. Cette sorte de fragilité qu’acquiert
le tissu cellulaire rend raison de certains phénomènes;
elle explique pourquoi la ligature d’un vaisseau dé-
termine souvent la section des tissus environnans ,
I 5'2
ANATOMIE GENERALE.
pourquoi , à la suite des péritonites , il est quelquefois
si facile de séparer l’intestin de la tunique que lui forme
le péritoine. L’inflammation du tissu cellulaire peut
se terminer d’une manière insensible, et alors ce tissu
reprend peu à peu toutes ses propriétés : c’est ce qu’on
voit dans la terminaison dite par résolution. Dans d’au-
tres cas-, le tissu cellulaire sécrète un liquide parti-
culier, qui porte le nom de pus, et qui sera décrit
plus loin, ce qui constitue la terminaison par sup-
puration. Ce liquide se rassemble ordinairement dans
un point déterminé, qui s’étend progressivement à
la circonférence, tant que la sécrétion persiste. Celle-
ci est du genre des sécrétions perspiratoires ; le pus est
fourni directement par le sang, et offre même, dans
sa composion, quelque analogie avec ce fluide. Pour
peu que la maladie ait une marche lente, les parois de
l’abcès sont tapissées par une membrane. Cette mem-
brane est doublée , à l’extérieur , par une couche plus
ou moins épaisse de tissu cellulaire compacte. Cette
couche est moins marquée, et la membrane est presque
exactement isolée, quand la maladie dure depuis un
certain temps , le tissu cellulaire ayant repris ses pro-
priétés autour d’elle. Les abcès sont le siège d’une
sécrétion et d’une résorption continuelles; l’absorption
entière du pus qu’ils contiennent, et les effets que la
présence de ce fluide produit quelquefois dans l’éco-
nomie en sont la preuve. Le pus formé dans l’intérieur
des abcès finit le plus souvent par arriver à l’extérieur.
L’abcès se vide, les parois se resserrent, restent quel-
que temps endurcies, et finissent par reprendre les
caractères du tissu cellulaire. Quand la sécrétion et
DU TISSU CELLULAIRE.
I 53
l’écoulement du pus persistent, le canal qui fait com-
muniquer l’abcès au dehors , et qui porte le nom de
sinus ou fistule, se revêt d’une membrane distincte,
offrant les caractères des membranes muqueuses, et
dont l’histoire appartient à celle de ces membrames.
Après certaines inflammations gangréneuses, le tissu
cellulaire devient tellement serré par la perte de sub-
stance qu’il a éprouvée, que la peau, les muscles, les
aponévroses, sont confondues : mais dans ce cas, si
l’individu est jeune et robuste, le tissu cellulaire peut
se reproduire et reprendre toutes ses propriétés.
L’inflammation du tissu cellulaire persiste quelquefois
indéfiniment, de sorte que ce tissu reste dur et imper-
méable; cela constitue l’induration. Cet état existe dans
les callosités des ulcères et des fistules, qui sont évi-
demment le résultat d’une inflammation chronique du
tissu cellulaire. La maladie des Barbades, l’une des va-
riétés de l’éléphantiasis, offre de même, les caractères
de l’induration.
Les enfans nouveau-nés sont sujets à un endurcis-
sement du tissu cellulaire, dans lequel on ne trouve
point le caractère inflammatoire : cet endurcissement
s observe au-dessous de la peau, et quelquefois dans
les intervalles des muscles. Ce n’est du reste , comme
les observations de M. Breschet l’ont appris, qu’un
phénomène secondaire de la persistance du trou inter-
auriculaire du cœur, et du défaut ou de l’imperfection
de la respiration.
De 1 air peut s’infiltrer dans le tissu cellulaire, ce
qui constitue l’emphysème. Quand le malade ne suc-
combe pas à cet accident, l’air épanché s’échappe par
ANATOMIE GÉNÉRALE.
i54
les incisions que l’on pratique ou par les plaies qui
peuvent exister, ou bien cet air ce combine avec les
fluides contenus dans le tissu cellulaire , et disparaît
par absorption. La leucophlegmatie ou l’anasarque,
consiste dans une accumulation de sérosité dans le
tissu cellulaire. Dans les ecchymoses , le tissu cellulaire
contient du sang disséminé dans ses aréoles. Tous les
liquides organiques peuvent s’infiltrer accidentellement
dans ce tissu, dans lequel ils produisent des inflamma-
tions plus ou moins vives , lorsqu’ils sont de nature
exerémentilielle.
Les corps étrangers solides, introduits dans le tissu
cellulaire, ne restent pas en général long-temps à
la même place, mais sont ordinairement, comme le
pus, portés à la surface, et, s’ils sont pesans, obéissent
aussi en partie aux lois de la pesanteur. 11 est évi-
dent que ce n’est pas en traversant de prétendues
cellules, que ces corps cheminent ainsi à travers le
tissu cellulaire. Celui-ci présente, autour deux, trois
phénomènes distincts : il sécrété du pus à leur surface ,
se réunit et reprend sa mollesse et sa perméabilité der-
rière eux, et s’ulcère au devant. On trouve donc là
réunis trois des genres d’inflammation admis par
J. Hunter, savoir, l’inflammation adhésive, suppura-
tive et ulcérative; l’ensemble de ces phénomènes a reçu
le nom d’inflammation éliminatoire. Il peut arriver que
les corps étrangers séjournent dans le tissu cellulaire,
soit à cause de leur pesanteur spécifique peu considé-
rable, soit par la densité du tissu environnant : une
membrane se forme alors autour deux.
Le tissu cellulaire contient dans quelques
circons-
DU TISSU CELLULAIRE. l55
tances des corps étrangers animés on des vers : le
cysticercus celluloses, ainsi nommé à cause de son siège
dans le tissu cellulaire, la filaria medinensis ou dra-
gonneau, dont l’existence ne saurait être révoquée en
doute, y ont été rencontrés; on y a trouvé, dans les
animaux, des larves d ’œstrus.
Le tissu cellulaire peut éprouver diverses transfor-
mations. Les transformations séreuse, fibreuse , osseuse,
cartilagineuse, qui se développent dans le tissu cellu-
laire, seront décrites avec les tissus naturels auxquels
elles appartiennent.
Les kystes, dont le tissu cellulaire est le siège, seront
de même examinés à l’article des membranes séreuses
et tégumentaires , avec lesquelles ils ont une grande
analogie.
O
Quand un organe vient à disparaître accidentelle-
ment, on le dit transformé en tissu cellulaire : cela
n’est peut-être pas parfaitement exact; le tissu cellu-
laire, dans ce cas, ne fait que prendre la place de l’or-
gane atrophié, qui auparavant le maintenait écarté.
Les dégénérations diverses peuvent être regardées
comme appartenant spécialement, au tissu cellulaire :
c est ce tissu qui paraît en être la base, car ces dégé-
nérations se ressemblent partout. Cependant, comme
elles sont communes à tous les organes, je renvoie leur
histoire après celle de tous les autres tissus. Au reste,
le tissu cellulaire, là où il est libre dans les interstices
des organes, est affecté de ces dégénérations, comme
dans les endroits où il fait partie des organes eux-mêmes.
J56 ANATOMIE GÉNÉRALE.
\ . 1 f
SECONDE SECTION.
r
DU TISSU ADIPEUX.
§ i5 2. Le tissu adipeux, ainsi nommé à cause de la
graisse ( adeps ) qu’il contient, résulte de la réunion
de vésicules très - petites , microscopiques, entassées,
grouppées en plus ou moins grand nombre, réunies
entre elles par du tissu cellulaire lamineux, et servant
de réservoir à la graisse. On en distingue deux sortes :
l’une est le tissu adipeux commun, ou le tissu grais-
seux proprement dit ; l’autre est ftf tissu adipeux ou
médullaire des os.
ARTICLE PREMIER.
DU TISSU ADIPEUX COMMUN.
§ i53. Il a été désigné sous les noms de tissu cellu-
laire graisseux, de membrane graisseuse, toile, tu-
nique, vésicules adipeuses, etc. ; on l’a encore nommé
panniculè graisseux, parce qu’il forme une couche im-
médiatement située au-dessous de la peau.
§ i54. Ce tissu a été confondu pendant long-temps
avec le tissu cellulaire, que l’on disait contenir tantôt
de la sérosité, tantôt de la graisse, et former, dans ce
dernier cas, le tissu graisseux. Malpighi a, l’un des
premiers, élevé des doutes à ce sujet, et a vu la graisse
, former des espèces de grains appendus aux vaisseaux
sanguins. Swammerdam a vu de même, que la graisse
DU TISSU ADIPEUX.
i57
est une huile liquide renfermée dans des membranules.
Morgagni a également reconnu que la graisse contient
des grains qu’il compare à ceux des glandes; Bergen a
distingué, l’iin des premiers, deux espèces de tissu
cellulaire, dont l’un, qu’il appelle lamineux , corres-
pond au tissu graisseux. W. Hunter a donné les carac-
tères distinctifs de ce tissu , caractères qui ont été
ensuite reconnus et plus ou moins exactement déter-
minés par Jansen , Wolff, M. Chaussier, Prochaska,
Gordon, Mascagni, moi, etc. Haller nie l’existence de
ce tissu , et n’admet que les aréoles du tissu cellulaire ,
comme parties contenantes de la gfaisse ; son opinion a
été adoptée par Bichat, par M. Meckel, etc. ; mais nous
verrons plus bas que cette opinion est peu fondée. Le
tissu graisseux a été décrit avec soin dans plusieurs
ouvrages T, et figuré dans quelques-uns 2.
§ 1 55. Le tissu adipeux a des formes diverses, sui-
vant les endroits où on l’examine. Sous la peau , il
forme une couche plus ou moins épaisse, et généra-
lement répandue. Il représente des masses arrondies
dans l’orbite, dans l’épaisseur des joues, dans l’inté-
rieur du bassin , au devant du pubis, autour des reins, etc.
Ces masses sont pyriformes, pédiculées, au bord libre
de l’épiploon, dans les appendices épiploïques de l’in-
testin et au niveau des ouvertures que l’on trouve à
l’extérieur du péritoine. Dans l’épiploon, la graisse est
1 M. Malpighi, De omento , pinguedine , etc., in ejusd.
ope?\ ornn. et posth. — Bergen, op. cit. — W. Hunter. op.
cit. — Wolff. op. cit. — W. X. Jansen. Pinguedinis animalis
ronsideratio physiologica et pathologica. Lugd. bat. 1784.
* Mascagni. Prodromo délia grande anotomia%
1 58
ANATOMIE GÉNÉRALE.
disposée sous la lorme de réseaux ou de rtihans qui
suivent le trajet des vaisseaux.
§ i56. Quoique la graisse ne soit pas aussi univer-
sellement répandue que le tissu cellulaire , on la trouve
pourtant dans beaucoup d’endroits.
Le canal vertébral en renferme une petite quantité
en dehors de la dure-mère. A la tête, il en existe beau-
coup , surtout à la face, dans les échancrures paroti-
diennes, aux joues, etc. Le cou en présente davantage
en arrière qu’en avant. A la poitrine, l’extérieur et
l’intérieur de cette cavité en offrent une quantité no-
table, tant aux environs du cœur qu’entre les muscles
pectoraux et autour des mamelles. La graisse de l’ab-
domen est principalement située à l’extérieur des reins,
dans le bassin, dans l’épaisseur du mésentère, de l’épi-
ploon et des appendices épiploïques. Aux membres, la
graisse est plus abondante au niveau des articulations,
dans le sens de la flexion, ainsi que dans les endroits
qui sont exposés à des pressions habituelles, comme
la fesse, la plante du pied.
Le tissu graisseux se comporte différemment, relati-
vement à chaque organe en particulier. Celui qui est
aü-dessous de la peau existe constamment, à moins
d’une maigreur extrême, et se prolonge dans les aréoles
du derme. On n’en trouve point au-dessous des mem-
branes muqueuses. Les membranes séreuses et sy-
noviales sont doublées, au contraire, par ce tissu,
particulièrement dans F épaisseur de leurs replis. Le
tissu adipeux qui entoure les muscles, pénètre égale-
ment dans l’épaisseur de ceux qui sont divisés en lais
ceaux distincts, comme le grand fessier, etc. Dans les
DU TISSU ADIPEUX.
*&9
glandes tabulées, on en distingue dans l'intervalle des
lobes. La gaîne des vaisseaux en renferme en general
tort peu. Les nerfs volumineux, comme le nerf ischia-
tique, en contiennent de petits amas entre leurs fibres.
Les ligamens fascicules en offrent de semblables entre
leurs faisceaux. Enfin , dans les os, la graisse est con-
sidérée à part.
§ 157. La graisse manque entièrement dans certai-
nes parties , comme sous la peau du crâne, du nez, de
l’oreille, du menton, où la ligne médiane en est entiè-
rement privée; il en existe de même fort peu entre la
peau et le pea acier. On n’en trouve presque point vis-
à-vis l’insertion du deltoïde, ce qui fait que cette partie
reste toujours enfoncée, même chez les sujets les plus
gras. Ce fluide manque également autour des tendons
longs et grêles, et dans les intervalles des muscles qui
exécutent de grands mouvemens, comme entre le triceps
et le droit antérieur de la cuisse, le biceps et le bra-
chial antérieur, les jumeaux et le soléaire. L’épaisseur des
/
viscères est le plus souvent dépourvue de graisse : il n’y
en a point dans les parois de l’estomac, de l’utérus, dans
la rate, le foie. Les paupières, le pénis, les petites lèvres
de la vulve, en sont également privés. Au reste,
la quantité de graisse qui existe dans le corps, varie
beaucoup; mais il y a des parties qui n’ien contiennent
jamais, même dans l’embonpoint le plus considérable,
et d’autres dans lesquelles le marasme le plus com-
plet ne la fait jamais entièrement disparaître. Chez
un homme adulte et d’un embonpoint ordinaire, la
graisse forme environ la vingtième partie du poids du
corps.
I
i6o ANATOMIE GENERALE.
§ i58. Le tissu graisseux est, en général, d’une
couleur blanc -jaunâtre, et d’une consistance molle,
mais variable, suivant les régions du corps, suivant,
l’âge, etc.
§ 1 59. Quelle que soit la forme extérieure du tissu adi-
peux, les masses qu’il représente se divisent en masses
plus petites , du volume d’un pois à celui d’une noisette ,
plus petites à la tête , plus grosse autour des reins.
Ces masses sont plongées dans le tissu cellulaire ; leur
forme varie; en général obronde, elle est allongée,
ovoïde sur la ligne médiane de l’abdomen, l’une des
extrémités tenant à la peau, et l’autre à l’aponévrose.
On peut les réduire par la dissection en lobules ou
grains adipeux, qui, examinés au microscope, parais-
sent eux-mêmes composés d’une infinité de petites vé-
sicules d’un huit centième à un six centième de pouce
de diamètre. On peut donc regarder le tissu graisseux
comme composé de vésicules agglomérées, réunies en
grains , qui sont rassemblés à leur tour pour former
des masses. Il résulte de ces dispositions que la struc-
ture de ce tissu n’est point aréolaire, mais qu elle res-
semble plutôt à celle des fruits de la famille des hes-
péridées, comme les oranges, les citrons, qui offrent
de même , et d’une manière visible , des vésicules
membraneuses, attachées à des cloisons qui les sé-
parent. Les vésicules graisseuses , ainsi que les grains
et les masses qu’elles forment, sont pourvues d’un
petit pédicule qui leur est fourni par les vaisseaux
logés dans leurs intervalles , et peuvent être compa-
rées, sous ce rapport, à des grains de raisin suppor-
tés par leurs pédicelles. Au reste, ces vésicules sont
DU TISSU ADIPEUX.
l6*I
tellement minces, qu’il est impossible de distinguer
leurs parois : mais il existe des preuves bien certaines
de leur existence. En effet, si la graisse était libre, elle
ne formerait pas des masses régulières et distinctes.
C’est à tort que Haller et plusieurs autres ont prétendu
que cette forme était inhérente à la graisse, car celle-ci
ne présente pas des gobules et n’a , par elle-même, au-
cune figure déterminée. Si l’on place sous le micros-
cope quelques - unes de ces vésicules plongées dans
l’eau tiède, on ne voit pas d’huile à leur surface; mais
en les entamant, il s’en échappe aussitôt quelques
gouttes qui surnagent sur le liquide. Ajoutez à ces con-
sidérations , que la graisse étant fluide sur le vivant ,
comme le prouve son écoulement lorsqu’on divise les
tissus, elle devrait s’infiltrer comme la sérosité, sinon
dans l’état de santé, au moins dans l’état de maladie;
or, cela n’a point lieu, et tout ce qu’on a dit de l’infil-
tration de la graisse pour expliquer la conformation
des mamelles pendantes de certaines peuplades, des
fesses saillantes de certaines autres, des bosses dorsales
de quelques animaux, de la queue volumineuse de
quelques autres, etc., ne présente qu’une réunion de
faits contradictoires et de raisonnemens absurdes.
Roose et Blumenbach ont allégué contre l’existence
des vésicules, le développement de la graisse dans des
parties où ces petits appareils n’existent pas; ils en con-
cluent que ceux-ci ne^ont pas nécessaires à la produc-
tion de ce fluide : la graisse se produit en effet dans le
tissu cellulaire, mais elle s’y forme des vésicules, au
heu d’être simplement contenue dans des aréoles ou-
vertes.
1 1
i.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
i6a
§ 160. Le tissu cellulaire qui existe entre les vésicules
adipeuses est très-fin, comme il l’est en général entre
les parties les plus ténues de nos organes : ces vési-
cules semblent à peine tenir les unes aux autres, on
les écarte sans éprouver de résistance. Le tissu cellu-
laire devient plus distinct entre les grains, et très-appa-
rent entre les masses adispeusés; celles-ci sont même
séparées dans quelques endroits par des lames fibreuses
très-résistantes, comme on le voit à la plante des pieds,
et qui ont pour usage de donner une grande élasticité
à la graisse. Dans d’autres endroits les masses adi-
peuses sont réunies, et soutenues par des lames cellu-
laires fermes, comme au crâne, au dos, etc.; dans d’au très,
par un tissu lâche, comme à l’aisselle, à l’aine, etc.
Du reste, pour bien voir le tissu cellulaire intermé-
diaire aux lobes graisseux , il faut l’examiner sur des
cadavres affectés danasarque ou d’emphysème : on
se convainc aussi par cet examen, que la graisse n’est
point libre dans les aréoles du tissu cellulaire; car
quelque étendues, quelque profondes que soient ces
infiltrations , elles peuvent bien écarter, disséquer
pour ainsi dire les grains adipeux, mais jamais la
graisse 11 est mêlée avec le! fluide infiltré.
.Les vaisseaux sanguins du tissu graisseux sont fa-
ciles à injecter. Qn les voit, aussi parfaitement en exa-
minant des parties où le sang resté fluide s est porté
naturellement après la mort. Ces vaisseaux sont plus
apparens chez les sujets peu avancés en âge, les lo-
bules graisseux étant plus distincts. Leurs divisions et
subdivisions finissent par arriver jusqu’aux vésicules
microscopiques elles- mêmes. Malpighi avait cru ces
DU TISSU ADIPEUX.
l63
vaisseaux surmontés d’un appareil sécrétoire et d’un
canal qui s’abouchait dans le réservoir de la graisse;
il a reconnu lui-meme, plus tard, que cette disposi-
tion n existe pas. Les vaisseaux ahsorbans des vésicules
sont moins connus que les artères et les veines. Mas-
eaoni il est vrai , les dit composées d’une couche in-
térieure de vaisseaux lymphatiques , et d’une couche
extérieure de vaisseaux sanguins; mais il ne rapporte
aucun fait à l’appui de cette opinion. On ne sait pas
s’il y a des nerfs dans ces vésicules.
Quand la graisse n’existe pas, les vésicules manquent
également; elles disparaissent quand ce fluide cesse
d’exister dans une partie. Hunter dit pourtant qu’on
peut les distinguer même vides; mais je ne pense pas .
qu’il en soit ainsi : elles se confondent, quand elles
disparaissent, avec l’élément cellulaire.
§ 161. La graisse humaine, extraite du tissu graisseux
qui la renferme, et purifiée par le lavage, la fusion et
la filtration, a les propriétés générales des huiles fixes.
Elle est inodore, d’une saveur douce et fade; sa cou-
leur jaunâtre est due à un principe colorant, soluble
dans l’eau, et enlevé par le lavage. Elle est moins
pesante que l’eau; son degré de fusibilité varie suivant
sa composition : en général elle est fluide à la tem-
pérature du corps, et même au-dessous, et quelque-
fois beaucoup au-dessous, comme à i5° par exemple;
elle est insoluble dans l’eau, peu soluble dans l’alcohol
froid; elle n’est point acide; l’acide que Grell y admettait
est un résultat de la distillation, opération dans la-
quelle la graisse fournit en effet dès acides carbonique,
acétique et sébaciquc, et plusieurs autres produits de
ANATOMIE GÉNÉRALE.
l64
la réaction de ses élémens. Elle se convertit par l’action
des bases alcalines énergiques, en principe doux, et
en acides rnargarique et oléique, Par son exposition à
1 air et à la lumière elle se rancit : il y a production d’un
acide volatil, d’une odeur forte.
La composition élémentaire de quelques graisses a
été examinée par MM. Bérard et Th. de Saussure; c’est
une combinaison en proportions dilférentes, suivant
les animaux, de carbone, d’hydrogène et d’oxygène:
celle de la graisse humaine n’a pas été déterminée.
Avant les travaux de M. Ghevreul 1 les graisses pas-
saient pour des principes immédiats. Il a fait voir qu’elles
sont essentiellement formées de deux matériaux or-
ganiques : la stéarine, fusible à 5o° environ, et l’élaïne,
encore liquide à zéro : c’est de leur proportion que ré-
sulte le degré de fusibilité de chaque sorte de graisse.
On sépare ces deux matériaux immédiats, l’un de l’autre,
en traitant la graisse par l’alcohol bouillant,* par le re-
froidissement, la plus grande partie de la stéarine se
précipite avec un peu d’élaïne, celle-ci reste en solution
dans l’alcohol avec un peu de stéarine. On peut encore
les séparer par la congélation, qui fait d’abord figer
la stéarine avec un peu d’élaïne. On peut aussi les
isoler par l’absorption du papier non collé, qui enlève
l’élaïne, et laisse sa surface la stéarine.
§ 162. La graisse du tissu adipeux n’est pas la seule
matière grasse que l’on rencontre dans l’organisation ani-
male, et dans celle de l’homme en particulier. On trouve
1 Annales de Chimie, tom. XCIV. - — Ann. de Chim. et
de phys. , tom. II et VII. i
DU TISSU ADIPEUX.
1 65
dans le sang une matière grasse cristallisable. Malpighi,
Haller, et d’autres, avaient déjà cru que de la graisse
libre circulait avec le sang : c’est une erreur, du moins
je ne l’ai jamais vu; mais M. Chevreul a récemment
trouvé dans le sang une matière grasse qui y est en solu-
tion , par l’intermède des autres matériaux de cette hu-
meur. Le beurre est encore une matière grasse, colo~
rée et odorante, en solution dans le lait. Il y a égale-
ment dans la substance nerveuse une matière grasse
cristallisable, analogue à celle du sang. Enfin, dans des
cas maladifs, et dans des altérations cadavériques, on
trouve encore d’autres matières grasses dans le corps
humain.
§ i63 . Le tissu adipeux présente quelques différences
dans les animaux ; il existe chez le plus grand nombre :
on le trouve dans les articulés, les mollusques et les ver-
tébrés. Dans ces derniers, la graisse présente divers
degrés de consistance, de coloration, etc., elle est
très- fluide dans les poissons et les cétacés: la tête du
physeter macrocephalus contient une huile liquide ,
dans laquelle on trouve une matière grasse concrète;
c est le hlanc de baleine ou la eétine. Elle est molle
dans le porc , où elle forme le saindoux, ferme dans les
ruminanSjpù elle est appelée suif, etc. Le volume des
vésicules adipeuses n’est pas le même chez tous les
animaux : suivant les observations de Wolff, elles aug-
mentent successivement de grosseur dans la poule,
loie, 1 homme, le bœuf et le porc. La graisse s’accu-
mule aussi dans des régions différentes, dans 'Vli vers
animaux, comme sur le dos des chameaux, dans la
queue de quelques moutons, etc. Dans l’espèce humaine
ANATOMIE GÉNÉRALE.
I 66
même , la tribu des Bosjesmans est remarquable par
la saillie graisseuse des fesses chez les femmes : on en
a vu un exemple récent dans la Venus Hottentote.
§ i64 Les dilférens degrés de l’embonpoint établis-
sent des différences très-grandes dans la quantité de la
graisse. Elle forme, dans l’obésité, depuis la moitié
jusqu’aux quatre cinquièmes du poids total du corps.
Au contraire, dans la maigreur extrême, la graisse
n’existe que dans quelques endroits. Les femmes pos-
sèdent en général plus de graisse que les hommes.
Suivant lage, il existe sous ce rapport des particu-
larités assez remarquables. Le fœtus est entièrement
dépourvu de graisse jusqu’à mi-terme. Depuis cette
époque jusqu’à la naissance, la graisse s’accumule suc-
cessivement dans les diverses parties. Elle n’existe d’a-
bord que sous la peau, et s’y produit par grains isolés,
qui en rendent l’étude très-facile à cet âge. A la nais-
sance, on en trouve déjà une grande quantité sous les
tégumens, dans l’épaisseur des joues; lepiploon en
offre quelques grains isolés. La quantité de la graisse
augmente à mesure que l’accroissement a lieu ; elle finit
par occuper les interstices musculaires, mais ce n’est
que fort tard qu’elle se produit autour des viscères.
L’âge mûr, ou l’époque à laquelle l’accroissement est
terminé, est aussi celle de l’obésité: on observe quel-
quefois celle-ci chez les enfans, mais cela est beaucoup
plus rare. Dans la vieillesse , la quantité de la graisse
diminue, principalement au-dessous de la peau : ce
fluide existe alors spécialement à l’intérieur, comme
autour du copur, dans les cavités médullaires des os, etc.
§ i65. Les propriétés et les fonctions du tissu grais-
DU TISSU ADIPEUX.
167
seux n’ont rapport qu’à la sécrétion de la graisse. Cette
sécrétion ne s’opère point dans des glandes ni dans des
conduits particuliers : Heister et Fanton ont des pre-
miers élevé des doutes sur l’existence de ces glandes,
dont beaucoup d’auteurs ont parlé depuis 1 erreur de
Malpighi à ce sujet. La sécrétion de la graisse est une
sécrétion perspiratoire, et c’est à tort que Riegel 1 a
voulu faire revivre la supposition des conduits grais-
seux, en même temps qu’une hypothèse sur l’usage des
capsules surrénales : suivant cet auteur, en effet, la
graisse qui entoure les reins et leur bassinet , se for-
merait dans ces capsules, d’où elle serait transportée
par des conduits particuliers, qu’à la vérité il dit n’avoir
pu injecter. La graisse résulte- 1- elle immédiatement
* de l’action organique des vaisseaux qui la déposent dans
les vésicules adipeuses? ou bien est - elle déjà formée
dans le sang en circulation ? ou bien enfin a-t-elle en-
core une origine plus éloignée? Mr. Ev. Home 2 en
fixe l’origine dans l’intestin ; il pense qu elle est comme
le chyle un produit de la digestion, et qu’elle est ab-
sorbée par le gros intestin. Cette opinion repose, entre
autres faits, sur l’existence de la graisse ou du. jaune de
l’œuf dans l’intestin des vertébrés ovipares, à l’état de
fœtus ou de larve, et sur quelques faits morbides qui
ne sont pas très-concluans.
S 166. La graisse est reprise continuellement par les
vaisseaux absorbans; l’action de ces vaisseaux est démon-
trée par sa diminution de quantité dans plusieurs cir-
' De mn gland nia mm sr/perrenalium in anirn. ncc non
de origine adi])is disq. anat. philos. Hafniæ, 1790.
’ Philosoplnçal transactions , Ann. ,
ANATOMIE GÉNÉRALE.
168
constances. Cette action est en équilibre avec la sécré-
tion , lorsque la quantité de la graisse reste la même. L’ex-
halation et l’absorption de la graisse sont quelquefois
très-rapides, comme le montrent plusieurs faits. Les
enfans qui ont maigri à la suite des maladies, repren-
nent souvent en peu de jours tout leur embonpoint.
Les animaux que l’on affame, comme les porcs, en-
graissent ensuite très- promptement. Certains oiseaux
s’engraissent, dit-on , par un temps humide, en moins
de vingt -quatre heures. L’amaigrissement ne s’opère
pas moins promptement dans beaucoup de cas. Les
circonstances les plus favorables à la sécrétion de la
graisse, sont le repos absolu des organes animaux et
intellectuels, et la castration. On réunit souvent ces di-
verses causes lorsqu’on veut engraisser les animaux ;
elles produisent le même effet quand elles existent chez
l'homme. Les saignées habituelles, les alimens doux
et amylacés , sont encore regardés comme favorisant
la production de la graisse. 11 y a en outre des circons-
tances inconnues qui paraissent agir de la même ma-
nière, car on observe des cas d’embonpoint extraordi-
naire, dont il est assez difficile de se rendre compte.
Les causes qui accélèrent la résorption de la graisse
sont en général les circonstances opposées à celles
dont nous venons de parler, et de plus , les sécrétions
abondantes, les maladies organiques, et en particulier
celles des organes des fonctions nutritives.
§ 167. On a attribué à la graisse beaucoup d usages
hypothétiques. Ceux dont elle jouit réellement sont lo-
caux et généraux. En effet la graisse a , d une part , des
usages purement mécaniques ou de position, comme
DU TISSU ADIPEUX. ifr)
de modérer la pression , à la plante des pieds dans la
station, aux fesses dans l’attitude assise, de remplir
les vides conjointement avee le tissu cellulaire, et de
rendre par là les formes arrondies : aussi ces formes
sont-elles plus marquées chez les femmes et chez les
enfans, qui ont en général plus de graisse. On a dit
que la graisse servait à garantir du froid , parce que ce
fluide est mauvais conducteur du calorique et que les
animaux qui habitent dans les climats froids, en ont
une couche épaisse sous les tégumens : en admettant
qu’il en soit ainsi, ce n’est du moins pas la surface de
la peau dont la graisse pourrait conserver la chaleur.
On a prétendu sans fondement qu’elle diminuait l’ac-
tion nerveuse et l’action des muscles, c’est-à-dire la
sensibilité et l’énergie musculaire : on a dans ce cas
pris la cause pour l’effet. On a pensé que la graisse
servait à assouplir les fibres. Fourcroy, considérant
que ce fluide contient un excès d’hydrogène , le
croyait destiné à rendre la substance nutritive plus
azotée, en la privant d’une partie de son hydrogène.
Plusieurs auteurs, et Bichat lui-même n’est pas fort
éloigné de cette opinion, ont pensé que la graisse pou-
vait servir à huiler la peau par une sorte de transsu-
dation à travers ses pores : les follicules sébacés sont
aujourd’hui trop bien connus pour que l’on puisse
adopter cette idée. Les usages généraux de la graisse
sont relatifs à la nutrition. La matière nutritive, avant
d être assimilée, passe successivement par divers états:
la graisse est une des formes qu elle revêt. De plus, ce
fluide peut être considéré comme un aliment en ré-
serve. G est ce dont on voit divers exemples chez les
ANATOMIE GÉNÉRALE.
1
animaux. Les insectes, par exemple , se nourrissent
de leur graisse avant d être insectes parfaits , et présen-
tent le même phénomène peu de temps avant leur
mort. Cela est encore plus marqué dans les animaux
hybernans, qui dorment pendant l’hiver et ne vivent
que de leur graisse jusqu’à leur réveil, époque à la-
quelle ils sont très-maigres. Les fœtus des ovipares se
nourrissent de la graisse qui forme en grande propor-
tion le jaune de l’œuf.
§ 168. Le tissu adipeux et la graisse, outre les variétés
dont il a été question, présentent quelques altérations
morbides.
Quand le tissu graisseux est divisé, des gouttelettes
d'huile s’en échappent, et si les lèvres de la plaie sont
maintenues rapprochées , la réunion a lieu prompte-
ment; mais la graisse ne reparaît dans l’endroit de la
réunion, que quand le tissu cellulaire nouveau a cessé
d’être compacte. Le tissu graisseux dénudé s’enflamme,
la graisse est résorbée ; puis il se recouvre d’une couche
de matière organisable, qui devient la base de la cica-
trice, ou nouvelle peau, qui se forme au-dessus de la
graisse.
Ce tissu, et la graisse qu il renferme, s’amassent quel-
quefois en très - grande quantité, comme on le voit
dans l’obésité ou polysarcie. On a vu des individus,
dans cet état, peser de cinq à six cents, et meme jusqu a
huit cents livres. Quand l’obésité est locale ou bornée
à un seul point du corps, elle prend le nom de lipome ' .
’ Voyez Th. Ch. Bigot. Dissert, sur les tumeurs graisseu
ses extérieures au péritoine, etc. Paris, 1821.
DU TISSU ADIPEUX.
1 7*
Cette affection peut avoir presque partout son siège :
cependant ôn l’observe le plus souvent au-dessous des
té<niniens et en dehors des membranes séreuses. Les
tumeurs de ce genre situées au-dessous de la peau ont
été mal à propos confondues avec les tumeurs enkys-
tées. Leur forme est obronde; lorsqu’elles sont très-vo-
lumineuses elles soulèvent et entraînent la peau, et
sont alors pédiculées ou pyriformes : on en a vu peser
de quarante à cinquante livres. A l’extérieur des
membranes séreuses , leur figure est ordinairement
ovoïde : une de leurs extrémités tient à la membrane,
l’autre se rapproche de la peau; à l’extérieur du péri-
toine, cette tumeur constitue la hernie graisseuse, ou
le liparocèle. Le lipome a une structure analogue à
celle de la graisse : suivant Monro, les vésicules y ont
le même volume que dans cette dernière, et sont seu-
lement plus nombreuses. Une enveloppe celluleuse,
semblable ci celle qui entoure les muscles, quelque-
fois d’une densité qui la rapproche des membranes
fibreuses et des kystes, existe le plus communément
autour de la tumeur. Cette membrane contient des
vaisseaux assez apparens. Les lipomes extérieurs au
péritoine offrent quelquefois l’aspect .de l’épiploon
quand on les déploie : en général pourtant ces tumeurs
renferment beaucoup moins de vaisseaux que d’autres
tumeurs du même volume.
Les auteurs ont parlé de transformations graisseuses
des muscles. Voici ce qu’un certain nombre d’observa-
tions m a appris à ce sujet. Les muscles deviennent
souvent tout- à -fait blancs dans les paralysies; leurs
fibres diminuent en même temps de volume, et comme
anatomie générale.
*7 2
•Jr
cette altération s’observe surtout chez les vieillards
dans lesquels la graisse est plus abondante à l’intérieur,
et que le repos de la partie augmente encore la quan-
tité de ce fluide, il en résulte un aspect graisseux des
muscles, qui en a imposé pour une vraie transforma-
tion graisseuse. Mais on trouve dans ces muscles la
fibrine qui leur est propre, lorsqu'on les soumet à
l’action de l’alcohol, à l’action d’un papier absorbant,
lorsqu’on les fait cuire dans l’eau, ou lorsqu’on les expose
à un feu nu. Il y a donc seulement décoloration , et non
transformation graisseuse des muscles. M. Vauquelin
et M. Chévreul ont obtenu les mêmes résultats dans
les analyses qu’ils ont' faites de ces muscles. La trans-
formation graisseuse n’existe pas davantage dans les
os : seulement la moelle , qui en occupe l’intérieur,
peut devenir très - abondante. Le foie est quelquefois
le siège d’une transformation graisseuse, qui n’a pas
été suffisamment examinée.
Les inflammations qui surviennent dans des régions
où le tissu adipeux est très -abondant ont une ten-
dance particulière à se terminer par gangrène. Cette
observation, que l’on a faite depuis long-temps sur les
animaux très-gras, tels que les cochons, les moutons,
quand ils éprouvent des piqûres, est aussi exacte chez
l’homme, dans lequel les blessures et les infiltrations ,
surtout urinaires ou stercorales, dans le tissu graisseux
sont suivies de gangrènes très-étendues. La très-petite
proportion des parties vivantes que renferme le tissu
adipeux peut rendre raison de ces phénomènes. On
voit quelque chose d analogue dans les hernies épiploï-
ques : quand on laisse à l’extérieur des niasses consi-
DU TISSU ADIPEUX.
'73
durables d épiploon, il arrive alors que cet organe se
pourrit à sa surface ; il en découle une huile abon-
dante, et lorsqu’une fois son volume est par là con-
sidérablement diminué , il ne reste plus qu’un cham-
pignon rouge et très- vasculaire, formé par le tissu
cellulaire intermédiaire à la graisse, et par le déve-
loppement des vaisseaux.
Dans un cas d’hépatite, le docteur Traill, de Liver-
pool, a trouvé dans le sérum du sang extrait par la sai-
gnée une quantité notable d’huile, environ deux parties
et demie sur cent de sérum. Les kystes de l’ovaire con-
tiennent assez souvent de la graisse avec des poils et
quelquefois des dents, mais l’altération est alors très-
composée : ce n’est pas ici le lieu de la décrire. Les
calculs biliaires sont quelquefois formés d’une matière
grasse nommée cholestérine . Les matières stercorales
contiennent également quelquefois des substances
grasses, soit mêlées avec leurs principes, soit en masses
isolées. L’ambre gris est une matière grasse, qui paraît
provenir de l’intestin du physeter macrocephalus. Cer-
tains kystes des organes génitaux, et quelques hydro-
cèles, renferment quelquefois des paillettes brillantes,
qui ne sont autre chose que de la cholestérine. On
trouve aussi cette matière, mais moins souvent, dans
des tissus morbides situés dans d’autres régions. Les
tumeurs appelées mélicéris, stéatome et athérome,
et que 1 on regarde comme des kystes sous-cutanés
( Cliap. III ) contiennent une certaine proportion de
matière grasse.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
174
ARTICLE II.
DU TISSU MÉDULLAIRE OU ADIPEUX DES OS.
•0 • * iwl t *>•;;». . . : r. .1 .7 >
§ 169. Le tissu médullaire est un tissu membraneux,
vasculaire et vésiculaire, renfermé dans les cavités des
os. Il a reçu les noms de moelle, de système médul-
laire, de medulla , medilullium , par comparaison avec
la moelle des arbres.
§ 170. Duverney 1 en a fait le sujet de plusieurs
observations : Grutzmacher 2 et Isenflamm 3 en ont
donné des descriptions détaillées. Tous les ostéolo-
gistes , et tous ceux qui se sont occupés du tissu
adipeux, se sont aussi occupés de la moelle. Havers 4
surtout en a très-bien décrit et en a figuré la texture
vésiculeuse. Albinus en a donné une très-belle figure
dans ses Annotationes academicæ ; seulement les vais-
seaux y sont représentés trop gros : Mascagni, dans
son Prodromo , a aussi donné une bonne figure de la
moelle.
§ 17 1 . La moellé occupe la grande cavité médullaire
du corps des os longs, les cavités cellulaires des os
courts, de l’extrémité des os longs, et de 1 épaisseur
des os larges , et même les porosités de la substance
* • • ' * ....
1 Mémoires de l’Académie des sciences. 1700.
1 Dé ossium medulla. Lips. , 1758.
3 Uèbef das Knochenmaih , in beitrœge , etc. Von Isen-
Jlamm und Rosenmuller. B. II. Leipzig, i8o3.
4 Clopton Havers. Osteol.. Nov. Lond. 1691 , et Obs. nov .
de ossibux. Amslcl, 1781.
DU TISSU ADIPEUX. 1^5
compacte des os. Les sinus et les cellules aériennes des
os du crâne n’en contiennent point.
§ i "2. La graisse qui occupe le canal médullaire
représente un cylindre, moulé sur les parois osseuses de
ce canal, et contenu dans une membrane que l’on ap-
pelle périoste interne ou médullaire. Cette membrane,
dont les uns ont nié lexistenee , tandis que d’autres la
croyaient formée de deux couches, n’a qu’un seul
feuillet, facilement apercevable au moyen d’une expé-
rience qui consiste à scier un os et à l’approcher du
feu ou à le plonger dans un acide : la membrane se
crispe, se détache de l’os, et forme un canal distinct,
dont la ténuité est telle, qu’il est presque impossible
de l’observer sans ce moyen. Son tissu ne peut guère
se comparer qu’à une toile d’araignée. Cette membrane
tapisse le canal intérieur de l’os, et Semble se continuer
à ses deux extrémités avec la moelle qui les remplit.
Elle envoie en dehors des prolongemens dans la subs-
tance compacte, et fournit en dedans une infinité de
prolongemens analogues, qui se comportent à son in-
térieur comme le font, en général, les filamens et les
lames qni composent les membranes celluleuses. Ces
prolongemens sont soutenus par les filamens et les la-
mines de la substance réticulaire, dans les endroits où
cette substance existe.
§ 173. La composition de la membrane médul-
laire est due principalement aux vaisseaux rami-
fiés à l’intérieur du canal, et que soutient un tissti
cellulaire extrêmement mou et à peine visible : cette
membrane ressemble beaucoup, sous ce rapport, à là
pie-mère ou à l’épiploon, et ne semble formée, de
176 ANATOMIE GÉNÉRALE.
meme que ces membranes, que par le tissu cellulaire
appartenant à la gaîne des vaisseaux. Une artère et
une veine pénètrent dans le canal médullaire, et s’y
divisent, aussitôt après leur entrée, en deux branches
dont les ramifications s’étendent aux deux extrémités
de l’os , et communiquent avec les vaisseaux nombreux
et volumineux de ces extrémités. Les vaisseaux lym-
phatiques n’ont été suivis que jusqu’à l’entrée du canal
médullaire. Les injections heureuses montrent, au con-
traire, une foule de filamens colorés dans le canal des
os longs. Les nerfs de ce canal, dont l’existence a été
niée, sont pourtant assez faciles à suivre. Sœmmering,
il est vrai, pense que ces nerfs sont destinés à l’artère
seulement. Ces nerfs ont particulièrement été obser-
vées par Wrisberg et Klint. Le tissu médullaire est
donc essentiellement composé; i° d’un réseau artériel
et veineux, et probablement aussi d’un réseau de vais-
seaux lymphatiques; 20 d’un plexus nerveux, destiné
soit à l’artère, soit aux autres parties en même temps;
3° de la gaîne celluleuse propre à ces parties, laquelle
fournit des fibrilles dont la réunion constitue une sorte
de membrane incomplète, frangée. Il faut joindre à
cela des vésicules très-apparentes, mais seulement
dans les sujets frais, et qui deviennent moins sensibles
dans les autres, parce que la moelle se fluidifie très-
promptement. Ces vésicules sont tout-à-fait semblables
à celles d.u tissu adipeux général; elles ont le même
volume et les mêmes connexions avec les vaisseaux
sanguins auxquels elles paraissent appendues. Grutz-
maclier pense que la texture de la moelle et celle de
la graisse en général , est aréolajre comme le tissu cel-
DU TISSU ADIPEUX.
I77
lulaire commun , et non vésiculaire. Les extrémités
celluleuses des os longs contiennent un grand nombre
de vaisseaux; mais leur membrane est moins distincte
que celle du milieu de ces nymies os. II paraît y avoir
des vésicules semblables à celles de la membrane mé-
dullaire. Les porosités de la substance compacte sem-
blent également en contenir.
§ 174. La graisse des os prend les noms de moelle
dans le canal médullaire f de suc médullaire dans la
substance spongieuse, et de suc huileux dans la subs-
tance compacte. Cette graisse est formée des mêmes
principes que la graisse ordinaire, ' seulement en des
proportions différentes, puisqu’elle est plus fluide;
elle est aussi plus colorée, plus jaune.
§ 17O. La membrane médullaire est sensible; Du-
verney a très-bien indiqué l’expérience qu’il' faut faire
pour constater cette propriété, que. Bichat a peut-être
un peu exagérée, mais que l’on a eu tort de révoquer
en doute. En effet, si le plus souvent, dans les ampu-
tations pratiquées chez l’homme, l’impression causée par
la section de l’os est à peine sentie, cela tient unique-
ment à la douleur plus vive, résultant de la section de
la peau, et qui a précédé celle-ci. Mais en mettant,
sur un animal vivant, assez d’intervalle entre la section
des tégumens et la lésion de la moelle, pour que l’im-
pression, produite par la première, ait le temps de se
dissiper, un stylet introduit dans le canal médullaire
produit à 1 instant même une douleur que l’animal té-
moigne de diverses manières : on conçoit bien que cette
sensibilité réside dans la membrane, et est étrangère
à la moelle elle-même. Les nerfs accompagnait dans
1.
12
anatomie générale.
l’os, lartère médullaire principale, si l’os est amputé
au-dessus de Centrée de ce vaisseau, la moelle restante
ne communique plus avec le centre nerveux, c’est à
cette disposition qu'il fa ut attribuer la différence
de sensibilité observée par Bichat, entre le centre
et les extrémités de la cavité médullaire, *t aussi à
ce que les filets nerveux vont en se divisant vers les
deux bouts de cette cavité. Le tissu médullaire est
doué d’une contractilité obscure , semblable à celle du
tissu cellulaire. Les artères qui se ramifient dans cette
membrane y sécrètent et y déposent la matière grasse.
§ 176. Suivant Bichat , la membrane médullaire
existe de très-bonne heure, préexiste au canal; seule-
ment elle est remplie d’une substance cartilagineuse ,
qui fait ensuite place à la moelle à mesure que l’ossifi-
cation s’opère. L’observation la plus attentive ne montre
dans les cartilages, ni artères, ni veines, ni membrane
médullaire; plus tard, la cavité des os longs n’est qu’un
canal étroit que l’artère remplit; celle-ci se déjette sur
le côté et s’accole aux parois , quand le canal com-
mence à s’élargir; une substance visqueuse ou gélati-
neuse est alors contenue dans ce dernier; de la moelle
0
s’y produit enfin, mais en petite quantité; avec lâge,
le canal devient de plus en plus large, et la moelle plus
abondante. Il n’y a aucune différence appréciable, sous
le rapport de ce tissu , entre les deux sexes. Ce fluide
présente, en outre, des variétés individuelles, par rap-
port à sa quantité. Lorsque 1 embonpoint est ordinaire,
la graisse forme la majeure partie de ta substance con-
tenue dans le canal médullaire; j ai trouvé, sur huit
parties de cette substance, sept de graisse : le reste est
DU TISSU ADIPEUX. IJÿ
formé par les vaisseaux, de l’eau et de l’albumine. Chez
les sujets maigres, au contraire, la graisse ne constitue
aae le quart, ou une moindre proportion encore du
fluide contenu dans les os longs ; le reste m’a paru être .
de l’eau, ou du moins une substance évaporable, et de
l’albumine , ou une substance coagulable. Les oiseaux
ont, dans les cavités des os longs, de l’air au lieu de
moelle , suivant la remarque de Camper.
§ 177. Les fonctions du tissu médullaire sont de ser-
vir de périoste interne et de réservoir à la graisse : c’est
sur lui que se ramifient les vaisseaux qui, d’une part, se
portent en dehors pour concourir à la. nutrition de
l’os, et d’autre part, en dedans pour opérer la sécré-
tion de la graisse. Celle-ci a les mêmes usages géné-
raux que dans les autres parties. Ses usages locaux
sont de remplir le vide qui sans elle existerait dans
les os. On a cru, et Haller et Blumenbach ont adopté
cette opinion, quelle rendait ceux-ci plus flexibles,
moins cassans ; mais les os des enfans , privés de graisse ,
sont pourtant moins cassans que ceux des adultes , tan-
dis que les os des vieillards, dans lesquels ce fluide est
si abondant, sont en général très-fragiles. Ceux qui ont
avancé cette’ opinion se fondent sur ce que la com-
bustion ôte à la substance osseuse toute sa solidité ; il
est évident que ce n’est pas seulement l’huile qu’ils per-
dent dans ce cas, mais bien la matière animale qui leur
est enlevée, dont dépendait leur solidité. Les mêmes
auteurs ajoutent qu’en faisant bouillir dans l’huile, ou
dans la gélatine , le résidu terreux obtenu par la com-
bustion, on lui rend, jusqu’à un certain point, sa soli-
dité; mais il se forme alors un composé particulier, une
*8o ANATOMIE GENERAL!*.
espèce de stuc qui n’a rien de commun avec l’os. Haller
et plusieurs autres physiologistes ont encore pensé que
la moelle servait à la reproduction des os, et notam-
ment à la formation du cal. Cependant l’observation fait
voir qu’une fracture se guérit d’autant plus prompte-
ment que l’individu est plus jeune ; or, plus l’individu
est jeune , et moins il y a de moelle , ou moins la moelle
contient de graisse. Duverney et d’autres ont cru la
moelle nécessaire à la nutrition des os : il suffit que la
moelle manque chez, plusieurs animaux, comme les
oiseaux, que le bois des cerfs, par exemple, en soit
dépourvu, que ce fluide n’existe point dans l’enfance,
et que les os se forment avant la moelle, pour que cette
opinion ne soit point admissible. On a aussi regardé la
moelle comme le réservoir du calorique latent et de
l’électricité. La moelle ne sert pas non plus à lubrifier
les surfaces articulaires, car la synovie existe dans beau-
coup d’endroits où la moelle ne se rencontre point.
§ 178. La moelle présente quelques altérations mor-
bides l. Dans les fractures, pendant que l’os se con-
solide, la graisse disparaît dans le canal médullaire;
le tissu cellulaire de ce canal devient compacte, comme
dans les autres cas de solutions de continuité, et finit
par s’ossifier: ce dernier fait, q%e Bichat a observé, a
été constaté de nouveau par plusieurs observateurs.
Lorsque la consolidation est parfaite, la membrane
médullaire reprend ses propriétés.
On observe dans la moelle , à la suite des amputa-
tions, les mêmes phénomènes que dans les autres
* V oyez Moignon. Tentarnen de morbis ossium medullœ ,
«Paris, et Lugd. Ann. III.
DU TISSU A.DIPDUX.
i8i
plaies qui intéressent le tissu graisseux: la matière hui-
leuse disparaît, et une couche cellulaire et vasculaire
se forme à l’extrémité tronquée de l’os , qui finit par
se clore. La moelle est détruite dans les séquestres, et
ne paraît pas se rétablir après leur sortie , du moins
ne l’a-t-on pas vue se reproduire dans ce cas; peut-
être l’état des parties n’a-t-il pas été examiné assez
long-temps après l’issue de la maladie.
La membrane médullaire est susceptible d’inflam-
mation : c’est probablement à elle et à ses suites qu’il
faut attribuer les nécroses intérieures. Il est également
probable que les douleurs ostéocopes dépendent de
cette inflammation. On observe d^ns le racfiitis un
endurcissement particulier de la membrane médullaire,
qui n’a pas été décrit.
Parmi les affections propres à cette membrane, le
spina-ventosa est une des plus remarquables. Il y a,
suivant mes observations et celles de plusieurs autres,
au moins deux , et même trois espèces distinctes de
cette maladie. Le développement considérable de l’os
tient à l’accroissement extraordinaire de la inem-
i
brane médullaire altérée; mais tantôt l’altération de
la moelle consiste en une dégénération carcinoma-
teuse, en un véritable nancer mou; tantôt la tumeur
est fibl'euse et cartilagineuse; dans quelques cas, enfin,
et surtout chez les enfans , l’os , renflé dans son
milieu, contient une substance rouge très-vasculaire,
dont la nature n’est pas bien déterminée : cette variété
s observe surtout dans les os du métacarpe , du méta-
tarse , et des doigts. Le spina-ventosa affecte spécia-
lement les os longs des membres : dans le fémur, c’cst
l8a ANATOMIE GÉNÉRALE.
le plus souvent la partie inférieure de l’os qui est
malade; dans l’humérus, c’est la partie supérieure.
■J’ai enlevé le tiers supérieur du péroné à une jeune
femme, dans un cas de spina-ventosa qui avait donné
à la tête du péroné, à peu près le volume du poing
de la malade. Des tumeurs de ce genre ont été décrites
par Vigarous, sous le nom de stéatomes osseux, et par
M. Astley Cooper , sous celui d’exostoses médullaires.
DES MEMBRANES SEREUSES.
iS3
^ %. •%,■%» % "»✓%* WW*. WWW WW^#' WWW WWW WWW WWW
CHAPITRE IL
des membranes séreuses.
§ 179. Les membranes, membrance , sont des parties
molles, larges et minces, qui tapissent les cavités, enve-
loppent les organes, entrent dans la composition d’un
grand nombre d’entre eux, et en constituent quelques-
uns : du reste, elles diffèrent beaucoup entre elles,
parleur texture, leur composition, leur action, etc.
§ 180. Les membranes séreuses, m. serosce , vel suc -
cingentes , ainsi nommées parce quelles contiennent
beaucoup de vaisseaux séreux dans leur épaisseur,
qu elles sont humectées par un liquide analogue au
sérum du sang, et parce qu’elles fournissent des tuni-
ques à beaucoup d'organes, forment un système, ou
genre nombreux de membranes fermées de toutes
parts, adhérentes par une surface aux parties environ-
nantes, libres et contiguës à elles-mêmes par l’autre,
servant à isoler certaines parties, à faciliter les mo.u-
vcmens, et résultant d’une modification très -simple
du tissu cellulaire.
§181. Confontîues pendant long -temps avec les
parties auxquelles elles tiennent , les membranes sé-
reuses ont été particulièrement distinguées des autres
parties, et étudiées dans leur ensemble, par Bonn 1
par Monro 2, et surtout par Bichat 3.
1 De continuationibus mçmbranarum. Amst.-Batav. 17 63.
2 A description of ail tlie bursœ mucosœ , etc. Edinb. *788
3 Traité des membranes. Paris, an 8.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
184
§ 182. Le système séreux comprend des membranes
qui, à raison de leurs nombreuses ressemblances, for-
ment un genre très-naturel, dans lequel cependant il
y a aussi des différences assez marquées pour qu’on
doive en faire plusieurs divisions. Sous le rapport de
leur situation, et du liquide plus ou moins oncteux
qui les humecte, on les distingue en séreuses propre-
ment dites , ou séreuses des cavités splanchniques , et
en synoviales ; et ces dernières elles-mêmes se distin-
guent encore en celles des articulations, en celles des
tendons , et en celles qui sont sous-cutanées. Il faut
exposer d’abord les caractères communs à tout le
genre, et puis ensuite ceux des espèces.
PREMIÈRE SECTION.
^ % «
DES MEMBRANES SEREUSES EN GENERAL.
#
§ i83. Toutes consistent en des vessies fermées de
toutes parts : il n’y a d’autre exception à cette dispo-
sition générale, que l’ouverture par laquelle le péri-
toine communique avec les organes génitaux chez la
femme, ces organes étant eux-memes interrompus
dans leur continuité entre 1 ovaire et le commencement
de l’oviducte ou trompe utérine. Il résulte, de la con-
formation générale des membranes sei%uses, que les
u
liquides quelles renferment sont entièrement isoles,
et que ces membranes ne sont perméables que par les
vaisseaux qui se ramifient dans leur épaisseur, et non,
comme le tissu cellulaire, par des aréoles communi-
quant librement entre elles ; au reste, cette conforma-
DES MEMBRANES SEREUSES.
i85
tion présente quelques variétés ou formes secondaires.
Il est de ces n^embranes qui sont aussi simples que pos-
sible, et ne représentent qu’une sorte d’ampoule ou de
vessie; on les appelle vésiculaires D’autres constituent
des enveloppes engainantes qui entourent certaines
parties, comme des tendons, des ligamens, des vais-
seaux sanguins; et, comme elles ne sont pas percées
pour laisser passer ces parties, qu’elles se réfléchissent à
leurs deux extrémités, et forment ainsi une double
gaîne, cela leur a fait donner le nom de vaginiformes.
Cette disposition est une des plus communes. Enfin, il
en est de plus compliquées encore; ce sont les mem-
branes séreuses enveloppantes, celles qui méritent plus
particulièrement le nom de succingentes : celles-ci en-
tourent les organes, excepte sur un seul point de leur
surface, autour duquel elles se réfléchissent surles parois
de la cavité qui les renferme, et sont ainsi divisées en
deux portions , dont l’une forme une enveloppe aux or-
ganes, et prend le nom de feuillet viscéral, ou tunique,
tandis quel autre qui revêtles parois , constitue le feuil-
let pariétal. Les différentes formes que nous venons
d examiner sont souvent réunies dans la même mem-
brane. Dans les membranes séreuses enveloppantes ,
comme celles que 1 on trouve autour du cœur , des pou-
mons, des testicules, il y a toujours à la surface de l’or-
gane un endroit dépourvu d’enveloppe séreuse : c’est par
cet endroit que pénètrent les vaissaux de l’organe, ou
bien que celui-ci tient aux parties environnantes. Cette
partie libre, desoijganes revêtus de membranes séreuses,
est tantôt large, tantôt très-étroite. Dans quelques cas,
le viscère est éloigné des parois qui le renferment, et
i8 6
AN A.TOMIE GÉNÉRALE.
attaché ou suspendu par un repli de la membrane sé-
reuse, qui constitue ce qu’on nomme un^frein ou liga-
ment membraneux : cette disposition n’est point une
exception à ce que nous venons de dire. Il y a toujours
une partie de 1 organe qui n’est pas revêtue par la mem-
brane dans toute l’étendue de l’adhérence du repli que
forme cette dernière. Outre ce premier genre de replis,
les membranes séreuses offrent des prolongemens qui
flottent plus ou rnoins à *l’ intérieur de la cavité qu elles
forment , et qui dépendent le plus souvent de leur
feuillet viscéral, mais qui appartiennent aussi quelque-
fois à leur autre feuillet : l’épiploon , les appendices
épiploïques, pour le péritoine; les replis graisseux
qu’on observe dans la plèvre , sur les côtés du médias-
tin, pour cette dernière m'embrane; les franges syno-
viales, pour les capsules articulaires; sont des exemples
de ces prolongemens. Ceux-ci contiennent toujours
dans leur épaisseur du tissu cellulaire, ordinairement
graisseux : c’est aussi à cet endroit que la membrane
offre le plus de vaisseaux.
§ 184. Toutesles membranes séreuses présentent deux
surfaces, une libre et Vautre adhérente. Celle-ci est flo-
conneuse et tient à du tissu cellulaire , à des ligamens ,
à des tendons, à des cartilages, etc. Son degré d’adhé-
rence, à ces différentes parties , est plus ou pioins mar-
qué : un tissu cellulaire lâche le produit quelquefois,
tandis qu’ailleurs, comme sur les cartilages, 1 adhérence
est intime. Il existe une foule d intermédiaires entre
ces deux extrêmes, ainsi qu’on l’observe au niveau des
ligamens, des fibres musculaires, des tendons, etc. La
surface libre des membranes séreuses est partout con-
DES MEMBRANES SEREUSES.
l87
ticruë à elle-même : c’est l’intérieur de l’espèce de vessie
que représentent ces membranes. Cette surface paraît,
au premier aspect, parfaitement lisse et polie; mais
examinée au microscope, elle présente des villosités
manifestes; aussi les membranes séreuses ont -elles
été nommées villeuses simples . Un liquide humecte
constamment cette surface. •
§ i85. Les membranes séreuses sont, en général,
d’une couleur blanchâtre, que leur transparence rend
à peine sensible, luisantes à leur surface libre, fort
minces et pourtant assez résistantes, plus fortes que ne
le serait le tissu cellulaire réduit en lames d’une ténuité
égale à la leur; elles sont en général un peu élas-
tiques.
§ 186. Elles paraissent presque homogènes au pre-
mier aspect : cependant on observe presque toujours,
dans divers points de leur étendue, une apparence
fibreuse, qui est plus ou moins marquée. Lorsqu’on les
déchire par distension , elles s’éraillent d’abord , et puis
elles se réduisent en petits filamens entremêlés , entre-
croisés, et comme tissus entre eux. Leur nature paraît
très -analogue à celle du tissu cellulaire, dont elles ne
diffèrent que par une condensation plus grande, et par
la cavité distincte qu’elles représentent. Il existe d’ail-
leurs entre le tissu cellulaire et les membranes séreuses
une sorte <<de gradation insensible, et les membranes sé-
reuses les plus simples participent encore beaucoup de
la nature du tissu cellulaire. Le tissu cellulaire très-
lâche, et querinsufflation développe en larges ampoules,
comme celui du prépuce , celui qui existe entre les
muscles à grands mouvemens ; et les bourses synoviales
l88 ANATOMIE GÉNÉRALE.
sous-cutanées, constituent en effet une transition entre
les deux tissus. Des vaisseaux blancs très-nombreux
entrent dans la composition de ces membranes. Les in-
jections, l’inflammation, qui font pénétrer, les premiè-
res, un liquide coloré, les secondes, le sang, dans ces
vaisseaux, rendent ceux-ci très-apparens : leur quantité
paraît alors très-considérat>le. Cependant, il faut.éviter
de confondre les vaisseaux propres à la membrane sé-
reuse avec ceux qui appartiennent au tissu cellulaire
sous-jacent, et qu’on croirait exister dans la membrane
elle-même, à cause de sa transparence. Dans le péri-
toine , par exemple, il faut que l’inflammation soit
long-temps prolongée pour que le sang arrive au delà
du tissu cellulaire sous-séreux ; et , en examinant
la chose peu attentivement, on serait tenté de croire
que c’est le péritoine lui-même que la maladie a rendu
vasculaire. Il en est de même des injections : ce n’est
que quand elles sont très-ténues qu’elles pénètrent jus-
que dans la membrane elle -même. On ne connaît
point les nerfs des membranes séreuses.
§ 187. Le liquide que renferment ces membranes n’est
point le même dans toutes; cependant il ressemble
plus ou moins à la sérosité du sang, ou au sang privé
de matière colorante. Il contient, en général, de l’eau,
de l’albumine, une matière incoaguîable, que l’on peut
regarder comme une sorte de mucus gélafciniforme,
une matière fibrineuse et de la soude. Nous verrons plus
loin les différences que présente ce liquide dans les
diverses espèces de membranes séreuses.
§188. Les membranes séreuses sont, pendant la vie
surtout, extensibles et rétractiles à un haut degré, ainsi
DES MEMBRANES SEREUSES. 189
qu’on le voit dans les hydropisies, et après la guérison
de ces maladies ; mais leur agrandissement n’est pas
toujours simplement un résultat de leur extensibilité;
il y a en outre disparition de leurs plis, qui, se dévelop-
pant peu à peu, fournissent à l’accroissement de la
membrane. Une autre cause qui concourt à cette aug-
mentation de volume, est le glissement dont celle-ci est
susceptible, l’espèce de locomotion quelle éprouve
lorsqu’elle n’est distendue que dans un point de son
étendue, comme on le voit particulièrement dans les
hernies. Enfin , il paraît y avoir, dans quelques cas,
une augmentation réelle de nutrition, quLcontribue
encore à la production de ce phénomène : cet accrois-
sement de substance est, avec les autres causes d’am-
pliation , manifeste dans la grossesse, par exemple. Au
reste, ces phénomènes ne sont pas également marqués
dans les différentes espèces de membranes séreuses :
le péritoine les présente au plus haut "degré ; ils sont
beaucoup moins prononcés dans les membranes syno-
viales, articulaires surtout, ce qui dépend, d’une part,
de l’extensibilité moindre de ces membranes , mais
aussi de ce quelles ont moins de plis, et surtout de
ce que leurs connexions ne leur permettent pas de se
déplacer avec autant de facilité. Quand la distension
vient à cesser, les membranes reviennent peu à peu à
leur état antérieur ; mais si elle a été portée jusqu’à
l’éraillement il en reste toujours des traces.
§ 189. La force de formation assez développée dans
les membranes séreuses, y est pourtant moindre que
dans le tissu cellulaire libre. La motilité y est très-
bornée ; elles n’y existe qu’au faible degré qui constitue
l
ANATOMIE GENERALE.
l9°
la tonicité. Mais si l’irritation n’y détermine pas de
mouvemens appréciable; elle y développe la sensibili-
té : ces membranes , en effet, deviennent très-sensibles,
et transmettent ordinairement des impressions doulou-
reuses , dans l’inflammation.
§ 190. Toutes les membranes séreuses sont le siège de
ladéposition et delà résorption continuelles d’un liquide
séreux dans leur cavité, ou par leur surface libre -et
•
contiguë. L’étendue considérable de ces membranes
prises ensemble, donne une grande importance à cette
double fonction. La matière de cette sécrétion est ,
comme toutes les autres, apportée par les vaisseaux
dans l’épaisseur tle la membrane et surtout dans les
points de la membrane les plus vasculaires, dans les
prolongemens frangés : on ne sait pas au juste par
quelle voie la matière sécrétée sort des vaisseaux et
passe dans la cavité. On a supposé pour toutes ces
membranes des glandes sécrétoires, soit à leur voi-
sinage, soit dans leur épaisseur même; mais ces
prétendues glandes n’existent pas. On a supposé
aussi des transsudations par des porosités anorga-
niques ; mais sans connaître exactement le mode
suivant lequel se font les sécrétions perspiratoires,
on sait que les transsudations n’ont lieu que dans
le cadavre et même quelque temps après la mort
seulement. Le liquide est aussi continuellement ab-
sorbé par la membrane, dans l’épaisseur de laquelle
m
il rentre dans les vaisseaux. Tant que la déposition
et la résorption sont dans un juste équilibre , les
membranes séreuses sont simplement humectées à
leur surface. L’augmentation de la sécrétion, ou la di-
DES MEMBRANES SEREUSES. I91
minution de l’absorption, donne lieu à une accumula-
tion qu’on appelle hydropisie.
Le liquide sécrété a des usages locaux et des usages
généraux : localement il sert à entretenir l’isolement
entre les deux feuillets contigus des membranes sé-
reuses, et à faciliter les mouvemens des organes les
uns contre les autres ; en général, il est vraisemblable
que la matière nutritive , ainsi déposée et reprise al-
ternativement, éprouve une assimilation plus parfaite
avant d’être employée à la nutrition des organes.
§191. L’action des membranes séreuses, soit en santé,
soit en maladie surtout, est liée étroitement aux autres
actions organiques. Ainsi, quand elles sont malades, les
fonctions des organes quelles revêtent, sont plus ou
moins troublées, ce trouble s’étend au loin, et même
souvent à tout l’organisme : de même les affections
des autres organes, surtout celles des membranes té-
gumentaires, des organes circulatoires, des glandes,
dérangent souvent leurs fonctions; les affections des
organes qu’elles revêtent, les altèrent toujours plus
ou moins sensiblement; cfune part la cavité qu’elles
forment établit un véritable isolement entre les parties
sur lesquelles se déployent leurs deux portions oppo-
sées ; d’un autre côté , la continuité et l’étendue de
chacune de ces membranes, donnent facilement lieu à
des affections très-étendues. •
§ 192. v système séreux est très-mou à son origine
qui est d’ailleurs peu connue : chez l’embryon , les
viscères abdominaux ne semble ut recouverts que
d un vernis liquide et visqueux. Les membranes sé-
ïeuses sont très-minces , dans le fœtus et , en général,
IC)2 ANATOMIE GENERALE.
moins adhérentes à cause de la mollesse du tissu cel-
lulaire qui les unit aux parties voisines, de sorte
qu’on les sépare avec facilité de ces mêmes parties :
cependant, sur les cartilages articulaires, et sur l’al-
bu ginée du testicule, 1 adhérence est presque aussi in-
time que par la suite. On ignore complètement si ces
membranes, dont le caractère essentiel est l’interrup-
tion de continuité qu elles établissent entre les parties,
sont d abord du tissu cellulaire mou, continu et sans
■cavité intérieure, comme l’affirment quelques anato-
mistes, qui admettent qu’il existe au commencement
une continuité générale entre toutes les parties, entre
les os, par exemple. Le liquide des membranes séreuses
est d’abord très-ténu. Quelques-unes de ces mem-
branes , celles des cavités splanchniques , offrent «des
différences de conformation remarquables chez le fœ-
tus. Les membranes séreuses éprouvent divers chan-
gemens dans la vieillesse.
§ 193. La formation d’un tissu séreux accidentel
s’observe souvent ; sa réparation ou reproduction a
lieu dans les plaies des membranes séreuses , lesquelles
se réunissent quand leurs bords voisins sont en contact
immédiat ; l’observation a montré que l’opinion des an-
ciens, qui 11e croyaient pas ces sortes de plaies suscep-
tibles de réunion, est dénuée de tout fondement. Lors-
que ces plaies sont ave? perte de substance, ou qu’il
y a un écartement entre leurs bords, l’intermlle qu’ elles
présentent est rempli par une nouvelle membrane, une
véritable cicatrice. Celle-ci paraît être un peu plus
mince et plus extensible que la membrane environ-
nante.
des membranes séreuses. ip3
§ 1 94. Le liquide contenu dans les cavités des mem-
branes séreuses est susceptible de s’y accumuler, soit
que la résorption en soit diminuée ou l’exhalation aug-
mentée : cette accumulation donne lieu aux diverses hy-
dropisies. Le liquide qui forme ces dernières, offre des
qualités variables , surtout quand il y a de l’inflamma-
tion. Ce liquide contient tantôt plus, tantôt moins de ma-
tière animale que dans l’état de santé : quelquefois la
proportion de cette matière est la même que dans cet
état. En général la sérosité des hydropisies ressemble
au sérum du sang, sauf une moindre proportion
d’albumine. Il est un point d’anatomie pathologique
auquel on n’a pas donné assez d’attention* c’est que les
hydropisies qui ne paraissent pas dépendre d’une alté-
ration des membranes' séreuses ou des organes- de la
respiration et de la circulation , et que pour cette raison
on a regardées comme des affections générales, sont
souvent précédées et accompagnées d’un flux d’urine
contenant une grande proportion de gélatine et d’al-
bumine, soustraction de matières animales qui change
la composition du sang, qui le rend plus aqueux et qui
dépend d’une altération du rein et de sa fonction. Ce
flux accompagne aussi quelquefois les hydropisies avec
affection locale d’un autre viscère s.
S 195. L’inflammation des membranes séreuses , qui
est très-fréquente, produit dans ces membranes des al-
térations de tissu et des altérations de sécrétion. La
membrane devient vasculaire, d’abord dans son tissu
cellulaire extérieur, puis à la longue dans son épaisseur
1 Voyez J. Blackall , Observations on dropsies , etc. Lon-
don, i8i3.
L 1 3
ANATOMIE GÉNÉRALE.
*94
même; ses franges vasculaires, et ses villosités sont
plus marquées, et finissent même par devenir très-
saillantes et très-épaisses. Si i’inflammation dure un
certain temps, la membrane s’épaissit un peu et perd
sa transparence, cependant le plus souvent l’épaissis-
sement qui paraît très -grand, n’est qu’apparent et
étranger à la membrane elle-même. Outre la déposi-
tion intersticielle qui donne lieu à cette altération,
une sécrétion s’opère, en général, dans la cavité même
de la membrane; la sécrétion, cependant, se suspend
d’abord pour changer ensuite de caractère. Le liquide
versé est suivant les cas , une simple sérosité très-abon-
bondante, mais non autrement altérée; ou bien un
fluide blanchâtre, lactescent, ou contenant des flocons
albumineux et fibrineux; quelquefois, mais rarement,
la sérosité est sanguinolente ; enfin on y trouve du
pus, offrant toutes les propriétés de celui qui se pro-
duit dans le tissu cellulaire. Outre ces effets de l’in-
flammation , il en est encore d’autres très - remar-
quables.
§ 196. Lçs fausses membranes, pseudo membranes , ne
sont point particulières aux membranes séreuses, mais
elles y sont très-fréquentes. Elles consistent dans la con-
crétion, sous forme de membrane, du produit de la sé-
crétion de la membrane enflammée à un certain degré.
Ce produit, semblable à la matière organisable qui
détermine l’adhérence des lèvres des plaies, est d’abord
versé, par gouttelettes séparées, sur l^surface libre delà
membrane; ces gouttes, en se multipliant et en s’éten-
dant, se rencontrent communément et forment d abord
un réseau , puis une surface entière. Ordinairement,
des membranes séreüses. 195
la iifêine chose ayant lieu sur la partie opposée de la
membrane, et celle-ci restant,, en général, en contact
avec la première, la fausse membrane détermine l’ag-
glutination des deux parties auparavant contiguës : c’est
le premier degré de l’adhérence , l’adhéreuce gélati-
neuse de quelques-uns, couenneuse de quelques autres ;
j’aime mieux appeler cela agglutination. Tantôt la ma-
tière de l’agglutination ne forme qu’une couche mince,
interposée entre les deux surfaces rapprochées; tantôt
elle est si abondante qu’elle remplit , et distend la cavité
séreuse*
Les adhérences organiques des membranes séreuses ,
sont un résultat fréquent de la formation des fausses
membranes. La matière organisable de l’agglutination
se change en tissu cellulaire, dans lequel il se forme
des canaux rameux qui acquièrent peu à peu la struc-
ture vasculaire, (chap. IV) èt qui finissent par com-
muniquer avec les vaisseaux de la membrane enflam-
mée. Plusieurs des premiers observateurs qui ont vu
les vaisseaux des adhérences, les ont pris pour des vil-
losités vasculaires, prolongées de la membrane ancienne
dans la matière de la fausse membrane. J. Hunter et
M. Ev. Home, ont observé le contraire, que j’ai moi-
même constaté plusieurs fois. On peut,*en piquant au
hasard dans une adhérence récente avec un tube rem-
pli de mercure, injecter des canaux rameux, dont la
partie la plus large ou le tronc répond au centre de
l’adhérence et dont les rameaux dirigés en deux sens
opposés, comme ceux de la veine-porte, sont dirigés
vers les surfaces séreuses sans arriver toujours jusqu’à
ces surfaces , et sans que celles-ci fournissent des vil-
ANATOMIE GÉNÉRALE.
losités bien marquées. A la longue , la disposition
change j ladlicience, des que les canaux, ont commu-
niqué avec les vaisseaux anciens, devient de plus en
plus vasculaire au voisinage de la membrane , et de
moins en moins dans son centre. Les adhérences orga-
niques des membranes séreuses n’ont pas toujours la
même forme, elles consistent ordinairement en quel-
ques brides ou en cordons plus larges aux extrémités
adhérentes et plus minces au centre qui est libre; d'au-
tres fois, il y a un très-grand nombre de filamens à peu
près semblables aux brides; dans d’autres cas enfin, les
adhérences sont si multipliées, que les deux parties de
la membrane sont confondues et semblent remplacées
par du tissu cellulaire. La texture des adhérences, telle
qu’on la voit dans les brides, est celle des membranes
séreuses, elles forment une espèce de gaîne lisse à la
surface et remplie de tissu cellulaire contenant quel-
ques vaisseaux. Ces adhérences sont d’une part si fré-
quentes, et de l’autre quelquefois si régulièrement or-
ganisées, que beaucoup de médecins anciens les ont
prises pour des ligamens naturels, et que, même parmi
les modernes, Tioch en a trouvé dans le péricarde, et
«
Bichat dans sa plèvre qui leur ont semblé appartenir à
nne conformation primitive.
Les brides qui constituent les adhérences s’allongent de
plus en plus, à mesure qu’elles durcissent : il est même
probable que leur centre finit par être entièrement ab-
sorbé; ce qui tend à le faire admettre, c’est qu en exa-
minant les parois de l’abdomen peu de temps après
les plaies de cette partie, on trouve, en général, l’in-
testin adhérent à l’endroit de la plaie, tandis qu’à une
DES MEMBRANES SEREUSES. 197
époque plus reculée, l’adhérence n’est plus formée que
par une bride, qui, à la longue, devient elle -même
très-ténue ; et qu’enfin , si on observe la disposition des
parties au bout d’un temps très -long, il finit par ne
plus y avoir d’adhérence. Ces nuances diverses se ren-
contraient toutes dans le corps d’un individu, qui, af-
fecté de mélancolie, s’était donné douze à quinze coups
de couteau à différentes époques de sa vie , et que
j’ai eu occasion de disséquer.
§ 197. Les membranes séreuses éprouvent diverses
transformations , ou pour parler plus exactement ,
sont le siège de diverses productions accidentelles.
Des plaques fibreuses , cartilagineuses, fibro -cartila-
gineuses et même osseuses, se remarquent souvent
dans leur épaisseur, et en particulier dans la plèvre,
qui forme quelquefois une sorte de plastron à la
suite des pleurésies chroniques. Le plus souvent , il est
vrai, ces plaques leur sont simplement subjacentes , ou
surappliquées.
Des concrétions libres , ou pédiculées , ont leur
siège à l’intérieur de ces membranes. On les trouve
plus particulièrement dans les séreuses articulaires ,
quelquefois pourtant dans celles des tendons , et
même dans les cavités splanchniques. Elles sont
d abord extérieures à la membrane, la poussent en-
suite peu à peu au devant d’elles, et font saillie
dans son intérieur , où elles offrent une base large
et courte, et plus taç^l un pédicule qui devient de
plus en plus long et grêle, jusqu’à ce qu’enfin, ce
pédicule venant à se rompre, elles deviennent totale-
ment libres dans la cavité de la membrane. Tel est le
I()8 ANATOMIE GÉNÉRALE.
véritable mécanisme (le la formation de ces corps, que
l’on prenait pour de vraies concrétions, lorsqu’on ne les
avait point observés à différens degrés de leur dévelop-
pement. La consistance de ces corps varie : ils sont quel-
quefois très-mous et comme albumineux, mais le plus
souvent ils sont fibreux, cartilagineux ou osseux.
Les membranes séreuses participent aux dégéné-
rations communes à tous les tissus; elles paraissent
aussi en avoir qui leur sont propres.
§ 198. Des vices de conformation s’observent dans
quelques-unes de ces membranes, comme dans l’arach-
noïde des fœtus anencéphales ; dans le péritoine et dans
la tunique vaginale, quand le canal de communica-
tion entre ces deux sacs membraneux subsiste après la
naissance. On a rencontré dans le péritoine des es-
pèces de sacs surnuméraires : Neubauer en rapporte
des exemples. Les vices de conformation acquis sont
également propres à un petit nombre de ces mem-
branes , et appartiennent à l’anatomie spéciale. Les
hernies sont un de ces vices.
§ 199. Les kystes peuvent être décrits à l’occasion
des membranes séreuses; c’est en effet avec ce genre
d’organes qu’ils ont le plus de ressemblance. Ils
représentent en général, comme les parties que com-
prend le système séreux, une poche ou cavité membra-
neuse, fermée de toutes parts, adhérente d un coté,
libre de l’autre, et en contact avec un liquide qui
la remplit; ils ont généralement la forme globu-
leuse ; leur volume varie depuis celui d’un grain de
millet jusqu’à celui de l’abdomen distendu ; ils sont
tantôt isolés et tantôt, groupés plusieurs ensemble, et
DES MEMBRANES SEREUSES.
1 99
communiquant entre eux; leur surface externe est flo-
conneuse , cellulaire, quelquefois garnie de lames ou
même d’une couche fibreuse ; quelquefois cette sur-
face est doublée d’une membrane naturelle qu’ils ont
envahie en faisant saillie à une surface ; leur surface
interne est lisse et polie ; l’épaisseur varie et est en gé-
néral moins grande dans les kystes des organes que
dans ceux du tissu cellulaire libre ; elle est aussi plus
ou moins grande dans les parties d’un même kyste ;
la consistance varie depuis celle d’un liquide à peine
concret jusqu’à celle du tissu séreux, et même du tissu
fibreux ; il en est de même de leur adhérence, qui tan-
tôt est intime et tantôt ne semble consister qu’en une
simple agglutination ; il n’y a point de vaisseaux appa-
rens à leur surface libre.
Le liquide qu’ils contiennent n’offre pas moins de va-
riétés. On y trouve tantôt une sérosité limpide, ou plus
ou moins épaisse et comme albumineuse, et diversement
colorée ; tantôt de la graisse à l’étal fluide, ou en pail-
lettes et formant delà cholestérine ; dans quelques cas,
du mucus ou une substance visqueuse, qui, au lieu de
se coaguler, s’évapofe presqug en entier par la chaleur,
et laisse très-peu de résidu; d’autres fois un mélange
de mucus et d’albumine, ou bien une matière noi-
râtre ressemblant à du chocolat , quelquefois même
du sang pur; quelquefois des vers hydatiques; quelque-
fois des substances salines cristallisées ; on y a vu aussi
une matière concrète analogue au caoutchouc.
Les kystes sont dans un état de réplétion qu’on peut
comparer à lhydropisie des membranes séreuses: ce-
pendant ils sont le siège d’une secrétion et d’une ab-
200
ANATOMIE GENERALE.
sorption continuelles ; ils disparaissent dans certains
cas , persistent dans quelques-uns et grossissent conti-
nuellement dans d’autres cas.
Différentes hypothèses ont été proposées pour ex-
pliquer la formation des kystes. Les uns les regardent
comme des membranes de nouvelle formation qui se
développent autour d’une substance primitivement
existante; les autres pensent, au contraire, qu’ils
préexistent aux matières qu’ils renferment : soit qu’ils
soient formés par le tissu cellulaire distendu , soit
qu’ils doivent leur naissance à des vaisseaux lympha-
tiques dilatés. Il est difficile de trancher la ques-
tion d’une manière absolue : il y a des cas favorables
à l’une et à l’autre de ces opinions. Certains tissus
que l’on range parmi les kystes sont évidemment
préexistans. On peut ranger* dans cette classe les
loupes sous-cutanées , qui ne sont autre chose que
des follicules sébacés considérablement accrus , et
non des poches accidentelles, les kystes de 1 ovaire
qui paraissent dépendre du développement extraor-
dinaire des vésicules de cet organe , les kystes du
cordon testiculaire de i’homme , ou de la lèvre de
la vulve dans la femme, qui sont des détritus de la
tunique vaginale, etc. Un autre genre de kystes se
forme, au contraire, consécutivement : tels sont ceux
qui succèdent aux épanchemens de sang qui se font
dans le cerveau, ceux qui se développent autour dun
corps étranger, etc. Dans d autres circonstances, il est
très-difficile de déterminer le mode et l époque d ori-
gine des kystes. Il est très-vraisemblable pourtant que
tous les vrais kystes sont des membranes de nouvelle
DES MEMBRANES SEREUSES.
201
formation déterminée ou non par une inflammation
évidente. Les kystes sont , du reste , susceptibles de
toutes les affections des membranes séreuses : ils sont
sujets à toutes les variétés de l’inflammation , aux pro-
ductions accidentelles , soit analogues , soit morbides.
On les a observés partout , si ce n’est peut-être dans
les os et dans les cartillages.
On confond ordinairement avec les kystes, les mem-
branes cellulaires nouvelles qui servent d’enveloppes
aux productions accidentelles analogues ou morbides
et aux corps étrangers. Ces enveloppes ne sont point
comme les kystes et les membranes séreuses des sur-
faces inhalantes et^ exhalantes ; elles doublent souvent
les kystes. Leur consistance varie ; elles sont toujours
aussi des parties de formation nouvelle.
Il existe entre les kystes ou vésicules séreuses te-
nant au tissu cellulaire par leur surface externe , et
les vers hydatiques, des transitions insensibles, entre
lesquelles il est très-difficile d’établir une démarcation
tranchée. Ainsi les petites vésicules séreuses que l’on
trouve si souvent dans les plexus choroïdes , celles que
1 on voit quelquefois à l’extrémité frangée de la trompe
utérine, celles que j’ai vues plusieurs fois dans des
végétations des membranes muqueuses nasale et uté-
rine, paraissent évidemment appartenir aux kystes.
La môle hydatique ou en grappes me semble encore
appartenir au même genre, et cependant un médecin
naturaliste très -habile 1 la rapporte au genre acé-
phalocyste. Les trois espèces d’acéphalocystes simples f
Voyez H. Cioquet. Faune des médecins, tom. I. Paris,
1 822.
202
ANATOMIE GENERALE.
elles-mêmes, dont l’animalité est encore douteuse, se
rapprochent aussi jusqu’à un certain point des kystes.
J’ai retiré une fois de dessous la peau du cou et plu-
sieurs fois de dessous la peau de la mamelle des acé-
phalocystes de ces espèces , uniques , non enkystées ,
non adhérentes, à la vérité, mais comme accolées ou
agglutinées au tissu cellulaire. Le plus souvent, il est
vrai, on trouve l’une ou l’autre des trois espèces d’acé-
phalocystes simples, rassemblées en grand nombre et
libres, dans un kyste distinct.
Un médecin moderne 1 a attribué à la formation ,
au développement et aux transformations deshydatides
ou des kystes liydatiformes dont il vient d’être ques-
tion, l’origine des tubercules, de toutes les tumeurs,
et même des corps étrangers suspendus ou libres dans
les cavités séreuses et synoviales.
Après avoir exposé l’histoire générale du système
séreux , il faut décrire successivement les différentes
espèces qu’il comprend.
SECONDE SECTION
ARTICLE PREMIER.
DES BOURSES SYNOVIALES SOUS-CUTANEES.
§ 200. Les bourses synoviales ou mucilagineuses
^sous-cutanées , bursce mucosce subcutanece , n avaient
1 Voyez J. Baron. An Inquiry , etc., on tuberculous di-
seuses. London, 1817.
DES BOURSES SYNOVIALES SOUS-CUTANEES. 2o3
point été décrites par les anatomistes. Quelque patho-
logistes, et notamment Gooch, Càmper, et récemment
M. Asselin, ont parlé de leur hydropisie. Camper, à
cette occasion , avait dit un mot de leur état sain. Je les
ai observées et décrites depuis long-temps dans mçs le-
çons ; j’en ai parlé aussi dans les additions à l’Anatomie
générale de Bichat, et dans le Dictionnaire de mé-
decine.
§ 201. Les bourses synoviales, dont on trouve en
quelque sorte le rudiment dans le tissu cellulaire lâche
ef très-extensible qui existe entre toutes les parties
très- mobiles, se rencontrent sous la peau, partout
où cette membrane recouvre des parties qui exer-
cent de grands et de fréquens mouvemens ; comme
entre la peau et la rotule, entre l’olécrane et la peau ,
sur le trochanter, sur l’acromion, devant le cartilage
thyroïde; quelquefois derrière l’angle delà mâchoire;
toujours entre la peau et le côté saillant des articula-
tions métacarpo et métatarso-phalangiennes, et de celles
des premières phalanges avec les secondes. Toutes ces
dernières sont ordinairement confondues avec celles
des tendons voisins.
Pour bien apercevoir ces membranes, il faut les
remplir ‘d air. On voit alors qu elles forment une cavité
obronde, multiloculaire, c’est-à-dire divisée par des
cloisons incomplètes, mais close; l’air qu’on y souffle
y restant enfermé, et ne s’infiltrant point dans le tissu
cellulaire environnant; les parois de la cavité qu’elles
forment sont très-minces et peu résistantes.
Leur texture est fort simple, comme celle des mem-
branes séreuses en général, et ne semble différer de
ANATOMIE GÉNÉRALE.
2C>4
celle du tissu cellulaire que par une condensation un
peu plus grande. 11 existe très-peu de vaisseaux dans
répaisseut* de ces membranes: leur surface libre et
contiguë est humectée par un liquide onctueux ou
mucilagineux trop peu abondant pour qu’on puisse le
bien examiner.
Ces membranes et le liquide onctueux qu’elles co n-
tiennent, ont évidemment pour usage local de favoriser
le mouvement des os sous la peau.
Ces bourses se développent de très-bonne heure;
elles existent à l’époque de la naissance, et sont alors
très-aisées à apercevoir, à cause du liquide assez abon-
dant qui les humecte.
Leur développement augmente en proportion de
l’exercice des parties qu’elles recouvrent : celle de
l’acromion, par exemple, devient plus apparente chez
les individus qui portent des fardeaux sur l’épaule;
celle du genou est plus développée chez les personnes
qui se mettent habituellement à genoux.
§ 202. Elles se forment accidentellement , dans des
«cas où la peau exerce des frottemens accidentels.
1VL Brodie parle d’une gibbosité sur laquelle il s en était
développé une , à la suite du glissement continuel
dont la peau était le siège en cet endroit; on -observe
la même chose dans les pieds bots, à 1 endroit où la
peau frotte contre le côté saillant du tarse ; on voit,
encore la même chose après 1 amputation de la cuisse,
entre1 le bout de l’os et la cicatrice.
L’hydropisie des bourses synoviales sous - cuta-
nées c onstitue l liygroma , affection anciennement
connue , qu’on observe particulièrement au genou,
des bourses synoviai.es SOUS-CUTANÉES. 2o5
devant la rotule des personnes qui reposent souvent
sur cette partie, comme les prêtres, les religieuses,
les blanchisseuses de certains pays et les servantes qui
se mettent à genoux pour laver, les ramoneurs, etc.,
et qu’on observe aussi quelquefois , mais moins sou-
vent, dans les autres membranes de la même espèce.
L’hygroma peut acquérir un volume considérable.
Il disparaît quelquefois très-promptement sans cause
connue, ou après des applications médicamenteuses.
J’en ai fait quelquefois la ponction , et j’en ai retiré de
la sérosité visqueuse. Une injection stimulante, faite
après la ponction en détermine souvent l’adhésion
mutuelle des parois et l’oblitération de la cavité.
Les bourses synoviales sous-cutanées sont suscep-
tibles de s’enflammer, de suppurer et de former des
abcès volumineux, soit après des pressions réitérées,
soit après qu'on y a fait une injection.
ARTICLE II.
DES MEMBRANES SYNOVIALES DES TENDONS.
§ 2o3. Les membranes synoviales des tendons, mem~
branœ mucosœ tendinum , sont des membranes sé-
reuses humectées d’un fluide onctueux , annexées aux
tendons, là où ils frottent contre les parties voisines.
Elles ont reçu les noms assez mauvais de bourses, de
vessies, de capsules, de gaînes muqueuses, mucilagi-
neuses, unguineuses, synoviales, etc. Elles sont connues
depuis long-temps : Yésale et A. Spigei parlent de
quelques-unes d’elles. Albinus en a décrit avec exac-
2°6 ANATOMIE GÉNÉRALE.
titude un certain nombre. Janckius en a le premier
donné une description générale : il en connaissait
soixante paires. Camper a le premier donné une figure
d’une de ces membranes. C’est à notre célèbre Four-
croy I'que ce point d’anatomie est le plus redevable,
ainsi qu à Monro 2 3. Koch 3 a très-bien décrit ces men-
branes non-seulement dans l’homme, mais dans plu-
sieurs animaux. Gerlach 4 a le premier décrit et bien
figuré celles que l’on trouve au cou et à la tête. Ro-
senmuller 5 a donné une édition augmentée de l'ou-
vrage de Monro. Mascagni a donné une bonne figure
d’une de ces membranes dans son Prodromo .
§ 204. Le nombre de ces membranes est considé-
rable, mais variable ; on en connaît aujourd’hui environ
cent paires. Elles forment, comme toutes les membranes
séreuses des cavités membraneuses sans ouvertures;
mais on en distingue de deux sortes par rapport à leur
forme. Les unes sont des vésicules arrondies, tenant d’une
part au tendon, et d’autre part à la partie sur laquelle il
glisse: on les appelle vésiculaires. Les autres sont vagi-
nales, entourent le tendon circulairement, tapissent
d’un autre côté un canal où il est renfermé, ces deux
portions isolées se rejoignant à leurs extrémités, de
manière à être séparées par un intervalle qui constitue
1 Hist de l’Acad. R. des sciences. Paris , 1785 -- 1788.
2 A Description , etc. with tables.
3 Ch. M. Koch. De bursis tendin. mue. Lips 1789.
4 F. E. Gerlach. De bursis tendinum rnucosis in capite
et collo reperiundis y cum tabul. æneis. Vitcberg , 1793.
5 Icônes et descript. bursar. mucosar. corporis hum. Ed.
J. Ch. Rosenmuller. Lipsiœ , 1799.
des membranes synoviales des tendons. 207
la cavité de la membrane. Parmi ces dernières il en
est qui, simples à une de leurs extrémités, présentent
à l’autre des espèces de digitations qui répondent à au-
tant de portions tendineuses ou de tendons différens ,
ceux-ci, d’abord réunis , s’écartant ensuite les uns des
autres : c’est ce qu’on voit au poignet, sous les liga-
mens annulaires qui s’y rencontrent.
§ 2o5. Le tissu cellulaire, très-lâche et membrani-
forme , que l’on trouve entre les muscles qui exécu-
tent des mouvemens grands et fréquens, comme sous
le grand dorsal , le droit antérieur de la cuisse, les
muscles du mollet, etc. , constitue en quelque sorte le
rudiment des membranes dont il s’agit. On trouve des
membranes synoviales autour des tendons dans les
endroits où ceux-ci frottent sur les os, glissent à leur
surface ou sur d’autres parties, ou bien se réfléchissent
et changent de direction ; quelquefois ces membranes
existent entre deux tendons qui se meuvent l’un sur
l’autre. Le muscle grand fessier, à l’endroit où il glisse
sur le trochanter, le muscle grand oblique de l’œil , à
l’endroit où il se réfléchit dans sa poulie , les péroniers
latéraux , là où ils changent de direction pour gagner
la plante du pied, etc., sont garnis de membranes syno-
viales. En général, ces membranes sont en rapport
avec des os ou des anneaux fibreux Elles sont surtout
très - communes autour des articulations, parcte que
c est là que les tendons sont spécialement situés : c’est
ce qu’on voit au genou, au coude-pied , au poignet. On
y rencontre les deux genres dont nous avons parlé.
Quelques-unes de cês capsules se confondent avec les
bourses sous -cutanées ou avec les synoviales articu-
208 ANATOMIE GÉNÉRALE.
laires : celle du triceps, par exemple, n’est pas tou-
jours isolée, et paraît souvent une continuation de la
capsule synoviale de genou.
§ 206. La face adhérente de ces membranes, outre
quelle tient au tendon et à la partie sur laquelle il frotte
est en rapport , dans l’intervalle de l’un et de l’autre ,
avec les tissus cellulaires et graisseux; elle^tient souvent
à du tissu fibreux, comme aux gaînes tendineuses, ou
fibro-cartilagineux, comme dans les endroits où les ten-
dons glissent sur les os, et au niveau desquels le périoste
est comme cartilagineux. Leur intérieur offre une ca-
vité simple ordinairement, quelquefois composée, tra-
versée par des cloisons, des espèces de prolongemens
fibreux. On trouve dans quelques-unes des prolonge-
mens frangés, dans celle située derrière le calcanéum,
par exemple : on y rencontre aussi des pelotons cel-
luleux ou graisseux, mais seulement dans celles en
forme de vésicules ; les vaginales n’en contiennent
point. Ces prolongemens ont été assimilés à des con-
duits excréteurs. Rosenmuller décrit des follicules dans
ces membranes; je n’en ai pas vu. Des villosités s’y
rencontrent, qui versent la synovie.
§ 20 j. Les membranes synoviales des tendons sont
blanchâtres, demi- transparentes, minces et molles,
surtoutles vaginiformes, qui sont garnies de gaînes liga-
menteuses à l’extérieur. Les bourses vésiculaires sont
plus épaisses, et offrent dans quelques points un aspect
fibreux. La texture de ces membranes est la même que
celle des autres du même genre : leur tissu ressemble
beaucoup au cellulaire. Les fibres, les franges, les
paquets adipeux, communs atout le système séreux,
DES MEMBRANES SYNOVIALES DES TENDONS. 20q
se retrouvent également ici. Des vaisseaux séreux, qui
deviennent visibles dans l’inflammation, quelques vais-
seaux sanguins, apparens surtout dans les franges, en-
trent dans la composition de ces membranes , dont les
vaisseaux lymphatiques et les nerfs sont entièrement
inconnus. Le liquide qu’elles contiennent est visqueux,
plus abondant que celui des bourses muqueuses sous-
cutanées, jaunâtre, quelquefois rougeâtre : ce liquide
est oléiforme, en partie coagulable, et contient de l’ai
bumine et du mucus; il est plus visqueux dans les
bourses muqueuses qui ont le plus d’étendue. M. Koch
a trouvé quelque différence dans ce liquide examiné
chez différons animaux, comme le bœuf, le cheval, le
porc.
§ 208. Les propriétés des capsules tendineuses ne
présentent rien de particulier. Leurs fonctions sont de
sécréter et de renfermer un liquide mueilagineux, qui
facilite le glissement en diminuant la perte de mouve-
ment qui résulte du frottement.
On connaît peu le développement de ces membranes.
Suivant les uns, elles sont en plus grand nombre chez
les jeunes sujets et se confondent en partie chez le
vieillard, en s’agrandissant et en allant à la rencontre
les unes des autres. M. Seiler prétend, au contraire,
qu elles diminuent d étendue et disparaissent en partie
dans la vieillesse.
§ 209. Elles présentent quelques altérations r. Leur
hydropisie n’est pas très-rare; celles qui avoisinent la
1 Monro. Op. cil. — Koch. De morbis bursarurn tendinum
mucosarum. Lips. 1790.
1 4
1.
2 10
ANATOMIE GÉNÉRALE.
peau en sont surtout le siège, ce qui peut faire con-
fondre la maladie avec l’hygroma. On donne le nom
particulier de ganglion aux petites tumeurs circonscrites
qui en résultent, et qui sont souvent aussi des kistes.
On rencontre surtout de ces tumeurs dans lejarret, au
poignet, sur le pied, etc.; elles contiennent un liquide
séreux, albumineux, jaunâtre ou rougeâtre, assez sem-
blable, pour la couleur et la consistance, à de la gelée
ou à du sirop de groseilles. La résorption de ce liquide
se fait très-lentement : on la favorise en écrasant les
tumeurs qui le renferment, ce qui dissémine dans le
tissu cellulaire le liquide quelles contiennent. On
trouve quelquefois de ces tumeurs beaucoup plus
grosses : des collections volumineuses de sérosité pu-
rulente que l’on a observées sous les muscles larges
du dos, sous le deltoïde, etc., et que l’on a confondues
avec les abcès ordinaires du tissu cellulaire, ont leur
siège dans des membranes de ce genre ou analogues à
elles.
L’inflammation des membranes qui nous occupent est
fort grave; on l’observe dans une des variétés du pa-
naris. Il en résulte des adhérences ou bien la forma-
tion d’un abcès qui s ouvre à l’extérieur; et, dans un
cas comme dans l’autre, les mouvemens sont perdus.
Quand l’adhérence est filamenteuse, elle finit pourtant
quelquefois par se détruire. L’inflammation chronique
produit à peu près les mêmes résultats : elle peut aussi
amener l’ulcération.
Des corps solides, cartilagineux, ont été trouvés par
M.onro,et depuis lui par beaucoup d’observateurs dans
l’intérieur de ces membranes. On y rencontre souvent,
DES MEMBRANES SYNOVIALES DES TENDONS. 211
«t en très-grand nombre , des petits corps, de la forme
et du volume à peu près des pépins ou graines de poires
et de pommes, que l’on a cru animés, et qu’on a pro-
posé de noramçr acephfilocystis plana. On les a trouvés
le plus souvent sous le ligament annulaire antérieur
du carpe, et quelquefois dans d’autres membranes des
tendons, comme celles du grand fessier, du long fléchis-
seur du pouce, etc. L’incision leur donne issue , mais
il en résulte le plus souvent une vive inflammation,
très-grave, et dans les cas les plus heureux une ad-
hérence intime, qui, au poignet, par exemple, con-
fond tous les tendons fléchisseurs en un seul paquet,
et réduit les doigts à l’immobilité. En général, l'in-
flammation des membranes synoviales tendineuses
mérite de fixer l’attention des pathologistes. Il en
est de même au reste de la plupart de leurs alté-
rations morbides qui ont souvent été confondues
sous le nom de tumeurs blanches avec les maladies
des articulations, au voisinage desquelles elles sont
situées.
ARTICLE III.
DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES.
§ 210. On désigne sous ce nom, capsulœ synoviales ,
les membranes séreuses des articulations diarthro-
diales. La plupart appartiennent à des os, quelques-
unes à des cartilages, comme cela a lieu pour le larynx.
Ces membranes sont, comme les précédentes, humec-
tées par un fluide à l’intérieur , et facilitent de même
le glissement des parties qu’elles revêtent.
212 anatomie générale.
Elles ont été long-temps confondues avecles ligamens
capsulaires des articulations Nesbitt, Bonn, W. Hun-
ier, avaient déjà observé qu elles forment une mem-
brane distincte des ligamens et des cartilages arti-
culaires; Monro avait noté leur analogie avec les
autres membranes synoviales et séreuses; Bicbat a fixé
davantage l’attention sur ces membranes, et en a donné
une description générale plus complète. Monro et
Mascagni en ont donné des figures.
§ 2 1 1 . Le nombre de ces membranes est très-grand : il
y en a à peu près autant que d’articulations. Ce nombre
n’est pas parfaitement égal à celui de ces dernières,
parce que d’une part, certaines de ces membranes
sont communes à plusieurs articulations, ainsi qu’on
le voit au carpe, et que d’autre part il est des arti-
culations qui en renferment plusieurs. Du reste on
ne les trouve point ailleurs que dans les articula-
tions.
§ 2 1 2. On observe les variétés suivantes dans la confi-
guration de ces membranes : i° il en est qui représentent
des poches arrondies et simples comme les membranes
vésiculaires des tendons : c’est ce qu’on voit aux articu-
lations des phalanges entre elles et avec le métacarpe
et le métatarse; il n’y a là aucune espèce de complication,
et on n’obtient par l’insufflation , qu’une petite ampoule
ronde; 2° dans quelques articulations, la cavité de la
membrane semble traversée par un ligament ou un
tendon, autour duquel celle-ci se réfléchit, en lui for-
mant une gaine continue, à ses deux extrémités, avec
l’enveloppe commune que la synoviale fournit a 1 ar-
ticulation : cette synoviale est alors vaginiforme : ou
DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 21 3
rencontre cette disposition dans les articulations coxo-
fémorale, scapulo-liumorale, etc.; 3° une complication
plus grande s’observe dans d’autres articulations : dans
celle du genou , par exemple, on trouve une enveloppe
commune, des gaines pour le tendon du muscle poplité
et le ligament adipeux; et de plus des replis revêtent
les ligamens semi-lunaires et croisés, qui soulèvent la
membrane et font saillie dans l’articulation; On pour-
rait donc établir à peu près cet ordre dans la compli-
cation des membranes synoviales : ampoule simple;
ampoule soulevée par des flocons graisseux ; cette
dernière disposition jointe à la présence de gaines;
enfin, outre cette dernière, des replis formés par des
parties qui s’enfoncent dans l’articulation et sont revê-
tues par la membrane. Toutes ces formes si variées se
rapportent, en dernière analyse, à la forme vésicu-
laire.
§ 2 1 3. La surface externe des membranes synoviales a
des connexions plus ou moins étroites, avec les parties
voisines. Aux deux extrémités de l’espèce de sac qu elles
représentent, toutes adhèrent intimement aux surfaces
articulaires des os, ou plutôt aux cartilages qui revêtent
ces surfaces. Leur connexion avec ces cartilages est
tellement serrée, qu’on croirait que celui-ci est nu;
cependant Nesbitt , Bonn, W. Hunter, avaient annoncé
depuis long-temps l’existence d’un prolongement des
membranes synoviales sur les surfaces articulaires des
os. G est particulièrement à Bicbat que I on doit d’a-
voir établi celte vérité d’une manière incontestable.
Quelques auteurs pourtant, tels que Gordon, et M. Ma-
î gendie, élèvent encore des doutes sur ce point. Plu-
ANATOMIE GÉNÉRALE.
2l4
sieurs faits démontrent la présence des synoviales ar-
ticulaires sur les cartilages. Dans l’inflammation de ces
membranes, leur rougeur, qui à la longue devient sen-
sible, s’étend sur la circonférence du cartilage, et est
de moins en moins marquée, à mesure qu’on s’avance
vers son centre , la membrane s’identifiant de plus en
plus avec le cartilage ; le centre lui-même finit par se
pénétrer de vaisseaux, mais le cartilage n’est coloré
qu à sa surface, et conserve dans son épaisseur la cou-
leur blanche qui ïui est propre. Les brides qui se
forment quelquefois dans les membranes synoviales
naissent indifféremment de tous les points de leur éten-
due, et on observe, quand elles tiennent au cartilage,
que leur base lui adhère moins intimement, et qu’en
cet endroit la membrane devient apparente , comme
elle l’est naturellement au pourtour des surfaces arti-
culaires : de cette manière la synoviale est apparente sur
le centre même du cartilage. La dégénération fon-
gueuse, propre à la membrane synoviale, se voit éga-
lement sur le cartilage. Enfin, l’inspection directe dé-
montre la continuité de cette membrane. En enlevant
obliquement une tranche d’un cartilage, que l’on ren-
verse ensuite de manière à la rompre à sa base, elle
tient encore par la synoviale , qui la recouvre ainsi
que le reste du cartilage. Lorsqu’on scie un os, qu’on
rompt ensuite le cartilage de son extrémité, la con-
nexion est encore établie dans les deux moitiés par la
synoviale, qui se porte de l’une à l’autre.
Dans le reste de leur étendue , c’est-à-dire au pour-
tour de l’articulation , les membranes svnoviales tien-
nent aux ligamens articulaires d’une manière égale-
DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 2l5
ment très- serrée, comme on le voit à la capsule de
l’articulation scapulo-humérale : l’adhérence est surtout
intime au milieu, et devient de plus en plus lâche vers
les extrémités. Dans l’intervalle des ligamens, ces mem-
branes correspondent aux tissus cellulaire et graisseux:
ces tissus forment là des pelotons très-marqués, ainsi
que près de l’endroit où la synoviale abandonne les
ligamens -pour se réfléchir sur l’os. *
La surface interne est lisse, polie, contiguë à elle-
même, lubréfiée par la synovie j et garnie de villosités
et de prolongemens fiangés.
§ 21 4- Les membranes synoviales sont minces, molles,
demi-transparentes, blanchâtres, extensibles à un cer-
tain degré, quoiqu’elles le soient moins que les séreuses
splanchniques, et rétractiles, comme le montrent leur
hydropisie et leur retour sur elles -mêmes après l’éva-
cuation du liquide qui s’y est accumulé. Leur rupture
dans les luxations dépend moins de leur défaut d’ex-
tensibilité, que de leurs connexions étroites et de la
moindre étendue de leurs replis.
§ 21 5. Ces membranes sont garnies de pelotons grais-
seux, placés à leur extérieur ou dans leur épaisseur
même, et improprement désignés sous le nom de glandes
synoviales d’ Havers. Ces pelotons, aperçus par Y ésale et
Etienne, décrits par Cowper et surtout par Cl. Havers x,
ont été regardés par tous les physiologistes, jusqu’à
Monro, comme les organes sécréteurs de la synovie 2.
Leur volume varie suivant la quantité de graisse qu’ils
v*De ossibus , senno iv, cap. i.
2 l oyez Pitscliel. De axungiâ articula'. Lips. 17/10. —
Haasc. De unguine arliculari , ejusque vit iis. Lips. 177 4-
anatomie générale.
2i(i
contiennent : ils renferment toujours plus ou moins de
ce fluide, et sont presque entièrement formés de tissu
adipeux. Les franges existent, à l’intérieur de la mem-
brane , à l’endroit où sont placés ces pelotons en
dehors. Les endroits où l’on rencontré ces différens-
objets sont ceux où la membrane offre le plus de
vaisseaux. Les franges contiennent dans leur épaisseur
du tissu cellulaire, de la graisse et des vaisseaux san-
guins; les autres parties des membranes synoviales ne
reçoivent que des vaisseaux séreux. Les lymphatiques
ne sont apparens que dans quelques-unes de ces mem-
branes. Il est inutile de nous arrêter de nouveau à
l'hypothèse de Mascagni, que cet auteur applique à
toutes les membranes transparentes. On ne connaît pas
les nerfs des capsules synoviales.
§ 216. Le liquide sécrété par ces membranes, ou la sy-
novie, synovici , ainsi nommé par Paracelse à cause de
sa ressemblance grossière avec le blanc d’œuf, est le
résultat d’une sécrétion perspiratoire, quoiqu’on ait
admis beaucoup d’autres idées sur le mécanisme de sa
formation. Ce fluide n’est point, comme on la cru pen-
dant long-temps, le produit du mélange de la sérosité
avec la graisse; la moelle des os ne transsude pas pour
le former, comme nous l’avons vu; la synovie même
ne contient pas d’huile dans l’état naturel. Les pré-
tendues glandes de Ha vers ne peuvent , d’après ce que
nous avons dit, remplir l’usage que cet auteur leur
attribuait, et les franges qui les surmontent ne sont
pas, comme il le croyait, des conduits excréteurs.
On n observe , en effet, rien de glanduleux dans
les paquets synoviaux , point de granulations , de
DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 2 IC
conduits excréteurs; cependant on a récemment en-
core cru trouver cette structure glandulaire r. La
graisse même qu’ils renferment n’est pas essentielle
a leur structure , et d’ailleurs , comme il n’y a pas
d huile dans la synovie, ce n’est pas la transsudation
du premier de ces fluides, quand il existe, qui donne
naissance au second. Rosenmuller prétend qu’il y a des
follicules sécrétoires dans ces pelotons adipeux : je
n’ai point vu ces follicules et ne sache pas que per-
sonne ait constaté de nouveau leur existence. La sé-
crétion de la synovie n’est donc ni glandulaire, ni fol-
liculaire, ni un simple résultat de la transsudation,
mais véritablement perspiratoire : toute l’étendue des
membranes synoviales en est le siège, mais surtout la
portion de ces membranes que surmontent les franges,
en raison de plus grand nombre de vaisseaux qu elle
contient. La synovie est en partie reprise par absorp-
tion et sa quantité , toujours à peu près la même, sup-
pose un équilibre entre celle-ci et la sécrétion.
Connu des Grecs, qui lui donnaient le nom de
tcov upêpav , désigné pendant long -temps sous celui
iïaxungïa, d'unguen, ce liquide est filant, visqueux,
doué d’une saveur salée, d’une pesanteur spécifique
exprimée par io5 , celle de l’eau représentant 100.
Sa composition chimique a été examinée , tant chez,
les animaux que chez l’homme, mais plus particu-
lièrement dans le bœuf, par Margueron, Fourcroy,
J. Davy, Hildebrandt, M. Orfila et plusieurs autres.
On y trouve de l’eau, de l’albumine, du mucus ou de
1 V oyez Hcyligers. Dissertatio physioL anat. de fabricd
àrticul. i8o3.
21 S ANATOMIE GENERALE.
la matière incoagulable, regardée par quelques-uns
comme de la gélatine mucilagineuse , de la matière
filandreuse, que les uns pensent être de la fibrine, les
autres de l’albumine dans un état particulier, de la
soude, du muriate de soude, du phosphate de chaux
et une matière animale que l’on dit être de l’acide
urique. Les usages de la synovie sont de diminuer les
frottpmens, et de faciliter par là le glissement des
parties.
§ •Airj. Les capsules synoviales des articulations pré-
sentent quelques altérations pathologiques 1 . Elles se
réparent quand elles sont divisées; mais leur mode de
réunion est peu connu; il n’y a point de faits précis
dans l’histoire des plaies des articulations et des luxa-
tions, relativement à ce mode. Il se fait quelquefois de
nouvelles membranes synoviales, comme on l’observe
dans les fausses articulations , «après les luxations non
réduites; dans ce cas que le docteur Thomson a décrit ,
et que j’ai moi-même observé, les débris de l’ancienne
capsule et le tissu cellulaire réunis forment une nou-
velle membrane, assez semblable à la première. A la
suite des fractures non consolidées , dans les articu-
lations surnuméraires qui leur succèdent, il existe
de même une membrane fermée, lisse à 1 intérieur,
contenant un liquide visqueux plus ou moins analogue
à la synovie.
L’hydropisie des articulations constitue lllydrar-
1 Voyez Reimarus, de tumorc ligament. , etc. Leyd. UJ7.
— Wynperssé, de ancylosi. Leyd. 1783. — Ejusd. de ancyl.
pathol. Leyd. 1783. — Brodie. Traité des maladies des articu-
lations. Paris, 1819.
DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 219
tlirose : la synovie est ordinairement altérée de diverses
manières dans celte affection.
§218. L inflammation produitdans ces membranes les
» /
même altérations de tissu et de fonctions que dans les sé-
reuses en général. Elles s’épaississentunpeu, rougissent
dans une plus ou moins grande étendue, se recouvrent
de grains albumineux, et contractent quelquefois des
adhérences à la suite de cette inflammation. Celle-ci
peut se terminer par résolution , et laisse alors une roi-
deur tenant à l’épaississement de toutes les parties en-
vironnantes : la membrane elle-même reste aussi, en
b .
général, plus épaisse. Des épanchemens, soit de sy-
novie pure , soit de sérosité lactescente ou contenant
des flocons albumineux, ou même du véritable pus,
peuvent résulter de cette inflammation. Les adhé-
rences qui surviennent à sa suite constituent une des
espèces d’ankiloses. Il est, comme on le sait, plu-
sieurs variétés de cette maladie : toutes dépendent de
1 altération de la synoviale, et quelquefois des parties
extérieures, à cette membrane. Ainsi dans l ankilose
fausse , il paraît y avoir épaississement , induration de
toutes les parties molles qui entourent les articula-
tions. Une autre espèce, à laquelle on pourrait appli-
quer l’épithète de fausse si elle devait être conservée,
est caractérisée par des adhérences de la membrane sy-
noviale. L’articulation devient alors une amphiartrose,
des brides ou lames synoviales unissent les surfaces diar-
throdiales : ces brides sont quelquefois si nombreuses
quelles représentent une sorte de eellulosité; suivant
leur nombre, leur longueur, leur extensibilité, les mou-
vemens sont plus ou moins bornés; l’épaississement et
220
ANATOMIE GENERALE.
1 endurcissement des parties molles se joignent à cette
alteration, à la suitede laquelle les parties ne reprennent
jamais complètement leurs mouvemens. Dans la vraie
ankylosé, non seulement il setablit des adhérences
entre les surfaces articulaires, mais encore ces surfaces
se soudent, se confondent, la continuité est parfaite
entre les os, dont les lames compactes ainsi que les
lames cartilagineuses qui les séparaient finissent elles-
mêmes par disparaître, de sorte que leui tissu spon-
gieux se confond : c’est par la membrane synoviale
que commence ce changement, que nous devions à
cause de cela indiquer ici. L’ulcération est une termi-
naison plus rare de l’inflammation des membranes
synoviales.
§ 219. Dansles tumeurs blanches, parmi lesquelles on
range des altérations très-diverses, comme l’inflamma-
tion, I hydropisie, les maladies des cartilages, etc., on
trouve quelquefois une altération propre aux mem-
branes synoviales : c’est un état dans lequel ces mem-
branes sont converties en une substance fongueuse d’où
s’élèvent des végétations jusqu’au-dessous delà peau,
et faisant même saillie à l’extérieur. Reimarus, Bram-
billa, M. Brodie, ont décrit ces fongus cancéreux.
§ 220. Il se forme des corps étrangers dans les articula-
tions; celle du genou en est le siège le plus fréquent. Le
volume de ces corps varie , ainsi que leur nombre et leur
consistance, comme nous l’avons déjà dit en traitant
du système séreux en général; ils se forment en dehors
de la membrane synoviale, et paraissent le résultat
d’une altération particulière de la nutrition ; ils s en-
foncent petit à petit du côté de l'intérieur de la mem-
DES CAPSULES SYNOVIALES ARTICULAIRES. 22Ï
brane, et finissent par se détacher entièrement suivant
le mécanisme indiqué plus haut. Leur présence, accom-
pagnée de douleurs vives quand ils se placent entre les
surfaces articulaires, ne produit presque point de gêne
lorsqu’ils se trouvent logés dans des endroits mobiles
et où l’articulation est lâche. Des enfoncemens plus ou
moins profonds sont quelquefois creusés à la longue
par la pression qu’ils exercent sur les cartilages, et
comme ces enfoncemens répondent par leur forme à
celle des corps qui y sont logés, cela a fait dire que
c’était des morceaux de cartilage séparés par une vio-
lence extérieure; mais il suffit de considérer que ces
enfoncemens n’existent pas dans le plus grand nombre
des cas où l’on trouve des corps étrangers, qu’ils ne
ressemblent nullement, pour l’aspect, aux surfaces
d’une fracture, et que les corps sont bien plus épais
que le cartilage articulaire pour ne point admettre
cette opinion.
ARTICLE IV.
DES MEMBRANES SEREUSES SPLANCHNIQUES.
§ 221. Les membranes séreuses proprement dites ,
que l’on a aussi appelées membranes diaphanes, sont
celles qui tapissent les cavités splanchniques et qui
fournissent des tuniques plus ou moins complètes aux
viscères situés dans ces cavités.
§ 222. Ces membranes ont été pendant long-temps,
comme toutes les autres membranes séreuses, consi-
dérées et confondues, soit dans l’état sain, soit dans
l’état malade, avec les organes quelles enveloppent et
les parties qu’elles revêtent. Cependant, sous le pre-
222
ANATOMIE GÉNÉRALE.
mier rapport, on avait successivement décrit dune
manière exacte chacune de ces membranes indépen-
damment des parties quelles recouvrent; quelques
anatomistçs, comme Monro, avaient même déjà in-
diqué l’analogie qui existe entre elles. Sous le rap-
port pathologique, Sauvages et M. Pinel , avaient
déjà établi un ordre d’inflammation pour celles des
membranes diaphanes, mais en y comprenant l'in-
flammation de l’estomac, de l’intestin, de la vessie
et de l’épiploon comme autant de genres; diverses
observations d’anatomie pathologique , et notam-
ment celles de J. G. Walter sur la péritonite, avaient
montré , que cette membrane pouvait comme les
autres membranes séreuses , être affectée dans toute
son étendue, et indépendamment des parties sous-ja-
centes; enfin, le docteur Garmichael Smith avait noté
avec exactitude l’inflammation identique de toutes les
membranes diaphanes, lorsque Bichat donna sa des-
cription complète et exacte des membranes séreuses,
et particulièrement de l’arachnoïde. On a donné depuis
des descriptions de quelques-unes de ces membranes r,
mais l’on a peu ajouté à ce que notre célèbre anato-
miste en a dit ; on a ajouté davantage à leur histoire
pathologique,
§ 223. Les membranes séreuses dont il s’agit ici sont
situées dans les cavités du tronc, qu’elles tapissent ; elles
y revêtent les organes les plus iinportans, les plus es-
1 Voyez Langenbeck , Commentarium de structura pen-
tonœci , etc ., cum tabulis. Gotting, 1817. — L. Rolande,
Osservazioni sul perijioneo et sulla pleura , ui mem. delta
real Accad. délie scienze. Tom. XXIV, Turin, 1820.
DES MEMBRANES SEREUSES SPLANCHNIQUES. 223
sentiels à la vie. Ces membranes sont distinctes et
séparées les unes des autres ; leur nombre est peu con-
sidérable : ce sont, i° le péritoine dans l’abdomen, où
il revêt plus ou moins complètement la plupart des
organes de la digestion, qui sont contenus dans cette
cavité , et beaucoup moins les organes génitaux et uri-
naires ; 2° , 3° les deux plèvres , et 4° le péricarde ,
dans la poitrine, où chacune de ces membranes est
bornée à un seul organe et aux parois de sa cavité; 5°
l’arachnoïde, dans le crâne et dans le canal rachidien ;
6° et 7° enfin, dans l’homme seulement , les péri-
dymes ou tuniques vaginales des testicules.
L’étendue de ces membranes, prises ensemble, est
très-considérable, et dépasse de beaucoup celle de la
peau. Le péritoine est la plus grande de ces mem-
branes : son étendue égale au moins celle de toutes les
autres réunies.
§ 224. La description générale des membranes sé-
reuses a déjà en grande partie fait connaître l’espèce
dont il s’agit ici, et qu’on peut regarder comme le
type du genre. Leur forme est la même que celle de
toutes les membranes séreuses; celle d’une vessie
sans ouverture et à parois contiguës. Elles revêtent
d’une part la surface interne des parois de la cavité
où elles sont contenues, et de l’autre elles fournis-
sent des tuniques ou enveloppes extérieures aux or-
ganes. Les plèvres, le péricarde, les pérididymes ont
une conformation assez simple, leurs parties viscérale
et pariétale se continuent autour du point où l’organe
quelles revêtent tient par des prolôngemens vascu-
laires aux parois de la cavité qui, le renferme. Quant
f21/\ ANATOMIE GENERALE.
à l’arachnoïde et au péritoine, leur disposition est un
peu plus compliquée, sans cesser d’être essentiellement
la même. Pour la première, la complication tient au
grand nombre de vaisseaux et nerfs qui aboutissent au
cerveau et qui en partent. Or, sur chacune de ces
parties, l’arachnoïde forme une gaine, qui se continue à
l’une de ses extrémités avec le feuillet viscéral de la
membrane, et à l’autre avec son feuillet pariétal, dis-
position déjà indiquée et figurée par Bonn , sur laquelle
Bichat a plus particulièrement fixé l’attention , et d’où
résulte, d’une part, que la cavité membraneuse n’est
point ouverte, et que les deux parties de la membrane
sont continues l’une à l’autre. Quand au péritoine, sa
complication dépend du grand nombre de parties aux
quelles il fournit des tuniques, et de la disposition di-
verse de ces parties , dont les unes sont très-près de la
paroi postérieure de l’abdomen d’où elles reçoivent leurs
vaisseaux, et sont simplement couvertes parle péritoine;
dont les autres s'ont éloignées, quelquefois très-éloi-
gnées de cette paroi , et sont suspendues à des freins
membraneux qui contiennent les vaisseaux dans leur
épaisseur; sa complication dépend aussi des prolonge-
mens vasculaires saillans au-delàdes viscères, et auxquels
la membraneséreusefournitdesenveloppes flottantesoh
épiploïques. Cette membrane offre encore cette parti-
cularité, qu elle est la seule de toutes les membranes
séreuses qui présente une ouverture au pavillon de
la trompe utérine. De plus grands détails sur la con-
formation des membranes séreuses splanchniques ap-
partiennent à l’anatomie spéciale de ces membranes, et
1 surtout à celle du péritoine et de 1 arachnoïde.
des membranes SÉREUSES SPLANCHNIQUES. 225
$ 225. Des deux surfaces de ces membranes , l’une
est toujours libre dans l’état sain , et l’autre est géné-
ralement adhérente. La surface libre est luisante, hu-
mide, et paraît polie; cependant elle est garnie de villo-
sités fines qui deviennent visibles quand on la regarde
sous l’eau, et que l’irritation inflammatoire rend très-
apparentes. C’est aux membranes séreuses qui les en-
veloppent et qui les tapissent, que les organes et les
parois des cavités splanchniques doivent leur aspect
luisant; là où ils en sont dépourvus , ils u ont point la
même apparence. Cette surface libre, partout contiguë
à elle-même, ainsi que la sérosité qui l’humeçte, éta-
blissent une distinction, un véritable isolement entre des
parties extrêmement rapprochées; elles facilitent sur-
tout singulièrement les mouvemens de ces parties.
§ 22 6. L’autre surface des membranes séreuses est
presque partout adhérente, soit aux viscères, soit aux
parois des cavités ; il n’y a guère que quelques points
du feuillet viscéral de l’arachnoïde qui soient libres
par les deux faces, partout ailleurs la surface exté-
rieure des membranes séreuses est adhérente. Cette
adhérence a lieu d’une part avec les parois des cavités,
et de l’autre part avec la surface des viscères. Le degré
ou la solidité de cette adhérence varie beaucoup. En
général, là où les membranes séreuses tiennent à un
tissu ligamenteux, comme à la dure-mère, au péricarde,
aux aponévroses de la paroi abdominale, à l’albuginée
1 du testicule, elc., cette adhérence est intime; elle est
encore assez grande sur des parties musculaires et au-
tres, comme sur le cœur, les poumons, l’estomac, l’in-
testin , etc; elle l’est beaucoup moins en quelques
anatomie générale.
226
endroits, comme là où la membrane passe d’un or-
gane aux parois de la cavité, ou réciproquement; là
où elle forme des freins et des prolongemens flottans
qui contiennent des vaisseaux; dans les endroits où le
tissu cellulaire sous-séreux contient de la graisse, et
en général partout où il est lâche.
§ 227. Ces différences sont d’une assez grande impor-
tance pour s’y arrêter encore: il en résulte, par exemple,
que quand l’utérus, la vessie, l’estomac * l’intestin aug-
mentent de volume, les freins et les replis péritonéaux
ambians s’écartent, se développent et s’appliquent aux
organes; et que, quand ceux-ci reviennent sur eux-
mêmes, la membrane leur redevient étrangère : cela est
du à la laxité du tissu cellulaire sous-séreux vers le bord
adhérent de ces replis. Quand une hernie se fait dans
l’aîné et s’accroît, c’est, pour la plus grande partie, par
le déplacement, le glissement de.la membrane séreuse,
favorisés par la laxité des adhérences, que le sac s’ag-
grandit; quand, au contraire, une hernie ombilicale
augmente de volume, c’est par distension et par amin-
cissement que le sac s’aggrandif , l’adhérence du péri-
toine étant intime autour de l’ombilic. Bichat a peut-être
un peu exagéré l’influence que la laxité des adhérences
des membranes séreuses peut avoir sur l’isolement de
leurs maladies, et de celles des parties sous-jacentes.
§ 228. Les propriétés physiques de ces membranes
sont celles que nous avons exposées en parlant du systèm e
séreux en général : elles sont minces, mais la ténuité n’est
pas la même dans toutes , dans tous les endroits de la
même membrane, ni dans tous les individus. Molles,
demi- transparentes, etc., leur extensibilité est très-
DES MEMBRANES SEREUSES SPLANCHNIQUES. 227
marquée, plus que celle des membranes synoviales;
leur résistance assez grande et de beaucoup supérieure
à celle du tissu cellulaire ; elles sont un peu élastiques.
Lorsqu’on distend ces membranes au delà d’un certain
degré, elles s’éraillent; les éraillemens occupent la
surface libre; le reste de l’épaisseur de la membrane
résiste plus à la déchirure, ou cède davantage à la dis-
tension.
S 229. Elles consistent toutes en un Feuillet unique,
d’autant plus dense et serré, qu’on l’examine du côté
de la surface libre, et dont la texture est plus lâche
du côté opposé, où elle devient floconneuse et se con-
fond avec le tissu cellulaire commun. Jusqu’à l’époque
où Douglas a donné une description exacte du péri-
toine, on considérait cette membrane et celles de la
même espèce, comme bifoliées, et contenant les vis-
cères dans l’écartement de leurs deux feuillets : c’était
une opinion erronée qu’il a réfutée, et que Vacca et
d’autres ont en vain essayé de reproduire. Le prétendu
feuillet externe n’est autre chose que le tissu cellulaire
sous -séreux si bien décrit par Douglas. Elles consis-
tent essentiellement en une couche de tissu cellulaire
extrêmement rapproché et condensé, et de plus en
plus distinct du tissu cellulaire, depuis la surface adhé-
rente, où elle se continue insensiblement avec lui, jus-
qu’à la surface libre, où elle en diffère beaucoup; on
n’y distingue pas aussi manifestement des fibres ou des
petits faisceaux entrelacés que dans les membranes sy-
noviales. Les appendices flottans de ces membranes
contiennent aussi du tissu cellulaire libre, et sou-
vent du tissu graisseux ; elles sont beaucoup plus vas-
ANATOMIE GENERALE.
euJaires que les autres membranes séreuses ou syno-
viales. Elles contiennent une immense quantité de
vaisseaux blancs ou séreux, qui deviennent apparens
par l’injection, la congestion, l’inflammation, et quel-
ques vaisseaux rouges très-fins qui appartiennent à leur
surface externe, et surtout au tissu cellulaire sous-sé-
reux , comme on peut s’en assurer en détachant la
membrane, que l’on trouve blanche dans les endroits
où l’on y aurait supposé un grand nombre de vaisseaux
rouges, .que- l’on apercevait seulement au travers d’elle.
•Les vaisseaux rouges sont surtout abondans dans les
replis flottans ou épiploïques. Des nerfs ont été suivis
.jusques auprès de ces membranes, mais non dans leur
épaisseur même.
§ 23o. Ces membranes desséchées deviennent trans-
parentes , prennent une légère couleur jaunâtre, et
deviennent en même temps élastiques et assez fermes:
elles reprennent leurs premières propriétés par l’im-
mersion dans l’eau. La macération les rend d’abord
molles, opaques, épaisses, puis pulpeuses, et finit,
mais après un temps très-long, par les dissoudre. Dans
les cadavres qui commencent à s’altérer, ces mem-
branes d’une part, laissent transsuder, et de l’autre,
s’imprègnent des liquides , de là leurs diverses colora-
tions. Le feu nu et l’eau bouillante les racornissent.
L’ébullition prolongée les convertit en gélatine et en
un peu d’albumine. Ces divers caractères les rappro-
chent du tissu cellulaire et du tissu ligamentaire.
§ 23 1. La force de formation y est moins développée
que dans le tissu cellulaire libre. L’irritation n’y déter-
mine point de mouvemens sensibles, mais elle en altère
des membranes séreuses splanchniques. 229
la sécrétion etja texture f elle les enflamme. Elles ne
sont sensibles que dans cet état ou elles deviennent
ordinairement le siège d’une vive douleur.
§ 23a. Dans l’état de vie et de santé, elles sont hu-
mectées à leur surface contiguë par de la sérosité»
qu’elles déposent et, résorbent continuellement. On
avait attribué cette sécrétion à l’action de certaines,
glandes qu’on supposait, logées dans leur tissu. Ruysch
a prouvé que ces prétendues glandes 11'existent pas.
Hunter avait cru que cette sécrétion se faisait par une
véritable transsudation, analogue à la transsudalion ca-,
davérique, à travers les aréoles, les interstices, ou les
porosités anorganiques du tissu des vaisseaux: quoique
la véritable voie et le vrai mode organique, suivant,
lequel se font les sécrétions perspiratoires et autres,
ne soit pas bien connu, du moins on peut affirmer
quelles diffèrent de la transsudation, laquelle n’a lieu
que dans le cadavre. La sérosité, dans l’état de santé,
est en quantité si petite, qu’elle est à peine aperceva-
ble, et qu’à peine peut-on la recueillir. Hewson a re-
cueilli sur des animaux tués à l’instant, le liquide, en
petite quantité, qui humecte les membranes séreuses,
et il a vu, parle repos et l’exposition à l’air, ce liquide
se coaguler comme la lymphe coagulable du sang. Il
n a pu recueillir de même la sérosité du tissu cellulaire.
Bostock a trouvé, dans la sérosité saine des cavités
splanchniques, de l’eau, de l’albumine en moindre pro-
portion que dans le sérum , de la matière incoagulable,
et des sels. Schwilgué y a trouvé de l’albumine une
matière extractive et une matière grasse. D’après l’exa-
men que j ai fait de la sérosité des cavités splanchrti-
23o anatomie générale.
ques, il me semble que la matière incoagulable est du
mucus gélatiniforme semblable à celui qu’on trouve
dans l’albumine coagulée du sérum du sang. La coa-
gulabilité de la sérosité saine , déjà observée avant
Hewson par Lower, Lancisi et Kaau , a été, au con-
traire, niée par Sarcone, Cotunnio et Géromini 1 ; je
crois cette coagulabilité constante dans l’état sain.
§ ü33. De toutes les membranes séreuses, celles dont il
s’agit maintenant, sont celles dont les fonctions et les
actions morbides sont le plus intimement liées avec
les autres phénomènes organiques, cela d’ailleurs pré-
sente encore des variétés ; ainsi la membrane du testi-
cule et celle de l’abdomen diffèrent beaucoup sous ce
rapport.
§ a3 4* C’est à elles aussi que se rapporte pour la plus
grande partie , ce qui a été dit sur les altérations mor-
bides de tout le système séreux. Elles sont sujettes de
plus que les autres à quelques vices de conformation
primitifs; comme les ouvertures contre nature, qu’on
observe dans quelques cas de monstruosité et dont
elles peuvent toutes offrir des exemples, ainsi que les
prolongemens ou appendices qui enveloppent les her-
nies congéniales et autres déplacemens.
§ ^35. Les hernies accidentelles sont aussi accom-
pagnées d’une altération de forme des membranes sé-
reuses splanchniques , c’est l’existence à peu près
constante d’un sac herniaire qui enveloppe les parties
déplacées : ce sac est formé par la membrane séreuse
1 Saggio s u lia gcncsi, c cura dclV idrope. Crcmona t
1 8 1 6.
DES MEMJHlANUS SEREUSES SPLANCHNIQUES. 23 I
qui revêt les parois, et que les viscères en se déplaçant
poussent devant eux. .
§ 236. L’hydropisie, l’inflammation et ses effets, les
fausses membranes, les adhérences, les productions,
accidentelles soit analogues, soit morbides, sont plus
communes dans les membranes séreuses splanchniques
que dans les autres espèces, et plus communes encore
' dans quelques-unes d’entre elles que dans les autres.
§237. Quoique les membranes séreuses splanch-
niques forment un groupe assez naturel, cependant
elles présentent des différences qui appartiennent à
l’anatomie spéciale ; et en outre, l’arachnoïde diffère
encore beaucoup des autres. Elle a bien la même'
conformation que les autres membranes séreuses , mais
sa consistance est très-molle, sa ténuité extrême, sa
texture impossible à déterminer ; elle semble homo-
gène; on n’y rencontre point de vaisseaux, même dans
l’état de maladie. La plupart des phénomènes morbides
qu’on lui attribue se passent dans le tissu sousjacent.
de la pie-mère; elle semble enfin former un genre à ,
part.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
2^2
■ %■*-». v^-%
CHAPITRE III.
DES MEMBRANES TÉGUMENTAIRES.
§ a38. Ces membranes sont celles qui , tant à l’in-
térieur qu’à l’extérieur , revêtent les parties naturelle-
ment exposées au contact des substances étrangères.
On les appelle encore villeuses composées, ou follicu-
leuses, à cause des parties nombreuses qui entrent
dans leur texture, et en particulier des follicules qu’elles
contiennent; Elles constituent après le tissu cellulaire,
dont elles sont une modification plus ou moins compo-
sée , le tissu ou l'organe le plus généralement répandu
dans le règne animal j elles sont les premières parties
distinctes et figurées de l'embryon • c’est sur elles et par
elles que tout le reste du corps se forme j en santé et
pendant toute la vie, elles sont les organes des fonc-
tions les plus essentielles : c’est en elles et par elles
que se font toute absorption et toute sécrétion extrin-
sèques ; c’est sur elles que toutes les substances étran-
gères font impression ; elles sont souvent altérées dans
les maladies ; c’est sur elles enfin que la plupart des
agens thérapeutiques Sont appliqués : leur étude est
donc d’une grande importance pour le médecin.
§ 2^g. Galien 1 avait déjà fait remarquer qu’outre la
peau extérieure qui est le tégument commun de toutes
les parties, il y aune peau membraniforme et mincë qui
1 De la méthode thérapeutique , L. xiv , chap. 2.
DES membranes tégumentaires. 2^3
revêt les parties internes; plusieurs anatomistes 1 avaient
déjà indiqué la continuation de la peau dans quelques-
unes des cavités naturelles , et l’analogie du mucus
avec l’épiderme; Bonn * avait déjà décrit avec détail la
continuation de la peau avec la membrane interne
dans toutes les ouvertures et les cavités ; les zooto-
mistes et les naturalistes l’avaient aussi fait observer,
ainsi que l’analogie qui existe entre ces deux parties
d’une même membrane dans l’intervalle desquelles tout
le reste du corps est placé. Bichat a particulièrement
insisté sur cette continuité. IVL J.-B. Wilbrand 4 a fait
récemment une exposition détaillée du système cutané
ou tégumentairedans toutes ses divisions. M. Hébréard 5
a décrit la transformation de la peau en membrane
muqueuse^ et réciproquement.
§ a4o. Les membranes tégumentaires ont dans toute
leur étendue des caractères communs qu’il faut d’abord
exposer; mais d’après des différences dans leur situa-
/
tion , leur texture et leurs fonctions, elles sont dis-
tinguées en deux parties qu’il faudra décrire ensuite
chacune à part : ce sont la membrane muqueuse ’et la
peau.
* Casserius, Pcntaestheseion , hoc est, de quinque sensi-
bus liber.
a Glisson , De guld , ventriculo et intestinis.
3 De continuationibus membranarum .
^ Das hautsystem in allen seinen vcrz iveigungcn , ana-
tomisch , physiol. un d pathol . dargeslellt. Giessén , 18 13.
5 Mémoire sur l’analogie qui existe entre les systèmes mu-
queux et dermoïde ; Mémoires de la Soc. méd. d'émulation. ,
vol. vin , pag. i53.
234
ANATOMIE GÉNÉRALE.
PREMIÈRE SECTION.
DES MEMBRANES TEGUMENTAIRES EN GENERAL.
§ 241. Les tégumens,. quelles que soient leur éten-
due et leur multiplicité apparente , forment une
seule et même membrane , partout continue à elle-
même , depuis la peau extérieure jusqu’au fond des
dernières ramifications du conduit excréteur de la
glande la plus profondément située : cette membrane
a par conséquent une largeur immense. Sa situation
est partout extérieure ou superficielle , en ce sens
qu’elle est partout située aux surfaces du corps dont
elle forme la limite, et quelle est partout en contact
avec des substances étrangères à l’organisation ; mais
une partie seulement est apparente au dehors et enve-
loppe tout le corps tandis que l’autre partie, cachée,
revêt à l’intérieur le canal alimentaire qui parcourt le
tronc dans sa longueur, depuis la bouche jusqu’à l’a*
nus. On peut dès lors concevoir la figure de la mem-
brane tégumentaire comme celle d’une enveloppe et
d’un canal qui la traverse , continus l’un à l’autre aux
deux extrémités ; ou mieux , comme celle de deux ca-
naux , l’un plus large et l’autre plus étroit , emboîtés
l’un dans l’autre et continus aux deux bouts , et dans
l’intervalle desquels tout le reste du corps est logé. Si
l’on voulait employer une comparaison triviale , celle
qui conviendrait le mieux pour représenter cette dis-
position serait celle d’un manchon ayant en effet deux
_ • f •
surfaces séparées par une couche plus ou moins épaisse
de substance intermédiaire.
DES MEMBRANES TEGUMENTÀIRES. ' 235
§2 4*. Outre la peau et la membrane muqueuse du
canal alimentaire continues l une à l’autre aux deux ori-
fices de ce canal , partout continues à elles-mêmes, et
qui constituent les deux parties principales de la mem-
brane tégumentaire , cette membrane a un grand
nombre de dépendances ou de prolongerons plus ou
moins étendus et ramifiés dans l’épaisseur du corps :
tels sont, i° les membranes génitale et urinaire, qui
se prolongent dans toutes les cavités des organes de
la génération èt de la dépuration urinaire ; 2° la mem-
brane pulmonaire, qui tapisse toutes les divisions des
bronches ; 3° les membranes qui tapissent les conduits
excréteurs des glandes, soit qu’ils aboutissent à la
membrane muqueuse , ou que > comme ceux de la ma-
melle , ils aboutissent à la peau ; 4° celles des cavités
nasales , de leurs sinus et des arrière-fosses nasales ,
des conduits auditifs , chi tympan , du sinus mastoïdien
et de la surface de l’œil.
Parmi ces prolongerons, tous muqueux, excepté
celui du conduit auditif externe, qui est cutané, la
plupart aboutissent à la membrane muqueuse et en
sont des appendices ou des prolongemens ; la peau
extérieure au contraire est beaucoup moins compliquée
par des appendices de ce genre.
§ 243. La membrane tégumentaire présente dans
sa vaste étendue des différences ou variétés d’appa-
rence , de texture et de fonction , qui pourraient faire
douter de son unité, et de sa continuité.
La peau et la membrane muqueuse , comparées
1 une à l’autre , semblent très-différentes au premier
coup d œil ; mais dans la série animale la différence
^36 ANATOMIE GÉNÉRALE.
s effacç par degrés dans les animaux les plus simples;
elle est encore assez peu marq,uée en général dans les
animaux plus élevés qui habitent l’eau. Dans le fœtus
humain, la différence, quoique réelle, est d’abord peu
tranchée. Dans 1 adulte même on voit la peau se trans-
former aisément en membrane muqueuse et„celle-ci en
peau. Quand, par exemple, une partie delà surface du
corps est long-temps soustraite à l’action de l’atmo-
sphère, comme on l’a vu dans des cas de contractures où
la jambe était fortement fléchie et appuyée sur la cuisse,
et comme on le voit souvent dans les plis de la peau chez
les enfans très-gras , l’épiderme se ramollit et disparaît,
la peau finit par sécréter du mucus. D’un autre côté ,
dans les prolapsus de l’utérus on voit la membrane
muqueuse du vagin, et dans les prolapsus de l’anus
naturel ou accidentel, celle de l’intestin , s’épaissir,
se sécher et prendre les apparences de la peau. Dans
l’état de santé enfin , on voit, dans beaucoup de par-
ties , la peau ne se changer que graduellement et d’une
manière insensible en membrane muqueuse : c’est ce
qui a lieu aux lèvres de la vulve, au prépuce, à l’anus,
au mamelon et aux narines ; ce n’est guère qu’aux pau-
pières et aux lèvres que la ligne de démarcation paraît
un peu tranchée. Il n'y a donc point d interruption
réelle, il y*a donc au contraire une identité et une con-
tinuité véritables , entre les deux parties principales de
la membrane tégumentaire.
§ 244* Les diverses parties de ces deux portions prin-
cipales du tégument présentent aussi des variétés assez
grandes. Celles que l’on observe entre la peau du dos et
celle des paupières , entre celles du crâne , et de la pulpe
DES MEMBRANES TEGUMENT41RES.
23^
des doigts, par exemple, sont assez grandes ; mais elles
ne sont ni absolues ni tranchées : il en est à peu près de
même dans la membrane muqueuse , et les interrup-
tions que l’on a Cru y trouver ne sont qu’apparentes,
comme on le verra plus loin (Sect. IL) Les différences
que l’on observe entre les diverses parties de la mem-
brane muqueuse , quoique plus marquées que celles
que l’on trouve à la peau, ne sont pourtant pas plus
réelles. En générai le changement d’apparence et de
texture est graduel , comme on le voit dans les con-
duits excréteurs où la membrane va en s’amincissant
progressivement et en se dégradant, pour ainsi dire,
mais d’une manière insensible. Si l’on comparait la
membrane 'des sinus frontaux et celle de l’estomac , on
trouverait certainement de très -grandes différences
entre elles, comme entre celles de la langue et de l’uté-
rus ; mais ces différences sont , pour ainsi dire , liées
par des gradations intermédiaires. On trouve seule-
ment quelques différences assez brusquement tranchées
dans des parties très-rapprochées , mais dont les fonc-
tions sont très-différentes, comme entre l’œsophage et
l’estomac, entre le vagin et l’utérus : mais encore là,
comme partout ailleurs, ce ne sont que des variétés,
qui se réduisent très-facilement en un type unique de
texture organique.
§ 245. Les tégumens ont une surface libre et une
surface adhérente. La première est tournée en dehors
pour la peau , et en dedans pour la membrane mu-
queuse ; c’est l’inverse pour la seconde. La surface
adhérente répond à la masse du corps et généralement
au tissu cellulaire. Ce tissu (§ i3() ) forme là une
233 ANATOMIE GÉNÉRALE.
couche plus ou moins dense , plus ou moins épaisse ;
dans d autres endroits c est du tissu ligamenteux ou
du tissu fibreux élastique qui double les tégumens ;
dans une assez grande partie de leuf étendue ils sont
garnis ou doublés de fibres musculaires.
§ a4 6. La membrane tégumentaire , outre les grands
appendices et les canaux excréteurs des glandes dont
il a été question ( § 242 ), est pourvue d’une multitude
innombrable d’autres enfoneemens plus simples et
beaucoup plus petits qu’on a nommés follicules, lo-
cules , lacunes , cryptes , glandes simples , etc. Ces
follicules 1 observés et décrits d’abord dans quelques
points des tégumens par divers anatomistes, et ensuite
dans leur ensemble par Malpigbi , Boerlîaave , Kaau
et beaucoup d’autres , existent en effet dans toutes
ou presque toutes les parties de ces membranes. Les
follicules sont ronds ou obronds , graniformes , d’un
volume variable et en général très-petit; ils sont situés
en partie dans l’épaisseur de la membrane et font sous
sa face adhérente une saillie plus ou moins grande.
Ils ont en général la forme d’une petite ampoule
dont le goulot ou émissaire plus ou moins allongé
s’ouvre à la surface libre de la membrane. Ils sont
formés par cette membrane repliée sur elle- même et
constituant un enfoncement ou un petit cul-de-sac.
C’est à leur présence que sont dues les porosités qu’on
1 Voyez : M. Malpighi , Epistola de striicturâ glandula-
rum , etc. , in op. poslh. — Opusculum anatornicum , de
fabricd glandularurn , continens binas epistolas H. Boerhaave
ctF. Ruyschii, etc. , in op. omn. Ruyschii. — A. Kaau, Perspi-
ratio dicta Hippocrati , etc. y cap. xi , xu et xm.
DES MEMBRANE-S TIïGUMENTAIRliS. 239
aperçoit à la surface de la peau , au nez surtout, et que
sont dues aussi les granulations qui garnissent et sou-
lèvent dans beaucoup d’endroits la membrane mu-
queuse ; la cavité de ces follicules est extrêmement
petite relativement «à l’épaisseur de leurs parois. Ils
sont formés par toute la membrane , soit quelle con-
serve son épaisseur ou que celle-ci soit augmentée ou
diminuée. Ils sont entourés par un très^grand nombre
de ramuscules vasculaires. La plupart de ces petites
ampoules sont simples , discrètes et plus ou moins éloi-
gnées les unes des autres ; mais dans certaines parties de
la peau , et surtout des membranes muqueuses , on
trouve des follicules diversement rassemblés et com-
posés. Outre les follicules dont il vient d’être question,
les membranes tégumentaires, et surtout l’interne, pré-
sentent beaucoup d’enfoncemens dont l’orifice est aussi
large que le fond , et qu’on appelle alvéolaires , et l’une
et l’autre présentent aussi un grand nombre de petits
enfoncés évasés ou infundibuliformes. Les follicules
diffèrent en outre les uns des autrès par la nature
du liquide qu’ils sécrètent et qu’ils contiennent: ceux
de la peau sont appelés follicules sébacés, et ceux du
tégument interne follicules muqueux , à cause du
liquide qu’ils fournissent ; ceux des membranes mu-
queuses au voisinage de la peau sont à peu près mixtes.
§ 247. Les tégumens ont une texture foliée; ils sont,
dans une grande partie de leur étendue, évidemment
formés de deux couches, le derme et l’épiderme;
dans beaucoup d’endroits on distingue encore une
couche assez composée entre ces deux principales ; et ,
dans un grand nombre de parties , il y a en outre des
24° ANAÏOMIÈ GÉNÉRALE.
appendices ou productions saillantes à la surface libre
de la membrane.
§ 248. Le derme , quelles que soient les différences
qu’il présente dans les deux tégumens et dans leurs
divisions, en est toujours la partie la plus profonde,
la plus épaisse i celle qui en fait la base, et à la surface
de laquelle sont placées les autres. Il est formé d’une
couche de tissu cellulaire fibreux , plus ou moins serré,
comme feutré , laissant des interstices par où passent
diverses autres parties.
§ 249* Des vaisseaux sanguins et lymphatiques , et
des nerfs, plus ou moins nombreux, se distribuent et
se ramifient dans l’épaisseur du derme , et surtout à sa
face superficielle, où ils forment des inégalités qu’on
appelle papilles, villosités, bourgeons vasculaires, et
qui seront plus exactement définis ou décrits à l’article
de chacun des deux tégumens.
§ 25o. La surface du derme est couverte d’une couche
plus ou moins distincte, suivant les parties des tégu-
mens, et qu’on appelle corps muqueux ou réticulaire ;
c’est du tissu cellulaire à l’état demi-liquide ou à peine
organisé , dans lequel se terminent et d’où naissent les
divisions les plus fines des vaisseaux blancs ; cette
couche, d’ailleurs assez composée , est le siège de la
coloration , et celui des incrustations cornées qui gar-
nissent les tégumens dans quelques parties. Cette couche
est moins distincte dans les membranes muqueuses
que dans la peau.
§ 2a 1. L’épiderme enfin est la dernière partie essen-
tielle des membranes tégumentaires , celle qui en forme
la surface libre ; c’est une couche albumineuse excré-
DES MEMBRANES TEGUMENTA1RES. 24 I
lèe à la surface du corps muqueux. Dans beaucoup de
parties des membranes muqueuses 1 'épiderme n’est pas
distinct, et semble être remplacé par du mucus. Au
reste il y a beaucoup de ressemblance, quant à la na-
ture chimique de la matière , entre l’épiderme et le
mucus. ‘ , %
§ 252. Plusieurs parties des membranes tégumen-
tairessont pourvues d’appendices saillans à leur surface
libre : ce sont , pour la peau , les ongles et les poils ;
et les dents pour la membrane muqueuse.
§ 253. Les tégumens se résolvent presque tout-à-fait
en gélatine par la décoction. La coloration très-diverse
des tégumens dépend en partie 4e celle du sang , et en
partie d’une matière colorante sécrétée du sang dans le
corps muqueux. Leur densité très-variée est à peu près
intermédiaire à celle des tissus cellulaire , ligamenteux
et élastique. Leur élasticité est assez marquée. Ils
jouissent aussi d’une extensibilité et d’une rétractilité
lentes , très-grandes. Leur force de formation est très-
développée. L’irritabilité dont ils jouissent, bien moins
évidente que celle des muscles, l’est pourtant beaucoup.
Ils sont l’organe essentiel de la sensibilité.
§ 254. L’action organique ou la fonction de la mem-
brane tégumentaire est très -importante , très-com-
plexe, et diverse dans les différentes portions de cette
membrane. Gomme tégument ou enveloppe, tant in-
terne qu’externe de la masse du corps , elle constitue
une barrière que doivent traverser de dehors en de-
dans toutes les substances étrangères qui entrent dans
le corps pour en faire partie, et de dedans en de-
hors toutes celles qui , après en avoir fait partie , lui
*• 16
ANATOMIE GÉNÉRALE.
243
deviétinent étrangères ; ces substances et toutes les
autres qui sont en contact avec le tégument, y déter-
minent des impressions : ainsi cette membrane est un
organe de protection on de défense plus ou moins effi-
cace contre l’action des corps extérieurs ; elle est l’or-
gane des absorptions et de toutes les sécrétions extrin-
sèques, c’est-à-dire dont la matière est prise ou dépo-
sée au dehors \ elle est celui de toutes les sensations
externes et des sentimens de besoin et d’appétit ;
et enfin même, par ses appendices, elle est quelquefois
un organe offensif ou d’agression. Mais, suivant les va-
riétés de sa texture, les fonctions de cette membrane
varient dansles diverses régions ; ainsi la membrane mu-
queuse est beaucoup mieux disposée pour la sécrétion
et l’absorption que la peau, et celle-ci est mieux accom-
modée aux sensations et à la défense du corps , que la
première. Quelques parties sont spécialement disposées
pour la sensation, et même pour telle ou telle sensation,
d’autres pour l’absorption , d’autres encore pour l’ex-
crétion , d’autres pour la génération , d’autres pour la
respiration , etc.
§ 255. L’etendue immense de la membrane tégu-
mentaire , ïe nombre et l’importance des fonctions
dont elle est le siège et l’instrument , en rendent la
considération très-importante , tant en santé qu en ma-
ladie. Il existe entre les deux principales parties dont
elle est composée la relation la plus intime , et qui , à
certains égards , a été aperçue par les plus anciens ob-
servateurs *, qui savaient que 1 abondance de la sécré-
1 H â'epjtoiTos ctpcttoTyç v\ KoiXiy,? tukvotï/S’ iniïOKPATOYS, toiv
’vnê't/c.c. IijoÀ. ç •
DES MEMBRANES TEGU MENT AIRES. 243
lion muqueuse est généralement en raison inverse de la
sécrétion cùtanée. L’observation a appris que le bon
état de la peau coïncide avec un bon état de la mem-
brane muqueuse , et que, par exemple , les personnes
qui ont la peau très-blanche et d’une texture fine et
délicate , sont très-exposées aux maladies de la peau
et de la membrane muqueuse , et surtout aux flux de
ces deux membranes. Elle a appris aussi que chaque
partie de la peau sympathise avec toute la membrane
muqueuse , et spécialement avec telle ou telle partie de
cette membrane. Il existe également la relation la plus
intime entre les tégumens et la masse du corps , et ré-
ciproquement ; relation que l’observation fait journel-
lement apercevoir , que les causes morbifiques mettent
continuellement enjeu, que la séméiotique observe,
et dont le médecin praticien essaie de tirer parti.
§ 256. L’embryon , avons-nous déjà dit , se forme
tout entier sur ces membranes : la membrane vitelîaire
ou intestinale est la première partie apparente dans
l’œuf; c’est par son prolongement vers l’estomac et
vers l’anus que se forme l’intestin. La seconde partie
apparente est l’allantoïde ou la membrane vésicale ;
c’est par son extension que se forment les voies uri-
naires et les organes génitaux. La peau extérieure se
forme ensuite : d’abord largement ouverte en avant
du tronc , elle vient se clore dans la ligne médiane de
1 abdomen, et définitivement autour de l’ombilic. Dans
les deux sexes il y a une différence de conformation
assez grande dans la portion génito-urinaire des tégu-
mens, et une différence de développement dans celle
des conduits excréteurs de la mamelle. Il y a , en outre,
ANATOMIE GÉNÉRALE.
*44
une différence d’épaisseur et de coloration dans la peau
extérieure. Ces différences sont très-marquées dans les
races de l’espèce humaine , et assez tranchées encore
dans divers individus.
§ 257. Les altérations morbides sont très-nombreuses
dans les différentes parties de la membrane tégumen-
taire. Les productions accidentelles cutanées et mu-
queuses sont assez fréquentes. Les reproductions de
tégumens ou les cicatrices s’observent souvent aussi.
Les vices de conformation , les altérations de texture
et de fonctions, les productions accidentelles analo-
gues ou non aux tissus sains , les transformations de
tissu , etc., s’observent souvent aussi dans les tégumens;
mais leur description sera mieux placée après chacune
des deux membranes : U en sera de même de leurs al-
térations cadavériques.
§ 258. Les [tégumens accidentels doivent , au con-
traire , être décrits ici , parce que d’une part , leur pro-
duction présente beaucoup d’analogie dans l’un et dans
l’autre tégumens ; d’un autre côté parce que , dans la
production d’une cicatrice extérieure, le nouveau tissu
ressemble, pendant une époque de sa formation, à la
membrane muqueuse , et plus tard à la peau ; et parce
qu’enfin d^ns quelques cas on trouve l’apparence et la
texture de la peau dans une partie, et celle de la mem-
brane muqueuse dans une autre partie de la même
productfon ; telles sont , par exemple , les membranes
des fistules.
Toutes les fois que, soit par une lésion mécanique,
soit par l’effet d’une cautérisation , de la gangrène ou
de l’ulcération , il y a eu destruction des tégumens et
DES MEMBRANES TÉGUMENTAIRES. 245
même des parties sous-jacentes , à une profondeur plus
ou moins grande , il se produit un nouveau tégument
semblable , ou au moins très-analogue à celui qui a été
détruit, et toujours le même , dans toute son étendue,
quelle que soit la diversité des parties mises à découvert
et qui doivent en être revêtues. Après des phénomènes
primitifs , divers suivant la diversité des causes des-
tructives , il s’en présente une série de secondaires
toujours les mêmes : ce sont, i° la production d’une
couche plastique comme celle des agglutinations ; 2° la
formation de bourgeons ou granulations, et la sécrétion
du pus ; 3° enfin , la cessation de cette sécrétion et
l’achèvement de la cicatrice. Les phénomènes de la ci-
catrisation commencent par la déposition d’une couche
plastique semblable à celle qui constitue les fausses
membranes. Cette couche, d’abord inorganique et bien-
tôt organisée , se couvre de petites granulations co-
niques , rouges , et constitue alors la membrane des
bourgeons charnus ; cette membrane est cellulaire ,
vasculaire , très-contractile , sensible , absorbante , sé-
crétant du pus , très-prompte à se détruire par l’ulcé-
ration, et très-prompte à se reproduire. Cette membrane
se contracte, se rétrécit continuellement, la sécrétion
du pus y diminue par degrés, y cesse tout-à-fait, et
alors elle se recouvre, soit d’un épiderme distinct, soit
de mucus, suivant les lieux, et elle constitue un tégu-
ment nouveau très-analogue et quelquefois tout-à-fait
semblable à l’ancien. Cependant cette membrane, outre
quelques légèes différences anatomiques , est beaucoup
plus susceptible d’ulcération que les tégumens pri-
mitifs.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
*46
§ z5g. Il se forme dans les abcès , et surtout dans les
abcès chroniques, une membrane qui circonscrit le pus
et qui a beaucoup de ressemblance avec la membrane
muqueuse ; elle aquiert une ressemblance plus grande
encore quand l’abcès est ouvert et qu’il reste la source
d’un ulcère fistuleux ; il en est de même encore dans les
ulcères de ce genre qui sont entretenus par une nécrose
ou par la présence d’un corps étranger ; il en est de
même enfin dans les véritables fistules ou canaux ac-
cidentels qui naissent d’une cavité muqueuse natu-
relle. Dans tous les cas, le trajet est revêtu dans toute
son étendue par une membrane fongueuse, molle, mu-
queuse , en un mot , découverte par Hunter dans les
fistules à l’anus. A son orifice à la peau , si c’est à cette
surface qu’il aboutit , le canal muqueux de la fistule
est pourvu, jusqu’à une certaine profondeur, d’un épi-
derme distinct qui se continue avec celui de la peau.
SECONDE SECTION.
DE LA MEMBRANE MUQUEUSE.
§ 260. La membrane tégumentaire interne ou la mem-
brane muqueuse a reçu ce dernier nom, d’abord dans les
fosses nasales narines) , à cause du mucus
morve , pituite) qu’elle fournit. Elle constitue un tégu-
ment humide qui revêt toutesles cavités communiquant
au dehors , lesquelles toutes reçoivent ou rejettent des
.substances étrangères. Considérée d’abord dans chaque
organe creux comme sa membrane interne particulière ,
et n’ayant ‘pas d’autre nom ; appelée ensuite villeuse
ou fongueuse , pulpeuse , poreuse , villoso-papillaire
DE LA. MEMBRANE MUQUEUSE. 247
dans le canal alimentaire , pituitaire ou muqueuse dans
le nez et dans le gosier ; les anatomistes ne tardèrent
pas à y apercevoir à peu près partout des follicules, ce
qui lui fit donner le nom générique de glanduleuse, et à
remarquer la ressemblance du mucus nasal et intestinal
avec l’humeur onctueuse de la trachée et des bronches ,
et même l’analogie du mucus et de l’épiderme; dès
lors lidentité des diverses parties de cette membrane
fut connue. Les pathologistes, et surtou? M. Pinel,
l’avaient déjà remarqué en faisant l’histoire des ca-
tarrhes. Cependant aucune description générale et
satisfaisante de cette membrane n’avait été donnée
avant Bichat x. Depuis lui, les anatomistes et les pa-
thologistes se sont à peu près généralement accordés
à adopter ses idées sur cet objet , excepté Gordon ,
qui a trouvé des différences trop essentielles entre les
diverses membranes muqueuses pour les comprendre
dans une description commune.
§ 261. La membrane muqueuse forme un tégument
interne à toutes les cavités ouvertes au dehors ; sa partie
la plus importante forme un revêtement à tout le
canal alimentaire, depuis la bouche jusqu’à l’anus; le
reste de cette membrane constitue des prolongemens
ou des appendices prolongés en cul-de-sac et plus ou
moins profondément étendus et ramifiés dans la masse
du corps, et aboutissant par leur embouchure, soit à
la peau externe, soit à la peau interne. Elle forme ainsi*
un immense tégument interne bien plus étendu que
la peau.
1 Traité des membranes. Paris, an vin.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
a 48
§ 245a. La membrane muqueuse présente , comme la
peau , une surface adhérente et une surface libre ; la
surface adhérente ou externe est en général revêtue
d’une couche de tissu cellulaire fibreux particulier, au-
quel Ruysch et beaucoup d’autres anatomistes ont donné
le nom de membrane nerveuse , que Albinus et Haller
ont démontré être du tissu cellulaire, et que Bichat
a nommé tissu cellulaire sous - muqueux. Ce tissu
est serré , fibreux, blanc, ne contient jamais de
graisse , et rarement de la sérosité infiltrée; il est
parcouru par un grand nombre de divisions fines des
vaisseaux et des nerfs. Plusieurs anatomistes l’ont assi-
milé au derme de la peau,. Quoi qu’il en soit, c’est à
lui que les organes creux doivent en grande partie leur
solidité. La membrane muqueuse est de plus doublée
dans toute l’étendue de son canal principal et dans
plusieurs de ses divisions par un plan musculaire,
espèce de muscle peaucier interne ; dans quelques en-
droits, c’est un tissu élastique qui double les mem-
branes muqueuses , c’est ce qu’on voit dans le canal
aérien et dans les conduits excréteurs; ailleurs, un
véritable tissu ligamenteux, comme le périoste des
fosses nasales, des sinus, du palais, des alvéoles,
double cette membrane, et en forme une membrane
fibro-muqueuse.
§ 263. La surface libre de la membrane muqueuse pré-
sente des valvules , des plis et des rides formés par toute
l’épaisseur de la membrane redoublée sur elle-même.
Les valvules sont formées par la membrane muqueuse
repliée, par le tissu sous-muqueux et par des fibres mus-
culaires contenues dans le repli : c’est ce qui a lieu au
de la membrane muqueuse. 249
A %
pylore, à l’embouchure de l’intestin grêle dans le gros
intestin , au voile du palais, à l’orifice du larynx, etc. Les
plis ne contiennent dans leur épaisseur que du tissu sous-
muqueux, mais ils sont constans comme les valvules
et ne s’effacent jamais; tels sont les nombreux replis
de l’intestin grêle, qu’on appelle valvules conniventes ;
les rides, au contraire, sont des replis accidentels ou
momentanés, dans lesquels la membrane muqueuse
est en réserve pour des dilatations futures des organes,
ou bien qui dépendent de ce que l’organe ayant été
dilaté et étant revenu sur lui-même, la membrane mu-
queuse s’est trouvée en excès sur la membrane mus-
culaire; telles sont les rides longitudinales de l’œso-
phage et de la trachée, les rides irrégulières de l’estomac
quand il est contracté , les rides régulières du vagin
et du col de l’utérus, etc.
§ 264* La surface libre de la membrane muqueuse pré-
sente aussi des enfoncemens ou des dépressions de di-
vers genres et des saillies papillaires et villeuses. Mais
ces divers objets, quoique très-généralement répandus
dans la membrane, n’existent pourtant pas, ou du
moins ne sont pas , à beaucoup près , également appa-
rens, dans tous les points de son étendue. On trouve
à la surface de la membrane des enfoncemens infon-
dibuliformes, cellulaires ou alvéolaires; ils existent au
maximum de leur développement dans le bonnet,
second estomac des ruminans, que, pour cette raison ,
on appelle le réseau ; ils existent aussi , mais beau-
coup plus petits et microscopiques , dans une grande
partie des voies alimentaires, et surtout dans l’œso-
phage, l’estomac et le gros intestin de l’homme , où ils
ANATOMIE GÉNÉRALE.
2JO
ont été aperçus et indiqués par Fordyce, Hewson,
décrits et figurés par tyL Ev. Home.
§ 2 65. Les follicules ou les cryptes 1 ne diffèrent
de ces enfpncemens alvéolaires, que parce qu’ils ont
un orifice très-étroit, un goulot ou émissaire plus
ou moins prolongé et un fond renflé en ampoule ,
et logé dans le tissu sous-muqueux, où ils font saillie.
Ils sont formés par la membrane renversée sur elle-
même, et renforcée à l’extérieur par du tissu cellu-
laire dense et pourvue de beaucoup de petits vaisseaux.
Ils sont très -généralement répandus, cependant leur
nombre varie suivant les parties ; ils sont très-petits ,
en général, mais leur volume varie aussi beaucoup.
Les uns sont simples et discrets ; d’autres aboutissent
dans un canal commun dont ils sont comme des ra-
meaux; d’autres aboutissent dans un orifice commun et
dilaté appelé lacune : tel est le trou de la base de la
langue, telles sont les lacunes de l’urètre, du rec-
tum, etc.; d’autres sont agrégés ou agminés, comme
la caroncule lacrymale, la glande arythénoïde, les
glandes agminées de l’iléum, etc; d’autres enfin sont
composés et pourvus de lacunes multiples ou de con-
duits ramifiés, et ressemblent beaucoup aux glandes,
tels sont les tonsilles, les glandes molaires, la pros-
tate, les glandes de Gowper, etc.
§ 2 66. Les petites éminences appelées papilles et villo-
sités que l’on aperçoit à la surface libre de la mem-
brane muqueuse paraissent avoir pour but, comme les
ê
1 Peyer, de Glandulis intestin alium. Arnstcl. 1681. — J.C.
Brunner, de Glandulis duodeni. Franco/. 17 15.
DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. a5l
enfoncemens dont il vient d’être question , et avec les-
quels ils sont en rapport inverse de nombre, de multi-
plier la surface ; mais aussi , dans l’une comme dans
l’autre de ces dispositions, la texture et les fonctions
de la membrane sont notablement modifiées. Ces émi-
nences , appelées villosités par suite de la comparaison
faite par Fallope , de la membrane interne des intestins
avec le velours, et papilles à cause de la ressemblance
qu’on a cru leur trouver , avec un bouton ou mame-
lon , ne diffèrent pas essentiellement entre elles ; les
unes et les autres sont des saillies de la membrane plus
ou moins fines , et la plupart à peine visibles à l’œil nu.
Les plus volumineuses parmi ces éminences sont
appelées papilles ; telles sont celles qui remplissent la
cavité des dents, et qu’on nomme communément leur
pulpe; telles sont celles, plus petites, qui hérissent
la surface de la langue dans ses deux tiers antérieurs,
celles plus petites encore que l’on aperçoit au gland
du pénis et du clitoris , etc. Ces éminences ap-
partiennent au corium de la membrane muqueuse,
pourvue dans ces endroits d’une très-grande quantité
de filets nerveux , et de ramuscules de vaisseaux san-
guins, parmi lesquels les veinules offrent une disposi-
tion érectile. Dans les parties pourvues de papilles,
la membrane muqueuse est garnie d’un épiderme
distinct que l’on appelle épithélium , par la raison
même qu’il recouvre les papilles.
§ 267. Les villosités dont l’existence est très-géné-
rale, mais qui ne sont nulle part plus nombreuses, plus
grandes, plus apparentes que dans la moitié pylorique
de l’estomac, dans l’intestin grêle, et surtout encore
2$2 ANATOMIE GENERALE.
dans le commencement de cet intestin , sont des émi-
nences plus fines encore que les papilles.
Ces villosités , que l’on peut à juste titre appeler les
radicules des animaux , sont des petits prolongemens
foliacés de la membrane interne des voies digestives,
dont la forme et la longueur varient dans les diffé-
rentes parties de ce canal, et que l’on peut en général
comparer aux plis transverses ou valvules conniventes
des intestins, à la différence près du volume. Les vil-
losités 1 aperçues par Falloppe, par Azelli, etc., décrites
et représentées par Helvétius , Lieberkühn, Hedwig,
Rudolphi, Meckel, Buerger, et plusieurs autres ana-
tomistes, existent surtout dans l’intestin grêle; on les
trouve moins longues et moins nombreuses dans l’es-
tomac et dans le gros intestin. Pour les bien aperce-
voir il faut prendre une partie de l’intestin non encore
altérée par la putréfaction, l’ouvrir avec précaution,
l’humecter de quelques gouttelettes d eau jusqu à ce
que la surface en soit entièrement couverte, et 1 exa-
miner avec une lentille qui en augmente d environ
quarante fois le diamètre.
§ 268. Je me sais aussi servi avec beaucoup d avan-
tage, poiv faire cette observation et d autres analogues,
' Voyez , entre autres, Helvétius , Méra. de l’Acad. des Sc.
Paris, 1721. — J. N. Liebernkühn. de Fabr. et ad. Villos.
Intest. hom. Lugd. bat. 1744. 4°* — R- A. Hedwig. Disquis .
Ampull. YÀébex\\\hmi, physico-micros. Lips. 1797* 4°* C. A.
Rudolphi. in Reils Archiv. der physiol. IV. et Anat-physiol.
abhandl. Berol. 1802. — -J. F. Meck e\in Deutsches Archivfur
die physiol. III. — et H. Buerger, Examen rnicrosc. Villos.
intestin, curn iconibus , Halce , 1819, 8°.
DE LA. MEMBRANE MUQUEUSE. 253
d'un petit appareil composé d’une sphère en verre de
glace, d’un petit diamètre, ouverte dans un quart de
sa surface , et d’un opercule un peu plus grand que
l’ouverture, et couvert d’une couche mince de cire.
On fixe la partie que l’on veut observer sur la cire
avec de petites épingles , on la plonge dans de l’eau ,
ainsi que la sphère ouverte, que l’on remplit de ce
liquide, et qu’on appuie ensuite sur l’opercule. On
retire l’appareil, et l’on a alors la pièce que l’on veut
examiner recouverte d’une petite masse d’eau lenticu-
laire qui en augmente le diamètre.
§ 269. Examinées par l’un ou l’autre de ces deux
procédés, les villosités ne paraissent ni coniques, ni
cylindriques , ni canaliformes , ni renflées au sommet ,
comme plusieurs auteurs les ont décrites; mais bien
plutôt sous la forme de folioles, de laminules, dont
le nombre est tel , qu elles offrent l’image d’un ga-
zon abondant et touffu. Ces folioles , diversement
ployées , et vues par conséquent sous des aspects di-
vers, paraissent de forme variable. Leur forme, d’ail-
leurs, n’est pas partout la même; celles de la moitié
pylorique de l’estomac et du duodénum , plus larges
que longues, constituent des petites lames; celles du
jéjunum, longues et étroites, méritent mieux le nom
de villosités, et vers la fin de l’iléum elles redeviennent
des lamines, ainsi que dans le colon, où elles sont à peine
saillantes. Les villosités sont demi-diaphanes, leur sur-
face est lisse, et l’on n’aperçoit, ni à leur surface les
ouvertures que l’on y a admises sans s’accorder jamais
sur leur nombre, ni dans leur épaisseur l’ampoule cel-
lulaire, ou la texture vasculaire que l’on y a décrite;
ANATOMIE GÉNÉRALE.
254
mais seulement dans leur subtance gélatiniforme on
aperçoit des globules microscopiques disposés en séries
linéaires, et à leur base des ramuscules de vaisseaux
sanguins et lymphatiques , d’une excessive ténuité.
§ 270. La texture et la composition anatomique de
la membrane muqueuse présentent beaucoup de va-
riétés ou de différences , suivant les endroits. La dispo-
sition foliée ne peut être démontrée dans toutes les
parties de la membrane, et existe, au contraire, ma-
nifestement dans quelques points.
Dans la plus grande partie de son étendue, la mem-
brane consiste uniquement en un tissu spongieux, plus
ou moins mou, et dont l’épaisseur varie beaucoup. Il
faut remarquer, à cet égard , que dans le fœtus très-
jeune, et dans les animaux inférieurs dans la série, la
peau externe elle-même présente ce caractère de sim-
plicité. Quant à l’épaisseur, elle offre une diminution
successive depuis les gencives , le palais , les fosses
nasales, l’estomac, les intestins grêles et gros, la vessie
biliaire et la vessie urinaire jusqu’aux sinus et aux
divisions des conduits excréteurs, où sa ténuité devient
extrême. C’est dans cette partie essentielle de la mem-
brane et à sa surface que se ramifient les dernières divi-
sions des vaisseaux, c’est de sa surface libre que s’élè-
vent les villosités.
§ 271. On y trouve peu de traces d’une couche dis-
tincte de corps muqueux, à moins qu’on ne regarde
comme telle la couche de liquide coagulable qui sépare
les papilles de la langue de l’épiderme , qu’on ne consi-
dère comme y appartenant la surface gélatiniforme
des villosités, qu’on n’admette comme des preuves de
DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. 255
son existence les éphélides ou taches diversement
colorées qu’on trouve quelquefois dans les tégumens
du gland et de la vulve, ainsi que les productions
cornées accidentelles imparfaites qu’on observe plus
souvent encore dans les mêmes parties sous forme de
végétations , et qu’on nomme poireaux.
L’existence de l’épiderme est beaucoup plus mani-
feste, sans pourtant être générale.
§ 272. L’épiderme ou l’épithélium est très-apparent
aux orifices des cavités muqueuses ; il l’est moins dans
les parties profondes de ces cavités, et finit par n’y être
plus apparent. Y existe-t-il cependant? Haller et autres
ont pensé qu’il en était ainsi, et que les excrétions acci-
dentelles membraniformes en sont une preuve. Tous
les pathologistes savent aujourd’hui que de pareilles
excrétions sont ordinairement des résultats de l’inflam-
mation couenneuse ou plastique ; et quelquefois des
escharres. On a voulu tirer la même conclusion du
fait des anus contre nature avec renversement de l’in-
testin , dans lesquels l’épiderme devient très-apparent :
mais cela prouve seulement que la surface libre de la
membrane muqueuse est couverte d’une substance qui a
beaucoup d’analogie avec l’épiderme , et qui est très-
disposée à subir cette transformation.En s’en rapportant
à ce que l’observation apprend , et en faisant usage de la
dissection , de la décoction et de la putréfaction, pour
séparer l’épithélium, on le trouve très-distinct jusque
dans l’œsophage, et finissant brusquement à la réu-
nion de ce canal et de l’estomac, et de même très-
distinct dans le vagin, et cessant tout à coup sur les
lèvres de l’orifice de l’utérus; interruptions aperçues
256
ANATOMIE GÉNÉRALE.
depuis long-temps, et données mal à propos, parjquel-
ques modernes , comme des preuves de l’interruption
de la membrane muqueuse elle-même. Dans d’autrès
parties, comme les fosses nasales et l’extrémité infé-
rieure du canal alimentaire, la diminution d’apparence
de l’épithélium est graduelle , insensible , et il est im-
possible d’en assigner exactement les limites. Dans les
endroits où il est distinct, il s’enfonce en s’amincis-
sant dans les follicules et y disparaît. Dans les en-
droits dépourvus d’un épithélium distinct , la surface
libre de la membrane est enduite d’un vernis muqueux,
que dès le temps de Vésale, et même de Rhazès , on
comparait à la couverte ou à l’étamage des vases, et
dont Glisson a fait remarquer, du moins quant aux
fonctions, l’analogie avec l’épiderme.
§ 273. Le tissu cellulaire qui forme le corium de la
membrane muqueuse n’a point , comme le tissu du
derme cutané, une disposition régulièrement aréo-
laire; il est plutôt spongieux ou fongueux. Les vais-
seaux sanguins et lymphatiques y sont abondans. Ses
nerfs proviennent, en général, du nerf grand sympa-
thique et du pneumo-gastrique. A toutes les ouvertures
naturelles, la membrane muqueuse a des nerfs pro-
%
venant de la moelle.
§ 274. La couleur de la membrane muqueuse varie
depuis le blanc jusqu’au rouge, et, outre les nuances
intermédiaires , elle présente encore quelques autres
variétés de coloration. Cette couleur est, pour la plus
grande partie au moins, due au sang qui circule dans
son épaisseur, car l’asphyxie et la syncope colorent en
brun ou décolorent à l’instant les parties de cette niera-
DE LA MEMBRANE MUQUEUSE.
257
brane qui sont visibles par leur situation. Sa consis-
tance est, en général, mollasse et comme fongueuse.
Son épaisseur varie beaucoup , sa ténacité est médiocre.
La membrane muqueuse s’altère promptement par la
putréfaction , et le tissu sous-muqueux plus vite en-
core, car elle se détache alors très-facilement. On ne
sait pas si elle est susceptible de former du cuir par
l’action du tannin.
§ 275. Elle a une force de . formation très-dévelop-
pée ; quand elle a été détruite, elle se reproduit promp
tement et avec tous les caractères du tissu naturel.
Elle est un peu irritable, et jouit de la contractilité
tonique à un degré plus marqué que le tissu cellu-
laire. Sa sensibilité est obscure et vague dans la plus
grande partie de son étendue. Enflammée même elle
ne donne pas lieu, en général, à des douleurs vives.
Elle est très-sensible aux orifices naturels ; et à l’entrée
des voies alimentaires et respiratoires , elle est le siège
d’une sensibilité spéciale.
§ 276. Ses actions organiques ou fonctions sont :
i° L’absorption, qui est très-active, générale, et
dont les villosités sont les agens les plus actifs, mais
non les seuls ;
20 La sécrétion, qui est perspiratoire et folliculaire,
et dont les produits, assez divers suivant les parties,
sont pourtant, en général, connus sous le nom *de
mucosités ; .
3° Des mouvemens de contraction tonique, renforcés
dans beaucoup d’endroits par l’action du tissu élastique,
et même par l’action des libres musculaires dont cette
membrane est doublée daihs beaucoup de points;
*7
1.
258
ANATOMIE GÉNÉRALE.
4° Des sensations, plus ou moins distinctes ou obs-
cures, générales ou spéciales, et des sentimens de
besoin ou des appétits.
§ 277. Les mucosités ou les humeurs muqueuses
que i on trouve à la surface du tégument interne sont,
pour la plus grande et la principale partie, composées
de mucus. Le mucus animal x, très-analogue au mu-
cilage végétal , mais contenant de plus que lui de
l’azote, est un des principes immédiats des animaux:
il se trouve, soit à l’intérieur, dans le produit de la
sécrétion muqueuse, soit cà l’extérieur, dans l’épiderme,
les poils et les parties cornées, dont il constitue une
partie considérable. A l’état liquide et pur, il est blanc,
visqueux, transparent, inodore, insipide; il contient
neuf dixièmes de son poids d’eau; il est insoluble dans
l’alcohol , soluble dans les acides , non -coagulable
comme l’albumine^ et non congélable comme la gé-
latine; il est précipité par l'acétate de plomb; à l’état
sec, il est demi-transparent, fragile, insoluble dans
l’eau, difficilement soluble dans les acides.
M. Berzélius a trouvé la mucosité identique dans
les narines et dans la trachée , et composée comme
il suit : eau, 983,9; matière muqueuse, 53,3 ; hydro-
chlorate de potasse et de soude, 5,6; lactate de soude
et matière animale, 3,o; soude, 0,9; phosphate de
soude, albumine et matière animale, 3,3.
Dans les analyses des autres mucosités données par
ce savant, et dans celles de MM. Fourcroy et Vau-
1 Voyez Fourcroy et Vauquelin, Annales du Mus. d liist.
nat. vol. XII. — Bostock, Medico-^lhif'> trunsact, >ol. D .
Berzélius , ibicî. vol. III.
DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. aSp
quelin , on trouve d’assez grandes différences, qui tien-
nent les unes à la vàriété des parties où la mucosité
a été recueillie, et où elle avait éprouvé divers mé-
langes: les autres à la variété des individus affectés de
diverses maladies. En effet, bien que le mucus soit iden-
tique, la mucosité n’est ni toujours., ni partout la
même ; en général elle coagule le lait.
§ 278. Les fonctions de la membrane muqueuse sont
dans une liaison très-intime avec celles des autres par-
ties. Dans l’'état de santé, l’action nerveuse, la circula-
tion, les fonctions de la peau, etc. , influent manifeste-
ment sur les fonctions der la membr^ie muqueuse , et
réciproquement.* Dans l’état de maladie, la membrane
muqueuse produit des effets sympathiques extrême-
ment remarquables, et en éprouve également de la
part des autres parties.
§ 279. L’origine de la membrane muqueuse, dès les
premiers momens de l’œuf, et son développement
dans l’embryon ont été indiqués plus haut, §256. Il
reste à faire connaître la manière dont se forment les
villosités; c’est à M. Fr. Meckel que l’on doit la con-
naissance de ce point de l’embryogénie. Les villosités se
forment de très -bonne heure. Dès le commencement
du troisième mois , on les aperçoit sous forme de plis
longitudinaux très-rapprochés. Ces plis présentent en-
suite sur leur bord libre des incisions en den ts de scie, qui
augmentent successivement de profondeur; et vers la
fin du quatrième mois, les plis sont remplacés par cette
multitude de petites éminences qui constituent les vil-
losités. Elles sont d’abord assez grandes et très-dis-
tinctes jusqu’au septième mois. Au commencement,
a6o ANATOMIE GENERALE.
elles sont aussi nombreuses , quoique plus courtes ,
dans le gros intestin que dans le grêle. Celles du gros
intestin deviennent ensuite de moins en moins nom-
breuses jusqu’à la naissance. Il est à remarquer que dans
les reptiles les villosités sont remplacées par des petits
plis longitudinaux.
§ 280. Les différences de la membrane muqueuse,
suivantles sexes, les races et les individus, ne se prêtent
point à une description générale; si l’on excepte toute-
fois la différence de conformation des parties génitales
et urinaires dans les deux sexes. La membrane muqueuse
du canal digestif est plus épaisse dans l’espèce humaine
que dans les mammifères carnivores, mais plus mince
que dans les herbivores ; au contraire, la tunique périto-
néale de l’intestin est plus mince dans les herbivores,
et plus épaisse dans les carnivores que dans l’homme.
§ 281. Les dents, comme on l’a dcja dit, sont des dé-
pendances de la membrane muqueuse de la bouche,
prolongée dans les alvéoles jusqu’à la papille ou
pulpe dentaire, dépendances que l’on peut rapprocher
des appendices pileux et cornés de la peau externe.
§ 282. La membrane muqueuse est sujette à des
altérations morbides extrêmement nombreuses et très-
variées : elle participe aux vices de conformation pri-
mitifs et acquis des organes dont elle fait partie, ainsi
qu’à leurs déplacemens. Elle éprouve aussi elle seule,
surtout dans l’œsophage, l’intestin et la vessie, des
déplacemens plus ou moins étendus, à travers le tissu
sous-muqueux éraillé ; cela constitue de faux diverti-
cules. La membrane muqueuse présente encore d autres
prolongemens dépendans et de son allongement et de
DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. ï6l
la laxité du tissu sous-muqueux; tels sont certains pro-
longemens des plis ou valvules conniventes, de la luette,
les chutes de l’anus, du vagin, etc. Certains polypes
ne paraissent aussi être qu’une végétation ou hyper-
trophie de la membrane et du tissu sous-muqueux ; mais
le plus ordinairement il y a production d’un tissu ac-
cidentel. On doit regarder comme une hypertrophie de
cette membrane et de ses follicules des tumeurs des
paupières, de l’amygdale et de la luette vésicale.
§ 283. La membrane muqueuse est très-sujette à un
flux séreux et muqueux , qui constitue les phlegmo-
rhagies et les blennorhées sans inflammation. Le tissu
sous-muqueux lui-même est sujet, quoique cela soit
rare, à un œdème ou infiltration séreuse. Cette mem-
brane est fréquemment le siège d’hémorrhagies ou de
flux sanguins; le tissu sous-muqueux est aussi quel-
quefois ecchymosé. Il n’est pas douteux qu’elle soit
aussi le siège de flux gazeux.
§ 284* L’inflammation s’y montre très-fréquemment
et sous toutes ses formes. Ses caractères anatomiques
sont une augmentation delà rougeur, qui va quelque-
fois jusqu’au brun; un degré d’épaississement en
général assez faible, mais variable, et proportionné à la
durée de la maladie; un ramollissement plus ou moins
marqué ; et quelquefois une augmentation énorme des
villosités. Le résultat le plus commun de cette inflam-
mation est une augmentation de quantité et un chan-
gement des qualités du mucus. Souvent cette inflam-
mation catarrhale dégénère en phlegmorhée ou en
hlennorhée. L’inflammation supurative y a assez fré-
quemment lieu aussi; la membrane , sans être ulcérée,
secrete du mucus et du pus, ou bien même du pus
ANATOMIE GÉNÉRALE.
262
tout pur. On trouve aussi quelquefois des abcès dans le
tissu cellulaire sous-muqueux. L’inflammation couen-
neuse ou plastique y est moins fréquente. Cependant
on l’observe fréquemment dans les voies aériennes où
elle constitue le croup , et assez souvent dans les voies
alimentaires , dans les intestins , la vessie, l’urèthre, et
même quelquefois aux yeux. Ordinairement la matière
organisable est excrétée en lambeaux ou en membranes
assez grandes et assez consistantes pour avoir été
quelquefois prises pour la membrane interne de l’es-
tomae| ou de la vessie, etc.; ou bien le malade meurt
avant l’organisation; d’autres fois, au contraire, la
membrane nouvelle s’organise et s’unit à la surface de
l’ancienne; ou bien encore elle contracte des adhé-
rences avec elle-même, et forme ainsi des brides mu-
queuses qui traversent en plus ou moins grand nombre
et rétrécissent plus ou moins la cavité qu’elles occupent.
§ a85. L’inflammation de la membrane muqueuse
n’est pas toujours érythémateuse et uniformément
étendue à sa surface; elle a quelquefois la forme de
plaques rouges isolées, et plus souvent celle d’un
exanthème boutonné, soit que les petites élévations
soient discrètes , soit qu elles soient agminées ou con-
fluentes. On sait que cela s’observe quelquefois, mais
non toujours , sur la membrane muqueuse des voies
digestives et respiratoires des individus morts pendant
la petite vérole, et que cela même a été regardé comme
une variole interne *. Cet exanthème interne boutonné,
qui paraît consister en une inflammation bornée aux
1 Voyez Wrisberg, in sylloge Comment, p. 52. — G. Blane,
in trcinsact for the improvement of med. and dur. hioa-l.
YOl. III , p. 423-428.
DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. u63
« Il
follicules, a été parti culièment observé par M. Bre-
tonneau dans une épidémie d’entérite, dont il est à
regretter qu’il nait pas encore publié la description.
§ 286. La gangrène a lieu quelquefois, et l’ulcération
fréquemment, dans la membrane muqueuse, surtout
après l’exanthème dont il vient d’être question. Après
l’une et l’autre de ces causes de destruction , si l’indi-
vidu survit, il se forme promptement, et avec tous les
caradtères de l’ancienne membrane, une membrane
nouvelle dans les endroits détruits. On a déjà dit que
la menfbrane des abcès, spécialement celle des abcès
chroniques, et surtout celle des clapiers des environs de
l’anus, est, ainsi celle que des bourgeons charnus, une
membrane muqueuse, comme celle des fistules. Les
membranes séreuses et syrioviales qui supurent revê-
tent le même caractère. Quand, au contraire, une cavité
muqueuse est obturée et devient le siège d’un hydro-
pisie, la membrane prend l’aspect des membranes
séreuses : c’est ce qu’on voit arriver à la trompe uté-
rine, aux sinus maxillaires, et moins complètement à
la vésicule biliaire et au conduit de la glande sous-
maxillaire. Certains kystes appartiennent aussi, par leur
texture et par leur humeur, à la membrane muqueuse;
tels sont surtout les athéromes; mais , comme on le
verra un peu plus loin , souvent les athéromes sont des
follicules de la peau, et ce n’est alors qu’une légère
transformation.
§ 287. La membrane muqueuse est sujette aux di-
verses sortes de productions accidentelles, soit saines ,
soit morbides. Quelquefois la membrane muqueuse na-
turelle du vagin renversée, celle du prépuce dans le cas
2^4 ANATOMIE GÉNÉRALE.
d<3 phymosis, souvent celle des fistules, et surtout dans
le poumon , devient plus ou moins parfaitement carti-
lagineuse, et quelquefois même osseuse, soit par trans-
formation , soit par production nouvelle. On a observé
quelquefois des kystes séreux , soit dans son épaisseur,
soit au-dessous d’elle. On trouve des poils accidentels
à la surface de cette même membrane. On y trouve
également des productions cornées imparfaites ou des
poireaux. Les tumeurs graisseuses, quoique rares dans
le tissu sous-muqueux, y ont été quelquefois observées.
On observe des productions érectiles dans ce même
tissu sous-muqueux, souvent autour de l’anus , et quel-
quefois dans d’autres parties du canal intestinal. Enfin
les productions morbides s’y observent fréquemment.
§ 288. Les altérations cadavériques de la membrane
muqueuse ont déjà été en partie indiquées § ay4* Cette
membrane se colore quelque temps après la mort par
la pénétration des humeurs qui la recouvrent. Ainsi
elle est jaunâtre dans l’intestin vis-à-vis les fèces ;
elle offre des lividités qui correspondent aux plus
grosses veines sous-muqueuses, elle devient verdâtre
dans la vésicule biliaire , etc.
Dans certains genres de mort, elle est dans quel-
ques parties internes le siège de congestions sanguines
ou séro - sanguinolentes. Dans la mort par apoplexie,
par hydrothorax, et surtout par strangulation, dans les
cas , en un mot, où la respiration est gênée avant la
mort, il arrive fréquemment que la congestion , après
avoir été d’abord bornée aüx veines sous-muqueuses
et puis aux vaisseaux de la membrane elle-meme, aille
enfin jusqu’à l’hémorrhagie dans l’estomac et 1 intestin,
DE LA MEMBRANE MUQUEUSE. 2Ô§
connue Boerhaave et Morgagni l’avaient déjà annoncé,
comme M. Yelloly 1 l’a observé, et comme je l’ai vu
moi-même plusieurs fois après ce dernier genre de
mort, soit sur l’homme, soit sur des animaux. On dis-
tingue aisément cette congestion de l’inflammation,
par l’absence de tout produit morbide, muqueux,
purulent ou couenneux à la surface de la membrane,
par les autres phénomènes cadavériques dépendans
de la stase du sang dans le côté droit du cœur, et spé-
cialement par l’état de la peau, qui offre aussi, comme
la membrane muqueuse , des,Jividités et quelquefois
des ecchymoses.
TROISIÈME SECTION.
DE LA PEAU.
§ 289. La peau, pell:*, cutis , corium , à'eppu, constitue
le tégument externe; c’est une membrane composée,
garnie de divers appendices, qui enveloppe et protège
le corps, et qui remplit plusieurs autres fonctions im-
portantes.
§ 290. Galien a donné quelques observations sur la
structure, et surtout sur les fonctions de la peau. L’au-
teur anonyme de l’Introduction anatomique, et ensuite
Avicenne , ont les premiers parlé du pannicule charnu.
Vésale et Golilmbus croyaient encore que la peau est
percée aux ouvertures naturelles; mais Casserius,
comme oh l’a déjà vu , avait observé , qu elle se con-
tinue dans les narines et dans la bouche; on lui doit
aussi une figure de l’épiderme séparé du derme. J. Fa-
Medio-chirurg. Transact. vol. îv, p. 371.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
2*66
brice.a décrit avec beaucoup de détails et d’exactitude
les appendices ou les diverses dépendances de la peau
des animaux. Depuis lors, les observations des anato-
mistes sur cet organe se sont beaucoup multipliées L
ARTICLE PREMIER.
DE LA PEAU EN GÉNÉRAL.
#
§ 291. Cette membrane, étendue à toute la surface du
corps, dont elle détermine la figure dans beaucoup d’ani-
maux inférieurs, et dont, au contraire, elle reçoit la
forme dans l’homme et les autres vertébrés, se moule
en effet sur les organes subjacens, et laisse apercevoir
leurs saillies les plus marquées. Partout continue à elle-
même, on voit seulement en divers endroits sur la ligne
médiane une interruption apparente qu’on nomme ra-
phé, et qui indique qu’il y a eu originairement deux
moitiés séparées. Ce raphé est très-marqué dans les
endroits où la réunion des deux moitiés s’opère le plus
1 M. Malpiglii, deLinguà , exercit. epist. — de Externo tac-
tûs organo epist. , in op. onin. tom. II. — J. M. Hoffmann, de
Cuticuld ctcute. Altd. i685. — Littré, Obs. sur les différentes
parties de la peau, etc. Acad. roy. des scienc. 1702. — F. de
Riet , de Organo tactus. Lugd. Bat. 17 43. — J. Fantoni, de
Corporis inte gu mentis, etc. Turin, 1 7 4 G. — Lecat, Traité
des sens. — Cruiskhank, Experiments on thé insensible pers-
piration, etc. London, 1795. — C. F. Wolff, de C.ute , innov.
Corn, petrop. vol. VIII. — G. A. Gautier, Reclferclies sur
l’organe cutané , Paris 1811. — Dutrochet, Obs. sur la struct.
de la peau. Journ. compl. vol. V. — J. F. Schroter , das Mens-
chlich gcjiihl, etc. Leipzig i8i4* — Lawrence, in Becs Cy-
clopœdia. — Seiler, ai Anat.-pliysiol. Realworterbuch.
DE LA PEAU.
267
tard, et où il est le plus ordinaire de trouver des di-
visions anormales; par exemple, à la lèvre supérieure,
au périnée et au-dessous de l’ombilic. La peau semble
percée, mais ne l’est point, aux ouvertures du canal
digestif et aux orifices des voies aériennes , urinaires
et génitales , endroits où elle se réfléchit et se continue ,
en changeant de caractère, avec la peau interne. Il
en est de même encore au conduit auditif externe,
où elle envoie un prolongement cutané, aux yeux et
aux conduits des mamelles, dans lesquels elle en envoie
d’autres de nature muqueuse.
§ 292. La peau présente deux surfaces. La surface
libre, qui est externe et en contact avec l’atmosphère,
offre différens objets à considérer : on y voit des rides
ou plis plus ou moins profonds , dont les uns dépendent
des muscles peauciers, situés à la tête, au cou et autour
de f anus, dont la peau ne peut pas suivre la contrac-
tion; il en est de même des rides du scrotum , déter-
minées par la contraction du^tissu sous-jacent ; d’autres
rides répondent aux articulations , et dépendent de
leurs mouvemens, telles sont celles des mains, des
pieds, etc.; d’autres enfin dépendent de l’amaigrisse-
ment et de l’atrophie musculaire, quand ces phéno-
mènes se manifestent rapidement et à un âge assez
avancé pour que la peau ait perdu sa contractilité. La
surface de la peau présente, en outre , de petites rides
propres à l’épiderme , à la paume des mains et à la
plante des pieds: ce sont des lignes, saillantes, séparées
par d’autres lignes enfoncées, diversement dirigées et
contournées, et qui sont formées par des séries de pa-
pilles. Au dos delà main et au front ce sont des poly-
268
ANATOMIE GÉNÉRALE.
gones. Aux joues et sur la poitrine, des points seule-
ment et des rudimens d’étoiles , etc. On voit aussi à la
surface libre delà peau des ouvertures petites , arron-
dies, très-généralement distribuées, abondantes à la
face surtout : ce sont les orifices des follicules sébacés;
et d’autres ouvertures, plus petites encore, microsco-
piques, ou des porosités apparentes de l’épiderme, mais
qui sont des enfoncemens infundibuliformes et termi-
nés en cul-de-sac. En général, cette surface est assez
unie ; elle est un peu humectée et enduite par l’humeur
de la transpiration et par la matière sébacée.
§ 293. La surface profonde ou adhérente de la peau
tient en général aux parties sous-jacentes par un tissu
cellulaire lâche, qui permet des glissemens entre la
peau et les parties qu elle recouvre. Dans quelques
endroits, des bourses muqueuses sous-cutanées inter-
rompent la continuité du tissu cellulaire et augmentent
beaucoup la mobilité de la peau et des parties qui
sont au-dessous. Dans d’autres endroits, au contraire,
le tissu cellulaire est dense, ferme, et se distingue
peu de la peau: telle est sa disposition au crâne, à la
nuque, au dos, à l’abdomen. Dans d’autres encore,
c’est par du tissu fibreux ou ligamenteux que la peau
adhère aux parties sous-jacentes; il en est ainsi autour
du poignet et du coude-pied, à la paume des mains,
à la plante des pieds, et surtout sous le talon. L ad-
hérence a lieu dans quelques points au moyen dun
tissu cellulaire rougeâtre, demi- musculaire , si 1 on
peut ainsi dire; tel est le dartos, au scrotum et aux
lèvres de la vulve. Enfin, dans quelques endroits meme,
ce sont des muscles qui doublent la peau et qui s y
DE LA PEAU.
269
attachent; tels sont les muscles peauciers du crâne, de
la face, du cou et de la main. Le pannicule charnu des
animaux mammifères, beaucoup plus développé que
celui de l’homme , excepté à la face, est 1 analogue des
muscles peauciers de ce dernier. Les anatomistes du
moyen âge ont beaucoup disputé sur son existence dans
l’homme : il est évident qu’il y existe, mais qu’il y est
peu étendu. Dans beaucoup d’endroits, le tissu cellu-
laire sous-cutané est mêlé de tissu adipeux, et ces deux
tissus pénètrent ensemble jusque dans lepaisseur de
la peau. Le tissu cellulaire sons-cutané est parcouru
par des grosses veines, par beaucoup d’artères et de
vaisseaux lymphatiques , et par des nerfs.
§ 294. Les follicules cutanés ou sébacés 1 ont la
plus grande ressemblance avec les follicules muqueux.
Ils existent dans toute l’étendue de la peau , du
moins on les y admet, excepté à la paume des piains et à
la plante des pieds. On en admet l’existence parce que
l’humeur sébacée enduit toute l’étendue de la peau ;
parce que par une dissection attentive, et en s’aidant de
la loupe , on les aperçoit dans des endroits où ils sont
d’une excessive ténuité; et parce que enfin certaines alté-
rations morbides les rendent évidens dans des endroits
où on ne les aperçoit pas autrement. Ils abondent sur-
tout là où il y a des poils, aux environs des orifices,
dans les plis de l’aine et de Laisselle. Ils sont situés dans
l’épaisseur de la peau ou au-dessous d’elle ; on les
voit surtout bien en coupant la peau obliquement.
1 J. Ch. Th. Reuss, prœside Autenrieth, de Glandulis seba -
ceis dissert etc. Tubingœ , 1807.
anatomie générale.
270
Leur orifice constitue des porosités assez distinctes à
la surface. Ils ont la grosseur d’un grain de millet et
même moins, cette grosseur varie; ceux du nez sont
assez gros, ceux des joues sont beaucoup plus petits.
Ils ont la forme d’une petite ampoule. Ils sont en gé-
néral simples et discrets ; ceux du nez cependant sont
très-rapprochés ; quelques-uns même sont ramassés ou
composés. Ils consistent en une petite ampoule formée
par la peau, amincie et réfléchie sur elle -même, et
garnie là d’un grand nombre de ramuscules vasculaires.
Ils contiennent une matière oléo-albumineuse , un pen
différente dans les diverses régions du corps.
§ 2^5. La texture et la composition anatomique de
la peau sont des points de fine anatomie qui ont beau-
coup exercé la patience des observateurs , et sur les-
quels ils sont peu d’accord. Dès l’antiquité on a vu que
la peau est composée de deux feuillets ; un profond et
épais, et un mince et superficiel. Maîpighi ayant aperçu
dans la langue de bœuf, que les papilles du derme
sont séparées de l’épiderme par une couche muqueuse
ou glutineuse, qui, comme un réseau, en remplit les
intervalles, transporta cette couche, par analogie, à la
peau de l’homme; Ruysch donna ensuite la figure de
ce réseau. Depuis cette époque les anatomistes ont été
singulièrement partagés sur l’existence de cette mem-
brane; les uns, la niant tout-à-fait, et n’admettant
dans la composition de la peau que le derme et l’épi-
derme; d’autres n’en admettant l’existence que dans
les races colorées ; d’autres , au contraire , renchéris-
sant sur Maîpighi, et admettant plusieurs couches dans
le corps muqueux de la peau; autant, pour ainsi dire,
DE LA PEAU. l'J I
qu’il y a d elémens anatomiques dans cette membrane,
ou quelle remplit de fonctions.
§ 296. Les vaisseaux sanguins et lymphatiques et les
nerfs de la peau pénètrent, en se divisant, à travers les
aréoles du derme ; soutenus par un tissu cellulaire fin qui
les entoure, ils arrivent ainsi jusqu a la face superficielle,
où il y en a des myriades , qui , par leurs dernières
divisions, constituent les papilles et le réseau vascu-
laire. Relativement à la disposition de ces parties, et
particulièrement des vaisseaux, on a assez générale-
ment admis qu’ils sont étrangers au derme , qu’ils ne
font que le traverser pour former au-dessus de lui un ré-
seau vasculaire. M. Chaussier, au contraire, admet que
tous les élémens anatomiques de la peau sont réunis
dans le derme lui -même. Gordon va même jusqu’à
avancer que le dernfe injecté est également vasculaire
partout, autant à sa face profonde qu’à sa face superfi-
cielle. Il serait inexact de dire que les vaisseaux sont
étrangers au derme, et qu’ils lui forment seulement une
couche sus-jacente; mais il ne le serait pas moins de
dire que les vaisseaux sont aussi divisés et aussi nom-
breux à la face profonde du derme qu’à sa face op-
posée. Les vaisseaux se divisent et se ramifient dans le
derme à mesure qu’ils en pénètrent l’épaisseur , et
leurs dernières divisions , prodigieusement multi-
pliées, se distribuent dans la surface externe de cette
membrane , et dans les éminences qui la hérissent ,
parties beaucoup plus vasculaii es par conséquent que la
face profonde. Il en est absolument de même des nerfs.
§ 297. Le derme ou corium, corium , derma , vera cutis ,
est une membrane fibro-cellulaire qui constituele feuil-
272 anatomie générale.
let profond et principal , et presque toute i’epaisseur de
la peau. Sa face interne , qui est celle de la pèau, pré-
sente en général des ouvertures alvéolaires coniques ,
dirigées obliquement dans l’épaisseur de la membrane.
Ces aréoles, très-grandes dans le derme de la main,
de la plante du pied, du dos, de l’abdomen, des
membres , plus étroites au cou , à la poitrine , et à la
face surtout , sont presque invisibles au dos de la main
et du pied, au front, au scrotum et aux lèvres de la
vulve. Les bords de ces aréoles se continuent, les pre-
miers et les plus grands , avec le tissu fibreux sous-
cutané, les seconds, avec le tissu cellulaire plus ou
moins dense, les derniers ou les plus étroits avec le
tissu très-lâche qui existe dans les régions où on les
observe ; l’aréole elle-même est remplie par un tissu
cellulaire adipeux , et traversée par les vaisseaux et les
nerfs de la peau. Le fond de ces cavités alvéolaires est
percé d’ouvertures très-petites qui répondent à la face
superficielle du derme. Cette face , assez unie en géné-
ral , présente dans divers endroits de petites éminences
papillaires, bien plus distinctes sur le derme dénudé,
que vues au travers de l’épiderme.
§ 298. Le corps papillaire et le réseau vasculaire
de la peau, qu’on a mal à propos décrits comme des
couches distinctes de cette membrane, appartiennent
à la face superficielle du derme. Les papilles [ décou-
vertes par Malpighi , admises, figurées et décrites
depuis par Ruysch , Albinus et beaucoup d’autres
anatomistes; dans ces derniers lemps par Gautier,
1 Hintze, de Papillis cutis tactui inservientibus. L. B. 1747*
— Albinus, Acad, annot. lib. III. cap. ix etxu.
DE LA PEAU.
273
sous le nom de bourgeons ; révoquées on doute par
Chéselden et plusieurs autres, sont de très -petites
saillies ou éminences de la surface du derme , en gé-
néral conoïdes; parfaitement visibles à la langue; dis-
posées en doubles lignes et très-distinctes à la paume
des mains , à la plante des pieds et surtout à la pulpe des
doiots: distinctes encore , mais irrégulièrement distri-
buées , au gland , au mamelon , et aux lèvres ; mais
tellement petites et peu distinctes dans le reste de la '
peau , quelles y ont été plutôt admises par analogie
que réellement observées , et quelles y sont comme
confondues, dans la surface du derme, en#un réseau
vasculaire et nerveux. Ces papilles, dans les endroits
où elles sont bien distinctes , consistent évidemment
en une saillie du derme très-mol, très-cellulaire, pé-
nétré par beaucoup de filets nerveux dépouillés de
névrilème, et de ramuscules vasculaires , ayant là une
disposition érectile qui sera décrite plus loin ( cha-
pitre IV). Dans les endroits où les papilles sont moins
distinctes , quoique la composition et la texture de la
surface du derme soient au fond les mêmes , il y a
moins de nerfs; les vaisseaux, très-abondans , forment
un lacis ou réseau. Le sang pénètre habituellement ,
mais en quantité variable, dans les vaisseaux de la sur-
face du derme. Dans les ecchymoses de la peau , il va
au delà et s’infiltre dans le corps muqueux. Les injec-
tions fines et pénétrantes, après avoir rempli le corps
papillaire et vasculaire de la peau, s’épanchent aussi
quelquefois au delà
V oyez Prochaska , disqüisitio anat. phys. organismi , etc.
Viennæ, 1812. 4°. *
T.
l8
274 ANATOMIE GENERALE.
§ 299. La texture du derme est celle d’une trame
aréolaire plus ou moins serrée. La fibre qui le forme
lui est propre. Elle a été regardée par les anciens ana-
tomistes comme intermédiaire à la fibre musculaire et
au tissu aponévro tique. Quelques-uns l’ont dite pure-
ment cellulaire, les autres ligamenteuse. Récemment
encore , M. Osiander 1 a soutenu quelle était distincte-
ment musculaire à la face interne de la peau. Il a fait
ses observations sur la peau de l’abdomen de femmes
mortes en couches. Les tissus, auxquels elle ressemble
le plus par l’ensemble de ses caractères, sont le tissu
cellulaire et le tissu fibreux.
§ 3oo. Le derme est blanc ; sa surface externe est plus
Ou moins rougeâtre, suivant la quantité de sang retenue
dans ses petits vaisseaux. Son épaisseur n’est point
partout la même, elle varie d’une ligne et demie à
un quart de ligne. Au tronc , elle est en général plus
grande à la partie postérieure qu’à la partie antérieure;
aux membres , à la partie externe qu’à la partie interne.
Le derme est particulièrement très -mince aux pau-
pières , aux mamelles et aux organes de la copulation ;
très- épais au contraire à la paume des mains , et sur-
tout à la plante des pieds. Il a une demi - transparence
qui permet d’apercevoir, à travers la peau, la couleur des
veines sous-cutanées. Il a une force de résistance ou
de cohésion qui le rend propre à faire , dans les arts
mécaniques , des liens extrêmement forts. Il est sou-
mis dans les arts du tanneur, du corroyeur, du cha-
moiseur, du mégissier, etc , à diverses opérations qui
empêchent sa putréfaction , et qui augmentent sa
1 Commentcitiones gottingenses recentiores , vol. IV. 1820.
DE LA PEAU. 2^5
densité ou sa flexibilité , etc. Il contient naturellement
une grande quantité d’humidité dont la soustraction
le rend jaune et élastique. Il se réduit par la décoc-
tion , en colle ou gélatine. Outre son extensibilité et
sa rétractilité , qui sont très- marquées et qui exis-
tent encore après la mort, il jouit pendant la vie
d’une force de contraction tonique très - évidente ,
quoique beaucoup moindre que celle des muscles.
C’est cette contraction qui constitue la chair de poule.
C’est sa surface externe qui est le siège de la sensibilité
tactile. Le derme est le soutien de tout le reste de la
peau; c’est à sa surface qu’existe le corps muqueux.
§ 3oi. Le corps muqueux de Malpighi1 , reticulare
corpus , rete glutinosum malpighianum , est une couche
très-mince de tissu cellulaire à demi liquide, qui revêt
la surface papillaire du derme, la sépare de l’épiderme,
adhère intimement à l’une et à l’autre, et est le siège
de la coloration. Cette partie de la peau, indiquée par
Malpighi, très- bien observée par Meckel et par Albi-
nus , admise par la plupart des anatomistes au moins
dans le nègre, niée cependant par un certain nombre
d’entre eux , et notamment par Bichat, M. Chaussier,
Gordon et M. Rudolphi, ne peut pas, à la vérité, être
isolée par la dissection, mais peut être aperçue dans
diverses circonstances. Toutes les fois , soit dans l’état
de vie , soit sur le mort , que l’épiderme se sépare du
derme , on distingue , sur l’une ou l’autre , et quel-
1 V oyez Meckel , Recherches anatomiques sur la nature de
l’épiderme et du réseau qu’on appelle malpighien , Mém. de
l’acad roy. des sc. de Berlin, ann. 1753. — Albinus, Acadcrn.
annot. lib. I, cap. i-v.
2^6 ANATOMIE GENERALE.
quefois sur ces deux membranes, une couche mu-
queuse qui couvre les éminences papillaires et en rem-
plit les intervalles. Cette membrane intermédiaire est
surtout très-visible dans le nègre , très-visible encore
dans les taches noires des blancs , et bien distincte
même sur un morceau de peau blanche que l’on voit
dans la collection de Hunter. Cette couche, extrême-
ment mince au sommet des papilles, et moins dans
leurs intervalles, a l’apparence d’un réseau, mais n’est
point percée. Ceux qui n’ont admis que deux mem-
branes à la peau , l’ont regardée comme la partie pro-
fonde de l’épiderine. Ce corps muqueux, sur la nature
duquel il est difficile de se faire une idée bien exacte,
paraît consister en un liquide plastique ou un tissu cel-
lulaire à demi organisé. Le sang et les injections n’v
montrent point de vaisseaux; des liquides y pénètrent
pourtant, mais ils semblent y être imbibés ou contenus
dans des interstices particuliers. On n’y connaît point
de nerfs non plus, et c’est par une pure allégation que -
M. Gall l’assimile à la substance grise du cerveau. Cette
membrane forme un vernis humide qui revêt la surface
papillaire et vasculaire du derme. Les substances qui
entrent dans l’économie ou qui en sortent par la peau
la traversent; elle est le siège de la couleur, et celui
des productions cornées, écailleuses, etc. , qui existent
naturellement dans la peau des animaux et dans quel-
ques parties de celle de l’homme , ainsi que de celles qui
s’y développent accidentelleinent. Cette membrane si
mince, et dont l’existence même a paru contestable,
paraît, dans quelques animaux, et même dans l’homme ,
du moins dans quelques parties du corps, et dans cer-
DE EA PEAU.
277
tains cas, être formée de plusieurs couches superpo-
sées.
§ 3o2. Un auteur anonyme avait déjà indiqué cette
composition. Cruikshank l a observée sur un nègre
mort delà petite vérole; Bayhani sur la peau d’un
blanc, injectée, dans un autre cas de maladie; Gautier
l’a démontrée sur la peau du nègre par divers procé-
dés ; et M. Dutrochet sur la peau des animaux. C’est
un nombre d’observations suffisant pour ne pas les
rejeter sans examen. i° Il y a sur la surface papillaire
du derme une couche très-mince et incolore, transpa-
rente , que l’on distingue surtout sous les écailles et
les cornes colorées des animaux, dans le nègre, et
même dans le blanc, mais sous l’ongle seulement;
2° une couche colorée, très-distincte dans les nègres,
dans les blancs tachetés d’éphélides colorées, et beau-
coup moins dans les endroits où la peau est blanche;
elle est souvent réunie à la suivante; 3° une couche
incolore superficielle , plus ou moins molle ou bien
encroûtée de substance cornée ou calcaire; elle est
distincte dans beaucoup d’animaux, un peu dans le
nègre, point dans le blanc, excepté aux ongles, aux
poils, et dans les productions cornées accidentelles.
Cette couche est immédiatement couverte par l’épi-
derme.
1
§ 3o3. Le pigment de la peau 1 a son siège principal
dans le corps muqueux et surtout dans sa couche
1 B. S. Albinus , De sede et causa coloris œthiopum et
celer, homin., etc. Lugd. Bat. 1737. et Annot. Jib. I. cap. 11.
— Meckel , loc. cil. — S. T. Sœmmering , ZJeber die hôrper-
tichc vcrschicdenheit des negers vom europaër.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
moyenne, mais les surfaces externe du derme, et interne
de f 'épiderme surtout y participent aussi un peu. Les
anatomistes antérieurs à Malpighi , et quelques-uns de-
puis lui , en placent le siège dans ces deux membranes,
surtout dans la dernière. La matière colorante existe et
dans les hommes de toutes les races, excepté les
albinos. Cependant ce n’est guère que dans les nègres
qu’on peut la voir bien distinctement du reste de la
peau. Malpighi avait seulement annoncé que la cou-
leur de la peau avait son siège dans le réseau mu-
queux ; Littré avait , mais en vain , essayé d’obtenir
la matière colorante séparée, en soumettant la peau
du nègre à la macération pour gonfler le corps mu-
queux , et séparer ainsi l’épiderme du derme. Cepen-
dant quoique le corps muqueux soit très-mol et liqué-
fiable on parvient à séparer de la peau du scrotum du
nègre, des portions considérables du corps muqueux
coloré, sous forme de membrane continue, indépen-
dante et séparée de l’épiderme. Mais le plus ordinaire-
ment, et j’ai plusieurs fois répété cette expérience, la
macération sépare du derme qui reste. très-peu coloré,
l’épiderme et le corps muqueux réunis et colorés; ce
n’est qu’avec difficulté qu’on peut ensuite séparer le
corps muqueux sous forme de membrane. Si l’on pro-
longe la macération dans peu d’eau, et que l’expérience
soit faite avec la peau du scrotum , partie très-foncée
en couleur, le corps muqueux , en se résolvant en une
sorte de mucosité , teint l’eau et laisse enfin déposer au
fond du vase une poudre brune impalpable. Gautier
a assigné pour siège spécial, à la matière colorante,
la couche moyenne du corps muqueux, qu’il décrit,
DE DA PEAU.
279
sous le nom de gemmules, comme une couche ondulée
qui couvrirait d’un seul de ses contours chacune des
doubles lignes sillonnées du derme, de la paume des
mains et de la plante des pieds. Il semble plutôt que le
pigment résulte de globules colorés disséminés dans
le corps muqueux.
Non -seulement le corps muqueux est plus coloré,
mais il est plus épais dans la race nègre que dans les
autres races, et son épaisseur est dans celles-ci en raison
directe de sa coloration $ aussi est-il tellement mince
dans les blancs que l’on a pu douter de son existence.
Il est plus mince encore et si liquide dans les albinos
que l’action du soleil détermine très-facilement la vési-
cation de leur peau, tandis que dans, les nègres les
épispastiques produisent très-difficilement cet effet.
La matière colorante de la peau est très-analogue à
celle du sang ; elle paraît être sécrétée de cette humeur,
et passer des vaisseaux de la surface du derme dans le
corps muqueux où elle est dans une sorte d’imbibition.
Divers phénomènes morbides portent à croire quelle
y est sans cesse renouvelée par une déposition et une
résorption continuelles. Beddoes et Fourcroy ont ex-
périmenté que la peau du nègre, plongée dans l’eau
imprégnée de vapeur de chlore devient blanche, et
reprend en très-peu de jours sa couleur noire dans
toute son intensité. Les observations chimiques de
Davy, de Goli et autres ont démontré ce que M. Blu-
menbach avait avancé depuis long-temps, que le pig-
ment de la peau est principalement formé de carbone.
L’usage du pigment dans les races colorées , paraît
être de défendre la peau contre l’effet rubéfiant des
1
280
ANATOMIE GÉNÉRALE.
rayons du soleil, quon appelle communément coup
de soleil \
§ 3o4. L’épiderme ou surpeau, epidermis , cuticula 2,
est une couche de la peau distincte quoique mince, qui
forme à sa surface une sorte de vernis sec et défensif.
La surface libre ou superficielle de cette membrane,
qui est en même temps celle de la peau, présente, on
l’a déjà vu plus haut § 292, des petites rides, et des erni-
nences diversement disposées et très-visibles à l’œil nu.
De plus , si l’on examine cette surface avec un. instru-
ment grossissant , et même avec une simple loupe, les
endroits de l’épiderme compris entre les petites rides,
et qui à l’œil nu, semblaient tout-à-fait unis, parais-
sent alors très - inégaux , rugueux, et présentent de
petits enfoncemens qui ont d’autant plus l’apparence
de pores, que l’on en voit suinter la sueur.
La face profonde de l’épiderme est adhérente et ne
peut être séparée du reste de la peau par la dissection;
mais la putréfaction, la macération, l’action de la
chaleur sèche et humide, les épispatiques, et diverses
maladies déterminent cette séparation. Quand elle est
1 Voyez Philosophical transactions ann • 1821. I. On the
blach rete mucosum. , etc. , by sir Ev. Home.
2 H. Fabricio , de totius animalis integumenfis , ac primo
de cuticula, et iis, quæ supra cuticulam sunt. in oper. omn.
— Ludwig, de cuticula , Lipsiæ 1739. — Meckel , Loc. cit.
et Nouvelles Observations sur l’épiderme. Mém. de l’acad.
roy. des se. de Berlin, ann. 17^7. — Monro sen. , de cuticula
humana , oi'atio, in woi 'hs. Edimb. 1781. — J. Th. Klinkosch
et Hermann, de verâ naturâ cuticulœ , ejusque rc g ene ra-
tio ne. Pragæ , 1775. — B. Mojon, Sull’ epidermide , etc.
Genua , 18 1 5.
DE LA PEAU.
181
déterminée par un commencement de putréfaction ,
procédé préférable à tous les autres , on aperçoit , en
soulevant avec précaution l’épiderme , une foule de
filamens très -fins, transparens, incolores, qui se
rompent après s’être allongés jusqu’à un certain degré.
Ces filamens* très - bien décrits et représentés par
W. Hunter qui les regardait comme les vaisseaux de
la sueur, avaient été déjà notés par Kaau , qui en avait
la même opinion. Bichat et M. Chaussier les regardent
aussi comme des vaisseaux exhalans etabsorbans. Mais
on n’est pas encore parvenu à les injecter, et l’inflam-
mation qui rend la peau si vasculaire, ne les colore pas
sensiblement. D’un autre côté, Cruikshank pense que
ce ne sont pas des vaisseaux, mais des proion gemens
excessivemens fins de l’épiderme qui tapissent les plus
petits pores du derme. Seiler semble adopter cette hy-
pothèse , et suivant lui ce sont des rudimens de folli-
cules sébacés et de bulbes de poils. Cependant il n’est
pas certain que ces prolongemens existent lorsque
1 épiderme adhère au derme , et l’on pourrait les con-
sidérer comme des tractus muqueux formés par la
substance intermédiaire au derme et à l’épiderme ,
rendue fluide et visqueuse par un commencement de
décomposition.
L épiderme pénètre en s’amincissant dans les folli-
cules sébacés. Il pénètre aussi, et se comporte de la
même manière, dans les ouvertures des bulbes des
poils.
§3o5. On a dit que l’épiderme était composé de-
cailles imbriquées. Mais c est, une apparence trom-
peuse; il consiste en une membrane plane et continue.
28 2
ANATOMIE GÉNÉRALE.
Nunberger a admis qu’il était pourvu de vaisseaux ,
et qu’il se nourrissait par intus-susception. Mojon y
suppose, comme Klinkosch, des fibres , des lames, des
vaisseaux, et toutes les propriétés de l’organisation et
de la vie. Mascagni le regarde comme étant entière-
ment formé de vaisseaux absorbans. Fontana avait
déjà cru y voir des vaisseaux contournés, mais M. d«
Humboldt a vu que ces prétendus vaisseaux n’étaient
que des plis. L’observation la plus attentive et les
opérations anatomiques les plus délicates ne font
apercevoir dans l’épiderme qu’une couche homogène
dont la surface adhérente se confond insensiblement
avec le corps muqueux, et qui est dépourvue de tissu
cellulaire de vaisseaux et de nerfs.
§ 3o6. L’épaisseur de l’épiderme est peu considérable,
elle égale à peine la cinquième ou la sixième partie de
celle de la peau. A la paume des mains et à la plante
des pieds , il est plus épais que partout ailleurs. Dans
ces endroits, surtout chez les personnes qui se livrent
à des travaux mécaniques ou qui marchent beaucoup ,
il paraît formé de plusieurs couches. M. Heusinger 1
considère cette partie de l’épiderme comme une va-
riété du tissu corné et l’a décrite sous le nom de tissu
calleux. L’épiderme est moins élastique que le corium ,
très-flexible , et facile à déchirer. Il est transparent ,
et d’une couleur légèrement grisâtre. Dans les races
colorées, il participe à la couleur de la peau, mais il
est moins foncé que le corps muqueux. La trans-
parence de l’épiderme n’est pas la même partout;
System der histologia, von Heusinger. Eisenach, 1822. •
I
DE LA PEAU. 2$3
quand on le regarde contre le jour on y aperçoit des
points plus transparens qu’on a pris pour des porosités.
§ 307. On sait que Lenwenhoeck avait cru les aper-
cevoir, et qu’il en a donné des figures. Beaucoup les ont
admis d’après cela ou en se fondant sur des considé-
rations physiologiques. Mais ni les observations de
Meckel et de Cruikshank, ni celles de M. de Hum*
boldt, faites avec des instrumens grossissans, de beau-
coup supérieurs à ceux de Leuwenboeck ; ni celles de
Seiler, faites sur l’épiderme, détaché avec un rasoir,
du corps d’un animal en sueur; ni les miennes, faites
en chargeant un lambeau d’épiderme d’une colonne
de mercure du poids d’environ une atmosphère, n’ont
pu faire découvrir ces pôrosités. De plus, l’observation
apprend que l’épiderme empêche ou modère beaucoup
l’évaporation dans le cadavre, 'et que les endroits de
la peau qui en sont dépouillés se dessèchent, ainsi que
les parties sous-jacentes, avec une très-grande prompti-
tude. Cependant l’épiderme laisse passer les matières
que la peau absorbe pendant la vie , et certainement
celles qu’elle excrète. Mais , ce qu’il y a de plus éton-
nant encore, c’est que dans les observations dont il
vient d’être question on ne puisse même pas aperce-
voir les ouvertures de l’épiderme qui donnaient pas-
sage aux poils, celles qui répondaient aux follicules
sébacés, ni même celles que l’on y aurait pratiquées
avec une aiguille fine. On sait que la même chose arrive
à la gomme élastique. Le papier à filtrer ne présente
pas non plus de pores visibles au microscope quand il
est mouillé , mais quand il est sec on en voit aisément.
§ 3o8. L’absorption et la perspiration cutanées ne pou-
i
ANATOMIE GÉNÉRALE.
284
vant dépendre des propriétés physiques de l’épiderme ,
on en a cherché l’explication dans ses propriétés chi-
miques. L’épiderme desséché diminue de volume, et
devient plus ferme, plus élastique, et un peu jaunâtre.
Macéré dans l’eau froide, au contraire, il se gonfle un
peu , devient mou, moins élastique, plus blanc et plus
opaque. Cette substance cependant s’imbibe très-len-
tement ; il faut une assez longue immersion des mains
et des pieds dans l’eau, pour que l’épiderme ait absorbé
assez de liquide pour devenir blanc et opaque , et
cependant, l’épiderme de ces régions paraît s’imbiber
plus aisément que celui des autres parties du corps.
C’est à cette difficile perméabilité de l’épiderme, qu’il
faut attribuer la difficulté avec laquelle le liquide des
ampoules s’échappe dans le vivant, et la lenteur avec
laquelle la peau des cadavres se dessèche, même dans
les atmosphères les plus sèches, pourvu que l’épiderme
soit resté intact. Il résiste très-long-temps à la putré-
faction; on l’a retrouvé intact dans des tombeaux au
bout de plus de cinquante ans. L’eau bouillante rend
l’épiderme blanc , opaque, et le prive d’élasticité bien
plus vite que l’eau froide. L’ébulition prolongée lui
enlève un peu de gélatine qui paraît fournie par la
face adhérente; le résidu ne diffère pas sensiblement
de l’épiderme entier. Exposé au feu nu il brûle comme
une lame de corne, et en répandant une odeur sem-
blable. bes alcalis fixes purs le disoîvent complètement
en une substance saponnacée. L’acide nitrique le jaunit
presque immédiatement , l’épaissit, le ramollit, le rend
■opaque au bout cfienviron un quart d heure; et en
vingt-quatre heures le réduit en une pulpe jaune. Si
I
DE LA PEAU. 28?)
on applique de l’ammoniaque sur l’épiderme jauni par
l’acide nitrique , il passe à la couleur orange foncé.
Or, Hatchett a constaté que les memes effets avaient
lieu sur l’albumine coagulée. L’épiderme paraît con-
sister en une couche de mucus albumineux coagulé et
desséché.
§ 309. L’épiderme n’est ni irritable ni sensible; il est
de toutes les parties du corps, celle qui est douée de la
force de formation la plus active ; il résulte de la con-
crétion d’un fluide exsudé à la surface de la peau ,
continuellement renouvellé , jamais résorbé, mais dé-
truit à l’extérieur, à -mesure qu’il est produit à la face
interne.
§ 3 10. De nombreuses hypothèses ont été émises sur la
formation de l’épiderme ; la plus ancienne est celle
qui consiste à le regarder comme le dessèchement d’un
fluide fourni par la surface du derme. D’autres, avec
Leuwenhoeck , n’ont vu en lui qu’une expansion des
vaisseaux de la, peau. D’autres, comme Ruysch , le
faisaient provenir de l’expansion et du dessèchement
des papilles. Heister attribuait sa formation à la réu-
nion de ces deux causes; Morgagni , à la callification
ou à l’endurcissement de la surface de la peau par la
pression de l’eau de l’amnios d’abord , puis de celle de
1 atmosphère ; et Garangeot, à l’endurcissement du
réseau muqueux. Toutes ces opinions, surtout la pre-
mière et la dernière , contiennent quelque chose de
vrai. Il résulte en effet d’une exsudation ou excrétion
du derme. C’est la surface endurcie du corps muqueux;
de sorte que depuis le derme jusqu’à la surface libre
de 1 épiderme, il y a une dégradation successive d’or-
286
ANATOMIE GÉNÉRALE.
ganisation et de vitalité, qui fait de lepiderme une
espèce de vernis , ne participant à l’organisation et à
la vie que par son origine , ce qui le rend très-propre
à supporter l’action des corps extérieurs, et à protéger
les vaisseaux, les nerfs , et les autres parties de la peau.
§ 3 1 1 . La peau formée par le derme, les vaisseaux et les
nerfs qui se distribuent dans son épaisseur, et surtout
à sa face superficielle; par l’épiderme dont il vient
d’être question, et par le corps muqueux intermé-
diaire , offrant ainsi une dégradation d’organisation et
de vitalité depuis le derme jusqu’à l’épiderme, par-
ticipe aux propriétés physiques, chimiques et vitales
de ces diverses parties. Il en est ainsi de ses fonctions
ou actions organiques.
§3i2. La peau, à raison de l’épiderme sec et peu
perméable qui en fait partie, n’est point aussi bien dis-
posée que la membrane muqueuse, pour l’absorption et
la secrétion.
La peau, étant munie de son épiderme, dans l’état
d’intégrité, l’absorption cutanée ou l’absorption cuticu-
laire, comme on l’appelle aussi, est en effet encore un
sujet de doute et de discussion pour les physiologistes.
Pour décider cette question entre Séguin, Currie,
Klapp, Rousseau, Dangerfield, Chapman, Gordon et
M. Magendie, etc., dont les observations et les expé-
riences tendent à faire rejeter l’absorption cutanée, et
Keil, Haller, Percival, Home, Cruikshank, Watson,
Ford, Abernethy, Bichat, Duncan, Kellie, Bradner-
Stuart, Sewal, etc., et surtout M. Young, dont les ex-
périences et les observations sont favorables à cette
absorption; il faut faire abstraction des cas dans les-
DE LA PEAU.
287
quels l’absorption a pu avoir lieu par la respiration
aussi bien que par la peau , et ils sont nombreux; de
ceux dans lesquels l’épiderme a pu être amolli , altéré
ou lésé par des applications prolongées à sa surface ou
par des frottemens répétés : circonstances dans les-
quelles l’absorption n’est plus cuticulaire , mais bien
du même genre que celle qui a lieu par la membrane
muqueuse , ou par l’inoculation , dont la matière est
portée à travers une division de l’épiderme dans le
corps muqueux et jusque dans le derme, parties émi-
nemment absorbantes. Cela fait , il reste un petit
nombre de faits qui montrent que quelquefois cer-
taines substances sont absorbées par la peau à travers
l’épiderme, dans son état d’intégrité, mais que cette
membrane est véritablement un obstacle très-souvent
efficace à l’action absorbante du tégument externe.
§ 3i3.La peau est aussi un organe de sécrétion et
d’excrétion. Deux genres de sécrétion extrinsèque bien
connus ont lieu dans cette membrane , la perspira-
tion cutanée et la sécrétion folliculaire sébacée. La
perspiration est tantôt vaporeuse et insensible, et tantôt
liquide et visible; dans ce dernier cas, c’est la sueur.
Cette sécrétion est continuelle , et probablement essen-
tiellement la même dans les deux cas; mais, dans le
premier, elle est insensible à cause de sa vaporisation.
La sécrétion a lieu dans la peau, mais on ignore par quels
vaisseaux; quant aux voies par lesquelles elle traverse
le corps muqueux et l’épiderme, elles sont tout-à-fait
inconnues. On peut admettre avec quelque vraisem-
blance que c’est dans le fond des incisures et des enfon-
cemens microscopiques de l’épiderme, endroit où il
288
ANATOMIE GÉNÉRALE.
est le moins sec, que se fait spécialement l’excrétion
perspiratoire. La quantité de cette matière sécrétée est
très-grande, mais difficile à déterminer. Sanctorius ,
dont les expériences sont si célèbres , avait reconnu
qu’il perdait les cinq huitièmes de la totalité de ses
alimens par la perspiration, et les trois huitièmes par
les autres voies excrétoires. Mais îl ne distinguait pas
les perspirations pulmonaire et cutanée. Parmi ceux
qui ont répété ses expériences, Lavoisier et M. Séguin
ont fait cette distinction. Ils ont trouvé que la pers-
piration cutanée est à la perspiration pulmonaire,
terme moyen, comme onze à sept. Cruiksliank a essayé
d’en déterminer la nature, et a trouvé qu’elle avait
toutes les propriétés de l’eau contenant de l acide car-
bonique et une matière animale odorante.
Quand la matière de la perspiration se rassemble sous
forme de sueur, on la voit apparaître à la surface de la
peau en gouttelettes sur lesquelles Leuwenlioeck a fait
des observations intéressantes. La sueur de l’homme
dans l’état de santé est toujours acide, salée et odorante.
Elle est formée , suivant M. Thénard , de beaucoup
d’eau, d’une petite quantité d’acide acétique, d’hydro-
chlorate de soude, et peut-être de potasse, de très-peu
de phosphate terreux , d’un atome d’oxide de fer, et
d’une quanti téinappréciabiede matière animale. M. Ber-
zélius la regarde comme de l’eau tenant en dissolution
des hydrochlorates de potasse et de soude, de l’acide
lactique, du lactate de soude, et un peu de matière
animale.
La perspiration cutanée, soit sensible , soit insen-
sible, doit être considérée comme une des excrétions
de la peau.
• 28 9
les plus importantes de l’organisme. En outre, elle est
un puissant moyen de refroidissement et de résistance
contre une température extérieure trop élevée. Cette
fonction présente de nombreuses variétés suivant lage,
le sexe, les individus, les circonstances extérieures,
l’état des autres fonctions , l’action des substances in-
gérées ou appliquées , les maladies, etc. Elle exeice
elle -même une très -grande influence sur les autres
fonctions.
§ 3 14. On a admis qu’il se fait par la peau des absorp-
tions et des sécrétions gazeuses analogues à celles du
poumon, etconstituant une sorte de respiration cutanée.
Ainsi Spallanzani aurait vu dans les mollusques, M. Ed-
wards dans les reptiles, et Jurine dans 1 homme même,
la peau absorber de l’oxygène. Suivant divers physi-
ciens et physiologistes , des gaz seraient aussi excrétés
par la peau ; mais des objections et des expériences
peuvent être opposées à ces assertions; on peut de
même opposer les expériences de Priesttley à celles de
Cruikshank, du docteur Makensie et de M. Ellis, qui
semblent favorables à une excrétion cutanée de car-
bone qui se combinerait avec l’oxygène de l’atmosphère
pour former de l’acide carbonique. Il est du moins
certain que si dans l’homme dont l’épiderme est sec
et dont la respiration pulmonaire est très-étendue , l’air
exerce une action vivifiante sur le sang qui circule
dans la peau, cette action ne peut aucunement sup-
pléer celle du poumon.
§ 3i5. La peau excrète une matière huileuse 1 , que
1 Ludwig et Grutzraaclier, de Humore cutem inungcnle.
Lipsiæ , 1748.
1,
1 9
ANATOMIE GENERALE.
Cruikshank est parvenu à obtenir sous forme de larmes
noires à la surface d’un gilet de laine tricoté qu’il avait
porté nuit et jour pendant un mois, dans le temps le
plus chaud de l’été. Cette matière frottée sur du papier
s’y comporte comme de la graisse ; elle brûle avec une
flamme blanche, et laisse un résidu charbonneux. Il est
incertain si cette huile, que l’on a dit être de la graisse
sous-cutanée transsudant à travers la peau, est fournie
par les mêmes voies que la précédente ou quela suivante.
§3i6.Les follicules cutanés sécrètent une matière
sébacée. Cette matière est épaisse , non glutineuse, sans
apparence fibreuse quand elle est endurcie ; elle forme
en se suspendant dans l’eau par la trituration une sorte
d’émulsion , mais ne s’y dissout point. Elle ne fond
point au feu , elle brûle en laissant beaucoup de char-
bon. Elle contient, surtout le cérumen, une propor-
tion d’huile qu’on peut en séparer par le papier ab-
sorbant. Cette matière se forme dans les follicules
sébacés, d’où on peut la faire sortir parla pression sous
forme de vermisseaux , et d’où elle sourde d’elle-même
pour oindre la peau aux environs, et la garantir surtout
de l’action de l’eau et des humeurs exerémenticielles.
Ce sont ces trois matières réunies qui constituent
l’excrétion cutanée, excrétion très-abondante, dont
une partie est continuellement vaporisée, et dont les
parties les plus fixes enduisent la peau , et s’en détachent
ensuite sous forme de crasse. Il faut joindre à ces ex-
crétions celle de l’épiderme qui, sans cesse usé à sa
face superficielle, est sans cesse reproduit à sa face
opposée.
§317. La peau est un organe de sensation. Elle est,
DE LA PEAU.
29I
plus encore que l’autre membrane tégumentaire, l’or-
gane du tact général et passif qui nous fait apercevoir la
présence des corps, leur température, etc.; de plus, et
surtout dans certains endroits , pourvus de beaucoup
de nerfs et de vaisseaux, et bien disposés pour s'adap-
ter à la forme des corps, elle est un organe de toucher
spécial et actif, ou de palpation. Le tact et le toucher
sont d’autant plus délicats que les papilles sont plus
développées et moins couvertes.
§ 3 18. La peau enfin est un organe défensif, peu effi-
cace chez l’homme, mais beaucoup dans certains ani-
maux, où le corps muqueux est le siège d’incrustations
calcaires et cornées. Il est évident que cet organe, dont
les fonctions sont si multiples, de même que sa texture
est si complexe, ne peut avoir une de ses parties, ou
l’une de ses fonctions très-développée qu’aux dépens
. des autres ; aussi plus le corps muqueux et l’épiderme
sont épais et protecteurs, et plus le tact est émoussé.
§ 3 19. L’embryon , jusque vers le milieu du deuxième
mois, n’a point encore de peau distincte. Vers cette
époque, suivant Autenrieth, l’épiderme commence à
paraître. Jusqu’à mi-terme, la peaureste mince, incolore
et transparente: elle devient ensuite rosée jusqu’à huit
mois environ; à cette époque, elle pâlit, excepté dans
• •
les plis. Vers quatre mois et demi de la grossesse, on
commence à apercevoir les follicules sébacés , d’abord
à la tête, puis dans les autres parties du corps; à sept
mois, commence à se montrer l’enduit sébacé, ou ca-
séiforme de la peau; à la naissance, la peau en est cou-
verte et est d’un blanc rosé; après la naissance, la peau
acquiert bientôt la couleur propre à la race, et aug-
ANATOMIE GÉNÉRALE.
^92
mente en épaisseur et en force jusqua lage adulte ; dans
la vieillesse, elle se dessèche, se ride et perd peu à
peu sa couleur.
La peau est plus mince, plus fine, plus molle dans
le sexe féminin ; mais ces caractères disparaissent quel-
quefois après l’âge de la fécondité.
§ 320. Les différences que la peau présente dans les
races ont été déjà indiquées (§§ 112-116). Les indivi-
dus des races colorées, et même les nègres, naissent
à peu près de la même couleur que les blancs. La
couleur commence à se manifester, dès que l’enfant
respire, mais surtout vers le troisième jour après la
naissance, autour des ongles , des mamelons, des yeux,
de l’anus et des organes de la copulation ; le septième
jour, la coloration est étendue partout, excepté aux
régions palmaire et plantaire qui restent blanchâtres.
Pendant la première année, la couleur est peu intense ,
elle augmente ensuite, et persiste pendant la plus grande,
partie de la vie pour diminuer dans la vieillesse. L’o-
deur de la peau varie dans les races comme sa couleur.
Outre les variétés nationales, on en trouve de très-
nombreuses dans les individus.
§321. Les altérations morbides de la peau sont ex-
trêmement nombreuses. Il a déjà été question des ci-
catrices ou des reproductions accidentelles de cette
membrane (§ 258). Le tissu nouveau est analogue,
mais non identique à l’ancien. Le derme y est plus dense,
moins aréolaire, plus compact, moins vasculaire, moins
papillaire que celui de la peau. L’épiderme y existe ma-
nifestement; c’est à tort qu’on la nié, tout récemment
encore. Le corps muqueux y existe aussi , de même
DE LA PEAU.
293
que sa couche colorée, et c’est à tort que Camper a
prétendu que les cicatrices des nègres étaient blan-
ches; seulement la nuance y est un peu différente. Il
se forme quelquefois des productions cornées sur les
cicatrices; ces tégumens accidentels sont très-ulcé-
rables.
On trouve aussi quelquefois de la peau accidentelle
dans des kystes des ovaires, ce sont probablement des
productions imparfaites de fœtus , soit engendrés , soit
enveloppés dans l’état fœtal, par l’individu qui les
contient.
§ 32 2. La peau présente quelquefois des vices de con-
formation primitifs, soit par défaut, ce qui constitue dans
lefœtus'des divisions ou des dénudations; soit par ex-
cès, et alors il y a des plis ou des poches plus ou moin s
étendus. Elle présente aussi des vices de conformation
acquis; sa distension portée très-loin, comme dans la
grossesse, par exemple, écarte, éraillé les fibres du
derme, et produit des vergetures d’abord brunes ou
noirâtres après l’accouchement, et qui ensuite devien-
nent et restent plus blanches que le reste de la peau,
et luisantes. La distension, plus modérée et plus pro^
longée, fait perdre à la peau son élasticité ou sa ré-
tractilité, et laisse, quand elle vient à cesser, des rides
plus ou moins marquées.
§ 3.23. La peau estlesiége fréquent decongestions, de
flux, d’inflammations aiguës et chroniques, dont les
effets très-variés, soit sur la texture de la membrane,
soit sur sa couleur, soit sur les produits de sa sécrétion ,
ont donné lieu à l’établissement d’une cinquantaine de
genres , *et de plus de cent espèces de maladies de la
^4 ANATOMIE GÉNÉRALE.
peau consistant en des boutons, des écailles, des érup-
tions, des ampoules, des pustules, des vésicules, des
tubercules, des taches, etc., sur lesquelles on consul-
tera avec fruit les ouvrages de Plenck, de M. Alibert,
de Willan et de Bateinan.
§824. La rétention de la matière sébacée et son accu-
mulation dans les lollicules, donne lieu à la formation de
tumeurs, qu’on nomme tannes, quand elles sont petites,
et que l’on confond quand elles sont grosses, sous les
noms de loupes , ou de mèlicéris 3 (Y athéromes et de
stéatomes, avec les tumeurs enkystées. Quand la tu-
meur est petite, et que l’orifice du follicule n’est pas
oblitéré, on peut en faire sortir par pression la matière
sébacée sous forme de ver, apparence qui a induit en
erreur quelques observateurs peu attentifs et amis du
merveilleux. Quand, au contraire, la tumeur s’est beau-
coupaccrue et est devenue volumineuse sous la peau, et
que son orifice n’est pas apparent, elle ressemble beau-
coup à un kyste; mais en la disséquant avec soin, on
retrouve, dans le point où elle tient à la peau, des
traces de l’orifice; et si l’on fend, dans ce point, la peau
et la tumeur, on suit aisément l’épiderme se réfléchissant
de la surface de la première dans la cavité de la seconde.
La matière contenue soit quelle ait 1 apparence du
miel, de la bouillie ou du suif, ressemble encore assez
à la matière des follicules sébacés pour nêtre pas mé-
connaissable.
4
§ 325. Diverses productions accidentelles, soit analo-
gues, soit morbides, s’observentdanslapeau. Cette mem-
brane est quelquefois soulevée par une quantité plus
ou moins grande, et quelquefois innombrable de tu-
DE LA PEAU.
295
meurs d'un volume très -variable, et formées par la
production accidentelle d’un tissu blanc, fibreux, beau-
coup plus compact que le tissu cellulaire et plus flasque
que le tissu ligamenteux, tissu que l’on trouve aussi
assez souvent dans les polypes, et surtout dans des
tumeurs sous-muqueuses du vagin et de la vulve.
§ 326. La couleur de la peau offre diverses altérations.
Celle des albinos présente la plus singulière : leur peau
est d’un blanc mat ou rosé tout différent de la blan-
cheur des Européens; leurs poils sont transparens,
blanchâtres ou plutôt incolores; l’œil a l’iris rose-pâle
et l’ouverture de la pupille rouge , ce qui dépend de
l’absence du pigment de la choroïde et de l’uvée. Les
fonctions de la peau, et surtout des yeux, se res-
sentent de cette altération que l’on a attribuée à l’ab-
sence du corps muqueux, et qui dépend au moins bien
certainement de celle de la matière colorante de la
peau et de ses dépendances; c’est à tort que l’on a re-
gardé cela comme effet d’une lèpre, d’une cachexie ou
comme un état de maladie ; c’est une erreur de Blu-
menbach et de Winterbottom , suffisamment réfutée
par les observations de Jefferson , qui dit expressément
que tous les individus de ce genre' qu’il a vus étaient
bien conformés, forts et bien portans. On trouve cette
altération dans toutes les races humaines, dans toutes
les parties du globe et dans un très-grand nombre de
genres d’animaux. Elle commence dès la naissance,
persiste toute la vie, et se transmet par la génération.
L union d’un albinos et d’un individu coloré donne
ordinairement naissance à des individus colorés, et
quelquefois à des albinos. Du reste, ils ne forment point
296 ANATOMIE GÉNÉRALE.
une race dans l’espèce humaine, mais ne s’y rencon-
trent que sporadiquement pour ainsi dire, ou comme
des variétés accidentelles.
Les nœvi et les signes de la peau consistent, les uns
en une plaque colorée du corps muqueux, qui est
ordinairement alors sensiblement plus épais dans ce
point que dans les autres parties; d’autrefois ils con-
sistent en une disposition érectile des vaisseaux de la
peau qui sera décrite plus loin (chap. IY).
La coloration de la peau est aussi sujette à des alté-
rations accidentelles : ainsi l’on voit des individus de la
race blanche devenir bruns ou tout-à-fait noirs dans
des parties plus ou moins étendues. On voit aussi des
blancs ou des noirs devenir albinos dans des points
plus ou moins larges de la peau.
La mélanose, qui coïncide ordinairement avec la dé-
coloration de la peau , et qu’on observe si souvent dans
les chevaux blancs, ne dépendrait- elle pas d’une aber-
ration du pigment de la peau?
Il se montre quelquefois dans le corps muqueux
des productions cornées qui deviennent plus ou moins
saillantes à la surface de la peau; ces productions étant
analogues aux ongles seront décrites à la suite de
ces dépendances de la peau.
ARTICLE IL
DES DÉPENDANCES DE LA PEAU.
§ 32y. Les ongles et les poils sont les seules dépen-
dances de la peau dans l’espèce humaine ; dans les ani
maux, au contraire, on trouve un grand nombre et
DES ONGLES.
297
une grande variété de ces appendices. C’est à tort que
l’on regarde ces parties comme des dépendances de
l’épiderme seul, car elles ont des rapports avec toute
la peau.
I. Des ongles r.
§ 328. Les ongles, ungues , sont des écailles cornées,
qui garnissent la peau de la dernière phalange des
doigts et des orteils du côté de l’extension seulement.
On distingue trois parties dans les ongles : la ra-
cine , le corps et l’extrémité libre.
#
La racine ou l’extrémité adhérente est la cinquième
ou la sixième partie de la longueur de l’ongle ; elle en
est la partie la plus mince; elle est reçue dans un sillon
de la peau, et d’une couleur blanche. Le corps ou la
partie moyenne tient le milieu pour l’épaisseur; sa face
externe libre , lisse et présentant des sillons longitu-
dinaux plus ou moins marqués, est convexe transver-
salement. La face opposée est intimement adhérente à
la peau; la partie postérieure du corps de l’ongle, dans
une étendue peu considérable, et qui va en diminuant
du pouce vers le cinquième doigt, est blanche ; cette
partie semi-lunaire a reçu le nom de lunule; l’autre
partie paraît rougeâtre , à cause de sa diaphanéité, qui
permet d’apercevoir la couleur de la peau. L’extrémité
1 Frankenau, de Unguibus, Jenæ , 1796. — Ejudwig , de
Orlu et structura unguium. Lipsiæ , 1748* — B. S. Albinus,
in Annot. acàd . , lib. II, cap. xiv, de Ungue humario , ejusque
reticulo , etc. et cap. xv de Naturd unguis. — Bose, de Un-
guibus humanis. Lips. 1773. — Haase, de Nutritione un-
guium. Lips. 1774.
anatomie générale.
298
libre de l’ongle en est la partie la plus épaisse; elle se
prolonge au delà du doigt et tend, d’une manière peu
marquée cependant, à se recourber en une sorte de
crochet.
§ 329. Les connexions de l’ongle avec le derme et l’é-
piderme ont lieu de la manière suivante : le derme est
épais, rouge et très-papillaire sous l^e corps de l’ongle ,
excepté sous la lunule; les papilles sont disposées en
séries linéaires comme des sillons longitudinaux très-
minces et très-rapprochés les uns des autres. La face cor-
respondante de l’ongle est molle , pulpeuse , garnie de
rainures longitudinales qui reçoivent les sillons papil-
laires du derme et leur adhèrent très-intimement. Ce-
pendant leur séparation s’opère sur le cadavre par les
mêmes causes qui détachent l’épiderme et le corps
muqueux du derme. L’extrémité adhérente de l’ongle,
très-mince et très-molle, est reçue dans le fond d un
pli du derme, dépourvu d’épiderme. Sous les ongles,
petits et irrégulièrement développés; des derniers or-
teils, les papilles du derme sont disposées irrégulière-
ment, et non en séries linéaires; la face adhérente de
l’ongle présente la même disposition irrégulière pour
recevoir les papilles.
§ 33o. L’épiderme, arrivé vers la racine de 1 ongle,
se réfléchit avec le derme jusque vers le fond du sillon.
Là, le derme passe sous l’ongle; l’épiderme, au con-
traire, se réfléchit sur sa racine et se prolonge sur sa
face externe, quil recouvre ainsi dune lame superfi-
cielle très-mince, qui se confond avec elle. A 1 extré-
mité libre de l’ongle, l épiderme du bout du doigt se
réfléchit sous sa face profonde et s unit à la partie
DES ONGLES. 2 <J(J
libre de cette face. Sur les côtés il existe, en arrière une
disposition analogue à ce qui a lieu à la racine , et en
devant à ce qui existe à l’extrémité libre.
Les ongles n’ont point d’autres connexions que celles
qui viennent d’être décrites. C’est faute d avoir bien
observé, que quelques anatomistes en ont admis avec
le périoste et avec les tendons.
§ 33 1 . On admis avec Blancardi, que les ongles sont
formés par des poils agglutinés ; d’autres, que les ongles
résultent de la superposition d’écailles ou de lames
cornées, dont la plus superficielle a toute la longueur
de l’ongle, tandis que les autres diminuent successive-
ment de longueur, ce qui donne 1 épaississement suc-
cessif de l’ongle depuis la racine jusqu’à l’extrémité
libre. Ce sont plutôt des manières de se rendre compte
du mode de formation des ongles, que des résultats de
l’observation, qui, en effet, ne fait découvrir dans les
ongles qu’une substance cornée, dure et sèche à l’ex-
térieur, et muqueuse à l’intérieur. On n’y trouve ni
vaisseaux, ni nerfs* Ils consistent en une couche épaisse
et cornée du corps muqueux de la peau.
§ 332. Les ongles sont diaphanes, flexibles, élasti-
ques, ils se déchirent en travers, nonobstant leur
apparence fibreuse en sens opposé. Leurs propriétés
chimiques sont celles de l’albumine coagulée ; ils parais-
sent contenir aussi un peu de phosphate de chaux ; ils
ont les plus grands rapports avec la corne. Ils sont
tout-à-fait dépourvus d’irritabilité et de sensibilité. La
force de formation , ou l’accroissement continuel par
une sorte de végétation, est le seul phénomène orga-
nique et vital qu’on y observe; encore ce phénomène
3oo anatomie générale.
leur est-il étranger. Les matériaux de leur formation
sont continuellement sécrétés et excrétés à mesure par
le derme : cette matière apposée à l’extrémité et à la
face adhérentes de l’ongle, semblable à celle de la
sécrétion du vers à soie, se concrétant à mesure quelle
est excrétée, et s’ajoutant continuellement à celle qui
l’a précédée, la pousse devant elle et allonge ainsi
l’ongle par juxta-position et non par intus-susception.
C’est donc une véritable excrétion dont les matériaux
une fois déposés ne sont plus résorbés. Les ongles
arment, soutiennent et protègent l’extrémité des doigts
et des orteils.
§ 333. Les ongles commencent à paraître vers le
milieu de la vie fœtale; ils sont encore très-imparfaits
à la naissance. Dans les races colorées, la couleur est
sous-jacente à l’ongle. Dans beaucoup d’animaux au
contraire, la couche colorée du corps muqueux est
confondue avec la couche cornée dans la composition
des ongles et des parties analogues. Les parties les plus
ressemblantes aux ongles de l’homme sont les griffes
des carnassiers, etc., qui entourent la face dorsale et
les côtés de la dernière phalange , et se recourbent vers
la face plantaire; et les sabots des ruminans, etc., qui
enveloppent toute l’extrémité de la dernière phalange.
Les ongles des pieds de 1 homme prennent quelquefois
un accroissement considérable et une direction qui les
rapprochent des griffes.
§ 334- Les altérations 1 que l’on attribue aux ongles
A *
1 Plenck, de Morbis unguium , m doctnnd de rnorbis cu-~
taneis.
DES ONGLES.
3o i
leur sont, clans la réalité, tout-à-fait étrangères, et
dépendent uniquement de la peau qui les fournit. Il
en est de même des productions cornées accidentelles;
c’est dans le tissu sous-jacent qu’il en faut chercher
l’origine.
Lorsqu’un ongle est arraché par violence ou détaché
par une maladie delà peau sous-jacente , il repousse
lentement et diffère plus ou moins de l’ongle primitif,
suivant que l’affection de la peau persistait plus ou
moins quand il a repoussé.
Il se forme des lames cornées, plus ou moins analo-
gues aux ongles, sur des cicatrices, sur le bout des
orteils, et sur d’autres endroits exposés à des pressions
ou des frottemens rudes et réitérés: tels sont les cal-
losités, les oignons, etc. L’ichthyose simple ou en
plaques n’en diffère que par son étendue et parce que
sa cause est ignorée.
Les cors consistent aussi en productions cornées
accidentelles, arrondies, petites, très-dures, et qui par
la compression qu elles transmettent, irritent, enflam-
ment, percent quelquefois la peau, et même altèrent
les os ou les articulations sous-jacentes.
Des cornes ou des productions cornées conoïdes
plus ou moins allongées, ont été observées depuis
1 antiquité un grand nombre de fois sur presque toutes
les parties de la peau. Quelquefois une seule de ces
excroissances existe sur un individu et s’est développée
ou sur une cicatrice, ou dans un follicule sébacé, ou
sur quelque point de la peau préalablement altéré, ou
bien sans qu’on ait rieiî remarqué de particulier dans
la peau avant la production cornée; d’autres fois il
3o2
ANATOMIE GENERALE.
existe sur presque tous les points de la peau des pro-
ductions de ce genre, ce qui constitue une espèce d’ich-
tliyose.
On peut rapprocher des productions cornées acci-
dentelles, et regarder comme du tissu corné imparfait
les verrues de la peau et les poireaux de la membrane
muqueuse, les uns et les autres participant du tissu
corné et de celui de la membrane.
Les ongles se ramollissent, se carnifient, deviennent
du tissu corné imparfait, végètent irrégulièrement,
présentent des excroissances, deviennent secs, cas-
sans, etc. , dans certaines affections générales ou locales
de la peau, ainsi que par le contact habituel des alcalis,
des acides , etc. , comme cela a lieu dans quelques pro-
fessions. Ils participent d’ailleurs toujours à l’état sain
ou malade de ia peau, dont ils sont une production.
L’ongle entré dans la chair n’est que la cause méca-
nique d’une inflammation de la peau.
IL Des poils \
§ 335. Les poils , pili , crin es y sont des filamens cornés,
1 P. Chirac, Lettre écrité à M. Regis , sur la structure des
cheveux. Montpellier, 1688. — M. Malpiglii , de Prfis obser-
vationes in op. posth. — Withoff, Ancitome pili humani Duisb.
ij5o. et in Comm. soc. scient. Gotting . 1703. — J. II. Knip-
liof, de Pilorum usu. Erf. 1754* — Duverney, OEuvres ana-
tom. Paris, 1761. — Albinos, Acad, annot. lib. IV, cap. ix.
— .T. P. Pfaff. , de Variet. pilor. natural. et prœternat. Halæ ,
1796. Car. Asm. Rudolphi, Dis s. de pilorum structurâ. Grv-
phiswald. 180b. — Gautier, L.c. — Heusinger, L. c. etc.
des poils.
3o3
en général fins et longs qui garnissent en plus ou moins
grand nombre presque toutes les parties de la peau ,
excepte la paume des mains et la plante des pieds.
Chaque poil consiste en un bulbe ét une tige, et
chacune de ces parties aune texture assez compliquée,
distincte surtout dans les poils les plus volumineux.
§ 3r36. Le bulbe ou follicule des poils, que Malpighi
comparait aux vases dans lesquels les jardiniers plan-
tent des végétaux, et que Chirac a très-bien décrit, est
situé dans l'épaisseur du derme ou au-dessous de lui;
il a une forme ovoïde; par une de ses extrémités, qui
pénètre obliquement à travers la peau , il communique
à la surface de cette membrane; et par l’autre, qui est
profonde et garnie de quelques filamens implantés
comme des racines, il est plongé dans le tissu cellu-
laire sous-cutané. Il est formé à l’extérieur d’une mem-
brane capsulaire, ferme , coriace, blanche , qui se con-
tinue par l’extrémité superficielle avec le derme. En
dedans de cette membrane en est une autre plus mince ,
molle , rougeâtre ou diversement colorée, et qui semble
être la continuation du corps muqueux. La cavité de
ce follicule membraneux est en grande partie remplie
d’un bourgeon ou papille conique , adhérant par sa base
au fond de la cavité, et libre par son sommet qui s’élève
i vers l’orifice du follicule.
Des vaisseaux sanguins arrivent à la papille ; sui-
vant Gautier, par le goulot du bulbe, en rampant
entre ces deux couches membraneuses, et suivant mes
1 propres observations , par le fond. J’ai aussi suivi, par
la dissection, des filets nerveux jusque dans la racine
du follicule , que je regarde en conséquence comme
I
3o4 anatomie générale.
formée par des vaisseaux, des nerfs, et du tissu cellu-
laire.
Les bulbes des poils semblent donc consister en une
petite partie de la peau enfoncée , déprimée ou retour-
née sur elle-même, surmontée d’une papille, et munie
de vaisseaux et de nerfs volumineux eu égard à la peti-
tesse de l’espace où ils se distribuent.
On trouve enfin dans l’épaisseur du goulot de ce
bulbe pilifère plusieurs petits follicules sébacés dis-
posés circulairement.
§ 307. La tige du poil est implantée par une de ses
extrémités dans le bulbe pilifère, et libre dans le reste
de son étendue. Sa forme est conoïde, l’extrémité
libre é:ant un peu plus mince que le reste. Sa longueur
est très -variable, son épaisseur varie beaucoup aussi.
La base est creuse , logée dans le bulbe où elle embrasse
la papille; le sommet est souvent fendu ; quelle que soit
la couleur du poil , sa racine est toujours blanche et dia-
phane; la partie renfermée dans le bulbe est toujours
aussi plus molle que le reste, sa portion la plus infé-
rieure et qui couvre la papille est tout-à-fait fluide.
On a dit que la surface du poil était écailleuse ou
garnie d’aspérités microscopiques, libres du côté du
sommet, et adhérentes du côté de la racine; je n’ai
jamais pu les voir-
§ 338. La connexion du poil avec la peau a lieu
comme il suit : il tient par sa base, qui est creuse, à la
surface de la papille; de plus, l’épiderme, après s être
introduit de la surface de la peau à l’entrée du bulbe,
se réfléchit sur la base du poil, s’unit et se confond
avec sa surface; aussi le poil tient-il fortement a la
DES POILS.
3o5
peau , et ne peut-on le tirer un peu fort sans la tirailler
douloureusement; la séparation des poils s’effectue
sur le cadavre par les mêmes causes qui détachent de
la peau l’épiderme et les ongles.
§ 339. La tige du poil consiste en une gaîne cornée,
diaphane, à peu près incolore, et en une substance
intérieure colorée, que l’on a le plus généralement
décrite comme étant formée d’un certain nombre de
filamens, on a dit de cinq à une dixaine, humectés d’une
substance colorante; d’autres ont dit d’une substance
spongieuse semblable à celle qui remplit la tige des
plumes; d’autres ont prétendu que les filamens inté-
rieurs étaient vasculaires; on a prétendu aussi que les
poils consistaient en un filament corné homogène, ce
qui n’est pas probable; Mascagni les dit entièrement
formés de vaisseaux absorbans. Il paraît au contraire
que, comme l’épiderme et la corne, les poils sont
tout-à-fait dépourvus de vaisseaux et de nerfs , qu’ils
consistent simplement en un prolongement de deux
couches du corps muqueux, la couche colorée et la
çouclie cornée, auxquelles se joint même l’épiderme.
§ 34o. La couleur des poils est en général relative à
celle de la peau et des yeux. Dans les individus qui
ont des taches colorées ou des taches albiniques, les
poils sont colorés sur les premières, et blancs ou in-
colores sur les secondes. Ils sont très-résistans et sup-
portent sans se rompre des poids assez considérables.
Ils se fendent ou se déchirent aisément en long. Ils sont
très-hygroscopiques , l’humidité les gonfle et les allon-
ge, la sécheresse les raccourcit : Saussure a tiré parti
de ce phénomène dans l’hygromètre qui porte son nom.
20
1.
3o 6 ANATOMIE GÉNÉRALE.
Ils sont idio-électriques. Ils dépolarisent la lumière, et
suivant le docteur Brewster, ils possèdent des axes
parfaitement neutres : ceux-ci étant parallèles et per-
pendiculaires à l’axe du poil.
Suivant M. Hatchett, l’ébullition prolongée des
poils leur enlève un peu de gélatine, et la substance
restante, qui a perdu une partie de l’élasticité et de la
ténacité du poil , a toutes les propriétés de l’albumine
coagulée. Ils résistent beaucoup à la putréfaction. Leur
couleur s’altère d’abord, mais la matière cornée résiste
très-long-temps. M. Yauquelin a trouvé qu’ils se fon-
dent par la décoction dans le digesteur de Papin ; qu’ils
se fondent aussi dans l’eau contenant quatre centièmes
de potasse caustique; que tous les acides ont de l’ac-
tion sur eux. Suivant ce célèbre chimiste, ils sont
composés d’une matière animale qui en fait la base,
d’un peu d’huile blanche concrète, d’une huile noirâtre,
de fer, d’oxyde de manganèse, de phosphate de chaux,
de carbonate de chaux, de silice et de soufre.
§34i . Ils ne sont point irritables, point sensibles;
leur force de formation ou de végétation est très-active.
Les mouvemens que les poils peuvent éprouver leur
sont communiqués par les muscles peauciers, et par la
contraction de là peau elle-même. Les très-gros poils
ou les piquans de certains animaux sonten outre pourvus
chacun à leur racine d’un petit muscle destiné à les
redresser. Quoique la tige du poil soit, rigoureusement
parlant, insensible, cependant comme leur racine est
appliquée sur une papille pourvue d’un nerf, ils lui
transmettent avec une grande exactitude les effets du
contact des corps extérieurs qui agissent mécanique-
DES POILS.
nient sur eux. Leur végétation ou production est con-
tinuelle, elle est analogue à celle de l’épiderme et des
ongles , et constitue comme elle une véritable excré-
tion. Quelques faits semblent indiquer qu’il se passe
dans leur intérieur, .non une circulation véritable , mais
une imbibition , et qu’un liquide coloré les parcourt
lentement de la racine vers l’extrémité libre. On les
a dit, sans preuve, être des organes d’absorption. Leur
usage est de protéger la peau et de servir, dans quel-
ques endroits surtout, à la sensation. Ils ont d’ailleurs
<les usages locaux.
. § 342. Relativement aux régions qu’ils occupent, les
poils présentent des différences assez grandes, et ont
reçu divers noms.
a
Au crâne, on les nomme cheveux, capilli, coma ,
cæsaries : ce sont les poils les plus nombreux, les plus
longs , les plus rapprochés et les plus forts.
Les sourcils et les cils appartiennent aux yeux; les
orifices du nez et de l’oreille sont aussi garnis de poils.
Les joues, les environs de la bouche et le menton
sont occupés par la barbe, barba , julus , mystax ,
pappus.
Les aisselles sont aussi garnies de poils, glandebalœ ,
ainsi que le pubis, pubes , le scrotum ou les lèvres de
la vulve, et le pourtour de l’anus.
Le reste du corps , soit le tronc , soit les membres ,
en est aussi plus ou moins garni. Au tronc, il y en a
plus àja face antérieure qu’à la face dorsale, ce qui
est le contraire de ce qu’on voit en général dans les
animaux ; aux membres , il y en a moins au côté interne
qu’au côté opposé. En général les poils de la plus
3û8 ANATOMIE GENERALE.
grande partie du tronc et des membres sont rares,
très-fins, courts et à peine visibles; ils n’ont point reçu
de noms particuliers, on ne les trouve abondans et
très-développe's que dans certains individus velus, ho-
mmes pilosi.
§ 343. C’est vers le milieu de la grossesse que l’on
commence à apercevoir les rudimens des poils. Ils ap-
paraissent dans le corps muqueux sous forme de glo-
bules semblables à ceux du pigment. Sur ces globules
s’élèvent de petits cônes creux, ce sont les gaînes des
poils. Ils restent pendant quelque temps sous l’épi-
derme et finissent par le traverser obliquement; on a
dit par des pores, mais on n’en voit pas.
On trouve bientôt sur la peau du fœtus un duvet fin,
lanugo, d’abord incolore qui couvre presque tout le
corps, et qui affecte, dans les diverses régions, des direc-
tions déterminées. Ces poils soyeux se détachent pour
la plupart vers le huitième mois de la gestation, et se
retrouvent dans l’eau de lamnios et dans le méconium.
C’est dans la dernière moitié de la durée de la grossesse
que commencent à paraître les cils, les sourcils, les che-
veux. Après la naissance le reste du duvet tombe. Vers
la puberté commencent à paraître la barbe, les poils
du nez et de l’oreille , ceux de l’aisselle, du pubis , des
organes de la copulation, de l’anus, et ceux du reste
du corps. Après l’âge adulte et dans la vieillesse, les
poils blanchissent et tombent ordinairement.
Dans le sexe féminin , les cheveux sont plus nom-
breux et surtout plus longs. Il n’y a point de barbe
ordinairement ni de poils autour de l’anus, et ceux du
reste du corps sont plirs rares et plus fins. Après l’âge
des l'oirs. * 309
de la fécondité, la. barbe se développe quelquefois en
assez grande quantité. En général les femmes devien-
nent moins souvent chauves que les hommes.
Les races humaines présentent, relativement aux poils,
des différences qui ont été déjà indiqués (§§ 112-117).
Les individus en présentent aussi de nombreuses : les
unes sont relatives à la couleur, dont les nuances varien t
beaucoup; d’autres sont relatives à la grosseur, à l’a-
bondance et à la longueur. Withoff a trouvé que sur
une portion de peau de l’étendue d’un quart de pouce
carré il y avait 147 cheveux noirs, 162 châtains et
182 blancs.
Des parties très - analogues aux poils se trouvent
dans quelques mamnifères, où elles constituent des
piquans; ce sont des étuis cornés, colorés, durs et poin-
tus, renfermant à l’intérieur une substance spongieuse
blanche et peu solide : tels sont ceux du porc-épic.
Les poils ordinaires semblent consister dans la pre-
mière substance principalement.
§ 344 On trouve des poils accidentels sur diverses
parties de la peau et de la membrane muqueuse, ainsi
que dans des kystes. Il existait même une erreur popu-
laire chez les anciens , accréditée par Plutarque et par
Pline , c’est que le cœur aurait été vu couvert de poils. >
Homère, suivant quelques-uns, aurait même parlé du
cœur velu d’Achille, mais il paraît que c’est de la
poitrine velue de son héros qu’il a réellement parlé.
Quant aux autres faits, il paraît, suivant la remarque
de Sénac, qu’il s’agit tout simplement de cœurs hérissés
de tissu cellulaire accidentel. Les poils accidentels de
la peau sont ceux qu’on trouve sur des taches colorées ,
3lO ANATOMIE GÉNÉRALE.
ou sur des parties de la peau plus épaisses que le reste de
cette membrane ; on en a vu aussi acquérir beaucoup
de développement sur des parties de la peau précé-
demment enflammées. On a vu des poils implantés sur
diverses parties de la membrane muqueuse ; le plus
souvent on les a trouvés libres dans les cavités tapissées
par cette membrane ou rejetés au -dehors, soit seuls,
soit faisant partie de concrétions. Quoique plusieurs de
ces faits soient très-authentiques, il ne faut pas oublier
que des poils peuvent être avalés ou introduits par
d’autres voies. Les poils des kystes, soit cutanés, soit
muqueux, sont tantôt implantés et tantôt libres, et
dans les deux cas ordinairement mêlés avec de la graisse
ou avec de la matière sébacée. Ceux qui sont implantés
dans des kystes de l’ovaire le sont ordinairement sitr
des parties évidemment cutanées de ces kystes. Quant
à ceux des loupes du sourcil et du crâne, etc., ces
kystes ne me paraissent être que des follicules sébacés,
et les poils qu’ils contiennent que des poils de la
peau, qui au lieu de se diriger à la surface de cette
membrane par l’orifice du follicule, ont été déviés par
l’agrandissement accidentel de cette cavité.
§ 345. Les altérations des poils 1 , comme celles des
ongles, ont toutes leur origine et leur cause dans
la partie productrice; la partie produite, cornée, en
éprouve les effets. Quand un poil est arraché par vio-
lence ou quand il est tombé par l’effet d une aflection
de la peau , et que celle-ci vient à cesser , il repousse
1 Plenck , de Morbis capillorum , in op. cit. — G. Wede-
itvcyer, Hisloria. pat ho L pilorurn. Gotting. 1812. 4°*
DES POILS.
3 l I
et s’accroît par le même procédé organique que les
ongles. Cette régénération s’effectue de la même ma-
nière que la production première (§ 343). Quand les
poils blanchissent par les effets de l’âge ou par d’autres
causes , c’est par l’extrémité libre que l’albinisme com-
mence , c’est de la même manière que s’opère le blan-
chiment automnal de beaucoup d’animaux, ce qui
semble assez positivement indiquer que l’intérieur du
poil est le siège d’une sorte d’iinbibition dont la ma-
tière serait fournie parla papille du bulbe ou follicule.
Ce qui semblerait l’indiquer encore, c’est que, après
les fièvres graves et dans beaucoup de maladies chro-
niques, lçs cheveux, quand ils ne tombent pas, éprou-
vent une sorte d’amoindrissement, d’atrophie; ils
deviennent transparens , secs', cassans; et, quand la
santé se rétablit , ils reprennent leurs qualités pre-
mières. On a vu aussi les cheveux, après ou sans avoir
éprouvé l’albinisme, changer de couleur et repousser
noirs. Le phénomène morbide de la plique, dans lequel
on dit que les cheveux ramollis, carnifiés, laissent
couler du sang quand on les coupe au niveau de la
peau, ne fait point exception à cette proposition gé-
nérale, que la tige du poil ne fait que participer à
l’état sain ou morbide de la peau : on conçoit en effet
que la papille du poil peut, si elle est enflammée,
s’élever, renfermée dans la racine du poil, jusqu’au
niveau de la peau, et que son tissu vasculaire peut être
entamé en rasant la lige du poil ; mais n’y a-t-il pas
beaucoup d’exagération dans ce qu’on raconte de la
plique ?
ANATOMIE GÉNÉRALE.
3l*
W*.'*. w^-%. %,-*. -V wVwvwvw»vvv\v%
CHAPITRE IV.
DU SYSTÈME VASCULAIRE.
§ 346. Le système vasculaire, syslema vasorum , ré-
sulte de l’ensemble d’une multitude de canaux ramifiés,
communiquant entre eux, et dans lesquels les humeurs
nutritives parcourent sans cesse toute l’étendue du
corps; recevant aux surfaces tégumentaires les ma-
tières de l’absorption extrinsèque, et y abandonnant
celles de la sécrétion excrétoire; déposant et reprenant
alternativement des molécules dans les cavités closes
des membranes séreuses, et dans les aréoles du tissu
cellulaire ; fournissant continuellement dans la subs-
tance des organes des matériaux de composition , et
y reprenant incessamment ceux de la décomposition.
§347. Dans les animaux les plus simples, la masse
du corps tout entière, partout également perméable,
s’imbibe directement des matières de l’absorption et
rejette aussi simplement celles de l’excrétion ; à un de-
gré un peu plus élevé de composition organique, le
tégument, siège essentiel de 1 absorption et de la sé-
crétion extrinsèque, est prolongé dans la masse du
corps pâr des ramifications plus ou moins multipliées ,
à l’aide desquelles les matières de l’absorption sont
distribuées, et celleSde l’excrétion puisées, dans divers
points de la masse ; enfin dans un degré plus élevé ét
qui comprend une grande partie du règne animal, des
DU SYSTÈME VASCULAIRE. • 3l3
vaisseaux parcourent la masse clu corps dans tous les
sens, distribuant et reprenant partout la matière de
la nutrition.
§ 348. Comme dans l’homme ainsi que dans beaucoup
d’animaux, le sang contenu dans les vaisseaux est conti-
nuellement porté d’un point central dans toutes les par-
ties et rapporté détoutes les parties au centre, de manière
à décrire un cercle , on donne aussi à l’ensemble du
système vasculaire et de ses dépendances le nom d’ap-
pareil circulatoire; le premier nom étant relatif à la
conformation et le second à la fonction.
Ce système ou genre d’organes comprend trois es-
pèces, dont deux, les artères et les veines, contiennent
du sang; les artères le portant à toutes les parties, et
les veines le rapportant de toutes les parties, sont unies
au centre par un organe creux , musculaire , le cœur.
La troisième espèce, les vaisseaux lymphatiques, rap-
portent non du sang, mais le chyle et la lymphe, et
les versent dans les vein.es; ils doivent être considérés
comme un appendice du système veineux.
§ 349. Les artères et les veines sont dans un rapport
tel avec le cœur et avec le sang, qu’on peut encore les
diviser en deux autres sections.
Le sang est apporté par les veines de toutes les par-
ties du corps au cœur , et de là conduit; au poumon par
1 artère pulmonaire; il revient du poumon parles veines
pulmonaires au cœur pour être emporté par l’artère
aorte dans toutes les parties du corps , d’où il est rap-
porte par les veines caves. On donne le nom de circu-
lation pulmonaire ou petite au trajet du sang du cœuf
au poumon et du poumon au cœur, et le nom de vais-
ANATOMIE GÉNÉRALE.
3i4
seaux pulmonaires aux voies de cette circulation. On
#
donne le nom de circulation générale ou grande au
trajet du sang du cœur dans tout le corps et de toutes
les parties du corps au cœur, et le nom d’artère aorte
et de veines caves, ou de vaisseaux généraux à ceux
que parcourt le sang dans ce trajet.
§ 35o. Le sang contenu dans les veines générales du
corps , dans la moitié antérieure ou droite du cœur et
dans l’artère pulmonaire, est d’un rouge brun, on l’ap-
pelle veineux; celui que contiennent les veines pulmo-
naires , l’autre moitié du cœur et les artères aortiques
est d’un rouge vermeil ou artériel. On a divisé aussi la
circulation, d’après le sang quelle conduit, en celle du
sang noir et en celle du sang rouge. Bichat, auteur de
cette division, aperçue par Galien (II sect.), a cru devoir
décrire ensemble les voies de la première sous le nom
de système vasculaire à sang noir, et réunir celles de
la seconde sous le nom de système vasculaire à sang
rouge. On voit tout.de suite que cette division, féconde
en résultats, repose entièrement sur une base physio-
logique et non sur la ressemblance de texture des par-
ties.
§ 35 1. Les trois espèces de vaisseaux ayant beaucoup
d’analogie entre eux; les deux systèmes vasculaires
sanguins ayant surtout beaucoup de rapport 1 un avec
l’autre; et les systèmes veineux et lymphatique se res-
semblant aussi beaucoup, il faut, avant de décrire
chaque espèce, exposer ces généralités, tant ce qui est
relatif aux vaisseaux en général, que ce qui appartient
à leurs terminaisons.
DES VAISSEAUX.
3 I 5
PREMIÈRE SECTION.
ARTICLE PREMIER.
DES VAISSEAUX EN GÉNÉRAL.
§ 352. La situation des vaisseaux est intérieure ou
profonde. Les plus gros sont placés en général vers le
centre du corps , et l’on ne trouve aux surfaces que
des divisions d une ténuité extrême, et encore sont-
elles séparées des corps extérieurs par une couche
de substance non vasculaire.
Les vaisseaux principaux , soit au tronc , soit aux
membres, sont en générai placés dans le sens de la
flexion des parties.
En général, on trouve ensemble, une artère, une
ou deux veines, et plusieurs vaisseaux lymphatiques ;
en outre on trouve sous la peau beaucoup de vaisseaux
lymphatiques et de veines et peu d’artères.
§ 353. Le volume respectif des vaisseaux des trois
espèces est tel qu’en général les vaisseaux qui rappor-
tent;, savoir les veines et les lymphatiques sont en-
semble beaucoup plus volumineux que les artères qui
portent le sang. Les veines mêmes à elles seules ont
en général beaucoup plus de capacité que les artères
auxquelles elles correspondent^ cela est surtout vrai
des vaisseaux généraux du corps. Quant au rapport de
volume et de nombre, ou de capacité totale, entre
les vaisseaux veineux et lymphatiques il est moins
connu j on sait bien cependant que sous la peau, sous
les membranes muqueuses , et autour des membranes
3l6 ANATOMIE GÉNÉRALE.
•
séreuses, il y a tout à la fois beaucoup de veines et de
vaisseaux lymphatiques; que dans les interstices mus-
culaires des membres et des parois du tronc, il y a
encore beaucoup de vaisseaux lymphatiques avec les
veines , tandis que dans le canal rachidien et dans le
crâne , il y a beaucoup de veines volumineuses , et peu
ou peut-être point de vaisseaux lymphatiques. Ces
derniers rapports dépendraient-ils de la différence de
la matière dont les muscles et la substance nerveuse
se nourrissent, et par conséquent de la matière diffé-
rente qui reste dans la circulation.^
§ 354= La forme extérieure du système vasculaire est
celle d’un arbre, dont le tronc tient au cœur, et qui
se divise successivement en branches , en rameaux et
en ramuscules de plus en plus fins.
Chaque partie depuis son origine d’une brancheplus
grosse jusqu’à sa division en rameaux plus petits qu elle,
conserve en général une forme cylindrique.
Chaque rameau étant plus petit que la branche dont
il procède , et plus gros que chacun des ramuscules
qui naissent de lui, il en résulte une diminution suc-
cessive depuis le tronc jusqu’à la fin de chacune des
dernières ramifications.
Comme en général la somme des branches qui ré-
sultent de la division d’un tronc 1 emporte sur le vo-
lume du tronc lui-même, il s ensuit aussi que le sys-
tème vasculaire a la forme dun cône dont le sommet
est au cœur et dont la base est formée par 1 ensemble
de tous les ramuscules répandus dans le corps.
§ 355. Le nombre des divisions du système vascu-
laire, depuis son centre d’origine jusqu à ses dernières
DES VAISSEAUX.
ramifications, n’est pas le même clans toutes ses
parties. On l’a beaucoup exagéré , ep le portant à
quarante ; Haller s’est beaucoup plus approché de la
vérité, en portant à une vingtaine le maximum des di-
visions successives d’un vaisseau depuis son tronc
jusqu’à ses dernières divisions.
Dans certains endroits, les vaisseaux se divisent en
se bifurquant, de manière que le tronc cesse par sa
division en deux branches , la branche par la sépara-
tion en deux rameaux. Ainsi l’aorte se bifurque en
iliaques communes, celles-ci se bifurquent à leur tour;
les carotides primitives se divisent également en deux.
Les vaisseaux intestinaux présentent cette division
»
dichotomique d’une manière remarquable.
Les angles que les vaisseaux forment en se divisant,
et sous lesquels les branches se séparent des troncs ,
varient, mais sont pour la plupart aigus du côté des
rameaux. 11 est bon d’observer avec Haller que ces an-
gles auxquels on a attaché beaucoup d’importance ,
sont en grande partie détruits ou changés par la dissec-
tion, en enlevant le tissu cellulaire qui entoure les vais-
seaux. H y a quelques angles qui sont à peu près droits,
ce sont en général les premières et les plus grosses di-
visions des troncs : ainsi les branches de la crosse de
l’aorte, l’artère cœliaque, les rénales, etc. ; les veines
rénales et hépatiques, les veines sous-clavières, les ju-
gulaires, etc.; le canal thoracique, à son embouchure
dans la veine sous-clavière, et quelques autres, comme
les vaisseaux sacrés antérieurs, tarsiens , etc. Quelques
vaisseaux même forment des angles obtus : tels sont
les premiers vaisseaux intercostaux , les vaisseaux in-
3 1 8
ANATOMIE GÉNÉRALE.
férieurs du cervelet , ceux du cœur, et quelques vais-
seaux des membres , etc. La plupart enfin forment des
angles aigus, et souvent très -aigus, tels sont par
exemple les vaisseaux spermatiques.
Il faut observer relativement aux angles , que l’on
regarde comme droits et même comme obtus , que
la plupart sont réellement aigus; mais à une petite dis-
tance de leur origine, les branches après un court tra-
jet, changent de direction , se réfléchissent et suivent
un trajet rétrograde ou contraire à celui du tronc,
à peu près comme on le voit dans les branches des
saules pleureurs.
Il n’y a aucune loi ou règle générale à déduire de
l’observation sur les angles que' forment les divisions
des vaisseaux. Ainsi l’on voit des grosses branches aussi
bien que des petites , et des branches voisines du
tronc et de son origine , aussi bien que des rameaux
très - éloignés naître sous des angles plus ou moins
aigus.
Ce qui est vrai des gros vaisseaux l’est également des
plus petits dans les divisions desquels on trouve éga-
lement des angles aigus pour la plupart, quelques-uns
droits et même quelques-uns obtus.
§ 356. Les branches des diverses parties du système
vasculaire , tout en se divisant ou se ramifiant à me-
sure qu elles s’éloignent de l’origine ou du centre du
système , ont cependant entre elles des communica-
tions ou anastomoses. Les vaisseaux lymphatiques sont
ceux qui en ont le plus , les veines en ont beaucoup ,
les artères en ont moins , et cependant en ont encore
un très-grand nombre. Ces communications ont lieu
DES VAISSEAUX. 3 Ip
par la rencontre et la réunion de deux vaisseaux d’une
même espèce et d’un volume égal.
Dans quelques endroits deux vaisseaux marchant
obliquement l’un vers l’autre, se réunissent en un
seul tronc qui suit la direction moyenne ou diagonale
des deux; telle est la réunion des deux artères verté-
brales pour former la basilaire , celle des artères spi-
nales antérieures, celle de l’aorte et de l’artère pulmo-
naire dans le fœtus, celle de beaucoup de veines, etc.
Les vaisseaux s’anastomosent le plus souvent en for-
mant par leur rencontre une arcade, de la convexité
de laquelle partent des rameaux. G est ce que l’on voit
dans les vaisseaux mésentériques ou intestinaux , au-
tour des articulations , à la main, au pied, etc.
Dans d’autres endroits, deux vaisseaux suivant cha-
cun leur direction communiquent par une branche
transversale; telle est la communication des artères
ombilicales entre elles dans le placenta , telles sont
celles des artères du cerveau , du côté droit avec le
côté gauche, et de la partie antérieure avec la pos-
térieure , telles sont aussi celles de beaucoup de veines
et d’artères des membres.
Dans plusieurs parties, ces communications diverses
et plus ou moins nombreuses, forment des cercles ou
des polygones , comme celui de Ridley ou de Willis,
sous le cerveau ; ceux de l’iris, de la bouche , celui
qui entoure l’estomac, etc.
Dans un grand nombre de parties, ou presque par-
tout, les vaisseaux qui s’anastomosent en arcades, se
réunissant également avec d’autres provenant de bran-
ches, les unes plus rapprochées, les autres plus éloi-
320 ANATOMIE GENERALE.
gnées du centre du système vasculaire , établissent des
voies collatérales à la circulation : ainsi, par^ exemple,
les vaisseaux circonflexes de la hanche communiquent
tout à la lois par en haut avec des vaisseaux du tronc,
et par en has avec des vaisseaux du genou , et ceux-ci,
en m.ême temps, communiquent aussi avec des rameaux
nés des vaisseaux de la jambe.
En général, le vaisseau ou les vaisseaux qui résul-
tent d’une anastomose, sont plus volumineux que cha-
cun des vaisseaux abouchés , et moindres que la somme
de ces vaisseaux.
Les anastomoses sont d’autant plus multipliées
«
..quelles ont lieu entre des vaisseaux plus petits et dans
des parties plus éloignées du centre ; elles ont lieu aussi
entre de grosses branches aux extrémités du corps ,
par exemple, dans la cavité du crâne, à la main et
au pied. Dans la plupart des endroits, elles font com-
muniquer des vaisseaux dont l’origine est assez rappro-
chée; dans quelques-uns elles en font communiquer
dont l’origine est assez distante , ou même très-éloi-
gnée, comme de la région sous-clavière à la région
inguinale par exemple. Les anastomoses des vaisseaux
sanguins sont plus nombreuses et plus grandes au-
tour des articulations que dans les intervalles; celles
des veines et des . vaisseaux lymphatiques sont en-
core très-fréquentes entre les troncs principaux; celles
des veines en particulier sont très-multipliées sous la
peau. n <
On se fera une idée du nombre et de l’importance
des anastomoses quand on saura que l’aorte 1 peut
1 Scarpa , sur l’Anévrysme, traduit par Delpech, Paris,
DES VAISSEAUX.
321
être rétrécie , oblitérée , liée même , sans que la cir-
culation ou l’injection cesse de faire parvenir des
liquides dans toutes les parties du corps ; que les
plus "rosses veines 1 , les veines caves elles-mêmes ,
étant oblitérées , le sang circule néanmoins ; et que
le canal thoracique 9 a pu être impunément obli-
téré ou lié.
Les anastomoses ont pour but de favoriser et de
régulariser la circulation des humeurs.
§ 357. Les gros vaisseaux suivent une direction pas-
sablement droite j en général parallèle à l’axe du corps-;
c’est pour cela qu’on pratique de préférence les inci-
sions en long pour éviter de les léser.
Cependant, en beaucoup d’endroits, les vaisseaux
ont une direction flexueuse. La flexuosité consiste en
un trajet alternativement ondulé au-dessus et au-des-
sous d’une ligne droite; elle augmente par l’état de
réplétion ou d’injection des vaisseaux du cadavre, et,
dans les artères, pendant la systole du cœur; elle
diminue dans les circonstances opposées; elle diminue
surtout beaucoup par la dissection exacte des vais-
seaux. Les flexuosités sont très-marquées dans les vais-
seaux des parties sujettes à de grands changemens de
volume, de figure, de situation; comme la bouche,
« » •
1809. — A. Cooper et B. Travers, Surgical essays , part. 1,
Lond. 1818.
’ J. Hodgson, Maladies des artères et des veines, traduit
par M. iireschet, Paris, 1809.
3 Flandrin, Journal de médecine, tom. LXXXVII, Paris ,
1791. — A. Cooper, in Medical records an researchcs3 etc.
Lond. i8i3.
1.
21
3^2 ANATOMIE GENERALE.
1 estomac, 1 intestin, la vessie, luterus, la langue et
le testicule avant sa sortie, etc., et de celles qui sont
sujettes à de grands mouvemens, comme les environs
des articulations : ici cependant il y a moins de flexuo-
sités, mais les vaisseaux sont très-élastiques.
Les vaisseaux de la rate, ceux du cerveau , les veines
spermatiques, sont aussi très-flexueux , sans que cela
paraisse destiné au même usage.
Les flexuosités des vaisseaux sanguins sont plus mar-
quées que celles des vaisseaux lymphatiques, et celles
des artères plus grandes que celles des veines.
§ 358. La disposition symétrique des vaisseaux est
très-imparfaite. Elle n’existe point dans leurs parties
centrales ; ils sont à peu près symétriques dans leurs di-
visions qui appartiennent à des parties symétriques;
et asymétriques dans celles qui appartiennent à des
parties sans symétrie. Les artères , les veines et les vais-
seaux lymphatiques présentent également cette dispo-
sition.Dans certains animaux et dans l’embryon, le sys-
tème vasculaire et plus symétrique que dans l’homme
adulte. Du reste, outre le défaut général de symétrie,
le système vasculaire est encore sujet à beaucoup d’ir-
régularités dans sa distribution.
§ 359. Les parois des vaisseaux tiennent par la sur-
face externe, qui est floculente, à la masse du corps
dans laquelle ils sont ramifiés; leur surface interne est
lisse, polie, luisante, humide, et en contact avec les
humeurs circulatoires; elle présente des éperons sail-
lans là où les branches forment des angles aigus avec les
troncs. Les parois ont une épaisseur qui, relativement
au volume du vaisseau, va en augmentant des troncs
DES VAISSEAUX.
îai
yers les ramifications. La cavité présente exactement,
comme cela vient d’être dit, § 354, des vaisseaux eux-
mêmes, la forme cylindrique dans chaque division ; la
forme d’un cône décroissant en allant du tronc vers
une des dernières divisions; et celle d’un cône crois-
sant du tronc vers l’ensemble des rameaux.
§ 36o. La texture des vaisseaux résulte, plus ou moins
distinctement, de plusieurs couches superposées.
La membrane intérieure est mince, blanchâtre , plus
ou moins diaphane, uniforme, sans fibres apparentes ,
partout continue, mais différente dans les artères et
dans les veines. Elle ressemble beaucoup aux mem-
branes séreuses. Elle est humectée d’un liquide dont
on ne connaît pas bien la source. Elle forme un plus
ou moins grand nombre, suivant les espèces de vais-
seaux, de valvules ou replis disposés de manière à per-
ê
mettre le passage des humeurs dans le sens suivant
lequel se fait la circulation, et à l’empêcher dans le
sens opposé.
La membrane externe, qu’il ne faut pas confondre
avec la gaîne cellulaire qui entoure lâchement les vais-
seaux, est plus épaisse que l’interne , fibro-cellulaire
et généralement formée de filamens obliques à la
direction du vaisseau et entre-croisés entre eux.
Entre ces deux membranes on en trouve une autre
fibreuse, distincte dans toutes les artères que l’on peut
soumettre à la dissection, ainsi que dans les grosses
veines.
S 36 1. La membrane externe du système vasculaire,
et surtout la membrane moyenne des vaisseaux qui en
sont pourvus, sont formées d’une fibre particulière.
Cette fibre a été nommée fibre élastique, tissu
ANATOMIE GÉNÉRALE.
3 24
fibreux élastique, etc., quoique la plupart <ies organes
soient élastiques et fibreux, mais parce qu’elle jouit de
l’élasticité au plus haut degré : elle avait déjà été aper-
çue par Nicholls, par J. Hunter et par M. Ev. Home 1 ;
quelques anatomistes et chimistes modernes s’en sont
occupés 2.
Elle forme non-seulementlesparois des vaisseaux, mais
celles des canaux aériens; elle double aussi certains con-
duits excréteurs ; elle forme l’enveloppe du corps ca-
verneux et celle de la rate, les ligamens jaunes des ver-
tèbres; elle forme de plus, dans divers animaux, le
ligament cervical postérieur, une tunique abdominale
aux grands mammifères, un ligament qui relève les on-
gles des chats, celui qui ouvre les coquilles bivalves; et,
dans la plupart des animaux mammifères, elle remplace,
les muscles des osselets du tympan. Mais c’est surtout
dans la membrane moyenne des artères, dans les liga-
mens jaunes, et dans celui de la nuque, que ses carac-
tères sont le plus tranchés. Elle existe sous deux formes
principales : celle de canal , comme dans les parois des
artères; et celle de faisceau, comme dans les ligamens
jaunes.
Cette fibre est opaque, d’un blanc jaunâtre et mat,
sèche, ferme, disposée en faisceaux toujours parallèles
ou très-peu obliques, jamais entrecroisés, ni réunis pai\
du tissu cellulaire, et très-faciles à séparer. Elle est émi-
nemment élastique : distendue elle s’allonge sensible-
ment, et, dans quelques parties, elle acquiert le double
1 Croonian Lecture on musculdr motion , in philos, trans.
ann. 179$.
2 H. Hauff, do Systemate telœ elasticœ , etc. Tubingæ,
1822. — Çhevreul , note inédite.
DBS VAISSEAUX.
3a5
de sa longueur; abandonnée ensuite elle revient suin-
tement et avec force sur elle-même. Sa ténacité dans le
corps vivant est moindre que celle du tissu musculaire,
et lui est de beaucoup supérieure dans le cadavre. Dans
les deux états, elle est beaucoup moindre que celle du
tissu ligamentaire, qui, de son côté, est presque inex-
tensible. Elle est plus tenace dans les faisceaux, et plus
fragile, au contraire, dans les vaisseaux.
Le tissu élastique contient à peu près la moitié de
son poids d’eau; quand il l’a perdue par la dessicca-
tion, il acquiert une apparence cornée, une couleur
jaune foncée, et devient cassant et diaphane, comme de
la corne. Plongé en cet état dans l’eau, il l’absorbe avi-
dement et reprend son poids, son aspect et son élasti-
cité première. Il résiste beaucoup à la macération, et
le tissu cellulaire ne devient point alors apparent dans
son intérieur. L’action du feu le crispe peu, et il laisse
peu de charbon. La décoction le crispe à peine, et lui
enlève un peu de gélatine, mais ne le fond jamais, et ne
détruit pas son élasticité. Les acides le racornissent
peu, et ne le rendent point transparent; il résiste long-
temps à leur action, ou n’en éprouve aucun effet. Les
solutions alcalines étendues n’altèrent point sa forme et
le dissolvent peu.
La plupart de ces caractères anatomiques, physiques
ou chimiques sont tout-à-fait opposés à ceux du tissu
ligamentaire, et différens de ceux de la fibre museu^
laire, avec lesquels on a mal à propos confondu le tissu
élastique. Il ressemble cependant, à quelques égards, à
la fibre musculaire, et paraît intermédiaire à cette
fibre et aux tissus cellulaires et fibreux.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
3 2 6
Ses propriété s vitales sont très-obscures, surtout dans
les ligamens, et même dans les gros vaisseaux.
Ses fonctions dépendent de son élasticité, qui par-
tout est en antagonisme avec l’action de la pesanteur
ou avec l’action musculaire.
§ 362. Les parois des vaisseaux sont elles-mêmes
pourvues de vaisseaux sanguins et lymphatiques, vcna
' vasorum . Les premiers, très-apparens , peuvent être
aperçus sur tous les vaisseaux qui n’ont pas moins
d’une demi-ligne de diamètre ; mais ils ne peuvent être
suivis jusque dans l’épaisseur de la membrane interne.
Les vaisseaux lymphatiques ne peuvent être aperçus
que sur les gros vaisseaux. Le système vasculaire est
aussi pourvu de nerfs 1 fournis par la moelle et par le
grand sympathique, et qui se distribuent dans la partie
externe de l’épaisseur de leurs parois.
§ 363. Les vaisseaux dont les troncs, les branches
et*les rameaux principaux sont logés dans le tissu cel-
lulaire commun, après s’être divisés, pénètrent dans
l’épaisseur des organes, s’y ramifient encore jusqu’au
point d’acquérir un degré de ténuité qui les dérobe à
la vue, et s’y terminent comme cela sera examiné tout
à l’heure ; mais la distribution des vaisseaux dans les
organes varie sous plusieurs rapports qu’il faut succes-
sivement exposer.
§ 364- Leur origine est plus ou moins éloignée de
leur terminaison , le trajet qu’ils parcourent est plus ou
moins long, par conséquent. En général, les vaisseaux se
* Wrisberg, de Nervis arlerias venus que comitantibus} in
sjlloge comrn. Golting. ï8oo.
DES T AISSEAUX. 3^^
séparent de- leurs troncs à peu de distance des organes
auxquels ils sont destinés. Lorsque le contraire a lieu,
cela tient à quelque disposition locale : c’est ainsi que
les vaisseaux spermatiques ont leur origine très-éloi-
gnéedes organes où ils se terminent, parce que primi-
tivement les testicules et les ovaires étaient situés près
des reins.
§ 365. Le nombre, le volume, et par conséquent la
somme des vaisseaux, ainsi que la quantité de liquide
qu’ils charrient, varient également dans les divers or-
ganes. La plupart des organes reçoivent plusieurs vais-
seaux de chaque espèce : tels sont les muscles , les os,
l’encéphale, l’estomac, l’intestin, l’utérus, etc.; quel-
ques-uns ne reçoivent qu’un seul tronc artériel et un
seul veineux: tels sont la rate, les reins, etc. Presque
toujours les vaisseaux se divisent beaucoup à la surface
des organes avantde pénétrer dans leur intérieur, comme
on le voit pour le cerveau, les os, les muscles, etc.;
quelquefois ils pénètrent par un seul point dans l’or-
gane, et se divisent dans son épaisseur, comme dans la
rate, le testicule, etc.
La somme des vaisseaux, résultant de leur nombre et
de leur volume, ainsi que la quantité de liquide qu’ils
charrient, varient beaucoup. Les parties les plus vascu-
laires sont les poumons, ensuite les membranes tégu-
mentaires, ainsi que la pie-mère et la choroïde; puis
les glandes, les follicules, les ganglions vasculaires, la
substance corticale du cerveau, les glanglions nerveux;
puis les muscles, le périoste, le tissu adipeux, la subs-
tance nerveuse médullaire, les os et les membranes
séreuses; puis les tendons , les ligamens; enfin les cartU
3a8
ANATOMIE GÉNÉRALE.
lages et l'arachnoïde le sont extrêmement peu ou point;
et l’épiderme, les ongles, les poils, l’ivoire et l’émail des
dents paraissent être tout- à- fait dépourvus de vais-
seaux x.
i
§ 366‘. Parvenus dans le tissu même des organes , et
arrivés à un degré de ténuité plus ou moins grand, les
vaisseaux forment, par leurs divisions et subdivisions,
par leur direction et par leurs réunions anastomotiques,
des réseaux très-déliés, et dont la forme très-variée
est toujours la même dans les mêmes parties. Ce sont
des arborisations dans l’intestin et dans l’épididyme, des
étoiles sur le foie, des houppes à la langue, des vrilles
ou boucles dans le placenta : c’est la forme de goupillon
dans la rate, celle d’un faisceau de sarment dans les
muscles , celle de cheveux bouclés dans le testicule et
dans le plexus choroïde, celle d’anses dans l’iris , de
franges dans la pie-mère, de treillages dans la pitui-
taire , d’aigrette ou de panache dans la capsule du
cristallin , etc. Ces dispositions sont si constantes et si
régulières, qu’en examinant au microscope une parcelle
d’un organe bien injecté, on reconnaît aisément à
quelle partie elle appartient 1 2.
§ 3 Gy. Les vaisseaux sont plus ou moins diaphanes ,
suivant leur ténuité ou leur épaisseur; ils sont blan-
châtres. Quelle que soit la densité de leurs parois, sur-
tout à la surface interne, elles sont perméables dans le ea-
1 V oyez Sœmmerring, de Corp. human. fabricâ , t. IV, An-
giologia. 1800. — G. Procliaska, Disquisilio anat.-physiol.
organisent corp. hum. etc. Viennœ , 1812. cap. ix. De vases
sanguincis capiüaribus , etc.
x Voyez Sœmmerring, Loc. çit. — Procbaska , Loc. cit.
DES VAISSEAUX.
3ap
davre et même dans le vivant, soit du dehors au dedans,
.
soit du dedans au dehors. Ils ont une force de ténacité
ou de cohésion1 assez grande, mais qui n’est point la
# même dans les trois espèces, dans toutes leurs parties,
ni dans les diverses couches dont ils sont composés. Il
en est de même de leur élasticité 2, qui est en général
assez grande, et qui existe, soit dans le sens de lalon-
gueur, soit dans le sens de la circonférence des vais-
seaux. Ils sont manifestement irritables, et leur contrac-
tilité vitale 3 est en général en raison inverse de leur
O . '
élasticité. Ils ne sont point distinctement sensibles.
Leur force de formation est très-active.
§ 368. Les vaisseaux sont les canaux par lesquels les
humeurs circulatoires parcourent et arrosent sans cesse
toute la masse du corps ; ils sont, avec le cœur, les
organes ou agens de ce mouvement , tant par leur élas-
ticité que par leur contractilité organique ou vitale.
§ 3 6g. La formation et le développement du sys-
tème vasculaire ont été surtout observés dans le poulet
renfermé dans l’œuf, moins dans le fœtus des mammi-
fères, et peu dans l’espèce humaine.
Les veines, celles de la vésicule ombilicale en par-
ticulier, se forment avant le cœur et les artères. Il est
incertain si, dans les vaisseaux allantoïdiens ou oinbi-
1 Cl. Wintringham , Experimentàl inquiry on some parts
of lhe animal structure London, 1740.
2 D. Lïoffman, Dis s. inaug.med. de elasticitatis effectibus
in machina humanâ; 1734
3 G. Werschuir, Diss. med. inaug. de arler. et venar. vi
irritabih; Groning. 1766. — C. Hastings, Disp, physiol. inaug..
de vi contractili vasorum , etc. Edinb. 1820.
33o ANATOMIE GÉNÉRALE.
licaux , les veines se forment aussi avant les artères. Il
est très-probable que dans le corps même du foetus les
artères se forment avant les veines.
Les vaisseaux se montrent dans l’épaisseur de la*
membrane ombilicale, sous la forme de petites vésicules
arrondies et séparées les unes des autres ; ces vé-
sicules augmentent en nombre, se réunissent entre
elles, ce qui donne naissance à un réseau vasculaire
très-délié. Ces premiers linéamens sont d’abord dé-
pourvus de parois propres, et consistent en de simples
trajets creusés dans la substance de la membrane. Cette
substance s’amasse ensuite de plus en plus vers leur
circonférence, ce qui leur forme des parois. La texture
et la composition de ces parois ne se développent qu’à
la longue.
Quant à la simplicité primitive du cercle circula-
toire dans le fœtus , à sa complication successive , à
la formation du cœur, à celle des vaisseaux pulmo-
naires, etc., cela appartient beaucoup plus à 1 anatomie
spéciale , et particulièrement à l’embryologie r, qua
l’anatomie générale.
Le nombre des vaisseaux en général et leur dia-
mètre, et par conséquent leur somme totale, sont, re-
lativement à la masse du corps, d autant plus considé-
rables que le sujet est plus rapproché du moment de la
formation. Les vaisseaux en général, les vaisseaux san-
guins surtout, et particulièrement les artères , augmen-
tent beaucoup de densité dans la vieillesse.
S 3jo. Le système circulatoire présente peu de dif-
1 Ph. Béelard , Embryologie ou Essai annt. sur le leelus
humain, in-4°; Paris, 1821.
DES VAISSEAUX.
33i
férences relatives aux sexes ; cependant les vaisseaux
sont un peu plus épais et plus forts dans le sexe mas-
culin. Il n’y a point de différences appréciables dans les
races.
Les variétés individuelles, au contraire, sont très-
fréquentes et très-nombreuses dans ce système ; elles
consistent surtout en des différences d’origine, de
volume, de nombre et de situation précise ; elles exis-
tent à peu près également dans les trois espèces de
vaisseaux.
§371. 11 se forme accidentellement des vaisseaux ,
ordinairement très-fins, dans plusieurs circonslances.
Les adhérences , d’abord simplement glutineuses ,
deviennent ensuite vasculaires. Il en est de même des
tégumens accidentels ou des cicatrices. Toutes les pro-
ductions accidentelles analogues aux tissus organiques
sont dans le même cas. Les productions morbides, ou
sans analogues dans l’organisme, sont, au contraire,
la plupart dépourvues de vaisseaux. Ceux-ci se for-
ment, dans les cas dont il s’agit, comme dans l’em-
bryon. La masse dans laquelle ils se forment, d’abord
sans vaisseaux , consistant le plus souvent en un liquide
coagulé, présente primitivement des vésicules isolées,
qui , par leur réunion , forment des trajets ou des ca-
naux creusés dans la substance, ou sans parois distinctes
et propres; ces vaisseaux communiquent ensuite avec
ceux des organes environnans ; ils restent quelquefois
plus ou moins long-temps, ou même toujours différens
des vaisseaux naturels ou primitifs , soit parleur mode
de division, soit surtout par l’absence ou la ténuité et
la mollesse de leurs parois; dans beaucoup de cas,
332 ANATOMIE GÉNÉRALE.
au contraire, les vaisseaux nouveaux acquièrent avec
le temps une texture tout-à-fait semblable à celle des
autres vaisseaux.
§3^2. Parmi les altérations auxquelles les vaisseaux
sont sujets, les unes sont communes aux trois espèces :
telles sont la dilatation ou l’angiectatie et les blessures;
les autres sont particulières à chacune d’elles. Les pre-
mières présentent même des différences assez grandes
dans chaque espèce , pour qu’il soit préférable de les
indiquer à part.
ARTICLE II,
DES TERMINAISONS DES VAISSEAUX.
§373. Les terminaisons des vaisseaux, fines v aso
rum , sont les derniers ramuscules des artères et les
premières radicules des veines et des vaisseaux lympha-
tiques. Leur connaissance est un des points de fine
anatomie qui ont le plus exercé la patience des obser-
vateurs et l’imagination des éthiologistes , lesquels
ont cru, avec quelque apparence de raison, y trouver
le secret de la plupart des fonctions et des maladies.
§ 374. Dans presque toutes les parties du corps , les
terminaisons vasculaires sont des ramuscules et des ra-
dicules d’une ténuité plus que capillaire , et qu’on ne
peut apercevoir qu’avec le secours du microscope.
Dans quelques parties ces terminaisons, mais surtout
les radicules- des veines, présentent plus d’ampleur et
une disposition érectile qui les rend susceptibles dé-
prouver une expansion plus ou moins considérable.
Dans quelques-unes enfin, les terminaisons- des vais-
•
seaux constituent , par leur mélange et leur coin muni-»
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.
333
cation, des ganglions on renflemens vasculaires parti-
culiers.
I. Des vaisseaux capillaires.
§ 375. Les vaisseaux capillaires 1 ou microscopiques,
vasa capillaria , ainsi nommés à cause de leur ténuité,
sont bien plus fins encore que des cheveux , et ne
peuvent être aperçus à l’œil nu ; quoique les radicules
des vaisseaux lymphatiques participent à cette ténuité,
cependant c’est surtout des vaisseaux capillaires san-
guins qu’il sera question ici.
§ 3y6. Les anciens, qui ignoraient l’art d’injecter les
vaisseaux , et celui de grossir les objets avec des ins-
trumens d’optique, ne connaissaient point les vaisseaux
fins. Ils croyaient qu’il y avait entre les dernières
divisions des artères et les premières des veines une
substance sanguine épanchée, spongieuse, appelée pa -
r
renchyme par Erasistrate , haimalope par Arétée , et
dont ils croyaient surtout que les viscères étaient for-
més. Cette opinion sur les terminaisons des vaisseaux
fut adoptée presque sans division par tous les anato-
mistes jusqu’à l’époque de la découverte de la circula-
tion du sang, et depuis lors par un assez grand nombre
d’anatomistes encore, même jusqu’à nos jours.
Cependant les injections de Ent2, en montrant le
passage direct et sans épanchement du liquide injecté
des artères dans les veines; les observations microsco-
piques deMalpighi3 et de Leuwenhoeck 4 faites sur des
1 Prochaska, de V asis sanguin . capill.; in Op. cit .
1 Apologia pro circulât, sanguin, in op. Leidæ , 1687.
3 De pulrnonibuSj Epist. II, in oper. omn.
4 Exp. et contempl. arcan. natur. detect. Epist. 65,67, etc.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
334
parties transparentes de reptiles, de poissons, et meme
de chauves-souris, dans lesquelles on voit le sang passer
directement des artères dans les veines , expériences et
observations répétées depuis une multitude de fois ,
ont dû faire et ont fait généralement rejeter le pré-
tendu parenchyme interposé entre les terminaisons
des artères et des veines , en faisant connaître, au delà
des dernières divisions visibles à l’œil nu , des divi-
sions microscopiques établissant une communication
directe entre elles.
Les injections subtiles et les observations microsco-
piques conduisirent bientôt à admettre , au lieu du
parenchyme des anciens , que tout est vaisseau dans
le corps ; opinion qui partage encore les anatomistes.
§ 877. Les vaisseaux capillaires sanguins sont les der-
niers ramuscules des artères et les premières radicules
des veines, ou bien ils sont intermédiaires aux artères
et aux veines, et, comme on la dit en les comparant
au système de la veine-porte, étrangers ou indifférens
aux unes et aux autres. C est dans ces vaisseaux que ,
insensiblement et sans limite déterminée, les artères se
changent en veines; ce dont on peut juger par le change-
ment successif de volume des vaisseaux dans un sens ou
dans l’autre, parle sens dans lequel se font les divisions
ou les réunions successives, et, à l’extrémité des na-
geoires et de la queue des poissons , par la direction
opposée du cours du sang. Cependant on a assez gé-
néralement décrit les vaisseaux capillaires comme les
dernières divisions des artères plutôt que comme les
premières des veines ; soit que cela soit fondé réelle-
ment et dépende de ce que les veinules, plus grandes
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.
335
que les artérioles , acquièrent un volume assez con-
sidérable après un petit nombre de réunions ; ou bien
de ce que les veines, presque toutes pourvues de val-
vules et plus difficiles cà injecter que les artères, aient
été moins étudiées quelles. Ces deux raisons ont pu
contribuer à faire adopter l’idée dont il s agit.
§ 378. Quoi qu’il en soit, les vaisseaux capillaires
n’ont point tous le même volume : on peut établir sous
ce rapport trois degrés entre eux, en prenant pour les
plus gros ceux qui commencent à échapper à la vue
simple, et pour les plus petits ceux qui n’admettent
qu’un seul globule coloré du sang à la fois, et dont le
diamètre intérieur, par conséquent, ne dépasse pas
beaucoup celui des globules (§ 72)»
Les vaisseaux capillaires les moins déliés éprouvent
plusieurs divisions successives avant d’acquérir la té-
nuité d’un globule coloré du sang.
Ces vascules communiquent ensemble par des anas-
tomoses très-multipliées , de manière à former de vé-
ritables réseaux.
Ils constituent par leur ensemble la partie la plus
large du cercle circulatoire, la capacité du système ar-
tériel allant toujours croissant depuis son origine au
cœur jusqu aux vaisseaux capillaires, et celle du sys-
tème veineux décroissant depuis les vaisseaux capil-
laires jusqu’au cœur.
Le cercle circulatoire étant double dans l’homme, il
y a deux systèmes capillaires : l’un général, entre les
terminaisons des artères aortiques et les origines des
veines du corps; et l’autre pulmonaire, à la fin des vais-
seaux de ce nom. On a avancé sans preuve et contre
336
ANATOMIE GENERALE.
toute vraisemblance, que le système capillaire pulmo-
naire a autant de capacité et contient autant de sang
que le système capillaire général.
Il y a encore deux autres petits systèmes capil-
laires dans l’abdomen, l’un entre lès artères et les
veines intestinales, et l’autre entre l’extrémité hépa-
tique de la veine-porte et l’origine des veines sus-hé-
patiques.
§ 379. La texture des vaisseaux capillaiies échappe
à l’observation. Ces vaisseaux ont des parois minces,
molles , transparentes , invisibles à l’œil nu , peu vi-
sibles même au microscope, différant peu de la subs-
tance des organes , différant peu aussi des humeurs
qu’ils charrient; iis paraissent plutôt creusés dans la
substance des organes que pourvus de parois propres.
Il est très-probable cependant que la membrane in-
terne des vaisseaux, au moins, se continue sans inter-
ruption , des artères dans les veines.
On ne les distingue dans le vivant qu’à la couleur
et à la direction du sang qui les parcourt, et dans le
mort que par la couleur de l’injection dont on les
remplit. Leur trajet constant, continu et régulier, les
distingue des aréoles spongieuses et des cavités acci-
dentelles du tissu cellulaire.
§ 38o. Quoique les parois de tous les vaisseaux soient
perméables , cependant cette propriété est surtout re-
marquable dans les plus petits vaisseaux
Ils sont très-extensibles et très-contractiles. L irrita-
bilité allant croissant, et l’élasticité diminuant dans les
vaisseaux à mesure qu’ils approchent de leurs termi-
naisons, les vaisseaux capillaires sont les plus irn-
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. Ody
tables x. Leur contractilité est mise en jeu, soit par des
agens locaux et directs, soit par le système nerveux.
§38i. C’est dans cette partie du système vasculaire
que se passent les phénomènes les plus importans de
l’organisme, du moins des fonctions végétatives. La
circulation capillaire, c’est-à-dire le passage du sang
à travers les vaisseaux de ce nom, est, de toutes les
parties de la circulation, celle qui, sans être indépen-
dante de l’action du cœur, lui est le moins soumise
cependant. C’est le point du cercle où le mouvement
du sang est le plus lent; c’est celui où le sang, divisé
en filets minces, a le plus de points de contact avec les
parois des vaisseaux, et est le plus soumis à l’action ner-
veuse. Le sang parcourt, dans l’ordre régulier, le sys-
tème capillaire, en allant directement des artères vers
les veines; s’il rencontre un obstacle, de nombreuses
voies anastomotiques lui sont ouvertes, et lui permet-
tent de suivre son trajet. Mais aussi ce système peut
être le siège de congestions, d’irritations , de consta-
tions, qui y changent le cours ordinaire des liquides.
Ainsi , la chaleur humide , appliquée pendant quelques
minutes au membre inférieur d’une grenouille, déter-
mine une dilatation des vaisseaux capillaires, un ra-
lentissement local de la circulation, une congestion,
en un mot, qui rend très-rouges les parties auparavant
blanches. La même chose a lieu, par diverses causes ,
sur les mammifères et sur l’homme. L’application du
* Whytt , Physiological essays , etc. Edinb. 1761. — H. van
den Bosh, über dns Mushelwermôgen der Haargejasschan.
Monast. 1786.
1.
22
338
ANATOMIE GENERALE.
froid ou d’un acide affaibli produit des effets tout-à-
fait opposés. L’irritation mécanique ou chimique pro-
duit d’abord ce dernier effet, et plus tard, par une
sorte d’attraction, un afflux concentrique des liquides
qui, clans beaucoup de vaisseaux, marchent alors en
sens opposé au cours naturel du sang.
Le sang devient veineux dans le système capillaire
général , et dans le pulmonaire il devient artériel.
§ 382. Les vaisseaux capillaires sanguins, tels qu’ils
viennent cl’être décrits, ne sont point également abon-
dait s et n ont point le même volume dans toutes les par-
ties. La somme des vaisseaux de chaque partie peut être
estimée par la rougeur qu’elle aquiert dans les cas de
congestion ou d’inflammation, ainsi que quand elle
est injectée : ce dernier moyen même est préférable.
Les injections les plus parfaites qui aient été faites,
sont celles de Ruysch, d’Albinus., de Lieberkuhn, de
Barth , de Bleuland , de Sœmmerring et de Pro-
chaska.
Les injections de Ruysch , en remplissant les plus
petits vaisseaux, donnèrent naissance à l’opinion que
toute la substance solide du corps est vasculaire. Ce-
pendant Ruysch lui-même reconnaissait qu’il y avait,
dans le corps, des parties plus et d’autres moins vascu-
laires, et d’autres même tout-à-fait dépourvues de vais-
seaux. Albinus, en examinant des parties injectées,
fraîches et sèches successivement, avait observé qua-
près les injections les plus heureuses, il reste toujours
plus ou moins de substance non injectée, suivant la na-
ture des parties : il combattit ainsi une opinion erro-
née, née surtout de l’examen de parties desséchées ou
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. ÔÔÿ
macérées, de manière à détruire ou à taire disparaître
les parties non injectables.
L’examen microscopique et diverses expériences
montrent également sur le vivant, qu’il y a des parties
plus, et d’autres moins vasculaires : ainsi , si Ton exa-
mine au microscope le mésentère ou les membranes
natatoires des pattes de la grenouille vivante, on voit
que les plus petits vaisseaux capillaires, ceux d’un glo-
bule sanguin, sont séparés par dés intervalles assez
grands, tandis que dans la membrane muqueuse pul-
monaire du même animal on ne pourrait pas faire
une piqûre avec l’aiguille la plus déliée sans en intéres-
ser plusieurs. De même on ne pourrait pas trouver, à la
surface libre du derme de l’homme vivant, un point où
une aiguille n’ouvrît plusieurs vaisseaux, tandis que
dans les parties ligamenteuses , dans la substance ner-
veuse, dans le tissu cellulaire, etc. , on peut faire des
divisions d’une certaine étendue sans faire sortir une
goutte de sang.
Si toutes les parties solides étaient vasculaires et
uniquement vasculaires, il n’y aurait plus de différences
entre elles, tous les organes seraient homogènes, il
n’y aurait qu’un seul organe ; simplicité organique que
l’on ne trouve au contraire que dans les animaux dé-
pourvus de vaisseaux.
§ 383. La somme des vaisseaux capillaires sanguins,
et leur proportion avec la substance solide et non in-
jectable, ne sont pas moins intéressans à considérer
que leur disposition dans les diverses parties du corps.
Le tissu cellulaire n’est point injectable.
Les parties épidermiques , cornées, pileuses, et les
dents , ne le sont point du tout.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
340
Les lobules adipeux sont entourés de réseaux vascu-
laires extrêmement fins.
Les cartilages n’éprouvent aucun changement par
l’injection.
Les membranes séreuses et synoviales rougissent peu
par l’injection , mais les masses et les franges adipeuses
sont entourées de très-beaux réseaux vasculaires.
Les membranes tégumentaires sont les parties les
plus vasculaires. L’injection transsude quelquefois au
delà du derme dans le corps muqueux. Les vaisseaux
capillaires de la peau , d’abord de la première et de la
seconde grosseur, acquièrent en pénétrant dans les
papilles le plus grand degré de ténuité. La peau fraîche
est beaucoup plus colorée à sa face superficielle ;
. elle paraît également colorée partout, quand , par la
dessiccation, les parties non injectables, qui cachaient
les vaisseaux, ont disparu. Les follicules cutanés et mu-
queux sont pourvus de réseaux vasculaires très-déliés.
Il en est de même des alvéoles microscopiques de la
membrane muqueuse de l’estomac et de l’intestin. Les
papilles de la membrane muqueuse sont pourvues,
comme celles de la peau, d’une.multitude de vaisseaux
capillaires; il en est de même des villosités, du moins
à leur extrémité adhérente. La membrane muqueuse
en général est encore plus injectable que la peau, celle
du poumon l’est surtout au plus haut degré. La mem-
brane des sinus pituitaires l’est beaucoup moins que le
reste. La conjonctive rougit modérément , et moins
par l’injection que par l’inflammation. La membrane
muqueuse des conduits excréteurs, et les glandes elles-
mêmes, sont pourvues de beaucoup de vaisseaux capil-
laires.
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. 34 1
Le tissu ligamenteux reçoit peu de vaisseaux san- ,
guins , la dure-mère en reçoit un peu plus, le périoste
rougit un peu par l’injection.
Les os n’ont qu’une petite quantité de vaisseaux.
Les vaisseaux capillaires des muscles sont abondans,
les plus petits, tortueux, accompagnent et entourent
les fibres musculaires en s’anastomosant fréquem-
ment.
Le système nerveux est pourvu de vaisseaux capil-
laires plus abondans dans ses enveloppes. et dans la
substance grise que dans la substance médullaire. La
pie-mère et le névrilème en général , différens en cela
des enveloppes de plusieurs viscères, contiennent les
vaisseaux jusqu’à ce que la plupart aient acquis une
ténuité capillaire. La substance grise de l’encéphale
et les ganglions nerveux possèdent un grand nombre
de vaisseaux capillaires de tous les degrés ; là substance
blanche, au contraire, soit du cerveau, soit des nerfs,
ne possède guère que de très - petits vaisseaux capil-
laires , et dans une moindre proportion.
§ 384- Il y a donc dans les divers organes une pro-
portion plus ou moins grande de substance non in-
jectable.
M. Meyer 1 ayant introduit dans le sang une ma-
tière colorante soit par absorption , soit par injec-
tion , conclut de la coloration diverse des parties du
corps, qu’il y a deux sortes d’organes; les uns compo-
sés pour la plus grande partie de vaisseaux capillaires :
1 Mémoire sur l’absorption veineuse, etc.: indeutsches nr~
'hiv, etc., et dans le Journal complém. vol. XI.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
342
savoir le tissu cellulaire, les membranes séreuses,
les membranes tégumentaires et le tissu fibreux ou
ligamenteux; les autres , plus isolés des vaisseaux san-
guins, et formés de globules ou d’une pulpe organique,
savoir : les glandes , les os , les muscles et la substance
nerveuse médullaire.
Cette proportion change aussi avec l’âge ; au com-
mencement, du moins dans les ovipares, le sang se
montre et présente des courans avant quil y ait
des parties, solides ; bientôt les parois des vaisseaux
se forment; plus l’animal est jeune et rapproché de
son état fœtal, et plus est grande la proportion des vais-
seaux sur les parties non injectables; à mesure qu’il
avance en âge, au contraire, la proportion des parties
non injectables augmente, et celle des vaisseaux capil-
laires diminue.
§ 385. Y a-t-il, au delà des vaisseaux capillaires san-
guins du diamètre d’un globule coloré, d’autres vais-
seaux plus petits, livrant passage à la partie incolore
du sang? C est une question très-difficile à résoudre.
Boerhaave, Vieussens, Ferrein, Haller, Sœmmerring,
Bichat , Chaussier, et beaucoup d’anatomistes et de phy-
siologistes modernes, admettent des vaisseaux séreux
au delà des derniers vaisseaux sanguins; Bleuland
croit même en avoir démontré l’existence.
D’un autre côté, Prochaska, Mascagni, Richerand ,
et plusieurs autres, sont d’avis qu’il n’y a point de
vaisseaux de ce genre. Il faut examiner les faits et les
raisons apportés à l’appui de ces opinions.
§ 386. Edm. King substitua, l’un des premiers, *à 1 hy-
pothèse des anciens sur l’existence d’un parenchyme
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. 343
tîans les viscères, celle d’une structure purement vas-
culaire, ce qui suppose qu’il y a des vaisseaux séreux,
car les derniers capillaires sanguins sont loin d’occuper
ou de former la totalité des tissus.
Vieussens, et Boerhaave surtout, ont admis non-
seulement un, mais plusieurs ordres de vaisseaux dé-
croissans et incolores. Les disciples de Boerhaave ,
Haller, le plus célèbre d’entre eux, et la plupart des
physiologistes jusqu’à ce jour, ont aussi admis des
I
vaisseaux séreux continuation des artères au delà du
point où naissent les veines sanguines. Ils se fondent
sur les observations microscopiques de Leuwenhoeck,
qui parle de vaisseaux admettant seulement des glo-
bules séreux, sur les phénomènes de l’injection, et
surtout sur ceux de l’inflammation, qui rendent plus
ou moins rouges des parties naturellement blanches et
transparentes.
On doit ajouter à cela que les vaisseaux capillaires
rouges et injectables connus dans certains organes,
sont en si petite proportion avec la substance non injec-
table, qu il est difficile de concevoir que leur nutrition
puisse avoir lieu sans qu’il existe des voies circula-
toires plus étendues et plus multipliées que celles des
vaisseaux sanguins connus.
J. Bleuland 1 a ajouté à ces raisons une expérience
anatomique, qui, si elle était répétée et constatée,
fournirait l’argument le plus puissant en faveur de
1 existence des vaisseaux séreux.
Experimentum anatomicum , quo arteriolarum lympha-
ticarum existent La probabiliter adstruitur , institution , des-
eriptum , et icône illustratum . Lugd. Bat. 1784. 4°.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
344
On sait que l’injection rouge, fine et très-pénétrante,
passe aisément des artères dans les veines par le sys-
tème capillaire intermédiaire. On sait également que
la matière colorante reste dans les vaisseaux capillaires
lors même que son véhicule transsude et s’infiltre dans
la substance environnante , où, faute de couleucj.il est
impossible de discerner aucune forme, aucune direc-
tion particulière dans les voies ou les réservoirs de
l’épanchement. Bleuland imagina de combiner avec la
matière colorante rouge une autre matière blanche
qui, au lieu d’être pulvérulente et suspendue dans le
véhicule, y était dissoute. Ayant poussé cette injection
dans les artères d’une partie de l’intestin dont les
veines avaient été préalablement remplies d’une ma-
tière plus grossière et d’une autre couleur , ayant
ensuite séparé la tunique péritonéale de l’intestin, il
observa dans la surface externe de cette membrane ,
à l’aide du microscope, outre les vaisseaux capillaires
sanguins qui étaient tous remplis de matière rouge,
un autre ordre de vaisseaux plus fins et blancs, nais-
sant des plus petites artérioles rouges et tout-à-fait
différens des vaisseaux que l’on remplit par l’injection
ordinaire.
Mais quels seraient ces vascules blancs , microsco-
piques, vus une seule fois et sur. une portion de mem-
brane détachée des parties environnantes. Sont-ce des
artérioles exhalantes s’ouvrant à la surface du péritoine?
Sont-ce des artérioles séreuses se continuant avec des
radicules séreuses des veines, et constituant un système
capillaire séreux? Sont-ce enfin des artérioles lyiu-
phatiques se continuant avec dés radicules des vais-
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.
345
seaux lymphatiques? Il est à peu près impossible de
résoudre ces questions. Ne seraient-ce pas plutôt des
trajets accidentels ?
Ceux qui depuis ont admis l’existence des vaisseaux
séreux paraissent avoir ignoré ce fait le plus puissant
en faveur de leur opinion. Ceux qui les ont rejetés l’ont
également passé sous silence.
§ 387. L’opinion de Mascagni, de Prochaska et autres,
sur la non existence de vaisseaux plus fins que ceux qui
donnent passage à un seul globule coloré du sang, peut
être établie, en premier lieu, sur ce que l’on voit bien ces
vaisseaux à l’aide du microscope dans les animaux vi-
vans et aucunement des vaisseaux plus petits , quoique
les instrumens microscopiques donnent aux globules
du sang un volume tellement grand qu’il serait encore
facile de distinguer des objets beaucoup plus petits;
en second lieu, sur ce que l’injection rouge , très-pé-
nétrante , ne fait précisément découvrir que les vais-
seaux que l’on aperçoit sur le vivant; si dans ce cas les
parties deviennent plus rouges, surtout après la dessic-
#
cation, cela peut tenir à la dilatation des vaisseaux et
à la disparition de la substance intermédiaire ; si l’in-
flammation rougit davantage encore les parties, c’est
par la dilatation des vaisseaux existans , par la forma-
tion de vaisseaux nouveaux, et par l’infiltration du
sang entre les vaisseaux. Quant à la blancheur ou à
l’incoloration naturelle de certaines parties très-vascu-
laires , comme la conjonctive , elle dépend de ce que
les vaisseaux capillaires y étant extrêmement fins , la
couleur du sang ne peut y être aperçue.
§ 388, Il reste donc très-difficile ou impossible de ré- /
ANATOMIE GENERALE.
346
soudre la question relative à l’existence des vaisseaux
capillaires incolores ou séreux; et, quand ce terme est
employé dans cet ouvrage, c’est pour désigner des vais-
seaux capillaires qui , soit qu’ils ne contiennent que
le sérum du sang, soit qu’ils contiennent le sang tout
entier, mais en séries d’un globule, ce qui ne permet
pas d’apercevoir sa couleur, sont incolores dans l’état
ordinaire. Cependant il est plus raisonnable de ne pas
admettre l’existence de vaisseaux que personne n’a
jamais vus.
§ 389. Dans le double cercle que forment les voies
circulatoires, la communication évidente des troncs ar-
tériels et veineux a lieu dans le cœur, et celle des troncs
lymphatiques avec les troncs veineux près de cet or-
gane, dans les veines sous-clavières. Mais dans les parties
diamétralement opposées de ce double cercle, dans les
systèmes capillaires, la communication n’est plus aussi
évidente. Les anciens soupçonnaient celle des artères
avec les veines , mais ne la croyaient pas immédiate.
La découverte de la circulation du sang, en faisant né-
cessairement admettre cette communication , laissait
encore son mode indécis. Nous avons déjà vu que les
observations microscopiques et les injections étaient
d’accord pour démontrer cette communication, et
même pour montrer qu elle est immédiate.
L’inspection microscopique l’a démontrée 1 dans les
parties transparentes des animaux ovipares à sang
froid, dans l’œuf incubé des oiseaux, et meme dans
les parties transparentes des mammifères.
1 Malpighi, loc. cil. — Leuwenhoeck , loc. c.ik Spal-
lanzani , Expér. sur la circul., p. 9.55.
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.
347
L’injection l’a démontrée dans presque toutes les par-
ties du corps de l’homme et des animaux 1 ; soit en
poussant la matière par les artères , soit en la poussant
par les veines dans les parties, comme l’intestin, où les
veines sont dépourvues de valvules.
Quelques anatomistes avaient même admis des com-
munications artério-veineuses entre des vaisseaux vi-
sibles à l’œil nu et d’un certain calibre ; ainsi Cas-
sérius en représente dans le foie, Riolan en décrit après
un anévrysme guéri, Leal Lealis en note entre les
artères et les veines spermatiques. Ce sont des erreurs,
c’est-à-dire des faits mal observés, combattus par Al-
binus et par Haller.
Les communications artério-veineuses sont toutes
capillaires et microscopiques, mais il paraît que, dans
les animaux à sang froid au moins, il y en a qui
donnent passage à plusieurs globules colorés à la fois ,
et d’autres à un seul globule.
La disposition de ces voies de communication a été
observée sur les animaux : elles consistent, tantôt sim-
plement en un changement de direction ou un recour-
bementdune artériole qui devient une veinule ; tantôt
une artère et une veine capillaire parallèles s’envoient
aussi des ramuscules de communication où 1 artère se
changé en veine; tantôt enfin, et cela est assez fré-
quent, plusieurs artérioles se terminent ou se eon-
1 Voyez entre autres : Ruysch, Thés. anal. — Winslow,
Mena, de 1 arad, des sc. — Haller, de Fahrica corp. hu~
mani. vol. I. — Mascagni, vas. Ijmph. , etc .'prodromo, etc.
Prochaska , loc. cit. — Reissessen , de Structura pul-
mon.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
348
tin uent en une seule veinule; dans tous les cas la com-
munication a lieu par des vaisseaux de la capacité d’un
à quatre ou cinq globules colorés.
§ 390. Des physiologistes modernes ont récemment en-
core élevé des doutes sur la communication immédiate
des artères avec les veines. M. Doellinger pense que les
artères à leur dernière extrémité cessent d’avoir des
parois, et que le sang se meut à nu dans la substance
solide du corps qu’il appelle muqueuse; que là une
partie du sang se convertit en substance muqueuse, et
qu’une autre partie du sang continue son trajet, jointe
à de la substance muqueuse sanguifiée qui entre en
• t
mouvement et pénètre dans les vaisseaux veineux et
lymphatiques naissant de la substance muqueuse
comme les artères s’y terminent.
M. Wilbrand va plus loin, il admet une métamor-
phose plus complète encore dans la circulation : suivant
lui , la totalité du sang se change en organes ou en
substance muqueuse et en liquides sécrétés, et les
organes se fluidifiant à mesure, redeviennent du sang
veineux et de la lymphe, qui continuent la circu-
lation, et deviennent aussi de la matière des excré-
tions.
Dans l’une de ces deux opinions, une partie , et dans
l’autre, la totalité du sang se solidifie, et de même une
partie ou la totalité des organes se fluidifie à chaque
tour de la circulation; dans l’une comme dans 1 autre, la
masse solide du corps est interposée entre les termi-
naisons des artères et les origines des veines et des
vaisseaux lymphatiques. Elles supposent toutes deux
que l’inspection microscopique des animaux vivans et
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES, 34^
l’injection sont des moyens infidèles de constater la
communication artério-veineuse.
§ 391. La continuation immédiate des artères et des
vaisseaux lymphatiques n’est point aussi bien démon-
trée que celle des veines et des artères. Beaucoup d’ana-
tomistes cependant ont admis avec Bartholin , la con-
tinuation des vaisseaux lymphatiques avec des arté-
rioles capillaires plus fines que celles qui laissent
passer les globules colorés du sang. Haller, et la plupart
des anatomistes postérieurs à lui, n’admettent point
d’autres origines aux vaisseaux lymphatiques que les
membranes tégumentaires , les membranes séreuses et
les aréoles du tissu cellulaire. Quelques autres, au
nombre desquels il faut compter Mascagni, admettant
que des vaisseaux lymphatiques naissent aussi des pa-
rois des vaisseaux sanguins, admettent ainsi indirecte-
ment une communication, quoiqu’ils rejettent la con-
tinuation directe.
L’inspection sur les animaux vivans n’apprend rien
touchant cette communication. Les injections passent
quelquefois , souvent même , mais incolores ordinaire*
ment, des artères dans les vaisseaux lymphatiques; ce
qui peut dépendre delà transsudation dans la substance
cellulaire et du passage dans les vaisseaux lymphatiques
qui en naissent; du passage des artérioles dans les vais-
seaux lymphatiques de leurs parois admis par Mas-
cagni, tout aussi bien que d’une continuation directe
et immédiate, laquelle reste donc très-douteuse.
§ 392. Les vaisseaux capillaires séreux que l’on a ad-
mis au delà des capillaires sanguins, beaucoup plus par
des considérations physiologiques que d’après l’obser-
35o ANATOMIE GÉNÉRALE.
vation anatomique, ne sont pas la seule hypothèse de ce
genre. L’absorption et la sécrétion étant des faits cer-
tains et évidens, comme le disait déjà le père de la
médecine 1, on a cherché par quelles voies les matières
portaient du système vasculaire, et par quelles voies
elles y entraient : sans les avoir vues* on les a décrites,
les unes sous le nom de vaisseaux exhalans ou sécré-
toires , et les secondes sous celui de vaisseaux absor-
bans ou inhalans.
Les vaisseaux exhalans ont été admis par Haller,
Hewson, Sœmmerring , Bichat, M. Chaussier, etc.,
comme des vaisseaux très-simples, paraissant être des
productions très-déliées et très-courtes, des artérioles
capillaires, et répandues dans les membranes tégumen-
taires, lés membranes séreuses et le tissu cellulaire.
D’autres anatomistes, comme Mascagni, Prochaska
et M. Richerand, admettent au contraire l’opinion que
c’est par des pores latéraux disposés organiquement ,
que se fait la sécrétion ou l’exhalation.
Hunter avait même admis que c’était par des po-
rosités ou interstices anorganiques que la sécrétion avait
lieu, tout comme la transsudation cadavérique. Hewson
et Bichat ont combattu cette opinion.
Cependant les voies réelles de l’exhalation ou de la
sécrétion sont tout-à-fait inconnues. Ce que l’on sait
#
seulement, c’est que dans le vivant, des fluides sor-
tent sous forme de vapeur de tous les points du sys-
tème, capillaire, et que plusieurs se manifestent sous
1 AjjAov, yi , as txzrvoovy x et) is'<r;voov oAav ro ray*-
E p idem. lib. VI, scctx G. .
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES. 35 I
la forme liquide, ou plus ou même moins concrète;
c’est que dans le cadavre les injections fines, en passant
des artères dans les veines, suintent à la surface de la
peau et de la membrane muqueuse , dans les follicules
muqueux et cutanés, dans les conduits excréteurs des
glandes, à la surface libre des membranes séreuses et
ü '
dans la substance muqueuse, aréolaire ou cellulaire
qui constitue la masse solide du corps ; mais jamais, et
nulle part , on n’a vu des ramuscules se détachant des
réseaux capillaires et se terminant par une extrémité
ouverte. Les voies de l’exhalation ou de la sécrétion
sont donc inconnues. Il est très - probable que c’est à
travers la substance solide et poreuse du corps, qu’elle
se fait. Cependant la sécrétion est un phénomène orga-
nique ou vital tout différent de la transsudation cada-
vérique, comme le démontrent les différences que
présentent les diverses humeurs sécrétées et les diffé-
rences de quantité de ces humeurs. Les noms des vais-
seaux exhalans ou sécrétans ne peuvent donc désigner
que les voies inconnues par lesquelles sortent de la
circulation les molécules qui forment la matière des
sécrétions intrinsèques et des sécrétions excrétoires.
§ 3q3. On peut dire à peu près la même chose des
voies de l’absorption. Les vaisseaux absorbans, suivant
l’idée qu’on s’en est faite, seraient des radicules béans
par une extrémité, comme les points lacrymaux, et se
continuant par l’autre, soit dans les réseaux capillaires
veineux et lymphatiques , soit avec les vaisseaux lym-
phatiques seuls , soit avec les veines seules , dont ils
seraient ainsi des origines. Or, on n’a jamais vu ces
» canaux , jamais du moins leurs bouches béantes.
35a
ANATOMIE GÉNÉRALE.
Voici, au reste, les opinions et les faits connus sur ce
point de fine anatomie. Aselli a dit, en parlant des vais-
seaux lactés ou chylifères : ad intestin a instar hirudinum
orificia horum vasorum hiant spongiosis capitulis. Hel-
vétius enseigne que les villosités intestinales ont des
orifices spongieux. Liberkünh parle d’une ampoule
spongieuse ou celluleuse. Hewson rejette cette ampoule.
Cruikshank décrit et figure vingt ou trente ouvertures,
plus grandes chacune qu’un globule de sang, au sommet
de chaque villosité. Sheldon fait terminer les villosités
par un tissu spongieux , et paraît confondre avec elles
des follicules. Mascagni n’a pu voir d’orifices au sommet
des villosités. Feller et Werner décrivent une ampoule
et y suivent des vaisseaux. Bleuland admet des ouver-
tures au sommet des villosités. Sœmmerring dit que l’on
peut distinguer de six à dix orifices absorbans dans cha-
cune d’elles. Hedwig regarde les ampoules comme spon
gieuses, et représente à leur sommet, un, plusieurs
ou point d’orifices. Rudolphi n’a jamais vu d’orifices,
et ceux qu’on a admis lui paraissent dépendre d’illu-
sions d’optique. En voilà assez pour conclure que les
orifices que l’on a décrits n’existent pas distinctement.
Il faut pourtant ajouter que quand on fait une injec-
tion très-pénétrante dans les veines intestinales, la ma-
tière, en passant dans les artères, transsude aussi à la
surface libre de la membrane muqueuse. On sait, rela-
tivement à la peau, que, quand on a injecté un vaisseau
lymphatique de cette membrane, si on repousse le mer-
cure vers les racines du vaisseau, on finit, comme Haase
l’a observé, par le faire sourdre à la surface libre. Mas-
cagni a fait, et chacun peut aisément répéter cette meme
DES VAISSEAUX CATIL!. AIRES.
353
expérience sur les vaisseaux lymphatiques sous-péri-
toneaux du foie. Enfin Carlisle dit avoir vu dans une
cellule du tissu cellulaire des orifices de vaisseaux lym-
phatiques.
Quelque douteux et contradictoires que soient les
faits, voici cependant l’opinion généralement admise,
c’est que, à la surface des membranes tégumentaires et
séreuses, dans les aréoles du tissu cellulaire, et, sui-
vant Mascagni , à la surface même des vaisseaux ,
il y a des orifices de radicules absorbans conduisant,
suivant le plus grand nombre des modernes, dans les
vaisseaux lymphatiques seulement, suivant les anato-
mistes antérieurs à Haller et quelques modernes, dans
les veines seulement; et suivant d’autres, dans les
vaisseaux capillaires sanguins et lymphatiques tout à la
fois. Prochaska ajoute à cela, parmi les voies de l’ab-
sorption, les porosités organiques des vaisseaux qui
seraient ainsi, tout à la fois, les voies de l’exhalation
et des voies d’inhalation. On a aussi regardé l’absorp-
tion comme un phénomène purement physique et
comparable à l’attraction capillaire ou à limbibition ,
en allégant à l’appui de cette opinion l’absorption ca-
davérique.
La vérité est que les voies d’inhalation sont incon-
nues : elles paraissent être, comme celles de l’exhala-
tion, les porosités de la substance solide et perméable
du corps. Cependant l’absorption, tout comme la sé-
crétion, est un phénomène organique et vital tout
différent de l imbibition cadavérique , comme le dé-
montrent le choix des substances absorbées et les modi-
fications que présente, dans divers cas, l’activité de fab-
a3
i.
ANATOMIE GENERALE.
354
sorption. Quand, dans cet ouvrage, l’expression vais**
seaux absorbans est semployée , c’est pour désigner
d’un seul mot les voies inconnues par lesquelles les
substances étrangères entrent, et les matières des ab-
sorptions intrinsèques rentrent dans l’appareil de la
circulation.
§ 394. L’imagination ne s’est pas encore arrêtée à la
création des vaisseaux exhalans et des vaisseaux inlia-
lans, dont il vient d’être question. On a aussi imaginé
des vaisseaux nutritifs.
Voici les principales opinions que l’on s’est faites à ce
sujet. Boerhaave et R. Vieussens ayant admis des vais-
seaux incolores et décroissans; le premier construisit
de vaisseaux toutes les parties du corps, même les
parties non injectables. Suivant le système de Boer-
liaave, les plus petites fibrilles élémentaires formeraient
des membranules , roulés sur elles-mêmes, pour for-
mer les plus petits vaisseaux nerveux; de ces plus petits
vaisseaux résulteraient les membranes vasculeuses for-
mant des vaisseaux plus gros, et ainsi jusqu aux vais-
seaux les plus considérables. Il établit aussi que les
plus petits vaisseaux nerveux contiennent un fluide
aqueux servant au sentiment, au mouvement et en
même temps à la nutrition.
L’opinion de Mascagni sur la composition élémen-
taire et sur la nutrition des parties ne diffère pas beau-
coup de celle de Boerhaave. Suivant Mascagni, les di-
visions des artères finissent au point où, arrivées à la
ténuité d un globule rouge du sang, elles se changent
en veines. Là elles sont pourvues de porosités exhalantes,
tantpourles sécrétions que pour la nutrition. Partout
DES VAISSEAUX CAPILLAIRES.
355
ii y a des orifices de vaisseaux absorbans pour prendre
et contenir les molécules nutritives. Les parties élé-
mentaires consistent en vaisseaux absorbans; ceux-ci
par leur réunion constituent les membranes les plus
simples, et les plus petits vaisseaux sanguins, lesquels
forment des membranes plus composées.
Dans ces deux hypothèses , tout serait vasculaire , et
la nutrition aurait lieu dans les vaisseaux : dans la pre-
mière, dans les plus fines ramifications des artérioles;
dans la seconde, dans les plus fines radicules des vais-
seaux absorbans. Dans l une et dans l’autre la masse
du corps serait dans les vaisseaux et véritablement
dans une circulation continuelle.
L’opinion de Bicliat sur les vaisseaux nutritifs et sur
la nutrition, est un peu différente : suivant lui chaque
molécule des organes serait pour ainsi dire placée
entre deux vaisseaux béans, l’un exhalant nutritif qui
l’aurait déposée, et l’autre absorbant nutritif destiné à
la reprendre.
Procliaska , tout en reconnaissant la continuation di-
recte des artères avec les veines , admet que c’est par
la porosité des parois des vaisseaux et par la perméabi-
lité générale de la substance qui forme la masse du
corps, que la nutrition a lieu.
§ 396. La nutrition, quelles qu’en soient les voies
immédiates, présente un double mouvement conti-
nuel de composition et de décomposition. Les animaux
les plus simples inhalent et exhalent directement les
matériaux de ce double phénomène; d’autres, plus
composés , ont un tégument plus ou moins prolongé
dans la masse du corps , y conduisant et y repre-
356
ANATOMIE GÉNÉRALE.
nant les manières qui s’y ajoutent, et celles qui s’en sé-
parent; d’autres, plus composés encore, ont d’autres
organes, des vaisseaux, qui transportent des surfaces
dans tous les points de la masse et de là aux surfaces
les matières de l’absorption et de l’excrétion. Dans
certains animaux pourvus de vaisseaux, leur nombre
est tellement grand, l’homme est de ce genre, qu’ils
semblent occuper et former toute la masse du corps.
Mais outre les considérations ci-dessus, tirées de l’ana-
logie, les argumens tirés de l’inspection montrent en-
core que les vaisseaux ne font que parcourir la masse
du corps, et ne la constituent pas. L’inspection apprend
également que, quelle que soit la ténuité , la mollesse,
des derniers vaisseaux capillaires , les artères et les
veines forment des canaux continus.
L’observation apprend qu’il entre dans les vaisseaux
des substances nouvelles , et qu’il en sort aussi sans
cesse ; mais ce double passage a lieu dans les parties
les plus fines des vaisseaux, et par des voies invisibles,
même avec les meilleurs instrumens d’optique; les
substances elles-mêmes passent à travers ces voies à
un état de division , de vapeur, insaisissable pour les
sens et pour les meilleurs microscopes. Ce passage soit
qu'il ait lied du dehors au dedans ou du dedans au
dehors , dans les absorptions et les sécrétions extrin-
sèques, soit qu’il ait lieu dans les cavités closes du
corps; paraît toujours se faire par l’intermède de la
substance solide et perméable du corps; c’est-à-dire
de la substance dite cellulaire qui, en s’imbibant,
transmet au dedans ou au dehors les molécules inha-
lées ou exhalées.
DU TISSU ÉRECTILE.
Il paraît en être de même de la nutrition : les vais-
seaux déposent et reprennent sous forme de vapeur,
et par des voies invisibles, dans la substance cellu-
laire , les molécules de la composition et de la décom-
position des organes.
Mais tous ces phénomènes, physiques en apparence,
sont modifiés par le corps organisé et vivant dans le-
quel ils ont lieu. C’est surtout à la cause inconnue de
ces phénomènes qu’on a'donné le nom de force vitale,
ou plus spécialement celui de force de formation.
1 1. Du tissu érectile.
§ 396. Le tissu érectile, caverneux ou spongieux,
consiste en des terminaisons de vaisseaux sanguins , en
des racines de veines surtout, qui, au lieu d’avoir la
ténuité capillaire , ont plus d’ampleur , sont très-
extensibles , et réunies à beaucoup de filets nerveux.
§ 397. Ce tissu a d’abord été observé dans le pénis
où il existe sous de grandes dimensions. Yésale1 en parle
en ces termes : Corpora hœc ( cavernosa ) enata ad eum
fere rnodum , ac si ex innumeris arteriarum venarum -
que fasciculis quam tcnuissimis , simulque proxime im -
plicatis , retia quœdam efformarentur , orbiculatim
a nervea ilia rnembraneaque suhstantia comprehensa.
Malpighi* paraît avoir fait la même observation : Si-
nuum speciem in mammarum tubulis et in pene habe-
mus; in his nonnihil sanguinis reperitur , itaut videantur
'venarum diverticula , vel saltem ipsarum appendices .
De Corp. hum. Jabricd, lib. V, cap. xiv.
7 Diss. Epist. varii argum. in op. omn. vol. II.
358 ANATOMIE GÉNÉRALE.
Hunter 1 a vu la même chose relativement au tissu
spongieux de l’urèthre : « Il est bon d’observer, dit-il,
que le corps spongieux de l’urèthre et le gland du pénis
ne sont pas spongieux ou cellulaires, mais consistent en
un plexus de veines. Cette structure est visible dans le
sujet humain , mais beaucoup plus distinctement, dans
quelques animaux, comme le cheval, etc. »
Cependant la plupart des anatomistes qui se sont
occupés de la structure du pénis, entre autres Degraaf,
Ruysch, Duverney, Boerhaave, Haller et ses disciples,
ayant méconnu la nature des tissus caverneux et spon-
gieux du pénis, et les ayant considérés comme étant
du tissu cellulaire lâche et élastique formant des cel-
lules et interposé entre les artères et les veines, la
plupart des anatomistes modernes ont adopté cette
erreur. Duvernoy, Mascagni, MM. Cuvier, Tiedemann,
Ribes, Moreschi, Panizza, Farnèse, etc., ont fait des
observations exactes sur le tissu érectile du pénis et
du clitoris de l’éléphant, du cheval, de l’homme, etc.
§ 898. Quoique la disposition érectile des vaisseaux
existe en beaucoup d’endroits, cependant il en est un
certain nombre où elle est beaucoup plus évidente.
Ce sont les corps caverneux du pénis et du clitoris ,
le corps spongieux de l’urèthre, les nymphes, le ma-
melon , les papilles des membranes tégümentaires, etc.
§ 399. Le tissu érectile est dans des dimensions très-
grandes dans les organes de la copulation. Quoiqu il
n’offre pas le même développement dans les papilles,
on peut“néanmoins très- bien ly observer.
1 Obs. on certain parts of the animal OEconomy , in-4 î
London , 1786, pag. 38.
DU TISSU ERECTILE.
359
Les papilles, celles de la langue particulièrement,
consistent en filamens nerveux renflés, mous, dépouil-
les de nevrilemme , entremêlés d’une innombrable
quantité de vaisseaux capillaires sanguins, serpentans,
recourbés en arcade, anastomosés entre eux, et le tout
enveloppé et rassemblé par un tissu cellulaire, mou
,et muqueux. Dans l’état de repos ces papilles sont pe-
tites, molles, pâles, peu distinctes; dans l’état d’érec-
tion, au contraire, elles sont aggrandies, redressées
rouges, gonflées par le sang, et très-sensibles.
Le mamelon, ou la papille de la mamelle, ne paraît
différer des autres que par de plus grandes dimensions.
La peau et la membrane muqueuse présentent à des
degrés variés la disposition papillaire et érectile dans
toute leur étendue. Le volume des nerfs et l’abondance
des vaisseaux sanguins y sont partout proportionnés
au degré de la sensibilité. La peau de la pulpe des
doigts, très-vasculaire et très-nerveuse , éprouve un
degré de gonflement et de rougeur manifeste pendant
le toucher, et proportionné à sa perfection..
§ 4oo. Le tissu érectile des organes de la copulation
ne diffère guère de celui des papilles, que par ses di-
mensions beaucoup plus grandes. Celui du corps caver-
neux du pénis présente la disposition suivante : il est
enveloppé d’une gaîne de tissu fibreux élastique qui
envoie des prolongemens dans son intérieur. Les
deux artères dorsales du pénis sont accompagnées
d’une veine impaire formant un plexus , et de nerfs
très-volumineux. Les artères envoient dans l’intérieur
beaucoup de ramuscules accompagnés de nerfs , et les
vemes reçoivent .à travers la gaîne beaucoup de radi-
36'o
ANATOMIE GENERALE.
cules. L’intérieur est composé de ramifications arté-
rielles provenant des artères dorsales et des artères cen-
trales et de larges veines très-abondantes, entremêlées
dans tous les sens et anastomosées une multitude de
fois entre elles. Ces branches de veine offrent des
dilatations, et de larges communications. Quand on
injecte une des artères du pénis, l’injection , si elle est
bien pénétrante, après avoir rempli les ramifications
artérielles et le plexus veineux intérieur, qui constitue
le corps caverneux, et avoir produit l’érection, revient
par la veine dorsale : on remplit encore bien plus aisé-
ment le corps caverneux en injectant par la veine. Ainsi
les prétendues cellules du corps caverneux ne sont que
des racines de veines très -larges formant un plexus
compliqué, et anastomosées commeles vaisseaux capil-
laires.
Le tissu érectile de l’urèthre et du gland ont la
même disposition ; il en est de même de celui du cli-
toris et de celui des nymphes.
L’érection dans les organes de la copulation provient,
comme dans les papilles, de la réplétion des vaisseaux
érectiles. Cette réplétion peut dépendre de l’afflux du
sang artériel, qui est accompagné de l’exaltation de la
sensibilité; de la rétention du sang veineux; ou de la
réunion de ces deux causes.
§ 4OÏ* Il est encore une partie dont la texture et les
phénomènes se rapprochent beaucoup de ceux des
organes érectiles : c’est la rate, qui, par-là , paraît être
un diverticule du sang. Si on met la rate à découvert
sur un animal vivant, et qu’on arrête, par la compres-
sion, le cours du sang dans la veine splénique, cet
DU TISSU ÉRECTILE.
36 £
^organe se gonfle et augmente beaucoup de volume; il
revient promptement sur lui-même aussitôt qu’on réta-
blit la circulation. Les accès de fièvre intermittente
sont accompagnés, dans la période de froid, d’un gon-
flement manifeste de cet organe , qui se dissipe plus
ou moins complètement à la fin de l’accès. Il paraît
que la même chose a lieu pendant la digestion.
§402. Le tissu érectile se développe quelquefois ac-
cidentellement dans l’organisme. Gette production a
été décrite sous les noms de tumeur variqueuse, d’ané-
vrysme par anastomose , d’anévrysme des plus petites
artères, de télangiectasie , etc.
Ses caractères anatomiques sont tout-à-fait les mêmes
que ceux du tissu érectile naturel : c’est une masse plus
ou moins volumineuse, plus ou moins bien circons-
crite, entourée quelquefois d’une enveloppe fibreuse
mince; offrant à l’intérieur une apparence de cellules
ou de cavités spongieuses; consistant, dans la réalité ,
en un lacis inextricable d’artères et de veines qui com-
muniquent par d’innombrables anastomoses, comme
les vaisseaux capillaires, mais beaucoup plus larges,
les veines surtout; facilement injectable par les veines
voisines, qui sont quelquefois variqueuses, mais diffici-
lement par les artères.
Cette altération existe le plus souvent dans l’épais-
seur de la peau, et dans une étendue plus ou moins
grande. Elle ressemble alors quelquefois à la crête
et aux autres parties analogues des gallinacées. La peau
de la face, celle des lèvres surtout, en est fréquemment
le siège. On 1 observe dans le tissu cellulaire sous-cu-
tané, ou plus ou moins profond; on l a vue occuper
3 62 AHATOMIE GENERALE.
tout un membre; ou dit même I avoir observée dans
des viscères.
Cette production est le siège d une vibration, d’un
bruissement, d’une pulsation plus ou moins mani-
festes, et qui augmentent par toutes les causes qui exci-
tent l’activité de la circulation générale ; mais les tu-
meurs quelle forme, même à la peau, ne sont guère
susceptibles d’une sorte d érection isolée. Elle tire le
plus souvent son origine de la naissance, d’autres fois
elle paraît dépendre d une cause accidentelle; elle per-
siste quelquefois sans changement; d’autres fois, et
c’est le plus ordinaire, elle augmente continuellement
de volume par la dilation de ses cavités intérieures et
finit par se rompre, ce qui donne lieu à des hémor-
rhagies difficiles à réprimer.
Au pourtour de l’anus on trouve des tumeurs hé-
morrhoïdales spléno’ides qui constituent une variété
de ce tissu érectile accidentel.
III. Des ganglions vasculaires .
§ 4o3. Les ganglions vasculaires, organes adénoïdes,
ou glandiformes , glandes aporiques r, confondus sous
le nom commun de glandes avec des organes de sécré-
tion excrétoire, sont encore des parties dans lesquelles
les terminaisons et les communications des vaisseaux
1 Queitschius, de Glandtdis coçcis , etc., in select med.
Franco/. — Hendy, Essay on glandular sécrétion. Ilew-
son , Descriptio glandul. , etc. , opus posthnrn. in op. ornn.
— H. F. F. Leonliardi, de Glandulis in genere et glandulis
aporicis, etc. Dresdæ, i8i3.
DES GANGLIONS VASCULAIRES. 363
affectent des dispositions spéciales. M. Heusinger leur
a donné le nom de tissu parenchymateux.
Leur texture résulte de la réunion de plusieurs
autres tissus : ils sont formés de tissu cellulaire modi-
fié, de vaisseaux sanguins et lympathiques, et de nerfs,
le tout renfermé dans une enveloppe qui envoie des
prolongemens cà l’intérieur. Ils sont tous placés sur le
trajet de la circulation lymphatique et veineuse, et
paraissent destinés tous à faire subir une élaboration
aux substances absorbées et à préparer leur assimila-
tion; ils semblent ainsi dans une sorte d’antagonisme
avec les vraies glandes ou les organes de l’excrétion.
Les ganglions vasculaires diffèrent les uns des autres
par la quantité et l’espèce de tissu qui en forme la
masse, par la proportion des vaisseaux et des nerfs,
et par le mode de communication des vaisseaux.
§ 4°4. On peut distinguer les ganglions adénoïdes •
en deux sortes : i° les glandes ou ganglions lympha-
tiques, et 2° les ganglions vasculaires sanguins, qui sont
la thyroïde, le thymus, les capsules surrénales et la rate.
Les premiers seront décrits avec les vaisseaux lym-
phatiques, (sect. IV.). Les autres, formant un groupe
moins naturel, appartiennent principalement à l’ana-
-s
tomie spéciale; ils ont cependant quelques caractères
généraux. Les ganglions vasculaires sanguins1, sont
1 Boeckler, de Functionibus glandulœ thyrcoidœ , thymi,
atque glandul. supraren. , etc. Argentor. 1763. — Becker,
über die verrichtung der Ideinsten schlagadern und einger
ans einern gewebe der feinsten gefàsse bestelieriden einge-
weide,der schild-und brust-drüse , der milzes, d erneben nier en
und nachgeburt. Erfurt, 1790.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
364
plus volumineux et beaucoup moins nombreux que les
ganglions lymphatiques. Ils sont d’une couleur rouge-
brune. Ils sont globuleux et granuleux. Ils présentent
à l’intérieur des cavités distinctes, remplies d’un fluide,
mais peu ramifiées et closes en tous sens. On a cru à
diverses époques y avoir découvert des conduits excré-
teurs, mais ces prétendues découvertes n’ont point été
confirmées. Ces ganglions sont dans un tel rapport
avec les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et no-
tamment avec le canal thoracique, qu’on leur suppose
avec beaucoup de vraisemblance, une très-grande in-
fluence sur le perfectionnement de la lymphe et du
chyle, et sur la formation du sang.
SECONDE SECTION.
DES ARTÈRES.
I
§4°5. Les artères1, arteriœ, sont les vaisseaux qui
portent le sang du cœur à toutes les parties du corps.
§4o6. Hippocrate et ses contemporains donnèrent le
nom de veine à tous les vaisseaux et à tous les canaux ,
excepté au canal aérien , qu’ils appelèrent artère. Aris-
tote parle le premier de l’aorte , qu il appelle petite
veine. Praxagore donne le nom d artère à 1 aorte et à ses
branches, qu’il croit contenir une vapeur. L école dA-
r Bassuel, Nouvel aspect de l’intérieur des artères, et de
leur structure par rapport au cours du sang; Mém. piésent.
de math, et de phys. tom. I. ann. 1750. — D. Belinas, Structure
des artères, leurs propriétés, leurs fonctions et leurs altéia-
tions organiques, in-4°. Strasbourg; 1822. Ch. H. Ehi
mann , mêmes titre, lieu et date.
DES ARTÈRES. 365
lexandrie distingue les artères des veines par l’épais-
seur des parois, et admet que le sang peut, dans cer-
taines circonstances, passer dans les artères. Galien,
le plus grand anatomiste de l’antiquité, essaie de
prouver que les artères sont pleines de sang dans l’état
naturel; il considère le système veineux et le système
artériel chacun comme un arbre dont les racines, im-
plantées dans le poumon, et les branches distribuées
dans tout le corps , sont réunies au cœur. Il faut venir
presque jusqu’à Vésale pour trouver les premiers ru-
dimens de l’art d’injecter les vaisseaux, et jusqu’à lui
pour trouver quelques notions sur la texture des vais-
seaux sanguins : leurs fonctions et leurs altérations
n’ont été connues que plus tard.
§ 4oy . Il y a deux troncs artériels : l’aorte et l’artère
pulmonaire. Chacun d’eux a une disposition arbo-
risée, et présente une origine, un tronc, des branches,
des rameaux et des ramuscules de plus en plus déliés,
jusqu’à sa terminaison.
Chacun des troncs artériels naît d’un ventricule du
-
cœur, et présente là , non une continuation de la subs-
tance du cœur comme on l’a dit récemment encore1,
mais une connexion intime et très-remarquable : la
membrane moyenne de l’artère est divisée en trois fes-
tons bordés de tissu ligamenteux , l’orifice du ventri-
cule est garni d’un anneau du même tissu , le sommet
des festons de l’artère est solidement attaché à l’orifice
du ventricule, et les intervalles triangulaires des dente-
lures sont également occupés par des membranes li-
Langenbeck, Nosol. und therap. der chir. krcinkheiten ;
Goetting. 1822. vol. I.
j66 anatomie générale.
gamenteuses; la membrane interne du vaisseau se con-
tinue avec celle du cœur, et la membrane externe
s’unit à la substance de cet organe.
Les troncs, les branches et toutes les divisions des
artères sont sensiblement cylindriques. Il y a pourtant
quelques exceptions : certaines artères vont en s’élar-
gissant, quelques-unes semblent se rétrécir. Les cylin-
dres artériels vont en diminuant depuis les troncs
jusqu’aux dernières ramifications.
En général la somme des branches l’emporte sur le
tronc qui les fournit, mais il y a des exceptions : ainsi
il n’est pas évident que l’artère carotide et le tronc
brachial aient ensemble plus de capacité que le tronc
innominé; de même il n’est pas certain que les artères
radiale, et cubitale réunies en aient plus que l’hu-
mérale. 11 ne faut pas confondre dans cette compa-
raison le diamètre extérieur avec la capacité. D’ailleurs
il arrive à tout instant des changemens de capacité
dans des rameaux artériels, sans que les branches en
changent sensiblement. Et pour n’en citer qu’un
exemple évident : les artères utérines augmentent con-
sidérablement pendantla grossesse, l’artère hypogas-
trique qui les fournit augmente un peu, et l’artère
iliaque primitive pas sensiblement.
Le nombre variable des divisions successives des
artères , leur mode de division, les angles que forment
les branches avec les troncs ontété indiqués, ainsi que
les anastomoses et les voies collaterales qu elles forment
à la circulation. Il en est de même de leurs flexuosités.
La terminaison des artères devenues capillaires et
microscopiques a lieu par leur continuation en veines,
DES ARTERES.
soit par des communications Capillaires rouges, soit
par des communications incolores à cause de leur
ténuité.
§ 4o8. Vues à l’intérieur, les artères sont cylindriques,
leur coupe est circulaire, excepté dans les très-grandes
artères qui , vides s’aplatissent un peu et présentent
une coupe elliptique.
Chacun des deux troncs artériels est muni de trois
valvules à son origine au cœur. Ces valvules semi-lu-
naires tiennent, par leur bord convexe, au contour
des festons de l’artère; leur bord libre est droit, un
peu épais, surtout au milieu, qui offre un petit renfle-
ment. Une face eu tournée du côté de la paroi arté-
rielle, et l’autre du côté de l’axe du vaisseau. Ces val-
vules sont formées par la membrane interne des artères
repliée en double, et contenant dans son épaisseur
une couche mince de tissu ligamenteux ou fibreux;
leur bord libre contient un petit cordon de ce tissu, et
son milieu un point fibro -cartilagineux. Quand ces
valvules s’abaissent, la face qui répond au ventricule
devient convexe, l’autre qui répond au canal devient
concave ; leurs bords libres se rencontrent, se touchent,
et elles ferment exactement le vaisseau. Dans tout le
reste de leur étendue les artères sont dépourvues de
4
valvules.
La surface interne est lisse , polie et humectée. La
surlace externe répond au tissu cellulaire commun et
particulier, dans lequel les artères sont ramifiées. Le
tissu cellulaire, moulé autour d’elles ou écarté par leur
presence, leur forme une gaîne cellulaire. Cette game
est conlondue en dehors avec le reste du tissu cellu-
368 ANATOMIE GÉNÉRALE.
laire ou avec la substance des organes; en dedans elle
est unie à l’artère assez lâchement pour que celle -ci
glisse aisément dans son intérieur dans les'divers mou-
vemens, et s’y retire en se raccourcissant quand elle a
été divisée. Cette gaine est assez ferme autour des ar-
tères des membres; dans la poitrine et l’abdomen la
gaine des artères est en partie formée par les mem-
branes séreuses. Celle des artères spermatiques est re-
marquable par sa laxité ; celle des artères du cerveau
n’est pas distincte. Cette partie de l’anatomie des ar-
tères mérite beaucoup de considération dans la patho-
logie et dans les opérations.
§ 4°9- La texture1 des artères résulte de plusieurs
couches membraneuses superposées. On a beaucoup
discuté et varié sur leur nombre. Porté à cinq par
quelques- anatomistes j et réduit à un par quelques au-
tres, on peut le fixer à trois : une externe, une moyenne
et une interne.
§ 4io. La membrane externe, appelée aussi cellu-
leuse, nerveuse, fibreuse, etc. , est mince, blanchâtre,
formée de fibrilles obliques et croisées , entrelacées dia-
gonalement à la longueur du vaisseau. A l’extérieur ce
tissu est assez lâche , et s’unit à la gaine ; du côté in-
1 Ludwig, de Arteriarum tunicis ; bips. I73y. — Albinus ,
Acad, annot. lib. IV, cap. vin, de Arteriœ membranis et
vasis. -- — A. Monro, Remarks on the coats of ar le rie s, their
diseases , etc. in kVorks. — Delasone, Sur la structure des
artères, Mém. de l’acad. des sc. iy56. — C. Mondini, de
Arteriar um tunicis , in opuscoli scien tijici , t. I; Bologna ,
1817. — A. Béclard, Sur les blessures des artères, Mém. de la
soc. méd. d’ÉmuIation , t. VIII, Paris; 1817.
DES ARTÈRES.
36*9
terne, au contraire, les fibrilles sont tellement serrées,
qu’on ne peut les apercevoir qu’en le déchirant. Dans
les troncs artériels , cette double disposition est assez
marquée èt assez tranchée pour que cette couche pa-
raisse réellement double; dans les artères moyennes et
petites, au contraire, cette couche devient uniformé-
ment serrée et distincte du tissu cellulaire delà gaîne,
et ressemble alors beaucoup au tissu ligamenteux.
Cette membrane est très-résistante et très-élastique,
tant dans le sens longitudinal que circulairement.
Souple et résistante en même temps, elle n’est pas di-
visée par l’action des ligatures appliquées, même im-
médiatement, sur elle. Quand on la déchire on éprouve
beaucoup de difficulté, et l’on aperçoit la texture de
ses fibrilles obliques, qui en rend la résistance égale
dans tous les sens.
§ La membrane moyenne, appelée aussi mus-
culeuse, tendineuse, propre, etc., est épaisse, jau-
nâtre, formée de fibres presque circulaires ou annu-
laires. Cette membrane, la plus épaisse des trois, est
très-apparente dans les troncs; elle augmente propor-
tionnellement d’épaisseur, à mesure que les artères
diminuent de volume. Son épaisseur est peu considé-
rable dans les artères de certains viscères, et surtout
dans les artères du cerveau. Elle peut être divisée en
plusieurs couches par la dissection : c’est probablement
ce qui a induit en erreur ceux qui ont admis plus de
trois membranes artérielles. Les fibres extérieures sont
moins serrées, les plus profondes le sont davantage,
et ainsi de plus en plus. Ces fibres ne forment pas tout
le tour du vaisseau. On ne trouve point dans la
24
1.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
370
membrane moyenne les fibres longitudinales et spirales
qu on y a admises. Dans les endroits où les artères se
divisent, les fibres circulaires du tronc s’écartent et
forment de chaque côté un demi-anneau ; les fibres
annulaires de la branche leur font suite. La membrane
moyenne tient intimement à l'externe*
La membrane moyenne a une fermeté telle, que,
séparée des autres, elle conserve sa forme cylindrique;
c’est à elle que les artères doivent de rester béantes ou
rie conserver leur lumière quand elles sont vides.
Isolée, elle jouit d’uïie force de résistance et d’une
élasticité faibles, suivant le sens de la longueur de
l’artère, et très-fortes suivant le sens de ses fibres,
c’est-à-dire suivant la circonférence du vaisseau. La
fermeté et l’élasticité des fibres qui la forment vont
successivement en diminuant des grosses artères vers
les petites. On l a tour à tour comparée et assimilée à
la fibre musculaire en général, à la fibre musculaire de
l’utérus, au tissu fibreux ou ligamenteux; elle consti-
tue une espèce de tissu élastique, tissu particulier, mais
participant des caractères des fibres musculaire et
ligamentaire.
§412. La membrane interne des artères, appelée aussi
nerveuse, arachnoïde, commune, etc., est la plus mince
des trois. Elle se continue des ventricules du cœur
dans les artères; c’est elle, pour la plus grande partie,
qui forme les valvules semi-lunaires des artères. Elle
présente, dans les grosses branches vides, quelques plis
longitudinaux, et des petites rides transversales dans
les artères du jarret et du pli du coude; elle est éga-
lement ridée dans les artères rétractées après l’ampu-
DES ARTÈRES. 3^1
tatiora. Sa face interne est lisse, polie, humide et en
contact avec le sang ; sa face externe adhère à la mem-
brane moyenne. Dans les troncs artériels on peut la
diviser en plusieurs lames : la plus interne est extrê-
mement mince et transparente, le reste est blanc
opaque, etse confond insensiblement avec la membrane
moyenne ; c’est à cette partie surtout qu’on a donné le
nom de membrane nerveuse. Dans les branches, elle
ne forme plus qu’un seul feuillet indivisible. On ne dis-
tingue dans cette membrane, qui est très-dense, au-
cune apparence de fibres; elle se déchire à peu près
avec la même facilité dans tous les sens» Elle est peu
élastique. On l’a comparée aux membranes séreuses
et au tissu muqueux ou cellulaire; elle n’est point vas-
culaire comme les membranes séreuses en général;
c’est à l’arachnoïde qu’elle est le plus comparable.
§ 4i3. Il entre encore dans la composition des ar-
tères, du tissu cellulaire, des vaisseaux et des nerfs.
Le tissu cellulaire qui pénètre la membrane externe
et qui l’unit à la moyenne est assez apparent; mais au
delà il est tellement rare et serré, que son existence a
été révoquée en doute. Cependant quand, par la dis-
section, on enlève d’une artère la membrane externe et
la plus grande partie de l’épaisseur de la moyenne,
il s'élève de la partie découverte des bourgeons char-
nus, comme du reste de la plaie.
§, 4 ï 4. Les artères et les veines^des artères ( vasa arte -
riarum ) leur sont fournies par les vaisseaux voisins , et
deviennent très-apparentes dans la membrane externe
par les injections et quelquefois même sans cela, sur-
tout chez les jeunes sujets; on les suit jusqu’à leur
^72 ANATOMIE GÉNÉRALE.
pénétration dans la membrane moyenne, et pas au
delà.
Ce que l’on appelle vaisseaux exlialans et absorbans,
ou plus exactement les voies inconnues de l’exhalation
et de l’inhalation, sont démontrés dans les parois arté-
rielles par le fait même , car dans les artères enflammées
il se fait une exhalation à la surface interne; et, dans le
cas de ligature, le coagulum intérieur est absorbé.
§ 4 1 5 . Les nerfs 1 des artères viennent de la moelle et
des ganglions. Les artères des organes des fonctions vé-
gétatives reçoivent les leurs des ganglions, les autres de
la moelle. Les nerfs des artères forment autour d’elles
des réseaux analogues à ceux que forment les nerfs
pneumo-gastriques autour de l’œsophage, et les ac-
compagnent ainsi dans l’intérieur des organes. Mais en
outre des filets se terminent dans la tunique externe ,
et d’autres arrivent à la membrane moyenne, sur la-
quelle ils se répandent en un réseau très-délié. Les pre-
miers sont mous et aplatis ;*les seconds, filiformes
et d.’une finesse extrême, ont plus de consistance, et
parcourent un trajet moins long. Toutes les artères ne
reçoivent pas un égal nombre de nerfs; l’artère pulmo-
naire en reçoit moins que l’aorte et ses divisions. Ils sont
d’autant plus abondans que les artères sont plus petites.
Les artères du cerveau n’en sont pourvues que jusqu’à
l’endroit où elles pénètrent dans la substance cérébrale.
Dans la vieillesse, les nerfs des artères, surtout ceux
1 A. Wrisberg , loc. cit. — Lucæ, Quœdam. observ. anat.
circh Jiervos arterias adeuntes et comitantes , in-* 4°, cum. fig •
Francof. ad Mœniirn , 1810.
DES ARTÈRES. 3y3
de la membrane moyenne, deviennent moins appareils.
Le grand nombre de nerfs que reçoivent les artères
montre une étroite liaison entre le système nerveux et
l’appareil circulatoire, entre les nerfs et le sang.
§ 4 1 6. Les proprié tés physiques les plus remarquables
des artères sont la fermeté de leur tissu, sa résistance et
son élasticité. C’est àlafermeté de la membrane moyenne
quelles doivent surtout la faculté de conserver une
grande partie de leur lumière, quoique vides de sang.
Leur pesanteur spécifique est environ 108. Leur épais-
seur, en général assez grande, augmente encore un peu
par la vacuité ; elle est aussi un peu plus grande du côté
convexe des courbures que du côté opposé, à peu près
comme 8 est à y; elle augmente proportionnellement
au calibre des artères à mesure que celui-ci diminue ;
cependant elle n’est pas la même dans toujes les artères
du même diamètre; ainsi les parois des artères encé-
phaliques sont très-minces, et celles des membres sont
épaisses.
§ 4j7- La résistance des artères à la rupture a été
examinée par Clifton Wintringham; j’ai fait aussi quel-
ques expériences sur ce sujet. Elles ont une grande
force de résistance, en général proportionnée à leur
épaisseur. Celle de l’aorte est supérieure à celle de l’ar-
tère pulmonaire. A mesure que les artères diminuent de
volume , leur résistance absolue diminue, mais leur
épaisseur relative et leur mollesse augmentant, leur
extensibilité et leur résistance relative augmentent. La
résistance n’est cependant point la même dans toutes
les artères du même volume : celle de l’artère iliaque
est plus considérable que celle de la carotide. La ré-
ANATOMIE GENERALE.
si stance en long ne dépend presque que de celle de la
membrane externe ; la résistance circulaire, beaucoup
plus forte, est due aux membranes moyenne et externe..
La membrane interne a très-peu de force de résistance
dans un sens comme dans l’autre.
§ 4 1 8 . L’élasticité des artères est leur propriété physi-
que la plus importante. Si on les distend en long, elles
cèdent et s’allongent, pour revenir brusquement sur
elles-mêmes quand on cesse la distension. Si on les dis-
tend en travers, elles cèdent moins et reviennent avec
plus de force encore. Si p3r l’injection ou l’insufflation
on les remplit avec excès, elles s’élargissent un peu,
s’allongent, et au moment où l’on cesse l’effort, elles
reviennent sur elles-mêmes et se vident en partie. Si
on les ploie, elles se redressent, si on les aplatit par la
compression ^ elles reprennent leur forme cylindrique.
Dans l’état de vie, elles sont à un état de tension élas-
tique qui fait que quand elles sont divisées, les bouts
se rétractent. L’élasticité des artères est très-marquée
dans les plus grosses, elle diminue successivement dans
les petites.
§ 4 19. Les artères sont aussi susceptibles d’une exten-
sibilité et d’une rétractilité lentes. Quand une artère
principale cesse de livrer passage au sang, les artères
collatérales, en la remplaçant dans ses fonctions, s agran-
dissent et acquièrent en peu de temps un volume con-
sidérable : cet agrandissement est du même genre que
l’accroissement ordinaire, mais il est beaucoup plus
rapide; l’artère, au contraire, qui cesse délivrer passage
au sang revient peu à peu sur elle-même, et finit par
disparaître plus ou moins .complètement.
DES ARTERES.
375
§ 420. Les propriétés- vitales des artères, comme
celles des autres parties, sont relatives et à leur propre
nutrition et à leur action dans l’organisme. La force de
formation y est manifeste daps leur production acci-
dentelle, et moins dans la réparation de leurs lésions.
L’irritabilité y est manifeste à un certain degré 5 la
sensibilité y est beaucoup moins évidente.
§ 421. L’irritabilité artérielle *, appelée aussi tonicité,
contractilité, force vitale des artères, lorce de contrac-
tion, ou la force par laquelle les parois de l’artère, dans
l’état de vie , se rapprochent de son axe, sans meme
avoir été distendues, a été un grand objet de contro-
verse parmi les physiologistes.
Haller, qui admet la nature musculaire de la mem-’
brafie moyenne des artères, avoue que ses expériences
ne lui ont rien appris de positif sur leur contractilité ,
et que ces vaisseaux n’ont pas répondu toujours aux
stimulus chimiques et mécaniques. Bichat, Nysten et
M. Magendie, ont également nié l’irritabilité des ar-
tères. Bichat se fonde sur ce que 1 irritation mécanique
à 1 extérieur ou à l’intérieur du vaisseau ne produit pas
de mouvemens; ouverte en long, les bords de l’artère
ne se renversent pas; extraite du corps, elle ne donne
aucune marque de contractilité ; disséquée couche par
couche, on ne voit point ses fibres palpiter; le doigt
introduit dans une artère vivante n’y est pas serré for-
1 ^ oy. Chr. Krarnp, de Vi vitali arteriarum; Argent. 1786,
— C. H. Parry, an JLæpcr. inquiry i/ilo puise and other prop.
of the arteries, etc.; Batli. 1816. — Ch. H. Parry, Additional
ex per. on the arteries , etc.; Lond. 18 ry. — • ffastings, loc. cit.
ANATOMIE GENERALE.
'6y 6
tement; l’artère interceptée entre deux ligatures n'é-
prouve qu’un ébranlement communiqué; la contrac-
tion produite par les acides est un raccornissement, et
l’action des alcalis est nulle.
La plupart des anatomistes et des physiologistes sont
d’une opinion contraire, fondée sur un grand nombre
de faits; Yerschuir et Hastings ont vu l’irritation
mécanique produire la contraction des artères. Zim-
mermann, Parry, Verschuir, Hastings, ont vu les acides
minéraux et végétaux produire le même effet. Thomson
et Hastings ont vu la même chose par l’action de l’am-
moniaque. Yerschuir, Hunter, Hastings, ont vu la seule
action de l’air et de la température produire cette con-
traction. Hastings a encore obtenu le même effet en
appliquant l’huile de térébenthine, la teinture de ôan-
tharides, la solution de muriate d’ammoniaque, de
sulfate de cuivre. Bikker et Yandenbosch ont ob-
tenu la contraction des artères par l’électricité , Giulio
et Rossi, par le galvanisme; Home l’a même observée
en appliquant un alcali au nerf avoisinant une artère.
La contractilité vitale, peu évidente dans les grosses
artères, va en augmentant successivement dans les
petites.
On peut encore citer en preuve de 1 existence de
l’irritabilité des artères, l’augmentation de leur con-
traction dans les inflammations et les névralgies. Ainsi,
dans le panaris, dans l’angine tonsillaire, dans la pro-
sopalgie, etc., on voit et on sent au toucher les artères
d’un côté battre beaucoup plus lort qtie celles du côté
opposé. On voit quelquefois des différences du meme
genre dans l’hémiplégie. La même chose a lieu aussi
DES ARTERES.
377
dans la grossesse et dans beaucoup d’autres phéno-
mènes hygides ou morbides, accompagnés d’un déve-
loppement local des vaisseaux.
On peut donc conclure de ce qui précède, que pen-
dant la vie les artères jouissent à la fois de l’élasticité
et de l’irritabilité ; que l’élasticité prédomine dans les
grosses, et l’irritabilité dans les petites artères; que
l’irritabilité artérielle est plus ou moins soumise à l’in-
fluence nerveuse. Avec l’âge, les vasa 'vasorum dimi-
nuant, les nerfs des artères s’atrophiant, et la mem-
brane moyenne devenant plus dure , l’irritabilité ar-
térielle diminue de plus en plus, l’élasticité elle-même
finit par diminuer beaucoup.
§422- La sensibilité des artères est nulle ou extrême-
ment obscure. Y erschuir rapporte une seule expérience,
dans laquelle un animal a paru éprouver de la douleur
par 1 application d’un acide minéral. D’après Bichat,
l’injection d’un liquide irritant paraît aussi produire
une douleur vive.
§ 423. La fonction des artères est de conduire le sang
du cœur dans toutes les parties du corps. Lorsque les
ventricules du cœur poussent en se contractant une
nouvelle quantité de liquide dans les artères déjà pleines
de sang en mouvement, la vélocité du mouvement s’en
/
trouve accrue dans toutes les artères : l’observation
d’une blessure artérielle le prouve. Un autre effet de la
systole des ventricules généralement admis, est la di-
latation des artères. Des expériences ont été invoquées
à 1 appui de cette dilatation; d’autres expériences in-
téressantes du docteur Parry, semblent la contredire.
Cependant elle existe réellement, mais elle est très-
ANATOMIE GENERALE.
378
peu considérable. Un autre effet plus sensible, produit
par chaque systole, est l’allongement des artères. L’ac-
tion exercée par les artères pour pousser le sang en
avant, est leur retour élastique qui les rétrécit et les
raccourcit, et par conséquent diminue leur capacité ,
et de plus une force de contraction vitale qui s’ajoute
à l’élasticité dans les artères moyennes, et finit par la
remplacer dans les petites. La vélocité du cours du
sang artériel va en général en diminuant des troncs vers
les derniers rameaux ; cette vélocité présente en outre
des variétés locales , constantes ou accidentelles.
La fonction des artères est donc de conduire comme
4
des canaux le sang dans toutes les parties, et comme
canaux contractiles, de lui imprimer une partie du
mouvement dont il est animé. Oh a tour à tour exa-
géré et trop restreint l’action des artères sur le sang.
Il est bien certain , i° que les vaisseaux paraissent avant
le cœur, soit dans la série animale, soit dans l’embryon;
2° que les fœtus monstrueux sans tête sont dépourvus
de cœur; 3° que dans les poissons il n’y a point de ven-
tricule aortique, et que dans l’homme même, la veine
porte ( Sect. III. ) est également dépourvue d un agent
musculaire propre d’impulsion; 4° fiue dans les rep-
tiles à qui on enlève le cœur, le mouvement du sang
continue encore long-temps : tous ces faits prouvent
effectivement que les vaisseaux sont un agent, et sont
même l’agent primitif du mouvement du sang. Les
artères y prennent part par leur élasticité et par 'leur
irritabilité.
Mais il n’esl pas moins certain que dans les animaux
pourvus de cœur, cet organe devient un agent puis-
DES ARTÈRES.
sant du mouvement du sang; c’est ainsi que par son
action la circulation artérielle, bien que continue, est
saccadée ; c’est ainsi que la circulation a lieu dans l’es-
turgeon, quoique l’aorte soit renfermée dans un canal
osseux; c’est de même que, dans l’homme, l’aorte,. et
ses principales branches peuvent être osseuses sans
nuire notablement à la régularité du cours du sang.
Il faut conclure de là que l’une et l’autre de ces puis-
sances ( celle du cœur et celle des artères ) servent à la
circulation, et que l’une peut suppléer en partie l’autre.
Mais l’action du cœur sur le sang va en diminuant, et
celle des vaisseaux en augmentant , à mesure qu’on
s’éloigne du centre de la circulation. La contraction
vitale des artères est aussi une des causes de leur va-
cuité dans le cadavre.
§ 4^4* La circulation artérielle est accompagnée d’un
mouvement qu’on appelle pouls. On a tour à tour attri-
bué ce phénomène à la dilatation et au resserrement al-
ternatifs des artères; à l’allongemenjtde ces vaisseaux, et
à la locomotion qui en résulte; à la pression du doigt
qui 1 explore, ou à plusieurs de ces causes réunies. Le
nombre des -pulsations dépend uniquement de celui
des contractions du cœur. Le volume ou la plénitude
du pouls dépend de la quantité de sang contenue dans
les artères; sa durée, de celle des contractions du cœur;
sa force, de la quantité de sang poussée par le cœur,
de la force avec laquelle il est poussé, de la quantité
contenue dans les artères, et de celle qui passe à travers
les vaisseaux capillaires. L exploration du pouls a pour
objet d examiner l’état de la circulation et des puis-
sances motrices du sang, sayoir le cœur et les vaisseaux.
38o
ANATOMIE GÉNÉRALE.
Les parois des artères augmentent d’épaisseur et de
densité pendant toute la période d’accroissement, elles
continuent encore d’augmenter en densité pendant
tout le reste de la vie.
Les variétés des artères sont beaucoup plus fré-
quentes qu’on ne l’a dit en général. Biehat et M. Mec-
kel 1 ont dit avec raison qu’elles sont au moins aussi
fréquentes, sinon plus même que colles des veines.
C’est surtout dans les grosses artères qu elles sont re-
marquables2 *, et par leur fréquence, et par une sorte
de régularité ou de symétrie , et par la ressemblance
qu’elles présentent alors avec l’état régulier de certains
animaux. 1
§ 425. Outre les vaisseaux accidentels déjà indiqués
(§ 3yi), quand une artère principale est interrompue
dans sa continuité, il s’établit encore des voies supplé-
mentaires pour la circulation. Ces voies résultent ordi-
nairement de l’augmentation de volume d’anciens vais-
seaux qui , de blancs et incolores qu’ils étaient par leur
ténuité extrême, deviennent rouges, ou qui de rouges
et capillaires qu’ils étaient, deviennent plus volumi-
neux; mais qui, dès avant cette circonstance, formaient,
par leurs anastomoses, des voies collatérales (§ 35o).
Dans certains cas la circulation se rétablit par des voies
tout-à-fait nouvelles, par des artères de nouvelle for-
mation. Ce fait, soupçonné par J. Hunter, entrevu par
M. Maunoir et par Jones lui-même, quoiqu il ait com-
' I . J i ■ K. , > ■ - - ' ' 4 ' ' ' '
1 Dcutsches archiv fur die physiologie.
1 Fr. Tiedemann, Tabula; arteriarum corp. huniani. Cals
ruhæ , 1822.
DES ARTÈRES.
38i
battu l’opinion de M. Maunoir, a été mis hors de doute
parles expériences du docteur Parry 1 . Si on lie ou si l’on
retranche une partie de l’artère carotide du mouton ,
artère qui ne fournit aucune branche dans toute la
longueur du cou, on trouve, quelque temps après, la
circulation rétablie dans l’endroit où l’artère a été obli-
térée ou retranchée , par plusieurs rameaux à peu près
parallèles occupant l’intervalle qui existe entre les deux
bouts de l’artère.
§ 426. L’inflammation générale des artères est rare ;
l’artérite locale ne l’est pas. Cependant la rougeur ne
suffit pas pour la caractériser ; il y a de plus de l’épais-
sissement, du ramollissement dans les parois, et sou-
vent à l’intérieur une exsudation plastique , quelque-
fois du pus , et quelquefois des ulcérations plus ou
moins profondes.
§ 427* Les blessures 2 des artères offrent des considé-
rations anatomiques d’un grand intérêt : l’acupuncture
ou piqûre d’une artère donne lieu à une hémorrhagie
faible si le vaisseau est entouré de tissu cellulaire, plus
forte s’il est dénudé de sa gaîne. L’hémorrhagie s’arrête
parla coagulation du sang, qui est ensuite successive-
ment résorbé ; il reste pendant quelque temps un petit
renflement vis-à-vis la piqûre; il se forme ensuite une
cicatrice si exacte, qu’il devient à la longue impossible
de l’apercevoir. Une petite incision parallèle à l’axe du
vaisseau s’écarte un peu, et donne lieu à une hémor-
1 Loc. cit.
* J. F. t). Jones; On the process employed by nature in su-
pressing the hemorrhâge , elc. Lond. 1810. — Béclard, loc.
'fçit.
38a
ANATOMIE GÉNÉRALE.
r Plagie plus forte que la piqûre. La guérison s’effectue
quelquefois ensuite, et de la même manière. L’incision
transversale donne lieu , par l’écartement considérable
de ses bords, à une hémorrhagie plus ou moins grave,
suivant que l’artère est ou non dénudée. L’hémorrhagie
est d’autant plus grave, que l’incision intéresse la moitié
de la circonférence du vaisseau , cas dans lequel , aban-
donnée à elle -même, elle continue ou se renouvelle ,
après s’être arrêtée, jusqu’à la mort. Dans le cas où l’in-
cision atteint une petite partie de la circonférence , si la
gaine existe , le sang , après avoir coulé plus ou moins,
s’y infiltre, s’y coagule, et quelquefois il se fait une
cicatrice qui, à lâ vérité, est, dans l’homme, beau-
coup moins solide que les parois originelles de i’artère,
et qui devient ordinairement le siège ou la cause d’un
anevrysme dit consécutif. Quand , au contraire, la di-
vision transversale dépasse de beaucoup la moitié de
la circonférence, la rétraction est telle, ainsi que le
rétrécissement qui en résulte, que si la gaine existe
encore, le sang s’y infiltre, s’y arrête; s’y coagule?
et que la guérison peut aussi avoir lieu ; mais pour cela
la division de l’artère s’achève, et ce cas rentre alors
dans le suivant.
§4^8. Quand uneartèred’un moyen ealibreestcoupée
en travers , soit sur une surface amputée , soit dans la
continuité des parties , le sang sort à plein canal et
par un jet continu, alternativement élevé et abaissé,
jusqu’à ce que la circulation soit beaucoup affaiblie;
l’écoulement se rallentit alors et s’arrête, soit pour
recommencer une ou plusieurs fois, quand la faiblesse
sera passée, et continuer jusqu’à la mort , soit pour ne
DES ARTERES.
383
plus reparaître. Dans ce dernier cas, très-rare dans
l’espèce humaine, l’artère s’étant rétractée dans sa
oaîne et dans le tissu cellulaire ambiant, le sang s’est
infiltré et se coagule autour du bout du vaisseau ,
il se coagule aussi dans ce bout même, jusqu’à une
hauteur plus ou moins grande, toujours déterminée
par la situation de la branche la plus voisine, dans la-
quelle la circulation continue d’avoir lieu. Le bout de
l’artère est alors obstrué et bouché, à peu près comme
l’est le goulot d’une bouteille par le bouchon et par la
cire dont on le recouvre. L’artère n’étant plus sou-
mise à la distension alternative qu’elle éprouvait, re-
vient peu à peu sur elle, son extrémité tronquée
éprouve l’inflammation traumatique , et devient le
siège d’une exsudation plastique 5 le bout se cicatrise,
le sang coagulé à l’intérieur et à l’extérieur est suc-
cessivement résorbé, l’artère continue de se resserrer,
elle se change en un cordon imperméable , et finit or-
dinairement par disparaître ou se changer en tissu cel-
lulaire jusqu’aux environs de la branche la plus voisine
qui continue de servir à la circulation.
§429* Quand on distend en long une artère, elle s’al-
longe d’abord beaucoup en glissant dans sa gaîne à la
faveur du tissu cellulaire qui l’entoure; après avoir
beaucoup cédé sans se rompre , elle commence à se
déchirer à l’intérieur. La membrane externe se déchire
la dernière, après s’être allongée et effilée à peu près
comme un tube de verre que l’on fond et que l’on tire
à la lampe d’émail^eur. Une fois rompue, les bouts
de V artère se retirent moins qu’ils ne se sont allongés, et
le sang jaillit d’abord comme dans le cas précédent,
0
384 anatomie générale.
mais bientôt il s arrête pour ne plus reparaître ordinaire-
ment. On a attribue cette cessation prompte et défi-
nitive de 1 hémorrhagie, qui a presque toujours lieu
dans ce cas, a la rétraction de 1 artere et à d’ autres
causes imaginaires : beaucoup de cas observés dans
1 espece humaine , et beaucoup d expériences faites sur
les animaux, m ont convaincu que c était aux ruptures
intérieures plus ou moins multipliées qu’éprouve l’ar-
tère avant de se diviser totalement en un point, qu’il
fallait attribuer ce phénomène remarquable. Les phé-
nomènes consécutifs sont les mêmes qu’après la section
transversale (§428).
§ 43o. Une ligature appliquée circulairement à une
artère , soit dans sa continuité , soit sur une surface
amputée, assez serrée pour arrêter la circulation dans
le vaisseau , coupe les membranes interne et moyenne ,
et, si l’artère est saine, ne divise point la membrane
externe. Si la ligature reste en place, le sang arrêté
dans le vaisseau se coagule dans sa cavité jusqu’à la
branche la plus voisine, qui continue de servir à la
circulation. La division éprouvée par les membranes
internes , la pression exercée sur l’externe , et la pré-
sence de la ligature, déterminent une effusion de ma-
tière organisable, qui produit d’abord l’agglutination
de toutes les parties intéressées; la partie embrassée
par la ligature s’amollit d’abord, puis se divise par
l’effet de l’inflammation , et la ligature est rejetée
au -dehors. Les changemens ultérieurs dans le vais-
seau sont les mêmes qu’après sa section transversale
(S 4*8).
§ 43 1 . Dans les trois genres de blessures qui viennent
DES ARTERES.
385
d’être exposés (§ 428-3o), les phénomènes ultérieurs sont
différens, suivant qu’il s’agit d’une surface amputée, ou
bien de la continuité des parties. Dans une surface am-
putée, non-seulement l’artère principale s’oblitère, mais
encore toutes ses branches et ses rameaux aboutissans à
la surface; de sorte que le tronc lui-même se rétrécit
plus ou moins. Dans l’autre cas, au contraire, les bran-
ches qui naissent de l’artère liée, coupée ou déchirée,
non-seulement continuent de servir à la circulation ,
mais se dilatent pour suppléer le tronc principal ; elles
entretiennent ainsi, jusqu’au point d’où elles naissent, la
fluidité du sang, son mouvement et son effort sur le
vaisseau. C’est à cette différence qu’il faut attribuer la
fréquence de la réunion primitive des artères divisées
dans une surface amputée , et la rareté relative de cet
heureux résultat dans la continuité des parties.
§4^2. On trouve quelquefois une production ou une
transformation cartilagineuse avec épaississement des
parois artérielles dans une étendue ordinairement assez
limitée. Les productions dites athéromateuses, stéato-
mateuses, etc. , ne sont, comme la précédente, que le
prélude de l’ossification pierreuse dont les artères
sont si fréquemment le siège. Il faut distinguer cette
ossification en accidentelle et en sénile. La première
a son siège entre les membranes interne et moyenne, et
est précédée d’une des altérations ci-dessus. La seconde,
au contraire, a son siège dans la membrane moyenne,
et consiste en une transformation de ses anneaux fi-
breux en cerceaux osseux plus ou moins étendus. Les
diverses parties du système artériel n’y sont pas toutes
également disposées. Le système aortique en est beau-
i.
•^86 ANATOMIE GÉNÉRALE.
coup plus souvent affecté que le pulmonaire. Les épe-
rons intérieurs des artères et les valvules de leurs
troncs en présentent souvent ; l’aorte et ses branches
principales en sont souvent le siège; les artères des mem-
bres inférieurs plus souvent que celles des membres
supérieurs; les artères des muscles, du cœur, du cer-
veau , de la rate , assez souvent; celles de l’estomac et
du foie rarement. La totalité enfin cju système artériel a
été vue ossifiée, par Harvey, Riolan et Loder. L’ossifi-
cation des artères est le plus généralement le partage de
la vieillesse. Cependant on voit aussi quelquefois l’os-
sification accidentelle chez des jeunes sujets, et même
dans la première enfance. L’ossification des artères est
*
plus rare dans le sexe féminin que chez les hommes.
Elle est beaucoup plus commune dans les climats froids
que dans les pays chauds.
L’effet de l’ossification artérielle , et surtout de celle
qui est accidentelle, est de produire l’usure des mem-
branes entre lesquelles elle est placée. L ossification des
artères a été attribuée à une foule de causes. Celle qui
est accidentelle est une véritable production ou dépo-
sition ; celle qui est sénile paraît le dernier terme des
changemens successifs que la membrane moyenne, d’a-
bord molle et rougeâtre, éprouve durant la vie.
§ 433. On trouve quelquefois des excroissances de
consistance charnue, attachées à la face interne des
artères, et surtout aux valvules semi-lunaires qui sont
à leur entrée.
§ 4^4-La dilatation des artères, ou l’artériectasie, est
uneaffection très-fréquente; elle peut consister : i° dans
une simple perte d’élasticité sans altération apparente
DES ARTÈRES. 38'J
dos parois; 2° dans une altération des parois dilatées.
La dilatation simple se rencontre surtout dans les
gros troncs; elle affecte généralement toute la circon-
férence, et la tumeur qui en résulte a la forme ovoïde.
Qn l a observée souvent dans l’aorte, particulièrement
à sa crosse, et quelquefois dans l’artère pulmonaire.
La dilatation avec altération des parois affecte l’aorte
et les diverses parties du système aortique jusque vers
les ramifications. Les artères des membres supérieurs
en sont beaucoup pl us rarement affectées que les autres.
L’altération et la dilatation qui en résultent sont le plus
souvent latérales : c’est ce que les auteurs ont décrit,
depuis Fernel, sous le nom d’anévrysme vrai; les pa-
rois altérées y sont plutôt épaissies qu’amincies.
Le sang que contiennent ces deux sortes de dila-
tations est fluide.
§ 435. L’anévrysme résulte de la destruction ou de la
rupture, en un mot de la solution de continuité des
parois artérielles, précédée ordinairement de la dila-
tation de ces parois, et toujours de leur altération. Il
consiste en une cavité formée par la membrane ex-
terne dilatée et renforcée par le tissu cellulaire et les
autres parties ambiantes, tapissée à l’intérieur par une
membrane mince et lisse en quelques points, ressem-
blant beaucoup à la membrane intente des artères.
Cette cavité communique avec celle du vaisseau par
une ouverture, régulière ou non, des membranes in-
terne et moyenne; elle est remplie de sang coagulé,
et de couches plus ou moins fermes de fibrine, diver-
sement altérée, et peut être mêlée de matière organi-
sable produite par les parois île la cavité. Le sang, en
388
ANATOMIE GÉNÉRALE.
parcourant le canal de l’artère, pénètre continuellement
dans la cavité accidentelle.
Tantôt l’anévrysme s’accroît indéfiniment, et tue par
la compression des organes voisins et par le trouble
de leurs fonctions. Tantôt il se rompt à l’extérieur ou
à l’intérieur, et fait périr par hémorrhagie ou par épan-
chement. D’autres fois il s’enflamme, suppure et s’ouvre
comme un vaste abcès, et tantôt alors il y a hémor-
rhagie , et tantôt, au contraire, l’artère s’étant oblitérée
par ^inflammation, la guérison peut avoir lieu. Quel-
quefois l’inflammation se termine par la gangrène de
la tumeur, et l’un ou l’autre des effets ci-dessus peut
être le résultat de la séparation de l’eschare. D’autres
fois enfin, la circulation se ralentit insensiblement dans
l’artère affectée d’anévrysme , et devient en même
temps de plus en plus active dans les voies collatérales,
d’où résulte à la fin l’oblitération de l’artère affectée
jusqu’aux branches voisines de la tumeur, et la résorp-
tion successive de celle-ci.
§ 436. Les artères, soit enflammées, soit affectées d’une
production accidentelle dans leurs parois , soit sans
cause apparente , au lieu de se dilater et de se rompre,
se rétrécissent quelquefois, et s’oblitèrent même spon-
tanément. On a trouvé ainsi l’artère aorte rétrécie et
même tout-à-fait oblitérée; on a aussi observé l’obli-
tération totale de l’artère pulmonaire droite; j’ai vu
une fois celle de l’artère carotide, quelquefois le ré-
trécissement du tronc brachial, et souvent le rétrécis-
sement et l’oblitération du tronc crural et de ses bran-
ches. C’est là la cause ordinaire de la gangrène sénile
des orteils, des pieds et des jambes; ce changement ar-
DES VEINES.
389
rivant dans une partie et à une époque où les rameaux
artériels, affectés eux-mêmes d’endurcissement, ne sont
plus susceptibles de l’accroissement rapide, nécessaire
à l'établissement de la circulation collatérale.
TROISIÈME SECTION.
DES VEINES.
§437. Les veines1 sont les vaisseaux qui rapportent
au cœur le sang de toutes les parties du corps.
§ 438. On a déjà vu que les anciens n’ont fait d’abord
aucune distinction entre les veines et les artères. Ga-
lien, qui les distinguait bien , plaçait dans le foie l’ori-
gine des premières. La distinction et la connexion des
artères et des veines ont été 'parfaitement établies par
la découverte de la circulation du sang; depuis lors ori
a peut-être un peu négligé l’étude du système veineux.
§ 43b. Les veines ont, comme tout le système vascu-
laire , une disposition arborisée ; mais, vu la direction
dans laquelle le sang les parcourt, elles ressemblent
plutôt aux racines d’un arbre qu’à ses branches : ainsi
leur origine a lieu par des radicules qui répondent aux
ramuscules des artères; leur terminaison par des troncs
qui sont ouverts dans le cœur, comme les origines des
artères; leur trajet présente des réunions, comme celui
des artères, des divisions successives. Si donc on les
considère ensuivant le cours du sang, elles présentent
une disposition opposée à celle des artères; et si on les
examinait dans le même sens que les artères , on sui-
' Diatribe anatoinico-physiologica de structura atquc
vitd venarum , Auctore H. Marx. in-8°; Carlsruliæ, iSkj.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
^9°
vrait une direction opposée à celle du cours du sang.
§ 44o. Le système veineux, comme l’artériel, est
double : l’un général , rapporte le sang du corps à l’oreil
lette antérieure ou droite ; l’autre rapporte le sang du
poumon à l’autre oreillette du cœur. Il y a en outre un
système veineux particulier et compliqué dans l’abdo-
men : c’est la veine-porte , dont la disposition doit être
examinée à part.
§ 44i. Ce système veineux particulier constitue un
système vasculaire tout entier, c’est-à-dire un arbre
ayant un tronc, des racines et des branches, placé
comme intermédiaire entre les derniers ramuscules
des artères gastriques, intestinales et spléniques, qui se
continuent avec ses racines, et les premiers radicules
des veines susliépatiques , qui sont la continuation de
ses rameaux. Ce système vasculaire, si l’on a égard à
sa disposition ramifiée en deux sens opposés, ressemble
aux veines par sa moitié intestinale , et aux artères par
sa moitié hépatique; sous un autre rapport, il est indif-
férent ou étranger aux unes et aux autres, comme il leur
est intermédiaire : car c’est dans l’endroit où il est la
continuation des artères, qu’il a la disposition veineuse,
et vice versa. C’est surtout à cause de la nature du
sang qu’il contient, que ce système vasculaire est réuni
au système veineux général.
§ 44a. Dans les animaux vertébrés ovipareson trouve
un autre système veineux analogue aux vaisseaux in-
testino -hépatiques. Ce système particulier 1 est formé
1 Lud. Jacobsou , de System a te venoso peentian r/i per -
rntdtis {ihirniltibtis ohserrnto ; Hafnia*, 1821.
DES VEINES.
391
par la réunion des veines tle îa région moyenne du
corps seulement, ou de cette région et de la queue, qui
se portent et se terminent dans les reins, à la manière
des artères, en envoyant quelquefois un rameau à la
veine-porte , c’est-à-dire au foie.
J’ai vu quelquefois, dans le chien, la veine-porte avoir
une ou deux terminaisons rénales.
§ 443. Le nombre des veines est en général plus grand
que celui des artères. Il y a deux veines caves et une
veine cardiaque pour répondre au tronc unique de
l’aorte. Il y a de même quatre veines pulmonaires pour
répondre à l’artère pulmonaire unique et à ses deux
branches. Mais chacune de ces divisions veineuses
répond à une branche d’artère correspondante. Dans
presque toute l’étendue du corps il y a beaucoup plus
de veines sous-cutanées que d’artères, et dans les parties
profondes il y a presque partout deux veines satellites
pour une seule artère. Dans l’estomac, la rate, les
reins, les testicules, les ovaires et quelques autres par-
ties, le nombre des veines est égal à celui des artères.
Dans quelques parties même le nombre des veines est
moindre que celui des artères, comme, par exemple,
dans le cordon ombilical, dans le pénis, dans le clitoris,
dans la vésicule biliaire, les capsules surrénales,’ etc.
Mais cela est compensé par la différence de capacité.
La grandeur des veines en général est plus considé-
rable en effet que celle des artères correspondantes.
La somme des veines, ou leur capacité totale, est
donc plus grande que celle des artères. Beaucoup d é-
valuations ont été hasardées à ce sujet : on peut dire
seulement avec Haller, que les veines sont au moins le
ANATOMIE GENERALE.
3c>2
double des artères en capacité ; mais , outre les diffé-
rences individuelles, accidentelles ou passagères, et
celles qui dépendent du genre de mort, cela varie con-
tinuellement avec l’âge. Cette différence d’ailleurs n’est
pas la même dans toutes les parties du corps. Dans le
système pulmonaire elle n’existe pas, caries veines y
sont sensiblement égales en capacité aux artères. Il en
est de même des vaisseaux rénaux; au contraire, dans le
testicule, les veines l’emportent de beaucoup sur les
artères.
§ 444- La situation des veines est en général la même
que celle des artères , ces deux genres de vaisseaux
s'accompagnant mutuellement dans leur trajet et se
continuant à leur terminaison. Presque partout un
tronc , une branche , un rameau artériel, est accompa-
gné d’une ou deux veines. Il y a pourtant quelques
exceptions : ainsi, dans le crâne, dans le rachis, dans
l’œil et dans le foie, les artères et les veines affectent
des situations et des. dispositions différentes : la veine
azygos, tronc des intercostales dans l’espace mesuré
parle péricarde et le foie, n’est point satellite d’une
artère; il en est encore de même des veines sous -cu-
tanées.
§ 445. Les veines commencent par des radicules ca-
pillaires ou microscopiques, continuation des ranrus-
cules des artères. Ces radicules sont incolores ou
rouges , suivant que leur diamètre admet une seule
série de globules ou plusieurs à la fois. Dans quelques
endroits, comme dans lintestin, le poumon, etc., les
réunions successives des radicules des veines corres-
pondent et ressemblent tout- à -fait aux divisions des
DES VEINES.
393
rainuscules artériels; dans d’autres endroits la disposi-
tion est différente. Sans parler du tissu érectile ou ca-
verneux, où le renflement et la communication des
veines sont extrêmes, dans beaucoup d’autres parties
elles affectent des dispositions différentes de celles des
artères : elles forment des plexus au col de la vessie,
dans le rachis, et autour de l’artère spermatique; de
larges canaux dans les os spongieux; sous la peau elles
forment, par leurs communications multipliées, un
grand réseau à mailles angulaires, et le plus souvent
pentagones.
Elles ne sont point aussi régulièrement cylindriques
que les artères ; loin de suivre un ordre régulier d’ac-
croissement dans le volume des troncs, et de décrois-
sement dans leur capacité totale, on voit souvent de
très - grosses branches tenir à un tronc peu volumi-
neux , ce qui dépend surtout de la mollesse des parois,
et du grand nombre d’anastomoses. Les communica-
tions des veines présentent toutes les variétés déjà in-
diquées (§356), et, de plus, la réunion de très-gros
troncs , comme celle des veines caves par la veine
azygos; la réunion de veines superficielles et de veines
profondes, comme celle des veines crâniennes et ra-
chidiennes avec les veines épicraniennes , temporales,
cervicales , etc. , des veines jugulaires internes et
externes, des veines profondes avec les sous-cutanées
des membres.
En général, les veines ont un trajet moins flexueux,
plus droit, et par conséquent plus court que les artères.
Les variétés des veines ont été un peu exagérées,
comme celles des artères ont été dissimulées. Les gros
ANATOMIE GÉNÉRALE.
^94
troncs veineux surtout sont moins variables qu’on ne
l’a dit; les branches et les rameaux le sont beaucoup.
§ 44 6- L’intérieur des veines présente un grand nom-
bre de valvules 1 ou de prolongemens repliés de la mem-
brane interne, ce qui établit une grande différence
entre elles et les artères. On voit très-bien les valvules
en examinant sous l’eau une “Veine fendue en long.
Chaque valvule consiste en un repli de la membrane
interne. Ce repli a un bord convexe, adhérant aux pa-
rois de la veine du côté de ses racines, er un bord con-
cave et libre, tourné du côté du cœur. Ces deux bords
sont un peu plus épais que le reste du repli; une des
faces regarde la cavité du vaisseau, et répond au sang
qui circule ; l’autre répond rfux parois de la veine, un
peu dilatée en ce point. Quand la valvule s’abaisse, la
face qui répond aux origines devient convexe, et l’autre
devient concave, et la veine se renfle un peu; les val-
vules sont d’autant plus larges que la veine est plus
volumineuse, et d’autant plus allongées qu’elle est plus
petite. C’est à cette différence surtout qu’il faut rap-
porter les variétés de forme décrites par Perrault et
par plusieurs autres.
Outre la membrane interne repliée, on trouve en-
core, dans l’épaisseur des valvules, du tissu cellulaire
dense et quelquefois des fibres distinctes; quelquefois
elles sont aréolaires et perforées comme de la dentelle.
Dans les veines ou sinus de la dure-mère, on trouve
1 H. Fabrioio, de Venarum osliohs , in op. omn. J- *'•
Schmiedt et H. Meiboinius , de Valvules seu, membranulis
vasorum , van ira que s tract, et usa. Helmst. 1682. Perrault,
Essais de physique, t. IIT.
DES VEINES.
3y5
seulement quelques libres transversales qu’on peut re-
garder comme des valvules rudimentaires.
Les valvules sont en général disposées par paires
placées alternativement , suivant deux diamètres op-
posés de la veine.
Elles sont trois à trois dans les grandes veines,
comme la crurale et l’iliaque j rarement elles sont qua-
druples, et très-rarement ou jamais quintuples. Dans
les rameaux d’une demi-ligne de diamètre et au-dessous,
elles sont uniques.
Il n’y a pas, à beaucoup près , des valvules partout
où un rameaû se joint à une branche, où une branche
s’abouche dans un tronc ; elles ne sont pas non plus
partout à la même distance ; elles ne sont nulle part
plus rapprochées que dans les plus petites veines. On
trouve des valvules dans les veines des membres, plus
dans les sous-cutanées que dans les profondes, dans
celles delà face, du col, delà langue, des tonsilles, à
la fin de la veine cardiaque , dans les veines tégumen-
taires de l’abdomen, dans celles du testicule, du pénis,
du clitoris, dans les veines iliaques interne et externe,
quelquefois dans les rénales , rarement dans l’azygos.
Il n’y en a point dans les veines encéphaliques, ra-
chidiennes, diploïques, dans celles despoumons, ciansla
veine-porte, dans la veine ombilicale, dans les veines
caves, si ce n’est à l’embouchure de l’azygos dans les
veines utérines et dans la veine médiane.
En général, il y a beaucoup de valvules dans les veines
superficielles, moins dans les veines profondes ou in-
ter-musculaires, et moins encore dans les veines des ca-
vités splanchniques; il y en a beaucoup dans les parties
3y6 ANATOMIE GÉNÉRALE.
les plus déclives, et par conséquent dans les membres
intérieurs, moins dans les supérieurs, et moins encore
dans la tête et dans le cou.
Les valvules appliquées contre les parois des veines,
quand le cours du sang est libre et facile, s’en écartent,
ferment la veine, soutiennent le sang et empêchent
son reflux vers les vaisseaux capillaires quand il ren-
contre des obstacles à son trajet.
§ 44y* Les veines sont, comme tous les vaisseaux^ en-
tourées par le tissu cellulaire des parties où elles sont
placées, ce qui leur forme une gaine, lâche autour des
troncs, plus intimement unie aux rameaux. La gaine de
la veine-porte est remarquable dans le foie, où elle est
connue sous le nom de capsule de Glisson.
La membrane externe proprement dite est plus mince
et moins serrée que celle des artères, à laquelle elle res-
semble beaucoup.
La membrane moyenne est formée de fibres plus
extensibles et plus molles que celles des artères. Ces
fibres paraissent presque toutes longitudinales, quand
on regarde la membrane contre le jour; quelques-unes
des plus internes paraissent annulaires; mais quand on
veut séparer les fibres de cette membrane,’ on éprouve
la même difficulté dans tous les sens. Cette membrane
est, dans l’espèce humaine, bien plus épaisse dans le
système de la veine cave inférieure que dans 1 autre ;
en général aussi elle est plus épaisse dans les veines
superficielles que dans les profondes; aussi la veine
saphène interne a des parois très-épaisses au baS de la
jambe. Près de leur embouchure au cœur, les veines
ont des libres distinctement musculaires. La mem-
DES VEINES. 3Q7
brune interne, mince et transparente, diffère de celle
des artères par son extensibilité et sa résistance à la
rupture, et par sa texture filamenteuse, qui devient
évidente quand on la distend et la déchire. Les grandes
veines du crâne ou les sinus, les veines des os et quel-
ques autres, résultent presque uniquement de la mem-
brane interne, et sont du reste comme creusées dans la
substance de la dure-mère, des os, etc.
Les parois des veines sont pourvues de petits vais-
seaux sanguins et de filets nerveux que l’on suit dans
une partie de leur épaisseur.
§ 44S. Les parois des veines sont blanchâtres , demi-
transparentes, plus minces que celles des artères ; en gé-
néral leur épaisseur va en augmentant absolument des
racines vers les troncs, et en diminuant, relativement au
diamètre, dans le même sens, mais il y a beaucoup de
%
variétés à cet égard. Leur densité est de 1 1 5 ou 1 1 o , la
fermeté de leurs parois est beaucoup moindre que celle
des artères, aussi s’affaissent-elles quand elles sont vides,
excepté celles de l’utérus, du foie, etc., qui tiennent à la
substance des organes. Elles sont moins extensibles en
long que les artères, mais beaucoup plus circulaire-
ment. On admet généralement, d’après les expériences
de Wintringham, que les veines résistent avec beau-
coup plus de force que les artères aux causes de rup-
tures; mais dans la réalité les veines sont plus faibles
circulairement que les artères; aussi, non- seulement
elles cèdent et beaucoup plus, mais aussi elles se dé-
chirent en travers bien plus souvent que les artères,
tandis qu’au contraire elles m’ont paru plus résistantes
à la distension en long. Les parois des veines sont très-
3C)8 ANATOMIE GENERALE.
élastiques, mais moins que celles des artères. Leur irri-
tabilité ou contractilité vitale est au contraire plus
grande que celle des artères, mais moindre que celle
des vaisseaux capillaires. Elle a été niée par divers
physiologistes, mais prouvée par beaucoup d’expé-
riences. Il suffit d’avoir observé l’effet du froid local
sur les veines sous-cutanées, et de savoir qu’une veine
interceptée entre deux ligatures et piquée se vide en-
tièrement et rapidement sur un animal vivant, tandis
que cela n’a pas lieu après la mort, pour admettre l’ir-
ritabilité dans les veines. La sensibilité y est obscure
ou douteuse - ûlonro disait dans ses leçons, avoir senti
la piqûre d’une veine dénudée. La force de formation
des veines n’est pas moins évidente que celle des artères.
§ 449- fonction des veines est de conduire le sang
de toutes les parties du corps au cœur; on a vu que
chaque contraction des ventricules détermine une aug-
mentation dans le mouyement continu du sang dans les
artères; cette augmentation va en s’affaiblissant à me-
sure que les vaisseaux deviennent capillaires: dans ceux-
ci, le mouvement est uniforme; il Lest aussi dans les
veines en généra!. Dans les veines, le sang est animé du
mouvement imprimé par le cœur, par les artères et par
les vaisseaux capillaires. Les veines exercent-elles une
action additionnelle? Gela n’est pas douteux; que I on
comprime ou qu’on lie l’artère d’un membre dans un
animal, le cours du sang dans les veines sera ralenti,
mais ne sera pas pour cela arrêté; 6i on lie une veine,
elle se vide cependant au-dessus d,e la ligature, elle se
vide mêmeentre deux ligatures. Aux causés qui viennent
dêtre indiquées il faut joindre le relâchement al ter-
DES VEINES.
3 99
natif du cœur, qui produit une sorte d’attraction; l’ins-
piration, qui en produit une bien plus efficace encore,
et la pression des muscles environnans. Les valvules ,
en divisant la colonne du sang, rendent plus efficaces
ces diverses puissances. La forme même du système
veineux fait que le mouvement du sang, au lieu d’aller
en se ralentissant comme dans les artères, est, à la vé-
rité, plus lent que dans ces vaisseaux, dont la capacité
est moins grande que celle des veines, mais va en s’ac-
célérant en approchant du cœur. La circulation vei-
neuse est beaucoup plus dépendante que l’artérielle, des
effets de la pesanteur et de la pression.
§ 45o. Le trajet du sang dans les veines est continu,
et ces vaisseaux ne présentent point de pulsations ; ce-
pendant, dans quelques endroits et dans quelques cir-
constances, elles présentent quelque chose d’analogue
au pouls artériel, que pour cette raison on appelle
pouls veineux. Au voisinage du cœur, les troncs vei-
neux qui sont dépourvus de valvules éprouvent alter-
nativement, pendant la contraction des oreillettes, un
reflux du sang qui les fait gonfler, et un flux rapide qui
les fait affaisser pendant le relâchement des oreillettes.
Dans l’état ordinaire et régulier des fonctions, ce
double mouvement est borné aux environs du cœur, et
n’est pas sensible; il s’étend au loin dans l’abdomen, et
devient visible au cou, quand la circulation est gênée.
Il en est de même de l’influence des mouvemens de la
respiration : l’inspiration accélère l’entrée du sang dans
les veines caves et dans leur oreillette; l’expiration ac-
tive, la gêne ou la suspension de la respiration, et les
efforts, la ralentissent au contraire, ou la suspendent;
ANATOMIE GÉNÉRALE.
4oo
dans l’état ordinaire, ces effets sont peu marqués et
peu étendus; ils le deviennent beaucoup dans les cas
opposés. Les efforts dans' lesquels les effets de l’expira-
tion active sont portés au plus haut dégré déterminent
d’une manière très - sensible la stase du sang veineux
dans la tête, dans l’abdomen, et de proche en proche jus-
que dans les membres ; tandis que c’est aux effets con-
traires de l’inspiration sur la circulation veineuse, qu’il
faut rapporter la mort par introduction de l’air dans le
cœur. Quand, en effet, par une opération ou un acci-
dent, une grosse veine est ouverte à la base du cou
ou dans la région sous-clavière , une grande inspiration
y attire quelquefois de l’air, qui est entraîné dans les
cavités droites ou antérieures du cœur, et qui, en arrê-
tant la circulation , détermine subitement la mort.
§ 45 1. Dans la jeunesse, le système veineux est moins
grand, relativement au système artériel, que dans l’âge
adulte ; sa capacité relative continue à augmenter dans
la vieillesse. Les parois des veines présentent peu de
changemens observables; leur ossification sénile est
extrêmement rare.
§ 452. Les altérations morbides des veines1 ont été
moins 'étudiées que celles des artères.
L’inflammation des veines ou la phlébite est une af-
fection sur laquelle Hunter a 1 un des premiers attiré
l’attention. Elle occupe ordinairement une assez grande
étendue des veines, et s’étend en général vers le cœur.
Elle donne souvent lieu à la formation du pus, et.
1 Hodgson, op. cit. — B. Travers, in Surgical Essays ,
part. I. — Fr. A. B. Puchelt , das V enensystem in seinen
hranhhaften Verhàltnisscn dargestelll. in- 8°; Leipzig, iSi$
DES VEINES. 4o^I
d'autres lois à celle d’une matière plastique dans la ca-
vité de la veine, autour d’elle, et même dans son épais-
seur; elle dépend le plus souvent de lésions méca-
niques.
§ 453. Les blessures des veines, considérées sous le
point de vue anatomique, présentent de l’analogie avec
celles des artères; cependant, quel qu’en soit le mode,
elles sont beaucoup plus aisément suivies d’ulcération
ou d’inflammation étendue et souvent suppurative ,
que celles des artères, et elles se réunissent plus dif-
ficilement. Après la piqûre ou l’incision , il reste entre
les bords un espace rempli par une membrane nou-
velle ; la ligature ne détermine pas primitivement la
section de la membrane interne et promptement son
adhésion, mais cette membrane est d’abord plissée seu-
lement, et ce n’est que très-lentement qu’elle se divise,
pour se réunir faiblement.
§ 454 • Les productions accidentelles sont plus rares
dans les parois des veines que dans celles des artères.
L’état cartilagineux, ou un épaississement analogue , a
pourtant quelquefois lieu dans les parois des veines
qui s’oblitèrent ; Morgagni l’a vu une fois dans la veine
cave. L’ossification est extrêmement rare dans les
• *
veines ; le docteur Baillie l’a vue line fois dans la
veine cave inférieure près des iliaques , et le docteur
Macartney une fois dans la veine saphène externe d’un
homme mort avec un ulcère à la jambe. J’ai observé
que les parois des veines sont plus épaisses du côté
qui touche à une artère que dans le reste de leur
circonférence, et j’ai vu une fois sur un vieillard une
veine fémorale ossifiée du côté correspondant à l’ar-
2 6
1.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
402
tère, qui 1 était elle-même dans toute sa circonférence
et dans une grande longueur.
Les productions morbides s’observent quelquefois
sous forme de végétation, à la surface interne des veines,
soit que la veine affectée soit ou non entourée par des
productions semblables.
§ 455. La dilatation des veines est très - fréquente ;
elle est de plusieurs sortes : quelquefois le système vei-
neux tout entier en est affecté ; le plus souvent la di-
latation affecte une ou quelques veines seulement, ce
qui constitue des varices. Presque toutes les parties du
corps peuvent en être le siège; cependant ce sont les
plus déclives , comme les membres inférieurs , les
organes génitaux et l’anus; ce sont aussi les veines les
moins profondes, comme les sous-cutanées, qui en
sont le plus souvent affectées. L’augmentation de vo-
lume n’est pas seulement circulaire, mais les veines
variqueuses forment des flexuosités multipliées qui
dépendent d’un grand accroissement de longueur. On
trouve quelquefois des dilatations très-peu étendues ,
et bornées à une partie de la circonférence de la veine,
soit seules, soit réunies à des dilatations plus générales.
La varice anévrysmale est une autre sorte de dilatation
dépendante de la communication accidentelle d’une
artère et d’une veine, et du passage du sang de la
première dans la seconde. Cette affection est ordi-
nairement accompagnée d’un épaississement remar-
quable des parois de la veine dilatée et allongée. Il se
forme quelquefois en outre un anévrysme consécutif
entre les deux vaisseaux : ce cas est celui de l’ané-
vrysme variqueux.
DES VEINES.
4o3
§ 456. Les veines se rétrécissent quelquefois par l’é-
paississement de leurs parois ; elles sont quelquefois
obturées par l’effet de l’inflammation plastique; quel-
quefois elles sont comprimées par des tumeurs voi-
sines, ou bien embrassées par une ligature: dans ces
cas où leur cavité est oblitérée, et où la circulation
cesse de s’y faire , le sang passe par des branches et des
anastomoses, et il s’établit une circulation collatérale.
On a vu la veine cave inférieure oblitérée, soit au-
dessous, soit même au niveau des veines sushépâtiques,
et le sang passer par la veine azygos on a vu plusieurs
fois une des veines iliaques primitives, une veine jugu-
laire, etc., oblitérées ; j’ai vu quatre fois le tronc veineux
crural oblitéré dans l’aine; et dans tous ces cas la cir-
culation se faisait aisément par des voies collatérales.
Hunter a vu une fois la veine cave supérieure et la
veine brachio -céphalique gauche presque entièrement
effacées par la pression d’un anévrysme. J’ai vu cepen-
dant un cas où la veine cave supérieure et ses branches,
étant remplies de matière plastique, et imperméables
au sang, la mort a paru être le résultat de cette altéra-
tion. Plusieurs fois j’ai vu, mais pas constamment, de
grandes infiltrations séreuses coïncider avec l’oblité-
ration des veinés.
§ 457. On trouve quelquefois dans les veines des pe-
tits corps durs et ronds, qu’on prendrait au premier
aspect pour des productions osseuses accidentelles.
Quelques-uns ont même supposé qu’ils se formaient
d’abord dans les parois des veines, dans le bord de leurs
valvules, ou même à l’extérieur de ces vaisseaux; mais il
r n’en est pas ainsi : ce sont des concrétions, des phlébo-
4°4 ANATOMIE GÉNÉRALE.
ïithes, du volume d’un grain de millet à un petit pois,
diversement consistantes, formées de couches super-
posées, renfermées dans du sang coagulé, fibrineux, et
souvent logées dans des dilatations latérales des veines
où le sang reste en stagnation, ou dans des veines va-
riqueuses, et toujours dans des veines déclives. Les
veines où on les rencontre le plus ordinairement en
effet, sont celles de l’anus, du col de la vessie, de l’u-
térus, des ovaires, des testicules, et quelquefois même
les veines sous-cutanées de la jambe.
Uhexathyridium ou polystoma venarum , dont Treut-
îer a recueilli deux individus dans la veine tibiale rom-
pue d’un homme qui lavait dans un fleuve, paraît être
un ver aquatique, une planaria , qui s’y serait intro-
duit, et non un entozoaire.
QUATRIÈME SECTION.
DU SYSTÈME LYMPHATIQUE.
$4^8- Le système lymphatique comprend, i° les
vaisseaux qui rapportent la lymphe et le chyle dans les
Veinés, et 2° des renflemens interposés dans leur trajet,
et qu’on appelle glandes conglobées, ou ganglions lym-
phatiques.
ARTICLE PREMIER,
• À X W_| ’ * . / #
DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES.
1 4
§ 459. Les vaisseaux lymphatiques, appelés aussi ab-
sorhans, sont tellement déliés, minces, et valvuleux,
ce qui en rend l’observation et l’injection très-difficiles,
DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 4°5
que leur connaissance est assez récente. Cependant ils
ont été entrevus par les anciens. Erasistrate et Héro-
phiie avaient certainement aperçu les vaisseaux chy-
lifères. C’est Eustachio qui a découvert le canal tho-
racique dans le cheval. Aselli vit, et nomma vaisseaux
lactés, les chylifères de quelques animaux ; il indiqua
bien leurs fonctions. Veslingius est le premier qui ait
vu les vaisseaux chylifères ou les lymphatiques du mé-
sentère et le canal thoracique dans l’homme. On doit à
O. Rudbeck, et l’on a attribué aussi à Th. Bartholin et
à Jolyf, la découverte des vaisseaux de cette espèce dans
les autres parties du corps. Les inventeurs leur don-
nèrent les noms de vaisseaux séreux, aqueux ou lym-
phatiques; Bartholin conjectura qu’ils étaient, comme
les veines , continus aux artérioles , et destinés à rap-
porter la partie aqueuse du sang. Ruysch a très-bien dé-
crit leurs valvules. La connaissance des vaisseaux lym-
phatiques s’est beaucoup étendue par les travaux de
Meckel, de Monro, par ceux de W. Hunter et de trois
de ses disciples, J. Hunter, W. Hewson 1 et Cruik-
shank 2 ; surtout par ceux de l’illustre P. Mascagni 3 4 , et
■par quelques autres 4 encore , qui tous leur ont accordé
1 Descriptio systematis lymphatici , ex anglico versa , etc.
in op. omn. Lugd. Bat. 1795.
2 Anatomie des vaisseaux absorbans du corps humain ,
traduite de l’anglais par PeUt-Radel; Paris, 1787 .
3 V asorum lymphaticoi'um corp.hum. historia et ichono-
graphia; Senis, 1787.
4 Ludwig, Traduction allemande de Cruikshank et de
Mascagni, avec des additions; Lips. 1789. — - Werner et Fel-
ler, Vasorum lacteorum atque lymph. anat-physiol. descrip-
ANATOMIE GENERALE.
4o6
des orifices béans, et ont attribué l’absorption à ces
orifices.
§ 46o. On distingue communément ces vaisseaux en
chylifères et en lymphatiques; mais cette distinction
est tout-à-fait superflue et sans aucune utilité, car
leur disposition, leur texture et leurs fonctions sont les
mêmes.
§4^i. Les vaisseaux lymphatiques ont une disposi-
tion arborisée comme les autres vaisseaux. Les hu-
meurs qu’ils contiennent les parcourent , "comme les
veines, des ramifications, ou plutôt des racines, vers les
troncs. L’ensemble de ces vaisseaux consiste en un
tronc principal et un tronc accessoire, auxquels abou-
tissent des racines innombrables.
§ 4 62. On trouve des vaisseaux lymphatiques dans
toutes les parties du corps, si l’on excepte la moelle
épinière , l’encéphale, l’œil et le placenta.
Leur situation présente cela de remarquable, que,
dans les membres et dans les parois du tronc, ils sont,
comme les veines, distribués en deux plans, l’un super-
ficiel ou sous-cutané , et l’autre inter-musculaire ou pro-
fond qui accompagne les vaisseaux sanguins elles nerfs;
et que dans les cavités splanchniques on trouve de
même un plan de vaisseaux lymphatiques situes immé-
diatement. sous les membranes séreuses, et d’autres plus
profonds.
§ 463. Le nombre des vaisseaux lymphatiques est
très-considérable; on en compte jusqu à une vingtaine
tio; Lips. 1784. — J. G. Haase, de Vasis cutis et intestin,
absorbentibus y e te. Lips. 1786. — Sclircger, Fragmenta an at.
et pkysioi.fasc . I; Lips. 1791.
DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES.
407
dans le plan superficiel des membres inférieurs pour
accompagner la seule veine saphène interne j et un
nombre moins grand , mais assez considérable encore,
pour accompagner les vaisseaux profonds. Les super-
ficiels sont moins volumineux que les profonds. Le vo-
lume de ces vaisseaux est beaucoup moindre que celui
des veines. Ceux des membres inférieurs sont plus gros
que ceux des membres supérieurs, ceux de la tête sont
très-petits. Quant à leur capacité totale, elle n’a pas
été exactement déterminée, elle paraît en général être
environ le double de celle des artères, et égaler celle
des veines dans le plan superficiel au moins.
§ 464. L’origine des vaisseaux lymphatiques est in-
visible et inconnue. Des considérations physiologiques
et des expériences anatomiques ont fait admettre et
puis rejeter leur continuation directe et immédiate
avec les artères. On a vu aussi plus haut que leur ori-
gine par des orifices béans à la surface des deux té-
gumens et des membranes séreuses, dans les aréoles
du tissu cellulaire et çlans la substance des organes,
admise d’après des considérations et des expériences
du même genre, n’est pas mieux constatée. Il faut savoir
douter.
§ 465. Aussitôt qu’on peut les apercevoir, on voit les
radicules des vaisseaux lymphatiques s’unir entre elles,
se séparer, et s’unir de nouveau, de manière à former
des réseaux qui constituent en grande partie les mem-
branes séreuses, tégumentaires , etc.
Ces vaisseaux deviennent en général plus gros et
moins nombreux en s’éloignant de leur origine. Dans
leur trajet ils continuent de se diviser en branches
anatomie générale.
408
qui se réunissent de nouveau avec d’autres branches
voisines, ou même entre elles, de manière à former
des îles: ces divisions, ces réunions, ces nombreuses
anastomoses , forment en beaucoup d’endroits des
plexus.
Quand ils sont pleins et un peu distendus ils pa-
raissent plutôt moniliformes que cylindriques ; c’est le
grand nombre de valvules dont ils sont munis, et la dila-
tation qu’ils présentent au-dessus d’elles, qui leur donne
cette apparence de éhapelet ; ils offrent assez souvent
encore d’autres dilatations ovoïdes. Ils présentent beau-
coup de variétés dans leur trajet : constamment ceux
d’un côté différent plus où moins de ceux du côté
opposé.
Tous* après un trajet plus ou moins long, se rami-
fient à la manière des artères, et semblent se terminer
dans des glandes lymphatiques, au delà desquelles ils
reparaissent de nouveau formés de racines qui se ras-
semblent à la manière des veines. Ceux des membres
parcourent de longs trajets, plusieurs pieds, sans inter-
ruption de ce genre; ceux du mésentère ne parcourent
que quelques lignés sans rencontrer des glandes: Quel-
ques-uns passent à côté d’une glande sans s’y arrêter.
Il paraîtrait même, suivant Cruikshank, que des vais-
seaux lymphatiques du dos arriveraient aux troncs sans
passer par des glandes; mais Mascagni, dont 1 autorité
est si grande dans cette matière* assure qu aucun vais-
seau lymphatique n’arrive aux troncs sans passer au
moins par une glande.
§ 4 66. Après un trajet plus oïl moins long, plus ou
moins interrompu par des ganglions , les vaisseaux
DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES.
i
4<><>
lymphatiques de la moitié inférieure et du quart su-
périeur et gauche du corps se terminent par un tronc
très-allongé, le canal thoracique, dans la veine sous-
clavière gauche; les autres se terminent par un tronc
très-court dans l’autre veine sous-clavière. Ces termi-
naisons sont elles-mêmes sujettes à diverses variétés.
Y a-t-il d’autres terminaisons des vaisseaux lympha-
tiques dans les veines P Une partie de cette question doit
être examinée à l’occasion des ganglions lymphatiques,
l'autre doit l’être ici.
Plusieurs anatomistes et physiologistes ont admis
cette opinion 1 , que l’on peut fonder sur ce que par-
tout, et surtout dans le mésentère, les radicules con-
nues des vaisseaux lymphatiques ont une capacité de
beaucoup supérieure à celle des vaisseaux qui leur font
suite; sur ce que, dans cette partie du corps aussi,
on retrouve souvent dans les veines , comme dans les
vaisseaux lymphatiques , les substances introduites
par absorption, et même celles qui ont été injectées di-
rectement dans ces derniers vaisseaux; sur ce que, enfin ,
la ligature du canal thoracique, même unique, ne dé-
termine pasla mort avant dix à quinze jours, et qu’on re-
trouve alors dans le sang les substances introduites dans
1 intestin et absorbées par sa membrane interne. Mais
on n a point vu la communication dont il s’agit; aussi
n a-t-elle pas été généralement admise. C’est surtout
dans les glandes lymphatiques qu elle paraîtrait avoir
lieu; nous y reviendrons ün peu plus loin. ( art. II. )
S 4^7. Les surfaces des vaisseaux lymphatiques sont,
ï oyez Ludwig, loc. cit .
1
ANATOMIE GENERALE.
4 IO
comme celles de tous les vaisseaux, l’une celluleuse et
adhérente, l’autre lisse et libre : cette dernière présente
une multitude de valvules.
Ces valvules, de forme semi-lunaire ou parabolique,
sont la plupart disposées par paires, et assez larges pour
fermer complètement la lumière du vaisseau. Elles sont
en général placées à des intervalles inégaux , si ce n’est
dans les vaisseaux du testicule, où elles sont à peu près
de ligne en ligne* ce qui leur donne plus qu’à aucune
autre la forme d’un chapelet. Elles sont plus ou moins
rapprochées suivant les parties, sans que cela soit plus
particulier aux branches qu’aux rameaux; on trouve
dans certains vaisseaux, des intervalles de plusieurs
pouces sans valvules : le canal thoracique est surtout
remarquable sous ce rapport. Dans quelques points
l’insertion d’un petit vaisseau dans un plus gros n’est
garnie que d’une valvule simple. Dans quelques endroits
des troncs on trouve des valvules annulaires qui ne
closent pas totalement le canal. L’insertion des troncs
dans les veines sous-clavières est garnie d’une double
valvule qui s’oppose efficacement aux reflux du sang
dans leur cavité. Toutes ces valvules, comme celles des
veines et des artères, sont formées par une duplicature
de la membrane interne.
§ 4^8. Les vaisseaux lymphatiques sont formés de
deux membranes, très-distinctes dans leur tronc prin-
cipal.
L’externe, cellulaire et inégale extérieurement, est
unie au tissu cellulaire ambiant, qui lui forme une
gaine; plus profondément elle est distinctement fibril-
laire ou filamenteuse : on prétend même y avoir vu
DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES. 411
des fibres musculaires. La membrane interne est très-
mince.
On suit dans l’épaisseur de la membrane externe, des
petits vaisseaux sanguins, artériels et veineux; quel-
ques-uns disent y avoir vu aussi des vaisseaux lympha-
tiques. On n’a pu y apercevoir de nerfs.
§ 4g6. lies parois des vaisseaux lymphatiques, quoique
très-minces et transparentes, sont denses et très-résis-
tantes, bien plus que celles des veines, eu égard à
l’épaisseur différente. Cependant ces vaisseaux sont
extensibles, et aussi très -rétractiles. L’élasticité y est
manifeste : si on les remplit et les distend dans le ca-
davre, la matière qu’on y a introduite en est repoussée.
L’irritabilité ou contractilité vitale 1 n’y est pas moins
évidente, quoiqu'elle ait été niée par Mascagni et plu-
sieurs autres. Si on les expose à l’air sur le vivant, ils
se contractent manifestement; si on pique le canal tho-
racique ou un autre vaisseau lymphatique après l’avoir
lié, le liquide en sort par jets, comme le sang qui sort
d’une Veine, tandis qu’après la mort il s’échappe seu-
lement en nappe. Il est vrai que les irritations méca-
niques ou chimiques ne produisent pas des mouve-
mens semblables à ceux des muscles, mais l’irritabilité
varie suivant les organes.
On ne sait rien sur leur sensibilité, et peu de chose
sur leur force de formation.
§ 4jo. Les vaisseaux lymphatiques contiennent le
chyle et la lymphe (§ 79); ils conduisent ces humeurs
• |
Scbreger, de Irritabilitate vasorum Ismphaticorum ; Lips.
1 789*
ANATOMIE GENERALE.
4 12
cie leurs racines vers leurs troncs, ce qui est assez bien
prouvé parla disposition de leurs valvules, qui permet
le trajet dans ce sens et s’y oppose dans l’autre; parles
effets de la ligature, au-dessous de laquelle ils se gonflent
tandis qu’ils se vident au-dessus; et par les valvules
qui garnissent leur insertion dans les veines. Les li-
quides les parcourent lentement et uniformément, c’est-
à-dire sans présenter de pulsations.
Darwin, Thilow et autres, pour expliquer la rapidité
. de certaines sécrétions, ont admis un mouvement ré-
trograde des humeurs dans les vaisseaux lymphatiques ;
tel, par exemple, que des liquides absorbés parles parois
de l’estomac pourraient aller directement par les vais-
seaux lymphatiques, et au moyen de leurs communi-
cations, aux reins et à la vessie: c’est admettre que les
valvules n’opposent pas un grand obstacle au retour
des liquides. Mais il est certain, au contraire, que les val-
vules opposent un obstacle insurmontable au cours
rétrograde des liquides; et de plus des observations et
des expériences directes font découvrir dans les voies
urinaires dessubstancesintroduites dans l’estomac, sans
que les vaisseaux lymphatiques intermédiaires en pré-
sentent la moindre trace.
ARTICLE II.
{
i
DES GANGLIONS LYMPHATIQUES.
§ 471. Les glandes conglobées ou ovoïdes, qui in-
terrompent la continuité des vaisseaux lymphatiques,
sont dans le même rapport avec ces vaisseaux que les
ganglions nerveux avec les nerfs.
DES GANGLIONS LYMPHATIQUES. 4*3
Ces ganglions sont très-anciennement connus. C’est
en partie d’eux que Hippocrate parle sous le nom de
glandes. Fr. Sylvius leur a donné 1 epithète de conglo-
bées, et Lossius celle de lymphatiques. D’après la com-
paraison ci-dessus faite par Sœmmerring, et pour évi-
ter une confusion, M. Chaussier les a désignées sous le
nom de ganglions lymphatiques.
§472- Us sont situés sur lé trajet de tous les vaisseaux
lymphatiques , à commencer du coude-pied et du pli du
coude pour les membres, du canal carotidien et de la
base extérieure du crâne pour la tète. Il en existe beau-
coup au cou, dans faisselle , dans l’aine , plusieurs
dans les parois antérieures de la poitrine et de l’ab-
domen, et un très-grand nombre dans ces cavités. Ils
existent surtout très-abondamment autour des racines
des poumons et dans le mésentère , près des parties
par conséquent qui donnent accès à beaucoup de ma-
tières venant du dehors. On n’en connaît point dans le
crâne ni dans le rachis.
Leur volume varie, dans l’état de santé, depuis
celui d’une lentille jusqu’à celui d’une amande. En gé-
néral les plus petits sont placés vers les origines, et
les plus gros vers les troncs des vaisseaux. Les plus
volumineux et les plus rapprochés se trouvent vers la
racine du mésentère, les plus petits dans l’épiploon;
ceux de la tête et du bras sont petits.
Leur figure est obronde, oblongue, un peu aplatie ;
ils sont plus ou moins inégaux à la surface ; ils ont en
général la forme d’une amande.
Les ganglions lymphatiques sont en général d’un
blanc rougeâlre, semblable à la chair, mais leur cou-
4 1'4 ANATOMIE GÉNÉRALE.
leur varie suivant les régions qu’ils occupent : ainsi ,
ceux qui sont sous - cutanés sont d’une couleur plus
foncée; ceux des environs du foie sont jaunâtres, ceux
de la rate bruns, ceux des poumons noirâtres, ceux du
mésentère très-blancs , etc.
Leur consistance est plus grande que celle d’aucune
partie molle.
§ 47^. Les ganglions lymphatiqnes sont envelop-
pés d’une membrane mince, fibrillaire, très-vasculaire,
unie au tissu cellulaire environnant, et qui envoie des
prolongemens fins et mous dans l’intérieur.
Les vaisseauxlymphatiques dont la glande interrompt
le trajet se distinguent en ceux qui y arrivent, vasa
inferentia, et en ceux qui en sortent, vasa efjerentia :
ils se distinguent les uns des autres par la direction de
leurs valvules. Le nombre des vaisseaux inférens est
très-variable; on en trouve depuis un jusqu’à vingt ou
trente; celui des vaisseaux efférens est variable aussi,
rarement correspondant, et ordinairement moindre.
Les premiers entrent par l’extrémité de la glande la
plus rapprochée des origines du système, les autres
sortent par l’extremité opposée, qui répond aux troncs.
Les vaisseaux inférens, en approchant de la glande, se
divisent en rameaux qui s’écartent en rayonnant au-
tour d’elle , se divisent et se subdivisent à sa sur-
face, de manière à l’entourer d’un réseau. Les vais-
seaux efférens produisent à peu près le même effet à
l’autre extrémité de la glande, par la réunion suc-
cessive de leurs radicules et de leurs racines en troncs
plus ou moins nombreux et volumineux. La capacité
totale des vaisseaux efférens paraît en général moindre
des ganglions lymphatiques. 4 1 5
que celle des inférens ; cela est surtout frappant dans
le mésentère.
Les glandes lymphatiques ont aussi des vaisseaux
sanguins remarquables. Les artères sont assez volumi-
neuses et nombreuses pour que leur injection colore
tout-à-fait les glandes. Les veines, plus volumineuses
encore que les artères, sont dépourvues de valvules.
On peut voir des filets nerveux arriver à ces organes
et les traverser ; mais il est très-difficile de savoir si
quelques filamens s’y terminent, ou si tous ne font
que les traverser. Deux grands anatomistes sont op-
posés sur ce sujet; Wrisberg les admet, et Walter
les nie.
§ 474- Les anatomistes ne sont pas plus d’accord sur la
conformation interne et la texture des glandes lympha-
tiques. Albinus, Ludwig, Hewson, Wrisberg, Monro,
Meckel , regardent leur tissu comme entièrement vas-
culaire; Malpighi, Nuck, Mylius, Hunter, Cruikshank,
y admettent des cellules ; Sœmmerring admet ces deux
sortes de textures, et une troisième résultant de leur
combinaison. L’examen que j’ai fait de ce tissu dans
l’homme, dans plusieurs animaux, et surtout dans les
glandes inguinales de vaches mortes pendant la lac-
tation, m’a montré qu’il résulte uniquement de vais-
seaux, mais qui offrent une disposition érectile plus ou
moins évidente. En effet, parmi les vaisseaux inférens
qui pénètrent dans l’épaisseur de la glande, les uns
acquièrent et conservent une grande ténuité, les autres
se dilatent en cellules, comme les veines du pénis , les
les uns et les autres ayant de nombreuses communica-
tions anastomotiques. Les racines des vaisseaux efférens
ANATOMIE GÉNÉRALE.
4l 6
présentent de leur côté la même disposition , c’est-à-
dire que les unes sont des radicules déliées, et les autres
des racines renflées ou dilatées en cellules. La plu-
part des glandes lymphatiques présentent à l’intérieur
ce mélange de ramifications ténues et de parties ren-
flées. Quelques-unes ne présentent presque que des
rameaux dilatés en cellules ; quelques autres ne sem-
blent consister qu’en un réseau de ramifications déliées.
C’est par ces variétés qu’on peut expliquer la diver-
sité d’opinion qui a existé sur ce point d’anatomie.
Les glandes lymphatiques contiennent dans leur in-
térieur une substance crémeuse ou lactiforme qui parai t
être contenue dans les vaisseaux fins ou larges qui les
composent, et non dans le tissu cellulaire.
§ 47^>. Ces ganglions sont plus volumineux, plus
mous, plus rougeâtres, et contiennent plus de liquide
dans les enfans et les jeunes sujets que dans les adultes ;
ils diminuent beaucoup, mais ne disparaissent pas dans
la vieillesse. Il n’y a pas de différence tranchée sous
ce rapport entre les deux sexes : Hewson dit qu’ils sont
plus gros chez l’homme; Bichat dit tout le contraire.
On les a trouvés noirs sous la peau des nègres.
§ 476* La fonction qu’on attribue aux glandes lympha-
tiques est de servir au mélange des liquides arrivant
par divers vaisseaux inférens, et à l’élaboration de la
lymphe et du chyle. Les liquides sont ensuite emportés
par les vaisseaux lymphatiques efférens , et peut-être
en partie par les veines. Ce dernier point a été nié par
beaucoup d’anatomistes et de physiologistes d un grand
nom , comme Haller, Cruikshank , Hewson, Mascagni,
Sœmmerring, etc. , mais il est à craindre que 1 autorité
DES GANGLIONS LYMPHATIQUES. 4r7
de ces hommes célèbres n ait fait rejeter sans examen
une vérité.
Outre les faits déjà rapportés ci-dessus en faveur de
l’opinion dont il s’agit, on peut dire que beaucoup
d’observateurs ont aperçu des stries de chyle dans la
veine-porte; on peut ajouter- qu’un très-grand nombre
d’anatomistes ont vu, et j’ai vu moi- même nombre
de fois, le mercure introduit dans les vaisseaux lym-
phatiques du mésentère, passer, au delà d’une glande,
tout à la fois dans les vaisseaux efférens et dans les
veines de la glande; or ce passage est trop facile et
trop constant pour dépendre d’une double rupture et
non d’une communication naturelle des vaisseaux lym-
phatiques et des veines.
§ 477- Outre les maladies des glandes et des vaisseaux
lymphatiques r, comme l’inflammation des uns et des
autres , les blessures et les ruptures des vaisseaux , leur
dilatation variqueuse, leur rétrécissement et leur obli-
tération , les tubercules et les autres productions mor-
bides dans les glandes, etc., on a fait jouer au système
lymphatique, en le considérant comme appareil de
l’absorption, un rôle très-grand et très-exagéré dans
la plupart des maladies. v -
1 S. Th. Sœmmerring, de Morbis vasorum absorbentiurn
corp. hum. in-8°; Traj.ad Moén. 1795.
27
1.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
4*8
W»M^VVXW».»W»-WV».-V%WWVV»VWW»M.-WWVV«Vfc%»-».XVX'»VWVWVV%^»^
CHAPITRE Y.
DES GLANDES.
§ 478. Le nom de glande1, glandula , âtyVf vient,
suivant Nuck, de la comparaison, faite par les anciens,
entre les ganglions ou glandes lymphatiques et les fruits
du chêne.
Des objets si différens ont été compris sous le nom de
glande, qu’il en est résulté beaucoup de difficulté d’en
donner la définition.
Hippocrate avait dit que les glandes étaient formées
d’une chair particulière, grenue, spongieuse, point
dense, de couleur de graisse, de consistance de laine,
s’écrasant sous la pression, pourvue de beaucoup de
'veines , et rendant, quand on la coupe, du sang blan-
châtre et séreux. Il comprenait un grand nombre de
parties sous ce nom , et notamment le cerveau.
On a eu long-temps une idée aussi vague des glandes,
1 Wharton , Adenographia ; Lond. i656 — .M. Malpighî , de
Viscerum structura , in op. ornn. et de Slruct. glandul. conglob.
etc., in op. posth. — Lossius et Pielow, Disq. de glandulis in
généré ; Yileb. i683. — A. Nuck , Adenographia curiosa; L. B.
1691. — G. Mylius , de Glandulis ; L. B. 1698. — L. Terra-
neus, de Gland, universim, etc.; L. B. 1729- — Boerhaave et
Ruyscli, de Fabricd glandular. etc. , in Rujrschu op. omn. —
A. L. de Hugo, Comment de glandulis in généré , etc.; Got-
ting. 1746. — Th. de Bordeu, Recherches anatoin. sur les
glandes, etc.; Paris, 1751. — G. A. Haase , de Glandularum
de/initionCj Lips. 1804. — Leonhardi, op. rit.
/
des glandes.
419
l’on y a joint ensuite celle dune forme arrondie; on a
compris alors avec les glandes et les ganglions vascu-
laires, le conarium et l’hypophyse du cerveau , les pa-
quets adipeux synoviaux, et même la langue.
Une autre définition, fondée sur la texture, et dans
laquelle on faisait entrer l’idée d’un amas de follicules
ou d’un ensemble de vaisseaux avec une enveloppe
membraneuse particulière, comprenait encore beau-
coup de parties différentes, et supposait la connaissance
exacte de la texture intime.
On a aussi essayé de définir les glandes par leur fonc-
tion , en disant qu’elles sont des organes sécrétoires ;
mais confondant ensuite la nutrition et la sécrétion ,
on y a compris la plupart des organes; ou bien distin-
guant ces fonctions, mais ne séparant pas les sécrétions
intrinsèques des sécrétions excrétoires, on a confondu
les membranes séreuses et synoviales avec les glandes.
Il faut, pour distinguer les glandes de toute autre
partie analogue par la forme, par la texture appa-
rente, et même jusqu’à un certain point par les fonc-
tions, avoir particulièrement égard à leurs connexions ;
Bichat et M. Chaussier ont pris cette considération
pour base d’une définition des glandes ; Haase l’a adop-
tée aussi, mais il a supposé des conduits excréteurs aux
: ganglions vasculaires. Les glandes sont des organes de
.■ forme obronde , lobuleux , entourés de membranes,
ayant beaucoup de vaisseaux et des nerfs, et pourvus de
conduits excréteurs ramifiés qui aboutissent aux mem-
branes tégumentaires et y versent un liquide sécrété,
il En un mot, ce sont des organes de sécrétion extrin-
sèque, pourvus de conduits excréteurs.
ANATOMIE GENERALE.
4 20
§ 4y9- Considérées ainsi, les glandes sont des dépen-
dances ou des prolongemens des membranes tégumen-
taires. Dans les animaux pourvus de vaisseaux et de
cœur, les seuls qui aient des glandes massives , elles
résultent d’une réunion intime de ces deux genres d’or-
ganes: c’est pour cela que leur description est placée
ici. Elles tiennent cependant encore plus au système
tégumentaire qu’au système vasculaire, car dans les ani-
maux dépourvus de vaisseaux, les glandes existent, mais
à un état rudimentaire; le foie, la plus constante de
toutes les glandes, si ce n’est cependant le rein, existe
en effet dans les insectes sous forme d’un canal excré-
teur ramifié , aboutissant au canal intestinal, mais libre
et flottant dans l’abdomen.
§ 48o. Il est encore assez difficile et peut-être im-
possible, d’établir une ligne de démarcation bien tran-
chée entre les follicules ou cryptes et les^giandes.
On a déjà vu que parmi les follicules, il y en avait
de simples et solitaires; que d’autres sont groupés,
agminés ouaggrégés; que d’autres sont composés, soit
par leur réunion dans un orifice commun ouunelacune,
soit en même temps par l'agglomération de plusieurs
follicules , soit enfin par un canal excréteur commun
et ramifié; c’est ici que la difficulté existe, car il n’y a
pas de raison valable pour ne pas ranger les amygdales
qui ont des lacunes composées, les glandes molaires, la
prostate et les glandes de Cowper, qui ont des conduits
ramifiés, parmi les glandes, aussi bien que les glandes
sublinguales, lacrymales, etc.
Les glandes les plus parfaites et les moins équivoques
sont: les lacrymales, les salivaires, au nombre de trois
DES GLANDES.
4 2 I
de chaque côté, savoir la parotide, la maxillaire et la
sublinguale ; le pancréas, le foie, les reins, les testi-
cules et les mamelles. Les ovaires doivent être, comme
les testicules, rangés dans ce genre d’organes.
§ 48x. La forme des glandes est irrégulièrement ar-
rondie, et présente beaucoup de variétés. Les unes
impaires, comme le foie et le pancréas, sont asymé-
triques ; les autres sont paires et assez exactement sem-
blables des deux côtés.
§482. Elles sont toutes situées au tronc, et toutes,
quelle que soit la diversité apparente de leur situation ,
aboutissent par leurs canaux à la membrane muqueuse
ou à la peau.
§ 483. Leur volume diffère beaucoup: le foie est un
des organes les plus volumineux du corps ; les glandes
lacrymales, sublinguales et les ovaires ont à peine, au
contraire, le volume de la moitié du pouce.
§484- A l’intérieur, les unes sont lobées etlobulées,
comme les lacrymales, les salivaires et le pancréas; les
mamelles le sont moins distinctement; les testicules
le sont d’une autre manière ; les reins le sont seule-
ment dans le fœtus ; le foie n’est lobé qu’à l’extérieur.
Dans les premières, les lobules paraissent formés de
particules très-petites, mais semblables et blanchâtres;
dans le foie et dans les reins, on trouve deux subs-
tances de couleur différente , disposées par couches
dans les reins, et mêlées à la manière du granit dans
le foie.
§ 485. Les glandes sont enveloppées d’une mem-
brane, cellulaire dans la plupart d’entre elles, et
fibreuse dans les autres, entourée dans quelques-unes
ANATOMIE GÉNÉRALE.
422
par une membrane séreuse, et dans les autres par
beaucoup de tissu cellulaire et adipeux. La face in-
terne de cette membrane se continue avec le tissu
cellulaire plus ou moins lâche, qui existe abondam-
ment dans les glandes.
Ces organes ont beaucoup de vaisseaux sanguins et
lymphatiques, et peu de nerfs; plus cependant que la
membrane muqueuse en général, mais moins que la
peau. La plupart ne reçoivent que du sang artériel ; le
foie seul dans l’homme et les mammifères, le foie et les
reins dans les ovipares, reçoivent en outre du sang
veineux, ce qui explique la nature des liquides, si dif-
férens du sang et tout à fait excrétoires que fournissent
ces glandes. Le nombre et le volume, ou la capacité
totale des artères sont très-divers dans les glandes, mais
nulle part plus grands que dans les reins. La longueur,
le trajet, le mode de distribution des vaisseaux, sont
également très-variés. La différence de capacité entre
les artères et les veines est très-peu marquée dans les
glandes ; et, en effet, une grande partie du sang y est
transformée en humeur sécrétée, et emportée par les
conduits excréteurs.
/
§ 486. Ces conduits commencent par des radicules
très-fines, invisibles, et probablement closes, qui se
réunissent entre elles à la manière des veines, pour
former plusieurs troncs, comme dans les glandes lacry-
males, sublinguales et mammaires, ou un seul, comme
dans toutes les autres. Ces conduits, multiples ou uniques
pour chaque glande, parcourent un trajet en général
droit, tortueux dans les testicules seulement, et abou-
tissent aux membranes tégumentaires. Celui de 1 ovaire
DES GLANDES.
4^3
«st seul interrompu; ceux des mamelles présentent,
avant leur terminaison, des renflemens olivaires; ceux
du rein présentent d’abord un évasement ou bassinet,
et puis viennent aboutir à une vessie unique pour eux
deux ; celui du foie et celui de chaque testicule ont aussi
un réservoir, mais situé latéralement et exigeant un
cours rétrograde du liquide sécrété pour y arriver. Les
conduits des autres glandes ne présentent ni interrup-
tion, ni renflemens, ni réservoirs.
La composition des conduits excréteurs résulte tou-
jours essentiellement d’une membrane muqueuse dont
l’épaisseur va en diminuant, à mesure qu’elle forme des
divisions plus fines dans la glande. Cette membrane est
doublée à l’extérieur par du tissu cellulaire, par du tissu
élastique; dans quelques conduits par du tissu érectile,
comme dans l’urètre , dans le mamelon , et peut-être
dans quelques autres; dans quelques parties des voies
excrétoires, la membrane muqueuse est armée ou
doublée de fibres musculaires.
§ 4^7* La texture intime des glandes est peu connue.
Malpighi avait avancé que chacun des grains glan-
duleux, acini , devait être considéré comme un folli-
cule, et chaque glande comme une conglomération de
follicules aboutissans à un canal excréteur commun.
Cette opinion fut reçue et admise sans contradiction
jusqu’à Ruysch, et de son temps défendue contre lui-
même par Boërhaave. Suivant Ruysch , au contraire, ce
qu’on a appelé grains glanduleux consisterait unique-
ment dans des entrelacemens de vaisseaux fins , dans
lesquels les artères se continueraient en canaux excré-
teurs.
ANATOMIE GENERALE.
Il y a dans chacune de ces deux opinions quelque
chose de vrai qu’il faut admettre, et quelque chose à
rejeter comme inexact. Il est vrai, comme le dit Mal-
pighi, qu’une glande consiste, comme un follicule sim-
ple ou composé, en un canal fermé à l’extrémité; il
est vrai aussi, comme le dit Ruysch, que chaque grain
glanduleux, et que la glande entière, consiste dans
le mélange et l’entrelacement des vaisseaux. fins avec
les origines du conduit excréteur; mais il est inexact
de dire, comme il l’a dit, que les conduits excré-
teurs sont la continuation des artères; comme il serait
inexact de dire avec Malpighi, que les racines des con-
duits excréteurs commencent par des renflemens ou
follicules. Peut-être l’hypothèse de Malpighi aurait-
elle plus de probabilités, appliquée aux glandes gra-
nulées, comme les salivaires, le pancréas et les lacry-
males, qui ressemblent tant en effet à des follicules
composés; et celle de Ruysch, plus de vraisemblance
en l’appliquant seulement au foie, aux reins et aux tes-
ticules , dont la texture est si évidemment vasculaire
et canaliculée ; sans que cependant on puisse affirmer
qu’il y a dans les premières de véritables follicules
évasés, et dans les autres des continuations directes
entre les artères et les conduits excréteurs.
On pourrait encore apporter à l’appui de cette con-
jecture la facilité avec laquelle, dans ces dernières
glandes, les injections passent des vaisseaux dans les
conduits excréteurs, et réciproquement, et la difficulté
avec laquelle on obtient les mêmes résultats dans le>
glandes lobulées et granulées.
Quoi qu’il en soit de cette opinion, la texture ues
DES GLANDES.
4^5
glandes paraît bien certainement résulter de la réunion
intime des conduits excréteurs ramifiés, et clos à leur
origine, avec des vaisseaux sanguins et lymphatiques
et des nerfs situés dans leurs intervalles, divisés et
terminés dans leur épaisseur ; le tout réuni par du
tissu cellulaire et enveloppé de membranes.
§ 488. Les glandes ont pour fonction un mode de
sécrétion que l’on appelle glandulaire. Toute sécrétion
en général consiste dans la formation d’une humeur
particulière, don! le sang fournit les matériaux. La sé-
crétion glandulaire ne diffère des autres ( sécrétions fol-
liculaire et perspiratoire ) , que par la complication plus
grande de son organe.
D O
A une exception près, le même sang, le sang artériel
seul, est apporté dans toutes les glandes; le nombre, le
volume, la direction , le mode de distribution des vais-
seaux, et le degré de ténuité auquel ils arrivent par
leurs divisions successives, ne peuvent guère influer
que sur la quantité de sang qui arrive à la glande, et
sur la rapidité de son cours; cependant une partie du
sang étant remportée par les veines , et un autre liquide
par les vaisseaux lymphatiques, les glandes versent par
leurs conduits excréteurs des humeurs aussi différentes
entre elles, que la salive, les larmes, la bile, l’urine, le
sperme et le lait.
Quels sont donc la nature et la cause du change-
ment du sang en humeur sécrétée? On a cru que. le
changement et sa cause étaient purement mécaniques,
et dépendaient de la grandeur et de la figure des ou-
vertures par où les humeurs sortent des vaisseaux; 011
a supposé, avec beaucoup plus de vraisemblance, que
ANATOMIE GÉNÉRALE.
4^6
c’était un changement chimique, c’est-à-dire une autre
composition élémentaire; mais ce changement n’a lieu
que dans les corps organisés, et que dans certains de
leurs organes; cette différence tient donc à des modifi-
cations de leur substance, tout comme on voit divers
végétaux plantés dans le même sol, plongés dans la
même atmosphère , produire les uns, de la gomme,
les autres un acide, les autres de la résine, etc. La
\
sécrétion glandulaire, comme les autres, est donc une
fonction delà substance organisée et vivante: les vais-
seaux en apportent les matériaux contenus dans le
sang , la production est probablement même disposée
ou préparée par la disposition des vaisseaux et le mode
de circulation qui en résulte , mais c’est dans le tissu
qui forme les racines des conduits excréteurs qu’il
faut en chercher l’instrument essentiel et immédiat.
La sécrétion en général, et la sécrétion glandulaire en
particulier, sont évidemment soumises à linfluence
nerveuse; les effets des passions sur les sécrétions en
général, ceux des maladies, de l’hystérie, de l’hypo-
chondrie, etc., sont assez connus. Des expériences de
M. Brodie sont venues confirmer ce que 1 observation
directe avait appris.
La ligature des veines d’une glande augmente beau-
coup le produit de sa sécrétion.
§ 4^9- Les glandes commencent à se former par leur
canal excréteur. Dans l’embryon , ce canal est libre et
flottant, comme dans les insectes. Les glandes sont
ensuite lobées, par exemple les reins, comme elles
le sont dans les arachnides et les crustacés. Elles sont
en général très-volumineuses dans le fœtus et 1 enfant.
I
DES GLANDES.
427
Elles diminuent proportionnellement à mesure que les
organes des fonctions animales se développent. Quel-
ques-unes changent de place vers l’époque de la nais-
sance : ce sont les testicules et les ovaires. Ces glandes
et les mamelles se développent beaucoup à 1 époque de
la puberté, et se flétrissent dans la vieillesse.
§ 490* Les glandes présentent beaucoup de variétés
individuelles et de vices de conformation. Quelques-
unes manquent quelquefois entièrement ; ce sont celles
de la génération qui sont le plus sujettes à manquer. Une
des glandes paires peu manquer ou être moins volu-
mineuse que l’autre. Quelques-unes restent quelque-
fois lobées, ou très-volumineuses comme dans le foe-
tus. D’autres sont quelquefois réunies, comme les deux
reins en un. D’autres peuvent conserver leur situation
primitive, comme les testicules et les ovaires ; ces der-
niers sont quelquefois , au contraire , entraînés au
dehors de l'abdomen. Les reins peuvent aussi être
situés beaucoup trop bas, ou dans le bassin.
§ 491* On observe quelquefois l’atrophie des glandes,
soit par une pression extérieure, soit par une produc-
tion accidentelle développée dans leur épaisseur; elle
a aussi lieu parle défaut d’action, ou même sans cause
appréciable. L’hypertrophie a lieu quelquefois par suite
de la cessation d’action d’autres organes, et surtout
dune glande paire. Assez souvent elle est accompa-
gnée de quelque altération de tissu.
§ 492. L’inflammation des glandes est fréquente, et
souvent se développe en se propageant le long du
conduit excréteur, depuis son orifice jusqu’à ses racines
dans la glande. L’inflammation y est souvent suppura-
ANATOMIE GENERALE*
428'
toire, et quelquefois plastique, cl où résulte l’oblitéra-
tion des conduits et l’induration du tissu.
§ 493. Les productions accidentelles, soit saines,
soit morbides, sont très-communes dans les glandes.
Les ovaires y sont le plus sujets, mais surtout aux
productions analogues; les testicules, le foie et les
mamelles sont très-sujets aux productions morbides;
les glandes lacrymales, salivaires, et le pancréas, sont
au contraire très-peu sujets, soit aux unes, soit aux
autres productions accidentelles.
§ 494- Le tissu glanduleux ne se produit point acci-
dentellement. Quand il est entamé, les racines ou le
tronc du conduit excréteur étant divisés, la matière
sécrétée est versée dans la plaie , qui a beaucoup de
tendance à devenir et à rester fistuleuse.
§ 49s* Ici se termine la description de tous les sys-
tèmes ou genres d’organes qui appartiennent spéciale-
ment aux fonctions végétatives; ceux qui restent à dé-
crire appartiennent au contraire plus particulièrement
aux fonctions animales. Cette distinction serait mieux
tranchée si l’une des membranes tégumentaires , la
membrane muqueuse, n’appartenait principalement
aux fonctions de la nutrition et de la génération; tan-
dis que l’autre, la peau, sert principalement aux sen-
sations: c’est le système tégumentaire qui lie les deux
classes de fonctions et d’organes.
DU TISSU LIGAMENTEUX.
4^9
CHAPITRE VI.
DU TISSU LIGAMENTEUX.
§496. Le tissu ligamenteux ou desmeux, textus
desmo.sus, est blanc, flexible, très-tenace , et forme des
liens et des enveloppes très-solides.
Il a été désigné par les noms de tissu fibreux, albu-
gineux, tendineux, aponéVrotique, etc. Ces deux der-
niers noms , comme celui de ligamenteux , ont l’incon-
vénient d’indiquer une sorte particulière de ce tissu,
et les premiers, une qualité commune à beaucoup
d’autres ; c’est pour cela que le nom desmeux me paraît
préférable, parce que, quoiqu’il signifie ligamenteux,
il n’a point été appliqué aux ligamens en particulier.
§ 497* Les plus anciens anatomistes, Hippocrate et
Aristote, confondaient sous le nom de nerfs toutes
les parties blanches; de là les noms d’aponévrose, de
synévrose, d’énervation, de muscle demi-nerveux, etc.
L’école d’Alexandrie, et Galien surtout, ont positive-
ment distingué les ligamens, les tendons et les nerfs.
Galien et Yésale avaient déjà noté l’analogie qui
existe entre les ligamens et certaines membranes; Ad.
Murray avait déjà Indiqué la ressemblance très-grande
qui existe entre les tendons, les ligamens et les apo-
névroses; Isenflamm 1 a donné quelques remarques sur
1 Bernerkungen über die flechsen , in Beitrdge fui ' die zer-
gliederungskunst, Band. I, Leipzig, 1800.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
43o
ce tissu; mais c’est Bicliat qui , le premier, a considéré
dans leur ensemble toutes les parties de ce genre sous
le nom de tissu fibreux'. Il y comprenait le tissu élas-
tique que j’en ai séparé (§ 36 1.) et en excluait une autre
sorte que j’y réunis, c’est son tissu fibro-eartilagineux
des articulations et des coulisses tendineuses.
PREMIÈRE SECTION.
DU TISSU LIGAMENTEUX EN GENERAL.
/
§ 498. Les organes ligamenteux ne forment point
un tout continu ou un ensemble; on a cependant cher-
ché un centre et une réunion à toutes les parties de ce
genre.
Une opinion très-ancienne, antérieure à Galien, mais
énoncée dans un de ses traités, attribuait au péricrâne
l'origine de toutes les membranes nerveuses . On a cru
o
que les Arabes, en traduisant dans leur langue le nom
de méninges par un mot qui a la même signification,
et aussi celle de mère, regardaient les membranes du
cerveau comme génératrices des autres membranes;
c’est une erreur consacrée par Sylvius, qui a repré-
senté les méninges comme des membranes fécondes
et mères. Beaucoup plus tard Bonn, et tout récem-
ment Clarus , ont attribué, en quelque sorte , la même
qualité aux aponévroses d’enveloppe. Bichat a indiqué
le périoste comme la partie centrale du système fibreux.
Mais ce système, formé de parties indépendantes les
unes des autres, n’a point, à proprement parler, de
centre; quelques-unes de ses parties sont même tout-
DU TISSU LIGAMENTEUX.
43 I
a-fait isolées des autres. C’est d’ailleurs un tissu très-
généralement répandu, ayant beaucoup de rapport
avec le tissu cellulaire, et se continuant avec lui en
divers endroits.
§ 499. Le tissu ligamenteux se présente sous deux
formes principales, celle de lien, ou de cordon,
comme les ligamens et les tendons; et celle de mem-
brane ou d’enveloppe, comme le périoste, la méninge,
la sclérotique, etc. Ces deux formes, funiculaire et
membraneuse, se confondent dans certaines parties,
allongées et arrondies à une extrémité, épanouies
et aplaties à l’autre, tels sont certains tendons; en
outre la forme membraneuse, quoique en général des-
tinée à former des enveloppes, forme aussi quelque-
fois des liens , tels sont les ligamens capsulaires , les
aponévroses d’insertion, etc. D’après ses connexions,
on a aussi divisé le tissu ligamenteux en parties ser-
vant aux os, aux muscles, et à d’autres organes; et,
d’après ses usages, en parties servant d’attaches ou
d’enveloppe, ou à l’un et à l’autre usages.
§ 5oo. La couleur du tissu ligamenteux est blanche;
son aspect est en général resplendissant ou satiné.
§5oi. Sa texture est essentiellement fibreuse, les
fibres dont il est composé sont des filamens très-déliés,
parallèles ou entrecroisés. Dans quelques tendons longs
Iet grêles, les fibres sont comme tressées; dans les apo-
névroses, elles sont ordinairement disposées en plu-
sieurs plans entrecroisés , et quelquefois comme tissues
entre elles. Dans quelques parties de ce tissu, les fibres
sont si étroitement réunies , que le tout semble homo-
v\ gène et non fibreux, tels sont les ligamens cartilagini-
ANATOMIE GENERALE.
4 3 '1
formes ; mais dans toutes les autres parties on peut, dans
les sujets infiltrés, ou dans les parties soumises à la ma-
cération , séparer les faisceaux de fibres les uns des au-
tres, séparer les fibres elles-mêmes sous forme de fila-
mens fins comme des fils de ver à soie. On ne sait pas
bien si c’est le dernier terme de division, mais c’est pro-
bable. Ces filamens sont blancs, tenaces , peu élasti-
ques, flexibles, et probablement pleins ou solides.
Fontana et M. Chaussier regardent cette fibre comme
primitive et particulière; Isenflamin la regarde comme
formée de filamens cellulaires imprégnés de gluten et
d’albumine ; Mascagni dit que l’inspection microsco-
pique semble démontrer que ces filamens primitifs ré-
sultent d’un amas de vaisseaux absorbans entourés d’une
membrane formée de ces mêmes vaisseaux, et d’une
autre résultant de vaisseaux sanguins très-déliés for-
mant un réseau subtil; on voit que c’est toujours la
même idée déjcà exposée plus haut (§ 394.) Ces filamens
paraissent être du tissu cellulaire très-condensé; la ma-
cération les amollit et les change en substance mu-
queuse ou cellulaire.
Les divers organes ligamenteux sont enveloppés
dégainés formées parle tissu cellulaire; de plus, ceux
qui ont des faisceaux distincts contiennent encore de
ce tissu dans leur intervalle; les fibres enfin sont elles-
mêmes entourées et liées entre elles par ce tissu, que
l’infiltration et la macération rendent très-apparent. On"
trouve aussi du tissu adipeux dans l’épaisseur des or-
ganes ligamenteux. Le tissu ligamenteux est en géné-
ral peu vasculaire, cependant on trouve à sa surface
et l’on suit dans son épaisseur quelques petits vaisseaux
DÛ TISSU LIGAMENTEUX,
433
sanguins. Pour les bien voir, il faut , après les avoir
injectés en rouge, faire sécher la partie, puis la trem-
per dans l’huile volatile de térébenthine, pour la
rendre transparente. Quelques parties du système liga-
menteux sont très-vasculaires ; tel est surtout le pé-
rioste, telle est encore la méninge crânienne. On aper-
çoit des vaisseaux lymphatiques dans les plus gros
organes de ce genre. Il est douteux qu’ils aient des
nerfs.
S 5o2. Le tissu ligamenteux contient naturellement
une grande proportion d’eau. La dessiccation le rend
dur, transparent, élastique et cassant, lui donne une
couleur rougeâtre ou jaunâtre, et rend ses fibres peu
distinctes. Il résiste long-temps à la macération, qui
l’amollit , le rend floculent à la surface , écarte ses
fibres, en rendant le tissu cellulaire apparent dans son
épaisseur, et finit par les changer elles-mêmes en subs-
tance muqueuse. Le feu le crispe violemment , et il
laisse un charbon volumineux. La décoction le crispe
beaucoup d’abord, le rend jaune, dur, élastique, et
finit par le réduire en gélatine. Les acides minéraux,
froids et chauds le dissolvent ; l’acide nitrique com-
mence par le crisper. L’acide acétique froid le gonfle et
le réduit en une masse gélatineuse; chaud, il le fond
entièrement. Les alcalis le gonflent et le ramollissent; en
cet état ses fibres se séparent aisément et présentent
les couleurs de l’arc-en-ciel.
§ 5o3. L’élasticité du tissu ligamenteux frais est
très-médiocre, mais elle est très-marquée quand il est
desséché. Son extensibilité est presque nulle, quand
I effort est subit; delà les étranglemens produits par les
*• N 28
ANATOMIE GÉNÉRALE.
434
parties ligamenteuses ; et les déchirures de ce tissu par
des distensions violentes. Quand , au contraire, les causes
de distension agissent lentement et graduellement, le
tissu ligamenteux cède en s’amincissant , ses fibres s’é-
cartent, et se désunissent même, si la distension lente
est portée très-loin. Il ne faut pas confondre avec ce
phénomène l’augmentation de volume du tissu fibreux
par excès de nutrition. La retractilité du tissu fibreux
s’exerce dans la même proportion que l’extensibilité ;
elle a lieu promptement si la distension a été prompte
sans aller jusqu’à la déchirure, et lentement si elle a
été graduelle et lente. La ténacité ou la force de résis-
tance de ce tissu à la rupture est énorme; elle persiste
après la mort dans toute son énergie; l’irritabilité ou
contractilité vitale y est nulle ; ainsi il ne faut pas
y admettre avec Baglivi des mouvemens de contrac-
tion, ni des mouvemens d’oscillation avecLaCaze. La
sensibilité de ce tissu est extrêmement obscure ou dou-
teuse. Ceux qui l’admettent , conviennent qu elle n’est
développée que par certains agens mécaniques, parti-
culiers pour les diverses parties de ce tissu : ainsi
la dure-mère serait sensible à l’impression de quelques
excitans sans effet sur d autres parties ligamenteuses;
les ligamens seraient sensibles à la distension et au
tiraillement violent qui précède leur rupture , tandis
que la même chose n’a pas lieu dans les tendons. 11
reste encore bien des doutes sur ce sujet. On a eu tort
cependant de conclure, des expériences favorables à
l’opinion de l’insensibilité des parties ligamenteuses,
quelles n éprouvent aucune impression des causes irri-
tantes; ces causes au contraire y développent 1 in fia m-
DU TISSU LIGAMENTEUX.
435
mation , la sensibilité morbide et diverses altérations.
La force de formation des parties ligamenteuses est
très-active.
§ 504. La fonction de ce tissu, toute mécanique,
est de former des liens, des cordons, des enveloppes
très-solides, qui servent à attacher les os entre eux,
les muscles aux os, à contenir certaines parties, à
transmettre des efforts, etc.
§ 5o5. Le tissu ligamenteux est d’abord, dans l’em-
bryon, mou et muqueux comme toutes les autres parties;
il conserve pendant la vie fœtale et pendant l’enfance
beaucoup de mollesse et de flexibilité; il est alors peu
dense, plus vasculaire, d’un blanc bleuâtre, perlé ou
argentin, et aisément soluble dans l’eau bouillante.
O '
Quelques parties, comme la méninge, la sclérotique,
le périoste , sont plus épaisses que dans l’adulte ; les
tendons et les aponévroses au contraire sont plus grêles
et plus minces. Dans la vieillesse, au contraire, il de-
vient jaune, moins resplendissant, plus ferme, plus
coriace, plus sec, moins vasculaire, et moins soluble
dans l’eau bouillante qu’il ne l’était dans l’âge adulte.
Malgré la dureté du système ligamenteux chez le
vieillard , il n’a pas une très-grande tendance à s’ossifier.
Les tendons ne s’ossifient guère que là où iis frottent , et
où ils ont une texture fibro-cartilagineuse, et à leur ex-
trémité insérée aux os. La rareté de l’ossification sénile
des tendons est d’autant plus remarquable, que chez
plusieurs animaux, comme certains oiseaux, comme les
insectes et les crustacés, l’ossification ou un endurcis-
sement analogue a toujours lieu dans le développe-
ment régulier de ces parties.
ANATOMIE GENERALE.
436
§ 5o6. Les diverses parties du système fibreux, quoi-
que assez analogues pour former un genre d’organes,
ne sont pourtant point identiques , le tissu des tendons
est moins serré que celui des ligamens, celui des liga-
mens cartilaginiformes est tellement serré, qu’il est
presque homogène en apparence. La composition chi-
mique de toutes ces parties est à peu près la même ,
cependant les tendons cèdent beaucoup plus facile-
ment à l’action dissolvante de l’eau bouillante, que
les autres parties ligamenteuses.
§ 55y. Le tissu ligamenteux divisé , déchiré ou
rompu, se réunit : c’est ce qu’on voit arriver aux liga-
mens après les luxations. Le tendon d’Achille, ou quel-
que autre gros tendon étant rompu, si; les bouts sont
maintenus immobiles et en contact, il se fait en pre-
mier lieu une agglutination entre eux, puis une réu-
nion organique qui , plus extensible d’abord que le
tendon, acquiert avec le temps sa force de cohésion,
ou sa ténacité et sa presque inextensibilité. Il se fait
entre les bouts des muscles divisés, et quelquefois à
la suite des fractures des os, des réunions fibreuses.
§ 5o8. La production accidentelle du tissu ligamen-
teux est assez fréquente, et se présente sous plusieurs
formes. On trouve des membranes de ce genre autour
de certains kystes qui en sont rarement enveloppés en
totalité. Certaines tumeurs solides ont aussi des enve-
loppes du même genre. Les articulations contre nature
ont aussi des capsules fibreuses plus ou moins dis-
tinctes. On trouve quelquefois des lames ou brilles
fibreuses dans les membranes séreuses, et surtout dans
la plèvre.
DU TISSU LIGAMENTEUX.
437
Les corps fibreux ou ligamenteux isolés, ont été très-
anciennement vus, mais confondus avec le squirrhe;
]\J. Chambon les a décrits sous le nom de scléromes.
Walter et Baillie les ont connus. Bichat, et d’après
lui M. Roux, les ont décrits ; mais c’est à Bayle et à
M. Laennec qu’on en doit la connaissance complète. Us
ont la forme globuleuse, leur surface est inégale et
comme lobulée; les anfractuosités les plus grandes con-
tiennent des vaisseaux et du tissu cellulaire infiltré.
•
Fendus , on voit qu’ils sont formés de lobules et de
bandes contournés en volute, réunis par du tissu cel-
lulaire et des prolongemens fibreux. Us ont peu de
vaisseaux à l’intérieur. Us sont d’abord petits et mous
comme de la fibrine du sang; ils s’accroissent progres-
sivement en volume et changent de texture; ils de-
viennent rarement cartilagineux, mais fréquemment
osseux; l’ossificatipn pierreuse s’y développe d’une ma-
nière irrégulière, et ressemble dans leur épaisseur à un
calcul moriforme. Us se forment souvent dans l’épais-
seur et près des surfaces de l'utérus; quelquefois dans
l’oyaire, dans le tissu cellulaire accidentel des mem-
branes séreuses , et sont alors formés de couches comme
une bulbe ; dans le tissu cellulaire ; on a dit aussi dans
les os; on en a vu aux doigts et aux paupières, sous la
membrane muqueuse du nez : les fongus de la dure-
mère sont quelquefois des corps de ce genre; on en a
même vu une fois dans le cerveau.
On trouve des productions fibreuses informes dans
les cicatrices du foie , des os , de la peau ; dans le scro-
tum et ailleurs autour des fistules.
S 5oq. U y a une production qui se rapproche beau-
ANATOMIE GÉNÉRALE.
438
coup du tissu ligamenteux , c’est celle d’un tissu blanc ,
compact, point fibreux, point lamineux, point cellu-
leux, demi-diaphane, point chatoyant, flasque et te-
nace. Quelques organes atrophiés semblent se trans-
former en ce tissu, les cicatrices delà peau , celle du tissu
cellulaire après la guérison des phlegmons chroniques ,
et après celle des fistules anciennes, quelques granula-
tions blanches des membranes séreuses analogues aux
glandes de pacchioni, sont de ce genre.
On doit aussi en rapprocher la sclérose que l’on ob-
serve dans le tissu cellulaire et la peau dans l’éléphan-
tiasis des membres, du scrotum et de la vulve, et que
l’on a vue aussi dans le tissu cellulaire sous péritonéal,
dans un cas de cancer.
C’est à cette production qu’il faut aussi rapporter la
plupart des polypes de l’utérus et surtout du vagin,
et certaines tumeurs saillantes sous la peau qu’elles
soulèvent; polypes et tumeurs, dont le tissu blanc,
compacte, flasque et tenace, diffère du tissu fibreux,
mais s’en rapproche plus cependant que d’aucun autre.
Ces variétés de tissu blanc accidentel se rapprochent
des productions morbides par leur tendance à s’étendre
et à repulluler.
§ 5io. L’inflammation du tissu ligamenteux est peu
connue, mais elle n’est pas très-rare.
Elle se termine le plus souvent par résolution , assez
souvent aussi par production d’une matière plastique
ou organisable , qui tantôt est résorbée , et tantôt
donne lieu à l’ossification accidentelle. L’inflammation
chronique ramollit ce tissu , lui fait perdre sa ténacité ,
et donne aussi quelquefois lieu à son ossification.
DES LIGAMENS.
439-
Quelques fongus de la dure-mère, certains polypes
des fosses nasales et des arrière - narines , certaines
épulies, quelques tumeurs du penoste, sont des pro-
ductions morbides ou des dégénérations cancéreuses
du tissu ligamenteux.
SECONDE SECTION.
DES ORGANES LIGAMENTEUX EN PARTICULIER.
§611. En faisant abstraction pour le moment du
tissu fibro-cartilagineux, on peut diviser les Organes
fibreux en ceux qui attachent les os entre eux, ceux
qui attachent les muscles aux os, et ceux qui forment
des enveloppes.
ARTICLE PREMIER.
DES LIGAMENS.
§ 5 12. Les ligamens1, ligamenta, nervi colligcintes ,
rôvhs-poi, sont les parties fibreuses qui attachent les os et
les cartilages les uns aux autres.
Le même nom a été mal à propos donné à beaucoup
d’autres parties, et notamment à des freins formés par
des replis des membranes séreuses et muqueuses , à des
prolongemens séreux et adipeux , etc.
Les véritables ligamens tiennent par leurs deux extré-
mités aux os et au périoste, et si solidement, qu'il
faut, dans l’adulte, une putréfaction très-avancée pour
1 J os. Weitbrechl, Syndesmolog ia sive historia ligament
corp. hum., etc., cum figuris , 4°; Pelropol. 1742.
44° ANATOMIE GÉNÉRALE.
les en détacher , dans les enfans ils se séparent des 09
avec le périoste par une macération peu prolongée.
Le tissu fibreux qui les forme est très-dense, et dis-
posé en faisceaux plus ou moins distincts, très-étroite-
ment unis; quelques-uns même ont l'homogénéité ap-
parente des cartilages.
Ils se résolvent, par la décoction, mais très-difficile-
ment, en gélatine et en albumine.
§ 5 1 3. Les ligamens sont souvent affectés d’inflam-
mation, soit par des causes mécaniques, comme celles
de l’entorse et des fractures dans les parties articu-
laires des os, soit par le voisinage des membranes
synoviales enflammées , soit parles causes spécifiques du
rhumatisme articulaire et de la goutte. L’inflammation
donne lieu à deux effets différens dans les ligamens :
un ramollissement extrême et une perte de leur force
de résistance, ou bien l’ossification accidentelle. Ce
dernier changement est le plus fréquent; on observe
surtout l’autre dans les maladies scrofuleuses des arti-
culations.
§ 5 1 4* D’après leurs connexions et leurs usages, on
distingue les ligamens en articulaires, en non articu-
laires, et en mixtes. Les premiers sont ceux qui s’at-
tachent par leurs extrémités à des os différens qu’ils
réunissent, ce sont les plus importans; les seconds sont
ceux qui , attachés à des parties d’un même os, servent
à fermer des échancrures, comme à l’arcade orbitaire
et au bord supérieur du scapulum , ou à clore une
ouverture et donner attache à des muscles comme le
ligament obturateur du trou sous-pubien ; les derniers
sont ceux qui, comme les ligamens sacro-ischiatiques
DES LIGAMENS. 44 1
et inter-osseux de l’avant-bras et de la jambe, se fixent
à des os différons, mais servent surtout à des inser-
tions de muscles.
Les ligamens articulaires se distinguent en capsu-
laires et en funiculaires.
Les ligamens capsulaires ou les capsules fibreuses
consistent en des gaines ligamenteuses cylindroïdes
qui entourent l’articulation , qui tiennent par leurs
deux bouts aux deux os articulés, et sont doublées à
l’intérieur par la membrane synoviale. Ces capsules,
tout en fixant solidement les os , permettent des mou-
vemens dans tous les sens. Elles sont presque propres
aux articulations scapulo-humérale et coxo-fémorale ;
cependant on en trouve des rudimens à quelques
autres, où des faisceaux irréguliers fortifient la mem-
brane synoviale dans plusieurs points de son contour.
Les cordons ou les faisceaux ligamenteux des arti-
culations sont des cordes arrondies ou des bandes
aplaties , situées la plupart à l’extérieur des articulations,
et quelques-uns seulement à l’intérieur des cavités arti-
culaires. Les uns et les autres permettent des mouve-
mens en quelques sens , et les empêchent ou les bornent
dans les autres.
Les ligamens externes sont la plupart placés aux
deux côtés de l’articulation , et appelés pour cette
raison ligamens latéraux; beaucoup d’articulations
mobiles en sont pourvues; d’autres sont antérieurs ou
postérieurs; quelques-uns, à raison de leur direction ,
sont appelés ligamens croisés. Tous ces ligamens, at-
tachés par les deux bouts aux os, répondent par une
de leurs faces à la membrane synoviale, et par l’autre
442 ANATOMIE GENERALE.
au tissu cellulaire commun , aux muscles et aux tendons
environnans.
Les ligamens internes sont entourés d’une gaine
fournie par la membrane synoviale qui se réfléchit à
leurs deux extrémités (§ 212).
ARTICLE IL
DES TENDONS.
§ 5 1 5. Les ligamens des muscles ou les tendons 1 ,
tendines , révov7ts , sont des parties ligamenteuses aux-
quelles se fixent les extrémités des fibres musculaires.
Parmi les tendons , les uns funiculaires , ont la forme
de cordons allongés, arrondis ou aplatis, mais étroits;
ce sont les tendons proprement dits ; les autres sont
élargis et membraniformes , ce sont les tendons apo-
névrotiques ou les aponévroses d’attache.
Les uns et les autres sont placés, pour la plupart,
aux extrémités des muscles, et servent à leurs inser-
tions; les autres, placés dans leur longueur, et inter-
rompant les fibres charnues , sont des tendons et des
aponévroses d’intersection ou des énervations.
Parmi les tendons d’insertion, il en est même qui,
consistant en une multitude de petits faisceaux fibreux
isolés, n’ont la forme ni de cordon ni de membrane.
Il en est quelques autres qui forment des ceintres
ou des arcades attachées par les deux extrémités , et
sous lesquelles passent des vaisseaux ; tel est celui sous
lequel passent les vaisseaux fémoraux en devenant po-
plités , etc.
’ Albimis, Annot. acad . , lib. IV, cap. 7, et lab. 5.
DES TENDONS.
443
Parmi les tendons il y en a qui ont la forme de
cordon dans la plus grande partie de leur longueur, et
qui, à l’une des extrémités ou aux deux, s’élargissent
en membranes.
Il en est d’autres qui, simples à une extrémité , se
divisent à l’autre en plusieurs cordons ou en lames plus
ou moins larges.
§ 5i6. La connexion des tendons avec les fibres mus-
culaires est très-solide; on a prétendu même qu’il y
avait continuité réelle et identité entre ces parties.
Mais, outre les différences de densité et de couleur,
outre la différence remarquable qu’on aperçoit avec
le microscope entre les deux tissus , on voit des tendons
aponévrotiques dont les fibres ont une direction diffé-
rente de celle des muscles; les tendons sont beaucoup
moins vasculaires que les muscles; ils sont plus longs
proportionnellement dans les enfans ; ils se séparent des
musclés par la décoction ; ils se résolvent en tissu cel-
lulaire par la macération ; ils ne sont point irritables
comme la fibre musculaire, etc.; ils n’en sont point la
continuation, mais seulement celle du tissu cellulaire
des muscles.
Par l’autre extrémité les tendons sont attachés aux
os, en général près des articulations. Quelques tendons
aponévrotiques, au lieu de s’attacher directement aux
os, s’épanouissent et se confondent avec les enveloppes
des muscles.
Les tendons sont entourés de tissu cellulaire com-
mun et lâche, ou de bourses mucilagineuses , suivant
l’étendue des glissemens qu’ils éprouvent.
ANATOMIE GENEKALE.
444
Quelques-uns sont maintenus par des anneaux ou
des gaînes qui préviennent leur déplacement.
La couleur des tendons est blanche, resplendissante,
azurée, comme verdâtre, satinée ou veloutée.
Le tissu fibreux qui les compose contient dans ses
intervalles, dans les plus gros au moins, du tissu cel-
lulaire et des petits vaisseaux sanguins.
Quelques tendons ont une texture fibro-cartilagi-
neuse: ce sont ceux qui frottent contre des os; ils
deviennent même à la longue osseux dans ces points.
Leurs propriétés essentielles sont l’inextensibilité et
la force de cohésion, ce qui les rend propres à trans-
mettre aux os l’action musculaire, seule fonction qu ils
aient à remplir.
Ils sont rarement altérés ; la piqûre y détermine un
gonflement indolent qui se résout lentement.
ARTICLE III.
DES ENVELOPPES LIGAMENTEUSES.
§ 517. Des membranes ligamenteuses forment, à cer-
taines parties, des enveloppes analogues à celles que le
tissu cellulaire fournit aux autres organes. Ces mem-
branes sont les suivantes :
I. Des enveloppes des muscles.
§ 5 18. Les enveloppes des muscles ou les aponé-
vroses d’enveloppe fournissent aussi , dans quelques
endroits, des insertions aux fibres musculaires; elles
sont de deux sortes , les unes entourent les muscles des
membres, les autres revêtent ceux des parois du tronc.
DES ENVELOPPES LIGAMENTEUSES. 44^
§519. Les aponévroses d’enveloppe des membres,
fasciœ musculares 1 , sont des membranes ligamenteuses
qui entourent les muscles des membres et les main-
tiennent contre les os. Ces membranes ont la forme de
gaines ; leur surface externe répond aux tissus cellulaire
et adipeux, ainsi qu’aux vaisseaux et nerfs sous-cutanés.
Leur surface interne répond aux muscles, fournit des
attaches à quelques-uns, envoie entre la plupart des
lames, des cloisons, des prolongemens qui les séparent,
qui leur fournissent des attaches, et qui vont se termi-
ner en s’attachant aux crêtes et aux lignes des os. Leurs
extrémités s’attachent aux os, reçoivent des insertions
ou des expansions de tendons, se perdent insensible-
ment dans le tissu cellulaire: et dans d’autres endroits
4 7
forment des ligamens annulaires aux tendons. Elles
consistent en une ou plusieurs couches plus ou moins
épaisses de tissu ligamenteux, et sont proportionnées
en épaisseur au nombre et à la force des muscles qu’elles
entourent ; elles présentent des ouvertures pour le pas-
sage des vaisseaux du plan profond au plan superfi-
ciel , et réciproquement. Elles sont pourvues de muscles
tenseurs, soit propres, soit simplement par expansion
de leurs tendons. Elles ont pour usage de maintenir
les muscles en place, de leur fournir des attaches;
elles exercent par leur résistance une légère pression
sur les vaisseaux profonds, et favorisent ainsi la cir-
culation veineuse et lymphatique. Leur connaissance
est d’une grande importance sous le point de vue pa-
thologique, à cause des étranglemens qu elles peuvent
1 Ad. Murray, de Fascid latd. Upsal. 1774*
ANATOMIE GÉNÉRALE.
446
déterminer; elle ne l’est pas moins dans la chirurgie,
à cause de leurs rapports avec les muscles et avec les
vaisseaux.
La cuisse, la jambe, le pied, la main, l’avant-bras
et le bras , sont pourvus d’aponévroses de cette sorte.
§ 520. Les aponévroses des parois des cavités du
tronc , ou les aponévroses partielles , revêtent , re-
couvrent et même enveloppent, en partie du moins,
certains muscles; telles sont les gaines aponévrotiques
composées des muscles droit et pyramidal de l’abdo-
men; l’aponévrose dorsale, qui couvre les muscles des
gouttières vertébrales ; l’aponévrose temporale ; les
aponévroses pelvienne , transversale, superficielle, ju-
gulaire ou trachélienne, etc. Quelques-unes, et surtout
les dernières, sont peu distinctes du tissu cellulaire,
avec lequel elles se continuent.
IL Des gaînes des tendons.
§521. Les gaînes des tendons sont des canaux ligamen-
teux qui entourent et fixent les tendons à leur place.
Quelques-unes sont assez longues pour former de
véritables canaux; d’autres, beaucoup plus courtes,
sont appelées des ligamens annulaires. Parmi ces
anneaux ligamenteux, quelques-uns sont tout-à-fait
circulaires ; les autres , ainsi que les gaînes , sont
complétés par les os voisins , d’où résultent des
gaînes ostéo-ligamenteuses. Elles sont , ainsi que le
tendon quelles contiennent, tapissées par des mem-
branes synoviales vaginiformes. Ces gaînes sont très-
solides , très - fortes , elles contiennent chacune un
des enveloppes ligamenteuses.
447
ou plusieurs tendons ; elles sont surtout nombreuses
à l’extrémité libre des membres , plus dans le sens de
la flexion , et plus fortes aussi dans ce sens que dans
celui de l’extension. Elles maintiennent en place les
tendons , elles empêchent leur déplacement pendant
l’action des muscles et les mouvemens désarticulations;
elles servent aussi, en quelques endroits, de poulies de
renvoi, qui changent la direction des tendons et modi-
fient le sens des mouvemens.
III. Du périoste.
§ 522. L’enveloppe des os ou le périoste entoure
les os dans toute leur étendue, excepté les surfaces arti-
culaires. Les dents seules, qui d’ailleurs ne sont pas
des os, en sont dépourvues.
Cette enveloppe est interrompue aux articulations
amphiarthrodiales et diarthrodiales, elle ne l’est pas
aux articulations immobiles.
Sa surface externe est floculente , et hérissée de fila-
mens qui se confondent avec le tissu cellulaire envi-
ronnant, et qui, dans d’autres endroits, se continuent
avec les li^amens et les tendons.
La surface interne est unie à l’os par d’innombrables
prolongerons qui accompagnent les vaisseaux dans son
intérieur et dans son épaisseur. Cette surface est sur-
tout unie très-solidement aux os là où ils sont épais et
spongieux, moins solidement dans les autres endroits.
L’adhérence est moins solide aussi dans les enfans que
dans les adultes.
L’épaisseur du périoste est variable, et proportionnée
à la vascularité des os.
anatomie generale.
448
Sa texture est fibreuse, et fibro-cartilagineuse dans
les endroits contre lesquels frottent des tendons. Il a
des vaisseaux sanguins 1 très-nombreux , et , sous ce
rapport, fait une exception remarquable dans le tissu
ligamenteux. On y a aussi aperçu des vaisseaux lympha-
tiques; On n’y connaît point de nerfs.
Le périoste est d’abord mince et peu vasculaire
avant l’époque de l’ossification. Il devient épais et
vasculaire à cette époque. L’usage de la garance ne
le colore pas.
Les fonctions du périoste sont d’envelopper l’os,
»
de soutenir ses vaisseaux , de réunir dans l’enfance
les épiphyses au corps de l’os, et de servir à cette
époque à l’insertion des ligamens et des tendons.
On lui a attribué sans preuve l’usage de former les
os , mais on voit l’ossification des os courts commencer
/
au centre du cartilage, et loin du périoste par consé-
quent; de déterminer la forme des os; d’en borner l’ac-
croissement en retenant le suc osseux, etc. Quant à la
part qu’il peut avoir à l’accroissement des os en épais-
seur, à la réparation des os divisés ou nécrosés, elle
sera examinée plus loin (chap. VIII).
Le périoste divisé se réunit ; enlevé , cela produit
ordinairement une nécrose superficielle, et il se repro-
duit après l’exfoliation. Lorsqu’il est enflammé, il
y a quelquefois résolution , d’autres fois gangrène;
quelquefois il suppure, et se sépare alors plus ou
moins promptement de l’os qui se nécrose; d’autres
1 Voyez Ruysch , Adw anat. dec. ni, tab. n, fig. 8.
Albinus, leon. oss. foetus , tab. xvi,fg. 162.
DES ENVELOPPES LIGAMENTEUSES. 449
fois l’inflammation étant plastique , il se fait une dé-
position dans son épaisseur, une périostose, qui tantôt
se dissipe par résorption, et d’autres fois s’ossifie. Le
périoste est quelquefois le siège d’une dégénération ou
d’une production cancéreuse cérébriforme , au centre
de laquelle l’os lui-même n’est pas tîès-altéré.
§ 023. Le périehondre, membrane ligamenteuse qui
enveloppe les cartilages , ne diffère guère du périoste
que par une beaucoup moindre vascularité. Il remplit,
à l’égard des cartilages, les mêmes usages que le pé-
rioste à l’égard des os , et de plus , il donne à ceux qui
sont très-minces et flexibles, une résistance à la rup-
ture, une ténacité qu’ils n’ont pas par eux-mêmes.
IV. Des enveloppes fibreuses du système nerveux.
§ 524. Les nerfs ont une enveloppe propre, le névn-
lème , qui est de la même nature que le tissu liga-
menteux. Autour de la moelle épinière cette enveloppe
perd la solidité du tissu ligamenteux, et autour du
cerveau, où la pie-mère est sa continuation j elle de-
vient purement cellulaire et vasculaire. Lenevrilème,
beaucoup moins vasculaire que la pie-mère, est encore
une partie très-vasculaire du système ligamenteux.
§ 525. La dure-mère eu ménynge, vasculaire comme
le périoste, diffère de cette membrane, commune des
os, en ce quelle est doublée par l’arachnoïde, ce qui
en forme une membrane fibro-séreuse , en ce qu’elle
forme une tunique ou capsule à l’encéphale et à la
moelle, en ce que dans le crâne, seul endroit où elle
serve aussi de périoste , elle contient des sinus ou
canaux veineux dans son épaisseur, et enfin par les
1.
45o. anatomie générale.
prolongemens ou cloisons quelle forme entre les di-
visions de l’encéphale.
Y. Des membranes fibreuses composées .
§ 52 6. Le péricarde et les pérididymes ou tuniques
vaginales sont, comme la dure-mère, des membranes
fibro-séreuses résultant de l’union intime d’une mem-
brane ligamenteuse avec le feuillet externe ou pariétal
d’une membrane séreuse.
Dans les fosses nasales et dans leurs sinus, dans la
cavité du tympan et dans le sinus mastoïdien , à la
voûte du palais et dans quelques autres endroits encore ,
le périoste est immédiatement couvert par une mem-
brane muqueuse qui lui est intimement unie, ce qui
constitue une membrane fibro-muqueuse.
Ces membranes composées ressemblent , par leur
texture , leurs fonctions et leurs altérations, aux deux
genres de tissu dont elles sont formées.
YI. Des capsules fibreuses de quelques organes .
§ 527. Enfin l’œil est renfermé dans une membrar e
capsulaire, appelée sclérotique et cornée 5. le testicule
dans une appelée albuginée, l’une et l’autre remar-
quables par leur épaisseur et leur solidité ; les ovaires ,
les reins , le foie , et quelques autres parties encore, ont
des enveloppes du même genre , mais beaucoup moins
épaisses et moins solides. La plupart de ces capsules ,
toutes même, excepté la scélérotique, ont des pro-
longemens intérieurs fibreux qui s’étendent dans le tissu
de l’organe. Elles sont percées de quelques ouvertures
DU TISSU FIBRO-CARTIAAGINEUX. /fî l
pour le passage des vaisseaux , mais sont peu vasculaires
elles-mêmes. Elles ont pour usage commun de déter-
miner la forme des organes quelles enveloppent , d’en
contenir, d’en soutenir, d’en protéger les parties in-
y '
ternes.
TROISIÈME SECTION.
DU TISSU FIBRO-CARTILAGINEUX.
§ 528. Le tissu fibro-cartilagineux est fibreux et te-
nace comme le tissu ligamenteux , dont il fait réellement
partie; blanc , très-dense, et élastique comme le tissu
cartilagineux; il semble intermédiaire aux ligamens et
aux cartilages.
§ 529. Galien a nommé certains ligamens neuro-
chondroïdes, vtupofcovê'pûiê'tç cwê'îçjitoi • Vesale les appelait
ligamens cartilagineux; Morgagni les regardait comme
intermédiaires entre les ligamens et les cartilages ;
Weitbrecht les comprend parmi les ligamens; Haase,
au contraire, les range dans la «chondrologie, sous les
noms de cartilages ligamenteux et mixtes. Bichat a
établi un système fibro-cartilagineux, composé du tissu
ligamenteux cartilaginiforme dont il s’agit ici , et d’une
partie du tissu cartilagineux, qui sera décrit dans le
chapitre suivant; mais ce système d’organes ne me
semble pas exister dans la nature, c’est pourquoi je 11e
l ai point conservé. Les fibro- cartilages dont il est ques-
tion ici ne me paraissent être qu’une variété du tissu
desmeux : ce sont des organes ligamenteux cartilagi-
niformes.
4^2 ANATOMIE GENERALE.
§ 53o. Les fibro-cartilages sont temporaires ou per-
manens.
Les fibro-cartilages temporaires sont ceux qui passent
régulièrement, constamment, et à des époques dé-
terminées, à l’état osseux : ce sont les fibro-cartilages
d’ossification. On les rencontre dans l’épaisseur des
tendons et des ligamens. Ils sont purement fibreux dans
le principe, deviennent ensuite fibro-cartilagineux, et
enfin osseux. La rotule et les os sésamoïdes se déve-
loppent de cette manière. Les endroits où les tendons
frottent contre les os , ceux , par exemple , où les
jumeaux appuient contre le fémur, où le long péronnier
latéral glisse contre le tarse, sont aussi constamment
le siège de fibro-cartilages de ce genre. Le ligament
stylo -hyoïdien , le ihyroliyoïdien , contiennent, dans
leur épaisseur, des grains de la même nature. La sclé-
rotique, dans certains animaux, présente des points
opaques, également fibro-cartilagineux, qui forment
ensuite des plaques osseuses.
§ 53 1. Les fibro-cartilages permanens, ou du moins
ceux qui durent presque toute la vie, sont de plusieurs
espèces. i° Il en est de libres par leurs deux faces : ce
sont les ligamens inter - articulaires ou ménisques,
menisci ; on les rencontre dans les articulations temporo-
maxillaires, sterno-claviculaires, quelquefois dans celle
de l’acromion avec la clavicule, constamment entre le
fémur et le tibia, entre le cubitus et l’os pyramidal.
Entièrement isolés par leurs deux faces, ces ligamens
sont adhérens par leurs bords ou par leurs extrémités.
2° D’autres sont adliérens par une de leurs faces; tels
sont ceux que l’on trouve partout où un tendon frotte
V
DU TISSU FIBRO-CARTILAGINEUX. 4^3
contre un os, et dont la présence est due à ce que le
périoste devient cartilagineux dans ces endroits; ceux
que présentent les ligamens contre lesquels glissent des
tendons, comme cela a lieu pour le ligament calcanéo-
cuboïdien , contre lequel frotte le tendon du muscle
jambier postérieur. Tels sont encore les bourrelets
fibro-eartilagineux attachés au bord des cavités glé-
noïde et cotyloïde. Partout, en général, où le tissu
fibreux est exposé à des frottemens habituels , ce tissu
prend une texture ou une apparence cartilagineuse :
c’est ce qu’on voit pour les frottemens des os contre t
les ligamens, au ligament annulaire du radius, au li-
gament transverse de l’apophyse odontoïde; la poulie
du muscle grand oblique est encore un exemple du
même genre. 3° Certainsligamens cartilagineux adhèrent
par leurs deux faces; les intervalles des corps des ver-
tèbres, l’intervalle des pubis, sont remplis par des or-
ganes de ce genre. Ainsi, d’après leur forme et leurs
connexions on peut distinguer trois sortes de ligamens
cartilaginiformes.
§ 532. Ces organes, quoique toujours fibreux comme
les ligamens , et très-denses comme les cartilages, pré-
sentent un grand nombre de variétés, par rapport à la
consistance, et à l’homogénéité de leur tissu. Les mé-
nisques, ou ligamens inter-articulaires, par exemple,
offrent des fibres très- distinctes à leur circonférence, et
prennent vers leur centre, qui est miuce, une appa-
rence de plus en plus serrée et homogène, sans pour-
tant qu’on doive les regarder, même en cet endroit,
comme de vrais cartilages. Le périoste cartilagineux a
plus de ressemblance avec ces derniers. Dans les liga-
i
454 ANATOMIE GÉNÉRALE.
mens amphiarthrodiaux , un tissu fibreux très-apparent
existe à l’extérieur; il se convertit, à mesure cpi’on se
rapproche du centre, en une sorte de pulpe ou de
bouillie blanche qui se rapproche des cartilages, moins
par sa consistance cependant que par la disparition
des fibres et par son homogénéité apparente.
§ 533. Il entre dans la composition des fibro-carti-
lages les mêmes parties que dans celle du tissu liga-
menteux; on y trouve peu de vaisseaux. Leur com-
position chimique a été peu étudiée. Par la dessicca-
tion , ils deviennent jaunes et transparens, comme les
ligaméns. La décoction agit sur eux de la même ma-
nière que sur ces derniers : elle les fond entièrement
en gelée, de sorte qu’ils ne participent pas, sous ce
rapport, du tissu cartilagineux.
§ 534- Leurs propriétés physiques sont semblables à
celles des ligaméns et des cartilages. Leur ténacité ou
force de cohésion très-grande , et qui surpasse même
celle des os, les rapproche du tissu ligamenteux. D’un
autre côté , ils sont très - élastiques , et reviennent
promptement sur eux-mêmes lorsqu’ils ont cédé , soit
à la distension , soit à la pression ; c’est surtout quand
ils sont comprimés , que leur élasticité est très-mar-
quée. Ils résistent plus que les os et les cartilages à
l’action destructive des tumeurs pulsatiles : dans les
anévrysmes de l’aorte, les vertèbres sont usées et dé-
truites avant le fibro-cartilage qui les sépare : cette
propriété est une suite de leur élasticité. Les propriétés
vitales des fibro-cartilages sont obscures, comme celles
du tissu ligamenteux en général.
S 535, Dans leur formation , plusieurs de ces parties
DU TISSU FIBR0-CÂRTILAG1NEITX. ^55
passent par fétat fibreux; d’autres passent directement
de letat muqueux à l’état fibro-cartilagineux. Ce n’est
qu’accidentellement , et d’une manière variable, que
les fibro-cartilages permanens deviennent ôsseux dans
la vieillesse; cependant cela leur arrive plus souvent
qu’aux ligamens , mais moins souvent qu’aux cartilages.
§ 536. Les fibro-cartilages temporaires ou passagers
ont pour usage de servir de type ou de moule à des os.
Ceux qui sont permanens forment tantôt des liens
flexibles, élastiques et très-solides, et servent tantôt
cà faciliter les glissemens , par la consistance qu’ils
donnent aux surfaces.
§ 53y. Les états morbides' des fibro-cartilages sont
peu connus.
Divi sés, ils se réunissent, comme on le voit, après
l’opération de la symphyséotomie.
Leur production accidentelle n’est pas très-rare. On
peut prendre pour type de l’espèce et pour objet de
comparaison le centre d’un ligament inter-vertébral. Les
fibro-cartilages accidentels sont en effet fibreux comme
les ligamens, d’un blanc laiteux comme les cartilages,
souples, humides et élastiques. D’après leur forme,
leurs connexions, leurs usages, les fibro-cartilages
accidentels sont de deux sortes. Les uns sont des
moyens d’union de quelques fractures non-consolidées ,
soit à cause des mouvemens, comme celles du col du
fémur, de la rotule et autres; soit à cause d’une perte
étendue de substance , dans un des os de l’avant-
bras , de la jambe, du métatarse, du métacarpe, du
crâne, etc., endroits où le rapprochement des frag-
mens ne peut avoir lieu. D’autres fibro-cartilages se
ANATOMIE GÉNÉRALE.
456
forment sur le bout des os amputés, sur les surfaces
des articulations surnuméraires , sur et autour de la
surface des cavités articulaires supplémentaires, et dans
quelques fausses ankylosés. On trouve des fibro-carti-
lages informes dans quelques tumeurs composées de
la thyroïde, dans certains kystes, et dans quelques ci-
catrices , surtout celles qui se font quelquefois dans les
poumons , à la suite de levacuation des tubercules. On
trouve des plaques du même genre à la surface de la
rate. Les corps fibreux de l’utérus sont quelquefois
mous, et pulpeux au centre, comme les ligamens in-
ter-vertébraux. On trouve enfin quelquefois des masses
fibro - cartilagineuses régulières , globuleuses , libres
dans les cavités séreuses où elles ont pénétré. M. le
docteur Trouvé , de Caen , m’a donné une tumeur
à • _
de ce genre, grosse comme une noix, trouvée avec
une autre semblable dans la cavité péritonéale ;
cette tumeur, manifestement fibreuse à l’extérieur,
est molle comme les ligamens inter-vertébraux, vers
le centre, et contient là un os gros comme un petit
pois.
§ 538. L’inflammation des fibro-cartilages est peu
connue. On sait seulement que, dans certains cas, les
parties desmo - cartilagineuses deviennent extrême-
ment molles par suite d’un afflux des liquides , d une
sorte de congestion : c’est ce qu’on voit dans la gros-
sesse, aux symphyses du bassin , et ce qu’on a même
observé chez l’homme, dans ces mêmes articulations.
La colonne vertébrale présente ce ramollissement d une
manière très-marquée chez les rachitiques : il en re-
suite une flexibilité des ligamens inter-vertébraux qui
DES CARTILAGES.
457
fait que la colonne se ploie avec la plus grande facilité,
et que si l’individu garde habituellement une mauvaise
attitude, la colonne se courbe latéralement en plusieurs
endroits, et que les vertèbres elles-mêmes participent
avec le temps à la déformation.
Une des variétés du mal vertébral consiste aussi dans
le ramollissement et dans le gonflement des ligamens
inter-vertébraux, qui finissent par s’ulcérer et se dé-
truire.
458
ANATOMIE GENERALE.
CHAPITRE VII.
DES CARTILAGES.
§ o3cj. Les cartilages, ^ovt^poj j sont des parties blanches,
dures, flexibles, très-élastiques , cassantes, homogènes
en apparence, qui forment le squelette des vertébrés
inférieurs dans la série (les poissons chondroptéry-
giens); qui tiennent la place des os dans les autres
vertébrés au commencement de leur vie; et dont quel-
ques-uns, persistant dans l’état adulte, forment des
parties solides , dures et flexibles tout à la fois.
§ 54o. Les anciens anatomistes et ceux de l’école
d’Italie ont discuté beaucoup sur la matière formatrice
des os et des cartilages, et sur leurs différences; Ga-
gliardi et Havers ont cherché envain cette différence
dans la texture intime des parties ; des observations
plus utiles ont été faites dans le siècle dernier s>ur le
tissu cartilagineux. L’on doit à Haase une très-bonne
O
dissertation 1 sur ce sujet; mais cet anatomiste, comme
plusieurs de ceux qui l’ont précédé et suivi , a confondu
les ligamens chondroïdes avec les cartilages, ce qui
met un peu de vague dans sa description générale.
Bichat a séparé des autres cartilages ceux qui sont
minces et très-flexibles, pour en faire, avec les liga-
mens cartilaginiformes , le système fibro-cartiîagineux f
mais ces derniers sont de vrais ligamens, et les premiers
des cartilages véritables.
1 .1. G. Haasc, de Fcibricd cartilaginurn. Lips. 1767.
DES CARTILAGES EN GÉNÉRAL.
459
§ 54 1- Les cartilages sont, ou temporaires, ou pei-
inanens :* les premiers disparaissent constamment ,
complètement, régulièrement , à une époque déter-
minée de l’accroissement, et sont remplacés par les
os ; les derniers restent beaucoup plus long-temps , et
quelquefois plus d’un siècle, à l’état cartilagineux; ce-
pendant plusieurs d’entre eux finissent par s’ossifier,
quelquefois même dès la fin de l’accroissement. Les car-
tilages temporaires seront décrits avec les os (chap. VIII).
Il ne sera question ici que des cartilages dits perma-
nens : ils forment un genre d’organes assez naturel,
et présentent aussi quelques différences.
PREMIÈRE SECTION.
DES CARTILAGES EN GENERAL.
§ 542. Quelques cartilages ont une forme allongée :
tels sont les cartilages costaux; d’autres sont épais et
courts, comme les arythénoïdes et le cricoïde; mais la
plupart sont larges et minces.
Les uns tiennent aux os, t dont ils revêtent quelques
parties, d autres en sont des prolongemens, et sont en-
grenés avec eux, d autres sont liés aux os par des li-
gamens, d autres sont attachés les uns aux autres, et
n ont point d autres connexions avec les os.
Les cartilages sont d’un blanc nacré, et denû-trans-
parens quand ils sont en lames minces; quoique les
parties les plus dures du copps après les os, ils se
coupent aisément.
§ 544. Examinés dans leur épaisseur, les cartilages
ne présentent ni cavités, ni canaux, ni aréoles, ni
ANATOMIE GENERALE.
46o
libres, ni lames, rien enfin qui indique une texture
organique ; ils paraissent homogènes. Cependant il
paraît qu’ils ont une texture distincte et variée dans
chaque sorte de cartilages; cette assertion sera exa-
minée plus loin.
Tous les cartilages, excepté ceux des surfaces arti-
culaires, sont enveloppés d’une membrane fibreuse,
le périchondre, qui est peu vasculaire, et qui n’a pas
avec les cartilages des rapports aussi intimes que le
périoste avec les os. On ne connaît dans les cartilages,
ni nerfs, ni vaisseaux; le tissu cellulaire n’y devient
point apparent pendant la vie , et après la mort il faut
une macération prolongée pendant plusieurs mois ,
même sur de jeunes sujets, pour les réduire en une
substance muqueuse analogue au tissu cellulaire , et
qui, dans leur état ordinaire, doit être à un dégré
extrême de condensation et de resserrement.
§ 544. Les cartilages contiennent une grande quan-
tité d’eau 1 ou de liquide séreux qui suinte à la sur-
face quand on les incise , et qui l’humecte. Dans
l'homme adulte la proportion d’eau qu’ils contiennent
est à la substance solide comme 2 -J- esta l Lë carti-
lage desséché devient demi-transparent, jaunâtre, sus-
ceptible de se déchirer; plongé dans l’eau il reprend,
en quatre jours , son poids et son volume, sa couleur
blanche , sa flexibilité , et perd de sa transparence.
§ 545. Soumis à l’action de l’eau bouillante, en laines
minces , elle les crispe d’abord , les jaunit et les rend
opaques.
1 Chevreul , De l’influence que l’eau exerce, etc., in Ann.
fle chimie et de physique , tome 19.
«
DES CARTILAGES EN GENERAL. 1
L’action prolongée de l’eau bouillante sur les car-
tilages établit entre eux une différence fondée aussi
u
sur d’autres caractères; les cartilages articulaires se
résolvent en gelée par la décoction, les autres, au con-
raire, y résistent. L’alcohol rend les cartilages un peu
opaques. Les acides étendus n’ont point d’action sur
eux; concentrés, ils agissent comme sur l’épiderme.
Leur analyse chimique laisse encore à désirer. On a
répété vaguement, après Haller, qu’ils sont composés
de gélatine et de terre. D’après M. Allen, c’est de la
gélatine, et un centième de carbonate de chaux. Hat-
chett dit qn’ils sont formés d’albumine coagulée et de
traces de phosphate calcaire ; mais on ignore de quel
cartilage il veut parler. M. Chevreul a trouvé que les
os cartilagineux du squale sont composés d’huile , de
mucus, d’acide acétique et de quelques sels. M. J. Davy
a trouvé le cartilage formé d’albumine 44>5; d’eau 55 ;
et de phosphate calcaire o,5.
§ 54b. La propriété physique la plus remarquable
des cartilages est l’élasticité. Ce n’est pas qu’ils s’al-
longent et reviennent sur eux-mêmes , comme le tissu
élastique; ce n’est pas non plus, en général, comme
les ligamens chondroïdes, qu’ils cèdent à la pression,
et qu’ils reprennent ensuite leur épaisseur; mais ils
sont flexibles , et se redressent avec force et prompti-
tude quand la cause de flexion cesse d’agir. Les carti-
lages articulaires seuls sont élastiques à la manière du
tissu fibro-cartilagineux.
§ 547. Les propriétés vitales et les phénomènes de
formation , d’irritation et de sensation , sont extrême-
ment obscurs dans le tissu cartilagineux. On ne sait si
4^2 ANATOMIE GENERALE.
c’est aux cartilages articulaires, ou si ce n’est pas
plutôt aux membranes synoviales qui les revêtent,
qu’il faut attribuer la douleur que causent les corps
étrangers des articulations quand ils s’engagent entre
les surfaces.
►
§ 548. Les fonctions des cartilages dépendent uni-
quement de leurs propriétés physiques; de leur soli-
dité, qui les rend propres à conserver la forme de cer-
taines parties, de leur flexibilité et de leur élasticité,
qui leur permettent de céder par instans, et de re-
prendre ensuite leur forme première.
§ 549. Les cartilages sont d’abord, dans l’embryon et
le fœtus, mous, muqueux et transparens comme de la
gelée ou de la glu; la proportion d’eau y est alors ex-
trêmement grande; dans l’enfant, ils sont encore peu
colorés, très - transparens , très - mous , et peu élas-
tiques. Ils acquièrent ensuite la blancheur, la fermeté
et la demi-opacité qui les caractérisent. Plus tard, dans
la vieillesse, ils deviennent plus blancs ou jaunâtres;
plus opaques, moins flexibles, moins élastiques, plus
cassans , plus secs; la proportion d’eau y diminue, et
celle de la substance terreuse augmente. Ils finissent la
plupart par s’ossifier, en quelques points au moins. Ce
changement commence quelquefois dès l’âge adulte,
mais surtout dans la vieillesse. L’inflammation le dé-
termine prématurément.
§ 55o. L’action organique de la nutrition y paraît
très-lente. L’usage de la garance ne les colore pas;
cette substance paraît n’avoir d’affinité qu’avec la subs-
tance terreuse des os. Ils jaunissent dans 1 ictère. Les
os cartilagineux de la colonne vertébrale de la lam-
u
DES CARTILAGES EN GENERAL. ' 4^3
proye paraissent et disparaissent chaque année, ce qui
suppose pourtant une grande activité organique; il
en est de même de l’accroissement rapide du larynx
vers l’époque de la puberté.
§ 55 1. Les productions cartilagineuses accidentelles
sont très-communes : elles ont tous les caractères des
cartilages naturels; la couleur, l’homogénéité appa-
rente, etc. Elles présentent toutes les variétés de tex-
ture des cartilages 5 et même plus; aussi faut-il les dis-
tinguer en deux sortes. Les cartilages accidentels impar-
faits sont quelquefois à l’état de gelée, ou bien ils ont
la consistance du blanc d’œuf cuit. Ils ont une couleur
laiteuse, ou jaunâtre, ou gris de perle; ils s’ossifient
en partie ou en totalité, plutôt que de devenir des car-
tilages parfaits. On les trouve sous forme d’incrusta-
tion dans les artères, et surtout dans l’aorte et dans les
artères cérébrales ; sous forme de kyste autour des
productions morbides et des acéphalocystes ; formant
des trajets fisluleux dans les poumons; sous forme de
masses irrégulières dans les goitres et autres tumeurs
composées ; et sous celle de corps isolés dans les arti-
culations.
Les cartilages accidentels parfaits sont ceux qui
présentent les caractères du tissu naturel , et spéciale-
ment sa fermeté. On en trouve formant de petits kystes
remplis de phosphate de chaux. On en trouve souvent
à l’état de corps isolés, d’un volume médiocre, d’une
figure obronde , dans les membranes synoviales, ou à
leur extérieur, d’où ils pénètrent dans la cavité en pous-
sant la membrane devant eux, en s’en enveloppant
comme d un doigt, de gant , dont la base , après s’être
ANATOMIE GENERALE.
464
amincie , se divise. Ils s’ossifient imparfaitement en
partie ou en totalité, en commençant parle centre. On
trouve aussi de ces corps cartilagineux dans les cavités
splanchniques, et surtout dans la tunique vaginale, où
ils pénètrent comme les précédens.
On trouve aussi des cartilages parfaits sous forme
d’incrustation ou de plaques, dans le tissu cellulaire
sous-séreux de la rate, des poumons , de la plèvre cos-
tale; dans l’épaisseur des valvules du cœur, surtout
du côté gauche ; dans le tissu sous-séreux de la plèvre
et du péritoine diaphragmatiques , du foie ; dans
les hernies, et rarement dans le paroi antérieure de
l’abdomen. Toutes ces incrustations ont une grande
O
tendance à s’ossifier. On trouve aussi des cartilages
o
en masses informes dans les tumeurs composées et
dans le tissu Cellulaire accidentel des membranes sé-
*
reuses.
-
Il se forme quelquefois des cartilages accidentels
par transformation d’autres tissus. Une vieille femme
qui était , il y a quelques années , à l’hôpital de la Faculté
de médecine , et qui portait sur le front une large ex-
croissance cornée conoïde, venue sur une cioatrice de
brûlure, étant morte, on a trouvé dans la base de
cette corne les os du crâne transformés en cartilages.
M. Laennec a vu une transformation cartilagineuse de
la membrane muqueuse de l’urètre; j’ai vu la même
chose au vagin, dans un cas de prolapsus de 1 utérus,
et au prépuce dans un cas de phymosis de naissance
dans un vieillard. Je crois toutefois que ces trois cas
appartiennent plutôt aux productions desmo-cartila-
gineuses.
DES CARTILAGES ARTICULAIRES. 4^5
§ 552. Les altérations 1 des cartilages sont rares, et
le plus souvent consécutives. Ils résistent très-long-
temps à l’action destructive des tumeurs anévrysmales,
et à la propagation des maladies des organes voisins.
Les altérations auxquelles ils sont sujets, et la répara-
tion de leurs lésions , sont d’ailleurs un peu différentes
dans les différentes sortes de ce tissu.
SECONDE SECTION.
DES DIFFÉRENTES SORTES DE CARTILAGES.
§ 553. On peut diviser les cartilages, à raison de leur
forme , de leurs connexions , de leur texture , de leurs
propriétés et de leurs fonctions , en trois sortes prin-
cipales.
ARTICLE PREMIER.
DES CARTILAGES A RT I C U L A I L E S.
S 554. Les cartilages articulaires diarthrodiaux 2 sont
des lames cartilagineuses aplaties et élargies, qui re-
vêtent ou incrustent les surfaces des os dans les articu-
lations mobiles. Ces lames ont une surface libre , re-
couverte par la membrane synoviale, qui y est étroite-
ment unie, et une face qui adhère aussi intimement à
la surface de l’os , sans pourtant qu’il y ait continuité de
1 Doerner ,prceside Autenrieth, de Gravioribus quibusdam
cartilaginum mutalionibus ; Tubing. , 1798.
2 W. Hunter, of the Structure and diseases ofarticulating
cartilages ; in Philos, trans. , ann. 1743. — Delasone, sur l’Or-
ganisation des os; in Mém. de l’acad. des sc.; Paris,
3o
1.
4^6 ANATOMIE GÉNÉRALE.
tissu. Leur circonférence, amincie, s’étend jusqu a
celle des surfaces articulaires des os. Leur épaisseur,
peu considérable et proportionnée à leur largeur, est
de une à deux lignes dans les plus grands, et d’une
fraction de ligne dans les plus petits : cette épaisseur
n’est point la même dans toute leur étendue. Ceux qui
revêtent des surfaces osseuses convexes sont plus épais
au centre que dans le reste de leur étendue; ceux des
^surfaces concaves sont, au contraire, plus épais au
pourtour qu’au centre.
§ 555. La texture de ces cartilages, aussi peu évidente
au premier aperçu que celle des autres , tellement qu’ils
ressemblent à une couche de cire dont on aurait enduit
l’os, peut être découverte par quelques procédés; elle
est fibreuse. La macération d’une partie articulaire d’un
os, prolongée pendant six mois, détermine la destruc-
tion de la membrane synoviale, seule membrane qui
recouvre le cartilage dépourvu de périchondre fibreux,
et produit la désunion des fibres qui le composent,
lesquelles s’élèvent perpendiculairement de la surface
de l’os, comme les filamens du velours s’élèvent de sa
trame. Si on fait dessécher un cartilage ainsi disposé
par la macération , les fibres, en s’amincissant, s’écar-
tent les unes des autres, et deviennent encore plus dis-
tinctes. La décoction, quand elle n’est pas assez pro-
longée pour fondre le cartilage articulaire , produit
d’abord le même effet que la macération. L’action du
feu nu fait aussi apercevoir la même chose. Ces carti-
lages n’ont point de vaisseaux : l’injection fine et l’ins-
pection microscopique montrent les vaisseaux capil-
laires se terminant à leur circonférence et à leur face
DES CARTILAGES ARTICULAIRES.
467
adhérente, sans pénétrer jamais dans leur substance.
Ces cartilages,' compressibles et élastiques, amor-
tissent les effets de la pression et des chocs ; leur poli
facilite les mouvemens des articulations diarllirodiales.
Ils s’amincissent beaucoup dans la vieillesse.
§ 556. Dans les articulations contre nature il ne se
produit point de véritables cartilages , mais seulement
du tissu desmo-chondroïde , tissu qui , à la vérité, res-
semble beaucoup à celui des cartilages diarthrodiaux.
Dans les articulations diarthrodiales naturelles, la des-
truction des cartilages est quelquefois suivie de leur
reproduction à peu près parfaite ; seulement le carti-
lage nouveau, produit à la surface de l’os, étant plus
mince, a une couleur en apparence violacée, ce qui
est dû à sa demi-transparence ; les bords de l’ancien
cartilage sont libres , et anticipent sur le contour
très-mince du nouveau.
On trouve quelquefois dans les articulations des
vieillards , affectées de diverses autres altérations , les
cartilages diarthrodiaux changés en fibres villeuses ,
libres et flottantes. Mis à découvert dans les désarticu-
lations , si la plaie est réunie par adhésion primitive,
le cartilage et sa membrane synoviale n’y participent
point, et restent libres derrière la cicatrice. Si la plaie
• 1
reste ouverte, si elle s’enflamme et suppure, on voit
au bout de quelques jours le cartilage se ramollir, et
disparaître ensuite successivement de la circonférence
au centre, à mesure et même avant que les granula-
tions s’étendent à la surface de l’os. L’inflammation
des cartilages diarthrodiaux est en général rare; et,
quand elle a lieu, elle se termine ordinairement par
ANATOMIE GÉNÉRALE.
468
ulcération ou par résorption. Cette ulcération des car-
tilages diarthrodiaux est le plus- souvent consécutive à
l’inflammation de la membrane synoviale ou de l’os,
quelquefois à celle du cartilage lui-même, mais quel-
quefois aussi elle semble netre précédée d’aucune in-
flammation. Quelquefois, avant de s’ulcérer, le cartilage
s’amollit et prend l’apparence fibreuse. Cette ulcéra-
tion a le plus souvent lieu chez les sujets jeunes, ou
avant lage moyen de la vie. Cette ulcération est accom-
pagnée d’une douleur d’abord légère, qui augmente
peu à peu d’intensité. Quand l’ulcération s’arrête et
- guérit, il se fait une reproduction de cartilage déjà
indiquée, ou bien une production osseuse éburnée ou
émaillée, ou bien enfin une soudure des surfaces, une
ankilose. Dans le cas d’ankilose vraie , les cartilages
sont toujours résorbés.
§ 557. Les cartilages des articulations synarthro-
diales, sont des lames extrêmement minces, placées
entre les os articulés d’une manière immobile, et te-
nant fortement des deux côtés à ces os par engrenure’;
leurs bords, dans l’intervalle des os, tiennent intime-
ment au périoste externe et interne, qui passe de l’un
à l’autre os. Ils concourent ainsi pour beaucoup à la
solidité de ces articulations. Ces cartilages, dans les
sutures du crâne, sont plus minces à l’intérieur qu à
l’extérieur de la paroi, ce qui rend en partie raison
de la disparition plus prompte des sutures à l’intérieur
qu’à l’extérieur du crâne. Sous le rapport de la fré-
quence de leur ossification , ils tiennent le milieu
entre les cartilages temporaires et les permanens.
DES CARTILAGES COSTAUX, LARYNGIENS, etC. 4^9
ARTICLE II.
des CARTILAGES COSTAUX, LARYNGIENS, elC.
«
§ 558. Les cartilages costaux 1 sont les cartilages les
plus longs et les plus épais du corps, ils constituent
des proion gemens cartilagineux aux côtes osseuses! Les
premiers d’entre eux peuvent aussi être considérés
comme des côtes cartilagineuses antérieures ou ster-
nales. Les cartilages tiennent tous à l’extrémité anté-
rieure des côtes, par engrenure, comme les cartilages
synarthrodiaux. Le premier est même continu avec le
sternum par l’autre extrémité; les six suivans s’articulent
avec le sternum par diarthrose ; les trois suivans s’arti-
culent de même avec ceux qui les précédent; les deux
derniers sont plongés dans le tissu cellulaire intermus-
culaire.
§ 559. La texture de ces cartilages est très-obscure ,
et au premier aspect ils paraissent homogènes. Cepen-
dant, par la macération prolongée pendant au moins
six mois , les cartilages costaux se divisent en lames ou
plaques ovales, séparées les unes des autres par des
lignes circulaires ou spirales, et réunies entre elles par
quelques fibres obliques qu’elles s’envoient récipro-
quement. Ces lames elles-mêmes se divisent en fibrilles
radiées, et celles-ci, à la longue, en petites parcelles,
qui se réduisent enfin en substance muqueuse; toutes
ces divisions ou séparations s’opèrent d’abord à la cir-
conférence du cartilage : le centre est plus homogène,
Hérissant, Sur la structure des cartilages des côtes de
1 homme et du cheval, in Mém. de l’acad. des sc., 1748.
ANATOMIE GENERALE.
47°
et se divise le dernier. On peut hâter cette séparation
en faisant dessécher au soleil un cartilage costal ma-
céré pendant deux ou trois mois. Les acides produisent
un effet analogue.
§ 56o. Les cartilages costaux sont un peu flexibles
et très-élastiques. Dans l’inspiration, .le mouvement
imprimé aux côtes par les muscles, les ploie et les tord
sur eux-mêmes, et quand l’action musculaire vient à
cesser, ils tendent d’eux-mêmes à reprendre leur direc-
tion première, et sont ainsi des agens de l’expiration.
S 56i. Passé l’âge adulte et dans la vieillesse, les
cartilages costaux cessent d’être ou de paraître homo-
gènes. Leur périchondre devient opaque, et il se pro- .
duit, entre le cartilage et lui, et dans son épaisseur,
des plaques osseuses plus ou moins nombreuses et
larges, qui finissent quelquefois par former un étui
osseux plus ou moins complet. Ce changement arrive
presque constamment au premier, en commençant par
son extrémité sternale; les autres cartilages sterno-cos-
taux l’éprouvent aussi, mais à un degré moindre. Les
cartilages costaux asternaux l’éprouvent moins encore,
ou point. En même temps les cartilages costaux de-
viennent jaunâtres , puis rougeâtres dans leur centre,
qui présente aussi des points osseux plus ou moins
gros et nombreux, lesquels finissent quelquefois par
envahir le cartilage tout entier. Ce dernier phénomène
se montre plus fréquemment et plutôt aux cartilages
asternaux qu’aux autres.
Ces changemens dans les cartilages sont ordinaire-
ment l’effet de l’âge: ils commencent vers le milieu de
la vie, et vont continuellement en augmentant; cepen-
DES CARTILAGES COSTAUX, LARYNGIENS, etC. ^ \
dant on a vu des hommes de cent trente ans et de cent
cinquante ans ne pas avoir les cartilages costaux os-
sifiés.
Quand les cartilages commencent à éprouver ce
changement, la dessiccation les fait rompre en travers
dans le centre , devenu aréolaire , et non à la surface ,
devenue au contraire plus dense.
Ils s’ossifient fréquemment, et à un âge peu avancé
chez tes phthisiques.
§ 562. Les cartilages costaux dénudés ne produisent
point de granulations, mais sont recouverts par celles
des environs. Rompus, ils ne se réunissent pas par une
substance cartilagineuse, mais une lame cellulaire est
produite entre eux, et l’endroit rompu est enveloppé
d’une virole osseuse fournie par le périchondre, et qui
est plus ou moins régulière, suivant que les fragmens
sont restés plus ou moins exactement affrontés. J’ai vu
quelquefois dans l’homme, et souvent dans le cheval ,
la fracture des cartilages asternaux ossifiés, réunie
par un cal osseux.
Les cartilages costaux sont sujets à quelques vices
de conformation primitive, et meme à manquer en
totalité ou en partie : dans ce dernier cas, c’est tou-
jours l’extrémité tenant à la côte qui existe. Quand la
poitrine se déforme, quand elle se rétrécit, comme
cela a quelquefois lieu après la guérison de la pleurésie,
les cartilages du côté affecté se ploient, et deviennent
difformes.
§ 563. Le cartilage nasal, celui du conduit auricu-
laire et celui du conduit guttural du tympan, sont
encore articulés par engrenure avec les os. Ceux du
ANATOMIE GÉNÉRALE.
472
larynx, au contraire, ne sont attachés aux os que par
des ligamens, et sont réunis entre eux par des articu-
lations mobiles.
Ces cartilages ont encore une certaine épaisseur.
Quand on enlève leur périchondre, on trouve leur
surface lisse et dense. La macération long-temps con-
tinuée, divise ces cartilages en fibrilles ou filamens
mous et courts. La coction et les acides minéraux
produisent les mêmes effets.
Ces cartilages sont flexibles et élastiques ; par leur
solidité ils maintiennent la forme et la cavité des or-
0 »
ganes qu’ils contribuent à former. Ceux du larynx
présentent la particularité remarquable d’un accroisse-
ment très-rapide à l’époque de la puberté. Ces mêmes
cartilages s’ossifient quelquefois dès l’âge adulte , en
partie du moins. L’inflammation chronique de la mem-
brane muqueuse du larynx et son ulcération bâtent
beaucoup cette ossification, qui est en effet constante
dans la phthisie laryngée, et fréquente dans la phthisie
pulmonaire.
Les cartilages thyroïde et cricoïde divisés , se réu-
nissent par des lames osseuses du périchondre , plus
épaisses à l’extérieur qu’à l’intérieur du larynx.
ARTICLE III.
DES CARTILAGES M E 31 B R A N I F O R M E S.
§ 564- Ces cartilages sont ceux que Bichat a rangés
dans son système fibro - cartilagineux. Ils sont très-
minces et très-flexibles.
DES CARTILAGES MEMBRANIFORMES.
Ce sont les cartilages palpébraux ou tarses, celui de
l’oreille, ceux des narines, l’épiglottique, le cartilage
médian de la langue, les trachéaux et les bronchiques.
Ces cartilages très-minces sont pourvus d’un pé-
richondre très- fort et très-épais, relativement à eux,
et qui envoie dans leur épaisseur des prolongemens
fibreux et cellulaires , dont quelques-uns même les tra-
versent de part en part ; aussi leur surface est-elle
inégale et poreuse. La macération, prolongée pendant
deux ou trois mois, les ramollit et les réduit à l’état
de fibrilles distinctes d’abord , et enfin de substance
cellulaire ou muqueuse.
Ils sont très-flexibles , parfaitement élastiques , et
beaucoup moins cassans et plus tenaces que les autres.
Comme les précédens, ils concourent à former des
organes, des canaux , dont ils maintiennent la forme ,
et dont ils conservent le calibre. Ils s’ossifient rare-
ment et très-tard. Les cerceaux de la trachée seuls
présentent, dans l’adulte, une ossification plus ou
moins étendue. Cependant on a trouvé, dans le cas de
phthisie, les arceaux cartilagineux des bronches ossifiés.
On a vu aussi, sur des goutteux, et à la suite de l’in-
flammation de l’oreille, le cartilage de cette partie
devenir osseux. Dans le cas de goitre, et même sans
cette cause de compression , on trouve quelquefois
les arceaux cartilagineux de la trachée comprimés
d un côté à l’autre , et leur partie moyenne pliée à
angle : on observe aussi le même changement de
forme dans les bronches.
474
WA TOM IE CENTRALE.
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CHAPITRE VIII.
DU SYSTÈME OSSEUX.
I
§ 565. Le système osseux 1 ou le squelette, z^eAeroV,
résulte de la réunion des os, parties les plus dures et
les plus sèches du corps.
§ 566. C’est, de tous les appareils, celui qui se montre
le Juernier dans la série animale : il apparaît avec le
centre nerveux (la moelle et le cerveau), auquel il
sert d’enveloppe.
§ 56y. On n’a pas toujours attaché le meme sens aux
mots os et squelette. On trouve dans les ouvrages
d’Hippocrate et d’Aristote la source des deux idées
principales attachées à ces mots; idées qui sont encore
aujourd’hui un sujet de controverse entre les zooto-
mistes.
1 Les meilleurs ouvrages à consulter sur l’ostéologie sont:
A. Monro, Anatomy of the bones and nerves; Edimb. , 17 26,
in~8°; traduit en français par Sue; Paris, 1769, gr. in-fol. — -
W. Cheselden , Osteographia , etc. ;* London , 1733 , in-fol. —
B. S. Albinus, de Ossibus corp. hum.; Lugd. Bat. , 1726 , in-8°.
— Id. , de Sceleto hum. ; ibid. , 1762, in-4°. — IL, Tab. sceleli
et muscùl. ; ibid., 1747, fol. raax. — Id., Tab. ossium ; ibid.,
1753, fol. max. — Boéhmer, Insdtutioncs osteologicce ;
Halæ-Magd. , — Tarin, Ostéograpliie ; Paris, 1753-
— Bertin, Traité d’ostéologie; Paris, 1754. — Ed. Sandifort,
Descriptio ossium hominis ; Lugd. Bat. , 1785. — Loschge, die
Knochen , etc. , in Abbildungen und kurzcn Besclir. ; Erlang. ,
j8o4 , in-fofc — Blumenbach, Geschichte und Bcsclireibung
der Knochen ; Golting. , 1807.
DU SYSTÈME OSSEUX. .
L’auteur du Traité de la nature des os leur attribue
pour usages de déterminer la forme, la rectitude et
la direction du corps : cette idée a prévalu , et Ton
admet encore généralement aujourd’hui, que le sys-
tème osseux a pour fonction principale de détermi-
ner la forme du corps, et d’en faciliter les mouvemens.
D’après cette définition, on a dû assimiler aux os des
vertébrés les parties dures des autres animaux arti-
culés, et surtout celles des insectes et des crustacés,
car c’est chez eux que le mouvement volontaire et la
conservation de la forme du corps sont portés au plus
haut degré; aussi Willis disait-il, en parlant de l’é-
crevisse, quo ad membra et partes motrices , non ossa
teguntur carnibus , sed carnes ossibus.
Aristote cependant, qui déjà regardait 1’épine.comme
l’origine ou le centre d’où proviennent les os, avait
mis sur la voie de la distinction faite dans ces derniers
temps entre les os et les autres parties dures des ani-
maux. Suivant cette idée, on voit en effet le squelette
ou système osseux des vertébrés consister d’abord , et
principalement, en une colonne longitudinale , laquelle
fournit en haut ou en arrière une enveloppe à la moelle
et au cerveau, et en avant ou en bas, une autre en-
veloppe aux organes de la nutrition , et notamment
aux parties centrales du système vasculaire; d’autres
appendices moins constantes servent aux mouvemens
par leurs articulations ; toutes les parties du système,
d ailleurs, peuvent fournir des attaches aux muscles.
La question est donc de savoir s’il faut appeler os
et squelette toutes les parties dures et sèches du corps
des animaux, celles qui en déterminent la forme et
47^ - ANATOMIE GÉNÉRALE.
en facilitent les mouvemens; ou bien s’il faut réserver
ce nom aux parties dures , propres aux vertébrés , qui
forment une colonne centrale et médiane dans le corps,
avec une cavité pour le tronc nerveux, et une autre
cavité pour le cœur et l’aorte, et souvent des appen-
dices latéraux pour le mouvement?
Suivant M. Geoffroi Saint-Hilaire , l’un des natura-
listes qui s’est le plus occupé de ce point de zootomie,
et qui l a traité avec son talent original , cette question
n’en serait point une, et toute la différence entre le
squelette d’un articulé et d’un vertébré , entre le rachis
d’un animal crustacé ou d’un insecte, et celui d’un
animal osseux , tiendrait à l’absence d’une moelle épi-
nière dans le premier, et à sa présence dans le se-
cond; différence qui exige un rachis à deux canaux
dans celui-ci, et à un seul canal dans celui-là. Suivant
cette idée , si je l’ai bien comprise, un insecte ou un
crustacé serait justement comparable à un vertébré
monstrueux privé d’encéphale et de moelle épinière.
§ 568. Quoi qu’il en soit, au reste, de cette discus-
sion tout-à-fait étrangère à l’anatomie de 1 homme,
il y a trois choses à considérer dans le système osseux,
les os eux-mêmes, leurs articulations, et le squelette
qui résulte de leur réunion.
PREMIÈRE SECTION.
DES OS.
§ 56g. Les os, ossa , omu, sont les parties les plus
dures du corps humain , celles qui par leur réunion
forment le squelette.
DES OS.
477
§ 5^o. Chacun des os, et beaucoup de parties des
os ont reçu des noms propres ; ces noms doivent être
d’autant mieux déterminés et plus précis , que les
noms de beaucoup d’autres parties du corps en sont
formés.
Le nom de plusieurs os est un adjectif pris subs-
tantivement avec une désinence commune : tels sont
le frontal, l’occipital, le pariétal, etc. M. Duméril 1
a proposé , comme un moyen de mettre de la préci-
sion et de l’exactitude dans le langage anatomique,
de donner à tous les noms d’os cette même désinence ,
et de la donner à eux seuls.
§ 571. Le nombre des os est très-grand, mais di-
versement déterminé , suivant quon prend le sujet à
tel ou tel âge , ou divers sujets de différens âges ; et
c’est ainsi qu’on a fait le plus souvent. Si , par exemple ,
on veut déterminer rigoureusement ce nombre , en
prenant le sujet adulte , on trouve alors le sphénoïde
soudé avec l’occipital, et souvent avec l’ethmoïde;
mais on trouve le sternum divisé encore en trois par-
ties; l’hyoïde, encore composé de trois os distincts au
moins, etc. • «
Voici 1 énumération des os que la plupart des ana-
tomistes s’accordent à décrire comme distincts :
Vingt-quatre vertèbres mobiles;
Cinq vertèbres pelviennes, soudées pour former le
sacrum ou os pelvial;
Trois ou quatre vertèbres caudales, réunies pour
former le coccyx;
' Projet d’une nomenclature anatomique, in Magasin en-
cyclopédique, tom. II; Paris, 1795.
ANATOMIE GENERALE.
478
Douze côtes de chaque côté; un sternum impair,
formé de trois pièces distinctes dans l’adulte;
Un occipital , un sphénoïde , un ethmoïde , un fron-
tal , deux pariétaux , deux temporaux, contenant cha-
cun trois osselets du tympan ; un vomer , deux os maxil-
laires supérieurs, deux os du palais, deux os zygoma-
tiques , deux os nasaux , deux lacrymaux ou unguis ,
deux cornets inférieurs, un maxillaire inférieur;
Un hyoïde, composé , dans l’adulte même, de trois
ou de cinq pièces distinctes.
Les os qui restent à énumérer sont tous pairs ou
doubles, ce sont ceux des membres, savoir:
Le scapulum, la clavicule, l’humérus, le radius,
le cubitus , les huit os du carpe , les cinq os du méta- 1
carpe , les deux phalange^ du pouce , les trois phalanges
de chacun des autres doigts, et cinq os sésamoïdes;
L’os coxal, le fémur, le tibia et la rotule, le pé-
roné, les sept os du tarse, les cinq du métatarse, les
deux du gros orteil, les trois de chacun des autres
orteils , et trois os sésamoïdes.
§, 572. La situation des os est toujours intérieure ou
profonde. Soit qu’ils forment des cavités pour les centres
nerveux et vasculaires, soit qu ils forment les membres,
ils sont tous recouverts par les muscles et les tégu-
mens : aucun n’est extérieur.
§ 5y3. La grandeur des os est très-différente; quel-
ques-uns ayant environ le quart, le cinquième ou le
sixième de la longueur du corps ; d’autres ayant à
peine quelques lignes de diamètre. On divise sous ce
rapport les os en grands, moyens, petits et très-petits,
ou osselets.
DES OS.
479
§ 5^4. La forme des os est symétrique; les uns sont
impairs et médians , les autres latéraux et pairs : dans
les premiers, chacune des moitiés latérales est sem-
blable; dans les autres, chacun des os est semblable
à celui du côté opposé du corps. Il n’y a à cet égard
que de très-légères irrégularités.
Les os impairs, tous situés sur la ligne médiane,
sont les vertèbres, tant celles qui sont mobiles, que
celles du sacrum et du coccyx ; le sternum , l’occipital ,
le sphénoïde, l’ethmoïde, le frontal, le vomer, l’os
maxillaire inférieur et 1 hyoïde.
Tous les autres os sont pairs ou doubles , et situés
sur les côtés de la ligne médiane, plus ou moins loin
de cette li<rne.
O
On divise les os d’après leur forme, et d’après le rap-
port qu’ont entre elles leurs trois dimensions géomé-
triques , en longs , larges, courts et mixtes : dans les
premiers, une des dimensions l’emporte de beaucoup
sur les deux autres; dans les seconds, la longueur et
la largeur dépassent de beaucoup l’épaisseur; les trois
dimensions sont sensiblement égales dans les troi-
sièmes; les quatrièmes participent, dans des parties
différentes de leur étendue , des caractères des os de
deux genres.
§ 5y5. Les os longs , ossa longa , seu cylindrica, sont
situés dans les membres, où ils constituent des co-
lonnes brisées, articulées. Le nombre de ces os, dans
chaque fraction des membres, va en augmentant, et
leur longeur en diminuant, en s’éloignant du tronc.
Chaque os long se divise en corps ou partie moyenne,
et en deux extrémités. Le corps, ou diaphyse, est cylin-
ANATOMIE GÉNÉRALE.
48o
droïde dans quelques-uns; dans les autres il a la forme
d’un prisme triangulaire; il est en général un peu
courbé et tordu. Les extrémités sont renflées.
Les os larges, ossa lata , seu plana , sont situés dans
le tronc, où ils constituent des parois de cavités ou-
vertes et plus ou moins solides. Ces os, aplatis en
deux sens opposés , sont courbés, quelques-uns sont
tordus. Ils sont demi-circulaires , quadrilatères ou po-
lygones; leurs bords sont, en général, un peu renflés.
Les os courts ou épais , ossa crassa, sont situés dans
la colonne vertébrale , dans la main et dans le pied , où
ils constituent , par leur assemblage et leur multiplicité ,
des parties solides et mobiles. Ils sont globuleux, té-
traèdres, cunéiformes, cuboïdes ou polyèdres.
Les os mixtes , ossa mixta , sont ceux qui participent
des caractères de plusieurs genres : il y en a beaucoup,
l’occipital, le sphénoïde, le temporal, le coxal, le
sternum. Les côtes, participent des os larges et des os
courts. Les os longs eux-mêmes ressemblent aux os
épais par leurs extrémités.
§ 5 76. On distingue dans la conformation extérieure
des os, des parties ou régions de leur étendue.
Dans les os impairs il y a, en général, ou bien une "
partie impaire et médiane et des parties latérales,
comme le corps et les apophyses du sphénoïde, le
corps et les masses apophysaires des vertèbres, etc.,
ou bien des parties latérales seulement, réunies sur la
ligne médiane, comme les deux moitiés du frontal, etc.
Beaucoup d’os se divisent en parties ou régions dé-
terminées par leur mode de formation ou de déve-
loppement : ainsi , l’os de la hanche est divise en
DES OS.
48i
ilium, ischion et pubis ; le sphénoïde, l’ethmoïde, le
temporal , etc. , en plusieurs régions distinctes égale-
ment par le mode de leur développement.
Dans d’autres os , la division en régions résulte
uniquement de la situation et des usages des par-
ties; ainsi la surface externe de l’os frontal se partage
en une région orbitaire et nasale, et une région
frontale, etc.
On reconnaît aussi, dans les os, des régions ou
parties géométriques de leur étendue ; ainsi on dis-
tingue et on décrit, dans les os longs, un corps ou
partie centrale , et des extrémités ; dans les os larges ,
des faces, des bords et des angles, etc.; mais on ne
prend guère ces termes à la rigueur, car les plans
et les angles sont très-rares et imparfaits dans l’orga-
nisation.
§ 577. Les os présentent à leur surface des émi-
nences et des enfoncemens très-variés.
Les éminences des os se distinguent en épiphyses
et en apophyses, les premières ont rapport au déve-
loppement , et seront décrites à son occasion.
Les apophyses sont des éminences osseuses, conti-
nues à la substance des os ; elles sont extrêmement
nombreuses et très-diversifiées : aussi peu d’objets en
anatomie ont été plus diversement classés. Elles se
distinguent en articulaires et non articulaires. Les pre-
mières seront décrites plus loin.
Les apophyses non articulaires sont un peu ru-
gueuses; leur grandeur et leur forme très-variée per-
mettent de les diviser en trois genres : les unes,
longues et saillantes comme une branche ou un ra-
3 1
1.
ANATOMIE GENERALE.
482
meau osseux, portent le nom de branches, de pro-*
cessus et d’apophyses proprement dites.
D’autres , plus courtes et plus épaisses , portent le
nom de protubérances, tubérosités et de tubercules.
Les autres, allongées, étroites, et peu saillantes,
portent le nom de crêtes et de lignes.
La synonymie de ces diverses éminences est très-
compliquée et très-difficile; elles sont le plus souvent
désignées chacune par des noms tirés de comparaisons
triviales et peu rigoureuses, et quelquefois aussi par
des noms tirés de leur situation, de leur grandeur,
de leur direction et de leurs usages.
Leur usage général est de servir à des insertions de
ligainens et de tendons.
§ 5y8. Les cavités externes des os se distinguent,
comme leurs éminences, en articulaires et en non ar-
ticulaires. Il n’est question ici que des dernières.
Parmi ces cavités , les unes traversent, les autres ne
traversent pas l’épaisseur des os. De ces dernières,
les unes ont une entrée élargie, évasée dans tous les
sens, ce sont des fosses, des fossettes, des impressions
digitales; les autres ont le fond évasé et l’entrée étroite,
et sont d’ailleurs tapissées parla membrane muqueuse,
et remplies d’air : ce sont des sinus, et quand elles
sont divisées en plusieurs loges , des cellules ; d’autres
sont allongées , étroites, plus ou moins profondes : ce
sont des sillons, des gouttières, des méats , des rai-
nures , des coulisses. Les cavités de ce cette dernière
sorte, quand elles existent sur le bord des os, portent
le nom d’incisures ou d’échancrures.
Parmi les cavités qui traversent les os de part en
DES OS.
483
part, les unes suivent, le trajet le plus court, à travers
un os mince, et sont des trous, des fentes ou des fis-
sures; les autres suivent un trajet plus long et diver-
sement contourné : ce sont des canaux , des con-
duits , etc.
Quelquefois plusieurs os se réunissent pour former
une cavité composée comme le crâne et le canal ver-
tébral ,* comme le bassin , le thorax , les fosses nasales ,
les orbites , etc. ; ou même pour former un trou ou
un conduit, comme les trous sphéno-palatin , déchiré
postérieur, etc. , les conduits orbitaires, palatins, etc.
Parmi ces cavités simples ou composées, les unes
logent des organes, d’autres fournissent des insertions,
d’autres servent à transmettre ou à livrer passage à
certaines parties.
Dans certains endroits des os on trouve une mul-
titude de petites éminences et de petits enfoncemens
très-rapprochés : cela constitue des empreintes ou des
inégalités, qui servent à des insertions.
§ 579. Les os ont des cavités internes et closes , qu’on
appelle cavités médullaires , parce quelle renferment
la moelle ou graisse des os (§169).
Les os longs ont une grande cavité médullaire cylin-
drique, qui en occupe le corps ou la partie moyenne,
et qui , à ses extrémités , communique avec les aréoles
de la substance spongieuse. Cette cavité loge le sys-
tème médullaire, et rend l’os plus léger sous le même
volume, et plus fort avec le même poids.
Les extrémités des os longs, les os courts, les os
larges , et surtout leurs bords épais , sont creusés de
cavités aréolaires , qui logent également de la moelle.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
484
Il en est de même enfin de la substance compacte :
elle est creusée de cavités médullaires microscopiques.
§ 58o.Les os ont aussi des canaux vasculaires pour
les vaisseaux de la moelle , et pour ceux de leur propre
substance.
Chaque os long a un canal de ce genre, au moins,
qui parcourt obliquement les parois de la cavité médul
laire , en y pénétrant de haut en bas dans les os hu-
mérus, tibia et péroné, et de bas en haut dans le
fémur, le radius et le cubitus; ce canal donne passage
aux vaisseaux et nerfs de la membrane médullaire.
Les extrémités des mêmes os, les bs courts et épais,
et les bords épais des os larges, sont pourvus d’un très-
grand nombre de larges canaux , qui donnent égale-
ment passage à des vaisseaux, et notamment à de
grandes veines.
Tous les points enfin de la surface des os sont criblés
d’une multitude de petits trous ou orifices de conduits,
dans lesquels pénètrent de très-petits vaisseaux.
§ 58 1. La densité du tissu osseux est très-grande,
mais elle n’est pas la même dans toutes les parties d’un
même os. Sous ce rapport, on distingue la substance
des os en compacte et en spongieuse, ou aréolaire : la
première est corticale, ou située à 1 extérieur des os;
la seconde est intérieure.
La substance compacte est celle dont la densité est
telle, qu’on n’y aperçoit pas d’interstices à 1 œil nu.
Cependant elle est criblée de très-petits canaux mé-
dullaires et vasculaires, visibles au microscope. Dans
les os longs, ces canaux sont longitudinaux; il ont de
fréquentes communications latérales avec le grand
DES OS. 485
canal médullaire et la surface externe de l’os; ils sont
moins grands vers cette surface que vers l’autre ; leur
diamètre moyen est d’un vingtième de ligne.
La substance aréolaire ou spongieuse, est celle qui
forme des petites cavités très-visibles à l’œil. Cette subs-
tance présente plusieurs variétés, dont les principales
sont les suivantes : elle consiste en filamens plus ou
moins fins , et en lamines d’une ténuité semblable,
dans les extrémités des os longs, et dans l’épaisseur
des os courts; en filamens et en lames réticulés à la
surface interne du canal médullaire des os longs; et
en lames fortes, formant des aréoles étroites dans les
os larges et minces , et surtout dans ceux du crâne.
Les deux substances, ou variétés du tissu plus ou
moins dense des os, sont arrangées d’une manière par-
ticulière dans chaque sorte d’os.
Dans les os longs , le corps est formé de substance
compacte, et la surface interne du canal hérissée de
quelques filamens et lames réticulés; vers les extré-
mités, la substance compacte diminue beaucoup d’é-
paisseur, la substance aréolaire ou spongieuse devient
de plus en plus abondante et fine , le grand canal finit,
en se continuant, avec la substance spongieuse, dont
toute l’extrémité de l’os est remplie.
Dans les os larges , les deux surfaces sont formées
de substance compacte ; là où l’os est mince , ces
deux lames se touchent; là, au contraire, où il est
épais, elles sont séparées par une couche de substance
spongieuse proportionnée à l’épaisseur de l’os. Dans
les os du crâne, la table interne, plus dense encore,
mais plus mince et plus fragile que la table externe ,
ANATOMIE GÉNÉRALE.
486
porte le nom de lame vitrée, et la substance spon-
gieuse, celui de diploé.
Les os courts sont formés de substance spongieuse,
entourée d’une couche de substance compacte.
Les os mixtes enfin, participent, par la disposition
des deux substances , des genres d’os auxquels ils ap-
partiennent.
Les deux variétés de tissu , ou les deux substances
dont il vient d’être question, sont dans la réalité un
seul et même tissu , une seule et même substance di-
versement disposée ; raréfiée dans une partie , condensée
dans l’autre. Une parcelle de substance compacte est
exactement la même chose qu’une lamine ou un filet
de substance spongieuse. Une tranche quelconque , de
la longeur d’ijn os long, contient sensiblement la même
quantité de tissu osseux , qu’une autre tranche égale
en longueur du même os; mais dans l’une la subs-
tance ou le tissu est condensé , et laisse un grand
canal dans son centre , tandis que dans l’autre le tissu
est raréfié , et le canal remplacé par une multitude
d’aréoles spongieuses. Ces deux substances peuvent se
transformer l’une en l’autre. La différence essentielle
qu elles présentent leur est pour ainsi dire étrangère;
elle dépend de la présence et de la pénétration du
tissu médullaire et de ses nombreux vaisseaux dans
l’épaisseur même de l’os spongieux, et de son contact
sur une des faces seulement de 1 os compact.
§ 582. La texture des os 1 est un des points de 1 ana-
tomie qui a donné lieu au plus grand nombre de tra-
1 Malpighi , de Ossium structura , in op. posth. D. Ga-
gliardi , Anatome ossium no vis inventes illustrata ; Roni.v,
DES OS.
487
vaux et d écrits. Malpighi, le premier auteur qui mé-
rite detre cité, regarde le tissu des os comme résultant
de lames, de fibres et de filets, avec un suc osseux in-
termédiaire; c’est, suivant lui, comme une éponge
imbibée de cire. Gagliardi admet des lames ou bractées ,
et des chevilles osseuses de différentes formes , qui les
rassemblent ; Havers , à peu près comme Malpighi 5
des lamines formées de fibres, et réunies par le suc
osseux. Lasône décrit des lames formées de fibres ossi-
fiées, tenant entre elles par des filets obliques. Reichel ,
ayant examiné des portions d’os amollies dans un acide
minéral, a vu qu’on pouvait les partager en lames , et
celles-ci en fibres , formant un tout poreux et tu-
1689. — Cl. Havers, Osteologia nova , etc. ; Lond. , 1691. —
Description exacte des os, comprise en trois traités, par
J. J. Courtial, J. L. Petit, et Lémery. — Delasône, Mém.
sur l’organisation des os, in Mém. de l’Acad. royale des sc. ;
Paris, 1751. — J. F. Reichel, de Ossium ortu atque structura ;
Lips. , 1760. — B. S. Àlbinus, de Constructione ossium, in
Annot. acad . , lib. VII, cap. 17. — Perenotti , Mém. sur la
construction et sur l’accroissement des os; Mém. de Turin ,
tomell, 1784. — A. Scarpa, de Peniliori ossium structura com-
me nlarius ; Lips., 1795, et Paris, 1804. — V. Malacarne ,
Auctuarium obs. et icon. ad osteol. et osteopath. Luclwigii et
Scarpœ ; Patav. , 1801. — Howship, Microsc. observ. on the
structure ofbone; in Mecl.-chir. transact. , vol. VII; Lond. ,
1816. — M. Troja , Observationi ed esperimenti sulle ossa ;
Napoli , 1814. — Medici , E'sperienze intorno alla tessi-
•
tura organica delle ossa, in opuscoli scientifici , tome II;
Bologna, 1818. — Considerazioni intorno alla tess. org. delle
ossa, sentie cia M. Mcdici , etc., in riposta aile oppos. fait,
fiai S. D. C. Spcranza , c ded S. Cav. A. Scarpa; Bologna,
i8i9-
4^8 ANATOMIE GÉNÉRALE.
buleux , qui se continue avec la substance spongieuse.
Scarpa conclut , de l’examen des os sains et malades ,
des os entiers et privés de substance terreuse , des os
avant et après leur entier développement, que le tissu
osseux, même la substance compacte, est un tissu cel-
luleux et réticulé , tout-à-fait semblable à la substance
spongieuse. Medici a observé , ce que savent depuis
long - temps ceux qui font le commerce de gélatine
extraite des os , que la substance compacte des os
longs, privée des sels terreux par l’action d’un acide
faible, se divise en plusieurs lames ou couches, adhé-
rentes entre elles par des fibres. *
§ 583. Pour examiner la texture du tissu osseux,
ce tissu étant extrêmement dur, on est obigé d’avoir
recours à des procédés chimiques qui, en décompo-
sant l’os, doivent avoir une action quelconque sur la
partie qui reste soumise à l’examen. Quoi qu’il en soit,
si on plonge un os pendant quelques jours dans un
acide végétal, ou dans un acide minéral étendu d’eau,
la substance saline qui entre en grande proportion dans
l’os, en est enlevée, et l’os, conservant sa forme, son
volume, mais ayant perdu une partie de son poids,
égale à celle de la terre soustraite , est devenu flexible
et tenace comme le tissu fibreux cartilaginiforme. En
cet état, il est réductible en colle ou en gélatine par
la décoction. En cet état aussi, si on l’amollit par la
macération dans l’eau , la substance compacte , qui
n’offrait aucune texture apparente, se divise en lames,
réunies par des fibres; les lames elles-mêmes, un peu
plus tard , ou plus difficilement , se divisent en fibres ,
qui , par une macération plus prolongée , se gonflent,
DES OS. 489
et deviennent aréolaires et molles , comme le tissu
cellulaire ou muqueux.
Un os long, examiné par ce procédé, se divise à sa
partie moyenne, en plusieurs couches, dont la plus
externe enveloppe tout l’os , et dont les suivantes se
continuent en se raréfiant vers les extrémités avec la
substance spongieuse qui les remplit. Les os larges
sont formés de deux lames seulement ; et les os courts ,
d’une seule , qui les enveloppe; celle-ci, comme les
autres, présentant, à sa face interne, des prolonge-
mens filamenteux et lamineux qui constituent la subs^
tance spongieuse.
La fibre osseuse diffère donc surtout des autres
fibres animales par la grande quantité de substance
terreuse qu’elle contient.
En effet, si au lieu d’enlever cette substance ter-
reuse et d’examiner le résidu organique dont il vient
d’être question v on détruit au contraire celui-ci, en
soumettant un os à l’action du feu nud , il reste une
substance blanche, conservant le volume, la forme , et
une grande partie de la pesanteur de l’os; cette subs-
tance dure, mais très-fragile, est un sel terreux qui
faisait partie du tissu osseux. Les autres tissus laissent,
après la combustion , un résidu analogue ou des
cendres, mais en beaucoup moins grande proportion,
et ne conservant point, comme celles des os, la forme
et une partie de la solidité du tout.
§ 584- La fibre osseuse est donc une fibre très-ana-
logue à la fibre cellulaire , mais en différant par la très-
grande quantité de substance terreuse qui entre dans
sa composition. On s’est fait diverses idées sur la na-
4,9° ANATOMIE GÉNÉRALE.
ture intime de cette fibre. Celle qui est le plus géné-
ralement admise, consiste à considérer le tissu des
os comme un tissu organique aréolaire comme les
autres, mais contenant de la substance terreuse dans
des cavités extrêmement étroites, à peu près comme
l’eau est interposée dans le tissu d’une éponge hu-
mide. D’autres regardent l’os comme un mélange in-
time ou une combinaison de gélatine et de phosphate
calcaire. Mascagni regarde ce tissu comme formé de
vaisseaux absorbans remplis de phosphate de chaux.
Ce sont autant d’hypothèses qui ne reposent sur aucun
fait, ou plutôt qui sont contraires aux faits. On ignore
toutefois dans quel rapport exact se trouve la subs- ,
tance terreuse avec la substance organique des os.
§ 585. Quelques tissus appartiennent essentiellement
à l’organisation des os , ce sont le périoste , la moelle
et les vaisseaux.
Le périoste est une membrane fibreuse très-vascu-
laire qui enveloppe les os, comme on l’a vu (§522).
La membrane médullaire est une membrane cellu-
leuse très-vasculaire qui contient la moelle, et qui sert
de périoste interne aux os (§ 169-178).
Les vaisseaux sanguins des os , assez nombreux , et
de volume différent , se distinguent en ceux qui se
ramifient d’abord dans le périoste externe , et qui pé-
nètrent ensuite dans les petits trous nourriciers de la
substance compacte, en ceux qui pénètrent , sans se
ramifier, dans le canal médullaire, où ils se distribuent
à la membrane de ce nom, et pénètrent ensuite, par
la face interne, dans la substance compacte , où ils com-
muniquent avec les précédens; et enfin en ceux qui
DES OS.
4.91
pénètrent par les trous grands et nombreux des os
courts et des parties spongieuses des os longs et larges ,
pour se distribuer dans la substance spongieuse, et y
communiquer, dans les os longs , avec les vaisseaux des
deux premiers ordres. Quelques anatomistes ont appelé
vaisseaux nourriciers du premier ordre , ceux du canal
médullaire des os longs ; vaisseaux nourriciers du second
ordre, ceux de la partie spongieuse; et du troisième
ordre , ceux qui passent du périoste externe dans la
substance compacte : en général, chacun des conduits
nourriciers contient une artère et une veine ; ceux du
second ordre contiennent des veines très-grandes et à
parois très-minces , qui ne paraissent consister que
dans la membrane interne; ces veines paraissent avoir
de grandes communications avec les cavités médul-
laires de la substance spongieuse.
On voit des vaisseaux lymphatiques seulement à la
surface des grands os.
On ne voit de nerfs dans les os , que ceux qui
accompagnent les vaisseaux de la membrane médul-
laire.
§ 586. La dureté considérable des os dépend de leur
composition chimique : ce sont en effet, comme on
la vu, les parties organisées qui contiennent le plus
de substance terreuse. On doit avoir su de tout temps
que les os sont combustibles , et qu’ils laissent un ré-
sidu considérable, fl y a long-temps aussi qu’on sait que
les os fournissent de la gélatine ou de la colle par la
décoction. C’est Schéele qui a annoncé que la partie ter-
reuse des os est du phosphate de chaux. Cent parties d’os
hais se réduisent à soixante environ par la calcination.
\
492 ANATOMIE GENERALE.
D’après l’analyse de M. Berzélius , les os humains ,
privés d’eau et de graisse, sont composés ainsi qu’il
suit: matière animale, réductible en gélatine par la
décoction, 32,17; substance animale insoluble, i,i3;
phosphate de chaux, 5i,4; carbonate de chaux, n,3o;
fluate de chaux, 2,0 ; phosphate de*magnésie, 1,16;
soude et muriate de soude, 1,20.
Fourcroy et M. Vauquelin , dans leurs premiers
essais, n’avaient point trouvé de phosphate de ma-
gnésie dans les os humains. Suivant M. Hildebrandt, il
n’y en aurait point. Suivant M. Hatehett, il y aurait
du sulfate de chaux qui, d’après M. Berzélius, est un
produit de la calcination. Enfin, Fourcroy et M. Vau-
quelin admettent encore dans les os, du fer, du man-
ganèse, de la silice, de l’alumine et du phosphate
d’ammoniaque, mais point de fluate.
Outre les différences de composition relatives à
l’âge, aux individus, et aux affections morbides, cir-
constances qui font varier la proportion de la subs-
tance animale et de la substance terreuse; tous les
os n’ont point exactement la même composition dans
le même individu , ainsi les os du crâne contiennent
généralement un peu plus de substance terreuse que
les autres ; le rocher est de toutes les parties celle
qui en contient le plus x.
§ 587. Les os sont d’une couleur blanc-jaunatre , et
opaques, mais c’est surtout par leur dureté, leui peu
de flexibilité et leur résistance à la rupture, qu’ils
1 John Davy, in Monro, Outlincs 0/ the anatomy oj the
hurnan body ; Édimb., ibii.
DES OS.
493
sont remarquables; c’est par ces propriétés qu’ils ser-
vent clans l’organisme. Quelque peu flexibles et com-
pressibles qu’ils soient, ils sont élastiques.
Ils jouissent aussi d’une extensibilité et d’une force
de resserrement lentes, mais réelles : ainsi le sinus
maxillaire, les fosses nasales, l’orbite, etc., s’agran-
dissent peu à peu par le développement de tumeurs
dans leur intérieur ; ces mêmes cavités reviennent sur
elles-mêmes quand elles sont débarrassées de ces causes
d’extension; les alvéoles se resserrent et s’effacent après
la chûte des dents, etc.
Toute autre contraction y est nulle. La sensibilité
n’y existe qu’à l’état morbide. La force de forma-
tion y est remarquable sous ce double rapport, que
tous les phénomènes qui s’y rapportent, comme la
formation première, la réparation, les altérations de
texture, etc., y sont d’une très-grande lenteur; tandis
que les facultés de reproduction et de production
accidentelle, y sont plus grandes que dans aucun autre
tissu.
§ 588. La formation des os, l’ossification , ou l’ostéo-
génésie 1 , est un phénomène qui a beaucoup occupé
1 II. Eysson, de Ossibus inj antis ; cui tractatui annexus
est Y. Coiter, Ossium infantis historia , 120; Gronig. , i65g.
— Th. Kerkring, Osteogenia fœtus , Lugd. Bat., 1717. —
R.Nesbitt, the Humanosteogeny ; Lond., 17 36. — J.Baster,r/c
Osteogenia , Lugd. Bat. , 1781. — A. Vater et Ulmann , Osteo-
genia; Viteb. , 1733. — Albinus, Annol. acad. , lib.VI, VII.
— Id. Icônes ossium fœtus humani accedit ostcgeniœ b revis'
historia. Lugd. Bat. 1737. — Duhamel, Mém. de l’Acad. roy. des
sc., ann. t 739— /|i— 43-Zj6. — Haller , Expérimenta de ossium
ANATOMIE GÉNÉRALE.
494
l’attention des observateurs, et qui en est en effet
bien digne.
Les os éprouvent dans leur développement des
transformations d’autant plus remarquables, que les
divers états par lesquels ils passent répondent à des
états analogues, mais permanens , qu’on observe dans
les animaux.
Après avoir été liquides comme toutes les autres
parties , ils deviennent , i° mous , muqueux ou gélati-
niformes ; 2° cartilagineux, et quelques-uns fibreux
et cartilagineux ; 3° osseux.
Les os sont muqueux , transparens et incolores , à
une époque très-rapprochée de la conception ; ils
croissent alors par végétation , et forment un tout
continu qui se divise plus tard.
Les os cartilagineux, ou les cartilages temporaires,
ne paraissent guère qu’après deux mois, à partir du
moment de la conception. On ne peut apercevoir cet
état que dans les os ou les parties d’os qui s’endur-
cissent un peu tard, car pour ceux dont l’ossification
est très-précoce, il est douteux qu’ils passent par l’état
de cartilages ; état qui paraît plutôt destiné à remplir
fonnatione in op. min. II. — Hérissant, Mém. del’Acad. roy.
des sc., 1768. — C. F. Senff, Nonnullci de incremento ossiurn
embryon um in primis gr a viditatis mensibus ; Halæ, 1801. —
J.Fr.Meckel , Deutsches archiv fur die physiolog. ; B. I, H. 4*
— J. Ilowship, Exper. and observ., etc., on the formation
of bone , in Med-chir. trans. , vol. VI; Lond., i8i5. — A. Bé-
clard , Mém. sur l’ostéose, in nouveau Journal de méd. ,
vol. IV, 1819. — Serres, des Lois de l’ostéogénie, Analyse
des trav. de l’Ac. roy. des sc., ann. 1819.
DES OS. 4.9^
provisoirement les fonctions d’os , qu’à être une pé-
riode de l’ossification.
L’état osseux commence successivement , dans les
divers os, depuis environ un mois après la concep-
tion , pour les plus précoces , jusqu’à dix ans ou douze
ans environ après la naissance, dans les plus tardifs;
et même certains points osseux accessoires ne com-
mencent guère à se former que vers quinze à dix-huit
ans.~
§ 589. L’ordre dans lequel les os commencent à pa-
raître et à s’endurcir, a semblé pouvoir être réduit
en règles :
Ainsi la clavicule et les mâchoires étant très-pré-
coces dans leur développement, le sternum, le bassin
et les membres étant plus, tardifs ; on a dit que la pré-
cocité était en rapport avec l’importance dans le règne
animal , ou plutôt dans la classe des vertébrés , où
l’on voit en effet, dès la classe des poissons, les cla-
vicules et les mâchoires très-développées , tandis que
le sternum , le bassin et les membres le sont très-peu.
On a établi aussi en proposition générale, que les
os les premiers formés sont ceux qui avoisinent les
centres sanguins et nerveux; les côtes et les vertèbres
étant en eflet très-précoces dans leur formation.
On a dit encore que les os longs paraissent les pre-
miers, puis les larges, et enfin les courts ; la clavicule,
le fémur, le tibia paraissant dès le commencement, et
les os du tarse et du carpe très-tard au contraire.
On a cru enfin que les os plus grands s’ossifiaient
les premiers, et les autres successivement.
H y a beaucoup d’exceptions à ces règles.
49^ anatomie générale.
s 590. L’ossification commence à la fin du premier
mois dans la clavicule , et successivement dans l’os
maxillaire inférieur, dans le fémur , dans le tibia , dans
l’humérus, dans le maxillaire supérieur, et dans les
os de l’avant-bras, où elle est commencée vers trente-
cinq jours. Elle commence vers quarante jours dans
le péroné, dans le scapulum , dans les os palatins , et
les jours suivans dans la portion prorale de l’occi-
pital, dans le frontal, dans les arcs des premières ver-
tèbres , dans les côtes, dans la grande aile du sphé-
noïde, dans l’apophyse zygomatique, dans les pha-
langes des doigts , dansles corps des vertèbres moyennes,
dans les os nasaux et zygomatiques, dans l’ilium , dans
les os métacarpiens, dans les phalangettes des doigts
et des orteils , dans les condyles de l’occipital, et puis
dans sa portion basilaire, dans la portion écailleuse
du temporal, dans le pariétal et dans le vomer, tous
os où elle est commencée dès le milieu de la septième
semaine. Dans le courant de la même semaine elle
commence encore dans l’aile orbitaire du sphénoïde ,
et à la fin, dans les os métatarsiens, dans les phalanges
des orteils et dans les phalangin’es des doigts., Dansles
dix jours suivans elle commence dans le corps du
sphénoïde , dans celui des premières vertèbres sacrées,
et dans le cercle du tympan. Vers deux mois et demi
elle se manifeste dans l’appendice costiforme de la
septième vertèbre; avant la fin du troisième mois,
dans le labyrinthe, et vers sa fin, dans l’ischium et dans
l’apophyse ptérygoïde interne; vers le milieu du qua-
trième mois , dans les osselets du tympan ; à mi-terme,
dans le pubis , dans le calcanéum , dans les phalan-
DES OS.
497
gines des orteils, dans les masses latérales de l'ethmoïde
et dans les cornets du nez; un peu plus tard dans les
premières pièces du sternum ; vers six mois dans le
corps et dans l’apophyse odontoïde de la seconde ver-
tèbre , et dans les masses latérales et antérieures de la
première vertèbre pelvienne ou sacrée ; un peu plus
tard encore, dans l’astragale; vers sept mois, dans le
cornet sphénoïdal ; plus tard , dans la crête médiane
de l’ethmoïde ; dans le cuboïde , la première vertèbre
du coccyx et l’arc antérieur de l’atlas, vers la nais-
sance ; un an plus tard dans l’os coracoïde , le grand os
et l’os crochu du carpe, et dans le premier cunéi-
forme ; dans la rotule et l’os pyramidal veçs trois ans ;
vers quatre ans dans le troisième et le deuxième cu-
néiformes; vers cinq ans dans le scaphoïde du tarse,
le trapèze et le lunaire; vers huit ans dans le scaphoïde
du carpe, un an après dans le trapézoïde, et enfin
dans le pisiforme, vers douze ans.
§ 591. L’ossification ne résulte pas partout de la
transformation du cartilage en os. La diaphyse des os
longs et le centre des os larges très-précoces, passent
immédiatement de l’état muqueux à l’état osseux. Les
autres parties du système sont d’abord cartilagineuses ,
et c’est en elles qu’on peut le mieux observer les phé-
nomènes successifs de l’ossification.
Le cartilage qui depuis plus ou moins long-temps
tient la place , et remplit les fonctions de l’os , dont
il a la forme et dont il acquiert, successivement le
volume, se creuse d’abord de cavités irrégulières,
puis de canaux tapissés de meibbranes vasculaires
3a
1.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
498
remplis d’un liquide mucilagineux ou visqueux ; il
devient opaque, ses canaux deviennent rouges, et l’os-
sification commence vers son centre.
Le premier point d’ossification , -punctum ossifica -
tionis , paraît toujours dans l’épaisseur du cartilage, et
jamais à sa surface. Il est entouré de cartilage rouge
à l’endroit qui est en contact avec lui, opaque et
creusé de canaux un peu plus loin , et plus loin encore
homogène et sans vaisseaux, mais percé seulement de
quelques canaux vasculaires qui tendent vers le centre
osseux. Le point osseux augmente continuellement par
accroissement à sa surface, et aussi par addition inters-
ticielle dans son épaisseur. Le cartilage , successive-
ment creusé de cavités et de canaux, tapissés par des
gaînes vasculaires, diminue successivement à mesure
que Vos augmente, et finit par disparaître. Les canaux
du cartilage eux-mêmes, très-larges au commence-
ment de l’ossification, deviennent de plus en plus pe-
tits , et disparaissent enfin quand elle est opérée. A la
place d’un cartilage plus ou moins épais, mais d’abord
plein ou solide, sans cavités et sans vaisseaux distincts,
plus tard creusé de canaux tapissés de membranes
vasculaires et sécrétantes, on trouve un os très-vas-
culaire, creusé de cavités aréolaires ou spongieuses,
revêtues de membranes et remplies de moelle grais-
seuse. Los devient ensuite moins vasculaire avec le
temps.
§ 592. La cause de l’ossification est inconnue,
comme celle de la formation organique en général.
Depuis Hippocrate et Aristote , jusqu’à Scarpa , Bi-
ehat et Mascagni , une foule d’hypothèses plus ou
DES OS.
499
moins ingénieuses ont été proposées sur ce sujet
obscur r.
On a dit que les dernières divisions des artères s’os-
sifiaient ou s’emplissaient de matière osseuse. Qu’après
s’être remplies de matière osseuse, elles se crevaient
et la laissaient échapper autour d’elles. On dit aussi,
et avec plus de vraisemblance , qu elles forment et
laissent échapper la matière ossifiante, soit par des
extrémités exhalantes , soit par des porosités latérales.
Mais quelle est cette matière osseuse ? est-ce de la subs-
tance terreuse ? mais où les artères versent-elles cette ma-
tière? est-ce dans les aréoles intersticielles d’un carti-
lage, comme on le dit communément depuis Hérissant?
ou bien dans des vaisseaux absorbans qui s’en rem-
plissent, comme le dit Mascagni ? ce sont autant de
pures hypothèses. Ce que l’on sait, c’est que la vascu-
larité augmente beaucoup avant l’ossification, et quelle
la précède toujours; c’est que le cartilage diminue et
disparaît à mesure que l’os se forme et qu’il augmente;
c’est que l’os , très-vasculaire au moment de sa for-
mation , le devient ensuite de moins en moins. Quant
à l’état sous lequel la substance osseuse est déposée,
c est sous forme liquide, et son endurcissement suc-
cessif dépend ou de l’addition continuelle d’une plus
grande proportion de substance terreuse, ou plutôt
de la résorption du véhicule qui lui donnait sa flui-
dité. L’ossification ne dépend pas de la déposition de
la substance terreuse dans un tissu organique, mais
Voyez Sœmmeringy de Corp. hum.fabricâ , tom. I, de
ossibus.
5oo ANATOMIE GÉNÉRALE.
de la formation simultanée d’un tissu contenant tout
à la fois et la substance animale et la substance terreuse.
Les phénomènes de l’ossification sont différens dans
les différentes sortes d’os.
§ 593. L’ossification est très - précoce dans les os
longs; elle y commence de un à deux mois après la
conception, suivant les os. Avant le commencement
de l’ossification , on n y trouve point de cartilages. Il
en est de même encore au commencement de l’ossi-
fication , on ne trouve alors entre les cylindres osseux
qu’une substance mucilagineuse. Ces cylindres osseux
sont d’abord gros et courts, d’où résulte qu’ils peuvent
s’allonger beaucoup avant de grossir. Ils répondent
au point où plus tard se trouve l’artère médullaire
principale. Au commencement du troisième mois on
aperçoit , au bout de ces cylindres osseux allongés ,
des extrémités cartilagineuses : sortent-elles par végé-
tation de l’intérieur du canal osseux ? ces extrémités
cartilagineuses ont la même conformation qu’auront
plus tard les extrémités; elles s’ossifient, comme cela
vient d’être dit de l’ossification en général. La plu-
part ne s’ossifient que par le centre , et forment
alors des épiphyses plus ou moins long-temps dis-
tinctes aux bouts des os. Dans quelques-uns l’ossifi-
cation procède, dès le commencement, par l’extension
du corps de l’os, dans le centre de leur masse car-
tilagineuse.
§ 094. Les os larges du crâne commencent à s ossi-
fier de soixante à soixante-dix jours : le péricrane et
la dure-mère sont alors très-vasculaires. Il existe entre
*
ces deux membranes une substance muqueuse très-
DES OS.
5or
vasculaire elle-même. Les premiers points osseux pa-
raissent dans les endroits les plus sanguins sous forme
de grains isolés, puis disséminés et réunis en réseaux,
ils forment ensuite une lame mince au milieu, et garnie
de fibres osseuses rayonnées au pourtour; les surfaces
de f os sont couvertes , et les intervalles des fibres
radiées sont remplis d’une substance mucilagineuse
rougeâtre et très-vasculaire, le péricrâne et la dure-
mère le sont encore beaucoup à cette époque.
§ 5p5. Les os courts ou épais s’ossifient comme les
extrémités des os longs. Ils sont précédés, dans leur for-
mation, de cartilages qui ont la forme, et à la fin, le
volume des os qui doivent les remplacer. Ces carti-
lages, d’abord homogènes et pleins, présentent ensuite
les changemens successifs déjà indiqués; des cavités,
des canaux membraneux vasculaires, remplis de li-
* ►
quide visqueux, et des points osseux qui s’étendent
du centre à la circonférence.
La rotule et les os sésamoïdes se forment dans un
tissu d’abord fibreux , puis cartilagineux , et de la
même manière que les os courts.
Les os mixtes participent , par leur formation comme
parleur figure extérieure et leur conformation interne,
aux caractères des os de deux classes différentes.
§ 596. Beaucoup d’os se forment par plusieurs points
distincts d’ossification.
Plusieurs os médians, soit larges, soit épais, se
forment par deux moitiés latérales réunies plus tard
sur la ligne médiane; tels sont les arceaux des ver-
tèbi es, le frontal, le corps du sphénoïde, la portion
écailleuse de l’occipital, l’os maxillaire inférieur, et
ANATOMIE GÉNÉRALE.
Ô02
les pièces moyennes du sternum. Mais dans plusieurs
des os médians aussi, l’ossification commence au mi-
lieu, et s’étend sur les côtés; comme dans le corps
des vertèbres, dans la portion basilaire de l’occipital,
dans la crête de l’ethmoïde, dans le.corps de l’hyoïde,
dans le premier et dans le dernier os sterna ; soit
que dans une période antérieure, à l’époque de la
cartilaginisation , par exemple , l’os se soit formé de
deux moitiés latérales, ou bien qu’il en soit autre-
ment, et qu’il soit primitivement impair.
Beaucoup d’os , tant larges que courts , sont formés
de plusieurs points principaux ou primitifs d’ossifica-
tion qui se réunissent plus ou moins promptement.
Souvent ces points répondent à des os distincts dans
d’autres genres ou classes d’animaux. Tels sont les
points d’ossification des vertèbres, de l’occipital, du
sphénoïde, du temporal, du maxillaire, du sternum,
des os coxaux, du sacrum, etc. On trouve même dans
les animaux ruminans un exemple de la réunion col-
latérale de deux os longs pour former le canon.
§ 5 97. Un grand nombre d’os enfin-, surtout des os
longs, et quelques os larges et courts, ont des points
accessoires ou secondaires d’ossification , qu’on appelle
épipliyses 1 à cause de leur implantation et de leur
réunion sur le corps de l’os, au moyen d’un cartilage
qui dure plus ou moins long-temps. Les grands os
longs de la cuisse, du bras, de la jambe et de 1 a-
rPlatncr, de O s sium epiphysibus , 1736. — Ungebauer,
Epistola de ossiu/n trunci corp. hum. epiphysibus sero osseis
earumdemque genesi ; Lips. , 1739. — Béclard , Méiu. ci t.
DliS OS. 1 5o3
vant-bras, ont au moins une épiphyse à chaque ex-
trémité.
La clavicule , les os métacarpiens , métatarsiens et
plialangiens, n’en ont qu'à une seule extrémité.
Parmi les os larges, les os coxaux et les omoplates
ont des épiphyses marginales analogues à ces épiphyses
terminales des os longs. Les côtes en ont à leur extré-
mité dorsale et à leur tubercule.
Parmi les os courts, les vertèbres, presque seules,
ont des épiphyses : elles en ont aux deux faces de
leur corps et au sommet de toutes leurs apophyses non
articulaires. Parmi les autres os courts, le calcanéum
seul a une épiphyse; elle est située à son extrémité
postérieure.
Les épiphyses commencent à se former à des
époques très-différentes, depuis quinze jours environ
avant la naissance, jusqu’à quinze ou dix-huit ans
après, et durent plus ou moins long-temps distinctes
avant de se réunir au corps des os; les époques de
leur réunion sont comprises entre quinze et vingt-cinq
ans environ. De toutes les épiphyses, celle qui s’ossifie
la première, est celle de l’extrémité inférieuse du
fémur : 1 ossification y commence avant la naissance,
et c est une de celles qui se réunissent le plus tard
au corps de l’os ; celle de l’extrémité supérieure du
radius, qui est une des dernières à s’ossifier, est peut-
etre, au contraire, celle qui se réunit la première.
§ 398. L’accroissement des os a lieu d’une manière
évidente par l’addition successive de nouvelle subs-
tance osseuse autour de celle qui a été la première
formée.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
• 5o4
L accroissement en longueur a lieu par l’allonge-
ment du corps des os longs à leurs extrémités. Pour
cela les bouts du cylindre osseux sont hérissés de
fdamens ou de villosités osseuses plongées dans l’ex-
trémité non ossifiée, creuses et vasculaires, qui s’al-
longent continuellement en devenant de plus en plus
fines à mesure que les vaisseaux se ramifient da-
vantage, et que l’ossification se ralentit* en même
temps les extrémités cartilagineuses se transforment
peu à peu, en commençant par le centre, en os qui
constituent des épiphyses.
L’accroissement a lieu en largeur, dans les os plats,
de la même manière, soit par l’addition successive de
substance osseuse au bord même de l’os, comme dans
les os du crâne , soit par la formation osseuse , sous
une épiphyse marginale quren couvre le bord, comme
au scapulum et au coxal.
L’accroissement en épaisseur a lieu dans tous les
os par un même procédé ; le périoste , très-vasculaire
jusqu’à cette époque , sécrète et dépose entre ses
fibres, à la surface de l’os , de la substance osseuse,
muqueuse d’abord, puis dure, qui, s’ajoutant ainsi
successivement à la surface, augmente l’épaisseur de
l’os.
§ 5 99. L’accroissement des éminences se fait pour
quelques-unes comme celui des os longs garnis d’épi-
pliyses, c’est-à-dire entre le corps de l’os et la base de
l’éminence; tels sont les trochanters, etc. Dans les
autres, c’est à la surface même que se fait l’accroisse-
ment, tout comme l’épaississement des os : la plupart
sont dans ce dernier cas. Quant au creusement des
DES OS.
5o5
cavités externes non articulaires, il est, en beaucoup
d’endroits, déterminé par des pressions qui, sans dé-
primer réellement l’os, déterminent néanmoins sa dé-
pression , en y rendant la nutrition moins active que
dans les parties environnantes.
Les éminences et les cavités articulaires se modèlent
mutuellement. Il en est de même des cavités desti-
nées à loger des parties molles ou fluides, et des ca-
vités médullaires des os; leur existence et leur forme
sont très-dépendantes des parties qu’elles renferment.
Ainsi la conformation du crâne et celle du canal ver-
tébral dépendent beaucoup de celle du centre nerveux
qu’ils logent. La partie inférieure du canal vertébral,
vide de moelle, est triangulaire, tout comme le devient
la cavité cotyloïde abandonnée depuis long-temps par
la tête du fémur ; l’une et l’autre de ces parties étant
formées de trois points osseux.
§ 600. Quoi qu’il en soit , la terminaison de l’accrois-
sement évident; en longueur et en largeur, dépend de
la soudure des os longs avec leurs épiphyses termi-
nales, et. des os larges avec leurs épiphyses margi-
nales ou entre eux. La terminaison de l’accroissement
en épaisseur dépend de la cessation de la formation
osseuse à la surface des os. Ce dernier genre d’ac-
croissement dure un peu plus long -temps que le
premier.
L’accroissement néanmoins continue de se faire ,
mais localement , et d’une manière insensible, quel-
quefois cependant d’une manière assez sensible encore.
L accroissement sensible dépend d’une sortede juxta-
position aux extrémités, aux bords et aux surfaces
.*>o6
anatomie generale.
des os ; l’accroissement insensible , au contraire , est
intersticiel , et dépend d’une véritable intus-suscep-
tion. On voit dans quelques cas morbides surtout,
des exemples frappans de ce dernier ; dans l’empyème ,
dans le spinaventosa, etc.
§ 601. L’accroissement étant terminé , les os restent
le siège d’un entretien ou d’une nutrition habituelle.
La déposition et la résorption y sont très-lentes et
insensibles dans l’état de santé , et surtout dans la
vieillesse. Mais dans certains cas de maladie, il sur-
vient dans les propriétés des os des changemens très-
marqués, qui montrent clairement qu’il s’est opéré des
changemens non moins grands dans leur composition.
§ 602. Les faits relatifs à l’accroissement et à la nu-
trition habituelle des os , sont surtout prouvés par les
effets de la garance sur eux.
Mizauîd 1 d’abord , et Belchier 2 long-temps après , ont
les premiers observé que quand la garance ( ruina fine-
torum ) est donnée aux animaux, mêlée avec les ali-
mens, leurs os deviennent rouges. Duhamèl, Boehmer 3 4,
Detlef^ , J. Hunter 5 et plusieurs autres, ont fait» des
1 Ant. Misaldus, Centur. metnorabilium seu arcanorum
otnn is g en eris ; 1 5 7 2 .
a Philos, trait sac t. , vol. XXXIX , arm. 1736.
3 Raclicis rubice tinctor. affectus in cor/), arum. ; Lips , 17^1.
— Èjusdem prolusio , quâ callurn ossiurn è rubice tinctorum
raclicis pastu infectoru.n describit ; ibid., 1752.
4 Ossiurn calli generatio et natura perfracta in a noua
libus , rubice radice pastis , ossa demonstrata ; Goett., 1 , ' •
5 Exper. and obs. on the growth ofbones, front thepapers
DES OS.
5oj
expériences curieuses sur le même objet. Rutherford 1
a expliqué l’effet de la garance sur les os seuls, et à
l’exclusion de toutes les autres parties du corps . par
une affinité chimique de la matière colorante de la
garance pour la substance terreuse des os.
Duhamel a vu dans ses expériences , que les os des
jeunes animaux se coloraient beaucoup plus tôt que
ceux des vieux; que les progrès de la teinture et l’ossifi-
cation étaient d’autant plus prompts, que l’accroisse-
ment est plus rapide; que, quand on supprime la
garance, les os redeviennent blancs, et que le réta-
blissement de la couleur se fait par la superposition
de couches blanches sur les rouges. Ce dernier fait
résulte pleinement aussi des expériences de Hunter.
Cependant Duhamel a cru, malgré ces expériences
décisives, que c’est par extension que les os grossissent.
Quant à l’accroissement en long, les expériences
de Duhamel l’ont aussi conduit à penser que cet ac-
croissement, qu’il compare à la végétation , a lieu par
l’extension de leurs parties. Il en est probablement
ainsi dans l’accroissement lent et insensible , mais
l’allongement rapide qui a lieu avant la soudure des
épiphyses , dépend évidemment d’une addition de
substance osseuse au bout du corps de l’os , comme
le prouve l’expérience suivante faite par Hunter : on
met le tibia à découvert sur un jeune cochon , on le
of the late M. Hunier, by Ev. Home, in Transmet. of a
society for improvement , elc., vol. II; London, 1800.
«
1 V . Disp. med. inaug. de dentium formatione et struc-
tura , etc. , auct. R. Blacke; Edimb. , 1798. s
5oS
ANATOMIE GÉNÉRALE.
perfore aux deux extrémités du corps ossifié , et on
mesure exactement l’intervalle des deux trous; quel-
ques mois après, quand -l’accroissement a fait des
progrès , on trouve la même distance entre les deux
trous ; tout l’allongement s’est fait au delà , aux ex-
trémités de la diaphyse.
Ces expériences, qui laissent peu de choses à dé-
sirer, relativement à l’accroissement des os , rie four-
nissent pas, à beaucoup près, des résultats aussi positifs
sur la question de la nutrition habituelle des os. Il
suffit de donner quelques gros de garance à un jeune
animal pendant l’espace de quelques jours, pour rougir
ses os, tandis que la même substance donnée en plus
grande quantité et pendant des semaines ou des mois ,
à un animal adulte , les colore à peine ou point.
§ 6o3. Après la fin de l’accroissement en dimen-
sion les os éprouvent encore des changemens ulté-
rieurs : le plus remarquable est un décroissement \ Le
canal médullaire des os longs , à partir du moment de
leur formation, va toujours en augmentant de dia-
mètre. Tant que l’accroissement en épaisseur continue,
les parois du canal augmentant à l’extérieur, conservent
leur épaisseur, et même augmentent dans ce sens.
Duhamel a fait à ce sujet une expérience très-cu-
rieuse , mais dont il a tiré de fausses conséquences.
Ayant mis à découvert, et entouré d un fil métal-
lique un os long d’un jeune animal, qu il tua quelque
temps qprès, il trouva alors le fil métallique recou-
* Albinus , Jnnot. acad. — F. Chaussard , Recherches sur
l’organ. des vieillards ; Paris, 1822.
des os. 5o g
vert à l’extérieur par l’os qui avait grossi ; et le canal
ayant acquis le diamètre de Vanneau métallique, il en
conclut que Vos avait grossi par l’expansion , par
l’élargissement du canal. Non , Vos avait grossi à l’ex-
térieur par addition , et avait diminué à l’intérieur
par soustraction , d'où l’agrandissement du canal.
En effet, lorsque l’accroissement de Vos en épais-
seur est achevé, le canal continuant de s’agrandir
par résorption intérieure , ses parois s’amincissent
singulièrement , au point qu’après avoir eu dans
l’enfant une épaisseur supérieure, et dans l’adulte
une épaisseur à peu près égale au diamètre du ca-
nal, elles n’ont plus dans les vieillards ,‘ qu’une très-
petite fraction de ce diamètre. Les cavités spon-
gieuses des os courts , des os larges et des extrémités
des os longs s’agrandissent en général de même, de
telle sorte que par cet amoindrissement des os, le
squelette des vieillards et beaucoup mois pesant que
celui des adultes.
Les os larges du crâne éprouvent assez souvent,
dans la vieillesse, un amincissement d’un autre genre:
il résulte de la résorption du diploé , et du rapproche-
ment de la table externe vers la table interne, de ma-
nière à produire tout à la fois et un grand amincis-
sement etune dépression extérieure. C’est par les bosses
pariétales , qui en sont fréquemment affectées , que
# • e
cette atrophie commence ordinairement.
Assez souvent aussi, dans la vieillesse, les surfaces
articulaires des os des membres inférieurs et les faces
des vertèbres sont élargies et applaties, comme si, à
la longue, elles avaient cédé à la pression.
ANATOMIE GENERALE.
§ 604. La forme des os n’éprouve pas seule des
changemens par les progrès de l’âge. Leur consis-
tance en présente de remarquables : les os des enfans
sont plus flexibles et moins cassans que ceux des
adultes , ils peuvent être ployés ou tordus dans le
vivant sans se rompre. Ceux des vieillards, au con-
traire , sont plus denses, plus durs et plus fragiles
que ceux des adultes, ce qui, joint à leur amin-
cissement, rend les fractures très-communes dans la
vieillesse. Il y a aussi une différence sensible dans la
proportion de la substance terreuse, plus grande dans
le vieillard que dans l’adulte.
Ainsi , après la fin de l’accroissement en dimen-
sions, l’augmentation de densité continue dans les os
comme dans toutes les autres parties du corps.
§ 6o5. L’ossification accidentelle 1 est très-fréquente,
très-commune et très-anciennement connue. Cette os-
sification est rarement parfaite. On peut, sous ce rap-
port, en distinguer plusieurs variétés.
L’ossification accidentelle la moins parfaite est appe-
lée terreuse; elle produit une substance blanche, opa-
que, crétacée, molle, friable, et même quelquefois semi-
liquide. Composée de matière animale, en petite pro-
portion , et de substance terreuse , on la rencontre le
plus souvent dans des kystes. Les phlébolithes sont
quelquefois de cette sorte. On la rencontre aussi en
fraginens isolés et informes; dans des abcès, dans le
poumon , dans les corps fibreux de l utérus , dans le
1 J. Yan Heckeren , de Osteogcnesi prœtem attira h ;
Lugd. Bat. , 1797. — P. Fiaycr, Mém. sur l’Ossification mor-
bide , m archives gcnér. de méd. , lom. I; Paris, 1823.
DES OS.
Ü I I
tissu cellulaire et dans les ligamens des goutteux ,
dans le cerveau, etc. On la trouve, enfin, fréquemment
infiltrée dans les glandes bronchiques, dans les pou-
mons , le foie , le rein , le cœur , etc.
L ossification accidentelle pierreuse est très-fré-
t
quente, elle est très-dure, opaque, et contient une
proportion de substance terreuse plus grande que les
os ordinaires. On la trouve souvent sous forme d’in-
crustation plus ou moins épaisse sous les membranes
séreuses, dans la membrane propre de la moelle épi-
nière, et surtout dans les parois des artères. On la
trouve aussi sous forme de kyste. On la rencontre
sous forme de masses isolées dans les corps fibreux
de l’utérus ossifiés , et dans la glande pinéale, où elle
constitue X cicervulus. On la rencontre aussi quelque-
fois sous forme d’infiltration du pancréas. Ce que
l’on a décrit sous le nom de pétrification de certains
organes ou de fœtus , n’est autre chose qu’une in-
filtration d’os pierreux très-serrée, de manière à faire
disparaître presque tout-à-fait la matière animale de
l’organe.
La production accidentelle diffère quelquefois da-
vantage encore des os; elle ressemble, pour la du-
reté et le poli, à l’émail des dents; cet émail acci-
dentel remplace quelquefois certains cartilages diar-
throdiaux.
#
L’ossification accidentelle ressemble quelquefois
beaucoup ou tout-à-fait à 1 os naturel, par un pé-
rioste, par des cavités spongieuses médullaires, par
sa texture , par sa demi-transparence , et par sa com-
position chimique; mais cette production parfaite est
5 12 ANATOMIE GÉNÉRALE.
rare : on 1 a rencontrée sous la forme de corps isolé
dans la dure-mère; je l’ai vue aussi, mais presque
tout-à-fait compacte , sous forme de lames placées
dans le ligament vertébral antérieur. Les plaques
osseuses qui couvrent les cartilages costaux sont dans
le même cas. On trouve aussi quelquefois une ossi-
fication parfaite , mais compacte, sous forme de kyste
hydatifère.
L’ossification accidentelle qui présente ainsi plu-
sieurs variétés, est souvent un effet de l’âge; cepen-
dant beaucoup de vieillards n’en sont pas affectés.
L’irritation et l’inflammation chronique ou latente en
sont le plus souvent la cause. Elle est plus fréquente .
dans le nord que dans les pays chauds. Elle com-
mence par une production plastique, et passe quel-
quefois par les états demi-cartilagineux ou fibreux,
d’autres fois non. En général elle ne gêne que par
son volume ou par ses effets mécaniques.
La transformation des cartilages permanens en os
peut être regardée comme intermédiaire aux ossifi-
cations naturelle et accidentelle.
§ 6o6. L’exostose 1 est encore une production os-
seuse accidentelle, quelquefois parfaite, et souvent
pierreuse ou éburnée. Le périoste étant irrité ou en-
flammé , il se fait , à sa surface interne , dans son épais-
seur et dans une partie plus ou moins étendue de sa
largeur, une déposition de matière organisable , molle;
cela constitue la périostose, dont la terminaison est
1 On exostosis , by M. A. Cooper , in Surgical essays.
part, i; Lond., i8j8.
DES OS.
5i3
variée; souvent elle s’ossifie, cela constitue d’abord
une sorte d’épiphyse ou d’os distinct et séparable de
l’os naturel, auquel l’exostose se soude ordinairement
à la longue. Tantôt elle consiste en un nodus très-
circonscrit, et dont le développement a été rapide.
D’autres fois elle se forme lentement, et consiste en
une masse volumineuse et foliée. D’autres fois meme,
tout un membre ou une plus grande partie encore du
squelette en est affecté. ♦
Le spinaventosa, au lieu de consister toujours en
une production morbide, est quelquefois formé de
substance organisable qui , après avoir distendu et
dilaté l’os naturel, finit par s’ossifier plus ou moins
complètement dans son intérieur.
S 607. Quand un os est dénudé 1 du périoste, si le
sujet est jeune, si l’os n’est pas altéré lui-même, s’il
n’est pas resté long-temps à découvert, les parties
molles vulnérées, réappliquées dessus, peuvent s’y
unir par adhésion primitive.
Dans les circonstances opposées , et dans celles où
le périoste enflammé se sépare de l’os par la suppura-
tion , dans celles où il se gangrène , et lorsqu’une pé-
riostose suppure ou se mortifie, etc., l’os, privé de
son appareil nutritif, se nécrose à sa surface, et plus ou
moins profondément. La partie restée vivante , placée
aux confins de la partie morte , s’enflamme , s’amollit,
se détache enfin de la partie nécrosée, et suppure;
la nécrose, devenue libre, tombe. Les granulations
* Tenon, trois Mémoires sur l’exfoliation des os, in Mém.
et obs. sur l’anat. , la pathol. et la chir. , etc. ; Paris, 1816.
33
1.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
M
sous-jacentes produisent avec le temps une cicatrice
qui recouvre l’os, lui adhère et lui forme un nou-
veau périoste.
§ 608. Après l’amputation x,les choses se passent de
1 une ou de 1 autre des deux manières qui viennent
d’être exposées.
Quand l’os et son appareil nutritif n’ont pas été
lésés au-dessus de l’endroit amputé, et quand surtout
la réunion de la plaie est immédiate , le bout de l’os
s’unit ordinairement par adhésion primitive aux par-
ties molles.
Quand, au contraire, la plaie reste béante et quelle
suppure , quand le périoste a été déchiré ou détaché
au-dessus de la section , quand la membrane médul-
laire irritée s’enflamme , le bout de l’os se nécrose ,
et il s’en détache une virole comprenant toute son
épaisseur et anticipant en général obliquement sur
sa surface externe, parce que ordinairement le pé-
rioste est plus lésé ou est lésé plus haut que la mem-
brane médullaire.
Dans l’un et l’autre cas d’ailleurs , le bout de l’os
éprouve à la longue d’autres changemens. En général
il diminue notablement de volume et de pesanteur.
Le canal, d’abord rempli par la raréfaction spongieuse
de la substance compacte , se rétablit , mais se ferme
1 Van Home, Dissertatio de iis y qiiœ in partibus rnern-
bri } prcesertim osseis , amputatione vulneraüs , notanda
sunt ; Lugd.Bat., i8o3. — J. L. Brachet, Mém. depliys. pnthol.,
sur ce que devient le fragment de l’os après une amputation ,
in Bullet. de la Soc. méd. d'Émul. de Paris, 182a.
DES os. 5i5
à l'extrémité par une production osseuse surajoutée
comme un opercule.
§ 609. La nécrose 1 profonde des os longs présente
tout à la fois des phénomènes intéressans de sépara-
tion et de production osseuse.
Quand on détruit sur un animal vivant la mem-
brane médullaire d’un os long , en introduisant dans
son canal un corps étranger qui la déchire ou qui la
cautérise , le membre tout entier auquel appartient
l’os se gonfle, devient douloureux et chaud; plus
tard il s’y forme des abcès qui s’ouvrent et restent
fistuleux ; on voit , ou l’on sent , à travers les ouver-
tures, un os mobile au milieu du pus, et renfermé
dans un autre os qui est creux ; avec le temps l’os in-
térieur, devenu de plus en plus mobile , parvient quel-
quefois à s’engager, par une de ses extrémités, dans
une des ouvertures de l’os extérieur, et finit même
par être expulsé au dehors. On voit alors qu’il a la
longueur de la diaphyse de l’os primitif, et une épais-
seur variable, mais qui égale quelquefois tout-à-fait
1 Chopart et Robert , de Necrosi ossium tkeses anat.-chir. ;
Parisiis, 1766. — Troja , de Novorum ossium, etc.; Paris,
1775. — Blumenbach, in Richter, chir. biblioth. , B. VI. —
David , Observai, sur une maladie connue sous le nom de
nécrose. — Koeler , Expérimenta circa regeneralionem os-
sium ; Gotting. , 1786. — J. P. Weidmann, de Necrosi ossium ;
Franc, ad moen. , 1793, fol. — Russel , P radical essay on
a certain disease of the bones called necrosis ; Edinb. , 1794.
— A. H. Macdonald , de necrosi ac callo ; Edinb. , 1799. —
Macartney, in Crowlher pract. obs. on the diseases of the
joints ; Lond., 1808. — Charmeil, de la régénération des os;
Metz, 1 8 st t .
5i6
ANATOMIE GÉNÉRALE.
celle de l’os primitif. Cependant l’os nouveau , dé-
barrassé du corps étranger, et tenant dès le commen-
cement aux extrémités de l’os ancien devenues les
siennes , se resserre peu à peu sur lui-même ; la suppu-
ration diminue graduellement, et cesse tout-à-fait,
quand les parois, revenues sur elles-mêmes au point
de se toucher, sont mutuellement agglutinées ; elles se
confondent enfin tout-à-fait.
L’os nouveau , d’abord très - mou et flexible , au
point qu’il se ploie quelquefois par l’action muscu-
laire , quand l’os ancien , engagé par une extrémité
dans une des ouvertures fistuleuses , ne lui forme plus
une attelle solide; l’os nouveau acquiert avec le temps,
et conserve une densité et une dureté supérieures à
celles des os primitifs.
Les cavités médullaires se forment dans le nouvel
os , à mesure que son tissu , d’abord uniformément
rare , acquiert de la densité à l’extérieur.
Tous ces mêmes changemens ont lieu comme spon-
tanément dans l’espèce humaine, dans des circons-
tances et sous l’influence de causes qui paraissent agir
sur le périoste pour en produire l’inflammation , et
probablement aussi sur la membrane médullaire, c’est-
à-dire sur l’appareil nutritif intérieur, de manière à
en altérer la texture et les fonctions.
Les os longs, où la nécrose est la plus fréquente,
sont, dans l’ordre, à peu près, de cette fréquence : le
tibia, le fémur, l’humérus, l’os mandihulaire , les os
de l'avant-bras, la clavicule, le péroné, et les os du
métatarse et du métacarpe.
Il a été proposé sur ce sujet deux théories, dont
DES OS.
5i7
les auteurs n’ont eu que le tort d’être exclusifs ; car les
choses se passent tantôt d’une et tantôt d’une autre
manière.
Troja, David, Bichat et beaucoup d’autres, ont
admis que le séquestre est formé par le corps tout
entier de l’os primitif plus ou moins aminci par la
résorption et par l’action dissolvante du pus, et que
le nouvel os résulte d’une formation nouvelle , dont
l’appareil nutritif externe, c’est-à-dire le périoste et
ses vaisseaux, a fourni les matériaux, lesquels, dé-
posés dans son épaisseur et à sa surface interne sur-
tout, ont passé par tous les états de fluidité et d’en-
durcissement successif que présentent les os ordi-
naires , excepté que l’endurcissement osseux commence
dans beaucoup de points à la fois.
Les expériences sur les animaux vivans apprennent
à ce sujet , que quand le périoste est arraché , il se re-
produit avec l’os; mais l’endurcissement de celui-ci
est retardé de tout le temps nécessaire à la. reproduc-
tion de son enveloppe vasculaire.
Quand les choses se sont passées ainsi , c’est-à-dire
quand c’est un os nouveau qui est formé, le séquestre
a le même volume et la même apparence que l’os
primitif; ,on y retrouve jusqu’aux apophyses, aux em-
preintes, aux lignes et aux inégalités originelles.
D’autres pathologistes , et notamment MM. Leveillé
et Riclierand, et tout récemment le docteur Knox 1 ,
soutiennent que, dans tous les cas , la nécrose dont il
1 The Edinburg med. and surg. Journal; ann. 1822 et
1823.
5 1 8
ANATOMIE GÉNÉRALE.
s’agit est bornée à une partie intérieure de l’épaisseur
des parois du canal médullaire, et que le nouvel os
résulte simplement de la partie externe de l’os pri-
mitif que la nécrose n’a pas affectée, et qui a éprouvé
seulement des changemens de volume et de consis-
tance.
Il en est certainement ainsi dans beaucoup de cas,
et alors le séquestre a un diamètre sensiblement
moindre que l’os primitif, et sa surface est rugueuse
et inégale.
Les extrémités des os longs se nécrosent et se re-
produisent bien moins souvent que leur corps; cepen-
dant il n’est pas rare d’observer ces phénomènes à
l’extrémité supérieure de l’humérus ; on a vu la même
chose à l’extrémité inférieure des os de l’avant-bras.
J’ai extrait de l’intérieur d’un nouvel os l’extrémité in-
/
férieure du tibia, nécrosée après une fracture arrivée,
deux ou trois ans avant. Il ne manquait à cette extré-
mité que le cartilage articulaire.
Les os larges se nécrosent, mais leur reproduction
est rare ou imparfaite; cependant on a vu le scapu-
lum nécrosé être remplacé par deux autres os.
La nécrose des os courts est beaucoup plus com-
mune qu’on ne le croit; elle existe ordinairement sous
forme d’un séquestre renfermé au centre de l’os. Cela
constitue beaucoup de prétendues caries des os du
tarse , du carpe , etc.
§ 610. On appelle cal 1 la substance osseuse de
1 Duhamel, Mém. de l’Acad. roy. des sc. ; Paris, 1 74 1 * '
Boehmer,6fc Ossiumcailo;Jjips.f 1 748. — P. Camper, Obscr-
DES OS. 5 19
nouvelle formation qui réunit les solutions de conti-
nuité des os.
Quand un os long est fracturé , outre la rupture du
tissu osseux , il y a rupture de la membrane mé-
dullaire , et ordinairement aussi du périoste, ainsi
que des vaisseaux de ces membranes et de l’os. Il
résulte de ces divisions vasculaires et autres , une
effusion plus ou moins considérable de sang autour
et dans l'intervalle des fragmens. Si c^Lix-ci sont main-
tenus dans un contact exact, il s opère bientôt entre
eux et entre les autres parties divisées, une agglu-
tination. Il survient aussi une tuméfaction et un en-
gorgement des parties molles divisées et de celles
qui les entourent , lesquelles deviennent compactes
comme le tissu cellulaire enflammé; la moelle, à l’en-
droit de la fracture, participe notamment à cet état.
Toutes ces parties, et surtout la substance aggluti-
nante et organisable qui les engorge , s’ossifient suc-
cessivement , et forment, à l’ extérieur, une virole
osseuse plus ou moins étendue, dont l’épaisseur va
en diminuant du centre ou du siège de la fracture
vers les deux extrémités, et à l’intérieur, une cheville
osseuse fusiforme. L os cependant , dont les deux frag-
mens sont ainsi assemblés, semble étranger jusqu’alors
aux changemens qui l’entourent. Ce n’est qu’à partir
de ce moment , et à mesure que ces ossifications
vcitiones. circa callum ossium fractorum ; in Essaya and obs.
phys. andlitter. , vol. III ; Edinb. , 1771. — Bonn , de Ossium
callo 3 etc.; Arnstel. , 1783. — Macdonald, op. cit. — J. How-
sbip , in Med. chir. trans. , vol. IX ; Lond. , 1816. — Breschet,
Quelques recherches hist. et expérim. sur le cal ; Paris, 1819»
5^0
ANATOMIE GÉNÉRALE.
extérieure et intérieure temporaires diminuent et
disparaissent par résorption, que l’agglutination des
fragmens se change en une réunion osseuse perma^
nente.
Plusieurs pathologistes, et notamment Bonn, Cal-
lisen et J. Bell , se sont contentés d’observer les faits
sans en chercher l’explication. Cependant un grand
nombre d’hypothèses ont été proposées pour donner
la théorie de ces phénomènes remarquables. Boerhaave,
Haller, et Detlef, son disciple, ont admis que les
fragmens sont réunis par une matière glutineuse ou
coagulable.
J. Hunter, Macdonald, Howship, ont pensé que
c’était le sang qui fournissait cette matière organi-
sable et agglutinante.
On sait que Duhamel et Fougeroux ont admis que
le périoste fournissait une virole osseuse qui assem-
blait les fragmens. M. Blumenbach a donné la figure
d’un os humain entouré par une virole de ce genre.
M. Pelletan enseignait la même chose dans ses leçons
cliniques. Camper avait observé qu’il y a un cal ex-
térieur et un intérieur. Bichat, M. Dupuytren , M. Cru-
veilher et autres , ont admis que ces ossifications ex-
térieure et intérieure sont provisoires.
Beaucoup de pathologistes, et notamment Bordenave,
Bichat , M. Richerand , M. Scarpa , etc. , ont sou-
tenu que la réunion des os divisés s’opérait par des
granulations ou bourgeons celluleux et vasculaires,
comme celle des parties molles , ce qui est vrai des
uns et des autres dans le cas seulement où la division
est extérieure et suppurante , et non quand elle a lieu,
DES OS. 521
ainsi que la réunion , sans plaie extérieure et sans
suppuration.
J’ai déjà fait remarquer ailleurs 1 , qu’il ne manque
à ces hypothèses , pour être des théories ou des ex-
pressions exactes des faits , que d’être combinées, ou
de ne point être exclusives. C’était l’opinion deTroja,
c’est aussi celle de M. Boyer, de M. Delpech, etc.
En effet, il y a successivement, dans la réunion
d’une fracture simple , agglutination des fragment par
un liquide organisable dont le sang fournit les ma-
tériaux ; ossification d’une substance semblable , in-
filtrée tout au tour de la fracture , tant à l’intérieur
qu’à l’extérieur; enfin, réunion vasculaire et osseuse
entre les fragmens eux-mêmes.
Le périoste, qui paraît jouer, quand il existe, un
si grand rôle dans la production du cal , n’est pas
plus indispensable ici que dans la reproduction après
la nécrose. On l’a enlevé, sur les bouts d’os d’oiseau
fracturés, et il a été reproduit en même temps que
que le cal a été formé.
La fracture comminutive des os longs, et surtout
celle qui est produite par les armes à feu, est accom-
pagnée , dans sa réunion , d’une production osseuse
considérable et permanente. C’est dans cette produc-
tion surtout, de même que dans l’exostose, de même
aussi que dans la reproduction après la nécrose , qu'on
peut voir en grande masse la matière osseuse nou-
velle : après avoir été liquide elle devient solide,
A. Béclard, Propositions sur quelques points de la mé-
decine ; Paris, 18 13.
f)23l / ANATOMIE GÉNÉRALE.
molle, flexible et élastique, au point qu’on pourrait
la confondre avec un cartilage ; mais cette substance
est parsemée de points osseux , et si l’observation est
faite sur un animal qui a pris de la garance , on la
trouve rose ou même rouge, chose qui n’arrive jamais
aux cartilages. Elle devient ensuite dure comme un
os ordinaire, et même plus. Cette tumeur osseuse per-
manente porte le nom de calus.
§,6i i. Les plaies des os diffèrent de leurs fractures
par l’état même de la solution de continuité et par
son mode de réparation, différent de celui qui vient
d’être exposé. Le tissu osseux étant très-dur et peu
flexible, un instrument tranchant qui l’entame obli-
quement produit véritablement une multitude de pe-
tites fractures dans le fragment qu’il soulève, absolu-
ment comme il arrive à un copeau de bois sec soulevé
par un coup de hache. Quant à la réunion d’une telle
entamure, ainsi que celle d’une fracture avec plaie,
elle n’a lieu ordinairement qu’après une exfoliation,
et par la formation de granulations suppurantes.
§ ()i2. La perte de substance des os longs dans les
sujets jeunes et bien portans , est suivie d’une réparation
ou production plus ou moins étendue , et quelquefois
complète. On peut même, dans les oiseaux 1 , enlever
le périoste avec une partie considérable d un des os
de l’avant-bras , et il se fait, avec le temps , et par une
sorte de végétation des deux bouts, une reproduc-
tion de l’os et du périoste. Dans l’espèce humaine,
quand la perte de substance du cylindre osseux est un
1 Charmeil , Ouvrage cité.
DES OS.
5a3
peu considérable, et que la disposition des parties ne
permet pas le rapprochement des fragmens , il se fait,
par l’affaissement et rallongement des bouts, une pro-
duction fibreuse cartilaginiforme , qui n’acquiert pas
jusqu’au milieu la dureté des os.
Ces résultats plus ou moins heureux de la repro-
duction d’une partie d’os enlevée ont engagé , dans
certains cas , à pratiquer la résection 1 de parties d’os
malades dans leur continuité.
§ 6 1 3. Quand le cal déjà commencé est soumis à des
mouvemens répétés de flexion, de torsion, de disten-
sion, etc., il reste, comme dans le cas précédent,
flexible, ou bien même il ne s’établit pas de réunion,
et les bouts d’os restent contigus. Il en est encore de
même quand les bouts d’os sont séparés par une couche
un peu épaisse de tissu musculaire.
§ 6i4- Les os larges ont une force de réparation
et de reproduction moindre que celle des os longs.
Après la trépanation des os du crâne il se fait une
production qui est rarement osseuse jusqu’au centre.
Après la même opération , si on réapplique l’oper-
cule osseux séparé , il se réunit quelquefois 2. Les
phénomènes de la reproduction sont peu connus dans
les os courts.
§ 6i5. La séparation des épiphyses 3 a lieu , dans les
jeunes sujets, par des causesmécaniques, commeles frac-
1 Roux , De la résection , etc. ; Paris , 1812. — Champion,
De la résection des os dans leur continuité ; Paris , i8i5.
2 Merrem , Animadversiones quœdam , etc. ; Giess. , 1810.
3 Pieichei , de Epiphysium ab ossiurn diaphysi diductione ;
LiPS., 1769.
£>24 ANATOMIE GENERALE.
0
tures, et se réunit par un cal semblable. L’inflammation
chronique des articulations des os longs détermine quel-
quefois aussi , chez les enfans ou les adolescens , la sé-
paration de leurs épiphyses non encore réunies. L’une
et l’autre de ces deux sortes de séparations sont rares.
On a publié récemment un cas de fausse articulation
\
à la suite de la fracture du col du fémur, comme ifn
exemple de séparation de l’épiphyse dans un adulte.
§ 616. Quand une tumeur anévrysmale rencontre
dans son développement un os , celui-ci est détruit
successivement dans l’endroit qui touche à la tumeur,
sans qu’on aperçoive aucun résidu de sa substance:
cette destruction porte le nom d’usure.
§617. L’anatomie morbide des os 1 a donné lieu
déjà à beaucoup d’ouvrages et de figures, cependant
elle présente encore, sur quelques points, bien des
obscurités à dissiper , qui tiennent peut-être plus
qu’on ne croit à des comparaisons vagues que l’on a
faites entre les altérations des os et celles des parties
molles en général, sans spécifier aucun tissu en par-
ticulier. C’est un point d’anatomie et de pathologie
bien digne de fixer l’attention.
§ 618. Les vices primitifs de conformation a sont
rares dans les os longs , moins dans les os courts , fré-
1 A. Bonn , Descriptio tliesauri ossium morbosorum Ho-
viani ; Amstel., 1783. — Ed. Sandifort, Muséum anat. aca-
demiæ Lugduno-Balavœ ;Lugd. Bat., 1798. — C. KCIossius,
Uber die kranhheilen der hnochen ; Tubingen , 1798.
J. Howship , in Mcd.-chir. transact. , vol. vin et x.
a Van Doeveren , Observ. osteolog. varios naturœ lusus in
ossibus hum. corp. exhibent ; in Obs. acad. specim ; Lug'd. Bat.,
DES OS.
5a5
quens dans les os larges; rares dans les os des membres,
plus fréquens dans les os du tronc, surtout dans le
sternum et les côtes, plus encore dans les os de la
tête, et principalement dans ceux du crâne, et plus
dans ceux de la voûte que dans ceux de la base.
Les variétés les plus communes s’observent dans
les réunions des os, puis dans leur figure, puis dans
la forme de leurs trous; enfin, dans leurs apophyses.
La plupart de ces vices de conformation , comme
ceux de toutes les parties, d’ailleurs, paraissent dé-
pendre d’un défaut de formation; quelques-uns cepen-
dant semblent être dus à un excès de formation. Ils
sont rares dans les os et dans les parties d’os les pre-
mières ossifiées, et plus communs dans les parties au
contraire qui se forment les dernières.
§ 619. Les os sont quelquefois altérés consécutive-
ment en plus ou en moins. Outre le spina-ventosa et
l’ostéostéatome , déjà mentionnés, et qui ne sont
guère qu’une dilatation des os , les exostoses, soit ex-
terne, soit interne, qui ne sont que la périostose et
le spina-ventosa ossifiés ; les os sont encore quelque-
fois le siège d’une hyperlhrophie : fos est alors tu-
méfié, et il y a une déposition intersticielle qui en
maintient ou qui en augmente la densité première; dans
tous les cas il y a augmentation de poids. D’autres
fois la tumeur résulte simplement de la raréfaction
de la substance compacte ; l’os , moins dense et plus
1765. — Sandifort, de Ossibus diverso modo à solda con-
formalione abludentibus ; in Observ. anat. pathol . , lib. III
et IV; Lugd. Bat., 1777-81. — *■ Rosenmuller , de Ossium va-
rietatibus ; Lips., 1804.
52 6
ANATOMIE GÉNÉRALE.
volumineux, n’a pas alors sensiblement augmenté
de poids. Je possède un très-bel exemple de ce genre
d’altération , occupant symétriquement les deux bosses
pariétales dans une tête de jeune sujet : l’os , très-
raréfié , est extrêmement vasculaire. Ces deux genres
O
de tuméfaction , quand ils affectent les os longs , dé-
terminent quelquefois le rétrécissement ou la dispa-
rition du canal médullaire; ce cas a été décrit sous le
nom d’enostose x. J’ai donné à la Faculté de méde-
cine , un squelette dont presque tous les os longs pré-
sentent cette altération.
§ 620. L’atrophie des os y détermine prématurément
des changemens semblables à la diminution sénile. .
Il existe, dans le muséum de la Faculté, des os
longs de jeune homme, dont les parois du canal
médullaire ont une ténuité papyracée. Ce canal s’est
aggrandi par absorption intérieure , tandis qu’au-
cune formation n’a eu lieu à l’extérieur. La phthisie ,
très-lente, produit quelquefois cette altération dans
les os ; l’inaction prolongée la produit aussi.
S 621. L’inflammation des os est frès-peu connue.
Le nom de carie est un des mots les plus vagues de
la pathologie. On a augmenté l’obscurité de la chose,
en comparant la carie à l’ulcère. Ce qu’on s’accorde
le plus généralement à appeler carie, est un ramol-
lissement aigu de la substance spongieuse des os, tel
qu’on peut la couper avec un bistouri sans altérer son
tranchant. Ce ramollissement parkît être l’effet dune
1 Lobslein , Rapport sur les travaux exécutés à l’amph.
d’anat. de Strasbourg; i8o5.
des OS. 52J
inflammation qui, le plus souvent, se termine par
suppuration , et quelquefois aussi par nécrose.
Le rachitis est un autre genre de ramollissement qui
paraît tenir à la diminution de la substance terreuse
pendant la période d’accroissement, d’où résulte la
courbure des os sous le poids du corps et sous l’ac-
tion musculaire. En effet, si on examine les os des
rachitiques 1 à l’époque où ils sont mous , on voit
que les os longs sont devenus spongieux dans toute
leur épaisseur, et que leur tissu, ramolli et rouge,
peut être aisément entamé avec le scalpel. Quand, au
contraire, la maladie est terminée, et que les os ont
.repris leur dureté et leur inflexibilité, on trouve la
substance compacte beaucoup plus épaisse du côté
concave de la courbure que du côté opposé ; et quand
l’os est ployé à angle, l’endroit de la flexion est tout-à-
fait compacte, et le canal médullaire y est interrompu.
Dans l’âge adulte, le ramollissement dépendant de la
même cause, peut être porté aussi loin, et plus loin
encore ; les os peuvent devenir mous et ployans ( osteo -
nialacia , seu malacosteon ) ; ils peuvent même acquérir
toute la mollesse et la flexibilité de la chair ( osteo -
\
sarcosis ). A ce degré extrême de mollesse , dont la
femme Supiot a offert un exemple si connu, et où
les os se ploient comme de la cire molle , la dessicca-
tion diminue leur poids et change leur forme la dé-
coction les dissout; leur composition chimique 2 est
’Ed. Stanley, in Med.chir. Irans. , vol. vit; London, 1816.
1 Rostock, in Med. chir. trans vol. iv; London, i8i3. —
J. üavy , in Monro, Outlines of an atomy.
5a8
ANATOMIE GÉNÉRALE.
changée au point qu’ils ne contiennent plus que quel-
ques centièmes de substance terreuse.
Enfin , il peut arriver, avec ou sans les changemens
précédens , que la substance animale des 06 perde sa
force de ténacité naturelle; et que ces organes, de-
venus fragiles, se rompent sous le moindre effort.
§ 622. Les productions accidentelles morbides se
rencontrent aussi quelquefois dans le tissu osseux;
les tubercules, le squirre et la production encépha-
loïde n’y sont pas rares.
SECONDE SECTION.
DES ARTICULATIONS.
§6 23. L’articulation, articulas , apûpov, est la join-
ture ou jonction des os ; elle comprend la manière
dont ils se rencontrent et s’adaptent mutuellement,
et celle dont ils sont réunis ou attachés entre eux.
Les os longs se rencontrent et se joignent par leurs
extrémités ; les os larges , ordinairement par leurs
bords ; et les os courts , par divers points de leur sur-
face. Les parties articulaires des os sont , le plus sou-
vent, des éminences et des enfoncemens de diffé-
rentes formes , et qui sont adaptés les uns aux autres.
Les moyens d’union sont des cartilages , des liga-
mens cartilaginiformes et des ligamens fibreux; ils
sont placés, soit entre des surfaces qu’ils réunissent,
et rendent ainsi continues, soit autour de surfaces qui
restent contiguës.
Les articulations ont pour usage commun de réunir
les os et d’en faire un ensemble , le squelette.
DES ARTICULATIONS.
5 zg
Parmi les articulations , les unes sont mobiles et les
autres ne le sont pas sensiblement; aucune cependant
n’est, rigoureusement parlant, immobile.
D’après la forme des parties articulaires , d’après le
mode de réunion de ces parties, et d’après leur solidité
et leur mobilité diversement associées, on divise les
articulations en trois genres, et en plusieurs espèces
et variétés, que l’on a multipliées sans utilité : la sy-
narthrose, ou l’articulation continue et immobile, la
diartbrose , ou l’articulation contiguë et mobile , et
l’amphiarthrose, ou articulation mixte, qui est continue
comme la première, et mobile comme la seconde.
Chaque articulation a un nom propre, composé des
noms des os qui s’y trouvent réunis.
§ 624. La synarthrose 1 , ou l’articulation immobile,
résulte de la réunion de tous les os du crâne et de la
face, excepté la mâchoire inférieure, par des bords
plus ou moins épais et garnis d’inégalités qui s’adaptent
les unes aux autres , souvent enclavés et toujours
revêtus d’un cartilage synartbrodial intimement uni
aux deux parties articulées; le périoste, en passant
de l’un à l’autre os par-dessus le cartilage intermé-
diaire, réunit encore entre elles ces trois parties, aux-
quelles il adhère étroitement. Ce genre d’articula-
vb- - 'a
1 Duverney, Lettre contenant plusieurs nouvelles observ.
sur l’osléologie ; Paris, 1689. — F. G. Hunauld , Rech. anat.
sur les os du crâne de l’hommé; Acad des sc. , ann. l'j'io.
— E. G. Bose, Program. de suturar. cranii humani fabri-
cat. et usu ; Lips. , 1763. — Gibson, On the use of sutures
in the skulls of animais ; in Mem. of the soc. of Manchester ,
zd sériés , vol. I , i8o5.
1.
34
53o
ANATOMIE GÉNÉRALE.
tion , très-solide, n’a pas de mouvemens sensibles; il
favorise l’accroissement des os larges par leurs bords;
il s’efface souvent dans la vieillesse; sa désunion exige
des efforts du même genre et de la même violence que
ceux qui fracturent les os.
Ce genre d’articulation , qui a reçu le nom générique
de suture, présente plusieurs variétés.
§ 620. La suture vraie est celle dans laquelle les bords
des os articulés présentent des éminences et des enfon-
cemens étendus et nombreux , qui se reçoivent réci-
proquement. Telles sont les articulations inter-pa-
riétale, occipito-^pariétale , et fronto-pariétale. Cette
suture présente même quelques différences ; ainsi ,
dans la première , ce sont de longs prolongemens den-
tés ; dans la seconde , ils ont la forme de queues
d’arondes , dans la troisième, ils ressemblent à des
dents de scie. On a donné à ces trois variétés, les
noms de suture dentée, sitfura dentata , en forme de
scie, serrata , et bordée, limbosa.
L’articulation harmonique , ou l’engrenure , est
celle dans laquelle les bords plus ou moins épais
des os présentent des rugosités qui s’adaptent les
unes aux autres ; telle est celle des os du nez entre
eux, etc.
L’articulation écailleuse est celle dans laquelle les
f •
bords des os, taillés en biseau , s’adaptent les uns aux
autres comme ceux des coquilles bivalves. Cette dispo-
sition, très-marquée dans la réunion du pariétal avec
le temporal , se retrouve jointe à la suture ou à 1 engre-
nure dans beaucoup d’autres articulations du crâne
et de la face. Elle est, dans plusieurs articulations,
DES ARTICULA T fO NS.
53 1
double et réciproque; de sorte que, dans un point,
un os anticipe sur un autre, qui, dans un autre point,
anticipe à son tour sur le premier; telles sont les su-
tures spliéno-frontale , fronto-pariétale, etc. Cet en-
clavement est un des plus puissans moyens de soli-
dité des articulations synartlirodiales.
La schindylèse est une synarthrose qui résulte de
la réception de la crête d’un os dans la rainure d’un
autre ; telles sont les articulations du sphénoïde et de
l’ethmoïde avec le vomer, de l’os lacrymal avec l’apo-
physe nasale du maxillaire, etc.
La gomphose enfin est l’espèce d’articulation synar-
throdiale, tout-à-fait différente de la suture, qui ré-
sulte de la réception des racines des dents dans les
alvéoles.
§ 626. L’amphiarthrose1 , ou articulation mixte, par-
ticipe de la synarthrose par la réunion des surfaces
articulaires au moyen d’une substance intermédiaire ,
et de la diarthrose par une mobilité assez sensible. Ce
genre d’articulation est borné au corps des vertèbres ,
au pubis, et à la partie supérieure du sternum.
Les parties articulaires des os sont ici des surfaces
planes et larges; les moyens d’union sont des liga-
mens cartilaginiformes intermédiaires , adhérant très-
solidement aux deux surfaces , et des ligamens acces-
soires placés à l’extérieur de l’articulation. Ce genre
d’articulation, que l’on appelle souvent symphyse,
jouit d’une grande solidité , due à la ténacité du liga-
ment ; sa mobilité est due à la flexibilité et à l’élasti-
1 A. Béclard, Dictionnaire de médecine, vol. 11.
53a
ANATOMIE GÉNÉRALE.
cité de la même substance. Le mouvement consiste
dans la flexion ou dans la torsion du ligament. Cette
articulation, très-lâche et très-mobile dans l’enfance,
devient de plus en plus serrée dans la vieillesse ; elle
s’ossifie quelquefois à cette époque; quelquefois l’ossi-
fication lui est extérieure, et ne fait que l’entourer
plus ou moins complètement , et c’est ce qu’on voit
surtout au-devant du corps des vertèbres. Elle peut
être accidentellement trop lâche ou trop serrée. Elle
n’est pas susceptible d’une véritable luxation , mais
bien d’un déplacement, d’une diduction, qui supposent
toujours la déchirure ou la destruction du ligament
chondroïde intermédiaire.
Après quelques fractures non consolidées , il se pro-
duit quelquefois des articulations de ce genre, c’est-à-
dire que les fragmens sont réunis par l’intermède d’une
substance flexible et tenace, qui leur permet de se
mouvoir l’un sur l’autre. On trouve souvent ce mode
d’articulation accidentelle après les fractures delà ro-
tule, du col dif'fémur , de l’olécrane, et quelquefois
aussi après celles du corps des os longs. Il se forme
aussi quelquefois des amphiarthroses à la place de
quelques diarthroses dont la membrane synoviale a
contracté des adhérences flexibles.
§ 627. La diarthrose est un genre d’articulation
dans lequel les surfaces articulaires des os sont con-
tiguës, et mobiles les unes sur les autres.
Ce genre d articulation existe entre tous les os des
membres, soit entre eux, soit avec le tronc, entre la
mâchoire inférieure et le crâne, entre le crâne et la
colonne vertébrale, entre les apophyses articulaires
DES ARTICULATIONS. 533
des vertèbres, entre les côtes et les vertèbres, et entre
les cartilages costaux et le sternum.
§ 628. Les parties articulaires des os, dans ce genre
d’articulation , sont des surfaces larges , dont la con-
figuration est réciproque. Ces surfaces sont , en gé-
néral, les unes convexes, les autres concaves. Les sur-
faces convexes , ou les éminences articulaires , sont
quelquefois arrondies comme un grand segment de
sphère : on les appelle alors têtes ; d’autres sont arron-
dies, mais allongées dans un sens, et rétrécies dans
l’autre : on les nomme condyles. Les têtes et les
eondyles sont quelquefois supportés par une partie
mince , qu’on appelle col. Les enfoncemens articu-
laires, ou les surfaces concaves , portent le nom de
cavités eotyloïdes , quand ils ont la forme d’une
calotte de sphère et qu’ils sont profonds, et celui de
cavités glénoïdes, quand ils sont plus superficiels.
Quelquefois deux condyles sont rapprochés par le
côté, et laissent, dans leur intervalle une gorge arti-
culaire comme eux; on donne à cet ensemble le nom
de poulie , troclilea . Enfin , beaucoup de surfaces ar-
ticulaires , peu convexes , peu concaves , presque
planes, n’ont pas reçu de nom spécial, et sont dé-
signées, suivant leur étendue, sous les noms géné-
riques de surfaces ou de facettes articulaires.
Toutes ces surfaces sont revêtues de cartilages diar-
throdiaux ( § 554 ) ; ceux-ci sont eux-mêmes recouverts
de membranes synoviales (§ 210 ), et humectés de sy-
novie (§ 216 ). Il y a, de plus, entre quelques-unes
de ces surfaces, des ménisques ou des ligamens chon-
droïdes inter-articulaires (§ 53 1 ).
ANATOMIE GÉNÉRALE.
534
§ 629. Les moyens d’union sont des ligamens fibreux
( § 5 1 2 ). Les muscles qui entourent les articula-
tions , quoique n’entrant pas essentiellement dans
leur composition, contribuent puissamment à leur
solidité.
§ 63o. La solidité et la mobilité sont diversement
associées dans les articulations diarthrodiales.
Ces articulations jouissent de mouvemens très-variés :
comme le glissement, la rotation, l’opposition angu-
laire et la circumduction. Le glissement existe dans
toutes les articulations diarthrodiales. Les autres mou-
vemens, au contraire, ne se rencontrent que dans un
certain nombre d’entre elles. La rotation est propre à
quelques articulations : tantôt elle s’exerce sur un
seul pivot, comme autour de l’apophyse odontoïde de
la seconde vertèbre ; tantôt il y en a deux , comme
dans la double articulation des os de l’avant-bras
entre eux; quelquefois c’est autour d’un axe fictif
qu’un os tourne, comme le fémur en offre un exemple.
Le mouvement d’opposition, ou mouvement angu-
laire , est celui dans lequel les os forment l’un avec
l’autre des angles plus ou moins ouverts, suivant les
mouvemens : il se distingue en opposition bornée à
deux mouvemens de flexion et d’extension, comme
au coude, au genou, etc., et en opposition vague,
qui peut avoir lieu dans quatre sens principaux et dans
tous les sens intermédiaires, comme le bras, la cuisse,
le pouce , etc. , en offrent des exemples. La circum-
duction qui existe dans toutes les articulations qui
jouissent de l’opposition vague, est un mouvement
par lequel l’os qui se meut décrit un cône dont le
DES ARTICULATIONS. 535
sommet répond a l’extrémité centrale cle l’os, et la
base à son extrémité opposée.
La solidité de ces articulations est, comme celle
des autres, en raison inverse de leur mobilité.
§ 63 1. On distingue, d’après la configuration des
surfaces , les moyens d’union, et les mouvemens de
ces articulations , plusieurs sortes de diarthroses.
La diarthrose planiforme et serrée , articulas adstric-
tus , amphiarthrose de quelques-uns, motus obscurus
de Colombus , est celle dans laquelle les surfaces
sont superficielles, les ligamens forts et serrés , les
mouvemens obscurs et bornés au glissement, mais
possibles en plusieurs sens ; telles sont les articulations
des apophyses articulaires des vertèbres , celles des os
du carpe et du tarse, soit entre eux, soit avec le mé-
tatarse et le métacarpe.
L’arthrodie diffère de l’articulation précédente, en
ce que les surfaces sont moins planes , les ligamens
moins serrés , et les mouvemens plus étendus et plus
nombreux; telle est l’articulation temporo-maxillaire.
Lénarthrose consiste dans la réception d’une tête
dans une cavité. Dans cette espèce, le ligament est
capsulaire, et les mouvemens très-variés; telle est l’ar-
ticulation du fémur avec l’os coxal.
Ces trois premières sortes de diarthrose sont orbi-
culaires ou vagues : leurs mouvemens, plus ou moins
variés et étendus, peuvent avoir lieu dans tous, ou
dans beaucoup de sens. Les deux espèces suivantes,
au contraire , sont dites alternatives , parce que les
mouvemens n y ont lieu qu en deux sens opposés.
La diarthrose rotatoire , commissura trochoïdes de
53 6
ANATOMIE GÉNÉRALE.
Fallope , est celle qui permet seulement des mou-
vemens de rotation ; telle est l’articulation* de l’at-
las avec la seconde vertèbre, celle du radius avec le
cubitus; on l’appelle aussi ginglyme latéral.
Le ginglyme 1 proprement dit, ou la charnière, ap-
pelé aussi ginglyme angulaire, est l’articulation où
il n’y a que deux mouvemens opposés ; telle est celle
du co<ude : dans cette espèce de diartlirose, l’un des
os présente ordinairement une poulie , et l’autre une
surface correspondante ; il y a communément deux
ligamens latéraux. Si le mouvement d’extension ne
doit pas dépasser la ligne de direction des os , ces li-
gamens , pour limiter le mouvement , sont plus rap-
prochés du plan de flexion que du plan opposé.
§ 632. Les articulations diarthrodiales accidentelles
se produisent dans deux circonstances différentes :
après les fractures dont les fragmens ne se sont pas
réunis , et après les luxations qui n’ont point été ré-
duites. Les unes et les autres sont des productions très-
composées. On peut appeler les premières articulations
surnuméraires ; et les secondes , supplémentaires.
§ 633. Les articulations surnuméraires 2 sont con-
nues depuis long-temps. Elles succèdent aux fractures
dont les fragmens n’ont pas été affrontés , à celles
dont les fragmens ont été mus souvent l’un sur l’autre ;
\
1 I. F. Isenflamm et Sclimidt, de Ginglymo ; Erlangæ,
1785.
3 J. Salzmann , De articul. analogis , quce fract uns os-
sium superveniunt ; Argentor. , 1718. — Langenbech, Ubet
die Bildung wider-naturlicher Gelenke nach knoclienbi li-
chen , in der neuen Bibl.Jur die chirurg. ; Gotting, 18 1 5.
DES ARTICULATIONS.
537
quelquefois aussi le défaut de réunion tient à une affec-
tion constitutionnelle. Les bouts de l’os, diversement
configurés, devenus compacts et clos comme après
l’amputation , sont couverts d’une couche mince de
cartilage imparfait ou fibreux; ils sont couverts et
enveloppés d’une membrane synoviale , entourés d’une
capsule fibreuse , ordinairement incomplète , et de
cordons ligamenteux irréguliers. Cette sorte d’ar-
ticulation a été observée , avec un grand nombre
de variétés , dans presque tous les os longs des
membres , et plusieurs fois à la mâchoire inférieure
et aux côtes.
§ 634* Les articulations supplémentaires ont aussi
été souvent observées. Elles succèdent aux luxations
non réduites , et surtout à celles du fémur et de l’hu-
mérus. MM. Foville et Pinel-Grandcharnps , m’ont
remis une pièce d’anatomie, qui présente une arti-
4
culation semblable , formée après une luxation non
réduite des os de l’avant-bras , en arrière de l’hu-
mérus.
Dans les articulations dont il s’agit , on trouve un
enfoncement dans le point contre lequel la tête de
l’os luxé a été placée. Le pourtour de ce point est
relevé par une ossification accidentelle : quelquefois
même on y trouve aussi un bourrelet fibro-cartila-
gineux circulaire. Cette cavité dej nouvelle formation
est couverte d’un cartilage imparfait ou fibreux. La
tête de l’os luxé est ordinairement applatie. l’inté-
rieur de l’articulation est tapissé par une membrane
synoviale et humecté de synovie très-distinctes. Il y
a une capsule fibreuse formée par des débris de l’an-
538
ANATOMIE GÉNÉRALE.
cienne, adliérens à l’os luxé, par le tissu cellulaire
environnant, et par une production nouvelle. L’an-
cienne cavité se rétrécit, et devient superficielle, le
cartilage y diminue ou même y disparaît tout-à-fait.
Si c’est à la hanche, la cavité cotyloïde , en se rape-
tissant, devient triangulaire, d’hémisphérique quelle
était. Fait à ajouter à ceux qui montrent que la
forme des organes dépend , en partie du moins , de
leur action réciproque. Il paraît que ces changemens
étaient déjà en partie connus du temps d’Hippocrate.
§ 635. M. Chaussier 1 a déterminé, sur des chiens,
la formation d’articulations accidentelles intermé-
diaires entre les deux sortes qui viennent d’être dé-
crites. Ayant fait sortir par une incision la tête du
fémur de la cavité cotyloïde, et l’ayant sciée au des-
sous du trochanter, il a rapproché les chairs, et aban-
donné ces animaux aux soins de la nature. En exami-
nant les parties à des époques plus ou moins éloi-
gnées , il a reconnu que les muscles avaient rapproché
l’extrémité du fémur sur un point de l’ischium ; que
l’extrémité osseuse tronquée était arrondie , revêtue
d’une substance cartilaginiforme; que le point de l'is-
chium contre lequel elle appuyait, avait pris aussi
l’apparence cartilagineuse, et présentait quelquefois
une fossette articulaire plus ou moins profonde ; enfin,
que le tissu cellulaire formait autour de cette articu-
lation nouvelle, une sorte de capsule membraneuse,
dans laquelle [était contenu un fluide séreux plus ou
moins abondant.
* Bulletin des sciences, par la soc. pliilom. ; Paris, an vin
DES ARTICULATIONS. 53t)
§ 636. Les articulations diarthrodiales peuvent être
altérées dans leur solidité et dans leur mobilité; elles
peuvent être trop lâches ou trop serrées; elles peuvent
aussi être luxées ou soudées.
§ 637. La luxation est la cessation plus ou moins
complète du rapport naturel entre les surfaces conti-
gües des os. Quand elle a lieu, les ligamens sont vio-
lemment distendus, tiraillés, ou même rompus. Les
autres parties articulaires et environnantes participent
plus ou moins à ces lésions. Le mouvement est alors très-
difficile. Les articulations les plus mobiles en sont le
plus susceptibles; ainsi les arthrodies et les énartbroses
sont celles qui en présentent le plus d’exemples , et les
diarthroses serrées, celles qui en présentent le moins.
Parmi les articulations de la même espèce, celles qui
sont le moins serrées, celles dont les surfaces arti-
culaires sont le moins étendues, et celles qui ont lieu
entre les os les plus longs, sont celles qui sont le plus
souvent luxées. Aussi l’articulation scapulo-humérale
fournit-elle à elle seule plus d’exemples de luxations
que toutes les autres ensemble.
§ 638. L’ankylose 1 , ou la soudure des articulations
diarthrodiales, consiste, quand elle est complète, en
une réunion intime , une véritable continuité entre
des os auparavant contigus : la substance spongieuse
communique de l’un dans l’autre os; les lames com-
pactes, les cartilages diarthrodiaux , la membrane sy-
1 J. Th. Van de Wynpersse, de Ancylosi , etc. ; Lugd. Bat. ,
1783. — Idem , de Ancyloseos pcithol. et curât. ; Lugd. Bal.,
1783. — J. Cloquet, in Diction, de méd. , vol II.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
540
noviale et la synovie qui séparaient la partie spon-
gieuse des deux os, ont disparu. L’immobilité long-
temps prolongée , mais surtout un certain degré d’in-
flammation , soit primitivement dans la membrane
synoviale, soit d’abord dans les ligamens et les autres
parties circon voisines, amènent ces changemens. Tan-
tôt ils commencent par une agglutination de la mem-
brane synoviale, et la formation entre ses surfaces,
de tissu cellulaire ou de brides fibreuses qui peuvent
s’ossifier plus tard; tantôt l’articulation étant ouverte
par une blessure ou par l’effet d’un abcès, c’est par des
granulations suppurantes que s’établit l’agglutination;
dans l’un comme dans l’autre cas, les cartilages diar-
tbrodiaux sont successivement résorbés, avant que la
soudure osseuse ait lieu. Toutes les diartbroses en sont
susceptibles, mais les ginglymes plus que les autres.
L’ankylose affecte quelquefois plusieurs articulations.
On a vu même toutes les diarthrôses et les amphiar-
throses en être successivement affectées , et le sque-
lette devenir une seule masse osseuse inflexible.
M. Percy a déposé, dans le muséum de la Faculté , un
squelette qui offre cette soudure générale de toutes
les articulations.
§ 639. D’autres fois, les causes de l’altération dont
il s’agit, déterminent la nécrose superficielle ou 1 usure
des surfaces articulaires; c’est dans des cas semblables
que l’on a pratiqué la résection 1 des extrémités articu-
1 H. Park, Account of a new method of treating diseases
of the hnec and elboiv ; Lond. , 1783. — Moreau , De la ié-
section des os, etc.; Paris, 1816. — J. Jeffray, Cases of the
excision of carious joints , by H. Park and P. F. Moi eau,
DU SQUELETTE* 54 I
laires des os. D’autres fois , l’adhérence de l’articulation
reste celluleuse ou fibreuse , avec un peu de mobilité.
Quelquefois le cartilage détruit se répare. D’autrefois
il est remplacé par l’éburnification ou la transforma-
tion émaillée de la lame osseuse compacte sous-jacente.
C’est encore dans des cas d’altérations analogues, que
les os se luxent spontanément.
J’ai vu quelquefois un singulier déplacement de l’ar-
ticulation coxo-fémorale, dépendant sans doute d’une
inflammation chronique : dans ce cas la partie supé-
rieure de la cavité articulaire semble avoir cédé à la
pression de la tête du fémur, après avoir été ramollie;
toujours est-il que la cavité, devenue ovale, est très-
allongée et creuse en haut , où elle loge la tête du
fémur, tandis que la partie inférieure de la même ca-
vité qui la logeait auparavant, est rétrécie et superfi-
cielle. J’ai observé ce changement tantôt d’un seul
côté, tantôt symétriquement opéré des deux côtés à
la fois.
§ 64o. Toutes les maladies des articulations diar-
throdiales appartiennent à chacune ou à plusieurs des
parties qui les forment : ainsi, à leurs membranes sé-
reuses, à leurs cartilages, à leurs ligamens, et aux
parties articulaires des os.
vith observations ; Glasgow, 1806. — Wachter , Diss. de
articul. exlirp.; Groningue, 1810. — Roux, De la résec-
tion, etc.; Paris, 1812.
542
ANATOMIE GÉNÉRALE.
/
TROISIÈME SECTION.
DU SQUELETTE.
§ 64 1. Le squelette est l’ensemble de tous les os
réunis entre eux par les articulations. On l’appelle na-
turel, quand les os sont assemblés par leurs propres
ligamens , et artificiel, quand les os sont reunis par
des liens étrangers à l’organisation.
Il constitue un tout symétrique *, qui a la forme
et les dimensions du corps entier, dimensions et
forme qu’il détermine en grande partie.
Il se divise en tronc et en membres. Le tronc ,
partie centrale et principale, formé sur la ligne mé-
diane par la colonne vertébrale , présente deux grandes
cavités : l’une, supérieure et postérieure ( crâne et canal
vertébral ), loge le centre nerveux ; l’autre, antérieure
et inférieure (thorax), loge les organes centraux des
fonctions nutritives; d’autres cavités ( celles de la face) ,
reçoivent les organes des sens, etc. Les appendices, ou
membres pourvus d’articulations nombreuses et très-
mobiles, servent surtout aux mouvemens.
I «
S 642. Les usages du squelette sont de former l’axe
solide et flexible du corps, de fournir des enveloppes
protectrices aux centres nerveux et vasculaires, et aux
organes des sens , d’offrir des points d’attaclie aux
muscles, et de déterminer, par ses articulations, l'é-
tendue et la direction des mouvemens.
x Loscbge , de Sceleto hum. symmetrico , etc. , Erlang. , 1 79^*
DU SQUELETTE.
543
C’est par la dureté et la rigidité des os , et par
la solidité des articulations, que le squelette remplit
une partie de ses fonctions; il remplit les autres par
la mobilité des articulations.
§ 643. Dans leurs mouvemens , les os articulés par
diarthrose , agissent à la manière des leviers.
La plupart sont des leviers du troisième genre, ou
inter-puissans : le centre des mouvemens ou point
d’appui est dans l’extrémité articulaire de l’os, la ré-
sistance à l’autre extrémité , et la puissance musculaire
est appliquée dans un point intermédiaire, ordinaire-
ment très- rapproché du point d’appui. Quelques-uns
sont des leviers du second genre, ou inter-résistans ;
quelques-uns aussi sont des léviers inter-mobiles , ou
du premier genre.
§ 644. Les os ne se formant pas tous en même temps ,
et ne s’accroissant pas tous dans la même proportion,
la forme et les proportions du squelette , et non ses
dimensions seulement, changent beaucoup avec l'âge r.
La proportion de la tête au reste du tronc et aux
membres est d’autant plus grande, que le sujet, au
dessous de vingt ans, est plus jeune. Àu second mois
de la conception, elle fait la moitié de la hauteur du
corps , presque le quart à la naissance , lé cinquième à
trois ans, et le huitième seulement, quand l’accrois-
1 Boehmer, op. cit. — Cheselden , op. cit. — Eyson , op. cit.
— Sue, Sur les proportions du squelette de l’homme, exa-
miné depuis l’âge le plus tendre , jusqu’à celui de vingt-cinq,
soixante uns et au delà; in Mém. prés. , vol. II. — F. G. Danz ,
Grunclriss der Zergleideriingskunde des ungebornen kindes ;
Francof. , 1792. — Senff, op. cit.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
544
sement est achevé. La face est également d’autant plus
petite, relativement au crâne: le bassin, relative-
ment au thorax ; les membres , proportionnellement
au tronc , etc. , que le sujet est plus jeune. Beau-
coup d’autres différences du même genre seront in-
diquées dans l’anatomie spéciale des os.
§ 645. Le squelette présente des différences assez
tranchées entre les deux sexes x. En général, le sque-
lette de la femme est plus petit et plus délicat que
celui de l’homme; le thorax est plus court, et en
somme plus petit; il est aussi plus mobile; le bassin
plus large; la région lombaire plus allongée, etc. Les
articulations diarthrodiales sont plus mobiles, les am-
phiarthroses sont plus flexibles, etc. Toutes les régions
du corps , et presque tous les os , présentent quelques
différences spéciales.
§646. Les races humaines présentent aussi, dans
leurs squelettes , des différences dont les principales
sont relatives aux dimensions et à la forme du crâne 1 2,
à sa proportion avec la face. H y a aussi quelques dif-
férences dans la proportion des membres : dans la
race nègre, les membres supérieurs sont plus lo
relativement au tronc; l’avant-bras et la jambe sont
plus grands proportionnellement au bras et à la cuisse.
§ 647* On observe enfin des variétés individuelles
1 Voyez J. F. Ackermann , de Discrimine sexûs præler
genitalia; Mogunt. , 1788. — Comparez aussi: Albinus,^-
bula sceleli hotninis , et Sœmmering , Tabula sceleti fœminei i
Francof. ad mœn. , 1796.
2 Blumenbach , Décades cramorum , I - VI. — Sœmmei
ring , de Os si bus.
*
DU SQUELETTE.
545
dans le squelette , tant sous le rapport des dimen-
sions , que sous celui des proportions , de la configura-
tion, du défaut de symétrie, etc.
La stature du corps , déterminée par les dimensions
du squelette, est d’environ cinq pieds quatre pouces,
pour l'homme adulte , et de cinq pieds environ pour
la femme; mais cette longueur, un peu variable dans
les races , et même dans des variétés plus restreintes
encore de l’espèce humaine , présente des différences
assez grandes, dans les individus d’une même nation.
Ces différences cependant sont , comme celles des
autres espèces animales , renfermées dans de cer-
taines limites. Ainsi , les nains ont rarement moins de
la moitié de la stature moyenne, et les géans ont très-
rarement plus que cette moitié au-dessus de la stature
ordinaire. Ce que l’on a dit de géans de dix-sept, ou
/
de vingt-cinq pieds , doit être rapporté à des os d’ani-
maux pris mal à propos pour des os humains.
Les proportions des membres au tronc et des di-
verses parties du tronc, ou des membres entre eux,
•présentent également beaucoup de variétés indivi-
duelles , déterminées par celles des os. Il en est de
même encore de la configuration et de la symétrie du
corps : leurs variétés sont presque toutes déterminées
par celles du squelette.
§ 648. Le système osseux termine ceux qui ont pour
base la substance muqueuse ou le tissu cellulaire diver-
sement modifié; les tissus qui restent à décrire sont,
au contraire, essentiellement formés de globules réunis
par la même substance .
1.
35
5/, 6
ANATOMIE GENERAT. F.
A-'A-'A» \ A. » -XV * A-'A A. A. A. A ^
k\\V«.AA\\\wv%%AW%
CHAPITRE IX.
DU SYSTÈME MUSCULAIRE.
§ 6/\g. Le système musculaire *, systema musculare ,
comprend tous les organes formés de fibres longues,
parallèles , rougeâtres dans les animaux à sang chaud ,
molles, irritables et contractiles, qu’on appelle mus-
culaires ; organes qui produisent tous les grands mou-
vemens qui ont lieu dans le corps vivant.
Le nom de muscle , mus } püç , de pvuv , serrer, indique
cette propriété; les muscles sont en effet les organes
du mouvement.
§ 65o. Il peut paraître étonnant, mais il est pour-
tant vrai que les premiers anatomistes , Hippocrate et
Aristote n’ont point connu les muscles , ni surtout
leurs usages. Les anatomistes de l’école d’Alexandrie
ont connu ces organes, et en ont nommé quelques-uns.
Galien en a eu une connaissance générale assez exacte;
il représente le muscle comme formé par le nerf et par
le ligament divisé en fibrilles, formant un tissu qu’il
1 W. G. Muys , Investigatio fabricæ , quæ in partibus tnus-
culos componentibus extat. Diss. I : de Carnis muscuiosce
fibrarum carncarum structura , etc.; Lugd. Bat., 1741 , in-4°>
clij et 482 pag. — Proéhaska , de Carne musculari tractatus
anat.-physiol ; Viennæ , 1778, et in op. min. , pars I;
Viennœ , 1820. — F. Ribes, Dictionn. des Sc. inéd., articles
muscle , musculaire et myologie.
DU SYSTEME MUSCULAIRE.
547
appelle stæbe , rempli par la chair. Il suppose les
muscles cloués d’une faculté tonique , ou force contrac-
tile, et clans un état de tension élastique, inhérente à
leur tissu, et indépendante delà vie; le mouvement dé-
pendrait alors du relâchement volontaire des muscles
antagonistes. De son temps on admettait aussi une con-
traction volontaire plus prompte et plus étendue que
cette contraction par l’élasticité. A l’époque du renou-
vellement des sciences , la myologie était au point ,
fort imparfait, où l’avait laissée Galien ; elle a dû à
Jacques Duhois (Sylvius), des progrès considérables:
il nomma la plupart des muscles , chose qui n’avait
encore été faite qu’à l’égard d’un très-petit nombre.
Vésale, et les autres anatomistes de lécole d’Italie,
surtout Eustache , ont perfectionné la connaissance
particulière des muscles, et en ont donné des figures.
La texture intime des muscles, leur action contractile,
l’influence nerveuse sur cette action , et les mouve-
mens qui en résultent, ont été beaucoup étudiés dans
le courant des deux derniers siècles , et sont encore
aujourd’hui le sujet de travaux importans r.
§ 65 1. Dans les animaux les plus simples, la fibre
musculaire n’existe pas distinctement : les mouvemens
sont produits chez eux par le tissu cellulaire. Dans les
premiers de la série où la fibre musculaire apparaît ,
elle meut seulement les membranes tégumentaires
auxquelles elle est annexée , ou dont elle fait même
fb
1 MM, Prévost et Dumas s’occupent d’observations sur la
texture intime et sur l’action musculaire ; ils ont bien voulu
m’en communiquer les premiers résultats, encore inédits.
548 ANATOMIE GÉNÉRALE.
partie. Dans tous ceux qui ont un cœur, cette fibre
en est le principal élément. Enfin, dans les vertébrés ,
un petit nombre de muscles seulement sont attachés
à la membrane muqueuse , à la peau , et aux sens
leurs dépendances; une grande masse , au contraire,
est attachée au squelette pour le mouvoir.
§ 652. Il y a , dans l’homme, deux classes de mus-
cles : les uns, intérieurs, membraniformes et creux,
appartenant à la membrane muqueuse et au cœur,
se contractant involontairement , et servant aux fonc-
tions de la nutrition et de la génération , en un mot ,
aux fonctions végétatives; les autres, extérieurs, plus
ou moins épais, et pleins, appartenant à la peau, aux
sens , au squelette et au larynx, se contractant volon-
tairement, et servant aux fonctions animales. Les uns
et les autres présentent des caractères communs, qu’il
faut d’abord considérer en général.
[PREMIÈRE SECTION.
DU SYSTÈME MUSCULAIRE EN GÉNÉRAL.
§ 653. Le système musculaire forme à lui seul une
grande partie dq poids, et la plus grande partie du
volume du corps.
§ 654- Quelle que soit la diversité de leur forme et
çle leur situation, les muscles, pour.la plupart, se di-
visent en faisceaux, et tous sont formés de fibres pri-
mitives ou simples, rassemblées en fascicules.
Les auteurs qui se sont occupés de ce point de fine
DU SYSTEME MUSCULAIRE.
S4g
anatomie , l’ont exposé d’une manière en général
peu intelligible : les uns disent simplement que la
chair est composée de fibres ; d’autres , de stries char-
nues ; d’autres , de fibres et de fibrilles ; d’autres , de
fibres composées elles-mêmes de villi. Muys s’est com-
plu dans une division ternaire : il divise la chair muscu-
laire en fibres, en fibrilles et en fils. Il subdivise les
fibres en trois ordres : en grandes, moyennes et petites ,
les grandes étant composées des moyennes, et celles-ci
des petites; de même pour les fibrilles, dont les plus
petites composent les moyennes , et celles-ci les plus
grosses , ces dernières composant les plus petites fibres ;
et de même encore pour les fils dont les plus petites
fibrilles seraient composées ; d’où il arriverait que les
muscles résulteraient de neuf degrés successifs de com-
position. D’autres, rejetant cette analyse tout-à-fait
imaginaire , admettent une divisibilité indéfinie. Mais
il paraît bien, au contraire, qite , dans les muscles
comme dans toute substance organique, on arrive,
par l’inspection microscopique, à un dégré de division
fini et très-bien déterminé.
§ 655. Les faisceaux musculaires, lacerti , ne sont
pas également distincts, nombreux, et volumineux
dans tous les muscles : il en est dont les faisceaux sont
tellement distincts et gros, qu’on pourrait les consi-
dérer comme autant de muscles particuliers ; tels sont '
les portions des biceps, triceps, les faisceaux du del-
toïde, du masseler, du grand fessier, etc.; tels sont
aussi les colonnes charnues des ventricules du cœur,
les bandes longitudinales du colon, etc. Il est, au con-
traire, beaucoup démuselés qui égalent à peine une ,
55o
ANATOMIE GÉNÉRALE.
petite partie dun faisceau des précédens, et qui ne
sont pas formés de faisceaux distincts.
Les faisceaux musculaires sont eux-mêmes formés
de faisceaux moins volumineux, et ceux-ci d’autres
plus petits encore , que l’on peut distinguer dans
presque tous les muscles.
§ 656. Tous les muscles, d’ailleurs, peuvent être
divisés en fascicules ou fibres visibles à l’œil, fascicules
seu fibræ secundariœ . Ces fascicules, dernier degré de
division apercevable à l’œil nu , ont , dans tous les
muscles, presque la même forme et la même épais-
seur. On peut, comme les divisions précédentes, les
apercevoir par une dissection longitudinale, mais
mieux encore dans une section transverse, et surtout
sur un muscle cuit, ou trempé dans l’alcohol : elles ont
une forme prismatique , pentagone ou hexagone , et
jamais cylindrique ; leur diamètre varie un peu ; leur
longueur, suivant Prochaska, égale l’intervalle tout
entier de leurs deux attaches ; même dans le muscle
couturier. Haller, au contraire, pensait, avec Albinus,
que les fibres ou les fascicules n’avaient pas toute la
longueur des muscles, et que des fascicules de fibres
se terminaient en s’amincissant dans les intervalles
d’autres parties semblables ; il ne paraît pas qu il en
soit ainsi.
§ 6 5y. Les fibres musculaires ^ fibræ musculares pri-
marice , seu filcicarneci , visibles seulement avec le secours
du microscope , sont le dernier terme de 1 analyse
anatomique des muscles. C’est à R. Hooke, à Leuwen-
hoeck, àDehayde, àMuys, àDeilaTorre, à Prochaska,
aux frères Wenzell, à M. Autenrieth, à M. Sprengel , à
DD SYSTÈME MUSCULAIRE. 55 1
MM. Ev. Home et Bauer1 , à MM. Prévost et Dumas2,
que l’on doit les meilleures observations sur ce sujet.
Cependant il faut remarquer que les premiers de ces
observateurs ne s’étant servis, dans leurs recherches,
que de loupes grossissant environ cent cinquante fois,
n’ont pu apercevoir les fibres primitives qui exigent,
pour être vues , un grossissement d’environ trois cents
fois; leurs observations sont donc relatives à des fibres
secondaires.
Hooke observa que les muscles des divers animaux
sont composés d’une innombrable quantité de fils
déliés, dont il évalue le volume au centième d’un
cheveu , et dont il compare la figure à celle d’une
série de perles ou de grains de corail. Leuwenhoeck,
après avoir aperçu les fibres musculaires , qu’il appelle
primitives , conjectura qu’ elles étaient encore com-
posées, se fondant, mal à propos, sur ce que les
animalcules spermatiques, plus fins que les fibres, de-
vaient être pourvus de nerfs et de muscles; il en donna
d’ailleurs des figures grossières; celles de Dehayde,
quoique grossières encore, sont plus exactes. Muys en
a donné des descriptions aussi exactes que longues,
il les représente le plus souvent cylindriques, et ra-
rement noueuses. Délia Torre a dit qu’elles étaient
rougeâtres , ce qui n’est pas généralement vrai. Les
observations de Prochaska , beaucoup plus exactes ,
ont appris que ces fibres sont parallèles, mais non tou-
1 Croonian lecture , in philos. Trcms . ; ann. 1818.
3 Examen du sang et de son action dans les divers phé-
nomènes delà vie ; in Annales de chimie et de phys. , t. XXII.
552
ANATOMIE GÉNÉRALE.
jours droites , et que dans la chair cuite, elles sont
presque toujours flexueuses ; que leur forme n’est pas
cylindrique, mais aplatie ou prismatique; que leur
substance est diaphane, et paraît solide; leur dia-
mètre, peu variable, lui a paru être de sept à huit
fois moins étendu que le plus grand diamètre d’un
globule rouge du sang, observation qui ne semble pas
exacte ; ces libres lui paraissent le dernier terme de la
division des muscles , sans que cependant il ose af-
firmer que ce soient là des fibres élémentaires. L’ob-
servation microscopique faite par les frères Wenzell
sur une poïtion de muscle préalablement plongée pen-
dant huit jours dans un mélange d’alcoliol et d’acide
muriatique , leur a montré chaque fibre composée de
corpuscules ronds excessivemens fins. Selon M. Au-
tenrieth, le diamètre de ces fibres serait le cinquième
de celui des globules du sang. M. Sprengel , au con-
traire-, évalue le diamètre de la fibre musculaire à sept
fois celui des globules du sang (lequel est d’un trois
centième de ligne ) , c’est-à-dire à environ un quaran-
tième de ligne ; il la décrit d’ailleurs comme angulaire ,
striée et pleine. Les observations microscopiques de
M. Bauer et de M. E. Home, publiées avec de très-
belles figures, représentent la fibre musculaire comme
identique avec les particules du sang dépouillées de
leur matière colorante, et dont les globules centraux
se sont réunis en filamens. MM. Prévost et Dumas
ont obtenu constamment le même résultat , quel quait
été l’animal examiné, et quels que soient la forme
et le volume de ses globules; mes propres observa-
tions s’accordent tout- à-fait avec les leurs. Pour que
Dü SYSTEME MUSCULAIRE.
553
l’observation ne laisse pas de doutes, elle doit être
faite sur la chair musculaire crue et sans préparation ;
en effet, la coction, et faction de l’alcohol produisant
des globules en coagulant l’albumine , on pourrait
attribuer à ces causes leur présence dans la fibre mus-
culaire. Ces globules sont réunis par un medium in-
visible à cause de sa transparence et de son incolo-
ration; c’est une sorte de gelée ou de mucus. Si on
fait macérer de la chair musculaire dans l'eau fré-
quemment renouvelée , la putréfaction altérant plus
promptement le moyen d’union des globules que
ceux-ci , et le renouvellement de l’eau entraînant le
produit de la putréfaction , on obtient les globules
isolés et semblables à ceux des particules colorées du
sang. Les fibres de tous les muscles ont le même
volume et la même forme.
§ 658. On aperçoit souvent sur les fascicules des
muscles , surtout quand ils sont cuits , des rides ou
des flexuosités. Cette apparence, aperçue par Ilooke ,
Leuwenhoeek , Dehayde et Haller, très-bien représentée
par Muys , a beaucoup occupé Prochaska , qui l’a at-
tribuée au resserrement du tissu cellulaire, des vais-
seaux et des nerfs, et à leur crispation par la coction.
Ces rides ou stries apparentes ont encore été attribuées
à plusieurs autres causes imaginaires, et ont fait ac-
corder aux fibres une disposition articulée, tortillée,
ou spirale ; ces rides ne sont ou ne paraissent être
autre autre chose que des flexuosités ou des ondu-
lations ; elles existent toujours dans les muscles con-
tractés, soit dans l’état de vie, soit dans la raideur
cadavérique , soit par l’action du calorique ; cette
ANATOMIE GÉNÉRALE.
554
flexuosité se produit encore d’elle-même quand on
favorise ou quand on opère la rétraction d’un muscle ,
en coupant ou en rapprochant ses attaches, ou en les
refoulant l’une vers l’autre. Elles s’effacent au con-
traire quand , sur le cadavre , on étend les fascicules
musculaires. Elles disparaissent tout-à-fait quand la
raideur cadavérique se dissipe.
§ 659. Des physiologistes, trompés par des obser-
vations inexactes, ou conduits par des vues hypothé-
tiques , ont admis des opinions fausses ou tout-à-fait
arbitraires , sur la texture intime de la fibre muscu-
laire 1 : ainsi, un très-grand nombre de physiologistes
et de mécaniciens ont admis que la fibre musculaire
est creuse , et consiste en une série de vésicules ovoïdes ,
ou de cavités rhomboïdales, et allongées dans l’état de
relâchement , élargies et globuleuses dans l’état de
raccourcissement des muscles. Plusieurs ont regardé
la fibre musculaire comme creuse, et continue aux
nerfs. Beaucoup d’autres l’ont considérée comme
creuse , vasculaire et injectable , soit comme formée
uniquement d’artérioles , soit comme consistant en
vaisseaux très-fins , intermédiaires aux artérioles et
aux veinules. D’autres ont décrit ces cavités inté-
rieures , soit les vésicules, soit les canaux, comme
spongieuses ou celluleuses. Quelques-uns ont admis
des fibres transversales nerveuses ou autres , soit pour
retenir le sang dans la fibre , soit pour resserrer son
canal dilaté, et le raccourcir par ce mécanisme. D au-
tres encore ont imaginé la fibre comme un canal spiral
1 Haller, Elément a physiül ., lib. XI, sect. I et III, tom. IV
DU SYSTEME MUSCULAIRE.
555
autour d’un fil inextensible; d’autres l’ont supposée
tordue à la manière des fils de lin ou de chanvre , etc.
On peut objecter à toutes ces assertions , que la
fibre musculaire, examinée avec de bons instrumens
d’optique, paraît bien résulter d’une série linéaire
de globules plus opaques, réunis par un milieu plus
clair , mais que rien du tout n’indique que ces glo-
bules soient des vésicules ; que lors de la contraction
musculaire on voit des rides se former, et ces flexuo-
sités s’effacer lors du relâchement, mais point du tout
de changement dans la figure des globules ; que
dans les insectes, où il n’y a point de vaisseaux, il
y a néanmoins des fibres musculaires qui, dès-lors,
ne peuvent en être la continuation ; que l’injection
peut bien gonfler les muscles en s’infiltrant entre les
fibres, mais qu’elle ne les pénètre point; que les pré-
tendues fibres transversales , les torsions , les spi-
rales, etc. , n’ont jamais été vues, mais seulement sup-
posées au profit de certaines hypothèses sur l’action
musculaire; qu’enfin la fibre musculaire, différant
notablement par ses caractères organiques et par ses
phénomènes vitaux, du tissu cellulaire, du tissu ner-
veux et de celui des vaisseaux, ne peut pas être assi-
milée à ces tissus; Mascagni a renouvelé et modifié
une de ces opinions , en regardant les cylindres pri-
mitifs des muscles comme formés de vaisseaux ab-
sorbans remplis de substance glutineuse contractile
dans 1 état de vie, et se renouvelant sans cesse par
la circulation. Rien ne démontre qu’il en soit ainsi , et
que les fibres soient creuses ; il est bien plus probable
quelles sont solides.
ANATOMIE GENERALE.
p k /*»
556
§ 66 o. Les muscles sont enveloppés par le tissu cel-
lulaire qui leur forme des membranes ou des gaines;
il en est de meme à l’égard de leurs faisceaux et des
divisions de ces faisceaux; seulement à mesure que
les parties enveloppées sont moins volumineuses, le
tissu cellulaire forme des enveloppes plus minces et
plus molles. Les fascicules sont enveloppés et réunis
entre eux par des couches presque imperceptibles de
ce tissu ; les fibres primitives , enfin , sont réunies
entre elles, dans chaque fascicule, par des prolonge-
mens de son enveloppe , qui , par leur ténuité et leur
mollesse, échappent tout-à-fait à l’observation. On
aperçoit les enveloppes cellulaires, soit en écartant les
faisceaux et les fascicules les 'uns des autres, soit sur
la coupe transversale des muscles.
On trouve également du tissu adipeux autour des
muscles , dans les intervalles de leurs faisceaux , et
même quelquefois entre les fascicules.
§ 661. Les vaisseaux sanguins des muscles, très-
bien décrits par Albinus et Haller, et représentés par
Prochaska et Mascagni, sont très-abondans, moins ce-
pendant que dans la membrane muqueuse. Leur abon-
dance est proportionnée au volume des muscles; ce-
pendant les muscles intérieurs sont plus vasculaires,
que les autres, et parmi les premiers, quelques-uns
surtout le sont beaucoup. Les veines, comme dans
la plupart des parties , ont une capacité supérieure
à celle des artères. Les unes et les autres commu-
niquent avec les vaisseaux des membranes tégumen-
taires , là où les muscles en sont voisins ; les unes et
les autres, après s’être divisées d’abord dans la meni-
DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 557
brane celluleuse , et y avoir présenté beaucoup d’anas-
tomoses, pénètrent, sous des angles variés, entre les
divers faisceaux, et s’y divisent encore, pour pénétrer
entre les fascicules et jusque dans les intervalles des
fibres, en suivant toujours les enveloppes celluleuses,
et en présentant continuellement de nouvelles divi-
sions et de nouvelles anastomoses. Dans tout leur
trajet, ces vaisseaux accompagnent les divisions des
muscles par des rameaux parallèles à eux , et en
croisent la direction par d’autres rameaux transverses
qui les entourent. Arrivées à leur dernier terme de
division , les artères se continuent avec les veines , sans
qu’on puisse savoir comment elles concourent à la
texture et à la nutrition des fibres charnues.
Ce n’est pas aux vaisseaux sanguins des muscles
qu’est due la couleur rougeâtre de ces organes, car
les muscles intérieurs très-vasculaires sont blanchâtres.
Des vaisseaux lymphatiques se voient distinctement
dans les intervalles de la plupart des muscles , et dans
l’épaisseur de quelques-uns; quant à la manière dont
ils en naissent, elle est inconnue : peut-être sont-ils
la continuation du tissu cellulaire intermédiaire aux
fibres.
§662. Les nerfs des muscles sont très - volumi-
neux ; après la peau et les sens, aucune partie n’en
est aussi abondamment pourvue. En général, ils sont
proportionnés en nombre et en volume au volume
des muscles; cependant les muscles intérieurs en ont
en général moins que les autres, et, parmi ceux-ci,
ceux du squelette moins que ceux du larynx et des
sens. Ils accompagnent en général les vaisseaux san-
558
ANATOMIE GÉNÉRALE.
guins , et surtout les artères, et leur sont unis lâche-
ment par le tissu cellulaire. Pour les bien voir, il faut
faire macérer les muscles jusqu’à un commencement
de putréfaction, laquelle en effet détruit les muscles
plus promptement que les nerfs; ils pénètrent par di-
vers points dans les muscles , et s’y divisent à la manière
des vaisseaux; mais bientôt ils échappent à la vue,
sans que l’on puisse les apercevoir par aucun moyen
artificiel ; de sorte qu’on ne peut rien affirmer sur
leur terminaison. On conjecture, avec quelque vrai-
semblance, que leurs divisions s’étendent jusqu’aux
fibres primitives. Il paraît qu’avant de disparaître ils
s’amollissent successivement , en se dépouillant de leur
enveloppe propre, de sorte que leur substance médul-
laire serait en contact immédiat avec la fibre muscu-
laire. Monro et Smith ont cru voir que les nerfs des
muscles sont leurs fibres tortillées en spirales.
Suivant MM. Prévost et Dumas 1 , on aperçoit en-
core mieux les nerfs»des muscles par les moyens sui-
vans que par tout autre : on examine un morceau
de muscle de bœuf, qui a été macéré dans l’eau pure,
dans un endroit obscur; en recevant sur le muscle
seul un faisceau de lumière vive, on distingue la
couleur du nerf qui tranche sur celle du muscle, et
l’on peut le suivre très-loin , au moyen d’une bonne
loupe et d’un scaspel très-délié; on voit alors les rami-
fications se terminer en s’insérant entre les fibres mus-
culaires dont elles coupent la direction à angle droit.
Pour observer cet arrangement dans toute la masse
* Mémoire inédit.
DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 55 9
d’un muscle assez mince pour être transparent, on
place le sterno-pubien de la grenouille , sur une lame
de verre, et on l’examine en leclairaift par transmis-
sion , au moyen d’une faible loupe et de la lumière
d’une bougie ; on aperçoit alors le nerf et ses ra-
meaux, que l’on distingue des fibres musculaires à
leur direction. En effet, le tronc du nerf marche,
dans l’épaisseur du muscle , parallèlement à sa lon-
gueur, et les branches s’en séparent toutes à angle
droit, pour s’engager entre les fascicules et les fibres
musculaires ; et comme elles se trouvent toutes sur le
même plan , à cause de la faible épaisseur du muscle ,
elles représentent une sorte de peigne. Si le muscle est
contracté, on voit que les dernières fibrilles transverses
visibles du nerf répondent exactement au sommet des
angles ou des flexuosités du muscle.
Les nerfs, quoique nombreux et volumineux dans
les muscles, échappent à la vue long-temps avant que
leurs divisions soient à beaucoup près assez multi-
pliées pour pouvoir se distribuer à toutes les fibres
musculaires. On a imaginé deux hypothèses pour ex-
pliquer leur action sur toutes ces fibres : Isenflamm et
M. Carlisle supposent que les nerfs , à leur terminai-
son, se fondent dans le tissu cellulaire des muscles,
et que ce tissu participe par-là à la propriété con-
ductrice des nerfs; Reil admet que les nerfs ont une
sphère d’activité étendue au delà de leur terminaison,
et qu’il appelle atmosphère nerveuse. Ce sont des sup-
>< positions qui seront examinées plus loin.
S 66 3. La plupart des muscles, enfin, ont les extré-
mités de leurs fibres attachées à du tissu ligamenteux ,
ANATOMIE GÉNÉRALE.
56o
par 1 intermède duquel leur action est transmise plus
ou moins loin. Mais ces parties ligamenteuses sont
beaucoup plus répandues dans les muscles extérieurs
que dans les autres.
%
§ 664- La couleur des muscles varie beaucoup : ceux
des animaux invertébrés et ceux des vertébrés à san°-
froid sont blancs; ceux des oiseaux, des mammifères
et de l’homme sont, les uns rougeâtres, de cette teinte
généralement connue sous le nom de couleur de chair ;
les autres sont d’un blanc grisâtre ; la nuance varie
beaucoup dans les uns et dans les autres; elle varie
aussi, suivant différentes circonstances antérieures ou
postérieures- à la mort; la couleur s’enlève aisément
par le lavage et la macération ; elle paraît d’ailieurs
d’autant plus faible, que le muscle, ou le faisceau,
ou le fascicule est plus petit, et d’autant plus foncée,
au contraire , que la masse est plus grande. En tranches
minces, la chair musculaire est demi-transparente.
La consistance des muscles varie beaucoup, meme
dans le cadavre, et par des causes qui ont agi avant
ou depuis la mort, et qui vont être examinées en
parlant de leur irritabilité. En général, la fibre mus-
culaire est molle, humide, peu élastique , facile à dé-
chirer dans le cadavre.
§ 665. La chair musculaire, exposée en tranches
minces à l’action d’un courant d’air sec, ou à l’étuve,
perd plus de la moitié de son poids, devient brufie,
plus transparente et très-dure. Plongée, au contraire,
dans l’eau froide souvent renouvelée, la chair perd
entièrement sa couleur, et prend une teinte jaune-
paille. La macération d’ailleurs l’amollit et la gonfle.
DU SYSTEME MUSCULAIRE.
56l
L’alcohol , les acides étendus , la solution de su-
blimé corrosif, celles d’alun , de sel commun , de ni-
trate de potasse , augmentent la consistance du muscle ,
le contractent légèrement , favorisent sa séparation
en fibres , et altèrent sa couleur de diverses manières.
L’alcohol le pâlit; l’alun le brunit et le durcit beau-
coup ; le nitrate de potasse et le sel commun le rou-
gissent un peu, et après l’avoir durci d’abord, l’amol-
lissent ensuite, surtout le premier, tout en retardant
cependant sa décomposition. Suivant les observa-
tions inédites de M. Bretonneau , et celles de M. La-
barraque , la solution de chlorure de calcium , à un
degré convenable de concentration , conserve à la
chair musculaire et aux autres parties 'molles leur
consistance, leur flexibilité et leurs autres qualités na-
turelles.
§ 666. La chair musculaire , traitée par l’eau froide ,
lui abandonne de la matière colorante, un peu dif-
férente de celle du sang, de ralbumine, de la géla-
tine , et une matière extractive aperçue par Thouvenel.
Soumise à l’action de l’eau bouillante , la chair
fournit une plus grande quantité des mêmes subs-
tances , et , de plus , de la graisse. Le muscle ainsi
traité , et épuisé par l’action prolongée de l’eau ; il
reste des fibres décolorées , insolubles dans l’eau ,
aisées à réparer , qui par la dessiccation deviennent cas-
! santés , et qui ont toutes les propriétés de la fibrine.
La chair musculaire calcinée laisse environ un ving-
tième de son poids de matières salines.
Il suit de 'ces faits, observés par Thouvenel . Four-
b croy, M. Thénard et autres, que les muscles sontprin-
36
1.
56a
A N A.TOMIE GÉNÉRALE.
cipalement composés de fibrine, et qu’ils contiennent
aussi de l’albumine , de la gélatine, de l’extractif,
osmazome de M. Thénard, des phosphates de soude,
d’ammoniaque et de chaux , et du carbonate de chaux.
Ces observations ont été faites particulièrement sur
la chair de bœuf; mais comme les propriétés chimiques
des muscles présentent des différences, même entre
des animaux de genre peu différens, elles ne sont
peut-être pas exactement applicables à l’homme.
§ 667. Dans l’état de vie, les muscles jouissent d’une
force ou propriété active, désignée communément
sous les noms d’irritabilité musculaire , de force mus-
culaire, ou de myotilité.
§ 668. L’action musculaire 1 a été le sujet de beau-
1 Voyez Fr. Glisson , Anat. hepatis. ; Lond., 1 654- — 1
Swammerdam , Biblia nat. , tom. II. — Haller, de Partibus
corp. hum. irrilabilibus ; in comm. Gotting. , tom. II, et
in Nov. comm . Gotting., tom. IV. — Mémoires sur la na-
ture sensible et irritable des parties du corps humain;
Laus. , 1756-59. — Petrini, SulV insensib. e irritab. Dissert,
transp. ; Romœ , — Fabri, Sull’ insensitiva e irrit.
opuscol. raccolti ; Bonon. , iySj - 5q. — A. G. Weber,
de Initiis ac progr. doctr. irritab. , etc.; Halœ , 1783. —
J. L. Gautier ( prœs . Reil.), de Irritabil. notione , etc.;
Halœ, 1793. — Croonian * lectures on muscular motion , in
\
* Le docteur W. Croon ou Croone, mort en 1684, laissa le plan de
deux lectures à fonder, l’une au college des médecins, sur les nerfs et
le cerveau; l’autre, qui devait être annuelle, à la Société royale de
Londres, sur la nature et les lois du mouvement musculaire : celle-ci
continue encore, et a donné lieu à plusieurs excellens Mémoires, tant
snr la texture que sur l’action des muscles. Plusieurs de ces leçons n*
sont pas consignées dans les Transactions philosophiques.
DU SYSTÈME MUSCULAIRE.
563
coup de travaux de la part de Haller, de plusieurs
physiologistes antérieurs à lui , et d’un grand nombre
de ses contemporains et de ses successeurs.
L’étude de l’action musculaire comprend celle,
i° des phénomènes de cette action; 2° de ses condi-
tions, 3° de son principe ou de sa cause, et 4° de ses
effets.
§ 669. Les phénomènes de l’action musculaire les
mieux constatés sont les suivans : le muscle en ac-
tion se raccourcit, se tuméfie, durcit; on est incer-
tain si son volume change; sa couleur ne varie pas ;
il présente des rides ou des plis à sa surface ; ses
fibres et ses fascicules sont souvent dans un état de
1
tremblement ou d’ossillation qui dépend de leurres-
serrement et de leur relâchement alternatifs; il ac-
quiert une force très-grande, et une élasticité mani-
feste : ce sont là les phénomènes de la contraction ; le
plus remarquable de ces faits est en effet le raccourcis-
sement. Lorsque l’action cesse, tous ces phénomènes
disparaissent , et le muscle est alors dans le relâchement.
Les muscles sont-ils aussi susceptibles d’une élon-
i . j ■ . .? . •
i philos. Trans., ann. 1738 , 1745, 1747, I75i, 1788, 1795,
i8o5, 1810, 1818, etc. — J. Chr. A. Clarus, der Krarnpf;
Lips., 18 22. — Lucæ, Grundlinien einer physiol. der Irri-
tabilitàt des menschlichen organismus , in Meckel’s Archiv. ,
B. III. — G. Blanc, On muscular motion ; London, 1788, et
in select. Dissert etc.; Lond. , 1822. — Barzelotd, Esame
di alcune moderne Théorie alla causa prossima délia con-
trazionc muscolare ; Sienna , 1796, et in Reil’s Archiv.,
B. VI. — H. Mayo , Jnat. and physiol. commentâmes , 110 1 ;
Lond. , 1 822.
56‘4 anatomie générale.
gation active ? Divers faits ont été cités en faveur de
cette opinion. Parmi eux, les uns 1 ne prouvent rien
du tout en sa faveur, les autres, rapportées par Bi-
chat , M. Autenrieth , M. Sprengel et M. Meckel ,
laissent encore la question au moins indécise.
On a admis aussi, dans les muscles, une force de
situation fixe"1 , ou une action dans laquelle ils ne sont
ni contractés ni allongés. On peut dire de ce phéno-
mène la même chose que du précédent.
§ 6 70. La contraction ou le raccourcissement étant le
fait le mieux constaté dans l’action musculaire , il
faut l’examiner en détail, ainsi que ses phénomènes
concomittans.
Le muscle augmentant d’épaisseur en même temps
qu’il se raccourcit, la simultanéité de ces deux phé-
nomènes a donné lieu à une question qui a beaucoup
occupé les physiologistes , et qui n’est pas encore tout-
à-fait résolue, c’est de savoir si le volume des muscles
change lors de leur contraction.
Les expériences de Swammerdam , de Glisson , de
Goddart et de M. Erman, sur la diminution de vo-
lume des muscles pendant la contraction , ne prouvent
pas sans réplique que cette diminution ait lieu. Il en
est de même des expériences et des raisonnemens
d’Hamberger, de Prochaska et de M. Carlisle, en fa-
veur de l’augmentation : ils laissent également la ques-
tion indécise. Il est très-probable que, suivant les
1 V. Barthez, Nouv. Élém. de la science de l'homme,
tome I.
1 Barthez , ibid.
DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 565
observations et les expériences de M. G. Blane , de
M. Barzelotti, de M. Mayo, et de MM. Prévost et
Dumas, et suivant l’opinion de M. Sœmmering, de
M. Sprengel et de M. Meckel, il n’y a aucun change-
ment de volume; le raccourcissement et le gonflement
du muscle se compensant mutuellement.
§ 671. Le raccourcissement se manifeste par divers
effets , le gonflement est évident à la plus simple
observation, l’endurcissement est sensible au toucher.
§ 672. La couleur des muscles ne change pas pen-
dant la contraction. On a cru apercevoir le contraire,
en examinant le cœur en action sur de jeunes ani-
maux : c’est uniquement à sa transparence qu’est dû
le changement apparent de couleur.
§673. Un grand nombre de physiologistes ont at-
tribué l’action musculaire à l’accumulation du sang
dans les muscles, soit dans l’intérieur même, soit dans
les intervalles des fibres; d’autres à des causes ana-
; logues , qui toutes supposent une activité augmentée
>de la circulation pendant l’action musculaire. Haller a
i déjà fait diverses objections à ces hypothèses. Il n’y a
i aucune preuve directe de l’afflux du sang dans les
muscles pendant leur action. Il résulte d’ailleurs, des
: expériences de Barzellotti , que la contraction des
; muscles de la grenouille, excitée par le galvanisme,
peut avoir lieu après la mort, i° lors que le sang ne
I circule plus dans les vaisseaux ; i° lors même que le
b sang est congelé ; et, 3° lors qu’enfin les vaisseaux sont
i privés de sang. Il s’agit, à la vérité, de contractions
Y cadavériques , excitées par le galvanisme; mais d’autres
J faits prouvent encore que la présence du sang dans
5 66
ANATOMIE GÉNÉRALE.
les vaisseaux des muscles n’est pas nécessaire à leur
contraction. On sait cependant que, quand il y a du
sang fluide dans un muscle , la contraction , même
après la mort, y met le sang en mouvement, comme
par une sorte d’expression.
§674. Les fibres qui étaient droites pendant letat de
relâchement , se fléchissent pendant la contraction , en
formant des sinuosités très-régulières. Ces sinuosités
ou ces plis, aperçus déjà par beaucoup d’observateurs,
ont surtout été examinés avec soin par MM. Prévost
et Dumas , qui ont reconnu que ces zig-zags se pro-
duisent toujours de la même manière, et que les som-
mets des angles , qui sont les points de la fibre qui se
rapprochent hors de la contraction, sont aussi ceux
où se terminent les dernières ramifications transverses
des nerfs.
§ 67 5. Pendant la contraction des muscles il se passe
dans leur épaisseur une agitation fibrillaire 1 conti-
nuelle j les unes , parmi les fibres , se contractent , tan-
dis que d’autres se relâchent. C’est à cette cause qu’il
faut rapporter le bruissement que l’on entend quand on
applique le doigt sur l’orifice du conduit auriculaire,
ainsi que celui que l’on aperçoit par le stéthoscope
appliqué sur un muscle en action. Ce phénomène est
surtout, et peut-être uniquement, sensible dans un
muscle en action soutenue. Il n’a été observé aussi,
soit par la vue, soit par l’ouïe, que dans les muscles
extérieurs , et dans le cœur.
1 Roger, De perpetuâ fibr. musc, palpitatione ; Gotl. , 176°-
— WôllastOD, Croonian lecture , in philos. Tram, ; ann. i$i°*
DU SYSTÈME MUSCULAIRE.
5 67
§ 676. Certains muscles peuvent se contracter par-
tiellement. C’est du moins ce que l’on voit dans des
expériences sur les animaux vivans , et dans quelques
cas de convulsion des muscles sous-cutanés. Cela est-il
propre aux muscles qui ont plusieurs nerfs ?
§677. La vitesse et la force delà contraction sont
extrêmement grandes ; la vitesse est très-grande dans
l’action de courir, dans celle de parler avec promp-
titude, dans celle de jouer des instrumens à corde, etc.
Cette vitesse, dans quelques cas, peut être portée jus-
qu’à moins d’une tierce. La force des muscles en
action est énorme, et suffit quelquefois pour rompre
les tendons ou les os, parties du corps si résistantes à
la rupture; elle est toujours relative au nombre des
fibres musculaires , chacune d’elles ayant sa force
propre, qui est une fraction de la force totale. L’élas-
ticité des muscles contractés est surtout manifeste
dans la production de la voix.
§ 678. L'étendue de la contraction est difficile à dé-
terminer; on a essayé de le faire , d’après des idées hy-
pothétiques sur la forme des fibres primitives , et on l’a
alors évaluée à un tiers de la longueur de la fibre.
L’observation directe montre que le raccourcissement
de la fibre contractée , dans les muscles extérieurs ,
est d’un quart de sa longueur; MM. Prévost et Dumas
sont arrivés au même résultat, en mesurant les angles
qui se forment pendant la contraction. Quoiqu’il en
soit, l’étendue de la contraction est en effet relative
à la longueur des fibres musculaires. Lorsque rien 11e
s oppose a la contraction d’un muscle, elle peut pro-
duire un très-grand raccourcissement, comme on en
568
ANATOMIE GÉNÉRALE.
voit des exemples dans des cas de fractures et de perte
de substance des os des membres.
§ 679. Les conditions de l’action musculaire sont
la vie du muscle et sa communication avec les centres
circulatoire et nerveux, son état d’intégrité, et l’ac-
tion d’un excitant ou stimulant.
Pour que l’action musculaire ait lieu, il faut que le
muscle participe à la circulation : si on lie les artères
ou les veines principales d’une partie du corps, l’ac-
tion musculaire y est considérablement affaiblie. Les
muscles, pour agir, doivent aussi communiquer par
les nerfs avec le centre nerveux ; l’interruption de
cette communication arrête l’action musculaire plus
ou moins subitement. Elle arrête toujours, et à l’ins-
tant, l’influence du centre nerveux; mais le muscle
reste irritable par des causes qui agissent sur lui ou
sur le nerf auquel il tient encore.
§ 680. Le muscle doit être dans son état d’intégrité :
la contusion des muscles, l’inflammation de leurs gaines
cellulaires, l’accumulation de la graisse dans les inter-
valles des fascicules, etc. , sont autant de circonstances
qui s’opposent encore plus ou moins à l’action mus-
culaire. La distension extrême des fibres musculaires
suffit pour empêcher leur action ; il n’en est pas tout-
à-fait de même de leur raccourcissement. Un degré
extrême de chaleur ou de froid, l’application immé-
diate de l’opium sur les muscles, et diverses autres
substances , diminuent 1 irritabilité musculaire en gé-
néral , mais cependant peu la susceptibilité galvanique.
§ 681. Il faut enfin , pour que le muscle entre en ac-
tion , qu’il y soit excité par un stimulant. Lesstimulans
DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 56g
de l’action musculaire sont, i° la volition , ou action
de la volonté : elle agit sur les muscles par l’intermède
des nerfs , mais elle n’est un stimulant que pour cer-
tains muscles seulement , que pour cette raison on
appelle muscles volontaires ; 2° l’émotion ou la passion
qui agit par le même moyen , mais dont l’action est
étendue à tous les muscles; 3° l’irritation de l’encé-
phale, du cordon rachidien ou des nerfs, qui, dans
le premier cas, agit aussi sur tous les muscles, mais
avec plus ou moins d’énergie ; 40 la stimulation de
quelque partie déterminée , de la peau ou de la mem-
brane muqueuse, plus ou moins éloignée des mus-
cles; 5° celle de la membrane qui couvre immédiate-
ment les muscles, comme la membrane interne du
cœur, la gaîne celluleuse des muscles, la membrane
séreuse de l’abdomen , etc. ; 6° enfin , l’irritation di-
recte du muscle lui-même : il reste douteux, dans ce
cas, si l’excitanl! agit directement sur la fibre muscu-
laire , ou par l’intermède des nerfs. Ce qui rend la
dernière supposition plus vraisemblable , c’est que l’ir-
ritation d’une partie d’un muscle produit la contrac-
tion du muscle entier.
§ 682. La cause de l’action musculaire est , comme
celle de toutes les actions organiques , à peu près
impossible à déterminer : on en connaît les phéno-
mènes et les conditions ; au delà ce sont de pures
hypothèses. On a attribué cette cause a Faction du
nerf, à celle du sang, à l’action réciproque du nerf
et du sang dans le muscle ; et , suivant les doctrines
dominantes aux diverses époques, ces opinions ont
donné lieu à beaucoup d’hypothèses différentes. Au-
ANATOMIE GÉNÉRALE.
570
cune d’elle 11e rend raison de l’augmentation considé-
rable de la force de cohésion du muscle. Il est évi-
dent que pendant la contraction il y a un accroisse-
ment momentané de l’attraction moléculaire entre les
particules de la fibre. Si l’on considère la forme plissée
que prend la fibre, et le rapport des filets nerveux
avec les plis, on concevra que l’influence nerveuse
doit avoir une très-grande part dans le phénomène
de la contraction.
§ 683. L’irritabilité est-elle une force inhérente à la
substance fibrineuse des muscles , et l’action nerveuse
n’agit-elle là que comme tout autre excitant de la con-
traction ? Dans cette hypothèse , les nerfs rempliraient,
dans les muscles volontaires, l’unique fonction de
les irriter 5 et à l’égard des muscles qui, comme le
cœur, ne se contractent point volontairement , l’action
nerveuse ne se manifesterait point dans les circons-
tances ordinaires. Ou bien l’irritabilité a-t-elle sa
source unique dans le système nerveux? dans cette
autre hypothèse, les nerfs rempliraient, à l’égard des
muscles volontaires , le double office de les rendre ir-
ritables, et de les faire se contracter; et, à l’égard des
muscles involontaires , dont la contraction est déter-
minée par des stimulans locaux , elle les rendrait seule-
ment aptes à cette contraction. Ou bien, enfin, les
muscles ont-ils une force propre ( vis insita ) et une
force empruntée à l’action nerveuse (2 us nervea):J
Il est à peu près impossible de résoudre ces questions,
et de choisir avec quelque motif raisonnable entre ces
hypothèses.
§ 684- effets de l’action musculaire dans le
DU SYSTEME MUSCULAIRE. 5^1
corps vivant, sont de produire ou d’empêcher le mou-
vement des parties solides et liquides, ou même du
corps entier, suivant les cas.
Les modes suivant lesquels les muscles exercent
leur action, peuvent être réduits à deux : i° les deux
extrémités des fibres en action peuvent rester égale-
ment fixes , comme dans l’action du diaphragme , des
muscles de l’abdomen, du buccinateur, etc.; ou être
également mobiles, comme dans les sphincters, les fibres
annulaires de l’estomac , des intestins , etc. ; 2° une ex-
trémité des fibres en action est plus fixe que l’autre ;
de sorte que la plus mobile est entraînée vers l’autre,
comme dans la plupart des muscles des membres;
comme, surtout, dans les muscles des doigts ou des
orteils; ou bien même une extrémité est absolument
fixe, et l’autre absolument mobile, comme dans les
muscles de l’œil, du voile du palais, ded’oricule, etc.
§ 685. Les actions musculaires qui ont naturelle-
ment lieu dans le corps peuvent être divisées en deux
classes : les unes sont volontaires, les autres involon-
taires.
Les actions volontaires sont celles de tous les
muscles servant à la station et aux mouvemens du
squelette, aux mouvemens du larynx, et à ceux des
organes des sensations. Tous ces muscles reçoivent
leurs nerfs directement de la moelle.
Les actions involontaires peuvent être sous-divisées
en trois ordres : les unes sont produites par des sti-
mulus agissant à travers une membrane mince, qui
couvre immédiatement les muscles; ce sont les mou-
vemens du canal alimentaire, de la vessie urinaire.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
572
ceux du cœur, etc. ; d’autres sont produits par des
stimulus d’un genre analogue , mais qui se propagent
par voie d’association à beaucoup d’autres muscles :
tels sont les mouvemens de déglutition , de respira-
tion, de toux, d’éternument, d’excrétion fécale, d’é-
mission du sperme et de l’urine, d’accouchement, etc.
Les autres sont les mouvemens d’émotion ou de pas-
sion, comme le rire, les cris, etc.
Parmi les actions ou les mouvemens de cette se-
conde classe, quelques-uns ont été regardés comme
demi -volontaires , ou bien comme constituant une
classe intermédiaire de mouvemens mixtes. Il est en
effet très-difficile d’établir une démarcation parfaite-
ment tranchée entre les mouvemens volontaires , c’est-
à-dire parfaitement soumis à la volonté, et les mou-
vemens involontaires ; car, d’une part, il est peu de
fonctions sur lesquelles la volonté , mais surtout les
passions, n’aient de l’empire , et, d’un autre côté, beau-
coup de mouvemens volontaires deviennent, par l’as-
suétude, presque involontaires : tels sont, par exemple,
les mouvemens des membres qui ont lieu sans cons-
cience et sans volonté pendant le sommeil ; tels sont
ceux des paupières qui ont lieu sans et tnême malgré
la volonté, quand un corps étranger est approché de
l’œil; telle est, d’un autre côté, la difficulté ou lim-
possibilité de mouvoir simultanément les membres
supérieurs ou inférieurs , les yeux , dans une direc-
tion opposée à celle qu’ils suivent ordinairement. L ir-
ritation accidentelle des muscles, des nerfs, ou du
centre nerveux, rend quelquefois tout-à-fait involon-
taire la contraction des muscles extérieures ; d’autres
DU SYSTEME MUSCULAIRE. 5j/3
affections les rendent immobiles malgré la volonté.
Quant à l’influence de la volonté sur les mouvemens
regardes comme involontaires, elle est évidente sur
ceux de la respiration , du vomissement , de la rumi-
nation j il paraîtrait même qu elle se serait étendue
quelquefois jusqu’aux mouvemens du cœur , jusqu’à
ceux de l’utérus, à ceux de l’iris, à ceux de la peau;
il est vrai qu’il ne faut pas oublier l’influence des pas-
sions sur la volonté elle-même.
I
Les mouvemens que l’on a regardés comme mixtes
sont surtout ceux qui, s’exerçant ordinairement sans
conscience et sans volonté, peuvent être modifiés par
la volonté : tels sont ceux du diaphragme. On ne donne
pas aussi généralement ce nom a ceux qui , habituel-
lement volontaires , s’exercent par assuétude et par
association , sans que la volonté les dirige ; comme les
mouvemens de balancement des membres supérieurs
dans la marche.
Il est à remarquer que l’apoplexie et les autres affec-
tions cérébrales paralysent le plus souvent les muscles
volontaires seuls.
§ 686. En général , les mouvemens musculaires
variés qui ont heu dans le corps vivant , sont ou
associés les uns aux autres pour produire une même
action , ou opposés les uns aux autres pour produire
des actions contraires : dans le premier cas, les muscles
sont dits congénères ; dans le second, ils sont antago-
nistes. L’antagonisme est beaucoup plus évident dans
les muscles extérieurs , comme , par exemple , on le
voit entre les fléchisseurs et les extenseurs , etc. ;
il est moins marqué dans les muscles intérieurs ou
ANATOMIE GÉNÉRALE.
574
automatiques ; cependant il ne leur est pas tout-à-fait
étranger; il résulte, aux orifices naturels, de l’opposi-
tion des muscles automatiques et des muscles arbi-
traires, comme on le voit entre les muscles excréteurs,
qui sont involontaires , et les muscles rétenteurs ou
sphincters , qui sont volontaires. Partout l’antago-
nisme présente ce phénomène remarquable , que la
contraction des uns est accompagnée du relâchement
des autres muscles. Les muscles congénères ou asso-
ciés présentent cet autre phénomène important, que
leur contraction est simultanée , et que , quand la
stimulation est bornée à un seul, les autres entrent
néanmoins en action : ainsi, quand le gosier, l’orifice
du larynx, l’angle antérieur du trigone vésical , etc.,
sont stimulés , toutes les puissances musculaires du
vomissement, de la toux ou de l’urinement, etc.,
entrent en action , par la loi de l’association des mus-
cles congénères , en même temps et conformément
à la loi de l’antagonisme. Dans ce dernier cas , les
muscles sphincters et constricteurs du col de la ves-
sie et de l’urèthre se relâchent.
§ 687. Les muscles continuent, quelque temps après
la mort, après la cessation de la circulation, à être
irritables et contractiles par divers stimulus. Tous les
muscles ne conservent pas pendant le même temps
l’irritabilité ; ils ne perdent pas non plus tout à coup
la susceptibilité à la contraction , mais ils cessent
d’abord d’être excitables par tel ou tel stimulus; l’état
antérieur de la santé, le genre de mort, les circons-
tances extérieures avant la mort influent beaucoup sur
la durée de l’irritabilité musculaire. Galien , Harvey ,
DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 5^5
Haller, savaient que le cœur est en général Vultimum
moriens. Haller avait établi un ordre de cessation de
l'irri tabilité dans les différens muscles, et avait en-
trevu aussi diverses variétés dans cet ordre. Zinn ,
Zimmermann, OEder, Froriep, et surtout Nysten, se
sont occupés de cette question. Les variétés déjà en-
trevues par Haller dépendent beaucoup de la nature
de l’excitant : ainsi , le cœur reste plus long-temps
qu’aucun autre muscle, irritable par les agens méca-
niques, et les muscles du squelette, au contraire, par
l’irritation galvanique. L’irritation galvanique agit plus
efficacement en ne comprenant pas les muscles exté-
rieurs , qu’en les comprenant avec le nerf dans le
courant. Le contraire a lieu pour les muscles inté-
rieurs. *
L’ordre établi par Nysten , pour l’extinction suc-
cessive de l’irritabilité dans les cadavres d’individus
décapités, est le suivant : i° le ventricule aortique du
cœur; 2° le gros intestin, l’intestin grêle et l’estomac ;
3° la vessie urinaire ; 4° le ventricule pulmonaire ;
5° l’œsophage; 6° l’iris; y° les muscles extérieurs;
8° l’oreillette droite , et enfin la gauche.
Des muscles, ou des portions de muscles, séparés
du corps vivant, conservent pendant quelque temps
l’irritabilité. Ils présentent sous ce rapport des variétés
analogues à celles qui viennent d’être indiquées. La
contraction dans ces deux circonstances a évidemment
lieu sans afflux du sang.
§ 688. Quand l’irritabilité est près d’être éteinte
ou épuisée dans les muscles , l’irritation ne détermine
plus de contraction générale ou étendue des muscles
ANATOMIE GENERALE.
O76
entiers, de leurs faisceaux ou de leurs fascicules,
mais elle reste bornée aux points irrités , qui se tu-
méfient par la flexuosité dont ils deviennent le siège.
Ce dernier genre d’irritabilité , qui survit à l’action
nerveuse , me semble tout-à-fait du même genre que
celui qu’on observe dans la fibrine du sang; c’est là
véritablement la vis insita de la fibre musculaire.
§ 689. Le genre de la mort, l’état antérieur et les
circonstances environnantes , influent sur l’irritabilité
cadavérique. L’état de paralysie , d’hémiplégie , n’em-
- pêche pas les muscles d’être irritables , dans le ca-
davre , par le galvanisme. Les maladies influent sur
l’irritabilité cadavérique, bien plus par leur marche
et leur durée, que par leur nature; les maladies chro-
niques altèrent beaucoup plus cette propriété que les
maladies aiguës , et parmi les chroniques , ce sont
celles dans lesquelles la nutrition est le plus lésée ,
qui portent la plus forte atteinte à l’action muscu-
laire. Les sujets les plus musclés ne sont pas ceux
chez qui l’irritabilité musculaire persiste le plus après
la mort. Cette durée varie depuis une heure jusqu’à
vingt-quatre heures environ.
§ 690. Enfin , après que toute irritabilité générale ou
locale a cessé dans le corps privé de vie , la raideur
cadavérique se manifeste (§ 124)* C’est un phéno-
mène constant, quoi qu’en aient dit Haller et Bichat,
mais variable dans son intensité et dans sa durée. Cette
contraction, ou raideur, qui a son siège dans le sys-
tème musculaire , est indépendante du ‘système ner-
veux , elle n’a lieu que quand ce système ne jouit
plus d’aucune excitabilité galvanique. La section de>
DU SYSTÈME MUSCULAIRE. Snj
nerfs , 1 état d’hémiplégie , l'ablation du centre ner-
veux, n’empêchent pas quelle se manifeste. C’est le
dernier effort de la contractilité musculaire. Dans les
animaux à sang froid , où l’excitabilité nerveuse per-
siste long-temps, la raideur cadavérique se manifeste
tard, et dure peu; elle se manifeste peu après la
mort, au contraire, et dure long-temps dans les ani-
maux à sang chaud, où l’excitabilité nerveuse est peu
persistante. La raideur cadavérique semble analogue
à la contraction du coagulum fibrineux du sang, et ne
cesse , comme celle-ci , que quand la putréfaction com-
mence. On peut la regarder, jointe au refroidissement
qui l’accompagne toujours , comme un signe certain
de la mort. Si on plonge et si l’on conserve clans l’al-
cohol , un muscle dans l’état de raideur, cet état y
persiste indéfiniment.
§ 692. On a encore attribué d’autres propriétés mo-
trices aux muscles. Galien leur reconnaissait une force
tonique indépendante, de la vie; on leur accorde aussi
/
l’élasticité; Haller leur accordait la force contractile
en général , et la force morte; Sympson et Whytt leur
attribuaient la tonicité ou la force tonique; Bichat,
outre la contractilité volontaire, et l’irritabilité ou
contractilité involontaire, leur accordait aussi la con-
tractilité organique insensible, c’est-à-dire la tonicité.
Les muscles sont extensibles ; ils sont rétractiles
aussi, et! cela, indépendamment de leur contraction
par irritation. Dans l’état de sommeil et de repos les
muscles donnent, en général, aux parties du corps
des attitudes moyennes, dépendantes de leur longueur
proportionnelle, et par conséquent de leur tension , de
1.
ANATOMIE GENERALE.
578
leur force, et de la manière plus ou moins efficace dont
cette force est appliquée. La même chose a lieu dans
la paralysie déterminée artificiellement, en coupant
tous les nerfs d’un membre. Dans les paralysies par af-
fection cérébrale , et dans les rétractures des membres ,
l’attitude est quelquefois différente; la flexion est quel-
quefois portée très-loin. Mais il reste7 ici un doute,
c’est de savoir si la cause de la paralysie a porté égale-
ment sur tous les nerfs de la partie; si même cette cause
n’en est pas une de contraction tonique de quelques
muscles. Dans le cadavre, les muscles restent contrac-
tiles, et donnent une attitude déterminée à toutes les
parties du corps , jusqu’à ce que la raideur cadavé-
rique soit dissipée.
§ 698. Les muscles sont sensibles, mais à un degré
médiocre. Ils ne donnent même guère , dans l’état de
santé, que le sentiment de la fatigue durant et après
leur action, quand elle a été prolongée. Quand l’ac-
tion a été très-longue ou violente , elle donne lieu à
une sensibilité douloureuse. Il en est de même dans
le cas d’inflammation de leur tissu ou de leurs gaines
celluleuses. Cabanis et le docteur Yelloly ont rapporté
des cas de maladie dans lesquels les muscles étaient
insensibles.
§ 694. Les circonstances qui montrent un change-
ment continuel de particules dans la nutrition mus-
culaire ne sont pas très-évidentes ; le fait est cepen-
dant probable : il semble que ce soit la partie globu-
leuse du sang qui en fournisse les matériaux. O11
connaît les effets de l’exercice sur l$t nutrition , 1 aug-
mentation et la coloration des muscles, et l’effet op-
DU SYSTEME MUSCULAIRE. 5jg
posé d’un repos trop prolongé. La paralysie produit
un effet plus marqué encore sur leur diminution. La
quantité et l’espèce de nourriture ont une grande in-
fluence sur le volume et la force des muscles. Cer-
taines maladies consomptives , comme la phthisie , ont
une influence marquée sur l’atrophie musculaire. On
ignore si dans ce cas il y a diminution seulement du
volume, ou disparition des fibres.
§ 6p5. Dans l’embryon , le tissu musculaire n’est pas
distinct du tissu cellulaire , il se confond avec lui en
une masse gélatineuse commune. A une époque peu
éloignée du moment de la conception , l’action du
cœur annonce déjà un degré de développement assez
avancé dans le tissu musculaire de cet organe. Vers
deux mois de la conception , les muscles du squelette
ont des fibres distinctes ; ils commencent à exécuter
vers quatre mois quelques contractions. Suivant Bichat,
les muscles du fœtus auraient une irritabilité, ou du
moins une susceptibilité galvanique moindre que celle
des individus qui ont respiré. Des expériences faites
par M. Meckel , sur quelques animaux , ont eu des
résultats contradictoires à ceux de Bichat.
Pendant l’enfance , les muscles restent peu volumi-
neux relativement aux nerfs et au tissu adipeux. A cet
âge aussi , la chair musculaire , moins rouge , est plus
gélatineuse et moins fibrineuse que dans l’âge adulte;
les mouvemens sont faciles, prompts et faibles.
Les muscles, qui sont d’un rouge vermeil dans l’âge
adulte , deviennent pâles , fauves et livides dans la
vieillesse; les contractions, à cette époque, deviennent
difficiles , faibles et lentes.
58() ANATOMIE GENERALE.
/
L’irritabilité et les actions musculaires de la femme ,
comparées à celles de l’homme , présentent à peu près
les mêmes différences que celles de l’adolescent , com-
parées à celles de l’adulte : une plus grande irritabilité
ou susceptibilité au mouvement , et une action moins
forte et moins soutenue.
Il existe entre les races humaines des différences
dans la force musculaire , qui , d’après les observa-
tions faites par Péron avec le dynamomètre , sont à
l’avantage des européens, dont la santé et la force
résultent d’une nourriture abondante et saine , et
d’occupations habituelles ; tandis que les liabitans de
Timor, de la Nouvelle - Hollande et de la Terre de
Van-Diémen , exposés à tous les genres de privations,
ont moins de puissance musculaire.
§ 696. Quand des muscles sont mis à découvert 1 par
une plaie de la peau, des aponévroses et des gaines
celluleuses , et qu’on réapplique ensuite exactement
ces parties, il se fait dans la solution de continuité,
une effusion de liquide organisable , d’abord peu ad-
hérent au muscle , et qui finit par rétablir une réunion
organique. La même chose arrive quand des muscles,
divisés en travers , dans l’amputation par exemple ,
sont recouverts par des lambeaux de peau, seulement
la matière de l’agglutination tient dès le commen-
cement très-étroitement à l’extrémité tronquée des
muscles. Quand des muscles sont divisés en travers,
et non couverts par des lambeaux de peau , il se forme
1 B. Fr. Schnell , Prœs. Àutenrieth, de Naturel reunion û
musculorum vulneratorum ; Tuhingœ , 1804.
DU SYSTEME MUSCULAIRE.
58i
assez promptement sur leur extrémité des granula-
tions suppurantes , et plus tard une cicatrice ; ces phé-
nomènes , et surtout le dernier, sont plus lents quand
les muscles sont seulement dénudés latéralement. Dans
tous ces cas, quelle que soit l’époque à laquelle on exa-
mine la plaie affectée d’inflammation , soit adhésive ,
soit suppurative , les gaines celluleuses des muscles
et de leurs faisceaux sont seules altérées; on n’aper-
çoit absolument aucun changement dans les fibres
musculaires elles-mêmes. Il n'est pas inutile de noter
cependant que ces fibres sont privées, dans ce cas, de
la plus grande partie de leur irritabilité.
§ 697. Lorsqu’un muscle est divisé en travers , il
s’établit entre les bords de sa division un écartement
assez considérable , et toujours plus grand que celui
de la plaie de la peau. Lorsque les 'bords de la plaie
extérieure ont été rapprochés, et se sont réunis, les
bouts du muscle, au contraire, présentent un écarte-
ment rempli d’abord par un liquide organisable , qui
devient ensuite vasculaire , mou, qui se contracte un
peu, et diminue légèrement l’écartement qui existait
entre les bouts du muscle , et devient enfin plus ou
moins ferme et résistant. Cette substance intermé-
diaire , lorsque son organisation est achevée , a quel-
quefois l’apparence du tissu cellulaire, le plus souvent
celle du tissu ligamenteux, et quelquefois celle d’un
tissu coriace subcartilagineux, mais jamais celle du
tissu musculaire. A quelque période de la formation
qu’on l’examine, on trouve toujours que les fibres et
les fascicules musculaires y sont étrangères , et qu elle
n’est que la réunion du tissu cellulaire qui leur forme
582
ANATOMIE GENERALE.
des gaînes. Un muscle qui a une réunion de ce genre
offre donc une espèce d’intersection aponévrotique ou
tendineuse c’est une sorte de muscle digastrique,
dont les deux ventres sont vivans et irritables , tandis
que la substance intermédiaire remplit seulement les
fonctions d’un tendon qui résiste ou cède plus ou
moins à la distension. Cette substance intermédiaire
n’est irritable, ni par les stimulans mécaniques, ni
par le galvanisme. Cependant, quand l’irritabilité est
encore bien manifeste , et que l’action galvanique est
forte , l’irritation appliquée à une des parties du
muscle réuni , se propage par la cicatrice , qui toute-
fois ne se contracte pas , à l’autre partie du muscle.
On ignore si dans le vivant , et par l’action de la vo-
lonté , les deux parties d’un muscle divisé en travers
et réuni par une cicatrice , se contractent l’une et
l’autre. Il est évident que plus les bouts du muscle
divisé seront restés écartés pendant que la réunion
médiate s’est opérée , que plus aussi le moyen de
réunion sera long et extensible, et plus les mouve-
mens des muscles auront perdu de leur étendue et
de leur force. Dans les cas les plus heureux mêmes,
les mouvemens seront d’abord impossibles, puis faibles
et mal assurés , jusqu’à ce que le moyen d union ait
acquis toute sa fermeté.
Tout ce qui vient d’être dit de la réunion des mus-
cles coupés en travers , s’applique à leur rupture par
un effort.
Quand une plaie transversale des muscles et de la
peau est restée écartée et béante, il se fait dans toute
son étendue une couche de granulations suppurante.^,
DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 583
et plus tard une cicatrice plus ou moins large , sous
laquelle les deux bouts du muscle restent écartés.
Dans ce dernier cas, ainsi que dans le précédent,
on a quelquefois mis à découvert et réséqué la sub-
stance intermédiaire trop longue et trop extensible
qui formait la réunion d’un muscle divisé ; tenant
ensuite ses bouts dans un rapprochement aussi exact
que possible, et suffisamment prolongé, on a obtenu
une réunion courte et ferme, et rendu le mouvement
à des parties qui l’avaient tout-à-fait ou presque perdu.
§ 698. Les muscles sont sujets à des variétés et des
vices de conformation. On a vu certains fœtus mons-
trueux, acéphales 1 et autres, privés de tous les muscles
ou de tous ceux d’un membre au moins , ces or-
ganes étant remplacés par du tissu cellulaire infiltré.
On observe plus souvent le défaut ou l’absence de
muscles isolés.
Assez souvent on trouve des muscles surnumé-
raires , ou des muscles divisés en plusieurs parties
distinctes ; des muscles réunis qui ordinairement sont
séparés; d’autres, plus longs ou plus courts, ce qui
change leurs attaches et modifie leurs fonctions ; toutes
ces variétés sont originelles ou primitives.
La diminution ou l’augmentation de volume des
O
muscles sont, au contraire', ordinairement dues à des
causes accidentelles. Le repos et la paralysie en di-
minuent le volume, l’exercice l’augmente.
Les ruptures musculaires 2 arrivent , soit par l’ac-
1 Béclard, Mémoire sur les fœtus acéphales.
2 J. Sédillot, Mémoire sur la rupture musculaire, in Mém.
et prix de la Soc. de méd. de Paris; 1817.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
584
tion des muscles antagonistes , ou par une autre puis-
sance qui distend un muscle relâché, soit par l’ac-
tion même du muscle rompu, et, dans ce dernier
cas , la rupture a lieu ordinairement à l’union des
parties tendineuses , ou aponévrotiques, avec les fibres
charnues, dont un petit nombre seulement se trouvent
rompues. Dans le cas de rupture , il se fait avec bruit
et douleur un écartement plus ou moins grand et
profond , et une effusion de sang plus ou moins
abondante dans la solution de continuité, et dans le
tissu cellulaire environnant. Les muscles intérieurs ,
et notamment le cœur, se rompent quelquefois aussi
par leur contraction.
Le déplacement 1 des muscles admis par Pouteau ,
«
M. Portai et d’autres pathologistes , n’est guère pos-
sible que quand les aponévroses d’enveloppe sont
divisées.
§ 6gg. Les muscles présentent diverses altérations
de couleur, de consistance et de cohésion.
Dans le rhumatisme, on trouve quelquefois , à la
surface , à l’intérieur et dans l’épaisseur des gaines
celluleuses des muscles et de leurs faisceaux, un li-
quide gélatiniforme.
Dans les cas de paralysie ancienne , les muscles sont
atrophiés, blancs, et quelquefois très-gras. On a déjà
vu plus haut (§ 168), que la transformation des
muscles en graisse était plutôt apparente que réelle.
Elle résulte de la pâleur et de l’atrophie du muscle,
1 J. Hausbrand, Diss. luxationis sic dictœ musculans ré-
futa tionc/n sistens ; Berpl. , 1814.
DU SYSTÈME MUSCULAIRE. 585
conjointement avec l’accumulation de la graisse entre
les fascicules de fibres.
On observe rarement des productions accidentelles,
soit de tissus analogues, soit de tissus morbides, dans
les muscles. On y trouve cependant quelquefois des
os accidentels. J’ai vu une fois une production com-
posée osseuse et cancéreuse , occupant les muscles du
mollet. On trouve quelquefois , dans les muscles de
l’homme, et souvent, dans ceux du porc, le cysti-
cerque ladrique , cysticercus cellulosæ de Rudolphi.
La production accidentelle du tissu musculaire est
très-rare , si jamais elle a lieu. On a cependant établi
un rapprochement entre le sarcome et la chair mus-
culaire. On a dit aussi avoir vu des productions
musculaires accidentelles dans les membranes sé-
reuses, dans les os et dans les ovaires : il paraît qu’on
s’est laissé tromper par l’apparence.
Le développement de la texture musculaire dans
l’utérus , pendant la grossesse , et la disparition de
cette texture, après l’accouchement, se rapprochent
d’une production accidentelle.
§ 700. Les fonctions des muscles présentent des va-
riétés et des altérations , dont les unes ont leur siège
et leur cause dans le tissu musculaire lui-même , et
les autres dans le système nerveux. Ces variétés et
ces altérations sont , la plupart , différentes dans les
deux espèces de muscles , et presque toutes sont
propres aux muscles pleins, extérieurs., volontaires ^
ou des fonctions animales.
586
ANATOMIE GENERALE.
SECONDE SECTION.
* • - p /*
• i
DES MUSCLES INTÉRIEURS.
§ 701. Ces muscles, qu’on nomme aussi n\uscles
creux , muscles involontaires , et muscles des fonc-
tions végétatives ou organiques, n’ont point de noms
propres ; chacun d’eux porte celui de l’organe qu’il
concourt à former.
§ 702. Ces muscles sont, i° le cœur; i° ceux qui
doublent dans toute son étendue la membrane mu-
queuse des voies alimentaires; ceux qui, garnissant les
prolongemens urinaire et génitaux de la même mem-
brane, forment la vessie, les vésicules spermatiques et
l’utérus; ceux de son prolongement pulmonaire, qui
forment les faisceaux musculaires de la trachée et des
bronches. Les sphincters qui se trouvent aux orifices
du conduit alimentaire et des voies urinaires et géni-
tales, peuvent être regardés comme intermédiaires aux
deux classes de muscles. Il en est presque de même ,
pour la texture et surtout pour les fonctions, des
muscles du squelette qui servent à la digestion , à la
respiration , à la génération et à l’excrétion urinaire.
Il n’y a donc point de démarcation bien tranchée
entre les deux classes de muscles.
§ 703. Les muscles dont il s’agit ici sont placés à
1 intérieur ; les uns, situés immédiatement au-dessous
du tégument interne, un autre, le cœur, situé tout-à-
fait profondément, et loin des deux surfaces dont il
est indépendant.
DES MUSCLES INTERIEURS. $87
Le volume de ces muscles est très-peu considé-
rable , comparé à celui des muscles extérieurs : tous
forment des parois de canaux et de réservoirs.
§ 704* Ces muscles sont disposés en couches ou en
faisceaux croisés.
Dans toute l’étendue du canal alimentaire, il y a
des fibres circulaires ou annulaires, et des fibres lon-
gitudinales , formant chacune un plan distinct , et
plus ou moins complet et épais.
Dans les réservoirs, ainsi qu’au cœur, les fibres, dis-
posées en couches et en faisceaux qui se croisent obli-
quement, ont la forme d anses fixées par les extrémités
aux côtés de l’ouverture de l’organe. Les faisceaux de
fibres dans ces organes se croisent entre eux , et s’u-
nissent à la manière des plexus. Cette disposition est
moins marquée dans le canal alimentaire , où les
couches musculaires se croisent à angle droit.
La fibre musculaire des muscles intérieurs est d’un
blanc grisâtre dans la plupart d’entre eux, et rouge
dans le cœur seulement. Cette fibre ne diffère pas au-
trement de celle des muscles extérieurs. L’utérus seul
offre , sous ce rapport, une différence tranchée et des
caractères tout-à-fait spéciaux.
§ 7o5. Le tissu cellulaire des muscles intérieurs est
moins abondant et plus serré que celui des autres mus-
cles. On ne trouve de tissu fibreux ou ligamenteux que
dans lé cœur, où il forme des anneaux aux orifices des
ventricules , des cordons ou tendons aux colonnes
charnues de ces mêmes cavités, des épanouissemens
aponévrotiques qui constituent en grande partie les
588
ANATOMIE GÉNÉRALE.
valvules tricuspide et bicuspide des orifices auriculo-
ventriculaires et des cordons dans le bord des valvules
semi-lunaires des orifices artériels. Bichat, qui ne parle
que des cordons tendineux des colonnes charnues,
avait déjà indiqué qu’il existe des différences entre eux
et les tendons. Dans les autres parties on ne trouve
d’analogue au tissu ligamenteux , que le tissu fibro-
cellulaire sous-muqueux, auquel s’attachent les fibres
musculaires sous-jacentes.
Les muscles intérieurs paraissent avoir plus de vais-
seaux sanguins que les autres. M. Ribes cependant
dit le contraire. Les nerfs de ces muscles, peu abon-
dans , appartiennent , la plupart , au grand sympa-
thique; plusieurs sont fournis par le nerf pneumo-gas-
trique, et quelques-uns par d’autres nerfs de la moelle.
§ 706. L’irritabilité des muscles intérieurs présente
les mêmes phénomènes que celle des autres muscles ,
excepté l’agitation fibrillaire, qui n’a été observée que
dans le cœur seulement.
L’irritabilité y paraît moins que dans les autres, dé-
pendante de l’influence nerveuse.
L’irritation mécanique est beaucoup plus efficace
que l’action galvanique pour y déterminer des con-
tractions. L’irritation galvanique agit peu sur eux par
l’intermède des nerfs. Cependant les nerfs cardiaques
et le cœur étant compris dans un cercle galvanique,
l’action persévérante de cet agent détermine des inou-
vemens dans l’organe.
L’irritabilité ou la susceptibilité à la contraction
des muscles intérieurs, est surtout remarquable en ce
1
DES MUSCLES INTERIEURS. 58(/
quelle est naturellement excitée par des agens locaux,
qui agissent sur la fibre par l’intermède de la membrane
qui la recouvre; d’autres fois la cause agit d’une ma-
nière sympathique : ainsi la titillation du gosier, la pré-
sence d’une bougie dans l’urètre , d’un suppositoire
dans l’anus, déterminent l’action de l’estomac, de la
vessie et de l’intestin. La volonté a peu cl’empire sur
la contractilité de ces muscles; cependant l’œsophage ,
le rectum, la vessie, l’estomac même, n’y sont pas
tout-à-fait soustraits; il paraîtrait même que l’utérus,
du moins dans les oiseaux, serait aussi quelquefois
soumis à la volonté. L’intestin grêle en est, au con-
traire, tout-à-fait indépendant; le cœur également. On
cite cependant encore le cas d’un capitaine anglais, rap-
porté par Cheyne , et répété depuis par tous les phy-
siologistes ; et celui de feu le docteur Bayle , rapporté
par M. Ribes , qui pouvaient à volonté ralentir ou
suspendre les mouvemens du cœur. Mais si les muscles
intérieurs ne sont pas soumis à l’influence ordinaire
de la volonté , les affections fortes de l’âme et les
émotions vives les influencent de la manière la plus
évidente.
Haller, en admettant que la force musculaire est
inhérente aux muscles, et que l’action nerveuse n’en
est que l’excitant, avait été conduit à admettre, et la
plupart de ses successeurs avaient admis plus positi-
vement encore que lui-même , que les muscles inté-
rieurs sont indépendans de l’action nerveuse, du moins
dans leurs mouvemens ordinaires et réguliers. Les ex-
périences de Legallois ont porté ensuite à admettre une
opinion diamétralement opposée. Les expériences pos-
ANATOMIE GENERALE.
5po
térieures de M. Glift 1 et de M. Wilson Philip 2; l’ob-
servation comparée des autres animaux, des embryons
et des fœtus monstrueux, ont dû faire modifier l’une
et l’autre conclusions. Les faits connus montrent , en
effet , que les muscles intérieurs , indépendans de la
moelle nerveuse, dans les animaux et dans les fœtus
monstrueux qui n’en ont point, ainsi que dans les
embryons qui n’en ont pas encore; peu dépendans de
cette moelle dans les jeunes animaux chez lesquels son
influence ne date pas encore de long-temps , et dans
les animaux d’un autre ordre inférieur, où l’action
nerveuse n’a pas de centre unique bien déterminé ,
sont , au contraire , dépendans de cet organe dans
l’homme adulte; sont surtout très -influencés par
ses lésions , et plus encore par des lésions brusques
que par des altérations lentes.
§ 707. Quand les muscles intérieurs entrent en con-
traction , ils entraînent quelquefois dans une action
simultanée et associée, tous les muscles extérieurs qui
peuvent contribuer à l’accomplissement de leur fonc-
tion : ainsi, dans la toux, l’éternument, le vomisse-
ment , la défécation , l’accouchement , etc. , un nombre
plus ou moins grand de muscles du squelette agissent
par association avec des muscles intérieurs.
Les muscles intérieurs n’ont point , comme les
autres, de véritables antagonistes, toutes leurs fibres
concourant à un but commun et unique, la dimi-
1 Philos, trans. , ann.
An exper. Inq. into the laves of the vital Junctions , etc.;
Lond., ifiiH.
DES MUSCLES EXTERIEURS. l
nution de capacité de la cavité qu’ils forment. Ce-
pendant on peut considérer comme tels, i° les subs-
tances étrangères qui tiennent écartées les parois des
organes formés par ces muscles ; i° les diverses parties
d’un même organe creux : par exemple , les oreil-
lettes, à l’égard des ventricules; le corps de l’utérus
et de la vessie, à l’égard du col ou de l’orifice de ces
organes; 3° les deux couches musculaires du canal
O '
alimentaire dans le mouvement péristaltique; le rac-
courcissement des fibres longitudinales déterminant,
en poussant les matières , l’allongement des fibres an-
nulaires. En outre, il arrive ici ce qui a lieu dans tout
antagonisme ; la contraction d’un muscle coïncide avec
le relâchement de son antagoniste, et réciproque-
ment; 4° enfin les muscles intérieurs trouvent des an-
tagonistes dans les muscles extérieurs.
Ces muscles n’ont pas de point fixe déterminé :
ceux qui sont annulaires se contractent sur eux-mêmes;
ceux qui sont longitudinaux ont cependant pour point
de ce genre les orifices du canal alimentaire ; ceux des
réservoirs, comme la vessie, l’utérus , ainsi que ceux du
cœur, ont encore un point fixe, mieux déterminé,
dans l’orifice de ces organes.
TROISIÈME SECTION.
DES MUSCLES EXTÉRIEURS.
§ 708. Ces muscles sont aussi nommés muscles vo-
lontaires, muscles des fonctions animales, de la vie
animale, muscles proprement dits. Ce sont eux qui
forment la plus grande partie de la masse du corps.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
/
592
§ 709. Ils sont très-nombreux; il y en a de trois à
quatre cents, mais on a varié sur ce nombre : les uns
regardent comme plusieurs muscles, ce que d’autres
présentent comme des faisceaux d’un même muscle.
§ 710. Chaque muscle a un nom propre, mais cette
nomenclature a beaucoup varié. Il n’y a presque pas
un muscle qui n’ait reçu plus d’un nom , quelques-uns
en ont reçu jusqu’à une douzaine.
La dénomination des muscles a été tirée de plusieurs
considérations : on y a fait entrer l’ordre numérique ,
ainsi , quand plusieurs muscles appartiennent à la
même partie , à la même région , au même mouve-
ment , etc. , on les a distingués par des noms de
nombre , comme les radiaux , les adducteurs, les inter-
osseux, distingués en premier, second, etc. Avant
Jacques Sylvius , presque tous les muscles étaient ainsi
désignés par des noms de nombre. On a fait entrer dans
leur dénomination, comme surnoms, leur situation
antérieure, postérieure, supérieure, inférieure, super-
ficielle, profonde, etc. ; ou bien on les a désignés par
le nom de la partie qu’ils meuvent ou de la région
qu’ils occupent , comme les palpébraux , oculaires , la-
biaux, pectoraux, dorsaux, abdominaux, cruraux, etc.
D’autres sont distingués, d’après leur étendue ou leur
volume, par les épithètes de grand, petit, moyen,
grêle, vaste, large, long, court, etc. D’autres ont.
été nommés rhomboïdes, carrés, triangulaires, sca-
lènes, etc. , d’après la figure qu’on a cru leur trouver;
ou bien 011 les a nommés splénius , par comparaison à
la rate ou à une compresse, soléaire, à cause de leui
ressemblance avec une sole ou avec une semelle ; cer-
DES MUSCLES EXTERIEURS. 5ü 3
tains muscles ont été nommés, d’après leur direction ,
droits , obliques , transverses , contournés ; d’après
leur texture et leur composition , on les a nommés
biceps, triceps, complexus , demi-aponévrotique, per-
forant, perforé, etc.; d’autres muscles ont été dé-
nommés d’après leurs attaches , soit une seule , comme
les ptérygoïdiens, les péroniers, les zygomatiques, etc. ,
soit les deux, comme le stylohyoïdien , le sterno-
hyoïdien , soit un plus grand nombre , comme le
sterno-cléïdo-mastoïdien; d autres encore ont été
nommés, d’après leurs usages, fléchisseurs, extenseurs,
élévateurs, abaisseurs, pronateurs, supinateurs, etc.;
enfin , ce ne sont pas même là toutes les considéra-
tions qui ont servi de base à la nomenclature des
muscles.
Presque aucune de ces considérations n’est absolu-
ment inutile à la connaissance des fonctions des mus-
cles; toutefois les plus utiles sont, sans contredit , le
mouvement lui-même, les attaches, la région occupée
parle muscle, sa direction, etc. Quelque nombreuses
que soient ces bases, il réimporterait pas beaucoup, si
elles fournissaient toujours des noms propres , distincts
et courts, ne fussent-ils même pas bien significatifs;
mais presque tous les noms des muscles sont des noms
composés de plusieurs des circonstances indiquées.
Ainsi on trouve dans la nomenclature musculaire, les
noms oblique- externe- abdominal , grand -droit-anté-
rieur-de la tête, premier-radial-externe , droit-anté-
rieur-de la cuisse, premier- interosseux -dorsal -de la
main, etc. Cet inconvénient, joint à celui qui résulte
de la multiplicité des noms différens donnés par les di-
38
i.
-
r»,9 4 ANATOMIE GÉNÉRALE.
vers anatomistes au même muscle , ont engagé 3VL Chaus-
sier 1 à proposer une réforme dans la langue anato-
mique, et surtout dans celle de la myologie. Cette
réforme dans les noms des muscles consiste à donner à
chacun d’eux un nom qui exprime seulement et cons-
tamment les deux points d’attache opposés , dési-
gnés communément sous les noms d’origine et d’in-
sertion; mais il a été impossible à l’habile auteur de ce
projet de donner des noms qui ne fussent en même
temps, en assez grand nombre du moins , composés de
quelques autres des circonstances indiquées plus haut.
M. Dumas 2 a essayé de modifier la nomenclature de
\
M. Chaussier, en indiquant dans ses noms tous les
points d’attache des muscles. M. Duméril 3 s’est aussi
occupé de la réforme de la langue anatomique, en
prenant pour racines de cette langue les noms grecs
ou latins des os et des viscères, et en variant seule-
ment la désinence de ces noms pour les divers autres
organes et pour les régions. La désinence des muscles
était ien, ainsi le nom occipito-fronlien , sans y joindre
le mot muscle, désigne, dans cette nomenclature, le
muscle occipito-frontal. Vicq-d’Azyr avait également
dirigé ses vues sur la nécessité de réformer la langue
anatomique; il n’a pas exécuté son projet. Le docteur
Barclay s’est aussi occupé de cet objet , et s’est sur-
1 Exposition sommaire des muscles du corps humain;
Dijon, 1789. — Tableau des muscles de l'homme; Paris,
1 797*
1 Système méthodique de nomenclature et de classification
des muscles du corps humain, etc. ; Montpellier, 1797» in-4°*
3 Magasin encyclopédique.
J '
D ILS MUSCLES EXTERIEURS. 5 g5
tout attaché à donner des noms propres et précis aux
différentes régions du corps. M. Schréger 1 a rassemblé
Ja plupart des noms anatomiques employés jusqu’à lui
dans une synonymie volumineuse , où l’on trouve à
quelques organes presque autant de noms qu’il y a de
traités d'anatomie. La crainte de contribuer à accroître
une confusion qui augmente presque toutes les fois
qu’il paraît un nouveau traité, doit engager les anato-
mistes. à se servir des noms déjà usités , en choisissant
entre tous le plus connu, le plus simple et le plus
significatif.
§ y h. D’après leur situation et leur destination de
mouvoir telle ou telle partie , on distingue les muscles
extérieurs en ceux du squelette ou des os , en ceux
du larynx , en ceux des organes des sens et de la peau ;
plusieurs muscles extérieurs aussi appartiennent aux
orifices des voies digestives, respiratoires , génitales et
urinaires , et se confondent là insensiblement avec les
muscles intérieurs.
Les muscles du squelette sont situés au tronc et
aux membres : aux membres ils forment des masses
considérables , et sont allongés ; au tronc ils sont
•élargis, nombreux au dos et à l’abdomen, moins au
thorax, beaucoup moins encore au crâne.
§712. Les muscles varient beaucoup en volume;
les uns sont grands ou volumineux , d’autres sont
moyens , d’autres petits , et d’autres très -petits.
S 7i3. Tous les muscles , excepté le diaphragme, les
1 Synonymia ancitomica , auct. Chr. H. Th . Schreger ; Fur -
thii , i8o3, in-8° , 38o pages.
anatomie générale.
596
sphincters de la bouche et de l’anus, l’arythénoïdien
et souvent le releveur de la luette, sont pairs; tous,
excepté le diaphragme , sont symétriques , ou sem-
blables des deux côtés , à la légère différence près que
l’on observe ordinairement dans le Volume des deux
moitiés latérales du corps.
D’après leur forme on distingue encore les muscles
en larges, longs et courts;
Les muscles larges appartiennent au tronc : quel-
ques-uns s’étendent du tronc aux membres, et sont
alors allongés dans cette dernière partie de leur
étendue.
Les muscles longs appartiennent aux membres , et
sont, en général , disposés par couches, les plus exté-
rieurs étant les plus longs et les plus droits, les plus
profonds ayant beaucoup moins de longueur, et plus
d’obliquité ; disposition importante à connaître dans la
pratique des amputations, puisque les muscles, inéga-
lement longs, doivent se rétracter inégalement.
Les muscles courts se rencontrent au tronc , et aux
membres , près des articulations.
§ y i4- La direction des muscles est celle d’une ligne
qui s’étend, en passant par leur centre, de l’une à
l’autre de leurs extrémités; elle est souvent fort diffé-
rente de celle de leurs fibres , et cette dernière est la
plus importante à considérer. Quand toutes les fibres
sont droites et parallèles entre elles, la force du muscle,
égale à la somme des forces de toutes les fibres, s’exerce
parallèlement à la direction de ces fibres. Mais si les
fibres sont obliques entre elles, l’intensité et la direc-
tion de la force seront différentes.
DES MUSCLES EXTERIEURS.
597
§ 716. On distingue en général dans chaque muscle
un corps ou ventre, et deux extrémités, que Ion dis-
tingue vulgairement en tête et en queue. Le corps est
la partie charnue, les extrémités sont ordinairement
tendineuses : on distingue assez souvent aussi les ex-
trémités en point d’origine, d’adhésion ou point fixe ,
et en point mobile ou d’insertion ; mais beaucoup de
muscles ne se prêtent point à cette description. Ceux
auxquels elle s’appliquerait le mieux sont certains
muscles des membres , qui sont allongés , renflés au
milieu , à cause de la disposition de leurs fibres char-
nues , formés d’un tendon court à leur extrémité su-
périeure, ordinairement la plus fixe, et d’un tendon
long à l’autre extrémité , généralement la plus mobile.
Mais, dans ces muscles même , le mouvement peut être
partagé entre les deux points, et quelquefois même
être tout entier exécuté par le point le plus élevé.
§ 716. Certains muscles forment un corps charnu
unique entre les deux attaches ; d’autres , au contraire ,
sont formés de faisceaux très-distincts , et qu’on pourrait
prendre pour autant de muscles : tels sont surtout le
masseter, le deltoïde, le sous-capulaire , le grand fes-
sier, etc.
§ 717. Il y a des muscles qui dans toute leur étendue
restent simples et distincts , et d’autres qui sont di-
visés en plusieurs "parties , ou confondus avec d’autres ,
à l’une de leurs extrémités : ainsi , quelques muscles
simples à leur insertion sont , à leur origine , séparés
en deux ou trois portions : tels sont les biceps , les tri-
ceps; tels sont encore le sterno-mastoïdien et le grand
pectoral, que, pour cette raison, quelques-uns ouï
ANATOMIE GÉNÉRALE.
598
regardés comme composés de deux muscles chacun ;
ainsi les muscles extenseurs et fléchisseurs communs
des doigts et des orteils, simples à leur origine, sont
» ) ■ •
divisés à leur insertion en plusieurs parties. Les muscles
dentelés, transverses, etc., qui s’attachent aux côtes
par des digitations, sont encore à peu près dans le
même cas. Il faut rapprocher de ce genre les muscles
qui ont une origine commune, comme les muscles
qui s’attachent à l’ischion , ou une insertion commune ,
comme le grand dorsal et le grand rond.
§ 718. Il y a encore des muscles dont la composition
est différente, tels sont plusieurs des muscles spinaux
ou vertébraux, et notamment le transversaire épineux,
le long dorsal , le sacro-lombaire : ils résultent chacun
de beaucoup de faisceaux musculaires, distincts aux
extrémités et confondus au centre , de telle sorte que
chaque portion de muscle, unique à une extrémité,
se continue à l’autre extrémité avec deux portions ;
et réciproquement chacune de celles-ci tient à une
double portion de l’extrémité opposée : ces'faisceaux
musculaires se succédant les uns aux autres, et s’unis-
sant latéralement, il en résulte un muscle très-long,
composé de faisceaux courts , distincts «à leurs extré-
mités, et réunis latéralement dans leur partie moyenne.
Chaque faisceau étroitement lié avec les deux fais-
ceaux ne peut se contracter sans que ceux-ci entrent
en même temps en action, de sorte que le mouvement
est toujours imprimé à la fois à plusieurs vertèbres ou
à plusieurs côtes : disposition tout-à-fait en rapport
avec celle des os qui doivent toujours être mus, plu-
sieurs simultanément.
DES MUSCLES EXTERIEURS.
J99
§ 719. Les muscles du squelette, et ce sont les plus
nombreux , ont leurs deux extrémités attachées au pé-
rioste et à la surface des os, par des tendons ou des
aponévroses. Les muscles du larynx sont attachés de la
meme manière aux cartilages et au périchondre. Les
muscles qui du squelette s'étendent aux organes des
sens, et s’insèrent à des cartilages , sont encore pour-
vus de tendons aux deux extrémités; ceux qui s’at-
tachent aux tégumens en sont , au contraire , dé-
pourvus à leur insertion au derme.
Outre les tendons et les aponévroses d’attache que
l’on trouve aux extrémités de la plupart des muscles ,
quelques-uns présentent aussi des tendons ou des apo-
névroses d’intersection qui occupent quelque point
de leur longueur, et les divisent en plusieurs corps
charnus. Tels sont le digastrique maxillaire et le di-
gastrique cervical , divisés en deux corps très-distincts
par des tendons; tels sont aussi le sterno-hyoïdien , le
scapulo-hyoïdien, le droit de l’abdomen, etc., dont
le corps charnu est divisé par des aponévroses.
§ 720. Dans beaucoup de muscles les fibres sont
droites, et sensiblement parallèles d'un bout à l’autre.
Dans plusieurs muscles, les fibres charnues, toutes
parallèles, s’étendent obliquement entre deux tendons
aponévrotiques épanouis sur deux faces opposées du
corps charnu , tel est le droit antérieur crural. Ce
sont sans doute îles muscles de ce genre qui avaient
fait comparer par Gassendi le muscle à un moufle.
D autres muscles sont rayonnés ou flabeliiformes ;
comme le grand pectoral et le grand dorsal, dont les
libres étalées du côté de l origine se rassemblent en
6oo
anatomie générale.
un faisceau épais du côté de l’insertion ; comme les
moyen et petit fessier, dont les fibres se terminent
successivement sur une expansion aponévrotique. Dans
d’autres, les fibres s'étendent ainsi obliquement de leur
origine d’un os au côté d’un tendon : on appelle ces
muscles demi-pennés, tels sont les péroniers. D’autres
sont pennés , les fibres se rendant obliquement sur les
deux côtés d’un tendon ; dans quelques autres , très-
analogues à ceux-ci, les fibres forment deux plans
qui se rendent sur les deux faces d’une aponévrose
moyenne, comme le temporal. D’autres muscles sont
plus composés encore, comme le deltoïde, le mas-
seter, etc., qui résultent de la réunion de plusieurs
faisceaux penniformes. '
§ 721. La texture des muscles extérieurs résulte tou-
jours de faisceaux plus ou moins distincts , qui se ter-
minent en général aux deux bouts sur du tissu ten-
dineux; ces faisceaux sont composés de fascicules ou
fibres visibles, résultant elles-mêmes de fibres élémen-
taires microscopiques. Le tissu cellulaire et le tissu
adipeux leur forment des enveloppes et des cloisons
d’autant plus distinctes, que les faisceaux sont plus
distincts eux-mêmes et plus volumineux. Les nerfs de
ces muscles , très-abondans, surtout dans ceux des or-
ganes des sens, viennent presque tous de la moelle,
peu viennent du grand sympathique, et ceux-ci ne
sont jamais seuls.
§ 722. Outre ces parties essentielles aux muscles,
ces organes ont des dépendances ou des annexes; ce
sont les fascice ( § 5 19), ou aponévroses d’enveloppe,
qui entourent les muscles, qui les maintiennent en
DES MUSCLES EXTERIEURS. 6'ül
place , et leur fournissent des cloisons qui les séparent,
ainsi que des points d’attache ; ce sont aussi les gaines
et les anneaux qui renferment les tendons et pré-
viennent leur déplacement, et les membranes syno-.
viales qui en facilitent les glissemens.
§ y 23. On divise les muscles, d’après les mouvemens
qu ils produisent , en congénères et en antagonistes ,
suivant qu’ils concourent au même mouvement, ou
qu’ils produisent des mouvemens opposés. Les mouve-
mens qui ont lieu dans le corps humain , et que les
muscles produisent, sont des mouvemens de flexion et
d’extension, d’inclinaison latérale, de rotation en deux
sens opposés, qu’à l’avant-bras on distingue en pro-
nation et en supination , d’élévation et d’abaissement,
d’adduction , d’abduction et de diduction , de dila-
tation et de constriction , de protraction et de rétrac-
tion , etc. On nomme , d’après cela , les muscles
fléchisseurs, extenseurs, pronateurs , supinateurs, élé-
vateurs, etc.
Les muscles antagonistes présentent quelques dif-
férences : presque dans toutes les parties du corps ,
les muscles affectés à un mouvement sont plus forts
que ceux qui produisent le mouvement opposé. Ceux
des deux côtés du corps qui produisent l’inclinaison
latérale , et la rotation autour de l’axe du corps , pré-
sentent seulement la légère différence que l’on observe
en général entre les deux côtés. Les autres présentent
des différences bien plus grandes. On ne s’est guère
occupé que de celle qui existe entre les fléchisseurs,
et les extenseurs. Borelli pensait que les fléchisseurs,
étaient plus courts que les extenseurs , et que , se cori-
6o2
ANATOMIE GÉNÉRALE.
tractant avec une force égale, ils entraînaient néces-
sairement les os dans la flexion. M. Richerand pense
également que la différence est à l’avantage des pre-
miers; M. Meckel a adopté cette opinion : ces deux
physiologistes sont d’avis qu’elle est établie sur l’obser-
vation de l’attitude fléchie que prennent toutes les
parties du corps dans le repos, et qu’elle a sa cause
dans la force et la longueur des muscles, dans le vo-
lume de leurs nerfs, et dans la disposition plus favo-
rable des fléchisseurs, relativement au centre des mou*
vemens et à la direction des os.
Ritter a ajouté à ces différences, que les fléchis-
seurs se contractent quand le pôle zinc de la pile gal-
vanique communique avec l’extrémité musculaire du
nerf, et le pôle argent avec l’extrémité centrale; et
que le contraire a lieu pour les muscles extenseurs.
Cette différence n’est sans doute qu’une différence de
susceptibilité galvanique; susceptibilité assez grande
dans les muscles les plus forts, pour qu’ils se con-
tractent même dans la circonstance la moins favorable
de l’action galvanique.
M. Roulin 1 pense comme Borelli, que la cause prin-
cipale de l’antagonisme des fléchisseurs et des exten-
seurs dépend de leur longueur respective, et par con-
séquent de leur tension.
Cette question mérite peut - être qu’on 1 envisage
d’une manière plus générale; il faut chercher la pré-
dominance dans la longueur et dans le volume des
' V oyez ses Recherches sur les mouvemens et les attitudes
de l’homme, dans le Journal de physiologie, vol. I et II-
DES MUSCLES EXTERIEURS.
6o3
muscles, et plus précisément dans le nombre des fibres
charnues qui entrent dans leur composition ; il faut la
chercher aussi dans la disposition des muscles , rela-
tivement aux leviers sur lesquels ils agissent ; il faut
observer quelle est l’attitude que prennent les parties
dans leur action la plus ordinaire , et celle qu’elles
prennent dans le repos, dans le sommeil, et dans la
paralysie ; il faut avoir égard aussi à celles qu elles
prennent dans le spasme tonique général ou dans le
tétanos : or, en ayant égard à ces diverses considéra-
tions, il semblerait que les muscles prépondérans sont ,
dans le tronc, les extenseurs; à la mâchoire, les élé-
vateurs; aux membres supérieurs en général, les flé-
chisseurs; à l’avant-bras, les pronateurs ; aux membres
inférieurs en général, les extenseurs; et au pied, les
adducteurs. <
S 724* Il y a dans l’organisation plusieurs circons-
tances 1 défavorables à l’action des muscles, et qui ré-
duisent leur force de contraction, ou force effective, à
une force efficace, c’est-à-dire à un résultat beaucoup
moindre. Ces circonstances , bien connues depuis
Borelli, sont, i° le partage égal de l’effort musculaire
entre ses deux attaches, tandis qu’un seul point doit
en générai être mu; 20 le levier défavorable, celui du
troisième genre, par lequel une grande partie de la
force est perdue; 3° l’insertion oblique des muscles
sur les os, et des fibres charnues sur les tendons;
4° la résistance des muscles antagonistes; 5° le frotte-
ment des tendons et celui des articulations.
J. Alph. Borelli, De motu animaîium , opus posthulnnin .
ANATOMIE GÉNÉRALE.
C)ü4
Il y a aussi, dans l’organisation, des circonstances
qui, en favorisant l’action musculaire, diminuent l’in-
lluence des premières : tels sont le changement de
l’angle que forment le muscle et l’os au moyen de
certaines dispositions anatomiques, comme le volume
des extrémités articulaires des os , l’existence des apo-
physes à l’endroit où les muscles s’attachent , celle des
os sésamoïdes , etc. ; tels est encore la diminution
des frottemens par la synovie , etc.
En résultat, le mécanisme animal présente la même
perfection qu’on admire dans toute la nature. Ce que
le muscle perd en force , le mouvement le gagne en
étendue et en vitesse par l’emploi du levier du troi-
sième genre , et par l’obliquité de l’insertion ; d’un
autre côté , l’obliquité des fibres musculaires sur les
tendons, en diminuant l’étendue du mouvement, et
même la force du muscle, permet, sous un petit vo-
lume, la réunion d’un très-grand nombre de fibres,
ce qui compense, et bien au delà, la perte de force;
sans parler de la forme et de la liberté des membres,
qui ne pourraient avoir lieu avec toute autre inser-
tion et toute autre direction des muscles relativement
aux os.
§ 72$. Le muscle est le siège et l’organe immédiat
de la contraction , tout comme les tégumens et les
sens qui en font partie sont le siège de 1 impres-
sion ; mais de même que la sensation n a lieu qu au-
tant que l’impression est propagée par les nerfs
jusqu’au centre nerveux, de même c’est du centre
nerveux que la volition est propagée , par les neifs,
jusqu’au muscle, pour le mettre en mouvement. Il y.
DES MUSCLES EXTÉRIEURS. 6û5
a en outre, dans un cas et dans l’autre, une chose
tout-à-fait incompréhensible : c’est la manière dont
le moi acquiert la connaissance de la sensation ; c’est
aussi la manière dont le moi détermine la volition.
Ce n’est pas ici le lieu d’examiner cette question en-
core insoluble de l’action réciproque de l’organisme
et du moi.
Quoi qu’il en soit, la volition procède du centre
nerveux , elle se propage par les nerfs , et détermine
la contraction des muscles extérieurs. Si le nerf est
coupé ou interrompu par une ligature serrée, etc.,
le muscle , encore irritable , ne se contracte plus vo-
lontairement. On verra dans le chapitre suivant quel
est, dans le système nerveux, le siège précis, ou du
moins probable , du principe organique des mouve-
mens volontaires.
§ 726. Les effets de la contraction des muscles ex-
térieurs sont de déterminer les attitudes et les mou-
vemens du corps , en agissant sur le squelette; de mou-
voir la peau et les organes des sens ; de produire la
voix , la parole , le geste ; et enfin , de servir d’une ma-
nière plus ou moins nécessaire, mais toujours auxi-
liaire, aux fonctions végétatives.
§ 727. On a déjà vu que les muscles droits , en se
contractant , rapprochent une ou leurs deux extrémités
du centre , suivant qu’un des points d’attache est seul
mobile , ou qu’ils le sont tous les deux ; que les muscles
circulaires rétrécissent , en se contractant , les orifices
ou les canaux qu’ils forment. Les muscles courbes se
redressent en se contractant, si leurs attaches sont
fixes; et, en teudaht à se redresser, ils diminuent les
6o6
ANATOMIE GÉNÉRALE.
cavités dont ils forment les parois, comme les muscles
abdominaux et le diaphragme pour l’abdomen ; ils
agrandissent la cavité à laquelle ils répondent par
leur surface convexe, comme le diaphragme pour le
thorax. Les muscles réfléchis, et il y en a un très-
grand nombre , tendent, comme les muscles courbes ,
à se redresser pendant leur contraction ; mais si un
obstacle insurmontable s’y oppose, le mouvement,
dont la direction est changée , est transmis à l’une
ou l’autre extrémité, ou aux deux, suivant leur mo-
bilité.
§ 728. Lorsque l’une des deux parties auxquelles
s’attache un muscle est immobile et l’autre mobile ,
il tire cette dernière vers la première ; c’est ce qui a
lieu à l’égard des muscles qui s’étendent des os aux
parties molles, etc. Lorque l’une des deux parties
est peu mobile , et l’autre très-mobile , comme le
tronc à l’égard des membres, comme l’extrémité cen-
trale des membres à l égard de leur extrémité péri-
phérique , etc. , la dernière est en général la seule qui
se meut. Mais il faut observer que, dans ce cas, le
point fixe et le point mobile des muscles peuvent
changer : ainsi, dans les mouvemens les plus Ordi-
naires du bras, les muscles moteurs de cette partie
ont leur point fixe au tronc , et leur point mobile
dans le membre; au contraire, dans l’action de s’élever
en grimpant sur un arbre, le point fixe, au moment
où le tronc s’élève vers le bras préalablement fixé,
est dans le bras , et le point mobile dans le tronc. De
même , dans l’action de monter un escalier, lorsque la
^ambe est portée en avant et en haut sur une marche,
DES MUSCLES EXTERIEURS. 607
le point fixe est du côté du tronc; lorsque ensuite le
tronc s’élève vers la jambe dont le pied est appuyé,
le point fixe esta la jambe, et les points mobiles des
muscles sont à la cuisse et au tronc.
Lorsque les deux parties auxquelles s’attachent les
muscles sont à peu près également mobiles, la con-
traction tend à les mouvoir à peu près également;
ainsi , quand on est couché sur un plan horizontal ,
la contraction des muscles antérieurs du tronc tend
à peu près également à fléchir la tête sur le col , et le
bassin sur les lombes.
Dans ce cas et dans le précédent , qui sont extrême-
ment fréquens dans la mécanique animale I 2, la partie
qui doit servir de point fixe est retenue par la contrac-
tion d’autres muscles qui la rendent immobile. Les
mouvemens les plus simples en apparence exigent
presque toujours l’action simultanée d’un grand nom-
bre d’autres muscles que ceux qui sont destinés à les
produire immédiatement.
§ 729. C’est surtout dans les efforts que l’on observe
ces synergies musculaires.
On appelle effort 2 , nisus , toute action musculaire
d’une intensité extraordinaire, destinée à surmonter
1 Winslow, Mém. de l’Acad. des sc. , ann. 1719-123-26'
29-30-39-40, etc.
2 Js. Bourdon, Recherches sur le mécanisme de la respi-
ration et de la circulation du sang; Paris, 1820. — J. Cloquet,
de l’Influence des efforts sur les organes renfermés dans la
cavité thorachique ; Paris , 1820. — Magendie , de l’Influence
des mouvemens de la poitrine, et des efforts, sur la circula-
tion du sang; Journal de physiologie, vol. I.
608 ANATOMIE GENERALE.
une résistance extérieure ou à exécuter une fonction
laborieuse, soit accidentellement, soit naturellement.
Ainsi l’action de soulever ou de porter un corps pe-
sant, l’accouchement, rurinement difficile, etc., exi-
gent des efforts pour être exécutés.
Dans tout effort il y a un influx nerveux extraor-
dinaire sur les muscles ; tantôt cet influx est volon-
taire, tantôt il est involontaire. Dans le dernier cas, il
est irrésistiblement déterminé par la liaison déjà re-
marquée entre les muscles intérieurs involontaires et
leurs congénères extérieurs. Dans tout effort aussi , un
nombre considérable de muscles, quelquefois l’appa-
reil tout entier des mouvemens est en action. Dans
tout effort enfin, le poumon est d’abord rempli d’air
par une inspiration, la glotte est fermée ou rétrécie,
les muscles expirateurs sont contractés , et les parois
de la poitrine sont ainsi rendues immobiles, pour of-
frir des points d’attache fixes aux muscles de l’abdo-
men et des membres.
Les effets des efforts sont de retarder ou d’empê-
cher l’entrée du sang veineux dans les troncs thora-
ciques, d’où son reflux et sa stase dans les veines du
col, de la tête, de l’abdomen, et même des membres;
de comprimer les viscères thorachiques et abdominaux ,
et d’en déterminer même quelqùefois l’expulsion, sur-
tout des derniers , à travers une ouverture des parois ;
par fois même les efforts vont jusqu’à déterminer la
rupture des muscles, des tendons, ou des os; jusqu’à
produire des ruptures vasculaires , des hémorrhagies
et des épanchemens de sang.
§ 7 ^0. Les muscles qui passent sur plusieurs artieu-
DES MUSCLES EXTERIEURS.
fiog
lations peuvent les mouvoir toutes. Ainsi les fléchis-
seurs des doigts , après avoir fléchi la troisième et la
seconde phalanges sur la première , fléchissent celle-ci
sur le métacarpe , la main sur l avant - bras ; l’un des
deux concourt même à la pronation. Il en est de
même au pied, où l’extenseur commun des orteils fléchit
le pied sur la jambe , et partout où la même disposi-
tion se rencontre. Ges muscles, qui passent sur plusieurs
articulations , ont encore d’autres usages ; ils sont
auxiliaires ou supplémentaires des muscles plus courts,
étendus seulement aux deux os réunis par une articu-
lation. Ainsi, les biceps, demi tendineux, et demi
membraneux de la cuisse, qui passent sur deux arti-
culations à flexions opposée, peuvent aider ou sup-
pléer dans leurs fonctions les muscles extenseurs du
bassin sur la cuisse , et les fléchisseurs de la cuisse sur
la jambe. Les muscles de cette sorte, si nombreux dans
les membres, surtout dans les membres inférieurs, et
qui existent également dans le sens de l’extension, et
dans celui de la flexion , paraissent aussi avoir pour
usage d’assurer la station en appliquant les surfaces
articulaires les unes contre les autres , et en prévenant
le mouvement dans tous les sens.
§73i. Le mouvement musculaire est simple quand
il est imprimé par un seul muscle ou par plusieurs qui
agissent dans la même direction. Il est composé, quand
il est produit par plusieurs muscles qui agissent dans
des directions différentes. Le mouvement simple a
ordinairement lieu dans la direction même du muscle
ou des muscles qui le déterminent. Ainsi les fléchis-
seurs des doigts amènent les doigts dans leur propre
39
1.
6io
ANATOMIE GÉNÉRALE.
direction. Dans d’autres cas, le muscle étant réfléchi ,
la direction du mouvement est déterminée par celle
de la p?rtion du muscle qui s’étend depuis l’endroit
où il change de direction, jusqu’à la partie mobile.
Ainsi le mouvement imprimé par le muscle grand
oblique de l’œil , par le péristaphylin externe , par
les muscles péroniers latéraux, etc., a une direction
déterminée par celle de la dernière portion de ces
muscles. La direction du mouvement est souvent
déterminée , en grande partie , par celle des articula-
tions des os ; ainsi les os articulés par ginglyme et
par articulation rotatoire, quoique la plupart aient
des muscles obliques , ne se meuvent que dans deux
sens opposés; ainsi, au contraire, le même muscle,
le biceps brachial , sans changer de direction , produit , ,
par sa contraction , la supination et la flexion de l’avant-
bras; ainsi les muscles pyramidal, jumeaux, etc., ro-
tateurs de la cuisse en dehors, quand elle est étendue,
deviennent abducteurs lorsqu’elle est fléchie.
§ y 32. Dans beaucoup de cas les mouvemens mus-
culaires sont composés ; plusieurs muscles se con-
tractant simultanément , impriment à une partie mo-
bile un mouvement différent de celui qui résulte de
la contraction de chacun d’eux en particulier. Ainsi ,
si les muscles droit supérieur et droit externe de l’œil
se contractent ensemble et avec une force égale,
l’œil obéissant à ces forces différentes , la prunelle
sera dirigée en haut et en dehors. Ainsi, si le muscle
grand pectoral, qui porte le bras en dedans et en avant,
se contracte en même temps que le grand dorsal,
qui le porte en dedans et en arrière, le bras sera
DES MUSCLES EXTERIEURS.
6l I
porté, par un mouvement composé, directement en
dedans. Les mouveinens de l’épaule sont toujours com-
posés. Beaucoup d’autres parties sont souvent dans le
même cas; sans cela les mouvemens, qui sont si variés ,
seraient extrêmement bornés.
§ ^33. Les mouvemens des muscles volontaires sont-
en effet le plus souvent combinés. On peut sous ce
rapport distinguer les actions musculaires en mouve-
mens isolés résultant d’un seul muscle en contrac-
tion ; en mouvemens associés ou combinés, résultant
de l’action de plusieurs muscles associés , soit congé-
nères, soit antagonistes, pour produire des mouve-
mens déterminés , comme ceux de flexion , d’exten-
sion , etc. ; en actions coordonnés , comme celles qui
par leur réunion opèrent la station , la locomotion , etc. ;
enfin, en actions voulues , ce sont les actions muscu-
laires dirigées par la volition. Ces variétés dans l’ac-
tion musculaire dépendent de l’influence nerveuse ,
suivant quelle est volontaire, et suivant que, sous-
traite à la volonté , elle est déterminée par l’irritation
du centre nerveux, par celle du pléxus d’un membre,
ou seulement par celle d’un nerf isolé.
§ 734. La contraction des muscles extérieurs, par
des causes qui agissent soit sur le tissu musculaire,
soit sur les nerfs, soit sur le centre nerveux , devient
quelquefois faible et incertaine (tremblement); impos-
sible ( paralysie ) ; permanente (spasme ou contraction
tonique, tétanos); involontaire et irrégulière (con-
vulsions , spasme ou contraction clonique ).
ANATOMIE GENERALE,
X 'X-'X. X'X. "X- X*X X xx X X X.X. -V. X'X.'X X-'X'^XX.-X, V'X'^ %*x -x \-wv\\v>\- N.-% X XX X. X X -V x -X -V XX -x
CHAPITRE X.
DU SYSTÈME NERVEUX.
§ ^35. Le système nerveux, systema nerveum, com-
prend des cordons (nerfs), des renflemens ( ganglions),
et une masse centrale (cerveau en général), formés
d’une substance blanche et grisâtre, qui , dans l’état de
vie, entretiennent l’irritabilité , sont les conducteurs
et l’aboutissant des sensations , le point de départ et
les conducteurs des volitions; en un mot les organes
de l’innervation.
Le centre nerveux est en outre X organe, c’est-à-
dire l’instrument matériel de X intelligence.
§ y3 6. Les Asclépiades n’ont point connu les nerfs
ni les ganglions; on peut aisément se convaincre, en
lisant les ouvrages d’Hippocrate et d’Aristote, qu’ils ont
confondu sous le même nom, Né^ov, les ligamens, les
tendons , les nerfs , et même les vaisseaux. Praxagoras
paraît avoir eu la première idée juste d’une différence
entre les organes blancs; mais ayant placé l’origine des
nerfs à la terminaison désaltérés, il a donné naissance à
une opinion sur la structure canaliculée des nerfs ,
qui s’est propagée jusqu’à nos jours. Hérophile et
/
Erasistrate ont connu la connexion des nerfs avec le
cerveau, mais ils ont continué de donner le même
nom aux tendons et aux ligamens. Galien débrouilla
la confusion qui régnait encore de son temps sur ce
DU SYSTEME NERVEUX.
6l3
sujet, en donnant des noms aux ligamens et aux ten-
dons ; en reconnaissant que les nerfs sont médullaires
à l’intérieur, et membraneux à l’extérieur, il établit
positivement leur connexion avec la moelle épinière
et avec l’encéphale; il lit remarquer, contre une opi-
nion antérieure à lui, que la moelle est subordonnée
à l’encéphale, qui dès lors devient le centre nerveux;
il essaya d’établir une distinction entre les nerfs du
sentiment et ceux du mouvement ; il découvrit et
nomma les ganglions nerveux : il a eu aussi de grandes
connaissances dans la névrologie spéciale. Les anato-
mistes de l’école d’Italie ayant trouvé la névrologie à
peu près au point où l’avait conduite Galien, l’ont
beaucoup perfectionnée ; G. Bartholin a reproduit l’o-
pinion énoncée dans l’antiquité par Praxagoras et
quelques autres, que c’est la moelle épinière qui est
le centre du système nerveux, et que l’encéphale n’en
est que la continuation. Depuis cette époque , l’ana-
tomie du système nerveux, soit dans les animaux,
soit dans l’homme, n’a cessé de s’enrichir de nou-
veaux faits.
§ 737. Les animaux les plus simples n’ont pas de
système nerveux distinct. (§ 28.)
Les premiers où l’on commence à l’apercevoir ,
sont les animaux rayonnés, et en particulier les as-
téries ou étoiles de mer, où ils consistent en filets
mous et en petits renflemens disposés autour de la
bouche, les uns et les autres blancs, et dépourvus
de substance arise.
Dans tous les autres animaux invertébrés , le sys-
tème nerveux consiste en deux cordons plus ou moins
ANATOMIE GÉNÉRALE.
6i4
rapprochés, rassemblés dans un plus ou moins grand
nombre de nœuds ou de ganglions, appelés impro-
prement moelle dans les articulés , toujours réunis
autour de l’œsopbage ou au-dessus de la bouche par
un anneau nerveux au moins , et souvent par un ren-
flement ou ganglion dont le volume est proportionné
à la composition plus ou moins grande de la tète, et
qu’on appelle cerveau dans les mollusques.
Dans tous ces animaux, les deux tégumens et leurs
muscles , les organes des fonctions végétatives et ceux
des fonctions animales reçoivent des nerfs semblables.
:>
Cependant on trouve déjà dans le renflement ner-
veux des céphalopodes ( § 5 o ) l’indice évident d’un
centre nerveux propre aux organes des sens et du
mouvement.
§ 738. Dans les animaux vertébrés *, le système ner-
veux consiste en une masse centrale propre à eux , et
composée d’un cordon longitudinal, la moelle, où la
figure gangliforme n’est, plus apparente, et dont l’extré-
mité supérieure ou crânienne, divisée en trois paires de
cordons, présente des renflemens et des développe-
mens dont la réunion forme l’encéphale; ce sont, suc-
cessivement d’arrière en avant , le cervelet, les tuber-
1 Voyez l’excellent ouvrage de M. Tiedemann : Anato-
mie und Bilclungsgeschichle des gehirns , etc. ; Nürnberg,
1816, traduit en français par M. Jourdan; — Anatomie du
cerveau, contenant l’histoire de son développement dans le
fœtus, avec une exposition comparative de sa structure dans
les animaux ; Paris, i8‘23 ; — Desmoulins : Ej position suc-
cincte du développement et des fonctions du système cérébro-
spinal.
DU SYSTEME NERVEUX.
6i5
cul es quadrijumeaux, le cerveau proprement dit et
les lobes olfactifs. La moelle spinale donne attache à
un nombre de paires de nerfs proportionné à celui des
vertèbres. Chacun de ces nerfs est pourvu d’un gang lion
près de son extrémité centrale ; la portion crânienne de
la moelle ( moelle allongée ) en fournit aux sens et aux
autres organes de la face, à' ceux de la digestion et
de la respiration. En outre, il existe de chaque côté,
au-devànt de la colonne vertébrale, un cordon noueux
{ nerf grand sympathique ) et des ganglions et des cor-
dons nerveux pour le cœur et le canal alimentaire,
système nerveux particulier, qui seul ou joint au nerf
pneumo-gastrique, rappelle par sa forme et par sa dis-
tribution les premières apparences de ce système dans
le règne animal.
§ 739. La moelle, creuse dans les animaux' ovipares ,
devient pleine dans les mammifères. Dans les premiers
elle occupe toute la longueur du canal vertébral; dans
les mammifères elle s’étend jusque dans le sacrum.
Son volume est d’autant plus grand, relativement à
L’encéphale, ou celui-ci est d’autant plus petit, compa-
rativementàla moelle, qu’on s’éloigne plus de l’homme
adulte pour arriver aux poissons. Elle est cylindrique,
un peu renflée aux points où tiennent les nerfs des
membres. Sa portion crânienne est également renflée
en proportion des nerfs qui s’y insèrent.
Le cervelet, formé par les cordons postérieurs, ou res-
litormes de la moelle, épanouis, réfléchis et réunis au-
dessus du quatrième ventricule, est très-simple dans les
poissons osseux, beaucoup des cartilagineux, et la plu-
part des reptiles. Dans les autres, et surtout dans les
6i6
ANATOMIE CENERALE.
oiseaux , il a une composition plus grande; on y
aperçoit déjà des lames et un commencement d’hémi-
sphères latéraux , mais dans aucun ovipare on ne
trouve encore les prolongemens destinés à former la
protubérance annulaire, ni cette protubérance. Dans
tous les mammifères , on trouve la structure lamellée
du cervelet , des hémisphères latéraux , un corps ci-
liaire dans les pédoncules et une protubérance ; ces
parties sont d’autant plus développées , qu’on s’élève
davantage dans la classe des mammifères et qu’on s’ap-
proche de l’homme. Les prolongemens du cervelet aux
tubercules quadrijumeaux existent aussi dans tous les
mammifères. Le ventricule du cervelet est commun aux
f
quatre classes de vertébrés.
Dans quelques poissons on trouve des lobes encé-
phaliques postérieurs au cervelet; tels sont ceux qui
répondent à l’origine des nerfs de l’appareil électrique
de la torpille.
Les tubercules quadrijumeaux, formés par le déve-
loppement des cordons latéraux ou olivaires de la
moelle , paraissent exister dans tous les vertébrés ,
quoiqu’on ait beaucoup varié sur leur détermination.
Dans tous ils sont le point principal d’origine des
nerfs optiques. Dans tous ils forment, par leur réunion
sur la ligne moyenne, la paroi supérieure d’une cavité
située entre le ventricule du cervelet et le troisième
ventricule. Ils sont d’autant plus volumineux , relati-
vement à l’encéphale en général , que celui-ci est plus
simple ; ils sont bijumeaux seulement dans les ovipares,
et ne sont quadrijumeaux que dans les mammifères. La
paire antérieure est plus volumineuse que la postérieure
l
DIT SYSTÈME NERVEUX. 6lJ
dans les ruminans, les solipèdes et les rongeurs; l’in-
verse a lieu dans les carnassiers; les deux paires sont à
peu près égales dans les quadrumanes et dans l’homme.
Le cerveau, proprement dit, qui résulte de l’épa-
nouissement des cordons antérieurs ou pyramidaux
de la moelle, entrecroisés dans tous les mammifères
et dans les oiseaux de proie seulement, et point dans
les autres animaux , renflés par les couches optiques et
par les corps striés, présente beaucoup de différences
dans son volume et sa complication, proportionnées
en général au volume de ces couches et de ces corps.
Les poissons cartilagineux n’ont point de cerveau (Des-
moulins): dans les poissons osseux il est formé parla
couche optique seule, qui est solide (Desmoulins);
dans les reptiles et dans les oiseaux, par cette même
couche, qui est creuse et qui ressemble un peu aux hé-
misphères des mammifères; mais ces hémisphères ne
recouvrent pas les tubercules quadrijumeaux ; iis n’ont
encore ni lobes , ni circonvolutions , ni corps calleux.
Le cerveau des mammifères ,. formé pair une membrane
médullaire recourbée, dont les fibres viennent des py-
ramides , des couches optiques et des corps cannelés ,
se rapproche peu à peu de celui de l’homme , en pré-
sentant plusieurs degrés d’organisation. Les rongeurs
et les chéiroptères occupent le dernier rang sous
ce rapport ; leurs hémisphères ne couvrent pas tota-
lement les tubercules; il y a seulement une scissure
de Sylvius superficielle , à peine quelques légers sil-
lons, et point de circonvolutions. Dans les carnaS;-
siers, les ruminans, le cochon et le cheval, les hé-
misphères, beaucoup plus volumineux et plus boni-
6i8
ANATOMIE GÉNÉRALE.
bés , couvrent une partie du cervelet ; il y a des cir-
convolutions et des anfractuosités , mais il n’y a
point encore de lobes postérieurs. Dans les quadru-
manes , les hémisphères couvrent le cervelet , mais
le lobe postérieur est encore dépourvu de circonvo-
lutions.
Le corps calleux , formé par le retour vers la ligne
médiane des fibres des pédoncules épanouies dans les
hémisphères, n’existe point dans les ovipares. Dans
les mammifères son étendue est relative à eelle des
hémisphères, aussi est-il très-petit dans les rongeurs.
Les ventricules latéraux, formés par le reploiement
de la membrane nerveuse des hémisphères, sont pro-
portionnés cà l’étendue de ceux-ci.
La voûte n’existe point dans les poissons; on trouve
les premières traces de ses piliers dans les reptiles ,
et plus manifestement encore dans les oiseaux. Dans
tous les mammifères les piliers sont réunis pour for-
mer la voûte; on trouve de plus la cloison transpa-
rente et son ventricule: ces parties sont proportionnées
à l’étendue des hémisphères.
La corne d’Anunon n’existe que dans le cerveau des
mammifères. L’éminence uneiforme n’existe dans au-
cun animal, si ce n’est peut-être dans les quadru-
manes.
La glande pituitaire existe chez tous les animaux;
elle est très-volumineuse, relativement à l’encéphale ,
dans les classes inférieures. La glande pipéale paraît
manquer dans la classe des poissons.
Les lobes olfactifs terminent antérieurement 1 en-
céphale. Suivant M. Desmoulins, ce sont ceux qu on
DU SYSTÈME NERVEUX. 6 IC)
appelle cerveau dans les poissons cartilagineux. Ils
égalent le cerveau clans beaucoup de poissons osseux
et de reptiles. Ils sont très-petits dans les oiseaux ,
très -développés et creux dans beaucoup de mammi-
fères ; et rudimentaires dans l’espèce humaine.
Les différences principales que le centre nerveux
présente dans l'homme sont donc le volume du cer-
velet et du cerveau , relativement à la moelle , aux
tubercules et aux lobes olfactifs; le volume des lobes
latéraux du cervelet, relativement au lobe moyen ; le
volume des hémisphères cérébraux, leur prolongement
èn arrière ; l’existence du lobé postérieur et de ses dé-
pendances; l’épaisseur de la membrane nerveuse qui
forme les hémisphères, le volume de sa masse médul-
»
iaire centrale, le nombre et la profondeur de ses sillons ,
le nombre et l’épaisseur de ses circonvolutions, d’où
résulte une grande étendue de surfaces ; et enfin,
l’étendue du corps calleux.
§ 74o. Les anciens , à partir de Galien , et beaucoup
de modernes , ont regardé le système nerveux comme
ayant un centre unique dans l’encéphale, et des pro-
longemens (la moelle et les nerfs ). On a déjà vu que
G. Bartholin avait déplacé le centre nerveux en le
fixant dans la moelle épinière ; et cela en considé-
rant que les poissons ont une moelle très -volumi-
neuse, et un encéphale très-petit, et que ces animaux
ont pourtant une grande force de mouvement. Bichat ,
développant quelques idées vaguement émises avant
lui, sur 1 action des ganglions, établit deux systèmes
nerveux distincts, l’un (cérébral, ou encéphalique et
spinal) servant aux sensations «avec conscience , à l’in-
6i o
anatomie générale.
telli gence el aux mouvemens volontaires ; l’autre ,
ganglionnaire , servant aux fonctions qui s’exécutent
sans conscience et sans volonté : il y plaça toutefois
le siège des passions. M. Cuvier regarde plutôt le sys-
tème nerveux comme un vaste réseau embrassant tout
l’animal , ayant des centres multiples et des cordons
de communication. M. Gall divise le système nerveux
de la vie animale en ceux de la moelle épinière , des
sens, et en ceux du cerveau et du cervelet. M. de
Blainville considère le système nerveux comme di-
visé en autant de parties qu’il y a de grandes fonc-
tions,, et le définit des amas ou ganglions et des filets ,
les uns sortans., et allant dans l’organe qu’ils doivent
animer, ce qui forme la vie particulière; les autres
rentrans, se terminant tous à une niasse centrale, éta-
blissent la vie générale , les sympathies et les rapports.
La partie centrale, suivant cet ingénieux physiolo-
giste , est la moelle épinière ; une autre partie com-
prend les ganglions des sens et des organes du mou-
vement ; une troisième , ceux des viscères, savoir les
ganglions cardiaque et semi-lunaire ou cœliaque ; une
quatrième et dernière comprend le grand sympathique,
qui forme un centre aux ganglions viscéraux, et qui ,
par l’intermède des ganglions sensitifs et moteurs , les
rattache à la masse centrale.
Toutes ces divisions, qui peuvent être justifiées par
diverses considérations , ne sont pourtant point aussi
tranchées, aussi absolues que leurs autours le préten-
dent. Dans l'homme , l’encéphale ou quelqu’une de ses
parties, la moelle allongée, là où elle est embrassée
par le pont île varolé, est certainement un centre
DU SYSTEME NERVEUX.
62 I
Auquel les fonctions de routes les autres partiès du sys-
tème nerveux sont plus on moins soumises. A la vérité,
dans quelques-unes de ses fonctions, la moelle spinale
peut aussi être considérée comme un centre peu dépen-
dant; il en est de même des ganglions; il en est de même,
enfin, des nerfs; car aucune partie du système n’est
réduite au rôle tout-cà-fait passif de conducteur. Cette
indépendance des nerfs, l’indépendance plus grande
encore des ganglions, plus grande encore de la moelle,
sont d’ailleurs d’autant plus marquées qu’il s’agit de
telle ou de telle fonction, qu’on les observe dans tel
ou tel animal, et que dans l’homme même on les
observe à des époques plus ou moins avancées du dé-
veloppement. On trouvera plus loin le développement
de ces propositions, qu’on peut regarder comme des
lois de l’innervation.
Il suffit pour le moment de faire remarquer qu’il
n’y a point de séparation absolue entre les parties du
système nerveux. Nous allons le considérer successi-
vement dans son ensemble et dans ses principales
parties, renvoyant les détails à la névrologie spéciale.
PREMIÈRE SECTION.
DU SYSTÈME NERVEUX EN GÉNÉRAL.
S 74 r - Le système nerveux 1 forme un tout continu
t
1 Th. Willis , Ccrebri analorne nervorumque descriptio et
usus ; Genevœ , 1676. — R. Yieussens , Neurographia univer-
sahs ; Lugd. , 1684. — G. Prochaska, de Structura nervorum
tract, anat ; Ejusd. Cominentatio de f unction. System. 'nerw ;
6 22 ANATOMIE GENERALE.
ou un ensemble rameux et réticulé, dont toutes les
parties se tiennent.
§ y42- Ce système consiste en une masse centrale ,
en cordons nerveux et en ganglions.
La masse nerveuse centrale, qui n’a point reçu de
nom propre , et que l’on désigne sous le nom de
cerveau en général , et quelquefois sous celui d’axe
nerveux , d’organe cérébro-spinal , consiste elle-même
en plusieurs parties que l’on distingue, par leur situa-
tion, en moelle épinière ou cordon rachidien
jùveXos') et en encéphale ( ’EvKtÇcthos') • par leur forme
et leur texture , en moelle nerveuse et en cerveau , cer-
velet, et tubercules quadrijumeaux ; les lobes olfactifs
rudimentaires sont regardés comme des nerfs.
La moelle est un gros cordon impair et médian,
divisé par un double sillon en deux moitiés latérales ,
et par l’insertion des ligamens dentelés en faisceaux
antérieurs et postérieurs. Ce cordon , contenu en grande
partie dans le canal vertébral, est prolongé dans le
crâne, et porte là le nom de moelle allongée ou crâ-
in op. minor. — Yicq-d’Azyr, Rech. sur la struct. du cerveau
du cervelet, de la moelle allongée, delà moelle épinière,
et sur l’origine des nerfs, etc. ; . in Mém. de l’Acad. des Sc.
de Paris, 1781 et 1783.— A. Monro, Qbserv. on the nervous
System ; Eclinb. , 1783. — Ludwig , Scriptores nevrologici mi-
nores sélectif etc. . ; Lipsiœ , 1791 - 9^ , 4°* — F. G. Gall et
Spurzheim , Recli. sur le système nerv. en général, et sur
celui de cerveau en particulier; Paris, 1809. — Rolando,
Saggio sulla vera struttura del ccvrello delV uorno e degh
animait , e soprale funzioni del sistema nervoso ; Snssari ,
1809. — Carus, Anat . und pkysiol. de* necveti System s y
Leipzig, 181/,.
DU SYSTÈME NERVEUX. 62 3
nicnne. Dans cette dernière partie, outre les faisceaux
antérieur et postérieur, il y a de chaque coté un
faisceau latéral , ou moyen.
Les faisceaux moyens, renforcés par les éminences
olivaires, se prolongent, pour la plus grande partie,
dans les tubercules quadrijumeaux , et s’y terminent.
Les faisceaux postérieurs, après s’être renforcés dans
le corps festonné ou rhomboïdal, s’épanouissent dans
le cervelet et le forment; se prolongeant au delà , ils se
réunissent d’une part sur la ligne médiane , sous la
moelle allongée, où ils. forment la protubérance an-
nulaire ou le pont de varole, et d’un autre côté s’u-
nissent avec les tubercules quadrijumeaux. Les fais-
ceaux antérieurs , après s’êtré entrecroisés , réunis à
«
une partie des latéraux, renforcés dans les couches
optiques et les corps striés, s’épanouissent en rayon-
nant pour former les hémisphères du cerveau , et
se rejoignent sur la ligne médiane dans le corps cal-
leux.
Les cordons nerveux ou les nerfs , au nombre de
quarante et quelques paires , tiennent à la moelle
par une extrémité ; ils présentent un certain nombre
de plexus où ils communiquent entre eux; des gan-
glions nombreux se rencontrent dans leur trajet; les
cordons se terminent par une autre extrémité dans
les deux tégumens, dans les organes des sens, dans
les muscles, et dans les parois des vaisseaux, surtout
dans l’épaisseur des artères.
§ 743. La forme du système nerveux est , en général ,
symétrique; la symétrie est surtout très-marquée dans
«es parties centrales , plus encore dans la moelle que
ANATOMIE GÉNÉRALE.
624
dans l’encéphale , où la surface des lobes du cerveau
et du cervelet présente toujours des irrégularités.
Les nerfs qui tiennent immédiatement à la moelle
sont tous symétriques, excepté le pneumo-gastrique ,
qui se distribue à des organes asymétriques ; tous
cependant cessent d’être, dans leurs dernières divi-
sions , aussi rigoureusement symétriques que dans leurs
troncs. Les ganglions et les nerfs qui appartiennent
aux organes asymétriques des fonctions végétatives
participent dès leurs parties centrales, mais surtout
dans leurs divisions et à leurs extrémités périphé-
riques, à l’irrégularité de ces organes.
§ y44‘ La situation du système nerveux est inté-
rieure et centrale pour ses masses, profonde encore
pour les cordons nerveux : les extrémités seules de
ces cordons aboutissent aux surfaces du corps, aux
deux tégumens.
§ 745. Le système nerveux est formé de deux subs-
tances distinguées, par leur couleur et leur situation
respective, en blanche ou médullaire, et en grise ou
corticale.
§ 746* La substance nerveuse blanche, appelée aussi
médullaire, medullaris , parce que, le plus souvent
elle est enveloppée par l’autre , présente plusieurs
nuances de blanc.
Sa consistance varie un peu dans les différentes
parties. Elle est en général moins élastique que de la
gélatine, mais un peu plus glutineuse , visqueuse ou
tenace. La section est uniforme en couleur, et en ap-
parence homogène : on y aperçoit seulement des points
rouges ou des stries sanguines. En effet , cette subs-
DU SYSTEME NERVEUX.
62 5
tance est très -vasculaire ; quand on la déchire, les
vaisseaux sanguins rompus font saillie à la surface
inégale de la déchirure.
O
La substance nerveuse blanche, trempée pendant
quelques minutes dans l’huile bouillante , ou plongée
pendant quelques jours dans l’alcohol, dans les acides
nitrique ou muriatique affaiblis, dans lalcohol aci-
dulé, ou dans une solution de sublimé corrosif, aug-
mente en consistance; et si on essaye alors de la dis-
tendre et de la rompre , dans un sens ou dans un autre ,
on voit qu elle offre une apparence fibreuse. On peut
en séparer des filamens blancs, fins comme des che-
veux. Les fibrilles les plus fines qu’on puisse obtenir
sont si délicates et si étroitement unies entre elles ,
qu’il est très-difficile de rien assurer touchant leur
longueur et le diamètre des plus fines ou des fibrilles
primitives. Ces fibrilles, parallèles ou concentriques,
sont réunies en faisceaux qui ont, les uns à l’égard
des autres , diverses directions. On ne sait pas exacte-
ment si cette disposition fibreuse existe dans tout le
système nerveux ; seulement on l’a trouvée partout
où on l’a cherchée, et toujours on l’a retrouvée la
même dans les mêmes parties.
Cette structure fibreuse est visible dans quelques
parties du système nerveux sans aucune préparation ;
presque partout on trouve plus de difficulté à déchirer
cette substance dans un sens que dans l’autre , et pré-
cisément dans le sens suivant lequel les préparations
chimiques indiquées montrent la direction des fibres.
La substance nerveuse blanche desséchée acquiert
une couleur jaunâtre et une apparence cornée; coupée
4o
1.
6a6
ANATOMIE GÉNÉRALE,
en ti anches minces , elles devient demi — transparente *
plongée dans l’eau , elle reprend sa couleur et son
opacité.
§ 747* La substance grise *, cinerea , appelée aussi
corticale, parce quelle enveloppe dans beaucoup d’en-
droits la précédente, présente comme elle, et même
plus encore, des variétés de nuance : elle varie du gris
de plomb à la teinte brune noirâtre. Cette substance est
toujours plus molle que la blanche. La surface de son
incision est uniforme , et présente seulement des points
et des stries rouges , plus nombreux encore que dans
la substance médullaire. Cette substance, en effet, est,
en quelques points au moins, beaucoup plus vasculaire
que la blanche. Celle qui forme l’écorce du cerveau et
du cervelet contient tant de vaisseaux, que, quand elle
a été bien injectée , et macérée ensuite , elle paraît au
microscope entièrement vasculaire. Albinus 1 2 cepen-
dant affirme, et avec raison, que dans ce cas même il
reste évidemment une partie non injectable, ou extra-
vasculaire. La substance grise, soumise aux mêmes
préparations chimiques que la substance blanche, ne
présente pas dans sa déchirure une apparence fibreuse
tout-à-fait semblable à la sienne. Soumise à l’action
de l’eau , la substance nerveuse grise devient plus
molle, se gonfle un peu , et perd une grande partie de
sa couleur. Les acides, l’alcohol , et surtout le sublimé
corrosif, la blanchissent aussi en la durcissant; des-
séchée ensuite, elle devient pulvérulente. La couleur,
1 Ludwig , de Cinerea cerebri substantia .
2 Acad, annot. , lib. /, cap. 12.
DU SYSTÈME NERVEUX. 627
un peu variable suivant les races et les individus , pa-
raît être un produit de la matière colorante du sang.
§ 748. Les deux substances nerveuses sont diverse-
ment entremêlées l’une avec l’autre, dans les diverses
parties du système nerveux : dans les lobes ou hémi-
sphères du cerveau et du cervelet , la substance grise
forme une enveloppe ou une écorce à la blanche;
dans la moelle épinière , la substance grise forme
deux cordons intérieurs, enveloppés par la substance
blanche ; dans la moelle allongée et dans les pédon-
cules du cerveau et du cervelet , on trouve des amas
ou noyaux de substance grise, enveloppés de subs-
tance blanche, des lames ou couches alternatives des
deux substances, des cordons ou fibres de l’une et de
l’autre , qui se croisent ou se traversent réciproque-
ment ; dans les ganglions , une substance grise parti-
culière, traversée par des fibres blanches; dans les
nerfs, enfin, des fibres blanches seulement.
La substance blanche forme seule un tout continu.
La substance grise au contraire ne se rencontre que par
places; on la trouve partout où sont implantées les ex-
trémités centrales des nerfs; on a supposé même qu’elle
existait aussi à leur extrémité périphérique, et notam-
ment dans le corps muqueux de la peau ; on la trouve
encore là où les fibres blanches prennent de l’accrois-
sement et semblent s’épanouir, comme dans les pédon-
cules du cerveau et du cervelet; on la trouve enfin à
la surface du cervelet, du cerveau; on a cru même,
mais sans preuve, qu’elle existait dans les ganglions.
La texture fibreuse de la substance nerveuse avait
déjà été aperçue dans la substance blanche par Mal-
G'i 3
ANATOMIE GENERALE.
pighi, niais il regardait la substance grise conime^/a«.
diileuse.
Cette idée de Malpighi sur la substance grise , a été
long-temps admise conjointement avec l’opinion hypo-
thétique que les nerfs sont creux ou canaliculés. On
a substitué ensuite à l’idée de Malpighi sur la subs-
tance grise, celles d’un point d’origine ( Gall ), et d’un
centre d’action (Ludwig, etc.).
§ y 49* La substance nerveuse, soit blanche, soit
grise, examinée au microscope 1 , et grossie d’environ
trois cents diamètres , paraît dans toutes ses parties
composée de globules demi - diaphanes , réunis par
une substance transparente et visqueuse. Ces glo-
bules ont paru à Dellatorre différens en volume
dans le cerveau, le cervelet, la moelle et les nerfs,
les plus gros étant dans le cerveau, et les plus
fins dans les nerfs ; ces globules lui ont paru en-
tassés sans ordre dans la masse nerveuse centrale,
et en séries linéaires dans les nerfs; quant au liquide
dans lequel ils sont contenus , il lui a paru peu vis-
queux dans l’encéphale , plus dans la moelle épi-
nière, et plus encore dans les nerfs. Ces globules et
le liquide dans lequel ils sont plongés, fournis et ré-
parés continuellement par l’abord du sang artériel,
se porteraient, suivant lui, du cerveau , comme d’un
centre, à tout le corps, et réciproquement; leur flux
1 J. M. Dellatorre, Nuove osserv. micros in Napoli, 1776.
— Procliaska , de Struct. nervor. — J. et Ch. Wenzell , de
Penitiori struct. cerebri ; Tubing. , 1812. — A. Barba , Osserv.
microsc. sul cervello e suite parti adjaccnti ; Napoli , 1807.
— Home et Bauer, Philos, trans.; ann. 1821.
DU SYSTÈME NERVEUX. Ô2Ç)
du cerveau aux muscles déterminerait le mouvement,
leur reflux des sens au cerveau produirait le senti-
ment. Cette explication inadmissible doit être séparée
de l'observation anatomique assez exacte sur laquelle
elle repose.
Prochaska ayant examiné au microscope une lame
de substance nerveuse assez mince pour être trans-
parente , a trouvé qu elle ressemblait à une sorte de
pulpe formée de globules ou particules rondes in-
nombrables ; par l’action de l’eau cette pulpe se di-
vise en petits flocons , et chaque flocule est encore
composé d’un certain nombre de globules; la macéra-
tion, prolongée même pendant trois mois, est insuf-
fisante pour séparer les globules les uns des autres.
Il en conclut que le moyen d’union est un tissu cellu-
laire délicat, formé en partie par les vaisseaux san-
guins, et en partie par des prolongemens de l’enve-
loppe du système nerveux : les globules lui ont paru
de volume différent dans une même partie du système ;
il évalue le volume de ceux*du cerveau et du cervelet
à environ un huitième de celui des globules du sang;
quant à la structure des globules eux-mêmes , les plus >
puissans microscopes n’apprennent rien à ce sujet.
Barba a observé les globules, et n’a pas trouvé de
différence dans la substance qui les réunit entre eux
dans les différentes parties du système nerveux.
Les frères Wenzell ont ajouté quelques observations
à celles-là; ils ont trouvé la substance nerveuse par-
tout formée de globules qu’ils regardent comme des
vésicules remplies de substance médullaire ou cen-
drée, suivant les parties; les globules semblent se
63o
anatomie générale.
toucher ou adhérer, et on n’aperçoit rien entre eux.
Cette apparence globulaire résiste à la dessiccation ,
à l’action de l’alcohol, soit pur, soit acidulé.
MM. Home et Bauer ont publié deux résultats dif-
férens d’observations microscopiques : suivant leurs
premières recherches, le cerveau frais serait composé
de fibres formées par la réunion de globules d’un
diamètre à peu près semblable à ceux du pus. Sui-
vant leurs nouvelles observations, la substance ner-
veuse serait composée de globules blancs, demi-trans-
parens, les uns du volume de ceux qui forment le
noyau des particules colorées du sang, les autres plus
petits; de substance gélatineuse, transparente et so-
luble dans l’eau, et d’un liquide semblable au sérum
du sang : la proportion de ces trois parties , les glo-
bules, la gelée et le sérum , ainsi que le volume des
globules, donneraient lieu aux principales différences
que présente le système nerveux. La substance grise
présente peu de fibres uniglobulaires distinctes , elle est
formée surtout de très-petits globules, la substance
gélatineuse et le liquide séreux y sont très-abondans.
La substance médullaire des hémisphères du cerveau
et du cervelet contient des fibres formées de séries li-
néaires de globules plus distinctes, plus abondantes;
la majeure partie des globules qui les composent sont
d’un diamètre plus grand; la substance gélatineuse est
plus tenace et en moindre proportion que dans la subs-
tance grise. Le corps calleux et le bulbe rachidien ont
surtout des globules d’un diamètre moyen , la subs-
tance gélatineuse et le sérum sont plus abondans que
dans les hémisphères, et la première est moins tenace.
DU SYSTEME NERVEUX.
63 r
DUns les nerfs on trouve des globules de tous les dia-
mètres réunis en fibres, et celles-ci en faisceaux. La ma-
tière gélatineuse dont il s’agit ici se retrouverait dans
le sang, où elle servirait de moyen d'union aux parti-
cules de la matière colorante qui entoure les globules.
M. H. M. Edwards publie 1 dans ce moment dès ob-
servations microscopiques d’après lesquelles la subs-
tance nerveuse de l’encéphale, delà moelle, des nerfs,
dans les quatre classes de vertèbres, est composée de
globules microscopiques de — de millimètre réunis
en séries de manière à former des fibres primitives
dont la longueur est assez considérable.
J’ai vérifié ces observations , dont l’importance est
d’autant plus grande que l’on trouve des globules sem-
blables, mais arrangés un peu différemment, dans tous
les tissus des animaux.
Suivant M. Carus , les globules nerveux sont dis-
posés en amas dans les masses centrales qui agissent
par irradiation , et en lignes régulières dans les nerf s
qui n’agissent que comme conducteurs.
§ y5o. Le tissu cellulaire qui réunit entre elles les fi-
brilles nerveuses est mou et peu apparent. Ce tissu est
plus condensé à la surface, où, réuni aux vaisseaux, il
forme une membrane plus ou moins dense, plus ou
moins vasculaire : unique pour les nerfs (névrilème) ,
double autour du centre nerveux (pie-mère et mé-
ninge), avec un intervalle à parois contiguës établi
par^me membrane séreuse ( Tarachnoïde ).
1 Mémoire sur la stucturc élémentaire (les principaux tissus
organiques des animaux : Thèse ; Paris , 3o juillet iB'23.
632
ANATOMIE GENERALE.
§ 7 5 1 . Les vaisseaux sanguins' du système nerveux
sont très - nombreux. Ils se ramifient d’abord beau-
coup dans l’enveloppe immédiate de ce tissu ( névri-
lème et pie-mère.) ; ils pénètrent ensuite dans la subs-
tance grise, où ils sont extrêmement abondans; ils pé-
nètrent enfin dans la substance blanche, où ils sont
beaucoup plus fins et moins nombreux. On ne connaît
point de vaisseaux lymphatiques dans le système ner-
veux.
§ 702. La substance nerveuse a été examinée sous le
rapport chimique par Thouret, Fourcroy et M. Vau-
q ne lin.
L’analyse du cerveau, faite par M. Vauquelin , a
donné les résultats suivans : eau 8o,oo; matière grasse
blanche 4, 5 3 ; ‘matière grasse rougeâtre 0,70; albu-
mine 7,00; osmazome i,ia; phosphore i,5oj acides,
sels et soufre 5,i5.
D’après les expériences de cet habile chimiste, la
moelle et les nerfs auroient la même composition que
le cerveau.
M. John a reconnu que la substance grise ne con-
tient point de phosphore.
M. Chevreul a trouvé dans le sang une matière ca-
ractéristique de la substance nerveuse : la eérébrine.
§ 753. Les propriétés vitales du système nerveux le
distinguent essentiellement de tous les autres genres
d’organes j outre la faculté commune à toutes les par-
ties des corps vivans de se nourrir, il possède une
autre propriété active tout-à-fait spéciale quon appelle
force nerveuse, puissance nerveuse, influence ner-
veuse 5 elle se manifeste par les fonctions de ce sys-
DU SYSTEME NERVEUX.
633
tèine, désignées sous le nom collectif d’innervation.
§ 754. L’innervation r, beaucoup trop restreinte par
ceux qui la bornent à la sensation et à la volition , tient
sous sa dépendance, d’une manière plus ou moins di-
recte, tous les phénomènes delà vie. Les physiologistes
modernes, en constatant cette prééminence du système
nerveux, ont mis à même, en s’appuyant sur les obser-
vations d’anatomie et de physiologie comparatives, sur
les observations de l’embryogénésie , et sur les obser-
vations et les expériences physiologiques et pathologi-
ques d’établir quelques lois de l’innervation. En gé-
néral le système nerveux a d’autant plus d’influence
sur le reste de l organisme, que l’animal plus élevé dans
la série a ce système plus développé. Dans l’espèce hu-
maine le système nerveux a d’autant plus d’influence
sur les fonctions, que l’individu, plus éloigné de l’état
d’embryon, a également ce système plus perfectionné.
L’influence de l’innervation sur une autre fonction est
d’autant plus marquée que cette fonction s’éloigne da-
vantage du but des fonctions végétatives. L’influence
du centre nerveux , sur le reste du système, est d’au-
tant plus grande et plus nécessaire que le centre est
plus développé , plus volumineux relativement au reste
du système, et surtout que les parties diverses de la
masse centrale sont plus exactement rassemblées vers
1 Rolando , op. cit. , et Journal de physiologie , tome III.
— Georget , de la Physiologie du système nerveux , etc. ;
Paris , 1821. — Flourens, Recherches physiques sur les pro-
priétés et les fonctions du système nerveux , etc.; in archives
générales de médecine, vol. II. — Fodéré, Recher, expériment.
sur le système nerveux ; in Journ. de physiol , tom. III.
anatomie générale.
634
un point unique ; c’est sous ce dernier rapport surtout
que le système nerveux de l’homme diffère de celui
des animaux.
§y55. Les opérations mentales les plus élevées s’exer-
cent sur des résultats, et se manifestent par l’intermé-
diaire de l’action nerveuse ; il est donc vrai de dire que
V homme est une intelligence servie par des organes .
Les actions de combinaison, intermédiaires à la sen-
sation et à la volition , qui constituent une apparence
d’intelligence, ou l’instinct perfectionné des animaux
vertébrés, appartiennent aussi à l’innervation.
L’instinct le plus borné, qui, dans tous les animaux ,
même les plus imparfaits, lie nécessairement certains
mouvemens à certaines sensations est encore une action
nerveuse.
La sensation et la volition , quels que soient les phé-
nomènes intermédiaires, sont encore des actions du
même genre.
Les phénomènes d’irritation, c’est-à-dire l’im-
pression non sentie et le mouvement involontaire, sont
eux-mêmes plus ou moins dépendans de l’action ner-
veuse. Dans le canal intestinal , le cœur, etc., ordinaire-
ment l’impression n’est pas sentie, et la contraction mus-
culaire n’est pas voulue , mais déjà pourtant le système
nerveux intervient ; car si dans l’ordre régulier 1 im-
pression ne va pas au delà des ganglions , et si la con-
traction musculaire en est le résultat nécessaire, ca-
ractère de l’irritabilité, dans certains cas d impression
extraordinaire la sensation en résulte j et de même ,
quand la volonté est troublée par les passions, les
mouvemens musculaires intérieurs s’en ressentent.
DU SYSTEME NERVEUX.
6 35
Dans les vaisseaux, et particulièrement clans les ar-
térioles , l’action nerveuse est très-évidente. Dans le
tissu cellulaire, l’impression et la contraction étroi-
tement liées, et désignées parle nom unique de toni-
cité, paraissent peu dépendantes du système nerveux,
mais n’y sont pourtant point étrangères.
L’influence nerveuse n’est point limitée aux seuls or-
ganes ou parties solides, le sang 1 en éprouve les effets.
§ y 56. Les fonctions deformation et d’entretien, c’est-
à-dire, les fonctions nutritives et génitales, sont aussi
toutes plus ou moins dépendantes de l’innervation.
La digestion 2 , non-seulement les sensations et les
mouvemens qui ont lieu à l’entrée de ses organes , mais
l’action même de l’estomac, est soumise à l’innervation $
on sait depuis assez long-temps déjà que la section des
nerfs de l’estomac ôte à cet organe la faculté de di-
gérer et de pousser les alimens dans les intestins.
La respiration n’est pas moins soumise à l’influence
nerveuse ; la section des nerfs du poumon détermine
bientôt l’asphyxie et la mort.
La circulation, surtout l’action du cœur et des artères
capillaires, est également sous la même influence.
La sécrétion est évidemment aussi sous l’influence
de l’innervation. Des expériences directes montrent
que la section des nerfs d’un organe y suspend la
sécrétion. L’inhalation ou absorption est également
1 G. A. Treviranus , Biologici , B. 4 j page 646. — Idem,
V ermischte Schriften , etc. B. I, page 99.
2 A. Brunn, Expcrim. circa lignt. nervorum . — Vavasseur,
De l’influence du système nerveux sur la digestion stomacale :
Thèse \ Paris, 12 août 1823.
6 36
ANATOMIE GENERALE.
modifiée par l’action nerveuse. La nutrition ou for-
mation organique, sans être un résultat immédiat de
la force nerveuse, est pourtant soumise à son in-
fluence. La chaleur animale en est plus évidemment
encore dépendante. Les expériences physiologiques de
MM. Brodie et Chossat ont mis hors de doute cette
influence : les expériences chimiques et physiologiques
de MM. Dulong et Despretz ont démontré que cette
chaleur ne pouvait pas dépendre tout entière de la
respiration.
On voit de même dans la génération , les sensa-
tions et les mouvemens volontaires qui l’accompa-
gnent; les mouvemens d’irritation; les phénomènes
de sécrétion du sperme et de formation des ovules;
ceux de la nutrition et de l’accroissement de l’œuf fé-
condé, être tous, mais plus ou moins directement, sou-
mis à l’action nerveuse.
§ 757. La sympathie ou la coexistence de deux phé-
nomènes de formation , d’irritation , de sensation ou
de volition , dans des parties différentes , et par 1 action
d’un seul agent , fait le plus extraordinaire de l’orga-
nisme, est encore un effet de l’action nerveuse.
§ 7^8. Quel rapport existe-t-il entre les diverses par-
ties du système nerveux relativement à ses fonctions?
Y a-t-il un seul centre, soit la moelle, soit l’encéphale?
ou bien y a-t-il deux centres, savoir : un cérébral et un
ganglionnaire? ou bien enfin, y a-t-il autant de cen-
tres distincts qu’il y a d'organes principaux ou de
grandes fonctions? Ces opinions, toutes fondées sur
des observations, sont toutes vraies dans de certaines
limites.
DU SYSTÈME NERVEUX. 63j
Dans l’homme adulte, le système nerveux forme un
système unique dont toutes les parties concourent à
l’action de l’ensemble, à l’innervation, mais en outre
chacune à sa fonction propre. Ainsi le cerveau et le
cervelet, outre leurs fonctions particulières , augmen-
tent l’énergie de la moelle, celle-ci augmente celle
des nerfs, dans l’homme adulte, l’encéphale et plus
précisément encore le mésocéphale, c est-à-dire 1 extré-
mité crânienne de la moelle, l’endroit d’où naissent les
pédoncules du cervelet et du cerveau, est vraiment le
centre d action du système nerveux.
§ 759. Quel rapport existe-t-il entre les deux subs-
tances du système nerveux, et quel est leur usage
particulier ?
M. Gall regarde la substance grise comme la subs-
tance matrice des nerfs, comme une couche fertile
dans laquelle les nerfs sont enracinés, et d’où dépend
leur nutrition et leur accroissement; si M. Gall avait
entendu par-là qu’il y eût une véritable production ou
végétation , il aurait tort , car d’une part aucune partie
n’est le produit de l’autre , toutes sont déposées par
les vaisseaux chacune à leur place, et d’un autre côté
la substance blanche apparaît avant la grise,, soit
dans le règne animal soit dans l’embryon. S’il n’a
voulu parler que d’une implantation il a eu raison.
[On doit regarder avec Ludwig, M. Gall, M. Carus et
M. Tiedemann, la substance grise, comme un centre
d’activité , comme fortifiant l’action des parties blan-
ches qui y sont implantées, en tant surtout qu elle
produit cet effet par la grande quantité de sang artériel
qui la parcourt. Cette substance abonde dans la moelle,
638
ANATOMIE GÉNÉRALE.
là où tiennent les plus gros nerfs ; elle abonde égale-
ment dans le corps rhomboïdal du cervelet , et dans les
corps optiques et cannelés du cerveau, ainsi qu’à la
surface de ces deux organes dans l’homme.
§ 760. Quelle est la fonction particulière’ de cha-
cune des parties du système nerveux ?
Les nerfs (Sect. Il) conduisent les impressions des
surfaces vers le centre, et le principe des mouvemens
du centre vers les muscles et les vaisseaux.
Les ganglions ( Sect. III) , à raison de la quantité de
sang qui s’y distribue, et à raison de leur texture par-
ticulière , modifient l’action nerveuse.
La masse nerveuse centrale remplit les parties les
plus importantes de la fonction d’innervation; elle
est l’instrument de l’intelligence.
Les actions de combinaison, intermédiaires aux
sensations et aux voûtions , sont aussi des fonctions de
l’encéphale.
L’instinct, également intermédiaire à ces deux ordres
de phénomènes, s’il est attaché à une partie nerveuse
spéciale, a probablement son siège dans la partie su-
périeure de la moelle.
On' s’est souvent occupé de déterminer par l’obser-
vation et par l’expérimentation , le siège organique de
la sensation et de la volition.
M. Roflando regarde les hémisphères du cerveau
comme le siège de ces deux actions , et le cervelet ,
comme d’organe qui envoie aux muscles le principe #
moteur sous la direction du cerveau.
Suivant M. Flourens, la moelle, à l’endroit où elle
I)ü SYSTÈME NERVEUX. 639
«st surmontée des tubercules quadrijumeaux, serait le
point commun d’arrivée des sensations , et de départ
de l’influence nerveuse des mouvemens musculaires.
Le cervelet, suivant ce physiologiste, serait le balan-
cier ou le coordonnateur des mouvemens ; suivant lui
l’ablation du cervelet rend l’animal incapable d’agir
d’une manière régulière et coordonnée pour la station
et pour la locomotion.
M. Magendie, se fondant sur les expériences de
Lorry, de Legallois, et sur les siennes propres, pense
que la sensibilité est inhérente à la moelle épinière.
Cet habile physiologiste est d’avis que la volonté
ou la faculté de déterminer les mouvemens muscu-
laires réside dans la partie la plus élevée de la moelle
crânienne, jusque dans les tubercules optiques et les
pédoncules du cerveau; que les tubercules optiques
sont nécessaires aux mouvemens latéraux ; que les
hémisphères cérébaux sont nécessaires pour la pro-
duction du mouvement en avant, et le cervelet pour
le mouvement contraire. La soustration de l’un ou de
l’autre de ces organes supprime son action , et déter-
mine l’action irrésistible de l’autre; la soustraction
d’une couche optique détermine un mouvement de
tournoiement.
MM. Foville et Pinel Grandchamps ont été con-
duits par des observations d’anatomie morbide, aux-
quelles ils ont joint des expériences sur les animaux ,
à établir le siège de la sensibilité dans le cervelet,
et celui du mouvement volontaire dans la substance
médullaire des hémisphères ; la partie antérieure et
le corps strié pour le membre abdominal, la couche
64° ANATOMIE GÉNÉRAI, E.
optique et la partie postérieure del’hémisphère pour le
membre supérieur.
M.Dugès r, par un rapprochement ingénieux de faits
physiologiques et pathologiques, place également le
siège de la sensibilité dans le cervelet , et celui du
mouvement volontaire dans les hémisphères du cer-
veau, en admettant, que la sensation est transmise di-
rectement au côté du cervelet correspondant à l’im-
pression ; au contraire, comme on le sait depuis. long-
temps, la volition est transmise d’un côté du cerveau au
côté opposé du corps.
Ces diverses opinions qui se contredisent en quel-
ques points , reposent les unes et les autres sur des faits
plus ou moins bien observés; de nouveaux faits sont
nécessaires pour dissiper les incertitudes qui restent
encore sur ce sujet.
La transmission du sentiment a lieu par la partie
postérieure de la moelle épinière, et celle du mou-
vement par sa partie antérieure. 11 y a , comme on le
. le verra plus loin, des nerfs spéciaux pour chacune de
ces fonctions.
La moelle , qui dans ces fonctions ne remplit que le
rôle de conducteur, est le siège ou l’origine du prin-
cipe de l'irritabilité. Si l’on divise à sa partie moyenne
la moelle épinière d’un animal vivant, la partie posté-
rieure du corps devient insensible et immobile. Si 1 on
irrite la peau de cette partie du corps, 1 irritation non
sentie détermine des mouvemens involontaires dans
les muscles de cette partie. Si la moelle est enlevée et
■ Mémoire inédit.
DU SYSTÈME NERVEUX.
6’4i
par là les connexions centrales des nerfs détruites , on
ne pourra plus déterminer de mouvemens en irritant
la peau.
La circulation est sous l’influence de la moelle
toute entière , et de tous les nerfs moteurs qui y tien-
nent ; l’action particulière du cœur aussi, mais médiate-
ment, et immédiatement sous l’influence du nerf sym-
pathique. La respiration est sous la direction de la
partie supérieure et latérale de la moelle ; la diges-
tion sous l’influence combinée des nerfs vague et
sympathique.
La sécrétion, l’absorption, la chaleur vitale et la
nutrition, sous l’influence de toutes les parties du sys-
tème nerveux.
§ 761. On ne sait rien sur la manière dont le système
nerveux produit l’innervation. Ce fait échappant à
l’observation, une foule d’hypothèses ont été propo-
sées : elles ont varié avec les doctrines dominantes
à chaque époque.
On a essayé d’expliquer Faction nerveuse par des
hypothèses mécaniques : soit en supposant que les
fibres nerveuses pouvaient vibrer à la manière des
cordes; soit en admettant seulement de pareilles vi-
brations dans leurs fibrilles élémentaires, ou dans des
fibrilles spirales qu’on y supposait ; ou enfin par un
ébranlement dans les globules élastiques dont on y
avait deviné F existence.
On a fondé d’autres explications sur la supposition
d’un fluide nerveux : soit grossier et visible, soit
plus généralement un fluide incoercible ; et , dans
cette dernière supposition, on l’a tantôt appelé éther,
41
1.
anatomie générale.
642
tantôt phlogistique ou magnétique, lumineux, élec-
trique; en dernier lieu galvanique, suivant les ob-
jets qui ont fixé à diverses époques l’attention des
physiciens.
Reil a proposé à ce sujet une hypothèse qui consiste
à faire dériver l’action nerveuse d’un procédé chimico-
vital. Il attribue en général l’action des parties orga-
niques à leur forme et à leur composition. La forme
et la composition des parties organiques étant chan-
gées, leur action l’est toujours ; et toutes les fois que
l’action est changée, il y a des changemens obser-
vables dans les parties; de sorte qu’en règle générale,
le changement d’action est la conséquence d’un chan-
gement de composition des parties : l’action nerveuse
suppose donc un changement dans la substance ner-
veuse. Ce qui paraît surtout favorable à cette hypo-
thèse de Reil, c’est l’abondance de sang artériel qui se
distribue dans le système nerveux , et surtout dans la
substance grise, dont le volume est toujours relatif
à l’activité nerveuse ( § 759).
§ 7 62. On pourrait, indépendamment de toute hypo-
thèse, considérer l’action nerveuse comme un lait gé-
néral, et en observer les phénomènes et les conditions.
Les phénomènes de l’innervation ne sont pas sensibles
dans le nerf, comme ceux de la contraction muscu-
laire dans le muscle : on n’y voit rien; cependant
quelques faits semblent indiquer qu’il y a pour la sen-
sation un mouvement quelconque dans la substance
nerveuse en action. La sensation résultant de l’im-
pression faite par la lumière sur l’œil n’est pas instan-
tanée ; l’ébranlement ou la pression de l’œil dans
DU SYSTÈME NERVEUX. 6 4 3
♦
l’obscurité donne lieu à la sensation de lumière, etc.
Beaucoup d autres faits rassemblés par Darwin sem-
bleraient indiquer qu’il y a dans la sensation un mou-
vement moléculaire de la substance nerveuse qui n’est
pas instantané. D’un autre côté, beaucoup de faits
semblent indiquer que le système nerveux est l’organe
formateur et conducteur d’un agent impondérable ana-
logue à l’agent électrique ou galvanique. Cet agent
de l’innervation, dont l’existence a été prévue par Reil,
reconnue par M. de Humboldt et par Aldini, admise
et soutenue avec tant de talent par M. Cuvier ,
permet d’expliquer facilement tous les phénomènes de
l’innervation , et notamment le rapport qui existe entre
l’action nerveuse engourdissante des poissons électri-
ques et les phénomènes galvaniques d’une part, et l’ac-
tion nerveuse ordinaire de l’autre ; la possibilité de dé-
terminer des phénomènes galvaniques avec des nerfs
et des muscles seuls ; la possibilité de déterminer
des contractions musculaires, l’action chimiliante
de l’estomac, l’action respiratoire du poumon, etc.,
en remplaçant l’influence nerveuse par l’action galva-
nique; l’existence d’une atsmosphère nerveuse, agis-
sant à distance autour des nerfs et des muscles, et
à travers la solution de continuité des nerfs divisés;
le plissement qui s’opère dans la fibre musculaire en
contraction, et le rapport des dernières fibrilles ner-
veuses transverses avec ces plis, phénomène d’inner-
vation qui se rapproche de certains phénomènes
électro-magnétiques, etc.
Ces opinions ont paru si vraisemblables à M. Ro-
lande, qu’il a cherché la source de l’agent nerveux de la
ANATOMIE GÉNÉRALE.
644
contraction dans le cervelet , qui, à raison de ses lames,
lui a paru devoir agir à la manière d’une pile de
Volta, et qu’il a admis dans la sensation un mou-
vement moléculaire de la pulpe.
Quoi qu’il en soit, la force nerveuse s’affaiblit et
s’épuise par les opérations intellectuelles, par le tra-
vail des sens, des muscles et de l’encéphale, et plus
encore par la douleur ; elle se répare par le repos,
l’alimentation et le sommeil. Son énergie, en général
et en particulier, est relative à la masse du système
nerveux tout entier et de ses parties, et surtout à la
masse de la substance grise, qui est la plus vasculaire;
elle est relative aussi à l’étendué des surfaces Elle per-
siste quelque temps après la mort dans les nerfs et
dans les muscles.
Cette force semble résulter de l’action d’un fluide
subtil , formé par l’action organique de la substance
nerveuse arrosée par le sang artériel. Il paraît que ce
fluide est formé partout, mais surtout là où la sub-
stance nerveuse grise et vasculaire est amassée. Ce
liquide subtil semble parcourir l’intérieur et la sur-
face des nerfs, leur former une athmosplière^ et au
delà de leurs extrémités pénétrer ou imprégner tous
les organes et les humeurs elles-mêmes. Le sang par-
ticulièrement paraît être pénétré du même fluide, et
lui devoir les propriétés essentielles qui le distinguent
pendant la vie.
Cependant le sang artériel fournit au système ner-
veux la matière de son action ; aussi l’abord du sang
artériel est une condition de cette action.
L’asphyxie, dont on a tant cherché la cause dans
DU SYSTEME NERVEUX.
645
l’interruption du passage du sang à travers le pou-
mon ( Haller) , dans l’arrivée du sang, resté veineux
dans le ventricule gauche ( Godwin ) , dans la péné-
tration de ce sang dans la substance nlusculaire du
cœur ( Bichat ) , résulte bien plutôt de la pénétration
du sang brun dans la substance nerveuse ; de même la
syncope dépend de l’interruption de l’innervation du
cœur : la vie étant essentiellement liée à l’action ré-
ciproque du sang sur la substance nerveuse, et de la
substance nerveuse sur le sang.
L’agent nerveux résulte-t-il directement et unique-
ment de l’action réciproque du sang et de la substance
nerveuse P est-il puisé au dehors? peut-il passer d’un
individu à un autre? résulte-t-il de l’opposition des
substances blanche et grise ? de l’action de la fibre
nerveuse sur la fibre musculaire ? L’action nerveuse
serait alors comparable à une décharge électrique.
§ y63. L’action nerveuse est excitée ou mise en jeu
par des stimulans externes ou internes.
§ 764. Les premiers momens de la formation et du
développement 1 du système nerveux ne peuvent être
saisis par l’observation. Ce système existe- t-il dès le
commencement, et la génération ne résulte-t-elle que
.de la réunion du système ceilulo-vasculaire fourni par
la mère, et du système nerveux fourni par le mâle
(Rolando)? le système nerveux commence-t-il parla
formation du ganglion cardiaque, et se développe-t-il
successivement par le nerf grand sympathique et le
reste du système ( Ackermann ) ?
' Ackermann , de Systematis nervei primordiis ; llei-
delb., i8i3. — Tiedenian, op. cit.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
646
Ce que l’observation a appris, c’est que les nerfs et
les ganglions spinaux se forment avant la moelle, et
celle-ci, avant l’encéphale., c’est-à-dire, avant le cer-
velet, les tubercules et le cerveau.
La moelle d’abord ouverte en arrière comme une
gouttière, puis creuse comme un canal par le rappro-
chement de ses bords , devient à la fin solide. Elle oc-
cupe d’abord toute la longueur du canal vertébral. La
substance blanche qui en forme l’extérieur se dépose
la première; la substance grise , en se déposant ensuite
à l’intérieur, en remplit la cavité.
Le cervelet, les tubercules et le cerveau, qui ne
constituent d’abord que des parties plus larges de la
gouttière de la moelle, se renversent, se rencontrent,
s’unissent sur la ligne médiane, en présentant dans les
diverses phases de leur développement la plus exacte
ressemblance avec les mêmes parties des poissons, des
reptiles, des oiseaux et des mammifères, en remontant
des rongeurs vers les quadrumanes (§ ydg ).
Dans le cerveau, comme dans le reste de l’encéphale
et comme dans la moelle , l’accroissement en épais-
seur se fait simultanément et à l’extérieur et à l’inté-
rieur. C’est par-là qu’il faut expliquer, avec M. Des-
moulins, l’existence d’une cavité que l’on trouve à l’âge
fœtal dans l’épaisseur du centre ovale de \ieussens,
entre la couche intérieure et la couche extérieure de
la voûte des ventricules latéraux.
Dans lencéphale comme dans la moelle, la subs-
tance grise ne se forme qu’après la blanche, et même
après seulement que les libres de cette dernière se sont
réunies par des commissures sur la ligne médiane.
DU SVSTEMK NERVEUX.
647
Après la naissance, l’accroissement du système ner-
veux , si rapide jusque-là , se ralentit beaucoup : après
l’oreille interne et l’œil, c’est la partie du corps qui
croît alors le plus lentement.
Dans la vieillesse, le système nerveux éprouve une
diminution sensible de volume, qui se manifeste dans
l’encéphale par le rétrécissement du crâne 1 , et que
l’on peut constater aussi en mesurant la moelle.
§ 765. Le système nerveux est sujet à beaucoup de
vices de conformation 2. On connaît un cas d’aneurie
«
ou privation totale du système nerveux : il a» été ob-
servé dans un fœtus acéphale réduit à un petit tronçon
informe. Il y a lin assez grand nombre de cas d’absence
de l’encéphale et de la tête. Il y a un grand nombre
d’exemples de privation totale du centre nerveux , les
nerfs et les ganglions spinaux existans. Il y a un bien plus
grand nombre encore de cas d’absence de l’encéphale ,
la moelle existante, ainsi que tous les nerfs de la face et
du col. La moelle peut être restée ouverte, creuse,
ou étendue à tout le canal. Dans certains cas le cer-
velet et les tubercules existent, ainsi que les pédon-
cules du cerveau et leurs renllemens optiques et striés,
1 Tenon , R.echerches sur le crâne humain, Mem. de i’Insl.
sc. phys. et math, tome I.
2 A. Béclard , Mémoire sur les fœtus acéphales ; Pa-
ris, i8i5. — Geoffroy Saint-Hilaire , Philos, anatom., vol. II.
— Breschet, Dictionn. de Med., art. Acéphale, et Anencéphale.
— Ollivier, Essai sur l’Anatomie et les vices de conforma-
tion de la moelle épinière; Paris, 1823. — Laroche, Essai
d Anat. -pathol. , sur les monstruosités de . la face; Pa-
ris, 1823.
ANATOJMIE GENERALE.
648
et les hémisphères manquent seuls. Dans quelques
cas les hémisphères sont incomplets ; les lobes moyeu
ou postérieur sont dépourvus de sillons et de circonvo-
lutions. Quelquefois le corps calleux manque seul
ou bien il reste une cavité dans l’épaisseur de l’hémis-
phère, ou dans la cloison, etc. Le cervelet peut pré-
senter des défauts analogues , surtout dans le nombre
de ses lames 1 2. Tous ces cas sont des imperfections ou
des défauts de développement.
Il peut exister des défauts de symétrie, des défauts
de proportion entre les diverses parties du système.
§ 766. La consistance du système nerveux est quel-
quefois changée. Le ramollissement 3 est une altéra-
tion très - fréquente d’une partie de la masse nerveuse
centrale. La substance nerveuse ramollie l’est quel-
quefois au point d’être presque liquide. Sa couleur est
quelquefois d’un blanc de lait ; d’autres fois elle est
jaunâtre, rosée, rouge, ou brune. Cette altération se
rencontre dans les couches optiques, dans les corps
striés, dans les hémisphères du cerveau, dans le cer-
velet, dans la moelle allongée , et même dans la moelle
épinière. Elle donne lieu, suivant son siège, à divers dé-
rangemens des sensations, des mouvemens volontaires
et des autres fonctions du système nerveux. Elle est
Souvent le résultat d’une inflammation; dans quelques
cas elle en paraît indépendante.
1 Reil , Archiv filr die physiologie tom. XI.
2 Malacarne , ' N euro encephalotomia ; Pavia, 1791.
3 Rostan, Recherches sur le ramollissement du cerveau ..
2e édition ; Paris, 1823.
I
DU SYSTÈME NERVEUX. 649
L’endurcissement 1 du système nerveux a été observé
par M. Esquirol et par M. S. Pinel , qui l’a fort bien
décrit. Le tissu nerveux endurci présente une masse
compacte, d’apparence inorganique ; il ressemble, par sa
couleur, sa consistance et sa densité, à du blanc d’œuf
fortement durci par la coction ; on n’y aperçoit pas
de vaisseaux sanguins 5 il paraît resserré sur lui-même.
L’endurcissement paraît affecter particulièrement la
substance blanche. On l’a observé dans des corps d’i-
diots, dans le cerveau, dans le cervelet et dans la
moelle, où il rend très - manifeste la disposition
fibreuse de la substance nerveuse blanche.
§ 767. Le système nerveux est sujet à beaucoup d’af-
fections 2, dont les principales sont, dans la masse cen-
trale , la congestion sanguine avec ou sans épan-
chement ; l’inflammation et ses divers degrés ; les
divers produits des affections chroniques, comme les
abcès enkystés , les productions ds tubercules , de
squirrhes, de cancers, des tumeurs fibreuses, osseuses,
des hydatides, des corps étrangers. Les membranes qui
enveloppent la masse nerveuse centrale sont également
le siège fréquent de congestions brusques avec exha-
lation sanguine ou séreuse , d’inflammation aiguë à.
différens degrés, d’inflammation chronique ; on y ob-
serve l’hydrocéphale aiguë , l’hydrocéphale chronique.
Les affections de la substance nerveuse et celles de
ses membranes peuvent se compliquer.
1 Pinel fils , Recherches sur l’endurcissement du système
nerveux; Paris, 1822.
^ Lallemant, Recherches Anal.-pnth. sur l’encéphale et ses
dépendances.
6 5o
ANATOMIE GENERALE.
Les affections de la moelle sont plus rares dans
l’homme que celles de l’encéphale; le contraire a lieu
dans les animaux.
Ces diverses altérations, suivant qu’elles sont aigues
ou chroniques , suivant qu’elles agissent en irritant , en
détruisant, ou en comprimant, et suivant leur siège,
déterminent divers dérangemens plus ou moins graves
dans les fonctions du système nerveux.
§ 768. Le tissu nerveux ne se produit point acci-
dentellement : le rapprochement établi entre ce tissu
et la production encéphaloïde, par M. Maunoir , re-
pose sur des analogies insuffisantes.
Le tissu nerveux blessé se cicatrise quand la bles-
sure est de nature à laisser survivre l’individu.
Les blessures de l’encéphale et de la moelle, quand
elles ne sont pas mortelles, se réunissent comme celles
des autres parties. Les blessures de l’encéphale avec
perte de substance de ses enveloppes se guérissent par
la formation d’une cicatrice extérieure. Ce fait a été
observé par M. Duméril sur des salamandres, et par
beaucoup de chirurgiens dans l’espèce humaine. Les
plaies avec perte de substance du cerveau, le crâne*
restant entier, se guérissent par la formation d’une
substance nouvelle, molle, comme muqueuse, qui ne
ressemble pas tout-à-fait à celle de l’organe, et par
l’élargissement du ventricule cérébral correspondant.
Les déchirures de l’encéphale produites par 1 épan-
chement sanguin présentent, quand l’individu survit,
des phénomènes remarquables. Le sang est bientôt en-
touré par une couche de lymphe organisable ; cette
couche devient vasculaire et s’unit à la substance ner-
DU SYSTEM E NEKVEUX.
i » V
6ai
veuse; le sang est successivement résorbé, soit d’abord
les parties fibrineuse et cruorique , et alors il reste de
la sérosité r; soit d’abord la sérosité, et il reste alors
un coagulum fibrineux 1 2 auquel le kyste s’unit : à la
longue, la totalité du sang étant résorbée, le kyste, res-
serré peu à peu sur lui-même , contracte des adhé-
rences, et devient une cicatrice jaunâtre qui disparaît
peut-être à la longue.
Les cicatrices et les autres altérations des nerfs seront
examinées plus loin.
§ y6g. Le système nerveux, qui joue un si grand rôle
dans l’exercice régulier des fonctions, en remplit un
aussi important dans la production des maladies 3:
c’est lui qui reçoit et qui propage l’impression des
causes morbifiques , qui détermine les mouvemens
irréguliers des muscles, du cœur, des artères, qui
produit les symphathies morbides; et comme son ac-
tion s’étend jusque sur le tissu cellulaire qui fait la
base des organes, jusque sur le sang qui les pénètre et
les arrose, on conçoit qu’il n’est étranger à aucune
action morbide, et qu’il est le principal agent d’un
grand nombre d’entre elles.
Les maladies dites générales, essentielles, ou dyna-
miques, n’ont pas de siège plus probable que les sys-
tèmes nerveux et vasculaires , centres des fonctions
1 Riobé , Observations propres à résoudre cette ques-
tion : l’apoplexie, etc., est-elle susceptible de guérison?
Paris ; 1814.
2 Rochoux , Piecherches sur l’apoplexie; Paris, 1814.
3 Georget , Ouvrage cité. — Lobstein, Discours sur la
prééminence du systèuje nerveux; Strasbourg, 1821,
652
ANATOMIE GÉNÉRALE.
animales et végétatives, que le sang et 1 agent ner-
veux ? qui les parcourent, et qui sont dans une dépen-
dance mutuelle, intime et nécessaire.
C’est dans le rapport régulier de ces deux grands
appareils et de leurs fonctions, que consistent la vie
et la santé; c’est du dérangement de leur harmonie ,
que résultent la maladie et la mort.
SECONDE SECTION.
DES NERFS EN GENERAL.
§ 770. Les nerfs 1 , nervi, sont des cordons blancs
formés de filamens médullaires, tenant par une extré-
mité au centre nerveux, et par l’autre auxtégumens,
aux sens , aux muscles et aux vaisseaux.
§ 771. Les anatomistes de l’école d’Italie ont connu
assez exactement toutes les paires de nerfs que l’on
connaît aujourd’hui, mais ils ne les ont pas classées , dé-
nombrées ou nommées comme on le fait maintenant.
Willis leur a donné des noms de nombre et des noms
propres, sous lesquels ils ont été en général connus de-
puis lui ; savoir :
i° Les nerfs olfactifs;
20 Les nerfs optiques ou visuels;
3° Les nerfs moteurs des yeux;
4° Les nerfs pathétiques des yeux ;
5° La cinquième paire ;
1 J. C. üeil , Exercj-tationes anatomLcœ de structura net
yorurn ; Halæ, 1797, fol.
DES NERFS.
653
6° La sixième paire;
70 La septième paire, composée d’une partie dure
et d’une partie molle ou auditive;
8° La huitième, ou la paire vague, avec son nerf
spinal ou accessoire;
9° La neuvième paire, ou les nerfs moteurs de la
langue;
io° La dixième paire, ou le sous-occipital;
Les nerfs de la moelle spinale ;
Et le nerf intercostal ou sympathique.
M. Sœmmerino a modifié la division de Willis. Il
établit quarante-trois paires de nerfs , dont douze paires
de nerfs du cerveau : en divisant la septième paire de
Willis en septième ou faciale, et en huitième ou au-
ditive; sa huitième, en neuvième ou glosso-pharyn-
gienne, en dixième ou vague, et en onzième ou acces-
soire, la douzième est l’hypoglosse; et en rejetant le
sous-occipital parmi les nerfs spinaux, qui sont alors au
nombre de trente paires, le nerf grand sympathique
forme la quarante- troisième paire. Ces modifications
ont été généralement adoptées.
Bichat a distingué les nerfs encéphaliques ou crâ-
niens, en ceux du cerveau, en ceux delà protubérance
et en ceux de la moelle allongée. Cette division n est
pas fondée sur des observations exactes.
Les nerfs peuvent être exactement distingués, i° en
nerfs à double racine, l’une tenant à la colonne anté-
rieure et l’autre à la colonne postérieure de la moelle:
ce sont les nerfs spinaux , le sous-occipital et le triju-
meau ou la cinquième paire des nerfs crâniens. Ces
nerfs servent tout à la fois à la sensibilité et à la myo-
654 ANATOMIE GÉNÉRALE.
tilité. r2° En nerfs à une seule racine : ce sont la pre-
mière paire, la seconde, la huitième, ouïes nerfs ol-
factifs, visuels, auditifs; et la troisième, la qua-
trième, la sixième, ou les nerfs moteurs de l’œil; et la
douzième, ou les nerfs moteurs de la langue. Ces nerfs
servent exclusivement, les uns à la sensibilité et les
autres à la myotilité. 3° En nerfs respiratoires, vocaux
et expressifs; ils tiennent au faisceau latéral de la
partie supérieure : de la moelle : ce sont, suivant
M. Ch, Bell 1 , à qui l’on en doit une connaissance
exacte, le nerf vague, qui est le centre de ce système,
le nerf facial, le glosso-pharyngien , le spinal ou acces-
soire, le diaphragmatique et le thoracique externe.
4° En nerfs circulatoires : ils tiennent à tous les nerfs
spinaux; ce sont les nerfs grands sympathiques. Ces
derniers et le nerf vague appartiennent en outre au
tégument intérieur, aux glandes et aux muscles in-
térieurs en général. Le nerf sympathique sera décrit à
part dans la section suivante.
§ 772. La forme des nerfs, est en général , cylindri-
que. Leurs rameaux sont, comme dans les vaisseaux,
plus gros dans leur ensemble que les troncs qui les
fournissent : les nerfs vont par conséquent en gros-
sissant depuis leur origine jusqu’à leur terminaison ;
ils sont aussi légèrement renflés à l’origine. Leur
o o
surface présente des rides ou stries transversales, qui
dépendent de rallongement qu’ils éprouvent dans les
divers mouvemens : ces rides se voient très-bien à la
loupe, surtout dans les nerfs des membres.
1 P h il. tran s . , ann. 182a, .part, i et 2.
DES KERFS. 6 55
I
Il y a trois choses à considérer dans les nerfs: i° leur
origine : 20 leur trajet; 3° leur terminaison.
§ yy'5. Il ne faut pas entendre par origine des nerfs,
un point d'où ils naîtraient et sur lequel ils végéteraient ,
pour ainsi dire : cette origine n’est que l’extrémité cen-
trale du nerf, ou celle par laquelle il tient au centre
nerveux. Elle se fait, pour tous les nerfs, à la moelle
épinière et à la moelle allongée; aucun ne naît des
lobes du cerveau ni du cervelet. L’olfactif ne fait pas
même exception à cette règle ; ce nerf tient à un pro-
longement de la moelle, qui, dans les animaux, con-
stitue le bulbe olfactif. On trouve quelquefois des fœtus
privés de cerveau, et chez lesquels pourtant les olfac-
tifs existent avec la moelle et les pédoncules du cer-
veau, comme j’ai eu occasion de l’observer tout récem-
ment. Bichat, tout en disant que tous les nerfs vien-
nent de la moelle, fait, pour l’optique et l’olfactif,
une exception qui n’est point réelle.
L'origine des nerfs est souvent située plus profondé-
ment quelle ne le paraît au premier abord; de sorte que
le point d’où ils se détachent n’est souvent pas leur vé-
ritable origine : la cinquième paire , par exemple, ne
vient pas du pont de Yarole , d’où elle semble se dé-
tacher , car ce pont n’existe pas chez les animaux ovi-
pares, où l'origine de ce nerf a pourtant lieu au même
endroit que dans les mammifères. Il ne faut pas ce-
pendant, chercher à poursuivre l’origine des nerfs au
delà de la portée des sens , et les supposer partir du cer-
veau ou du cervelet, comme on l’a fait pour étayer
des explications hypothétiques.
On s est demandé si les nerfs s’entre-croisenl; à leur
ANATOMIE GÉNÉRALE.
656
origine ; et l’on n’a pas hésité h affirmer qu’il en est
ainsi, pour expliquer des phénomènes pathologiques,
dans lesquels la cause et l’effet, siégeant tous deux
dans le système nerveux, présentaient une sorte d’en-
tre - croisement. Voici ce que l’inspection apprend à
ce sujet. Il n’y a pas d’entre-croisement sensible dans
les nerfs de la moelle épinière. Il en est de même pour
ceux qui viennent de cette moelle prolongée dans le
crâne, si ce n’est peut-être les nerfs optiques, dans
lesquels ils paraît exister au moins un entre- croise-
ment partiel. Les auteurs ne sont, en effet, pas d’ac-
cord sur le mode d’union de ces nerfs. Leur entre-croi-
sement, admis par les uns, nié par les autres, est évi-
dent dans les poissons; mais dans l’homme, quoique
dans la plupart des cas l’atrophie de l’un de ces nerfs se
continue du côté opposé , des observateurs dignes de
foi assurent l’avoir vue se continuer du même côté. La
dissection ne montre pas non plus que I entre-croise-
ment ait lieu pour toutes les fibres; de sorte que l’o-
pinion de ceux qui pensent qu’il n’est que partiel est
la plus vraisemblable. Mais à part cette exception , l’en-
tre-croisement des nerfs n’est rien moins que démon-
tré. On peut en dire autant de celui des deux côtés
du cerveau et du cervelet , que l’on a admis. Les pyra-
mides antérieures seules présentent cette disposition ,
qui explique comment, dans les lésions du cerveau, les
symptômes se manifestent du côté opposé de la moelle:
aussi, quand celle-ci est divisée au-dessous de 1 endroit
où se fait l’entre-croisement, des pyramides, les symp-
tômes, apparaissent-ils du mêiïie côté.
Une autre question qui a été agitée par les anato-
DES NERFS.
657
mistes, est de savoir si les nerfs se réunissent sur la
ligne médiane par des commissures analogues à celles
que l’on trouve entre les côtés correspondans du cer-
veau et du cervelet. Cette réunion n’est évidente que
dans les nerfs pathétiques. Les nerfs auditifs sont aussi
quelquefois réunis, à leur origine , par des stries blan-
ches, qui tapissent le fond du quatrième ventricule;
mais ces stries sont loin d’être constantes, et manquent
généralement dans le jeune âge.
Les nerfs naissent presque tous profondément de la
substance grise, et non de la blanche, qui recouvre
celle-ci, et sous laquelle ils ne font que s’enfoncer. Dans
la moelle, les nerfs arrachés laissent un enfoncement
qui montre qu’ils ne s’arrêtaient pas à la surface ; et
lorsque la moelle est endurcie, on peut suivre les ra-
cines des nerfs et les voir traverser les fibres longitu-
dinales de cet organe , pour s’implanter sur la substance
grise. Dans le crâne, cette disposition est également
évidente pour la plupart des nerfs. Les auditifs seuls
ont leur origine à la surface de la moelle allongée;
mais il existe également de la substance grise au lieu
d’où ils naissent : seulement cette substance est super-
ficiellement placée ; elle forme le ruban gris.
Les nerfs de la moelle de l’épine naissent par deux
racines j une antérieure et une postérieure, comme il
a déjà été dit. Le volume respectif de ces deux racines ,
sur lequel on a beaucoup varié, et que M. Gall a dit
être à l’avantage de la racine postérieure , n’est réelle-
ment ainsi que pour les nerfs brachiaux; le contraire
a lieu pour les nerfs cruraux. Ces racines se réunissent
dans le trou de conjugaison, où la postérieure présente
4 a
i.
658 ANATOMIE GÉNÉRALE.
un renflement ou ganglion , auquel l’antérieure est sim-
plement accolée. Celle-ci ne concourt point à former ce
ganglion, comme on le trouve dans la plupart destraités
d’anatomie, quoique cette particularité ait été indiquée
depuis long-temps par Haase , Monro et Scarpa , au-
quel même on en a attribué la découverte : seulement
M. Gall fait remarquer avec raison, qu’au col les ra-
cines antérieures des nerfs spinaux sont molles, pul-
peuses et rougeâtres; ce qui a pu en imposer aux ana-
tomistes qui ont examiné cette région. Dans le crâne,
les nerfs ne présentent point de racines aussi distinctes.
A l’endroit où les nerfs se détachent de la moelle al-
longée, le névrilème les abandonne, ou s'amollit et se
confond avec la pie-mère, et la substance médullaire
seule se continue avec celle de l’encéphale. Les filets
intérieurs du nerf sont plutôt abandonnés par le né-
vrilème que les filets extérieurs : il en résulte que,
quand on arrache le nerf, il se déchire plus loin en
dehors qu’en dedans , et il reste une saillie que L’on a
comparée à tort à une apophyse sur laquelle le nerf
serait implanté.
§ 774* Dans leur trajet, les nerfs se divisent en con-
servant à peu près le même volume dans l’intervalle de
leurs divisions. Celles-ci ne consistent qu’en une sépa-
ration des filets qui les composent, et ne ressemblent
point à celles des vaisseaux. Les divisions des nerfs sont
en général accompagnées par celles des vaisseaux ,
quoique elles ne leur correspondent pas toujours exacte-
ment. Les nerfs communiquent entre eux de trois ma-
nières : i° par les anastomoses; 2° par les plexus;
3° par les ganglions.
DES NEUFS.
65y
§ 7j5. On entend par anastomose la réunion de
deux, nerfs entre eux. Cette réunion a été ainsi nommée
par les anciens , parce qu’ils regardaient les nerfs comme
des vaisseaux dans lesquels circulait le fluide ner-
veux, et qu’ils les comparaient, sous ce rapport , aux
artères. Cette expression , que l’on a critiquée , est
assez convenable; car il n’y a pas simplement appli-
cation des filets nerveux dans les anastomoses , mais
véritablement communication de ces filets, abouche-
ment de leur canal, qui, à la vérité, contient une
substance qui y séjourne, et non un fluide circu-
lant , comme on le croyait autrefois. Les anastomoses
ont lieu tantôt entre les branches du même nerf , tan-
tôt entre des nerfs différens , rarement entre les nerfs
d’un côté et ceux du côté opposé.
C’est surtout dans les anses nerveuses que l’abou-
chement des filets est le plus évident : la plus remar-
quable de ces anses est celle qui résulte de la réunion
du nerf vague du côté droit et du plexus solaire, et
que Wrisberg a décrite sous le nom d'ansa commu-
nicans memorabilis.
Les plexus ne sont autre chose que des anastomoses
multipliées. Scarpa 1 en a donné une très-bonne des-
cription ; mais il les a à tort assimilés aux ganglions. La
manière dont les quatre dernières paires cervicales
s’unissent entre elles et avec la première dorsale, pour
former le plexus brachial, en fournit un exemple
remarquable. Les plexus cervical, lombaire, sciati-
que, etc., en sont encore des exemples. Ces plexus
1 Anat, annot. de gangliis et plexubus.
ANATOMIE GENERALE .
66 o
sont tellement disposés que les nerfs qui en sortent
tirent à la fois leur origine de la plupart, ou au moins ,
d’un certain nombre des nerfs qui les constituent.
Bicliat admet qu’il y a dans les plexus autre chose
qu’un simple mélange intime des nerfs. Monro dit
qu’ils contiennent de la substance grise , et peuvent
être considérés comme une nouvelle origine des nerfs
qui en sortent; mais cela n’est nullement démontré.
Les ganglions consistent en des renflemens qui con-
tiennent, outre les filets nerveux, une substance qui
leur est étrangère ; les filets nerveux , mélangés , y
sont beaucoup plus subtils; ils présentent, par con-
séquent, une plus grande complication que les deux
autres modes de communication. Ils seront examinés
après les nerfs, dont ils diffèrent par plusieurs carac-
tères.
§ 77 6. La terminaison des nerfs a lieu après qu’ils
ont traversé des anastomoses, des plexus ou des gan-
glions , ou bien directement, et sans qu’ils aient été
interrompus depuis leur origine. Le mode de terminai-
son des nerfs est assez obscur. On les voit seulement se
dépouiller de névrilème vers leur dernière extrémité ,
et devenir, par-là, très-mous; de sorte qu’il est alors
très-difficile de les suivre. Ils se renflent en général, à
mesure qu’ils approchent de leur terminaison; ils s’a-
platissent, puis on les perd, lorsqu’ils paraissent en-
core devoir se continuer au delà. Il existe deux hypo-
thèses sur la dernière terminaison des nerfs , l’une
n’est peut être pas plus fondée que l’autre. Dans l’une
de ces hypothèses , les nerfs se fondent pour ainsi
dire dans les organes , s’identifient avec leur subs-
DF. S NERFS.
66 1
tance, qui en est imbibée, si l’on peut s’exprimer ainsi.
Dans l’autre, qui appartient à Reil, le nerf, ne pouvant
être répandu dans tout l’organe à la fois, est entouré
d’une atmosphère nerveuse dans laquelle il étend son
action, à peu près comme cela se voit dans les phé-
nomènes électriques. Ce qui a conduit à ces hypothèses ,
c’est cette remarque, que les nerfs se répandent dans
des parties dont l’étendue est beaucoup plus grande
que la leur , même après qu'ils se sont divisés aussi loin
que l’œil armé du microscope peut les suivre, comme
on le voit dans les muscles, la peau, les sens, et que
pourtant chaque point de ces parties, si peu étendu
qu’il soit, présente, quand on le pique, les mêmes
phénomènes que si on piquait le nerf lui-même.
§ 777. Les différentes parties ne reçoivent pas un
nombre égal de nerfs. Les organes des sens sont ceux
qui en contiennent le plus : l’œil, l’oreille, présentent
des épanouissemens membraneux entièrement formés
de substance nerveuse. La peau, particulièrement aux
mains, aux lèvres; les membranes muqueuses, tant à
l’extérieur qu’à l’intérieur; le gland, les différentes
parties de la vulve, placés au point de jonction de ces
membranes avec la peau, reçoivent le plus de nerfs
après les quatres principaux organes des sens. Vien-
nent ensuite les muscles extérieurs , puis les intérieurs ,
les vaisseaux.sanguins , parmi lesquels les artères en re-
çoivent plus que les veines, et que les vaisseaux lym-
phatiques, où leur existence 11’est pas bien certaine.
L’existence des nerfs est douteuse dans les autres
parties, ou dans celles qui ont pour base la fibre cel-
lul aire, si on en excepte les viïisseaux , comme le tissu
ANATOMIE GÉNÉRALE.
66q
cellulaire, les membranes séreuses et synoviales, les
cartilages, les os, etc. : ces parties, en effet, ne parais-
sent pas recevoir de nerfs. Enfin les parties cornées et
épidémiques en sont certainement dépourvues. Il se-
rait possible, au contraire, qu’il y en eût dans les tis-
sus précédens, et que leur mollesse ou leur ténuité
extrême les dérobassent aux yeux. Ce qui pourrait
porter à y en admettre, c’est la sensibilité que ces
tissus présentent dans les maladies. Il est vrai que l'hy-
pothèse suivant laquelle les nerfs agiraient au moyen
d’un fluide impondérable, susceptible d’étendre son
influence au delà de leur termirfStson apparente, peut
expliquer, jusqu’à un certain point, ce phénomène.
Suivant cette hypothèse , Faction nerveuse serait trans-
mise au delà des nerfs et à travers la substance orga-
nique, comme la nutrition a lieu au delà des termi-
naisons artérielles, par une sorte d’imbibition.
Il est digne de remarque que, dans quelques cir-
constances où il existe paralysie du sentiment et non
du mouvement, les inflammations qui se développent
ne sont point accompagnées de douleurs; ce qui por-
teraità penser que les mêmes cordons sont le siège du
sentiment général et du sentiment douloureux, par-
ticulier à l’inflammation , et que ce ne sont pas seule-
ment les nerfs des vaisseaux sanguins qui font éprouver
ce dernier.
§ 778. Les parties dans lesquelles les extrémités
périphériques des nerfs se terminent, de la manière la
plus évidente, sont donc les membranes tégumen-
taires et les sens qui en font partie, les muscles et les
artères.
DES NERFS.
663
Les sens 1 sont des organes plus ou moins compli-
qués , au moyen desquels on aperçoit les corps exté-
rieurs ; ils ont une structure calculée de manière à
pouvoir recevoir une impression déterminée; ils sont
liés au centre nerveux par des nerfs très-développés :
ces organes sont ceux du tact ou du toucher, du
goût , de l’odorat , de l’ouïe et de la vue-
Les muscles sont liés au centre nerveux par des nerfs
nombreux et très-ramifiés § 662. Les artères reçoivent
un très-grand nombre de ner/s; mais ils ne se compor-
tent pas tous de la même manière : i° les uns ne font
que les accompagner et les entourer, comme le lierre
entoure les arbres, sans pénétrer dans leur tissu , si ce
n’est peut-être après les avoir accompagnés à une dis-
tance plus ou moins grande : tels sont ceux qui ac-
compagnent les artères vertébrales, carotides internes
et faciales ; 20 les autres, accolés à la membrane externe
de l’artère, pénètrent avec celle-ci dans les organes,
devenus mous et pulpeux : après être beaucoup rami-
fiés ils disparaissent , et semblent se fondre dans la
membrane externe; 3° enfin, nonobstant la dénéga-
tion de Bebrends , on voit des ramuscules nerveux
traverser la membrane externe des artères , et se ter-
miner dans leur membrane moyenne. Les nerfs des
artères appartiennent , soit aux nerfs sympathiques ,
soit aux nerfs spinaux et trijumeaux.
S 779. Les nerfs ont été examinés dans leur structure
par divers anatomistes. Délia Torre y a trouvé les fibres
1 Voyez Blainville , Principes d’Anatomie comparée , torn.I ;
Paris, 181?..
ANATOMIE GÉNÉRALE.
C64
<»t les globules communs à tous le système nerveux ;
Prohaska et Reil ont encore mieux fait connaître de-
puis leur disposition intérieure. D’après leurs recher-
ches, les nerfs sont composés de cordons, et ceux-ci
de filamens ou de filets très-fins, dont la ténuité est
égale à celle des fils du ver à soie , et qui, dans le nerf
optique seulement, sont du volume d’un gros cheveu.
Ces filamens , qui sont de la même nature que les
fibres ou filets médullaires du cerveau et de la moelle
épinière, n’en diffèrent qu’en ce qu’ils sont plus dis-
tincts, plus séparés les uns des autres; parce qu’une
enveloppe ou membrane propre les entoure : cette
enVeloppe est appelée névrilème, neurhymen , ce qui
signifie membrane des nerfs; Galien s’est déjà servi
de cette expression, dont Reil à fait le premier une
application précise. Le névrilème forme une enveloppe
générale aux nerfs, et fournit des enveloppes partielles
aux cordons nerveux, ainsi qu’aux filamens qui les
composent : il est très-résistant. Lorsqu’on le vide , il
représente un assemblage de petits canaux. Ces ca-
naux s’unissent entre eux, s’abouchent de distance en
distance. Il n’est donc pas exact de dire que les nerfs
sont composés de filets qui se distinguent dans toute
leur longueur; les communications de ces filets entre
eux font qu’ils ne sont plus les mêmes : examinés à la
partie supérieure et à la partie inférieure du nerf,
les cordons nerveux ne sont pas non plus simplement
accolés, mais ils s’envoient des filamens réciproques.
C’est la même disposition que dans les plexus , où il y
a une communication intime entre tous les nerfs, au
moyen des cordons et des filamens qu ils s’envoient.
DES NERFS.
665
Ce que les plexus présentent en grand, on le voit en
petit dans chaque nerf; et les cordons eux-mêmes ne
sont que des plexus de filets nerveux. Vers l’origine
ou l’extrémité centrale des nerfs , le névrilème se con-
tinue avec la pie-mère, mais seulement dans sa por-
tion qui constitue l’enveloppe générale du nerf : les
gaines intérieures des filets nerveux s’amollissent et se
perdent insensiblement , de manière que ceux-ci sont
à nu dans le centre du nerf. On voit également les
nerfs se dépouiller de leur névrilème à leur terminai-
son, partout où on peut les suivre assez loin. Les ca-
naux névrilématiques ne présentent pas à l’intérieur
une surface lisse et polie , comme l’est la surface in-
terne des vaisseaux; ils envoient une foule de prolon-
gemens qui traversent la moelle du nerf et la soutien-
nent : celle-ci n’est point libre et mobile dans le nerf;
ce qu’elle doit en partie à sa consistance, mais ce
qui est dû aussi en partie à cette disposition. Il existe
du tissu cellulaire autour de la gaîne générale et entre
les gaines partielles du nerf, comme on l’observe pour
les faisceaux musculaires et pour les fibres qui les
composent. Dans les névralgies , ce tissu est quelque-
fois le siège d’un œdème ou d’une infiltration qui le
rend, dans certains cas, compact et serré; d’autres fois
d’une congestion sanguine ou d’une rougeur très-
grande, comme Cotugno et d’autres font observé: ce
qui porte à croire que ces affections douloureuses dé-
pendent de son inflammation. De la graisse peut aussi
s’accumuler dans ce tissu. Les fibres médullaires ren-
fermées dans les canaux du névrilème sont de la même
nature que celles du cerveau et de la moelle.
666
ANATOMIE GÉNÉRALE.
§ 780. Les vaisseaux sanguins des nerfs pénètrent
entre les cordons qui les composent, et se divisent,
pour la plupart, en deux rameaux , l’un direct, l’autre
rétrograde. Leur nombre est considérable : tout le né-
vrilème en est couvert, dans les injections heureuses ;
on les voit , à la loupe, se répandre jusque sur le névri-
lème des filets nerveux. Celui-ci est formé de tissu cel-
lulaire fibreux et de vaisseaux sanguins. On ne connaît
pas les vaisseaux lymphatiques des nerfs.
§ 781. La structure des nerfs n’est pas exactement la
même dans tous. Dans la plupart des recherches qui
ont été faites à ce sujet, c’est le nerf optique que l’on a
choisi de préférence , parce que les filets nerveux y sont
plus gros, et qu’il est facile d’y remplir les canaux névrilé-
matiques. Or, ce nerf diffère des autres, en ce que ses
canalicules sont séparés par des cloisons communes ,
qui se détachent de l’intérieur de la gaîne générale. La
structure des nerfs a pourtant aussi été observée dans
d’autres nerfs : c’est surtout dans ceux des muscles,
où les filets sont plus distincts que dans les nerfs
des sens et de la peau , que ces observations ont été
faites.
§ 782. Reil , à qui Ton doit presque tout ce que 1 011
sait sur la structure des nerfs, a très-bien indiqué les
moyens à l’aide desquels on peut observer cette struc-
ture. En lavant un nerf avec de l’eau et de 1 acide ni-
trique, on finit, au bout d’un certain temps, par dé-
truire entièrement le névrilème, et .il reste les filets
médullaires, qu’on peut voir s cntre-croiser, s adosser,
à peu près comme le font les nerfs optiques dans leur
commissure. D’un autre côté, en plongeant le nerl
DES NERFS.
66?
dans la lessive des savonniers , que 1 on peut regarder
comme une dissolution alcaline de sous-carbonate de
soude, on détruit la substance médullaire, et on ob-
tient les gaines névrilématiques. Pour les empêcher
de s’affaisser, on y souffle de l’air ; ce qui est très-facile
en poussant ce fluide dans l’une d’entre elles, puis-
qu’elles communiquent toutes ensemble; le nerf est
ensuite lié à ses deux bouts : desséché dans cet état, il
présente, quand on le coupe , une foule de petits ca-
naux abouchés les uns dans les autres , ce qui lui
donne l’aspect intérieur d’un roseau. Ces observations,
qui, depuis Reil, ont été répétées bien des fois, dé-
montrent les deux différentes substances dont le nerf
se compose.
Les observations de M.Home , sur le nerf optique,
ont montré que les filamens médullaires dont il est
composé vont en augmentant de nombre et en dimi-
nuant de volume de l’origine à la terminaison.
O
§ 783. Les nerfs n’ont que peu ou point d’élasticité;
ils n’offrent aucun mouvement sensible , soit d’oscil-
lation , soit de vibration, lorsqu’on les irrite sur l’a-
nimal vivant. L’irritation d’un nerf produit des dou-
leurs atroces > et détermine des contractions convul-
sives dans les muscles.
§ 784. Les nerfs ont pour fonctions d’être conduc-
teurs du sentiment et du mouvement. Ils transmettent
avec une vitesse incalculable, du centre nerveux aux
muscles, les volitions, et conduisent au centre les sen-
sations produites par l’impression des agens extérieurs.
Leur section, leur ligature, interrompent ces fonc-
tions, et rendent insensibles et immobiles les parties
668
ANATOMIE GÉNÉRALE.
placées au-dessous. L irritation faite au-dessus de 1 in-
terruption détermine des sensations de douleur sem-
blables à celles qu’aurait produites l’irritation de l’ex-
trémité du nerf ; l’irritation exercée au-dessous de
l’interruption produit des contractions , comme celles
qui résulteraient de l’irritation de l’origine du nerf.
§ 785. On a cherché, depuis Hérophile et Galien, s’il
n’y avait pas des nerfs particuliers pour le sentiment
et d’autres pour le mouvement. On a bientôt reconnu
qu’il y avait effectivement des nerfs sensoriaux, comme
la première, la seconde paire, et l’auditif ; des nerfs mo-
teurs, comme la troisième, la quatrième, la sixième,
l’hypoglosse, etc. ; et des nerfs mixtes, comme tous
les nerfs spinaux , qui en effet, se distribuent à la peau
et aux muscles du tronc et des membres; et comme
les nerfs sous-occipital et trijumeaux. Mais les pa-
ralysies et les anesthésies , que l’on observe tantôt
réunies , et tantôt séparées dans les parties du corps
où se distribuent les nerfs à double racine, condui-
saient à supposer que ces nerfs étaient composés de
filets sensoriaux et de filets moteurs distincts. Les ex-
périences de M. Ch. Bell , celles de M. Magendie , et
les miennes propres, ont clairement démontré que la
racine postérieure des nerfs spinaux est sensoriale, et
la racine antérieure motrice.
§ 786. Les nerfs ne sont pas bornés tout-à-fait aux
fonctions de conducteurs : ils ont une activité propre,
qui se manifeste quand ils sont séparés du centre ner-
veux; mais cette activité est beaucoup augmentée par
celle de la moelle, comme celle de la moelle par 1 in-
fluence de l’encéphale; de sorte que le retranchement
DES NERFS.
G6'y
de l’encéphale diminue beaucoup l’activité de la
moelle, que celle de la moelle restreint beaucoup
celle des nerfs, et que plus le nerf est retranché près
d’un muscle, et plus l’influence nerveuse sur sa con-
traction en est diminuée.
§ -787. Les nerfs ont-ils une force de formation ou
de régénération telle , que , coupés en travers, leur réu-
nion ait la texture et remplisse les fonctions nerveuses P
telle même que, divisés avec perte de substance, ils se
reproduisent? Ces questions ont occupé beaucoup de
physiologistes, et notamment Fontana, Monro, Mi-
cliaelis, Arnemann, Cruikshank, Haighton , Meyer, etc.
La plupart de ces expérimentateurs ont résolu affir-
mativement les questions relatives à la reproduction
nerveuse. Arnemann seul, se fondant comme les au-
tres sur une série d’expériences, a adopté une opinion
contraire.
J’ai fait avec un de mes élèves 1 un grand nombre
d’expériences pour résoudre ces questions. Il résulte
de nos observations, i° que la division d’un nerf pro-
duite par une ligature est constamment suivie de la réu-
nion exacte des deux bouts du nerf et du prompt réta-
tablissement de ses fonctions.
20 Que la section incomplète ou la piqûre, que l’on
a accusé de donner lieu, chez l’homme, à des accidens
si graves, ne produit pas ces accidens dans les ani-
maux, et que la réunion et le rétablissement des fonc-
tions ont lieu très-promptement.
1 L. J. Descot , Dissertation inaug. sur les affections
locales des nerfs; Paris, 1822.
ANATOMIE GENERALE.
670
3° Que la section complète d’un nerf dans une par-
tie peu mobile, comme par exemple le long de l’un
des deux os de l’avant-bras du cbien , au cou, dans le
même animal, le long de l’un des os de l’avant-bras
chez l’homme , etc. , est ordinairement suivie assez
promptement d’une réunion exacte et du rétablisse-
ment complet des fonctions.
4° Que dans les parties très - mobiles , comme au
voisinage d’une articulation , lorsqu’un nerf est divisé,
il s’établit, outre l’écartement primitif qui est constant,
un écartement accidentel et variable suivant les mou-
vemens de la partie. Dans ce cas, la réunion se fait beau-
coup attendre; elle est imparfaite si même elle a lieu :
le rétablissement des fonctions est imparfait aussi, ou
même tdut-à-fait nul. C’est à cela qu’il faut rapporter
les résultats de quelques-unes des expériences de
Meyer, et la paralysie permanente que l’on dit résul-
ter de la section du nerf radial à la partie inférieure
du bras.
5° Enfin, que quand il y a déperdition considérable
de substance d’un nerf, soit par une excision, soit
dans une plaie contuse avec destruction, il reste un
grand écartement entre les deux bouts du nerf, et
que jamais les fonctions ne se rétablissent, quel que
soit le nerf affecté ; ce qui suffit pour prouver que les
anastomoses n’y sont pour rien , quand le rétablisse-
ment des fonctions a lieu.
On peut donc conclure de tout ce qui précède , que
les nerfs coupés en travers se réunissent ; et que quand
la réunion n’a pas lieu, cela dépend uniquement de
l’écartement considérable des bouts , déterminé , soit
DES NERFS. 67 I
par les mouvemens de la partie, soit par une perte de
substance.
§ 788. Lorsqu’un nerl a été divisé, il s’établit dans
des premiers jours, autour des bouts, à leur surface et
dans leur intervalle , un suintement de matière orga-
nisable; le tissu cellulaire environnant est pénétré de
la même matière et a perdu sa perméabilité. Dans cet
état, les bouts du nerf sont simplement agglutinés
entre eux et aux parties voisines; les fonctions sont
encore suspendues comme elles l’étaient immédiate-
ment après la section; les deux bouts du nerf, qui sont
gonflés, et surtout le supérieur, le tissu cellulaire en-,
vironnant, et la matière organisable, prennent plus de
consistance , et deviennent très-vasculaires. Dans cet
état , qui dure quelque temps, les deux bouts du nerf
sont réunis par une substance organisée vasculaire;
mais il n’y a pas encore de communication de l’action
nerveuse entre les deux bouts. Avec le temps, le tissu
cellulaire environnant cesse d’être compacte et vascu-
laire; la substance intermédiaire, plus ou moins longue,
suivant le genre de blessure et les circonstances con-
comitantes, diminue peu à peu de volume, de consis-
tance et de rougeur , prend l’apparence et la texture
du nerf (texture constatée par l’application faite par
Meyer de l’acide nitrique à la cicatrice nerveuse) , à
partir des extrémités vers le milieu de leur intervalle,
et finit par en remplir les fonctions, d’autant plus
exactement et d’autant plus vite , que l’écartement était
nul entre les bouts , comme dans le cas de ligature, ou
peu considérable , comme dans le cas de section sim-
ple , ou d’une très-courte excision dans une partie peu
Gj2 anatomie générale*.
mobile. Au contraire , quand l’écartement est considé-
rable, la réunion est nulle, ou bien elle n’a lieu que
par du tissu cellulaire qui n’acquiert pas , à une cer-
taine distance de l’extrémité , la structure et les pro^
priétés nerveuses. Le temps nécessaire pour le rétablis-
sement complet de la structure et des fonctions n’est
pas exactement connu; il a été certainement exagéré
par ceux qui ont avancé qu’il devait être de plusieurs
années : on peut le porter à six semaines ou deux mois
environ.
§ 789. La section des nerfs pneumo-gastrique et tris-
planchnique réunis , comme ils le sont dans le chien ,
produit constamment la mort, quand elle est prati-
quée des deux côtés à la fois. C’est sur ces nerfs que
l’on peut surtout étudier simultanément la réparation
du tissu et le rétablissement des fonctions, d’après les
expériences de Cruiksbank, d’Haighton , et celles qui
nous sont propres.
Voici ce que nous avons vu arriver dans cette section,
répétée à divers intervalles.
Ayant coupé le même jour les deux nerfs pneumo-
gastriques à deux chiens différens, l’un est mort trente
heures après l’opération ; l’autre, plus de soixante-six
heures après cette double section. Un autre animal ,
après un intervalle de neuf jours entre les deux sec-
tions, est mort dans la nuit du quatrième au cin-
quième jour. Chez un quatrième, la seconde section
ayant été faite au bout des vingt et un jours, la mort
n’est survenue que le vingt-cinquième après cette se-
conde section. Enfin, sur un dernier animal, la se-
conde section a été pratiquée trente deux jours après
DES NERFS.
f>y3
la première, et l'animal a survécu un mois entier..
A cette époque, c’est-à-dire deux mois après la pre-
mière section, nous avons trouvé le premier nerf di-
visé complètement réuni. Ce chien a succombé à un
empyème qui s’est développé dans la cavité gauche
de la poitrine. Enfin Haighton a coupé le second
nerf pneumo-gastrique six semaines après le premier,
et l’animal a survécu dix -neuf mois, après lequel
temps il fut tué. On a prétendu que l’action ner-
veuse , de même que l’action galvanique , pouvait
s’établir à travers une substance autre que le tissu
nerveux , comme un liquide ou du tissu cellulaire
humecté ; on a prétendu aussi que l’action nerveuse
pourrait s’exercer à distance, ét franchir l’intervalle
qui existerait entre les bouts du nerf; on a prétendu
enfin que le rétablissement des fonctions pouvait
avoir lieu par des branches anastomotiques. Si c’était
par l’une ou l’autre des deux premières causes que
l’action nerveuse fut continuée , cette action ne de-
vrait pas être un seul instant suspendue, et les ani-
maux ne mourraient dans aucune des expériences ci-
tées ci-dessus: Quant au rétablissement des fonctions
nerveuses au moyen des anastomoses, il est contredit
par un grand nombre de cas, dans lesquels le nerf
ayant été, sur certains sujets, coupé , et, sur d’autres,
excisé ou détruit par la cautérisation , les fonctions se
sont rétablies dans le premier cas, et point dans le se-
cond. Le rétablissement par les anastomoses est sur-
tout démenti par une expérience qui consiste à re-
couper le même jour, dans l’endroit de la réunion , les
nerfs pneumo-gastriques cicatrisés après la section
43
i.
ANATOMIE GENERALE.
674
pratiquée antérieurement sur ces deux nerfs, à un in-
tervalle convenable. L’animal, qui avait survécu jusqu’à
ce moment, meurt dans l’espace d’un à deux jours.
Ce n’est donc , ni par l’interposition d’une substance
simplement humide entre les deux bouts du nerf di-
visé, ni par l’action à distance du système nerveux, ni
enfin par les anastomoses, que s’opère le rétablisse-
ment des fonctions nerveuses, mais bien par une vé-
ritable cicatrice nerveuse. L’on voit, en effet, les
fonctions , d’abord tout-à-fait détruites , se rétablir gra-
duellement, et suivre, dans leur rétablissement, tous
les progrès de la réunion organique. On ne peut nier
cependant que l’action nerveuse ne se propage à un
certain degré d’une partie à l’autre d’un nerf simple-
ment divisé : cela est prouvé par des expériences de
M. Wilson Philip, répétées en France r.
§ 790. Les nerfs sont sujets à d’autres altérations que
celles qui résultent de leurs lésions physiques : telles
sont l’inflammation ou neuritis, les tumeurs ou né-
vrômes. Les unes consistent en un tubercule sous-cu-
tané graniforme ou pisiforme, dur et très-douloureux;
les autres en un tissu squirrheux plus ou moins
volumineux. Les névralgies et les insensibilités loca-
les, les paralysies et les convulsions partielles, sont
les résultats ordinaires des affections locales des nerfs;
en outre , ces affections locales se propagent quelque-
fois au centre nerveux, et donnent ainsi lieu à des
névroses générales.
T Vavasseur, de l’Influence du système nerveux sur la
digestion stomacale; Paris, i8a3.
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 6jC>
TROISIÈME SECTION.
DES GANGLIONS ET OU NERF SYMPATHIQUE.
§ 79 i , Les ganglions nerveux sont des corps ronds
ou obronds , formés de filets nerveux médullaires et
d’une substance propre, placés sur le trajet des nerfs,
et surtout des nerfs des fonctions végétatives.
§ 792. Le nom de ganglion, yuyyXiot, a été employé
par Hippocrate, pour désigner les tumeurs des gaines
des tendons. Galien l’a le premier appliqué aux nodo-
sités des nerfs, par comparaison aveç les ganglions
morbides. J. Riolan fils et Vieussens se sont servis du
même nom ; d’autres ont employé celui de plexus gan-
gliforme : celui de ganglion est généralement usité
#
aujourd’hui.
MM. Gall, Reil, Walther, de Blainville , etc., ont
étendu le sens du mot ganglion, et l’ont appliqué à la
substance grise qui existe à l’intérieur de la moelle ,
aux amas de substance grise qu’on trouve dans la
moelle allongée et dans les pédoncules du cervelet et
du cerveau, comme les éminences olivaires, le corps
festonné ou rhomboïde du cervelet, les couches opti-
ques et les corps cannelés; on l’a étendu même aux
lobes olfactifs, aux hémisphères du cerveau , aux tu-
bercules et au cervelet ; on a enfin confondu les gan-
glions avec les plexus et avec les expansions nerveuses
sensoriales. Ce sont des rapprochemens forcés et déjà
combattus par Walther l’ancien, Reimar et Sœmme-
ring. Ce n’est pas dans ce sens que le mot ganglion est
employé ici.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
6j6
§ 793. Les ganglions ont été particulièrement étu-
diés et. décrits par Meckel 1 , Jonstone 2 , Haase 3 ,
Scarpa .4 1 Bichat 5 , Weber 6 et surtout Wutzer 1. On
peut rapporter à deux opinions principales , diverse-
ment modifiées, celles que les anatomistes et les phy-
siologistes se sont faites sur la texture et la fonction
des ganglions : les uns, les regardant simplement comme
des plexus serrés, ne regardent les nerfs qui en par-
tent que comme des divisions éloignées des nerfs spi-
naux et crâniens; les autres, considérant les ganglions
comme des centres nerveux spéciaux, considèrent les
nerfs qui en émanent comme indépendans du système
cérébral. On verra que ces deux opinions opposées
doivent être combinées et se modifier mutuellement.
§ 794. Les animaux inférieurs , c’est-à-dire les
rayonnés, les mollusques et les articulés, ont des ren-
flemens nerveux qu’on a voulu assimiler aux ganglions
des vertébrés. Mais dans les animaux invertébrés , les
mêmes nerfs appartiennent à tous les genres d’organes
et de fonctions tandis que dans les vertébrés les nerfs
grands sympathiques ( et, jusqu’à certain degré, les
nerfs pneumo-gastriques ) appartiennent spécialement
* Histoire de PAcad. de Berlin, ann. 1749 et 1753.
2 Essais on the use of tlie Ganglions , etc., 1771. — Medical
Essais y etc., I7<j5.
3 De Gangliis nervorum ; Lipsiœ, 1762.
4 De nervorum Gangliis et plexubus ; Mutinœ , 1779.
5 Anatomie générale. ,
G De. Systcrnate nerveo organ . ; Lipsiœ , 1817.
7 De corporis humani Gangliorum fabrica , atque usu ;
Berolini, 1817.
dks ganglions et du nerf sympathique. 677
aux organes des fonctions végétatives. M. Wéber à
comparé les ganglions spinaux des vertébrés aux
ganglions des animaux inférieurs.
Dans les animaux vertébrés , les seuls qui aient
de vrais ganglions nerveux comparables à ceux de
l’homme j on voit ces ganglions augmenter, surtout
ceux du nerf sympathique , et le nerf pneumogastri-
que diminuer à mesure que l’encéphale se développe;
de sorte que ce sont les poissons qui ont le plus petit
nerf sympathique ^t le plus grand pneumo-gastrique ,
et vice versa pour les mammifères : comme si les fonc-
tions végétatives devaient être plus soustraites à l’in-
fluence de l’encéphale, à mesure que cet organe est
moins soumis à l’instinct. *
§ 795. Les ganglions ont été divisés en plusieurs
sortes par ceux qui les ont décrits avec le plus d’exac-
titude. Scarpa les divise en simples ou spinaux, et en
composés. M. Wéber les divise en ganglions de ren-
forcement : ce sont ceux des nerfs spinaux et quelques
uns de ceux des nerfs crâniens ; et en ganglions d’ori-
gine : ce sont ceux du nerf sympathique, auxquels il
rattache l’orbitaire et le maxillaire. M. Ribes1 divise les
ganglions en trois séries : il range dans la première les
rachidiens ou spinaux; dans la seconde , ceux qui se
trouvent dans le trajet du trisplapchnique; et tous ceux
qui sont situés plus en dedans, dans la troisième.
M. Wutzer les classe en ganglions du système cérébral,
du système spinal et du système végétatif ou sympa -
1 Exposé sommaire de quelques recherches anat. , phys. et
pathol. , dans les Mém. de laSoc. méd. d’émulation. , vol. VIII.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
678
thique. Je les divise en deux sortes : i° les ganglions
des nerfs encéphaio - rachidiens , les uns, les plus
nombreux et les plus réguliers, appartenant aux nerfs
à double racine , quelques autres placés dans le trajet
des nerfs à une seule racine; 2°les ganglions des deux
nerfs sympathiques, les uns formant une double sé-
rie longitudinale, et quelques autres rapprochés de la
ligne médiane.
§ 79(3. Le nombre des ganglions est très - grand
comme on le verra. Ils sont tous situés au tronc ; c’est
sans raison que Lancisi en a indiqué dans les mem-
bres. Leur volume varie depuis celui d’une olive jus-
qu’à celui d’un grain de millet; leur forme est ronde,
olivaire, lenticulaire, etc.
§ 797. Les ganglions sont composés de deux subs-
tances intérieures : la première médullaire, blanche;
la seconde pulpeuse, d’un gris rougeâtre. La substance
médullaire est rassemblée en cordons et en fils , comme
dans les nerfs sensitifs et moteurs. Ces filamens mé-
dullaires intérieurs sont visiblement la continuation
des nerfs tenant au gangHon. Le ganglion cœliaque
est le seul où cette continuation soit peu manifeste.
Ces filamens se reconnaissent encore à leur couleur et •
à leur forme. L’action des alcalis et des acides sur eux ,
les fait reconnaître , au milieu même des ganglions ,
pour des filamens médullaires nerveux.
Ces filets, en pénétrant dans les ganglions, se dé-
pouillent de leur névrilème, qui s’unit intimement à
la membrane extérieure du gànglion. Ces filets ont
leur surface moins exactement déterminée que dans
les nerfs; leur surface paraît plus lâche, comme fondue-
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 679
ou intimement unie avec la substance adjacente. Ces
filets médullaires ont d’ailleurs une assez grande téna-
cité.
§ 798. La seconde substance des ganglions établit non-
seulement la différence entre les nerfs et les ganglions ,
mais encore entre les ganglions et les plexus. Cette subs-
tance a été beaucoup négligée par les anatomistes, qui,
considérant les ganglions comme des plexus plus serrés,
ne l’ont regardée que comme destinée à séparer ou à
réunir les filets nerveux (Scarpa), ou à remplir les
fonctions de tissu cellulaire (Haase). La matière qui
entoure les filets médullaires des ganglions est un
tissu cellulaire particulier, dont les interstices sont
remplis d’une pulpe mucilagineuse ou gélatineuse ,
d’une couleur rougeâtre cendrée, jaunâtre dans quel-
ques ganglions. Cette couleur , comme celle des autres
organes, ne dépend pas uniquement de la quantité de
sang qu’ils reçoivent.
Cette substance secondaire n’est pas également abon-
dante , et n’est pas tout-à-fait unie à la substance mé-
dullaire de la même manière dans tous les ganglions.
§ 799. Scarpa dit que cette matière pulpeuse est de
la graisse dans les cadavres très-gras. M. Meckeî paraît
être du même avis. Bicliat pense, au contraire, que les
ganglions ne se transforment jamais en graisse. Les
observations de M. Wutzer, et les miennes propres,
sont tout-à-fait d’accord avec celles de Bichat. Dans
les sujets très-gras, il s’accumule , sous la membrane
des ganglions, de la graisse qui, quand elle est en
grande quantité, entoure non-seulement le ganglion,
68 o
ANATOMIE GENERALE.
mais le comprime et' en diminue le volume ; cepen-
dant il n’est jamais lui-même changé en graisse.
§ 800. Les ganglions sont enveloppés d’une mem-
brane cellulaire ou fibreuse, différente dans les divers
genres de ganglions.
§ 801. Les vaisseaux sanguins des ganglions sont
très - nombreux. Les artères proviennent des troncs
voisins : elles se ramifient d’abord dans la membrane,
où elles forment un réseau 7 des rameaux déliés pénè-
trent dans le tissu filamenteux et pulpeux du ganglion ;
quelquefois des rameaux artériels pénètrent dans le
ganglion avec des filamens nerveux , et les accompa-
gnent. Les veines offrent une distribution semblable.
O11 ne sait rien touchant les vaisseaux lymphatiques de
ces organes.
§ 802. Les filets médullaires ne présentent point
d’interruption dans les ganglions ; ils établissent une
continuité ou une liaison non interrompue entre les
cordons nerveux, dans le trajet desquels les ganglions
sont placés. Ces filets médullaires contractent des con-
nexions dans l’intérieur du ganglion, et les parcourent
en diverses directions, de manière à réunir entre eux
tous les cordons qui en dépendent. De là résulte la
figure irrégulière et la complication intérieure des
ganglions sympathiques latéraux et médians, qui sont
placés au milieu de beaucoup de cordons nerveux, et
la forme ovoïde régulière, ainsi que la direction sim-
plement longitudinale des fdets des ganglions spinaux.
§ 8o3. Bichat avait déjà tenté sur les ganglions quel-
ques essais chimiques, qui lui avaient appris qu il 11 y
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 68 1
a rien de commun entre leur substance et celle du cer-
veau. Quelques anatomistes cependant, ayant continué
de confondre avec les ganglions, les renfle mens de la
niasse nerveuse centrale , composés de substance blan-
che et de substance grise, M. Wutzer a entrepris une
série d’expériences chimiques comparatives sur les
ganglions et sur des mélanges de substance blanche
et grise du cerveau et du cervelet. Il résulte de ces
expériences qu’il y a une différence réelle entre ces
deux objets; que les ganglions diffèrent des nerfs
par une plus grande proportion de gélatine, et plus
encore de l’encéphale par l’excès de gélatine, par une
plus grande quantité d’albumine, et par une moindre
proportion de graisse. M. Lassaigne1 a fait l’analyse
chimique des ganglions gutturaux du cheval, et les a
trouvés composés, i° de fibrine, pour la plus grande
partie; 2° d’albumine concrète en petite quantité;
3° d’albumine soluble; 4° de traces de matière grasse ;
5° de phosphate et de carbonate de chaux. M. Lobs-
tein a observé que, quoiqu’ils résistent plus que les
nerfs à la putréfaction , ils se convertissent prompte-
ment en gras , par l’immersion dans l’eau.
§ 8o4- Les ganglions de la première sorte sont ceux
que l’on trouve sur le trajet et à peu de distance de
1 origine des nerfs de la moelle épinière. Il y en a, de
chaque côté , trente , que l’on nomme spinaux, un sur
le nerf trijumeau, qu'on appelle ganglion de Gasser,
un ou deux sur le nerf vague, et un sur le glosso-pha-
ryngien. Les ganglions spinaux, aperçus d’abord par
Lassaigne, dans le Journal de physiologie , vol. I.
682
ANATOMIE GÉNÉRALE.
Volcher-Coïter, au nombre de trente de chaque côté,
ont la forme ovoïde ou olivaire. Ils appartiennent
à la racine postérieure seulement des nerfs spinaux;
l’antérieure n’est unie au ganglion que par du tissu
cellulaire lâche. Haase a le premier fait cette observa-
tion, confirmée depuis parProchaskaet Scarpa.Les ana-
tomistes qui les ont précédés croyaient que les deux ra-
cines du nerf concouraient à la formation du ganglion.
La membrane des ganglions spinaux, fournie parla
dure-mère, paraît plus ferme, plus dense et plus solide
que celle des autres ganglions. Le ganglion lui-même
en est si étroitement enveloppé, qu’il paraît très-dur.
La substance pulpeuse enveloppe les filets médullaires
plus lâchement que dans les autres, et en est plus disr
tincte et plus aisément séparable.
Les fascicules médullaires entrés par l’extrémité pos*
térieure ou interne du ganglion, se divisent en trois,
quatre ou cinq filamens blancs. Ils s’écartent d’abord les
uns des autres, puis se rapprochent vers l’autre extré-
mité. Ces filets se réunissent entre eux en se mêlant;
de sorte que chaque cordon sortant est formé de filets
qui proviennent probablement de plusieurs cordons
entrans. Cependant le nombre , la ténuité et la confu-
sion des filets ne sont pas très-grands. Les ganglions
spinaux ont une texture simple comparativement aux
autres.
Les fascicules nerveux rassemblés à leur sortie du
ganglion se réunissent intimement, après un trajet d a
peine deux lignes, avec ceux de la racine antérieure,
pour former le tronc commun des nerfs spinaux; tronc
qui n’a lui-même qu’une longueur d’une ou deux lignes
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 683
avant de se diviser en rameau antérieur et en rameau
postérieur.
Le tronc commun de chaque nerf spinal, à peu de
distance du ganglion , fournit un rameau simple , sou-
vent double, rarement triple , qui se porte vers le gan-
glion voisin du tronc nerveux sympathique, et s’y joint
de manière à établir la liaison la plus intime entre les
nerfs de la moelle, la moelle elle-même, et le nerf
grand sympathique. Les anatomistes, et surtout les phy-
siologistes, ont beaucoup discuté sur la question de sa-
voir si le rameau de communication vient de l’une ou
de l’autre racine. J’ai vu, comme Scarpa et comme
M. Wutzer, que le rameau simple ou double vient du
tronc commun inextricable, et que, quand on peut le
poursuivre, on trouve qu’il vient de l’une et de l’autre
racine. Ce rameau communiquant, semblable, à son
origine, aux nerfs spinaux, arrivé à environ une ligne
des ganglions du nerf sympathique, rougit et prend
successivement les caractères de ce nerf.
Le ganglion de la cinquième paire de nerfs , ou le
ganglion de Gasser, appartient évidemment à la série
des ganglions spinaux, dont il ne diffère que par la
forme. Les fascicules nerveux blancs qui passent au-
dessous , sans en faire partie, que Paletta proposait
de considérer comme des nerfs particuliers, ressem-
blent tout-à-iait à la racine antérieure des nerfs spinaux.
Les ganglions du nerf vague et du nerf glosso-pha-
ryngien ressemblent encore, pour la forme et pour la
texture, aux ganglions spinaux.
Le tronc même du nerf vague a une texture tout-à-
fait particulière et différente des autres nerfs, sans
ANATOMIE GENERALE.
684
résulter cependant d’une série linéaire de ganglions,
comme le disait Reil. Il ressemble beaucoup au tronc
du nerf sympathique,
§ 684. La seconde sorte de ganglions comprend la
série des trois ganglions cervicaux, des douze thora-
ciques, des cinq lombaires et des quatre sacrés, appar-
tenant de chaque côté au tronc du nerf sympathique.
Les ganglions ophtlialmique, sphéno-palatin , et maxil-
laire, sont encore de la même sorte. Il faut y joindre le
ganglion cardiaque, souvent remplacé par un plexus,
les ganglions sémi.lunaires ou cœliaques, et beaucoup
d’autres, placés dans le plexus solaire et dans ses di-
visions ; le petit ganglion coccygien, qui se trouve quel-
quefois à la réunion des deux nerfs sympathiques, vis-
à-vis le sommet du sacrum; et le petit ganglion palatin,
qui existe quelquefois dans le conduitpalatin antérieur;
enfin l’on y joint aussi quelques ganglions variables,
que l’on trouve quelquefois sur les parois des ar-
tères, où ils remplacent des plexus, comme le ganglion
de l artère communiquante antérieure, celui du sinus
cavernenx, celui de lartère temporale profonde, etc.
Tous ces ganglions ont en général une figure irré-
gulière et variable; ils ont en général des connexions
avec plusieurs troncs ou plusieurs rameaux nerveux.
La direction des filets médullaires qui les traversent
est très-compliquée, et rarement ces filets les traver-
sent simplement d’un côté à l’autre. La substance pul-
peuse de ces ganglions est si fortement unie aux filets
médullaires , qu’il est très-difficile de les en séparer.
Cette substance d’ailleurs paraît différer de celle des
autres ganglions : elle est plus dure, plus sen ée, plus
des glanglions et du nerf sympathique. 685
tenace. Gela est surtout remarquable clans les ganglions
cœliaques et clans ceux de leurs plexus. La membrane
des ganglions de cette série est cellulaire et ferme, mais
n’a point la solidité fibreuse de celle des ganglions
spinaux.
§ 806. Les cordons et les rameaux nerveux , les
nerfs, en un mot, qui réunissent ces ganglions, diffèrent
notablement de ceux qui tiennent immédiatement à la
moelle. Au lieu de diminuer, comme ceux-ci , à mesure
qu’en s’éloigant de leur origine ou de leur extrémité
centrale ils fournissent des divisions successives, on
les voit indifféremment diminuer ou augmenter, ou ne
pas changer de volume en s’éloignant des ganglions. Les
nerfs ganglionnaires ont une moindre force de cohésion
ou plus de fragilité que les autres. L’enveloppe exté-
rieure des ganglions se continue sur les nerfs jusqu’à
une certaine distance; au-delà du point où cette con-
tinuation cesse d’être apparent^, le névrilème paraît
plus mince et plus intimement uni à la substance mé-
dullaire que dans les autres nerfs. Leur substance in-
terne résulte , comme celle des ganglions, defilamens
médullaires et de substance pulpeuse, grise, rougeâtre,
qu’on peut à peine en séparer; les filets, ouïes rameaux
réunis pour former un cordon, sont eux-mêmes à peine
séparables; les nerfs ganglionnaires, enfin, semblent
formés par les mêmes substances que les ganglions ,
ceux-ci étant seulement allongés en cordons. Cepen-
dant les nerfs des ganglions ne sont pas tous absolument
semblables : ceux qui unissent les ganglions spinaux à
ceux du nerf sympathique, et les nerfs splanchniques,
qui vontdes ganglions thoraciques du sympathique aux
686
ANATOMIE GÉNÉRALE.
ganglions cœliaques, semblent intermédiaires, par leur
couleur blanche, leur forme cylindrique, leur com-
position fibrillaire, leur fermeté et leur ténacité, entre
les nerfs de la moelle et les nerfs gris rougeâtres,
aplatis, irréguliers, pulpeux, mous et fragiles du nerf
sympathique. Scarpa prétend que les nerfs sympathi-
ques peuvent être analysés par l’anatomie, et réduits en
filets comme les autres. Je crois que cela est impossi-
ble, surtout dans les nerfs qui forment les plexus mé-
sentériques ou intestinaux.
§ 807. Le nerf sympathique 1 , intercostal ou tris-
planchnique, est un cordon nerveux et ganglionnaire ,
étendu depuis la tête jusqu’au bassin , tenant, par des
rameaux anastomotiques ou des racines , à tous les
nerfs spinaux et au trijumeau, et fournissant de nom-
breux rameaux aux organes des cavités splanchniques
du tronc.
L’extrémité céphalique de ce nerf pénètre dans le
crâne par le canal carotidien et le sinus caverneux, où
il forme un plexus et souvent un ganglion sur l’artère
carotide; il envoie de là des filets anastomotiques au
nerf de la sixième paire, et communique avec le filet
inférieur du vidien ; il envoie des plexus secondaires
sur les branches de l’artère carotide interne, et peut
1 Walter, Tabulœ nervorum thoracis et abdominis ; Berol.
1783. — H. A. Wrisberg , de Nervis arterias venasque comi-
tcuitibus. — De Nervis pha/yngeis. — De Ganglio plexuque se-
milunari. — De Nervis viscerurn abdominalium, etc., in Com-
ment. ; Gotting. — Chaussier , Table synoptique du nerf tris—
planchnique. — Lobstein , De Nervi sympathetici humanifa-
brica } usu et morbis ; Paris 1823. 4°, cum tabulis.
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 687
être poursuivi jusqu’à un petit ganglion impair placé
sur l’artère communiquante antérieure du cerveau.
Il consiste ensuite en trois ganglions cervicaux,
douze thoraciques, cinq lombaires et quatre sacrés, et
en leurs cordons de communication placés de chaque
coté de la face antérieure de la colonne vertébrale.
Dans toute la longueur dunerf, chaque ganglion pré-
sente des filets anastomotiques externes, ou des racines
et des filets internes ou des rameaux.
Sous ce rapport, on peut comparer le nerf sympa-
thique à une tige souterraine ou à un rhizome articulé,
qui, à chaque nœud, présente d’un côté des racines,
et de l’autre des rameaux, lesquels, les uns comme les
autres, s’en écartent à angle droit ou au moins très-
grand.
Les rameaux du grand sympathique se rendent aux
organes situés à la face, au col, dans la poitrine, dans
l’abdomen proprement dit, et dans le bassin.
L’extrémité pelvienne du nerf sympathique consiste
en un petit ganglion ou en une anse, dans lesquels les
deux nerfs se réunissent, et qui fournissent quelques
filamens déliés aux environs de l’anus.
Les rameaux internes des nerfs sympathiques se por-
tent, les uns directement sur des artères et leur for-
ment des plexus, les autres, en bien plus grand nombre,
gagnent la ligne médiane, et forment là , en se réunis-
sent à ceux du côté opposé, des ganglions ou des plexus
médians (le cardiaque et le cœliaque), qui communi-
quent avec des rameaux du nerf pneumo - gastrique ,
qui fournissent des plexus et des ganglions secondaires,
et se terminent au cœur, à l’aorte, au canal digestif ,
688
ANATOMIE GÉNÉRALE.
aux organes urinaires et génitaux, mais surtout aux ar-
tères de ces organes.
§ 808. Des interruptions rares, et peut-être mal ob-
servées, dans le tronc du nerf sympathique, ont porté
quelques anatomistes à regarder l’existence de ce tronc
comme une circonstance de peu d’importance. Il y a
de l’exagération dans cette opinion. Cependant ses ra-
cines sont bien sûrement dans les nerfs spinaux, et non
dans le nerf vidien et dans la sixième paire.
Les rameaux du nerf sympathique ne diffèrent pas
seulement de ceux des autres nerfs, mais ils diffèrent
encore beaucoup les uns des autres : chaque ganglion
et surtout chaque plexus de rameaux ont leur carac-
tère propre ou spécial.
Le nerf sympathique a été considéré, par Sœm-
mering surtout, comme le nerf des artères : à la vé-
rité les artères en reçoivent beaucoup de rameaux;
mais le tissu musculaire du cœur , celui du canal
digestif, la membrane muqueuse de ce canal et des
voies urinaires et génitales, les ligamens, les os même
de la colonne vertébrale , en reçoivent des filets. Il
est remarquable que les veines, les vaisseaux et les
glandes lymphatiques en soient dépourvus, ainsi que
les membranes séreuses. On en trouve au contraire
dans les muscles longs du col, dans les intercostaux,
dans le diaphragme.
§ 809. Les ganglions spinaux sont, avec leurs nerfs,
les premières parties visibles du système nerveux.
Les ganglions et le tronc nerveux du trisplanch-
nique sont apparens dans le fœtus dès le troisième mois.
Ll ganglions cœliaques et les nerfs splanchniques qui
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 689
en sont comme les racines , se développent un peu
moins promptement que les ganglions cervicaux et les
nerfs cardiaques. Dans la vieillesse, les ganglions et
leurs nerfs sont plus pâles et plus secs que dans l’âge
adulte.
On trouve les ganglions et les cordons des nerfs
sympathiques dans les fœtus privés de cerveau, et dans
ceux qui sont privés de cerveau et de moelle.
§ 8 1 o. Les animaux 1 vertébrés sont les seuls qui aient
un. système nerveux particulier pour les organes des
fonctions végétatives.
Dans les poissons, le nerf sympathique consiste en
un filet très-fin, avec peu ou point de ganglions.
Dans les reptiles, il est plus distinct : ilréunit entre
eux les nerfs inter-vertébraux , et pénètre dans le
crâne, uni au nerf vague.
Dans les oiseaux, il pénètre dans le crâne avec le
nerf vague et le glosso- pharyngien ; il communique
avec la cinquième et la sixième paire ; il présente au
col une interruption apparente , tenant à ce qu’il est
là contenu dans le canal vertébral : il est très-distinct
et ganglionnaire dans la poitrine, et se prolonge jus-
qu’aux vertèbres caudales.
Dans les mammifères, le nerf sympathique ne dif-
fère pas beaucoup de celui de l’homme.
§ 8 1 1 . MM. Meckel et W éber ont fait remarquer que
le nerf sympathique est d’autant plus petit, relativement
au corps, que l’animal est plus éloigné de l’homme.
Une seconde observation générale , est que le nerf
1 Weber, Anatomia compar. nervi sympath. ; Lips. , 1817.
44
1
ANATOMIE GÉNÉRALE.
69°
sympathique et le nerf vague sont en rapport inverse
de développement; de sorte qu’ils sesuppléent mutuel-
lement dans la vie végétative , à laquelle ils appartien-
nent l’un et l’autre. Il faut aussi remarquer que le
nerf sympathique est développé dans tous les animaux
en proportion de leur appareil circulatoire, auquel il
appartient en grande partie.
§ 812. Le système nerveux ganglionnaire, qui existe
dans tous les animaux, qui, dans les vertébrés, forme
encore un système à part en connexion avec le centre
nerveux dont il précède le développement; qui con-
serve d’une part l’état de dissémination que présente le
système nerveux des invertébrés , et qui forme aussi
quelques centres principaux, comme le plexus car-
diaque, et surtout les ganglions, et le plexus cœliaque
ou solaire, qu’on a appelé cerveau abdominal ou
épigastrique, doit avoir une grande importance dans
l’organisme. Mais, avant d’exposer les fonctions du
nerf sympathique , il faut examiner celles des gan-
glions.
§ 81 3. Willis a eu sur les ganglions et sur le nerf
sympathique une idée assez conforme à celle que
l’on en a aujourd’hui : il considérai! les ganglions
comme des diverticules des esprits, et le nerf sym-
pathique comme placé entre les conceptions cérébrales
et les affections précordiales, entre les actions et les
passions, de manière à établir un consensus entre les
parties.
Yieussens considère aussi le nerf intercostal comme
un intermédiaire sympathique entre le cerveau et les
viscères des deux autres cavités; il place dans les gan-
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 69 1
glions , qu il appelle plexus, un centre d’action mus-
culaire et fermentatif. Lancisi regardait aussi les gan-
glions comme des centres d’impulsion qu’il comparait
au cœur.
Winslow, qui ale premier employé le nom de nerf
sympathique, regardait les ganglions comme des cen-
tres d’origine, de véritables petits cerveaux.
Meckel attribua pour usage aux ganglions , i° de
diviser les rameaux nerveux en ramuscules, et ceux-ci
en filamens ; i° de faire parvenir des rameaux par di-
verses directions à des lieux éloignés; 3° de réunir
plusieurs rameaux en un seul cordon.
Zinn soutint la même opinion , en ajoutant que les
rameaux réunis de différens points dans un ganglion , •
sont plus intimement mêlés que dans les plexus.
Johnstone regarda les ganglions comme des cer-
O DD
veaux capables de développer et de communiquer
la force nerveuse, comme l’origine des nerfs invo-
lontaires, et comme propres à rompre l’influence de
la volonté sur les organes à mouvemens involontaires,
tels que le cœur.
Haase, qui a rapproché les ganglions des plexus, a
combattu l’opinion de Johnstone par ces deux argu-
mens: que des muscles volontaires reçoivent des nerfs
des glanglions spinaux , et que des organes involon-
taires , comme l’estomac, en reçoivent du nerf vague.
Scarpa adopte une opinion semblable à celle de
Meckel et de Zinn : suivant lui, les ganglions ont
pour usage de séparer, de mêler et de réunir de nou-
veau les filets nerveux; suivant lui, les nerfs des vis-
cères émaneraient directement des nerfs spinaux et des
ANATOMIE GÉNÉRALE.
f*)?.
cinquième et sixième paires, et seraient seulement
rassemblés dans les ganglions.
O O
Toutes ces opinions, comme on le voit, peuvent
être rapportées à deux. Les uns, comme Meckel, Zinn,
Haase, Scarpa , et, plus récemment, Legallois, n’ont
vu dans les ganglions qu’un arrangement particulier,
une disposition anatomique des filets nerveux : les
autres, comme Winslow , Johnstone, Lecat, Petit,
Metzger , etc. , ont regardé les ganglions comme des
points d’origine, et surtout comme descentres d’action
nerveuse. Personne n’a défendu cette dernière idée
avec plus de chaleur et de talent que Bichat. Reil,
M. Autenrieth , M. Wutzer, M. Broussais, et beaucoup
d’autres, ont ajouté de nouveaux argumens à ceux de
notre célèbre compatriote, dont ils ont à peu près em-
brassé l’opinion.
§ 8 1 4 • Bichat regarde le système nerveux organi-
que comme résultant essentiellement de centres nom-
breux ou de ganglions réunis entre eux par des filets, et
le tronc nerveux sympathique lui -même comme une
série de ganglions et de filets anastomotiques. Bichat a
peut-être accordé aux ganglions une importance exa-
gérée ; mais certainement il n’a pas accordé à leur
ensemble, à leur réunion, toute l’importance quelle
mérite.
Suivant Reil , le nerf sympathique constitue un sys-
tème propre, qu’il appelle système ganglionnaire; il
l’appelle aussi système nerveux végétatif. Dans les ani-
maux vertébrés , il est uni au svstème cérébral ou
animal, mais il n’en émane pas. Ce système, «au lieu
d’avoir un centre unique où les racines soient im-
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 6^3
plantées, a plusieurs loyers d’action : i° il consiste en
des plexus ou réseaux placés autour des artères; ori
en compte environ douze : parmi eux, un principal ,
l’épigastrique, muni de ganglions, et formant des plexus
secondaires, est une sorte de centre ou de cerveau.
a° Ces plexus sont liés au système cérébro-spinal par
des rameaux et des plexus conducteurs : les deux
troncs réunis en bas, devant le coccix,eten haut par
les cinquième et sixième paires et par le cerveau ,
constituent une périphérie elliptique qui embrasse
tout le système des ganglions et des plexus, et dans
laquelle pénètrent plusieurs nerfs cérébraux, notam-
ment la huitième paire. 3° Les rameaux ou plexus
conducteurs transmettraient des sensations et des vo-
ûtions, s’ils étaient des conducteurs parfaits; mais on
peut les considérer comme des semi-conducteurs, et
les ganglions comme des corps isolans.
Il résulte de là deux systèmes nerveux et deux
sphères d’activité nerveuse: i° la sphère animale, où
les impressions sont senties, où les voûtions déter-
minent les mouvemens ; 2° la sphère végétative, où
l’activité nerveuse est départie lentement , continuelle-
4
ment, obscurément. Dans ce système les impressions,
sans être propagées au centre animal, déterminent
des mouvemens. Dans l’état malade , cependant , les cor-
dons et les plexus communiqyans deviennent conduc-
teurs, les ganglions cessent d’être isolans, les impres-
sions sont senties, et les mouvemens sont influencés
par le centre animal.
Suivant Reil encore, dans le sommeil magnétique,
la séparation des deux systèmes nerveux disparaîtrait.
6p4 ANATOMIE GÉNÉRALE.
et le centre nerveux épigastrique, centre delà sphère
végétative, deviendrait un sens distinct.
M. Autenrieth considère le nerf sympathique
comme naissant du cerveau et de la moelle, mais en
devenant de plus en plus indépendant à mesure qu’il
en est séparé par des plexus et des ganglions, la
substance rougeâtre, grisâtre, des nerfs sympathiques,
conduisant plus difficilement que la blanche les im-
pressions et les irritations.
M. Wéber a rassemblé beaucoup d’argumens ana-
tomiques et physiologiques, pour démontrer que le
nerf sympathique constitue un système particulier,
qui, indépendant du cerveau, a son centre en lui-
même.
«
M. Wutzer a observé, comme Bichat et d’autres
encore, que l’irritation mécanique du nerf sympa-
thique ne produit aucun effet appréciable ; tandis
qu’un irritant plus fort, comme l’agent galvanique,
détermine des douleurs et des convulsions.
• •• * - "• % • * ». • * • ■
M. Broussais considère aussi le nerf inter-costal
comme un système propre, un centre sensitif parti-
culier, qui transmet des impressions au sensorium
animal, et, par suite, des déterminations sur les muscles
volontaires. Dans le fœtus, il agit seul, il dirige les
organes sécréteurs et nutritifs, il excite l’énergie du
cœur, il étend son action jusque sur le centre animal,
et détermine les mouvemens automatiques. Dans les
fœtus anencépliales et amyèles, il excite les mouve-
mens musculaires par son action sur les nerls spinaux.
Après la naissance, il agit sur le centre nerveux, en y
transmettant les sensations internes, et établit ainsi,
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 6y 5
entre le cerveau et les viscères des deux autres ca-
vités, une liaison féconde en phénomènes. Dans tous
les temps, il régit l’action des vaisseaux capillaires, et
dirige la nutrition par l’intermède de la force forma-
tive ou plastique , que cet ingénieux écrivain appelle
chimie vivante.
§ 8i5. Presque toutes ces opinions, qui consistent
à considérer le système des ganglions comme un sys-
tème indépendant, pèchent en ce quelles sont trop
absolues, tout comme celles qui ne considèrent dans
les ganglions qu’un pur arrangement anatomique. Le
système des ganglions doit être considéré tout à la
fois comme un système séparé ou réuni, indépendant
ou dépendant, suivant diverses circonstances déjà in-
diquées pour la plupart.
Les fonctions des ganglions paraissent être de dimi-
nuer ou d'arrêter l’influence du centre nerveux sur les
nerfs ganglionnaires , de diminuer ou d’ empêcher la
transmission des impressions au centre; de sorte que,
par l’action des ganglions, le système nerveux végéta-
tif est séparé du système animal.
Les ganglions paraissent en outre destinés a rassem-
bler , à coercer la force nerveuse qu’ils puisent dans la
moelle, à en développer par eux mêmes, pour la com-
muniquer convenablement aux nerfs et aux organes
où ils se terminent.
Les ganglions exercent des fonctions différentes ,
suivant la diversité de leur texture.
Ces différences consistent dans, i° le mélange plus ou
moins intime des filets médullaires ; i° la diversité de
la substance secondaire; 3° les différences dans la
membrane extérieure , plus ou moins dense , plus ou
ANATOMIE GÉNÉRALE.
6;)6
moins tendue : or, c’est dans les ganglions du nerf sym-
pathique que l’on observe l’intrication et la fusion la
plus grande des filets médullaires , la ténacité et l’union
la plus intime de la substance secondaire , et une mem-
brane ou capsule assez ferme , et très-adhérente à la subs-
tance intérieure. Dans les ganglions spinaux , au con-
traire , les filets médullaires sont droits, point mêlés, etla
substance secondaire est grossière, lâche ettrès-distincte
des filets : aussi ces ganglions sont -ils regardés comme
moins parfaits que les autres; aussi Pfeffinger pensait-
il qu’on devait les exclure de ce genre d’organes. La
fonction de ces derniers ganglions reste d’ailleurs très-
douteuse. Il ne paraît pas, en effet, qu'ils diminuent la
communication nerveuse ; il ne peuvent pas être con-
sidérés non plus comme les origines des nerfs moteurs
et sensitifs communs , car la racine antérieure des nerfs
spinaux leur est étrangère.
§ 816. Les usages des cordons nerveux ganglionnaires
sont de conduire l’influence nerveuse ; mais ils sont
des conducteurs un peu différens des autres nerfs, dont
ils diffèrent en se rapprochant beaucoup des ganglions :
ils sont des conducteurs imparfaits. Les irritations mé-
caniques ou chimiques ne les traversent pas ; mais l’ir-
ritation galvanique est conduite par eux, et détermine,
soit des sensations , soit des contractions. Il en est de
même des irritations morbides , comme les irritations
intestinales, urétériques, etc. , qui sont ressenties.
Les fonctions du nerf sympathique sont de diriger la
nutrition , les sécrétions , de distribuer l’agent nerveux
au cœur, au canal digestif et aux organes urinaires et
génitaux ; d’établir une liaison sympathique entre tous
les principaux organes. Il remplit ces diverses fonctions
DES GANGLIONS ET DU NERF SYMPATHIQUE. 697
sans l’influence de la volonté et sans conscience des
impressions, les ganglions faisant tout à la fois l’office
de ligatures qui modèrent la transmission de l’influence
nerveuse , et de centres particuliers d’activité , qui en
augmentent et en modifient la distribution.
Ce nerf forme ainsi un système particulier dans le
système général; il a une sphère d’action propre renfer-
mée dans la sphère générale. L’un et l’autre système
nerveux ont des connexions intimes ; ils s’influen-
cent réciproquement, surtout dans l’état de maladie.
§ 817. M. Lobstein a recueilli plusieurs faits très-cu-
rieux relatifs aux altérations morbides des ganglions et
des nerfs sympathiques ; il a observé l’inflammation des
ganglions semi-lunaires ou cœliaques, dans des cas
de névropathies abdominales chroniques , de coque-
luche et de tétanos; il a observé également dans divers
cas l’inflammation des nerfs cardiaques et pulmonaires.
M. Autenrieth a aussi observé dans la coqueluche
l’inflammation des nerfs vagues, sympathiques et car-
diaques. M. Duncan a vu dans un cas de diabetès la
portion abdominale du nerf sympathique triplée ou
quadruplée en volume. Les nerfs sympathiques sont,
comme les autres, augmentés en volume dans les hy-
pertrophies , diminués au contraire dans les atrophies
simples , ainsi que dans celles qui résultent d’une pro-
duction accidentelle infiltrée dans le tissu d’un organe.
Beaucoup de maladies abdominales et thoraciques
semblent en outre dépendre d’une action irrégulière du
nerf sympathique ; et d’autres , très-nombreuses aussi ,
de l’action anormale de ce nerf sur le centre nerveux
cérébral.
6gS
ANATOMIE GENERALE.
CHAPITRE XI.
DES PRODUCTIONS ACCIDENTELLES.
§ 8 1 8. Les productions qui se rencontrent accidentel-
lement dans l’organisation humaine sont des humeurs ,
des concrétions , des tissus et des animaux vivans.
Cesobjetsne font poinc partie de l’organisation saine
ou régulière : ils n’appartiennent qu’à l’anatomie mor-
bide. Leur description, ou au moins leur indication
sommaire, placée ici, a pour objet de compléter ce
qui a été dit, à l’occasion de chaque tissu en particu-
lier, sur les altérations et les productions qui lui sont
propres. Les productions dont il est question dans ce
chapitre sont communes à plusieurs parties ou à la to-
talité de l’organisation.
La connaissance des altérations et des productions
accidentelles est très-importante pour l’anatomiste mé-
decin; car, d’une part, cette connaissance est la base de
la pathologie ; et, d’un autre côté, 1 anatomie étant ra-
rement étudiée sur des sujets sains, mais le plus sou-
vent sur des corps d’individus malades, 1 anatomiste
rencontre à tout instant, dans ses recherches, des
altérations de l’organisation et des productions acci-
dentelles.
DES PRODUCTIONS ACCIDENTELLES.
699
PREMIERE SECTION.
DES HUMEURS ACCIDENTELLES.
s.wÊki.
\
§ 819. Les humeurs naturelles peuvent être altérées
dans leur quantité ou dans leur qualité ; quelques-
unes de ces altérations ont été indiquées. On trouve
en outre quelquefois des humeurs tout-à-fait diffé-
rentes des premières. Parmi ces dernières , le pus est
la seule assez bien connue pour être décrite.
§ 820. hepus 1 est une humeur accidentelle résultant
d’une sécrétion morbide , qu’on nomme suppuration.
Le pus est composé de globules microscopiques sembla-
bles à ceux du sang, découverts parM. Home, nageant
dans un fluide coagulable par la solution de muriate
d’ammoniaque.
Il est d’une couleur blanche ou jaunâtre , opaque ,
d’une consistance de crème. Sa consistance et sa cou-
1 C. Darwin, Experim. establisfiing criterio n betwen mu-
cagin. and puruL rnatter ; Lightfield , 1780. — Brugmans *
Disserlatio de pyogeniâ ; Groningœ , 1785. — E. Home ?
on the Properties of pus ; London, 1789. — Grasmeyer,
A bhand/ung von dem eiter , etc. ; Gotting , 1790. — Schwil-
gué , Mémoire inédit sur le pus , analysé dans la Nosogr.
philos. , vol. II. — G. Pearson , on Expectorated matter ; in
Phil. Trans. , 1809. — Idem , Obs. and exper. on pus ; ibid. ,
1810. — Puzetti, De phthisi pulrnonali Speci/n. ehim.med. ; in
Mém. de Turin, vol. II et III. — Rossi et Michelotti , Analyse
première du pus , ibid. , vol. III. — E. Home , On the Con-
version of pus into granulations or new Jlesh j in Phil. Trans.,
18i9- *
ANATOMIE GÉNÉRALE.
7OO
leur dépendent de la proportion des globules sur la
partie fluide. Il est plus pesant que l’eau. Il a une sa-
veur légèrement salée, constante, et une faible odeur
particulière , un peu variable.
Le pus plonge dans l’eau, tandis que le mucus y
flotte. Par ^agitation , le pus se délaye , se mêle à
l’eau , et la blanchit uniformément ; le mucus , au con-
traire, reste en flocons distincts. Le pus se coagule par
la chaleur, par les acides et par l’alcohol; les alcalis le
rendent visqueux , filant, et le dissolvent. 11 est com-
posé , suivant Schwilgué , d albumine à un état parti-
culier, de matière extractive, d’une matière grasse, de
soude, de muriate de soude, de phosphate de chaux,
et autres sels. Il resemhle beaucoup au sérum du sang,
dont il ne paraît différer que par l’état de l’albumine et
de la matière extractive. Le mucus se délaye dans l’eau,
se dissout par l’addition de l’acide sulfurique , et non
le pus. Une solution d’alcali caustique dissout à la fois
le pus et le mucus, et par l’addition de leau, le pus
se précipite seul. Ces caractères chimiques, et d autres
encore du même genre, ne sont point aussi certains que
l’action de l’eau seule, et surtout que 1 inspection mi-
croscopique.
Le pus ne présente pas toujours exactement les
mêmes qualités physiques et les mêmes propriétés chi-
miques. On peut le distinguer en pus crémeux, homo-
gène, vulgairement pus louable ; en pus sereux, sameux,
ou sérosité purulente ; en pus glaireux ou mucus puri-
forme ; en pus cailleboté ou grumeleux; et en pus con-
cret ou couenneux. E11 outre, le pus peut être mêlé de
sang, de sérosité, de matières gxcrémentitielles, de ma-
DU PUS.
701
tière putride, de tissus accidentels , de calculs, de ma-
tière virulente, etc.
Dans tous les cas, il est composé, suivant M. Pear-
son, d’un oxyde animal blanc, opaque, peu soluble,
d’un liquide limpide, analogue au sérum du sang, qui
tient en suspension, mais non dissout l’oxyde animal;
et d’une innombrable quantité de globules microsco-
piques. Les différences qu’il présente dépendent des
proportions différentes dans lesquelles se trouvent ces
matériaux essentiels , ainsi que les substances qui peu-
vent s’y trouver accidentellement.
§ 821. Le pus peut se former dans la plupart des or-
ganes.
Le tissu où la suppuration est le plus fréquente et
semble, le plus facile , est la membrane muqueuse.
Quelques heures après l’application d’une cause irri-
tante , on voit les propriétés physiques et chimiques
du mucus se changer insensiblement en celles du
pus. Quand l’irritation diminue et cesse, on voit à
l’inverse les propriétés du pus se changer insensible-
ment en celle du mucus. La suppuration de la mem-
brane muqueuse s’accompagne d’un léger degré de
rougeur et de gonflement , et très-rarement d’ulcé-
ration.
La peau suppure aisément dès qu’elle est irritée
et que l’épiderme est enlevé. Cela peut continuer indé-
finiment, si l’irritation est continuée, ou fréquem-
ment renouvelée ; la peau prend alors l’aspect d’une
membrane muqueuse enflammée.
Le tissu cellulaire étant mis à découvert par l’abla-
tion de la peau , l’hémorrhagie s’arrête; il s’écoule en-
ANATOMIE GÉNÉRALE.
70 2
suite de la sérosité, qui peu à peu prend le caractère
de pus. En même temps la surface vulnérée se couvre
d’une couche de matière organisable, qui devient vas-
culaire et se couvre de granulations.
Le tissu cellulaire étant irrité par ùû corps étranger
ou par une cause inconnue ( spina helmontii ) s’en-
flamme ; il se forme du pus dans le centre du phleg-
mon : ce pus est reftfermé dans une membrane de
nouvelle formation , plus ou moins distincte , plus
ou moins vasculaire, suivant son ancienneté; le tissu
cellulaire environnant $ enflammé et très-vasculaire , a
perdu sa perméabilité par la déposition intersticielle
de matière organisable.
Les membranes séreuses, quand elles suppurent,
présentent des changemens analogues; elles devien-
nent très-vasculaires et prennent à la longue l’appa-
rence des membranes muqueuses.
§ 822; Boerbaave attribuait l’origine du pus à la
fonte des organes enflammés; Pringle et Gaber l’at-
tribuaient à un changement dans le sérum du sang;
ces deux opinions, diversement modifiées et combinées,
ont été long-temps et généralement adoptées.
L’idée que le pus est formé dans les vaisseaux , et
qu’il en sort par une action sécrétoire de ces organes,
a été d’abord indiquée par le docteur Sympson , puis
par Dehaen ; et ensuite par le docteur Morgan, de Phi-
ladelphie. Hunter et Brugmans ont embrassé et déve-
loppé cette doctrine, généralement adoptée aujourd’hui.
La suppuration est une sécrétion morbide. Cette sé-
crétion est toujours précédée et déterminée par l’in-
flammation ; mais l'inflammation est plus ou moins
DU PUS.
703
évidente. Dehaen lui-même , qui admet expressément
la suppuration sans inflammation préalable , ne veut
évidemment parler que de l’inflammation avec ulcé-
ration : en effet, l’on sait bien aujourd’hui, ce qu’il
annonçait alors, que la suppuration peut avoir lieu sur
les surfaces, sans ulcération; il note, dans les cas
de suppuration sans inflammation , des productions
couenneuses et des adhérences qui dépendent, comme
on sait, de l’inflammation.
Dans la constitution scrofuleuse, la suppuration n’est
souvent précédée que d’une inflammation chronique
et latente, mais qui n’en existe pas moins, quoiqu’elle
soit obscure.
§ 823. La suppuration , quand elle existe depuis
longtemps , et lorsqu’elle a lieu par une large sur-
face , devient, par son association avec les fonctions,
une sécrétion importante; aussi l’on ne doit pas établir
ou supprimer légèrement une suppuration.
Le pus est quelquefois le véhicule des virus intro-
duits dans l’organisme ; on le considère aussi , dans
quelques cas , comme le véhicule de causes de mala-
dies éliminées par l’organisme.
Suivant M. Ev. Home, le pus aurait encore pour
usage de fournir, par sa coagulation à la surface des
plaies suppurantes, les matériaux de la cicatrice , c’est-
à-dire la matière organisable de ce nouveau tégument.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
7°4
SECONDE SECTION.
DES CONCRÉTIONS PIERREUSES.
§ 824. Les concrétions ou calculs1 sont des corps so-
lides , plus ou moins durs, qui se forment dans les hu-
meurs contenues dans les cavités, les réservoirs et les
conduits tapissés par la membrane muqueuse. Cette for-
mation est toujours accompagnée d’un changement de
composition plus ou moins évident des liquides où elle
a lieu.
§ 825. Les calculs intestinaux sont rares dans l’es-
pèce humaine. Ces calculs, plus ou moins volumineux
et nombreux, sont ronds ou ovoïdes, jaunes ou bruns:
leur pesanteur spécifique est de 1,4. Ils ont pour noyau
un calcul biliaire , des fèces endurcies , ou un corps
étranger. Ils sont formés de couches , et composés de
substance terreuse, surtout de phosphate de chaux ,
et d’un peu de substance animale.
Les follicules muqueux et sébacés contiennent quel-
quefois des amas endurcis et plus ou moins concrets.
On cite quelques exemples de petits calculs de phos-
phate de chaux et de matière animale, dans la caron-
cule lacrymale, dans les tonsilles, dans la prostate.
On a trouvé quelquefois aussi des concrétions pier-
reuses de même nature dans le sac et le canal lacry-
maux ; dans les glandes salivaires et dans leurs con-
duits; dans le pancréas.
IWalter, de Concrementis terrestribus; BeroL, 1775. — Vicq-
d’Azyr, Académ. roy. de médecine , ann. 1779. — Mosovius,
Dissert, de calculorurn animalium eorumque , nnprimis bdia-
riorum , origine et ncitura ; Berolini , 1812.
DES CONCRÉTIONS PIERREUSES. 70'J
§ 826. Les voies biliaires1 sont fréquemment le siège
de calculs, cholelithi. On les trouve le plus souvent dans
lavésiculêbiliaire; quelquefois dans les canaux cystique,
hépatique ou cholédoque; ou dans le canal intestinal ,
et rarement dans les racines du canal hépatique dans le
foie. Le nombre et le volume de ces calculs varient
extrêmement : on en trouve depuis un jusqu’à plu-
sieurs milliers dans la même vésicule, depuis le volume
d’un œuf de poule jusqu’à celui d’un grain de millet :
leur couleur varie du blanc au jaune, au brun et au
noir; leur surface est arrondie ou à facettes, polie ou
rugueuse; leur consistance varie beaucoup. Leur pe-
santeur spécifique est de 0,20 à o,35. On les di-
vise, d’après Walter, en trois genres : striés ou rayonnés,
striati, lauîelleux, lamellati , et pourvus d’une écorce,
corticati. Dans l’espèce humaine, ces calculs sont for-
més de cholestérine, de matière jaune de la bile, et
quelquefois d’un peu de picromei.
§ 827. Les calculs urinaires 2, urolithi, se trouvent dans
lebassinetdu rein, dans l’uretère, dans l’embouchure de
ce canal , dans la vessie , dans l’urèthre, dans le prépuce,
dans des locules de la vessie, dans les conduits pros-
tatiques, et dans des cavités et des voies urinaires
accidentelles.
Les calculs du bassinet et des calices du rein se
1 Sœmmering , de Concrementis biliariis , corp. humani ;
Traject. adMœn., 1795. — Thénard, Merau de la soc. d’Ar-
cueil , vol. I.
2 Fourcroy et Vauquelin , Mém. de l’Inst. nat. , tom. IV.
— Wollastori, Philos, trans. , ann. 1797. — ■ etc.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
moulent dans ces cavités, quand ils s’y accroissent, et
deviennent rameux comme le corail.
Les calculs vésicaux sont les plus communs : tantôt,
et c’est le plus ordinaire, il n’y en a qu’un dans la ves-
sie, tantôt il y en a plusieurs; on en a vu jusqu’à
plus d’un cent. Leur volume et leur poids varient de-
puis celui d’un grain de blé jusqu’au volume de la
tête d’un fœtus à terme, et jusqu’à plus de six livres de
poids. Leur forme est ronde ou obronde, ou ovoïde,
ou tétraèdre, ou cunéiforme, ou cubique, etc.
Leur surface est unie, ou rugueuse, ou mamelon-
née. Leur couleur et leur consistance sont très-varia-
bles. Us ont toujours un noyau formé, soit par un
gravier descendu du bassinet, soit par un caillot de sang,
ou un flocon de mucus, soit par un corps étranger.
Us sont quelquefois homogènes, assez souvent for-
més de couches superposées , semblables ou différentes ;
d’autre fois mélés ou hétérogènes , et sans couches.
Les calculs vésicaux sont composés , i° d’acide
urique; *2° d’oxyde cystique ; 3° de phosphate de
chaux ; 4° d’urate d’ammoniaque ; 5° de phosphate
ammoniaco-magnésien ; 6° d’oxalate de chaux; y° de
silice ; 8° de carbonate de chaux; 90 d’oxyde xantique ;
io° de matière fibrineuse; n° de mucus; et 120 de
phosphate de fer , de magnésie , de carbonate de magné-
sie, d’urate de soude. Ces substances se trouvent dans
les calculs, ou isolées ou combinées par deux, trois,
quatre ou cinq. Le plus commun de tous est le calcul
d’acide urique; puis le calcul fusible, composé de
phosphates ammoniaco-magnésien et calcaire; puis le
calcul nmiral, composé d’oxalate de chaux ; puis le cal-
DES TISSUS ACCIDENTELS.
7°7
«cul formé de couches distinctes d’acide urique et d’oxa-
Jate de chaux, etc. La silice et l’oxyde cystique , et plus
encore l’oxyde xantique et la fibrine , sont les sub-
stances les plus rares dans les calculs urinaires.
§ 828. On dit avoir trouvé quelquefois des con-
crétions ealculeuses pisiformes dans les vésicules sper-
matiques et dans les conduits éjaculateurs.
On trouve quelquefois aussi des petites concrétions
semblables dans les trompes utérines. Quant aux con-
crétions de l’utérus , ce sont le plus souvent des corps
fibreux ossifiés. Cependant, on a trouvé dans cet or-
gane des concrétions de phosphate calcaire, ayant
pour noyau un corps étranger.
On assure avoir trouvé des concrétions ealculeuses
élans les conduits excréteurs de la mamelle.
TROISIÈME SECTION.
DES TISSUS ACCIDENTELS.
ü 829. Les tissus accidentels 1 sont des organes
nouveaux développés dans le corps vivant.
Ces tissus peuvent être divisés en deux sortes: i° les
tissus analogues à ceux de l’organisation saine ;
20 Les tissus hétérologues ou sans analogues dans
l’organisation régulière.
Il y a aussi quelques tissus accidentels, intermédiaires,
pour ainsi dire, entre les uns et les autres, et ayant
' Laennec , Cours oral de médecine, au Collège de France,
année 1822-1823.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
708
des analogues , non dans l’organisation humaine , mais
au moins dans d’autres animaux.
§ 83o.Ces diverses sortes de tissus sont tantôt isolés
tantôt, et souvent, réunis ou combinés entre eux. Ils
sont même souvent réunis avec des humeurs acciden-
telles , avec des animaux vivans, avec des humeurs ou
des tissus altérés, etc*
§ 83t. Parmi les anatomistes et les pathologistes,
les uns (MM. Dupuytren, Cruveilher, etc. ), regardent
les tissus accidentels comme le résultat de transfor-
m
mations éprouvées par les tissus naturels : ils appel-
lent les tissus accidentels analogues, des transforma-
tions proprement dites, et les tissus hétérologues, des
dégénérations; les autres (J. Hunter, MM. Abernelhy,
Laennec, etc. ) , les regardent comme des productions
nouvelles ou épigénétiques. C’est une question très-
difficile à résoudre,; cependant la dernière opinion
nous paraît la plus conforme à l’observation.
§ 832. Les transformations véritables sont très-rares,
et n’ont lieu qu’entre des tissus peu différens : ainsi
les cartilages du larynx se changent en os; la mem-
brane muqueuse renversée à l’air se change en peau,
comme la peau attirée à l’intérieur, par une cicatrice,
devient muqueuse, etc. C’estainsi que l’on voit, dans les
arbres, les racinesse changer en branches, et récipro-
quement les branches en racines. Mais la plupart des
prétendues transformations 11e sont autre chose que
des productions : ainsi, une cicatrice est une mem-
brane toute nouvelle, et non le résultat de la transfor-
mation des tissus dénudés; ainsi le cancer du col de
1 utérus est le résultat d’une matière de nouvelle for-
DES TISSUS ACCIDENTELS. JOQ
mation infiltrée dans son tissu , et qui Ta écarté, com-
primé , atrophié , et non le résultat de la dégénération
de ce tissu.
ARTICLE PREMIER.
DES TISSUS ACCIDENTELS ANALOGUES.
5 833. Ces tissus ressemblent plus ou moins parfai-
tement aux tissus de l’homme sain.
Ils sont altérables comme les tissus naturels, et même
plus qu’eux.
Ces tissus sont de deux sortes : i°les uns sont le
résultat de l’adhésion des lèvres d’une solution de con-
tinuité, ou de la régénération après une perte de sub-
stance ; 2° les autres sont le résultat d’une production
tout-à-fait accidentelle. Les uns et les autres ont été
décrits à l’occasion de chaque tissu (Chap. là X ).
§ 834- Les tissus demi-analogues sont, i° quelques-
uns des tissus ci-dessus, qui n’atteignent pas un degré
parfait d’organisation : telles sont surtout les cicatrices
ou productions cutanées accidentelles, la production de
tissu blanc compact et flasque, les productions demi-
cartilagineuses , les ossifications terreuse et pierreuse ,
les productions cornées imparfaites, etc.; 2° ce sont
aussi la production nacrée , analogue à la vessie nata-
toire des poissons, observée dans des parois de kystes,;
la production de fongus en lames, etc.
ANATOMIE GÉNÉRALE.
JIO
F
ARTICLE IL
DES TISSUS ACCIDENTELS HETEROLOGUES-.
§ 835. Les tissus accidentels hétérologues, morbides ,
ou sans analogues dans l’organisation saine , sont assez
nombreux. Les plus communs et les mieux caractérisés
sont, le tubercule, le squirre, l’encépbaloïde et la
mélanose; quelques autres plus rares seront indiqués
après ceux-là.
§ 836. Ces tissus commencent probablement par
l’état fluide; mais dès le moment qu’on peut les aper-
cevoir ils sont solides. Ils persistent plus ou moins
long-temps en cet état , qu’on nomme de crudité ou
d’organisation ; état dans lequel on peut les comparer
à des zoopbytes , dans lequel ils présentent , pour la
plupart, des vaisseaux , et dans lequel ils sont indolens
et ne nuisent que mécaniquement. Ils se ramollissent
ensuite, se décomposent, se liquéfient. Dans cet état,
que Bayle comparaît à une mort anticipée , ils causent
des douleurs plus ou moins vives, quelquefois nulles;
ils irritent et enflamment les parties voisines; ils exer-
cent une action délétère sur tout l’organisme, et par-
ticulièrement sur la hutrition , même sur celle des os ;
ils s’étendent et se multiplient alors plus ou moins
rapidement dans l’organisation.
L’origine et la cause de ces tissus sont inconnues.
On les a regardés comme innés ou héréditaires; comme
résultant d’une aberration de l’action formatrice ;
comme des êtres organisés se développant et mourant
prématurément au milieu de l’organisation; comme
DES TISSUS ACCIDENTELS.
y II
îles produits, des résultats de l'inflammation et de
l’irritation, etc. Ce sont autant d’hypothèses plus ou
moins ingénieuses et plus ou moins fondées.
Ces tissus existent sous forme de masses isolées , de
masses enveloppées, d’infiltrations dans le tissu des
organes , etc.
Tantôt ils existent seul à seul , tantôt ils sont
combinés entre eux et avec d’autres productions accii
dentelles, et avec des tissus et des humeurs altérés.
I. Du Tubercule .
§ 83y. Le tubercule , ou les tubercules, car ils exis-
tent presque toujours en grand nombre, constituent le
tissu morbide le plus commun. On les appelle aussi
tubercules scrofuleux, parce qu’ils se rencontrent dans
la plupart des cas de scrofules.
Ce tissu existe sous la forme de masses isolées ou
enveloppées, et sous celle d’infiltration.
Il commence par l’état gélatiniforme; mais cet état
n’est apercevable que quand la substance tubercu-
leuse est infiltrée.
Il existe ensuite à l’état grisâtre, transparent, comme
demi-cartilagineux : c’est la première période distincte
des tubercules isolés; ils constituent alors les granu-
lations militaires de Bayle.
Ces grains, en grossissant, se réunissent souvent en
masse; ils deviennent opaques, jaunâtres, friables,
en commençant par le centre. Le même changement
de couleur et de consistance a lieu dans l’état d’infil-
tration : c’est encore là l’état de crudité.
Ils se ramollissent ensuite, et se liquéfient : à cette
ANATOMIE GÉNÉRALE.'.
J 11
période , ou même dans les périodes précédentes, il se
produit ordinairement beaucoup de nouvelle subs-
tance tuberculeuse, soit en masse, soit en infiltration.
La matière tuberculeuse , ramollie plus ou moins
complètement, en pus homogène, ou en pus caille-
botté, est évacuée par une ouverture de la peau ou de
la membrane muqueuse; elle est peut-être aussi quel-
quefois résorbée. Tantôt le foyer reste enflammé ,
ulcéré indéfiniment; tantôt il se resserre et s’oblitère;
tantôt la membrane de nouvelle formation qui le ta-
pisse acquiert une texture demi-muqueuse ou deini-
cartilagineuse , et constitue une fistule permanente
sèche; tantôt enfin on ne trouve qu’une matière fria-
ble, résidu probablement d’une résorption, le tuber-
cule n’ayant pas abeédé.
On ne trouve jamais de vaisseaux dans les masses tu-
berculeuses : dans le cas d’infiltration tuberculeuse
les vaisseaux comprimés , oblitérés , disparaissent
promptement. Les masses qui se développent lente-
ment ont une enveloppe molle ou glutineuse, cellu-
leuse, cartilagineuse, et même quelquefois osseuse.
On trouve le tissu tuberculeux dans tous les organes,
et surtout dans les poumons, dans le tissu cellulaire
naturel et accidentel , à la surface des membranes
séreuses , mais surtout dans leurs fausses membranes,
à la surface libre de la membrane muqueuse, et sur-
tout celle de 1 intestin, dans les ganglions lymphati-
ques, dans les glandes, dans la rate, dans les os , dans
le tissu musculaire, dans celui du cœur, dans 1 encé-
phale et dans la moelle épinière, dans les tumeurs
composées.
DÉS TISSUS ACCIDENTELS. 7 l3'«
On a observé ce tissu morbide dans tous les ani-
maux vertébrés.
II. De V Encéphaloïde,
§ 838. Le tissu encéphaloïde ou cérébriforme est
une production morbide très -commune : elle a été
confondue sous le nom de cancer avec plusieurs autres,
et notamment avec le squirre. Elle a été d’abord ca-
ractérisée par Bayle et M. Laennec. C’est le cancer mé-
dullaire, l’inflammation fongueuse, le fongus héma-
tode de quelques écrivains anglais.
Ce tissu existe sous forme de masses nues ou enve-
loppées, et sous celle d’infiltration.
A l’état de crudité, il forme des masses de grosseur
variée : chaque masse est lobée, lobulée,et les lobules
sont ordinairement contournés comme les circonvo-
lutions du cerveau. Ce tissu est alors ferme comme la
couenne du lard, demi-transparent, incolore, ou blan-
châtre, ou grisâtre; les lobules sont réunis entreeux par
un tissu cellulaire imparfait , d’une mollesse extrême;
ils se confondent à mesure que la masse se développe.
Des vaisseaux nombreux, très-fins, à parois très-faibles,
sont ramifiés dans ce tissu cellulaire et dans la sub-
stance encéphaloïde elle-même.
Quand le développement est complet, l’encéphaloïde
est d’une couleur blanche rosée ou violacée par en-
droits, soit par teinte, soit par points. Ce tissu mor-
bide est alors très-analogue au tissu cérébral, mais
moins lié, moins tenace. Il présente d’ailleurs divers
degrés de consistance dans la même masse; degrés
ANATOMIE GÉNÉRALE.
7*4
comparables à ceux des diverses parties de l’encéphale.
Les masses encéphaloïdes qui ne sont pas envelop-
pées d’une membrane distincte le sont d’une couche
de tissu cellulaire mou; les autres ont une enveloppe
demi-cartilagineuse, doublée, à l’intétieur, de tissu cel-
lulaire mou et vasculaire comme les premières. Quel-
quefois le kyste est incomplet dans son développement ;
dans tous les cas, il paraît postérieur dans sa formation
à la substance qu’il renferme.
L’infiltration cérébriforme est très-commune, sur-
tout dans le tissu du col de l’utérus; dans cet état, la
période de crudité est très-courte.
Le ramollissement de ce tissu donne lieu à une ma-
tière pultacée ou comme de la bouillie de couleur ro-
sée. Quelquefois alors, les vaisseaux se rompant, il se
fait des infiltrations sanguines dans le tissu cellulaire ,
ou des épanchemens semblables à l’apoplexie dans la
substance amollie : le sang se concrète alors, et est en
partie résorbé ; quelquefois même il se forme une
membrane en forme de kyste autour du sang ; quel-
quefois ce sont des infiltrations séreuses qui ont lieu
dans le tissu cellulaire ambiant, ou des épanchemens
séreux dans la substance même, qui est alors liquide
comme celle du ramollissement blanc du cerveau.
Quelle que soit la ressemblance, en effet très-grande,
entre le tissu morbide dont il s’agit, et la substance du
cerveau, il n’y a pas identité; et l’on ne peut admettre
l’opinion de M. Maunoir, qui regarde ce tissu comme
le produit t)’un épanchement de matière nerveuse.
* • 1
Quand le ramollissement est extérieur ou en con-
tact avec l’air , la surface est grise, verdâtre, fétide, en-
?
DES TISSUS ACCIDENTELS. 7 I 5
flammée ; quelquefois elle se détruit en tombant en
putrilage.
Ce tissu , moins cependant que les tubercules, se mul-
tiplie dans lorganisation , lors de son ramollissement
surtout. Il a plus de tendance que le tubercule à s’ac-
croître ou à s’étendre de proche en proche. Il ne paraît
pas qu’il soit susceptible d’être éliminé et de se guérir
spontanément.
Il peut exister dans tous les organes : on l’observe
fréquemment dans la mamelle, le testicule , l’utérus,
le foie, le poumon, l’encéphale, l’estomac, le périoste,
la méninge, les os, leur membrane médullaire, les
membranes séreuses , la membrane muqueuse , les mus-
clés, les glandes , les ganglions lymphatiques, le tissu
cellulaire commun.
III. Du Squirre ,
§ 839. Le tissu squirreux ou colloïde est moins
commun que le précédent; il est souvent confondu
avec lui sous le nom de cancer.
Il existe le plus souvent sous forme de masses isolées.
A l’état de crudité, il est difficile à distinguer du
tubercule et de l’encéphaloïde. Il est dur ; mais sa con-
sistance varie depuis celle des cartilages , ou de la
couenne de lard, jusqu’à celle des ligamens interverté-
braux. Il crie sous la pointe du scalpel quand on le
gratte; il est blanc, gris-bleuâtre, peu coloré ou in-
colore. Il est demi-transparent ; il forme des masses de
figures irrégulières, rarement lobulées, ordinairement
homogènes ; il est quelquefois partagé à l’intérieur par
7*6 anatomie générale.
des intersections fibreuses ou cellulaires : ce tissu in-
térieur est quelquefois régulièrement rayonné, comme
celui d’un navet, quelquefois alvéolaire, quelquefois
irrégulier. On y voit rarement des vaisseaux distincts.
Le squirre se ramollit sous consistance de gelée de
viande figée , et quelquefois sous l’apparence de sirop ,
tantôt incolore , tantôt fauve , tantôt verdâtre , quel-
quefois grisâtre, sale et teint de sang. Quelquefois le
ramollissement est gommeux ou pultacé, quelquefois
mielleux.
Ce tissu morbide présente une assez grande diversité
d’apparences, soit à l’état de crudité, soit à l’état de
ramollissement. Bayle en faisait cinq à six espèces de
cancers. Plusieurs des espèces.de sarcome de M. Aber-
nethy rentrent également dans cette sorte de tissu.
Le squirre se ramollit quelquefois partiellement, et
alors il présente l’apparence de cicatrices (Nicod).
Dans un cas de ce genre, que j’ai vu récemment, il
m’a semblé que ce qui paraissait des cicatrices était la
peau restée saine par petites places au milieu d’un très-
grand nombre d’ulcérations superficielles et irrégu-
lières.
Le squirre a été observé dans la plupart des parties
du corps, dans presque tous les organes, dans presque
tous les tissus.
IV. De la M'élanose.
§ &4o. La mélanose 1 , cancer inélané de M. Alibert,
1 Breschet , Considérations sur une altération organique
appelée dégénérescence noire > etc.; Paris, 1821.
DES TISSUS ACCIDENTELS. JIJ
«
est un tissu morbide caractérisé par sa couleur noire,
qui, aperçu d’abord par quelques observateurs, soit
dans l’homme, soit dans les animaux, a été spécifié
et nommé il y a quelques années par M. Laennec.
Cette substance existe sous forme de masses isolées,
nues ou enveloppées, sous celle d’infiltration , et sous
celle de plaques à la surface des membranes.
Les masses de mélanose varient, pour la grosseur,
depuis le plus petit volume jusqu’à celui d’une noix :
elles existent en nombre plus ou moins grand sur le
même individu; elles sont quelquefois assez réguliè-
res, quelquefois mamelonnées, lobulées, quelquefois
comme formées de lames entortillées et volutées. Ces
parties sont réunies entre elles, et les masses entourées
par du tissu cellulaire. Les vaisseaux suivent ce tissu ,
mais ne pénètrent point dans la substance noire. Cette
substance est noire ou brune, opaque, sans odeur,
sans saveur., ferme, tenace, homogène au premier
aspect; mais si on l’écrase par la percussion, et si on
la lave avec de l’eau, l'eau se colore en brun ou en
noir; le tissu est décoloré et reste grisâtre.
On trouve la mélanose en plaques à la surface des
membranes muqueuses ou séreuses ; on la trouve
aussi infiltrée dans l’épaisseur de la membrane mu-
queuse , des fausses membranes , des ganglions , etc.
La mélanose, examinée chimiquement, paraît com-
posée, i° de fibrine colorée; 2U d’une matière colo-
rante noirâtre, soluble dans l’acide sulfurique affaibli
et dans la solution de sous-carbonate de soude, et
colorant ces liquides en rouge; 3° d’une petite quan-
tité d’albumine; 4° de chlorure de sodium, de sous-
I
7 I B anatomie générale.
t
carbonate de soude, de phosphate de chaux et d’oxyde
de fer.
La composition de la mélanose est donc très-analo-
gue à celle du caillot du sang , c’est-à-dire à la matière
colorante du sang et à la fibrine, l une et l’autre dans
un état particulier ; on y rencontre aussi trois matières
grasses.
La mélanose se ramollit tard, sous forme de bouillie
noirâtre; et, suivant son siège, cette substance s’épan-
che dans les cavités ou s’infiltre de manière à colorer
les humeurs et les tissus. Quelquefois , mais rarement,
la mélanose sous-cutanée s’ulcère; le docteur Ferrus
en a observé un cas. A l’état de ramollissement, ex-
trême même, ce tissu a peu de tendance à s’étendre
et à se multiplier; il ne détermine pas sur l’organisme
une action délétère aussi marquée que les précédens. Les
altérations qu’on a le plus souvent observées sont une
décoloration générale, des hydropisies , une torpeur,
une débilité analogue à ce qui a lieu dans le scorbut.
On a trouvé la mélanose dans beaucoup de parties ,
et surtout dans le tissu cellulaire commun, dans les
muscles , dans le cœur, dans les glandes lymphatiques,
dans l’orbite, dans l’œil, dans les poumons, le foie,
les reins, le pancréas, la rate, le tissu cellulaire de la
mamelle, le tissu cellulaire accidentel, etc.
La mélanose paraît résulter d’une aberration de
quelques-uns des matériaux, et surtout de la matière
colorante du sang.
V. De la Cirrhose , etc.
§ 84i. La cirrhose, ou le tissu morbide fauve, exisie
DES TISSUS ACCIDENTELS.
7l9
quelquefois sous forme de masses; on l’a vue aussi sous
forme de plaques et de kyste.
En masses, ce tissu est fauve, mat, flasque; hu-
mide , compact , analogue au tissu des capsules surré-
nales : il ne présente point de fibres distinctes. Les
masses varient du volume d’un grain de millet à celui
d’un noyau de cerise. Elles existent quelquefois en
quantité innombrable. Les plus grosses paraissent
squammeuses.
Ce tissu se ramollit sous forme de pulrilage brun
verdâtre; ses effets, soit locaux, soit généraux, sont peu
marqués. 11 existe assez souvent et très-abondamment
dans le foie, qui est alors amoindri, ridé, rugueux. On
l’a vu aussi dans le rein, la prostate , l’épididyme , l’o-
vaire, la thyroïde.
§ 842. M. Laennec a désigné, sous le nom de sclérose ,
un tissu très-ressemblant ou identique avec le tissu
blanc compact, et qu’il a trouvé infiltré dans le tissu
cellulaire sous-péritonéal de la région lombaire d’un
individu cancéreux. Il diffère des tissus morbides en
ce qu’il n’a pas été vu ramolli; mais il s’en rapproche
par sa propension à s’étendre.
§ 843. Le même pathologiste a désigné, sous le nom
de squirre squammeux , un tissu d’un blanc mat demi-
transparent , feuilleté comme la chair de la morue ,
qu’il a vu une fois renfermé dans un kyste nacré, sur
un individu cancéreux.
VI. Des tissus morbides composés .
§ 844- Les tissus morbides sont très-souvent associés:
ANATOMIE GÉNÉRALE.
720
leur réunion est une des plus grandes sources de dif-
ficultés dans l’étude de l’anatomie pathologique.
La composition a lieu tantôt par simple juxtaposi-
tion, et tantôt par pénétration intime et mutuelle.
Les combinaisons les plus ordinaires sont, i° celle
des tissus fibreux, cartilagineux et osseux dans les
kystes qui renferment des vers vésiculaires;
20 La combinaison de l’ossification terreüse et du tu-
bercule, surtout dans les glandes bronchiques ;
3° Celle du tubercule et de l’encéphaloïde, fréquente
dans le foie , dans le testicule ;
4° celle du squirre et de l’ossification terreuse , as-
sez fréquente encore dans le foie;
5° Celle de tous les tissus morbides, avec des ossi-
fications, avec d’autres productions analogues, avec
l'inflammation , l’hyperthophie , les infiltrations sé-
reuses, sanguines, purulentes, etc. ; ce qui constitue les
cancers composés de l’estomac , de la mamelle , etc.
QUATRIÈME SECTION.
y
t
DES CORPS ÉTRANGERS ANIMES.
§ 845. Les animaux 1 que l’on rencontre dans l’orga-
nisation , et qui vivent à ses dépens , sont , les uns des
vers intestinaux, et les autres des animaux attachés à la
surface du corps , pénétrans dans son épaisseur, in-
troduits dans les cavités, etc. La connaissance de ces
êtres est une des parties de l’histoire naturelle mé-
1 J. H. Toerdcns , Entomologie und helnunthologie des
menschlicken hôrpers , etc., 1801-1802.
DES VERS INTESTINAUX.
721
dicale les plus difficiles et les plus obscurcies par des
observations inexactes.
ARTICLE PREMIER.
DES VERS INTESTINAUX.
§ 846- Les vers intestinaux ou les entozoaires 1 , en -
tozoa (Rudolphi), se forment, ou du moins naissent
et habitent dans l’organisation ; ils ne peuvent vivre
ailleurs. On en trouve non -seulement dans le canal
alimentaire et dans les conduits qui y aboutissent ,
mais jusque dans le tissu cellulaire , dans les muscles et
dans la substance des organes les plus éloignes des sur-
faces du corps, comme le cerveau. Leur organisation
présente beaucoup de variétés très-grandes. (§ 38.) Leur
origine est fort obscure. En se bornant à l’indication
de ceux qui habitent le corps humain, on peut les rap-
porter à trois ordres; savoir : les vers vésiculaires, les
vers plats et les vers cylindriques.
I. Des vers vésiculaires.
■n
§ 847. Les vers vésiculaires 2, Entozoa cjstica (Rud.),
consistent en grande partie en une vessie caudale plus
ou moins volumineuse, propre a un seul, ou commune
à plusieurs vers : le corps est déprimé ou arrondi, tou-
jours très-petit; la tête (nulle dans un genre) est mu-
1 C. A. Rudolphi Entozoorum , sive Vermium intestina-
lium Hist. natur. ; Parisiis et A rgen torati , 1810. — Idern.
Entozoorum Synopsis; Be/olini , 1819.
2 Laennec, Mémoire sur les vers vésiculaires, etc., in
Bulletin de l’École de médecine; Paris, an xui'.
1.
46‘
ANATOMIE GENERALE.
'j'il
nie de fossettes ( deux ou quatre ), de suçoirs (quatre),
✓
d’une couronne de crocliels ou de quatre proboscides
recourbées; il n’y a point de canal intestinal ni d’or-
ganes génitaux visibles. Ces vers habitent toujours la
substance des organes dans un kyste distinct; ils ont été
long-temps confondus ensemble et avec les kystes, sous
le nom d’hydatides. Aujourd’hui même les naturalistes
rejettent un ou deux des genres de cet ordre, qui sont
les suivans : Aceplialocystis, Echinococcus, Cysticercus,
et Diceras.
§ 848. L’acéplialocyste 1 , genre établi par M. Laen-
nec, mais non adopté par M. Rudolphi, ni par M. Cu-
vier, consiste en une vessie, dépourvue de tête et
de corps, ronde ou obronde, du volume d’un petit
pois à celui d’une pomme moyenne, à parois minces
et molles , transparentes , blanchâtres , homogènes , fra-
giles, remplie d’un liquide limpide, aqueux et albu-
mineux. Il est douteux qu’on y ait observé des mou-
vemens spontanés. 11 paraît que ces êtres équivoques se
reproduisent par des bourgeons intérieurs. On en a
rencontré dans presque tous les organes. On en con-
naît sept à huit espèces. Ils sont toujours enkystés, si
l’on en excepte la môle en grappe que l’on regarde
comme le résultat de la réunion ou de la soudure d’une
espèce de vers de ce genre.
§ 849. L’échinococque , genre de M. Rudolphi, qui
y comprend peut-être les acéphalocystes , et que M. Cu-
1 Laennee, loc. cit. — Ludersen , Diss. de hydatidibus ;
Gotting. , 1 808. — H. Cloquet , Faune des médecins , tome I ;
Paris 1 822.
DES VERS INTESTINAUX. ya3
vier n’admet pas , consiste en une vessie extérieure
simple ou double, à la surface interne de laquelle
tiennent plusieurs vers fins et granuleux comme des
grains de sable, dont le corps est ovoïde , et la tête
(comme celle du ténia armé) munie d’une couronne
de crochets et de suçoirs.
Une espèce, l’E. de l’homme , E. hominis,' habite les
viscères de l’homme, et surtout le foie.
§ 85o. Le cysticerque a le corps arrondi ou déprimé,
rugueux, se terminant en une vessie caudale; sa tête
(comme celle du ténia armé) est munie de quatre su-
çoirs et d’une proboscide recourbée. Il habite solitaire
dans un kyste très-mince.
Le G. du tissu cellulaire ou G. ladrique, C.cellulosæt
à tête carrée , à col très-court et renflé en avant, à
corps cylindrique allongé , à vessie caudale ellipti-
que transversalement, est l’espèce si commune dans
le porc ; on la rencontre aussi quelquefois dans les
muscles, le cerveau et le cœur de l’homme. On en
trouve encore quelques autres espèces dans le corps
humain.
§85i. Le diceras ou bicorne rude, D.rude, a le
corps ovoïde , déprimé ; il a une tunique lâche ; sa
tête est pourvue d’une corne bifide, âpre, filamen-
teuse. On ne sait pas au juste s’il habite la substance
des organes. Il a été découvert par M. Sultzer, dans
des matières rendues par l’action d’un drastique. Mis
en doute par M. Rudolplii , il a été retrouvé depuis
par M. Le Sauvage, de Caen, qui en a envoyé des in-
dividus à la Société de la Faculté de Médecine, où
je les ai vhs. iù
724
ANATOMIE GÉNÉRALE.
IL Des vers plats.
§ 852. Les vers plats sont ceux dont le corps mou
et déprimé est pourvu de pores-suçoirs à sa face infé-
rieure ou àses extrémités, Entozoa trematoda (Rud.), et
ceux dont le corps est allongé, continu ou articulé, et
la tête garnie de fossettes, de suçoirs, d’une ou quatre
proboscides, nues ou armées, Ent. cestoïdea ( Rud.). Les
uns et les autres sont dépourvus de canal intestinal , et
pourvus d’ovaires ramifiés. Cet ordre comprend dans
le corps humain les genres Tœnia , Distoma , et Po-
lystoma.
§ 853. Le tænia a le corps très- allongé , plat, arti-
culé , îa tête garnie de deux ou quatre petits suçoirs.
On en trouve deux espèces dans l’homme.
Le tænia large ou inerme , T. lata , Bothriocephalus
latus (Bremser, Rud.), a la tête à peu près carrée ,
deux fossettes-suçoirs nues , la tête et les fossettes, qui
sont marginales , oblongues , le col presque nul , les
articles antérieurs en forme de rides, les suivans larges
et courts, et les derniers allongés; sa longueur est de
vingt pieds, et au-delà. Cette espèce est commune en
Suisse et en Russie , très - rare en Angleterre , en
Hollande et en Allemagne. On ne la trouve point
dans les cadavres.
Le tænia solitaire ou armé , T. solium , appelé aussi
vulgairement, et à tort , ver solitaire, a la tête garnie de
quatre oscules-suçoirs, et dans leur centre d’une pro-
boscide obtuse , armée de crochets ; la tête est hémi-
sphérique , distincte ; le col s’épaissit antérieurement;
les articles antérieurs sont très-courts , les suivans
DES VERS INTESTINAUX.
7 2 J
allongés, les derniers plus longs, tous obtus, pourvus
chacun d’un pore marginal, alternant vaguement de
côté ; sa longueur est de cinq à dix pieds et plus.
Cette espèce est commune en Angleterre , en Hol-
lande, en Allemagne. On la rencontre quelquefois dans
les cadavres. ,f
On trouve l’une et l’autre espèce en France, mais
surtout la seconde. Elles habitent l’un et l’autre le canal
intestinal, surtout l’intestin grêle.
§ 854- Le distome ou la douve, Fasciolci (Lin.), a
le corps mou, déprimé, et deux pores solitaires, un
antérieur et un ventral.
Le D. hépatique, D. hepaticum , qui a la forme d’une
feuille ovale , se rencontre dans la vésicule biliaire de
l’homme et de beaucoup d’autres mammifères, mais
surtout du mouton.
Le polystôme, Hexathyridi um (Treulter), a le corps
déprimé, six pores antérieurs, un ventral et un posté-
rieur. Le P. de la graisse, P. pinguicola , qui est tron-
qué en avant, pointu en arrière, a été rencontré dans
une tumeur de l’ovaire humain. Le P. des veines, P. ve-
narum , paraît être un ver extérieur ( § 4^7 ).
III. Des vers cylindriques .
§ 855. Les vers cvlindriques, Ent. nematoidea (Rud.),
ont le corps allongé, arrondi, élastique; ils ont un
canal intestinal, terminé par une bouche et un anus,
des organes génitaux , séparés sur deux individus dif-
férons. Cet ordre comprend, dans l homine , les trois
genres suivans : Filaria , Tric.ocephalus et Ascaris.
§ 856. L’ascaride a le corps rond , aminci aux deux
ANATOMIE GÉNÉRALE.
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bouts , la tête munie de trois tubercules ; le pénis du
mâle est pointu et bifide. On en trouve deux espèces
dans le corps humain.
L 'A. lumbricoïde, A. lumbricoïdes , dont la tête est
nue, le corps long de plusieurs pouces ( 3 à 12), mar-
qué de deux sillons opposés, la queue un peu obtuse,
habite dans l’intestin grêle. L’A. vermiculaire , A% ver -
micularis , Oxjurus vermicularis (Bremser), a la tête
obtuse, garnie d’une membrane vésiculaire des deux
côtés ; son corps est un peu épaissi à la partie anté-
rieure ; la queue du mâle est fléchie et obtuse; celle
de la femelle est droite et aplatie. Il habite le gros
intestin, et surtout le rectum.
§ 807. Le tricocéphale a la partie antérieure du
corps capillaire, le reste tout à coup un peu plus vo-
lumineux ; la bouche orbiculaire; le pénis simple, en-
gainé.
On trouve dans l'homme le T. dispar : il est
inerme ; sa partie capillaire est très-longue , sa tête
pointue; le corps de la femelle est à peu près droit;
celui du mâle est tourné en spirale ; la gaine du pénis
est ovoïde. Ce ver, observé par Morgagni , Wrisberg,
Rœderer et Wagler, est très-commun. Il habite le
gros intestin , et surtout le cæcum.
§ 858. La filaire a le corps allongé et à peu près
égal, la bouche orbiculaire ; le pénis du mâle est pointu
et simple.
La F. de Médine , F. medinensis , qui est très-longue ,
qui a la tête effilée, la queue aplatie et fléchie dans
le mâle, demi-cylindrique , pointue et courbe dans
la femelle, se rencontre dans l’espèce humaine; mais
DES ANIMAUX PARASITES. 727
entre les tropiques seulement. Elle habite le tissu cellu-
laire sous-cutané , et surtout celui des pieds. On a cru au-
trefois que c était un ver extérieur pénétrant; il paraît
que c’est réellement un entozoaire. La F. des bron-
ches, F. bronchialis , est une espèce douteuse , obser-
vée et décrite par Treutler, sous le nom d 'Hamula-
via, Ijmphatica.
% 809. Le Strongylus gigas a été rangé au nombre
des vers qui habitent le corps humain , parce que
Ruysch dit avoir vu une fois dans les reins de l’homme
des vers semblables à ceux du rein du chien.
Le Spiroptera hominis est une espèce encore douteuse,
observée par MM. Barnett et Lawrence, et sortie de
la vessie urinaire d’une femme.
M. H. Cloquet a récemment décrit , sous le nom
d’ Ophiostoma ponterii , un ver rendu par un homme
en vomissant, et observé par M. Pontier.
Beaucoup d’autres vers ont été indiqués comme ha-
bitant le corps humain , qui ne se trouvent que dans
les animaux ; d’autres ne sont que des larves, ou d’autres
objets plus ou moins analogues à des vers qui se trou-
vent fortuitement dans les matières des excrétions ,
ou qui y ont été placés par supercherie.
ARTICLE II.
DES ANIMAUX PARASITES.
§ 860. Les animaux parasites sont beaucoup plus
étrangers encore à l’organisation que les entozoaires.
Les uns cependant sont des insectes naissant, vivant
et se reproduisant à la surface et dans l’épaisseur de la
ANATOMIE GÉNÉRALE.
728
peau : tels sont le Pediculus humanus corporis , le P.
capitis , le P . pubis ; le Pulex irritans , le P. pencirans;
Y A car us scabiei ou Sarcoptes .
D’autres insectes sont déposés sous la peau et dans
les cavités muqueuses , à l’état d œufs , s’y développent
à l’état de larves, et en sortent ensuite : tel est Y OEstrus,
si commun dans le cheval, le bœuf, le mouton, et
que l’on a trouvé aussi sous la peau de l’homme et
dans les sinus de sa face. Des larves du genre Musca et
de quelques autres , se développent aussi quelquefois
dans le conduit auriculaire des enfans malpropres , à
la surface des ulcères , etc. Il ne faut pas oublier que
beaucoup d’exemples de larves excrétées doivent être
rapportées à des supercheries ou à des cas fortuits.
§861. Certains autres animaux pénètrent, à l’état
adulte dans les cavités muqueuses du corps, y demeu-
rent plus ou moins long-temps , et y causent diverses
altérations; telles sont, entre autres, les sangsues,
Hirudo medicinalis , et H. alpin a ; tel est probable-
ment aussi le dragonneau, Gordius. On a cru que le
lombric terrestre pouvait pénétrer dans le corps : c’est
l’effet ou d’une méprise ou d’une supercherie. La furie
infernale de Linnæus paraît être un ver imaginaire.
Quelques insectes, enfin, ne font que blesser méca-
niquement la surface extérieure du corps, ou y déposer
un venin; ils sont d’ailleurs tout-à-fait étrangers.
- .yw .
FIN.