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Full text of "Elémens d'anatomie générale [electronic resource] : ou, Description de tous les genres d'organes qui composent le corps humain"

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ELEMENS 

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D’ANATOMIE  GÉNÉRALE, 

9 

OU 

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DESCRIPTION 

DE  TOUS  LES  GENRES  D’ORGANES 

QUI  COMPOSENT  LE  CORPS  HUMAIN. 


par  P.  A.  BÉCLARD,  dangers, 

PROFESSEUR  DANATOMIE  A LA  FACULTE  DE  MEDECINE  DE  PARIS. 


CHEZ  BÉCHET  JEUNE, 

LTBR  AIRE  DE  l’aCADEMIE  ROYALE  DE  MEDECINE, 
Place  de  l’École  de  Médecine,  n°  4. 


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A PARIS, 


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A LA  MÉMOIRE 


DE  BIC  H AT. 


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PREFACE. 


L’ouvrage  que  je  publie  est  un  sommaire  clu 
cours  d’anatomie  que  je  fais  depuis  une  dixaine 
d’années  ; il  est  uniquement  destiné  aux  étudians. 
Le  but  que  je  me  suis  proposé  en  le  publiant  a 
été  de  leur  offrir,  sous  un  petit  volume , un  abrégé 
des  nombreux  travaux  entrepris  depuis  plus  de 

vingt  siècles  sur  la  science  de  l’organisation  hu- 

) 

marne. 

Je  divise  l’anatomie  de  l’homme  en  anatomie 
générale,  en  anatomie  spéciale  des  organes  et  en 
anatomie  des  régions.  Le  volume  qui  parait  au- 
jourd’hui ne  contient  que  l’anatomie  générale,  et 
peut  être  considéré  soit  comme  un  ouvrage  à 
part,  soit  comme  la  première  partie  d un  traite 
général. 

J’ai  mis  à contribution , pour  rédiger  cette  partie 
de  l’anatomie,  l’ouvrage  de  notre  célèbre  Bichat, 
et  ceux  qui  ont  été  publiés  depuis  sur  le  même 
sujet.  Pour  chaque  système  ou  genre  d’organes, 
j’ai  aussi,  et  surtout,  consulté  les  traités  ex professo 
dont  ils  ont  été  l’objet.  J’ai  eu  soin  de  citer  à 
chaque  chapitre  les  titres  tles  ouvrages  qui  m’ont 
servi  à le  composer;  beaucoup  moins  pour  faire 


viij  PRÉFACE. 

un  facile  et  vain  étalage  d’érudition , que  pour  dis- 
penser les  autres  de  lire  les  ouvrages  que  j’ai  dû 
lire  moi-même,  et  en  même  temps  pour  indiquer, 
au  choix  de  ceux  qui  voudraient  faire  des  études 
approfondies,  une  sorte  de  bibliothèque  anato- 
mique choisie  : j’ai  aussi  indiqué  les  figures  que 
l’on  devra  consulter  sur  chaque  genre  d’organes. 

J’ai  donné,  en  tête  de  chaque  chapitre,  une  his- 
toire abrégée  des  principales  découvertes  faites 
sur  le  système  d’organes  qui  en  est  le  sujet.  Je 
me  suis  aidé,  pour  faire  quelques-unes  de  ces 
notices  historiques,  de  l’histoire  de  l’anatomie  de 
M.  Lauth,  dont  il  n’y  a encore  qu’un  volume  de 

L’introduction  traite,  dans  une  première  sec- 
tion, de  l’organisation  en  général,  et  du  corps 
humain  dans  la  seconde.  J’ai  eu  en  vue,  dans  la 
première  section,  de  donner  au  lecteur  une  idée 
générale  de  l’anatomie  et  de  la  physiologie  com- 
paratives. Je  n’ai  pas  eu  l’intention  de  dispenser 
par  là  les  étudians  de  l’étude  de  l’anatomie  des  ani- 
maux, mais,  au  contraire,  de  leur  montrer  l’uti- 
lité de  cette  étude.  Je  me  suis  servi,  pour  com- 
poser cette  partie  de  l’introduction,  des  travaux 
de  MM.  Duméril,  de  Blainville,  Geoffroy  Saint-Hi- 
laire, de  Lamarck,  surtout  de  ceux  de  M.  Cuvier, 
que  j’aurais  pu  citer  à toutes  les  pages.  Dans  la 
seconde  partie  de  l’introduction , j’ai  donné  des 


I 


PRÉFACE. 


IX 


généralités  sur  le  corps  humain  ; j’ai  parlé  de  ses 
humeurs  en  général , partie  de  la  science  de  l’or- 
ganisation beaucoup  trop  négligée  depuis  les  tra- 
vaux de  Haller  et  de  son  école,  qui  ont  cru  à tort 
trouver  tout  le  secret  de  la  vie  dans  le  système 
nerveux  et  dans  les  phénomènes  de  l’irritabilité 
et  de  la  sensibilité. 

L’anatomie  n’étant  pas  pour  le  médecin  un  ob- 
jet de  stérile  curiosité,  de  pure  spéculation,  mais 
la  base  de  toutes  les  connaissances  relatives  au 
sujet  de  la  médecine,  j’ai  pensé  que  la  physio- 
logie et  la  pathologie  n’en  devaient  pas  être 
absolument  séparées.  L’anatomie  pathologique 
surtout  m’a  semblé  devoir  être  liée  à l’anatomie 
ordinaire;  aussi  la  description  de  chaque  tissu 
est  terminée  par  un  aperçu  des  variétés  et  des 
altérations  que  l’on  y observe,  et  l’ouvrage  entier 
par  un  chapitre  sur  les  productions  accidentelles 
communes  à tous  ou  à plusieurs  genres  d’or- 
ganes. 

» 

v . 

Paris,  le  3o  août  1823. 

P.  A.  BÉCLARI). 


TABLE. 


INTRODUCTION.  Pag.  , 

Première  section.  Des  corps  organisés.  2 

Des  animaux.  1 1 

Des  animaux  vertébrés.  56 

Des  vertébrés  ovipares.  72 

Seconde  section.  Du  corps  hurtiain.  78 

Des  humeurs.  85 

Des  organes.  <^3 

De  l’organisme.  106 

Du  développement  et  des  diffé- 
rences de  l’organisation.  112 

Des  altérations  de  l’organisation.  121 
De  la  mort  et  du  cadavre.  124 

CHAPITRE  PREMIER.  Des  tissus  cellulaire  et  adipeux.  i33 
Première  section.  Du  tissu  cellulaire.  i33 

Seconde  section.  Du  tissu  adipeux.  i56 

Article  premier.  — Du  tissu  adipeux  commun.  i56 
Article  II.  Du  tissu  médullaire  ou  adipeux  des  os.  174 
CHAPITRE  II.  Des  membranes  séreuses.  i83 

Première  section.  Des  membranes  séreuses  en 

général.  184 

Seconde  section. 

Article  I.  Des  bourses  synoviales  sous-cutanées.  202 

Article  II.  Des  membranes  synoviales  des  tendons.  2o5 
Article  III.  Des  capsules  synoviales  articulaires.  21 1 


Article  IV.  Des  membranes  séreuses  splanchniques.  221 
CHAPITRE  III.  Des  membranes  tégumentaires.  Pag.  232 
Première  section.  Des  membranes  tégumentaires  en 
général.  234 


TABLE. 

Seconde  section.  De  la  membrane  muqueuse.  Pag. 
Troisième  section.  De  la  peau. 

Article  I.  De  la  peau  en  général. 

Article  II.  Des  dépendances  de  la  peau. 

I.  Des  ongles. 

II.  Des  poils. 

CHAPITRE  IV.  Du  système  vasculaire. 

Première  section. 

Article  I.  Des  vaisseaux  en  général. 

Article  II.  Des  terminaisons  des  vaisseaux. 

I.  Des  vaisseaux  capillaires. 

II.  Du  tissu  érectile. 

III.  Des  ganglions  vasculaires. 

Seconde  section.  Des  artères. 

Troisième  section.  Des  veines. 

Quatrième  section.  Du  système  lymphatique. 

Article  1.  Des  vaisseaux  lymphatiques. 

Article  II.  Des  ganglions  lymphatiques 

CHAPITRE  V.  Des  glandes. 

CHAPITRE  VI.  Du  tissu  ligamenteux. 

Première  section.  Du  tissu  ligamenteux  en  général. 
Seconde  section.  Des  organes  ligamenteux  en  par- 
ticulier. 

Article  1.  Des  ligamens. 

« 

Article  II.  Des  tendons. 

* 

Article  III.  Des  enveloppes  ligamenteuses. 

I.  Des  enveloppes  des  muscles. 

II.  Des  gaines  des  tendons. 

III.  Du  périoste. 

IV . Des  enveloppes  fibreuses  du  système  nerveux. 

V.  Des  membranes  fibreuses  composées. 

VI.  Des  capsules  fibreuses  de  quelques  organes. 
Troisième  section.  Du  tissu  fibro-cartilagineux. 


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265 

266 

296 

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302 

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332 

333 
357 
362 
364 
389 
404 
404 
412 

418 

429 

430 

439 

439 

442 

444 

444 

446 

447 

449 

450 

450 

451 


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xij  - TABLE. 


CHAPITRE  VII.  Des  cartilages.  Pag.  /,58 

Première  section.  Des  cartilages  en  général.  /,5g 

Seconde  section.  Des  différentes  sortes  de  cartilages.  465 
Article  I.  Des  cartilages  articulaires.  465 

Article  II.  Des  cartilages  costaux  , laryngiens , etc.  469 
Article  III.  Des  cartilages  raembraniformes.  47a 

CHAPITRE  VIII.  Du  système  osseux.  474 

Première  section.  Des  os.  476 

Seconde  section.  Des  articulations.  528 

Troisième  section.  Du  squelette.  542 

CHAPITRE  IX.  Du  système  musculaire.  546 

Première  section.  Du  système  musculaire  en  général.  548 
Seconde  section.  Des  muscles  intérieurs.  586 

Troisième  section.  Des  muscles  extérieurs.  5gi 

CHAPITRE  X.  Du  système  nerveux.  612 

Première  section.  Du  système  nerveux  en  général.  621 
Seconde  section.  Des  nerfs.  652 

Troisième  section.  Des  ganglions  et  du  nerf  sympa- 
thique. 676 

CHAPITRE  XI.  Des  productions  accidentelles.  698 

Première  section.  Des  humeurs  accidentelles.  699 

Seconde  section.  Des  concrétions.  704 

Troisième  section,  des  tissus  accidentels.  707 

Quatrième  section.  Des  corps  étrangers  animés.  721 
Article  I.  Des  vers  intestinaux.  721 

I.  Des  vers  vésiculaires.  722 

II.  Des  vers  plats.  724 

III.  Des  vers  cylindriques.  ' 726 

Article  II.  Des  animaux  parasites.  728 


E l N DE  LA  TABLE. 


INTRODUCTION 


§ ier.  L’anatomie  a pour  objet  l’étude  des  corps  orga- 
nisés ; elle  est  la  science  de  l’organisation  ; tous  les 
êtres  organisés  en  sont  le  sujet.  L’homme,  le  plus  com- 
pliqué de  tous  les  êtres , est  le  sujet  principal  de  cette 
science  : connaître  le  corps  humain , les  parties  di- 
verses dont  il  est  composé,  et  l’arrangement  de  ces 
parties  entre  elles  ; tel  est  en  effet  le  but  essentiel  de 
l’anatomie. 

L’anatomie  comparative  qui  serait  aussi  bien  nom- 
mée anatomie  générale,  embrasse  dans  son  domaine 
tous  les  corps  organisés;  elle  a pour  objet  de  recher- 
cher, par  la  comparaison,  ce  qu’ils  ont  de  commun  ou 
de  général  et  en  quoi  ils  diffèrent  les  uns  des  autres. 
La  phytotomie  est  l’anatomie  générale  des  végétaux; 
celle  des  animaux  porte  le  nom  de  zootomie.  L’ana- 
tomie est  encore  générale  quand  elle  a pour  sujet  une 
classe,  un  genre,  ou  un  grouppe  quelconque  d’êtres 
organisés,  comme  celle  des  animaux  domestiques  ou 
l’anatomie  vétérinaire.  L’anatomie  spéciale  a pour  sujet 
une  seule  espèce  de  corps  organisés  ; telle  est  l’anato- 
mie de  l’éléphant,  du  cheval,  de  l’homme,  etc. 

Dans  l’anatomie  de  l’homme,  le  terme  anatomie  gé- 
nérale a un  autre  acception,  qui  sera  indiquée  plus 
loin;  mais  il  faut  d’abord  essayer  de  prendre  une  idée 
exacte  de  l’organisation  en  général  et  des  corps  qui  en 
sont  doués. 


1 


INTRODUCTION. 


PREMIÈRE  SECTION. 

DES  CORPS  ORGANISÉS. 

§ 2.  Les  corps,  êtres  étendus  et  mobiles,  sont  le  sujet 
d’une  science  immense  appelée  science  de  la  nature, 
philosophie  naturelle  ou  physique  : mais  ils  peuvent 
être  considérés  sous  deux  points  de  vue  différens  : dans 
l’état  de  repos  et  dans  l’état  de  mouvement  ou  d’action. 
Dans  la  première  de  ces  deux  manières  de  considérer 
les  objets,  on  s’occupe  particulièrement  de  la  forme, 
soit  extérieure,  soit  intérieure  des  corps  : c’est  à ce 
genre  d’étude,  désigné  par  quelques-uns  sous  le  nom 
de  morphologie,  qu’appartient  l’anatomie.  La  seconde, 
qui  conserve  généralement  le  nom  de  physique,  s’oc- 
cupe de  leurs  changemens  appréciables,  c’est-à-dire  de 
leurs  phénomènes  ou  mouvemens,  soit  de  masses,  soit 
de  molécules,  et  se  divise  pour  cela  en  deux  branches 
principales,  la  mécanique  et  la  chimie. 

§ 3.  Les  corps  qui  ont  des  propriétés  communes  ou 
générales,  diffèrent  aussi  entre  eux  à beaucoup  d’égards. 
L’organisation  et  la  vie  constituent  un  caractère  extrê- 
mement tranché  qui  les  divise  en  deux  séries  très-dis- 
tinctes; celle  des  corps  anorganiques  ou  bruts,  et  celle 
des  corps  organisés  et  vivans. 

§ 4*  Les  .corps  ariorganiqu.es  n’ayant  point  une  struc- 
ture compliquée,  leurs  particules  étant  dans  une  in- 
dépendance absolue  les  unes  des  autres , ces  corps  enfin 
n’étant  point  le  sujet  de  l’anatomie,  il  serait  inutile 
d’insister  davantage  sur  leur  considération  : il  suffira 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


3 


<le  dire  que  les  mouvemens  ou  les  phénomènes  de 
masse  que  ces  corps  exécutent,  sujets  de  la  mécanique, 
se  reproduisent  avec  une  régularité  et  une  constance 
qui  permettent  non -seulement  de  les  observer,  de 
les  produire  et  de  les  répéter  dans  des  expériences,  de 
déterminer  les  lois  suivant  lesquelles  ils  sont  produits, 
mais  de  les  soumettre  à l’analyse  mathématique  ; que 
les  phénomènes  moléculaires  de  ces  mêmes  corps,  su- 
jets de  La  chimie,  peuvent  être  observés,  peuvent  être 
produits  ou  déterminés  à volonté  dans  des  expériences ,. 
que  certaines  lois  suivant  lesquelles  ils  sont  produits, 
peuvent  même  être  déduites  des  observations  et  des 
expériences,  mais  que  ces  phénomènes  échappent  en- 
core à l’application  du  calcul,  science  instrumentale 
si  propre  à accélérer  les  progrès  des  connaissances  aux- 
quelles elle  peut  être  appliquée.  La  science  de  l’orga- 
nisation et  de  la  vie  est  à peu  près  réduite  aux  lois 
d’observation. 

§ 5.  Les  êtres  organisés  ou  vivans  sont  les  seuls  dont 
s’occupe  l’anatomie.  Outre  les  caractères  communs 
qu’ils  partagent  avec  les: corps  anorganiques,  ils  en  ont 
d’autres  qui  leur  sont  propres,  et  qui  modifient  les  pre*- 
miers  ; ils  possèden  t l’orgatiisation  et  la  vie.  Ils  ont  cha- 
cun une  forme  propre,  constante,  ordinairement  ar- 
rondie, ce  qui  paraît  dû  à des  fluides  qu’ils  contiennent. 
Leur  forme  intérieure,  ou  leur  structure  offre  en  effet  un 
mélange  de  parties  hétérogènes,  solides  et  fluides.  Les 
parties  solides  sont  nommées  organes , ce  qui  veut  dire 
instrumens,  à cause  de  l’action  qu  elles  exercent.  Leurs 
particules  sont  entrelacées , entrecroisées,  tissues,  aussi 
nomme-t-on  leur  arrangement  texture;  elles  sont 


INTRODUCTION. 


* 

aréolaires,  spongieuses,  ou  forment  des  cavités  particu- 
lières qui  contiennent  les  fluides.  Ces  parties  sont  en 
général  extensibles  ou  susceptibles  de  s’allonger,  et  ré- 
tractiles ou  douées  de  la  faculté  de  revenir  sur  elles- 
mêmes.  Lorsque  ces  parties  ou  organes  sont  multiples, 
comme  cela  a lieu  le  plus  communément,  chacun  a sa 
forme  déterminée,  sa  texture  particulière,  et  sa  situa- 
tion propre.  Les  liquides  ou  humeurs  sont  contenus 
dans  les  solides,  et  en  pénètrent  tous  les  points.  Tou- 
tes les  parties  soit  solides,  soit  liquides,  sont  dans 
une  dépendance  mutuelle  et  nécessaire.  C’est  de  leur 
réunion  que  résulte  le  corps  organisé.  Les  solides  et 
les  fluides  ont  une  composition  analogue;  ils  contien- 
nent beaucoup  d’eau , et  quelques  combinaisons  parti- 
culières ou  matériaux  immédiats,  et  peuvent  se  résou- 
dre presque  entièrement  en  gaz.  Au  reste  leur  matière 
n’a  rien  de  particulier;  elle  se  retrouve  dans  les  corps 
anorganiques  dans  lesquels  elle  est  puisée,  et  c’est 
beaucoup  moins  sa  nature  que  son  arrangement  qui  la 
distingue.  On  l’a  présentée  à tort  comme  différant  es- 
sentiellement de  la  matière  brute.  L’oxygène,  l’hydro- 
gène, le  carbone,  dans  un  grand  nombre  l’azote,  et 
quelques  substances  terreuses,  en  sont  les  derniers  élé- 
mens. 

C’est  cette  forme  propre,  cette  structure  commune 
à tous  les  corps  vivans,  ce  tissu  aréolaire  contenant  des 
liquides  plus  ou  moins  abondans  et  de  même  nature 
que  lui,  qu’on  appelle  organisation. 

§ 6.  On  appelle  vie  l’ensemble  des  phénomènes  pro- 
pres aux  corps  organisés.  La  vie  consiste  essentielle- 
ment en  ce  que  les  corps  organisés  sont  tous  pendant 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


5 


un  temps  déterminé  des  centres  que  pénètrent  des  subsi- 
tances  étrangères  qu’ils  s’approprient,  et  desquelles  en 
sortent  d’autres  qui  leur  deviennent  étrangères.  Dans 
ce  mouvement  de  formation  momentanée  la  matière 
du  corps  change  continuellement,  mais  sa  forme  perf 
siste.  C’est  sous  l’état  de  fluides  que  les  substances  étran- 
gères pénètrent  dans  les  corps  organisés;  c’est  sous  la 
même  forme  que  les  molécules  superflues  en  sortent. 
Les  liquides  et  les  solides  sont  dans  un  mouvement 
continuel  dans  l’organisation;  les  liquides  parcourant 
les  cavités  des  solides,  et  ceux-ci  par  leur  dilatation  et 
leur  resserrement  déterminant  une  grande  partie  du 
mouvement  des  premiers.  Ils  se  changent  sans  cesse 
les  uns  en  les  autres,  une  partie  de  la  matière  mobile  de- 
venant fixe  pour  un  temps,  et  une  partie  des  solides  re*- 
devenant  liquide,  ce  qui  s’accorde  avec  l’analogie  de  leur 
composition.  Les  corps  organisés  éprouvent  des  chan- 
gemens  pendant  toute  leur  durée;  depuis  le  moment 
de  leur  origine  ils  s’accroissent  en  dimensions  et  en 
densité.  Ce  dernier  genre  de  changement  continue  jus- 
qu’à la  fin  lorsque  la  structure  du  corps  étant  insensi- 
blement altérée,  le  mouvement  vital  languit  et  s’arrête , 
ce  qui  constitue  la  mort;  après  la  mort,  les  élémens 
qui  composaient  le  corps  organisé  se  séparent  et  for- 
ment de  nouvelles  combinaisons.  Chaque  corps  organi- 
nisé  ayant  non-seulement  sa  forme  extérieure  mais  sa 
structure  propre  et  particulière,  chacune  de  ses  parties 
concourt  par  son  action  au  résultat  général.  On  appelle 
fonction  l’action  de  chaque  organe  ou  de  plusieurs  or- 
ganes qui  ont  un  but  commun. 

La  nutrition,  fonction  comprenant  l’absorption, 


6 


INTRODUCTION. 


l’assimilation  et  l’excrétion  dont  il  vient  d’être  question, 
n’est  pas  le  seul  phénomène  commun  aux  corps  orga- 
nisés; la  génération  est  un  autre  phénomène  aussi 
général  sans  lequel  les  espèces  ne  subsisteraient  pas , 
la jmort  étant  la  suite  nécessaire  de  la  vie.  Tous  les 
corps- organisés  et  vivans  naissent  de  corps  semblables 
a eux,  et  tous  produisent  leurs  semblables;  pour  cela 
une  partie  du  corps  organisé  qui  a acquis  son  déve- 
loppement, après  s’être  accrne  sur  lui,  s’en  sépare  et 
forme  un  être  semblable  à lui.  Cette  partie,  qui  aura 
la  même  forme  et  présentera  les  mêmes  phénomènes 
que  son  parent,  s’appelle  germe  tant  qu  elle  fait  partie 
de  son  corps.  Ce  second  phénomène  général  n’est 
qu’uiie  suite  ou  une  conséquence  du  premier.  Le  germe 
tant  qu’il  fait  partie  du  corps  de  son  parent,  se  nour- 
rit et  s’accroît  comme  un  de  ses  organes  ; sa  sépara- 
tion constitue  une  sorte  d’excrétion. 

Les  corps  organisés  reproduisent  aussi  pour  la  plu- 
part certaines  de  leurs  parties  quand  elles  leur  sont 
enlevées;  ils  réparent  également  jusqu’à  un  certain 
point  les  lésions  qu’ils  peuvent  éprouver. 

'L’ensemble  des  individus  nés  des  mêmes  parens , 
et  de  ceux  qui  leur  ressemblent  autant  qu’ils  se  ressem- 
blent entre  eux , constitue  l’espèce.  Les  circonstances 
extérieures,  comme  l’atmosphère,  la  nourriture,  et 
d’autres  encore,  suivant  quelles  sont  plus  ou  moins 
favorables,  influent  sur  l’organisation  et  ses  phéno- 
mènes : de  là  résulte  une  perfection  plus  ou  moins 
grande  dans  le  développement,  et  des  différences  de 
similitude  en  général  assez  bornées  entre  les  indi- 
vidus d’une  même  espèce,  c’est  ce  qui  constitue  les 


des  corps  ORGANISÉS.  7 

variétés;  de  là  résulte  aussi  des  altérations  individuelles 
variées  dans  les  corps  organisés  etvivans;  ces  altéra- 
tions de  l’organisation  et  de  ses  phénomènes  sont  les 
maladies,  - 

C’est  cette  série  c|e:phénomènes  communs  à tous  les 
corps  organisés:  l’origine  dans  un  être  semblable,  la 
fin  par  la  mort)  l’entretien  de  l’individu  par  nutrition , 
celle  de  l’espèce  par  génération  ; en  un  mot  j une  action 
de  formation  momentanée,  exercée  dans  un  corps  qui 
en  a reçu  d’un  parent  et  qui  en  transmet  le  principe  à 
des  deseendans  , qu’on  appelle  la  vie. 

Ce  sont  ces  deux  caractères,  l’organisation  et  la  vie  j 
communs  à tous  et  propres  à eux  seuls,  qui  distin- 
guent essentiellement  les  corps  organisés  et  vivans. 

§ 7.  La  forme  et  l’action  des  corps  organisés  et  vivans, 

l’organisation  et  la  vie  sont  dans  une  connexion  telle, 

» 

qu  elles  peuvent  être  considérées  chacune  comme  la  con- 
dition del’airtre,  rime  supposant  coostammentl  autre. 
On  ne  voit  la  vie  que  dans  des  cotps  organisés,  onr  me 
voit  aussi  l’organisation  que  dans  des  corps.' vivans.  Il 
fallait  en  effet  pour  que  la  vie  put  avoir  lieu , des  par- 
ties solides  pour  conserver  la  forme^  et  (J6S'  parties 
fluides  pour  entretenir  le  mouvement,  en  tin  mot  une 
organisation;  et  de  même  pour  que  celle-ci  put  se 
maintenir  au  milieu  des  causes  de  destruction , il  fallait 
un  mouvement  et  un  renouvellement  continuels  de  ses 
parties.  Les  corps  organisés  naissent  vivans  de  corps  sem- 
blables a eux;  dans  tous,. et  pendant  toute  la. «purée de 
leur  vie,  les  phénomènes  vitaux  sont  dans  uni  rapport 
exact  avec  l’état  de  l’organisation;  et  quand  celle-ci  s’al- 
tère, soit  par  le  fait  même  de  la  vie,  soit  par  des  eir- 


8 


INTRODUCTION. 


constances  accidentelles,  la  vie  languit  et  s’arrête,  et 
l’organisation  se  détruit  par  l’action  chimique  de  ses 
propres  élémens.  Tous  les  efforts  des  physiciens  n’ont 
pu  encore  apercevoir  la  matière  s’organisant,  ou  la  vie 
s’établissant  soit  spontanément,  soit  par  des  causes  exté- 
rieures , en  un  mot  ailleurs  que  dans  un  corps  déjà 
organisé  et  vivant.  La  vie  ne  consiste  en  effet  ni  uni- 
quemènt  dans  une  réunion  de  molécules  auparavant 
séparées,  comme  celle  que  pourrait  produire  l’attrac- 
tion chimique,  ni  uniquement  dans  une  expulsion 
des  élémens  auparavant  combinés,  comme  celle  que 
pourrait  produire  l’action  répulsive  du  calorique;  mais 
dans  un  mouvement  de  formation  temporaire,  dans 
lequel  des  élémens  restent  unis , qui  se  sépareraient  si 
la  vie  cessait,  et  dans  lequel  des  élémens  se  séparent 
sans  que  l’action  du  calorique  les  écarte:  or,  cette  ac- 
tion vitale  n’existe  que  dans  les  corps  organisés.  Cette 
connexion  intime  et  réciproque  de  l’organisation  et  de 
la  vie,  a fait  qu’on  les  a tour  à tour  regardées  chacune 
comme  la  cause  ou  l’effet  de  l’autre.  C’est  à tort  sans 
doute,  et  l’idée  d’organisation  et  de  vie  est  une  idée 
complexe , qui  ne  doit  pas  être  plus  divisée , si  ce  n’est 
par  abstraction,  que  ces  deux  choses  ne  sont  elles- 
mêmes  séparables.  La  vie  est  l’organisation  en  action, 

• ou  bien,  suivant  l’expression  de  Stahl;  c’est  l’orga- 
nisme. L’objet  de  cet  ouvrage  cependant  étant  l’exa- 
men de  l’organisation  en  repos,  la  vie  n’y  sera  consi- 
dérée que  d’une  manière  fort  abrégée  *. 

§ 7.  Les  corps  organisés  ayant  une  structure  hété- 
b;>.  !■:  T bri-,  

1 Voyez  Itiçhcrand.  Élémens  de  Physiologie. 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


9 

rogène,  leur  histoire  se  compose  de  celle  de  leurs  di- 
verses parties;  c’est  proprement  cette  étude  qui  est 
l’objet  de  l’anatomie.  De  même  la  physique  de  ces 
corps  ne  comprend  pas  seulement  des  phénomènes 
mécaniques  ou  chimiques , mais  encore  ceux  qui  leur 
appartiennent  en  propre  et  qui  sont  étrangers  aux  corps 
anorganiques;  savoir  la  nutrition  et  la  génération,  c’est- 
à-dire  l’action  organique  ou  vitale.  Cette  physique  par- 
ticulière prend  le  nom  de  physiologie. 

L’anatomie  1 peut  donc  être  définie,  la  connais- 
sance des  corps  organisés,  ou  la  science  de  l’organi- 
sation. D’après  son  étymologie,  ce  mot  n’a  point  cette 
signification  ; il  veut  dire  simplement  dissection , mais 
l’usage  l’a  consacré,  et  on  le  préfère  aux  mots  morpho- 
logie , organologie  ( discours  sur  la  forme , sur  les  or- 
ganes), que  quelques-uns  ont  proposés  pour  le  rem- 
placer. En  effet  l’anatomie  est  une  science  purement 
d’observation , et  la  dissection  est  le  principal  moyen 
par  lequel  on  met  à découvert  les  parties  des  corps 
organisés  pour  les  observer. 

La  physiologie  2 est  la  connaissance  des  phénomènes 
des  corps  organisés , ou  la  science  de  la  vie  ; on  l’ap- 
pelle encore  zoonomie  et  biologie  ( loix  de  la  vie  et 
discours  sur  la  vie).  La  physiologie  est,  comme  l’ana- 
tomie, une  science  d’observation;  mais  elle  consi- 
dère les  phénomènes  des  corps  organisés  vivans. 

L anatomie  et  la  physiologie  sont  liées  entre  elles  par 
un  rapport  très-étroit  : l’observation  ayant  appris  que 
1 organisation  et  les  phénomènes  de  la  vie  sont  dans 

1 De  Avare/uva,  je  dissèque. 

2 De  <pv<ns,  nature , et  Aoyo?,  discours. 


IO 


INTRODUCTION. 


un  rapport  constant  et  réciproque,  on  peut  conclure 
de  l’une  à l’autre. 

§ 8.  Les  corps  organisés  et  vivans,  sujets  de  l’ana- 
tomie et  de  la  physiologie,  sont  distingués  en  êtres 
inanimés  ou  végétaux,  et  en  animaux  ou  êtres  animés, 
d’après  des  différences  très-tranchées  enttre  les  ani- 
maux et  les  végéatux  dont  l’organisation  est  compli- 
quée, très-peu  marquées  au  contraire  entre  ceux  dont 
l’organisation  est  la  plus  simple. 

§ !ip.  Les  végétaux  les  plus  composés  sont  en  général 
formés  de  deux  parties  séparées  par  une  ligne  médiane 
horizontale,  et  dont  l’une  descendante  et  contenu^ 
dans  la  terre  est  la  racine;  tandis  que  lautre,  ascen- 
dante et  contenue  dans  l’atmosphère,  est  la  tige  qui 
porte  les  feuilles  et  les  fleurs.  Leur  structure  consiste 
simplement  en  un  tissu  aréolaire , en  vaisseaux  et  en 
tuyaux  spiraux  qu’on  nomme  trachées.  Ils  n’ont  point 
d’autres  organes  que  ceux  de  la  nutrition  et  de  la  gé- 
nération. Leurs  parties  les  plus  importantes  sont  toutes 
situées  à l’extérieur.  Leur  composition  chimique  est 
assez  simple , l’azote  s’y  rencontre  rarement  ou  n’y 
existe  que  localement.  Leurs  actions  vitales  se  bor- 
nent à l’accroissement  et  à la  reproduction.  Leur  nu- 
trition , dont  les  matériaux  sont  puisés  dans  le  sol  et 
dans  l’atmosphère,  dans  leau  et  dans  l’air,  consiste 
dans  une  absorption  exercée  par  les  racines,  dans  un 
mouvement  de  translation  que  les  liquides  éprouvent 
dans  les  vaisseaux  de  la  tige,  et  dans  une  sorte  de  res- 
piration qui  a lieu  principalement  dans  les  feuilles; 
dans  ccs  diverses  actions,  les  végétaux  retiennent  l’hy- 
dro  gène  et  le  carbone,  conservent  peu  ou  point  d a- 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


I I 

zote,  et  exhalent  l'oxygène  superflu.  Leur  reproduction 
se  fait  suivant  plusieurs  modes,  lly  a * du  reste , dans 
1 organisation  des  végétaux,  une  assez  grande. diversité 
dont  l’exposition  serait  déplacée  dans  cet.  ouvrage  l. 

Des  animaux . » 

§ io.  Les  animaux  à la  tête  desquels  se  tro^uve  l’homme 
qui  ressemble  beaucoup  à quelques-Uns  d’entre  eux, 
outre  les  caractères  généraux  des  corps  organisés,  en 
ont  d’autres  qui  leur  sont  propres,  qui  les  distinguent 
par  conséquent  des  végétaux,  et  qui  influent  sur  les  pre- 
miers et  les  modifient.  Mais  les  animaux  sont  tellertient 
diffétens  les  uns  des  autres,  que  leurs  caractères  com- 
muns ne  sont  pas  bien  nombreux  et  bien  tranchés’; 
voici  les  caractères  propres  aux  animaux,  les  uns  en 
petit  nombre  communs  à tous,  les  autres  plus  où 
moins  généraux.  . 

Outre  la  forme  arrondie  qui  appartient  en  général 
à tous  les  êtres  organisés,  on  observe  que  la  plupart 
des  animaux  sont , à l’extérieur  au  moins,  symétriques 
et  divisés  par  une  ligne  médiane  verticale  en  dètSt 
moitiés  latérales  semblables , et  que  leur  longueur  sui* 
vant  cette  ligne  l’emporte  sur  les  autres  dimensions, 
quelquefois  de  beaucoup.  La  proportion  des  liquides 
aux  solides  est  très-grande.  Le  tissu  aréolaire  ou  cellu- 
laire qui  forme  la  masse  du  corps  est  très-mou  et  très- 
contractile.  Le  corps  est  creusé  d’une  cavité  intérieure 
ou  intestine,  où  sont  reçus  les  alirnens.  Cette  cavité  est 

7 i) 

4 V oyez  Richard.  Elémens  de  botanique. 


INTRODUCTION. 


13 

ainsi  que  l’extérieur,  tapissée  par  une  membrane  ou 
peau  qui  limite  et  enveloppe  tout  le  reste  du  corps.  Il 
y a dans  beaucoup  d’animaux  des  vaisseaux  circula- 
toires qui  portent,  dans  des  directions  déterminées, 
la  matière  nutritive  de  l’intestin  dans  toutes  les  au- 
tres parties  du  corps;  des  organes  respiratoires  dans 
lesquels  cette  matière  est  soumise  à l’action  de  l’atmo- 
sphère; et  des  organes  sécrétoires  où  une  partie  de 
cette  matière  se  sépare  de  la  masse.  Ils  ont  des  orga- 
nes génitaux  qui  consistent  en  général  en  une  cavité 
de  laquelle  se  détachent  et  sortent  les  germes.  Dans  la 
plupart  des  animaux  enfin  il  y a des  muscles  pour 
exécuter  les  mouvemens  apparens,  des  sens  pour  re- 
cevoir les  impressions  des  objets  extérieurs,  et  un  sys- 
tème nerveux  consistant  en  des  cordons  ou  Ælets 
plongés  et  épanouis  par  une  extrémité  dans  les  tégu- 
mens  et  dans  les  muscles,  et  en  des  renflemens  plus  ou 
moins  gros  dans  lesquels  tient  l’autre  extrémité  des 
cordons. 

§n.  Les  solides,  ou  les  organes  des  animaux,  ont  pour 
base  principale  le  tissu  aréolaire  ou  cellulaire,  substance 
molle , extensible , contractile , perméable  aux  liqui- 
des. Condensée  aux  deux  surfaces  du  corps , c’est  cette 
substance  qui  forme  à l’extérieur  la  peau,  et  à l’inté- 
rieur les  membranes  muqueuses,  ou  la  peau  intérieure. 
C’est  cette  meme  membrane,  la  peau  diversement  dis- 
posée , qui  constitue  les  organes  de  la  respiration  des 
sécrétions  et  de  la  génération  : c’est  elle  aussi  qui  forme 
les  sens.  Creusé  en  canaux  rameux  dans  les  parois  des- 
quels il  a une  consistance  assez  grande,  le  tissu  cellu- 
laire constitue  les  vaisseaux  : cette  même  substance 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


l3 

diversement  modifiée  sans  perdre  pourtant  ses  ca- 
ractères distinctifs,  forme  encore  plusieurs  autres 
genres  d’organes  dans  les  animaux.  La  fibre  muscu- 
laire constitue  un  second  genre  de  solide  différant  es- 
sentiellement du  tissu  cellulaire  en  ce  que  au  milieu  de 
cette  substance  molle  qui  forme  la  masse  commune , se 
trouvent  des  séries  linéaires  de  globules  microscopi- 
ques ; elle  se  contracte  quand  elle  est  irritée.  La  subs- 
tance des  nerfs  est  formée  de  même  de  globules , mais 
différens  de  ceux  qui  composent  les  muscles;  elle 
transmet  à des  centres  les  impressions  reçues , et  con- 
duit aux  muscles  l’influence  des  centres. 

Les  liquides  animaux,  ou  les  humeurs,  sont  nom- 
breux et  abondans.  Dans  beaucoup  d’animaux  il  y a un 
liquide  en  circulation  dans  des  vaisseaux,  c’est  le  sang, 
masse  centrale  du  liquide  nutritif;  d’autres  liquides 
absorbés  aux  surfaces,  ou  dans  la  masse  même  du 
corps;  et  d’autres  liquides  enfin  sécrétés  ou  séparés 
du  sang.  Celui-ci  consiste  essentiellement  en  un  véhi- 
cule séreux,  abondant,  dans  lequel  sont  plongés  des 
particules  microscopiques  semblables  à celles  des  so- 
lides. La  composition  du  sang  est  tout-à-fait  analogue 
à celle  des  parties  solides , et  il  suffit  d’un  simple  chan- 
gement d’état,  ou  de  quelques  faibles  changemens  de 
proportions  dans  les  élémens  pour  que  les  matériaux, 
de  liquides  deviennent  solides. 

Les  derniers  élémens  anatomiques  des  humeurs  et 
des  organes  des  animaux  paraissent  donc  être  une  subs- 
tance amorphe,  liquide  dans  le  sang  où  elle  constitue 
le  sérum  ou  l’albumine , et  concrète  dans  les  organes 
où  elle  constitue  le  tissu  cellulaire;  et  une  substance 


INTRODUCTION. 


1 4 

figurée  en  globules,  libres  et  nageant  dans  le  sang, 
fixés  clans  les  organes  où  ils  forment  la  fibre  muscu- 
laire et  la  substance  nervale.  La  composition  chimi- 
que du  corps  animal  est  plus  compliquée  que  celle  du 
végétal , et  consiste  en  élémens  plus  volatils;  aussi  l’a- 
zote y entre-t-il  comme  partie  essentielle  qui  se  joint 
aux  autres  élémens  généraux  de  l’organisation.  La 
chaux  est  l’élément  terreux  qui  y existe  le  plus  généra- 
lement. . N' 

§ 12.  Les  phénomènes  organiques  généraux,  la  nu- 
trition et  la  génération  se  retrouvent  dans  des  animaux, 
mais  modifiés  par  les  phénomènes  qui  leur  sont  pro- 
pres; La  nutrition,  au  lieu  de  résulter  de  1 absorption 
extérieure  seule,  résulte  en  même  temps  et  principale- 
ment d’une  absorption  intérieure  qui  a lieu  dans  leur 
cavité  intestinale.  Le  liquide  nutritif  puisé  dans  l’in- 
testin est  soumis  à faction  de  l’atmosphère;  il  résulte 
de  cette  respiration  une  production  d’eau  et  d’acide 
carbonique , ce  qui  est  le  contraire  de  ce  qui  a lieu  dans 
les  végétaux.  Outre  cela,  le  liquide  nutritif  doit  être 
continuellement  débarrassé  de  matières  surabondantes 
par. les  sécrétions;  elles  ont  lieu  aux  surfaces  externe 
et  interne j tantôt  par  des  vaisseaux  simplement  épar- 
riouis  sur  de  larges  surfaces  qui  laissent  perspirer  le 
liquide  sécrété;  ailleurs  c’est  du  fond  de  petites  cavi- 
tés formées  dans  la  peau  ou  la  membrane  muqueuse  , 
que  le  liquide  sourd  ; dans  d autres  endroits  les  vais- 
seaux circulatoires  communiquent  avec  des  vaisseaux 
propres  ou  canaux  excréteurs  ramifiés,  formés  encore 
par  l’enveloppe  du  corps,  et  qui  versent  le  liquide  se- 
crété. Parmi  les  liquides  qui  résultent  de  ces  diverses  sé- 


des  corps  organisés.  i5 

crétions  les  uns  ont  çles  usages  dans  l’exercice  des 
fonctions , d’autres  sont  rejetés  comme  matières  super- 
flues, ce  qui  constitue  une  sorte  de  dépuration.  Le  li- 
quide nourricier  sans  cesse  renouvelé  par  1 absorption 
intestinale,  entretenu  dans  un  état  convenable  par  la 
respiration  et  les  sécrétions,  parvient  dans  toutes  les 
parties  du  corps , et  y opère  la  nutrition  ; opération 
merveilleuse  dans  laquelle  il  se  décompose  de  manière 
que  dans  chaque  partie  une  portion  du  sang  devient 
solide  et  fait  partie  d’un  organe;  en  même  temps,  et 
partout  aussi  une  partie  des  organes  devient  liquide 
et  rentre  dans  le  torrent  circulatoire.  La  génération  ou 
la  production  d’un  nouvel  être  est  tellement  diversifiée 
dans  ses  modes  quelle  n’offre  aucun  caractère  propre 
aux  animaux  et  commun  à eux  tous.  La  séparation 
des  sexes,  subordonnée  au  mouvement,  n’est  en  effet 
ni  propre  ni  commune  au  règne  animal.  Les  animaux 
jouissent  aussi , quoiqu’à  un  degré  moindre  que  les 
végétaux,  de  la  faculté  de  reproduire,  par  une  sorte 
de  végétation,  certaines  parties  quand  elles  sont  en- 
levées. 

§ i3.  Le  mouvement  musculaire,  les  sensations  et  l’ac- 
tion nerveuse  donnent  aux  animaux,  en  quelque  sorte, 
une  nouvelle  vie  : aussi  appelle-t-on  ces  fonctions  du 
nom  de  vie  animale,  par  opposition  aux  autres  fonctions 
que  l’on  appelle  vie  organique  ou  végétative.  Les  im- 
pressions exercées  pan. les  agens  extérieurs  sur  les 
organes  des  sensations , c’est-à-dire  sur  la  peau  ex- 
terne ou  interne , ou  sur  quelques-unes  de  ses  parties 
organisées  d une  manière  particulière , déterminent 
dans  ces  organes  des  actions  qui  se  propagent  par  les 


1 6 


INTRODUCTION. 


nerfs  jusqu’aux  masses  centrales  du  système  nerveux.  Il 
n’est  même  aucune  partie  du  corps  qui , dans  certains 
cas,  ne  puisse  être  le  siège  de  quelque  sensation. Quand 
l’animai  a reçu  une  sensation,  et  quelle  détermine  en 
lui  une  volition,  c’est  encore  par  les  nerfs  que  cette  vo- 
lition  est  transmise  aux  muscles  dont  les  contractions 
produisent  les  mouvemens  de  l’animal. 

L’action  nerveuses  n’est  pas  bornée  à transmettre  les 
impressions  reçues  par  les  sens,  et  les  voûtions  aux  mus- 
cles, les  masses  nerveuses  centrales  sont  encore  les  or- 
ganes de  l’instinct  et  des  fonctions  cérébrales. 

Les  fonctions  dont  il  s’agit  ne  sont  pas  seulement  en 
plus  dans  les  animaux  ou  surajoutées  en  eux  aux  fonc- 
tions organiques  ou  végétatives , mais  elles  modifient 
singulièrement  l’exercice  de  ces  dernières.  Ainsi,  dans 
la  nutrition,  ce  sont  en  général  des  mouvemens  mus- 
culaires qui  déterminent  l’introduction  desalimens  ; des 
fibres  musculaires  qui  garnissent  l’intestin,  les  y font 
mouvoir;  des  muscles  qui,  dans  beaucoup  d’animaux, 
garnissent  les  vaisseaux  à leur  centre  de  réunion,  y 
meuvent  le  sang  ; des  muscles  encore  déterminent,  par 
leur  mouvement,  l’application  du  fluide  atmosphé- 
rique sur  l’organe  respiratoire.  Des  sens  sont  placés  à 
l’entrée  des  organes  de  la  nutrition.  Des  nerfs  se  distri- 
buent aussi  aux  organes  de  la  nutrition,  et  quoique 
dans  l’état  ordinaire  ces  nerfs  ne  transmettent  point 
de  sensations  ni  de  voûtions  , et  que  les  mouvemens  y 
soient  immédiatement  déterminés  par  les  impressions 
ou  irritations,  cependant  dans  les  affections  fortes  des 
centres  nerveux,  les  mouvemens  sont  troublés,  et  dans 
des  cas  maladifs  ces  fonctions  sont  accompagnées  de 


DES  CORPS  ORGANISÉS.  17 

sensations.  La  génération  est , comme  la  nutrition , 
modifiée  dans  ses  actes  par  les  fonctions  animales. 

$ 14.  Il  y a en  effet  entre  tous  les  organes,  entre  toutes 
les  fonctions  des  animaux,  un  enchaînement  qui  existe 
Lien  dans  tous  les  corps  organisés  et  vivajis,  mais  qui 
se  fait  remarquer  encore  davantage  dans  les  animaux , 
et  surtout  dans  quelques-uns  d’entre  eux.  Dans  les 
êtres  organisés  réduits  à la  nutrition  et  à la  reproduc- 
tion, la  dernière  de  ces  fonctions  est  la  suite  et  la  con- 
séquence de  la  première.  Dans  les  animaux  qui  jouis- 
sent du  mouvement  et  du  sentiment,  la  nutrition  a- dû 
être  exécutée  par  une  digestion  , car  l’animal  ne  pour 
vait  être  tout  à la  fois  locomobile  et  enraciné;  la  gé- 
nération a pu  être  sexuelle.  A mesure  que  chaque 
ordre  de  fonctions  devient  plus  compliqué  , les  or- 
ganes qui  s’ajoutent  à ceux  dont  l’existence  est  plus 
générale,  tiennent  ces  premiers  sous  leur  dépendance* 
Ainsi,  dans  l’ordre  des  fonctions  nutritives,  la  circula- 
lation,  et  dans  la  circulation , l’action  du  cœur,  beau- 
coup moins  générales  que  les  autres  phénomènes  nu- 
tritifs tiennent , quand  elles  existent.,,  tous  les  autres 
phénomènes  sous  leur  influence.  De  même  dans  les 
fonctions  animales,  l’action  des  centres  nerveux  tient 
sous  sa  direction , des  phénomènes  dont  l'existence  est 
plus  générale.  Les  fonctions  animales  tiennent  de 
meme  sous  la  leur  toutes  les  fonctions  nutritives  et 
reproductives , mais  celles-ci,  à leur  tour,  tiennent 
aussi  les  premières  sous  leur  dépendance  : les  organes 
des  fonctions  animales  devant  être  nourris  pour  rem* 
plir  leurs  fonctions  , et  celles-ci  déterminant  l’exercice 
des  organes  des  fonctions  végétatives.  De  sorte  que 
1. 


a 


i8 


INTRODUCTION. 


dans  les  animaux  très-développés  en  organisation,  la 
vie  semble  essentiellement  résulter  de  l’action  réci- 
proque de  l’organe  central  des  fonctions  végétatives , et 
de  l’organe  principal  des  fonctions  animales  : de  la  cir- 
culation et  de  l’action  nerveuse , ou  de  l’action  du  sang 
sur  le  système  nerveux,  et  du  système  nerveux  sur 
les  organes  qui  meuvent  le  sang.  Les  autres  phéno- 
mènes entretiennent  ces  deux  actions  principales  que 
l’on  peut  regarder  comme  les  deux  fonctions  essentiel- 
lement vitales  des  animaux. 

§ i 5'.  A tous  ces  caractères,  les  premiers  très-généraux 
ou  'commUns , et  les  derniers  beaucoup  moins  géné- 
raux, il  faut  ajouter  les  dérangemens  de  l’organisation 
et  ides  phénomènes  de  la  vie,  c’est-à-dire  les  maladies, 
beaucoup  plus  fréquentes  dans  les  animaux  que  dans 
l’autre  règne  organique;  et  l’on  trouvera  aisément  la 
raison  de  cette  fréquence , dans  la  complication  de  leur 
organisation  , dans  l’enchaînement  de  toutes  les  parties 
entre  elles  et  dans  l’existence  d’organes  centraux  et 
prédominans,  dont  Kaction  ne  peut  être  troublée  sans 
que  tous  les  autres  s’en  ressentent.  De  là  l’étude  des 
circonstances  et  des  corps  extérieurs  qui  influent  d’une 
manière  utile  ou  nuisible  sur  l’organisation  animale, 
et  l’art  de  coilserver  ou  de  rétablir  la  santé  par  l’u- 
sage bien  dirigé  des  influences  extérieures,  ou  la  mé- 
decine. 

Tels  sont  les  caractères  les  plus  généraux  des  ani-  • 
maux;  mais  ces  êtres  présentent  dans  leurs  organes  et 
dans  leurs  fonctions , une  foule  de  variétés  ou  de 
dégrés  de  complication  qu’il  est  important  d’exa- 
miner. 


DES  COUPS  ORGANISÉS.  J.f) 

§ 16.  La  forme  extérieure  ou  la  configuration  qui  peut 
donner  une  idée  de  ia  structure,  dont  elle  est  en  quel- 
que sorte  l’expression,  présente  les  variétés  suivantes  . 
Quelques  animaux  sont  punctiformes  ou  globuleux, 
comme  les  monades;  d’autres  ont  la  forme  d’un  fila 
ment  comme  les  vibrions;  quelques-uns  ont  la  forme 
aplatie  comme  une  petite  membrane,  tels  sont  les 
cyclides;  d’autres  enfin  appartenant  comme  les  pré 
cédens  au  groupe  des  infusoires,  n’ont  point  de  forme 
déterminée,  leur  configuration  changeant  à chaque 
instant  de  la  manière  la  plus  bizarre  ; ce  sont  les  prê- 
tées. Ces  formes  élémentaires  qui  appartiennent  à tous 
les  animaux  les  plus  simples , se  retrouvent  dans  quel- 
ques-uns d’un  ordre  plus  élevé , et  dans  certaines  par- 
ties de  tous  les  autres.  Il  en  est  de  même  de  la  forme 
étoilée  ou  rayonnée  qui  appartient  à un  certain  nom 
bre  de  classes  d’animaux , et  qu’on  retrouve  dans  di 
verses  parties  de  ceux  qui  ont  une  autre  forme  exté 
rieure. 

La  forme  rayonnée  commence  à se  montrer  dans  les 
rotifères,  et  dans  les  autres  polypes;  dans  les  acalèphes 
■ et  les  éçhinodermes,  la  forme  rayonnée  n’est  pas  bor- 
née à l’ extérieur,  qui  ressemble  à une  fleur  radiée  ou 
à une  étoile,  mais  toutes  les  parties  sont  disposées 
autour  d’un  axe , et  sur  un  plus  ou  moins  grand  nom- 
bre de  rayons.  Dans  d’autres  animaux  l’axe  étant  plus 
long,  la  forme  rayonnée  devient  cylindrique.  Les  échi- 
nodermes  cylindroïdes,  les  vers  intestinaux , les  an- 
nélides  établissent  ce  passage  de  la  forme  rayonnée  à 
laquelle  ils  participent  encore  à la  forme  symétrique 
et  à la  disposition  articulaire  qu’ils  présentent  aussi  ; 


20 


INTRODUCTION. 


et  les  tuniciers  le  passage  de  là  forme  rayonnée  à la 
forme  symétrique  sans  articulations. 

La  formé  symétrique  se  trouve  à quelques  faibles 
exceptions  près,  dans  tous  les  autres  animaux.  Dans 
cette  forme,  le  corps  est  partagé  en  deux  parties  la- 
térales ou  en  deux  côtés  semblables  par  un  plan  mé- 
dian > mais  elle  se  soüdivise  en  deux  autres  très-dif- 
férentes. Dans  les  mollusques  le  corps  n’est  point  divisé 
en  segmens , et  il  n’y  a point  de  pieds  articulés  ; ces 
animaux  sont  inarticulés.  Les  autres  animaux  symé- 
triques aü  contraire  sont  articulés,  c'est-à-dire  que 
leur  tronc  est  divisé  en  segmens  mobiles  les  uns  sur 
les  autres,  et  que  leurs  membres , quand  ils  en  ont, 
sont  divisés  èn  plusieurs  parties  par  des  articulations. 
On  trouve  déjà  la  disposition  articulaire  dans  les  cir- 
rhipôdes  qui,  de  toute  manière,  appartiennent  aux 
mollusques;  On  en  trouve  aussi  le  principe  dans  les 
éckinodermes  cylindroïdes , dans  les  vers,  mais  <re 
genre  de  forme  appartient  surtout  aux  annélides  , aux 
insectes,  aux  crustacés,  aux  arachnides,  que  l’on  ap- 
pelle pour  cette  raison  animaux  articulés,  et  à tous  les 
animaux  osseux  ou  vertébrés.  Ainsi  on  peut  rapporter 
les  formes  animales  aux  suivantes  : la  forme  symétrique 
on  binaire,  avec  ou  sans  articulations;  la  forme  rayon- 
née;  et  lès  formes  simples  d’un  globule,  d’un  fila- 
ment * etc. 

5 17.  La  forme  extérieure  des  animaux  présente  en- 
cbre  d'autrès  différences.  Le  corps  se  divise  en  tronc, 
partie  centrale  qui  contient  les  organes  essentiels  à la 
vie  ou  les  viscères;  et  en  appendices , parties  en  général 
destinées  aux  mouvemens  et  aux  sensations.  Le  tronc 


21 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 

se  divise  en  torse  ou  partie  moyenne  et  eO  ex^éuûtçs 
qui  sont  la  tête  et  la  queue.  Le  torse  lu;i*piên>e  :e^ 
quelquefois  subdivisé  en  abdomen  cten  thorax,^  La  tête 
est  la  partie  qui } ou,tre  la  bouche,  cqqtient  le  principal 
renflement  nerveux,  ou  le- cerveau,  et  les  organes  çiq? 
sens  spéciaux.  Le  thorax > dans  les  animaux  articulés, 
est  la  partie  du  tronc  qui  porte  les  membres;  dans  les 
vertébrés  c’est  celle  qui  renferme  le  cœur  et  les  pou* 
mons.  L’abdomen  contient  toujours  les  principaux  qy- 
ganes  de  la  digestion  et  de  la  génération.  Ces  diverses 
parties  du  tronc,  qui  n’existent  pas  toujours  toutes, 
offrent  diverses  variétés. 

Dans  les  animaux  rayonnés,  dans  les  mollusques 
acéphales,  et  dans  les  intestinaux  et  les  annélides, 
le  tronc  réduit  à sa  partie  moyenne  , consiste  en  unq  . 
seule  cavité  qui  renferme  tous  les  organes.  Dans  les 
mollusques  céphalés  il  y a une  tête  distincte;  il  eu 
est  de  même  des  insectes , des  crustacés  et  des  aractv: 
nides , qui  ont  en  outre  un  thorax,  tantôt  distinct 
de  la  tête  et  de  l’abdomen,  et  tantôt  confondu  ayeç 
une  ou  avec  ces  deux  parties  du  tronc.  Dans  les  ver- 
tébrés la  tête  est  toujours  distincte,  mais  le  thorax 
est  quelquefois  confondu  avec  l’abdomen.  Les  appen- 
dices présentent  aussi  diverses  variétés  : Dans  quelques 
infusoires,  il  y en  a de  petits  appelés  cils.  Les  animaux 
rayonnés  ont  la  bouche  entourée  d’appendices  appe- 
lés tentacules,  qui  sont  destinés  au  mouvement  et  aq 
sentiment.  Il  en  est  de  même  dans  quelques  mollusques 
qui  ont  de$  tentacules  sensibles  et  d’autres  productions 
charnues  appelée  bras  ou  pieds  pour  le  mouvement. 
Les  crustacés  et  les  insectes  ont  des  antennes , filam.ens 


i 


Introduction. 


±2 

articulés,  de  forme  très-diverses  tenant  à la  tête,  et 

' s 

qui  paraissent  des  organes  de  sensation.  Il  en  est  de 
même  de  leurs  palpes  que  I on  trouve  aussi  dans  les 
arachnides.  Les  appendices  latéraux , pairs , essentiel- 
lement destinés  aü  mouvement,  et  qu’on  appelle 
membres  quand  ils  sont  articulés,  existent  en  rudimens 
dans  les  cirrhopodes  et  dans  les  annélides  setigères;  on 
les  trouve  en  grand  nombre  dans  les  myriapodes,  en 
nombre  assez  grand,  mais  variable,  dans  les  crustacés; 
il  y en  a huit  dans  les  arachnides,  et  six  dans  les  vrais 
insectes  qui  ont  en  outre,  pour  la  plupart,  des  ailes 
au  nombre  de  quatre  ou  de  deux.  Dans  les  vertébrés 
il  n’y  a jamais  plus  de  quatre  membres. 

§ 18.  Les  organes  de  la  nutrition  présentent  une  grande 
• diversité.  Dans  les  animaux  les  plus  simples,  les  in- 
fusoires, cette  fonction  consiste  uniquement  dans  une 
absorption  ou  imbibition  extérieure  dont  la  matière 
pénètre  toutes  les  parties  du  corps  de  l’animal  et  est 
immédiatement  assimilée  et  ensuite  excrétée;  on  re- 
trouve cette  simplicité  d’organisation  dans  quelques 
vers  intestins  et  quelques  acalèpbes. 

A un  degré  plus  élevé,  on  trouve  une  cavité  intes- 
tinale creusée  dans  la  substance  du  corps,  et  dès  lors 
l’absorption  se  fait  par  deux  surfaces  et  surtout  par  la 
surface  interne.  On  trouve  cette  simple  cavité  dans 
quelques  polypes.  A un  degré  plus  élevé  encore,  la 
cavité  consiste  en  un  sac  membraneux,  distinct  de 
la  masse  du  corps,  formé  par  une  membrane  ou  peau 
intérieure  continue  et  analogue  à la  peau  extérieure. 
Ce  sont  encore  des  polypes  et  des  acalèphes,  et  quel- 
ques intestinaux  qui  en  montrent  la  première  appa- 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


23 


rence;  clans  d’autres  animaux  des  mêmes  classes,  la 
cavité  gastrique  a des  prolongemens  étendus  dans  la 
masse  du  corps  pour  y distribuer  la  nourriture.  Dans 
quelques  acalèphes,  quelques  vers  intestinaux,  l’es- 
tomac manque,  et  il  n’y  a que  les  prolongemens  ra- 
mifiés qui  s’ouvrent  à la  surface  extérieure.  Dans 
toutes  ces  premières  apparences  d’une  cavité  intestinale, 
la  cavité  est  bornée  à un  sac  allongé,  ayant  une  seule 
issue.  Plusieurs  éclîinoclermes,  et  vers  intestinaux , ont 
un  canal  intestinal  distinct,  une  bouche  et  un  anus, 
disposition  que  l’on  retrouve  dans  toutes  les  classes 
élevées , où  le  canal  plus  ou  moins  renflé , plus  ou  moins 
resserré,  etc. , traverse  le  corps.  L’existence  de  ce  canal 
se  montre  en  même  temps  que  la  forme  cylindroïde  et 
allongée  du  corps. 

La  bouche  présente  plusieurs  variétés  dont  les  prin- 
cipales sont  celles  d’un  simple  orifice;  d’une  ouverture 
garnie  de  muscles , et  quelquefois  de  parties  dures, 
mais  disposées  uniquement  par  l'a  succion  ; d’une  ouH 
verture  garnie  de  muscles  et  de  parties  dures  pour 
diviser  les  alimens. 

p — « *>  • i s 1. 1 : % » 

§ 19.  Dans  beaucoup  d’animaux  inférieurs,  le  sue- 
nourricier  absorbé  par  les  parois  de  l’intestin,  simple  ou 
prolongé  dans  le  corps  par  des  appendices  ramifiés , est 
porté  immédiatement  par  la  substance  aréolaire  dans 
toutes  les  parties  du  corps.  Tel  est  le  cas  de  tous  les 
animaux  rayonnés  et  de  l’immense,  classe  des  insectps*r 
Dans  tous  les  insectes,  en  effet,  il  n’y  a point  de 
vaisseaux,  et  le  liquide  nourricier  doit  passer  par  in)- 
bibition  de  1 intestin  dans  tout  le  corps;  il  y a seule- 
ment un  vaisseau  dorsal  qui  paraît  un  rudiment  de 


introduction. 


24 

cœur,  mais  point  de  branches  pour  la  circulation. 

Dans  les  animaux  plus  élevés  , le  liquide  nourricier 
absorbé  par  les  parois  de  l’intestin , circule  dans  des 
vaisseaux  clos , dont  les  dernières  ramifications  seules 
laissent  échapper  dans  la  substance  du  corps , les  mo- 
lécules qui  doivent  la  nourrir.  Les  vaisseaux  qui  por- 
tent du  centre  de  la  circulation  à toutes  les  autres  par- 
ties , sont  appelés  artères  ; ceux  qui  rapportent  de  toutes 
les  parties  du  corps  au  centre,  se  nomment  veines;  au 
*point  de  réunion  des  unes  et  des  autres,  on  trouve 
dans  beaucoup  d’animaux  un  organe  charnu,  le  cœur, 
qüi  aide  par  ses  contractions  le  mouvement  du  liquide, 
et  qui  est  ainsi  que  l’ensemble  des  vaisseaux  plus  ou 
moins  compliqué.  On  trouve  les  premiers  rudimens 
de  vaisseaux  dans  quelques  vers  intestinaux,  et  le  pré* 
plier  rudiment  dé  cœur  dans  les  insectes. 

Dans  les  annélides,  seuls  animaux  invertébrés  qui 
aient  le  sang  rouge,  il  y a des  artères  et  des  veines  pour 
la  Circulation,  mais  le  cœur  est  seulement  ébauché. 
Dans  les  arachnides  trachéennes,  les  organes  de  la 
circulation  ne  sont  guère  plus  avancés  que  dans  les 
inséctes  , mais  dans  les  autres,  les  pulmonaires,  il  y a 
un  cϟr  ou  grand  vaisseau  dorsal  et  des  branches  de 
chaque  côté.  Les  crustacés  offrent  plus  distinctement 
le  Cœür;  dans  quelques-uns,  il  est  allongé  en  un  gros 
vaisseau  fibreux  qui  règne  sur  toute  la  longueur  de 
la  queue  donnant  des  branches  des  deux  côtés  et  qui 
rappelle  encore  le  vaisseau  dorsal  des  insectes  ; mais 
dans  d’autres  crustacés , il  y a un  ventricule  dorsal , im 
grand  vaisseau  ventral , et  de  véritables  vaisseaux  cir- 
culatoires. Dans  les  mollusques  il  y a un  cœur  plus  ou 


des  corps  organisés. 


25 


moins  compliqué,  un  double  système  d’artères  et  de 
veines;  le  sang  est  blanc  ou  bleuâtre.  Enfin,  dans  les 
vertébrés,  outre  les  artères,  les  veines  et  le  cœur,  il 
y a un  système  particulier  de  vaisseaux  lymphatiques 
et  des  chylifères  qui  portent  le  liquide  nourricier  des 
intestins  dans  veines. 

Le  cœur  le  plus  simple  se  compose  au  moins  d’un 
ventricule  qui  pousse  le  sang  dans  les  artères,  et  sou- 
vent d’une  oreillette  ou  sinus  des  veines  à leur  en- 
trée dans  le  cœur  ; il  est  aortique  quand  il  envoyé  le 
sang  à tout  le  corps , et  pulmonaire  quand  il  l’envoye 
à l’organe  respiratioire  ; il  est  double  quand  il  y a deux 
ventricules,  qui  peuvent  être  d’ailleurs  séparés  ou  réu- 
nis. Le  cœur  est  simple,  sans  oreillette,  et  pulmonaire 
dans  tous  les  animaux  articulés  qui  en  sont  pourvusv 
Il  en  est  de  même  dans  les  poissons , excepté  qu’il  y a 
une  oreillette.  Il  est  simple,  mais  aortique  dans  la  plu- 
part des  mollusques  ; il  est  triple  dans  les  mollusques 
céphalopodes,  où  il  y a deux  ventricules  pulmonaires 
et  un  aortique  séparés  et  sans  oreillettes.  Dans  tous  les 
reptiles  il  y a un  seul  ventricule  plus  ou  moins  cloi- 
sonné qui  envoie  le  sang  dans  un  seul  tronc  tout  à la 
fois  aortique  et  pulmonaire  ; la  plupart  ont  deux  oreil- 
lettes , les  batraciens  n’en  ont  qu’une.  Enfin  le  cœur 
est  double  ; il  y a deux  oreillettes  et  deux  ventricules 
accolés  , l’un  aortique  et  l’autre  pulmonaire  , dans  les 
oiseaux  et  les  mammifères. 

S 20.  Pour  que  le  liquide  nutritif  soit  propre  à sa 
fonction , il  faut  qu’il  soit  soumis  à l’action  de  l’at- 
mosphère où  vit  l’animal.  Dans  ceux  qui  n’ont  point 
de  circulation  , l’eau  agit  à la  surface  du  corps.  Tel  pa- 


INTRODUCTION. 


2.6 

raît  être  le  cas  des  infusoires,  des  polypes,  des  acalè- 
phes;  les  vers  intestinaux  ne  présentent  non  plus  au- 
cune apparence  d’organes  de  respiration.  Dans  un 
autre  degré  d’organisation,  lair  ou  l’eau  pénètre  dans 
tous  les  points  du  corps  par  des  canaux  élastiques  T 
appelés  trachées , et  qui  sont  revêtus  par  des  prolonge- 
mens  de  la  peau.  Les  échinodermes  ont  des  trachées 
aquifères  ; dans  les  insectes  il  y a deux  trachées  longitu- 
dinales étendues  à tout  le  corps,  ayant  par  intervalles 
des  centres  d’où  partent  beaucoup  de  rameaux  et 
qui  répondent  à des  stigmates  , ouvertures  exté- 
rieures pour  l’entrée  de  l’air.  Dans  les  animaux  qui 
ont  une  circulation , une  partie  des  vaisseaux  porte 
le  sang  dans  un  organe  où  ils  se  subdivisent  sur  une 
grande  surface  de  la  peau  extérieure  ou  de  la  peau  in- 
térieure. Cette  surface  est  saillante  et  appelée  branchie 
quand  l’élément  ambiant  est  l’eau,  nommée  poumon 
et  creuse  quand  cet  élément  est  l’air.  Pour  la  respira- 
tion branchiale  ou  pulmonaire,  il  y a en  général  des 
organes  de  mouvement  pour  mettre  le  fluide  ambiant 
en  contact  avec  l’organe.  Dans  les  arachnides,  on 
trouve  le  passage  de  la  respiration  disséminée  qui 
existe  encore  dans  les  trachéennes  à la  respiration  lo- 
cale qui  a lieu  dans  des  sacs  pulmonaires.  Dans  les 
crustacés  en  général , les  organes  respiratoires  sont 
des  branchies  saillantes  diversement  configurées.  Il  en 
est  de  même  dans  la  plupart  des  annélides.  Dans  les 
animaux  mollusques  en  général,  on  trouve  beaucoup 
de  variétés  dans  les  organes  de  la  respiration  : quel- 

t 

ques-uns  respirant  lair  en  nature,  ont  une  cavité 
pulmonaire,  ce  sont  les  gastropodes  pulmonés,  d au- 


des  Corps  Organisés. 


27 

très  ont  des  branchies  saillantes  diversement  configu- 
rées, d’autres  encore  ont  leurs  branchies  dans  une  ca- 
vité où  l’eau  doit  être  attirée.  Dans  les  poissons,  la 
respiration  est  branchiale;  elle  est  pulmonaire  dans  les 
autres  vertébrés. 

La  respiration  est  partielle  et  la  circulation  sifnple 
dans  les  reptiles  où  il  n’y  a qu’un  ventricule  et  qu’une 
aorte  dont  l’artère  pulmonaire  est  un  rameau.  Dans 
tous  les  autres  animeaux  qui  ont  une  respiration  lo- 
cale et  une  circulation , celle-ci  est  double  et  la  res- 
piration complète,  c’est-à-dire  qu’à  chaque  circuit  du 
sang,  tout  le  liquide  passe  par  l’organe  respiratoire.  Dans 
les  articulés  et  les  mollusques , le  cercle  est  simple;  dans 
les  premiers,  le  sang  va  du  cœur  à tout  le  corps  en  pas- 
sant tout  entier  par  les  branchies,  il  en  est  de  même 
dans  les  poissons;  dans  les  mollusques,  il  va  du  cœur 
aux  branchies  en  passant  auparavant  par  tout  le  côrps. 
Dans  les  oiseaux  et  les  mammifères,  les  deux  cœurs 
étant  accolés,  le  cercle  est  double,  ou  mieux,  le  cir- 
cuit est  croisé  et  peut  être  représenté  par  un  8,  au 
centre  duquel  est  le  cœur. 

§ si.  Le  liquide  nutritif  ne  doit  pas  être  seulement 
soumis  à l’action  de  l’atmosphère , mais  il  doit  être  dé- 
barrassé par  les  sécrétions  des  matières  surabondantes. 
Dans  les  animaux  qui  ont  une  cavité  intérieure,  et  par 
conséquent  deux  surfaces,  ces  deux  surfaces  servent  à 
l’excrétion  comme  à l’absorption  par  toute  leur  étendue. 
La  peau  intérieure  et  la  peau  extérieure  présentent 
aussi  de  petites  cavités  ou  enfoncemens  particuliers 
d’où  le  liquide  sort.  Enfin  , dans  les  animaux  même  où 
il  n’y  a point  de  circulation,  si  quelque  liquide* parti- 


28 


INTRODUCTION. 


cuber  doit  être  produit , les  cavités  ou  enfoncemens 
de  la  peau  intérieure  ou  extérieure  sont  étendues  et 
ramifiés  en  vaisseaux  propres  ou  conduits  excréteurs 
dans  le  corps  , et  pompent  dans  le  fluide  nourricier  les 
élémens  propres  à la  composition  de  ce  liquide.  De 
même  dans  les  animaux  qui  ont  une  circulation , 
tantôt  les  vaisseaux  s’épanouissent  simplement  sur  de 
larges  surfaces,  et  y laissent  échapper  par  perspiration 
le  liquide  sécrété  ; tantôt  c’est  du  fond  de  petites 
cavités  ou  de  follicules  formés  dans  la  peau  intérieure 
ou  extérieure  que  le  liquide  sourd;  dans  d’autres 
endroits , les  artères  au  point  où  elles  se  changent  en 
veines , communiquent  avec  des  canaux  excréteurs 
ramifiés  et  toujours  formés  par  la  peau  intérieure  ou 
extérieure;  c’est  de  la  réunion  de  ces  canaux  avec 
les  vaisseaux  sanguins  que  résultent  les  glandes.  Ces 
derniers  organes  de  sécrétion  sont  propres  aux  ani^- 
maux  qui  ont  un  cœur.  Le  foie  par  exemple,  le  plus 
général  de  ces  organes,  n’existe  encore  dans  les  arach- 
nides trachéennes  que  sous  la  forme  de  vaisseaux  dé- 
sunis comme  dans  les  insectes;  dans  les  arachnides 
pulmonaires , et  dans  les  crustacés  au  contraire , on 
trouve  un  foie  encore  séparé  en  lohes  distincts  ou  en 
grappes  dans  quelques-uns.  Les  mollusques  ont  tous 
un  foie  considérable;  la  plupart  ont  des  glandes  sali- 
vaires, mais  point  de  pancréas  ni  de  reins.  Plusieurs 
ont  des  sécrétions  qui  leurs  sont  propres.  Les  animaux 
vertébrés  ont  tous  des  glandes  et,  de  plus  que  les  autres, 
des  reins,  organes  qui  ont  beaucoup  de  rapports  avec 
ceux  de  la  génération.  Parmi  les  liquides  qui  résultent 
des  diverses  sécrétions,  les  uns  ont  des  usages  dans 


DES  COUPS  ORGANISÉS. 


*9 

l'exercice  des  fonctions,  comme  la  salive,  la  bile,  etc.  ; 
d’antres,  tels  surtout  que  l’uriïle,  sont  rejetés  comme 
matières  superflues  ou  nuisibles.  •) 

Ainsi  les  organes  des  fonctions  nutritives  dans  leur 
extrême  diversité , côtisistent  en  une  substance  per- 
méable qui  absorbe,  s’assimile  et  excrète;  en  une  ou 
deux  surfaces , la  peau  et  l’intestin , que  les  matières 
étrangères  doivent  traverser  du  dehors  ftu  dedans, 
ou  du  dedans  au  dehors  par  absorption  ou  par  ex- 
crétion; en  vaisseaux  qui  établissent  des  communi- 
cations entre  les  surfaces  du  corps  et  tous  les  points 
de  sa  substance,  et  réciproquement  ; en  organes  respi- 
ratoires, parties  des  surfaces,  où  le  liquide  est  mis  en 
contact  avec  l’atmosphère;  et  en  organes  sécrétoires,, 
autres  parties  des  surfaces  où  une  partie  du  liquide  est 
rejetée.  " ■ 

§ 22.  La  génération,  ou  la  production  d’un  nouvel 
être  semblable  à celui  dont  il  tire  son  origine , seconde 
fonction  commune  à tous  les  corps  organisés  èt  vi- 
vans,  présente  aussi  dans  les  animaux  une  grande  va- 
riété dans  ses  organes  et  dans  ses  phénomènes.  Cette 
fonction , dans  le  cas  le  plus  simple  , n’a  point  d’organe 
particulier;  mais  le  corps  tout  entier,  très-simple,  ho- 
mogène, se  divise  en  plusieurs  fragmens  qui  conservent 
chacun  les  propriétés  du  tout;  c’est  la  génération  fissi- 
pare;  elle  appartient  essentiellement  aux  infusoires;  elle 
existe  accidentellement  dans  d’autres.  Dans  d’autres 
animaux  du  même  groupe  on  aperçoit  dans  la  substance 
du  corps  des  globules  ou  corpuscules  qui  paraissent 
reproductifs,  c’est  là  génération  subgemmipare,  ou  le 
premier  indice  d’une  production  de  gemmes.  Dans  un 


3o 


INTRODUCTION. 


degré  plus  élevé  la  génération  est  en  effet  gemmipare  ; 
une  gemme  ou  bourgeon  croît  sur  la  surface  externe 
du  corps,  sur  la  peau,  et  ensuite  se  détache  pour  for- 
mer un  nouvel  être  distinct  de  son  parent,  ou  bien 
continue  de  rester  sur  lui,  et  en  forme  un  rameau.  Ce 
genre  de  génération  appartient  aux  polypes.  On  y 
trouve  aussi  la  génération  gemmipare  interne  ou  subo- 
vipare. Son  organe  consiste  en  des  cavités  prolongées 
dans  la  masse  du  corps,  et  dans  l’intérieur  desquelles 
croissent  des  gemmes  ou  des  ovules  qui  se  séparent 
spontanément,  et  sortent  en  traversant  un  canal  qui 
s’ouvre  à l’extérieur.  Ce  mode  de  génération  est  en- 
core celui  des  acalèphes , celui  des  échinodermes, 
peut  - être  celui  des  intestinaux  cestoïdes.  Les  acé- 
phales et  quelques  mollusques  gastéropodes  n’en  dif- 
fèrent que  parce  qu’ils  ont  un  véritable  ovaire.  Dans 
tous  ces  premiers  cas,, il  n’y  a pas,  à proprement  par- 
ler, d’organes  sexuels. 

§ 23.  Dans  toutes  les  organisations  plus  élevées,  sous 
ce  rapport,  il  y a des  oirganes  génitaux  des  deux  sexes, 
dont  le  concours  est  nécessaire  pour  animer  les  ger- 
mes.- Les  uns,  les  Organes  femelles , consistent  en 
un  amas  de  germes  ou  un  ovaire,  en  un  canal  par  où 
les  germes  détachés  se  portent  au  dehors , c’est  l’ovi- 
ductus,  et  dans  plusieurs. espèces , en  une  cavité  où  ils 
demeurent  plus  ou  moins  long-temps,  se  greffent  et 
s’accroissent  avant  de  naître,  c’est  d’utérus  ; l'orifice  par 
lequel  ils  sortent  est  la  vulve.  Les  organes  mâles,  sont 
des  glandes  appelées  testicules,  qui  sécrètent  le  sperme, 
liqueur  fécondante , et  quand  elle  doit  être  introduite 
dans  le  corps  de  la  femelle  , le  male  est  pourvu  d’un 


DES  CORPS  ORGANISÉS.  3t 

pénis.  Dans  ce  genre  d’organisation  le  concours  des 
deux  sortes  d’organes  est  nécessaire  pour  opérer  la 
génération.  On  trouve  la  première  apparence  de  cette 
organisation  dans  quelques  vers  intestinaux  ; mais 
ces  animaux  étant  dépourvus  de  circulation,  leur  ovaire 
et  leur  testicule  consistent  uniquement  en  vaisseaux 
sécrétoires  libres  ou  flottans.  Les  organes  génitaux  sont 
de  même  de  deux  genres  dans  beaucoup  de  mollusques, 
dans  les  annélides  et  autres  articulés  , et  dans  les  ver- 
tébrés; seulement,  dans  ceux  qui  ont  une  circulation, 
les  ovaires  et  les  testicules  sont  des  masses  glandu- 
laires. Parmi  ces  animaux,  certains  sont  hermaphrodites 
ou  pourvus  d’organes  mâles  et  femelles;  mais  cet  her- 
maphrodisme est  incomplet,  ou  plutôt  insuffisant;  car 
ils  ont  besoin  pour  engendrer,  d’un  accouplement  ré- 
ciproque avec  un  autre  individu  semblable  : tel  estde 
cas  de  quelques  ^nnélides  et  de  quelques  mollusques. 
Dans  un  ordre  plus  élevé  encore  d’organisation,  lçs 
organes  génitaux  sont  séparés  et  portés  par  des  indi- 
vidus différens  , ce  qui  constitue  les  sexes.  C’est  le  cas 
de  quelques  vers  intestinaux,  de  beaucoup  de  mollus- 
ques, des  insectes,  des  crustacés  , des  arachnides  et  de 
tous  les  vertébrés. 

§ 24.  Dans  la  génération  sexuelle , le  germe  est  ren- 
fermé avec  des  matières  nutritives  dans  une  enveloppe 
membraneuse  ou  plus  solide,  et  même  calcaire;  c’est  ce 
qu’on  appelle  un  œuf.  Tantôt  l’œuf  contient  des  maté- 
riaux nutritifs  en  quantité  suffisante  pour  le  développe- 
ment complet  de  l’embryon,  et  reçoit  seulement  l’in- 
fluence de  l’air  atmosphérique,  et  tout  au  plus  celle  de 
l’humidité  au  travers  de  son  enveloppe;  l’animal  est 


3a 


INTRODUCTION. 


alors  ovipare,  soit  que  l’œuf  soit  pondu  entier,  et  que  le 
développement  de  l’embryon  se  fasse  après  la  ponte , où 
bien  que  le  développement  précède  la  ponte,  et  que 
lœuf  se  rompe  au  moment  de  la  naissance.  Dans  la  gé- 
nération ovipare  le  germe  ne  se  détache  en  général  qu’a- 
près  la  fécondation;  dans  quelques  cas  cependant  le 
germe  se  détache  avant,  et  l’œuf  est  fécondé  pendant 
ou  même  après  la  ponte.  L’œuf  ne  contient  pas  tou- 
jours des  matériaux  suffisans  au  développement  de 
l’embryon;  il  se  greffe  alors  par  sa  surface  dans  Tu- 
tetris,  et  y absorbe  des  matières  nutritives;  le  petit 
naît  vivant  avec  les  débris  de  son  œuf  membraneux, 
mais  dans  un  état  de  faiblesse  qui  exige  qu’il  soit  nourri 
d’une  liqueur  animale  que  la  mère  sécrète,  c’est  le 
lait.  Les  mammifères  sont  seuls  dans  oe  cas.  Au  sortir 
de  l’œuf  quelques  petits  ne  ressemblent  point  du  tout 
à leurs  parens  ; ils  éprouvent , avant  d’atteindre  à cette 
forme,  des  changé  mens  qu’on  appelle  métamorphoses; 
tels  sont  les  larves  des  insectes,  et  les  têtards  des  ba- 
traciens; les  autres  au  contraire  naissent  semblables 
à leürs  parens,  ou  du  moins  ne  s’en  éloignent  que 
par  dès  différences  de  proportion  qui  s’effacent  avec 
l’àge. 

§ 25.  La  nutrition  et  la  génération  ne  sont  pas  les 
deux  seuls  modes  de  production  ou  de  formation  des 
animaux  ; ils  possèdent  aussi  , quoique  à un  degré 
moins  élevé  ou  moins  général  que  les  végétaux,  la  fa- 
culté de  reproduire,  par  une  sorte  de  végétation  les  par- 
ties enlevées  ou  détruites.  Mais  cette  faculté  n est  pas 
au  même  degré  de  tous  les  animaux.  Les  animaux  les 

u 

plus  simples  la  présentent  au  plus  haut  degré.  Les 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


33 


polypes  et  notamment  les  hydres  reproduisent  cons- 
tamment et  indéfiniment  les  parties  qu’on  leur  en- 
lève, de  sorte  que  l’on  multiplie  à volonté  les  individus 
au  moyen  de  la  section.  La  force  de  reproduction  des 
actinies  n est  guère  moindre;  elles  reproduisent  les 
parties  qu’on  leur  coupe,  et  peuvent  se  multiplier  par 
la  division.  Les  astéries  ont  aussi  une  grande  force  de 
reproduction  ; elles  repoussent  les  rayons  qui  leur  sont 
enlevées,  un  seul  rayon  même,  pourvu  qu’il  soit  en- 
tier , peut  reproduire  les  autres.  On  connaît  la  faculté 
qu’ont  les  ténia  de  reproduire  les  anneaux  postérieurs 
de  leurs  corps.  Parmi  les  annélides , les  naïades  ont 
aussi  une  très-grande  force  de  reproduction.  On  a 
constaté  sur  l’écrevisse  la  faculté  qu’ont  les  crus- 
tacés de  régénérer  leurs  pieds  lorsqu’ils  les  ont  per- 
dus , ou  qu’ils  ont  été  mutilés.  Il  paraît  que  les 
arachnides  ont  aussi  la  faculté  de  régénérer  les  pattes 
qu  elles  ont  perdues.  Les  salamandres  aquatiques  ont 
une  force  étonnante  de  reproduction  ; elles  repoussent 
plusieurs  fois  de  suite  le  même  membre  quand  on  le 
leur  coupe,  et  cela  avec  tous  ses  os,  ses  muscles,  ses 
vaisseaux , etc.  Les  membres  et  la  queue  des  têtards 
de  grenouilles  se  régénèrent  aussi  presque  comme  ceux 
des  salamandres.  La  queue  des  sauriens  , lorsqu’elle  a 
été  cassée,  repousse,  quelquefois  un  peu  différente 
de  ce  qu  elle  est  naturellement.  Dans  les  animaux  à 
sang  chaud  la  reproduction  est  presque  bornée  à des 
parties  épidermiques  et  cornées.  Pour  les  au  très  parties 
elle  se  réduit  à la  guérison  des  plaies,  et  à la  production 
dune  cicatrice  analogue  à la  peau,  quand  celle-ci  a été 
entammée  ou  détruite. 


34 


INTRODUCTION. 


Les  organes  et  les  fonctions  propres  aux  animaux 
présentent,  comme  les  précédens,  beaucoup  de  degrés 
de  complication  ou  de  variétés  dans  les  êtres  qui  com- 
posent le  règne  animal. 

§ 2 6.  Dans  les  animaux  les  plus  simples,  le  corps  étant 
ou  paraissant  homogène,  on  ne  voit  aucun  organe  parti- 
culier pour  le  mouvement,  et  pourtant  ces  animalcules 
infusoires  se  meuvent  en  totalité  avec  beaucoup  de  vi- 
tesse. D’autres  animaux  un  peu  plus  composés,  comme 
les  rotifères,  qui  ont  un  organe  rotatoire  particulier, 
comme  les  polypes,  qui  ont  autour  de  la  bouche  des 
appendices  ou  tentacules  dont  les  mouvemens  agitent 
l’eau,  attirent  et  saisissent  les  substances  nutritives, 
et  dont  quelques-uns  ont  en  outre  des  mouvemens  de 
totalité  ; sont  encore  dépourvus  de  tout  organe  mus- 
culaire distinct.  L’organe  propre  des  mouvemens  ap- 
parens , la  fibre  musculaire,  existe  dans  les  acalèphes 
et  dans  les  échinodermes  dont  le  système  musculaire 
est  soutenu  par  une  peau  bien  organisée,  et  dans 
tous  les  animaux  plus  élevées,  où  les  mouvemens  ap- 
parens,  généraux  ou  partiels,  sont  produits  par  l’ac- 
tion de  ces  organes.  Les  fibres  musculaires  garnissent, 
dans  tous  les  animaux  qui  en  sont  pourvus,  la  peau 
externe  et  la  peau  interne  ; elles  forment  le  cœur  dans 
tous  ceux  qui  en  ont.  Parmi  les  animaux , quelques- 
uns  ont  la  peau  aussi  molle  que  les  autres  parties  du 
corps;  dans  un  grand  nombre,  elle  contient  dans  son 
épaisseur  des  parties  dures,  soit  calcaires,  soit  cornées 
qui  défendent  l’animal  contre  les  atteintes  extérieures, 
et  qui  mobiles  les  unes  sur  les  autres,  transmettent 
aux  parties  qu  elles  soutiennent  le  mouvement  qu  elles 


DES  CORPS  .OROANISES. 


35 


ont  reçu  des  muscles.  Dans  les  animaux  vertébrés,  ce 
sont  des  os  intérieurs  articulés  et  mobiles,  qui  rem- 
plissent ce  dernier  office,  et  qui  pour  cela  sont  pour- 
vus d’une  grande  masse  de  muscles  qui  manquent  dans 
les  invertébrés,  ou  qui  sont  attachés  à leur  peau  en- 
durcie. • i,  1.  ,! 

§ 27.  Les  organes  des  sensations , dans  les  animaux  les 
plus  simples,  n’ont  point  une  existence  distincte  ; le 
corps  tout  entier  paraît  recevoir  les  impressions  comme 
il  exécute  les  mouvemens.  Dans  les  animaux  qui  ont 
une  peau  extérieure  et  une  peau  intérieure,  différentes 
du  reste  de  la  masse,  et  tous  à partir  des  polypes,  sont 
dans  ce  cas,  la  peau  outre  sa  fonction  d’absorber  des 
matières  nutritives,. reçoit  l'impression  des  corps  exté- 
rieurs. Dans  ceux  qui  ont  la  peau  très-molle  et  peu  dis- 
tincte du  reste,  elle  est  partout  également  sensible. 
Mais  la  peau  humectée  dans  beaucoup  d’animaux  par 
du  mucus  ou  par  la  matière  sébacée,  est,  dan^  un  grand 
nombre,  garnie  d’épiderme,  de  poils,  d’écailles  cor- 
nées, ou  de  croûtes  calcaires,  et  devient  ainsi  un  or- 
gane de  défense  ou  de  soutien.  Dans  ce  cas-là,  quel- 
ques parties  restent  dépourvues  de  ces  enveloppes, 
sont  très-mobiles  et  sont  des  organes  particuliers  de 
tact  ou  de  toucher  tels  sont  les  tentacules  des  oursins, 
celles  de  ces  mollusques,  les  antennes  des  insectes  des 
crustacés,  les  barbillons  de  quelques  poissons,  etc. 

L’organe  du  goût  ne  se  trouve  pas  distinct  dans  tous 
les  animaux  qui  digèrent , et  cependant  la  sensation 
semble  devoir  exister  dans  tous.  O11  ne  voit  rien  dans 
les  animaux  rayonnés  à l’entrée  du  canal  alimentaire, 
qui  semble  être  cet  organe.  11  en  est  de  même  dans 


36 


INTRODUCTION. 


les  mollusques  et  les  articulés.  Dans  quelques  insectes 
cependant  on  suppose  que  c’est  l’extrémité  de  la  trompe 
ou  un  palpe,  enfin  il  s’en  faut  beaucoup  même  que 
tous  les  vertébrés  aient  une  langue  organisée  d’une 
manière  propre  au  goût. 

L’organe  de  l’odorat  semble  manquer  dans  un  grand 
nombre  d’animaux,  cependant  les  insectes,  les  crus- 
tacés, les  ^arachnides  sentent  les  odeurs,  mais  on 
ignore  le  siège  précis  de  cette  sensation.  Il  en  est  de 
même  dans  les  mollusques.  Dans  les  vertébrés  mêmes 
les  fosses  nazales  ne  traversent  pas  la  face  dans  toutes 
* les  classes. 

L’organe  de  l’ouïe  ou  l’oreille  n’existe  pas ' dans  les 
dernières  elasses  d’animaux  et  le  .son  ne  paraît  y être  « 
perçu  que  comme  impression  tactile.  Parmi  les  animaux 
articulés  qui  entendent  tous,  les  écrevisses  sont  les 
seuls  où  l’on  ait  aperçu  l’oreille,  elle  y consiste  en  un 
sac  rempli  d’une  lymphe  gélatineuse  recevant  un  nerf 
distinct.  De  même  parmi  les  mollusques,  les  cépha- 
lopodes seuls  ont  cet  organe,  qui  existe  dans  tous  les 
vertébrés,  et  y présente  beaucoup  de  variétés. 

Dans  tous  les  animaux  la  lumière  exerce  une  action 
sur  toute  la  peau,  sur  toutes  les  parties  qui  y sont 
exposées  mais  la  vue  n’a  lieu  qu’au  moyen  de  l’œil.  Il 
n’y  a point  d’yeux  dans  les  animaux  rayonnés.  Les  vers 
et  une  partie  des  annelides  en  sont  dépourvus,  dans 
les  autres  il  n’est  que  rudimentaire  ; c’est  un  petit  point 
noir.  Les  articulés  à pieds,  savoir  : les  crustacés,  les 
arachnides,  et  les  insectes,  ont  tous  des  yeux  qui 
peuvent  être  de  deux  sortes,  plus  ou  moins  nom- 
breux, et  toujours  symétriques  : des  yeux  simples 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


3 7 

dont  la  cornée  n’a  qu’une  facetfte,  l’iris  qu’une  ouver- 
ture et  le  nerf  optique  un  seul  filet;  et  des  yeux  com- 
posés ou  à facettes  multiples  avec  autant  de  pupilles  et 
autant  de  filets  du  nerf  optique.  Quelquefois  les  yeux 
sont  pédicules  ou  placés  sur  des  appendices  articu- 
lés. Les  mollusques  acéphales  sont  dépourvus,  d’yeux , 
la  plupart  des  gastéropodes  en  ont,  mais  de  très- 
petits  et  rudimentaires,  placés  soit  à la  tête  même 
soit  aux  tentacules  postérieurs.  Les  céphalopodes, ont 
deux  gros  yeux  recouverts  par  la  peau  transparente  en 
cet  endroit.  Les  yeux  ne  manquent  que  dans  un  petit 
nombre  d’espèces  dans  les  vertébrés. 

§ 28.  Le  système  nerveux  n’est  pas  connu  et  ne  paraît 
pas  exister,  dans  les  animaux  infusoires.  On  en  aper- 
çoit les  premières  traces  dans  les  animaux  rayonnés. 
Les  hydres,  parmi  les  polypes  ont  dans  leur  substance 
des  globules  microscopiques  dont  la  nature  est  obscure. 
Mais  dans  les  étoiles  de  mer  et  dans  les  holothuries  il  y 
a des  ganglions  disposés  circulairement  autour  de  la 
bouche,  communiquant  entre  eux  par  des  filets  mous, 
en  envoyant  d’autres  en  rayonnant  dans  les  divisons 
du  corps  où  ils  se  distribuent  à la  peau  externe  et  à la 
peau  interne.  Dans  quelques  vers  intestinaux  on  aperçoit 
un  anneau  nerveux  qui  entoure  la  bouche  et  d’où  partent 
deux  cordons  qui  s’étendent  à toute  la  longueur  d,u 
corps.  Dans  les  animaux  articulés  le  système  nerveux 
présente  un  caractère  assez  général.  Il  y a un  petit  renfle- 
ment appelé  cerveau  placé  sur  l cesopliage  et  fournis- 
sant des  nerfs  aux  parties  qui  tiennent  à la  tête.  Deux 
cordons  qui  embrassent  L’œsophage  comme  un  collier 
se  continuent  sous  le  canal  intestinal,  et  $e  réunissent 


38 


INTRODUCTION. 


d'espace  en  espace  en  autant  de  doubles  ganglions  ou  de 
nœuds  qu’il  y a d’anneaux  au  corps  et  d’où  partent  les 
nerfs  du  tronc  et  ceux  des  membres  quand  il  y en  a.  La 
disposition  est  la  môme  à peu  près  dans  les  cirrhopodes. 
Dans  les  mollusques  il  y a une  plus  grande  diver- 
sité que  dans  les  articulés.  Néanmoins  ce  sont  tou- 
jours des  ganglions  communiquant  par  des  cordons 
et  envoyant  des  filets  aux  diverses  parties  externes  et  in- 
ternes. Dans  les  acéphales  il  y a au-dessus  de  la  bouche 
un  ganglion  principal  qu’on  appelle  improprement 
cerveau  et  un  autre  vers  l’èxtrémité  opposée  du  corps, 
derrière  la  masse  des  intestins,  deux  branches  ner- 
veuses établissent  une  communication  entre  les  gan- 
glions et  embrassent  dans  leur  écartement  les  viscères, 
d’autres  filets  se  distribuent  aux  différentes  parties  du 
corps.  Dans  les  mollusques  pourvus  d’une  tête , il  y a 
ml  renflement  nerveux  ou  une  masse  médullaire  prin- 
cipale qu’on  appelle  cerveau , située  en  travers  sur 
l’œsophage  qu’elle  enveloppe  d’un  collier  nerveux,  qui 
se  termine  en-dessous  par  un  autre  ganglion  plus  gros, 
ces  renflemens  envoyent  des  filets  aux  parties  de  la 
tête  et  aux  différens  viscères.  Dans  quelques-uns  il  y a 
en  outre  quelques  autres  petits  ganglions.  Les  céphalo- 
podes seuls  ont  leur  cerveau  enveloppé  d’une  espèce 
de  crâne  cartilagineux. 

Les  caractères  généraux  du  système  nerveux  des 
animaux  invertébrés  consistent  surtout  dans  la  dissé- 
mination des  centres  nerveux,  et  en  ce  que  toutes  les 
parties  soit  externes,'  soit  internes,  soit  celles  qui  ap- 
partiennent aux  fonctions  végétatives,  soit  celles  qui 
appartiennent  aux  fonctions  animales,  reçoivent  leurs 


DES  CORPS  ORGANISES. 


39 

filets  nerveux  des  mêmes  centres.  On  verra  que  dans 
les  animaux  vertébrés,  au  contraire,  le  système  nerveux 
est  disposé  tout  différemment  et  d’une  manière  qui  les 
distingue  tout-à-fait  des  autres  animaux. 

§ 29.  L’action  nerveuse  ou  l’innervation  , présente 
dans  les  animaux  des  variétés  correspondantes  à celles 
qu’on  observe  dans  la  disposition  des  organes  nerveux. 
Dans  les  animaux  où  il  n’y  a point  de  système  ner- 
veux, et  dans  ceux  où  ce  système  n’a  point  de  centre 
(les  rayonnés),  les  impressions  sont  immédiatement 
suivies  de  mouvemens  ; on  appelle  irritables  les  ani- 
maux et  les  parties  dont  les  mouvemens  sont  déter- 
minés par  des  impressions.  Dans  les  animaux  rayonnés 
c’est  la  bouche  ou  l’orifice  par  lequel  ils  prennent  leur 
nourriture  qui  est  le  point  le  plus  irritable;  c’est  là 
aussi  que  le  système  nerveux  commence  à apparaître 
dans  les  rayonnés  qui  en  sont  pourvus.  Tous  les  au- 
tres animaux  ont  aussi  des  parties  irritables.  Dans  les 
mollusques  et  dans  les  insectes  où  les  divers  ganglions 
du  système  nerveux  sont  rattachés  les  uns  aux  autres 
par  des  cordons  , de  manière  à former  un  centre , et 
où  il  y a des  organes  de  sensation  spéciale,  les  im- 
pressions reçues  par  les  sens  donnent  lieu  à des  sen- 
sations , et  les  mouvemens  sont  déterminés  par  la 
volition.  Les  mouvemens  intérieurs  cependant,  sont 
produits  par  irritation;  mais  l’irritabilité  dans  ces  ani- 
maux est  dans  la  dépendance  du  système  nerveux.  On 
observe  aussi  dans  ces  animaux,  et  surtout  dans  les 
insectes,  une  faculté  qu’on  appelle  instinct,  et  qui, 
comme  une  impulsion  irrésistible,  leur  fait  produire  , 
sans  apprentissage  et  sans  imitation  , des  actions  très- 


INTRODUCTION. 


4 o 

compliquées,  nécessaires  à leur  conservation  et  à celle 
de  leur  espèce.  Les  animaux  vertébrés , outre  l’irrita- 
bilité, la  sensibilité,  le  mouvement  volontaire  et  l’ins- 
tinct , ont  encore  des  fonctions  cérébrales  qui  simulent 
l’intelligence,  jusqu’à  un  certain  degré. 

§ 3o.  Les  variétés  ou  les  degrés  de  complications  qui 
existent  dans  chaque  appareil  de  fonction  , se  combi- 
nent de  diverses  manières  , ce  qui  constitue  des  varié- 
tés de  1 organisation  générale.  La  combinaison  où  la 
co-existence  des  divers  appareils  d’organes  est  déter- 
minée; certain  état  des  organes  nutritifs  ou  génitaux 
exigeant,  pour  que  la  vie  ait  lieu,  certain  état  corres- 
pondant des  organes  du  mouvement,  de  la  sensibi- 
lité, etc.  D’après  un  caractère  extrêmement  tranché  de 
l’organisation,  on  divise  les  animaux  en  vertébrés  et 
en  invertébrés.  L’homme  appartient  à la  première  di- 
vision. 

§ 3i.  Quoique  les  animaux  invertébrés  diffèrent 
beaucoup  de  l’homme  , cependant  leur  étude  est  d’un 
grand  intérêt  pour  l’anatomiste  et  le  physiologiste;  on 
y voit  l’organisation  et  la  vie  dans  leur  plus  grande  sim- 
plicité, et  dans  une  foule  de  variétés.  Ils  diffèrent 
même  tellement  entre  eux  qu’ils  n’ont  aucun  caractère 
commun  et  positif.  D’après  l’ensemble  de  leur  organi- 
sation on  les  divise  en  trois  grandes  sections  qui  diffè- 
rent entre  elles  autant  qu  elles  s’éloignent  des  vertébrés  ; 
ce  sont  celles  des  animaux  rayonnés,  mollusques  et  ar- 
ticulés; et  même  on  trouve  encore  hors  de  ces  trois 
divisions,  une  classe  d’êtres  douteux  que  les  zoolo- 
gistes décrivent  sous  le  nom  d’infusoires,  et  que  les 
botanistes  réclament  parmi  les  conferves. 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


4i 

§ 32.  Ces  animaux  équivoques  et  microscopiques,  ont 
des  formes  très- simples,  diverses,  quelquefois  chan- 
geantes; ils  sont  homogènes,  transparens,  diffluens  ; 
ils  n’ont  aucune  cavité,  aucun  organe  distinct,  cepen- 
dant ils  se  meuvent  dans  les  eaux  qui  les  contiennent; 
ils  se  nourrissent  par  imbibition , ils  se  multiplient  par 
scission  spontanée. 

§ 33.  Les  animaux  rayonnés  constituent  un  type  parti- 
culier dont  le  caractère  essentiel  est  dans  la  forme,  qui 
est  celle  d’un  centre  autour  duquel  les  parties  sont 
disposées  en  rayons.  Leur  structure,  assez  simple,  pré- 
sente plusieurs  variétés  depuis  les  hydres  ou  polypes  à 
bras,  les  plus  simples  d’entre  eux,  jusqu’aux  astéries. 
Ils  habitent  tous  l’eau. 

§ 34*  Les  polypes  forment  une  classe  extrêmement 
nombreuse  d’animaux  rayonnés.  Ils  sont,  en  général, 
allongés,  ayant  une  seule  ouverture  ou  bouche  munie 
d’appendices  rayonnés;  ils  ont  une  cavité  alimentaire; 
ils  digèrent  très-vite  et  absorbent  par  imbibition;  ils 
produisent  des  gemmes  qui  tantôt  restant  adhérehs, 
forment  des  animaux  composés,  phytoïdes,  et  tantôt 
se  séparent.  Les  surfaces  extérieure  et  intérieure  sont 
semblables;  la  substance  intermédiaire  est  homogène, 
gélatiniforme;  on  n’y  distingue  aucun  organe  particu- 
lier, seulement  des  globules  microscopiques.  Ils  sont 
tellement  régénératifs  que,  coupés,  chaque  partie  de- 
vient un  individu.  La  lumière,  le  bruit,  et  d’autres 
causes  extérieures  produisent  sur  eux  des  impressions 
suivies  de  mouvemens.  Les  uns  sont  fixés  au  sol , d’au- 
tres sont  libres.  Les  plus  simples  de  tous  sont  ceux  qui 
sont  nus  comme  les  hydres,  etc.;  ils  ont  un  sac  ali- 


INTRODUCTION. 


42 

mentaire  simple;  ils  se  multiplient  par  des  gemmes  ex- 
térieurs. D’autres  qui  sont  réunis,  excrètent  de  leur  sur- 
face externe  une  substance  cornée  ou  calcaire  appelée 
polypier.  Dans  d’autres  enfin , qui  sont  des  animaux 
composés,  le  corps  commun  enveloppe  une  substance 
sécrétée  dont  la  consistance  varie  depuis  celle  de  la  gelée 
jusqu’à  la  pierre. 

§ 35.  Les  acalèpbes , ou  orties  de  mer,  ont  une  forme 
circulaire  ou  rayonnante  encore  plus  marquée;  on  les  a 
comparés  à des  fleurs  rosacées  ou  radiées.  Leur  struc- 
ture est  variée;  car  quelques-uns  sont  aussi  simples  que 
les  plus  simples  des  polypes,  et  d’autres  sont  bien  plus 
compliqués;  la  bouche  est  centrale,  garnie  de  tentacu- 
les, et  conduit  dans  un  estomac  souvent  ramifié,  mais 
qui  n’a  point  d’autre  issue.  Il  y a pour  la  génération, 
des  amas  de  gemmes  internes  ovariformes  dans  des  ca- 
vités  particulières. 

§ 36.  Les  échinodermes  sont  les  animaux  rayonnés 
dont  l’organisation  est  le  plus  compliquée  : on  trouve 
dans  cette  classe  la  forme  étoilée,  la  forme  sphéroïde, 
et  la  forme  cylindrique.  Ils  ont  une  cavité  intérieure  où 
flottent  des  viscères  distincts;  leur  intestin  a des  pro- 
longemens  vasculiformes  ramifiés  dans  le  corps;  quel- 
ques-uns ont  un  anus  distinct;  les  organes  de  la  respi- 
ration sont  des  canaux  aquifères  ramifiés;  les  organes 
delà  génération  sont  des  amas  ovariformes  de  gemmes 
internes  qui  aboutissent  à la  bouche  ou  à l’anus;  ils 
ont  des  muscles,  et  dans  la  plupart  il  y a des  organes 
particuliers  pour  le  mouvement , consistant  en  de 
nombreux  tentacules  terminés  par  des  ventouses,  et 
qu  on  appelle  pieds  ; la  peau  est  bien  organisée  , et  sou 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 

vent  solide;  quelques-uns  même  ont  des  filets  ner- 
veux. 

§3  7.  Les  animaux  articules  constituent  une  division 
du  règne  animal  dans  laquelle  le  corps  est  symétrique, 
divisé  à l’extérieur  en  un  certain  nombre  d’anneaux 
ou  de  segmens  mobiles  les  uns  sur  les  autres , et  formés 
par  la  peau  plus  ou  moins  ferme,  et  quelquefois  dure, 
excepté  dans  les  intervalles  des  anneaux  où  elle  con- 
serve toujours  sa  mollesse  et  sa  flexibilité.  Leurs  muscles 
sont  attachés  en  dedans  de  la  peau  ; leurs  nerfs  sont  des 
cordons  renflés  d’espace  en  espace,  situés  au-dessous 
du  canal  intestinal.  Du  reste  ce  type  comprend  des  or- 
ganisations extrêmement  variées. 

Les  uns  sont  vermiformes , dépourvus  de  tête  et  de 
pieds  articulés,  et  réduits  au  mouvement  de  reptation. 
Ce  sont  les  vers  et  les  annélides. 

§ 38.  Les  vers  intestins  ou  helminthes  qui  ont  quelques 
rapports  avec  les  rayonnés,  ont  en  général  le  corps  al- 
longé, cylindrique  ou  déprimé , nu , mou  ; ils  n’ont  aucun 
organe  de  respiration  ni  de  circulation.  Leur  génération 
est  gennnipare  interne,  et  sexuelle,  ovipare;  ils  habi- 
tent le  corps  des  autres  animaux;  ils  offrent  d’ailleurs 
des  degrés  d’organisation  très-différens.  Les  plus  sim- 
ples de  tous,  les  cestoïdes  (les  ligules)  ressemblent  à un 
long  ruban  strié,  et  marqué  d’une  ligne  longitudinale; 
on  n y aperçoit  aucun  organe  extérieur,  pas  même  des 
suçoirs,  et  à l’intérieur,  rien  que  des  corpuscules  ovi- 
formes  dans  la  masse  du  corps.  D’autres  dont  les  for- 
mes sont  très-variées  ( trématodes  et  ténioïdes  ) ont 
seulement  à l’extérieur  des  suçoirs  plus  ou  moins 
nombreux  , quelquefois  ramifiés  dans  le  corps , qui 


INTRODUCTION. 


44 

présente  aussi  d’autres  canaux  gemmifères  ou  ovan- 
fères.  Les  acanthocépliales  ( éehinorhynques  ) , ont  une 
trompe  armée  de  crochets  pourvus  de  muscles;  ils  ont 
deux  petits  intestins  sans  issue  ; ils  ont  aussi  des  ovi- 
ductes  distincts,  ou  des  vessies  spermatiques  suivant 
les  sexes  qui  sont  séparés.  Les  nématoïdes  ou  cavitai- 
res, comme  les  ascarides , etc.,  ont  encore  une  orga- 
nisation plus  compliquée  : ils  ont  une  bouche , un  anus, 
un  canal  intestinal  flottant  dans  une  cavité  abdominale 
distincte.  Leur  peau  extérieure  est  garnie  de  fibres 
musculaires,  et  en  général  striée  transversalement;  ils 
ont  des  organes  génitaux  distincts  , consistant  en  très- 
longs  canaux.  Les  sexes  sont  séparés.  Ils  ont  un  anneau 
nerveux  qui  entoure  la  bouche  et  deux  longs  cordons 
l’un  dorsal  et  l’autre  ventral  ; ils  ont  aussi  deux  vais- 
seaux latéraux,  spongieux. 

§ 39.  Les  annélides,  ou  vers  à sang  rouge,  sont  des  ani- 
maux vermiformes  dont  le  corps  allongé  est  divisé  en 
anneaux  nombreux,  dont  le  premier,  qui  se  nomme 
tête,  est  peu  différent  des  autres,  la  bouche  est  ou  un 
tube,  ou  des  mâchoires.  Il  y a un  intestin  plus  ou 
moins  long  qui  traverse  le  corps;  il  y a un  système 
double  d’artères  et  de  veines  sans  cœurs  bien  marqués  ; 
le  sang  est  rouge;  la  respiration  est  branchiale.  Ils 
sont  hermaphrodites  avec  accouplement  réciproque; 
ils  ont  des  muscles  et  la  plupart  des  soies  roides  qui 
servent  de  pieds;  ils  ont  à la  tête  des  tentacules,  et  quel- 
ques-uns des  points  noirs  qu’on  prend  pour  des  yeux; 
leur  système  nerveux  est  un  cordon  noueux. 

§ 4o.  Les  autres  animaux  articulés  sont  tous  pour- 
vus d’une  tête,  ont  tous  des  yeux  simples  ou  coinpo- 


DUS  CORPS  ORGANISÉS. 


45 

ses;  leur  bouche  très-compliquée  se  ressemble  beau- 
coup et  présente  deux  modifications,  dans  l’une  il  y a 
pour  broyer , plusieurs  paires  de  mâchoires  latérales , 
dont  l’antérieure  porte  le  nom  de  mandibules,  et 
souvent  des  palpes,  filamens  articulés  qui  paraissent 
servir  à reconnaître  les  alimens  ; dans  l’autre  une  trompe 
pour  sucer.  Les  organes  de  la  digestion  sont  compli- 
qués et  très-variés.  Ils  jouissent  de  l’odorat,  mais  le 
siège  n’en  est  pas  bien  déterminé.  Ils  ont  tous  un  ab- 
domen , un  thorax  qui  soutient  au  moins  six  pattes 
articulées.  Leur  peau  est  encroûtée  et  solide  ; chaque 
article  des  pattes  est  tubuleux  et  contient  les  muscles 
de  l’article  suivant:  toutes  les  articulations  des  pattes 
sont  des  gynglymes.  La  génération  est  sexuelle  et  ovi- 
pare. Cette  section  contient  trois  grandes  classes , 
celles  des  insectes,  des  arachnides  et  des  crustacés. 

§ 4 1 • Les  insectes , ou  les  héxapodes,  ont  le  corps  com- 
posé de  segmens  ou  anneaux  nombreux  et  partagé  en 
trois  portions  principales,  et  des  pattes  articulées  au 
nombre  de  six,  une  tête  distincte  munie  d’yeux  et  de  deux 
antennes,  un  thorax  qui  porte  les  pieds,  et  les  ailes  quand 
il  y en  a , et  un  abdomen  qui  renferme  les  principaux 
viscères.  La  bouche  est  une  partie  très-composée  : dans 
les  uns,  broyeurs,  il  y a des  mâchoires  latérales,  dans 
les  suceurs  il  y a une  trompe.  Le  canal  intestinal  plus 
ou  moins  long,  renflé,  étranglé  etc.,  se  termine  par  un 
anus.  Il  y a un  vestige  de  cœur,  c’est  un  vaisseau  attaché 
le  long  du  dos  divisé  en  segmens  par  des  étranglemens, 
et  qui  éprouve  des  contractions  alternatives.  Mais  on 
n a pu  y découvrir  de  branches.  Le  liquide  qu’il  con- 
tient est  blanc  et  paraît  y pénétrer  comme  dans  toute 


INTRODUCTION. 


46 

la  niasse  du  corps  par  imbibition.  La  respiration  se  fait 
au  moyen  de  trachées  ramifiées  et  réunies  en  deux 
troncs  principaux.  Les  organes  sécrétoires  consistent 
en  de  longs  vaisseaux  ou  canaux  spongieux  repliés  sur 
eux-mêmes  plongés  dans  la  masse  du  corps  et  aboutis- 
sant dans  l’intestin  ou  ailleurs  suivant  l’usa<re  de  leur 

I O 

produit.  Les  sexes  sont  séparés.  Les  organes  génitaux 
aboutissent  en  général  dans  l’anus.  Ces  animaux  ne  s’ac- 
couplent qu’une  fois  dans  leur  vie.  La  femelle  fécondée 
dépose  ses  œufs  dans  un  endroit  convenable.  L’œuf 
produit  un  animal  vermiforme  qu’on  appelle  larve, 
celle-ci  se  change  en  une  chrysalide  qui  est  dans  un 
état  de  mort  apparente,  de  celle-ci  enfin  sort  l’insecte 
parfait,  qui  bientôt  se  reproduit  et  meurt.  Ces  chan- 
gemens  considérables  de  forme  extérieure  accompa- 
gnés d’autres  changemens,  un  peu  moins  grands  dans 
la  structure,  sont  appelés  métamorphoses;  tous  les  in- 
sectes > excepté  les  thysanoures , et  les  parasites  qui, 
par  leur  ressemblance  avec  les  mites , se  rapprochent 
des  arachnides,  les  subissent;  quelques-uns  ne  les  su- 
bissent pas  toutes.  Les  organes  des  mouvemens  sont  des 
muscles  et  la  peau  endurcie  par  une  matière  cornée 
quelle  contient  dans  son  épaisseur;  il  y a six  pattes 
articulées,  quatre  ailes  dans  la  plupart,  deux  ailes  dans 

I 

quelques-uns;  un  petit  nombre  seulement  est  dépourvu 
d’ailes.  Les  mouvemens  sont  très -variés,  ce  sont  la 
marche,  la  course,  le  saut,  le  vol.  Les  organes  des 
sensations  sont  des  yeux  composés,  et  dans  plusieurs 
des  yeux  lisses  ordinairement  au  nombre  de  trois; 
des  antennes  et  des  palpes.  Ils  jouissent  de  l’odorat  et 
de  l’ouïe  mais  on  n’en  connaît  pas  les  organes.  Le 


DES  COUPS  ORGANISÉS. 


47 

système  nerveux  a la  disposition  indiquée  § 28,  et  se 
termine  en  avant  par  un  petit  renflement  ou  cerveau, 
situé  sur  l’œsopliage  et  qui  fournit  aux  yeux  et  aux 
autres  parties  de  la  tète. 

§42.  Les  arachnides  ou  octopodes,  dont  la  tête  pri- 
vée d’antennes j se  confond  avec  le  thorax,  ont  huit 
pattes,  et  point  d’ailes.  Le  canal  alimentaire  commence 
dans  les  unes  par  une  bouche  à deux  mandibules  la- 
térales, dans  les  autres  par  une  bouche  en  suçoir.  La 
plupart  ont  des  palpes,  elles  sont  sujettes  à des  mues 
ou  changemens  de  peau  et  non  à des  métamorphoses. 
Les  sexes  sont  séparés,  la  génération  est  ovipare,  la 
plupart  ont  des  yeux  visibles  dont  le  nombre  et  la  si- 
tuation varient. 

Elles  présentent  deux  degrés  d’organisation  ; le  premier 
ou  le  plus  simple  est  celui  des  artères  trachéennes,  où 
il  n’y  a pas  d’organes  de  circulation  plus  appareils  que 
dans  les  insectes  ; les  organes  de  respirations  sont  des 
trachées  rameuses  distinctes  entre  elles.  Le  plus  com- 
posé est  celui  des  artères  pulmonaires  ou  branchiales 
( araignées,  tarentules,  scorpions).  Elles  ont  un  cœur 
musculaire  simple,  dorsal,  allongé,  cylindrique, 
branchial  ou  pulmonaire,  d’où  partent  des  vaisseaux 
pour  les  organes  respiratoires  qui  sont  des  sacs  pu- 
lmonaires, et  de  là  pour  tout  le  corps.  Il  y a aussi  un 
loie  composé  de  grains  ou  de  lobules  rassemblés  en 
grappes.  Les  organes  sexuels  sont  doubles  dans  chaque 
sexe.  Quelques-unes  s’accouplent  plusieurs  fois  et 
vivent  plusieurs  années.  Les  scorpions  sont  ovovivi- 
pares. N 

S 43.  Les  myriapodes  ou  mille-pieds  forment  un  petit 


Introduction. 


48 

groupe  d’animaux  intermédiaires  aux  crustacés,  aux- 
quels ils  ressemblent  par  la  configuration , et  aux  in- 
sectes dont  ils  se  rapprochent  par  la  structure;  tout 
en  différant  encore  des  uns  et  des  autres.  Leur  corps 
est  allongé,  formé  d’une  suite  ordinairement  considé- 
rable d’anneaux  portant  chacun  une  ou  deux  paires 
de  pieds.  Leur  tête  porte  deux  antennes  et  deux  yeux. 
Leurs  mandibules  et  leurs  mâchoires  ont  de  l’analogie 

Ï3 

avec  celles  des  crustacés.  Leur  respiration  est  tra- 
chéale. En  sortant  des  œufs,  les  petits  ont  six  pieds 
et  sept  ou  huit  anneaux  ; les  autres  pieds  et  les  an- 
neaux qui  les  supportent  se  développent  avec  1 âge. 

§ 44*  Les  crustacés  sont  les  animaux  articulés  à pieds 
articulés  les  plus  compliqués  en  organisation.  La  tête 
etde  reste  du  tronc  sont  tantôt  confondus,  tantôt  dis- 
tincts. Il  y a une  queue  plus  ou  moins  prolongée  di- 
visée en  segmens.  Ils  ont  en  général  quatre  antennes. 
La  plupart  ont  la  bouche  disposée  pour  broyer,  et  ont 
pour  cela  plusieurs  mâchoires  , au  moins  six , toujours 
latérales.  Il  y a toujours  au  moins  cinq  paires  de  pattes 
pour  le  mouvement,  mais  dont  la  forme  varie  selon  le 
genre  de  mouvement.  Le  nombre  des  pattes  locomo- 
tiles  est  en  raison  inverse  de  celui  des  mâchoires  : en 
effet  les  pieds  antérieurs  se  rapprochent  des  mâchoires, 
en  prennent  la  forme , en  remplissent  une  partie  des 
fonctions,  et  peuvent  même  les  remplacer  en  entier. 
Ils  ont  pour  la  respiration  des  branchies  pyramidales , 
lamelleuses,  filamenteuses  ou  en  panaches,  qui  tien- 
nent en  général  aux  bases  d’une  partie  des  pieds,  ou 
qui  même  les  remplacent  en  partie.  Leur  circulation 
est  double  ; le  sang  qui  a été  soumis  â la  respiration 


DES  CORPS  ORGANISES. 


49 

se  rend  dans  un  grand  vaisseau  ventràl,  aortique  qui  h; 
distribue  à tout  le  corps,  d’où  il  revient  dans  un  autre 
«nand  vaisseau  ou  même  un  vrai  ventricule  dorsal  qui 
le  renvoie  aux  branchies.  Ils  ont  un  foie  plus  ou  moins 
divisé,  ou  même  en  canaux  désunis;  suivant  l’état 
du  cœur.  La  génération  est  sexuelle  ovipare,  sans  vé- 
ritables métamorphoses.  La  plupart  transportent  leurs 
œufs.  Ils  habitent  tous  l’eau.  Ils  présentent  d’ailleurs 
des  variétés  d organisation  assez  grandes.  Les  mâ- 
choires, les  pattes  et  les  branchies,  sont  dans  un 
rapport  tel  qu’on  a regardé  ces  appendices  comme 
étant  du  même  genre,  les  premiers  résultant  dune 
transformation  des  derniers.  La  plupart  ont  un  test, 
plus  ou  moins  solidement  crustacé  cpmme  le  reste  de 
la  peau , et  qui  couvre  le  tronc  et  dans  quelques-uns 
la  tête  même.  Dans  plusieurs  ordres,  l’estomac  très- 
musculeux  est  pourvu  d’un  squelette  cartilagineux  et 
de  tubercules  ou  de  dents.  Le  canal  intestinal  est  en  gê- 
néral  court  et  droit.  La  position  des  organes  génitaux 
varie;  ces  organes  sont  doubles  dans  quelques  genres. 
Les  yeux  présentent  diverses  variétés  : ils  manquent 
tia«6  un  petit  nombre;  dans  d’autres  les  deux  yeux  Sont 
très -rapprochés  et  comme  confondus  en  un  seul; 
quelques-uns  ont  des  yeux  composés  soutenus  sur  un 
pedioule  mobile.  Enfin  dans  quelques  crustacés  déca* 
pod|es>  il  y a des -organes-  distincts  pour  (l’ouïe.  ' • 
*§;46.  Les  anim mollusques  forment  une  division 
des  invertébrés  dans  laquelle  un  trouve ’en  général'  une 
lorme  symétrique  «m'binaire  ,maispMU’t1d:’atticalatioiisL 
lis  ont  des  estomacs  simples  Op  hUtlliptas  , quelquefois 
^arnisde  partiesdttrfeÿ^et  desbvttqtins'dteersefnentpro- 

4 


i. 


INTRODUCTION. 


JO 

longés.  La  plupart  ont  des  glandes  sali  vaires;  tous,  un  foie 
volumineux  ; et  plusieurs,  des  sécrétions  particulières. 
Leur  circulation  est  double;  il  y a toujours  au  moins 
un  ventricule  cliarnu  ; ce  ventricule  est  aortique  ; il 
-reçoit  le  sang  des  organes  dé  la  respiration  et  le  ren- 
voie dans  les  artères  du  corps.  Dans  ceux  qui  ont  plus 
d’un  ventricule,  ils  ne  sont  pas  réunis  en  une  seule 
masse;  ils  forment  plusieurs  cœurs  distincts.  Le  sang 
est  bleuâtre.  Les  organes  de  la  respiration  varient  as- 
sez pour  que  les  uns  respirent  l’air  et  les  autres  l’eau. 
La  génération  présente  aussi  toutes  ses  variétés  : les  uns 
étant  sans  sexes  et  produisant  sans  accouplement  des 
petits  vivans  ; les  autres  étant  hermaphrodites  avec  ac- 
couplement réciproque  : dans  d’autres , les  sexes  étant 
séparés.  Les  œufs  de  ceux  qui  ont  des  sexes,  ont  tantôt 
une  simple  viscosité  pour  enveloppe,  d’autres  ont  une 
coquille  plus  ou  moins  dure.  Ces  animaux  sont  très-fé- 
conds et  ont  la  vie  très-tenace.  Leurs  muscles  sont  at- 
tachés à l’intérieur  d’une  peau  molle  et  contractile. 
Leurs  mouvemens  sont  produits  par  des  parties  dé- 
pourvues de  leviers  solides.  Ils  sont  très  - irritables. 
Leur  peau  nue  est  enduite  d’une  humeur  mu- 
queuse  qu  elle  laisse  suinter.  Ils  ont  presque  tous  un 
développement  de  leur  peau  , qui  recouvre  le  corps 
comme  un  manteau,  en  prenant  toutefois  diverses 
figures.  Quelquefois  ce  manteau  reste  mou,  mais  le  plus 
souvent  il  se  forme  dans  son  épaisseur  une  ou  plu- 
sieurs lames,  quelquefois  cornées  , le  plus  souvent 
calcaires  ; ordinairement  cette  substance  est  assez  éten- 
due pour  que  l’animal  puisse  s’en  envelopper  totale- 
ment: c est  ce  qu’on  appelle  une  coquille.  Beaucoup  sont 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


privés  d’yeux,  quelques-uns  en  ont  de  rudimentaires, 
d’autres  en  ont  de  très-développés.  Leur  système  ner- 
veux consiste  en  masses  médullaires  dispersées  d&ns  le 
corps,  et  dont  la  principale  est  située  en  travers  sur 
l’œsophage  qu  elle  entoure  d’un  collier  nerveux.  Ils 
ont  peu  d’instinct.  La  plupart  habitent  l’eau. 

Ils  offrent  d’ailleurs  plusieurs  degrés  d’organisation  : 
les  uns  se  rattachent  aux  rayonnés,  d’autres  aux  arti- 
culés , d’autres , par  la  complication  de  leur  organisa- 
tion, approchent  des  vertébrés. 

§ 46.  Les  acéphales  sans  coquilles , ou  tuniciers , ont 
quelque  ressemblance  avec  les  animaux  rayonnés.  Il 
y en  a qui  sont  réunis  en  un  corps  commun  comme 
des  polypes;  parmi  eux  les  uns  sont  disposés  eh^étoiles , 
les  anus  étant  au  centre  et  les  bouches  à la  circonfé- 
rence; d’autres  forment  un  cylindre  dans  lequel  abou- 
tissent les  anus,  les  bouches  étant  ouvertes  à l’exté- 
rieur; d’autres  ont  les  viscères  prolongés  dans  une  masse 
commune,  et  la  bouche  rayonnée  et  l’anus  rapprochés 
vers  l’extrémité  libre  du  corps.  Il  y en  a d’autres  qui 
restent  seulement  unis  long-temps  après  leur  naissance  : 
ils  ont,  quand  ils  sont  séparés,  la  forme  d’un  tube  con- 
tractile ouvert  aux  deux  bouts,  et  dans  l’épaisseur 
duquel  sont  placés  les  viscères  ; d’autres  enfin , fixés 
aux  rochers , ont  la  forme  de  deux  tubes  engainés  dans 
1 intervalle  desquels  ils  font  passer  l’eau.  Ils  ont  d’ail- 
leurs tous  un  canal  alimentaire  à deux  orifices,  des 
branchies,  un  foie,  un  cœur,  et  des  ovaires  ou  des 
gemmes  internes  qui  produisent,  sans  accouplement, 
des  petits  vivans;  ils  ont  tous  aussi  des  ganglions  et 
des  filets  nerveux. 


INTRODUCTION. 


î)2 


§ 4ÿ-  Lescirrhopodes  forment  un  petit  groupe  d’ani- 
maux intermédiaire  entre  les  mollusques  et  les  arti- 
culés. Leur  eolps  T'accourci,  sans  tête  et  sans  anneaux 
transverses,  est  muni  d’un  manteau  et  d’une  coquille 
hiultivalve  qui  ressemblent  à ceux  des  acéphales;  ils 
ont  à la  bouche  des  mâchoires  latérales,  et  le  lon<*  du 
ventre  des  appendices  articulés,  disposés  par  paires, 
délit  là  peau  est  cornée,  qui  ressemblent  aux  pieds- 
nageoires  de  la  queue  de  certains  crustacés,  et  qu’on 
appelle  cirrhes.  L’estomac  est  garni  de  beaucoup  de 
petites  cellules  qui  paraissent  faire  l’office  de  foie; 
l’intestin  est  simple;  il  y a un  cœur  dorsal  et  des  bran- 
chies latérales;  il  y a un  double  ovaire  ou  amas  de 
genimes  internes,  et  un  double  canal  setpentin  pour 
la  sortie  des  petits.  Cës  animaux  sont  Sessiles  ou  pédi- 
culés,  mais  toujours  fixés;  leur  système  nerveux  est 
une  série  de  ganglions  sous  le  ventre. 

§ 48.  Les  mollusques  acéphales  ou  conehyfères  ont  le 
corps  dépourvu  de  tête,  contenant  tous  les  viscères, 
et  enveloppé  en  totalité,  comme  un  livre  dans  sa 
coüvërtüre,  par  le  manteau  ployé  éii  deüN  et  garni 
dVrie  coquille  calcaire  en  général  bivalve,  quelquefois 
muitivaïvè.  Là  bouche  est  garnie  de  feuillets  tentacu- 


laires, câchés  soüS  le  manteau;  l’aiius  ëst  caché  de  la 
iinême  manière  à l’autre  extrémité;  il  ÿ a quatrë  feuil- 
lets branchiaux  très - grânds;  le  féië  est  volumineux 


et  embrassé  l’estomac  et  une  partie  de  l’intestin , qui 
varié  beaucoup.  Le  pied,  lorsqu'il  ëxistè,  est  attaché 
entré'  les  quatre  branchies  ; c’est  une  masse  charnue 


qui  se  meut  à la  manière  de  la  langue  des  mammi- 
fères. Le  cœur  est  généralement  unique , aortique,  situé 


53 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 

du  côte  du  dos.  Ils  ont  un  ou  deux  nu,tscfos  qui  forment 
la  coquille,  et  un  ligament  élastique  qui  l’ouvré;  ils 
ont  UP  ganglion  principal  situé  au-dessu§  de  la  bon- 
ihe,  réuni  pardeux  cordons  nerveux,  à UU  autre  opposé, 
et  quelques  autres  nerfs  et  ganglions.  fis  engendrent , 
sans  accouplement,  des  petits  vivans. 

Les  brachiopodes  sont  d’autres  acéphales  peu  nom- 
breux (qui,  au  lieu  de  pieds  ont  deux  bras  charnus  ; ils 
paraissent  avoir  deux  cœurs  aortiques;  un  intestin  re- 
plié entouré  du  foie.  On  ne  connaît  pas  bien  leur  gé- 
nération ni  leu?  système  nerveux. 

§ 4q.  Les  gastéropodes  sont  des  moUjusqnes  céphalés 
qui  rampent  généralement  sur  un  disque  charnu, placé 
sous  le  ventre,  et  dont  le  dos  est  reeauvertpar  1 e manteau 
qui  varie  enéltendueet  en  figure,  et  qui  produit  générale 
ment  une  coquille  univalve  au  multiyaiv,e.  Il  y a, dans 
cette  classe,  des  mollusques,  dont  les  organes  de  la  res- 
piration et  la  coquille  ne  sont  point  symétriques.  Là  tête , 
placée  en  ayant,  et  plus  ou  moins  dégagée  de  dessous 
le  manteau  a ordinairement  des  tentacules  au  nom  foc 
de  deux , quatre  ,ou  six , placés  au-dessus  de  la  bouche  , 
qui  servent  au  tact,  à la  vue,  et  pçùt-rêtre  à l’odor-at.  Il 
y a ordinairement  aussi  des  yeux  petits , punctiformes , 
tenant  à la  tête  ou  aux  tentacules;  les  organes  de  la 
digestion  sont  très-variés;  il  n’y  a jamais  qu’un  cœur, 
qui  est  aortique  : dans  ceux  qui  né  sont  point  symétri- 
ques il  est  à gauche  dans  là  plupart , et  à droite  dans  les 
perverses.  Les  organes  respiratoires  varient  beaucoup  ; 
la  plupart  ont  ides  branchies,  quelques-uns  respirent 
1 air  en  nature,  fl  en  est  de  même  de  la  génération, 
qui  présente  toutes  les  variétés  ;.unisexueHe  sans  accou- 


INTRODUCTION. 


54 

plement;  hermaphrodite  avec  accouplement  récipro- 
que; et  à sexes  séparés. 

Les  ptéropodes  forment  un  petit  groupe  de  mollus- 
ques entre  les  acéphales  et  les  céphalés. 

§ 5o.  Les  céphalopodes  forment  une  petite  classe 
qui  comprend  les  animaux  inarticulés  les  plus  compli- 
qués dans  leur  organisation,  et  qui  de  même  que  les 
crustacés  parmi  les  articulés  se  rapprochent  le  plus 
des  animaux  vertébrés. 

Ce  sont  des  animaux  mollasses  dont  le  corps  est  en- 
veloppé dans  un  sac  formé  par  le  manteau  qui  par  ses 
côtés  s’étend  plus  ou  moins  en  nageoires,  et  dont 
l ouverture  donne  passage  à une  tête  ronde  couronnée 
de  pieds  ou  bras  charnus  garnis  de  ventouses,  qui 
servent  à marcher , à saisir  et  à nager.  La  bouche  située 
entre  les  bases  des  pieds  est  armée  de  deux  fortes  mâ- 
choires de  corne  comme  un  bec  de  perroquet;  il  y a 
une  langue  hérissée  de  pointes  cornées;  un  œsophage 
renflé  en  jabot,  un  second  estomac  musculaire  comme 
un  gé2ier,  et  un  troisième  membraneux;  un  intestin 
simple  et  peu  prolongé  qui  aboutit  dans  l’ouverture 
du  sac  devant  le  col.  Il  y a un  double  système  d’artères 
et  de  veines,  deux  ventricules  branchiaux  et  un  ven- 
tricule aortique.  Les  organes  respiratoires  sont  deux 
branchies  situées  dans  le  sac  où  l’eau  entre  et  sort 
pour  la  respiration.  Il  y a un  foie  très -grand  qui  verse 
la  bile  par  deux  conduits  dans  le  troisième  estomac. 
Ges  animaux  ont  une  excrétion  particulière,  noire, 
produite  par  une  glande  et  déposée  dans  un  réservoir. 
Les  sexes  sont  séparés;  il  y a un  ovaire,  deux  oviductes 
qui  y prennent  les  œufs  et  les  conduisent  au  dehors  au 


DES  CORPS  ORGANISES. 


55 


travers  de  deux  grosses  glandes  qui  les  enveloppent  de 
matière  visqueuse  et  les  réunissent  en  grappes;  il  y a 
an  testicule,  un  canal  déférent  qui  aboutit  à un  pénis 
charnu  à côté  de  l’anus  ; une  vésicule  et  une  prostate 
y aboutissent  également.  Il  paraît  que  la  fécondation 
se  fait  par  arrosement  des  œufs.  L’œil  est  formé  de 
nombreuses  membranes  et  recouvert  par  la  peau  qui  est 
transparente  en  cet  endroit,  et  qui  forme  même  quel- 
quefois  des  replis  ou  paupières.  Il  y a pour  chaque  œil 
un  gros  ganglion  d’où  sortent  des  nerfs  innombrables. 
L’oreille  est  une  petite  cavité  simple,  creusée  de  cha- 
que côté  près  du  cerveau,  sans  conduit  extérieur,  et 
où  est  suspendu  un  sac  membraneux  qui  contient  une 
petite  pierre.  Le  cerveau  est  renfermé  dans  une  cavité 
cartilagineuse  qui  est  un  rudiment  de  crâne. 

§ 5i.  Telle  est  l’immense  série  des  animaux  inverté- 
brés  x.  Ils  forment,  comme  on  l’a  vu,  trois  embranche- 
mens  ou  types  différens.  On  a vu  qu’il  y a dans  chaque 
type  une  ressemblance  générale  et  aussi  divers  degrés 
de  complication  et  de 
sation. 

Les  rayonnés  sont  évidemment  les  plus  simples;  ils 
se  rapprochent  pai;  quelques-uns  d’entre  eux  des  in- 
fusoires; les  plus  compliqués  mêmes , parmi  eux,  n’ont 
encore  aucun  organe  central  de  circulation  et  aucun 
organe  nerveux  prédominant;  manquant  d’organes  cen- 
traux ils  manquent  d’unité  organique  ou  vitale. 

Après  les  rayonnés  viennent  les  mollusques  et  les  ar- 
ticulés. Quant  à l’ordre  de  supériorité  organique  de 

1 V oyez.  De  Lamarck.  Hist.  nalur.  des  animaux  sans  ver- 
tèbres. 


perfectionnement  dans  l’organi- 


INTRODUCTION. 


56 

ees  deux  embranchemens  il  est  assez  difficile  à déter- 
miner ; car  si  d une  part  les  articulés  sont  inférieurs  aux 
mollusques  sous  le  rapport  des  organes  et  des  fonctions 
végétatives,  puisque  beaucoup  d’entre  eux  sont  dé- 
pourvus d’une  véritable  circulation,  fonction  qui  au 
contraire  existe  dans  tous  les  mollusques;  d’un  autre 
côté  ceux-ci  sont  inférieurs  aux  articulés  sous  le  rap- 
port du  développement  et  du  rapprochement  des 
masses  nerveuses  et  surtout  sous  le  rapport  de  l’irfetnVfct 
si  parfait , dans  quelques  articulés , qu’il  les  rapproche 
beaucoup  des  vertébrés. 

Des  animaux  vertébrés. 

> J i <r  l : » . > 4 i : » < ■ > : « ■ 1 t ' ' ■ - J • : j‘  ; 

§52.  Les  animaux  vertébrés  constituent  un  type  ou  un 
mode  d’organisation  auquel  appartiennent  l’homme  et 
les  animaux  qui  lui  ressemblent  le  plus.  Ils  se  rappro- 
chent des  invertébrés  par  les  organes  des  fonctions  vé- 
gétatives , mais  ils  en  différent  beaucoup  par  ceux  des 
fonctions  animales.  Leur  conformation  extérieure  est , 
à l’exception  près  d’un  genre,  exactement  symétrique; 
c’est- a- dire  que  leurs  organes  des  sensations  et  des 
môuvemens  sont  disposés  par  paires  aux  deux  côtés 
d’un  axe  ou  d’un  plan  médian.  Ils  atteignent  une 
grande  taille  ; c’est  parmi  eux  que  se  trouvent  les 
plus  grands  animaux , ce  qu  ils  doivent  aux  os  qui 
soutiennent  leurs  parties  molles.  Leur  corps  se  com- 
pose toujours  d’un  tronc,  et,  à peu  d’exceptions  près, 
de  membres.  Le  tronc  est  soutenu  dans  toute  sa  lon- 
gueur par  le  rachis,  colonne  composée  de  vertèbres 
mobiles  les  unes  sur  les  autres,  à 1 une  des  extrémités 


DES  CORPS  ORGANISÉS.  f»n 

y 

de  laquelle  est  la  tète,  et  dont  l’autre  extrémité  se 
prolonge  généralement  en  une  queue.  Cette  colonne , 
en  partie  solide,  est  creusée  d’un  canal,  qui  contient 
la  moelle  épinière.  La  tête  est  formée  du  crâne,  qui 
renferme  le  cerveau,  et  de  la  face,  qui  se  compose 
des  mâchoires  et  des  réceptacles  des  sens.  Le  reste  du 
tronc  forme  une  ou  deux  grandes  cavités  qui  contien- 
nent les  organes  des  fonctions  végétatives.  Dans  la  plu- 
part il  y a,  aux  côtés  de  la  colonne,  des  arcs  osseux,  ou 
côtes , qui  garantissent  la  grande  cavité  splanchnique 
et  dans  le  plus  grand  nombre  ces  côtes  s’articulent  en 
avant  avec  le  sternum.  Les  membres  ne  sont  jamais 
au  nombre  de  plus  de  deux  paires,  qui  manquent 
quelquefois  l une  ou  l’autre  ou  même  toutes  deux  : 
ils  ont  d’ailleurs  des  formes  variées  et  relatives  aux 
mouvemens  qu’ils  doivent  exécuter. 

Les  vertébrés  ont  tous  deux  mâchoires  horizontales 
garnies,  dans  la  plupart,  de  dents,  corps  durs  analo- 
gues aux  os  par  leur  composition  chimique,  et  aux 
cornes  par  leur  mode  de  formation.  Dans  ceux  qui  n’ont 
pas  de  dents  ( les  oiseaux  et  les  tortues  ) , on  trouve  une 
véritable  matière  cornée  à la  place.  Dans  tous  les  ver- 
tébrés , le  canal  intestinal  , étendu  de  la  bouche  à 
lanus  et  présentant  divers  renflemens,  est  garni  de 
glandes  sécrétoires,  savoir  : les  glandes  salivaires,  le 
pancréas  et  le  foie.  Dans  tous  il  y a des  artères , des 
veines , un  cœur  diversement  conformé  et  des  vais- 
seaux chylifères  et  lympathiques.  Dans  tous  le  sang 
est  rouge.  Dans  une  classe  seulement  (les  poissons), 
d y a des  branchies  ; dans  les  autres  l’organe  respira- 
toire est  un  poumon.  La  respiration  d’ailleurs  est  plus 


58 


INTRODUCTION. 


ou  moins  grande  ou  parfaite  , suivant  les  classes.  L’or* 
gane  de  la  sécrétion  delà  hile,  le  foie,  reçoit,  dans 
tous  les  vertébrés,  du  sang  rapporté  des  intestins  et 
de  la  rate  par  îa  veine-porte.  Tous  ces  animaux  ont 
aussi  des  reins  qui  secretent  1 urine,  et  la  plupart  une 
vessie  ou  réservoir  pour  cette  humeur  excrémentitielle. 
Les  sexes  sont  toujours  séparés;  la  femelle  a un  ou 
deux  ovaires,  d’où  les  œufs  se  détachent.  Le  mâle  les 
féconde  par  la  liqueur  spermatique,  mais  le  mode  de 
fécondation  varie  beaucoup,  ainsi  que  d’autres  phé- 
nomènes de  la  génération. 

Les  muscles,  outre  ceux  qui  forment  le  cœur  et 
ceux  qui  appartiennent  à la  peau,  à la  membrane 
muqueuse,  et  aux  sens,  sont  en  très-grand  nombre  et 
s’insèrent  à des  os  intérieurs  mobiles  les  uns  sur  les 
autres.  Tous  ceux  qui  ont  un  poumon  ont  aussi  un 
larynx , quoique  tous  n’aient  pas  de  voix.  Les  sens 
sont  dans  tous,  deux  yeux,  deux  oreilles,  le  nez,  la 
langue  et  la  peau;  cette  membrane  étant  d’ailleurs 
pourvue  de  diverses  parties  protectrices.  Mais  c’est 
essentiellement  le  système  nerveux  qui , par  sa  dis- 
position , distingue  les  vertébrés.  Dans  les  inverté- 
brés, les  mêmes  renflemens  nerveux,  plus  ou  moins 
écartés,  fournissent  des  filets  tout  à la  fois  aux  or- 
ganes des  fonctions  végétatives  et  à ceux  des  fonctions 
animales;  ici,  au  contraire,  outre  ces  ganglions  dont 
les  filets  sont  confinés  aux  organes  des  fonctions  végé- 
tatives, il  y a un  centre  particulier  avec  lequel  com- 
muniquent ces  renflemens , et  d’où  partent,  ou  bien 
où  aboutissent  les  nerfs  des  organes  des  sensations  et 
des  mouvemens.  Ce  centre,  parfaitement  symétrique, 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


59 

consiste  en  un  gros  cordon  renfermé  dans  le  rachis  et 
prolongé  dans  le  crâne  où  il  présente  divers  renflemens, 
et  est  surmonté  par  deux  organes  nerveux,  compli- 
qués, plus  ou  moins  volumineux , qu’on  appelle  le 
cervelet  et  le  cerveau.  Ce  centre  nerveux  est  enveloppé 
dos  solidement  unis  entre  eux  et  qui  le  protègent  contre 
les  atteintes  extérieures.  On  peut  regarder  cette  fonc- 
tion des  os  comme  une  des  plus  importantes  qu’ils 
remplissent. 

§ 53.  Outre  les  genres  d’humeurs  et  d’organes  qui  sont 
communs  à tous,  ou  du  moins  à la  généralité  des  ani- 
maux, on  en  trouve  encore  dans  l’embranchement  des 
vertébrés  qui  n’existent  pas  dans  les  autres  ; ce  sont  le 
sang  rouge,  les  Taisseaux  chylifères  et  lymphatiques, 
les  os,  les  ligamens  et  les  tendons,  les  membranes  sé- 
reuses et  synoviales. 

Dans  tous  les  invertébrés,  le  liquide  nourricier  est 
d’une  seule  couleur  et  blanc  ou  bleuâtre,  excepté  dans 
les  annélides , où  il  est  rouge.  Dans  les  vertébrés  au 
contraire  les  artères,  les  veines,  et  le* cœur,  contien- 
nent du  sang  rouge,  liquide  composé  de  sérum  inco- 
lore dans  lequel  nagent  des  corpuscules  formés  d’un 
globule  central  et  d’une  enveloppe  colorée.  Sa  com- 
position est  plus  grande  que  d^ns  les  invertébrés.  Un 
liquide  peu  coloré  ou  blanchâtre,  est  contenu  dans  les 
vaisseaux  chylifères  qui  commencent  à 1 intestin  et  dans 
les  vaisseaux  lymphatiques  qui  naissent  de  toutes 
les  parties  du  corps;  les  uns  et  les  autres  très-analo- 
gues aux  veines,  aboutissent  dans  ces  derniers  vais- 
seaux. 

Les  os  sont  des  parties  dures,  propres  aux  verté- 


6o 


INTRODUCTION. 


brés;  iis  sont  situés  à l’intérieur;  ils  sont  dune  nature 
organique  consistant  en  une  masse  de  substance  cel- 
lulaire serrée,  imprégnée  d’une  grande  proportion  de 
phosphate  de  chaux.  Ils  servent  d’enveloppe  aux  cen- 
tres nerveux:  ils  reçoivent  et  transmettent  le  mouve- 

' î> 

ment  musculaire  ; ils  seryent  enfin  de  soutien  et  d’ap- 
pui à toutes  les  parties,  et  par-là  déterminent  la  forme 
du  corps.  Dans  les  invertébrés  les  parties  dures  sont 
en  général  transsudées  à la  surface  de  la  peau,  et 
consistent  en  coquilles,  croûtes,  écaillés  de  carbonate 
de  chaux  ou  de  substance  cornée.  Ce  dernier  genre 
se  retrouve  aussi  dans  les  vertébrés-,  où  il  affecte  des 
dispositions  extrêmement  variées  r comme  celtes  d’é- 
cailAes,  de  plumes  , de  Ipoils,  de  eoirrres  ; toutes  parties 
analogues  entre  elles  par  leur  composition  et  leur  mode 
de  formation.  On  trouve  encore  dans  les  vertébrés  un 
genre  d’organes  qui  leur  est  à peu  près  particulier,  ce 
sont  les  tendons  qui  attachent  les  muscles  aux  oa,  et 
lies  ligamens  qui  en  tourent  les  articulations  des  os;  ces 
liens  ou  attaches  sont  de  la  substance  cellulaire  ti’ès- 
condensée,  dont  toute  la  foncttion  réside  dans  leai 
ténacité. 

Les  membranes  séreuses  et  syuoviail/es  sont  encore 
des  .parties  formées  par  la  substance  cellulaire  conden- 
sée et  disposée  en  vessies  à parois  contiguës  partout  où 
la  continuité  es  t interrompue  entre  les  parties  ; dans 
les  cavités  splanohinques  elles  séparent  les  viscères  des 
parois,  dans  les  articulations  mobiles  elles  contiennent 
un  liquide  qui  humecte  les  extrémités  contiguës  des  os. 

§ 54.  Mais  ce  qui  distingue  les  vertébrés,  c’est  non- 
seulement  l'action  des  organes  qui  leur  sont  propres. 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


6 1 


savoir  un  système  nerveux  plus  concentré,  et  dont  les 
parties  centrales  sont  plus  volumineuses,  d’où  résulte 
une  apparence  d’intelligence  qui  se  distingue  de  l’ins- 
tinct, un  certain  degré  d’éducabilité,  etc.;  c’est  non- 
seulement  l’influence  que  ces  organes  exercent  sur  les 
autres  pour  en  diriger  l’exercice;  mais  c’est  surtout 
la  concentration  de  la  vie  dans  les  organes  centraux 
ou  prédominans  : dans  le  cœur,  et  dans  le  centre  ner- 
veux, et  dans  l’action  de  ces  deux  parties  l’une  sur 
l’autre.  Cependant  encore  sous  ce  rapport  il  y a des 
différences  assez  grandes  entre  les  vertébrés. 

§ 55.  Les  animaux  vertébrés,  qui  seressemblent  par  tant 
de  caractères,  présentent  en  effet  ainsi  de  grandes  diffé- 
rences. La  ressemblance  existe  surtout  dans  la  partie  cen- 
trale du  système  nerveux,  et  dans  son  enveloppe,  c’est-à- 
dire  dans  la  moelle  et  dans  le  rachis;  et  les  différences 
dans  les  extrémités  et  à la  surface  : ainsi  dans  le  cer- 
veau, le  crâne,  les  sens,  la  face,  les  organes  du  mou- 
vement, les  membres  et  la  peau.  De  même  dans  les 
organes  des  fonctions  végétatives , le  cœur  présente  bien 
des  différences,  mais  elles  sont  surtout  très-grandes 
dans  les  organes  et  les  phénomènes  de  la  respiration  ; 
et  comme  l’action  des  muscles  et  du  système  nerveux 
dépend  beaucoup  de  la  respiration , les  variétés  de 
cette  fonction  en  déterminent  de  correspondantes  dans 
les  fonctions  animales.  Ainsi  dans  les  mammifères,  où 
la  circulation  est  double,  c’est-à-dire  que  tout  le  sang 
rapporté  du  corps  est  envoyé  au  poumon  avant  de  re- 
tourner au  corps,  et  où  la  respiration  est  aérienne, 
1 action  musculaire  a de  la  force.  Dans  les  oiseaux,  où  la 
circulation  est  double,  et  où  la  respiration,  aérienne 


INTRODUCTION. 


’6’2 

aussi , ne  se  borne  pas  au  poumon , mais  s’étend  dans 
divers  endroits  du  corps,  la  vigueur  des  muscles  est 
encore  plus  grande  ; elle  est  faible , et  les  mouvemens 
sont  lents  et  souvent  interrompus  dans  ies  reptiles,  où 
la  circulation  est  simple,  et  par  conséquent  la  respiration 
partielle,  puisqu’une  partie  du  sang  seulement  est  sou- 
mise à l’action  de  l’air  avant  de  retourner  au  corps.  Les 
poissons  ont  bien  une  circulation  double , mais  leur 
respiration  ne  peut  être  complète  à cause  de  la  petite 
quantité  d’air  que  contient  l’eau  qu’ils  respirent;  aussi 
sont-ils , pour  la  station  , presque  en  équilibre  dans 
l’eau.  Les  animaux  des  deux  premières  classes  ont  le 
sang  bien  plus  chaud  que  ceux  des  deux  dernières, 
qu’on  appelle  pour  cela  vertébrés  à sang  froid. 

La  génération  offre  aussi  une  différence  très-notable 
d’après  laquelle  on  divise  les  vertébrés  en  ovipares 
et  en  vivipares  ou  mammifères. 

§ 56‘.  Les  vertébrés  ovipares  se  ressemblent  surtout 
par  leur  mode  de  génération,  ils  ont  aussi  quelques 
caractères  communs  d’organisation  dans  le  système 
nerveux  et  dans  les  os  qui  l’enveloppent. 

La  génération  ovipare  consiste  essentiellement  en  ce 
que  le  germe  est  renfermé  dans  ses  enveloppes  avec 
des  matières  nutritives  suffisantes  pour  le  nourrir  jus- 
qu’à l’éclosion;  de  sorte  que  $i  l’œuf  demeure  à 1 in- 
térieur, il  ne  se  greffe  point  aux  parois  de  l’oviducte, 
mais  qu’il  en  reste  séparé.  La  nourriture  du  petit  est 
contenue  dans  un  sac  qui  fait  partie  de  son  intestin,  et 
qu’on  appelle  le  vitellus  ou  le  jaune  de  1 œuf.  Le  germe 
n’en  est  d’abord  qu’un  appendice  imperceptible  , mais 
à mesure  qu’il  se  nourrit  et  s’accroît  par  l absorption 


DES  CORPS  ORGANISÉS. 


63 


«lu  jaune,  celui-ci  diminue  en  proportion,  et  finit  par 
disparaître  vers  l’époque  de  féclosement.  Les  fœtus  des 
ovipares  à poumons  (les  oiseaux  et  les  reptiles,  excepté  * 
les  batraciens),  ont  de  plus  une  membrane  très-yascu- 
laire,  qui  paraît  servir  à la  respiration,  et  qui  est  un 
prolongement  de  la  vessie  : c’est  l’allantoïde  ; elle 
n’existe  pas  dans  les  poissons  ni  dans  les  reptiles  ba- 
traciens dont  les  petits  sont  pisciformes.  Certains  rep- 
tiles et  poissons  gardent  les  œufs  à l’intérieur  jus- 
qu’à féclosement;  c’est  ce  qu’on  appelle  des  ovovivi- 
pares. ' 

Le  prolongement  de  la  moelle  dans  le  crâne  présente , 
dans  les  ovipares,  des  tubercules  dits  quadrijumeaux 
très-développés , le  cervelet  et  le  cerveau  au  contraire 
le  sont  fort  peu,  et  il  n’y  a point  de  pont  de  varole 
ni  de  corps  calleux.  Leurs  os  du  crâne  sont  très,  ou 
très  long-temps  subdivisés j leurs  sens  ne  sont  point 
aussi  complets  que  dans  les  vivipares  ; leur  mâchoire 
inférieure,  très-compliquée,  s’articule  par  une  facette 
concave  sur  une  partie  saillante  du  temporal,  qui  est 
distincte  du  rocher;  leurs  orbitres  ne  sont  séparés  que 
par  une  membrane  ou  par  une  lame  osseuse  du  sphé- 
noïde. Quand  ils  ont  des  membres  antérieurs,  sou- 
vent les  clavicules  se  réunissent  et  forment  une  four- 
chette, et  les  apophyses  coracoïdes  allongées  s’articu- 
lent avec  le  sternum.  Le  larynx  est  assez  simple  et 
manque  d’épiglotte,  etc.  Il  n’y  a point  un  diaphragme 
complet  entre  la  poitrine  et  l’abdomen. 

Les  ovipares  se  divisent  d’après  leur  respiration, 
leur  température,  l’atmosphère  qu’ils  habitent,  leur 
genre  de  mouvemens,  les  appendices  de  leur  peau , etc.  ; 


64  INTRODUCTION. 

en  trois  classes  : les  poissons,  les  reptiles,  et  les  oi- 
seaux. 

§57.  Les  poissons  ont  un  mode  d’organisation  évidem- 
ment disposé  pour  la  natation  ; ils  sont  suspendus  dans 
un  liquide  presque  aussi  pesant  qu’eux-mêmes.  Beau- 
coup ont  dans  le  corps,  sous  la  colonne  vertébrale,  une 
vessie  pleine  d’air  qui , en  se  comprimant  ou  en  se  di- 
latant, fait  varier  la  pèsanteur  spécifique  de  l’animal. 
La  tête,  variable  pour  la  forme,  est  d’une  structure 
fort  compliquée,  soit  dans  le  crâne,  soit  dans  les  mâ- 
choires, soit  dans  la  distribution  des  dents.  Les  mem- 
bres sont  fort  réduits  en  étendue,  et  conformés  en  na- 
geoires; d’autres  nageoires  occupent  le  dos,  le  dessous 
de  la  queue  et  son  extrémité.  Le  nombre  des  membres 
varie;  le  plus  souvent  il  y en  a quatre,  quelquefois 
deux,  quelques-uns  en  manquent  touUà-fait,  Leur  po- 
sition et  leur  connexion  avec  le  tronc  varient  aussi  beau- 
coup. Les  organes  de  la  digestion  varient  également; 
ie  pancréas  est  en  général  remplacé  par  des  appendices 
intestinaux.  La  circulation  est  double,  c’est-à-dire  que 
la  totalité  du  sang  passe  par  l’organe  respiratoire,  mais 
l’atmosphère  respirée  est  l’eau  aérée  : pour  cela  ils  ont 
aux  côtés  du  col  un  appareil  d’organes  appelés  bran- 
chies , ce  sont  des  feuillets  attachés  à des  arceaux  laté- 
raux de  l’os  hyoïde,  et  Composés  de  beaucoup  de  lames 
membraneuses  couvertes  d’un  lacis  d’innombrables 
vaisseaux  sanguins  ; cette  ouverture  est  en  outre  gar- 
nie d’une  membrane  branchiale  soutenue  par  des 
rayons  dé  l’hyoïde , et  jd’un  opercule  Osseux.  L'eau  que 
le  poisson  presse  dans  la  bouche  comme  pour  1 avaler, 
s’éehappe  entre  les  divisions  des  branchies,  et  agit  sur 


65 


des  corps  organisés. 

le  sang.  Le  cœur  n’a  qu’une  oreillette  qui  reçoit  les 
veines  du  corps,  et  un  ventricule  branchial.  Le  sang, 
après  avoir  traversé  les  branchies,  se  rend  dans  un 
gros  vaisseau  situé  sous  l’épine  du  dos,  et  qui,  faisant 
les  fonctions  de  ventricule  et  d’aorte,  l’envoie  dans 
toutes  les  parties  du  corps.  Les  poissons  ont  des  reins 
allongés  sur  les  côtés  de  lepine,  et  une  vessie.  Leurs  tes- 
ticules sont  deux  énormes  glandes  connues  sous  le  nom 
de  laite;  leurs  ovaires  ne  sont  pas  moins  volumineux; 
dans  la  plupart,  les  œufs  sont  pondus  d’abord,  et  le 
mâle  les  arrose  pour  les  féconder  ; dans  quelques-uns  il 
y a accouplement  et  intromission  de  sperme  : ceux-là 
sont  pour  la  plupart  ovovivipares.  Les  muscles  qui 
forment  une  si  grande  partie  de  la  masse  de  îeur  corps 
sont  blancs,  très-irritables,  et  ont  une  organisation 
moins  parfaite  que  dans  les  autres  classes.  Il  en  est 
de  même  des  os  : dans  quelques-uns  d’entre  eux , les 
chondroptérygiens,  les  os  restent  cartilagineux  ; la  subs- 
tance calcaire  n'y  forme  pas  des  filamens , mais  elle  y reste 
par  grains  isolés  ; dans  quelques-uns  même  les  articula- 
tions du  rachis  n’existent  pas;  dans  les  autres,  les  os 
quoique  fibreux  et  calcaires , varient  beaucoup  en  soli- 
dité , et  diffèrent  notablement  des  os  des  autres  classes. 
Les  côtes  sont  souvent  soudées  aux  apophylebles  trans- 
verses. Les  sens  sont  peu  parfaits;  les  narines  sont  ébau- 
chées sous  forme  de  fossettes  au  bout  du  museau;  l’œil 
a une  cornée  plate,  peu  d’humeur  aqueuse,  et  un  crys- 
tallin  presque  sphérique  ; l’oreille  consiste  en  un  sac 
vestibulaire,  qui  contient  suspendus  des  os  pierreux , en 
trois  canaux  demi-circulaires  membraneux,  situés  en 
général  dans  la  cavité  du  crâne;  quelques  genres  seule- 


i. 


ttà  IPÎTRODÜCTtpiV. 

ment  ont  une  fenêtre  ovale,  située  à la  surface  exté- 
rieure; le,ur  langue  est  le  plus  souvent  osseuse  et  dentée , 
ou  cornée  ; la  plupart  opt  toute  la  peau  couverte  d’é- 
çailies;  quelques-uns  ont  des  barbillons  charnus  qui 
peuvent  servir  au  toucher.  Le  prolongement  de  la 
moelle  dans  le  crâne  se  termine  antérieurement  par 
des  renflemens  d’où  partent  les  nerfs  olfactifs. 

La  classe  des  poissons  présente,  dans  la  nature  du 
squelette,  et  dans  le  mode  de  génération,  une  division 
assez  tranchée  : en  cartilagineux  et  en  osseux. 

G’e.st  dans  cette  classe  de  vertébrés  que  l’on  trouve 
un  genre  (celui  des  pleuronectes  ou  des  poissons  plats), 
où  il  y a un  défaut  de  symétrie  dans  la  tête,  tel  que  les 
deux  yeux  sont  du  même  côté. 

> § 58.  Les  reptiles  présentent  dans  leur  configuration , 

dans  leur  structure  et  dans  leurs  fonctions,  des  variétés 
beaucoup  plus  grandes  qu’aucune  des  trois  autres 
classes  des  vertébrés.  En  effet  les  uns  ont  quatre  pieds, 
d’autres  en  ont  deux  en  avant,  d’autres  deux  en  ar- 
rière, d’autres  point.  Dans  les  uns  le  corps  est  écail- 
leux, dans  d’autres  la  peau  est  nue.  Quelques-uns  sont 
pisçiformes  dans  leur  état  de.  fœtus,  et  éprouvent  une 
véritable  métamorphose  en  grandissant.  Les  organes 
de  la  digestion  sont  très-variés;  la  circulation  est  sim- 
ple, et  la  respiration  partielle,  c’est-à-dire  que  le  cœur, 
d’ailleurs  assez  variable,  envoie  le  sang  dans  une  ar- 
tère dont  une  branche  seulement  va  au  poumon;  d’où 
il  résulte  qu’il  n’y  a dans  chaque  circuit  du  sang  qu’une 
partie  de  ce  fluide  qui  soit  soumise  à la  respiration. 
Leurs  poumons  ont  la  forme  de  sacs,  ou  du  moins  ont 
de  larges  cellules.  Ils  peuvent  sans  arrêter  la  circula- 


DES  COUPS  OÜGÀtfïSÉS. 


Gy 

tion  suSpehdrè  11  respiration  : léür  sang  est  froid.  Lâ 
quantité  de  respiration  n’eSt  pas  la  même  dans  èette 
classe , l'artère  pulmonaire  n étant  pas  dans  tous  dans  le 
même  rapport  avec  le  trotté  aortique  qtii  11  fournit.  Ils 
ont  une  trachée-artère  et  un  larynx,  quoiqu’ils  n’aient 
pas  tous  de  la  voix.  Les  femelles  ont  un  double  ovaire 
et  deux  oviductes.  Quelques  mâles  ont  là  verge  bifur- 
quée,  quelques-uns  en  sont  privés.  Aucun  né  couve  Ses 
œufs.  Leurs  muscles  ont  une  irritabilité  qui  se  conserve 
long-temps  après  leur  séparation  du  syStèméttervèui  et 
même  du  reste  du  corps.  Leurs  Sensations  sont  assez 
obtuses.  Ils  ont  des  narines  qui  traversent  la  face;  mais 
leur  oreille  n’est  pas  Complète,  elle  est  bornée  au  vesti- 
bule qui  contient  des  pierres  molles,  aux  canaux  demi- 
circulaires,  et,  dans  quelques-uns,  à un  rudiment  de 
limaçon.  On  y trouve  aussi  des  rudimens  d’os  du  tynh 
pan,  sous  la  peau.  Les  crocodiles  seuls  ont  une  ouver- 
ture auriculaire  extérieure.  Le  cerveau,  assez  petit, 
peut  être  enlevé  ainsi  que  la  tête  et  les  moüvemens 
continuer  encore.  Plusieurs  restent  engourdis  une  par- 
tie de  l’année. 

On  a divisé  les  reptiles  en  plusieurs  familles,  d'après 
des  variétés  très-grandes  d’organisation. 

Les  chéloniens  ou  tortues,  ont  un  cœur  à deut  oreil- 
lettes, qui  reçoivent  chacune  un  sarig  difféiréht,  et  à un 
ventricule,  ayant  deux  loges  inégales  et  communicantes, 
dans  lequel  les  deux  sangs  se  mêlent.  Ces  animaux  Sont 
enveloppés  d’une  carapace  formée  par  les  côtes  et  les 
lames  des  vertèbres,  et  d’un  plastron  formé  par  le  ster- 
num, recouverts  les  uns  et  les  autres  par  la  peau  et  par 
uné  matière  cornée  ou  écaillée  transsudée  par  la  pêaii. 


68 


INTRODUCTION. 


L air  pour  la  respiration  est  attire  par  les  narines , et 
poussé  dans  le  larynx  par  une  sorte  de  déglutition.  Le 
mâle  a un  pénis  simple,  cannelé.  La  femelle  pond  des 
œufs  qui  ont  une  coquille  très-dure.  Elles  vivent  sans 
manger  pendant  des  mois  et  même  des  années.  Elles 
survivent  plusieurs  semaines  à la  section  de  la  tête. 

Les  sauriens  ou  lézards,  crocodiles,  etc.,  ont  le 
cœur  comme  les  tortues;  les  côtes  sont  mobiles  pour 
la  respiration  , le  poumon  est  très-étendu.  Les  œufs 
ont  une  enveloppe  plus  ou  moins  dure.  Il  y a des  dents, 
des  ongles,  des  écailles.  La  verge  est  simple  ou  double. 

Les  ophidiens  ont  le  cœur  à deux  oreillettes , et  point 
de  pieds.  Quelques-uns  d’entre  eux  sont  venimeux. 
Ceux  qui  le  sont  le  plus  ont  des  crochets  isolés  et  une 
disposition  particulière  de  la  mâchoire.  Leurs  os  maxil- 
laires supérieurs  sont  fort  petits,  portés  sur  un  long 
pédicule  analogue  a l’apophyse  ptergoïde  externe,  et 
très-mobile;  il  s’y  fixe  une  dent,  creusée  d’un  petit  canal 
qui  donne  issue  à la  liqueur  venimeuse  sécrétée  par  une 
glande  considérable  située  sous  l'œil.  Cette  dent,  pla- 
cée avec  plusieurs  germes  de  remplacement  sur  l’os 
maxillaire,  se  cache,  au  moyen  de  la  mobilité  de 
celui-ci , dans  un  repli  de  la  gencive  quand  l’animal  ne 
s’en  sert  pas. 

Les  batraciens  ou  grenouilles , crapauds  et  sala- 
mandres, ont  au  cœur  une  seule  oreillette  et  un  seul 
ventricule.  Ils  ont  des  poumons,  et  dans  la  jeunesse 
des  branchies  analogues  à celles  des  poissons.  Dans 
ce  premier  état  la  circulation  est  comme  celle  des  pois- 
sons; l’artère  se  divise  dans  les  branchies;  les  vais- 
seaux se  réunissent  ensuite  en  un  tronc  aortique  pour 


i 


des  corps  organisés. 


69 

tout  le  corps  et  même  pour  les  poumonâ.  Quand  les 
branchies  disparaissent,  leurs  artères  s’oblitèrent,  ex- 
cepté deux  rameaux  qui  se  réunissent  pour  former 
laorte , et  qui  donnent  chacun  une  petite  branche  au 
poumon  Les  œufs  sont  membraneux  et  fécondés  pen- 
dant ou  après  la  ponte.  Le  petit,  en  naissant,  a des  bran- 
chies, et  point  de  pattes;  il  perd  les  premières  en  gran- 
dissant, et  les  pattes  se  développent.  Qüelques-unS 
conservent  les  branchies  toute  leur  vie. 

§ 59.  Les  oiseaux  ont  une  organisation  évidemment 
disposée  pour  le  vol  ; leur  configuration,  la  proportion 
de  leurs  parties,  leur  abondante  respiration,  d’où  résulté 
leur  légèreté  spécifique  et  une  grande  vigueur  muscu- 
laire : tout  se  réunit  pour  ce  mode  de  station  et  de 
mouvement.  Ils  sont  bipèdes , leurs  membres  antérieurs 
étant  uniquement  destinés  au  vol.  La  poitrine  et  l’abdo- 
men forment  une  seule  grande  cavité  dont  les  vertèbres 
sont  très-peu  mobiles  ; le  sternum  est  d’une  très  grande 
étendue,  augmentée  encore  par  une  lame  saillante 
comme  une  carène.  La  partie  sternale  des  côtes  est 
osseuse  comme  leur  partie  vertébrale;  tout  dans  cette 
partie  du  tronc,  est  disposé  pour  donner  un  appui  solide 
et  des  attaches  musculaires  aux  ailes.  Les  épaules  sont 
formées  par  la  fourchette,  les  os  coracoïdes,  qui  sont 
trèsr forts,  et  des  omoplates  allongées  et’  faibles.  L’aile 
est  soutenue  par  l’humérus,  les  deux  os  de  l’avant-bras 
et  la  main  qui  est  allongée  et  qui  a un  doigt,  et  deux 
autres  rudimentaires;  elle  porte  une  rangée  de  pennes 
élastiques.  Le  bassin,  très-allongé,  fournit  des  atta- 
ches aux  muscles  des  membres  inférieurs,  et  ses  os  sont 
assez  écartés  pour  laisser  la  place  où  les  œufs  se  déve- 


INTRODUCTION . 


(qppe,Dt.  meaib.^  inférieurs  sont  formés  du  fémur, 
du  tibia  et  du  péroné,  qui  sont  jointe  à lui  par  une  ar- 
ticulation q.  ressort,  se  maintenant  étendue  sans  effort 
musculaire.  Il  y a aussi  des  muscles  qui  vont  du  bassin 
apx  doigts  en  passant  sur  le  genou  et  le  talon , de  ma- 
nière que  le  poids  du  corps  fléchit  lui-même  les  doigts. 
Lie  tarse  et  1e.  métatarse,  sont  formés  par  un  seul  os 
terminé  en  bas  par  trois  poulies.  Il  y a le  plus  souvent 
un  pouce  et  trois  doigts  diversement  dirigés,  et  dont 
lç.  nombre  des  articulations,  va  en  croissant  du  pouce, 
qni  n’en  a que  deux , au  doigt  externe , qui  en  a cinq. 
L<e  çol  est  allongé,  formé  de  beaucoup  de  vertèbres,  et 
très-mobile;  le  coccyx  est  très- court  et  garni  de  pennes 
comme  les  afles.  Le  cerveau , qui  a les  mêmes  caractères 
que  celui  des  autres  vertébrés  ovipares,  se  fait  remar- 
quer par  sa  grandeur  proportionnelle  au  corps  qui  est 
Considérable  ; mais  ce  volume  ne  dépend  pas  des  hé- 
misphères, qui  sont  petits.  La  peau  de  l’oiseau  est, 
CU  général  ,t  couverte  de  plumes  composées  d’une  tige 
Çreuse  et  de  barbes  ; la  peau  est  écailleuse  en  dessus  des 
doigts,  et  calleuse  en  dessous;  le  toucher  doit  être  par 
conséquent  très-faible.  L’oeil  est  muni  de  trois  pau- 
pières, mobiles;  la  cornée  est  très-convexe,  le  cristallin 
plat,  le  corps  vitré  petit.  Le  cristallin  est  muni  d’une 
mpmbrane  qui  paraît  propre  à le  mouvoir.  Le  devant 
t^u  globe  est  garni  d’un  cercle  de  pièces  osseuses.  Les 
çis.eaux  voient  distinctement  les  objets  de  près  et  de 
loin.  L’oreille,  un  peu  plus  complète  que  dans  les 
autres,  ovipares , n’a  point  de  pierres  dans  le  vestibule; 
Le  limaçon  est  un  peu  arqué;  il  y a un  osselet  entre  la 
fenêtre  ovale  et  le  tympan , qui  est  dépoiuvu  de  con- 


DES  'CORPS  ORGANISÉS.  Jl 

que , excepté  dans  lés  oiseaux  de  htfit.  Ùdrgâne  dé 
iodoPat,  caché  dans  là  basé  du  bec,  a ordinairement 
trois  cornets  cartilagineux,  et ^)ôitit  dé  sinus,  La  Lingue 
est  peu  musculaire,  et  est  soutenue  p'àr  un  prolorigé1- 
ment  osseux  de  l’hyôïdè.  La  trachée-artère  à dès  an- 
neaux entiers;  à sa  bifurcation  il  y a Une  glotte  ou  la>* 
rynx  inférieur  où  se  forme  la  voix  ; lé  larynx  supérieur 
est  très-simple.  Les  poumons,  non  lobes,  attachés  aiix 
côtes,  laissent  passer  l’air  dans  plusieurs  cavités  dé 
l’abdomen,  de  la  poitrine,  des  aisselles , et  même  dés 
os , ce  qui  augmente  la  légèreté  spécifique , et  multiplié 
la  respiration.  La  mâchoire  supérieure  est  formée  prin* 
cipalement  par  les  os  intermaxillaires,  et  se  prolonge 
en  arrière  en  deux  arcades,  l’une  interne,  formée  par 
les  os  palatins,  et  l’éxtérne  par  les  maxillaires  et  les 
jugaux,  et  qui  s’appuient  l’une  èt  l’autre  sur  l’os  càrré 
ou  os  tympanal , qui  est  mobile;  elle  se  joint  aù  Crâne 
par  des  lames  élastiques.  L’une  et  l’autre  mâchoire  est 
revêtue  de  corne  qui  tient  lieu  de  dents,  et  qüi  en  à 
quelquefois  la  forme.  L’estorhaé  eist  coiifporsédè  tiroïS 
parties  plus  ou  moins  distinctes  : le  jabot,  qui  niàiVdpiê 
quelquefois  ; l’estomac  membranéuk  gàrÙi1  de  béâu- 
coup  de  follicules  sécrétoires;  ét  le  gëéïéf  , ïiiutd  dé 
deux  musclés  vigoiireùx  et  fàpissé  dpÙhë  ihéiùferane 
eoriace.  Cependant  dâns  lés  Catùi'ÉorèS,  l'é  gésier  est 
trèsunince  et  peu  distinét  de  l'autre'  ëstohiac.  La  rate 
est  petite,  le  foie  a deüX  conduits,  le  pancréas  est  con- 
sidérable; il  y a au  rectum  deux  appeiidicés,  quelque- 
fois un  seul , point  dans  quelques  genres , et  qui  parais- 
sent être  lefeste  de  l’allantoidé.  Lé  rectum , les  uretères , 
. Ét  les  canauX  sperriïâtiqiies  oii  bien  l’Ôvicluct'e  abou- 


INTRODUCTION. 


tissent  dans  une  poche  appelée  cloaque,  qui  s’ouvre  à 
l’anus.  Les  testicules  sont  à l’intérieur,  au-dessous  des 
reins  ; il  n’y  a qu’un  ovaire  et  un  oviducte.  Dans  la  plu- 
part des  oiseaux , la  copulation  se  fait  par  la  simple 
application  des  anus;  cependant  quelques  genres  ont 
un  pénis  cannelé.  L’œuf  détaché  de  l’ovaire  ne  se  com- 
pose que  du  jaune  et  du  germe,  il  s’enveloppe  du 
blanc  dans  l’oviducte , et  au  bas  du  même  canal  il  se 
garnit  de  sa  coquille.  La  chaleur  du  climat , ou  le  plus 
généralement  l’incubation  maternelle  y développe  le 
petit, 


Des  vertébrés  vivipares. 


§ 60.  Les  vertébrés  vivipares  ouïes  mammifères,  au 
nombre  desquels  est  l’homme, ne  diffèrent  pas  seulement 
des  ovipares  par  leur  mode  de  génération  et  par  leur 
quantité  de  respiration  , mais  ils  se  distinguent  surtout 
par  des  fonctions  animales  plus  parfaites , par  une  in- 
telligence plus  grande , moins  dominée  par  l’instinct 
et  plus  capable  de  perfectionnement. 

Leur  conformation  générale  est  celle  des  vertébrés. 
La  cavité  splanchnique  , du  torse  est  divisée  en  deux 
par  une  cloison  musculaire  complète,  appelée  dia- 
phragme. Sauf  une  seule  exception , ils  ont  le  cou  formé 
de  sept  vertèbres;  ils  ont  un  sternum  auquel  s’atta- 
chent les  premières  côtes.  Leur  tête  s’articule  toujours 
par  deu:ç  condyles  avec  la  première  vertèbre.  Leur 
crâne  a la  plus  grande  ressemblance  dans  sa  compo- 
sition. On  y trouve  toujours  un  occipital,  un  sphé- 
noïde, un  ethmoïde,  des  pariétaux,  des  frontaux  et 


DES  COUPS  ORGANISÉS.  7 3 

des  temporaux  ; plusieurs  de  ces  os  dans  les  fœtus 
sont  divisés  en  plusieurs  parties.  La  face  est  aussi  peu 
variable;  elle  est  formée  essentiellement  par  les  maxil- 
laires supérieurs,  les  intermaxillaires,  les  palatins,  le 
vomer,  les  os  du  nez,  les  cornets  inférieurs,  les  ju- 
gaux  et  les  lacrymaux  : ces  os  réunis  entre  eux  for- 
ment la  mâchoire  supérieure,  qui  est  fixée  au  crâne; 
l'inférieure,  composée  de  deux  pièces  , est  articulée  par 
un  condyle  saillant  à un  temporal  fixe.  Un  os  hyoïde , 
suspendu  au  crâne  par  des  ligamens,  soutient  la  langue 
qui  est  toujours  charnue.  Les  membres  antérieurs  com- 
mencent par  une  ceinture  osseuse  ou  épaule,  formée 
par  l’omoplate,  non  articulée  avec  l’épine,  appuyée 
dans  beaucoup  de  mammifères  au  sternum,  au  moyen 
d’une  clavicule.  Le  bras  est  formé  d’un  seul  os  ; l’a- 
vant-bras de  deux,  le  radius  et  le  cubitus;  la  main, 
qui  termine  ces  membres , est  composée  de  deux  ran- 
gées de  petits  os  qu’on  appelle  carpe,  cfune  rangée 
d’os  nommée  métacarpe  et  de  doigts  formés  chacun 
de  deux  ou  trois  os  qu’on  appelle  phalanges.  Les  mem- 
bres postérieurs  ont  une  composition  analogue  à celle 
des  membres  antérieurs,  et  cette  analogie  est  plus  ou 
moins  grande  suivant  que  les  membres  sont  destinés 
à des  fonctions  semblables  ou  différentes.  Au  reste, 
dans  tous  - les  mammifères , excepté  les  cétacés , le 
membre  postérieur  commence  par  une  ceinture  os- 
seuse ou  bassin  formé  par  les  os  des  hanches  fixés  à 
1 épine;  et  dans  la  jeunesse  ces  os  sont  formés  de  trois 
parties  distinctes,  l’ilium,  le  pubis  et  l’ischion.  La  cuisse 
est  formée  dun  seul  os,  la  jambe  de  deux  principaux, 
le  tibia  et  le  péroné;  le  pied  qui  termine  ce  membre  est 


INTRODUCTION. 


74 

composé  d’un  tarse , d’un  métatarse  et  de  doigts  ou 
orteils. 

Les  muscles  ont  une  assez  grande  force  de  contrac- 
tion ; mais  leur  irritabilité  est  très-dépendante  du  sys- 
tème nerveux.  Les  mouvemens  sont  ceux  de  la  mar- 
che; dans  quelques-uns  le  vol  peut  avoir  lieu  au  moyen 
de  membres  prolongés  et  de  membranes  étendues  ; 
d’autres  ont  les  membres  très-raccourcis  et  ne  peu- 
vent que  nager.  Le  système  nerveux  des  mammifères 
est  surtout  caractérisé  par  l’état  du  cervelet  et  du  cer- 
veau. Le  cervelet  a des  lobes  latéraux , ou  hémisphères 
volumineux , et  il  y a toujours  un  pont  de  Varole  sous 
la  moelle  allongée.  De  même  le  cerveau  a toujours  des 
corps  striés,  et  est  toujours  formé  de  deux  hémisphères 
volumineux , garnis  de  circonvolutions,  formant  deux 
ventricules  latéraux  et  réunis  entre  eux  par  le  corps 
Galleux. 

Les  yeux,  logés  dans  les  orbites,  sont  préservés  par 
deux  paupières , et  un  vestige  de  la  troisième,  la  sclé- 
rotique est  simplement  fibreuse  , le  crystallin  est  fixé 
par  les  procès  ciliaires.  L’oreille  a , dans  tous , un  laby- 
rinthe complet,  avec  un  limaçon,  une  caisse  et  une 
membrane  du  tympan , et  des  osselets.  Les  fosses  na- 
sales traversent  la  face,  ont  des  Cornets,  et  s’étendent 
dans  des  sinus  des  os.  La  langue  est  charnue  et  atta- 
chée à l’os  hyoïde*  La  peau  des  mammifères  est  en 
général  revêtue  de  poils  : les  cétacés  seuls  en  sont  to- 
talement dépourvus. 

Le  canal  intestinal  est  revêtu  parle  péritoine,  sus- 
pendu au  mésentère,  repli  de  cette  membrane  qui  ren- 
ferme les  glandes  conglobées  des  vaisseaux  chylifères , 


DES  CUll^  ORGANISES. 


75 

et  couvert  d’un  prolongement  flottant  de  la  même  mem- 
brane, que  l’on  nomme  épiploon.  Ils  ont  une  vessie 
urinaire , dont  l’orifice,  à peu  d’exceptions  près,  est 
dans  celui  des  organes  de  la  génération.  Les  poumons 
çelluleux  eç  le  cœur  sont  renfermés  dans  une  cavité 
formée  par  les  côtes,  séparée  de  l’abdomen  par  le 
diaphragme , et  où  leu?  surface  est  libre.  Leur  circu- 
lation est  double  et  leur  respiration  est  aérienne  et 
simple.  Iis  ont  un  larynx  à l’extrémité  supérieure  de 
la  trachée  qui  s’ouvre  dans  l’arrière-bouche  et  les  ar- 
rière-narines dont  la  communication  dépend  d’un  voile 
charnu  mobile,  appelé  voile  du  palais. 

Ce  qui  distingue  surtout  Organisation  des  mammi- 
fères, c’est  leur  génération;  elle  est  essentiellement 
vivipare  ; c’est-à-dire  que  l’œuf  membraneux  descend , 
et  se  fixe  dans  l’utérus,  après  la  conception qui  exige 
un  accouplement  par  lequel  le  sperme  du  mâle  est  lancé 
dans  les  organes  de  la  femelle.  Ils  ont  bien  comme 
tous  les  vertébrés  ovipares,  du  moins  tout  au  com- 
mencement, une  vésicule  ombilicale  ou  intestinale; ils 
ont  aussi  comme  les  ovipares  à poumons  une  vessie 
allantoïde;  mais  ils  ont  de  plus  des  enveloppes  dont 
la  plus,  extérieure , le  chorion , se  fixe  aux  parois  de 
l’utérus  par  un  ou  plusieurs  plexus  de  vaisseaux  ap- 
pelés placentas  qui  établissent  entre  lui  et  sa  mère 
une  communication  par  laquelle  il  reçoit  sa  nourriture 
et  probablement  aussi  l’oxygène.  Quand  les  fœtus  ont 
acquis  le  développement  nécessaire , ils  sont  expulsés 
avec  leurs  enveloppes  déchirées.  Les  mamelles,  glandes 
sécrétoires , produisent  du  lait  pour  nourrir  les  petits 
pendant  tout  le  temps  qu’ils  en  ont  besoin. 


I 


yô 

INTRODUCTION. 

C’est  à ce  genre  d’organisation , qui  présente  encore 
certaines  variétés,  qu’appartient  l’homme. 

§61.  Les  mammifèresprésentent  ainsi  quelques  organes 
qui  leur  sont  propres  , tels  sont  les  poils  de  leur  peau 
et  les  mamelles  ; pour  tout  le  resté,  ils  ne  different  des 
autres  Vertébrés  que  par  des  développemens  plus  grands 
de  certains  organes , comme , par  exemple , de  l’oreille , 
du  cerveau,  etc.,  ou  par  des  combinaisons  différentes 
des  organes  de  la  circulation,  de  la  respiration  et  des 
mouvemens. 

Le  sang  des  mammifères  diffère  de  celui  des  ovipares 
par  la  forme  des  particules  colorées  : elles  sont  circu- 
laires ou  plutôt  lenticulaires  dans  les  mammifères , 
tandis  que  dans  les  ovipares , elles  sont  en  général  ovales 
ou  ovoïdes  comprimées. 

Les  poils  des  mammifères  ne  diffèrent  pas  essentiel- 
lement des  autres  appendices  cornés  de  la  peau  : ils 
sont,  comme  tous  les  organes  de  ce  genre,  produits  par 
une  excrétion  à la  surface  de  cette  membrane. 

• Les  mamelles  sont  aussi  tout-à-fait  du  même  genre 
que  les  autres  organes  sécrétoires  glanduleux. 

§ 62.  Les  mammifères  présentent  encore  dans  leur 
organisation  des  variétés  assez  grandes  : soit  dans  les 
organes  du  toucher,  qui  sont  d’autant  plus  parfaits  que 
les  doigts  sont  plus  nombreux,  plus  mobiles,  moins 
enveloppés  par  l’ongle  j soit  dans  les  organes  de  la  man- 
ducation et  par  suite  dans  le  reste  des  organes  diges- 
tifs ; soit  enfin  dans  les  organes  de  la  génération.  Les 
différentes  combinaisons  de  ces  variétés  qui  en  en- 
traînent beaucoup  d’autres  dans  toutes  les  fonctions, 
et  même  dans  l’intelligence,  ont  donné  lieu  à partager 


des  corps  organisés.  77 

cette  classe  en  plusieurs  ordres  au  nombre  desquels 
est  celui  des  bimanes , formé  d’un  seul  genre,  l’homme. 

§ 63.  L’homme  se  distingue  des  autres  mammifères, 
par  quelques  différences  peu  importantes  dans  les  or- 
ganes des  fonctions  végétatives,  par  quelques  autres 
plus  marquées  dans  les  organes  des  fonctions  animales, 
mais  surtout  par  X intelligence.  , 

L’intelligence  qui  constitue  l’homme,  est  surtout 
caractérisée  par  la  conscience  , par  la  raison  , par  une 
volonté  libre,  par  le  sentiment  moral  et  par  celui 
d’une  cause  divine. 

L’homme  est  en  outre  de  tous  les  mammifères  celui 
qui  a les  hémisphères  du  cerveau  et  du  cervelet  les 
plus  développés  et  les  plus  garnis  de  circonvolutions. 
Ce  volume  des  hémisphères  paraît  surtout  considéra- 
ble si  on  le  compare  à la  moelle,  aux  nerfs,  aux  sens 
et  aux  muscles.  Ses  fonctions  cérébrales  sont  très-déve- 
loppées  et  très-distinctes  de  l’instinct.  Il  est  doué  de 
la  parole  ; il  vit  en  société.  Il  est  le  seul  animal  vrai- 
ment bimane  et  bipède;  son  corps  tout  entier  est  or- 
ganisé pour  la  station  verticale  : ses  mains  sont  évidem- 
ment réservées  à d’autres  usages  qu’à  la  station. 

Le  cœur  est  dirigé  obliquement  sur  le  diaphragme, 
et  1 aorte  disposée  un  peu  autrement  que  dans  les  qua- 
drupèdes. Les  organes  de  la  digestion  sont  propres  à 
une  nourriture  variée,  et  principalement  végétale.  Le 
pénis  est  libre  et  sans  os  intérieur;  l’utérus  est  une 
cavité  simple  et  ovale;  les  mamelles,  au  nombre  de 
deux  seulement , sont  situées  au-devant  de  la  poitrine. 

Mais  tout  le  reste  de  cet  ouvrage  étant  consacré  à 


INTRODUCTION. 


78 

l’étude  du  corps  humain,  il  serait  superflu  d’insister 
sur  des  caractères  qui  seront  exposés  en  leur  lieu 

SECONDE  SECTION. 

DU  CORPS  HUMAIN. 

§ 64.  L’homme  participe,  comme  on  le  conçoit, 
aux  caractères  généraux  des  corps , des  êtres  orga- 
nisés, des  animaux,  des  vertébrés,  des  mammifères; 
il  a en  outre,  comme  tout  autre , ses  caractères  propres  : 
c’est  l’étude  de  tous  ces  caractères,  soit  de  la  confor- 
mation extérieure  et  intérieure,  soit  des  phénomènes, 
qui  est  l’objet  de  l’anthropologie  ou  de  la  science  de 
l’homme.  L’anatomie  de  l’homme,  qu’on  a aussi  appelée 
anthropotomie,  a pour  but  particulier  la  connaissance 
du  corps  humain  , c’est-à-dire  de  toutes  les  parties  qui 
le  composent  et  de  leur  arrangement  mutuel. 

§ 65.  L’anatomiste  peut  étudier  le  corps  humain  dans 
deux  états différens  : dans  l’état  le  plus  ordinaire,  celui 
qui  est  propre  à l’espèce  et  seul  compatible  avec  1 état 
de  santé;  ou  bien  au  contraire  dans  ses  déviations  de 
l’ordre  naturel.  Dans  le  premier  cas,  c’est  l’anatomie 
de  l’homme  sain,  l’anatomie  hygide,  si  l’on  veut  s ex- 
primer ainsi;  c’est  l’anatomie  morbide  dans  le  secoue' 
cas. 

Dans  l’étude  de  l’anatomie  on  peut  considérer  le 

1 Voyez  Blumenbaclï,  de  Varietcite  nativa  generis  hurneim 
— Lawrenee,  Lectures  on  physiology , zoology,  and  the  nn 
tural  histori  of  mari. 


DU  CORPS  HUMAIN. 


79 

corps  humain  tout  entier,  examiner  les  caractères  gé- 
néraux de  tous  ses  organes,  de  toutes  ses  humeurs,  etc. 
Ce  sont  les  généralités  de  l’anatomie.  On  peut , réu- 
nissant les  organes  multiples  en  genres  ou  en  sys- 
tèmes, d’après  leurs  analogies  de  texture,  s’arrêter 
aux  caractères  génériques,  en  faisant  abstraction  de 
toutes  les  différences  spéciales  des  organes;  et  pour 
ceux  qui , sans  être  multiples , sont  étendus  à tout  le 
corps,  on  peut  ne  considérer  que  les  caractères  géné- 
raux,en  faisant  abstration  des  différences  locales  qu’ils 
présentent  dans  les  diverses  régions;  tel  est  l’objet  de 
l’anatomie  générale  : elle  donne  une  connaissance  un 
peu  plus  précise  du  sujet,  que  les  généralités;  mais 
pour  connaître  le  corps  humain,  d’une  manière  po- 
sitive et  profitable,  il  faut  joindre  à cela  une  connais- 
sance exacte  de  chaque  organe  en  particulier,  et  de 
chaque  région  du  corps;  tel  est  le  double  objet  de 
l’anatomie  spéciale. 

L’anatomie  générale,  considérant  ensemble  les  or- 
ganes semblables  par  leur  texture,  et  se  bornant  à ce 
qu’ils  ont  de  commun  ou  de  générique,  a pour  objet 
spécial,  mais  non  unique,  leur  texture.  L’anatomie 
spéciale  des  organes,  improprement  appelée  anatomie 
descriptive,  s’occupe  particulièrement  de  leur  con- 
formation , car  c’est  surtout  en  cela  qu’ils  diffèrent  les 
uns  des  autres;  leur  situation  respective  est  l’objet 
essentiel  de  l’anatomie  des  régions,  ou  topographique. 

§ 66.  La  conformation  extérieure  du  corps  humain  est 
symétrique  1 ; il  est  divisé  en  deux  moitiés  latérales  sem- 

1 Voyez  entre  autres  Bichat.  Reeli.  pliysiol.  sur  la  vie  et 
la  mort.  — Meckel.  Beitr.  zur  vurgl.  anat.  Leipz.  i8ia. 


8o 


INTRODUCTION. 


ldables,  par  une  ligne  médiane  verticale.  Cette  ligne  se 
prononce  même  en  quelques  endroits,  où  elle  forme  ce 
qu’on  appelle  des  raphés  ou  coutures,  qui  semblent 
en  effet  résulter  d’une  sorte  de  couture  ou  de  réunion 
de  deux  parties  latérales  séparées  dans  le  principe.  La 
symétrie  n’est  pas  également  prononcée  dans  toutes 
les  parties  du  corps;  elle  l’est  davantage  dans  les  or- 
ganes des  fonctions  animales , et  moins  dans  ceux  des 
fonctions  végétatives,  dans  ceux  de  la  nutrition  sur- 
tout. En  effet,  les  os,  le  système  nerveux,  les  sens, 
les  muscles , sont  les  parties  les  plus  symétriques  ; et  les 
organes  de  la  digestion , de  la  circulation  , de  la  respi- 
ration le  sont  moins  que  les  organes  génitaux.  Cepen- 
dant il  ne  serait  pas  exact  de  dire  que  la  symétrie  ap- 
partient aux  premiers,  et  est  étrangère  aux  derniers; 
elle  appartient  plutôt  aux  parties  extérieures  en  gé- 
néral, et  est  moins  exacte  dans  les  parties  profondes; 
ainsi  les  glandes  lacrymales  et  salivaires,  la  thyroïde, 
les  mamelles,  les  testicules,  tous  organes  des  fonctions 
de  la  nutrition  et  de  la  génération  sont  symétriques, 
tandis  que  les  nerfs  du  larynx,  de  l’estomac  et  des 
intestins , le  muscle  diaphragme , ne  le  sont  point.  On 
observe  aussi  que  certaines  parties  qui  se  développent 
plus  tard  sont  moins  symétriques  que  celles  du  même 
genre  qui  se  développent  avant  : ainsi  dans  le  système 
nerveux  la  moelle,  qui  se  développe  la  première,  est 
plus  symétrique  que  le  cerveau  ; les  côtes  sont  moins 
symétriques  que  le  rachis,  et  plus  que  le  sternum.  Enfin 
on  observe  encore  que  les  parties  sont  plus  symétri- 
ques à l’époque  de  leur  formation , et  que  ce  ce  genre 
de  régularité  s’altère  ensuite  : l’estoinac,  l’intestin,  le 


DU  CORPS  HUMAIN. 


Si 

foie,  sont  d’abord  beaucoup  moins  irréguliers  qu’ils  ne 
le  deviennent  ensuite;  la  colonne  vertébrale,  d’abord 
exactement  médiane , se  renverse  un  peu  à gauche  par 
la  prédominance  du  bras  droit , et  de-là  résultent  en- 
core l’inclinaison  du  nez,  l’inégale  élévation  des  testi- 
cules , la  fréquence  des  hernies  à droite,  etc.  On  ob- 
serve quelquefois  un  dérangement  de  la  symétrie,  tel 
que  les  organes  d’un  côté  occupent  le  côté  opposé , et 
vice  versa;  c’est  ce  qu’on  appelle  transposition  des 
viscères.  Dans  ce  cas , qui  se  rencontre  une  fois  sur 
trois  ou  quatre  mille  sujets  environ,  et  que  j’ai  vu 
quatre  ou  cinq  fois,  le  poumon  trilobé,  le  foie,  le 
cæcum,  sont  à gauche,  et  le  poumon  à deux  lobes,  la 
pointe  du  cœur,  la  rate,  la  portion  sygmoïde  du  co- 
lon, etc.,  sont  à droite:  les  individus,  qui  présentent 
ce  vice  de  situation  ne  sont  pas  pour  cela  gauchers. 
Les  maladies  qui  affectent  les  organes  symétriques, 
et  celles  qui  ont  leur  siège  dans  des  parties  sans  syrné-* 
trie  présentent  des  différences  remarquables.  On  a 
même  prétendu,  mais  d’après  des  vues  hypothétiques, 
que  les  deux  côtés  du  corps  étaient  chacun  plus  dispo- 
sés à certaines  maladies  r. 

On  a aussi  établi  des  comparaisons  et  cherché  des 
analogies  entre  les  deux  moitiés  supérieure  et  infé- 
rieure du  corps.  L’analogie  entre  les  membres  est  évi- 
dente ; les  épaules  et  le  bassin , le  bras  et  la  jambe , la 
main  et  le  pied , sont  construits  sur  le  même  plan , et 
ne  diffèrent  qu’autant  que  la  différence  de  leurs  fonc- 

* Voyez  Mehlis,  de  Morbis  hominis  dextri  et  sinistri. 

Gotting.  1818. 


1. 


6 


8a 


INTRODUCTION. 


tions  le  comporte.  Quant  à l’analogie  que  l’on  a cru 
trouver  dans  l’homme , comme  dans  les  animaux  ar- 
ticulés, entre  différentes  tranches  de  son  tronc,  et  en- 
tre les  membres  et  les  mâchoires , elle  repose  sur  une 
comparaison  entre  des  objets  trop  différens  pour  être 
comparables. 

Entraîné  par  une  analogie  forcée  avec  les  animaux 
rayonnés,  on  a aussi  cherclié*dans  la  partie  antérieure 
du  tronc  des  parties  correspondantes  à la  colonne 
vertébrale;  on  a cru  les  trouver  dans  le  sternum  : l’ob- 
servation ne  montre  ici  de  rapprochement  raisonnable 
qu’entre  les  muscles  antérieurs  et  les  muscles  posté- 
rieurs de  la  colonne  vertébrale.  Laissons  donc  des 
comparaisons  qui  ne  peuvent  conduire  à rien  de  bon 
et  d’utile. 

§ 67.  On  divise  le  corps  humain , comme  celui  des 
autres  vertébrés,  en  tronc  et  en  membres.  Le  tronc 
est  la  partie  centrale  et  principale,  celle  qui  contient 
les  organes  les  plus  essentiels  à là  vie,  ou  les  viscères. 
Ces  parties  sont  logées  dans  trois  cavités  ou  ventres: 
l’inférieur  est  l’abdomen,  et  contient  les  organes  de  la 
digestion,  de  la  sécrétion  urinaire  et  de  la  génération; 
le  moyen,  le  thorax,  renferme  les  organes  de  la  respi- 
ration et  de  la  circulation  ; et  le  supérieur,  la  tête,  dont 
la  cavité  se  prolonge  dans  la  colonne  vertébrale,  loge 
le  centre  nerveux  et  les  sens.  On  a pu  remarquer  déjà 
( Iere  Section  ) combien  cette  distribution  des  viscères 
est  en  rapport  avec  leur  importance  dans  le  règne 
animal,  on  verra  plus  tard  qu’elle  l’est  également  avec 
l’ordre  de  leur  développement.  Considéré  dans  son 
ensemble,  le  tronc,  aplati  d’avant  en. arrière,  pré- 


DU  CORPS  HUMAIN. 


83 


sente  une  face  antérieure  ou  sternale,  une  face  pos- 
térieure, ou  dorsale,  et  des  côtés;  il  présente  deux 
extrémités,  l’une  supérieure  ou  céphalique,  l’autre 
inférieure  ou  pelvienne.  Les  membres,  appendices 
articulés  et  destinés  aux  mouvemens,  se  distinguent 
en  supérieurs  ou  thoraciques,  et  en  inférieurs  ou 
abdominaux,  les  uns  et  les  autres  divisés  par  des  ar- 
ticulations en  plusieurs  parties.  Les  diverses  parties 
du  tronc  et  des  membres  sont  encore  soudivisées  en 
un  certain  nombre  de  régions,  ou  de  portions  dis- 
tinctes et  importantes  à considérer , à cause  des  or- 
ganes qui  y sont  placés.  Les  divisions  du  corps  et  les 
subdivisions  sont  principalement  déterminées  par  les 
os.  La  connaissance  des  régions  est  nécessaire  pour 
déterminer  la  situation  absolue  des  organes,  et  leur 
étude  approfondie  est  le  plus  sûr  ou  plutôt  le  seul 
moyen  de  connaître  la  situation  respective  des  parties  : 
cette  connaissance  constitue  une  sorte  d’anatomie  to- 
pographique du  plus  grand  intérêt. 

§ 68.  Le  corps  humain  est  composé  , comme  tous  les 
corps  organisés , de  parties  solides  et  de  fluides  qui  ont 
une  composition  analogue,  et  qui  se  changent  continuel- 
lement les  unes  en  les  autres.  Les  fluides  sont  en  très- 
grande  quantité  et  leur  masse  l’emporte  de  beaucoup  sur 
celle  des  solides  ; cependant  la  proportion  des  uns  aux 
autres  ne  peut  être  déterminée  exactement;  d’une 
part,  parce  que  certains  fluides,  comme  l’huile,  se 
séparent  difficilement  des  solides;  et  d’autre  part,  sur- 
tout, parce  que  beaucoup  de  parties  solides  sont  flui- 
difiables,  et  dans  la  dessication  se  confondent  et  se  dis- 
sipent avec  les  liquides.  On  a cependant  essayé  de 


INTRODUCTION. 


84 

déterminer  la  proportion  des  liquides  aux  solides , soit 
par  la  dessiccation  au  four  ou  à l’étuve,  soit  par  la  mo- 
mification ; quelques-uns  pensent  que  la  proportion 
des  liquides  aux  solides  est  comme  six  est  à un  ; d’au- 
tres, que  cette  proportion  est  comme  neuf  est  à un. 
L’examen  d’une  momie  a donné  une  proportion  des 
liquides  bien  plus  grande  encore,  puisque  cette  momie 
d’adulte  ne  pèse  que  sept  livres  et  demie.  Mais  la 
proportion , fut-elle  déterminée  exactement  dans  un 
cas,  varierait  suivant  les  individus;  l’âge,  le  sexe,  la 
constitution,  etc.,  y apporteraient  des  différences  no- 
tables. 

Les  solides  et  les  liquides  sont  formés  de  globules 
et  d’une  substance  amorphe,  liquide  dans  les  uns, 
concrète  dans  les  autres. 

§ 69.  La  composition  chimique  1 des  solides  et  des 
fluides  du  corps  humain  résulte  d’un  certain  nombre 
de  matériaux  immédiats,  dont  les  principaux  sont  le 
gélatine,  l’albumine,  le  mucus,  la  fibrine,  l’huile, 
l’eau,  le  sucre,  la  résine,  l’urée,  la  picroclioline,  l’os- 
mazôme,  la  zoohématine,  le  phosphate  de  chaux,  le 
carbonate  de  chaux , etc.  Ces  matières  elles-mêmes  sont 
composées,  et  les  élémens  que  l’on  trouve  dans  le  corps 
humain  sont  l’oxygène  , l’hydrogène  , le  carbone , 
l’azote , le  phosphore , le  calcium , le  soufre , le  potas- 
sium, le  sodium,  le  chlore,  le  fer,  le  manganèse;  on 
y trouve  même  du  magnésium  et  du  silicium. 

Ces  substances  élémentaires,  pour  former  les  maté- 
riaux immédiats  et  ceux-ci  pour  composer  les  parties 


1 Voyez  Orfila.  Chimie  médicale. 


DU  CORPS  HUMAIN. 


85 


solides  et  fluides  du  corps  humain  sont  combinés  dans 
l’acte  de  la  nutrition  et  de  la  génération  d’une  manière 
que  la  chimie  ne  peut  imiter  : c’est  précisément  cet 
acte  de  formation  ou  d’organisation  qui  caractérise  la 
vie. 

Des  humeurs . 

§ jo.  Les  fluides  ou  les  humeurs  1 du  corps  humain 
sont  contenus  dans  les  solides  et  en  pénètrent  toutes 
les  parties.  Ils  se  composent  des  molécules  venues  du 
dehors  pour  l’entretien  du  corps,  et  de  celles  qui  sont 
détachées  du  corps  pour  être  rejetées.  Leur  fluidité 
n’est  pas  seulement  due  au  calorique  et  à l’eau , comme 
celle  des  fluides  étrangers  à l’organisation,  mais  elle 
dépend,  comme  leur  composition,  de  l’action  vitale.  Les 
fluides  diffèrent  entre  eux,  les  uns  étant  gazeux,  d’au- 
tres vaporeux,  d’autres  liquides  et  plus  ou  moins  cou- 
lans,  ils  diffèrent  aussi  en  couleur;  leur  composition 
varie  également,  mais  elle  leur  est  propre  et  ne  peut 
être  imitée  par  l’art. 

On  peut  distinguer  les  humeurs  en  trois  genres: 
i°  le  sang,  masse  centrale  où  affluent  et  d’où  partent 
toutes  les  autres;  2°  les  humeurs  qui  arrivent  du  de- 
hors au  sang;  3°  celles  qui  en  émanent. 

§ 71.  Le  sang  est  un  liquide  d’une  couleur  rouge, 
d’une  odeur  particulière, d’une  saveur  un  peusalée, nau- 
séeuse; sa  température  est  celle  du  corps,  dont  il  est 
même  la  partie  la  plus  chaude;  il  est  visqueux  au  tou- 

1 Voyez  Plenck.  Hygrologia  corporis  hùtnani. — Cliaussier. 
labié  synoptique  des  humeurs. 


86 


INTRODUCTION. 


cher;  sa  pesanteur  spéciüque  est  environ  io5,  l’eau 
pesant  100.  Il  est  contenu  clans  le  cœur  et  dans  les 
vaisseaux  sanguins.  Sa  quantité  dans  l’homme  adulte 
est  considérable,  mais  variable.  On  a très-diversement 
estimé  cette  quantité  ; les  estimations  varient  depuis 
huit  ou  dix  livres,  jusqu’à  quatre-vingt  ou  cent. 

§ 72.  Les  micrographes  ont  fait  sur  cette  humeur  des 
observations  dont  voici  le  précis  : le  sang  se  compose 
d’un  véhicule  séreux  dans  lequel  des  particules  mi- 
croscopiques rouges  sont  tenues  en  suspension;  en 
général  on  a considéré  ces  corps  comme  des  sphères  , 
marquées  d’un  point  lumineux  dans  leur  centre  , ou 
bien  comme  étant  percées  et  par  conséquent  de  forme  ( 
annulaire.  Hewson  a trouvé  au  contraire  que  les  par- 
ticules rouges  du  sang  humain  sont  lenticulaires.  Les 
observations  importantes  de  MM.  Prévost  et  Dumas 
et  les  miennes  propres  ont  donné  le  même  résultat. 

M.  Home  avait  cru,  comme  le  Dr.  Yyoung,  que  l’a- 
platissement était  postérieur  à la  sortie  du  sang,  et 
qu’il  dépendait  de  la  séparation  de  îa  partie  colorante. 
Les  particules  sont  en  effet  composées  d’un  globule 
central,  transparent,  blanchâtre,  et  d’une  enveloppe 
rouge,  moins  transparente,  ayant  la  forme  d’un  sphé- 
roïde déprimé.  Le  diamètre  des  particules  est,  dans 
l’espèce  humaine,  d’environ  un  cent  cinquantième  de 
millimètre.  Tant  que  le  sang  est  contenu  dans  ses  ca- 
naux et  qu’il  y est  en  mouvement,  les  choses  restent  en 
cet  état. 

§ j'5.  Extrait  des  vaisseaux  qui  le  contiennent,  le  sang 
exhale,  pendant  tout  le  temps  qu’il  conserve  sa  chaleur, 
une  vapeur  formée  d'eau  et  de  matière  animale  sus  cep- 


DU  CORPS  HUMAIN. 


87 

tible  de  putréfaction.  Il  se  coagule  bientôt,  abandonne 
probablement  un  peu  de  chaleur,  et  dégage  aussi  une 
grande  quantité  de  gaz  acide  carbonique.  Ce  dégage- 
ment, peu  sensible.quand  le  sang  est  soumis  à la  pres- 
sion de  l’atmosphère , et  ne  se  manifestant  alors  que 
par  la  production  de  canaux  dans  l’intérieur  du  coa- 
gulum , s’opère  au  dehors  du  caillot , lorsqu’on  le  place 
sous  le  récipient  d’une  machine  pneumatique  où  l’on 
fait  le  vide.  Il  ne  faut  pas  confondre  ce  dégagement 
de  vapeur  et  de  gaz  du  sang  hors  de  ses  vaisseaux , avec 
un  prétendu  gaz  que  l’on  a supposé  circuler  avec  lui. 

Peu  après  la  coagulation  du  sang  en  une  seule  masse, 
il  se  partage  en  deux  parties  ; le  coagulum  se  resser- 
rant, exprime  la  partie  liquide  ou  le  sérum  qu’il  ren- 
fermait. Le  resserrement  continue,  et  par  conséquent  la 
quantité  du  sérum  exprimé  augmente  jusqu’à  l'époque 
de  la  putréfaction.  Ordinairement  la  surface  supé- 
rieure du  coagulum,  se  resserrant  davantage  que  le 
reste,  devient  concave.  Si  on  lave  le  caillot  sous  un  filet 
d’eau  en  le  pressant  doucement  et  long-temps,  l’eau 
entraîne  la  matière  colorante  ou  le  cruor,  et  il  reste 
une  masse  fibrineuse  blanche.  Ainsi , par  la  coagulation 
et  par  le  lavage,  le  sang  se  trouve  partagé  en  sérum r 
en  cruor  et  en  fibrine. 

Mais  voici  ce  qui  arrive  dans  ces  opérations  : aussitôt 
que  le  sang  est  hors  des  vaisseaux,  la  matière  colorante 
des  particules  abandonne  le  globule  blanc  central,  et 
ceux-ci,  débarassés  de  leur  enveloppe,  s’unissent 
entre  eux  et  forment  des  filamens  qui  se  réunissent  en 
un  réseau  ou  lacis  dans  lequel  se  trouvent  renfermées 
la  matière  colorante  et  beaucoup  de  particules  entières 


88 


INTRODUCTION. 


qui  n’ont  point  éprouvé  cette  décomposition.  Quand 
en  pétrit  et  qu’on  lave  le  caillot,  l’eau  entraîne  tout  à 
la  fois  la  matière  colorante  libre  et  les  particules  qui 
sont  restées  entières,  et  qui  contiennent  encore  un  glo- 
bule blanc  dans  leur  intérieur. 

Il  y a donc  dans  le  sang  trois  matériaux  principaux, 
le  sérum , les  globules  blancs  et  la  matière  colorante 
qui  les  enveloppe;  ces  deux  derniers,  réunis  dans  le 
sang  coulant  et  formant  les  particules  colorées,  se 
séparent  en  grande  partie  peu  d’instans  après  que  le 
sang  est  tiré  hors  des  vaissaux.  Ces  matériaux  sont  dans 
des  proportions  très -différentes,  suivant  les  circons- 
tances d’âge,  de  sexe,  de  constitution,  de  maladie,  etc.  ; 
dans  l’homme  adulte  et  sain  , les  particules  colorées  r 
desséchées,  font  un  peu  plus  d’un  huitième  du  poids  du 
sang. 

§ y4*  Le  sérum  a une  faible  couleur  jaune -ver- 
dâtre; il  a la  saveur,  l’odeur  et  le  toucher  du  sang;  il 
est  alcalin;  il  se  coagule  à environ  69°  C.  Il  ressemble 
alors  à du  blanc  d’œuf  cuit,  et  contient  dans  des  va- 
cuoles une  substance  que  l’on  a prise  pour  de  la  gélatine, 
et  qui  paraît  être*  du  mucus.  Les  parties  constituantes 
du  sérum  sont  de  l’eau,  de  l’albumine,  de  la  soude  et 
des  sels  de  soude.  On  peut,  selon  M.  Brande,  consi- 
dérer le  sérum , qui  est  de  l’albumine  liquide  presque 
pure,  comme  un  albuminate  de  soude  avec  excès  de 
base.  La  coagulation  paraît  dépendre  de  la  neutralisa- 
tion de  la  soude  nécessaire  à sa  fluidité  ; l’alcool  et  la 
plupart  des  acides  opèrent  cette  coagulation  en  enle- 
vant la  soude;  et  par  l’action  de  la  pile  galvanique 
comme  par  la  chaleur,  la  soude  transforme  en  mucus 


DU  CORPS  HUMAIN. 


«9 

une  petite  partie  de  l’albumine,  tandis  que  le  reste 
se  coagule.  L’albumine  et  le  sérum  lui-même  présen- 
tent encore  quelques  particularités  à noter;  c’est  que  le 
coagulum  d’albumine  offre  à l’inspection  microscopi- 
que des  globules  , et  que  le  sérum  conservé  liquide 
dans  une  éprouvette  pendant  quelques  jours  montre 
peu  à peu  des  globules  qui  se  déposent  au  fond,  et 
qui  éprouvent  un  mouvement  singulier  d’ascension  et 
de  descension  quand  on  échauffe  le  vase  en  le  tenant* 
dans  la  main;  enfin  il  faut  encore  noter  que  l’albu- 
mine coagulée  a la  plus  grande  analogie  avec  la 
fibrine,  dont  elle  ne  diffère  peut-être  point  du  tout. 

§ 7 5.  Le  cruor  du  sang  ou  la  matière  colorée  obte- 
nue par  le  lavage,  est  toujours  un  mélange  de  matière 
rouge  libre,  de  globules  enveloppés  de  la  même  ma- 
tière et  de  sérum.  Aussi  les  travaux  des  plus  habiles 
chimistes  ont  encore  appris  peu  de  choses  sur  la 
matière  colorante  du  sang  ou  la  zoohématine.  Cette 
substance  insoluble  dans  l’eau , mais  pouvant  s’y  diviser 
extraordinairement  et  de  manière  à traverser  les  filtres , 
est  formée  d’une  matière  animale  en  combinaison  avec 
le  péroxide  de  fer.  La  couleur  rouge  du  sang  varie 
dans  ses  nuances. 

§ 76.  La  fibrine  du  sang,  ou  la  lymphe  coagulable  de 
quelques-uns , offre  l’aspect  de  fibres  feutrées , tenaces , 
élastiques,  ayant  au  microscope  l’aspect  et  la  struc- 
ture de  la  fibre  musculaire,  étant  composées  de  glo- 
bules blancs  semblables  à ceux  des  particules  colorées 
du  sang;  la  fibrine,  tout  comme  la  fibre  musculaire, 
mise  dans  l’eau  se  résout  en  globules  avant  de  se  pu- 
tréfier. Cette  substance  coagulable  ou  plastique  paraît 


9°  INTRODUCTION. 

être , ainsi  que  l’albumine , le  moyen  d’agglutination 
qui  détermine  dans  l’économie  les  réunions  et  les 
adhérences. 

Le  sang  contient  aussi  une  matière  grasse  ou  hui- 
leuse. 

§ 77.  Le  sang  contenu  dans  les  artères,  dans  les  veines 
et  dans  le  cœur  y est  dans  un  mouvement  continuel 
qu’on  appelle  circulation.  Il  éprouve  dans  ce  mouve- 
ment des  altérations  constantes  et  régulières  qui , se 
balançant  mutuellement,  l’entretiennent  dans  un  état 

t>  J 

moyen  de  composition.  Il  reçoit  de  nouveaux  liquides 
préparés  par  la  digestion  et  l’absorption  intestinale  ; 
des  molécules  séparées  des  organes  sont  sans  cesse 
ajoutées  à sa  masse  ; il  est  soumis  à l’action  de  l’at- 
mosphère dans  les  poumons,  où  il  se  revivifie;  il  est 
envoyé  dans  toutes  les  parties,  où  il  éprouve  un  change- 
ment inverse,  où  il  fournit  des  matériaux  qui  se  fixent 
dans  les  organes  , et  où  il  est  dépouillé  d’une  partie  de 
ses  principes  par  les  sécrétions.  Parmi  ces  altérations , 
les  plus  frapantes  sont  celle  qu’il  éprouve  dans  les 
poumons,  où  il  devient  d’un  rouge  vermeil,  et  celle 
qui  a lieu  dans  tout  le  reste  du  corps,  où  il  prend  une 
couleur  rouge-brun.  Ces  altérations  de  couleur  sont 
accompagnées  et  paraissent  dépendre  d’une  absorption 
d’oxygène  dans  le  premier  cas , et  d’une  absorption  de 
carbone  dans  le  dernier.  Outre  la  matière  nutritive 
que  le  sang  distribue  dans  tous  les  organes,  il  est  en- 
core le  véhicule  du  principe  de  la  chaleur. 

§ 78.  Le  sang  présente  des  variétés  constantes  sui- 
vant les  âges , les  sexes  et  d’autres  circonstances  ; il 
présentefaussi  des  altérations  accidentelles. 


DU  CORPS  HUMAIN. 


9l 

Dans  le  fœtus  le  sang,  dont  la  couleur  est  très-foncée, 
n’a  presque  pas  de  matière  coagulable.  Il  en  est  de 
même  du  sang  menstruel  de  la  femme.  Le  sang  artériel 
présente  plus  de  particules  colorées  que  le  sang  vei- 
neux. Chez  les  personnes  qui  font  usage  d’une  nour- 
riture succulente , le  sang  abonde  en  caillot;  il  est  plus 
séreux  dans  les  circonstances  opposées.  La  soustrac- 
tion répétée  du  sang  y diminue  la  proportion  des  par- 
ticules colorées  et  même  celle  de  l’albumine , et  y 
augmente  celle  de  l’eau. 

Dans  les  màladies,  le  sang  éprouve  des  altérations 
qui  n’ont  pas  été  assez  étudiées.  Dans  les  inflamma- 
tions, le  caillot  du  sang  extrait  se  recouvre  • d’une 
couenne  blanche,  c’est  de  la  fibrine:  et  l’on  trouve  dans 
le  caillot  une  grande  quantité  de  matière  colorante 
libre.  Dans  d’autres  maladies , comme  le  scorbut  et 
les  maladies  septiques , le  sang  a perdu  sa  coagula- 
bilité,  il  reste  fluide.  Il  est  beaucoup  de  maladies  sur 
lesquelles  l’examen  attentif  du  sang  répandrait  un  grand 
jour. 

§ y g.  Les  liquides  qui  arrivent  au  sang  sont  le  chyle  et 
la  lymphe.  Le  premier  provient  du  chyme,  substance 
grisâtre,  pultacée,  en  laquelle  les  alimens  se  changent 
dans  l’estomac,  et  dans  laquelle  on  commence  à aper- 
cevoir quelques  petits  globules.  Absorbé  par  les  pa- 
rois de  l’intestin  et  arrivé  dans  les  premiers  vaisseaux 
chylifères , il  est  blanchâtre  et  à peine  coagulable  ; il 
devient  plus  coagulable  et  prend  une  teinte  rosée  dans 
les  glandes  du  mésentère.  Enfin , dans  le  canal  thora- 
cique et  près  d’arriver  dans  la  masse  du  sang , il  est 
distinctement  rose,  manifestement  coagulable,  et  con- 


INTRODUCTION. 


92 

tient  des  globules  nus  et  des  particules  qui  ne  diffèrent 
de  celles  du  sang  que  par  une  couleur  moins  forte.  Il 
semble  dès  lors  qu’il  n’ait  plus  besoin  que  d’être  sou- 
mis à l’action  respiratoire  pour  devenir  du  sang  parfait. 
La  lymphe  , liquide  incolore,  visqueux  , albumineux, 
mais  peu  connu,  est  l’autre  humeur  apportée  au  sang. 

§ 80.  Les  humeurs  qui  émanent  du  sang  s’en  séparent 
par  secrétion  ; on  peut  rapporter  à ce  genre  la  matière 
nutritive  laissée  par  le  sang  dans  tous  les  organes,  par 
une  sorte  de  sécrétion  nutritive;  on  y rapporte  encore 
celles  qui  sont  produites  et  déposées  comme  en  réserve, 
par  une  sécrétion  qu’on  peut  appeler  intrinsèque, 
dans  les  cavités  closes  du  corps,  comme  la  graisse, 
la  sérosité,  la  synovie;  mais  on  y rapporte  surtout 
celles  qui  sont  sécrétées  à la  surface  des  tégumens 
externes  ou  internes  et  de  leurs  dépendances  plus  ou 
moins  éloignées.  On  les  distingue,  d’après  leur  mode 
de  formation , en  trois  genres  : i°  en  humeurs  perspira- 
toires,  qui  sont  immédiatement  formées  et  déposées  à 
la  surface  par  les  vaisseaux  : telles  sont  les  matières 
de  la  transpiration  cutanée,  de  la  sueur,  de  la  pers- 
piration pulmonaire  ; 2°  en  humeurs  folliculaires , qui 
sont  d’abord  déposées  dans  des  follicules  ou  ampoules 
de  la  peau  interne  ou  externe:  tels  sont  le  mucus  et  la 
matière  sébacée;  et  3°  en  humeur  glandulaires,  formées 
dans  des  glandes , organes  particuliers  qui  ont  des  con- 
duits excréteurs  ramifiés,  lesquels  ont  leur  orifice  sur 
la  peau  et  sur  les  membranes  muqueuses , dont  ils  sont 
des  prolongemens  ramifiés  : telles  sont  la  salive  sécrétée 
par  les  glandes  salivaires , la  bile  sécrétée  parle  foie,  etc. 
On  distingue  aussi  les  humeurs  sécrétoires,  d après  leur 


DU  CORPS  HUMAIN. 


9 3 

destination , en  celles  qui  remplissent  quelque  usage 
dans  l’organisme,  comme  les  larmes,  la  bile,  le 
sperme,  etc.,  et  en  celles  qui,  rejetées  sans  remplir 
aucun  usage,  comme  l’urine,  la  sueur,  sont  appelées 
excrémentitielles.  Ces  dernières  sont  acides, tandis  que 
les  autres  sont  alcalines. 

Des  organes. 

% 81.  Les  organes  sont  les  parties  solides  1 ou  con- 
tenantes du  corps;  ce  sont  eux  surtout  qui  détermi- 
nent la  forme,  et  qui  impriment  le  mouvement. 

La  figure  des  organes  est  très-variée  : cependant  en 
général  leurs  contours  sont  arrondis,  les  surfaces  ne 
sont  jamais  bien  planes,  les  lignes  bien  droites,  les 
angles  bien  entiers.  Dans  la  plupart  des  organes,  la 
longueur  l’emporte  sur  les  deux  autres  dimensions  ; 
quelques-uns  sont  larges  et  aplatis  : on 'appelle  mem- 
branes ceux  qui  ont  cette  forme  et  quijsont  mous,  quelle 
que  soit  d’ailleurs  leur  texture  ; d’autres  enfin  ont  les 
trois  dimensions  peu  différentes.  On  détermine  la 
forme  extérieure  des  organes  par  le  rapport  de  leurs 
trois  dimensions;  on  se  sert  souvent  aussi  de  compa- 
raisons plus  ou  moins  triviales;  car  il  est  en  général 
assez  difficile  de  déterminer  la  forme  par  la  compa- 
raison avec  des  figures  géométriques. 

A l’intérieur,  quelques  organes  sont  creux  et  for- 
ment des  réservoirs  ou  des  canaux  communiquant  à 
l’extérieur;  d’autres  forment  des  cavités  fermées  de 

1 Voyez  Chaussier.  Table  des  solides  organiques. 


INTRODUCTION» 


•94 

toutes  paris  ; d’autres  des  canaux  ramifiés  et  clos  ; d’au- 
tres sont  pleins  ou  massifs;  mais  tous  cependant  sont 
aréolaires  et  plus  ou  moins  perméables. 

Parmi  les  organes,  quelques-uns  s’étendent  en  rayon- 
nant ou  en  se  ramifiant,  du  centre  à la  circonférence  ; 
tels  sont  les  vaisseaux,  les  nerfs,  les  os  eux-mêmes. 
Aucun  n’est  isolé , tous  sont  entrelacés  et  ont  des 
communications  entre  eux.  Enfin  il  y a entre  les  or- 
ganes comme  entre  les  régions  des  analogies  très- 
grandes.  Quelques-uns,  se  ressemblant  tout-à-fait,  cons- 
tituent , pal*  leur  réunion  , des  genres. 

§ 82.  La  couleur  des  organes  est  blanche,  rouge, 
brune  ; quelques-uns  sont  transparens,  d’autres  sont  opa- 
ques. Leur  consistance  varie  depuis  une  mollesse  très- 
grande  jusqu’à  une  dureté  extrême.  Ils  sont  extensibles 
et  rétractiles , flexibles , compressibles  et  élastiques , mais 
à des  degrés  très-variés.  Quelques-uns  ont  une  cohé- 
sion peu  marquée,  d’autres  une  ténacité  telle,  qu’il  faut 
de  très- grands  efforts  pour  les  rompre.  Ces  propriétés 
de  couleur  et  de  cohésion  dépendent  beaucoup  des 
liquides  qu’ils  contiennent  en  grande  proportion. 
Ainsi  des  parties  opaques,  comme  le  tissu  ligamenteux, 
deviennent  transparentes  par  la  dessiccation  ; cette  même 
substance,  très-tenace  et  peu  élastique  quand  elle  est 
humide , devient  très-élastique  quand  elle  est  dessé- 
chée; des  parties  élastiques,  comme  le  tissu  des  artères, 
deviennent  cassantes  par  la  dessiccation , etc. 

§ 83.  Les  organes  diffèrent  aussi  beaucoup  par  leur 
texture.  Au  premier  aperçu , on  voit  que  plusieurs  sont 
formés  de  l’assemblage  ou  de  la  réunion  de  faisceaux 
de  filets  parallèles  ou  entrecroisés  : on  dit  quils  ont 


DU  CORPS  HtîMAlN. 


95 

une  texture  fibreuse.  D’autres  sont  formés  par  la  réu- 
nion de  couches  ou  de  lames  plus  ou  moins  nom- 
breuses et  distinctes,  ordinairement  unies  très-étroi- 
tement  entre  elles.  Dans  d’autres  on  trouve  des  gra- 
nulations ou  grains  rapprochés  , réunis  entre  eux. 
Quelques-uns  ont  une  texture  très-compacte,  uniforme 
ou  homogène  en  apparence,  mais  en  apparence  seule- 
ment; car  tous  sont  aréolaiyes  et  perméables,  d’une 
manière  plus  ou  moins  distincte;  tous  sont  plus  ou 
moins  composés. 

§ 84.  Ce  premier  aperçu  ne  suffit  pas  pour  faire  con- 
naître la  texture  intime  des  parties  solides.  En  exa- 
minant de  plus  près,  on  voit  que  ces  fibres  apparentes, 
ces  couches  membraneuses , ces  granulations,  sont  com- 
posées ; et  comme  les  solides  contiennent  les  humeurs, 
on  a été  généralement  porté  à croire  que  tout  est  vais- 
seau dans  les  solides.  Cette  idée  erronée,  puisque  les 
vaisseaux  sont  eux-mêmes  des  parties  composées,  a été 
reproduite  tout  récemment  dans  un  ouvrage  posthume 
de  Mascagni.  D’autres  ont  admis  que  tout  est  formé 
par  le  tissu  cellulaire,  et  celui-ci  par  des  fibres  et  des 
lames  entrecroisées , ou  bien  par  des  cellules  ou  des 
vésicules  accolées  les  unes  aux  autres.  Mais  le  tissu  cel- 
lulaire , tout  en  étant  bien  l’élément  principal  de  toutes 
les  parties,  n’en  est  pas  l’élément  unique.  Quant  à 
l’idée  d’un  parenchyme  comme  base  ou  élément  gé- 
nérateur de  tous  les  solides,  c’est  une  idée  extrême- 
ment vague,  et  sur  laquelle  on  n’est  pas  parvenu  à s’en- 
tendre. Haller 1 a admis  dans  la  composition  des  orga- 

1 De  corporis  humani  fabricâ  et  functionibus.  Tom.  I. 
Lib.  I.  Seet.  III. 


INTRODUCTION. 


96 

Des , outre  le  tissu  cellulaire  formé  par  la  réunion  de 
fibres  et  de  lames,  et  qui  est  le  plus  général  et  le  plus 
répandu , la  fibre  musculaire  et  la  substance  médullaire. 
Cette  division  a été  depuis  assez  généralement  admise, 
avec  quelques  légères  modifications  plus  ou  moins 
heureuses.  Ainsi  Walther  admet  une  texture  membra- 
neuse ou  cellulaire,  une  fibreuse  ou  vasculaire,  et  une 
nerveuse;  Pfaff  une  structure  vasculaire,  une  fasci- 
laire  et  une  cellulaire;  d’autres  une  cellulaire,  une 
vasculaire  et  une  massive,  ou  sans  cellules  et  sans  vais- 
seaux. M.  Chaussier  a joint  aux  trois  parties  compo- 
santes de  Haller  une  quatrième  fibre,  sous  le  nom  de 
fibre  albuginée;  c’est  la  base  des  ligamens  : M.  Riche- 
rand  y a joint  la  substance  épidermique  ou  cornée. 
Parmi  les  vingt-un  tissus  admis  par  Eichat,  il  en  est 
trois  qu’il  considère  comme  générateurs  des  autres  ; 
ce  sont  le  cellulaire,  le  vasculaire  et  le  nerveux. 
M.  Meyer  admet 1 aussi  trois  organes  élémentaires  : i°  la 
cellule , le  vaisseau  ou  la  glande  ; a°  la  fibre  irritable , 
cellulaire  ou  musculaire;  3°  la  fibre  sensible  ou  le 
nerf. 

§ 85.  En  admettant  avec  Haller  l’existence  de  trois 
organes  simples,  de  trois  tissus  élémentaires,  ou  de 
trois  fibres  distinctes  les  unes  des  autres  par  des  ca- 
ractères essentiels,  savoir,  du  tissu  cellulaire,  de  la 
fibre  musculaire  et  de  la  substance  médullaire  ou  ner- 
veuse, on  n’est  pas  encore  arrivé  au  dernier  terme 
d’analise  auquel  on  peut  arriver  en  anatomie.  Si  l’on 
s’aide  du  microscope  on  voit  que  ces  organes  simples, 


1 V cher  histologie , etc.  Bonn,  1819. 


DU  CORPS  HUMAIN. 


97 

et  toutes  leurs  modifications,  et  tous  leurs  composés , 
peuvent  être  ramenés  ou  réduits  à deux  éléinens  ana- 
tomiques. Ils  sont  formés  d’une  substance  animale 
aréolaire , perméable , et  de  globules  microscopiques 
semblables  à ceux  qu’on  trouve  dans  les  humeurs.  La 
première  substance  seule  forme  des  lames,  et  le  plus 
souvent  des  libres,  qui  ne  diffèrent  les  unes  des  autres 
que  par  la  figure  allongée  et  filiforme  dans  le  premier 
cas,  élargie  dans  le  second,  et  qui  quelquefois  séparées, 
sont  le  plus  souvent  réunies  : c’est  de  leur  réunion  que 
résultent  les  cellule^  ou  les  aréoles,  etc.  Gc  premier 
élément  qui,  à lui  seul,  mais  diversement  modifié, 
constitue  la  plupart  des  organes,  réuni  avec  l’autre 
dont  il  rassemble  et  joint  les  particules,  forme  la  fibre 
musculaire  et  la  substance  nerveuse. 

§ 86.  Les  organes  diffèrent  encore  les  uns  des  autres 
par  les  phénomènes  qu’ils  présentent  pendant  la  vie, 
et  qui  seront  examinés  tout  à l’heure.  Il  suffit  de  noter 
ici  que  la  substance  cellulaire  est  surtout  remarquable 
par  son  resserrement  continuel,  qui  peut  être  augmenté 
par  des  impressions  ou  irritations;  que  le  tissu  liga- 
menteux et  le  tissu  élastique,  ses  deux  principales 
variétés,  se  font  remarquer,  l’un  par  une  grande  téna- 
cité, et  l’autre  par  une  force  de  ressort;  que  la  fibre 
musculaire  est  par  sa  contraction  l’organe  de  tous  les 
grands  mouvemens  ; et  que  la  substance  nerveuse  sé 
distingue  de  toutes  les  autres,  par  la  facidté  de  con- 
duire les  impressions  au  centre  et  l’action  du  centre 
nerveux  aux  muscles,  etc. 

§ 87.  Les  organes  étant  différens  les  uns  des  antres 
par  leur  conformation , leur  texture,  leurs  propriétés 


1. 


n 

J 


IftTttûDL'GTIÜK. 


physiques,  leur  composition  chimique,  et  dans  l’état 
de  vie  par  l’action  qu’ils  exercent,  on  les  a divisés  en 
un  certain  nombre  de  classes  ou  de  genres.  Ces  genres 
doivent  être  déterminés  d’après  l’ensemble  des  carac- 
tères, et  non  d’après  la  forme  seule;  car  autrement  on 
rapprocherait  des  choses  très-différentes,  comme  toutes 
les  membranes , et  l’on  éloignerait  des  parties  tout-à- 
fait  semblables,  excepté  par  la  forme,  comme  les  os 
larges  des  os  longs , les  aponévroses  d’avec  les  ten- 
dons et  les  ligamens , les  nerfs  d’avec  les  ganglions,  etc.  ; 
la  forme  fibreuse  ou  fasciculée,  la  forme  lainelleuse 
ou  membraneuse,  pouvant  appartenir  à des  parties  tout- 
à-fait  différentes  sous  tous  les  autres  rapports. 

§ 88.  Les  anciens  divisaient  les  parties  solides  du 
corps  en  parties  similaires  el  en  parties  dissimilaires  ou 
organiques.  Les  parties  similaires  ou  homogènes  sont 
celles  qui  se  divisent  en  particules  semblables  entre 
elles,  comme  les  os,  les  cartilages,  les  muscles,  les 
tendons,  etc.  Les  parties  dissimilaires  sont  celles  qui 
sont  formées  par  la  réunion  des  parties  similaires, comme 
la  main , les  viscères,  les  organes  des  sens,  et  autres  or- 
ganes composés.  Cette *idée  d’Aristote,  reproduite  avec 
de  nouveaux  développemens  par  Coïter,  est  l’origine  et 
le  fondement  de  toutes  les  divisions  établies  plus  tard 
entre  les  organes.  On  connaît  la  division  généralement 
admise  dans  les  livres  d’anatomie,  en  os,  muscles, 
nerfs,  vaisseaux  et  viscères,  et  quelques  autres  genres 
encore.  Mais  ces  genres  d’organes  comprennent  des 
parties  composées,  quelques-unes  très-composées;  et 
d’un  autre  côté  ces  genres,  et  surtout  celui  des  vis- 
cères, contiennent  des  organes  très-dilférens  les  uns 


DU  COUPS  HUMAIN. 


99 

des  autres,  ce  qui  ôte  tous  les  avantages  cîe  la  géné- 
ralisation. M.  Pinel,  en  France,  et  Carmichael  Smyth  1 , 
en  Angleterre,  ayant  fait  observer  que  les  tissus  sim- 
ples qui  entrent  dans  la  composition  des  parties  dissi- 
inilaires  ou  composées  pouvaient  être  malades  et 
surtout  enflammées  à part,  et  que  leur  inflammation 
était  la  même,  quel  que  fût  l’organe  composé  dont 
elles  fissent  partie,  cela  a mis  sur  la  voie  de  faire 
une  analise  anatomique  de  l’organisation  plus  com- 
plette  que  celle  qui  avait  été  faite  jusqu’alors,  surtout 
à l’égard  des  viscères.  Bichat  2 , développant  cette  idée 
fécpnde  et  digne  de  son  génie , a classé  tous  les  organes 
simples  sous  le  nom  de  tissus  ou  de  systèmes  en  vingt- 
un  genres.  M.  Chaussier  a distingué  les  organes  en 
douze  genres,  le  douzième  comprenant  les  viscères  ou 
organes  composés.  Depuis,  plusieurs  auteurs,  tout  en 
en  adoptant  les  principales  bases,  ont  modifié  les  clas- 
sifications de  ces  deux  anatomistes  3. 

§ 89.  Au  milieu  de  toutes  ces  variations,  voici  une 
classification  ou  division  des  organes  en  genres  d’après 
l’ensemble  de  leurs  caractères  anatomiques,  chimiques, 
physiologiques  et  pathologiques. 

1 On  inflammation , in  medical  communications . Vol.  11. 

2 Anatomie  générale  , appliquée  à la  physiologie  et  la  mé- 
decine, par  Xav.  Bichat. 

3 Voyez  presque  tous  les  ouvrages  d’anatomie  et  de  phy- 
siologie, publiés  depuis  l’an  1801,  et  notamment:  J.  F.  Mee- 
kel.  Handbwch  de r menschlichen  anatomie.  Ester  Band. 
AUgemeine  anatomie.  Halle  und  Berlin , iSi5.  — J.  Gor- 
don. A system  of  human  anatomy.  Vol.  1.  Edinburg , i8i5. 
— 1\  Mascagni.  Prodromo  délia  grande  atiatcmia.  F ironie , 
j8ïq.  ■ — C.  Meyer.  Opusd  ci'.  * * 1 10  me  : r J 


IOO 


INTRODUCTION. 


Le  tissu  cellulaire,  élément  principal  et  général  de 
l’organisation  doit  tenir  le  premier  rang  : il  existe  dans 
-tout  le  règne  organique,  il  entre  dans  tous  les  orga- 
nes, et  fait  la  base  de  toute  l’organisation. 

Ce  tissu,  un  peu  modifié  dans  sa  consistance,  dans 
■sa  forme , dans  la  proportion  de  substance  terreuse  qu’il 
contient,  forme  plusieurs  autres  genres  d’organes. 

Disposé  en  membranes  closes  de  toutes  parts,  dans 
l’épaisseur  desquelles  il  a plus  de  fermeté  et  moins  de 
perméabilité , il  constitue  les  systèmes  séreux  et  sy- 
novial. 

Il  forme  de  même  le  tissu  tégumentaire  qui  com- 
prend la  peau  et  les  membranes  muqueuses , ainsi  que 
les  follicules  de  ces  deux  sortes  de  membranes  et  les 
organes  producteurs  des  poils,  des  dents,  etc. 

Il  en  est  de  même  aussi  du  tissu  élastique,  qui  fait 
la  base  du  système  vasculaire,  lequel  comprend  les 
artères,  les  veines  et  les  vaisseaux  lymphatiques,  et 
qui  appartient  encore  au  même  ordre,  en  se  rappro- 
chant du  tissu  musculaire. 

Le  système  glanduleux,  qui  est  formé  par  la  réu- 
nion des  systèmes  tégumentaire  et  vasculaire, est  encore 
du  même  ordre  d’organes. 

Le  système  ligamenteux  ou  desmeux,  qui  comprend 
des  organes  très-tenaces  et  très-résistans,  résulte  en- 
core d'iine  modification  du  tissu  cellulaire. 

Enfin  les  systèmes  cartilagineux  et  osseux  appartien- 
nent encore  au  tissu  cellulaire,  et  doivent  leur  solidité 
à sa  condensation,  et  à la  grande  quantité  de  sels  ter- 
reux que  contient  cette  substance. 

Un  second  ordre  d’organes  est  formé  essentiellement 

D » 


DU  CORPS  HUMAIN. 


IOP 


par  la  fibre  musculaire  : ce  sont  les  muscles,  soit  ceux 
qui  appartiennent  aux  os,  soit  ceux  des  tégumens  ex- 
terne et  interne,  et  des  sens,  soit  ceux  du  cœur; 

Les  nerfs  et  les  masses  nerveuses  centrales  consti- 
tuent un  troisième  et  dernier  ordre  d’organes  formé» 
essentiellement  par  la  substance  nervale. 

On  voit  que  cette  classification  repose  sur  lés  bases 
indiquées  par  Haller,  et  qui  existent  vraiment  dans  la^ 
nature. 

S 9°.  Quant  à l’ordre  successif  dans  lequel  les  genres 
d’organes  doivent  être  rangés,  il  peut  être  fondé  sur* 
diverses  bases  : si  l’on  avait  égard  à la  généralité  plus' 
ou  moins  grande  des  organes  dans  la  série  des  ani- 
maux, le  tissu  cellulaire  devrait  toujours  être  placé  le 
premier  ; après  lui  viendraient  les  organes  tégumen- 
taires,  puis  les  muscles  et  les  nerfs,  puis  les  vaisseaux, 
puis  les  glandes;  les  tissus  cartilagineux  et  osseux,  li- 
gamenteux et  séreux,  ne  viendraient  qu’en  dernier  lieu, 
comme  propres  aux  vertébrés.  On  suivrait  un  autre 
ordre  si  l’on  classait  d’abord  les  genres  d’organes  qui 
appartiennent  aux  fonctions  communes  ou  végétatives, 
et  en  second  lieu  ceux  qui  forment  les  appareils  des 
fonctions  propres  aux  animaux.  On  établirait  encore- 
un  autre  ordre  si  on  voulait,  comme  Bichàt,  ranger 
d abord  les  systèmes  généraux,  comme  le  tissu  cellu- 
taire,  les  vaisseaux  et  les  nerfs,  et  ensuite  les  systèmes- 
particuliers.  Il  est  peu  important  mais  pourtant  préfé- 
rable de  ranger  les  organes  d’après  leur  analogie  : c’est 
1 ordre  suivi  ci-dessus. 

S 91.  Plusieurs  physiologistes  placent  encore  la  sub 
stance  cornée  ou  épidermique  parmi  les  filtres  primi- 


10  2 


INTRODUCTION. 


îives  ; mais  cette  substance  presque  inorganique , pro- 
duite par  excrétion,  ne  saurait  être  considérée  comme 
un  élément  anatomique.  Au  reste  les  caractères  qu’on 
lui  assigne  sont  les  suivans  : elle  ne  contient  pas  cle  cel- 
lulosité  distincte;  la  macération  la  réduit  en  une  sorte 
de  mucilage  ; la  chimie  y démontre  de  l’albumine  sui- 
vant les  uns,  ou  du  mucus,  suivant  les  autres,  ce  qui 
n’est  peut-être  pas  très-différent,  puisque  le  mucus 
paraît  être  de  l’albumine  unie  à de  la  soude.  Cette 
substance  est  celle  qui  constitue  l’épiderme , les  or  g,. os , 
les  poils, et  toutes  parties  cornées  des  animaux.  Quoi- 
qu’il paraisse  y avoir  une  légère  différence  entre  les 
matières  cornée  et  épidermique , cette  différence  n’est 
pas  assez  grande  pour  qu’on  ne  puisse  les  rapporter  à 
la  même  substance.  M.  Meyer,  qui  a donné  récem- 
ment une  nouvelle  classification  des  solides  du  corps 
humain,  regarde  la  membrane  du  tympan,  la  cornée 
et  le  cristallin  comme  formés  de  cette  substance,  qu’il 
appelle  tissu  écailleux  ou  feuilleté;  mais  ce  rapproche- 
ment n’est  pàs  fondé,  surtout  pour  les  premières.  Les 
substances  épidermiques  sont  remarquables  par  la  fa- 
cilité et  la  promptitude  avec  lesquelles  elles  se  repro- 
duisent. 

§ 92.  Les  noms  défibré,  tissu,  organe,  etc. , dési- 
gnent en  général  les  solides  organiques.  Il  faut  préciser 
un  peu  le  sens  qu’on  y attache.  On  appelle  tissu  toute 
partie  distincte  par  sa  texture.  Le  tissu  ne  diffère  de 
la  fibre  qu’en  ce  que  celle-ci  est  plus  fine  et  en  est  la 
partie  composante.  Un  tissu  peut  être  formé  par  des 
fibres  semblables  ou  différentes.  Lui  organe  résulte 
ordinairement  de  la  réunion  de  plusieurs  tissus.  Au 


DU  CORPS  HUMAIN. 


io3 

reste,  ces  distinctions  ne  sont  pas  absolues  : ainsi  le 
tissu  cellulaire  représente  à la  fois  une  fibre  particu- 
lière, un  tissu  formé  par  cette  fibre,  et  un  organe  im- 
portant de  leconomie.  En  général,  la  fibre  est  l’élé- 
ment, le  tissu  indique  l’arrangement  des  parties,  et 
l’organe  une  partie  composée  qui  exerce  une  action 
propre.  Presque  tous  les  solides  sont  formés  par  la 
fibre  cellulaire  et  ses  deux  modifications;  quelques 
tissus  ont  pour  base  les  fibres  musculaire  et  nervale; 
un  seul,  qui  est  le  tégumentaire , contient  de  la  subs- 
tance épidermique.  Les  organes  sont  presque  toujours 
des  parties  plus  ou  moins  composées  : ainsi,  dans  un 
muscle,  on  trouve  la  fibre  musculaire,  le  tissu  cellu- 
laire qui  l’entoure,  eL  à l’extrémité  le  tendon  auquel  elle 
se  termine  ; de  même  dans  un  nerf,  il  y a dans  le  cen- 
tre une  substance  molle  et  médullaire,  et  à l’extérieur, 
une  membrane  particulière  qui  porte  le  nom  de  né- 
vrilême.  Certaines  parties , comme  l’estomac , l’œil,  sont 
plus  composées  encore.  En  général  tout  organe  ou 
partie  agissante  contient  du  tissu  cellulaire,  des  vais- 
seaux et  des  nerfs.  Le  tissu  cellulaire  est  le  plus  ré- 
pandu : il  n’y  a point  de  parties  où  on  ne  le  rencontre 
sous  différentes  formes.  Apres  ce  tissu , ce  sont  les 
vaisseaux  qui  existent  le  plus  généralement  : à part  un 
petit  nombre  d’exceptions,  on  trouve  partout  des  vais- 
seaux de  diverses  sortes , blancs  ou  rouges.  Les  nerfs 
sont  moins  abondans  que  les  vaisseaux  et,  à plus  forte 
raison,  que  le  tissu  cellulaire;  cependant  la  plupart 
des  organes  en  sont  pourvus.  On  peut  donc  regarder 
ceux-ci  comme  des  parties  dans  la  composition  des- 
quelles il  entre  constamment  du  tissu  cellulaire,  près- 


104  INTRODUCTION. 

• t ‘ 

que  constamment  des  vaisseaux  , et  le  plus  souvent  du 
tissu  nerveux. 

Les  viscères  ou  organes  splanchniques  tirent  leur 
nom  de  l’importance  de  leurs  usages.  Ce  sont  les  or^ 
ganes  les  plus  essentiels  à la  vie , ceux  par  lesquels 
nous  vivons;  ce  sont  les  organes  les  plus  composés; 
ils  sont  situés  dans  les  trois  cavités  du  corps  qu’on  ap- 
pelle splanchiques.  Ils  comprennent  les  organes  de  la 
digestion,  de  la  génération  et  de  la  secrétion  urinaire, 
que  renferme  l’abdomen;  ceux  de  la  circulation  et  de 
la  respiration,  qui  sont  contenus  dans  la  poitrine,  et 
les  organes  sensoriaux  et  nerveux , logés  dans  la  tête  et 
dans  le  canal  vertébral.  C’est  surtout  aux  organes  tho- 
raciques et  abdominaux,  et  encore  plus  spécialement 
à ces  derniers,  qu’on  donne  le  nom  de  viscères. 

§ q3.  On  entend  par  système  ou  genre  la  réunion  de 
parties  semblables  par  leur  texture,  comme  les  os  , les 
muscles,  les  ligamens,  etc.  : cela  correspond  aux  par- 
ties similaires  des  anciens.  On  a encore  désigné  ainsi 
des  parties  , telles  que  la  peau,  le  tissu  cellulaire , etc. , 
étendues  à tout  le  corps , et  offrant  par  là  des  régions , 
des  divisions,  mais  non,  comme  les  précédentes,  des 
portions  distinctes.  Biehat  surtout  a employé  le  mot  sys- 
tème dans  cette  acception.  L’étude  des  genres  d’organes 
ou  des  systèmes  fait  l’objet  de  l’anatomie  générale,  qui 
embrasse  de  cette  manière  tout  ce  que  les  parties  sem- 
blables présentent  de  commun , et  en  même  temps  ce 
que  les  tissus  généralement  répandus  ont  de  commun 
dans  leurs  différentes  régions. 

§ 94.  Les  appareils  sont  des  ensembles  d’organes  quel' 
quefois  très-distincts  par  leur  coniormation , leur  si- 


DU  KORPS  HUMAIN. 


103 

tuation , leur  structure  et  même  leur  action  particu- 
lière, mais  qui  concourent  à un  but  commun,  lequel 
est  une  des  fonctions  de  la  vie.  C’est  à tort  que  l’on 
a confondu  cette  réunion  de  parties  avec  celle  qui 
constitue  un  système  ou  un  genre  d’organes.  La  clas- 
sification des  appareils  repose  entièrement  sur  la  con- 
sidération des  fonctions,  tandis  que  celle  des  systèmes 
ou  genres  repose  sur  la  ressemblance  des  parties  entre 
elles.  On  a vu  plus  haut  l’énumération  des  genres  d’or- 
ganes; voici  maintenant  comment  les  organes  sont 
réunis  en  appareils  de  fonctions. 

Les  os  et  leurs  dépendances,  savoir:  le  périoste,  la 
moelle,  la  plupart  des  cartilages,  les  ligamens  , les 
capsules  synoviales , constituent  un  premier  appareil 
d’organes  qui  détermine  la  forme  du  corps,  qui  ser- 
vent de  soutien  à toutes  les  parties,  et  notamment  d’en- 
Aeloppe  aux  centres  nerveux,  et  qui,  par  la  mobilité 
des  articulations,  reçoivent  et  communiquent  les  mou- 
vemens  déterminés  par  les  muscles. 

Les  muscles,  les  tendons,  les  aponévroses,  les 
bourses  synoviales,  forment  l’appareil  des  mouvemens. 

Les  cartilages  et  les  muscles  du  larynx  et  diverses 
autres  parties  forment  celui  de  la  phonation  ou  de  la 
voix. 

La  peau,  les  autres  sens  et  les  muscles  qui  les  meu- 
vent, etc.,  forment  l’appareil  des  sensations. 

Les  centres  nerveux  et  les  nerfs,  forment  celui  de 
linnervation. 

Le  canal  alimentaire,  depuis  la  bouche  jusqu’à  l’anus 
et  toutes  ses  nombreuses  dépendances,  constituent 
celui  de  la  digestion  ; 


INTRODUCTION. 


io6 

Le  cœur  et  les  vaisseaux,  celui  de  la  circulation; 

Les  poumons,  celui  de  la  respiration. 

Les  glandes , les  follicules  et  les  surfaces  perspira- 
toires,  forment  l’appareil  des  sécrétions;  niais  la  plu- 
part de  ces  organes  servant  à d’autres  fonctions , sont 
compris  dans  leurs  appareils.  Il  ne  reste  guère  que  la 
sécrétion  urinaire,  dont  les  organes  forment  à eux  seuls 
un  appareil. 

Les  organes  génitaux  constituent  un  appareil  diffé- 
rent dans  chaque  sexe. 

Enfin,  l’œuf  et  le  fœtus  qu’il  renferme,  forment  un 
dernier  groupe  ou  appareil  d’organes. 

De  V organisme. 

§ p5.  Le  corps  humain  présente  pendant  la  vie,  des 
phénomènes  très-nombreux  et  de  divers  genres.  Des 
actions  mécaniques  et  chimiques  ont  lieu  en  lui  comme 
dans  tous  les  corps  ; mais  elles  sont  modifiées  par  celles 
de  la  vie.  Il  y a effectivement  dans  le  corps  humain, 
comme  dans  tout  corps  organisé  et  vivant,  les  phé- 
nomènes essentiels  de  la  vie,  savoir  : la  nutrition  et  la 
génération,  actions  organiques  dont  l’exercice  est  su- 
bordonné à d’autres  actions  propres  aux  animaux; 
savoir,  les  mouvemens  musculaires  et  les  sensations, 

i 

soumises  elles-mêmes  à 1 innervation.  Ces  actions  ani- 
males enfin  sont  dirigées  par  des  fonctions  d’un  genre 
supérieur;  ce  sont  celles  de  l’intelligence.  Outre  cet 
ordre  remarquable  de  subordination  entre  les  phéno- 
mènes de  la  vie,  il  existe  entre  eux  un  enchaînement  tel, 
que  les  fonctions  d’un  genre  inférieur  tiennent  aussi 


DU  CORPS  HUMAIN. 


IO^ 

sous  leur  dépendance  les  fonctions  d’un  ordre  plus 
élevé,  et  que  toutes  les  fonctions  sont  dans  une  dé- 
pendance mutuelle  telle,  que  les  phénomènes  de  la 
vie  peuvent  être  comparés  à un  cercle  qui,  une  fois 
tracé,  n’a  plus  ni  commencement  ni  fin.  C’est,  comme 
on  l’a  déjà  dit,  cet  ensemble  d’actions  organiques  qu’on 
appelle  organisme  ou  vie. 

§ 96.  On  appelle  fonction  1 , l’action  d’un  organe  ou 
d’un  appareil  d’organes  ayant  un  but  commun.  On  a 
classé  ou  distribué  les  fonctions  en  plusieurs  genres  , 
non  que  ces  divisions  soient  parfaitement  exactes,  ni 
qu’elles  soient  bien  utiles  pour  aider  la  mémoire, 
puisque  les  objets  à classer  sont  assez  peu  nombreux; 
mais  parce  qu’il  faut  bien,  dans  leur  exposition,  suivre 
un  ordre  quelconque,  et  qu’il  vaut  mieux  en  suivre  un 
naturel  qu’un  tout-à-fait  arbitraire.  La  division  des  an- 
ciens, suivie , à quelques  modifications  près,  par  Haller, 
Blumenbach,  Chaussier  et  quelques  autres  modernes i 
consiste  à ranger  les  fonctions  en  quatre  classes;  fonc- 
tions vitales,  animales,  naturelles  ou  nutritives,  et  gé- 
nitales. Une  autre  division  qui  vient  également  des 
anciens,  puisqu’on  en  trouve  la  première  idée  dans 
Aristote , qui  a été  aussi  indiquée  par  Buffon , Gri- 
maud , etc. , et  qui  a été  adoptée  et  développée  par 
Bichat  et  M.  Richerand,  consiste  à classer  les  fonctions 
en  celles  de  l’espèce  et  en  celles  de  l’individu , et  celles- 
ci  en  fonctions  de  relation  ou  fonctions  animales,  et  en 
celles  de  nutrition  ou  organiques. 

§ 97.  Voici  un  ordre  très-naturel  suivant  lequel  les 

1 V oyez  Chaussier,  Table  synoptique  des  fonctions. 


io8 


INTRODUCTION. 


fonctions  peuvent  être  classées.  Les  unes  sont  com- 
munes , sinon  par  tous  leurs  actes  et  tous  leurs  organes, 
du  moins  par  le  résultat,  à tous  les  corps  organisés, 
aux  végétaux  comme  aux  animaux;  ce  sont  les  fonc- 
tions communes,  organiques  ou  végétatives  : i°  la 
nutrition,  qui  comprend  la  digestion,  l’absorption, 
la  circulation  , la  respiration  et  les  sécrétions , et  dont 
je  résultat  définitif  est  l’entretien  de  l’individu  dans 
sa  forme,  dans  sa  composition  et  sa  température; 
2°  la  génération , qui  comprend  la  formation  des 
germes,  celle  du  sperme,  la  fécondation  et  le  déve- 
loppement du  germe  fécondé , et  dont  le  résultat  est 
l’entretien  de  l’espèce  ou  d’une  succession  d’individus 
semblables.  Les  autres  fonctions  sont  propres  aux  ani- 
maux ; ce  sont  : 3°  l’action  musculaire  dont  les  ré- 
sultats sont  la  locomotion,  le  geste  et  la  voix,  et  de 
plus  les  mouvemens  musculaires  nécessaires  à l’exé- 
cution des  deux  fonctions  précédentes;  4°  les  sen- 
sations,  et  5°  l’action  nerveuse  ou  l’innervation.  Un 
autre  ordre  de  fonctions  encore  appartient  à l’homme 
exclusivement;  ce  sont  les  fonctions  intellectuelles, 
qui  n’existent  qu’en  apparence  dans  les  animaux  qui 
lui  ressemblent  le  plus.  Enfin  l’homme  n’exerce  pas 
seulement  des  fonctions  individuelles  et  des  fonc- 
tions sexuelles,  mais,  vivant  en  société,  il  exerce  des 
actions  collectives  dont  l’observation  et  la  direction 
sont  encore  hors  du  domaine  de  la  physiologie  et  de 
la  médecine. 

§ 98.  Nous  n’apercevons,  dans  les  corps  en  repos, 
que  les  qualités  par  lesquelles  ils  frappent  nos  sens. 
Dans  les  corps  en  action  ou  en  mouvement,  nous  ne 


DU  CORPS  IIUMAIX. 


IO9 

distinguons  encore  que  des  phénomènes  ou  des  chan- 
geniens  perceptibles  à nos  sens.  Parmi  les  qualités  et 
les  phénomènes,  les  uns  sont  communs  à tous  les 
corps,  les  autres  sont  particuliers  aux  corps  organisés 
et  vivons;  ces  derniers  sont  leurs  qualités  et  phéno- 
mènes propres,  en  un  mot,  leurs  propriétés.  Les  pro- 
priétés ne  sont  autre  chose  en  effet  que  des  qualités 
et  des  phénomènes  sensibles.  Quand  des  phénomènes 
se  reproduisent  suivant  un  ordre  dont  on  peut  déter- 
miner toutes  les  conditions,  on  connaît  la  loi  de  ces 
phénomènes,  c’est-à-dire  la  règle  qu’ils  suivent  et  à 
laquelle  ils  nous  paraissent  être  assujettis;  cette  loi, 
quand  elle  est  générale,  est  appelée  théorie.  Au-delà 
nous  11e  connaissons  rien.  Mais  nous  admettons  en 
général  que  la  matière  est  inerte,  et  toutes  les  fois  que 
nous  la  voyons  en  action,  nous  supposons  une  cause 
de  mouvement  qui  la  fait  agir,  et  que  nous  appelons 
une  force.  Ainsi  la  matière  organique  étant  en  action 
pendant  toute  la  vie  dans  les  corps  organisés,  on  a dit 
que  la  vie  avait  pour  cause  une  force  vitale  1 . 

On  a considéré  cette  force  comme  une  substance 
différente  des  organes,  et  dont  ceux-ci  auraient  été 
les  instrumens,  et  onia  tantôt  supposée  rationnelle  et 
tantôt  irrationnelle.  On  l’a  considérée  aussi  comme  une 
faculté  ou  activité  propre  de  la  matière;  soit  de  la  ma- 
tière organique  solide,  soit  de  la  matière  fluide.  On  l’a 
regardée  encore  comme  résulant  de  l’organisation , 

1 Voyez  TVeii.  Von  der  lebenshraft , in  archiv  fur  die  phy- 
siologie. B.  I.  Halle,  1795.  — Chaussier.  Table  synoptique 
île  la  force  vitale,  etc. 


î ÏO 


INTRODU  CTIOX. 


c’est-à-dire  de  l’assemblage  de  toutes  les  parties  so- 
lides et  liquides  d’un  corps  organisé,  etc. 

Il  aurait  mieux  valu,  sans  doute,  se  borner  dans  une 
science  physique,  comme  la  science  de  l’organisation 
de  la  vie,  à l’observation  des  corps  et  des  faits. 

S 99-  Les  phénomènes  organiques  ou  vitaux  étant 
différons  les  uns  des  autres,  les  forces  vitales  ou  or<*a- 

«b 

niques  qu’on  a admises  ont  dû  être  aussi  de  plusieurs 


genres. 

11  y a des  phénomènes  de  formation  organique,  tels 
que  ceux  de  la  nutrition  et  de  la  génération , de  la 
réparation  des  parties  lésées,  de  la  reproduction  , etc. 
Aussi  on  a admis  sous  le  nom  de  force  plastique,  de 
force  formative,  d’affinité  vitale,  une  force  de  forma- 
tion 1 : elle  est  commune  à tous  les  corps  organiques 
et  à toutes  leurs  parties. 

§ 100.  Les  parties  solides  des  corps  organisés  et  sur- 
tout des  animaux,  reçoivent  de  la  part  de  divers  agens 
des  impressions  suivies  immédiatement  de  mouvemens 
plus  ou  moins  appréciables:  on  appelle  cela  des  mou- 
vemens d’irritation;  et  la  force  ou  la  cause  à laquelle 
on  les  attribue  est  appelée  irritabilité  2.  Toutes  les 
parties  animales  en  sont  susceptibles  à des  degrés  très- 
variés.  Ou  en  distingue  trois  variétés  principales.  Dans 
le  tissu  cellulaire , où  elle  existe  à un  faible  degré , 011 
l’appelle  tonicité;  dans  les  vaisseaux  où  elle  est  plus 
marquée  on  l’appelle  contractilité  vasculaire;  dans  les 


Voyez  Blumembacli.  U ber  de n Bildungstricb.  Gotting. 

2 Voyez  Gautier,  de  irritcibililciiis  notionc , naturel  et  mor- 
bîs , Ihilæ  , 1 7^3. 


DU  CORPS  HUMAIN. 


III 


muscles  où  elle  existe  au  plus  haut  degré , on  la  nomme 
irritabilité  musculaire  ou  myotilité. 

Il  est  remarquable  que  tous  ces  mouvemens  con- 
sistent dans  des  resserremens  ou  contractions.  On  a 
cependant  cru  que  certains  mouvemens  dépendaient 
d’une  expansion,  d’une  élongation,  d’une  turgescence  I; 
il  paraît  que  c’est  faute  d’avoir  bien  observé. 

§ ioi.  Dans  l’homme  etles  animaux  qui  ont  des  nerfs 
distincts  et  un  centre  nerveux , les  impressions  reçues 
sont  transmises  par  des  nerfs , et  senties  au  centre  ; et 
les  centres  transmettent  par  des  nerfs  leur  action  aux 
muscles.  La  cause  à laquelle  on  rapporte  ces  phéno- 
mènes est  appelée  force  nerveuse  , et  en  un  mot  sen- 
sibilité. Parmi  les  sensations,  les  unes  sont  extrêmement 
obscures  et  vaguement  aperçues2  : elles  sont  à peu  près 
répandues  partout , mais  surtout  dans  les  membranes 
muqueuses.  Dans  l’état  de  santé  elles  constituent  un 
sentiment  général  de  bien-être  ; quand  elles  sont  exaltées 
par  quelques  causes  elles  donnent  lieu  à une  sensa- 
tion morbide  qu’on  appelle  douleur.  Il  n’est  aucune 
partie  qui  ne  puisse  être  le  siège  de  cette  sensibilité 
morbide.  Les  autres  sensations  sont  distinctes  et  quel- 
ques-unes tout-à-fait  spéciales. 

Quant  à l’action  nerveuse  sur  les  muscles,  elle  en 
dirige  l’irritabilité;  elle  s’exerce  aussi  sur  les  vaisseaux, 
surtout  les  plus  petits. 

Les  actes  intellectuels  et  moraux  diffèrent  tellement 
des  phénomènes  organiques,  qu’ils  ne  peuvent  dépendre 
de  la  même  cause  : ils  seraient  en  effet  aveugles  et 
nécessaires  , au  lieu  d’être  éclairés  et  libres.  La  physio- 

1 Voyez  Hebenstreitj^e  Turgore  vitali;  Lipsiæ,  1795. 

2 Voyez  Hubner,  de  Coenæsthesi ; Halæ,  1794. 


na 


INTRODUCTION. 


logie  qui  d’un  côté  se  rencontre  avec  la  physique  ou  la 
philosophie  naturelle  , se  rencontre  ici  avec  la  philo- 
sophie morale  ou  la  métaphysique. 

§ 102.  Les  fonctions  ne  s’exercent  point,  ou  si  l’on 
veut,  les  forces  vitales  n’entrent  point  en  action  spon- 
tanément, mais  par  celle  des  stimulans  ou  excitans  ; 
soit  les  corps  qui  agissent  sur  les  surfaces  externe  et 
interne  de  notre  corps , soit  le  sang  qui  pénètre  dans 
toutes  les  parties.  Relativement  à leurs  effets,  les  sti- 
mulans sont  très-différens  les  uns  des  autres.  Relative- 
ment aux  sujets  sur  lesquels  ils  agissent,  leur  variété 
n’est  pas  moins  grande,  et  dépend  de  l’âge,  du  sexe, 
et  surtout  de  la  diversité  des  organes  qui  éprouvent 
plus  ou  moins  l’action  du  même  agent. 

Tout  se  tenant  dans  l’organisation,  l’action  d’un  or- 
gane n’est  point  isolée  : ceux  qui  sont  des  centres  in- 
fluent sur  tous  ceux  qui  leur  sont  subordonnés.  D’au- 
tres entrent  en  fonction  par  association.  Quelques-uns 
exécutent,  pour  la  suppléer , faction  qui  s’interrompt 
dans  un  autre.  Il  n’en  est  pas  un  seul  qui,  étant  excité 
d’une  manière  extraordinaire,  par  un  stimulus  apro- 
prié,  n’influe  plus  ou  moins  sur  l’organisme  tout  entier. 

Du  développement  et  des  différences  de  V organisation. 

§ io3.  Chaque  organe,  chaque  action,  et  par  con- 
séquent l’organisme  tout  entier  présente  des  stades  ou 
des  degrés  de  développement  et  de  perfection.  Une  pre- 
mière période  est  celle  de  la  jeunesse , de  l accroisse- 
ment  et  du  perfectionnement  successif;  une  seconde  , 
très-courte,  est  celle  dans  laquelle  l’organisation  de- 
meure dans  un  état  de  maturité;  une  troisième  enfin 


DU  CORPS  HUMAIN. 


1 1 3 

est  celle  clans  laquelle  l’organisme  s’altère  progressi- 
vement, et  arrive  naturellement  à la  mort  et  à la  des- 
truction. 

§ 104.  C’est  au  commencement  de  la  vie  que  la  res- 
semblance entre  les  parties  latérales  est  la  plus  grande. 
Le  cœur  est  alors  vertical  et  médian,  les  lobes  du  foie 
sont  à peu  près  égaux,  l’estomac  est  vertical,  etc.  Les 
membres  supérieurs  et  les  inférieurs  se  ressemblent 
tout-à-fait,  au  moment  et  peu  de  temps  après  leur  ap- 
parition. Les  organes  génitaux  des  deux  sexes  sont 
d’abord  semblables.  C’est  aussi  au  commencement  de 
la  vie  que  les  animaux  se  ressemblent  le  plus  entre  eux. 
La  grandeur  relative  des  parties  change  avec  l’âge  ; 
ainsi  le  système  nerveux,  les  sens,  le  cœur,  le  foie, 
les  reins,  etc.,  sont  d’abord  dans  une  très-grande  pro- 
portion avec  le  reste  du  corps,  tandis  qu’au  contraire, 
l’intestin,  la  rate,  les  organes  génitaux,  Les  poumons, 
les  membres,  etc.,  sont  très-petits  relativement  au  reste 
du  corps  et  aux  autres  organes.  Cela  joint  à ce  que 
certaines  parties  disparaissent  ou  diminuent  beaucoup 
avec  l’âge,  constitue  une  espèce  de  métamorphose; 
ainsi  les  membranes  de  l’œuf  et  le  placenta,  la  mem- 
brane pupillaire,  les  dents  de  lait,  cessent  d’exister; 
et  les  capsules  surrénales,  le  thymus,  diminuent  beau- 
coup, et  disparaissent  presque  tout-à-fait. 

S io5.  Les  organes  et  les  humeurs  ne  sont  pas  tou- 
jours dans  la  même  .proportion  : au  commencement, 
l’embryon  n’est  qu’une  molécule  presque  tout-à-fait 
liquide;  avec  le  temps  la  proportion  des  solides  aug- 
mente, elle  augmente  jusqu’à  la  fin.  La  couleur  se 
développe  aussi  graduellement;  toutes  les  parties  sont 

8 


i. 


INTRODUCTION. 


Il4 

d’abord  blanches;  la  coloration  du  sang  et  celle  des 
autres  parties  se  fait  peu  à peu.  Il  n’y  a d’abord  point 
de  texture  déterminée  dans  les  organes  : il  n’y  a même 
pas  de  globules  au  commencement;  plus  tard,  la  masse 
du  corps  tout  entière  paraît  globuleuse  ou  granulée  ; 
ensuite  les  fibres,  les  lames,  les  vaisseaux  deviennent 
distincts.  Tous  les  organes  ne  se  développent  pas  à 
la  fois.  Tous  ceux  du  même  genre  ou  système  ne  se 
forment  pas  non  plus  ensemble.  La  forme  extérieure 
ou  la  configuration  se  dessine  avant  que  la  consistance, 
la  texture  et  la  composition  soient  fixées  ; car,  ainsi 
qu’on  le  voit  dans  le  fruit  de  l’amande,  qui  a déjà  sa 
forme,  et  qui  n’est  encore  qu’un  liquide  glaireux  qui 
acquerra  successivement  la  consistance,  la  texture  et 
la  composition  qui  lui  sont  propres,  de  même  le  sys- 
tème nerveux,  le  système  osseux,  ont  déjà  en  partie  leur 
configuration , alors  qu’ils  sont  encore  liquides.  Le  tissu 
cellulaire  et  les  vaisseaux  perméables  aux  liquides  di- 
minuent depuis  le  commencement  jusqu’à  la  fin  de  la 
vie:  c’est  ce  changement  surtout,  qui  persiste  après  la 
fin  de  l’accroissement , qui  paraît  constituer  essentiel- 
lement la  période  de  la  détérioration  de  l’organisme, 
et  de  la  vieillesse. 

§ 106.  Les  organes  se  forment  par  parties  isolées, 
qui  se  réunissent  ensuite.  Ainsi  la  moelle  nerveuse  est 
d’abord  un  double  cordon;  ainsi  l’intestin  et  la  cavité 
du  torse,  d’abord  ouverts  par  devant,  se  ferment  en- 
suite; il  en  est  de  même  pour  le  canal  rachidien.  Les 
vaisseaux  sont  d’abord  des  vésicules  isolées,  qui  s’allon- 
gent et  se  communiquent  dans  la  masse  du  corps.  Les 
reins,  d’abord  multiples,  s’agglomèrent  ; les  os,  qui,  à 


DU  CORPS  HUMAIN. 


Il5 

i état  cartilagineux,  s’allongent  par  une  sorte  de  végéta- 
tion , s’ossifient  plus  tard,  par  parties  séparées,  qui  se 
réunissent,  etc.  Il  reste  dans  certains  endroits  des  traces 
de  cette  formation , plus  dans  quelques  - uns , dans 
quelques  autres  moins  ; ainsi  les  raphes  de  la  peau , 
la  suture  médiane  du  frontal,  la  ligne  médiane  de 
l’utérus,  etc.,  sont  des  traces  assez  apparentes  d’une 
réunion  de  deux  moitiés;  au  contraire,  dans  la  partie 
supérieure  du  sternum,  dans  le  corps  des  vertèbres, 
ces  traces  s’effacent  ordinairement  tout-à-fait. 

§ 107.  Toutes  les  phases  par  lesquelles  passe  l’or- 
ganisme humain  répondent  à des  états  permanens 
dans  le  règne  animal.  On  pourrait  ici  accumuler  les 
preuves  de  cette  importante  proposition,  en  mettant 
en  parallèle  le  fœtus  humain  à divers  degrés  de  déve- 
loppement , avec  les  degrés  de  l’organisation  de  l’échelle 
animale.  Quelques  exemples  suffiront.  L’embryon  n’est 
d’abord  qu’un  petit  bourgeon  ou  germe  placé  sur  une 
vésicule  ; tels  sont  quelques-uns  des  vers  les  plus  sim- 
ples.  Plus  tard  c’est  un  petit  corps  vermiforme  sans 
membres  et  sans  tête  distincts  : c’est  le  cas  des  an- 
nelides;  plus  tard  les  membres  sont  égaux  et  la  queue 
est  saillante  : c’est  le  cas  de  la  plupart  des  quadru- 
pèdes. Dans  le  système  nerveux , on  voit  d’abord  ap- 
paraître les  nerfs  avec  leurs  ganglions  : c'est  le  cas  de 
tous  les  invertébrés  pourvus  de  nerfs;  plus  tard,  on 
distingue  la  moelle  vertébrale  et  crânienne,  les  tuber- 
cules de  cette  dernière , et  seulement  encore  des  ru- 
dimens  de  cervelet  et  de  cerveau  : c’est  le  cas  des  pois- 
sons et  des  reptiles  ; plus  tard  enfin  ces  dernières 
parties  s’accroissent  beaucoup  plus  que  les  tubercules , 


INTRODUCTION. 


I 16 

et  1 encepliale  est  successivement  celui  des  oiseaux 
et  des  mammifères , jusqu’à  ce  qu’enfin,  par  la  pré- 
dominance des  lobes  cérébraux  et  cérébelleux  sur 
le  reste,  il  devienne  celui  de  l’homme  lui- même. 
On  verrait,  en  suivant  le  développement  des  os, 
d’abord  mucilagineux , puis  cartilagineux  , puis  os- 
seux, et  à cet  état  séparés  d’abord  en  beaucoup 
de  pièces  qui  se  soudent  plus  tard  ; en  comparant  ce 
développement  avec  l’état  du  système  osseux  dans  la 
lamproie , dans  les  poissons  cartilagineux , et  dans  les 
vertébrés  ovipares  en  général , on  verrait  une  autre 
preuve  de  la  proposition  énoncée.  Il  en  serait  de 
même  enfin  en  passant  en  revue  tous  les  genres  et 
tous  les  appareils  d’organes. 

§ 108.  L’homme  se  distingue  entre  tous  les  animaux 
par  la  grande  rapidité  avec  laquelle  il  parcourt  les 
premières  périodes  de  sa  formation  ou  de  son  dé- 
veloppement; aussi  est-il  difficile  d’apercevoir  en  lui 
ces  premiers  changemens.  C’est  un  point  d’anatomie 
comparée  de  l’homme  avec  les  animaux  et  de  l’homme 
avec  lui-même,  à ses  différens  âges,  qui,  déjà  riche 
d’un  grand  nombre  de  faits  , se  recommande  par  son 
importance  à l’observation  des  médecins  qui  pra- 
tiquent l’art  des  accouchemens. 

§ 109.  Les  phénomènes  organiques  suivent,  comme 
on  le  conçoit  bien , le  développement  successif  des 
organes.  11  n’y  a d’abord  dans  l’embryon  qu’une  ab- 
sorption, et  une  assimilation  presque  immédiate  de  la 
matière  nutritive  ; les  vaisseaux  deviennent  ensuite 
apparens  , et  c’est  alors  la  circulation  qui  porte  les 
matériaux  de  la  nutrition  partout  ; les  sécrétions  com- 


DU  CORPS  HUMAIN. 


“7 

mencent  ensuite  à se  faire,  et  le  sang  du  fœtus,  mis  en 
contact  dans  le  placenta  avec  celui  de  la  mère,  en 
éprouve  une  espèce  de  respiration  branchiale.  A la 
naissance  , la  respiration  de  l’air  et  la  digestion  se  joi- 
gnent aux  autres  fonctions  nutritives,  et  les  fonctions 
animales  entrent  en  exercice  ; et  ici,  comme  dans  l’en- 
semble du  règne  animal , on  voit  les  organes  les  der- 
niers développés  et  leurs  fonctions , tenir  tout  le  reste 
sous  leur  dépendance,  et  la  vie  résulter  de  l’enchaîne- 
ment des  actions  organiques  les  unes  avec  les  autres. 

§ 1 1 o.  L’organisation  de  l’homme  présente  dans  les 
deux  sexes  des  différences  1 : outre  celles  qui  existent 
dans  les  organes  de  la  génération , il  y en  a d’autres 
dans  la  forme  générale  du  corps , et  dans  la  pro- 
portion de  ses  parties.  L’homme  est  en  général  plus 
grand  que  la  femme  ; le  poids  total  de  son  corps  est 
d’environ  un  tiers  plus  considérable.  Les  formes  sont 
plus  arrondies  dans  la  femme,  plus  rudes  et  plus  sail- 
lantes dans  l’homme  ; la  femme  a le  tronc  plus  court 
et  les  membres  inférieurs  plus  longs , de  manière  que 
le  milieu  de  son  corps  se  trouve  chez  elle  plus  bas 
que  chez  l’homme  ; elle  a l’abdomen  , et  surtout  le 
bassin  , plus  larges  relativement  aux  épaules  et  à la 
poitrine,  qui  est  courte  et  évasée.  Les  organes  con- 
tenus dans  l’abdomen  sont  plus  grands , et  ceux  de  la 
poitrine  et  du  cou  plus  petits , en  proportion  du  reste 
du  corps,  dans  la  femme  que  dans  l’homme;  les  os 
et  les  muscles  sont  moins  développés , le  tissu  adipeux 

1 V oyez  J.  F.  Ackermann.  de  discrimine  sexuum  prœter 
genitalia.  Mogunt.  1787.  — Ejusd.  historia  et  ichnogr.  in~ 
f antis  androgyni.  Jenœ  , i8o5. 


INTRODUCTION. 


I 18 

l’est  davantage  ; la  texture  générale  des  parties  est 
plus  molle  et  plus  lâche;  les  poils  sont  moins  forts  et 
moins  nombreux.  Quant  aux  organes  génitaux , les 
différences  très-grandes  qu’ils  présentent  ne  détruisent 
pas  des  analogies  essentielles.  Les  caractères  extérieurs 
des  sexes  qui  viennent  d’être  indiqués  paraissent  sur- 
tout dépendre  de  l’existence  et  de  l’action  de  l’ovaire 
dans  la  femme,  et  du  testicule  dans  l’homme.  Dans 
l’embryon , dont  le  sexe  est  douteux,  il  n’y  a pas  de 
différences  extérieures  appréciables;  dans  le  fœtus  et 
l’enfant,  elles  commencent  à se  dessiner  à mesure  que 
les  organes  génitaux  se  perfectionnent  ; c’est  à la  puberté 
que  les  caractères  sexuels  s’établissent  surtout , et 
dans  la  vieillesse  ils  redeviennent  moins  tranchés.  Le 
défaut  de  développement  complet  des  ovaires  ou  des 
testicules , leurs  altérations  par  des  maladies , et  leur 
ablation,  empêchent  également  les  différences  géné- 
rales des  sexes  de  s’établir,  ou  les  effacent  plus  ou 
moins  complètement.  On  a cherché  les  causes  de  la 
différence  des  sexes  dans  une  prétendue  prédomi- 
nance du  principe  coagulant  ou  de  l’oxigène  dans  le 
male,  et  de  la  matière  nutritive  bydro-carbo-azotée 
dans  la  femelle. 

§ ni.  L’espèce  humaine  présente  des  différences 
d organisation  héréditaires  dans  les  races  ou  variétés  1 
répandues  sur  le  globe,  et  qu’on  peut  rapporter  à cinq? 
dont  trois  principales;  savoir  la  caucasienne,  la  mon- 
gole et  l’éthiopienne,  et  les  races  malaie  et  américaine. 

§ 1 12.  La  race  caucasienne,  à laquelle  nous  apparte- 
nons, se  fait  remarquer  par  la  beauté  delà  forme  et  des 

' Voyez  Blumenbach.  Op.  cil.  — Lawrence.  Op.  cil. 


DU  CORPS  HUMAIN. 


ll9 

proportions  de  la  tête  , dans  laquelle  le  crâne  l’emporte 
de  beaucoup  sur  la  face;  ce  dont  on  se  convaint  par 
la  plus  simple  inspection  cqpmie  par  l’application  des 
méthodes  céphalométriques.  Le  crâne  est  arrondi  et 
élevé,  la  face  est  ovale,  ses  parties  sont  peu  saillantes. 
La  coloration  de  la  peau  est  généralement  blanche  et 
rosée,  celle  des  yeux  est  bleue  ou  brune,  celle  des 
cheveux , en  général  nombreux , fins  et  longs , varie 
du  blanc  au  noir. 

Cette  race  se  fait  particulièrement  remarquer  par  le 
développement  de  son  intelligence , par  la  civilisation 
et  par  la  culture  de  la  philosophie , des  sciences  et  des 
arts.  Les  races  colorées,  au  contraire,  l’emportent  par 
la  perfection  plus  grande  des  sens. 

§ 1 1 3.  La  race  mongole  se  reconnaît  à la  force  du  tronc, 
à la  petitesse  des  membres,  à la  forme  presque  carrée 
de  la  tête  et  à l’obliquité  du  front,  à la  largeur  et  à 
l’aplatissement  de  la  face,  à la  saillie  des  pommettes, 
à l’écartement,  à l’étroitesse  et  à l’obliquité  des  yeux; 
la  couleur  de  la  peau  est  olivâtre  ; les  cheveux  sont 
droits,  noirs  et  courts;  la  barbe  est  rare,  et  manque 
quelquefois  tout-à-fait. 

§ ii 4-  La  race  nègre  a le  tronc  mince,  surtout  aux 
lombes  et  au  bassin  ; les  membres  supérieurs  sont 
longs,  surtout  l’avant-bras;  les  mains  sont  petites,  les 
pieds  grands  et  aplatis;  le  genou  et  le  pied  sont  tournés 
en  dehors;  la  tête  est  étroite  et  allongée;  la  partie  in- 
férieure de  la  face  est  saillante;  le  nez  est  écrasé;  les 
dents  antérieures  sont  obliques  et  les  lèvres  saillantes; 
la  peau , l’iris  et  les  cheveux  sont  noirs  : ceux-ci  sont 
crépus , et  la  barbe  est  peu  épaisse. 


1 20 


INTRODUCTION. 


§ il 5.  La  race  américaine  a des  caractères  anato- 
miques moins  tranchés,  et  semble  intermédiaire  à la 
race  caucasique  et  à la  race  nègre.  La  peau  est  d’un 
rouge  cuivré;  les  cheveux  sont  noirs,  droits  et  fins,  et 
la  barbe  rare  ou  nulle. 

§ ii  6.  La  race  malaie  est,  comme  la  précédente,  peu 
distincte  par  des  caractères  tirés  de  l’anatomie  : elle  pa- 
raît intermédiaire  aux  deux  premières.  Dans  cette  race, 
la  peau  est  brune  ou  basanée,  et  les  cheveux  épais  et 
frisés. 

§ il 7.  On  a admis  des  variétés  fabuleuses  : il  ne 
doit  pas  en  être  question  ici.  Les  albinos  sont  le  résul- 
tat d’une  altération  morbide.  On  trouve  encore  dans  cha- 
que race  des  sous-variétés  plus  ou  moins  tranchées.  Dans 
les  divers  pays  souvent  très-rapprochés , on  observe  en 
général  un  caractère  national,  au  moins  dans  la  phy- 
sionomie; mais  aussi  dans  chaque  race,  dans  chaque 
nation , et  même  dans  des  divisions  bien  plus  rétrécies, 
on  trouve  quelquefois  des  individus  très-différens  des 
autres;  ainsi  il  n’est  pas  très-rare  de  trouver  dans  la 
race  nègre  tous  les  caractères  anatomiques  et  physio- 
logiques de  la  race  caucasique,  excepté  la  couleur,  et  ré- 
ciproquement. Les  variétés  d’ailleurs  se  confondent 
par  des  gradations  insensibles.  Il  ne  faut  donc  consi- 
dérer ces  variétés  dans  l’espèce  que  comme  des  dif- 
férences accidentelles,  dont  les  causes,  à la  vérité,  ne 
sont  pas  faciles  à déterminer  : mais  combien  aussi  dans 
une  pareille  matière  les  observations  sont-elles  courtes, 
et  par  conséquent  imparfaites,  pour  déterminer  les  con- 
ditions d’un  phénomène  à la  production  duquel  la  na- 
ture n’a  pas  épargné  le  temps! 


DU  CORPS  HUMAIN. 


121 


Des  altérations  de  V organisation. 

§ ii 8.  Le  corps  humain  n’arrive  pas,  à beaucoup 
près,  toujours  au  terme  de  son  existence  par  un  change- 
ment progressif  de  l’organisation.  Le  plus  souvent  le 
développement  s’arrête,  se  dévie  de  l’ordre  habituel, 
ou  bien  l’organisation  régulièrement  développée  s’al- 
tère par  l’action  des  agens  extérieurs.  Le  corps , ainsi 
altéré  dans  sa  conformation,  dans  sa  texture,  dans  sa 
composition,  est  le  sujet  de  l’anatomie  morbide.  Poul- 
ie médecin  cette  anatomie  est  le  complément  nécessaire 
de  l’anatomie  de  l’homme  sain  : elle  est  à la  pathologie 
ce  que  l’anatomie  ordinaire  est  à la  physiologie;  il  n’y 
a pas  plus  de  pathologie  sans  anatomie  morbide,  que 
de  physiologie  sans  anatomie;  il  n’y  a pas  plus  de  phé- 
nomènes morbides  ou  de  symptômes  sans  organes  al- 
térés, que  de  fonctions  sans  organes  réguliers,  que  de 
phénomènes  sans  corps,  que  de  mouvement  sans  ma- 
tière. L’anatomie  morbide  est  le  fondement  de  la  pa- 
thologie. 

§ 119.  Les  dérangemens  de  l’organisation  peuvent 
intéresser  la  conformation  du  corps  en  général  ou  de 
quelques  organes  : cela  constitue  une  première  classe, 
celle  des  vices  de  conformation.  Les  uns  sont  origi- 
nels ou  primitifs;  d’autres  sont  secondaires  ou  acquis. 
Ces  derniers  sont  nombreux  et  très-différens  les  uns 
des  autres.  Quant  aux  premiers,  leur  observation  atten- 
tive a contribué  à faire  découvrir  une  des  lois  les  plus 
importantes  du  développement  de  l’organisation.  Ces 


1 22 


INTRODUCTION. 


vices  ne  sont,  en  effet,  essentiellement  qu’un  état  per- 
manent, dans  un  ou  plusieurs  organes,  des  stades  ou 
degrés  par  lesquels  ils  passent  dans  leur  développement 
successif.  Ainsi,  par  exemple,  les  vices  nombreux  qui 
consistent  dans  une  fente  ou  un  écartement  plus  ou 
moins  grand  sur  la  ligne  médiane,  comme  le  bec-dè- 
lièvre , la  fente  de  la  voûte  ou  du  voile  du  palais , 
l’ouverture  du  sternum,  du  diaphragme,  de  la  paroi 
de  l’abdomen , de  la  paroi  antérieure  de  la  vessie , des 
pubis,  de  l’urètre , du  périnée,  le  spina-bifida,  le  crâne 
bifide,  etc.,  sont  l’état  permanent  d’une  fente  qui  ne 
devait  être  que  temporaire. 

La  réunion  des  doigts  entre  eux,  le  prolongement 
du  coccyx,  la  persistance  de  la  membrane  pupillaire, 
l’utérus  bifide,  le  testicule  dans  l’abdomen,  etc.,  ne  sont 
encore  que  des  situations,  des  divisions , des  réunions, 
des  existences  d’organes,  qui  ne  devaient  être  que  tem- 
poraires et  qui  sont  restées  permanentes.  Il  en  est  de 
même  des  communications  anormales  des  cavités  du 
cœur,  de  l’ouverture  de  la  vessie  à l’ombilic,  de  1 exis- 
tence d’un  cloaque,  de  la  hernie  ombilicale  congéni- 
tale, etc. 

Quelquefois,  un  de  ces  vices  existant,  le  reste  de 
l’organisation  se  développe  à peu  près  comme  à 1 ordi- 
naire; mais  dans  certains  cas,  une  imperfection  en  en- 
traîne nécessairement  d’autres  à sa  suite  , et  en  voici 
un  des  exemples  plus  frappans  : que  le  nerf  olfactif  et 
Fethmoïde  qui  le  contient  s arrêtent  dans  leui  déve- 
loppement, les  orbites  et  les  yetix  se  confondront  plus 
ou  moins  intimement,  et  constitueront  ce  quon  ap- 


bu  CORPS  HUMAIN. 


I 23 


pelle  un  cyclope  r.  Il  en  est  de  même  de  plusieurs  autres 
vices. 

Cette  partie  de  l’anatomie  pathologique,  qui  n’a  guère 
été  regardée  que  comme  un  objet  de  curiosité , est  au 
contraire  d’un  très -grand  intérêt  pour  le  physiolo- 
giste et  pour  le  pathologiste. 

§ 120.  Les  dérangemens  de  l’organisation  peuvent 
aussi  consister  dans  une  altération  de  la  texture  et  de 
la  composition  des  organes. 

Tels  sont  les  effets  et  les  produits  de  l’irritation,  de 
l’inflammation,  et  d’autres  dérangemens  moins  connus 
des  sécrétions  et  de  la  nutrition.  L’adhésion,  en  gé- 
néral, et  les  différences  qu  elle  présente  dans  les  divers 
organes  divisés;  le  pus  et  les  autres  produits  liquides 
de  l’inflammation  ; les  transformations  d’un  tissu  en 
un  autre,  analogue  aux  tissus  sains;  la  dégénération 
ou  le  changement  d’un  organe  en  une  substance  qui 
n’a  point  d’analogue  dans  l’organisation  régulière;  les 
concrétions  molles  ou  dures  qui  se  forment  dans  les 
conduits  et  les  réservoirs  des  follicules  et  des  glandes, 
et  qui  dépendent  d’une  altération  du  liquide  sécrété  , 
et  de  l’organe  sécréteur,  sont  autant  de  genres  très- 
importans  dans  cette  classe,  dont  l’étude  n’est  pas  d’une 
utilité  contestable  comme  pourrait  le  paraître  celle 
des  vices  de  conformation. 

Il  faut  joindre  à ces  deux  classes  celle  des  vers  in- 
testinaux assez  nombreux,  et  des  animaux  parasites  qui 
peuvent  exister  dans  l’homme. 

Voyez  Béclard.  Mémoire  sur  les  fœtus  acéphales. 


124 


INTRODUCTION. 


De  la  mort  et  du  cadavre. 

§ 121.  La  mort  1 est  la  cessation  totale  et  définitive 
des  fonctions  de  la  vie  , suivie  bientôt  après  de  la  dis- 
solution du  corps.  Elle  est  le  résultat  nécessaire  et 
inévitable  des  changemens  successifs  de  l’organisme. 
Rarement  cependant  elle  est  le  dernier  terme  de  la 
vie,  parvenue  jusqu’à  l’extrême  vieillese;  le  plus  sou- 
vent elle  arrive  par  des  causes  accidentelles. 

La  vie  consistant  essentiellement  dans  l’action  ré- 
ciproque de  la  circulation  du  sang  et  de  l’innervation, 
la  mort  résulte  toujours  de  la  cessation  de  cette  action 
réciproque.  La  mort  sénile  paraît  résulter  de  l’affai- 
blissement simultané  de  ces  deux  fonctions  et  de  l’al- 
tération simultanée  de  leurs  organes,  et  la  mort  ac- 
cidentelle ou  morbide  de  l’altération  primitive  de  l’un 
des  deux  organes  et  de  sa  fonction.  C’est  toujours  en 
effet  par  l’interruption  de  1 action  nerveuse  sur  les  or- 
ganes de  la  circulation , ou  par  la  cessation  de  1 action 
du  sang  sur  le  centre  nerveux,  que  la  mort  est  déter- 
minée par  . les  accidens  et  les  maladies.  Mais  le  sang 
peut  cesser  d’agir  sur  le  système  nerveux  de  manière 
à entretenir  la  vie  ; soit  parce  que  le  cœur  ne  l’y 
pousse  plus,  et  que  les  vaisseaux  cessent  effectivement 
de  l’y  conduire  ; soit  parce  que  le  sang  n’est  plus 
soumis  à la  respiration  ; soit  parce  qu’il  n’est  pas  dé- 
barrassé par  les  sécrétions  et  surtout  par  la  dépu- 

1 Voyez  Bichat.  Recherches,  etc. — C.  Himly.  Commentatio 
mords  hisloriam , causas  et  signa  sistens.  Gotting.  1794* 


DU  CORPS  HUMAIN. 


12$ 


ration  urinaire  des  principes  nuisibles  ; soit  parce  cpie 
la  digestion  et  l’absorption  intestinale  ne  lui  four- 
nissent pas  des  matériaux  nutritifs;  soit  enfin  parce 
que  des  substances  délétères  sont  introduites  du  de- 
hors dans  la  masse  de  ce  liquide. 

§ 122.  Le  cadavre  1 est  un  corps  organisé  mort;  mais 
ce  terme  s’entend  particulièrement  d’un  animal,  et 
surtout  de  l’homme  qui  a cessé  de  vivre.  Le  corps  où 
l’action  vitale  a cessé  est  insensible,  la  chaleur  et  la 
motilité  s’y  éteignent  bientôt.  Quelques  instans  en- 
core on  y peut  observer  des  phénomènes  particu- 
liers , derniers  vestiges  de  la  vie  qui  vient  de  finir,  et 
qu’on  appelle  phénomènes  cadavériques  primitifs. 
Mais  le  cadavre  n’a  qu’une  durée  éphémère.  Cons- 
tamment, à moins  de  quelques  circonstances  particu- 
lières, la  putréfaction  s’en  empare  au  bout  d’un  temps 
assez  court;  ses  élémens  se  dissocient,  et  les  os  seuls 
subsistent  encore  quelque  temps  pour  se  détruire  eux- 
mêmes  à leur  tour.  Quoique  tous  les  cadavres  soient 
disposés  aux  altérations  dont  il  s’agit , cependant  ils 
ne  s’altèrent  point  tous  en  même  temps  et  de  la  même 
manière.  L’âge,  la  constitution  de  l’individu,  la  pro- 
portion de  ses  humeurs,  le  genre  de  la  mort , les  cir- 
constances qui  l’ont  précédée,  la  saison,  le  climat, 
l’état  de  l’atmosphère , les  corps  qui  entourent  le  ca- 
davre, etc.,  sont  autant  de  circonstances  qui  influent 
chacune  à leur  manière  sur  le  développement  des 
phénomènes  cadavériques  ; chaque  organe  d’ailleurs 
éprouve  des  altérations  particulières.  Voici  les  chan- 
gemens  les  plus  généraux. 

Voyez  Chaussier.  Table  des  phénomènes  cadavériques. 


126 


INTRODUCTION. 


§ 1 23.  La  chaleur,  de  même  que  les  autres  phénomènes 
dénutrition,  diminue  quelquefois  dès  ayant  la  mort, 
et  cesse  peu  de  temps  après.  Le  refroidissement  se 
fait  graduellement,  et  commence  par  les  surfaces  et 
les  extrémités.  Il  s’opère  d’autant  plus  vite  que  le  sujet 
est  plus  épuisé  par  la  vieillesse  ou  la  maladie , qu’il 
est  privé  de  sang,  qu’il  est  maigre,  et  que  l’atmos- 
phère est  plus  froide  : il  peut  alors  s’opérer  en  deux 
ou  trois  heures  ; communément  il  demande  quinze  à 
vingt  heures  ; il  peut  même  exiger  plusieurs  jours.  Le 
sang  est  noirâtre , il  conserve  en  général  de  la  fluidité  et 
du  mouvement  tant  que  le  cadavre  est  chaud;  l’aorte 
et  les  principales  artères  se  vident  ; il  s’accumule  en 
général  dans  les  veines  caves , dans  les  oreillettes  du 
cœur  et  dans  les  vaisseaux  des  poumons,  et  même 
dans  les  veines  en  général , ce  qui  dépend  de  l’élasticité 
des  artères  et  des  bronches,  et  du  mécanisme  de  la  poi- 
trine. Au  reste,  l’accumulation  du  sang  dans  les  veines 
varie  suivant  les  causes  de  la  mort  : elle  est  très- 
grande  quand  il  y a eu  dyspnée  ou  suffocation  ; il  en 
résulte  alors  quelquefois  des  congestions , des  turges- 
cences , des  érections,  et  même  des  transsudations 
sanguinolentes.  Le  sang,  obéissant  à la  pesanteur  et  à 
l’action  des  artères,  s’accumule  et  forme  des  lividités 
dans  les  parties  qui  sont  déclives  au  moment  de  la  mort; 
et,  pendant  que  le  corps  est  resté  chaud,  le  reste  du 
corps  est  au  contraire  pâle  et  jaunâtre.  Pendant  toute 
cette  période  de  refroidissement,  le  corps  est  en  gé- 
néral flexible  et  mou,  les  yeux  sont  entrouverts,  la 
lèvre  et  la  mâchoire  inférieures  pendantes , la  pupille 
dilatée;  des  congestions  qui  avaient  existé  pendant  la 


DU  CORPS  HUMAIN. 


1 27 

vie  disparaissent  quelquefois  ; les  sphincters  sont  relâ- 
chés , et  quelquefois  la  défécation  et  même  l’accouche- 
ment ont  eu  lieu  par  un  dernier  reste  de  contractilité. 
Les  muscles  sont  encore  irritables  par  divers  excitans, 
et  surtout  par  le  galvanisme. 

§ 124.  Les  parties  molles  restent  flexibles,  et  le  sang 
fluide,  tant  que  le  cadavre  conserve  sa  chaleur;  aus- 
sitôt qu’elle  l’abandonne,  le  sang  se  coagule,  et  les 
parties  molles  se  roidissent  d’une  manière  plus  ou 
moins  marquée.  La  coagulation  du  sang  varie  beau- 
coup; ordinairement  il  se  forme  des  concrétions  blan- 
ches, ou  de  couleur  éitrine,  qui  se  moulent  dans 
les  vaisseaux  ; quelquefois  le  sang  prend  une  consis- 
tance de  gelée,  ou  même  reste  tout-à-fait  fluide.  La 
roideur  cadavérique  est  un  phénomèue  constant,  ca- 
ractérisé par  la  fermeté  que  prennent  les  parties  molles , 
et  par  la  résistance  et  l’immobilité  des  articulations. 
Elle  commence  par  le  tronc,  et  s’étend  aux  membres 
supérieurs,  puis  aux  inférieurs.  Ce  phénomène,  qui 
paraît  dépendre  essentiellement  de  la  dernière  con- 
traction des  muscles  , et  aussi  du  refroidissement 
général  et  de  la  coagulation  des  liquides,  présente  de 
grandes  variétés,  relativement  à l’époque  de  sa  mani- 
festation, à son  intensité,  à sa  durée.  Ainsi  dans  la 
mort  sénile,  dans  la  mort  par  un  lent  épuisement  ou 
par  des  fatigues  excessives,  après  les  maladies  septiques, 
gangréneuses,  scorbutiques,  etc.,  la  roideur  survient 
très-promptement , est  peu  intense  ,et  dure  à peine  une 
ou  deux  heures.  Au  contraire  dans  les  sujets  forts  , 
musclés  , qui  meurent  tout  à coup  d’une  mort  vio- 
lente; après  la  plupart  des  asphyxies  et  des  maladies 


128 


/ 


INTRODUCTION. 


aiguës,  la  roideur  11e  survient  qu’au  bout  de  vingt  à 
trente  heures,  devient  très-considérable,  et  dure  pen- 
dant trois  ou  quatre  jours.  La  roideur  des  parties  molles 
cesse  ensuite  d’elle-même,  et  dans  le  même  ordre  où 
elle  s était  manifestée;  elle  est  remplacée  par  une  mol- 
lesse qui  augmente  graduellement;  les  parties  sont 
abandonnées  à leur  pesanteur , elles  se  dirigent  en  con- 
séquence, et  s’affaissent  sur  elles-mêmes.  Les  liquides 
qui  étaient  coagulés  se  liquéfient  de  nouveau , et  leur 
fluidité  semble  même  augmenter.  Ce  sont  les  premiers 
phénomènes  de  la  décomposition  putride. 

§ 125.  Dans  quelques  cas,  et  ordinairement  après  une 
mort  prompte  et  violente,  il  se  fait  un  dégagement 
rapide  et  considérable  de  gaz,  soit  dans  le  canal  intes- 
tinal , soit  dans  les  cavités  séreuses , dans  le  tissu  cel- 
lulaire, soit  même  dans  les  vaisseaux  : il  en  résulte 
divers  autres  phénomènes  remarquables.  La  tympanite 
de  l’abdomen  repoussant  le  diaphragme,  fait  souvent 
sortir  du  mucus  par  la  bouche  ou  par  les  narines,  re- 
foule le  sang  dans  le  cou  et  la  tête  : d’où  le  gonflement 
de  la  face,  l’éclat  des  yeux,  le  resserrement  de  la  pu- 
pille ; elle  fait  encore  refluer  par  l’œsophage  dans  le  pha- 
rynx, dans  le  larynx,  dans  les  fosses  nasales  ou  dans  la 
bouche,  les  matières  de  l’estomac;  elle  détermine  aussi 
le  reflux  du  sang  vers  les  organes  génitaux,  l’excrétion 
de  gaz,  de  fèces,  et  quelquefois  même  la  rupture  de  la 
paroi  abdominale.  Le  développement  de  gaz  dans  le 
tissu  cellulaire  constitue  l’emphysème  cadavérique;  son 
dégagement  dans  le  cœur  et  les  vaisseaux  détermine 
le  mouvement  du  sang  et  même  sa  sortie  par  des  plaies, 
phénomène  que  l’on  appelle  cruentation  cadavérique. 


DU  CORPS  HUMAIN. 


I29 

§ 126.  La  putréfaction  est  un  mouvement  intestin, 
inverse  de  l’action  organique,  qui  s’établit  dans  le  cada- 
vre, détruit  toutes  les  combinaisons  qui  s’étaient  for- 
mées par  l’action  vitale,  en  sépare  les  molécules,  les 
ramène  à un  état  plus  simple  de  composition,  les  réduit 
en  gaz,  en  vapeurs,  en  putrilage,  en  terreau , et  les  rend 
ainsi  à la  masse  générale  des  corps  inertes.  Outre  la  ces- 
sation de  la  vie , la  putréfaction  demande  encore 
comme  conditions,  le  contact  de  l’air,  et  un  certain 
degré  de  chaleur  et  d’humidité.  Le  degré  et  la  com- 
binaison de  ces  conditions  font  beaucoup  varier  les 
phénomènes  de  la  décomposition. 

§ 127.  En  général,  elle  commence  dès  que  la  coagu- 
lation et  la  roideur  cessent  : dès  lors  les  liquides  commen- 
cent à se  résoudre,  et  les  parties  molles  se  relâchent  et 
s’amollissent  graduellement.  Le  cadavre,  qui  exhale  dès 
le  commencement  une  vapeur  dont  la  déperdition  di- 
minue son  poids,  répand  alors  une  odeur  fade.  Le 
sans-  et  les  autres  humeurs  transsudent  à travers  leurs 
réservoirs,  et  imprègnent  de  leur  couleur  et  de  leur 
odeur  les  parois  et  les  parties  environnantes  : de  là  la 
coloration  des  veines  et  du  tissu  cellulaire  environnant 
en  rouge,  les  taches  imprimées  à l’estomac  et  aux  in- 
testins par  le  foie,  la  rate,  la  vésicule  biliaire,  les  in- 
filtrations séro-sanguinolentes  dans  le  tissu  cellulaire 
et  les  membranes  séreuses,  leur  coloration  en  rose,  en 
rouge,  en  brun,  et  la  coloration  des  parois  de  l’abdo- 
men en  une  teinte  bleuâtre  ou  verdâtre.  Les  humeurs 
de  l'œil  transsudent,  d’où  l’affaissement  de  la  cornée, 
et,  en  se  mêlant  avec  les  corpuscules  qui  voltigent  dans 
1 œil , forment  un  enduit  terne. 


1. 


y 


INTRODUCTION. 


t3ü 

Dans  cette  première  période  les  muscles  rougissent 
le  papier  de  tournesol. 

§ 128.  La  putréfaction,  qui , eu  égard  aux  régions  , 
commence  en  général  par  l’abdomen,  à cause  des  ma- 
tières excrémentitielles  qui  y sont  accumulées;  qui, 
eu  égard  aux  organes,  commence  par  les  plus  mous 
et  les  plus  imprégnés  de  liquides,  comme  la  masse  en- 
céphalique, et  qui  attaque  aussi,  en  premier  lieu,  les 
parties  engorgées  ou  altérées  par  la  maladie  ou  par  le 
genre  de  mort , devient  bientôt  générale.  L’épiderme 
se  détache  et  est  soulevé  par  des  amas  de  sanie  bru- 
nâtre; les  chairs,  imbibées  par  les  liquides,  deviennent 
gluantes,  verdâtres,  pulpeuses,  ammoniacales;  il  se 
dégage  une  odeur  putride,  nauséabonde. 

§ 129.  Enfin  la  texture  disparaît  tout-à-fait;  les  par- 
ties molles,  confondues  avec  les  liquides,- se  réduisent 
en  putrilage  demi-fluide,  mêlé  de  bulles  de  gaz,  et 
répandant  l’odeur  la  plus  infecte , et  la  vapeur  la  plus 
pernicieuse.  Il  ne  reste  bientôt  plus  que  les  os,  qui  à 
leur  tour  deviennent  friables,  pulvéruiens,  et  ne  lais- 
sent qu’un  faible  résidu  terreux. 

§ i3o.  Lorsque  les  conditions  de  la  putréfaction 
sont  favorables,  comme  après  certaines  maladies,  et 
dans  des  temps  ou  des  lieux  chauds  et  humides,  elle 
commence  presqu’à  l’instant  de  la  mort,  et  parcourt 
ses  périodes  avec  la  plus  grande  rapidité.  Dans  les  cas 
contraires  elle  est  lente,  et  peut  n’être  complète  qu’a- 
près  plusieurs  années.  Elle  peut  même  être  indéfin  i- 
méfit  suspendue,  ou  très-modifiée  dans  ses  phéno- 
mènes. Ainsi,  un  cadavre  enfermé  dans  la  glace  peut 
s y conserver  sans  altération  sensible,  tant  que  durera 


DU  CORPS  HUMAIN. 


1,3  I 

la  congélation;  ainsi,  un  corps  désseché  par  une  at- 
mosphère très-chaude  et  sèche,  comme  celle  des  dé- 
serts de  l’Afrique,  ou  par  une  terre  absorbante,  comme 
dans  certains  caveaux,  ou  par  la  chaleur  du  four  ou  de 
l’étuve,  ou  par  divers  procédés  chimiques,  peut  de- 
venir a peu  près  imputrescible.  De  même,  un  corps 
plongé  et  retenu  dans  l’eau,  dans  un  terrain  humide, 
ou  dans  une  terre  saturée  de  produits  cadavériques, 
peut  se  transformer  en  gras , se  saponifier,  par  l’action 
réciproque  de  sa  graisse  et  de  l’ammoniaque  qui  ré- 
sulte de  la  décomposition  des  chairs. 

§ i3i.  Le  cadavre  conservant  encore,  quelque  temps 
après  la  mort,  à peu  près  l’organisation  et  la  composi- 
tion que  le  corps  avait  pendant  la  vie , il  est  le  sujet  sur 
lequel  on  étudie  l’anatomie.  Cependant , comme  il  ar- 
rive dès  le  moment  de  la  mort  des  changemens  qui  vont 
sans  cesse  en  augmentant,  il  faut  rectifier  par  1 examen 
des  animaux  vivans  les  idées  que  l’on  pourrait  se  faite 
en  n'examinant  que  des  corps  privés  de  vie. 

Tous  les  corps  ne  sont  point  également  propres  et 
convenables  à l’étude  de  1 anatomie /Il  ne  faut  point  se 
servir , pour  faire  des  dissections  longues  et  suivies,  de 
ceux  qui  ont  succombé  à des  maladies  septiques  ou  à 
la  fatigue,  de  ceux  qui  sont  encore  chauds,  de  ceux 
dont  la  putréfaction  a été  prompte,  pu  est  très-avancée, 
ïl  faut  dans  dans  le*  recherches  an  ^atomiques  être  d’une 
extrême  propreté.  Si  l’on  se  blesse  en  disséquant , et 
surtout  en  disséquant  un  sujet  impropre  à l’étude  de 
l’anatomie,  il  faut  sur-le-champ  laver  et  cautériser  la 
blessure. 

§ i3s.  L’anatomiste  considère  dans  chaque  partie 


1 3 2 INTRODUCTION.  DU  CORPS  HUMAIN. 

solide  du  corps,  i°  sa  'Configuration  ou  sa  forme  tant 
extérieure  qu’intérieure,  si  elle  est  creuse,  et  sa  dis- 
position symétrique  ou  irrégulière;  2°  sa  situation 
dans  le  corps  entier,  et  relativement  aux  autres  parties, 
ainsi  que  ses  rapports  de  contact  ou  de  liaison,  plus  ou 
moins  intime  avec  elles;  3°  la  direction  de  son  grand 
diamètre,  qui  peut  être  parallèle,  oblique  ou  perpen- 
diculaire à l’axe  du  corps;  4°  son  étendue  métrique 
ou  relative  au  corps,  ou  à quelqu’une  de  ses  parties; 
5°  ses  propriétés  physiques,  soit  relatives  à l’attraction 
de  ses  molécules,  comme  sa  dentité,  sa  cohésion,  son 
élasticité,  etc.,  soit  relatives  à la  manière  dont  la  lu- 
mière l’affecte,  comme  la  couleur,  la  diaphanéité,  etc.; 
6°  sa  composition  anatomique  et  sa  texture  ou  l'ar- 
rangement de  ses  parties  intégrantes;  rj°  ses  propriétés 
et  sa  composition  chimiques;  8°  les  liquides  ou  hu- 
meurs qu  elle  contient;  90  les  propriétés  dont  elle  jouit 
pendant  la  vie;  io°  son  action  vitale  et  la  liaison  de 
cette  action  avec  les  autres;  n°  les  variétés  quelle 
présente  dans  les  âges , les  sexes,  les  races,  et  les  in- 
dividus; 12°  ses  états  morbides;  et  i3°  ses  phénomènes 
et  ses  altérations  cadavériques.  Quoique  plusieurs  de 
ces  considérations  semblent  appartenir  à la  physique, 
à la  chimie,  à la  physiologie,  et  à la  pathologie,  plu- 
tôt qu’à  l’anatomie,  il  n’en  est  aucune  qui  ne  soit 
propre  à éclairer  l’anatomiste,  aucune  qu’il  doive  né- 
gliger. 


ANATOMIE  GENERALE. 


- * î * j *>  > .*  *}  f i ; i i : . < i » > i i j { 

CHAPITRE  PREMIER. 

DES  TISSUS  CELLULAIRE  ET  ADIPEUX. 

§ 1 33.  On  a généralement  confondu  ces  deux  tissus 
sous  le  nom  de  tissu  cellulaire;  cependant  ils  sont 
différens  et  doivent  être  décrits  à part. 

PREMIÈRE  SECTION. 

DU  TISSU  CELLULAIRE. 

§ i34*  Le  tissu  cellulaire  a été  ainsi  nommé  à cause 
des  aréoles  qu’il  forme  et  qu’on  a,  peut-être  mal  à pro- 
pos, appelées  cellules.  C est  un  tissu  mou,  spongieux, 
répandu  dans  tout  le  corps,  qui  entoure  tous  les  or- 
ganes, les  unit  et  en  même  temps  les  sépare  les  uns 
des  autres,  qui  pénètre  dans  leur  épaisseur  et  se  com- 
porte de  la  même  manière  à l’égard  de  toutes  leurs 
parties,  et  qui,  entrant  dans  la  composition  de  tous 
les  corps  organisés  et  de  tous  les  organes,  est  le  prin- 
cipal élément  de  l’organisation. 

Suivant  la  manière  dont  on  l a envisagé,  on  lui  a 
donné  les  nonis  de  substance,  de  corps,  de  système, 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


I 34 

d’organe  , de  membrane  , de  tissu  cribreux , mu- 
queux, glutineux,  intermédiaire,  aréolaire,  réticulé, 
lamineux,  filamenteux,  etc.  Le  nom  de  tissu  cellu- 
laire ne  lui  convient  peut-être  pas  mieux  que  les  au- 
tres, mais  il  est  plus  généralement  adopté. 

§ 1 35.  Malgré  1 étendue  et  l’importance  très-grandes 
de  ce  tissu , qui  ont  dû  frapper  de  bonne  heure  les  ana- 
tomistes , on  n’en  trouve  point  de  description  dans  les 
auteurs  anciens.  Hippocrate  parle  de  la  perméabilité 
générale  des  tissus,  lorsqu’il  dit  qu’il  est  manifeste 
que  tout  le  corps  est  perspirable  tant  au  dehors  qu’au 
dedans  : on  a voulu  trouver  dans  ce  passage  les  pre- 
mières notions  de  l’existence  du  tissu  cellulaire.  Ce 

t 

qu’Erasistrate  appelait  parenchyme  correspond  peut- 
être  à ce  tissu.  Mais  il  faut  arriver  jusqu’à  Charles 
Étienne,  Vésale , Adrien  Spigel , pour  trouver  quelques 
notions  exactes  sur  la  disposition  du  tissu  cellulaire  : 
encore  ces  anatomistes  et  un  grand  nombre  de  ceux 
qui  leur  ont  succédé , n’ont-ils  indiqué  le  tissu  cellu- 
laire qu’à  l’occasion  des  différentes  parties  où  on  le 
rencontre,  comme  autour  des  vaisseaux,  des  muscles,  de 
la  graisse,  etc.  Kaaw-Boerhaave,  Bergen,  Winslow , 
ont  émis  les  premiers  quelques  idées  générales  sur  la 
continuité  de  ce  tissu  dans  les  différentes  régions-; 
mais  ce  n’est  que  depuis  Haller,  qu’il  a été  présenté 
sotls  son  véritable  point  de  vue.  Le  tissu  cellulaire  a 
donné  lieu  à un  grand  nombre  de  traités.  Schobingcr^ 
Thierry,  G.  H un  ter , Bordeu,  Fouquet,  Wolll,  Det- 
ten,  Lucæ,  De  Felici , s’en  sont  particulièrement  oc- 
cupés. Leurs  ouvrages  ont  ajouté  peu  de  chose  a la 
description  donnée  par  Haller;  mais  plusieurs  d entre 


DU  TISSU  CELLULAIRE. 


1 35 


eux  sont  remarquables  1 par  quelques  idées  plus  ou 
moins  fondées  sur  la  nature  et  les  fonctions  de  ce  tissu. 
Tous  les  anatomistes,  et  surtout  ceux  qui  se  sont  oc- 
cupés d’anatomie  générale,  en  ont  parlé  dans  leurs 
traités  : Mascagni  seul  le  nomme  à peine.  11  n’existe 
pas  de  bonnes  figures  du  tissu  cellulaire,  et  il  est  en 
effet  impossible  de  le  représenter,  parce  qu  il  n’a  ni 
forme  ni  couleur  déterminée;  W olff  a tenté  de  le  faire  , 
mais  sans  succès. 

§ i36.  Pour  faciliter  l’étude  du  tissu  cellulaire,  on 
l'examine  successivement  dans  deux  portions,  dont 
l une  est  considérée  comme  indépendante  des  organes 
et  remplit  seulement  les  vidés  qu’ils  laissent  entre 
eux,  tandis  que  l’autre  n’est  relative  qu’aux  organes 
quelle  enveloppe,  et  dans  la  texture  desquels  elle 
entre.  Ces  portions  ne  sont  distinctes  que  par  la  pen- 

1 Dav.  Ch.  Schobiuger.  Detelœ  cellulosœ  in  Jabricd  cordo- 
ns humain  dignitate.  Golt.  1748.  — Fr.  Thierry.  Ergoin 
eelluloso  textu.  frequentiiis  morbi  et  morborum  mutatipnes. 
Paris.  1749,  1757,  1788. — W.  Hanter.  Remarks  on  lhe 
cellular  membrane  etc. , in  med.  obs.  and  inq.  vol.  11.  Pond. 
17^7<  — Th.  de  Bordeu.  Recherches  sur  le  tissu  muqueux 
ou  l’organe  cellulaire,  etc.  Paris.  1767.  — Fouquel,  cl 
Abadie.  De  corpore  cribroso  Hippocratis  Monsp.  1774. — 
C.  ? . Wolf.  De  Lelâ  quant  dicunt  cellulosa/n  obscrvationcs , in 
nova  acta  Acad.  Sc.  lmp.  P e trop.  Vol.  vi,  vu.  vin,  1790, 
J79*' — Detten.  Beylrag , etc.,  c’esJ-à-dire  , Supplément 
a l’étude  des  fonctions  du  tissu  cellulaire.  Munster.  1800. 

S.  Ch.  Lucæ.  Annotationes  circa  telam  cellulosa/n , in  obs. 
etrea  nervos , etc.  Franc,  ad  Mocn.  1810. — G.  M.  de  Felici. 
Ccnm  di  u/m  nuova  idca  sulla  nation  de/  tessuto  cellufarc. 
Pa\  ia.  1817. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


I 36 

sée,  car  le  tissu  cellulaire  est  partout  continu  à lui- 
niéme. 

§ 137.  La  première  portion  est  le  tissu  cellulaire 
extérieur,  général  ou  commun,  ( textus  cellularis  in - 
terrnedius , seu  laxus ),  celui  qui  ne  pénètre  pas  dans  les 
organes.  Ce  tissu  cellulaire  commun,  a l’étendue  et  la 
forme  générale  du  corps  ; il  formerait,  si  l’on  suppo- 
sait que  tous  les  autres  organes  fussent  enlevés,  et  qu’il 
pût  se  soutenir  de  lui -même,  un  tout  conservant  la 
figure  du  corps,  et  offrant  une  multitude  de  loges  poul- 
ies différens  organes.  L’épaisseur  de  la  couche  qu  il 
forme  autour  de  chacun  d eux  n’est  pas  la  même  par- 
tout. Dans  le  canal  vertébral , le  tissu  cellulaire  est  en 
très-petite  quantité*  dans  l’intérieur  du  crâne,  ce  tissu 
forme  une  couche  presque  invisible,  tant  sa  ténuité  est 
grande.  On  en  trouve  davantage  à l’extérieur  de  ces 
mêmes  parties  : il  est  surtout  abondant  autour  de 
l’épine,  particulièrement  en  devant.  A la  tête,  les  dif- 
férentes parties  de  la  face,  les  orbites,  les  joues,  en 
contiennent  une  grande  quantité.  Il  en  existe  beaucoup 
également  au  cou,  le  long  des  vaisseaux  et  entre  les 
muscles  ; dans  la  poitrine,  entre  les  lames  du  médiastin, 
et  à l’extérieur  de  cette  cavité,  autour  des  mamelles. 
L’abdomen  renferme,  soit  dans  son  intérieur,  soit  dans 
l’épaisseur  de  ses  parois,  une  grande  quantité  de  tissu 
cellulaire.  Aux  membres , ce  tissu  est  abondant  dans 
l’aine,  dans  l’aisselle,  dans  le  creux  du  jarret,  à la 
paume  des  mains  et  à la  plante  des  pieds  ; il  forme , 
entre  les  muscles,  des  couches  plus  ou  moins  épaisses. 
En  général,  les  organes  les  plus  importans  sont  ceux 
qu’entoure  le  plus  de  tissu  cellulaire  : ce  tissu  est  aussi 


DU  TISSU  CELLULAIRE. 


plus  abondant  dans  les  endroits  qui  sont  le  siège  de 
grands  mouvemens.  En  outre , comme  il  enveloppe  tous 
les  organes,  qu’il  forme  partout  des  cloisons  qui  les  sépa- 
rent, il  doit  y en  avoir  davantage , toutes  choses  égales 
d’ailleurs,  là  où  ces  organes  sont  nombreux  : c’est  ce 
qu’on  voit  au  cou,  par  exemple. 

§ i38.  La  continuité  du  tissu  cellulaire  est  surtout 
sensible  dans  les  grands  vides  que  les  organes  laissent 
entre  eux.  Au  cou,  la  continuation  de  ce  tissu  est  ma- 
nifeste avec  celui  de  la  tête  par  en  haut , et  avec  celui 
de  l’intérieur  de  la  poitrine,  par  en  bas  : les  ouvertures 
de  cette  cavité  qui  communiquent  avec  les  membres 
supérieurs,  offrent  également  une  continuité  très-mar- 
quée entre  le  tissu  cellulaire  de  la  poitrine  et  celui  des 
membres  supérieurs.  De  même,  dans  l’abdomen, 
l échancrure  ischiatique,  l’anneau  inguinal,  l’arcade  cru- 
rale, etc.,  présentent  d’une  manière  évidente  la  conti- 
nuité du  tissu  cellulaire  de  l’intérieur  à l’extérieur  du 
ventre,  et  de  là  aux  membres  inférieurs.  Le  long  du 
canal  vertébral , les  trous  intervertébraux  établis- 
sent une  communication  entre  l’intérieur  et  l’extérieur 
du  canal  ; les  trous  de  la  base  du  crâne  font  de  même 
communiquer  cette  cavité  avec  l’extérieur  de  la  tête. 
Au  reste,  la  continuité  du  tissu  cellulaire  n’existe  pas 
seulement  dans  les  endroits  que  nous  venons  d’indi- 
quer; divers  phénomènes,  sur  lesquels  nous  revien- 
drons, 1 indiquent,  en  général , pour  tous  les  vides  qui 
subsistent  entre  les  organes;  seulement  elle  est  plus 
marquée  là  où  ces  vides  sont  eux-mêmes  très-prononcés. 
On  conçoit  que  la  tonne  arrondie  des  organes  doit 
rendre  ces  vides  très-nombreux. 


I 


*38  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

§ i3q.  L autre  division  du  tissu  cellulaire  fournit  a 
chaque  organe,  en  particulier,  une  enveloppe  qui  lui 
est  propre,  et  pénètre,  en  outre,  dans  son  épaisseur; 
cette  disposition  en  a fait  établir  deux  subdivisions.  Le 
tissu  cellulaire  qui  constitue  l’enveloppe  des  organes 
( textus  cellularis  strictus ),  a été  considéré  par  Bordeu 
comme  une  sorte  d’ atmosphère  qui  borne  leur  action 
et  leurs  phénomènes  morbides , et  les  empêche  de  s’é- 
tendre des  uns  aux  autres.  Cette  idée , adoptée  par 
Bichat,  me  paraît  peu  fondée;  la  différence  de  leur 
organisation  est  la  seule  cause  de  cet  isolement  que  les 
organes  présentent  dans  leur  action,  ainsi  que  dans 
leurs  maladies.  Quoi  qu’il  en  soit,  la  couche  cellulaire 
qui  entoure  les  organes  varie  en  épaisseur  : h part  ceux 
qui  ont  des  enveloppes  d’une  autre  nature , c’est-à-dire 
de  tissu  ligamenteux,  ou  de  tissu  séreux,  tous  la  pré- 
sentent à un  degré  plus  ou  moins  marqué.  L’enveloppe 
que  représente  cette  couche  se  continue,  d’une  part, 
avec  le  tissu  cellulaire  commun,  et  d’autre  part,  avec 
celui  qui  occupe  l’intérieur  de  l’organe.  Suivant  la 
forme  de  celui-ci,  son  enveloppe  celluleuse  est  diver- 
sement disposée.  La  peau,  les  membranes  muqueuses 
et  séreuses,  les  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques,  et 
les  conduits  excréteurs,  qui  n’ont  qu’une  de  leurs  laces 
libre,  ne  sont  en  rapport  avec  le  tissu  cellulaire  que 
d’un  côté  : au  contraire,  les  organes  pleins,  comme 
les  muscles,  sont  entourés  de  toutes  parts  parce  tissu. 
Sous  la  peau,  le  tissu  cellulaire  forme  une  couche  gé- 
néralement répandue,  si  ce  n est  aux  endroits  où  s in- 
sèrent des  muscles  ou  des  aponévroses.  Ce  tissu  sous- 
cutané  est  plus  ou  moins  dense,  suivant  les  régions  : 


DU  TISSU  CELLUAIRE.  1 3c) 

il  est  plus  serré  clans  tôute  l’étendue  de  la  ligne  mé- 
diane, excepté  au  cou,  où  cette  ligne  est  peu  prononcée. 
Bordeu  a exagéré  cette  disposition  en  disant  qu’elle  par- 
tageait tout  le  corps  en  deux  moitiés  : il  est  évident  qu’a 
une  certaine  profondeur  on  n’en  trouve  plus  de  traces. 
Dans  les  endroits  où  les  mouvemens  sont  très-marqués, 
le  tissu  cellulaire  est  plus  lâche , comme  on  le  voit  aux 
paupières,  au  prépuce,  au  scrotum,  aux  lèvres  de  la 
vulve.  Ce  tissu  est,  au  contraire,  serré  dans  les  régions 
où  la  peau  n’offre  point  de  glissemens,  comme  à la 
paume  des  mains  et  à la  plante  des  pieds,  au  devant 
du  sternum,  au  dos,  etc.  Les  membranes  muqueuses 
sont  couvertes  à leur  face  adhérente , par  un  tissu  cel-  - 
lulaire  très-dense,  qu’on  appelle  communément  mem- 
brane nerveuse.  Celui  qui  couvre  la  face  adhérente 
des  membranes  séreuses  est,  en  général,  floconneux. 
Celui  qui  existe  autour  des  canaux  leur  forme  des 
gaines  particulières,  importantes  surtout  pour  les  ar- 
tères, mais  qu’on  trouve  également  autour  des  veines, 
des  troncs  lymphatiques  et  des  conduits  excréteurs. 
Autour  des  muscles,  ce  tissu  forme  une  couche  qu’on 
appelle  leur  membrane  commune. 

§ i4o.  La  portion  du  tissu  cellulaire  qui  pénètre 
dans  les  organes , qui  en  accompagne  et  en  enveloppe 
toutes  les  parties  ( teætus  celliilciris  stipatus ),  se  comporte 
différemment  dans  les  divers  organes.  Dans  les  mus- 
cles, elle  forme  pour  chaque  faisceau  une  enveloppe,  et 
en  fournit  de  plus  petites  pour  les  faisceaux  secondaires 
et  pour  les  fibres  qui  composent  ces  derniers  : le  tissu 
cellulaire  «1  un  muscle  représente  ainsi  une  suite  de 
canaux  emboîtés  , se  continuant  les  uns  avec  les 


l4°  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

autres , de  la  même  manière  que  les  enveloppes  pro- 
pr  es  aux  différens  organes  se  continuent  avec  l’enve- 
loppe générale  du  corps.  Les  glandes  sont  de  même 
entourées  dans  leurs  lobes,  leurs  lobules  et  les  grains 
qui  composent  ces  derniers,  par  des  enveloppes  cel- 
lulaires successivement  plus  petites,  et  qui,  isolées  du 
reste  de  la  glande , formeraient  une  sorte  d’éponge  cel- 
luleuse. Les  organes  composés  de  plusieurs  couches 
membraneuses,  comme  l’estomac,  l’intestin  , la  vessie, 
contiennent  du  tissu  cellulaire  entre  leurs  différentes 
couches.  Certains  organes  très-composés,  comme  les 
poumons , ont  autour  de  chacune  des  parties  qui  en- 
trent dans  leur  structure,  plus  ou  moins  de  tissu  cel- 
lulaire : la  quantité  de  ce  tissu  est,  en  général,  pro- 
portionnée au  nombre  des  parties  différentes  que 
l’organe  contient.  A mesure  que  le  ti§su  cellulaire  se 
divise  et  se  subdivise  pour  embrasser  les  parties  les 
plus  fines  des  organes,  il  devient  lui-même  plus  fin, 
et  son  enveloppe  plus  mince  : c’est  ainsi  que  les  arté- 
rioles ont  autour  d’elles  un  tissu  cellulaire  plus  fin  que 
celui  qui  entoure  les  grosses  artères.  Les  enveloppes 
formées  par  le  tissu  cellulaire  sont,  eti  général,  d’au- 
tant plus  épaisses  que  les  parties  exécutent  plus  de 
mouvemens  : voilà  pourquoi  ce  tissu  est  plus  abondant 
dans  les  muscles  que  dans  les  glandes.  Certains  or- 
ganes, comme  les  ligamens,  les  tendons,  les  os,  les 
cartilages,  ne  renferment  point  dans  leur  épaisseur  de 
tissu  cellulaire  libre  et  bien  distinct.  En  général,  pour 
qu’il  soit  apparent,  il  laut  que  les  organes  présentent 
des  intervalles  appréciables  entre  leurs  parties  compo- 
santes : ainsi , les  ligamens  qui  ont  des  fibres  apparentés, 


DU  TISSU  CELLULAIRE.  l4l 

présentent  aussi  du  tissu  cellulaire  qui  sépare  ces  fibres, 
et  on  n’en  remarque  pas  dans  les  autres. 

§ 1 4 1 . Non -seulement  le  tissu  cellulaire  entre 
dans  la  composition  de  tous  les  oragnes , mais  en- 
core il  fait  la  base  de  tous  ( textus  cellularis  orga - 
nicus , seu  parenchymalis  ) , et  compose  à.  lui  seul  plu- 
sieurs d’entre  eux  ; c’est  lui , ou  , si  l’on  veut,  la  fibre 
ou  la  substance  qui  le  compose  , qui  constitue , seu- 
lement avec  des  degrés  divers  de  consistance  , les 
membranes  séreuses,  le  derme,  les  vaisseaux,  les  tissus 
ligamenteux,  presque  toutes  les  parties,  en  un  mot, 
à l’exception  des  nerfs  et  des  muscles  ; encore  ceux-ci 
ne  diffèrent-ils  du  tissu  cellulaire  que  par  les  globules 
surajoutés  à ce  tissu.  Les  parties  cornées  et  épidé- 
dermiques  seules , n’ont  rien  de  commun  avec  le  tissu 
cellulaire.  Haller  et  quelques  autres  anatomistes  ont 
rangé  dans  le  tissu  cellulaire  les  tissus  spongieux  ou 
caverneux , et  les  vésicules  aériennes  des  poumons  ; 
mais  ces  parties  ont  une  disposition  propre  qui  ne 
permet  pas  de  les  confondre  avec  le  tissu  cellulaire. 
Les  cavités  de  la  membrane  hyaloïde,  comprises  éga- 
lement par  Haller  dans  le  tissu  qui  nous  occupe , 
doivent  également  en  être  distinguées. 

§ 142.  Les  anatomistes  sont  peu  d’accord  sur  la  con- 
lormation  intérieure  du  tissu  cellulaire.  Les  uns  le 
considèrent,  avec  Haller,  comme  ayant  des  cellules 
distinctes , d’une  forme  et  d’un  volume  déterminés  , 
lormées  par  l’entrecroisement  de  lamines  et  de  fila- 
mens  multipliés.  Les  autres,  au  contraire,  tels  que  Bor- 
deu,Wolff,  M. Meckel , disent  que  ce  tissu  n’est  qu’une 
substance  visqueuse , tenace,  continue,  dépourvue  de 


l4r2  ANATOMIE  GENERALE. 

lames  et  de  cellules,  et  regardent  celles-ci,  quand  elles 
existent , comme  le  résultat  des  opérations  faites  pour 
les  démontrer.  Voici  ce  que  l’inspection  apprend  à ce 
sujet. 

Quand  on  examine  à la  loupe  la  tranche  d’un  muscle, 
on  reconnaît  que  les  fibres  ne  se  touchent  pas,  mais 
sont  séparées  par  une  substance  transparente;  si  l’on 
écarte  ces  fibres,  cette  substance  forme  des  filamens 
qui  se  dessinent  à mesure  que  I on  tire,  et  qui  finissent 
par  se  rompre.  Ceux  qui  regardent  le  tissu  cellulaire 
comme  une  sorte  de  glu  font  remarquer  qu’il  en  serait 
de  même  si  ces  fibres  étaient  séparées  par  de  la  colle. 
Autour  du  muscle  tout  entier  on  trouve  une  lame 
manifeste,  qui  prend  de  même,  par  la  distention,  la 
forme  des  filamens  ; en  soufflant  de  l’air  sous  cette  lame, 
on  la  transforme  en  cellules  irrégulières,  séparées  par 
des  espèces  de  cloisons.  Il  semblerait  donc  qu  autour  des 
parties  les  plus  petites,  le  tissu  cellulaire  est  réelle- 
ment une  sorte  de  gelée,  tandis  que  ses  lames  sont  ap- 
parentes autour  des  parties  plus  volumineuses.  Si , au 
lieu  d’air,  on  y pousse  de  l’eau  et  qu’on  la  fasse  con- 
geler, on  obtient  des  glaçons  irréguliers,  remplissant 
les  cellules;  on  arrive  au  même  résultat  quand  on  y 
injecte  une  matière  coagulable.  Mais  ces  cellules  ne 
sont  jamais  régulièrement  disposées,  et  n’ont  point 
une  forme  géométrique,  comme  on  l’a  dit  ; leur  figure 
peut  même  varier  lorsqu’on  les  reproduit  à plusieurs 
reprises  dans  le  même  endroit. 

Il  reste,  comme  on  le  voit,  une  grande  incertitude 
sur  la  question  de  savoir  si  les  lames,  les  fibres  et  les 
cellules  sont  préexistantes  dans  le  tissu  cellulaire,  ou 


DU  TISSU  CELLULAIRE. 


r 


l43 

si  elles  ne  dépendent  que  de  son  écartement.  Doué 
d’une  organisation  assez  distincte  là  où  son  épaisseur 
est  considérable,  ce  tissu  semble  inorganique  dans  les 
endroits  où  il  est  plus  mince,  et  paraît  même  comme 
diffluent  entre  les  fibres  les  plus  petites  des  muscles. 
En  admettant  l’existence  des  cellules,  doit-on  les  re- 
garder comme  fermées  de  toutes  parts,  et  ne  commu- 
niquant. ensemble  qu’après  la  rupture  de  leurs  parois, 
ou  bien  comme  des  cellules  percées  de  porosités,  ou- 
vertes dans  les  cellules  voisines,  ou  enfin  comme  des 
aréoles,  des  vides  ouverts  de  tous  côtés,  comme  des 
espaces  irréguliers  qui  subsistent  entre  les  fibres  et  les 
lames  du  tissu  cellulaire?  Cette  dernière  opinion  pa- 
raît la  plus  probable.  Mais  ces  aréoles  sont,  dans  l’état 
ordinaire,  d’une  petitesse  extrême,  microscopiques, 
à parois  contiguës,  et  l’ampliation  quelles  éprouvent 
par  l’infiltration , l’insufflation , etc. , les  altérant  beau- 
coup, les  déchirant,  ne  peut  en  donner  une  idée 
exacte. 

§ i43.  Au  reste,  le  tissu  cellulaire  se  comporte  ab 
solument  comme  s’il  était  spongieux;  les  liquides  et 
les  gaz  le  pénètrent  avec  la  plus  grande  facilité.  En 
effet,  i°  la  sérosité,  dans  l’hydropisie  de  ce  tissu,  se 
répand  toujours  dans  les  parties  les  plus  déclives,  ou 
dans  celles  qui  offrent  le  moins  de  résistance;  la  si- 
tuation du  malade  influe  sur  la  place  qu’elle  occupe; 
les  pressions  extérieures  la  déplacent  également;  une 
seule  incision  suffit  souvent  pour  lui  donner  issue  ; 
20  l’eau  que  l’on  pousse  dans  les  injections  artificielles 
se  répand  de  la  même  manière,  de  proche  en  proche, 
à travers  le  tissu  cellulaire;  3°  l’air  infiltré  dans  l’enu 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


i44 

physème,  celui  qu’on  introduit  artificiellement,  pré- 
sentent le  même  phénomène;  4°  le  sang  des  ecchy- 
moses s infiltre  de  même  au  loin  dans  le  tissu  cellu- 
laire , et  sé  dissémine  de  plus  en  plus.  Tout  cela  dé- 
montre une  communication  générale  entre  les  aréoles: 
ceux  qui  n’admettent  pas  celles-ci  expliquent  ces  faits 
par  le  peu  de  consistance  du  tissu  cellulaire.  Soit  que 
les  aréoles,  les  fibres  et  les  lames  du  tissu  cellulaire 

N 

soient  inhérens  à ce  tissu,  ou  ne  soient  que  les  effets 
des  divers  agens  de  distension,  toujours  est -il  qu’il 
présente  sous  ce  rapport  des  variétés  notables.  Dans 
certains  endroits  il  est  principalement  filamenteux  ou 
fibrilleux  ; dans  d’autres  il  est  surtout  lamineux  ou 
lamelleux , comme  aux  paupières,  au  prépuce,  au  scro- 
tum, aux  lèvres  de  la  vulve,  et  entre  les  muscles  très- 
mobiles;  il  forme  des  aréoles  d autant  plus  grandes, 
qu’il  est  lamelleux  et  lâche , et  ces  larges  aréoles  sem- 
blent être  les  premiers  rudimens  des  cavités  séreuses. 

§ 144.  Le  tissu  cellulaire  est  incolore  lorsqu’il  est 
en  lames  minces  ; il  paraît  blanchâtre  quand  son  épais- 
seur est  plus  grande,  et  surtout  lorsqu’il  est  distendu  ; 
il  est  demi-transparent.  Sa  force  de  cohésiou  varie  : 
c’est  simplement  celle  d’un  liquide  légèrement  vis- 
queux dans  quelques  endroits,  comme  entre  les  fibrilles 
musculaires;  dans  d’autres,  sa  résistance  est  presque 
égale  à celle  du  tissu  fibreux.  Ce  tissu  est  très-exten- 
sible et  très -rétractile,  comme  on  le  voir  lorsqu’on 
l insuffle,  et  qu’on  y pratique  ensuite  une  incision  : il 
revient  alors  fortement  sur  lui-même,  et  chasse  1 air 
qui  le  distendait.  Ses  propriétés  chimiques  ont  été 
étudiées  avec  soin  par  Bicliat.  Privé  d’eau  par  la  des- 


DU  TISSU  CELLULAIRE.  l45 

siccalion,  il  perd  une  partie  de  ses  qualités  physiques, 
et  en  acquiert  de  nouvelles;  dans  cet  état,  il  est  hygro- 
métrique et  susceptible  de  reprendre  son  premier  as- 
pect quand  on  le  met  dans  l’eau  : cela  lui  est  commun 
avec  presque  tous  les  tissus  organiques.  Exposé  à la 
chaleur  nue,  il  se  dessèche  rapidement,  se  crispe,  et 
finit  par  brûler,  comme  tous  les  autres  tissus,  mais  en 
laissant  tres-peu  de  cendres.  Il  résiste  beaucoup  à la 
décoction,  et  ne  se  fond  qu’après  une  ébullition  long- 
temps prolongée.  Sa  putréfaction  et  très-lente  : il  faut 
une  macération  de  plusieurs  mois , même  lorsqu’on 
a soin  de  ne  pas  renouveler  l’eau,  pour  que  la  décom- 
position de  ce  tissu  s’opère;  il  se  convertit  à la  longue 
en  une  substance  visqueuse  ressemblant  à du  muci- 
lage, et  fournit  divers  produits  qui  viennent  à la  sur- 
face du  liquide.  Fourcroy  l’a  trouvé  composé  de  gé- 
latine; John  y a rencontré,  en  outre,  une  petite 
quantité  de  fibrine,  du  phosphate  et  du  carbonate  de 
chaux. 

§ i45.  La  nature  intime  du  tissu  cellulaire  a donné 
lieu  à un  grand  nombre  d’hypothèses.  Ruyscli  suppose 
ce  tissu  entièrement  vasculaire;  Mascagni,  qui  en  parle 
à peine,  dit  qu’il  est  composé  de  vaisseaux  blancs; 
Fontana,  de  cylindres  tortueux  : d’autres  le  regardent 
comme  un  épanouissement  des  nerfs.  La  seule  base 
que  l’on  doive  y admettre  est  la  fibre  ou  substance 
cellulaire,  § 68, 85.  Il  est  parcouru  par  un  grand  nom- 
bre de  vaisseaux  , et  surtout  de  vaisseaux  séreux;  mais 
on  ne  doit  pas  le  regarder  comme  en  étant  entière- 
ment formé , car  c’est  lui  qui,  en  définitive,  forme  les 
parois  des  derniers  vaisseaux.  Le  tissu  cellulaire  a des 


l4f)  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

canaux  ou  des  cavités  qui  lui  sont  propres  : ce  sont  les 
petits  vides  ou  aréoles  dont  il  est  creusé,  ou  que  les 
liquidés  y creusent  à mesure  qu’ils  y sont  déposés,  et 
qui  par  leur  communication  en  forment  un  corps 
spongieux  et  perméable.  Presque  tous  ceux  qui  se 
sont  beaucoup  occupés  d’injections,  comme  Haller, 
Albinus,  Procliaska,  l’ont  rangé  parmi  les  parties  solides 
ou  non  injectables;  c’est-à-dire  qu’il  est  hors  du  trajet 
circulatoire  des  vaisseaux.  Le  sang  peut  néanmoins 
passer  dans  ses  canaux  ou  cavités  propres,  mais  alors  il 
y a inflammation.  Les  nerfs  paraissent  de  meme  ne 
point  s’arrêter,  ou  se  terminer,  dans  le  tissu  cellulaire. 
Ce  tissu  forme  une  véritable  substance  à part,  tra- 
versée dans  tous  les  sens  par  des  vaisseaux  sanguins 
et  des  nerfs,  et  dans  laquelle  seulement  les  premiers 
laissent  un  liquide. 

§ i4C.  Il  est,  en  effet,  continuellement  baigné  et 
humecté  d’une  liqueur  très-ténue  qui  l’imbibe,  et  dont 
la  quantité  est  à peine  sensible;  aussi  se  sert-on  du 
mot  vapeur  pour  désigner  ce  fluide.  Si  l’on  fait  une 
incision  dans  le  tissu  cellulaire  sur  un  animal  vivant, 
ce  liquide  mouille  les  doigts  introduits  dans  la  plaie: 
par  un  temps  froid,  une  vapeur  s’élève  des  tissus  di- 
visés, condensée  et-rendue  visible  par  l’air  extérieur; 
elle  provient  tout  à la  fois  du  tissu  cellulaire  et  des 
vaisseaux  blancs.  Dans  l’anasarque,  le  liquide  du  tissu 
cellulaire,  accumulé  et  peut-être  altéré,  ressemble 
beaucoup  à la  sérosité  des  hydropiques;  il  est  coagu- 
làble  comihè  cette  dernière,  et  paraît  contenir  de  même 
une  certaine  quantité  d’albumine,  de  1 eau , et  quel- 
ques sels. 


DU  TISSU  CELLULAIRE. 


i47 

§ 147.  Le  tissu  cellulaire  est  la  première  partie  formée 
dans  l'embryon  : on  le  rencontre  aussi  dans  les  ani- 
maux les  plus  inférieurs.  D’abord  liquide  et  très-abon- 
dant, ce  tissu  diminue  de  proportion  à mesure  que 
les  organes  se  développent , et  acquiert  en  même  temps 
de  la  consistance.  A la  naissance,  il  est  encore  prcsqiie 

1 

diffluent  dans  les  intervalles  des  muscles,  et  très-mou 
au-dessous  de  la  peau.  Sa  densité  devient  de  plus  en 
plus  grande  chez  le  vieillard  : il  est  presque  fibreux  à 
un  âge  avancé,  dans  des  parties  où  il  était  très-mou 
chez  l’enfant.  Le  tissu  cellulaire  est  plus  lâche  et  plus 
abo  n d an  t chez  la  fe  m m e q u e chez  1 ho  m me.  B1  u m enbach 
donne  pour  caractère  de  l'organisation  île  l’homme, 
comparée  à celle  des  autres  animaux,  de  présenter  un 
tissu  cellulaire  plus  mou  , et  pour  ainsi  dire  plus 
tendre  ; ce  qui  rend , chez  lui , les  mouvemens  plus 
faciles. 

§ i48.  La  force  de  formation  du  tissu  cellulaire  est 
très-développée  : il  est  la  première  partie  formée;  il 
s’accroît  accidentellement,  se  forme  de  toutes  pièces, 
se  reproduit,  quand  il  a été  détruit,  avec  la  plus  grande 
promptitude,  comme  on  le  voit  dans  les  plaies,  les 
adhérences,  les  végétations,  etc.  Il  jouit  d’une  force  de 
contraction  dépendante,  en  partie,  de  1 élasticité  dont 
il  est  doué,  et  en  partie  de  l’irritabilité.  Cette  dernière 
force  reçoit  ici  le  nom  de  contractilité  fibriltaire,  sta- 

a ' 

minale,  de  tonicité  : elle  se  manifeste  par  les  mouve- 
mens des  liquides  que  ce  tissu  contient  ordinairement 
ou  accidentellement,  par  le  resserrement  général  ou 
local  qu’il  éprouve  dans  divers  cas;  il  n’est  pas  bien 
évident  que  la  force  nerveuse  influe  sur  ses  eontrac- 


1 4$  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

lions,  ou  les  détermine.  Il,  n’<est  point  sensible  hors 
l’état  d’inflammation. 

§ i49*  Les  usages  et  les  fonctions  du  tissu  cellulaire, 
sont  tres-importans  ; c est  lui  qui  détermine  la  forme 
de  toutes  les  parties.  Il  est  l’unique  lien  servant  à les 
unir  entre  elles;  de  sa  cohésion  dépend  celle  de  tous 
les  autres  tissus.  Par  son  élasticité  il  facilite  les  mou- 
vemens , et  rétablit  les  organes  dans  l’état  où  ils  étaient 
avant  le  déplacement,  quand  ces  mouvemens  cessent 
d’avoir  lieu  ; aussi  ces  derniers  s’exercent-ils  d’autant 
plus  facilement,  que  le  tissu  cellulaire  jouit  mieux  de 
ses  propriétés. 

Il  est  le  siège  d’une  sécrétion  prespiratoire  très-abon- 
dante , à raison  de  son  étendue.  Le  liquide  que  les  ar- 
térioles y laissent  échapper,  y éprouve-t-il  une  sorte 
de  circulation,  ou  du  moins  de  mouvement  de  trans- 
lation? On  l’ignore  tout-à-fait.  Ce  n’est  que  dans  des 
cas  d’accumulation  morbide  qu’on  voit  le  liquide  in- 
filtré changer  de  place,  en  obéissant  à la  pesanteur,  à 
la  pression,  etc.  On  a supposé,  mais  sans  aucun  fon- 
dement solide,  que  ce  liquide  y était  dans  une  agitation 
continuelle  , dont  le  diaphragme  serait  le  principal 
moteur  par  son  abaissement  et  son  élévation  alternatifs; 
qu’il  y avait  des  courans  dans  diverses  directions;  et 
que,  par  exemple,  il  était  la  voie  secrète  par  laquelle  les 
boissons  «passent  pour  aller  de  l’estomac  à la  vessie, 
supposition  démentie  par  toutes  les  observations  exac- 
tes; qu’il  était  la  voie  des  métastases,  etc.  Quoi  qu’il  en 
soit,  le  liquide  est  repris  ensuite  par  les  vaisseaux,  de 
sorte  que  ce  tissu  est  intermédiaire  entre  une  perspira- 
tion et  une  résorption.  La  contraction  tonique  du  tissu 


DU  TISSU  CELLULAIRE.  1 2J9 

cellulaire  est  l’agent  qui  pousse  la  sérosité  de  ce  tissu 
dans  les  vaisseaux. 

Le  tissu  cellulaire  est  en  effet  l’organe  essentiel  de 
l’absorption  ; c’est  lui  qui  forme  le  corps  muqueux  de 
la  peau , la  substance  spongieuse  des  villosités  des  mem- 
branes muqueuses,  parties  qui  absorbent,  et  d’où  les 
substances  absorbées  passent  dans  les  vaisseaux.  Avant 
d’être  introduites  dans  les  vaisseaux,  les  substances 
absorbées  par  ce  tissu  cellulaire,  qu’on  peut  appeler 
extérieur  ou  superficiel,  par  opposition  à tout  le  reste, 
éprouvent  sans  doute  des  changemens  ou  élaborations. 
De  même  que  les  matières  étrangères,  avant  d’entrer 
dans  les  vaisseaux , doivent  traverser  le  tissu  cellulaire  , 
organe  de  l’absorption , de  même  aussi  celles  qui  sor- 
tent des  vaisseaux  traversent  le  tissu  cellulaire  t or- 
gane de  sécrétion,  avant  d’être  déposées  sur  les  sur- 
faces où  elles  sont  versées. 

Le  tissu  cellulaire  qui  enveloppe  chaque  organe  en 
particulier,  a été  considéré  comme  lui  formant  une 
atmosphère  isolante,  qui  circonscrirait  ses  actions,  soit 
hygides,  soit  morbides  : l’observation  dément  souvent 
cette  assertion,  et  quand  le  fait  est  vr^i,  c’est  dans  la 
texture  particulière  de  l’organe  et  dans  la  variété  des 
agens  qu’il  faut  en  chercher  l’explication,  et  non  dans 
cette  prétendue  atmosphère. 

Le  tissu  cellulaire  qui  pénètre  dans  l’épaisseur  des 
organes  en  réunit  toutes  les  parties. 

Quant  au  tissu  cellulaire  organique  ou  parenchy* 

■ # H 

mal,  il  forme  la  base  ou  l'élément  essentiel  de  chaque 
organe,  et  y présente  des  variétés  notables.  Dans  1 hy- 
pothèse la  plus  raisonnable  sur  le  siège  de  la  nutrition  , 


ANATOMIE  GENERALE. 


i5o 

on  a admis'  que  la  matière  nutritive  est  déposée  hors 
des  vaisseaux,  dans  la  substance  cellulaire,  qui  fait  la 
base  des  organes,  pour  leur  être  assimilée  ; et  qu’il  est 
ainsi  l’organe  essentiel  de  la  nutrition.  Quoi  qu’il,  en 
soit,  au  reste,  des  usages  hypothétiques  attribués  au 
tissu  cellulaire,  il  en  a incontestablement  dé  très-im- 
portans  dans  l’organisme. 

§ i5o.  Les  pliénomènes  du  tissu  cellulaire,  soit  en 
santé  , soit  en  maladie,  sont  liés  à ceux  des  autres  parties. 
Ainsi,  les  lésions  organiques  du  cœur,  et  les  déran- 
gemens  de  la  respiration  et  de  la  perspiration  pulmo- 
naire, y déterminent  souvent  une  accumulation  de 
sérosité.  La  même  chose  a lieu  dans  les  altérations  des 
diverses  sécrétions,  et  surtout  de  la  transpiration  cu- 
tanée. Ses  inflammations  déterminent  ordinairement 
la  fièvre.  L’inflammation  suppurative  que  l’on  y pro- 
voque par  les  sétons  et  les  autres  fonticules,  fai t sou- 
vent cesser  les  inflammations  des  autres  organes. 

§ i5i.  Le  tissu  cellulaire  est  sujet  à diverses  altéra- 
tions morbides.  Lorsqu’il  est  entamé  et  mis  à décou- 
vert, il  s’enflamme,  se  couvre  de  bourgeons  charnus , 
suppure,  et  enfin  se  recouvre  d’une  cicatrice  ou  nou- 
velle peau,  qui  sera  décrite  plus  loin.  (^Chap.  III.) 

Lorsqu’il  est  divisé  et  remis  en  contact  avec  lui- 
même,  il  s’agglutine  d’abord  au  moyen  d’un  liquide 
versé  par  les  surfaces  divisées  quand  le  saignement  et 
la  douleur  ont  cessé.  Plus  tard,  cette  substance  orga- 
nisable  devient  un  tissu  très-vasculaire  : alors  on  ne 
peut  plus  séparer  les  lèvres  de  la  plaie  sans  produire 
de  la  douleur  et  renouveler  l’écoulement  du  sang.  Ce 
nouveau  tissu  reste  pendant  long-temps  plus  compacte, 


DU  TISSU  CELLULAIRE. 


l;>  I 


plus  ferme  et  plus  vasculaire  que  le  tissu  cellulaire  qu’il 
réunit,  et  avec  lequel  il  Finit  par  se  confondre. 

C’est  par  une  production  semblable  que  s’opèrent 
toutes  les  réunions  de  parties  divisées,  avec  des  niodi? 
ficalions  relatives  à chaque  tissu,  et  qui  seront  exami- 
nées en  leur  lieu. 

C’est  encore  de  la  meme  manière  que  s’établissent  les 
adhérences  entre  les  surfaces  contiguës  des  membranes 
séreuses  et  tégumentaires , adhérences  qui  seront  dé- 
crites à l’occasion  de  ces  membranes.  ( Chap.  Il,  III.) 

Le  tissu  cellulaire  est  susceptible  d’un  accroissement 
extraordinaire  : il  pousse  quelquefois  des  espèces  de 
végétations  ou  d’exubérances  vasculaires,  lorsqu’il  est 
dénudé.  La  reproduction  de  ce  tissu  est  aussi,  en  géné- 
ral, d’autant  plus  facile,  qu’il  en  reste  une  plus  grande 
quantité  dans  la  partie  où  il  a été  lésé;  il  semble  que 
cette  reproduction  dépende,  en  grande  partie,  /le 
l’extension  du  tissu  cellulaire  préexistant. 

L’inflammation  du  tissu  cellulaire,  ou  le  phlegmon, 
est  caractérisée  par  divers  changemens  qu’éprouve  ce 
tissu.  Le  premier  de  ces  changemens  est  un  accroisse- 
ment de  vascularité  très -marqué  Le  tissu  cellulaire 
enflammé  devient,  en  outre,  sensible  et  douloureux. 
Il  perd  entièrement  sa  perméabilité  ; les  liquides  ces- 
sent de  pouvoir  le  traverser;  sa  consistance  aug- 
mente, et  sa  ténacité  diminue  : il  se  déchire,  se 
rompt  par  la  pression,  au  lieu  de  s’allonger,  comme 
il  faisait  auparavant.  Cette  sorte  de  fragilité  qu’acquiert 
le  tissu  cellulaire  rend  raison  de  certains  phénomènes; 
elle  explique  pourquoi  la  ligature  d’un  vaisseau  dé- 
termine souvent  la  section  des  tissus  environnans  , 


I 5'2 


ANATOMIE  GENERALE. 


pourquoi , à la  suite  des  péritonites , il  est  quelquefois 
si  facile  de  séparer  l’intestin  de  la  tunique  que  lui  forme 
le  péritoine.  L’inflammation  du  tissu  cellulaire  peut 
se  terminer  d’une  manière  insensible,  et  alors  ce  tissu 
reprend  peu  à peu  toutes  ses  propriétés  : c’est  ce  qu’on 
voit  dans  la  terminaison  dite  par  résolution.  Dans  d’au- 
tres cas-,  le  tissu  cellulaire  sécrète  un  liquide  parti- 
culier, qui  porte  le  nom  de  pus,  et  qui  sera  décrit 
plus  loin,  ce  qui  constitue  la  terminaison  par  sup- 
puration. Ce  liquide  se  rassemble  ordinairement  dans 
un  point  déterminé,  qui  s’étend  progressivement  à 
la  circonférence,  tant  que  la  sécrétion  persiste.  Celle- 
ci  est  du  genre  des  sécrétions  perspiratoires  ; le  pus  est 
fourni  directement  par  le  sang,  et  offre  même,  dans 
sa  composion,  quelque  analogie  avec  ce  fluide.  Pour 
peu  que  la  maladie  ait  une  marche  lente,  les  parois  de 
l’abcès  sont  tapissées  par  une  membrane.  Cette  mem- 
brane est  doublée , à l’extérieur , par  une  couche  plus 
ou  moins  épaisse  de  tissu  cellulaire  compacte.  Cette 
couche  est  moins  marquée,  et  la  membrane  est  presque 
exactement  isolée,  quand  la  maladie  dure  depuis  un 
certain  temps , le  tissu  cellulaire  ayant  repris  ses  pro- 
priétés autour  d’elle.  Les  abcès  sont  le  siège  d’une 
sécrétion  et  d’une  résorption  continuelles;  l’absorption 
entière  du  pus  qu’ils  contiennent,  et  les  effets  que  la 
présence  de  ce  fluide  produit  quelquefois  dans  l’éco- 
nomie en  sont  la  preuve.  Le  pus  formé  dans  l’intérieur 
des  abcès  finit  le  plus  souvent  par  arriver  à l’extérieur. 
L’abcès  se  vide,  les  parois  se  resserrent,  restent  quel- 
que temps  endurcies,  et  finissent  par  reprendre  les 
caractères  du  tissu  cellulaire.  Quand  la  sécrétion  et 


DU  TISSU  CELLULAIRE. 


I 53 


l’écoulement  du  pus  persistent,  le  canal  qui  fait  com- 
muniquer l’abcès  au  dehors , et  qui  porte  le  nom  de 
sinus  ou  fistule,  se  revêt  d’une  membrane  distincte, 
offrant  les  caractères  des  membranes  muqueuses,  et 
dont  l’histoire  appartient  à celle  de  ces  membrames. 
Après  certaines  inflammations  gangréneuses,  le  tissu 
cellulaire  devient  tellement  serré  par  la  perte  de  sub- 
stance qu’il  a éprouvée,  que  la  peau,  les  muscles,  les 
aponévroses,  sont  confondues  : mais  dans  ce  cas,  si 
l’individu  est  jeune  et  robuste,  le  tissu  cellulaire  peut 
se  reproduire  et  reprendre  toutes  ses  propriétés. 
L’inflammation  du  tissu  cellulaire  persiste  quelquefois 
indéfiniment,  de  sorte  que  ce  tissu  reste  dur  et  imper- 
méable; cela  constitue  l’induration.  Cet  état  existe  dans 
les  callosités  des  ulcères  et  des  fistules,  qui  sont  évi- 
demment le  résultat  d’une  inflammation  chronique  du 
tissu  cellulaire.  La  maladie  des  Barbades,  l’une  des  va- 
riétés  de  l’éléphantiasis,  offre  de  même,  les  caractères 
de  l’induration. 

Les  enfans  nouveau-nés  sont  sujets  à un  endurcis- 
sement du  tissu  cellulaire,  dans  lequel  on  ne  trouve 
point  le  caractère  inflammatoire  : cet  endurcissement 
s observe  au-dessous  de  la  peau,  et  quelquefois  dans 
les  intervalles  des  muscles.  Ce  n’est  du  reste , comme 
les  observations  de  M.  Breschet  l’ont  appris,  qu’un 
phénomène  secondaire  de  la  persistance  du  trou  inter- 
auriculaire du  cœur,  et  du  défaut  ou  de  l’imperfection 
de  la  respiration. 

De  1 air  peut  s’infiltrer  dans  le  tissu  cellulaire,  ce 
qui  constitue  l’emphysème.  Quand  le  malade  ne  suc- 
combe pas  à cet  accident,  l’air  épanché  s’échappe  par 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


i54 

les  incisions  que  l’on  pratique  ou  par  les  plaies  qui 
peuvent  exister,  ou  bien  cet  air  ce  combine  avec  les 
fluides  contenus  dans  le  tissu  cellulaire , et  disparaît 
par  absorption.  La  leucophlegmatie  ou  l’anasarque, 
consiste  dans  une  accumulation  de  sérosité  dans  le 
tissu  cellulaire.  Dans  les  ecchymoses , le  tissu  cellulaire 
contient  du  sang  disséminé  dans  ses  aréoles.  Tous  les 
liquides  organiques  peuvent  s’infiltrer  accidentellement 
dans  ce  tissu,  dans  lequel  ils  produisent  des  inflamma- 
tions plus  ou  moins  vives  , lorsqu’ils  sont  de  nature 
exerémentilielle. 

Les  corps  étrangers  solides,  introduits  dans  le  tissu 
cellulaire,  ne  restent  pas  en  général  long-temps  à 
la  même  place,  mais  sont  ordinairement,  comme  le 
pus,  portés  à la  surface,  et,  s’ils  sont  pesans,  obéissent 
aussi  en  partie  aux  lois  de  la  pesanteur.  11  est  évi- 
dent que  ce  n’est  pas  en  traversant  de  prétendues 
cellules,  que  ces  corps  cheminent  ainsi  à travers  le 
tissu  cellulaire.  Celui-ci  présente,  autour  deux,  trois 
phénomènes  distincts  : il  sécrété  du  pus  à leur  surface , 
se  réunit  et  reprend  sa  mollesse  et  sa  perméabilité  der- 
rière eux,  et  s’ulcère  au  devant.  On  trouve  donc  là 
réunis  trois  des  genres  d’inflammation  admis  par 
J.  Hunter,  savoir,  l’inflammation  adhésive,  suppura- 
tive et  ulcérative;  l’ensemble  de  ces  phénomènes  a reçu 
le  nom  d’inflammation  éliminatoire.  Il  peut  arriver  que 


les  corps  étrangers  séjournent  dans  le  tissu  cellulaire, 
soit  à cause  de  leur  pesanteur  spécifique  peu  considé- 
rable, soit  par  la  densité  du  tissu  environnant  : une 


membrane  se  forme  alors  autour  deux. 

Le  tissu  cellulaire  contient  dans  quelques 


circons- 


DU  TISSU  CELLULAIRE.  l55 

tances  des  corps  étrangers  animés  on  des  vers  : le 
cysticercus  celluloses,  ainsi  nommé  à cause  de  son  siège 
dans  le  tissu  cellulaire,  la filaria  medinensis  ou  dra- 
gonneau, dont  l’existence  ne  saurait  être  révoquée  en 
doute,  y ont  été  rencontrés;  on  y a trouvé,  dans  les 
animaux,  des  larves  d ’œstrus. 

Le  tissu  cellulaire  peut  éprouver  diverses  transfor- 
mations. Les  transformations  séreuse,  fibreuse , osseuse, 
cartilagineuse,  qui  se  développent  dans  le  tissu  cellu- 
laire, seront  décrites  avec  les  tissus  naturels  auxquels 
elles  appartiennent. 

Les  kystes,  dont  le  tissu  cellulaire  est  le  siège,  seront 
de  même  examinés  à l’article  des  membranes  séreuses 
et  tégumentaires , avec  lesquelles  ils  ont  une  grande 
analogie. 

O 

Quand  un  organe  vient  à disparaître  accidentelle- 
ment, on  le  dit  transformé  en  tissu  cellulaire  : cela 
n’est  peut-être  pas  parfaitement  exact;  le  tissu  cellu- 
laire, dans  ce  cas,  ne  fait  que  prendre  la  place  de  l’or- 
gane atrophié,  qui  auparavant  le  maintenait  écarté. 

Les  dégénérations  diverses  peuvent  être  regardées 
comme  appartenant  spécialement,  au  tissu  cellulaire  : 
c est  ce  tissu  qui  paraît  en  être  la  base,  car  ces  dégé- 
nérations se  ressemblent  partout.  Cependant,  comme 
elles  sont  communes  à tous  les  organes,  je  renvoie  leur 
histoire  après  celle  de  tous  les  autres  tissus.  Au  reste, 
le  tissu  cellulaire,  là  où  il  est  libre  dans  les  interstices 
des  organes,  est  affecté  de  ces  dégénérations,  comme 
dans  les  endroits  où  il  fait  partie  des  organes  eux-mêmes. 


J56  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

\ . 1 f 

SECONDE  SECTION. 

r 

DU  TISSU  ADIPEUX. 

§ i5 2.  Le  tissu  adipeux,  ainsi  nommé  à cause  de  la 
graisse  ( adeps ) qu’il  contient,  résulte  de  la  réunion 
de  vésicules  très  - petites , microscopiques,  entassées, 
grouppées  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  réunies 
entre  elles  par  du  tissu  cellulaire  lamineux,  et  servant 
de  réservoir  à la  graisse.  On  en  distingue  deux  sortes  : 
l’une  est  le  tissu  adipeux  commun,  ou  le  tissu  grais- 
seux proprement  dit  ; l’autre  est  ftf  tissu  adipeux  ou 
médullaire  des  os. 

ARTICLE  PREMIER. 

DU  TISSU  ADIPEUX  COMMUN. 

§ i53.  Il  a été  désigné  sous  les  noms  de  tissu  cellu- 
laire graisseux,  de  membrane  graisseuse,  toile,  tu- 
nique, vésicules  adipeuses,  etc.  ; on  l’a  encore  nommé 
panniculè  graisseux, parce  qu’il  forme  une  couche  im- 
médiatement située  au-dessous  de  la  peau. 

§ i54.  Ce  tissu  a été  confondu  pendant  long-temps 
avec  le  tissu  cellulaire,  que  l’on  disait  contenir  tantôt 
de  la  sérosité,  tantôt  de  la  graisse,  et  former,  dans  ce 
dernier  cas,  le  tissu  graisseux.  Malpighi  a,  l’un  des 
premiers,  élevé  des  doutes  à ce  sujet,  et  a vu  la  graisse 
, former  des  espèces  de  grains  appendus  aux  vaisseaux 
sanguins.  Swammerdam  a vu  de  même,  que  la  graisse 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


i57 

est  une  huile  liquide  renfermée  dans  des  membranules. 
Morgagni  a également  reconnu  que  la  graisse  contient 
des  grains  qu’il  compare  à ceux  des  glandes;  Bergen  a 
distingué,  l’iin  des  premiers,  deux  espèces  de  tissu 
cellulaire,  dont  l’un,  qu’il  appelle  lamineux , corres- 
pond au  tissu  graisseux.  W.  Hunter  a donné  les  carac- 
tères distinctifs  de  ce  tissu  , caractères  qui  ont  été 
ensuite  reconnus  et  plus  ou  moins  exactement  déter- 
minés par  Jansen , Wolff,  M.  Chaussier,  Prochaska, 
Gordon,  Mascagni,  moi,  etc.  Haller  nie  l’existence  de 
ce  tissu , et  n’admet  que  les  aréoles  du  tissu  cellulaire , 
comme  parties  contenantes  de  la  gfaisse  ; son  opinion  a 
été  adoptée  par  Bichat,  par  M.  Meckel,  etc.  ; mais  nous 
verrons  plus  bas  que  cette  opinion  est  peu  fondée.  Le 
tissu  graisseux  a été  décrit  avec  soin  dans  plusieurs 
ouvrages  T,  et  figuré  dans  quelques-uns  2. 

§ 1 55.  Le  tissu  adipeux  a des  formes  diverses,  sui- 
vant les  endroits  où  on  l’examine.  Sous  la  peau , il 
forme  une  couche  plus  ou  moins  épaisse,  et  généra- 
lement répandue.  Il  représente  des  masses  arrondies 
dans  l’orbite,  dans  l’épaisseur  des  joues,  dans  l’inté- 
rieur du  bassin , au  devant  du  pubis,  autour  des  reins,  etc. 
Ces  masses  sont  pyriformes,  pédiculées,  au  bord  libre 
de  l’épiploon,  dans  les  appendices  épiploïques  de  l’in- 
testin et  au  niveau  des  ouvertures  que  l’on  trouve  à 
l’extérieur  du  péritoine.  Dans  l’épiploon,  la  graisse  est 

1 M.  Malpighi,  De  omento , pinguedine , etc.,  in  ejusd. 
ope?\  ornn.  et  posth.  — Bergen,  op.  cit.  — W.  Hunter.  op. 
cit.  — Wolff.  op.  cit.  — W.  X.  Jansen.  Pinguedinis  animalis 
ronsideratio physiologica  et  pathologica.  Lugd.  bat.  1784. 

* Mascagni.  Prodromo  délia  grande  anotomia% 


1 58 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


disposée  sous  la  lorme  de  réseaux  ou  de  rtihans  qui 
suivent  le  trajet  des  vaisseaux. 

§ i56.  Quoique  la  graisse  ne  soit  pas  aussi  univer- 
sellement répandue  que  le  tissu  cellulaire , on  la  trouve 
pourtant  dans  beaucoup  d’endroits. 

Le  canal  vertébral  en  renferme  une  petite  quantité 
en  dehors  de  la  dure-mère.  A la  tête,  il  en  existe  beau- 


coup , surtout  à la  face,  dans  les  échancrures  paroti- 
diennes, aux  joues,  etc.  Le  cou  en  présente  davantage 
en  arrière  qu’en  avant.  A la  poitrine,  l’extérieur  et 
l’intérieur  de  cette  cavité  en  offrent  une  quantité  no- 
table, tant  aux  environs  du  cœur  qu’entre  les  muscles 
pectoraux  et  autour  des  mamelles.  La  graisse  de  l’ab- 
domen est  principalement  située  à l’extérieur  des  reins, 
dans  le  bassin,  dans  l’épaisseur  du  mésentère,  de  l’épi- 
ploon et  des  appendices  épiploïques.  Aux  membres,  la 
graisse  est  plus  abondante  au  niveau  des  articulations, 
dans  le  sens  de  la  flexion,  ainsi  que  dans  les  endroits 
qui  sont  exposés  à des  pressions  habituelles,  comme 
la  fesse,  la  plante  du  pied. 

Le  tissu  graisseux  se  comporte  différemment,  relati- 
vement à chaque  organe  en  particulier.  Celui  qui  est 
aü-dessous  de  la  peau  existe  constamment,  à moins 
d’une  maigreur  extrême,  et  se  prolonge  dans  les  aréoles 
du  derme.  On  n’en  trouve  point  au-dessous  des  mem- 
branes muqueuses.  Les  membranes  séreuses  et  sy- 
noviales sont  doublées,  au  contraire,  par  ce  tissu, 
particulièrement  dans  F épaisseur  de  leurs  replis.  Le 
tissu  adipeux  qui  entoure  les  muscles,  pénètre  égale- 
ment dans  l’épaisseur  de  ceux  qui  sont  divisés  en  lais 
ceaux  distincts,  comme  le  grand  fessier,  etc.  Dans  les 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


*&9 

glandes  tabulées,  on  en  distingue  dans  l'intervalle  des 
lobes.  La  gaîne  des  vaisseaux  en  renferme  en  general 
tort  peu.  Les  nerfs  volumineux,  comme  le  nerf  ischia- 
tique,  en  contiennent  de  petits  amas  entre  leurs  fibres. 
Les  ligamens  fascicules  en  offrent  de  semblables  entre 
leurs  faisceaux.  Enfin  , dans  les  os,  la  graisse  est  con- 
sidérée à part. 

§ 157.  La  graisse  manque  entièrement  dans  certai- 
nes parties , comme  sous  la  peau  du  crâne,  du  nez,  de 
l’oreille,  du  menton,  où  la  ligne  médiane  en  est  entiè- 
rement privée;  il  en  existe  de  même  fort  peu  entre  la 
peau  et  le  pea acier.  On  n’en  trouve  presque  point  vis- 
à-vis  l’insertion  du  deltoïde,  ce  qui  fait  que  cette  partie 
reste  toujours  enfoncée,  même  chez  les  sujets  les  plus 
gras.  Ce  fluide  manque  également  autour  des  tendons 
longs  et  grêles,  et  dans  les  intervalles  des  muscles  qui 
exécutent  de  grands  mouvemens,  comme  entre  le  triceps 
et  le  droit  antérieur  de  la  cuisse,  le  biceps  et  le  bra- 
chial antérieur,  les  jumeaux  et  le  soléaire.  L’épaisseur  des 

/ 

viscères  est  le  plus  souvent  dépourvue  de  graisse  : il  n’y 
en  a point  dans  les  parois  de  l’estomac,  de  l’utérus,  dans 
la  rate,  le  foie.  Les  paupières,  le  pénis,  les  petites  lèvres 
de  la  vulve,  en  sont  également  privés.  Au  reste, 
la  quantité  de  graisse  qui  existe  dans  le  corps,  varie 
beaucoup;  mais  il  y a des  parties  qui  n’ien  contiennent 
jamais,  même  dans  l’embonpoint  le  plus  considérable, 
et  d’autres  dans  lesquelles  le  marasme  le  plus  com- 
plet ne  la  fait  jamais  entièrement  disparaître.  Chez 
un  homme  adulte  et  d’un  embonpoint  ordinaire,  la 
graisse  forme  environ  la  vingtième  partie  du  poids  du 
corps. 


I 


i6o  ANATOMIE  GENERALE. 

§ i58.  Le  tissu  graisseux  est,  en  général,  d’une 
couleur  blanc -jaunâtre,  et  d’une  consistance  molle, 
mais  variable,  suivant  les  régions  du  corps,  suivant, 
l’âge,  etc. 

§ 1 59.  Quelle  que  soit  la  forme  extérieure  du  tissu  adi- 
peux, les  masses  qu’il  représente  se  divisent  en  masses 
plus  petites , du  volume  d’un  pois  à celui  d’une  noisette , 
plus  petites  à la  tête , plus  grosse  autour  des  reins. 
Ces  masses  sont  plongées  dans  le  tissu  cellulaire  ; leur 
forme  varie;  en  général  obronde,  elle  est  allongée, 
ovoïde  sur  la  ligne  médiane  de  l’abdomen,  l’une  des 
extrémités  tenant  à la  peau,  et  l’autre  à l’aponévrose. 
On  peut  les  réduire  par  la  dissection  en  lobules  ou 
grains  adipeux,  qui,  examinés  au  microscope,  parais- 
sent eux-mêmes  composés  d’une  infinité  de  petites  vé- 
sicules d’un  huit  centième  à un  six  centième  de  pouce 
de  diamètre.  On  peut  donc  regarder  le  tissu  graisseux 
comme  composé  de  vésicules  agglomérées,  réunies  en 
grains , qui  sont  rassemblés  à leur  tour  pour  former 
des  masses.  Il  résulte  de  ces  dispositions  que  la  struc- 
ture de  ce  tissu  n’est  point  aréolaire,  mais  qu  elle  res- 
semble plutôt  à celle  des  fruits  de  la  famille  des  hes- 
péridées,  comme  les  oranges,  les  citrons,  qui  offrent 
de  même , et  d’une  manière  visible , des  vésicules 
membraneuses,  attachées  à des  cloisons  qui  les  sé- 
parent. Les  vésicules  graisseuses , ainsi  que  les  grains 
et  les  masses  qu’elles  forment,  sont  pourvues  d’un 
petit  pédicule  qui  leur  est  fourni  par  les  vaisseaux 
logés  dans  leurs  intervalles , et  peuvent  être  compa- 
rées, sous  ce  rapport,  à des  grains  de  raisin  suppor- 
tés par  leurs  pédicelles.  Au  reste,  ces  vésicules  sont 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


l6*I 


tellement  minces,  qu’il  est  impossible  de  distinguer 
leurs  parois  : mais  il  existe  des  preuves  bien  certaines 
de  leur  existence.  En  effet,  si  la  graisse  était  libre,  elle 
ne  formerait  pas  des  masses  régulières  et  distinctes. 
C’est  à tort  que  Haller  et  plusieurs  autres  ont  prétendu 
que  cette  forme  était  inhérente  à la  graisse,  car  celle-ci 
ne  présente  pas  des  gobules  et  n’a  , par  elle-même,  au- 
cune figure  déterminée.  Si  l’on  place  sous  le  micros- 
cope quelques  - unes  de  ces  vésicules  plongées  dans 
l’eau  tiède,  on  ne  voit  pas  d’huile  à leur  surface;  mais 
en  les  entamant,  il  s’en  échappe  aussitôt  quelques 
gouttes  qui  surnagent  sur  le  liquide.  Ajoutez  à ces  con- 
sidérations , que  la  graisse  étant  fluide  sur  le  vivant , 
comme  le  prouve  son  écoulement  lorsqu’on  divise  les 
tissus,  elle  devrait  s’infiltrer  comme  la  sérosité,  sinon 
dans  l’état  de  santé,  au  moins  dans  l’état  de  maladie; 
or,  cela  n’a  point  lieu,  et  tout  ce  qu’on  a dit  de  l’infil- 
tration de  la  graisse  pour  expliquer  la  conformation 
des  mamelles  pendantes  de  certaines  peuplades,  des 
fesses  saillantes  de  certaines  autres,  des  bosses  dorsales 
de  quelques  animaux,  de  la  queue  volumineuse  de 
quelques  autres,  etc.,  ne  présente  qu’une  réunion  de 
faits  contradictoires  et  de  raisonnemens  absurdes. 
Roose  et  Blumenbach  ont  allégué  contre  l’existence 
des  vésicules,  le  développement  de  la  graisse  dans  des 
parties  où  ces  petits  appareils  n’existent  pas;  ils  en  con- 
cluent que  ceux-ci  ne^ont  pas  nécessaires  à la  produc- 
tion de  ce  fluide  : la  graisse  se  produit  en  effet  dans  le 
tissu  cellulaire,  mais  elle  s’y  forme  des  vésicules,  au 
heu  d’être  simplement  contenue  dans  des  aréoles  ou- 
vertes. 

1 1 


i. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


i6a 

§ 160.  Le  tissu  cellulaire  qui  existe  entre  les  vésicules 
adipeuses  est  très-fin,  comme  il  l’est  en  général  entre 
les  parties  les  plus  ténues  de  nos  organes  : ces  vési- 
cules semblent  à peine  tenir  les  unes  aux  autres,  on 
les  écarte  sans  éprouver  de  résistance.  Le  tissu  cellu- 
laire devient  plus  distinct  entre  les  grains,  et  très-appa- 
rent entre  les  masses  adispeusés;  celles-ci  sont  même 
séparées  dans  quelques  endroits  par  des  lames  fibreuses 
très-résistantes,  comme  on  le  voit  à la  plante  des  pieds, 
et  qui  ont  pour  usage  de  donner  une  grande  élasticité 
à la  graisse.  Dans  d’autres  endroits  les  masses  adi- 
peuses sont  réunies,  et  soutenues  par  des  lames  cellu- 
laires fermes,  comme  au  crâne,  au  dos,  etc.;  dans  d’au  très, 
par  un  tissu  lâche,  comme  à l’aisselle,  à l’aine,  etc. 
Du  reste,  pour  bien  voir  le  tissu  cellulaire  intermé- 
diaire aux  lobes  graisseux  , il  faut  l’examiner  sur  des 
cadavres  affectés  danasarque  ou  d’emphysème  : on 
se  convainc  aussi  par  cet  examen,  que  la  graisse  n’est 
point  libre  dans  les  aréoles  du  tissu  cellulaire;  car 
quelque  étendues,  quelque  profondes  que  soient  ces 
infiltrations  , elles  peuvent  bien  écarter,  disséquer 
pour  ainsi  dire  les  grains  adipeux,  mais  jamais  la 
graisse  11  est  mêlée  avec  le! fluide  infiltré. 

.Les  vaisseaux  sanguins  du  tissu  graisseux  sont  fa- 
ciles  à injecter.  Qn  les  voit,  aussi  parfaitement  en  exa- 
minant des  parties  où  le  sang  resté  fluide  s est  porté 
naturellement  après  la  mort.  Ces  vaisseaux  sont  plus 
apparens  chez  les  sujets  peu  avancés  en  âge,  les  lo- 
bules graisseux  étant  plus  distincts.  Leurs  divisions  et 
subdivisions  finissent  par  arriver  jusqu’aux  vésicules 
microscopiques  elles- mêmes.  Malpighi  avait  cru  ces 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


l63 


vaisseaux  surmontés  d’un  appareil  sécrétoire  et  d’un 
canal  qui  s’abouchait  dans  le  réservoir  de  la  graisse; 
il  a reconnu  lui-meme,  plus  tard,  que  cette  disposi- 
tion n existe  pas.  Les  vaisseaux  ahsorbans  des  vésicules 
sont  moins  connus  que  les  artères  et  les  veines.  Mas- 
eaoni  il  est  vrai , les  dit  composées  d’une  couche  in- 
térieure  de  vaisseaux  lymphatiques , et  d’une  couche 
extérieure  de  vaisseaux  sanguins;  mais  il  ne  rapporte 
aucun  fait  à l’appui  de  cette  opinion.  On  ne  sait  pas 
s’il  y a des  nerfs  dans  ces  vésicules. 

Quand  la  graisse  n’existe  pas,  les  vésicules  manquent 
également;  elles  disparaissent  quand  ce  fluide  cesse 
d’exister  dans  une  partie.  Hunter  dit  pourtant  qu’on 
peut  les  distinguer  même  vides;  mais  je  ne  pense  pas  . 
qu’il  en  soit  ainsi  : elles  se  confondent,  quand  elles 
disparaissent,  avec  l’élément  cellulaire. 

§ 161.  La  graisse  humaine,  extraite  du  tissu  graisseux 
qui  la  renferme,  et  purifiée  par  le  lavage,  la  fusion  et 
la  filtration,  a les  propriétés  générales  des  huiles  fixes. 
Elle  est  inodore,  d’une  saveur  douce  et  fade;  sa  cou- 
leur jaunâtre  est  due  à un  principe  colorant,  soluble 
dans  l’eau,  et  enlevé  par  le  lavage.  Elle  est  moins 
pesante  que  l’eau;  son  degré  de  fusibilité  varie  suivant 
sa  composition  : en  général  elle  est  fluide  à la  tem- 
pérature du  corps,  et  même  au-dessous,  et  quelque- 
fois beaucoup  au-dessous,  comme  à i5°  par  exemple; 
elle  est  insoluble  dans  l’eau,  peu  soluble  dans  l’alcohol 
froid;  elle  n’est  point  acide;  l’acide  que  Grell  y admettait 
est  un  résultat  de  la  distillation,  opération  dans  la- 
quelle la  graisse  fournit  en  effet  dès  acides  carbonique, 
acétique  et  sébaciquc,  et  plusieurs  autres  produits  de 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


l64 

la  réaction  de  ses  élémens.  Elle  se  convertit  par  l’action 
des  bases  alcalines  énergiques,  en  principe  doux,  et 
en  acides  rnargarique  et  oléique,  Par  son  exposition  à 
1 air  et  à la  lumière  elle  se  rancit  : il  y a production  d’un 
acide  volatil,  d’une  odeur  forte. 

La  composition  élémentaire  de  quelques  graisses  a 
été  examinée  par  MM.  Bérard  et  Th.  de  Saussure;  c’est 
une  combinaison  en  proportions  dilférentes,  suivant 
les  animaux,  de  carbone,  d’hydrogène  et  d’oxygène: 
celle  de  la  graisse  humaine  n’a  pas  été  déterminée. 

Avant  les  travaux  de  M.  Ghevreul  1 les  graisses  pas- 
saient pour  des  principes  immédiats.  Il  a fait  voir  qu’elles 
sont  essentiellement  formées  de  deux  matériaux  or- 
ganiques : la  stéarine,  fusible  à 5o°  environ,  et  l’élaïne, 
encore  liquide  à zéro  : c’est  de  leur  proportion  que  ré- 
sulte le  degré  de  fusibilité  de  chaque  sorte  de  graisse. 
On  sépare  ces  deux  matériaux  immédiats,  l’un  de  l’autre, 
en  traitant  la  graisse  par  l’alcohol  bouillant,*  par  le  re- 
froidissement, la  plus  grande  partie  de  la  stéarine  se 
précipite  avec  un  peu  d’élaïne,  celle-ci  reste  en  solution 
dans  l’alcohol  avec  un  peu  de  stéarine.  On  peut  encore 
les  séparer  par  la  congélation,  qui  fait  d’abord  figer 
la  stéarine  avec  un  peu  d’élaïne.  On  peut  aussi  les 
isoler  par  l’absorption  du  papier  non  collé,  qui  enlève 
l’élaïne,  et  laisse  sa  surface  la  stéarine. 

§ 162.  La  graisse  du  tissu  adipeux  n’est  pas  la  seule 
matière  grasse  que  l’on  rencontre  dans  l’organisation  ani- 
male, et  dans  celle  de  l’homme  en  particulier.  On  trouve 

1 Annales  de  Chimie,  tom.  XCIV.  - — Ann.  de  Chim.  et 
de  phys. , tom.  II  et  VII.  i 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


1 65 


dans  le  sang  une  matière  grasse  cristallisable.  Malpighi, 
Haller,  et  d’autres,  avaient  déjà  cru  que  de  la  graisse 
libre  circulait  avec  le  sang  : c’est  une  erreur,  du  moins 
je  ne  l’ai  jamais  vu;  mais  M.  Chevreul  a récemment 
trouvé  dans  le  sang  une  matière  grasse  qui  y est  en  solu- 
tion , par  l’intermède  des  autres  matériaux  de  cette  hu- 
meur. Le  beurre  est  encore  une  matière  grasse,  colo~ 
rée  et  odorante,  en  solution  dans  le  lait.  Il  y a égale- 
ment dans  la  substance  nerveuse  une  matière  grasse 
cristallisable,  analogue  à celle  du  sang.  Enfin,  dans  des 
cas  maladifs,  et  dans  des  altérations  cadavériques,  on 
trouve  encore  d’autres  matières  grasses  dans  le  corps 
humain. 

§ i63  . Le  tissu  adipeux  présente  quelques  différences 
dans  les  animaux  ; il  existe  chez  le  plus  grand  nombre  : 
on  le  trouve  dans  les  articulés,  les  mollusques  et  les  ver- 
tébrés. Dans  ces  derniers,  la  graisse  présente  divers 
degrés  de  consistance,  de  coloration,  etc.,  elle  est 
très- fluide  dans  les  poissons  et  les  cétacés:  la  tête  du 
physeter  macrocephalus  contient  une  huile  liquide  , 
dans  laquelle  on  trouve  une  matière  grasse  concrète; 
c est  le  hlanc  de  baleine  ou  la  eétine.  Elle  est  molle 
dans  le  porc , où  elle  forme  le  saindoux,  ferme  dans  les 
ruminanSjpù  elle  est  appelée  suif,  etc.  Le  volume  des 
vésicules  adipeuses  n’est  pas  le  même  chez  tous  les 
animaux  : suivant  les  observations  de  Wolff,  elles  aug- 
mentent successivement  de  grosseur  dans  la  poule, 
loie,  1 homme,  le  bœuf  et  le  porc.  La  graisse  s’accu- 
mule aussi  dans  des  régions  différentes,  dans 'Vli vers 
animaux,  comme  sur  le  dos  des  chameaux,  dans  la 
queue  de  quelques  moutons,  etc.  Dans  l’espèce  humaine 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


I 66 

même  , la  tribu  des  Bosjesmans  est  remarquable  par 
la  saillie  graisseuse  des  fesses  chez  les  femmes  : on  en 
a vu  un  exemple  récent  dans  la  Venus  Hottentote. 

§ i64  Les  dilférens  degrés  de  l’embonpoint  établis- 
sent des  différences  très-grandes  dans  la  quantité  de  la 
graisse.  Elle  forme,  dans  l’obésité,  depuis  la  moitié 
jusqu’aux  quatre  cinquièmes  du  poids  total  du  corps. 
Au  contraire,  dans  la  maigreur  extrême,  la  graisse 
n’existe  que  dans  quelques  endroits.  Les  femmes  pos- 
sèdent en  général  plus  de  graisse  que  les  hommes. 
Suivant  lage,  il  existe  sous  ce  rapport  des  particu- 
larités assez  remarquables.  Le  fœtus  est  entièrement 
dépourvu  de  graisse  jusqu’à  mi-terme.  Depuis  cette 
époque  jusqu’à  la  naissance,  la  graisse  s’accumule  suc- 
cessivement dans  les  diverses  parties.  Elle  n’existe  d’a- 
bord que  sous  la  peau,  et  s’y  produit  par  grains  isolés, 
qui  en  rendent  l’étude  très-facile  à cet  âge.  A la  nais- 
sance, on  en  trouve  déjà  une  grande  quantité  sous  les 
tégumens,  dans  l’épaisseur  des  joues;  lepiploon  en 
offre  quelques  grains  isolés.  La  quantité  de  la  graisse 
augmente  à mesure  que  l’accroissement  a lieu  ; elle  finit 
par  occuper  les  interstices  musculaires,  mais  ce  n’est 
que  fort  tard  qu’elle  se  produit  autour  des  viscères. 
L’âge  mûr,  ou  l’époque  à laquelle  l’accroissement  est 
terminé,  est  aussi  celle  de  l’obésité:  on  observe  quel- 
quefois celle-ci  chez  les  enfans,  mais  cela  est  beaucoup 
plus  rare.  Dans  la  vieillesse , la  quantité  de  la  graisse 
diminue,  principalement  au-dessous  de  la  peau  : ce 
fluide  existe  alors  spécialement  à l’intérieur,  comme 
autour  du  copur,  dans  les  cavités  médullaires  des  os,  etc. 
§ i65.  Les  propriétés  et  les  fonctions  du  tissu  grais- 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


167 

seux  n’ont  rapport  qu’à  la  sécrétion  de  la  graisse.  Cette 
sécrétion  ne  s’opère  point  dans  des  glandes  ni  dans  des 
conduits  particuliers  : Heister  et  Fanton  ont  des  pre- 
miers élevé  des  doutes  sur  l’existence  de  ces  glandes, 
dont  beaucoup  d’auteurs  ont  parlé  depuis  1 erreur  de 
Malpighi  à ce  sujet.  La  sécrétion  de  la  graisse  est  une 
sécrétion  perspiratoire,  et  c’est  à tort  que  Riegel  1 a 
voulu  faire  revivre  la  supposition  des  conduits  grais- 
seux, en  même  temps  qu’une  hypothèse  sur  l’usage  des 
capsules  surrénales  : suivant  cet  auteur,  en  effet,  la 
graisse  qui  entoure  les  reins  et  leur  bassinet , se  for- 
merait dans  ces  capsules,  d’où  elle  serait  transportée 
par  des  conduits  particuliers,  qu’à  la  vérité  il  dit  n’avoir 
pu  injecter.  La  graisse  résulte- 1- elle  immédiatement 
* de  l’action  organique  des  vaisseaux  qui  la  déposent  dans 
les  vésicules  adipeuses?  ou  bien  est  - elle  déjà  formée 
dans  le  sang  en  circulation  ? ou  bien  enfin  a-t-elle  en- 
core une  origine  plus  éloignée?  Mr.  Ev.  Home  2 en 
fixe  l’origine  dans  l’intestin  ; il  pense  qu  elle  est  comme 
le  chyle  un  produit  de  la  digestion,  et  qu’elle  est  ab- 
sorbée par  le  gros  intestin.  Cette  opinion  repose,  entre 
autres  faits,  sur  l’existence  de  la  graisse  ou  du.  jaune  de 
l’œuf  dans  l’intestin  des  vertébrés  ovipares,  à l’état  de 
fœtus  ou  de  larve,  et  sur  quelques  faits  morbides  qui 
ne  sont  pas  très-concluans. 

S 166.  La  graisse  est  reprise  continuellement  par  les 
vaisseaux  absorbans;  l’action  de  ces  vaisseaux  est  démon- 
trée par  sa  diminution  de  quantité  dans  plusieurs  cir- 

' De  mn  gland  nia  mm  sr/perrenalium  in  anirn.  ncc  non 
de  origine  adi])is  disq.  anat.  philos.  Hafniæ,  1790. 

’ Philosoplnçal  transactions , Ann.  , 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


168 

constances.  Cette  action  est  en  équilibre  avec  la  sécré- 
tion , lorsque  la  quantité  de  la  graisse  reste  la  même.  L’ex- 
halation et  l’absorption  de  la  graisse  sont  quelquefois 
très-rapides,  comme  le  montrent  plusieurs  faits.  Les 
enfans  qui  ont  maigri  à la  suite  des  maladies,  repren- 
nent souvent  en  peu  de  jours  tout  leur  embonpoint. 
Les  animaux  que  l’on  affame,  comme  les  porcs,  en- 
graissent ensuite  très- promptement.  Certains  oiseaux 
s’engraissent,  dit-on  , par  un  temps  humide,  en  moins 
de  vingt -quatre  heures.  L’amaigrissement  ne  s’opère 
pas  moins  promptement  dans  beaucoup  de  cas.  Les 
circonstances  les  plus  favorables  à la  sécrétion  de  la 
graisse,  sont  le  repos  absolu  des  organes  animaux  et 
intellectuels,  et  la  castration.  On  réunit  souvent  ces  di- 
verses causes  lorsqu’on  veut  engraisser  les  animaux  ; 
elles  produisent  le  même  effet  quand  elles  existent  chez 
l'homme.  Les  saignées  habituelles,  les  alimens  doux 
et  amylacés , sont  encore  regardés  comme  favorisant 
la  production  de  la  graisse.  11  y a en  outre  des  circons- 
tances inconnues  qui  paraissent  agir  de  la  même  ma- 
nière, car  on  observe  des  cas  d’embonpoint  extraordi- 
naire, dont  il  est  assez  difficile  de  se  rendre  compte. 
Les  causes  qui  accélèrent  la  résorption  de  la  graisse 
sont  en  général  les  circonstances  opposées  à celles 
dont  nous  venons  de  parler,  et  de  plus , les  sécrétions 
abondantes,  les  maladies  organiques,  et  en  particulier 
celles  des  organes  des  fonctions  nutritives. 

§ 167.  On  a attribué  à la  graisse  beaucoup  d usages 
hypothétiques.  Ceux  dont  elle  jouit  réellement  sont  lo- 
caux et  généraux.  En  effet  la  graisse  a , d une  part , des 
usages  purement  mécaniques  ou  de  position,  comme 


DU  TISSU  ADIPEUX.  ifr) 

de  modérer  la  pression  , à la  plante  des  pieds  dans  la 
station,  aux  fesses  dans  l’attitude  assise,  de  remplir 
les  vides  conjointement  avee  le  tissu  cellulaire,  et  de 
rendre  par  là  les  formes  arrondies  : aussi  ces  formes 
sont-elles  plus  marquées  chez  les  femmes  et  chez  les 
enfans,  qui  ont  en  général  plus  de  graisse.  On  a dit 
que  la  graisse  servait  à garantir  du  froid  , parce  que  ce 
fluide  est  mauvais  conducteur  du  calorique  et  que  les 
animaux  qui  habitent  dans  les  climats  froids,  en  ont 
une  couche  épaisse  sous  les  tégumens  : en  admettant 
qu’il  en  soit  ainsi,  ce  n’est  du  moins  pas  la  surface  de 
la  peau  dont  la  graisse  pourrait  conserver  la  chaleur. 
On  a prétendu  sans  fondement  qu’elle  diminuait  l’ac- 
tion nerveuse  et  l’action  des  muscles,  c’est-à-dire  la 
sensibilité  et  l’énergie  musculaire  : on  a dans  ce  cas 
pris  la  cause  pour  l’effet.  On  a pensé  que  la  graisse 
servait  à assouplir  les  fibres.  Fourcroy,  considérant 
que  ce  fluide  contient  un  excès  d’hydrogène  , le 
croyait  destiné  à rendre  la  substance  nutritive  plus 
azotée,  en  la  privant  d’une  partie  de  son  hydrogène. 
Plusieurs  auteurs,  et  Bichat  lui-même  n’est  pas  fort 
éloigné  de  cette  opinion,  ont  pensé  que  la  graisse  pou- 
vait servir  à huiler  la  peau  par  une  sorte  de  transsu- 
dation à travers  ses  pores  : les  follicules  sébacés  sont 
aujourd’hui  trop  bien  connus  pour  que  l’on  puisse 
adopter  cette  idée.  Les  usages  généraux  de  la  graisse 
sont  relatifs  à la  nutrition.  La  matière  nutritive,  avant 
d être  assimilée,  passe  successivement  par  divers  états: 
la  graisse  est  une  des  formes  qu  elle  revêt.  De  plus,  ce 
fluide  peut  être  considéré  comme  un  aliment  en  ré- 
serve. G est  ce  dont  on  voit  divers  exemples  chez  les 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


1 

animaux.  Les  insectes,  par  exemple  , se  nourrissent 
de  leur  graisse  avant  d être  insectes  parfaits , et  présen- 
tent le  même  phénomène  peu  de  temps  avant  leur 
mort.  Cela  est  encore  plus  marqué  dans  les  animaux 
hybernans,  qui  dorment  pendant  l’hiver  et  ne  vivent 
que  de  leur  graisse  jusqu’à  leur  réveil,  époque  à la- 
quelle ils  sont  très-maigres.  Les  fœtus  des  ovipares  se 
nourrissent  de  la  graisse  qui  forme  en  grande  propor- 
tion le  jaune  de  l’œuf. 

§ 168.  Le  tissu  adipeux  et  la  graisse,  outre  les  variétés 
dont  il  a été  question,  présentent  quelques  altérations 
morbides. 

Quand  le  tissu  graisseux  est  divisé,  des  gouttelettes 
d'huile  s’en  échappent,  et  si  les  lèvres  de  la  plaie  sont 
maintenues  rapprochées , la  réunion  a lieu  prompte- 
ment; mais  la  graisse  ne  reparaît  dans  l’endroit  de  la 
réunion,  que  quand  le  tissu  cellulaire  nouveau  a cessé 
d’être  compacte.  Le  tissu  graisseux  dénudé  s’enflamme, 
la  graisse  est  résorbée  ; puis  il  se  recouvre  d’une  couche 
de  matière  organisable,  qui  devient  la  base  de  la  cica- 
trice, ou  nouvelle  peau,  qui  se  forme  au-dessus  de  la 
graisse. 

Ce  tissu,  et  la  graisse  qu  il  renferme,  s’amassent  quel- 
quefois en  très  - grande  quantité,  comme  on  le  voit 
dans  l’obésité  ou  polysarcie.  On  a vu  des  individus, 
dans  cet  état,  peser  de  cinq  à six  cents,  et  meme  jusqu  a 
huit  cents  livres.  Quand  l’obésité  est  locale  ou  bornée 
à un  seul  point  du  corps,  elle  prend  le  nom  de  lipome  ' . 

’ Voyez  Th.  Ch.  Bigot.  Dissert,  sur  les  tumeurs  graisseu 
ses  extérieures  au  péritoine,  etc.  Paris,  1821. 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


1 7* 

Cette  affection  peut  avoir  presque  partout  son  siège  : 
cependant  ôn  l’observe  le  plus  souvent  au-dessous  des 
té<niniens  et  en  dehors  des  membranes  séreuses.  Les 
tumeurs  de  ce  genre  situées  au-dessous  de  la  peau  ont 
été  mal  à propos  confondues  avec  les  tumeurs  enkys- 
tées. Leur  forme  est  obronde;  lorsqu’elles  sont  très-vo- 
lumineuses elles  soulèvent  et  entraînent  la  peau,  et 
sont  alors  pédiculées  ou  pyriformes  : on  en  a vu  peser 
de  quarante  à cinquante  livres.  A l’extérieur  des 
membranes  séreuses , leur  figure  est  ordinairement 
ovoïde  : une  de  leurs  extrémités  tient  à la  membrane, 
l’autre  se  rapproche  de  la  peau;  à l’extérieur  du  péri- 
toine, cette  tumeur  constitue  la  hernie  graisseuse,  ou 
le  liparocèle.  Le  lipome  a une  structure  analogue  à 
celle  de  la  graisse  : suivant  Monro,  les  vésicules  y ont 
le  même  volume  que  dans  cette  dernière,  et  sont  seu- 
lement plus  nombreuses.  Une  enveloppe  celluleuse, 
semblable  ci  celle  qui  entoure  les  muscles,  quelque- 
fois d’une  densité  qui  la  rapproche  des  membranes 
fibreuses  et  des  kystes,  existe  le  plus  communément 
autour  de  la  tumeur.  Cette  membrane  contient  des 
vaisseaux  assez  apparens.  Les  lipomes  extérieurs  au 
péritoine  offrent  quelquefois  l’aspect  .de  l’épiploon 
quand  on  les  déploie  : en  général  pourtant  ces  tumeurs 
renferment  beaucoup  moins  de  vaisseaux  que  d’autres 
tumeurs  du  même  volume. 

Les  auteurs  ont  parlé  de  transformations  graisseuses 
des  muscles.  Voici  ce  qu’un  certain  nombre  d’observa- 
tions m a appris  à ce  sujet.  Les  muscles  deviennent 
souvent  tout- à -fait  blancs  dans  les  paralysies;  leurs 
fibres  diminuent  en  même  temps  de  volume,  et  comme 


anatomie  générale. 


*7  2 

•Jr 

cette  altération  s’observe  surtout  chez  les  vieillards 
dans  lesquels  la  graisse  est  plus  abondante  à l’intérieur, 
et  que  le  repos  de  la  partie  augmente  encore  la  quan- 
tité de  ce  fluide,  il  en  résulte  un  aspect  graisseux  des 
muscles,  qui  en  a imposé  pour  une  vraie  transforma- 
tion graisseuse.  Mais  on  trouve  dans  ces  muscles  la 
fibrine  qui  leur  est  propre,  lorsqu'on  les  soumet  à 
l’action  de  l’alcohol,  à l’action  d’un  papier  absorbant, 
lorsqu’on  les  fait  cuire  dans  l’eau, ou  lorsqu’on  les  expose 
à un  feu  nu.  Il  y a donc  seulement  décoloration , et  non 
transformation  graisseuse  des  muscles.  M.  Vauquelin 
et  M.  Chévreul  ont  obtenu  les  mêmes  résultats  dans 
les  analyses  qu’ils  ont' faites  de  ces  muscles.  La  trans- 
formation graisseuse  n’existe  pas  davantage  dans  les 
os  : seulement  la  moelle , qui  en  occupe  l’intérieur, 
peut  devenir  très  - abondante.  Le  foie  est  quelquefois 
le  siège  d’une  transformation  graisseuse,  qui  n’a  pas 
été  suffisamment  examinée. 

Les  inflammations  qui  surviennent  dans  des  régions 
où  le  tissu  adipeux  est  très -abondant  ont  une  ten- 
dance particulière  à se  terminer  par  gangrène.  Cette 
observation,  que  l’on  a faite  depuis  long-temps  sur  les 
animaux  très-gras,  tels  que  les  cochons,  les  moutons, 
quand  ils  éprouvent  des  piqûres,  est  aussi  exacte  chez 
l’homme,  dans  lequel  les  blessures  et  les  infiltrations , 
surtout  urinaires  ou  stercorales,  dans  le  tissu  graisseux 
sont  suivies  de  gangrènes  très-étendues.  La  très-petite 
proportion  des  parties  vivantes  que  renferme  le  tissu 
adipeux  peut  rendre  raison  de  ces  phénomènes.  On 
voit  quelque  chose  d analogue  dans  les  hernies  épiploï- 
ques : quand  on  laisse  à l’extérieur  des  niasses  consi- 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


'73 

durables  d épiploon,  il  arrive  alors  que  cet  organe  se 
pourrit  à sa  surface  ; il  en  découle  une  huile  abon- 
dante, et  lorsqu’une  fois  son  volume  est  par  là  con- 
sidérablement diminué , il  ne  reste  plus  qu’un  cham- 
pignon rouge  et  très- vasculaire,  formé  par  le  tissu 
cellulaire  intermédiaire  à la  graisse,  et  par  le  déve- 
loppement des  vaisseaux. 

Dans  un  cas  d’hépatite,  le  docteur  Traill,  de  Liver- 
pool,  a trouvé  dans  le  sérum  du  sang  extrait  par  la  sai- 
gnée une  quantité  notable  d’huile,  environ  deux  parties 
et  demie  sur  cent  de  sérum.  Les  kystes  de  l’ovaire  con- 
tiennent assez  souvent  de  la  graisse  avec  des  poils  et 
quelquefois  des  dents,  mais  l’altération  est  alors  très- 
composée  : ce  n’est  pas  ici  le  lieu  de  la  décrire.  Les 
calculs  biliaires  sont  quelquefois  formés  d’une  matière 
grasse  nommée  cholestérine . Les  matières  stercorales 
contiennent  également  quelquefois  des  substances 
grasses,  soit  mêlées  avec  leurs  principes,  soit  en  masses 
isolées.  L’ambre  gris  est  une  matière  grasse,  qui  paraît 
provenir  de  l’intestin  du  physeter  macrocephalus.  Cer- 
tains kystes  des  organes  génitaux,  et  quelques  hydro- 
cèles, renferment  quelquefois  des  paillettes  brillantes, 
qui  ne  sont  autre  chose  que  de  la  cholestérine.  On 
trouve  aussi  cette  matière,  mais  moins  souvent,  dans 
des  tissus  morbides  situés  dans  d’autres  régions.  Les 
tumeurs  appelées  mélicéris,  stéatome  et  athérome, 
et  que  1 on  regarde  comme  des  kystes  sous-cutanés 
( Cliap.  III  ) contiennent  une  certaine  proportion  de 
matière  grasse. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


174 

ARTICLE  II. 

DU  TISSU  MÉDULLAIRE  OU  ADIPEUX  DES  OS. 

•0  • * iwl  t *>•;;».  . . : r.  .1  .7  > 

§ 169.  Le  tissu  médullaire  est  un  tissu  membraneux, 
vasculaire  et  vésiculaire,  renfermé  dans  les  cavités  des 
os.  Il  a reçu  les  noms  de  moelle,  de  système  médul- 
laire, de  medulla , medilullium , par  comparaison  avec 
la  moelle  des  arbres. 

§ 170.  Duverney  1 en  a fait  le  sujet  de  plusieurs 
observations  : Grutzmacher  2 et  Isenflamm  3 en  ont 
donné  des  descriptions  détaillées.  Tous  les  ostéolo- 
gistes , et  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  du  tissu 
adipeux,  se  sont  aussi  occupés  de  la  moelle.  Havers  4 
surtout  en  a très-bien  décrit  et  en  a figuré  la  texture 
vésiculeuse.  Albinus  en  a donné  une  très-belle  figure 
dans  ses  Annotationes  academicæ ; seulement  les  vais- 
seaux y sont  représentés  trop  gros  : Mascagni,  dans 
son  Prodromo , a aussi  donné  une  bonne  figure  de  la 
moelle. 

§ 17 1 . La  moellé  occupe  la  grande  cavité  médullaire 
du  corps  des  os  longs,  les  cavités  cellulaires  des  os 
courts,  de  l’extrémité  des  os  longs,  et  de  1 épaisseur 
des  os  larges , et  même  les  porosités  de  la  substance 

* • • ' * .... 

1 Mémoires  de  l’Académie  des  sciences.  1700. 

1 Dé  ossium  medulla.  Lips.  , 1758. 

3 Uèbef  das  Knochenmaih , in  beitrœge , etc.  Von  Isen- 
Jlamm  und  Rosenmuller.  B.  II.  Leipzig,  i8o3. 

4 Clopton  Havers.  Osteol..  Nov.  Lond.  1691  , et  Obs.  nov . 
de  ossibux.  Amslcl,  1781. 


DU  TISSU  ADIPEUX.  1^5 

compacte  des  os.  Les  sinus  et  les  cellules  aériennes  des 
os  du  crâne  n’en  contiennent  point. 

§ i "2.  La  graisse  qui  occupe  le  canal  médullaire 
représente  un  cylindre,  moulé  sur  les  parois  osseuses  de 
ce  canal, et  contenu  dans  une  membrane  que  l’on  ap- 
pelle périoste  interne  ou  médullaire.  Cette  membrane, 
dont  les  uns  ont  nié  lexistenee , tandis  que  d’autres  la 
croyaient  formée  de  deux  couches,  n’a  qu’un  seul 
feuillet,  facilement  apercevable  au  moyen  d’une  expé- 
rience qui  consiste  à scier  un  os  et  à l’approcher  du 
feu  ou  à le  plonger  dans  un  acide  : la  membrane  se 
crispe,  se  détache  de  l’os,  et  forme  un  canal  distinct, 
dont  la  ténuité  est  telle,  qu’il  est  presque  impossible 
de  l’observer  sans  ce  moyen.  Son  tissu  ne  peut  guère 
se  comparer  qu’à  une  toile  d’araignée.  Cette  membrane 
tapisse  le  canal  intérieur  de  l’os,  et  Semble  se  continuer 
à ses  deux  extrémités  avec  la  moelle  qui  les  remplit. 
Elle  envoie  en  dehors  des  prolongemens  dans  la  subs- 
tance compacte,  et  fournit  en  dedans  une  infinité  de 
prolongemens  analogues,  qui  se  comportent  à son  in- 
térieur comme  le  font,  en  général,  les  filamens  et  les 
lames  qni  composent  les  membranes  celluleuses.  Ces 
prolongemens  sont  soutenus  par  les  filamens  et  les  la- 
mines de  la  substance  réticulaire,  dans  les  endroits  où 
cette  substance  existe. 

§ 173.  La  composition  de  la  membrane  médul- 
laire est  due  principalement  aux  vaisseaux  rami- 
fiés à l’intérieur  du  canal,  et  que  soutient  un  tissti 
cellulaire  extrêmement  mou  et  à peine  visible  : cette 
membrane  ressemble  beaucoup,  sous  ce  rapport,  à là 
pie-mère  ou  à l’épiploon,  et  ne  semble  formée,  de 


176  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

meme  que  ces  membranes,  que  par  le  tissu  cellulaire 
appartenant  à la  gaîne  des  vaisseaux.  Une  artère  et 
une  veine  pénètrent  dans  le  canal  médullaire,  et  s’y 
divisent,  aussitôt  après  leur  entrée,  en  deux  branches 
dont  les  ramifications  s’étendent  aux  deux  extrémités 
de  l’os , et  communiquent  avec  les  vaisseaux  nombreux 
et  volumineux  de  ces  extrémités.  Les  vaisseaux  lym- 
phatiques n’ont  été  suivis  que  jusqu’à  l’entrée  du  canal 
médullaire.  Les  injections  heureuses  montrent,  au  con- 
traire, une  foule  de  filamens  colorés  dans  le  canal  des 
os  longs.  Les  nerfs  de  ce  canal,  dont  l’existence  a été 
niée,  sont  pourtant  assez  faciles  à suivre.  Sœmmering, 
il  est  vrai,  pense  que  ces  nerfs  sont  destinés  à l’artère 
seulement.  Ces  nerfs  ont  particulièrement  été  obser- 
vées par  Wrisberg  et  Klint.  Le  tissu  médullaire  est 
donc  essentiellement  composé;  i°  d’un  réseau  artériel 
et  veineux,  et  probablement  aussi  d’un  réseau  de  vais- 
seaux lymphatiques;  20  d’un  plexus  nerveux,  destiné 
soit  à l’artère,  soit  aux  autres  parties  en  même  temps; 
3°  de  la  gaîne  celluleuse  propre  à ces  parties,  laquelle 
fournit  des  fibrilles  dont  la  réunion  constitue  une  sorte 
de  membrane  incomplète,  frangée.  Il  faut  joindre  à 
cela  des  vésicules  très-apparentes,  mais  seulement 
dans  les  sujets  frais,  et  qui  deviennent  moins  sensibles 
dans  les  autres,  parce  que  la  moelle  se  fluidifie  très- 
promptement.  Ces  vésicules  sont  tout-à-fait  semblables 
à celles  d.u  tissu  adipeux  général;  elles  ont  le  même 
volume  et  les  mêmes  connexions  avec  les  vaisseaux 
sanguins  auxquels  elles  paraissent  appendues.  Grutz- 
maclier  pense  que  la  texture  de  la  moelle  et  celle  de 
la  graisse  en  général , est  aréolajre  comme  le  tissu  cel- 


DU  TISSU  ADIPEUX. 


I77 

lulaire  commun , et  non  vésiculaire.  Les  extrémités 
celluleuses  des  os  longs  contiennent  un  grand  nombre 
de  vaisseaux;  mais  leur  membrane  est  moins  distincte 
que  celle  du  milieu  de  ces  nymies  os.  II  paraît  y avoir 
des  vésicules  semblables  à celles  de  la  membrane  mé- 
dullaire. Les  porosités  de  la  substance  compacte  sem- 
blent également  en  contenir. 

§ 174.  La  graisse  des  os  prend  les  noms  de  moelle 
dans  le  canal  médullaire  f de  suc  médullaire  dans  la 
substance  spongieuse,  et  de  suc  huileux  dans  la  subs- 
tance compacte.  Cette  graisse  est  formée  des  mêmes 
principes  que  la  graisse  ordinaire,  ' seulement  en  des 
proportions  différentes,  puisqu’elle  est  plus  fluide; 
elle  est  aussi  plus  colorée,  plus  jaune. 

§ 17O.  La  membrane  médullaire  est  sensible;  Du- 
verney  a très-bien  indiqué  l’expérience  qu’il'  faut  faire 
pour  constater  cette  propriété,  que.  Bichat  a peut-être 
un  peu  exagérée,  mais  que  l’on  a eu  tort  de  révoquer 
en  doute.  En  effet,  si  le  plus  souvent,  dans  les  ampu- 
tations pratiquées  chez  l’homme,  l’impression  causée  par 
la  section  de  l’os  est  à peine  sentie,  cela  tient  unique- 
ment à la  douleur  plus  vive,  résultant  de  la  section  de 
la  peau,  et  qui  a précédé  celle-ci.  Mais  en  mettant, 
sur  un  animal  vivant,  assez  d’intervalle  entre  la  section 
des  tégumens  et  la  lésion  de  la  moelle,  pour  que  l’im- 
pression, produite  par  la  première,  ait  le  temps  de  se 
dissiper,  un  stylet  introduit  dans  le  canal  médullaire 
produit  à 1 instant  même  une  douleur  que  l’animal  té- 
moigne de  diverses  manières  : on  conçoit  bien  que  cette 
sensibilité  réside  dans  la  membrane,  et  est  étrangère 
à la  moelle  elle-même.  Les  nerfs  accompagnait  dans 


1. 


12 


anatomie  générale. 

l’os,  lartère  médullaire  principale,  si  l’os  est  amputé 
au-dessus  de  Centrée  de  ce  vaisseau,  la  moelle  restante 
ne  communique  plus  avec  le  centre  nerveux,  c’est  à 
cette  disposition  qu'il  fa  ut  attribuer  la  différence 
de  sensibilité  observée  par  Bichat,  entre  le  centre 
et  les  extrémités  de  la  cavité  médullaire,  *t  aussi  à 
ce  que  les  filets  nerveux  vont  en  se  divisant  vers  les 
deux  bouts  de  cette  cavité.  Le  tissu  médullaire  est 
doué  d’une  contractilité  obscure , semblable  à celle  du 
tissu  cellulaire.  Les  artères  qui  se  ramifient  dans  cette 
membrane  y sécrètent  et  y déposent  la  matière  grasse. 

§ 176.  Suivant  Bichat , la  membrane  médullaire 
existe  de  très-bonne  heure,  préexiste  au  canal;  seule- 
ment elle  est  remplie  d’une  substance  cartilagineuse , 
qui  fait  ensuite  place  à la  moelle  à mesure  que  l’ossifi- 
cation s’opère.  L’observation  la  plus  attentive  ne  montre 
dans  les  cartilages,  ni  artères,  ni  veines,  ni  membrane 
médullaire;  plus  tard,  la  cavité  des  os  longs  n’est  qu’un 
canal  étroit  que  l’artère  remplit;  celle-ci  se  déjette  sur 
le  côté  et  s’accole  aux  parois , quand  le  canal  com- 
mence à s’élargir;  une  substance  visqueuse  ou  gélati- 
neuse est  alors  contenue  dans  ce  dernier;  de  la  moelle 
0 

s’y  produit  enfin,  mais  en  petite  quantité;  avec  lâge, 
le  canal  devient  de  plus  en  plus  large,  et  la  moelle  plus 
abondante.  Il  n’y  a aucune  différence  appréciable,  sous 
le  rapport  de  ce  tissu  , entre  les  deux  sexes.  Ce  fluide 
présente,  en  outre,  des  variétés  individuelles,  par  rap- 
port à sa  quantité.  Lorsque  1 embonpoint  est  ordinaire, 
la  graisse  forme  la  majeure  partie  de  ta  substance  con- 
tenue dans  le  canal  médullaire;  j ai  trouvé,  sur  huit 
parties  de  cette  substance,  sept  de  graisse  : le  reste  est 


DU  TISSU  ADIPEUX.  IJÿ 

formé  par  les  vaisseaux,  de  l’eau  et  de  l’albumine.  Chez 
les  sujets  maigres,  au  contraire,  la  graisse  ne  constitue 
aae  le  quart,  ou  une  moindre  proportion  encore  du 
fluide  contenu  dans  les  os  longs  ; le  reste  m’a  paru  être  . 
de  l’eau,  ou  du  moins  une  substance  évaporable,  et  de 
l’albumine , ou  une  substance  coagulable.  Les  oiseaux 
ont,  dans  les  cavités  des  os  longs,  de  l’air  au  lieu  de 
moelle , suivant  la  remarque  de  Camper. 

§ 177.  Les  fonctions  du  tissu  médullaire  sont  de  ser- 
vir de  périoste  interne  et  de  réservoir  à la  graisse  : c’est 
sur  lui  que  se  ramifient  les  vaisseaux  qui,  d’une  part,  se 
portent  en  dehors  pour  concourir  à la.  nutrition  de 
l’os,  et  d’autre  part,  en  dedans  pour  opérer  la  sécré- 
tion de  la  graisse.  Celle-ci  a les  mêmes  usages  géné- 
raux que  dans  les  autres  parties.  Ses  usages  locaux 
sont  de  remplir  le  vide  qui  sans  elle  existerait  dans 
les  os.  On  a cru,  et  Haller  et  Blumenbach  ont  adopté 
cette  opinion,  quelle  rendait  ceux-ci  plus  flexibles, 
moins  cassans  ; mais  les  os  des  enfans  , privés  de  graisse , 
sont  pourtant  moins  cassans  que  ceux  des  adultes , tan- 
dis que  les  os  des  vieillards,  dans  lesquels  ce  fluide  est 
si  abondant,  sont  en  général  très-fragiles.  Ceux  qui  ont 
avancé  cette’  opinion  se  fondent  sur  ce  que  la  com- 
bustion ôte  à la  substance  osseuse  toute  sa  solidité  ; il 
est  évident  que  ce  n’est  pas  seulement  l’huile  qu’ils  per- 
dent dans  ce  cas,  mais  bien  la  matière  animale  qui  leur 
est  enlevée,  dont  dépendait  leur  solidité.  Les  mêmes 
auteurs  ajoutent  qu’en  faisant  bouillir  dans  l’huile,  ou 
dans  la  gélatine , le  résidu  terreux  obtenu  par  la  com- 
bustion, on  lui  rend,  jusqu’à  un  certain  point,  sa  soli- 
dité; mais  il  se  forme  alors  un  composé  particulier,  une 


*8o  ANATOMIE  GENERAL!*. 

espèce  de  stuc  qui  n’a  rien  de  commun  avec  l’os.  Haller 
et  plusieurs  autres  physiologistes  ont  encore  pensé  que 
la  moelle  servait  à la  reproduction  des  os,  et  notam- 
ment à la  formation  du  cal.  Cependant  l’observation  fait 
voir  qu’une  fracture  se  guérit  d’autant  plus  prompte- 
ment que  l’individu  est  plus  jeune  ; or,  plus  l’individu 
est  jeune , et  moins  il  y a de  moelle , ou  moins  la  moelle 
contient  de  graisse.  Duverney  et  d’autres  ont  cru  la 
moelle  nécessaire  à la  nutrition  des  os  : il  suffit  que  la 
moelle  manque  chez,  plusieurs  animaux,  comme  les 
oiseaux,  que  le  bois  des  cerfs,  par  exemple,  en  soit 
dépourvu,  que  ce  fluide  n’existe  point  dans  l’enfance, 
et  que  les  os  se  forment  avant  la  moelle,  pour  que  cette 
opinion  ne  soit  point  admissible.  On  a aussi  regardé  la 
moelle  comme  le  réservoir  du  calorique  latent  et  de 
l’électricité.  La  moelle  ne  sert  pas  non  plus  à lubrifier 
les  surfaces  articulaires,  car  la  synovie  existe  dans  beau- 
coup d’endroits  où  la  moelle  ne  se  rencontre  point. 

§ 178.  La  moelle  présente  quelques  altérations  mor- 
bides l.  Dans  les  fractures,  pendant  que  l’os  se  con- 
solide, la  graisse  disparaît  dans  le  canal  médullaire; 
le  tissu  cellulaire  de  ce  canal  devient  compacte,  comme 
dans  les  autres  cas  de  solutions  de  continuité,  et  finit 
par  s’ossifier:  ce  dernier  fait,  q%e  Bichat  a observé,  a 
été  constaté  de  nouveau  par  plusieurs  observateurs. 
Lorsque  la  consolidation  est  parfaite,  la  membrane 
médullaire  reprend  ses  propriétés. 

On  observe  dans  la  moelle , à la  suite  des  amputa- 
tions, les  mêmes  phénomènes  que  dans  les  autres 

* V oyez  Moignon.  Tentarnen  de  morbis  ossium  medullœ , 

«Paris,  et  Lugd.  Ann.  III. 


DU  TISSU  A.DIPDUX. 


i8i 

plaies  qui  intéressent  le  tissu  graisseux:  la  matière  hui- 
leuse disparaît,  et  une  couche  cellulaire  et  vasculaire 
se  forme  à l’extrémité  tronquée  de  l’os , qui  finit  par 
se  clore.  La  moelle  est  détruite  dans  les  séquestres,  et 
ne  paraît  pas  se  rétablir  après  leur  sortie , du  moins 
ne  l’a-t-on  pas  vue  se  reproduire  dans  ce  cas;  peut- 
être  l’état  des  parties  n’a-t-il  pas  été  examiné  assez 
long-temps  après  l’issue  de  la  maladie. 

La  membrane  médullaire  est  susceptible  d’inflam- 
mation : c’est  probablement  à elle  et  à ses  suites  qu’il 
faut  attribuer  les  nécroses  intérieures.  Il  est  également 
probable  que  les  douleurs  ostéocopes  dépendent  de 
cette  inflammation.  On  observe  d^ns  le  racfiitis  un 
endurcissement  particulier  de  la  membrane  médullaire, 
qui  n’a  pas  été  décrit. 

Parmi  les  affections  propres  à cette  membrane,  le 
spina-ventosa  est  une  des  plus  remarquables.  Il  y a, 
suivant  mes  observations  et  celles  de  plusieurs  autres, 
au  moins  deux , et  même  trois  espèces  distinctes  de 
cette  maladie.  Le  développement  considérable  de  l’os 
tient  à l’accroissement  extraordinaire  de  la  inem- 

i 

brane  médullaire  altérée;  mais  tantôt  l’altération  de 
la  moelle  consiste  en  une  dégénération  carcinoma- 
teuse, en  un  véritable  nancer  mou;  tantôt  la  tumeur 
est  fibl'euse  et  cartilagineuse;  dans  quelques  cas,  enfin, 
et  surtout  chez  les  enfans  , l’os  , renflé  dans  son 
milieu,  contient  une  substance  rouge  très-vasculaire, 
dont  la  nature  n’est  pas  bien  déterminée  : cette  variété 
s observe  surtout  dans  les  os  du  métacarpe  , du  méta- 
tarse , et  des  doigts.  Le  spina-ventosa  affecte  spécia- 
lement les  os  longs  des  membres  : dans  le  fémur,  c’cst 


l8a  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

le  plus  souvent  la  partie  inférieure  de  l’os  qui  est 
malade;  dans  l’humérus,  c’est  la  partie  supérieure. 
■J’ai  enlevé  le  tiers  supérieur  du  péroné  à une  jeune 
femme,  dans  un  cas  de  spina-ventosa  qui  avait  donné 
à la  tête  du  péroné,  à peu  près  le  volume  du  poing 
de  la  malade.  Des  tumeurs  de  ce  genre  ont  été  décrites 
par  Vigarous,  sous  le  nom  de  stéatomes  osseux,  et  par 
M.  Astley  Cooper , sous  celui  d’exostoses  médullaires. 


DES  MEMBRANES  SEREUSES. 


iS3 


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CHAPITRE  IL 

des  membranes  séreuses. 

§ 179.  Les  membranes,  membrance , sont  des  parties 
molles,  larges  et  minces,  qui  tapissent  les  cavités,  enve- 
loppent les  organes,  entrent  dans  la  composition  d’un 
grand  nombre  d’entre  eux,  et  en  constituent  quelques- 
uns  : du  reste,  elles  diffèrent  beaucoup  entre  elles, 
parleur  texture,  leur  composition,  leur  action,  etc. 

§ 180.  Les  membranes  séreuses,  m.  serosce , vel  suc - 
cingentes , ainsi  nommées  parce  quelles  contiennent 
beaucoup  de  vaisseaux  séreux  dans  leur  épaisseur, 
qu  elles  sont  humectées  par  un  liquide  analogue  au 
sérum  du  sang,  et  parce  qu’elles  fournissent  des  tuni- 
ques à beaucoup  d'organes,  forment  un  système,  ou 
genre  nombreux  de  membranes  fermées  de  toutes 
parts,  adhérentes  par  une  surface  aux  parties  environ- 
nantes, libres  et  contiguës  à elles-mêmes  par  l’autre, 
servant  à isoler  certaines  parties,  à faciliter  les  mo.u- 
vcmens,  et  résultant  d’une  modification  très -simple 
du  tissu  cellulaire. 

§181.  Confontîues  pendant  long -temps  avec  les 
parties  auxquelles  elles  tiennent , les  membranes  sé- 
reuses ont  été  particulièrement  distinguées  des  autres 
parties,  et  étudiées  dans  leur  ensemble,  par  Bonn  1 
par  Monro  2,  et  surtout  par  Bichat  3. 

1 De  continuationibus  mçmbranarum.  Amst.-Batav.  17 63. 

2 A description  of  ail  tlie  bursœ  mucosœ , etc.  Edinb.  *788 

3 Traité  des  membranes.  Paris,  an  8. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


184 

§ 182.  Le  système  séreux  comprend  des  membranes 
qui,  à raison  de  leurs  nombreuses  ressemblances,  for- 
ment un  genre  très-naturel,  dans  lequel  cependant  il 
y a aussi  des  différences  assez  marquées  pour  qu’on 
doive  en  faire  plusieurs  divisions.  Sous  le  rapport  de 
leur  situation,  et  du  liquide  plus  ou  moins  oncteux 
qui  les  humecte,  on  les  distingue  en  séreuses  propre- 
ment dites , ou  séreuses  des  cavités  splanchniques , et 
en  synoviales  ; et  ces  dernières  elles-mêmes  se  distin- 
guent encore  en  celles  des  articulations,  en  celles  des 
tendons , et  en  celles  qui  sont  sous-cutanées.  Il  faut 
exposer  d’abord  les  caractères  communs  à tout  le 
genre,  et  puis  ensuite  ceux  des  espèces. 

PREMIÈRE  SECTION. 

^ % « 

DES  MEMBRANES  SEREUSES  EN  GENERAL. 

# 

§ i83.  Toutes  consistent  en  des  vessies  fermées  de 
toutes  parts  : il  n’y  a d’autre  exception  à cette  dispo- 
sition générale,  que  l’ouverture  par  laquelle  le  péri- 
toine communique  avec  les  organes  génitaux  chez  la 
femme,  ces  organes  étant  eux-memes  interrompus 
dans  leur  continuité  entre  1 ovaire  et  le  commencement 
de  l’oviducte  ou  trompe  utérine.  Il  résulte,  de  la  con- 
formation générale  des  membranes  sei%uses,  que  les 

u 

liquides  quelles  renferment  sont  entièrement  isoles, 
et  que  ces  membranes  ne  sont  perméables  que  par  les 
vaisseaux  qui  se  ramifient  dans  leur  épaisseur,  et  non, 
comme  le  tissu  cellulaire,  par  des  aréoles  communi- 
quant librement  entre  elles  ; au  reste,  cette  conforma- 


DES  MEMBRANES  SEREUSES. 


i85 


tion  présente  quelques  variétés  ou  formes  secondaires. 
Il  est  de  ces  n^embranes  qui  sont  aussi  simples  que  pos- 
sible, et  ne  représentent  qu’une  sorte  d’ampoule  ou  de 
vessie;  on  les  appelle  vésiculaires  D’autres  constituent 
des  enveloppes  engainantes  qui  entourent  certaines 
parties,  comme  des  tendons,  des  ligamens,  des  vais- 
seaux sanguins;  et,  comme  elles  ne  sont  pas  percées 
pour  laisser  passer  ces  parties,  qu’elles  se  réfléchissent  à 
leurs  deux  extrémités,  et  forment  ainsi  une  double 
gaîne,  cela  leur  a fait  donner  le  nom  de  vaginiformes. 
Cette  disposition  est  une  des  plus  communes.  Enfin,  il 
en  est  de  plus  compliquées  encore;  ce  sont  les  mem- 
branes séreuses  enveloppantes,  celles  qui  méritent  plus 
particulièrement  le  nom  de  succingentes  : celles-ci  en- 
tourent les  organes,  excepte  sur  un  seul  point  de  leur 
surface, autour  duquel  elles  se  réfléchissent  surles  parois 
de  la  cavité  qui  les  renferme,  et  sont  ainsi  divisées  en 
deux  portions  , dont  l’une  forme  une  enveloppe  aux  or- 
ganes, et  prend  le  nom  de  feuillet  viscéral,  ou  tunique, 
tandis  quel  autre  qui  revêtles  parois , constitue  le  feuil- 
let pariétal.  Les  différentes  formes  que  nous  venons 
d examiner  sont  souvent  réunies  dans  la  même  mem- 
brane. Dans  les  membranes  séreuses  enveloppantes , 
comme  celles  que  1 on  trouve  autour  du  cœur , des  pou- 
mons, des  testicules,  il  y a toujours  à la  surface  de  l’or- 
gane un  endroit  dépourvu  d’enveloppe  séreuse  : c’est  par 
cet  endroit  que  pénètrent  les  vaissaux  de  l’organe,  ou 
bien  que  celui-ci  tient  aux  parties  environnantes.  Cette 
partie  libre,  desoijganes  revêtus  de  membranes  séreuses, 
est  tantôt  large,  tantôt  très-étroite.  Dans  quelques  cas, 
le  viscère  est  éloigné  des  parois  qui  le  renferment,  et 


i8  6 


AN A.TOMIE  GÉNÉRALE. 


attaché  ou  suspendu  par  un  repli  de  la  membrane  sé- 
reuse, qui  constitue  ce  qu’on  nomme  un^frein  ou  liga- 
ment membraneux  : cette  disposition  n’est  point  une 
exception  à ce  que  nous  venons  de  dire.  Il  y a toujours 
une  partie  de  1 organe  qui  n’est  pas  revêtue  par  la  mem- 
brane dans  toute  l’étendue  de  l’adhérence  du  repli  que 
forme  cette  dernière.  Outre  ce  premier  genre  de  replis, 
les  membranes  séreuses  offrent  des  prolongemens  qui 
flottent  plus  ou  rnoins  à *l’ intérieur  de  la  cavité  qu  elles 
forment , et  qui  dépendent  le  plus  souvent  de  leur 
feuillet  viscéral,  mais  qui  appartiennent  aussi  quelque- 
fois à leur  autre  feuillet  : l’épiploon  , les  appendices 
épiploïques,  pour  le  péritoine;  les  replis  graisseux 
qu’on  observe  dans  la  plèvre , sur  les  côtés  du  médias- 
tin,  pour  cette  dernière  m'embrane;  les  franges  syno- 
viales, pour  les  capsules  articulaires;  sont  des  exemples 
de  ces  prolongemens.  Ceux-ci  contiennent  toujours 
dans  leur  épaisseur  du  tissu  cellulaire,  ordinairement 
graisseux  : c’est  aussi  à cet  endroit  que  la  membrane 
offre  le  plus  de  vaisseaux. 

§ 184.  Toutesles  membranes  séreuses  présentent  deux 
surfaces,  une  libre  et  Vautre  adhérente.  Celle-ci  est  flo- 
conneuse et  tient  à du  tissu  cellulaire  , à des  ligamens  , 
à des  tendons,  à des  cartilages,  etc.  Son  degré  d’adhé- 
rence, à ces  différentes  parties , est  plus  ou  pioins  mar- 
qué : un  tissu  cellulaire  lâche  le  produit  quelquefois, 
tandis  qu’ailleurs,  comme  sur  les  cartilages,  1 adhérence 
est  intime.  Il  existe  une  foule  d intermédiaires  entre 
ces  deux  extrêmes,  ainsi  qu’on  l’observe  au  niveau  des 
ligamens,  des  fibres  musculaires,  des  tendons,  etc.  La 
surface  libre  des  membranes  séreuses  est  partout  con- 


DES  MEMBRANES  SEREUSES. 


l87 

ticruë  à elle-même  : c’est  l’intérieur  de  l’espèce  de  vessie 
que  représentent  ces  membranes.  Cette  surface  paraît, 
au  premier  aspect,  parfaitement  lisse  et  polie;  mais 
examinée  au  microscope,  elle  présente  des  villosités 
manifestes;  aussi  les  membranes  séreuses  ont -elles 
été  nommées  villeuses  simples . Un  liquide  humecte 
constamment  cette  surface.  • 

§ i85.  Les  membranes  séreuses  sont,  en  général, 
d’une  couleur  blanchâtre,  que  leur  transparence  rend 
à peine  sensible,  luisantes  à leur  surface  libre,  fort 
minces  et  pourtant  assez  résistantes,  plus  fortes  que  ne 
le  serait  le  tissu  cellulaire  réduit  en  lames  d’une  ténuité 
égale  à la  leur;  elles  sont  en  général  un  peu  élas- 
tiques. 

§ 186.  Elles  paraissent  presque  homogènes  au  pre- 
mier aspect  : cependant  on  observe  presque  toujours, 
dans  divers  points  de  leur  étendue,  une  apparence 
fibreuse,  qui  est  plus  ou  moins  marquée.  Lorsqu’on  les 
déchire  par  distension , elles  s’éraillent  d’abord , et  puis 
elles  se  réduisent  en  petits  filamens  entremêlés  , entre- 
croisés,  et  comme  tissus  entre  eux.  Leur  nature  paraît 
très -analogue  à celle  du  tissu  cellulaire,  dont  elles  ne 
diffèrent  que  par  une  condensation  plus  grande,  et  par 
la  cavité  distincte  qu’elles  représentent.  Il  existe  d’ail- 
leurs entre  le  tissu  cellulaire  et  les  membranes  séreuses 
une  sorte <<de  gradation  insensible,  et  les  membranes  sé- 
reuses les  plus  simples  participent  encore  beaucoup  de 
la  nature  du  tissu  cellulaire.  Le  tissu  cellulaire  très- 
lâche,  et  querinsufflation  développe  en  larges  ampoules, 
comme  celui  du  prépuce , celui  qui  existe  entre  les 
muscles  à grands  mouvemens  ; et  les  bourses  synoviales 


l88  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

sous-cutanées,  constituent  en  effet  une  transition  entre 
les  deux  tissus.  Des  vaisseaux  blancs  très-nombreux 
entrent  dans  la  composition  de  ces  membranes.  Les  in- 
jections, l’inflammation,  qui  font  pénétrer,  les  premiè- 
res, un  liquide  coloré,  les  secondes,  le  sang,  dans  ces 
vaisseaux,  rendent  ceux-ci  très-apparens  : leur  quantité 
paraît  alors  très-considérat>le.  Cependant,  il  faut.éviter 
de  confondre  les  vaisseaux  propres  à la  membrane  sé- 
reuse avec  ceux  qui  appartiennent  au  tissu  cellulaire 
sous-jacent,  et  qu’on  croirait  exister  dans  la  membrane 
elle-même,  à cause  de  sa  transparence.  Dans  le  péri- 
toine , par  exemple,  il  faut  que  l’inflammation  soit 
long-temps  prolongée  pour  que  le  sang  arrive  au  delà 
du  tissu  cellulaire  sous-séreux  ; et , en  examinant 
la  chose  peu  attentivement,  on  serait  tenté  de  croire 
que  c’est  le  péritoine  lui-même  que  la  maladie  a rendu 
vasculaire.  Il  en  est  de  même  des  injections  : ce  n’est 
que  quand  elles  sont  très-ténues  qu’elles  pénètrent  jus- 
que dans  la  membrane  elle -même.  On  ne  connaît 
point  les  nerfs  des  membranes  séreuses. 

§ 187.  Le  liquide  que  renferment  ces  membranes  n’est 
point  le  même  dans  toutes;  cependant  il  ressemble 
plus  ou  moins  à la  sérosité  du  sang,  ou  au  sang  privé 
de  matière  colorante.  Il  contient,  en  général,  de  l’eau, 
de  l’albumine,  une  matière  incoaguîable,  que  l’on  peut 
regarder  comme  une  sorte  de  mucus  gélafciniforme, 
une  matière  fibrineuse  et  de  la  soude.  Nous  verrons  plus 
loin  les  différences  que  présente  ce  liquide  dans  les 
diverses  espèces  de  membranes  séreuses. 

§188.  Les  membranes  séreuses  sont,  pendant  la  vie 
surtout,  extensibles  et  rétractiles  à un  haut  degré,  ainsi 


DES  MEMBRANES  SEREUSES.  189 

qu’on  le  voit  dans  les  hydropisies,  et  après  la  guérison 
de  ces  maladies  ; mais  leur  agrandissement  n’est  pas 
toujours  simplement  un  résultat  de  leur  extensibilité; 
il  y a en  outre  disparition  de  leurs  plis,  qui,  se  dévelop- 
pant peu  à peu,  fournissent  à l’accroissement  de  la 
membrane.  Une  autre  cause  qui  concourt  à cette  aug- 
mentation de  volume,  est  le  glissement  dont  celle-ci  est 
susceptible,  l’espèce  de  locomotion  quelle  éprouve 
lorsqu’elle  n’est  distendue  que  dans  un  point  de  son 
étendue,  comme  on  le  voit  particulièrement  dans  les 
hernies.  Enfin , il  paraît  y avoir,  dans  quelques  cas, 
une  augmentation  réelle  de  nutrition,  quLcontribue 
encore  à la  production  de  ce  phénomène  : cet  accrois- 
sement de  substance  est,  avec  les  autres  causes  d’am- 
pliation , manifeste  dans  la  grossesse,  par  exemple.  Au 
reste,  ces  phénomènes  ne  sont  pas  également  marqués 
dans  les  différentes  espèces  de  membranes  séreuses  : 
le  péritoine  les  présente  au  plus  haut  "degré  ; ils  sont 
beaucoup  moins  prononcés  dans  les  membranes  syno- 
viales, articulaires  surtout,  ce  qui  dépend,  d’une  part, 
de  l’extensibilité  moindre  de  ces  membranes , mais 
aussi  de  ce  quelles  ont  moins  de  plis,  et  surtout  de 
ce  que  leurs  connexions  ne  leur  permettent  pas  de  se 
déplacer  avec  autant  de  facilité.  Quand  la  distension 
vient  à cesser,  les  membranes  reviennent  peu  à peu  à 
leur  état  antérieur  ; mais  si  elle  a été  portée  jusqu’à 
l’éraillement  il  en  reste  toujours  des  traces. 

§ 189.  La  force  de  formation  assez  développée  dans 
les  membranes  séreuses,  y est  pourtant  moindre  que 
dans  le  tissu  cellulaire  libre.  La  motilité  y est  très- 
bornée  ; elles  n’y  existe  qu’au  faible  degré  qui  constitue 


l 


ANATOMIE  GENERALE. 


l9° 

la  tonicité.  Mais  si  l’irritation  n’y  détermine  pas  de 
mouvemens  appréciable;  elle  y développe  la  sensibili- 
té : ces  membranes , en  effet,  deviennent  très-sensibles, 
et  transmettent  ordinairement  des  impressions  doulou- 
reuses , dans  l’inflammation. 

§ 190.  Toutes  les  membranes  séreuses  sont  le  siège  de 
ladéposition  et  delà  résorption  continuelles  d’un  liquide 

séreux  dans  leur  cavité,  ou  par  leur  surface  libre -et 

• 

contiguë.  L’étendue  considérable  de  ces  membranes 
prises  ensemble,  donne  une  grande  importance  à cette 
double  fonction.  La  matière  de  cette  sécrétion  est , 
comme  toutes  les  autres,  apportée  par  les  vaisseaux 
dans  l’épaisseur  tle  la  membrane  et  surtout  dans  les 
points  de  la  membrane  les  plus  vasculaires,  dans  les 
prolongemens  frangés  : on  ne  sait  pas  au  juste  par 
quelle  voie  la  matière  sécrétée  sort  des  vaisseaux  et 
passe  dans  la  cavité.  On  a supposé  pour  toutes  ces 
membranes  des  glandes  sécrétoires,  soit  à leur  voi- 
sinage, soit  dans  leur  épaisseur  même;  mais  ces 
prétendues  glandes  n’existent  pas.  On  a supposé 
aussi  des  transsudations  par  des  porosités  anorga- 
niques  ; mais  sans  connaître  exactement  le  mode 
suivant  lequel  se  font  les  sécrétions  perspiratoires, 
on  sait  que  les  transsudations  n’ont  lieu  que  dans 
le  cadavre  et  même  quelque  temps  après  la  mort 
seulement.  Le  liquide  est  aussi  continuellement  ab- 
sorbé par  la  membrane,  dans  l’épaisseur  de  laquelle 

m 

il  rentre  dans  les  vaisseaux.  Tant  que  la  déposition 
et  la  résorption  sont  dans  un  juste  équilibre  , les 
membranes  séreuses  sont  simplement  humectées  à 
leur  surface.  L’augmentation  de  la  sécrétion,  ou  la  di- 


DES  MEMBRANES  SEREUSES.  I91 

minution  de  l’absorption,  donne  lieu  à une  accumula- 
tion qu’on  appelle  hydropisie. 

Le  liquide  sécrété  a des  usages  locaux  et  des  usages 
généraux  : localement  il  sert  à entretenir  l’isolement 
entre  les  deux  feuillets  contigus  des  membranes  sé- 
reuses, et  à faciliter  les  mouvemens  des  organes  les 
uns  contre  les  autres  ; en  général,  il  est  vraisemblable 
que  la  matière  nutritive , ainsi  déposée  et  reprise  al- 
ternativement, éprouve  une  assimilation  plus  parfaite 
avant  d’être  employée  à la  nutrition  des  organes. 

§191.  L’action  des  membranes  séreuses,  soit  en  santé, 
soit  en  maladie  surtout,  est  liée  étroitement  aux  autres 
actions  organiques.  Ainsi,  quand  elles  sont  malades,  les 
fonctions  des  organes  quelles  revêtent,  sont  plus  ou 
moins  troublées,  ce  trouble  s’étend  au  loin,  et  même 
souvent  à tout  l’organisme  : de  même  les  affections 
des  autres  organes,  surtout  celles  des  membranes  té- 
gumentaires,  des  organes  circulatoires,  des  glandes, 
dérangent  souvent  leurs  fonctions;  les  affections  des 
organes  qu’elles  revêtent,  les  altèrent  toujours  plus 
ou  moins  sensiblement;  cfune  part  la  cavité  qu’elles 
forment  établit  un  véritable  isolement  entre  les  parties 
sur  lesquelles  se  déployent  leurs  deux  portions  oppo- 
sées ; d’un  autre  côté  , la  continuité  et  l’étendue  de 
chacune  de  ces  membranes,  donnent  facilement  lieu  à 
des  affections  très-étendues.  • 

§ 192.  v système  séreux  est  très-mou  à son  origine 
qui  est  d’ailleurs  peu  connue  : chez  l’embryon  , les 
viscères  abdominaux  ne  semble  ut  recouverts  que 
d un  vernis  liquide  et  visqueux.  Les  membranes  sé- 
ïeuses  sont  très-minces  , dans  le  fœtus  et , en  général, 


IC)2  ANATOMIE  GENERALE. 

moins  adhérentes  à cause  de  la  mollesse  du  tissu  cel- 
lulaire qui  les  unit  aux  parties  voisines,  de  sorte 
qu’on  les  sépare  avec  facilité  de  ces  mêmes  parties  : 
cependant,  sur  les  cartilages  articulaires,  et  sur  l’al- 
bu  ginée  du  testicule,  1 adhérence  est  presque  aussi  in- 
time que  par  la  suite.  On  ignore  complètement  si  ces 
membranes,  dont  le  caractère  essentiel  est  l’interrup- 
tion de  continuité  qu  elles  établissent  entre  les  parties, 
sont  d abord  du  tissu  cellulaire  mou,  continu  et  sans 
■cavité  intérieure,  comme  l’affirment  quelques  anato- 
mistes, qui  admettent  qu’il  existe  au  commencement 
une  continuité  générale  entre  toutes  les  parties,  entre 
les  os,  par  exemple.  Le  liquide  des  membranes  séreuses 
est  d’abord  très-ténu.  Quelques-unes  de  ces  mem- 
branes , celles  des  cavités  splanchniques  , offrent  «des 
différences  de  conformation  remarquables  chez  le  fœ- 
tus. Les  membranes  séreuses  éprouvent  divers  chan- 
gemens  dans  la  vieillesse. 

§ 193.  La  formation  d’un  tissu  séreux  accidentel 
s’observe  souvent  ; sa  réparation  ou  reproduction  a 
lieu  dans  les  plaies  des  membranes  séreuses , lesquelles 
se  réunissent  quand  leurs  bords  voisins  sont  en  contact 
immédiat  ; l’observation  a montré  que  l’opinion  des  an- 
ciens, qui  11e  croyaient  pas  ces  sortes  de  plaies  suscep- 
tibles de  réunion,  est  dénuée  de  tout  fondement.  Lors- 
que ces  plaies  sont  ave?  perte  de  substance,  ou  qu’il 
y a un  écartement  entre  leurs  bords,  l’intermlle  qu’ elles 
présentent  est  rempli  par  une  nouvelle  membrane,  une 
véritable  cicatrice.  Celle-ci  paraît  être  un  peu  plus 
mince  et  plus  extensible  que  la  membrane  environ- 
nante. 


des  membranes  séreuses.  ip3 

§ 1 94.  Le  liquide  contenu  dans  les  cavités  des  mem- 
branes séreuses  est  susceptible  de  s’y  accumuler,  soit 
que  la  résorption  en  soit  diminuée  ou  l’exhalation  aug- 
mentée : cette  accumulation  donne  lieu  aux  diverses  hy- 
dropisies.  Le  liquide  qui  forme  ces  dernières,  offre  des 
qualités  variables  , surtout  quand  il  y a de  l’inflamma- 
tion. Ce  liquide  contient  tantôt  plus,  tantôt  moins  de  ma- 
tière animale  que  dans  l’état  de  santé  : quelquefois  la 
proportion  de  cette  matière  est  la  même  que  dans  cet 
état.  En  général  la  sérosité  des  hydropisies  ressemble 
au  sérum  du  sang,  sauf  une  moindre  proportion 
d’albumine.  Il  est  un  point  d’anatomie  pathologique 
auquel  on  n’a  pas  donné  assez  d’attention*  c’est  que  les 
hydropisies  qui  ne  paraissent  pas  dépendre  d’une  alté- 
ration des  membranes' séreuses  ou  des  organes-  de  la 
respiration  et  de  la  circulation , et  que  pour  cette  raison 
on  a regardées  comme  des  affections  générales,  sont 
souvent  précédées  et  accompagnées  d’un  flux  d’urine 
contenant  une  grande  proportion  de  gélatine  et  d’al- 
bumine, soustraction  de  matières  animales  qui  change 
la  composition  du  sang,  qui  le  rend  plus  aqueux  et  qui 
dépend  d’une  altération  du  rein  et  de  sa  fonction.  Ce 
flux  accompagne  aussi  quelquefois  les  hydropisies  avec 
affection  locale  d’un  autre  viscère  s. 

S 195.  L’inflammation  des  membranes  séreuses  , qui 
est  très-fréquente,  produit  dans  ces  membranes  des  al- 
térations de  tissu  et  des  altérations  de  sécrétion.  La 
membrane  devient  vasculaire,  d’abord  dans  son  tissu 
cellulaire  extérieur,  puis  à la  longue  dans  son  épaisseur 

1 Voyez  J.  Blackall , Observations  on  dropsies  , etc.  Lon- 
don, i8i3. 

L 1 3 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


*94 

même;  ses  franges  vasculaires,  et  ses  villosités  sont 
plus  marquées,  et  finissent  même  par  devenir  très- 
saillantes  et  très-épaisses.  Si  i’inflammation  dure  un 
certain  temps,  la  membrane  s’épaissit  un  peu  et  perd 
sa  transparence,  cependant  le  plus  souvent  l’épaissis- 
sement qui  paraît  très -grand,  n’est  qu’apparent  et 
étranger  à la  membrane  elle-même.  Outre  la  déposi- 
tion intersticielle  qui  donne  lieu  à cette  altération, 
une  sécrétion  s’opère,  en  général,  dans  la  cavité  même 
de  la  membrane;  la  sécrétion,  cependant,  se  suspend 
d’abord  pour  changer  ensuite  de  caractère.  Le  liquide 
versé  est  suivant  les  cas , une  simple  sérosité  très-abon- 
bondante,  mais  non  autrement  altérée;  ou  bien  un 
fluide  blanchâtre,  lactescent,  ou  contenant  des  flocons 
albumineux  et  fibrineux;  quelquefois,  mais  rarement, 
la  sérosité  est  sanguinolente  ; enfin  on  y trouve  du 
pus,  offrant  toutes  les  propriétés  de  celui  qui  se  pro- 
duit dans  le  tissu  cellulaire.  Outre  ces  effets  de  l’in- 
flammation , il  en  est  encore  d’autres  très  - remar- 
quables. 

§ 196.  Lçs  fausses  membranes, pseudo  membranes , ne 
sont  point  particulières  aux  membranes  séreuses,  mais 
elles  y sont  très-fréquentes.  Elles  consistent  dans  la  con- 
crétion, sous  forme  de  membrane,  du  produit  de  la  sé- 
crétion de  la  membrane  enflammée  à un  certain  degré. 
Ce  produit,  semblable  à la  matière  organisable  qui 
détermine  l’adhérence  des  lèvres  des  plaies,  est  d’abord 
versé,  par  gouttelettes  séparées,  sur  l^surface  libre  delà 
membrane;  ces  gouttes,  en  se  multipliant  et  en  s’éten- 
dant, se  rencontrent  communément  et  forment  d abord 
un  réseau  , puis  une  surface  entière.  Ordinairement, 


des  membranes  séreüses.  195 

la  iifêine  chose  ayant  lieu  sur  la  partie  opposée  de  la 
membrane,  et  celle-ci  restant,,  en  général,  en  contact 
avec  la  première,  la  fausse  membrane  détermine  l’ag- 
glutination des  deux  parties  auparavant  contiguës  : c’est 
le  premier  degré  de  l’adhérence , l’adhéreuce  gélati- 
neuse de  quelques-uns,  couenneuse de  quelques  autres  ; 
j’aime  mieux  appeler  cela  agglutination.  Tantôt  la  ma- 
tière de  l’agglutination  ne  forme  qu’une  couche  mince, 
interposée  entre  les  deux  surfaces  rapprochées;  tantôt 
elle  est  si  abondante  qu’elle  remplit , et  distend  la  cavité 
séreuse* 

Les  adhérences  organiques  des  membranes  séreuses  , 
sont  un  résultat  fréquent  de  la  formation  des  fausses 
membranes.  La  matière  organisable  de  l’agglutination 
se  change  en  tissu  cellulaire,  dans  lequel  il  se  forme 
des  canaux  rameux  qui  acquièrent  peu  à peu  la  struc- 
ture vasculaire,  (chap.  IV)  èt  qui  finissent  par  com- 
muniquer avec  les  vaisseaux  de  la  membrane  enflam- 
mée. Plusieurs  des  premiers  observateurs  qui  ont  vu 
les  vaisseaux  des  adhérences,  les  ont  pris  pour  des  vil- 
losités vasculaires,  prolongées  de  la  membrane  ancienne 
dans  la  matière  de  la  fausse  membrane.  J.  Hunter  et 
M.  Ev.  Home,  ont  observé  le  contraire,  que  j’ai  moi- 
même  constaté  plusieurs  fois.  On  peut,*en  piquant  au 
hasard  dans  une  adhérence  récente  avec  un  tube  rem- 
pli de  mercure,  injecter  des  canaux  rameux,  dont  la 
partie  la  plus  large  ou  le  tronc  répond  au  centre  de 
l’adhérence  et  dont  les  rameaux  dirigés  en  deux  sens 
opposés,  comme  ceux  de  la  veine-porte,  sont  dirigés 
vers  les  surfaces  séreuses  sans  arriver  toujours  jusqu’à 
ces  surfaces , et  sans  que  celles-ci  fournissent  des  vil- 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

losités  bien  marquées.  A la  longue , la  disposition 
change j ladlicience,  des  que  les  canaux,  ont  commu- 
niqué  avec  les  vaisseaux  anciens,  devient  de  plus  en 
plus  vasculaire  au  voisinage  de  la  membrane , et  de 
moins  en  moins  dans  son  centre.  Les  adhérences  orga- 
niques des  membranes  séreuses  n’ont  pas  toujours  la 
même  forme,  elles  consistent  ordinairement  en  quel- 
ques brides  ou  en  cordons  plus  larges  aux  extrémités 
adhérentes  et  plus  minces  au  centre  qui  est  libre;  d'au- 
tres fois,  il  y a un  très-grand  nombre  de  filamens  à peu 
près  semblables  aux  brides;  dans  d’autres  cas  enfin,  les 
adhérences  sont  si  multipliées,  que  les  deux  parties  de 
la  membrane  sont  confondues  et  semblent  remplacées 
par  du  tissu  cellulaire.  La  texture  des  adhérences,  telle 
qu’on  la  voit  dans  les  brides,  est  celle  des  membranes 
séreuses,  elles  forment  une  espèce  de  gaîne  lisse  à la 
surface  et  remplie  de  tissu  cellulaire  contenant  quel- 
ques vaisseaux.  Ces  adhérences  sont  d’une  part  si  fré- 
quentes, et  de  l’autre  quelquefois  si  régulièrement  or- 
ganisées, que  beaucoup  de  médecins  anciens  les  ont 
prises  pour  des  ligamens  naturels,  et  que,  même  parmi 

les  modernes,  Tioch  en  a trouvé  dans  le  péricarde,  et 

« 

Bichat  dans  sa  plèvre  qui  leur  ont  semblé  appartenir  à 
nne  conformation  primitive. 

Les  brides  qui  constituent  les  adhérences  s’allongent  de 
plus  en  plus,  à mesure  qu’elles  durcissent  : il  est  même 
probable  que  leur  centre  finit  par  être  entièrement  ab- 
sorbé; ce  qui  tend  à le  faire  admettre,  c’est  qu  en  exa- 
minant les  parois  de  l’abdomen  peu  de  temps  après 
les  plaies  de  cette  partie,  on  trouve,  en  général,  l’in- 
testin adhérent  à l’endroit  de  la  plaie,  tandis  qu’à  une 


DES  MEMBRANES  SEREUSES.  197 

époque  plus  reculée,  l’adhérence  n’est  plus  formée  que 
par  une  bride,  qui,  à la  longue,  devient  elle -même 
très-ténue  ; et  qu’enfin , si  on  observe  la  disposition  des 
parties  au  bout  d’un  temps  très -long,  il  finit  par  ne 
plus  y avoir  d’adhérence.  Ces  nuances  diverses  se  ren- 
contraient toutes  dans  le  corps  d’un  individu,  qui,  af- 
fecté de  mélancolie,  s’était  donné  douze  à quinze  coups 
de  couteau  à différentes  époques  de  sa  vie  , et  que 
j’ai  eu  occasion  de  disséquer. 

§ 197.  Les  membranes  séreuses  éprouvent  diverses 
transformations , ou  pour  parler  plus  exactement , 
sont  le  siège  de  diverses  productions  accidentelles. 
Des  plaques  fibreuses  , cartilagineuses,  fibro -cartila- 
gineuses et  même  osseuses,  se  remarquent  souvent 
dans  leur  épaisseur,  et  en  particulier  dans  la  plèvre, 
qui  forme  quelquefois  une  sorte  de  plastron  à la 
suite  des  pleurésies  chroniques.  Le  plus  souvent , il  est 
vrai,  ces  plaques  leur  sont  simplement  subjacentes , ou 
surappliquées. 

Des  concrétions  libres  , ou  pédiculées  , ont  leur 
siège  à l’intérieur  de  ces  membranes.  On  les  trouve 
plus  particulièrement  dans  les  séreuses  articulaires , 
quelquefois  pourtant  dans  celles  des  tendons  , et 
même  dans  les  cavités  splanchniques.  Elles  sont 
d abord  extérieures  à la  membrane,  la  poussent  en- 
suite peu  à peu  au  devant  d’elles,  et  font  saillie 
dans  son  intérieur , où  elles  offrent  une  base  large 
et  courte,  et  plus  taç^l  un  pédicule  qui  devient  de 
plus  en  plus  long  et  grêle,  jusqu’à  ce  qu’enfin,  ce 
pédicule  venant  à se  rompre,  elles  deviennent  totale- 
ment libres  dans  la  cavité  de  la  membrane.  Tel  est  le 


I()8  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

véritable  mécanisme  (le  la  formation  de  ces  corps,  que 
l’on  prenait  pour  de  vraies  concrétions,  lorsqu’on  ne  les 
avait  point  observés  à différens  degrés  de  leur  dévelop- 
pement. La  consistance  de  ces  corps  varie  : ils  sont  quel- 
quefois très-mous  et  comme  albumineux,  mais  le  plus 
souvent  ils  sont  fibreux,  cartilagineux  ou  osseux. 

Les  membranes  séreuses  participent  aux  dégéné- 
rations communes  à tous  les  tissus;  elles  paraissent 
aussi  en  avoir  qui  leur  sont  propres. 

§ 198.  Des  vices  de  conformation  s’observent  dans 
quelques-unes  de  ces  membranes,  comme  dans  l’arach- 
noïde des  fœtus  anencéphales  ; dans  le  péritoine  et  dans 
la  tunique  vaginale,  quand  le  canal  de  communica- 
tion entre  ces  deux  sacs  membraneux  subsiste  après  la 
naissance.  On  a rencontré  dans  le  péritoine  des  es- 
pèces de  sacs  surnuméraires  : Neubauer  en  rapporte 
des  exemples.  Les  vices  de  conformation  acquis  sont 
également  propres  à un  petit  nombre  de  ces  mem- 
branes , et  appartiennent  à l’anatomie  spéciale.  Les 
hernies  sont  un  de  ces  vices. 

§ 199.  Les  kystes  peuvent  être  décrits  à l’occasion 
des  membranes  séreuses;  c’est  en  effet  avec  ce  genre 
d’organes  qu’ils  ont  le  plus  de  ressemblance.  Ils 
représentent  en  général,  comme  les  parties  que  com- 
prend le  système  séreux,  une  poche  ou  cavité  membra- 
neuse, fermée  de  toutes  parts,  adhérente  d un  coté, 
libre  de  l’autre,  et  en  contact  avec  un  liquide  qui 
la  remplit;  ils  ont  généralement  la  forme  globu- 
leuse ; leur  volume  varie  depuis  celui  d’un  grain  de 
millet  jusqu’à  celui  de  l’abdomen  distendu  ; ils  sont 
tantôt  isolés  et  tantôt,  groupés  plusieurs  ensemble,  et 


DES  MEMBRANES  SEREUSES. 


1 99 

communiquant  entre  eux;  leur  surface  externe  est  flo- 
conneuse , cellulaire,  quelquefois  garnie  de  lames  ou 
même  d’une  couche  fibreuse  ; quelquefois  cette  sur- 
face est  doublée  d’une  membrane  naturelle  qu’ils  ont 
envahie  en  faisant  saillie  à une  surface  ; leur  surface 
interne  est  lisse  et  polie  ; l’épaisseur  varie  et  est  en  gé- 
néral moins  grande  dans  les  kystes  des  organes  que 
dans  ceux  du  tissu  cellulaire  libre  ; elle  est  aussi  plus 
ou  moins  grande  dans  les  parties  d’un  même  kyste  ; 
la  consistance  varie  depuis  celle  d’un  liquide  à peine 
concret  jusqu’à  celle  du  tissu  séreux,  et  même  du  tissu 
fibreux  ; il  en  est  de  même  de  leur  adhérence,  qui  tan- 
tôt est  intime  et  tantôt  ne  semble  consister  qu’en  une 
simple  agglutination  ; il  n’y  a point  de  vaisseaux  appa- 
rens  à leur  surface  libre. 

Le  liquide  qu’ils  contiennent  n’offre  pas  moins  de  va- 
riétés. On  y trouve  tantôt  une  sérosité  limpide,  ou  plus 
ou  moins  épaisse  et  comme  albumineuse,  et  diversement 
colorée  ; tantôt  de  la  graisse  à l’étal  fluide,  ou  en  pail- 
lettes et  formant  delà  cholestérine  ; dans  quelques  cas, 
du  mucus  ou  une  substance  visqueuse,  qui,  au  lieu  de 
se  coaguler,  s’évapofe  presqug  en  entier  par  la  chaleur, 
et  laisse  très-peu  de  résidu;  d’autres  fois  un  mélange 
de  mucus  et  d’albumine,  ou  bien  une  matière  noi- 
râtre ressemblant  à du  chocolat , quelquefois  même 
du  sang  pur;  quelquefois  des  vers  hydatiques;  quelque- 
fois des  substances  salines  cristallisées  ; on  y a vu  aussi 
une  matière  concrète  analogue  au  caoutchouc. 

Les  kystes  sont  dans  un  état  de  réplétion  qu’on  peut 
comparer  à lhydropisie  des  membranes  séreuses:  ce- 
pendant ils  sont  le  siège  d’une  secrétion  et  d’une  ab- 


200 


ANATOMIE  GENERALE. 


sorption  continuelles  ; ils  disparaissent  dans  certains 
cas  , persistent  dans  quelques-uns  et  grossissent  conti- 
nuellement dans  d’autres  cas. 

Différentes  hypothèses  ont  été  proposées  pour  ex- 
pliquer la  formation  des  kystes.  Les  uns  les  regardent 
comme  des  membranes  de  nouvelle  formation  qui  se 
développent  autour  d’une  substance  primitivement 
existante;  les  autres  pensent,  au  contraire,  qu’ils 
préexistent  aux  matières  qu’ils  renferment  : soit  qu’ils 
soient  formés  par  le  tissu  cellulaire  distendu  , soit 
qu’ils  doivent  leur  naissance  à des  vaisseaux  lympha- 
tiques dilatés.  Il  est  difficile  de  trancher  la  ques- 
tion d’une  manière  absolue  : il  y a des  cas  favorables 
à l’une  et  à l’autre  de  ces  opinions.  Certains  tissus 
que  l’on  range  parmi  les  kystes  sont  évidemment 
préexistans.  On  peut  ranger*  dans  cette  classe  les 
loupes  sous-cutanées  , qui  ne  sont  autre  chose  que 
des  follicules  sébacés  considérablement  accrus  , et 
non  des  poches  accidentelles,  les  kystes  de  1 ovaire 
qui  paraissent  dépendre  du  développement  extraor- 
dinaire des  vésicules  de  cet  organe  , les  kystes  du 
cordon  testiculaire  de  i’homme , ou  de  la  lèvre  de 
la  vulve  dans  la  femme,  qui  sont  des  détritus  de  la 
tunique  vaginale,  etc.  Un  autre  genre  de  kystes  se 
forme,  au  contraire,  consécutivement  : tels  sont  ceux 
qui  succèdent  aux  épanchemens  de  sang  qui  se  font 
dans  le  cerveau,  ceux  qui  se  développent  autour  dun 
corps  étranger,  etc.  Dans  d autres  circonstances,  il  est 
très-difficile  de  déterminer  le  mode  et  l époque  d ori- 
gine des  kystes.  Il  est  très-vraisemblable  pourtant  que 
tous  les  vrais  kystes  sont  des  membranes  de  nouvelle 


DES  MEMBRANES  SEREUSES. 


201 


formation  déterminée  ou  non  par  une  inflammation 
évidente.  Les  kystes  sont , du  reste  , susceptibles  de 
toutes  les  affections  des  membranes  séreuses  : ils  sont 
sujets  à toutes  les  variétés  de  l’inflammation  , aux  pro- 
ductions accidentelles  , soit  analogues  , soit  morbides. 
On  les  a observés  partout , si  ce  n’est  peut-être  dans 
les  os  et  dans  les  cartillages. 

On  confond  ordinairement  avec  les  kystes,  les  mem- 
branes cellulaires  nouvelles  qui  servent  d’enveloppes 
aux  productions  accidentelles  analogues  ou  morbides 
et  aux  corps  étrangers.  Ces  enveloppes  ne  sont  point 
comme  les  kystes  et  les  membranes  séreuses  des  sur- 
faces inhalantes  et^ exhalantes  ; elles  doublent  souvent 
les  kystes.  Leur  consistance  varie  ; elles  sont  toujours 
aussi  des  parties  de  formation  nouvelle. 

Il  existe  entre  les  kystes  ou  vésicules  séreuses  te- 
nant au  tissu  cellulaire  par  leur  surface  externe  , et 
les  vers  hydatiques,  des  transitions  insensibles,  entre 
lesquelles  il  est  très-difficile  d’établir  une  démarcation 
tranchée.  Ainsi  les  petites  vésicules  séreuses  que  l’on 
trouve  si  souvent  dans  les  plexus  choroïdes , celles  que 
1 on  voit  quelquefois  à l’extrémité  frangée  de  la  trompe 
utérine,  celles  que  j’ai  vues  plusieurs  fois  dans  des 
végétations  des  membranes  muqueuses  nasale  et  uté- 
rine, paraissent  évidemment  appartenir  aux  kystes. 
La  môle  hydatique  ou  en  grappes  me  semble  encore 
appartenir  au  même  genre,  et  cependant  un  médecin 
naturaliste  très -habile  1 la  rapporte  au  genre  acé- 
phalocyste.  Les  trois  espèces  d’acéphalocystes  simples  f 

Voyez  H.  Cioquet.  Faune  des  médecins,  tom.  I.  Paris, 
1 822. 


202 


ANATOMIE  GENERALE. 

elles-mêmes,  dont  l’animalité  est  encore  douteuse,  se 
rapprochent  aussi  jusqu’à  un  certain  point  des  kystes. 
J’ai  retiré  une  fois  de  dessous  la  peau  du  cou  et  plu- 
sieurs fois  de  dessous  la  peau  de  la  mamelle  des  acé- 
phalocystes  de  ces  espèces  , uniques  , non  enkystées , 
non  adhérentes,  à la  vérité,  mais  comme  accolées  ou 
agglutinées  au  tissu  cellulaire.  Le  plus  souvent,  il  est 
vrai,  on  trouve  l’une  ou  l’autre  des  trois  espèces  d’acé- 
phalocystes  simples,  rassemblées  en  grand  nombre  et 
libres,  dans  un  kyste  distinct. 

Un  médecin  moderne  1 a attribué  à la  formation  , 
au  développement  et  aux  transformations  deshydatides 
ou  des  kystes  liydatiformes  dont  il  vient  d’être  ques- 
tion, l’origine  des  tubercules,  de  toutes  les  tumeurs, 
et  même  des  corps  étrangers  suspendus  ou  libres  dans 
les  cavités  séreuses  et  synoviales. 

Après  avoir  exposé  l’histoire  générale  du  système 
séreux , il  faut  décrire  successivement  les  différentes 
espèces  qu’il  comprend. 


SECONDE  SECTION 


ARTICLE  PREMIER. 

DES  BOURSES  SYNOVIALES  SOUS-CUTANEES. 

§ 200.  Les  bourses  synoviales  ou  mucilagineuses 
^sous-cutanées , bursce  mucosce  subcutanece , n avaient 

1 Voyez  J.  Baron.  An  Inquiry , etc.,  on  tuberculous  di- 
seuses. London,  1817. 


DES  BOURSES  SYNOVIALES  SOUS-CUTANEES.  2o3 

point  été  décrites  par  les  anatomistes.  Quelque  patho- 
logistes, et  notamment  Gooch,  Càmper,  et  récemment 
M.  Asselin,  ont  parlé  de  leur  hydropisie.  Camper,  à 
cette  occasion  , avait  dit  un  mot  de  leur  état  sain.  Je  les 
ai  observées  et  décrites  depuis  long-temps  dans  mçs  le- 
çons ; j’en  ai  parlé  aussi  dans  les  additions  à l’Anatomie 
générale  de  Bichat,  et  dans  le  Dictionnaire  de  mé- 
decine. 

§ 201.  Les  bourses  synoviales,  dont  on  trouve  en 
quelque  sorte  le  rudiment  dans  le  tissu  cellulaire  lâche 
ef  très-extensible  qui  existe  entre  toutes  les  parties 
très- mobiles,  se  rencontrent  sous  la  peau,  partout 
où  cette  membrane  recouvre  des  parties  qui  exer- 
cent de  grands  et  de  fréquens  mouvemens  ; comme 
entre  la  peau  et  la  rotule,  entre  l’olécrane  et  la  peau , 
sur  le  trochanter,  sur  l’acromion,  devant  le  cartilage 
thyroïde;  quelquefois  derrière  l’angle  delà  mâchoire; 
toujours  entre  la  peau  et  le  côté  saillant  des  articula- 
tions métacarpo  et  métatarso-phalangiennes,  et  de  celles 
des  premières  phalanges  avec  les  secondes.  Toutes  ces 
dernières  sont  ordinairement  confondues  avec  celles 
des  tendons  voisins. 

Pour  bien  apercevoir  ces  membranes,  il  faut  les 
remplir ‘d  air.  On  voit  alors  qu  elles  forment  une  cavité 
obronde,  multiloculaire,  c’est-à-dire  divisée  par  des 
cloisons  incomplètes,  mais  close;  l’air  qu’on  y souffle 
y restant  enfermé,  et  ne  s’infiltrant  point  dans  le  tissu 
cellulaire  environnant;  les  parois  de  la  cavité  qu’elles 
forment  sont  très-minces  et  peu  résistantes. 

Leur  texture  est  fort  simple,  comme  celle  des  mem- 
branes séreuses  en  général,  et  ne  semble  différer  de 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


2C>4 

celle  du  tissu  cellulaire  que  par  une  condensation  un 
peu  plus  grande.  11  existe  très-peu  de  vaisseaux  dans 
répaisseut*  de  ces  membranes:  leur  surface  libre  et 
contiguë  est  humectée  par  un  liquide  onctueux  ou 
mucilagineux  trop  peu  abondant  pour  qu’on  puisse  le 
bien  examiner. 

Ces  membranes  et  le  liquide  onctueux  qu’elles  co  n- 
tiennent,  ont  évidemment  pour  usage  local  de  favoriser 
le  mouvement  des  os  sous  la  peau. 

Ces  bourses  se  développent  de  très-bonne  heure; 
elles  existent  à l’époque  de  la  naissance,  et  sont  alors 
très-aisées  à apercevoir,  à cause  du  liquide  assez  abon- 
dant qui  les  humecte. 

Leur  développement  augmente  en  proportion  de 
l’exercice  des  parties  qu’elles  recouvrent  : celle  de 
l’acromion,  par  exemple,  devient  plus  apparente  chez 
les  individus  qui  portent  des  fardeaux  sur  l’épaule; 
celle  du  genou  est  plus  développée  chez  les  personnes 
qui  se  mettent  habituellement  à genoux. 

§ 202.  Elles  se  forment  accidentellement , dans  des 
«cas  où  la  peau  exerce  des  frottemens  accidentels. 
1VL  Brodie  parle  d’une  gibbosité  sur  laquelle  il  s en  était 
développé  une  , à la  suite  du  glissement  continuel 
dont  la  peau  était  le  siège  en  cet  endroit;  on  -observe 
la  même  chose  dans  les  pieds  bots,  à 1 endroit  où  la 
peau  frotte  contre  le  côté  saillant  du  tarse  ; on  voit, 
encore  la  même  chose  après  1 amputation  de  la  cuisse, 
entre1  le  bout  de  l’os  et  la  cicatrice. 

L’hydropisie  des  bourses  synoviales  sous  - cuta- 
nées c onstitue  l liygroma , affection  anciennement 
connue  , qu’on  observe  particulièrement  au  genou, 


des  bourses  synoviai.es  SOUS-CUTANÉES.  2o5 

devant  la  rotule  des  personnes  qui  reposent  souvent 
sur  cette  partie,  comme  les  prêtres,  les  religieuses, 
les  blanchisseuses  de  certains  pays  et  les  servantes  qui 
se  mettent  à genoux  pour  laver,  les  ramoneurs,  etc., 
et  qu’on  observe  aussi  quelquefois  , mais  moins  sou- 
vent, dans  les  autres  membranes  de  la  même  espèce. 
L’hygroma  peut  acquérir  un  volume  considérable. 
Il  disparaît  quelquefois  très-promptement  sans  cause 
connue,  ou  après  des  applications  médicamenteuses. 
J’en  ai  fait  quelquefois  la  ponction  , et  j’en  ai  retiré  de 
la  sérosité  visqueuse.  Une  injection  stimulante,  faite 
après  la  ponction  en  détermine  souvent  l’adhésion 
mutuelle  des  parois  et  l’oblitération  de  la  cavité. 

Les  bourses  synoviales  sous-cutanées  sont  suscep- 
tibles de  s’enflammer,  de  suppurer  et  de  former  des 
abcès  volumineux,  soit  après  des  pressions  réitérées, 
soit  après  qu'on  y a fait  une  injection. 


ARTICLE  II. 

DES  MEMBRANES  SYNOVIALES  DES  TENDONS. 

§ 2o3.  Les  membranes  synoviales  des  tendons, mem~ 
branœ  mucosœ  tendinum , sont  des  membranes  sé- 
reuses humectées  d’un  fluide  onctueux , annexées  aux 
tendons,  là  où  ils  frottent  contre  les  parties  voisines. 

Elles  ont  reçu  les  noms  assez  mauvais  de  bourses,  de 
vessies,  de  capsules,  de  gaînes  muqueuses,  mucilagi- 
neuses,  unguineuses,  synoviales,  etc.  Elles  sont  connues 
depuis  long-temps  : Yésale  et  A.  Spigei  parlent  de 
quelques-unes  d’elles.  Albinus  en  a décrit  avec  exac- 


2°6  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

titude  un  certain  nombre.  Janckius  en  a le  premier 
donné  une  description  générale  : il  en  connaissait 
soixante  paires.  Camper  a le  premier  donné  une  figure 
d’une  de  ces  membranes.  C’est  à notre  célèbre  Four- 
croy  I'que  ce  point  d’anatomie  est  le  plus  redevable, 
ainsi  qu  à Monro  2 3.  Koch  3 a très-bien  décrit  ces  men- 
branes  non-seulement  dans  l’homme,  mais  dans  plu- 
sieurs  animaux.  Gerlach  4 a le  premier  décrit  et  bien 
figuré  celles  que  l’on  trouve  au  cou  et  à la  tête.  Ro- 
senmuller  5 a donné  une  édition  augmentée  de  l'ou- 
vrage de  Monro.  Mascagni  a donné  une  bonne  figure 
d’une  de  ces  membranes  dans  son  Prodromo . 

§ 204.  Le  nombre  de  ces  membranes  est  considé- 
rable, mais  variable  ; on  en  connaît  aujourd’hui  environ 
cent  paires.  Elles  forment,  comme  toutes  les  membranes 
séreuses  des  cavités  membraneuses  sans  ouvertures; 
mais  on  en  distingue  de  deux  sortes  par  rapport  à leur 
forme.  Les  unes  sont  des  vésicules  arrondies, tenant  d’une 
part  au  tendon,  et  d’autre  part  à la  partie  sur  laquelle  il 
glisse:  on  les  appelle  vésiculaires.  Les  autres  sont  vagi- 
nales, entourent  le  tendon  circulairement,  tapissent 
d’un  autre  côté  un  canal  où  il  est  renfermé,  ces  deux 
portions  isolées  se  rejoignant  à leurs  extrémités,  de 
manière  à être  séparées  par  un  intervalle  qui  constitue 

1 Hist  de  l’Acad.  R.  des  sciences.  Paris  , 1785  -- 1788. 

2 A Description  , etc.  with  tables. 

3 Ch.  M.  Koch.  De  bursis  tendin.  mue.  Lips 1789. 

4 F.  E.  Gerlach.  De  bursis  tendinum  rnucosis  in  capite 
et  collo  reperiundis y cum  tabul.  æneis.  Vitcberg , 1793. 

5 Icônes  et  descript.  bursar.  mucosar.  corporis  hum.  Ed. 
J.  Ch.  Rosenmuller.  Lipsiœ , 1799. 


des  membranes  synoviales  des  tendons.  207 

la  cavité  de  la  membrane.  Parmi  ces  dernières  il  en 
est  qui,  simples  à une  de  leurs  extrémités,  présentent 
à l’autre  des  espèces  de  digitations  qui  répondent  à au- 
tant de  portions  tendineuses  ou  de  tendons  différens , 
ceux-ci,  d’abord  réunis , s’écartant  ensuite  les  uns  des 
autres  : c’est  ce  qu’on  voit  au  poignet,  sous  les  liga- 
mens  annulaires  qui  s’y  rencontrent. 

§ 2o5.  Le  tissu  cellulaire,  très-lâche  et  membrani- 
forme , que  l’on  trouve  entre  les  muscles  qui  exécu- 
tent des  mouvemens  grands  et  fréquens,  comme  sous 
le  grand  dorsal , le  droit  antérieur  de  la  cuisse,  les 
muscles  du  mollet,  etc. , constitue  en  quelque  sorte  le 
rudiment  des  membranes  dont  il  s’agit.  On  trouve  des 
membranes  synoviales  autour  des  tendons  dans  les 
endroits  où  ceux-ci  frottent  sur  les  os,  glissent  à leur 
surface  ou  sur  d’autres  parties,  ou  bien  se  réfléchissent 
et  changent  de  direction  ; quelquefois  ces  membranes 
existent  entre  deux  tendons  qui  se  meuvent  l’un  sur 
l’autre.  Le  muscle  grand  fessier,  à l’endroit  où  il  glisse 
sur  le  trochanter,  le  muscle  grand  oblique  de  l’œil , à 
l’endroit  où  il  se  réfléchit  dans  sa  poulie , les  péroniers 
latéraux , là  où  ils  changent  de  direction  pour  gagner 
la  plante  du  pied,  etc.,  sont  garnis  de  membranes  syno- 
viales. En  général,  ces  membranes  sont  en  rapport 
avec  des  os  ou  des  anneaux  fibreux  Elles  sont  surtout 
très  - communes  autour  des  articulations,  parcte  que 
c est  là  que  les  tendons  sont  spécialement  situés  : c’est 
ce  qu’on  voit  au  genou,  au  coude-pied , au  poignet.  On 
y rencontre  les  deux  genres  dont  nous  avons  parlé. 
Quelques-unes  de  cês  capsules  se  confondent  avec  les 
bourses  sous -cutanées  ou  avec  les  synoviales  articu- 


208  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

laires  : celle  du  triceps,  par  exemple,  n’est  pas  tou- 
jours isolée,  et  paraît  souvent  une  continuation  de  la 
capsule  synoviale  de  genou. 

§ 206.  La  face  adhérente  de  ces  membranes,  outre 
quelle  tient  au  tendon  et  à la  partie  sur  laquelle  il  frotte 
est  en  rapport , dans  l’intervalle  de  l’un  et  de  l’autre , 
avec  les  tissus  cellulaires  et  graisseux;  elle^tient  souvent 
à du  tissu  fibreux,  comme  aux  gaînes  tendineuses,  ou 
fibro-cartilagineux,  comme  dans  les  endroits  où  les  ten- 
dons glissent  sur  les  os,  et  au  niveau  desquels  le  périoste 
est  comme  cartilagineux.  Leur  intérieur  offre  une  ca- 
vité simple  ordinairement,  quelquefois  composée,  tra- 
versée par  des  cloisons,  des  espèces  de  prolongemens 
fibreux.  On  trouve  dans  quelques-unes  des  prolonge- 
mens frangés,  dans  celle  située  derrière  le  calcanéum, 
par  exemple  : on  y rencontre  aussi  des  pelotons  cel- 
luleux ou  graisseux,  mais  seulement  dans  celles  en 
forme  de  vésicules  ; les  vaginales  n’en  contiennent 
point.  Ces  prolongemens  ont  été  assimilés  à des  con- 
duits excréteurs.  Rosenmuller  décrit  des  follicules  dans 
ces  membranes;  je  n’en  ai  pas  vu.  Des  villosités  s’y 
rencontrent,  qui  versent  la  synovie. 

§ 20 j.  Les  membranes  synoviales  des  tendons  sont 
blanchâtres,  demi- transparentes,  minces  et  molles, 
surtoutles  vaginiformes,  qui  sont  garnies  de  gaînes  liga- 
menteuses  à l’extérieur.  Les  bourses  vésiculaires  sont 
plus  épaisses,  et  offrent  dans  quelques  points  un  aspect 
fibreux.  La  texture  de  ces  membranes  est  la  même  que 
celle  des  autres  du  même  genre  : leur  tissu  ressemble 
beaucoup  au  cellulaire.  Les  fibres,  les  franges,  les 
paquets  adipeux,  communs  atout  le  système  séreux, 


DES  MEMBRANES  SYNOVIALES  DES  TENDONS.  20q 

se  retrouvent  également  ici.  Des  vaisseaux  séreux,  qui 
deviennent  visibles  dans  l’inflammation,  quelques  vais- 
seaux sanguins,  apparens  surtout  dans  les  franges,  en- 
trent dans  la  composition  de  ces  membranes  , dont  les 
vaisseaux  lymphatiques  et  les  nerfs  sont  entièrement 
inconnus.  Le  liquide  qu’elles  contiennent  est  visqueux, 
plus  abondant  que  celui  des  bourses  muqueuses  sous- 
cutanées,  jaunâtre,  quelquefois  rougeâtre  : ce  liquide 
est  oléiforme,  en  partie  coagulable,  et  contient  de  l’ai 
bumine  et  du  mucus;  il  est  plus  visqueux  dans  les 
bourses  muqueuses  qui  ont  le  plus  d’étendue.  M.  Koch 
a trouvé  quelque  différence  dans  ce  liquide  examiné 
chez  différons  animaux,  comme  le  bœuf,  le  cheval,  le 
porc. 

§ 208.  Les  propriétés  des  capsules  tendineuses  ne 
présentent  rien  de  particulier.  Leurs  fonctions  sont  de 
sécréter  et  de  renfermer  un  liquide  mueilagineux,  qui 
facilite  le  glissement  en  diminuant  la  perte  de  mouve- 
ment qui  résulte  du  frottement. 

On  connaît  peu  le  développement  de  ces  membranes. 
Suivant  les  uns,  elles  sont  en  plus  grand  nombre  chez 
les  jeunes  sujets  et  se  confondent  en  partie  chez  le 
vieillard,  en  s’agrandissant  et  en  allant  à la  rencontre 
les  unes  des  autres.  M.  Seiler  prétend,  au  contraire, 
qu  elles  diminuent  d étendue  et  disparaissent  en  partie 
dans  la  vieillesse. 

§ 209.  Elles  présentent  quelques  altérations  r.  Leur 
hydropisie  n’est  pas  très-rare;  celles  qui  avoisinent  la 


1 Monro.  Op.  cil.  — Koch.  De  morbis  bursarurn  tendinum 
mucosarum.  Lips.  1790. 


1 4 


1. 


2 10 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


peau  en  sont  surtout  le  siège,  ce  qui  peut  faire  con- 
fondre la  maladie  avec  l’hygroma.  On  donne  le  nom 
particulier  de  ganglion  aux  petites  tumeurs  circonscrites 
qui  en  résultent,  et  qui  sont  souvent  aussi  des  kistes. 
On  rencontre  surtout  de  ces  tumeurs  dans  lejarret,  au 
poignet,  sur  le  pied,  etc.;  elles  contiennent  un  liquide 
séreux,  albumineux,  jaunâtre  ou  rougeâtre,  assez  sem- 
blable, pour  la  couleur  et  la  consistance,  à de  la  gelée 
ou  à du  sirop  de  groseilles.  La  résorption  de  ce  liquide 
se  fait  très-lentement  : on  la  favorise  en  écrasant  les 
tumeurs  qui  le  renferment,  ce  qui  dissémine  dans  le 
tissu  cellulaire  le  liquide  quelles  contiennent.  On 
trouve  quelquefois  de  ces  tumeurs  beaucoup  plus 
grosses  : des  collections  volumineuses  de  sérosité  pu- 
rulente que  l’on  a observées  sous  les  muscles  larges 
du  dos,  sous  le  deltoïde,  etc.,  et  que  l’on  a confondues 
avec  les  abcès  ordinaires  du  tissu  cellulaire,  ont  leur 
siège  dans  des  membranes  de  ce  genre  ou  analogues  à 
elles. 

L’inflammation  des  membranes  qui  nous  occupent  est 
fort  grave;  on  l’observe  dans  une  des  variétés  du  pa- 
naris. Il  en  résulte  des  adhérences  ou  bien  la  forma- 
tion d’un  abcès  qui  s ouvre  à l’extérieur;  et,  dans  un 
cas  comme  dans  l’autre,  les  mouvemens  sont  perdus. 
Quand  l’adhérence  est  filamenteuse,  elle  finit  pourtant 
quelquefois  par  se  détruire.  L’inflammation  chronique 
produit  à peu  près  les  mêmes  résultats  : elle  peut  aussi 
amener  l’ulcération. 

Des  corps  solides,  cartilagineux,  ont  été  trouvés  par 
M.onro,et  depuis  lui  par  beaucoup  d’observateurs  dans 
l’intérieur  de  ces  membranes.  On  y rencontre  souvent, 


DES  MEMBRANES  SYNOVIALES  DES  TENDONS.  211 

«t  en  très-grand  nombre , des  petits  corps,  de  la  forme 
et  du  volume  à peu  près  des  pépins  ou  graines  de  poires 
et  de  pommes,  que  l’on  a cru  animés,  et  qu’on  a pro- 
posé de  noramçr  acephfilocystis plana.  On  les  a trouvés 
le  plus  souvent  sous  le  ligament  annulaire  antérieur 
du  carpe,  et  quelquefois  dans  d’autres  membranes  des 
tendons,  comme  celles  du  grand  fessier,  du  long  fléchis- 
seur du  pouce,  etc.  L’incision  leur  donne  issue , mais 
il  en  résulte  le  plus  souvent  une  vive  inflammation, 
très-grave,  et  dans  les  cas  les  plus  heureux  une  ad- 
hérence intime,  qui,  au  poignet,  par  exemple,  con- 
fond tous  les  tendons  fléchisseurs  en  un  seul  paquet, 
et  réduit  les  doigts  à l’immobilité.  En  général,  l'in- 
flammation des  membranes  synoviales  tendineuses 
mérite  de  fixer  l’attention  des  pathologistes.  Il  en 
est  de  même  au  reste  de  la  plupart  de  leurs  alté- 
rations morbides  qui  ont  souvent  été  confondues 
sous  le  nom  de  tumeurs  blanches  avec  les  maladies 
des  articulations,  au  voisinage  desquelles  elles  sont 
situées. 

ARTICLE  III. 

DES  CAPSULES  SYNOVIALES  ARTICULAIRES. 

§ 210.  On  désigne  sous  ce  nom,  capsulœ  synoviales , 
les  membranes  séreuses  des  articulations  diarthro- 
diales.  La  plupart  appartiennent  à des  os,  quelques- 
unes  à des  cartilages,  comme  cela  a lieu  pour  le  larynx. 
Ces  membranes  sont,  comme  les  précédentes,  humec- 
tées par  un  fluide  à l’intérieur , et  facilitent  de  même 
le  glissement  des  parties  qu’elles  revêtent. 


212  anatomie  générale. 

Elles  ont  été  long-temps  confondues  avecles  ligamens 
capsulaires  des  articulations  Nesbitt,  Bonn,  W.  Hun- 
ier, avaient  déjà  observé  qu  elles  forment  une  mem- 
brane distincte  des  ligamens  et  des  cartilages  arti- 
culaires; Monro  avait  noté  leur  analogie  avec  les 
autres  membranes  synoviales  et  séreuses;  Bicbat  a fixé 
davantage  l’attention  sur  ces  membranes,  et  en  a donné 
une  description  générale  plus  complète.  Monro  et 
Mascagni  en  ont  donné  des  figures. 

§ 2 1 1 . Le  nombre  de  ces  membranes  est  très-grand  : il 
y en  a à peu  près  autant  que  d’articulations.  Ce  nombre 
n’est  pas  parfaitement  égal  à celui  de  ces  dernières, 
parce  que  d’une  part,  certaines  de  ces  membranes 
sont  communes  à plusieurs  articulations,  ainsi  qu’on 
le  voit  au  carpe,  et  que  d’autre  part  il  est  des  arti- 
culations qui  en  renferment  plusieurs.  Du  reste  on 
ne  les  trouve  point  ailleurs  que  dans  les  articula- 
tions. 

§ 2 1 2.  On  observe  les  variétés  suivantes  dans  la  confi- 
guration de  ces  membranes  : i°  il  en  est  qui  représentent 
des  poches  arrondies  et  simples  comme  les  membranes 
vésiculaires  des  tendons  : c’est  ce  qu’on  voit  aux  articu- 
lations des  phalanges  entre  elles  et  avec  le  métacarpe 
et  le  métatarse;  il  n’y  a là  aucune  espèce  de  complication, 
et  on  n’obtient  par  l’insufflation  , qu’une  petite  ampoule 
ronde;  2°  dans  quelques  articulations,  la  cavité  de  la 
membrane  semble  traversée  par  un  ligament  ou  un 
tendon,  autour  duquel  celle-ci  se  réfléchit,  en  lui  for- 
mant une  gaine  continue,  à ses  deux  extrémités,  avec 
l’enveloppe  commune  que  la  synoviale  fournit  a 1 ar- 
ticulation : cette  synoviale  est  alors  vaginiforme  : ou 


DES  CAPSULES  SYNOVIALES  ARTICULAIRES.  21  3 

rencontre  cette  disposition  dans  les  articulations  coxo- 
fémorale,  scapulo-liumorale,  etc.;  3°  une  complication 
plus  grande  s’observe  dans  d’autres  articulations  : dans 
celle  du  genou , par  exemple,  on  trouve  une  enveloppe 
commune,  des  gaines  pour  le  tendon  du  muscle  poplité 
et  le  ligament  adipeux;  et  de  plus  des  replis  revêtent 
les  ligamens  semi-lunaires  et  croisés,  qui  soulèvent  la 
membrane  et  font  saillie  dans  l’articulation;  On  pour- 
rait donc  établir  à peu  près  cet  ordre  dans  la  compli- 
cation des  membranes  synoviales  : ampoule  simple; 
ampoule  soulevée  par  des  flocons  graisseux  ; cette 
dernière  disposition  jointe  à la  présence  de  gaines; 
enfin,  outre  cette  dernière,  des  replis  formés  par  des 
parties  qui  s’enfoncent  dans  l’articulation  et  sont  revê- 
tues par  la  membrane.  Toutes  ces  formes  si  variées  se 
rapportent,  en  dernière  analyse,  à la  forme  vésicu- 
laire. 

§ 2 1 3.  La  surface  externe  des  membranes  synoviales  a 
des  connexions  plus  ou  moins  étroites,  avec  les  parties 
voisines.  Aux  deux  extrémités  de  l’espèce  de  sac  qu  elles 
représentent,  toutes  adhèrent  intimement  aux  surfaces 
articulaires  des  os,  ou  plutôt  aux  cartilages  qui  revêtent 
ces  surfaces.  Leur  connexion  avec  ces  cartilages  est 
tellement  serrée,  qu’on  croirait  que  celui-ci  est  nu; 
cependant  Nesbitt , Bonn,  W.  Hunter,  avaient  annoncé 
depuis  long-temps  l’existence  d’un  prolongement  des 
membranes  synoviales  sur  les  surfaces  articulaires  des 
os.  G est  particulièrement  à Bicbat  que  I on  doit  d’a- 
voir établi  celte  vérité  d’une  manière  incontestable. 
Quelques  auteurs  pourtant,  tels  que  Gordon,  et  M.  Ma- 
î gendie,  élèvent  encore  des  doutes  sur  ce  point.  Plu- 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


2l4 

sieurs  faits  démontrent  la  présence  des  synoviales  ar- 
ticulaires sur  les  cartilages.  Dans  l’inflammation  de  ces 
membranes,  leur  rougeur,  qui  à la  longue  devient  sen- 
sible, s’étend  sur  la  circonférence  du  cartilage,  et  est 
de  moins  en  moins  marquée,  à mesure  qu’on  s’avance 
vers  son  centre  , la  membrane  s’identifiant  de  plus  en 
plus  avec  le  cartilage  ; le  centre  lui-même  finit  par  se 
pénétrer  de  vaisseaux,  mais  le  cartilage  n’est  coloré 
qu  à sa  surface,  et  conserve  dans  son  épaisseur  la  cou- 
leur blanche  qui  ïui  est  propre.  Les  brides  qui  se 
forment  quelquefois  dans  les  membranes  synoviales 
naissent  indifféremment  de  tous  les  points  de  leur  éten- 
due, et  on  observe,  quand  elles  tiennent  au  cartilage, 
que  leur  base  lui  adhère  moins  intimement,  et  qu’en 
cet  endroit  la  membrane  devient  apparente , comme 
elle  l’est  naturellement  au  pourtour  des  surfaces  arti- 
culaires : de  cette  manière  la  synoviale  est  apparente  sur 
le  centre  même  du  cartilage.  La  dégénération  fon- 
gueuse, propre  à la  membrane  synoviale,  se  voit  éga- 
lement sur  le  cartilage.  Enfin,  l’inspection  directe  dé- 
montre la  continuité  de  cette  membrane.  En  enlevant 
obliquement  une  tranche  d’un  cartilage,  que  l’on  ren- 
verse ensuite  de  manière  à la  rompre  à sa  base,  elle 
tient  encore  par  la  synoviale , qui  la  recouvre  ainsi 
que  le  reste  du  cartilage.  Lorsqu’on  scie  un  os,  qu’on 
rompt  ensuite  le  cartilage  de  son  extrémité,  la  con- 
nexion est  encore  établie  dans  les  deux  moitiés  par  la 
synoviale,  qui  se  porte  de  l’une  à l’autre. 

Dans  le  reste  de  leur  étendue  , c’est-à-dire  au  pour- 
tour de  l’articulation , les  membranes  svnoviales  tien- 
nent  aux  ligamens  articulaires  d’une  manière  égale- 


DES  CAPSULES  SYNOVIALES  ARTICULAIRES.  2l5 

ment  très- serrée,  comme  on  le  voit  à la  capsule  de 
l’articulation  scapulo-humérale  : l’adhérence  est  surtout 
intime  au  milieu,  et  devient  de  plus  en  plus  lâche  vers 
les  extrémités.  Dans  l’intervalle  des  ligamens,  ces  mem- 
branes correspondent  aux  tissus  cellulaire  et  graisseux: 
ces  tissus  forment  là  des  pelotons  très-marqués,  ainsi 
que  près  de  l’endroit  où  la  synoviale  abandonne  les 
ligamens  -pour  se  réfléchir  sur  l’os.  * 

La  surface  interne  est  lisse,  polie,  contiguë  à elle- 
même,  lubréfiée  par  la  synovie  j et  garnie  de  villosités 
et  de  prolongemens  fiangés. 

§ 21 4-  Les  membranes  synoviales  sont  minces,  molles, 
demi-transparentes,  blanchâtres,  extensibles  à un  cer- 
tain degré,  quoiqu’elles  le  soient  moins  que  les  séreuses 
splanchniques,  et  rétractiles,  comme  le  montrent  leur 
hydropisie  et  leur  retour  sur  elles -mêmes  après  l’éva- 
cuation du  liquide  qui  s’y  est  accumulé.  Leur  rupture 
dans  les  luxations  dépend  moins  de  leur  défaut  d’ex- 
tensibilité, que  de  leurs  connexions  étroites  et  de  la 
moindre  étendue  de  leurs  replis. 

§ 21 5.  Ces  membranes  sont  garnies  de  pelotons  grais- 
seux, placés  à leur  extérieur  ou  dans  leur  épaisseur 
même,  et  improprement  désignés  sous  le  nom  de  glandes 
synoviales  d’ Havers.  Ces  pelotons,  aperçus  par  Y ésale  et 
Etienne,  décrits  par  Cowper  et  surtout  par  Cl.  Havers  x, 
ont  été  regardés  par  tous  les  physiologistes,  jusqu’à 
Monro,  comme  les  organes  sécréteurs  de  la  synovie  2. 
Leur  volume  varie  suivant  la  quantité  de  graisse  qu’ils 

v*De  ossibus , senno  iv,  cap.  i. 

2 l oyez  Pitscliel.  De  axungiâ articula'.  Lips.  17/10.  — 
Haasc.  De  unguine  arliculari , ejusque  vit  iis.  Lips.  177 4- 


anatomie  générale. 


2i(i 

contiennent  : ils  renferment  toujours  plus  ou  moins  de 
ce  fluide,  et  sont  presque  entièrement  formés  de  tissu 
adipeux.  Les  franges  existent,  à l’intérieur  de  la  mem- 
brane , à l’endroit  où  sont  placés  ces  pelotons  en 
dehors.  Les  endroits  où  l’on  rencontré  ces  différens- 
objets  sont  ceux  où  la  membrane  offre  le  plus  de 
vaisseaux.  Les  franges  contiennent  dans  leur  épaisseur 
du  tissu  cellulaire,  de  la  graisse  et  des  vaisseaux  san- 
guins; les  autres  parties  des  membranes  synoviales  ne 
reçoivent  que  des  vaisseaux  séreux.  Les  lymphatiques 
ne  sont  apparens  que  dans  quelques-unes  de  ces  mem- 
branes. Il  est  inutile  de  nous  arrêter  de  nouveau  à 
l'hypothèse  de  Mascagni,  que  cet  auteur  applique  à 
toutes  les  membranes  transparentes.  On  ne  connaît  pas 
les  nerfs  des  capsules  synoviales. 

§ 216.  Le  liquide  sécrété  par  ces  membranes,  ou  la  sy- 
novie, synovici , ainsi  nommé  par  Paracelse  à cause  de 
sa  ressemblance  grossière  avec  le  blanc  d’œuf,  est  le 
résultat  d’une  sécrétion  perspiratoire,  quoiqu’on  ait 
admis  beaucoup  d’autres  idées  sur  le  mécanisme  de  sa 
formation.  Ce  fluide  n’est  point,  comme  on  la  cru  pen- 
dant long-temps,  le  produit  du  mélange  de  la  sérosité 
avec  la  graisse;  la  moelle  des  os  ne  transsude  pas  pour 
le  former,  comme  nous  l’avons  vu;  la  synovie  même 
ne  contient  pas  d’huile  dans  l’état  naturel.  Les  pré- 
tendues glandes  de  Ha  vers  ne  peuvent , d’après  ce  que 
nous  avons  dit,  remplir  l’usage  que  cet  auteur  leur 
attribuait,  et  les  franges  qui  les  surmontent  ne  sont 
pas,  comme  il  le  croyait,  des  conduits  excréteurs. 
On  n observe , en  effet,  rien  de  glanduleux  dans 
les  paquets  synoviaux , point  de  granulations , de 


DES  CAPSULES  SYNOVIALES  ARTICULAIRES.  2 IC 

conduits  excréteurs;  cependant  on  a récemment  en- 
core cru  trouver  cette  structure  glandulaire  r.  La 
graisse  même  qu’ils  renferment  n’est  pas  essentielle 
a leur  structure , et  d’ailleurs  , comme  il  n’y  a pas 
d huile  dans  la  synovie,  ce  n’est  pas  la  transsudation 
du  premier  de  ces  fluides,  quand  il  existe,  qui  donne 
naissance  au  second.  Rosenmuller  prétend  qu’il  y a des 
follicules  sécrétoires  dans  ces  pelotons  adipeux  : je 
n’ai  point  vu  ces  follicules  et  ne  sache  pas  que  per- 
sonne ait  constaté  de  nouveau  leur  existence.  La  sé- 
crétion de  la  synovie  n’est  donc  ni  glandulaire,  ni  fol- 
liculaire, ni  un  simple  résultat  de  la  transsudation, 
mais  véritablement  perspiratoire  : toute  l’étendue  des 
membranes  synoviales  en  est  le  siège,  mais  surtout  la 
portion  de  ces  membranes  que  surmontent  les  franges, 
en  raison  de  plus  grand  nombre  de  vaisseaux  qu  elle 
contient.  La  synovie  est  en  partie  reprise  par  absorp- 
tion et  sa  quantité , toujours  à peu  près  la  même,  sup- 
pose un  équilibre  entre  celle-ci  et  la  sécrétion. 

Connu  des  Grecs,  qui  lui  donnaient  le  nom  de 
tcov  upêpav , désigné  pendant  long -temps  sous  celui 
iïaxungïa,  d'unguen,  ce  liquide  est  filant,  visqueux, 
doué  d’une  saveur  salée,  d’une  pesanteur  spécifique 
exprimée  par  io5  , celle  de  l’eau  représentant  100. 
Sa  composition  chimique  a été  examinée  , tant  chez, 
les  animaux  que  chez  l’homme,  mais  plus  particu- 
lièrement dans  le  bœuf,  par  Margueron,  Fourcroy, 
J.  Davy,  Hildebrandt,  M.  Orfila  et  plusieurs  autres. 
On  y trouve  de  l’eau,  de  l’albumine,  du  mucus  ou  de 

1 V oyez  Hcyligers.  Dissertatio  physioL  anat.  de  fabricd 
àrticul.  i8o3. 


21  S ANATOMIE  GENERALE. 

la  matière  incoagulable,  regardée  par  quelques-uns 
comme  de  la  gélatine  mucilagineuse , de  la  matière 
filandreuse,  que  les  uns  pensent  être  de  la  fibrine,  les 
autres  de  l’albumine  dans  un  état  particulier,  de  la 
soude,  du  muriate  de  soude,  du  phosphate  de  chaux 
et  une  matière  animale  que  l’on  dit  être  de  l’acide 
urique.  Les  usages  de  la  synovie  sont  de  diminuer  les 
frottpmens,  et  de  faciliter  par  là  le  glissement  des 
parties. 

§ •Airj.  Les  capsules  synoviales  des  articulations  pré- 
sentent quelques  altérations  pathologiques  1 . Elles  se 
réparent  quand  elles  sont  divisées;  mais  leur  mode  de 
réunion  est  peu  connu;  il  n’y  a point  de  faits  précis 
dans  l’histoire  des  plaies  des  articulations  et  des  luxa- 
tions, relativement  à ce  mode.  Il  se  fait  quelquefois  de 
nouvelles  membranes  synoviales,  comme  on  l’observe 
dans  les  fausses  articulations , «après  les  luxations  non 
réduites;  dans  ce  cas  que  le  docteur  Thomson  a décrit , 
et  que  j’ai  moi-même  observé,  les  débris  de  l’ancienne 
capsule  et  le  tissu  cellulaire  réunis  forment  une  nou- 
velle membrane,  assez  semblable  à la  première.  A la 
suite  des  fractures  non  consolidées  , dans  les  articu- 
lations surnuméraires  qui  leur  succèdent,  il  existe 
de  même  une  membrane  fermée,  lisse  à 1 intérieur, 
contenant  un  liquide  visqueux  plus  ou  moins  analogue 
à la  synovie. 

L’hydropisie  des  articulations  constitue  lllydrar- 

1 Voyez  Reimarus,  de  tumorc  ligament. , etc.  Leyd.  UJ7. 
— Wynperssé,  de  ancylosi.  Leyd.  1783.  — Ejusd.  de  ancyl. 
pathol.  Leyd.  1783. — Brodie.  Traité  des  maladies  des  articu- 
lations. Paris,  1819. 


DES  CAPSULES  SYNOVIALES  ARTICULAIRES.  219 

tlirose  : la  synovie  est  ordinairement  altérée  de  diverses 
manières  dans  celte  affection. 

§218.  L inflammation  produitdans  ces  membranes  les 

» / 

même  altérations  de  tissu  et  de  fonctions  que  dans  les  sé- 
reuses en  général.  Elles  s’épaississentunpeu,  rougissent 
dans  une  plus  ou  moins  grande  étendue,  se  recouvrent 
de  grains  albumineux,  et  contractent  quelquefois  des 
adhérences  à la  suite  de  cette  inflammation.  Celle-ci 
peut  se  terminer  par  résolution , et  laisse  alors  une  roi- 
deur  tenant  à l’épaississement  de  toutes  les  parties  en- 
vironnantes : la  membrane  elle-même  reste  aussi,  en 

b . 

général,  plus  épaisse.  Des  épanchemens,  soit  de  sy- 
novie pure , soit  de  sérosité  lactescente  ou  contenant 
des  flocons  albumineux,  ou  même  du  véritable  pus, 
peuvent  résulter  de  cette  inflammation.  Les  adhé- 
rences qui  surviennent  à sa  suite  constituent  une  des 
espèces  d’ankiloses.  Il  est,  comme  on  le  sait,  plu- 
sieurs variétés  de  cette  maladie  : toutes  dépendent  de 
1 altération  de  la  synoviale,  et  quelquefois  des  parties 
extérieures,  à cette  membrane.  Ainsi  dans  l ankilose 
fausse , il  paraît  y avoir  épaississement , induration  de 
toutes  les  parties  molles  qui  entourent  les  articula- 
tions. Une  autre  espèce,  à laquelle  on  pourrait  appli- 
quer l’épithète  de  fausse  si  elle  devait  être  conservée, 
est  caractérisée  par  des  adhérences  de  la  membrane  sy- 
noviale. L’articulation  devient  alors  une  amphiartrose, 
des  brides  ou  lames  synoviales  unissent  les  surfaces  diar- 
throdiales  : ces  brides  sont  quelquefois  si  nombreuses 
quelles  représentent  une  sorte  de  eellulosité;  suivant 
leur  nombre,  leur  longueur,  leur  extensibilité,  les  mou- 
vemens  sont  plus  ou  moins  bornés;  l’épaississement  et 


220 


ANATOMIE  GENERALE. 


1 endurcissement  des  parties  molles  se  joignent  à cette 
alteration,  à la  suitede  laquelle  les  parties  ne  reprennent 
jamais  complètement  leurs  mouvemens.  Dans  la  vraie 
ankylosé,  non  seulement  il  setablit  des  adhérences 
entre  les  surfaces  articulaires,  mais  encore  ces  surfaces 
se  soudent,  se  confondent,  la  continuité  est  parfaite 
entre  les  os,  dont  les  lames  compactes  ainsi  que  les 
lames  cartilagineuses  qui  les  séparaient  finissent  elles- 
mêmes  par  disparaître,  de  sorte  que  leui  tissu  spon- 
gieux se  confond  : c’est  par  la  membrane  synoviale 
que  commence  ce  changement,  que  nous  devions  à 
cause  de  cela  indiquer  ici.  L’ulcération  est  une  termi- 
naison plus  rare  de  l’inflammation  des  membranes 
synoviales. 

§ 219.  Dansles  tumeurs  blanches,  parmi  lesquelles  on 
range  des  altérations  très-diverses,  comme  l’inflamma- 
tion, I hydropisie,  les  maladies  des  cartilages,  etc.,  on 
trouve  quelquefois  une  altération  propre  aux  mem- 
branes synoviales  : c’est  un  état  dans  lequel  ces  mem- 
branes sont  converties  en  une  substance  fongueuse  d’où 
s’élèvent  des  végétations  jusqu’au-dessous  delà  peau, 
et  faisant  même  saillie  à l’extérieur.  Reimarus,  Bram- 
billa,  M.  Brodie,  ont  décrit  ces  fongus  cancéreux. 

§ 220.  Il  se  forme  des  corps  étrangers  dans  les  articula- 
tions; celle  du  genou  en  est  le  siège  le  plus  fréquent.  Le 
volume  de  ces  corps  varie , ainsi  que  leur  nombre  et  leur 
consistance,  comme  nous  l’avons  déjà  dit  en  traitant 
du  système  séreux  en  général;  ils  se  forment  en  dehors 
de  la  membrane  synoviale,  et  paraissent  le  résultat 
d’une  altération  particulière  de  la  nutrition  ; ils  s en- 
foncent petit  à petit  du  côté  de  l'intérieur  de  la  mem- 


DES  CAPSULES  SYNOVIALES  ARTICULAIRES.  22Ï 

brane,  et  finissent  par  se  détacher  entièrement  suivant 
le  mécanisme  indiqué  plus  haut.  Leur  présence,  accom- 
pagnée de  douleurs  vives  quand  ils  se  placent  entre  les 
surfaces  articulaires,  ne  produit  presque  point  de  gêne 
lorsqu’ils  se  trouvent  logés  dans  des  endroits  mobiles 
et  où  l’articulation  est  lâche.  Des  enfoncemens  plus  ou 
moins  profonds  sont  quelquefois  creusés  à la  longue 
par  la  pression  qu’ils  exercent  sur  les  cartilages,  et 
comme  ces  enfoncemens  répondent  par  leur  forme  à 
celle  des  corps  qui  y sont  logés,  cela  a fait  dire  que 
c’était  des  morceaux  de  cartilage  séparés  par  une  vio- 
lence extérieure;  mais  il  suffit  de  considérer  que  ces 
enfoncemens  n’existent  pas  dans  le  plus  grand  nombre 
des  cas  où  l’on  trouve  des  corps  étrangers,  qu’ils  ne 
ressemblent  nullement,  pour  l’aspect,  aux  surfaces 
d’une  fracture,  et  que  les  corps  sont  bien  plus  épais 
que  le  cartilage  articulaire  pour  ne  point  admettre 
cette  opinion. 

ARTICLE  IV. 

DES  MEMBRANES  SEREUSES  SPLANCHNIQUES. 

§ 221.  Les  membranes  séreuses  proprement  dites , 
que  l’on  a aussi  appelées  membranes  diaphanes,  sont 
celles  qui  tapissent  les  cavités  splanchniques  et  qui 
fournissent  des  tuniques  plus  ou  moins  complètes  aux 
viscères  situés  dans  ces  cavités. 

§ 222.  Ces  membranes  ont  été  pendant  long-temps, 
comme  toutes  les  autres  membranes  séreuses,  consi- 
dérées et  confondues,  soit  dans  l’état  sain,  soit  dans 
l’état  malade,  avec  les  organes  quelles  enveloppent  et 
les  parties  qu’elles  revêtent.  Cependant,  sous  le  pre- 


222 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


mier  rapport,  on  avait  successivement  décrit  dune 
manière  exacte  chacune  de  ces  membranes  indépen- 
damment des  parties  quelles  recouvrent;  quelques 
anatomistçs,  comme  Monro,  avaient  même  déjà  in- 
diqué l’analogie  qui  existe  entre  elles.  Sous  le  rap- 
port pathologique,  Sauvages  et  M.  Pinel  , avaient 
déjà  établi  un  ordre  d’inflammation  pour  celles  des 
membranes  diaphanes,  mais  en  y comprenant  l'in- 
flammation de  l’estomac,  de  l’intestin,  de  la  vessie 
et  de  l’épiploon  comme  autant  de  genres;  diverses 
observations  d’anatomie  pathologique  , et  notam- 
ment celles  de  J.  G.  Walter  sur  la  péritonite,  avaient 
montré  , que  cette  membrane  pouvait  comme  les 
autres  membranes  séreuses , être  affectée  dans  toute 
son  étendue,  et  indépendamment  des  parties  sous-ja- 
centes; enfin,  le  docteur  Garmichael  Smith  avait  noté 
avec  exactitude  l’inflammation  identique  de  toutes  les 
membranes  diaphanes,  lorsque  Bichat  donna  sa  des- 
cription complète  et  exacte  des  membranes  séreuses, 
et  particulièrement  de  l’arachnoïde. On  a donné  depuis 
des  descriptions  de  quelques-unes  de  ces  membranes  r, 
mais  l’on  a peu  ajouté  à ce  que  notre  célèbre  anato- 
miste en  a dit  ; on  a ajouté  davantage  à leur  histoire 
pathologique, 

§ 223.  Les  membranes  séreuses  dont  il  s’agit  ici  sont 
situées  dans  les  cavités  du  tronc,  qu’elles  tapissent  ; elles 
y revêtent  les  organes  les  plus  iinportans,  les  plus  es- 

1 Voyez  Langenbeck , Commentarium  de  structura  pen- 
tonœci , etc .,  cum  tabulis.  Gotting,  1817.  — L.  Rolande, 
Osservazioni  sul  perijioneo  et  sulla  pleura  , ui  mem.  delta 
real  Accad.  délie  scienze.  Tom.  XXIV,  Turin,  1820. 


DES  MEMBRANES  SEREUSES  SPLANCHNIQUES.  223 

sentiels  à la  vie.  Ces  membranes  sont  distinctes  et 
séparées  les  unes  des  autres  ; leur  nombre  est  peu  con- 
sidérable : ce  sont,  i°  le  péritoine  dans  l’abdomen,  où 
il  revêt  plus  ou  moins  complètement  la  plupart  des 
organes  de  la  digestion,  qui  sont  contenus  dans  cette 
cavité  , et  beaucoup  moins  les  organes  génitaux  et  uri- 
naires ; 2° , 3°  les  deux  plèvres , et  4°  le  péricarde , 
dans  la  poitrine,  où  chacune  de  ces  membranes  est 
bornée  à un  seul  organe  et  aux  parois  de  sa  cavité;  5° 
l’arachnoïde,  dans  le  crâne  et  dans  le  canal  rachidien  ; 
6°  et  7°  enfin,  dans  l’homme  seulement , les  péri- 
dymes  ou  tuniques  vaginales  des  testicules. 

L’étendue  de  ces  membranes,  prises  ensemble,  est 
très-considérable,  et  dépasse  de  beaucoup  celle  de  la 
peau.  Le  péritoine  est  la  plus  grande  de  ces  mem- 
branes : son  étendue  égale  au  moins  celle  de  toutes  les 
autres  réunies. 

§ 224.  La  description  générale  des  membranes  sé- 
reuses a déjà  en  grande  partie  fait  connaître  l’espèce 
dont  il  s’agit  ici,  et  qu’on  peut  regarder  comme  le 
type  du  genre.  Leur  forme  est  la  même  que  celle  de 
toutes  les  membranes  séreuses;  celle  d’une  vessie 
sans  ouverture  et  à parois  contiguës.  Elles  revêtent 
d’une  part  la  surface  interne  des  parois  de  la  cavité 
où  elles  sont  contenues,  et  de  l’autre  elles  fournis- 
sent des  tuniques  ou  enveloppes  extérieures  aux  or- 
ganes. Les  plèvres,  le  péricarde,  les  pérididymes  ont 
une  conformation  assez  simple,  leurs  parties  viscérale 
et  pariétale  se  continuent  autour  du  point  où  l’organe 
quelles  revêtent  tient  par  des  prolôngemens  vascu- 
laires aux  parois  de  la  cavité  qui,  le  renferme.  Quant 


f21/\  ANATOMIE  GENERALE. 

à l’arachnoïde  et  au  péritoine,  leur  disposition  est  un 
peu  plus  compliquée,  sans  cesser  d’être  essentiellement 
la  même.  Pour  la  première,  la  complication  tient  au 
grand  nombre  de  vaisseaux  et  nerfs  qui  aboutissent  au 
cerveau  et  qui  en  partent.  Or,  sur  chacune  de  ces 
parties,  l’arachnoïde  forme  une  gaine,  qui  se  continue  à 
l’une  de  ses  extrémités  avec  le  feuillet  viscéral  de  la 
membrane,  et  à l’autre  avec  son  feuillet  pariétal,  dis- 
position déjà  indiquée  et  figurée  par  Bonn , sur  laquelle 
Bichat  a plus  particulièrement  fixé  l’attention  , et  d’où 
résulte,  d’une  part,  que  la  cavité  membraneuse  n’est 
point  ouverte,  et  que  les  deux  parties  de  la  membrane 
sont  continues  l’une  à l’autre.  Quand  au  péritoine,  sa 
complication  dépend  du  grand  nombre  de  parties  aux 
quelles  il  fournit  des  tuniques,  et  de  la  disposition  di- 
verse de  ces  parties , dont  les  unes  sont  très-près  de  la 
paroi  postérieure  de  l’abdomen  d’où  elles  reçoivent  leurs 
vaisseaux,  et  sont  simplement  couvertes  parle  péritoine; 
dont  les  autres  s'ont  éloignées,  quelquefois  très-éloi- 
gnées  de  cette  paroi , et  sont  suspendues  à des  freins 
membraneux  qui  contiennent  les  vaisseaux  dans  leur 
épaisseur;  sa  complication  dépend  aussi  des  prolonge- 
mens  vasculaires saillans  au-delàdes  viscères,  et  auxquels 
la  membraneséreusefournitdesenveloppes  flottantesoh 
épiploïques.  Cette  membrane  offre  encore  cette  parti- 
cularité, qu  elle  est  la  seule  de  toutes  les  membranes 
séreuses  qui  présente  une  ouverture  au  pavillon  de 
la  trompe  utérine.  De  plus  grands  détails  sur  la  con- 
formation des  membranes  séreuses  splanchniques  ap- 
partiennent à l’anatomie  spéciale  de  ces  membranes,  et 
1 surtout  à celle  du  péritoine  et  de  1 arachnoïde. 


des  membranes  SÉREUSES  SPLANCHNIQUES.  225 

$ 225.  Des  deux  surfaces  de  ces  membranes , l’une 
est  toujours  libre  dans  l’état  sain , et  l’autre  est  géné- 
ralement adhérente.  La  surface  libre  est  luisante,  hu- 
mide, et  paraît  polie;  cependant  elle  est  garnie  de  villo- 
sités fines  qui  deviennent  visibles  quand  on  la  regarde 
sous  l’eau,  et  que  l’irritation  inflammatoire  rend  très- 
apparentes.  C’est  aux  membranes  séreuses  qui  les  en- 
veloppent et  qui  les  tapissent,  que  les  organes  et  les 
parois  des  cavités  splanchniques  doivent  leur  aspect 
luisant; là  où  ils  en  sont  dépourvus , ils  u ont  point  la 
même  apparence.  Cette  surface  libre,  partout  contiguë 
à elle-même,  ainsi  que  la  sérosité  qui  l’humeçte,  éta- 
blissent une  distinction,  un  véritable  isolement  entre  des 
parties  extrêmement  rapprochées;  elles  facilitent  sur- 
tout singulièrement  les  mouvemens  de  ces  parties. 

§ 22 6.  L’autre  surface  des  membranes  séreuses  est 
presque  partout  adhérente,  soit  aux  viscères,  soit  aux 
parois  des  cavités  ; il  n’y  a guère  que  quelques  points 
du  feuillet  viscéral  de  l’arachnoïde  qui  soient  libres 
par  les  deux  faces,  partout  ailleurs  la  surface  exté- 
rieure des  membranes  séreuses  est  adhérente.  Cette 
adhérence  a lieu  d’une  part  avec  les  parois  des  cavités, 
et  de  l’autre  part  avec  la  surface  des  viscères.  Le  degré 
ou  la  solidité  de  cette  adhérence  varie  beaucoup.  En 
général,  là  où  les  membranes  séreuses  tiennent  à un 
tissu  ligamenteux,  comme  à la  dure-mère,  au  péricarde, 
aux  aponévroses  de  la  paroi  abdominale,  à l’albuginée 

1 du  testicule,  elc.,  cette  adhérence  est  intime;  elle  est 
encore  assez  grande  sur  des  parties  musculaires  et  au- 
tres, comme  sur  le  cœur,  les  poumons,  l’estomac,  l’in- 
testin , etc;  elle  l’est  beaucoup  moins  en  quelques 


anatomie  générale. 


226 

endroits,  comme  là  où  la  membrane  passe  d’un  or- 
gane aux  parois  de  la  cavité,  ou  réciproquement;  là 
où  elle  forme  des  freins  et  des  prolongemens  flottans 
qui  contiennent  des  vaisseaux;  dans  les  endroits  où  le 
tissu  cellulaire  sous-séreux  contient  de  la  graisse,  et 
en  général  partout  où  il  est  lâche. 

§ 227.  Ces  différences  sont  d’une  assez  grande  impor- 
tance pour  s’y  arrêter  encore:  il  en  résulte,  par  exemple, 
que  quand  l’utérus,  la  vessie,  l’estomac  * l’intestin  aug- 
mentent de  volume,  les  freins  et  les  replis  péritonéaux 
ambians  s’écartent,  se  développent  et  s’appliquent  aux 
organes;  et  que,  quand  ceux-ci  reviennent  sur  eux- 
mêmes,  la  membrane  leur  redevient  étrangère  : cela  est 
du  à la  laxité  du  tissu  cellulaire  sous-séreux  vers  le  bord 
adhérent  de  ces  replis.  Quand  une  hernie  se  fait  dans 
l’aîné  et  s’accroît,  c’est,  pour  la  plus  grande  partie,  par 
le  déplacement,  le  glissement  de.la  membrane  séreuse, 
favorisés  par  la  laxité  des  adhérences,  que  le  sac  s’ag- 
grandit;  quand,  au  contraire,  une  hernie  ombilicale 
augmente  de  volume,  c’est  par  distension  et  par  amin- 
cissement que  le  sac  s’aggrandif , l’adhérence  du  péri- 
toine étant  intime  autour  de  l’ombilic.  Bichat  a peut-être 
un  peu  exagéré  l’influence  que  la  laxité  des  adhérences 
des  membranes  séreuses  peut  avoir  sur  l’isolement  de 
leurs  maladies,  et  de  celles  des  parties  sous-jacentes. 

§ 228.  Les  propriétés  physiques  de  ces  membranes 
sont  celles  que  nous  avons  exposées  en  parlant  du  systèm  e 
séreux  en  général  : elles  sont  minces,  mais  la  ténuité  n’est 
pas  la  même  dans  toutes , dans  tous  les  endroits  de  la 
même  membrane,  ni  dans  tous  les  individus.  Molles, 
demi- transparentes,  etc.,  leur  extensibilité  est  très- 


DES  MEMBRANES  SEREUSES  SPLANCHNIQUES.  227 

marquée,  plus  que  celle  des  membranes  synoviales; 
leur  résistance  assez  grande  et  de  beaucoup  supérieure 
à celle  du  tissu  cellulaire  ; elles  sont  un  peu  élastiques. 
Lorsqu’on  distend  ces  membranes  au  delà  d’un  certain 
degré,  elles  s’éraillent;  les  éraillemens  occupent  la 
surface  libre;  le  reste  de  l’épaisseur  de  la  membrane 
résiste  plus  à la  déchirure,  ou  cède  davantage  à la  dis- 
tension. 

S 229.  Elles  consistent  toutes  en  un  Feuillet  unique, 
d’autant  plus  dense  et  serré,  qu’on  l’examine  du  côté 
de  la  surface  libre,  et  dont  la  texture  est  plus  lâche 
du  côté  opposé,  où  elle  devient  floconneuse  et  se  con- 
fond avec  le  tissu  cellulaire  commun.  Jusqu’à  l’époque 
où  Douglas  a donné  une  description  exacte  du  péri- 
toine, on  considérait  cette  membrane  et  celles  de  la 
même  espèce,  comme  bifoliées,  et  contenant  les  vis- 
cères dans  l’écartement  de  leurs  deux  feuillets  : c’était 
une  opinion  erronée  qu’il  a réfutée,  et  que  Vacca  et 
d’autres  ont  en  vain  essayé  de  reproduire.  Le  prétendu 
feuillet  externe  n’est  autre  chose  que  le  tissu  cellulaire 
sous -séreux  si  bien  décrit  par  Douglas.  Elles  consis- 
tent essentiellement  en  une  couche  de  tissu  cellulaire 
extrêmement  rapproché  et  condensé,  et  de  plus  en 
plus  distinct  du  tissu  cellulaire,  depuis  la  surface  adhé- 
rente, où  elle  se  continue  insensiblement  avec  lui,  jus- 
qu’à la  surface  libre,  où  elle  en  diffère  beaucoup;  on 
n’y  distingue  pas  aussi  manifestement  des  fibres  ou  des 
petits  faisceaux  entrelacés  que  dans  les  membranes  sy- 
noviales. Les  appendices  flottans  de  ces  membranes 
contiennent  aussi  du  tissu  cellulaire  libre,  et  sou- 
vent du  tissu  graisseux  ; elles  sont  beaucoup  plus  vas- 


ANATOMIE  GENERALE. 


euJaires  que  les  autres  membranes  séreuses  ou  syno- 
viales. Elles  contiennent  une  immense  quantité  de 
vaisseaux  blancs  ou  séreux,  qui  deviennent  apparens 
par  l’injection,  la  congestion,  l’inflammation,  et  quel- 
ques vaisseaux  rouges  très-fins  qui  appartiennent  à leur 
surface  externe,  et  surtout  au  tissu  cellulaire  sous-sé- 
reux , comme  on  peut  s’en  assurer  en  détachant  la 
membrane,  que  l’on  trouve  blanche  dans  les  endroits 
où  l’on  y aurait  supposé  un  grand  nombre  de  vaisseaux 
rouges,  .que- l’on  apercevait  seulement  au  travers  d’elle. 
•Les  vaisseaux  rouges  sont  surtout  abondans  dans  les 
replis  flottans  ou  épiploïques.  Des  nerfs  ont  été  suivis 
.jusques  auprès  de  ces  membranes,  mais  non  dans  leur 
épaisseur  même. 

§ 23o.  Ces  membranes  desséchées  deviennent  trans- 
parentes , prennent  une  légère  couleur  jaunâtre,  et 
deviennent  en  même  temps  élastiques  et  assez  fermes: 
elles  reprennent  leurs  premières  propriétés  par  l’im- 
mersion dans  l’eau.  La  macération  les  rend  d’abord 
molles,  opaques,  épaisses,  puis  pulpeuses,  et  finit, 
mais  après  un  temps  très-long,  par  les  dissoudre.  Dans 
les  cadavres  qui  commencent  à s’altérer,  ces  mem- 
branes d’une  part,  laissent  transsuder,  et  de  l’autre, 
s’imprègnent  des  liquides , de  là  leurs  diverses  colora- 
tions. Le  feu  nu  et  l’eau  bouillante  les  racornissent. 
L’ébullition  prolongée  les  convertit  en  gélatine  et  en 
un  peu  d’albumine.  Ces  divers  caractères  les  rappro- 
chent du  tissu  cellulaire  et  du  tissu  ligamentaire. 

§ 23 1.  La  force  de  formation  y est  moins  développée 
que  dans  le  tissu  cellulaire  libre.  L’irritation  n’y  déter- 
mine point  de  mouvemens  sensibles,  mais  elle  en  altère 


des  membranes  séreuses  splanchniques.  229 

la  sécrétion  etja  texture f elle  les  enflamme.  Elles  ne 
sont  sensibles  que  dans  cet  état  ou  elles  deviennent 
ordinairement  le  siège  d’une  vive  douleur. 

§ 23a.  Dans  l’état  de  vie  et  de  santé,  elles  sont  hu- 
mectées à leur  surface  contiguë  par  de  la  sérosité» 
qu’elles  déposent  et,  résorbent  continuellement.  On 
avait  attribué  cette  sécrétion  à l’action  de  certaines, 
glandes  qu’on  supposait,  logées  dans  leur  tissu.  Ruysch 
a prouvé  que  ces  prétendues  glandes  11'existent  pas. 
Hunter  avait  cru  que  cette  sécrétion  se  faisait  par  une 
véritable  transsudation, analogue  à la  transsudalion  ca-, 
davérique,  à travers  les  aréoles,  les  interstices,  ou  les 
porosités anorganiques  du  tissu  des  vaisseaux:  quoique 
la  véritable  voie  et  le  vrai  mode  organique,  suivant, 
lequel  se  font  les  sécrétions  perspiratoires  et  autres, 
ne  soit  pas  bien  connu,  du  moins  on  peut  affirmer 
quelles  diffèrent  de  la  transsudation,  laquelle  n’a  lieu 
que  dans  le  cadavre.  La  sérosité,  dans  l’état  de  santé, 
est  en  quantité  si  petite,  qu’elle  est  à peine  aperceva- 
ble,  et  qu’à  peine  peut-on  la  recueillir.  Hewson  a re- 
cueilli sur  des  animaux  tués  à l’instant,  le  liquide,  en 
petite  quantité,  qui  humecte  les  membranes  séreuses, 
et  il  a vu,  parle  repos  et  l’exposition  à l’air,  ce  liquide 
se  coaguler  comme  la  lymphe  coagulable  du  sang.  Il 
n a pu  recueillir  de  même  la  sérosité  du  tissu  cellulaire. 
Bostock  a trouvé,  dans  la  sérosité  saine  des  cavités 
splanchniques,  de  l’eau,  de  l’albumine  en  moindre  pro- 
portion que  dans  le  sérum  , de  la  matière  incoagulable, 
et  des  sels.  Schwilgué  y a trouvé  de  l’albumine  une 
matière  extractive  et  une  matière  grasse.  D’après  l’exa- 
men que  j ai  fait  de  la  sérosité  des  cavités  splanchrti- 


23o  anatomie  générale. 

ques,  il  me  semble  que  la  matière  incoagulable  est  du 
mucus  gélatiniforme  semblable  à celui  qu’on  trouve 
dans  l’albumine  coagulée  du  sérum  du  sang.  La  coa- 
gulabilité  de  la  sérosité  saine  , déjà  observée  avant 
Hewson  par  Lower,  Lancisi  et  Kaau , a été,  au  con- 
traire, niée  par  Sarcone,  Cotunnio  et  Géromini 1 ; je 
crois  cette  coagulabilité  constante  dans  l’état  sain. 

§ ü33.  De  toutes  les  membranes  séreuses,  celles  dont  il 
s’agit  maintenant,  sont  celles  dont  les  fonctions  et  les 
actions  morbides  sont  le  plus  intimement  liées  avec 
les  autres  phénomènes  organiques,  cela  d’ailleurs  pré- 
sente encore  des  variétés  ; ainsi  la  membrane  du  testi- 
cule et  celle  de  l’abdomen  diffèrent  beaucoup  sous  ce 
rapport. 

§ a3 4*  C’est  à elles  aussi  que  se  rapporte  pour  la  plus 
grande  partie , ce  qui  a été  dit  sur  les  altérations  mor- 
bides  de  tout  le  système  séreux.  Elles  sont  sujettes  de 
plus  que  les  autres  à quelques  vices  de  conformation 
primitifs;  comme  les  ouvertures  contre  nature,  qu’on 
observe  dans  quelques  cas  de  monstruosité  et  dont 
elles  peuvent  toutes  offrir  des  exemples,  ainsi  que  les 
prolongemens  ou  appendices  qui  enveloppent  les  her- 
nies congéniales  et  autres  déplacemens. 

§ ^35.  Les  hernies  accidentelles  sont  aussi  accom- 
pagnées d’une  altération  de  forme  des  membranes  sé- 
reuses splanchniques , c’est  l’existence  à peu  près 
constante  d’un  sac  herniaire  qui  enveloppe  les  parties 
déplacées  : ce  sac  est  formé  par  la  membrane  séreuse 

1 Saggio  s u lia  gcncsi,  c cura  dclV  idrope.  Crcmona  t 

1 8 1 6. 


DES  MEMJHlANUS  SEREUSES  SPLANCHNIQUES.  23  I 

qui  revêt  les  parois,  et  que  les  viscères  en  se  déplaçant 
poussent  devant  eux. . 

§ 236.  L’hydropisie,  l’inflammation  et  ses  effets,  les 
fausses  membranes,  les  adhérences,  les  productions, 
accidentelles  soit  analogues,  soit  morbides,  sont  plus 
communes  dans  les  membranes  séreuses  splanchniques 
que  dans  les  autres  espèces,  et  plus  communes  encore 
' dans  quelques-unes  d’entre  elles  que  dans  les  autres. 

§237.  Quoique  les  membranes  séreuses  splanch- 
niques forment  un  groupe  assez  naturel,  cependant 
elles  présentent  des  différences  qui  appartiennent  à 
l’anatomie  spéciale  ; et  en  outre,  l’arachnoïde  diffère 
encore  beaucoup  des  autres.  Elle  a bien  la  même' 
conformation  que  les  autres  membranes  séreuses , mais 
sa  consistance  est  très-molle,  sa  ténuité  extrême,  sa 
texture  impossible  à déterminer  ; elle  semble  homo- 
gène; on  n’y  rencontre  point  de  vaisseaux,  même  dans 
l’état  de  maladie.  La  plupart  des  phénomènes  morbides 
qu’on  lui  attribue  se  passent  dans  le  tissu  sousjacent. 
de  la  pie-mère;  elle  semble  enfin  former  un  genre  à , 
part. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


2^2 


■ %■*-».  v^-% 


CHAPITRE  III. 

DES  MEMBRANES  TÉGUMENTAIRES. 


§ a38.  Ces  membranes  sont  celles  qui , tant  à l’in- 
térieur qu’à  l’extérieur , revêtent  les  parties  naturelle- 
ment exposées  au  contact  des  substances  étrangères. 
On  les  appelle  encore  villeuses  composées,  ou  follicu- 
leuses,  à cause  des  parties  nombreuses  qui  entrent 
dans  leur  texture,  et  en  particulier  des  follicules  qu’elles 
contiennent;  Elles  constituent  après  le  tissu  cellulaire, 
dont  elles  sont  une  modification  plus  ou  moins  compo- 
sée , le  tissu  ou  l'organe  le  plus  généralement  répandu 
dans  le  règne  animal  j elles  sont  les  premières  parties 
distinctes  et  figurées  de  l'embryon  • c’est  sur  elles  et  par 
elles  que  tout  le  reste  du  corps  se  forme  j en  santé  et 
pendant  toute  la  vie,  elles  sont  les  organes  des  fonc- 
tions les  plus  essentielles  : c’est  en  elles  et  par  elles 
que  se  font  toute  absorption  et  toute  sécrétion  extrin- 
sèques ; c’est  sur  elles  que  toutes  les  substances  étran- 
gères font  impression  ; elles  sont  souvent  altérées  dans 
les  maladies  ; c’est  sur  elles  enfin  que  la  plupart  des 
agens  thérapeutiques  Sont  appliqués  : leur  étude  est 
donc  d’une  grande  importance  pour  le  médecin. 

§ 2^g.  Galien  1 avait  déjà  fait  remarquer  qu’outre  la 
peau  extérieure  qui  est  le  tégument  commun  de  toutes 
les  parties,  il  y aune  peau  membraniforme  et  mincë  qui 


1 De  la  méthode  thérapeutique  , L.  xiv  , chap.  2. 


DES  membranes  tégumentaires.  2^3 

revêt  les  parties  internes;  plusieurs  anatomistes 1 avaient 
déjà  indiqué  la  continuation  de  la  peau  dans  quelques- 
unes  des  cavités  naturelles  , et  l’analogie  du  mucus 
avec  l’épiderme;  Bonn  * avait  déjà  décrit  avec  détail  la 
continuation  de  la  peau  avec  la  membrane  interne 
dans  toutes  les  ouvertures  et  les  cavités  ; les  zooto- 
mistes  et  les  naturalistes  l’avaient  aussi  fait  observer, 
ainsi  que  l’analogie  qui  existe  entre  ces  deux  parties 
d’une  même  membrane  dans  l’intervalle  desquelles  tout 
le  reste  du  corps  est  placé.  Bichat  a particulièrement 
insisté  sur  cette  continuité.  IVL  J.-B.  Wilbrand  4 a fait 
récemment  une  exposition  détaillée  du  système  cutané 
ou  tégumentairedans  toutes  ses  divisions.  M.  Hébréard  5 
a décrit  la  transformation  de  la  peau  en  membrane 
muqueuse^  et  réciproquement. 

§ a4o.  Les  membranes  tégumentaires  ont  dans  toute 
leur  étendue  des  caractères  communs  qu’il  faut  d’abord 

exposer;  mais  d’après  des  différences  dans  leur  situa- 

/ 

tion  , leur  texture  et  leurs  fonctions,  elles  sont  dis- 
tinguées en  deux  parties  qu’il  faudra  décrire  ensuite 
chacune  à part  : ce  sont  la  membrane  muqueuse ’et  la 
peau. 

* Casserius,  Pcntaestheseion , hoc  est,  de  quinque  sensi- 
bus  liber. 

a Glisson  , De  guld  , ventriculo  et  intestinis. 

3 De  continuationibus  membranarum . 

^ Das  hautsystem  in  allen  seinen  vcrz  iveigungcn  , ana- 
tomisch , physiol.  un d pathol . dargeslellt.  Giessén , 18 13. 

5 Mémoire  sur  l’analogie  qui  existe  entre  les  systèmes  mu- 
queux et  dermoïde  ; Mémoires  de  la  Soc.  méd.  d'émulation. , 
vol.  vin  , pag.  i53. 


234 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


PREMIÈRE  SECTION. 

DES  MEMBRANES  TEGUMENTAIRES  EN  GENERAL. 

§ 241.  Les  tégumens,.  quelles  que  soient  leur  éten- 
due et  leur  multiplicité  apparente , forment  une 
seule  et  même  membrane , partout  continue  à elle- 
même  , depuis  la  peau  extérieure  jusqu’au  fond  des 
dernières  ramifications  du  conduit  excréteur  de  la 
glande  la  plus  profondément  située  : cette  membrane 
a par  conséquent  une  largeur  immense.  Sa  situation 
est  partout  extérieure  ou  superficielle , en  ce  sens 
qu’elle  est  partout  située  aux  surfaces  du  corps  dont 
elle  forme  la  limite,  et  quelle  est  partout  en  contact 
avec  des  substances  étrangères  à l’organisation  ; mais 
une  partie  seulement  est  apparente  au  dehors  et  enve- 
loppe  tout  le  corps  tandis  que  l’autre  partie,  cachée, 
revêt  à l’intérieur  le  canal  alimentaire  qui  parcourt  le 
tronc  dans  sa  longueur,  depuis  la  bouche  jusqu’à  l’a* 
nus.  On  peut  dès  lors  concevoir  la  figure  de  la  mem- 
brane tégumentaire  comme  celle  d’une  enveloppe  et 
d’un  canal  qui  la  traverse  , continus  l’un  à l’autre  aux 
deux  extrémités  ; ou  mieux  , comme  celle  de  deux  ca- 
naux , l’un  plus  large  et  l’autre  plus  étroit , emboîtés 
l’un  dans  l’autre  et  continus  aux  deux  bouts , et  dans 
l’intervalle  desquels  tout  le  reste  du  corps  est  logé.  Si 
l’on  voulait  employer  une  comparaison  triviale , celle 
qui  conviendrait  le  mieux  pour  représenter  cette  dis- 
position serait  celle  d’un  manchon  ayant  en  effet  deux 

_ • f • 

surfaces  séparées  par  une  couche  plus  ou  moins  épaisse 
de  substance  intermédiaire. 


DES  MEMBRANES  TEGUMENTÀIRES.  ' 235 

§2 4*.  Outre  la  peau  et  la  membrane  muqueuse  du 
canal  alimentaire  continues  l une  à l’autre  aux  deux  ori- 
fices de  ce  canal , partout  continues  à elles-mêmes,  et 
qui  constituent  les  deux  parties  principales  de  la  mem- 
brane tégumentaire , cette  membrane  a un  grand 
nombre  de  dépendances  ou  de  prolongerons  plus  ou 
moins  étendus  et  ramifiés  dans  l’épaisseur  du  corps  : 
tels  sont,  i°  les  membranes  génitale  et  urinaire,  qui 
se  prolongent  dans  toutes  les  cavités  des  organes  de 
la  génération  èt  de  la  dépuration  urinaire  ; 2°  la  mem- 
brane pulmonaire,  qui  tapisse  toutes  les  divisions  des 
bronches  ; 3°  les  membranes  qui  tapissent  les  conduits 
excréteurs  des  glandes,  soit  qu’ils  aboutissent  à la 
membrane  muqueuse  , ou  que  > comme  ceux  de  la  ma- 
melle , ils  aboutissent  à la  peau  ; 4°  celles  des  cavités 
nasales , de  leurs  sinus  et  des  arrière-fosses  nasales , 
des  conduits  auditifs , chi  tympan , du  sinus  mastoïdien 
et  de  la  surface  de  l’œil. 

Parmi  ces  prolongerons,  tous  muqueux,  excepté 
celui  du  conduit  auditif  externe,  qui  est  cutané,  la 
plupart  aboutissent  à la  membrane  muqueuse  et  en 
sont  des  appendices  ou  des  prolongemens  ; la  peau 
extérieure  au  contraire  est  beaucoup  moins  compliquée 
par  des  appendices  de  ce  genre. 

§ 243.  La  membrane  tégumentaire  présente  dans 
sa  vaste  étendue  des  différences  ou  variétés  d’appa- 
rence , de  texture  et  de  fonction  , qui  pourraient  faire 
douter  de  son  unité,  et  de  sa  continuité. 

La  peau  et  la  membrane  muqueuse , comparées 
1 une  à l’autre , semblent  très-différentes  au  premier 
coup  d œil  ; mais  dans  la  série  animale  la  différence 


^36  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

s effacç  par  degrés  dans  les  animaux  les  plus  simples; 
elle  est  encore  assez  peu  marq,uée  en  général  dans  les 
animaux  plus  élevés  qui  habitent  l’eau.  Dans  le  fœtus 
humain,  la  différence,  quoique  réelle,  est  d’abord  peu 
tranchée.  Dans  1 adulte  même  on  voit  la  peau  se  trans- 
former aisément  en  membrane  muqueuse  et„celle-ci  en 
peau.  Quand,  par  exemple,  une  partie  delà  surface  du 
corps  est  long-temps  soustraite  à l’action  de  l’atmo- 
sphère, comme  on  l’a  vu  dans  des  cas  de  contractures  où 
la  jambe  était  fortement  fléchie  et  appuyée  sur  la  cuisse, 
et  comme  on  le  voit  souvent  dans  les  plis  de  la  peau  chez 
les  enfans  très-gras , l’épiderme  se  ramollit  et  disparaît, 
la  peau  finit  par  sécréter  du  mucus.  D’un  autre  côté , 
dans  les  prolapsus  de  l’utérus  on  voit  la  membrane 
muqueuse  du  vagin,  et  dans  les  prolapsus  de  l’anus 
naturel  ou  accidentel,  celle  de  l’intestin  , s’épaissir, 
se  sécher  et  prendre  les  apparences  de  la  peau.  Dans 
l’état  de  santé  enfin  , on  voit,  dans  beaucoup  de  par- 
ties , la  peau  ne  se  changer  que  graduellement  et  d’une 
manière  insensible  en  membrane  muqueuse  : c’est  ce 
qui  a lieu  aux  lèvres  de  la  vulve,  au  prépuce,  à l’anus, 
au  mamelon  et  aux  narines  ; ce  n’est  guère  qu’aux  pau- 
pières et  aux  lèvres  que  la  ligne  de  démarcation  paraît 
un  peu  tranchée.  Il  n'y  a donc  point  d interruption 
réelle,  il  y*a  donc  au  contraire  une  identité  et  une  con- 
tinuité véritables , entre  les  deux  parties  principales  de 
la  membrane  tégumentaire. 

§ 244*  Les  diverses  parties  de  ces  deux  portions  prin- 
cipales du  tégument  présentent  aussi  des  variétés  assez 
grandes.  Celles  que  l’on  observe  entre  la  peau  du  dos  et 
celle  des  paupières , entre  celles  du  crâne , et  de  la  pulpe 


DES  MEMBRANES  TEGUMENT41RES. 


23^ 

des  doigts,  par  exemple,  sont  assez  grandes  ; mais  elles 
ne  sont  ni  absolues  ni  tranchées  : il  en  est  à peu  près  de 
même  dans  la  membrane  muqueuse  , et  les  interrup- 
tions que  l’on  a Cru  y trouver  ne  sont  qu’apparentes, 
comme  on  le  verra  plus  loin  (Sect.  IL)  Les  différences 
que  l’on  observe  entre  les  diverses  parties  de  la  mem- 
brane muqueuse , quoique  plus  marquées  que  celles 
que  l’on  trouve  à la  peau,  ne  sont  pourtant  pas  plus 
réelles.  En  générai  le  changement  d’apparence  et  de 
texture  est  graduel , comme  on  le  voit  dans  les  con- 
duits excréteurs  où  la  membrane  va  en  s’amincissant 
progressivement  et  en  se  dégradant,  pour  ainsi  dire, 
mais  d’une  manière  insensible.  Si  l’on  comparait  la 
membrane  'des  sinus  frontaux  et  celle  de  l’estomac  , on 
trouverait  certainement  de  très -grandes  différences 
entre  elles,  comme  entre  celles  de  la  langue  et  de  l’uté- 
rus ; mais  ces  différences  sont , pour  ainsi  dire , liées 
par  des  gradations  intermédiaires.  On  trouve  seule- 
ment quelques  différences  assez  brusquement  tranchées 
dans  des  parties  très-rapprochées , mais  dont  les  fonc- 
tions sont  très-différentes,  comme  entre  l’œsophage  et 
l’estomac,  entre  le  vagin  et  l’utérus  : mais  encore  là, 
comme  partout  ailleurs,  ce  ne  sont  que  des  variétés, 
qui  se  réduisent  très-facilement  en  un  type  unique  de 
texture  organique. 

§ 245.  Les  tégumens  ont  une  surface  libre  et  une 
surface  adhérente.  La  première  est  tournée  en  dehors 
pour  la  peau  , et  en  dedans  pour  la  membrane  mu- 
queuse ; c’est  l’inverse  pour  la  seconde.  La  surface 
adhérente  répond  à la  masse  du  corps  et  généralement 
au  tissu  cellulaire.  Ce  tissu  (§  i3()  ) forme  là  une 


233  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

couche  plus  ou  moins  dense  , plus  ou  moins  épaisse  ; 
dans  d autres  endroits  c est  du  tissu  ligamenteux  ou 
du  tissu  fibreux  élastique  qui  double  les  tégumens  ; 
dans  une  assez  grande  partie  de  leuf  étendue  ils  sont 
garnis  ou  doublés  de  fibres  musculaires. 

§ a4 6.  La  membrane  tégumentaire , outre  les  grands 
appendices  et  les  canaux  excréteurs  des  glandes  dont 
il  a été  question  ( § 242  ),  est  pourvue  d’une  multitude 
innombrable  d’autres  enfoneemens  plus  simples  et 
beaucoup  plus  petits  qu’on  a nommés  follicules,  lo- 
cules , lacunes , cryptes , glandes  simples , etc.  Ces 
follicules  1 observés  et  décrits  d’abord  dans  quelques 
points  des  tégumens  par  divers  anatomistes,  et  ensuite 
dans  leur  ensemble  par  Malpigbi , Boerlîaave , Kaau 
et  beaucoup  d’autres , existent  en  effet  dans  toutes 
ou  presque  toutes  les  parties  de  ces  membranes.  Les 
follicules  sont  ronds  ou  obronds , graniformes , d’un 
volume  variable  et  en  général  très-petit;  ils  sont  situés 
en  partie  dans  l’épaisseur  de  la  membrane  et  font  sous 
sa  face  adhérente  une  saillie  plus  ou  moins  grande. 
Ils  ont  en  général  la  forme  d’une  petite  ampoule 
dont  le  goulot  ou  émissaire  plus  ou  moins  allongé 
s’ouvre  à la  surface  libre  de  la  membrane.  Ils  sont 
formés  par  cette  membrane  repliée  sur  elle- même  et 
constituant  un  enfoncement  ou  un  petit  cul-de-sac. 
C’est  à leur  présence  que  sont  dues  les  porosités  qu’on 

1 Voyez  : M.  Malpighi , Epistola  de  striicturâ  glandula- 
rum  , etc.  , in  op.  poslh.  — Opusculum  anatornicum  , de 
fabricd glandularurn  , continens  binas  epistolas  H.  Boerhaave 
ctF.  Ruyschii,  etc. , in  op.  omn.  Ruyschii. — A.  Kaau,  Perspi- 
ratio  dicta  Hippocrati , etc.  y cap.  xi , xu  et  xm. 


DES  MEMBRANE-S  TIïGUMENTAIRliS.  239 

aperçoit  à la  surface  de  la  peau  , au  nez  surtout,  et  que 
sont  dues  aussi  les  granulations  qui  garnissent  et  sou- 
lèvent dans  beaucoup  d’endroits  la  membrane  mu- 
queuse ; la  cavité  de  ces  follicules  est  extrêmement 
petite  relativement  «à  l’épaisseur  de  leurs  parois.  Ils 
sont  formés  par  toute  la  membrane  , soit  quelle  con- 
serve son  épaisseur  ou  que  celle-ci  soit  augmentée  ou 
diminuée.  Ils  sont  entourés  par  un  très^grand  nombre 
de  ramuscules  vasculaires.  La  plupart  de  ces  petites 
ampoules  sont  simples , discrètes  et  plus  ou  moins  éloi- 
gnées les  unes  des  autres  ; mais  dans  certaines  parties  de 
la  peau , et  surtout  des  membranes  muqueuses , on 
trouve  des  follicules  diversement  rassemblés  et  com- 
posés. Outre  les  follicules  dont  il  vient  d’être  question, 
les  membranes  tégumentaires,  et  surtout  l’interne,  pré- 
sentent beaucoup  d’enfoncemens  dont  l’orifice  est  aussi 
large  que  le  fond , et  qu’on  appelle  alvéolaires , et  l’une 
et  l’autre  présentent  aussi  un  grand  nombre  de  petits 
enfoncés  évasés  ou  infundibuliformes.  Les  follicules 
diffèrent  en  outre  les  uns  des  autrès  par  la  nature 
du  liquide  qu’ils  sécrètent  et  qu’ils  contiennent:  ceux 
de  la  peau  sont  appelés  follicules  sébacés,  et  ceux  du 
tégument  interne  follicules  muqueux  , à cause  du 
liquide  qu’ils  fournissent  ; ceux  des  membranes  mu- 
queuses au  voisinage  de  la  peau  sont  à peu  près  mixtes. 

§ 247.  Les  tégumens  ont  une  texture  foliée;  ils  sont, 
dans  une  grande  partie  de  leur  étendue,  évidemment 
formés  de  deux  couches,  le  derme  et  l’épiderme; 
dans  beaucoup  d’endroits  on  distingue  encore  une 
couche  assez  composée  entre  ces  deux  principales  ; et , 
dans  un  grand  nombre  de  parties , il  y a en  outre  des 


24°  ANAÏOMIÈ  GÉNÉRALE. 

appendices  ou  productions  saillantes  à la  surface  libre 
de  la  membrane. 

§ 248.  Le  derme , quelles  que  soient  les  différences 
qu’il  présente  dans  les  deux  tégumens  et  dans  leurs 
divisions,  en  est  toujours  la  partie  la  plus  profonde, 
la  plus  épaisse  i celle  qui  en  fait  la  base,  et  à la  surface 
de  laquelle  sont  placées  les  autres.  Il  est  formé  d’une 
couche  de  tissu  cellulaire  fibreux , plus  ou  moins  serré, 
comme  feutré , laissant  des  interstices  par  où  passent 
diverses  autres  parties. 

§ 249*  Des  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques  , et 
des  nerfs,  plus  ou  moins  nombreux,  se  distribuent  et 
se  ramifient  dans  l’épaisseur  du  derme , et  surtout  à sa 
face  superficielle,  où  ils  forment  des  inégalités  qu’on 
appelle  papilles,  villosités,  bourgeons  vasculaires,  et 
qui  seront  plus  exactement  définis  ou  décrits  à l’article 
de  chacun  des  deux  tégumens. 

§ 25o.  La  surface  du  derme  est  couverte  d’une  couche 
plus  ou  moins  distincte,  suivant  les  parties  des  tégu- 
mens,  et  qu’on  appelle  corps  muqueux  ou  réticulaire  ; 
c’est  du  tissu  cellulaire  à l’état  demi-liquide  ou  à peine 
organisé  , dans  lequel  se  terminent  et  d’où  naissent  les 
divisions  les  plus  fines  des  vaisseaux  blancs  ; cette 
couche,  d’ailleurs  assez  composée  , est  le  siège  de  la 
coloration , et  celui  des  incrustations  cornées  qui  gar- 
nissent les  tégumens  dans  quelques  parties.  Cette  couche 
est  moins  distincte  dans  les  membranes  muqueuses 
que  dans  la  peau. 

§ 2a  1.  L’épiderme  enfin  est  la  dernière  partie  essen- 
tielle des  membranes  tégumentaires , celle  qui  en  forme 
la  surface  libre  ; c’est  une  couche  albumineuse  excré- 


DES  MEMBRANES  TEGUMENTA1RES.  24  I 

lèe  à la  surface  du  corps  muqueux.  Dans  beaucoup  de 
parties  des  membranes  muqueuses  1 'épiderme  n’est  pas 
distinct,  et  semble  être  remplacé  par  du  mucus.  Au 
reste  il  y a beaucoup  de  ressemblance,  quant  à la  na- 
ture chimique  de  la  matière , entre  l’épiderme  et  le 

mucus.  ‘ , % 

§ 252.  Plusieurs  parties  des  membranes  tégumen- 
tairessont  pourvues  d’appendices  saillans  à leur  surface 
libre  : ce  sont , pour  la  peau , les  ongles  et  les  poils  ; 
et  les  dents  pour  la  membrane  muqueuse. 

§ 253.  Les  tégumens  se  résolvent  presque  tout-à-fait 
en  gélatine  par  la  décoction.  La  coloration  très-diverse 
des  tégumens  dépend  en  partie  4e  celle  du  sang  , et  en 
partie  d’une  matière  colorante  sécrétée  du  sang  dans  le 
corps  muqueux.  Leur  densité  très-variée  est  à peu  près 
intermédiaire  à celle  des  tissus  cellulaire  , ligamenteux 
et  élastique.  Leur  élasticité  est  assez  marquée.  Ils 
jouissent  aussi  d’une  extensibilité  et  d’une  rétractilité 
lentes  , très-grandes.  Leur  force  de  formation  est  très- 
développée.  L’irritabilité  dont  ils  jouissent,  bien  moins 
évidente  que  celle  des  muscles,  l’est  pourtant  beaucoup. 
Ils  sont  l’organe  essentiel  de  la  sensibilité. 

§ 254.  L’action  organique  ou  la  fonction  de  la  mem- 
brane tégumentaire  est  très -importante  , très-com- 
plexe, et  diverse  dans  les  différentes  portions  de  cette 
membrane.  Gomme  tégument  ou  enveloppe,  tant  in- 
terne qu’externe  de  la  masse  du  corps , elle  constitue 
une  barrière  que  doivent  traverser  de  dehors  en  de- 
dans toutes  les  substances  étrangères  qui  entrent  dans 
le  corps  pour  en  faire  partie,  et  de  dedans  en  de- 
hors toutes  celles  qui , après  en  avoir  fait  partie  , lui 
*•  16 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


243 

deviétinent  étrangères  ; ces  substances  et  toutes  les 
autres  qui  sont  en  contact  avec  le  tégument,  y déter- 
minent des  impressions  : ainsi  cette  membrane  est  un 
organe  de  protection  on  de  défense  plus  ou  moins  effi- 
cace contre  l’action  des  corps  extérieurs  ; elle  est  l’or- 
gane des  absorptions  et  de  toutes  les  sécrétions  extrin- 
sèques, c’est-à-dire  dont  la  matière  est  prise  ou  dépo- 
sée au  dehors  \ elle  est  celui  de  toutes  les  sensations 
externes  et  des  sentimens  de  besoin  et  d’appétit  ; 
et  enfin  même,  par  ses  appendices,  elle  est  quelquefois 
un  organe  offensif  ou  d’agression.  Mais,  suivant  les  va- 
riétés  de  sa  texture,  les  fonctions  de  cette  membrane 
varient  dansles  diverses  régions  ; ainsi  la  membrane  mu- 
queuse est  beaucoup  mieux  disposée  pour  la  sécrétion 
et  l’absorption  que  la  peau,  et  celle-ci  est  mieux  accom- 
modée aux  sensations  et  à la  défense  du  corps , que  la 
première.  Quelques  parties  sont  spécialement  disposées 
pour  la  sensation,  et  même  pour  telle  ou  telle  sensation, 
d’autres  pour  l’absorption , d’autres  encore  pour  l’ex- 
crétion , d’autres  pour  la  génération , d’autres  pour  la 
respiration , etc. 

§ 255.  L’etendue  immense  de  la  membrane  tégu- 
mentaire  , ïe  nombre  et  l’importance  des  fonctions 
dont  elle  est  le  siège  et  l’instrument , en  rendent  la 
considération  très-importante , tant  en  santé  qu  en  ma- 
ladie. Il  existe  entre  les  deux  principales  parties  dont 
elle  est  composée  la  relation  la  plus  intime , et  qui , à 
certains  égards  , a été  aperçue  par  les  plus  anciens  ob- 
servateurs *,  qui  savaient  que  1 abondance  de  la  sécré- 

1 H â'epjtoiTos  ctpcttoTyç  v\  KoiXiy,?  tukvotï/S’  iniïOKPATOYS,  toiv 
’vnê't/c.c.  IijoÀ.  ç • 


DES  MEMBRANES  TEGU  MENT  AIRES.  243 

lion  muqueuse  est  généralement  en  raison  inverse  de  la 
sécrétion  cùtanée.  L’observation  a appris  que  le  bon 
état  de  la  peau  coïncide  avec  un  bon  état  de  la  mem- 
brane muqueuse , et  que,  par  exemple , les  personnes 
qui  ont  la  peau  très-blanche  et  d’une  texture  fine  et 
délicate , sont  très-exposées  aux  maladies  de  la  peau 
et  de  la  membrane  muqueuse , et  surtout  aux  flux  de 
ces  deux  membranes.  Elle  a appris  aussi  que  chaque 
partie  de  la  peau  sympathise  avec  toute  la  membrane 
muqueuse , et  spécialement  avec  telle  ou  telle  partie  de 
cette  membrane.  Il  existe  également  la  relation  la  plus 
intime  entre  les  tégumens  et  la  masse  du  corps , et  ré- 
ciproquement ; relation  que  l’observation  fait  journel- 
lement apercevoir , que  les  causes  morbifiques  mettent 
continuellement  enjeu,  que  la  séméiotique  observe, 
et  dont  le  médecin  praticien  essaie  de  tirer  parti. 

§ 256.  L’embryon , avons-nous  déjà  dit , se  forme 
tout  entier  sur  ces  membranes  : la  membrane  vitelîaire 
ou  intestinale  est  la  première  partie  apparente  dans 
l’œuf;  c’est  par  son  prolongement  vers  l’estomac  et 
vers  l’anus  que  se  forme  l’intestin.  La  seconde  partie 
apparente  est  l’allantoïde  ou  la  membrane  vésicale  ; 
c’est  par  son  extension  que  se  forment  les  voies  uri- 
naires et  les  organes  génitaux.  La  peau  extérieure  se 
forme  ensuite  : d’abord  largement  ouverte  en  avant 
du  tronc  , elle  vient  se  clore  dans  la  ligne  médiane  de 
1 abdomen,  et  définitivement  autour  de  l’ombilic.  Dans 
les  deux  sexes  il  y a une  différence  de  conformation 
assez  grande  dans  la  portion  génito-urinaire  des  tégu- 
mens, et  une  différence  de  développement  dans  celle 
des  conduits  excréteurs  de  la  mamelle.  Il  y a , en  outre, 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


*44 

une  différence  d’épaisseur  et  de  coloration  dans  la  peau 
extérieure.  Ces  différences  sont  très-marquées  dans  les 
races  de  l’espèce  humaine , et  assez  tranchées  encore 
dans  divers  individus. 

§ 257.  Les  altérations  morbides  sont  très-nombreuses 
dans  les  différentes  parties  de  la  membrane  tégumen- 
taire.  Les  productions  accidentelles  cutanées  et  mu- 
queuses sont  assez  fréquentes.  Les  reproductions  de 
tégumens  ou  les  cicatrices  s’observent  souvent  aussi. 
Les  vices  de  conformation  , les  altérations  de  texture 
et  de  fonctions,  les  productions  accidentelles  analo- 
gues ou  non  aux  tissus  sains , les  transformations  de 
tissu  , etc.,  s’observent  souvent  aussi  dans  les  tégumens; 
mais  leur  description  sera  mieux  placée  après  chacune 
des  deux  membranes  : U en  sera  de  même  de  leurs  al- 
térations cadavériques. 

§ 258.  Les  [tégumens  accidentels  doivent , au  con- 
traire , être  décrits  ici , parce  que  d’une  part , leur  pro- 
duction présente  beaucoup  d’analogie  dans  l’un  et  dans 
l’autre  tégumens  ; d’un  autre  côté  parce  que , dans  la 
production  d’une  cicatrice  extérieure,  le  nouveau  tissu 
ressemble,  pendant  une  époque  de  sa  formation,  à la 
membrane  muqueuse  , et  plus  tard  à la  peau  ; et  parce 
qu’enfin  d^ns  quelques  cas  on  trouve  l’apparence  et  la 
texture  de  la  peau  dans  une  partie,  et  celle  de  la  mem- 
brane muqueuse  dans  une  autre  partie  de  la  même 
productfon  ; telles  sont , par  exemple , les  membranes 
des  fistules. 

Toutes  les  fois  que,  soit  par  une  lésion  mécanique, 
soit  par  l’effet  d’une  cautérisation  , de  la  gangrène  ou 
de  l’ulcération , il  y a eu  destruction  des  tégumens  et 


DES  MEMBRANES  TÉGUMENTAIRES.  245 

même  des  parties  sous-jacentes , à une  profondeur  plus 
ou  moins  grande , il  se  produit  un  nouveau  tégument 
semblable  , ou  au  moins  très-analogue  à celui  qui  a été 
détruit,  et  toujours  le  même , dans  toute  son  étendue, 
quelle  que  soit  la  diversité  des  parties  mises  à découvert 
et  qui  doivent  en  être  revêtues.  Après  des  phénomènes 
primitifs , divers  suivant  la  diversité  des  causes  des- 
tructives , il  s’en  présente  une  série  de  secondaires 
toujours  les  mêmes  : ce  sont,  i°  la  production  d’une 
couche  plastique  comme  celle  des  agglutinations  ; 2°  la 
formation  de  bourgeons  ou  granulations,  et  la  sécrétion 
du  pus  ; 3°  enfin , la  cessation  de  cette  sécrétion  et 
l’achèvement  de  la  cicatrice.  Les  phénomènes  de  la  ci- 
catrisation commencent  par  la  déposition  d’une  couche 
plastique  semblable  à celle  qui  constitue  les  fausses 
membranes.  Cette  couche,  d’abord  inorganique  et  bien- 
tôt organisée  , se  couvre  de  petites  granulations  co- 
niques , rouges , et  constitue  alors  la  membrane  des 
bourgeons  charnus  ; cette  membrane  est  cellulaire , 
vasculaire , très-contractile , sensible , absorbante , sé- 
crétant du  pus , très-prompte  à se  détruire  par  l’ulcé- 
ration, et  très-prompte  à se  reproduire.  Cette  membrane 
se  contracte,  se  rétrécit  continuellement,  la  sécrétion 
du  pus  y diminue  par  degrés,  y cesse  tout-à-fait,  et 
alors  elle  se  recouvre,  soit  d’un  épiderme  distinct,  soit 
de  mucus,  suivant  les  lieux,  et  elle  constitue  un  tégu- 
ment nouveau  très-analogue  et  quelquefois  tout-à-fait 
semblable  à l’ancien.  Cependant  cette  membrane,  outre 
quelques  légèes  différences  anatomiques , est  beaucoup 

plus  susceptible  d’ulcération  que  les  tégumens  pri- 
mitifs. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


*46 

§ z5g.  Il  se  forme  dans  les  abcès , et  surtout  dans  les 
abcès  chroniques,  une  membrane  qui  circonscrit  le  pus 
et  qui  a beaucoup  de  ressemblance  avec  la  membrane 
muqueuse  ; elle  aquiert  une  ressemblance  plus  grande 
encore  quand  l’abcès  est  ouvert  et  qu’il  reste  la  source 
d’un  ulcère  fistuleux  ; il  en  est  de  même  encore  dans  les 
ulcères  de  ce  genre  qui  sont  entretenus  par  une  nécrose 
ou  par  la  présence  d’un  corps  étranger  ; il  en  est  de 
même  enfin  dans  les  véritables  fistules  ou  canaux  ac- 
cidentels qui  naissent  d’une  cavité  muqueuse  natu- 
relle. Dans  tous  les  cas,  le  trajet  est  revêtu  dans  toute 
son  étendue  par  une  membrane  fongueuse,  molle,  mu- 
queuse , en  un  mot , découverte  par  Hunter  dans  les 
fistules  à l’anus.  A son  orifice  à la  peau , si  c’est  à cette 
surface  qu’il  aboutit , le  canal  muqueux  de  la  fistule 
est  pourvu,  jusqu’à  une  certaine  profondeur,  d’un  épi- 
derme distinct  qui  se  continue  avec  celui  de  la  peau. 

SECONDE  SECTION. 

DE  LA  MEMBRANE  MUQUEUSE. 

§ 260.  La  membrane  tégumentaire  interne  ou  la  mem- 
brane muqueuse  a reçu  ce  dernier  nom,  d’abord  dans  les 
fosses  nasales  narines)  , à cause  du  mucus 

morve , pituite)  qu’elle  fournit.  Elle  constitue  un  tégu- 
ment humide  qui  revêt  toutesles  cavités  communiquant 
au  dehors  , lesquelles  toutes  reçoivent  ou  rejettent  des 
.substances  étrangères.  Considérée  d’abord  dans  chaque 
organe  creux  comme  sa  membrane  interne  particulière , 
et  n’ayant  ‘pas  d’autre  nom  ; appelée  ensuite  villeuse 
ou  fongueuse  , pulpeuse  , poreuse , villoso-papillaire 


DE  LA.  MEMBRANE  MUQUEUSE.  247 

dans  le  canal  alimentaire , pituitaire  ou  muqueuse  dans 
le  nez  et  dans  le  gosier  ; les  anatomistes  ne  tardèrent 
pas  à y apercevoir  à peu  près  partout  des  follicules,  ce 
qui  lui  fit  donner  le  nom  générique  de  glanduleuse,  et  à 
remarquer  la  ressemblance  du  mucus  nasal  et  intestinal 
avec  l’humeur  onctueuse  de  la  trachée  et  des  bronches , 
et  même  l’analogie  du  mucus  et  de  l’épiderme;  dès 
lors  lidentité  des  diverses  parties  de  cette  membrane 
fut  connue.  Les  pathologistes,  et  surtou?  M.  Pinel, 
l’avaient  déjà  remarqué  en  faisant  l’histoire  des  ca- 
tarrhes. Cependant  aucune  description  générale  et 
satisfaisante  de  cette  membrane  n’avait  été  donnée 
avant  Bichat x.  Depuis  lui,  les  anatomistes  et  les  pa- 
thologistes se  sont  à peu  près  généralement  accordés 
à adopter  ses  idées  sur  cet  objet , excepté  Gordon , 
qui  a trouvé  des  différences  trop  essentielles  entre  les 
diverses  membranes  muqueuses  pour  les  comprendre 
dans  une  description  commune. 

§ 261.  La  membrane  muqueuse  forme  un  tégument 
interne  à toutes  les  cavités  ouvertes  au  dehors  ; sa  partie 
la  plus  importante  forme  un  revêtement  à tout  le 
canal  alimentaire,  depuis  la  bouche  jusqu’à  l’anus;  le 
reste  de  cette  membrane  constitue  des  prolongemens 
ou  des  appendices  prolongés  en  cul-de-sac  et  plus  ou 
moins  profondément  étendus  et  ramifiés  dans  la  masse 
du  corps,  et  aboutissant  par  leur  embouchure,  soit  à 
la  peau  externe,  soit  à la  peau  interne.  Elle  forme  ainsi* 
un  immense  tégument  interne  bien  plus  étendu  que 
la  peau. 


1 Traité  des  membranes.  Paris,  an  vin. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


a 48 

§ 245a.  La  membrane  muqueuse  présente , comme  la 
peau  , une  surface  adhérente  et  une  surface  libre  ; la 
surface  adhérente  ou  externe  est  en  général  revêtue 
d’une  couche  de  tissu  cellulaire  fibreux  particulier,  au- 
quel Ruysch  et  beaucoup  d’autres  anatomistes  ont  donné 
le  nom  de  membrane  nerveuse , que  Albinus  et  Haller 
ont  démontré  être  du  tissu  cellulaire,  et  que  Bichat 
a nommé  tissu  cellulaire  sous  - muqueux.  Ce  tissu 
est  serré  , fibreux,  blanc,  ne  contient  jamais  de 
graisse  , et  rarement  de  la  sérosité  infiltrée;  il  est 
parcouru  par  un  grand  nombre  de  divisions  fines  des 
vaisseaux  et  des  nerfs.  Plusieurs  anatomistes  l’ont  assi- 
milé au  derme  de  la  peau,.  Quoi  qu’il  en  soit,  c’est  à 
lui  que  les  organes  creux  doivent  en  grande  partie  leur 
solidité.  La  membrane  muqueuse  est  de  plus  doublée 
dans  toute  l’étendue  de  son  canal  principal  et  dans 
plusieurs  de  ses  divisions  par  un  plan  musculaire, 
espèce  de  muscle  peaucier  interne  ; dans  quelques  en- 
droits, c’est  un  tissu  élastique  qui  double  les  mem- 
branes muqueuses , c’est  ce  qu’on  voit  dans  le  canal 
aérien  et  dans  les  conduits  excréteurs;  ailleurs,  un 
véritable  tissu  ligamenteux,  comme  le  périoste  des 
fosses  nasales,  des  sinus,  du  palais,  des  alvéoles, 
double  cette  membrane,  et  en  forme  une  membrane 
fibro-muqueuse. 

§ 263.  La  surface  libre  de  la  membrane  muqueuse  pré- 
sente des  valvules , des  plis  et  des  rides  formés  par  toute 
l’épaisseur  de  la  membrane  redoublée  sur  elle-même. 
Les  valvules  sont  formées  par  la  membrane  muqueuse 
repliée,  par  le  tissu  sous-muqueux  et  par  des  fibres  mus- 
culaires contenues  dans  le  repli  : c’est  ce  qui  a lieu  au 


de  la  membrane  muqueuse.  249 

A % 

pylore,  à l’embouchure  de  l’intestin  grêle  dans  le  gros 
intestin , au  voile  du  palais,  à l’orifice  du  larynx,  etc.  Les 
plis  ne  contiennent  dans  leur  épaisseur  que  du  tissu  sous- 
muqueux,  mais  ils  sont  constans  comme  les  valvules 
et  ne  s’effacent  jamais;  tels  sont  les  nombreux  replis 
de  l’intestin  grêle,  qu’on  appelle  valvules  conniventes  ; 
les  rides,  au  contraire,  sont  des  replis  accidentels  ou 
momentanés,  dans  lesquels  la  membrane  muqueuse 
est  en  réserve  pour  des  dilatations  futures  des  organes, 
ou  bien  qui  dépendent  de  ce  que  l’organe  ayant  été 
dilaté  et  étant  revenu  sur  lui-même,  la  membrane  mu- 
queuse s’est  trouvée  en  excès  sur  la  membrane  mus- 
culaire; telles  sont  les  rides  longitudinales  de  l’œso- 
phage et  de  la  trachée,  les  rides  irrégulières  de  l’estomac 
quand  il  est  contracté , les  rides  régulières  du  vagin 
et  du  col  de  l’utérus,  etc. 

§ 264*  La  surface  libre  de  la  membrane  muqueuse  pré- 
sente aussi  des  enfoncemens  ou  des  dépressions  de  di- 
vers genres  et  des  saillies  papillaires  et  villeuses.  Mais 
ces  divers  objets,  quoique  très-généralement  répandus 
dans  la  membrane,  n’existent  pourtant  pas,  ou  du 
moins  ne  sont  pas , à beaucoup  près , également  appa- 
rens,  dans  tous  les  points  de  son  étendue.  On  trouve 
à la  surface  de  la  membrane  des  enfoncemens  infon- 
dibuliformes,  cellulaires  ou  alvéolaires;  ils  existent  au 
maximum  de  leur  développement  dans  le  bonnet, 
second  estomac  des  ruminans,  que,  pour  cette  raison , 
on  appelle  le  réseau  ; ils  existent  aussi , mais  beau- 
coup plus  petits  et  microscopiques , dans  une  grande 
partie  des  voies  alimentaires,  et  surtout  dans  l’œso- 
phage,  l’estomac  et  le  gros  intestin  de  l’homme , où  ils 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


2JO 

ont  été  aperçus  et  indiqués  par  Fordyce,  Hewson, 
décrits  et  figurés  par  tyL  Ev.  Home. 

§ 2 65.  Les  follicules  ou  les  cryptes  1 ne  diffèrent 
de  ces  enfpncemens  alvéolaires,  que  parce  qu’ils  ont 
un  orifice  très-étroit,  un  goulot  ou  émissaire  plus 
ou  moins  prolongé  et  un  fond  renflé  en  ampoule  , 
et  logé  dans  le  tissu  sous-muqueux,  où  ils  font  saillie. 
Ils  sont  formés  par  la  membrane  renversée  sur  elle- 
même,  et  renforcée  à l’extérieur  par  du  tissu  cellu- 
laire dense  et  pourvue  de  beaucoup  de  petits  vaisseaux. 
Ils  sont  très -généralement  répandus,  cependant  leur 
nombre  varie  suivant  les  parties  ; ils  sont  très-petits , 
en  général,  mais  leur  volume  varie  aussi  beaucoup. 
Les  uns  sont  simples  et  discrets  ; d’autres  aboutissent 
dans  un  canal  commun  dont  ils  sont  comme  des  ra- 
meaux; d’autres  aboutissent  dans  un  orifice  commun  et 
dilaté  appelé  lacune  : tel  est  le  trou  de  la  base  de  la 
langue,  telles  sont  les  lacunes  de  l’urètre,  du  rec- 
tum, etc.;  d’autres  sont  agrégés  ou  agminés,  comme 
la  caroncule  lacrymale,  la  glande  arythénoïde,  les 
glandes  agminées  de  l’iléum,  etc;  d’autres  enfin  sont 
composés  et  pourvus  de  lacunes  multiples  ou  de  con- 
duits ramifiés,  et  ressemblent  beaucoup  aux  glandes, 
tels  sont  les  tonsilles,  les  glandes  molaires,  la  pros- 
tate, les  glandes  de  Gowper,  etc. 

§ 2 66.  Les  petites  éminences  appelées  papilles  et  villo- 
sités que  l’on  aperçoit  à la  surface  libre  de  la  mem- 
brane muqueuse  paraissent  avoir  pour  but,  comme  les 

ê 

1 Peyer,  de  Glandulis  intestin alium.  Arnstcl.  1681.  — J.C. 
Brunner,  de  Glandulis  duodeni.  Franco/.  17 15. 


DE  LA  MEMBRANE  MUQUEUSE.  a5l 

enfoncemens  dont  il  vient  d’être  question , et  avec  les- 
quels ils  sont  en  rapport  inverse  de  nombre,  de  multi- 
plier la  surface  ; mais  aussi , dans  l’une  comme  dans 
l’autre  de  ces  dispositions,  la  texture  et  les  fonctions 
de  la  membrane  sont  notablement  modifiées.  Ces  émi- 
nences , appelées  villosités  par  suite  de  la  comparaison 
faite  par  Fallope , de  la  membrane  interne  des  intestins 
avec  le  velours,  et  papilles  à cause  de  la  ressemblance 
qu’on  a cru  leur  trouver  , avec  un  bouton  ou  mame- 
lon , ne  diffèrent  pas  essentiellement  entre  elles  ; les 
unes  et  les  autres  sont  des  saillies  de  la  membrane  plus 
ou  moins  fines , et  la  plupart  à peine  visibles  à l’œil  nu. 

Les  plus  volumineuses  parmi  ces  éminences  sont 
appelées  papilles  ; telles  sont  celles  qui  remplissent  la 
cavité  des  dents,  et  qu’on  nomme  communément  leur 
pulpe;  telles  sont  celles,  plus  petites,  qui  hérissent 
la  surface  de  la  langue  dans  ses  deux  tiers  antérieurs, 
celles  plus  petites  encore  que  l’on  aperçoit  au  gland 
du  pénis  et  du  clitoris , etc.  Ces  éminences  ap- 
partiennent au  corium  de  la  membrane  muqueuse, 
pourvue  dans  ces  endroits  d’une  très-grande  quantité 
de  filets  nerveux , et  de  ramuscules  de  vaisseaux  san- 
guins, parmi  lesquels  les  veinules  offrent  une  disposi- 
tion érectile.  Dans  les  parties  pourvues  de  papilles, 
la  membrane  muqueuse  est  garnie  d’un  épiderme 
distinct  que  l’on  appelle  épithélium , par  la  raison 
même  qu’il  recouvre  les  papilles. 

§ 267.  Les  villosités  dont  l’existence  est  très-géné- 
rale, mais  qui  ne  sont  nulle  part  plus  nombreuses,  plus 
grandes,  plus  apparentes  que  dans  la  moitié  pylorique 
de  l’estomac,  dans  l’intestin  grêle,  et  surtout  encore 


2$2  ANATOMIE  GENERALE. 

dans  le  commencement  de  cet  intestin , sont  des  émi- 
nences plus  fines  encore  que  les  papilles. 

Ces  villosités , que  l’on  peut  à juste  titre  appeler  les 
radicules  des  animaux , sont  des  petits  prolongemens 
foliacés  de  la  membrane  interne  des  voies  digestives, 
dont  la  forme  et  la  longueur  varient  dans  les  diffé- 
rentes parties  de  ce  canal,  et  que  l’on  peut  en  général 
comparer  aux  plis  transverses  ou  valvules  conniventes 
des  intestins,  à la  différence  près  du  volume.  Les  vil- 
losités 1 aperçues  par  Falloppe,  par  Azelli,  etc.,  décrites 
et  représentées  par  Helvétius , Lieberkühn,  Hedwig, 
Rudolphi,  Meckel,  Buerger,  et  plusieurs  autres  ana- 
tomistes, existent  surtout  dans  l’intestin  grêle;  on  les 
trouve  moins  longues  et  moins  nombreuses  dans  l’es- 
tomac et  dans  le  gros  intestin.  Pour  les  bien  aperce- 
voir il  faut  prendre  une  partie  de  l’intestin  non  encore 
altérée  par  la  putréfaction,  l’ouvrir  avec  précaution, 
l’humecter  de  quelques  gouttelettes  d eau  jusqu  à ce 
que  la  surface  en  soit  entièrement  couverte,  et  1 exa- 
miner avec  une  lentille  qui  en  augmente  d environ 
quarante  fois  le  diamètre. 

§ 268.  Je  me  sais  aussi  servi  avec  beaucoup  d avan- 
tage, poiv  faire  cette  observation  et  d autres  analogues, 

' Voyez  , entre  autres,  Helvétius , Méra.  de  l’Acad.  des  Sc. 
Paris,  1721.  — J.  N.  Liebernkühn.  de  Fabr.  et  ad.  Villos. 
Intest.  hom.  Lugd.  bat.  1744.  4°*  — R-  A.  Hedwig.  Disquis . 
Ampull.  YÀébex\\\hmi, physico-micros.  Lips.  1797*  4°*  C.  A. 
Rudolphi.  in  Reils  Archiv.  der  physiol.  IV.  et  Anat-physiol. 
abhandl.  Berol.  1802. — -J.  F.  Meck  e\in  Deutsches  Archivfur 
die  physiol.  III.  — et  H.  Buerger,  Examen  rnicrosc.  Villos. 
intestin,  curn  iconibus  , Halce  , 1819,  8°. 


DE  LA.  MEMBRANE  MUQUEUSE.  253 

d'un  petit  appareil  composé  d’une  sphère  en  verre  de 
glace,  d’un  petit  diamètre,  ouverte  dans  un  quart  de 
sa  surface , et  d’un  opercule  un  peu  plus  grand  que 
l’ouverture,  et  couvert  d’une  couche  mince  de  cire. 
On  fixe  la  partie  que  l’on  veut  observer  sur  la  cire 
avec  de  petites  épingles , on  la  plonge  dans  de  l’eau , 
ainsi  que  la  sphère  ouverte,  que  l’on  remplit  de  ce 
liquide,  et  qu’on  appuie  ensuite  sur  l’opercule.  On 
retire  l’appareil,  et  l’on  a alors  la  pièce  que  l’on  veut 
examiner  recouverte  d’une  petite  masse  d’eau  lenticu- 
laire qui  en  augmente  le  diamètre. 

§ 269.  Examinées  par  l’un  ou  l’autre  de  ces  deux 
procédés,  les  villosités  ne  paraissent  ni  coniques,  ni 
cylindriques , ni  canaliformes , ni  renflées  au  sommet , 
comme  plusieurs  auteurs  les  ont  décrites;  mais  bien 
plutôt  sous  la  forme  de  folioles,  de  laminules,  dont 
le  nombre  est  tel , qu  elles  offrent  l’image  d’un  ga- 
zon abondant  et  touffu.  Ces  folioles , diversement 
ployées , et  vues  par  conséquent  sous  des  aspects  di- 
vers, paraissent  de  forme  variable.  Leur  forme,  d’ail- 
leurs, n’est  pas  partout  la  même;  celles  de  la  moitié 
pylorique  de  l’estomac  et  du  duodénum , plus  larges 
que  longues,  constituent  des  petites  lames;  celles  du 
jéjunum,  longues  et  étroites,  méritent  mieux  le  nom 
de  villosités,  et  vers  la  fin  de  l’iléum  elles  redeviennent 
des  lamines,  ainsi  que  dans  le  colon,  où  elles  sont  à peine 
saillantes.  Les  villosités  sont  demi-diaphanes,  leur  sur- 
face est  lisse,  et  l’on  n’aperçoit,  ni  à leur  surface  les 
ouvertures  que  l’on  y a admises  sans  s’accorder  jamais 
sur  leur  nombre,  ni  dans  leur  épaisseur  l’ampoule  cel- 
lulaire, ou  la  texture  vasculaire  que  l’on  y a décrite; 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


254 

mais  seulement  dans  leur  subtance  gélatiniforme  on 
aperçoit  des  globules  microscopiques  disposés  en  séries 
linéaires,  et  à leur  base  des  ramuscules  de  vaisseaux 
sanguins  et  lymphatiques , d’une  excessive  ténuité. 

§ 270.  La  texture  et  la  composition  anatomique  de 
la  membrane  muqueuse  présentent  beaucoup  de  va- 
riétés ou  de  différences , suivant  les  endroits.  La  dispo- 
sition foliée  ne  peut  être  démontrée  dans  toutes  les 
parties  de  la  membrane,  et  existe,  au  contraire,  ma- 
nifestement dans  quelques  points. 

Dans  la  plus  grande  partie  de  son  étendue,  la  mem- 
brane consiste  uniquement  en  un  tissu  spongieux,  plus 
ou  moins  mou,  et  dont  l’épaisseur  varie  beaucoup.  Il 
faut  remarquer,  à cet  égard , que  dans  le  fœtus  très- 
jeune,  et  dans  les  animaux  inférieurs  dans  la  série,  la 
peau  externe  elle-même  présente  ce  caractère  de  sim- 
plicité. Quant  à l’épaisseur,  elle  offre  une  diminution 
successive  depuis  les  gencives , le  palais , les  fosses 
nasales, l’estomac,  les  intestins  grêles  et  gros,  la  vessie 
biliaire  et  la  vessie  urinaire  jusqu’aux  sinus  et  aux 
divisions  des  conduits  excréteurs,  où  sa  ténuité  devient 
extrême.  C’est  dans  cette  partie  essentielle  de  la  mem- 
brane et  à sa  surface  que  se  ramifient  les  dernières  divi- 
sions des  vaisseaux,  c’est  de  sa  surface  libre  que  s’élè- 
vent les  villosités. 

§ 271.  On  y trouve  peu  de  traces  d’une  couche  dis- 
tincte de  corps  muqueux,  à moins  qu’on  ne  regarde 
comme  telle  la  couche  de  liquide  coagulable  qui  sépare 
les  papilles  de  la  langue  de  l’épiderme , qu’on  ne  consi- 
dère comme  y appartenant  la  surface  gélatiniforme 
des  villosités,  qu’on  n’admette  comme  des  preuves  de 


DE  LA  MEMBRANE  MUQUEUSE.  255 

son  existence  les  éphélides  ou  taches  diversement 
colorées  qu’on  trouve  quelquefois  dans  les  tégumens 
du  gland  et  de  la  vulve,  ainsi  que  les  productions 
cornées  accidentelles  imparfaites  qu’on  observe  plus 
souvent  encore  dans  les  mêmes  parties  sous  forme  de 
végétations , et  qu’on  nomme  poireaux. 

L’existence  de  l’épiderme  est  beaucoup  plus  mani- 
feste, sans  pourtant  être  générale. 

§ 272.  L’épiderme  ou  l’épithélium  est  très-apparent 
aux  orifices  des  cavités  muqueuses  ; il  l’est  moins  dans 
les  parties  profondes  de  ces  cavités,  et  finit  par  n’y  être 
plus  apparent.  Y existe-t-il  cependant?  Haller  et  autres 
ont  pensé  qu’il  en  était  ainsi,  et  que  les  excrétions  acci- 
dentelles membraniformes  en  sont  une  preuve.  Tous 
les  pathologistes  savent  aujourd’hui  que  de  pareilles 
excrétions  sont  ordinairement  des  résultats  de  l’inflam- 
mation couenneuse  ou  plastique  ; et  quelquefois  des 
escharres.  On  a voulu  tirer  la  même  conclusion  du 
fait  des  anus  contre  nature  avec  renversement  de  l’in- 
testin , dans  lesquels  l’épiderme  devient  très-apparent  : 
mais  cela  prouve  seulement  que  la  surface  libre  de  la 
membrane  muqueuse  est  couverte  d’une  substance  qui  a 
beaucoup  d’analogie  avec  l’épiderme , et  qui  est  très- 
disposée  à subir  cette  transformation.En  s’en  rapportant 
à ce  que  l’observation  apprend , et  en  faisant  usage  de  la 
dissection , de  la  décoction  et  de  la  putréfaction,  pour 
séparer  l’épithélium,  on  le  trouve  très-distinct  jusque 
dans  l’œsophage,  et  finissant  brusquement  à la  réu- 
nion de  ce  canal  et  de  l’estomac,  et  de  même  très- 
distinct  dans  le  vagin,  et  cessant  tout  à coup  sur  les 
lèvres  de  l’orifice  de  l’utérus;  interruptions  aperçues 


256 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


depuis  long-temps,  et  données  mal  à propos,  parjquel- 
ques  modernes , comme  des  preuves  de  l’interruption 
de  la  membrane  muqueuse  elle-même.  Dans  d’autrès 
parties,  comme  les  fosses  nasales  et  l’extrémité  infé- 
rieure du  canal  alimentaire,  la  diminution  d’apparence 
de  l’épithélium  est  graduelle , insensible , et  il  est  im- 
possible d’en  assigner  exactement  les  limites.  Dans  les 
endroits  où  il  est  distinct,  il  s’enfonce  en  s’amincis- 
sant dans  les  follicules  et  y disparaît.  Dans  les  en- 
droits dépourvus  d’un  épithélium  distinct , la  surface 
libre  de  la  membrane  est  enduite  d’un  vernis  muqueux, 
que  dès  le  temps  de  Vésale,  et  même  de  Rhazès , on 
comparait  à la  couverte  ou  à l’étamage  des  vases,  et 
dont  Glisson  a fait  remarquer,  du  moins  quant  aux 
fonctions,  l’analogie  avec  l’épiderme. 

§ 273.  Le  tissu  cellulaire  qui  forme  le  corium  de  la 
membrane  muqueuse  n’a  point , comme  le  tissu  du 
derme  cutané,  une  disposition  régulièrement  aréo- 
laire;  il  est  plutôt  spongieux  ou  fongueux.  Les  vais- 
seaux sanguins  et  lymphatiques  y sont  abondans.  Ses 
nerfs  proviennent,  en  général,  du  nerf  grand  sympa- 
thique et  du  pneumo-gastrique.  A toutes  les  ouvertures 

naturelles,  la  membrane  muqueuse  a des  nerfs  pro- 

% 

venant  de  la  moelle. 

§ 274.  La  couleur  de  la  membrane  muqueuse  varie 
depuis  le  blanc  jusqu’au  rouge,  et,  outre  les  nuances 
intermédiaires , elle  présente  encore  quelques  autres 
variétés  de  coloration.  Cette  couleur  est,  pour  la  plus 
grande  partie  au  moins,  due  au  sang  qui  circule  dans 
son  épaisseur,  car  l’asphyxie  et  la  syncope  colorent  en 
brun  ou  décolorent  à l’instant  les  parties  de  cette  niera- 


DE  LA  MEMBRANE  MUQUEUSE. 


257 

brane  qui  sont  visibles  par  leur  situation.  Sa  consis- 
tance est,  en  général,  mollasse  et  comme  fongueuse. 
Son  épaisseur  varie  beaucoup , sa  ténacité  est  médiocre. 
La  membrane  muqueuse  s’altère  promptement  par  la 
putréfaction , et  le  tissu  sous-muqueux  plus  vite  en- 
core, car  elle  se  détache  alors  très-facilement.  On  ne 
sait  pas  si  elle  est  susceptible  de  former  du  cuir  par 
l’action  du  tannin. 

§ 275.  Elle  a une  force  de  . formation  très-dévelop- 
pée  ; quand  elle  a été  détruite,  elle  se  reproduit  promp 
tement  et  avec  tous  les  caractères  du  tissu  naturel. 
Elle  est  un  peu  irritable,  et  jouit  de  la  contractilité 
tonique  à un  degré  plus  marqué  que  le  tissu  cellu- 
laire. Sa  sensibilité  est  obscure  et  vague  dans  la  plus 
grande  partie  de  son  étendue.  Enflammée  même  elle 
ne  donne  pas  lieu,  en  général,  à des  douleurs  vives. 
Elle  est  très-sensible  aux  orifices  naturels  ; et  à l’entrée 
des  voies  alimentaires  et  respiratoires , elle  est  le  siège 
d’une  sensibilité  spéciale. 

§ 276.  Ses  actions  organiques  ou  fonctions  sont  : 

i°  L’absorption,  qui  est  très-active,  générale,  et 
dont  les  villosités  sont  les  agens  les  plus  actifs,  mais 
non  les  seuls  ; 

20  La  sécrétion,  qui  est  perspiratoire  et  folliculaire, 
et  dont  les  produits,  assez  divers  suivant  les  parties, 
sont  pourtant,  en  général,  connus  sous  le  nom  *de 
mucosités  ; . 

3°  Des  mouvemens  de  contraction  tonique,  renforcés 
dans  beaucoup  d’endroits  par  l’action  du  tissu  élastique, 
et  même  par  l’action  des  libres  musculaires  dont  cette 
membrane  est  doublée  daihs  beaucoup  de  points; 

*7 


1. 


258 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


4°  Des  sensations,  plus  ou  moins  distinctes  ou  obs- 
cures, générales  ou  spéciales,  et  des  sentimens  de 
besoin  ou  des  appétits. 

§ 277.  Les  mucosités  ou  les  humeurs  muqueuses 
que  i on  trouve  à la  surface  du  tégument  interne  sont, 
pour  la  plus  grande  et  la  principale  partie,  composées 
de  mucus.  Le  mucus  animal x,  très-analogue  au  mu- 
cilage végétal , mais  contenant  de  plus  que  lui  de 
l’azote,  est  un  des  principes  immédiats  des  animaux: 
il  se  trouve,  soit  à l’intérieur,  dans  le  produit  de  la 
sécrétion  muqueuse,  soit  cà  l’extérieur,  dans  l’épiderme, 
les  poils  et  les  parties  cornées,  dont  il  constitue  une 
partie  considérable.  A l’état  liquide  et  pur,  il  est  blanc, 
visqueux,  transparent,  inodore,  insipide;  il  contient 
neuf  dixièmes  de  son  poids  d’eau;  il  est  insoluble  dans 
l’alcohol , soluble  dans  les  acides , non  -coagulable 
comme  l’albumine^  et  non  congélable  comme  la  gé- 
latine; il  est  précipité  par  l'acétate  de  plomb;  à l’état 
sec,  il  est  demi-transparent,  fragile,  insoluble  dans 
l’eau,  difficilement  soluble  dans  les  acides. 

M.  Berzélius  a trouvé  la  mucosité  identique  dans 
les  narines  et  dans  la  trachée , et  composée  comme 
il  suit  : eau,  983,9;  matière  muqueuse,  53,3  ; hydro- 
chlorate de  potasse  et  de  soude,  5,6;  lactate  de  soude 
et  matière  animale,  3,o;  soude,  0,9;  phosphate  de 
soude,  albumine  et  matière  animale,  3,3. 

Dans  les  analyses  des  autres  mucosités  données  par 
ce  savant,  et  dans  celles  de  MM.  Fourcroy  et  Vau- 

1 Voyez  Fourcroy  et  Vauquelin,  Annales  du  Mus.  d liist. 
nat.  vol.  XII.  — Bostock,  Medico-^lhif'>  trunsact,  >ol.  D . 
Berzélius , ibicî.  vol.  III. 


DE  LA  MEMBRANE  MUQUEUSE.  aSp 

quelin , on  trouve  d’assez  grandes  différences,  qui  tien- 
nent les  unes  à la  vàriété  des  parties  où  la  mucosité 
a été  recueillie,  et  où  elle  avait  éprouvé  divers  mé- 
langes: les  autres  à la  variété  des  individus  affectés  de 
diverses  maladies.  En  effet,  bien  que  le  mucus  soit  iden- 
tique, la  mucosité  n’est  ni  toujours.,  ni  partout  la 
même  ; en  général  elle  coagule  le  lait. 

§ 278.  Les  fonctions  de  la  membrane  muqueuse  sont 
dans  une  liaison  très-intime  avec  celles  des  autres  par- 
ties. Dans l’'état  de  santé,  l’action  nerveuse,  la  circula- 
tion, les  fonctions  de  la  peau,  etc. , influent  manifeste- 
ment sur  les  fonctions  der  la  membr^ie  muqueuse , et 
réciproquement.*  Dans  l’état  de  maladie,  la  membrane 
muqueuse  produit  des  effets  sympathiques  extrême- 
ment remarquables,  et  en  éprouve  également  de  la 
part  des  autres  parties. 

§ 279.  L’origine  de  la  membrane  muqueuse,  dès  les 
premiers  momens  de  l’œuf,  et  son  développement 
dans  l’embryon  ont  été  indiqués  plus  haut,  §256.  Il 
reste  à faire  connaître  la  manière  dont  se  forment  les 
villosités;  c’est  à M.  Fr.  Meckel  que  l’on  doit  la  con- 
naissance de  ce  point  de  l’embryogénie.  Les  villosités  se 
forment  de  très -bonne  heure.  Dès  le  commencement 
du  troisième  mois , on  les  aperçoit  sous  forme  de  plis 
longitudinaux  très-rapprochés.  Ces  plis  présentent  en- 
suite sur  leur  bord  libre  des  incisions  en  den  ts  de  scie,  qui 
augmentent  successivement  de  profondeur;  et  vers  la 
fin  du  quatrième  mois,  les  plis  sont  remplacés  par  cette 
multitude  de  petites  éminences  qui  constituent  les  vil- 
losités. Elles  sont  d’abord  assez  grandes  et  très-dis- 
tinctes jusqu’au  septième  mois.  Au  commencement, 


a6o  ANATOMIE  GENERALE. 

elles  sont  aussi  nombreuses , quoique  plus  courtes , 
dans  le  gros  intestin  que  dans  le  grêle.  Celles  du  gros 
intestin  deviennent  ensuite  de  moins  en  moins  nom- 
breuses jusqu’à  la  naissance.  Il  est  à remarquer  que  dans 
les  reptiles  les  villosités  sont  remplacées  par  des  petits 
plis  longitudinaux. 

§ 280.  Les  différences  de  la  membrane  muqueuse, 
suivantles  sexes,  les  races  et  les  individus,  ne  se  prêtent 
point  à une  description  générale;  si  l’on  excepte  toute- 
fois la  différence  de  conformation  des  parties  génitales 
et  urinaires  dans  les  deux  sexes. La  membrane  muqueuse 
du  canal  digestif  est  plus  épaisse  dans  l’espèce  humaine 
que  dans  les  mammifères  carnivores,  mais  plus  mince 
que  dans  les  herbivores  ; au  contraire,  la  tunique  périto- 
néale de  l’intestin  est  plus  mince  dans  les  herbivores, 
et  plus  épaisse  dans  les  carnivores  que  dans  l’homme. 

§ 281.  Les  dents,  comme  on  l’a  dcja  dit,  sont  des  dé- 
pendances de  la  membrane  muqueuse  de  la  bouche, 
prolongée  dans  les  alvéoles  jusqu’à  la  papille  ou 
pulpe  dentaire,  dépendances  que  l’on  peut  rapprocher 
des  appendices  pileux  et  cornés  de  la  peau  externe. 

§ 282.  La  membrane  muqueuse  est  sujette  à des 
altérations  morbides  extrêmement  nombreuses  et  très- 
variées  : elle  participe  aux  vices  de  conformation  pri- 
mitifs et  acquis  des  organes  dont  elle  fait  partie,  ainsi 
qu’à  leurs  déplacemens.  Elle  éprouve  aussi  elle  seule, 
surtout  dans  l’œsophage,  l’intestin  et  la  vessie,  des 
déplacemens  plus  ou  moins  étendus,  à travers  le  tissu 
sous-muqueux  éraillé  ; cela  constitue  de  faux  diverti- 
cules. La  membrane  muqueuse  présente  encore  d autres 
prolongemens  dépendans  et  de  son  allongement  et  de 


DE  LA  MEMBRANE  MUQUEUSE.  ï6l 

la  laxité  du  tissu  sous-muqueux;  tels  sont  certains  pro- 
longemens  des  plis  ou  valvules  conniventes,  de  la  luette, 
les  chutes  de  l’anus,  du  vagin,  etc.  Certains  polypes 
ne  paraissent  aussi  être  qu’une  végétation  ou  hyper- 
trophie de  la  membrane  et  du  tissu  sous-muqueux  ; mais 
le  plus  ordinairement  il  y a production  d’un  tissu  ac- 
cidentel. On  doit  regarder  comme  une  hypertrophie  de 
cette  membrane  et  de  ses  follicules  des  tumeurs  des 
paupières,  de  l’amygdale  et  de  la  luette  vésicale. 

§ 283.  La  membrane  muqueuse  est  très-sujette  à un 
flux  séreux  et  muqueux , qui  constitue  les  phlegmo- 
rhagies  et  les  blennorhées  sans  inflammation.  Le  tissu 
sous-muqueux  lui-même  est  sujet,  quoique  cela  soit 
rare,  à un  œdème  ou  infiltration  séreuse.  Cette  mem- 
brane est  fréquemment  le  siège  d’hémorrhagies  ou  de 
flux  sanguins;  le  tissu  sous-muqueux  est  aussi  quel- 
quefois ecchymosé.  Il  n’est  pas  douteux  qu’elle  soit 
aussi  le  siège  de  flux  gazeux. 

§ 284*  L’inflammation  s’y  montre  très-fréquemment 
et  sous  toutes  ses  formes.  Ses  caractères  anatomiques 
sont  une  augmentation  delà  rougeur,  qui  va  quelque- 
fois jusqu’au  brun;  un  degré  d’épaississement  en 
général  assez  faible,  mais  variable,  et  proportionné  à la 
durée  de  la  maladie;  un  ramollissement  plus  ou  moins 
marqué  ; et  quelquefois  une  augmentation  énorme  des 
villosités.  Le  résultat  le  plus  commun  de  cette  inflam- 
mation est  une  augmentation  de  quantité  et  un  chan- 
gement des  qualités  du  mucus.  Souvent  cette  inflam- 
mation catarrhale  dégénère  en  phlegmorhée  ou  en 
hlennorhée.  L’inflammation  supurative  y a assez  fré- 
quemment lieu  aussi;  la  membrane  , sans  être  ulcérée, 
secrete  du  mucus  et  du  pus,  ou  bien  même  du  pus 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


262 

tout  pur.  On  trouve  aussi  quelquefois  des  abcès  dans  le 
tissu  cellulaire  sous-muqueux.  L’inflammation  couen- 
neuse  ou  plastique  y est  moins  fréquente.  Cependant 
on  l’observe  fréquemment  dans  les  voies  aériennes  où 
elle  constitue  le  croup , et  assez  souvent  dans  les  voies 
alimentaires , dans  les  intestins  , la  vessie,  l’urèthre,  et 
même  quelquefois  aux  yeux.  Ordinairement  la  matière 
organisable  est  excrétée  en  lambeaux  ou  en  membranes 
assez  grandes  et  assez  consistantes  pour  avoir  été 
quelquefois  prises  pour  la  membrane  interne  de  l’es- 
tomae|  ou  de  la  vessie,  etc.;  ou  bien  le  malade  meurt 
avant  l’organisation;  d’autres  fois,  au  contraire,  la 
membrane  nouvelle  s’organise  et  s’unit  à la  surface  de 
l’ancienne;  ou  bien  encore  elle  contracte  des  adhé- 
rences avec  elle-même,  et  forme  ainsi  des  brides  mu- 
queuses qui  traversent  en  plus  ou  moins  grand  nombre 
et  rétrécissent  plus  ou  moins  la  cavité  qu’elles  occupent. 

§ a85.  L’inflammation  de  la  membrane  muqueuse 
n’est  pas  toujours  érythémateuse  et  uniformément 
étendue  à sa  surface;  elle  a quelquefois  la  forme  de 
plaques  rouges  isolées,  et  plus  souvent  celle  d’un 
exanthème  boutonné,  soit  que  les  petites  élévations 
soient  discrètes  , soit  qu  elles  soient  agminées  ou  con- 
fluentes. On  sait  que  cela  s’observe  quelquefois,  mais 
non  toujours , sur  la  membrane  muqueuse  des  voies 
digestives  et  respiratoires  des  individus  morts  pendant 
la  petite  vérole,  et  que  cela  même  a été  regardé  comme 
une  variole  interne  *.  Cet  exanthème  interne  boutonné, 
qui  paraît  consister  en  une  inflammation  bornée  aux 

1 Voyez  Wrisberg,  in  sylloge  Comment,  p.  52.  — G.  Blane, 
in  trcinsact  for  the  improvement  of  med.  and  dur.  hioa-l. 
YOl.  III  , p.  423-428. 


DE  LA  MEMBRANE  MUQUEUSE.  u63 

« Il 

follicules,  a été  parti culièment  observé  par  M.  Bre- 
tonneau dans  une  épidémie  d’entérite,  dont  il  est  à 
regretter  qu’il  nait  pas  encore  publié  la  description. 

§ 286.  La  gangrène  a lieu  quelquefois,  et  l’ulcération 
fréquemment,  dans  la  membrane  muqueuse,  surtout 
après  l’exanthème  dont  il  vient  d’être  question.  Après 
l’une  et  l’autre  de  ces  causes  de  destruction , si  l’indi- 
vidu survit,  il  se  forme  promptement,  et  avec  tous  les 
caradtères  de  l’ancienne  membrane,  une  membrane 
nouvelle  dans  les  endroits  détruits.  On  a déjà  dit  que 
la  menfbrane  des  abcès,  spécialement  celle  des  abcès 
chroniques,  et  surtout  celle  des  clapiers  des  environs  de 
l’anus,  est,  ainsi  celle  que  des  bourgeons  charnus,  une 
membrane  muqueuse,  comme  celle  des  fistules.  Les 
membranes  séreuses  et  syrioviales  qui  supurent  revê- 
tent le  même  caractère.  Quand,  au  contraire,  une  cavité 
muqueuse  est  obturée  et  devient  le  siège  d’un  hydro- 
pisie,  la  membrane  prend  l’aspect  des  membranes 
séreuses  : c’est  ce  qu’on  voit  arriver  à la  trompe  uté- 
rine, aux  sinus  maxillaires,  et  moins  complètement  à 
la  vésicule  biliaire  et  au  conduit  de  la  glande  sous- 
maxillaire.  Certains  kystes  appartiennent  aussi,  par  leur 
texture  et  par  leur  humeur,  à la  membrane  muqueuse; 
tels  sont  surtout  les  athéromes;  mais  , comme  on  le 
verra  un  peu  plus  loin , souvent  les  athéromes  sont  des 
follicules  de  la  peau,  et  ce  n’est  alors  qu’une  légère 
transformation. 

§ 287.  La  membrane  muqueuse  est  sujette  aux  di- 
verses sortes  de  productions  accidentelles,  soit  saines  , 
soit  morbides.  Quelquefois  la  membrane  muqueuse  na- 
turelle du  vagin  renversée,  celle  du  prépuce  dans  le  cas 


2^4  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

d<3  phymosis,  souvent  celle  des  fistules,  et  surtout  dans 
le  poumon , devient  plus  ou  moins  parfaitement  carti- 
lagineuse, et  quelquefois  même  osseuse,  soit  par  trans- 
formation , soit  par  production  nouvelle.  On  a observé 
quelquefois  des  kystes  séreux , soit  dans  son  épaisseur, 
soit  au-dessous  d’elle.  On  trouve  des  poils  accidentels 
à la  surface  de  cette  même  membrane.  On  y trouve 
également  des  productions  cornées  imparfaites  ou  des 
poireaux.  Les  tumeurs  graisseuses,  quoique  rares  dans 
le  tissu  sous-muqueux,  y ont  été  quelquefois  observées. 
On  observe  des  productions  érectiles  dans  ce  même 
tissu  sous-muqueux,  souvent  autour  de  l’anus , et  quel- 
quefois dans  d’autres  parties  du  canal  intestinal.  Enfin 
les  productions  morbides  s’y  observent  fréquemment. 

§ 288.  Les  altérations  cadavériques  de  la  membrane 
muqueuse  ont  déjà  été  en  partie  indiquées  § ay4*  Cette 
membrane  se  colore  quelque  temps  après  la  mort  par 
la  pénétration  des  humeurs  qui  la  recouvrent.  Ainsi 
elle  est  jaunâtre  dans  l’intestin  vis-à-vis  les  fèces  ; 
elle  offre  des  lividités  qui  correspondent  aux  plus 
grosses  veines  sous-muqueuses,  elle  devient  verdâtre 
dans  la  vésicule  biliaire , etc. 

Dans  certains  genres  de  mort,  elle  est  dans  quel- 
ques  parties  internes  le  siège  de  congestions  sanguines 
ou  séro  - sanguinolentes.  Dans  la  mort  par  apoplexie, 
par  hydrothorax,  et  surtout  par  strangulation,  dans  les 
cas , en  un  mot,  où  la  respiration  est  gênée  avant  la 
mort,  il  arrive  fréquemment  que  la  congestion  , après 
avoir  été  d’abord  bornée  aüx  veines  sous-muqueuses 
et  puis  aux  vaisseaux  de  la  membrane  elle-meme,  aille 
enfin  jusqu’à  l’hémorrhagie  dans  l’estomac  et  1 intestin, 


DE  LA  MEMBRANE  MUQUEUSE.  2Ô§ 

connue  Boerhaave  et  Morgagni  l’avaient  déjà  annoncé, 
comme  M.  Yelloly  1 l’a  observé,  et  comme  je  l’ai  vu 
moi-même  plusieurs  fois  après  ce  dernier  genre  de 
mort,  soit  sur  l’homme,  soit  sur  des  animaux.  On  dis- 
tingue aisément  cette  congestion  de  l’inflammation, 
par  l’absence  de  tout  produit  morbide,  muqueux, 
purulent  ou  couenneux  à la  surface  de  la  membrane, 
par  les  autres  phénomènes  cadavériques  dépendans 
de  la  stase  du  sang  dans  le  côté  droit  du  cœur,  et  spé- 
cialement par  l’état  de  la  peau,  qui  offre  aussi,  comme 
la  membrane  muqueuse , des,Jividités  et  quelquefois 
des  ecchymoses. 

TROISIÈME  SECTION. 

DE  LA  PEAU. 

§ 289.  La  peau, pell:*,  cutis , corium , à'eppu,  constitue 
le  tégument  externe;  c’est  une  membrane  composée, 
garnie  de  divers  appendices,  qui  enveloppe  et  protège 
le  corps,  et  qui  remplit  plusieurs  autres  fonctions  im- 
portantes. 

§ 290.  Galien  a donné  quelques  observations  sur  la 
structure,  et  surtout  sur  les  fonctions  de  la  peau.  L’au- 
teur anonyme  de  l’Introduction  anatomique,  et  ensuite 
Avicenne , ont  les  premiers  parlé  du  pannicule  charnu. 
Vésale  et  Golilmbus  croyaient  encore  que  la  peau  est 
percée  aux  ouvertures  naturelles;  mais  Casserius, 
comme  oh  l’a  déjà  vu , avait  observé , qu  elle  se  con- 
tinue dans  les  narines  et  dans  la  bouche;  on  lui  doit 
aussi  une  figure  de  l’épiderme  séparé  du  derme.  J.  Fa- 

Medio-chirurg.  Transact.  vol.  îv,  p.  371. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


2*66 

brice.a  décrit  avec  beaucoup  de  détails  et  d’exactitude 
les  appendices  ou  les  diverses  dépendances  de  la  peau 
des  animaux.  Depuis  lors,  les  observations  des  anato- 
mistes sur  cet  organe  se  sont  beaucoup  multipliées  L 

ARTICLE  PREMIER. 

DE  LA  PEAU  EN  GÉNÉRAL. 

# 

§ 291.  Cette  membrane,  étendue  à toute  la  surface  du 
corps,  dont  elle  détermine  la  figure  dans  beaucoup  d’ani- 
maux inférieurs,  et  dont,  au  contraire,  elle  reçoit  la 
forme  dans  l’homme  et  les  autres  vertébrés,  se  moule 
en  effet  sur  les  organes  subjacens,  et  laisse  apercevoir 
leurs  saillies  les  plus  marquées.  Partout  continue  à elle- 
même,  on  voit  seulement  en  divers  endroits  sur  la  ligne 
médiane  une  interruption  apparente  qu’on  nomme  ra- 
phé,  et  qui  indique  qu’il  y a eu  originairement  deux 
moitiés  séparées.  Ce  raphé  est  très-marqué  dans  les 
endroits  où  la  réunion  des  deux  moitiés  s’opère  le  plus 

1 M.  Malpiglii,  deLinguà , exercit.  epist. — de  Externo  tac- 
tûs  organo  epist. , in  op.  onin.  tom.  II.  — J.  M.  Hoffmann,  de 
Cuticuld  ctcute.  Altd.  i685.  — Littré,  Obs.  sur  les  différentes 
parties  de  la  peau,  etc.  Acad.  roy.  des  scienc.  1702.  — F.  de 
Riet , de  Organo  tactus.  Lugd.  Bat.  17 43.  — J.  Fantoni,  de 
Corporis  inte gu  mentis,  etc.  Turin,  1 7 4 G.  — Lecat,  Traité 
des  sens.  — Cruiskhank,  Experiments  on  thé  insensible  pers- 
piration, etc.  London,  1795.  — C.  F.  Wolff,  de  C.ute , innov. 
Corn,  petrop.  vol.  VIII.  — G.  A.  Gautier,  Reclferclies  sur 
l’organe  cutané  , Paris  1811.  — Dutrochet,  Obs.  sur  la  struct. 
de  la  peau.  Journ.  compl.  vol.  V.  — J.  F.  Schroter , das  Mens- 
chlich  gcjiihl,  etc.  Leipzig  i8i4*  — Lawrence,  in  Becs  Cy- 
clopœdia.  — Seiler,  ai  Anat.-pliysiol.  Realworterbuch. 


DE  LA  PEAU. 


267 

tard,  et  où  il  est  le  plus  ordinaire  de  trouver  des  di- 
visions anormales;  par  exemple,  à la  lèvre  supérieure, 
au  périnée  et  au-dessous  de  l’ombilic.  La  peau  semble 
percée,  mais  ne  l’est  point,  aux  ouvertures  du  canal 
digestif  et  aux  orifices  des  voies  aériennes , urinaires 
et  génitales , endroits  où  elle  se  réfléchit  et  se  continue , 
en  changeant  de  caractère,  avec  la  peau  interne.  Il 
en  est  de  même  encore  au  conduit  auditif  externe, 
où  elle  envoie  un  prolongement  cutané,  aux  yeux  et 
aux  conduits  des  mamelles,  dans  lesquels  elle  en  envoie 
d’autres  de  nature  muqueuse. 

§ 292.  La  peau  présente  deux  surfaces.  La  surface 
libre,  qui  est  externe  et  en  contact  avec  l’atmosphère, 
offre  différens  objets  à considérer  : on  y voit  des  rides 
ou  plis  plus  ou  moins  profonds , dont  les  uns  dépendent 
des  muscles  peauciers,  situés  à la  tête,  au  cou  et  autour 
de  f anus,  dont  la  peau  ne  peut  pas  suivre  la  contrac- 
tion; il  en  est  de  même  des  rides  du  scrotum  , déter- 
minées par  la  contraction  du^tissu  sous-jacent  ; d’autres 
rides  répondent  aux  articulations , et  dépendent  de 
leurs  mouvemens,  telles  sont  celles  des  mains,  des 
pieds,  etc.;  d’autres  enfin  dépendent  de  l’amaigrisse- 
ment et  de  l’atrophie  musculaire,  quand  ces  phéno- 
mènes se  manifestent  rapidement  et  à un  âge  assez 
avancé  pour  que  la  peau  ait  perdu  sa  contractilité.  La 
surface  de  la  peau  présente,  en  outre , de  petites  rides 
propres  à l’épiderme , à la  paume  des  mains  et  à la 
plante  des  pieds:  ce  sont  des  lignes,  saillantes,  séparées 
par  d’autres  lignes  enfoncées,  diversement  dirigées  et 
contournées,  et  qui  sont  formées  par  des  séries  de  pa- 
pilles. Au  dos  delà  main  et  au  front  ce  sont  des  poly- 


268 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


gones.  Aux  joues  et  sur  la  poitrine,  des  points  seule- 
ment et  des  rudimens  d’étoiles , etc.  On  voit  aussi  à la 
surface  libre  delà  peau  des  ouvertures  petites , arron- 
dies, très-généralement  distribuées,  abondantes  à la 
face  surtout  : ce  sont  les  orifices  des  follicules  sébacés; 
et  d’autres  ouvertures,  plus  petites  encore,  microsco- 
piques, ou  des  porosités  apparentes  de  l’épiderme,  mais 
qui  sont  des  enfoncemens  infundibuliformes  et  termi- 
nés en  cul-de-sac.  En  général,  cette  surface  est  assez 
unie  ; elle  est  un  peu  humectée  et  enduite  par  l’humeur 
de  la  transpiration  et  par  la  matière  sébacée. 

§ 293.  La  surface  profonde  ou  adhérente  de  la  peau 
tient  en  général  aux  parties  sous-jacentes  par  un  tissu 
cellulaire  lâche,  qui  permet  des  glissemens  entre  la 
peau  et  les  parties  qu  elle  recouvre.  Dans  quelques 
endroits,  des  bourses  muqueuses  sous-cutanées  inter- 
rompent la  continuité  du  tissu  cellulaire  et  augmentent 
beaucoup  la  mobilité  de  la  peau  et  des  parties  qui 
sont  au-dessous.  Dans  d’autres  endroits,  au  contraire, 
le  tissu  cellulaire  est  dense,  ferme,  et  se  distingue 
peu  de  la  peau:  telle  est  sa  disposition  au  crâne,  à la 
nuque,  au  dos,  à l’abdomen.  Dans  d’autres  encore, 
c’est  par  du  tissu  fibreux  ou  ligamenteux  que  la  peau 
adhère  aux  parties  sous-jacentes;  il  en  est  ainsi  autour 
du  poignet  et  du  coude-pied,  à la  paume  des  mains, 
à la  plante  des  pieds,  et  surtout  sous  le  talon.  L ad- 
hérence a lieu  dans  quelques  points  au  moyen  dun 
tissu  cellulaire  rougeâtre,  demi- musculaire , si  1 on 
peut  ainsi  dire;  tel  est  le  dartos,  au  scrotum  et  aux 
lèvres  de  la  vulve.  Enfin,  dans  quelques  endroits  meme, 
ce  sont  des  muscles  qui  doublent  la  peau  et  qui  s y 


DE  LA  PEAU. 


269 

attachent;  tels  sont  les  muscles  peauciers  du  crâne,  de 
la  face,  du  cou  et  de  la  main.  Le  pannicule  charnu  des 
animaux  mammifères,  beaucoup  plus  développé  que 
celui  de  l’homme , excepté  à la  face,  est  1 analogue  des 
muscles  peauciers  de  ce  dernier.  Les  anatomistes  du 
moyen  âge  ont  beaucoup  disputé  sur  son  existence  dans 
l’homme  : il  est  évident  qu’il  y existe,  mais  qu’il  y est 
peu  étendu.  Dans  beaucoup  d’endroits,  le  tissu  cellu- 
laire sous-cutané  est  mêlé  de  tissu  adipeux,  et  ces  deux 
tissus  pénètrent  ensemble  jusque  dans  lepaisseur  de 
la  peau.  Le  tissu  cellulaire  sons-cutané  est  parcouru 
par  des  grosses  veines,  par  beaucoup  d’artères  et  de 
vaisseaux  lymphatiques , et  par  des  nerfs. 

§ 294.  Les  follicules  cutanés  ou  sébacés  1 ont  la 
plus  grande  ressemblance  avec  les  follicules  muqueux. 

Ils  existent  dans  toute  l’étendue  de  la  peau , du 
moins  on  les  y admet,  excepté  à la  paume  des  piains  et  à 
la  plante  des  pieds.  On  en  admet  l’existence  parce  que 
l’humeur  sébacée  enduit  toute  l’étendue  de  la  peau  ; 
parce  que  par  une  dissection  attentive,  et  en  s’aidant  de 
la  loupe , on  les  aperçoit  dans  des  endroits  où  ils  sont 
d’une  excessive  ténuité;  et  parce  que  enfin  certaines  alté- 
rations morbides  les  rendent  évidens  dans  des  endroits 
où  on  ne  les  aperçoit  pas  autrement.  Ils  abondent  sur- 
tout là  où  il  y a des  poils,  aux  environs  des  orifices, 
dans  les  plis  de  l’aine  et  de  Laisselle.  Ils  sont  situés  dans 
l’épaisseur  de  la  peau  ou  au-dessous  d’elle  ; on  les 
voit  surtout  bien  en  coupant  la  peau  obliquement. 

1 J.  Ch.  Th.  Reuss,  prœside  Autenrieth,  de  Glandulis  seba - 
ceis  dissert etc.  Tubingœ , 1807. 


anatomie  générale. 


270 

Leur  orifice  constitue  des  porosités  assez  distinctes  à 
la  surface.  Ils  ont  la  grosseur  d’un  grain  de  millet  et 
même  moins,  cette  grosseur  varie;  ceux  du  nez  sont 
assez  gros,  ceux  des  joues  sont  beaucoup  plus  petits. 
Ils  ont  la  forme  d’une  petite  ampoule.  Ils  sont  en  gé- 
néral simples  et  discrets  ; ceux  du  nez  cependant  sont 
très-rapprochés  ; quelques-uns  même  sont  ramassés  ou 
composés.  Ils  consistent  en  une  petite  ampoule  formée 
par  la  peau,  amincie  et  réfléchie  sur  elle -même,  et 
garnie  là  d’un  grand  nombre  de  ramuscules  vasculaires. 
Ils  contiennent  une  matière  oléo-albumineuse , un  pen 
différente  dans  les  diverses  régions  du  corps. 

§ 2^5.  La  texture  et  la  composition  anatomique  de 
la  peau  sont  des  points  de  fine  anatomie  qui  ont  beau- 
coup exercé  la  patience  des  observateurs , et  sur  les- 
quels ils  sont  peu  d’accord.  Dès  l’antiquité  on  a vu  que 
la  peau  est  composée  de  deux  feuillets  ; un  profond  et 
épais,  et  un  mince  et  superficiel.  Maîpighi  ayant  aperçu 
dans  la  langue  de  bœuf,  que  les  papilles  du  derme 
sont  séparées  de  l’épiderme  par  une  couche  muqueuse 
ou  glutineuse,  qui,  comme  un  réseau,  en  remplit  les 
intervalles,  transporta  cette  couche,  par  analogie,  à la 
peau  de  l’homme;  Ruysch  donna  ensuite  la  figure  de 
ce  réseau.  Depuis  cette  époque  les  anatomistes  ont  été 
singulièrement  partagés  sur  l’existence  de  cette  mem- 
brane; les  uns,  la  niant  tout-à-fait,  et  n’admettant 
dans  la  composition  de  la  peau  que  le  derme  et  l’épi- 
derme; d’autres  n’en  admettant  l’existence  que  dans 
les  races  colorées  ; d’autres  , au  contraire , renchéris- 
sant sur  Maîpighi,  et  admettant  plusieurs  couches  dans 
le  corps  muqueux  de  la  peau;  autant,  pour  ainsi  dire, 


DE  LA  PEAU.  l'J  I 

qu’il  y a d elémens  anatomiques  dans  cette  membrane, 
ou  quelle  remplit  de  fonctions. 

§ 296.  Les  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques  et  les 
nerfs  de  la  peau  pénètrent,  en  se  divisant,  à travers  les 
aréoles  du  derme  ; soutenus  par  un  tissu  cellulaire  fin  qui 
les  entoure,  ils  arrivent  ainsi  jusqu  a la  face  superficielle, 
où  il  y en  a des  myriades , qui , par  leurs  dernières 
divisions,  constituent  les  papilles  et  le  réseau  vascu- 
laire. Relativement  à la  disposition  de  ces  parties,  et 
particulièrement  des  vaisseaux,  on  a assez  générale- 
ment admis  qu’ils  sont  étrangers  au  derme , qu’ils  ne 
font  que  le  traverser  pour  former  au-dessus  de  lui  un  ré- 
seau vasculaire.  M.  Chaussier,  au  contraire,  admet  que 
tous  les  élémens  anatomiques  de  la  peau  sont  réunis 
dans  le  derme  lui -même.  Gordon  va  même  jusqu’à 
avancer  que  le  dernfe  injecté  est  également  vasculaire 
partout,  autant  à sa  face  profonde  qu’à  sa  face  superfi- 
cielle. Il  serait  inexact  de  dire  que  les  vaisseaux  sont 
étrangers  au  derme,  et  qu’ils  lui  forment  seulement  une 
couche  sus-jacente;  mais  il  ne  le  serait  pas  moins  de 
dire  que  les  vaisseaux  sont  aussi  divisés  et  aussi  nom- 
breux à la  face  profonde  du  derme  qu’à  sa  face  op- 
posée. Les  vaisseaux  se  divisent  et  se  ramifient  dans  le 
derme  à mesure  qu’ils  en  pénètrent  l’épaisseur , et 
leurs  dernières  divisions , prodigieusement  multi- 
pliées, se  distribuent  dans  la  surface  externe  de  cette 
membrane , et  dans  les  éminences  qui  la  hérissent  , 
parties  beaucoup  plus  vasculaii  es  par  conséquent  que  la 
face  profonde.  Il  en  est  absolument  de  même  des  nerfs. 

§ 297.  Le  derme  ou  corium,  corium , derma , vera  cutis , 
est  une  membrane  fibro-cellulaire  qui  constituele  feuil- 


272  anatomie  générale. 

let  profond  et  principal , et  presque  toute  i’epaisseur  de 
la  peau.  Sa  face  interne , qui  est  celle  de  la  pèau,  pré- 
sente en  général  des  ouvertures  alvéolaires  coniques , 
dirigées  obliquement  dans  l’épaisseur  de  la  membrane. 
Ces  aréoles,  très-grandes  dans  le  derme  de  la  main, 
de  la  plante  du  pied,  du  dos,  de  l’abdomen,  des 
membres , plus  étroites  au  cou , à la  poitrine , et  à la 
face  surtout , sont  presque  invisibles  au  dos  de  la  main 
et  du  pied,  au  front,  au  scrotum  et  aux  lèvres  de  la 
vulve.  Les  bords  de  ces  aréoles  se  continuent,  les  pre- 
miers et  les  plus  grands , avec  le  tissu  fibreux  sous- 
cutané,  les  seconds,  avec  le  tissu  cellulaire  plus  ou 
moins  dense,  les  derniers  ou  les  plus  étroits  avec  le 
tissu  très-lâche  qui  existe  dans  les  régions  où  on  les 
observe  ; l’aréole  elle-même  est  remplie  par  un  tissu 
cellulaire  adipeux , et  traversée  par  les  vaisseaux  et  les 
nerfs  de  la  peau.  Le  fond  de  ces  cavités  alvéolaires  est 
percé  d’ouvertures  très-petites  qui  répondent  à la  face 
superficielle  du  derme.  Cette  face , assez  unie  en  géné- 
ral , présente  dans  divers  endroits  de  petites  éminences 
papillaires,  bien  plus  distinctes  sur  le  derme  dénudé, 
que  vues  au  travers  de  l’épiderme. 

§ 298.  Le  corps  papillaire  et  le  réseau  vasculaire 
de  la  peau,  qu’on  a mal  à propos  décrits  comme  des 
couches  distinctes  de  cette  membrane,  appartiennent 
à la  face  superficielle  du  derme.  Les  papilles  [ décou- 
vertes par  Malpighi  , admises,  figurées  et  décrites 
depuis  par  Ruysch , Albinus  et  beaucoup  d’autres 
anatomistes;  dans  ces  derniers  lemps  par  Gautier, 

1 Hintze,  de  Papillis  cutis  tactui  inservientibus.  L.  B.  1747* 
— Albinus,  Acad,  annot.  lib.  III.  cap.  ix  etxu. 


DE  LA  PEAU. 


273 

sous  le  nom  de  bourgeons  ; révoquées  on  doute  par 
Chéselden  et  plusieurs  autres,  sont  de  très -petites 
saillies  ou  éminences  de  la  surface  du  derme , en  gé- 
néral conoïdes;  parfaitement  visibles  à la  langue;  dis- 
posées en  doubles  lignes  et  très-distinctes  à la  paume 
des  mains , à la  plante  des  pieds  et  surtout  à la  pulpe  des 
doiots:  distinctes  encore  , mais  irrégulièrement  distri- 
buées , au  gland , au  mamelon  , et  aux  lèvres  ; mais 
tellement  petites  et  peu  distinctes  dans  le  reste  de  la  ' 
peau , quelles  y ont  été  plutôt  admises  par  analogie 
que  réellement  observées , et  quelles  y sont  comme 
confondues,  dans  la  surface  du  derme,  en#un  réseau 
vasculaire  et  nerveux.  Ces  papilles,  dans  les  endroits 
où  elles  sont  bien  distinctes , consistent  évidemment 
en  une  saillie  du  derme  très-mol,  très-cellulaire,  pé- 
nétré par  beaucoup  de  filets  nerveux  dépouillés  de 
névrilème,  et  de  ramuscules  vasculaires  , ayant  là  une 
disposition  érectile  qui  sera  décrite  plus  loin  ( cha- 
pitre IV).  Dans  les  endroits  où  les  papilles  sont  moins 
distinctes , quoique  la  composition  et  la  texture  de  la 
surface  du  derme  soient  au  fond  les  mêmes , il  y a 
moins  de  nerfs;  les  vaisseaux,  très-abondans , forment 
un  lacis  ou  réseau.  Le  sang  pénètre  habituellement , 
mais  en  quantité  variable,  dans  les  vaisseaux  de  la  sur- 
face du  derme.  Dans  les  ecchymoses  de  la  peau , il  va 
au  delà  et  s’infiltre  dans  le  corps  muqueux.  Les  injec- 
tions fines  et  pénétrantes,  après  avoir  rempli  le  corps 
papillaire  et  vasculaire  de  la  peau,  s’épanchent  aussi 
quelquefois  au  delà 

V oyez  Prochaska  , disqüisitio  anat.  phys.  organismi , etc. 
Viennæ,  1812.  4°.  * 


T. 


l8 


274  ANATOMIE  GENERALE. 

§ 299.  La  texture  du  derme  est  celle  d’une  trame 
aréolaire  plus  ou  moins  serrée.  La  fibre  qui  le  forme 
lui  est  propre.  Elle  a été  regardée  par  les  anciens  ana- 
tomistes comme  intermédiaire  à la  fibre  musculaire  et 
au  tissu  aponévro tique.  Quelques-uns  l’ont  dite  pure- 
ment cellulaire,  les  autres  ligamenteuse.  Récemment 
encore , M.  Osiander  1 a soutenu  quelle  était  distincte- 
ment musculaire  à la  face  interne  de  la  peau.  Il  a fait 
ses  observations  sur  la  peau  de  l’abdomen  de  femmes 
mortes  en  couches.  Les  tissus,  auxquels  elle  ressemble 
le  plus  par  l’ensemble  de  ses  caractères,  sont  le  tissu 
cellulaire  et  le  tissu  fibreux. 

§ 3oo.  Le  derme  est  blanc  ; sa  surface  externe  est  plus 
Ou  moins  rougeâtre,  suivant  la  quantité  de  sang  retenue 
dans  ses  petits  vaisseaux.  Son  épaisseur  n’est  point 
partout  la  même,  elle  varie  d’une  ligne  et  demie  à 
un  quart  de  ligne.  Au  tronc , elle  est  en  général  plus 
grande  à la  partie  postérieure  qu’à  la  partie  antérieure; 
aux  membres , à la  partie  externe  qu’à  la  partie  interne. 
Le  derme  est  particulièrement  très -mince  aux  pau- 
pières , aux  mamelles  et  aux  organes  de  la  copulation  ; 
très- épais  au  contraire  à la  paume  des  mains , et  sur- 
tout à la  plante  des  pieds.  Il  a une  demi  - transparence 
qui  permet  d’apercevoir,  à travers  la  peau,  la  couleur  des 
veines  sous-cutanées.  Il  a une  force  de  résistance  ou 
de  cohésion  qui  le  rend  propre  à faire , dans  les  arts 
mécaniques , des  liens  extrêmement  forts.  Il  est  sou- 
mis dans  les  arts  du  tanneur,  du  corroyeur,  du  cha- 
moiseur,  du  mégissier,  etc , à diverses  opérations  qui 
empêchent  sa  putréfaction  , et  qui  augmentent  sa 

1 Commentcitiones  gottingenses  recentiores , vol.  IV.  1820. 


DE  LA  PEAU.  2^5 

densité  ou  sa  flexibilité , etc.  Il  contient  naturellement 
une  grande  quantité  d’humidité  dont  la  soustraction 
le  rend  jaune  et  élastique.  Il  se  réduit  par  la  décoc- 
tion , en  colle  ou  gélatine.  Outre  son  extensibilité  et 
sa  rétractilité , qui  sont  très- marquées  et  qui  exis- 
tent encore  après  la  mort,  il  jouit  pendant  la  vie 
d’une  force  de  contraction  tonique  très  - évidente , 
quoique  beaucoup  moindre  que  celle  des  muscles. 
C’est  cette  contraction  qui  constitue  la  chair  de  poule. 
C’est  sa  surface  externe  qui  est  le  siège  de  la  sensibilité 
tactile.  Le  derme  est  le  soutien  de  tout  le  reste  de  la 
peau;  c’est  à sa  surface  qu’existe  le  corps  muqueux. 

§ 3oi.  Le  corps  muqueux  de  Malpighi1 , reticulare 
corpus , rete  glutinosum  malpighianum , est  une  couche 
très-mince  de  tissu  cellulaire  à demi  liquide,  qui  revêt 
la  surface  papillaire  du  derme,  la  sépare  de  l’épiderme, 
adhère  intimement  à l’une  et  à l’autre,  et  est  le  siège 
de  la  coloration.  Cette  partie  de  la  peau,  indiquée  par 
Malpighi,  très- bien  observée  par  Meckel  et  par  Albi- 
nus , admise  par  la  plupart  des  anatomistes  au  moins 
dans  le  nègre,  niée  cependant  par  un  certain  nombre 
d’entre  eux , et  notamment  par  Bichat,  M.  Chaussier, 
Gordon  et M.  Rudolphi,  ne  peut  pas,  à la  vérité,  être 
isolée  par  la  dissection,  mais  peut  être  aperçue  dans 
diverses  circonstances.  Toutes  les  fois , soit  dans  l’état 
de  vie , soit  sur  le  mort , que  l’épiderme  se  sépare  du 
derme , on  distingue , sur  l’une  ou  l’autre , et  quel- 

1 V oyez  Meckel , Recherches  anatomiques  sur  la  nature  de 
l’épiderme  et  du  réseau  qu’on  appelle  malpighien , Mém.  de 
l’acad  roy.  des  sc.  de  Berlin,  ann.  1753.  — Albinus,  Acadcrn. 
annot.  lib.  I,  cap.  i-v. 


2^6  ANATOMIE  GENERALE. 

quefois  sur  ces  deux  membranes,  une  couche  mu- 
queuse qui  couvre  les  éminences  papillaires  et  en  rem- 
plit les  intervalles.  Cette  membrane  intermédiaire  est 
surtout  très-visible  dans  le  nègre , très-visible  encore 
dans  les  taches  noires  des  blancs , et  bien  distincte 
même  sur  un  morceau  de  peau  blanche  que  l’on  voit 
dans  la  collection  de  Hunter.  Cette  couche,  extrême- 
ment mince  au  sommet  des  papilles,  et  moins  dans 
leurs  intervalles,  a l’apparence  d’un  réseau,  mais  n’est 
point  percée.  Ceux  qui  n’ont  admis  que  deux  mem- 
branes à la  peau , l’ont  regardée  comme  la  partie  pro- 
fonde de  l’épiderine.  Ce  corps  muqueux,  sur  la  nature 
duquel  il  est  difficile  de  se  faire  une  idée  bien  exacte, 
paraît  consister  en  un  liquide  plastique  ou  un  tissu  cel- 
lulaire à demi  organisé.  Le  sang  et  les  injections  n’v 
montrent  point  de  vaisseaux;  des  liquides  y pénètrent 
pourtant,  mais  ils  semblent  y être  imbibés  ou  contenus 
dans  des  interstices  particuliers.  On  n’y  connaît  point 
de  nerfs  non  plus,  et  c’est  par  une  pure  allégation  que - 
M.  Gall  l’assimile  à la  substance  grise  du  cerveau.  Cette 
membrane  forme  un  vernis  humide  qui  revêt  la  surface 
papillaire  et  vasculaire  du  derme.  Les  substances  qui 
entrent  dans  l’économie  ou  qui  en  sortent  par  la  peau 
la  traversent;  elle  est  le  siège  de  la  couleur,  et  celui 
des  productions  cornées,  écailleuses,  etc. , qui  existent 
naturellement  dans  la  peau  des  animaux  et  dans  quel- 
ques parties  de  celle  de  l’homme , ainsi  que  de  celles  qui 
s’y  développent  accidentelleinent.  Cette  membrane  si 
mince,  et  dont  l’existence  même  a paru  contestable, 
paraît,  dans  quelques  animaux,  et  même  dans  l’homme , 
du  moins  dans  quelques  parties  du  corps,  et  dans  cer- 


DE  EA  PEAU. 


277 

tains  cas,  être  formée  de  plusieurs  couches  superpo- 
sées. 

§ 3o2.  Un  auteur  anonyme  avait  déjà  indiqué  cette 
composition.  Cruikshank  l a observée  sur  un  nègre 
mort  delà  petite  vérole;  Bayhani  sur  la  peau  d’un 
blanc,  injectée,  dans  un  autre  cas  de  maladie;  Gautier 
l’a  démontrée  sur  la  peau  du  nègre  par  divers  procé- 
dés ; et  M.  Dutrochet  sur  la  peau  des  animaux.  C’est 
un  nombre  d’observations  suffisant  pour  ne  pas  les 
rejeter  sans  examen.  i°  Il  y a sur  la  surface  papillaire 
du  derme  une  couche  très-mince  et  incolore,  transpa- 
rente , que  l’on  distingue  surtout  sous  les  écailles  et 
les  cornes  colorées  des  animaux,  dans  le  nègre,  et 
même  dans  le  blanc,  mais  sous  l’ongle  seulement; 
2°  une  couche  colorée,  très-distincte  dans  les  nègres, 
dans  les  blancs  tachetés  d’éphélides  colorées,  et  beau- 
coup moins  dans  les  endroits  où  la  peau  est  blanche; 
elle  est  souvent  réunie  à la  suivante;  3°  une  couche 
incolore  superficielle , plus  ou  moins  molle  ou  bien 
encroûtée  de  substance  cornée  ou  calcaire;  elle  est 
distincte  dans  beaucoup  d’animaux,  un  peu  dans  le 
nègre,  point  dans  le  blanc,  excepté  aux  ongles,  aux 
poils,  et  dans  les  productions  cornées  accidentelles. 
Cette  couche  est  immédiatement  couverte  par  l’épi- 
derme. 

1 

§ 3o3.  Le  pigment  de  la  peau  1 a son  siège  principal 
dans  le  corps  muqueux  et  surtout  dans  sa  couche 

1 B.  S.  Albinus , De  sede  et  causa  coloris  œthiopum  et 
celer,  homin.,  etc.  Lugd.  Bat.  1737.  et  Annot.  Jib.  I.  cap.  11. 
— Meckel , loc.  cil.  — S.  T.  Sœmmering  , ZJeber  die  hôrper- 
tichc  vcrschicdenheit  des  negers  vom  europaër. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

moyenne,  mais  les  surfaces  externe  du  derme,  et  interne 
de  f 'épiderme  surtout  y participent  aussi  un  peu.  Les 
anatomistes  antérieurs  à Malpighi , et  quelques-uns  de- 
puis lui , en  placent  le  siège  dans  ces  deux  membranes, 
surtout  dans  la  dernière.  La  matière  colorante  existe  et 
dans  les  hommes  de  toutes  les  races,  excepté  les 
albinos.  Cependant  ce  n’est  guère  que  dans  les  nègres 
qu’on  peut  la  voir  bien  distinctement  du  reste  de  la 
peau.  Malpighi  avait  seulement  annoncé  que  la  cou- 
leur de  la  peau  avait  son  siège  dans  le  réseau  mu- 
queux ; Littré  avait , mais  en  vain  , essayé  d’obtenir 
la  matière  colorante  séparée,  en  soumettant  la  peau 
du  nègre  à la  macération  pour  gonfler  le  corps  mu- 
queux , et  séparer  ainsi  l’épiderme  du  derme.  Cepen- 
dant quoique  le  corps  muqueux  soit  très-mol  et  liqué- 
fiable on  parvient  à séparer  de  la  peau  du  scrotum  du 
nègre,  des  portions  considérables  du  corps  muqueux 
coloré,  sous  forme  de  membrane  continue,  indépen- 
dante et  séparée  de  l’épiderme.  Mais  le  plus  ordinaire- 
ment, et  j’ai  plusieurs  fois  répété  cette  expérience,  la 
macération  sépare  du  derme  qui  reste. très-peu  coloré, 
l’épiderme  et  le  corps  muqueux  réunis  et  colorés;  ce 
n’est  qu’avec  difficulté  qu’on  peut  ensuite  séparer  le 
corps  muqueux  sous  forme  de  membrane.  Si  l’on  pro- 
longe la  macération  dans  peu  d’eau,  et  que  l’expérience 
soit  faite  avec  la  peau  du  scrotum , partie  très-foncée 
en  couleur,  le  corps  muqueux , en  se  résolvant  en  une 
sorte  de  mucosité , teint  l’eau  et  laisse  enfin  déposer  au 
fond  du  vase  une  poudre  brune  impalpable.  Gautier 
a assigné  pour  siège  spécial,  à la  matière  colorante, 
la  couche  moyenne  du  corps  muqueux,  qu’il  décrit, 


DE  DA  PEAU. 


279 

sous  le  nom  de  gemmules,  comme  une  couche  ondulée 
qui  couvrirait  d’un  seul  de  ses  contours  chacune  des 
doubles  lignes  sillonnées  du  derme,  de  la  paume  des 
mains  et  de  la  plante  des  pieds.  Il  semble  plutôt  que  le 
pigment  résulte  de  globules  colorés  disséminés  dans 
le  corps  muqueux. 

Non -seulement  le  corps  muqueux  est  plus  coloré, 
mais  il  est  plus  épais  dans  la  race  nègre  que  dans  les 
autres  races,  et  son  épaisseur  est  dans  celles-ci  en  raison 
directe  de  sa  coloration  $ aussi  est-il  tellement  mince 
dans  les  blancs  que  l’on  a pu  douter  de  son  existence. 
Il  est  plus  mince  encore  et  si  liquide  dans  les  albinos 
que  l’action  du  soleil  détermine  très-facilement  la  vési- 
cation de  leur  peau,  tandis  que  dans,  les  nègres  les 
épispastiques  produisent  très-difficilement  cet  effet. 

La  matière  colorante  de  la  peau  est  très-analogue  à 
celle  du  sang  ; elle  paraît  être  sécrétée  de  cette  humeur, 
et  passer  des  vaisseaux  de  la  surface  du  derme  dans  le 
corps  muqueux  où  elle  est  dans  une  sorte  d’imbibition. 
Divers  phénomènes  morbides  portent  à croire  quelle 
y est  sans  cesse  renouvelée  par  une  déposition  et  une 
résorption  continuelles.  Beddoes  et  Fourcroy  ont  ex- 
périmenté que  la  peau  du  nègre,  plongée  dans  l’eau 
imprégnée  de  vapeur  de  chlore  devient  blanche,  et 
reprend  en  très-peu  de  jours  sa  couleur  noire  dans 
toute  son  intensité.  Les  observations  chimiques  de 
Davy,  de  Goli  et  autres  ont  démontré  ce  que  M.  Blu- 
menbach  avait  avancé  depuis  long-temps,  que  le  pig- 
ment de  la  peau  est  principalement  formé  de  carbone. 

L’usage  du  pigment  dans  les  races  colorées , paraît 
être  de  défendre  la  peau  contre  l’effet  rubéfiant  des 


1 


280 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


rayons  du  soleil,  quon  appelle  communément  coup 
de  soleil  \ 

§ 3o4.  L’épiderme  ou  surpeau,  epidermis , cuticula  2, 
est  une  couche  de  la  peau  distincte  quoique  mince,  qui 
forme  à sa  surface  une  sorte  de  vernis  sec  et  défensif. 
La  surface  libre  ou  superficielle  de  cette  membrane, 
qui  est  en  même  temps  celle  de  la  peau,  présente,  on 
l’a  déjà  vu  plus  haut  § 292,  des  petites  rides,  et  des  erni- 
nences  diversement  disposées  et  très-visibles  à l’œil  nu. 
De  plus , si  l’on  examine  cette  surface  avec  un.  instru- 
ment grossissant , et  même  avec  une  simple  loupe,  les 
endroits  de  l’épiderme  compris  entre  les  petites  rides, 
et  qui  à l’œil  nu,  semblaient  tout-à-fait  unis,  parais- 
sent alors  très  - inégaux , rugueux,  et  présentent  de 
petits  enfoncemens  qui  ont  d’autant  plus  l’apparence 
de  pores,  que  l’on  en  voit  suinter  la  sueur. 

La  face  profonde  de  l’épiderme  est  adhérente  et  ne 
peut  être  séparée  du  reste  de  la  peau  par  la  dissection; 
mais  la  putréfaction,  la  macération,  l’action  de  la 
chaleur  sèche  et  humide,  les  épispatiques,  et  diverses 
maladies  déterminent  cette  séparation.  Quand  elle  est 

1 Voyez  Philosophical  transactions  ann • 1821.  I.  On  the 
blach  rete  mucosum. , etc.  , by  sir  Ev.  Home. 

2 H.  Fabricio  , de  totius  animalis  integumenfis , ac  primo 
de  cuticula,  et  iis,  quæ  supra  cuticulam  sunt.  in  oper.  omn. 
— Ludwig,  de  cuticula  , Lipsiæ  1739. — Meckel , Loc.  cit. 
et  Nouvelles  Observations  sur  l’épiderme.  Mém.  de  l’acad. 
roy.  des  se.  de  Berlin,  ann.  17^7. — Monro  sen. , de  cuticula 
humana , oi'atio,  in  woi  'hs.  Edimb.  1781. — J.  Th.  Klinkosch 
et  Hermann,  de  verâ  naturâ  cuticulœ , ejusque  rc g ene ra- 
tio ne.  Pragæ  , 1775.  — B.  Mojon,  Sull’  epidermide , etc. 
Genua  , 18 1 5. 


DE  LA  PEAU. 


181 


déterminée  par  un  commencement  de  putréfaction  , 
procédé  préférable  à tous  les  autres , on  aperçoit , en 
soulevant  avec  précaution  l’épiderme  , une  foule  de 
filamens  très -fins,  transparens,  incolores,  qui  se 
rompent  après  s’être  allongés  jusqu’à  un  certain  degré. 
Ces  filamens*  très  - bien  décrits  et  représentés  par 
W.  Hunter  qui  les  regardait  comme  les  vaisseaux  de 
la  sueur,  avaient  été  déjà  notés  par  Kaau , qui  en  avait 
la  même  opinion.  Bichat  et  M.  Chaussier  les  regardent 
aussi  comme  des  vaisseaux  exhalans  etabsorbans.  Mais 
on  n’est  pas  encore  parvenu  à les  injecter,  et  l’inflam- 
mation qui  rend  la  peau  si  vasculaire,  ne  les  colore  pas 
sensiblement.  D’un  autre  côté,  Cruikshank  pense  que 
ce  ne  sont  pas  des  vaisseaux,  mais  des  proion gemens 
excessivemens  fins  de  l’épiderme  qui  tapissent  les  plus 
petits  pores  du  derme.  Seiler  semble  adopter  cette  hy- 
pothèse , et  suivant  lui  ce  sont  des  rudimens  de  folli- 
cules sébacés  et  de  bulbes  de  poils.  Cependant  il  n’est 
pas  certain  que  ces  prolongemens  existent  lorsque 
1 épiderme  adhère  au  derme  , et  l’on  pourrait  les  con- 
sidérer comme  des  tractus  muqueux  formés  par  la 
substance  intermédiaire  au  derme  et  à l’épiderme , 
rendue  fluide  et  visqueuse  par  un  commencement  de 
décomposition. 

L épiderme  pénètre  en  s’amincissant  dans  les  folli- 
cules sébacés.  Il  pénètre  aussi,  et  se  comporte  de  la 

même  manière,  dans  les  ouvertures  des  bulbes  des 
poils. 

§3o5.  On  a dit  que  l’épiderme  était  composé  de- 
cailles  imbriquées.  Mais  c est,  une  apparence  trom- 
peuse; il  consiste  en  une  membrane  plane  et  continue. 


28  2 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


Nunberger  a admis  qu’il  était  pourvu  de  vaisseaux , 
et  qu’il  se  nourrissait  par  intus-susception.  Mojon  y 
suppose,  comme  Klinkosch,  des  fibres  , des  lames,  des 
vaisseaux,  et  toutes  les  propriétés  de  l’organisation  et 
de  la  vie.  Mascagni  le  regarde  comme  étant  entière- 
ment formé  de  vaisseaux  absorbans.  Fontana  avait 
déjà  cru  y voir  des  vaisseaux  contournés,  mais  M.  d« 
Humboldt  a vu  que  ces  prétendus  vaisseaux  n’étaient 
que  des  plis.  L’observation  la  plus  attentive  et  les 
opérations  anatomiques  les  plus  délicates  ne  font 
apercevoir  dans  l’épiderme  qu’une  couche  homogène 
dont  la  surface  adhérente  se  confond  insensiblement 
avec  le  corps  muqueux,  et  qui  est  dépourvue  de  tissu 
cellulaire  de  vaisseaux  et  de  nerfs. 

§ 3o6.  L’épaisseur  de  l’épiderme  est  peu  considérable, 
elle  égale  à peine  la  cinquième  ou  la  sixième  partie  de 
celle  de  la  peau.  A la  paume  des  mains  et  à la  plante 
des  pieds , il  est  plus  épais  que  partout  ailleurs.  Dans 
ces  endroits,  surtout  chez  les  personnes  qui  se  livrent 
à des  travaux  mécaniques  ou  qui  marchent  beaucoup  , 
il  paraît  formé  de  plusieurs  couches.  M.  Heusinger  1 
considère  cette  partie  de  l’épiderme  comme  une  va- 
riété du  tissu  corné  et  l’a  décrite  sous  le  nom  de  tissu 
calleux.  L’épiderme  est  moins  élastique  que  le  corium , 
très-flexible , et  facile  à déchirer.  Il  est  transparent , 
et  d’une  couleur  légèrement  grisâtre.  Dans  les  races 
colorées,  il  participe  à la  couleur  de  la  peau,  mais  il 
est  moins  foncé  que  le  corps  muqueux.  La  trans- 
parence de  l’épiderme  n’est  pas  la  même  partout; 


System  der  histologia,  von  Heusinger.  Eisenach,  1822.  • 


I 


DE  LA  PEAU.  2$3 

quand  on  le  regarde  contre  le  jour  on  y aperçoit  des 
points  plus  transparens  qu’on  a pris  pour  des  porosités. 

§ 307.  On  sait  que  Lenwenhoeck  avait  cru  les  aper- 
cevoir, et  qu’il  en  a donné  des  figures.  Beaucoup  les  ont 
admis  d’après  cela  ou  en  se  fondant  sur  des  considé- 
rations physiologiques.  Mais  ni  les  observations  de 
Meckel  et  de  Cruikshank,  ni  celles  de  M.  de  Hum* 
boldt,  faites  avec  des  instrumens  grossissans,  de  beau- 
coup supérieurs  à ceux  de  Leuwenboeck  ; ni  celles  de 
Seiler,  faites  sur  l’épiderme,  détaché  avec  un  rasoir, 
du  corps  d’un  animal  en  sueur;  ni  les  miennes,  faites 
en  chargeant  un  lambeau  d’épiderme  d’une  colonne 
de  mercure  du  poids  d’environ  une  atmosphère,  n’ont 
pu  faire  découvrir  ces  pôrosités.  De  plus,  l’observation 
apprend  que  l’épiderme  empêche  ou  modère  beaucoup 
l’évaporation  dans  le  cadavre,  'et  que  les  endroits  de 
la  peau  qui  en  sont  dépouillés  se  dessèchent,  ainsi  que 
les  parties  sous-jacentes,  avec  une  très-grande  prompti- 
tude. Cependant  l’épiderme  laisse  passer  les  matières 
que  la  peau  absorbe  pendant  la  vie , et  certainement 
celles  qu’elle  excrète.  Mais , ce  qu’il  y a de  plus  éton- 
nant encore,  c’est  que  dans  les  observations  dont  il 
vient  d’être  question  on  ne  puisse  même  pas  aperce- 
voir les  ouvertures  de  l’épiderme  qui  donnaient  pas- 
sage aux  poils,  celles  qui  répondaient  aux  follicules 
sébacés,  ni  même  celles  que  l’on  y aurait  pratiquées 
avec  une  aiguille  fine.  On  sait  que  la  même  chose  arrive 
à la  gomme  élastique.  Le  papier  à filtrer  ne  présente 
pas  non  plus  de  pores  visibles  au  microscope  quand  il 
est  mouillé , mais  quand  il  est  sec  on  en  voit  aisément. 

§ 3o8.  L’absorption  et  la  perspiration  cutanées  ne  pou- 


i 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


284 

vant  dépendre  des  propriétés  physiques  de  l’épiderme , 
on  en  a cherché  l’explication  dans  ses  propriétés  chi- 
miques. L’épiderme  desséché  diminue  de  volume,  et 
devient  plus  ferme,  plus  élastique,  et  un  peu  jaunâtre. 
Macéré  dans  l’eau  froide,  au  contraire,  il  se  gonfle  un 
peu  , devient  mou,  moins  élastique,  plus  blanc  et  plus 
opaque.  Cette  substance  cependant  s’imbibe  très-len- 
tement ; il  faut  une  assez  longue  immersion  des  mains 
et  des  pieds  dans  l’eau,  pour  que  l’épiderme  ait  absorbé 
assez  de  liquide  pour  devenir  blanc  et  opaque , et 
cependant,  l’épiderme  de  ces  régions  paraît  s’imbiber 
plus  aisément  que  celui  des  autres  parties  du  corps. 
C’est  à cette  difficile  perméabilité  de  l’épiderme,  qu’il 
faut  attribuer  la  difficulté  avec  laquelle  le  liquide  des 
ampoules  s’échappe  dans  le  vivant,  et  la  lenteur  avec 
laquelle  la  peau  des  cadavres  se  dessèche,  même  dans 
les  atmosphères  les  plus  sèches,  pourvu  que  l’épiderme 
soit  resté  intact.  Il  résiste  très-long-temps  à la  putré- 
faction; on  l’a  retrouvé  intact  dans  des  tombeaux  au 
bout  de  plus  de  cinquante  ans.  L’eau  bouillante  rend 
l’épiderme  blanc , opaque,  et  le  prive  d’élasticité  bien 
plus  vite  que  l’eau  froide.  L’ébulition  prolongée  lui 
enlève  un  peu  de  gélatine  qui  paraît  fournie  par  la 
face  adhérente;  le  résidu  ne  diffère  pas  sensiblement 
de  l’épiderme  entier.  Exposé  au  feu  nu  il  brûle  comme 
une  lame  de  corne,  et  en  répandant  une  odeur  sem- 
blable. bes  alcalis  fixes  purs  le  disoîvent  complètement 
en  une  substance  saponnacée.  L’acide  nitrique  le  jaunit 
presque  immédiatement , l’épaissit,  le  ramollit,  le  rend 
■opaque  au  bout  cfienviron  un  quart  d heure;  et  en 
vingt-quatre  heures  le  réduit  en  une  pulpe  jaune.  Si 


I 


DE  LA  PEAU.  28?) 

on  applique  de  l’ammoniaque  sur  l’épiderme  jauni  par 
l’acide  nitrique , il  passe  à la  couleur  orange  foncé. 
Or,  Hatchett  a constaté  que  les  memes  effets  avaient 
lieu  sur  l’albumine  coagulée.  L’épiderme  paraît  con- 
sister en  une  couche  de  mucus  albumineux  coagulé  et 
desséché. 

§ 309.  L’épiderme  n’est  ni  irritable  ni  sensible;  il  est 
de  toutes  les  parties  du  corps,  celle  qui  est  douée  de  la 
force  de  formation  la  plus  active  ; il  résulte  de  la  con- 
crétion d’un  fluide  exsudé  à la  surface  de  la  peau , 
continuellement  renouvellé  , jamais  résorbé,  mais  dé- 
truit à l’extérieur,  à -mesure  qu’il  est  produit  à la  face 
interne. 

§ 3 10.  De  nombreuses  hypothèses  ont  été  émises  sur  la 
formation  de  l’épiderme  ; la  plus  ancienne  est  celle 
qui  consiste  à le  regarder  comme  le  dessèchement  d’un 
fluide  fourni  par  la  surface  du  derme.  D’autres,  avec 
Leuwenhoeck , n’ont  vu  en  lui  qu’une  expansion  des 
vaisseaux  de  la,  peau.  D’autres,  comme  Ruysch , le 
faisaient  provenir  de  l’expansion  et  du  dessèchement 
des  papilles.  Heister  attribuait  sa  formation  à la  réu- 
nion de  ces  deux  causes;  Morgagni , à la  callification 
ou  à l’endurcissement  de  la  surface  de  la  peau  par  la 
pression  de  l’eau  de  l’amnios  d’abord , puis  de  celle  de 
1 atmosphère  ; et  Garangeot,  à l’endurcissement  du 
réseau  muqueux.  Toutes  ces  opinions,  surtout  la  pre- 
mière et  la  dernière , contiennent  quelque  chose  de 
vrai.  Il  résulte  en  effet  d’une  exsudation  ou  excrétion 
du  derme.  C’est  la  surface  endurcie  du  corps  muqueux; 
de  sorte  que  depuis  le  derme  jusqu’à  la  surface  libre 
de  1 épiderme,  il  y a une  dégradation  successive  d’or- 


286 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


ganisation  et  de  vitalité,  qui  fait  de  lepiderme  une 
espèce  de  vernis , ne  participant  à l’organisation  et  à 
la  vie  que  par  son  origine , ce  qui  le  rend  très-propre 
à supporter  l’action  des  corps  extérieurs,  et  à protéger 
les  vaisseaux,  les  nerfs  , et  les  autres  parties  de  la  peau. 

§ 3 1 1 . La  peau  formée  par  le  derme,  les  vaisseaux  et  les 
nerfs  qui  se  distribuent  dans  son  épaisseur,  et  surtout 
à sa  face  superficielle;  par  l’épiderme  dont  il  vient 
d’être  question,  et  par  le  corps  muqueux  intermé- 
diaire , offrant  ainsi  une  dégradation  d’organisation  et 
de  vitalité  depuis  le  derme  jusqu’à  l’épiderme,  par- 
ticipe aux  propriétés  physiques,  chimiques  et  vitales 
de  ces  diverses  parties.  Il  en  est  ainsi  de  ses  fonctions 
ou  actions  organiques. 

§3i2.  La  peau,  à raison  de  l’épiderme  sec  et  peu 
perméable  qui  en  fait  partie,  n’est  point  aussi  bien  dis- 
posée que  la  membrane  muqueuse,  pour  l’absorption  et 
la  secrétion. 

La  peau,  étant  munie  de  son  épiderme,  dans  l’état 
d’intégrité,  l’absorption  cutanée  ou  l’absorption  cuticu- 
laire,  comme  on  l’appelle  aussi,  est  en  effet  encore  un 
sujet  de  doute  et  de  discussion  pour  les  physiologistes. 
Pour  décider  cette  question  entre  Séguin,  Currie, 
Klapp,  Rousseau,  Dangerfield,  Chapman,  Gordon  et 
M.  Magendie,  etc.,  dont  les  observations  et  les  expé- 
riences tendent  à faire  rejeter  l’absorption  cutanée,  et 
Keil,  Haller,  Percival,  Home,  Cruikshank,  Watson, 
Ford,  Abernethy,  Bichat,  Duncan,  Kellie,  Bradner- 
Stuart,  Sewal,  etc.,  et  surtout  M.  Young,  dont  les  ex- 
périences et  les  observations  sont  favorables  à cette 
absorption;  il  faut  faire  abstraction  des  cas  dans  les- 


DE  LA  PEAU. 


287 

quels  l’absorption  a pu  avoir  lieu  par  la  respiration 
aussi  bien  que  par  la  peau  , et  ils  sont  nombreux;  de 
ceux  dans  lesquels  l’épiderme  a pu  être  amolli , altéré 
ou  lésé  par  des  applications  prolongées  à sa  surface  ou 
par  des  frottemens  répétés  : circonstances  dans  les- 
quelles l’absorption  n’est  plus  cuticulaire , mais  bien 
du  même  genre  que  celle  qui  a lieu  par  la  membrane 
muqueuse , ou  par  l’inoculation , dont  la  matière  est 
portée  à travers  une  division  de  l’épiderme  dans  le 
corps  muqueux  et  jusque  dans  le  derme,  parties  émi- 
nemment absorbantes.  Cela  fait , il  reste  un  petit 
nombre  de  faits  qui  montrent  que  quelquefois  cer- 
taines substances  sont  absorbées  par  la  peau  à travers 
l’épiderme,  dans  son  état  d’intégrité,  mais  que  cette 
membrane  est  véritablement  un  obstacle  très-souvent 
efficace  à l’action  absorbante  du  tégument  externe. 

§ 3i3.La  peau  est  aussi  un  organe  de  sécrétion  et 
d’excrétion.  Deux  genres  de  sécrétion  extrinsèque  bien 
connus  ont  lieu  dans  cette  membrane , la  perspira- 
tion cutanée  et  la  sécrétion  folliculaire  sébacée.  La 
perspiration  est  tantôt  vaporeuse  et  insensible,  et  tantôt 
liquide  et  visible;  dans  ce  dernier  cas,  c’est  la  sueur. 
Cette  sécrétion  est  continuelle , et  probablement  essen- 
tiellement la  même  dans  les  deux  cas;  mais,  dans  le 
premier,  elle  est  insensible  à cause  de  sa  vaporisation. 
La  sécrétion  a lieu  dans  la  peau,  mais  on  ignore  par  quels 
vaisseaux;  quant  aux  voies  par  lesquelles  elle  traverse 
le  corps  muqueux  et  l’épiderme,  elles  sont  tout-à-fait 
inconnues.  On  peut  admettre  avec  quelque  vraisem- 
blance que  c’est  dans  le  fond  des  incisures  et  des  enfon- 
cemens  microscopiques  de  l’épiderme,  endroit  où  il 


288 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


est  le  moins  sec,  que  se  fait  spécialement  l’excrétion 
perspiratoire.  La  quantité  de  cette  matière  sécrétée  est 
très-grande,  mais  difficile  à déterminer.  Sanctorius  , 
dont  les  expériences  sont  si  célèbres , avait  reconnu 
qu’il  perdait  les  cinq  huitièmes  de  la  totalité  de  ses 
alimens  par  la  perspiration,  et  les  trois  huitièmes  par 
les  autres  voies  excrétoires.  Mais  îl  ne  distinguait  pas 
les  perspirations  pulmonaire  et  cutanée.  Parmi  ceux 
qui  ont  répété  ses  expériences,  Lavoisier  et  M.  Séguin 
ont  fait  cette  distinction.  Ils  ont  trouvé  que  la  pers- 
piration cutanée  est  à la  perspiration  pulmonaire, 
terme  moyen,  comme  onze  à sept.  Cruiksliank  a essayé 
d’en  déterminer  la  nature,  et  a trouvé  qu’elle  avait 
toutes  les  propriétés  de  l’eau  contenant  de  l acide  car- 
bonique et  une  matière  animale  odorante. 

Quand  la  matière  de  la  perspiration  se  rassemble  sous 
forme  de  sueur,  on  la  voit  apparaître  à la  surface  de  la 
peau  en  gouttelettes  sur  lesquelles  Leuwenlioeck  a fait 
des  observations  intéressantes.  La  sueur  de  l’homme 
dans  l’état  de  santé  est  toujours  acide,  salée  et  odorante. 
Elle  est  formée , suivant  M.  Thénard , de  beaucoup 
d’eau,  d’une  petite  quantité  d’acide  acétique,  d’hydro- 
chlorate de  soude,  et  peut-être  de  potasse,  de  très-peu 
de  phosphate  terreux , d’un  atome  d’oxide  de  fer,  et 
d’une  quanti  téinappréciabiede  matière  animale.  M.  Ber- 
zélius  la  regarde  comme  de  l’eau  tenant  en  dissolution 
des  hydrochlorates  de  potasse  et  de  soude,  de  l’acide 
lactique,  du  lactate  de  soude,  et  un  peu  de  matière 
animale. 

La  perspiration  cutanée,  soit  sensible , soit  insen- 
sible, doit  être  considérée  comme  une  des  excrétions 


de  la  peau. 


• 28  9 

les  plus  importantes  de  l’organisme.  En  outre,  elle  est 
un  puissant  moyen  de  refroidissement  et  de  résistance 
contre  une  température  extérieure  trop  élevée.  Cette 
fonction  présente  de  nombreuses  variétés  suivant  lage, 
le  sexe,  les  individus,  les  circonstances  extérieures, 
l’état  des  autres  fonctions , l’action  des  substances  in- 
gérées ou  appliquées , les  maladies,  etc.  Elle  exeice 
elle -même  une  très -grande  influence  sur  les  autres 
fonctions. 

§ 3 14.  On  a admis  qu’il  se  fait  par  la  peau  des  absorp- 
tions et  des  sécrétions  gazeuses  analogues  à celles  du 
poumon,  etconstituant  une  sorte  de  respiration  cutanée. 
Ainsi  Spallanzani  aurait  vu  dans  les  mollusques,  M.  Ed- 
wards dans  les  reptiles,  et  Jurine  dans  1 homme  même, 
la  peau  absorber  de  l’oxygène.  Suivant  divers  physi- 
ciens et  physiologistes  , des  gaz  seraient  aussi  excrétés 
par  la  peau  ; mais  des  objections  et  des  expériences 
peuvent  être  opposées  à ces  assertions;  on  peut  de 
même  opposer  les  expériences  de  Priesttley  à celles  de 
Cruikshank,  du  docteur  Makensie  et  de  M.  Ellis,  qui 
semblent  favorables  à une  excrétion  cutanée  de  car- 
bone qui  se  combinerait  avec  l’oxygène  de  l’atmosphère 
pour  former  de  l’acide  carbonique.  Il  est  du  moins 
certain  que  si  dans  l’homme  dont  l’épiderme  est  sec 
et  dont  la  respiration  pulmonaire  est  très-étendue , l’air 
exerce  une  action  vivifiante  sur  le  sang  qui  circule 
dans  la  peau,  cette  action  ne  peut  aucunement  sup- 
pléer celle  du  poumon. 

§ 3i5.  La  peau  excrète  une  matière  huileuse  1 , que 

1 Ludwig  et  Grutzraaclier,  de  Humore  cutem  inungcnle. 
Lipsiæ , 1748. 


1, 


1 9 


ANATOMIE  GENERALE. 

Cruikshank  est  parvenu  à obtenir  sous  forme  de  larmes 
noires  à la  surface  d’un  gilet  de  laine  tricoté  qu’il  avait 
porté  nuit  et  jour  pendant  un  mois,  dans  le  temps  le 
plus  chaud  de  l’été.  Cette  matière  frottée  sur  du  papier 
s’y  comporte  comme  de  la  graisse  ; elle  brûle  avec  une 
flamme  blanche,  et  laisse  un  résidu  charbonneux.  Il  est 
incertain  si  cette  huile,  que  l’on  a dit  être  de  la  graisse 
sous-cutanée  transsudant  à travers  la  peau,  est  fournie 
par  les  mêmes  voies  que  la  précédente  ou  quela  suivante. 

§3i6.Les  follicules  cutanés  sécrètent  une  matière 
sébacée.  Cette  matière  est  épaisse , non  glutineuse,  sans 
apparence  fibreuse  quand  elle  est  endurcie  ; elle  forme 
en  se  suspendant  dans  l’eau  par  la  trituration  une  sorte 
d’émulsion , mais  ne  s’y  dissout  point.  Elle  ne  fond 
point  au  feu , elle  brûle  en  laissant  beaucoup  de  char- 
bon. Elle  contient,  surtout  le  cérumen,  une  propor- 
tion d’huile  qu’on  peut  en  séparer  par  le  papier  ab- 
sorbant. Cette  matière  se  forme  dans  les  follicules 
sébacés,  d’où  on  peut  la  faire  sortir  parla  pression  sous 
forme  de  vermisseaux  , et  d’où  elle  sourde  d’elle-même 
pour  oindre  la  peau  aux  environs,  et  la  garantir  surtout 
de  l’action  de  l’eau  et  des  humeurs  exerémenticielles. 

Ce  sont  ces  trois  matières  réunies  qui  constituent 
l’excrétion  cutanée,  excrétion  très-abondante,  dont 
une  partie  est  continuellement  vaporisée,  et  dont  les 
parties  les  plus  fixes  enduisent  la  peau , et  s’en  détachent 
ensuite  sous  forme  de  crasse.  Il  faut  joindre  à ces  ex- 
crétions celle  de  l’épiderme  qui,  sans  cesse  usé  à sa 
face  superficielle,  est  sans  cesse  reproduit  à sa  face 
opposée. 

§317.  La  peau  est  un  organe  de  sensation.  Elle  est, 


DE  LA  PEAU. 


29I 

plus  encore  que  l’autre  membrane  tégumentaire,  l’or- 
gane du  tact  général  et  passif  qui  nous  fait  apercevoir  la 
présence  des  corps,  leur  température,  etc.;  de  plus,  et 
surtout  dans  certains  endroits , pourvus  de  beaucoup 
de  nerfs  et  de  vaisseaux,  et  bien  disposés  pour  s'adap- 
ter à la  forme  des  corps,  elle  est  un  organe  de  toucher 
spécial  et  actif,  ou  de  palpation.  Le  tact  et  le  toucher 
sont  d’autant  plus  délicats  que  les  papilles  sont  plus 
développées  et  moins  couvertes. 

§ 3 18.  La  peau  enfin  est  un  organe  défensif,  peu  effi- 
cace chez  l’homme,  mais  beaucoup  dans  certains  ani- 
maux, où  le  corps  muqueux  est  le  siège  d’incrustations 
calcaires  et  cornées.  Il  est  évident  que  cet  organe,  dont 
les  fonctions  sont  si  multiples,  de  même  que  sa  texture 
est  si  complexe,  ne  peut  avoir  une  de  ses  parties,  ou 
l’une  de  ses  fonctions  très-développée  qu’aux  dépens 
. des  autres  ; aussi  plus  le  corps  muqueux  et  l’épiderme 
sont  épais  et  protecteurs,  et  plus  le  tact  est  émoussé. 

§ 3 19.  L’embryon , jusque  vers  le  milieu  du  deuxième 

mois,  n’a  point  encore  de  peau  distincte.  Vers  cette 

époque,  suivant  Autenrieth,  l’épiderme  commence  à 

paraître.  Jusqu’à  mi-terme,  la  peaureste mince,  incolore 

et  transparente:  elle  devient  ensuite  rosée  jusqu’à  huit 

mois  environ;  à cette  époque,  elle  pâlit,  excepté  dans 

• • 

les  plis.  Vers  quatre  mois  et  demi  de  la  grossesse,  on 
commence  à apercevoir  les  follicules  sébacés , d’abord 
à la  tête,  puis  dans  les  autres  parties  du  corps;  à sept 
mois,  commence  à se  montrer  l’enduit  sébacé,  ou  ca- 
séiforme  de  la  peau;  à la  naissance,  la  peau  en  est  cou- 
verte et  est  d’un  blanc  rosé;  après  la  naissance,  la  peau 
acquiert  bientôt  la  couleur  propre  à la  race,  et  aug- 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


^92 

mente  en  épaisseur  et  en  force  jusqua  lage  adulte  ; dans 
la  vieillesse,  elle  se  dessèche,  se  ride  et  perd  peu  à 
peu  sa  couleur. 

La  peau  est  plus  mince,  plus  fine,  plus  molle  dans 
le  sexe  féminin  ; mais  ces  caractères  disparaissent  quel- 
quefois après  l’âge  de  la  fécondité. 

§ 320.  Les  différences  que  la  peau  présente  dans  les 
races  ont  été  déjà  indiquées  (§§  112-116).  Les  indivi- 
dus des  races  colorées,  et  même  les  nègres,  naissent 
à peu  près  de  la  même  couleur  que  les  blancs.  La 
couleur  commence  à se  manifester,  dès  que  l’enfant 
respire,  mais  surtout  vers  le  troisième  jour  après  la 
naissance,  autour  des  ongles , des  mamelons,  des  yeux, 
de  l’anus  et  des  organes  de  la  copulation  ; le  septième 
jour,  la  coloration  est  étendue  partout,  excepté  aux 
régions  palmaire  et  plantaire  qui  restent  blanchâtres. 
Pendant  la  première  année,  la  couleur  est  peu  intense  , 
elle  augmente  ensuite,  et  persiste  pendant  la  plus  grande, 
partie  de  la  vie  pour  diminuer  dans  la  vieillesse.  L’o- 
deur de  la  peau  varie  dans  les  races  comme  sa  couleur. 
Outre  les  variétés  nationales,  on  en  trouve  de  très- 
nombreuses  dans  les  individus. 

§321.  Les  altérations  morbides  de  la  peau  sont  ex- 
trêmement nombreuses.  Il  a déjà  été  question  des  ci- 
catrices ou  des  reproductions  accidentelles  de  cette 
membrane  (§  258).  Le  tissu  nouveau  est  analogue, 
mais  non  identique  à l’ancien.  Le  derme  y est  plus  dense, 
moins  aréolaire,  plus  compact,  moins  vasculaire,  moins 
papillaire  que  celui  de  la  peau.  L’épiderme  y existe  ma- 
nifestement; c’est  à tort  qu’on  la  nié,  tout  récemment 
encore.  Le  corps  muqueux  y existe  aussi , de  même 


DE  LA  PEAU. 


293 

que  sa  couche  colorée,  et  c’est  à tort  que  Camper  a 
prétendu  que  les  cicatrices  des  nègres  étaient  blan- 
ches; seulement  la  nuance  y est  un  peu  différente.  Il 
se  forme  quelquefois  des  productions  cornées  sur  les 
cicatrices;  ces  tégumens  accidentels  sont  très-ulcé- 
rables. 

On  trouve  aussi  quelquefois  de  la  peau  accidentelle 
dans  des  kystes  des  ovaires,  ce  sont  probablement  des 
productions  imparfaites  de  fœtus , soit  engendrés , soit 
enveloppés  dans  l’état  fœtal,  par  l’individu  qui  les 
contient. 

§ 32  2.  La  peau  présente  quelquefois  des  vices  de  con- 
formation primitifs,  soit  par  défaut,  ce  qui  constitue  dans 
lefœtus'des  divisions  ou  des  dénudations;  soit  par  ex- 
cès, et  alors  il  y a des  plis  ou  des  poches  plus  ou  moin  s 
étendus.  Elle  présente  aussi  des  vices  de  conformation 
acquis;  sa  distension  portée  très-loin,  comme  dans  la 
grossesse,  par  exemple,  écarte,  éraillé  les  fibres  du 
derme,  et  produit  des  vergetures  d’abord  brunes  ou 
noirâtres  après  l’accouchement,  et  qui  ensuite  devien- 
nent et  restent  plus  blanches  que  le  reste  de  la  peau, 
et  luisantes.  La  distension,  plus  modérée  et  plus  pro^ 
longée,  fait  perdre  à la  peau  son  élasticité  ou  sa  ré- 
tractilité,  et  laisse,  quand  elle  vient  à cesser,  des  rides 
plus  ou  moins  marquées. 

§ 3.23.  La  peau  estlesiége  fréquent  decongestions,  de 
flux,  d’inflammations  aiguës  et  chroniques,  dont  les 
effets  très-variés,  soit  sur  la  texture  de  la  membrane, 
soit  sur  sa  couleur,  soit  sur  les  produits  de  sa  sécrétion , 
ont  donné  lieu  à l’établissement  d’une  cinquantaine  de 
genres , *et  de  plus  de  cent  espèces  de  maladies  de  la 


^4  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

peau  consistant  en  des  boutons,  des  écailles,  des  érup- 
tions, des  ampoules,  des  pustules,  des  vésicules,  des 
tubercules,  des  taches,  etc.,  sur  lesquelles  on  consul- 
tera avec  fruit  les  ouvrages  de  Plenck,  de  M.  Alibert, 
de  Willan  et  de  Bateinan. 

§824.  La  rétention  de  la  matière  sébacée  et  son  accu- 
mulation dans  les  lollicules,  donne  lieu  à la  formation  de 
tumeurs,  qu’on  nomme  tannes,  quand  elles  sont  petites, 
et  que  l’on  confond  quand  elles  sont  grosses,  sous  les 
noms  de  loupes , ou  de  mèlicéris  3 (Y athéromes  et  de 
stéatomes,  avec  les  tumeurs  enkystées.  Quand  la  tu- 
meur est  petite,  et  que  l’orifice  du  follicule  n’est  pas 
oblitéré,  on  peut  en  faire  sortir  par  pression  la  matière 
sébacée  sous  forme  de  ver,  apparence  qui  a induit  en 
erreur  quelques  observateurs  peu  attentifs  et  amis  du 
merveilleux.  Quand,  au  contraire,  la  tumeur  s’est  beau- 
coupaccrue  et  est  devenue  volumineuse  sous  la  peau,  et 
que  son  orifice  n’est  pas  apparent,  elle  ressemble  beau- 
coup à un  kyste;  mais  en  la  disséquant  avec  soin,  on 
retrouve,  dans  le  point  où  elle  tient  à la  peau,  des 
traces  de  l’orifice;  et  si  l’on  fend,  dans  ce  point, la  peau 
et  la  tumeur,  on  suit  aisément  l’épiderme  se  réfléchissant 
de  la  surface  de  la  première  dans  la  cavité  de  la  seconde. 
La  matière  contenue  soit  quelle  ait  1 apparence  du 
miel,  de  la  bouillie  ou  du  suif,  ressemble  encore  assez 
à la  matière  des  follicules  sébacés  pour  nêtre  pas  mé- 
connaissable. 

4 

§ 325.  Diverses  productions  accidentelles,  soit  analo- 
gues, soit  morbides,  s’observentdanslapeau.  Cette  mem- 
brane est  quelquefois  soulevée  par  une  quantité  plus 
ou  moins  grande,  et  quelquefois  innombrable  de  tu- 


DE  LA  PEAU. 


295 

meurs  d'un  volume  très -variable,  et  formées  par  la 
production  accidentelle  d’un  tissu  blanc,  fibreux,  beau- 
coup plus  compact  que  le  tissu  cellulaire  et  plus  flasque 
que  le  tissu  ligamenteux,  tissu  que  l’on  trouve  aussi 
assez  souvent  dans  les  polypes,  et  surtout  dans  des 
tumeurs  sous-muqueuses  du  vagin  et  de  la  vulve. 

§ 326.  La  couleur  de  la  peau  offre  diverses  altérations. 
Celle  des  albinos  présente  la  plus  singulière  : leur  peau 
est  d’un  blanc  mat  ou  rosé  tout  différent  de  la  blan- 
cheur des  Européens;  leurs  poils  sont  transparens, 
blanchâtres  ou  plutôt  incolores;  l’œil  a l’iris  rose-pâle 
et  l’ouverture  de  la  pupille  rouge , ce  qui  dépend  de 
l’absence  du  pigment  de  la  choroïde  et  de  l’uvée.  Les 
fonctions  de  la  peau,  et  surtout  des  yeux,  se  res- 
sentent de  cette  altération  que  l’on  a attribuée  à l’ab- 
sence du  corps  muqueux,  et  qui  dépend  au  moins  bien 
certainement  de  celle  de  la  matière  colorante  de  la 
peau  et  de  ses  dépendances;  c’est  à tort  que  l’on  a re- 
gardé cela  comme  effet  d’une  lèpre,  d’une  cachexie  ou 
comme  un  état  de  maladie  ; c’est  une  erreur  de  Blu- 
menbach  et  de  Winterbottom , suffisamment  réfutée 
par  les  observations  de  Jefferson , qui  dit  expressément 
que  tous  les  individus  de  ce  genre'  qu’il  a vus  étaient 
bien  conformés,  forts  et  bien  portans.  On  trouve  cette 
altération  dans  toutes  les  races  humaines,  dans  toutes 
les  parties  du  globe  et  dans  un  très-grand  nombre  de 
genres  d’animaux.  Elle  commence  dès  la  naissance, 
persiste  toute  la  vie,  et  se  transmet  par  la  génération. 
L union  d’un  albinos  et  d’un  individu  coloré  donne 
ordinairement  naissance  à des  individus  colorés,  et 
quelquefois  à des  albinos.  Du  reste,  ils  ne  forment  point 


296  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

une  race  dans  l’espèce  humaine,  mais  ne  s’y  rencon- 
trent que  sporadiquement  pour  ainsi  dire,  ou  comme 
des  variétés  accidentelles. 

Les  nœvi  et  les  signes  de  la  peau  consistent,  les  uns 
en  une  plaque  colorée  du  corps  muqueux,  qui  est 
ordinairement  alors  sensiblement  plus  épais  dans  ce 
point  que  dans  les  autres  parties;  d’autrefois  ils  con- 
sistent en  une  disposition  érectile  des  vaisseaux  de  la 
peau  qui  sera  décrite  plus  loin  (chap.  IY). 

La  coloration  de  la  peau  est  aussi  sujette  à des  alté- 
rations accidentelles  : ainsi  l’on  voit  des  individus  de  la 
race  blanche  devenir  bruns  ou  tout-à-fait  noirs  dans 
des  parties  plus  ou  moins  étendues.  On  voit  aussi  des 
blancs  ou  des  noirs  devenir  albinos  dans  des  points 
plus  ou  moins  larges  de  la  peau. 

La  mélanose,  qui  coïncide  ordinairement  avec  la  dé- 
coloration de  la  peau , et  qu’on  observe  si  souvent  dans 
les  chevaux  blancs,  ne  dépendrait- elle  pas  d’une  aber- 
ration du  pigment  de  la  peau? 

Il  se  montre  quelquefois  dans  le  corps  muqueux 
des  productions  cornées  qui  deviennent  plus  ou  moins 
saillantes  à la  surface  de  la  peau;  ces  productions  étant 
analogues  aux  ongles  seront  décrites  à la  suite  de 
ces  dépendances  de  la  peau. 

ARTICLE  IL 

DES  DÉPENDANCES  DE  LA  PEAU. 

§ 32y.  Les  ongles  et  les  poils  sont  les  seules  dépen- 
dances de  la  peau  dans  l’espèce  humaine  ; dans  les  ani 
maux,  au  contraire,  on  trouve  un  grand  nombre  et 


DES  ONGLES. 


297 

une  grande  variété  de  ces  appendices.  C’est  à tort  que 
l’on  regarde  ces  parties  comme  des  dépendances  de 
l’épiderme  seul,  car  elles  ont  des  rapports  avec  toute 
la  peau. 

I.  Des  ongles  r. 

§ 328.  Les  ongles,  ungues , sont  des  écailles  cornées, 
qui  garnissent  la  peau  de  la  dernière  phalange  des 
doigts  et  des  orteils  du  côté  de  l’extension  seulement. 

On  distingue  trois  parties  dans  les  ongles  : la  ra- 
cine , le  corps  et  l’extrémité  libre. 

# 

La  racine  ou  l’extrémité  adhérente  est  la  cinquième 
ou  la  sixième  partie  de  la  longueur  de  l’ongle  ; elle  en 
est  la  partie  la  plus  mince;  elle  est  reçue  dans  un  sillon 
de  la  peau,  et  d’une  couleur  blanche.  Le  corps  ou  la 
partie  moyenne  tient  le  milieu  pour  l’épaisseur;  sa  face 
externe  libre , lisse  et  présentant  des  sillons  longitu- 
dinaux plus  ou  moins  marqués,  est  convexe  transver- 
salement. La  face  opposée  est  intimement  adhérente  à 
la  peau;  la  partie  postérieure  du  corps  de  l’ongle,  dans 
une  étendue  peu  considérable,  et  qui  va  en  diminuant 
du  pouce  vers  le  cinquième  doigt,  est  blanche  ; cette 
partie  semi-lunaire  a reçu  le  nom  de  lunule;  l’autre 
partie  paraît  rougeâtre , à cause  de  sa  diaphanéité,  qui 
permet  d’apercevoir  la  couleur  de  la  peau.  L’extrémité 

1 Frankenau,  de  Unguibus,  Jenæ , 1796.  — Ejudwig  , de 
Orlu  et  structura  unguium.  Lipsiæ , 1748*  — B.  S.  Albinus, 
in  Annot.  acàd . , lib.  II,  cap.  xiv,  de  Ungue  humario , ejusque 
reticulo , etc.  et  cap.  xv  de  Naturd  unguis.  — Bose,  de  Un- 
guibus humanis.  Lips.  1773.  — Haase,  de  Nutritione  un- 
guium. Lips.  1774. 


anatomie  générale. 


298 

libre  de  l’ongle  en  est  la  partie  la  plus  épaisse;  elle  se 
prolonge  au  delà  du  doigt  et  tend,  d’une  manière  peu 
marquée  cependant,  à se  recourber  en  une  sorte  de 
crochet. 

§ 329.  Les  connexions  de  l’ongle  avec  le  derme  et  l’é- 
piderme ont  lieu  de  la  manière  suivante  : le  derme  est 
épais,  rouge  et  très-papillaire  sous  l^e  corps  de  l’ongle , 
excepté  sous  la  lunule;  les  papilles  sont  disposées  en 
séries  linéaires  comme  des  sillons  longitudinaux  très- 
minces  et  très-rapprochés  les  uns  des  autres.  La  face  cor- 
respondante de  l’ongle  est  molle , pulpeuse , garnie  de 
rainures  longitudinales  qui  reçoivent  les  sillons  papil- 
laires du  derme  et  leur  adhèrent  très-intimement.  Ce- 
pendant leur  séparation  s’opère  sur  le  cadavre  par  les 
mêmes  causes  qui  détachent  l’épiderme  et  le  corps 
muqueux  du  derme.  L’extrémité  adhérente  de  l’ongle, 
très-mince  et  très-molle,  est  reçue  dans  le  fond  d un 
pli  du  derme,  dépourvu  d’épiderme.  Sous  les  ongles, 
petits  et  irrégulièrement  développés;  des  derniers  or- 
teils, les  papilles  du  derme  sont  disposées  irrégulière- 
ment, et  non  en  séries  linéaires;  la  face  adhérente  de 
l’ongle  présente  la  même  disposition  irrégulière  pour 
recevoir  les  papilles. 

§ 33o.  L’épiderme,  arrivé  vers  la  racine  de  1 ongle, 
se  réfléchit  avec  le  derme  jusque  vers  le  fond  du  sillon. 
Là,  le  derme  passe  sous  l’ongle;  l’épiderme,  au  con- 
traire, se  réfléchit  sur  sa  racine  et  se  prolonge  sur  sa 
face  externe,  quil  recouvre  ainsi  dune  lame  superfi- 
cielle très-mince,  qui  se  confond  avec  elle.  A 1 extré- 
mité libre  de  l’ongle,  l épiderme  du  bout  du  doigt  se 
réfléchit  sous  sa  face  profonde  et  s unit  à la  partie 


DES  ONGLES.  2 <J(J 

libre  de  cette  face.  Sur  les  côtés  il  existe,  en  arrière  une 
disposition  analogue  à ce  qui  a lieu  à la  racine , et  en 
devant  à ce  qui  existe  à l’extrémité  libre. 

Les  ongles  n’ont  point  d’autres  connexions  que  celles 
qui  viennent  d’être  décrites.  C’est  faute  d avoir  bien 
observé,  que  quelques  anatomistes  en  ont  admis  avec 
le  périoste  et  avec  les  tendons. 

§ 33 1 . On  admis  avec  Blancardi,  que  les  ongles  sont 
formés  par  des  poils  agglutinés  ; d’autres,  que  les  ongles 
résultent  de  la  superposition  d’écailles  ou  de  lames 
cornées,  dont  la  plus  superficielle  a toute  la  longueur 
de  l’ongle,  tandis  que  les  autres  diminuent  successive- 
ment de  longueur,  ce  qui  donne  1 épaississement  suc- 
cessif de  l’ongle  depuis  la  racine  jusqu’à  l’extrémité 
libre.  Ce  sont  plutôt  des  manières  de  se  rendre  compte 
du  mode  de  formation  des  ongles,  que  des  résultats  de 
l’observation,  qui,  en  effet,  ne  fait  découvrir  dans  les 
ongles  qu’une  substance  cornée,  dure  et  sèche  à l’ex- 
térieur, et  muqueuse  à l’intérieur.  On  n’y  trouve  ni 
vaisseaux,  ni  nerfs*  Ils  consistent  en  une  couche  épaisse 
et  cornée  du  corps  muqueux  de  la  peau. 

§ 332.  Les  ongles  sont  diaphanes,  flexibles,  élasti- 
ques, ils  se  déchirent  en  travers,  nonobstant  leur 
apparence  fibreuse  en  sens  opposé.  Leurs  propriétés 
chimiques  sont  celles  de  l’albumine  coagulée  ; ils  parais- 
sent contenir  aussi  un  peu  de  phosphate  de  chaux  ; ils 
ont  les  plus  grands  rapports  avec  la  corne.  Ils  sont 
tout-à-fait  dépourvus  d’irritabilité  et  de  sensibilité.  La 
force  de  formation , ou  l’accroissement  continuel  par 
une  sorte  de  végétation,  est  le  seul  phénomène  orga- 
nique et  vital  qu’on  y observe;  encore  ce  phénomène 


3oo  anatomie  générale. 

leur  est-il  étranger.  Les  matériaux  de  leur  formation 
sont  continuellement  sécrétés  et  excrétés  à mesure  par 
le  derme  : cette  matière  apposée  à l’extrémité  et  à la 
face  adhérentes  de  l’ongle,  semblable  à celle  de  la 
sécrétion  du  vers  à soie,  se  concrétant  à mesure  quelle 
est  excrétée,  et  s’ajoutant  continuellement  à celle  qui 
l’a  précédée,  la  pousse  devant  elle  et  allonge  ainsi 
l’ongle  par  juxta-position  et  non  par  intus-susception. 
C’est  donc  une  véritable  excrétion  dont  les  matériaux 
une  fois  déposés  ne  sont  plus  résorbés.  Les  ongles 
arment,  soutiennent  et  protègent  l’extrémité  des  doigts 
et  des  orteils. 

§ 333.  Les  ongles  commencent  à paraître  vers  le 
milieu  de  la  vie  fœtale;  ils  sont  encore  très-imparfaits 
à la  naissance.  Dans  les  races  colorées,  la  couleur  est 
sous-jacente  à l’ongle.  Dans  beaucoup  d’animaux  au 
contraire,  la  couche  colorée  du  corps  muqueux  est 
confondue  avec  la  couche  cornée  dans  la  composition 
des  ongles  et  des  parties  analogues.  Les  parties  les  plus 
ressemblantes  aux  ongles  de  l’homme  sont  les  griffes 
des  carnassiers,  etc.,  qui  entourent  la  face  dorsale  et 
les  côtés  de  la  dernière  phalange , et  se  recourbent  vers 
la  face  plantaire;  et  les  sabots  des  ruminans,  etc.,  qui 
enveloppent  toute  l’extrémité  de  la  dernière  phalange. 
Les  ongles  des  pieds  de  1 homme  prennent  quelquefois 
un  accroissement  considérable  et  une  direction  qui  les 
rapprochent  des  griffes. 

§ 334-  Les  altérations  1 que  l’on  attribue  aux  ongles 

A * 

1 Plenck,  de  Morbis  unguium , m doctnnd  de  rnorbis  cu-~ 
taneis. 


DES  ONGLES. 


3o  i 

leur  sont,  clans  la  réalité,  tout-à-fait  étrangères,  et 
dépendent  uniquement  de  la  peau  qui  les  fournit.  Il 
en  est  de  même  des  productions  cornées  accidentelles; 
c’est  dans  le  tissu  sous-jacent  qu’il  en  faut  chercher 
l’origine. 

Lorsqu’un  ongle  est  arraché  par  violence  ou  détaché 
par  une  maladie  delà  peau  sous-jacente , il  repousse 
lentement  et  diffère  plus  ou  moins  de  l’ongle  primitif, 
suivant  que  l’affection  de  la  peau  persistait  plus  ou 
moins  quand  il  a repoussé. 

Il  se  forme  des  lames  cornées,  plus  ou  moins  analo- 
gues aux  ongles,  sur  des  cicatrices,  sur  le  bout  des 
orteils,  et  sur  d’autres  endroits  exposés  à des  pressions 
ou  des  frottemens  rudes  et  réitérés:  tels  sont  les  cal- 
losités, les  oignons,  etc.  L’ichthyose  simple  ou  en 
plaques  n’en  diffère  que  par  son  étendue  et  parce  que 
sa  cause  est  ignorée. 

Les  cors  consistent  aussi  en  productions  cornées 
accidentelles,  arrondies,  petites,  très-dures,  et  qui  par 
la  compression  qu  elles  transmettent,  irritent,  enflam- 
ment, percent  quelquefois  la  peau,  et  même  altèrent 
les  os  ou  les  articulations  sous-jacentes. 

Des  cornes  ou  des  productions  cornées  conoïdes 
plus  ou  moins  allongées,  ont  été  observées  depuis 
1 antiquité  un  grand  nombre  de  fois  sur  presque  toutes 
les  parties  de  la  peau.  Quelquefois  une  seule  de  ces 
excroissances  existe  sur  un  individu  et  s’est  développée 
ou  sur  une  cicatrice,  ou  dans  un  follicule  sébacé,  ou 
sur  quelque  point  de  la  peau  préalablement  altéré,  ou 
bien  sans  qu’on  ait  rieiî  remarqué  de  particulier  dans 
la  peau  avant  la  production  cornée;  d’autres  fois  il 


3o2 


ANATOMIE  GENERALE. 


existe  sur  presque  tous  les  points  de  la  peau  des  pro- 
ductions de  ce  genre,  ce  qui  constitue  une  espèce  d’ich- 
tliyose. 

On  peut  rapprocher  des  productions  cornées  acci- 
dentelles, et  regarder  comme  du  tissu  corné  imparfait 
les  verrues  de  la  peau  et  les  poireaux  de  la  membrane 
muqueuse,  les  uns  et  les  autres  participant  du  tissu 
corné  et  de  celui  de  la  membrane. 

Les  ongles  se  ramollissent,  se  carnifient,  deviennent 
du  tissu  corné  imparfait,  végètent  irrégulièrement, 
présentent  des  excroissances,  deviennent  secs,  cas- 
sans,  etc. , dans  certaines  affections  générales  ou  locales 
de  la  peau,  ainsi  que  par  le  contact  habituel  des  alcalis, 
des  acides , etc. , comme  cela  a lieu  dans  quelques  pro- 
fessions. Ils  participent  d’ailleurs  toujours  à l’état  sain 
ou  malade  de  ia  peau,  dont  ils  sont  une  production. 
L’ongle  entré  dans  la  chair  n’est  que  la  cause  méca- 
nique d’une  inflammation  de  la  peau. 

IL  Des  poils  \ 

§ 335.  Les  poils , pili , crin  es  y sont  des  filamens  cornés, 

1 P.  Chirac,  Lettre  écrité  à M.  Regis , sur  la  structure  des 
cheveux.  Montpellier,  1688.  — M.  Malpiglii , de  Prfis  obser- 
vationes  in  op. posth. — Withoff,  Ancitome  pili  humani  Duisb. 
ij5o.  et  in  Comm.  soc.  scient.  Gotting  . 1703.  — J.  II.  Knip- 
liof,  de  Pilorum  usu.  Erf.  1754*  — Duverney,  OEuvres  ana- 
tom.  Paris,  1761.  — Albinos,  Acad,  annot.  lib.  IV,  cap.  ix. 
— .T.  P.  Pfaff. , de  Variet.  pilor.  natural.  et prœternat.  Halæ , 
1796.  Car.  Asm.  Rudolphi,  Dis  s.  de  pilorum  structurâ.  Grv- 
phiswald.  180b.  — Gautier,  L.c.  — Heusinger,  L.  c.  etc. 


des  poils. 


3o3 


en  général  fins  et  longs  qui  garnissent  en  plus  ou  moins 
grand  nombre  presque  toutes  les  parties  de  la  peau , 
excepte  la  paume  des  mains  et  la  plante  des  pieds. 

Chaque  poil  consiste  en  un  bulbe  ét  une  tige,  et 
chacune  de  ces  parties  aune  texture  assez  compliquée, 
distincte  surtout  dans  les  poils  les  plus  volumineux. 

§ 3r36.  Le  bulbe  ou  follicule  des  poils,  que  Malpighi 
comparait  aux  vases  dans  lesquels  les  jardiniers  plan- 
tent des  végétaux,  et  que  Chirac  a très-bien  décrit,  est 
situé  dans  l'épaisseur  du  derme  ou  au-dessous  de  lui; 
il  a une  forme  ovoïde;  par  une  de  ses  extrémités,  qui 
pénètre  obliquement  à travers  la  peau , il  communique 
à la  surface  de  cette  membrane;  et  par  l’autre,  qui  est 
profonde  et  garnie  de  quelques  filamens  implantés 
comme  des  racines,  il  est  plongé  dans  le  tissu  cellu- 
laire sous-cutané.  Il  est  formé  à l’extérieur  d’une  mem- 
brane capsulaire,  ferme , coriace,  blanche , qui  se  con- 
tinue par  l’extrémité  superficielle  avec  le  derme.  En 
dedans  de  cette  membrane  en  est  une  autre  plus  mince , 
molle , rougeâtre  ou  diversement  colorée,  et  qui  semble 
être  la  continuation  du  corps  muqueux.  La  cavité  de 
ce  follicule  membraneux  est  en  grande  partie  remplie 
d’un  bourgeon  ou  papille  conique , adhérant  par  sa  base 
au  fond  de  la  cavité,  et  libre  par  son  sommet  qui  s’élève 
i vers  l’orifice  du  follicule. 

Des  vaisseaux  sanguins  arrivent  à la  papille  ; sui- 
vant Gautier,  par  le  goulot  du  bulbe,  en  rampant 
entre  ces  deux  couches  membraneuses,  et  suivant  mes 
1 propres  observations , par  le  fond.  J’ai  aussi  suivi,  par 
la  dissection,  des  filets  nerveux  jusque  dans  la  racine 
du  follicule  , que  je  regarde  en  conséquence  comme 


I 


3o4  anatomie  générale. 

formée  par  des  vaisseaux,  des  nerfs,  et  du  tissu  cellu- 
laire. 

Les  bulbes  des  poils  semblent  donc  consister  en  une 
petite  partie  de  la  peau  enfoncée , déprimée  ou  retour- 
née sur  elle-même,  surmontée  d’une  papille,  et  munie 
de  vaisseaux  et  de  nerfs  volumineux  eu  égard  à la  peti- 
tesse de  l’espace  où  ils  se  distribuent. 

On  trouve  enfin  dans  l’épaisseur  du  goulot  de  ce 
bulbe  pilifère  plusieurs  petits  follicules  sébacés  dis- 
posés circulairement. 

§ 307.  La  tige  du  poil  est  implantée  par  une  de  ses 
extrémités  dans  le  bulbe  pilifère,  et  libre  dans  le  reste 
de  son  étendue.  Sa  forme  est  conoïde,  l’extrémité 
libre  é:ant  un  peu  plus  mince  que  le  reste.  Sa  longueur 
est  très -variable,  son  épaisseur  varie  beaucoup  aussi. 
La  base  est  creuse , logée  dans  le  bulbe  où  elle  embrasse 
la  papille;  le  sommet  est  souvent  fendu  ; quelle  que  soit 
la  couleur  du  poil , sa  racine  est  toujours  blanche  et  dia- 
phane; la  partie  renfermée  dans  le  bulbe  est  toujours 
aussi  plus  molle  que  le  reste,  sa  portion  la  plus  infé- 
rieure et  qui  couvre  la  papille  est  tout-à-fait  fluide. 
On  a dit  que  la  surface  du  poil  était  écailleuse  ou 
garnie  d’aspérités  microscopiques,  libres  du  côté  du 
sommet,  et  adhérentes  du  côté  de  la  racine;  je  n’ai 
jamais  pu  les  voir- 

§ 338.  La  connexion  du  poil  avec  la  peau  a lieu 
comme  il  suit  : il  tient  par  sa  base,  qui  est  creuse,  à la 
surface  de  la  papille;  de  plus,  l’épiderme,  après  s être 
introduit  de  la  surface  de  la  peau  à l’entrée  du  bulbe, 
se  réfléchit  sur  la  base  du  poil,  s’unit  et  se  confond 
avec  sa  surface;  aussi  le  poil  tient-il  fortement  a la 


DES  POILS. 


3o5 

peau , et  ne  peut-on  le  tirer  un  peu  fort  sans  la  tirailler 
douloureusement;  la  séparation  des  poils  s’effectue 
sur  le  cadavre  par  les  mêmes  causes  qui  détachent  de 
la  peau  l’épiderme  et  les  ongles. 

§ 339.  La  tige  du  poil  consiste  en  une  gaîne  cornée, 
diaphane,  à peu  près  incolore,  et  en  une  substance 
intérieure  colorée,  que  l’on  a le  plus  généralement 
décrite  comme  étant  formée  d’un  certain  nombre  de 
filamens,  on  a dit  de  cinq  à une  dixaine,  humectés  d’une 
substance  colorante;  d’autres  ont  dit  d’une  substance 
spongieuse  semblable  à celle  qui  remplit  la  tige  des 
plumes;  d’autres  ont  prétendu  que  les  filamens  inté- 
rieurs étaient  vasculaires;  on  a prétendu  aussi  que  les 
poils  consistaient  en  un  filament  corné  homogène,  ce 
qui  n’est  pas  probable;  Mascagni  les  dit  entièrement 
formés  de  vaisseaux  absorbans.  Il  paraît  au  contraire 
que,  comme  l’épiderme  et  la  corne,  les  poils  sont 
tout-à-fait  dépourvus  de  vaisseaux  et  de  nerfs , qu’ils 
consistent  simplement  en  un  prolongement  de  deux 
couches  du  corps  muqueux,  la  couche  colorée  et  la 
çouclie  cornée,  auxquelles  se  joint  même  l’épiderme. 

§ 34o.  La  couleur  des  poils  est  en  général  relative  à 
celle  de  la  peau  et  des  yeux.  Dans  les  individus  qui 
ont  des  taches  colorées  ou  des  taches  albiniques,  les 
poils  sont  colorés  sur  les  premières,  et  blancs  ou  in- 
colores sur  les  secondes.  Ils  sont  très-résistans  et  sup- 
portent sans  se  rompre  des  poids  assez  considérables. 
Ils  se  fendent  ou  se  déchirent  aisément  en  long.  Ils  sont 
très-hygroscopiques , l’humidité  les  gonfle  et  les  allon- 
ge, la  sécheresse  les  raccourcit  : Saussure  a tiré  parti 
de  ce  phénomène  dans  l’hygromètre  qui  porte  son  nom. 

20 


1. 


3o  6 ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

Ils  sont  idio-électriques.  Ils  dépolarisent  la  lumière,  et 
suivant  le  docteur  Brewster,  ils  possèdent  des  axes 
parfaitement  neutres  : ceux-ci  étant  parallèles  et  per- 
pendiculaires à l’axe  du  poil. 

Suivant  M.  Hatchett,  l’ébullition  prolongée  des 
poils  leur  enlève  un  peu  de  gélatine,  et  la  substance 
restante,  qui  a perdu  une  partie  de  l’élasticité  et  de  la 
ténacité  du  poil , a toutes  les  propriétés  de  l’albumine 
coagulée.  Ils  résistent  beaucoup  à la  putréfaction.  Leur 
couleur  s’altère  d’abord,  mais  la  matière  cornée  résiste 
très-long-temps.  M.  Yauquelin  a trouvé  qu’ils  se  fon- 
dent par  la  décoction  dans  le  digesteur  de  Papin  ; qu’ils 
se  fondent  aussi  dans  l’eau  contenant  quatre  centièmes 
de  potasse  caustique;  que  tous  les  acides  ont  de  l’ac- 
tion sur  eux.  Suivant  ce  célèbre  chimiste,  ils  sont 
composés  d’une  matière  animale  qui  en  fait  la  base, 
d’un  peu  d’huile  blanche  concrète,  d’une  huile  noirâtre, 
de  fer,  d’oxyde  de  manganèse,  de  phosphate  de  chaux, 
de  carbonate  de  chaux,  de  silice  et  de  soufre. 

§34i . Ils  ne  sont  point  irritables,  point  sensibles; 
leur  force  de  formation  ou  de  végétation  est  très-active. 

Les  mouvemens  que  les  poils  peuvent  éprouver  leur 
sont  communiqués  par  les  muscles  peauciers,  et  par  la 
contraction  de  là  peau  elle-même.  Les  très-gros  poils 
ou  les  piquans  de  certains  animaux  sonten  outre  pourvus 
chacun  à leur  racine  d’un  petit  muscle  destiné  à les 
redresser.  Quoique  la  tige  du  poil  soit,  rigoureusement 
parlant,  insensible,  cependant  comme  leur  racine  est 
appliquée  sur  une  papille  pourvue  d’un  nerf,  ils  lui 
transmettent  avec  une  grande  exactitude  les  effets  du 
contact  des  corps  extérieurs  qui  agissent  mécanique- 


DES  POILS. 


nient  sur  eux.  Leur  végétation  ou  production  est  con- 
tinuelle, elle  est  analogue  à celle  de  l’épiderme  et  des 
ongles , et  constitue  comme  elle  une  véritable  excré- 
tion. Quelques  faits  semblent  indiquer  qu’il  se  passe 
dans  leur  intérieur, .non  une  circulation  véritable , mais 
une  imbibition , et  qu’un  liquide  coloré  les  parcourt 
lentement  de  la  racine  vers  l’extrémité  libre.  On  les 
a dit,  sans  preuve,  être  des  organes  d’absorption.  Leur 
usage  est  de  protéger  la  peau  et  de  servir,  dans  quel- 
ques endroits  surtout,  à la  sensation.  Ils  ont  d’ailleurs 
<les  usages  locaux. 

. § 342.  Relativement  aux  régions  qu’ils  occupent,  les 
poils  présentent  des  différences  assez  grandes,  et  ont 
reçu  divers  noms. 

a 

Au  crâne,  on  les  nomme  cheveux,  capilli,  coma , 
cæsaries  : ce  sont  les  poils  les  plus  nombreux,  les  plus 
longs , les  plus  rapprochés  et  les  plus  forts. 

Les  sourcils  et  les  cils  appartiennent  aux  yeux;  les 
orifices  du  nez  et  de  l’oreille  sont  aussi  garnis  de  poils. 

Les  joues,  les  environs  de  la  bouche  et  le  menton 
sont  occupés  par  la  barbe,  barba , julus , mystax , 
pappus. 

Les  aisselles  sont  aussi  garnies  de  poils,  glandebalœ , 
ainsi  que  le  pubis,  pubes , le  scrotum  ou  les  lèvres  de 
la  vulve,  et  le  pourtour  de  l’anus. 

Le  reste  du  corps , soit  le  tronc , soit  les  membres , 
en  est  aussi  plus  ou  moins  garni.  Au  tronc,  il  y en  a 
plus  àja  face  antérieure  qu’à  la  face  dorsale,  ce  qui 
est  le  contraire  de  ce  qu’on  voit  en  général  dans  les 
animaux  ; aux  membres , il  y en  a moins  au  côté  interne 
qu’au  côté  opposé.  En  général  les  poils  de  la  plus 


3û8  ANATOMIE  GENERALE. 

grande  partie  du  tronc  et  des  membres  sont  rares, 
très-fins,  courts  et  à peine  visibles;  ils  n’ont  point  reçu 
de  noms  particuliers,  on  ne  les  trouve  abondans  et 
très-développe's  que  dans  certains  individus  velus,  ho- 
mmes pilosi. 

§ 343.  C’est  vers  le  milieu  de  la  grossesse  que  l’on 
commence  à apercevoir  les  rudimens  des  poils.  Ils  ap- 
paraissent dans  le  corps  muqueux  sous  forme  de  glo- 
bules semblables  à ceux  du  pigment.  Sur  ces  globules 
s’élèvent  de  petits  cônes  creux,  ce  sont  les  gaînes  des 
poils.  Ils  restent  pendant  quelque  temps  sous  l’épi- 
derme et  finissent  par  le  traverser  obliquement;  on  a 
dit  par  des  pores,  mais  on  n’en  voit  pas. 

On  trouve  bientôt  sur  la  peau  du  fœtus  un  duvet  fin, 
lanugo,  d’abord  incolore  qui  couvre  presque  tout  le 
corps,  et  qui  affecte,  dans  les  diverses  régions,  des  direc- 
tions déterminées.  Ces  poils  soyeux  se  détachent  pour 
la  plupart  vers  le  huitième  mois  de  la  gestation,  et  se 
retrouvent  dans  l’eau  de  lamnios  et  dans  le  méconium. 
C’est  dans  la  dernière  moitié  de  la  durée  de  la  grossesse 
que  commencent  à paraître  les  cils,  les  sourcils,  les  che- 
veux. Après  la  naissance  le  reste  du  duvet  tombe.  Vers 
la  puberté  commencent  à paraître  la  barbe,  les  poils 
du  nez  et  de  l’oreille , ceux  de  l’aisselle,  du  pubis , des 
organes  de  la  copulation,  de  l’anus,  et  ceux  du  reste 
du  corps.  Après  l’âge  adulte  et  dans  la  vieillesse,  les 
poils  blanchissent  et  tombent  ordinairement. 

Dans  le  sexe  féminin , les  cheveux  sont  plus  nom- 
breux et  surtout  plus  longs.  Il  n’y  a point  de  barbe 
ordinairement  ni  de  poils  autour  de  l’anus,  et  ceux  du 
reste  du  corps  sont  plirs  rares  et  plus  fins.  Après  l’âge 


des  l'oirs.  * 309 

de  la  fécondité,  la. barbe  se  développe  quelquefois  en 
assez  grande  quantité.  En  général  les  femmes  devien- 
nent moins  souvent  chauves  que  les  hommes. 

Les  races  humaines  présentent,  relativement  aux  poils, 
des  différences  qui  ont  été  déjà  indiqués  (§§  112-117). 

Les  individus  en  présentent  aussi  de  nombreuses  : les 
unes  sont  relatives  à la  couleur,  dont  les  nuances  varien  t 
beaucoup;  d’autres  sont  relatives  à la  grosseur,  à l’a- 
bondance  et  à la  longueur.  Withoff  a trouvé  que  sur 
une  portion  de  peau  de  l’étendue  d’un  quart  de  pouce 
carré  il  y avait  147  cheveux  noirs,  162  châtains  et 
182  blancs. 

Des  parties  très  - analogues  aux  poils  se  trouvent 
dans  quelques  mamnifères,  où  elles  constituent  des 
piquans;  ce  sont  des  étuis  cornés,  colorés,  durs  et  poin- 
tus, renfermant  à l’intérieur  une  substance  spongieuse 
blanche  et  peu  solide  : tels  sont  ceux  du  porc-épic. 
Les  poils  ordinaires  semblent  consister  dans  la  pre- 
mière substance  principalement. 

§ 344  On  trouve  des  poils  accidentels  sur  diverses 
parties  de  la  peau  et  de  la  membrane  muqueuse,  ainsi 
que  dans  des  kystes.  Il  existait  même  une  erreur  popu- 
laire chez  les  anciens , accréditée  par  Plutarque  et  par 
Pline , c’est  que  le  cœur  aurait  été  vu  couvert  de  poils.  > 
Homère,  suivant  quelques-uns,  aurait  même  parlé  du 
cœur  velu  d’Achille,  mais  il  paraît  que  c’est  de  la 
poitrine  velue  de  son  héros  qu’il  a réellement  parlé. 
Quant  aux  autres  faits,  il  paraît,  suivant  la  remarque 
de  Sénac,  qu’il  s’agit  tout  simplement  de  cœurs  hérissés 
de  tissu  cellulaire  accidentel.  Les  poils  accidentels  de 
la  peau  sont  ceux  qu’on  trouve  sur  des  taches  colorées , 


3lO  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

ou  sur  des  parties  de  la  peau  plus  épaisses  que  le  reste  de 
cette  membrane  ; on  en  a vu  aussi  acquérir  beaucoup 
de  développement  sur  des  parties  de  la  peau  précé- 
demment enflammées.  On  a vu  des  poils  implantés  sur 
diverses  parties  de  la  membrane  muqueuse  ; le  plus 
souvent  on  les  a trouvés  libres  dans  les  cavités  tapissées 
par  cette  membrane  ou  rejetés  au -dehors,  soit  seuls, 
soit  faisant  partie  de  concrétions.  Quoique  plusieurs  de 
ces  faits  soient  très-authentiques,  il  ne  faut  pas  oublier 
que  des  poils  peuvent  être  avalés  ou  introduits  par 
d’autres  voies.  Les  poils  des  kystes,  soit  cutanés,  soit 
muqueux,  sont  tantôt  implantés  et  tantôt  libres,  et 
dans  les  deux  cas  ordinairement  mêlés  avec  de  la  graisse 
ou  avec  de  la  matière  sébacée.  Ceux  qui  sont  implantés 
dans  des  kystes  de  l’ovaire  le  sont  ordinairement  sitr 
des  parties  évidemment  cutanées  de  ces  kystes.  Quant 
à ceux  des  loupes  du  sourcil  et  du  crâne,  etc.,  ces 
kystes  ne  me  paraissent  être  que  des  follicules  sébacés, 
et  les  poils  qu’ils  contiennent  que  des  poils  de  la 
peau,  qui  au  lieu  de  se  diriger  à la  surface  de  cette 
membrane  par  l’orifice  du  follicule,  ont  été  déviés  par 
l’agrandissement  accidentel  de  cette  cavité. 

§ 345.  Les  altérations  des  poils  1 , comme  celles  des 
ongles,  ont  toutes  leur  origine  et  leur  cause  dans 
la  partie  productrice;  la  partie  produite,  cornée,  en 
éprouve  les  effets.  Quand  un  poil  est  arraché  par  vio- 
lence ou  quand  il  est  tombé  par  l’effet  d une  aflection 
de  la  peau , et  que  celle-ci  vient  à cesser , il  repousse 

1 Plenck , de  Morbis  capillorum , in  op.  cit.  — G.  Wede- 
itvcyer,  Hisloria. pat  ho  L pilorurn.  Gotting.  1812.  4°* 


DES  POILS. 


3 l I 

et  s’accroît  par  le  même  procédé  organique  que  les 
ongles.  Cette  régénération  s’effectue  de  la  même  ma- 
nière que  la  production  première  (§  343).  Quand  les 
poils  blanchissent  par  les  effets  de  l’âge  ou  par  d’autres 
causes  , c’est  par  l’extrémité  libre  que  l’albinisme  com- 
mence , c’est  de  la  même  manière  que  s’opère  le  blan- 
chiment automnal  de  beaucoup  d’animaux,  ce  qui 
semble  assez  positivement  indiquer  que  l’intérieur  du 
poil  est  le  siège  d’une  sorte  d’iinbibition  dont  la  ma- 
tière serait  fournie  parla  papille  du  bulbe  ou  follicule. 
Ce  qui  semblerait  l’indiquer  encore,  c’est  que,  après 
les  fièvres  graves  et  dans  beaucoup  de  maladies  chro- 
niques, lçs  cheveux,  quand  ils  ne  tombent  pas,  éprou- 
vent une  sorte  d’amoindrissement,  d’atrophie;  ils 
deviennent  transparens  , secs',  cassans;  et,  quand  la 
santé  se  rétablit , ils  reprennent  leurs  qualités  pre- 
mières. On  a vu  aussi  les  cheveux,  après  ou  sans  avoir 
éprouvé  l’albinisme,  changer  de  couleur  et  repousser 
noirs.  Le  phénomène  morbide  de  la  plique,  dans  lequel 
on  dit  que  les  cheveux  ramollis,  carnifiés,  laissent 
couler  du  sang  quand  on  les  coupe  au  niveau  de  la 
peau,  ne  fait  point  exception  à cette  proposition  gé- 
nérale, que  la  tige  du  poil  ne  fait  que  participer  à 
l’état  sain  ou  morbide  de  la  peau  : on  conçoit  en  effet 
que  la  papille  du  poil  peut,  si  elle  est  enflammée, 
s’élever,  renfermée  dans  la  racine  du  poil,  jusqu’au 
niveau  de  la  peau,  et  que  son  tissu  vasculaire  peut  être 
entamé  en  rasant  la  lige  du  poil  ; mais  n’y  a-t-il  pas 
beaucoup  d’exagération  dans  ce  qu’on  raconte  de  la 
plique  ? 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


3l* 


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CHAPITRE  IV. 

DU  SYSTÈME  VASCULAIRE. 

§ 346.  Le  système  vasculaire,  syslema  vasorum , ré- 
sulte de  l’ensemble  d’une  multitude  de  canaux  ramifiés, 
communiquant  entre  eux,  et  dans  lesquels  les  humeurs 
nutritives  parcourent  sans  cesse  toute  l’étendue  du 
corps;  recevant  aux  surfaces  tégumentaires  les  ma- 
tières de  l’absorption  extrinsèque,  et  y abandonnant 
celles  de  la  sécrétion  excrétoire;  déposant  et  reprenant 
alternativement  des  molécules  dans  les  cavités  closes 
des  membranes  séreuses,  et  dans  les  aréoles  du  tissu 
cellulaire  ; fournissant  continuellement  dans  la  subs- 
tance des  organes  des  matériaux  de  composition  , et 
y reprenant  incessamment  ceux  de  la  décomposition. 

§347.  Dans  les  animaux  les  plus  simples,  la  masse 
du  corps  tout  entière,  partout  également  perméable, 
s’imbibe  directement  des  matières  de  l’absorption  et 
rejette  aussi  simplement  celles  de  l’excrétion  ; à un  de- 
gré un  peu  plus  élevé  de  composition  organique,  le 
tégument,  siège  essentiel  de  1 absorption  et  de  la  sé- 
crétion extrinsèque,  est  prolongé  dans  la  masse  du 
corps  pâr  des  ramifications  plus  ou  moins  multipliées , 
à l’aide  desquelles  les  matières  de  l’absorption  sont 
distribuées,  et  celleSde  l’excrétion  puisées,  dans  divers 
points  de  la  masse  ; enfin  dans  un  degré  plus  élevé  ét 
qui  comprend  une  grande  partie  du  règne  animal,  des 


DU  SYSTÈME  VASCULAIRE.  • 3l3 

vaisseaux  parcourent  la  masse  clu  corps  dans  tous  les 
sens,  distribuant  et  reprenant  partout  la  matière  de 
la  nutrition. 

§ 348.  Comme  dans  l’homme  ainsi  que  dans  beaucoup 
d’animaux,  le  sang  contenu  dans  les  vaisseaux  est  conti- 
nuellement porté  d’un  point  central  dans  toutes  les  par- 
ties et  rapporté  détoutes  les  parties  au  centre,  de  manière 
à décrire  un  cercle , on  donne  aussi  à l’ensemble  du 
système  vasculaire  et  de  ses  dépendances  le  nom  d’ap- 
pareil circulatoire;  le  premier  nom  étant  relatif  à la 
conformation  et  le  second  à la  fonction. 

Ce  système  ou  genre  d’organes  comprend  trois  es- 
pèces, dont  deux,  les  artères  et  les  veines,  contiennent 
du  sang;  les  artères  le  portant  à toutes  les  parties,  et 
les  veines  le  rapportant  de  toutes  les  parties,  sont  unies 
au  centre  par  un  organe  creux , musculaire , le  cœur. 
La  troisième  espèce,  les  vaisseaux  lymphatiques,  rap- 
portent non  du  sang,  mais  le  chyle  et  la  lymphe,  et 
les  versent  dans  les  vein.es;  ils  doivent  être  considérés 
comme  un  appendice  du  système  veineux. 

§ 349.  Les  artères  et  les  veines  sont  dans  un  rapport 
tel  avec  le  cœur  et  avec  le  sang,  qu’on  peut  encore  les 
diviser  en  deux  autres  sections. 

Le  sang  est  apporté  par  les  veines  de  toutes  les  par- 
ties du  corps  au  cœur , et  de  là  conduit;  au  poumon  par 
1 artère  pulmonaire;  il  revient  du  poumon  parles  veines 
pulmonaires  au  cœur  pour  être  emporté  par  l’artère 
aorte  dans  toutes  les  parties  du  corps , d’où  il  est  rap- 
porte  par  les  veines  caves.  On  donne  le  nom  de  circu- 
lation pulmonaire  ou  petite  au  trajet  du  sang  du  cœuf 
au  poumon  et  du  poumon  au  cœur,  et  le  nom  de  vais- 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


3i4 

seaux  pulmonaires  aux  voies  de  cette  circulation.  On 

# 

donne  le  nom  de  circulation  générale  ou  grande  au 
trajet  du  sang  du  cœur  dans  tout  le  corps  et  de  toutes 
les  parties  du  corps  au  cœur,  et  le  nom  d’artère  aorte 
et  de  veines  caves,  ou  de  vaisseaux  généraux  à ceux 
que  parcourt  le  sang  dans  ce  trajet. 

§ 35o.  Le  sang  contenu  dans  les  veines  générales  du 
corps , dans  la  moitié  antérieure  ou  droite  du  cœur  et 
dans  l’artère  pulmonaire,  est  d’un  rouge  brun,  on  l’ap- 
pelle veineux;  celui  que  contiennent  les  veines  pulmo- 
naires , l’autre  moitié  du  cœur  et  les  artères  aortiques 
est  d’un  rouge  vermeil  ou  artériel.  On  a divisé  aussi  la 
circulation,  d’après  le  sang  quelle  conduit,  en  celle  du 
sang  noir  et  en  celle  du  sang  rouge.  Bichat,  auteur  de 
cette  division,  aperçue  par  Galien  (II  sect.),  a cru  devoir 
décrire  ensemble  les  voies  de  la  première  sous  le  nom 
de  système  vasculaire  à sang  noir,  et  réunir  celles  de 
la  seconde  sous  le  nom  de  système  vasculaire  à sang 
rouge.  On  voit  tout.de  suite  que  cette  division,  féconde 
en  résultats,  repose  entièrement  sur  une  base  physio- 
logique et  non  sur  la  ressemblance  de  texture  des  par- 
ties. 

§ 35 1. Les  trois  espèces  de  vaisseaux  ayant  beaucoup 
d’analogie  entre  eux;  les  deux  systèmes  vasculaires 
sanguins  ayant  surtout  beaucoup  de  rapport  1 un  avec 
l’autre;  et  les  systèmes  veineux  et  lymphatique  se  res- 
semblant aussi  beaucoup,  il  faut,  avant  de  décrire 
chaque  espèce,  exposer  ces  généralités,  tant  ce  qui  est 
relatif  aux  vaisseaux  en  général,  que  ce  qui  appartient 
à leurs  terminaisons. 


DES  VAISSEAUX. 


3 I 5 

PREMIÈRE  SECTION. 

ARTICLE  PREMIER. 

DES  VAISSEAUX  EN  GÉNÉRAL. 

§ 352.  La  situation  des  vaisseaux  est  intérieure  ou 
profonde.  Les  plus  gros  sont  placés  en  général  vers  le 
centre  du  corps , et  l’on  ne  trouve  aux  surfaces  que 
des  divisions  d une  ténuité  extrême,  et  encore  sont- 
elles  séparées  des  corps  extérieurs  par  une  couche 
de  substance  non  vasculaire. 

Les  vaisseaux  principaux , soit  au  tronc , soit  aux 
membres,  sont  en  générai  placés  dans  le  sens  de  la 
flexion  des  parties. 

En  général,  on  trouve  ensemble,  une  artère,  une 
ou  deux  veines,  et  plusieurs  vaisseaux  lymphatiques  ; 
en  outre  on  trouve  sous  la  peau  beaucoup  de  vaisseaux 
lymphatiques  et  de  veines  et  peu  d’artères. 

§ 353.  Le  volume  respectif  des  vaisseaux  des  trois 
espèces  est  tel  qu’en  général  les  vaisseaux  qui  rappor- 
tent;, savoir  les  veines  et  les  lymphatiques  sont  en- 
semble beaucoup  plus  volumineux  que  les  artères  qui 
portent  le  sang.  Les  veines  mêmes  à elles  seules  ont 
en  général  beaucoup  plus  de  capacité  que  les  artères 
auxquelles  elles  correspondent^  cela  est  surtout  vrai 
des  vaisseaux  généraux  du  corps.  Quant  au  rapport  de 
volume  et  de  nombre,  ou  de  capacité  totale,  entre 
les  vaisseaux  veineux  et  lymphatiques  il  est  moins 
connu  j on  sait  bien  cependant  que  sous  la  peau,  sous 
les  membranes  muqueuses  , et  autour  des  membranes 


3l6  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

• 

séreuses,  il  y a tout  à la  fois  beaucoup  de  veines  et  de 
vaisseaux  lymphatiques;  que  dans  les  interstices  mus- 
culaires des  membres  et  des  parois  du  tronc,  il  y a 
encore  beaucoup  de  vaisseaux  lymphatiques  avec  les 
veines , tandis  que  dans  le  canal  rachidien  et  dans  le 
crâne , il  y a beaucoup  de  veines  volumineuses  , et  peu 
ou  peut-être  point  de  vaisseaux  lymphatiques.  Ces 
derniers  rapports  dépendraient-ils  de  la  différence  de 
la  matière  dont  les  muscles  et  la  substance  nerveuse 
se  nourrissent,  et  par  conséquent  de  la  matière  diffé- 
rente qui  reste  dans  la  circulation.^ 

§ 354=  La  forme  extérieure  du  système  vasculaire  est 
celle  d’un  arbre,  dont  le  tronc  tient  au  cœur,  et  qui 
se  divise  successivement  en  branches , en  rameaux  et 
en  ramuscules  de  plus  en  plus  fins. 

Chaque  partie  depuis  son  origine  d’une  brancheplus 
grosse  jusqu’à  sa  division  en  rameaux  plus  petits  qu  elle, 
conserve  en  général  une  forme  cylindrique. 

Chaque  rameau  étant  plus  petit  que  la  branche  dont 
il  procède , et  plus  gros  que  chacun  des  ramuscules 
qui  naissent  de  lui,  il  en  résulte  une  diminution  suc- 
cessive depuis  le  tronc  jusqu’à  la  fin  de  chacune  des 
dernières  ramifications. 

Comme  en  général  la  somme  des  branches  qui  ré- 
sultent de  la  division  d’un  tronc  1 emporte  sur  le  vo- 
lume du  tronc  lui-même,  il  s ensuit  aussi  que  le  sys- 
tème vasculaire  a la  forme  dun  cône  dont  le  sommet 
est  au  cœur  et  dont  la  base  est  formée  par  1 ensemble 
de  tous  les  ramuscules  répandus  dans  le  corps. 

§ 355.  Le  nombre  des  divisions  du  système  vascu- 
laire, depuis  son  centre  d’origine  jusqu  à ses  dernières 


DES  VAISSEAUX. 


ramifications,  n’est  pas  le  même  clans  toutes  ses 
parties.  On  l’a  beaucoup  exagéré , ep  le  portant  à 
quarante  ; Haller  s’est  beaucoup  plus  approché  de  la 
vérité,  en  portant  à une  vingtaine  le  maximum  des  di- 
visions successives  d’un  vaisseau  depuis  son  tronc 
jusqu’à  ses  dernières  divisions. 

Dans  certains  endroits,  les  vaisseaux  se  divisent  en 
se  bifurquant,  de  manière  que  le  tronc  cesse  par  sa 
division  en  deux  branches , la  branche  par  la  sépara- 
tion en  deux  rameaux.  Ainsi  l’aorte  se  bifurque  en 
iliaques  communes,  celles-ci  se  bifurquent  à leur  tour; 
les  carotides  primitives  se  divisent  également  en  deux. 

Les  vaisseaux  intestinaux  présentent  cette  division 

» 

dichotomique  d’une  manière  remarquable. 

Les  angles  que  les  vaisseaux  forment  en  se  divisant, 
et  sous  lesquels  les  branches  se  séparent  des  troncs  , 
varient,  mais  sont  pour  la  plupart  aigus  du  côté  des 
rameaux.  11  est  bon  d’observer  avec  Haller  que  ces  an- 
gles auxquels  on  a attaché  beaucoup  d’importance  , 
sont  en  grande  partie  détruits  ou  changés  par  la  dissec- 
tion, en  enlevant  le  tissu  cellulaire  qui  entoure  les  vais- 
seaux. H y a quelques  angles  qui  sont  à peu  près  droits, 
ce  sont  en  général  les  premières  et  les  plus  grosses  di- 
visions des  troncs  : ainsi  les  branches  de  la  crosse  de 
l’aorte,  l’artère  cœliaque,  les  rénales,  etc.  ; les  veines 
rénales  et  hépatiques,  les  veines  sous-clavières,  les  ju- 
gulaires, etc.;  le  canal  thoracique,  à son  embouchure 
dans  la  veine  sous-clavière,  et  quelques  autres,  comme 
les  vaisseaux  sacrés  antérieurs,  tarsiens  , etc.  Quelques 
vaisseaux  même  forment  des  angles  obtus  : tels  sont 
les  premiers  vaisseaux  intercostaux  , les  vaisseaux  in- 


3 1 8 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

férieurs  du  cervelet , ceux  du  cœur,  et  quelques  vais- 
seaux des  membres  , etc.  La  plupart  enfin  forment  des 
angles  aigus,  et  souvent  très -aigus,  tels  sont  par 
exemple  les  vaisseaux  spermatiques. 

Il  faut  observer  relativement  aux  angles , que  l’on 
regarde  comme  droits  et  même  comme  obtus  , que 
la  plupart  sont  réellement  aigus;  mais  à une  petite  dis- 
tance de  leur  origine,  les  branches  après  un  court  tra- 
jet, changent  de  direction  , se  réfléchissent  et  suivent 
un  trajet  rétrograde  ou  contraire  à celui  du  tronc, 
à peu  près  comme  on  le  voit  dans  les  branches  des 
saules  pleureurs. 

Il  n’y  a aucune  loi  ou  règle  générale  à déduire  de 
l’observation  sur  les  angles  que'  forment  les  divisions 
des  vaisseaux.  Ainsi  l’on  voit  des  grosses  branches  aussi 
bien  que  des  petites , et  des  branches  voisines  du 
tronc  et  de  son  origine , aussi  bien  que  des  rameaux 
très  - éloignés  naître  sous  des  angles  plus  ou  moins 
aigus. 

Ce  qui  est  vrai  des  gros  vaisseaux  l’est  également  des 
plus  petits  dans  les  divisions  desquels  on  trouve  éga- 
lement des  angles  aigus  pour  la  plupart,  quelques-uns 
droits  et  même  quelques-uns  obtus. 

§ 356.  Les  branches  des  diverses  parties  du  système 
vasculaire , tout  en  se  divisant  ou  se  ramifiant  à me- 
sure qu  elles  s’éloignent  de  l’origine  ou  du  centre  du 
système , ont  cependant  entre  elles  des  communica- 
tions ou  anastomoses.  Les  vaisseaux  lymphatiques  sont 
ceux  qui  en  ont  le  plus , les  veines  en  ont  beaucoup  , 
les  artères  en  ont  moins , et  cependant  en  ont  encore 
un  très-grand  nombre.  Ces  communications  ont  lieu 


DES  VAISSEAUX.  3 Ip 

par  la  rencontre  et  la  réunion  de  deux  vaisseaux  d’une 
même  espèce  et  d’un  volume  égal. 

Dans  quelques  endroits  deux  vaisseaux  marchant 
obliquement  l’un  vers  l’autre,  se  réunissent  en  un 
seul  tronc  qui  suit  la  direction  moyenne  ou  diagonale 
des  deux;  telle  est  la  réunion  des  deux  artères  verté- 
brales pour  former  la  basilaire  , celle  des  artères  spi- 
nales antérieures,  celle  de  l’aorte  et  de  l’artère  pulmo- 
naire dans  le  fœtus,  celle  de  beaucoup  de  veines,  etc. 

Les  vaisseaux  s’anastomosent  le  plus  souvent  en  for- 
mant par  leur  rencontre  une  arcade,  de  la  convexité 
de  laquelle  partent  des  rameaux.  G est  ce  que  l’on  voit 
dans  les  vaisseaux  mésentériques  ou  intestinaux  , au- 
tour des  articulations , à la  main,  au  pied,  etc. 

Dans  d’autres  endroits,  deux  vaisseaux  suivant  cha- 
cun leur  direction  communiquent  par  une  branche 
transversale;  telle  est  la  communication  des  artères 
ombilicales  entre  elles  dans  le  placenta , telles  sont 
celles  des  artères  du  cerveau  , du  côté  droit  avec  le 
côté  gauche,  et  de  la  partie  antérieure  avec  la  pos- 
térieure , telles  sont  aussi  celles  de  beaucoup  de  veines 
et  d’artères  des  membres. 

Dans  plusieurs  parties,  ces  communications  diverses 
et  plus  ou  moins  nombreuses,  forment  des  cercles  ou 
des  polygones  , comme  celui  de  Ridley  ou  de  Willis, 
sous  le  cerveau  ; ceux  de  l’iris,  de  la  bouche  , celui 
qui  entoure  l’estomac,  etc. 

Dans  un  grand  nombre  de  parties,  ou  presque  par- 
tout, les  vaisseaux  qui  s’anastomosent  en  arcades,  se 
réunissant  également  avec  d’autres  provenant  de  bran- 
ches, les  unes  plus  rapprochées,  les  autres  plus  éloi- 


320  ANATOMIE  GENERALE. 

gnées  du  centre  du  système  vasculaire  , établissent  des 
voies  collatérales  à la  circulation  : ainsi,  par^  exemple, 
les  vaisseaux  circonflexes  de  la  hanche  communiquent 
tout  à la  lois  par  en  haut  avec  des  vaisseaux  du  tronc, 
et  par  en  has  avec  des  vaisseaux  du  genou , et  ceux-ci, 
en  m.ême  temps,  communiquent  aussi  avec  des  rameaux 
nés  des  vaisseaux  de  la  jambe. 

En  général,  le  vaisseau  ou  les  vaisseaux  qui  résul- 
tent d’une  anastomose,  sont  plus  volumineux  que  cha- 
cun des  vaisseaux  abouchés , et  moindres  que  la  somme 
de  ces  vaisseaux. 

Les  anastomoses  sont  d’autant  plus  multipliées 

« 

..quelles  ont  lieu  entre  des  vaisseaux  plus  petits  et  dans 
des  parties  plus  éloignées  du  centre  ; elles  ont  lieu  aussi 
entre  de  grosses  branches  aux  extrémités  du  corps , 
par  exemple,  dans  la  cavité  du  crâne,  à la  main  et 
au  pied.  Dans  la  plupart  des  endroits,  elles  font  com- 
muniquer des  vaisseaux  dont  l’origine  est  assez  rappro- 
chée; dans  quelques-uns  elles  en  font  communiquer 
dont  l’origine  est  assez  distante  , ou  même  très-éloi- 
gnée,  comme  de  la  région  sous-clavière  à la  région 
inguinale  par  exemple.  Les  anastomoses  des  vaisseaux 
sanguins  sont  plus  nombreuses  et  plus  grandes  au- 
tour des  articulations  que  dans  les  intervalles;  celles 
des  veines  et  des . vaisseaux  lymphatiques  sont  en- 
core très-fréquentes  entre  les  troncs  principaux;  celles 
des  veines  en  particulier  sont  très-multipliées  sous  la 
peau.  n < 

On  se  fera  une  idée  du  nombre  et  de  l’importance 
des  anastomoses  quand  on  saura  que  l’aorte  1 peut 

1 Scarpa , sur  l’Anévrysme,  traduit  par  Delpech,  Paris, 


DES  VAISSEAUX. 


321 


être  rétrécie , oblitérée , liée  même , sans  que  la  cir- 
culation ou  l’injection  cesse  de  faire  parvenir  des 
liquides  dans  toutes  les  parties  du  corps  ; que  les 
plus  "rosses  veines  1 , les  veines  caves  elles-mêmes , 
étant  oblitérées , le  sang  circule  néanmoins  ; et  que 
le  canal  thoracique  9 a pu  être  impunément  obli- 
téré ou  lié. 

Les  anastomoses  ont  pour  but  de  favoriser  et  de 
régulariser  la  circulation  des  humeurs. 

§ 357.  Les  gros  vaisseaux  suivent  une  direction  pas- 
sablement droite  j en  général  parallèle  à l’axe  du  corps-; 
c’est  pour  cela  qu’on  pratique  de  préférence  les  inci- 
sions en  long  pour  éviter  de  les  léser. 

Cependant,  en  beaucoup  d’endroits,  les  vaisseaux 
ont  une  direction  flexueuse.  La  flexuosité  consiste  en 
un  trajet  alternativement  ondulé  au-dessus  et  au-des- 
sous d’une  ligne  droite;  elle  augmente  par  l’état  de 
réplétion  ou  d’injection  des  vaisseaux  du  cadavre,  et, 
dans  les  artères,  pendant  la  systole  du  cœur;  elle 
diminue  dans  les  circonstances  opposées;  elle  diminue 
surtout  beaucoup  par  la  dissection  exacte  des  vais- 
seaux. Les  flexuosités  sont  très-marquées  dans  les  vais- 
seaux des  parties  sujettes  à de  grands  changemens  de 
volume,  de  figure,  de  situation;  comme  la  bouche, 

« » • 

1809.  — A.  Cooper  et  B.  Travers,  Surgical  essays , part.  1, 
Lond.  1818. 

’ J.  Hodgson,  Maladies  des  artères  et  des  veines,  traduit 
par  M.  iireschet,  Paris,  1809. 

3 Flandrin,  Journal  de  médecine,  tom.  LXXXVII,  Paris  , 
1791.  — A.  Cooper,  in  Medical  records  an  researchcs3  etc. 
Lond.  i8i3. 


1. 


21 


3^2  ANATOMIE  GENERALE. 

1 estomac,  1 intestin,  la  vessie,  luterus,  la  langue  et 
le  testicule  avant  sa  sortie,  etc.,  et  de  celles  qui  sont 
sujettes  à de  grands  mouvemens,  comme  les  environs 
des  articulations  : ici  cependant  il  y a moins  de  flexuo- 
sités, mais  les  vaisseaux  sont  très-élastiques. 

Les  vaisseaux  de  la  rate,  ceux  du  cerveau  , les  veines 
spermatiques,  sont  aussi  très-flexueux  , sans  que  cela 
paraisse  destiné  au  même  usage. 

Les  flexuosités  des  vaisseaux  sanguins  sont  plus  mar- 
quées que  celles  des  vaisseaux  lymphatiques,  et  celles 
des  artères  plus  grandes  que  celles  des  veines. 

§ 358.  La  disposition  symétrique  des  vaisseaux  est 
très-imparfaite.  Elle  n’existe  point  dans  leurs  parties 
centrales  ; ils  sont  à peu  près  symétriques  dans  leurs  di- 
visions qui  appartiennent  à des  parties  symétriques; 
et  asymétriques  dans  celles  qui  appartiennent  à des 
parties  sans  symétrie.  Les  artères , les  veines  et  les  vais- 
seaux lymphatiques  présentent  également  cette  dispo- 
sition.Dans  certains  animaux  et  dans  l’embryon,  le  sys- 
tème vasculaire  et  plus  symétrique  que  dans  l’homme 
adulte.  Du  reste,  outre  le  défaut  général  de  symétrie, 
le  système  vasculaire  est  encore  sujet  à beaucoup  d’ir- 
régularités dans  sa  distribution. 

§ 359.  Les  parois  des  vaisseaux  tiennent  par  la  sur- 
face externe,  qui  est  floculente,  à la  masse  du  corps 
dans  laquelle  ils  sont  ramifiés;  leur  surface  interne  est 
lisse,  polie,  luisante,  humide,  et  en  contact  avec  les 
humeurs  circulatoires;  elle  présente  des  éperons  sail- 
lans  là  où  les  branches  forment  des  angles  aigus  avec  les 
troncs.  Les  parois  ont  une  épaisseur  qui,  relativement 
au  volume  du  vaisseau,  va  en  augmentant  des  troncs 


DES  VAISSEAUX. 


îai 

yers  les  ramifications.  La  cavité  présente  exactement, 
comme  cela  vient  d’être  dit,  § 354,  des  vaisseaux  eux- 
mêmes,  la  forme  cylindrique  dans  chaque  division  ; la 
forme  d’un  cône  décroissant  en  allant  du  tronc  vers 
une  des  dernières  divisions;  et  celle  d’un  cône  crois- 
sant du  tronc  vers  l’ensemble  des  rameaux. 

§ 36o.  La  texture  des  vaisseaux  résulte,  plus  ou  moins 
distinctement,  de  plusieurs  couches  superposées. 

La  membrane  intérieure  est  mince,  blanchâtre , plus 
ou  moins  diaphane,  uniforme,  sans  fibres  apparentes , 
partout  continue,  mais  différente  dans  les  artères  et 
dans  les  veines.  Elle  ressemble  beaucoup  aux  mem- 
branes séreuses.  Elle  est  humectée  d’un  liquide  dont 
on  ne  connaît  pas  bien  la  source.  Elle  forme  un  plus 
ou  moins  grand  nombre,  suivant  les  espèces  de  vais- 
seaux, de  valvules  ou  replis  disposés  de  manière  à per- 

ê 

mettre  le  passage  des  humeurs  dans  le  sens  suivant 
lequel  se  fait  la  circulation,  et  à l’empêcher  dans  le 
sens  opposé. 

La  membrane  externe,  qu’il  ne  faut  pas  confondre 
avec  la  gaîne  cellulaire  qui  entoure  lâchement  les  vais- 
seaux, est  plus  épaisse  que  l’interne , fibro-cellulaire 
et  généralement  formée  de  filamens  obliques  à la 
direction  du  vaisseau  et  entre-croisés  entre  eux. 

Entre  ces  deux  membranes  on  en  trouve  une  autre 
fibreuse,  distincte  dans  toutes  les  artères  que  l’on  peut 
soumettre  à la  dissection,  ainsi  que  dans  les  grosses 
veines. 

S 36 1.  La  membrane  externe  du  système  vasculaire, 
et  surtout  la  membrane  moyenne  des  vaisseaux  qui  en 
sont  pourvus,  sont  formées  d’une  fibre  particulière. 

Cette  fibre  a été  nommée  fibre  élastique,  tissu 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


3 24 

fibreux  élastique,  etc.,  quoique  la  plupart  <ies  organes 
soient  élastiques  et  fibreux,  mais  parce  qu’elle  jouit  de 
l’élasticité  au  plus  haut  degré  : elle  avait  déjà  été  aper- 
çue par  Nicholls,  par  J.  Hunter  et  par  M.  Ev.  Home  1 ; 
quelques  anatomistes  et  chimistes  modernes  s’en  sont 
occupés  2. 

Elle  forme  non-seulementlesparois  des  vaisseaux,  mais 
celles  des  canaux  aériens;  elle  double  aussi  certains  con- 
duits excréteurs  ; elle  forme  l’enveloppe  du  corps  ca- 
verneux et  celle  de  la  rate,  les  ligamens  jaunes  des  ver- 
tèbres; elle  forme  de  plus,  dans  divers  animaux,  le 
ligament  cervical  postérieur,  une  tunique  abdominale 
aux  grands  mammifères,  un  ligament  qui  relève  les  on- 
gles des  chats,  celui  qui  ouvre  les  coquilles  bivalves;  et, 
dans  la  plupart  des  animaux  mammifères,  elle  remplace, 
les  muscles  des  osselets  du  tympan.  Mais  c’est  surtout 
dans  la  membrane  moyenne  des  artères,  dans  les  liga- 
mens jaunes,  et  dans  celui  de  la  nuque,  que  ses  carac- 
tères sont  le  plus  tranchés.  Elle  existe  sous  deux  formes 
principales  : celle  de  canal , comme  dans  les  parois  des 
artères;  et  celle  de  faisceau,  comme  dans  les  ligamens 
jaunes. 

Cette  fibre  est  opaque,  d’un  blanc  jaunâtre  et  mat, 
sèche,  ferme,  disposée  en  faisceaux  toujours  parallèles 
ou  très-peu  obliques,  jamais  entrecroisés,  ni  réunis  pai\ 
du  tissu  cellulaire,  et  très-faciles  à séparer.  Elle  est  émi- 
nemment élastique  : distendue  elle  s’allonge  sensible- 
ment, et,  dans  quelques  parties,  elle  acquiert  le  double 

1 Croonian  Lecture  on  musculdr  motion , in  philos,  trans. 
ann.  179$. 

2 H.  Hauff,  do  Systemate  telœ  elasticœ , etc.  Tubingæ, 
1822.  — Çhevreul , note  inédite. 


DBS  VAISSEAUX. 


3a5 

de  sa  longueur;  abandonnée  ensuite  elle  revient  suin- 
tement et  avec  force  sur  elle-même.  Sa  ténacité  dans  le 
corps  vivant  est  moindre  que  celle  du  tissu  musculaire, 
et  lui  est  de  beaucoup  supérieure  dans  le  cadavre.  Dans 
les  deux  états,  elle  est  beaucoup  moindre  que  celle  du 
tissu  ligamentaire,  qui,  de  son  côté,  est  presque  inex- 
tensible. Elle  est  plus  tenace  dans  les  faisceaux,  et  plus 
fragile,  au  contraire,  dans  les  vaisseaux. 

Le  tissu  élastique  contient  à peu  près  la  moitié  de 
son  poids  d’eau;  quand  il  l’a  perdue  par  la  dessicca- 
tion, il  acquiert  une  apparence  cornée,  une  couleur 
jaune  foncée,  et  devient  cassant  et  diaphane,  comme  de 
la  corne.  Plongé  en  cet  état  dans  l’eau,  il  l’absorbe  avi- 
dement et  reprend  son  poids,  son  aspect  et  son  élasti- 
cité première.  Il  résiste  beaucoup  à la  macération,  et 
le  tissu  cellulaire  ne  devient  point  alors  apparent  dans 
son  intérieur.  L’action  du  feu  le  crispe  peu,  et  il  laisse 
peu  de  charbon.  La  décoction  le  crispe  à peine,  et  lui 
enlève  un  peu  de  gélatine,  mais  ne  le  fond  jamais,  et  ne 
détruit  pas  son  élasticité.  Les  acides  le  racornissent 
peu,  et  ne  le  rendent  point  transparent;  il  résiste  long- 
temps à leur  action,  ou  n’en  éprouve  aucun  effet.  Les 
solutions  alcalines  étendues  n’altèrent  point  sa  forme  et 
le  dissolvent  peu. 

La  plupart  de  ces  caractères  anatomiques,  physiques 
ou  chimiques  sont  tout-à-fait  opposés  à ceux  du  tissu 
ligamentaire,  et  différens  de  ceux  de  la  fibre  museu^ 
laire,  avec  lesquels  on  a mal  à propos  confondu  le  tissu 
élastique.  Il  ressemble  cependant,  à quelques  égards,  à 
la  fibre  musculaire,  et  paraît  intermédiaire  à cette 
fibre  et  aux  tissus  cellulaires  et  fibreux. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


3 2 6 

Ses  propriété  s vitales  sont  très-obscures,  surtout  dans 
les  ligamens,  et  même  dans  les  gros  vaisseaux. 

Ses  fonctions  dépendent  de  son  élasticité,  qui  par- 
tout est  en  antagonisme  avec  l’action  de  la  pesanteur 
ou  avec  l’action  musculaire. 

§ 362.  Les  parois  des  vaisseaux  sont  elles-mêmes 
pourvues  de  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques,  vcna 
' vasorum . Les  premiers,  très-apparens , peuvent  être 
aperçus  sur  tous  les  vaisseaux  qui  n’ont  pas  moins 
d’une  demi-ligne  de  diamètre  ; mais  ils  ne  peuvent  être 
suivis  jusque  dans  l’épaisseur  de  la  membrane  interne. 
Les  vaisseaux  lymphatiques  ne  peuvent  être  aperçus 
que  sur  les  gros  vaisseaux.  Le  système  vasculaire  est 
aussi  pourvu  de  nerfs  1 fournis  par  la  moelle  et  par  le 
grand  sympathique,  et  qui  se  distribuent  dans  la  partie 
externe  de  l’épaisseur  de  leurs  parois. 

§ 363.  Les  vaisseaux  dont  les  troncs,  les  branches 
et*les  rameaux  principaux  sont  logés  dans  le  tissu  cel- 
lulaire commun,  après  s’être  divisés,  pénètrent  dans 
l’épaisseur  des  organes,  s’y  ramifient  encore  jusqu’au 
point  d’acquérir  un  degré  de  ténuité  qui  les  dérobe  à 
la  vue,  et  s’y  terminent  comme  cela  sera  examiné  tout 
à l’heure  ; mais  la  distribution  des  vaisseaux  dans  les 
organes  varie  sous  plusieurs  rapports  qu’il  faut  succes- 
sivement exposer. 

§ 364-  Leur  origine  est  plus  ou  moins  éloignée  de 
leur  terminaison  , le  trajet  qu’ils  parcourent  est  plus  ou 
moins  long,  par  conséquent.  En  général,  les  vaisseaux  se 

* Wrisberg,  de  Nervis  arlerias  venus  que  comitantibus}  in 
sjlloge  comrn.  Golting.  ï8oo. 


DES  T AISSEAUX.  3^^ 

séparent  de- leurs  troncs  à peu  de  distance  des  organes 
auxquels  ils  sont  destinés.  Lorsque  le  contraire  a lieu, 
cela  tient  à quelque  disposition  locale  : c’est  ainsi  que 
les  vaisseaux  spermatiques  ont  leur  origine  très-éloi- 
gnéedes  organes  où  ils  se  terminent,  parce  que  primi- 
tivement les  testicules  et  les  ovaires  étaient  situés  près 
des  reins. 

§ 365.  Le  nombre,  le  volume,  et  par  conséquent  la 
somme  des  vaisseaux,  ainsi  que  la  quantité  de  liquide 
qu’ils  charrient,  varient  également  dans  les  divers  or- 
ganes. La  plupart  des  organes  reçoivent  plusieurs  vais- 
seaux de  chaque  espèce  : tels  sont  les  muscles , les  os, 
l’encéphale,  l’estomac,  l’intestin,  l’utérus,  etc.;  quel- 
ques-uns ne  reçoivent  qu’un  seul  tronc  artériel  et  un 
seul  veineux:  tels  sont  la  rate,  les  reins,  etc.  Presque 
toujours  les  vaisseaux  se  divisent  beaucoup  à la  surface 
des  organes  avantde  pénétrer  dans  leur  intérieur,  comme 
on  le  voit  pour  le  cerveau,  les  os,  les  muscles,  etc.; 
quelquefois  ils  pénètrent  par  un  seul  point  dans  l’or- 
gane, et  se  divisent  dans  son  épaisseur,  comme  dans  la 
rate,  le  testicule,  etc. 

La  somme  des  vaisseaux,  résultant  de  leur  nombre  et 
de  leur  volume,  ainsi  que  la  quantité  de  liquide  qu’ils 
charrient,  varient  beaucoup.  Les  parties  les  plus  vascu- 
laires sont  les  poumons,  ensuite  les  membranes  tégu- 
mentaires,  ainsi  que  la  pie-mère  et  la  choroïde;  puis 
les  glandes,  les  follicules,  les  ganglions  vasculaires,  la 
substance  corticale  du  cerveau,  les  glanglions  nerveux; 
puis  les  muscles,  le  périoste,  le  tissu  adipeux,  la  subs- 
tance nerveuse  médullaire,  les  os  et  les  membranes 
séreuses;  puis  les  tendons , les  ligamens;  enfin  les  cartU 


3a8 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


lages  et  l'arachnoïde  le  sont  extrêmement  peu  ou  point; 
et  l’épiderme,  les  ongles,  les  poils,  l’ivoire  et  l’émail  des 
dents  paraissent  être  tout- à- fait  dépourvus  de  vais- 
seaux x. 

i 

§ 366‘.  Parvenus  dans  le  tissu  même  des  organes  , et 
arrivés  à un  degré  de  ténuité  plus  ou  moins  grand,  les 
vaisseaux  forment,  par  leurs  divisions  et  subdivisions, 
par  leur  direction  et  par  leurs  réunions  anastomotiques, 
des  réseaux  très-déliés,  et  dont  la  forme  très-variée 
est  toujours  la  même  dans  les  mêmes  parties.  Ce  sont 
des  arborisations  dans  l’intestin  et  dans  l’épididyme,  des 
étoiles  sur  le  foie,  des  houppes  à la  langue,  des  vrilles 
ou  boucles  dans  le  placenta  : c’est  la  forme  de  goupillon 
dans  la  rate,  celle  d’un  faisceau  de  sarment  dans  les 
muscles , celle  de  cheveux  bouclés  dans  le  testicule  et 
dans  le  plexus  choroïde,  celle  d’anses  dans  l’iris , de 
franges  dans  la  pie-mère,  de  treillages  dans  la  pitui- 
taire , d’aigrette  ou  de  panache  dans  la  capsule  du 
cristallin  , etc.  Ces  dispositions  sont  si  constantes  et  si 
régulières,  qu’en  examinant  au  microscope  une  parcelle 
d’un  organe  bien  injecté,  on  reconnaît  aisément  à 
quelle  partie  elle  appartient 1  2. 

§ 3 Gy.  Les  vaisseaux  sont  plus  ou  moins  diaphanes , 
suivant  leur  ténuité  ou  leur  épaisseur;  ils  sont  blan- 
châtres. Quelle  que  soit  la  densité  de  leurs  parois,  sur- 
tout à la  surface  interne,  elles  sont  perméables  dans  le  ea- 

1 V oyez  Sœmmerring,  de  Corp.  human.  fabricâ , t.  IV,  An- 
giologia.  1800.  — G.  Procliaska,  Disquisilio  anat.-physiol. 
organisent  corp.  hum.  etc.  Viennœ , 1812.  cap.  ix.  De  vases 
sanguincis  capiüaribus , etc. 

x Voyez  Sœmmerring,  Loc.  çit.  — Procbaska  , Loc.  cit. 


DES  VAISSEAUX. 


3ap 

davre  et  même  dans  le  vivant,  soit  du  dehors  au  dedans, 

. 

soit  du  dedans  au  dehors.  Ils  ont  une  force  de  ténacité 
ou  de  cohésion1  assez  grande,  mais  qui  n’est  point  la 
# même  dans  les  trois  espèces,  dans  toutes  leurs  parties, 
ni  dans  les  diverses  couches  dont  ils  sont  composés.  Il 
en  est  de  même  de  leur  élasticité 2,  qui  est  en  général 
assez  grande,  et  qui  existe,  soit  dans  le  sens  de  lalon- 
gueur,  soit  dans  le  sens  de  la  circonférence  des  vais- 
seaux. Ils  sont  manifestement  irritables,  et  leur  contrac- 
tilité vitale 3 est  en  général  en  raison  inverse  de  leur 

O . ' 

élasticité.  Ils  ne  sont  point  distinctement  sensibles. 
Leur  force  de  formation  est  très-active. 

§ 368.  Les  vaisseaux  sont  les  canaux  par  lesquels  les 
humeurs  circulatoires  parcourent  et  arrosent  sans  cesse 
toute  la  masse  du  corps  ; ils  sont,  avec  le  cœur,  les 
organes  ou  agens  de  ce  mouvement , tant  par  leur  élas- 
ticité que  par  leur  contractilité  organique  ou  vitale. 

§ 3 6g.  La  formation  et  le  développement  du  sys- 
tème vasculaire  ont  été  surtout  observés  dans  le  poulet 
renfermé  dans  l’œuf,  moins  dans  le  fœtus  des  mammi- 
fères, et  peu  dans  l’espèce  humaine. 

Les  veines,  celles  de  la  vésicule  ombilicale  en  par- 
ticulier, se  forment  avant  le  cœur  et  les  artères.  Il  est 
incertain  si,  dans  les  vaisseaux  allantoïdiens  ou  oinbi- 

1 Cl.  Wintringham , Experimentàl  inquiry  on  some  parts 
of  lhe  animal  structure  London,  1740. 

2 D.  Lïoffman,  Dis  s.  inaug.med.  de  elasticitatis  effectibus 
in  machina  humanâ;  1734 

3 G.  Werschuir,  Diss.  med.  inaug.  de  arler.  et  venar.  vi 
irritabih;  Groning.  1766. — C.  Hastings,  Disp,  physiol.  inaug.. 
de  vi  contractili  vasorum  , etc.  Edinb.  1820. 


33o  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

licaux , les  veines  se  forment  aussi  avant  les  artères.  Il 
est  très-probable  que  dans  le  corps  même  du  foetus  les 
artères  se  forment  avant  les  veines. 

Les  vaisseaux  se  montrent  dans  l’épaisseur  de  la* 
membrane  ombilicale,  sous  la  forme  de  petites  vésicules 
arrondies  et  séparées  les  unes  des  autres  ; ces  vé- 
sicules augmentent  en  nombre,  se  réunissent  entre 
elles,  ce  qui  donne  naissance  à un  réseau  vasculaire 
très-délié.  Ces  premiers  linéamens  sont  d’abord  dé- 
pourvus de  parois  propres,  et  consistent  en  de  simples 
trajets  creusés  dans  la  substance  de  la  membrane.  Cette 
substance  s’amasse  ensuite  de  plus  en  plus  vers  leur 
circonférence,  ce  qui  leur  forme  des  parois.  La  texture 
et  la  composition  de  ces  parois  ne  se  développent  qu’à 
la  longue. 

Quant  à la  simplicité  primitive  du  cercle  circula- 
toire dans  le  fœtus , à sa  complication  successive , à 
la  formation  du  cœur,  à celle  des  vaisseaux  pulmo- 
naires, etc.,  cela  appartient  beaucoup  plus  à 1 anatomie 
spéciale  , et  particulièrement  à l’embryologie  r,  qua 
l’anatomie  générale. 

Le  nombre  des  vaisseaux  en  général  et  leur  dia- 
mètre, et  par  conséquent  leur  somme  totale,  sont,  re- 
lativement à la  masse  du  corps,  d autant  plus  considé- 
rables que  le  sujet  est  plus  rapproché  du  moment  de  la 
formation.  Les  vaisseaux  en  général,  les  vaisseaux  san- 
guins surtout,  et  particulièrement  les  artères , augmen- 
tent beaucoup  de  densité  dans  la  vieillesse. 

S 3jo.  Le  système  circulatoire  présente  peu  de  dif- 

1 Ph.  Béelard , Embryologie  ou  Essai  annt.  sur  le  leelus 
humain,  in-4°;  Paris,  1821. 


DES  VAISSEAUX. 


33i 


férences  relatives  aux  sexes  ; cependant  les  vaisseaux 
sont  un  peu  plus  épais  et  plus  forts  dans  le  sexe  mas- 
culin. Il  n’y  a point  de  différences  appréciables  dans  les 
races. 

Les  variétés  individuelles,  au  contraire,  sont  très- 
fréquentes  et  très-nombreuses  dans  ce  système  ; elles 
consistent  surtout  en  des  différences  d’origine,  de 
volume,  de  nombre  et  de  situation  précise  ; elles  exis- 
tent à peu  près  également  dans  les  trois  espèces  de 
vaisseaux. 

§371.  11  se  forme  accidentellement  des  vaisseaux , 
ordinairement  très-fins,  dans  plusieurs  circonslances. 

Les  adhérences , d’abord  simplement  glutineuses , 
deviennent  ensuite  vasculaires.  Il  en  est  de  même  des 
tégumens  accidentels  ou  des  cicatrices.  Toutes  les  pro- 
ductions accidentelles  analogues  aux  tissus  organiques 
sont  dans  le  même  cas.  Les  productions  morbides,  ou 
sans  analogues  dans  l’organisme,  sont,  au  contraire, 
la  plupart  dépourvues  de  vaisseaux.  Ceux-ci  se  for- 
ment, dans  les  cas  dont  il  s’agit,  comme  dans  l’em- 
bryon. La  masse  dans  laquelle  ils  se  forment,  d’abord 
sans  vaisseaux  , consistant  le  plus  souvent  en  un  liquide 
coagulé,  présente  primitivement  des  vésicules  isolées, 
qui , par  leur  réunion , forment  des  trajets  ou  des  ca- 
naux creusés  dans  la  substance,  ou  sans  parois  distinctes 
et  propres;  ces  vaisseaux  communiquent  ensuite  avec 
ceux  des  organes  environnans  ; ils  restent  quelquefois 
plus  ou  moins  long-temps,  ou  même  toujours  différens 
des  vaisseaux  naturels  ou  primitifs  , soit  parleur  mode 
de  division,  soit  surtout  par  l’absence  ou  la  ténuité  et 
la  mollesse  de  leurs  parois;  dans  beaucoup  de  cas, 


332  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

au  contraire,  les  vaisseaux  nouveaux  acquièrent  avec 
le  temps  une  texture  tout-à-fait  semblable  à celle  des 
autres  vaisseaux. 

§3^2.  Parmi  les  altérations  auxquelles  les  vaisseaux 
sont  sujets,  les  unes  sont  communes  aux  trois  espèces  : 
telles  sont  la  dilatation  ou  l’angiectatie  et  les  blessures; 
les  autres  sont  particulières  à chacune  d’elles.  Les  pre- 
mières présentent  même  des  différences  assez  grandes 
dans  chaque  espèce  , pour  qu’il  soit  préférable  de  les 
indiquer  à part. 

ARTICLE  II, 

DES  TERMINAISONS  DES  VAISSEAUX. 

§373.  Les  terminaisons  des  vaisseaux,  fines  v aso 
rum , sont  les  derniers  ramuscules  des  artères  et  les 
premières  radicules  des  veines  et  des  vaisseaux  lympha- 
tiques. Leur  connaissance  est  un  des  points  de  fine 
anatomie  qui  ont  le  plus  exercé  la  patience  des  obser- 
vateurs et  l’imagination  des  éthiologistes , lesquels 
ont  cru,  avec  quelque  apparence  de  raison,  y trouver 
le  secret  de  la  plupart  des  fonctions  et  des  maladies. 

§ 374.  Dans  presque  toutes  les  parties  du  corps , les 
terminaisons  vasculaires  sont  des  ramuscules  et  des  ra- 
dicules d’une  ténuité  plus  que  capillaire  , et  qu’on  ne 
peut  apercevoir  qu’avec  le  secours  du  microscope. 
Dans  quelques  parties  ces  terminaisons,  mais  surtout 
les  radicules-  des  veines,  présentent  plus  d’ampleur  et 
une  disposition  érectile  qui  les  rend  susceptibles  dé- 
prouver une  expansion  plus  ou  moins  considérable. 

Dans  quelques-unes  enfin,  les  terminaisons- des  vais- 

• 

seaux  constituent , par  leur  mélange  et  leur  coin  muni-» 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES. 


333 


cation,  des  ganglions  on  renflemens  vasculaires  parti- 
culiers. 

I.  Des  vaisseaux  capillaires. 

§ 375.  Les  vaisseaux  capillaires 1 ou  microscopiques, 
vasa  capillaria , ainsi  nommés  à cause  de  leur  ténuité, 
sont  bien  plus  fins  encore  que  des  cheveux  , et  ne 
peuvent  être  aperçus  à l’œil  nu  ; quoique  les  radicules 
des  vaisseaux  lymphatiques  participent  à cette  ténuité, 
cependant  c’est  surtout  des  vaisseaux  capillaires  san- 
guins qu’il  sera  question  ici. 

§ 3y6.  Les  anciens,  qui  ignoraient  l’art  d’injecter  les 
vaisseaux , et  celui  de  grossir  les  objets  avec  des  ins- 
trumens  d’optique,  ne  connaissaient  point  les  vaisseaux 
fins.  Ils  croyaient  qu’il  y avait  entre  les  dernières 
divisions  des  artères  et  les  premières  des  veines  une 
substance  sanguine  épanchée,  spongieuse,  appelée  pa - 

r 

renchyme  par  Erasistrate  , haimalope  par  Arétée , et 
dont  ils  croyaient  surtout  que  les  viscères  étaient  for- 
més. Cette  opinion  sur  les  terminaisons  des  vaisseaux 
fut  adoptée  presque  sans  division  par  tous  les  anato- 
mistes jusqu’à  l’époque  de  la  découverte  de  la  circula- 
tion du  sang,  et  depuis  lors  par  un  assez  grand  nombre 
d’anatomistes  encore,  même  jusqu’à  nos  jours. 

Cependant  les  injections  de  Ent2,  en  montrant  le 
passage  direct  et  sans  épanchement  du  liquide  injecté 
des  artères  dans  les  veines;  les  observations  microsco- 
piques deMalpighi3  et  de  Leuwenhoeck 4 faites  sur  des 

1 Prochaska,  de  V asis  sanguin . capill.;  in  Op.  cit . 

1 Apologia  pro  circulât,  sanguin,  in  op.  Leidæ , 1687. 

3 De  pulrnonibuSj  Epist.  II,  in  oper.  omn. 

4 Exp.  et  contempl.  arcan.  natur.  detect.  Epist.  65,67,  etc. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


334 

parties  transparentes  de  reptiles,  de  poissons,  et  meme 
de  chauves-souris,  dans  lesquelles  on  voit  le  sang  passer 
directement  des  artères  dans  les  veines , expériences  et 
observations  répétées  depuis  une  multitude  de  fois , 
ont  dû  faire  et  ont  fait  généralement  rejeter  le  pré- 
tendu parenchyme  interposé  entre  les  terminaisons 
des  artères  et  des  veines  , en  faisant  connaître,  au  delà 
des  dernières  divisions  visibles  à l’œil  nu  , des  divi- 
sions microscopiques  établissant  une  communication 
directe  entre  elles. 

Les  injections  subtiles  et  les  observations  microsco- 
piques conduisirent  bientôt  à admettre , au  lieu  du 
parenchyme  des  anciens , que  tout  est  vaisseau  dans 
le  corps  ; opinion  qui  partage  encore  les  anatomistes. 

§ 877.  Les  vaisseaux  capillaires  sanguins  sont  les  der- 
niers ramuscules  des  artères  et  les  premières  radicules 
des  veines,  ou  bien  ils  sont  intermédiaires  aux  artères 
et  aux  veines,  et,  comme  on  la  dit  en  les  comparant 
au  système  de  la  veine-porte,  étrangers  ou  indifférens 
aux  unes  et  aux  autres.  C est  dans  ces  vaisseaux  que  , 
insensiblement  et  sans  limite  déterminée,  les  artères  se 
changent  en  veines;  ce  dont  on  peut  juger  par  le  change- 
ment successif  de  volume  des  vaisseaux  dans  un  sens  ou 
dans  l’autre,  parle  sens  dans  lequel  se  font  les  divisions 
ou  les  réunions  successives,  et,  à l’extrémité  des  na- 
geoires et  de  la  queue  des  poissons , par  la  direction 
opposée  du  cours  du  sang.  Cependant  on  a assez  gé- 
néralement décrit  les  vaisseaux  capillaires  comme  les 
dernières  divisions  des  artères  plutôt  que  comme  les 
premières  des  veines  ; soit  que  cela  soit  fondé  réelle- 
ment et  dépende  de  ce  que  les  veinules,  plus  grandes 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES. 


335 


que  les  artérioles , acquièrent  un  volume  assez  con- 
sidérable après  un  petit  nombre  de  réunions  ; ou  bien 
de  ce  que  les  veines,  presque  toutes  pourvues  de  val- 
vules et  plus  difficiles  cà  injecter  que  les  artères,  aient 
été  moins  étudiées  quelles.  Ces  deux  raisons  ont  pu 
contribuer  à faire  adopter  l’idée  dont  il  s agit. 

§ 378.  Quoi  qu’il  en  soit,  les  vaisseaux  capillaires 
n’ont  point  tous  le  même  volume  : on  peut  établir  sous 
ce  rapport  trois  degrés  entre  eux,  en  prenant  pour  les 
plus  gros  ceux  qui  commencent  à échapper  à la  vue 
simple,  et  pour  les  plus  petits  ceux  qui  n’admettent 
qu’un  seul  globule  coloré  du  sang  à la  fois,  et  dont  le 
diamètre  intérieur,  par  conséquent,  ne  dépasse  pas 
beaucoup  celui  des  globules  (§  72)» 

Les  vaisseaux  capillaires  les  moins  déliés  éprouvent 
plusieurs  divisions  successives  avant  d’acquérir  la  té- 
nuité d’un  globule  coloré  du  sang. 

Ces  vascules  communiquent  ensemble  par  des  anas- 
tomoses très-multipliées , de  manière  à former  de  vé- 
ritables réseaux. 

Ils  constituent  par  leur  ensemble  la  partie  la  plus 
large  du  cercle  circulatoire,  la  capacité  du  système  ar- 
tériel allant  toujours  croissant  depuis  son  origine  au 
cœur  jusqu  aux  vaisseaux  capillaires,  et  celle  du  sys- 
tème veineux  décroissant  depuis  les  vaisseaux  capil- 
laires jusqu’au  cœur. 

Le  cercle  circulatoire  étant  double  dans  l’homme,  il 
y a deux  systèmes  capillaires  : l’un  général,  entre  les 
terminaisons  des  artères  aortiques  et  les  origines  des 
veines  du  corps;  et  l’autre  pulmonaire,  à la  fin  des  vais- 
seaux de  ce  nom.  On  a avancé  sans  preuve  et  contre 


336 


ANATOMIE  GENERALE. 


toute  vraisemblance,  que  le  système  capillaire  pulmo- 
naire a autant  de  capacité  et  contient  autant  de  sang 
que  le  système  capillaire  général. 

Il  y a encore  deux  autres  petits  systèmes  capil- 
laires dans  l’abdomen,  l’un  entre  lès  artères  et  les 
veines  intestinales,  et  l’autre  entre  l’extrémité  hépa- 
tique de  la  veine-porte  et  l’origine  des  veines  sus-hé- 
patiques. 

§ 379.  La  texture  des  vaisseaux  capillaiies  échappe 
à l’observation.  Ces  vaisseaux  ont  des  parois  minces, 
molles  , transparentes , invisibles  à l’œil  nu  , peu  vi- 
sibles même  au  microscope,  différant  peu  de  la  subs- 
tance des  organes , différant  peu  aussi  des  humeurs 
qu’ils  charrient;  iis  paraissent  plutôt  creusés  dans  la 
substance  des  organes  que  pourvus  de  parois  propres. 
Il  est  très-probable  cependant  que  la  membrane  in- 
terne des  vaisseaux,  au  moins,  se  continue  sans  inter- 
ruption , des  artères  dans  les  veines. 

On  ne  les  distingue  dans  le  vivant  qu’à  la  couleur 
et  à la  direction  du  sang  qui  les  parcourt,  et  dans  le 
mort  que  par  la  couleur  de  l’injection  dont  on  les 
remplit.  Leur  trajet  constant,  continu  et  régulier,  les 
distingue  des  aréoles  spongieuses  et  des  cavités  acci- 
dentelles du  tissu  cellulaire. 

§ 38o.  Quoique  les  parois  de  tous  les  vaisseaux  soient 
perméables , cependant  cette  propriété  est  surtout  re- 
marquable dans  les  plus  petits  vaisseaux 

Ils  sont  très-extensibles  et  très-contractiles.  L irrita- 
bilité allant  croissant,  et  l’élasticité  diminuant  dans  les 
vaisseaux  à mesure  qu’ils  approchent  de  leurs  termi- 
naisons, les  vaisseaux  capillaires  sont  les  plus  irn- 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES.  Ody 

tables x.  Leur  contractilité  est  mise  en  jeu,  soit  par  des 
agens  locaux  et  directs,  soit  par  le  système  nerveux. 

§38i.  C’est  dans  cette  partie  du  système  vasculaire 
que  se  passent  les  phénomènes  les  plus  importans  de 
l’organisme,  du  moins  des  fonctions  végétatives.  La 
circulation  capillaire,  c’est-à-dire  le  passage  du  sang 
à travers  les  vaisseaux  de  ce  nom,  est,  de  toutes  les 
parties  de  la  circulation,  celle  qui,  sans  être  indépen- 
dante de  l’action  du  cœur,  lui  est  le  moins  soumise 
cependant.  C’est  le  point  du  cercle  où  le  mouvement 
du  sang  est  le  plus  lent;  c’est  celui  où  le  sang,  divisé 
en  filets  minces,  a le  plus  de  points  de  contact  avec  les 
parois  des  vaisseaux,  et  est  le  plus  soumis  à l’action  ner- 
veuse. Le  sang  parcourt,  dans  l’ordre  régulier,  le  sys- 
tème capillaire,  en  allant  directement  des  artères  vers 
les  veines;  s’il  rencontre  un  obstacle,  de  nombreuses 
voies  anastomotiques  lui  sont  ouvertes,  et  lui  permet- 
tent de  suivre  son  trajet.  Mais  aussi  ce  système  peut 
être  le  siège  de  congestions,  d’irritations , de  consta- 
tions, qui  y changent  le  cours  ordinaire  des  liquides. 
Ainsi , la  chaleur  humide , appliquée  pendant  quelques 
minutes  au  membre  inférieur  d’une  grenouille,  déter- 
mine une  dilatation  des  vaisseaux  capillaires,  un  ra- 
lentissement local  de  la  circulation,  une  congestion, 
en  un  mot,  qui  rend  très-rouges  les  parties  auparavant 
blanches.  La  même  chose  a lieu,  par  diverses  causes , 
sur  les  mammifères  et  sur  l’homme.  L’application  du 

* Whytt , Physiological  essays , etc.  Edinb.  1761.  — H.  van 
den  Bosh,  über  dns  Mushelwermôgen  der  Haargejasschan. 
Monast.  1786. 


1. 


22 


338 


ANATOMIE  GENERALE. 


froid  ou  d’un  acide  affaibli  produit  des  effets  tout-à- 
fait  opposés.  L’irritation  mécanique  ou  chimique  pro- 
duit d’abord  ce  dernier  effet,  et  plus  tard,  par  une 
sorte  d’attraction,  un  afflux  concentrique  des  liquides 
qui,  clans  beaucoup  de  vaisseaux,  marchent  alors  en 
sens  opposé  au  cours  naturel  du  sang. 

Le  sang  devient  veineux  dans  le  système  capillaire 
général , et  dans  le  pulmonaire  il  devient  artériel. 

§ 382.  Les  vaisseaux  capillaires  sanguins,  tels  qu’ils 
viennent  cl’être  décrits,  ne  sont  point  également  abon- 
dait s et  n ont  point  le  même  volume  dans  toutes  les  par- 
ties. La  somme  des  vaisseaux  de  chaque  partie  peut  être 
estimée  par  la  rougeur  qu’elle  aquiert  dans  les  cas  de 
congestion  ou  d’inflammation,  ainsi  que  quand  elle 
est  injectée  : ce  dernier  moyen  même  est  préférable. 
Les  injections  les  plus  parfaites  qui  aient  été  faites, 
sont  celles  de  Ruysch,  d’Albinus.,  de  Lieberkuhn,  de 
Barth , de  Bleuland , de  Sœmmerring  et  de  Pro- 
chaska. 

Les  injections  de  Ruysch , en  remplissant  les  plus 
petits  vaisseaux,  donnèrent  naissance  à l’opinion  que 
toute  la  substance  solide  du  corps  est  vasculaire.  Ce- 
pendant Ruysch  lui-même  reconnaissait  qu’il  y avait, 
dans  le  corps,  des  parties  plus  et  d’autres  moins  vascu- 
laires, et  d’autres  même  tout-à-fait  dépourvues  de  vais- 
seaux. Albinus,  en  examinant  des  parties  injectées, 
fraîches  et  sèches  successivement,  avait  observé  qua- 
près  les  injections  les  plus  heureuses,  il  reste  toujours 
plus  ou  moins  de  substance  non  injectée,  suivant  la  na- 
ture des  parties  : il  combattit  ainsi  une  opinion  erro- 
née, née  surtout  de  l’examen  de  parties  desséchées  ou 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES.  ÔÔÿ 

macérées,  de  manière  à détruire  ou  à taire  disparaître 
les  parties  non  injectables. 

L’examen  microscopique  et  diverses  expériences 
montrent  également  sur  le  vivant,  qu’il  y a des  parties 
plus,  et  d’autres  moins  vasculaires  : ainsi , si  Ton  exa- 
mine au  microscope  le  mésentère  ou  les  membranes 
natatoires  des  pattes  de  la  grenouille  vivante,  on  voit 
que  les  plus  petits  vaisseaux  capillaires,  ceux  d’un  glo- 
bule sanguin,  sont  séparés  par  dés  intervalles  assez 
grands,  tandis  que  dans  la  membrane  muqueuse  pul- 
monaire du  même  animal  on  ne  pourrait  pas  faire 
une  piqûre  avec  l’aiguille  la  plus  déliée  sans  en  intéres- 
ser plusieurs.  De  même  on  ne  pourrait  pas  trouver,  à la 
surface  libre  du  derme  de  l’homme  vivant,  un  point  où 
une  aiguille  n’ouvrît  plusieurs  vaisseaux,  tandis  que 
dans  les  parties  ligamenteuses  , dans  la  substance  ner- 
veuse, dans  le  tissu  cellulaire,  etc. , on  peut  faire  des 
divisions  d’une  certaine  étendue  sans  faire  sortir  une 
goutte  de  sang. 

Si  toutes  les  parties  solides  étaient  vasculaires  et 

uniquement  vasculaires,  il  n’y  aurait  plus  de  différences 

entre  elles,  tous  les  organes  seraient  homogènes,  il 

n’y  aurait  qu’un  seul  organe  ; simplicité  organique  que 

l’on  ne  trouve  au  contraire  que  dans  les  animaux  dé- 
pourvus de  vaisseaux. 

§ 383.  La  somme  des  vaisseaux  capillaires  sanguins, 
et  leur  proportion  avec  la  substance  solide  et  non  in- 
jectable, ne  sont  pas  moins  intéressans  à considérer 
que  leur  disposition  dans  les  diverses  parties  du  corps. 

Le  tissu  cellulaire  n’est  point  injectable. 

Les  parties  épidermiques  , cornées,  pileuses,  et  les 
dents , ne  le  sont  point  du  tout. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


340 

Les  lobules  adipeux  sont  entourés  de  réseaux  vascu- 
laires extrêmement  fins. 

Les  cartilages  n’éprouvent  aucun  changement  par 
l’injection. 

Les  membranes  séreuses  et  synoviales  rougissent  peu 
par  l’injection , mais  les  masses  et  les  franges  adipeuses 
sont  entourées  de  très-beaux  réseaux  vasculaires. 

Les  membranes  tégumentaires  sont  les  parties  les 
plus  vasculaires.  L’injection  transsude  quelquefois  au 
delà  du  derme  dans  le  corps  muqueux.  Les  vaisseaux 
capillaires  de  la  peau  , d’abord  de  la  première  et  de  la 
seconde  grosseur,  acquièrent  en  pénétrant  dans  les 
papilles  le  plus  grand  degré  de  ténuité.  La  peau  fraîche 
est  beaucoup  plus  colorée  à sa  face  superficielle  ; 

. elle  paraît  également  colorée  partout,  quand  , par  la 
dessiccation,  les  parties  non  injectables,  qui  cachaient 
les  vaisseaux,  ont  disparu.  Les  follicules  cutanés  et  mu- 
queux sont  pourvus  de  réseaux  vasculaires  très-déliés. 
Il  en  est  de  même  des  alvéoles  microscopiques  de  la 
membrane  muqueuse  de  l’estomac  et  de  l’intestin.  Les 
papilles  de  la  membrane  muqueuse  sont  pourvues, 
comme  celles  de  la  peau,  d’une.multitude  de  vaisseaux 
capillaires;  il  en  est  de  même  des  villosités,  du  moins 
à leur  extrémité  adhérente.  La  membrane  muqueuse 
en  général  est  encore  plus  injectable  que  la  peau,  celle 
du  poumon  l’est  surtout  au  plus  haut  degré.  La  mem- 
brane des  sinus  pituitaires  l’est  beaucoup  moins  que  le 
reste.  La  conjonctive  rougit  modérément , et  moins 
par  l’injection  que  par  l’inflammation.  La  membrane 
muqueuse  des  conduits  excréteurs,  et  les  glandes  elles- 
mêmes,  sont  pourvues  de  beaucoup  de  vaisseaux  capil- 
laires. 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES.  34 1 

Le  tissu  ligamenteux  reçoit  peu  de  vaisseaux  san- , 
guins  , la  dure-mère  en  reçoit  un  peu  plus,  le  périoste 
rougit  un  peu  par  l’injection. 

Les  os  n’ont  qu’une  petite  quantité  de  vaisseaux. 

Les  vaisseaux  capillaires  des  muscles  sont  abondans, 
les  plus  petits,  tortueux,  accompagnent  et  entourent 
les  fibres  musculaires  en  s’anastomosant  fréquem- 
ment. 

Le  système  nerveux  est  pourvu  de  vaisseaux  capil- 
laires plus  abondans  dans  ses  enveloppes. et  dans  la 
substance  grise  que  dans  la  substance  médullaire.  La 
pie-mère  et  le  névrilème  en  général , différens  en  cela 
des  enveloppes  de  plusieurs  viscères,  contiennent  les 
vaisseaux  jusqu’à  ce  que  la  plupart  aient  acquis  une 
ténuité  capillaire.  La  substance  grise  de  l’encéphale 
et  les  ganglions  nerveux  possèdent  un  grand  nombre 
de  vaisseaux  capillaires  de  tous  les  degrés  ; là  substance 
blanche,  au  contraire,  soit  du  cerveau,  soit  des  nerfs, 
ne  possède  guère  que  de  très  - petits  vaisseaux  capil- 
laires , et  dans  une  moindre  proportion. 

§ 384-  Il  y a donc  dans  les  divers  organes  une  pro- 
portion plus  ou  moins  grande  de  substance  non  in- 
jectable. 

M.  Meyer  1 ayant  introduit  dans  le  sang  une  ma- 
tière colorante  soit  par  absorption , soit  par  injec- 
tion , conclut  de  la  coloration  diverse  des  parties  du 
corps,  qu’il  y a deux  sortes  d’organes;  les  uns  compo- 
sés pour  la  plus  grande  partie  de  vaisseaux  capillaires  : 

1 Mémoire  sur  l’absorption  veineuse,  etc.:  indeutsches  nr~ 
'hiv,  etc.,  et  dans  le  Journal  complém.  vol.  XI. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


342 

savoir  le  tissu  cellulaire,  les  membranes  séreuses, 
les  membranes  tégumentaires  et  le  tissu  fibreux  ou 
ligamenteux;  les  autres , plus  isolés  des  vaisseaux  san- 
guins, et  formés  de  globules  ou  d’une  pulpe  organique, 
savoir  : les  glandes  , les  os  , les  muscles  et  la  substance 
nerveuse  médullaire. 

Cette  proportion  change  aussi  avec  l’âge  ; au  com- 
mencement, du  moins  dans  les  ovipares,  le  sang  se 
montre  et  présente  des  courans  avant  quil  y ait 
des  parties,  solides  ; bientôt  les  parois  des  vaisseaux 
se  forment;  plus  l’animal  est  jeune  et  rapproché  de 
son  état  fœtal,  et  plus  est  grande  la  proportion  des  vais- 
seaux sur  les  parties  non  injectables;  à mesure  qu’il 
avance  en  âge,  au  contraire,  la  proportion  des  parties 
non  injectables  augmente,  et  celle  des  vaisseaux  capil- 
laires diminue. 

§ 385.  Y a-t-il,  au  delà  des  vaisseaux  capillaires  san- 
guins du  diamètre  d’un  globule  coloré,  d’autres  vais- 
seaux plus  petits,  livrant  passage  à la  partie  incolore 
du  sang?  C est  une  question  très-difficile  à résoudre. 

Boerhaave,  Vieussens,  Ferrein,  Haller,  Sœmmerring, 
Bichat , Chaussier,  et  beaucoup  d’anatomistes  et  de  phy- 
siologistes modernes,  admettent  des  vaisseaux  séreux 
au  delà  des  derniers  vaisseaux  sanguins;  Bleuland 
croit  même  en  avoir  démontré  l’existence. 

D’un  autre  côté,  Prochaska,  Mascagni,  Richerand , 
et  plusieurs  autres,  sont  d’avis  qu’il  n’y  a point  de 
vaisseaux  de  ce  genre.  Il  faut  examiner  les  faits  et  les 
raisons  apportés  à l’appui  de  ces  opinions. 

§ 386.  Edm.  King substitua,  l’un  des  premiers, *à  1 hy- 
pothèse des  anciens  sur  l’existence  d’un  parenchyme 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES.  343 

tîans  les  viscères,  celle  d’une  structure  purement  vas- 
culaire, ce  qui  suppose  qu’il  y a des  vaisseaux  séreux, 
car  les  derniers  capillaires  sanguins  sont  loin  d’occuper 
ou  de  former  la  totalité  des  tissus. 

Vieussens,  et  Boerhaave  surtout,  ont  admis  non- 
seulement  un,  mais  plusieurs  ordres  de  vaisseaux  dé- 
croissans  et  incolores.  Les  disciples  de  Boerhaave , 
Haller,  le  plus  célèbre  d’entre  eux,  et  la  plupart  des 
physiologistes  jusqu’à  ce  jour,  ont  aussi  admis  des 

I 

vaisseaux  séreux  continuation  des  artères  au  delà  du 
point  où  naissent  les  veines  sanguines.  Ils  se  fondent 
sur  les  observations  microscopiques  de  Leuwenhoeck, 
qui  parle  de  vaisseaux  admettant  seulement  des  glo- 
bules séreux,  sur  les  phénomènes  de  l’injection,  et 
surtout  sur  ceux  de  l’inflammation,  qui  rendent  plus 
ou  moins  rouges  des  parties  naturellement  blanches  et 
transparentes. 

On  doit  ajouter  à cela  que  les  vaisseaux  capillaires 
rouges  et  injectables  connus  dans  certains  organes, 
sont  en  si  petite  proportion  avec  la  substance  non  injec- 
table, qu  il  est  difficile  de  concevoir  que  leur  nutrition 
puisse  avoir  lieu  sans  qu’il  existe  des  voies  circula- 
toires plus  étendues  et  plus  multipliées  que  celles  des 
vaisseaux  sanguins  connus. 

J.  Bleuland  1 a ajouté  à ces  raisons  une  expérience 
anatomique,  qui,  si  elle  était  répétée  et  constatée, 
fournirait  l’argument  le  plus  puissant  en  faveur  de 
1 existence  des  vaisseaux  séreux. 

Experimentum  anatomicum , quo  arteriolarum  lympha- 
ticarum  existent  La  probabiliter  adstruitur , institution  , des- 
eriptum , et  icône  illustratum . Lugd.  Bat.  1784.  4°. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


344 

On  sait  que  l’injection  rouge,  fine  et  très-pénétrante, 
passe  aisément  des  artères  dans  les  veines  par  le  sys- 
tème capillaire  intermédiaire.  On  sait  également  que 
la  matière  colorante  reste  dans  les  vaisseaux  capillaires 
lors  même  que  son  véhicule  transsude  et  s’infiltre  dans 
la  substance  environnante , où,  faute  de  couleucj.il  est 
impossible  de  discerner  aucune  forme,  aucune  direc- 
tion particulière  dans  les  voies  ou  les  réservoirs  de 
l’épanchement.  Bleuland  imagina  de  combiner  avec  la 
matière  colorante  rouge  une  autre  matière  blanche 
qui,  au  lieu  d’être  pulvérulente  et  suspendue  dans  le 
véhicule,  y était  dissoute.  Ayant  poussé  cette  injection 
dans  les  artères  d’une  partie  de  l’intestin  dont  les 
veines  avaient  été  préalablement  remplies  d’une  ma- 
tière plus  grossière  et  d’une  autre  couleur , ayant 
ensuite  séparé  la  tunique  péritonéale  de  l’intestin,  il 
observa  dans  la  surface  externe  de  cette  membrane , 
à l’aide  du  microscope,  outre  les  vaisseaux  capillaires 
sanguins  qui  étaient  tous  remplis  de  matière  rouge, 
un  autre  ordre  de  vaisseaux  plus  fins  et  blancs,  nais- 
sant des  plus  petites  artérioles  rouges  et  tout-à-fait 
différens  des  vaisseaux  que  l’on  remplit  par  l’injection 
ordinaire. 

Mais  quels  seraient  ces  vascules  blancs , microsco- 
piques, vus  une  seule  fois  et  sur. une  portion  de  mem- 
brane détachée  des  parties  environnantes.  Sont-ce  des 
artérioles  exhalantes  s’ouvrant  à la  surface  du  péritoine? 
Sont-ce  des  artérioles  séreuses  se  continuant  avec  des 
radicules  séreuses  des  veines,  et  constituant  un  système 
capillaire  séreux?  Sont-ce  enfin  des  artérioles  lyiu- 
phatiques  se  continuant  avec  dés  radicules  des  vais- 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES. 


345 

seaux  lymphatiques?  Il  est  à peu  près  impossible  de 
résoudre  ces  questions.  Ne  seraient-ce  pas  plutôt  des 
trajets  accidentels  ? 

Ceux  qui  depuis  ont  admis  l’existence  des  vaisseaux 
séreux  paraissent  avoir  ignoré  ce  fait  le  plus  puissant 
en  faveur  de  leur  opinion.  Ceux  qui  les  ont  rejetés  l’ont 
également  passé  sous  silence. 

§ 387.  L’opinion  de  Mascagni,  de  Prochaska  et  autres, 
sur  la  non  existence  de  vaisseaux  plus  fins  que  ceux  qui 
donnent  passage  à un  seul  globule  coloré  du  sang,  peut 
être  établie,  en  premier  lieu,  sur  ce  que  l’on  voit  bien  ces 
vaisseaux  à l’aide  du  microscope  dans  les  animaux  vi- 
vans  et  aucunement  des  vaisseaux  plus  petits , quoique 
les  instrumens  microscopiques  donnent  aux  globules 
du  sang  un  volume  tellement  grand  qu’il  serait  encore 
facile  de  distinguer  des  objets  beaucoup  plus  petits; 
en  second  lieu,  sur  ce  que  l’injection  rouge , très-pé- 
nétrante , ne  fait  précisément  découvrir  que  les  vais- 
seaux que  l’on  aperçoit  sur  le  vivant;  si  dans  ce  cas  les 

parties  deviennent  plus  rouges,  surtout  après  la  dessic- 
# 

cation,  cela  peut  tenir  à la  dilatation  des  vaisseaux  et 
à la  disparition  de  la  substance  intermédiaire  ; si  l’in- 
flammation rougit  davantage  encore  les  parties,  c’est 
par  la  dilatation  des  vaisseaux  existans , par  la  forma- 
tion de  vaisseaux  nouveaux,  et  par  l’infiltration  du 
sang  entre  les  vaisseaux.  Quant  à la  blancheur  ou  à 
l’incoloration  naturelle  de  certaines  parties  très-vascu- 
laires , comme  la  conjonctive , elle  dépend  de  ce  que 
les  vaisseaux  capillaires  y étant  extrêmement  fins , la 
couleur  du  sang  ne  peut  y être  aperçue. 

§ 388,  Il  reste  donc  très-difficile  ou  impossible  de  ré-  / 


ANATOMIE  GENERALE. 


346 

soudre  la  question  relative  à l’existence  des  vaisseaux 
capillaires  incolores  ou  séreux;  et,  quand  ce  terme  est 
employé  dans  cet  ouvrage,  c’est  pour  désigner  des  vais- 
seaux capillaires  qui , soit  qu’ils  ne  contiennent  que 
le  sérum  du  sang,  soit  qu’ils  contiennent  le  sang  tout 
entier,  mais  en  séries  d’un  globule,  ce  qui  ne  permet 
pas  d’apercevoir  sa  couleur,  sont  incolores  dans  l’état 
ordinaire.  Cependant  il  est  plus  raisonnable  de  ne  pas 
admettre  l’existence  de  vaisseaux  que  personne  n’a 
jamais  vus. 

§ 389.  Dans  le  double  cercle  que  forment  les  voies 
circulatoires,  la  communication  évidente  des  troncs  ar- 
tériels et  veineux  a lieu  dans  le  cœur,  et  celle  des  troncs 
lymphatiques  avec  les  troncs  veineux  près  de  cet  or- 
gane, dans  les  veines  sous-clavières.  Mais  dans  les  parties 
diamétralement  opposées  de  ce  double  cercle,  dans  les 
systèmes  capillaires,  la  communication  n’est  plus  aussi 
évidente.  Les  anciens  soupçonnaient  celle  des  artères 
avec  les  veines , mais  ne  la  croyaient  pas  immédiate. 
La  découverte  de  la  circulation  du  sang,  en  faisant  né- 
cessairement admettre  cette  communication , laissait 
encore  son  mode  indécis.  Nous  avons  déjà  vu  que  les 
observations  microscopiques  et  les  injections  étaient 
d’accord  pour  démontrer  cette  communication,  et 
même  pour  montrer  qu  elle  est  immédiate. 

L’inspection  microscopique  l’a  démontrée  1 dans  les 
parties  transparentes  des  animaux  ovipares  à sang 
froid,  dans  l’œuf  incubé  des  oiseaux,  et  meme  dans 
les  parties  transparentes  des  mammifères. 

1 Malpighi,  loc.  cil.  — Leuwenhoeck  , loc.  c.ik  Spal- 
lanzani  , Expér.  sur  la  circul.,  p.  9.55. 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES. 


347 

L’injection  l’a  démontrée  dans  presque  toutes  les  par- 
ties du  corps  de  l’homme  et  des  animaux  1 ; soit  en 
poussant  la  matière  par  les  artères , soit  en  la  poussant 
par  les  veines  dans  les  parties,  comme  l’intestin,  où  les 
veines  sont  dépourvues  de  valvules. 

Quelques  anatomistes  avaient  même  admis  des  com- 
munications artério-veineuses  entre  des  vaisseaux  vi- 
sibles à l’œil  nu  et  d’un  certain  calibre  ; ainsi  Cas- 
sérius  en  représente  dans  le  foie,  Riolan  en  décrit  après 
un  anévrysme  guéri,  Leal  Lealis  en  note  entre  les 
artères  et  les  veines  spermatiques.  Ce  sont  des  erreurs, 
c’est-à-dire  des  faits  mal  observés,  combattus  par  Al- 
binus  et  par  Haller. 

Les  communications  artério-veineuses  sont  toutes 
capillaires  et  microscopiques,  mais  il  paraît  que,  dans 
les  animaux  à sang  froid  au  moins,  il  y en  a qui 
donnent  passage  à plusieurs  globules  colorés  à la  fois , 
et  d’autres  à un  seul  globule. 

La  disposition  de  ces  voies  de  communication  a été 
observée  sur  les  animaux  : elles  consistent,  tantôt  sim- 
plement en  un  changement  de  direction  ou  un  recour- 
bementdune  artériole  qui  devient  une  veinule  ; tantôt 
une  artère  et  une  veine  capillaire  parallèles  s’envoient 
aussi  des  ramuscules  de  communication  où  1 artère  se 
changé  en  veine;  tantôt  enfin,  et  cela  est  assez  fré- 
quent, plusieurs  artérioles  se  terminent  ou  se  eon- 

1 Voyez  entre  autres  : Ruysch,  Thés.  anal.  — Winslow, 
Mena,  de  1 arad,  des  sc. — Haller,  de  Fahrica  corp.  hu~ 
mani.  vol.  I.  — Mascagni,  vas.  Ijmph. , etc .'prodromo,  etc. 

Prochaska , loc.  cit.  — Reissessen , de  Structura  pul- 
mon. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


348 

tin uent  en  une  seule  veinule;  dans  tous  les  cas  la  com- 
munication a lieu  par  des  vaisseaux  de  la  capacité  d’un 
à quatre  ou  cinq  globules  colorés. 

§ 390.  Des  physiologistes  modernes  ont  récemment  en- 
core élevé  des  doutes  sur  la  communication  immédiate 
des  artères  avec  les  veines.  M.  Doellinger  pense  que  les 
artères  à leur  dernière  extrémité  cessent  d’avoir  des 
parois,  et  que  le  sang  se  meut  à nu  dans  la  substance 
solide  du  corps  qu’il  appelle  muqueuse;  que  là  une 
partie  du  sang  se  convertit  en  substance  muqueuse,  et 
qu’une  autre  partie  du  sang  continue  son  trajet,  jointe 
à de  la  substance  muqueuse  sanguifiée  qui  entre  en 

• t 

mouvement  et  pénètre  dans  les  vaisseaux  veineux  et 
lymphatiques  naissant  de  la  substance  muqueuse 
comme  les  artères  s’y  terminent. 

M.  Wilbrand  va  plus  loin,  il  admet  une  métamor- 
phose plus  complète  encore  dans  la  circulation  : suivant 
lui , la  totalité  du  sang  se  change  en  organes  ou  en 
substance  muqueuse  et  en  liquides  sécrétés,  et  les 
organes  se  fluidifiant  à mesure,  redeviennent  du  sang 
veineux  et  de  la  lymphe,  qui  continuent  la  circu- 
lation, et  deviennent  aussi  de  la  matière  des  excré- 
tions. 

Dans  l’une  de  ces  deux  opinions,  une  partie , et  dans 
l’autre,  la  totalité  du  sang  se  solidifie,  et  de  même  une 
partie  ou  la  totalité  des  organes  se  fluidifie  à chaque 
tour  de  la  circulation;  dans  l’une  comme  dans  1 autre,  la 
masse  solide  du  corps  est  interposée  entre  les  termi- 
naisons des  artères  et  les  origines  des  veines  et  des 
vaisseaux  lymphatiques.  Elles  supposent  toutes  deux 
que  l’inspection  microscopique  des  animaux  vivans  et 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES,  34^ 

l’injection  sont  des  moyens  infidèles  de  constater  la 
communication  artério-veineuse. 

§ 391.  La  continuation  immédiate  des  artères  et  des 
vaisseaux  lymphatiques  n’est  point  aussi  bien  démon- 
trée que  celle  des  veines  et  des  artères.  Beaucoup  d’ana- 
tomistes cependant  ont  admis  avec  Bartholin , la  con- 
tinuation des  vaisseaux  lymphatiques  avec  des  arté- 
rioles capillaires  plus  fines  que  celles  qui  laissent 
passer  les  globules  colorés  du  sang.  Haller,  et  la  plupart 
des  anatomistes  postérieurs  à lui,  n’admettent  point 
d’autres  origines  aux  vaisseaux  lymphatiques  que  les 
membranes  tégumentaires , les  membranes  séreuses  et 
les  aréoles  du  tissu  cellulaire.  Quelques  autres,  au 
nombre  desquels  il  faut  compter  Mascagni,  admettant 
que  des  vaisseaux  lymphatiques  naissent  aussi  des  pa- 
rois des  vaisseaux  sanguins,  admettent  ainsi  indirecte- 
ment une  communication,  quoiqu’ils  rejettent  la  con- 
tinuation directe. 

L’inspection  sur  les  animaux  vivans  n’apprend  rien 
touchant  cette  communication.  Les  injections  passent 
quelquefois , souvent  même , mais  incolores  ordinaire* 
ment,  des  artères  dans  les  vaisseaux  lymphatiques;  ce 
qui  peut  dépendre  delà  transsudation  dans  la  substance 
cellulaire  et  du  passage  dans  les  vaisseaux  lymphatiques 
qui  en  naissent;  du  passage  des  artérioles  dans  les  vais- 
seaux lymphatiques  de  leurs  parois  admis  par  Mas- 
cagni, tout  aussi  bien  que  d’une  continuation  directe 
et  immédiate,  laquelle  reste  donc  très-douteuse. 

§ 392.  Les  vaisseaux  capillaires  séreux  que  l’on  a ad- 
mis au  delà  des  capillaires  sanguins,  beaucoup  plus  par 
des  considérations  physiologiques  que  d’après  l’obser- 


35o  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

vation  anatomique,  ne  sont  pas  la  seule  hypothèse  de  ce 
genre.  L’absorption  et  la  sécrétion  étant  des  faits  cer- 
tains et  évidens,  comme  le  disait  déjà  le  père  de  la 
médecine  1,  on  a cherché  par  quelles  voies  les  matières 
portaient  du  système  vasculaire,  et  par  quelles  voies 
elles  y entraient  : sans  les  avoir  vues*  on  les  a décrites, 
les  unes  sous  le  nom  de  vaisseaux  exhalans  ou  sécré- 
toires , et  les  secondes  sous  celui  de  vaisseaux  absor- 
bans  ou  inhalans. 

Les  vaisseaux  exhalans  ont  été  admis  par  Haller, 
Hewson,  Sœmmerring , Bichat,  M.  Chaussier,  etc., 
comme  des  vaisseaux  très-simples,  paraissant  être  des 
productions  très-déliées  et  très-courtes,  des  artérioles 
capillaires,  et  répandues  dans  les  membranes  tégumen- 
taires,  lés  membranes  séreuses  et  le  tissu  cellulaire. 

D’autres  anatomistes,  comme  Mascagni,  Prochaska 
et  M.  Richerand,  admettent  au  contraire  l’opinion  que 
c’est  par  des  pores  latéraux  disposés  organiquement , 
que  se  fait  la  sécrétion  ou  l’exhalation. 

Hunter  avait  même  admis  que  c’était  par  des  po- 
rosités ou  interstices  anorganiques  que  la  sécrétion  avait 
lieu,  tout  comme  la  transsudation  cadavérique.  Hewson 
et  Bichat  ont  combattu  cette  opinion. 

Cependant  les  voies  réelles  de  l’exhalation  ou  de  la 

sécrétion  sont  tout-à-fait  inconnues.  Ce  que  l’on  sait 

# 

seulement,  c’est  que  dans  le  vivant,  des  fluides  sor- 
tent sous  forme  de  vapeur  de  tous  les  points  du  sys- 
tème, capillaire,  et  que  plusieurs  se  manifestent  sous 

1 AjjAov,  yi  , as  txzrvoovy  x et)  is'<r;voov  oAav  ro  ray*- 

E p idem.  lib.  VI,  scctx  G.  . 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES.  35  I 

la  forme  liquide,  ou  plus  ou  même  moins  concrète; 
c’est  que  dans  le  cadavre  les  injections  fines,  en  passant 
des  artères  dans  les  veines,  suintent  à la  surface  de  la 
peau  et  de  la  membrane  muqueuse , dans  les  follicules 
muqueux  et  cutanés,  dans  les  conduits  excréteurs  des 
glandes,  à la  surface  libre  des  membranes  séreuses  et 

ü ' 

dans  la  substance  muqueuse,  aréolaire  ou  cellulaire 
qui  constitue  la  masse  solide  du  corps  ; mais  jamais,  et 
nulle  part , on  n’a  vu  des  ramuscules  se  détachant  des 
réseaux  capillaires  et  se  terminant  par  une  extrémité 
ouverte.  Les  voies  de  l’exhalation  ou  de  la  sécrétion 
sont  donc  inconnues.  Il  est  très  - probable  que  c’est  à 
travers  la  substance  solide  et  poreuse  du  corps,  qu’elle 
se  fait.  Cependant  la  sécrétion  est  un  phénomène  orga- 
nique ou  vital  tout  différent  de  la  transsudation  cada- 
vérique, comme  le  démontrent  les  différences  que 
présentent  les  diverses  humeurs  sécrétées  et  les  diffé- 
rences de  quantité  de  ces  humeurs.  Les  noms  des  vais- 
seaux exhalans  ou  sécrétans  ne  peuvent  donc  désigner 
que  les  voies  inconnues  par  lesquelles  sortent  de  la 
circulation  les  molécules  qui  forment  la  matière  des 
sécrétions  intrinsèques  et  des  sécrétions  excrétoires. 

§ 3q3.  On  peut  dire  à peu  près  la  même  chose  des 
voies  de  l’absorption.  Les  vaisseaux  absorbans,  suivant 
l’idée  qu’on  s’en  est  faite,  seraient  des  radicules  béans 
par  une  extrémité,  comme  les  points  lacrymaux,  et  se 
continuant  par  l’autre,  soit  dans  les  réseaux  capillaires 
veineux  et  lymphatiques , soit  avec  les  vaisseaux  lym- 
phatiques seuls , soit  avec  les  veines  seules , dont  ils 
seraient  ainsi  des  origines.  Or,  on  n’a  jamais  vu  ces 
» canaux , jamais  du  moins  leurs  bouches  béantes. 


35a 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


Voici,  au  reste,  les  opinions  et  les  faits  connus  sur  ce 
point  de  fine  anatomie.  Aselli  a dit,  en  parlant  des  vais- 
seaux lactés  ou  chylifères  : ad  intestin  a instar  hirudinum 
orificia  horum  vasorum  hiant  spongiosis  capitulis.  Hel- 
vétius enseigne  que  les  villosités  intestinales  ont  des 
orifices  spongieux.  Liberkünh  parle  d’une  ampoule 
spongieuse  ou  celluleuse.  Hewson  rejette  cette  ampoule. 
Cruikshank  décrit  et  figure  vingt  ou  trente  ouvertures, 
plus  grandes  chacune  qu’un  globule  de  sang,  au  sommet 
de  chaque  villosité.  Sheldon  fait  terminer  les  villosités 
par  un  tissu  spongieux , et  paraît  confondre  avec  elles 
des  follicules.  Mascagni  n’a  pu  voir  d’orifices  au  sommet 
des  villosités.  Feller  et  Werner  décrivent  une  ampoule 
et  y suivent  des  vaisseaux.  Bleuland  admet  des  ouver- 
tures au  sommet  des  villosités.  Sœmmerring  dit  que  l’on 
peut  distinguer  de  six  à dix  orifices  absorbans  dans  cha- 
cune d’elles.  Hedwig  regarde  les  ampoules  comme  spon 
gieuses,  et  représente  à leur  sommet,  un,  plusieurs 
ou  point  d’orifices.  Rudolphi  n’a  jamais  vu  d’orifices, 
et  ceux  qu’on  a admis  lui  paraissent  dépendre  d’illu- 
sions d’optique.  En  voilà  assez  pour  conclure  que  les 
orifices  que  l’on  a décrits  n’existent  pas  distinctement. 
Il  faut  pourtant  ajouter  que  quand  on  fait  une  injec- 
tion très-pénétrante  dans  les  veines  intestinales,  la  ma- 
tière, en  passant  dans  les  artères,  transsude  aussi  à la 
surface  libre  de  la  membrane  muqueuse.  On  sait,  rela- 
tivement à la  peau,  que,  quand  on  a injecté  un  vaisseau 
lymphatique  de  cette  membrane,  si  on  repousse  le  mer- 
cure vers  les  racines  du  vaisseau,  on  finit,  comme  Haase 
l’a  observé,  par  le  faire  sourdre  à la  surface  libre.  Mas- 
cagni a fait,  et  chacun  peut  aisément  répéter  cette  meme 


DES  VAISSEAUX  CATIL!. AIRES. 


353 


expérience  sur  les  vaisseaux  lymphatiques  sous-péri- 
toneaux du  foie.  Enfin  Carlisle  dit  avoir  vu  dans  une 
cellule  du  tissu  cellulaire  des  orifices  de  vaisseaux  lym- 
phatiques. 

Quelque  douteux  et  contradictoires  que  soient  les 
faits,  voici  cependant  l’opinion  généralement  admise, 
c’est  que,  à la  surface  des  membranes  tégumentaires  et 
séreuses,  dans  les  aréoles  du  tissu  cellulaire,  et,  sui- 
vant Mascagni , à la  surface  même  des  vaisseaux , 
il  y a des  orifices  de  radicules  absorbans  conduisant, 
suivant  le  plus  grand  nombre  des  modernes,  dans  les 
vaisseaux  lymphatiques  seulement,  suivant  les  anato- 
mistes antérieurs  à Haller  et  quelques  modernes,  dans 
les  veines  seulement;  et  suivant  d’autres,  dans  les 
vaisseaux  capillaires  sanguins  et  lymphatiques  tout  à la 
fois.  Prochaska  ajoute  à cela,  parmi  les  voies  de  l’ab- 
sorption, les  porosités  organiques  des  vaisseaux  qui 
seraient  ainsi,  tout  à la  fois,  les  voies  de  l’exhalation 
et  des  voies  d’inhalation.  On  a aussi  regardé  l’absorp- 
tion comme  un  phénomène  purement  physique  et 
comparable  à l’attraction  capillaire  ou  à limbibition , 
en  allégant  à l’appui  de  cette  opinion  l’absorption  ca- 
davérique. 

La  vérité  est  que  les  voies  d’inhalation  sont  incon- 
nues : elles  paraissent  être,  comme  celles  de  l’exhala- 
tion, les  porosités  de  la  substance  solide  et  perméable 
du  corps.  Cependant  l’absorption,  tout  comme  la  sé- 
crétion, est  un  phénomène  organique  et  vital  tout 
différent  de  l imbibition  cadavérique , comme  le  dé- 
montrent le  choix  des  substances  absorbées  et  les  modi- 
fications que  présente,  dans  divers  cas,  l’activité  de  fab- 

a3 


i. 


ANATOMIE  GENERALE. 


354 


sorption.  Quand,  dans  cet  ouvrage,  l’expression  vais** 
seaux  absorbans  est  semployée , c’est  pour  désigner 
d’un  seul  mot  les  voies  inconnues  par  lesquelles  les 
substances  étrangères  entrent,  et  les  matières  des  ab- 
sorptions intrinsèques  rentrent  dans  l’appareil  de  la 
circulation. 

§ 394.  L’imagination  ne  s’est  pas  encore  arrêtée  à la 
création  des  vaisseaux  exhalans  et  des  vaisseaux  inlia- 


lans,  dont  il  vient  d’être  question.  On  a aussi  imaginé 
des  vaisseaux  nutritifs. 

Voici  les  principales  opinions  que  l’on  s’est  faites  à ce 
sujet.  Boerhaave  et  R.  Vieussens  ayant  admis  des  vais- 
seaux incolores  et  décroissans;  le  premier  construisit 
de  vaisseaux  toutes  les  parties  du  corps,  même  les 
parties  non  injectables.  Suivant  le  système  de  Boer- 
liaave,  les  plus  petites  fibrilles  élémentaires  formeraient 
des  membranules , roulés  sur  elles-mêmes,  pour  for- 
mer les  plus  petits  vaisseaux  nerveux;  de  ces  plus  petits 
vaisseaux  résulteraient  les  membranes  vasculeuses  for- 
mant des  vaisseaux  plus  gros,  et  ainsi  jusqu  aux  vais- 
seaux les  plus  considérables.  Il  établit  aussi  que  les 
plus  petits  vaisseaux  nerveux  contiennent  un  fluide 
aqueux  servant  au  sentiment,  au  mouvement  et  en 
même  temps  à la  nutrition. 

L’opinion  de  Mascagni  sur  la  composition  élémen- 
taire et  sur  la  nutrition  des  parties  ne  diffère  pas  beau- 
coup de  celle  de  Boerhaave.  Suivant  Mascagni,  les  di- 
visions des  artères  finissent  au  point  où,  arrivées  à la 
ténuité  d un  globule  rouge  du  sang,  elles  se  changent 
en  veines.  Là  elles  sont  pourvues  de  porosités  exhalantes, 
tantpourles  sécrétions  que  pour  la  nutrition.  Partout 


DES  VAISSEAUX  CAPILLAIRES. 


355 


ii  y a des  orifices  de  vaisseaux  absorbans  pour  prendre 
et  contenir  les  molécules  nutritives.  Les  parties  élé- 
mentaires consistent  en  vaisseaux  absorbans;  ceux-ci 
par  leur  réunion  constituent  les  membranes  les  plus 
simples,  et  les  plus  petits  vaisseaux  sanguins,  lesquels 
forment  des  membranes  plus  composées. 

Dans  ces  deux  hypothèses  , tout  serait  vasculaire , et 
la  nutrition  aurait  lieu  dans  les  vaisseaux  : dans  la  pre- 
mière, dans  les  plus  fines  ramifications  des  artérioles; 
dans  la  seconde,  dans  les  plus  fines  radicules  des  vais- 
seaux absorbans.  Dans  l une  et  dans  l’autre  la  masse 
du  corps  serait  dans  les  vaisseaux  et  véritablement 
dans  une  circulation  continuelle. 

L’opinion  de  Bicliat  sur  les  vaisseaux  nutritifs  et  sur 
la  nutrition,  est  un  peu  différente  : suivant  lui  chaque 
molécule  des  organes  serait  pour  ainsi  dire  placée 
entre  deux  vaisseaux  béans,  l’un  exhalant  nutritif  qui 
l’aurait  déposée,  et  l’autre  absorbant  nutritif  destiné  à 
la  reprendre. 

Procliaska , tout  en  reconnaissant  la  continuation  di- 
recte des  artères  avec  les  veines , admet  que  c’est  par 
la  porosité  des  parois  des  vaisseaux  et  par  la  perméabi- 
lité générale  de  la  substance  qui  forme  la  masse  du 
corps,  que  la  nutrition  a lieu. 

§ 396.  La  nutrition,  quelles  qu’en  soient  les  voies 
immédiates,  présente  un  double  mouvement  conti- 
nuel de  composition  et  de  décomposition.  Les  animaux 
les  plus  simples  inhalent  et  exhalent  directement  les 
matériaux  de  ce  double  phénomène;  d’autres,  plus 
composés , ont  un  tégument  plus  ou  moins  prolongé 
dans  la  masse  du  corps , y conduisant  et  y repre- 


356 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

nant  les  manières  qui  s’y  ajoutent,  et  celles  qui  s’en  sé- 
parent; d’autres,  plus  composés  encore,  ont  d’autres 
organes,  des  vaisseaux,  qui  transportent  des  surfaces 
dans  tous  les  points  de  la  masse  et  de  là  aux  surfaces 
les  matières  de  l’absorption  et  de  l’excrétion.  Dans 
certains  animaux  pourvus  de  vaisseaux,  leur  nombre 
est  tellement  grand,  l’homme  est  de  ce  genre,  qu’ils 
semblent  occuper  et  former  toute  la  masse  du  corps. 
Mais  outre  les  considérations  ci-dessus,  tirées  de  l’ana- 
logie, les  argumens  tirés  de  l’inspection  montrent  en- 
core que  les  vaisseaux  ne  font  que  parcourir  la  masse 
du  corps,  et  ne  la  constituent  pas.  L’inspection  apprend 
également  que,  quelle  que  soit  la  ténuité , la  mollesse, 
des  derniers  vaisseaux  capillaires  , les  artères  et  les 
veines  forment  des  canaux  continus. 

L’observation  apprend  qu’il  entre  dans  les  vaisseaux 
des  substances  nouvelles , et  qu’il  en  sort  aussi  sans 
cesse  ; mais  ce  double  passage  a lieu  dans  les  parties 
les  plus  fines  des  vaisseaux,  et  par  des  voies  invisibles, 
même  avec  les  meilleurs  instrumens  d’optique;  les 
substances  elles-mêmes  passent  à travers  ces  voies  à 
un  état  de  division , de  vapeur,  insaisissable  pour  les 
sens  et  pour  les  meilleurs  microscopes.  Ce  passage  soit 
qu'il  ait  lied  du  dehors  au  dedans  ou  du  dedans  au 
dehors , dans  les  absorptions  et  les  sécrétions  extrin- 
sèques, soit  qu’il  ait  lieu  dans  les  cavités  closes  du 
corps;  paraît  toujours  se  faire  par  l’intermède  de  la 
substance  solide  et  perméable  du  corps;  c’est-à-dire 
de  la  substance  dite  cellulaire  qui,  en  s’imbibant, 
transmet  au  dedans  ou  au  dehors  les  molécules  inha- 
lées ou  exhalées. 


DU  TISSU  ÉRECTILE. 


Il  paraît  en  être  de  même  de  la  nutrition  : les  vais- 
seaux déposent  et  reprennent  sous  forme  de  vapeur, 
et  par  des  voies  invisibles,  dans  la  substance  cellu- 
laire , les  molécules  de  la  composition  et  de  la  décom- 
position des  organes. 

Mais  tous  ces  phénomènes,  physiques  en  apparence, 
sont  modifiés  par  le  corps  organisé  et  vivant  dans  le- 
quel ils  ont  lieu.  C’est  surtout  à la  cause  inconnue  de 
ces  phénomènes  qu’on  a'donné  le  nom  de  force  vitale, 
ou  plus  spécialement  celui  de  force  de  formation. 


1 1.  Du  tissu  érectile. 

§ 396.  Le  tissu  érectile,  caverneux  ou  spongieux, 
consiste  en  des  terminaisons  de  vaisseaux  sanguins , en 
des  racines  de  veines  surtout,  qui,  au  lieu  d’avoir  la 
ténuité  capillaire  , ont  plus  d’ampleur , sont  très- 
extensibles  , et  réunies  à beaucoup  de  filets  nerveux. 

§ 397.  Ce  tissu  a d’abord  été  observé  dans  le  pénis 
où  il  existe  sous  de  grandes  dimensions.  Yésale1  en  parle 
en  ces  termes  : Corpora  hœc  ( cavernosa  ) enata  ad  eum 
fere  rnodum , ac  si  ex  innumeris  arteriarum  venarum - 
que  fasciculis  quam  tcnuissimis , simulque  proxime  im - 
plicatis  , retia  quœdam  efformarentur , orbiculatim 
a nervea  ilia  rnembraneaque  suhstantia  comprehensa. 
Malpighi*  paraît  avoir  fait  la  même  observation  : Si- 
nuum  speciem  in  mammarum  tubulis  et  in  pene  habe- 
mus;  in  his  nonnihil  sanguinis  reperitur , itaut  videantur 
'venarum  diverticula , vel  saltem  ipsarum  appendices . 


De  Corp.  hum.  Jabricd,  lib.  V,  cap.  xiv. 

7 Diss.  Epist.  varii  argum.  in  op.  omn.  vol.  II. 


358  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

Hunter 1 a vu  la  même  chose  relativement  au  tissu 
spongieux  de  l’urèthre  : « Il  est  bon  d’observer,  dit-il, 
que  le  corps  spongieux  de  l’urèthre  et  le  gland  du  pénis 
ne  sont  pas  spongieux  ou  cellulaires,  mais  consistent  en 
un  plexus  de  veines.  Cette  structure  est  visible  dans  le 
sujet  humain  , mais  beaucoup  plus  distinctement,  dans 
quelques  animaux,  comme  le  cheval,  etc.  » 

Cependant  la  plupart  des  anatomistes  qui  se  sont 
occupés  de  la  structure  du  pénis,  entre  autres  Degraaf, 
Ruysch,  Duverney,  Boerhaave,  Haller  et  ses  disciples, 
ayant  méconnu  la  nature  des  tissus  caverneux  et  spon- 
gieux du  pénis,  et  les  ayant  considérés  comme  étant 
du  tissu  cellulaire  lâche  et  élastique  formant  des  cel- 
lules et  interposé  entre  les  artères  et  les  veines,  la 
plupart  des  anatomistes  modernes  ont  adopté  cette 
erreur.  Duvernoy,  Mascagni,  MM.  Cuvier,  Tiedemann, 
Ribes,  Moreschi,  Panizza,  Farnèse,  etc.,  ont  fait  des 
observations  exactes  sur  le  tissu  érectile  du  pénis  et 
du  clitoris  de  l’éléphant,  du  cheval,  de  l’homme,  etc. 

§ 898.  Quoique  la  disposition  érectile  des  vaisseaux 
existe  en  beaucoup  d’endroits,  cependant  il  en  est  un 
certain  nombre  où  elle  est  beaucoup  plus  évidente. 
Ce  sont  les  corps  caverneux  du  pénis  et  du  clitoris , 
le  corps  spongieux  de  l’urèthre,  les  nymphes,  le  ma- 
melon , les  papilles  des  membranes  tégümentaires,  etc. 

§ 399.  Le  tissu  érectile  est  dans  des  dimensions  très- 
grandes  dans  les  organes  de  la  copulation.  Quoiqu  il 
n’offre  pas  le  même  développement  dans  les  papilles, 
on  peut“néanmoins  très- bien  ly  observer. 

1 Obs.  on  certain  parts  of  the  animal  OEconomy , in-4  î 
London  , 1786,  pag.  38. 


DU  TISSU  ERECTILE. 


359 

Les  papilles,  celles  de  la  langue  particulièrement, 
consistent  en  filamens  nerveux  renflés,  mous,  dépouil- 
les de  nevrilemme , entremêlés  d’une  innombrable 
quantité  de  vaisseaux  capillaires  sanguins,  serpentans, 
recourbés  en  arcade,  anastomosés  entre  eux,  et  le  tout 
enveloppé  et  rassemblé  par  un  tissu  cellulaire,  mou 
,et  muqueux.  Dans  l’état  de  repos  ces  papilles  sont  pe- 
tites, molles,  pâles,  peu  distinctes;  dans  l’état  d’érec- 
tion, au  contraire,  elles  sont  aggrandies,  redressées 
rouges,  gonflées  par  le  sang,  et  très-sensibles. 

Le  mamelon,  ou  la  papille  de  la  mamelle,  ne  paraît 
différer  des  autres  que  par  de  plus  grandes  dimensions. 
La  peau  et  la  membrane  muqueuse  présentent  à des 
degrés  variés  la  disposition  papillaire  et  érectile  dans 
toute  leur  étendue.  Le  volume  des  nerfs  et  l’abondance 
des  vaisseaux  sanguins  y sont  partout  proportionnés 
au  degré  de  la  sensibilité.  La  peau  de  la  pulpe  des 
doigts,  très-vasculaire  et  très-nerveuse , éprouve  un 
degré  de  gonflement  et  de  rougeur  manifeste  pendant 
le  toucher,  et  proportionné  à sa  perfection.. 

§ 4oo.  Le  tissu  érectile  des  organes  de  la  copulation 
ne  diffère  guère  de  celui  des  papilles,  que  par  ses  di- 
mensions beaucoup  plus  grandes.  Celui  du  corps  caver- 
neux du  pénis  présente  la  disposition  suivante  : il  est 
enveloppé  d’une  gaîne  de  tissu  fibreux  élastique  qui 
envoie  des  prolongemens  dans  son  intérieur.  Les 
deux  artères  dorsales  du  pénis  sont  accompagnées 
d’une  veine  impaire  formant  un  plexus , et  de  nerfs 
très-volumineux.  Les  artères  envoient  dans  l’intérieur 
beaucoup  de  ramuscules  accompagnés  de  nerfs  , et  les 
vemes  reçoivent  .à  travers  la  gaîne  beaucoup  de  radi- 


36'o 


ANATOMIE  GENERALE. 


cules.  L’intérieur  est  composé  de  ramifications  arté- 
rielles provenant  des  artères  dorsales  et  des  artères  cen- 
trales et  de  larges  veines  très-abondantes,  entremêlées 
dans  tous  les  sens  et  anastomosées  une  multitude  de 
fois  entre  elles.  Ces  branches  de  veine  offrent  des 
dilatations,  et  de  larges  communications.  Quand  on 
injecte  une  des  artères  du  pénis,  l’injection  , si  elle  est 
bien  pénétrante,  après  avoir  rempli  les  ramifications 
artérielles  et  le  plexus  veineux  intérieur,  qui  constitue 
le  corps  caverneux,  et  avoir  produit  l’érection,  revient 
par  la  veine  dorsale  : on  remplit  encore  bien  plus  aisé- 
ment le  corps  caverneux  en  injectant  par  la  veine.  Ainsi 
les  prétendues  cellules  du  corps  caverneux  ne  sont  que 
des  racines  de  veines  très -larges  formant  un  plexus 
compliqué,  et  anastomosées  commeles  vaisseaux  capil- 
laires. 

Le  tissu  érectile  de  l’urèthre  et  du  gland  ont  la 
même  disposition  ; il  en  est  de  même  de  celui  du  cli- 
toris et  de  celui  des  nymphes. 

L’érection  dans  les  organes  de  la  copulation  provient, 
comme  dans  les  papilles,  de  la  réplétion  des  vaisseaux 
érectiles.  Cette  réplétion  peut  dépendre  de  l’afflux  du 
sang  artériel,  qui  est  accompagné  de  l’exaltation  de  la 
sensibilité;  de  la  rétention  du  sang  veineux;  ou  de  la 
réunion  de  ces  deux  causes. 

§ 4OÏ*  Il  est  encore  une  partie  dont  la  texture  et  les 
phénomènes  se  rapprochent  beaucoup  de  ceux  des 
organes  érectiles  : c’est  la  rate,  qui,  par-là , paraît  être 
un  diverticule  du  sang.  Si  on  met  la  rate  à découvert 
sur  un  animal  vivant,  et  qu’on  arrête,  par  la  compres- 
sion, le  cours  du  sang  dans  la  veine  splénique,  cet 


DU  TISSU  ÉRECTILE. 


36  £ 


^organe se  gonfle  et  augmente  beaucoup  de  volume;  il 
revient  promptement  sur  lui-même  aussitôt  qu’on  réta- 
blit la  circulation.  Les  accès  de  fièvre  intermittente 
sont  accompagnés,  dans  la  période  de  froid,  d’un  gon- 
flement manifeste  de  cet  organe , qui  se  dissipe  plus 
ou  moins  complètement  à la  fin  de  l’accès.  Il  paraît 
que  la  même  chose  a lieu  pendant  la  digestion. 

§402.  Le  tissu  érectile  se  développe  quelquefois  ac- 
cidentellement dans  l’organisme.  Gette  production  a 
été  décrite  sous  les  noms  de  tumeur  variqueuse,  d’ané- 
vrysme par  anastomose , d’anévrysme  des  plus  petites 
artères,  de  télangiectasie , etc. 

Ses  caractères  anatomiques  sont  tout-à-fait  les  mêmes 
que  ceux  du  tissu  érectile  naturel  : c’est  une  masse  plus 
ou  moins  volumineuse,  plus  ou  moins  bien  circons- 
crite, entourée  quelquefois  d’une  enveloppe  fibreuse 
mince;  offrant  à l’intérieur  une  apparence  de  cellules 
ou  de  cavités  spongieuses;  consistant,  dans  la  réalité  , 
en  un  lacis  inextricable  d’artères  et  de  veines  qui  com- 
muniquent par  d’innombrables  anastomoses,  comme 
les  vaisseaux  capillaires,  mais  beaucoup  plus  larges, 
les  veines  surtout;  facilement  injectable  par  les  veines 
voisines,  qui  sont  quelquefois  variqueuses,  mais  diffici- 
lement par  les  artères. 

Cette  altération  existe  le  plus  souvent  dans  l’épais- 
seur de  la  peau,  et  dans  une  étendue  plus  ou  moins 
grande.  Elle  ressemble  alors  quelquefois  à la  crête 
et  aux  autres  parties  analogues  des  gallinacées.  La  peau 
de  la  face,  celle  des  lèvres  surtout,  en  est  fréquemment 
le  siège.  On  1 observe  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cu- 
tané,  ou  plus  ou  moins  profond;  on  l a vue  occuper 


3 62  AHATOMIE  GENERALE. 

tout  un  membre;  ou  dit  même  I avoir  observée  dans 
des  viscères. 

Cette  production  est  le  siège  d une  vibration,  d’un 
bruissement,  d’une  pulsation  plus  ou  moins  mani- 
festes, et  qui  augmentent  par  toutes  les  causes  qui  exci- 
tent l’activité  de  la  circulation  générale  ; mais  les  tu- 
meurs quelle  forme,  même  à la  peau,  ne  sont  guère 
susceptibles  d’une  sorte  d érection  isolée.  Elle  tire  le 
plus  souvent  son  origine  de  la  naissance,  d’autres  fois 
elle  paraît  dépendre  d une  cause  accidentelle;  elle  per- 
siste quelquefois  sans  changement;  d’autres  fois,  et 
c’est  le  plus  ordinaire,  elle  augmente  continuellement 
de  volume  par  la  dilation  de  ses  cavités  intérieures  et 
finit  par  se  rompre,  ce  qui  donne  lieu  à des  hémor- 
rhagies difficiles  à réprimer. 

Au  pourtour  de  l’anus  on  trouve  des  tumeurs  hé- 
morrhoïdales  spléno’ides  qui  constituent  une  variété 
de  ce  tissu  érectile  accidentel. 

III.  Des  ganglions  vasculaires . 

§ 4o3.  Les  ganglions  vasculaires,  organes  adénoïdes, 
ou  glandiformes , glandes  aporiques  r,  confondus  sous 
le  nom  commun  de  glandes  avec  des  organes  de  sécré- 
tion excrétoire,  sont  encore  des  parties  dans  lesquelles 
les  terminaisons  et  les  communications  des  vaisseaux 

1 Queitschius,  de  Glandtdis  coçcis  , etc.,  in  select  med. 
Franco/.  — Hendy,  Essay  on  glandular  sécrétion.  Ilew- 
son  , Descriptio  glandul.  , etc. , opus  posthnrn.  in  op.  ornn. 
— H.  F.  F.  Leonliardi,  de  Glandulis  in  genere  et  glandulis 

aporicis,  etc.  Dresdæ,  i8i3. 


DES  GANGLIONS  VASCULAIRES.  363 

affectent  des  dispositions  spéciales.  M.  Heusinger  leur 
a donné  le  nom  de  tissu  parenchymateux. 

Leur  texture  résulte  de  la  réunion  de  plusieurs 
autres  tissus  : ils  sont  formés  de  tissu  cellulaire  modi- 
fié, de  vaisseaux  sanguins  et  lympathiques,  et  de  nerfs, 
le  tout  renfermé  dans  une  enveloppe  qui  envoie  des 
prolongemens  cà  l’intérieur.  Ils  sont  tous  placés  sur  le 
trajet  de  la  circulation  lymphatique  et  veineuse,  et 
paraissent  destinés  tous  à faire  subir  une  élaboration 
aux  substances  absorbées  et  à préparer  leur  assimila- 
tion; ils  semblent  ainsi  dans  une  sorte  d’antagonisme 
avec  les  vraies  glandes  ou  les  organes  de  l’excrétion. 
Les  ganglions  vasculaires  diffèrent  les  uns  des  autres 
par  la  quantité  et  l’espèce  de  tissu  qui  en  forme  la 
masse,  par  la  proportion  des  vaisseaux  et  des  nerfs, 
et  par  le  mode  de  communication  des  vaisseaux. 

§ 4°4.  On  peut  distinguer  les  ganglions  adénoïdes  • 
en  deux  sortes  : i°  les  glandes  ou  ganglions  lympha- 
tiques, et  2°  les  ganglions  vasculaires  sanguins,  qui  sont 
la  thyroïde,  le  thymus,  les  capsules  surrénales  et  la  rate. 

Les  premiers  seront  décrits  avec  les  vaisseaux  lym- 
phatiques, (sect.  IV.).  Les  autres,  formant  un  groupe 
moins  naturel,  appartiennent  principalement  à l’ana- 

-s 

tomie  spéciale;  ils  ont  cependant  quelques  caractères 
généraux.  Les  ganglions  vasculaires  sanguins1,  sont 

1 Boeckler,  de  Functionibus  glandulœ  thyrcoidœ , thymi, 
atque  glandul.  supraren. , etc.  Argentor.  1763.  — Becker, 
über  die  verrichtung  der  Ideinsten  schlagadern  und  einger 
ans  einern  gewebe  der  feinsten  gefàsse  bestelieriden  einge- 
weide,der  schild-und  brust-drüse , der  milzes,  d erneben  nier  en 
und  nachgeburt.  Erfurt,  1790. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


364 

plus  volumineux  et  beaucoup  moins  nombreux  que  les 
ganglions  lymphatiques.  Ils  sont  d’une  couleur  rouge- 
brune.  Ils  sont  globuleux  et  granuleux.  Ils  présentent 
à l’intérieur  des  cavités  distinctes,  remplies  d’un  fluide, 
mais  peu  ramifiées  et  closes  en  tous  sens.  On  a cru  à 
diverses  époques  y avoir  découvert  des  conduits  excré- 
teurs, mais  ces  prétendues  découvertes  n’ont  point  été 
confirmées.  Ces  ganglions  sont  dans  un  tel  rapport 
avec  les  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques,  et  no- 
tamment avec  le  canal  thoracique,  qu’on  leur  suppose 
avec  beaucoup  de  vraisemblance,  une  très-grande  in- 
fluence sur  le  perfectionnement  de  la  lymphe  et  du 
chyle,  et  sur  la  formation  du  sang. 

SECONDE  SECTION. 

DES  ARTÈRES. 

I 

§4°5.  Les  artères1,  arteriœ,  sont  les  vaisseaux  qui 
portent  le  sang  du  cœur  à toutes  les  parties  du  corps. 

§4o6.  Hippocrate  et  ses  contemporains  donnèrent  le 
nom  de  veine  à tous  les  vaisseaux  et  à tous  les  canaux , 
excepté  au  canal  aérien  , qu’ils  appelèrent  artère.  Aris- 
tote parle  le  premier  de  l’aorte , qu  il  appelle  petite 
veine.  Praxagore  donne  le  nom  d artère  à 1 aorte  et  à ses 
branches,  qu’il  croit  contenir  une  vapeur.  L école  dA- 

r Bassuel,  Nouvel  aspect  de  l’intérieur  des  artères,  et  de 
leur  structure  par  rapport  au  cours  du  sang;  Mém.  piésent. 
de  math,  et  de  phys.  tom.  I.  ann.  1750. — D.  Belinas,  Structure 
des  artères,  leurs  propriétés,  leurs  fonctions  et  leurs  altéia- 
tions  organiques,  in-4°.  Strasbourg;  1822.  Ch.  H.  Ehi 
mann  , mêmes  titre,  lieu  et  date. 


DES  ARTÈRES.  365 

lexandrie  distingue  les  artères  des  veines  par  l’épais- 
seur des  parois,  et  admet  que  le  sang  peut,  dans  cer- 
taines circonstances,  passer  dans  les  artères.  Galien, 
le  plus  grand  anatomiste  de  l’antiquité,  essaie  de 
prouver  que  les  artères  sont  pleines  de  sang  dans  l’état 
naturel;  il  considère  le  système  veineux  et  le  système 
artériel  chacun  comme  un  arbre  dont  les  racines,  im- 
plantées dans  le  poumon,  et  les  branches  distribuées 
dans  tout  le  corps , sont  réunies  au  cœur.  Il  faut  venir 
presque  jusqu’à  Vésale  pour  trouver  les  premiers  ru- 
dimens  de  l’art  d’injecter  les  vaisseaux,  et  jusqu’à  lui 
pour  trouver  quelques  notions  sur  la  texture  des  vais- 
seaux sanguins  : leurs  fonctions  et  leurs  altérations 
n’ont  été  connues  que  plus  tard. 

§ 4oy . Il  y a deux  troncs  artériels  : l’aorte  et  l’artère 
pulmonaire.  Chacun  d’eux  a une  disposition  arbo- 
risée,  et  présente  une  origine,  un  tronc,  des  branches, 
des  rameaux  et  des  ramuscules  de  plus  en  plus  déliés, 
jusqu’à  sa  terminaison. 

Chacun  des  troncs  artériels  naît  d’un  ventricule  du 

- 

cœur,  et  présente  là , non  une  continuation  de  la  subs- 
tance du  cœur  comme  on  l’a  dit  récemment  encore1, 
mais  une  connexion  intime  et  très-remarquable  : la 
membrane  moyenne  de  l’artère  est  divisée  en  trois  fes- 
tons bordés  de  tissu  ligamenteux , l’orifice  du  ventri- 
cule est  garni  d’un  anneau  du  même  tissu  , le  sommet 
des  festons  de  l’artère  est  solidement  attaché  à l’orifice 
du  ventricule,  et  les  intervalles  triangulaires  des  dente- 
lures sont  également  occupés  par  des  membranes  li- 

Langenbeck,  Nosol.  und  therap.  der  chir.  krcinkheiten  ; 
Goetting.  1822.  vol.  I. 


j66  anatomie  générale. 

gamenteuses;  la  membrane  interne  du  vaisseau  se  con- 
tinue avec  celle  du  cœur,  et  la  membrane  externe 
s’unit  à la  substance  de  cet  organe. 

Les  troncs,  les  branches  et  toutes  les  divisions  des 
artères  sont  sensiblement  cylindriques.  Il  y a pourtant 
quelques  exceptions  : certaines  artères  vont  en  s’élar- 
gissant, quelques-unes  semblent  se  rétrécir.  Les  cylin- 
dres artériels  vont  en  diminuant  depuis  les  troncs 
jusqu’aux  dernières  ramifications. 

En  général  la  somme  des  branches  l’emporte  sur  le 
tronc  qui  les  fournit,  mais  il  y a des  exceptions  : ainsi 
il  n’est  pas  évident  que  l’artère  carotide  et  le  tronc 
brachial  aient  ensemble  plus  de  capacité  que  le  tronc 
innominé;  de  même  il  n’est  pas  certain  que  les  artères 
radiale,  et  cubitale  réunies  en  aient  plus  que  l’hu- 
mérale.  11  ne  faut  pas  confondre  dans  cette  compa- 
raison le  diamètre  extérieur  avec  la  capacité.  D’ailleurs 
il  arrive  à tout  instant  des  changemens  de  capacité 
dans  des  rameaux  artériels,  sans  que  les  branches  en 
changent  sensiblement.  Et  pour  n’en  citer  qu’un 
exemple  évident  : les  artères  utérines  augmentent  con- 
sidérablement pendantla  grossesse,  l’artère  hypogas- 
trique qui  les  fournit  augmente  un  peu,  et  l’artère 
iliaque  primitive  pas  sensiblement. 

Le  nombre  variable  des  divisions  successives  des 
artères  , leur  mode  de  division,  les  angles  que  forment 
les  branches  avec  les  troncs  ontété  indiqués,  ainsi  que 
les  anastomoses  et  les  voies  collaterales  qu  elles  forment 


à la  circulation.  Il  en  est  de  même  de  leurs  flexuosités. 

La  terminaison  des  artères  devenues  capillaires  et 
microscopiques  a lieu  par  leur  continuation  en  veines, 


DES  ARTERES. 


soit  par  des  communications  Capillaires  rouges,  soit 
par  des  communications  incolores  à cause  de  leur 
ténuité. 

§ 4o8.  Vues  à l’intérieur,  les  artères  sont  cylindriques, 
leur  coupe  est  circulaire,  excepté  dans  les  très-grandes 
artères  qui , vides  s’aplatissent  un  peu  et  présentent 
une  coupe  elliptique. 

Chacun  des  deux  troncs  artériels  est  muni  de  trois 
valvules  à son  origine  au  cœur.  Ces  valvules  semi-lu- 
naires tiennent,  par  leur  bord  convexe,  au  contour 
des  festons  de  l’artère;  leur  bord  libre  est  droit,  un 
peu  épais,  surtout  au  milieu,  qui  offre  un  petit  renfle- 
ment. Une  face  eu  tournée  du  côté  de  la  paroi  arté- 
rielle, et  l’autre  du  côté  de  l’axe  du  vaisseau.  Ces  val- 
vules sont  formées  par  la  membrane  interne  des  artères 
repliée  en  double,  et  contenant  dans  son  épaisseur 
une  couche  mince  de  tissu  ligamenteux  ou  fibreux; 
leur  bord  libre  contient  un  petit  cordon  de  ce  tissu,  et 
son  milieu  un  point  fibro -cartilagineux.  Quand  ces 
valvules  s’abaissent,  la  face  qui  répond  au  ventricule 
devient  convexe,  l’autre  qui  répond  au  canal  devient 
concave  ; leurs  bords  libres  se  rencontrent,  se  touchent, 
et  elles  ferment  exactement  le  vaisseau.  Dans  tout  le 
reste  de  leur  étendue  les  artères  sont  dépourvues  de 

4 

valvules. 

La  surface  interne  est  lisse  , polie  et  humectée.  La 
surlace  externe  répond  au  tissu  cellulaire  commun  et 
particulier,  dans  lequel  les  artères  sont  ramifiées.  Le 
tissu  cellulaire,  moulé  autour  d’elles  ou  écarté  par  leur 
presence,  leur  forme  une  gaîne  cellulaire.  Cette  game 
est  conlondue  en  dehors  avec  le  reste  du  tissu  cellu- 


368  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

laire  ou  avec  la  substance  des  organes;  en  dedans  elle 
est  unie  à l’artère  assez  lâchement  pour  que  celle  -ci 
glisse  aisément  dans  son  intérieur  dans les'divers  mou- 
vemens,  et  s’y  retire  en  se  raccourcissant  quand  elle  a 
été  divisée.  Cette  gaine  est  assez  ferme  autour  des  ar- 
tères des  membres;  dans  la  poitrine  et  l’abdomen  la 
gaine  des  artères  est  en  partie  formée  par  les  mem- 
branes séreuses.  Celle  des  artères  spermatiques  est  re- 
marquable par  sa  laxité  ; celle  des  artères  du  cerveau 
n’est  pas  distincte.  Cette  partie  de  l’anatomie  des  ar- 
tères mérite  beaucoup  de  considération  dans  la  patho- 
logie et  dans  les  opérations. 

§ 4°9-  La  texture1  des  artères  résulte  de  plusieurs 
couches  membraneuses  superposées.  On  a beaucoup 
discuté  et  varié  sur  leur  nombre.  Porté  à cinq  par 
quelques- anatomistes  j et  réduit  à un  par  quelques  au- 
tres, on  peut  le  fixer  à trois  : une  externe,  une  moyenne 
et  une  interne. 

§ 4io.  La  membrane  externe,  appelée  aussi  cellu- 
leuse, nerveuse,  fibreuse,  etc. , est  mince,  blanchâtre, 
formée  de  fibrilles  obliques  et  croisées , entrelacées  dia- 
gonalement  à la  longueur  du  vaisseau.  A l’extérieur  ce 
tissu  est  assez  lâche , et  s’unit  à la  gaine  ; du  côté  in- 

1 Ludwig,  de  Arteriarum  tunicis ; bips.  I73y.  — Albinus  , 
Acad,  annot.  lib.  IV,  cap.  vin,  de  Arteriœ  membranis  et 
vasis.  -- — A.  Monro,  Remarks  on  the  coats  of  ar le  rie  s,  their 
diseases , etc.  in  kVorks. — Delasone,  Sur  la  structure  des 
artères,  Mém.  de  l’acad.  des  sc.  iy56.  — C.  Mondini,  de 
Arteriar  um  tunicis  , in  opuscoli  scien tijici , t.  I;  Bologna  , 
1817.  — A.  Béclard,  Sur  les  blessures  des  artères,  Mém.  de  la 
soc.  méd.  d’ÉmuIation , t.  VIII,  Paris;  1817. 


DES  ARTÈRES. 


36*9 

terne,  au  contraire,  les  fibrilles  sont  tellement  serrées, 
qu’on  ne  peut  les  apercevoir  qu’en  le  déchirant.  Dans 
les  troncs  artériels , cette  double  disposition  est  assez 
marquée  èt  assez  tranchée  pour  que  cette  couche  pa- 
raisse réellement  double;  dans  les  artères  moyennes  et 
petites,  au  contraire,  cette  couche  devient  uniformé- 
ment serrée  et  distincte  du  tissu  cellulaire  delà  gaîne, 
et  ressemble  alors  beaucoup  au  tissu  ligamenteux. 

Cette  membrane  est  très-résistante  et  très-élastique, 
tant  dans  le  sens  longitudinal  que  circulairement. 
Souple  et  résistante  en  même  temps,  elle  n’est  pas  di- 
visée par  l’action  des  ligatures  appliquées,  même  im- 
médiatement, sur  elle.  Quand  on  la  déchire  on  éprouve 
beaucoup  de  difficulté,  et  l’on  aperçoit  la  texture  de 
ses  fibrilles  obliques,  qui  en  rend  la  résistance  égale 
dans  tous  les  sens. 

§ La  membrane  moyenne,  appelée  aussi  mus- 
culeuse, tendineuse,  propre,  etc.,  est  épaisse,  jau- 
nâtre, formée  de  fibres  presque  circulaires  ou  annu- 
laires. Cette  membrane,  la  plus  épaisse  des  trois,  est 
très-apparente  dans  les  troncs;  elle  augmente  propor- 
tionnellement d’épaisseur,  à mesure  que  les  artères 
diminuent  de  volume.  Son  épaisseur  est  peu  considé- 
rable dans  les  artères  de  certains  viscères,  et  surtout 
dans  les  artères  du  cerveau.  Elle  peut  être  divisée  en 
plusieurs  couches  par  la  dissection  : c’est  probablement 
ce  qui  a induit  en  erreur  ceux  qui  ont  admis  plus  de 
trois  membranes  artérielles.  Les  fibres  extérieures  sont 
moins  serrées,  les  plus  profondes  le  sont  davantage, 
et  ainsi  de  plus  en  plus.  Ces  fibres  ne  forment  pas  tout 
le  tour  du  vaisseau.  On  ne  trouve  point  dans  la 

24 


1. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


370 

membrane  moyenne  les  fibres  longitudinales  et  spirales 
qu  on  y a admises.  Dans  les  endroits  où  les  artères  se 
divisent,  les  fibres  circulaires  du  tronc  s’écartent  et 
forment  de  chaque  côté  un  demi-anneau  ; les  fibres 
annulaires  de  la  branche  leur  font  suite.  La  membrane 
moyenne  tient  intimement  à l'externe* 

La  membrane  moyenne  a une  fermeté  telle,  que, 
séparée  des  autres,  elle  conserve  sa  forme  cylindrique; 
c’est  à elle  que  les  artères  doivent  de  rester  béantes  ou 
rie  conserver  leur  lumière  quand  elles  sont  vides. 
Isolée,  elle  jouit  d’uïie  force  de  résistance  et  d’une 
élasticité  faibles,  suivant  le  sens  de  la  longueur  de 
l’artère,  et  très-fortes  suivant  le  sens  de  ses  fibres, 
c’est-à-dire  suivant  la  circonférence  du  vaisseau.  La 
fermeté  et  l’élasticité  des  fibres  qui  la  forment  vont 
successivement  en  diminuant  des  grosses  artères  vers 
les  petites.  On  l a tour  à tour  comparée  et  assimilée  à 
la  fibre  musculaire  en  général,  à la  fibre  musculaire  de 
l’utérus,  au  tissu  fibreux  ou  ligamenteux;  elle  consti- 
tue une  espèce  de  tissu  élastique,  tissu  particulier,  mais 
participant  des  caractères  des  fibres  musculaire  et 
ligamentaire. 

§412.  La  membrane  interne  des  artères,  appelée  aussi 
nerveuse,  arachnoïde,  commune,  etc.,  est  la  plus  mince 
des  trois.  Elle  se  continue  des  ventricules  du  cœur 
dans  les  artères;  c’est  elle,  pour  la  plus  grande  partie, 
qui  forme  les  valvules  semi-lunaires  des  artères.  Elle 
présente,  dans  les  grosses  branches  vides,  quelques  plis 
longitudinaux,  et  des  petites  rides  transversales  dans 
les  artères  du  jarret  et  du  pli  du  coude;  elle  est  éga- 
lement ridée  dans  les  artères  rétractées  après  l’ampu- 


DES  ARTÈRES.  3^1 

tatiora.  Sa  face  interne  est  lisse,  polie,  humide  et  en 
contact  avec  le  sang  ; sa  face  externe  adhère  à la  mem- 
brane moyenne.  Dans  les  troncs  artériels  on  peut  la 
diviser  en  plusieurs  lames  : la  plus  interne  est  extrê- 
mement mince  et  transparente,  le  reste  est  blanc 
opaque,  etse  confond  insensiblement  avec  la  membrane 
moyenne  ; c’est  à cette  partie  surtout  qu’on  a donné  le 
nom  de  membrane  nerveuse.  Dans  les  branches,  elle 
ne  forme  plus  qu’un  seul  feuillet  indivisible.  On  ne  dis- 
tingue dans  cette  membrane,  qui  est  très-dense,  au- 
cune apparence  de  fibres;  elle  se  déchire  à peu  près 
avec  la  même  facilité  dans  tous  les  sens»  Elle  est  peu 
élastique.  On  l’a  comparée  aux  membranes  séreuses 
et  au  tissu  muqueux  ou  cellulaire;  elle  n’est  point  vas- 
culaire comme  les  membranes  séreuses  en  général; 
c’est  à l’arachnoïde  qu’elle  est  le  plus  comparable. 

§ 4i3.  Il  entre  encore  dans  la  composition  des  ar- 
tères, du  tissu  cellulaire,  des  vaisseaux  et  des  nerfs. 

Le  tissu  cellulaire  qui  pénètre  la  membrane  externe 
et  qui  l’unit  à la  moyenne  est  assez  apparent;  mais  au 
delà  il  est  tellement  rare  et  serré,  que  son  existence  a 
été  révoquée  en  doute.  Cependant  quand,  par  la  dis- 
section, on  enlève  d’une  artère  la  membrane  externe  et 
la  plus  grande  partie  de  l’épaisseur  de  la  moyenne, 
il  s'élève  de  la  partie  découverte  des  bourgeons  char- 
nus, comme  du  reste  de  la  plaie. 

§,  4 ï 4.  Les  artères  et  les  veines^des  artères  ( vasa  arte - 
riarum ) leur  sont  fournies  par  les  vaisseaux  voisins  , et 
deviennent  très-apparentes  dans  la  membrane  externe 
par  les  injections  et  quelquefois  même  sans  cela,  sur- 
tout chez  les  jeunes  sujets;  on  les  suit  jusqu’à  leur 


^72  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

pénétration  dans  la  membrane  moyenne,  et  pas  au 
delà. 

Ce  que  l’on  appelle  vaisseaux  exlialans  et  absorbans, 
ou  plus  exactement  les  voies  inconnues  de  l’exhalation 
et  de  l’inhalation,  sont  démontrés  dans  les  parois  arté- 
rielles par  le  fait  même , car  dans  les  artères  enflammées 
il  se  fait  une  exhalation  à la  surface  interne;  et,  dans  le 
cas  de  ligature,  le  coagulum  intérieur  est  absorbé. 

§ 4 1 5 . Les  nerfs 1 des  artères  viennent  de  la  moelle  et 
des  ganglions.  Les  artères  des  organes  des  fonctions  vé- 
gétatives reçoivent  les  leurs  des  ganglions,  les  autres  de 
la  moelle.  Les  nerfs  des  artères  forment  autour  d’elles 
des  réseaux  analogues  à ceux  que  forment  les  nerfs 
pneumo-gastriques  autour  de  l’œsophage,  et  les  ac- 
compagnent ainsi  dans  l’intérieur  des  organes.  Mais  en 
outre  des  filets  se  terminent  dans  la  tunique  externe  , 
et  d’autres  arrivent  à la  membrane  moyenne,  sur  la- 
quelle ils  se  répandent  en  un  réseau  très-délié.  Les  pre- 
miers sont  mous  et  aplatis  ;*les  seconds,  filiformes 
et  d.’une  finesse  extrême,  ont  plus  de  consistance,  et 
parcourent  un  trajet  moins  long.  Toutes  les  artères  ne 
reçoivent  pas  un  égal  nombre  de  nerfs;  l’artère  pulmo- 
naire en  reçoit  moins  que  l’aorte  et  ses  divisions.  Ils  sont 
d’autant  plus  abondans  que  les  artères  sont  plus  petites. 
Les  artères  du  cerveau  n’en  sont  pourvues  que  jusqu’à 
l’endroit  où  elles  pénètrent  dans  la  substance  cérébrale. 
Dans  la  vieillesse,  les  nerfs  des  artères,  surtout  ceux 

1 A.  Wrisberg  , loc.  cit.  — Lucæ,  Quœdam.  observ.  anat. 
circh  Jiervos  arterias  adeuntes  et  comitantes , in-* 4°,  cum.  fig • 

Francof.  ad  Mœniirn , 1810. 


DES  ARTÈRES.  3y3 

de  la  membrane  moyenne,  deviennent  moins  appareils. 
Le  grand  nombre  de  nerfs  que  reçoivent  les  artères 
montre  une  étroite  liaison  entre  le  système  nerveux  et 
l’appareil  circulatoire,  entre  les  nerfs  et  le  sang. 

§ 4 1 6.  Les  proprié  tés  physiques  les  plus  remarquables 
des  artères  sont  la  fermeté  de  leur  tissu,  sa  résistance  et 
son  élasticité.  C’est  àlafermeté  de  la  membrane  moyenne 
quelles  doivent  surtout  la  faculté  de  conserver  une 
grande  partie  de  leur  lumière,  quoique  vides  de  sang. 
Leur  pesanteur  spécifique  est  environ  108.  Leur  épais- 
seur, en  général  assez  grande,  augmente  encore  un  peu 
par  la  vacuité  ; elle  est  aussi  un  peu  plus  grande  du  côté 
convexe  des  courbures  que  du  côté  opposé,  à peu  près 
comme  8 est  à y;  elle  augmente  proportionnellement 
au  calibre  des  artères  à mesure  que  celui-ci  diminue  ; 
cependant  elle  n’est  pas  la  même  dans  toujes  les  artères 
du  même  diamètre;  ainsi  les  parois  des  artères  encé- 
phaliques sont  très-minces,  et  celles  des  membres  sont 
épaisses. 

§ 4j7-  La  résistance  des  artères  à la  rupture  a été 
examinée  par  Clifton  Wintringham;  j’ai  fait  aussi  quel- 
ques expériences  sur  ce  sujet.  Elles  ont  une  grande 
force  de  résistance,  en  général  proportionnée  à leur 
épaisseur.  Celle  de  l’aorte  est  supérieure  à celle  de  l’ar- 
tère pulmonaire.  A mesure  que  les  artères  diminuent  de 
volume , leur  résistance  absolue  diminue,  mais  leur 
épaisseur  relative  et  leur  mollesse  augmentant,  leur 
extensibilité  et  leur  résistance  relative  augmentent. La 
résistance  n’est  cependant  point  la  même  dans  toutes 
les  artères  du  même  volume  : celle  de  l’artère  iliaque 
est  plus  considérable  que  celle  de  la  carotide.  La  ré- 


ANATOMIE  GENERALE. 


si  stance  en  long  ne  dépend  presque  que  de  celle  de  la 
membrane  externe  ; la  résistance  circulaire,  beaucoup 
plus  forte,  est  due  aux  membranes  moyenne  et  externe.. 
La  membrane  interne  a très-peu  de  force  de  résistance 
dans  un  sens  comme  dans  l’autre. 

§ 4 1 8 . L’élasticité  des  artères  est  leur  propriété  physi- 
que la  plus  importante.  Si  on  les  distend  en  long,  elles 
cèdent  et  s’allongent,  pour  revenir  brusquement  sur 
elles-mêmes  quand  on  cesse  la  distension.  Si  on  les  dis- 
tend en  travers,  elles  cèdent  moins  et  reviennent  avec 
plus  de  force  encore.  Si  p3r  l’injection  ou  l’insufflation 
on  les  remplit  avec  excès,  elles  s’élargissent  un  peu, 
s’allongent,  et  au  moment  où  l’on  cesse  l’effort,  elles 
reviennent  sur  elles-mêmes  et  se  vident  en  partie.  Si 
on  les  ploie,  elles  se  redressent,  si  on  les  aplatit  par  la 
compression ^ elles  reprennent  leur  forme  cylindrique. 
Dans  l’état  de  vie,  elles  sont  à un  état  de  tension  élas- 
tique qui  fait  que  quand  elles  sont  divisées,  les  bouts 
se  rétractent.  L’élasticité  des  artères  est  très-marquée 
dans  les  plus  grosses,  elle  diminue  successivement  dans 
les  petites. 

§ 4 19.  Les  artères  sont  aussi  susceptibles  d’une  exten- 
sibilité et  d’une  rétractilité  lentes.  Quand  une  artère 
principale  cesse  de  livrer  passage  au  sang,  les  artères 
collatérales,  en  la  remplaçant  dans  ses  fonctions,  s agran- 
dissent et  acquièrent  en  peu  de  temps  un  volume  con- 
sidérable : cet  agrandissement  est  du  même  genre  que 
l’accroissement  ordinaire,  mais  il  est  beaucoup  plus 
rapide;  l’artère,  au  contraire,  qui  cesse  délivrer  passage 
au  sang  revient  peu  à peu  sur  elle-même,  et  finit  par 
disparaître  plus  ou  moins  .complètement. 


DES  ARTERES. 


375 

§ 420.  Les  propriétés-  vitales  des  artères,  comme 
celles  des  autres  parties,  sont  relatives  et  à leur  propre 
nutrition  et  à leur  action  dans  l’organisme.  La  force  de 
formation  y est  manifeste  daps  leur  production  acci- 
dentelle, et  moins  dans  la  réparation  de  leurs  lésions. 
L’irritabilité  y est  manifeste  à un  certain  degré  5 la 
sensibilité  y est  beaucoup  moins  évidente. 

§ 421.  L’irritabilité  artérielle  *,  appelée  aussi  tonicité, 
contractilité,  force  vitale  des  artères,  lorce  de  contrac- 
tion, ou  la  force  par  laquelle  les  parois  de  l’artère,  dans 
l’état  de  vie , se  rapprochent  de  son  axe,  sans  meme 
avoir  été  distendues,  a été  un  grand  objet  de  contro- 
verse parmi  les  physiologistes. 

Haller,  qui  admet  la  nature  musculaire  de  la  mem-’ 
brafie  moyenne  des  artères,  avoue  que  ses  expériences 
ne  lui  ont  rien  appris  de  positif  sur  leur  contractilité  , 
et  que  ces  vaisseaux  n’ont  pas  répondu  toujours  aux 
stimulus  chimiques  et  mécaniques.  Bichat,  Nysten  et 
M.  Magendie,  ont  également  nié  l’irritabilité  des  ar- 
tères. Bichat  se  fonde  sur  ce  que  1 irritation  mécanique 
à 1 extérieur  ou  à l’intérieur  du  vaisseau  ne  produit  pas 
de  mouvemens;  ouverte  en  long,  les  bords  de  l’artère 
ne  se  renversent  pas;  extraite  du  corps,  elle  ne  donne 
aucune  marque  de  contractilité  ; disséquée  couche  par 
couche,  on  ne  voit  point  ses  fibres  palpiter;  le  doigt 
introduit  dans  une  artère  vivante  n’y  est  pas  serré  for- 


1 ^ oy.  Chr.  Krarnp,  de  Vi  vitali  arteriarum;  Argent.  1786, 
— C.  H.  Parry, an  JLæpcr.  inquiry  i/ilo  puise  and  other  prop. 
of  the  arteries,  etc.;  Batli.  1816. — Ch.  H.  Parry,  Additional 
ex  per.  on  the  arteries , etc.;  Lond.  18  ry.  — • ffastings,  loc.  cit. 


ANATOMIE  GENERALE. 


'6y  6 

tement;  l’artère  interceptée  entre  deux  ligatures  n'é- 
prouve qu’un  ébranlement  communiqué;  la  contrac- 
tion produite  par  les  acides  est  un  raccornissement,  et 
l’action  des  alcalis  est  nulle. 

La  plupart  des  anatomistes  et  des  physiologistes  sont 
d’une  opinion  contraire,  fondée  sur  un  grand  nombre 
de  faits;  Yerschuir  et  Hastings  ont  vu  l’irritation 
mécanique  produire  la  contraction  des  artères.  Zim- 
mermann, Parry,  Verschuir,  Hastings,  ont  vu  les  acides 
minéraux  et  végétaux  produire  le  même  effet.  Thomson 
et  Hastings  ont  vu  la  même  chose  par  l’action  de  l’am- 
moniaque. Yerschuir,  Hunter,  Hastings,  ont  vu  la  seule 
action  de  l’air  et  de  la  température  produire  cette  con- 
traction. Hastings  a encore  obtenu  le  même  effet  en 
appliquant  l’huile  de  térébenthine,  la  teinture  de  ôan- 
tharides,  la  solution  de  muriate  d’ammoniaque,  de 
sulfate  de  cuivre.  Bikker  et  Yandenbosch  ont  ob- 
tenu la  contraction  des  artères  par  l’électricité , Giulio 
et  Rossi,  par  le  galvanisme;  Home  l’a  même  observée 
en  appliquant  un  alcali  au  nerf  avoisinant  une  artère. 
La  contractilité  vitale,  peu  évidente  dans  les  grosses 
artères,  va  en  augmentant  successivement  dans  les 
petites. 

On  peut  encore  citer  en  preuve  de  1 existence  de 
l’irritabilité  des  artères,  l’augmentation  de  leur  con- 
traction dans  les  inflammations  et  les  névralgies.  Ainsi, 
dans  le  panaris,  dans  l’angine  tonsillaire,  dans  la  pro- 
sopalgie,  etc.,  on  voit  et  on  sent  au  toucher  les  artères 
d’un  côté  battre  beaucoup  plus  lort  qtie  celles  du  côté 
opposé.  On  voit  quelquefois  des  différences  du  meme 
genre  dans  l’hémiplégie.  La  même  chose  a lieu  aussi 


DES  ARTERES. 


377 

dans  la  grossesse  et  dans  beaucoup  d’autres  phéno- 
mènes hygides  ou  morbides,  accompagnés  d’un  déve- 
loppement local  des  vaisseaux. 

On  peut  donc  conclure  de  ce  qui  précède,  que  pen- 
dant la  vie  les  artères  jouissent  à la  fois  de  l’élasticité 
et  de  l’irritabilité  ; que  l’élasticité  prédomine  dans  les 
grosses,  et  l’irritabilité  dans  les  petites  artères;  que 
l’irritabilité  artérielle  est  plus  ou  moins  soumise  à l’in- 
fluence nerveuse.  Avec  l’âge,  les  vasa  'vasorum  dimi- 
nuant, les  nerfs  des  artères  s’atrophiant,  et  la  mem- 
brane moyenne  devenant  plus  dure , l’irritabilité  ar- 
térielle diminue  de  plus  en  plus,  l’élasticité  elle-même 
finit  par  diminuer  beaucoup. 

§422-  La  sensibilité  des  artères  est  nulle  ou  extrême- 
ment obscure.  Y erschuir  rapporte  une  seule  expérience, 
dans  laquelle  un  animal  a paru  éprouver  de  la  douleur 
par  1 application  d’un  acide  minéral.  D’après  Bichat, 
l’injection  d’un  liquide  irritant  paraît  aussi  produire 
une  douleur  vive. 

§ 423.  La  fonction  des  artères  est  de  conduire  le  sang 
du  cœur  dans  toutes  les  parties  du  corps.  Lorsque  les 
ventricules  du  cœur  poussent  en  se  contractant  une 
nouvelle  quantité  de  liquide  dans  les  artères  déjà  pleines 

de  sang  en  mouvement,  la  vélocité  du  mouvement  s’en 

/ 

trouve  accrue  dans  toutes  les  artères  : l’observation 
d’une  blessure  artérielle  le  prouve.  Un  autre  effet  de  la 
systole  des  ventricules  généralement  admis,  est  la  di- 
latation des  artères.  Des  expériences  ont  été  invoquées 
à 1 appui  de  cette  dilatation;  d’autres  expériences  in- 
téressantes du  docteur  Parry,  semblent  la  contredire. 
Cependant  elle  existe  réellement,  mais  elle  est  très- 


ANATOMIE  GENERALE. 


378 

peu  considérable.  Un  autre  effet  plus  sensible,  produit 
par  chaque  systole,  est  l’allongement  des  artères.  L’ac- 
tion exercée  par  les  artères  pour  pousser  le  sang  en 
avant,  est  leur  retour  élastique  qui  les  rétrécit  et  les 
raccourcit,  et  par  conséquent  diminue  leur  capacité  , 
et  de  plus  une  force  de  contraction  vitale  qui  s’ajoute 
à l’élasticité  dans  les  artères  moyennes,  et  finit  par  la 
remplacer  dans  les  petites.  La  vélocité  du  cours  du 
sang  artériel  va  en  général  en  diminuant  des  troncs  vers 
les  derniers  rameaux  ; cette  vélocité  présente  en  outre 
des  variétés  locales , constantes  ou  accidentelles. 

La  fonction  des  artères  est  donc  de  conduire  comme 

4 

des  canaux  le  sang  dans  toutes  les  parties,  et  comme 
canaux  contractiles,  de  lui  imprimer  une  partie  du 
mouvement  dont  il  est  animé.  Oh  a tour  à tour  exa- 
géré et  trop  restreint  l’action  des  artères  sur  le  sang. 
Il  est  bien  certain  , i°  que  les  vaisseaux  paraissent  avant 
le  cœur,  soit  dans  la  série  animale,  soit  dans  l’embryon; 
2°  que  les  fœtus  monstrueux  sans  tête  sont  dépourvus 
de  cœur;  3°  que  dans  les  poissons  il  n’y  a point  de  ven- 
tricule aortique,  et  que  dans  l’homme  même,  la  veine 
porte  ( Sect.  III.  ) est  également  dépourvue  d un  agent 
musculaire  propre  d’impulsion;  4°  fiue  dans  les  rep- 
tiles à qui  on  enlève  le  cœur,  le  mouvement  du  sang 
continue  encore  long-temps  : tous  ces  faits  prouvent 
effectivement  que  les  vaisseaux  sont  un  agent,  et  sont 
même  l’agent  primitif  du  mouvement  du  sang.  Les 
artères  y prennent  part  par  leur  élasticité  et  par 'leur 
irritabilité. 

Mais  il  n’esl  pas  moins  certain  que  dans  les  animaux 
pourvus  de  cœur,  cet  organe  devient  un  agent  puis- 


DES  ARTÈRES. 

sant  du  mouvement  du  sang;  c’est  ainsi  que  par  son 
action  la  circulation  artérielle,  bien  que  continue,  est 
saccadée  ; c’est  ainsi  que  la  circulation  a lieu  dans  l’es- 
turgeon, quoique  l’aorte  soit  renfermée  dans  un  canal 
osseux;  c’est  de  même  que,  dans  l’homme,  l’aorte,. et 
ses  principales  branches  peuvent  être  osseuses  sans 
nuire  notablement  à la  régularité  du  cours  du  sang. 
Il  faut  conclure  de  là  que  l’une  et  l’autre  de  ces  puis- 
sances ( celle  du  cœur  et  celle  des  artères  ) servent  à la 
circulation,  et  que  l’une  peut  suppléer  en  partie  l’autre. 
Mais  l’action  du  cœur  sur  le  sang  va  en  diminuant,  et 
celle  des  vaisseaux  en  augmentant , à mesure  qu’on 
s’éloigne  du  centre  de  la  circulation.  La  contraction 
vitale  des  artères  est  aussi  une  des  causes  de  leur  va- 
cuité dans  le  cadavre. 

§ 4^4*  La  circulation  artérielle  est  accompagnée  d’un 
mouvement  qu’on  appelle  pouls.  On  a tour  à tour  attri- 
bué ce  phénomène  à la  dilatation  et  au  resserrement  al- 
ternatifs des  artères;  à l’allongemenjtde  ces  vaisseaux,  et 
à la  locomotion  qui  en  résulte;  à la  pression  du  doigt 
qui  1 explore,  ou  à plusieurs  de  ces  causes  réunies. Le 
nombre  des -pulsations  dépend  uniquement  de  celui 
des  contractions  du  cœur.  Le  volume  ou  la  plénitude 
du  pouls  dépend  de  la  quantité  de  sang  contenue  dans 
les  artères;  sa  durée,  de  celle  des  contractions  du  cœur; 
sa  force,  de  la  quantité  de  sang  poussée  par  le  cœur, 
de  la  force  avec  laquelle  il  est  poussé,  de  la  quantité 
contenue  dans  les  artères,  et  de  celle  qui  passe  à travers 
les  vaisseaux  capillaires.  L exploration  du  pouls  a pour 
objet  d examiner  l’état  de  la  circulation  et  des  puis- 
sances motrices  du  sang,  sayoir  le  cœur  et  les  vaisseaux. 


38o 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


Les  parois  des  artères  augmentent  d’épaisseur  et  de 
densité  pendant  toute  la  période  d’accroissement,  elles 
continuent  encore  d’augmenter  en  densité  pendant 
tout  le  reste  de  la  vie. 

Les  variétés  des  artères  sont  beaucoup  plus  fré- 
quentes qu’on  ne  l’a  dit  en  général.  Biehat  et  M.  Mec- 
kel  1 ont  dit  avec  raison  qu’elles  sont  au  moins  aussi 
fréquentes,  sinon  plus  même  que  colles  des  veines. 
C’est  surtout  dans  les  grosses  artères  qu  elles  sont  re- 
marquables2 *, et  par  leur  fréquence,  et  par  une  sorte 
de  régularité  ou  de  symétrie , et  par  la  ressemblance 
qu’elles  présentent  alors  avec  l’état  régulier  de  certains 
animaux.  1 

§ 425.  Outre  les  vaisseaux  accidentels  déjà  indiqués 
(§  3yi),  quand  une  artère  principale  est  interrompue 
dans  sa  continuité,  il  s’établit  encore  des  voies  supplé- 
mentaires pour  la  circulation.  Ces  voies  résultent  ordi- 
nairement de  l’augmentation  de  volume  d’anciens  vais- 
seaux qui , de  blancs  et  incolores  qu’ils  étaient  par  leur 
ténuité  extrême,  deviennent  rouges,  ou  qui  de  rouges 
et  capillaires  qu’ils  étaient,  deviennent  plus  volumi- 
neux; mais  qui,  dès  avant  cette  circonstance,  formaient, 
par  leurs  anastomoses,  des  voies  collatérales  (§  35o). 
Dans  certains  cas  la  circulation  se  rétablit  par  des  voies 
tout-à-fait  nouvelles,  par  des  artères  de  nouvelle  for- 
mation. Ce  fait,  soupçonné  par  J.  Hunter,  entrevu  par 
M.  Maunoir  et  par  Jones  lui-même,  quoiqu  il  ait  com- 

' I . J i ■ K.  , > ■ - - ' ' 4 ' ' ' ' 

1 Dcutsches  archiv  fur  die  physiologie. 

1 Fr.  Tiedemann,  Tabula;  arteriarum  corp.  huniani.  Cals 

ruhæ , 1822. 


DES  ARTÈRES. 


38i 


battu  l’opinion  de  M.  Maunoir,  a été  mis  hors  de  doute 
parles  expériences  du  docteur  Parry 1 . Si  on  lie  ou  si  l’on 
retranche  une  partie  de  l’artère  carotide  du  mouton , 
artère  qui  ne  fournit  aucune  branche  dans  toute  la 
longueur  du  cou,  on  trouve,  quelque  temps  après,  la 
circulation  rétablie  dans  l’endroit  où  l’artère  a été  obli- 
térée ou  retranchée , par  plusieurs  rameaux  à peu  près 
parallèles  occupant  l’intervalle  qui  existe  entre  les  deux 
bouts  de  l’artère. 

§ 426.  L’inflammation  générale  des  artères  est  rare  ; 
l’artérite  locale  ne  l’est  pas.  Cependant  la  rougeur  ne 
suffit  pas  pour  la  caractériser  ; il  y a de  plus  de  l’épais- 
sissement, du  ramollissement  dans  les  parois,  et  sou- 
vent à l’intérieur  une  exsudation  plastique , quelque- 
fois du  pus  , et  quelquefois  des  ulcérations  plus  ou 
moins  profondes. 

§ 427*  Les  blessures  2 des  artères  offrent  des  considé- 
rations anatomiques  d’un  grand  intérêt  : l’acupuncture 
ou  piqûre  d’une  artère  donne  lieu  à une  hémorrhagie 
faible  si  le  vaisseau  est  entouré  de  tissu  cellulaire,  plus 


forte  s’il  est  dénudé  de  sa  gaîne.  L’hémorrhagie  s’arrête 
parla  coagulation  du  sang,  qui  est  ensuite  successive- 
ment résorbé  ; il  reste  pendant  quelque  temps  un  petit 
renflement  vis-à-vis  la  piqûre;  il  se  forme  ensuite  une 
cicatrice  si  exacte,  qu’il  devient  à la  longue  impossible 
de  l’apercevoir.  Une  petite  incision  parallèle  à l’axe  du 
vaisseau  s’écarte  un  peu,  et  donne  lieu  à une  hémor- 


1 Loc.  cit. 

* J.  F.  t).  Jones;  On  the  process  employed  by  nature  in  su- 
pressing  the  hemorrhâge , elc.  Lond.  1810.  — Béclard,  loc. 
'fçit. 


38a 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


r Plagie  plus  forte  que  la  piqûre.  La  guérison  s’effectue 
quelquefois  ensuite,  et  de  la  même  manière.  L’incision 
transversale  donne  lieu , par  l’écartement  considérable 
de  ses  bords,  à une  hémorrhagie  plus  ou  moins  grave, 
suivant  que  l’artère  est  ou  non  dénudée.  L’hémorrhagie 
est  d’autant  plus  grave,  que  l’incision  intéresse  la  moitié 
de  la  circonférence  du  vaisseau , cas  dans  lequel , aban- 
donnée à elle -même,  elle  continue  ou  se  renouvelle , 
après  s’être  arrêtée,  jusqu’à  la  mort.  Dans  le  cas  où  l’in- 
cision atteint  une  petite  partie  de  la  circonférence , si  la 
gaine  existe  , le  sang , après  avoir  coulé  plus  ou  moins, 
s’y  infiltre,  s’y  coagule,  et  quelquefois  il  se  fait  une 
cicatrice  qui,  à lâ  vérité,  est,  dans  l’homme,  beau- 
coup moins  solide  que  les  parois  originelles  de  i’artère, 
et  qui  devient  ordinairement  le  siège  ou  la  cause  d’un 
anevrysme  dit  consécutif.  Quand , au  contraire,  la  di- 
vision transversale  dépasse  de  beaucoup  la  moitié  de 
la  circonférence,  la  rétraction  est  telle,  ainsi  que  le 
rétrécissement  qui  en  résulte,  que  si  la  gaine  existe 
encore,  le  sang  s’y  infiltre,  s’y  arrête;  s’y  coagule? 
et  que  la  guérison  peut  aussi  avoir  lieu  ; mais  pour  cela 
la  division  de  l’artère  s’achève,  et  ce  cas  rentre  alors 
dans  le  suivant. 

§4^8.  Quand  uneartèred’un  moyen  ealibreestcoupée 
en  travers  , soit  sur  une  surface  amputée , soit  dans  la 
continuité  des  parties , le  sang  sort  à plein  canal  et 
par  un  jet  continu,  alternativement  élevé  et  abaissé, 
jusqu’à  ce  que  la  circulation  soit  beaucoup  affaiblie; 
l’écoulement  se  rallentit  alors  et  s’arrête,  soit  pour 
recommencer  une  ou  plusieurs  fois,  quand  la  faiblesse 
sera  passée,  et  continuer  jusqu’à  la  mort , soit  pour  ne 


DES  ARTERES. 


383 


plus  reparaître.  Dans  ce  dernier  cas,  très-rare  dans 
l’espèce  humaine,  l’artère  s’étant  rétractée  dans  sa 
oaîne  et  dans  le  tissu  cellulaire  ambiant,  le  sang  s’est 
infiltré  et  se  coagule  autour  du  bout  du  vaisseau  , 
il  se  coagule  aussi  dans  ce  bout  même,  jusqu’à  une 
hauteur  plus  ou  moins  grande,  toujours  déterminée 
par  la  situation  de  la  branche  la  plus  voisine,  dans  la- 
quelle la  circulation  continue  d’avoir  lieu.  Le  bout  de 
l’artère  est  alors  obstrué  et  bouché,  à peu  près  comme 
l’est  le  goulot  d’une  bouteille  par  le  bouchon  et  par  la 
cire  dont  on  le  recouvre.  L’artère  n’étant  plus  sou- 
mise à la  distension  alternative  qu’elle  éprouvait,  re- 
vient peu  à peu  sur  elle,  son  extrémité  tronquée 
éprouve  l’inflammation  traumatique , et  devient  le 
siège  d’une  exsudation  plastique  5 le  bout  se  cicatrise, 
le  sang  coagulé  à l’intérieur  et  à l’extérieur  est  suc- 
cessivement résorbé,  l’artère  continue  de  se  resserrer, 
elle  se  change  en  un  cordon  imperméable , et  finit  or- 
dinairement par  disparaître  ou  se  changer  en  tissu  cel- 
lulaire jusqu’aux  environs  de  la  branche  la  plus  voisine 
qui  continue  de  servir  à la  circulation. 

§429*  Quand  on  distend  en  long  une  artère,  elle  s’al- 
longe d’abord  beaucoup  en  glissant  dans  sa  gaîne  à la 
faveur  du  tissu  cellulaire  qui  l’entoure;  après  avoir 
beaucoup  cédé  sans  se  rompre , elle  commence  à se 
déchirer  à l’intérieur.  La  membrane  externe  se  déchire 
la  dernière,  après  s’être  allongée  et  effilée  à peu  près 
comme  un  tube  de  verre  que  l’on  fond  et  que  l’on  tire 
à la  lampe  d’émail^eur.  Une  fois  rompue,  les  bouts 
de  V artère  se  retirent  moins  qu’ils  ne  se  sont  allongés,  et 
le  sang  jaillit  d’abord  comme  dans  le  cas  précédent, 

0 


384  anatomie  générale. 

mais  bientôt  il  s arrête  pour  ne  plus  reparaître  ordinaire- 
ment. On  a attribue  cette  cessation  prompte  et  défi- 
nitive de  1 hémorrhagie,  qui  a presque  toujours  lieu 
dans  ce  cas,  a la  rétraction  de  1 artere  et  à d’ autres 
causes  imaginaires  : beaucoup  de  cas  observés  dans 
1 espece  humaine , et  beaucoup  d expériences  faites  sur 
les  animaux,  m ont  convaincu  que  c était  aux  ruptures 
intérieures  plus  ou  moins  multipliées  qu’éprouve  l’ar- 
tère avant  de  se  diviser  totalement  en  un  point,  qu’il 
fallait  attribuer  ce  phénomène  remarquable.  Les  phé- 
nomènes consécutifs  sont  les  mêmes  qu’après  la  section 
transversale  (§428). 

§ 43o.  Une  ligature  appliquée  circulairement  à une 
artère , soit  dans  sa  continuité , soit  sur  une  surface 
amputée,  assez  serrée  pour  arrêter  la  circulation  dans 
le  vaisseau , coupe  les  membranes  interne  et  moyenne , 
et,  si  l’artère  est  saine,  ne  divise  point  la  membrane 
externe.  Si  la  ligature  reste  en  place,  le  sang  arrêté 
dans  le  vaisseau  se  coagule  dans  sa  cavité  jusqu’à  la 
branche  la  plus  voisine,  qui  continue  de  servir  à la 
circulation.  La  division  éprouvée  par  les  membranes 
internes , la  pression  exercée  sur  l’externe , et  la  pré- 
sence de  la  ligature,  déterminent  une  effusion  de  ma- 
tière organisable,  qui  produit  d’abord  l’agglutination 
de  toutes  les  parties  intéressées;  la  partie  embrassée 
par  la  ligature  s’amollit  d’abord,  puis  se  divise  par 
l’effet  de  l’inflammation , et  la  ligature  est  rejetée 
au -dehors.  Les  changemens  ultérieurs  dans  le  vais- 
seau sont  les  mêmes  qu’après  sa  section  transversale 

(S  4*8). 

§ 43 1 . Dans  les  trois  genres  de  blessures  qui  viennent 


DES  ARTERES. 


385 

d’être  exposés  (§  428-3o),  les  phénomènes  ultérieurs  sont 
différens,  suivant  qu’il  s’agit  d’une  surface  amputée,  ou 
bien  de  la  continuité  des  parties.  Dans  une  surface  am- 
putée, non-seulement  l’artère  principale  s’oblitère,  mais 
encore  toutes  ses  branches  et  ses  rameaux  aboutissans  à 
la  surface;  de  sorte  que  le  tronc  lui-même  se  rétrécit 
plus  ou  moins.  Dans  l’autre  cas,  au  contraire,  les  bran- 
ches qui  naissent  de  l’artère  liée,  coupée  ou  déchirée, 
non-seulement  continuent  de  servir  à la  circulation , 
mais  se  dilatent  pour  suppléer  le  tronc  principal  ; elles 
entretiennent  ainsi,  jusqu’au  point  d’où  elles  naissent,  la 
fluidité  du  sang,  son  mouvement  et  son  effort  sur  le 
vaisseau.  C’est  à cette  différence  qu’il  faut  attribuer  la 
fréquence  de  la  réunion  primitive  des  artères  divisées 
dans  une  surface  amputée , et  la  rareté  relative  de  cet 
heureux  résultat  dans  la  continuité  des  parties. 

§4^2.  On  trouve  quelquefois  une  production  ou  une 
transformation  cartilagineuse  avec  épaississement  des 
parois  artérielles  dans  une  étendue  ordinairement  assez 
limitée.  Les  productions  dites  athéromateuses,  stéato- 
mateuses,  etc. , ne  sont,  comme  la  précédente,  que  le 
prélude  de  l’ossification  pierreuse  dont  les  artères 
sont  si  fréquemment  le  siège.  Il  faut  distinguer  cette 
ossification  en  accidentelle  et  en  sénile.  La  première 
a son  siège  entre  les  membranes  interne  et  moyenne,  et 
est  précédée  d’une  des  altérations  ci-dessus.  La  seconde, 
au  contraire,  a son  siège  dans  la  membrane  moyenne, 
et  consiste  en  une  transformation  de  ses  anneaux  fi- 
breux en  cerceaux  osseux  plus  ou  moins  étendus.  Les 
diverses  parties  du  système  artériel  n’y  sont  pas  toutes 
également  disposées.  Le  système  aortique  en  est  beau- 


i. 


•^86  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

coup  plus  souvent  affecté  que  le  pulmonaire.  Les  épe- 
rons intérieurs  des  artères  et  les  valvules  de  leurs 
troncs  en  présentent  souvent  ; l’aorte  et  ses  branches 
principales  en  sont  souvent  le  siège;  les  artères  des  mem- 
bres inférieurs  plus  souvent  que  celles  des  membres 
supérieurs;  les  artères  des  muscles,  du  cœur,  du  cer- 
veau , de  la  rate  , assez  souvent;  celles  de  l’estomac  et 
du  foie  rarement.  La  totalité  enfin  cju  système  artériel  a 
été  vue  ossifiée,  par  Harvey,  Riolan  et  Loder.  L’ossifi- 
cation des  artères  est  le  plus  généralement  le  partage  de 
la  vieillesse.  Cependant  on  voit  aussi  quelquefois  l’os- 
sification accidentelle  chez  des  jeunes  sujets,  et  même 

dans  la  première  enfance.  L’ossification  des  artères  est 

* 

plus  rare  dans  le  sexe  féminin  que  chez  les  hommes. 
Elle  est  beaucoup  plus  commune  dans  les  climats  froids 
que  dans  les  pays  chauds. 

L’effet  de  l’ossification  artérielle , et  surtout  de  celle 
qui  est  accidentelle,  est  de  produire  l’usure  des  mem- 
branes entre  lesquelles  elle  est  placée.  L ossification  des 
artères  a été  attribuée  à une  foule  de  causes.  Celle  qui 
est  accidentelle  est  une  véritable  production  ou  dépo- 
sition ; celle  qui  est  sénile  paraît  le  dernier  terme  des 
changemens  successifs  que  la  membrane  moyenne,  d’a- 
bord molle  et  rougeâtre,  éprouve  durant  la  vie. 

§ 433.  On  trouve  quelquefois  des  excroissances  de 
consistance  charnue,  attachées  à la  face  interne  des 
artères,  et  surtout  aux  valvules  semi-lunaires  qui  sont 
à leur  entrée. 

§ 4^4-La  dilatation  des  artères,  ou  l’artériectasie,  est 
uneaffection  très-fréquente;  elle  peut  consister  : i°  dans 
une  simple  perte  d’élasticité  sans  altération  apparente 


DES  ARTÈRES.  38'J 

dos  parois;  2°  dans  une  altération  des  parois  dilatées. 

La  dilatation  simple  se  rencontre  surtout  dans  les 
gros  troncs;  elle  affecte  généralement  toute  la  circon- 
férence, et  la  tumeur  qui  en  résulte  a la  forme  ovoïde. 
Qn  l a observée  souvent  dans  l’aorte,  particulièrement 
à sa  crosse,  et  quelquefois  dans  l’artère  pulmonaire. 

La  dilatation  avec  altération  des  parois  affecte  l’aorte 
et  les  diverses  parties  du  système  aortique  jusque  vers 
les  ramifications.  Les  artères  des  membres  supérieurs 
en  sont  beaucoup  pl  us  rarement  affectées  que  les  autres. 
L’altération  et  la  dilatation  qui  en  résultent  sont  le  plus 
souvent  latérales  : c’est  ce  que  les  auteurs  ont  décrit, 
depuis  Fernel,  sous  le  nom  d’anévrysme  vrai;  les  pa- 
rois altérées  y sont  plutôt  épaissies  qu’amincies. 

Le  sang  que  contiennent  ces  deux  sortes  de  dila- 
tations est  fluide. 

§ 435.  L’anévrysme  résulte  de  la  destruction  ou  de  la 
rupture,  en  un  mot  de  la  solution  de  continuité  des 
parois  artérielles,  précédée  ordinairement  de  la  dila- 
tation de  ces  parois,  et  toujours  de  leur  altération.  Il 
consiste  en  une  cavité  formée  par  la  membrane  ex- 
terne dilatée  et  renforcée  par  le  tissu  cellulaire  et  les 
autres  parties  ambiantes,  tapissée  à l’intérieur  par  une 
membrane  mince  et  lisse  en  quelques  points,  ressem- 
blant beaucoup  à la  membrane  intente  des  artères. 
Cette  cavité  communique  avec  celle  du  vaisseau  par 
une  ouverture,  régulière  ou  non,  des  membranes  in- 
terne et  moyenne;  elle  est  remplie  de  sang  coagulé, 
et  de  couches  plus  ou  moins  fermes  de  fibrine,  diver- 
sement altérée,  et  peut  être  mêlée  de  matière  organi- 
sable  produite  par  les  parois  île  la  cavité.  Le  sang,  en 


388 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


parcourant  le  canal  de  l’artère,  pénètre  continuellement 
dans  la  cavité  accidentelle. 

Tantôt  l’anévrysme  s’accroît  indéfiniment,  et  tue  par 
la  compression  des  organes  voisins  et  par  le  trouble 
de  leurs  fonctions.  Tantôt  il  se  rompt  à l’extérieur  ou 
à l’intérieur,  et  fait  périr  par  hémorrhagie  ou  par  épan- 
chement. D’autres  fois  il  s’enflamme,  suppure  et  s’ouvre 
comme  un  vaste  abcès,  et  tantôt  alors  il  y a hémor- 
rhagie , et  tantôt,  au  contraire,  l’artère  s’étant  oblitérée 
par  ^inflammation,  la  guérison  peut  avoir  lieu.  Quel- 
quefois l’inflammation  se  termine  par  la  gangrène  de 
la  tumeur,  et  l’un  ou  l’autre  des  effets  ci-dessus  peut 
être  le  résultat  de  la  séparation  de  l’eschare.  D’autres 
fois  enfin,  la  circulation  se  ralentit  insensiblement  dans 
l’artère  affectée  d’anévrysme , et  devient  en  même 
temps  de  plus  en  plus  active  dans  les  voies  collatérales, 
d’où  résulte  à la  fin  l’oblitération  de  l’artère  affectée 
jusqu’aux  branches  voisines  de  la  tumeur,  et  la  résorp- 
tion successive  de  celle-ci. 

§ 436.  Les  artères,  soit  enflammées,  soit  affectées  d’une 
production  accidentelle  dans  leurs  parois , soit  sans 
cause  apparente  , au  lieu  de  se  dilater  et  de  se  rompre, 
se  rétrécissent  quelquefois,  et  s’oblitèrent  même  spon- 
tanément. On  a trouvé  ainsi  l’artère  aorte  rétrécie  et 
même  tout-à-fait  oblitérée;  on  a aussi  observé  l’obli- 
tération totale  de  l’artère  pulmonaire  droite;  j’ai  vu 
une  fois  celle  de  l’artère  carotide,  quelquefois  le  ré- 
trécissement du  tronc  brachial,  et  souvent  le  rétrécis- 
sement et  l’oblitération  du  tronc  crural  et  de  ses  bran- 
ches. C’est  là  la  cause  ordinaire  de  la  gangrène  sénile 
des  orteils,  des  pieds  et  des  jambes;  ce  changement  ar- 


DES  VEINES. 


389 

rivant  dans  une  partie  et  à une  époque  où  les  rameaux 
artériels,  affectés  eux-mêmes  d’endurcissement,  ne  sont 
plus  susceptibles  de  l’accroissement  rapide,  nécessaire 
à l'établissement  de  la  circulation  collatérale. 

TROISIÈME  SECTION. 

DES  VEINES. 

§437.  Les  veines1  sont  les  vaisseaux  qui  rapportent 
au  cœur  le  sang  de  toutes  les  parties  du  corps. 

§ 438.  On  a déjà  vu  que  les  anciens  n’ont  fait  d’abord 
aucune  distinction  entre  les  veines  et  les  artères.  Ga- 
lien, qui  les  distinguait  bien  , plaçait  dans  le  foie  l’ori- 
gine des  premières.  La  distinction  et  la  connexion  des 
artères  et  des  veines  ont  été  'parfaitement  établies  par 
la  découverte  de  la  circulation  du  sang;  depuis  lors  ori 
a peut-être  un  peu  négligé  l’étude  du  système  veineux. 

§ 43b.  Les  veines  ont,  comme  tout  le  système  vascu- 
laire , une  disposition  arborisée  ; mais,  vu  la  direction 
dans  laquelle  le  sang  les  parcourt,  elles  ressemblent 
plutôt  aux  racines  d’un  arbre  qu’à  ses  branches  : ainsi 
leur  origine  a lieu  par  des  radicules  qui  répondent  aux 
ramuscules  des  artères;  leur  terminaison  par  des  troncs 
qui  sont  ouverts  dans  le  cœur,  comme  les  origines  des 
artères;  leur  trajet  présente  des  réunions,  comme  celui 
des  artères,  des  divisions  successives.  Si  donc  on  les 
considère  ensuivant  le  cours  du  sang,  elles  présentent 
une  disposition  opposée  à celle  des  artères;  et  si  on  les 
examinait  dans  le  même  sens  que  les  artères , on  sui- 

' Diatribe  anatoinico-physiologica  de  structura  atquc 
vitd  venarum , Auctore  H.  Marx.  in-8°;  Carlsruliæ,  iSkj. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


^9° 

vrait  une  direction  opposée  à celle  du  cours  du  sang. 

§ 44o.  Le  système  veineux,  comme  l’artériel,  est 
double  : l’un  général , rapporte  le  sang  du  corps  à l’oreil 
lette  antérieure  ou  droite  ; l’autre  rapporte  le  sang  du 
poumon  à l’autre  oreillette  du  cœur.  Il  y a en  outre  un 
système  veineux  particulier  et  compliqué  dans  l’abdo- 
men : c’est  la  veine-porte , dont  la  disposition  doit  être 
examinée  à part. 

§ 44i.  Ce  système  veineux  particulier  constitue  un 
système  vasculaire  tout  entier,  c’est-à-dire  un  arbre 
ayant  un  tronc,  des  racines  et  des  branches,  placé 
comme  intermédiaire  entre  les  derniers  ramuscules 
des  artères  gastriques,  intestinales  et  spléniques,  qui  se 
continuent  avec  ses  racines,  et  les  premiers  radicules 
des  veines  susliépatiques , qui  sont  la  continuation  de 
ses  rameaux.  Ce  système  vasculaire,  si  l’on  a égard  à 
sa  disposition  ramifiée  en  deux  sens  opposés,  ressemble 
aux  veines  par  sa  moitié  intestinale , et  aux  artères  par 
sa  moitié  hépatique;  sous  un  autre  rapport,  il  est  indif- 
férent ou  étranger  aux  unes  et  aux  autres,  comme  il  leur 
est  intermédiaire  : car  c’est  dans  l’endroit  où  il  est  la 
continuation  des  artères,  qu’il  a la  disposition  veineuse, 
et  vice  versa.  C’est  surtout  à cause  de  la  nature  du 
sang  qu’il  contient,  que  ce  système  vasculaire  est  réuni 
au  système  veineux  général. 

§ 44a.  Dans  les  animaux  vertébrés  ovipareson  trouve 
un  autre  système  veineux  analogue  aux  vaisseaux  in- 
testino -hépatiques.  Ce  système  particulier  1 est  formé 

1 Lud.  Jacobsou , de  System  a te  venoso  peentian  r/i  per - 
rntdtis  {ihirniltibtis  ohserrnto  ; Hafnia*,  1821. 


DES  VEINES. 


391 

par  la  réunion  des  veines  tle  îa  région  moyenne  du 
corps  seulement,  ou  de  cette  région  et  de  la  queue,  qui 
se  portent  et  se  terminent  dans  les  reins,  à la  manière 
des  artères,  en  envoyant  quelquefois  un  rameau  à la 
veine-porte  , c’est-à-dire  au  foie. 

J’ai  vu  quelquefois,  dans  le  chien,  la  veine-porte  avoir 
une  ou  deux  terminaisons  rénales. 

§ 443.  Le  nombre  des  veines  est  en  général  plus  grand 
que  celui  des  artères.  Il  y a deux  veines  caves  et  une 
veine  cardiaque  pour  répondre  au  tronc  unique  de 
l’aorte.  Il  y a de  même  quatre  veines  pulmonaires  pour 
répondre  à l’artère  pulmonaire  unique  et  à ses  deux 
branches.  Mais  chacune  de  ces  divisions  veineuses 
répond  à une  branche  d’artère  correspondante.  Dans 
presque  toute  l’étendue  du  corps  il  y a beaucoup  plus 
de  veines  sous-cutanées  que  d’artères,  et  dans  les  parties 
profondes  il  y a presque  partout  deux  veines  satellites 
pour  une  seule  artère.  Dans  l’estomac,  la  rate,  les 
reins,  les  testicules,  les  ovaires  et  quelques  autres  par- 
ties, le  nombre  des  veines  est  égal  à celui  des  artères. 
Dans  quelques  parties  même  le  nombre  des  veines  est 
moindre  que  celui  des  artères,  comme,  par  exemple, 
dans  le  cordon  ombilical,  dans  le  pénis,  dans  le  clitoris, 
dans  la  vésicule  biliaire,  les  capsules  surrénales,’  etc. 
Mais  cela  est  compensé  par  la  différence  de  capacité. 
La  grandeur  des  veines  en  général  est  plus  considé- 
rable en  effet  que  celle  des  artères  correspondantes. 

La  somme  des  veines,  ou  leur  capacité  totale,  est 
donc  plus  grande  que  celle  des  artères.  Beaucoup  d é- 
valuations ont  été  hasardées  à ce  sujet  : on  peut  dire 
seulement  avec  Haller,  que  les  veines  sont  au  moins  le 


ANATOMIE  GENERALE. 


3c>2 

double  des  artères  en  capacité  ; mais , outre  les  diffé- 
rences individuelles,  accidentelles  ou  passagères,  et 
celles  qui  dépendent  du  genre  de  mort,  cela  varie  con- 
tinuellement avec  l’âge.  Cette  différence  d’ailleurs  n’est 
pas  la  même  dans  toutes  les  parties  du  corps.  Dans  le 
système  pulmonaire  elle  n’existe  pas,  caries  veines  y 
sont  sensiblement  égales  en  capacité  aux  artères.  Il  en 
est  de  même  des  vaisseaux  rénaux;  au  contraire,  dans  le 
testicule,  les  veines  l’emportent  de  beaucoup  sur  les 
artères. 

§ 444-  La  situation  des  veines  est  en  général  la  même 
que  celle  des  artères , ces  deux  genres  de  vaisseaux 
s'accompagnant  mutuellement  dans  leur  trajet  et  se 
continuant  à leur  terminaison.  Presque  partout  un 
tronc , une  branche , un  rameau  artériel,  est  accompa- 
gné d’une  ou  deux  veines.  Il  y a pourtant  quelques 
exceptions  : ainsi,  dans  le  crâne,  dans  le  rachis,  dans 
l’œil  et  dans  le  foie,  les  artères  et  les  veines  affectent 
des  situations  et  des.  dispositions  différentes  : la  veine 
azygos,  tronc  des  intercostales  dans  l’espace  mesuré 
parle  péricarde  et  le  foie,  n’est  point  satellite  d’une 
artère;  il  en  est  encore  de  même  des  veines  sous -cu- 
tanées. 

§ 445.  Les  veines  commencent  par  des  radicules  ca- 
pillaires ou  microscopiques,  continuation  des  ranrus- 
cules  des  artères.  Ces  radicules  sont  incolores  ou 
rouges  , suivant  que  leur  diamètre  admet  une  seule 
série  de  globules  ou  plusieurs  à la  fois.  Dans  quelques 
endroits,  comme  dans  lintestin,  le  poumon,  etc.,  les 
réunions  successives  des  radicules  des  veines  corres- 
pondent et  ressemblent  tout- à -fait  aux  divisions  des 


DES  VEINES. 


393 

rainuscules  artériels;  dans  d’autres  endroits  la  disposi- 
tion est  différente.  Sans  parler  du  tissu  érectile  ou  ca- 
verneux, où  le  renflement  et  la  communication  des 
veines  sont  extrêmes,  dans  beaucoup  d’autres  parties 
elles  affectent  des  dispositions  différentes  de  celles  des 
artères  : elles  forment  des  plexus  au  col  de  la  vessie, 
dans  le  rachis,  et  autour  de  l’artère  spermatique;  de 
larges  canaux  dans  les  os  spongieux;  sous  la  peau  elles 
forment,  par  leurs  communications  multipliées,  un 
grand  réseau  à mailles  angulaires,  et  le  plus  souvent 
pentagones. 

Elles  ne  sont  point  aussi  régulièrement  cylindriques 
que  les  artères  ; loin  de  suivre  un  ordre  régulier  d’ac- 
croissement dans  le  volume  des  troncs,  et  de  décrois- 
sement dans  leur  capacité  totale,  on  voit  souvent  de 
très  - grosses  branches  tenir  à un  tronc  peu  volumi- 
neux , ce  qui  dépend  surtout  de  la  mollesse  des  parois, 
et  du  grand  nombre  d’anastomoses.  Les  communica- 
tions des  veines  présentent  toutes  les  variétés  déjà  in- 
diquées (§356),  et,  de  plus,  la  réunion  de  très-gros 
troncs , comme  celle  des  veines  caves  par  la  veine 
azygos;  la  réunion  de  veines  superficielles  et  de  veines 
profondes,  comme  celle  des  veines  crâniennes  et  ra- 
chidiennes avec  les  veines  épicraniennes , temporales, 
cervicales  , etc. , des  veines  jugulaires  internes  et 
externes,  des  veines  profondes  avec  les  sous-cutanées 
des  membres. 

En  général,  les  veines  ont  un  trajet  moins  flexueux, 
plus  droit,  et  par  conséquent  plus  court  que  les  artères. 

Les  variétés  des  veines  ont  été  un  peu  exagérées, 
comme  celles  des  artères  ont  été  dissimulées.  Les  gros 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


^94 

troncs  veineux  surtout  sont  moins  variables  qu’on  ne 
l’a  dit;  les  branches  et  les  rameaux  le  sont  beaucoup. 

§ 44 6-  L’intérieur  des  veines  présente  un  grand  nom- 
bre de  valvules 1 ou  de  prolongemens  repliés  de  la  mem- 
brane interne,  ce  qui  établit  une  grande  différence 
entre  elles  et  les  artères.  On  voit  très-bien  les  valvules 
en  examinant  sous  l’eau  une  “Veine  fendue  en  long. 

Chaque  valvule  consiste  en  un  repli  de  la  membrane 
interne.  Ce  repli  a un  bord  convexe,  adhérant  aux  pa- 
rois de  la  veine  du  côté  de  ses  racines,  er  un  bord  con- 
cave et  libre,  tourné  du  côté  du  cœur.  Ces  deux  bords 
sont  un  peu  plus  épais  que  le  reste  du  repli;  une  des 
faces  regarde  la  cavité  du  vaisseau,  et  répond  au  sang 
qui  circule  ; l’autre  répond  rfux  parois  de  la  veine,  un 
peu  dilatée  en  ce  point.  Quand  la  valvule  s’abaisse,  la 
face  qui  répond  aux  origines  devient  convexe,  et  l’autre 
devient  concave,  et  la  veine  se  renfle  un  peu;  les  val- 
vules sont  d’autant  plus  larges  que  la  veine  est  plus 
volumineuse,  et  d’autant  plus  allongées  qu’elle  est  plus 
petite.  C’est  à cette  différence  surtout  qu’il  faut  rap- 
porter les  variétés  de  forme  décrites  par  Perrault  et 
par  plusieurs  autres. 

Outre  la  membrane  interne  repliée,  on  trouve  en- 
core, dans  l’épaisseur  des  valvules,  du  tissu  cellulaire 
dense  et  quelquefois  des  fibres  distinctes;  quelquefois 
elles  sont  aréolaires  et  perforées  comme  de  la  dentelle. 
Dans  les  veines  ou  sinus  de  la  dure-mère,  on  trouve 

1 H.  Fabrioio,  de  Venarum  osliohs , in  op.  omn.  J-  *'• 
Schmiedt  et  H.  Meiboinius , de  Valvules  seu,  membranulis 
vasorum , van  ira  que  s tract,  et  usa.  Helmst.  1682.  Perrault, 
Essais  de  physique,  t.  IIT. 


DES  VEINES. 


3y5 

seulement  quelques  libres  transversales  qu’on  peut  re- 
garder comme  des  valvules  rudimentaires. 

Les  valvules  sont  en  général  disposées  par  paires 
placées  alternativement , suivant  deux  diamètres  op- 
posés de  la  veine. 

Elles  sont  trois  à trois  dans  les  grandes  veines, 
comme  la  crurale  et  l’iliaque  j rarement  elles  sont  qua- 
druples, et  très-rarement  ou  jamais  quintuples.  Dans 
les  rameaux  d’une  demi-ligne  de  diamètre  et  au-dessous, 
elles  sont  uniques. 

Il  n’y  a pas,  à beaucoup  près , des  valvules  partout 
où  un  rameaû  se  joint  à une  branche,  où  une  branche 
s’abouche  dans  un  tronc  ; elles  ne  sont  pas  non  plus 
partout  à la  même  distance  ; elles  ne  sont  nulle  part 
plus  rapprochées  que  dans  les  plus  petites  veines.  On 
trouve  des  valvules  dans  les  veines  des  membres,  plus 
dans  les  sous-cutanées  que  dans  les  profondes,  dans 
celles  delà  face,  du  col,  delà  langue,  des  tonsilles,  à 
la  fin  de  la  veine  cardiaque , dans  les  veines  tégumen- 
taires  de  l’abdomen,  dans  celles  du  testicule,  du  pénis, 
du  clitoris,  dans  les  veines  iliaques  interne  et  externe, 
quelquefois  dans  les  rénales , rarement  dans  l’azygos. 

Il  n’y  en  a point  dans  les  veines  encéphaliques,  ra- 
chidiennes, diploïques,  dans  celles  despoumons, ciansla 
veine-porte,  dans  la  veine  ombilicale,  dans  les  veines 
caves,  si  ce  n’est  à l’embouchure  de  l’azygos  dans  les 
veines  utérines  et  dans  la  veine  médiane. 

En  général,  il  y a beaucoup  de  valvules  dans  les  veines 
superficielles,  moins  dans  les  veines  profondes  ou  in- 
ter-musculaires, et  moins  encore  dans  les  veines  des  ca- 
vités splanchniques;  il  y en  a beaucoup  dans  les  parties 


3y6  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

les  plus  déclives,  et  par  conséquent  dans  les  membres 
intérieurs,  moins  dans  les  supérieurs,  et  moins  encore 
dans  la  tête  et  dans  le  cou. 

Les  valvules  appliquées  contre  les  parois  des  veines, 
quand  le  cours  du  sang  est  libre  et  facile,  s’en  écartent, 
ferment  la  veine,  soutiennent  le  sang  et  empêchent 
son  reflux  vers  les  vaisseaux  capillaires  quand  il  ren- 
contre des  obstacles  à son  trajet. 

§ 44y*  Les  veines  sont,  comme  tous  les  vaisseaux^  en- 
tourées par  le  tissu  cellulaire  des  parties  où  elles  sont 
placées,  ce  qui  leur  forme  une  gaine,  lâche  autour  des 
troncs,  plus  intimement  unie  aux  rameaux.  La  gaine  de 
la  veine-porte  est  remarquable  dans  le  foie,  où  elle  est 
connue  sous  le  nom  de  capsule  de  Glisson. 

La  membrane  externe  proprement  dite  est  plus  mince 
et  moins  serrée  que  celle  des  artères,  à laquelle  elle  res- 
semble beaucoup. 

La  membrane  moyenne  est  formée  de  fibres  plus 
extensibles  et  plus  molles  que  celles  des  artères.  Ces 
fibres  paraissent  presque  toutes  longitudinales,  quand 
on  regarde  la  membrane  contre  le  jour;  quelques-unes 
des  plus  internes  paraissent  annulaires;  mais  quand  on 
veut  séparer  les  fibres  de  cette  membrane,’  on  éprouve 
la  même  difficulté  dans  tous  les  sens.  Cette  membrane 
est,  dans  l’espèce  humaine,  bien  plus  épaisse  dans  le 
système  de  la  veine  cave  inférieure  que  dans  1 autre  ; 
en  général  aussi  elle  est  plus  épaisse  dans  les  veines 
superficielles  que  dans  les  profondes;  aussi  la  veine 
saphène  interne  a des  parois  très-épaisses  au  baS  de  la 
jambe.  Près  de  leur  embouchure  au  cœur,  les  veines 
ont  des  libres  distinctement  musculaires.  La  mem- 


DES  VEINES.  3Q7 

brune  interne,  mince  et  transparente,  diffère  de  celle 
des  artères  par  son  extensibilité  et  sa  résistance  à la 
rupture,  et  par  sa  texture  filamenteuse,  qui  devient 
évidente  quand  on  la  distend  et  la  déchire.  Les  grandes 
veines  du  crâne  ou  les  sinus,  les  veines  des  os  et  quel- 
ques autres,  résultent  presque  uniquement  de  la  mem- 
brane interne,  et  sont  du  reste  comme  creusées  dans  la 
substance  de  la  dure-mère,  des  os,  etc. 

Les  parois  des  veines  sont  pourvues  de  petits  vais- 
seaux sanguins  et  de  filets  nerveux  que  l’on  suit  dans 
une  partie  de  leur  épaisseur. 

§ 44S.  Les  parois  des  veines  sont  blanchâtres , demi- 
transparentes,  plus  minces  que  celles  des  artères  ; en  gé- 
néral leur  épaisseur  va  en  augmentant  absolument  des 
racines  vers  les  troncs,  et  en  diminuant,  relativement  au 

diamètre,  dans  le  même  sens,  mais  il  y a beaucoup  de 

% 

variétés  à cet  égard.  Leur  densité  est  de  1 1 5 ou  1 1 o , la 
fermeté  de  leurs  parois  est  beaucoup  moindre  que  celle 
des  artères,  aussi  s’affaissent-elles  quand  elles  sont  vides, 
excepté  celles  de  l’utérus,  du  foie,  etc.,  qui  tiennent  à la 
substance  des  organes.  Elles  sont  moins  extensibles  en 
long  que  les  artères,  mais  beaucoup  plus  circulaire- 
ment.  On  admet  généralement,  d’après  les  expériences 
de  Wintringham,  que  les  veines  résistent  avec  beau- 
coup plus  de  force  que  les  artères  aux  causes  de  rup- 
tures; mais  dans  la  réalité  les  veines  sont  plus  faibles 
circulairement  que  les  artères;  aussi,  non- seulement 
elles  cèdent  et  beaucoup  plus,  mais  aussi  elles  se  dé- 
chirent en  travers  bien  plus  souvent  que  les  artères, 
tandis  qu’au  contraire  elles  m’ont  paru  plus  résistantes 
à la  distension  en  long.  Les  parois  des  veines  sont  très- 


3C)8  ANATOMIE  GENERALE. 

élastiques,  mais  moins  que  celles  des  artères.  Leur  irri- 
tabilité ou  contractilité  vitale  est  au  contraire  plus 
grande  que  celle  des  artères,  mais  moindre  que  celle 
des  vaisseaux  capillaires.  Elle  a été  niée  par  divers 
physiologistes,  mais  prouvée  par  beaucoup  d’expé- 
riences. Il  suffit  d’avoir  observé  l’effet  du  froid  local 
sur  les  veines  sous-cutanées,  et  de  savoir  qu’une  veine 
interceptée  entre  deux  ligatures  et  piquée  se  vide  en- 
tièrement et  rapidement  sur  un  animal  vivant,  tandis 
que  cela  n’a  pas  lieu  après  la  mort,  pour  admettre  l’ir- 
ritabilité dans  les  veines.  La  sensibilité  y est  obscure 
ou  douteuse  - ûlonro  disait  dans  ses  leçons,  avoir  senti 
la  piqûre  d’une  veine  dénudée.  La  force  de  formation 
des  veines  n’est  pas  moins  évidente  que  celle  des  artères. 

§ 449-  fonction  des  veines  est  de  conduire  le  sang 
de  toutes  les  parties  du  corps  au  cœur;  on  a vu  que 
chaque  contraction  des  ventricules  détermine  une  aug- 
mentation dans  le  mouyement  continu  du  sang  dans  les 
artères;  cette  augmentation  va  en  s’affaiblissant  à me- 
sure que  les  vaisseaux  deviennent  capillaires: dans  ceux- 
ci,  le  mouvement  est  uniforme;  il  Lest  aussi  dans  les 
veines  en  généra!.  Dans  les  veines,  le  sang  est  animé  du 
mouvement  imprimé  par  le  cœur,  par  les  artères  et  par 
les  vaisseaux  capillaires.  Les  veines  exercent-elles  une 
action  additionnelle?  Gela  n’est  pas  douteux;  que  I on 
comprime  ou  qu’on  lie  l’artère  d’un  membre  dans  un 
animal,  le  cours  du  sang  dans  les  veines  sera  ralenti, 
mais  ne  sera  pas  pour  cela  arrêté;  6i  on  lie  une  veine, 
elle  se  vide  cependant  au-dessus  d,e  la  ligature,  elle  se 
vide  mêmeentre  deux  ligatures.  Aux  causés  qui  viennent 
dêtre  indiquées  il  faut  joindre  le  relâchement  al  ter- 


DES  VEINES. 


3 99 

natif  du  cœur,  qui  produit  une  sorte  d’attraction;  l’ins- 
piration, qui  en  produit  une  bien  plus  efficace  encore, 
et  la  pression  des  muscles  environnans.  Les  valvules , 
en  divisant  la  colonne  du  sang,  rendent  plus  efficaces 
ces  diverses  puissances.  La  forme  même  du  système 
veineux  fait  que  le  mouvement  du  sang,  au  lieu  d’aller 
en  se  ralentissant  comme  dans  les  artères,  est,  à la  vé- 
rité, plus  lent  que  dans  ces  vaisseaux,  dont  la  capacité 
est  moins  grande  que  celle  des  veines,  mais  va  en  s’ac- 
célérant en  approchant  du  cœur.  La  circulation  vei- 
neuse est  beaucoup  plus  dépendante  que  l’artérielle,  des 
effets  de  la  pesanteur  et  de  la  pression. 

§ 45o.  Le  trajet  du  sang  dans  les  veines  est  continu, 
et  ces  vaisseaux  ne  présentent  point  de  pulsations  ; ce- 
pendant, dans  quelques  endroits  et  dans  quelques  cir- 
constances, elles  présentent  quelque  chose  d’analogue 
au  pouls  artériel,  que  pour  cette  raison  on  appelle 
pouls  veineux.  Au  voisinage  du  cœur,  les  troncs  vei- 
neux qui  sont  dépourvus  de  valvules  éprouvent  alter- 
nativement, pendant  la  contraction  des  oreillettes,  un 
reflux  du  sang  qui  les  fait  gonfler,  et  un  flux  rapide  qui 
les  fait  affaisser  pendant  le  relâchement  des  oreillettes. 
Dans  l’état  ordinaire  et  régulier  des  fonctions,  ce 
double  mouvement  est  borné  aux  environs  du  cœur,  et 
n’est  pas  sensible;  il  s’étend  au  loin  dans  l’abdomen,  et 
devient  visible  au  cou,  quand  la  circulation  est  gênée. 
Il  en  est  de  même  de  l’influence  des  mouvemens  de  la 
respiration  : l’inspiration  accélère  l’entrée  du  sang  dans 
les  veines  caves  et  dans  leur  oreillette;  l’expiration  ac- 
tive, la  gêne  ou  la  suspension  de  la  respiration,  et  les 
efforts,  la  ralentissent  au  contraire,  ou  la  suspendent; 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


4oo 

dans  l’état  ordinaire,  ces  effets  sont  peu  marqués  et 
peu  étendus;  ils  le  deviennent  beaucoup  dans  les  cas 
opposés.  Les  efforts  dans' lesquels  les  effets  de  l’expira- 
tion active  sont  portés  au  plus  haut  dégré  déterminent 
d’une  manière  très  - sensible  la  stase  du  sang  veineux 
dans  la  tête,  dans  l’abdomen,  et  de  proche  en  proche  jus- 
que dans  les  membres  ; tandis  que  c’est  aux  effets  con- 
traires de  l’inspiration  sur  la  circulation  veineuse,  qu’il 
faut  rapporter  la  mort  par  introduction  de  l’air  dans  le 
cœur.  Quand,  en  effet,  par  une  opération  ou  un  acci- 
dent, une  grosse  veine  est  ouverte  à la  base  du  cou 
ou  dans  la  région  sous-clavière , une  grande  inspiration 
y attire  quelquefois  de  l’air,  qui  est  entraîné  dans  les 
cavités  droites  ou  antérieures  du  cœur,  et  qui,  en  arrê- 
tant la  circulation  , détermine  subitement  la  mort. 

§ 45 1.  Dans  la  jeunesse,  le  système  veineux  est  moins 
grand,  relativement  au  système  artériel,  que  dans  l’âge 
adulte  ; sa  capacité  relative  continue  à augmenter  dans 
la  vieillesse.  Les  parois  des  veines  présentent  peu  de 
changemens  observables;  leur  ossification  sénile  est 
extrêmement  rare. 

§ 452.  Les  altérations  morbides  des  veines1  ont  été 
moins  'étudiées  que  celles  des  artères. 

L’inflammation  des  veines  ou  la  phlébite  est  une  af- 
fection sur  laquelle  Hunter  a 1 un  des  premiers  attiré 
l’attention.  Elle  occupe  ordinairement  une  assez  grande 
étendue  des  veines,  et  s’étend  en  général  vers  le  cœur. 
Elle  donne  souvent  lieu  à la  formation  du  pus,  et. 

1 Hodgson,  op.  cit.  — B.  Travers,  in  Surgical  Essays  , 
part.  I.  — Fr.  A.  B.  Puchelt , das  V enensystem  in  seinen 
hranhhaften  Verhàltnisscn  dargestelll.  in- 8°;  Leipzig,  iSi$ 


DES  VEINES.  4o^I 

d'autres  lois  à celle  d’une  matière  plastique  dans  la  ca- 
vité de  la  veine,  autour  d’elle,  et  même  dans  son  épais- 
seur; elle  dépend  le  plus  souvent  de  lésions  méca- 
niques. 

§ 453.  Les  blessures  des  veines,  considérées  sous  le 
point  de  vue  anatomique,  présentent  de  l’analogie  avec 
celles  des  artères;  cependant,  quel  qu’en  soit  le  mode, 
elles  sont  beaucoup  plus  aisément  suivies  d’ulcération 
ou  d’inflammation  étendue  et  souvent  suppurative , 
que  celles  des  artères,  et  elles  se  réunissent  plus  dif- 
ficilement. Après  la  piqûre  ou  l’incision  , il  reste  entre 
les  bords  un  espace  rempli  par  une  membrane  nou- 
velle ; la  ligature  ne  détermine  pas  primitivement  la 
section  de  la  membrane  interne  et  promptement  son 
adhésion,  mais  cette  membrane  est  d’abord  plissée  seu- 
lement, et  ce  n’est  que  très-lentement  qu’elle  se  divise, 
pour  se  réunir  faiblement. 

§ 454 • Les  productions  accidentelles  sont  plus  rares 
dans  les  parois  des  veines  que  dans  celles  des  artères. 
L’état  cartilagineux,  ou  un  épaississement  analogue  , a 
pourtant  quelquefois  lieu  dans  les  parois  des  veines 
qui  s’oblitèrent  ; Morgagni  l’a  vu  une  fois  dans  la  veine 

cave.  L’ossification  est  extrêmement  rare  dans  les 

• * 

veines  ; le  docteur  Baillie  l’a  vue  line  fois  dans  la 
veine  cave  inférieure  près  des  iliaques  , et  le  docteur 
Macartney  une  fois  dans  la  veine  saphène  externe  d’un 
homme  mort  avec  un  ulcère  à la  jambe.  J’ai  observé 
que  les  parois  des  veines  sont  plus  épaisses  du  côté 
qui  touche  à une  artère  que  dans  le  reste  de  leur 
circonférence,  et  j’ai  vu  une  fois  sur  un  vieillard  une 
veine  fémorale  ossifiée  du  côté  correspondant  à l’ar- 

2 6 


1. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


402 

tère,  qui  1 était  elle-même  dans  toute  sa  circonférence 
et  dans  une  grande  longueur. 

Les  productions  morbides  s’observent  quelquefois 
sous  forme  de  végétation,  à la  surface  interne  des  veines, 
soit  que  la  veine  affectée  soit  ou  non  entourée  par  des 
productions  semblables. 

§ 455.  La  dilatation  des  veines  est  très  - fréquente  ; 
elle  est  de  plusieurs  sortes  : quelquefois  le  système  vei- 
neux tout  entier  en  est  affecté  ; le  plus  souvent  la  di- 
latation affecte  une  ou  quelques  veines  seulement,  ce 
qui  constitue  des  varices.  Presque  toutes  les  parties  du 
corps  peuvent  en  être  le  siège;  cependant  ce  sont  les 
plus  déclives , comme  les  membres  inférieurs , les 
organes  génitaux  et  l’anus;  ce  sont  aussi  les  veines  les 
moins  profondes,  comme  les  sous-cutanées,  qui  en 
sont  le  plus  souvent  affectées.  L’augmentation  de  vo- 
lume n’est  pas  seulement  circulaire,  mais  les  veines 
variqueuses  forment  des  flexuosités  multipliées  qui 
dépendent  d’un  grand  accroissement  de  longueur.  On 
trouve  quelquefois  des  dilatations  très-peu  étendues , 
et  bornées  à une  partie  de  la  circonférence  de  la  veine, 
soit  seules,  soit  réunies  à des  dilatations  plus  générales. 
La  varice  anévrysmale  est  une  autre  sorte  de  dilatation 
dépendante  de  la  communication  accidentelle  d’une 
artère  et  d’une  veine,  et  du  passage  du  sang  de  la 
première  dans  la  seconde.  Cette  affection  est  ordi- 
nairement accompagnée  d’un  épaississement  remar- 
quable des  parois  de  la  veine  dilatée  et  allongée.  Il  se 
forme  quelquefois  en  outre  un  anévrysme  consécutif 
entre  les  deux  vaisseaux  : ce  cas  est  celui  de  l’ané- 
vrysme variqueux. 


DES  VEINES. 


4o3 

§ 456.  Les  veines  se  rétrécissent  quelquefois  par  l’é- 
paississement de  leurs  parois  ; elles  sont  quelquefois 
obturées  par  l’effet  de  l’inflammation  plastique;  quel- 
quefois elles  sont  comprimées  par  des  tumeurs  voi- 
sines, ou  bien  embrassées  par  une  ligature:  dans  ces 
cas  où  leur  cavité  est  oblitérée,  et  où  la  circulation 
cesse  de  s’y  faire , le  sang  passe  par  des  branches  et  des 
anastomoses,  et  il  s’établit  une  circulation  collatérale. 

On  a vu  la  veine  cave  inférieure  oblitérée,  soit  au- 
dessous,  soit  même  au  niveau  des  veines  sushépâtiques, 
et  le  sang  passer  par  la  veine  azygos on  a vu  plusieurs 
fois  une  des  veines  iliaques  primitives,  une  veine  jugu- 
laire, etc.,  oblitérées  ; j’ai  vu  quatre  fois  le  tronc  veineux 
crural  oblitéré  dans  l’aine;  et  dans  tous  ces  cas  la  cir- 
culation se  faisait  aisément  par  des  voies  collatérales. 
Hunter  a vu  une  fois  la  veine  cave  supérieure  et  la 
veine  brachio -céphalique  gauche  presque  entièrement 
effacées  par  la  pression  d’un  anévrysme.  J’ai  vu  cepen- 
dant un  cas  où  la  veine  cave  supérieure  et  ses  branches, 
étant  remplies  de  matière  plastique,  et  imperméables 
au  sang,  la  mort  a paru  être  le  résultat  de  cette  altéra- 
tion. Plusieurs  fois  j’ai  vu,  mais  pas  constamment,  de 
grandes  infiltrations  séreuses  coïncider  avec  l’oblité- 
ration des  veinés. 

§ 457.  On  trouve  quelquefois  dans  les  veines  des  pe- 
tits corps  durs  et  ronds,  qu’on  prendrait  au  premier 
aspect  pour  des  productions  osseuses  accidentelles. 
Quelques-uns  ont  même  supposé  qu’ils  se  formaient 
d’abord  dans  les  parois  des  veines,  dans  le  bord  de  leurs 
valvules,  ou  même  à l’extérieur  de  ces  vaisseaux;  mais  il 
r n’en  est  pas  ainsi  : ce  sont  des  concrétions,  des  phlébo- 


4°4  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

ïithes,  du  volume  d’un  grain  de  millet  à un  petit  pois, 
diversement  consistantes,  formées  de  couches  super- 
posées, renfermées  dans  du  sang  coagulé,  fibrineux,  et 
souvent  logées  dans  des  dilatations  latérales  des  veines 
où  le  sang  reste  en  stagnation,  ou  dans  des  veines  va- 
riqueuses, et  toujours  dans  des  veines  déclives.  Les 
veines  où  on  les  rencontre  le  plus  ordinairement  en 
effet,  sont  celles  de  l’anus,  du  col  de  la  vessie,  de  l’u- 
térus, des  ovaires,  des  testicules,  et  quelquefois  même 
les  veines  sous-cutanées  de  la  jambe. 

Uhexathyridium  ou polystoma  venarum , dont  Treut- 
îer  a recueilli  deux  individus  dans  la  veine  tibiale  rom- 
pue d’un  homme  qui  lavait  dans  un  fleuve,  paraît  être 
un  ver  aquatique,  une  planaria , qui  s’y  serait  intro- 
duit, et  non  un  entozoaire. 

QUATRIÈME  SECTION. 

DU  SYSTÈME  LYMPHATIQUE. 

$4^8- Le  système  lymphatique  comprend,  i°  les 
vaisseaux  qui  rapportent  la  lymphe  et  le  chyle  dans  les 
Veinés,  et  2°  des  renflemens  interposés  dans  leur  trajet, 
et  qu’on  appelle  glandes  conglobées,  ou  ganglions  lym- 
phatiques. 

ARTICLE  PREMIER, 

• À X W_|  ’ * . / # 

DES  VAISSEAUX  LYMPHATIQUES. 

1 4 

§ 459.  Les  vaisseaux  lymphatiques,  appelés  aussi  ab- 
sorhans,  sont  tellement  déliés,  minces,  et  valvuleux, 
ce  qui  en  rend  l’observation  et  l’injection  très-difficiles, 


DES  VAISSEAUX  LYMPHATIQUES.  4°5 

que  leur  connaissance  est  assez  récente.  Cependant  ils 
ont  été  entrevus  par  les  anciens.  Erasistrate  et  Héro- 
phiie  avaient  certainement  aperçu  les  vaisseaux  chy- 
lifères. C’est  Eustachio  qui  a découvert  le  canal  tho- 
racique dans  le  cheval.  Aselli  vit,  et  nomma  vaisseaux 
lactés,  les  chylifères  de  quelques  animaux  ; il  indiqua 
bien  leurs  fonctions.  Veslingius  est  le  premier  qui  ait 
vu  les  vaisseaux  chylifères  ou  les  lymphatiques  du  mé- 
sentère et  le  canal  thoracique  dans  l’homme.  On  doit  à 
O.  Rudbeck,  et  l’on  a attribué  aussi  à Th.  Bartholin  et 
à Jolyf,  la  découverte  des  vaisseaux  de  cette  espèce  dans 
les  autres  parties  du  corps.  Les  inventeurs  leur  don- 
nèrent les  noms  de  vaisseaux  séreux,  aqueux  ou  lym- 
phatiques; Bartholin  conjectura  qu’ils  étaient,  comme 
les  veines , continus  aux  artérioles , et  destinés  à rap- 
porter la  partie  aqueuse  du  sang.  Ruysch  a très-bien  dé- 
crit leurs  valvules.  La  connaissance  des  vaisseaux  lym- 
phatiques s’est  beaucoup  étendue  par  les  travaux  de 
Meckel,  de  Monro,  par  ceux  de  W.  Hunter  et  de  trois 
de  ses  disciples,  J.  Hunter,  W.  Hewson  1 et  Cruik- 
shank  2 ; surtout  par  ceux  de  l’illustre  P.  Mascagni 3 4 , et 
■par  quelques  autres  4 encore , qui  tous  leur  ont  accordé 

1 Descriptio  systematis  lymphatici , ex  anglico  versa , etc. 
in  op.  omn.  Lugd.  Bat.  1795. 

2 Anatomie  des  vaisseaux  absorbans  du  corps  humain  , 
traduite  de  l’anglais  par  PeUt-Radel;  Paris,  1787 . 

3 V asorum  lymphaticoi'um  corp.hum.  historia  et  ichono- 
graphia;  Senis,  1787. 

4 Ludwig,  Traduction  allemande  de  Cruikshank  et  de 
Mascagni,  avec  des  additions;  Lips.  1789.  — - Werner  et  Fel- 
ler,  Vasorum  lacteorum  atque  lymph.  anat-physiol.  descrip- 


ANATOMIE  GENERALE. 


4o6 

des  orifices  béans,  et  ont  attribué  l’absorption  à ces 
orifices. 

§ 46o.  On  distingue  communément  ces  vaisseaux  en 
chylifères  et  en  lymphatiques;  mais  cette  distinction 
est  tout-à-fait  superflue  et  sans  aucune  utilité,  car 
leur  disposition,  leur  texture  et  leurs  fonctions  sont  les 
mêmes. 

§4^i.  Les  vaisseaux  lymphatiques  ont  une  disposi- 
tion arborisée  comme  les  autres  vaisseaux.  Les  hu- 
meurs qu’ils  contiennent  les  parcourent , "comme  les 
veines,  des  ramifications,  ou  plutôt  des  racines,  vers  les 
troncs.  L’ensemble  de  ces  vaisseaux  consiste  en  un 
tronc  principal  et  un  tronc  accessoire,  auxquels  abou- 
tissent des  racines  innombrables. 

§ 4 62.  On  trouve  des  vaisseaux  lymphatiques  dans 
toutes  les  parties  du  corps,  si  l’on  excepte  la  moelle 
épinière , l’encéphale,  l’œil  et  le  placenta. 

Leur  situation  présente  cela  de  remarquable,  que, 
dans  les  membres  et  dans  les  parois  du  tronc,  ils  sont, 
comme  les  veines,  distribués  en  deux  plans,  l’un  super- 
ficiel ou  sous-cutané , et  l’autre  inter-musculaire  ou  pro- 
fond qui  accompagne  les  vaisseaux  sanguins  elles  nerfs; 
et  que  dans  les  cavités  splanchniques  on  trouve  de 
même  un  plan  de  vaisseaux  lymphatiques  situes  immé- 
diatement. sous  les  membranes  séreuses,  et  d’autres  plus 
profonds. 

§ 463.  Le  nombre  des  vaisseaux  lymphatiques  est 
très-considérable;  on  en  compte  jusqu  à une  vingtaine 

tio;  Lips.  1784. — J.  G.  Haase,  de  Vasis  cutis  et  intestin, 
absorbentibus y e te.  Lips.  1786. — Sclircger,  Fragmenta  an at. 
et  pkysioi.fasc . I;  Lips.  1791. 


DES  VAISSEAUX  LYMPHATIQUES. 


407 

dans  le  plan  superficiel  des  membres  inférieurs  pour 
accompagner  la  seule  veine  saphène  interne  j et  un 
nombre  moins  grand , mais  assez  considérable  encore, 
pour  accompagner  les  vaisseaux  profonds.  Les  super- 
ficiels sont  moins  volumineux  que  les  profonds.  Le  vo- 
lume de  ces  vaisseaux  est  beaucoup  moindre  que  celui 
des  veines.  Ceux  des  membres  inférieurs  sont  plus  gros 
que  ceux  des  membres  supérieurs,  ceux  de  la  tête  sont 
très-petits.  Quant  à leur  capacité  totale,  elle  n’a  pas 
été  exactement  déterminée,  elle  paraît  en  général  être 
environ  le  double  de  celle  des  artères,  et  égaler  celle 
des  veines  dans  le  plan  superficiel  au  moins. 

§ 464.  L’origine  des  vaisseaux  lymphatiques  est  in- 
visible et  inconnue.  Des  considérations  physiologiques 
et  des  expériences  anatomiques  ont  fait  admettre  et 
puis  rejeter  leur  continuation  directe  et  immédiate 
avec  les  artères.  On  a vu  aussi  plus  haut  que  leur  ori- 
gine par  des  orifices  béans  à la  surface  des  deux  té- 
gumens  et  des  membranes  séreuses,  dans  les  aréoles 
du  tissu  cellulaire  et  çlans  la  substance  des  organes, 
admise  d’après  des  considérations  et  des  expériences 
du  même  genre,  n’est  pas  mieux  constatée.  Il  faut  savoir 
douter. 

§ 465.  Aussitôt  qu’on  peut  les  apercevoir,  on  voit  les 
radicules  des  vaisseaux  lymphatiques  s’unir  entre  elles, 
se  séparer,  et  s’unir  de  nouveau,  de  manière  à former 
des  réseaux  qui  constituent  en  grande  partie  les  mem- 
branes séreuses,  tégumentaires , etc. 

Ces  vaisseaux  deviennent  en  général  plus  gros  et 
moins  nombreux  en  s’éloignant  de  leur  origine.  Dans 
leur  trajet  ils  continuent  de  se  diviser  en  branches 


anatomie  générale. 


408 

qui  se  réunissent  de  nouveau  avec  d’autres  branches 
voisines,  ou  même  entre  elles,  de  manière  à former 
des  îles:  ces  divisions,  ces  réunions,  ces  nombreuses 
anastomoses , forment  en  beaucoup  d’endroits  des 
plexus. 

Quand  ils  sont  pleins  et  un  peu  distendus  ils  pa- 
raissent plutôt  moniliformes  que  cylindriques  ; c’est  le 
grand  nombre  de  valvules  dont  ils  sont  munis,  et  la  dila- 
tation qu’ils  présentent  au-dessus  d’elles,  qui  leur  donne 
cette  apparence  de  éhapelet  ; ils  offrent  assez  souvent 
encore  d’autres  dilatations  ovoïdes.  Ils  présentent  beau- 
coup de  variétés  dans  leur  trajet  : constamment  ceux 
d’un  côté  différent  plus  où  moins  de  ceux  du  côté 
opposé. 

Tous*  après  un  trajet  plus  ou  moins  long,  se  rami- 
fient à la  manière  des  artères,  et  semblent  se  terminer 
dans  des  glandes  lymphatiques,  au  delà  desquelles  ils 
reparaissent  de  nouveau  formés  de  racines  qui  se  ras- 
semblent à la  manière  des  veines.  Ceux  des  membres 
parcourent  de  longs  trajets,  plusieurs  pieds,  sans  inter- 
ruption de  ce  genre;  ceux  du  mésentère  ne  parcourent 
que  quelques  lignés  sans  rencontrer  des  glandes:  Quel- 
ques-uns passent  à côté  d’une  glande  sans  s’y  arrêter. 
Il  paraîtrait  même,  suivant  Cruikshank,  que  des  vais- 
seaux lymphatiques  du  dos  arriveraient  aux  troncs  sans 
passer  par  des  glandes;  mais  Mascagni,  dont  1 autorité 
est  si  grande  dans  cette  matière*  assure  qu  aucun  vais- 
seau lymphatique  n’arrive  aux  troncs  sans  passer  au 
moins  par  une  glande. 

§ 4 66.  Après  un  trajet  plus  oïl  moins  long,  plus  ou 
moins  interrompu  par  des  ganglions  , les  vaisseaux 


DES  VAISSEAUX  LYMPHATIQUES. 


i 


4<><> 

lymphatiques  de  la  moitié  inférieure  et  du  quart  su- 
périeur  et  gauche  du  corps  se  terminent  par  un  tronc 
très-allongé,  le  canal  thoracique,  dans  la  veine  sous- 
clavière  gauche;  les  autres  se  terminent  par  un  tronc 
très-court  dans  l’autre  veine  sous-clavière.  Ces  termi- 
naisons sont  elles-mêmes  sujettes  à diverses  variétés. 
Y a-t-il  d’autres  terminaisons  des  vaisseaux  lympha- 
tiques dans  les  veines  P Une  partie  de  cette  question  doit 
être  examinée  à l’occasion  des  ganglions  lymphatiques, 
l'autre  doit  l’être  ici. 

Plusieurs  anatomistes  et  physiologistes  ont  admis 
cette  opinion  1 , que  l’on  peut  fonder  sur  ce  que  par- 
tout, et  surtout  dans  le  mésentère,  les  radicules  con- 
nues des  vaisseaux  lymphatiques  ont  une  capacité  de 
beaucoup  supérieure  à celle  des  vaisseaux  qui  leur  font 
suite;  sur  ce  que,  dans  cette  partie  du  corps  aussi, 
on  retrouve  souvent  dans  les  veines , comme  dans  les 
vaisseaux  lymphatiques , les  substances  introduites 
par  absorption,  et  même  celles  qui  ont  été  injectées  di- 
rectement dans  ces  derniers  vaisseaux;  sur  ce  que,  enfin , 
la  ligature  du  canal  thoracique,  même  unique,  ne  dé- 
termine pasla  mort  avant  dix  à quinze  jours,  et  qu’on  re- 
trouve alors  dans  le  sang  les  substances  introduites  dans 
1 intestin  et  absorbées  par  sa  membrane  interne.  Mais 
on  n a point  vu  la  communication  dont  il  s’agit;  aussi 
n a-t-elle  pas  été  généralement  admise.  C’est  surtout 
dans  les  glandes  lymphatiques  qu  elle  paraîtrait  avoir 
lieu;  nous  y reviendrons  ün  peu  plus  loin.  ( art.  II.  ) 

S 4^7.  Les  surfaces  des  vaisseaux  lymphatiques  sont, 

ï oyez  Ludwig,  loc.  cit . 


1 


ANATOMIE  GENERALE. 


4 IO 

comme  celles  de  tous  les  vaisseaux,  l’une  celluleuse  et 
adhérente,  l’autre  lisse  et  libre  : cette  dernière  présente 
une  multitude  de  valvules. 

Ces  valvules,  de  forme  semi-lunaire  ou  parabolique, 
sont  la  plupart  disposées  par  paires,  et  assez  larges  pour 
fermer  complètement  la  lumière  du  vaisseau.  Elles  sont 
en  général  placées  à des  intervalles  inégaux , si  ce  n’est 
dans  les  vaisseaux  du  testicule,  où  elles  sont  à peu  près 
de  ligne  en  ligne*  ce  qui  leur  donne  plus  qu’à  aucune 
autre  la  forme  d’un  chapelet.  Elles  sont  plus  ou  moins 
rapprochées  suivant  les  parties,  sans  que  cela  soit  plus 
particulier  aux  branches  qu’aux  rameaux;  on  trouve 
dans  certains  vaisseaux,  des  intervalles  de  plusieurs 
pouces  sans  valvules  : le  canal  thoracique  est  surtout 
remarquable  sous  ce  rapport.  Dans  quelques  points 
l’insertion  d’un  petit  vaisseau  dans  un  plus  gros  n’est 
garnie  que  d’une  valvule  simple.  Dans  quelques  endroits 
des  troncs  on  trouve  des  valvules  annulaires  qui  ne 
closent  pas  totalement  le  canal.  L’insertion  des  troncs 
dans  les  veines  sous-clavières  est  garnie  d’une  double 
valvule  qui  s’oppose  efficacement  aux  reflux  du  sang 
dans  leur  cavité.  Toutes  ces  valvules,  comme  celles  des 
veines  et  des  artères,  sont  formées  par  une  duplicature 
de  la  membrane  interne. 

§ 4^8.  Les  vaisseaux  lymphatiques  sont  formés  de 
deux  membranes,  très-distinctes  dans  leur  tronc  prin- 
cipal. 

L’externe,  cellulaire  et  inégale  extérieurement,  est 
unie  au  tissu  cellulaire  ambiant,  qui  lui  forme  une 
gaine;  plus  profondément  elle  est  distinctement  fibril- 
laire  ou  filamenteuse  : on  prétend  même  y avoir  vu 


DES  VAISSEAUX  LYMPHATIQUES.  411 

des  fibres  musculaires.  La  membrane  interne  est  très- 
mince. 

On  suit  dans  l’épaisseur  de  la  membrane  externe,  des 
petits  vaisseaux  sanguins,  artériels  et  veineux;  quel- 
ques-uns disent  y avoir  vu  aussi  des  vaisseaux  lympha- 
tiques. On  n’a  pu  y apercevoir  de  nerfs. 

§ 4g6.  lies  parois  des  vaisseaux  lymphatiques,  quoique 
très-minces  et  transparentes,  sont  denses  et  très-résis- 
tantes, bien  plus  que  celles  des  veines,  eu  égard  à 
l’épaisseur  différente.  Cependant  ces  vaisseaux  sont 
extensibles,  et  aussi  très -rétractiles.  L’élasticité  y est 
manifeste  : si  on  les  remplit  et  les  distend  dans  le  ca- 
davre, la  matière  qu’on  y a introduite  en  est  repoussée. 

L’irritabilité  ou  contractilité  vitale  1 n’y  est  pas  moins 
évidente,  quoiqu'elle  ait  été  niée  par  Mascagni  et  plu- 
sieurs autres.  Si  on  les  expose  à l’air  sur  le  vivant,  ils 
se  contractent  manifestement;  si  on  pique  le  canal  tho- 
racique ou  un  autre  vaisseau  lymphatique  après  l’avoir 
lié,  le  liquide  en  sort  par  jets,  comme  le  sang  qui  sort 
d’une  Veine,  tandis  qu’après  la  mort  il  s’échappe  seu- 
lement en  nappe.  Il  est  vrai  que  les  irritations  méca- 
niques ou  chimiques  ne  produisent  pas  des  mouve- 
mens  semblables  à ceux  des  muscles,  mais  l’irritabilité 
varie  suivant  les  organes. 

On  ne  sait  rien  sur  leur  sensibilité,  et  peu  de  chose 
sur  leur  force  de  formation. 

§ 4jo.  Les  vaisseaux  lymphatiques  contiennent  le 
chyle  et  la  lymphe  (§  79);  ils  conduisent  ces  humeurs 

• | 

Scbreger,  de Irritabilitate  vasorum  Ismphaticorum ; Lips. 

1 789* 


ANATOMIE  GENERALE. 


4 12 

cie  leurs  racines  vers  leurs  troncs,  ce  qui  est  assez  bien 
prouvé  parla  disposition  de  leurs  valvules,  qui  permet 
le  trajet  dans  ce  sens  et  s’y  oppose  dans  l’autre;  parles 
effets  de  la  ligature,  au-dessous  de  laquelle  ils  se  gonflent 
tandis  qu’ils  se  vident  au-dessus;  et  par  les  valvules 
qui  garnissent  leur  insertion  dans  les  veines.  Les  li- 
quides les  parcourent  lentement  et  uniformément,  c’est- 
à-dire  sans  présenter  de  pulsations. 

Darwin,  Thilow  et  autres,  pour  expliquer  la  rapidité 
. de  certaines  sécrétions,  ont  admis  un  mouvement  ré- 
trograde des  humeurs  dans  les  vaisseaux  lymphatiques  ; 
tel,  par  exemple,  que  des  liquides  absorbés  parles  parois 
de  l’estomac  pourraient  aller  directement  par  les  vais- 
seaux lymphatiques,  et  au  moyen  de  leurs  communi- 
cations,  aux  reins  et  à la  vessie:  c’est  admettre  que  les 
valvules  n’opposent  pas  un  grand  obstacle  au  retour 
des  liquides.  Mais  il  est  certain,  au  contraire,  que  les  val- 
vules opposent  un  obstacle  insurmontable  au  cours 
rétrograde  des  liquides;  et  de  plus  des  observations  et 
des  expériences  directes  font  découvrir  dans  les  voies 
urinaires  dessubstancesintroduites  dans  l’estomac,  sans 
que  les  vaisseaux  lymphatiques  intermédiaires  en  pré- 
sentent la  moindre  trace. 

ARTICLE  II. 

{ 

i 

DES  GANGLIONS  LYMPHATIQUES. 

§ 471.  Les  glandes  conglobées  ou  ovoïdes,  qui  in- 
terrompent la  continuité  des  vaisseaux  lymphatiques, 
sont  dans  le  même  rapport  avec  ces  vaisseaux  que  les 
ganglions  nerveux  avec  les  nerfs. 


DES  GANGLIONS  LYMPHATIQUES.  4*3 

Ces  ganglions  sont  très-anciennement  connus.  C’est 
en  partie  d’eux  que  Hippocrate  parle  sous  le  nom  de 
glandes.  Fr.  Sylvius  leur  a donné  1 epithète  de  conglo- 
bées,  et  Lossius  celle  de  lymphatiques.  D’après  la  com- 
paraison ci-dessus  faite  par  Sœmmerring,  et  pour  évi- 
ter une  confusion,  M.  Chaussier  les  a désignées  sous  le 
nom  de  ganglions  lymphatiques. 

§472-  Us  sont  situés  sur  lé  trajet  de  tous  les  vaisseaux 
lymphatiques , à commencer  du  coude-pied  et  du  pli  du 
coude  pour  les  membres,  du  canal  carotidien  et  de  la 
base  extérieure  du  crâne  pour  la  tète.  Il  en  existe  beau- 
coup au  cou,  dans  faisselle  , dans  l’aine  , plusieurs 
dans  les  parois  antérieures  de  la  poitrine  et  de  l’ab- 
domen, et  un  très-grand  nombre  dans  ces  cavités.  Ils 
existent  surtout  très-abondamment  autour  des  racines 
des  poumons  et  dans  le  mésentère  , près  des  parties 
par  conséquent  qui  donnent  accès  à beaucoup  de  ma- 
tières venant  du  dehors.  On  n’en  connaît  point  dans  le 
crâne  ni  dans  le  rachis. 

Leur  volume  varie,  dans  l’état  de  santé,  depuis 
celui  d’une  lentille  jusqu’à  celui  d’une  amande.  En  gé- 
néral les  plus  petits  sont  placés  vers  les  origines,  et 
les  plus  gros  vers  les  troncs  des  vaisseaux.  Les  plus 
volumineux  et  les  plus  rapprochés  se  trouvent  vers  la 
racine  du  mésentère,  les  plus  petits  dans  l’épiploon; 
ceux  de  la  tête  et  du  bras  sont  petits. 

Leur  figure  est  obronde,  oblongue,  un  peu  aplatie  ; 
ils  sont  plus  ou  moins  inégaux  à la  surface  ; ils  ont  en 
général  la  forme  d’une  amande. 

Les  ganglions  lymphatiques  sont  en  général  d’un 
blanc  rougeâlre,  semblable  à la  chair,  mais  leur  cou- 


4 1'4  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

leur  varie  suivant  les  régions  qu’ils  occupent  : ainsi  , 
ceux  qui  sont  sous  - cutanés  sont  d’une  couleur  plus 
foncée;  ceux  des  environs  du  foie  sont  jaunâtres,  ceux 
de  la  rate  bruns,  ceux  des  poumons  noirâtres,  ceux  du 
mésentère  très-blancs , etc. 

Leur  consistance  est  plus  grande  que  celle  d’aucune 
partie  molle. 

§ 47^.  Les  ganglions  lymphatiqnes  sont  envelop- 
pés d’une  membrane  mince,  fibrillaire,  très-vasculaire, 
unie  au  tissu  cellulaire  environnant,  et  qui  envoie  des 
prolongemens  fins  et  mous  dans  l’intérieur. 

Les  vaisseauxlymphatiques  dont  la  glande  interrompt 
le  trajet  se  distinguent  en  ceux  qui  y arrivent,  vasa 
inferentia,  et  en  ceux  qui  en  sortent,  vasa  efjerentia  : 
ils  se  distinguent  les  uns  des  autres  par  la  direction  de 
leurs  valvules.  Le  nombre  des  vaisseaux  inférens  est 
très-variable;  on  en  trouve  depuis  un  jusqu’à  vingt  ou 
trente;  celui  des  vaisseaux  efférens  est  variable  aussi, 
rarement  correspondant,  et  ordinairement  moindre. 
Les  premiers  entrent  par  l’extrémité  de  la  glande  la 
plus  rapprochée  des  origines  du  système,  les  autres 
sortent  par  l’extremité  opposée,  qui  répond  aux  troncs. 
Les  vaisseaux  inférens,  en  approchant  de  la  glande,  se 
divisent  en  rameaux  qui  s’écartent  en  rayonnant  au- 
tour d’elle , se  divisent  et  se  subdivisent  à sa  sur- 
face, de  manière  à l’entourer  d’un  réseau.  Les  vais- 
seaux efférens  produisent  à peu  près  le  même  effet  à 
l’autre  extrémité  de  la  glande,  par  la  réunion  suc- 
cessive de  leurs  radicules  et  de  leurs  racines  en  troncs 
plus  ou  moins  nombreux  et  volumineux.  La  capacité 
totale  des  vaisseaux  efférens  paraît  en  général  moindre 


des  ganglions  lymphatiques.  4 1 5 

que  celle  des  inférens  ; cela  est  surtout  frappant  dans 
le  mésentère. 

Les  glandes  lymphatiques  ont  aussi  des  vaisseaux 
sanguins  remarquables.  Les  artères  sont  assez  volumi- 
neuses et  nombreuses  pour  que  leur  injection  colore 
tout-à-fait  les  glandes.  Les  veines,  plus  volumineuses 
encore  que  les  artères,  sont  dépourvues  de  valvules. 
On  peut  voir  des  filets  nerveux  arriver  à ces  organes 
et  les  traverser  ; mais  il  est  très-difficile  de  savoir  si 
quelques  filamens  s’y  terminent,  ou  si  tous  ne  font 
que  les  traverser.  Deux  grands  anatomistes  sont  op- 
posés sur  ce  sujet;  Wrisberg  les  admet,  et  Walter 
les  nie. 

§ 474-  Les  anatomistes  ne  sont  pas  plus  d’accord  sur  la 
conformation  interne  et  la  texture  des  glandes  lympha- 
tiques. Albinus,  Ludwig,  Hewson,  Wrisberg,  Monro, 
Meckel , regardent  leur  tissu  comme  entièrement  vas- 
culaire; Malpighi,  Nuck,  Mylius,  Hunter,  Cruikshank, 
y admettent  des  cellules  ; Sœmmerring  admet  ces  deux 
sortes  de  textures,  et  une  troisième  résultant  de  leur 
combinaison.  L’examen  que  j’ai  fait  de  ce  tissu  dans 
l’homme,  dans  plusieurs  animaux,  et  surtout  dans  les 
glandes  inguinales  de  vaches  mortes  pendant  la  lac- 
tation, m’a  montré  qu’il  résulte  uniquement  de  vais- 
seaux, mais  qui  offrent  une  disposition  érectile  plus  ou 
moins  évidente.  En  effet,  parmi  les  vaisseaux  inférens 
qui  pénètrent  dans  l’épaisseur  de  la  glande,  les  uns 
acquièrent  et  conservent  une  grande  ténuité,  les  autres 
se  dilatent  en  cellules,  comme  les  veines  du  pénis , les 
les  uns  et  les  autres  ayant  de  nombreuses  communica- 
tions anastomotiques.  Les  racines  des  vaisseaux  efférens 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


4l  6 

présentent  de  leur  côté  la  même  disposition , c’est-à- 
dire  que  les  unes  sont  des  radicules  déliées,  et  les  autres 
des  racines  renflées  ou  dilatées  en  cellules.  La  plu- 
part des  glandes  lymphatiques  présentent  à l’intérieur 
ce  mélange  de  ramifications  ténues  et  de  parties  ren- 
flées. Quelques-unes  ne  présentent  presque  que  des 
rameaux  dilatés  en  cellules  ; quelques  autres  ne  sem- 
blent consister  qu’en  un  réseau  de  ramifications  déliées. 
C’est  par  ces  variétés  qu’on  peut  expliquer  la  diver- 
sité d’opinion  qui  a existé  sur  ce  point  d’anatomie. 

Les  glandes  lymphatiques  contiennent  dans  leur  in- 
térieur une  substance  crémeuse  ou  lactiforme  qui  parai  t 
être  contenue  dans  les  vaisseaux  fins  ou  larges  qui  les 
composent,  et  non  dans  le  tissu  cellulaire. 

§ 47^>.  Ces  ganglions  sont  plus  volumineux,  plus 
mous,  plus  rougeâtres,  et  contiennent  plus  de  liquide 
dans  les  enfans  et  les  jeunes  sujets  que  dans  les  adultes  ; 
ils  diminuent  beaucoup,  mais  ne  disparaissent  pas  dans 
la  vieillesse.  Il  n’y  a pas  de  différence  tranchée  sous 
ce  rapport  entre  les  deux  sexes  : Hewson  dit  qu’ils  sont 
plus  gros  chez  l’homme;  Bichat  dit  tout  le  contraire. 
On  les  a trouvés  noirs  sous  la  peau  des  nègres. 

§ 476*  La  fonction  qu’on  attribue  aux  glandes  lympha- 
tiques est  de  servir  au  mélange  des  liquides  arrivant 
par  divers  vaisseaux  inférens,  et  à l’élaboration  de  la 
lymphe  et  du  chyle.  Les  liquides  sont  ensuite  emportés 
par  les  vaisseaux  lymphatiques  efférens , et  peut-être 
en  partie  par  les  veines.  Ce  dernier  point  a été  nié  par 
beaucoup  d’anatomistes  et  de  physiologistes  d un  grand 
nom  , comme  Haller,  Cruikshank , Hewson,  Mascagni, 
Sœmmerring,  etc. , mais  il  est  à craindre  que  1 autorité 


DES  GANGLIONS  LYMPHATIQUES.  4r7 

de  ces  hommes  célèbres  n ait  fait  rejeter  sans  examen 
une  vérité. 

Outre  les  faits  déjà  rapportés  ci-dessus  en  faveur  de 
l’opinion  dont  il  s’agit,  on  peut  dire  que  beaucoup 
d’observateurs  ont  aperçu  des  stries  de  chyle  dans  la 
veine-porte;  on  peut  ajouter- qu’un  très-grand  nombre 
d’anatomistes  ont  vu,  et  j’ai  vu  moi- même  nombre 
de  fois,  le  mercure  introduit  dans  les  vaisseaux  lym- 
phatiques du  mésentère,  passer,  au  delà  d’une  glande, 
tout  à la  fois  dans  les  vaisseaux  efférens  et  dans  les 
veines  de  la  glande;  or  ce  passage  est  trop  facile  et 
trop  constant  pour  dépendre  d’une  double  rupture  et 
non  d’une  communication  naturelle  des  vaisseaux  lym- 
phatiques et  des  veines. 

§ 477-  Outre  les  maladies  des  glandes  et  des  vaisseaux 
lymphatiques  r,  comme  l’inflammation  des  uns  et  des 
autres , les  blessures  et  les  ruptures  des  vaisseaux , leur 
dilatation  variqueuse,  leur  rétrécissement  et  leur  obli- 
tération , les  tubercules  et  les  autres  productions  mor- 
bides dans  les  glandes,  etc.,  on  a fait  jouer  au  système 
lymphatique,  en  le  considérant  comme  appareil  de 
l’absorption,  un  rôle  très-grand  et  très-exagéré  dans 
la  plupart  des  maladies.  v - 

1 S.  Th.  Sœmmerring,  de  Morbis  vasorum  absorbentiurn 
corp.  hum.  in-8°;  Traj.ad  Moén.  1795. 


27 


1. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


4*8 

W»M^VVXW».»W»-WV».-V%WWVV»VWW»M.-WWVV«Vfc%»-».XVX'»VWVWVV%^»^ 

CHAPITRE  Y. 

DES  GLANDES. 

§ 478.  Le  nom  de  glande1,  glandula , âtyVf  vient, 
suivant  Nuck,  de  la  comparaison,  faite  par  les  anciens, 
entre  les  ganglions  ou  glandes  lymphatiques  et  les  fruits 
du  chêne. 

Des  objets  si  différens  ont  été  compris  sous  le  nom  de 
glande,  qu’il  en  est  résulté  beaucoup  de  difficulté  d’en 
donner  la  définition. 

Hippocrate  avait  dit  que  les  glandes  étaient  formées 
d’une  chair  particulière,  grenue,  spongieuse,  point 
dense,  de  couleur  de  graisse,  de  consistance  de  laine, 
s’écrasant  sous  la  pression,  pourvue  de  beaucoup  de 
'veines , et  rendant,  quand  on  la  coupe,  du  sang  blan- 
châtre et  séreux.  Il  comprenait  un  grand  nombre  de 
parties  sous  ce  nom , et  notamment  le  cerveau. 

On  a eu  long-temps  une  idée  aussi  vague  des  glandes, 

1 Wharton , Adenographia  ; Lond.  i656 — .M.  Malpighî , de 
Viscerum  structura , in  op.  ornn.  et  de  Slruct.  glandul.  conglob. 
etc.,  in  op.  posth.  — Lossius  et  Pielow,  Disq.  de  glandulis  in 
généré ; Yileb.  i683. — A.  Nuck , Adenographia  curiosa;  L.  B. 
1691. — G.  Mylius  , de  Glandulis ; L.  B.  1698.  — L.  Terra- 
neus,  de  Gland,  universim,  etc.;  L.  B.  1729-  — Boerhaave  et 
Ruyscli,  de  Fabricd  glandular.  etc. , in  Rujrschu  op.  omn. — 
A.  L.  de  Hugo,  Comment  de  glandulis  in  généré , etc.;  Got- 
ting.  1746. — Th.  de  Bordeu,  Recherches  anatoin.  sur  les 
glandes,  etc.;  Paris,  1751.  — G.  A.  Haase  , de  Glandularum 
de/initionCj  Lips.  1804.  — Leonhardi,  op.  rit. 


/ 


des  glandes. 


419 

l’on  y a joint  ensuite  celle  dune  forme  arrondie;  on  a 
compris  alors  avec  les  glandes  et  les  ganglions  vascu- 
laires, le  conarium  et  l’hypophyse  du  cerveau , les  pa- 
quets adipeux  synoviaux,  et  même  la  langue. 

Une  autre  définition,  fondée  sur  la  texture,  et  dans 
laquelle  on  faisait  entrer  l’idée  d’un  amas  de  follicules 
ou  d’un  ensemble  de  vaisseaux  avec  une  enveloppe 
membraneuse  particulière,  comprenait  encore  beau- 
coup de  parties  différentes,  et  supposait  la  connaissance 
exacte  de  la  texture  intime. 

On  a aussi  essayé  de  définir  les  glandes  par  leur  fonc- 
tion , en  disant  qu’elles  sont  des  organes  sécrétoires  ; 
mais  confondant  ensuite  la  nutrition  et  la  sécrétion  , 
on  y a compris  la  plupart  des  organes;  ou  bien  distin- 
guant ces  fonctions,  mais  ne  séparant  pas  les  sécrétions 
intrinsèques  des  sécrétions  excrétoires,  on  a confondu 
les  membranes  séreuses  et  synoviales  avec  les  glandes. 

Il  faut,  pour  distinguer  les  glandes  de  toute  autre 
partie  analogue  par  la  forme,  par  la  texture  appa- 
rente, et  même  jusqu’à  un  certain  point  par  les  fonc- 
tions, avoir  particulièrement  égard  à leurs  connexions  ; 
Bichat  et  M.  Chaussier  ont  pris  cette  considération 
pour  base  d’une  définition  des  glandes  ; Haase  l’a  adop- 
tée aussi,  mais  il  a supposé  des  conduits  excréteurs  aux 
: ganglions  vasculaires.  Les  glandes  sont  des  organes  de 
.■  forme  obronde , lobuleux , entourés  de  membranes, 
ayant  beaucoup  de  vaisseaux  et  des  nerfs,  et  pourvus  de 
conduits  excréteurs  ramifiés  qui  aboutissent  aux  mem- 
branes tégumentaires  et  y versent  un  liquide  sécrété, 
il  En  un  mot,  ce  sont  des  organes  de  sécrétion  extrin- 
sèque,  pourvus  de  conduits  excréteurs. 


ANATOMIE  GENERALE. 


4 20 

§ 4y9-  Considérées  ainsi,  les  glandes  sont  des  dépen- 
dances ou  des  prolongemens  des  membranes  tégumen- 
taires.  Dans  les  animaux  pourvus  de  vaisseaux  et  de 
cœur,  les  seuls  qui  aient  des  glandes  massives , elles 
résultent  d’une  réunion  intime  de  ces  deux  genres  d’or- 
ganes: c’est  pour  cela  que  leur  description  est  placée 
ici.  Elles  tiennent  cependant  encore  plus  au  système 
tégumentaire  qu’au  système  vasculaire,  car  dans  les  ani- 
maux dépourvus  de  vaisseaux,  les  glandes  existent,  mais 
à un  état  rudimentaire;  le  foie,  la  plus  constante  de 
toutes  les  glandes,  si  ce  n’est  cependant  le  rein,  existe 
en  effet  dans  les  insectes  sous  forme  d’un  canal  excré- 
teur ramifié , aboutissant  au  canal  intestinal,  mais  libre 
et  flottant  dans  l’abdomen. 

§ 48o.  Il  est  encore  assez  difficile  et  peut-être  im- 
possible, d’établir  une  ligne  de  démarcation  bien  tran- 
chée entre  les  follicules  ou  cryptes  et  les^giandes. 

On  a déjà  vu  que  parmi  les  follicules,  il  y en  avait 
de  simples  et  solitaires;  que  d’autres  sont  groupés, 
agminés  ouaggrégés;  que  d’autres  sont  composés,  soit 
par  leur  réunion  dans  un  orifice  commun  ouunelacune, 
soit  en  même  temps  par  l'agglomération  de  plusieurs 
follicules , soit  enfin  par  un  canal  excréteur  commun 
et  ramifié;  c’est  ici  que  la  difficulté  existe,  car  il  n’y  a 
pas  de  raison  valable  pour  ne  pas  ranger  les  amygdales 
qui  ont  des  lacunes  composées,  les  glandes  molaires,  la 
prostate  et  les  glandes  de  Cowper,  qui  ont  des  conduits 
ramifiés,  parmi  les  glandes,  aussi  bien  que  les  glandes 
sublinguales,  lacrymales,  etc. 

Les  glandes  les  plus  parfaites  et  les  moins  équivoques 
sont:  les  lacrymales,  les  salivaires,  au  nombre  de  trois 


DES  GLANDES. 


4 2 I 

de  chaque  côté,  savoir  la  parotide,  la  maxillaire  et  la 
sublinguale  ; le  pancréas,  le  foie,  les  reins,  les  testi- 
cules et  les  mamelles.  Les  ovaires  doivent  être,  comme 
les  testicules,  rangés  dans  ce  genre  d’organes. 

§ 48x.  La  forme  des  glandes  est  irrégulièrement  ar- 
rondie, et  présente  beaucoup  de  variétés.  Les  unes 
impaires,  comme  le  foie  et  le  pancréas,  sont  asymé- 
triques ; les  autres  sont  paires  et  assez  exactement  sem- 
blables des  deux  côtés. 

§482.  Elles  sont  toutes  situées  au  tronc,  et  toutes, 
quelle  que  soit  la  diversité  apparente  de  leur  situation  , 
aboutissent  par  leurs  canaux  à la  membrane  muqueuse 
ou  à la  peau. 

§ 483.  Leur  volume  diffère  beaucoup:  le  foie  est  un 
des  organes  les  plus  volumineux  du  corps  ; les  glandes 
lacrymales,  sublinguales  et  les  ovaires  ont  à peine,  au 
contraire,  le  volume  de  la  moitié  du  pouce. 

§484-  A l’intérieur,  les  unes  sont  lobées  etlobulées, 
comme  les  lacrymales,  les  salivaires  et  le  pancréas;  les 
mamelles  le  sont  moins  distinctement;  les  testicules 
le  sont  d’une  autre  manière  ; les  reins  le  sont  seule- 
ment dans  le  fœtus  ; le  foie  n’est  lobé  qu’à  l’extérieur. 

Dans  les  premières,  les  lobules  paraissent  formés  de 
particules  très-petites,  mais  semblables  et  blanchâtres; 
dans  le  foie  et  dans  les  reins,  on  trouve  deux  subs- 
tances de  couleur  différente  , disposées  par  couches 
dans  les  reins,  et  mêlées  à la  manière  du  granit  dans 
le  foie. 

§ 485.  Les  glandes  sont  enveloppées  d’une  mem- 
brane, cellulaire  dans  la  plupart  d’entre  elles,  et 
fibreuse  dans  les  autres,  entourée  dans  quelques-unes 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


422 

par  une  membrane  séreuse,  et  dans  les  autres  par 
beaucoup  de  tissu  cellulaire  et  adipeux.  La  face  in- 
terne de  cette  membrane  se  continue  avec  le  tissu 
cellulaire  plus  ou  moins  lâche,  qui  existe  abondam- 
ment dans  les  glandes. 

Ces  organes  ont  beaucoup  de  vaisseaux  sanguins  et 
lymphatiques,  et  peu  de  nerfs;  plus  cependant  que  la 
membrane  muqueuse  en  général,  mais  moins  que  la 
peau.  La  plupart  ne  reçoivent  que  du  sang  artériel  ; le 
foie  seul  dans  l’homme  et  les  mammifères,  le  foie  et  les 
reins  dans  les  ovipares,  reçoivent  en  outre  du  sang 
veineux,  ce  qui  explique  la  nature  des  liquides,  si  dif- 
férens  du  sang  et  tout  à fait  excrétoires  que  fournissent 
ces  glandes.  Le  nombre  et  le  volume,  ou  la  capacité 
totale  des  artères  sont  très-divers  dans  les  glandes,  mais 
nulle  part  plus  grands  que  dans  les  reins.  La  longueur, 
le  trajet,  le  mode  de  distribution  des  vaisseaux,  sont 
également  très-variés.  La  différence  de  capacité  entre 
les  artères  et  les  veines  est  très-peu  marquée  dans  les 
glandes  ; et,  en  effet,  une  grande  partie  du  sang  y est 
transformée  en  humeur  sécrétée,  et  emportée  par  les 

conduits  excréteurs. 

/ 

§ 486.  Ces  conduits  commencent  par  des  radicules 
très-fines,  invisibles,  et  probablement  closes,  qui  se 
réunissent  entre  elles  à la  manière  des  veines,  pour 
former  plusieurs  troncs,  comme  dans  les  glandes  lacry- 
males, sublinguales  et  mammaires,  ou  un  seul,  comme 

dans  toutes  les  autres. Ces  conduits,  multiples  ou  uniques 

pour  chaque  glande,  parcourent  un  trajet  en  général 
droit,  tortueux  dans  les  testicules  seulement,  et  abou- 
tissent aux  membranes  tégumentaires.  Celui  de  1 ovaire 


DES  GLANDES. 


4^3 

«st  seul  interrompu;  ceux  des  mamelles  présentent, 
avant  leur  terminaison,  des  renflemens  olivaires;  ceux 
du  rein  présentent  d’abord  un  évasement  ou  bassinet, 
et  puis  viennent  aboutir  à une  vessie  unique  pour  eux 
deux  ; celui  du  foie  et  celui  de  chaque  testicule  ont  aussi 
un  réservoir,  mais  situé  latéralement  et  exigeant  un 
cours  rétrograde  du  liquide  sécrété  pour  y arriver.  Les 
conduits  des  autres  glandes  ne  présentent  ni  interrup- 
tion, ni  renflemens,  ni  réservoirs. 

La  composition  des  conduits  excréteurs  résulte  tou- 
jours essentiellement  d’une  membrane  muqueuse  dont 
l’épaisseur  va  en  diminuant,  à mesure  qu’elle  forme  des 
divisions  plus  fines  dans  la  glande.  Cette  membrane  est 
doublée  à l’extérieur  par  du  tissu  cellulaire,  par  du  tissu 
élastique;  dans  quelques  conduits  par  du  tissu  érectile, 
comme  dans  l’urètre , dans  le  mamelon , et  peut-être 
dans  quelques  autres;  dans  quelques  parties  des  voies 
excrétoires,  la  membrane  muqueuse  est  armée  ou 
doublée  de  fibres  musculaires. 

§ 4^7*  La  texture  intime  des  glandes  est  peu  connue. 
Malpighi  avait  avancé  que  chacun  des  grains  glan- 
duleux, acini , devait  être  considéré  comme  un  folli- 
cule, et  chaque  glande  comme  une  conglomération  de 
follicules  aboutissans  à un  canal  excréteur  commun. 
Cette  opinion  fut  reçue  et  admise  sans  contradiction 
jusqu’à  Ruysch,  et  de  son  temps  défendue  contre  lui- 
même  par  Boërhaave.  Suivant  Ruysch , au  contraire,  ce 
qu’on  a appelé  grains  glanduleux  consisterait  unique- 
ment dans  des  entrelacemens  de  vaisseaux  fins  , dans 
lesquels  les  artères  se  continueraient  en  canaux  excré- 
teurs. 


ANATOMIE  GENERALE. 


Il  y a dans  chacune  de  ces  deux  opinions  quelque 
chose  de  vrai  qu’il  faut  admettre,  et  quelque  chose  à 
rejeter  comme  inexact.  Il  est  vrai,  comme  le  dit  Mal- 
pighi, qu’une  glande  consiste,  comme  un  follicule  sim- 
ple ou  composé,  en  un  canal  fermé  à l’extrémité;  il 
est  vrai  aussi,  comme  le  dit  Ruysch,  que  chaque  grain 
glanduleux,  et  que  la  glande  entière,  consiste  dans 
le  mélange  et  l’entrelacement  des  vaisseaux. fins  avec 
les  origines  du  conduit  excréteur;  mais  il  est  inexact 
de  dire,  comme  il  l’a  dit,  que  les  conduits  excré- 
teurs sont  la  continuation  des  artères;  comme  il  serait 
inexact  de  dire  avec  Malpighi,  que  les  racines  des  con- 
duits excréteurs  commencent  par  des  renflemens  ou 
follicules.  Peut-être  l’hypothèse  de  Malpighi  aurait- 
elle  plus  de  probabilités,  appliquée  aux  glandes  gra- 
nulées, comme  les  salivaires,  le  pancréas  et  les  lacry- 
males, qui  ressemblent  tant  en  effet  à des  follicules 
composés;  et  celle  de  Ruysch,  plus  de  vraisemblance 
en  l’appliquant  seulement  au  foie,  aux  reins  et  aux  tes- 
ticules , dont  la  texture  est  si  évidemment  vasculaire 
et  canaliculée  ; sans  que  cependant  on  puisse  affirmer 
qu’il  y a dans  les  premières  de  véritables  follicules 
évasés,  et  dans  les  autres  des  continuations  directes 
entre  les  artères  et  les  conduits  excréteurs. 

On  pourrait  encore  apporter  à l’appui  de  cette  con- 
jecture la  facilité  avec  laquelle,  dans  ces  dernières 
glandes,  les  injections  passent  des  vaisseaux  dans  les 
conduits  excréteurs,  et  réciproquement,  et  la  difficulté 
avec  laquelle  on  obtient  les  mêmes  résultats  dans  le> 

glandes  lobulées  et  granulées. 

Quoi  qu’il  en  soit  de  cette  opinion,  la  texture  ues 


DES  GLANDES. 


4^5 

glandes  paraît  bien  certainement  résulter  de  la  réunion 
intime  des  conduits  excréteurs  ramifiés,  et  clos  à leur 
origine,  avec  des  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques 
et  des  nerfs  situés  dans  leurs  intervalles,  divisés  et 
terminés  dans  leur  épaisseur  ; le  tout  réuni  par  du 
tissu  cellulaire  et  enveloppé  de  membranes. 

§ 488.  Les  glandes  ont  pour  fonction  un  mode  de 
sécrétion  que  l’on  appelle  glandulaire.  Toute  sécrétion 
en  général  consiste  dans  la  formation  d’une  humeur 
particulière,  don!  le  sang  fournit  les  matériaux.  La  sé- 
crétion glandulaire  ne  diffère  des  autres  ( sécrétions  fol- 
liculaire et  perspiratoire  ) , que  par  la  complication  plus 
grande  de  son  organe. 

D O 

A une  exception  près,  le  même  sang,  le  sang  artériel 
seul,  est  apporté  dans  toutes  les  glandes;  le  nombre,  le 
volume,  la  direction  , le  mode  de  distribution  des  vais- 
seaux, et  le  degré  de  ténuité  auquel  ils  arrivent  par 
leurs  divisions  successives,  ne  peuvent  guère  influer 
que  sur  la  quantité  de  sang  qui  arrive  à la  glande,  et 
sur  la  rapidité  de  son  cours;  cependant  une  partie  du 
sang  étant  remportée  par  les  veines , et  un  autre  liquide 
par  les  vaisseaux  lymphatiques,  les  glandes  versent  par 
leurs  conduits  excréteurs  des  humeurs  aussi  différentes 
entre  elles,  que  la  salive,  les  larmes,  la  bile,  l’urine,  le 
sperme  et  le  lait. 

Quels  sont  donc  la  nature  et  la  cause  du  change- 
ment du  sang  en  humeur  sécrétée?  On  a cru  que. le 
changement  et  sa  cause  étaient  purement  mécaniques, 
et  dépendaient  de  la  grandeur  et  de  la  figure  des  ou- 
vertures par  où  les  humeurs  sortent  des  vaisseaux;  011 
a supposé,  avec  beaucoup  plus  de  vraisemblance,  que 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


4^6 

c’était  un  changement  chimique,  c’est-à-dire  une  autre 
composition  élémentaire;  mais  ce  changement  n’a  lieu 
que  dans  les  corps  organisés,  et  que  dans  certains  de 
leurs  organes;  cette  différence  tient  donc  à des  modifi- 
cations de  leur  substance,  tout  comme  on  voit  divers 
végétaux  plantés  dans  le  même  sol,  plongés  dans  la 
même  atmosphère  , produire  les  uns,  de  la  gomme, 

les  autres  un  acide,  les  autres  de  la  résine,  etc.  La 

\ 

sécrétion  glandulaire,  comme  les  autres,  est  donc  une 
fonction  delà  substance  organisée  et  vivante:  les  vais- 
seaux en  apportent  les  matériaux  contenus  dans  le 
sang , la  production  est  probablement  même  disposée 
ou  préparée  par  la  disposition  des  vaisseaux  et  le  mode 
de  circulation  qui  en  résulte , mais  c’est  dans  le  tissu 
qui  forme  les  racines  des  conduits  excréteurs  qu’il 
faut  en  chercher  l’instrument  essentiel  et  immédiat. 
La  sécrétion  en  général,  et  la  sécrétion  glandulaire  en 
particulier,  sont  évidemment  soumises  à linfluence 
nerveuse;  les  effets  des  passions  sur  les  sécrétions  en 
général,  ceux  des  maladies,  de  l’hystérie,  de  l’hypo- 
chondrie,  etc.,  sont  assez  connus.  Des  expériences  de 
M.  Brodie  sont  venues  confirmer  ce  que  1 observation 
directe  avait  appris. 

La  ligature  des  veines  d’une  glande  augmente  beau- 
coup le  produit  de  sa  sécrétion. 

§ 4^9-  Les  glandes  commencent  à se  former  par  leur 
canal  excréteur.  Dans  l’embryon , ce  canal  est  libre  et 
flottant,  comme  dans  les  insectes.  Les  glandes  sont 
ensuite  lobées,  par  exemple  les  reins,  comme  elles 
le  sont  dans  les  arachnides  et  les  crustacés.  Elles  sont 
en  général  très-volumineuses  dans  le  fœtus  et  1 enfant. 


I 


DES  GLANDES. 


427 

Elles  diminuent  proportionnellement  à mesure  que  les 
organes  des  fonctions  animales  se  développent.  Quel- 
ques-unes changent  de  place  vers  l’époque  de  la  nais- 
sance : ce  sont  les  testicules  et  les  ovaires.  Ces  glandes 
et  les  mamelles  se  développent  beaucoup  à 1 époque  de 
la  puberté,  et  se  flétrissent  dans  la  vieillesse. 

§ 490*  Les  glandes  présentent  beaucoup  de  variétés 
individuelles  et  de  vices  de  conformation.  Quelques- 
unes  manquent  quelquefois  entièrement  ; ce  sont  celles 
de  la  génération  qui  sont  le  plus  sujettes  à manquer.  Une 
des  glandes  paires  peu  manquer  ou  être  moins  volu- 
mineuse que  l’autre.  Quelques-unes  restent  quelque- 
fois lobées,  ou  très-volumineuses  comme  dans  le  foe- 
tus. D’autres  sont  quelquefois  réunies,  comme  les  deux 
reins  en  un.  D’autres  peuvent  conserver  leur  situation 
primitive,  comme  les  testicules  et  les  ovaires  ; ces  der- 
niers sont  quelquefois , au  contraire , entraînés  au 
dehors  de  l'abdomen.  Les  reins  peuvent  aussi  être 
situés  beaucoup  trop  bas,  ou  dans  le  bassin. 

§ 491*  On  observe  quelquefois  l’atrophie  des  glandes, 
soit  par  une  pression  extérieure,  soit  par  une  produc- 
tion accidentelle  développée  dans  leur  épaisseur;  elle 
a aussi  lieu  parle  défaut  d’action,  ou  même  sans  cause 
appréciable.  L’hypertrophie  a lieu  quelquefois  par  suite 
de  la  cessation  d’action  d’autres  organes,  et  surtout 
dune  glande  paire.  Assez  souvent  elle  est  accompa- 
gnée de  quelque  altération  de  tissu. 

§ 492.  L’inflammation  des  glandes  est  fréquente,  et 
souvent  se  développe  en  se  propageant  le  long  du 
conduit  excréteur,  depuis  son  orifice  jusqu’à  ses  racines 
dans  la  glande.  L’inflammation  y est  souvent  suppura- 


ANATOMIE  GENERALE* 


428' 

toire,  et  quelquefois  plastique,  cl  où  résulte  l’oblitéra- 
tion des  conduits  et  l’induration  du  tissu. 

§ 493.  Les  productions  accidentelles,  soit  saines, 
soit  morbides,  sont  très-communes  dans  les  glandes. 
Les  ovaires  y sont  le  plus  sujets,  mais  surtout  aux 
productions  analogues;  les  testicules,  le  foie  et  les 
mamelles  sont  très-sujets  aux  productions  morbides; 
les  glandes  lacrymales,  salivaires,  et  le  pancréas,  sont 
au  contraire  très-peu  sujets,  soit  aux  unes,  soit  aux 
autres  productions  accidentelles. 

§ 494-  Le  tissu  glanduleux  ne  se  produit  point  acci- 
dentellement. Quand  il  est  entamé,  les  racines  ou  le 
tronc  du  conduit  excréteur  étant  divisés,  la  matière 
sécrétée  est  versée  dans  la  plaie  , qui  a beaucoup  de 
tendance  à devenir  et  à rester  fistuleuse. 

§ 49s*  Ici  se  termine  la  description  de  tous  les  sys- 
tèmes ou  genres  d’organes  qui  appartiennent  spéciale- 
ment aux  fonctions  végétatives;  ceux  qui  restent  à dé- 
crire appartiennent  au  contraire  plus  particulièrement 
aux  fonctions  animales.  Cette  distinction  serait  mieux 
tranchée  si  l’une  des  membranes  tégumentaires , la 
membrane  muqueuse,  n’appartenait  principalement 
aux  fonctions  de  la  nutrition  et  de  la  génération;  tan- 
dis que  l’autre,  la  peau,  sert  principalement  aux  sen- 
sations: c’est  le  système  tégumentaire  qui  lie  les  deux 
classes  de  fonctions  et  d’organes. 


DU  TISSU  LIGAMENTEUX. 


4^9 


CHAPITRE  VI. 

DU  TISSU  LIGAMENTEUX. 

§496.  Le  tissu  ligamenteux  ou  desmeux,  textus 
desmo.sus,  est  blanc,  flexible,  très-tenace , et  forme  des 
liens  et  des  enveloppes  très-solides. 

Il  a été  désigné  par  les  noms  de  tissu  fibreux,  albu- 
gineux,  tendineux,  aponéVrotique,  etc.  Ces  deux  der- 
niers noms , comme  celui  de  ligamenteux , ont  l’incon- 
vénient d’indiquer  une  sorte  particulière  de  ce  tissu, 
et  les  premiers,  une  qualité  commune  à beaucoup 
d’autres  ; c’est  pour  cela  que  le  nom  desmeux  me  paraît 
préférable,  parce  que,  quoiqu’il  signifie  ligamenteux, 
il  n’a  point  été  appliqué  aux  ligamens  en  particulier. 

§ 497*  Les  plus  anciens  anatomistes,  Hippocrate  et 
Aristote,  confondaient  sous  le  nom  de  nerfs  toutes 
les  parties  blanches;  de  là  les  noms  d’aponévrose,  de 
synévrose,  d’énervation,  de  muscle  demi-nerveux,  etc. 
L’école  d’Alexandrie,  et  Galien  surtout,  ont  positive- 
ment distingué  les  ligamens,  les  tendons  et  les  nerfs. 

Galien  et  Yésale  avaient  déjà  noté  l’analogie  qui 
existe  entre  les  ligamens  et  certaines  membranes;  Ad. 
Murray  avait  déjà  Indiqué  la  ressemblance  très-grande 
qui  existe  entre  les  tendons,  les  ligamens  et  les  apo- 
névroses; Isenflamm  1 a donné  quelques  remarques  sur 

1 Bernerkungen  über  die  flechsen , in  Beitrdge  fui ' die  zer- 
gliederungskunst,  Band.  I,  Leipzig,  1800. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


43o 

ce  tissu;  mais  c’est  Bicliat  qui , le  premier,  a considéré 
dans  leur  ensemble  toutes  les  parties  de  ce  genre  sous 
le  nom  de  tissu  fibreux'.  Il  y comprenait  le  tissu  élas- 
tique que  j’en  ai  séparé  (§  36 1.)  et  en  excluait  une  autre 
sorte  que  j’y  réunis,  c’est  son  tissu  fibro-eartilagineux 
des  articulations  et  des  coulisses  tendineuses. 

PREMIÈRE  SECTION. 

DU  TISSU  LIGAMENTEUX  EN  GENERAL. 

/ 

§ 498.  Les  organes  ligamenteux  ne  forment  point 
un  tout  continu  ou  un  ensemble;  on  a cependant  cher- 
ché un  centre  et  une  réunion  à toutes  les  parties  de  ce 
genre. 

Une  opinion  très-ancienne,  antérieure  à Galien,  mais 
énoncée  dans  un  de  ses  traités,  attribuait  au  péricrâne 
l'origine  de  toutes  les  membranes  nerveuses . On  a cru 

o 

que  les  Arabes,  en  traduisant  dans  leur  langue  le  nom 
de  méninges  par  un  mot  qui  a la  même  signification, 
et  aussi  celle  de  mère,  regardaient  les  membranes  du 
cerveau  comme  génératrices  des  autres  membranes; 
c’est  une  erreur  consacrée  par  Sylvius,  qui  a repré- 
senté les  méninges  comme  des  membranes  fécondes 
et  mères.  Beaucoup  plus  tard  Bonn,  et  tout  récem- 
ment Clarus , ont  attribué,  en  quelque  sorte , la  même 
qualité  aux  aponévroses  d’enveloppe.  Bichat  a indiqué 
le  périoste  comme  la  partie  centrale  du  système  fibreux. 
Mais  ce  système,  formé  de  parties  indépendantes  les 
unes  des  autres,  n’a  point,  à proprement  parler,  de 
centre;  quelques-unes  de  ses  parties  sont  même  tout- 


DU  TISSU  LIGAMENTEUX. 


43  I 

a-fait  isolées  des  autres.  C’est  d’ailleurs  un  tissu  très- 
généralement  répandu,  ayant  beaucoup  de  rapport 
avec  le  tissu  cellulaire,  et  se  continuant  avec  lui  en 
divers  endroits. 

§ 499.  Le  tissu  ligamenteux  se  présente  sous  deux 
formes  principales,  celle  de  lien,  ou  de  cordon, 
comme  les  ligamens  et  les  tendons;  et  celle  de  mem- 
brane ou  d’enveloppe,  comme  le  périoste,  la  méninge, 
la  sclérotique,  etc.  Ces  deux  formes,  funiculaire  et 
membraneuse,  se  confondent  dans  certaines  parties, 
allongées  et  arrondies  à une  extrémité,  épanouies 
et  aplaties  à l’autre,  tels  sont  certains  tendons;  en 
outre  la  forme  membraneuse,  quoique  en  général  des- 
tinée à former  des  enveloppes,  forme  aussi  quelque- 
fois des  liens , tels  sont  les  ligamens  capsulaires , les 
aponévroses  d’insertion,  etc.  D’après  ses  connexions, 
on  a aussi  divisé  le  tissu  ligamenteux  en  parties  ser- 
vant aux  os,  aux  muscles,  et  à d’autres  organes;  et, 
d’après  ses  usages,  en  parties  servant  d’attaches  ou 
d’enveloppe,  ou  à l’un  et  à l’autre  usages. 

§ 5oo.  La  couleur  du  tissu  ligamenteux  est  blanche; 
son  aspect  est  en  général  resplendissant  ou  satiné. 

§5oi.  Sa  texture  est  essentiellement  fibreuse,  les 
fibres  dont  il  est  composé  sont  des  filamens  très-déliés, 
parallèles  ou  entrecroisés.  Dans  quelques  tendons  longs 

Iet  grêles,  les  fibres  sont  comme  tressées;  dans  les  apo- 
névroses, elles  sont  ordinairement  disposées  en  plu- 
sieurs plans  entrecroisés , et  quelquefois  comme  tissues 
entre  elles.  Dans  quelques  parties  de  ce  tissu,  les  fibres 
sont  si  étroitement  réunies , que  le  tout  semble  homo- 
v\  gène  et  non  fibreux,  tels  sont  les  ligamens  cartilagini- 


ANATOMIE  GENERALE. 


4 3 '1 

formes  ; mais  dans  toutes  les  autres  parties  on  peut,  dans 
les  sujets  infiltrés,  ou  dans  les  parties  soumises  à la  ma- 
cération , séparer  les  faisceaux  de  fibres  les  uns  des  au- 
tres, séparer  les  fibres  elles-mêmes  sous  forme  de  fila- 
mens  fins  comme  des  fils  de  ver  à soie.  On  ne  sait  pas 
bien  si  c’est  le  dernier  terme  de  division,  mais  c’est  pro- 
bable. Ces  filamens  sont  blancs,  tenaces  , peu  élasti- 
ques, flexibles,  et  probablement  pleins  ou  solides. 
Fontana  et  M.  Chaussier  regardent  cette  fibre  comme 
primitive  et  particulière;  Isenflamin  la  regarde  comme 
formée  de  filamens  cellulaires  imprégnés  de  gluten  et 
d’albumine  ; Mascagni  dit  que  l’inspection  microsco- 
pique semble  démontrer  que  ces  filamens  primitifs  ré- 
sultent d’un  amas  de  vaisseaux absorbans  entourés  d’une 
membrane  formée  de  ces  mêmes  vaisseaux,  et  d’une 
autre  résultant  de  vaisseaux  sanguins  très-déliés  for- 
mant un  réseau  subtil;  on  voit  que  c’est  toujours  la 
même  idée  déjcà  exposée  plus  haut  (§  394.)  Ces  filamens 
paraissent  être  du  tissu  cellulaire  très-condensé;  la  ma- 
cération les  amollit  et  les  change  en  substance  mu- 
queuse ou  cellulaire. 

Les  divers  organes  ligamenteux  sont  enveloppés 
dégainés  formées  parle  tissu  cellulaire;  de  plus,  ceux 
qui  ont  des  faisceaux  distincts  contiennent  encore  de 
ce  tissu  dans  leur  intervalle;  les  fibres  enfin  sont  elles- 
mêmes  entourées  et  liées  entre  elles  par  ce  tissu,  que 
l’infiltration  et  la  macération  rendent  très-apparent.  On" 
trouve  aussi  du  tissu  adipeux  dans  l’épaisseur  des  or- 
ganes ligamenteux.  Le  tissu  ligamenteux  est  en  géné- 
ral peu  vasculaire,  cependant  on  trouve  à sa  surface 
et  l’on  suit  dans  son  épaisseur  quelques  petits  vaisseaux 


DÛ  TISSU  LIGAMENTEUX, 


433 

sanguins.  Pour  les  bien  voir,  il  faut , après  les  avoir 
injectés  en  rouge,  faire  sécher  la  partie,  puis  la  trem- 
per dans  l’huile  volatile  de  térébenthine,  pour  la 
rendre  transparente.  Quelques  parties  du  système  liga- 
menteux sont  très-vasculaires  ; tel  est  surtout  le  pé- 
rioste, telle  est  encore  la  méninge  crânienne.  On  aper- 
çoit des  vaisseaux  lymphatiques  dans  les  plus  gros 
organes  de  ce  genre.  Il  est  douteux  qu’ils  aient  des 
nerfs. 

S 5o2.  Le  tissu  ligamenteux  contient  naturellement 
une  grande  proportion  d’eau.  La  dessiccation  le  rend 
dur,  transparent,  élastique  et  cassant,  lui  donne  une 
couleur  rougeâtre  ou  jaunâtre,  et  rend  ses  fibres  peu 
distinctes.  Il  résiste  long-temps  à la  macération,  qui 
l’amollit , le  rend  floculent  à la  surface  , écarte  ses 
fibres,  en  rendant  le  tissu  cellulaire  apparent  dans  son 
épaisseur,  et  finit  par  les  changer  elles-mêmes  en  subs- 
tance muqueuse.  Le  feu  le  crispe  violemment , et  il 
laisse  un  charbon  volumineux.  La  décoction  le  crispe 
beaucoup  d’abord,  le  rend  jaune,  dur,  élastique,  et 
finit  par  le  réduire  en  gélatine.  Les  acides  minéraux, 
froids  et  chauds  le  dissolvent  ; l’acide  nitrique  com- 
mence par  le  crisper.  L’acide  acétique  froid  le  gonfle  et 
le  réduit  en  une  masse  gélatineuse;  chaud,  il  le  fond 
entièrement.  Les  alcalis  le  gonflent  et  le  ramollissent;  en 
cet  état  ses  fibres  se  séparent  aisément  et  présentent 
les  couleurs  de  l’arc-en-ciel. 

§ 5o3.  L’élasticité  du  tissu  ligamenteux  frais  est 
très-médiocre,  mais  elle  est  très-marquée  quand  il  est 
desséché.  Son  extensibilité  est  presque  nulle,  quand 
I effort  est  subit;  delà  les  étranglemens  produits  par  les 
*•  N 28 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


434 

parties  ligamenteuses  ; et  les  déchirures  de  ce  tissu  par 
des  distensions  violentes.  Quand , au  contraire,  les  causes 
de  distension  agissent  lentement  et  graduellement,  le 
tissu  ligamenteux  cède  en  s’amincissant , ses  fibres  s’é- 
cartent, et  se  désunissent  même,  si  la  distension  lente 
est  portée  très-loin.  Il  ne  faut  pas  confondre  avec  ce 
phénomène  l’augmentation  de  volume  du  tissu  fibreux 
par  excès  de  nutrition.  La  retractilité  du  tissu  fibreux 
s’exerce  dans  la  même  proportion  que  l’extensibilité  ; 
elle  a lieu  promptement  si  la  distension  a été  prompte 
sans  aller  jusqu’à  la  déchirure,  et  lentement  si  elle  a 
été  graduelle  et  lente.  La  ténacité  ou  la  force  de  résis- 
tance de  ce  tissu  à la  rupture  est  énorme;  elle  persiste 
après  la  mort  dans  toute  son  énergie;  l’irritabilité  ou 
contractilité  vitale  y est  nulle  ; ainsi  il  ne  faut  pas 
y admettre  avec  Baglivi  des  mouvemens  de  contrac- 
tion, ni  des  mouvemens  d’oscillation  avecLaCaze.  La 
sensibilité  de  ce  tissu  est  extrêmement  obscure  ou  dou- 
teuse. Ceux  qui  l’admettent , conviennent  qu  elle  n’est 
développée  que  par  certains  agens  mécaniques,  parti- 
culiers pour  les  diverses  parties  de  ce  tissu  : ainsi 
la  dure-mère  serait  sensible  à l’impression  de  quelques 
excitans  sans  effet  sur  d autres  parties  ligamenteuses; 
les  ligamens  seraient  sensibles  à la  distension  et  au 
tiraillement  violent  qui  précède  leur  rupture , tandis 
que  la  même  chose  n’a  pas  lieu  dans  les  tendons.  11 
reste  encore  bien  des  doutes  sur  ce  sujet.  On  a eu  tort 
cependant  de  conclure,  des  expériences  favorables  à 
l’opinion  de  l’insensibilité  des  parties  ligamenteuses, 
quelles  n éprouvent  aucune  impression  des  causes  irri- 
tantes; ces  causes  au  contraire  y développent  1 in  fia  m- 


DU  TISSU  LIGAMENTEUX. 


435 

mation , la  sensibilité  morbide  et  diverses  altérations. 
La  force  de  formation  des  parties  ligamenteuses  est 
très-active. 

§ 504.  La  fonction  de  ce  tissu,  toute  mécanique, 
est  de  former  des  liens,  des  cordons,  des  enveloppes 
très-solides,  qui  servent  à attacher  les  os  entre  eux, 
les  muscles  aux  os,  à contenir  certaines  parties,  à 
transmettre  des  efforts,  etc. 

§ 5o5.  Le  tissu  ligamenteux  est  d’abord,  dans  l’em- 
bryon, mou  et  muqueux  comme  toutes  les  autres  parties; 
il  conserve  pendant  la  vie  fœtale  et  pendant  l’enfance 
beaucoup  de  mollesse  et  de  flexibilité;  il  est  alors  peu 
dense,  plus  vasculaire,  d’un  blanc  bleuâtre,  perlé  ou 
argentin,  et  aisément  soluble  dans  l’eau  bouillante. 

O ' 

Quelques  parties,  comme  la  méninge,  la  sclérotique, 
le  périoste , sont  plus  épaisses  que  dans  l’adulte  ; les 
tendons  et  les  aponévroses  au  contraire  sont  plus  grêles 
et  plus  minces.  Dans  la  vieillesse,  au  contraire,  il  de- 
vient jaune,  moins  resplendissant,  plus  ferme,  plus 
coriace,  plus  sec,  moins  vasculaire,  et  moins  soluble 
dans  l’eau  bouillante  qu’il  ne  l’était  dans  l’âge  adulte. 

Malgré  la  dureté  du  système  ligamenteux  chez  le 
vieillard , il  n’a  pas  une  très-grande  tendance  à s’ossifier. 
Les  tendons  ne  s’ossifient  guère  que  là  où  iis  frottent , et 
où  ils  ont  une  texture  fibro-cartilagineuse,  et  à leur  ex- 
trémité insérée  aux  os.  La  rareté  de  l’ossification  sénile 
des  tendons  est  d’autant  plus  remarquable,  que  chez 
plusieurs  animaux,  comme  certains  oiseaux,  comme  les 
insectes  et  les  crustacés,  l’ossification  ou  un  endurcis- 
sement analogue  a toujours  lieu  dans  le  développe- 
ment régulier  de  ces  parties. 


ANATOMIE  GENERALE. 


436 

§ 5o6.  Les  diverses  parties  du  système  fibreux,  quoi- 
que assez  analogues  pour  former  un  genre  d’organes, 
ne  sont  pourtant  point  identiques , le  tissu  des  tendons 
est  moins  serré  que  celui  des  ligamens,  celui  des  liga- 
mens  cartilaginiformes  est  tellement  serré,  qu’il  est 
presque  homogène  en  apparence.  La  composition  chi- 
mique de  toutes  ces  parties  est  à peu  près  la  même , 
cependant  les  tendons  cèdent  beaucoup  plus  facile- 
ment à l’action  dissolvante  de  l’eau  bouillante,  que 
les  autres  parties  ligamenteuses. 

§ 55y.  Le  tissu  ligamenteux  divisé  , déchiré  ou 
rompu,  se  réunit  : c’est  ce  qu’on  voit  arriver  aux  liga- 
mens après  les  luxations.  Le  tendon  d’Achille,  ou  quel- 
que autre  gros  tendon  étant  rompu,  si;  les  bouts  sont 
maintenus  immobiles  et  en  contact,  il  se  fait  en  pre- 
mier lieu  une  agglutination  entre  eux,  puis  une  réu- 
nion organique  qui , plus  extensible  d’abord  que  le 
tendon,  acquiert  avec  le  temps  sa  force  de  cohésion, 
ou  sa  ténacité  et  sa  presque  inextensibilité.  Il  se  fait 
entre  les  bouts  des  muscles  divisés,  et  quelquefois  à 
la  suite  des  fractures  des  os,  des  réunions  fibreuses. 

§ 5o8.  La  production  accidentelle  du  tissu  ligamen- 
teux est  assez  fréquente,  et  se  présente  sous  plusieurs 
formes.  On  trouve  des  membranes  de  ce  genre  autour 
de  certains  kystes  qui  en  sont  rarement  enveloppés  en 
totalité.  Certaines  tumeurs  solides  ont  aussi  des  enve- 
loppes du  même  genre.  Les  articulations  contre  nature 
ont  aussi  des  capsules  fibreuses  plus  ou  moins  dis- 
tinctes. On  trouve  quelquefois  des  lames  ou  brilles 
fibreuses  dans  les  membranes  séreuses,  et  surtout  dans 
la  plèvre. 


DU  TISSU  LIGAMENTEUX. 


437 

Les  corps  fibreux  ou  ligamenteux  isolés,  ont  été  très- 
anciennement  vus,  mais  confondus  avec  le  squirrhe; 
]\J.  Chambon  les  a décrits  sous  le  nom  de  scléromes. 
Walter  et  Baillie  les  ont  connus.  Bichat,  et  d’après 
lui  M.  Roux,  les  ont  décrits  ; mais  c’est  à Bayle  et  à 
M.  Laennec  qu’on  en  doit  la  connaissance  complète.  Us 
ont  la  forme  globuleuse,  leur  surface  est  inégale  et 
comme  lobulée;  les  anfractuosités  les  plus  grandes  con- 
tiennent des  vaisseaux  et  du  tissu  cellulaire  infiltré. 

• 

Fendus , on  voit  qu’ils  sont  formés  de  lobules  et  de 
bandes  contournés  en  volute,  réunis  par  du  tissu  cel- 
lulaire et  des  prolongemens  fibreux.  Us  ont  peu  de 
vaisseaux  à l’intérieur.  Us  sont  d’abord  petits  et  mous 
comme  de  la  fibrine  du  sang;  ils  s’accroissent  progres- 
sivement en  volume  et  changent  de  texture;  ils  de- 
viennent rarement  cartilagineux,  mais  fréquemment 
osseux;  l’ossificatipn  pierreuse  s’y  développe  d’une  ma- 
nière irrégulière,  et  ressemble  dans  leur  épaisseur  à un 
calcul  moriforme.  Us  se  forment  souvent  dans  l’épais- 
seur et  près  des  surfaces  de  l'utérus;  quelquefois  dans 
l’oyaire,  dans  le  tissu  cellulaire  accidentel  des  mem- 
branes séreuses , et  sont  alors  formés  de  couches  comme 
une  bulbe  ; dans  le  tissu  cellulaire  ; on  a dit  aussi  dans 
les  os;  on  en  a vu  aux  doigts  et  aux  paupières,  sous  la 
membrane  muqueuse  du  nez  : les  fongus  de  la  dure- 
mère  sont  quelquefois  des  corps  de  ce  genre;  on  en  a 
même  vu  une  fois  dans  le  cerveau. 

On  trouve  des  productions  fibreuses  informes  dans 
les  cicatrices  du  foie , des  os , de  la  peau  ; dans  le  scro- 
tum et  ailleurs  autour  des  fistules. 

S 5oq.  U y a une  production  qui  se  rapproche  beau- 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


438 

coup  du  tissu  ligamenteux , c’est  celle  d’un  tissu  blanc  , 
compact,  point  fibreux,  point  lamineux,  point  cellu- 
leux, demi-diaphane,  point  chatoyant,  flasque  et  te- 
nace. Quelques  organes  atrophiés  semblent  se  trans- 
former en  ce  tissu,  les  cicatrices  delà  peau , celle  du  tissu 
cellulaire  après  la  guérison  des  phlegmons  chroniques  , 
et  après  celle  des  fistules  anciennes,  quelques  granula- 
tions blanches  des  membranes  séreuses  analogues  aux 
glandes  de  pacchioni,  sont  de  ce  genre. 

On  doit  aussi  en  rapprocher  la  sclérose  que  l’on  ob- 
serve dans  le  tissu  cellulaire  et  la  peau  dans  l’éléphan- 
tiasis  des  membres,  du  scrotum  et  de  la  vulve,  et  que 
l’on  a vue  aussi  dans  le  tissu  cellulaire  sous  péritonéal, 
dans  un  cas  de  cancer. 

C’est  à cette  production  qu’il  faut  aussi  rapporter  la 
plupart  des  polypes  de  l’utérus  et  surtout  du  vagin, 
et  certaines  tumeurs  saillantes  sous  la  peau  qu’elles 
soulèvent;  polypes  et  tumeurs,  dont  le  tissu  blanc, 
compacte,  flasque  et  tenace,  diffère  du  tissu  fibreux, 
mais  s’en  rapproche  plus  cependant  que  d’aucun  autre. 

Ces  variétés  de  tissu  blanc  accidentel  se  rapprochent 
des  productions  morbides  par  leur  tendance  à s’étendre 
et  à repulluler. 

§ 5io.  L’inflammation  du  tissu  ligamenteux  est  peu 
connue,  mais  elle  n’est  pas  très-rare. 

Elle  se  termine  le  plus  souvent  par  résolution , assez 
souvent  aussi  par  production  d’une  matière  plastique 
ou  organisable  , qui  tantôt  est  résorbée , et  tantôt 
donne  lieu  à l’ossification  accidentelle.  L’inflammation 
chronique  ramollit  ce  tissu , lui  fait  perdre  sa  ténacité , 
et  donne  aussi  quelquefois  lieu  à son  ossification. 


DES  LIGAMENS. 


439- 

Quelques  fongus  de  la  dure-mère,  certains  polypes 
des  fosses  nasales  et  des  arrière  - narines , certaines 
épulies,  quelques  tumeurs  du  penoste,  sont  des  pro- 
ductions morbides  ou  des  dégénérations  cancéreuses 
du  tissu  ligamenteux. 

SECONDE  SECTION. 

DES  ORGANES  LIGAMENTEUX  EN  PARTICULIER. 

§611.  En  faisant  abstraction  pour  le  moment  du 
tissu  fibro-cartilagineux,  on  peut  diviser  les  Organes 
fibreux  en  ceux  qui  attachent  les  os  entre  eux,  ceux 
qui  attachent  les  muscles  aux  os,  et  ceux  qui  forment 
des  enveloppes. 

ARTICLE  PREMIER. 

DES  LIGAMENS. 

§ 5 12.  Les  ligamens1,  ligamenta,  nervi  colligcintes , 
rôvhs-poi,  sont  les  parties  fibreuses  qui  attachent  les  os  et 
les  cartilages  les  uns  aux  autres. 

Le  même  nom  a été  mal  à propos  donné  à beaucoup 
d’autres  parties,  et  notamment  à des  freins  formés  par 
des  replis  des  membranes  séreuses  et  muqueuses , à des 
prolongemens  séreux  et  adipeux , etc. 

Les  véritables  ligamens  tiennent  par  leurs  deux  extré- 
mités aux  os  et  au  périoste,  et  si  solidement,  qu'il 
faut,  dans  l’adulte,  une  putréfaction  très-avancée  pour 

1 J os.  Weitbrechl,  Syndesmolog ia  sive  historia  ligament 
corp.  hum.,  etc.,  cum  figuris , 4°;  Pelropol.  1742. 


44°  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

les  en  détacher , dans  les  enfans  ils  se  séparent  des  09 
avec  le  périoste  par  une  macération  peu  prolongée. 

Le  tissu  fibreux  qui  les  forme  est  très-dense,  et  dis- 
posé en  faisceaux  plus  ou  moins  distincts,  très-étroite- 
ment  unis;  quelques-uns  même  ont  l'homogénéité  ap- 
parente des  cartilages. 

Ils  se  résolvent,  par  la  décoction,  mais  très-difficile- 
ment, en  gélatine  et  en  albumine. 

§ 5 1 3.  Les  ligamens  sont  souvent  affectés  d’inflam- 
mation, soit  par  des  causes  mécaniques,  comme  celles 
de  l’entorse  et  des  fractures  dans  les  parties  articu- 
laires des  os,  soit  par  le  voisinage  des  membranes 
synoviales  enflammées , soit  parles  causes  spécifiques  du 
rhumatisme  articulaire  et  de  la  goutte.  L’inflammation 
donne  lieu  à deux  effets  différens  dans  les  ligamens  : 
un  ramollissement  extrême  et  une  perte  de  leur  force 
de  résistance,  ou  bien  l’ossification  accidentelle.  Ce 
dernier  changement  est  le  plus  fréquent;  on  observe 
surtout  l’autre  dans  les  maladies  scrofuleuses  des  arti- 
culations. 

§ 5 1 4*  D’après  leurs  connexions  et  leurs  usages,  on 
distingue  les  ligamens  en  articulaires,  en  non  articu- 
laires, et  en  mixtes.  Les  premiers  sont  ceux  qui  s’at- 
tachent par  leurs  extrémités  à des  os  différens  qu’ils 
réunissent,  ce  sont  les  plus  importans;  les  seconds  sont 
ceux  qui , attachés  à des  parties  d’un  même  os,  servent 
à fermer  des  échancrures,  comme  à l’arcade  orbitaire 
et  au  bord  supérieur  du  scapulum  , ou  à clore  une 
ouverture  et  donner  attache  à des  muscles  comme  le 
ligament  obturateur  du  trou  sous-pubien  ; les  derniers 
sont  ceux  qui,  comme  les  ligamens  sacro-ischiatiques 


DES  LIGAMENS.  44 1 

et  inter-osseux  de  l’avant-bras  et  de  la  jambe,  se  fixent 
à des  os  différons,  mais  servent  surtout  à des  inser- 
tions de  muscles. 

Les  ligamens  articulaires  se  distinguent  en  capsu- 
laires et  en  funiculaires. 

Les  ligamens  capsulaires  ou  les  capsules  fibreuses 
consistent  en  des  gaines  ligamenteuses  cylindroïdes 
qui  entourent  l’articulation  , qui  tiennent  par  leurs 
deux  bouts  aux  deux  os  articulés,  et  sont  doublées  à 
l’intérieur  par  la  membrane  synoviale.  Ces  capsules, 
tout  en  fixant  solidement  les  os , permettent  des  mou- 
vemens  dans  tous  les  sens.  Elles  sont  presque  propres 
aux  articulations  scapulo-humérale  et  coxo-fémorale  ; 
cependant  on  en  trouve  des  rudimens  à quelques 
autres,  où  des  faisceaux  irréguliers  fortifient  la  mem- 
brane synoviale  dans  plusieurs  points  de  son  contour. 

Les  cordons  ou  les  faisceaux  ligamenteux  des  arti- 
culations sont  des  cordes  arrondies  ou  des  bandes 
aplaties , situées  la  plupart  à l’extérieur  des  articulations, 
et  quelques-uns  seulement  à l’intérieur  des  cavités  arti- 
culaires. Les  uns  et  les  autres  permettent  des  mouve- 
mens  en  quelques  sens , et  les  empêchent  ou  les  bornent 
dans  les  autres. 

Les  ligamens  externes  sont  la  plupart  placés  aux 
deux  côtés  de  l’articulation  , et  appelés  pour  cette 
raison  ligamens  latéraux;  beaucoup  d’articulations 
mobiles  en  sont  pourvues;  d’autres  sont  antérieurs  ou 
postérieurs;  quelques-uns,  à raison  de  leur  direction , 
sont  appelés  ligamens  croisés.  Tous  ces  ligamens,  at- 
tachés par  les  deux  bouts  aux  os,  répondent  par  une 
de  leurs  faces  à la  membrane  synoviale,  et  par  l’autre 


442  ANATOMIE  GENERALE. 

au  tissu  cellulaire  commun , aux  muscles  et  aux  tendons 
environnans. 

Les  ligamens  internes  sont  entourés  d’une  gaine 
fournie  par  la  membrane  synoviale  qui  se  réfléchit  à 
leurs  deux  extrémités  (§  212). 

ARTICLE  IL 

DES  TENDONS. 

§ 5 1 5.  Les  ligamens  des  muscles  ou  les  tendons  1 , 
tendines , révov7ts , sont  des  parties  ligamenteuses  aux- 
quelles se  fixent  les  extrémités  des  fibres  musculaires. 

Parmi  les  tendons , les  uns  funiculaires , ont  la  forme 
de  cordons  allongés,  arrondis  ou  aplatis,  mais  étroits; 
ce  sont  les  tendons  proprement  dits  ; les  autres  sont 
élargis  et  membraniformes , ce  sont  les  tendons  apo- 
névrotiques  ou  les  aponévroses  d’attache. 

Les  uns  et  les  autres  sont  placés,  pour  la  plupart, 
aux  extrémités  des  muscles,  et  servent  à leurs  inser- 
tions; les  autres,  placés  dans  leur  longueur,  et  inter- 
rompant les  fibres  charnues , sont  des  tendons  et  des 
aponévroses  d’intersection  ou  des  énervations. 

Parmi  les  tendons  d’insertion,  il  en  est  même  qui, 
consistant  en  une  multitude  de  petits  faisceaux  fibreux 
isolés,  n’ont  la  forme  ni  de  cordon  ni  de  membrane. 

Il  en  est  quelques  autres  qui  forment  des  ceintres 
ou  des  arcades  attachées  par  les  deux  extrémités , et 
sous  lesquelles  passent  des  vaisseaux  ; tel  est  celui  sous 
lequel  passent  les  vaisseaux  fémoraux  en  devenant  po- 
plités , etc. 

’ Albimis,  Annot.  acad . , lib.  IV,  cap.  7,  et  lab.  5. 


DES  TENDONS. 


443 

Parmi  les  tendons  il  y en  a qui  ont  la  forme  de 
cordon  dans  la  plus  grande  partie  de  leur  longueur,  et 
qui,  à l’une  des  extrémités  ou  aux  deux,  s’élargissent 
en  membranes. 

Il  en  est  d’autres  qui,  simples  à une  extrémité  , se 
divisent  à l’autre  en  plusieurs  cordons  ou  en  lames  plus 
ou  moins  larges. 

§ 5i6.  La  connexion  des  tendons  avec  les  fibres  mus- 
culaires est  très-solide;  on  a prétendu  même  qu’il  y 
avait  continuité  réelle  et  identité  entre  ces  parties. 
Mais,  outre  les  différences  de  densité  et  de  couleur, 
outre  la  différence  remarquable  qu’on  aperçoit  avec 
le  microscope  entre  les  deux  tissus , on  voit  des  tendons 
aponévrotiques  dont  les  fibres  ont  une  direction  diffé- 
rente de  celle  des  muscles;  les  tendons  sont  beaucoup 
moins  vasculaires  que  les  muscles;  ils  sont  plus  longs 
proportionnellement  dans  les  enfans  ; ils  se  séparent  des 
musclés  par  la  décoction  ; ils  se  résolvent  en  tissu  cel- 
lulaire par  la  macération  ; ils  ne  sont  point  irritables 
comme  la  fibre  musculaire,  etc.;  ils  n’en  sont  point  la 
continuation,  mais  seulement  celle  du  tissu  cellulaire 
des  muscles. 

Par  l’autre  extrémité  les  tendons  sont  attachés  aux 
os,  en  général  près  des  articulations.  Quelques  tendons 
aponévrotiques,  au  lieu  de  s’attacher  directement  aux 
os,  s’épanouissent  et  se  confondent  avec  les  enveloppes 
des  muscles. 

Les  tendons  sont  entourés  de  tissu  cellulaire  com- 
mun et  lâche,  ou  de  bourses  mucilagineuses , suivant 
l’étendue  des  glissemens  qu’ils  éprouvent. 


ANATOMIE  GENEKALE. 


444 

Quelques-uns  sont  maintenus  par  des  anneaux  ou 
des  gaînes  qui  préviennent  leur  déplacement. 

La  couleur  des  tendons  est  blanche,  resplendissante, 
azurée,  comme  verdâtre,  satinée  ou  veloutée. 

Le  tissu  fibreux  qui  les  compose  contient  dans  ses 
intervalles,  dans  les  plus  gros  au  moins,  du  tissu  cel- 
lulaire et  des  petits  vaisseaux  sanguins. 

Quelques  tendons  ont  une  texture  fibro-cartilagi- 
neuse:  ce  sont  ceux  qui  frottent  contre  des  os;  ils 
deviennent  même  à la  longue  osseux  dans  ces  points. 

Leurs  propriétés  essentielles  sont  l’inextensibilité  et 
la  force  de  cohésion,  ce  qui  les  rend  propres  à trans- 
mettre aux  os  l’action  musculaire,  seule  fonction  qu  ils 
aient  à remplir. 

Ils  sont  rarement  altérés  ; la  piqûre  y détermine  un 
gonflement  indolent  qui  se  résout  lentement. 

ARTICLE  III. 

DES  ENVELOPPES  LIGAMENTEUSES. 

§ 517.  Des  membranes  ligamenteuses  forment,  à cer- 
taines parties,  des  enveloppes  analogues  à celles  que  le 
tissu  cellulaire  fournit  aux  autres  organes.  Ces  mem- 
branes sont  les  suivantes  : 

I.  Des  enveloppes  des  muscles. 

§ 5 18.  Les  enveloppes  des  muscles  ou  les  aponé- 
vroses d’enveloppe  fournissent  aussi , dans  quelques 
endroits,  des  insertions  aux  fibres  musculaires;  elles 
sont  de  deux  sortes , les  unes  entourent  les  muscles  des 
membres,  les  autres  revêtent  ceux  des  parois  du  tronc. 


DES  ENVELOPPES  LIGAMENTEUSES.  44^ 

§519.  Les  aponévroses  d’enveloppe  des  membres, 
fasciœ  musculares 1 , sont  des  membranes  ligamenteuses 
qui  entourent  les  muscles  des  membres  et  les  main- 
tiennent contre  les  os.  Ces  membranes  ont  la  forme  de 
gaines  ; leur  surface  externe  répond  aux  tissus  cellulaire 
et  adipeux,  ainsi  qu’aux  vaisseaux  et  nerfs  sous-cutanés. 
Leur  surface  interne  répond  aux  muscles,  fournit  des 
attaches  à quelques-uns,  envoie  entre  la  plupart  des 
lames,  des  cloisons,  des  prolongemens  qui  les  séparent, 
qui  leur  fournissent  des  attaches,  et  qui  vont  se  termi- 
ner en  s’attachant  aux  crêtes  et  aux  lignes  des  os.  Leurs 
extrémités  s’attachent  aux  os,  reçoivent  des  insertions 
ou  des  expansions  de  tendons,  se  perdent  insensible- 
ment dans  le  tissu  cellulaire:  et  dans  d’autres  endroits 

4 7 

forment  des  ligamens  annulaires  aux  tendons.  Elles 
consistent  en  une  ou  plusieurs  couches  plus  ou  moins 
épaisses  de  tissu  ligamenteux,  et  sont  proportionnées 
en  épaisseur  au  nombre  et  à la  force  des  muscles  qu’elles 
entourent  ; elles  présentent  des  ouvertures  pour  le  pas- 
sage des  vaisseaux  du  plan  profond  au  plan  superfi- 
ciel , et  réciproquement.  Elles  sont  pourvues  de  muscles 
tenseurs,  soit  propres,  soit  simplement  par  expansion 
de  leurs  tendons.  Elles  ont  pour  usage  de  maintenir 
les  muscles  en  place,  de  leur  fournir  des  attaches; 
elles  exercent  par  leur  résistance  une  légère  pression 
sur  les  vaisseaux  profonds,  et  favorisent  ainsi  la  cir- 
culation veineuse  et  lymphatique.  Leur  connaissance 
est  d’une  grande  importance  sous  le  point  de  vue  pa- 
thologique, à cause  des  étranglemens  qu  elles  peuvent 

1 Ad.  Murray,  de  Fascid  latd.  Upsal.  1774* 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


446 

déterminer;  elle  ne  l’est  pas  moins  dans  la  chirurgie, 
à cause  de  leurs  rapports  avec  les  muscles  et  avec  les 
vaisseaux. 

La  cuisse,  la  jambe,  le  pied,  la  main,  l’avant-bras 
et  le  bras , sont  pourvus  d’aponévroses  de  cette  sorte. 

§ 520.  Les  aponévroses  des  parois  des  cavités  du 
tronc  , ou  les  aponévroses  partielles , revêtent , re- 
couvrent et  même  enveloppent,  en  partie  du  moins, 
certains  muscles;  telles  sont  les  gaines  aponévrotiques 
composées  des  muscles  droit  et  pyramidal  de  l’abdo- 
men; l’aponévrose  dorsale,  qui  couvre  les  muscles  des 
gouttières  vertébrales  ; l’aponévrose  temporale  ; les 
aponévroses  pelvienne  , transversale,  superficielle,  ju- 
gulaire ou  trachélienne,  etc.  Quelques-unes,  et  surtout 
les  dernières,  sont  peu  distinctes  du  tissu  cellulaire, 
avec  lequel  elles  se  continuent. 

IL  Des  gaînes  des  tendons. 

§521.  Les  gaînes  des  tendons  sont  des  canaux  ligamen- 
teux qui  entourent  et  fixent  les  tendons  à leur  place. 

Quelques-unes  sont  assez  longues  pour  former  de 
véritables  canaux;  d’autres,  beaucoup  plus  courtes, 
sont  appelées  des  ligamens  annulaires.  Parmi  ces 
anneaux  ligamenteux,  quelques-uns  sont  tout-à-fait 
circulaires  ; les  autres  , ainsi  que  les  gaînes  , sont 
complétés  par  les  os  voisins  , d’où  résultent  des 
gaînes  ostéo-ligamenteuses.  Elles  sont , ainsi  que  le 
tendon  quelles  contiennent,  tapissées  par  des  mem- 
branes synoviales  vaginiformes.  Ces  gaînes  sont  très- 
solides  , très  - fortes  , elles  contiennent  chacune  un 


des  enveloppes  ligamenteuses. 


447 

ou  plusieurs  tendons  ; elles  sont  surtout  nombreuses 
à l’extrémité  libre  des  membres , plus  dans  le  sens  de 
la  flexion , et  plus  fortes  aussi  dans  ce  sens  que  dans 
celui  de  l’extension.  Elles  maintiennent  en  place  les 
tendons , elles  empêchent  leur  déplacement  pendant 
l’action  des  muscles  et  les  mouvemens  désarticulations; 
elles  servent  aussi,  en  quelques  endroits,  de  poulies  de 
renvoi,  qui  changent  la  direction  des  tendons  et  modi- 
fient le  sens  des  mouvemens. 

III.  Du  périoste. 

§ 522.  L’enveloppe  des  os  ou  le  périoste  entoure 
les  os  dans  toute  leur  étendue,  excepté  les  surfaces  arti- 
culaires. Les  dents  seules,  qui  d’ailleurs  ne  sont  pas 
des  os,  en  sont  dépourvues. 

Cette  enveloppe  est  interrompue  aux  articulations 
amphiarthrodiales  et  diarthrodiales,  elle  ne  l’est  pas 
aux  articulations  immobiles. 

Sa  surface  externe  est  floculente , et  hérissée  de  fila- 
mens  qui  se  confondent  avec  le  tissu  cellulaire  envi- 
ronnant, et  qui,  dans  d’autres  endroits,  se  continuent 
avec  les  li^amens  et  les  tendons. 

La  surface  interne  est  unie  à l’os  par  d’innombrables 
prolongerons  qui  accompagnent  les  vaisseaux  dans  son 
intérieur  et  dans  son  épaisseur.  Cette  surface  est  sur- 
tout unie  très-solidement  aux  os  là  où  ils  sont  épais  et 
spongieux,  moins  solidement  dans  les  autres  endroits. 
L’adhérence  est  moins  solide  aussi  dans  les  enfans  que 
dans  les  adultes. 

L’épaisseur  du  périoste  est  variable,  et  proportionnée 
à la  vascularité  des  os. 


anatomie  generale. 


448 

Sa  texture  est  fibreuse,  et  fibro-cartilagineuse  dans 
les  endroits  contre  lesquels  frottent  des  tendons.  Il  a 
des  vaisseaux  sanguins  1 très-nombreux , et , sous  ce 
rapport,  fait  une  exception  remarquable  dans  le  tissu 
ligamenteux.  On  y a aussi  aperçu  des  vaisseaux  lympha- 
tiques; On  n’y  connaît  point  de  nerfs. 

Le  périoste  est  d’abord  mince  et  peu  vasculaire 
avant  l’époque  de  l’ossification.  Il  devient  épais  et 
vasculaire  à cette  époque.  L’usage  de  la  garance  ne 
le  colore  pas. 

Les  fonctions  du  périoste  sont  d’envelopper  l’os, 

» 

de  soutenir  ses  vaisseaux  , de  réunir  dans  l’enfance 
les  épiphyses  au  corps  de  l’os,  et  de  servir  à cette 
époque  à l’insertion  des  ligamens  et  des  tendons. 

On  lui  a attribué  sans  preuve  l’usage  de  former  les 

os , mais  on  voit  l’ossification  des  os  courts  commencer 

/ 

au  centre  du  cartilage,  et  loin  du  périoste  par  consé- 
quent; de  déterminer  la  forme  des  os;  d’en  borner  l’ac- 
croissement en  retenant  le  suc  osseux,  etc.  Quant  à la 
part  qu’il  peut  avoir  à l’accroissement  des  os  en  épais- 
seur, à la  réparation  des  os  divisés  ou  nécrosés,  elle 
sera  examinée  plus  loin  (chap.  VIII). 

Le  périoste  divisé  se  réunit  ; enlevé , cela  produit 
ordinairement  une  nécrose  superficielle,  et  il  se  repro- 
duit après  l’exfoliation.  Lorsqu’il  est  enflammé,  il 
y a quelquefois  résolution  , d’autres  fois  gangrène; 
quelquefois  il  suppure,  et  se  sépare  alors  plus  ou 
moins  promptement  de  l’os  qui  se  nécrose;  d’autres 

1 Voyez  Ruysch , Adw  anat.  dec.  ni,  tab.  n,  fig.  8. 
Albinus,  leon.  oss. foetus , tab.  xvi,fg.  162. 


DES  ENVELOPPES  LIGAMENTEUSES.  449 

fois  l’inflammation  étant  plastique , il  se  fait  une  dé- 
position dans  son  épaisseur,  une  périostose,  qui  tantôt 
se  dissipe  par  résorption,  et  d’autres  fois  s’ossifie.  Le 
périoste  est  quelquefois  le  siège  d’une  dégénération  ou 
d’une  production  cancéreuse  cérébriforme , au  centre 
de  laquelle  l’os  lui-même  n’est  pas  tîès-altéré. 

§ 023.  Le  périehondre,  membrane  ligamenteuse  qui 
enveloppe  les  cartilages , ne  diffère  guère  du  périoste 
que  par  une  beaucoup  moindre  vascularité.  Il  remplit, 
à l’égard  des  cartilages,  les  mêmes  usages  que  le  pé- 
rioste à l’égard  des  os , et  de  plus  , il  donne  à ceux  qui 
sont  très-minces  et  flexibles,  une  résistance  à la  rup- 
ture, une  ténacité  qu’ils  n’ont  pas  par  eux-mêmes. 

IV.  Des  enveloppes  fibreuses  du  système  nerveux. 

§ 524.  Les  nerfs  ont  une  enveloppe  propre,  le  névn- 
lème , qui  est  de  la  même  nature  que  le  tissu  liga- 
menteux. Autour  de  la  moelle  épinière  cette  enveloppe 
perd  la  solidité  du  tissu  ligamenteux,  et  autour  du 
cerveau,  où  la  pie-mère  est  sa  continuation  j elle  de- 
vient purement  cellulaire  et  vasculaire.  Lenevrilème, 
beaucoup  moins  vasculaire  que  la  pie-mère,  est  encore 
une  partie  très-vasculaire  du  système  ligamenteux. 

§ 525.  La  dure-mère  eu  ménynge,  vasculaire  comme 
le  périoste,  diffère  de  cette  membrane,  commune  des 
os,  en  ce  quelle  est  doublée  par  l’arachnoïde,  ce  qui 
en  forme  une  membrane  fibro-séreuse , en  ce  qu’elle 
forme  une  tunique  ou  capsule  à l’encéphale  et  à la 
moelle,  en  ce  que  dans  le  crâne,  seul  endroit  où  elle 
serve  aussi  de  périoste  , elle  contient  des  sinus  ou 
canaux  veineux  dans  son  épaisseur,  et  enfin  par  les 


1. 


45o.  anatomie  générale. 

prolongemens  ou  cloisons  quelle  forme  entre  les  di- 
visions de  l’encéphale. 

Y.  Des  membranes  fibreuses  composées . 

§ 52 6.  Le  péricarde  et  les  pérididymes  ou  tuniques 
vaginales  sont,  comme  la  dure-mère,  des  membranes 
fibro-séreuses  résultant  de  l’union  intime  d’une  mem- 
brane ligamenteuse  avec  le  feuillet  externe  ou  pariétal 
d’une  membrane  séreuse. 

Dans  les  fosses  nasales  et  dans  leurs  sinus,  dans  la 
cavité  du  tympan  et  dans  le  sinus  mastoïdien , à la 
voûte  du  palais  et  dans  quelques  autres  endroits  encore  , 
le  périoste  est  immédiatement  couvert  par  une  mem- 
brane muqueuse  qui  lui  est  intimement  unie,  ce  qui 
constitue  une  membrane  fibro-muqueuse. 

Ces  membranes  composées  ressemblent , par  leur 
texture  , leurs  fonctions  et  leurs  altérations,  aux  deux 
genres  de  tissu  dont  elles  sont  formées. 

YI.  Des  capsules  fibreuses  de  quelques  organes . 

§ 527.  Enfin  l’œil  est  renfermé  dans  une  membrar  e 
capsulaire,  appelée  sclérotique  et  cornée  5.  le  testicule 
dans  une  appelée  albuginée,  l’une  et  l’autre  remar- 
quables par  leur  épaisseur  et  leur  solidité  ; les  ovaires  , 
les  reins , le  foie , et  quelques  autres  parties  encore,  ont 
des  enveloppes  du  même  genre , mais  beaucoup  moins 
épaisses  et  moins  solides.  La  plupart  de  ces  capsules , 
toutes  même,  excepté  la  scélérotique,  ont  des  pro- 
longemens intérieurs  fibreux  qui  s’étendent  dans  le  tissu 
de  l’organe.  Elles  sont  percées  de  quelques  ouvertures 


DU  TISSU  FIBRO-CARTIAAGINEUX.  /fî  l 

pour  le  passage  des  vaisseaux , mais  sont  peu  vasculaires 
elles-mêmes.  Elles  ont  pour  usage  commun  de  déter- 
miner la  forme  des  organes  quelles  enveloppent , d’en 
contenir,  d’en  soutenir,  d’en  protéger  les  parties  in- 

y ' 

ternes. 

TROISIÈME  SECTION. 

DU  TISSU  FIBRO-CARTILAGINEUX. 

§ 528.  Le  tissu  fibro-cartilagineux  est  fibreux  et  te- 
nace comme  le  tissu  ligamenteux , dont  il  fait  réellement 
partie;  blanc  , très-dense,  et  élastique  comme  le  tissu 
cartilagineux;  il  semble  intermédiaire  aux ligamens  et 
aux  cartilages. 

§ 529.  Galien  a nommé  certains  ligamens  neuro- 
chondroïdes,  vtupofcovê'pûiê'tç  cwê'îçjitoi  • Vesale  les  appelait 
ligamens  cartilagineux;  Morgagni  les  regardait  comme 
intermédiaires  entre  les  ligamens  et  les  cartilages  ; 
Weitbrecht  les  comprend  parmi  les  ligamens;  Haase, 
au  contraire,  les  range  dans  la  «chondrologie,  sous  les 
noms  de  cartilages  ligamenteux  et  mixtes.  Bichat  a 
établi  un  système  fibro-cartilagineux,  composé  du  tissu 
ligamenteux  cartilaginiforme  dont  il  s’agit  ici , et  d’une 
partie  du  tissu  cartilagineux,  qui  sera  décrit  dans  le 
chapitre  suivant;  mais  ce  système  d’organes  ne  me 
semble  pas  exister  dans  la  nature,  c’est  pourquoi  je  11e 
l ai  point  conservé.  Les  fibro- cartilages  dont  il  est  ques- 
tion ici  ne  me  paraissent  être  qu’une  variété  du  tissu 
desmeux  : ce  sont  des  organes  ligamenteux  cartilagi- 
niformes. 


4^2  ANATOMIE  GENERALE. 

§ 53o.  Les  fibro-cartilages  sont  temporaires  ou  per- 
manens. 

Les  fibro-cartilages  temporaires  sont  ceux  qui  passent 
régulièrement,  constamment,  et  à des  époques  dé- 
terminées, à l’état  osseux  : ce  sont  les  fibro-cartilages 
d’ossification.  On  les  rencontre  dans  l’épaisseur  des 
tendons  et  des  ligamens.  Ils  sont  purement  fibreux  dans 
le  principe,  deviennent  ensuite  fibro-cartilagineux,  et 
enfin  osseux.  La  rotule  et  les  os  sésamoïdes  se  déve- 
loppent de  cette  manière.  Les  endroits  où  les  tendons 
frottent  contre  les  os , ceux , par  exemple , où  les 
jumeaux  appuient  contre  le  fémur,  où  le  long  péronnier 
latéral  glisse  contre  le  tarse,  sont  aussi  constamment 
le  siège  de  fibro-cartilages  de  ce  genre.  Le  ligament 
stylo -hyoïdien , le  ihyroliyoïdien , contiennent,  dans 
leur  épaisseur,  des  grains  de  la  même  nature.  La  sclé- 
rotique, dans  certains  animaux,  présente  des  points 
opaques,  également  fibro-cartilagineux,  qui  forment 
ensuite  des  plaques  osseuses. 

§ 53 1.  Les  fibro-cartilages  permanens,  ou  du  moins 
ceux  qui  durent  presque  toute  la  vie,  sont  de  plusieurs 
espèces.  i°  Il  en  est  de  libres  par  leurs  deux  faces  : ce 
sont  les  ligamens  inter  - articulaires  ou  ménisques, 
menisci ; on  les  rencontre  dans  les  articulations  temporo- 
maxillaires,  sterno-claviculaires,  quelquefois  dans  celle 
de  l’acromion  avec  la  clavicule,  constamment  entre  le 
fémur  et  le  tibia,  entre  le  cubitus  et  l’os  pyramidal. 
Entièrement  isolés  par  leurs  deux  faces,  ces  ligamens 
sont  adhérens  par  leurs  bords  ou  par  leurs  extrémités. 

2° D’autres  sont adliérens  par  une  de  leurs  faces;  tels 
sont  ceux  que  l’on  trouve  partout  où  un  tendon  frotte 


V 


DU  TISSU  FIBRO-CARTILAGINEUX.  4^3 

contre  un  os,  et  dont  la  présence  est  due  à ce  que  le 
périoste  devient  cartilagineux  dans  ces  endroits;  ceux 
que  présentent  les  ligamens  contre  lesquels  glissent  des 
tendons,  comme  cela  a lieu  pour  le  ligament  calcanéo- 
cuboïdien , contre  lequel  frotte  le  tendon  du  muscle 
jambier  postérieur.  Tels  sont  encore  les  bourrelets 
fibro-eartilagineux  attachés  au  bord  des  cavités  glé- 
noïde  et  cotyloïde.  Partout,  en  général,  où  le  tissu 
fibreux  est  exposé  à des  frottemens  habituels , ce  tissu 
prend  une  texture  ou  une  apparence  cartilagineuse  : 
c’est  ce  qu’on  voit  pour  les  frottemens  des  os  contre  t 
les  ligamens,  au  ligament  annulaire  du  radius,  au  li- 
gament transverse  de  l’apophyse  odontoïde;  la  poulie 
du  muscle  grand  oblique  est  encore  un  exemple  du 
même  genre.  3°  Certainsligamens  cartilagineux  adhèrent 
par  leurs  deux  faces;  les  intervalles  des  corps  des  ver- 
tèbres, l’intervalle  des  pubis,  sont  remplis  par  des  or- 
ganes de  ce  genre.  Ainsi,  d’après  leur  forme  et  leurs 
connexions  on  peut  distinguer  trois  sortes  de  ligamens 
cartilaginiformes. 

§ 532.  Ces  organes,  quoique  toujours  fibreux  comme 
les  ligamens  , et  très-denses  comme  les  cartilages,  pré- 
sentent un  grand  nombre  de  variétés,  par  rapport  à la 
consistance,  et  à l’homogénéité  de  leur  tissu.  Les  mé- 
nisques, ou  ligamens  inter-articulaires,  par  exemple, 
offrent  des  fibres  très- distinctes  à leur  circonférence,  et 
prennent  vers  leur  centre,  qui  est  miuce,  une  appa- 
rence de  plus  en  plus  serrée  et  homogène,  sans  pour- 
tant qu’on  doive  les  regarder,  même  en  cet  endroit, 
comme  de  vrais  cartilages.  Le  périoste  cartilagineux  a 
plus  de  ressemblance  avec  ces  derniers.  Dans  les  liga- 


i 


454  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

mens  amphiarthrodiaux , un  tissu  fibreux  très-apparent 
existe  à l’extérieur;  il  se  convertit,  à mesure  cpi’on  se 
rapproche  du  centre,  en  une  sorte  de  pulpe  ou  de 
bouillie  blanche  qui  se  rapproche  des  cartilages,  moins 
par  sa  consistance  cependant  que  par  la  disparition 
des  fibres  et  par  son  homogénéité  apparente. 

§ 533.  Il  entre  dans  la  composition  des  fibro-carti- 
lages  les  mêmes  parties  que  dans  celle  du  tissu  liga- 
menteux; on  y trouve  peu  de  vaisseaux.  Leur  com- 
position chimique  a été  peu  étudiée.  Par  la  dessicca- 
tion , ils  deviennent  jaunes  et  transparens,  comme  les 
ligaméns.  La  décoction  agit  sur  eux  de  la  même  ma- 
nière que  sur  ces  derniers  : elle  les  fond  entièrement 
en  gelée,  de  sorte  qu’ils  ne  participent  pas,  sous  ce 
rapport,  du  tissu  cartilagineux. 

§ 534-  Leurs  propriétés  physiques  sont  semblables  à 
celles  des  ligaméns  et  des  cartilages.  Leur  ténacité  ou 
force  de  cohésion  très-grande , et  qui  surpasse  même 
celle  des  os,  les  rapproche  du  tissu  ligamenteux.  D’un 
autre  côté  , ils  sont  très  - élastiques , et  reviennent 
promptement  sur  eux-mêmes  lorsqu’ils  ont  cédé  , soit 
à la  distension , soit  à la  pression  ; c’est  surtout  quand 
ils  sont  comprimés , que  leur  élasticité  est  très-mar- 
quée. Ils  résistent  plus  que  les  os  et  les  cartilages  à 
l’action  destructive  des  tumeurs  pulsatiles  : dans  les 
anévrysmes  de  l’aorte,  les  vertèbres  sont  usées  et  dé- 
truites avant  le  fibro-cartilage  qui  les  sépare  : cette 
propriété  est  une  suite  de  leur  élasticité.  Les  propriétés 
vitales  des  fibro-cartilages  sont  obscures,  comme  celles 
du  tissu  ligamenteux  en  général. 

S 535,  Dans  leur  formation , plusieurs  de  ces  parties 


DU  TISSU  FIBR0-CÂRTILAG1NEITX.  ^55 

passent  par  fétat  fibreux;  d’autres  passent  directement 
de  letat  muqueux  à l’état  fibro-cartilagineux.  Ce  n’est 
qu’accidentellement , et  d’une  manière  variable,  que 
les  fibro-cartilages  permanens  deviennent  ôsseux  dans 
la  vieillesse;  cependant  cela  leur  arrive  plus  souvent 
qu’aux  ligamens , mais  moins  souvent  qu’aux  cartilages. 

§ 536.  Les  fibro-cartilages  temporaires  ou  passagers 
ont  pour  usage  de  servir  de  type  ou  de  moule  à des  os. 
Ceux  qui  sont  permanens  forment  tantôt  des  liens 
flexibles,  élastiques  et  très-solides,  et  servent  tantôt 
cà  faciliter  les  glissemens  , par  la  consistance  qu’ils 
donnent  aux  surfaces. 

§ 53y.  Les  états  morbides' des  fibro-cartilages  sont 
peu  connus. 

Divi  sés,  ils  se  réunissent,  comme  on  le  voit,  après 
l’opération  de  la  symphyséotomie. 

Leur  production  accidentelle  n’est  pas  très-rare.  On 
peut  prendre  pour  type  de  l’espèce  et  pour  objet  de 
comparaison  le  centre  d’un  ligament  inter-vertébral.  Les 
fibro-cartilages  accidentels  sont  en  effet  fibreux  comme 
les  ligamens,  d’un  blanc  laiteux  comme  les  cartilages, 
souples,  humides  et  élastiques.  D’après  leur  forme, 
leurs  connexions,  leurs  usages,  les  fibro-cartilages 
accidentels  sont  de  deux  sortes.  Les  uns  sont  des 
moyens  d’union  de  quelques  fractures  non-consolidées , 
soit  à cause  des  mouvemens,  comme  celles  du  col  du 
fémur,  de  la  rotule  et  autres;  soit  à cause  d’une  perte 
étendue  de  substance , dans  un  des  os  de  l’avant- 
bras , de  la  jambe,  du  métatarse,  du  métacarpe,  du 
crâne,  etc.,  endroits  où  le  rapprochement  des  frag- 
mens  ne  peut  avoir  lieu.  D’autres  fibro-cartilages  se 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


456 

forment  sur  le  bout  des  os  amputés,  sur  les  surfaces 
des  articulations  surnuméraires  , sur  et  autour  de  la 
surface  des  cavités  articulaires  supplémentaires,  et  dans 
quelques  fausses  ankylosés.  On  trouve  des  fibro-carti- 
lages  informes  dans  quelques  tumeurs  composées  de 
la  thyroïde,  dans  certains  kystes,  et  dans  quelques  ci- 
catrices , surtout  celles  qui  se  font  quelquefois  dans  les 
poumons  , à la  suite  de levacuation  des  tubercules.  On 
trouve  des  plaques  du  même  genre  à la  surface  de  la 
rate.  Les  corps  fibreux  de  l’utérus  sont  quelquefois 
mous,  et  pulpeux  au  centre,  comme  les  ligamens  in- 
ter-vertébraux. On  trouve  enfin  quelquefois  des  masses 
fibro  - cartilagineuses  régulières , globuleuses  , libres 
dans  les  cavités  séreuses  où  elles  ont  pénétré.  M.  le 
docteur  Trouvé , de  Caen  , m’a  donné  une  tumeur 

à • _ 

de  ce  genre,  grosse  comme  une  noix,  trouvée  avec 
une  autre  semblable  dans  la  cavité  péritonéale  ; 
cette  tumeur,  manifestement  fibreuse  à l’extérieur, 
est  molle  comme  les  ligamens  inter-vertébraux,  vers 
le  centre,  et  contient  là  un  os  gros  comme  un  petit 
pois. 

§ 538.  L’inflammation  des  fibro-cartilages  est  peu 
connue.  On  sait  seulement  que,  dans  certains  cas,  les 
parties  desmo  - cartilagineuses  deviennent  extrême- 
ment molles  par  suite  d’un  afflux  des  liquides , d une 
sorte  de  congestion  : c’est  ce  qu’on  voit  dans  la  gros- 
sesse, aux  symphyses  du  bassin , et  ce  qu’on  a même 
observé  chez  l’homme,  dans  ces  mêmes  articulations. 
La  colonne  vertébrale  présente  ce  ramollissement  d une 
manière  très-marquée  chez  les  rachitiques  : il  en  re- 
suite une  flexibilité  des  ligamens  inter-vertébraux  qui 


DES  CARTILAGES. 


457 

fait  que  la  colonne  se  ploie  avec  la  plus  grande  facilité, 
et  que  si  l’individu  garde  habituellement  une  mauvaise 
attitude,  la  colonne  se  courbe  latéralement  en  plusieurs 
endroits,  et  que  les  vertèbres  elles-mêmes  participent 
avec  le  temps  à la  déformation. 

Une  des  variétés  du  mal  vertébral  consiste  aussi  dans 
le  ramollissement  et  dans  le  gonflement  des  ligamens 
inter-vertébraux,  qui  finissent  par  s’ulcérer  et  se  dé- 
truire. 


458 


ANATOMIE  GENERALE. 


CHAPITRE  VII. 

DES  CARTILAGES. 

§ o3cj.  Les  cartilages,  ^ovt^poj  j sont  des  parties  blanches, 
dures,  flexibles,  très-élastiques , cassantes,  homogènes 
en  apparence,  qui  forment  le  squelette  des  vertébrés 
inférieurs  dans  la  série  (les  poissons  chondroptéry- 
giens);  qui  tiennent  la  place  des  os  dans  les  autres 
vertébrés  au  commencement  de  leur  vie;  et  dont  quel- 
ques-uns, persistant  dans  l’état  adulte,  forment  des 
parties  solides , dures  et  flexibles  tout  à la  fois. 

§ 54o.  Les  anciens  anatomistes  et  ceux  de  l’école 
d’Italie  ont  discuté  beaucoup  sur  la  matière  formatrice 
des  os  et  des  cartilages,  et  sur  leurs  différences;  Ga- 
gliardi  et  Havers  ont  cherché  envain  cette  différence 
dans  la  texture  intime  des  parties  ; des  observations 
plus  utiles  ont  été  faites  dans  le  siècle  dernier  s>ur  le 
tissu  cartilagineux.  L’on  doit  à Haase  une  très-bonne 

O 

dissertation  1 sur  ce  sujet;  mais  cet  anatomiste,  comme 
plusieurs  de  ceux  qui  l’ont  précédé  et  suivi , a confondu 
les  ligamens  chondroïdes  avec  les  cartilages,  ce  qui 
met  un  peu  de  vague  dans  sa  description  générale. 
Bichat  a séparé  des  autres  cartilages  ceux  qui  sont 
minces  et  très-flexibles,  pour  en  faire,  avec  les  liga- 
mens cartilaginiformes , le  système  fibro-cartiîagineux  f 
mais  ces  derniers  sont  de  vrais  ligamens,  et  les  premiers 
des  cartilages  véritables. 

1 .1.  G.  Haasc,  de  Fcibricd  cartilaginurn.  Lips.  1767. 


DES  CARTILAGES  EN  GÉNÉRAL. 


459 

§ 54 1-  Les  cartilages  sont,  ou  temporaires,  ou  pei- 
inanens  :*  les  premiers  disparaissent  constamment  , 
complètement,  régulièrement  , à une  époque  déter- 
minée de  l’accroissement,  et  sont  remplacés  par  les 
os  ; les  derniers  restent  beaucoup  plus  long-temps , et 
quelquefois  plus  d’un  siècle,  à l’état  cartilagineux;  ce- 
pendant plusieurs  d’entre  eux  finissent  par  s’ossifier, 
quelquefois  même  dès  la  fin  de  l’accroissement.  Les  car- 
tilages temporaires  seront  décrits  avec  les  os  (chap.  VIII). 
Il  ne  sera  question  ici  que  des  cartilages  dits  perma- 
nens  : ils  forment  un  genre  d’organes  assez  naturel, 
et  présentent  aussi  quelques  différences. 

PREMIÈRE  SECTION. 

DES  CARTILAGES  EN  GENERAL. 

§ 542.  Quelques  cartilages  ont  une  forme  allongée  : 
tels  sont  les  cartilages  costaux;  d’autres  sont  épais  et 
courts,  comme  les  arythénoïdes  et  le  cricoïde;  mais  la 
plupart  sont  larges  et  minces. 

Les  uns  tiennent  aux  os, t dont  ils  revêtent  quelques 
parties,  d autres  en  sont  des  prolongemens,  et  sont  en- 
grenés avec  eux,  d autres  sont  liés  aux  os  par  des  li- 
gamens,  d autres  sont  attachés  les  uns  aux  autres,  et 
n ont  point  d autres  connexions  avec  les  os. 

Les  cartilages  sont  d’un  blanc  nacré,  et  denû-trans- 
parens  quand  ils  sont  en  lames  minces;  quoique  les 
parties  les  plus  dures  du  copps  après  les  os,  ils  se 
coupent  aisément. 

§ 544.  Examinés  dans  leur  épaisseur,  les  cartilages 
ne  présentent  ni  cavités,  ni  canaux,  ni  aréoles,  ni 


ANATOMIE  GENERALE. 


46o 

libres,  ni  lames,  rien  enfin  qui  indique  une  texture 
organique  ; ils  paraissent  homogènes.  Cependant  il 
paraît  qu’ils  ont  une  texture  distincte  et  variée  dans 
chaque  sorte  de  cartilages;  cette  assertion  sera  exa- 
minée plus  loin. 

Tous  les  cartilages,  excepté  ceux  des  surfaces  arti- 
culaires, sont  enveloppés  d’une  membrane  fibreuse, 
le  périchondre,  qui  est  peu  vasculaire,  et  qui  n’a  pas 
avec  les  cartilages  des  rapports  aussi  intimes  que  le 
périoste  avec  les  os.  On  ne  connaît  dans  les  cartilages, 
ni  nerfs,  ni  vaisseaux;  le  tissu  cellulaire  n’y  devient 
point  apparent  pendant  la  vie  , et  après  la  mort  il  faut 
une  macération  prolongée  pendant  plusieurs  mois , 
même  sur  de  jeunes  sujets,  pour  les  réduire  en  une 
substance  muqueuse  analogue  au  tissu  cellulaire , et 
qui,  dans  leur  état  ordinaire,  doit  être  à un  dégré 
extrême  de  condensation  et  de  resserrement. 

§ 544.  Les  cartilages  contiennent  une  grande  quan- 
tité d’eau  1 ou  de  liquide  séreux  qui  suinte  à la  sur- 
face quand  on  les  incise , et  qui  l’humecte.  Dans 
l'homme  adulte  la  proportion  d’eau  qu’ils  contiennent 
est  à la  substance  solide  comme  2 -J-  esta  l Lë  carti- 
lage desséché  devient  demi-transparent,  jaunâtre,  sus- 
ceptible de  se  déchirer;  plongé  dans  l’eau  il  reprend, 
en  quatre  jours , son  poids  et  son  volume,  sa  couleur 
blanche  , sa  flexibilité  , et  perd  de  sa  transparence. 

§ 545.  Soumis  à l’action  de  l’eau  bouillante,  en  laines 
minces , elle  les  crispe  d’abord , les  jaunit  et  les  rend 
opaques. 

1 Chevreul , De  l’influence  que  l’eau  exerce,  etc.,  in  Ann. 
fle  chimie  et  de  physique , tome  19. 

« 


DES  CARTILAGES  EN  GENERAL.  1 

L’action  prolongée  de  l’eau  bouillante  sur  les  car- 
tilages établit  entre  eux  une  différence  fondée  aussi 

u 

sur  d’autres  caractères;  les  cartilages  articulaires  se 
résolvent  en  gelée  par  la  décoction,  les  autres,  au  con- 
raire,  y résistent.  L’alcohol  rend  les  cartilages  un  peu 
opaques.  Les  acides  étendus  n’ont  point  d’action  sur 
eux;  concentrés,  ils  agissent  comme  sur  l’épiderme. 
Leur  analyse  chimique  laisse  encore  à désirer.  On  a 
répété  vaguement,  après  Haller,  qu’ils  sont  composés 
de  gélatine  et  de  terre.  D’après  M.  Allen,  c’est  de  la 
gélatine,  et  un  centième  de  carbonate  de  chaux.  Hat- 
chett  dit  qn’ils  sont  formés  d’albumine  coagulée  et  de 
traces  de  phosphate  calcaire  ; mais  on  ignore  de  quel 
cartilage  il  veut  parler.  M.  Chevreul  a trouvé  que  les 
os  cartilagineux  du  squale  sont  composés  d’huile , de 
mucus,  d’acide  acétique  et  de  quelques  sels.  M.  J.  Davy 
a trouvé  le  cartilage  formé  d’albumine  44>5;  d’eau  55  ; 
et  de  phosphate  calcaire  o,5. 

§ 54b.  La  propriété  physique  la  plus  remarquable 
des  cartilages  est  l’élasticité.  Ce  n’est  pas  qu’ils  s’al- 
longent et  reviennent  sur  eux-mêmes , comme  le  tissu 
élastique;  ce  n’est  pas  non  plus,  en  général,  comme 
les  ligamens  chondroïdes,  qu’ils  cèdent  à la  pression, 
et  qu’ils  reprennent  ensuite  leur  épaisseur;  mais  ils 
sont  flexibles , et  se  redressent  avec  force  et  prompti- 
tude quand  la  cause  de  flexion  cesse  d’agir.  Les  carti- 
lages articulaires  seuls  sont  élastiques  à la  manière  du 
tissu  fibro-cartilagineux. 

§ 547.  Les  propriétés  vitales  et  les  phénomènes  de 
formation  , d’irritation  et  de  sensation  , sont  extrême- 
ment obscurs  dans  le  tissu  cartilagineux.  On  ne  sait  si 


4^2  ANATOMIE  GENERALE. 

c’est  aux  cartilages  articulaires,  ou  si  ce  n’est  pas 
plutôt  aux  membranes  synoviales  qui  les  revêtent, 
qu’il  faut  attribuer  la  douleur  que  causent  les  corps 
étrangers  des  articulations  quand  ils  s’engagent  entre 

les  surfaces. 

► 

§ 548.  Les  fonctions  des  cartilages  dépendent  uni- 
quement de  leurs  propriétés  physiques;  de  leur  soli- 
dité, qui  les  rend  propres  à conserver  la  forme  de  cer- 
taines parties,  de  leur  flexibilité  et  de  leur  élasticité, 
qui  leur  permettent  de  céder  par  instans,  et  de  re- 
prendre ensuite  leur  forme  première. 

§ 549.  Les  cartilages  sont  d’abord,  dans  l’embryon  et 
le  fœtus,  mous,  muqueux  et  transparens  comme  de  la 
gelée  ou  de  la  glu;  la  proportion  d’eau  y est  alors  ex- 
trêmement grande;  dans  l’enfant,  ils  sont  encore  peu 
colorés,  très  - transparens  , très  - mous  , et  peu  élas- 
tiques. Ils  acquièrent  ensuite  la  blancheur,  la  fermeté 
et  la  demi-opacité  qui  les  caractérisent.  Plus  tard,  dans 
la  vieillesse,  ils  deviennent  plus  blancs  ou  jaunâtres; 
plus  opaques,  moins  flexibles,  moins  élastiques,  plus 
cassans  , plus  secs;  la  proportion  d’eau  y diminue,  et 
celle  de  la  substance  terreuse  augmente.  Ils  finissent  la 
plupart  par  s’ossifier,  en  quelques  points  au  moins.  Ce 
changement  commence  quelquefois  dès  l’âge  adulte, 
mais  surtout  dans  la  vieillesse.  L’inflammation  le  dé- 
termine prématurément. 

§ 55o.  L’action  organique  de  la  nutrition  y paraît 
très-lente.  L’usage  de  la  garance  ne  les  colore  pas; 
cette  substance  paraît  n’avoir  d’affinité  qu’avec  la  subs- 
tance terreuse  des  os.  Ils  jaunissent  dans  1 ictère.  Les 
os  cartilagineux  de  la  colonne  vertébrale  de  la  lam- 

u 


DES  CARTILAGES  EN  GENERAL.  ' 4^3 

proye  paraissent  et  disparaissent  chaque  année,  ce  qui 
suppose  pourtant  une  grande  activité  organique;  il 
en  est  de  même  de  l’accroissement  rapide  du  larynx 
vers  l’époque  de  la  puberté. 

§ 55 1.  Les  productions  cartilagineuses  accidentelles 
sont  très-communes  : elles  ont  tous  les  caractères  des 
cartilages  naturels;  la  couleur,  l’homogénéité  appa- 
rente, etc.  Elles  présentent  toutes  les  variétés  de  tex- 
ture des  cartilages 5 et  même  plus;  aussi  faut-il  les  dis- 
tinguer en  deux  sortes.  Les  cartilages  accidentels  impar- 
faits sont  quelquefois  à l’état  de  gelée,  ou  bien  ils  ont 
la  consistance  du  blanc  d’œuf  cuit.  Ils  ont  une  couleur 
laiteuse,  ou  jaunâtre,  ou  gris  de  perle;  ils  s’ossifient 
en  partie  ou  en  totalité,  plutôt  que  de  devenir  des  car- 
tilages parfaits.  On  les  trouve  sous  forme  d’incrusta- 
tion dans  les  artères,  et  surtout  dans  l’aorte  et  dans  les 
artères  cérébrales  ; sous  forme  de  kyste  autour  des 
productions  morbides  et  des  acéphalocystes  ; formant 
des  trajets  fisluleux  dans  les  poumons;  sous  forme  de 
masses  irrégulières  dans  les  goitres  et  autres  tumeurs 
composées  ; et  sous  celle  de  corps  isolés  dans  les  arti- 
culations. 

Les  cartilages  accidentels  parfaits  sont  ceux  qui 
présentent  les  caractères  du  tissu  naturel , et  spéciale- 
ment sa  fermeté.  On  en  trouve  formant  de  petits  kystes 
remplis  de  phosphate  de  chaux.  On  en  trouve  souvent 
à l’état  de  corps  isolés,  d’un  volume  médiocre,  d’une 
figure  obronde , dans  les  membranes  synoviales,  ou  à 
leur  extérieur,  d’où  ils  pénètrent  dans  la  cavité  en  pous- 
sant la  membrane  devant  eux,  en  s’en  enveloppant 
comme  d un  doigt,  de  gant , dont  la  base , après  s’être 


ANATOMIE  GENERALE. 


464 

amincie , se  divise.  Ils  s’ossifient  imparfaitement  en 
partie  ou  en  totalité,  en  commençant  parle  centre.  On 
trouve  aussi  de  ces  corps  cartilagineux  dans  les  cavités 
splanchniques,  et  surtout  dans  la  tunique  vaginale,  où 
ils  pénètrent  comme  les  précédens. 

On  trouve  aussi  des  cartilages  parfaits  sous  forme 
d’incrustation  ou  de  plaques,  dans  le  tissu  cellulaire 
sous-séreux  de  la  rate,  des  poumons , de  la  plèvre  cos- 
tale; dans  l’épaisseur  des  valvules  du  cœur,  surtout 
du  côté  gauche  ; dans  le  tissu  sous-séreux  de  la  plèvre 
et  du  péritoine  diaphragmatiques  , du  foie  ; dans 
les  hernies,  et  rarement  dans  le  paroi  antérieure  de 
l’abdomen.  Toutes  ces  incrustations  ont  une  grande 

O 

tendance  à s’ossifier.  On  trouve  aussi  des  cartilages 

o 

en  masses  informes  dans  les  tumeurs  composées  et 

dans  le  tissu  Cellulaire  accidentel  des  membranes  sé- 

* 

reuses. 

- 

Il  se  forme  quelquefois  des  cartilages  accidentels 
par  transformation  d’autres  tissus.  Une  vieille  femme 
qui  était , il  y a quelques  années , à l’hôpital  de  la  Faculté 
de  médecine , et  qui  portait  sur  le  front  une  large  ex- 
croissance cornée  conoïde,  venue  sur  une  cioatrice  de 
brûlure,  étant  morte,  on  a trouvé  dans  la  base  de 
cette  corne  les  os  du  crâne  transformés  en  cartilages. 
M.  Laennec  a vu  une  transformation  cartilagineuse  de 
la  membrane  muqueuse  de  l’urètre;  j’ai  vu  la  même 
chose  au  vagin,  dans  un  cas  de  prolapsus  de  1 utérus, 
et  au  prépuce  dans  un  cas  de  phymosis  de  naissance 
dans  un  vieillard.  Je  crois  toutefois  que  ces  trois  cas 
appartiennent  plutôt  aux  productions  desmo-cartila- 
gineuses. 


DES  CARTILAGES  ARTICULAIRES.  4^5 

§ 552.  Les  altérations  1 des  cartilages  sont  rares,  et 
le  plus  souvent  consécutives.  Ils  résistent  très-long- 
temps à l’action  destructive  des  tumeurs  anévrysmales, 
et  à la  propagation  des  maladies  des  organes  voisins. 
Les  altérations  auxquelles  ils  sont  sujets,  et  la  répara- 
tion de  leurs  lésions , sont  d’ailleurs  un  peu  différentes 
dans  les  différentes  sortes  de  ce  tissu. 

SECONDE  SECTION. 

DES  DIFFÉRENTES  SORTES  DE  CARTILAGES. 

§ 553.  On  peut  diviser  les  cartilages,  à raison  de  leur 
forme  , de  leurs  connexions , de  leur  texture  , de  leurs 
propriétés  et  de  leurs  fonctions , en  trois  sortes  prin- 
cipales. 

ARTICLE  PREMIER. 

DES  CARTILAGES  A RT  I C U L A I L E S. 

S 554.  Les  cartilages  articulaires  diarthrodiaux  2 sont 
des  lames  cartilagineuses  aplaties  et  élargies,  qui  re- 
vêtent ou  incrustent  les  surfaces  des  os  dans  les  articu- 
lations mobiles.  Ces  lames  ont  une  surface  libre , re- 
couverte par  la  membrane  synoviale,  qui  y est  étroite- 
ment unie,  et  une  face  qui  adhère  aussi  intimement  à 
la  surface  de  l’os , sans  pourtant  qu’il  y ait  continuité  de 

1 Doerner  ,prceside  Autenrieth,  de  Gravioribus  quibusdam 
cartilaginum  mutalionibus ; Tubing. , 1798. 

2 W.  Hunter,  of  the  Structure  and  diseases  ofarticulating 
cartilages  ; in  Philos,  trans. , ann.  1743. — Delasone,  sur  l’Or- 
ganisation des  os;  in  Mém.  de  l’acad.  des  sc.;  Paris, 

3o 


1. 


4^6  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

tissu.  Leur  circonférence,  amincie,  s’étend  jusqu  a 
celle  des  surfaces  articulaires  des  os.  Leur  épaisseur, 
peu  considérable  et  proportionnée  à leur  largeur,  est 
de  une  à deux  lignes  dans  les  plus  grands,  et  d’une 
fraction  de  ligne  dans  les  plus  petits  : cette  épaisseur 
n’est  point  la  même  dans  toute  leur  étendue.  Ceux  qui 
revêtent  des  surfaces  osseuses  convexes  sont  plus  épais 
au  centre  que  dans  le  reste  de  leur  étendue;  ceux  des 
^surfaces  concaves  sont,  au  contraire,  plus  épais  au 
pourtour  qu’au  centre. 

§ 555.  La  texture  de  ces  cartilages,  aussi  peu  évidente 
au  premier  aperçu  que  celle  des  autres , tellement  qu’ils 
ressemblent  à une  couche  de  cire  dont  on  aurait  enduit 
l’os,  peut  être  découverte  par  quelques  procédés;  elle 
est  fibreuse.  La  macération  d’une  partie  articulaire  d’un 
os,  prolongée  pendant  six  mois,  détermine  la  destruc- 
tion de  la  membrane  synoviale,  seule  membrane  qui 
recouvre  le  cartilage  dépourvu  de périchondre  fibreux, 
et  produit  la  désunion  des  fibres  qui  le  composent, 
lesquelles  s’élèvent  perpendiculairement  de  la  surface 
de  l’os,  comme  les  filamens  du  velours  s’élèvent  de  sa 
trame.  Si  on  fait  dessécher  un  cartilage  ainsi  disposé 
par  la  macération  , les  fibres,  en  s’amincissant,  s’écar- 
tent les  unes  des  autres,  et  deviennent  encore  plus  dis- 
tinctes. La  décoction,  quand  elle  n’est  pas  assez  pro- 
longée pour  fondre  le  cartilage  articulaire , produit 
d’abord  le  même  effet  que  la  macération.  L’action  du 
feu  nu  fait  aussi  apercevoir  la  même  chose.  Ces  carti- 
lages n’ont  point  de  vaisseaux  : l’injection  fine  et  l’ins- 
pection microscopique  montrent  les  vaisseaux  capil- 
laires se  terminant  à leur  circonférence  et  à leur  face 


DES  CARTILAGES  ARTICULAIRES. 


467 

adhérente,  sans  pénétrer  jamais  dans  leur  substance. 

Ces  cartilages,'  compressibles  et  élastiques,  amor- 
tissent les  effets  de  la  pression  et  des  chocs  ; leur  poli 
facilite  les  mouvemens  des  articulations  diarllirodiales. 
Ils  s’amincissent  beaucoup  dans  la  vieillesse. 

§ 556.  Dans  les  articulations  contre  nature  il  ne  se 
produit  point  de  véritables  cartilages  , mais  seulement 
du  tissu  desmo-chondroïde  , tissu  qui , à la  vérité,  res- 
semble beaucoup  à celui  des  cartilages  diarthrodiaux. 
Dans  les  articulations  diarthrodiales  naturelles,  la  des- 
truction des  cartilages  est  quelquefois  suivie  de  leur 
reproduction  à peu  près  parfaite  ; seulement  le  carti- 
lage nouveau,  produit  à la  surface  de  l’os,  étant  plus 
mince,  a une  couleur  en  apparence  violacée,  ce  qui 
est  dû  à sa  demi-transparence  ; les  bords  de  l’ancien 
cartilage  sont  libres , et  anticipent  sur  le  contour 
très-mince  du  nouveau. 

On  trouve  quelquefois  dans  les  articulations  des 
vieillards , affectées  de  diverses  autres  altérations , les 
cartilages  diarthrodiaux  changés  en  fibres  villeuses , 
libres  et  flottantes.  Mis  à découvert  dans  les  désarticu- 
lations , si  la  plaie  est  réunie  par  adhésion  primitive, 
le  cartilage  et  sa  membrane  synoviale  n’y  participent 
point,  et  restent  libres  derrière  la  cicatrice.  Si  la  plaie 

• 1 

reste  ouverte,  si  elle  s’enflamme  et  suppure,  on  voit 
au  bout  de  quelques  jours  le  cartilage  se  ramollir,  et 
disparaître  ensuite  successivement  de  la  circonférence 
au  centre,  à mesure  et  même  avant  que  les  granula- 
tions s’étendent  à la  surface  de  l’os.  L’inflammation 
des  cartilages  diarthrodiaux  est  en  général  rare;  et, 
quand  elle  a lieu,  elle  se  termine  ordinairement  par 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


468 

ulcération  ou  par  résorption.  Cette  ulcération  des  car- 
tilages diarthrodiaux  est  le  plus-  souvent  consécutive  à 
l’inflammation  de  la  membrane  synoviale  ou  de  l’os, 
quelquefois  à celle  du  cartilage  lui-même,  mais  quel- 
quefois aussi  elle  semble  netre  précédée  d’aucune  in- 
flammation. Quelquefois,  avant  de  s’ulcérer,  le  cartilage 
s’amollit  et  prend  l’apparence  fibreuse.  Cette  ulcéra- 
tion a le  plus  souvent  lieu  chez  les  sujets  jeunes,  ou 
avant  lage  moyen  de  la  vie.  Cette  ulcération  est  accom- 
pagnée d’une  douleur  d’abord  légère,  qui  augmente 
peu  à peu  d’intensité.  Quand  l’ulcération  s’arrête  et 
- guérit,  il  se  fait  une  reproduction  de  cartilage  déjà 
indiquée,  ou  bien  une  production  osseuse  éburnée  ou 
émaillée,  ou  bien  enfin  une  soudure  des  surfaces,  une 
ankilose.  Dans  le  cas  d’ankilose  vraie , les  cartilages 
sont  toujours  résorbés. 

§ 557.  Les  cartilages  des  articulations  synarthro- 
diales,  sont  des  lames  extrêmement  minces,  placées 
entre  les  os  articulés  d’une  manière  immobile,  et  te- 
nant fortement  des  deux  côtés  à ces  os  par  engrenure’; 
leurs  bords,  dans  l’intervalle  des  os,  tiennent  intime- 
ment au  périoste  externe  et  interne,  qui  passe  de  l’un 
à l’autre  os.  Ils  concourent  ainsi  pour  beaucoup  à la 
solidité  de  ces  articulations.  Ces  cartilages,  dans  les 
sutures  du  crâne,  sont  plus  minces  à l’intérieur  qu  à 
l’extérieur  de  la  paroi,  ce  qui  rend  en  partie  raison 
de  la  disparition  plus  prompte  des  sutures  à l’intérieur 
qu’à  l’extérieur  du  crâne.  Sous  le  rapport  de  la  fré- 
quence de  leur  ossification , ils  tiennent  le  milieu 
entre  les  cartilages  temporaires  et  les  permanens. 


DES  CARTILAGES  COSTAUX,  LARYNGIENS,  etC.  4^9 

ARTICLE  II. 

des  CARTILAGES  COSTAUX,  LARYNGIENS,  elC. 

« 

§ 558.  Les  cartilages  costaux  1 sont  les  cartilages  les 
plus  longs  et  les  plus  épais  du  corps,  ils  constituent 
des  proion gemens  cartilagineux  aux  côtes  osseuses!  Les 
premiers  d’entre  eux  peuvent  aussi  être  considérés 
comme  des  côtes  cartilagineuses  antérieures  ou  ster- 
nales. Les  cartilages  tiennent  tous  à l’extrémité  anté- 
rieure des  côtes,  par  engrenure,  comme  les  cartilages 
synarthrodiaux.  Le  premier  est  même  continu  avec  le 
sternum  par  l’autre  extrémité;  les  six  suivans  s’articulent 
avec  le  sternum  par  diarthrose  ; les  trois  suivans  s’arti- 
culent de  même  avec  ceux  qui  les  précédent;  les  deux 
derniers  sont  plongés  dans  le  tissu  cellulaire  intermus- 
culaire. 

§ 559.  La  texture  de  ces  cartilages  est  très-obscure  , 
et  au  premier  aspect  ils  paraissent  homogènes.  Cepen- 
dant, par  la  macération  prolongée  pendant  au  moins 
six  mois , les  cartilages  costaux  se  divisent  en  lames  ou 
plaques  ovales,  séparées  les  unes  des  autres  par  des 
lignes  circulaires  ou  spirales,  et  réunies  entre  elles  par 
quelques  fibres  obliques  qu’elles  s’envoient  récipro- 
quement. Ces  lames  elles-mêmes  se  divisent  en  fibrilles 
radiées,  et  celles-ci,  à la  longue,  en  petites  parcelles, 
qui  se  réduisent  enfin  en  substance  muqueuse;  toutes 
ces  divisions  ou  séparations  s’opèrent  d’abord  à la  cir- 
conférence du  cartilage  : le  centre  est  plus  homogène, 

Hérissant,  Sur  la  structure  des  cartilages  des  côtes  de 
1 homme  et  du  cheval,  in  Mém.  de  l’acad.  des  sc.,  1748. 


ANATOMIE  GENERALE. 


47° 

et  se  divise  le  dernier.  On  peut  hâter  cette  séparation 
en  faisant  dessécher  au  soleil  un  cartilage  costal  ma- 
céré pendant  deux  ou  trois  mois.  Les  acides  produisent 
un  effet  analogue. 

§ 56o.  Les  cartilages  costaux  sont  un  peu  flexibles 
et  très-élastiques.  Dans  l’inspiration,  .le  mouvement 
imprimé  aux  côtes  par  les  muscles,  les  ploie  et  les  tord 
sur  eux-mêmes,  et  quand  l’action  musculaire  vient  à 
cesser,  ils  tendent  d’eux-mêmes  à reprendre  leur  direc- 
tion première,  et  sont  ainsi  des  agens  de  l’expiration. 

S 56i.  Passé  l’âge  adulte  et  dans  la  vieillesse,  les 
cartilages  costaux  cessent  d’être  ou  de  paraître  homo- 
gènes. Leur  périchondre  devient  opaque,  et  il  se  pro-  . 
duit,  entre  le  cartilage  et  lui,  et  dans  son  épaisseur, 
des  plaques  osseuses  plus  ou  moins  nombreuses  et 
larges,  qui  finissent  quelquefois  par  former  un  étui 
osseux  plus  ou  moins  complet.  Ce  changement  arrive 
presque  constamment  au  premier,  en  commençant  par 
son  extrémité  sternale;  les  autres  cartilages  sterno-cos- 
taux l’éprouvent  aussi,  mais  à un  degré  moindre.  Les 
cartilages  costaux  asternaux  l’éprouvent  moins  encore, 
ou  point.  En  même  temps  les  cartilages  costaux  de- 
viennent jaunâtres , puis  rougeâtres  dans  leur  centre, 
qui  présente  aussi  des  points  osseux  plus  ou  moins 
gros  et  nombreux,  lesquels  finissent  quelquefois  par 
envahir  le  cartilage  tout  entier.  Ce  dernier  phénomène 
se  montre  plus  fréquemment  et  plutôt  aux  cartilages 
asternaux  qu’aux  autres. 

Ces  changemens  dans  les  cartilages  sont  ordinaire- 
ment l’effet  de  l’âge:  ils  commencent  vers  le  milieu  de 
la  vie,  et  vont  continuellement  en  augmentant;  cepen- 


DES  CARTILAGES  COSTAUX,  LARYNGIENS,  etC.  ^ \ 

dant  on  a vu  des  hommes  de  cent  trente  ans  et  de  cent 
cinquante  ans  ne  pas  avoir  les  cartilages  costaux  os- 
sifiés. 

Quand  les  cartilages  commencent  à éprouver  ce 
changement,  la  dessiccation  les  fait  rompre  en  travers 
dans  le  centre , devenu  aréolaire , et  non  à la  surface , 
devenue  au  contraire  plus  dense. 

Ils  s’ossifient  fréquemment,  et  à un  âge  peu  avancé 
chez  tes  phthisiques. 

§ 562.  Les  cartilages  costaux  dénudés  ne  produisent 
point  de  granulations,  mais  sont  recouverts  par  celles 
des  environs.  Rompus,  ils  ne  se  réunissent  pas  par  une 
substance  cartilagineuse,  mais  une  lame  cellulaire  est 
produite  entre  eux,  et  l’endroit  rompu  est  enveloppé 
d’une  virole  osseuse  fournie  par  le  périchondre,  et  qui 
est  plus  ou  moins  régulière,  suivant  que  les  fragmens 
sont  restés  plus  ou  moins  exactement  affrontés.  J’ai  vu 
quelquefois  dans  l’homme,  et  souvent  dans  le  cheval , 
la  fracture  des  cartilages  asternaux  ossifiés,  réunie 
par  un  cal  osseux. 

Les  cartilages  costaux  sont  sujets  à quelques  vices 
de  conformation  primitive,  et  meme  à manquer  en 
totalité  ou  en  partie  : dans  ce  dernier  cas,  c’est  tou- 
jours l’extrémité  tenant  à la  côte  qui  existe.  Quand  la 
poitrine  se  déforme,  quand  elle  se  rétrécit,  comme 
cela  a quelquefois  lieu  après  la  guérison  de  la  pleurésie, 
les  cartilages  du  côté  affecté  se  ploient,  et  deviennent 
difformes. 

§ 563.  Le  cartilage  nasal,  celui  du  conduit  auricu- 
laire et  celui  du  conduit  guttural  du  tympan,  sont 
encore  articulés  par  engrenure  avec  les  os.  Ceux  du 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


472 

larynx,  au  contraire,  ne  sont  attachés  aux  os  que  par 
des  ligamens,  et  sont  réunis  entre  eux  par  des  articu- 
lations mobiles. 

Ces  cartilages  ont  encore  une  certaine  épaisseur. 
Quand  on  enlève  leur  périchondre,  on  trouve  leur 
surface  lisse  et  dense.  La  macération  long-temps  con- 
tinuée, divise  ces  cartilages  en  fibrilles  ou  filamens 
mous  et  courts.  La  coction  et  les  acides  minéraux 
produisent  les  mêmes  effets. 

Ces  cartilages  sont  flexibles  et  élastiques  ; par  leur 

solidité  ils  maintiennent  la  forme  et  la  cavité  des  or- 

0 » 

ganes  qu’ils  contribuent  à former.  Ceux  du  larynx 
présentent  la  particularité  remarquable  d’un  accroisse- 
ment très-rapide  à l’époque  de  la  puberté.  Ces  mêmes 
cartilages  s’ossifient  quelquefois  dès  l’âge  adulte , en 
partie  du  moins.  L’inflammation  chronique  de  la  mem- 
brane muqueuse  du  larynx  et  son  ulcération  bâtent 
beaucoup  cette  ossification,  qui  est  en  effet  constante 
dans  la  phthisie  laryngée,  et  fréquente  dans  la  phthisie 
pulmonaire. 

Les  cartilages  thyroïde  et  cricoïde  divisés , se  réu- 
nissent par  des  lames  osseuses  du  périchondre , plus 
épaisses  à l’extérieur  qu’à  l’intérieur  du  larynx. 

ARTICLE  III. 

DES  CARTILAGES  M E 31  B R A N I F O R M E S. 

§ 564-  Ces  cartilages  sont  ceux  que  Bichat  a rangés 
dans  son  système  fibro  - cartilagineux.  Ils  sont  très- 
minces  et  très-flexibles. 


DES  CARTILAGES  MEMBRANIFORMES. 

Ce  sont  les  cartilages  palpébraux  ou  tarses,  celui  de 
l’oreille,  ceux  des  narines,  l’épiglottique,  le  cartilage 
médian  de  la  langue,  les  trachéaux  et  les  bronchiques. 

Ces  cartilages  très-minces  sont  pourvus  d’un  pé- 
richondre  très- fort  et  très-épais,  relativement  à eux, 
et  qui  envoie  dans  leur  épaisseur  des  prolongemens 
fibreux  et  cellulaires , dont  quelques-uns  même  les  tra- 
versent de  part  en  part  ; aussi  leur  surface  est-elle 
inégale  et  poreuse.  La  macération,  prolongée  pendant 
deux  ou  trois  mois,  les  ramollit  et  les  réduit  à l’état 
de  fibrilles  distinctes  d’abord , et  enfin  de  substance 
cellulaire  ou  muqueuse. 

Ils  sont  très-flexibles , parfaitement  élastiques , et 
beaucoup  moins  cassans  et  plus  tenaces  que  les  autres. 
Comme  les  précédens,  ils  concourent  à former  des 
organes,  des  canaux  , dont  ils  maintiennent  la  forme  , 
et  dont  ils  conservent  le  calibre.  Ils  s’ossifient  rare- 
ment et  très-tard.  Les  cerceaux  de  la  trachée  seuls 
présentent,  dans  l’adulte,  une  ossification  plus  ou 
moins  étendue.  Cependant  on  a trouvé,  dans  le  cas  de 
phthisie,  les  arceaux  cartilagineux  des  bronches  ossifiés. 
On  a vu  aussi,  sur  des  goutteux,  et  à la  suite  de  l’in- 
flammation de  l’oreille,  le  cartilage  de  cette  partie 
devenir  osseux.  Dans  le  cas  de  goitre,  et  même  sans 
cette  cause  de  compression , on  trouve  quelquefois 
les  arceaux  cartilagineux  de  la  trachée  comprimés 
d un  côté  à l’autre , et  leur  partie  moyenne  pliée  à 
angle  : on  observe  aussi  le  même  changement  de 
forme  dans  les  bronches. 


474 


WA  TOM  IE  CENTRALE. 


■%.  w%^,  wv-%  -v^x--%.  ^ 

CHAPITRE  VIII. 

DU  SYSTÈME  OSSEUX. 

I 

§ 565.  Le  système  osseux  1 ou  le  squelette,  z^eAeroV, 
résulte  de  la  réunion  des  os,  parties  les  plus  dures  et 
les  plus  sèches  du  corps. 

§ 566.  C’est,  de  tous  les  appareils,  celui  qui  se  montre 
le  Juernier  dans  la  série  animale  : il  apparaît  avec  le 
centre  nerveux  (la  moelle  et  le  cerveau),  auquel  il 
sert  d’enveloppe. 

§ 56y.  On  n’a  pas  toujours  attaché  le  meme  sens  aux 
mots  os  et  squelette.  On  trouve  dans  les  ouvrages 
d’Hippocrate  et  d’Aristote  la  source  des  deux  idées 
principales  attachées  à ces  mots;  idées  qui  sont  encore 
aujourd’hui  un  sujet  de  controverse  entre  les  zooto- 
mistes. 

1 Les  meilleurs  ouvrages  à consulter  sur  l’ostéologie  sont: 

A.  Monro,  Anatomy  of  the  bones  and  nerves;  Edimb. , 17 26, 
in~8°;  traduit  en  français  par  Sue;  Paris,  1769,  gr.  in-fol.  — - 
W.  Cheselden  , Osteographia , etc.  ;* London  , 1733 , in-fol.  — 

B.  S.  Albinus,  de  Ossibus  corp.  hum.;  Lugd.  Bat. , 1726 , in-8°. 

— Id. , de  Sceleto  hum.  ; ibid. , 1762,  in-4°. — IL,  Tab.  sceleli 

et  muscùl.  ; ibid.,  1747,  fol.  raax. — Id.,  Tab.  ossium ; ibid., 
1753,  fol.  max.  — Boéhmer,  Insdtutioncs  osteologicce  ; 
Halæ-Magd.  , — Tarin,  Ostéograpliie ; Paris,  1753- 

— Bertin,  Traité  d’ostéologie;  Paris,  1754.  — Ed.  Sandifort, 
Descriptio  ossium  hominis  ; Lugd.  Bat. , 1785.  — Loschge,  die 
Knochen , etc. , in  Abbildungen  und  kurzcn  Besclir.  ; Erlang. , 
j8o4 , in-fofc  — Blumenbach,  Geschichte  und  Bcsclireibung 
der  Knochen  ; Golting. , 1807. 


DU  SYSTÈME  OSSEUX.  . 

L’auteur  du  Traité  de  la  nature  des  os  leur  attribue 
pour  usages  de  déterminer  la  forme,  la  rectitude  et 
la  direction  du  corps  : cette  idée  a prévalu , et  Ton 
admet  encore  généralement  aujourd’hui,  que  le  sys- 
tème osseux  a pour  fonction  principale  de  détermi- 
ner la  forme  du  corps,  et  d’en  faciliter  les  mouvemens. 
D’après  cette  définition,  on  a dû  assimiler  aux  os  des 
vertébrés  les  parties  dures  des  autres  animaux  arti- 
culés, et  surtout  celles  des  insectes  et  des  crustacés, 
car  c’est  chez  eux  que  le  mouvement  volontaire  et  la 
conservation  de  la  forme  du  corps  sont  portés  au  plus 
haut  degré;  aussi  Willis  disait-il,  en  parlant  de  l’é- 
crevisse, quo  ad  membra  et  partes  motrices , non  ossa 
teguntur  carnibus  , sed  carnes  ossibus. 

Aristote  cependant,  qui  déjà  regardait  1’épine.comme 
l’origine  ou  le  centre  d’où  proviennent  les  os,  avait 
mis  sur  la  voie  de  la  distinction  faite  dans  ces  derniers 
temps  entre  les  os  et  les  autres  parties  dures  des  ani- 
maux. Suivant  cette  idée,  on  voit  en  effet  le  squelette 
ou  système  osseux  des  vertébrés  consister  d’abord  , et 
principalement,  en  une  colonne  longitudinale , laquelle 
fournit  en  haut  ou  en  arrière  une  enveloppe  à la  moelle 
et  au  cerveau,  et  en  avant  ou  en  bas,  une  autre  en- 
veloppe aux  organes  de  la  nutrition  , et  notamment 
aux  parties  centrales  du  système  vasculaire;  d’autres 
appendices  moins  constantes  servent  aux  mouvemens 
par  leurs  articulations  ; toutes  les  parties  du  système, 
d ailleurs,  peuvent  fournir  des  attaches  aux  muscles. 

La  question  est  donc  de  savoir  s’il  faut  appeler  os 
et  squelette  toutes  les  parties  dures  et  sèches  du  corps 
des  animaux,  celles  qui  en  déterminent  la  forme  et 


47^  - ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

en  facilitent  les  mouvemens;  ou  bien  s’il  faut  réserver 
ce  nom  aux  parties  dures , propres  aux  vertébrés  , qui 
forment  une  colonne  centrale  et  médiane  dans  le  corps, 
avec  une  cavité  pour  le  tronc  nerveux,  et  une  autre 
cavité  pour  le  cœur  et  l’aorte,  et  souvent  des  appen- 
dices latéraux  pour  le  mouvement? 

Suivant  M.  Geoffroi  Saint-Hilaire , l’un  des  natura- 
listes qui  s’est  le  plus  occupé  de  ce  point  de  zootomie, 
et  qui  l a traité  avec  son  talent  original , cette  question 
n’en  serait  point  une,  et  toute  la  différence  entre  le 
squelette  d’un  articulé  et  d’un  vertébré , entre  le  rachis 
d’un  animal  crustacé  ou  d’un  insecte,  et  celui  d’un 
animal  osseux , tiendrait  à l’absence  d’une  moelle  épi- 
nière dans  le  premier,  et  à sa  présence  dans  le  se- 
cond; différence  qui  exige  un  rachis  à deux  canaux 
dans  celui-ci,  et  à un  seul  canal  dans  celui-là.  Suivant 
cette  idée , si  je  l’ai  bien  comprise,  un  insecte  ou  un 
crustacé  serait  justement  comparable  à un  vertébré 
monstrueux  privé  d’encéphale  et  de  moelle  épinière. 

§ 568.  Quoi  qu’il  en  soit,  au  reste,  de  cette  discus- 
sion tout-à-fait  étrangère  à l’anatomie  de  1 homme, 
il  y a trois  choses  à considérer  dans  le  système  osseux, 
les  os  eux-mêmes,  leurs  articulations,  et  le  squelette 
qui  résulte  de  leur  réunion. 

PREMIÈRE  SECTION. 

DES  OS. 

§ 56g.  Les  os,  ossa , omu,  sont  les  parties  les  plus 
dures  du  corps  humain , celles  qui  par  leur  réunion 
forment  le  squelette. 


DES  OS. 


477 

§ 5^o.  Chacun  des  os,  et  beaucoup  de  parties  des 
os  ont  reçu  des  noms  propres  ; ces  noms  doivent  être 
d’autant  mieux  déterminés  et  plus  précis  , que  les 
noms  de  beaucoup  d’autres  parties  du  corps  en  sont 
formés. 

Le  nom  de  plusieurs  os  est  un  adjectif  pris  subs- 
tantivement avec  une  désinence  commune  : tels  sont 
le  frontal,  l’occipital,  le  pariétal,  etc.  M.  Duméril  1 
a proposé , comme  un  moyen  de  mettre  de  la  préci- 
sion et  de  l’exactitude  dans  le  langage  anatomique, 
de  donner  à tous  les  noms  d’os  cette  même  désinence , 
et  de  la  donner  à eux  seuls. 

§ 571.  Le  nombre  des  os  est  très-grand,  mais  di- 
versement déterminé , suivant  quon  prend  le  sujet  à 
tel  ou  tel  âge , ou  divers  sujets  de  différens  âges  ; et 
c’est  ainsi  qu’on  a fait  le  plus  souvent.  Si , par  exemple , 
on  veut  déterminer  rigoureusement  ce  nombre , en 
prenant  le  sujet  adulte , on  trouve  alors  le  sphénoïde 
soudé  avec  l’occipital,  et  souvent  avec  l’ethmoïde; 
mais  on  trouve  le  sternum  divisé  encore  en  trois  par- 
ties; l’hyoïde,  encore  composé  de  trois  os  distincts  au 
moins,  etc.  • « 

Voici  1 énumération  des  os  que  la  plupart  des  ana- 
tomistes s’accordent  à décrire  comme  distincts  : 

Vingt-quatre  vertèbres  mobiles; 

Cinq  vertèbres  pelviennes,  soudées  pour  former  le 
sacrum  ou  os  pelvial; 

Trois  ou  quatre  vertèbres  caudales,  réunies  pour 
former  le  coccyx; 

' Projet  d’une  nomenclature  anatomique,  in  Magasin  en- 
cyclopédique, tom.  II;  Paris,  1795. 


ANATOMIE  GENERALE. 


478 

Douze  côtes  de  chaque  côté;  un  sternum  impair, 
formé  de  trois  pièces  distinctes  dans  l’adulte; 

Un  occipital , un  sphénoïde  , un  ethmoïde , un  fron- 
tal , deux  pariétaux  , deux  temporaux,  contenant  cha- 
cun trois  osselets  du  tympan  ; un  vomer , deux  os  maxil- 
laires supérieurs,  deux  os  du  palais,  deux  os  zygoma- 
tiques , deux  os  nasaux , deux  lacrymaux  ou  unguis , 
deux  cornets  inférieurs,  un  maxillaire  inférieur; 

Un  hyoïde,  composé  , dans  l’adulte  même,  de  trois 
ou  de  cinq  pièces  distinctes. 

Les  os  qui  restent  à énumérer  sont  tous  pairs  ou 
doubles,  ce  sont  ceux  des  membres,  savoir: 

Le  scapulum,  la  clavicule,  l’humérus,  le  radius, 
le  cubitus  , les  huit  os  du  carpe  , les  cinq  os  du  méta-  1 
carpe  , les  deux  phalange^  du  pouce  , les  trois  phalanges 
de  chacun  des  autres  doigts,  et  cinq  os  sésamoïdes; 

L’os  coxal,  le  fémur,  le  tibia  et  la  rotule,  le  pé- 
roné, les  sept  os  du  tarse,  les  cinq  du  métatarse,  les 
deux  du  gros  orteil,  les  trois  de  chacun  des  autres 
orteils , et  trois  os  sésamoïdes. 

§,  572.  La  situation  des  os  est  toujours  intérieure  ou 
profonde.  Soit  qu’ils  forment  des  cavités  pour  les  centres 
nerveux  et  vasculaires,  soit  qu  ils  forment  les  membres, 
ils  sont  tous  recouverts  par  les  muscles  et  les  tégu- 
mens  : aucun  n’est  extérieur. 

§ 5y3.  La  grandeur  des  os  est  très-différente;  quel- 
ques-uns ayant  environ  le  quart,  le  cinquième  ou  le 
sixième  de  la  longueur  du  corps  ; d’autres  ayant  à 
peine  quelques  lignes  de  diamètre.  On  divise  sous  ce 
rapport  les  os  en  grands,  moyens,  petits  et  très-petits, 
ou  osselets. 


DES  OS. 


479 

§ 5^4.  La  forme  des  os  est  symétrique;  les  uns  sont 
impairs  et  médians  , les  autres  latéraux  et  pairs  : dans 
les  premiers,  chacune  des  moitiés  latérales  est  sem- 
blable; dans  les  autres,  chacun  des  os  est  semblable 
à celui  du  côté  opposé  du  corps.  Il  n’y  a à cet  égard 
que  de  très-légères  irrégularités. 

Les  os  impairs,  tous  situés  sur  la  ligne  médiane, 
sont  les  vertèbres,  tant  celles  qui  sont  mobiles,  que 
celles  du  sacrum  et  du  coccyx  ; le  sternum , l’occipital , 
le  sphénoïde,  l’ethmoïde,  le  frontal,  le  vomer,  l’os 
maxillaire  inférieur  et  1 hyoïde. 

Tous  les  autres  os  sont  pairs  ou  doubles , et  situés 
sur  les  côtés  de  la  ligne  médiane,  plus  ou  moins  loin 
de  cette  li<rne. 

O 

On  divise  les  os  d’après  leur  forme,  et  d’après  le  rap- 
port qu’ont  entre  elles  leurs  trois  dimensions  géomé- 
triques , en  longs , larges,  courts  et  mixtes  : dans  les 
premiers,  une  des  dimensions  l’emporte  de  beaucoup 
sur  les  deux  autres;  dans  les  seconds,  la  longueur  et 
la  largeur  dépassent  de  beaucoup  l’épaisseur;  les  trois 
dimensions  sont  sensiblement  égales  dans  les  troi- 
sièmes; les  quatrièmes  participent,  dans  des  parties 
différentes  de  leur  étendue , des  caractères  des  os  de 
deux  genres. 

§ 5y5.  Les  os  longs , ossa  longa , seu  cylindrica,  sont 
situés  dans  les  membres,  où  ils  constituent  des  co- 
lonnes brisées,  articulées.  Le  nombre  de  ces  os,  dans 
chaque  fraction  des  membres,  va  en  augmentant,  et 
leur  longeur  en  diminuant,  en  s’éloignant  du  tronc. 
Chaque  os  long  se  divise  en  corps  ou  partie  moyenne, 
et  en  deux  extrémités.  Le  corps,  ou  diaphyse,  est  cylin- 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


48o 

droïde  dans  quelques-uns;  dans  les  autres  il  a la  forme 
d’un  prisme  triangulaire;  il  est  en  général  un  peu 
courbé  et  tordu.  Les  extrémités  sont  renflées. 

Les  os  larges,  ossa  lata , seu plana , sont  situés  dans 
le  tronc,  où  ils  constituent  des  parois  de  cavités  ou- 
vertes et  plus  ou  moins  solides.  Ces  os,  aplatis  en 
deux  sens  opposés  , sont  courbés,  quelques-uns  sont 
tordus.  Ils  sont  demi-circulaires , quadrilatères  ou  po- 
lygones; leurs  bords  sont,  en  général,  un  peu  renflés. 

Les  os  courts  ou  épais , ossa  crassa,  sont  situés  dans 
la  colonne  vertébrale , dans  la  main  et  dans  le  pied , où 
ils  constituent , par  leur  assemblage  et  leur  multiplicité , 
des  parties  solides  et  mobiles.  Ils  sont  globuleux,  té- 
traèdres, cunéiformes,  cuboïdes  ou  polyèdres. 

Les  os  mixtes  , ossa  mixta , sont  ceux  qui  participent 
des  caractères  de  plusieurs  genres  : il  y en  a beaucoup, 
l’occipital,  le  sphénoïde,  le  temporal,  le  coxal,  le 
sternum.  Les  côtes,  participent  des  os  larges  et  des  os 
courts.  Les  os  longs  eux-mêmes  ressemblent  aux  os 
épais  par  leurs  extrémités. 

§ 5 76.  On  distingue  dans  la  conformation  extérieure 
des  os,  des  parties  ou  régions  de  leur  étendue. 

Dans  les  os  impairs  il  y a,  en  général,  ou  bien  une  " 
partie  impaire  et  médiane  et  des  parties  latérales, 
comme  le  corps  et  les  apophyses  du  sphénoïde,  le 
corps  et  les  masses  apophysaires  des  vertèbres,  etc., 
ou  bien  des  parties  latérales  seulement,  réunies  sur  la 
ligne  médiane,  comme  les  deux  moitiés  du  frontal,  etc. 

Beaucoup  d’os  se  divisent  en  parties  ou  régions  dé- 
terminées par  leur  mode  de  formation  ou  de  déve- 
loppement : ainsi , l’os  de  la  hanche  est  divise  en 


DES  OS. 


48i 

ilium,  ischion  et  pubis  ; le  sphénoïde,  l’ethmoïde,  le 
temporal , etc. , en  plusieurs  régions  distinctes  égale- 
ment par  le  mode  de  leur  développement. 

Dans  d’autres  os , la  division  en  régions  résulte 
uniquement  de  la  situation  et  des  usages  des  par- 
ties; ainsi  la  surface  externe  de  l’os  frontal  se  partage 
en  une  région  orbitaire  et  nasale,  et  une  région 
frontale,  etc. 

On  reconnaît  aussi,  dans  les  os,  des  régions  ou 
parties  géométriques  de  leur  étendue  ; ainsi  on  dis- 
tingue et  on  décrit,  dans  les  os  longs,  un  corps  ou 
partie  centrale , et  des  extrémités  ; dans  les  os  larges , 
des  faces,  des  bords  et  des  angles,  etc.;  mais  on  ne 
prend  guère  ces  termes  à la  rigueur,  car  les  plans 
et  les  angles  sont  très-rares  et  imparfaits  dans  l’orga- 
nisation. 

§ 577.  Les  os  présentent  à leur  surface  des  émi- 
nences et  des  enfoncemens  très-variés. 

Les  éminences  des  os  se  distinguent  en  épiphyses 
et  en  apophyses,  les  premières  ont  rapport  au  déve- 
loppement , et  seront  décrites  à son  occasion. 

Les  apophyses  sont  des  éminences  osseuses,  conti- 
nues à la  substance  des  os  ; elles  sont  extrêmement 
nombreuses  et  très-diversifiées  : aussi  peu  d’objets  en 
anatomie  ont  été  plus  diversement  classés.  Elles  se 
distinguent  en  articulaires  et  non  articulaires.  Les  pre- 
mières seront  décrites  plus  loin. 

Les  apophyses  non  articulaires  sont  un  peu  ru- 
gueuses; leur  grandeur  et  leur  forme  très-variée  per- 
mettent de  les  diviser  en  trois  genres  : les  unes, 
longues  et  saillantes  comme  une  branche  ou  un  ra- 

3 1 


1. 


ANATOMIE  GENERALE. 


482 

meau  osseux,  portent  le  nom  de  branches,  de  pro-* 
cessus  et  d’apophyses  proprement  dites. 

D’autres , plus  courtes  et  plus  épaisses  , portent  le 
nom  de  protubérances,  tubérosités  et  de  tubercules. 

Les  autres,  allongées,  étroites,  et  peu  saillantes, 
portent  le  nom  de  crêtes  et  de  lignes. 

La  synonymie  de  ces  diverses  éminences  est  très- 
compliquée  et  très-difficile;  elles  sont  le  plus  souvent 
désignées  chacune  par  des  noms  tirés  de  comparaisons 
triviales  et  peu  rigoureuses,  et  quelquefois  aussi  par 
des  noms  tirés  de  leur  situation,  de  leur  grandeur, 
de  leur  direction  et  de  leurs  usages. 

Leur  usage  général  est  de  servir  à des  insertions  de 
ligainens  et  de  tendons. 

§ 5y8.  Les  cavités  externes  des  os  se  distinguent, 
comme  leurs  éminences,  en  articulaires  et  en  non  ar- 
ticulaires. Il  n’est  question  ici  que  des  dernières. 

Parmi  ces  cavités  , les  unes  traversent,  les  autres  ne 
traversent  pas  l’épaisseur  des  os.  De  ces  dernières, 
les  unes  ont  une  entrée  élargie,  évasée  dans  tous  les 
sens,  ce  sont  des  fosses,  des  fossettes,  des  impressions 
digitales;  les  autres  ont  le  fond  évasé  et  l’entrée  étroite, 
et  sont  d’ailleurs  tapissées  parla  membrane  muqueuse, 
et  remplies  d’air  : ce  sont  des  sinus,  et  quand  elles 
sont  divisées  en  plusieurs  loges , des  cellules  ; d’autres 
sont  allongées  , étroites,  plus  ou  moins  profondes  : ce 
sont  des  sillons,  des  gouttières,  des  méats , des  rai- 
nures , des  coulisses.  Les  cavités  de  ce  cette  dernière 
sorte,  quand  elles  existent  sur  le  bord  des  os,  portent 
le  nom  d’incisures  ou  d’échancrures. 

Parmi  les  cavités  qui  traversent  les  os  de  part  en 


DES  OS. 


483 

part,  les  unes  suivent,  le  trajet  le  plus  court,  à travers 
un  os  mince,  et  sont  des  trous,  des  fentes  ou  des  fis- 
sures; les  autres  suivent  un  trajet  plus  long  et  diver- 
sement contourné  : ce  sont  des  canaux , des  con- 
duits , etc. 

Quelquefois  plusieurs  os  se  réunissent  pour  former 
une  cavité  composée  comme  le  crâne  et  le  canal  ver- 
tébral ,*  comme  le  bassin , le  thorax , les  fosses  nasales , 
les  orbites , etc.  ; ou  même  pour  former  un  trou  ou 
un  conduit,  comme  les  trous  sphéno-palatin , déchiré 
postérieur,  etc. , les  conduits  orbitaires,  palatins,  etc. 

Parmi  ces  cavités  simples  ou  composées,  les  unes 
logent  des  organes,  d’autres  fournissent  des  insertions, 
d’autres  servent  à transmettre  ou  à livrer  passage  à 
certaines  parties. 

Dans  certains  endroits  des  os  on  trouve  une  mul- 
titude de  petites  éminences  et  de  petits  enfoncemens 
très-rapprochés  : cela  constitue  des  empreintes  ou  des 
inégalités,  qui  servent  à des  insertions. 

§ 579.  Les  os  ont  des  cavités  internes  et  closes , qu’on 
appelle  cavités  médullaires , parce  quelle  renferment 
la  moelle  ou  graisse  des  os  (§169). 

Les  os  longs  ont  une  grande  cavité  médullaire  cylin- 
drique, qui  en  occupe  le  corps  ou  la  partie  moyenne, 
et  qui , à ses  extrémités  , communique  avec  les  aréoles 
de  la  substance  spongieuse.  Cette  cavité  loge  le  sys- 
tème médullaire,  et  rend  l’os  plus  léger  sous  le  même 
volume,  et  plus  fort  avec  le  même  poids. 

Les  extrémités  des  os  longs,  les  os  courts,  les  os 
larges , et  surtout  leurs  bords  épais , sont  creusés  de 
cavités  aréolaires , qui  logent  également  de  la  moelle. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


484 

Il  en  est  de  même  enfin  de  la  substance  compacte  : 
elle  est  creusée  de  cavités  médullaires  microscopiques. 

§ 58o.Les  os  ont  aussi  des  canaux  vasculaires  pour 
les  vaisseaux  de  la  moelle , et  pour  ceux  de  leur  propre 
substance. 

Chaque  os  long  a un  canal  de  ce  genre,  au  moins, 
qui  parcourt  obliquement  les  parois  de  la  cavité  médul 
laire , en  y pénétrant  de  haut  en  bas  dans  les  os  hu- 
mérus, tibia  et  péroné,  et  de  bas  en  haut  dans  le 
fémur,  le  radius  et  le  cubitus;  ce  canal  donne  passage 
aux  vaisseaux  et  nerfs  de  la  membrane  médullaire. 

Les  extrémités  des  mêmes  os,  les  bs  courts  et  épais, 
et  les  bords  épais  des  os  larges,  sont  pourvus  d’un  très- 
grand  nombre  de  larges  canaux , qui  donnent  égale- 
ment passage  à des  vaisseaux,  et  notamment  à de 
grandes  veines. 

Tous  les  points  enfin  de  la  surface  des  os  sont  criblés 
d’une  multitude  de  petits  trous  ou  orifices  de  conduits, 
dans  lesquels  pénètrent  de  très-petits  vaisseaux. 

§ 58 1.  La  densité  du  tissu  osseux  est  très-grande, 
mais  elle  n’est  pas  la  même  dans  toutes  les  parties  d’un 
même  os.  Sous  ce  rapport,  on  distingue  la  substance 
des  os  en  compacte  et  en  spongieuse,  ou  aréolaire  : la 
première  est  corticale,  ou  située  à 1 extérieur  des  os; 
la  seconde  est  intérieure. 

La  substance  compacte  est  celle  dont  la  densité  est 
telle,  qu’on  n’y  aperçoit  pas  d’interstices  à 1 œil  nu. 
Cependant  elle  est  criblée  de  très-petits  canaux  mé- 
dullaires et  vasculaires,  visibles  au  microscope.  Dans 
les  os  longs,  ces  canaux  sont  longitudinaux;  il  ont  de 
fréquentes  communications  latérales  avec  le  grand 


DES  OS.  485 

canal  médullaire  et  la  surface  externe  de  l’os;  ils  sont 
moins  grands  vers  cette  surface  que  vers  l’autre  ; leur 
diamètre  moyen  est  d’un  vingtième  de  ligne. 

La  substance  aréolaire  ou  spongieuse,  est  celle  qui 
forme  des  petites  cavités  très-visibles  à l’œil.  Cette  subs- 
tance présente  plusieurs  variétés,  dont  les  principales 
sont  les  suivantes  : elle  consiste  en  filamens  plus  ou 
moins  fins , et  en  lamines  d’une  ténuité  semblable, 
dans  les  extrémités  des  os  longs,  et  dans  l’épaisseur 
des  os  courts;  en  filamens  et  en  lames  réticulés  à la 
surface  interne  du  canal  médullaire  des  os  longs;  et 
en  lames  fortes,  formant  des  aréoles  étroites  dans  les 
os  larges  et  minces , et  surtout  dans  ceux  du  crâne. 

Les  deux  substances,  ou  variétés  du  tissu  plus  ou 
moins  dense  des  os,  sont  arrangées  d’une  manière  par- 
ticulière dans  chaque  sorte  d’os. 

Dans  les  os  longs  , le  corps  est  formé  de  substance 
compacte,  et  la  surface  interne  du  canal  hérissée  de 
quelques  filamens  et  lames  réticulés;  vers  les  extré- 
mités, la  substance  compacte  diminue  beaucoup  d’é- 
paisseur, la  substance  aréolaire  ou  spongieuse  devient 
de  plus  en  plus  abondante  et  fine  , le  grand  canal  finit, 
en  se  continuant,  avec  la  substance  spongieuse,  dont 
toute  l’extrémité  de  l’os  est  remplie. 

Dans  les  os  larges , les  deux  surfaces  sont  formées 
de  substance  compacte  ; là  où  l’os  est  mince , ces 
deux  lames  se  touchent;  là,  au  contraire,  où  il  est 
épais,  elles  sont  séparées  par  une  couche  de  substance 
spongieuse  proportionnée  à l’épaisseur  de  l’os.  Dans 
les  os  du  crâne,  la  table  interne,  plus  dense  encore, 
mais  plus  mince  et  plus  fragile  que  la  table  externe  , 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


486 

porte  le  nom  de  lame  vitrée,  et  la  substance  spon- 
gieuse, celui  de  diploé. 

Les  os  courts  sont  formés  de  substance  spongieuse, 
entourée  d’une  couche  de  substance  compacte. 

Les  os  mixtes  enfin,  participent,  par  la  disposition 
des  deux  substances , des  genres  d’os  auxquels  ils  ap- 
partiennent. 

Les  deux  variétés  de  tissu , ou  les  deux  substances 
dont  il  vient  d’être  question,  sont  dans  la  réalité  un 
seul  et  même  tissu  , une  seule  et  même  substance  di- 
versement disposée  ; raréfiée  dans  une  partie , condensée 
dans  l’autre.  Une  parcelle  de  substance  compacte  est 
exactement  la  même  chose  qu’une  lamine  ou  un  filet 
de  substance  spongieuse.  Une  tranche  quelconque  , de 
la  longeur  d’ijn  os  long,  contient  sensiblement  la  même 
quantité  de  tissu  osseux , qu’une  autre  tranche  égale 
en  longueur  du  même  os;  mais  dans  l’une  la  subs- 
tance ou  le  tissu  est  condensé , et  laisse  un  grand 
canal  dans  son  centre , tandis  que  dans  l’autre  le  tissu 
est  raréfié , et  le  canal  remplacé  par  une  multitude 
d’aréoles  spongieuses.  Ces  deux  substances  peuvent  se 
transformer  l’une  en  l’autre.  La  différence  essentielle 
qu  elles  présentent  leur  est  pour  ainsi  dire  étrangère; 
elle  dépend  de  la  présence  et  de  la  pénétration  du 
tissu  médullaire  et  de  ses  nombreux  vaisseaux  dans 
l’épaisseur  même  de  l’os  spongieux,  et  de  son  contact 
sur  une  des  faces  seulement  de  1 os  compact. 

§ 582.  La  texture  des  os  1 est  un  des  points  de  1 ana- 
tomie qui  a donné  lieu  au  plus  grand  nombre  de  tra- 

1 Malpighi , de  Ossium  structura  , in  op.  posth.  D.  Ga- 
gliardi , Anatome  ossium  no  vis  inventes  illustrata  ; Roni.v, 


DES  OS. 


487 

vaux  et  d écrits.  Malpighi,  le  premier  auteur  qui  mé- 
rite detre  cité,  regarde  le  tissu  des  os  comme  résultant 
de  lames,  de  fibres  et  de  filets,  avec  un  suc  osseux  in- 
termédiaire; c’est,  suivant  lui,  comme  une  éponge 
imbibée  de  cire.  Gagliardi  admet  des  lames  ou  bractées , 
et  des  chevilles  osseuses  de  différentes  formes  , qui  les 
rassemblent  ; Havers  , à peu  près  comme  Malpighi  5 
des  lamines  formées  de  fibres,  et  réunies  par  le  suc 
osseux.  Lasône  décrit  des  lames  formées  de  fibres  ossi- 
fiées, tenant  entre  elles  par  des  filets  obliques.  Reichel , 
ayant  examiné  des  portions  d’os  amollies  dans  un  acide 
minéral,  a vu  qu’on  pouvait  les  partager  en  lames , et 
celles-ci  en  fibres , formant  un  tout  poreux  et  tu- 

1689.  — Cl.  Havers,  Osteologia  nova  , etc.  ; Lond. , 1691.  — 
Description  exacte  des  os,  comprise  en  trois  traités,  par 
J.  J.  Courtial,  J.  L.  Petit,  et  Lémery.  — Delasône,  Mém. 
sur  l’organisation  des  os,  in  Mém.  de  l’Acad.  royale  des  sc.  ; 
Paris,  1751.  — J.  F.  Reichel,  de  Ossium  ortu  atque  structura  ; 
Lips. , 1760.  — B.  S.  Àlbinus,  de  Constructione  ossium,  in 
Annot.  acad . , lib.  VII,  cap.  17.  — Perenotti , Mém.  sur  la 
construction  et  sur  l’accroissement  des  os;  Mém.  de  Turin  , 
tomell,  1784.  — A.  Scarpa,  de  Peniliori  ossium  structura  com- 
me nlarius  ; Lips.,  1795,  et  Paris,  1804.  — V.  Malacarne  , 
Auctuarium  obs.  et  icon.  ad  osteol.  et  osteopath.  Luclwigii  et 
Scarpœ  ; Patav. , 1801.  — Howship,  Microsc.  observ.  on  the 
structure  ofbone;  in  Mecl.-chir.  transact.  , vol.  VII;  Lond.  , 
1816.  — M.  Troja  , Observationi  ed  esperimenti  sulle  ossa  ; 

Napoli  , 1814.  — Medici  , E'sperienze  intorno  alla  tessi- 

• 

tura  organica  delle  ossa,  in  opuscoli  scientifici , tome  II; 
Bologna,  1818.  — Considerazioni  intorno  alla  tess.  org.  delle 
ossa,  sentie  cia  M.  Mcdici , etc.,  in  riposta  aile  oppos.  fait, 
fiai  S.  D.  C.  Spcranza  , c ded  S.  Cav.  A.  Scarpa;  Bologna, 
i8i9- 


4^8  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

buleux , qui  se  continue  avec  la  substance  spongieuse. 
Scarpa  conclut , de  l’examen  des  os  sains  et  malades , 
des  os  entiers  et  privés  de  substance  terreuse , des  os 
avant  et  après  leur  entier  développement,  que  le  tissu 
osseux,  même  la  substance  compacte,  est  un  tissu  cel- 
luleux et  réticulé , tout-à-fait  semblable  à la  substance 
spongieuse.  Medici  a observé , ce  que  savent  depuis 
long  - temps  ceux  qui  font  le  commerce  de  gélatine 
extraite  des  os , que  la  substance  compacte  des  os 
longs,  privée  des  sels  terreux  par  l’action  d’un  acide 
faible,  se  divise  en  plusieurs  lames  ou  couches,  adhé- 
rentes entre  elles  par  des  fibres.  * 

§ 583.  Pour  examiner  la  texture  du  tissu  osseux, 
ce  tissu  étant  extrêmement  dur,  on  est  obigé  d’avoir 
recours  à des  procédés  chimiques  qui,  en  décompo- 
sant l’os,  doivent  avoir  une  action  quelconque  sur  la 
partie  qui  reste  soumise  à l’examen.  Quoi  qu’il  en  soit, 
si  on  plonge  un  os  pendant  quelques  jours  dans  un 
acide  végétal,  ou  dans  un  acide  minéral  étendu  d’eau, 
la  substance  saline  qui  entre  en  grande  proportion  dans 
l’os,  en  est  enlevée,  et  l’os,  conservant  sa  forme,  son 
volume,  mais  ayant  perdu  une  partie  de  son  poids, 
égale  à celle  de  la  terre  soustraite , est  devenu  flexible 
et  tenace  comme  le  tissu  fibreux  cartilaginiforme.  En 
cet  état,  il  est  réductible  en  colle  ou  en  gélatine  par 
la  décoction.  En  cet  état  aussi,  si  on  l’amollit  par  la 
macération  dans  l’eau , la  substance  compacte , qui 
n’offrait  aucune  texture  apparente,  se  divise  en  lames, 
réunies  par  des  fibres;  les  lames  elles-mêmes,  un  peu 
plus  tard , ou  plus  difficilement , se  divisent  en  fibres  , 
qui , par  une  macération  plus  prolongée  , se  gonflent, 


DES  OS.  489 

et  deviennent  aréolaires  et  molles , comme  le  tissu 
cellulaire  ou  muqueux. 

Un  os  long,  examiné  par  ce  procédé,  se  divise  à sa 
partie  moyenne,  en  plusieurs  couches,  dont  la  plus 
externe  enveloppe  tout  l’os , et  dont  les  suivantes  se 
continuent  en  se  raréfiant  vers  les  extrémités  avec  la 
substance  spongieuse  qui  les  remplit.  Les  os  larges 
sont  formés  de  deux  lames  seulement  ; et  les  os  courts , 
d’une  seule , qui  les  enveloppe;  celle-ci,  comme  les 
autres,  présentant,  à sa  face  interne,  des  prolonge- 
mens  filamenteux  et  lamineux  qui  constituent  la  subs^ 
tance  spongieuse. 

La  fibre  osseuse  diffère  donc  surtout  des  autres 
fibres  animales  par  la  grande  quantité  de  substance 
terreuse  qu’elle  contient. 

En  effet,  si  au  lieu  d’enlever  cette  substance  ter- 
reuse et  d’examiner  le  résidu  organique  dont  il  vient 
d’être  question v on  détruit  au  contraire  celui-ci,  en 
soumettant  un  os  à l’action  du  feu  nud , il  reste  une 
substance  blanche,  conservant  le  volume,  la  forme , et 
une  grande  partie  de  la  pesanteur  de  l’os;  cette  subs- 
tance dure,  mais  très-fragile,  est  un  sel  terreux  qui 
faisait  partie  du  tissu  osseux.  Les  autres  tissus  laissent, 
après  la  combustion  , un  résidu  analogue  ou  des 
cendres,  mais  en  beaucoup  moins  grande  proportion, 
et  ne  conservant  point,  comme  celles  des  os,  la  forme 
et  une  partie  de  la  solidité  du  tout. 

§ 584-  La  fibre  osseuse  est  donc  une  fibre  très-ana- 
logue à la  fibre  cellulaire  , mais  en  différant  par  la  très- 
grande  quantité  de  substance  terreuse  qui  entre  dans 
sa  composition.  On  s’est  fait  diverses  idées  sur  la  na- 


4,9°  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

ture  intime  de  cette  fibre.  Celle  qui  est  le  plus  géné- 
ralement admise,  consiste  à considérer  le  tissu  des 
os  comme  un  tissu  organique  aréolaire  comme  les 
autres,  mais  contenant  de  la  substance  terreuse  dans 
des  cavités  extrêmement  étroites,  à peu  près  comme 
l’eau  est  interposée  dans  le  tissu  d’une  éponge  hu- 
mide. D’autres  regardent  l’os  comme  un  mélange  in- 
time ou  une  combinaison  de  gélatine  et  de  phosphate 
calcaire.  Mascagni  regarde  ce  tissu  comme  formé  de 
vaisseaux  absorbans  remplis  de  phosphate  de  chaux. 
Ce  sont  autant  d’hypothèses  qui  ne  reposent  sur  aucun 
fait,  ou  plutôt  qui  sont  contraires  aux  faits.  On  ignore 
toutefois  dans  quel  rapport  exact  se  trouve  la  subs-  , 
tance  terreuse  avec  la  substance  organique  des  os. 

§ 585.  Quelques  tissus  appartiennent  essentiellement 
à l’organisation  des  os , ce  sont  le  périoste , la  moelle 
et  les  vaisseaux. 

Le  périoste  est  une  membrane  fibreuse  très-vascu- 
laire  qui  enveloppe  les  os,  comme  on  l’a  vu  (§522). 

La  membrane  médullaire  est  une  membrane  cellu- 
leuse très-vasculaire  qui  contient  la  moelle,  et  qui  sert 
de  périoste  interne  aux  os  (§  169-178). 

Les  vaisseaux  sanguins  des  os , assez  nombreux , et 
de  volume  différent , se  distinguent  en  ceux  qui  se 
ramifient  d’abord  dans  le  périoste  externe , et  qui  pé- 
nètrent ensuite  dans  les  petits  trous  nourriciers  de  la 
substance  compacte,  en  ceux  qui  pénètrent , sans  se 
ramifier,  dans  le  canal  médullaire,  où  ils  se  distribuent 
à la  membrane  de  ce  nom,  et  pénètrent  ensuite,  par 
la  face  interne,  dans  la  substance  compacte , où  ils  com- 
muniquent avec  les  précédens;  et  enfin  en  ceux  qui 


DES  OS. 


4.91 

pénètrent  par  les  trous  grands  et  nombreux  des  os 
courts  et  des  parties  spongieuses  des  os  longs  et  larges , 
pour  se  distribuer  dans  la  substance  spongieuse,  et  y 
communiquer,  dans  les  os  longs , avec  les  vaisseaux  des 
deux  premiers  ordres.  Quelques  anatomistes  ont  appelé 
vaisseaux  nourriciers  du  premier  ordre , ceux  du  canal 
médullaire  des  os  longs  ; vaisseaux  nourriciers  du  second 
ordre,  ceux  de  la  partie  spongieuse;  et  du  troisième 
ordre , ceux  qui  passent  du  périoste  externe  dans  la 
substance  compacte  : en  général,  chacun  des  conduits 
nourriciers  contient  une  artère  et  une  veine  ; ceux  du 
second  ordre  contiennent  des  veines  très-grandes  et  à 
parois  très-minces , qui  ne  paraissent  consister  que 
dans  la  membrane  interne;  ces  veines  paraissent  avoir 
de  grandes  communications  avec  les  cavités  médul- 
laires de  la  substance  spongieuse. 

On  voit  des  vaisseaux  lymphatiques  seulement  à la 
surface  des  grands  os. 

On  ne  voit  de  nerfs  dans  les  os , que  ceux  qui 
accompagnent  les  vaisseaux  de  la  membrane  médul- 
laire. 

§ 586.  La  dureté  considérable  des  os  dépend  de  leur 
composition  chimique  : ce  sont  en  effet,  comme  on 
la  vu,  les  parties  organisées  qui  contiennent  le  plus 
de  substance  terreuse.  On  doit  avoir  su  de  tout  temps 
que  les  os  sont  combustibles , et  qu’ils  laissent  un  ré- 
sidu considérable,  fl  y a long-temps  aussi  qu’on  sait  que 
les  os  fournissent  de  la  gélatine  ou  de  la  colle  par  la 
décoction.  C’est  Schéele  qui  a annoncé  que  la  partie  ter- 
reuse des  os  est  du  phosphate  de  chaux.  Cent  parties  d’os 
hais  se  réduisent  à soixante  environ  par  la  calcination. 


\ 


492  ANATOMIE  GENERALE. 

D’après  l’analyse  de  M.  Berzélius , les  os  humains , 
privés  d’eau  et  de  graisse,  sont  composés  ainsi  qu’il 
suit:  matière  animale,  réductible  en  gélatine  par  la 
décoction,  32,17;  substance  animale  insoluble,  i,i3; 
phosphate  de  chaux,  5i,4;  carbonate  de  chaux,  n,3o; 
fluate  de  chaux,  2,0  ; phosphate  de*magnésie,  1,16; 
soude  et  muriate  de  soude,  1,20. 

Fourcroy  et  M.  Vauquelin , dans  leurs  premiers 
essais,  n’avaient  point  trouvé  de  phosphate  de  ma- 
gnésie dans  les  os  humains.  Suivant  M.  Hildebrandt,  il 
n’y  en  aurait  point.  Suivant  M.  Hatehett,  il  y aurait 
du  sulfate  de  chaux  qui,  d’après  M.  Berzélius,  est  un 
produit  de  la  calcination.  Enfin,  Fourcroy  et  M.  Vau- 
quelin admettent  encore  dans  les  os,  du  fer,  du  man- 
ganèse, de  la  silice,  de  l’alumine  et  du  phosphate 
d’ammoniaque,  mais  point  de  fluate. 

Outre  les  différences  de  composition  relatives  à 
l’âge,  aux  individus,  et  aux  affections  morbides,  cir- 
constances qui  font  varier  la  proportion  de  la  subs- 
tance animale  et  de  la  substance  terreuse;  tous  les 
os  n’ont  point  exactement  la  même  composition  dans 
le  même  individu  , ainsi  les  os  du  crâne  contiennent 
généralement  un  peu  plus  de  substance  terreuse  que 
les  autres  ; le  rocher  est  de  toutes  les  parties  celle 
qui  en  contient  le  plus  x. 

§ 587.  Les  os  sont  d’une  couleur  blanc-jaunatre , et 
opaques,  mais  c’est  surtout  par  leur  dureté,  leui  peu 
de  flexibilité  et  leur  résistance  à la  rupture,  qu’ils 

1 John  Davy,  in  Monro,  Outlincs  0/ the  anatomy  oj  the 
hurnan  body ; Édimb.,  ibii. 


DES  OS. 


493 

sont  remarquables;  c’est  par  ces  propriétés  qu’ils  ser- 
vent clans  l’organisme.  Quelque  peu  flexibles  et  com- 
pressibles qu’ils  soient,  ils  sont  élastiques. 

Ils  jouissent  aussi  d’une  extensibilité  et  d’une  force 
de  resserrement  lentes,  mais  réelles  : ainsi  le  sinus 
maxillaire,  les  fosses  nasales,  l’orbite,  etc.,  s’agran- 
dissent peu  à peu  par  le  développement  de  tumeurs 
dans  leur  intérieur  ; ces  mêmes  cavités  reviennent  sur 
elles-mêmes  quand  elles  sont  débarrassées  de  ces  causes 
d’extension;  les  alvéoles  se  resserrent  et  s’effacent  après 
la  chûte  des  dents,  etc. 

Toute  autre  contraction  y est  nulle.  La  sensibilité 
n’y  existe  qu’à  l’état  morbide.  La  force  de  forma- 
tion y est  remarquable  sous  ce  double  rapport,  que 
tous  les  phénomènes  qui  s’y  rapportent,  comme  la 
formation  première,  la  réparation,  les  altérations  de 
texture,  etc.,  y sont  d’une  très-grande  lenteur;  tandis 
que  les  facultés  de  reproduction  et  de  production 
accidentelle,  y sont  plus  grandes  que  dans  aucun  autre 
tissu. 

§ 588.  La  formation  des  os,  l’ossification , ou  l’ostéo- 
génésie  1 , est  un  phénomène  qui  a beaucoup  occupé 

1 II.  Eysson,  de  Ossibus  inj antis  ; cui  tractatui  annexus 
est  Y.  Coiter,  Ossium  infantis  historia , 120;  Gronig. , i65g. 

— Th.  Kerkring,  Osteogenia  fœtus , Lugd.  Bat.,  1717. — 
R.Nesbitt,  the  Humanosteogeny  ; Lond.,  17  36. — J.Baster,r/c 
Osteogenia , Lugd.  Bat. , 1781.  — A.  Vater  et  Ulmann  , Osteo- 
genia; Viteb. , 1733.  — Albinus,  Annol.  acad. , lib.VI,  VII. 

— Id.  Icônes  ossium  fœtus  humani  accedit  ostcgeniœ  b revis' 
historia. Lugd. Bat.  1737. — Duhamel,  Mém.  de  l’Acad.  roy.  des 
sc.,  ann.  t 739— /|i— 43-Zj6.  — Haller  , Expérimenta  de  ossium 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


494 

l’attention  des  observateurs,  et  qui  en  est  en  effet 
bien  digne. 

Les  os  éprouvent  dans  leur  développement  des 
transformations  d’autant  plus  remarquables,  que  les 
divers  états  par  lesquels  ils  passent  répondent  à des 
états  analogues,  mais  permanens , qu’on  observe  dans 
les  animaux. 

Après  avoir  été  liquides  comme  toutes  les  autres 
parties , ils  deviennent , i°  mous  , muqueux  ou  gélati- 
niformes  ; 2°  cartilagineux,  et  quelques-uns  fibreux 
et  cartilagineux  ; 3°  osseux. 

Les  os  sont  muqueux , transparens  et  incolores  , à 
une  époque  très-rapprochée  de  la  conception  ; ils 
croissent  alors  par  végétation  , et  forment  un  tout 
continu  qui  se  divise  plus  tard. 

Les  os  cartilagineux,  ou  les  cartilages  temporaires, 
ne  paraissent  guère  qu’après  deux  mois,  à partir  du 
moment  de  la  conception.  On  ne  peut  apercevoir  cet 
état  que  dans  les  os  ou  les  parties  d’os  qui  s’endur- 
cissent un  peu  tard,  car  pour  ceux  dont  l’ossification 
est  très-précoce,  il  est  douteux  qu’ils  passent  par  l’état 
de  cartilages  ; état  qui  paraît  plutôt  destiné  à remplir 

fonnatione  in  op.  min.  II. — Hérissant,  Mém.  del’Acad.  roy. 
des  sc.,  1768.  — C.  F.  Senff,  Nonnullci  de  incremento  ossiurn 
embryon um  in  primis  gr a viditatis  mensibus ; Halæ,  1801. — 
J.Fr.Meckel , Deutsches  archiv  fur  die physiolog.  ; B.  I,  H.  4* 
— J.  Ilowship,  Exper.  and  observ.,  etc.,  on  the  formation 
of  bone , in  Med-chir.  trans.  , vol.  VI;  Lond.,  i8i5.  — A.  Bé- 
clard  , Mém.  sur  l’ostéose,  in  nouveau  Journal  de  méd. , 
vol.  IV,  1819.  — Serres,  des  Lois  de  l’ostéogénie,  Analyse 
des  trav.  de  l’Ac.  roy.  des  sc.,  ann.  1819. 


DES  OS.  4.9^ 

provisoirement  les  fonctions  d’os , qu’à  être  une  pé- 
riode de  l’ossification. 

L’état  osseux  commence  successivement , dans  les 
divers  os,  depuis  environ  un  mois  après  la  concep- 
tion , pour  les  plus  précoces  , jusqu’à  dix  ans  ou  douze 
ans  environ  après  la  naissance,  dans  les  plus  tardifs; 
et  même  certains  points  osseux  accessoires  ne  com- 
mencent guère  à se  former  que  vers  quinze  à dix-huit 
ans.~ 

§ 589.  L’ordre  dans  lequel  les  os  commencent  à pa- 
raître et  à s’endurcir,  a semblé  pouvoir  être  réduit 
en  règles  : 

Ainsi  la  clavicule  et  les  mâchoires  étant  très-pré- 
coces dans  leur  développement,  le  sternum,  le  bassin 
et  les  membres  étant  plus,  tardifs  ; on  a dit  que  la  pré- 
cocité était  en  rapport  avec  l’importance  dans  le  règne 
animal , ou  plutôt  dans  la  classe  des  vertébrés  , où 
l’on  voit  en  effet,  dès  la  classe  des  poissons,  les  cla- 
vicules et  les  mâchoires  très-développées , tandis  que 
le  sternum , le  bassin  et  les  membres  le  sont  très-peu. 

On  a établi  aussi  en  proposition  générale,  que  les 
os  les  premiers  formés  sont  ceux  qui  avoisinent  les 
centres  sanguins  et  nerveux;  les  côtes  et  les  vertèbres 
étant  en  eflet  très-précoces  dans  leur  formation. 

On  a dit  encore  que  les  os  longs  paraissent  les  pre- 
miers, puis  les  larges,  et  enfin  les  courts  ; la  clavicule, 
le  fémur,  le  tibia  paraissant  dès  le  commencement,  et 
les  os  du  tarse  et  du  carpe  très-tard  au  contraire. 

On  a cru  enfin  que  les  os  plus  grands  s’ossifiaient 
les  premiers,  et  les  autres  successivement. 

H y a beaucoup  d’exceptions  à ces  règles. 


49^  anatomie  générale. 

s 590.  L’ossification  commence  à la  fin  du  premier 
mois  dans  la  clavicule  , et  successivement  dans  l’os 
maxillaire  inférieur,  dans  le  fémur , dans  le  tibia , dans 
l’humérus,  dans  le  maxillaire  supérieur,  et  dans  les 
os  de  l’avant-bras,  où  elle  est  commencée  vers  trente- 
cinq  jours.  Elle  commence  vers  quarante  jours  dans 
le  péroné,  dans  le  scapulum , dans  les  os  palatins  , et 
les  jours  suivans  dans  la  portion  prorale  de  l’occi- 
pital, dans  le  frontal,  dans  les  arcs  des  premières  ver- 
tèbres , dans  les  côtes,  dans  la  grande  aile  du  sphé- 
noïde, dans  l’apophyse  zygomatique,  dans  les  pha- 
langes des  doigts , dansles  corps  des  vertèbres  moyennes, 
dans  les  os  nasaux  et  zygomatiques,  dans  l’ilium  , dans 
les  os  métacarpiens,  dans  les  phalangettes  des  doigts 
et  des  orteils  , dans  les  condyles  de  l’occipital,  et  puis 
dans  sa  portion  basilaire,  dans  la  portion  écailleuse 
du  temporal,  dans  le  pariétal  et  dans  le  vomer,  tous 
os  où  elle  est  commencée  dès  le  milieu  de  la  septième 
semaine.  Dans  le  courant  de  la  même  semaine  elle 
commence  encore  dans  l’aile  orbitaire  du  sphénoïde , 
et  à la  fin,  dans  les  os  métatarsiens,  dans  les  phalanges 
des  orteils  et  dans  les  phalangin’es  des  doigts.,  Dansles 
dix  jours  suivans  elle  commence  dans  le  corps  du 
sphénoïde , dans  celui  des  premières  vertèbres  sacrées, 
et  dans  le  cercle  du  tympan.  Vers  deux  mois  et  demi 
elle  se  manifeste  dans  l’appendice  costiforme  de  la 
septième  vertèbre;  avant  la  fin  du  troisième  mois, 
dans  le  labyrinthe,  et  vers  sa  fin,  dans  l’ischium  et  dans 
l’apophyse  ptérygoïde  interne;  vers  le  milieu  du  qua- 
trième mois , dans  les  osselets  du  tympan  ; à mi-terme, 
dans  le  pubis  , dans  le  calcanéum , dans  les  phalan- 


DES  OS. 


497 

gines  des  orteils,  dans  les  masses  latérales  de  l'ethmoïde 
et  dans  les  cornets  du  nez;  un  peu  plus  tard  dans  les 
premières  pièces  du  sternum  ; vers  six  mois  dans  le 
corps  et  dans  l’apophyse  odontoïde  de  la  seconde  ver- 
tèbre , et  dans  les  masses  latérales  et  antérieures  de  la 
première  vertèbre  pelvienne  ou  sacrée  ; un  peu  plus 
tard  encore,  dans  l’astragale;  vers  sept  mois,  dans  le 
cornet  sphénoïdal  ; plus  tard , dans  la  crête  médiane 
de  l’ethmoïde  ; dans  le  cuboïde , la  première  vertèbre 
du  coccyx  et  l’arc  antérieur  de  l’atlas,  vers  la  nais- 
sance ; un  an  plus  tard  dans  l’os  coracoïde , le  grand  os 
et  l’os  crochu  du  carpe,  et  dans  le  premier  cunéi- 
forme ; dans  la  rotule  et  l’os  pyramidal  veçs  trois  ans  ; 
vers  quatre  ans  dans  le  troisième  et  le  deuxième  cu- 
néiformes; vers  cinq  ans  dans  le  scaphoïde  du  tarse, 
le  trapèze  et  le  lunaire;  vers  huit  ans  dans  le  scaphoïde 
du  carpe,  un  an  après  dans  le  trapézoïde,  et  enfin 
dans  le  pisiforme,  vers  douze  ans. 

§ 591.  L’ossification  ne  résulte  pas  partout  de  la 
transformation  du  cartilage  en  os.  La  diaphyse  des  os 
longs  et  le  centre  des  os  larges  très-précoces,  passent 
immédiatement  de  l’état  muqueux  à l’état  osseux.  Les 
autres  parties  du  système  sont  d’abord  cartilagineuses , 
et  c’est  en  elles  qu’on  peut  le  mieux  observer  les  phé- 
nomènes successifs  de  l’ossification. 

Le  cartilage  qui  depuis  plus  ou  moins  long-temps 
tient  la  place , et  remplit  les  fonctions  de  l’os , dont 
il  a la  forme  et  dont  il  acquiert,  successivement  le 
volume,  se  creuse  d’abord  de  cavités  irrégulières, 
puis  de  canaux  tapissés  de  meibbranes  vasculaires 

3a 


1. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


498 

remplis  d’un  liquide  mucilagineux  ou  visqueux  ; il 
devient  opaque,  ses  canaux  deviennent  rouges,  et  l’os- 
sification commence  vers  son  centre. 

Le  premier  point  d’ossification  , -punctum  ossifica - 
tionis , paraît  toujours  dans  l’épaisseur  du  cartilage,  et 
jamais  à sa  surface.  Il  est  entouré  de  cartilage  rouge 
à l’endroit  qui  est  en  contact  avec  lui,  opaque  et 
creusé  de  canaux  un  peu  plus  loin  , et  plus  loin  encore 
homogène  et  sans  vaisseaux,  mais  percé  seulement  de 
quelques  canaux  vasculaires  qui  tendent  vers  le  centre 
osseux.  Le  point  osseux  augmente  continuellement  par 
accroissement  à sa  surface,  et  aussi  par  addition  inters- 
ticielle  dans  son  épaisseur.  Le  cartilage , successive- 
ment creusé  de  cavités  et  de  canaux,  tapissés  par  des 
gaînes  vasculaires,  diminue  successivement  à mesure 
que  Vos  augmente,  et  finit  par  disparaître.  Les  canaux 
du  cartilage  eux-mêmes,  très-larges  au  commence- 
ment de  l’ossification,  deviennent  de  plus  en  plus  pe- 
tits , et  disparaissent  enfin  quand  elle  est  opérée.  A la 
place  d’un  cartilage  plus  ou  moins  épais,  mais  d’abord 
plein  ou  solide,  sans  cavités  et  sans  vaisseaux  distincts, 
plus  tard  creusé  de  canaux  tapissés  de  membranes 
vasculaires  et  sécrétantes,  on  trouve  un  os  très-vas- 
culaire, creusé  de  cavités  aréolaires  ou  spongieuses, 
revêtues  de  membranes  et  remplies  de  moelle  grais- 
seuse. Los  devient  ensuite  moins  vasculaire  avec  le 
temps. 

§ 592.  La  cause  de  l’ossification  est  inconnue, 
comme  celle  de  la  formation  organique  en  général. 
Depuis  Hippocrate  et  Aristote , jusqu’à  Scarpa , Bi- 
ehat  et  Mascagni  , une  foule  d’hypothèses  plus  ou 


DES  OS. 


499 


moins  ingénieuses  ont  été  proposées  sur  ce  sujet 
obscur  r. 

On  a dit  que  les  dernières  divisions  des  artères  s’os- 
sifiaient ou  s’emplissaient  de  matière  osseuse.  Qu’après 
s’être  remplies  de  matière  osseuse,  elles  se  crevaient 
et  la  laissaient  échapper  autour  d’elles.  On  dit  aussi, 
et  avec  plus  de  vraisemblance , qu  elles  forment  et 
laissent  échapper  la  matière  ossifiante,  soit  par  des 
extrémités  exhalantes , soit  par  des  porosités  latérales. 
Mais  quelle  est  cette  matière  osseuse  ? est-ce  de  la  subs- 
tance terreuse  ? mais  où  les  artères  versent-elles  cette  ma- 
tière? est-ce  dans  les  aréoles  intersticielles  d’un  carti- 
lage, comme  on  le  dit  communément  depuis  Hérissant? 
ou  bien  dans  des  vaisseaux  absorbans  qui  s’en  rem- 
plissent, comme  le  dit  Mascagni  ? ce  sont  autant  de 
pures  hypothèses.  Ce  que  l’on  sait,  c’est  que  la  vascu- 
larité augmente  beaucoup  avant  l’ossification,  et  quelle 
la  précède  toujours;  c’est  que  le  cartilage  diminue  et 
disparaît  à mesure  que  l’os  se  forme  et  qu’il  augmente; 
c’est  que  l’os , très-vasculaire  au  moment  de  sa  for- 
mation , le  devient  ensuite  de  moins  en  moins.  Quant 
à l’état  sous  lequel  la  substance  osseuse  est  déposée, 
c est  sous  forme  liquide,  et  son  endurcissement  suc- 
cessif dépend  ou  de  l’addition  continuelle  d’une  plus 
grande  proportion  de  substance  terreuse,  ou  plutôt 
de  la  résorption  du  véhicule  qui  lui  donnait  sa  flui- 
dité. L’ossification  ne  dépend  pas  de  la  déposition  de 
la  substance  terreuse  dans  un  tissu  organique,  mais 


Voyez  Sœmmeringy  de  Corp.  hum.fabricâ , tom.  I,  de 
ossibus. 


5oo  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

de  la  formation  simultanée  d’un  tissu  contenant  tout 
à la  fois  et  la  substance  animale  et  la  substance  terreuse. 

Les  phénomènes  de  l’ossification  sont  différens  dans 
les  différentes  sortes  d’os. 

§ 593.  L’ossification  est  très  - précoce  dans  les  os 
longs;  elle  y commence  de  un  à deux  mois  après  la 
conception,  suivant  les  os.  Avant  le  commencement 
de  l’ossification , on  n y trouve  point  de  cartilages.  Il 
en  est  de  même  encore  au  commencement  de  l’ossi- 
fication , on  ne  trouve  alors  entre  les  cylindres  osseux 
qu’une  substance  mucilagineuse.  Ces  cylindres  osseux 
sont  d’abord  gros  et  courts,  d’où  résulte  qu’ils  peuvent 
s’allonger  beaucoup  avant  de  grossir.  Ils  répondent 
au  point  où  plus  tard  se  trouve  l’artère  médullaire 
principale.  Au  commencement  du  troisième  mois  on 
aperçoit , au  bout  de  ces  cylindres  osseux  allongés , 
des  extrémités  cartilagineuses  : sortent-elles  par  végé- 
tation de  l’intérieur  du  canal  osseux  ? ces  extrémités 
cartilagineuses  ont  la  même  conformation  qu’auront 
plus  tard  les  extrémités;  elles  s’ossifient,  comme  cela 
vient  d’être  dit  de  l’ossification  en  général.  La  plu- 
part ne  s’ossifient  que  par  le  centre  , et  forment 
alors  des  épiphyses  plus  ou  moins  long-temps  dis- 
tinctes aux  bouts  des  os.  Dans  quelques-uns  l’ossifi- 
cation procède,  dès  le  commencement,  par  l’extension 
du  corps  de  l’os,  dans  le  centre  de  leur  masse  car- 
tilagineuse. 

§ 094.  Les  os  larges  du  crâne  commencent  à s ossi- 
fier de  soixante  à soixante-dix  jours  : le  péricrane  et 

la  dure-mère  sont  alors  très-vasculaires.  Il  existe  entre 

* 

ces  deux  membranes  une  substance  muqueuse  très- 


DES  OS. 


5or 


vasculaire  elle-même.  Les  premiers  points  osseux  pa- 
raissent dans  les  endroits  les  plus  sanguins  sous  forme 
de  grains  isolés,  puis  disséminés  et  réunis  en  réseaux, 
ils  forment  ensuite  une  lame  mince  au  milieu,  et  garnie 
de  fibres  osseuses  rayonnées  au  pourtour;  les  surfaces 
de  f os  sont  couvertes , et  les  intervalles  des  fibres 
radiées  sont  remplis  d’une  substance  mucilagineuse 
rougeâtre  et  très-vasculaire,  le  péricrâne  et  la  dure- 
mère  le  sont  encore  beaucoup  à cette  époque. 

§ 5p5.  Les  os  courts  ou  épais  s’ossifient  comme  les 
extrémités  des  os  longs.  Ils  sont  précédés,  dans  leur  for- 
mation, de  cartilages  qui  ont  la  forme,  et  à la  fin,  le 
volume  des  os  qui  doivent  les  remplacer.  Ces  carti- 
lages, d’abord  homogènes  et  pleins,  présentent  ensuite 
les  changemens  successifs  déjà  indiqués;  des  cavités, 

des  canaux  membraneux  vasculaires,  remplis  de  li- 
* ► 
quide  visqueux,  et  des  points  osseux  qui  s’étendent 

du  centre  à la  circonférence. 

La  rotule  et  les  os  sésamoïdes  se  forment  dans  un 
tissu  d’abord  fibreux , puis  cartilagineux , et  de  la 
même  manière  que  les  os  courts. 

Les  os  mixtes  participent , par  leur  formation  comme 
parleur  figure  extérieure  et  leur  conformation  interne, 
aux  caractères  des  os  de  deux  classes  différentes. 

§ 596.  Beaucoup  d’os  se  forment  par  plusieurs  points 
distincts  d’ossification. 

Plusieurs  os  médians,  soit  larges,  soit  épais,  se 
forment  par  deux  moitiés  latérales  réunies  plus  tard 
sur  la  ligne  médiane;  tels  sont  les  arceaux  des  ver- 
tèbi  es,  le  frontal,  le  corps  du  sphénoïde,  la  portion 
écailleuse  de  l’occipital,  l’os  maxillaire  inférieur,  et 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


Ô02 

les  pièces  moyennes  du  sternum.  Mais  dans  plusieurs 
des  os  médians  aussi,  l’ossification  commence  au  mi- 
lieu, et  s’étend  sur  les  côtés;  comme  dans  le  corps 
des  vertèbres,  dans  la  portion  basilaire  de  l’occipital, 
dans  la  crête  de  l’ethmoïde,  dans  le.corps  de  l’hyoïde, 
dans  le  premier  et  dans  le  dernier  os  sterna  ; soit 
que  dans  une  période  antérieure,  à l’époque  de  la 
cartilaginisation , par  exemple  , l’os  se  soit  formé  de 
deux  moitiés  latérales,  ou  bien  qu’il  en  soit  autre- 
ment, et  qu’il  soit  primitivement  impair. 

Beaucoup  d’os , tant  larges  que  courts , sont  formés 
de  plusieurs  points  principaux  ou  primitifs  d’ossifica- 
tion qui  se  réunissent  plus  ou  moins  promptement. 
Souvent  ces  points  répondent  à des  os  distincts  dans 
d’autres  genres  ou  classes  d’animaux.  Tels  sont  les 
points  d’ossification  des  vertèbres,  de  l’occipital,  du 
sphénoïde,  du  temporal,  du  maxillaire,  du  sternum, 
des  os  coxaux,  du  sacrum,  etc.  On  trouve  même  dans 
les  animaux  ruminans  un  exemple  de  la  réunion  col- 
latérale de  deux  os  longs  pour  former  le  canon. 

§ 5 97.  Un  grand  nombre  d’os  enfin-,  surtout  des  os 
longs,  et  quelques  os  larges  et  courts,  ont  des  points 
accessoires  ou  secondaires  d’ossification , qu’on  appelle 
épipliyses  1 à cause  de  leur  implantation  et  de  leur 
réunion  sur  le  corps  de  l’os,  au  moyen  d’un  cartilage 
qui  dure  plus  ou  moins  long-temps.  Les  grands  os 
longs  de  la  cuisse,  du  bras,  de  la  jambe  et  de  1 a- 

rPlatncr,  de  O s sium  epiphysibus , 1736. — Ungebauer, 
Epistola  de  ossiu/n  trunci  corp.  hum.  epiphysibus  sero  osseis 
earumdemque  genesi ; Lips.  , 1739.  — Béclard  , Méiu.  ci t. 


DliS  OS.  1 5o3 

vant-bras,  ont  au  moins  une  épiphyse  à chaque  ex- 
trémité. 

La  clavicule , les  os  métacarpiens , métatarsiens  et 
plialangiens,  n’en  ont  qu'à  une  seule  extrémité. 

Parmi  les  os  larges,  les  os  coxaux  et  les  omoplates 
ont  des  épiphyses  marginales  analogues  à ces  épiphyses 
terminales  des  os  longs.  Les  côtes  en  ont  à leur  extré- 
mité  dorsale  et  à leur  tubercule. 

Parmi  les  os  courts,  les  vertèbres,  presque  seules, 
ont  des  épiphyses  : elles  en  ont  aux  deux  faces  de 
leur  corps  et  au  sommet  de  toutes  leurs  apophyses  non 
articulaires.  Parmi  les  autres  os  courts,  le  calcanéum 
seul  a une  épiphyse;  elle  est  située  à son  extrémité 
postérieure. 

Les  épiphyses  commencent  à se  former  à des 
époques  très-différentes,  depuis  quinze  jours  environ 
avant  la  naissance,  jusqu’à  quinze  ou  dix-huit  ans 
après,  et  durent  plus  ou  moins  long-temps  distinctes 
avant  de  se  réunir  au  corps  des  os;  les  époques  de 
leur  réunion  sont  comprises  entre  quinze  et  vingt-cinq 
ans  environ.  De  toutes  les  épiphyses,  celle  qui  s’ossifie 
la  première,  est  celle  de  l’extrémité  inférieuse  du 
fémur  : 1 ossification  y commence  avant  la  naissance, 
et  c est  une  de  celles  qui  se  réunissent  le  plus  tard 
au  corps  de  l’os  ; celle  de  l’extrémité  supérieure  du 
radius,  qui  est  une  des  dernières  à s’ossifier,  est  peut- 
etre,  au  contraire,  celle  qui  se  réunit  la  première. 

§ 398.  L’accroissement  des  os  a lieu  d’une  manière 
évidente  par  l’addition  successive  de  nouvelle  subs- 
tance osseuse  autour  de  celle  qui  a été  la  première 
formée. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


• 5o4 

L accroissement  en  longueur  a lieu  par  l’allonge- 
ment du  corps  des  os  longs  à leurs  extrémités.  Pour 
cela  les  bouts  du  cylindre  osseux  sont  hérissés  de 
fdamens  ou  de  villosités  osseuses  plongées  dans  l’ex- 
trémité non  ossifiée,  creuses  et  vasculaires,  qui  s’al- 
longent continuellement  en  devenant  de  plus  en  plus 
fines  à mesure  que  les  vaisseaux  se  ramifient  da- 
vantage, et  que  l’ossification  se  ralentit*  en  même 
temps  les  extrémités  cartilagineuses  se  transforment 
peu  à peu,  en  commençant  par  le  centre,  en  os  qui 
constituent  des  épiphyses. 

L’accroissement  a lieu  en  largeur,  dans  les  os  plats, 
de  la  même  manière,  soit  par  l’addition  successive  de 
substance  osseuse  au  bord  même  de  l’os,  comme  dans 
les  os  du  crâne , soit  par  la  formation  osseuse , sous 
une  épiphyse  marginale  quren  couvre  le  bord,  comme 
au  scapulum  et  au  coxal. 

L’accroissement  en  épaisseur  a lieu  dans  tous  les 
os  par  un  même  procédé  ; le  périoste  , très-vasculaire 
jusqu’à  cette  époque , sécrète  et  dépose  entre  ses 
fibres,  à la  surface  de  l’os  , de  la  substance  osseuse, 
muqueuse  d’abord,  puis  dure,  qui,  s’ajoutant  ainsi 
successivement  à la  surface,  augmente  l’épaisseur  de 
l’os. 

§ 5 99.  L’accroissement  des  éminences  se  fait  pour 
quelques-unes  comme  celui  des  os  longs  garnis  d’épi- 
pliyses,  c’est-à-dire  entre  le  corps  de  l’os  et  la  base  de 
l’éminence;  tels  sont  les  trochanters,  etc.  Dans  les 
autres,  c’est  à la  surface  même  que  se  fait  l’accroisse- 
ment, tout  comme  l’épaississement  des  os  : la  plupart 
sont  dans  ce  dernier  cas.  Quant  au  creusement  des 


DES  OS. 


5o5 


cavités  externes  non  articulaires,  il  est,  en  beaucoup 
d’endroits,  déterminé  par  des  pressions  qui,  sans  dé- 
primer réellement  l’os,  déterminent  néanmoins  sa  dé- 
pression , en  y rendant  la  nutrition  moins  active  que 
dans  les  parties  environnantes. 

Les  éminences  et  les  cavités  articulaires  se  modèlent 
mutuellement.  Il  en  est  de  même  des  cavités  desti- 
nées à loger  des  parties  molles  ou  fluides,  et  des  ca- 
vités médullaires  des  os;  leur  existence  et  leur  forme 
sont  très-dépendantes  des  parties  qu’elles  renferment. 
Ainsi  la  conformation  du  crâne  et  celle  du  canal  ver- 
tébral dépendent  beaucoup  de  celle  du  centre  nerveux 
qu’ils  logent.  La  partie  inférieure  du  canal  vertébral, 
vide  de  moelle,  est  triangulaire,  tout  comme  le  devient 
la  cavité  cotyloïde  abandonnée  depuis  long-temps  par 
la  tête  du  fémur  ; l’une  et  l’autre  de  ces  parties  étant 
formées  de  trois  points  osseux. 

§ 600.  Quoi  qu’il  en  soit , la  terminaison  de  l’accrois- 
sement évident;  en  longueur  et  en  largeur,  dépend  de 
la  soudure  des  os  longs  avec  leurs  épiphyses  termi- 
nales, et.  des  os  larges  avec  leurs  épiphyses  margi- 
nales ou  entre  eux.  La  terminaison  de  l’accroissement 
en  épaisseur  dépend  de  la  cessation  de  la  formation 
osseuse  à la  surface  des  os.  Ce  dernier  genre  d’ac- 
croissement dure  un  peu  plus  long -temps  que  le 
premier. 

L’accroissement  néanmoins  continue  de  se  faire , 
mais  localement , et  d’une  manière  insensible,  quel- 
quefois cependant  d’une  manière  assez  sensible  encore. 

L accroissement  sensible  dépend  d’une  sortede  juxta- 
position  aux  extrémités,  aux  bords  et  aux  surfaces 


.*>o6 


anatomie  generale. 


des  os  ; l’accroissement  insensible  , au  contraire , est 
intersticiel , et  dépend  d’une  véritable  intus-suscep- 
tion.  On  voit  dans  quelques  cas  morbides  surtout, 
des  exemples  frappans  de  ce  dernier  ; dans  l’empyème , 
dans  le  spinaventosa,  etc. 

§ 601.  L’accroissement  étant  terminé  , les  os  restent 
le  siège  d’un  entretien  ou  d’une  nutrition  habituelle. 
La  déposition  et  la  résorption  y sont  très-lentes  et 
insensibles  dans  l’état  de  santé  , et  surtout  dans  la 
vieillesse.  Mais  dans  certains  cas  de  maladie,  il  sur- 
vient dans  les  propriétés  des  os  des  changemens  très- 
marqués,  qui  montrent  clairement  qu’il  s’est  opéré  des 
changemens  non  moins  grands  dans  leur  composition. 

§ 602.  Les  faits  relatifs  à l’accroissement  et  à la  nu- 
trition habituelle  des  os  , sont  surtout  prouvés  par  les 
effets  de  la  garance  sur  eux. 

Mizauîd 1 d’abord , et  Belchier  2 long-temps  après , ont 
les  premiers  observé  que  quand  la  garance  ( ruina  fine- 
torum  ) est  donnée  aux  animaux,  mêlée  avec  les  ali- 
mens,  leurs  os  deviennent  rouges.  Duhamèl,  Boehmer  3 4, 
Detlef^ , J.  Hunter  5 et  plusieurs  autres,  ont  fait»  des 

1 Ant.  Misaldus,  Centur.  metnorabilium  seu  arcanorum 
otnn  is  g en  eris  ; 1 5 7 2 . 

a Philos,  trait  sac  t. , vol.  XXXIX  , arm.  1736. 

3 Raclicis  rubice  tinctor.  affectus  in  cor/),  arum.  ; Lips  , 17^1. 
— Èjusdem  prolusio , quâ  callurn  ossiurn  è rubice  tinctorum 
raclicis pastu  infectoru.n  describit  ; ibid.,  1752. 

4 Ossiurn  calli  generatio  et  natura  perfracta  in  a noua 

libus , rubice  radice  pastis  , ossa  demonstrata ; Goett.,  1 , ' • 

5 Exper.  and  obs.  on  the  growth  ofbones,  front  thepapers 


DES  OS. 


5oj 

expériences  curieuses  sur  le  même  objet.  Rutherford  1 
a expliqué  l’effet  de  la  garance  sur  les  os  seuls,  et  à 
l’exclusion  de  toutes  les  autres  parties  du  corps . par 
une  affinité  chimique  de  la  matière  colorante  de  la 
garance  pour  la  substance  terreuse  des  os. 

Duhamel  a vu  dans  ses  expériences , que  les  os  des 
jeunes  animaux  se  coloraient  beaucoup  plus  tôt  que 
ceux  des  vieux;  que  les  progrès  de  la  teinture  et  l’ossifi- 
cation étaient  d’autant  plus  prompts,  que  l’accroisse- 
ment est  plus  rapide;  que,  quand  on  supprime  la 
garance,  les  os  redeviennent  blancs,  et  que  le  réta- 
blissement de  la  couleur  se  fait  par  la  superposition 
de  couches  blanches  sur  les  rouges.  Ce  dernier  fait 
résulte  pleinement  aussi  des  expériences  de  Hunter. 
Cependant  Duhamel  a cru,  malgré  ces  expériences 
décisives,  que  c’est  par  extension  que  les  os  grossissent. 

Quant  à l’accroissement  en  long,  les  expériences 
de  Duhamel  l’ont  aussi  conduit  à penser  que  cet  ac- 
croissement, qu’il  compare  à la  végétation , a lieu  par 
l’extension  de  leurs  parties.  Il  en  est  probablement 
ainsi  dans  l’accroissement  lent  et  insensible  , mais 
l’allongement  rapide  qui  a lieu  avant  la  soudure  des 
épiphyses  , dépend  évidemment  d’une  addition  de 
substance  osseuse  au  bout  du  corps  de  l’os , comme 
le  prouve  l’expérience  suivante  faite  par  Hunter  : on 
met  le  tibia  à découvert  sur  un  jeune  cochon  , on  le 

of  the  late  M.  Hunier,  by  Ev.  Home,  in  Transmet.  of  a 
society  for  improvement , elc.,  vol.  II;  London,  1800. 

« 

1 V . Disp.  med.  inaug.  de  dentium  formatione  et  struc- 
tura , etc.  , auct.  R.  Blacke;  Edimb. , 1798.  s 


5oS 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

perfore  aux  deux  extrémités  du  corps  ossifié , et  on 
mesure  exactement  l’intervalle  des  deux  trous;  quel- 
ques mois  après,  quand -l’accroissement  a fait  des 
progrès  , on  trouve  la  même  distance  entre  les  deux 
trous  ; tout  l’allongement  s’est  fait  au  delà  , aux  ex- 
trémités de  la  diaphyse. 

Ces  expériences,  qui  laissent  peu  de  choses  à dé- 
sirer, relativement  à l’accroissement  des  os  , rie  four- 
nissent pas,  à beaucoup  près,  des  résultats  aussi  positifs 
sur  la  question  de  la  nutrition  habituelle  des  os.  Il 
suffit  de  donner  quelques  gros  de  garance  à un  jeune 
animal  pendant  l’espace  de  quelques  jours,  pour  rougir 
ses  os,  tandis  que  la  même  substance  donnée  en  plus 
grande  quantité  et  pendant  des  semaines  ou  des  mois  , 
à un  animal  adulte , les  colore  à peine  ou  point. 

§ 6o3.  Après  la  fin  de  l’accroissement  en  dimen- 
sion les  os  éprouvent  encore  des  changemens  ulté- 
rieurs : le  plus  remarquable  est  un  décroissement  \ Le 
canal  médullaire  des  os  longs , à partir  du  moment  de 
leur  formation,  va  toujours  en  augmentant  de  dia- 
mètre. Tant  que  l’accroissement  en  épaisseur  continue, 
les  parois  du  canal  augmentant  à l’extérieur,  conservent 
leur  épaisseur,  et  même  augmentent  dans  ce  sens. 

Duhamel  a fait  à ce  sujet  une  expérience  très-cu- 
rieuse , mais  dont  il  a tiré  de  fausses  conséquences. 
Ayant  mis  à découvert,  et  entouré  d un  fil  métal- 
lique un  os  long  d’un  jeune  animal,  qu  il  tua  quelque 
temps  qprès,  il  trouva  alors  le  fil  métallique  recou- 


* Albinus  , Jnnot.  acad.  — F.  Chaussard  , Recherches  sur 
l’organ.  des  vieillards  ; Paris,  1822. 


des  os.  5o g 

vert  à l’extérieur  par  l’os  qui  avait  grossi  ; et  le  canal 
ayant  acquis  le  diamètre  de  Vanneau  métallique,  il  en 
conclut  que  Vos  avait  grossi  par  l’expansion , par 
l’élargissement  du  canal.  Non , Vos  avait  grossi  à l’ex- 
térieur par  addition  , et  avait  diminué  à l’intérieur 
par  soustraction  , d'où  l’agrandissement  du  canal. 

En  effet,  lorsque  l’accroissement  de  Vos  en  épais- 
seur est  achevé,  le  canal  continuant  de  s’agrandir 
par  résorption  intérieure  , ses  parois  s’amincissent 
singulièrement , au  point  qu’après  avoir  eu  dans 
l’enfant  une  épaisseur  supérieure,  et  dans  l’adulte 
une  épaisseur  à peu  près  égale  au  diamètre  du  ca- 
nal, elles  n’ont  plus  dans  les  vieillards ,‘ qu’une  très- 
petite  fraction  de  ce  diamètre.  Les  cavités  spon- 
gieuses des  os  courts , des  os  larges  et  des  extrémités 
des  os  longs  s’agrandissent  en  général  de  même,  de 
telle  sorte  que  par  cet  amoindrissement  des  os,  le 
squelette  des  vieillards  et  beaucoup  mois  pesant  que 
celui  des  adultes. 

Les  os  larges  du  crâne  éprouvent  assez  souvent, 
dans  la  vieillesse,  un  amincissement  d’un  autre  genre: 
il  résulte  de  la  résorption  du  diploé , et  du  rapproche- 
ment de  la  table  externe  vers  la  table  interne,  de  ma- 
nière à produire  tout  à la  fois  et  un  grand  amincis- 
sement etune  dépression  extérieure.  C’est  par  les  bosses 
pariétales  , qui  en  sont  fréquemment  affectées , que 

# • e 

cette  atrophie  commence  ordinairement. 

Assez  souvent  aussi,  dans  la  vieillesse,  les  surfaces 
articulaires  des  os  des  membres  inférieurs  et  les  faces 
des  vertèbres  sont  élargies  et  applaties,  comme  si,  à 
la  longue,  elles  avaient  cédé  à la  pression. 


ANATOMIE  GENERALE. 


§ 604.  La  forme  des  os  n’éprouve  pas  seule  des 
changemens  par  les  progrès  de  l’âge.  Leur  consis- 
tance en  présente  de  remarquables  : les  os  des  enfans 
sont  plus  flexibles  et  moins  cassans  que  ceux  des 
adultes , ils  peuvent  être  ployés  ou  tordus  dans  le 
vivant  sans  se  rompre.  Ceux  des  vieillards,  au  con- 
traire , sont  plus  denses,  plus  durs  et  plus  fragiles 
que  ceux  des  adultes,  ce  qui,  joint  à leur  amin- 
cissement, rend  les  fractures  très-communes  dans  la 
vieillesse.  Il  y a aussi  une  différence  sensible  dans  la 
proportion  de  la  substance  terreuse,  plus  grande  dans 
le  vieillard  que  dans  l’adulte. 

Ainsi , après  la  fin  de  l’accroissement  en  dimen- 
sions, l’augmentation  de  densité  continue  dans  les  os 
comme  dans  toutes  les  autres  parties  du  corps. 

§ 6o5.  L’ossification  accidentelle  1 est  très-fréquente, 
très-commune  et  très-anciennement  connue.  Cette  os- 
sification est  rarement  parfaite.  On  peut,  sous  ce  rap- 
port, en  distinguer  plusieurs  variétés. 

L’ossification  accidentelle  la  moins  parfaite  est  appe- 
lée terreuse;  elle  produit  une  substance  blanche,  opa- 
que, crétacée,  molle,  friable,  et  même  quelquefois  semi- 
liquide.  Composée  de  matière  animale,  en  petite  pro- 
portion , et  de  substance  terreuse , on  la  rencontre  le 
plus  souvent  dans  des  kystes.  Les  phlébolithes  sont 
quelquefois  de  cette  sorte.  On  la  rencontre  aussi  en 
fraginens  isolés  et  informes;  dans  des  abcès,  dans  le 
poumon , dans  les  corps  fibreux  de  l utérus , dans  le 

1 J.  Yan  Heckeren  , de  Osteogcnesi  prœtem  attira  h ; 
Lugd.  Bat. , 1797.  — P.  Fiaycr,  Mém.  sur  l’Ossification  mor- 
bide , m archives  gcnér.  de  méd.  , lom.  I;  Paris,  1823. 


DES  OS. 


Ü I I 

tissu  cellulaire  et  dans  les  ligamens  des  goutteux , 
dans  le  cerveau,  etc.  On  la  trouve,  enfin,  fréquemment 
infiltrée  dans  les  glandes  bronchiques,  dans  les  pou- 
mons , le  foie , le  rein  , le  cœur , etc. 

L ossification  accidentelle  pierreuse  est  très-fré- 

t 

quente,  elle  est  très-dure,  opaque,  et  contient  une 
proportion  de  substance  terreuse  plus  grande  que  les 
os  ordinaires.  On  la  trouve  souvent  sous  forme  d’in- 
crustation plus  ou  moins  épaisse  sous  les  membranes 
séreuses,  dans  la  membrane  propre  de  la  moelle  épi- 
nière, et  surtout  dans  les  parois  des  artères.  On  la 
trouve  aussi  sous  forme  de  kyste.  On  la  rencontre 
sous  forme  de  masses  isolées  dans  les  corps  fibreux 
de  l’utérus  ossifiés  , et  dans  la  glande  pinéale,  où  elle 
constitue  X cicervulus.  On  la  rencontre  aussi  quelque- 
fois sous  forme  d’infiltration  du  pancréas.  Ce  que 
l’on  a décrit  sous  le  nom  de  pétrification  de  certains 
organes  ou  de  fœtus , n’est  autre  chose  qu’une  in- 
filtration d’os  pierreux  très-serrée,  de  manière  à faire 
disparaître  presque  tout-à-fait  la  matière  animale  de 
l’organe. 

La  production  accidentelle  diffère  quelquefois  da- 
vantage encore  des  os;  elle  ressemble,  pour  la  du- 
reté et  le  poli,  à l’émail  des  dents;  cet  émail  acci- 
dentel remplace  quelquefois  certains  cartilages  diar- 
throdiaux. 

# 

L’ossification  accidentelle  ressemble  quelquefois 
beaucoup  ou  tout-à-fait  à 1 os  naturel,  par  un  pé- 
rioste, par  des  cavités  spongieuses  médullaires,  par 
sa  texture , par  sa  demi-transparence  , et  par  sa  com- 
position chimique;  mais  cette  production  parfaite  est 


5 12  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

rare  : on  1 a rencontrée  sous  la  forme  de  corps  isolé 
dans  la  dure-mère;  je  l’ai  vue  aussi,  mais  presque 
tout-à-fait  compacte , sous  forme  de  lames  placées 
dans  le  ligament  vertébral  antérieur.  Les  plaques 
osseuses  qui  couvrent  les  cartilages  costaux  sont  dans 
le  même  cas.  On  trouve  aussi  quelquefois  une  ossi- 
fication parfaite , mais  compacte,  sous  forme  de  kyste 
hydatifère. 

L’ossification  accidentelle  qui  présente  ainsi  plu- 
sieurs variétés,  est  souvent  un  effet  de  l’âge;  cepen- 
dant beaucoup  de  vieillards  n’en  sont  pas  affectés. 
L’irritation  et  l’inflammation  chronique  ou  latente  en 
sont  le  plus  souvent  la  cause.  Elle  est  plus  fréquente  . 
dans  le  nord  que  dans  les  pays  chauds.  Elle  com- 
mence par  une  production  plastique,  et  passe  quel- 
quefois par  les  états  demi-cartilagineux  ou  fibreux, 
d’autres  fois  non.  En  général  elle  ne  gêne  que  par 
son  volume  ou  par  ses  effets  mécaniques. 

La  transformation  des  cartilages  permanens  en  os 
peut  être  regardée  comme  intermédiaire  aux  ossifi- 
cations naturelle  et  accidentelle. 

§ 6o6.  L’exostose  1 est  encore  une  production  os- 
seuse accidentelle,  quelquefois  parfaite,  et  souvent 
pierreuse  ou  éburnée.  Le  périoste  étant  irrité  ou  en- 
flammé , il  se  fait , à sa  surface  interne , dans  son  épais- 
seur et  dans  une  partie  plus  ou  moins  étendue  de  sa 
largeur,  une  déposition  de  matière  organisable , molle; 
cela  constitue  la  périostose,  dont  la  terminaison  est 

1 On  exostosis , by  M.  A.  Cooper  , in  Surgical  essays. 
part,  i;  Lond.,  i8j8. 


DES  OS. 


5i3 


variée;  souvent  elle  s’ossifie,  cela  constitue  d’abord 
une  sorte  d’épiphyse  ou  d’os  distinct  et  séparable  de 
l’os  naturel,  auquel  l’exostose  se  soude  ordinairement 
à la  longue.  Tantôt  elle  consiste  en  un  nodus  très- 
circonscrit,  et  dont  le  développement  a été  rapide. 
D’autres  fois  elle  se  forme  lentement,  et  consiste  en 
une  masse  volumineuse  et  foliée.  D’autres  fois  meme, 
tout  un  membre  ou  une  plus  grande  partie  encore  du 
squelette  en  est  affecté.  ♦ 

Le  spinaventosa,  au  lieu  de  consister  toujours  en 
une  production  morbide,  est  quelquefois  formé  de 
substance  organisable  qui , après  avoir  distendu  et 
dilaté  l’os  naturel,  finit  par  s’ossifier  plus  ou  moins 
complètement  dans  son  intérieur. 

S 607.  Quand  un  os  est  dénudé  1 du  périoste,  si  le 
sujet  est  jeune,  si  l’os  n’est  pas  altéré  lui-même,  s’il 
n’est  pas  resté  long-temps  à découvert,  les  parties 
molles  vulnérées,  réappliquées  dessus,  peuvent  s’y 
unir  par  adhésion  primitive. 

Dans  les  circonstances  opposées , et  dans  celles  où 
le  périoste  enflammé  se  sépare  de  l’os  par  la  suppura- 
tion , dans  celles  où  il  se  gangrène , et  lorsqu’une  pé- 
riostose  suppure  ou  se  mortifie,  etc.,  l’os,  privé  de 
son  appareil  nutritif,  se  nécrose  à sa  surface,  et  plus  ou 
moins  profondément.  La  partie  restée  vivante , placée 
aux  confins  de  la  partie  morte , s’enflamme  , s’amollit, 
se  détache  enfin  de  la  partie  nécrosée,  et  suppure; 
la  nécrose,  devenue  libre,  tombe.  Les  granulations 

* Tenon,  trois  Mémoires  sur  l’exfoliation  des  os,  in  Mém. 
et  obs.  sur  l’anat. , la  pathol.  et  la  chir. , etc.  ; Paris,  1816. 

33 


1. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


M 

sous-jacentes  produisent  avec  le  temps  une  cicatrice 
qui  recouvre  l’os,  lui  adhère  et  lui  forme  un  nou- 
veau périoste. 

§ 608.  Après  l’amputation  x,les  choses  se  passent  de 
1 une  ou  de  1 autre  des  deux  manières  qui  viennent 
d’être  exposées. 

Quand  l’os  et  son  appareil  nutritif  n’ont  pas  été 
lésés  au-dessus  de  l’endroit  amputé,  et  quand  surtout 
la  réunion  de  la  plaie  est  immédiate , le  bout  de  l’os 
s’unit  ordinairement  par  adhésion  primitive  aux  par- 
ties molles. 

Quand,  au  contraire,  la  plaie  reste  béante  et  quelle 
suppure , quand  le  périoste  a été  déchiré  ou  détaché 
au-dessus  de  la  section , quand  la  membrane  médul- 
laire irritée  s’enflamme , le  bout  de  l’os  se  nécrose , 
et  il  s’en  détache  une  virole  comprenant  toute  son 
épaisseur  et  anticipant  en  général  obliquement  sur 
sa  surface  externe,  parce  que  ordinairement  le  pé- 
rioste est  plus  lésé  ou  est  lésé  plus  haut  que  la  mem- 
brane médullaire. 

Dans  l’un  et  l’autre  cas  d’ailleurs , le  bout  de  l’os 
éprouve  à la  longue  d’autres  changemens.  En  général 
il  diminue  notablement  de  volume  et  de  pesanteur. 
Le  canal,  d’abord  rempli  par  la  raréfaction  spongieuse 
de  la  substance  compacte  , se  rétablit , mais  se  ferme 

1 Van  Home,  Dissertatio  de  iis  y qiiœ  in partibus  rnern- 
bri } prcesertim  osseis , amputatione  vulneraüs , notanda 
sunt ; Lugd.Bat.,  i8o3. — J.  L.  Brachet,  Mém.  depliys.  pnthol., 
sur  ce  que  devient  le  fragment  de  l’os  après  une  amputation  , 
in  Bullet.  de  la  Soc.  méd.  d'Émul.  de  Paris,  182a. 


DES  os.  5i5 

à l'extrémité  par  une  production  osseuse  surajoutée 
comme  un  opercule. 

§ 609.  La  nécrose  1 profonde  des  os  longs  présente 
tout  à la  fois  des  phénomènes  intéressans  de  sépara- 
tion et  de  production  osseuse. 

Quand  on  détruit  sur  un  animal  vivant  la  mem- 
brane médullaire  d’un  os  long , en  introduisant  dans 
son  canal  un  corps  étranger  qui  la  déchire  ou  qui  la 
cautérise , le  membre  tout  entier  auquel  appartient 
l’os  se  gonfle,  devient  douloureux  et  chaud;  plus 
tard  il  s’y  forme  des  abcès  qui  s’ouvrent  et  restent 
fistuleux  ; on  voit , ou  l’on  sent , à travers  les  ouver- 
tures, un  os  mobile  au  milieu  du  pus,  et  renfermé 
dans  un  autre  os  qui  est  creux  ; avec  le  temps  l’os  in- 
térieur, devenu  de  plus  en  plus  mobile , parvient  quel- 
quefois à s’engager,  par  une  de  ses  extrémités,  dans 
une  des  ouvertures  de  l’os  extérieur,  et  finit  même 
par  être  expulsé  au  dehors.  On  voit  alors  qu’il  a la 
longueur  de  la  diaphyse  de  l’os  primitif,  et  une  épais- 
seur variable,  mais  qui  égale  quelquefois  tout-à-fait 

1 Chopart  et  Robert , de  Necrosi  ossium  tkeses  anat.-chir. ; 
Parisiis,  1766. — Troja  , de  Novorum  ossium,  etc.;  Paris, 
1775.  — Blumenbach,  in  Richter,  chir.  biblioth. , B.  VI. — 
David  , Observai,  sur  une  maladie  connue  sous  le  nom  de 
nécrose.  — Koeler  , Expérimenta  circa  regeneralionem  os- 
sium ; Gotting. , 1786.  — J.  P.  Weidmann,  de  Necrosi  ossium  ; 
Franc,  ad  moen. , 1793,  fol. — Russel , P radical  essay  on 
a certain  disease  of  the  bones  called  necrosis ; Edinb. , 1794. 
— A.  H.  Macdonald  , de  necrosi  ac  callo  ; Edinb. , 1799.  — 
Macartney,  in  Crowlher  pract.  obs.  on  the  diseases  of  the 
joints ; Lond.,  1808.  — Charmeil,  de  la  régénération  des  os; 
Metz,  1 8 st  t . 


5i6 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


celle  de  l’os  primitif.  Cependant  l’os  nouveau  , dé- 
barrassé du  corps  étranger,  et  tenant  dès  le  commen- 
cement aux  extrémités  de  l’os  ancien  devenues  les 
siennes , se  resserre  peu  à peu  sur  lui-même  ; la  suppu- 
ration diminue  graduellement,  et  cesse  tout-à-fait, 
quand  les  parois,  revenues  sur  elles-mêmes  au  point 
de  se  toucher,  sont  mutuellement  agglutinées  ; elles  se 
confondent  enfin  tout-à-fait. 

L’os  nouveau  , d’abord  très  - mou  et  flexible , au 
point  qu’il  se  ploie  quelquefois  par  l’action  muscu- 
laire , quand  l’os  ancien , engagé  par  une  extrémité 
dans  une  des  ouvertures  fistuleuses  , ne  lui  forme  plus 
une  attelle  solide;  l’os  nouveau  acquiert  avec  le  temps, 
et  conserve  une  densité  et  une  dureté  supérieures  à 
celles  des  os  primitifs. 

Les  cavités  médullaires  se  forment  dans  le  nouvel 
os , à mesure  que  son  tissu , d’abord  uniformément 
rare , acquiert  de  la  densité  à l’extérieur. 

Tous  ces  mêmes  changemens  ont  lieu  comme  spon- 
tanément dans  l’espèce  humaine,  dans  des  circons- 
tances et  sous  l’influence  de  causes  qui  paraissent  agir 
sur  le  périoste  pour  en  produire  l’inflammation  , et 
probablement  aussi  sur  la  membrane  médullaire,  c’est- 
à-dire  sur  l’appareil  nutritif  intérieur,  de  manière  à 
en  altérer  la  texture  et  les  fonctions. 

Les  os  longs,  où  la  nécrose  est  la  plus  fréquente, 
sont,  dans  l’ordre,  à peu  près,  de  cette  fréquence  : le 
tibia,  le  fémur,  l’humérus,  l’os  mandihulaire , les  os 
de  l'avant-bras,  la  clavicule,  le  péroné,  et  les  os  du 
métatarse  et  du  métacarpe. 

Il  a été  proposé  sur  ce  sujet  deux  théories,  dont 


DES  OS. 


5i7 

les  auteurs  n’ont  eu  que  le  tort  d’être  exclusifs  ; car  les 
choses  se  passent  tantôt  d’une  et  tantôt  d’une  autre 
manière. 

Troja,  David,  Bichat  et  beaucoup  d’autres,  ont 
admis  que  le  séquestre  est  formé  par  le  corps  tout 
entier  de  l’os  primitif  plus  ou  moins  aminci  par  la 
résorption  et  par  l’action  dissolvante  du  pus,  et  que 
le  nouvel  os  résulte  d’une  formation  nouvelle , dont 
l’appareil  nutritif  externe,  c’est-à-dire  le  périoste  et 
ses  vaisseaux,  a fourni  les  matériaux,  lesquels,  dé- 
posés dans  son  épaisseur  et  à sa  surface  interne  sur- 
tout, ont  passé  par  tous  les  états  de  fluidité  et  d’en- 
durcissement successif  que  présentent  les  os  ordi- 
naires , excepté  que  l’endurcissement  osseux  commence 
dans  beaucoup  de  points  à la  fois. 

Les  expériences  sur  les  animaux  vivans  apprennent 
à ce  sujet , que  quand  le  périoste  est  arraché , il  se  re- 
produit avec  l’os;  mais  l’endurcissement  de  celui-ci 
est  retardé  de  tout  le  temps  nécessaire  à la. reproduc- 
tion de  son  enveloppe  vasculaire. 

Quand  les  choses  se  sont  passées  ainsi , c’est-à-dire 
quand  c’est  un  os  nouveau  qui  est  formé,  le  séquestre 
a le  même  volume  et  la  même  apparence  que  l’os 
primitif;  ,on  y retrouve  jusqu’aux  apophyses,  aux  em- 
preintes, aux  lignes  et  aux  inégalités  originelles. 

D’autres  pathologistes  , et  notamment  MM.  Leveillé 
et  Riclierand,  et  tout  récemment  le  docteur  Knox  1 , 
soutiennent  que,  dans  tous  les  cas  , la  nécrose  dont  il 

1 The  Edinburg  med.  and  surg.  Journal;  ann.  1822  et 
1823. 


5 1 8 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


s’agit  est  bornée  à une  partie  intérieure  de  l’épaisseur 
des  parois  du  canal  médullaire,  et  que  le  nouvel  os 
résulte  simplement  de  la  partie  externe  de  l’os  pri- 
mitif que  la  nécrose  n’a  pas  affectée,  et  qui  a éprouvé 
seulement  des  changemens  de  volume  et  de  consis- 
tance. 

Il  en  est  certainement  ainsi  dans  beaucoup  de  cas, 
et  alors  le  séquestre  a un  diamètre  sensiblement 
moindre  que  l’os  primitif,  et  sa  surface  est  rugueuse 
et  inégale. 

Les  extrémités  des  os  longs  se  nécrosent  et  se  re- 
produisent bien  moins  souvent  que  leur  corps;  cepen- 
dant il  n’est  pas  rare  d’observer  ces  phénomènes  à 
l’extrémité  supérieure  de  l’humérus  ; on  a vu  la  même 
chose  à l’extrémité  inférieure  des  os  de  l’avant-bras. 

J’ai  extrait  de  l’intérieur  d’un  nouvel  os  l’extrémité  in- 

/ 

férieure  du  tibia,  nécrosée  après  une  fracture  arrivée, 
deux  ou  trois  ans  avant.  Il  ne  manquait  à cette  extré- 
mité que  le  cartilage  articulaire. 

Les  os  larges  se  nécrosent,  mais  leur  reproduction 
est  rare  ou  imparfaite;  cependant  on  a vu  le  scapu- 
lum  nécrosé  être  remplacé  par  deux  autres  os. 

La  nécrose  des  os  courts  est  beaucoup  plus  com- 
mune qu’on  ne  le  croit;  elle  existe  ordinairement  sous 
forme  d’un  séquestre  renfermé  au  centre  de  l’os.  Cela 
constitue  beaucoup  de  prétendues  caries  des  os  du 
tarse , du  carpe , etc. 

§ 610.  On  appelle  cal  1 la  substance  osseuse  de 

1 Duhamel,  Mém.  de  l’Acad.  roy.  des  sc.  ; Paris,  1 74 1 * ' 

Boehmer,6fc  Ossiumcailo;Jjips.f  1 748.  — P.  Camper,  Obscr- 


DES  OS.  5 19 

nouvelle  formation  qui  réunit  les  solutions  de  conti- 
nuité des  os. 

Quand  un  os  long  est  fracturé , outre  la  rupture  du 
tissu  osseux  , il  y a rupture  de  la  membrane  mé- 
dullaire , et  ordinairement  aussi  du  périoste,  ainsi 
que  des  vaisseaux  de  ces  membranes  et  de  l’os.  Il 
résulte  de  ces  divisions  vasculaires  et  autres , une 
effusion  plus  ou  moins  considérable  de  sang  autour 
et  dans  l'intervalle  des  fragmens.  Si  c^Lix-ci  sont  main- 
tenus dans  un  contact  exact,  il  s opère  bientôt  entre 
eux  et  entre  les  autres  parties  divisées,  une  agglu- 
tination.  Il  survient  aussi  une  tuméfaction  et  un  en- 
gorgement des  parties  molles  divisées  et  de  celles 
qui  les  entourent , lesquelles  deviennent  compactes 
comme  le  tissu  cellulaire  enflammé;  la  moelle,  à l’en- 
droit de  la  fracture,  participe  notamment  à cet  état. 
Toutes  ces  parties,  et  surtout  la  substance  aggluti- 
nante et  organisable  qui  les  engorge , s’ossifient  suc- 
cessivement , et  forment,  à l’ extérieur,  une  virole 
osseuse  plus  ou  moins  étendue,  dont  l’épaisseur  va 
en  diminuant  du  centre  ou  du  siège  de  la  fracture 
vers  les  deux  extrémités,  et  à l’intérieur,  une  cheville 
osseuse  fusiforme.  L os  cependant , dont  les  deux  frag- 
mens sont  ainsi  assemblés,  semble  étranger  jusqu’alors 
aux  changemens  qui  l’entourent.  Ce  n’est  qu’à  partir 
de  ce  moment , et  à mesure  que  ces  ossifications 

vcitiones.  circa  callum  ossium  fractorum  ; in  Essaya  and  obs. 
phys.  andlitter. , vol.  III  ; Edinb. , 1771.  — Bonn  , de  Ossium 
callo 3 etc.;  Arnstel. , 1783.  — Macdonald,  op.  cit.  — J.  How- 
sbip , in  Med.  chir.  trans. , vol.  IX  ; Lond. , 1816.  — Breschet, 
Quelques  recherches  hist.  et  expérim.  sur  le  cal  ; Paris,  1819» 


5^0 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


extérieure  et  intérieure  temporaires  diminuent  et 
disparaissent  par  résorption,  que  l’agglutination  des 
fragmens  se  change  en  une  réunion  osseuse  perma^ 
nente. 

Plusieurs  pathologistes,  et  notamment  Bonn,  Cal- 
lisen  et  J.  Bell , se  sont  contentés  d’observer  les  faits 
sans  en  chercher  l’explication.  Cependant  un  grand 
nombre  d’hypothèses  ont  été  proposées  pour  donner 
la  théorie  de  ces  phénomènes  remarquables.  Boerhaave, 
Haller,  et  Detlef,  son  disciple,  ont  admis  que  les 
fragmens  sont  réunis  par  une  matière  glutineuse  ou 
coagulable. 

J.  Hunter,  Macdonald,  Howship,  ont  pensé  que 
c’était  le  sang  qui  fournissait  cette  matière  organi- 
sable  et  agglutinante. 

On  sait  que  Duhamel  et  Fougeroux  ont  admis  que 
le  périoste  fournissait  une  virole  osseuse  qui  assem- 
blait les  fragmens.  M.  Blumenbach  a donné  la  figure 
d’un  os  humain  entouré  par  une  virole  de  ce  genre. 
M.  Pelletan  enseignait  la  même  chose  dans  ses  leçons 
cliniques.  Camper  avait  observé  qu’il  y a un  cal  ex- 
térieur et  un  intérieur.  Bichat,  M.  Dupuytren , M.  Cru- 
veilher  et  autres , ont  admis  que  ces  ossifications  ex- 
térieure et  intérieure  sont  provisoires. 

Beaucoup  de  pathologistes,  et  notamment  Bordenave, 
Bichat , M.  Richerand  , M.  Scarpa  , etc. , ont  sou- 
tenu que  la  réunion  des  os  divisés  s’opérait  par  des 
granulations  ou  bourgeons  celluleux  et  vasculaires, 
comme  celle  des  parties  molles , ce  qui  est  vrai  des 
uns  et  des  autres  dans  le  cas  seulement  où  la  division 
est  extérieure  et  suppurante  , et  non  quand  elle  a lieu, 


DES  OS.  521 

ainsi  que  la  réunion  , sans  plaie  extérieure  et  sans 
suppuration. 

J’ai  déjà  fait  remarquer  ailleurs  1 , qu’il  ne  manque 
à ces  hypothèses , pour  être  des  théories  ou  des  ex- 
pressions exactes  des  faits  , que  d’être  combinées,  ou 
de  ne  point  être  exclusives.  C’était  l’opinion  deTroja, 
c’est  aussi  celle  de  M.  Boyer,  de  M.  Delpech,  etc. 

En  effet,  il  y a successivement,  dans  la  réunion 
d’une  fracture  simple  , agglutination  des  fragment  par 
un  liquide  organisable  dont  le  sang  fournit  les  ma- 
tériaux ; ossification  d’une  substance  semblable  , in- 
filtrée tout  au  tour  de  la  fracture , tant  à l’intérieur 
qu’à  l’extérieur;  enfin,  réunion  vasculaire  et  osseuse 
entre  les  fragmens  eux-mêmes. 

Le  périoste,  qui  paraît  jouer,  quand  il  existe,  un 
si  grand  rôle  dans  la  production  du  cal , n’est  pas 
plus  indispensable  ici  que  dans  la  reproduction  après 
la  nécrose.  On  l’a  enlevé,  sur  les  bouts  d’os  d’oiseau 
fracturés,  et  il  a été  reproduit  en  même  temps  que 
que  le  cal  a été  formé. 

La  fracture  comminutive  des  os  longs,  et  surtout 
celle  qui  est  produite  par  les  armes  à feu,  est  accom- 
pagnée , dans  sa  réunion  , d’une  production  osseuse 
considérable  et  permanente.  C’est  dans  cette  produc- 
tion surtout,  de  même  que  dans  l’exostose,  de  même 
aussi  que  dans  la  reproduction  après  la  nécrose , qu'on 
peut  voir  en  grande  masse  la  matière  osseuse  nou- 
velle : après  avoir  été  liquide  elle  devient  solide, 

A.  Béclard,  Propositions  sur  quelques  points  de  la  mé- 
decine ; Paris,  18 13. 


f)23l  / ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

molle,  flexible  et  élastique,  au  point  qu’on  pourrait 
la  confondre  avec  un  cartilage  ; mais  cette  substance 
est  parsemée  de  points  osseux , et  si  l’observation  est 
faite  sur  un  animal  qui  a pris  de  la  garance , on  la 
trouve  rose  ou  même  rouge,  chose  qui  n’arrive  jamais 
aux  cartilages.  Elle  devient  ensuite  dure  comme  un 
os  ordinaire,  et  même  plus.  Cette  tumeur  osseuse  per- 
manente porte  le  nom  de  calus. 

§,6i i.  Les  plaies  des  os  diffèrent  de  leurs  fractures 
par  l’état  même  de  la  solution  de  continuité  et  par 
son  mode  de  réparation,  différent  de  celui  qui  vient 
d’être  exposé.  Le  tissu  osseux  étant  très-dur  et  peu 
flexible,  un  instrument  tranchant  qui  l’entame  obli- 
quement produit  véritablement  une  multitude  de  pe- 
tites fractures  dans  le  fragment  qu’il  soulève,  absolu- 
ment comme  il  arrive  à un  copeau  de  bois  sec  soulevé 
par  un  coup  de  hache.  Quant  à la  réunion  d’une  telle 
entamure,  ainsi  que  celle  d’une  fracture  avec  plaie, 
elle  n’a  lieu  ordinairement  qu’après  une  exfoliation, 
et  par  la  formation  de  granulations  suppurantes. 

§ ()i2.  La  perte  de  substance  des  os  longs  dans  les 
sujets  jeunes  et  bien  portans , est  suivie  d’une  réparation 
ou  production  plus  ou  moins  étendue , et  quelquefois 
complète.  On  peut  même,  dans  les  oiseaux  1 , enlever 
le  périoste  avec  une  partie  considérable  d un  des  os 
de  l’avant-bras , et  il  se  fait,  avec  le  temps , et  par  une 
sorte  de  végétation  des  deux  bouts,  une  reproduc- 
tion de  l’os  et  du  périoste.  Dans  l’espèce  humaine, 
quand  la  perte  de  substance  du  cylindre  osseux  est  un 


1 Charmeil , Ouvrage  cité. 


DES  OS. 


5a3 

peu  considérable,  et  que  la  disposition  des  parties  ne 
permet  pas  le  rapprochement  des  fragmens , il  se  fait, 
par  l’affaissement  et  rallongement  des  bouts,  une  pro- 
duction fibreuse  cartilaginiforme  , qui  n’acquiert  pas 
jusqu’au  milieu  la  dureté  des  os. 

Ces  résultats  plus  ou  moins  heureux  de  la  repro- 
duction d’une  partie  d’os  enlevée  ont  engagé , dans 
certains  cas , à pratiquer  la  résection  1 de  parties  d’os 
malades  dans  leur  continuité. 

§ 6 1 3.  Quand  le  cal  déjà  commencé  est  soumis  à des 
mouvemens  répétés  de  flexion,  de  torsion,  de  disten- 
sion, etc.,  il  reste,  comme  dans  le  cas  précédent, 
flexible,  ou  bien  même  il  ne  s’établit  pas  de  réunion, 
et  les  bouts  d’os  restent  contigus.  Il  en  est  encore  de 
même  quand  les  bouts  d’os  sont  séparés  par  une  couche 
un  peu  épaisse  de  tissu  musculaire. 

§ 6i4-  Les  os  larges  ont  une  force  de  réparation 
et  de  reproduction  moindre  que  celle  des  os  longs. 
Après  la  trépanation  des  os  du  crâne  il  se  fait  une 
production  qui  est  rarement  osseuse  jusqu’au  centre. 
Après  la  même  opération  , si  on  réapplique  l’oper- 
cule osseux  séparé , il  se  réunit  quelquefois  2.  Les 
phénomènes  de  la  reproduction  sont  peu  connus  dans 
les  os  courts. 

§ 6i5.  La  séparation  des  épiphyses  3 a lieu , dans  les 
jeunes  sujets,  par  des  causesmécaniques,  commeles  frac- 

1 Roux  , De  la  résection  , etc.  ; Paris  , 1812.  — Champion, 
De  la  résection  des  os  dans  leur  continuité  ; Paris , i8i5. 

2 Merrem  , Animadversiones  quœdam  , etc.  ; Giess. , 1810. 

3 Pieichei , de  Epiphysium  ab  ossiurn  diaphysi  diductione  ; 
LiPS.,  1769. 


£>24  ANATOMIE  GENERALE. 

0 

tures,  et  se  réunit  par  un  cal  semblable.  L’inflammation 
chronique  des  articulations  des  os  longs  détermine  quel- 
quefois aussi , chez  les  enfans  ou  les  adolescens , la  sé- 
paration de  leurs  épiphyses  non  encore  réunies.  L’une 
et  l’autre  de  ces  deux  sortes  de  séparations  sont  rares. 

On  a publié  récemment  un  cas  de  fausse  articulation 

\ 

à la  suite  de  la  fracture  du  col  du  fémur,  comme  ifn 
exemple  de  séparation  de  l’épiphyse  dans  un  adulte. 

§ 616.  Quand  une  tumeur  anévrysmale  rencontre 
dans  son  développement  un  os , celui-ci  est  détruit 
successivement  dans  l’endroit  qui  touche  à la  tumeur, 
sans  qu’on  aperçoive  aucun  résidu  de  sa  substance: 
cette  destruction  porte  le  nom  d’usure. 

§617.  L’anatomie  morbide  des  os  1 a donné  lieu 
déjà  à beaucoup  d’ouvrages  et  de  figures,  cependant 
elle  présente  encore,  sur  quelques  points,  bien  des 
obscurités  à dissiper , qui  tiennent  peut-être  plus 
qu’on  ne  croit  à des  comparaisons  vagues  que  l’on  a 
faites  entre  les  altérations  des  os  et  celles  des  parties 
molles  en  général,  sans  spécifier  aucun  tissu  en  par- 
ticulier. C’est  un  point  d’anatomie  et  de  pathologie 
bien  digne  de  fixer  l’attention. 

§ 618.  Les  vices  primitifs  de  conformation  a sont 
rares  dans  les  os  longs  , moins  dans  les  os  courts , fré- 

1 A.  Bonn , Descriptio  tliesauri  ossium  morbosorum  Ho- 
viani ; Amstel.,  1783.  — Ed.  Sandifort,  Muséum  anat.  aca- 
demiæ  Lugduno-Balavœ ;Lugd.  Bat.,  1798.  — C.  KCIossius, 
Uber  die  kranhheilen  der  hnochen  ; Tubingen  , 1798. 

J.  Howship  , in  Mcd.-chir.  transact. , vol.  vin  et  x. 

a Van  Doeveren  , Observ.  osteolog.  varios  naturœ  lusus  in 
ossibus  hum.  corp.  exhibent  ; in  Obs.  acad.  specim  ; Lug'd.  Bat., 


DES  OS. 


5a5 

quens  dans  les  os  larges;  rares  dans  les  os  des  membres, 
plus  fréquens  dans  les  os  du  tronc,  surtout  dans  le 
sternum  et  les  côtes,  plus  encore  dans  les  os  de  la 
tête,  et  principalement  dans  ceux  du  crâne,  et  plus 
dans  ceux  de  la  voûte  que  dans  ceux  de  la  base. 

Les  variétés  les  plus  communes  s’observent  dans 
les  réunions  des  os,  puis  dans  leur  figure,  puis  dans 
la  forme  de  leurs  trous;  enfin,  dans  leurs  apophyses. 

La  plupart  de  ces  vices  de  conformation , comme 
ceux  de  toutes  les  parties,  d’ailleurs,  paraissent  dé- 
pendre d’un  défaut  de  formation;  quelques-uns  cepen- 
dant semblent  être  dus  à un  excès  de  formation.  Ils 
sont  rares  dans  les  os  et  dans  les  parties  d’os  les  pre- 
mières ossifiées,  et  plus  communs  dans  les  parties  au 
contraire  qui  se  forment  les  dernières. 

§ 619.  Les  os  sont  quelquefois  altérés  consécutive- 
ment en  plus  ou  en  moins.  Outre  le  spina-ventosa  et 
l’ostéostéatome  , déjà  mentionnés,  et  qui  ne  sont 
guère  qu’une  dilatation  des  os  , les  exostoses,  soit  ex- 
terne, soit  interne,  qui  ne  sont  que  la  périostose  et 
le  spina-ventosa  ossifiés  ; les  os  sont  encore  quelque- 
fois le  siège  d’une  hyperlhrophie  : fos  est  alors  tu- 
méfié, et  il  y a une  déposition  intersticielle  qui  en 
maintient  ou  qui  en  augmente  la  densité  première;  dans 
tous  les  cas  il  y a augmentation  de  poids.  D’autres 
fois  la  tumeur  résulte  simplement  de  la  raréfaction 
de  la  substance  compacte  ; l’os , moins  dense  et  plus 

1765.  — Sandifort,  de  Ossibus  diverso  modo  à solda  con- 
formalione  abludentibus  ; in  Observ.  anat.  pathol . , lib.  III 
et  IV;  Lugd.  Bat.,  1777-81.  — *■  Rosenmuller , de  Ossium  va- 
rietatibus ; Lips.,  1804. 


52  6 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


volumineux,  n’a  pas  alors  sensiblement  augmenté 
de  poids.  Je  possède  un  très-bel  exemple  de  ce  genre 
d’altération , occupant  symétriquement  les  deux  bosses 
pariétales  dans  une  tête  de  jeune  sujet  : l’os  , très- 
raréfié , est  extrêmement  vasculaire.  Ces  deux  genres 

O 

de  tuméfaction  , quand  ils  affectent  les  os  longs , dé- 
terminent quelquefois  le  rétrécissement  ou  la  dispa- 
rition du  canal  médullaire;  ce  cas  a été  décrit  sous  le 
nom  d’enostose  x.  J’ai  donné  à la  Faculté  de  méde- 
cine  , un  squelette  dont  presque  tous  les  os  longs  pré- 
sentent cette  altération. 

§ 620.  L’atrophie  des  os  y détermine  prématurément 
des  changemens  semblables  à la  diminution  sénile.  . 

Il  existe,  dans  le  muséum  de  la  Faculté,  des  os 
longs  de  jeune  homme,  dont  les  parois  du  canal 
médullaire  ont  une  ténuité  papyracée.  Ce  canal  s’est 
aggrandi  par  absorption  intérieure , tandis  qu’au- 
cune formation  n’a  eu  lieu  à l’extérieur.  La  phthisie , 
très-lente,  produit  quelquefois  cette  altération  dans 
les  os  ; l’inaction  prolongée  la  produit  aussi. 

S 621.  L’inflammation  des  os  est  frès-peu  connue. 

Le  nom  de  carie  est  un  des  mots  les  plus  vagues  de 
la  pathologie.  On  a augmenté  l’obscurité  de  la  chose, 
en  comparant  la  carie  à l’ulcère.  Ce  qu’on  s’accorde 
le  plus  généralement  à appeler  carie,  est  un  ramol- 
lissement aigu  de  la  substance  spongieuse  des  os,  tel 
qu’on  peut  la  couper  avec  un  bistouri  sans  altérer  son 
tranchant.  Ce  ramollissement  parkît  être  l’effet  dune 

1 Lobslein  , Rapport  sur  les  travaux  exécutés  à l’amph. 
d’anat.  de  Strasbourg;  i8o5. 


des  OS.  52J 

inflammation  qui,  le  plus  souvent,  se  termine  par 
suppuration , et  quelquefois  aussi  par  nécrose. 

Le  rachitis  est  un  autre  genre  de  ramollissement  qui 
paraît  tenir  à la  diminution  de  la  substance  terreuse 
pendant  la  période  d’accroissement,  d’où  résulte  la 
courbure  des  os  sous  le  poids  du  corps  et  sous  l’ac- 
tion musculaire.  En  effet,  si  on  examine  les  os  des 
rachitiques  1 à l’époque  où  ils  sont  mous  , on  voit 
que  les  os  longs  sont  devenus  spongieux  dans  toute 
leur  épaisseur,  et  que  leur  tissu,  ramolli  et  rouge, 
peut  être  aisément  entamé  avec  le  scalpel.  Quand,  au 
contraire,  la  maladie  est  terminée,  et  que  les  os  ont 
.repris  leur  dureté  et  leur  inflexibilité,  on  trouve  la 
substance  compacte  beaucoup  plus  épaisse  du  côté 
concave  de  la  courbure  que  du  côté  opposé  ; et  quand 
l’os  est  ployé  à angle,  l’endroit  de  la  flexion  est  tout-à- 
fait  compacte,  et  le  canal  médullaire  y est  interrompu. 

Dans  l’âge  adulte,  le  ramollissement  dépendant  de  la 

même  cause,  peut  être  porté  aussi  loin,  et  plus  loin 

encore  ; les  os  peuvent  devenir  mous  et  ployans  ( osteo - 

nialacia , seu  malacosteon  ) ; ils  peuvent  même  acquérir 

toute  la  mollesse  et  la  flexibilité  de  la  chair  ( osteo - 

\ 

sarcosis ).  A ce  degré  extrême  de  mollesse  , dont  la 
femme  Supiot  a offert  un  exemple  si  connu,  et  où 
les  os  se  ploient  comme  de  la  cire  molle  , la  dessicca- 
tion diminue  leur  poids  et  change  leur  forme  la  dé- 
coction les  dissout;  leur  composition  chimique  2 est 


’Ed.  Stanley,  in  Med.chir.  Irans. , vol.  vit;  London,  1816. 
1 Rostock,  in  Med.  chir.  trans vol.  iv;  London,  i8i3. — 
J.  üavy  , in  Monro,  Outlines  of  an atomy. 


5a8 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


changée  au  point  qu’ils  ne  contiennent  plus  que  quel- 
ques centièmes  de  substance  terreuse. 

Enfin  , il  peut  arriver,  avec  ou  sans  les  changemens 
précédens , que  la  substance  animale  des  06  perde  sa 
force  de  ténacité  naturelle;  et  que  ces  organes,  de- 
venus fragiles,  se  rompent  sous  le  moindre  effort. 

§ 622.  Les  productions  accidentelles  morbides  se 
rencontrent  aussi  quelquefois  dans  le  tissu  osseux; 
les  tubercules,  le  squirre  et  la  production  encépha- 
loïde  n’y  sont  pas  rares. 

SECONDE  SECTION. 

DES  ARTICULATIONS. 


§6 23.  L’articulation,  articulas , apûpov,  est  la  join- 
ture ou  jonction  des  os  ; elle  comprend  la  manière 
dont  ils  se  rencontrent  et  s’adaptent  mutuellement, 
et  celle  dont  ils  sont  réunis  ou  attachés  entre  eux. 

Les  os  longs  se  rencontrent  et  se  joignent  par  leurs 
extrémités  ; les  os  larges  , ordinairement  par  leurs 
bords  ; et  les  os  courts  , par  divers  points  de  leur  sur- 
face. Les  parties  articulaires  des  os  sont , le  plus  sou- 
vent, des  éminences  et  des  enfoncemens  de  diffé- 
rentes formes , et  qui  sont  adaptés  les  uns  aux  autres. 

Les  moyens  d’union  sont  des  cartilages , des  liga- 
mens  cartilaginiformes  et  des  ligamens  fibreux;  ils 
sont  placés,  soit  entre  des  surfaces  qu’ils  réunissent, 
et  rendent  ainsi  continues,  soit  autour  de  surfaces  qui 
restent  contiguës. 

Les  articulations  ont  pour  usage  commun  de  réunir 
les  os  et  d’en  faire  un  ensemble , le  squelette. 


DES  ARTICULATIONS. 


5 zg 

Parmi  les  articulations , les  unes  sont  mobiles  et  les 
autres  ne  le  sont  pas  sensiblement;  aucune  cependant 
n’est,  rigoureusement  parlant,  immobile. 

D’après  la  forme  des  parties  articulaires  , d’après  le 
mode  de  réunion  de  ces  parties,  et  d’après  leur  solidité 
et  leur  mobilité  diversement  associées,  on  divise  les 
articulations  en  trois  genres,  et  en  plusieurs  espèces 
et  variétés,  que  l’on  a multipliées  sans  utilité  : la  sy- 
narthrose,  ou  l’articulation  continue  et  immobile,  la 
diartbrose  , ou  l’articulation  contiguë  et  mobile , et 
l’amphiarthrose,  ou  articulation  mixte,  qui  est  continue 
comme  la  première,  et  mobile  comme  la  seconde. 

Chaque  articulation  a un  nom  propre,  composé  des 
noms  des  os  qui  s’y  trouvent  réunis. 

§ 624.  La  synarthrose  1 , ou  l’articulation  immobile, 
résulte  de  la  réunion  de  tous  les  os  du  crâne  et  de  la 
face,  excepté  la  mâchoire  inférieure,  par  des  bords 
plus  ou  moins  épais  et  garnis  d’inégalités  qui  s’adaptent 
les  unes  aux  autres , souvent  enclavés  et  toujours 
revêtus  d’un  cartilage  synartbrodial  intimement  uni 
aux  deux  parties  articulées;  le  périoste,  en  passant 
de  l’un  à l’autre  os  par-dessus  le  cartilage  intermé- 
diaire, réunit  encore  entre  elles  ces  trois  parties,  aux- 
quelles il  adhère  étroitement.  Ce  genre  d’articula- 

vb-  - 'a 

1 Duverney,  Lettre  contenant  plusieurs  nouvelles  observ. 
sur  l’osléologie  ; Paris,  1689.  — F.  G.  Hunauld , Rech.  anat. 
sur  les  os  du  crâne  de  l’hommé;  Acad  des  sc. , ann.  l'j'io. 
— E.  G.  Bose,  Program.  de  suturar.  cranii  humani  fabri- 
cat.  et  usu  ; Lips.  , 1763.  — Gibson,  On  the  use  of  sutures 
in  the  skulls  of  animais  ; in  Mem.  of  the  soc.  of  Manchester , 
zd  sériés  , vol.  I , i8o5. 


1. 


34 


53o 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


tion , très-solide,  n’a  pas  de  mouvemens  sensibles;  il 
favorise  l’accroissement  des  os  larges  par  leurs  bords; 
il  s’efface  souvent  dans  la  vieillesse;  sa  désunion  exige 
des  efforts  du  même  genre  et  de  la  même  violence  que 
ceux  qui  fracturent  les  os. 

Ce  genre  d’articulation  , qui  a reçu  le  nom  générique 
de  suture,  présente  plusieurs  variétés. 

§ 620.  La  suture  vraie  est  celle  dans  laquelle  les  bords 
des  os  articulés  présentent  des  éminences  et  des  enfon- 
cemens  étendus  et  nombreux  , qui  se  reçoivent  réci- 
proquement. Telles  sont  les  articulations  inter-pa- 
riétale, occipito-^pariétale , et  fronto-pariétale.  Cette 
suture  présente  même  quelques  différences  ; ainsi , 
dans  la  première  , ce  sont  de  longs  prolongemens  den- 
tés ; dans  la  seconde  , ils  ont  la  forme  de  queues 
d’arondes  , dans  la  troisième,  ils  ressemblent  à des 
dents  de  scie.  On  a donné  à ces  trois  variétés,  les 
noms  de  suture  dentée,  sitfura  dentata , en  forme  de 
scie,  serrata , et  bordée,  limbosa. 

L’articulation  harmonique , ou  l’engrenure  , est 
celle  dans  laquelle  les  bords  plus  ou  moins  épais 
des  os  présentent  des  rugosités  qui  s’adaptent  les 
unes  aux  autres  ; telle  est  celle  des  os  du  nez  entre 
eux,  etc. 

L’articulation  écailleuse  est  celle  dans  laquelle  les 

f • 

bords  des  os,  taillés  en  biseau  , s’adaptent  les  uns  aux 
autres  comme  ceux  des  coquilles  bivalves.  Cette  dispo- 
sition, très-marquée  dans  la  réunion  du  pariétal  avec 
le  temporal , se  retrouve  jointe  à la  suture  ou  à 1 engre- 
nure  dans  beaucoup  d’autres  articulations  du  crâne 
et  de  la  face.  Elle  est,  dans  plusieurs  articulations, 


DES  ARTICULA  T fO  NS. 


53 1 


double  et  réciproque;  de  sorte  que,  dans  un  point, 
un  os  anticipe  sur  un  autre,  qui,  dans  un  autre  point, 
anticipe  à son  tour  sur  le  premier;  telles  sont  les  su- 
tures spliéno-frontale , fronto-pariétale,  etc.  Cet  en- 
clavement est  un  des  plus  puissans  moyens  de  soli- 
dité des  articulations  synartlirodiales. 

La  schindylèse  est  une  synarthrose  qui  résulte  de 
la  réception  de  la  crête  d’un  os  dans  la  rainure  d’un 
autre  ; telles  sont  les  articulations  du  sphénoïde  et  de 
l’ethmoïde  avec  le  vomer,  de  l’os  lacrymal  avec  l’apo- 
physe nasale  du  maxillaire,  etc. 

La  gomphose  enfin  est  l’espèce  d’articulation  synar- 
throdiale,  tout-à-fait  différente  de  la  suture,  qui  ré- 
sulte de  la  réception  des  racines  des  dents  dans  les 
alvéoles. 

§ 626.  L’amphiarthrose1 , ou  articulation  mixte,  par- 
ticipe de  la  synarthrose  par  la  réunion  des  surfaces 
articulaires  au  moyen  d’une  substance  intermédiaire , 
et  de  la  diarthrose  par  une  mobilité  assez  sensible.  Ce 
genre  d’articulation  est  borné  au  corps  des  vertèbres , 
au  pubis,  et  à la  partie  supérieure  du  sternum. 

Les  parties  articulaires  des  os  sont  ici  des  surfaces 
planes  et  larges;  les  moyens  d’union  sont  des  liga- 
mens  cartilaginiformes  intermédiaires  , adhérant  très- 
solidement  aux  deux  surfaces  , et  des  ligamens  acces- 
soires placés  à l’extérieur  de  l’articulation.  Ce  genre 
d’articulation,  que  l’on  appelle  souvent  symphyse, 
jouit  d’une  grande  solidité , due  à la  ténacité  du  liga- 
ment ; sa  mobilité  est  due  à la  flexibilité  et  à l’élasti- 

1 A.  Béclard,  Dictionnaire  de  médecine,  vol.  11. 


53a 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


cité  de  la  même  substance.  Le  mouvement  consiste 
dans  la  flexion  ou  dans  la  torsion  du  ligament.  Cette 
articulation,  très-lâche  et  très-mobile  dans  l’enfance, 
devient  de  plus  en  plus  serrée  dans  la  vieillesse  ; elle 
s’ossifie  quelquefois  à cette  époque;  quelquefois  l’ossi- 
fication lui  est  extérieure,  et  ne  fait  que  l’entourer 
plus  ou  moins  complètement , et  c’est  ce  qu’on  voit 
surtout  au-devant  du  corps  des  vertèbres.  Elle  peut 
être  accidentellement  trop  lâche  ou  trop  serrée.  Elle 
n’est  pas  susceptible  d’une  véritable  luxation , mais 
bien  d’un  déplacement,  d’une  diduction,  qui  supposent 
toujours  la  déchirure  ou  la  destruction  du  ligament 
chondroïde  intermédiaire. 

Après  quelques  fractures  non  consolidées , il  se  pro- 
duit quelquefois  des  articulations  de  ce  genre,  c’est-à- 
dire  que  les  fragmens  sont  réunis  par  l’intermède  d’une 
substance  flexible  et  tenace,  qui  leur  permet  de  se 
mouvoir  l’un  sur  l’autre.  On  trouve  souvent  ce  mode 
d’articulation  accidentelle  après  les  fractures  delà  ro- 
tule, du  col  dif'fémur , de  l’olécrane,  et  quelquefois 
aussi  après  celles  du  corps  des  os  longs.  Il  se  forme 
aussi  quelquefois  des  amphiarthroses  à la  place  de 
quelques  diarthroses  dont  la  membrane  synoviale  a 
contracté  des  adhérences  flexibles. 

§ 627.  La  diarthrose  est  un  genre  d’articulation 
dans  lequel  les  surfaces  articulaires  des  os  sont  con- 
tiguës, et  mobiles  les  unes  sur  les  autres. 

Ce  genre  d articulation  existe  entre  tous  les  os  des 
membres,  soit  entre  eux,  soit  avec  le  tronc,  entre  la 
mâchoire  inférieure  et  le  crâne,  entre  le  crâne  et  la 
colonne  vertébrale,  entre  les  apophyses  articulaires 


DES  ARTICULATIONS.  533 

des  vertèbres,  entre  les  côtes  et  les  vertèbres,  et  entre 
les  cartilages  costaux  et  le  sternum. 

§ 628.  Les  parties  articulaires  des  os,  dans  ce  genre 
d’articulation  , sont  des  surfaces  larges , dont  la  con- 
figuration  est  réciproque.  Ces  surfaces  sont , en  gé- 
néral, les  unes  convexes,  les  autres  concaves.  Les  sur- 
faces convexes , ou  les  éminences  articulaires  , sont 
quelquefois  arrondies  comme  un  grand  segment  de 
sphère  : on  les  appelle  alors  têtes  ; d’autres  sont  arron- 
dies, mais  allongées  dans  un  sens,  et  rétrécies  dans 
l’autre  : on  les  nomme  condyles.  Les  têtes  et  les 
eondyles  sont  quelquefois  supportés  par  une  partie 
mince , qu’on  appelle  col.  Les  enfoncemens  articu- 
laires, ou  les  surfaces  concaves , portent  le  nom  de 
cavités  eotyloïdes  , quand  ils  ont  la  forme  d’une 
calotte  de  sphère  et  qu’ils  sont  profonds,  et  celui  de 
cavités  glénoïdes,  quand  ils  sont  plus  superficiels. 
Quelquefois  deux  condyles  sont  rapprochés  par  le 
côté,  et  laissent,  dans  leur  intervalle  une  gorge  arti- 
culaire comme  eux;  on  donne  à cet  ensemble  le  nom 
de  poulie  , troclilea . Enfin , beaucoup  de  surfaces  ar- 
ticulaires , peu  convexes  , peu  concaves  , presque 
planes,  n’ont  pas  reçu  de  nom  spécial,  et  sont  dé- 
signées, suivant  leur  étendue,  sous  les  noms  géné- 
riques de  surfaces  ou  de  facettes  articulaires. 

Toutes  ces  surfaces  sont  revêtues  de  cartilages  diar- 
throdiaux  ( § 554  ) ; ceux-ci  sont  eux-mêmes  recouverts 
de  membranes  synoviales  (§  210  ),  et  humectés  de  sy- 
novie (§  216  ).  Il  y a,  de  plus,  entre  quelques-unes 
de  ces  surfaces,  des  ménisques  ou  des  ligamens  chon- 
droïdes inter-articulaires  (§  53 1 ). 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


534 

§ 629.  Les  moyens  d’union  sont  des  ligamens  fibreux 
( § 5 1 2 ).  Les  muscles  qui  entourent  les  articula- 
tions , quoique  n’entrant  pas  essentiellement  dans 
leur  composition,  contribuent  puissamment  à leur 
solidité. 

§ 63o.  La  solidité  et  la  mobilité  sont  diversement 
associées  dans  les  articulations  diarthrodiales. 

Ces  articulations  jouissent  de  mouvemens  très-variés  : 
comme  le  glissement,  la  rotation,  l’opposition  angu- 
laire et  la  circumduction.  Le  glissement  existe  dans 
toutes  les  articulations  diarthrodiales.  Les  autres  mou- 
vemens, au  contraire,  ne  se  rencontrent  que  dans  un 
certain  nombre  d’entre  elles.  La  rotation  est  propre  à 
quelques  articulations  : tantôt  elle  s’exerce  sur  un 
seul  pivot,  comme  autour  de  l’apophyse  odontoïde  de 
la  seconde  vertèbre  ; tantôt  il  y en  a deux , comme 
dans  la  double  articulation  des  os  de  l’avant-bras 
entre  eux;  quelquefois  c’est  autour  d’un  axe  fictif 
qu’un  os  tourne,  comme  le  fémur  en  offre  un  exemple. 
Le  mouvement  d’opposition,  ou  mouvement  angu- 
laire , est  celui  dans  lequel  les  os  forment  l’un  avec 
l’autre  des  angles  plus  ou  moins  ouverts,  suivant  les 
mouvemens  : il  se  distingue  en  opposition  bornée  à 
deux  mouvemens  de  flexion  et  d’extension,  comme 
au  coude,  au  genou,  etc.,  et  en  opposition  vague, 
qui  peut  avoir  lieu  dans  quatre  sens  principaux  et  dans 
tous  les  sens  intermédiaires,  comme  le  bras,  la  cuisse, 
le  pouce  , etc.  , en  offrent  des  exemples.  La  circum- 
duction  qui  existe  dans  toutes  les  articulations  qui 
jouissent  de  l’opposition  vague,  est  un  mouvement 
par  lequel  l’os  qui  se  meut  décrit  un  cône  dont  le 


DES  ARTICULATIONS.  535 

sommet  répond  a l’extrémité  centrale  cle  l’os,  et  la 
base  à son  extrémité  opposée. 

La  solidité  de  ces  articulations  est,  comme  celle 
des  autres,  en  raison  inverse  de  leur  mobilité. 

§ 63 1.  On  distingue,  d’après  la  configuration  des 
surfaces , les  moyens  d’union,  et  les  mouvemens  de 
ces  articulations , plusieurs  sortes  de  diarthroses. 

La  diarthrose  planiforme  et  serrée , articulas  adstric- 
tus , amphiarthrose  de  quelques-uns,  motus  obscurus 
de  Colombus , est  celle  dans  laquelle  les  surfaces 
sont  superficielles,  les  ligamens  forts  et  serrés , les 
mouvemens  obscurs  et  bornés  au  glissement,  mais 
possibles  en  plusieurs  sens  ; telles  sont  les  articulations 
des  apophyses  articulaires  des  vertèbres , celles  des  os 
du  carpe  et  du  tarse,  soit  entre  eux,  soit  avec  le  mé- 
tatarse et  le  métacarpe. 

L’arthrodie  diffère  de  l’articulation  précédente,  en 
ce  que  les  surfaces  sont  moins  planes , les  ligamens 
moins  serrés , et  les  mouvemens  plus  étendus  et  plus 
nombreux;  telle  est  l’articulation  temporo-maxillaire. 

Lénarthrose  consiste  dans  la  réception  d’une  tête 
dans  une  cavité.  Dans  cette  espèce,  le  ligament  est 
capsulaire,  et  les  mouvemens  très-variés;  telle  est  l’ar- 
ticulation du  fémur  avec  l’os  coxal. 

Ces  trois  premières  sortes  de  diarthrose  sont  orbi- 
culaires  ou  vagues  : leurs  mouvemens,  plus  ou  moins 
variés  et  étendus,  peuvent  avoir  lieu  dans  tous,  ou 
dans  beaucoup  de  sens.  Les  deux  espèces  suivantes, 
au  contraire , sont  dites  alternatives  , parce  que  les 
mouvemens  n y ont  lieu  qu  en  deux  sens  opposés. 

La  diarthrose  rotatoire , commissura  trochoïdes  de 


53  6 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


Fallope  , est  celle  qui  permet  seulement  des  mou- 
vemens  de  rotation  ; telle  est  l’articulation*  de  l’at- 
las avec  la  seconde  vertèbre,  celle  du  radius  avec  le 
cubitus;  on  l’appelle  aussi  ginglyme  latéral. 

Le  ginglyme  1 proprement  dit,  ou  la  charnière,  ap- 
pelé aussi  ginglyme  angulaire,  est  l’articulation  où 
il  n’y  a que  deux  mouvemens  opposés  ; telle  est  celle 
du  co<ude  : dans  cette  espèce  de  diartlirose,  l’un  des 
os  présente  ordinairement  une  poulie , et  l’autre  une 
surface  correspondante  ; il  y a communément  deux 
ligamens  latéraux.  Si  le  mouvement  d’extension  ne 
doit  pas  dépasser  la  ligne  de  direction  des  os , ces  li- 
gamens , pour  limiter  le  mouvement , sont  plus  rap- 
prochés du  plan  de  flexion  que  du  plan  opposé. 

§ 632.  Les  articulations  diarthrodiales  accidentelles 
se  produisent  dans  deux  circonstances  différentes  : 
après  les  fractures  dont  les  fragmens  ne  se  sont  pas 
réunis  , et  après  les  luxations  qui  n’ont  point  été  ré- 
duites. Les  unes  et  les  autres  sont  des  productions  très- 
composées.  On  peut  appeler  les  premières  articulations 
surnuméraires  ; et  les  secondes  , supplémentaires. 

§ 633.  Les  articulations  surnuméraires  2 sont  con- 
nues depuis  long-temps.  Elles  succèdent  aux  fractures 
dont  les  fragmens  n’ont  pas  été  affrontés , à celles 

dont  les  fragmens  ont  été  mus  souvent  l’un  sur  l’autre  ; 

\ 

1 I.  F.  Isenflamm  et  Sclimidt,  de  Ginglymo  ; Erlangæ, 

1785. 

3 J.  Salzmann  , De  articul.  analogis , quce  fract uns  os- 
sium  superveniunt ; Argentor. , 1718.  — Langenbech,  Ubet 
die  Bildung  wider-naturlicher  Gelenke  nach  knoclienbi li- 
chen , in  der  neuen  Bibl.Jur  die  chirurg.  ; Gotting,  18 1 5. 


DES  ARTICULATIONS. 


537 

quelquefois  aussi  le  défaut  de  réunion  tient  à une  affec- 
tion constitutionnelle.  Les  bouts  de  l’os,  diversement 
configurés,  devenus  compacts  et  clos  comme  après 
l’amputation  , sont  couverts  d’une  couche  mince  de 
cartilage  imparfait  ou  fibreux;  ils  sont  couverts  et 
enveloppés  d’une  membrane  synoviale , entourés  d’une 
capsule  fibreuse , ordinairement  incomplète  , et  de 
cordons  ligamenteux  irréguliers.  Cette  sorte  d’ar- 
ticulation a été  observée  , avec  un  grand  nombre 
de  variétés , dans  presque  tous  les  os  longs  des 
membres , et  plusieurs  fois  à la  mâchoire  inférieure 
et  aux  côtes. 

§ 634*  Les  articulations  supplémentaires  ont  aussi 
été  souvent  observées.  Elles  succèdent  aux  luxations 
non  réduites , et  surtout  à celles  du  fémur  et  de  l’hu- 
mérus. MM.  Foville  et  Pinel-Grandcharnps , m’ont 
remis  une  pièce  d’anatomie,  qui  présente  une  arti- 

4 

culation  semblable , formée  après  une  luxation  non 
réduite  des  os  de  l’avant-bras , en  arrière  de  l’hu- 
mérus. 

Dans  les  articulations  dont  il  s’agit , on  trouve  un 
enfoncement  dans  le  point  contre  lequel  la  tête  de 
l’os  luxé  a été  placée.  Le  pourtour  de  ce  point  est 
relevé  par  une  ossification  accidentelle  : quelquefois 
même  on  y trouve  aussi  un  bourrelet  fibro-cartila- 
gineux  circulaire.  Cette  cavité  dej  nouvelle  formation 
est  couverte  d’un  cartilage  imparfait  ou  fibreux.  La 
tête  de  l’os  luxé  est  ordinairement  applatie.  l’inté- 
rieur de  l’articulation  est  tapissé  par  une  membrane 
synoviale  et  humecté  de  synovie  très-distinctes.  Il  y 
a une  capsule  fibreuse  formée  par  des  débris  de  l’an- 


538 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

cienne,  adliérens  à l’os  luxé,  par  le  tissu  cellulaire 
environnant,  et  par  une  production  nouvelle.  L’an- 
cienne cavité  se  rétrécit,  et  devient  superficielle,  le 
cartilage  y diminue  ou  même  y disparaît  tout-à-fait. 
Si  c’est  à la  hanche,  la  cavité  cotyloïde  , en  se  rape- 
tissant, devient  triangulaire,  d’hémisphérique  quelle 
était.  Fait  à ajouter  à ceux  qui  montrent  que  la 
forme  des  organes  dépend  , en  partie  du  moins  , de 
leur  action  réciproque.  Il  paraît  que  ces  changemens 
étaient  déjà  en  partie  connus  du  temps  d’Hippocrate. 

§ 635.  M.  Chaussier  1 a déterminé,  sur  des  chiens, 
la  formation  d’articulations  accidentelles  intermé- 
diaires entre  les  deux  sortes  qui  viennent  d’être  dé- 
crites. Ayant  fait  sortir  par  une  incision  la  tête  du 
fémur  de  la  cavité  cotyloïde,  et  l’ayant  sciée  au  des- 
sous du  trochanter,  il  a rapproché  les  chairs,  et  aban- 
donné ces  animaux  aux  soins  de  la  nature.  En  exami- 
nant les  parties  à des  époques  plus  ou  moins  éloi- 
gnées , il  a reconnu  que  les  muscles  avaient  rapproché 
l’extrémité  du  fémur  sur  un  point  de  l’ischium  ; que 
l’extrémité  osseuse  tronquée  était  arrondie , revêtue 
d’une  substance  cartilaginiforme;  que  le  point  de  l'is- 
chium contre  lequel  elle  appuyait,  avait  pris  aussi 
l’apparence  cartilagineuse,  et  présentait  quelquefois 
une  fossette  articulaire  plus  ou  moins  profonde  ; enfin, 
que  le  tissu  cellulaire  formait  autour  de  cette  articu- 
lation nouvelle,  une  sorte  de  capsule  membraneuse, 
dans  laquelle  [était  contenu  un  fluide  séreux  plus  ou 
moins  abondant. 


* Bulletin  des  sciences,  par  la  soc.  pliilom.  ; Paris,  an  vin 


DES  ARTICULATIONS.  53t) 

§ 636.  Les  articulations  diarthrodiales  peuvent  être 
altérées  dans  leur  solidité  et  dans  leur  mobilité;  elles 
peuvent  être  trop  lâches  ou  trop  serrées;  elles  peuvent 
aussi  être  luxées  ou  soudées. 

§ 637.  La  luxation  est  la  cessation  plus  ou  moins 
complète  du  rapport  naturel  entre  les  surfaces  conti- 
gües  des  os.  Quand  elle  a lieu,  les  ligamens  sont  vio- 
lemment  distendus,  tiraillés,  ou  même  rompus.  Les 
autres  parties  articulaires  et  environnantes  participent 
plus  ou  moins  à ces  lésions.  Le  mouvement  est  alors  très- 
difficile.  Les  articulations  les  plus  mobiles  en  sont  le 
plus  susceptibles;  ainsi  les  arthrodies  et  les  énartbroses 
sont  celles  qui  en  présentent  le  plus  d’exemples  , et  les 
diarthroses  serrées,  celles  qui  en  présentent  le  moins. 
Parmi  les  articulations  de  la  même  espèce,  celles  qui 
sont  le  moins  serrées,  celles  dont  les  surfaces  arti- 
culaires sont  le  moins  étendues,  et  celles  qui  ont  lieu 
entre  les  os  les  plus  longs,  sont  celles  qui  sont  le  plus 
souvent  luxées.  Aussi  l’articulation  scapulo-humérale 
fournit-elle  à elle  seule  plus  d’exemples  de  luxations 
que  toutes  les  autres  ensemble. 

§ 638.  L’ankylose  1 , ou  la  soudure  des  articulations 
diarthrodiales,  consiste,  quand  elle  est  complète,  en 
une  réunion  intime , une  véritable  continuité  entre 
des  os  auparavant  contigus  : la  substance  spongieuse 
communique  de  l’un  dans  l’autre  os;  les  lames  com- 
pactes, les  cartilages  diarthrodiaux , la  membrane  sy- 

1 J.  Th.  Van  de  Wynpersse,  de  Ancylosi , etc.  ; Lugd.  Bat. , 
1783.  — Idem  , de  Ancyloseos  pcithol.  et  curât.  ; Lugd.  Bal., 
1783.  — J.  Cloquet,  in  Diction,  de  méd. , vol  II. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


540 

noviale  et  la  synovie  qui  séparaient  la  partie  spon- 
gieuse des  deux  os,  ont  disparu.  L’immobilité  long- 
temps prolongée  , mais  surtout  un  certain  degré  d’in- 
flammation , soit  primitivement  dans  la  membrane 
synoviale,  soit  d’abord  dans  les  ligamens  et  les  autres 
parties  circon voisines,  amènent  ces  changemens. Tan- 
tôt ils  commencent  par  une  agglutination  de  la  mem- 
brane synoviale,  et  la  formation  entre  ses  surfaces, 
de  tissu  cellulaire  ou  de  brides  fibreuses  qui  peuvent 
s’ossifier  plus  tard;  tantôt  l’articulation  étant  ouverte 
par  une  blessure  ou  par  l’effet  d’un  abcès,  c’est  par  des 
granulations  suppurantes  que  s’établit  l’agglutination; 
dans  l’un  comme  dans  l’autre  cas,  les  cartilages  diar- 
tbrodiaux  sont  successivement  résorbés,  avant  que  la 
soudure  osseuse  ait  lieu.  Toutes  les  diartbroses  en  sont 
susceptibles,  mais  les  ginglymes  plus  que  les  autres. 
L’ankylose  affecte  quelquefois  plusieurs  articulations. 
On  a vu  même  toutes  les  diarthrôses  et  les  amphiar- 
throses  en  être  successivement  affectées , et  le  sque- 
lette devenir  une  seule  masse  osseuse  inflexible. 
M.  Percy  a déposé,  dans  le  muséum  de  la  Faculté , un 
squelette  qui  offre  cette  soudure  générale  de  toutes 
les  articulations. 

§ 639.  D’autres  fois,  les  causes  de  l’altération  dont 
il  s’agit,  déterminent  la  nécrose  superficielle  ou  1 usure 
des  surfaces  articulaires;  c’est  dans  des  cas  semblables 
que  l’on  a pratiqué  la  résection  1 des  extrémités  articu- 

1 H.  Park,  Account  of  a new  method  of  treating  diseases 
of  the  hnec  and  elboiv  ; Lond. , 1783.  — Moreau  , De  la  ié- 
section  des  os,  etc.;  Paris,  1816.  — J.  Jeffray,  Cases  of  the 
excision  of  carious  joints , by  H.  Park  and  P.  F.  Moi  eau, 


DU  SQUELETTE*  54 I 

laires  des  os.  D’autres  fois , l’adhérence  de  l’articulation 
reste  celluleuse  ou  fibreuse  , avec  un  peu  de  mobilité. 
Quelquefois  le  cartilage  détruit  se  répare.  D’autrefois 
il  est  remplacé  par  l’éburnification  ou  la  transforma- 
tion émaillée  de  la  lame  osseuse  compacte  sous-jacente. 
C’est  encore  dans  des  cas  d’altérations  analogues,  que 
les  os  se  luxent  spontanément. 

J’ai  vu  quelquefois  un  singulier  déplacement  de  l’ar- 
ticulation coxo-fémorale,  dépendant  sans  doute  d’une 
inflammation  chronique  : dans  ce  cas  la  partie  supé- 
rieure de  la  cavité  articulaire  semble  avoir  cédé  à la 
pression  de  la  tête  du  fémur,  après  avoir  été  ramollie; 
toujours  est-il  que  la  cavité,  devenue  ovale,  est  très- 
allongée  et  creuse  en  haut , où  elle  loge  la  tête  du 
fémur,  tandis  que  la  partie  inférieure  de  la  même  ca- 
vité qui  la  logeait  auparavant,  est  rétrécie  et  superfi- 
cielle. J’ai  observé  ce  changement  tantôt  d’un  seul 
côté,  tantôt  symétriquement  opéré  des  deux  côtés  à 
la  fois. 

§ 64o.  Toutes  les  maladies  des  articulations  diar- 
throdiales  appartiennent  à chacune  ou  à plusieurs  des 
parties  qui  les  forment  : ainsi,  à leurs  membranes  sé- 
reuses, à leurs  cartilages,  à leurs  ligamens,  et  aux 
parties  articulaires  des  os. 

vith  observations  ; Glasgow,  1806.  — Wachter  , Diss.  de 
articul.  exlirp.;  Groningue,  1810.  — Roux,  De  la  résec- 
tion, etc.;  Paris,  1812. 


542 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


/ 


TROISIÈME  SECTION. 

DU  SQUELETTE. 

§ 64 1.  Le  squelette  est  l’ensemble  de  tous  les  os 
réunis  entre  eux  par  les  articulations.  On  l’appelle  na- 
turel, quand  les  os  sont  assemblés  par  leurs  propres 
ligamens  , et  artificiel,  quand  les  os  sont  reunis  par 
des  liens  étrangers  à l’organisation. 

Il  constitue  un  tout  symétrique  *,  qui  a la  forme 
et  les  dimensions  du  corps  entier,  dimensions  et 
forme  qu’il  détermine  en  grande  partie. 

Il  se  divise  en  tronc  et  en  membres.  Le  tronc , 
partie  centrale  et  principale,  formé  sur  la  ligne  mé- 
diane par  la  colonne  vertébrale , présente  deux  grandes 
cavités  : l’une,  supérieure  et  postérieure  ( crâne  et  canal 
vertébral  ),  loge  le  centre  nerveux  ; l’autre,  antérieure 
et  inférieure  (thorax),  loge  les  organes  centraux  des 
fonctions  nutritives;  d’autres  cavités  ( celles  de  la  face) , 
reçoivent  les  organes  des  sens,  etc.  Les  appendices,  ou 
membres  pourvus  d’articulations  nombreuses  et  très- 
mobiles,  servent  surtout  aux  mouvemens. 

I « 

S 642.  Les  usages  du  squelette  sont  de  former  l’axe 
solide  et  flexible  du  corps,  de  fournir  des  enveloppes 
protectrices  aux  centres  nerveux  et  vasculaires,  et  aux 
organes  des  sens  , d’offrir  des  points  d’attaclie  aux 
muscles,  et  de  déterminer,  par  ses  articulations,  l'é- 
tendue et  la  direction  des  mouvemens. 


x Loscbge  , de  Sceleto  hum.  symmetrico , etc. , Erlang. , 1 79^* 


DU  SQUELETTE. 


543 

C’est  par  la  dureté  et  la  rigidité  des  os  , et  par 
la  solidité  des  articulations,  que  le  squelette  remplit 
une  partie  de  ses  fonctions;  il  remplit  les  autres  par 
la  mobilité  des  articulations. 

§ 643.  Dans  leurs  mouvemens  , les  os  articulés  par 
diarthrose  , agissent  à la  manière  des  leviers. 

La  plupart  sont  des  leviers  du  troisième  genre,  ou 
inter-puissans  : le  centre  des  mouvemens  ou  point 
d’appui  est  dans  l’extrémité  articulaire  de  l’os,  la  ré- 
sistance à l’autre  extrémité  , et  la  puissance  musculaire 
est  appliquée  dans  un  point  intermédiaire,  ordinaire- 
ment très- rapproché  du  point  d’appui.  Quelques-uns 
sont  des  leviers  du  second  genre,  ou  inter-résistans  ; 
quelques-uns  aussi  sont  des  léviers  inter-mobiles , ou 
du  premier  genre. 

§ 644.  Les  os  ne  se  formant  pas  tous  en  même  temps , 
et  ne  s’accroissant  pas  tous  dans  la  même  proportion, 
la  forme  et  les  proportions  du  squelette , et  non  ses 
dimensions  seulement,  changent  beaucoup  avec  l'âge  r. 

La  proportion  de  la  tête  au  reste  du  tronc  et  aux 
membres  est  d’autant  plus  grande,  que  le  sujet,  au 
dessous  de  vingt  ans,  est  plus  jeune.  Àu  second  mois 
de  la  conception,  elle  fait  la  moitié  de  la  hauteur  du 
corps  , presque  le  quart  à la  naissance , lé  cinquième  à 
trois  ans,  et  le  huitième  seulement,  quand  l’accrois- 

1 Boehmer,  op.  cit.  — Cheselden  , op.  cit.  — Eyson , op.  cit. 
— Sue,  Sur  les  proportions  du  squelette  de  l’homme,  exa- 
miné depuis  l’âge  le  plus  tendre  , jusqu’à  celui  de  vingt-cinq, 
soixante  uns  et  au  delà;  in  Mém.  prés. , vol.  II.  — F.  G.  Danz  , 
Grunclriss  der  Zergleideriingskunde  des  ungebornen  kindes  ; 
Francof. , 1792.  — Senff,  op.  cit. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


544 

sement  est  achevé.  La  face  est  également  d’autant  plus 
petite,  relativement  au  crâne:  le  bassin,  relative- 
ment au  thorax  ; les  membres , proportionnellement 
au  tronc  , etc. , que  le  sujet  est  plus  jeune.  Beau- 
coup d’autres  différences  du  même  genre  seront  in- 
diquées dans  l’anatomie  spéciale  des  os. 

§ 645.  Le  squelette  présente  des  différences  assez 
tranchées  entre  les  deux  sexes  x.  En  général,  le  sque- 
lette de  la  femme  est  plus  petit  et  plus  délicat  que 
celui  de  l’homme;  le  thorax  est  plus  court,  et  en 
somme  plus  petit;  il  est  aussi  plus  mobile;  le  bassin 
plus  large;  la  région  lombaire  plus  allongée,  etc.  Les 
articulations  diarthrodiales  sont  plus  mobiles,  les  am- 
phiarthroses  sont  plus  flexibles,  etc.  Toutes  les  régions 
du  corps  , et  presque  tous  les  os  , présentent  quelques 
différences  spéciales. 

§646.  Les  races  humaines  présentent  aussi,  dans 
leurs  squelettes  , des  différences  dont  les  principales 
sont  relatives  aux  dimensions  et  à la  forme  du  crâne 1  2, 
à sa  proportion  avec  la  face.  H y a aussi  quelques  dif- 
férences dans  la  proportion  des  membres  : dans  la 
race  nègre,  les  membres  supérieurs  sont  plus  lo 
relativement  au  tronc;  l’avant-bras  et  la  jambe  sont 
plus  grands  proportionnellement  au  bras  et  à la  cuisse. 

§ 647*  On  observe  enfin  des  variétés  individuelles 

1 Voyez  J.  F.  Ackermann , de  Discrimine  sexûs  præler 
genitalia;  Mogunt. , 1788.  — Comparez  aussi:  Albinus,^- 
bula  sceleli  hotninis , et  Sœmmering , Tabula  sceleti  fœminei i 
Francof.  ad  mœn. , 1796. 

2 Blumenbach , Décades  cramorum , I - VI.  — Sœmmei 
ring  , de  Os  si  bus. 


* 


DU  SQUELETTE. 


545 


dans  le  squelette  , tant  sous  le  rapport  des  dimen- 
sions , que  sous  celui  des  proportions , de  la  configura- 
tion, du  défaut  de  symétrie,  etc. 

La  stature  du  corps , déterminée  par  les  dimensions 
du  squelette,  est  d’environ  cinq  pieds  quatre  pouces, 
pour  l'homme  adulte , et  de  cinq  pieds  environ  pour 
la  femme;  mais  cette  longueur,  un  peu  variable  dans 
les  races , et  même  dans  des  variétés  plus  restreintes 
encore  de  l’espèce  humaine , présente  des  différences 
assez  grandes,  dans  les  individus  d’une  même  nation. 
Ces  différences  cependant  sont  , comme  celles  des 
autres  espèces  animales  , renfermées  dans  de  cer- 
taines limites.  Ainsi , les  nains  ont  rarement  moins  de 
la  moitié  de  la  stature  moyenne,  et  les  géans  ont  très- 
rarement  plus  que  cette  moitié  au-dessus  de  la  stature 

ordinaire.  Ce  que  l’on  a dit  de  géans  de  dix-sept,  ou 

/ 

de  vingt-cinq  pieds  , doit  être  rapporté  à des  os  d’ani- 
maux pris  mal  à propos  pour  des  os  humains. 

Les  proportions  des  membres  au  tronc  et  des  di- 
verses parties  du  tronc,  ou  des  membres  entre  eux, 
•présentent  également  beaucoup  de  variétés  indivi- 
duelles , déterminées  par  celles  des  os.  Il  en  est  de 
même  encore  de  la  configuration  et  de  la  symétrie  du 
corps  : leurs  variétés  sont  presque  toutes  déterminées 
par  celles  du  squelette. 

§ 648.  Le  système  osseux  termine  ceux  qui  ont  pour 
base  la  substance  muqueuse  ou  le  tissu  cellulaire  diver- 
sement modifié;  les  tissus  qui  restent  à décrire  sont, 
au  contraire,  essentiellement  formés  de  globules  réunis 
par  la  même  substance  . 


1. 


35 


5/, 6 


ANATOMIE  GENERAT. F. 


A-'A-'A»  \ A.  » -XV  * A-'A  A.  A.  A.  A ^ 


k\\V«.AA\\\wv%%AW% 


CHAPITRE  IX. 

DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE. 

§ 6/\g.  Le  système  musculaire  *,  systema  musculare , 
comprend  tous  les  organes  formés  de  fibres  longues, 
parallèles  , rougeâtres  dans  les  animaux  à sang  chaud  , 
molles,  irritables  et  contractiles,  qu’on  appelle  mus- 
culaires ; organes  qui  produisent  tous  les  grands  mou- 
vemens  qui  ont  lieu  dans  le  corps  vivant. 

Le  nom  de  muscle , mus } püç , de  pvuv , serrer,  indique 
cette  propriété;  les  muscles  sont  en  effet  les  organes 
du  mouvement. 

§ 65o.  Il  peut  paraître  étonnant,  mais  il  est  pour- 
tant vrai  que  les  premiers  anatomistes , Hippocrate  et 
Aristote  n’ont  point  connu  les  muscles  , ni  surtout 
leurs  usages.  Les  anatomistes  de  l’école  d’Alexandrie 
ont  connu  ces  organes,  et  en  ont  nommé  quelques-uns. 
Galien  en  a eu  une  connaissance  générale  assez  exacte; 
il  représente  le  muscle  comme  formé  par  le  nerf  et  par 
le  ligament  divisé  en  fibrilles,  formant  un  tissu  qu’il 

1 W.  G.  Muys  , Investigatio  fabricæ , quæ  in partibus  tnus- 
culos  componentibus  extat.  Diss.  I : de  Carnis  muscuiosce 
fibrarum  carncarum  structura  , etc.;  Lugd.  Bat.,  1741 , in-4°> 
clij  et  482  pag.  — Proéhaska  , de  Carne  musculari  tractatus 
anat.-physiol  ; Viennæ  , 1778,  et  in  op.  min.  , pars  I; 
Viennœ , 1820.  — F.  Ribes,  Dictionn.  des  Sc.  inéd.,  articles 
muscle , musculaire  et  myologie. 


DU  SYSTEME  MUSCULAIRE. 


547 

appelle  stæbe , rempli  par  la  chair.  Il  suppose  les 
muscles  cloués  d’une  faculté  tonique , ou  force  contrac- 
tile, et  clans  un  état  de  tension  élastique,  inhérente  à 
leur  tissu,  et  indépendante  delà  vie;  le  mouvement  dé- 
pendrait alors  du  relâchement  volontaire  des  muscles 
antagonistes.  De  son  temps  on  admettait  aussi  une  con- 
traction volontaire  plus  prompte  et  plus  étendue  que 
cette  contraction  par  l’élasticité.  A l’époque  du  renou- 
vellement des  sciences , la  myologie  était  au  point , 
fort  imparfait,  où  l’avait  laissée  Galien  ; elle  a dû  à 
Jacques  Duhois  (Sylvius),  des  progrès  considérables: 
il  nomma  la  plupart  des  muscles  , chose  qui  n’avait 
encore  été  faite  qu’à  l’égard  d’un  très-petit  nombre. 
Vésale,  et  les  autres  anatomistes  de  lécole  d’Italie, 
surtout  Eustache , ont  perfectionné  la  connaissance 
particulière  des  muscles,  et  en  ont  donné  des  figures. 
La  texture  intime  des  muscles,  leur  action  contractile, 
l’influence  nerveuse  sur  cette  action , et  les  mouve- 
mens  qui  en  résultent,  ont  été  beaucoup  étudiés  dans 
le  courant  des  deux  derniers  siècles , et  sont  encore 
aujourd’hui  le  sujet  de  travaux  importans  r. 

§ 65 1.  Dans  les  animaux  les  plus  simples,  la  fibre 
musculaire  n’existe  pas  distinctement  : les  mouvemens 
sont  produits  chez  eux  par  le  tissu  cellulaire.  Dans  les 
premiers  de  la  série  où  la  fibre  musculaire  apparaît , 
elle  meut  seulement  les  membranes  tégumentaires 
auxquelles  elle  est  annexée , ou  dont  elle  fait  même 

fb 

1 MM,  Prévost  et  Dumas  s’occupent  d’observations  sur  la 
texture  intime  et  sur  l’action  musculaire  ; ils  ont  bien  voulu 
m’en  communiquer  les  premiers  résultats,  encore  inédits. 


548  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

partie.  Dans  tous  ceux  qui  ont  un  cœur,  cette  fibre 
en  est  le  principal  élément.  Enfin,  dans  les  vertébrés , 
un  petit  nombre  de  muscles  seulement  sont  attachés 
à la  membrane  muqueuse  , à la  peau , et  aux  sens 
leurs  dépendances;  une  grande  masse , au  contraire, 
est  attachée  au  squelette  pour  le  mouvoir. 

§ 652.  Il  y a , dans  l’homme,  deux  classes  de  mus- 
cles : les  uns,  intérieurs,  membraniformes  et  creux, 
appartenant  à la  membrane  muqueuse  et  au  cœur, 
se  contractant  involontairement , et  servant  aux  fonc- 
tions de  la  nutrition  et  de  la  génération , en  un  mot , 
aux  fonctions  végétatives;  les  autres,  extérieurs,  plus 
ou  moins  épais,  et  pleins,  appartenant  à la  peau,  aux 
sens  , au  squelette  et  au  larynx,  se  contractant  volon- 
tairement, et  servant  aux  fonctions  animales.  Les  uns 
et  les  autres  présentent  des  caractères  communs,  qu’il 
faut  d’abord  considérer  en  général. 

[PREMIÈRE  SECTION. 

DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE  EN  GÉNÉRAL. 

§ 653.  Le  système  musculaire  forme  à lui  seul  une 
grande  partie  dq  poids,  et  la  plus  grande  partie  du 
volume  du  corps. 

§ 654-  Quelle  que  soit  la  diversité  de  leur  forme  et 
çle  leur  situation,  les  muscles,  pour.la  plupart,  se  di- 
visent en  faisceaux,  et  tous  sont  formés  de  fibres  pri- 
mitives ou  simples,  rassemblées  en  fascicules. 

Les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  ce  point  de  fine 


DU  SYSTEME  MUSCULAIRE. 


S4g 

anatomie  , l’ont  exposé  d’une  manière  en  général 
peu  intelligible  : les  uns  disent  simplement  que  la 
chair  est  composée  de  fibres  ; d’autres , de  stries  char- 
nues ; d’autres , de  fibres  et  de  fibrilles  ; d’autres , de 
fibres  composées  elles-mêmes  de  villi.  Muys  s’est  com- 
plu dans  une  division  ternaire  : il  divise  la  chair  muscu- 
laire en  fibres,  en  fibrilles  et  en  fils.  Il  subdivise  les 
fibres  en  trois  ordres  : en  grandes,  moyennes  et  petites , 
les  grandes  étant  composées  des  moyennes,  et  celles-ci 
des  petites;  de  même  pour  les  fibrilles,  dont  les  plus 
petites  composent  les  moyennes , et  celles-ci  les  plus 
grosses , ces  dernières  composant  les  plus  petites  fibres  ; 
et  de  même  encore  pour  les  fils  dont  les  plus  petites 
fibrilles  seraient  composées  ; d’où  il  arriverait  que  les 
muscles  résulteraient  de  neuf  degrés  successifs  de  com- 
position. D’autres,  rejetant  cette  analyse  tout-à-fait 
imaginaire , admettent  une  divisibilité  indéfinie.  Mais 
il  paraît  bien,  au  contraire,  qite , dans  les  muscles 
comme  dans  toute  substance  organique,  on  arrive, 
par  l’inspection  microscopique,  à un  dégré  de  division 
fini  et  très-bien  déterminé. 

§ 655.  Les  faisceaux  musculaires,  lacerti , ne  sont 
pas  également  distincts,  nombreux,  et  volumineux 
dans  tous  les  muscles  : il  en  est  dont  les  faisceaux  sont 
tellement  distincts  et  gros,  qu’on  pourrait  les  consi- 
dérer comme  autant  de  muscles  particuliers  ; tels  sont  ' 
les  portions  des  biceps,  triceps,  les  faisceaux  du  del- 
toïde, du  masseler,  du  grand  fessier,  etc.;  tels  sont 
aussi  les  colonnes  charnues  des  ventricules  du  cœur, 
les  bandes  longitudinales  du  colon,  etc.  Il  est,  au  con- 
traire, beaucoup  démuselés  qui  égalent  à peine  une  , 


55o 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


petite  partie  dun  faisceau  des  précédens,  et  qui  ne 
sont  pas  formés  de  faisceaux  distincts. 

Les  faisceaux  musculaires  sont  eux-mêmes  formés 
de  faisceaux  moins  volumineux,  et  ceux-ci  d’autres 
plus  petits  encore  , que  l’on  peut  distinguer  dans 
presque  tous  les  muscles. 

§ 656.  Tous  les  muscles,  d’ailleurs,  peuvent  être 
divisés  en  fascicules  ou  fibres  visibles  à l’œil,  fascicules 
seu fibræ  secundariœ . Ces  fascicules,  dernier  degré  de 
division  apercevable  à l’œil  nu , ont , dans  tous  les 
muscles,  presque  la  même  forme  et  la  même  épais- 
seur. On  peut,  comme  les  divisions  précédentes,  les 
apercevoir  par  une  dissection  longitudinale,  mais 
mieux  encore  dans  une  section  transverse,  et  surtout 
sur  un  muscle  cuit,  ou  trempé  dans  l’alcohol  : elles  ont 
une  forme  prismatique , pentagone  ou  hexagone , et 
jamais  cylindrique  ; leur  diamètre  varie  un  peu  ; leur 
longueur,  suivant  Prochaska,  égale  l’intervalle  tout 
entier  de  leurs  deux  attaches  ; même  dans  le  muscle 
couturier.  Haller,  au  contraire,  pensait,  avec  Albinus, 
que  les  fibres  ou  les  fascicules  n’avaient  pas  toute  la 
longueur  des  muscles,  et  que  des  fascicules  de  fibres 
se  terminaient  en  s’amincissant  dans  les  intervalles 
d’autres  parties  semblables  ; il  ne  paraît  pas  qu  il  en 
soit  ainsi. 

§ 6 5y.  Les  fibres  musculaires  ^ fibræ  musculares  pri- 
marice , seu filcicarneci , visibles  seulement  avec  le  secours 
du  microscope  , sont  le  dernier  terme  de  1 analyse 
anatomique  des  muscles.  C’est  à R.  Hooke,  à Leuwen- 
hoeck,  àDehayde,  àMuys,  àDeilaTorre,  à Prochaska, 
aux  frères  Wenzell,  à M.  Autenrieth,  à M.  Sprengel , à 


DD  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  55 1 

MM.  Ev.  Home  et  Bauer1 , à MM.  Prévost  et  Dumas2, 
que  l’on  doit  les  meilleures  observations  sur  ce  sujet. 
Cependant  il  faut  remarquer  que  les  premiers  de  ces 
observateurs  ne  s’étant  servis,  dans  leurs  recherches, 
que  de  loupes  grossissant  environ  cent  cinquante  fois, 
n’ont  pu  apercevoir  les  fibres  primitives  qui  exigent, 
pour  être  vues  , un  grossissement  d’environ  trois  cents 
fois;  leurs  observations  sont  donc  relatives  à des  fibres 
secondaires. 

Hooke  observa  que  les  muscles  des  divers  animaux 
sont  composés  d’une  innombrable  quantité  de  fils 
déliés,  dont  il  évalue  le  volume  au  centième  d’un 
cheveu  , et  dont  il  compare  la  figure  à celle  d’une 
série  de  perles  ou  de  grains  de  corail.  Leuwenhoeck, 
après  avoir  aperçu  les  fibres  musculaires , qu’il  appelle 
primitives  , conjectura  qu’ elles  étaient  encore  com- 
posées, se  fondant,  mal  à propos,  sur  ce  que  les 
animalcules  spermatiques,  plus  fins  que  les  fibres,  de- 
vaient  être  pourvus  de  nerfs  et  de  muscles;  il  en  donna 
d’ailleurs  des  figures  grossières;  celles  de  Dehayde, 
quoique  grossières  encore,  sont  plus  exactes.  Muys  en 
a donné  des  descriptions  aussi  exactes  que  longues, 
il  les  représente  le  plus  souvent  cylindriques,  et  ra- 
rement noueuses.  Délia  Torre  a dit  qu’elles  étaient 
rougeâtres , ce  qui  n’est  pas  généralement  vrai.  Les 
observations  de  Prochaska , beaucoup  plus  exactes , 
ont  appris  que  ces  fibres  sont  parallèles,  mais  non  tou- 

1 Croonian  lecture , in  philos.  Trcms . ; ann.  1818. 

3 Examen  du  sang  et  de  son  action  dans  les  divers  phé- 
nomènes delà  vie  ; in  Annales  de  chimie  et  de  phys. , t.  XXII. 


552 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


jours  droites , et  que  dans  la  chair  cuite,  elles  sont 
presque  toujours  flexueuses  ; que  leur  forme  n’est  pas 
cylindrique,  mais  aplatie  ou  prismatique;  que  leur 
substance  est  diaphane,  et  paraît  solide;  leur  dia- 
mètre, peu  variable,  lui  a paru  être  de  sept  à huit 
fois  moins  étendu  que  le  plus  grand  diamètre  d’un 
globule  rouge  du  sang,  observation  qui  ne  semble  pas 
exacte  ; ces  libres  lui  paraissent  le  dernier  terme  de  la 
division  des  muscles , sans  que  cependant  il  ose  af- 
firmer que  ce  soient  là  des  fibres  élémentaires.  L’ob- 
servation microscopique  faite  par  les  frères  Wenzell 
sur  une  poïtion  de  muscle  préalablement  plongée  pen- 
dant huit  jours  dans  un  mélange  d’alcoliol  et  d’acide 
muriatique , leur  a montré  chaque  fibre  composée  de 
corpuscules  ronds  excessivemens  fins.  Selon  M.  Au- 
tenrieth,  le  diamètre  de  ces  fibres  serait  le  cinquième 
de  celui  des  globules  du  sang.  M.  Sprengel , au  con- 
traire-, évalue  le  diamètre  de  la  fibre  musculaire  à sept 
fois  celui  des  globules  du  sang  (lequel  est  d’un  trois 
centième  de  ligne  ) , c’est-à-dire  à environ  un  quaran- 
tième de  ligne  ; il  la  décrit  d’ailleurs  comme  angulaire , 
striée  et  pleine.  Les  observations  microscopiques  de 
M.  Bauer  et  de  M.  E.  Home,  publiées  avec  de  très- 
belles  figures,  représentent  la  fibre  musculaire  comme 
identique  avec  les  particules  du  sang  dépouillées  de 
leur  matière  colorante,  et  dont  les  globules  centraux 
se  sont  réunis  en  filamens.  MM.  Prévost  et  Dumas 
ont  obtenu  constamment  le  même  résultat , quel  quait 
été  l’animal  examiné,  et  quels  que  soient  la  forme 
et  le  volume  de  ses  globules;  mes  propres  observa- 
tions s’accordent  tout- à-fait  avec  les  leurs.  Pour  que 


Dü  SYSTEME  MUSCULAIRE. 


553 


l’observation  ne  laisse  pas  de  doutes,  elle  doit  être 
faite  sur  la  chair  musculaire  crue  et  sans  préparation  ; 
en  effet,  la  coction,  et  faction  de  l’alcohol  produisant 
des  globules  en  coagulant  l’albumine , on  pourrait 
attribuer  à ces  causes  leur  présence  dans  la  fibre  mus- 
culaire. Ces  globules  sont  réunis  par  un  medium  in- 
visible à cause  de  sa  transparence  et  de  son  incolo- 
ration;  c’est  une  sorte  de  gelée  ou  de  mucus.  Si  on 
fait  macérer  de  la  chair  musculaire  dans  l'eau  fré- 
quemment  renouvelée  , la  putréfaction  altérant  plus 
promptement  le  moyen  d’union  des  globules  que 
ceux-ci , et  le  renouvellement  de  l’eau  entraînant  le 
produit  de  la  putréfaction  , on  obtient  les  globules 
isolés  et  semblables  à ceux  des  particules  colorées  du 
sang.  Les  fibres  de  tous  les  muscles  ont  le  même 
volume  et  la  même  forme. 

§ 658.  On  aperçoit  souvent  sur  les  fascicules  des 
muscles , surtout  quand  ils  sont  cuits , des  rides  ou 
des  flexuosités.  Cette  apparence,  aperçue  par  Ilooke , 
Leuwenhoeek , Dehayde  et  Haller,  très-bien  représentée 
par  Muys , a beaucoup  occupé  Prochaska  , qui  l’a  at- 
tribuée au  resserrement  du  tissu  cellulaire,  des  vais- 
seaux et  des  nerfs,  et  à leur  crispation  par  la  coction. 
Ces  rides  ou  stries  apparentes  ont  encore  été  attribuées 
à plusieurs  autres  causes  imaginaires,  et  ont  fait  ac- 
corder aux  fibres  une  disposition  articulée,  tortillée, 
ou  spirale  ; ces  rides  ne  sont  ou  ne  paraissent  être 
autre  autre  chose  que  des  flexuosités  ou  des  ondu- 
lations ; elles  existent  toujours  dans  les  muscles  con- 
tractés, soit  dans  l’état  de  vie,  soit  dans  la  raideur 
cadavérique , soit  par  l’action  du  calorique  ; cette 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


554 

flexuosité  se  produit  encore  d’elle-même  quand  on 
favorise  ou  quand  on  opère  la  rétraction  d’un  muscle  , 
en  coupant  ou  en  rapprochant  ses  attaches,  ou  en  les 
refoulant  l’une  vers  l’autre.  Elles  s’effacent  au  con- 
traire quand , sur  le  cadavre , on  étend  les  fascicules 
musculaires.  Elles  disparaissent  tout-à-fait  quand  la 
raideur  cadavérique  se  dissipe. 

§ 659.  Des  physiologistes,  trompés  par  des  obser- 
vations inexactes,  ou  conduits  par  des  vues  hypothé- 
tiques , ont  admis  des  opinions  fausses  ou  tout-à-fait 
arbitraires  , sur  la  texture  intime  de  la  fibre  muscu- 
laire 1 : ainsi,  un  très-grand  nombre  de  physiologistes 
et  de  mécaniciens  ont  admis  que  la  fibre  musculaire 
est  creuse , et  consiste  en  une  série  de  vésicules  ovoïdes , 
ou  de  cavités  rhomboïdales,  et  allongées  dans  l’état  de 
relâchement  , élargies  et  globuleuses  dans  l’état  de 
raccourcissement  des  muscles.  Plusieurs  ont  regardé 
la  fibre  musculaire  comme  creuse,  et  continue  aux 
nerfs.  Beaucoup  d’autres  l’ont  considérée  comme 
creuse , vasculaire  et  injectable , soit  comme  formée 
uniquement  d’artérioles , soit  comme  consistant  en 
vaisseaux  très-fins , intermédiaires  aux  artérioles  et 
aux  veinules.  D’autres  ont  décrit  ces  cavités  inté- 
rieures , soit  les  vésicules,  soit  les  canaux,  comme 
spongieuses  ou  celluleuses.  Quelques-uns  ont  admis 
des  fibres  transversales  nerveuses  ou  autres , soit  pour 
retenir  le  sang  dans  la  fibre , soit  pour  resserrer  son 
canal  dilaté,  et  le  raccourcir  par  ce  mécanisme.  D au- 
tres encore  ont  imaginé  la  fibre  comme  un  canal  spiral 


1 Haller,  Elément  a physiül .,  lib.  XI,  sect.  I et  III,  tom.  IV 


DU  SYSTEME  MUSCULAIRE. 


555 


autour  d’un  fil  inextensible;  d’autres  l’ont  supposée 
tordue  à la  manière  des  fils  de  lin  ou  de  chanvre , etc. 

On  peut  objecter  à toutes  ces  assertions  , que  la 
fibre  musculaire,  examinée  avec  de  bons  instrumens 
d’optique,  paraît  bien  résulter  d’une  série  linéaire 
de  globules  plus  opaques,  réunis  par  un  milieu  plus 
clair , mais  que  rien  du  tout  n’indique  que  ces  glo- 
bules soient  des  vésicules  ; que  lors  de  la  contraction 
musculaire  on  voit  des  rides  se  former,  et  ces  flexuo- 
sités s’effacer  lors  du  relâchement,  mais  point  du  tout 
de  changement  dans  la  figure  des  globules  ; que 
dans  les  insectes,  où  il  n’y  a point  de  vaisseaux,  il 
y a néanmoins  des  fibres  musculaires  qui,  dès-lors, 
ne  peuvent  en  être  la  continuation  ; que  l’injection 
peut  bien  gonfler  les  muscles  en  s’infiltrant  entre  les 
fibres,  mais  qu’elle  ne  les  pénètre  point;  que  les  pré- 
tendues fibres  transversales  , les  torsions  , les  spi- 
rales, etc. , n’ont  jamais  été  vues,  mais  seulement  sup- 
posées au  profit  de  certaines  hypothèses  sur  l’action 
musculaire;  qu’enfin  la  fibre  musculaire,  différant 
notablement  par  ses  caractères  organiques  et  par  ses 
phénomènes  vitaux,  du  tissu  cellulaire,  du  tissu  ner- 
veux et  de  celui  des  vaisseaux,  ne  peut  pas  être  assi- 
milée à ces  tissus;  Mascagni  a renouvelé  et  modifié 
une  de  ces  opinions , en  regardant  les  cylindres  pri- 
mitifs des  muscles  comme  formés  de  vaisseaux  ab- 
sorbans  remplis  de  substance  glutineuse  contractile 
dans  1 état  de  vie,  et  se  renouvelant  sans  cesse  par 
la  circulation.  Rien  ne  démontre  qu’il  en  soit  ainsi , et 
que  les  fibres  soient  creuses  ; il  est  bien  plus  probable 
quelles  sont  solides. 


ANATOMIE  GENERALE. 


p k /*» 

556 


§ 66 o.  Les  muscles  sont  enveloppés  par  le  tissu  cel- 
lulaire qui  leur  forme  des  membranes  ou  des  gaines; 
il  en  est  de  meme  à l’égard  de  leurs  faisceaux  et  des 
divisions  de  ces  faisceaux;  seulement  à mesure  que 
les  parties  enveloppées  sont  moins  volumineuses,  le 
tissu  cellulaire  forme  des  enveloppes  plus  minces  et 
plus  molles.  Les  fascicules  sont  enveloppés  et  réunis 
entre  eux  par  des  couches  presque  imperceptibles  de 
ce  tissu  ; les  fibres  primitives , enfin  , sont  réunies 
entre  elles,  dans  chaque  fascicule,  par  des  prolonge- 
mens  de  son  enveloppe  , qui  , par  leur  ténuité  et  leur 
mollesse,  échappent  tout-à-fait  à l’observation.  On 
aperçoit  les  enveloppes  cellulaires,  soit  en  écartant  les 
faisceaux  et  les  fascicules  les  'uns  des  autres,  soit  sur 
la  coupe  transversale  des  muscles. 

On  trouve  également  du  tissu  adipeux  autour  des 
muscles , dans  les  intervalles  de  leurs  faisceaux  , et 
même  quelquefois  entre  les  fascicules. 

§ 661.  Les  vaisseaux  sanguins  des  muscles,  très- 
bien  décrits  par  Albinus  et  Haller,  et  représentés  par 
Prochaska  et  Mascagni,  sont  très-abondans,  moins  ce- 
pendant que  dans  la  membrane  muqueuse.  Leur  abon- 
dance est  proportionnée  au  volume  des  muscles;  ce- 
pendant les  muscles  intérieurs  sont  plus  vasculaires, 
que  les  autres,  et  parmi  les  premiers,  quelques-uns 
surtout  le  sont  beaucoup.  Les  veines,  comme  dans 
la  plupart  des  parties , ont  une  capacité  supérieure 
à celle  des  artères.  Les  unes  et  les  autres  commu- 
niquent avec  les  vaisseaux  des  membranes  tégumen- 
taires , là  où  les  muscles  en  sont  voisins  ; les  unes  et 
les  autres,  après  s’être  divisées  d’abord  dans  la  meni- 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  557 

brane  celluleuse , et  y avoir  présenté  beaucoup  d’anas- 
tomoses, pénètrent,  sous  des  angles  variés,  entre  les 
divers  faisceaux,  et  s’y  divisent  encore,  pour  pénétrer 
entre  les  fascicules  et  jusque  dans  les  intervalles  des 
fibres,  en  suivant  toujours  les  enveloppes  celluleuses, 
et  en  présentant  continuellement  de  nouvelles  divi- 
sions et  de  nouvelles  anastomoses.  Dans  tout  leur 
trajet,  ces  vaisseaux  accompagnent  les  divisions  des 
muscles  par  des  rameaux  parallèles  à eux , et  en 
croisent  la  direction  par  d’autres  rameaux  transverses 
qui  les  entourent.  Arrivées  à leur  dernier  terme  de 
division  , les  artères  se  continuent  avec  les  veines  , sans 
qu’on  puisse  savoir  comment  elles  concourent  à la 
texture  et  à la  nutrition  des  fibres  charnues. 

Ce  n’est  pas  aux  vaisseaux  sanguins  des  muscles 
qu’est  due  la  couleur  rougeâtre  de  ces  organes,  car 
les  muscles  intérieurs  très-vasculaires  sont  blanchâtres. 

Des  vaisseaux  lymphatiques  se  voient  distinctement 
dans  les  intervalles  de  la  plupart  des  muscles , et  dans 
l’épaisseur  de  quelques-uns;  quant  à la  manière  dont 
ils  en  naissent,  elle  est  inconnue  : peut-être  sont-ils 
la  continuation  du  tissu  cellulaire  intermédiaire  aux 
fibres. 

§662.  Les  nerfs  des  muscles  sont  très  - volumi- 
neux ; après  la  peau  et  les  sens,  aucune  partie  n’en 
est  aussi  abondamment  pourvue.  En  général,  ils  sont 
proportionnés  en  nombre  et  en  volume  au  volume 
des  muscles;  cependant  les  muscles  intérieurs  en  ont 
en  général  moins  que  les  autres,  et,  parmi  ceux-ci, 
ceux  du  squelette  moins  que  ceux  du  larynx  et  des 
sens.  Ils  accompagnent  en  général  les  vaisseaux  san- 


558 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


guins  , et  surtout  les  artères,  et  leur  sont  unis  lâche- 
ment par  le  tissu  cellulaire.  Pour  les  bien  voir,  il  faut 
faire  macérer  les  muscles  jusqu’à  un  commencement 
de  putréfaction,  laquelle  en  effet  détruit  les  muscles 
plus  promptement  que  les  nerfs;  ils  pénètrent  par  di- 
vers points  dans  les  muscles , et  s’y  divisent  à la  manière 
des  vaisseaux;  mais  bientôt  ils  échappent  à la  vue, 
sans  que  l’on  puisse  les  apercevoir  par  aucun  moyen 
artificiel  ; de  sorte  qu’on  ne  peut  rien  affirmer  sur 
leur  terminaison.  On  conjecture,  avec  quelque  vrai- 
semblance, que  leurs  divisions  s’étendent  jusqu’aux 
fibres  primitives.  Il  paraît  qu’avant  de  disparaître  ils 
s’amollissent  successivement , en  se  dépouillant  de  leur 
enveloppe  propre,  de  sorte  que  leur  substance  médul- 
laire serait  en  contact  immédiat  avec  la  fibre  muscu- 
laire. Monro  et  Smith  ont  cru  voir  que  les  nerfs  des 
muscles  sont  leurs  fibres  tortillées  en  spirales. 

Suivant  MM.  Prévost  et  Dumas  1 , on  aperçoit  en- 
core mieux  les  nerfs»des  muscles  par  les  moyens  sui- 
vans  que  par  tout  autre  : on  examine  un  morceau 
de  muscle  de  bœuf,  qui  a été  macéré  dans  l’eau  pure, 
dans  un  endroit  obscur;  en  recevant  sur  le  muscle 
seul  un  faisceau  de  lumière  vive,  on  distingue  la 
couleur  du  nerf  qui  tranche  sur  celle  du  muscle,  et 
l’on  peut  le  suivre  très-loin , au  moyen  d’une  bonne 
loupe  et  d’un  scaspel  très-délié;  on  voit  alors  les  rami- 
fications se  terminer  en  s’insérant  entre  les  fibres  mus- 
culaires dont  elles  coupent  la  direction  à angle  droit. 
Pour  observer  cet  arrangement  dans  toute  la  masse 


* Mémoire  inédit. 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  55  9 

d’un  muscle  assez  mince  pour  être  transparent,  on 
place  le  sterno-pubien  de  la  grenouille  , sur  une  lame 
de  verre,  et  on  l’examine  en  leclairaift  par  transmis- 
sion , au  moyen  d’une  faible  loupe  et  de  la  lumière 
d’une  bougie  ; on  aperçoit  alors  le  nerf  et  ses  ra- 
meaux, que  l’on  distingue  des  fibres  musculaires  à 
leur  direction.  En  effet,  le  tronc  du  nerf  marche, 
dans  l’épaisseur  du  muscle  , parallèlement  à sa  lon- 
gueur, et  les  branches  s’en  séparent  toutes  à angle 
droit,  pour  s’engager  entre  les  fascicules  et  les  fibres 
musculaires  ; et  comme  elles  se  trouvent  toutes  sur  le 
même  plan , à cause  de  la  faible  épaisseur  du  muscle , 
elles  représentent  une  sorte  de  peigne.  Si  le  muscle  est 
contracté,  on  voit  que  les  dernières  fibrilles  transverses 
visibles  du  nerf  répondent  exactement  au  sommet  des 
angles  ou  des  flexuosités  du  muscle. 

Les  nerfs,  quoique  nombreux  et  volumineux  dans 
les  muscles,  échappent  à la  vue  long-temps  avant  que 
leurs  divisions  soient  à beaucoup  près  assez  multi- 
pliées pour  pouvoir  se  distribuer  à toutes  les  fibres 
musculaires.  On  a imaginé  deux  hypothèses  pour  ex- 
pliquer leur  action  sur  toutes  ces  fibres  : Isenflamm  et 
M.  Carlisle  supposent  que  les  nerfs , à leur  terminai- 
son, se  fondent  dans  le  tissu  cellulaire  des  muscles, 
et  que  ce  tissu  participe  par-là  à la  propriété  con- 
ductrice des  nerfs;  Reil  admet  que  les  nerfs  ont  une 
sphère  d’activité  étendue  au  delà  de  leur  terminaison, 
et  qu’il  appelle  atmosphère  nerveuse.  Ce  sont  des  sup- 
><  positions  qui  seront  examinées  plus  loin. 

S 66 3.  La  plupart  des  muscles,  enfin,  ont  les  extré- 
mités de  leurs  fibres  attachées  à du  tissu  ligamenteux  , 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


56o 

par  1 intermède  duquel  leur  action  est  transmise  plus 
ou  moins  loin.  Mais  ces  parties  ligamenteuses  sont 
beaucoup  plus  répandues  dans  les  muscles  extérieurs 

que  dans  les  autres. 

% 

§ 664-  La  couleur  des  muscles  varie  beaucoup  : ceux 
des  animaux  invertébrés  et  ceux  des  vertébrés  à san°- 
froid  sont  blancs;  ceux  des  oiseaux,  des  mammifères 
et  de  l’homme  sont,  les  uns  rougeâtres,  de  cette  teinte 
généralement  connue  sous  le  nom  de  couleur  de  chair  ; 
les  autres  sont  d’un  blanc  grisâtre  ; la  nuance  varie 
beaucoup  dans  les  uns  et  dans  les  autres;  elle  varie 
aussi,  suivant  différentes  circonstances  antérieures  ou 
postérieures-  à la  mort;  la  couleur  s’enlève  aisément 
par  le  lavage  et  la  macération  ; elle  paraît  d’ailieurs 
d’autant  plus  faible,  que  le  muscle,  ou  le  faisceau, 
ou  le  fascicule  est  plus  petit,  et  d’autant  plus  foncée, 
au  contraire , que  la  masse  est  plus  grande.  En  tranches 
minces,  la  chair  musculaire  est  demi-transparente. 

La  consistance  des  muscles  varie  beaucoup,  meme 
dans  le  cadavre,  et  par  des  causes  qui  ont  agi  avant 
ou  depuis  la  mort,  et  qui  vont  être  examinées  en 
parlant  de  leur  irritabilité.  En  général,  la  fibre  mus- 
culaire est  molle,  humide,  peu  élastique , facile  à dé- 
chirer dans  le  cadavre. 

§ 665.  La  chair  musculaire,  exposée  en  tranches 
minces  à l’action  d’un  courant  d’air  sec,  ou  à l’étuve, 
perd  plus  de  la  moitié  de  son  poids,  devient  brufie, 
plus  transparente  et  très-dure.  Plongée,  au  contraire, 
dans  l’eau  froide  souvent  renouvelée,  la  chair  perd 
entièrement  sa  couleur,  et  prend  une  teinte  jaune- 
paille.  La  macération  d’ailleurs  l’amollit  et  la  gonfle. 


DU  SYSTEME  MUSCULAIRE. 


56l 

L’alcohol , les  acides  étendus , la  solution  de  su- 
blimé corrosif,  celles  d’alun  , de  sel  commun  , de  ni- 
trate de  potasse , augmentent  la  consistance  du  muscle , 
le  contractent  légèrement  , favorisent  sa  séparation 
en  fibres , et  altèrent  sa  couleur  de  diverses  manières. 
L’alcohol  le  pâlit;  l’alun  le  brunit  et  le  durcit  beau- 
coup ; le  nitrate  de  potasse  et  le  sel  commun  le  rou- 
gissent un  peu,  et  après  l’avoir  durci  d’abord,  l’amol- 
lissent ensuite,  surtout  le  premier,  tout  en  retardant 
cependant  sa  décomposition.  Suivant  les  observa- 
tions inédites  de  M.  Bretonneau  , et  celles  de  M.  La- 
barraque , la  solution  de  chlorure  de  calcium , à un 
degré  convenable  de  concentration , conserve  à la 
chair  musculaire  et  aux  autres  parties  'molles  leur 
consistance,  leur  flexibilité  et  leurs  autres  qualités  na- 
turelles. 

§ 666.  La  chair  musculaire  , traitée  par  l’eau  froide  , 
lui  abandonne  de  la  matière  colorante,  un  peu  dif- 
férente de  celle  du  sang,  de  ralbumine,  de  la  géla- 
tine , et  une  matière  extractive  aperçue  par  Thouvenel. 

Soumise  à l’action  de  l’eau  bouillante  , la  chair 
fournit  une  plus  grande  quantité  des  mêmes  subs- 
tances , et , de  plus , de  la  graisse.  Le  muscle  ainsi 
traité , et  épuisé  par  l’action  prolongée  de  l’eau  ; il 
reste  des  fibres  décolorées  , insolubles  dans  l’eau , 
aisées  à réparer , qui  par  la  dessiccation  deviennent  cas- 
! santés  , et  qui  ont  toutes  les  propriétés  de  la  fibrine. 
La  chair  musculaire  calcinée  laisse  environ  un  ving- 
tième de  son  poids  de  matières  salines. 

Il  suit  de 'ces  faits,  observés  par  Thouvenel  . Four- 
b croy,  M.  Thénard  et  autres,  que  les  muscles  sontprin- 

36 


1. 


56a 


A N A.TOMIE  GÉNÉRALE. 


cipalement  composés  de  fibrine,  et  qu’ils  contiennent 
aussi  de  l’albumine , de  la  gélatine,  de  l’extractif, 
osmazome  de  M.  Thénard,  des  phosphates  de  soude, 
d’ammoniaque  et  de  chaux , et  du  carbonate  de  chaux. 

Ces  observations  ont  été  faites  particulièrement  sur 
la  chair  de  bœuf;  mais  comme  les  propriétés  chimiques 
des  muscles  présentent  des  différences,  même  entre 
des  animaux  de  genre  peu  différens,  elles  ne  sont 
peut-être  pas  exactement  applicables  à l’homme. 

§ 667.  Dans  l’état  de  vie,  les  muscles  jouissent  d’une 
force  ou  propriété  active,  désignée  communément 
sous  les  noms  d’irritabilité  musculaire , de  force  mus- 
culaire, ou  de  myotilité. 

§ 668.  L’action  musculaire  1 a été  le  sujet  de  beau- 

1 Voyez  Fr.  Glisson  , Anat.  hepatis.  ; Lond.,  1 654- — 1 
Swammerdam  , Biblia  nat. , tom.  II.  — Haller,  de  Partibus 
corp.  hum.  irrilabilibus  ; in  comm.  Gotting. , tom.  II,  et 
in  Nov.  comm . Gotting.,  tom.  IV.  — Mémoires  sur  la  na- 
ture sensible  et  irritable  des  parties  du  corps  humain; 
Laus. , 1756-59.  — Petrini,  SulV  insensib.  e irritab.  Dissert, 
transp.  ; Romœ , — Fabri,  Sull’  insensitiva  e irrit. 

opuscol.  raccolti ; Bonon.  , iySj  - 5q.  — A.  G.  Weber, 
de  Initiis  ac  progr.  doctr.  irritab. , etc.;  Halœ , 1783. — 
J.  L.  Gautier  ( prœs . Reil.),  de  Irritabil.  notione , etc.; 
Halœ,  1793.  — Croonian  * lectures  on  muscular  motion , in 
\ 

* Le  docteur  W.  Croon  ou  Croone,  mort  en  1684,  laissa  le  plan  de 
deux  lectures  à fonder,  l’une  au  college  des  médecins,  sur  les  nerfs  et 
le  cerveau;  l’autre,  qui  devait  être  annuelle,  à la  Société  royale  de 
Londres,  sur  la  nature  et  les  lois  du  mouvement  musculaire  : celle-ci 
continue  encore,  et  a donné  lieu  à plusieurs  excellens  Mémoires,  tant 
snr  la  texture  que  sur  l’action  des  muscles.  Plusieurs  de  ces  leçons  n* 
sont  pas  consignées  dans  les  Transactions  philosophiques. 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE. 


563 


coup  de  travaux  de  la  part  de  Haller,  de  plusieurs 
physiologistes  antérieurs  à lui , et  d’un  grand  nombre 
de  ses  contemporains  et  de  ses  successeurs. 

L’étude  de  l’action  musculaire  comprend  celle, 
i°  des  phénomènes  de  cette  action;  2°  de  ses  condi- 
tions, 3°  de  son  principe  ou  de  sa  cause,  et  4°  de  ses 
effets. 

§ 669.  Les  phénomènes  de  l’action  musculaire  les 
mieux  constatés  sont  les  suivans  : le  muscle  en  ac- 
tion se  raccourcit,  se  tuméfie,  durcit;  on  est  incer- 
tain si  son  volume  change;  sa  couleur  ne  varie  pas  ; 
il  présente  des  rides  ou  des  plis  à sa  surface  ; ses 
fibres  et  ses  fascicules  sont  souvent  dans  un  état  de 

1 

tremblement  ou  d’ossillation  qui  dépend  de  leurres- 
serrement  et  de  leur  relâchement  alternatifs;  il  ac- 
quiert une  force  très-grande,  et  une  élasticité  mani- 
feste : ce  sont  là  les  phénomènes  de  la  contraction  ; le 
plus  remarquable  de  ces  faits  est  en  effet  le  raccourcis- 
sement. Lorsque  l’action  cesse,  tous  ces  phénomènes 
disparaissent , et  le  muscle  est  alors  dans  le  relâchement. 

Les  muscles  sont-ils  aussi  susceptibles  d’une  élon- 

i . j ■ . .?  . • 

i philos.  Trans.,  ann.  1738 , 1745,  1747,  I75i,  1788,  1795, 
i8o5,  1810,  1818,  etc.  — J.  Chr.  A.  Clarus,  der  Krarnpf; 
Lips.,  18 22.  — Lucæ,  Grundlinien  einer  physiol.  der  Irri- 
tabilitàt  des  menschlichen  organismus  , in  Meckel’s  Archiv. , 
B.  III.  — G.  Blanc,  On  muscular  motion  ; London,  1788,  et 
in  select.  Dissert etc.;  Lond. , 1822.  — Barzelotd,  Esame 
di  alcune  moderne  Théorie  alla  causa  prossima  délia  con- 
trazionc  muscolare  ; Sienna , 1796,  et  in  Reil’s  Archiv., 
B.  VI.  — H.  Mayo  , Jnat.  and physiol.  commentâmes  , 110  1 ; 
Lond.  , 1 822. 


56‘4  anatomie  générale. 

gation  active ? Divers  faits  ont  été  cités  en  faveur  de 
cette  opinion.  Parmi  eux,  les  uns  1 ne  prouvent  rien 
du  tout  en  sa  faveur,  les  autres,  rapportées  par  Bi- 
chat , M.  Autenrieth , M.  Sprengel  et  M.  Meckel , 
laissent  encore  la  question  au  moins  indécise. 

On  a admis  aussi,  dans  les  muscles,  une  force  de 
situation  fixe"1 , ou  une  action  dans  laquelle  ils  ne  sont 
ni  contractés  ni  allongés.  On  peut  dire  de  ce  phéno- 
mène la  même  chose  que  du  précédent. 

§ 6 70.  La  contraction  ou  le  raccourcissement  étant  le 
fait  le  mieux  constaté  dans  l’action  musculaire , il 
faut  l’examiner  en  détail,  ainsi  que  ses  phénomènes 
concomittans. 

Le  muscle  augmentant  d’épaisseur  en  même  temps 
qu’il  se  raccourcit,  la  simultanéité  de  ces  deux  phé- 
nomènes a donné  lieu  à une  question  qui  a beaucoup 
occupé  les  physiologistes  , et  qui  n’est  pas  encore  tout- 
à-fait  résolue,  c’est  de  savoir  si  le  volume  des  muscles 
change  lors  de  leur  contraction. 

Les  expériences  de  Swammerdam , de  Glisson , de 
Goddart  et  de  M.  Erman,  sur  la  diminution  de  vo- 
lume des  muscles  pendant  la  contraction , ne  prouvent 
pas  sans  réplique  que  cette  diminution  ait  lieu.  Il  en 
est  de  même  des  expériences  et  des  raisonnemens 
d’Hamberger,  de  Prochaska  et  de  M.  Carlisle,  en  fa- 
veur de  l’augmentation  : ils  laissent  également  la  ques- 
tion indécise.  Il  est  très-probable  que,  suivant  les 

1 V.  Barthez,  Nouv.  Élém.  de  la  science  de  l'homme, 
tome  I. 

1 Barthez , ibid. 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  565 

observations  et  les  expériences  de  M.  G.  Blane , de 
M.  Barzelotti,  de  M.  Mayo,  et  de  MM.  Prévost  et 
Dumas,  et  suivant  l’opinion  de  M.  Sœmmering,  de 
M.  Sprengel  et  de  M.  Meckel,  il  n’y  a aucun  change- 
ment de  volume;  le  raccourcissement  et  le  gonflement 
du  muscle  se  compensant  mutuellement. 

§ 671.  Le  raccourcissement  se  manifeste  par  divers 
effets  , le  gonflement  est  évident  à la  plus  simple 
observation,  l’endurcissement  est  sensible  au  toucher. 

§ 672.  La  couleur  des  muscles  ne  change  pas  pen- 
dant la  contraction.  On  a cru  apercevoir  le  contraire, 
en  examinant  le  cœur  en  action  sur  de  jeunes  ani- 
maux : c’est  uniquement  à sa  transparence  qu’est  dû 
le  changement  apparent  de  couleur. 

§673.  Un  grand  nombre  de  physiologistes  ont  at- 
tribué  l’action  musculaire  à l’accumulation  du  sang 
dans  les  muscles,  soit  dans  l’intérieur  même,  soit  dans 
les  intervalles  des  fibres;  d’autres  à des  causes  ana- 
; logues , qui  toutes  supposent  une  activité  augmentée 
>de  la  circulation  pendant  l’action  musculaire.  Haller  a 
i déjà  fait  diverses  objections  à ces  hypothèses.  Il  n’y  a 
i aucune  preuve  directe  de  l’afflux  du  sang  dans  les 
muscles  pendant  leur  action.  Il  résulte  d’ailleurs,  des 
: expériences  de  Barzellotti  , que  la  contraction  des 
; muscles  de  la  grenouille,  excitée  par  le  galvanisme, 
peut  avoir  lieu  après  la  mort,  i°  lors  que  le  sang  ne 
I circule  plus  dans  les  vaisseaux  ; i°  lors  même  que  le 
b sang  est  congelé  ; et,  3°  lors  qu’enfin  les  vaisseaux  sont 
i privés  de  sang.  Il  s’agit,  à la  vérité,  de  contractions 
Y cadavériques  , excitées  par  le  galvanisme;  mais  d’autres 
J faits  prouvent  encore  que  la  présence  du  sang  dans 


5 66 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


les  vaisseaux  des  muscles  n’est  pas  nécessaire  à leur 
contraction.  On  sait  cependant  que,  quand  il  y a du 
sang  fluide  dans  un  muscle , la  contraction  , même 
après  la  mort,  y met  le  sang  en  mouvement,  comme 
par  une  sorte  d’expression. 

§674.  Les  fibres  qui  étaient  droites  pendant letat de 
relâchement , se  fléchissent  pendant  la  contraction , en 
formant  des  sinuosités  très-régulières.  Ces  sinuosités 
ou  ces  plis,  aperçus  déjà  par  beaucoup  d’observateurs, 
ont  surtout  été  examinés  avec  soin  par  MM.  Prévost 
et  Dumas  , qui  ont  reconnu  que  ces  zig-zags  se  pro- 
duisent toujours  de  la  même  manière,  et  que  les  som- 
mets des  angles , qui  sont  les  points  de  la  fibre  qui  se 
rapprochent  hors  de  la  contraction,  sont  aussi  ceux 
où  se  terminent  les  dernières  ramifications  transverses 
des  nerfs. 

§ 67 5.  Pendant  la  contraction  des  muscles  il  se  passe 
dans  leur  épaisseur  une  agitation  fibrillaire  1 conti- 
nuelle j les  unes , parmi  les  fibres , se  contractent , tan- 
dis que  d’autres  se  relâchent.  C’est  à cette  cause  qu’il 
faut  rapporter  le  bruissement  que  l’on  entend  quand  on 
applique  le  doigt  sur  l’orifice  du  conduit  auriculaire, 
ainsi  que  celui  que  l’on  aperçoit  par  le  stéthoscope 
appliqué  sur  un  muscle  en  action.  Ce  phénomène  est 
surtout,  et  peut-être  uniquement,  sensible  dans  un 
muscle  en  action  soutenue.  Il  n’a  été  observé  aussi, 
soit  par  la  vue,  soit  par  l’ouïe,  que  dans  les  muscles 
extérieurs , et  dans  le  cœur. 

1 Roger,  De perpetuâ fibr.  musc,  palpitatione ; Gotl. , 176°- 
— WôllastOD,  Croonian  lecture , in  philos.  Tram,  ; ann.  i$i°* 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE. 


5 67 

§ 676.  Certains  muscles  peuvent  se  contracter  par- 
tiellement. C’est  du  moins  ce  que  l’on  voit  dans  des 
expériences  sur  les  animaux  vivans , et  dans  quelques 
cas  de  convulsion  des  muscles  sous-cutanés.  Cela  est-il 
propre  aux  muscles  qui  ont  plusieurs  nerfs  ? 

§677.  La  vitesse  et  la  force  delà  contraction  sont 
extrêmement  grandes  ; la  vitesse  est  très-grande  dans 
l’action  de  courir,  dans  celle  de  parler  avec  promp- 
titude, dans  celle  de  jouer  des  instrumens  à corde,  etc. 
Cette  vitesse,  dans  quelques  cas,  peut  être  portée  jus- 
qu’à moins  d’une  tierce.  La  force  des  muscles  en 
action  est  énorme,  et  suffit  quelquefois  pour  rompre 
les  tendons  ou  les  os,  parties  du  corps  si  résistantes  à 
la  rupture;  elle  est  toujours  relative  au  nombre  des 
fibres  musculaires  , chacune  d’elles  ayant  sa  force 
propre,  qui  est  une  fraction  de  la  force  totale.  L’élas- 
ticité des  muscles  contractés  est  surtout  manifeste 
dans  la  production  de  la  voix. 

§ 678.  L'étendue  de  la  contraction  est  difficile  à dé- 
terminer; on  a essayé  de  le  faire , d’après  des  idées  hy- 
pothétiques sur  la  forme  des  fibres  primitives , et  on  l’a 
alors  évaluée  à un  tiers  de  la  longueur  de  la  fibre. 
L’observation  directe  montre  que  le  raccourcissement 
de  la  fibre  contractée , dans  les  muscles  extérieurs , 
est  d’un  quart  de  sa  longueur;  MM.  Prévost  et  Dumas 
sont  arrivés  au  même  résultat,  en  mesurant  les  angles 
qui  se  forment  pendant  la  contraction.  Quoiqu’il  en 
soit,  l’étendue  de  la  contraction  est  en  effet  relative 
à la  longueur  des  fibres  musculaires.  Lorsque  rien  11e 
s oppose  a la  contraction  d’un  muscle,  elle  peut  pro- 
duire un  très-grand  raccourcissement,  comme  on  en 


568 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

voit  des  exemples  dans  des  cas  de  fractures  et  de  perte 
de  substance  des  os  des  membres. 

§ 679.  Les  conditions  de  l’action  musculaire  sont 
la  vie  du  muscle  et  sa  communication  avec  les  centres 
circulatoire  et  nerveux,  son  état  d’intégrité,  et  l’ac- 
tion d’un  excitant  ou  stimulant. 

Pour  que  l’action  musculaire  ait  lieu,  il  faut  que  le 
muscle  participe  à la  circulation  : si  on  lie  les  artères 
ou  les  veines  principales  d’une  partie  du  corps,  l’ac- 
tion musculaire  y est  considérablement  affaiblie.  Les 
muscles,  pour  agir,  doivent  aussi  communiquer  par 
les  nerfs  avec  le  centre  nerveux  ; l’interruption  de 
cette  communication  arrête  l’action  musculaire  plus 
ou  moins  subitement.  Elle  arrête  toujours,  et  à l’ins- 
tant, l’influence  du  centre  nerveux;  mais  le  muscle 
reste  irritable  par  des  causes  qui  agissent  sur  lui  ou 
sur  le  nerf  auquel  il  tient  encore. 

§ 680.  Le  muscle  doit  être  dans  son  état  d’intégrité  : 
la  contusion  des  muscles,  l’inflammation  de  leurs  gaines 
cellulaires,  l’accumulation  de  la  graisse  dans  les  inter- 
valles des  fascicules,  etc. , sont  autant  de  circonstances 
qui  s’opposent  encore  plus  ou  moins  à l’action  mus- 
culaire. La  distension  extrême  des  fibres  musculaires 
suffit  pour  empêcher  leur  action  ; il  n’en  est  pas  tout- 
à-fait  de  même  de  leur  raccourcissement.  Un  degré 
extrême  de  chaleur  ou  de  froid,  l’application  immé- 
diate de  l’opium  sur  les  muscles,  et  diverses  autres 
substances  , diminuent  1 irritabilité  musculaire  en  gé- 
néral , mais  cependant  peu  la  susceptibilité  galvanique. 

§ 681.  Il  faut  enfin  , pour  que  le  muscle  entre  en  ac- 
tion , qu’il  y soit  excité  par  un  stimulant.  Lesstimulans 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  56g 

de  l’action  musculaire  sont,  i°  la  volition , ou  action 
de  la  volonté  : elle  agit  sur  les  muscles  par  l’intermède 
des  nerfs , mais  elle  n’est  un  stimulant  que  pour  cer- 
tains muscles  seulement , que  pour  cette  raison  on 
appelle  muscles  volontaires  ; 2°  l’émotion  ou  la  passion 
qui  agit  par  le  même  moyen  , mais  dont  l’action  est 
étendue  à tous  les  muscles;  3°  l’irritation  de  l’encé- 
phale, du  cordon  rachidien  ou  des  nerfs,  qui,  dans 
le  premier  cas,  agit  aussi  sur  tous  les  muscles,  mais 
avec  plus  ou  moins  d’énergie  ; 40  la  stimulation  de 
quelque  partie  déterminée  , de  la  peau  ou  de  la  mem- 
brane muqueuse,  plus  ou  moins  éloignée  des  mus- 
cles; 5°  celle  de  la  membrane  qui  couvre  immédiate- 
ment les  muscles,  comme  la  membrane  interne  du 
cœur,  la  gaîne  celluleuse  des  muscles,  la  membrane 
séreuse  de  l’abdomen , etc.  ; 6°  enfin , l’irritation  di- 
recte du  muscle  lui-même  : il  reste  douteux,  dans  ce 
cas,  si  l’excitanl!  agit  directement  sur  la  fibre  muscu- 
laire , ou  par  l’intermède  des  nerfs.  Ce  qui  rend  la 
dernière  supposition  plus  vraisemblable , c’est  que  l’ir- 
ritation d’une  partie  d’un  muscle  produit  la  contrac- 
tion du  muscle  entier. 

§ 682.  La  cause  de  l’action  musculaire  est  , comme 
celle  de  toutes  les  actions  organiques , à peu  près 
impossible  à déterminer  : on  en  connaît  les  phéno- 
mènes et  les  conditions  ; au  delà  ce  sont  de  pures 
hypothèses.  On  a attribué  cette  cause  a Faction  du 
nerf,  à celle  du  sang,  à l’action  réciproque  du  nerf 
et  du  sang  dans  le  muscle  ; et , suivant  les  doctrines 
dominantes  aux  diverses  époques,  ces  opinions  ont 
donné  lieu  à beaucoup  d’hypothèses  différentes.  Au- 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


570 

cune  d’elle  11e  rend  raison  de  l’augmentation  considé- 
rable de  la  force  de  cohésion  du  muscle.  Il  est  évi- 
dent que  pendant  la  contraction  il  y a un  accroisse- 
ment momentané  de  l’attraction  moléculaire  entre  les 
particules  de  la  fibre.  Si  l’on  considère  la  forme  plissée 
que  prend  la  fibre,  et  le  rapport  des  filets  nerveux 
avec  les  plis,  on  concevra  que  l’influence  nerveuse 
doit  avoir  une  très-grande  part  dans  le  phénomène 
de  la  contraction. 

§ 683.  L’irritabilité  est-elle  une  force  inhérente  à la 
substance  fibrineuse  des  muscles  , et  l’action  nerveuse 
n’agit-elle  là  que  comme  tout  autre  excitant  de  la  con- 
traction ? Dans  cette  hypothèse , les  nerfs  rempliraient, 
dans  les  muscles  volontaires,  l’unique  fonction  de 
les  irriter  5 et  à l’égard  des  muscles  qui,  comme  le 
cœur,  ne  se  contractent  point  volontairement , l’action 
nerveuse  ne  se  manifesterait  point  dans  les  circons- 
tances ordinaires.  Ou  bien  l’irritabilité  a-t-elle  sa 
source  unique  dans  le  système  nerveux?  dans  cette 
autre  hypothèse,  les  nerfs  rempliraient,  à l’égard  des 
muscles  volontaires , le  double  office  de  les  rendre  ir- 
ritables, et  de  les  faire  se  contracter;  et,  à l’égard  des 
muscles  involontaires , dont  la  contraction  est  déter- 
minée par  des  stimulans  locaux , elle  les  rendrait  seule- 
ment aptes  à cette  contraction.  Ou  bien,  enfin,  les 
muscles  ont-ils  une  force  propre  ( vis  insita  ) et  une 
force  empruntée  à l’action  nerveuse  (2 us  nervea):J 
Il  est  à peu  près  impossible  de  résoudre  ces  questions, 
et  de  choisir  avec  quelque  motif  raisonnable  entre  ces 
hypothèses. 

§ 684-  effets  de  l’action  musculaire  dans  le 


DU  SYSTEME  MUSCULAIRE.  5^1 

corps  vivant,  sont  de  produire  ou  d’empêcher  le  mou- 
vement des  parties  solides  et  liquides,  ou  même  du 
corps  entier,  suivant  les  cas. 

Les  modes  suivant  lesquels  les  muscles  exercent 
leur  action,  peuvent  être  réduits  à deux  : i°  les  deux 
extrémités  des  fibres  en  action  peuvent  rester  égale- 
ment fixes , comme  dans  l’action  du  diaphragme , des 
muscles  de  l’abdomen,  du  buccinateur,  etc.;  ou  être 
également  mobiles,  comme  dans  les  sphincters,  les  fibres 
annulaires  de  l’estomac  , des  intestins , etc.  ; 2°  une  ex- 
trémité des  fibres  en  action  est  plus  fixe  que  l’autre  ; 
de  sorte  que  la  plus  mobile  est  entraînée  vers  l’autre, 
comme  dans  la  plupart  des  muscles  des  membres; 
comme,  surtout,  dans  les  muscles  des  doigts  ou  des 
orteils;  ou  bien  même  une  extrémité  est  absolument 
fixe,  et  l’autre  absolument  mobile,  comme  dans  les 
muscles  de  l’œil,  du  voile  du  palais,  ded’oricule,  etc. 

§ 685.  Les  actions  musculaires  qui  ont  naturelle- 
ment lieu  dans  le  corps  peuvent  être  divisées  en  deux 
classes  : les  unes  sont  volontaires,  les  autres  involon- 
taires. 

Les  actions  volontaires  sont  celles  de  tous  les 
muscles  servant  à la  station  et  aux  mouvemens  du 
squelette,  aux  mouvemens  du  larynx,  et  à ceux  des 
organes  des  sensations.  Tous  ces  muscles  reçoivent 
leurs  nerfs  directement  de  la  moelle. 

Les  actions  involontaires  peuvent  être  sous-divisées 
en  trois  ordres  : les  unes  sont  produites  par  des  sti- 
mulus agissant  à travers  une  membrane  mince,  qui 
couvre  immédiatement  les  muscles;  ce  sont  les  mou- 
vemens du  canal  alimentaire,  de  la  vessie  urinaire. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


572 

ceux  du  cœur,  etc. ; d’autres  sont  produits  par  des 
stimulus  d’un  genre  analogue , mais  qui  se  propagent 
par  voie  d’association  à beaucoup  d’autres  muscles  : 
tels  sont  les  mouvemens  de  déglutition  , de  respira- 
tion, de  toux,  d’éternument,  d’excrétion  fécale,  d’é- 
mission du  sperme  et  de  l’urine,  d’accouchement,  etc. 
Les  autres  sont  les  mouvemens  d’émotion  ou  de  pas- 
sion, comme  le  rire,  les  cris,  etc. 

Parmi  les  actions  ou  les  mouvemens  de  cette  se- 
conde classe,  quelques-uns  ont  été  regardés  comme 
demi -volontaires  , ou  bien  comme  constituant  une 
classe  intermédiaire  de  mouvemens  mixtes.  Il  est  en 
effet  très-difficile  d’établir  une  démarcation  parfaite- 
ment tranchée  entre  les  mouvemens  volontaires , c’est- 
à-dire  parfaitement  soumis  à la  volonté,  et  les  mou- 
vemens involontaires  ; car,  d’une  part,  il  est  peu  de 
fonctions  sur  lesquelles  la  volonté , mais  surtout  les 
passions,  n’aient  de  l’empire , et,  d’un  autre  côté,  beau- 
coup de  mouvemens  volontaires  deviennent,  par  l’as- 
suétude, presque  involontaires  : tels  sont,  par  exemple, 
les  mouvemens  des  membres  qui  ont  lieu  sans  cons- 
cience et  sans  volonté  pendant  le  sommeil  ; tels  sont 
ceux  des  paupières  qui  ont  lieu  sans  et  tnême  malgré 
la  volonté,  quand  un  corps  étranger  est  approché  de 
l’œil;  telle  est,  d’un  autre  côté,  la  difficulté  ou  lim- 
possibilité  de  mouvoir  simultanément  les  membres 
supérieurs  ou  inférieurs , les  yeux  , dans  une  direc- 
tion opposée  à celle  qu’ils  suivent  ordinairement.  L ir- 
ritation accidentelle  des  muscles,  des  nerfs,  ou  du 
centre  nerveux,  rend  quelquefois  tout-à-fait  involon- 
taire la  contraction  des  muscles  extérieures  ; d’autres 


DU  SYSTEME  MUSCULAIRE.  5j/3 

affections  les  rendent  immobiles  malgré  la  volonté. 
Quant  à l’influence  de  la  volonté  sur  les  mouvemens 
regardes  comme  involontaires,  elle  est  évidente  sur 
ceux  de  la  respiration  , du  vomissement , de  la  rumi- 
nation j il  paraîtrait  même  qu  elle  se  serait  étendue 
quelquefois  jusqu’aux  mouvemens  du  cœur  , jusqu’à 
ceux  de  l’utérus,  à ceux  de  l’iris,  à ceux  de  la  peau; 
il  est  vrai  qu’il  ne  faut  pas  oublier  l’influence  des  pas- 
sions sur  la  volonté  elle-même. 

I 

Les  mouvemens  que  l’on  a regardés  comme  mixtes 
sont  surtout  ceux  qui,  s’exerçant  ordinairement  sans 
conscience  et  sans  volonté,  peuvent  être  modifiés  par 
la  volonté  : tels  sont  ceux  du  diaphragme.  On  ne  donne 
pas  aussi  généralement  ce  nom  a ceux  qui , habituel- 
lement volontaires , s’exercent  par  assuétude  et  par 
association  , sans  que  la  volonté  les  dirige  ; comme  les 
mouvemens  de  balancement  des  membres  supérieurs 
dans  la  marche. 

Il  est  à remarquer  que  l’apoplexie  et  les  autres  affec- 
tions cérébrales  paralysent  le  plus  souvent  les  muscles 
volontaires  seuls. 

§ 686.  En  général  , les  mouvemens  musculaires 
variés  qui  ont  heu  dans  le  corps  vivant , sont  ou 
associés  les  uns  aux  autres  pour  produire  une  même 
action , ou  opposés  les  uns  aux  autres  pour  produire 
des  actions  contraires  : dans  le  premier  cas,  les  muscles 
sont  dits  congénères  ; dans  le  second,  ils  sont  antago- 
nistes. L’antagonisme  est  beaucoup  plus  évident  dans 
les  muscles  extérieurs , comme , par  exemple  , on  le 
voit  entre  les  fléchisseurs  et  les  extenseurs , etc.  ; 
il  est  moins  marqué  dans  les  muscles  intérieurs  ou 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


574 

automatiques  ; cependant  il  ne  leur  est  pas  tout-à-fait 
étranger;  il  résulte,  aux  orifices  naturels,  de  l’opposi- 
tion des  muscles  automatiques  et  des  muscles  arbi- 
traires, comme  on  le  voit  entre  les  muscles  excréteurs, 
qui  sont  involontaires , et  les  muscles  rétenteurs  ou 
sphincters  , qui  sont  volontaires.  Partout  l’antago- 
nisme présente  ce  phénomène  remarquable  , que  la 
contraction  des  uns  est  accompagnée  du  relâchement 
des  autres  muscles.  Les  muscles  congénères  ou  asso- 
ciés présentent  cet  autre  phénomène  important,  que 
leur  contraction  est  simultanée , et  que  , quand  la 
stimulation  est  bornée  à un  seul,  les  autres  entrent 
néanmoins  en  action  : ainsi,  quand  le  gosier,  l’orifice 
du  larynx,  l’angle  antérieur  du  trigone  vésical , etc., 
sont  stimulés , toutes  les  puissances  musculaires  du 
vomissement,  de  la  toux  ou  de  l’urinement,  etc., 
entrent  en  action  , par  la  loi  de  l’association  des  mus- 
cles congénères  , en  même  temps  et  conformément 
à la  loi  de  l’antagonisme.  Dans  ce  dernier  cas  , les 
muscles  sphincters  et  constricteurs  du  col  de  la  ves- 
sie et  de  l’urèthre  se  relâchent. 

§ 687.  Les  muscles  continuent,  quelque  temps  après 
la  mort,  après  la  cessation  de  la  circulation,  à être 
irritables  et  contractiles  par  divers  stimulus.  Tous  les 
muscles  ne  conservent  pas  pendant  le  même  temps 
l’irritabilité  ; ils  ne  perdent  pas  non  plus  tout  à coup 
la  susceptibilité  à la  contraction  , mais  ils  cessent 
d’abord  d’être  excitables  par  tel  ou  tel  stimulus;  l’état 
antérieur  de  la  santé,  le  genre  de  mort,  les  circons- 
tances extérieures  avant  la  mort  influent  beaucoup  sur 
la  durée  de  l’irritabilité  musculaire.  Galien , Harvey , 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  5^5 

Haller,  savaient  que  le  cœur  est  en  général  Vultimum 
moriens.  Haller  avait  établi  un  ordre  de  cessation  de 
l'irri  tabilité  dans  les  différens  muscles,  et  avait  en- 
trevu aussi  diverses  variétés  dans  cet  ordre.  Zinn , 
Zimmermann,  OEder,  Froriep,  et  surtout  Nysten,  se 
sont  occupés  de  cette  question.  Les  variétés  déjà  en- 
trevues par  Haller  dépendent  beaucoup  de  la  nature 
de  l’excitant  : ainsi , le  cœur  reste  plus  long-temps 
qu’aucun  autre  muscle,  irritable  par  les  agens  méca- 
niques, et  les  muscles  du  squelette,  au  contraire,  par 
l’irritation  galvanique.  L’irritation  galvanique  agit  plus 
efficacement  en  ne  comprenant  pas  les  muscles  exté- 
rieurs , qu’en  les  comprenant  avec  le  nerf  dans  le 
courant.  Le  contraire  a lieu  pour  les  muscles  inté- 
rieurs. * 

L’ordre  établi  par  Nysten , pour  l’extinction  suc- 
cessive de  l’irritabilité  dans  les  cadavres  d’individus 
décapités,  est  le  suivant  : i°  le  ventricule  aortique  du 
cœur;  2°  le  gros  intestin,  l’intestin  grêle  et  l’estomac  ; 
3°  la  vessie  urinaire  ; 4°  le  ventricule  pulmonaire  ; 
5°  l’œsophage;  6°  l’iris;  y°  les  muscles  extérieurs; 
8°  l’oreillette  droite , et  enfin  la  gauche. 

Des  muscles,  ou  des  portions  de  muscles,  séparés 
du  corps  vivant,  conservent  pendant  quelque  temps 
l’irritabilité.  Ils  présentent  sous  ce  rapport  des  variétés 
analogues  à celles  qui  viennent  d’être  indiquées.  La 
contraction  dans  ces  deux  circonstances  a évidemment 
lieu  sans  afflux  du  sang. 

§ 688.  Quand  l’irritabilité  est  près  d’être  éteinte 
ou  épuisée  dans  les  muscles  , l’irritation  ne  détermine 
plus  de  contraction  générale  ou  étendue  des  muscles 


ANATOMIE  GENERALE. 


O76 

entiers,  de  leurs  faisceaux  ou  de  leurs  fascicules, 
mais  elle  reste  bornée  aux  points  irrités , qui  se  tu- 
méfient par  la  flexuosité  dont  ils  deviennent  le  siège. 
Ce  dernier  genre  d’irritabilité , qui  survit  à l’action 
nerveuse , me  semble  tout-à-fait  du  même  genre  que 
celui  qu’on  observe  dans  la  fibrine  du  sang;  c’est  là 
véritablement  la  vis  insita  de  la  fibre  musculaire. 

§ 689.  Le  genre  de  la  mort,  l’état  antérieur  et  les 
circonstances  environnantes , influent  sur  l’irritabilité 
cadavérique.  L’état  de  paralysie  , d’hémiplégie  , n’em- 
- pêche  pas  les  muscles  d’être  irritables , dans  le  ca- 
davre , par  le  galvanisme.  Les  maladies  influent  sur 
l’irritabilité  cadavérique,  bien  plus  par  leur  marche 
et  leur  durée,  que  par  leur  nature;  les  maladies  chro- 
niques altèrent  beaucoup  plus  cette  propriété  que  les 
maladies  aiguës , et  parmi  les  chroniques  , ce  sont 
celles  dans  lesquelles  la  nutrition  est  le  plus  lésée , 
qui  portent  la  plus  forte  atteinte  à l’action  muscu- 
laire. Les  sujets  les  plus  musclés  ne  sont  pas  ceux 
chez  qui  l’irritabilité  musculaire  persiste  le  plus  après 
la  mort.  Cette  durée  varie  depuis  une  heure  jusqu’à 
vingt-quatre  heures  environ. 

§ 690.  Enfin  , après  que  toute  irritabilité  générale  ou 
locale  a cessé  dans  le  corps  privé  de  vie , la  raideur 
cadavérique  se  manifeste  (§  124)*  C’est  un  phéno- 
mène constant,  quoi  qu’en  aient  dit  Haller  et  Bichat, 
mais  variable  dans  son  intensité  et  dans  sa  durée.  Cette 
contraction,  ou  raideur,  qui  a son  siège  dans  le  sys- 
tème musculaire , est  indépendante  du ‘système  ner- 
veux , elle  n’a  lieu  que  quand  ce  système  ne  jouit 
plus  d’aucune  excitabilité  galvanique.  La  section  de> 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  Snj 

nerfs  , 1 état  d’hémiplégie , l'ablation  du  centre  ner- 
veux, n’empêchent  pas  quelle  se  manifeste.  C’est  le 
dernier  effort  de  la  contractilité  musculaire.  Dans  les 
animaux  à sang  froid , où  l’excitabilité  nerveuse  per- 
siste long-temps,  la  raideur  cadavérique  se  manifeste 
tard,  et  dure  peu;  elle  se  manifeste  peu  après  la 
mort,  au  contraire,  et  dure  long-temps  dans  les  ani- 
maux à sang  chaud,  où  l’excitabilité  nerveuse  est  peu 
persistante.  La  raideur  cadavérique  semble  analogue 
à la  contraction  du  coagulum  fibrineux  du  sang,  et  ne 
cesse , comme  celle-ci , que  quand  la  putréfaction  com- 
mence. On  peut  la  regarder,  jointe  au  refroidissement 
qui  l’accompagne  toujours , comme  un  signe  certain 
de  la  mort.  Si  on  plonge  et  si  l’on  conserve  clans  l’al- 
cohol , un  muscle  dans  l’état  de  raideur,  cet  état  y 
persiste  indéfiniment. 

§ 692.  On  a encore  attribué  d’autres  propriétés  mo- 
trices aux  muscles.  Galien  leur  reconnaissait  une  force 

tonique  indépendante, de  la  vie;  on  leur  accorde  aussi 

/ 

l’élasticité;  Haller  leur  accordait  la  force  contractile 
en  général , et  la  force  morte;  Sympson  et  Whytt  leur 
attribuaient  la  tonicité  ou  la  force  tonique;  Bichat, 
outre  la  contractilité  volontaire,  et  l’irritabilité  ou 
contractilité  involontaire,  leur  accordait  aussi  la  con- 
tractilité organique  insensible,  c’est-à-dire  la  tonicité. 

Les  muscles  sont  extensibles  ; ils  sont  rétractiles 
aussi,  et! cela,  indépendamment  de  leur  contraction 
par  irritation.  Dans  l’état  de  sommeil  et  de  repos  les 
muscles  donnent,  en  général,  aux  parties  du  corps 
des  attitudes  moyennes,  dépendantes  de  leur  longueur 
proportionnelle,  et  par  conséquent  de  leur  tension  , de 


1. 


ANATOMIE  GENERALE. 


578 

leur  force,  et  de  la  manière  plus  ou  moins  efficace  dont 
cette  force  est  appliquée.  La  même  chose  a lieu  dans 
la  paralysie  déterminée  artificiellement,  en  coupant 
tous  les  nerfs  d’un  membre.  Dans  les  paralysies  par  af- 
fection cérébrale  , et  dans  les  rétractures  des  membres  , 
l’attitude  est  quelquefois  différente;  la  flexion  est  quel- 
quefois portée  très-loin.  Mais  il  reste7 ici  un  doute, 
c’est  de  savoir  si  la  cause  de  la  paralysie  a porté  égale- 
ment sur  tous  les  nerfs  de  la  partie;  si  même  cette  cause 
n’en  est  pas  une  de  contraction  tonique  de  quelques 
muscles.  Dans  le  cadavre,  les  muscles  restent  contrac- 
tiles, et  donnent  une  attitude  déterminée  à toutes  les 
parties  du  corps , jusqu’à  ce  que  la  raideur  cadavé- 
rique soit  dissipée. 

§ 698.  Les  muscles  sont  sensibles,  mais  à un  degré 
médiocre.  Ils  ne  donnent  même  guère , dans  l’état  de 
santé,  que  le  sentiment  de  la  fatigue  durant  et  après 
leur  action,  quand  elle  a été  prolongée.  Quand  l’ac- 
tion a été  très-longue  ou  violente , elle  donne  lieu  à 
une  sensibilité  douloureuse.  Il  en  est  de  même  dans 
le  cas  d’inflammation  de  leur  tissu  ou  de  leurs  gaines 
celluleuses.  Cabanis  et  le  docteur  Yelloly  ont  rapporté 
des  cas  de  maladie  dans  lesquels  les  muscles  étaient 
insensibles. 

§ 694.  Les  circonstances  qui  montrent  un  change- 
ment continuel  de  particules  dans  la  nutrition  mus- 
culaire ne  sont  pas  très-évidentes  ; le  fait  est  cepen- 
dant probable  : il  semble  que  ce  soit  la  partie  globu- 
leuse du  sang  qui  en  fournisse  les  matériaux.  O11 
connaît  les  effets  de  l’exercice  sur  l$t  nutrition  , 1 aug- 
mentation et  la  coloration  des  muscles,  et  l’effet  op- 


DU  SYSTEME  MUSCULAIRE.  5jg 

posé  d’un  repos  trop  prolongé.  La  paralysie  produit 
un  effet  plus  marqué  encore  sur  leur  diminution.  La 
quantité  et  l’espèce  de  nourriture  ont  une  grande  in- 
fluence sur  le  volume  et  la  force  des  muscles.  Cer- 
taines maladies  consomptives , comme  la  phthisie  , ont 
une  influence  marquée  sur  l’atrophie  musculaire.  On 
ignore  si  dans  ce  cas  il  y a diminution  seulement  du 
volume,  ou  disparition  des  fibres. 

§ 6p5.  Dans  l’embryon  , le  tissu  musculaire  n’est  pas 
distinct  du  tissu  cellulaire , il  se  confond  avec  lui  en 
une  masse  gélatineuse  commune.  A une  époque  peu 
éloignée  du  moment  de  la  conception , l’action  du 
cœur  annonce  déjà  un  degré  de  développement  assez 
avancé  dans  le  tissu  musculaire  de  cet  organe.  Vers 
deux  mois  de  la  conception  , les  muscles  du  squelette 
ont  des  fibres  distinctes  ; ils  commencent  à exécuter 
vers  quatre  mois  quelques  contractions.  Suivant  Bichat, 
les  muscles  du  fœtus  auraient  une  irritabilité,  ou  du 
moins  une  susceptibilité  galvanique  moindre  que  celle 
des  individus  qui  ont  respiré.  Des  expériences  faites 
par  M.  Meckel , sur  quelques  animaux , ont  eu  des 
résultats  contradictoires  à ceux  de  Bichat. 

Pendant  l’enfance , les  muscles  restent  peu  volumi- 
neux relativement  aux  nerfs  et  au  tissu  adipeux.  A cet 
âge  aussi , la  chair  musculaire  , moins  rouge , est  plus 
gélatineuse  et  moins  fibrineuse  que  dans  l’âge  adulte; 
les  mouvemens  sont  faciles,  prompts  et  faibles. 

Les  muscles,  qui  sont  d’un  rouge  vermeil  dans  l’âge 
adulte , deviennent  pâles , fauves  et  livides  dans  la 
vieillesse;  les  contractions,  à cette  époque,  deviennent 
difficiles , faibles  et  lentes. 


58()  ANATOMIE  GENERALE. 

/ 

L’irritabilité  et  les  actions  musculaires  de  la  femme , 
comparées  à celles  de  l’homme  , présentent  à peu  près 
les  mêmes  différences  que  celles  de  l’adolescent , com- 
parées à celles  de  l’adulte  : une  plus  grande  irritabilité 
ou  susceptibilité  au  mouvement , et  une  action  moins 
forte  et  moins  soutenue. 

Il  existe  entre  les  races  humaines  des  différences 
dans  la  force  musculaire  , qui , d’après  les  observa- 
tions faites  par  Péron  avec  le  dynamomètre , sont  à 
l’avantage  des  européens,  dont  la  santé  et  la  force 
résultent  d’une  nourriture  abondante  et  saine , et 
d’occupations  habituelles  ; tandis  que  les  liabitans  de 
Timor,  de  la  Nouvelle  - Hollande  et  de  la  Terre  de 
Van-Diémen , exposés  à tous  les  genres  de  privations, 
ont  moins  de  puissance  musculaire. 

§ 696.  Quand  des  muscles  sont  mis  à découvert 1 par 
une  plaie  de  la  peau,  des  aponévroses  et  des  gaines 
celluleuses , et  qu’on  réapplique  ensuite  exactement 
ces  parties,  il  se  fait  dans  la  solution  de  continuité, 
une  effusion  de  liquide  organisable , d’abord  peu  ad- 
hérent au  muscle  , et  qui  finit  par  rétablir  une  réunion 
organique.  La  même  chose  arrive  quand  des  muscles, 
divisés  en  travers  , dans  l’amputation  par  exemple , 
sont  recouverts  par  des  lambeaux  de  peau,  seulement 
la  matière  de  l’agglutination  tient  dès  le  commen- 
cement très-étroitement  à l’extrémité  tronquée  des 
muscles.  Quand  des  muscles  sont  divisés  en  travers, 
et  non  couverts  par  des  lambeaux  de  peau , il  se  forme 

1 B.  Fr.  Schnell , Prœs.  Àutenrieth,  de  Naturel  reunion û 
musculorum  vulneratorum  ; Tuhingœ , 1804. 


DU  SYSTEME  MUSCULAIRE. 


58i 


assez  promptement  sur  leur  extrémité  des  granula- 
tions suppurantes , et  plus  tard  une  cicatrice  ; ces  phé- 
nomènes , et  surtout  le  dernier,  sont  plus  lents  quand 
les  muscles  sont  seulement  dénudés  latéralement.  Dans 
tous  ces  cas,  quelle  que  soit  l’époque  à laquelle  on  exa- 
mine la  plaie  affectée  d’inflammation , soit  adhésive , 
soit  suppurative , les  gaines  celluleuses  des  muscles 
et  de  leurs  faisceaux  sont  seules  altérées;  on  n’aper- 
çoit absolument  aucun  changement  dans  les  fibres 
musculaires  elles-mêmes.  Il  n'est  pas  inutile  de  noter 
cependant  que  ces  fibres  sont  privées,  dans  ce  cas,  de 
la  plus  grande  partie  de  leur  irritabilité. 

§ 697.  Lorsqu’un  muscle  est  divisé  en  travers , il 
s’établit  entre  les  bords  de  sa  division  un  écartement 
assez  considérable , et  toujours  plus  grand  que  celui 
de  la  plaie  de  la  peau.  Lorsque  les 'bords  de  la  plaie 
extérieure  ont  été  rapprochés,  et  se  sont  réunis,  les 
bouts  du  muscle,  au  contraire,  présentent  un  écarte- 
ment rempli  d’abord  par  un  liquide  organisable , qui 
devient  ensuite  vasculaire , mou,  qui  se  contracte  un 
peu,  et  diminue  légèrement  l’écartement  qui  existait 
entre  les  bouts  du  muscle , et  devient  enfin  plus  ou 
moins  ferme  et  résistant.  Cette  substance  intermé- 
diaire , lorsque  son  organisation  est  achevée , a quel- 
quefois l’apparence  du  tissu  cellulaire,  le  plus  souvent 
celle  du  tissu  ligamenteux,  et  quelquefois  celle  d’un 
tissu  coriace  subcartilagineux,  mais  jamais  celle  du 
tissu  musculaire.  A quelque  période  de  la  formation 
qu’on  l’examine,  on  trouve  toujours  que  les  fibres  et 
les  fascicules  musculaires  y sont  étrangères , et  qu  elle 
n’est  que  la  réunion  du  tissu  cellulaire  qui  leur  forme 


582 


ANATOMIE  GENERALE. 


des  gaînes.  Un  muscle  qui  a une  réunion  de  ce  genre 
offre  donc  une  espèce  d’intersection  aponévrotique  ou 
tendineuse  c’est  une  sorte  de  muscle  digastrique, 
dont  les  deux  ventres  sont  vivans  et  irritables  , tandis 
que  la  substance  intermédiaire  remplit  seulement  les 
fonctions  d’un  tendon  qui  résiste  ou  cède  plus  ou 
moins  à la  distension.  Cette  substance  intermédiaire 
n’est  irritable,  ni  par  les  stimulans  mécaniques,  ni 
par  le  galvanisme.  Cependant,  quand  l’irritabilité  est 
encore  bien  manifeste , et  que  l’action  galvanique  est 
forte , l’irritation  appliquée  à une  des  parties  du 
muscle  réuni , se  propage  par  la  cicatrice , qui  toute- 
fois ne  se  contracte  pas , à l’autre  partie  du  muscle. 
On  ignore  si  dans  le  vivant , et  par  l’action  de  la  vo- 
lonté , les  deux  parties  d’un  muscle  divisé  en  travers 
et  réuni  par  une  cicatrice , se  contractent  l’une  et 
l’autre.  Il  est  évident  que  plus  les  bouts  du  muscle 
divisé  seront  restés  écartés  pendant  que  la  réunion 
médiate  s’est  opérée , que  plus  aussi  le  moyen  de 
réunion  sera  long  et  extensible,  et  plus  les  mouve- 
mens  des  muscles  auront  perdu  de  leur  étendue  et 
de  leur  force.  Dans  les  cas  les  plus  heureux  mêmes, 
les  mouvemens  seront  d’abord  impossibles,  puis  faibles 
et  mal  assurés  , jusqu’à  ce  que  le  moyen  d union  ait 
acquis  toute  sa  fermeté. 

Tout  ce  qui  vient  d’être  dit  de  la  réunion  des  mus- 
cles coupés  en  travers , s’applique  à leur  rupture  par 
un  effort. 

Quand  une  plaie  transversale  des  muscles  et  de  la 
peau  est  restée  écartée  et  béante,  il  se  fait  dans  toute 
son  étendue  une  couche  de  granulations  suppurante.^, 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  583 

et  plus  tard  une  cicatrice  plus  ou  moins  large , sous 
laquelle  les  deux  bouts  du  muscle  restent  écartés. 

Dans  ce  dernier  cas,  ainsi  que  dans  le  précédent, 
on  a quelquefois  mis  à découvert  et  réséqué  la  sub- 
stance intermédiaire  trop  longue  et  trop  extensible 
qui  formait  la  réunion  d’un  muscle  divisé  ; tenant 
ensuite  ses  bouts  dans  un  rapprochement  aussi  exact 
que  possible,  et  suffisamment  prolongé,  on  a obtenu 
une  réunion  courte  et  ferme,  et  rendu  le  mouvement 
à des  parties  qui  l’avaient  tout-à-fait  ou  presque  perdu. 

§ 698.  Les  muscles  sont  sujets  à des  variétés  et  des 
vices  de  conformation.  On  a vu  certains  fœtus  mons- 
trueux, acéphales  1 et  autres,  privés  de  tous  les  muscles 
ou  de  tous  ceux  d’un  membre  au  moins , ces  or- 
ganes étant  remplacés  par  du  tissu  cellulaire  infiltré. 

On  observe  plus  souvent  le  défaut  ou  l’absence  de 
muscles  isolés. 

Assez  souvent  on  trouve  des  muscles  surnumé- 
raires , ou  des  muscles  divisés  en  plusieurs  parties 
distinctes  ; des  muscles  réunis  qui  ordinairement  sont 
séparés;  d’autres,  plus  longs  ou  plus  courts,  ce  qui 
change  leurs  attaches  et  modifie  leurs  fonctions  ; toutes 
ces  variétés  sont  originelles  ou  primitives. 

La  diminution  ou  l’augmentation  de  volume  des 

O 

muscles  sont,  au  contraire',  ordinairement  dues  à des 
causes  accidentelles.  Le  repos  et  la  paralysie  en  di- 
minuent le  volume,  l’exercice  l’augmente. 

Les  ruptures  musculaires  2 arrivent , soit  par  l’ac- 

1 Béclard,  Mémoire  sur  les  fœtus  acéphales. 

2 J.  Sédillot,  Mémoire  sur  la  rupture  musculaire,  in  Mém. 
et  prix  de  la  Soc.  de  méd.  de  Paris;  1817. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


584 

tion  des  muscles  antagonistes , ou  par  une  autre  puis- 
sance qui  distend  un  muscle  relâché,  soit  par  l’ac- 
tion même  du  muscle  rompu,  et,  dans  ce  dernier 
cas  , la  rupture  a lieu  ordinairement  à l’union  des 
parties  tendineuses  , ou  aponévrotiques,  avec  les  fibres 
charnues,  dont  un  petit  nombre  seulement  se  trouvent 
rompues.  Dans  le  cas  de  rupture , il  se  fait  avec  bruit 
et  douleur  un  écartement  plus  ou  moins  grand  et 
profond  , et  une  effusion  de  sang  plus  ou  moins 
abondante  dans  la  solution  de  continuité,  et  dans  le 
tissu  cellulaire  environnant.  Les  muscles  intérieurs , 
et  notamment  le  cœur,  se  rompent  quelquefois  aussi 
par  leur  contraction. 

Le  déplacement  1 des  muscles  admis  par  Pouteau , 

« 

M.  Portai  et  d’autres  pathologistes , n’est  guère  pos- 
sible que  quand  les  aponévroses  d’enveloppe  sont 
divisées. 

§ 6gg.  Les  muscles  présentent  diverses  altérations 
de  couleur,  de  consistance  et  de  cohésion. 

Dans  le  rhumatisme,  on  trouve  quelquefois  , à la 
surface  , à l’intérieur  et  dans  l’épaisseur  des  gaines 
celluleuses  des  muscles  et  de  leurs  faisceaux,  un  li- 
quide gélatiniforme. 

Dans  les  cas  de  paralysie  ancienne , les  muscles  sont 
atrophiés,  blancs,  et  quelquefois  très-gras.  On  a déjà 
vu  plus  haut  (§  168),  que  la  transformation  des 
muscles  en  graisse  était  plutôt  apparente  que  réelle. 
Elle  résulte  de  la  pâleur  et  de  l’atrophie  du  muscle, 


1 J.  Hausbrand,  Diss.  luxationis  sic  dictœ  musculans  ré- 
futa tionc/n  sistens  ; Berpl. , 1814. 


DU  SYSTÈME  MUSCULAIRE.  585 

conjointement  avec  l’accumulation  de  la  graisse  entre 
les  fascicules  de  fibres. 

On  observe  rarement  des  productions  accidentelles, 
soit  de  tissus  analogues,  soit  de  tissus  morbides,  dans 
les  muscles.  On  y trouve  cependant  quelquefois  des 
os  accidentels.  J’ai  vu  une  fois  une  production  com- 
posée osseuse  et  cancéreuse , occupant  les  muscles  du 
mollet.  On  trouve  quelquefois , dans  les  muscles  de 
l’homme,  et  souvent,  dans  ceux  du  porc,  le  cysti- 
cerque  ladrique  , cysticercus  cellulosæ  de  Rudolphi. 
La  production  accidentelle  du  tissu  musculaire  est 
très-rare , si  jamais  elle  a lieu.  On  a cependant  établi 
un  rapprochement  entre  le  sarcome  et  la  chair  mus- 
culaire. On  a dit  aussi  avoir  vu  des  productions 
musculaires  accidentelles  dans  les  membranes  sé- 
reuses, dans  les  os  et  dans  les  ovaires  : il  paraît  qu’on 
s’est  laissé  tromper  par  l’apparence. 

Le  développement  de  la  texture  musculaire  dans 
l’utérus , pendant  la  grossesse , et  la  disparition  de 
cette  texture,  après  l’accouchement,  se  rapprochent 
d’une  production  accidentelle. 

§ 700.  Les  fonctions  des  muscles  présentent  des  va- 
riétés et  des  altérations  , dont  les  unes  ont  leur  siège 
et  leur  cause  dans  le  tissu  musculaire  lui-même  , et 
les  autres  dans  le  système  nerveux.  Ces  variétés  et 
ces  altérations  sont , la  plupart , différentes  dans  les 
deux  espèces  de  muscles  , et  presque  toutes  sont 
propres  aux  muscles  pleins,  extérieurs.,  volontaires  ^ 
ou  des  fonctions  animales. 


586 


ANATOMIE  GENERALE. 


SECONDE  SECTION. 

* • - p /* 

• i 

DES  MUSCLES  INTÉRIEURS. 

§ 701.  Ces  muscles,  qu’on  nomme  aussi  n\uscles 
creux , muscles  involontaires , et  muscles  des  fonc- 
tions végétatives  ou  organiques,  n’ont  point  de  noms 
propres  ; chacun  d’eux  porte  celui  de  l’organe  qu’il 
concourt  à former. 

§ 702.  Ces  muscles  sont,  i°  le  cœur;  i°  ceux  qui 
doublent  dans  toute  son  étendue  la  membrane  mu- 
queuse des  voies  alimentaires;  ceux  qui,  garnissant  les 
prolongemens  urinaire  et  génitaux  de  la  même  mem- 
brane, forment  la  vessie,  les  vésicules  spermatiques  et 
l’utérus;  ceux  de  son  prolongement  pulmonaire,  qui 
forment  les  faisceaux  musculaires  de  la  trachée  et  des 
bronches.  Les  sphincters  qui  se  trouvent  aux  orifices 
du  conduit  alimentaire  et  des  voies  urinaires  et  géni- 
tales, peuvent  être  regardés  comme  intermédiaires  aux 
deux  classes  de  muscles.  Il  en  est  presque  de  même , 
pour  la  texture  et  surtout  pour  les  fonctions,  des 
muscles  du  squelette  qui  servent  à la  digestion , à la 
respiration  , à la  génération  et  à l’excrétion  urinaire. 
Il  n’y  a donc  point  de  démarcation  bien  tranchée 
entre  les  deux  classes  de  muscles. 

§ 703.  Les  muscles  dont  il  s’agit  ici  sont  placés  à 
1 intérieur  ; les  uns,  situés  immédiatement  au-dessous 
du  tégument  interne,  un  autre,  le  cœur,  situé  tout-à- 
fait  profondément,  et  loin  des  deux  surfaces  dont  il 
est  indépendant. 


DES  MUSCLES  INTERIEURS.  $87 

Le  volume  de  ces  muscles  est  très-peu  considé- 
rable , comparé  à celui  des  muscles  extérieurs  : tous 
forment  des  parois  de  canaux  et  de  réservoirs. 

§ 704*  Ces  muscles  sont  disposés  en  couches  ou  en 
faisceaux  croisés. 

Dans  toute  l’étendue  du  canal  alimentaire,  il  y a 
des  fibres  circulaires  ou  annulaires,  et  des  fibres  lon- 
gitudinales , formant  chacune  un  plan  distinct , et 
plus  ou  moins  complet  et  épais. 

Dans  les  réservoirs,  ainsi  qu’au  cœur,  les  fibres,  dis- 
posées en  couches  et  en  faisceaux  qui  se  croisent  obli- 
quement, ont  la  forme  d anses  fixées  par  les  extrémités 
aux  côtés  de  l’ouverture  de  l’organe.  Les  faisceaux  de 
fibres  dans  ces  organes  se  croisent  entre  eux , et  s’u- 
nissent à la  manière  des  plexus.  Cette  disposition  est 
moins  marquée  dans  le  canal  alimentaire  , où  les 
couches  musculaires  se  croisent  à angle  droit. 

La  fibre  musculaire  des  muscles  intérieurs  est  d’un 
blanc  grisâtre  dans  la  plupart  d’entre  eux,  et  rouge 
dans  le  cœur  seulement.  Cette  fibre  ne  diffère  pas  au- 
trement de  celle  des  muscles  extérieurs.  L’utérus  seul 
offre , sous  ce  rapport,  une  différence  tranchée  et  des 
caractères  tout-à-fait  spéciaux. 

§ 7o5.  Le  tissu  cellulaire  des  muscles  intérieurs  est 
moins  abondant  et  plus  serré  que  celui  des  autres  mus- 
cles. On  ne  trouve  de  tissu  fibreux  ou  ligamenteux  que 
dans  lé  cœur,  où  il  forme  des  anneaux  aux  orifices  des 
ventricules , des  cordons  ou  tendons  aux  colonnes 
charnues  de  ces  mêmes  cavités,  des  épanouissemens 
aponévrotiques  qui  constituent  en  grande  partie  les 


588 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


valvules  tricuspide  et  bicuspide  des  orifices  auriculo- 
ventriculaires  et  des  cordons  dans  le  bord  des  valvules 
semi-lunaires  des  orifices  artériels.  Bichat,  qui  ne  parle 
que  des  cordons  tendineux  des  colonnes  charnues, 
avait  déjà  indiqué  qu’il  existe  des  différences  entre  eux 
et  les  tendons.  Dans  les  autres  parties  on  ne  trouve 
d’analogue  au  tissu  ligamenteux , que  le  tissu  fibro- 
cellulaire  sous-muqueux,  auquel  s’attachent  les  fibres 
musculaires  sous-jacentes. 

Les  muscles  intérieurs  paraissent  avoir  plus  de  vais- 
seaux sanguins  que  les  autres.  M.  Ribes  cependant 
dit  le  contraire.  Les  nerfs  de  ces  muscles,  peu  abon- 
dans  , appartiennent , la  plupart , au  grand  sympa- 
thique; plusieurs  sont  fournis  par  le  nerf  pneumo-gas- 
trique,  et  quelques-uns  par  d’autres  nerfs  de  la  moelle. 

§ 706.  L’irritabilité  des  muscles  intérieurs  présente 
les  mêmes  phénomènes  que  celle  des  autres  muscles , 
excepté  l’agitation  fibrillaire,  qui  n’a  été  observée  que 
dans  le  cœur  seulement. 

L’irritabilité  y paraît  moins  que  dans  les  autres,  dé- 
pendante de  l’influence  nerveuse. 

L’irritation  mécanique  est  beaucoup  plus  efficace 
que  l’action  galvanique  pour  y déterminer  des  con- 
tractions. L’irritation  galvanique  agit  peu  sur  eux  par 
l’intermède  des  nerfs.  Cependant  les  nerfs  cardiaques 
et  le  cœur  étant  compris  dans  un  cercle  galvanique, 
l’action  persévérante  de  cet  agent  détermine  des  inou- 
vemens  dans  l’organe. 

L’irritabilité  ou  la  susceptibilité  à la  contraction 
des  muscles  intérieurs,  est  surtout  remarquable  en  ce 


1 


DES  MUSCLES  INTERIEURS.  58(/ 

quelle  est  naturellement  excitée  par  des  agens  locaux, 
qui  agissent  sur  la  fibre  par  l’intermède  de  la  membrane 
qui  la  recouvre;  d’autres  fois  la  cause  agit  d’une  ma- 
nière sympathique  : ainsi  la  titillation  du  gosier,  la  pré- 
sence d’une  bougie  dans  l’urètre , d’un  suppositoire 
dans  l’anus,  déterminent  l’action  de  l’estomac,  de  la 
vessie  et  de  l’intestin.  La  volonté  a peu  cl’empire  sur 
la  contractilité  de  ces  muscles;  cependant  l’œsophage , 
le  rectum,  la  vessie,  l’estomac  même,  n’y  sont  pas 
tout-à-fait  soustraits;  il  paraîtrait  même  que  l’utérus, 
du  moins  dans  les  oiseaux,  serait  aussi  quelquefois 
soumis  à la  volonté.  L’intestin  grêle  en  est,  au  con- 
traire, tout-à-fait  indépendant;  le  cœur  également.  On 
cite  cependant  encore  le  cas  d’un  capitaine  anglais,  rap- 
porté par  Cheyne , et  répété  depuis  par  tous  les  phy- 
siologistes ; et  celui  de  feu  le  docteur  Bayle , rapporté 
par  M.  Ribes , qui  pouvaient  à volonté  ralentir  ou 
suspendre  les  mouvemens  du  cœur.  Mais  si  les  muscles 
intérieurs  ne  sont  pas  soumis  à l’influence  ordinaire 
de  la  volonté , les  affections  fortes  de  l’âme  et  les 
émotions  vives  les  influencent  de  la  manière  la  plus 
évidente. 

Haller,  en  admettant  que  la  force  musculaire  est 
inhérente  aux  muscles,  et  que  l’action  nerveuse  n’en 
est  que  l’excitant,  avait  été  conduit  à admettre,  et  la 
plupart  de  ses  successeurs  avaient  admis  plus  positi- 
vement encore  que  lui-même , que  les  muscles  inté- 
rieurs sont  indépendans  de  l’action  nerveuse,  du  moins 
dans  leurs  mouvemens  ordinaires  et  réguliers.  Les  ex- 
périences de  Legallois  ont  porté  ensuite  à admettre  une 
opinion  diamétralement  opposée.  Les  expériences  pos- 


ANATOMIE  GENERALE. 


5po 

térieures  de  M.  Glift  1 et  de  M.  Wilson  Philip  2;  l’ob- 
servation comparée  des  autres  animaux,  des  embryons 
et  des  fœtus  monstrueux,  ont  dû  faire  modifier  l’une 
et  l’autre  conclusions.  Les  faits  connus  montrent , en 
effet , que  les  muscles  intérieurs , indépendans  de  la 
moelle  nerveuse,  dans  les  animaux  et  dans  les  fœtus 
monstrueux  qui  n’en  ont  point,  ainsi  que  dans  les 
embryons  qui  n’en  ont  pas  encore;  peu  dépendans  de 
cette  moelle  dans  les  jeunes  animaux  chez  lesquels  son 
influence  ne  date  pas  encore  de  long-temps , et  dans 
les  animaux  d’un  autre  ordre  inférieur,  où  l’action 
nerveuse  n’a  pas  de  centre  unique  bien  déterminé , 
sont , au  contraire , dépendans  de  cet  organe  dans 
l’homme  adulte;  sont  surtout  très -influencés  par 
ses  lésions , et  plus  encore  par  des  lésions  brusques 
que  par  des  altérations  lentes. 

§ 707.  Quand  les  muscles  intérieurs  entrent  en  con- 
traction , ils  entraînent  quelquefois  dans  une  action 
simultanée  et  associée,  tous  les  muscles  extérieurs  qui 
peuvent  contribuer  à l’accomplissement  de  leur  fonc- 
tion : ainsi,  dans  la  toux,  l’éternument,  le  vomisse- 
ment , la  défécation , l’accouchement , etc. , un  nombre 
plus  ou  moins  grand  de  muscles  du  squelette  agissent 
par  association  avec  des  muscles  intérieurs. 

Les  muscles  intérieurs  n’ont  point  , comme  les 
autres,  de  véritables  antagonistes,  toutes  leurs  fibres 
concourant  à un  but  commun  et  unique,  la  dimi- 

1 Philos,  trans. , ann. 

An  exper.  Inq.  into  the  laves  of  the  vital Junctions , etc.; 
Lond.,  ifiiH. 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS.  l 

nution  de  capacité  de  la  cavité  qu’ils  forment.  Ce- 
pendant on  peut  considérer  comme  tels,  i°  les  subs- 
tances étrangères  qui  tiennent  écartées  les  parois  des 
organes  formés  par  ces  muscles  ; i°  les  diverses  parties 
d’un  même  organe  creux  : par  exemple , les  oreil- 
lettes, à l’égard  des  ventricules;  le  corps  de  l’utérus 
et  de  la  vessie,  à l’égard  du  col  ou  de  l’orifice  de  ces 
organes;  3°  les  deux  couches  musculaires  du  canal 

O ' 

alimentaire  dans  le  mouvement  péristaltique;  le  rac- 
courcissement des  fibres  longitudinales  déterminant, 
en  poussant  les  matières , l’allongement  des  fibres  an- 
nulaires. En  outre,  il  arrive  ici  ce  qui  a lieu  dans  tout 
antagonisme  ; la  contraction  d’un  muscle  coïncide  avec 
le  relâchement  de  son  antagoniste,  et  réciproque- 
ment; 4°  enfin  les  muscles  intérieurs  trouvent  des  an- 
tagonistes dans  les  muscles  extérieurs. 

Ces  muscles  n’ont  pas  de  point  fixe  déterminé  : 
ceux  qui  sont  annulaires  se  contractent  sur  eux-mêmes; 
ceux  qui  sont  longitudinaux  ont  cependant  pour  point 
de  ce  genre  les  orifices  du  canal  alimentaire  ; ceux  des 
réservoirs,  comme  la  vessie,  l’utérus , ainsi  que  ceux  du 
cœur,  ont  encore  un  point  fixe,  mieux  déterminé, 
dans  l’orifice  de  ces  organes. 

TROISIÈME  SECTION. 

DES  MUSCLES  EXTÉRIEURS. 

§ 708.  Ces  muscles  sont  aussi  nommés  muscles  vo- 
lontaires, muscles  des  fonctions  animales,  de  la  vie 
animale,  muscles  proprement  dits.  Ce  sont  eux  qui 
forment  la  plus  grande  partie  de  la  masse  du  corps. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


/ 


592 


§ 709.  Ils  sont  très-nombreux;  il  y en  a de  trois  à 
quatre  cents,  mais  on  a varié  sur  ce  nombre  : les  uns 
regardent  comme  plusieurs  muscles,  ce  que  d’autres 
présentent  comme  des  faisceaux  d’un  même  muscle. 

§ 710.  Chaque  muscle  a un  nom  propre,  mais  cette 
nomenclature  a beaucoup  varié.  Il  n’y  a presque  pas 
un  muscle  qui  n’ait  reçu  plus  d’un  nom , quelques-uns 
en  ont  reçu  jusqu’à  une  douzaine. 

La  dénomination  des  muscles  a été  tirée  de  plusieurs 
considérations  : on  y a fait  entrer  l’ordre  numérique , 
ainsi  , quand  plusieurs  muscles  appartiennent  à la 
même  partie , à la  même  région , au  même  mouve- 
ment , etc. , on  les  a distingués  par  des  noms  de 
nombre , comme  les  radiaux  , les  adducteurs,  les  inter- 
osseux,  distingués  en  premier,  second,  etc.  Avant 
Jacques  Sylvius , presque  tous  les  muscles  étaient  ainsi 
désignés  par  des  noms  de  nombre.  On  a fait  entrer  dans 
leur  dénomination,  comme  surnoms,  leur  situation 
antérieure,  postérieure,  supérieure,  inférieure,  super- 
ficielle, profonde,  etc.  ; ou  bien  on  les  a désignés  par 
le  nom  de  la  partie  qu’ils  meuvent  ou  de  la  région 
qu’ils  occupent , comme  les  palpébraux , oculaires  , la- 
biaux, pectoraux,  dorsaux,  abdominaux, cruraux,  etc. 
D’autres  sont  distingués,  d’après  leur  étendue  ou  leur 
volume,  par  les  épithètes  de  grand,  petit,  moyen, 
grêle,  vaste,  large,  long,  court,  etc.  D’autres  ont. 
été  nommés  rhomboïdes,  carrés,  triangulaires,  sca- 
lènes,  etc. , d’après  la  figure  qu’on  a cru  leur  trouver; 
ou  bien  011  les  a nommés  splénius , par  comparaison  à 
la  rate  ou  à une  compresse,  soléaire,  à cause  de  leui 
ressemblance  avec  une  sole  ou  avec  une  semelle  ; cer- 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS.  5ü  3 

tains  muscles  ont  été  nommés,  d’après  leur  direction , 
droits  , obliques  , transverses  , contournés  ; d’après 
leur  texture  et  leur  composition  , on  les  a nommés 
biceps,  triceps,  complexus  , demi-aponévrotique,  per- 
forant, perforé,  etc.;  d’autres  muscles  ont  été  dé- 
nommés d’après  leurs  attaches , soit  une  seule  , comme 
les  ptérygoïdiens,  les  péroniers,  les  zygomatiques,  etc. , 
soit  les  deux,  comme  le  stylohyoïdien  , le  sterno- 
hyoïdien , soit  un  plus  grand  nombre  , comme  le 
sterno-cléïdo-mastoïdien;  d autres  encore  ont  été 
nommés,  d’après  leurs  usages,  fléchisseurs,  extenseurs, 
élévateurs,  abaisseurs,  pronateurs,  supinateurs,  etc.; 
enfin  , ce  ne  sont  pas  même  là  toutes  les  considéra- 
tions qui  ont  servi  de  base  à la  nomenclature  des 
muscles. 

Presque  aucune  de  ces  considérations  n’est  absolu- 
ment inutile  à la  connaissance  des  fonctions  des  mus- 
cles; toutefois  les  plus  utiles  sont,  sans  contredit , le 
mouvement  lui-même,  les  attaches,  la  région  occupée 
parle  muscle,  sa  direction,  etc.  Quelque  nombreuses 
que  soient  ces  bases,  il  réimporterait  pas  beaucoup,  si 
elles  fournissaient  toujours  des  noms  propres , distincts 
et  courts,  ne  fussent-ils  même  pas  bien  significatifs; 
mais  presque  tous  les  noms  des  muscles  sont  des  noms 
composés  de  plusieurs  des  circonstances  indiquées. 
Ainsi  on  trouve  dans  la  nomenclature  musculaire,  les 
noms  oblique- externe- abdominal , grand -droit-anté- 
rieur-de  la  tête,  premier-radial-externe  , droit-anté- 
rieur-de  la  cuisse,  premier- interosseux -dorsal -de  la 
main,  etc.  Cet  inconvénient,  joint  à celui  qui  résulte 
de  la  multiplicité  des  noms  différens  donnés  par  les  di- 

38 


i. 


- 


r»,9 4 ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

vers  anatomistes  au  même  muscle , ont  engagé  3VL  Chaus- 
sier  1 à proposer  une  réforme  dans  la  langue  anato- 
mique, et  surtout  dans  celle  de  la  myologie.  Cette 
réforme  dans  les  noms  des  muscles  consiste  à donner  à 
chacun  d’eux  un  nom  qui  exprime  seulement  et  cons- 
tamment les  deux  points  d’attache  opposés  , dési- 
gnés communément  sous  les  noms  d’origine  et  d’in- 
sertion; mais  il  a été  impossible  à l’habile  auteur  de  ce 
projet  de  donner  des  noms  qui  ne  fussent  en  même 
temps,  en  assez  grand  nombre  du  moins , composés  de 
quelques  autres  des  circonstances  indiquées  plus  haut. 

M.  Dumas  2 a essayé  de  modifier  la  nomenclature  de 

\ 

M.  Chaussier,  en  indiquant  dans  ses  noms  tous  les 
points  d’attache  des  muscles.  M.  Duméril  3 s’est  aussi 
occupé  de  la  réforme  de  la  langue  anatomique,  en 
prenant  pour  racines  de  cette  langue  les  noms  grecs 
ou  latins  des  os  et  des  viscères,  et  en  variant  seule- 
ment la  désinence  de  ces  noms  pour  les  divers  autres 
organes  et  pour  les  régions.  La  désinence  des  muscles 
était  ien,  ainsi  le  nom  occipito-fronlien , sans  y joindre 
le  mot  muscle,  désigne,  dans  cette  nomenclature,  le 
muscle  occipito-frontal.  Vicq-d’Azyr  avait  également 
dirigé  ses  vues  sur  la  nécessité  de  réformer  la  langue 
anatomique;  il  n’a  pas  exécuté  son  projet.  Le  docteur 
Barclay  s’est  aussi  occupé  de  cet  objet , et  s’est  sur- 

1 Exposition  sommaire  des  muscles  du  corps  humain; 
Dijon,  1789.  — Tableau  des  muscles  de  l'homme;  Paris, 

1 797* 

1 Système  méthodique  de  nomenclature  et  de  classification 
des  muscles  du  corps  humain,  etc.  ; Montpellier,  1797»  in-4°* 

3 Magasin  encyclopédique. 

J ' 


D ILS  MUSCLES  EXTERIEURS.  5 g5 

tout  attaché  à donner  des  noms  propres  et  précis  aux 
différentes  régions  du  corps.  M.  Schréger  1 a rassemblé 
Ja  plupart  des  noms  anatomiques  employés  jusqu’à  lui 
dans  une  synonymie  volumineuse , où  l’on  trouve  à 
quelques  organes  presque  autant  de  noms  qu’il  y a de 
traités  d'anatomie.  La  crainte  de  contribuer  à accroître 
une  confusion  qui  augmente  presque  toutes  les  fois 
qu’il  paraît  un  nouveau  traité,  doit  engager  les  anato- 
mistes. à se  servir  des  noms  déjà  usités , en  choisissant 
entre  tous  le  plus  connu,  le  plus  simple  et  le  plus 
significatif. 

§ y h.  D’après  leur  situation  et  leur  destination  de 
mouvoir  telle  ou  telle  partie  , on  distingue  les  muscles 
extérieurs  en  ceux  du  squelette  ou  des  os , en  ceux 
du  larynx , en  ceux  des  organes  des  sens  et  de  la  peau  ; 
plusieurs  muscles  extérieurs  aussi  appartiennent  aux 
orifices  des  voies  digestives,  respiratoires  , génitales  et 
urinaires  , et  se  confondent  là  insensiblement  avec  les 
muscles  intérieurs. 

Les  muscles  du  squelette  sont  situés  au  tronc  et 
aux  membres  : aux  membres  ils  forment  des  masses 
considérables  , et  sont  allongés  ; au  tronc  ils  sont 
•élargis,  nombreux  au  dos  et  à l’abdomen,  moins  au 
thorax,  beaucoup  moins  encore  au  crâne. 

§712.  Les  muscles  varient  beaucoup  en  volume; 
les  uns  sont  grands  ou  volumineux  , d’autres  sont 
moyens , d’autres  petits  , et  d’autres  très -petits. 

S 7i3.  Tous  les  muscles , excepté  le  diaphragme,  les 

1 Synonymia  ancitomica , auct.  Chr.  H.  Th . Schreger  ; Fur - 
thii , i8o3,  in-8°  , 38o  pages. 


anatomie  générale. 


596 

sphincters  de  la  bouche  et  de  l’anus,  l’arythénoïdien 
et  souvent  le  releveur  de  la  luette,  sont  pairs;  tous, 
excepté  le  diaphragme , sont  symétriques  , ou  sem- 
blables des  deux  côtés , à la  légère  différence  près  que 
l’on  observe  ordinairement  dans  le  Volume  des  deux 
moitiés  latérales  du  corps. 

D’après  leur  forme  on  distingue  encore  les  muscles 
en  larges,  longs  et  courts; 

Les  muscles  larges  appartiennent  au  tronc  : quel- 
ques-uns s’étendent  du  tronc  aux  membres,  et  sont 
alors  allongés  dans  cette  dernière  partie  de  leur 
étendue. 

Les  muscles  longs  appartiennent  aux  membres , et 
sont,  en  général , disposés  par  couches,  les  plus  exté- 
rieurs étant  les  plus  longs  et  les  plus  droits,  les  plus 
profonds  ayant  beaucoup  moins  de  longueur,  et  plus 
d’obliquité  ; disposition  importante  à connaître  dans  la 
pratique  des  amputations,  puisque  les  muscles,  inéga- 
lement longs,  doivent  se  rétracter  inégalement. 

Les  muscles  courts  se  rencontrent  au  tronc , et  aux 
membres  , près  des  articulations. 

§ y i4-  La  direction  des  muscles  est  celle  d’une  ligne 
qui  s’étend,  en  passant  par  leur  centre,  de  l’une  à 
l’autre  de  leurs  extrémités;  elle  est  souvent  fort  diffé- 
rente de  celle  de  leurs  fibres , et  cette  dernière  est  la 
plus  importante  à considérer.  Quand  toutes  les  fibres 
sont  droites  et  parallèles  entre  elles,  la  force  du  muscle, 
égale  à la  somme  des  forces  de  toutes  les  fibres,  s’exerce 
parallèlement  à la  direction  de  ces  fibres.  Mais  si  les 
fibres  sont  obliques  entre  elles,  l’intensité  et  la  direc- 
tion de  la  force  seront  différentes. 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS. 


597 

§ 716.  On  distingue  en  général  dans  chaque  muscle 
un  corps  ou  ventre,  et  deux  extrémités,  que  Ion  dis- 
tingue vulgairement  en  tête  et  en  queue.  Le  corps  est 
la  partie  charnue,  les  extrémités  sont  ordinairement 
tendineuses  : on  distingue  assez  souvent  aussi  les  ex- 
trémités en  point  d’origine,  d’adhésion  ou  point  fixe  , 
et  en  point  mobile  ou  d’insertion  ; mais  beaucoup  de 
muscles  ne  se  prêtent  point  à cette  description.  Ceux 
auxquels  elle  s’appliquerait  le  mieux  sont  certains 
muscles  des  membres , qui  sont  allongés , renflés  au 
milieu , à cause  de  la  disposition  de  leurs  fibres  char- 
nues , formés  d’un  tendon  court  à leur  extrémité  su- 
périeure, ordinairement  la  plus  fixe,  et  d’un  tendon 
long  à l’autre  extrémité , généralement  la  plus  mobile. 
Mais,  dans  ces  muscles  même , le  mouvement  peut  être 
partagé  entre  les  deux  points,  et  quelquefois  même 
être  tout  entier  exécuté  par  le  point  le  plus  élevé. 

§ 716.  Certains  muscles  forment  un  corps  charnu 
unique  entre  les  deux  attaches  ; d’autres , au  contraire , 
sont  formés  de  faisceaux  très-distincts , et  qu’on  pourrait 
prendre  pour  autant  de  muscles  : tels  sont  surtout  le 
masseter,  le  deltoïde,  le  sous-capulaire , le  grand  fes- 
sier, etc. 

§ 717.  Il  y a des  muscles  qui  dans  toute  leur  étendue 
restent  simples  et  distincts , et  d’autres  qui  sont  di- 
visés en  plusieurs  "parties , ou  confondus  avec  d’autres , 
à l’une  de  leurs  extrémités  : ainsi , quelques  muscles 
simples  à leur  insertion  sont , à leur  origine , séparés 
en  deux  ou  trois  portions  : tels  sont  les  biceps , les  tri- 
ceps; tels  sont  encore  le  sterno-mastoïdien  et  le  grand 
pectoral,  que,  pour  cette  raison,  quelques-uns  ouï 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


598 

regardés  comme  composés  de  deux  muscles  chacun  ; 
ainsi  les  muscles  extenseurs  et  fléchisseurs  communs 

des  doigts  et  des  orteils,  simples  à leur  origine,  sont 

» ) ■ • 

divisés  à leur  insertion  en  plusieurs  parties.  Les  muscles 
dentelés,  transverses,  etc.,  qui  s’attachent  aux  côtes 
par  des  digitations,  sont  encore  à peu  près  dans  le 
même  cas.  Il  faut  rapprocher  de  ce  genre  les  muscles 
qui  ont  une  origine  commune,  comme  les  muscles 
qui  s’attachent  à l’ischion , ou  une  insertion  commune , 
comme  le  grand  dorsal  et  le  grand  rond. 

§ 718.  Il  y a encore  des  muscles  dont  la  composition 
est  différente,  tels  sont  plusieurs  des  muscles  spinaux 
ou  vertébraux,  et  notamment  le  transversaire  épineux, 
le  long  dorsal , le  sacro-lombaire  : ils  résultent  chacun 
de  beaucoup  de  faisceaux  musculaires,  distincts  aux 
extrémités  et  confondus  au  centre , de  telle  sorte  que 
chaque  portion  de  muscle,  unique  à une  extrémité, 
se  continue  à l’autre  extrémité  avec  deux  portions  ; 
et  réciproquement  chacune  de  celles-ci  tient  à une 
double  portion  de  l’extrémité  opposée  : ces'faisceaux 
musculaires  se  succédant  les  uns  aux  autres,  et  s’unis- 
sant latéralement,  il  en  résulte  un  muscle  très-long, 
composé  de  faisceaux  courts , distincts  «à  leurs  extré- 
mités, et  réunis  latéralement  dans  leur  partie  moyenne. 
Chaque  faisceau  étroitement  lié  avec  les  deux  fais- 
ceaux ne  peut  se  contracter  sans  que  ceux-ci  entrent 
en  même  temps  en  action,  de  sorte  que  le  mouvement 
est  toujours  imprimé  à la  fois  à plusieurs  vertèbres  ou 
à plusieurs  côtes  : disposition  tout-à-fait  en  rapport 
avec  celle  des  os  qui  doivent  toujours  être  mus,  plu- 
sieurs simultanément. 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS. 


J99 

§ 719.  Les  muscles  du  squelette,  et  ce  sont  les  plus 
nombreux  , ont  leurs  deux  extrémités  attachées  au  pé- 
rioste et  à la  surface  des  os,  par  des  tendons  ou  des 
aponévroses.  Les  muscles  du  larynx  sont  attachés  de  la 
meme  manière  aux  cartilages  et  au  périchondre.  Les 
muscles  qui  du  squelette  s'étendent  aux  organes  des 
sens,  et  s’insèrent  à des  cartilages  , sont  encore  pour- 
vus de  tendons  aux  deux  extrémités;  ceux  qui  s’at- 
tachent aux  tégumens  en  sont , au  contraire , dé- 
pourvus à leur  insertion  au  derme. 

Outre  les  tendons  et  les  aponévroses  d’attache  que 
l’on  trouve  aux  extrémités  de  la  plupart  des  muscles  , 
quelques-uns  présentent  aussi  des  tendons  ou  des  apo- 
névroses d’intersection  qui  occupent  quelque  point 
de  leur  longueur,  et  les  divisent  en  plusieurs  corps 
charnus.  Tels  sont  le  digastrique  maxillaire  et  le  di- 
gastrique cervical , divisés  en  deux  corps  très-distincts 
par  des  tendons;  tels  sont  aussi  le  sterno-hyoïdien , le 
scapulo-hyoïdien,  le  droit  de  l’abdomen,  etc.,  dont 
le  corps  charnu  est  divisé  par  des  aponévroses. 

§ 720.  Dans  beaucoup  de  muscles  les  fibres  sont 
droites,  et  sensiblement  parallèles  d'un  bout  à l’autre. 
Dans  plusieurs  muscles,  les  fibres  charnues,  toutes 
parallèles,  s’étendent  obliquement  entre  deux  tendons 
aponévrotiques  épanouis  sur  deux  faces  opposées  du 
corps  charnu , tel  est  le  droit  antérieur  crural.  Ce 
sont  sans  doute  îles  muscles  de  ce  genre  qui  avaient 
fait  comparer  par  Gassendi  le  muscle  à un  moufle. 
D autres  muscles  sont  rayonnés  ou  flabeliiformes  ; 
comme  le  grand  pectoral  et  le  grand  dorsal,  dont  les 
libres  étalées  du  côté  de  l origine  se  rassemblent  en 


6oo 


anatomie  générale. 


un  faisceau  épais  du  côté  de  l’insertion  ; comme  les 
moyen  et  petit  fessier,  dont  les  fibres  se  terminent 
successivement  sur  une  expansion  aponévrotique.  Dans 
d’autres,  les  fibres  s'étendent  ainsi  obliquement  de  leur 
origine  d’un  os  au  côté  d’un  tendon  : on  appelle  ces 
muscles  demi-pennés,  tels  sont  les  péroniers.  D’autres 
sont  pennés  , les  fibres  se  rendant  obliquement  sur  les 
deux  côtés  d’un  tendon  ; dans  quelques  autres , très- 
analogues  à ceux-ci,  les  fibres  forment  deux  plans 
qui  se  rendent  sur  les  deux  faces  d’une  aponévrose 
moyenne,  comme  le  temporal.  D’autres  muscles  sont 
plus  composés  encore,  comme  le  deltoïde,  le  mas- 
seter,  etc.,  qui  résultent  de  la  réunion  de  plusieurs 
faisceaux  penniformes.  ' 

§ 721.  La  texture  des  muscles  extérieurs  résulte  tou- 
jours de  faisceaux  plus  ou  moins  distincts  , qui  se  ter- 
minent en  général  aux  deux  bouts  sur  du  tissu  ten- 
dineux; ces  faisceaux  sont  composés  de  fascicules  ou 
fibres  visibles,  résultant  elles-mêmes  de  fibres  élémen- 
taires microscopiques.  Le  tissu  cellulaire  et  le  tissu 
adipeux  leur  forment  des  enveloppes  et  des  cloisons 
d’autant  plus  distinctes,  que  les  faisceaux  sont  plus 
distincts  eux-mêmes  et  plus  volumineux.  Les  nerfs  de 
ces  muscles  , très-abondans,  surtout  dans  ceux  des  or- 
ganes des  sens,  viennent  presque  tous  de  la  moelle, 
peu  viennent  du  grand  sympathique,  et  ceux-ci  ne 
sont  jamais  seuls. 

§ 722.  Outre  ces  parties  essentielles  aux  muscles, 
ces  organes  ont  des  dépendances  ou  des  annexes;  ce 
sont  les fascice  ( § 5 19),  ou  aponévroses  d’enveloppe, 
qui  entourent  les  muscles,  qui  les  maintiennent  en 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS.  6'ül 

place  , et  leur  fournissent  des  cloisons  qui  les  séparent, 
ainsi  que  des  points  d’attache  ; ce  sont  aussi  les  gaines 
et  les  anneaux  qui  renferment  les  tendons  et  pré- 
viennent leur  déplacement,  et  les  membranes  syno-. 
viales  qui  en  facilitent  les  glissemens. 

§ y 23.  On  divise  les  muscles,  d’après  les  mouvemens 
qu  ils  produisent , en  congénères  et  en  antagonistes , 
suivant  qu’ils  concourent  au  même  mouvement,  ou 
qu’ils  produisent  des  mouvemens  opposés.  Les  mouve- 
mens qui  ont  lieu  dans  le  corps  humain , et  que  les 
muscles  produisent,  sont  des  mouvemens  de  flexion  et 
d’extension,  d’inclinaison  latérale,  de  rotation  en  deux 
sens  opposés,  qu’à  l’avant-bras  on  distingue  en  pro- 
nation et  en  supination  , d’élévation  et  d’abaissement, 
d’adduction  , d’abduction  et  de  diduction  , de  dila- 
tation et  de  constriction , de  protraction  et  de  rétrac- 
tion , etc.  On  nomme  , d’après  cela  , les  muscles 
fléchisseurs,  extenseurs,  pronateurs  , supinateurs,  élé- 
vateurs, etc. 

Les  muscles  antagonistes  présentent  quelques  dif- 
férences : presque  dans  toutes  les  parties  du  corps , 
les  muscles  affectés  à un  mouvement  sont  plus  forts 
que  ceux  qui  produisent  le  mouvement  opposé.  Ceux 
des  deux  côtés  du  corps  qui  produisent  l’inclinaison 
latérale  , et  la  rotation  autour  de  l’axe  du  corps  , pré- 
sentent seulement  la  légère  différence  que  l’on  observe 
en  général  entre  les  deux  côtés.  Les  autres  présentent 
des  différences  bien  plus  grandes.  On  ne  s’est  guère 
occupé  que  de  celle  qui  existe  entre  les  fléchisseurs, 
et  les  extenseurs.  Borelli  pensait  que  les  fléchisseurs, 
étaient  plus  courts  que  les  extenseurs  , et  que  , se  cori- 


6o2 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


tractant  avec  une  force  égale,  ils  entraînaient  néces- 
sairement les  os  dans  la  flexion.  M.  Richerand  pense 
également  que  la  différence  est  à l’avantage  des  pre- 
miers; M.  Meckel  a adopté  cette  opinion  : ces  deux 
physiologistes  sont  d’avis  qu’elle  est  établie  sur  l’obser- 
vation de  l’attitude  fléchie  que  prennent  toutes  les 
parties  du  corps  dans  le  repos,  et  qu’elle  a sa  cause 
dans  la  force  et  la  longueur  des  muscles,  dans  le  vo- 
lume de  leurs  nerfs,  et  dans  la  disposition  plus  favo- 
rable des  fléchisseurs,  relativement  au  centre  des  mou* 
vemens  et  à la  direction  des  os. 

Ritter  a ajouté  à ces  différences,  que  les  fléchis- 
seurs se  contractent  quand  le  pôle  zinc  de  la  pile  gal- 
vanique communique  avec  l’extrémité  musculaire  du 
nerf,  et  le  pôle  argent  avec  l’extrémité  centrale;  et 
que  le  contraire  a lieu  pour  les  muscles  extenseurs. 
Cette  différence  n’est  sans  doute  qu’une  différence  de 
susceptibilité  galvanique;  susceptibilité  assez  grande 
dans  les  muscles  les  plus  forts,  pour  qu’ils  se  con- 
tractent même  dans  la  circonstance  la  moins  favorable 
de  l’action  galvanique. 

M.  Roulin  1 pense  comme  Borelli,  que  la  cause  prin- 
cipale de  l’antagonisme  des  fléchisseurs  et  des  exten- 
seurs dépend  de  leur  longueur  respective,  et  par  con- 
séquent de  leur  tension. 

Cette  question  mérite  peut  - être  qu’on  1 envisage 
d’une  manière  plus  générale;  il  faut  chercher  la  pré- 
dominance dans  la  longueur  et  dans  le  volume  des 

' V oyez  ses  Recherches  sur  les  mouvemens  et  les  attitudes 
de  l’homme,  dans  le  Journal  de  physiologie,  vol.  I et  II- 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS. 


6o3 


muscles,  et  plus  précisément  dans  le  nombre  des  fibres 
charnues  qui  entrent  dans  leur  composition  ; il  faut  la 
chercher  aussi  dans  la  disposition  des  muscles , rela- 
tivement aux  leviers  sur  lesquels  ils  agissent  ; il  faut 
observer  quelle  est  l’attitude  que  prennent  les  parties 
dans  leur  action  la  plus  ordinaire , et  celle  qu’elles 
prennent  dans  le  repos,  dans  le  sommeil,  et  dans  la 
paralysie  ; il  faut  avoir  égard  aussi  à celles  qu  elles 
prennent  dans  le  spasme  tonique  général  ou  dans  le 
tétanos  : or,  en  ayant  égard  à ces  diverses  considéra- 
tions, il  semblerait  que  les  muscles  prépondérans  sont , 
dans  le  tronc,  les  extenseurs;  à la  mâchoire,  les  élé- 
vateurs; aux  membres  supérieurs  en  général,  les  flé- 
chisseurs; à l’avant-bras,  les  pronateurs  ; aux  membres 
inférieurs  en  général,  les  extenseurs;  et  au  pied,  les 
adducteurs.  < 

S 724*  Il  y a dans  l’organisation  plusieurs  circons- 
tances 1 défavorables  à l’action  des  muscles,  et  qui  ré- 
duisent leur  force  de  contraction,  ou  force  effective,  à 
une  force  efficace,  c’est-à-dire  à un  résultat  beaucoup 
moindre.  Ces  circonstances  , bien  connues  depuis 
Borelli,  sont,  i°  le  partage  égal  de  l’effort  musculaire 
entre  ses  deux  attaches,  tandis  qu’un  seul  point  doit 
en  générai  être  mu;  20  le  levier  défavorable,  celui  du 
troisième  genre,  par  lequel  une  grande  partie  de  la 
force  est  perdue;  3°  l’insertion  oblique  des  muscles 
sur  les  os,  et  des  fibres  charnues  sur  les  tendons; 
4°  la  résistance  des  muscles  antagonistes;  5°  le  frotte- 
ment des  tendons  et  celui  des  articulations. 

J.  Alph.  Borelli,  De  motu  animaîium  , opus posthulnnin . 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


C)ü4 

Il  y a aussi,  dans  l’organisation,  des  circonstances 
qui,  en  favorisant  l’action  musculaire,  diminuent  l’in- 
lluence  des  premières  : tels  sont  le  changement  de 
l’angle  que  forment  le  muscle  et  l’os  au  moyen  de 
certaines  dispositions  anatomiques,  comme  le  volume 
des  extrémités  articulaires  des  os , l’existence  des  apo- 
physes à l’endroit  où  les  muscles  s’attachent , celle  des 
os  sésamoïdes  , etc.  ; tels  est  encore  la  diminution 
des  frottemens  par  la  synovie  , etc. 

En  résultat,  le  mécanisme  animal  présente  la  même 
perfection  qu’on  admire  dans  toute  la  nature.  Ce  que 
le  muscle  perd  en  force , le  mouvement  le  gagne  en 
étendue  et  en  vitesse  par  l’emploi  du  levier  du  troi- 
sième genre , et  par  l’obliquité  de  l’insertion  ; d’un 
autre  côté , l’obliquité  des  fibres  musculaires  sur  les 
tendons,  en  diminuant  l’étendue  du  mouvement,  et 
même  la  force  du  muscle,  permet,  sous  un  petit  vo- 
lume, la  réunion  d’un  très-grand  nombre  de  fibres, 
ce  qui  compense,  et  bien  au  delà,  la  perte  de  force; 
sans  parler  de  la  forme  et  de  la  liberté  des  membres, 
qui  ne  pourraient  avoir  lieu  avec  toute  autre  inser- 
tion et  toute  autre  direction  des  muscles  relativement 
aux  os. 

§ 72$.  Le  muscle  est  le  siège  et  l’organe  immédiat 
de  la  contraction  , tout  comme  les  tégumens  et  les 
sens  qui  en  font  partie  sont  le  siège  de  1 impres- 
sion ; mais  de  même  que  la  sensation  n a lieu  qu  au- 
tant que  l’impression  est  propagée  par  les  nerfs 
jusqu’au  centre  nerveux,  de  même  c’est  du  centre 
nerveux  que  la  volition  est  propagée  , par  les  neifs, 
jusqu’au  muscle,  pour  le  mettre  en  mouvement.  Il  y. 


DES  MUSCLES  EXTÉRIEURS.  6û5 

a en  outre,  dans  un  cas  et  dans  l’autre,  une  chose 
tout-à-fait  incompréhensible  : c’est  la  manière  dont 
le  moi  acquiert  la  connaissance  de  la  sensation  ; c’est 
aussi  la  manière  dont  le  moi  détermine  la  volition. 
Ce  n’est  pas  ici  le  lieu  d’examiner  cette  question  en- 
core insoluble  de  l’action  réciproque  de  l’organisme 
et  du  moi. 

Quoi  qu’il  en  soit,  la  volition  procède  du  centre 
nerveux , elle  se  propage  par  les  nerfs , et  détermine 
la  contraction  des  muscles  extérieurs.  Si  le  nerf  est 
coupé  ou  interrompu  par  une  ligature  serrée,  etc., 
le  muscle , encore  irritable , ne  se  contracte  plus  vo- 
lontairement. On  verra  dans  le  chapitre  suivant  quel 
est,  dans  le  système  nerveux,  le  siège  précis,  ou  du 
moins  probable , du  principe  organique  des  mouve- 
mens  volontaires. 

§ 726.  Les  effets  de  la  contraction  des  muscles  ex- 
térieurs sont  de  déterminer  les  attitudes  et  les  mou- 
vemens  du  corps , en  agissant  sur  le  squelette;  de  mou- 
voir la  peau  et  les  organes  des  sens  ; de  produire  la 
voix , la  parole , le  geste  ; et  enfin , de  servir  d’une  ma- 
nière plus  ou  moins  nécessaire,  mais  toujours  auxi- 
liaire, aux  fonctions  végétatives. 

§ 727.  On  a déjà  vu  que  les  muscles  droits , en  se 
contractant , rapprochent  une  ou  leurs  deux  extrémités 
du  centre  , suivant  qu’un  des  points  d’attache  est  seul 
mobile , ou  qu’ils  le  sont  tous  les  deux  ; que  les  muscles 
circulaires  rétrécissent , en  se  contractant , les  orifices 
ou  les  canaux  qu’ils  forment.  Les  muscles  courbes  se 
redressent  en  se  contractant,  si  leurs  attaches  sont 
fixes;  et,  en  teudaht  à se  redresser,  ils  diminuent  les 


6o6 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


cavités  dont  ils  forment  les  parois,  comme  les  muscles 
abdominaux  et  le  diaphragme  pour  l’abdomen  ; ils 
agrandissent  la  cavité  à laquelle  ils  répondent  par 
leur  surface  convexe,  comme  le  diaphragme  pour  le 
thorax.  Les  muscles  réfléchis,  et  il  y en  a un  très- 
grand  nombre , tendent,  comme  les  muscles  courbes , 
à se  redresser  pendant  leur  contraction  ; mais  si  un 
obstacle  insurmontable  s’y  oppose,  le  mouvement, 
dont  la  direction  est  changée  , est  transmis  à l’une 
ou  l’autre  extrémité,  ou  aux  deux,  suivant  leur  mo- 
bilité. 

§ 728.  Lorsque  l’une  des  deux  parties  auxquelles 
s’attache  un  muscle  est  immobile  et  l’autre  mobile  , 
il  tire  cette  dernière  vers  la  première  ; c’est  ce  qui  a 
lieu  à l’égard  des  muscles  qui  s’étendent  des  os  aux 
parties  molles,  etc.  Lorque  l’une  des  deux  parties 
est  peu  mobile  , et  l’autre  très-mobile  , comme  le 


tronc  à l’égard  des  membres,  comme  l’extrémité  cen- 
trale des  membres  à l égard  de  leur  extrémité  péri- 
phérique , etc. , la  dernière  est  en  général  la  seule  qui 
se  meut.  Mais  il  faut  observer  que,  dans  ce  cas,  le 
point  fixe  et  le  point  mobile  des  muscles  peuvent 
changer  : ainsi,  dans  les  mouvemens  les  plus  Ordi- 
naires du  bras,  les  muscles  moteurs  de  cette  partie 
ont  leur  point  fixe  au  tronc  , et  leur  point  mobile 
dans  le  membre;  au  contraire,  dans  l’action  de  s’élever 
en  grimpant  sur  un  arbre,  le  point  fixe,  au  moment 
où  le  tronc  s’élève  vers  le  bras  préalablement  fixé, 
est  dans  le  bras , et  le  point  mobile  dans  le  tronc.  De 
même  , dans  l’action  de  monter  un  escalier,  lorsque  la 
^ambe  est  portée  en  avant  et  en  haut  sur  une  marche, 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS.  607 

le  point  fixe  est  du  côté  du  tronc;  lorsque  ensuite  le 
tronc  s’élève  vers  la  jambe  dont  le  pied  est  appuyé, 
le  point  fixe  esta  la  jambe,  et  les  points  mobiles  des 
muscles  sont  à la  cuisse  et  au  tronc. 

Lorsque  les  deux  parties  auxquelles  s’attachent  les 
muscles  sont  à peu  près  également  mobiles,  la  con- 
traction tend  à les  mouvoir  à peu  près  également; 
ainsi , quand  on  est  couché  sur  un  plan  horizontal , 
la  contraction  des  muscles  antérieurs  du  tronc  tend 
à peu  près  également  à fléchir  la  tête  sur  le  col , et  le 
bassin  sur  les  lombes. 

Dans  ce  cas  et  dans  le  précédent , qui  sont  extrême- 
ment fréquens  dans  la  mécanique  animale  I 2,  la  partie 
qui  doit  servir  de  point  fixe  est  retenue  par  la  contrac- 
tion d’autres  muscles  qui  la  rendent  immobile.  Les 
mouvemens  les  plus  simples  en  apparence  exigent 
presque  toujours  l’action  simultanée  d’un  grand  nom- 
bre d’autres  muscles  que  ceux  qui  sont  destinés  à les 
produire  immédiatement. 

§ 729.  C’est  surtout  dans  les  efforts  que  l’on  observe 
ces  synergies  musculaires. 

On  appelle  effort 2 , nisus , toute  action  musculaire 
d’une  intensité  extraordinaire,  destinée  à surmonter 

1 Winslow,  Mém.  de  l’Acad.  des  sc. , ann.  1719-123-26' 
29-30-39-40,  etc. 

2 Js.  Bourdon,  Recherches  sur  le  mécanisme  de  la  respi- 
ration et  de  la  circulation  du  sang;  Paris,  1820.  — J.  Cloquet, 
de  l’Influence  des  efforts  sur  les  organes  renfermés  dans  la 
cavité  thorachique  ; Paris , 1820.  — Magendie  , de  l’Influence 
des  mouvemens  de  la  poitrine,  et  des  efforts,  sur  la  circula- 
tion du  sang;  Journal  de  physiologie,  vol.  I. 


608  ANATOMIE  GENERALE. 

une  résistance  extérieure  ou  à exécuter  une  fonction 
laborieuse,  soit  accidentellement,  soit  naturellement. 
Ainsi  l’action  de  soulever  ou  de  porter  un  corps  pe- 
sant, l’accouchement,  rurinement  difficile,  etc.,  exi- 
gent des  efforts  pour  être  exécutés. 

Dans  tout  effort  il  y a un  influx  nerveux  extraor- 
dinaire sur  les  muscles  ; tantôt  cet  influx  est  volon- 
taire, tantôt  il  est  involontaire.  Dans  le  dernier  cas,  il 
est  irrésistiblement  déterminé  par  la  liaison  déjà  re- 
marquée entre  les  muscles  intérieurs  involontaires  et 
leurs  congénères  extérieurs.  Dans  tout  effort  aussi , un 
nombre  considérable  de  muscles,  quelquefois  l’appa- 
reil tout  entier  des  mouvemens  est  en  action.  Dans 
tout  effort  enfin,  le  poumon  est  d’abord  rempli  d’air 
par  une  inspiration,  la  glotte  est  fermée  ou  rétrécie, 
les  muscles  expirateurs  sont  contractés , et  les  parois 
de  la  poitrine  sont  ainsi  rendues  immobiles,  pour  of- 
frir des  points  d’attache  fixes  aux  muscles  de  l’abdo- 
men et  des  membres. 

Les  effets  des  efforts  sont  de  retarder  ou  d’empê- 
cher l’entrée  du  sang  veineux  dans  les  troncs  thora- 
ciques, d’où  son  reflux  et  sa  stase  dans  les  veines  du 
col,  de  la  tête,  de  l’abdomen,  et  même  des  membres; 
de  comprimer  les  viscères  thorachiques  et  abdominaux , 
et  d’en  déterminer  même  quelqùefois  l’expulsion,  sur- 
tout des  derniers , à travers  une  ouverture  des  parois  ; 
par  fois  même  les  efforts  vont  jusqu’à  déterminer  la 
rupture  des  muscles,  des  tendons,  ou  des  os;  jusqu’à 
produire  des  ruptures  vasculaires , des  hémorrhagies 
et  des  épanchemens  de  sang. 

§ 7 ^0.  Les  muscles  qui  passent  sur  plusieurs  artieu- 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS. 


fiog 

lations  peuvent  les  mouvoir  toutes.  Ainsi  les  fléchis- 
seurs des  doigts  , après  avoir  fléchi  la  troisième  et  la 
seconde  phalanges  sur  la  première  , fléchissent  celle-ci 
sur  le  métacarpe  , la  main  sur  l avant  - bras  ; l’un  des 
deux  concourt  même  à la  pronation.  Il  en  est  de 
même  au  pied,  où  l’extenseur  commun  des  orteils  fléchit 
le  pied  sur  la  jambe , et  partout  où  la  même  disposi- 
tion se  rencontre.  Ges  muscles,  qui  passent  sur  plusieurs 
articulations , ont  encore  d’autres  usages  ; ils  sont 
auxiliaires  ou  supplémentaires  des  muscles  plus  courts, 
étendus  seulement  aux  deux  os  réunis  par  une  articu- 
lation. Ainsi,  les  biceps,  demi  tendineux,  et  demi 
membraneux  de  la  cuisse,  qui  passent  sur  deux  arti- 
culations à flexions  opposée,  peuvent  aider  ou  sup- 
pléer dans  leurs  fonctions  les  muscles  extenseurs  du 
bassin  sur  la  cuisse , et  les  fléchisseurs  de  la  cuisse  sur 
la  jambe.  Les  muscles  de  cette  sorte,  si  nombreux  dans 
les  membres,  surtout  dans  les  membres  inférieurs,  et 
qui  existent  également  dans  le  sens  de  l’extension,  et 
dans  celui  de  la  flexion  , paraissent  aussi  avoir  pour 
usage  d’assurer  la  station  en  appliquant  les  surfaces 
articulaires  les  unes  contre  les  autres  , et  en  prévenant 
le  mouvement  dans  tous  les  sens. 

§73i.  Le  mouvement  musculaire  est  simple  quand 
il  est  imprimé  par  un  seul  muscle  ou  par  plusieurs  qui 
agissent  dans  la  même  direction.  Il  est  composé,  quand 
il  est  produit  par  plusieurs  muscles  qui  agissent  dans 
des  directions  différentes.  Le  mouvement  simple  a 
ordinairement  lieu  dans  la  direction  même  du  muscle 
ou  des  muscles  qui  le  déterminent.  Ainsi  les  fléchis- 
seurs des  doigts  amènent  les  doigts  dans  leur  propre 

39 


1. 


6io 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


direction.  Dans  d’autres  cas,  le  muscle  étant  réfléchi , 
la  direction  du  mouvement  est  déterminée  par  celle 
de  la  p?rtion  du  muscle  qui  s’étend  depuis  l’endroit 
où  il  change  de  direction,  jusqu’à  la  partie  mobile. 
Ainsi  le  mouvement  imprimé  par  le  muscle  grand 
oblique  de  l’œil , par  le  péristaphylin  externe , par 
les  muscles  péroniers  latéraux,  etc.,  a une  direction 
déterminée  par  celle  de  la  dernière  portion  de  ces 
muscles.  La  direction  du  mouvement  est  souvent 
déterminée  , en  grande  partie  , par  celle  des  articula- 
tions des  os  ; ainsi  les  os  articulés  par  ginglyme  et 
par  articulation  rotatoire,  quoique  la  plupart  aient 
des  muscles  obliques  , ne  se  meuvent  que  dans  deux 
sens  opposés;  ainsi,  au  contraire,  le  même  muscle, 
le  biceps  brachial , sans  changer  de  direction , produit , , 

par  sa  contraction , la  supination  et  la  flexion  de  l’avant- 
bras;  ainsi  les  muscles  pyramidal,  jumeaux,  etc.,  ro- 
tateurs de  la  cuisse  en  dehors,  quand  elle  est  étendue, 
deviennent  abducteurs  lorsqu’elle  est  fléchie. 

§ y 32.  Dans  beaucoup  de  cas  les  mouvemens  mus- 
culaires sont  composés  ; plusieurs  muscles  se  con- 
tractant simultanément , impriment  à une  partie  mo- 
bile un  mouvement  différent  de  celui  qui  résulte  de 
la  contraction  de  chacun  d’eux  en  particulier.  Ainsi , 
si  les  muscles  droit  supérieur  et  droit  externe  de  l’œil 
se  contractent  ensemble  et  avec  une  force  égale, 
l’œil  obéissant  à ces  forces  différentes , la  prunelle 
sera  dirigée  en  haut  et  en  dehors.  Ainsi,  si  le  muscle 
grand  pectoral,  qui  porte  le  bras  en  dedans  et  en  avant, 
se  contracte  en  même  temps  que  le  grand  dorsal, 
qui  le  porte  en  dedans  et  en  arrière,  le  bras  sera 


DES  MUSCLES  EXTERIEURS. 


6l  I 

porté,  par  un  mouvement  composé,  directement  en 
dedans.  Les  mouveinens  de  l’épaule  sont  toujours  com- 
posés. Beaucoup  d’autres  parties  sont  souvent  dans  le 
même  cas;  sans  cela  les  mouvemens,  qui  sont  si  variés , 
seraient  extrêmement  bornés. 

§ ^33.  Les  mouvemens  des  muscles  volontaires  sont- 
en  effet  le  plus  souvent  combinés.  On  peut  sous  ce 
rapport  distinguer  les  actions  musculaires  en  mouve- 
mens isolés  résultant  d’un  seul  muscle  en  contrac- 
tion ; en  mouvemens  associés  ou  combinés,  résultant 
de  l’action  de  plusieurs  muscles  associés , soit  congé- 
nères, soit  antagonistes,  pour  produire  des  mouve- 
mens déterminés , comme  ceux  de  flexion , d’exten- 
sion , etc.  ; en  actions  coordonnés , comme  celles  qui 
par  leur  réunion  opèrent  la  station , la  locomotion , etc.  ; 
enfin,  en  actions  voulues , ce  sont  les  actions  muscu- 
laires dirigées  par  la  volition.  Ces  variétés  dans  l’ac- 
tion musculaire  dépendent  de  l’influence  nerveuse , 
suivant  quelle  est  volontaire,  et  suivant  que,  sous- 
traite à la  volonté  , elle  est  déterminée  par  l’irritation 
du  centre  nerveux,  par  celle  du  pléxus  d’un  membre, 
ou  seulement  par  celle  d’un  nerf  isolé. 

§ 734.  La  contraction  des  muscles  extérieurs,  par 
des  causes  qui  agissent  soit  sur  le  tissu  musculaire, 
soit  sur  les  nerfs,  soit  sur  le  centre  nerveux  , devient 
quelquefois  faible  et  incertaine  (tremblement);  impos- 
sible ( paralysie  ) ; permanente  (spasme  ou  contraction 
tonique,  tétanos);  involontaire  et  irrégulière  (con- 
vulsions , spasme  ou  contraction  clonique  ). 


ANATOMIE  GENERALE, 


X 'X-'X.  X'X.  "X-  X*X  X xx  X X X.X.  -V.  X'X.'X  X-'X'^XX.-X,  V'X'^  %*x  -x  \-wv\\v>\-  N.-%  X XX  X.  X X -V  x -X  -V  XX -x 

CHAPITRE  X. 

DU  SYSTÈME  NERVEUX. 

§ ^35.  Le  système  nerveux,  systema  nerveum,  com- 
prend des  cordons  (nerfs),  des  renflemens  ( ganglions), 
et  une  masse  centrale  (cerveau  en  général),  formés 
d’une  substance  blanche  et  grisâtre,  qui , dans  l’état  de 
vie,  entretiennent  l’irritabilité  , sont  les  conducteurs 
et  l’aboutissant  des  sensations  , le  point  de  départ  et 
les  conducteurs  des  volitions;  en  un  mot  les  organes 
de  l’innervation. 

Le  centre  nerveux  est  en  outre  X organe,  c’est-à- 
dire  l’instrument  matériel  de  X intelligence. 

§ y3 6.  Les  Asclépiades  n’ont  point  connu  les  nerfs 
ni  les  ganglions;  on  peut  aisément  se  convaincre,  en 
lisant  les  ouvrages  d’Hippocrate  et  d’Aristote,  qu’ils  ont 
confondu  sous  le  même  nom,  Né^ov,  les  ligamens,  les 
tendons  , les  nerfs  , et  même  les  vaisseaux.  Praxagoras 
paraît  avoir  eu  la  première  idée  juste  d’une  différence 
entre  les  organes  blancs;  mais  ayant  placé  l’origine  des 
nerfs  à la  terminaison  désaltérés,  il  a donné  naissance  à 
une  opinion  sur  la  structure  canaliculée  des  nerfs , 

qui  s’est  propagée  jusqu’à  nos  jours.  Hérophile  et 

/ 

Erasistrate  ont  connu  la  connexion  des  nerfs  avec  le 
cerveau,  mais  ils  ont  continué  de  donner  le  même 
nom  aux  tendons  et  aux  ligamens.  Galien  débrouilla 
la  confusion  qui  régnait  encore  de  son  temps  sur  ce 


DU  SYSTEME  NERVEUX. 


6l3 


sujet,  en  donnant  des  noms  aux  ligamens  et  aux  ten- 
dons ; en  reconnaissant  que  les  nerfs  sont  médullaires 
à l’intérieur,  et  membraneux  à l’extérieur,  il  établit 
positivement  leur  connexion  avec  la  moelle  épinière 
et  avec  l’encéphale;  il  lit  remarquer,  contre  une  opi- 
nion antérieure  à lui,  que  la  moelle  est  subordonnée 
à l’encéphale,  qui  dès  lors  devient  le  centre  nerveux; 
il  essaya  d’établir  une  distinction  entre  les  nerfs  du 
sentiment  et  ceux  du  mouvement  ; il  découvrit  et 
nomma  les  ganglions  nerveux  : il  a eu  aussi  de  grandes 
connaissances  dans  la  névrologie  spéciale.  Les  anato- 
mistes de  l’école  d’Italie  ayant  trouvé  la  névrologie  à 
peu  près  au  point  où  l’avait  conduite  Galien,  l’ont 
beaucoup  perfectionnée  ; G.  Bartholin  a reproduit  l’o- 
pinion énoncée  dans  l’antiquité  par  Praxagoras  et 
quelques  autres,  que  c’est  la  moelle  épinière  qui  est 
le  centre  du  système  nerveux,  et  que  l’encéphale  n’en 
est  que  la  continuation.  Depuis  cette  époque , l’ana- 
tomie du  système  nerveux,  soit  dans  les  animaux, 
soit  dans  l’homme,  n’a  cessé  de  s’enrichir  de  nou- 
veaux faits. 

§ 737.  Les  animaux  les  plus  simples  n’ont  pas  de 
système  nerveux  distinct.  (§  28.) 

Les  premiers  où  l’on  commence  à l’apercevoir , 
sont  les  animaux  rayonnés,  et  en  particulier  les  as- 
téries ou  étoiles  de  mer,  où  ils  consistent  en  filets 
mous  et  en  petits  renflemens  disposés  autour  de  la 
bouche,  les  uns  et  les  autres  blancs,  et  dépourvus 
de  substance  arise. 

Dans  tous  les  autres  animaux  invertébrés , le  sys- 
tème nerveux  consiste  en  deux  cordons  plus  ou  moins 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


6i4 

rapprochés,  rassemblés  dans  un  plus  ou  moins  grand 
nombre  de  nœuds  ou  de  ganglions,  appelés  impro- 
prement moelle  dans  les  articulés , toujours  réunis 
autour  de  l’œsopbage  ou  au-dessus  de  la  bouche  par 
un  anneau  nerveux  au  moins  , et  souvent  par  un  ren- 
flement ou  ganglion  dont  le  volume  est  proportionné 
à la  composition  plus  ou  moins  grande  de  la  tète,  et 
qu’on  appelle  cerveau  dans  les  mollusques. 

Dans  tous  ces  animaux,  les  deux  tégumens  et  leurs 
muscles  , les  organes  des  fonctions  végétatives  et  ceux 

des  fonctions  animales  reçoivent  des  nerfs  semblables. 

:> 

Cependant  on  trouve  déjà  dans  le  renflement  ner- 
veux des  céphalopodes  ( § 5 o ) l’indice  évident  d’un 
centre  nerveux  propre  aux  organes  des  sens  et  du 
mouvement. 

§ 738.  Dans  les  animaux  vertébrés  *,  le  système  ner- 
veux consiste  en  une  masse  centrale  propre  à eux , et 
composée  d’un  cordon  longitudinal,  la  moelle,  où  la 
figure  gangliforme  n’est,  plus  apparente,  et  dont  l’extré- 
mité supérieure  ou  crânienne,  divisée  en  trois  paires  de 
cordons,  présente  des  renflemens  et  des  développe- 
mens  dont  la  réunion  forme  l’encéphale;  ce  sont,  suc- 
cessivement d’arrière  en  avant , le  cervelet,  les  tuber- 

1 Voyez  l’excellent  ouvrage  de  M.  Tiedemann  : Anato- 
mie und  Bilclungsgeschichle  des  gehirns  , etc.  ; Nürnberg, 
1816,  traduit  en  français  par  M.  Jourdan;  — Anatomie  du 
cerveau,  contenant  l’histoire  de  son  développement  dans  le 
fœtus,  avec  une  exposition  comparative  de  sa  structure  dans 
les  animaux  ; Paris,  i8‘23  ; — Desmoulins  : Ej position  suc- 
cincte du  développement  et  des  fonctions  du  système  cérébro- 
spinal. 


DU  SYSTEME  NERVEUX. 


6i5 


cul  es  quadrijumeaux,  le  cerveau  proprement  dit  et 
les  lobes  olfactifs.  La  moelle  spinale  donne  attache  à 
un  nombre  de  paires  de  nerfs  proportionné  à celui  des 
vertèbres.  Chacun  de  ces  nerfs  est  pourvu  d’un  gang  lion 
près  de  son  extrémité  centrale  ; la  portion  crânienne  de 
la  moelle  ( moelle  allongée  ) en  fournit  aux  sens  et  aux 
autres  organes  de  la  face,  à' ceux  de  la  digestion  et 
de  la  respiration.  En  outre,  il  existe  de  chaque  côté, 
au-devànt  de  la  colonne  vertébrale,  un  cordon  noueux 
{ nerf  grand  sympathique  ) et  des  ganglions  et  des  cor- 
dons nerveux  pour  le  cœur  et  le  canal  alimentaire, 
système  nerveux  particulier,  qui  seul  ou  joint  au  nerf 
pneumo-gastrique,  rappelle  par  sa  forme  et  par  sa  dis- 
tribution les  premières  apparences  de  ce  système  dans 
le  règne  animal. 

§ 739.  La  moelle,  creuse  dans  les  animaux'  ovipares  , 
devient  pleine  dans  les  mammifères.  Dans  les  premiers 
elle  occupe  toute  la  longueur  du  canal  vertébral;  dans 
les  mammifères  elle  s’étend  jusque  dans  le  sacrum. 
Son  volume  est  d’autant  plus  grand,  relativement  à 
L’encéphale,  ou  celui-ci  est  d’autant  plus  petit,  compa- 
rativementàla  moelle,  qu’on  s’éloigne  plus  de  l’homme 
adulte  pour  arriver  aux  poissons.  Elle  est  cylindrique, 
un  peu  renflée  aux  points  où  tiennent  les  nerfs  des 
membres.  Sa  portion  crânienne  est  également  renflée 
en  proportion  des  nerfs  qui  s’y  insèrent. 

Le  cervelet,  formé  par  les  cordons  postérieurs,  ou  res- 
litormes  de  la  moelle,  épanouis,  réfléchis  et  réunis  au- 
dessus  du  quatrième  ventricule,  est  très-simple  dans  les 
poissons  osseux,  beaucoup  des  cartilagineux,  et  la  plu- 
part des  reptiles.  Dans  les  autres,  et  surtout  dans  les 


6i6 


ANATOMIE  CENERALE. 


oiseaux  , il  a une  composition  plus  grande;  on  y 
aperçoit  déjà  des  lames  et  un  commencement  d’hémi- 
sphères latéraux , mais  dans  aucun  ovipare  on  ne 
trouve  encore  les  prolongemens  destinés  à former  la 
protubérance  annulaire,  ni  cette  protubérance.  Dans 
tous  les  mammifères , on  trouve  la  structure  lamellée 
du  cervelet , des  hémisphères  latéraux  , un  corps  ci- 
liaire dans  les  pédoncules  et  une  protubérance  ; ces 
parties  sont  d’autant  plus  développées , qu’on  s’élève 
davantage  dans  la  classe  des  mammifères  et  qu’on  s’ap- 
proche de  l’homme.  Les  prolongemens  du  cervelet  aux 
tubercules  quadrijumeaux  existent  aussi  dans  tous  les 
mammifères.  Le  ventricule  du  cervelet  est  commun  aux 

f 

quatre  classes  de  vertébrés. 

Dans  quelques  poissons  on  trouve  des  lobes  encé- 
phaliques postérieurs  au  cervelet;  tels  sont  ceux  qui 
répondent  à l’origine  des  nerfs  de  l’appareil  électrique 
de  la  torpille. 

Les  tubercules  quadrijumeaux,  formés  par  le  déve- 
loppement des  cordons  latéraux  ou  olivaires  de  la 
moelle , paraissent  exister  dans  tous  les  vertébrés , 
quoiqu’on  ait  beaucoup  varié  sur  leur  détermination. 
Dans  tous  ils  sont  le  point  principal  d’origine  des 
nerfs  optiques.  Dans  tous  ils  forment,  par  leur  réunion 
sur  la  ligne  moyenne,  la  paroi  supérieure  d’une  cavité 
située  entre  le  ventricule  du  cervelet  et  le  troisième 
ventricule.  Ils  sont  d’autant  plus  volumineux , relati- 
vement à l’encéphale  en  général , que  celui-ci  est  plus 
simple  ; ils  sont  bijumeaux  seulement  dans  les  ovipares, 
et  ne  sont  quadrijumeaux  que  dans  les  mammifères.  La 
paire  antérieure  est  plus  volumineuse  que  la  postérieure 


l 


DIT  SYSTÈME  NERVEUX.  6lJ 

dans  les  ruminans,  les  solipèdes  et  les  rongeurs;  l’in- 
verse a lieu  dans  les  carnassiers;  les  deux  paires  sont  à 
peu  près  égales  dans  les  quadrumanes  et  dans  l’homme. 

Le  cerveau,  proprement  dit,  qui  résulte  de  l’épa- 
nouissement des  cordons  antérieurs  ou  pyramidaux 
de  la  moelle,  entrecroisés  dans  tous  les  mammifères 
et  dans  les  oiseaux  de  proie  seulement,  et  point  dans 
les  autres  animaux , renflés  par  les  couches  optiques  et 
par  les  corps  striés,  présente  beaucoup  de  différences 
dans  son  volume  et  sa  complication,  proportionnées 
en  général  au  volume  de  ces  couches  et  de  ces  corps. 
Les  poissons  cartilagineux  n’ont  point  de  cerveau  (Des- 
moulins): dans  les  poissons  osseux  il  est  formé  parla 
couche  optique  seule,  qui  est  solide  (Desmoulins); 
dans  les  reptiles  et  dans  les  oiseaux,  par  cette  même 
couche,  qui  est  creuse  et  qui  ressemble  un  peu  aux  hé- 
misphères des  mammifères;  mais  ces  hémisphères  ne 
recouvrent  pas  les  tubercules  quadrijumeaux  ; iis  n’ont 
encore  ni  lobes , ni  circonvolutions  , ni  corps  calleux. 
Le  cerveau  des  mammifères ,. formé  pair  une  membrane 
médullaire  recourbée,  dont  les  fibres  viennent  des  py- 
ramides , des  couches  optiques  et  des  corps  cannelés  , 
se  rapproche  peu  à peu  de  celui  de  l’homme , en  pré- 
sentant plusieurs  degrés  d’organisation.  Les  rongeurs 
et  les  chéiroptères  occupent  le  dernier  rang  sous 
ce  rapport  ; leurs  hémisphères  ne  couvrent  pas  tota- 
lement les  tubercules;  il  y a seulement  une  scissure 
de  Sylvius  superficielle  , à peine  quelques  légers  sil- 
lons, et  point  de  circonvolutions.  Dans  les  carnaS;- 
siers,  les  ruminans,  le  cochon  et  le  cheval,  les  hé- 
misphères, beaucoup  plus  volumineux  et  plus  boni- 


6i8 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


bés , couvrent  une  partie  du  cervelet  ; il  y a des  cir- 
convolutions et  des  anfractuosités  , mais  il  n’y  a 
point  encore  de  lobes  postérieurs.  Dans  les  quadru- 
manes , les  hémisphères  couvrent  le  cervelet , mais 
le  lobe  postérieur  est  encore  dépourvu  de  circonvo- 
lutions. 

Le  corps  calleux  , formé  par  le  retour  vers  la  ligne 
médiane  des  fibres  des  pédoncules  épanouies  dans  les 
hémisphères,  n’existe  point  dans  les  ovipares.  Dans 
les  mammifères  son  étendue  est  relative  à eelle  des 
hémisphères,  aussi  est-il  très-petit  dans  les  rongeurs. 

Les  ventricules  latéraux,  formés  par  le  reploiement 
de  la  membrane  nerveuse  des  hémisphères,  sont  pro- 
portionnés cà  l’étendue  de  ceux-ci. 

La  voûte  n’existe  point  dans  les  poissons;  on  trouve 
les  premières  traces  de  ses  piliers  dans  les  reptiles , 
et  plus  manifestement  encore  dans  les  oiseaux.  Dans 
tous  les  mammifères  les  piliers  sont  réunis  pour  for- 
mer la  voûte;  on  trouve  de  plus  la  cloison  transpa- 
rente et  son  ventricule:  ces  parties  sont  proportionnées 
à l’étendue  des  hémisphères. 

La  corne  d’Anunon  n’existe  que  dans  le  cerveau  des 
mammifères.  L’éminence  uneiforme  n’existe  dans  au- 
cun animal,  si  ce  n’est  peut-être  dans  les  quadru- 
manes. 

La  glande  pituitaire  existe  chez  tous  les  animaux; 
elle  est  très-volumineuse,  relativement  à l’encéphale , 
dans  les  classes  inférieures.  La  glande  pipéale  paraît 
manquer  dans  la  classe  des  poissons. 

Les  lobes  olfactifs  terminent  antérieurement  1 en- 
céphale. Suivant  M.  Desmoulins,  ce  sont  ceux  qu  on 


DU  SYSTÈME  NERVEUX.  6 IC) 

appelle  cerveau  dans  les  poissons  cartilagineux.  Ils 
égalent  le  cerveau  clans  beaucoup  de  poissons  osseux 
et  de  reptiles.  Ils  sont  très-petits  dans  les  oiseaux  , 
très -développés  et  creux  dans  beaucoup  de  mammi- 
fères ; et  rudimentaires  dans  l’espèce  humaine. 

Les  différences  principales  que  le  centre  nerveux 
présente  dans  l'homme  sont  donc  le  volume  du  cer- 
velet et  du  cerveau , relativement  à la  moelle , aux 
tubercules  et  aux  lobes  olfactifs;  le  volume  des  lobes 
latéraux  du  cervelet,  relativement  au  lobe  moyen  ; le 
volume  des  hémisphères  cérébraux,  leur  prolongement 
èn  arrière  ; l’existence  du  lobé  postérieur  et  de  ses  dé- 
pendances; l’épaisseur  de  la  membrane  nerveuse  qui 

forme  les  hémisphères,  le  volume  de  sa  masse  médul- 

» 

iaire  centrale,  le  nombre  et  la  profondeur  de  ses  sillons , 
le  nombre  et  l’épaisseur  de  ses  circonvolutions,  d’où 
résulte  une  grande  étendue  de  surfaces  ; et  enfin, 
l’étendue  du  corps  calleux. 

§ 74o.  Les  anciens  , à partir  de  Galien  , et  beaucoup 
de  modernes  , ont  regardé  le  système  nerveux  comme 
ayant  un  centre  unique  dans  l’encéphale,  et  des  pro- 
longemens  (la  moelle  et  les  nerfs  ).  On  a déjà  vu  que 
G.  Bartholin  avait  déplacé  le  centre  nerveux  en  le 
fixant  dans  la  moelle  épinière  ; et  cela  en  considé- 
rant que  les  poissons  ont  une  moelle  très -volumi- 
neuse, et  un  encéphale  très-petit,  et  que  ces  animaux 
ont  pourtant  une  grande  force  de  mouvement.  Bichat , 
développant  quelques  idées  vaguement  émises  avant 
lui,  sur  1 action  des  ganglions,  établit  deux  systèmes 
nerveux  distincts,  l’un  (cérébral,  ou  encéphalique  et 
spinal)  servant  aux  sensations  «avec  conscience  , à l’in- 


6i  o 


anatomie  générale. 


telli  gence  el  aux  mouvemens  volontaires  ; l’autre , 
ganglionnaire , servant  aux  fonctions  qui  s’exécutent 
sans  conscience  et  sans  volonté  : il  y plaça  toutefois 
le  siège  des  passions.  M.  Cuvier  regarde  plutôt  le  sys- 
tème nerveux  comme  un  vaste  réseau  embrassant  tout 
l’animal , ayant  des  centres  multiples  et  des  cordons 
de  communication.  M.  Gall  divise  le  système  nerveux 
de  la  vie  animale  en  ceux  de  la  moelle  épinière , des 
sens,  et  en  ceux  du  cerveau  et  du  cervelet.  M.  de 
Blainville  considère  le  système  nerveux  comme  di- 
visé en  autant  de  parties  qu’il  y a de  grandes  fonc- 
tions,, et  le  définit  des  amas  ou  ganglions  et  des  filets  , 
les  uns  sortans.,  et  allant  dans  l’organe  qu’ils  doivent 
animer,  ce  qui  forme  la  vie  particulière;  les  autres 
rentrans,  se  terminant  tous  à une  niasse  centrale,  éta- 
blissent la  vie  générale , les  sympathies  et  les  rapports. 
La  partie  centrale,  suivant  cet  ingénieux  physiolo- 
giste , est  la  moelle  épinière  ; une  autre  partie  com- 
prend les  ganglions  des  sens  et  des  organes  du  mou- 
vement ; une  troisième  , ceux  des  viscères,  savoir  les 
ganglions  cardiaque  et  semi-lunaire  ou  cœliaque  ; une 
quatrième  et  dernière  comprend  le  grand  sympathique, 
qui  forme  un  centre  aux  ganglions  viscéraux,  et  qui , 
par  l’intermède  des  ganglions  sensitifs  et  moteurs , les 
rattache  à la  masse  centrale. 

Toutes  ces  divisions,  qui  peuvent  être  justifiées  par 
diverses  considérations  , ne  sont  pourtant  point  aussi 
tranchées,  aussi  absolues  que  leurs  autours  le  préten- 
dent. Dans  l'homme  , l’encéphale  ou  quelqu’une  de  ses 
parties,  la  moelle  allongée,  là  où  elle  est  embrassée 
par  le  pont  île  varolé,  est  certainement  un  centre 


DU  SYSTEME  NERVEUX. 


62  I 

Auquel  les  fonctions  de  routes  les  autres  partiès  du  sys- 
tème nerveux  sont  plus  on  moins  soumises.  A la  vérité, 
dans  quelques-unes  de  ses  fonctions,  la  moelle  spinale 
peut  aussi  être  considérée  comme  un  centre  peu  dépen- 
dant; il  en  est  de  même  des  ganglions;  il  en  est  de  même, 
enfin,  des  nerfs;  car  aucune  partie  du  système  n’est 
réduite  au  rôle  tout-cà-fait  passif  de  conducteur.  Cette 
indépendance  des  nerfs,  l’indépendance  plus  grande 
encore  des  ganglions,  plus  grande  encore  de  la  moelle, 
sont  d’ailleurs  d’autant  plus  marquées  qu’il  s’agit  de 
telle  ou  de  telle  fonction,  qu’on  les  observe  dans  tel 
ou  tel  animal,  et  que  dans  l’homme  même  on  les 
observe  à des  époques  plus  ou  moins  avancées  du  dé- 
veloppement. On  trouvera  plus  loin  le  développement 
de  ces  propositions,  qu’on  peut  regarder  comme  des 
lois  de  l’innervation. 

Il  suffit  pour  le  moment  de  faire  remarquer  qu’il 
n’y  a point  de  séparation  absolue  entre  les  parties  du 
système  nerveux.  Nous  allons  le  considérer  successi- 
vement dans  son  ensemble  et  dans  ses  principales 
parties,  renvoyant  les  détails  à la  névrologie  spéciale. 

PREMIÈRE  SECTION. 

DU  SYSTÈME  NERVEUX  EN  GÉNÉRAL. 

S 74  r - Le  système  nerveux  1 forme  un  tout  continu 

t 

1 Th.  Willis , Ccrebri  analorne  nervorumque  descriptio  et 
usus ; Genevœ  , 1676.  — R.  Yieussens , Neurographia  univer- 
sahs  ; Lugd. , 1684.  — G.  Prochaska,  de  Structura  nervorum 
tract,  anat ; Ejusd.  Cominentatio  de f unction.  System. 'nerw ; 


6 22  ANATOMIE  GENERALE. 

ou  un  ensemble  rameux  et  réticulé,  dont  toutes  les 
parties  se  tiennent. 

§ y42-  Ce  système  consiste  en  une  masse  centrale  , 
en  cordons  nerveux  et  en  ganglions. 

La  masse  nerveuse  centrale,  qui  n’a  point  reçu  de 
nom  propre , et  que  l’on  désigne  sous  le  nom  de 
cerveau  en  général , et  quelquefois  sous  celui  d’axe 
nerveux  , d’organe  cérébro-spinal , consiste  elle-même 
en  plusieurs  parties  que  l’on  distingue,  par  leur  situa- 
tion, en  moelle  épinière  ou  cordon  rachidien 
jùveXos')  et  en  encéphale  ( ’EvKtÇcthos')  • par  leur  forme 
et  leur  texture , en  moelle  nerveuse  et  en  cerveau  , cer- 
velet, et  tubercules  quadrijumeaux  ; les  lobes  olfactifs 
rudimentaires  sont  regardés  comme  des  nerfs. 

La  moelle  est  un  gros  cordon  impair  et  médian, 
divisé  par  un  double  sillon  en  deux  moitiés  latérales , 
et  par  l’insertion  des  ligamens  dentelés  en  faisceaux 
antérieurs  et  postérieurs.  Ce  cordon  , contenu  en  grande 
partie  dans  le  canal  vertébral,  est  prolongé  dans  le 
crâne,  et  porte  là  le  nom  de  moelle  allongée  ou  crâ- 

in  op.  minor.  — Yicq-d’Azyr,  Rech.  sur  la  struct.  du  cerveau 
du  cervelet,  de  la  moelle  allongée,  delà  moelle  épinière, 
et  sur  l’origine  des  nerfs,  etc.  ; . in  Mém.  de  l’Acad.  des  Sc. 
de  Paris,  1781  et  1783.—  A.  Monro,  Qbserv.  on  the  nervous 
System  ; Eclinb.  , 1783.  — Ludwig , Scriptores  nevrologici  mi- 
nores sélectif  etc. . ; Lipsiœ , 1791  - 9^  , 4°*  — F.  G.  Gall  et 
Spurzheim , Recli.  sur  le  système  nerv.  en  général,  et  sur 
celui  de  cerveau  en  particulier;  Paris,  1809.  — Rolando, 
Saggio  sulla  vera  struttura  del  ccvrello  delV  uorno  e degh 
animait , e soprale  funzioni  del  sistema  nervoso  ; Snssari , 
1809.  — Carus,  Anat . und  pkysiol.  de*  necveti  System  s y 
Leipzig,  181/,. 


DU  SYSTÈME  NERVEUX.  62  3 

nicnne.  Dans  cette  dernière  partie,  outre  les  faisceaux 
antérieur  et  postérieur,  il  y a de  chaque  coté  un 
faisceau  latéral , ou  moyen. 

Les  faisceaux  moyens,  renforcés  par  les  éminences 
olivaires,  se  prolongent,  pour  la  plus  grande  partie, 
dans  les  tubercules  quadrijumeaux , et  s’y  terminent. 
Les  faisceaux  postérieurs,  après  s’être  renforcés  dans 
le  corps  festonné  ou  rhomboïdal,  s’épanouissent  dans 
le  cervelet  et  le  forment;  se  prolongeant  au  delà , ils  se 
réunissent  d’une  part  sur  la  ligne  médiane  , sous  la 
moelle  allongée,  où  ils.  forment  la  protubérance  an- 
nulaire ou  le  pont  de  varole,  et  d’un  autre  côté  s’u- 
nissent avec  les  tubercules  quadrijumeaux.  Les  fais- 
ceaux antérieurs  , après  s’êtré  entrecroisés  , réunis  à 

« 

une  partie  des  latéraux,  renforcés  dans  les  couches 
optiques  et  les  corps  striés,  s’épanouissent  en  rayon- 
nant pour  former  les  hémisphères  du  cerveau  , et 
se  rejoignent  sur  la  ligne  médiane  dans  le  corps  cal- 
leux. 

Les  cordons  nerveux  ou  les  nerfs  , au  nombre  de 
quarante  et  quelques  paires , tiennent  à la  moelle 
par  une  extrémité  ; ils  présentent  un  certain  nombre 
de  plexus  où  ils  communiquent  entre  eux;  des  gan- 
glions nombreux  se  rencontrent  dans  leur  trajet;  les 
cordons  se  terminent  par  une  autre  extrémité  dans 
les  deux  tégumens,  dans  les  organes  des  sens,  dans 
les  muscles,  et  dans  les  parois  des  vaisseaux,  surtout 
dans  l’épaisseur  des  artères. 

§ 743.  La  forme  du  système  nerveux  est , en  général , 
symétrique;  la  symétrie  est  surtout  très-marquée  dans 
«es  parties  centrales , plus  encore  dans  la  moelle  que 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


624 

dans  l’encéphale , où  la  surface  des  lobes  du  cerveau 
et  du  cervelet  présente  toujours  des  irrégularités. 
Les  nerfs  qui  tiennent  immédiatement  à la  moelle 
sont  tous  symétriques,  excepté  le  pneumo-gastrique  , 
qui  se  distribue  à des  organes  asymétriques  ; tous 
cependant  cessent  d’être,  dans  leurs  dernières  divi- 
sions , aussi  rigoureusement  symétriques  que  dans  leurs 
troncs.  Les  ganglions  et  les  nerfs  qui  appartiennent 
aux  organes  asymétriques  des  fonctions  végétatives 
participent  dès  leurs  parties  centrales,  mais  surtout 
dans  leurs  divisions  et  à leurs  extrémités  périphé- 
riques, à l’irrégularité  de  ces  organes. 

§ y44‘  La  situation  du  système  nerveux  est  inté- 
rieure et  centrale  pour  ses  masses,  profonde  encore 
pour  les  cordons  nerveux  : les  extrémités  seules  de 
ces  cordons  aboutissent  aux  surfaces  du  corps,  aux 
deux  tégumens. 

§ 745.  Le  système  nerveux  est  formé  de  deux  subs- 
tances distinguées,  par  leur  couleur  et  leur  situation 
respective,  en  blanche  ou  médullaire,  et  en  grise  ou 
corticale. 

§ 746*  La  substance  nerveuse  blanche,  appelée  aussi 
médullaire,  medullaris , parce  que,  le  plus  souvent 
elle  est  enveloppée  par  l’autre , présente  plusieurs 
nuances  de  blanc. 

Sa  consistance  varie  un  peu  dans  les  différentes 
parties.  Elle  est  en  général  moins  élastique  que  de  la 
gélatine,  mais  un  peu  plus  glutineuse , visqueuse  ou 
tenace.  La  section  est  uniforme  en  couleur,  et  en  ap- 
parence homogène  : on  y aperçoit  seulement  des  points 
rouges  ou  des  stries  sanguines.  En  effet , cette  subs- 


DU  SYSTEME  NERVEUX. 


62  5 


tance  est  très  -vasculaire  ; quand  on  la  déchire,  les 
vaisseaux  sanguins  rompus  font  saillie  à la  surface 
inégale  de  la  déchirure. 

O 

La  substance  nerveuse  blanche,  trempée  pendant 
quelques  minutes  dans  l’huile  bouillante , ou  plongée 
pendant  quelques  jours  dans  l’alcohol,  dans  les  acides 
nitrique  ou  muriatique  affaiblis,  dans  lalcohol  aci- 
dulé, ou  dans  une  solution  de  sublimé  corrosif,  aug- 
mente en  consistance;  et  si  on  essaye  alors  de  la  dis- 
tendre et  de  la  rompre , dans  un  sens  ou  dans  un  autre , 
on  voit  qu  elle  offre  une  apparence  fibreuse.  On  peut 
en  séparer  des  filamens  blancs,  fins  comme  des  che- 
veux. Les  fibrilles  les  plus  fines  qu’on  puisse  obtenir 
sont  si  délicates  et  si  étroitement  unies  entre  elles , 
qu’il  est  très-difficile  de  rien  assurer  touchant  leur 
longueur  et  le  diamètre  des  plus  fines  ou  des  fibrilles 
primitives.  Ces  fibrilles,  parallèles  ou  concentriques, 
sont  réunies  en  faisceaux  qui  ont,  les  uns  à l’égard 
des  autres , diverses  directions.  On  ne  sait  pas  exacte- 
ment si  cette  disposition  fibreuse  existe  dans  tout  le 
système  nerveux  ; seulement  on  l’a  trouvée  partout 
où  on  l’a  cherchée,  et  toujours  on  l’a  retrouvée  la 
même  dans  les  mêmes  parties. 

Cette  structure  fibreuse  est  visible  dans  quelques 
parties  du  système  nerveux  sans  aucune  préparation  ; 
presque  partout  on  trouve  plus  de  difficulté  à déchirer 
cette  substance  dans  un  sens  que  dans  l’autre , et  pré- 
cisément dans  le  sens  suivant  lequel  les  préparations 
chimiques  indiquées  montrent  la  direction  des  fibres. 

La  substance  nerveuse  blanche  desséchée  acquiert 
une  couleur  jaunâtre  et  une  apparence  cornée;  coupée 

4o 


1. 


6a6 


ANATOMIE  GÉNÉRALE, 

en  ti anches  minces  , elles  devient  demi  — transparente  * 
plongée  dans  l’eau , elle  reprend  sa  couleur  et  son 
opacité. 

§ 747*  La  substance  grise  *,  cinerea , appelée  aussi 
corticale,  parce  quelle  enveloppe  dans  beaucoup  d’en- 
droits la  précédente,  présente  comme  elle,  et  même 
plus  encore,  des  variétés  de  nuance  : elle  varie  du  gris 
de  plomb  à la  teinte  brune  noirâtre.  Cette  substance  est 
toujours  plus  molle  que  la  blanche.  La  surface  de  son 
incision  est  uniforme , et  présente  seulement  des  points 
et  des  stries  rouges , plus  nombreux  encore  que  dans 
la  substance  médullaire.  Cette  substance,  en  effet,  est, 
en  quelques  points  au  moins,  beaucoup  plus  vasculaire 
que  la  blanche.  Celle  qui  forme  l’écorce  du  cerveau  et 
du  cervelet  contient  tant  de  vaisseaux,  que,  quand  elle 
a été  bien  injectée  , et  macérée  ensuite  , elle  paraît  au 
microscope  entièrement  vasculaire.  Albinus 1  2 cepen- 
dant affirme,  et  avec  raison,  que  dans  ce  cas  même  il 
reste  évidemment  une  partie  non  injectable,  ou  extra- 
vasculaire.  La  substance  grise,  soumise  aux  mêmes 
préparations  chimiques  que  la  substance  blanche,  ne 
présente  pas  dans  sa  déchirure  une  apparence  fibreuse 
tout-à-fait  semblable  à la  sienne.  Soumise  à l’action 
de  l’eau  , la  substance  nerveuse  grise  devient  plus 
molle,  se  gonfle  un  peu  , et  perd  une  grande  partie  de 
sa  couleur.  Les  acides,  l’alcohol , et  surtout  le  sublimé 
corrosif,  la  blanchissent  aussi  en  la  durcissant;  des- 
séchée ensuite,  elle  devient  pulvérulente.  La  couleur, 

1 Ludwig , de  Cinerea  cerebri  substantia . 

2 Acad,  annot. , lib.  /,  cap.  12. 


DU  SYSTÈME  NERVEUX.  627 

un  peu  variable  suivant  les  races  et  les  individus , pa- 
raît être  un  produit  de  la  matière  colorante  du  sang. 

§ 748.  Les  deux  substances  nerveuses  sont  diverse- 
ment entremêlées  l’une  avec  l’autre,  dans  les  diverses 
parties  du  système  nerveux  : dans  les  lobes  ou  hémi- 
sphères du  cerveau  et  du  cervelet , la  substance  grise 
forme  une  enveloppe  ou  une  écorce  à la  blanche; 
dans  la  moelle  épinière  , la  substance  grise  forme 
deux  cordons  intérieurs,  enveloppés  par  la  substance 
blanche  ; dans  la  moelle  allongée  et  dans  les  pédon- 
cules du  cerveau  et  du  cervelet , on  trouve  des  amas 
ou  noyaux  de  substance  grise,  enveloppés  de  subs- 
tance blanche,  des  lames  ou  couches  alternatives  des 
deux  substances,  des  cordons  ou  fibres  de  l’une  et  de 
l’autre  , qui  se  croisent  ou  se  traversent  réciproque- 
ment ; dans  les  ganglions , une  substance  grise  parti- 
culière, traversée  par  des  fibres  blanches;  dans  les 
nerfs,  enfin,  des  fibres  blanches  seulement. 

La  substance  blanche  forme  seule  un  tout  continu. 
La  substance  grise  au  contraire  ne  se  rencontre  que  par 
places;  on  la  trouve  partout  où  sont  implantées  les  ex- 
trémités centrales  des  nerfs;  on  a supposé  même  qu’elle 
existait  aussi  à leur  extrémité  périphérique,  et  notam- 
ment dans  le  corps  muqueux  de  la  peau  ; on  la  trouve 
encore  là  où  les  fibres  blanches  prennent  de  l’accrois- 
sement et  semblent  s’épanouir,  comme  dans  les  pédon- 
cules du  cerveau  et  du  cervelet;  on  la  trouve  enfin  à 
la  surface  du  cervelet,  du  cerveau;  on  a cru  même, 
mais  sans  preuve,  qu’elle  existait  dans  les  ganglions. 

La  texture  fibreuse  de  la  substance  nerveuse  avait 
déjà  été  aperçue  dans  la  substance  blanche  par  Mal- 


G'i  3 


ANATOMIE  GENERALE. 


pighi,  niais  il  regardait  la  substance  grise  conime^/a«. 
diileuse. 

Cette  idée  de  Malpighi  sur  la  substance  grise  , a été 
long-temps  admise  conjointement  avec  l’opinion  hypo- 
thétique que  les  nerfs  sont  creux  ou  canaliculés.  On 
a substitué  ensuite  à l’idée  de  Malpighi  sur  la  subs- 
tance grise,  celles  d’un  point  d’origine  ( Gall ),  et  d’un 
centre  d’action  (Ludwig,  etc.). 

§ y 49*  La  substance  nerveuse,  soit  blanche,  soit 
grise,  examinée  au  microscope  1 , et  grossie  d’environ 
trois  cents  diamètres , paraît  dans  toutes  ses  parties 
composée  de  globules  demi  - diaphanes  , réunis  par 
une  substance  transparente  et  visqueuse.  Ces  glo- 
bules ont  paru  à Dellatorre  différens  en  volume 
dans  le  cerveau,  le  cervelet,  la  moelle  et  les  nerfs, 
les  plus  gros  étant  dans  le  cerveau,  et  les  plus 
fins  dans  les  nerfs  ; ces  globules  lui  ont  paru  en- 
tassés sans  ordre  dans  la  masse  nerveuse  centrale, 
et  en  séries  linéaires  dans  les  nerfs;  quant  au  liquide 
dans  lequel  ils  sont  contenus  , il  lui  a paru  peu  vis- 
queux dans  l’encéphale , plus  dans  la  moelle  épi- 
nière, et  plus  encore  dans  les  nerfs.  Ces  globules  et 
le  liquide  dans  lequel  ils  sont  plongés,  fournis  et  ré- 
parés continuellement  par  l’abord  du  sang  artériel, 
se  porteraient,  suivant  lui,  du  cerveau  , comme  d’un 
centre,  à tout  le  corps,  et  réciproquement;  leur  flux 

1 J.  M.  Dellatorre,  Nuove  osserv.  micros in  Napoli,  1776. 

— Procliaska , de  Struct.  nervor.  — J.  et  Ch.  Wenzell , de 
Penitiori  struct.  cerebri ; Tubing. , 1812.  — A.  Barba  , Osserv. 
microsc.  sul  cervello  e suite  parti  adjaccnti ; Napoli  , 1807. 

— Home  et  Bauer,  Philos,  trans.;  ann.  1821. 


DU  SYSTÈME  NERVEUX.  Ô2Ç) 

du  cerveau  aux  muscles  déterminerait  le  mouvement, 
leur  reflux  des  sens  au  cerveau  produirait  le  senti- 
ment. Cette  explication  inadmissible  doit  être  séparée 
de  l'observation  anatomique  assez  exacte  sur  laquelle 
elle  repose. 

Prochaska  ayant  examiné  au  microscope  une  lame 
de  substance  nerveuse  assez  mince  pour  être  trans- 
parente , a trouvé  qu  elle  ressemblait  à une  sorte  de 
pulpe  formée  de  globules  ou  particules  rondes  in- 
nombrables ; par  l’action  de  l’eau  cette  pulpe  se  di- 
vise en  petits  flocons , et  chaque  flocule  est  encore 
composé  d’un  certain  nombre  de  globules;  la  macéra- 
tion, prolongée  même  pendant  trois  mois,  est  insuf- 
fisante pour  séparer  les  globules  les  uns  des  autres. 

Il  en  conclut  que  le  moyen  d’union  est  un  tissu  cellu- 
laire délicat,  formé  en  partie  par  les  vaisseaux  san- 
guins, et  en  partie  par  des  prolongemens  de  l’enve- 
loppe du  système  nerveux  : les  globules  lui  ont  paru 
de  volume  différent  dans  une  même  partie  du  système  ; 
il  évalue  le  volume  de  ceux*du  cerveau  et  du  cervelet 
à environ  un  huitième  de  celui  des  globules  du  sang; 
quant  à la  structure  des  globules  eux-mêmes  , les  plus  > 
puissans  microscopes  n’apprennent  rien  à ce  sujet. 

Barba  a observé  les  globules,  et  n’a  pas  trouvé  de 
différence  dans  la  substance  qui  les  réunit  entre  eux 
dans  les  différentes  parties  du  système  nerveux. 

Les  frères  Wenzell  ont  ajouté  quelques  observations 
à celles-là;  ils  ont  trouvé  la  substance  nerveuse  par- 
tout formée  de  globules  qu’ils  regardent  comme  des 
vésicules  remplies  de  substance  médullaire  ou  cen- 
drée, suivant  les  parties;  les  globules  semblent  se 


63o 


anatomie  générale. 


toucher  ou  adhérer,  et  on  n’aperçoit  rien  entre  eux. 
Cette  apparence  globulaire  résiste  à la  dessiccation , 
à l’action  de  l’alcohol,  soit  pur,  soit  acidulé. 

MM.  Home  et  Bauer  ont  publié  deux  résultats  dif- 
férens  d’observations  microscopiques  : suivant  leurs 
premières  recherches,  le  cerveau  frais  serait  composé 
de  fibres  formées  par  la  réunion  de  globules  d’un 
diamètre  à peu  près  semblable  à ceux  du  pus.  Sui- 
vant leurs  nouvelles  observations,  la  substance  ner- 
veuse serait  composée  de  globules  blancs,  demi-trans- 
parens,  les  uns  du  volume  de  ceux  qui  forment  le 
noyau  des  particules  colorées  du  sang,  les  autres  plus 
petits;  de  substance  gélatineuse,  transparente  et  so- 
luble dans  l’eau,  et  d’un  liquide  semblable  au  sérum 
du  sang  : la  proportion  de  ces  trois  parties , les  glo- 
bules, la  gelée  et  le  sérum  , ainsi  que  le  volume  des 
globules,  donneraient  lieu  aux  principales  différences 
que  présente  le  système  nerveux.  La  substance  grise 
présente  peu  de  fibres  uniglobulaires  distinctes , elle  est 
formée  surtout  de  très-petits  globules,  la  substance 
gélatineuse  et  le  liquide  séreux  y sont  très-abondans. 
La  substance  médullaire  des  hémisphères  du  cerveau 
et  du  cervelet  contient  des  fibres  formées  de  séries  li- 
néaires de  globules  plus  distinctes,  plus  abondantes; 
la  majeure  partie  des  globules  qui  les  composent  sont 
d’un  diamètre  plus  grand;  la  substance  gélatineuse  est 
plus  tenace  et  en  moindre  proportion  que  dans  la  subs- 
tance grise.  Le  corps  calleux  et  le  bulbe  rachidien  ont 
surtout  des  globules  d’un  diamètre  moyen , la  subs- 
tance gélatineuse  et  le  sérum  sont  plus  abondans  que 
dans  les  hémisphères,  et  la  première  est  moins  tenace. 


DU  SYSTEME  NERVEUX. 


63  r 


DUns  les  nerfs  on  trouve  des  globules  de  tous  les  dia- 
mètres réunis  en  fibres,  et  celles-ci  en  faisceaux.  La  ma- 
tière gélatineuse  dont  il  s’agit  ici  se  retrouverait  dans 
le  sang,  où  elle  servirait  de  moyen  d'union  aux  parti- 
cules de  la  matière  colorante  qui  entoure  les  globules. 

M.  H.  M.  Edwards  publie  1 dans  ce  moment  dès  ob- 
servations microscopiques  d’après  lesquelles  la  subs- 
tance nerveuse  de  l’encéphale,  delà  moelle,  des  nerfs, 
dans  les  quatre  classes  de  vertèbres,  est  composée  de 
globules  microscopiques  de  — de  millimètre  réunis 
en  séries  de  manière  à former  des  fibres  primitives 
dont  la  longueur  est  assez  considérable. 

J’ai  vérifié  ces  observations , dont  l’importance  est 
d’autant  plus  grande  que  l’on  trouve  des  globules  sem- 
blables, mais  arrangés  un  peu  différemment,  dans  tous 
les  tissus  des  animaux. 

Suivant  M.  Carus , les  globules  nerveux  sont  dis- 
posés en  amas  dans  les  masses  centrales  qui  agissent 
par  irradiation , et  en  lignes  régulières  dans  les  nerf  s 
qui  n’agissent  que  comme  conducteurs. 

§ y5o.  Le  tissu  cellulaire  qui  réunit  entre  elles  les  fi- 
brilles nerveuses  est  mou  et  peu  apparent.  Ce  tissu  est 
plus  condensé  à la  surface,  où,  réuni  aux  vaisseaux,  il 
forme  une  membrane  plus  ou  moins  dense,  plus  ou 
moins  vasculaire  : unique  pour  les  nerfs  (névrilème) , 
double  autour  du  centre  nerveux  (pie-mère  et  mé- 
ninge), avec  un  intervalle  à parois  contiguës  établi 
par^me  membrane  séreuse  ( Tarachnoïde  ). 

1 Mémoire  sur  la  stucturc  élémentaire  (les  principaux  tissus 
organiques  des  animaux  : Thèse  ; Paris  , 3o  juillet  iB'23. 


632 


ANATOMIE  GENERALE. 


§ 7 5 1 . Les  vaisseaux  sanguins' du  système  nerveux 
sont  très  - nombreux.  Ils  se  ramifient  d’abord  beau- 
coup dans  l’enveloppe  immédiate  de  ce  tissu  ( névri- 
lème  et  pie-mère.)  ; ils  pénètrent  ensuite  dans  la  subs- 
tance grise,  où  ils  sont  extrêmement  abondans;  ils  pé- 
nètrent enfin  dans  la  substance  blanche,  où  ils  sont 
beaucoup  plus  fins  et  moins  nombreux.  On  ne  connaît 
point  de  vaisseaux  lymphatiques  dans  le  système  ner- 
veux. 


§ 702.  La  substance  nerveuse  a été  examinée  sous  le 
rapport  chimique  par  Thouret,  Fourcroy  et  M.  Vau- 
q ne  lin. 

L’analyse  du  cerveau,  faite  par  M.  Vauquelin , a 
donné  les  résultats  suivans  : eau  8o,oo;  matière  grasse 
blanche  4, 5 3 ; ‘matière  grasse  rougeâtre  0,70;  albu- 
mine 7,00;  osmazome  i,ia;  phosphore  i,5oj  acides, 
sels  et  soufre  5,i5. 

D’après  les  expériences  de  cet  habile  chimiste,  la 
moelle  et  les  nerfs  auroient  la  même  composition  que 
le  cerveau. 

M.  John  a reconnu  que  la  substance  grise  ne  con- 
tient point  de  phosphore. 

M.  Chevreul  a trouvé  dans  le  sang  une  matière  ca- 


ractéristique de  la  substance  nerveuse  : la  eérébrine. 

§ 753.  Les  propriétés  vitales  du  système  nerveux  le 
distinguent  essentiellement  de  tous  les  autres  genres 
d’organes  j outre  la  faculté  commune  à toutes  les  par- 
ties des  corps  vivans  de  se  nourrir,  il  possède  une 
autre  propriété  active  tout-à-fait spéciale  quon  appelle 
force  nerveuse,  puissance  nerveuse,  influence  ner- 
veuse 5 elle  se  manifeste  par  les  fonctions  de  ce  sys- 


DU  SYSTEME  NERVEUX. 


633 


tèine,  désignées  sous  le  nom  collectif  d’innervation. 

§ 754.  L’innervation  r,  beaucoup  trop  restreinte  par 
ceux  qui  la  bornent  à la  sensation  et  à la  volition  , tient 
sous  sa  dépendance,  d’une  manière  plus  ou  moins  di- 
recte, tous  les  phénomènes  delà  vie.  Les  physiologistes 
modernes,  en  constatant  cette  prééminence  du  système 
nerveux,  ont  mis  à même,  en  s’appuyant  sur  les  obser- 
vations d’anatomie  et  de  physiologie  comparatives,  sur 
les  observations  de  l’embryogénésie , et  sur  les  obser- 
vations et  les  expériences  physiologiques  et  pathologi- 
ques d’établir  quelques  lois  de  l’innervation.  En  gé- 
néral le  système  nerveux  a d’autant  plus  d’influence 
sur  le  reste  de  l organisme,  que  l’animal  plus  élevé  dans 
la  série  a ce  système  plus  développé.  Dans  l’espèce  hu- 
maine le  système  nerveux  a d’autant  plus  d’influence 
sur  les  fonctions,  que  l’individu,  plus  éloigné  de  l’état 
d’embryon,  a également  ce  système  plus  perfectionné. 
L’influence  de  l’innervation  sur  une  autre  fonction  est 
d’autant  plus  marquée  que  cette  fonction  s’éloigne  da- 
vantage du  but  des  fonctions  végétatives.  L’influence 
du  centre  nerveux  , sur  le  reste  du  système,  est  d’au- 
tant plus  grande  et  plus  nécessaire  que  le  centre  est 
plus  développé , plus  volumineux  relativement  au  reste 
du  système,  et  surtout  que  les  parties  diverses  de  la 
masse  centrale  sont  plus  exactement  rassemblées  vers 

1 Rolando  , op.  cit. , et  Journal  de  physiologie  , tome  III. 
— Georget , de  la  Physiologie  du  système  nerveux  , etc.  ; 
Paris  , 1821.  — Flourens,  Recherches  physiques  sur  les  pro- 
priétés et  les  fonctions  du  système  nerveux  , etc.;  in  archives 
générales  de  médecine,  vol.  II. — Fodéré,  Recher,  expériment. 
sur  le  système  nerveux  ; in  Journ.  de  physiol  , tom.  III. 


anatomie  générale. 


634 

un  point  unique  ; c’est  sous  ce  dernier  rapport  surtout 
que  le  système  nerveux  de  l’homme  diffère  de  celui 
des  animaux. 

§y55.  Les  opérations  mentales  les  plus  élevées  s’exer- 
cent sur  des  résultats,  et  se  manifestent  par  l’intermé- 
diaire de  l’action  nerveuse  ; il  est  donc  vrai  de  dire  que 
V homme  est  une  intelligence  servie  par  des  organes . 

Les  actions  de  combinaison,  intermédiaires  à la  sen- 
sation  et  à la  volition  , qui  constituent  une  apparence 
d’intelligence,  ou  l’instinct  perfectionné  des  animaux 
vertébrés,  appartiennent  aussi  à l’innervation. 

L’instinct  le  plus  borné,  qui,  dans  tous  les  animaux  , 
même  les  plus  imparfaits,  lie  nécessairement  certains 
mouvemens  à certaines  sensations  est  encore  une  action 
nerveuse. 

La  sensation  et  la  volition , quels  que  soient  les  phé- 
nomènes intermédiaires,  sont  encore  des  actions  du 
même  genre. 

Les  phénomènes  d’irritation,  c’est-à-dire  l’im- 
pression non  sentie  et  le  mouvement  involontaire,  sont 
eux-mêmes  plus  ou  moins  dépendans  de  l’action  ner- 
veuse. Dans  le  canal  intestinal , le  cœur,  etc.,  ordinaire- 
ment l’impression  n’est  pas  sentie,  et  la  contraction  mus- 
culaire n’est  pas  voulue , mais  déjà  pourtant  le  système 
nerveux  intervient  ; car  si  dans  l’ordre  régulier  1 im- 
pression ne  va  pas  au  delà  des  ganglions  , et  si  la  con- 
traction musculaire  en  est  le  résultat  nécessaire,  ca- 
ractère de  l’irritabilité,  dans  certains  cas  d impression 
extraordinaire  la  sensation  en  résulte  j et  de  même  , 
quand  la  volonté  est  troublée  par  les  passions,  les 
mouvemens  musculaires  intérieurs  s’en  ressentent. 


DU  SYSTEME  NERVEUX. 


6 35 


Dans  les  vaisseaux,  et  particulièrement  clans  les  ar- 
térioles , l’action  nerveuse  est  très-évidente.  Dans  le 
tissu  cellulaire,  l’impression  et  la  contraction  étroi- 
tement liées,  et  désignées  parle  nom  unique  de  toni- 
cité, paraissent  peu  dépendantes  du  système  nerveux, 
mais  n’y  sont  pourtant  point  étrangères. 

L’influence  nerveuse  n’est  point  limitée  aux  seuls  or- 
ganes ou  parties  solides,  le  sang  1 en  éprouve  les  effets. 

§ y 56.  Les  fonctions  deformation  et  d’entretien,  c’est- 
à-dire,  les  fonctions  nutritives  et  génitales,  sont  aussi 
toutes  plus  ou  moins  dépendantes  de  l’innervation. 

La  digestion  2 , non-seulement  les  sensations  et  les 
mouvemens  qui  ont  lieu  à l’entrée  de  ses  organes  , mais 
l’action  même  de  l’estomac,  est  soumise  à l’innervation  $ 
on  sait  depuis  assez  long-temps  déjà  que  la  section  des 
nerfs  de  l’estomac  ôte  à cet  organe  la  faculté  de  di- 
gérer et  de  pousser  les  alimens  dans  les  intestins. 

La  respiration  n’est  pas  moins  soumise  à l’influence 
nerveuse  ; la  section  des  nerfs  du  poumon  détermine 
bientôt  l’asphyxie  et  la  mort. 

La  circulation,  surtout  l’action  du  cœur  et  des  artères 
capillaires,  est  également  sous  la  même  influence. 

La  sécrétion  est  évidemment  aussi  sous  l’influence 
de  l’innervation.  Des  expériences  directes  montrent 
que  la  section  des  nerfs  d’un  organe  y suspend  la 
sécrétion.  L’inhalation  ou  absorption  est  également 

1 G.  A.  Treviranus  , Biologici  , B.  4 j page  646.  — Idem, 
V ermischte  Schriften , etc.  B.  I,  page  99. 

2 A.  Brunn,  Expcrim.  circa  lignt.  nervorum . — Vavasseur, 
De  l’influence  du  système  nerveux  sur  la  digestion  stomacale  : 
Thèse  \ Paris,  12  août  1823. 


6 36 


ANATOMIE  GENERALE. 


modifiée  par  l’action  nerveuse.  La  nutrition  ou  for- 
mation organique,  sans  être  un  résultat  immédiat  de 
la  force  nerveuse,  est  pourtant  soumise  à son  in- 
fluence. La  chaleur  animale  en  est  plus  évidemment 
encore  dépendante.  Les  expériences  physiologiques  de 
MM.  Brodie  et  Chossat  ont  mis  hors  de  doute  cette 
influence  : les  expériences  chimiques  et  physiologiques 
de  MM.  Dulong  et  Despretz  ont  démontré  que  cette 
chaleur  ne  pouvait  pas  dépendre  tout  entière  de  la 
respiration. 

On  voit  de  même  dans  la  génération  , les  sensa- 
tions et  les  mouvemens  volontaires  qui  l’accompa- 
gnent; les  mouvemens  d’irritation;  les  phénomènes 
de  sécrétion  du  sperme  et  de  formation  des  ovules; 
ceux  de  la  nutrition  et  de  l’accroissement  de  l’œuf  fé- 
condé, être  tous,  mais  plus  ou  moins  directement,  sou- 
mis à l’action  nerveuse. 

§ 757.  La  sympathie  ou  la  coexistence  de  deux  phé- 
nomènes de  formation  , d’irritation  , de  sensation  ou 
de  volition  , dans  des  parties  différentes , et  par  1 action 
d’un  seul  agent , fait  le  plus  extraordinaire  de  l’orga- 
nisme, est  encore  un  effet  de  l’action  nerveuse. 

§ 7^8.  Quel  rapport  existe-t-il  entre  les  diverses  par- 
ties du  système  nerveux  relativement  à ses  fonctions? 
Y a-t-il  un  seul  centre,  soit  la  moelle,  soit  l’encéphale? 
ou  bien  y a-t-il  deux  centres,  savoir  : un  cérébral  et  un 
ganglionnaire?  ou  bien  enfin,  y a-t-il  autant  de  cen- 
tres distincts  qu’il  y a d'organes  principaux  ou  de 
grandes  fonctions?  Ces  opinions,  toutes  fondées  sur 
des  observations,  sont  toutes  vraies  dans  de  certaines 
limites. 


DU  SYSTÈME  NERVEUX.  63j 

Dans  l’homme  adulte,  le  système  nerveux  forme  un 
système  unique  dont  toutes  les  parties  concourent  à 
l’action  de  l’ensemble,  à l’innervation,  mais  en  outre 
chacune  à sa  fonction  propre.  Ainsi  le  cerveau  et  le 
cervelet,  outre  leurs  fonctions  particulières  , augmen- 
tent l’énergie  de  la  moelle,  celle-ci  augmente  celle 
des  nerfs,  dans  l’homme  adulte,  l’encéphale  et  plus 
précisément  encore  le  mésocéphale,  c est-à-dire  1 extré- 
mité crânienne  de  la  moelle,  l’endroit  d’où  naissent  les 
pédoncules  du  cervelet  et  du  cerveau,  est  vraiment  le 
centre  d action  du  système  nerveux. 

§ 759.  Quel  rapport  existe-t-il  entre  les  deux  subs- 
tances du  système  nerveux,  et  quel  est  leur  usage 
particulier  ? 

M.  Gall  regarde  la  substance  grise  comme  la  subs- 
tance matrice  des  nerfs,  comme  une  couche  fertile 
dans  laquelle  les  nerfs  sont  enracinés,  et  d’où  dépend 
leur  nutrition  et  leur  accroissement;  si  M.  Gall  avait 
entendu  par-là  qu’il  y eût  une  véritable  production  ou 
végétation  , il  aurait  tort , car  d’une  part  aucune  partie 
n’est  le  produit  de  l’autre , toutes  sont  déposées  par 
les  vaisseaux  chacune  à leur  place,  et  d’un  autre  côté 
la  substance  blanche  apparaît  avant  la  grise,,  soit 
dans  le  règne  animal  soit  dans  l’embryon.  S’il  n’a 
voulu  parler  que  d’une  implantation  il  a eu  raison. 

[On  doit  regarder  avec  Ludwig,  M.  Gall,  M.  Carus  et 
M.  Tiedemann,  la  substance  grise,  comme  un  centre 
d’activité  , comme  fortifiant  l’action  des  parties  blan- 
ches qui  y sont  implantées,  en  tant  surtout  qu  elle 
produit  cet  effet  par  la  grande  quantité  de  sang  artériel 
qui  la  parcourt.  Cette  substance  abonde  dans  la  moelle, 


638 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


là  où  tiennent  les  plus  gros  nerfs  ; elle  abonde  égale- 
ment dans  le  corps  rhomboïdal  du  cervelet , et  dans  les 
corps  optiques  et  cannelés  du  cerveau,  ainsi  qu’à  la 
surface  de  ces  deux  organes  dans  l’homme. 

§ 760.  Quelle  est  la  fonction  particulière’  de  cha- 
cune des  parties  du  système  nerveux  ? 

Les  nerfs  (Sect.  Il)  conduisent  les  impressions  des 
surfaces  vers  le  centre,  et  le  principe  des  mouvemens 
du  centre  vers  les  muscles  et  les  vaisseaux. 

Les  ganglions  ( Sect.  III) , à raison  de  la  quantité  de 
sang  qui  s’y  distribue,  et  à raison  de  leur  texture  par- 
ticulière , modifient  l’action  nerveuse. 

La  masse  nerveuse  centrale  remplit  les  parties  les 
plus  importantes  de  la  fonction  d’innervation;  elle 
est  l’instrument  de  l’intelligence. 

Les  actions  de  combinaison,  intermédiaires  aux 
sensations  et  aux  voûtions , sont  aussi  des  fonctions  de 
l’encéphale. 

L’instinct,  également  intermédiaire  à ces  deux  ordres 
de  phénomènes,  s’il  est  attaché  à une  partie  nerveuse 
spéciale,  a probablement  son  siège  dans  la  partie  su- 
périeure de  la  moelle. 

On'  s’est  souvent  occupé  de  déterminer  par  l’obser- 
vation et  par  l’expérimentation , le  siège  organique  de 
la  sensation  et  de  la  volition. 

M.  Roflando  regarde  les  hémisphères  du  cerveau 
comme  le  siège  de  ces  deux  actions , et  le  cervelet , 
comme  d’organe  qui  envoie  aux  muscles  le  principe  # 
moteur  sous  la  direction  du  cerveau. 

Suivant  M.  Flourens,  la  moelle,  à l’endroit  où  elle 


I)ü  SYSTÈME  NERVEUX.  639 

«st  surmontée  des  tubercules  quadrijumeaux,  serait  le 
point  commun  d’arrivée  des  sensations  , et  de  départ 
de  l’influence  nerveuse  des  mouvemens  musculaires. 
Le  cervelet,  suivant  ce  physiologiste,  serait  le  balan- 
cier ou  le  coordonnateur  des  mouvemens  ; suivant  lui 
l’ablation  du  cervelet  rend  l’animal  incapable  d’agir 
d’une  manière  régulière  et  coordonnée  pour  la  station 
et  pour  la  locomotion. 

M.  Magendie,  se  fondant  sur  les  expériences  de 
Lorry,  de  Legallois,  et  sur  les  siennes  propres,  pense 
que  la  sensibilité  est  inhérente  à la  moelle  épinière. 
Cet  habile  physiologiste  est  d’avis  que  la  volonté 
ou  la  faculté  de  déterminer  les  mouvemens  muscu- 
laires réside  dans  la  partie  la  plus  élevée  de  la  moelle 
crânienne,  jusque  dans  les  tubercules  optiques  et  les 
pédoncules  du  cerveau;  que  les  tubercules  optiques 
sont  nécessaires  aux  mouvemens  latéraux  ; que  les 
hémisphères  cérébaux  sont  nécessaires  pour  la  pro- 
duction du  mouvement  en  avant,  et  le  cervelet  pour 
le  mouvement  contraire.  La  soustration  de  l’un  ou  de 
l’autre  de  ces  organes  supprime  son  action , et  déter- 
mine l’action  irrésistible  de  l’autre;  la  soustraction 
d’une  couche  optique  détermine  un  mouvement  de 
tournoiement. 

MM.  Foville  et  Pinel  Grandchamps  ont  été  con- 
duits par  des  observations  d’anatomie  morbide,  aux- 
quelles ils  ont  joint  des  expériences  sur  les  animaux  , 
à établir  le  siège  de  la  sensibilité  dans  le  cervelet, 
et  celui  du  mouvement  volontaire  dans  la  substance 
médullaire  des  hémisphères  ; la  partie  antérieure  et 
le  corps  strié  pour  le  membre  abdominal,  la  couche 


64°  ANATOMIE  GÉNÉRAI, E. 

optique  et  la  partie  postérieure  del’hémisphère  pour  le 
membre  supérieur. 

M.Dugès  r,  par  un  rapprochement  ingénieux  de  faits 
physiologiques  et  pathologiques,  place  également  le 
siège  de  la  sensibilité  dans  le  cervelet , et  celui  du 
mouvement  volontaire  dans  les  hémisphères  du  cer- 
veau, en  admettant, que  la  sensation  est  transmise  di- 
rectement au  côté  du  cervelet  correspondant  à l’im- 
pression ; au  contraire,  comme  on  le  sait  depuis. long- 
temps, la  volition  est  transmise  d’un  côté  du  cerveau  au 
côté  opposé  du  corps. 

Ces  diverses  opinions  qui  se  contredisent  en  quel- 
ques points , reposent  les  unes  et  les  autres  sur  des  faits 
plus  ou  moins  bien  observés;  de  nouveaux  faits  sont 
nécessaires  pour  dissiper  les  incertitudes  qui  restent 
encore  sur  ce  sujet. 

La  transmission  du  sentiment  a lieu  par  la  partie 
postérieure  de  la  moelle  épinière,  et  celle  du  mou- 
vement par  sa  partie  antérieure.  11  y a , comme  on  le 
. le  verra  plus  loin,  des  nerfs  spéciaux  pour  chacune  de 
ces  fonctions. 

La  moelle  , qui  dans  ces  fonctions  ne  remplit  que  le 
rôle  de  conducteur,  est  le  siège  ou  l’origine  du  prin- 
cipe de  l'irritabilité.  Si  l’on  divise  à sa  partie  moyenne 
la  moelle  épinière  d’un  animal  vivant,  la  partie  posté- 
rieure du  corps  devient  insensible  et  immobile.  Si  1 on 
irrite  la  peau  de  cette  partie  du  corps,  1 irritation  non 
sentie  détermine  des  mouvemens  involontaires  dans 
les  muscles  de  cette  partie.  Si  la  moelle  est  enlevée  et 


■ Mémoire  inédit. 


DU  SYSTÈME  NERVEUX. 


6’4i 

par  là  les  connexions  centrales  des  nerfs  détruites , on 
ne  pourra  plus  déterminer  de  mouvemens  en  irritant 
la  peau. 

La  circulation  est  sous  l’influence  de  la  moelle 
toute  entière , et  de  tous  les  nerfs  moteurs  qui  y tien- 
nent ; l’action  particulière  du  cœur  aussi,  mais  médiate- 
ment,  et  immédiatement  sous  l’influence  du  nerf  sym- 
pathique. La  respiration  est  sous  la  direction  de  la 
partie  supérieure  et  latérale  de  la  moelle  ; la  diges- 
tion sous  l’influence  combinée  des  nerfs  vague  et 
sympathique. 

La  sécrétion,  l’absorption,  la  chaleur  vitale  et  la 
nutrition,  sous  l’influence  de  toutes  les  parties  du  sys- 
tème nerveux. 

§ 761.  On  ne  sait  rien  sur  la  manière  dont  le  système 
nerveux  produit  l’innervation.  Ce  fait  échappant  à 
l’observation,  une  foule  d’hypothèses  ont  été  propo- 
sées : elles  ont  varié  avec  les  doctrines  dominantes 
à chaque  époque. 

On  a essayé  d’expliquer  Faction  nerveuse  par  des 
hypothèses  mécaniques  : soit  en  supposant  que  les 
fibres  nerveuses  pouvaient  vibrer  à la  manière  des 
cordes;  soit  en  admettant  seulement  de  pareilles  vi- 
brations dans  leurs  fibrilles  élémentaires,  ou  dans  des 
fibrilles  spirales  qu’on  y supposait  ; ou  enfin  par  un 
ébranlement  dans  les  globules  élastiques  dont  on  y 
avait  deviné  F existence. 

On  a fondé  d’autres  explications  sur  la  supposition 
d’un  fluide  nerveux  : soit  grossier  et  visible,  soit 
plus  généralement  un  fluide  incoercible  ; et , dans 
cette  dernière  supposition,  on  l’a  tantôt  appelé  éther, 

41 


1. 


anatomie  générale. 


642 

tantôt  phlogistique  ou  magnétique,  lumineux,  élec- 
trique; en  dernier  lieu  galvanique,  suivant  les  ob- 
jets qui  ont  fixé  à diverses  époques  l’attention  des 
physiciens. 

Reil  a proposé  à ce  sujet  une  hypothèse  qui  consiste 
à faire  dériver  l’action  nerveuse  d’un  procédé  chimico- 
vital.  Il  attribue  en  général  l’action  des  parties  orga- 
niques à leur  forme  et  à leur  composition.  La  forme 
et  la  composition  des  parties  organiques  étant  chan- 
gées, leur  action  l’est  toujours  ; et  toutes  les  fois  que 
l’action  est  changée,  il  y a des  changemens  obser- 
vables dans  les  parties;  de  sorte  qu’en  règle  générale, 
le  changement  d’action  est  la  conséquence  d’un  chan- 
gement de  composition  des  parties  : l’action  nerveuse 
suppose  donc  un  changement  dans  la  substance  ner- 
veuse. Ce  qui  paraît  surtout  favorable  à cette  hypo- 
thèse de  Reil,  c’est  l’abondance  de  sang  artériel  qui  se 
distribue  dans  le  système  nerveux , et  surtout  dans  la 
substance  grise,  dont  le  volume  est  toujours  relatif 
à l’activité  nerveuse  ( § 759). 

§ 7 62.  On  pourrait,  indépendamment  de  toute  hypo- 
thèse, considérer  l’action  nerveuse  comme  un  lait  gé- 
néral, et  en  observer  les  phénomènes  et  les  conditions. 
Les  phénomènes  de  l’innervation  ne  sont  pas  sensibles 
dans  le  nerf,  comme  ceux  de  la  contraction  muscu- 
laire dans  le  muscle  : on  n’y  voit  rien;  cependant 
quelques  faits  semblent  indiquer  qu’il  y a pour  la  sen- 
sation un  mouvement  quelconque  dans  la  substance 
nerveuse  en  action.  La  sensation  résultant  de  l’im- 
pression faite  par  la  lumière  sur  l’œil  n’est  pas  instan- 
tanée ; l’ébranlement  ou  la  pression  de  l’œil  dans 


DU  SYSTÈME  NERVEUX.  6 4 3 

♦ 

l’obscurité  donne  lieu  à la  sensation  de  lumière,  etc. 
Beaucoup  d autres  faits  rassemblés  par  Darwin  sem- 
bleraient indiquer  qu’il  y a dans  la  sensation  un  mou- 
vement moléculaire  de  la  substance  nerveuse  qui  n’est 
pas  instantané.  D’un  autre  côté,  beaucoup  de  faits 
semblent  indiquer  que  le  système  nerveux  est  l’organe 
formateur  et  conducteur  d’un  agent  impondérable  ana- 
logue à l’agent  électrique  ou  galvanique.  Cet  agent 
de  l’innervation,  dont  l’existence  a été  prévue  par  Reil, 
reconnue  par  M.  de  Humboldt  et  par  Aldini,  admise 
et  soutenue  avec  tant  de  talent  par  M.  Cuvier  , 
permet  d’expliquer  facilement  tous  les  phénomènes  de 
l’innervation , et  notamment  le  rapport  qui  existe  entre 
l’action  nerveuse  engourdissante  des  poissons  électri- 
ques et  les  phénomènes  galvaniques  d’une  part,  et  l’ac- 
tion nerveuse  ordinaire  de  l’autre  ; la  possibilité  de  dé- 
terminer des  phénomènes  galvaniques  avec  des  nerfs 
et  des  muscles  seuls  ; la  possibilité  de  déterminer 
des  contractions  musculaires,  l’action  chimiliante 
de  l’estomac,  l’action  respiratoire  du  poumon,  etc., 
en  remplaçant  l’influence  nerveuse  par  l’action  galva- 
nique; l’existence  d’une  atsmosphère  nerveuse,  agis- 
sant à distance  autour  des  nerfs  et  des  muscles,  et 
à travers  la  solution  de  continuité  des  nerfs  divisés; 
le  plissement  qui  s’opère  dans  la  fibre  musculaire  en 
contraction,  et  le  rapport  des  dernières  fibrilles  ner- 
veuses transverses  avec  ces  plis,  phénomène  d’inner- 
vation qui  se  rapproche  de  certains  phénomènes 
électro-magnétiques,  etc. 

Ces  opinions  ont  paru  si  vraisemblables  à M.  Ro- 
lande, qu’il  a cherché  la  source  de  l’agent  nerveux  de  la 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


644 

contraction  dans  le  cervelet , qui,  à raison  de  ses  lames, 
lui  a paru  devoir  agir  à la  manière  d’une  pile  de 
Volta,  et  qu’il  a admis  dans  la  sensation  un  mou- 
vement moléculaire  de  la  pulpe. 

Quoi  qu’il  en  soit,  la  force  nerveuse  s’affaiblit  et 
s’épuise  par  les  opérations  intellectuelles,  par  le  tra- 
vail des  sens,  des  muscles  et  de  l’encéphale,  et  plus 
encore  par  la  douleur  ; elle  se  répare  par  le  repos, 
l’alimentation  et  le  sommeil.  Son  énergie,  en  général 
et  en  particulier,  est  relative  à la  masse  du  système 
nerveux  tout  entier  et  de  ses  parties,  et  surtout  à la 
masse  de  la  substance  grise,  qui  est  la  plus  vasculaire; 
elle  est  relative  aussi  à l’étendué  des  surfaces  Elle  per- 
siste quelque  temps  après  la  mort  dans  les  nerfs  et 
dans  les  muscles. 

Cette  force  semble  résulter  de  l’action  d’un  fluide 
subtil , formé  par  l’action  organique  de  la  substance 
nerveuse  arrosée  par  le  sang  artériel.  Il  paraît  que  ce 
fluide  est  formé  partout,  mais  surtout  là  où  la  sub- 
stance nerveuse  grise  et  vasculaire  est  amassée.  Ce 
liquide  subtil  semble  parcourir  l’intérieur  et  la  sur- 
face des  nerfs,  leur  former  une  athmosplière^  et  au 
delà  de  leurs  extrémités  pénétrer  ou  imprégner  tous 
les  organes  et  les  humeurs  elles-mêmes.  Le  sang  par- 
ticulièrement paraît  être  pénétré  du  même  fluide,  et 
lui  devoir  les  propriétés  essentielles  qui  le  distinguent 
pendant  la  vie. 

Cependant  le  sang  artériel  fournit  au  système  ner- 
veux la  matière  de  son  action  ; aussi  l’abord  du  sang 
artériel  est  une  condition  de  cette  action. 

L’asphyxie,  dont  on  a tant  cherché  la  cause  dans 


DU  SYSTEME  NERVEUX. 


645 

l’interruption  du  passage  du  sang  à travers  le  pou- 
mon ( Haller) , dans  l’arrivée  du  sang,  resté  veineux 
dans  le  ventricule  gauche  ( Godwin  ) , dans  la  péné- 
tration de  ce  sang  dans  la  substance  nlusculaire  du 
cœur  ( Bichat  ) , résulte  bien  plutôt  de  la  pénétration 
du  sang  brun  dans  la  substance  nerveuse  ; de  même  la 
syncope  dépend  de  l’interruption  de  l’innervation  du 
cœur  : la  vie  étant  essentiellement  liée  à l’action  ré- 
ciproque du  sang  sur  la  substance  nerveuse,  et  de  la 
substance  nerveuse  sur  le  sang. 

L’agent  nerveux  résulte-t-il  directement  et  unique- 
ment de  l’action  réciproque  du  sang  et  de  la  substance 
nerveuse  P est-il  puisé  au  dehors?  peut-il  passer  d’un 
individu  à un  autre?  résulte-t-il  de  l’opposition  des 
substances  blanche  et  grise  ? de  l’action  de  la  fibre 
nerveuse  sur  la  fibre  musculaire  ? L’action  nerveuse 
serait  alors  comparable  à une  décharge  électrique. 

§ y63.  L’action  nerveuse  est  excitée  ou  mise  en  jeu 
par  des  stimulans  externes  ou  internes. 

§ 764.  Les  premiers  momens  de  la  formation  et  du 
développement  1 du  système  nerveux  ne  peuvent  être 
saisis  par  l’observation.  Ce  système  existe-  t-il  dès  le 
commencement,  et  la  génération  ne  résulte-t-elle  que 
.de  la  réunion  du  système  ceilulo-vasculaire  fourni  par 
la  mère,  et  du  système  nerveux  fourni  par  le  mâle 
(Rolando)?  le  système  nerveux  commence-t-il  parla 
formation  du  ganglion  cardiaque,  et  se  développe-t-il 
successivement  par  le  nerf  grand  sympathique  et  le 
reste  du  système  ( Ackermann  ) ? 

' Ackermann  , de  Systematis  nervei  primordiis  ; llei- 
delb.,  i8i3.  — Tiedenian,  op.  cit. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


646 

Ce  que  l’observation  a appris,  c’est  que  les  nerfs  et 
les  ganglions  spinaux  se  forment  avant  la  moelle,  et 
celle-ci,  avant  l’encéphale.,  c’est-à-dire,  avant  le  cer- 
velet, les  tubercules  et  le  cerveau. 

La  moelle  d’abord  ouverte  en  arrière  comme  une 
gouttière,  puis  creuse  comme  un  canal  par  le  rappro- 
chement de  ses  bords , devient  à la  fin  solide.  Elle  oc- 
cupe d’abord  toute  la  longueur  du  canal  vertébral.  La 
substance  blanche  qui  en  forme  l’extérieur  se  dépose 
la  première;  la  substance  grise , en  se  déposant  ensuite 
à l’intérieur,  en  remplit  la  cavité. 

Le  cervelet,  les  tubercules  et  le  cerveau,  qui  ne 
constituent  d’abord  que  des  parties  plus  larges  de  la 
gouttière  de  la  moelle,  se  renversent,  se  rencontrent, 
s’unissent  sur  la  ligne  médiane,  en  présentant  dans  les 
diverses  phases  de  leur  développement  la  plus  exacte 
ressemblance  avec  les  mêmes  parties  des  poissons,  des 
reptiles,  des  oiseaux  et  des  mammifères,  en  remontant 
des  rongeurs  vers  les  quadrumanes  (§  ydg  ). 

Dans  le  cerveau,  comme  dans  le  reste  de  l’encéphale 
et  comme  dans  la  moelle , l’accroissement  en  épais- 
seur se  fait  simultanément  et  à l’extérieur  et  à l’inté- 
rieur. C’est  par-là  qu’il  faut  expliquer,  avec  M.  Des- 
moulins, l’existence  d’une  cavité  que  l’on  trouve  à l’âge 
fœtal  dans  l’épaisseur  du  centre  ovale  de  \ieussens, 
entre  la  couche  intérieure  et  la  couche  extérieure  de 
la  voûte  des  ventricules  latéraux. 

Dans  lencéphale  comme  dans  la  moelle,  la  subs- 
tance grise  ne  se  forme  qu’après  la  blanche,  et  même 
après  seulement  que  les  libres  de  cette  dernière  se  sont 
réunies  par  des  commissures  sur  la  ligne  médiane. 


DU  SVSTEMK  NERVEUX. 


647 

Après  la  naissance,  l’accroissement  du  système  ner- 
veux , si  rapide  jusque-là , se  ralentit  beaucoup  : après 
l’oreille  interne  et  l’œil,  c’est  la  partie  du  corps  qui 
croît  alors  le  plus  lentement. 

Dans  la  vieillesse,  le  système  nerveux  éprouve  une 
diminution  sensible  de  volume,  qui  se  manifeste  dans 
l’encéphale  par  le  rétrécissement  du  crâne  1 , et  que 
l’on  peut  constater  aussi  en  mesurant  la  moelle. 

§ 765.  Le  système  nerveux  est  sujet  à beaucoup  de 

vices  de  conformation  2.  On  connaît  un  cas  d’aneurie 

« 

ou  privation  totale  du  système  nerveux  : il  a»  été  ob- 
servé dans  un  fœtus  acéphale  réduit  à un  petit  tronçon 
informe.  Il  y a lin  assez  grand  nombre  de  cas  d’absence 
de  l’encéphale  et  de  la  tête.  Il  y a un  grand  nombre 
d’exemples  de  privation  totale  du  centre  nerveux , les 
nerfs  et  les  ganglions  spinaux  existans.  Il  y a un  bien  plus 
grand  nombre  encore  de  cas  d’absence  de  l’encéphale  , 
la  moelle  existante,  ainsi  que  tous  les  nerfs  de  la  face  et 
du  col.  La  moelle  peut  être  restée  ouverte,  creuse, 
ou  étendue  à tout  le  canal.  Dans  certains  cas  le  cer- 
velet et  les  tubercules  existent,  ainsi  que  les  pédon- 
cules du  cerveau  et  leurs  renllemens  optiques  et  striés, 

1 Tenon , R.echerches  sur  le  crâne  humain,  Mem.  de  i’Insl. 
sc.  phys.  et  math,  tome  I. 

2 A.  Béclard  , Mémoire  sur  les  fœtus  acéphales  ; Pa- 
ris, i8i5.  — Geoffroy  Saint-Hilaire , Philos,  anatom.,  vol.  II. 
— Breschet,  Dictionn.  de  Med.,  art.  Acéphale,  et  Anencéphale. 
— Ollivier,  Essai  sur  l’Anatomie  et  les  vices  de  conforma- 
tion de  la  moelle  épinière;  Paris,  1823.  — Laroche,  Essai 
d Anat. -pathol.  , sur  les  monstruosités  de . la  face;  Pa- 
ris, 1823. 


ANATOJMIE  GENERALE. 


648 

et  les  hémisphères  manquent  seuls.  Dans  quelques 
cas  les  hémisphères  sont  incomplets  ; les  lobes  moyeu 
ou  postérieur  sont  dépourvus  de  sillons  et  de  circonvo- 
lutions. Quelquefois  le  corps  calleux  manque  seul 
ou  bien  il  reste  une  cavité  dans  l’épaisseur  de  l’hémis- 
phère, ou  dans  la  cloison,  etc.  Le  cervelet  peut  pré- 
senter des  défauts  analogues , surtout  dans  le  nombre 
de  ses  lames 1  2.  Tous  ces  cas  sont  des  imperfections  ou 
des  défauts  de  développement. 

Il  peut  exister  des  défauts  de  symétrie,  des  défauts 
de  proportion  entre  les  diverses  parties  du  système. 

§ 766.  La  consistance  du  système  nerveux  est  quel- 
quefois changée.  Le  ramollissement  3 est  une  altéra- 
tion très  - fréquente  d’une  partie  de  la  masse  nerveuse 
centrale.  La  substance  nerveuse  ramollie  l’est  quel- 
quefois au  point  d’être  presque  liquide.  Sa  couleur  est 
quelquefois  d’un  blanc  de  lait  ; d’autres  fois  elle  est 
jaunâtre,  rosée,  rouge,  ou  brune.  Cette  altération  se 
rencontre  dans  les  couches  optiques,  dans  les  corps 
striés,  dans  les  hémisphères  du  cerveau,  dans  le  cer- 
velet, dans  la  moelle  allongée , et  même  dans  la  moelle 
épinière.  Elle  donne  lieu,  suivant  son  siège,  à divers  dé- 
rangemens  des  sensations,  des  mouvemens  volontaires 
et  des  autres  fonctions  du  système  nerveux.  Elle  est 
Souvent  le  résultat  d’une  inflammation;  dans  quelques 
cas  elle  en  paraît  indépendante. 

1 Reil , Archiv  filr  die  physiologie tom.  XI. 

2 Malacarne , ' N euro  encephalotomia  ; Pavia,  1791. 

3 Rostan,  Recherches  sur  le  ramollissement  du  cerveau  .. 
2e  édition  ; Paris,  1823. 


I 


DU  SYSTÈME  NERVEUX.  649 

L’endurcissement 1 du  système  nerveux  a été  observé 
par  M.  Esquirol  et  par  M.  S.  Pinel , qui  l’a  fort  bien 
décrit.  Le  tissu  nerveux  endurci  présente  une  masse 
compacte,  d’apparence  inorganique  ; il  ressemble,  par  sa 
couleur,  sa  consistance  et  sa  densité,  à du  blanc  d’œuf 
fortement  durci  par  la  coction  ; on  n’y  aperçoit  pas 
de  vaisseaux  sanguins  5 il  paraît  resserré  sur  lui-même. 
L’endurcissement  paraît  affecter  particulièrement  la 
substance  blanche.  On  l’a  observé  dans  des  corps  d’i- 
diots, dans  le  cerveau,  dans  le  cervelet  et  dans  la 
moelle,  où  il  rend  très  - manifeste  la  disposition 
fibreuse  de  la  substance  nerveuse  blanche. 

§ 767.  Le  système  nerveux  est  sujet  à beaucoup  d’af- 
fections 2,  dont  les  principales  sont,  dans  la  masse  cen- 
trale , la  congestion  sanguine  avec  ou  sans  épan- 
chement ; l’inflammation  et  ses  divers  degrés  ; les 
divers  produits  des  affections  chroniques,  comme  les 
abcès  enkystés , les  productions  ds  tubercules , de 
squirrhes,  de  cancers,  des  tumeurs  fibreuses,  osseuses, 
des  hydatides,  des  corps  étrangers.  Les  membranes  qui 
enveloppent  la  masse  nerveuse  centrale  sont  également 
le  siège  fréquent  de  congestions  brusques  avec  exha- 
lation sanguine  ou  séreuse  , d’inflammation  aiguë  à. 
différens  degrés,  d’inflammation  chronique  ; on  y ob- 
serve l’hydrocéphale  aiguë  , l’hydrocéphale  chronique. 
Les  affections  de  la  substance  nerveuse  et  celles  de 
ses  membranes  peuvent  se  compliquer. 

1 Pinel  fils  , Recherches  sur  l’endurcissement  du  système 
nerveux;  Paris,  1822. 

^ Lallemant,  Recherches  Anal.-pnth.  sur  l’encéphale  et  ses 
dépendances. 


6 5o 


ANATOMIE  GENERALE. 


Les  affections  de  la  moelle  sont  plus  rares  dans 
l’homme  que  celles  de  l’encéphale;  le  contraire  a lieu 
dans  les  animaux. 

Ces  diverses  altérations,  suivant  qu’elles  sont  aigues 
ou  chroniques , suivant  qu’elles  agissent  en  irritant , en 
détruisant,  ou  en  comprimant,  et  suivant  leur  siège, 
déterminent  divers  dérangemens  plus  ou  moins  graves 
dans  les  fonctions  du  système  nerveux. 

§ 768.  Le  tissu  nerveux  ne  se  produit  point  acci- 
dentellement : le  rapprochement  établi  entre  ce  tissu 
et  la  production  encéphaloïde,  par  M.  Maunoir , re- 
pose sur  des  analogies  insuffisantes. 

Le  tissu  nerveux  blessé  se  cicatrise  quand  la  bles- 
sure est  de  nature  à laisser  survivre  l’individu. 

Les  blessures  de  l’encéphale  et  de  la  moelle,  quand 
elles  ne  sont  pas  mortelles,  se  réunissent  comme  celles 
des  autres  parties.  Les  blessures  de  l’encéphale  avec 
perte  de  substance  de  ses  enveloppes  se  guérissent  par 
la  formation  d’une  cicatrice  extérieure.  Ce  fait  a été 
observé  par  M.  Duméril  sur  des  salamandres,  et  par 
beaucoup  de  chirurgiens  dans  l’espèce  humaine.  Les 
plaies  avec  perte  de  substance  du  cerveau,  le  crâne* 
restant  entier,  se  guérissent  par  la  formation  d’une 
substance  nouvelle,  molle,  comme  muqueuse,  qui  ne 
ressemble  pas  tout-à-fait  à celle  de  l’organe,  et  par 
l’élargissement  du  ventricule  cérébral  correspondant. 
Les  déchirures  de  l’encéphale  produites  par  1 épan- 
chement sanguin  présentent,  quand  l’individu  survit, 
des  phénomènes  remarquables.  Le  sang  est  bientôt  en- 
touré par  une  couche  de  lymphe  organisable  ; cette 
couche  devient  vasculaire  et  s’unit  à la  substance  ner- 


DU  SYSTEM E NEKVEUX. 


i » V 

6ai 

veuse;  le  sang  est  successivement  résorbé,  soit  d’abord 
les  parties  fibrineuse  et  cruorique , et  alors  il  reste  de 
la  sérosité  r;  soit  d’abord  la  sérosité,  et  il  reste  alors 
un  coagulum  fibrineux 1  2 auquel  le  kyste  s’unit  : à la 
longue,  la  totalité  du  sang  étant  résorbée,  le  kyste,  res- 
serré peu  à peu  sur  lui-même , contracte  des  adhé- 
rences, et  devient  une  cicatrice  jaunâtre  qui  disparaît 
peut-être  à la  longue. 

Les  cicatrices  et  les  autres  altérations  des  nerfs  seront 
examinées  plus  loin. 

§ y6g.  Le  système  nerveux,  qui  joue  un  si  grand  rôle 
dans  l’exercice  régulier  des  fonctions,  en  remplit  un 
aussi  important  dans  la  production  des  maladies  3: 
c’est  lui  qui  reçoit  et  qui  propage  l’impression  des 
causes  morbifiques , qui  détermine  les  mouvemens 
irréguliers  des  muscles,  du  cœur,  des  artères,  qui 
produit  les  symphathies  morbides;  et  comme  son  ac- 
tion s’étend  jusque  sur  le  tissu  cellulaire  qui  fait  la 
base  des  organes,  jusque  sur  le  sang  qui  les  pénètre  et 
les  arrose,  on  conçoit  qu’il  n’est  étranger  à aucune 
action  morbide,  et  qu’il  est  le  principal  agent  d’un 
grand  nombre  d’entre  elles. 

Les  maladies  dites  générales,  essentielles,  ou  dyna- 
miques, n’ont  pas  de  siège  plus  probable  que  les  sys- 
tèmes nerveux  et  vasculaires , centres  des  fonctions 

1 Riobé  , Observations  propres  à résoudre  cette  ques- 
tion : l’apoplexie,  etc.,  est-elle  susceptible  de  guérison? 
Paris  ; 1814. 

2 Rochoux  , Piecherches  sur  l’apoplexie;  Paris,  1814. 

3 Georget , Ouvrage  cité.  — Lobstein,  Discours  sur  la 
prééminence  du  systèuje  nerveux;  Strasbourg,  1821, 


652 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


animales  et  végétatives,  que  le  sang  et  1 agent  ner- 
veux ? qui  les  parcourent,  et  qui  sont  dans  une  dépen- 
dance mutuelle,  intime  et  nécessaire. 

C’est  dans  le  rapport  régulier  de  ces  deux  grands 
appareils  et  de  leurs  fonctions,  que  consistent  la  vie 
et  la  santé;  c’est  du  dérangement  de  leur  harmonie  , 
que  résultent  la  maladie  et  la  mort. 

SECONDE  SECTION. 

DES  NERFS  EN  GENERAL. 

§ 770.  Les  nerfs  1 , nervi,  sont  des  cordons  blancs 
formés  de  filamens  médullaires,  tenant  par  une  extré- 
mité au  centre  nerveux,  et  par  l’autre  auxtégumens, 
aux  sens , aux  muscles  et  aux  vaisseaux. 

§ 771.  Les  anatomistes  de  l’école  d’Italie  ont  connu 
assez  exactement  toutes  les  paires  de  nerfs  que  l’on 
connaît  aujourd’hui,  mais  ils  ne  les  ont  pas  classées , dé- 
nombrées ou  nommées  comme  on  le  fait  maintenant. 

Willis  leur  a donné  des  noms  de  nombre  et  des  noms 
propres,  sous  lesquels  ils  ont  été  en  général  connus  de- 
puis lui  ; savoir  : 

i°  Les  nerfs  olfactifs; 

20  Les  nerfs  optiques  ou  visuels; 

3°  Les  nerfs  moteurs  des  yeux; 

4°  Les  nerfs  pathétiques  des  yeux  ; 

5°  La  cinquième  paire  ; 

1 J.  C.  üeil  , Exercj-tationes  anatomLcœ  de  structura  net 
yorurn ; Halæ,  1797,  fol. 


DES  NERFS. 


653 


6°  La  sixième  paire; 

70  La  septième  paire,  composée  d’une  partie  dure 
et  d’une  partie  molle  ou  auditive; 

8°  La  huitième,  ou  la  paire  vague,  avec  son  nerf 
spinal  ou  accessoire; 

9°  La  neuvième  paire,  ou  les  nerfs  moteurs  de  la 
langue; 

io°  La  dixième  paire,  ou  le  sous-occipital; 

Les  nerfs  de  la  moelle  spinale  ; 

Et  le  nerf  intercostal  ou  sympathique. 

M.  Sœmmerino  a modifié  la  division  de  Willis.  Il 
établit  quarante-trois  paires  de  nerfs , dont  douze  paires 
de  nerfs  du  cerveau  : en  divisant  la  septième  paire  de 
Willis  en  septième  ou  faciale,  et  en  huitième  ou  au- 
ditive; sa  huitième,  en  neuvième  ou  glosso-pharyn- 
gienne,  en  dixième  ou  vague,  et  en  onzième  ou  acces- 
soire, la  douzième  est  l’hypoglosse;  et  en  rejetant  le 
sous-occipital  parmi  les  nerfs  spinaux,  qui  sont  alors  au 
nombre  de  trente  paires,  le  nerf  grand  sympathique 
forme  la  quarante- troisième  paire.  Ces  modifications 
ont  été  généralement  adoptées. 

Bichat  a distingué  les  nerfs  encéphaliques  ou  crâ- 
niens, en  ceux  du  cerveau,  en  ceux  delà  protubérance 
et  en  ceux  de  la  moelle  allongée.  Cette  division  n est 
pas  fondée  sur  des  observations  exactes. 

Les  nerfs  peuvent  être  exactement  distingués,  i°  en 
nerfs  à double  racine,  l’une  tenant  à la  colonne  anté- 
rieure et  l’autre  à la  colonne  postérieure  de  la  moelle: 
ce  sont  les  nerfs  spinaux , le  sous-occipital  et  le  triju- 
meau ou  la  cinquième  paire  des  nerfs  crâniens.  Ces 
nerfs  servent  tout  à la  fois  à la  sensibilité  et  à la  myo- 


654  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

tilité.  r2°  En  nerfs  à une  seule  racine  : ce  sont  la  pre- 
mière paire,  la  seconde,  la  huitième,  ouïes  nerfs  ol- 
factifs, visuels,  auditifs;  et  la  troisième,  la  qua- 
trième, la  sixième,  ou  les  nerfs  moteurs  de  l’œil;  et  la 
douzième,  ou  les  nerfs  moteurs  de  la  langue.  Ces  nerfs 
servent  exclusivement,  les  uns  à la  sensibilité  et  les 
autres  à la  myotilité.  3°  En  nerfs  respiratoires,  vocaux 
et  expressifs;  ils  tiennent  au  faisceau  latéral  de  la 
partie  supérieure  : de  la  moelle  : ce  sont,  suivant 
M.  Ch,  Bell  1 , à qui  l’on  en  doit  une  connaissance 
exacte,  le  nerf  vague,  qui  est  le  centre  de  ce  système, 
le  nerf  facial,  le  glosso-pharyngien , le  spinal  ou  acces- 
soire, le  diaphragmatique  et  le  thoracique  externe. 
4°  En  nerfs  circulatoires  : ils  tiennent  à tous  les  nerfs 
spinaux;  ce  sont  les  nerfs  grands  sympathiques.  Ces 
derniers  et  le  nerf  vague  appartiennent  en  outre  au 
tégument  intérieur,  aux  glandes  et  aux  muscles  in- 
térieurs en  général.  Le  nerf  sympathique  sera  décrit  à 
part  dans  la  section  suivante. 

§ 772.  La  forme  des  nerfs,  est  en  général , cylindri- 
que. Leurs  rameaux  sont,  comme  dans  les  vaisseaux, 
plus  gros  dans  leur  ensemble  que  les  troncs  qui  les 
fournissent  : les  nerfs  vont  par  conséquent  en  gros- 
sissant depuis  leur  origine  jusqu’à  leur  terminaison  ; 
ils  sont  aussi  légèrement  renflés  à l’origine.  Leur 

o o 

surface  présente  des  rides  ou  stries  transversales,  qui 
dépendent  de  rallongement  qu’ils  éprouvent  dans  les 
divers  mouvemens  : ces  rides  se  voient  très-bien  à la 
loupe,  surtout  dans  les  nerfs  des  membres. 


1 P h il.  tran  s . , ann.  182a, .part,  i et  2. 


DES  KERFS.  6 55 

I 

Il  y a trois  choses  à considérer  dans  les  nerfs:  i°  leur 
origine  : 20  leur  trajet;  3°  leur  terminaison. 

§ yy'5.  Il  ne  faut  pas  entendre  par  origine  des  nerfs, 
un  point  d'où  ils  naîtraient  et  sur  lequel  ils  végéteraient , 
pour  ainsi  dire  : cette  origine  n’est  que  l’extrémité  cen- 
trale du  nerf,  ou  celle  par  laquelle  il  tient  au  centre 
nerveux.  Elle  se  fait,  pour  tous  les  nerfs,  à la  moelle 
épinière  et  à la  moelle  allongée;  aucun  ne  naît  des 
lobes  du  cerveau  ni  du  cervelet.  L’olfactif  ne  fait  pas 
même  exception  à cette  règle  ; ce  nerf  tient  à un  pro- 
longement de  la  moelle,  qui,  dans  les  animaux,  con- 
stitue le  bulbe  olfactif.  On  trouve  quelquefois  des  fœtus 
privés  de  cerveau,  et  chez  lesquels  pourtant  les  olfac- 
tifs existent  avec  la  moelle  et  les  pédoncules  du  cer- 
veau, comme  j’ai  eu  occasion  de  l’observer  tout  récem- 
ment. Bichat,  tout  en  disant  que  tous  les  nerfs  vien- 
nent de  la  moelle,  fait,  pour  l’optique  et  l’olfactif, 
une  exception  qui  n’est  point  réelle. 

L'origine  des  nerfs  est  souvent  située  plus  profondé- 
ment quelle  ne  le  paraît  au  premier  abord;  de  sorte  que 
le  point  d’où  ils  se  détachent  n’est  souvent  pas  leur  vé- 
ritable origine  : la  cinquième  paire , par  exemple,  ne 
vient  pas  du  pont  de  Yarole  , d’où  elle  semble  se  dé- 
tacher , car  ce  pont  n’existe  pas  chez  les  animaux  ovi- 
pares, où  l'origine  de  ce  nerf  a pourtant  lieu  au  même 
endroit  que  dans  les  mammifères.  Il  ne  faut  pas  ce- 
pendant, chercher  à poursuivre  l’origine  des  nerfs  au 
delà  de  la  portée  des  sens  , et  les  supposer  partir  du  cer- 
veau ou  du  cervelet,  comme  on  l’a  fait  pour  étayer 
des  explications  hypothétiques. 

On  s est  demandé  si  les  nerfs  s’entre-croisenl;  à leur 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


656 

origine  ; et  l’on  n’a  pas  hésité  h affirmer  qu’il  en  est 
ainsi,  pour  expliquer  des  phénomènes  pathologiques, 
dans  lesquels  la  cause  et  l’effet,  siégeant  tous  deux 
dans  le  système  nerveux,  présentaient  une  sorte  d’en- 
tre - croisement.  Voici  ce  que  l’inspection  apprend  à 
ce  sujet.  Il  n’y  a pas  d’entre-croisement  sensible  dans 
les  nerfs  de  la  moelle  épinière.  Il  en  est  de  même  pour 
ceux  qui  viennent  de  cette  moelle  prolongée  dans  le 
crâne,  si  ce  n’est  peut-être  les  nerfs  optiques,  dans 
lesquels  ils  paraît  exister  au  moins  un  entre- croise- 
ment partiel.  Les  auteurs  ne  sont,  en  effet,  pas  d’ac- 
cord sur  le  mode  d’union  de  ces  nerfs.  Leur  entre-croi- 
sement, admis  par  les  uns,  nié  par  les  autres,  est  évi- 
dent dans  les  poissons;  mais  dans  l’homme,  quoique 
dans  la  plupart  des  cas  l’atrophie  de  l’un  de  ces  nerfs  se 
continue  du  côté  opposé , des  observateurs  dignes  de 
foi  assurent  l’avoir  vue  se  continuer  du  même  côté.  La 
dissection  ne  montre  pas  non  plus  que  I entre-croise- 
ment ait  lieu  pour  toutes  les  fibres;  de  sorte  que  l’o- 
pinion de  ceux  qui  pensent  qu’il  n’est  que  partiel  est 
la  plus  vraisemblable.  Mais  à part  cette  exception , l’en- 
tre-croisement  des  nerfs  n’est  rien  moins  que  démon- 
tré. On  peut  en  dire  autant  de  celui  des  deux  côtés 
du  cerveau  et  du  cervelet , que  l’on  a admis.  Les  pyra- 
mides antérieures  seules  présentent  cette  disposition , 
qui  explique  comment,  dans  les  lésions  du  cerveau,  les 
symptômes  se  manifestent  du  côté  opposé  de  la  moelle: 
aussi,  quand  celle-ci  est  divisée  au-dessous  de  1 endroit 
où  se  fait  l’entre-croisement,  des  pyramides,  les  symp- 
tômes, apparaissent-ils  du  mêiïie  côté. 

Une  autre  question  qui  a été  agitée  par  les  anato- 


DES  NERFS. 


657 

mistes,  est  de  savoir  si  les  nerfs  se  réunissent  sur  la 
ligne  médiane  par  des  commissures  analogues  à celles 
que  l’on  trouve  entre  les  côtés  correspondans  du  cer- 
veau et  du  cervelet.  Cette  réunion  n’est  évidente  que 
dans  les  nerfs  pathétiques.  Les  nerfs  auditifs  sont  aussi 
quelquefois  réunis,  à leur  origine , par  des  stries  blan- 
ches, qui  tapissent  le  fond  du  quatrième  ventricule; 
mais  ces  stries  sont  loin  d’être  constantes,  et  manquent 
généralement  dans  le  jeune  âge. 

Les  nerfs  naissent  presque  tous  profondément  de  la 
substance  grise,  et  non  de  la  blanche,  qui  recouvre 
celle-ci,  et  sous  laquelle  ils  ne  font  que  s’enfoncer.  Dans 
la  moelle,  les  nerfs  arrachés  laissent  un  enfoncement 
qui  montre  qu’ils  ne  s’arrêtaient  pas  à la  surface  ; et 
lorsque  la  moelle  est  endurcie,  on  peut  suivre  les  ra- 
cines des  nerfs  et  les  voir  traverser  les  fibres  longitu- 
dinales de  cet  organe , pour  s’implanter  sur  la  substance 
grise.  Dans  le  crâne,  cette  disposition  est  également 
évidente  pour  la  plupart  des  nerfs.  Les  auditifs  seuls 
ont  leur  origine  à la  surface  de  la  moelle  allongée; 
mais  il  existe  également  de  la  substance  grise  au  lieu 
d’où  ils  naissent  : seulement  cette  substance  est  super- 
ficiellement placée  ; elle  forme  le  ruban  gris. 

Les  nerfs  de  la  moelle  de  l’épine  naissent  par  deux 
racines  j une  antérieure  et  une  postérieure,  comme  il 
a déjà  été  dit.  Le  volume  respectif  de  ces  deux  racines  , 
sur  lequel  on  a beaucoup  varié,  et  que  M.  Gall  a dit 
être  à l’avantage  de  la  racine  postérieure  , n’est  réelle- 
ment ainsi  que  pour  les  nerfs  brachiaux;  le  contraire 
a lieu  pour  les  nerfs  cruraux.  Ces  racines  se  réunissent 
dans  le  trou  de  conjugaison,  où  la  postérieure  présente 

4 a 


i. 


658  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

un  renflement  ou  ganglion  , auquel  l’antérieure  est  sim- 
plement accolée.  Celle-ci  ne  concourt  point  à former  ce 
ganglion,  comme  on  le  trouve  dans  la  plupart  destraités 
d’anatomie,  quoique  cette  particularité  ait  été  indiquée 
depuis  long-temps  par  Haase , Monro  et  Scarpa  , au- 
quel même  on  en  a attribué  la  découverte  : seulement 
M.  Gall  fait  remarquer  avec  raison,  qu’au  col  les  ra- 
cines antérieures  des  nerfs  spinaux  sont  molles,  pul- 
peuses et  rougeâtres;  ce  qui  a pu  en  imposer  aux  ana- 
tomistes qui  ont  examiné  cette  région.  Dans  le  crâne, 
les  nerfs  ne  présentent  point  de  racines  aussi  distinctes. 
A l’endroit  où  les  nerfs  se  détachent  de  la  moelle  al- 
longée, le  névrilème  les  abandonne,  ou  s'amollit  et  se 
confond  avec  la  pie-mère,  et  la  substance  médullaire 
seule  se  continue  avec  celle  de  l’encéphale.  Les  filets 
intérieurs  du  nerf  sont  plutôt  abandonnés  par  le  né- 
vrilème que  les  filets  extérieurs  : il  en  résulte  que, 
quand  on  arrache  le  nerf,  il  se  déchire  plus  loin  en 
dehors  qu’en  dedans , et  il  reste  une  saillie  que  L’on  a 
comparée  à tort  à une  apophyse  sur  laquelle  le  nerf 
serait  implanté. 

§ 774*  Dans  leur  trajet,  les  nerfs  se  divisent  en  con- 
servant à peu  près  le  même  volume  dans  l’intervalle  de 
leurs  divisions.  Celles-ci  ne  consistent  qu’en  une  sépa- 
ration des  filets  qui  les  composent,  et  ne  ressemblent 
point  à celles  des  vaisseaux.  Les  divisions  des  nerfs  sont 
en  général  accompagnées  par  celles  des  vaisseaux  , 
quoique  elles  ne  leur  correspondent  pas  toujours  exacte- 
ment. Les  nerfs  communiquent  entre  eux  de  trois  ma- 
nières : i°  par  les  anastomoses;  2°  par  les  plexus; 
3°  par  les  ganglions. 


DES  NEUFS. 


65y 

§ 7j5.  On  entend  par  anastomose  la  réunion  de 
deux,  nerfs  entre  eux.  Cette  réunion  a été  ainsi  nommée 
par  les  anciens , parce  qu’ils  regardaient  les  nerfs  comme 
des  vaisseaux  dans  lesquels  circulait  le  fluide  ner- 
veux, et  qu’ils  les  comparaient,  sous  ce  rapport , aux 
artères.  Cette  expression  , que  l’on  a critiquée , est 
assez  convenable;  car  il  n’y  a pas  simplement  appli- 
cation des  filets  nerveux  dans  les  anastomoses , mais 
véritablement  communication  de  ces  filets,  abouche- 
ment de  leur  canal,  qui,  à la  vérité,  contient  une 
substance  qui  y séjourne,  et  non  un  fluide  circu- 
lant , comme  on  le  croyait  autrefois.  Les  anastomoses 
ont  lieu  tantôt  entre  les  branches  du  même  nerf , tan- 
tôt entre  des  nerfs  différens , rarement  entre  les  nerfs 
d’un  côté  et  ceux  du  côté  opposé. 

C’est  surtout  dans  les  anses  nerveuses  que  l’abou- 
chement des  filets  est  le  plus  évident  : la  plus  remar- 
quable de  ces  anses  est  celle  qui  résulte  de  la  réunion 
du  nerf  vague  du  côté  droit  et  du  plexus  solaire,  et 
que  Wrisberg  a décrite  sous  le  nom  d'ansa  commu- 
nicans  memorabilis. 

Les  plexus  ne  sont  autre  chose  que  des  anastomoses 
multipliées.  Scarpa  1 en  a donné  une  très-bonne  des- 
cription ; mais  il  les  a à tort  assimilés  aux  ganglions.  La 
manière  dont  les  quatre  dernières  paires  cervicales 
s’unissent  entre  elles  et  avec  la  première  dorsale,  pour 
former  le  plexus  brachial,  en  fournit  un  exemple 
remarquable.  Les  plexus  cervical,  lombaire,  sciati- 
que, etc.,  en  sont  encore  des  exemples.  Ces  plexus 


1 Anat,  annot.  de  gangliis  et plexubus. 


ANATOMIE  GENERALE . 


66  o 

sont  tellement  disposés  que  les  nerfs  qui  en  sortent 
tirent  à la  fois  leur  origine  de  la  plupart,  ou  au  moins  , 
d’un  certain  nombre  des  nerfs  qui  les  constituent. 

Bicliat  admet  qu’il  y a dans  les  plexus  autre  chose 
qu’un  simple  mélange  intime  des  nerfs.  Monro  dit 
qu’ils  contiennent  de  la  substance  grise , et  peuvent 
être  considérés  comme  une  nouvelle  origine  des  nerfs 
qui  en  sortent;  mais  cela  n’est  nullement  démontré. 

Les  ganglions  consistent  en  des  renflemens  qui  con- 
tiennent, outre  les  filets  nerveux,  une  substance  qui 
leur  est  étrangère  ; les  filets  nerveux , mélangés , y 
sont  beaucoup  plus  subtils;  ils  présentent,  par  con- 
séquent, une  plus  grande  complication  que  les  deux 
autres  modes  de  communication.  Ils  seront  examinés 
après  les  nerfs,  dont  ils  diffèrent  par  plusieurs  carac- 
tères. 

§ 77 6.  La  terminaison  des  nerfs  a lieu  après  qu’ils 
ont  traversé  des  anastomoses,  des  plexus  ou  des  gan- 
glions , ou  bien  directement,  et  sans  qu’ils  aient  été 
interrompus  depuis  leur  origine.  Le  mode  de  terminai- 
son des  nerfs  est  assez  obscur.  On  les  voit  seulement  se 
dépouiller  de  névrilème  vers  leur  dernière  extrémité  , 
et  devenir,  par-là,  très-mous;  de  sorte  qu’il  est  alors 
très-difficile  de  les  suivre.  Ils  se  renflent  en  général,  à 
mesure  qu’ils  approchent  de  leur  terminaison;  ils  s’a- 
platissent, puis  on  les  perd,  lorsqu’ils  paraissent  en- 
core devoir  se  continuer  au  delà.  Il  existe  deux  hypo- 
thèses sur  la  dernière  terminaison  des  nerfs  , l’une 
n’est  peut  être  pas  plus  fondée  que  l’autre.  Dans  l’une 
de  ces  hypothèses , les  nerfs  se  fondent  pour  ainsi 
dire  dans  les  organes  , s’identifient  avec  leur  subs- 


DF.  S NERFS. 


66 1 

tance,  qui  en  est  imbibée,  si  l’on  peut  s’exprimer  ainsi. 
Dans  l’autre,  qui  appartient  à Reil,  le  nerf,  ne  pouvant 
être  répandu  dans  tout  l’organe  à la  fois,  est  entouré 
d’une  atmosphère  nerveuse  dans  laquelle  il  étend  son 
action,  à peu  près  comme  cela  se  voit  dans  les  phé- 
nomènes électriques.  Ce  qui  a conduit  à ces  hypothèses , 
c’est  cette  remarque,  que  les  nerfs  se  répandent  dans 
des  parties  dont  l’étendue  est  beaucoup  plus  grande 
que  la  leur  , même  après  qu'ils  se  sont  divisés  aussi  loin 
que  l’œil  armé  du  microscope  peut  les  suivre,  comme 
on  le  voit  dans  les  muscles,  la  peau,  les  sens,  et  que 
pourtant  chaque  point  de  ces  parties,  si  peu  étendu 
qu’il  soit,  présente,  quand  on  le  pique,  les  mêmes 
phénomènes  que  si  on  piquait  le  nerf  lui-même. 

§ 777.  Les  différentes  parties  ne  reçoivent  pas  un 
nombre  égal  de  nerfs.  Les  organes  des  sens  sont  ceux 
qui  en  contiennent  le  plus  : l’œil,  l’oreille,  présentent 
des  épanouissemens  membraneux  entièrement  formés 
de  substance  nerveuse.  La  peau,  particulièrement  aux 
mains,  aux  lèvres;  les  membranes  muqueuses,  tant  à 
l’extérieur  qu’à  l’intérieur;  le  gland,  les  différentes 
parties  de  la  vulve,  placés  au  point  de  jonction  de  ces 
membranes  avec  la  peau,  reçoivent  le  plus  de  nerfs 
après  les  quatres  principaux  organes  des  sens.  Vien- 
nent ensuite  les  muscles  extérieurs , puis  les  intérieurs , 
les  vaisseaux.sanguins  , parmi  lesquels  les  artères  en  re- 
çoivent plus  que  les  veines,  et  que  les  vaisseaux  lym- 
phatiques, où  leur  existence  11’est  pas  bien  certaine. 
L’existence  des  nerfs  est  douteuse  dans  les  autres 
parties,  ou  dans  celles  qui  ont  pour  base  la  fibre  cel- 
lul  aire,  si  on  en  excepte  les  viïisseaux  , comme  le  tissu 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


66q 

cellulaire,  les  membranes  séreuses  et  synoviales,  les 
cartilages,  les  os,  etc.  : ces  parties,  en  effet,  ne  parais- 
sent pas  recevoir  de  nerfs.  Enfin  les  parties  cornées  et 
épidémiques  en  sont  certainement  dépourvues.  Il  se- 
rait possible,  au  contraire,  qu’il  y en  eût  dans  les  tis- 
sus précédens,  et  que  leur  mollesse  ou  leur  ténuité 
extrême  les  dérobassent  aux  yeux.  Ce  qui  pourrait 
porter  à y en  admettre,  c’est  la  sensibilité  que  ces 
tissus  présentent  dans  les  maladies.  Il  est  vrai  que  l'hy- 
pothèse suivant  laquelle  les  nerfs  agiraient  au  moyen 
d’un  fluide  impondérable,  susceptible  d’étendre  son 
influence  au  delà  de  leur  termirfStson  apparente,  peut 
expliquer,  jusqu’à  un  certain  point,  ce  phénomène. 
Suivant  cette  hypothèse , Faction  nerveuse  serait  trans- 
mise au  delà  des  nerfs  et  à travers  la  substance  orga- 
nique, comme  la  nutrition  a lieu  au  delà  des  termi- 
naisons artérielles,  par  une  sorte  d’imbibition. 

Il  est  digne  de  remarque  que,  dans  quelques  cir- 
constances où  il  existe  paralysie  du  sentiment  et  non 
du  mouvement,  les  inflammations  qui  se  développent 
ne  sont  point  accompagnées  de  douleurs;  ce  qui  por- 
teraità  penser  que  les  mêmes  cordons  sont  le  siège  du 
sentiment  général  et  du  sentiment  douloureux,  par- 
ticulier à l’inflammation  , et  que  ce  ne  sont  pas  seule- 
ment les  nerfs  des  vaisseaux  sanguins  qui  font  éprouver 
ce  dernier. 

§ 778.  Les  parties  dans  lesquelles  les  extrémités 
périphériques  des  nerfs  se  terminent,  de  la  manière  la 
plus  évidente,  sont  donc  les  membranes  tégumen- 
taires  et  les  sens  qui  en  font  partie,  les  muscles  et  les 
artères. 


DES  NERFS. 


663 


Les  sens  1 sont  des  organes  plus  ou  moins  compli- 
qués , au  moyen  desquels  on  aperçoit  les  corps  exté- 
rieurs ; ils  ont  une  structure  calculée  de  manière  à 
pouvoir  recevoir  une  impression  déterminée;  ils  sont 
liés  au  centre  nerveux  par  des  nerfs  très-développés  : 
ces  organes  sont  ceux  du  tact  ou  du  toucher,  du 
goût , de  l’odorat , de  l’ouïe  et  de  la  vue- 

Les  muscles  sont  liés  au  centre  nerveux  par  des  nerfs 
nombreux  et  très-ramifiés  § 662.  Les  artères  reçoivent 
un  très-grand  nombre  de  ner/s;  mais  ils  ne  se  compor- 
tent pas  tous  de  la  même  manière  : i°  les  uns  ne  font 
que  les  accompagner  et  les  entourer,  comme  le  lierre 
entoure  les  arbres,  sans  pénétrer  dans  leur  tissu  , si  ce 
n’est  peut-être  après  les  avoir  accompagnés  à une  dis- 
tance plus  ou  moins  grande  : tels  sont  ceux  qui  ac- 
compagnent les  artères  vertébrales,  carotides  internes 
et  faciales  ; 20  les  autres,  accolés  à la  membrane  externe 
de  l’artère,  pénètrent  avec  celle-ci  dans  les  organes, 
devenus  mous  et  pulpeux  : après  être  beaucoup  rami- 
fiés ils  disparaissent , et  semblent  se  fondre  dans  la 
membrane  externe;  3°  enfin,  nonobstant  la  dénéga- 
tion de  Bebrends  , on  voit  des  ramuscules  nerveux 
traverser  la  membrane  externe  des  artères , et  se  ter- 
miner dans  leur  membrane  moyenne.  Les  nerfs  des 
artères  appartiennent , soit  aux  nerfs  sympathiques , 
soit  aux  nerfs  spinaux  et  trijumeaux. 

S 779.  Les  nerfs  ont  été  examinés  dans  leur  structure 
par  divers  anatomistes.  Délia  Torre  y a trouvé  les  fibres 

1 Voyez  Blainville , Principes  d’Anatomie  comparée , torn.I  ; 
Paris,  181?.. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


C64 

<»t  les  globules  communs  à tous  le  système  nerveux  ; 
Prohaska  et  Reil  ont  encore  mieux  fait  connaître  de- 
puis leur  disposition  intérieure.  D’après  leurs  recher- 
ches, les  nerfs  sont  composés  de  cordons,  et  ceux-ci 
de  filamens  ou  de  filets  très-fins,  dont  la  ténuité  est 
égale  à celle  des  fils  du  ver  à soie  , et  qui,  dans  le  nerf 
optique  seulement,  sont  du  volume  d’un  gros  cheveu. 
Ces  filamens , qui  sont  de  la  même  nature  que  les 
fibres  ou  filets  médullaires  du  cerveau  et  de  la  moelle 
épinière,  n’en  diffèrent  qu’en  ce  qu’ils  sont  plus  dis- 
tincts, plus  séparés  les  uns  des  autres;  parce  qu’une 
enveloppe  ou  membrane  propre  les  entoure  : cette 
enVeloppe  est  appelée  névrilème,  neurhymen , ce  qui 
signifie  membrane  des  nerfs;  Galien  s’est  déjà  servi 
de  cette  expression,  dont  Reil  à fait  le  premier  une 
application  précise.  Le  névrilème  forme  une  enveloppe 
générale  aux  nerfs,  et  fournit  des  enveloppes  partielles 
aux  cordons  nerveux,  ainsi  qu’aux  filamens  qui  les 
composent  : il  est  très-résistant.  Lorsqu’on  le  vide , il 
représente  un  assemblage  de  petits  canaux.  Ces  ca- 
naux s’unissent  entre  eux,  s’abouchent  de  distance  en 
distance.  Il  n’est  donc  pas  exact  de  dire  que  les  nerfs 
sont  composés  de  filets  qui  se  distinguent  dans  toute 
leur  longueur;  les  communications  de  ces  filets  entre 
eux  font  qu’ils  ne  sont  plus  les  mêmes  : examinés  à la 
partie  supérieure  et  à la  partie  inférieure  du  nerf, 
les  cordons  nerveux  ne  sont  pas  non  plus  simplement 
accolés,  mais  ils  s’envoient  des  filamens  réciproques. 
C’est  la  même  disposition  que  dans  les  plexus , où  il  y 
a une  communication  intime  entre  tous  les  nerfs,  au 
moyen  des  cordons  et  des  filamens  qu  ils  s’envoient. 


DES  NERFS. 


665 


Ce  que  les  plexus  présentent  en  grand,  on  le  voit  en 
petit  dans  chaque  nerf;  et  les  cordons  eux-mêmes  ne 
sont  que  des  plexus  de  filets  nerveux.  Vers  l’origine 
ou  l’extrémité  centrale  des  nerfs , le  névrilème  se  con- 
tinue avec  la  pie-mère,  mais  seulement  dans  sa  por- 
tion qui  constitue  l’enveloppe  générale  du  nerf  : les 
gaines  intérieures  des  filets  nerveux  s’amollissent  et  se 
perdent  insensiblement , de  manière  que  ceux-ci  sont 
à nu  dans  le  centre  du  nerf.  On  voit  également  les 
nerfs  se  dépouiller  de  leur  névrilème  à leur  terminai- 
son, partout  où  on  peut  les  suivre  assez  loin.  Les  ca- 
naux névrilématiques  ne  présentent  pas  à l’intérieur 
une  surface  lisse  et  polie , comme  l’est  la  surface  in- 
terne des  vaisseaux;  ils  envoient  une  foule  de  prolon- 
gemens  qui  traversent  la  moelle  du  nerf  et  la  soutien- 
nent : celle-ci  n’est  point  libre  et  mobile  dans  le  nerf; 
ce  qu’elle  doit  en  partie  à sa  consistance,  mais  ce 
qui  est  dû  aussi  en  partie  à cette  disposition.  Il  existe 
du  tissu  cellulaire  autour  de  la  gaîne  générale  et  entre 
les  gaines  partielles  du  nerf,  comme  on  l’observe  pour 
les  faisceaux  musculaires  et  pour  les  fibres  qui  les 
composent.  Dans  les  névralgies , ce  tissu  est  quelque- 
fois le  siège  d’un  œdème  ou  d’une  infiltration  qui  le 
rend,  dans  certains  cas,  compact  et  serré;  d’autres  fois 
d’une  congestion  sanguine  ou  d’une  rougeur  très- 
grande,  comme  Cotugno  et  d’autres  font  observé:  ce 
qui  porte  à croire  que  ces  affections  douloureuses  dé- 
pendent de  son  inflammation.  De  la  graisse  peut  aussi 
s’accumuler  dans  ce  tissu.  Les  fibres  médullaires  ren- 
fermées dans  les  canaux  du  névrilème  sont  de  la  même 
nature  que  celles  du  cerveau  et  de  la  moelle. 


666 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


§ 780.  Les  vaisseaux  sanguins  des  nerfs  pénètrent 
entre  les  cordons  qui  les  composent,  et  se  divisent, 
pour  la  plupart,  en  deux  rameaux , l’un  direct,  l’autre 
rétrograde.  Leur  nombre  est  considérable  : tout  le  né- 
vrilème  en  est  couvert,  dans  les  injections  heureuses  ; 
on  les  voit , à la  loupe,  se  répandre  jusque  sur  le  névri- 
lème  des  filets  nerveux.  Celui-ci  est  formé  de  tissu  cel- 
lulaire fibreux  et  de  vaisseaux  sanguins.  On  ne  connaît 
pas  les  vaisseaux  lymphatiques  des  nerfs. 

§ 781.  La  structure  des  nerfs  n’est  pas  exactement  la 
même  dans  tous.  Dans  la  plupart  des  recherches  qui 
ont  été  faites  à ce  sujet,  c’est  le  nerf  optique  que  l’on  a 
choisi  de  préférence , parce  que  les  filets  nerveux  y sont 
plus  gros,  et  qu’il  est  facile  d’y  remplir  les  canaux  névrilé- 
matiques.  Or,  ce  nerf  diffère  des  autres,  en  ce  que  ses 
canalicules  sont  séparés  par  des  cloisons  communes , 
qui  se  détachent  de  l’intérieur  de  la  gaîne  générale.  La 
structure  des  nerfs  a pourtant  aussi  été  observée  dans 
d’autres  nerfs  : c’est  surtout  dans  ceux  des  muscles, 
où  les  filets  sont  plus  distincts  que  dans  les  nerfs 
des  sens  et  de  la  peau , que  ces  observations  ont  été 
faites. 

§ 782.  Reil , à qui  Ton  doit  presque  tout  ce  que  1 011 
sait  sur  la  structure  des  nerfs,  a très-bien  indiqué  les 
moyens  à l’aide  desquels  on  peut  observer  cette  struc- 
ture. En  lavant  un  nerf  avec  de  l’eau  et  de  1 acide  ni- 
trique, on  finit,  au  bout  d’un  certain  temps,  par  dé- 
truire entièrement  le  névrilème,  et  .il  reste  les  filets 
médullaires,  qu’on  peut  voir  s cntre-croiser,  s adosser, 
à peu  près  comme  le  font  les  nerfs  optiques  dans  leur 
commissure.  D’un  autre  côté,  en  plongeant  le  nerl 


DES  NERFS. 


66? 

dans  la  lessive  des  savonniers  , que  1 on  peut  regarder 
comme  une  dissolution  alcaline  de  sous-carbonate  de 
soude,  on  détruit  la  substance  médullaire,  et  on  ob- 
tient les  gaines  névrilématiques.  Pour  les  empêcher 
de  s’affaisser,  on  y souffle  de  l’air  ; ce  qui  est  très-facile 
en  poussant  ce  fluide  dans  l’une  d’entre  elles,  puis- 
qu’elles communiquent  toutes  ensemble;  le  nerf  est 
ensuite  lié  à ses  deux  bouts  : desséché  dans  cet  état,  il 
présente,  quand  on  le  coupe  , une  foule  de  petits  ca- 
naux abouchés  les  uns  dans  les  autres , ce  qui  lui 
donne  l’aspect  intérieur  d’un  roseau.  Ces  observations, 
qui,  depuis  Reil,  ont  été  répétées  bien  des  fois,  dé- 
montrent les  deux  différentes  substances  dont  le  nerf 
se  compose. 

Les  observations  de  M.Home  , sur  le  nerf  optique, 
ont  montré  que  les  filamens  médullaires  dont  il  est 
composé  vont  en  augmentant  de  nombre  et  en  dimi- 
nuant de  volume  de  l’origine  à la  terminaison. 

O 

§ 783.  Les  nerfs  n’ont  que  peu  ou  point  d’élasticité; 
ils  n’offrent  aucun  mouvement  sensible  , soit  d’oscil- 
lation , soit  de  vibration,  lorsqu’on  les  irrite  sur  l’a- 
nimal vivant.  L’irritation  d’un  nerf  produit  des  dou- 
leurs atroces  > et  détermine  des  contractions  convul- 
sives dans  les  muscles. 

§ 784.  Les  nerfs  ont  pour  fonctions  d’être  conduc- 
teurs du  sentiment  et  du  mouvement.  Ils  transmettent 
avec  une  vitesse  incalculable,  du  centre  nerveux  aux 
muscles,  les  volitions,  et  conduisent  au  centre  les  sen- 
sations produites  par  l’impression  des  agens  extérieurs. 
Leur  section,  leur  ligature,  interrompent  ces  fonc- 
tions, et  rendent  insensibles  et  immobiles  les  parties 


668 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


placées  au-dessous.  L irritation  faite  au-dessus  de  1 in- 
terruption détermine  des  sensations  de  douleur  sem- 
blables à celles  qu’aurait  produites  l’irritation  de  l’ex- 
trémité du  nerf  ; l’irritation  exercée  au-dessous  de 
l’interruption  produit  des  contractions , comme  celles 
qui  résulteraient  de  l’irritation  de  l’origine  du  nerf. 

§ 785.  On  a cherché,  depuis  Hérophile  et  Galien,  s’il 
n’y  avait  pas  des  nerfs  particuliers  pour  le  sentiment 
et  d’autres  pour  le  mouvement.  On  a bientôt  reconnu 
qu’il  y avait  effectivement  des  nerfs  sensoriaux,  comme 
la  première,  la  seconde  paire,  et  l’auditif  ; des  nerfs  mo- 
teurs, comme  la  troisième,  la  quatrième,  la  sixième, 
l’hypoglosse,  etc.  ; et  des  nerfs  mixtes,  comme  tous 
les  nerfs  spinaux  , qui  en  effet,  se  distribuent  à la  peau 
et  aux  muscles  du  tronc  et  des  membres;  et  comme 
les  nerfs  sous-occipital  et  trijumeaux.  Mais  les  pa- 
ralysies et  les  anesthésies , que  l’on  observe  tantôt 
réunies , et  tantôt  séparées  dans  les  parties  du  corps 
où  se  distribuent  les  nerfs  à double  racine,  condui- 
saient à supposer  que  ces  nerfs  étaient  composés  de 
filets  sensoriaux  et  de  filets  moteurs  distincts.  Les  ex- 
périences de  M.  Ch.  Bell , celles  de  M.  Magendie , et 
les  miennes  propres,  ont  clairement  démontré  que  la 
racine  postérieure  des  nerfs  spinaux  est  sensoriale,  et 
la  racine  antérieure  motrice. 

§ 786.  Les  nerfs  ne  sont  pas  bornés  tout-à-fait  aux 
fonctions  de  conducteurs  : ils  ont  une  activité  propre, 
qui  se  manifeste  quand  ils  sont  séparés  du  centre  ner- 
veux; mais  cette  activité  est  beaucoup  augmentée  par 
celle  de  la  moelle,  comme  celle  de  la  moelle  par  1 in- 
fluence de  l’encéphale;  de  sorte  que  le  retranchement 


DES  NERFS. 


G6'y 

de  l’encéphale  diminue  beaucoup  l’activité  de  la 
moelle,  que  celle  de  la  moelle  restreint  beaucoup 
celle  des  nerfs,  et  que  plus  le  nerf  est  retranché  près 
d’un  muscle,  et  plus  l’influence  nerveuse  sur  sa  con- 
traction en  est  diminuée. 

§ -787.  Les  nerfs  ont-ils  une  force  de  formation  ou 
de  régénération  telle  , que , coupés  en  travers,  leur  réu- 
nion ait  la  texture  et  remplisse  les  fonctions  nerveuses  P 
telle  même  que,  divisés  avec  perte  de  substance,  ils  se 
reproduisent?  Ces  questions  ont  occupé  beaucoup  de 
physiologistes,  et  notamment  Fontana,  Monro,  Mi- 
cliaelis,  Arnemann,  Cruikshank,  Haighton  , Meyer,  etc. 
La  plupart  de  ces  expérimentateurs  ont  résolu  affir- 
mativement les  questions  relatives  à la  reproduction 
nerveuse.  Arnemann  seul,  se  fondant  comme  les  au- 
tres sur  une  série  d’expériences,  a adopté  une  opinion 
contraire. 

J’ai  fait  avec  un  de  mes  élèves  1 un  grand  nombre 
d’expériences  pour  résoudre  ces  questions.  Il  résulte 
de  nos  observations,  i°  que  la  division  d’un  nerf  pro- 
duite par  une  ligature  est  constamment  suivie  de  la  réu- 
nion exacte  des  deux  bouts  du  nerf  et  du  prompt  réta- 
tablissement  de  ses  fonctions. 

20  Que  la  section  incomplète  ou  la  piqûre,  que  l’on 
a accusé  de  donner  lieu,  chez  l’homme,  à des  accidens 
si  graves,  ne  produit  pas  ces  accidens  dans  les  ani- 
maux, et  que  la  réunion  et  le  rétablissement  des  fonc- 
tions ont  lieu  très-promptement. 

1 L.  J.  Descot , Dissertation  inaug.  sur  les  affections 
locales  des  nerfs;  Paris,  1822. 


ANATOMIE  GENERALE. 


670 

3°  Que  la  section  complète  d’un  nerf  dans  une  par- 
tie peu  mobile,  comme  par  exemple  le  long  de  l’un 
des  deux  os  de  l’avant-bras  du  cbien  , au  cou,  dans  le 
même  animal,  le  long  de  l’un  des  os  de  l’avant-bras 
chez  l’homme  , etc. , est  ordinairement  suivie  assez 
promptement  d’une  réunion  exacte  et  du  rétablisse- 
ment complet  des  fonctions. 

4°  Que  dans  les  parties  très  - mobiles , comme  au 
voisinage  d’une  articulation , lorsqu’un  nerf  est  divisé, 
il  s’établit,  outre  l’écartement  primitif  qui  est  constant, 
un  écartement  accidentel  et  variable  suivant  les  mou- 
vemens  de  la  partie.  Dans  ce  cas,  la  réunion  se  fait  beau- 
coup attendre;  elle  est  imparfaite  si  même  elle  a lieu  : 
le  rétablissement  des  fonctions  est  imparfait  aussi,  ou 
même  tdut-à-fait  nul.  C’est  à cela  qu’il  faut  rapporter 
les  résultats  de  quelques-unes  des  expériences  de 
Meyer,  et  la  paralysie  permanente  que  l’on  dit  résul- 
ter de  la  section  du  nerf  radial  à la  partie  inférieure 
du  bras. 

5°  Enfin,  que  quand  il  y a déperdition  considérable 
de  substance  d’un  nerf,  soit  par  une  excision,  soit 
dans  une  plaie  contuse  avec  destruction,  il  reste  un 
grand  écartement  entre  les  deux  bouts  du  nerf,  et 
que  jamais  les  fonctions  ne  se  rétablissent,  quel  que 
soit  le  nerf  affecté  ; ce  qui  suffit  pour  prouver  que  les 
anastomoses  n’y  sont  pour  rien  , quand  le  rétablisse- 
ment des  fonctions  a lieu. 

On  peut  donc  conclure  de  tout  ce  qui  précède  , que 
les  nerfs  coupés  en  travers  se  réunissent  ; et  que  quand 
la  réunion  n’a  pas  lieu,  cela  dépend  uniquement  de 
l’écartement  considérable  des  bouts  , déterminé  , soit 


DES  NERFS.  67  I 

par  les  mouvemens  de  la  partie,  soit  par  une  perte  de 
substance. 

§ 788.  Lorsqu’un  nerl  a été  divisé,  il  s’établit  dans 
des  premiers  jours,  autour  des  bouts,  à leur  surface  et 
dans  leur  intervalle , un  suintement  de  matière  orga- 
nisable;  le  tissu  cellulaire  environnant  est  pénétré  de 
la  même  matière  et  a perdu  sa  perméabilité.  Dans  cet 
état,  les  bouts  du  nerf  sont  simplement  agglutinés 
entre  eux  et  aux  parties  voisines;  les  fonctions  sont 
encore  suspendues  comme  elles  l’étaient  immédiate- 
ment après  la  section;  les  deux  bouts  du  nerf,  qui  sont 
gonflés,  et  surtout  le  supérieur,  le  tissu  cellulaire  en-, 
vironnant,  et  la  matière  organisable,  prennent  plus  de 
consistance , et  deviennent  très-vasculaires.  Dans  cet 
état , qui  dure  quelque  temps,  les  deux  bouts  du  nerf 
sont  réunis  par  une  substance  organisée  vasculaire; 
mais  il  n’y  a pas  encore  de  communication  de  l’action 
nerveuse  entre  les  deux  bouts.  Avec  le  temps,  le  tissu 
cellulaire  environnant  cesse  d’être  compacte  et  vascu- 
laire; la  substance  intermédiaire,  plus  ou  moins  longue, 
suivant  le  genre  de  blessure  et  les  circonstances  con- 
comitantes, diminue  peu  à peu  de  volume,  de  consis- 
tance et  de  rougeur  , prend  l’apparence  et  la  texture 
du  nerf  (texture  constatée  par  l’application  faite  par 
Meyer  de  l’acide  nitrique  à la  cicatrice  nerveuse) , à 
partir  des  extrémités  vers  le  milieu  de  leur  intervalle, 
et  finit  par  en  remplir  les  fonctions,  d’autant  plus 
exactement  et  d’autant  plus  vite , que  l’écartement  était 
nul  entre  les  bouts  , comme  dans  le  cas  de  ligature,  ou 
peu  considérable  , comme  dans  le  cas  de  section  sim- 
ple , ou  d’une  très-courte  excision  dans  une  partie  peu 


Gj2  anatomie  générale*. 

mobile.  Au  contraire  , quand  l’écartement  est  considé- 
rable, la  réunion  est  nulle,  ou  bien  elle  n’a  lieu  que 
par  du  tissu  cellulaire  qui  n’acquiert  pas , à une  cer- 
taine distance  de  l’extrémité , la  structure  et  les  pro^ 
priétés  nerveuses.  Le  temps  nécessaire  pour  le  rétablis- 
sement complet  de  la  structure  et  des  fonctions  n’est 
pas  exactement  connu;  il  a été  certainement  exagéré 
par  ceux  qui  ont  avancé  qu’il  devait  être  de  plusieurs 
années  : on  peut  le  porter  à six  semaines  ou  deux  mois 
environ. 

§ 789.  La  section  des  nerfs  pneumo-gastrique  et  tris- 
planchnique  réunis , comme  ils  le  sont  dans  le  chien  , 
produit  constamment  la  mort,  quand  elle  est  prati- 
quée des  deux  côtés  à la  fois.  C’est  sur  ces  nerfs  que 
l’on  peut  surtout  étudier  simultanément  la  réparation 
du  tissu  et  le  rétablissement  des  fonctions,  d’après  les 
expériences  de  Cruiksbank,  d’Haighton , et  celles  qui 
nous  sont  propres. 

Voici  ce  que  nous  avons  vu  arriver  dans  cette  section, 
répétée  à divers  intervalles. 

Ayant  coupé  le  même  jour  les  deux  nerfs  pneumo- 
gastriques à deux  chiens  différens,  l’un  est  mort  trente 
heures  après  l’opération  ; l’autre,  plus  de  soixante-six 
heures  après  cette  double  section.  Un  autre  animal , 
après  un  intervalle  de  neuf  jours  entre  les  deux  sec- 
tions, est  mort  dans  la  nuit  du  quatrième  au  cin- 
quième jour.  Chez  un  quatrième,  la  seconde  section 
ayant  été  faite  au  bout  des  vingt  et  un  jours,  la  mort 
n’est  survenue  que  le  vingt-cinquième  après  cette  se- 
conde section.  Enfin,  sur  un  dernier  animal,  la  se- 
conde section  a été  pratiquée  trente  deux  jours  après 


DES  NERFS. 


f>y3 

la  première,  et  l'animal  a survécu  un  mois  entier.. 
A cette  époque,  c’est-à-dire  deux  mois  après  la  pre- 
mière section,  nous  avons  trouvé  le  premier  nerf  di- 
visé complètement  réuni.  Ce  chien  a succombé  à un 
empyème  qui  s’est  développé  dans  la  cavité  gauche 
de  la  poitrine.  Enfin  Haighton  a coupé  le  second 
nerf  pneumo-gastrique  six  semaines  après  le  premier, 
et  l’animal  a survécu  dix -neuf  mois,  après  lequel 
temps  il  fut  tué.  On  a prétendu  que  l’action  ner- 
veuse , de  même  que  l’action  galvanique , pouvait 
s’établir  à travers  une  substance  autre  que  le  tissu 
nerveux , comme  un  liquide  ou  du  tissu  cellulaire 
humecté  ; on  a prétendu  aussi  que  l’action  nerveuse 
pourrait  s’exercer  à distance,  ét  franchir  l’intervalle 
qui  existerait  entre  les  bouts  du  nerf;  on  a prétendu 
enfin  que  le  rétablissement  des  fonctions  pouvait 
avoir  lieu  par  des  branches  anastomotiques.  Si  c’était 
par  l’une  ou  l’autre  des  deux  premières  causes  que 
l’action  nerveuse  fut  continuée , cette  action  ne  de- 
vrait pas  être  un  seul  instant  suspendue,  et  les  ani- 
maux ne  mourraient  dans  aucune  des  expériences  ci- 
tées ci-dessus:  Quant  au  rétablissement  des  fonctions 
nerveuses  au  moyen  des  anastomoses,  il  est  contredit 
par  un  grand  nombre  de  cas,  dans  lesquels  le  nerf 
ayant  été,  sur  certains  sujets,  coupé  , et,  sur  d’autres, 
excisé  ou  détruit  par  la  cautérisation  , les  fonctions  se 
sont  rétablies  dans  le  premier  cas,  et  point  dans  le  se- 
cond. Le  rétablissement  par  les  anastomoses  est  sur- 
tout démenti  par  une  expérience  qui  consiste  à re- 
couper le  même  jour,  dans  l’endroit  de  la  réunion  , les 
nerfs  pneumo-gastriques  cicatrisés  après  la  section 

43 


i. 


ANATOMIE  GENERALE. 


674 

pratiquée  antérieurement  sur  ces  deux  nerfs,  à un  in- 
tervalle convenable.  L’animal,  qui  avait  survécu  jusqu’à 
ce  moment,  meurt  dans  l’espace  d’un  à deux  jours. 

Ce  n’est  donc , ni  par  l’interposition  d’une  substance 
simplement  humide  entre  les  deux  bouts  du  nerf  di- 
visé, ni  par  l’action  à distance  du  système  nerveux,  ni 
enfin  par  les  anastomoses,  que  s’opère  le  rétablisse- 
ment des  fonctions  nerveuses,  mais  bien  par  une  vé- 
ritable cicatrice  nerveuse.  L’on  voit,  en  effet,  les 
fonctions , d’abord  tout-à-fait  détruites , se  rétablir  gra- 
duellement, et  suivre,  dans  leur  rétablissement,  tous 
les  progrès  de  la  réunion  organique.  On  ne  peut  nier 
cependant  que  l’action  nerveuse  ne  se  propage  à un 
certain  degré  d’une  partie  à l’autre  d’un  nerf  simple- 
ment divisé  : cela  est  prouvé  par  des  expériences  de 
M. Wilson  Philip,  répétées  en  France  r. 

§ 790.  Les  nerfs  sont  sujets  à d’autres  altérations  que 
celles  qui  résultent  de  leurs  lésions  physiques  : telles 
sont  l’inflammation  ou  neuritis,  les  tumeurs  ou  né- 
vrômes.  Les  unes  consistent  en  un  tubercule  sous-cu- 
tané  graniforme  ou  pisiforme,  dur  et  très-douloureux; 
les  autres  en  un  tissu  squirrheux  plus  ou  moins 
volumineux.  Les  névralgies  et  les  insensibilités  loca- 
les, les  paralysies  et  les  convulsions  partielles,  sont 
les  résultats  ordinaires  des  affections  locales  des  nerfs; 
en  outre , ces  affections  locales  se  propagent  quelque- 
fois au  centre  nerveux,  et  donnent  ainsi  lieu  à des 
névroses  générales. 

T Vavasseur,  de  l’Influence  du  système  nerveux  sur  la 
digestion  stomacale;  Paris,  i8a3. 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  6jC> 

TROISIÈME  SECTION. 

DES  GANGLIONS  ET  OU  NERF  SYMPATHIQUE. 

§ 79  i , Les  ganglions  nerveux  sont  des  corps  ronds 
ou  obronds , formés  de  filets  nerveux  médullaires  et 
d’une  substance  propre,  placés  sur  le  trajet  des  nerfs, 
et  surtout  des  nerfs  des  fonctions  végétatives. 

§ 792.  Le  nom  de  ganglion,  yuyyXiot,  a été  employé 
par  Hippocrate,  pour  désigner  les  tumeurs  des  gaines 
des  tendons.  Galien  l’a  le  premier  appliqué  aux  nodo- 
sités des  nerfs,  par  comparaison  aveç  les  ganglions 
morbides.  J.  Riolan  fils  et  Vieussens  se  sont  servis  du 
même  nom  ; d’autres  ont  employé  celui  de  plexus  gan- 

gliforme  : celui  de  ganglion  est  généralement  usité 

# 

aujourd’hui. 

MM.  Gall,  Reil,  Walther,  de  Blainville , etc.,  ont 
étendu  le  sens  du  mot  ganglion,  et  l’ont  appliqué  à la 
substance  grise  qui  existe  à l’intérieur  de  la  moelle , 
aux  amas  de  substance  grise  qu’on  trouve  dans  la 
moelle  allongée  et  dans  les  pédoncules  du  cervelet  et 
du  cerveau,  comme  les  éminences  olivaires,  le  corps 
festonné  ou  rhomboïde  du  cervelet,  les  couches  opti- 
ques et  les  corps  cannelés;  on  l’a  étendu  même  aux 
lobes  olfactifs,  aux  hémisphères  du  cerveau , aux  tu- 
bercules et  au  cervelet  ; on  a enfin  confondu  les  gan- 
glions avec  les  plexus  et  avec  les  expansions  nerveuses 
sensoriales.  Ce  sont  des  rapprochemens  forcés  et  déjà 
combattus  par  Walther  l’ancien,  Reimar  et  Sœmme- 
ring.  Ce  n’est  pas  dans  ce  sens  que  le  mot  ganglion  est 
employé  ici. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


6j6 

§ 793.  Les  ganglions  ont  été  particulièrement  étu- 
diés et.  décrits  par  Meckel  1 , Jonstone  2 , Haase  3 , 
Scarpa .4  1 Bichat  5 , Weber  6 et  surtout  Wutzer  1.  On 
peut  rapporter  à deux  opinions  principales , diverse- 
ment modifiées,  celles  que  les  anatomistes  et  les  phy- 
siologistes se  sont  faites  sur  la  texture  et  la  fonction 
des  ganglions  : les  uns,  les  regardant  simplement  comme 
des  plexus  serrés,  ne  regardent  les  nerfs  qui  en  par- 
tent que  comme  des  divisions  éloignées  des  nerfs  spi- 
naux et  crâniens;  les  autres,  considérant  les  ganglions 
comme  des  centres  nerveux  spéciaux,  considèrent  les 
nerfs  qui  en  émanent  comme  indépendans  du  système 
cérébral.  On  verra  que  ces  deux  opinions  opposées 
doivent  être  combinées  et  se  modifier  mutuellement. 

§ 794.  Les  animaux  inférieurs  , c’est-à-dire  les 
rayonnés,  les  mollusques  et  les  articulés,  ont  des  ren- 
flemens  nerveux  qu’on  a voulu  assimiler  aux  ganglions 
des  vertébrés.  Mais  dans  les  animaux  invertébrés , les 
mêmes  nerfs  appartiennent  à tous  les  genres  d’organes 
et  de  fonctions  tandis  que  dans  les  vertébrés  les  nerfs 
grands  sympathiques  ( et,  jusqu’à  certain  degré,  les 
nerfs  pneumo-gastriques  ) appartiennent  spécialement 

* Histoire  de  PAcad.  de  Berlin,  ann.  1749  et  1753. 

2 Essais  on  the  use  of  tlie  Ganglions , etc.,  1771. — Medical 
Essais  y etc.,  I7<j5. 

3 De  Gangliis  nervorum ; Lipsiœ,  1762. 

4 De  nervorum  Gangliis  et plexubus ; Mutinœ  , 1779. 

5 Anatomie  générale.  , 

G De.  Systcrnate  nerveo  organ . ; Lipsiœ , 1817. 

7 De  corporis  humani  Gangliorum  fabrica , atque  usu  ; 
Berolini,  1817. 


dks  ganglions  et  du  nerf  sympathique.  677 

aux  organes  des  fonctions  végétatives.  M.  Wéber  à 
comparé  les  ganglions  spinaux  des  vertébrés  aux 
ganglions  des  animaux  inférieurs. 

Dans  les  animaux  vertébrés  , les  seuls  qui  aient 
de  vrais  ganglions  nerveux  comparables  à ceux  de 
l’homme  j on  voit  ces  ganglions  augmenter,  surtout 
ceux  du  nerf  sympathique  , et  le  nerf  pneumogastri- 
que diminuer  à mesure  que  l’encéphale  se  développe; 
de  sorte  que  ce  sont  les  poissons  qui  ont  le  plus  petit 
nerf  sympathique  ^t  le  plus  grand  pneumo-gastrique  , 
et  vice  versa  pour  les  mammifères  : comme  si  les  fonc- 
tions végétatives  devaient  être  plus  soustraites  à l’in- 
fluence de  l’encéphale,  à mesure  que  cet  organe  est 
moins  soumis  à l’instinct.  * 

§ 795.  Les  ganglions  ont  été  divisés  en  plusieurs 
sortes  par  ceux  qui  les  ont  décrits  avec  le  plus  d’exac- 
titude. Scarpa  les  divise  en  simples  ou  spinaux,  et  en 
composés.  M.  Wéber  les  divise  en  ganglions  de  ren- 
forcement : ce  sont  ceux  des  nerfs  spinaux  et  quelques 
uns  de  ceux  des  nerfs  crâniens  ; et  en  ganglions  d’ori- 
gine : ce  sont  ceux  du  nerf  sympathique,  auxquels  il 
rattache  l’orbitaire  et  le  maxillaire.  M.  Ribes1  divise  les 
ganglions  en  trois  séries  : il  range  dans  la  première  les 
rachidiens  ou  spinaux;  dans  la  seconde , ceux  qui  se 
trouvent  dans  le  trajet  du  trisplapchnique;  et  tous  ceux 
qui  sont  situés  plus  en  dedans,  dans  la  troisième. 
M.  Wutzer  les  classe  en  ganglions  du  système  cérébral, 
du  système  spinal  et  du  système  végétatif  ou  sympa - 

1 Exposé  sommaire  de  quelques  recherches  anat. , phys.  et 
pathol. , dans  les  Mém.  de  laSoc.  méd.  d’émulation. , vol. VIII. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


678 

thique.  Je  les  divise  en  deux  sortes  : i°  les  ganglions 
des  nerfs  encéphaio  - rachidiens  , les  uns,  les  plus 
nombreux  et  les  plus  réguliers,  appartenant  aux  nerfs 
à double  racine  , quelques  autres  placés  dans  le  trajet 
des  nerfs  à une  seule  racine;  2°les  ganglions  des  deux 
nerfs  sympathiques,  les  uns  formant  une  double  sé- 
rie longitudinale,  et  quelques  autres  rapprochés  de  la 
ligne  médiane. 

§ 79(3.  Le  nombre  des  ganglions  est  très  - grand 
comme  on  le  verra.  Ils  sont  tous  situés  au  tronc  ; c’est 
sans  raison  que  Lancisi  en  a indiqué  dans  les  mem- 
bres. Leur  volume  varie  depuis  celui  d’une  olive  jus- 
qu’à  celui  d’un  grain  de  millet;  leur  forme  est  ronde, 
olivaire,  lenticulaire,  etc. 

§ 797.  Les  ganglions  sont  composés  de  deux  subs- 
tances intérieures  : la  première  médullaire,  blanche; 
la  seconde  pulpeuse,  d’un  gris  rougeâtre.  La  substance 
médullaire  est  rassemblée  en  cordons  et  en  fils  , comme 
dans  les  nerfs  sensitifs  et  moteurs.  Ces  filamens  mé- 
dullaires intérieurs  sont  visiblement  la  continuation 
des  nerfs  tenant  au  gangHon.  Le  ganglion  cœliaque 
est  le  seul  où  cette  continuation  soit  peu  manifeste. 
Ces  filamens  se  reconnaissent  encore  à leur  couleur  et  • 
à leur  forme.  L’action  des  alcalis  et  des  acides  sur  eux , 
les  fait  reconnaître , au  milieu  même  des  ganglions , 
pour  des  filamens  médullaires  nerveux. 

Ces  filets,  en  pénétrant  dans  les  ganglions,  se  dé- 
pouillent de  leur  névrilème,  qui  s’unit  intimement  à 
la  membrane  extérieure  du  gànglion.  Ces  filets  ont 
leur  surface  moins  exactement  déterminée  que  dans 
les  nerfs;  leur  surface  paraît  plus  lâche,  comme  fondue- 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  679 

ou  intimement  unie  avec  la  substance  adjacente.  Ces 
filets  médullaires  ont  d’ailleurs  une  assez  grande  téna- 
cité. 

§ 798.  La  seconde  substance  des  ganglions  établit  non- 
seulement  la  différence  entre  les  nerfs  et  les  ganglions  , 
mais  encore  entre  les  ganglions  et  les  plexus.  Cette  subs- 
tance a été  beaucoup  négligée  par  les  anatomistes,  qui, 
considérant  les  ganglions  comme  des  plexus  plus  serrés, 
ne  l’ont  regardée  que  comme  destinée  à séparer  ou  à 
réunir  les  filets  nerveux  (Scarpa),  ou  à remplir  les 
fonctions  de  tissu  cellulaire  (Haase).  La  matière  qui 
entoure  les  filets  médullaires  des  ganglions  est  un 
tissu  cellulaire  particulier,  dont  les  interstices  sont 
remplis  d’une  pulpe  mucilagineuse  ou  gélatineuse , 
d’une  couleur  rougeâtre  cendrée,  jaunâtre  dans  quel- 
ques ganglions.  Cette  couleur  , comme  celle  des  autres 
organes,  ne  dépend  pas  uniquement  de  la  quantité  de 
sang  qu’ils  reçoivent. 

Cette  substance  secondaire  n’est  pas  également  abon- 
dante , et  n’est  pas  tout-à-fait  unie  à la  substance  mé- 
dullaire de  la  même  manière  dans  tous  les  ganglions. 

§ 799.  Scarpa  dit  que  cette  matière  pulpeuse  est  de 
la  graisse  dans  les  cadavres  très-gras.  M.  Meckeî  paraît 
être  du  même  avis.  Bicliat  pense,  au  contraire,  que  les 
ganglions  ne  se  transforment  jamais  en  graisse.  Les 
observations  de  M.  Wutzer,  et  les  miennes  propres, 
sont  tout-à-fait  d’accord  avec  celles  de  Bichat.  Dans 
les  sujets  très-gras,  il  s’accumule  , sous  la  membrane 
des  ganglions,  de  la  graisse  qui,  quand  elle  est  en 
grande  quantité,  entoure  non-seulement  le  ganglion, 


68  o 


ANATOMIE  GENERALE. 


mais  le  comprime  et' en  diminue  le  volume  ; cepen- 
dant il  n’est  jamais  lui-même  changé  en  graisse. 

§ 800.  Les  ganglions  sont  enveloppés  d’une  mem- 
brane cellulaire  ou  fibreuse,  différente  dans  les  divers 
genres  de  ganglions. 

§ 801.  Les  vaisseaux  sanguins  des  ganglions  sont 
très  - nombreux.  Les  artères  proviennent  des  troncs 
voisins  : elles  se  ramifient  d’abord  dans  la  membrane, 
où  elles  forment  un  réseau  7 des  rameaux  déliés  pénè- 
trent dans  le  tissu  filamenteux  et  pulpeux  du  ganglion  ; 
quelquefois  des  rameaux  artériels  pénètrent  dans  le 
ganglion  avec  des  filamens  nerveux  , et  les  accompa- 
gnent. Les  veines  offrent  une  distribution  semblable. 
O11  ne  sait  rien  touchant  les  vaisseaux  lymphatiques  de 
ces  organes. 

§ 802.  Les  filets  médullaires  ne  présentent  point 
d’interruption  dans  les  ganglions  ; ils  établissent  une 
continuité  ou  une  liaison  non  interrompue  entre  les 
cordons  nerveux,  dans  le  trajet  desquels  les  ganglions 
sont  placés.  Ces  filets  médullaires  contractent  des  con- 
nexions dans  l’intérieur  du  ganglion,  et  les  parcourent 
en  diverses  directions,  de  manière  à réunir  entre  eux 
tous  les  cordons  qui  en  dépendent.  De  là  résulte  la 
figure  irrégulière  et  la  complication  intérieure  des 
ganglions  sympathiques  latéraux  et  médians,  qui  sont 
placés  au  milieu  de  beaucoup  de  cordons  nerveux,  et 
la  forme  ovoïde  régulière,  ainsi  que  la  direction  sim- 
plement longitudinale  des  fdets  des  ganglions  spinaux. 

§ 8o3.  Bichat  avait  déjà  tenté  sur  les  ganglions  quel- 
ques essais  chimiques,  qui  lui  avaient  appris  qu  il  11  y 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  68 1 

a rien  de  commun  entre  leur  substance  et  celle  du  cer- 
veau. Quelques  anatomistes  cependant,  ayant  continué 
de  confondre  avec  les  ganglions,  les  renfle  mens  de  la 
niasse  nerveuse  centrale  , composés  de  substance  blan- 
che et  de  substance  grise,  M.  Wutzer  a entrepris  une 
série  d’expériences  chimiques  comparatives  sur  les 
ganglions  et  sur  des  mélanges  de  substance  blanche 
et  grise  du  cerveau  et  du  cervelet.  Il  résulte  de  ces 
expériences  qu’il  y a une  différence  réelle  entre  ces 
deux  objets;  que  les  ganglions  diffèrent  des  nerfs 
par  une  plus  grande  proportion  de  gélatine,  et  plus 
encore  de  l’encéphale  par  l’excès  de  gélatine,  par  une 
plus  grande  quantité  d’albumine,  et  par  une  moindre 
proportion  de  graisse.  M.  Lassaigne1  a fait  l’analyse 
chimique  des  ganglions  gutturaux  du  cheval,  et  les  a 
trouvés  composés,  i°  de  fibrine,  pour  la  plus  grande 
partie;  2°  d’albumine  concrète  en  petite  quantité; 
3°  d’albumine  soluble;  4°  de  traces  de  matière  grasse  ; 
5°  de  phosphate  et  de  carbonate  de  chaux.  M.  Lobs- 
tein  a observé  que,  quoiqu’ils  résistent  plus  que  les 
nerfs  à la  putréfaction  , ils  se  convertissent  prompte- 
ment en  gras  , par  l’immersion  dans  l’eau. 

§ 8o4-  Les  ganglions  de  la  première  sorte  sont  ceux 
que  l’on  trouve  sur  le  trajet  et  à peu  de  distance  de 
1 origine  des  nerfs  de  la  moelle  épinière.  Il  y en  a,  de 
chaque  côté  , trente  , que  l’on  nomme  spinaux,  un  sur 
le  nerf  trijumeau,  qu'on  appelle  ganglion  de  Gasser, 
un  ou  deux  sur  le  nerf  vague,  et  un  sur  le  glosso-pha- 
ryngien.  Les  ganglions  spinaux,  aperçus  d’abord  par 

Lassaigne,  dans  le  Journal  de  physiologie , vol.  I. 


682 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

Volcher-Coïter,  au  nombre  de  trente  de  chaque  côté, 
ont  la  forme  ovoïde  ou  olivaire.  Ils  appartiennent 
à la  racine  postérieure  seulement  des  nerfs  spinaux; 
l’antérieure  n’est  unie  au  ganglion  que  par  du  tissu 
cellulaire  lâche.  Haase  a le  premier  fait  cette  observa- 
tion, confirmée  depuis  parProchaskaet  Scarpa.Les  ana- 
tomistes qui  les  ont  précédés  croyaient  que  les  deux  ra- 
cines du  nerf  concouraient  à la  formation  du  ganglion. 

La  membrane  des  ganglions  spinaux,  fournie  parla 
dure-mère,  paraît  plus  ferme,  plus  dense  et  plus  solide 
que  celle  des  autres  ganglions.  Le  ganglion  lui-même 
en  est  si  étroitement  enveloppé,  qu’il  paraît  très-dur. 
La  substance  pulpeuse  enveloppe  les  filets  médullaires 
plus  lâchement  que  dans  les  autres,  et  en  est  plus  disr 
tincte  et  plus  aisément  séparable. 

Les  fascicules  médullaires  entrés  par  l’extrémité  pos* 
térieure  ou  interne  du  ganglion,  se  divisent  en  trois, 
quatre  ou  cinq  filamens  blancs.  Ils  s’écartent  d’abord  les 
uns  des  autres,  puis  se  rapprochent  vers  l’autre  extré- 
mité. Ces  filets  se  réunissent  entre  eux  en  se  mêlant; 
de  sorte  que  chaque  cordon  sortant  est  formé  de  filets 
qui  proviennent  probablement  de  plusieurs  cordons 
entrans.  Cependant  le  nombre  , la  ténuité  et  la  confu- 
sion des  filets  ne  sont  pas  très-grands.  Les  ganglions 
spinaux  ont  une  texture  simple  comparativement  aux 
autres. 

Les  fascicules  nerveux  rassemblés  à leur  sortie  du 
ganglion  se  réunissent  intimement,  après  un  trajet  d a 
peine  deux  lignes,  avec  ceux  de  la  racine  antérieure, 
pour  former  le  tronc  commun  des  nerfs  spinaux;  tronc 
qui  n’a  lui-même  qu’une  longueur  d’une  ou  deux  lignes 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  683 


avant  de  se  diviser  en  rameau  antérieur  et  en  rameau 
postérieur. 

Le  tronc  commun  de  chaque  nerf  spinal,  à peu  de 
distance  du  ganglion , fournit  un  rameau  simple , sou- 
vent double,  rarement  triple , qui  se  porte  vers  le  gan- 
glion voisin  du  tronc  nerveux  sympathique,  et  s’y  joint 
de  manière  à établir  la  liaison  la  plus  intime  entre  les 
nerfs  de  la  moelle,  la  moelle  elle-même,  et  le  nerf 
grand  sympathique.  Les  anatomistes,  et  surtout  les  phy- 
siologistes, ont  beaucoup  discuté  sur  la  question  de  sa- 
voir si  le  rameau  de  communication  vient  de  l’une  ou 
de  l’autre  racine.  J’ai  vu,  comme  Scarpa  et  comme 
M.  Wutzer,  que  le  rameau  simple  ou  double  vient  du 
tronc  commun  inextricable,  et  que,  quand  on  peut  le 


poursuivre,  on  trouve  qu’il  vient  de  l’une  et  de  l’autre 
racine.  Ce  rameau  communiquant,  semblable,  à son 
origine,  aux  nerfs  spinaux,  arrivé  à environ  une  ligne 
des  ganglions  du  nerf  sympathique,  rougit  et  prend 
successivement  les  caractères  de  ce  nerf. 

Le  ganglion  de  la  cinquième  paire  de  nerfs  , ou  le 
ganglion  de  Gasser,  appartient  évidemment  à la  série 
des  ganglions  spinaux,  dont  il  ne  diffère  que  par  la 
forme.  Les  fascicules  nerveux  blancs  qui  passent  au- 
dessous , sans  en  faire  partie,  que  Paletta  proposait 
de  considérer  comme  des  nerfs  particuliers,  ressem- 
blent tout-à-iait  à la  racine  antérieure  des  nerfs  spinaux. 

Les  ganglions  du  nerf  vague  et  du  nerf  glosso-pha- 
ryngien  ressemblent  encore,  pour  la  forme  et  pour  la 
texture,  aux  ganglions  spinaux. 

Le  tronc  même  du  nerf  vague  a une  texture  tout-à- 
fait  particulière  et  différente  des  autres  nerfs,  sans 


ANATOMIE  GENERALE. 


684 

résulter  cependant  d’une  série  linéaire  de  ganglions, 
comme  le  disait  Reil.  Il  ressemble  beaucoup  au  tronc 
du  nerf  sympathique, 

§ 684.  La  seconde  sorte  de  ganglions  comprend  la 
série  des  trois  ganglions  cervicaux,  des  douze  thora- 
ciques, des  cinq  lombaires  et  des  quatre  sacrés,  appar- 
tenant de  chaque  côté  au  tronc  du  nerf  sympathique. 
Les  ganglions  ophtlialmique,  sphéno-palatin , et  maxil- 
laire, sont  encore  de  la  même  sorte.  Il  faut  y joindre  le 
ganglion  cardiaque,  souvent  remplacé  par  un  plexus, 
les  ganglions  sémi.lunaires  ou  cœliaques,  et  beaucoup 
d’autres,  placés  dans  le  plexus  solaire  et  dans  ses  di- 
visions ; le  petit  ganglion  coccygien,  qui  se  trouve  quel- 
quefois à la  réunion  des  deux  nerfs  sympathiques,  vis- 
à-vis  le  sommet  du  sacrum;  et  le  petit  ganglion  palatin, 
qui  existe  quelquefois  dans  le  conduitpalatin  antérieur; 
enfin  l’on  y joint  aussi  quelques  ganglions  variables, 
que  l’on  trouve  quelquefois  sur  les  parois  des  ar- 
tères, où  ils  remplacent  des  plexus,  comme  le  ganglion 
de  l artère  communiquante  antérieure,  celui  du  sinus 
cavernenx,  celui  de  lartère  temporale  profonde,  etc. 

Tous  ces  ganglions  ont  en  général  une  figure  irré- 
gulière et  variable;  ils  ont  en  général  des  connexions 
avec  plusieurs  troncs  ou  plusieurs  rameaux  nerveux. 
La  direction  des  filets  médullaires  qui  les  traversent 
est  très-compliquée,  et  rarement  ces  filets  les  traver- 
sent simplement  d’un  côté  à l’autre.  La  substance  pul- 
peuse de  ces  ganglions  est  si  fortement  unie  aux  filets 
médullaires , qu’il  est  très-difficile  de  les  en  séparer. 
Cette  substance  d’ailleurs  paraît  différer  de  celle  des 
autres  ganglions  : elle  est  plus  dure,  plus  sen  ée,  plus 


des  glanglions  et  du  nerf  sympathique.  685 

tenace.  Gela  est  surtout  remarquable  clans  les  ganglions 
cœliaques  et  clans  ceux  de  leurs  plexus.  La  membrane 
des  ganglions  de  cette  série  est  cellulaire  et  ferme,  mais 
n’a  point  la  solidité  fibreuse  de  celle  des  ganglions 
spinaux. 

§ 806.  Les  cordons  et  les  rameaux  nerveux , les 
nerfs,  en  un  mot,  qui  réunissent  ces  ganglions,  diffèrent 
notablement  de  ceux  qui  tiennent  immédiatement  à la 
moelle.  Au  lieu  de  diminuer,  comme  ceux-ci , à mesure 
qu’en  s’éloigant  de  leur  origine  ou  de  leur  extrémité 
centrale  ils  fournissent  des  divisions  successives,  on 
les  voit  indifféremment  diminuer  ou  augmenter,  ou  ne 
pas  changer  de  volume  en  s’éloignant  des  ganglions.  Les 
nerfs  ganglionnaires  ont  une  moindre  force  de  cohésion 
ou  plus  de  fragilité  que  les  autres.  L’enveloppe  exté- 
rieure des  ganglions  se  continue  sur  les  nerfs  jusqu’à 
une  certaine  distance;  au-delà  du  point  où  cette  con- 
tinuation cesse  d’être  apparent^,  le  névrilème  paraît 
plus  mince  et  plus  intimement  uni  à la  substance  mé- 
dullaire que  dans  les  autres  nerfs.  Leur  substance  in- 
terne résulte , comme  celle  des  ganglions,  defilamens 
médullaires  et  de  substance  pulpeuse,  grise,  rougeâtre, 
qu’on  peut  à peine  en  séparer;  les  filets,  ouïes  rameaux 
réunis  pour  former  un  cordon,  sont  eux-mêmes  à peine 
séparables;  les  nerfs  ganglionnaires,  enfin,  semblent 
formés  par  les  mêmes  substances  que  les  ganglions , 
ceux-ci  étant  seulement  allongés  en  cordons.  Cepen- 
dant les  nerfs  des  ganglions  ne  sont  pas  tous  absolument 
semblables  : ceux  qui  unissent  les  ganglions  spinaux  à 
ceux  du  nerf  sympathique,  et  les  nerfs  splanchniques, 
qui  vontdes  ganglions  thoraciques  du  sympathique  aux 


686 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

ganglions  cœliaques,  semblent  intermédiaires,  par  leur 
couleur  blanche,  leur  forme  cylindrique,  leur  com- 
position fibrillaire,  leur  fermeté  et  leur  ténacité,  entre 
les  nerfs  de  la  moelle  et  les  nerfs  gris  rougeâtres, 
aplatis,  irréguliers,  pulpeux,  mous  et  fragiles  du  nerf 
sympathique.  Scarpa  prétend  que  les  nerfs  sympathi- 
ques peuvent  être  analysés  par  l’anatomie,  et  réduits  en 
filets  comme  les  autres.  Je  crois  que  cela  est  impossi- 
ble, surtout  dans  les  nerfs  qui  forment  les  plexus  mé- 
sentériques ou  intestinaux. 

§ 807.  Le  nerf  sympathique  1 , intercostal  ou  tris- 
planchnique,  est  un  cordon  nerveux  et  ganglionnaire , 
étendu  depuis  la  tête  jusqu’au  bassin  , tenant,  par  des 
rameaux  anastomotiques  ou  des  racines , à tous  les 
nerfs  spinaux  et  au  trijumeau,  et  fournissant  de  nom- 
breux rameaux  aux  organes  des  cavités  splanchniques 
du  tronc. 

L’extrémité  céphalique  de  ce  nerf  pénètre  dans  le 
crâne  par  le  canal  carotidien  et  le  sinus  caverneux,  où 
il  forme  un  plexus  et  souvent  un  ganglion  sur  l’artère 
carotide;  il  envoie  de  là  des  filets  anastomotiques  au 
nerf  de  la  sixième  paire,  et  communique  avec  le  filet 
inférieur  du  vidien  ; il  envoie  des  plexus  secondaires 
sur  les  branches  de  l’artère  carotide  interne,  et  peut 

1 Walter,  Tabulœ  nervorum  thoracis  et  abdominis  ; Berol. 
1783.  — H.  A.  Wrisberg , de  Nervis  arterias  venasque  comi- 
tcuitibus. — De  Nervis  pha/yngeis. — De  Ganglio  plexuque  se- 
milunari. — De  Nervis  viscerurn  abdominalium,  etc.,  in  Com- 
ment. ; Gotting.  — Chaussier , Table  synoptique  du  nerf  tris— 
planchnique.  — Lobstein  , De  Nervi  sympathetici  humanifa- 
brica } usu  et  morbis  ; Paris  1823.  4°,  cum  tabulis. 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  687 

être  poursuivi  jusqu’à  un  petit  ganglion  impair  placé 
sur  l’artère  communiquante  antérieure  du  cerveau. 

Il  consiste  ensuite  en  trois  ganglions  cervicaux, 
douze  thoraciques,  cinq  lombaires  et  quatre  sacrés,  et 
en  leurs  cordons  de  communication  placés  de  chaque 
coté  de  la  face  antérieure  de  la  colonne  vertébrale. 

Dans  toute  la  longueur  dunerf,  chaque  ganglion  pré- 
sente des  filets  anastomotiques  externes,  ou  des  racines 
et  des  filets  internes  ou  des  rameaux. 

Sous  ce  rapport,  on  peut  comparer  le  nerf  sympa- 
thique à une  tige  souterraine  ou  à un  rhizome  articulé, 
qui,  à chaque  nœud,  présente  d’un  côté  des  racines, 
et  de  l’autre  des  rameaux,  lesquels,  les  uns  comme  les 
autres,  s’en  écartent  à angle  droit  ou  au  moins  très- 
grand. 

Les  rameaux  du  grand  sympathique  se  rendent  aux 
organes  situés  à la  face,  au  col,  dans  la  poitrine,  dans 
l’abdomen  proprement  dit,  et  dans  le  bassin. 

L’extrémité  pelvienne  du  nerf  sympathique  consiste 
en  un  petit  ganglion  ou  en  une  anse,  dans  lesquels  les 
deux  nerfs  se  réunissent,  et  qui  fournissent  quelques 
filamens  déliés  aux  environs  de  l’anus. 

Les  rameaux  internes  des  nerfs  sympathiques  se  por- 
tent, les  uns  directement  sur  des  artères  et  leur  for- 
ment des  plexus,  les  autres,  en  bien  plus  grand  nombre, 
gagnent  la  ligne  médiane,  et  forment  là  , en  se  réunis- 
sent à ceux  du  côté  opposé,  des  ganglions  ou  des  plexus 
médians  (le  cardiaque  et  le  cœliaque),  qui  communi- 
quent avec  des  rameaux  du  nerf  pneumo  - gastrique  , 
qui  fournissent  des  plexus  et  des  ganglions  secondaires, 
et  se  terminent  au  cœur,  à l’aorte,  au  canal  digestif  , 


688 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


aux  organes  urinaires  et  génitaux,  mais  surtout  aux  ar- 
tères de  ces  organes. 

§ 808.  Des  interruptions  rares,  et  peut-être  mal  ob- 
servées, dans  le  tronc  du  nerf  sympathique,  ont  porté 
quelques  anatomistes  à regarder  l’existence  de  ce  tronc 
comme  une  circonstance  de  peu  d’importance.  Il  y a 
de  l’exagération  dans  cette  opinion.  Cependant  ses  ra- 
cines sont  bien  sûrement  dans  les  nerfs  spinaux,  et  non 
dans  le  nerf  vidien  et  dans  la  sixième  paire. 

Les  rameaux  du  nerf  sympathique  ne  diffèrent  pas 
seulement  de  ceux  des  autres  nerfs,  mais  ils  diffèrent 
encore  beaucoup  les  uns  des  autres  : chaque  ganglion 
et  surtout  chaque  plexus  de  rameaux  ont  leur  carac- 
tère propre  ou  spécial. 

Le  nerf  sympathique  a été  considéré,  par  Sœm- 
mering  surtout,  comme  le  nerf  des  artères  : à la  vé- 
rité les  artères  en  reçoivent  beaucoup  de  rameaux; 
mais  le  tissu  musculaire  du  cœur  , celui  du  canal 
digestif,  la  membrane  muqueuse  de  ce  canal  et  des 
voies  urinaires  et  génitales,  les  ligamens,  les  os  même 
de  la  colonne  vertébrale , en  reçoivent  des  filets.  Il 
est  remarquable  que  les  veines,  les  vaisseaux  et  les 
glandes  lymphatiques  en  soient  dépourvus,  ainsi  que 
les  membranes  séreuses.  On  en  trouve  au  contraire 
dans  les  muscles  longs  du  col,  dans  les  intercostaux, 
dans  le  diaphragme. 

§ 809.  Les  ganglions  spinaux  sont,  avec  leurs  nerfs, 
les  premières  parties  visibles  du  système  nerveux. 

Les  ganglions  et  le  tronc  nerveux  du  trisplanch- 
nique  sont  apparens  dans  le  fœtus  dès  le  troisième  mois. 
Ll  ganglions  cœliaques  et  les  nerfs  splanchniques  qui 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  689 

en  sont  comme  les  racines , se  développent  un  peu 
moins  promptement  que  les  ganglions  cervicaux  et  les 
nerfs  cardiaques.  Dans  la  vieillesse,  les  ganglions  et 
leurs  nerfs  sont  plus  pâles  et  plus  secs  que  dans  l’âge 
adulte. 

On  trouve  les  ganglions  et  les  cordons  des  nerfs 
sympathiques  dans  les  fœtus  privés  de  cerveau,  et  dans 
ceux  qui  sont  privés  de  cerveau  et  de  moelle. 

§ 8 1 o.  Les  animaux 1 vertébrés  sont  les  seuls  qui  aient 
un.  système  nerveux  particulier  pour  les  organes  des 
fonctions  végétatives. 

Dans  les  poissons,  le  nerf  sympathique  consiste  en 
un  filet  très-fin,  avec  peu  ou  point  de  ganglions. 

Dans  les  reptiles,  il  est  plus  distinct  : ilréunit  entre 
eux  les  nerfs  inter-vertébraux , et  pénètre  dans  le 
crâne,  uni  au  nerf  vague. 

Dans  les  oiseaux,  il  pénètre  dans  le  crâne  avec  le 
nerf  vague  et  le  glosso- pharyngien  ; il  communique 
avec  la  cinquième  et  la  sixième  paire  ; il  présente  au 
col  une  interruption  apparente , tenant  à ce  qu’il  est 
là  contenu  dans  le  canal  vertébral  : il  est  très-distinct 
et  ganglionnaire  dans  la  poitrine,  et  se  prolonge  jus- 
qu’aux vertèbres  caudales. 

Dans  les  mammifères,  le  nerf  sympathique  ne  dif- 
fère pas  beaucoup  de  celui  de  l’homme. 

§ 8 1 1 . MM.  Meckel  et  W éber  ont  fait  remarquer  que 
le  nerf  sympathique  est  d’autant  plus  petit,  relativement 
au  corps,  que  l’animal  est  plus  éloigné  de  l’homme. 
Une  seconde  observation  générale , est  que  le  nerf 

1 Weber,  Anatomia  compar.  nervi  sympath.  ; Lips. , 1817. 

44 


1 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


69° 

sympathique  et  le  nerf  vague  sont  en  rapport  inverse 
de  développement;  de  sorte  qu’ils sesuppléent mutuel- 
lement dans  la  vie  végétative , à laquelle  ils  appartien- 
nent l’un  et  l’autre.  Il  faut  aussi  remarquer  que  le 
nerf  sympathique  est  développé  dans  tous  les  animaux 
en  proportion  de  leur  appareil  circulatoire,  auquel  il 
appartient  en  grande  partie. 

§ 812.  Le  système  nerveux  ganglionnaire,  qui  existe 
dans  tous  les  animaux,  qui,  dans  les  vertébrés,  forme 
encore  un  système  à part  en  connexion  avec  le  centre 
nerveux  dont  il  précède  le  développement;  qui  con- 
serve d’une  part  l’état  de  dissémination  que  présente  le 
système  nerveux  des  invertébrés  , et  qui  forme  aussi 
quelques  centres  principaux,  comme  le  plexus  car- 
diaque, et  surtout  les  ganglions,  et  le  plexus  cœliaque 
ou  solaire,  qu’on  a appelé  cerveau  abdominal  ou 
épigastrique,  doit  avoir  une  grande  importance  dans 
l’organisme.  Mais,  avant  d’exposer  les  fonctions  du 
nerf  sympathique , il  faut  examiner  celles  des  gan- 
glions. 

§ 81 3.  Willis  a eu  sur  les  ganglions  et  sur  le  nerf 
sympathique  une  idée  assez  conforme  à celle  que 
l’on  en  a aujourd’hui  : il  considérai!  les  ganglions 
comme  des  diverticules  des  esprits,  et  le  nerf  sym- 
pathique comme  placé  entre  les  conceptions  cérébrales 
et  les  affections  précordiales,  entre  les  actions  et  les 
passions,  de  manière  à établir  un  consensus  entre  les 
parties. 

Yieussens  considère  aussi  le  nerf  intercostal  comme 
un  intermédiaire  sympathique  entre  le  cerveau  et  les 
viscères  des  deux  autres  cavités;  il  place  dans  les  gan- 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  69 1 

glions  , qu  il  appelle  plexus,  un  centre  d’action  mus- 
culaire et  fermentatif.  Lancisi  regardait  aussi  les  gan- 
glions comme  des  centres  d’impulsion  qu’il  comparait 
au  cœur. 

Winslow,  qui  ale  premier  employé  le  nom  de  nerf 
sympathique,  regardait  les  ganglions  comme  des  cen- 
tres d’origine,  de  véritables  petits  cerveaux. 

Meckel  attribua  pour  usage  aux  ganglions , i°  de 
diviser  les  rameaux  nerveux  en  ramuscules,  et  ceux-ci 
en  filamens  ; i°  de  faire  parvenir  des  rameaux  par  di- 
verses directions  à des  lieux  éloignés;  3°  de  réunir 
plusieurs  rameaux  en  un  seul  cordon. 

Zinn  soutint  la  même  opinion  , en  ajoutant  que  les 
rameaux  réunis  de  différens  points  dans  un  ganglion  , • 
sont  plus  intimement  mêlés  que  dans  les  plexus. 

Johnstone  regarda  les  ganglions  comme  des  cer- 

O DD 

veaux  capables  de  développer  et  de  communiquer 
la  force  nerveuse,  comme  l’origine  des  nerfs  invo- 
lontaires, et  comme  propres  à rompre  l’influence  de 
la  volonté  sur  les  organes  à mouvemens  involontaires, 
tels  que  le  cœur. 

Haase,  qui  a rapproché  les  ganglions  des  plexus,  a 
combattu  l’opinion  de  Johnstone  par  ces  deux  argu- 
mens:  que  des  muscles  volontaires  reçoivent  des  nerfs 
des  glanglions  spinaux , et  que  des  organes  involon- 
taires , comme  l’estomac,  en  reçoivent  du  nerf  vague. 

Scarpa  adopte  une  opinion  semblable  à celle  de 
Meckel  et  de  Zinn  : suivant  lui,  les  ganglions  ont 
pour  usage  de  séparer,  de  mêler  et  de  réunir  de  nou- 
veau les  filets  nerveux;  suivant  lui,  les  nerfs  des  vis- 
cères émaneraient  directement  des  nerfs  spinaux  et  des 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


f*)?. 

cinquième  et  sixième  paires,  et  seraient  seulement 
rassemblés  dans  les  ganglions. 

O O 

Toutes  ces  opinions,  comme  on  le  voit,  peuvent 
être  rapportées  à deux.  Les  uns,  comme  Meckel,  Zinn, 
Haase,  Scarpa  , et,  plus  récemment,  Legallois,  n’ont 
vu  dans  les  ganglions  qu’un  arrangement  particulier, 
une  disposition  anatomique  des  filets  nerveux  : les 
autres,  comme  Winslow , Johnstone,  Lecat,  Petit, 
Metzger  , etc. , ont  regardé  les  ganglions  comme  des 
points  d’origine,  et  surtout  comme  descentres  d’action 
nerveuse.  Personne  n’a  défendu  cette  dernière  idée 
avec  plus  de  chaleur  et  de  talent  que  Bichat.  Reil, 
M.  Autenrieth , M.  Wutzer,  M.  Broussais,  et  beaucoup 
d’autres,  ont  ajouté  de  nouveaux  argumens  à ceux  de 
notre  célèbre  compatriote,  dont  ils  ont  à peu  près  em- 
brassé l’opinion. 

§ 8 1 4 • Bichat  regarde  le  système  nerveux  organi- 
que comme  résultant  essentiellement  de  centres  nom- 
breux ou  de  ganglions  réunis  entre  eux  par  des  filets,  et 
le  tronc  nerveux  sympathique  lui -même  comme  une 
série  de  ganglions  et  de  filets  anastomotiques.  Bichat  a 
peut-être  accordé  aux  ganglions  une  importance  exa- 
gérée ; mais  certainement  il  n’a  pas  accordé  à leur 
ensemble,  à leur  réunion,  toute  l’importance  quelle 
mérite. 

Suivant  Reil , le  nerf  sympathique  constitue  un  sys- 
tème propre,  qu’il  appelle  système  ganglionnaire;  il 
l’appelle  aussi  système  nerveux  végétatif.  Dans  les  ani- 
maux vertébrés , il  est  uni  au  svstème  cérébral  ou 
animal,  mais  il  n’en  émane  pas.  Ce  système,  «au  lieu 
d’avoir  un  centre  unique  où  les  racines  soient  im- 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  6^3 

plantées,  a plusieurs  loyers  d’action  : i°  il  consiste  en 
des  plexus  ou  réseaux  placés  autour  des  artères;  ori 
en  compte  environ  douze  : parmi  eux,  un  principal , 
l’épigastrique,  muni  de  ganglions,  et  formant  des  plexus 
secondaires,  est  une  sorte  de  centre  ou  de  cerveau. 
a°  Ces  plexus  sont  liés  au  système  cérébro-spinal  par 
des  rameaux  et  des  plexus  conducteurs  : les  deux 
troncs  réunis  en  bas,  devant  le  coccix,eten  haut  par 
les  cinquième  et  sixième  paires  et  par  le  cerveau , 
constituent  une  périphérie  elliptique  qui  embrasse 
tout  le  système  des  ganglions  et  des  plexus,  et  dans 
laquelle  pénètrent  plusieurs  nerfs  cérébraux,  notam- 
ment la  huitième  paire.  3°  Les  rameaux  ou  plexus 
conducteurs  transmettraient  des  sensations  et  des  vo- 
ûtions, s’ils  étaient  des  conducteurs  parfaits;  mais  on 
peut  les  considérer  comme  des  semi-conducteurs,  et 
les  ganglions  comme  des  corps  isolans. 

Il  résulte  de  là  deux  systèmes  nerveux  et  deux 
sphères  d’activité  nerveuse:  i°  la  sphère  animale,  où 
les  impressions  sont  senties,  où  les  voûtions  déter- 
minent les  mouvemens  ; 2°  la  sphère  végétative,  où 
l’activité  nerveuse  est  départie  lentement , continuelle- 

4 

ment,  obscurément.  Dans  ce  système  les  impressions, 
sans  être  propagées  au  centre  animal,  déterminent 
des  mouvemens.  Dans  l’état  malade , cependant , les  cor- 
dons et  les  plexus  communiqyans  deviennent  conduc- 
teurs, les  ganglions  cessent  d’être  isolans,  les  impres- 
sions sont  senties,  et  les  mouvemens  sont  influencés 
par  le  centre  animal. 

Suivant  Reil  encore,  dans  le  sommeil  magnétique, 
la  séparation  des  deux  systèmes  nerveux  disparaîtrait. 


6p4  ANATOMIE  GÉNÉRALE. 

et  le  centre  nerveux  épigastrique,  centre  delà  sphère 
végétative,  deviendrait  un  sens  distinct. 

M.  Autenrieth  considère  le  nerf  sympathique 
comme  naissant  du  cerveau  et  de  la  moelle,  mais  en 
devenant  de  plus  en  plus  indépendant  à mesure  qu’il 
en  est  séparé  par  des  plexus  et  des  ganglions,  la 
substance  rougeâtre,  grisâtre,  des  nerfs  sympathiques, 
conduisant  plus  difficilement  que  la  blanche  les  im- 
pressions et  les  irritations. 

M.  Wéber  a rassemblé  beaucoup  d’argumens  ana- 
tomiques et  physiologiques,  pour  démontrer  que  le 
nerf  sympathique  constitue  un  système  particulier, 
qui,  indépendant  du  cerveau,  a son  centre  en  lui- 

même. 

« 

M.  Wutzer  a observé,  comme  Bichat  et  d’autres 
encore,  que  l’irritation  mécanique  du  nerf  sympa- 
thique ne  produit  aucun  effet  appréciable  ; tandis 
qu’un  irritant  plus  fort,  comme  l’agent  galvanique, 

détermine  des  douleurs  et  des  convulsions. 

• ••  * - "•  % • * ».  • * • ■ 

M.  Broussais  considère  aussi  le  nerf  inter-costal 
comme  un  système  propre,  un  centre  sensitif  parti- 
culier, qui  transmet  des  impressions  au  sensorium 
animal,  et,  par  suite,  des  déterminations  sur  les  muscles 
volontaires.  Dans  le  fœtus,  il  agit  seul,  il  dirige  les 
organes  sécréteurs  et  nutritifs,  il  excite  l’énergie  du 
cœur,  il  étend  son  action  jusque  sur  le  centre  animal, 
et  détermine  les  mouvemens  automatiques.  Dans  les 
fœtus  anencépliales  et  amyèles,  il  excite  les  mouve- 
mens musculaires  par  son  action  sur  les  nerls  spinaux. 
Après  la  naissance,  il  agit  sur  le  centre  nerveux,  en  y 
transmettant  les  sensations  internes,  et  établit  ainsi, 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  6y 5 

entre  le  cerveau  et  les  viscères  des  deux  autres  ca- 
vités, une  liaison  féconde  en  phénomènes.  Dans  tous 
les  temps,  il  régit  l’action  des  vaisseaux  capillaires,  et 
dirige  la  nutrition  par  l’intermède  de  la  force  forma- 
tive ou  plastique , que  cet  ingénieux  écrivain  appelle 
chimie  vivante. 

§ 8i5.  Presque  toutes  ces  opinions,  qui  consistent 
à considérer  le  système  des  ganglions  comme  un  sys- 
tème indépendant,  pèchent  en  ce  quelles  sont  trop 
absolues,  tout  comme  celles  qui  ne  considèrent  dans 
les  ganglions  qu’un  pur  arrangement  anatomique.  Le 
système  des  ganglions  doit  être  considéré  tout  à la 
fois  comme  un  système  séparé  ou  réuni,  indépendant 
ou  dépendant,  suivant  diverses  circonstances  déjà  in- 
diquées pour  la  plupart. 

Les  fonctions  des  ganglions  paraissent  être  de  dimi- 
nuer ou  d'arrêter  l’influence  du  centre  nerveux  sur  les 
nerfs  ganglionnaires , de  diminuer  ou  d’ empêcher  la 
transmission  des  impressions  au  centre;  de  sorte  que, 
par  l’action  des  ganglions,  le  système  nerveux  végéta- 
tif est  séparé  du  système  animal. 

Les  ganglions  paraissent  en  outre  destinés  a rassem- 
bler , à coercer  la  force  nerveuse  qu’ils  puisent  dans  la 
moelle,  à en  développer  par  eux  mêmes,  pour  la  com- 
muniquer convenablement  aux  nerfs  et  aux  organes 
où  ils  se  terminent. 

Les  ganglions  exercent  des  fonctions  différentes , 
suivant  la  diversité  de  leur  texture. 

Ces  différences  consistent  dans,  i°  le  mélange  plus  ou 
moins  intime  des  filets  médullaires  ; i°  la  diversité  de 
la  substance  secondaire;  3°  les  différences  dans  la 
membrane  extérieure , plus  ou  moins  dense , plus  ou 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


6;)6 

moins  tendue  : or,  c’est  dans  les  ganglions  du  nerf  sym- 
pathique que  l’on  observe  l’intrication  et  la  fusion  la 
plus  grande  des  filets  médullaires , la  ténacité  et  l’union 
la  plus  intime  de  la  substance  secondaire , et  une  mem- 
brane ou  capsule  assez  ferme , et  très-adhérente  à la  subs- 
tance intérieure.  Dans  les  ganglions  spinaux  , au  con- 
traire , les  filets  médullaires  sont  droits,  point  mêlés,  etla 
substance  secondaire  est  grossière,  lâche  ettrès-distincte 
des  filets  : aussi  ces  ganglions  sont -ils  regardés  comme 
moins  parfaits  que  les  autres;  aussi  Pfeffinger  pensait- 
il  qu’on  devait  les  exclure  de  ce  genre  d’organes.  La 
fonction  de  ces  derniers  ganglions  reste  d’ailleurs  très- 
douteuse.  Il  ne  paraît  pas,  en  effet,  qu'ils  diminuent  la 
communication  nerveuse  ; il  ne  peuvent  pas  être  con- 
sidérés non  plus  comme  les  origines  des  nerfs  moteurs 
et  sensitifs  communs , car  la  racine  antérieure  des  nerfs 
spinaux  leur  est  étrangère. 

§ 816.  Les  usages  des  cordons  nerveux  ganglionnaires 
sont  de  conduire  l’influence  nerveuse  ; mais  ils  sont 
des  conducteurs  un  peu  différens  des  autres  nerfs,  dont 
ils  diffèrent  en  se  rapprochant  beaucoup  des  ganglions  : 
ils  sont  des  conducteurs  imparfaits.  Les  irritations  mé- 
caniques ou  chimiques  ne  les  traversent  pas  ; mais  l’ir- 
ritation galvanique  est  conduite  par  eux,  et  détermine, 
soit  des  sensations , soit  des  contractions.  Il  en  est  de 
même  des  irritations  morbides , comme  les  irritations 
intestinales,  urétériques,  etc.  , qui  sont  ressenties. 

Les  fonctions  du  nerf  sympathique  sont  de  diriger  la 
nutrition  , les  sécrétions , de  distribuer  l’agent  nerveux 
au  cœur,  au  canal  digestif  et  aux  organes  urinaires  et 
génitaux  ; d’établir  une  liaison  sympathique  entre  tous 
les  principaux  organes.  Il  remplit  ces  diverses  fonctions 


DES  GANGLIONS  ET  DU  NERF  SYMPATHIQUE.  697 

sans  l’influence  de  la  volonté  et  sans  conscience  des 
impressions,  les  ganglions  faisant  tout  à la  fois  l’office 
de  ligatures  qui  modèrent  la  transmission  de  l’influence 
nerveuse  , et  de  centres  particuliers  d’activité  , qui  en 
augmentent  et  en  modifient  la  distribution. 

Ce  nerf  forme  ainsi  un  système  particulier  dans  le 
système  général;  il  a une  sphère  d’action  propre  renfer- 
mée dans  la  sphère  générale.  L’un  et  l’autre  système 
nerveux  ont  des  connexions  intimes  ; ils  s’influen- 
cent réciproquement,  surtout  dans  l’état  de  maladie. 

§ 817.  M.  Lobstein  a recueilli  plusieurs  faits  très-cu- 
rieux relatifs  aux  altérations  morbides  des  ganglions  et 
des  nerfs  sympathiques  ; il  a observé  l’inflammation  des 
ganglions  semi-lunaires  ou  cœliaques,  dans  des  cas 
de  névropathies  abdominales  chroniques , de  coque- 
luche et  de  tétanos;  il  a observé  également  dans  divers 
cas  l’inflammation  des  nerfs  cardiaques  et  pulmonaires. 
M.  Autenrieth  a aussi  observé  dans  la  coqueluche 
l’inflammation  des  nerfs  vagues,  sympathiques  et  car- 
diaques. M.  Duncan  a vu  dans  un  cas  de  diabetès  la 
portion  abdominale  du  nerf  sympathique  triplée  ou 
quadruplée  en  volume.  Les  nerfs  sympathiques  sont, 
comme  les  autres,  augmentés  en  volume  dans  les  hy- 
pertrophies , diminués  au  contraire  dans  les  atrophies 
simples , ainsi  que  dans  celles  qui  résultent  d’une  pro- 
duction accidentelle  infiltrée  dans  le  tissu  d’un  organe. 

Beaucoup  de  maladies  abdominales  et  thoraciques 
semblent  en  outre  dépendre  d’une  action  irrégulière  du 
nerf  sympathique  ; et  d’autres , très-nombreuses  aussi  , 
de  l’action  anormale  de  ce  nerf  sur  le  centre  nerveux 
cérébral. 


6gS 


ANATOMIE  GENERALE. 


CHAPITRE  XI. 


DES  PRODUCTIONS  ACCIDENTELLES. 

§ 8 1 8.  Les  productions  qui  se  rencontrent  accidentel- 
lement dans  l’organisation  humaine  sont  des  humeurs , 
des  concrétions , des  tissus  et  des  animaux  vivans. 

Cesobjetsne  font poinc partie  de  l’organisation  saine 
ou  régulière  : ils  n’appartiennent  qu’à  l’anatomie  mor- 
bide. Leur  description,  ou  au  moins  leur  indication 
sommaire,  placée  ici,  a pour  objet  de  compléter  ce 
qui  a été  dit,  à l’occasion  de  chaque  tissu  en  particu- 
lier, sur  les  altérations  et  les  productions  qui  lui  sont 
propres.  Les  productions  dont  il  est  question  dans  ce 
chapitre  sont  communes  à plusieurs  parties  ou  à la  to- 
talité de  l’organisation. 

La  connaissance  des  altérations  et  des  productions 
accidentelles  est  très-importante  pour  l’anatomiste  mé- 
decin; car,  d’une  part,  cette  connaissance  est  la  base  de 
la  pathologie  ; et,  d’un  autre  côté,  1 anatomie  étant  ra- 
rement étudiée  sur  des  sujets  sains,  mais  le  plus  sou- 
vent sur  des  corps  d’individus  malades,  1 anatomiste 
rencontre  à tout  instant,  dans  ses  recherches,  des 
altérations  de  l’organisation  et  des  productions  acci- 
dentelles. 


DES  PRODUCTIONS  ACCIDENTELLES. 


699 


PREMIERE  SECTION. 

DES  HUMEURS  ACCIDENTELLES. 

s.wÊki. 

\ 

§ 819.  Les  humeurs  naturelles  peuvent  être  altérées 
dans  leur  quantité  ou  dans  leur  qualité  ; quelques- 
unes  de  ces  altérations  ont  été  indiquées.  On  trouve 
en  outre  quelquefois  des  humeurs  tout-à-fait  diffé- 
rentes des  premières.  Parmi  ces  dernières , le  pus  est 
la  seule  assez  bien  connue  pour  être  décrite. 

§ 820.  hepus 1 est  une  humeur  accidentelle  résultant 
d’une  sécrétion  morbide , qu’on  nomme  suppuration. 
Le  pus  est  composé  de  globules  microscopiques  sembla- 
bles à ceux  du  sang,  découverts  parM.  Home,  nageant 
dans  un  fluide  coagulable  par  la  solution  de  muriate 
d’ammoniaque. 

Il  est  d’une  couleur  blanche  ou  jaunâtre  , opaque  , 
d’une  consistance  de  crème.  Sa  consistance  et  sa  cou- 

1 C.  Darwin,  Experim.  establisfiing  criterio n betwen  mu- 
cagin.  and puruL  rnatter ; Lightfield  , 1780. — Brugmans  * 
Disserlatio  de  pyogeniâ  ; Groningœ , 1785.  — E.  Home  ? 
on  the  Properties  of  pus  ; London,  1789.  — Grasmeyer, 
A bhand/ung  von  dem  eiter , etc.  ; Gotting  , 1790.  — Schwil- 
gué , Mémoire  inédit  sur  le  pus , analysé  dans  la  Nosogr. 
philos. , vol.  II.  — G.  Pearson  , on  Expectorated  matter ; in 
Phil.  Trans. , 1809.  — Idem  , Obs.  and  exper.  on  pus  ; ibid. , 
1810. — Puzetti,  De phthisi pulrnonali  Speci/n.  ehim.med.  ; in 
Mém.  de  Turin,  vol.  II  et  III.  — Rossi  et  Michelotti , Analyse 
première  du  pus , ibid. , vol.  III.  — E.  Home  , On  the  Con- 
version of pus  into  granulations  or  new  Jlesh  j in  Phil.  Trans., 
18i9-  * 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


7OO 

leur  dépendent  de  la  proportion  des  globules  sur  la 
partie  fluide.  Il  est  plus  pesant  que  l’eau.  Il  a une  sa- 
veur légèrement  salée,  constante,  et  une  faible  odeur 
particulière  , un  peu  variable. 

Le  pus  plonge  dans  l’eau,  tandis  que  le  mucus  y 
flotte.  Par  ^agitation  , le  pus  se  délaye  , se  mêle  à 
l’eau , et  la  blanchit  uniformément  ; le  mucus , au  con- 
traire, reste  en  flocons  distincts.  Le  pus  se  coagule  par 
la  chaleur,  par  les  acides  et  par  l’alcohol;  les  alcalis  le 
rendent  visqueux , filant,  et  le  dissolvent.  11  est  com- 
posé , suivant  Schwilgué , d albumine  à un  état  parti- 
culier, de  matière  extractive,  d’une  matière  grasse,  de 
soude,  de  muriate  de  soude,  de  phosphate  de  chaux, 
et  autres  sels.  Il  resemhle  beaucoup  au  sérum  du  sang, 
dont  il  ne  paraît  différer  que  par  l’état  de  l’albumine  et 
de  la  matière  extractive.  Le  mucus  se  délaye  dans  l’eau, 
se  dissout  par  l’addition  de  l’acide  sulfurique , et  non 
le  pus.  Une  solution  d’alcali  caustique  dissout  à la  fois 
le  pus  et  le  mucus,  et  par  l’addition  de  leau,  le  pus 
se  précipite  seul.  Ces  caractères  chimiques,  et  d autres 
encore  du  même  genre,  ne  sont  point  aussi  certains  que 
l’action  de  l’eau  seule,  et  surtout  que  1 inspection  mi- 
croscopique. 

Le  pus  ne  présente  pas  toujours  exactement  les 
mêmes  qualités  physiques  et  les  mêmes  propriétés  chi- 
miques. On  peut  le  distinguer  en  pus  crémeux,  homo- 
gène,  vulgairement  pus  louable  ; en  pus  sereux,  sameux, 
ou  sérosité  purulente  ; en  pus  glaireux  ou  mucus  puri- 
forme  ; en  pus  cailleboté  ou  grumeleux;  et  en  pus  con- 
cret ou  couenneux.  E11  outre,  le  pus  peut  être  mêlé  de 
sang,  de  sérosité,  de  matières  gxcrémentitielles,  de  ma- 


DU  PUS. 


701 

tière  putride,  de  tissus  accidentels , de  calculs,  de  ma- 
tière virulente,  etc. 

Dans  tous  les  cas,  il  est  composé,  suivant  M.  Pear- 
son,  d’un  oxyde  animal  blanc,  opaque,  peu  soluble, 
d’un  liquide  limpide,  analogue  au  sérum  du  sang,  qui 
tient  en  suspension,  mais  non  dissout  l’oxyde  animal; 
et  d’une  innombrable  quantité  de  globules  microsco- 
piques. Les  différences  qu’il  présente  dépendent  des 
proportions  différentes  dans  lesquelles  se  trouvent  ces 
matériaux  essentiels  , ainsi  que  les  substances  qui  peu- 
vent s’y  trouver  accidentellement. 

§ 821.  Le  pus  peut  se  former  dans  la  plupart  des  or- 
ganes. 

Le  tissu  où  la  suppuration  est  le  plus  fréquente  et 
semble,  le  plus  facile , est  la  membrane  muqueuse. 
Quelques  heures  après  l’application  d’une  cause  irri- 
tante , on  voit  les  propriétés  physiques  et  chimiques 
du  mucus  se  changer  insensiblement  en  celles  du 
pus.  Quand  l’irritation  diminue  et  cesse,  on  voit  à 
l’inverse  les  propriétés  du  pus  se  changer  insensible- 
ment en  celle  du  mucus.  La  suppuration  de  la  mem- 
brane muqueuse  s’accompagne  d’un  léger  degré  de 
rougeur  et  de  gonflement  , et  très-rarement  d’ulcé- 
ration. 

La  peau  suppure  aisément  dès  qu’elle  est  irritée 
et  que  l’épiderme  est  enlevé.  Cela  peut  continuer  indé- 
finiment, si  l’irritation  est  continuée,  ou  fréquem- 
ment renouvelée  ; la  peau  prend  alors  l’aspect  d’une 
membrane  muqueuse  enflammée. 

Le  tissu  cellulaire  étant  mis  à découvert  par  l’abla- 
tion de  la  peau  , l’hémorrhagie  s’arrête;  il  s’écoule  en- 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


70 2 

suite  de  la  sérosité,  qui  peu  à peu  prend  le  caractère 
de  pus.  En  même  temps  la  surface  vulnérée  se  couvre 
d’une  couche  de  matière  organisable,  qui  devient  vas- 
culaire et  se  couvre  de  granulations. 

Le  tissu  cellulaire  étant  irrité  par  ùû  corps  étranger 
ou  par  une  cause  inconnue  ( spina  helmontii  ) s’en- 
flamme ; il  se  forme  du  pus  dans  le  centre  du  phleg- 
mon : ce  pus  est  reftfermé  dans  une  membrane  de 
nouvelle  formation , plus  ou  moins  distincte , plus 
ou  moins  vasculaire,  suivant  son  ancienneté;  le  tissu 
cellulaire  environnant  $ enflammé  et  très-vasculaire , a 
perdu  sa  perméabilité  par  la  déposition  intersticielle 
de  matière  organisable. 

Les  membranes  séreuses,  quand  elles  suppurent, 
présentent  des  changemens  analogues;  elles  devien- 
nent très-vasculaires  et  prennent  à la  longue  l’appa- 
rence des  membranes  muqueuses. 

§ 822;  Boerbaave  attribuait  l’origine  du  pus  à la 
fonte  des  organes  enflammés;  Pringle  et  Gaber  l’at- 
tribuaient à un  changement  dans  le  sérum  du  sang; 
ces  deux  opinions,  diversement  modifiées  et  combinées, 
ont  été  long-temps  et  généralement  adoptées. 

L’idée  que  le  pus  est  formé  dans  les  vaisseaux , et 
qu’il  en  sort  par  une  action  sécrétoire  de  ces  organes, 
a été  d’abord  indiquée  par  le  docteur  Sympson , puis 
par  Dehaen  ; et  ensuite  par  le  docteur  Morgan,  de  Phi- 
ladelphie. Hunter  et  Brugmans  ont  embrassé  et  déve- 
loppé cette  doctrine,  généralement  adoptée  aujourd’hui. 

La  suppuration  est  une  sécrétion  morbide.  Cette  sé- 
crétion est  toujours  précédée  et  déterminée  par  l’in- 
flammation ; mais  l'inflammation  est  plus  ou  moins 


DU  PUS. 


703 

évidente.  Dehaen  lui-même , qui  admet  expressément 
la  suppuration  sans  inflammation  préalable  , ne  veut 
évidemment  parler  que  de  l’inflammation  avec  ulcé- 
ration : en  effet,  l’on  sait  bien  aujourd’hui,  ce  qu’il 
annonçait  alors,  que  la  suppuration  peut  avoir  lieu  sur 
les  surfaces,  sans  ulcération;  il  note,  dans  les  cas 
de  suppuration  sans  inflammation  , des  productions 
couenneuses  et  des  adhérences  qui  dépendent,  comme 
on  sait,  de  l’inflammation. 

Dans  la  constitution  scrofuleuse,  la  suppuration  n’est 
souvent  précédée  que  d’une  inflammation  chronique 
et  latente,  mais  qui  n’en  existe  pas  moins,  quoiqu’elle 
soit  obscure. 

§ 823.  La  suppuration , quand  elle  existe  depuis 
longtemps  , et  lorsqu’elle  a lieu  par  une  large  sur- 
face , devient,  par  son  association  avec  les  fonctions, 
une  sécrétion  importante;  aussi  l’on  ne  doit  pas  établir 
ou  supprimer  légèrement  une  suppuration. 

Le  pus  est  quelquefois  le  véhicule  des  virus  intro- 
duits dans  l’organisme  ; on  le  considère  aussi , dans 
quelques  cas , comme  le  véhicule  de  causes  de  mala- 
dies éliminées  par  l’organisme. 

Suivant  M.  Ev.  Home,  le  pus  aurait  encore  pour 
usage  de  fournir,  par  sa  coagulation  à la  surface  des 
plaies  suppurantes,  les  matériaux  de  la  cicatrice  , c’est- 
à-dire  la  matière  organisable  de  ce  nouveau  tégument. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


7°4 

SECONDE  SECTION. 

DES  CONCRÉTIONS  PIERREUSES. 

§ 824.  Les  concrétions  ou  calculs1  sont  des  corps  so- 
lides , plus  ou  moins  durs,  qui  se  forment  dans  les  hu- 
meurs contenues  dans  les  cavités,  les  réservoirs  et  les 
conduits  tapissés  par  la  membrane  muqueuse.  Cette  for- 
mation est  toujours  accompagnée  d’un  changement  de 
composition  plus  ou  moins  évident  des  liquides  où  elle 
a lieu. 

§ 825.  Les  calculs  intestinaux  sont  rares  dans  l’es- 
pèce humaine.  Ces  calculs,  plus  ou  moins  volumineux 
et  nombreux,  sont  ronds  ou  ovoïdes,  jaunes  ou  bruns: 
leur  pesanteur  spécifique  est  de  1,4.  Ils  ont  pour  noyau 
un  calcul  biliaire , des  fèces  endurcies , ou  un  corps 
étranger.  Ils  sont  formés  de  couches , et  composés  de 
substance  terreuse,  surtout  de  phosphate  de  chaux  , 
et  d’un  peu  de  substance  animale. 

Les  follicules  muqueux  et  sébacés  contiennent  quel- 
quefois des  amas  endurcis  et  plus  ou  moins  concrets. 

On  cite  quelques  exemples  de  petits  calculs  de  phos- 
phate de  chaux  et  de  matière  animale,  dans  la  caron- 
cule lacrymale,  dans  les  tonsilles,  dans  la  prostate. 

On  a trouvé  quelquefois  aussi  des  concrétions  pier- 
reuses de  même  nature  dans  le  sac  et  le  canal  lacry- 
maux ; dans  les  glandes  salivaires  et  dans  leurs  con- 
duits; dans  le  pancréas. 

IWalter,  de  Concrementis  terrestribus;  BeroL,  1775. — Vicq- 
d’Azyr,  Académ.  roy.  de  médecine  , ann.  1779.  — Mosovius, 
Dissert,  de  calculorurn  animalium  eorumque , nnprimis  bdia- 
riorum , origine  et  ncitura  ; Berolini , 1812. 


DES  CONCRÉTIONS  PIERREUSES.  70'J 

§ 826.  Les  voies  biliaires1  sont  fréquemment  le  siège 
de  calculs,  cholelithi.  On  les  trouve  le  plus  souvent  dans 
lavésiculêbiliaire;  quelquefois  dans  les  canaux  cystique, 
hépatique  ou  cholédoque;  ou  dans  le  canal  intestinal , 
et  rarement  dans  les  racines  du  canal  hépatique  dans  le 
foie.  Le  nombre  et  le  volume  de  ces  calculs  varient 
extrêmement  : on  en  trouve  depuis  un  jusqu’à  plu- 
sieurs milliers  dans  la  même  vésicule,  depuis  le  volume 
d’un  œuf  de  poule  jusqu’à  celui  d’un  grain  de  millet  : 
leur  couleur  varie  du  blanc  au  jaune,  au  brun  et  au 
noir;  leur  surface  est  arrondie  ou  à facettes,  polie  ou 
rugueuse;  leur  consistance  varie  beaucoup.  Leur  pe- 
santeur spécifique  est  de  0,20  à o,35.  On  les  di- 
vise, d’après  Walter,  en  trois  genres  : striés  ou  rayonnés, 
striati,  lauîelleux,  lamellati , et  pourvus  d’une  écorce, 
corticati.  Dans  l’espèce  humaine,  ces  calculs  sont  for- 
més de  cholestérine,  de  matière  jaune  de  la  bile,  et 
quelquefois  d’un  peu  de  picromei. 

§ 827.  Les  calculs  urinaires  2,  urolithi,  se  trouvent dans 
lebassinetdu  rein,  dans  l’uretère,  dans  l’embouchure  de 
ce  canal , dans  la  vessie  , dans  l’urèthre,  dans  le  prépuce, 
dans  des  locules  de  la  vessie,  dans  les  conduits  pros- 
tatiques, et  dans  des  cavités  et  des  voies  urinaires 
accidentelles. 

Les  calculs  du  bassinet  et  des  calices  du  rein  se 


1 Sœmmering , de  Concrementis  biliariis , corp.  humani  ; 
Traject.  adMœn.,  1795.  — Thénard,  Merau  de  la  soc.  d’Ar- 
cueil , vol.  I. 

2 Fourcroy  et  Vauquelin , Mém.  de  l’Inst.  nat.  , tom.  IV. 
— Wollastori,  Philos,  trans. , ann.  1797. — ■ etc. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


moulent  dans  ces  cavités,  quand  ils  s’y  accroissent,  et 
deviennent  rameux  comme  le  corail. 

Les  calculs  vésicaux  sont  les  plus  communs  : tantôt, 
et  c’est  le  plus  ordinaire,  il  n’y  en  a qu’un  dans  la  ves- 
sie, tantôt  il  y en  a plusieurs;  on  en  a vu  jusqu’à 
plus  d’un  cent.  Leur  volume  et  leur  poids  varient  de- 
puis celui  d’un  grain  de  blé  jusqu’au  volume  de  la 
tête  d’un  fœtus  à terme,  et  jusqu’à  plus  de  six  livres  de 
poids.  Leur  forme  est  ronde  ou  obronde,  ou  ovoïde, 
ou  tétraèdre,  ou  cunéiforme,  ou  cubique,  etc. 

Leur  surface  est  unie,  ou  rugueuse,  ou  mamelon- 
née. Leur  couleur  et  leur  consistance  sont  très-varia- 
bles. Us  ont  toujours  un  noyau  formé,  soit  par  un 
gravier  descendu  du  bassinet,  soit  par  un  caillot  de  sang, 
ou  un  flocon  de  mucus,  soit  par  un  corps  étranger. 

Us  sont  quelquefois  homogènes,  assez  souvent  for- 
més de  couches  superposées , semblables  ou  différentes  ; 
d’autre  fois  mélés  ou  hétérogènes  , et  sans  couches. 

Les  calculs  vésicaux  sont  composés , i°  d’acide 
urique;  *2°  d’oxyde  cystique  ; 3°  de  phosphate  de 
chaux  ; 4°  d’urate  d’ammoniaque  ; 5°  de  phosphate 
ammoniaco-magnésien  ; 6°  d’oxalate  de  chaux;  y°  de 
silice  ; 8°  de  carbonate  de  chaux;  90  d’oxyde  xantique  ; 
io°  de  matière  fibrineuse;  n°  de  mucus;  et  120  de 
phosphate  de  fer , de  magnésie , de  carbonate  de  magné- 
sie, d’urate  de  soude.  Ces  substances  se  trouvent  dans 
les  calculs,  ou  isolées  ou  combinées  par  deux,  trois, 
quatre  ou  cinq.  Le  plus  commun  de  tous  est  le  calcul 
d’acide  urique;  puis  le  calcul  fusible,  composé  de 
phosphates  ammoniaco-magnésien  et  calcaire;  puis  le 
calcul  nmiral,  composé  d’oxalate  de  chaux  ; puis  le  cal- 


DES  TISSUS  ACCIDENTELS. 


7°7 

«cul  formé  de  couches  distinctes  d’acide  urique  et  d’oxa- 
Jate  de  chaux,  etc.  La  silice  et  l’oxyde  cystique  , et  plus 
encore  l’oxyde  xantique  et  la  fibrine , sont  les  sub- 
stances les  plus  rares  dans  les  calculs  urinaires. 

§ 828.  On  dit  avoir  trouvé  quelquefois  des  con- 
crétions ealculeuses  pisiformes  dans  les  vésicules  sper- 
matiques et  dans  les  conduits  éjaculateurs. 

On  trouve  quelquefois  aussi  des  petites  concrétions 
semblables  dans  les  trompes  utérines.  Quant  aux  con- 
crétions de  l’utérus , ce  sont  le  plus  souvent  des  corps 
fibreux  ossifiés.  Cependant,  on  a trouvé  dans  cet  or- 
gane des  concrétions  de  phosphate  calcaire,  ayant 
pour  noyau  un  corps  étranger. 

On  assure  avoir  trouvé  des  concrétions  ealculeuses 
élans  les  conduits  excréteurs  de  la  mamelle. 

TROISIÈME  SECTION. 

DES  TISSUS  ACCIDENTELS. 

ü 829.  Les  tissus  accidentels  1 sont  des  organes 
nouveaux  développés  dans  le  corps  vivant. 

Ces  tissus  peuvent  être  divisés  en  deux  sortes:  i°  les 
tissus  analogues  à ceux  de  l’organisation  saine  ; 

20  Les  tissus  hétérologues  ou  sans  analogues  dans 
l’organisation  régulière. 

Il  y a aussi  quelques  tissus  accidentels,  intermédiaires, 
pour  ainsi  dire,  entre  les  uns  et  les  autres,  et  ayant 

' Laennec  , Cours  oral  de  médecine,  au  Collège  de  France, 
année  1822-1823. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


708 

des  analogues , non  dans  l’organisation  humaine  , mais 
au  moins  dans  d’autres  animaux. 

§ 83o.Ces  diverses  sortes  de  tissus  sont  tantôt  isolés 
tantôt,  et  souvent,  réunis  ou  combinés  entre  eux.  Ils 
sont  même  souvent  réunis  avec  des  humeurs  acciden- 
telles , avec  des  animaux  vivans,  avec  des  humeurs  ou 
des  tissus  altérés,  etc* 

§ 83t.  Parmi  les  anatomistes  et  les  pathologistes, 
les  uns  (MM.  Dupuytren,  Cruveilher,  etc.  ),  regardent 
les  tissus  accidentels  comme  le  résultat  de  transfor- 

m 

mations  éprouvées  par  les  tissus  naturels  : ils  appel- 
lent les  tissus  accidentels  analogues,  des  transforma- 
tions proprement  dites,  et  les  tissus  hétérologues,  des 
dégénérations;  les  autres  (J.  Hunter,  MM.  Abernelhy, 
Laennec,  etc.  ) , les  regardent  comme  des  productions 
nouvelles  ou  épigénétiques.  C’est  une  question  très- 
difficile  à résoudre,;  cependant  la  dernière  opinion 
nous  paraît  la  plus  conforme  à l’observation. 

§ 832.  Les  transformations  véritables  sont  très-rares, 
et  n’ont  lieu  qu’entre  des  tissus  peu  différens  : ainsi 
les  cartilages  du  larynx  se  changent  en  os;  la  mem- 
brane muqueuse  renversée  à l’air  se  change  en  peau, 
comme  la  peau  attirée  à l’intérieur,  par  une  cicatrice, 
devient  muqueuse,  etc.  C’estainsi  que  l’on  voit,  dans  les 
arbres,  les  racinesse  changer  en  branches,  et  récipro- 
quement les  branches  en  racines.  Mais  la  plupart  des 
prétendues  transformations  11e  sont  autre  chose  que 
des  productions  : ainsi,  une  cicatrice  est  une  mem- 
brane toute  nouvelle,  et  non  le  résultat  de  la  transfor- 
mation des  tissus  dénudés;  ainsi  le  cancer  du  col  de 
1 utérus  est  le  résultat  d’une  matière  de  nouvelle  for- 


DES  TISSUS  ACCIDENTELS.  JOQ 

mation  infiltrée  dans  son  tissu  , et  qui  Ta  écarté,  com- 
primé , atrophié  , et  non  le  résultat  de  la  dégénération 
de  ce  tissu. 

ARTICLE  PREMIER. 

DES  TISSUS  ACCIDENTELS  ANALOGUES. 

5 833.  Ces  tissus  ressemblent  plus  ou  moins  parfai- 
tement aux  tissus  de  l’homme  sain. 

Ils  sont  altérables  comme  les  tissus  naturels,  et  même 
plus  qu’eux. 

Ces  tissus  sont  de  deux  sortes  : i°les  uns  sont  le 
résultat  de  l’adhésion  des  lèvres  d’une  solution  de  con- 
tinuité, ou  de  la  régénération  après  une  perte  de  sub- 
stance ; 2°  les  autres  sont  le  résultat  d’une  production 
tout-à-fait  accidentelle.  Les  uns  et  les  autres  ont  été 
décrits  à l’occasion  de  chaque  tissu  (Chap.  là  X ). 

§ 834-  Les  tissus  demi-analogues  sont,  i°  quelques- 
uns  des  tissus  ci-dessus,  qui  n’atteignent  pas  un  degré 
parfait  d’organisation  : telles  sont  surtout  les  cicatrices 
ou  productions  cutanées  accidentelles,  la  production  de 
tissu  blanc  compact  et  flasque,  les  productions  demi- 
cartilagineuses  , les  ossifications  terreuse  et  pierreuse  , 
les  productions  cornées  imparfaites,  etc.;  2°  ce  sont 
aussi  la  production  nacrée , analogue  à la  vessie  nata- 
toire des  poissons,  observée  dans  des  parois  de  kystes,; 
la  production  de  fongus  en  lames,  etc. 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


JIO 

F 

ARTICLE  IL 

DES  TISSUS  ACCIDENTELS  HETEROLOGUES-. 

§ 835.  Les  tissus  accidentels  hétérologues,  morbides , 
ou  sans  analogues  dans  l’organisation  saine , sont  assez 
nombreux.  Les  plus  communs  et  les  mieux  caractérisés 
sont,  le  tubercule,  le  squirre,  l’encépbaloïde  et  la 
mélanose;  quelques  autres  plus  rares  seront  indiqués 
après  ceux-là. 

§ 836.  Ces  tissus  commencent  probablement  par 
l’état  fluide;  mais  dès  le  moment  qu’on  peut  les  aper- 
cevoir ils  sont  solides.  Ils  persistent  plus  ou  moins 
long-temps  en  cet  état , qu’on  nomme  de  crudité  ou 
d’organisation  ; état  dans  lequel  on  peut  les  comparer 
à des  zoopbytes , dans  lequel  ils  présentent , pour  la 
plupart,  des  vaisseaux , et  dans  lequel  ils  sont  indolens 
et  ne  nuisent  que  mécaniquement.  Ils  se  ramollissent 
ensuite,  se  décomposent,  se  liquéfient.  Dans  cet  état, 
que  Bayle  comparaît  à une  mort  anticipée , ils  causent 
des  douleurs  plus  ou  moins  vives,  quelquefois  nulles; 
ils  irritent  et  enflamment  les  parties  voisines;  ils  exer- 
cent une  action  délétère  sur  tout  l’organisme,  et  par- 
ticulièrement sur  la  hutrition , même  sur  celle  des  os  ; 
ils  s’étendent  et  se  multiplient  alors  plus  ou  moins 
rapidement  dans  l’organisation. 

L’origine  et  la  cause  de  ces  tissus  sont  inconnues. 
On  les  a regardés  comme  innés  ou  héréditaires;  comme 
résultant  d’une  aberration  de  l’action  formatrice  ; 
comme  des  êtres  organisés  se  développant  et  mourant 
prématurément  au  milieu  de  l’organisation;  comme 


DES  TISSUS  ACCIDENTELS. 


y II 

îles  produits,  des  résultats  de  l'inflammation  et  de 
l’irritation,  etc.  Ce  sont  autant  d’hypothèses  plus  ou 
moins  ingénieuses  et  plus  ou  moins  fondées. 

Ces  tissus  existent  sous  forme  de  masses  isolées  , de 
masses  enveloppées,  d’infiltrations  dans  le  tissu  des 
organes , etc. 

Tantôt  ils  existent  seul  à seul  , tantôt  ils  sont 
combinés  entre  eux  et  avec  d’autres  productions  accii 
dentelles,  et  avec  des  tissus  et  des  humeurs  altérés. 

I.  Du  Tubercule . 

§ 83y.  Le  tubercule , ou  les  tubercules,  car  ils  exis- 
tent presque  toujours  en  grand  nombre,  constituent  le 
tissu  morbide  le  plus  commun.  On  les  appelle  aussi 
tubercules  scrofuleux,  parce  qu’ils  se  rencontrent  dans 
la  plupart  des  cas  de  scrofules. 

Ce  tissu  existe  sous  la  forme  de  masses  isolées  ou 
enveloppées,  et  sous  celle  d’infiltration. 

Il  commence  par  l’état  gélatiniforme;  mais  cet  état 
n’est  apercevable  que  quand  la  substance  tubercu- 
leuse est  infiltrée. 

Il  existe  ensuite  à l’état  grisâtre,  transparent,  comme 
demi-cartilagineux  : c’est  la  première  période  distincte 
des  tubercules  isolés;  ils  constituent  alors  les  granu- 
lations militaires  de  Bayle. 

Ces  grains,  en  grossissant,  se  réunissent  souvent  en 
masse;  ils  deviennent  opaques,  jaunâtres,  friables, 
en  commençant  par  le  centre.  Le  même  changement 
de  couleur  et  de  consistance  a lieu  dans  l’état  d’infil- 
tration : c’est  encore  là  l’état  de  crudité. 

Ils  se  ramollissent  ensuite,  et  se  liquéfient  : à cette 


ANATOMIE  GÉNÉRALE.'. 


J 11 

période , ou  même  dans  les  périodes  précédentes,  il  se 
produit  ordinairement  beaucoup  de  nouvelle  subs- 
tance tuberculeuse,  soit  en  masse,  soit  en  infiltration. 

La  matière  tuberculeuse , ramollie  plus  ou  moins 
complètement,  en  pus  homogène,  ou  en  pus  caille- 
botté,  est  évacuée  par  une  ouverture  de  la  peau  ou  de 
la  membrane  muqueuse;  elle  est  peut-être  aussi  quel- 
quefois résorbée.  Tantôt  le  foyer  reste  enflammé  , 
ulcéré  indéfiniment;  tantôt  il  se  resserre  et  s’oblitère; 
tantôt  la  membrane  de  nouvelle  formation  qui  le  ta- 
pisse  acquiert  une  texture  demi-muqueuse  ou  deini- 
cartilagineuse  , et  constitue  une  fistule  permanente 
sèche;  tantôt  enfin  on  ne  trouve  qu’une  matière  fria- 
ble, résidu  probablement  d’une  résorption,  le  tuber- 
cule n’ayant  pas  abeédé. 

On  ne  trouve  jamais  de  vaisseaux  dans  les  masses  tu- 
berculeuses : dans  le  cas  d’infiltration  tuberculeuse 
les  vaisseaux  comprimés , oblitérés  , disparaissent 
promptement.  Les  masses  qui  se  développent  lente- 
ment ont  une  enveloppe  molle  ou  glutineuse,  cellu- 
leuse, cartilagineuse,  et  même  quelquefois  osseuse. 

On  trouve  le  tissu  tuberculeux  dans  tous  les  organes, 
et  surtout  dans  les  poumons,  dans  le  tissu  cellulaire 
naturel  et  accidentel  , à la  surface  des  membranes 
séreuses  , mais  surtout  dans  leurs  fausses  membranes, 
à la  surface  libre  de  la  membrane  muqueuse,  et  sur- 
tout celle  de  1 intestin,  dans  les  ganglions  lymphati- 
ques, dans  les  glandes,  dans  la  rate,  dans  les  os  , dans 
le  tissu  musculaire,  dans  celui  du  cœur,  dans  1 encé- 
phale et  dans  la  moelle  épinière,  dans  les  tumeurs 
composées. 


DÉS  TISSUS  ACCIDENTELS.  7 l3'« 

On  a observé  ce  tissu  morbide  dans  tous  les  ani- 
maux vertébrés. 

II.  De  V Encéphaloïde, 

§ 838.  Le  tissu  encéphaloïde  ou  cérébriforme  est 
une  production  morbide  très -commune  : elle  a été 
confondue  sous  le  nom  de  cancer  avec  plusieurs  autres, 
et  notamment  avec  le  squirre.  Elle  a été  d’abord  ca- 
ractérisée par  Bayle  et  M.  Laennec.  C’est  le  cancer  mé- 
dullaire, l’inflammation  fongueuse,  le  fongus  héma- 
tode  de  quelques  écrivains  anglais. 

Ce  tissu  existe  sous  forme  de  masses  nues  ou  enve- 
loppées, et  sous  celle  d’infiltration. 

A l’état  de  crudité,  il  forme  des  masses  de  grosseur 
variée  : chaque  masse  est  lobée,  lobulée,et  les  lobules 
sont  ordinairement  contournés  comme  les  circonvo- 
lutions du  cerveau.  Ce  tissu  est  alors  ferme  comme  la 
couenne  du  lard,  demi-transparent,  incolore,  ou  blan- 
châtre, ou  grisâtre;  les  lobules  sont  réunis  entreeux  par 
un  tissu  cellulaire  imparfait , d’une  mollesse  extrême; 
ils  se  confondent  à mesure  que  la  masse  se  développe. 
Des  vaisseaux  nombreux,  très-fins,  à parois  très-faibles, 
sont  ramifiés  dans  ce  tissu  cellulaire  et  dans  la  sub- 
stance encéphaloïde  elle-même. 

Quand  le  développement  est  complet,  l’encéphaloïde 
est  d’une  couleur  blanche  rosée  ou  violacée  par  en- 
droits, soit  par  teinte,  soit  par  points.  Ce  tissu  mor- 
bide est  alors  très-analogue  au  tissu  cérébral,  mais 
moins  lié,  moins  tenace.  Il  présente  d’ailleurs  divers 
degrés  de  consistance  dans  la  même  masse;  degrés 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


7*4 


comparables  à ceux  des  diverses  parties  de  l’encéphale. 

Les  masses  encéphaloïdes  qui  ne  sont  pas  envelop- 
pées d’une  membrane  distincte  le  sont  d’une  couche 
de  tissu  cellulaire  mou;  les  autres  ont  une  enveloppe 
demi-cartilagineuse,  doublée,  à l’intétieur,  de  tissu  cel- 
lulaire mou  et  vasculaire  comme  les  premières.  Quel- 
quefois le  kyste  est  incomplet  dans  son  développement  ; 
dans  tous  les  cas,  il  paraît  postérieur  dans  sa  formation 
à la  substance  qu’il  renferme. 

L’infiltration  cérébriforme  est  très-commune,  sur- 
tout dans  le  tissu  du  col  de  l’utérus;  dans  cet  état,  la 
période  de  crudité  est  très-courte. 

Le  ramollissement  de  ce  tissu  donne  lieu  à une  ma- 
tière pultacée  ou  comme  de  la  bouillie  de  couleur  ro- 
sée. Quelquefois  alors,  les  vaisseaux  se  rompant,  il  se 
fait  des  infiltrations  sanguines  dans  le  tissu  cellulaire  , 
ou  des  épanchemens  semblables  à l’apoplexie  dans  la 
substance  amollie  : le  sang  se  concrète  alors,  et  est  en 
partie  résorbé  ; quelquefois  même  il  se  forme  une 
membrane  en  forme  de  kyste  autour  du  sang  ; quel- 
quefois ce  sont  des  infiltrations  séreuses  qui  ont  lieu 
dans  le  tissu  cellulaire  ambiant,  ou  des  épanchemens 
séreux  dans  la  substance  même,  qui  est  alors  liquide 
comme  celle  du  ramollissement  blanc  du  cerveau. 

Quelle  que  soit  la  ressemblance,  en  effet  très-grande, 
entre  le  tissu  morbide  dont  il  s’agit,  et  la  substance  du 
cerveau,  il  n’y  a pas  identité;  et  l’on  ne  peut  admettre 
l’opinion  de  M.  Maunoir,  qui  regarde  ce  tissu  comme 

le  produit  t)’un  épanchement  de  matière  nerveuse. 

* • 1 

Quand  le  ramollissement  est  extérieur  ou  en  con- 


tact avec  l’air  , la  surface  est  grise,  verdâtre,  fétide,  en- 


? 


DES  TISSUS  ACCIDENTELS.  7 I 5 

flammée  ; quelquefois  elle  se  détruit  en  tombant  en 
putrilage. 

Ce  tissu , moins  cependant  que  les  tubercules,  se  mul- 
tiplie dans  lorganisation , lors  de  son  ramollissement 
surtout.  Il  a plus  de  tendance  que  le  tubercule  à s’ac- 
croître ou  à s’étendre  de  proche  en  proche.  Il  ne  paraît 
pas  qu’il  soit  susceptible  d’être  éliminé  et  de  se  guérir 
spontanément. 

Il  peut  exister  dans  tous  les  organes  : on  l’observe 
fréquemment  dans  la  mamelle,  le  testicule , l’utérus, 
le  foie,  le  poumon,  l’encéphale,  l’estomac,  le  périoste, 
la  méninge,  les  os,  leur  membrane  médullaire,  les 
membranes  séreuses , la  membrane  muqueuse , les  mus- 
clés,  les  glandes  , les  ganglions  lymphatiques,  le  tissu 
cellulaire  commun. 

III.  Du  Squirre , 

§ 839.  Le  tissu  squirreux  ou  colloïde  est  moins 
commun  que  le  précédent;  il  est  souvent  confondu 
avec  lui  sous  le  nom  de  cancer. 

Il  existe  le  plus  souvent  sous  forme  de  masses  isolées. 

A l’état  de  crudité,  il  est  difficile  à distinguer  du 
tubercule  et  de  l’encéphaloïde.  Il  est  dur  ; mais  sa  con- 
sistance varie  depuis  celle  des  cartilages , ou  de  la 
couenne  de  lard,  jusqu’à  celle  des  ligamens  interverté- 
braux. Il  crie  sous  la  pointe  du  scalpel  quand  on  le 
gratte;  il  est  blanc,  gris-bleuâtre,  peu  coloré  ou  in- 
colore. Il  est  demi-transparent  ; il  forme  des  masses  de 
figures  irrégulières,  rarement  lobulées, ordinairement 
homogènes  ; il  est  quelquefois  partagé  à l’intérieur  par 


7*6  anatomie  générale. 

des  intersections  fibreuses  ou  cellulaires  : ce  tissu  in- 
térieur est  quelquefois  régulièrement  rayonné,  comme 
celui  d’un  navet,  quelquefois  alvéolaire,  quelquefois 
irrégulier.  On  y voit  rarement  des  vaisseaux  distincts. 

Le  squirre  se  ramollit  sous  consistance  de  gelée  de 
viande  figée , et  quelquefois  sous  l’apparence  de  sirop  , 
tantôt  incolore , tantôt  fauve , tantôt  verdâtre  , quel- 
quefois grisâtre,  sale  et  teint  de  sang.  Quelquefois  le 
ramollissement  est  gommeux  ou  pultacé,  quelquefois 
mielleux. 

Ce  tissu  morbide  présente  une  assez  grande  diversité 
d’apparences,  soit  à l’état  de  crudité,  soit  à l’état  de 
ramollissement.  Bayle  en  faisait  cinq  à six  espèces  de 
cancers.  Plusieurs  des  espèces.de  sarcome  de  M.  Aber- 
nethy  rentrent  également  dans  cette  sorte  de  tissu. 

Le  squirre  se  ramollit  quelquefois  partiellement,  et 
alors  il  présente  l’apparence  de  cicatrices  (Nicod). 
Dans  un  cas  de  ce  genre,  que  j’ai  vu  récemment,  il 
m’a  semblé  que  ce  qui  paraissait  des  cicatrices  était  la 
peau  restée  saine  par  petites  places  au  milieu  d’un  très- 
grand  nombre  d’ulcérations  superficielles  et  irrégu- 
lières. 

Le  squirre  a été  observé  dans  la  plupart  des  parties 
du  corps,  dans  presque  tous  les  organes,  dans  presque 
tous  les  tissus. 


IV.  De  la  M'élanose. 

§ &4o.  La  mélanose  1 , cancer  inélané  de  M.  Alibert, 

1 Breschet , Considérations  sur  une  altération  organique 
appelée  dégénérescence  noire > etc.;  Paris,  1821. 


DES  TISSUS  ACCIDENTELS.  JIJ 

« 

est  un  tissu  morbide  caractérisé  par  sa  couleur  noire, 
qui,  aperçu  d’abord  par  quelques  observateurs,  soit 
dans  l’homme,  soit  dans  les  animaux,  a été  spécifié 
et  nommé  il  y a quelques  années  par  M.  Laennec. 

Cette  substance  existe  sous  forme  de  masses  isolées, 
nues  ou  enveloppées,  sous  celle  d’infiltration  , et  sous 
celle  de  plaques  à la  surface  des  membranes. 

Les  masses  de  mélanose  varient,  pour  la  grosseur, 
depuis  le  plus  petit  volume  jusqu’à  celui  d’une  noix  : 
elles  existent  en  nombre  plus  ou  moins  grand  sur  le 
même  individu;  elles  sont  quelquefois  assez  réguliè- 
res, quelquefois  mamelonnées,  lobulées,  quelquefois 
comme  formées  de  lames  entortillées  et  volutées.  Ces 
parties  sont  réunies  entre  elles,  et  les  masses  entourées 
par  du  tissu  cellulaire.  Les  vaisseaux  suivent  ce  tissu  , 
mais  ne  pénètrent  point  dans  la  substance  noire.  Cette 
substance  est  noire  ou  brune,  opaque,  sans  odeur, 
sans  saveur.,  ferme,  tenace,  homogène  au  premier 
aspect;  mais  si  on  l’écrase  par  la  percussion,  et  si  on 
la  lave  avec  de  l’eau,  l'eau  se  colore  en  brun  ou  en 
noir;  le  tissu  est  décoloré  et  reste  grisâtre. 

On  trouve  la  mélanose  en  plaques  à la  surface  des 
membranes  muqueuses  ou  séreuses  ; on  la  trouve 
aussi  infiltrée  dans  l’épaisseur  de  la  membrane  mu- 
queuse , des  fausses  membranes , des  ganglions  , etc. 

La  mélanose,  examinée  chimiquement,  paraît  com- 
posée, i°  de  fibrine  colorée;  2U  d’une  matière  colo- 
rante noirâtre,  soluble  dans  l’acide  sulfurique  affaibli 
et  dans  la  solution  de  sous-carbonate  de  soude,  et 
colorant  ces  liquides  en  rouge;  3°  d’une  petite  quan- 
tité d’albumine;  4°  de  chlorure  de  sodium,  de  sous- 


I 


7 I B anatomie  générale. 

t 

carbonate  de  soude,  de  phosphate  de  chaux  et  d’oxyde 
de  fer. 

La  composition  de  la  mélanose  est  donc  très-analo- 
gue à celle  du  caillot  du  sang , c’est-à-dire  à la  matière 
colorante  du  sang  et  à la  fibrine,  l une  et  l’autre  dans 
un  état  particulier  ; on  y rencontre  aussi  trois  matières 
grasses. 

La  mélanose  se  ramollit  tard,  sous  forme  de  bouillie 
noirâtre;  et,  suivant  son  siège, cette  substance  s’épan- 
che dans  les  cavités  ou  s’infiltre  de  manière  à colorer 
les  humeurs  et  les  tissus.  Quelquefois , mais  rarement, 
la  mélanose  sous-cutanée  s’ulcère;  le  docteur  Ferrus 
en  a observé  un  cas.  A l’état  de  ramollissement,  ex- 
trême même,  ce  tissu  a peu  de  tendance  à s’étendre 
et  à se  multiplier;  il  ne  détermine  pas  sur  l’organisme 
une  action  délétère  aussi  marquée  que  les  précédens.  Les 
altérations  qu’on  a le  plus  souvent  observées  sont  une 
décoloration  générale,  des  hydropisies , une  torpeur, 
une  débilité  analogue  à ce  qui  a lieu  dans  le  scorbut. 

On  a trouvé  la  mélanose  dans  beaucoup  de  parties  , 
et  surtout  dans  le  tissu  cellulaire  commun,  dans  les 
muscles  , dans  le  cœur,  dans  les  glandes  lymphatiques, 
dans  l’orbite,  dans  l’œil,  dans  les  poumons,  le  foie, 
les  reins,  le  pancréas,  la  rate,  le  tissu  cellulaire  de  la 
mamelle,  le  tissu  cellulaire  accidentel,  etc. 

La  mélanose  paraît  résulter  d’une  aberration  de 
quelques-uns  des  matériaux,  et  surtout  de  la  matière 
colorante  du  sang. 

V.  De  la  Cirrhose , etc. 

§ 84i.  La  cirrhose,  ou  le  tissu  morbide  fauve,  exisie 


DES  TISSUS  ACCIDENTELS. 


7l9 

quelquefois  sous  forme  de  masses;  on  l’a  vue  aussi  sous 
forme  de  plaques  et  de  kyste. 

En  masses,  ce  tissu  est  fauve,  mat,  flasque;  hu- 
mide , compact , analogue  au  tissu  des  capsules  surré- 
nales : il  ne  présente  point  de  fibres  distinctes.  Les 
masses  varient  du  volume  d’un  grain  de  millet  à celui 
d’un  noyau  de  cerise.  Elles  existent  quelquefois  en 
quantité  innombrable.  Les  plus  grosses  paraissent 
squammeuses. 

Ce  tissu  se  ramollit  sous  forme  de  pulrilage  brun 
verdâtre;  ses  effets,  soit  locaux,  soit  généraux,  sont  peu 
marqués.  11  existe  assez  souvent  et  très-abondamment 
dans  le  foie,  qui  est  alors  amoindri,  ridé,  rugueux.  On 
l’a  vu  aussi  dans  le  rein,  la  prostate  , l’épididyme , l’o- 
vaire, la  thyroïde. 

§ 842.  M.  Laennec  a désigné,  sous  le  nom  de  sclérose , 
un  tissu  très-ressemblant  ou  identique  avec  le  tissu 
blanc  compact,  et  qu’il  a trouvé  infiltré  dans  le  tissu 
cellulaire  sous-péritonéal  de  la  région  lombaire  d’un 
individu  cancéreux.  Il  diffère  des  tissus  morbides  en 
ce  qu’il  n’a  pas  été  vu  ramolli;  mais  il  s’en  rapproche 
par  sa  propension  à s’étendre. 

§ 843.  Le  même  pathologiste  a désigné,  sous  le  nom 
de  squirre  squammeux , un  tissu  d’un  blanc  mat  demi- 
transparent  , feuilleté  comme  la  chair  de  la  morue , 
qu’il  a vu  une  fois  renfermé  dans  un  kyste  nacré,  sur 
un  individu  cancéreux. 

VI.  Des  tissus  morbides  composés . 


§ 844-  Les  tissus  morbides  sont  très-souvent  associés: 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


720 

leur  réunion  est  une  des  plus  grandes  sources  de  dif- 
ficultés dans  l’étude  de  l’anatomie  pathologique. 

La  composition  a lieu  tantôt  par  simple  juxtaposi- 
tion, et  tantôt  par  pénétration  intime  et  mutuelle. 

Les  combinaisons  les  plus  ordinaires  sont,  i°  celle 
des  tissus  fibreux,  cartilagineux  et  osseux  dans  les 
kystes  qui  renferment  des  vers  vésiculaires; 

20  La  combinaison  de  l’ossification  terreüse  et  du  tu- 
bercule, surtout  dans  les  glandes  bronchiques  ; 

3°  Celle  du  tubercule  et  de  l’encéphaloïde,  fréquente 
dans  le  foie , dans  le  testicule  ; 

4°  celle  du  squirre  et  de  l’ossification  terreuse , as- 
sez fréquente  encore  dans  le  foie; 

5°  Celle  de  tous  les  tissus  morbides,  avec  des  ossi- 
fications, avec  d’autres  productions  analogues,  avec 
l'inflammation , l’hyperthophie , les  infiltrations  sé- 
reuses, sanguines,  purulentes,  etc.  ; ce  qui  constitue  les 
cancers  composés  de  l’estomac , de  la  mamelle , etc. 

QUATRIÈME  SECTION. 

y 

t 

DES  CORPS  ÉTRANGERS  ANIMES. 

§ 845.  Les  animaux  1 que  l’on  rencontre  dans  l’orga- 
nisation , et  qui  vivent  à ses  dépens  , sont , les  uns  des 
vers  intestinaux,  et  les  autres  des  animaux  attachés  à la 
surface  du  corps , pénétrans  dans  son  épaisseur,  in- 
troduits dans  les  cavités,  etc.  La  connaissance  de  ces 
êtres  est  une  des  parties  de  l’histoire  naturelle  mé- 

1 J.  H.  Toerdcns  , Entomologie  und  helnunthologie  des 
menschlicken  hôrpers , etc.,  1801-1802. 


DES  VERS  INTESTINAUX. 


721 

dicale  les  plus  difficiles  et  les  plus  obscurcies  par  des 
observations  inexactes. 

ARTICLE  PREMIER. 

DES  VERS  INTESTINAUX. 

§ 846-  Les  vers  intestinaux  ou  les  entozoaires  1 , en - 
tozoa  (Rudolphi),  se  forment,  ou  du  moins  naissent 
et  habitent  dans  l’organisation  ; ils  ne  peuvent  vivre 
ailleurs.  On  en  trouve  non -seulement  dans  le  canal 
alimentaire  et  dans  les  conduits  qui  y aboutissent , 
mais  jusque  dans  le  tissu  cellulaire , dans  les  muscles  et 
dans  la  substance  des  organes  les  plus  éloignes  des  sur- 
faces du  corps,  comme  le  cerveau.  Leur  organisation 
présente  beaucoup  de  variétés  très-grandes.  (§  38.)  Leur 
origine  est  fort  obscure.  En  se  bornant  à l’indication 
de  ceux  qui  habitent  le  corps  humain,  on  peut  les  rap- 
porter à trois  ordres;  savoir  : les  vers  vésiculaires,  les 
vers  plats  et  les  vers  cylindriques. 

I.  Des  vers  vésiculaires. 

■n 

§ 847.  Les  vers  vésiculaires 2,  Entozoa  cjstica  (Rud.), 
consistent  en  grande  partie  en  une  vessie  caudale  plus 
ou  moins  volumineuse,  propre  a un  seul,  ou  commune 
à plusieurs  vers  : le  corps  est  déprimé  ou  arrondi,  tou- 
jours très-petit;  la  tête  (nulle  dans  un  genre)  est  mu- 

1 C.  A.  Rudolphi  Entozoorum  , sive  Vermium  intestina- 
lium  Hist.  natur.  ; Parisiis  et  A rgen torati , 1810. — Idern. 
Entozoorum  Synopsis;  Be/olini , 1819. 

2 Laennec,  Mémoire  sur  les  vers  vésiculaires,  etc.,  in 
Bulletin  de  l’École  de  médecine;  Paris,  an  xui'. 


1. 


46‘ 


ANATOMIE  GENERALE. 


'j'il 

nie  de  fossettes  ( deux  ou  quatre  ),  de  suçoirs  (quatre), 

✓ 

d’une  couronne  de  crocliels  ou  de  quatre  proboscides 
recourbées;  il  n’y  a point  de  canal  intestinal  ni  d’or- 
ganes génitaux  visibles.  Ces  vers  habitent  toujours  la 
substance  des  organes  dans  un  kyste  distinct;  ils  ont  été 
long-temps  confondus  ensemble  et  avec  les  kystes,  sous 
le  nom  d’hydatides.  Aujourd’hui  même  les  naturalistes 
rejettent  un  ou  deux  des  genres  de  cet  ordre,  qui  sont 
les  suivans  : Aceplialocystis,  Echinococcus,  Cysticercus, 
et  Diceras. 

§ 848.  L’acéplialocyste  1 , genre  établi  par  M.  Laen- 
nec,  mais  non  adopté  par  M.  Rudolphi,  ni  par  M.  Cu- 
vier, consiste  en  une  vessie,  dépourvue  de  tête  et 
de  corps,  ronde  ou  obronde,  du  volume  d’un  petit 
pois  à celui  d’une  pomme  moyenne,  à parois  minces 
et  molles , transparentes , blanchâtres  , homogènes , fra- 
giles, remplie  d’un  liquide  limpide,  aqueux  et  albu- 
mineux. Il  est  douteux  qu’on  y ait  observé  des  mou- 
vemens  spontanés.  11  paraît  que  ces  êtres  équivoques  se 
reproduisent  par  des  bourgeons  intérieurs.  On  en  a 
rencontré  dans  presque  tous  les  organes.  On  en  con- 
naît sept  à huit  espèces.  Ils  sont  toujours  enkystés,  si 
l’on  en  excepte  la  môle  en  grappe  que  l’on  regarde 
comme  le  résultat  de  la  réunion  ou  de  la  soudure  d’une 
espèce  de  vers  de  ce  genre. 

§ 849.  L’échinococque , genre  de  M.  Rudolphi,  qui 
y comprend  peut-être  les  acéphalocystes  , et  que  M.  Cu- 

1 Laennee,  loc.  cit.  — Ludersen  , Diss.  de  hydatidibus  ; 
Gotting. , 1 808.  — H.  Cloquet , Faune  des  médecins , tome  I ; 
Paris  1 822. 


DES  VERS  INTESTINAUX.  ya3 

vier  n’admet  pas , consiste  en  une  vessie  extérieure 
simple  ou  double,  à la  surface  interne  de  laquelle 
tiennent  plusieurs  vers  fins  et  granuleux  comme  des 
grains  de  sable,  dont  le  corps  est  ovoïde  , et  la  tête 
(comme  celle  du  ténia  armé)  munie  d’une  couronne 
de  crochets  et  de  suçoirs. 

Une  espèce,  l’E.  de  l’homme  , E.  hominis,' habite  les 
viscères  de  l’homme,  et  surtout  le  foie. 

§ 85o.  Le  cysticerque  a le  corps  arrondi  ou  déprimé, 
rugueux,  se  terminant  en  une  vessie  caudale;  sa  tête 
(comme  celle  du  ténia  armé)  est  munie  de  quatre  su- 
çoirs et  d’une  proboscide  recourbée.  Il  habite  solitaire 
dans  un  kyste  très-mince. 

Le  G. du  tissu  cellulaire  ou  G.  ladrique,  C.cellulosæt 
à tête  carrée , à col  très-court  et  renflé  en  avant,  à 
corps  cylindrique  allongé  , à vessie  caudale  ellipti- 
que transversalement,  est  l’espèce  si  commune  dans 
le  porc  ; on  la  rencontre  aussi  quelquefois  dans  les 
muscles,  le  cerveau  et  le  cœur  de  l’homme.  On  en 
trouve  encore  quelques  autres  espèces  dans  le  corps 
humain. 

§85i.  Le  diceras  ou  bicorne  rude,  D.rude,  a le 
corps  ovoïde , déprimé  ; il  a une  tunique  lâche  ; sa 
tête  est  pourvue  d’une  corne  bifide,  âpre,  filamen- 
teuse. On  ne  sait  pas  au  juste  s’il  habite  la  substance 
des  organes.  Il  a été  découvert  par  M.  Sultzer,  dans 
des  matières  rendues  par  l’action  d’un  drastique.  Mis 
en  doute  par  M.  Rudolplii , il  a été  retrouvé  depuis 
par  M.  Le  Sauvage,  de  Caen,  qui  en  a envoyé  des  in- 
dividus à la  Société  de  la  Faculté  de  Médecine,  où 
je  les  ai  vhs.  iù 


724 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


IL  Des  vers  plats. 

§ 852.  Les  vers  plats  sont  ceux  dont  le  corps  mou 
et  déprimé  est  pourvu  de  pores-suçoirs  à sa  face  infé- 
rieure ou  àses  extrémités,  Entozoa  trematoda  (Rud.),  et 
ceux  dont  le  corps  est  allongé,  continu  ou  articulé,  et 
la  tête  garnie  de  fossettes,  de  suçoirs,  d’une  ou  quatre 
proboscides,  nues  ou  armées,  Ent.  cestoïdea  ( Rud.).  Les 
uns  et  les  autres  sont  dépourvus  de  canal  intestinal , et 
pourvus  d’ovaires  ramifiés.  Cet  ordre  comprend  dans 
le  corps  humain  les  genres  Tœnia , Distoma , et  Po- 
lystoma. 

§ 853.  Le  tænia  a le  corps  très- allongé , plat,  arti- 
culé , îa  tête  garnie  de  deux  ou  quatre  petits  suçoirs. 
On  en  trouve  deux  espèces  dans  l’homme. 

Le  tænia  large  ou  inerme  , T.  lata , Bothriocephalus 
latus  (Bremser,  Rud.),  a la  tête  à peu  près  carrée  , 
deux  fossettes-suçoirs  nues , la  tête  et  les  fossettes,  qui 
sont  marginales  , oblongues , le  col  presque  nul , les 
articles  antérieurs  en  forme  de  rides,  les  suivans larges 
et  courts,  et  les  derniers  allongés;  sa  longueur  est  de 
vingt  pieds,  et  au-delà.  Cette  espèce  est  commune  en 
Suisse  et  en  Russie , très  - rare  en  Angleterre  , en 
Hollande  et  en  Allemagne.  On  ne  la  trouve  point 
dans  les  cadavres. 

Le  tænia  solitaire  ou  armé  , T.  solium , appelé  aussi 
vulgairement,  et  à tort  , ver  solitaire,  a la  tête  garnie  de 
quatre  oscules-suçoirs,  et  dans  leur  centre  d’une  pro- 
boscide  obtuse , armée  de  crochets  ; la  tête  est  hémi- 
sphérique , distincte  ; le  col  s’épaissit  antérieurement; 
les  articles  antérieurs  sont  très-courts , les  suivans 


DES  VERS  INTESTINAUX. 


7 2 J 

allongés,  les  derniers  plus  longs,  tous  obtus,  pourvus 
chacun  d’un  pore  marginal,  alternant  vaguement  de 
côté  ; sa  longueur  est  de  cinq  à dix  pieds  et  plus. 
Cette  espèce  est  commune  en  Angleterre  , en  Hol- 
lande, en  Allemagne.  On  la  rencontre  quelquefois  dans 
les  cadavres.  ,f 

On  trouve  l’une  et  l’autre  espèce  en  France,  mais 
surtout  la  seconde.  Elles  habitent  l’un  et  l’autre  le  canal 
intestinal,  surtout  l’intestin  grêle. 

§ 854-  Le  distome  ou  la  douve,  Fasciolci  (Lin.),  a 
le  corps  mou,  déprimé,  et  deux  pores  solitaires,  un 
antérieur  et  un  ventral. 

Le  D.  hépatique,  D.  hepaticum  , qui  a la  forme  d’une 
feuille  ovale  , se  rencontre  dans  la  vésicule  biliaire  de 
l’homme  et  de  beaucoup  d’autres  mammifères,  mais 
surtout  du  mouton. 

Le  polystôme,  Hexathyridi um  (Treulter),  a le  corps 
déprimé,  six  pores  antérieurs,  un  ventral  et  un  posté- 
rieur. Le  P.  de  la  graisse,  P.  pinguicola , qui  est  tron- 
qué en  avant,  pointu  en  arrière,  a été  rencontré  dans 
une  tumeur  de  l’ovaire  humain.  Le  P.  des  veines,  P.  ve- 
narum , paraît  être  un  ver  extérieur  ( § 4^7  ). 

III.  Des  vers  cylindriques . 

§ 855.  Les  vers  cvlindriques,  Ent.  nematoidea  (Rud.), 
ont  le  corps  allongé,  arrondi,  élastique;  ils  ont  un 
canal  intestinal,  terminé  par  une  bouche  et  un  anus, 
des  organes  génitaux , séparés  sur  deux  individus  dif- 
férons. Cet  ordre  comprend,  dans  l homine , les  trois 
genres  suivans  : Filaria  , Tric.ocephalus  et  Ascaris. 

§ 856.  L’ascaride  a le  corps  rond , aminci  aux  deux 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


72  6 

bouts , la  tête  munie  de  trois  tubercules  ; le  pénis  du 
mâle  est  pointu  et  bifide.  On  en  trouve  deux  espèces 
dans  le  corps  humain. 

L 'A.  lumbricoïde,  A.  lumbricoïdes  , dont  la  tête  est 
nue,  le  corps  long  de  plusieurs  pouces  ( 3 à 12),  mar- 
qué de  deux  sillons  opposés,  la  queue  un  peu  obtuse, 
habite  dans  l’intestin  grêle.  L’A.  vermiculaire  , A%  ver - 
micularis , Oxjurus  vermicularis  (Bremser),  a la  tête 
obtuse,  garnie  d’une  membrane  vésiculaire  des  deux 
côtés  ; son  corps  est  un  peu  épaissi  à la  partie  anté- 
rieure ; la  queue  du  mâle  est  fléchie  et  obtuse;  celle 
de  la  femelle  est  droite  et  aplatie.  Il  habite  le  gros 
intestin,  et  surtout  le  rectum. 

§ 807.  Le  tricocéphale  a la  partie  antérieure  du 
corps  capillaire,  le  reste  tout  à coup  un  peu  plus  vo- 
lumineux ; la  bouche  orbiculaire;  le  pénis  simple,  en- 
gainé. 

On  trouve  dans  l'homme  le  T.  dispar  : il  est 
inerme  ; sa  partie  capillaire  est  très-longue  , sa  tête 
pointue;  le  corps  de  la  femelle  est  à peu  près  droit; 
celui  du  mâle  est  tourné  en  spirale  ; la  gaine  du  pénis 
est  ovoïde.  Ce  ver,  observé  par  Morgagni , Wrisberg, 
Rœderer  et  Wagler,  est  très-commun.  Il  habite  le 
gros  intestin  , et  surtout  le  cæcum. 

§ 858.  La  filaire  a le  corps  allongé  et  à peu  près 
égal,  la  bouche  orbiculaire  ; le  pénis  du  mâle  est  pointu 
et  simple. 

La  F.  de  Médine , F.  medinensis , qui  est  très-longue  , 
qui  a la  tête  effilée,  la  queue  aplatie  et  fléchie  dans 
le  mâle,  demi-cylindrique  , pointue  et  courbe  dans 
la  femelle,  se  rencontre  dans  l’espèce  humaine;  mais 


DES  ANIMAUX  PARASITES.  727 

entre  les  tropiques  seulement.  Elle  habite  le  tissu  cellu- 
laire sous-cutané , et  surtout  celui  des  pieds.  On  a cru  au- 
trefois que  c était  un  ver  extérieur  pénétrant;  il  paraît 
que  c’est  réellement  un  entozoaire.  La  F.  des  bron- 
ches, F.  bronchialis , est  une  espèce  douteuse , obser- 
vée et  décrite  par  Treutler,  sous  le  nom  d 'Hamula- 
via,  Ijmphatica. 

% 809.  Le  Strongylus  gigas  a été  rangé  au  nombre 
des  vers  qui  habitent  le  corps  humain  , parce  que 
Ruysch  dit  avoir  vu  une  fois  dans  les  reins  de  l’homme 
des  vers  semblables  à ceux  du  rein  du  chien. 

Le  Spiroptera  hominis  est  une  espèce  encore  douteuse, 
observée  par  MM.  Barnett  et  Lawrence,  et  sortie  de 
la  vessie  urinaire  d’une  femme. 

M.  H.  Cloquet  a récemment  décrit , sous  le  nom 
d’ Ophiostoma  ponterii , un  ver  rendu  par  un  homme 
en  vomissant,  et  observé  par  M.  Pontier. 

Beaucoup  d’autres  vers  ont  été  indiqués  comme  ha- 
bitant le  corps  humain , qui  ne  se  trouvent  que  dans 
les  animaux  ; d’autres  ne  sont  que  des  larves,  ou  d’autres 
objets  plus  ou  moins  analogues  à des  vers  qui  se  trou- 
vent fortuitement  dans  les  matières  des  excrétions , 
ou  qui  y ont  été  placés  par  supercherie. 

ARTICLE  II. 

DES  ANIMAUX  PARASITES. 

§ 860.  Les  animaux  parasites  sont  beaucoup  plus 
étrangers  encore  à l’organisation  que  les  entozoaires. 

Les  uns  cependant  sont  des  insectes  naissant,  vivant 
et  se  reproduisant  à la  surface  et  dans  l’épaisseur  de  la 


ANATOMIE  GÉNÉRALE. 


728 

peau  : tels  sont  le  Pediculus  humanus  corporis , le  P. 
capitis , le  P . pubis  ; le  Pulex  irritans  , le  P.  pencirans; 
Y A car  us  scabiei  ou  Sarcoptes . 

D’autres  insectes  sont  déposés  sous  la  peau  et  dans 
les  cavités  muqueuses  , à l’état  d œufs , s’y  développent 
à l’état  de  larves,  et  en  sortent  ensuite  : tel  est  Y OEstrus, 
si  commun  dans  le  cheval,  le  bœuf,  le  mouton,  et 
que  l’on  a trouvé  aussi  sous  la  peau  de  l’homme  et 
dans  les  sinus  de  sa  face.  Des  larves  du  genre  Musca  et 
de  quelques  autres  , se  développent  aussi  quelquefois 
dans  le  conduit  auriculaire  des  enfans  malpropres , à 
la  surface  des  ulcères  , etc.  Il  ne  faut  pas  oublier  que 
beaucoup  d’exemples  de  larves  excrétées  doivent  être 
rapportées  à des  supercheries  ou  à des  cas  fortuits. 

§861.  Certains  autres  animaux  pénètrent,  à l’état 
adulte  dans  les  cavités  muqueuses  du  corps,  y demeu- 
rent plus  ou  moins  long-temps , et  y causent  diverses 
altérations;  telles  sont,  entre  autres,  les  sangsues, 
Hirudo  medicinalis , et  H.  alpin  a ; tel  est  probable- 
ment aussi  le  dragonneau,  Gordius.  On  a cru  que  le 
lombric  terrestre  pouvait  pénétrer  dans  le  corps  : c’est 
l’effet  ou  d’une  méprise  ou  d’une  supercherie.  La  furie 
infernale  de  Linnæus  paraît  être  un  ver  imaginaire. 

Quelques  insectes,  enfin,  ne  font  que  blesser  méca- 
niquement la  surface  extérieure  du  corps,  ou  y déposer 
un  venin;  ils  sont  d’ailleurs  tout-à-fait  étrangers. 


- .yw . 


FIN.