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Full text of "Elémens d'histoire naturelle et de chimie"

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ÉLÉMENS 

D’HISTOIRE  NATURELLE 


E T 


DE  CHIMIE 


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ÉLÉMENS 


D’HISTOIRE  NATURELLE 

JL* 


JUl, 


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DE  CHIMIE. 


QUATRIÈME  ÉDITION; 

F j.  r M.  Fou  a c r o y , Médecin  , de 
F Académie  des  Sciences , de  la  Société 
de  Médecine  de  Paris , F rofesseur  de 
Chimie  au  Jardin  des  Flan  les , etc . 

TOME  SECOND. 


A PARIS, 

Chez  Cuchet  , Libraire , rue  8c  hôtel  Serpente. 
M.  DCC.  XCI. 


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ELÉMENS 


D'HISTOIRE  NATURELLE 


E T 

DE  CHIMIE. 

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1,11,1  |iiflll,inM  1 1 1 ^ rmnmmwÊmnmarntaaiaÊmmim^Mn^P^m;^m.\^^^int^av^fm^ 

Suite  de  la  seconde  Section  de  la 
Minéralogie  ou  de  l'histoire  des 
Matières  salines  (i). 

CHAPITRE,  V. 

ORDRE  lï.  Sels  fecondaires  ou  neutres . 

Nous  comprenons  fous  le  nom  de  fels  fecon- 
daires  toutes  les  matières  qui  font  compofées 


(i)  Il  faut  fe  rappeller  que  cet  Ouvrage  efl:  divifé  en 
quatre  Parties.  La  première,  traitée  dans  !e  premier  volu- 
Tome  II,  A 


i Elémens 

de  deux  fubftances  falines  primitives  combinée* 
enfembîe.  Ces  fels  ont  été  nommés  neutres, 
parce  qu’ils  n’ont  point  les  caraélères  des  fels 
primitifs,  c’efl-à-dire  , qu’ils  ne  font  en  général 
ni  acides  ni  alcalins.  Cependant  il  en  efl  plu- 
fieurs,  comme  le  borax,  la  craie  & les  alcalis 
unis  à l’acide  carboni  que  , qui  jouirent  de  quel- 
ques-unes des  propriétés  des  fels  primitifs,  mais 
dans  un  degré  beaucoup  moins  marqué  qu’eux. 
Ces  fels  fecondaires  n’ont  point  une  faveur  aufîi 
forte  que  la  plupart  des  fels  primitifs;  leur  ten- 
dance il  la  combinaifon  & leur  diffolubilité  font 
moins  confidirables  ; mais  ce  qui  les  diflingue 
fur-tout  des  premiers,  c’eft  qu’ils  ne  peuvent 
point  communiquer  les  propriétés  falines  à d’au- 
tres corps  comme  les  fels  primitifs  ; leur  forme 
cryflalline  confiante  efl  encore  un  cara&ère 
marqué  dont  l’étude  appartient  au  naturalise  6c 


me  , comprend  dans  huit  Chapitres  les  généralités  de  la 
Chimie  ; la  (econde  renferme  le  régne  minéral  ou  la  mi- 
néralogie ; la  troifième  contient  l’hiftoire  chimique  des 
végétaux  , & la  quatrième  celle  des  fubftances  animales. 

La  minéralogie  a été  partagée  en  trois  Seélions.  La 
premières  contenue  dans  le  premier  volume,  expofe 
dans  quatre  Chapitres  les  caraélères  phyfiqucs  & chimi- 
ques des  terres  Si  des  pierres  la  fécondé  Seélion  efl  def- 
tinée  aux  matières  falines  ; ce  volume  commence  par  ua 
des  Chapitres  de  cette  fécondé  Section. 


d’HiST.  NaÏ.  ET  DE  CHIMIE.' 
qui  quelquefois  indique  leur  nature,  quoiqu’elle 
foit  fouvent  capable  d’induire  en  erreur. 

On  appelle  ordinairement  bafe  la  matière  la 
plus  fixe  qui  entre  dans  la  compofition  des  fels 
neutres.  Comme  cette  bafe,  qui  quelquefois  eft 
volatile,  donne  plufieurs  cara&ères  généraux 
allez  conftans  aux  diverfes  combinaifons  qu’elle 
forme  avec  les  acides,  nous  prendrons  le  nom  de 
la  baie  pour  diflinguer  les  genres  que  nous  éta- 
blirons dans  les  feis  fecondaires.  Nous  divife- 
rons  donc  ces  Tels  en  autant  de  genres  qu’il  y a 
de  bafes  falines  ou  alcalines  qui  peuvent  être 
unies  aux  acides. 

Le  premier  genre  comprendra  ceux  qui  font 
formés  par  l’union  des  deux  alcalis  fixes  avec  les 
acides  j nous  les  appellerons  fels  neutres  parfaits  , 
parce  que  leur  union  eft  très-intime. 

Le  deuxième  genre  renfermera  ceux  qui  font 
compofés  par  l’alcali  volatil  ou  l’ammoniac  com- 
biné avec  les  acides.  Ils  feront  défignés  par  le 
nom  de  fcls  ammoniacaux , d’après  le  nom  de 
leur  bafe  adopté  par  les  modernes.  On  pourroit 
aufîi  les  connoître  fous  celui  de  fels  imparfaits, 
parce  qu’ils  font  beaucoup  plus  décompofables 
que  les  premiers. 

Dans  le  troifième  genre  nous  rangerons  les 
fels  neutres  dont  la  chaux  eft  la  bafe.  ils  font  en 
général  moins  parfaits  que  ceux  du  fécond  gen- 

Aij 


4 E L É M E N S 

re  , quoique  la  chaux  ait  plus  d’affinité  avec  les 
acides  que  n’en  a l’ammoniac  , comme  les  détails 
le  feront  voir.  Ces  fels  auront  le  titre  de  fels  naî- 
tre s calcaires. 

La  magnéfie  combinée  avec  les  divers  acides 

confirmera  le  quairième  genre  des  fels  neutres. 

/ 

Ces  fels  font  plus  décompcfables  que  les  précé- 
dens  , parce  que  la  chaux  & les  alcalis  ont  plus 
d’affinité  avec  les  acides  que  n’en  a la  magnéfîe. 
Ils  retiendront  le  nom  de  fels  nemns  magnèfiens 
OU  à.  bafe  de  magnifie. 

Le  cinquième  genre  fera  clefliné  à ceux  qui 
ont  la  terre  argilleufe  pure  ou  l’alumine  pour  bafe. 
Comme  l’alun  eft  la  principale  de  ces  combinai- 
fons  , on  leur  a donné  le  nom  générique  de  fels 
alumineux.  Les  alcalis  , la  chaux  6c  la  magnéfîe 
décompofent  en  général  les  fels  neutres  alumi- 
neux. 

Enfin  dans  le  fixième  genre  nous  placerons  les 
fels  neutres  à bafe  de  baryte  ou  terre  pefante; 
Ces  fels,  ainfique  la  plupart  de  ceux  des  deux 
genres  préccdens,  refont  que  très-peu  connus. 
On  les  appelle  fels  barytlqiies. 

On  conçoit  que  ces  différentes  bafes  combi- 
nées avec  les  acides  dont  nous  avons  examiné 
lés  propriétés,  doivent  donner  un  grand  nom- 
bre de  fels  neutres  , & que  ce  nombr  peut 
même  aller  beaucoup  au-delà  , fi  l’on  admet- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  f 
avec  Bergman  , pour  des  compofes  particuliers , 
ceux  qui  réfultent  de  l’union  de  ces  mêmes 
bafes  avec  les  acides  qu’il  appelle  plilogif - 
tiques  , & qui  font  privés  d’une  partie  de  leur 
oxigène  fuivant  la  doctrine  moderne.  Mais  ces 
derniers  n’étant  que  des  modifications  peu 
durables  j qui  s’altèrent  par  le  conta#  de  l’air  9 
& qui  paffent  affez  promptement  à l’état  des 
véritables  fels  neutres , nous  croyons  ne  pas 
devoir  multiplier  ces  fubftances  dont  le  nombre 
efi:  déjà  très-confidérable  ; &C  nous  nous  pro- 
pofons  d’indiquer  les  différences  que  préfentent 
ces  fels  fuivant  l’état  de  leurs  acides.  Nous  ob- 
fervons  encore  que  les  bafes  alcalines  dont  nous 
venons  de  faire  l’énumération  combinées  avec 
l’eau  régale,  donnant  des  fels  nitreux  & mu- 
riatiques mélangés  qu’on  peut  obrenir  ifolés  Sc 
qui  font  parfaitement  femblables  à ceux  que 
forment  ces  deux  acides  féparés  , nous  ne  par- 
lerons que  des  combinaifons  de  ces  mêmes  bafes 
avec  les  acides  fimples.  Comme  nous  n’avons 
encore  examiné  que  les  fix  principaux  acides  , 
nous  ne  traiterons  que  des  combinaifons  falines 
neutres  de  ceux-ci. 

Quant  au  rang  & à la  difpofition  des  diffé- 
rentes fortes  de  fels  neutres , nous  avons  cris 
devoir  fuivre  l’ordre  de  la  force  d’attraftioa 
des  acides  : ainfi  dans  tous  les  genres  nous 

A iij 


/ 


6 Elémens 

commencerons  par  les  fels  fulfuriques , & nous 
paierons  de  fuite  aux  fels  nitriques  , aux  muria- 
tiques, à ceux  dans  lefquels  entre  l’acide  bora- 
cique  , puis  à ceux  qui  font  formés  par  l’acide 
fluorique  ; & enfin  nous  terminerons  ces  détails 
par  les  fels  qui  contiennent  l’acide  carbonique  , 
parce  que  cet  acide  efl:  le  plus  foible  de  tous. 

Nous  adopterons  pour  défigner  tous  ces  fels 
les  noms  compofés  des  acides  & des  bafes  , 
afin  que  cette  nomenclature  exprime  la  nature 
de  chacun  , & qu’il  ne  puifie  plus  y avoir  d’erreur 
fur  ce  point  • nous  aurons  foin  d’y  joindre  une 
fynonymie  pour  faire  connoïrre  les  difFérens 
noms  que  chaque  fel  neutre  a reçus  à diverfes 
époques. 

Genre  I.  Sels  neutres  parfaits  , 

OU  A BASE  D'ALCALIS  FIXES . 

Sorts  I.  Sulfate  de  potasse. 

c 

Le  fuifate  de  potafie  qui  a été  nommé  tartre 
vitriolé  , fel  de  duobus  , fel  polychrefle , arcanum 
duplication  , efi:  un  fel  neutre  parfait , réfuhant 
de  la  combinaifon  de  l'acide  fulfurique  avec  la 
potafie  , comme  le  nom  adopté  l’indique.  Il 
n’exifie  que  très-rarement  parmi  les  corps  miné- 


d’Hist.  NAT.  et  de  Chimie.  7 
raux  ; quelques  végétaux  en  contiennent  une  pe- 
tite quantité* 

Ce  Tel  eft  communément  tous  la  forme  d’un 
corps  rranfparent,  plus  ou  moins  blanc  & ré- 
gulier. Ses  cryftaux  varient  fuivant  les  circonf- 
tances  de  fa  cryftallifation.  Quand  elle  a été  faite 
en  petit  & avec  lenteur,  elle  donne  des  pyra- 
mides rranfparentes  à fix  faces , taillées  à-peu- 
près  comme  des  pointes  de  diamans  en  rofes, 
ou  plus  rarement  des  prifmes  à fix  pans  termi- 
nés par  une  ou  par  deux  pyramides  à fix  faces , 
à-peu-près  comme  le  cryftal  de  roche.  Mais  fà 
l’évaporation  a été  très-prompte , tous  les  cryf- 
taux  s’agglutinent  & fe  confondent  fous  la  for- 
me d’une  croûte  folide , dont  la  furface  eft 
hériflee  de  pointes  ou  de  pyramides  irréguliè- 
res ; tel  eft  celui  du  commerce.  Enfin,  lorfque 
pour  avoir  des  cryftaux  très-réguliers  de  ce  fel  , 
on  expofe  fa  diftoluîion  à l’évaporation  lente 
& fpontanée,  opérée  par  la  chaleur  de  l’atmof- 
phère,on  obtient  fou  vent  des  folides  à douze 
faces , formés  par  deux  pyramides  à fix  faces 
réunies  à leur  bafe,  &:  quelquefois  féparées  par 
un  commencement  de  p ri  fine  à fix  pans.  Il  eft 
vrai  que  ces  derniers  cryftaux  font  ordinairement 
l'aies,  & n’ont  jamais  la  blancheur  ni  la  tranfpa- 
renee  de  ceux  qu’on  obtient  par  la  première 

A iv 


Ê Elémens 

évaporation.  Mais  c’efl  une  difficulté  qui  exifte 
dans  la  plupart  des  fels  neutres.  Ils  font  prefque 
toujours  blancs  aux  dépens  de  la  forme  , ou  ré- 
guliers aux  dépens  de  la  tranfparence. 

Le  fulfate  de  poraffe  a une  faveur  amère,  afftz 
défagréable  ; il  n’éprouve  que  peu  d’altération  de 
la  part  du  feu.  Lorfqu’on  l’expofe  fur  des  char- 
bons ardens,  il  fe  brife  avec  bruit  en  un  grand 
nombre  de  petits  fragmens  ; ce  phénomène  , 
qu’on  appelle  décrépitation  , dépend  de  la  raré- 
faéiion  fubite  de  l’eau  de  fa  cryflallifation.  Lorf- 
que  le  fulfate  de  potaffe  a décrépité , il  n’a  rien 
perdu  de  fes  propriétés  effentielles.  Si  onl’expofè 
dans  un  creufet  à l’aélion  du  feu , il  décrépite 
également , & devient  fec , friable  &c  même  pul- 
vérulent, en  perdant  l'eau  de  fa  cryfïaliifation  ; 
il  rougit  avant  de  fe  fondre  ; il  lui  faut  même  un 
feu  affiez  violent  pour  entrer  en  fufion;  expofé  au 
froid  lorfqu’il  eff  fondu  , il  fe  prend  en  une  maffe 
opaque  , friable,  difiolubîe , qui  n’a  éprouvé  au- 
cune altération  dans  fes  principes , puifqu  on 
peut  lui  rendre  fa  forme  tranfparente  6c  cryftal- 
line  en  le  diffolvant  de  nouveau  dans  l’eau.  Tenu 
en  fufion  dans  un  vaiffeau  ouvert , il  fe  volatilife, 
mais  toujours  fans  fe  déccmpofer. 

Le  fulfate  de  potaffie  n’éprouve  aucune  altéra» 
tion  à l’air  ; il  refie  dans  fon  état  cryflallin  fans 
rien  perdre  ni  de  fa  forme , ni  de  fa  tranfpa- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  f $ 
tence.  Il  efl  peu  diffoluble  dans  l’eau  , mais 
cependant  dans  des  degrés  très-différens  , fui- 
vant  la  température  de  ce  fluide.  Suivant  Spiel- 
man,  il  faut  environ  dix-huit  parties  d’eau  froide 
pour  diffoudre  une  partie  de  ce  fel  neutre  ; 
lorfqu’elle  ell  bouillante  elle  paroît  en  diffou- 
dre  prefque  le  quart  de  fon  poids  , puifque  M. 
Baume  allure  que  quatre  onces  d’eau  bouillante 
diffolvent  fept  gros  quarante-huit  grains  de  ful- 
fate  de  potaffe.  Il  fe  cryftallife  en  partie  par  re- 
froidiffement , & plus  encore  par  évaporation  ; 
il  ne  retient  que  peu  d’eau  dans  fes  cryflaux  ; 
c’efi  ce  qui  fait  qu’il  ne  change  point  d’état  lorf- 
qu’on  l’expofe  à l’air. 

Le  fulfale  de  potaffe  n’a  point  d’aflion  fur  les 
terres  fimples.  On  a obfervé  que  celui  qui  efl 
par  hafard  uni  aux  fels  fondans,  dont  on  le  fert 
pour  faire  le  verre,  fe  retrouve  dans  les  fcories, 
& on  le  retire  en  affez  grande  quantité  du  fiel 
de  verre. 

La  baryte  ou  terre  pefante  décompofe  le  ful- 
fate  de  potaffe  , fuivant  Bergman , parce  qu’elle 
a plus  d’affinité  avec  l’acide  fulfurique  que  n’en 
a la  potaffe.  Si  l’on  verfe  une  diffolution  de 
cette  terre  dans  une  diffolution  de  ce  fel il  fe 
forme  un  précipité  de  fuifate  barytique  ou  fpath 
■pefam  tout-à-fait  infoluble  , & dont  nous  exa- 
minerons plus  bas  les  propriétés.  La  potaffe 


!Ï0  E L i M E N S 

refie  pure  & cauflique  en  diffolution  dans  la  l£ 

qu  eur. 

La  chaux  & la  magnéfie  n’ont  aucune  attion 
fur  le  fulfate  de  potaffe  , mais  plufieurs  acides 
en  ont  une  très-marquée  fur  ce  fel.  Rouelle  a 
découvert  qu’il  étoit  pofîible  de  combiner  avec 
ce  fel  une  plus  grande  quantiré  d’acide  fulfurique, 
que  celle  qu’il  contient  naturellement.  Son  pro- 
cédé confifloit  à difliller  de  l’acide  fulfurique 
concentré  fur  le  fulfate  de  potaffe  ; ce  dernier 
refie  imprégné  d’acide  , & acquiert  des  pro- 
priétés nouvelles  ; celles  de  rougir  la  teinture 
de  violettes , d’être  plus  diffoluble  dans  l’eau  t 
d'avoir  une  faveur  aigre  , & de  faire  efferves- 
cence avec  les  alcalis  faturés  d’acide  carbonique, 
même  après  avoir  été  diffous  & cryflallifé.  M. 
Baumé  a foutenu  que  cet  acide  n’écoit  point 
réellement  combiné , & qu’on  pouvoir  l’enlever 
au  fel  neutre  en  le  faifant  finalement  égoutter 
fur  du  papier  gris  ou  fur  le  fable.  Cependant 
Macquer  remarque  que  l’acide  fulfurique  adhère 
avec  une  force  affez  confidérable  au  fulfate  de 
potaffe , croit  que  cette  adhérence  efl  due  à 
une  affinité  particulière  de  ces  deux  fubflances  , 
puifque  fuivant  lui  l’a&ion  du  feu  &c  celle  de 
l’eau  ne  peuvent  la  détruire.  J’ai  fait  plufieurs 
fois  cette  combinaifon  d’acide  fulfurique  con- 
centré de  fulfate  de  potaffe  à la  manière  de 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  ri 
Rouelle  ; c’eft-à-dire  , par  la  diftillation  dans  deiï 
cornues  de  verre  , & j’ai  obfervé  des  phéno- 
mènes dont  on  n’a  pas  fait  affez  mention  dans  la 
difcuffion  favante  qui  s’eft  élevée  fur  cet  objet. 
Le  fulfate  de  potaffe  s’eft  fondu  en  une  efpèce 
de  verre  ou  d’émail  blanc  opaque  , d’une  faveur 
fort  acide  ; mais  cette  fritte  vitreufe  n’a  point 
attiré  l’humidité  de  l’air  , elle  s’eft  au  contraire 
comme  effleurie  , lorfque  l’acide  ne  faifoit.  que 
le  quart  du  poids  total  ; il  y a donc  , comme  l’a 
penfé  Macquer , une  adhérence  affez  forte  entre 
ce  fel  neutre  & l’acide;  & cette  adhérence  eft 
due  fans  doute  à une  combinaifon  particulière. 

M.  Bawmé  a obfervé  que  le  fulfate  de  po- 
raffe  éprouvoit  une  altération  très-marquée  de 
la  part  de  l’acide  du  nitre.  Si  l’on  fait  bouillir  de 
l’eau-forte  fur  ce  fel , l’acide  nitrique  s’empare 
d’une  partie  de  la  potaffe  & en  dégage  l’acide 
fulfurique;  en  laiffant  refroidir  ce  mélange  , il  fe 
cryftallife  du  véritable  nitre.  On  avoit  cru  d’abord 
que  cette  décompof  tion  ne  s’opéroit  qu’à  l’aide 
de  la  chaleur  mais  l’efprit  de  nitre  fumant  verfë 
fur  du  fulfate  de  potaffe  en  poudre  dépofe  des 
cryftaux  de  nitre  au  bout  de  plufîeurs  heures. 
On  avoit  aufîi  avancé  que  le  mélange  devenant 

froid,  l’acide  fulfurique  reprenoit  fes  droits , & 

. \ 

décompofoit  à fon  tour  le  nitre  de  potaffe  ; 
cependant  j’ai  confervé  plufîeurs  années  des 


I*  E L É M E N S • v 

mélanges  de  fulfate  de  potaffe  êc  d’efprit  de  ni- 
tre,  au  fond  defquelsil  eft  refté  conftamment  des 
cryftaux  falins  qui  détonnent  fur  les  charbons  » 
& qui  n’ont  point  changé  de  nature,  quoiqu’ils 
foient  plongés  dans  l’acide  fulfurique , féparé 
par  l’acide  nitreux.  M.  Cornette  a obfervé  que 
l’acide  muriatique  concentré  décompofé  auffi 
le  fulfate  de  potaffe  même  à froid.  Il  fembleroit, 
d’après  ces  deux  faits  , que  la  loi  d’affinité 
relative  aux  différens  acides  n’eft  pas  fi  conf- 
iante qu’on  l’avoit  cru  ; cependant  il  faut 
obferver  avec  Bergman  , i°.  qu’il  n’y  a qu’un 
tiers  de  lulfate  de  potaffe  décompofé  dans  ces 
expériences  ; 20.  que  ces  décompofitions  n’ont 
lieu  que  lorfque  le  fulfate  de  potaffe  contient  un 
peu  d’acide  fulfurique  excédent  à fa  neutralifa- 
tion  ; 30.  que  l’affinité  du  fulfate  de  potaffe, 
pour  l’acide  fulfurique  , eft  la  vraie  caufe  de  ces 
décompofitions,  3c  que  le  fulfate  de  potaffe  non 
décompofé  eft  très-acide. 

La  décompofifon  la  plus  importante  du  ful- 
fate de  potaffe  eft  celle  qui  a lieu  par  beaucoup 
de  matières  combuftibles  , notamment  par  le 
charbon  & par  plufteurs  fubftances  métalliques* 
(Voyez  mes  Mémoires  de  Chimie , page  225.) 
Si  l’on  chauffe  fortement  dans  un  creufet  un 
mélange  de  ce  fel  & de  charbon , le  fulfate 
de  potaffe  n’exiftera  plus  , & l’on  ne  retrouvera 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  i j 
que  du  foufre  uni  à l’alcali  fixe.  Stahl  a regardé 
cette  expérience  comme  très-propre  à démontrer 
la  préfence  du  phlogiflique  ; les  chimiftes  mo- 
dernes l’expliquent  par  la  théorie  pneumatique; 
nous  expoferons  ces  diverfes  théories  dans  l’hif- 
loire  du  foufre. 

Un  quintal  de  fulfate  de  potafle  cryflallifé 
contient , fuivant  Bergman,  environ  52  parties 
depotafTe,  40  d’acide  fuifurique , S d’eau  de 
cryftallifation. 

Ce  fel  n’exiftant  que  rarement  & en  petite 
quantité  dans  la  nature  , celui  qu’on  emploie 
en  médecine  eft  toujours  le  produit  de  l’art. 
On  peut  le  faire  de  trois  manières  ; première- 
ment, en  combinant  dire&ement  l’acide  fuifuri- 
que avec  la  potafîe  , il  en  réfulte  fur  le  champ 
du  fulfate  de  potafle  qu’on  peut  diffoudre  dans 
l’eau  & faire  cryftallifer , comme  nous  l’avons 
dit.  Le  fécond  moyen  , c’eft  de  dccompofer  , à 
l’aide  de  l’acide  fuifurique  , les  fels  neutres 
formés  par  l’union  de  la  potafle  aux  autres 
acides  , tels  que  le  nitrate,  le  muriate  &le  car- 
bonate de  potafle , & c.  il  rélulte  toujours  du 
fulfate  de  potafle  de  ces  décompofitions.  La 
troifième  manière  de  former  ce  feî , c’efl:  de 
décompofer  les  fels  fulfuriques  terreux  & mé- 
talliques par  la  potafle.  Cette  dernière  précipite 
les  fubftances  falino-terreufes  ôc  les  oxides 


1 4 ElÉ  MENS 

métalliques  unis  à l’acide  fulfurique.  Nous  re- 
viendrons fur  ces  deux  dernières  manières  de 
préparer  le  fulfate  de  potaffe  , lorfqu’il  fera 
queflicn  des  fels  neutres  qu’on  emploie  pour 
cette  préparation. 

Ce  fel  n’eft  d’un  grand  ufage  qu’en  méde- 
cine. C’eft  un  purgatif  affez  bon.  On  le  donne 
quelquefois  feul  à la  dofe  d’une  demi-once  ou 
d’une  once.  Le  plus  fouvent  on  ne  Padminiftre 
qu’à  celle  d’un  ou  de  deux  gros  , affocié  com- 
' me  auxiliaire  , à d’autres  médicamens  purgatifs. 
On  l’emploie  aufîi  comme  fondant  dans  les 
maladies  chroniques  &c  fur-tout  dans  les  dépôts 
laiteux.  On  le  donne  alors  à la  dofe  de  quel- 
ques gros  dans  des  boiffons  appropriées;  mais 
fa  vertu  fondante  eft  fort  inférieure  à celle  de 
piufieurs  autres  fels  neutres  plus  lolubles  ôc  plus 
fapides. 

L’acide  fulfureux  , ou  l’acide  fulfurique  avec 
excès  de  foufre,  uni  à la  potaffe,  forme  un  fel 
neutre  un  peu  différent  du  précédent , que  Stahl 
appelloit  fel  fulfureux  , & que  nous  nommerons 
fulfite  de  potajjc  ; ce  fel  cryftaliife  en  polyèdres 
à dix  faces,  ou  en  deux  pyramides  à quatre  fa- 
ces coupées  vers  leurs  bafes  ; il  eft  très-amer  , 
très-diffoluble  , légèrement  déliquefeent  ; prefque 
tous  les  acides  minéraux  & piufieurs  acides  vé- 
gétaux en  dégagent  l’acide  fulfureux  fous  la  forme 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  i f 
de  gaz  & avec  effervefcence.  Expofé  à l’air , le 
fulfite  de  potaffé  abforbe  péu-à  peu  de  l’oxigène 
& devient  fulfate  de  potaffe. 

Sorte  II.  Sulfate  de  Soude. 

Le  fulfdte  de  foude  nommé  jufqu’à  préfent  fd 
de  Glauber , d’après  le  nom  du  chimiffe  allemand 
qui  l’a  découvert , ell  un  fel  neutre  parfait  for- 
mé, comme  l’indique  fou  nom,  par  l’union  de 
l’acide  fulfurique  de  l’a’ cali  minéral  ou  foude. 
Ce  fêla  beaucoup  de  propriétés  communesavec 
le  fulfate  de  potaffe  , & il  en  a quelques-unes  de 
particulières  ; il  eff  également  cryffallifable  ; il  a 
une  faveur  amère  ; il  eff  très-peu  fufible;  il  eff: 
foluble  dans  l’eau;  il  ne  s’unit  point  aux  terres; 
il  eft  en  partie  décompofable  par  les  acides  ni- 
trique & muriatique,  comme  le  fulfate  de  po- 
taffe ; cependant  pîufieurs  de  fes  propriétés  s’é- 
loignent beaucoup  de  celles  de  ce  dernier  , com- 
me nous  allons  le  voir  en  les  parcourant  plus  en 
détail. 

Le  fulfate  de  foude  eff  ordinairement  un  corps 
plus  ou  moins  blanc  ou  tranfparent,  d’nne  forme 
régulière.  Ses  cryffaux  font  des  prifmes  à fix  pans 
inégaux  & ffriés  , terminés  par  des  fommets  diè- 
dres. Il  eff  rare  qu’ils  aient  cette  forme  régulière; 
le  n©mbrc  des  faces  varie  ainff  que  leur  étendue* 


ï 6 Elémens 

leur  pofition  , leurs  fines , comme  l*d  expofé  fort 
en  détail  M.  Rome  de  Lifie , dans  fa  cryftallo- 
graphie.  Ses  cryfiaux  varient  aufli  en  étendue 
depuis  celle  de  prifmes  très-fins  ou  de  petites 
aiguilles , jufqu’à  celle  de  gros  prlfrnes  de  près 
d’un  pouce  de  diamètre  , &:  de  6 à 8 pouces  de 
longueur , comme  on  les  obtient  dans  des  cryf- 
taliifations  en  grand,  La  faveur  de  ce  lel  effc  d’a- 
bord fraîche  , puis  d’une  amertume  très-forte.  Il 
n’altère  point  les  couleurs  bleues  végétales. 

• Lorfqü’on  1 expofe  à l’aétion  du  feu,  il  fe 
liquéfie  affez  promptement  , mais  bientôt  il  fe 
defsèche  & devienr  d’un  blanc  mat  ; dans  cet 
état , il  ne  peut  être  fondu  qu’à  une  chaleur 
confidérable  , comme  le  fulfate  depotaflé.  Pour 
bien  concevoir  ce  qui  fe  pafie  dans  cette 
aélion  du  feu  fur  le  fulfate  de  fonde , il  faut  dif- 
tinguer  deux  efpèces  de  fufion  dans  les  matières 
falines  ; l’une  qui  çft  due  à l’eau  qui  eitre 
dans  la  formation  de  leurs  cryfiaux  , ôi  qu’on 
appelle  fufion  aqueufe;  elle  n’a  lieu  que  pour 
les  fels  qui  font  plus  folubles  dans  l’eau  chaude 
que  dans  l’eau  froide;  & elle  efi  due  à ce  que 
la  portion  de  ce  fluide  qui  entie  dans  la  com- 
pofition  des  cryfiaux  falins  s’échauffe  & devient 
alors  capable  de  diiToudre  la  matière  faline  ; 

* cette  fufion  aqueufe  neft  donc  qu’une  diffolu- 

lion 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.'  17 
tion  par  l’eau  chaude  ; auffi  le  fulfate  de  foude 
fondu  fe  prend-il  en  maffe  lorfqu’on  le  laiffe  re- 
froidir. Mais  fi  l’on  continue  de  le  chauffer,  après 
l’avoir  fait  liquéfier , il  fe  défsèche  & devient 
blanc;  alors  la  fufion  qu’on  opère  à l’aide  d’une 
plus  grande  chaleur  eft  vraiment  due  au  feu , & fe 
nomme  fufion  ignée.  Le  fulfate  de  foude  eft  donc 
tout  aufïi  peu  fufible  que  le  fulfate  de  potaffe  ; 
comme  lui , il  fe  volatilise  à la  dernière  violence 
du  feu,  mais  il  n’éprouve  aucune  altération  dans 
fes  principes  par  l’aâion  de  la  chaleur. 

C’eft  encore  à la  grande  quantité  d’eau  que 
contiennent  les  cryftaux  de  fulfate  de  foude, 
qü’eft  due  la  propriété  qu’ils  ont  de  fe  réduire 
en  une  pouffière  blanche  très -fine,  lorfqu’on 
les  laiffe  expofés  à l’air.  On  donne  à ce  phéno- 
mène le  nom  d 'efflorefcence  , parce  qu’en  effet 
les  criflaux  fe  couvrent  d’une  efpèce  de  duvet 
pulvérulent , femblable  par  la  blancheur  & par 
la  forme,  aux  matières  fublimées  que  l’on  connoît 
en  chimie  fous  le  nom  impropre  de  fleurs . Ce 
n’efl  que  parce  qu’il  perd  l’eau  qui  entre  dans  la 
combinaifon  de  fes  criftaux,  que  ce  fel  tombe 
ainfi  en  pouffière  par  le  contact  de  d’air,  aufïi 
fon  efflorefcence  n’eft-elle  jamais  plus  rapide 
& plus  marquée  que  lorfque  l’air  eff  très-fec  &C 
par  conféquent  très- avide  d’humidité.  Ce  phé- 
nomène eft  donc  très-analogue  au  deffécheraent 
Tome  IL  B 


È L t M E N S 

opéré  par  la  chaleur;  tous  les  deux  dépendent 
uniquement  de  l’évaporation  de  l’eau  qui  fait 
partie  conftituante  des  criftaux.  Cependant 
comme  l’eau  qui  entre  dans  les  criftaux  de 
fulfate  de  fonde  & dans  ceux  de  tous  les  fels 
effiorefcens  en  général , eft  exa&ement  combi- 
née avec  la  matière  faline,  il  paroît  que  c’eft 
par  une  efpèce  d’attra&ion  éleétive  entre  l’air 
ôc  l’eau  que  l’efïlorefcence  a lieu.  Ce  phénomène 
doit  être  regardé  comme  une  décompofition 
«les  criftaux,  opérée  en  raifon  de  l’affinité  plus 
grande  qu’il  y a entre  l’eau  & l’air,  qu’entre  l’eau 
& la  matière  faline.  C’eft  ainfi  que  j’ai  toujours 
conçu  l’eftlorefcence , & je  ne  vois  pas  qu’on 
puiffe  l’expliquer  autrement.  ( Voyez  mes  Mé- 
moires de  Chimie.  ) Le  fulfate  de  fonde  perd 
prefque  la  moitié  de  fon  poids  dans  cette  alté- 
ration; mais  fa  nature  n’eft  pas  changée,  on  peut 
lui  rendre  fa  forme  criftalline , en  lui  reftituant 
l’eau  qu’il  a perdue.  Quoiqu’aueun  auteur  de 
matière  médicale  n’ait  fait  cette  ohfervation  , il 
nous  paroît  important  de  connoître  exactement 
la  quantité  d'eau  que  perd  le  fulfate  de  fonde 
dans  fon  eftlorefcence , pour  prefcrire  en  mé- 
decine une  dofe  toujours  égale  de  ce  fel  dans 
ces  deux  états.  On  doit  le  donner  eftleuri  à un 
peu  plus  d’un  tiers  de  moins  que  lorfqu’il  eft  en 
&eaux  criftaux  tranfparens. 


î5VHist.  Nat.  et  de  Chimie.  s9 

* it  f*v 

Le  fulfate  de  foude  efl:  très-diflfoluble  dans 
feau.  Il  ne  faut  que  quatre  parties  d’eau  froide 
pour  en  diflfoudreune  partie.  Cette  quantité  d’eaa 
néceflaire  à fa  difîolution  diminue  en  proportion 
de  la  chaleur  de  ce  fluide.  L’eau  bouillante  diflout 
prefque  fon  poids  de  ce  fel.  C’eft  fur  cette  pror 
priété  qu’efî  fondée  la  manière  de  le  faire  crif- 
tallifer.  Comme  il  efl  plus  foluble  dans  l’eau 
chaude  que  dans  l’eau  froide , il  fuffit  de  laifîer 
refroidir  une  difîolution  bien  chargée  de  ce 
fel,  & elle  donne  des  crifîaux  d’autant  plus  beaux 

plus  réguliers,  que  la  difîolution  efl;  faite  à plus 
grande  dofev&  qu’elle  fe  refroidit  avec  plus  de 
lenteur.  En  faifanr  cette  opération  en  grand  dans 
les  pharmacies  , on  obtient  fouvenc  des  prifmes 
flxiés  de  plufleurs  pouces  de  longueur , dans  lef- 
quels  on  peut  facilement  reconnoître  la  forme 
régulière  de  ce  fel. 

Le  fulfate  de  fonde  n’a  pas  plus  d’aftion  fur 
les  terres  filicée  &:  alumineufe  que  le  fulfate  de 
potaffe  ; il  n’entre  pas  plus  que  lui  dans  la  forma- 
tion des  verres  à caufe  de  fon  peu  de  fuflbilitë. 
La  baryte  le  décompofe  comme  le  fulfate  de  po- 
îafle,  mais  les  autres  fubflances  falino-terreufes 
ne  l’altèrent  en  aucune  manière. 

La  potafle  pure  & cauflique  mêlée  à une 
difîolution  de  fulfate  de  foude  le  déçompofe , 
parce  qu’elle  a plus  d’affinité  avec  l'acide  fulfu- 

B ij 


10  Élémens 

rique,  que  n’en  a la  foude.  Pour  fe  convaincre 
de  cette  vérité,  il  fuffit  de  verfer  uneleffivede 
potaffe  cauftique  dans  une  diffolution  chaude  &C 
bien  faturée  de  fulfate  de  foude.  Cette  diffolution 
qui  auroit  donné  des  cryftaax  de  ce  dernier  fel 
par  le  refroidiffement,  ne  fournit  que  du  fulfate 
de  potaffe  par  l’évaporation  ; l’eau  mère  contient 
la  foude  cauflique. 

L’acide  fulfurique  fe  combine  avec  le  fulfate 
de  fonde , & y adhère  de  la  même  manière 
qu’au  fulfate  de  potaffe. 

Les  acides  nitrique  & muriatique  le  décom- 
pofent  alors  avec  les  mêmes  circonftances  que  ce 
dernier  fel. 

Lorfqu’on  chauffe  fortement  le  fulfate  de  foude 
avec  du  charbon  & quelques  métaux,  l’acide  fui- 
furique  paffe  à l’état  de  foufre,  comme  nous  le 
dirons  plus  en  détail  dans  l’hiftoire  de  ce  corps 
combuftible. 

Toutes  les  propriétés  du  fulfate  de  foude , qui 
diffèrent  de  celles  du  fulfate  de  potaffe,  font 
voir  que  les  deux  alcalis  fixes,  qui  fe  reffemblent 
parfaitement  lorfqu’on  les  confidère  dans  leur 
état  de  pureté , font  cependant  très  - différens 
l'un  de  l’autre  ,puifqu*ils  forment  desfelstrès- 
diffemblables  avec  le  même  acide.  D’ailleurs 
la  proportion  des  principes  de  ce  fel  diffère 
beaucoup  de  çelle  qui  çonflitue  le  fulfate  de 


b'Hist:  Nat.  et  de  Chimie;  i% 
potaffe  j puirqu’un  quintal  de  fulfate  de  foude  con- 
tient, d’après  les  recherches  de  Bergman,  iç 
parties  de  foude , 17  parties  d’acide  fulfurique , 5c 
58  parties  d’eau. 

Ce  fel  eft  plus  abondant  dans  la  nature  que 
le  fulfate  de  potaffe.  On  le  trouve  en  affez 
grande  quantité  dans  les  eaux  de  la  mer,  dans 
celles  de  certaines  fontaines  falées , & fur-tout 
dans  plufieurs  eaux  minérales.  L’art  peut  d’ailleurs 
lui  donner  naiffance  par  les  trois  moyens  dont 
nous  avons  parlé  à l’article  du  fulfate  de  potaffe. 
Il  n’eff  pas  plus  employé  dans  les  arts  que  ce 
dernier  ; mais  il  l’eft  beaucoup  plus  que  lui  en 
médecine.  On  le  donne  comme  fondant,  apéritif 
& purgatif,  depuis  un  demi-gros  jufqu’à  une 
once  &C  demie, fui vant  les  cas  où  on  l’adminiftre; 
fes  effets  font  même  plus  marqués  & plus  prompts 
que  ceux  du  fulfate  de  potaffe,  parce  qu’il  eff 
beaucoup  plusfoluble  dans  nos  humeurs,  & parce 
que  fa  faveur  eff  plus  vive. 

On  ne  connoît  pas  les  propriétés  du  fulfîte  de 
foude  , ou  de  la  combinaifon  de  l’acide  fulfureux 
avec  l’alcali  de  la  foude. 

Sorte  III.  Nitrate  de  potasse  ou  Nitre  ordinaire. 

Le  nitrate  de  potaffe,  le  nitre  commun  ou 
falpêtre  , eff  un  fel  neutre  formé  par  la  com- 
binaifon faiurée  de  l’acide  nitrique  avec  la 

A 

*T>  • 

B uj 


Il  Élémens 

poraffe.  Ce  fel  a une  faveur  fraîche  ; il  eft  parfai- 
tement neutre,  il  n’altère  point  la  couleur  du  fi- 
ropde  violettes.  Sescryflaux  font  des  prifmes  à 
fix  pans,,  terminés  par  des  fommets  dièdres  ou 
en  bifeau,  & fouvent  creufés  par  un  canal  dans 
toute  leur  longueur. 

Ilexifteen  très-grande  quantité  dans  la  nature 
il  fe  forme  journellement  dans  les  lieux  habités 
par  les  animaux.  On  le  trouve  allez  abondara- 
méat  fur  les  murs  abrités  de  la  pluie  ; on  l’appelle 
alors  falpêtre  ou  nitre  de  houflage. 

Il  paroît  qu’il  y a trois  circonfïances  princi- 
pales qui  favorifent  fa  formation.  La  première  , 
c’efl  la  préfence  de  la  craie  ou  d’un  fel  calcaire 
quelconque  ; c’efl  ainfi  que  fe  forme  le  nitre  de 
houffage  que  l’on  ramaffe  fur  les  murs  recou- 
verts de  plâtre  ; c’eft  ainfi  que  les  démolitions  des 
vieux  édifices  contiennent  de  grandes  quantités 
de  nitre.  Ce  fel  fe  trouve  encore  tout  pur  dans 
des  craies;  M.  le  duc  delà  Rochefoucault  en  a 
retiré  jufqu’à  une  once  par  livre  d’une  craie  de 
la  Roche-Guyon. 

La  fécondé  circondance  dans  laquelle  ce  fel 
fe  produit,  c’efl  la  putréfaéUon  ou  la  décompo- 
sition fpontanée  des  matières  végétales  & ani- 
males. C’efl  un  fait  très-connu  que  les  lieux  arro- 
gés de  liqueurs  animales,  ou  qui  contiennent  des 
matières  animales  en  putréfa&ion , tels  que  les 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  ,\2$ 
fumiers , les  étables , les  latrines , prdduifeùt 
beaucoup  de  nitrate  de  potafie.  On  a profité  de 
cette  obfervation  confiante  pour  former  des 
nitrières  artificielles;,  on  conftruit  des  foffes  ou 
des  hangards  couverts,  mais  expofés  à l’air  par 
les  côtés;  on  les  remplit  de  fubfiances  putrelci» 
blés  comme  du  fumier,  des- excrémens  de  qua- 
drupèdes, des  fientes;  de  volailles,  des  débris,  de 
végétaux  ; on  arrofe  ces  matières  de  temps  en 
temps  ,&  fur-tout  avec.des  eaux  chargées  de  fubf-. 
tances  animales  ou  végéralesfufceptibles  de  fe 
pourrir,  & on  les  agite  pour  renouveller  toutes 
les  furfaces.  Lorfque  la  putréfaéUon  efi avancés, 
on  prend  une  petite  portion  de  ces  matières  & on 
la  lefiive  pour  s’afîurer  de  ce  qu’elle  contient  de 
nitre  : fi  on  la  trouve  afiez  chargée  on  lefiive 
toute  la  matière. 

La  troifième  circonftance  qui  paroît  favorifer 
la  production  du  nitre  c’eft  le  contact  de  l’aire 
Telle  efi  la  raifon  de  la  formation  du  falpêtre  de 
houflage;  c’efi  aufii  celle  pour  laquelle  on  agite 
les  mélanges  des  nitrières  artificielles , pour  que 
l’air  les  touche  dans  tous  leurs  points.  Enfin 
les  craies  qui  contiennent  naturellement  du  nitre,; 
n’en  fourniffent  qu’à  une  certaine  profondeur , §£ 
point  du  tout  au-delà  de  cet  efpace  Si  ces  trois 
circonfiances  font  réunies,  la  production  du  nitso 
fera  très-abondante.;,  tels  font  les  principes  fui; 

B iv 


Ï4  Ê L É M E N S 

lefquelsil  faut  conftruite  des  nitrières  artificielles. 
On  ne  connoit  que  depuis  peu  de  temps  la 
théorie  de  la  formation  du  nitre.  Glauber  & plu- 
sieurs autres  chimiftes  qui  l’ont  fuivi , penfoient 
que  ce  fel  étoit  tout  formé  dans  les  végétaux  > 
qu’il  paffoit  delà  dans  les  animaux,  & que  la 
putréfaction  ne  faifoit  que  le  dégager  de  fes 
entraves;  mais  on  a bientôt  reconnu  que  les 
végétaux  n’en  contenoient  point  une  affez  grande 
quantité  pour  fuffire  à celle  que  l’on  retire  dans 
les  nitrières  artificielles.  M.  Thouvenel  qui  a 
remporté  le  prix  de  l’académie  fur  la  formation 
du  nitre,  a fait  beaucoup  d’expériences  pour  en 
déterminer  la  caufe  ,&  il  a reconnu  que  l’acide 
nitrique  étoit  produit  par  la  combinaifon  d’un 
fluide  élaftique  dégagé  des  matières  animales  en 
putréfaétion,avec  l’air  vital.  11  a également  établi 
que  cet  acide  une  fois  formé , fe  combine  avec 
la  terre  calcaire  lorfque  l’on  n’emploie  que  des 
matières  animales  pour  les  nitrières , & que  les 
débris  des  végétaux  font  utiles  pour  fournir  l’al- 
cali fixe  ou  la  potafle,  qui  eft  la  bafe  du  nitre 
ordinaire.  Mais  M.  Thouvenel  n’avoit  point  dé- 
terminé la  nature  du  gaz  qui  fe  dégage  des  matiè- 
res animales  en  putréfaction,  & c’eft  M.  Caven- 
difch  qui  a démontré  que  ce  gaz  eft  le  même 
que  celui  qui  constitue  un  des  principes  de  l’at- 
iîicfphèies  fous  le  nom  d’air  phlogiftiqué  , de 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  25 
mofette  atmofphérique , ou  de  gaz  azote;  il  a 
fait  de  véritable  acide  nitrique  par  la  combinai- 
î on  de  ce  gaz  avec  l’air  vital  au  moyen  de  l’étin- 
celle éleârique. 

Le  nitrate  de  potafte  eft  très-altérable  par  la 
chaleur  : fi  on  l’expofe  à l’aéfcion  du  feu  dans  un 
creufet , il  fe  liquéfie  allez  vite , & cette  liqué- 
fa&ion  eft  une  fufion  ignée  ; car  quoiqu’on  le 
tienne  quelque  temps  dans  cet  état , il  ne  fe 
defsèche  pas  , & peut  rougir  fans  prendre  la 
forme  sèche.  Si  on  le  laide  refroidir  après  l’avoir 
fait  fondre,  il  fe  fige  en  une  malle  opaque  que 
l’on  nomme  crifïal  minerai , & qui  eft  aulîi  pe- 
fant,  aulîi  fufible  & aulîi  diftbiuble  que  le  nitrate 
de  potafte.  Le  criftal  minéral  des  pharmacies  dif- 
fère du  nitre  pur  fondu,  en  ce  qu’il  contient  un 
peu  de  fulfate  de  potafte  produit  par  la  combuf- 
tion  du  foufre  qu’on  ajoute , à la  dofe  d’un  gros 
par  livre  de  nitre , fuivant  la  pharmacopée 
de  Paris. 

Si  on  laifte  le  nitrate  de  potafte  expofé  à. 
l’aélion  du  feu  après  fa  fufion , il  fe  décompofe 
& il  s’alcalife  de  lui-même.  Cette  opération 
faite  dans  une  cornue  réuftit  de  même  , & ins- 
truit en  même -temps  fur  la  décompofition  de 
l’acide  nitrique.  En  effet  au  lieu  d’obtenir  cet 
acide  pur,  il  paffe  une  grande  quantité  d'un 
fluide  açriforme  qu’on  peut  recueillir  au-deffirs 


'3.6  Ê L É M É N S 

de  l’eau  , & qui  eff  de  véritable  air  vital  mêlé 
de  gaz  azote.  L’alcali  réffdu  fait  ordinaire- 
ment fondre  très-vite  la  cornue , & on  ne  peut 
pourfuivre  l’opération  jufqu’à  la  fin  qu’avec  une 
cornue  de  grès  très-réfraéiaire.  Voilà  donc 
l’acide  nitrique  entièrement  décompofé  en  air 
vital  & en  gaz  azote , par  le  moyen  de  la  cha- 
leur & la  lumière  qui  féparent  fes  deux  prin- 
cipes. Si  l’on  ne  pouffe  point  le  feu  jufqu’à  d6- 
compofer  entièrement  le  nitrate  de  potaffe, l’al- 
cali reffe  chargé  d’une  certaine  quantité  d’acide 
nitreux,  ou  nitrique  avec  excès  de  gaz  nitreux; 
on  en  dégage  cet  acide  avec  le  vinaigre  ; ce  fel 
dans  cet  état  eft  ce  que  nous  appelions  nitrite  ck 
potajfe , en  raifon  de  l’état  de  l’acide  nitreux  qu’il 
contient;  comme  on  nomme  fulfite  de  potaffe, 
la  combinaifon  de  l’acide  fui  fur  eux  avec  cet  al- 
cali; fi  l’on  chauffe  plus  fortement  le  nitrate  de 
potaffe , l’alcali  reffe  pur  & cauftique.  On  con- 
çoit d’après  la  facilité  avec  laquelle  la  chaleur 
décompofé  le  nitrate  de  potaffe,  que  pour  faire 
du  criffal  minéral  par  la  fimple  fuffon  il  ne  faut 
pas  tenir  ce  fel  trop  long-temps  au  feu  ; fans  cette 
précaution  ce  médicament  contiendroit  un  ex- 
cès de  potaffe  dont  l’effet  feroit  beaucoup  trop 
violent. 

Le  nitrate  de  potaffe  fe  décompofé  avec  d’au- 
tr  es  phénomènes,  lorfqu’onl’expofe  à l’aclion-du 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  i 7 

feu  avec  des  corps  combufîibles;  appliqué  fur  un 
charbon, il  produit  une  flamme  blanche,  vive* 
accompagnée  d’une  efpèce  de  décrépitation  ; 
c’eft  ce  qu’on  appelle  détonation  ou  fufion  du 
nitre,  on  dit  alors  que  ce  fel  détonne  ou  fufe, 
& c’efl  à ce  caraéfère  qu’on  le  reconnoît  faci- 
lement. Sthal  croyoit  que  ce  phénomène  étoit  dû 
à la  combinaifon  rapide  de  l’acide  du  nitre  avec 
le  phlogiflique  ; & M.  Baume  , d’après  cette 
ih  éorie  penfoit  qu’il  fe  formoit  dans  cette  expé- 
rience un  foufre  nitreux  qui  s’enflammoit  fur 
le  champ.  J’ai  lu  en  1780  à l’académie  un 
mémoire  dans  lequel  j’ai  démontré  que  le  nitrate 
de  potaffe  n’eft  pas  combuflible  par  lui-même 
6c  ne  forme  pas  de  foufre  nitreux  dans  fa  dé- 
tonation , mais  que  ce  phénomène  n’eff  dû  qu’à 
ce  que  la  matière  combuflible  , qu’il  efl  néceffaire 
d’ajouter  à ce  fel  pour  le  faire  détoner , brûle 
plus  ou  moins  rapidement  à l’aide  de  l’air 
vital  qui  fe  dégage  en  grande  quantité  du  nitrate 
de  potaffe  fortement  chauffé.  Cette  théorie  eft 
complètement  prouvée,  i°.  parce  que  ce  fel 
ne  fufe  jamais  feul  ; z°.  parce  qu’après  fa  dé- 
tonation à l’aide  d’une  matière  inflammable  , 
cette  dernière  efl  entièrement  brûlée;  30.  parce 
que  plus  la  quantité  de  nitrate  de  potaflè  efl 
grande , relativement  à celle  du  corps  com- 
buflible, plus  la  combuflion  de  ce  corps  efl 


28  Élémens 

complète;  40.  enfin  parce  que  la  de'tonation 
a lieu  a u fii  bien  dans  les  vaiffeaux  clos  qu’à 
l’a-r  fibre  , ce  qui  ne  peut  fe  taire  qu’à  l’aide 
de  l’air  viral  fourni  p r ce  tel.  Cette  affertion 
e]j  entièrement  démontrée  par  ce  qui  fe  paffe 
odns  l’opération  des  clyjfus  de  nitre,  qui  ne  font 
que  des  détonations  de  ce  fel  avec  differentes 
ma:  ères  combufi:  blés  dans  des  vaiffeaux  fermés* 
Norav  ne  c erons  ici  que  celle  qui  fe  fait  avec 
le  chai  b >n.  On  adapte  deux  ou  trois  ballons 
enfilés  à une  cornue  de  terre  ou  de  fer,  à 
laquelle  on  a pratiqué  dans  la  partie  fupérieure 
une  cuverrure  que  l’on  peut  boucher  avec  un 
couverte.  Or,  fait  chauffer  ce  vaiffeau  & lorf- 
que  fon  fond  ett  rouge,  on  projette  peu  à-peu 
le  mélange  du  nitrate  de  pc-taffe  & de  charbon 
par  la  tubulure  que  l’on  ferme  promptement. 
Pendant  ’a  détonation  les  ballons  font  remplis 
de  vapeurs  dont  une  partie  fe  condenfe  en  une 
liqueur  fade  nullement  acide  & fouvent  alcaline» 
le  réfidu  n’eft  que  de  la  potaffe  chargée  d’acide 
cai  bonique  : l’acide  nitrique  eft  donc  entierément 
décdmpofë,  il  fe  produit  une  grande  quantié 
«le  gaz  que  j’ai  recueilli  en  adaptant  à la  partie 
fupérieure  des  ballons  qui  étoient  tubulés  dans 
cette  rcg’on  , ou  une  vefiie  ou  des  tubes  dont 
les  ext remîtes  étoient  reçues  fous  des  cloches 
pleines  d’eau,  Ce  gaz  étoit  en  grande  partie 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  29 
de  l’acide  carbonique  , mêlé  d’un  peu  de  gaz 
inflammable  & de  gaz  azote,  l’un  des  principes 
de  l’acide  nitrique.  Le  gaz  inflammable  provient 
de  la  décompofltion  d’une  partie  de  l’eau  du 
nitre  par  le  charbon. 

Le  réfldu  de  la  détonation  du  nitrate  de  po- 
tafle avec  du  charbon  faite  dans  un-  çreufet , 
porte  le  nom  impropre  de  nitre  fixé  par  les 
charbons  , c’elfc  de  la  potafle  combinée  avec 
l’acide  carbonique. 

Le  nitrate  de  potafle  bien  pur  ne  s’altère  en 
aucune  manière  à l’air. 

Il  eft  très-difloluble  puifque  trois  ou  quatre 
parties  d’eau  froide  en  difîblvent  une  partie  , 
l’eau  bouillante  en  diffout  le  double  de  fon 
poids.  Aufli  criflallife-t-il  très-bien  par  refroi- 
diflement;  c’efl  fur  ces  deux  propriétés  qu’efl: 
fondé  l’art  d’extraire  le  nitrate  de  potafle  des 
plâtras  où  il  efl:  contenu.  Les  falpêtriers  mettent 
les  plâtras  concsflbs  dans  des  tonneaux  dont  le 
fond  percé  d’un  trou  dans  fon  milieu  efl  cou- 
vert de  cendres.  Ils  y font  palier  de  l’eau 
jufqu’à  ce  qu’elle  en  foit  très-char gée  , cbfer- 
vant  de  mettre  de  l’eau  pure  fur  des  plâtras  déjà 
lavés  pour  les  épu  fer  tout  - à - fait , tk  l’eau 
déjà  falée  fur  des  plâtras  neufs  pour  la  char- 
ger entièrement.  Ils  font  enfuite  évaporer  leur 
lefliyç  dans  des  chaudières  de  cuivre*  Ils  en 


$Q  É L É M E N S 

retirent  les  premières  pellicules  qi^i  ne  font  quô 
du  muriate  de  fonde  ou  fel  marin  contenu  dans 
les  plâtras.  Ils  nomment  ce  fel  grain  , & ils  font 
obligés  par  leurs  règlemens  de  le  rapporter  aux 
rafîneries.  Lorfque  l’eau  eft  affez  évaporée  pour 
qu’elle  fe  fige  par  le  refroidiffement , ils  la  met- 
tent dans  des  bafiinaux  où  le  nitrate  de  potafte 
fe  criftallife  : ce  fel  eft  très-impur  & très-fale  ; 
c’eft  ce  qu’on  appelle  le  nitre  de  la  première 
cuite.  Quelques  chimifles  ont  cru  que  les  cen- 
dres employées  par  les  falpêtriers  ne  fervoient 
qu’à  dégraiffer  le  nitrate  de  potaffe,  & cette 
opinion  paroifToit  fondée  fur  ce  que  ces  ma- 
tières ne  contiennent  prefque  point  d’alcali > & 
fur-tout  fur  ce  que  les  falpêtriers  du  Languedoc 
emploient  les  cendres  du  tamarifc  , qui  ne  con- 
tiennent que  du  fulfate  de  fonde.  Mais  ce  fel 
ainfi  que  le  fulfate  de  potaffe  eft  tout  aufii  bon 
pour  décompofer  le  nitrate  calcaire  qui  fe  trouve 
en  grande  quantité  dans  les  plâtras,  par  la  voie 
des  attra&ions  éle&ives  doubles , ainfi  que 
M.  Lavoifier  l’a  obfervé  pour  les  cendres 
lefîivées  employées  par  les  falpêtriers  de  Paris  : 
nous  reviendrons  fur  ce  fait  avec  plus  de  détail 
à l’article  du  nitrate  calcaire. 

Le  nitrate  de  potaffe  de  la  première  cuite  eft 
toujours  fort  impur  ; il  contient  outre  le  nitre 
pur  cinq  autres  fortes  de  fels;  favoir  du  muriate 


d’Hist,  Nat.  et  de  Chimie.  31 
de  foude,  du  nitrate  de  magnéfie,  du  nitrate 
calcaire  , du  muriate  de  magnéfie  & du  muriate 
calcaire  , qu’il  s’agit  de  féparer  pour  avoir  le 
nitrate  de  potaffe  dans  fon  état  de  pureté.  On 
parvient  à le  purifier  en  le  faifant  rediffoudre 
dans  le  moins  d’eau  pofiible , en  clarifiant  cette 
liqueur  bouillante  à l’aide  du  fang  de  boeuf  dont 
le  coagulum  albumineux  formé  par  la  chaleur 
entraîne  toutes  les  impuretés  en  s’élevant  du 
fond  de  la  liqueur  à fa  furface;  on  fait  enfuite 
évaporer  cette  fécondé  leflive  , & on  en  obtient 
par  le  refroidiffement  un  nitrate  de  potaffe,  qui 
eff  beaucoup  plus  pur  & qu’on  nomme  nitre 
de  la  fécondé  cuite.  Il  eff  encore  altéré  par, 
une  certaine  quantité  de  muriate  de  foude  3s 
d’eau  mère.  On  le  purifie  une  troifième  fois  par 
le  même  procédé , & il  devient  beaucoup  plus 
blanc  & plus  pur  ; c’eft  le  nitre  de  la  troifième 
cuite.  Comme  on  le  fait  criftallifer  très-promp- 
tement, il  eft  en  groffes  maffes  affez  confufes? 
il  fe  forme  cependant  dans  le  milieu  des  bafli- 
naux  une  couche  de  criftaux  allongés  & .réguliers 
qu’on  appelle  nitre  en  baguette.  Ce  dernier  eft 
rejette  dans  les  arfenaux,  parce  qu’il  e fl  moins 
propre  à former  de  bonne  poudre  à canon , 
que  le  nitre  en  groffes  maffes  informes  , à caufe 
de  l’eau  qu’il  retient  dans  fa  criftallifation,  & 
qui  nuit  à la  çombuftion  de  la  poudre. 


3*  É L É M E N S 

Les  chimiffes  & les  pharmaciens  purifient 
encore  le  nitre  de  la  troifième  cuite  par  de 
nouvelles  diffolutions  & criftallifations:  de  cette 
manière  ils  font  certains  d’avoir  un  nitrate  de 
potaffe  très-pur,  & qui  ne  contient  plus  aucune 
matière  étrangère , fur-tout  les  muriates  à bafe 
de  foude , de  chaux  & de  magnéfie , dont  on  ne 
peut  prefque  jamais  enlever  les  dernières  por- 
tions dans  les  raffineries  en  grand  (i). 

Le  nitrate  de  potaffe  paroît  éprouver  quelques 
altérations  de  la  part  de  la  terre  filicée , puifqu’on 
en  retire  l’acide  en  le  difiillant  avec  du  fable. 
Cet  acide  paffe  fans  couleur,  il  répand  quelques 
vapeurs;  le  réfidu  eft  plus  ou  moins  vitreux, 

(i)  Rien  n’eft  fi  fingulier  aux  yeux  des  naturalises  8c 
des  chimiftes , que  la  production  de  fix  fortes  de  fels  dans 
les  plâtras,  & lur-tout  l’union  confiante  de  chaque  bafe 
alcaline  à un  acide  particulier.  La  potaffe fe  trouve  toujours 
unie  à l’acide  nitrique,  &la  foude  eft  toujours  combinée 
avec  l’acide  muriatique.  Il  femble  qu’il  y ait  un  rapport 
particulier  entre  ces  différentes  efpèces  de  fels  primitifs, & 
qu’ils  fechoififfent  mutuellement;  car  pourquoi  ne  trouve- 
t-on  pas  de  inuriate  de  potaffe  ou  du  nitrate  de  foude  ? On 
pourroit  obferver  la  même  chofe  pour  les  fels  terreux  : en 
effet,  il  y a bien  plus  de  muriate  de  magnéfie  8i  de  nitrate 
calcaire  , que  de  nitrate  de  magnéfie  ou  de  muriate  cal- 
caire ; cela  indique  que  la  magnéfie  a une  affinité  parti- 
culière avec  l’acide  muriatique  , & que  la  chaux  en  a de^ 
même  une  avec  l’acide  nitrique. 

fuivant 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  33 
fuîvant  la  quantité  de  fable  employé,  & fuivant 
le  degré  de  chaleur  qu’on  a / donné.  11  parent 
que  le  fable  décompofe  le  nitrate  de  potaffe  par 
la  tendance  qu’il  a pour  fe  combiner  avec  fa  bafe 
alcaline , puifqu’en  diflillant  le  nitre  fans  inter- 
mède , on  n’obtient  point  d’acide  nitrique*  mais 
de  l’air  vital  mêlé  de  gaze  azote.  Je  crois  que 
cela  vient  de  ce  que  dans  la  diflillation  du 
nitrate  de  potaffe  fans  intermède , l’alcali  réagit 
fur  l’acide  & contribue  à fa  décomposition  ; 
tandis  que  lorfqu’on  chauffe  ce  fel  mêlé  avec 
du  fable , ce  dernier  tendant  à s’unir  à la  potaffe 
pour  former  du  verre,  l’empêche  de  réagir  fur 
l’acide  qui  paffe  alors  fans  altération.  Les  .terres 
argileufes  décompofent  aufli  le  nitre.  On  fe 
fert  communément  d’une  argile  plus  ou  moins 
colorée.  C’efl  une  pareille  terre  que  les  difhlla- 
teurs  d’eau-forte  da  Paris  emploient.  Ils  in- 
troduifent  deux  livres  de  nitre  de  la  fécondé 
cuite  avec  fix  livres  d’argiie  colorée  de  Gen- 
tilly  dans  des  cornues  de  terre  d’une  forme 
particulière  qu’on  nomme  des  cuincs  , &c  qui 
font  placées  les  unes  à côté  des  autres  fur  des 
fournaux  allongés , connus  fous  le  nom  de 
galères  ; leur  col  eft  reçu  dans  une  bouteille  de 
même  forme  qui  s’ert  de  récipient.  Ils  retirent* 
par  ce  moyen  , d’abord  une  liqueur  tranfparente 
peu  acide  , qu’ils  nomment  flegme  de  l’eau,- 
Tome  II  t C 


34  Ê L É M E ÎSf  $ 

forte,  enfuite  de  l’acide  de  plus  en  plus  con- 
centré.  Le  rélidu  eft  une  fubflance  terreufé 
rouge  & très-dure,  qui  fert  à faire  une  efpèce 
de  mortier.  Cette  expérience  n’eft  rien  moins 
que  propre  à prouver  que  l'argile  décômpofe 
îe  nitre  de  potaffie.  i°.  Les  diftillateurs  n’em- 
ploient qu’un  nitre  fort  impur  , & qui  contient 
beaucoup  de  nitre  terreux.  i°.  Ils  fe  fervent 
d’une  argile  très-compofée  & fouvent  remplie 
d’une  grande  quantité  de  pyrites  donc  l’acide 
fulfurique  peut  décompofer  le  nitre.  Pour 
compter  fur  cette  décompofition  , il  faut  la 
faire  avec  de,  l’argile  blanche  , & mieux  encore 
avec  la  bafe  de  l’alun  ou  l’alumine.  Cette  terre 
n’ayant  pas  autant  de  tendance  pour  s’unir  à 
l’alcali  que  le  fable  , & ne  formant  pas  de 
verre  avec  ce  fel  » ne  paroît  pas  pouvoir  dé- 
ccmpofer  aufîicomplètement  lenîtrate-de  potaffie 
que  le  fable.  Cependant  M.  Baume  dit  avoir 
obtenu  l’acide  du  nitrate  de  potaffie  par  la  porce- 
laine l’argile  cuite  en  grès  , qui  ne  contiennent 
point  d’acide  fulfurique,  quoiqu’il  ait  cru  que 
c’étoità  cet  acide,  contenu  dans  les  argiles, 
qu’étoit  due  la  décompofition  de  ce  fel* 

La  baryte  décompofe  le  nitrate  de  poraffie  & 
en  fépare  l’alcali.  Bergman  dans  fa  table  d’affi- 
nités ^ place  cette  fubftance  falino  - terreufe 
avant  les  alcalis  immédiatement  après  l’acide 
nitrique. 


b’Hist.  Nat.  et  de  Chimie: 

La  magnéfie  , la  chaux  & les  alcalis  n’ont 
aucune  a£Hon  fur  le  nitre* 

Les  acides  en  ont  une  très-marquée  fur  ce 
fel,  fur- tout  l'acide  fulfurique  qui  a réellement 
plus  d’affinité  avec  les  alcalis  que  n’en  a l’acide 
nitrique*  Si  on  verfe  de  l’acide  fulfurique  con- 
centré fur  du  nitrate  de  potaffe  bien  fec  * il  fe 
produit  une  effervefcence  corlîdérable , & l’on 
voit  s’élever  des  vapeurs  rouges  qui  ne  font  que 
de  l’acide  nitreux.  En  faifant  cette  opération  dans 
une  cornue  à laquelle  eft  ajufté  un  récipient , 
on  recueille  cet  acide  connu  fous  le  nom  d’efprit 
de  nitre  : cette  opération  eft  appellée  dans  les 
laboratoires  diffillation  de  lefprit  de  nitre  à la 
manière  de  Glauber,  parce  que  c’eft  ce  ehimifte 
qui  le  premier  l’a  décrite  affez  clairement.  Dans 
ce  procédé  on  étoit  obligé  de  laiffer  au  ballon 
un  petit  trou  ouvert  pour  donner  ifîïie  aux 
vapeurs  d’acide  nitreux;  on  avoit  remarqué  que 
ces  vapeurs  ctoient  très-difficiles  à condenfer  , 
& qu’elles  cccafionnoient  deux  accidens  : le 
premier  étoit  la  perte  d’une  quantité  notable 
du  plus  fort  efprit  de  nitre  qui  fe  diffipoit  par 
la  tubulure  du  vaiffeau  ; le  fécond  confiftoit 
dans  le  danger  que  couroit  l’artifte  expofé  à 
ces  vapeurs  très-âeres  & très-corrolives;  c’étoit 
donc  un  procédé  très-défe&ueux.  M.  Woulfe 
Lavant  chimide  anglois  a trouvé  le  moyen  de 

Cij 


y 


$6  É L E M E N S 

remédier  à ces  inconvéniens  : au  lieu  d’em- 
ployer un  récipient  percé  d’un  petit  trou  , il  fe 
fert  d’un  ballon  à deux  pointes  ; il  place  dans 
l’extrémité  de  ce  vaifleau  oppofée  à la  cornue 
un  tube  dont  un  bout  qui  fait  angle  droit  avec 
l’autre,  plonge  dans  une  bouteille  ; cette  bouteille 
a deux  tubulures  ‘fur  fes  côtés  j chacune 
cle  ces  tubulures  reçoit  un  fyphon  qui  pade 
dans  une  autre  bouteille  , placée  de  chaque  côté 
cle  la  première.  Les  deux  bouteilles  collatérales 
font  jointes  par  le  moyen  d’un  fyphon  avec 
deux  vaideaux  pareils  donc  les  tubulures  latérales 
redent  Ouvertes.  La  première  bouteille  rede 
ordinairement  vicie  , les  bouteilles  collaté* 
raies  contiennent  une  certaine  quantité  d’eau 
dans  laquelle  plonge  l’extrémité  inférieure  & la 
plus  longue  du  tube  qui  communique  de  l’une 
à l’autre;  la  partie  fupérieure  de  ces  bouteilles 
rede  vide,  & lorfque  la  vapeur  d’acide  pade 
'au-deiTus  de  l’eau  des  premières,  elle  ed  portée 
par  les  autres  tubes  jufque  dans  l’eau  des  bou- 
teilles fuivantes.  Par  cet  appareil  ingénieux  il 
ne  fe  perd  rien  du  tout,  & i’artide  n’efl  nulle- 
ment incommodé.  L’acide  nitreux  en  vapeur 
palTe  dans  le  ballon  & va  dans  les  premières 
bouteilles  où  il  ed  abforbé  par  l’eau.  Celui  qui 
ne  peut  pas  l’être  pade  dans  les  fécondés 
bouteilles  collatérales  , s’y  unit  à l’eau 


) 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  37 
qu’elles  contiennent.  U fe  dégage  par  la  tubu'ure 
ouverte  des  dernières  bouteilles  une  q .anîite 
plus  ou  moins  grande  d’air  vital  qu’on  peut 
recueillir  dans  des  cloches.  Cet  appareil  tel 
qu’il  vient  d’être  décrit  a un  avantage  dont  il 
doit  être  fait  mention  ; à la  fin  de  l’opération  , 
lorfqu’on  laide  refroidir  la  cornue  , il  fe  fait  un 
vide  dans  les  vaiffeaux , &c  l'air  extérieur  pref- 
fant  fur  l’eau  des  dernières  boufei’les  ouvertes  , 
la  force  de  remonter  par  les  fyphons  dans  les1 
premières  bouteilles  collatérales,  & de  celles-ci 
dans  la  bouteille  moyenne  &C  la  plus  voifine 
du  ballon.  Si  la  première  bouteille  n’étoit  pas 
vide  & n’avoit  pas  allez  de  volume  pour  con- 
tenir toute  l’eau  des  buvantes  , les  liqueurs 
acides  pafferoient  dans  le  ballon  ; & comme 
l’acide  nitreux  le  plus  fort  eft  contenu  dans  ce 
vaiffeau  , il  fe  trouveroit  mêlé  avec  toutes  les 
liqueurs  des  bouteilles  , &:  il  n’auroit  pas  le 
degré  de  force  qu’on  y recherche  ; cet  incon- 
vénient feroit  encore  plus  préjudiciable  pour 
d’autres  dibillations  dont  nous  parlerons  par 
h fuite,  parce  qu’au  lieu  de  diminuer  limple- 
ment  la  force  du  produit  il  en  akéreroit  la 
pureté. 

Pour  faire  cette  opération  dans  un  labora- 
toire, on  met  quatre  livres  de  nitrate  de  poîafie 
pur  6c  fondu  en  crijlal  minerai  dans  une  cornus 

C iij 


|8  ÊLEMENS 

de  grès  tubulée  placée  dans  un  fourneau  de 
réverbère  : on  peut  aufli  fe  fervir  de  cornues 
de  verre  tubulées  que  l’on  place  fur  un  bain 
de  fable.  On  verfe  tout-à-la'-fois  par  la  tubulure 
deux  livres  & demie  d’acide  fulfurique  con- 
centré, êc  on  bouche  la  cornue.  On  l’adapte 
on  la  lutte  promptement  à l’appareil  décrit  ci- 
deffus  qu’on  a eu  foin  de  monter  la  veille.  On 
ïa  chauffe  par  degrés  jufqu’à  ce  qu’il  ne  paffe 
plus  rien;  on  peut  régler  la  conduite  de  l’opé- 
ration d’après  le  dégagement  & le  partage  du 
gaz  dans  les  bouteilles.  S’il  efl:  trop  rapide , la 
chaleur  efl  trop  violente,  & on  doit  la  diminuer 
de  peur  que  toute  la  maffe  de  la  cornue  ne  fe 
gonfle  trop  & ne  paffe  dans  le  ballon;  fi  le  jeu 
des  bouteilles  efl:  trop  lent , on  augmente  le  feu 
pour  éviter  l’abforption  ; ainfi  cet  appareil  a 
encore  l’avantage  d’avertir  l’artifle  fur  la  marche 
de  fon  procédé. 

Le  réfidu  de  cette  dccom  ;ofition  efl:  du  fulfate 

A 

de  potaffe,  formé  par  fanion  de  l’acide  fulfuri- 
que avec  l’alcali  bafe  du  nitre  : ce  fel  réfidu 
efl  connu  en  pharmacie  fous  le  nom  de  fel 
de  duobus  , OU  arçanum  duphcatutn.  Il  efl 
ordinairement  en  une  maffe  blanche  opaque  à 
fdemi-vitrifiée  remplie  de  cavités  qui  annoncent 
on  bourfoutflement  ; ce  fel  efl  fort  acide , en 
ç-aifon  de  la  quantité  d’acide  fulfurique  que  iToj* 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  39 
emploie,  & c’eft  cet  excès  d’acide  qui  fait  fon- 
dre le  fel,  comme  nous  l’avons  vu  dans  l’hif- 
toire  dufulfatede  potaffe.  L’acide  nitreux  qu’on 
obtient  par  ce  procédé  eft  très-rouge  & très- 
fumant  , en  raifon  de  la^  chaleur  forte  qu’on 
emploie  dans  cette  diftillation  , &C  qui  dégage 
une  portion  d’air  vital.  Comme  il  eft  toujours 
mêlé  d’une  certaine  quantité  d’acide  fulfurique  > 
on  le  rectifie  en  le  rediftillant  fur  un  quart  de 
fon  poids  de  nitre.  On  doit  encore  obferver 
qu’il  eft  néceftaîre  d’employer  du  nitrate  de 
potaiTe  bien  pur  pour  avoir  de  l’acide  nitreux 
fur  les  effets  duquel  on  puiffe  compter.  Celui 
qu’on  retire  du  nitre  de  la  fécondé  cuite  con- 
tient de  l’acide  muriatique , & agit  dans  les. 
diffolutions  à la  manière  de  l*e.au  régale . On  peut 
purifier  cet  acide  &lui  enlever  l’acide  muriatique 
qu’il  contient  par  une  diftillation  bien  ménagée, 
comme  l’ont  démontré  MM.  de  Laffonne  && 
Cornette.  ( Acad.  1781  , page  6 53  à <^5 6.) 

L’acide  boracique  concret  décoir.pofe  le  nitre 
à l’aide  de  la  chaleur,  & en  dégage  un  acide- 
nitrique  affez  concentré;  il  paroît  que  c’eft  en 
raifon  de  fa  fixité  qu’il  opère  cette  décompo- 
fition,  comme  le  penfent- MM.  les  Académiciens 
de  Dijon  ; cependant  il  faut  aufii  l’attribuer  ei* 
par-tie  à l’aîtraclion  qui  efl  entre  l’acide  bora^ 
tique  & la  potaffe  bafe  du  nitre. 

Cil- 


40  ÉLÈMENS 

Le  nitrate  de  potafle  efl  d’un  très-grand  ufage 
dans  les  arts.  Il  efl  le  principal  & le  plus  utile  des 
ingrédiens  de  la  poudre  à canon,  donc  nous 
parlerons  à l’article  du  foufre.  Brûlé  avec  diffé- 
rentes dofes  de  tartre,  il  forme  des  matières 
fondantes  nommées  flux  , qu’on  emploie  en 
docimafie , pour  fondre  & réduire  les  fubftances 
méîallicmes , &c,  &c. 

j 7 

On  s’en  fert  fréquemment  en  médecine  , 
comme  d’un  médicament  calmant  , rafraîchif- 
fant , diutitique  , anti-feptique  , &c.  On  l’admi- 
niflre  dans  une  boifTon  quelconque  A la  dofe 
de  dix  à douze  grains,  jufqu’à  celle  d’un  demi- 
gros  & plus.  Les  médecins  en  obtiennent  tous 
les  jours  de  très-bons  effets. 

Sorte  IV.  Nitrate  desoude. 

Le  nitrate  de  foude  que  l’on  a nommé  nitre 
cubiq.UC  , nitre.  quadr angulaire  , nitre  rhomboidal , 
efl  le  fel  neutre  parfait , réfultant  de  la  com- 
binaifon  faturée  de  l’acide  nitrique  & de  la 
foude. 

Ce  fel  efl:  ordinairement  en  allez  gros  crjf- 
taux  rhomboïdaux  très-réguliers  ; le  nom  de 
nitre  rhomboïdal  lui  convenoit  donc  mieux  que 
celui  de  nitre  cubique. 

Sa  faveur  efl  fraîche  tk  un  peu  plus  amère 
que  celle  du  nitrate  de  potafTe. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  41 

Le  feu  le  décompofe  comme  ce  dernier  ; mais 
il  décrépite  & fe  fond  moins  facilement  que 
lui.  Au  refte  , il  donne  de  l’air  vital  mêlé  de  gaz 
azote  & s’alcalife  comme  le  nitre  de  potaffe. 

Il  eff  un  peu  plus  altérable  à l’air  que  ce  der- 
nier, & il  en  attire  légèrement  l’humidité. 

II  fe  diffout  allez  bien  dans  l’eau  froide  Sc 
même  plus  abondamment  que  le  premier  , 
puifque  deux  parties  d’eau  à la  température  ordi- 
naire de  iô  degrés,  en  diffolvent  une  partie  ; l’eau 
bouillante  n’en  diffout  prefque  pas  davantage; 
auffi  pour  l’avoir  criffallifé  régulièrement , on  eft 
obligé  d’évaporer  lentement  fa  diffolution.  En 
expofant  une  lefîlve  bien  claire  de  ce  fel  dans  un 
endroit  fec , on  y trouve  au  bout  de  quelques 
mois  des  criftaux  rhomboïdaux  de  ftx  à huit 
lignes,  & quelquefois  de  près  d’un  pouce  d’éten- 
due. Ce  procédé  eft  en  général  celui  qui  réuffit  le 
mieux  pour  faire  criftallifer  les  fels  qui  ne  font 
pas  plus  folubles  dans  l’eau  chaude  que  dans 
l’eau  froide. 

Le  nitrate  de  foade  détonne  fur  les  charbons 
ardens,  & fait  biûlertous  les  corps  combuftibles 
avec  lefquels  on  le  chauffe  un  peu  moins  rapi- 
dement que  le  nitrate  de  potaffe. 

La  terre  ftlicée  en  dégage  l’acide  nitrique  Si 
forme  du  verre  avec  fa  bafe  ; l’argile  en  fépare 
aufti  l’acide , & le  réfidu  de  cette  décompofttion 


4 i'  E L é M F N s 

eft  une  efpece  de  fritte  un  peu  bourfouflée  ^ 

&C  opaque  lorfqu’on  a donné  un  bon  coup  de 

feu. 

La  baryte  le  décompofe  & met  à nud  la  foude. 
La  magnéfie  & la  chaux  ne  l’altèrent  pas  fenfi- 
blement. 

La  potaffe  a plus  d’affinité  que  fa  bafe  avec 
l’acide  nitrique  avec  lequel  elle  forme  du  nitrate 
de  poraffe  ; on  peut  fe  convaincre  de  cette 
décompofîtion  par  une  expérience  très-facile. 
Si  Ton  partage  une  diffolution  bouilllante  ÔC 
faturée  de  nitrate  de  foude  en  deux  portions  , 
& fi  l’on  jette  dans  une  d’elles  de  la  potaffe  cauf- 
tique , celle-ci  dépofera  pendant  fon  réfroidif- 
fement  des  criflaux  prifmatiques  de  nitrate  de 
potaffe  ; tandis  que  la  portion  dans  laquelle  on 
n’aura  point  rnis  de  potaffe  ne  criftallifeifa  point, 
parce  que  les  criftaux  de  nitrate  de  foude  ne  fe 
forment  que  par  l’évaporation  lente. 

L’acide  fulfurique  concentré  verfé  fur  le  nitrate 
de  foude  en  dégage  l’acide  nitrique  avec  effer- 
vefcence.  On  peut  diftilîer  ce  mélange  , & obte- 
nir de  l’acide  nitrique , comme  avec  le  nitrate 
dç  potaffe.  Les  autres  acides  minéraux  dont  pas 
plus  d’a&ion  fur  ce  fel  que  fur  le  précédent. 

Les  fels  neutres  déjà  examinés , les  fulfates  de 
potaffe  & de  fonde,  & le  nitrate  de  potaffe 
«fanèrent  en  aucune  manière  le  nitrate  de  foude  j 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  4* 
fi  ces  fe's  font  diffous  dans  la  môme  eau  , fls 
crifiallife  it  fépajrémenc  , 6c  chacun  dans  leur 
ordre  ordinaire  ; le  nitrate  de  potaffe  & le  fulfate 
de  foude  par  réfroidiffement , le  fulfate  de  po- 
taffe 6c  le  nitrate  de  foude  par  l’évaporation. 
Toutes  ces  propriétés  démontrent  que  le  nitrate 
de  foude  ne  diffère  du  nitrate  de  potaffe  que 
par  fa  forme,  fa  faveur.,,  fa  légère  déliquef- 
cençe , fa  folubilité  plus  grande , fa  propriété 
de  eriffallifer  par  l’évaporation , 6c  fur-tout  fa 
décompofition  par  la  potaffe. 

On  n’a  point  encore  trouvé  le  nitrate  de  foude 
dans  la  nature  j il  eft  toujours  un  produit  de 
l’art  qui  le  forme  de  cinq  manières  différentes  ; 
i°.  en  unifiant  directement  l’acide  nitrique  avec 
la  foude  ; 20.  en  décompofant  par  çe  même  al- 
cali les  nitrates  terreux  , le  nitrate  ammoniacal 
èc  les  nitrates  métalliques  ; 3p.  en  décompofant 
le  muriate  de  foude  par  l’intermède  de  l’acide 
nitrique  ; 40.  en  décompofant  le  fulfate  de  foude 
par  l’efprit  de  nitre  fumant  ; 50.  enfin  , en  dé^- 
compofaïtt  les  difiolutions  métalliques  nitriques 
qui  en  font  fufceptibles  par  le  muriate  de  foude  : 
dans  ce  dernier  cas , à me  fuie  que  l’acide  mu- 
riatique s’unit  au  métal  qu’il  fépare  de  l’acide 
nitrique  , ce  dernier  fe  combine  avec  la  foude 
qui  quitte  fon  premier  acide.  Toutes  ces  dé- 
çompofitiç>ns  feront  détaillées  e»  parçulier  à 


A4  É LÉM  ENS 

l'article  de  chacun  des  fels  qui  en  font  fufcep- 

tibles. 

Le  nitrate  de  fonde  pourroit  fervir  aux  mêmes 
ufages  que  le  nitrate  de  potaffe  ; mais  comme 
il  ne  produit  pas  tous  les  effets  de  ce  dernier 
fel , fans  doute  à caufe  de  la  plus  grande  affinité 
qu’il  a avec  l’eau  , on  ne  l’emploie  pas  dans 
les  arts  ; d’ailleurs  comme  on  ne  le  trouve  point 
dans  la  nature , & comme  il  n’eft  qu’un  pro- 
duit de  l’art , on  n’a  pas  effayé  d’en  faire  un 
ufage  particulier  ; on  n’a  même  pas  encore  fait 
fur  ce  fel  tcfutes  les  recherches  nécef&ir es  poar 
en  bien  connoître  les  propriétés. 

Sorte  V.  Murïate  de  potasse. 

Le  mini  a te  de  potaffe , appelé  autrefois  fd 
fébrifuge  de  Sylvius , eff  formé  par  l’union  fa- 
turée  de  l’acide  muriatique  avec  la  potaffe.  Il 
a été  mal  à propos  nomme  fel  marin  régénéré , 
puifqu’il  d fîere  de  ce  fel  par  la  nature  de  fa 
bafe.  Ses  criftaux  font  des  cubes,  mais  qui  ont 
prefque  toujours  un  afpeéf  confus  & une  forme 
peu  régulière.  Sa  faveur  eft  talée  , piquante  ? 
amère  & défagréable  : lorfqu’on  i’expofe  au  feu, 
il  décrépite , c’eff-à-dire , que  fes  criffaux  fe 
brifent  & s’éclatent  en  petits  morceaux  , ce  qui 
vient  de  la  raréfa&ion  fubite  de  l’eau  qui  entre 
dans  leur  compcfition  ; li  on  le  laiile  fur  le 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  45 
feu  après  qu’il  a décrépité , & que  la  chaleur 
foit  allez  forte  , il  fe  fond  & fe  volatilife,  mais 
fans  fe  décompofer;  il  peut  fervir  de  fondant 
aux  terres  &:  aux  fubftances  métalliques.  Sa  prin- 
cipale utilité  dans  ce  cas,  c’eft  qu’en  recou- 
vrant les  matières,  il  fixe  l’aûion  des  autres  fon- 
dans  , les  empêche  de  fe  volatilifer , & prévient 
les  altérations  que  l’accès  de  l’air  pourroit  pro- 
duire. 

Le  muriate  de  potaffe  eft  peu  altérable  à l’air, 
il  n’en  attire  que  très-légèrement  l’humidité. 

Il  lui  faut  environ  tçois  parties  d’eau  froide 
pour  être  tenu  en  diffolution  ; l’eau  chaude  n’en 
diffout  pas  davantage  ; c’eft  pour  cela  qu’on  eft 
forcé  d’avoir  recours  à l’évaporation  lente  pour 
l’obtenir  criflallife.  C’eft  un  des  fels  qu’il  eft  le 
plus  difficile  d'avoir  en  criftaux  réguliers  d’un 
certain  volume. 

L’argile  paroît  le  décompofer  en  partie,  puif- 
qu’en  diftillant  du  muriate  de  potaffe  avec  les 
glaifes  des  environs  de  Paris  , on  obtient  de 
l’acide  muriatique  ; à la  vérité  , cette  opération 
n’en  fournit  qu’une  petite  quantité,  & fon  ré- 
sultat eft  bien  éloigné  de  celui  que  donne  le 
nitrate  de  potaffe.  Il  paroît  auffi  que  le  fabla 
a la  même  a&ion  que  l’argile  fur  le  mariale  de 
potaffe. 

La  baryte  s’empare  de  fon  acide  & en  féparç 


4^  É L i M E N § 

la  poraffe  fuivant  Bergman.  La  magnéfie  & la 

chaux  ne  l'altèrent  en  aucune  manière. 

Les  acides  fulfurjque  & nitrique  en  dégagent 
î’acide  muriatique  avec  effervelcence  (i)  : ce 
phénomène  eft  d’autant  plus  marqué , que  le 
muriate  de  potaffe  ed  plus  fec.  Celui  que  l’on  a 
fair  décrépiter,  & qui  a perdu  Ton  eau  de  crif- 
tallifarion,  produit  une  effervefcence  très-confit 
dérable  avec  l’acide  fulfurique  coneenrré , & le 
mélange  s'échauffe  beaucoup,*  En  faifant  ces 


(i)  Nous  avons  déjà  fait  obferver,  en  parlant  de  la 
’décompofition  du  nitrate  de  potaffe  par  l’acide  fulfuriqué 
cbncentré,  que  l’acide  nitrique  fe  dégageoit  avec  une  vive 
effervefcence.  Nous  retrouvons  ici  le  mérite  phéMoftiène 
pour  l’acide  muriatique  : il  ed  même  beaucoup  plus  mar- 
qué dans  ce  dernier  fel , parce  que  fon  acide  a une  très- 
grande  tendance  pour  fe  mettre  dans  l’état  de  gaz.  Telle 
ed  la  caufe  générale  des  effervefcence3  dont  la  nature  & 
les  différences  n’ont  été  bien  connues  que  depuis  très-peu 
de  temps.  On  croyôit  autrefois  que  c’étoit  au  dégagement 
de  l’air  qu’elles  étoient  dues  ; on  ed  convaincu  aujourd’hui 
que  ce  n’ed  pas  l’air , mais  tous  les  corps  qui  petivent  af- 
fefter  l’aggrégation  aériformr  qui  les  produiferit  ; ainfi  ,• 
nous  avons  fait  voir  que  l’ébullition  de  l’eau  pouvoir  être 
regardée  comme  une  forte  d’edervefcence.  Comme  cette 
vérité  a befoin  d’être  fouvent  répétée  jufqu’à  ce  qu’elle  foit 
bien  connue  & bien  entendue  de  tout  le  monde  j nous  re- 
tiendrons plüfieurs  fois  fur  Cèf  objet,  en  traitant  des  diffé- 
rens  fels  neutres  fufeeptibles  d’être  décômpofés  par  les 
acides. 


d’Hist.  Nat.  et  dé  Chimie:  ‘47; 

décôtàpo  fit  ions  dans  des  cornues  on  obtient 
de  l’acide  muriatique  dans  le  récipient , & la 
cornue  contient  du  fulfate  de  potaffie  Iorfqu’on 
opère  avec  l’acide  fulfurique  : le  récipient  con- 
tient, au  contraire  , de  \'eau  régale,  & le  téfidu 
donne  du  nitrate  de  potaffie  , fi  l’on  emploie 
l’acide  nitrique.  L’acide  boracique  décompofa 
suffi  le  muriate  de  potaffe  par  le  moyen  de  la 
diffillation , & en  dégage  l’acide  muriatique. 
Comme  toutes  ces  opérations  fe  pratiquent  avec 
le  muriate  de  foude  ou  fel  marin,  nous  les  dé- 
crirons plus  en  détail  à l’article  de  ce  dernier. 
Les  acides  carbonique  & fluorique  n’ont  aucune 
aélion  fur  le  muriate  de  potaffie. 

Les  fulfates  & les  nitrates  de  potaffie  & dé 
fonde  n’en  ont  pas  davantage  fur  ce  fel  5 lors- 
qu'ils font  diffious  dans  la  même  eau,  chacun 
d’eux  criflallife  féparément  & à fa  manière. 

Le  muriate  de  potalle  fe  rencontre  fréquem- 
ment dans  la  pâture  ; mais  toujours  en  allez 
petite  quantité.  On  le  trouve  dans  les  eaux  de 
la  mer  & dés  fontaines  falées  ; il  exifte , quoi- 
que rarement  , dans  les  lieux  où  l’on  rencontré 
le  nitrate  de  potaffie;  on  le  trouve  encore  dans 
les  cendres  des  végétaux',  & dans  quelques  hu- 
meurs animales.  L’art  peut  auffi  le  produire  , 1°. 
en  combinant  dire&ement  l’acide  muriatique 
avec  la  potaffie  ; iQ.  en  décompofant  les  muriates 


4$  Élémens 

terreux , ammoniacaux  ou  métalliques  par  le 
même  alcali  ; 30.  en  décompofant  le  fulfate  ou 
le  nitrate  de  potaffe,  par  le  moyen  de  l’acide 
muriatique , comme  l’a  indiqué  M.  Corwetre. 

On  employoit  autrefois  ce  fel  neutre  comme 
un  excellent  fébrifuge;  mais  il  ne  pofsède  cette 
propriété,  que  Sylvius  lui  a attribuée,  qu’en  fa 
qualité  de  fel  amer.  On  préféré  aujourd’hui  à 
ce  fel  les  fulfates  de  potaffe  & de  foude. 

Le  muriate  de  potaffe  n’eft  pas  d’ufage  dans  les 
arts;  fon  goût  défagréable  empêche  qu’on  ne  s’en 
ferve  pour  affaifonnement  comme  on  le  fait  du 
muriate  de  foude;  il  a d’ailleurs  toutes  les  pro- 
priétés chimiques  de  ce  dernier  fel,  dont  il  ne 
différé  que  par  fa  faveur  amère  , fa  clifTol ubiliré 
moins  grande  , fon  altérabilité  à l’air  & fa  crif- 
tallifation  moins  régulière  ; c’eft  pourquoi  nous 
n’infifferons  pas  davantage  fur  fon  hiftoire. 

Sorte  VI.  Muriate  de  soude. 

Le  muriate  de  fonde,  plus  connu  fous  les  noms 
de  fel  marin  ou  fel  de  cuifîne  , fal  culinarc  , eft 
un  fel  neutre  parfait , formé  par  la  combinaifon 
faturée  de  l’acide  muriatique  & de  la  foude.  On 
doit  s’appercevoir  que , dans  la  nomenclature 
adoptée  jufqu’ici , la  définition  de  la  nature  de 
ces  fels  neutres  eft  prefque  inutile  , puilqu’elle 
eû  exprimée  par  la  dénomination. 


Ce 


d5Hist.  Nat;  et  de  Chimie.  49 
Ce  fel  eft  répandu  en  quantité  confidérable 
dans  la  nature  ; c’eft  le  plus  abondant  de  tous. 
On  le  trouve  en  maftes  immenfes  dans  l’intérieur 
de  la  terre  , en  Efpagne , en  Calabre , en  Hon- 
grie, en  Mofcovie  , & fur-tout  à Vielizcka  , en 
Pologne,  près  les  monts  Crapacks.  Les  mines 
de  ce  dernier  endroit  font  d’une  grandeur  très- 
confidérable , & le  muriate  de  fonde  y eft  en 
quantité  prodigieufe.  Ce  fel , contenu  dans  la 
terre , eft  ordinairement  irrégulier  , rarement 
criftallifé  : il  eft  plus  ou  moins  blanc  ; on  en 
trouve  de  coloré  : dans  cet  état  on  l’appelle 
fel  gemme , parce  qu’il  a fouvent  la  tranfparence 
des  criftaux  connus  fous  ce  nom.  Les  eaux  de  la 
mer  en  font  chargées,  ainft  que  celle  de  certains 
lacs  & de  quelques  fontaines,  C’eft  de  ces  eaux 
qu’on  le  retire  par  quatre  procédés  généraux. 

Le  premier  eft  l’évaporation  fpontanée  par  la 
chaleur  du  foleil  ; ce  moyen  eft  mis  en  ufage 
dans  nos  provinces  méridionales,  en  Langue-* 
doc , à Peyrac  , Pecais  , &c.  On  creufe  fur  le 
bord  de  la  mer  des  efpèces  de  foftes  qu’on  en- 
duit d’argile  bien  battue  \ on  y pratique  des  pe- 
tits murs  qui  les  partagent  en  plufieurs  compar- 
timens,  & qui  communiquent  les  uns  avec  les 
autres.  La  marée  montante  dépofe  de  l’eau  dans 
ces  marais  falans  , o£  elle  eft  retenue  par  les 
efpèces  de  cloifons  que  forment  les  murs  j 01% 
J'orne  //,  D 


É LÉ  M ENS 

n’y  en  laifle  qu’une  couche  aflez  mince  que  la 
chaleur  du  foleil  cvapore  très-bien.  Quand  il 
s'y  eft  formé  une  pellicule  faline  , on  la  cafte, 
&:  elle  fe  précipite  ; on  la  brife  ainfi  jufqu’à  ce 
qu’il  n’y  ait  plus  d’eau.  Alors  on  ramafle  le  fel 
avec  des  râteaux , & on  le  met  en  tas  pour  le 
faire  fécher.  Ce  fel  eft  mêlé  avec  tous  ceux  qui 
font  diffous  dans  les  eaux  de  la  mer,  tels  que  les 
fuîfates  de  fonde  de  magnéfie , les  muriates 
de  magnéfie  & de  chaux.  Il  eft  aufli  fali  par  une 
porrion  de  la  glaife  qui  forme  le  fond  des  marais 
falans  ; enfin  on  y trouve  du  fer  & du  mercure 
en  très -petits  globules;  ce  dernier  s’y  démontre 
facilement  en  laiffant  féjourner  une  lame  d’or 
dans  le  fel  ; elle  y eft  blanchie  très-manifefte- 
ment  Ce  fel  fort  impur  eft  connu  fous  le  nom 
de  fel  de  gabelle. 

Dans  les  provinces  feptentrionales  de  la 
France , en  Normandie  & en  Bretagne  , on  fe 
{>-rt  de  l’évaporation  artificielle  à l’aide  du  feu. 
Dans  l’Avranchin  , on  prend  les  fables  mouvans 
fur  Iefquels  l’eau  de  la  mer  a dépofé  des  crif» 
taux  filins  ; on  les  lave  avec  la  moins  grande 
quantité  poflvble  d’eau  de  mer  , afin  que  le  fel 
n’en  ait  que  ce  qu’il  lui  en  faut  pour  être  dif- 
fous ; on  porte  cette  eau  falée  dans  des  chaudières 
de  plomb  clans  lefquelles  on  l’évapore  jufqu’à 
#ccité.  Ce  fel  eft  très-blanc  & plus  pur  que  celui 


VHist.  Nat.  et  de  Chimie.  51 
éks  marais  falans.  Guettard  a décrit  avec  foin 
ce  travail  dans  les  Mémoires  de  l’Académie  pour 
l’année  1758. 

La  Lorraine  & la  Franche-Comté  ont  beau- 
coup de  fontaines  falées.  L’eau  de  ces  fontaines 
eft  chargée  de  différentes  quantités  de  muriate 
de  foude.  A Montmorot,  dans  la  dernière  de  ces 
provinces,  pour  obtenir  ce  fel  on  réunit  l’éva- 
poration fpontanée  à l’évaporation  par  le  feu. 
Pour  cet  effet., Peau  des  puits  eft  portée,  par' des 
pompes  à chapelet  , dans  un  grand  baftin.  Ce 
dernier  eft  placé  au  haut  d’un  hangard  nommé 
bâtiment  de  graduation.  Sous  cet  hangard  font 
fufpendues,  par  érages , des  planches  fur  lef- 
quellesfont  placés  de  petits  fagors  d’épines.  L’eau 
tombe  fur  ces  fagots  par  des  robinets  ; elle  fe 
divife  -en  pluie  fine  } & comme  elle  préfente 
beaucoup  de  furface  à l’air  qui  circule  avec  ra- 
pidité fous  ceshangards,  il  s’en  cvapore  prefque 
les  deux  tiers  ; elle  dépofe  du  fuifate  de  chaux 
ou  de  la  fèlénite  fur  les  fagots  ; &:  lorfqu’elle  eft 
aftez  chargée  de  fel  pour  donner  treize  à qua- 
torze degrés  au  pèfe-liqueur,  elle  eft  portée  dans 
de  grandes  chaudières  de  fer  , fouttnues  par  des 
crochets  d«  même  métal , qui  partent  de  leur 
fond  & repofent  fur  des  pièces  de  bois  portées 
par  les  bords  de  ces  vaiffeaux.  Ces  chaudières  , 
appelées  poêles , font  très-larges  & peu  pro- 


52  É L É M E N s 

fondes.  Elles  contiennent  cent  muids  d’eâu  falée* 
On  les  chauffe  brufquement  ; lorfque  l’eau  bout 
à gros  bouillons,  elle  fe  trouble  d’abord,  & dé- 
pofe  à fa  furface  une  terre  ochreufe  en  forme 
d’écume.  Il  s’en  fépare  enfuite  un  fel  peu  foluble 
qui  n’eft  que  du  fulfate  de  chaux  ; les  ouvriers 
le  nomment  Jchlot  : le  fchlot  eft  mêlé  d’un  peu 
de  muriate  de  foude,  de  fulfate  de  foude  & de 
muriates  terreux  : il  eft  reçu  dans  de  petites  au- 
ges de  tôle,  placées  fur  les  bords  des  chaudières, 
dans  lefquelles  il  eft  porté  par  les  flots  de  la  li- 
queur qui  bout  ; on  enlève  les  augelots  de  temps 
en  temps,  & on  les  remet  jufqu’à  ce  qu’il  fe 
forme  à la  furface  de  la  liqueur  une  grande  quan- 
tité de  petits  criftaux  cubiques  que  les  ouvriers 
appellent  pieds  de  mouches . A cette  époque  on 
retire  les  augelots  pour  la  dernière  fois.  On  di- 
minue le  feu  on  enlève  le  muriate  de  foude 
avec  des  écumoirs  , à mefure  qu’il  s’en  eft  crif- 
tallifé  une  affez  grande  quantité  ; on  continue  de 
l’enlever  ainfi , & d’évaporer  jufqu’à  ce  que  l’eau 
ne  donne  plus  de  criftaux  cubiques.  Le  fel  que 
l’on  obtient  eft  en  criftaux  plus  ou  moins  gros, 
fuivant  la  rapidité  ou  la  lenteur  de  l’évaporation; 
l’eau  qui  n’en  fournit  plus  eft  appelée  mulre  ou 
eau  mere  : elle  contient  des  muriates  terreux  (i). 


(i)  On  prépare  à Montmoror  un  fel  neutre,  connu  fous 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie. 

Wallerius  rapporte  un  quatrième  procédé  pour 
retirer  le  fel  des  eaux  de  la  mer , mis  en  ufage 
dans  les  pays  du  Nord.  On  expofe  cette  eau. 
dans  des  folTes  fur  le  bord  de  la  mer  ; comme 
elle  n’y  forme  qu’une  petite  couche  , le  froid  la 
pénètre , & elle  fe  gèle  ; mais  la  portion  d’eau 
fiirabondante  à la  diiTolution  faline  étant  la 
feule  fufceptible  de  fe  geler , celle  qui  refte  fluide 
retient  tout  le  fel  qui  étoit  contenu  dans  la  quan- 
tité primitive , & elle  fe  trouve  concentrée  ait 
point  de  laiffer  criftallifer  le  muriate  de  foude  à 
la  moindre  chaleur  ; on  la  porte  dans  des  chau- 
dières de  plomb,  dans  lefquelles  on  l’évapore. 

Les  criftaux  de  muriate  de  foude  font  des 
cubes  très -réguliers  & d’autant  plus  gros,  que 
l’évaporation  a été  plus  lente;  ils  fe  groupent 
enfemble  par  leurs  bords,  de  manière  à former 
des  efpèces  d’efcaliers  ou  de  trémies  creufes. 
Rouelle  l’aîné  a obfervé  & décrit  ce  phénomène 
avec  beaucoup  de  foin  dans  fes  Mémoires  fur  là 
criftalhfation.  Bergman  en  a donné  line  éthiolo- 
gie  fort  ingénieufe. 


le  nom  de  fel  d Epforn  de  Lorraine  ; mais  ce  n’eft  que  du 
fulfate  de  foude  ou  fel  de  Glaubei  dont  on  a troublé  lst> 
criftallifation.  On  le  diftingue  du  vrai  fulfate  de  magnéfifc. 
ou  fel  d'Epfom , en  ce  qu’il  s’effleurit  à l’air  , tandis  que  le 
premier , tel  qu’il  vient  d’Angleterre , eft  déliquefeent, 

Diij 


54  É t É m E N 5 

La  faveur  de  ce  fel , qui  eft  falée  &:  agréable  l 
eft  connue  de  tout  le  monde. 

Lorfqu’on  l’expofe  à l’avion  d’un  feu  bruf- 
que,  il  pétille  & faute  en  éclats.  On  appelle  ce 
phénomène  décrépitation  ; il  eft  du,  ainfi  que  nous 
l’avons  déjà  fait  obferver  pour  le  fulfate  de  po- 
laire & le  muriate  de  potaffe,  à ce  que  l’eau  qui 
entre  dans  les  criftaux  fe  raréfiant  fubitement , 
brife  & écarte  avec  effort  toutes  les  petites  lames 
dont  ils  font  compofés.  Lorfque  toute  l’eau  eft 
ainfi  évaporée  , la  décrépitation  ceffe,  & le  fel 
eft  en  pouflicre.  Si  on  continue  à le  chauffer  for- 
tement , il  fe  fond  après  avoir  rougi  : en  le  cou- 
lant fur  une  plaque  de  marbre,  il  fe  fige  en  une 
efpèce  de  criftal  minéral.  Mais  il  n’eft  altéré  en 
aucune  manière , car  on  peut  lui  rendre  fa  pre- 
mière forme  en  le  diffolvant  dans  l’eau.  Le  feu 
ne  le  décompofe  donc  pas  : en  le  tenant  fondu 
quelque  temps , il  finit  par  fe  volatililer  fans  al- 
tération, mais  il  faut  pour  cela  un  feu  de  la  der- 
nière violence. 

Le  muriate  de  fonde  n’éprouve  pas  d’altéra- 
tion fenfible  à l’air , lorfqu’il  eft  bien  pur  ; il  fe 
defsèche  plutôt  qu’il  ne  s’humeûe , & il  n’en 
attire  l’humidité  que  lorfqu’il  contient  des  mu- 
riates  à bafes  terreufes , comme  celui  de  ga- 
belle. _ 

Jl  eft  très-diffoluble  dans  l’eau;  il  ne  lui  faut 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  5 5 
que  trois  parties  de  ce  fluide  pour  etr-e  tenu 
en  diffolution.  Trois  onces  & demie  d eau  dif- 
fblvent  très-complètement  une  once  de  ce  fel  : 
il  n’efl  pas  plus  difïokible  dans  l’eau  bouillante 
que  dans  l’eau  froide.  La  diffolution  fe  fait  feule- 
ment un  peu  plus  vite  parla  chaleur.  On  obtient 
les  criflaux  de  ce  fel  par  une  évaporation  très- 
lente.  Il  fe  forme  d’abord  fur  la  liqueur  des 
pieds  de  mouches  qui  fe  joignent , & donnent 
naiffanee  a une  pellicule  plus  ou  moins  épaiffe  3 
quelquefois,  au  lieu  de  cubes,  on  obferve  des 
efpèces  de  pyramides  quarrées  & creufes  , fem* 
blables  à des  trémies.  Rouelle  l’aîné  , qui  a cb- 
fervé  avec  grand  loin  tous  les  phénomènes  de 
cette  criffallifation ,,  a vu  que  ces  trémies  pre~ 
noient  naiffanee  de  la  manière  fuivante.  Lorf- 
qu’il  y a un  cube  farrné , ce  petit  folide  s’en- 
fonce un  peu  dans  l’eau  ; il  en  naît  enfuite  un 
fécond  qui  eft  attiré  par  le  premier,  & qui  s’at- 
tache à lui  par  un  de  fes  côtés  3 le  même  phéno- 
mène a lieu  pour  les  trois  autres  côtés  du  cube. 
Il  eft  aifé  de  concevoir  que  cet  accroiffemenî 
fucceftif  produira  des  pyramides  creufes,  dont 
la  pointe  fera  en  bas  8c  la  bafe  en?  haut.  Lorf- 
qu’elles  font  trop  groffes,  elles  fe  précipitent  au 
fond  de  la  liqueur.  L’eau  dans  laquelle  on  a dif- 
fous  ce  fel , & qu’on  a fait  évaporer  jufqu’à  ce 
quelle  n’en  fourniffe  plus.,  ne  contient  plus  au® 

D iv 


$6  Élémens 

cune  matière  faline , fi  le  Tel  employé  étoît  bien 
pur  : celle  de  la  mer  & des  falines  contient  tou- 
jours quelques  fels  à bafe  terreufe.  On  peut  en 
précipiter  la  terre  à l'aide  de  la  foude  , comme 
nous  le  dirons  à l’article  des  fels  neutres  terreux. 
Tel  eft  le  moyen  qu’on  emploie  pour  obtenir 
du  muriate  de  foude  très-pur. 

Le  muriate  de  foude  paroît  faciliter  la  fufion 
des  verres  j il  occupe  toujours  la  partie  fupé- 
rieure  des  pots  dans  lefquels  on  fond  cette  ma- 
tière , &:  constitue  en  grande  partie  le  fiel  de 
yerre. 

On  s’en  fert  pour  vitrifier  la  furface  de  cer- 
taines poteries , & pour  leur  donner  ainfi  une 
efpèce  de  couverte  aux  dépens  de  leur  portion 
extérieure,  qui  fe  fond  à l’aide  de  la  grande  cha- 
leur communiquée  par  le  fel  ; on  y parvient  aifé- 
ment,  en  jetant  dans  les  fours  où  on  la  cuit  une 
certaine  quantité  de  muriate  de  foude.  Il  fe  vo- 
îaiiiife  &.  fe  répand  fur  la  furface  des  poteries , 
dont  il  occafionne  la  fufion  par  fon  extrême  cha- 
leur. C’eft  ainfi  qu’on  enduit  la  poterie  d’Angle- 
terre. 

La  terre  filicée  ne  l’altère  en  aucune  manière  , 
quoiqu’il  paroiffe  en  favorifer  la  fufion. 

L’argile  pure  a beaucoup  moins  d’a&ion  fur  le 
tnuriate  de  fonde  que  fur  les  nitres:  elle  ne  donne, 
en  la  diûillant  avec  ce  fel , qu’un  acide  foible 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie:  $7 

& phlegmatique  en  affez  petite  quantité.  Les  dis- 
tillateurs d’eau-forte  retirent , il  eft  vrai , l’acide 
muriatique  appelé  efprit  de  fd  de  cette  manière  ; 
mais  ils  emploient  du  fe*  ae  gabelle,  qui  contient 
beaucoup  de  munates  à bafe  tcrreuft , èz  ils  fe 
fervent  d’une  argile  très-colorée  & très-impure. 

La  baryte  décompofe  le  muriate  de  Soude 
comme  tous  les  autres  Sels  alcalins , d’après  les 
expériences  de  Bergman. 

La  chaux  & la  magnéfte  n’altèrent  en  aucune 
manière  le  muriate  de  Soude.  Peut-être  ces  deux 
Subffances  SaIino-terreuSes,combinées  avec  l’acide 
carbonique,  peuvent-elles  Séparer  les  principes 
du  muriate  de  Soude  par  une  attra&ion  éle&ive 
double  ? 

La  potaffe  cauflique  décompofe  le  muriate  de 
Soude  , parce  qu’elle  a plus  d’affinité  avec  Son 
acide  que  n’en  a la  Soude.  Une  diffolûtion  de  mu- 
riate de  Soude  , mêlée  avec  de  la  potaffe,  donne 
du  muriate  de  potaffe  par  l’évaporation,  8c  l’eau 
mère  contient  la  Soude  pure  8c  ifolée. 

Les  acides  ont  une  a&ion  très-marquée  Sur  le 
muriate  de  Soude.  Si  l’on  verfe  de  l’acide  Sulfuri- 
que concentré  Sur  ce  Sel , il  Se  produit  un  mouve- 
ment très -confidérable,  une  chaleur  très- vive; 
on  obferve  une  effervefcence  violente  (1),  cau- 


0)  L’effervefcence  eft  aufîi  raanifefie  dans  cette  opé* 


ÊLÉMEtfS 

fée  par  l’acide  muriatique  qui  fe  dégage  forts  î? 
forme  de  gaz;  on  reconnoît  la  nature  de  cet 
acide  aériforme  dégagé , par  la  vapeur  blancha 
qu’il  forme  avec  l’eau  de  l’atmofphère,  & par 
fon  odeur  piquante  analogue  à celle  du  fafran , 
lorfque  cette  vapeur  eft  fort  étendue.  Si  l’on  fait 
cette  opération  avec  l’appareil  pneumato-chimi- 
que  au  mercure,  on  obtient  beaucoup  de  gai 
acide  muriatique.  Glauber  eit  le  premier  qui  ait 
obfervé  & décrit  avec  foin  cette  décompolition 
du  fel  marin  par  l’acide  fulfurique , pour  re- 
tirer l’acide  de  ce  fel  ; c’eft  pour  cela  qu’on  a 
donné  à cet  acide  le  nom  d ’efprit  de  fel  marin  à 
la  maniéré  de  Glauber . En  examinant  le  rélidu  de 
•ette  opération  , il  a découvert  fon  fel  admira- 
ble , ou  le  fulfate  de  foude» 

Prefque  tous  les  auteurs  prefcrivent,  pour  dif- 
tiller  l’acide  muriatique  , de  mettre  du  muriate 
de  fonde  décrépité  dans  une  cornue  de  grès  tu- 
bulée,  de  ver  fer  par  la  tubulure  la  moitié  de 
fon  poids  d’acide  fulfurique  concentré  ; il  fe  dé- 
ration , que  dans  l’union  du  même  acide  avee  la  chaux 
les  alcalis  faturés  d’acide  carbonique.  Elle  a donc  lieu 
toutes  les  fois  qu’un  corps , féparé  d’une  combinaifon  , fe 
volatilife  fous  la  forme  de  gaz  ; elle  peut  donc  être  occa- 
fionnée  par  l’acide  carbonique,  l’acide  muriatique,  l’acide 
nitrique,  l’acide  fulfureux  , l’acide  fluorique,  &c.  Elle  ne 
doit  pas  être  attribuée  au  dégagement  de  l’air» 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  59 
gage  fur  le  champ  beaucoup  de  vapeurs  acides  , 
qui  partent  par  le  bec  de  la  cornue , & vont  fe 
raffembler  dans  deux  ballons  enfï  és  ; le  dernier 
de  ces  vaiffeaux  eft  percé  d’un  petit  trou  , afin 
de  laiffer  échapper  les  vapeurs  & de  prévenir  la 
rupture  de  l’appareil.  Il  en  eft  de  cette  opéra- 
tion comme  de  la  diftillation  de  l’acide  nitreux  j 
on  perd  une  grande  quantité  de  l’acide  muriati- 
que le  plus  pur  , qui  fe  diflipe  fous  la  forme  de 
gaz  par  le  trou  du  ballon , & on  eft  fort  incom- 
modé par  les  vapeurs  très  - corrofives  de  cet 
acide , qui  rempliffent  le  laboratoire  où  fe  fait 
la  diftillation.  M.  Baumé,  pour  éviter  une  par- 
tie de  ces  inconvéniens,  ajoute  de  l’eau  dans  la 
cornue.  Cette  eau  , volatilifée  dans  le  ballon, 
abforbe  une  partie  du  gaz  acide  muriatique  ; 
mais  comme  elle  eft  beaucoup  moins  volatile 
que  lui,  il  fe  perd  toujours  une  grande  quantité 
de  cet  acide.  M.  ’W’oulfe  a corrigé  tous  ces  dé- 
fauts , & a trouvé  le  moyen  de  fe  procurer  l’a- 
cide muriatique  le  plus  fort  & le  plus  concentré 
poflible  , en  faifant  l’inverfe  du  procédé  de  M. 
Baumé.  Au  lieu  de  faire  volatilifer  l’eau  pour 
aller  après  les  vapeurs  d’acide  muriatique,  il 
préfente  ce  liquide  à la  rencontre  du  gaz  , & il 
emploie  pour  cela  l’appareil  que  nous  avons  dé- 
crit à l’article  du  nitre. 

On  met  huit  onces  d’eau  diftillée  dans  les 


&0  Ê L É MENS 

bouteilles  collatérales,  pour  un  mélange  de  deux 
livres  de  muriate  de  foude  & d’une  livre  d’acide 
fulfurique  concentré.  Le  gaz  acide  muriatique  , 
conduit  par  des  tubes  dans  l’eau  des  bouteilles , 
s’y  diffouf.  Cette  eau  s’échauffe  prefque  juf- 
qu’à  l’ébullition  en  fe  combinant  avec  le  gaz, 
& elle  en  abforbe  un  poids  égal  au  lien.  Lorf- 
qu’elle  en  efl  chargée  à ce  point,  elle  n’en  dif- 
fout  plus , & elle  fe  refroidit  ; mais  le  gaz  paf- 
fant  dans  les  fécondés  bouteilles  collatérales  ,s’y 
noie  de  nouveau  dans  l’eau  qu’il  échauffe  & 
qu’il  fature. 

Ce  procédé , très-ingénieux  & bien  d’accord 
avec  les  propriétés  connues  du  gaz  acide  muria- 
tique, a plufieurs  avantages  : i°.  il  évite  les  in- 
convéniens  de  l’acide  en  vapeur  répandu  dans 
l’air;  i°.  il  empêche  qu’on  n’en  perde  la  plus 
grande  quantité, comme  cela  arrivoit  même  dans 
le  procédé  ancien  ; 30.  il  procure  l’acide 
muriatique  le  plus  fort , le  plus  concentré , le 
plus  fumant  qu’il  foit  poffible  d’avoir  ; 40.  cet 
acide  efl  en  même  temps  très  pur,  puifqu’il  n’eft 
formé  que  du  gaz  diffous  dans  l’eau.  Audi  efl- 
ii  très-blanc  , tandis  que  celui  qu’on  avoit  au- 
trefois dans  les  laboratoires  étoit  toujours  d’une 
couleur  citrine  ; ce  qui  a même  induit  les  chi- 
miftes  en  erreur,  puifqu’ils  ont  donné  cette 
couleur  comme  un  cara&ère  de  cet  acide.  La 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie:  6i 

portion  d’acide  liquide  qui,  dans  ce  procédé,  fe 
condenfe  dans  les  allonges , eft  jaune  & falie 
par  les  matières  étrangères  entraînées  par  l’eau 
contenue  dans  le  mélange , ainli  que  cela  arrive 
dans  l’ancien  procédé;  50.  la  méthode  nouvelle 
avertit  l’artifte  du  degré  de  feu  nécedaire,  & de 
la  manière  de  conduire  fon  opération  , par  le 
paflage  plus  ou  moins  rapide  de  l’acide  muriati- 
que gazeux  à travers  l’eau  des  bouteilles;  6°.  en» 
fin,  ce  qu’il  y a de  plus  précieux , elle  fournit  un 
moyen  de  connoître  exa&ement  la  quantité  d’a- 
cide contenu  dans  le  fel  neutre , puifqu’on  n’en 
perd  aucune  portion. 

L’acide  nitrique  décompofe  aufîî  le  muriate 
de  foude  ; mais  comme  il  ed  volatil,  il  monte  ÔC 
s’unit  à l’acide  de  ce  fel;  il  réfulte  de  cette  union 
l’acide  mixte  connu  fous  le  nom  d’acide  nitror 
muriatique  ou  Veau  régale. 

JSaron  a découvert  que  l’acide  boracique  dé- 
gage l’acide  du  muriate  de  foude  à l’aide  de  la 
chaleur.  Le  réfidu  de  cette  diftillation  ed  du  vé- 
ritable borate  de  foude  très-pur. 

L’acide  carbonique  &:  l’acide  fluorique  n’ont 
point  d’a&ion  marquée  fur  le  muriate  de  foude. 

Les  fels  neutres  que  nous  avons  fait  connoître 
jufqu’ici  n’en  ont  pas  davantage  fur  ce  fel. 
Lorfque  les  fulfates , les  nitrates  de  potade  U,  de 


Élémins 

fonde  , & le  muriate  de  potafTe  fe  trouvent  dif- 
fous  dans  la  même  eau  que  le  muriate  de  foude  , 
chacune  de  ces  matières  falines  criftallife  à fa  ma- 
nière • le  muriate  de  foude  eft  un  de  ceux  qui 
s’en  fépare  le  premier  pendant  les  progrès  de 
Tévaporation , & il  fe  mêle  avec  un  peu  de  ful- 
fate  & de  muriate  de  potaffe  ; mais  le  fulfate  de 
foude  & le  nitrate  de  potaffe  reftent  les  derniers 
en  diffolution , & ne  fe  criftallifent  que  par  le 
refroidiffement.  C’eft  pour  cela  qu’en  Lorraine 
on  prend  l’eau  mère  des  falines  d’où  on  a retiré 
le  fei  de  cuifine ; on  la  met  dans  des  tonneaux , 
& on  l’agite  avec  des  bâtons  ; pendant  fon  re- 
^roidiffement,  le  fulfate  de  foude  fe  criftallife 
confufément , & en  petites  aiguilles  qui  reffem- 
blent  à celles  du  vrai  fel  d’Epfom , ou  fulfate  de 
magnéfie. 

Les  ufages  du  muriate  de  foude  font  fort  éten- 
dus. Il  eft  employé,  i®.  dans  quelques  poteries, 
pour  faire  entrer  leur  furface  en  fufion  , & leur' 
donner  une'efpèce  de  couverte;  2®.  dans  la  ver- 
rerie pour  blanchir  & purifier  le  verre;  )°.  dans 
la  docimafie  ou  dans  l’effai  des  mines,  pour  fer- 
vir  de  fondant  aux  matières  qui  forment  les  fco- 
ries  , pour  faciliter  la  précipitation  des  métaux, 
&:  pour  empêcher  leur  altération  par  l’air,  en  les 
défendant  du  contaft  de  l’atmofphère. 


d’Hist.  Nat.'  ét  de  Chimie. 

On  fent  aujourd’hui  le  befoin  de  le  faire  fervir 
a un  ufage  encore  plus  important  que  ceux-là; 
à l’extraâion  de  la  foude  qui  devient  tous  les 
Jours  de  plus  en  plus  rare , & dont  l’ufage  eft 
très-néceflaire  pour  les  arts.  Plufieurs  perfonnes 
pofsèdent  ce  fecret  en  Angleterre  , & retirent  en 
grand  la  foude  du  fel  de  la  mer. 

Quelques  chimiftes  ont  penfé  que  la  litharge 
eft  fufceptible  de  décompofer  le  muriate  de  foude 
à froid  & par  la  Ample  macération  ; il  paroiflbit 
que  réunifiant  deux  propriétés , la  première  de 
contenir  de  l’acide  carbonique  capable  d’attirer 
la  foude,  la  fécondé  de  former  avec  l’acide  mu- 
îiatique  un  fel  infoluble  , & facile  à fe  féparer 
de  la  lefiive  alcaline  , elle  devoir  agir  par  une 
attraôion  éle&ive  double  ; mais  les  eflais  que 
J’ai  faits , fur  cet  objet , m’ont  prouvé  que  ce 
procédé  étoit  infuffifant.  Schéele  a vu  que  le  fer 
plongé  dans  une  diflblution  de  muriate  de  foude 
fe  couvre  de  foude  faturée  d’acide  carbonique  ; 
il  a obtenu  lç  même  fuccès  du  fulfate  & du  ni- 
trate de  foude,  traités  de  la  même  manière.  Il  a 
découvert  que  la  chaux  vive  mêlée  à une  diflb- 
lution de  muriate  de  foude  , Sc  ce  mélange  laiflfé 
dans  une  cave  humide,  donnoit  une  efflorefcence 
de  foude,  •&  qu’il  fe  formoit  du  muriate  cal- 
caire. Cohaufen  avoit  annoncé  ce  fait  en  1717, 
M-  de  Morveau  a prouvé  que  çss  décompositions 


44  É L t M E N 5 

s’opèrent  à la  faveur  de  l’acide  carbonique  ? 
puifqu’une  diffolution  de  fulfate  6c  de  muriate 
de  potaffe  , verfée  dans  de  l’eau  de  chaux  pré- 
cipitée par  l’acide  carbonique,  devenoit  claire  6c 
tranfparente , & puifqu’il  n’y  a pas  de  précipité 
en  verfant  dans  un  mélange  d’eau  de  chaux  6c 
d’une  diffolution  de  ces  fels , de  l’eau  chargée 
d’acide  carbonique.  Tous  ces  faits  font  autant  de 
données  d’où  il  faut  partir  pour  trouver  l’art  de 
retirer  la  foudç  du  fel  de  la  mer  , & pour  former 
des  établiffemens  en  grand  fur  cette  utile  ex* 
tradion. 

Le  muriate  de  fonde  fert  d’affaifonnement 
pour  les  alimens,  dont  il  corrige  la  fadeur  ; il 
facilite  la  digeftion , en  produifant  un  commen- 
cement d’altération  putride  dans  les  fubffances 
alimentaires.  Quoiqu’il  foit  bien  prouvé  par  les 
expériences  de  MM.  Pringle  , Macbride,  &c. 
qu’il  retarde  la  putréfadion , & qu’il  eft  un  anti- 
feptique  puiffant,  comme  la  plupart  des  matières 
falines,  lorfqu’on  le  mêle  en  grande  dofe  avec 
les  fubffances  animales,  il  agit  d’une  manière 
bien  différente  quand  on  le  mêle  en  petite  quan- 
tité à ces  mêmes  fubffances,  puifqu’il  les  fait 
paffer  p-us  vite  à la  putréfadion.  Ce  fait  eft 
piouvé  par  les  expériences  de  l’auteur  des  effais 
peur  fervir  à l’hiftoire  de  la  putréfaction , 6c  par 
celles  de  Gardane. 


Ce 


d’Hist.  Nat*  et  d.e  Chimie;  6$ 

Ce  (el  n*eft  pas  moins  utile  en  médecine;  on  le 
met  dans  la  bouche  & on  l’emploie  en  lavemens 
comme  un  ftimulant  très-utile  dans  l’apoplexie  , 
la  paralyfie  , &rc.  C’efl  un  fondant  affez  a£Iif  dans 
beaucoup  de  cas  , &c.  Il  eft  fort  recommandé  par 
Ruffel  ( de  Tabe  Glandulari  ) pour  les  engorge- 
mens  lymphatiques  qui  dépendent  du  vice  fcro- 
phuleux.  J’en  ai  moi-même  obtenu  de  très-bons 
effets  dans  plufieurs  maladies  de  cette  nature.  Il 
purge  iorfqu’on  l’adminiflre  à la  dofe  de  plufieurs 
gros.  Comme  c’tft  le  fel  gris  que  l’on'  emploie 
ordinairement  dans  ces  différentes  circonfiances  , 
les  effets  qu’il  produit  font  dus  en  partie  aux  mu- 
riates  calcaire  & magnéfien  qu’il  contient. 

Sorte  VII.  Borax  de  soude  ou  Borate  sursaturé 
de  soude  (i). 

Le  borax  de  foude  ou  borax  commun,  eflun 
fel  neutre  formé  par  la  combinaifon  de  l’acide 
boracique  avec  la  foude  en  excès. 

L’hifioire  de  ce  fel  qui  nous  vient  des  Indes 
Orientales  eff  fort  incertaine.  On  ne  fait  pas 

(i)Nous  avons  jufqu’ici  commencé  par  examiner  les 
fels  neutres,  formés  par  chaque  acide  uni  à la  potafte. 
Quant  a ceux  dans  lefquels  entre  l’a.cide  boracique  , nous 
fommes  forcés  de  commencer  par  celui  à baie  de  foude, 
parce  que  c eft  le  feul  bien  connu. 

Tome  //. 


E 


66  É l I mens 

encore  pofitivement  fi  c’eft  un  produit  de  la  na- 
ture ou  de  l’art.  En  effet , fi  la  découverte  de 
l’acide  boracique  en  diffolution  dans  les  eaux  de 
pîufieurs  lacs  de  Tofcane  , dont  nous  avons  fait 
mention  dans  l’hiffoire  de  cet  acide , peut  faire 
préfumer  que  le  borax  de  foude  eft  un  produit  de 
la  nature,  pîufieurs  faits  que  nous  rapporterons 
plus  bas  femblent  démontrer  qu’il  efi  pofiiblede 
former  ce  fel  de  toutes  pièces  par  certains  pro- 
cédés, & peut-être  aura-t-on  quelque  jour  des 
minières  artificielles  de  borax , comme  on  a au-, 
jourd’hui  des  nitrieres  artificielles  dans  diffé- 
rentes parties  de  l*Europe. 

Le  borax  eft  fous  trois  états  dans  le  commerce; 
Le  premier  eft  le  borax  brut , tinckal  ou  chryfo - 
colle , qui  nous  vient  de  Perfe  ; il  eft  en  maffes 
verdâtres , grades  au  toucher , ou  en  efpeces  de 
criftaux  opaques , d’un  vert  de  porreau  , qui  font 
des  prifmes  à fix  pans , terminés  par  des  pyra- 
mides irrégulières.  On  trouve  même  deux  varié- 
tés de  ces  criftaux  verdâtres  différentes  par  la 
groffeur  dans  le  commerce.  Ce  fel  eft  très-impur 
& mêlé  de  beaucoup  de  matières  étrangères  à fa 
çompofition. 

La  fécondé  efpece  de  borax  eft  connue  fous  le 
nom  de  borax  de  la  Chine  ; celui-ci  eft  un  peu 
plus  pur  que  le  précédent  \ il  eft  en  petites  pla- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  67 
ques  , ou  en  malles  irrégulièrement  criftallifées  , 
d’un  blanc  fale  ; on  y apperçoit  des  rudimens  de 
prifmes  & de  pyramides , mais  confondus  en- 
semble fans  aucun  arrangement  fymmétrique  : on 
obferve  fur  'ces  criftaux  une  pouffiere  blanche 
qui  en  enduit  la  furface , & que  l’on  croit  de 
nature  argileufe. 

La  troifieme  efpece  eft  le  borax  de  Hollande  , 

f t 1 * 

ou  borax  raffiné.  Il  eft  en  portion  de  criftaux 
tranfparens  & affez  purs;  on  y reconnoît  des 
pyramides,  à plufieurs  faces , mais  dont  la  criftal- 
lifation  a été  interrompue.  Cette  forme  indique 
d’une  maniéré  certaine  que  1a  méthode  employée 
par  les  hollandois  pour  rainer  ce  fel  ëft  la  diffo- 
lution  & la  criftallifation. 

Enfin  on  prépare  à Paris , dans  le  laboratoire 
defylM.  Lefgüil,lèrs,  droguiftés  rue  des  Lombards, 
un  borax;  purifié  qui  ne  le  cede  en  rien  à celui  de 
Hollande ,/  & qui 
fupéneur  de  pureté 

Outre  ces  quatre  efpeces  de  borax,  un  pharma- 
cien dé  Paris , M.  la  Pierre,  a cru  découvrir  qu*il 
s’en  forme  journellement  dans  les  eaux  de  fa  von 
mêlées  à celles  des  cuifinçs , qu’un  particulier 
laiffe  féjoumer  dans  une,  efpece  de  foffe  ; il  en 
retire  au  bout  d’un  certain  tems  de  vrai  boçax  en 
beaux  criftaux  : mais  ce  fait  annoncé  il  y a plus 

£ij 


peut-être,  a même  un  degré 


68  élément 

de  dix  ans  j n’a  point  été  confirmé  depuis. 

On  n’efi:  donc  pas  encore  inftruit  fur  la  forma- 
tion du  borax;  il  paroît  feulement  qu’il  s’en  pro- 
duit dans  les  eaux  Gagnantes  qui  contiennent  des 
matières  graffes.  Quelques  auteurs  afîurent  qu’on 
le  fait  artificiellement  à la  Chine,  en  mêlant  dans 
une  fofîe  de  la  graiffe , de  l’argile  & du  fumier  , 
couches  par  couches  , en  arrofant  ce  mélange 
avec  de  l’eau , & en  le  laiflant  ainfi  féjourner 
pendant  quelques  années.  Au  bout  de  ce  tems  on 
lefiive  ces  matières , on  évapore  la  leflive  , & on 
obtient  le  borax  brut.  D’autres  ont  cru  qu’on  le 
tiroit  d’une  eau  qui  fe  filtre  à travers  des  mines 
de  cuivre.  M.  Baumé  dit  pofitivement  que  le 
premier  de  ces  procédés  lui  a fort  bien  réuflî. 
( Chim.  expèrim . tom.  II , page  132.) 

Le  borax  purifié  efi:  en  prifmes  à fix  pans , dont 
deux  font  plus  larges , avec  des  pyramides  triè- 
dres.  11  préfente  d’ailleurs  beaucoup  de  variétés 
dans  fa  criftallifation.  Sa  faveur  eft  ftiptique  &Z 
urineufe  ; il  verdit  le  firop  de  violettes , parce 
qu’il  contient  un  excès  de  foude  ; c’eft  pour  le 
diftiriguer  de  celui  qui  efi:  faturé  d’acide  boracique, 
ou  du  vrai  borate  de  foude , que  nous  lui  laiffons  le 
nom  de  borax  ; nous  le  nommons  aufii  borate 
furfaturé  de  foude  , pour  défigner  la  nature  de  f* 
jçombinaifon. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  <% 
Lorfqn’on  l’expofe  à l’aftion  du  feu  , il  fond 
afîez  vite  à l’aide  de  l’eau  de  fa  criftallifation  ; il 
perd peu-à-peu  cette  eau,&  acquiert  un  volume 
confidérable  : il  eft  alors  fous  la  forme  d’une 
maffe  légère  , poreufe  & très-friable  que  l’on  dé^ 
ligne  fous  le  nom  de  borax  calciné  ; le  volume 
confidérable , la  forme  lainelleufe  & poreufe  que 
prend  le  borax  dans  fa  calcination viennent  de 
ce  que  l’eau  qui  fe  dégage  dans  l’état  de  vapeur 
fouleve  la  portion  de  la  fubftance  faiine  à demi- 
defféchée  en  pellicules  légères , & de  ce  que  les 
bulles  qu’elle  forme  crevant  à la  furfarce  dufel, 
ces  pellicules  fe  de  flèchent  entièrement \ & fe 
placent  les  unes  fur  les  autres,  de  forte  à laifler 
des  intervalles  entr’elles.  Le  borax  calciné  n’eft 
nullement  altéré  dans  fa  compofition  jjln’aperdu 
que  fon  eau  de  criftallifation , qui  fait  à-peu-près 
fix  onces  par  livre.  On  peut  lui  rendre  fa  première 
forme  en  le  diflolvant  dans  i’eau  y & en  le  faifanr 
criftallifer  j mais  lorfqu’on  continue  de  chauffer  ce 
fel  calciné,  il  fe  fond  dès  qu’il  commence  à rougily 
& forme  un.  verre  très-^fufible  , tranfparent,  un 
peu  verdâtre  , qui  fe  ternit  à l’air  & qui  fe  diffouî 
dans  l’eau.  Le  borax.n’a  point  changé  de  nature  par 
cette  fufion^on  peut  le  faire  reparoître  avec  toutes 
les  propriétés  qui  lui  font  particulières,  par  le. 
moyen  de  la  diffolution  & de  la  criftallifation« 

E üj 


i 


7°  Élémens 

L’air  n’altere  point  ce  Tel;  il  s’effleurit  cependant 
à fa  furface  en  perdant  une  portion  de  foneau  de 
criftallifation.  Il  paroît  même  que  cette  efïloref- 
cence  n’eff  pas  toujours  la  mêmedansles  différens 
boraxs  purifiés;  celui  de  la  Chine  s’effleurit beau- 
coup moins  que  celui  de  Hollande  , & celui-ci 
plus  que  le  borax  purifié  à Paris  ; cette  légère 
différence  dépend  fans  doute  des  procédés  qu’on 
a fuivis  dans  fa  purification,  de  la  maniéré  dont 
on  le  fait  criftallifer  , de  la  quantité  d’eau  que  fes 
crifiaux  contiennent  fuivant  la  rapidité  plus  ou 
moins  grande  avec  laquelle  ils  fe  font  formés , & 
peut-être  aufîi  des  différentes  proportions  d’acide 
boracique  Si  de  foude  qui  entrent  dans  fa  compo- 
sition. 

Le  borax  eft  très-diffoluble  dans  l’eau  : il  faut 
douze  parties  d’eau  froide  pour  diffoudre  une 
partie  de  ce  fel  ; fix  parties  d’eau  bouillante  en 
diffolvent  une.  On  obtient  fes  criflaux  par  le  re- 
froidiffement  de  fa  diffolution  ; mais  les  plus 
beaux  Si  les  plus  réguliers  fe  forment  dans  une 
diffolution  qu’on  laifïe  s’évaporer  très-lentement, 
& à la  température  ordinaire  de  l’atmofphère. 

Le  borax  fert  de  fondant  à la  terre  filicée , & il 
forme  avec  elle  un  verre  affez  beau.  On  l’emploie 
dans  la  préparation  des  pierres  précieufes  artifi- 
cielles, ou  des  verres  durs. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimié.  71. 

Il  vitrifie  également  l’argile , mais  avec  beau- 
coup plus  de  difficulté  & beaucoup  moins  corn-' 
plétemeirt  ; telle  eft  la  raifon  pour  laquelle  il  ad- 
hère aux  creufets  dans  lefquels  on  le  fait  fondre. 

On  ne  connoît  par  bien  Pattion  de  la  baryte 
Sô  de  la  magnéfie  pures  fur  le  borax  de  foudo. 
Bergman  place  cependant  ces  deux  fubftances 
avant  les  alcalis  dans  la  première  colonne  de  fa 
table  des  affinités  \ ce  qui  annonce  quelles  font 
fufceptibles  de  décompofer  ce  fel  ; mais  il  dit 
dans  fa  differtation  que  les  affinités  de  la 
terre  pefante  & de  la  magnéfie  avec  l’acide 
boracique  ne  font  point  encore  exa&emen& 
déterminées. 

La  chaux  a réellemerft  plus  d’affinité  avec 
cet  acide  , que  n’en  a la  foude.  L’eau  de  chaux 
précipite  la  diffolution  de  ce  fel  ; mais  pour  en 
opérer  tout-à-fait  la  décompofition,  il  faut  faire 
bouillir  de  la  chaux  vive  avec  le  borax  de 
foude  j alors  le  dépôt  qui  fe  forme  efl  un 
compofé  falin  peu  fdluble  de  la  chaux  avec 
l’acide  boracique  , tandis  que  la  foude  cauflique 
refte  en  diffolution  dans  Peau. 

La  potaffe  paroît  décompofer  le  borax  de 
foude  , comme  elle  le  fait  à l’égard  de  tous  les 
autres  fels  neutres  à bafe  de  foude.  L’ammo- 
niaque ne  l’altère  en  aucune  manière* 

E iv 


72  Élémins 

Les  acides  ont  une  a&ion  très  marquée  fur  ce 
fel.  Si  dans  une  diffolution  bouillante  de  borax 
<îe  foude  on  verfe  avec  précaution  de  l’acide 
fulfurique  concentré,  jufqu’à  ce  qu’il  y ait  un 
léger  excès  d’acide  dans  la  liqueur,  on  obtient 
par  le  refroidiffement  du  mélange  filtré  un  pré- 
cipité très-abondant , & difpofé  en  petites  écail- 
les brillantes , c’efl  l’acide  boracique  ; on  le  lave 
avec  de  l’eau  diftillée , & on  le  fait  fécher  à l’air 
pour  l’avoir  bien  pur.  En  évaporant  & laiffant 
refroidir  la  difïolution  ainfi  préparée,  on  en  ob- 
tient à plufteurs  reprifes  de  l’acide  boracique.  A 
la  fin  on  ne  retire  plus  que  du  fulfate  de  foude  , 
formé  par  l’union  de  l’acide  fulfurique  qu’on  a 
employé  , avec  la  bafe  alcaline  du  borax. 

L’acide  nitrique  &c  racidemuriatique  décompo- 
fent  de  même  le  borax  de  foude,  parce  qu’ils  ont 
comme  l’acide  fulfurique  plus  d’affinité  avec  la 
foude  , que  n’en  a l’acide  boracique.  On  retire 
des  dernières  évaporations  de  ces  mélanges  du 
nitrate  ou  du  muriate  de  foude.  La  découverte 
de  l’acide  boracique  paroît  être  due  à Bec- 
cher,  mais  on  a coutume  de  l’attribuer  à Hom- 
berg  qui  a le  premier  décrit  avec  allez  d’exac- 
titude , dans  les  Mémoires  de  l’Académie  pour 
1701  , un  procédé  pour  l’obtenir.  Ce  chimifte 
découvrit  ce  fel  fublimé  dans  la  diftillation 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  73 
d’un  mélange  de  fulfate  de  fer  calciné  , de  borax 
de  foude  & d’eau.  Comme  il  crut  que  la  pre- 
mière de  ces  matières  contribuoit  beaucoup  à fa 
formation  il  l’appela  fel  volatil  narcotique,  de  vi- 
triol. Louis  Lemery,  fils  aîné  du  fameux  Nicolas 
Lemery , a beaucoup  travaillé  fur  le  borax  de 
foude,  & a découvert  en  1728  qu’on  pouvoit 
obtenir  l’acide  boracique  appelé  alors  Jd  fédatif 
par  l’acide  fulfurique  pur , & que  les  acides  nitri- 
que & muriatique  en  donnoient  de  même*,  mais 
il employ oit  toujoursla  fublimation.  C’eft  à Géof- 
froy  le  cadet  qu’on  doit  l’anaiyfe  complète  du 
borax  de  foude  ; il  a prouvé  en  1732.  qu’on  obte- 
noit  l'acide  boracique  par  évaporation  & par 
criftallifation;  & en  examinant  le  réfidu  de  ces 
opérations  , il  a démontré  que  la  foude  étoit  un 
des  principes  du  borax. 

Les  travaux  de  Baron  fur  ce  fel  , préfentés  à 
l’Académie  en  1745  & *748,  ontajoutéà  cesdé- 
couvertes  deux  faits  importans  pour  la  connoif- 
fance  du  borax  de  foude.  Le  premier,  c’efi:  que 
les  acides  végétaux  le  décompofent  aufli  bien 
que  les  acides  minéraux  ; le  fécond  , c’eft  qu’on 
peut  refaire  du  vrai  borax  en  unifiant  l’acide  bo- 
racique avec  la  foude  ; ce  qui  prouve  que  cet 
acide  eft  tout  formé  dans  ce  fel,&  que  les  acides 
que  l’on  emploie  pour  le  précipiter  ne  contri^ 
buent  en  rien  à fa  formation. 


74  É L È M E N s 

L’acide  fluorique  & l’acide  carbonique  mêirft  ; 
quoiqu’un  des  plus  foibles , paroiffent  être  fuf- 
ceptibles  de  décompofer  le  borax  de  foude  & 
d’en  féparer  l’acide  boracique.  Ce  dernier  s’unit 
facilement  au  borax  du  commerce  dont  la  bafe 
alcaline  demande,  pour  être  entièrement  faturée 
d’acide  boracique,  un  peu  plus  de  cet  acide  que  le 
poids  total  du  borax.  Bergman  penfe  même  que 
ce  fel  n’eft  bien  neutre  &:  bien  faturé,  & que 
les  propriétés  alcalines  qui  y dominent  ordinai- 
rement ne  peuvent  être  mafquées  que  par  cette 
addition  d’acide  boracique.  On  n’a  point  encore 
examiné  en  détail  les  propriétés  de  ce  fel  neutre 
ou  vrai  borate  de  fonde. 

Les  fels  neutres  alcalins  fulfuriques  , nitriques 
& muriatiques  , n’ont  aucune  a&ion  fur  le  borax 
de  foude. 

Ce  fel, fondu  avec  des  matières combuftibles , 
comme  le  charbon , acquiert  une  couleur  rou- 
geâtre : mais  on  ne  connoît  pas  l'altération  qu’il 
éprouve  de  la  part  de  ces  matières. 

Le  borax  du  commerce  eft  d’une  très-grande 
utilité  dans  plufieurs  arts.  On  l’emploie  dans  la 
verrerie  , comme  un  excellent  fondant,  ainfi  que 
dans  la  docimafie.  On  s’en  fert  avec  grand  avan- 
tage dans  les  foudures , parce  qu’il  fait  couler  l’al- 
liage deitiné  à fouder  j de  plus , il  entretient  les 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  ' 75 

furfacesdes  métaux  que  l’on  veut  réunir,  dans  un 
ramoliffement  très-propre  à cette  opération  ; &c 
en  les  recouvrant,  il  empêche  que  le  contaâ:  de 
l’air  ne  les  altère.  On  en  faifoit  autrefois unufage 
alfezétendu  en  médecine , mais  il  eft  entièrement 
abandonné  aujourd’hui. 

Sorte  VIII.  Borate  de  potasse; 

Nous  donnons  le  nom  de  borate  de  potaffe  à la 
combinaifon  de  l’acide  boracique  avec  la  potaffe. 
On  fait  que  ces  deux  fubftances  falines  font  très- 
fufceptibles  de  s’unir , & qu’il  réfulte  de  cette 
union  un  fel  neutre  analogue  au  borate  de  foude. 
Tel  eft  le  réfidu  du  nitre  de  potaffe  décompofé 
par  l’acide  boracique.  M.  Baumé  dit  que  ce  ré- 
fidu eft  en  maffe  blanche  , demi  -fondue  , & que 
diffous  dans  l’eau  j il  lui  a fourni  un  fel  en  petits 
criftaux.  Le  borate  de  potaffe  eft  donc  fuftble  , 
diffoluble  & criftallifable  ; les  acides  purs  le  dé- 
compofent  ainfi  que  le  borax  de  foude.  On  ne 
connoît  rien  de  plus  fur  ce  fel  qu’il  feroit  nécef- 
faire  d’examiner  comme  on  a fait  le  borate  de 
foude.  Baron  a connu  la  poflibilité  de  faire  ce  fel 
en  combinant  dire&ement  de  l’acide  boracique 
avec  la  potaffe,  il  l’a  même  bien  diftinguédu  bo- 
rax ordinaire  ou  à bafe  de  foude , mais  il  n’a  rien 
dit  fur  les  propriétés  particulières  de  ce  borate. 


7*  ' Êlémens 

Sorte  IX.  Fluate  d f.  potasse; 

On  doit  défigner  par  ce  nom,  fuivant  les  règles 
de  nomenclature  adoptées  jufqu’ici , la  combinai* 
fon  de  l’acide  fluorique  avec  la  potaffe.  Cette  ef- 
pèce  de  fel  neutre  n’a  encore  été  que  très-légère- 
ment examinée  par  MM.  Schéele  & Boullanger. 
Il  eft  toujours  fous  forme  gélatineufe,  & ne  crif- 
tallife  jamais,  d’après  ces  deux  chimiftes.  Deffé» 
ché  & fondu , il  eft  âcre,  cauftique  & déliquef- 
cent,  fuivant  Schéele.  Ce  chimifte  le  compare 
alors  à la  liqueur  des  cailloux.  Il  paroît  que  le  feu 
en  dégage  l’acide  fluorique  , & que  la  terre  filicée 
dont  fe  charge  toujours  ce  dernier  pendant  fa 
préparation  fe  fond  en  un  verre  foluble , à 
l’aide  de  la  potaffe. 

Le  fluate  de  potaffe  eft  très-foluble  dans  l’eau  ; 
il  retient  toujours  une  fl  grande  quantité  de  ce 
fluide , qu’on  ne  peut  lui  faire  prendre  une  forme 
criftalline.  Lorfqu’il  eft  bien  faturé,  fa  diffolu- 
tion  n’altère  point  le  ftrop  de  violettes. 

On  ne  connoît  pas  bien  l’a&ion  des  terres  fili- 
cée , argileufe  & bary tique  fur  ce  fel,  non  plus 
que  celle  de  la  magnéfle. 

Suivanr  Schéele  & Bergman  , la  chaux  a plus 
d’afKnité  avec  l’acide  fluorique  , que  n’en  a la 
potaffe.  Le  fluate  de  potaffe , mis  dans  l’eau  dq 


d’Hist.  Nat.  et  dê  Chimie:  7 7 

chaux,  y eft  fur-le*champ  décompofé;  la  chaux 
s’unit  avec  l’acide  fluorique,  & forme  un  fel  in- 
foluble  qui  trouble  la  liqueur , & qui  eft  du  fluate 
de  chaux.  On  connoîtra  des  fels  neutres  formés 
par  l’acide  carbonique,  & les  alcalis  fixes,  qui 
font  également  décompofés par  la  chaux.  On  a vu 
le  borax  de  foude  être  précipité  par  l’eau  de 
chaux;l’acide  fluorique  n’eft  donc  pas  le  feul  acide 
qui  ait  plus  d’affinité  avec  cette  fubftance  falino- 
terreufe , que  n’en  ont  les  alcalis  fixes. 

L’acide  fulfurique  concentré  décompofé  le 
fluate  de  potafle , en  dégage  l’acide,  qui,  fui» 
vant  M.  Boullanger,  fe  préfente  avec  l’odeur  6c 
les  vapeurs  blanches  propres  à l’acide  muriatique. 
En  faifant  cette  expérience  dans  un  appareil  diftil- 
latoire,  on  recueilleroit  l’acide  fluorique,  comme 
on  le  fait  à l’égard  du  nitrate  de  potafle  & du  mu- 
riate  de  foude  décompofés  par  l’acide  fulfurique. 

On  n’a  point  examiné  l’attion  des  acides  nitri- 
que & muriatique , ainfi  que  celle  des  fels  neutres 
que  nous  connoifîons  fur  le  fluate  de  potafle. 

Ce  fel , d’ailleurs  très-peu  connu , n’eft  encore 
4’aucun  ufage. 

Sorte  X.  Fluate  de  soude. 

Ce  nom  défigne  aflez  le  fel  neutre  formé  par  la 
combinaifon  faturée  de  l’acide  fluorique  avec  la 


7$  É L E M E N S 

fonde.  Ce  fel  eft  dans  le  même  cas  que  le  précé-" 
dent;  il  a été  fort  peu  examiné.  Il  n’y  a que 
MM.  Schéele  &.  Boullanger  qui  en  aient  dit  quel- 
que chofe  ; encore  ne  font-ils  point  dfaccord 
entr’eux } comme  on  va  le  voir. 

Schéele  allure  que  la  foude  unie  à l’acide  fluo- 
nque  forme  une  gelée  comme  le  fel  précédent, 
M.  Boullanger  avance  , au  contraire  , que  cette 
combinaifon  donne  de  très-petits  criftaux  durs, 
caffans,  figurés  en  quarrés  oblongs , d’une  faveur 
amère  &un  peu  ffiptique.  Ce  fel  mis  fur  les  char- 
bons ardens  décrépite  comme  le  muriate  de 
foude  : il  nefediffout  qu’avec  peine  dans  l’eau. 

L’eau  de  chaux  le  décompofe  coQjme  le  fluate 
de  potaiïe. 

L’acide  fulfurique  en  dégage  l’acide  avec  effets 
vefcence , vapeur  blanche  & odeur  piquante  , 
analogues  à celles  de  l’acide  muriatiques 

On  voit , d’après  ce  court  expofé , que  ce  fel 
n’eft  pas  plus  connu  que  le  précédent. 

Sorte  XI.  Carbonate  de  potasse. 

Les  deux  derniers  fels  neutres  parfaitsqui  nous 
reftent  à examiner  font  les  combinaifons  de  l’a- 
cide carbonique  avec  les  alcalis  fixes. 

Ces  fubiïances  n’ont  jamais  été  rangées  parmi 
les  fels  neutres  ; cependant  ils  en  font  de  véri-f 
tables , comme  nous  l’allons  voir. 


d’Hist.  Nat.  et  pE  Chimie.  79 
Nous  donnons  le  nom  de  carbonate  de  potaffe 
au  fel  neutre  qui  réfulte  de  la  combinaifon  fatu- 
rée  de  l’acide  carbonique  avec  la  potaffe.  Quel- 
ques chimiftes  modernes  rappellent /a/rre  mepÆi- 
tique , alcali  végétal  aéré , &c.  Cette  fubftance  fa- 
line  , qu’on  avoit  toujours  prife  pour  de  l’alcali 
pur  , n’eft  connue  comme  un  fel  neutre  que  de- 
puis les  travaux  de  M.  Black.  On  lui  donnoit  au- 
trefois le  nom  de  fel  fixe  de  tartre  , parce  qu’on  le 
retire  de  l’incinération  du  tartre  du  vin.  On  le 
regardoit  comme  un  alcali , parce  qu’il  a quel- 
ques-unes des  propriétés  de  ces  Tels.  En  effet , il 
verdit  le  firop  de  violettes;  mais  le  borax  & plu- 
ffeurs  autres  Tels  ont  la  même  propriété; d’ailleurs 
ii  ne  détruit  pas  ou  n’affoiblit  pas  la  couleur  des 
violettes  comme  la  potaffe.  lia  une  faveuralcaline 
qu’on  retrouve  aufîi  dans  le  borax.  Onfediffin- 
guoit  feulement  de  l’alcali  de  la  foude , par  la  pro- 
priéfé  qu’on  lui  attribuoit  d’attirer  très-prompte- 
ment l’humidité  de  l’air,  & de  ne  pas  pouvoir  fe 
criftallifer  ; ainfi  hume&é  par  l’air  , on  l’appeloit 
huile  de  tartre  par  défait  lance{\ fi  Mais  ces  deuxpror 


(1)  Bohnius  rapporte  qu’ayant  évaporé  lentement  & à 
fine  douce  chaleur  , de  t'huile  de  tartre  , il  a obtenu,  fous 
une  pellicule  faline  , de  beaux  crifleaux,  qui  fe  font  con- 
servés plus  de  fix  ans  fans  altération  , quoiqu’expofés  à 


Êl£mens 

priétés  ne  dépendent  que  de  ce  que  le  Tel  fixe  de! 
tartre  n’eft  pas  un  Tel  neutre  parfait.  Comme  il 
contient  encore  une  certaine  quantité  de  potaffe  » 
non  faturée  d’acide  carbonique,  c’eff  en  raifon  de 
cet  excès  d’alcali  qu’il  eft  déliquefcent.  Aujour- 
d’hui on  efi:  parvenu  à avoir  ce  fel  très-criffalli- 
fable,qui  n’attire  point  du  tout  Vàumidité  de 
l’air , & qui  s’effleurit  plutôt.  M.  de  Chaut- 
ncs  ,qui  s’eft  beaucoup  occupé  de  cet  objet , pré- 
pare ce  fel  en  expofant  une  diffolution  de  potaffe 
cauffique , ou  chargée  de  peu  d’acide  carboni- 
que,dans  un  lieu  rempli  decetacide gazeux,  com- 
me dans  le  haut  d’une  cuve  de  bierre  en  fermenta- 
tion. L’alcali  s’empare  de  tout  l’acide  carbonique 
qu’il  peur  abforber  , &c  il  criffallife  très- réguliè- 
rement. Ses  criftaux  font  des  prifmes  quadrangu- 
laires , terminés  par  des  pyramides  à quatre  faces 
très-courtes. 

La  faveur  du  carbonate  de  potaffe  eft  urineufe , 
mais  beaucoup  moins  forte  que  celle  de  l’al- 
cali végétal  cauffique  , puifqu’on  l’emploie  en 
médecine  à la  dofe  de  quelques  grains  comme 

«cny—  ...  

différentes  températures.  ( DiJJ'ert.  Phyjico-Chim.,1666.  ). 

M.  Montet , célèbre  chimifte  de  Montpellier  , qui  fans 
doute  n’avoit  pas  connoiffance  de  la  découverte  de  Boh- 
nius  , a trouvé  defon  côté  un  procédé  pour  faire  criftalli-j 
fer  le  fel  fixe  de  tartre.  Acad,  des  Sc,  an  1764  ,pœg‘  5 76. 

fondant. 


dHist.  Nat.  et  de  Chimie  8ï 
fondant.  Ce  fel  neutre  eft  très -altérable  au  feu  ; 
il  fe  fond.aifément  , 6c  il  s’alcalife  aflez  vite.  Si 
on  le  di Aille  dans  une  cornue  en  adaptant  à ce 
vaiffeau  un  récipient  6c  un  appareil  pneumato* 
chimique  au  mercure  , on  en  retire  l’eau  de  crif- 
tallifation  , 6c  fon  acide  dans  l’état  aériforme  ; ia 
poraffe  efi:  en  maffe  irrégulière  après  cette  opé- 
ration, & elle  retient  toujours  une  petite  portion 
de  fon  acide  que  le  feu  ne  peut  lui  enlever  qu’a- 
vec la  plus  grande  difficulté.  D’après  l’analyfe  de 
Bergman , le  carbonate  de  potaffe  (attiré  d’acide 
& bien  criiftallifé,  qu'il  nomme  alcali  végétal  aéré  9 
contient  par  quintal  vingt  parties  d’acide,  qua- 
rante-huit d’alcali  pur, & trente-deux  d’eau.  Mais 
il  faut  obferver  que  les  carbonates  paroiffent  être 
en  général  plus  fufceptibles  que  les  autres  de  con- 
tenir des  dofes  très-différentes  6c  très- variées  de 
leur  acide.  Malgré  cette  propriété  , ce  fel  ne 
fourniffant  jamais  de  criftaux  réguliers  que  lorf- 
qu’il  eft  parfaitement  faturé,  on  peut  regarder 
comme  exad  & affez  confiant  le  calcul  donné  par 
Bergman. 

Le  carbonate  de  potaffe , Iorfqu’iî  efi  bien  crif- 
tallifé  , n’éprouve  aucune  altération  de  la  part  de 
l’air  ; fes  criftaux  refient  tranfparens  , fans  fe 
fondre  ni  s’effleurir.  Comme  il  efi  très  - impor- 
tant & très  néceffaire  pour  beaucoup  d’experien» 
Tomt  II.  p 


s 2 ÉLEMEN5 

ces,  d’avoir  ce  Tel  afflz  pur  pour  jouir  de  cette 
propriété,  & pour  réfifhr  ainfi  à l’épreuve  de 
l’air  humide  ou  fec  , on  en  préparera  facilement 
en  expofant  une  leffive  de  potaffe  ordinaire  bien 
pure  , bien  blanche  & bien  féparée  du  fulfate  de 
potaffe  que  ce  fel  contient  ordinairement,  au- 
deffus  d’une  cuve  à bierre  dans  un  vaiffeau  plat , 
& mieux  encore  en  l’agitant  avec  des  mouffoirs, 
ou  en  la  verfant  continuellement  d’un  vafe  dans 
un  autre  ; on  la  laiffera  ainfi  en  contaél  avec  l’a- 
cide carbonique,  produit  en  grand  pendant  la 
fermentation , jufqu’à  ce  que  la  leffive  ait  dépo- 
sé de  beaux  criffaux  de  carbonate  de  potaffe. 

Ce  fel  fe  diffout  très-bien  dans  quatre  parties 
d’eau  froide,  & il  exige  un  peu  moins  d’eau 
chaude  pour  êt;  e tenu  en  diffclution  ^ il  produit 
du  froid  en  s’unifiant  à ce  fluide.  Cette  propriété 
qui  diftingue  les  fels  neutres  des  fels  fimples  , ca- 
raâérife  affez  la  différence  du  carbonate  de  po- 
taffe d’avec  la  potaffe  pure  ou  cauftique.  Il  orif- 
tal'ife  par  l’évaporation  jointe  au  refroidiffement; 
fi  la  diffclution  eft  trop  rapprochée  , il  fe  pi  end 
en  maffe  irrégulière,  ce  qui  arrive  très-fouyent 
dans  les  laboratoires. 

11  peut  (ervir  de  fondant  aux  terres  vitrifiables, 
comme  la  potaffe,  parce  qu’il  s’alcalife  par  fac- 
tion du  feu  , en  perdant  l’acide  carbonique  ; d’ail* 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  85 
leurs  lorfqu’on  chauffe  fortement  ce  fel  mêlé  avec 
du  fable  dans  des  creufets,on  obferve  que  dans 
le  moment  de  la  vitrification  il  fe  produit  une 
vive  effervefcenceoccafionnée  par  le  dégagement 
de  l’acide  aériforme.  Ce  phénomène  prouve  que 
la  terre  filicée  ne  peut  point  fe  combiner  avec 
l’alcali  faturé  de  cet  acide  , & que  celui-ci  s’en  dé- 
gage dans  l’inftant  de  la  combinaifon  vitreufe.  Ce 
caractère  d’effervefcence  efi  fi  confiant  qu’il  a été 
prcpofé  par  Bergman  , pour  reconnoître  en  petit 
& par  l’acfion  du  chalumeau  , une  terre  filicée  , 
qui  fe  fond  avec  le  carbonate  de  potafié,  en  pro- 
duifant  un  bouillonnement  ou  une  effervefcence 
très-remarquable,  tandis  que  es  autres  terres  ne 
préfentent  point  le  même  phénomène. 

L’alumine  n’a  point  d’aélion  fur  le  carbonate 
de  potaffe  qui  réduit  cette  terrç  par  la  fufion  en 
une  fritte  vitreufe  , un  peu  moins  facilement  à 
la  vérité  que  la  potaffe  cauftique  j la  baryte  enlè- 
ve l’acide  carbonique  à ce  fel. 

La  chaux  le  décompofe  aufiî  , parce  qu’elle  a 
plus  d’affinité  avec  cet  acide,  que  n’en  a la  po- 
ttaffe.  Si  l’on  verfe  de  l’eau  de  chaux  dansuneclif- 
ifoîution  de  carbonate  de  potaffe  , il  fe  précipite 
un  fel  prefque  infoluble  formé  par  l’union  de 
la  chaux  à l’acide  carbonique  , &:  l’alcali  pur  ou 
u cauftique  refie  en  diffolution  dans  l’eau.  Onem- 


84  Élémens 

ploie  en  pharmacie  cette  décompofition  pour 
préparer  la  pierre  à cautère , qui  n’eft  que  l’alcali 
fixe  végétal  rendu  caufiique  par  la  chaux.  Les  con- 
'noiflances  modernes  ont  appris  que  le  procédé  de 
Lemerÿ  , fuivi  par  plufieurs  pharmacopées , eft 
très- défectueux.  Il  confiftoità  mêler  deux  livres 
«de  cendres  gravelées  (i)  avec  une  livre  de  chaux 
vive  , à arrofer  ce  mélange  avec  feize  livres 
d’eau,  à le  filtrer,  à évaporer  la  lefiive  dans  un 
vaiffeau  de  cuivre  ,&  à fondre  dans  un  creufet  & 
couler  fur  une  plaque  le  réfidu  de  cette  évapora- 
tion. Dans  cette  opération  on  n°obtient  qu’un  al*’ 
cali  fale , peu  cauftique , chargé  de  cuivre. 

Bucquet  qui  a fenti  tous  ces  inconvéniens  , a 
donné  un  procédé  plus  long  & plus  difpendieux 
à la  vérité  , mais  beaucoup  plus  fur  & plus  utile , 
fur- tout  pour  préparer  de  la  potaffe  bien  pure  , 
fi  néceffaire  dans  les  expériences  de  chimie.  On 
prend  deux  livres  de  chaux  bien  vive  , on  l’arrofe 
d’un  peu  d’eau  pour  la  faire  brifer,  on  ajoute 
une  livre  de  fel  fixe  de  tartre,  & on  verfe  allez 
d’eau  pour  former  une  pâte  ; Iorfque  le  mélange 


(i)Les  cendres  gravelées  font  celles  que  fournit  la 
fombufiion  du  marc  & de  la  lie  de  vin.  Ces  cendres  con- 
tiennent beaucoup  d’alcali  végétal  ou  de  carbonate  depo- 
& du  fulfate  de  potaffe. 


b’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  85; 
eft  refroidi , on  ajoute  de  l’eau  jufqu’à  la  Quan- 
tité de  feize  pintes  , on  jette  le  tout  fur  un  pa- 
pier foutenu  par  un  linge;  il  pafle  douze  livres 
environ  d’une  liqueur  claire  ; on  lave  encore  le 
réfidu  avec  quatre  pintes  d’eau  bouillante  pour 
emporter  tout  l’alcali.  Cette  liqueur  ne  fait  au- 
cune effervefcence  avec  les  acides  ; mais  la  meil- 
leure pierre  de  touche  de  fa  parfaite  cauûieité  , 
c’eft  quand  elle  ne  trouble  point  l’eau  de  chaux  , 
parce  que  la  petite  quantité  d’acide  carbonique 
qu’elle  contient  fuffit  pour  y occafionner  des 
nuages  fenfibles.  Or  comme  après  cette  première 
opération  elle  précipite  encore  un  peu  cette  li- 
queur , fi  Ton  defire  avoir  un  alcali  très-pur 
pour  des.  expériences  délicates , il  faut  traiter 
cette  lefîive  avec  deux  nouvelles  livres  de  chaux 
vive;  alors  elle  pafle Très- claire  & fi  cauftique 
qu’elle  n’altère  pas  la  tranfparence  de  l’eau  de 
chaux.  Lorfqn’on  évapore  l’alcali  à feu  ouvert  , 
ce  fel  fe  charge  de  l’acide  carbonique  contenu 
dans  l’atmofphère.  On  doit  donc  pour  l’obtenir 
bien  cauftique  & fous  forme  sèche  , évaporer  la 
liqueur  dans  une  cornue  jufqu’à  ficçiré.  Cette 
opération  très-longue  n’eft  pas  néceffaire  pour  la 
pierre  à cautère  puifqu’il  fufSt  pour  ce  médica- 
ment qu’il  y ait  une  portion  d’alcali  cauftique  qui 
puiffe  ronger  le  tiflu  de  la  peau-;  mais  comme  Ü 

Fiij 


$6  Élémens 

e/l  très-nécefiaire  pour  les  expériences  exaéfes 
d’avoir  de  la  potafTe  sèche  & fol i de  dans  le  plus 
grand  état  de  pureté  } je  dois  faire  obferver  que 
l’évaporation  de  la!effive  alcaline  caufKque  doit 
être  faite  dans  des  vaifieaux  fermes , & que  com- 
me cette  évaporation  préfente  de  grandes  diffi- 
cultés relativement  à la  d enfilé  que  prend  fur  la 
fin  la  liqueur  , il  faut  conduire  le  feu  avec  beau- 
coup de  précaution.  L’alcali  fixe  que  l’on  obtient 
par  ce  procédé  doit  être  très-blanc,  ne  faire  nulle 
efrervefcence  avec  es  acides  & ne  point  troubler 
du  tout  l’eau  de  chaux. 

l a magndlie  n’agit  point  fur  le  carbonate  de 
potafTe  , parce  que  lVcali  fixe  végétal  a plus  d’af- 
finité avec  l’acide  carbonique  que  n’en  a cette 
fiibftar.ee  falino-terrèufe. 

Les  acides  fulfurique , nitrique  , muriatique  & 
fiuoricjue  clécompofent  le  carbonate  de  porafie  , 
en  s’unifiant  a l’alcali  fixe,  &en  féparant  l’acide 
carbonique  qui  fe  dégage  avec  effervefcence.  On 
peut  recueillir  cet  acide  au  - deflus  de  l’eau  ou  du 
mercure  j on  le  reconnoît  aux  quatre  cara&ères 
fuivants  ; il  efi:  plus  pefart  que  l’air  atmofphéri- 
que  , il  éteint  les  bougies , il  rougit  la  teinture  de 
tournefol  , & il  précipite  l’eau  de  chaux. 

L’acide  boracique  paroît  ne  point  féparer  a 
froid  l’acide  du  carbonate  de  potafTe  ; mais  il  l’en 
dégage  uès-facilementà  chaud. 


d’Histoire  Nat.  et  de  Chimte.  87 

Les  fels  neutres  que  nous  avons  examines 
jufqu’à  préfent  ne  font  point  altérés  par  le 
carbonate  de  potaffe  , & ne  l’allèrent  point  lui- 
même. 

Ce  fel  eft  très-abondant  dans  la  nature.  Il  fs 
trouve  tout  formé  dans  les  végétaux,  & on  le 
retire  par  l’incinération  de  ces  corps  organiques , 
comme  nous  le  dirons  dans  le  règne  végétal  f 
c’eft  fur  - tout  du  tartre  brûlé  qu’on  l’obtient» 
On  le  prépare  encore  par  la  détonation  du  nitrate1 
de  potaffe. 

Les  ufages  du  carbonate  de  potaffe  font  affez 
étendus  dans  les  arts.  On  l'emploie  en  médecine  ^ 
comme  un  fondant  très-a&if,  dans  les  embarras 
du  méfentère  & des  voies  urinaires.  On  nel’ad- 
miniftre  qu’à  une  t ès-petite  dofe.,&  on  a foin 
de  le  donner  avec  quelque  fubftance  qui  en  mo- 
dère l’aétion. 

Sorte  XII.  Carbonate  de  soude. 

Il  en  eft  de  ce  fel  neutre  comme  du  précédent. 
On  le  rcgardoir  autrefois  comme  un  alcali  ; c’eft 
(cependant  une  combinaifon  del’acide  carbonique 
avec  l’alcali  minéral:  il  paroîtque  c’eft  ce  fel  que 
les  anciens  avoient  appelé  natrum.  On  le  nomme 
communément  Jcl  de  fouit , parce  qu’on  le  retire 
affezpu'r  & affez  bien  criftallifé,  en  évaporant  une 

Fiy 


<53  Êlf.men.9 

leffive  de  foude  du  commerce.  Audi  diftinguok- 
on  l’alcali  marin  de  l’alcali  fixe  végétal  parla  pro- 
priété de  criftallifer  & de  s’t  fleurir, cequi  dépend 
de  ce  qu’il  eft  tout-à-fait  faturé  d’acide  carboni- 
que dans  la  foude  ordinaire. 

Le  carbonate  de  foude  a une  faveur  alcaline  \ il 
verdit  le  firop  de  violettes  , mais  fans  en  altérer 
la  couleur  comme  le  fait  la  fonde  cauftique.  Sa 
faveur  eft  urineufe,  mais  non  brûlante  & beau- 
coup moins  forte  que  celle  de  l’alcali  marin  pur. 

Ce  fel  eft  naturellement  plus  neutre  que  le 
carbonate  do  potaffe  , puifqu’il  y a long-tems 
qu’on  lui  connoît  la  propriété  de  crîftallifer  \ 
propriété  qui,prife  en  général,  d-i  (lingue  les  Tels 
neutres  d’avec  les  Tels  fimples.  Il  la  doit  à ce 
qu’il  contient  preique  toujours  la  quantité  d’a- 
cide carbonique  nécedàire  à fa  faturation  & à fi 
criftallifation. 

Ce  fel  neutre,  criflallifé  rapidement  , préfente 
des  lames  rhomboïdales  appliquées  oblique- 
ment les  unes  fur  les  autres,  de  forte  qu’elles 
parodient  fe  recouvrir  à la  manière  des  tuilesi 
Si  on  le  fait  cridallifer  'entement,  il  prend  la 
forme  d’oéïaèdres  rhomboïdaux  dont  les  pyra- 
mides font  tronquées  très  j près  de  leur  bafe, 
ou  de  folides  décaèdres  qui  ont  deux  angles 
aigus  & deux  obtus, 


d*Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  S 9 

Ce  fel  fond  en  général  plus  facilement  que 
le  carbonate  de  potaffe  ; c’eft  pour  cela  qu’on 
l’emploie  dans  les  verreries  préférablement  à ce 
dernier.  Il  perd  la  plus  grande  partie  de  fon  acide 
par  l’aèUon  de  la  chaleur  , mais  il  en  retient  tou- 
jours un  peu.  Bergman  a trouvé  par  une  analyfe 
exafle  j que  cent  parties  de  carbonate  de  foude  , 
qu’il  nomme  alcali  miner  al  aéré,  contiennent  feize 
parties  d’acide  , vingt  parties  d’alcali  pur  & foi- 
xante- quatre  parties  d’eau,  de  forte  que  la  foude 
demande  plus  d’acide  carbonique  pour  être  fatu- 
rée  que  la  potaffe  & qu’elle  retient  dans  fes 
criffaux  une  fois  plus  d’eau  que  celle-ci.  C’eft  à 
cette  grande  quantité  d’eau  que  le  carbonate  de 
foude  doit  fa  criftailifation  plus  facile  , plus  régu- 
lière, & fon  efflorefcence. 

Le  carbonate  de  foude  eft  plus  diffoluble  que 
celui  de  potaffe.  Il  fe  diffout  dans  deux  parties 
d’eau  froide  , & dans  une  quantité  d’eau  bouil- 
lante égale  à la  Tienne.  Il  criftallife  par  le  re- 
froidiffement  , mais  l’évaporation  lente  fournit 
des  cri  (faux  beaucoup  plus  réguliers. 

Ce  fel  expofé  à l'air  tombe  très-facilement 
en  pouffière  , en  perdant  fon  eau  de  criftallifa- 
tion  que  l’air  lui  enlève;  mais  ïl  n’eft  point  altéré 
par  cette  efflorefcence  ; on  peut  lui  fendre  fa  pre- 
mière forme  en  le  diffolvapt  dans  l’eau  en  le 
faifant  criffallifer. 


9°  Élemens 

Il  facilite  beaucoup  la  fufion  des  terres  vîtri- 
fiables  , & fait  un  verre  moins  altérable  que  celui 
dans  lequel  entre  le  carbonate  de  potaffe  ; aufti  le 
préféré  t-on  dans  les  verreries.  On  a obfervé  que 
le  f ble  , en  s'unifiant  à ce  fel , en  dégage  l’acide 
carbonique  qui  s’échappe  avec  une  effervescence 
bien  marquée,  comme  nous  l’avons  vu  pour  le 
carbonate  de  potaffe.  Il  n’a  pas  plus  d’action  fur 
l’argile  que  ce  dernier  fel. 

La  baryte  , ainft  que  la'  chaux  & fa  dilToIu- 
tion  ,décompofent  lecarbonate  de  fonde  , comme 
elles  font  celui  de  potaffe,  & elles  en  dégagent 
l’alcali  minéral  pur  &:  cauftique.  Quand  on  vcrfe 
une  diffolurion  de  ce  fel  dans  l’eau  de  chaux, il  y 
produit  un  précipité  , ce  qui  n’a  point  lieu  avec 
la  fonde  cauftique.  Si  l’on  veut  obtenir  ce  dernier 
fei  dans  cet  état  pour  des  expériences  délicates  de 
chimie  , il  faut  avoit  recours  au  procédé  que 
non  avons  décrit  pour  la  préparation  de  la  pierre 
à cautcrc  , que  l’on  fait  ordinairement  avec  la 
potaffe. 

Le  carbonate  de  fonde  cftdécompofé  comme 
celui  de  potaffe,  par  les  acides  fulfurique,  nitri- 
que , muriatique  , &tc.  On  peut  en  obtenir  l’a- 
cide carbonique  en  le  recevant  fous  une  cloche 
pleine  d’eau  ou  de  mercure. 

Ce  fel  exifte  tout  formé  à la  furface  de  la  terre. 


c 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  çti 
én  Egypte  , &c.  On  le  retrouve  encore  dans  les 
cendres  des  plantes  marines  ; mais  il  n’eft  pas 
fatuié  de  tout  l’acide  auquel  il  doit  être  uni. 
Pour  le  rendre  plus  parfaitement  neutre  , on 
peut  le  combiner  direCtemerit  avec  l’acide  de  la 
craie  , foit  en  l’agitant  dans  une  cuve  en  fermen- 
tation 3 foit  en  recevant  dans  fa  diffolution  de 
l'acide  carbonique  dégagé  de  la  craie  par  l'acide 
fulfurique.  On  le  fait  encore  en  imprégnant  les 
parois  d’un  vafe  de  diflolution  de  foude  , 8c  en 
verfant  dans  ce  vafe  dé  l’acide  carbonique;  on  le 
couvre  d’une  veffie  mouillée  , & au  bout  de  quel- 
ques l:e  ;resla  combinaifon  eff  faite  , la  veffie  efl 
enfoncée  à caufe  du  vide  qui  s'eft  formé  dans  le 
vaiffeau  , & le  fel  neutre  eft  dépofé  en  criftaux 
réguliers  fur  les  parois. 

Le  carbonate  de  foude  peut  être  employé 
comme  le  carbonate  de  potaffe  ; il  eft  d’un 
ufage  beaucoup  plus  multiplié  pour  les  manu- 
factures de  verrerie  , de  favon  , &c.  &c.  Il  eft 
donc  très-néceffaire  d’en  augmenter  la  quan- 
ti >é  , & de  chercher  à le  retirer  en  grand  du  mu- 
riate  de  foude.  Nous  avons  vu  que  la  litharge , 
propofée  par  quelques  chimiftes  pour  produire 
cet  effet , ne  décompofe  pas  bien  ce  fel;  que 
Schéele  a découvert  une  décompofition  plus 
m2nifefle  dans  le  muriate  de  foude  par  la  chaux 


91  Ê L É MENS 

vive  & le  fer  , au  moyen  du  conta&  de  l’atmcf- 
phère  & de  l acide  carbonique  qui  y eft  mêlé. 
On  voit  qu’une  proportion  de  cet  acide,  plus 
grande  que  celle  qui  exifte  communément  dans 
l’air , doit  favorifer  cette  décompofition  , en 
agi  fiant  p&r  Ton  attradion  fur  la  fonde. 


CHAPITRE  VI. 


Genre  IL  Sels  neutres  imparfaits, 
A base  d' Ammoniaque , ou  Sels 

AM  M O NI  AC  A UX. 

Xj  es  feîs  ammoniacaux  font  formés  par  la 
combinaifon  d’un  acide  avec  X alcali  volatil  oit 
l’ammoniaque;  leur  faveur  efl:  en  général  uri- 
neufe,  ils  font  tous  plus  ou  moins  volatils  &. 
plus  décompofables  que  les  feîs  neutres  par- 
faits. Nous  en  connoiffons  fix  fortes  ; le  fulfate 
ammoniacal,  le  nitrate  ammoniacal  , le  muriate 
ammoniacal  ou  Jd  ammoniac  proprement  dit* 
le  borate  ammonical  , le  fluare  ammoniacal 
le  carbonate  ammoniacal. 

Sorte  I.  Sulfate  ammoniacal. 

i 

Le  fulfate  ammoniacal  , appelé  d’abord  fel 
ammoniacal  vitriglique  , ou  vitriol  ammoniacal 

eil  le  résultat  .de  la  combinaifon  faturée  de 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie. 
r^cide  fulfuriq\ie  & de  l’ammoniaque.  On  Ta 
nommé  fel  ammoniacal  fecret  de  Glaubtr , parce 
que  c’eft  ce  chimifte  qui  l’a  découvert. 

Lorsqu’il  eft  bien  pur,  il  fe  préfente  fous  îa 
ferme  d’aiguilles  qui , examinées  avec  foin  , font 
des  prifmes  comprimés  à fix  pans , donc  deux 
font  très-larges,  terminés  par  des  pyramides  à fix 
faces  plus  oumoins  irrégulières  ;prefque  toujours 
cette  forme  offre  des  variétés  qui  s’éloignent  de 
celle  que  nous  venons  de  décrire.  Quelquefois 
ce  feî  paroîtêtre  en  prifmes  quadrarigulaires  ; j’en 
ai  fouvent  obtenu  en  plaques  quarrées  & très-min. 
ces.  Ce  qui  paroît  dépendre  , comme  dans  toute 
criftallifation,  de  la  manière  dont  les  molécules 
criftallines  fe  dépofent  plus  ou  moins  régulière- 
ment les  unes  à côté  des  autres  , ou  de  la  loi  de 
leur  décroiffement. 

La  faveur  de  ce  fel  eft  amère  & urineufe;  il  eft 
affez  leger  & très-friable. 

Comme  il  contient  beaucoup  d’eau  dans  fa 
Criftallifation  , il  fe  liquéfie  d’abord  à un  feu 
même  affez  léger;  mais  pen-à-peu  il  fe  defsè- 
che  à meiiîre  que  fon  eau  de  criftallifation  fe 
diflipe.  Dans  cet  état  il  commence  par  rougir 
& fe  fond  bientôt  fans  fe  volatilifer  fuivan$ 
Bucquet;  cependant  M.  Baumé  annonce  qu’iî 
eft  demi- volatil.  En  répétant  cette  expérience, 
j’ai  obfervé  qu’en  effet  une  partie  de  ce  fel  fe 


94  ÉLÉMENS 

iublime,  mais  qu’il  en  relie  une  portion  fixe  dans 
le  vailïeau  ; c’elf  fans  doute  cette  dernière  dont 
a voulu  parler  Bucquet. 

Le  füîfate  ammoniacal  n’éprouve  prefque  au- 
cune altération  de  la  part  de  l’air;  il  ne  tombe 
point  en  efflorefcence  comme  le  fulfate  de  foude  , 
mais  au  contraire  il  en  attire  légèrement  l’humi- 
dité. 

Il  eft  très  - diffoluble  dans  l’eau  ; deux  parties 
d’eau  froide  en  diffolvent  une  de  ce  fel  , & l’eau 
bouillante  en  diffout  fon  poids.  Il  crifiallife  par  le 
refroidiffement,  mais  les  p’us  beaux  criftaux  ne 
s’obtiennent  que  par  l’évaporation  infenfible  & 
fpontanée  de  fa  diffolution.  Il  s’unit  aufii  à la  glace 
qu’il  fait  fondre  en  produifant  beaucoup  de  froid. 
Il  n’a  point  d’aflion  fur  les  Terres  filicée&  alumi- 
neufe  :1a  magncfie  en  décompofe  une  partie  & fur* 
tout  à l’aide  du  tems , fuivant  l’obfervation  de 
Bergman. 

La  chaux,  la  baryte  & les  alcalis  fixes  purs  en 
dégagent  l’ammoniaque  , comme  nous  le  verrons 
à l’égard  du  muriate  ammoniacal.  Si  l’on  diftiile  du 
carbonate  de  potaile  ou  de  foude  avec  le  fulfate 
ammoniacal  s d fe  fait  une  double  décompofition 
& une  double  combinaifon  ; l’acide  fulfurique  fe 
porte  fur  l’alcali  fixe  pour  former  du  fulfate  de 
potafle  ou  de  foude  , fuivant  la  nature  de  l’alcali  ; 


d’Hist.  Nat.  Et  d.e  Chimie.  95 
l’acide  carbonique  dégage  fe  volatilifaot  en  même- 
tèms  que  le  gaz  alcalin  ou  ammoniac,  ces  deux 
corps  s’unifient,  & il  enréfulte  un  fel  ammoniacal 
particulier  qui  le  cri  fl  ail  i 1e  dans  le  récipient.  Nous 
reviendrons  plus  en  détail  fur  cet  objet  dans  l’hif- 
toire  du  muriate  ammoniacal. 

L’acide  nitrique  & l’acide  muriatique  féparent 
une  partie  de  l’acide  fulfurique  du  fulfate  ammo- 
niacal,comme  ils  le  fontpourles  iulfatesde  potafïs 
& de  foude. 

On  ne  l’a  point  trouvé  jufqu’ici  dans  les  pro- 
duits de  la  nature.  Cependant  on  lit  dans  l’effai  de 
crifîalIographiedeM.Roméde  Lille  , 1772  , page 
-57,  que  fuivant  M.  Sageîe  fel  ammoniac  natif  des 
volcans  efl  de  cette  efpèce.  L’art  le  produit  en 
combinant  directement  l’acidefulfurique  & l’am- 
moniaque, en  décompofant  des  fels  terre  ux  ou  des 
Lels  métalliques  par  l’alcali  volatil,  ou  enfin  en  dé- 
compofant  les fels ammoniacaux  nitrique,  muria- 
tique & carbonique  par  l’acide  fulfurique. 

Le  fulfate  ammoniacal  n’efl  d’aucun  ufage  ^ 
quoique  Glauber  l’ait  fort  recommandé  dans  les 
opérations  de  la  métallurgie. 

Sorte  II.  Nitra-Te  ammoniacal; 

Le  nitrate  ammoniacal  , ou  fitl  ammoniacal 
nitreux , efl  comme  le  précédent  un  produit  de 


1 


5>6  Élémens 

fart.  On  le  prépare  en  combinant  dire&ement  l’a- 
cide nitrique  avec  l’ammoniaque.  Ses  criftaux 
font  des  prifmes  dont  le  nombre  & la  difpofi- 
tion  des  pans  n’ont  pas  été  bien  examinés.  M,  Ro- 
mé  de  Lifle  dit  qu’il  eft  fufceptible  de  criftallifer 
en  belles  aiguilles  afiez  femblables  à celles  du  ful- 
fate  de  potafle}  mais  fes  aiguilles  font  tres-allon- 
gées,  ftriées  & beaucoup  plus  femblables  à celles 
du  nitre  ordinaire  qu’au  fulfate  de  potafte. 

Sa  faveur  eft  amère  , p’quante,  un  peu  fraî- 
che &:  urineufe.  Sa  friabilité  eft  la  même  qu® 
celle  du  fulfate  ammoniacal.  Lorfqu’on  l’ex- 
pofe  à l’aâion  du  feu  , il  fe  liquéfie  , exhale 
des  vapeurs  aqueufes , fe  defsèche , 6e  long- 
tems  avant  de  rougir, il  détonne feul  fans  leçon- 
taû  d’aucune  matière  combuftible  & même  dans 
les  vaiffeaux  fermés.  Nous  avions  fait  obferver 
dans  notre  première  édition  que  cette  propriété 
fingulière  paroiffoit  dcpendre  de  l’ammoniaque; 
puifque  le  gaz  alcalin  femble  avoir  quelque 
chofe  de  combuftible  , & puifqu’il  augmente  la 
flamme  des  bougies  avant  de  l’éteindre.  M.  Ber- 
tholet  ayant  expofé  du  nitrate  ammoniacal  à l’ac- 
tion du  feu  dans  un  appareil  diftillatoire  & pneu- 
mato-chimique , & ayant  oblervé  avec  plus  da 
foin  qu’on  ne  l’avoit  fait  avant  lui  les  phéno- 
mènes de  cette  opération  , a remarqué  que  ce 

n’eft 


d'Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  97 
n*eft  point  une  véritable  détonation  qui  a lieu 
dans  ce  cas;  mais  une  décompofition  brufqne 
& rapide,  dans  laquelle  une  partie  de  l’alcali 
volatil  ou  ammoniaque  eft  entièrement  détruite; 
l’eau  que  l’on  obtient  dans  le  récipient  contient 
un  peu  d’acide  nitrique  à nud  en  proportion  de 
H’ammoniaque  décompofée,  & celui-ci  donne 
(du  gaz  azot  ou  de  Xzmofetu  atmofphérique.  En 
pefant  le  produit  liquide  de  cette  opération, 
on  trouve  plus  d’eau  qu’il  n’y  en  gvoit  dans  le 
nitrate  ammonical , & M.  Bertholet  penfe  que 
cette  eau  furabondante  eft  formée  par  l’union 
«Jde  l’hydrogène  appartenant  à l’ammoniaque  , 
aavec  l’oxigène  de  l’acide  nitrique.  L’azote, 
îutre  principe  de  l’ammoniaque  fix  fois  plus 
abondant  dans  ce  fel  que  l’hydrogène,  fe  dégage  - 
& fe  raflemble  dans  les  cloches  de  l’appareil 
pneumatique  , fous  la  forme  de  gaz  azote. 

On  ne  fait  fi  ce  fel  eft  fufible  ; car  la  pre- 
mière liquéfaûion  n’efl  due  qu’à  l’eau  de  fa 
l :riftallifation , & il  fe  diflipe  avant  de  paffer 
1.  la  fécondé. 

Il  en  eft  de  même  de  fa  volatilité;  on  ne  peut 
n juger , puifqu’avant  de  fe  fublimer  il  fe  dé-, 
ompofe  avec  bourfoufflement. 

Il  attire  un  peu  l’humidité  de  l’air,  fes  crif- 
: atux  s’agglutinent  & forment  des  efpèces  de 
1 pelotons. 

Jomt  IL 


Q 


9*  ÉLÉMeNS 

Il  eft  très-diffoluble  dans  l’eau  ; il  s’unit  à 
ïa  glace  qu’il  fait  tondre  , &c  il  produit  alors 
un  froid  confidérabl#.  Il  eft  plus  diffoluble  dans 
l’eau  chaude  que  dans  l’eau  froide;  il  n’exige 
qu’une  demi-partie  de  la  première  pour  être 
tenu  en  diffolution,  & il  criftallife  par  refroi- 
diffement  ; mais  cette  criftallifation  eft  irrégu- 
lière ; & pour  obtenir  des  criftaux  bien  formés 
de  ce  fel,  il  faut  avoir  recours  à l’évaporation 
fpontanée  ou  infenfible. 

Le  nitrate  ammoniacal  eft  décompofé  par  la 
baryte  , la  chaux  & les  alcalis  fixes  comme  le 
fulfate  ammoniacal.  Le  gaz  alcalin  féparé  par 
ces  fubftances  cauftiques  étant  très-vohtil  ÔC 
très-expanfible  , la  décompofition  du  nitrate 
ammoniacal , comme  celle  des  autres  fels  de 
ce  genre  , eft  fenfible  à froid  , & elle  s’opère 
en  triturant  ce  fel  avec  la  chaux;  mais  Porfqu’on 
veut  procéder  à cette  décompofition  par  le  feu 
dans  des  vaiffeaux  fermés , il  faut  donner  un  degré 
de  chaleur  très-ménagé  pour  éviter  fa  combus- 
tion fpontanée. 

L’acide  Sulfurique  dégage  l’acide  nitrique  de 
Ce  fel  avec  effervescence  , & il  forme  avec  fa 
bafe  du  fulfate  ammoniacal. 

Les  carbonates  de  potaffe  & de  foude  le  dé- 
composent font  mutuellement  décompofés  ; 
il  fe  Sublime  dans  ces  opérations  de  l’ammo- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  99 
iliaque  fous  forme  concrète,  que  nous  examine- 
rons plus  bas  fous  le  nom  de  carbonate,  ammo- 
niacal. * 

Le  nitrate  ammoniacal  n’efl:  d’aucun  ufage. 
Sorte  III.  Muriate  ammoniacal  ou  Sel  ammoniac. 

Le  muriate  ammoniacal  ou  la  combinaifon 
faturée  de  l’acide  muriatique  avec  l’ammo- 
niaque , a été  appellé  , par  les  anciens,  fel  ammo- 
niac , parce  qu’ils  le  tiroient  de  l’Ammonie , 
contrée  de  la  Libye  où  étoit  finie  le  temple 
de  Jupiter  Ammon. 

Ce  fel  fe  rencontre  aux  environs  des  volcans  ; 
ion  l’y  trouve  fous  la  forme  d’efflorefcence  &C 
(de  grouppes  aiguillés  ou  compares  ordinaire- 
ment colorés  en  jaune  ou  en  rouge , & mêlés 
cd’arfenic  & d’orpiment  ; on  ne  fe  fert  point  de 
(celui-ci  , & l’on  n’emploie  dans  les  arts  que 
ccelui  que  l’on  prépare  en  grand , comme  nous 
aa’ions  l’expofer. 

La  véritable  origine  de  ce  fel  faâice  n’a  été 
cconnue  qu’au  commencement  de  ce  fiècle  , 
cquoiqu’on  s’en  fervît  dans  un  grand  nombre 
d’arts  depuis  un  temps  prefque  immémorial.  C’eft 
par  une  lettre  de  Lemere,  conful  au  Caire, 
écrite  à l’académie  le  24  Juin  1719,  qu’on  a 
appris  l’art  de  retirer  le  fel  ammoniac  des  fuies 
de  fiente  de  chameau , que  l’on  brûle  au  Cairâ 
aau  lieu  de  bois. 

G ij 


§00  È L É M E N S 

On  met  cette  fuie  dans  de  grandes  bouteil! 
rondes,  d’un  pied  &c  demi  de  diamètre,  te 
minées  par  un  col  de  deux  doigts  de  haut 
& on  les  remplit  de  cette  matière  jufqu’à  qit 
tre  doigts  près  de  leur  col.  Chaque  ballon  cor 
tient  environ  quarante  livres  de  cette  fuie  < 
fournit  à peu-près  fix  livres  de  fel.  On  plat 
ces  vaiffeaux  fur  un  fourneau  en  forme  c 
four , de  forte  qu’il  n'y  ait  que  leur  col  qui  d< 
borde.  On  allume  le  feu  avec  la  fiente  de  ch; 
meau,  & on  le  continue  pendant  trois  jours  l 
trois  nuits.  Ce  n’efi:  que  le  deuxieme  6c  le  rroi 
fième  jour  que  le  fel  fe  fublime.  On  cafie  enfuil 
les  ballons  6c  on  en  retire  les  pains  de  fel  fu 
blimé.  Ces  pains  } qui  nous  font  envoyés  te 
qu’ils  ont  été  retirés  des  ballons  en  Egypte 
font  convexes  6c  inégaux  d’un  côté,  6c  offren 
dans  le  milieu  de  cette  face  un  tubercule  qu 
dcfigne  le  col  du  vaiffeau  où  ils  ont  été  fublimé^ 
La  face  inférieure  effc  concave  6c  falie,  ainfi  qu 
la  fupérieure  , par  une  ef,  èce  de  fuie. 

Pomer  a indiqué  un  fel  ammoniac  venant  pai 
la  voie  de  la  Hollande,  6c  qui  étoit  en  pain; 
tronqués  femblabks  aux  pains  de  fucre.  Geof- 
froy qui  le  premier  a découvert  en  France  le« 
matériaux  de  ce  fel , 6c  qui  a deviné  le  procède 
employé  au  Caire  pour  le  préparer,  a décou- 
vert que  çette  fécondé  efpèce  de  fel  ammo- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  toi 

nîac  fe  fait  aux  Indes  ; qu’il  fe  prépare  en  beau- 
coup ph. s grande  quantité  qu’en  Egypte,  & 
qu’il  ne  différé  de  ce  dernier  que  par  la  forme, 
puifqu’il  eft  également  fublimé.  En  effet , ces 
pains  de  quatorze  à quinze  livres  font  creux 
à leur  bafe  & formés  de  différentes  couches* 
Lé  cône  eft  tronqué,  parce  qu’on  enlève  la 
pointe  qui  n’eft  qu’une  matière  impure. 

M.  Baumé  a établi  aux  environs  de  Paris  une 
manufacture  de  muriate  ammoniacal  , oit  l’on 
fabrique  entièrement  ce  fel,  en  quoi  il  différé  de 
la  préparation  des  Egyptiens,  qui  ne  font  que 
1 extraire.  Le  fel  de  M.  Buimé  a encore  fur 

celui  d Egypte  l’avantage  d’être  beaucoup  plus 
i pur. 

La  faveur  dumuriateammoniacal  efl  piquante, 
âcre  & urineufe.  La  forme  de  fes  criftaux  efl 
une  pyramide  hexaèdre  trèsalongée;  celle  en 
barbe  de  p’ume  n’eft  que  la  réunion  de  toutes 
ccs  pyramides , qui  fe  font  rapprochées  fous 
dés  angles  plus  ou  moins  aigus.  M.  Romé  de 
r L'fle  penfe  que  les  criftaux  du  muriate  ammo- 
r nia  cal  font  des  oétaèdres  réunis.  On  trouve  $ 

* ^uoicllie  raremenc , des  criftaux  cubiques  de  ce 

5 fel,  au  mi  ieu  de  la  partie  concave  U creufe  de 

6 leurs  pains  fublimés. 

■ Ce  Tel  a une  p-oprété  phyfique  aff  z fingu- 

• lièrejcVft  une  forte  deiduûilité,  ou  d’èuUiié» 

Giij 


K10î  E L É M E N S 

qui  fait  qu’il  faute  fous  le  marteau  , & qu’il  fe 
laifle  plier  fous  les  doigts,  ce  qui  le  rend  difficile 
à réduire  en  poudre. 

Le  nuiriate  ammoniacal  eft  entièrement  vola- 
til j mais  il  demande  un  coup  de  feu  allez  fort 
pour  fe  fublimer.  On  emploie  ce  moyen  pour 
l’obtenir  très-pur  , & privé  d’eau  autant  qu’il  eft 
poflible.  On  le  met  en  poudre  dans  des  matras» 
qu’on  plonge  dans  un  bain  de  fable  jufqu’au 
milieu  de  leur  capacité  ; on  les  chauffe  par 
degrés  pendant  plufieurs  heures.  Par  ce  procédé 
on  obtient  une  mafie  compofée  d’aiguilles  can- 
nelées & appliquées  fuivant  leur  longueur.  Lorf- 
que  l’opération  a été  conduite  avec  ménage- 
ment, on  trouve  fouvent  dans  le  milieu  de 
ces  pains  des  criftaux  cubiques  très-réguliers  ; 
mais  fi  on  a chauffé  trop  fortement , on  n’a 
qu’une  maffe  informe  très-denfe  à demi-tranf- 
parente  cl  comme  fondue.  . 

M.  Baume  a obfervé  qu’en  fublimant  plu- 
fieurs fois  ce  fel,  il  s’en  dégage  à chaque  fois 
un  peu  d’ammoniaque  & d’acide  muriatique  , de 
forte  qu’il  feroit  peut-être  poftible,  fuivant  ce 
chimifte  , de  déçompofer  le  muriate  ammoniacal 
par  des  fublimations  répétées.  Ce  fait  demande 
à être  confirmé. 

Le  muriate  ammoniacal  n’eft  point  altérable 
à l’air  ; ils’y  conferve  très-long-tems  fans  éprou- 
ver de  changement  fenfible, 


d’HiST;  NAT.  ET  DE  CHIMIE.  103 
Il  eft  très-  diffoluble  dans  l’eau.  Six  parties 
d’eau  froide  fuffifent  pour  diffoudre  une  partie 
de  ce  fel.  Il  produit  dans  cette  diffolution  un 
froid  confidèrabîe  ; ce  froid  eft  encore  plus  vif 
lorfqu’on  mcle  ce  ftl  avec  de  la  glace.  On  fe 
fert  avec  avantage  de  ce  froid  artificiel  pour 
donner  naiffance  à plufieurs  phénomènes  qui 
n’auroient  point  lieu  fans  cette  circonftance , tels 
que  La  congélation  de  l’èau , la  criftallifation  de 
certains  fels , la  confervation  & la  fixation  de 
quelques  liquides  crès-evaporabî'es  , &c. 

L’eau  bouillante  difFout  prefque  fon  poids  de. 
muriate  ammoniacal  : ce  fël  criftalîife  par  re- 
froidiffement , mais  fes  criftaiix  les  plus  régu- 
liers s’obtiennent,  comme  ceux  des  autres  fels* 
par  l’évaporation  fpotanée  ou  infenfible.  Sou- 
vent une  diffolution  très-chargée  de  ce  fel  , 
renfermée  dans  un  flacon  , laiffe  dépofer  au  bout 
de  quelques  jours  des  criflaux  en  panaches 
formés  par  un  filet  moyen  auquel  un  grand  nom- 
bre d’autres  filets  fe  réunifient  perpendiculaire- 
ment, & ceux-ci  en  fouriennent  d’autres  plus 
petits,  de  forte  que  L’enfetnble  imite  parfaite- 
ment une  végétation.  J’ai  obfervé  plufieurs  fois 

ce  phénomène  dans  mon  laboratoire  (1). 

I 

(1)  Il  n eft  aucun  Chirnifte  qui  n’ait  éprouvé  combien, 
il  eft  iméreffant  de  vifiter  de  tems  à autre  les  produit^ 

G iv 


104  Elémens 

Le  muriate  ammoniacal  n’eft  pas  décompofé 
par  l’alumine.  La  magnéfie  ne  le  décompofé  que 
très-difficilement , & en  partie  comme  l’a  ob- 
fervé  Bergman.  Si  on  met  dans  une  fiole  un 
mélange  de  magnéfie  & de  diffolution  de  mu- 
riate ammoniacal  , il  fe  dégage , fuivant  la 
remarque  du  célèbre  chimifte  d’Upfal,  des  va- 
peurs d’ammoniaque  au  bout  de  quelques  heures; 
mais  ce  dégagement  ceffe  bientôt , & il  n’y  a 
que  très-peu  de  fel  décompofé. 

La  chaux  ainfi  que  la  baryte  féparent  l’am- 
moniaque de  l’acide  muriatique  même  à froid. 
Il  fuffi:  de  triturer  ce  fel  avec  la  chaux  vive  , 

V 

pour  qu’il  fe  volatilife  fur  - le  - champ  du  gaz 
ammoniac  , dont;  l’odeur  frappe  vivement  les 
nerfs.  En  faifant  cette  expérience  dans  des  vaif- 


confervés  dans  un  laboratoire,  fur-tout  les  diftolutions 
des  fels.  Lorfque  le  hafard  préfente  quelques  obfervations 
curieufes  , on  doit  les  noter  fur-le-champ  , afin  de  ne  pas 
laiffer  perdre  des  faits  qui  peuvent  devenir  très-importans. 
C’eft  ainfi  que  j’ai  vu  un  grand  nombre  de  fois  fe  former 
des  criftaux  que  je  n’avois  pu  obtenir  par  l’évaporation. 
J1  arrive  encore  qu’en  remuant  ou  débouchant  les  flacons , 
il  s’y  dépofe,  peu  de  tems  après,  des  criftaux  dont 
l’agitation  &.  le  contaâ  de  l’air  favorifent  fingulièrement 
la  naiflance.  Cette  note , inutile  pour  ceux  qui  travaillent 
depuis  long-tems  , n’eft  qu’en  faveur  des  perfonnes  qui 
fe  propofent  de  fe  livrer  aux  recherches  chimiques. 


\ 


d’Hist.  Nat.  et  d t Chimie.  i°5 
féaux  fermés , on  peut  recueillir  l’ammoniaque 
ou  gazeufe  ou  diffoute  dans  l’eau  ; cette  opéra- 
tion n’étant  jjas  encore  sffiez  bien  développée  dans 
les  auteurs , quoique  les  connoiffances  modernes 
aient  permis  de  la  rendrt  £•£  plus  exafte  & plus 
sûre,  nous  croyons  devoir  infifler  fur  fa  def- 
cription. 

Si  l’on  emploie  de  la  chaux  très-vive  8c  du 
muriate  ammoniacal  bien  lèc  , & fi  l’on  chauffe 
ce  mélange  dans  une  cornue  dont  le  Dec 
plonge  fous  une  cloche  pleine  de  mercure,  ou 
obtient  une  grande  quantité  de  gaz  alcalin 

Iou  ammoniac.  On  fait  aéluellement  pourquoi 
lorfqu’on  diffilloit  un  pareil  mélange  dans  des 
ballons  fans  l’appareil  pneumato- chimique  , on 
n’obtenoit  prefque  point  de  produit,  & pour- 
quoi l’on  étoit  expofé  aux  dangers  de  la  rupture 
des  vaiffeaux.  L’état  deraréfa&ion  , & la  quantité 
de  gaz  ammoniac  qui  fe  dégage  dans  cette  ex- 
périence en  font  la  véritable  caufe.  M.  Baumé , 
qui  a fenti  une  partie  de  ces  inconvéniens , a 
confeil'é  de  mettre  de  l’eau  dans  la  cornue.  Ce 
fluide  abforbe  en  effet  une  partie  du  gaz,  8c 
l’entraîne  avec  lui  ; mais  comme  ce  gaz  eff 
beaucoup  plus  volatil  que  l’eau  , qn  eu  perd 
toujours  la  plus  grande  quantité.  Les  chimiffes 
qui  connoiffent  aujourd’hui  la  grande  affinité 
du  gaz  ammoniac  avec  l’eau,  & fa  fingulière 


10(5  É t É M E N S 

^volatilité  , emploient  avec  grand  ftiecès , pour 
cette  operation  , l’appareil  de  M.  Woulfe  ; ce 
procédé  ingénieux  confiée  à adapter  à un  ballon 
à deux  pointes  une  bouteille  vide  , à laquelle 
on  en  joint  deux  ou  quatre  autres  collatérales, 
qui  communiquent  enlemble  à l’aide  de  typhons. 
On  mec  dans  une  cornue  de  grès  deftinée  a être 
luttée  avec  le  ballon  , la  chaux  vive  & le  mu- 
riate  ammoniacal  fec  en  poudre  ; on  chauffe 
lentement  & avec  beaucoup  de  précaution  , 
jufqu’à  faire  rougir  ôc  même  vitrifier  le  fond 
de  la  cornue.  Le  gaz  ammoniac  dégagé  par 
la  chaux , pnffe  dans  le  ballon  ÔC  dans  les 
bouteilles;  il  s’unit  à l’eau  avec  chaleur,  la 
fature  , & forme  dans  les  premières  bouteilles 
ce  qu’on  appelle  Ytfptit  alcali  volatil , le  plus 
cauôique  poffible.  Par  ce  moyen  il  ne  fe  perd 
aucune  portion  d’ammoniaque  , & on  a de 
phis  les  avantages  de  pouvoir  bien  conduire 
fon  ^opération , d’avoir  un  produit  très-pur  tte. 
très  blanc, de  n’être  point  affeéfci  par  la  vapeur, 
&;  enfin  de  n’avoir  rien  à craindre  pour  la 
rupture  des  vaiffeaux.  Nous  nous  fommes  aufli 
affurés,  Bucquet  & moi,  par  un  grand  nombre 
d’expériences  , qu’il  ne  faut  qu’une  partie  &Z 
demie  de  chaux  , au  lieu  de  trois  qu’on  em- 
ployoit  ordinairement  pour  décompofer  une 
partie  de  rmiriate  ammoniacal.  La  chaux  éteinte 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  io? 
à l’air  décompofe  ce  tel , de  même  que  la  chaux 
vive.  Le  réfidu  eft  du  muriate  calcaire  , que 
nous  examinerons  par  la  fuite.  Cette  opération 
prouve  que  la  chaux  a plus  d’affinité  avec  l’acide 
muriatique  que  n’en  a l’ammoniaque. 

Les  deux  alcalis  fixes  décompofent  le  muriate 
ammoniacal,  comme  le  fait  la  chaux,  & ils  en 
dégagent  de  même  l’ammoniaque  pure  & fous 
forme  de  gaz.  On  peut  les  employer  comme 
la  chaux  pour  obtenir  l’efprit  alcalin  ; mais  on 
ne  fait  point  ordinairement  cette  opération  dans 
les  laboratoires , parce  qu’elle  coûte  beaucoup 
plus  cher  que  la  décompofition  par  la  chaux 
vive  , & parce  que  celle-ci  remplit  abfolument 
le  même  but. 

Les  acides  fulfurique  & nitrique  féparent  l’a- 
cide muriatique  de  ce  fel , & s'unifient  à l’am- 
moniaque avec  laquelle  ils  ont  plus  d’affinité.  Le 
réfidu  de  ces  décompofitions  conftitue  le  fulfate 
& le  nitrate  'ammoniacal. 

La  plupart  des  feis  neutres  alcalins  n’ont 
aucune  aftion  fur  le  muriate  ammoniacal  : il 
n’y  a que  ceux  qui  font  formés  par  l’acide 
carbonique  & les  deux  alcalis  fixes , qui  le  dé- 
compofent. Il  s’opère  dans  ces  mélanges  une 
double  décompofition  &:  une  double  combi- 
naifon.  En  effet,  tandis  que  l’acide  muriatique 
s’unit  aux  alcalis  fixes  pour  former  les  muriates 


r 


foS  É L à M E N S 

de  potaiTe  ou  de  foude  , l’acide  carbonique 
qui  efi  fépa'*é  de  ces  derniers  le  reporte  fuç 
Pammoniaque  dégagée  , &£  forme  avec  elle 
du  caibonate  ammo  iacal , qui  fe  fublime  en 
criftaux  dont  i’intérieur  du  ballon  elt  rapide. 
Pour  faire  cette  opération , on  mêle  une  partie 
de  carbonate  de  potaiTe  ou  de  foude  bien  fecs  , 
avec  une  partie  de  muriate  ammoniacal  il  blimé. 
en  poudre  ; on  introduit  ce  mélange  dans  une 
cornue  de  g.  è>,  à laquelle  on  adapte  un  grand 
ballon,  ou  m eux  une  cucurbite  de  verre;  on 
do  ne  le’  feu  par  degrés  , jufqua  ce  que  le  fond 
de  la  cornue  foit  rouge.  Il  fe  fublime  dans  la 
cucuibite  un  fel  blanc  bien  criftallifé  ; ( c’eft  le 
carbonate  ammoniacal.)  II  paile  auiîi  un  peu 
d’humidité  ; le  réiidu  eft  du  n uriate  de  potaiTe 
\ ou  de  fonde  fuivant  l’a’ca’i  fixe  qu’on  a employé. 
On  retire  par  ce  moyen  une  quantité  très- 
confidé  able  de  ce  fil,  qui  égale  plus  des  d.ux 
tiers  du  muriate  ammoniacal  employé.  Ce  phé- 
nomène avoit  fiiit  penfer  à Duhamel  qu’il 
pafioit  un  peu  d’alcali  fixe  avec  l’alcali  volatil. 
11  efl  aifé  de  concevoir,  depuis  que  les  ex- 
périences modernes  ont  éclairé  cette  théorie  , 
que  c’efi:  à l’acide  carbonique  de  l’alcali  fixe  qui 
s’tft  reporté  fur  l’ammoniaque,  qu’eil  due  la 
quantité  confidérable  de  fel  fubîimé  que  l’on 
obtient,  Cependant  jufqu’à  ces  derniers  teras 


d’Hist.  Nat.  et  de  CïÏimîë.  te£ 
©n  avoit  toujours  regardé  cet  alcali  volatil  con- 
cret comme  le  plus  pur  , & on  lui  avoit 
attribué  la  propriété  de  criftallifer,  de  faire  efFer- 
vefcence  avec  les  acides  , tandis  que  celui  qu’on 
obtient  par  la  chaux,  & qui  efl  le  véritable 
alcali  volatil  pur,  pafToit  pour  un  fel  altéré r 
& en  partie  décompofé.  On  doit  apprécier , 
d’après  cela , combien  les  découvertes  du  doc- 
teur Black  ont  jetté  de  jour  fur  les  matières 
faline  ; & l’on  ne  peut  s’empêcher  de  dire 
qu’elles  ont  créé  une  chimie  entièrement  neuve, 
Les  ufages  du  muriate  ammoniacal  font  fort 
étendus.  En  médecine  , on  l’emploie  comme 
fondant  à l’intérieur  , à la  dofe  de  quelques 
grains,  dans  les  obflru&ions , les  fièvres  inter- 
mittentes, &c.  Il  agit  à l’extérieur  comme  un 
puiffanc  antifeptique  dans  la  gangrène,  &c,&ç. 

On  s’en  fert  dans  un  grand  nombre  d’arts  ; 
mais  fpécialement  dans  la  teinture  , dans  les 
opérations  de  métallurgie  relatives  à la  réunion 
ou  à la  foudure  de  différens  métaux  ; les  chau- 
dronniers l’emploient  pour  décaper  la  furface  du 
cuivre  qu’ils  veulent  étamer. 

Sorte  IV,  Borate  ammoniacal. 

Le  borate  ammoniacal  ou  la  combinaifon 
faturée  de  l’acide  boràcique  avec  l’ammoniaque, 
a’a  encore  été  examiné  par  aucun  chimiÆe. 


IIO  ÉtÉ  M ENS 

Voici  ce  que  j’ai  obfervé  fur  quelques-unes  de 

fes  propriétés. 

J’ai  diflbus  de  l’acide  boracique  bien  pur  dans 
de  l’ammoniaque  ou  alcali  volatil  cauftique  , 
jufqu’à  ce  que  la  faturarion  m’ait  paru  complète  ; 
j’ai  étendu  cette  dilTolution  dans  un  peu  d’eau , 
& j’ai  fait  évaporer  au  bain  de  fable  environ 
moitié  de  la  liqueur;  elle  a fourni  par  le  refroi- 
diflement  une  couche  de  criftaux  réunis,  donc 
la  furface  oifroit  des  pyramides.  Ce  fel  a une 
faveur  piquante  & urineufe;  il  verdit  le  firop 
de  violettes  ; il  perdpem  à-peu  fa  forme  criftalline, 
& devient  d’une  couleur  brune  par  le  contact 
de  l’air  ; il  paroît  allez  difloluble  dans  l’eau  ; 
la  chaux  en  dégage  l'ammoniaque. 

Telles  font  les  principales  propriétés  que  je  lui 
ai  reconnues  par  un  premier  examen  ; mais  je 
n’ai  point  tenté  affez  d’expériences  pour  en  con- 
noître  plus  à fond  la  nature. 

Le  borate  ammoniacal  n’eft  abfolument  d’au- 
cun ufage. 

Sorte  V.  Fluate  ammoniacal. 

Il  en  eft  de  ce  fel  comme  du  précédent  \ 
on  n’a  point  encore  reconnu  les  propriétés  qui 
le  diftinguent  des  autres  fels  ammoniacaux. 

M.  Boullanger  s’accorde  avec  Schéele  à dire 
que  l’acide  fluorique  combiné  avec  l'ammonia- 
que ne  cridallife  point,  mais  forme  une  gelée 


d’Hist.  Nat.  eT  de  Chimie  iiT 

qui  donne  des  vapeurs  analogues  à ceMes  de 
l’acide  muriatique  , par  l’addition  de  l’acide 
fulfurique.  Ces  deux  ch- milles  n’cnt  point  exa- 
miné les  autres  propriétés  de  cette  efpèce  de 
fel;  mais  ils  en  ont  vu  affez  pour  faire  diftin- 
guer  l’acide  fluor ique  de  l’acide  muriatique. 

Sorte  VI.  Carbonate  ammoniacal. 

Nous  donnons  le  nom  de  carbonate  ammo- 
niacal àl’efpèce  de  fel  neutre  que  l’on  appelloit 
autrefois  alcali  volant  concret  3 &.  qui  eff  véri- 
tablement une  combinaifon  faline  neutre  de 
l'acide  carbonique  avec  l’ammoniaque. 

Il  n’exifte  pas  pur  & ifolé  clans  la  nature.  On 
le  retire  de  prefque  toutes  les  fubftances  ani- 
males par  l’aélion  du  feu.  On  le  forme  aufîi  par 
l’union  direffe  de  l’ammoniaque  avec  l’acide 
carbonique  , i°.  en  agitant  cet  alcali  dans  une 
cuve  en  fermentation , i° . en  faifant  palier  de 
l’acide  carbonique  dans  l’efprit  alcali  volatil , 
3 S.  en  \erfant  cet  acide  dans  un  vaiffeau,  fur 
les  parois  duquel  on  a mis  des  gouttes  d’ammo- 
niaque diffoute  dans  l’eau  , 40.  en  combinant 
dire&ement  au-deffus  du  mercure  le  gaz  acide 
carbonique  & le  gaz  ammoniac  : ces  deux 
gaz  fe  prénétrent  tout  à-coup  , il  s’excite  beau- 
coup de  chaleur  , & il  fe  forme  un  fel  concret 
fur  les  parois  de 'la  cloche  où  l’on  a fait  le 
mélange,  Dans  tous  ces  cas  on  voit  bientôt  fe 


111  É L i M E N S 

former  des  criftaux  de  carbonate  ammoniacal 
On  l’obtient  encore  en  décompofant  le  muripte 
ammoniacal  par  les  Tels  neutres  «arboniques  à 
bafe  de  potafle  ou  de  foude. 

Le  carbonate  ammoniacal  eft  fufceptible  de 
prendre  une  forme  régulière  ; fes  criftaux  paroil- 
fent  erre  des  prifmes  à plufieurs  faces.  Bergman 
les  défigne  par  des  oCtaèdres  ayant  quatre  de 
leurs  angles  tronqués.  M.  Romé  de  Lille  a vu 
des  grouppes  de  ce  fel  dans  iefquels  il  étoit  fous 
la  forme  de  petits  prifmes  tétraèdres  comprimes, 
terminés  à leur  extrémité  fupérieure  par  un  fom- 
met  diètire. 

Sa  faveur  efl:  urineufe  , mais  beaucoup  moins 
forte  que  celle  de  l’ammoniaque  pure  & caufti- 
que;  fon  odeur,  quoique  femblable  à celle  de 
cette  dernière , eft  aufîi  beaucoup  moins  énergi- 
que ; il  verdit  le  firop  de  violettes.  Nous  croyDns 
néceffaire  de  rappeller  ici , relativement  à cette 
dernière  propriété  , que  l’acide  carbonique  ne 
détruit  point  complètement  les  caractères  de 
toutes  les  matières  alcalines  avec  lefquelles  il 
eft  combiné,  qu’il  leur  laiffe  des  qualités  alcali- 
nes toujours  reconnoiffables;  fîiais  ce  n’eft  point 
une  raifo'npour  refufer  le  nom  de  felsneutres  aux 
alcalis  faturés  par  cet  acide  foible , puifque  leurs 
propriétés  alcalines  font  très-mafquées , puifque 
leur  âcreté,  leur  caufticité  eft  cout-à-fait  détruite, 
puifqu’ils  ne  corrodent  plus  les  matières  animales. 

Le 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  i i $ 
Le  carbonate  ammoniacal  eff  très-volatil, 
la  moindre  chaleur  le  fubiime  en  entier.  S’il 
eff  bien  criffallifé  , lorfqu’on  le  chauffe,  il  com- 
mence par  fe  liquéfier  à l’aide  de  l’eau  de  fa 
criffallifation  ; mais  il  fe  volatilife  prefqu’en 
même  temps,  de  manière  qu’il  eff  très- difficile 
d’avoir  ce  fel  bien  criffallifé  &i  bien  fec. 

Il  eft  très-diffoluble  dans,  l’eau;  il  produit 
t du  froid  dans  cette  diffolutiou  , comme  tous 
les  fels  neutres  criffailifés  ; cette  propriété  très- 
différente  de  celle  de  l’ammoniaque  pure  qui 
donne  beaucoup  de  chaleur  en  fe  combinant 
avec  l’eau,  fuffiroit  pour  le  ranger  parmi  les  fels 
meutres.  Deux  parties  d’eau  froide  en  diffolvent 
{plus  d’une  de  carbonate  ammoniacal  ; l’eau  chaude 
en  difl'out  plus  que  fon  poids;  mais  comme  il  fe 
diffipe  à la  chaleur  de  l’eau  bouillante,  on  ne 
Deutj’jfans  rifque  d’en  perdre  beaucoup,  employer 
;e  moyen  pour  le  faire  criffallifer. 

Il  s’hume&e  légèrement  à l’air,  fur-tout  îorf- 
qu’il  n’eft  pas  entièrement  faturé  d’acide  carbo- 
nique. 

Les  terres  filicée  & alumineufe  n’ont  pas  plus  d’ac; 

ion  fur  lui  que  fur  les  autres  fels  ammoniacaux, 
a magnéfie  ne  le  décompofe  que  très-foible- 
nent.  La  chaux  le  décompofe  comme  les  autres 
els  ammoniacaux , en  s’emparant  de  fon  acide 
Tome  II,  H 


l 


I 14  É L É M E N S. 

avec  lequel  elle  a beaucoup  d’affinité.  Si  l’on 
verfe  de  l’eau  de  chaux  dans  une  difiolution 
de  carbonate  ammoniacal , il  fe  fait  fur  le 
champ  un  précipité , &:  l’on  fent  une  odeur 
vive  d’ammoniaque  cauftique.  La  chaux  s’eft: 
emparée  de  l’acide  carbonique  avec  lequel  elle 
a formé  de  la  craie  ou  du  carbonate  calcaire 
qui  s’eft  précipité,  & l’ammoniaque  s’eft  féparée. 
La  chaux  vive  triturée  avec  le  carbonate  ammo- 
niacal en  dégage  fur  le  champ  l’ammoniaque 
fous  forme  gazeufe.  En  mettant  ce  mélange 
dans  une  cornue , on  peut  obtenir  à l’aide  de 
l’eau  placée  dans  les  bouteilles  de  l’appareil  de 
Woulfe,  l’ammoniaque  cauftique,  ainfi  qu’on 
l’obtient  du  muriate  ammoniacal  diftillé  avec  le 
même  intermède.  Cette  décompofition  prouve 
que  la  chaux  a plus  d’affinité  avec  l’acide  car- 
bonique que  n’en  a l’ammoniaque  ; ce  qui  eft 
également  démontré  pour  les  autres  acides. 

Les  alcalis  fixes  décompofent  le  carbonate  am- 
moniacal, comme  le  fait  la  chaux,  en  féparant 
l’ammoniaque  pure , en  s’unifiant  à fon  acide. 

Enfin  les  acides  fulfurique,  nitrique,  muriatique 
& fluorique  ont  plus  d’affinité  avec  l’ammo- 
niaque que  n’en  a l’acide  carbonique.  Lorfqu’on 
verfe  un  de  ces  acides  fur  le  carbonate  ammo- 
niacal , il  fe  produit  une  vive  effervefcence  due 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  i i 5 
au  dégagement  de  l’acide  carbonique.  Si  on 
fait  cette  décompofitlon  dans  un  vaifleau  étroit 
& allongé,  on  peut  reconnoître  la  préfence  de 
l’acide  carbonique  gazeux , en  y plonge<mt  une 
bougie  qu’il  éteint,  de  la  teinture  de  tournefol 
qu’il  fait  pafier  au  rouge,,  &:  de  l’eau  de  chaux 
qu’il  précipite.  Ces  décompofiticns  du  carbonate 
ammoniacal  par  la  chaux  & les  alcalis  fixes  qui 
s’emparent  de  fon  acide , en  féparant  l’ammo- 
niaque , & par  les  acides  qui  dégagent  l’acide 
carbonique  en  s’unifiant  ;à  l’alcali,  démontrent 
clairement  la  nature  du  carbonate  ammoniacal. 
Bergman  a trouvé,  par  des  expériences  exades, 
qu’un  quinta'  de  ce  fei  crifiallifé  contient  quarante 
cinq  parties  d’acide  carbonique , quarante-trois 
d’ammoniaque , & douze  d’eau.  Comme  il  y a 
plus  d’acide  dans  ce  fel  que  dans  le  carbonate 
de  foude , & dans  ce  dernier  plus  que  dans  le 
carbonate  de  potable , ce  favant  chimifte  en 
conclut  que  plus  la  bafe  alcaline  eft  foible , Sc 
plus  elle  demande  d’acide  carbonique  pour  être 
faturée.  L’acide  boracique  ne  décompofe  point 
3.  froid  le  carbonate  ammoniacal;  mais  lorfqu’on 
verfe  fur  ce  dernier  fel  une  difîblution  bien 
chaude  d’acide  boracique,  il  fe  produit  une 
effervefcence  très  - fenfible  ; on  reconnoît  le 
dégagement  de  l’acide  carbonique  par  les 

H ij 


%lb  ÊLÉMENS 

moyens  ordinaires , & l’on  trouve  au  fond  dit 
vafeun  vrai  borate  ammoniacal*  Cette  expérience 
que  j’ai  répétée  bien  des  fois  , prouve  que  la  cha- 
leur modifie  ou  change  les  loix  des  attrapions 
élePives,  comme  l’a  obfervé  Bergman. 

Le  carbonate  ammoniacal  n’a  point  d’aPion 
■fur  les  fels  neutres  pai faits.  Nous  verrons  plus 
bas  qu’il  décompof  les  'fis  neutre  calcaires  par 
la  voie  des  doubles  affiniïés  , ce  que  nefait  point 
l’ammon  aque  pure  &c  cauffique.  Cette  belle  dé- 
couverre  de  Black  explique  pourquoi  les  < hi- 
mifles  avoient  dit  que  l’ammon  aqne  a plus  d’af- 
finité avec  les  acides  que  la  terre  calcaire. 

Le  carbonate  ammoniacal  efb  employé  en  mé- 
decine comme  fudorifique,  anti  hyflérique  , &c.’ 
O h le  mêle  avec  quelques  matières  aromairques. 
11  a été  regardé  prefque  comme  fpécifique  dans 
la  morfure  de  la  vipère  ; ma  s M.  l’abbé  Fontana 
s’efl  élevé  avec  r.ufon  contre  cette  opinion.  Plu- 
lieurs  ont  confeilié  le  carbonate  ammoniacal  ou 
l’alcab  volatil  cc  ncret  comme  anti-vénérien9  l’ex- 
pé  erc  : n’a  point  encore  prononcé  fur  ce  point; 
& tout  ce  que  l’art  d guérir  pofsède  de  connoif- 
fances  exaPesfur  cet  objet  fe  réduit  à lavoir  que 
ce  el  v fl  j u gatif,  i icifif , d urétique,  diaphoré- 
îique,  fondant  , & qu’il  a un  effet  très-marqué 
dans  toutes  les  maladies  qui  dépendent  de  l’épai f7 


D’HlST.  NaT.  ET  DE  ClîlMIE.  llf 
fixement  de  la  lymphe;  comme  quelques  acci- 
dens  vénériens  , les  dépôts  laiteux  , les  engorge- 
mens  fcrophuleux  &c. 

On  l’adminiftre  à la  dofe  de  quelques  grains 
dans  des  boiffons  propriées,  ou  bien  dans  des 
mélanges  opiatiqùes  ou  pillulaires. 


CHAPITRE  VIL 


Genre  III.  Sels  neutres  callairesi 
Sorte  I.-  Sulfate  de  chaux  , Sélénite  , Gypse. 

jX-.A  combinaifon  de  l’acide  fulfurique  ayec  la 
cchaux  doit  porter  le  nom  de  fuifaîe  calcaire; 

Icon  l’a  appelé  Jê Unité , plâtre  ou  gypfe.  Ce  fel 
texifte  en  grande  quantité  dans  la  nature.  Il  forme 
ifouvent  des  bancs  ou  couches  immenfes,  comme 
on  peut  l’obferver  à Montmartre  près  Paris;  les 
montagnes  de  cet  endroit  font  entièrement  rem- 
; plies  de  lus  de  féléniteou  deplârre,  enveloppés 
1 cou  recouverts  d’une  efpèce  de  marne  argileufe 
cqui  l’accompagne  prefque  conflamment. 

Ce  fel  n’ayant  que  très-peu  de  faveur  &c  de 
j didolubilité  , les  natura  illes  l’ont  depuis  long- 
temps regardé  comme  une  fubllar.ee  pierreufe, 
.&  ils  en  ont  diflingué  beaucoup  de  variétés  à 

Hüj 


j 


îiS  Élémens. 

raifon  de  la  diverfité  des  formes  qu’il  préfente  & 
de  fon  plus  ou  moins  de  pureté  ; nous  ne  citerons 
ici  que  les  principales. 

Principales  variétés  du  Sulfate  calcaire* 

i. Sulfate  calcaire  ou  félénite  en  lames  rhom- 
boidales. 

2.  S.ilfate  edeaire  ou  félénite  cunéiforme , 
ou  en  fer  de  lance. 

Il  eft  formé  de  deux  triangles  fealènes.,  réunis 
dans  le  milieu  , dont  chacun  eft  compoféde lames 
triangulaires  , fui  van  t I’obfervation  de  M.  de  la 
Hire  : on  nomme  cette  félénite,  pierre  fpéculaire9 
miroir  d'âne  ou  talc  de  Montmartre  (i). 

3.  Sulfate  calcaire  ou  Sélénite  rhomboïdale 
décaèdre. 

Tel  eft  celui  que  l’on  trouve  dans  les  carrières 
de  Pafty. 

4.  Sulfate  calcaire  ou  félénite  prifmatique 
décaèdre. 

Il  eft  formé  de  prifmes  hexaèdres  , terminés 
par  des  pyramides  dièdres , ou  par  un  angle  ren- 


(1)  Ces  deux  premières  variétés  font  des  fragmens  des 
plus  gros  criftaux;  ils  font  faits  parla  main  des  hommes 
on  ne  les  indique  ici  que  comme  morceaux  de  cabi- 
nets. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  Tï'S 

Variétés. 

irant.  On  en  trouve  en  Suiffe  , &c.  Il  reffemble 
beaucoup  à la  précédente  variété. 

5.  Sulfate  calcaire  lenticulaire,  ouSélénite 
en  crêtes  de  coq  de  Montmartre. 

Ce  font  des  amas  des  criftaux  lenticulaires  ; 
placés  obliquement  les  uns  à côté  des  autres.  La 
forme  de  fer  de  lance  ( variété  z ) ne  provient 
que  des  fragmens  de  ce  fulfate  de  chaux  lenticu- 
laire. 

6.  Sulfate  calcaire  ou  Sélénite  foyeufe  ou 
flriée , gypfe  foyeux  de  la  Chine. 

On  en  trouve  en  Franche-Comté  , dans  l’An- 
goumois,  &c. Il  eft  formé  de  prifmes  très-fins, 
réunis  en  faifceaux,  le  plus  fouvept  brillans  Sc 
comme  fatinés.  11  eft  très-difficile  d’y  reconnoître 
les  lames  rhomboïdales  que  l’on  trouve  dans 
toutes  les  autres  variétés. 

7.  Sulfate  calcaire,  gypfe  commun,  ou 
pierre  à plâtre. 

Cette  fubfkmce  eft  d’un  blanc  plus  ou  moins 
gris,  parfemée  de  petits  cryftaux  brillans,  faciles 
à égréner  avec  le  couteau.  Elle  fe  trouve  difpo- 
fée  par  couches , & elle  forme  la  plupart  des 
montagnes  des  environs  de  Paris.  On  faura  par 
la  fuite  que  ce  n’eft  point  de  la  félénite  pure , & 
qu’elle  doit  fa  propriété  de  bon  plâtre , après, 
fa  cuiffon , au  mélange  d’un  autre  fel  terreux. 

H iv 


’Siô  Élêmens 

Variétés. 

8.  Sulfate  calcaire  fous  forme  d’albâtre  ^ 
ou  albâtre  gypfeux. 

C’eft  une  forte  de  pierre  à plâtre,  plus  dure 
Si  plus  ancienne  que  la  précédente , dont  elle 
ne  différé  que  par  une  demi  - tranfparence , 
& par  une  difpofition  en  petites  couches  plus 
ou  moins  variées  , comme  on  les  obferve  dans  les 
ftala&ites.  On  en  trouve  beaucoup  à Lagny  près 
de  Paris.  Celui-ci  eft  un  des  plus  blancs  ; il  eft 
quelquefois  veiné  & taché  de  jaune,  de  gris,  de 
\iolet  ou  de  noir. 

Sulfate  calcaire,  féîénite,  gypfe  commun 
/ ou  albâtre  gypfeux,  coloré;  veiné, 
taché , nué , ponétué  de  différentes 
nuances. 

Ce  mélange  de  couleurs  annonce  que  la  féîénite 
eft  falie  par  quelque  fubffance  étrangère  & colo- 
rante ; c’eff  prefque  toujours  le  fer  dans  differens 
états  qui  conffitue  les  couleurs  de  ce  fel  terreux. 

On  trouve  encore  le  fulfate  calcaire  diff'ous 
dans  les  eaux  comme  dans  celle  des  puits  de  Paris  ; 
mais  il  n’y  eft  jamais  pur , & il  s’y  trouve  toujours 
combiné  avec  quelqu’aucre  fel  terreux  à bafe  de 
chaux  ou  de  magnéfie. 

Nous  avons  déjà  fait  obferver  que  le  fulfate 
calcaire  a été  pris  long-temps  pour  une  fubffance 
pierreufe  par  les  naturalises.  Comme  ils  ne 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.4  x it 
lui  trouvoient  ni  faveur,  ni  diflolubilité  appa- 
rentes, ils  ne  penfoient  pas  que  ce  pût  être  un 
véritable  fel.  Cependant  il  a une  faveur  particu- 
lière qu’il  communique  à l’eau,  & qui  eft  très-; 
fenfible  fur  l’eftomac  ; en  effet  l’eau  crue  ou  fé- 
léniteufe  fait  éprouver  à ce  vifcère  un  froid  6c 
une  pefanteur  très-marqués.  Quant  à fa  diffolu- 
bilité,  la  forme,  la  grandeur,  la  tranfparence , 
la  quantité,  enfin  la  difpofition  par  couches  du 
fulfate  calcaire  criffal  ifé  en  beaucoup  d’endroits, 
6c  particulièrement  dans  tous  les  environs  de 
Paris,  indiquent  affez  qu’il  a été  préliminairement 
diffous  dans  l’eau  , 6c  dépofé  par  ce  fluide. 

Le  fulfate  calcaire , expofé  à l’a&ion  du  feu  , 
perd  fon  eau  de  criffallifation , décrépite  lorf- 
qu’on  le  chauffe  brufquement , 6c  devient  d’un 
blanc  mat  6c  d’une  friabilité  très-confidérable; 
il  forme  ce  qu’on  appelle  le  plâtre  fin.  Comme 
il  eft  fufceptibîe  de  prendre  avec  l’eau  un  cer- 
tain liant , on  fait , avec  cette  pâte  qu’on  jette  en 
moule , des  ffatues  très-blanches  & très-agréables; 
mais  ce  plâtre  fe  defféchant  facilement,  & ne 
retenant  que  très-peu  d’eau,  ces  ffatues  font 
fillettes  à caffer  au  moindre  choc.  Si  l’on  pouffe 
le  feu  , lorfque  le  fulfate  calcaire  eff  en  poudre 
blanche  , il  finit  par  fe  fondre  en  une  efpèce  de 
'verre  ; mais  il  faut  pour  cela  un  feu  de  la  der- 


112 


É L É M E N S 
nière  violence  , tel  que  celui  des  fours  de  por- 
celaine , ou  des  lentilles  de  verres.  MM.  d’Arcet 
& Macquer  font  parvenus  à fondre  le  fulfate 
calcaire.  Ce  dernier  a obfervé  qu’en  expofant 
au  miroir  ardent  de  la  félénite  cunéiforme  fur 
fes  faces  polies  , elle  ne  fait  que  blanchir  ; mais 
que  fi  on  la  préfente  fur  fa  tranche,  elle  fond 
fur  le  champ  en  bouillant  j on  la  fond  de  même  au 
chalumeau  de  Bergman,  & au  jet  d’air  vital  lancé 
fur  le  charbon  ardent. 

Le  fulfate  calcaire  mis  fur  un  fer  chaud  devient 
phofphorique ; cette  propriété  efl  commune  à 
tous  les  fels  calcaires.  La  chaux  la  préfente  aufii 
dans  fon  extindion  comme  nous  l’avons  dit. 

Le  fulfate  calcaire  n’éprouve  point  d’altération 
très-marquée  par  le  contaft  de  l’air;  cependant  les 
lames  brillantes  & polies  de  ce  fel  neutre  terreux 
fe  terniffent , prennent  les  couleurs  de  l’iris,  fe 
délitent  par  couches,  & finiffent  par  fe  détruire 
dans  l’atmofphère;  mais  ces  phénomènes  font 
dus  à l’aftion  combinée  de  la  chaleur,  de  l’eau 
& de  l’air. 

Le  fulfate  calcaire  eft  difïbluble  dans  l’eau, 
quoique  d’une  manière  peu  fenfible.  Il  faut, 
fuivant  Meilleurs  les  chimiftes  de  Dijon,  environ 
cinq  cents  parties  d’eau  pour  en  diffoudre  une 
partie.  L’eau  chaude  n’en  diffout  pas  davantage. 
En  évaporant  cette  diffolution  , on  n’en  obtient 


d’Hist  Nat.  et  de  Chimie.  115 
point  de  crifhux  femblablès  à ceux  que  pré- 
fente la  nature,  & Ion  n’a  qup  des  feuillets  , oh 
des  petites  aiguilles  qui  fe  précipitent  à mefure 
que  la  liqueur  bouillante  s'évapore.  Les  lames 
que  donne  l’évaporation  de  la  diffiolution  du 
fulfate  calcaire  font  fouvent  brillantes  , & lorf- 
qu’on  les  examine  de  près,  elles  paroiflent  for- 
mées par  des  aiguilles  très-fines , réunies  fur  leur 
longueur. 

La  baryte  a plus  d’affinité  que  la  chaux  avec 
l’acide  fulfurique,  & elle  décompofe  le  fulfate 
calcaire j en  verfant  une  diffiolution  de  baryte 
dans  de  l’eau  chargçe  de  ce  fel , il  fe  forme  des 
ûries  de  fulfate  baritique. 

Les  alcalis  fixes  décompofent  également  ce  fel 
neutre  ; en  verfant  un  alcali  fixe  cauftique  dans 
une  diffiolution  de  fulfate  calcaire,  il  fe  forme  un 
précipité  blanc  en  floccons  comme  mucilagineux , 
qui  fe  raffemblent  affez  promptement  au  fond 
des  vafes,  de  que  l’on  reconnoît  aifément  pour 
de  la  chaux  vive  par  quelques  expériences,  & 
fur  tout  parce  qu’ils  fe  diffolvent  dans  une  grande 
quantité  d’eau  ; fi  l’on  fait  évaporer  la  liqueur 
qui  fumage,  on  obtient  du  fulfate  de  potaffe  ou 
de  foude  , fuivant  l’alcali  fixe  végétal  ou  minéral 
qu’on  a employé. 

•L’ammoniaque  , qui  a moins  d’affinité  avec 
tous  les  acides  que  n’en  a la  chaux  , ne  décom- 


1 24  É L Ë M E N s; 

p e ooint  le  1.  i t.  cvcaire  h ce  feï  efl:  trcJ- 
pur  , V fi  l’dmrnonidqiie  empl<  y eft  rrès-cauf-i 
tioue;  cm  fi  ”c an  dans  laq  e’ie  le  fu  f te  calcaire 
eft  (U;  ous  contient  qu  Ique  ftl  à fc-.fe  de 
m g h.  lie  ou  d'alu  mi  ^e,  comme  ce  le  des  puits  de 
Peins  1 mi.noni.que  occafionne  un  précipité 
dans  cts  derniers.  Pour  réuftir  dans  cette  expé- 
rience , il  faut  diffoudre  du  fpath  calcaire  dans 
l’acide  fu’furique  pur , fk  étendre  ce  fulfate  de 
ch  iux  dans  de  l’eau  diftillée  ; ’ammonïaque  cauf- 
tiqne,  verfée  dan^  cet  e difïolution,  ou  mieux 
encore  le  gaz  ammoniac  qu’o  ; y t'air  paffer  , n’y 
occafioi  ne  aucun  précipité. 

Le  carbonate  de  potafle  e*ft  décompofé  par  le 
fulfate  calcaire  qu’il  décompofe  en  même-temps. 
Ilyad  ne  double  décompofition&  double  combi- 
raifon  dans  ce  mélange.  1 ’acide  fulfurique  quitte 
la  chaux  pour  s’unir  à l’alcali  fixe,  &l  former  du 
fulfate  de  p<  t;ffe;l’aci  de  carbonique,  féparédela 
potaffe  y s’unit  à a chaux,  & forme  avec  elle  du 
carbonate  edeaire, . irès-ccnnu  fous  le  nom  de 
craie- . 

Le  carbonate  de  fonde  décompofe  de  même  le 
fulfa  e calcaire  , & eft  au  fît  décompofé  par  ce  fe  .Il 
fe  f rme  dans  ce  mélange  du  fuîtate  de  foucle , par 
l'union  de  l’acide  fulfurique  avec  l’alcali  minéral, 
& du  carbonate  calcaire  u de  la  craie  par  la  comr 
binaiion  dvla  chaux  U de  i’acide  carbonique. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  115 

Le  carbonate  ammoi ûac.>;  < ccompofe  le  ful- 
£-te  calcaire  à l’aide  des  doubles  affinités  tandis 
que  ,’acide  fulfurique  fe  porte  fui  l’ammoniaque, 
la  chaux  eft  fèparée  de  l’acide  fulfurique  par 
l’acide  carbonique,  avec  lequel  elle  a une  très- 
grande  affinité , & forme  avec  ce  dernier  de  la 
craie  qui  le  précipite. 

Cette  décompofitiou  eff  fi  fmfible,  &Z  fa  caufe 
eft  fi  bien  connue  depuis  les  défc’ouyertes  du 
célèbre  Black , que  fi  l’o.i  la.ffe  que'que  temps 
expole  à l’air  un  mélange  de  difiolution  de 
fulfare  calcaire  & d’ammoniaque  cauftique,  ce 
me1  ange  d a la  tranfynr  nce  refie  parfaite  dans 
le  moment  qu’il  eld  fait,  préfente  bientôt  un 
nuage  remarquable  à fa  furface,  en  raifon  de 
l’acide  carbonique  qui  lé  précipite  de  l’atmof- 
phère  & qui  donne  naiff  nce  à une  double  af- 
finité ;ie  même  phénomène  a lieu  en  faifant  paffier 
quelques  bulles  de  cet  acide  gazeux  dans  la 
liqu  ur.  Comme  on  croyoit  autrefois  que  l’alcali 
volatif  concret , ou  le  carboi  are  ammoniacal, 
etoi c l’alca'i  volatil  pur  : Geoffroy,  fondé  fur  ce 
que  ce  fel  précipite  réellement  le  fulfate  cal- 
caire, a cru  que  cet  alcali  avoit  plus  d’affinité 
avec  l’acide  fulfurique  , que  n’en  a la  chaux. 

Le  lulfate  calcaire  eft  décompofé  par  un 
grand  nombre  de  matières  combuftibles , à 
l’aide  de  la  chaleur.  Le  charbon  des  fubftances 


*2l6  È L Ê M E N s 

végétales  enlève  à l’acide  fulfurique  l’oxigene 
avec  lequel  il  a plus  d'affinité  que  n’en  a le 
foufre  ; il  le  dégage  de  l’acide  carbonique 
dans  cette  décompoiition , & le  foufre  féparé  de 
l’acide  fulfurique  s’unit  à la  chaux , &:  forme  ce 
qu’on  a appelé  ht  par  calcaire  , & ce  que  nous 
nommerons  par  la  fuite  fui  fur  e de  chaux . 

Les  variétés  du  fulfate  calcaire  criftallifé  font 
Cbnfervées  avec  fdin  dans  les  cabinets  d’hiftoire 
naturelle  ; on  s’en  fert  après  fa  calcination  , &c 
en  la  détrempant  dans  l’eau  , peur  couler  des 
Hautes , des  modèles,  &c.  On  fait  difFérens  meu- 
bles affiez  agréables  avec  l’albâtre  gypfeux  taillé 
& poli , les  beaux  morceaux  de  celui  de  Lagny 
font  employés  à cet  ufage. 

La  pierre  à plâtre  eft  une  des  matières  les 
plus  utiles  que  la  nature  produite.  Cette  pierre 
eft  un  mélange  de  fulfate  calcaire  de  car- 
bonate calcaire  ou  craie.  Lorfqu’on  l’expofe  à 
l’afîion  du  feu  pour  cuire  le  plâtre , le  fulfate 
calcaire  perd  fon  eau  de  criflallifation  & la  craie 
fon  acide.  Le  plâtre  cuit  eff  donc  un  mélange 
de  chaux  vive  & de  fulfate  calcaire  privée  d’eau. 
Lorfqu’on  verfe  de  l’eau  fur  cette  fubftance , 
ce  fluide  eft  abforbé  très-rapidement  par  la 
chaux;  il  en  réfulte  de  la  chaleur.  L’odeur 
fétide  que  l’extincfion  du  plâtre  répand  vient 
<l’un  peu  de  foufre  formé  par  l’acide  fulfurique 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  127 
décompofé  par  les  matières  charbonneufes  ani- 
males ou  végétales  qui  fe  rencontrent  toujours 
dans  la  pierre  à plâtre;  ce  foufre  dilTous  par 
la  chaux , forme  une  efpèce  de  fulfure  ou  foie 
de  foufre,  qui  répand  l’odeur  dont  nous  parlons. 
Lorfque  la  chaux  a abforbé  allez  d’eau  pour 
être  dans  l’état  de  pâte , elle  enveloppe  le 
fulfate  calcaire  qui , reprenant  une  portion  de 
ce  fluide  , criftallife  au  milieu  de  cette  pâte.  La 
chaux  fe  defféchant  peu-à-peu  , prend  corps  à 
l’aide  des  criftaux  de  fulfate  calcaire,  & forme 
l’efpèce  de  mortier  qu’on  nomme  plâtre.  On 
conçoit,  d’après  cette  théorie , pourquoi  le 
plâtre  doit  être  cuit  à un  point  particulier  ; .s’il 
ne  l’eft  pas  affez , il  ne  fe  lie  pas  à l’eau , parce 
que  la  chaux  n’eft  pas  allez  vive  ; s’il  i’eft  trop , 
la  chaux  forme  avec  le  fulfate  calcaire  une 
efpèce  de  mauvaife  friite  vitreufe , qui  ne  peut 
plus  s’unir  à l’eau  ; c’ell  le  plâtre  brûlé.  On  con- 
çoit encore  que  fi  le  plâtre  perd  fa  qualité  lors- 
qu’on le  laille  expofé  à l’air,  c’efi:  que  la  chaux 
s’éteint  peu-à-peu  ; on  lui  rend  fa  force  en  le 
calcinant  de  nouveau.  Enfin,  il  eft  facile  de  fen- 
tir  pourquoi  le  plâtre  fe  conferve  très-bien  dans 
les  lieux  fecs  & chauds,  & pourquoi  il  fe  dé- 
truit & s’enlève  par  écailles  ou  par  lames  dans 
les  endroits  humides.  Dans  ce  dernier  cas , le 
fulfate  calcaire  ? qui  eû  diffoluble  dans  l’eau  , 


Élémens 

perd  peu-à-peu  fa  forme  criffalline  & fa  con^ 
(iftance;  c’eft  par  cette  diflolubilité  que  le  plâtre 
différé  des  vrais  mortiers , dans  lefquels  le 
fable  ouïe  ciment,  qui  en  fait  la  bafe , n’eff  pas 
attaquable  par  l’eau;  auffi  n’employe-t-cn  pas 
leplâtre  dans  les  endroits  où  il  ayde  l’eau,  comme 
îes  baffins,  les  réfervoirs,  les  terraffes,  &c.  auffi 
!e  plâtre  ne  conferve-t-il  pas  fa  dureté  dans  les 
lieux  bas , fouterreins , &c. 

Sorte  Iî.  Nitrate  calcaire. 

Le  nitrate  calcaire , ou  le  fel  réfultant  de  la 
combinaifon  de  l’acide  nitrique  avec  la.  chaux , 
eff  beaucoup  moins  abondant  dans  la  nature 
que  le  fulfate  calcaire  ou  la  félénite.  On  ne  le 
trouve  que  dans  les  endroits  où  fe  rencontre 
le  nitre  alcalin.  Il  fe  forme  fur  les  parois  des 
murs,  dans  les  lieux  habités  par  les  animaux; 
dans  les  matières  animales  en  putréfaélion , dans 
quelques  eaux  minérales;  mais  comme  il  eff 
îrès-foluble  & meme  déliquefcent , à mefure 
qu’il  fe  forme  il  eff  difîous  par  îes  eaux;  c’eft 
pour  cela  qu’il  exiffe  en  grande  quantité  dans 
les  eaux  mères  des  falpêtriers. 

Lorfqu’il  eff  criffallifé  régulièrement  par  le 
procédé  dont  nous  parlerons  plus  bas,  il  pré- 
fente un  folide  prifmatique  à ffx  pans  , allez 
Semblable  au  nitrate  de  potaffe  } & terminé  par 
f-  des 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  129 
des  pyramides  dièdres.  Il  cfi  affez  rare  de  l’obte- 
nir de  cette  régularité;  le  plus  fouvent  il  eft  en 
petites  aiguilles  ferrées  les  unes  contre  les  autres, 
& donc  on  ne  peut  déterminer  la  forme. 

Ce  fel  a une  faveur  amère  & défagréable  ; en 
quoi  il  différé  beaucoup  du  fulfate  calcaire.  Sa 
faveur  a même  quelque  chofe  ce  frais  comme 
celle  du  nitrate  de  potaffe.. 

Il  fe  liquéfie  aifément  fur  le  feu  & devient 
folide  par  le  refroidiffément.  Si  on  le  porte  dans 
l’-obfcurité,  après  l’avoir  fait  air.fi  chauffer,  il 
paroît  lumineux  , & conflitue  dans  cet  état  le 
phofphore  de  Baudouin  , Balduinus.  Si  on  le  met 
fur  un  fer  rouge,  il  préfente  le  même  phénomène. 
Jetté  fur  un  charbon  ardent , il  fe  liquéfie  & dé- 
tonne lentement  à mefure  qu’il  fe  defsèche.  Le 
nitrate  calcaire  chauffé  pendant  long  temps  , perd 
fon  acide  qui  fe  décompofe  par  l’aérion  de  la 
chaleur.  En  faifant  cette  opération  dans  une  cor- 
nue dont  le  bec  èft  plongé  fous  une  cloch  : pleine 
d’eau  , on  obtient  de  l’air  vital  , & fur  la  fin  du 
gaz  azote.  Le  réfidu  eff  de  la  chaux  unie  à une 
certaine  quantité  d’acide  nitreux  fi  l’on  n’a  em- 
ployé qu’un  feu  médiocre  &.  pendant  trop  peu 
de  temps  ; mais  on  peut  obtenir  par  ce  procédé  fa 
chaux  très-vive, en  donnant  un  très-grand /féaré 
de  feu  , & en  le  continuant  affez  long-temps  pour 
T oms  11 , I 


13°  É L É M E N S 

décompofer  entièrement  l’acide  nitreux.  Cette 
déco  mpofit  ion  eff  abfolument  femblable  à celle 
que  l’acide  éprouve  lorfqu’on  diflille  le  nitrate 
de  potafie  , comme  nous  l’avons  expofé  dans 
l’hifloire  de  ce  fel  neutre. 

Le  nitrate  calcaire  attire  très-vite  l’humidité 
de  l’air  ; aufîi  eff-il  néceffaire  de  le  tenir  dans  des 
vaiffeaux  bien  fermés  , fi -on  veut  le  conferver  en 
criflaux;  on  le  voit  même  fe  fondre  allez  promp- 
tement fi  l’on  débouche  trop  fouvent  les  flacons 
qui  le  contiennent. 

Ce  fel  efl  très-difïoluble  dans  l’eau  ; il  ne  faut 
que  deux  parties  de  ce  fluide  froid  , pour  difTou- 
dre  une  partie  de  nitrate  calcaire  ; l’eau  bouillante 
en  difïoutplus  que  fon  poids.  Pour  l’obtenir  crif- 
tallifc,  il  faut  faire  évaporer  fa  diffolution,  &lorf- 
qu’elle  a acquis  une  ccnfiflance  un  peu  moindre 
que  celle  de  firop  , l’expofer  dans  un  endroit 
frais  } il  s’y  forme  alors  des  criftauxprifmatiquçs 
trcs-alîongés  , & qui  prélentent  ordinairement 
des  faifceaux  dont  les  aiguilles  divergent  d’un 
centre  commun.  En  expofant  une  difTolution  de 
nitrate  calcaire  un  peu  moins  évaporée  que  la 
précédente  à une  température  sèche  & chaude, 
jl  s’y  forme  à la  longue  des  prifmcs plus  réguliers, 
& femblsbles  à ceux  que  nous  ayons  décrits  au 
commencement  de  cet  article. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  13  i 
Le  fable  6c  l’argile  décompofent  le  nitrate  cal- 
caire , 6c  en  Séparent  l’acide. 

La  baryte  le  décompose  comme  le  Sulfate 
calcaire,  Suivant  Bergman  ; la  magnéfie  ne  lui  fait 
éprouver  aucune  altération  fenfible.  M.  M or- 
veau  a obfervé  que  l’eau  de  chaux,  verfce  dans 
une difîolution  de  nitrate  calcaire,  y occaiionne 
un  précipité.  Il  attribue  cet  effet  au  phlogiftique 
de  la  chaux  vive  , &c  il  per.fe  que  cette  dernière  a 
plus  d'affinité  avec  l’acide  nitreux,  que  n’en  a la 

chaux  qui  lui  eff  unie  , & que  cet  acide  a déjà 

\ 

dépouillée  de  fcn  phlogiftique.  Ce  chifïiifte  n’a 
malheureufement  pas  examiné  la  nature  du  préci- 
pité ; cet  examen  auroit  vraisemblablement  fourni 
quelques  lumières  fur  cette  fingulière  expérience. 
M.  Baume  avoit  déjà  obfervé  qu’une  diffolution 
1 de  Spath  calcaire  dans  l’acide  nitreux  eff  préci- 
pitée par  l’eau  de  chaux,, -mais  i'  avoit  attribué 
ce  phénomène  à un  peu  de  terre  argiffufe  , con- 
tenue dans  le  fpaih.  Cet  effet  dépend  ou  d’un  peu 
ede  magnéfie,  ou  de  l’avidité  du  nitre  calcaire 
[pour  l’eau  qu’il  enlève  à ia  chaux. 

Les  alcalis  fixes  s’emparent  de  l’acide  nitrique, 

du  nitrate  calcaire,  & en  précipitent  la  chaux. 
L’ammoniaque  bien  pure  ne  :e  nécompoie  pas  plus 

au’elle  ne  fait  le  luifate  de  chaux  &-tous  les  fels 
'alcaires«en  général. 

1 ’i 


i}l  E L É M E N S 

L'acide  fiilfurique  en  dégage  l’acide  nirrique  avec 
efftrvefcence.  L’on  peut  obtenir  cet  acide  ainff 
dégagé  dans  un  récipient,  comme  on  l’obtient  du 
nitre  ordinaire.  L’acide  fiilfurique , verlé  dans  une 
diffolution  de  nitrate  calcaire,  y forme  fur-le- 
champ  un  précipité  de  fulfate  de  chaux, & l’acide 
nitrique  refte  libre  &:  à nud  dans  la  liqueur.  On  ne 
connoît  point  encore  l’aélion  des  autres  acides  fur 
ce  fel. 

Le  nitrate  calcaire  décompofe  les  fels  neutres 
alcalins  fulfuriques;il  enréfuîte  du  fulfatedechaux 
&:  du  nitre  de  potaffe  ou  de  foude.  I!  en  efl  de 
même  du  fulfate  ammoniacal  ; il  produit,  lors- 
qu'on le  mêle  avec  une  diffolution  de  nitrate  cal- 
caire , du  nitrate  ammoniacal  & du  fulfate  de 
chaux.  Ce  dernier  qui  n’trft  que  très-peu  diffoluble, 
fe  précipitant  dans  l’inftant  du  mélange  , ne  laiffe 
aucun  doute  fur  ces  doubles  déco.mpoli rions* 

Le  carbonate  de  potaffe  décompofe  de  même 
le  nitrate  calcaire  qui  en  défuniî  en  même-temps 
les  principes  , & il  réfulte  de  cette  double  décom- 
pcfuion  du  nitrate  de  potaffe  qui  relie  en  diffolu- 
tion dans  la  liqueur  , & de  la  craie  ou  carbonate 
calcaire  qui  fe  précipite. 

Le  carbonate  de  foude  , qui  agit  de  même  fur 
le  nitrate  calcaire,  donne  du  n trate  de  ioude  dif- 
fous  dans  l’eau , & du  carbonate  calcaire  ou  de 
la  craie  qui  fe  précipite. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  133 
Le  carbonate  ammoniacal  décompofe  aufîi  ce 
fel , à l’aide  des  affinités  doubles  ; il  fe  forme  du 
nitrate  ammoniacal  & du  carbonate  de  chaux. 

Le  fulfate  de  chaux  n’altère  point  le  nitrate 
calcaire  ; mais  lorfque  ces  deux  fels  fe  trouvent 
diffious  dans  la  même  eau  comme  le  premier  n’effi 
que  très-peu  diffioluble &;  que  le  fécond  l’eft 
beaucoup,  on  peut  les  leparer  par  la  criftallifa- 
tion  ; le  fulfate  de  chaux  fe  précipite  d’abord  , & 
le  nitrate  calcaire  ne  fe  criffiallife  que  lorfque  la 
liqueur  très-rapprochée  fe  refroidit. 

Le  nitrate  calcaire  n’eft  d’aucun  ufage  : il  pour- 
roit  être  employé  en  médecine  comme  un  fondant 
très-a&if,  & quelques  médecins  chimiftes  dilent. 
en  avoir  obtenu  des  fuccès , quoiqu’ils  n’en  con» 
nuflent  pas  bien  les  propriétés. 

Sorte  111.  Muriate  calcaire. 

Le  muriaté  calcaire  ou  le  fel  formé  par  la  com- 
binaifon  de  l’acide  muriatique  & de  la  chaux,  qui 
étoit  autrefois  nommé  très- improprement  fct 
ammoniac  fixe. , huile  de  chaux  , &c.  fe  rencontre 
abondamment  dans  tous  les  lieux  où  fe  trouve  le 
muriate  de  foude  , & fpécialement  dans  l’esu  de 
la  mer  , à laquelle  il  donne  cette  faveur  âcre  &c 
amère,' qui  avoitfaitautrefois admettre  du  bitume 
dans  cette  eau  ; mais  il  n’eft  jamais  pur  dans  ce 
fluide  j.  iî  eft  toujours  mêlé  de  muriate  de  magné» 

I iij 


/ 


*34  £ L É M E N S 

fie.  Si  l’on  veut  fe  procurer  du  muriate  calcaire  trcs- 
pur , il  faut  combiner  immédiatement  l’acide  mu- 
riatique avecla  chaux  jufqu’au  point  de  faturation. 

Ce  fel,  lorfqu’on  i’a  dans  l’état  fec  & folide,eft 
fous  la  forme  deprifmes  à quatre  pans  ftriés,  ter- 
miné par  des  pyramides  très-aigues.  Il  a une  faveur 
falée  & amère  très-délagréabte.  Expofé  à l’a&ion 
d’un  feu  doux  , il  fe  liquéfie  à la  faveur  de  fon  eau 
de  eriftdlîifation)&  il  fefigeparlerefroidifiement. 
A un  feu  plus  fort3  il  n’éprouve  prtfque  p^s  d’alté- 
ration. M.  Baume  a obfervé  qu’il  ne  perdoit  pas 
fon  acide.  Mis  fur  une  pélle  rouge  , il  devient  lu- 
mineux : c’efi  pour  cela  qu'on  l’a  appelle phojphorù 
d,  Hombcrg. 

Le  muriate  calcaire  qui  refie  dans  la  cornue 
après  la  décompofition  du  muriate  ammoniacal 
par  la  chaux  » & qu’on  ap  telle  fiel  ammoniac  fixe , 
fe  fond  en  uneefpèce  de  fritte  d’un  gris  légèrement 
ardoifé  , &:  fans  donner  d’acide  muriatique,  quoi- 
qu’on lui  faffe  éprouver  une  chaleur  capab'e  de 
vitrifier  la  furface  de  la  cornue.  Cette  frirre  fait  feu 
avec  le  briquet , ôl  frottée  dans  l’oblcurité  avec  de 
l’acier  , elle  donne  des  étincelles  phofphoriques. 

Il  faut  obferver  que  ce  fel  réfidu  contient  or- 
dinairement une  portion  de  chaux  excédente  à la 
faturation  de  l’acide  muriatique,  parce  qu’on  em- 
ploie plus  de  chaux  qu’il  n’en  faut  pour  décompo- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  13-5 
fer  le  muriate  ammoniacal.  C’efl  fansdouteà  cette 
quantité  furabondante  de  chaux  que  ce  réfidu  doit 
la  propriété  de  donner  une  fritte  vitreufe  dure  , 
qui  d’ailleurs  s’altère  & s'humefle  a la  longue, 
lorfqu’on  l’expofeà  l’air.  Le  muriate  calcaire,  fans 
excès  de  chaux,  ne  prend  j amais  autant  de  duretc 
que  ce  réfidu  par  l’aftion  du  feu  , & ne  prefente 
point  la  même  phofphorefcence  que  lui. 

Le  muriate  calcaire  purexpofé  à l’air , en  attire 
promptement  l’humidité  , & tombe  entièrement 
en  déliquiüfn.  Il  efl  néceftaire  de  le  tenir  dans  un 
vaifîeau  bien  bouché,  fi  l'on  veut  le  conferver 
fous  fa  forme  eriflalline. 

Cefel  efl  très-difioluble  dans  Peau,  il  ne  faut 
qu’en viron  une  partie  & demie  de  ce  fluide  froid 
pourén  diffoudre  une  de  muriate  calcaire;  l’eau 
chaude  en  difTout  plus  que  fon  poids.  En  évaporant 
fa  diffolution  prefqu’en  confiflance  de  drop,  & 
en  la  laiffant  enfuite  refroidir  lentement , on  ob- 
tient des  criflaux  en  prifmes  tétraèdres , de  plu- 
fieurs  pouces  de  longueur  qui  forment  comme 
autant  de  rayons  partant  d’un  centre  commun  ; 
nous  ferons  obferver  que  cette  forme  paroît  ctre 
allez  confiante  dans  tous  les  fels  calcaires.  Si  la 
liqueur  efl  trop  évaporée , & fi  elle  refroidit  trop 
promptement , elle  fe  prend  en  une  malle  in- 
forme , un  peu  aiguillée  à fa  fùrfaee. 

I iv 


Ï3 6 E L E M E N S 

Une  diffolution  c!e  muriate  calcaire  évaporée 
jufqu’à  ce  qu’elle  donne  quarante-cinq  degrés  à 
l’aréomètre  de  M.  Baumé , & expofée  au  frais  dans 
un  flacon  , dépofe  des  prifmes  très-régul  ers  & 
fouvent  très-gros  : quelquefois  lorfquelle  n’a  point 
encore  ci  iftallifé , & lorfqu’on l’agite , elle  fe  prend 
tcut-à-coup  en  une  maffe  très-folide,  & il  fe  dé- 
gage beaucoup  de  chaleur. 

La  baryte  décompofe  le  muriate  calcaire,  parce 
qu’elle  a plus , d’affinité  avec  l'acide  muriatique 
que  n’en  a la  chaux  , d’après  les  expériences  de 
Bergman.  La  chaux  & la  magnéfle  ne  l’altcrent  pas. 

Les  alcalis  Axes  en  précipitent  la  chaux;  fi  les 
deux  liqueurs  font  concentrées , la  chaux  abfor- 
bant  le  peu  d’eau  qu’elles  contiennent,  forme  pref- 
que  fur- de-champ  une  gelée  qui  devient  bientôt 
très-  folide.  On  donne  à ceîte  expérience  le  nom 
de  miracle  chimique  , parce  qu’elle  offre  deux 
fluides  qui  paffent  lubitement  à l’état  d’un  folide  \ 
mais  elle  ne  réuflit  bien  qu’avec  la  diffolution  de 
carbonate  de  potafie  &c  de  foude , parce  que  les 
alcalis  purs  &:  cauftiqués  précipitent  la  chaux 
trop  divilee. 

L’ammoniaque  cauftique  ne  décompofe  pas  le 
muriate  calcaire,  parce  qu’elle  a moins  d’affinité 
avec  l’acide  muriatique  que  n’en  a la  chaux,  ce 
que  prouve  la  déeompofition  complète  du  mu- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  137 
riate  ammoniacal  par  cetie  fubffance  falino-ter- 
reufe. 

L’acide  fulfurique  Si  l’acide  nitrique  dégagent 
l’acide  muriatique  de  ce  feî  avec  effervefcence  , 
61  l’on  pourroit , avec  l’appareil  diftillatoire  ’ 
obtenir  cet  acide  comme  on  l’obtient  du  muriate 
de  foude.  La  diffillation  de  ce  fel  terreux  avec 
l’acide  nitrique  fournit  de  l’acide'  nitro 'muria- 
tique ou  de  l’ eau  régale  , à caufe  de  la  volatilité 
des  deux  acides. 

Le  muriate  calcaire  décompofe  les  fulfates  de 
potaffe  & de  fonde  ; il  eff  aifé  des’affurer  de  ce  fait 
en  mêlant  les  diffolutions  de  cesdifférens  fels;  il 
fe  fait  fur-le-champ  un  précipité  que  l’on  recon- 
noît  pour  du  fulfaie  de  chaux  ; la  liqueur  qui 
fumage  contient  du  muriate  de  foude  ou  de 
potaffe , que  l’on  peut  obtenir  par  l’évaporation  , 
& reconnoure  même  par  la  faveur  de  la  liqueur 
qui  fumage  le  fulfate  calcaire. 

Les  carbonates  de  potaffe  & de  foude  décom- 
pofentauffi  le  muriate  calcaire.  Dans  ces  mélanges 
il  fe  fait  deux  décompofitions  & deux  combi- 
naifons;  l’acide  muriatique  du  dernier  fel  fe  porte 
fur  la  potaffe  , ou  la  foude  , avec  lequel  il  forme 
du  muriate  de  potaffe  ou  de  foude  qui  refte  en 
d:ffbIution  dans  la  liqueur;  Sz  l’acide  carbonique 
qui  abandonne  les  alcalis  fixes  s’unit  à la  chaux 


r3§  E L Ê M E N S 

avec  laquelle  il  forme  de  la  craie  ou  du  carbonate 
calcaire,  qui  fe  précipite.  Si  le  carbonate  de  po- 
taffe  ou  de  foude  font  diffous  dans  une  très-petite 
quantité  d’eau  , 5c  que  la  diffiolution  du  muriate 
calcaire  foit  auffi  ti  ès-cbargée , le  mélange  devient 
épais  & gélatineux  j enfuiie  il  prend  p u>  decon- 
liftance  & fe  durcit  même  comme  une  efpèce  de 
pierre  factice,  lorfque  les  proportions  font  exactes 
pourra  faturation  réciproque.  C’efl  cette  expé- 
rience que  les  premiers  chimirtes  qui  i’ont  con- 
nue ont  appellée  miracle  chimique . 

Le  carbonate  ammoniacal  décompofe  le  mu- 
riate calcaire  par  une  double  affinité , comme  nous 
l’avons  expliqué  pour  le  fulfate  & le  nitrate  cal- 
caires. L’ammoniac  s’unit  à l’acide  muriatique, 
5c  forme  du  muriate  ammoniacal  qui  refte  en 
diffolution  dans  la  liqueur,  tandis  que  l’acide 
carbonique  combiné  avec  la  chaux  forme  du  car- 
bonate calcaire  qui  fe  précipite. 

Le  muriate  calcaire  diffous  dans  l’eau  avec  le 
nitrate  calcaire  efl  difficile  à féparerde  ce  dernier, 
parce  que  la  loi  de  criffallifation  eft  la  même  pour 
ces  deux  fels  ; mais  on  conçoit  très-bien  que  s’il 
étoit  diffous  avec  le  fulfate  de  chaux,  il  feroit 
aifé  de  les  obtenir  féparément,  parce  que  ce  der- 
nier fel  ne  criftaîlifant  que  par  évaporation,  laif- 
feioit  à la  fin  de  cette  opération  le  muriate  cal- 


d'Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  139 

Caire  pur,  qui  criftaliife  par  refroidiffement.  11 
eff  important  de  faire  cette  remarque  , parce  que 
ices  deux  Tels  (e  trouvent  fréquemment  en  diilo- 
ilution  dans  la  même  eau  mit  érale. 

Le  muriate  ca: caire  n’a  été  jufqu’aujourd’hui 
cque  très-peu  en  ufage.  Comme  il  exiffe  en  allez 
grande  quantité  dans  le  fél  de  gabelle,  que  l’on 
rrecommande  comme  un  purgatif  fondant  dans  le 
wi:e  fcrophuleux  , j’ai  fait  voir  que  ce  dernier 
(el  lui  doit  une  partie  de  fes  propriétés.  J’ai  ajouté 
que  la  faveur  forte  du  muriate  calcaire  & fa  grande 
L'Jifîblubiliré  promettaient  des  effets  très- utiles  de 
c:e  tel  dans  toutes  les  maladies  où  il  s’agit  de 
[fondre  , & d’altérer  la  nature  des  humeurs.  ïl 
I èroit  fort  à defirer  que  les  médecins  en  connuf- 
Vent  les  propriétés  & en  hffent  ufage  dans  un 
qrand  nombre  de  cas  où  les  fonda  ns  ordinaires 
'•dont  fouvent  que  des  effets  peu  marqués  , fut- 
out  dans  ceux  où  l'on  ne  peut  pas  fe  permettre 
es  remèdes  mercuriels.  J’ai  réuni  ce  que  l’expé- 
iience  m’a  déjà  appris  fur  les  vertus  de  ce  fef 
rendant  dans  un  mémoire  inféré  parmi  ceux  de 
i fociété  royale  de  médecine  , peur  les  années 
-781  & 1783. 

Sorte  ï V.  Borate  calcaire. 

On  peut  appellerainfi  la  ccmbinalfon  de  l’acide 


14°  E L É M ENS 

fèdatif  ou  boracique  avec  la  chaux;  ce  fel  n’a 
point  dti  tout  été  examiné  , quoiqu’il  foit  certain 
que  l’acide  boracique  eft  fufceptible  de  s’unir  à 
la  chaux , puifque  cette  dernière  décompofe  le 
borax  de  fonde  , ainfi  que  nous  l’avons  dit. 
MM.  les  ehimiffces  de  l’académie  de  Dijon  ont 
oblervé  que  l’acide  boracique  concret , traité  au 
feu  avec  la  chaux  éteinte , a donné  une  matière 
foiblement  agglutinée  & fans  adhérence  au  creu- 
fet.  Cette  matière  ’jettée  dans  l’eau  n'a  pas  préfenté 
les  phénomènes  de  la  chaux,  ce  qui  prouve  qu’il 
y avoit  une  véritable  combinaifon,  M.  Baumé 
dit  avoir  faturé  de  l’eau  de  chaux  avec  du  fd 
fèdatif  ; cette  liqueur  évaporée  à l’air  , ne  lui  a 
point  donné  de  criftaux  , mais  des  pellicules  jau- 
nâtres qui  avoient  une  foible  faveur  d’acide  bora- 
cique. Enfin,  MM.  les  académiciens  de  Dijon 
ont  fait  digérer  au  bain  de  fable  de  l’eau  chargée 
de  cet  acide  fur  de  la  chaux  éteinte  à l’air.  Cette 
difîolution  filtrée  a donné  un  précipité  blanc  $£ 
abondant  par  l’alcali  fixe.  Ces  diverfes  expé- 
riences ne  font  qu’indiquer  la  diflblubihté  de  la 
chaux  par  l’acide  boracique  , & ne  nous  appren- 
nent rien  fur  les  propriétés  du  fel  neutre  qui  ré* 
fuite  de  cette  combinaifon. 


d’Hist,  Nat.  et  de  Chimie.  14* 

Sorte  V.  Spath  fluor  ou  fluate  calcaire. 

Cette  efpèce  de  Tel  eft  la  combinaifoiT d’acide 
fluorique  avec  la  chaux.  Il  eft:  répandu  fort  abon- 
damment dans  la  nature.  On  !e  rencontre  fur-tout 
dans  les  environs  des  mines  , dont  il  indique 
même  la  préfence.  Il  a été  regardé  jufqu’à  préfent 
comme  une  matière  pierreufe,  en  raifon  de  fon 
infipidicé  , de  fa  dureté  & de  fon  indiffolubilité. 
On  Ta  appellé  fpath  , parce  qu’il  a la  forme  & la 
cafl'ure  fpatique  ; jluor  ou  fujible  , parce  qu’il  fe 
fond  très-bien  , & eft  même  employé  avec  fuccès 
dans  les  travaux  des  mines  ; vitreux  , parce  qu’il 
a rafpeél  du  verre , Si  d’ailleurs  parce  qu’il  en 
forme  un  affez  beau  par  la  fufion  ; cubique , parce 
qu’il  a le  plus  fouvent  cette  forme  ; enfin  phofpho - 
rique } parce  que  chauffé  & porté  dans  l’obfcurité, 
il  y paroît  lumineux.  Avant  la  decouverte  de 
Schéele  , le  fpath  vitreux  bien  diftingué  par  les 
mineurs  de  toutes  les  autres  matières  minérales , 
à caufe  de  fa  fufibilité,  avoir  été  confondu  par 
les  naturaliftes,  foit-avec  les  gvpfes,  foir  avec  les 
fpaths  calcaires, foit  avec  Iesfpaths  pefans,  qu’on 
a auffi  appelles  fufiblcs.  Le  cé  èbre  Margraf  a voit 
cependant  diftingué  ce  fel  d’avec  le  fpath  pelant, 
en  adoptant  pour  le  premier  le  nom  de  fpath 
fuüble  vitreux , Si  pour  le  fécond  , celui  de  fpath 


Î41  ÉLÉMENS 

fufble  phofphorique  ; & l’on  doit  rendre  à ce 
chimifte  l’hommage  des  premières  découvertes 
faites  fur  les  propriétés  du  fluate  calcaire. 

Ce  fel  eft  ordinairement  fous  la  forme  de 
criftaux  cubiques  de  diverfes  couleurs,  très-régu- 
liers, d’une  tranfparence  glaceufe  & virreufe  : fa 
cafture  eft  fpaîhique,  & I on  y obferve  des  pla- 
ques cubiques  & comme  gercées  à fa  furface.  Il 
fe  brife  par  le  choc  du  briquet  \ il  fe  rencontre 
toujours  dans  les  mines  , & il  leur  fert  fouvent 
de  gangue.  Quelquefois  il  eft  opaque  & en 
maffes  irrégulières.  Sa  pefanteur  eft  plus  confi- 
dérable  que  celle  de  toutes  les  matières  falines 
que  nous  avons  examinées  jufqu’à  préfent  ; il 
eft  quelquefois  nué,  veiné,  taché,  & p'us  fouvent 
entièrement  coloré  en  vert , en  rofe,  en  violet, 
en  rouge , &c. 

On  peut  diftinguer  dix  variétés  principales  de 
cette  fubftance  parmi  cell-.s  que  la  nature  nous 
préfente. 

Variétés. 

1.  Fluate  calcaire  eu  fpath  vitreux  cubique, 
blanc  & tranfparejt. 

2.  Fluate  calcaire  ou  fpath  vitreux  cubique , 
blanc  & opaque. 

•*  Fluate  calcaire  ou  fpath  vitreux  cubique  ^ 
jaune  ; faufte  topaze. 


d’Hist.  Nat,  et  de  Chimie,  14$ 

Variétés. 

4.  Fliiate  calcaire  ou  fpath  vitreux  cubique  , 
rougeâtre  ; faux  rubis. 

5.  Fluate calcaire  ou  fpath  vitreux  cubique, 
verd  pâle  ; fauffe  aigue-marine. 

. 6.  Fluate  calcaire  ou  fpath  vitreux  cubique, 
verd;  faillie  émeraude. 

7.  Fluate  calcaire  ou  fpath  vitreux  cubique , 
violet  ; fauffe  amethyfle. 

8.  Fluate  calcaire  ou  fpath  vitreux  oôaèdre, 
dont  les  pyramides  font  incomplettes. 

J’ai  dansmacoîieètion  uncriftaldecetteefpece, 
qui  eff  demi-tranfparen:  & un  peu  noirâtre. 

9.  Fluate  calcaire  ou  fpath  vitreux  en  maffe 
lamelieufe  irrégulière. 

Il  eft  prefque  toujours  d’un  vert  clair  , ou 

. violet  : il  forme  la  gangue  de  plufieurs  mines, 

1 eff  quelquefois  roulé. 

. % 

10.  Fluate  calcaire  ou  fpath  vitreux  en 
couches  de  différentes  épaiffeurs  , &C 
colorées  di^erfement. 

Ces  différentes  variétés  cle  fluate  calcaire  ne 
ont , pour  la  plus  grande  partie  , qu’une  feule 

même  fubflance  faline  , ç’eff-à-dire  la  com- 
unaifon  de  l’acide  fluorique  avec  la  chaux. 
Dépendant  comme  e.les  font  formées  par  la 
rature , on  y trouve  ordinairement  par  une 
:r.nalyfe  exaéte  plufieurs  matières  étrangères  , 
‘ •omise  de  la^tcrre  filicée  , de  l’argile  ôc  du  fer, 


Ï44  E l é m e n s 

C’efl  en  général  le  caractère  de  tous  les  pro- 
duits naturels.  L’Angleterre  eft  fort  riche  en 
fluate  calcaire. 

Ce  fel  terreux  expoféàun  feu  doux , acquiert 
«ne  propriété  phofphorique  affez  marquée  ; 
mais  fi  on  le  chauffe  jufqu'à  le  faire  rougir , il  la 
perd  entièrement , fa  couleur  verte  ou  violette 
fe  diffipe  en  même-tems,il  devient  gris  &c 
friable  ; fi  on  le  chauffe  brufquement , il  décré- 
pite prefque  auffî  vivement  que  le  muriate  de 
fou  de.  Lorfqu’on  jette  du  fluate  de  chaux  en 
poudre  fur  un  fer  chaux,  il  éfente  une  lueur 
bleuâtre  ou  violette  qui  paffe  promptement.  Une 
nouvelle  chaleur  ne  donne  plus  le  même  phéno- 
mène fur  celui  qui  l’a  déjà  préfenté. 

Une  chaleur  forte  fait  fondre  ce  fel  en  un  verre 
îranfparent  & uniforme  ; ce  verre  adhère  aux 
creufets.  On  peut  fondre  un  quart  de  fon  poids 
de  quartz  fin  avec  le  fluate  calcaire  ; c’efl  pour 
cela  qu’il  eft  employé  comme  fondant  dans  les 
mines. 

Le  fluate  calcaire  n’eft  point  altérable  à l’air , 
ni  diffoluble  dans  l’eau. 

Il  fert  de  fondant  aux  matières  terreufes  & 
falino-terreufes.  Les  alcalis  fixes  purs  ne  peuvent 
le  décompofer  , parceque  la  chaux  a plus  d’affi- 
nité avec  fon  acide  que  n’en  ont  ces  fels,  fuivant 
Bergman. 


L’acide 


d’Hist.  Nat.  et  ï>e  Chimie.  145 
L’acide  fulfurique  concentré  en  dégage  l’acide 
fluorique  , & c’eft  le  moyen  dont  on  fe  fert 
ordinairement  pour  obtenir  cet  acide.  On  met 
dans  une  cornue  de  verre  une  partie  de  fmate 
calcaire  en  poudre , avec  trois  parties  d’acide 
fulfurique  ; le  mélange  s’échauffe  peu-à-peu  , 
il  fe  produit  une  effervefcence  , & il  fe  dégage 
des  vapeurs  d’acide  fluorique.  Cette  diftillation 
s’établit  fans  chaleur  étrangère  , & il  fe  fublime 
dans  le  récipient  une  fubftance  blanche  , comme 
effleurie  , & dépofée  par  le  gaz  acide.  On  donne 
le  feu , & on  obtient  de  l’acide  fluorique  con- 
centré, qui  fe  couvre  d’une  pellicule  terreufe  , 
«cpaiffe,  femblable  à i’efïïorefcence  blanche  donc 
mous  avons  parlé,  forfqu’il  tombe  goutte  à 
; goutte  dans  l’eau  qu’on  a foin  de  mettre  dans 
Je  récipient.  On  peut  obtenir  cet  acide  fous  la 
forme  de  gaz , lorfqu’on  plonge  le  bec  de  la 
' «cornue  fous  une  cloche  pleine  de  mercure.  Cet 
acide  aériforme  eft  tranfparent,  &tne  laiffe  pré- 
cipiter la  terre  qui  lui  eff  unie  que  lorfqu’on 
1 lie  met  en  contaéb  avec  de  l’eau.  On  conçoit 
1 d’après  cela  pourquoi  l’acide  fluorique  liquide 
' dépof®  dans  le  ballon  des  croûres  pierreufes , 
: puifqu’il  ne  peut  les  tenir  en  diffolution  tomes 
‘ les  fois  qu’il  eft  combiné  avec  l’eau.  Nous  avons 
vu  que  cette  terre  qui  eft  de  nature  filicée  appar- 
tient aux  yafes  dç  veïrç  311e  l’açide  fluorique 
%omc  11„ 


e 


ÏLÉMENS 

corrode,  Sc.  qu’elle  n’eft  point  le  produit  de  la 
combinaison  de  l’acide  avec  l’eau  , comme 
î’avoit  d’abord  penfé  Schéele.  Lorfque  la  dis- 
tillation eft  finie  , on  obferve  que  le  réfidu  eft 
dur,  blanc  ou  rougeâtre,  par  plaques,  & que 
la  cornue  eft  trouée  ou  corrodée  très-fenfible- 
ment.  Cette  obfervation  n’avoit  point  échappe 
à Margraf  ; & ft  l’on  examine  par  les  difFérens 
moyens  la  nature  du  réfidu  , on  reconnoît  que 
cveft  du  Sulfate  calcaire  mêlé  à de  la  Silice  „ 
Souvent  même  à de  l’alumine  Ôz  h un  peu  de. 
magnéfie.  Ces  deux  dernières  Subftances  Sem- 
blent j ainfi  que  le  fer , n’être  qu’accidentelles-i 
dans  le  fluate  calcaire.  La  croûte  dépofée  pa*<i 
l’acide  fluorique  eft  de  nature  filicée  , puisqu’elle 
n’eft  ni  fuSible,  ni  diffoluble  dans  les  acides, 
puifqu’avec  les  alcalis  fixes  elles  Se  fondent  en 
verre  blanc  & durable.  Les  détails  de  cette  expé, 
tùence  font  voir  qu’il  eft  impoflible  de  diftiller, 
une  grande  quantité  de  cet  acide  ; j’ai  eflayé 
plufteurs  Sois  d’opérer  Sur  une  livre  de  fluate 
calcaire  , pour  obtenir  une  bonne  quantité, 
d’acide  fluorique,  & n’ayant  jamais  trouvé  de 
cornue  capable  de  réfifter  à cet  agent  corrofif, 
j’ai  été  obligé  de  renoncer  entièrement  à cette 
diftillation. 

L’acide  nitrique décompcfe  le  fluate  calcaire, 

mais  ayçc  des  phénomènes  très-différens*  SuU 


d’Hist  Nat.  et  de  Chimie.  147 
vant  M.  Boullanger, puifqu’on  n’obferve  point  de 
croûte  dans  cette  opération  , comme  dans  celle 
<qiîi  eft  faite  avec  l’acide  fulfurique.  On  n’a 
point  encore  bien  examiné  les  détails  de  cette 
«expérience. 

L’acide  muriatique  fépare  également  l’acide 
Ifluorique,  fuivant  Schéele  ; mais  il  n’a  point  in- 
’fiflé  fur  les  phénomènes  de  cette  décompofition. 

On  ne  ccnnoît  point  encore  l’aélion  du  plus 
grand  nombre  des  tels  neutres  fur  le  fluate 
calcaire.  On  fait  feulement  que  les  carbonates 
de  potaffe  & de  foude  le  décompofent  à l’aide 
vd’une  double  affinité  , tandis  que  les  alcalis  fixes 
teauftiques  ne  le  décompofent  pas.  En  fondant 
mne  partie  de  ce  fiuate > avec  quatre  parties  de 
ccarbonate  & de  potaffe  , & en  jettant  ce 
1 Tnélange  fondu  dans  l’eau,  il  fe  précipite  du 
■ ccarbonate  de  chaux  formé  par  l’acide  carbonir 
que  uni  à la  chaux  du  £uare  calcaire  , & la 
' liqueur  contient  du  fluate  de  potaffe  qu’on  peut 
’ obtenir  fous  forme  de  gelée  par  l'évaporation. 
0 (Ce  procédé  répété  avec  le  carbonate  de  foude 
e fournit  également  du  carbonate  de  chaux  & 
> * du  fluate  de  foude  que  l’on  obtient  criftallilé 
e en  évaporant  la  liqueur. 

Le  fluate  calcaire  n’eft  d’ufage  que  dans  quel* 
lues  pays  de  mines , çû  çn  Remploie  ÇQnm$ 

K 3 


I 4&  Elémens 

un  très- bon  fondant.  On  pourroit  aufli  s’en 
fervir  au  meme  ufage  dans  les  travaux  doci- 
maftiques. 

Sorte  VI.  Carbonate  de  chaux  ou  craie; 

Matières  calcaires  en  général. 

Le  fpath  calcaire  , le  marbre  , la  craie  , & tout 
Ce  qu’on  appelle  en  général  matière  ca  lcaire  , 
eft  un  fel  neutre  formé  par  l’union  de  l’acide 
carbonique  avec  la  chaux  : il  faut  donc  appeler 
ce  fel  carbonate,  de,  chaux  ou  carbonate,  calcairt. 
Cette  fubftance  a été  mife  au  rang  des  pierres; 
par  les  naturaliftes , parce  qu’ils  ne  lui  avoient 
reconnu  aucune  propriété  faline.  Cependant 
nous  verrons  qu’elle  a une  forte  de  faveur  , 
qu’elle  eft  diflbîuble  dans  l’eau,  qu’elle  peut  être 
décompofée,  & qu’elle  fournit  dans  fcn  analyfe; 
une  grande  quantité  d’acide  carbonique  , & lat 
fubftance  falino-terreufe  que  nous  avons  connue 
fous  le  nom  de  chaux.  Comme  le  fpath  calcaire 
cfl  la  dernière  modification  d’une  matière  très- 
variée  dans  fa  forme , &c  qui  pafte  par  beaucoup 
d’érats  différens  avant  d’être  régulièrement  crif- 
tallifee,  il  eft  néceffaire  de  conftdérer  en  généra) 
les  fubftances  calcaires,  ou  crétacées  (i). 


(i)  Je  crois  qu’on  devroit  appeller  crétacées  toutes  les 
4Tubftances  que  l’on  défigne  ordinairement  en  hiûoire  na- 
turelle gai,  le  fipgk  çrtwrjs  i çn.çffet , le  premier 


1 


d'Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  ï4# 
Aucune  partie  de  l’hiftcire  naturelle  n’oflre 
un  champ  plus  vafte  à parcourir,  un  enfemble 
plus  complet  de  cofinoiflances  pofitives  que  celle 
des  matières  calcaires.  Une  longue  obfervation 
tqui  ne  s’eft  jamais  démentie,  & fur-tout  la  pof- 
iibilité  de  fuivre  pas  à pas  la  marche  de  la 
mature  dans  la  formarion  de  ces  matières , ont 
appris  que  le  fein  des  mers  eft  le  laboratoire 
:©ii  elles  font  fans  ceffe  travaillées.  Parmi  le 
grand  nombre  d’animaux  que  ces  immenfes  amas 
d’eaux  nourrirent,  il  en  efè  pluheurs  claffes  dont 
les  individus,  multipliés  prefqu’à  l’infini , fèm- 
iblent  deftinés  à ajouter  à la  maffe  de  notre 
globe.  Tels  font  les  vers  à coquille,  les  ma- 
drépores , les  li.hopbites , dont  les  parties  foli- 
ddes , examinées  par  l'art  du  chimifte,  quelque 
t temps  après  qu’ils  ont  cefTé  de  vivre  , préfentent 


indique  la  combinaifon  faline  neutre  formée  par  la  chaux 
■Sc  l’acide  carbonique,  c’ed-à-dire,  la  craie,  creta\  le  fécond 
. appartient  en  propre  à la  chaux , calx  , qui  fait  la  bafe 
d le  ce  fel.  L’expreiïion  matière  ou  terre  calcaire  devroit 
ll'lonc  être  réfervée  pour  la  chaux  vive , & celle  de  matière 
raieufe  ou  crétacée  diftingueroit  la  combinaifon  de  la. 
r ehaux  avec  l’acide  delà  craie;  mais  on  ne  peut  pas  fe- 
îâtter  de  faire  adopter  de  fitôt  ces  deux  expreffions  qui  ont 
toujours  été  fynonimes,  quoiqu’elles  dufi'ent  être  appli- 
quées à des  fubftances  vraiment  différentes  , & quoiqu’ël* 
tes  fiiffent  lufceptibles  d’enrichir  notre  langue. 


* ï0  Ë L É-  M 2 N S 

tous  les  caraélères  de  fubfîances  calcaires.  C’elî 
la  bafe  de  ces  efpèces  de  fquelettes  marins  qui 
produit , par  leur  entaffement  fucceffif , les  mon- 
tagnes entièrement  formées  dè  ces  matières. 
Quoiqu’il  y ait  bien  loin  de  l'état  naturel  de  ces 
être  animés,  jufqti’à  la  cri fralli Cation  du  fpath 
calcaire  , quoiqu’il  foit  difficile  d’appercevoir 
au  premier  coup-d’œil  la  différence  étonnante 
qui  exiÜe  entre  la  fubftance  molle  & pulpeufe 
de  ces  animaux  vivans , & la  dureté  de  ces 
maffes  pierreufes  qu’ils  forment  avec  le  temps, 
& qui  font  deftinées  à donner  de  la  folidité 
à nos  étffïces  les  plus  durables,  il  eft  cepen- 
dant poffible  de  fe  former  une  idée  des  nuan- 
ces d’altération  par  lefquels  ils  paffent  pour 
fe  confondre  avec  les  corps  minéraux.  Voici 
comment  on  peut  concevoir  ces  dégradations 
depuis  l’organifation  animale  agiffante,  jufqu’au 
dépôt  régulier  qui  forme  peu-à-peule  carbonate 
de  chaux  tranfparent  & criflallifé,  c’eft-à-dirc  le 
fpath  calcaire. 

Les  eaux  de  la  mer,  en  fe  balançant  fui- 
vantlesioix  d’un  mouvement  qui  nous  eft  encore 
inconnu,  fe  déplacent  infenfibiement , & chan- 
gent de  lit.  Elles  quittent  un  rivage  qui  s’ag- 
grandit  peu-à-peu  pour  s’avancer  fur  une  terre 
dont  l’étendue  diminue  en  même  proportion.’ 
Ce  fait  eft  démontré  dans  la  lavante  théorie 


\ 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  151 
| ;de  la  terre  de  Buffon.  A mefure  que  les 
I eaux  abandonnent  une  partie  de  leur  lit , elles 
1 daiffent  à découvert  des  fonds  fur  lefquels  leurs 
I mouvemens  variés , & fi  bien  appréciés  par 
l’homme  célèbre  que  nous  venons  de  citer  , 

1 ont  formé  des  couches  , par  le  dépôt  fuccehif 
<des  parties  folides  ^ ou  des  fquelettes  des  ani- 
unaux  marins.  Ces.  couches  font  prefqu’enti  ére- 
intent remplies  de  coquilles , dont  la  putréfac- 
tion détruit  bientôt  le  gluten  animal,  & qui 
alors  ayant  perdu  leurs  couleurs  , le  poli  de 
leurfurface  interne  a & fur-tout  leur  conlillanee* 
Jfont  devenues  friables  , terreufes,  & ont  paffé  à 
l’état  de  foffiies  ^ delà  la  production  des  terres 
icoquillières  & des  pierres  de  la  même  nature. 

Ces  pierres,  idées  par  les  eaux,  perdent  peu- 
<à-peu  la  forme  organique,  deviennent  de  plus 
<en  plus  friables,  & forment  bientôt  une  matière 
icTun  grain  peu  cohérent,  & que  l’on  appelle 
craie . Lorsqu’une  pierre  coquillière  a acquis  allez 
<de  dureté  pour  être  fufceptible  de  poli , & que 
lies  coquilles  qui  la  compofent  ont  pris  diver- 
ses couleurs,  en  confervant  leur  organifation 
t elle  cohftitue  alors  les  lumaehelles . Si  les  traces 
de  l’organifation  font  tout-à-fait  détruites , fi  la 
p'erre  eft  dure,  fufceptible  de  poli , on  la  con- 
çoit fous  le  nom  de  marbre . L’eau  chargée  de 
«raie  la  dépcfe  fur  tous  les  corps  fur  lefquels 

& h 


\ 


*52  Élémens 

elle  coule,  & forme  les  incruflatlons . Lorfqu’elle 
ie  filtre  à travers  les  voûtes  des  cavités  fon- 
terraines,  elle  produit  des  dépôts  blancs,  opa- 
ques , formés  de  couches  concentriques , dont 
l’enfemble  eft  conique  & femblable  à des  cu’s- 
de-lampes;  ce  font  les Jlalaclitcs.  Si  ces  dernières, 
réunies  en  grande  malle  , & rempîiffant  des 
cavernes  , féjournent  pendant  long-temps  dans 
la  terre  , elles  acquièrent  une  dureté  confidé- 
rable,  & donnent  nailfance  à l 'albâtre.  Enfin 
lorfque  l’eau  , qui  tient  une  craie  très-fine  &c 
très  atténuée  en  di Ablution,  pénètre  lentement 
des  cavités  pierreufes  , elle  dépofera  cette 
fubflance,  pour  ainfi  dire , molécule  à molécule, 
& ces  petits  corps  fe  rapprochant  par  les  furfa- 
ces  qui  fe  conviendront  le  mieux,  prendront  un 
arrangement  fymm  étriqué  & régulier  , Se  for- 
meront des  criftaux  durs,  tranfparens  , fembla- 
loles  à ceux  des  matières  falines;  on  les  défigne 
fous  le  nom  de  fpa.thscatca.ins.  C’eS-là  le  dernier 
degré  d’atténuation  de  la  craie , l’état  où  elle 
ed:  le  plus  éloignée  de  fon  origine  animale  , & 
dans  lequel  elle  refl'emble  le  plus  à un  véritable 
fel. 

Ces  paffages  fi  variés  & fi  nombreux  de  la 
fubflance  crétacée , dont  la  confjdération  four- 
nit de  fi  grandes  vues  au  naturalise,  fur  l anti- 
quité du  globe,  fur  fes  altérations , fur  l’empira 


4 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie: 

0u  règne  animal,  qui  conftitue  une  grande 
partie  de  fa  furface  Sz.  de  fes  couches  externes  9 
ne  préfentent  cependant  aux  yeux  du  chimifte 
qu’une  feule  matière  femblable  à elle-meme  , un 
feu!  & unique  fel  neutre , formé  de  chaux  Sc 
d’acide  carbonique.  Nous  allons  le  conûderer 
fous  ce  double  point  de  vue. 

g.  I.  thjloire  naturelle  des  fubjlances  calcaires  ( i ), 

Avant  d’entrer  dans  le  detail  des  matières 
calcaires  , il  eft  bon  de  jetter  un  coup- d’œil 
général  fur  leur  difpohtion  dans  le  globe.  Ces 
fuflances  forment  des  couches  plus  ou  moins 
étendues,  horifontales  ou  inclinées,  qui  portent 
manifeftement  l’empreinte  de  l’a&ion  des  eaux. 
Ces  couches  compofent  des  montagnes  entières  s 
des  collines , &c.  & forment  une  grande  partie 
de  l’écorce  du  globe.  Elles  attellent  que  les 
eaux  de  la  mer  ont  recouvert  notre  terre,  ôe 
y ont  dépofé  une  immenfe  quantité  de  dépouilles 


(i)  Quoique  dans  l’hifioire  des  terres  &des  pierres; 
nous  ayons  déjà  préfenté  des  divifions  méthodiques  des 
matières  calcaires  rangées  ordinairement  dans  cette  ciaflV 
par'  les  naturalises , nous  croyons  devoir  offrir  dans 
cet  article  de  nouvelles  divifions  fur  ces  matières  , parce 
qu’elles  font  relatives  à d’autres  confédérations  que  celles;' 
qui  ont  guidé  les  métljodifles  dans  leurs  travaux, 


/ 


M4  E L É M E N S 

de  Tes  habitans.  Les  eaux,  en  fe  filtrant  à travers 
ces  maffes  calcaires,  en  entraînent  des  portions 
& vont  les  difiribuer  plus  profondément  dans 
les  cavités  fouîerraines  , fous  les  différentes 
formes  que  nous  allons  examiner.  Leurs  carac- 
tères généraux  donnés  par  les  naturalises , & 
très-propres  à les  faire  dilfinguer,  font  tirés  de 
deux  propriétés  remarquables  ; elles  n’étincèlent 
point  fous  le  briquet , & elles  font  effervef- 
cence  avec  les  acides.  Comme  d’après  ce  que 
nous  avons  dit , la  forme  de  ces  matières  cal- 
caires efi  affez  multipliée , il  eft  indifpenfable  de 
les  divifer  en  plufieurs  genres.  Nous  en  recon^ 
noiffons  fix  (i). 

Genre  I.  Terres  et  Pierres 

CO  QU  I LLIERES. 

Ces  fubftances  ont  été  rangées  parmi  les  pier- 
res , parce  qu’elles  n’ont  ni  faveur,  ni  diffolu- 
biliré  apparentes  ; mais  leur  analyfe  démontre 
qu’elles  font  véritablement  falines  , ainfi  que 


(i)  On  fera  peut-être  étonné  de  trouver  de  nouvelles 
tSvifions  de  genres  dans  l’hifioire  d’une  forte  defel  ; mais 
on  doit  obferver  que  ces  genres  ne  font  que  relatifs  à 
l’hiftoire  naturelle  , & qu’ils  doivent  en  effet  être  rap- 
portés à î’efpcce  de  fel  neutre  dont  nous  examinons- 
les  propriétés  chimiques. 


* 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  i$f 
tous  les  autres  genres  fuivans.  On  les  recon- 
noît  à la  forme  organique  ; fouvent  les  coquilles 
y font  encore  tout  entières , &;  la  pierre  n’eft 
qu’un  amas  de  ces  corps  organifés  ; quelque- 
fois même  elles  ont  confervé  une  partie  de  leurs 
couleurs.  Il  arrive  aufîi  qu’on  trouve  de  ces 
animaux,  dont  les  analogues  n’exiftent  plus 
vivans  dans  l’intérieur  des  mers,  tels  que  plu- 
lieurs  efpèces  de  cornes  d’Ammon  Si  de  Nauti- 
les en  général.  Il  exifte  au  contraire  en  Europe 
en  France  des  coquilles  fofïiles  dont  on  con- 
noîtles  individus  analogues  vivans  en  Amérique. 
Quelques  paturaliftes  ont  fait  des  divifions  très- 
étendues  des  coquilles  foftiles;  mais  comme  elles 
font  femblables  à celles  de  ces  animaux  vivans, 
nous  en  traiterons  ailleurs.  11  exifte  auiïi  parmi 
les  débris  foftites  des  animaux  marins  , des  corps 
dont  la  forme  & l’organifation  ne  peuvent  être 
en  aucune  manière  rapportées  à aucun  habitant 
connu  de  la  mer.  Quoique  nous  n’ayons  point 
encore  d’Otivrage  complet  fur  les  animaux  fof- 
files , & quoique  cette  partie  de  l’Hiftoire  Na- 
turelle n’ait  pas  été  traitée  avec  autant  de  foin 
de  précifion  que  la  minéralogie , les  defcrip- 
tions  d’un  affez  grand  nombre  de  ces  corps  fufti- 
fent  pour  prouver  qu’il  a exifté  dans  les  mers 
des  animaux  dont  l’efpècea  été  détruite. 
Lorlque  les  corps  fofliles  calcaires  paroiftent 


H l é m e n s. 

manifeftement  avoir  appartenu  à des  animant 
connus , on  leur  donne  alors  un  nom  relatif  à leur 
origine,  & formé  ordinairement  de  celui  de  la 
cl a (Te  d’animatix  à laquelle  ils  appartiennent,  en 
ajoutant  un  mot  qui  défigne  leur  état  pierreux, 
tel  eft  celui  de  madréporites , &c.  mais  il  faut 
obferver  que  les  os  de  l’homme , des  quadru- 
pèdes , des  oifeaux , des  poiffons  qui  ont  été 
enfouis  dans  la  terre  ,&£  qu’on  connoît  auffi  fous 
le  nom  de  fofliles,  ne  font  point  de  nature  cré- 
tacée ; ils  confervent  leur  caraéïère  de  phofphate 
calcaire;  ainfi,  les  ornitholithes  ; les  iehrhyo- 
lithes  , &c.  ne  doivent  point  être  rangées  parmi 
les  fubftances  crétacées. 

Dans  la  defcription  des  fubftances  organiques 
foffiles  dont  on  ne  connoît  pas  l’origine , on  leur 
a donné  des  noms  particuliers  pris  de  leur  forme. 
Telles  font  les  pierres  judaïques , que  quelques 
perfonnes  croient  être  des  pointes  d’ourfms  ; 
les  pierres  numifmales  ou  liards  de  Saint-Pierre  , 
femblsbles  à des  pièces  de  monnoie , & qui  ne 
paroifient  être  que  des  petites  cornes  d’Am- 
mon  appliquées  les  unes  fur  les  autres  ; le 
bé^oard  fojjiïe , efpèces  de  maffe  arrondie  ou  de 
concrétion  par  coucher  concentriques  ; le  Indus 
Jielrnontii , dont  les  aéroles  femblent  avoir  été 
formées  par  la  retraite  Ôc  le  deftechement  d’une 
matière  terreufe,  molle  , & remplies  par  de  la 


ir 

d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  15^ 

terre  calcaire;  les  trothites , entrcques  6c  aftroi- 
tes  qui  proviennent  d’un  zoophyte  nommé 
palmier  marin  ; les  pifolites  , oolites  ou  me  comtes  , 
que  l’on  croit  être  des  œufs  de  poillons  ou 
d’infeûes  pétrifiés , mais  dont  la  véritable  origine 
efi:  inconnue. 

I Comme  on  rapportoit  auiïi  à ce  genre  de 
pierres  vraiment  calcaires  toutes  les  lubflances 
pétrifiées  9 à quelques  animaux  qu’elles  euffent 
appartenu , on  conncît  en  hifloire  naturelle  des 
gammarolites  , des  cancrites  , des  entomolues , des 
amphibiolites , des  ^oolites , des  aneropoliees.  Mais 

I depuis  les  nouvelles  découvertes  fur  les  os,  ces 
matières  ne  doivent  plus  être  rapportées  à la 
craie  , ainfi  que  nous  l’avons  déjà-  expofé  ; il 
en  efl  de  même  des  glojjop'etres  ou  dents  de  requins 
pétrifiées  , de  l 'ivoire  ou  uniccrnu  fojjile , .qui  vient 
des  dents  d’éléphans  ; des  turquoifes  ou  dès  os 
çolcrès  en  vert  & en  bleu  ; des  crapaudines  , pier- 
res grifes  ou  jaunâtres  6c  creufes  , qui , d’après 

Jufiieu  . font  les  couronnes  des  dents  mo- 

M !» 

laires  du  poiflbn  du  Bréfil  , appelle  Grondeur  ; 

des  yeux  de  ferpens  qui  appartiennent,  fuivant 
ce  naturalise  , aux  dents  incifives  du  mêm£ 
poifîon. 

D’après  ces  détails  > ce  genre  peut-être  réduit 
a deux  lortes  fous  lefquelles  on  pourra  com- 
prendre toutes  l$s  priées  po£&.ble^ 


E L JE  M a N s.' 


*58 

Sortes. 

1.  Coquilles  entières  ou  fofïiles. 

On  y diftingue  différentes  nuances  d’altéra- 
tions, pour  les  couleurs,  le  brillant  , la  dure- 
té, &c.  Il  faut  y comprendre  les  madrépores 
& toutes  les  habitations  calcaires  de  polypes 
dans  l’érat  de  fofïiles. 

2.  Falun  ou  cron. 

Coquilles  brifées  & fous  la  forme  de  terre; 
le  fol  d’une  partie  de  la  Touraine  & de  plu- 
fieurs  autres  provinces  de  la  France  eft  entiè- 
rement de  cette  nature.  On  emploie  ces  terres 
comme  un  très-bun  engrais. 

Genre  1 1.  Ter  re  s et  Pierres ; 

CA  L C AI  RE  S. 

Elles  font  formées  par  les  matières  du  pre- 
mier genre  ufées  ôt  dépofées  par  les  eaux.  On 
les  trouve  difpofécs  par  couches  ou  par  bancs 
dans  l’intérieur  de  la  terre. Nous  fuivons  M.  Dau- 
. benton  dans  la  diftinûion  des  différentes  fortes» 
Sortes. 

1.  Terre  calcaire  compa&e  ; craie. 

Elle  varie  par  la  couleur  ôc  la  fîneffe  du  grain 
on  l’emploie  à beaucoup  d’ufages  domefti- 
ques. 

2.  Terre  calcaire  fpongieufe  J moelle  de, 

pierre. 


) 


0 A 


d’Hist.  Nat.  et' de  Chimie.  159 

I Sorte?. 

3.  Terre  calcaire  en  poudre  ; farine,  fojjlle . 

4.  Terre  calcaire  en  bouillie  ÿ Lait  de  Lune. 

5 Terre  calcaire  molle  •,  tuf. 

Il  durcit  & blanchit  en  le  léchant. 

6.  Pierre  calcaire  à gros  grains. 

Celle  d’Arcueil  en  fournit  un  exemple.  On  y 
trouve  des  coquilles  à demi-brifées. 

7.  Pierre  calcaire  à grain  fin. 

La  pierre  de  Tonnerre  en  elt  une  variété. 

Sans  entrer  dans  des  détails  inutiles,  on  conçoit 
que  la  couleur,  la  dureté  & les  ufages  divers 
auxquels  on  emploie  ces  terres  & ces  pierres 
donnent  un  grand  nombre  de  variétés  qu’on 
connoît  fous  différons  noms.  En  général  elles 
fervent  à faire  de  la  chaux,  à la  conftruffioa 
des  édifices , &c.  &c. 

Genre  l.I.I.  il I arbre 

Les  marbres  différent  des  pierres  calcaires 
proprement  dites,  par  leur  dureié  un  peu  plus 
confidérable,  Comme  elles,  ils  n’étincèlent  pas 
fous  le  briquet,  ils  font  effervefcence  avec  les 
acides  , & leur  caffure  eff  grenue.  Mais  leur  grain 
eft  beaucoup  plus  fin  & plus  ferré  ; leurs  cou- 
leurs font  plus  brillantes  , & ils  prennent  un 
plus  beau  poli.  Tout  le  monde  connoît  les  ufages 
du  marbre  dans  la  fculpture  a l’arçhite&ure,  3cc., 


Mo  E I É M E N S 

pa  l’emploie  aufïi  dans  quelques  pays  pour  faire 
de  la  chaux. 

Sortes. 

f.  Lumachelle. 

Ce  nom  a été  donné  par  les  italiens  à une 
jefpèce  de  marbre  formé  par  des  coquilles  agglu- 
tinées. 

2.  Brèche. 

C’eft  un  marbre  compofé  de  petites  malles 
arrondies,  liées  par  un  ciment  de  même  nature, 

3.  Marbre  proprement  dit. 

On  n’y  trouve  ni  les  coquilles  des  lumachelles, 
ni  la  compofition  en  maffes  arrondies  des  brè- 
ches; lès  taches  font  irrégulières  : il  eft  l'ouvent 
veiné.  M.  Daubenton  divife  les  marbres  par  le 
nombre  & la  combinaifon  des  couleurs,  en 
comprenant  fous  la  même  dénomination  les 
lumachelles  & les  brèches. 

10.  En  marbre  de  fix  couleurs  : ex.  blanc  , 
'gris , vert , jaune , rouge  & noir  ; marbre  de 
Wirtemberg. 

2°.  En  marbre  de  deux  couleurs  : ex.  blanc* 
gris  ; marbre  de  Carare. 

3®.  En  marbre  de  trois  couleurs  : ex.  gris, 
jaune  & noir;  lumachelle. 

40.  En  marbre  de  quatre  couleurs  : ex.  blanc* 
gris  , jaune,  rouge  ; brocïïtelle  d’Efpagne. 

50.  En  marbre  de  cinq  couleurs  : ex.  blanc , 


d’Hîst.  Nat.  Ef  de  Chimie*  161 

Sottes. 

gris , jaune  , ronge , noiï  ; brèche  de  la  vieille 
Cafhlle. 

4.  Marbre  figuré. 

Il  repréfente  des  ruines  comme  le  marbre  de 
-Florence  , ou  des  herbes  comme  celui  de  HefTe* 
On  obfervera  que  les  couleurs  du  marbre  dé- 
pendent prefque  toujours  du  fer  qui  a été  inter- 
pofé  entre  fes  grains  ; cette  fubftance  , quoique 
I ufceptible  d’un  allez  beau  poli  , efl  très-poreu- 
fe  ; tout  le  rhonde  fait  qu’il  le  tache  très-facile* 
nent  ; c’efl  lur  cette  propriété  qu’efl  fondé  Part 
Py  deiîiner  de  s fleurs  , & de  les  teindre  de  beau- 
oup  de  cou’eurs  variées* 

Souvent  le  marbre  eft  mêlé  de  quelques  frag- 
iens  de  pierre  dure,  telles  que  le  quartz,  le 
lex  i alors  la  partie  qui  contient  ces  frapriens 
mit  feu  avec  le  briquet  ; j’ai  trouvé  fréquemment 
e;  caractère  dans  piufieurs  efpèaes  de  marbre 
coir. 

Genre  IV.  Concrétions , 

Les  concrétions  font  formées  irrégulièrement  9 
ir  un  dépôt  plus  ou  moins  ient , ne  la  matière 
Jcaire  châtiée  pat  les  eaux  , à la  fut  face  d’un 
,rps  quelconque.  Elles  ne  font  point  difpoléei 
Tome  IL  •«  l 


i6z  E L É M E N S 

par  grandes  couches , mais  par  fragmens  en  maffes 
d’abord  ifo'ées , qui  peu-à-peu  fe  rapprochent  ÔC 
fe  confondent  en  augm entant  d’étendue. 

Sortes. 

1.  Incruftations. 

Les  eaux  très-charg  es  de  cra:e  les  dépofent  à la 
furface  de  tous  les  corps  far  lefquels  elles  cou- 
lent; les  incruftations  peuvent  donc  avoir  toutes 
les  formes  poffibles  , fuivant  les  f.ibftances  qui 
leur  ont  fervi  de  noyaux.  Telles  font  celles  des 
eaux  d’Arcueil  ; telle  eft  l’oftéocolle , &c. 

2.  Stala&ites. 

Elles  font  formées  lentement  & par  couches 
concentriques,  dépofées  par  les  eaux,  aux  voû- 
tes des  cavernes,  &c.  Elles  diffèrent  entr’elles 
par  la  grofEur,  la  tranfparence  ou  l’opacité , le 
grain , la  couleur  , la  rorme.  Elles  font  en  géné- 
ral pyramidales  & creufes.  Le  jlos  ferri  eff  la 
plus  pure  de  toutes.  Lorfqu’elles  font  collées  le 
long  des  parois  des  cavités  fouterreines , on  les 
nomme  congélations  : dépofées  fur  le,  fol,  elles 
portent  le  nom  de  flalagmitcs • 

3.  Albâtre. 

L’albâtre  paroît  fermé  par  les  ftala&ites  les 
plus  pures,  enfouies  pendant  long'tems.  Il  eft 
moins  dur  que  le  marbre;  lor  qu’il  eft  poli,  fa 
furface  paroi:  graffe  & huüeufe.  I eft  manifefte- 
ment  compofé  de  couches  qui  ont  différentes  di- 


d’Hist.  Nat.  Et  de  Chimie:  ‘ïëy 

redions.  Il  a toujours  une  îranfparence,  plus  ou 
moins  grande,  qui  le  diflingue  des  marbres; 
mais  elle  n’égale  jamais  celle  de  quelques  fpaths. 
L’albâtre  a d’ailleurs  tous  les  caraûères  des  pier- 
res calcaires.  On  en  fait  des  vafes  6c  des  ftatues» 
On  peut  en  diftinguer  beaucoup  de  variétés. 

,\  ariètés. 

1.  Albâtre  Oriental. 

C’eft  le  plus  tranfparent  & le  plus  dur. 

2.  Albâtre  occidental. 

Il  eft  moins  beau  6c  moins  pur  que  le  précé- 
dent. 

3.  Albâtre  taché  de  différentes  couleurs. 

4.  Albâtre  ondé. 

On  l’appelle  auiTi  albâtre  d’agate. 

s.  Albâtre  fleuri. 

1 J ' 

Il  préfente  des  efpèces  d’herborifations.' 

Genre  V.  Spath  calcaire f 

Le  fpath  calcaire  diffère  des  quatre  genres  pré4’’ 
cédens  par  fa  forme  le  plus  fouvent  régulière 
& fur-tout  par  fa  calibre.  Il  eft  formé  de  lames 
appliquées  les  unes  fur  les  autres , & très-appa- 
rentes dans  fa  fra&ure,  Il  s'égrène  par  le  Conrad 
du  briquet, 

. Lij 


l 


E L £ M E N 5 


$64 

Sortes. 

1.  Spath  calcaire  opaque. 

Il  eft  blanc  ou  coloré  de  diverfes  manières  ; 
il  efl  ordinairement  formé  de  lames  rhomboï- 
dales. 

2.  Spath  calcaire  rhomboïdal  obtus  ; cryftal 
d’iflande. 

Il  double  les  objets.  C’eft  fouvent  un  fragment 
artificiel. 

''1 

3.  Spath  calcaire  lenticulaire. 

M.  Rome  de  Lille  le  croit  une  variété  dufpath 
prifmatique  hexaèdre , terminé  par  deux  pyra- 
mides triangulaires  obtufes  , placées  en  fens  con- 
traire. Mais  c’efl  réellement  la  variété  précé- 
dente arrondie  dans  fes  ang'es  folides. 

4.  Spath  calcaire  prifmatique  fans  pyrami- 
des, 

1 

Ce  font  des  prifmes  hexaèdres  purs , dont  les 
pans  font  égaux  ou  inégaux,  & dont  quelquefois 
les  angles  font  coupés,  de  forte  qu’ds  forment 
des  prifmes  à douze  faces  ; ce  qui  donne  trois 
Variétés, 

5.  Spath  calcaire  en  prifmes  terminés  par 
deux  pyramides. 

11  y a un  afftz  grand  nombre  de  variétés  de  ce 
fpath,  Quelques-unes  font  des  prifmes  à fixpans, 
terminés  par  des  pyramides  hexaèdres , ou  en- 
tières, ou  incomplettes;  D’autres  préfentent , à 


d’Hist.  Nat,  et  de  Chimie. 


ï6S 

Sortes. 

l’extrémité  des  mêmes  prifmes  à fix  pans  , des 
pyramides  trièdres , entières  ou  incomplettes  , 
ou  des  fommets  dièdres.  Enfin,  il  en  efl  dont  les 
prifmes  quadrangulaires  font  terminés  par  des 
fommets  dièdres.  On  y compte  , lorfqu’il  efl  ré- 
gulier , 18  facettes  crapézoïdes. 

6.  Spath  calcaire  pyramidal,  ou  à douze 
triangles. 

Celui-ci  eft  formé  d’une  ou  de  deux  pyramides 
réunies  fans  prifme  intermédiaire.  La  forme 
hexaèdre  ou  triangulaire  de  ces  pyramides  , l’i- 
négalité de  leurs  faces , leurs  angles  fouvent 
tronqués  établirent  un  grand  nombre  de  varié- 
tés (i). 


(i)  Si  l’on  veut  prendre  une  idée  des  variétés  de  forme 
que  l’on  peut  diftinguer  dans  les  fpaths  , & du  grand 
nombre  d’efpèces  que  l’on  pourroit  en  faire  , fi  l’on  avoit 
égard  à ces  nuances  de  forme  , on  peut  confulter  l’Ou- 
vrage anglois  de  M.  Hill  , qui  a pour  titre  : The  Hijlory 
of fojjîls  , containing  the  hijlory  of  metals  , and  gems  , &c. 
London , 1748,  in  fol.  cum  tab.  tzneis.  M.  Romé  de 
Lille  en  a donné  un  extrait  dans  la  première  édition  de 
fa  Cryftallographie  , page  131  & fuiv.  page  191  & fuiv.. 
relativement  au  fparh  calcaire  & au  cryflal  de  roche.  Il 
démontre  que  la  méthode  de  M.  Hill  efl  défeéfueufe  3 
embarrafl'ante  , &c. 


Liij 


E L É M E N S 


i 66 

Sortes. 

7.  Spath  calcaire  dodécaèdre. 

Cette  variété  eft  formée  de  douze  faces  pen- 
tagones ftriées  en  fens  inverfe  : quand  il  eft  petit, 
on  le  nomme  fpath  en  tête  de  clous. 

8.  Spath  calcaire  en  (tries. 

C’eft  un  amas  de  longs  prifmes  ralîemblés  en 

faifceaux,  &c  qui  ne  préfentent  point  de  forme 
régulière  qu’il  foit  pofiib'e  de  déterminer.  Le 

lapis  fuijlus  des  Suédois  appartient  à cette  forte. 

* 

§•  II.  Propriétés  chimiques  du  carbonate  calcaire . 

Comme  les  propriétés  chimiques  tiennent  à la 
combinaifon  ou  aux  principes  des  corps,  il  faut 
donner  à çeux-ci  des  noms  qui  expriment  leur 
nature;  d’après  cette  confidération  , les  diverfes 
matières  calcaires  que  nous  avons  défignées  doi- 
vent être  confondues  chimiquement  fous  la  dé- 
nomination de  carbonate  calcaire  : c’e(t  fur  le 
fpath  calcaire  le  plus  tranfparent  ou  fur  le  mar- 
bre blanc  pur , que  l’on  doit  faire  les  expériences 
qui  établiffent  les  propriétés  de  ce  fel  terreux. 

Pour  foumettre  du  carbonate  calcaire  à l’ana- 
lyfç , il  faut  en  détruire  l’aggrégation  en  le  ré- 
duifant  en  poudre.  Sous  çette  forme , il  eÜ  blanc 
6c  opaque  ; il  n’a  pas  de  faveur  marquée , ce- 
pendant il  reiferre  un  peu  les  fibres  du  palais  &: 


d’Hist.  Nat.  it  de  Chimie:  167 

He  la  langue  , lorfqu’on  le  tient  pendant  quelque 
tems  dans  la  bouche. 

Ce  fel  terreux,  expofé  à Pa&ion  du  feu , perd 
fon  acide  6c  fon  eau  de  criftalhiation.  Si  on  le 
chauffe  brufquenient , il  décrépite  6c  perd  fa 
tranfparence.  En  le  diffiilant  dans  une  cornue, 
on  en  retire  de  l’eau  & beaucoup  décide  car- 
bonique gazeux  ; mais  il  faut  une  chaleur  con- 
fidérable  pour  dégager  ce  dernier.  Après  cette 
opération,  la  matière  calcaire  eft  réduite  à l’état 
de  chaux  vive  ; on  peut  réformer  ce  fel  eu 
combinant  cette  dernière  avec  i’aclde  qu’on  a 
obtenu  de  fa  décompofition.  La  difliliation  de 
la  craie , qui  ne  différé  du  fpath  calcaire  que 
par  fon  peu  de  cohérence  & fon  opacité  , a été 
faite  par  M.  Jacquin.  M.  de  la  Rochefou- 
cauîd  , qui  i’a  répétée  avec  beaucoup  de  foin , 
a obfervé  que  les  cornues  de  grès  laiffoient  échap- 
per une  partie  de  l’acide  carbonique  aériforme, 
M.  Prieftley  a conffaté  ce  fait  par  plufieurs  ex- 
périences très-exaèles.  On  peut  fe  fervir  d’une 
cornue  de  fer  , ou  d’un  canon  de  fufil , mais  on 
obtient  toujours  un  peu  de  gaz  inflammable  ou 
hydrogène  produit  par  l’aélion  de  l’eau  conte- 
nue dans  la  craie  fur  le  fer. 

Le  carbonate  calcaire  3 expofé  à un  grand  feu 
dans  des  creufets  d’asgile , eft  fufceptible  de  fe 

Liv 


I 68  E L I M E N S 

fondre  en  verre  autour  des  parois  de  ce  vaifTeau, 
■ M.  d’Arcet  en  a fondu  plufieurs  fortes  en  un 
verre  tranfparent  marqué  de  quelques  taches  ; 
mais  comme  Macquer  a obfervé  que  ce  fel  ter- 
reux n’a  point  été  fondu  au  foyer  de  la  lentille 
de  M,  de  Truda;ne,  on  ne  peut  dourer  que  la 
fuffion  obtenue  par  M.  d’Arcet  ne  fût  due  à l’ar- 
gile des  creufets, 

Le  carbonate  calcaire  n’eft  point  ahérab'e  par 
l’air  pur.  Mais  le  contad  vie  Patent  fphère  humi- 
de , joint  aux  rayons  du  (o'eil , lui  fait  perdre  fa 
trafd'parençe 6c  la  cohv.fi on  de  les  lames.  Sa 
furface  prend  «es  couleurs  de  l’iris  , s’oblçurcit 
& fe  délite  peu -à -peu» 

Il  ne  pare  il  pas  ditîpluble  dans  l’eau.  La  craie, 
que  l’art  ne  parvient  pas  plus  à didoudre  dans 
çe  fj  tée  pur  que  le  carbonate  calcaire  , ed  ce- 
pendant tenue  en  difîolution  par  les  eaux  qui 
coulent  à travers  ces  fubdançes  ; quelques-unes 
même  en  contiennent  une  quantité  notable, 
Telles  font  celles  d’Arcueil  aux  environs  de  Pa-? 
ris;  elles  font  chargées  d’une  affez  grande  quan-' 
tiré  de  craie  pour  incruder,  en  quelques  mois, 
les  corps  plongés  dans  les  canaux  qu’elles  par* 
courent.  Les  eaux  des  bains  de  Saint  Philippe 
en  Italie  font  tellement  chargées  de  cette  fubf- 
tançe  , qu’elles  en  dépolent  des  couches  de  prés 
4’uq  demhpQUçe  d’épaifTeur  dans  l’eipace  d§ 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  *$9 
quelques  jours.  On  profite  de  cette  propriété 
pour  y former  des  tableaux  & des  figures  ; on 
y plonge  des  moules  creux  à la  furface  inté- 
rieure defquels  ces  eaux  dépofent  la  craie  quel- 
les contiennent. 

Le  carbonate  calcaire  aide  la  vitrification  de 
quelques  fubflances  terreufes  & pierreufes  ; mele 
avec  la  terre  filicée , il  la  fait  entrer  en  fufion, 
lorfque  cette  dernière  efl  dans  la  proportion  d un 
tiers  ou  d’un  quart. 

Ce  fel,  mêlé  par  la  nature  avec  une  terre  ar- 
gileufe , forme  une  matière  terreufe  , mixte , 
que  les  naturalises  & les  cultivateurs  défignent 
fous  le  nom  de  marne.  Cette  fubSance  , qui  offre 
un  grand  nombre  de  variétés  différentes  par  la 
couleur,  la  denfité,  &c.  fe  fond  à un  grand 
feu  en  un  verre  d’un  jaune  verdâtre  ; on  l’em- 
ploie avec  beaucoup  de  fuccès  pour  ameublir 
les  terres  Sc  pour  les  fertilifer, 

La  baryte  & la  magnélîe  n’ont  aucune  aftion 
fur  le  carbonate  calcaire  par  la  voie  humide  } l’a- 
cide carbonique  adhère  plus  fortement  à la  chaux 
qu’à  ces  deux  fubftances  falino-terreufes  ; mais 
le  carbonate  calcaire,  traité  au  feu  avec  ces  ter- 
res alcalines,  forme  avec  eiles  des  combinaifons 
Vitreufes.  M.  Achard  a fait  une  grande  fuite  d’ex- 
périences fur  tous  ces  mélanges  par  la  vitrifîca- 


170  E L É M E K S 

tion  ; les  détails  en  font  confignés  dans  le  Journal 

de  Phyfique. 

Les  alcalis  fixes  & l’ammoniaque  n’altèrent 
point  le  carbonate  calcaire , parce  que  l’acide 
carbonique  a plus  d’affinité  avec  la  chaux  que 
n’en  ont  ces  fels. 

Les  acides  fulfurique,  nitrique,  muriatique 
& ffiiorique  le  décompofent  en  lui  en'evant  fa 
bafe , & en  dégageant  l’acide  carbonique.  Si  l’on 
verfe  de  l’acide  fulfurique  fur  du  carbonate  cal- 
caire , il  s’excite  un  bouillonnement  dû  au  dé- 
gagement de  l’acide  carbonique  fous  la  forme 
gazeufe.  Les  naturalises  fe  fervent  avec  avau*, 
tage  de  ce  caradère  chimique  pour  diftinguer 
toutes  les  fubftances  calcaires.  On  peut  faire  , à 
l’aide  des  acides,  une  analyfe  exade  du  carbo- 
nate calcaire.  Pour  cela  , on  verfe  de  l’acide  ful- 
furique  fur  ce  fel  réduit  en  poudre.  L’effervefi- 
cence  violente  qui  fe  produit  dans  l’inftant  du 
mélange  indique  la  féparat'on  de  l’acide*  carbo- 
nique , que  l’on  peut  obtenir  &z  mefurer  en  le 
recevant,  à l’aide  d’un  fyphon  , dans  des  cloches 
remplies  de  mercure.  L’effiervefcence  efi  accom- 
pagnée de  froid  , à caufe  de  la  volatilifaticn  de 
l’acide.  Lorfqu’elle  efi:  finie,  fi  l’on  examine  la 
nouvelle  combinaifon , on  trouve  que  c’efi:  du 
fiulfate  calcaire,  formé  par  l’acide  fulfurique  uni 
à la  chaux , qui  faifoit  la  bafe  du  premier  feb 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  171 
Des  expériences  nouvelles  ont  appris  cjue  quel- 
ques-uns de  ces  fpaîhs  contiennent  un  peu  de 
roagtaéfie,  & donnent  du  fulfate  de  magnefie, 
lorfqu’on  les  diffout  par  l’acide  fulfurique.  L a- 
cide  nitrique  que  les  naturaliftes  emploient  ordi- 
nairement dans  leurs  efifais  produit  la  meme  efFer- 
vefcence  fur  le  carbonate  calcaire  ; il  en  dégagé 
l’acide  carbonique  forme  du  nitrate  calcaire 
avec  fa  bafe. 

L’acide  muriatique  fépare  de  même  avec  effer- 
vefcence  violente  l’acide  du  carbonate  calcaire , 
& donne  du  muriate  de  chaux  en  fe  combinant 
avec  fa  bafe. 

L’acide  fluorique  le  décompofe  de  même  , & 
forme  du  fluate  calcaire  avec  fa  bafe. 

L’acide  boracique  ne  décompofe  point  à froid 
le  carbonate  calcaire } mais  il  produit  une  efter- 
vefcence  lorfqu’on  le  fait  chauffer  en  le  mêlant 
avec  de  la  craie  en  poudre  , & en  délayant  dans 
ce  mélange  fuffifanîe  quantité  d’eau. 

L’acide  carbonique  a la  propriété  de  donner 
de  la  folubilité  au  carbonate  de  chaux  ou  à 
toutes  les  matières  calcaires  en  général.  Nous 
avons  déjà  vu  , à l’article  de  cet  acide  , qu’il 
précipite  l’eau  de  chaux  en  craie,  & qu’il  la  re- 
diiïout  fi  on  en  ajoute  plus  qu’il  n’en  faut  pour 
cette  précipitation.  L’eau  chargée  d’acide  carbo- 
nique qui  féjourne  fur  du  carbonate  ca’ caire  en 


17*  E L É M E N S 

poudre,  fe  charge  peu  à-pcu  d’une  certaine  quan- 
tité de  ce  Tel  neutre  terreux.  Plufieurs  eaux  con- 
tiennent auffi  de  la  craie  àla  faveur  de  Ton  acide; 
mais  toutes  ces  diffo’utions  (ont  peu  durables. 
Lor (qu’on  les  expofe  à l’air  , elles  fe  troublent 
peu-à-peu  , 6c  la  craie  fe  piécipite  à mefure  que 
l’acide  carbonique  fe  diflipe.  Cet  effet  e(l  beau- 
coup plus  rapide  par  l’o&ion  de  la  chaleur;  c'eft 
pour  cela  qu’on  emploie  avec  fuccès  l’ébullition 
pour  corriger  les  eaux  chargées  de  craie,  qui 
font  dures  & crues,  (ans  cette  précaution. 

Comme  c’eft  prefque  toujours  en  raifen  de 
l’acide  carbonique  que  les  eaux  tiennent  de  la 
craie  endiüolut-ion  , on  coi  çoir  que  ce  fel  terreux 
doitfe  précipiter  lorfque  l’ac'de  s’évapore;  telle 
efl  la  caufe  des  dépôts  calcaires  6c  des  incrus- 
tations qui  fe  forment  dans  les  fontaines , autour 
des  canaux  que  l’eau  parcourt,  ainfi  qu’on  l’eb* 
fervepour  celles  d’Arçueil  6c  des  bains  de  Saint- 
Philippe  en  Italie.  Lorfque  l’hiftoire  naturelle 
n’étoit  point  encore  éclairée  par  la  chimie,  on 
don  noir  le  nom  de  fontaines  pénifiantes  à celles 
qui  préfentoient  ces  dépôts  , oc  la  fuper (lition 
des  peuples  les  comptoir  au  nombre  des  mira- 
cles. 

Le  carbonate  calcaire  n’a  aucune  a&îon  fur  les 
fels  n.utres  à bafe  d’alcalis  fixes.  Il  décompofe 
les  fcls  ammoniacaux.  On  obtient  d’une  part  un 


v 


d’Hîst.  Nat.  .-et  te  Chimie.  17$ 
fel  calcaire  formé  par  l’acide  des  fels  ammo- 
niacaux 6c  la  chaux  , & de  l’autre  part , du  car- 
bonate ammoniacal  , réfultant  de  la  combi- 
naifonde  l’acide  carbonique  avec  l’ammoniaque. 
On  fait  cette  opération  en  d iffillanr  dans  une 
cornue  de  grès  un  mélange/d’une  livre  de  fel 
ammoniac  & de  deux  livres  de  craie  , ou  bien 
de  fpa:h  calcaire  en  poudre.  On  a foin  d’em- 
ployer ces  deux  fubflances  b. en  sèches.  On 
adapte  à la  cornue  un  ballon  avec  une  allonge  , 
ou  mieux  encore  une  cucurbite  de  verre  ou  de 
grès.  On  donne  le  feu  par  degrés  jufqu’à  faire 
rougir  le  fond  de  la  cornue  , & l’on  refroidit 
le  récipient  avec  des  linges  mouillés,  eu  un  filet 
d’eau  froide  dont  l’écoulement  efl  entretenu 
pendant  toute  l’opération.  Il  paffe  des  vapeurs 
blanches,  qui  fe  condenfent  en  criftaux  très- 
blancs  & très-purs  fur  les  parois  du  récipient^ 
C’eft  le  carbonate  ammoniacal  : il  parok  que 
c’efl  par  ce  procédé  qu’on  le  prépare  en  grand 
à Londres  , d’oîi  il  éioit  envoyé  autrefois  dans 
toute  l’Europe,  fous  le  nom  de  fl  volatil  d' An- 
gleterre ; aujourd’hui  on  fait  préparer  ce  fel  par- 
tout. Le  réfidu  de  cette  opération  efl  du  muriate 
calcaire  avec  excès  de  chaux , ordinairement  fon- 
du, lorfqu’on  a donné  un  bon  coup  de  feu  fur 
la  fin  de  l’opération. 

Les  ufages  du  fpath  & des  matières  calcaires 


1 74  E L É M E N S 

en  général  font  fort  étendus , ainlî  que  nous 
l’avons  déjà  fait  obferver  en  traitant  de  leur 
hiftoire  naturelle*  Mais  un  des  plus  importans  , 
eft  la  préparation  qu’on  leur  fait  fubir  pour  les 
changer  en  chaux.  L’art  du  chaufournier  con- 
fiée à décompofer  les  matières  calcaires  par 
l’aétion  du  feu , & à leur  enlever  leur  acide.  Les 
pierres  chargées  de  coquilles,  les  marbres,  & 
la  plupart  des  fpaths  calcaires  font  celles  de  ces 
fubftances  qui  donnent  la  meilleure  chaux.  Ce- 
pendant on  fe  fertplus  communément,  fur-tout 
aux  environs  de  Paris , d’une  efpèce  de  pierre 
calcaire  dure , que  l*on  nomme  pierre  à chaux . 
On  arrange  ces  pierres  dans  une  efpèce  de  four 
ou  de  tourelle  , de  manière  qu’elles  forment  une 
voûte;  on  allume  fous  cette  voûte  un  feu  de 
fagots , que  l’on  continue  jufqu’à  ce  qu’il  s’élève 
une  flamme  vive , fans  fumée  , à environ  dix 
pieds  au-deffus  du  four , & jufqu’à  ce  que  les 
pierres  foient  dune  grande  blancheur.  On  com- 
mence aujourd’hui  à fe  fervir  aux  environs  de 
Paris  de  charbon  de  terre  & de  tourbe  pour  la 
cuiffon  de  la  chaux. 

Pour  que  la  chaux  foit  bonne  , elle  doit  être 
dure , fonore  , s’échauffer  promptement  & for- 
tement avec  l’eau , & donner  une  fumée  épaiffe 
dans  fon  extin&ion.  Si  elle  n’a  pas  été  affez  cal- 
cinée, elle  eft  moins  fonore , & elle  ne  s’échaude 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  175 
que  peu  6c  lentement  avec  l’eau  ; fi  elle  l’a  été 
trop,  elle  efi  à demi- vitrifiée  ; elle  rend,  lorf- 
qu’on  la  frappe,  un  fon  trop  clair;  6c  elle  ne 
peut  plus  s’unir  facilement  avec  l’eau.  Les  chau- 
fourniers la  nomment  alors  chaux  brûlée . Nous 
ne  parlerons  pas  des  ufages  de  la  chaux , parce 
que  nous  en  avons  traité  dans  i’hilloire  de  cette 
fubfiance  pure. 

Nous  ajouterons  ici  que  le  carbonate  calcaire 
qui  fe  trouve  mêlé  en  irès-petiis  fragmens  avec 
le  fulfate  calcaire  eu  le  gypfe  , 8c  qui  efi:  dé- 
pofé  dans  les  montagnes  par  grandes  couches 
ordinairement  régulières,  fiparées  par  des  bancs 
de  glaife  & de  marne  , comme  on  l’obferve  dans 
tous  les  environs  de  Paris,  confiitue  la  pierre  à 
plâtre  la  plus  utile  pour  la  bâtifie.  Quoique  nous 
ayons  déjà  parlé  de  cet  objet  à l’article  du  fulfate 
calcaire,  nous  croyons  devoir  y revenir  encore 
ici , ÔC  entrer  dans  un  aflez  grand  détail  , pour 
fuppléer  à cet  égard  à ce  qui  manque  dans  tous 
les  ôuvrages  d’hiftoire  naturelle  Sc  de  chimie. 

Nous  devons  d’abord  r<  ppeller  que  le  füifaie 
calcaire  pur  ne  donne  par  la  ca'ciiiation  que  du 
plâtre  fin , qui  ne  fait  qu’une  pâle  incohérente 
avec  l’eau,  6c  que  l’on  emploie  pour  couler 
des  fiatues  ; tout  le  monda  fait  que  cette  pâte 
defiechée  efi  très-çaffante  6c  n’a  aucune  tena- 


I76  ËLÉMENS 

cité  , qu’elle  fe  brile  au  moindre  effort  ; ceîat 
dépend  de  ce  que  cette  matière  la'ine  , en  re- 
prenant l’eau  qu’elle  a perdue  par  la  calcina- 
tion, forme  une  maffe  égale  6c  homogène  dans 
toutes  les  parties.  11  n’en  eft  pas  de  même  du 
plâtre  propre  à bâtir.  La  pierre  qui  le  fournit 
à Montmartre  6c  daiià  tous  les  endroits  qui 
contiennent  ce  minéral  , eli  utie  forte  de  brèche 
formée  de  très-paits  crydaux  grenus  de  fulfate 
de  chaux , 6i  de  âmes  très-tenues  de  carbonate 
calcaire;  on  y reconnoît  la  j.réfence  de  ce  der- 
nier en  mettant  une  goutte  d’acice  nitrique  fur 
la  pierre  ; il  le  produit  une  vive  effervefcence 
due  au  dégagement  de  l’acide  caibonique  ; en 
,faifant  uhioudre  un  poids  donné  de  pierre  à 
plâtre  de  Montmartre  dans  fufHfante  quantité 
d’eau-forte,  tout  le  carbonate  calcaire  eft  dé- 
compofé  à mefure  que  la  chaux  s’unit  à l’acide 
nitrique  , 6c  il  ne  relie  plus  que  le  fwlfate  ca  caire 
qui  eit  inioiuble  dans  cet  acide  ^ on  trouve  par 
cette  expérience  que  le  carbonate  calcaire  varie 
en  proportion  dans  les  différentes  pierres  à plâ- 
tre , 6c  que  dans  la  meilleure  il  fait  plus  du 
tiers  de  fa  maffe. 

Ce  point  une  fois  bien  démontré  fur  la  na- 
ture mélangée  de  la  pierre  à plâtre  , il  efl  fort 
aifc  de  concevoir  les  phénomènes  que  prélente 

1« 


d’Hist.  Ntaty  êt  de  Chimie.  177 
le  plâtre  à bâtir  clans  fa  cuiffon  , dans  Ton  ex- 
tin&ion  &c  dans  fon  endurciilemenr.  Quand  on 
cuit  ce  fel  terreux, le  fulfate  calcaire  qu’il  con- 
tient perd  fon  çau  de  criftallifaîion  &c  devient 
friable , le  carbonate  calcaire  perd  fon  acide  & 
paffe  à l’état  de  chaux;  d’après  cela  le  plâtre  bien 
cuit  eft  âcre  & alcalin  , il  verdit  le  fyrop  de 
violettes  , il  s’échauffe  avec  les  acides  fans 
faire  d’effervefcence,  il  perd  (fa  force  à l’air,  à 
mefure  que  la  chaux  vive  qui’il  contient  s’éteint 
en  attirant  l’acide  carbonique  & l’eau  de  l’atmof 
phère;  il  abforhe  l’eau  avec  chaleur  ^ quand  on 
le  gâche;  quant  à la  folidité  qu’il  prend  très- 
promptement  comme  tout  le  monde  le  fait, 
cette  propriété  eft  l’inverfe  de  celle  de  la  chaux 
pure  , elle  eft  due  à ce  que  la  chaux  vive  ayant 
d’abord  abforbé  l’eau  qui  lui  eft  néceffaire  pour 
fon  exiin&ion , le  fulfate  calcaire  qui  eft  inter- 
pofé  entre  fes  molécules  en  attire  une  portion  , 
& fe  crifta'lifant  fubitement , produit  l’effet  du 
fable  ou  du  ciment  dans  le  mortier,  en  liant  êk. 
en  accrochant , pour  ainft  dire , enfemble  les 
parcelles  calcaires. 

On  connoît  enfin  , d’après  cette  théorie , 
pourquoi  le  plâtre  fe  conferve  bien  par  la 
chaleur  & la  féchereffe  , tandis  qu’il  fe  dé- 
truit & s’enlève  promptement  par  l’humidité. 
Les  deux  principes  falins  & foîubles  dans 

Tome  II,  M 


178  E L É M E N S 

l’eau  qui  le  conftituent  font  la  caufe  de  ceâ 

phénomènes. 

fil— BlüJiM— ■ nm  M— ! 

CHAPITRE  VIII. 

Genre  IV.  neutres  a base  d£ 

MAGNESIE  OU  SELS  MAGNESIENS . 

On  a déjà  vu  dans  l’hiftoire  des  acides  que  la 
magnéfie  fe  combine  très-bien  avec  ces  fels, 
qu’elle  forme  dans  ces  combinaifons  des  fels 
neutres  diffiérens  de  ceux  que  conftituent  tou- 
tes les  autres  bafes.  Ces  fels  ne  font  pas  encore 
entièrement  connus,  Sc  ils  n’ont  point  été  l’objet 
des  recherches  de  beaucoup  de  chitniftes.  Le 
célèbre  M.  Black  eft  le  premier  qui  les  ait  bien 
diftingués  ; on  les  confondoit  avant  lui  avec  les 
fels  à bafe  terreufe  en  général. 

Les  fels  magnéfiens  ont  des  caractères  géné- 
riques qui  les  difîinguent;  ils  font  prefque  tous  1 
amers  & falés,  la  plupart  criftallifent  réguliè-  1 
rement  quoique  difficilement  ; la  plupart  font  £ 
très-folubles  dans  Feau  , quelques-uns  attirent 
snême  l'humidité  de  l’air;  ils  font  plus  décorn- 
pofables  que  les  fels  ammoniacaux  &:  calcaires  , 
iis  cèdent  leurs  acides  à la  baryte  , à la 
chaux  , aux  deux  alcalis  fixes  , ôc  en  partie  à 


1 


d'Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  1791 
l’ammoniaque  ; cette  dernière  fubftance  reffe 
en  partie  unie  aux  acides  en  même-temps  que 
la  magnefle  , & forme  alors  des  fels  triples 
ammoniaco-magnéfiens. 

Nous  examinerons  dans  ce  chapitre  fix  de 
ces  fels  , favoir  le  fulfate  m3gnéfien  ou  le  fel 
d’Epfom  , le  nitrate  magnéfien  , le  inuriate 
magnefien,  le  borate  magnéfien,  le  fluate  ma-> 
gnéfien  & le  carbonate  magnéfien. 

Sorte  I.  Sulfate  de  magnésie  ou  Sel  d’Epsom. 

Le  fel  neutre  formé  par  l’acide  fulftirique  uni 
à la  magnéfie  a été  appell éfeUEpfom,  à raifon 
du  lieu  d’oii  on  le  droit  autrefois  en  plus  grande 
quantité  : c’eft  une  fontaine  d’Angleterre.  Il 
exifte  encore  dans  les  eaux  d’Egra,  de  Sedlitz, 
de  Seydfchutz.  Son  véritable  nom  efl  fulfate  de 
magnifie  ou  fulfate  magnéfien . 

Ce  fel  a une  faveur  très -amère,  auffi  ]UJ 
a-t-on  donné  le  nom  de  fel  cathar clique- amer . H 
eft  dans  le  commerce  fous  la  forme  de  très- 
petites  aiguilles  terminées  par  des  pyramides 
fort  aigues  ; dans  cet  état  il  reffemble  affez  au 
fulfate  de  foude  ou  fel  de  Glauber  , mais  fit 
faveur  eft  plus  amère,  il  ne  s’effleurit  point  à 
l’air  , & fa  criftallifation  ett  bien  différente  lorf- 
qu’elfe  eft  très  - régulière  ; on  l’obtient  en  le 
îaiffant  criftallifer  fpontanément  fous  la  formg 

M ij 


ïSo  É L É M E N 5 

de  beaux  prifmes  quadrangulaires  , terminés  par 
des  pyramides  également  quadrangulaires  ; les 
faces  de  fes  prifmes  & de  fes  pyramides  font 
lifl’es  & fans  canelures , & fes  criltaux  font  en 
général  plus  courts  & plus  gros  que  ceux  du 
fulfate  de  foude;  d’ailleurs  toutes  fes  autres  pro- 
priétés le  diflinguent  de  ce  fel  neutre  parfait , 
comme  on  va  le  voir. 

Le  fulfate  de  magnéfie  retient  allez  d’eau  de, 
criftallifation  pour  être  en  état  d'éprouver  , 
comme  le  fulfate  de  foude  & le  borax,  la  liqué- 
faction aqueufe.  Il  fe  fond  à la  plus  légère  cha- 
leur ; il  fe  prend  en  une  malle  informe  par 
le  refroidiflement.  Lorfqu’on  le  lailfe  fur  le  feu, 
après  qu’il  a éprouvé  la  liquéfaction  aqueufe , 
il  fe  defsèche  en  une  malfe  blanche  , friable , 
qui  n’eli  que  le  fel  privé  de  fon  eau  de  crif- 
taliifation,  &:  dont  la  nature  n’a  point  changé. 
Il  faut  un  feu  extrême  pour  faire  éprouver  une 
véritable  fufion  ignée  au  fulfate  magnéfien  del- 
féché.  Ce  fel  contient  près  de  la  moitié  de  fon 
poids  d’eau  de  criftallifation. 

Macquer  & plulieurs  chimides  ont  dit  qu’il 
s’humeCte  légèrement  à l’air , &:  que  cette  pro- 
priété peut  fervir  à le  faire  diltinguer  du  fulfate 
de  foude  qui  s’y  edleurit.  Mais  Bergman  annonce, 
au  contraire,  qu’expofé  à un  air  fec , le  fulfate 
magnéfien  perd  d’abord  fa  tranfparence , & 


d’Hist*  Nat.  et  de  Chimie.  181 
fe  réduit  à la  fin  en  une  poudre  blanche  ; & il 
avance  que  celui  qu’on  vend  en  petites  aiguilles 
efi  humide  &c  déliquefcent  à caufe  du  muriate  de 
magnéfie  qu’il  contient.  M.  Butini , citoyen  de 
Genève,  à qui  l’on  doit  de  fort  bonnes  recher- 
ches fur  la  magnéfie  , dit  avoir  trouvé  dans  le 
fel  d’Epfom  d’Angletterre  du  fulfate  de  foude 
ou  fel  de  Glauber , auquel  on  pourroit  attribuer 
cette  efilorefcence  ; mais  le  fulfate  de  magnéfie 
bien  purifié  quoique  perdant  un  peu  de  fa  trans- 
parence à l’air  , n’eft  point  à beaucoup,  près 
efflorefeent  comme  le  fulfate  de  foude , qui  fe 
réduit  entièrement  en  poufiîère  au  bout  d’un 
certain  tems. 

Le  fulfate  de  magnéfie  eft  fi  diffoluble  dans 
l’eau,  qu’il  ne  demande  pas  deux  parties  de  ce 
fluide  froid  pour  être  tenu  en  diffolution,  & que 
l’eau  chaude- peut  en  difloudre  près  du  doufi^ 
de  fon  poids.  Il  fe  crifiallife  par  le  refroïdÿW^-' 
ment;  mais  pour  l’avoir  très-régulier,  i'l!  fh'iiJt 
Iaiffer  évaporer  fpontanément  une  difioîution'jde 
ce  fel  faite  àê froid. 

Ce  fel  n’ë prouve  aucune  alteration  de  la  part 
des  terres:  fiiicéé  &:  alumineufe.  • 

La  baryte  le  clécompofè- parce  qu’elle  a plus 
aL’affinité  avec  l’acide  fifi’füri'que  que  n’en  a la 
«magnéfie."  s ■ v • ' ",  i 

La  chaux  le  déçompofe  par  la  meme  raifoni 

-M  iij 


ïSl  Ê L É M T.  N S. 

Si  l’on  met  un  peu  de  fulfate  de  magnéfie  dans 
de  l’eau  de  chaux,  ou  fi  l’on  verfe  cette  dernière 
dans  une  diffoîution  de  ce  Tel , il  fe  forme  un 
précipité  dû  à la  magncfie  & au  fulfate  calcaire. 
Cette  précipitation  effc  un  caractère  $ur  pour 
diûinguer  le  fulfate  magnéfien  de  celui  de 


foude. 

Les  alcalis  fixes  purs  décompo.fent  aufii  le 
fulfate  de  magnéfie.  L’ammoniaque  cauftique 
ayant  la  même  propriété  , tandis  qu’elle  ne  dé- 
compofe  pas  le  fulfate  calcaire , il  efi  démontré 
que  ce  fêla  p1us'drafifiraté avec  l’acide fulfurique 
que  n’en  a la  magncfie  , & qu’il  en  a moins  que 
la  chaux  ; il  peut  donc  fervir  à faire  diftinguer 
dans  les  eaux  la  préfence  du  fulfate  magnéfien. 
C’efi  ainfl  qu’on  obtient  par  l’ammoniaque  cauf- 
' tique  la  magnéfie  pjure,  dont  nous  avons  fait 
^hifloirê  au  commencement  des  matières  falines. 
-ée^gman  a vu  cependant  que  l’ammoniaque  ne 
±pr&ci|)ite  point  complètement  la  magnéfie  du  fel 
fd’Epfom  , & qu’il  y a une  partie  de  ce  fel  qui 
refie  fans  déccmpofirion.  La  liqueur  après  ce 
njqlange  tient  en  difTolution  du  fvdfaîe  ammor 
niacal  & du  fulfate  magnéfien  ; les  ichimiftes  ont 
découvert  que  ces  deux  fels  formeofr-'enfemble 
une  efpèce  de  fel  triple  , ou  compofe  d’un  acide 
&:  de  deux  bafesj  mais  pour  éviter/ l’erreur-, 
remarquons  que  quoique  ces  Tels  fe  trouvent 


b’Hist.  Nat,  et  de  Chimie.  183 
dans  la  même  eau,  l’un  efl  formé  par  Fa  ci  de 
fulfurique  uni  à l’ammoniaque  , & Fautre  par 
le  même  acide  combiné  avec  la  magnifie  ; 
tous  les  deux  onr  une  portion  différente  d’acideÿ 
& ce  n’efi  pas  la  même  qui  adhère  en  même- 
îems  aux  deux  bafes  ; mais  ces  deux  fulfates- 
ont  une  affez  forte  attraûion  l’un  pour  l’autre,, 
ils  fe  criflallifent  enfemble  , & e’efi:  .cette  union- 
opérée  par  la  crifial'lifation  qn’on  peut  appe- 
ler fil  triple  ou  Julfatt  ammoniaco  - magne* 
fun0 

On  ne  connoît  pas  encore  bien  l’aéiion  du 
fulfate  magnéfien  fur  les  Tels  neutres  à bafe 
d’alcalis  fixes  & d?ammoniaque.  Il  eft  probable 
qu’il  décompoferoit  les  fels  nitriques  & muriati- 
ques de  ces  deux  genres  par  une  double  affinité. 

M„  Quatremère  Dijonval  afïure  dans  une 
lettre  à M.  de  Morveau,  (Journal  de  phyflque, 
mai  1780  , vol.  XVII , pag.  391  , ) que  îorfqu’on 
linit  une  diffolution  de  fulfate  de  magnéfie  avec 
une  diffolution  de  fulfate  ammoniacal,  il  s’opère 
une  précipitation  totale  du  premier  fel  fans 
décompofition;  celui-ci , dit-il  , tombe  ali  fond 
du  verre  fous  la  forme  de  criftaux  affez  gros , 
qu’on  peut  reconnoître  par  la  faveur  , &c.  Il 
attribue  cet  effet  ù ce  que  fe  fulfate  ammoniacal 
eft  fufceptible  de  s’emparer  de  l’eau  du  fulfate 
de  magnéfie , qu’il  croit  être  très-cri  ftnllifable* 

M iv 


184  É L É M E N S 

Mais  c’eft  une  erreur  , puifque  le  Tel  criftallifé 
dans  cette  opération  eft  un  vrai  fel  triple  ou 
fu'fate  ammoniaco-magnéfien , comme  je  m’en 
fuis  affuré  par  l’expérience. 

Quant  aux  Tels  carboniques,  il  eft  certain  que 
le  fulfate  magnéfien  les  décompole,  àc  qu’il  eft 
décompofé  par  eux.  Lorlqu’on  verfe  une  dif- 
folution  de  carbonate  de  potafte  ou  de  foude 
dans  une  diffolution  de  fulfate  de  magnéfie , il 
y a alors  double  décompofttion  double  com- 
binailon.  L’acide  fulfurique  du  fel  d’Epfom  s’u- 
nit aux  alcalis  fixes  , l’acide  carbonique  qui 
fe  fépare  de  ces  derniers  fe  reporte  fur  la 
magnéfie  , forme  avec  elle  un  fel  neutre  , 
connu  fous  le  nom  de  magnéfie  douce  ou  effer- 
vefc&nte  , & que  nous  nommerons  carbonate  de 
magnéfie.  C’eft  par  ce  procédé  que  l’on  prépare 
la  magnéfie  douce  dont  on  fait  ufage  en  mé- 
decine , comme  d’un  très -bon  purgatif.  Nous 
décrirons  très  en  détail  cette  opération  à la  fin 
de  ce  chapitre. 

Une  difidùition  de  fulfate  de  chaux,  mêlée 
avec  iirçe  diffolution  de  fif  faite  de  magnéfie, 
offre  la' précipitation  de  ce  dernier,  fuivant 
M.  Dijgnval,  quoique  ce  phénomène  foit  peu 
ftnfible  à c,uife  de  la  petite  quantité  de  fulfate 
calcaire  tenue  en  diffolution.  Le  nitrate  & le 
mnriate  calcaires  décompofeht  auffi  le  fulfate 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie. 
cle  magnéfie  , &:  font  décompofés  en  même- 
tems  par  ce  Tel  ; mais  nous  ne  croyons  pas  que 
l’on  puiffe  en  conclure , avec  M.  Dijonval  , 
que  les  acides  nitrique  & muriatique  ont  plus 
d’affinité  avec  la  magnéfie  , que  n’en  a l’acide 
fulfurique , pùifque  dans  ces  expériences  on  doit 
nécefiairement  tenir  compte  des  attractions  élec- 
tives doubles. 

Bergman  dit  que  le  quintal  de  fulfate  de 
magnéfie  criftallifé  contient  dix-neuf  parties  de 
magnéfie  pure , trente-trois  d’acide  fulfurique  , 
& quarante- huit  d’eau. 

Le  fulfate  de  magnéfie  ou  fel  d’Epfom  efi: 
employé  en  médecine  avec  beaucoup  de  fuccès. 
C’eft  un  purgatif  fort  utile , & qui  jouît  en 
même-temps  de  la  propriété  fondante.  On  le 
préfère  même  aux  autres  fels  purgatifs  à caufe 
de  fa  grande  diffolubilité.  On  l’adminiftre  , ou 
feul , diffious  dans  l’eau  , depuis  une  once  jufqu’à 
deux , ou  comme  adjuvant ,,  à la  dofe  d’un  à 
deux  gros.  Il  minéralife  la  plupart  des  eaux 
purgatives  naturelles  , & fpécialement  celles 
d’Egra , de  Sedlitz  , de  Seydschutz,  mais  il  y eft 
toujours  accompagné  de  muriate  de  magnéfie. 

Sorte  II.  Nitrate  magnésien. 

Le  nitrate  magnéfien  appelé  jufqu’ici  par  les 
chimifies  nitre  de  magnéfie  ou  magnéfie  mirée  % 


J 36  Élément 

a été  examiné  par  Bergman.  Cet  ilîuffre  chi- 
mifte  dit  que  la  diffolution  de  ce  fel  fait  par 
Fart , donne  après  une  évaporation  convenable 
des  criftaux  prifmatfqites  , quadrangulaires , fpa- 
thiques,  fans  pyramides. 

Ce  fel  a une  faveur  acre  & trcs-amère;  il  fe 
décompofe  par  la  chaleur;  il  attire  l’humidité 
de  l’air.  Il  efï  très-diffoluble  dans  Feau;on  ne 
l’obtient  criffaliifé  que  par  une  évaporation  lente; 
& r on  ne  connoît  même  pas  afiez  bien  les 
loix  de  fa  criftaliifation  , peur  le  faire  paroître 
à volonté  feus  fa  forme  régulière , comme 
cela  a lieu  pour  un  grand  nombre  d’autres  fels. 
La  baryte  , la  chaux  &c  les  alcalis  fixes  le  décom- 
pofent. 

Comme  le  nitrate  magnéfien  fe  trouve  di flous 
dans  les  eaux  mères  du  nitre,  M.  de  Morveau- 
a propofé  d’en  retirer  en  grand  la  magnéfie  , 
en  les  précipitant  par  "l’eau  de  chaux.  Ce  pro- 
cédé pourroit  être  très-avantageux  par  la  faci- 
lité de  fort  exécution  & le  peu  de  frais  qu’il 
demande  ; mais  le  même  chimifle  ayant  obfervé 
que  Beau  de  chaux  récente  précipite  le  nitrate 
calcaire  bien  pur , lorfque  celui-ci  ne  contient 
point  allez  d’eau  de  diffolution,  la  magnéfie 
qu’on  obtiendroit  par  ce  procédé  n’auroit  point 
le  degré  de  pureté  convenable  à un  médicament 
aulli  mile  , fi  l’on  n’opéroit  pas  cette  précipita- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  i S7 
tion  fur  des  eaux-mères  étendues  d’une  très- 
grande  quantité  de  liquide. 

L’acide  fulfurique  6c  l’acide  fluorique  déga- 
gent l’acide  du  nitrate  de  magnéfie.  L’acide  bora- 
cique  le  fépare  suffi  à l’aide  de  la  chaleur , 6c  a 
raifon  de  fa  fixité.  Telles  font  les  propriétés  de 
ce  fel  indiquées  par  Bergman. 

M.  Quatremère  Dijonval , qui  a fait  des  re- 
cherches fur 1 plu fieurs  combinaifons  de  la  ma-4 
gnéfie,  a trouvé  dans  le  nitrate  magnéfien  quel- 
ques propriétés  très-différentes  de  celles  annon- 
cées par  le  chimiffe  d’Upfal.  11  dit  avoir  obtenu 
de  criitiux  non  déliquefcens  du  nitrate  ma- 
gnéfifri,  6c  il  ajoute  meme  que  les  fels  ma- 
gnéfiens  font  autant  criftallifables  & portés  à 
s’effieurir  que  les  fels  calcaires  font  avides  d’hu- 
midité. 

Le  nitrate  de  magnéfie  paroît  être  fufceptible 
de  décompofer  , à l’aide  des  affinités  doubles, 
les  fulfates  de- poïafTe , de  foude  & d’ammonia- 
que j mais  ces  dëcompofitions  ne  font  point 
fenfiblés  dans  le  mélange  des  diflbluîions  de  ces 
différens  fe-ls  i ebnîme  dans  Celles  'qui  font  opé- 
rées par  fé;-nitfà?e)  c&’lcaire,  parce  que  les  nitrates 
de'  potaffiéT  de  . fëhde  6c  d?ammoniaque,  ainfi 
que  le  flufate*'-  dè^ittagnéfie  , qui  en  réfultent , 
font  tous  îrè-S-fpkïiales  dans  l’eau,  tandis  que 
le  fulfàte'dë  chauxT  formé -dansJa  décompofirion 


-*88  É L É M E N 5 

du  fulfate  de  potaffe,  de  foude  & d’ammoniaque 
par  le  nitrate  calcaire , préfente  un  précipité  très- 
abondant.  Cependant  on  peut  fe  convaincre  de 
l’efFet  de  ces  affinités  doubles  opérées  par  le  ni- 
trate magnéfien  en  évaporant  les  liqueurs.  On 
trouve  les  nitrates  formes  par  le  tranfport  des 
alcalis  fur  l’acide  nitrique  , Ôc  le  fulfate  de  ma* 
gnéfie  réfultant  de  l’union  de  l’acide  fulfurique 
des  felsdécompofésavec  labafe  du  nitrate  magné» 
lien.  , ' 

M.  Dijonval  a annoncé  un  fait  digne  de  toute 
l’attention  des  chimiftes.  C’efi  la  précipitation  du 
nitrate  magnéfien,  opérée  par  le  nitrate  cal- 
caire. Lorfqu’on  môle,  dit  M.  Dijon  val,  des 
diffolutions  tranfparentes  bien  pures  de  ces 
deux  fels , le  nitrate  de  magnéfie  fe  dépofe  fur- 
ie-champ fous  la  forme  criftalline  , & fans  être 
décompofé  en  aucune  maniéré  ;tla  liqueur  retient 
en  diffiolution  le  nitrate  calcaire.  Il  eft  très-fm- 
gulier  que  deux  fels  qui , féparés , ont  affez 
d’eau  pour  être  diffous  parfaitement,  préfen- 
tent  dans  leur  mélange  la  précipitation  & . la 
criftallifationfubite  de  l’undes^ux,  jyi.  DijonyaJ 
penfe  , comme  nous  bavons,  déjà  annoncé  plus 
haut,  que  cela  dépend  de.  la  grande  .tendance 
du  nitrate  calcaire  pour  s’unir  à Celef 

pouvant,  fuivant  lui,  abforber  une  plus  grande 
quantité  d’eau  que  celle  qui  lui  eft  néçeilairt 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  1S9 
pour  être  tenu  en  diffolution  , dès  qu’on  mêle 
avec  lui  une  diffolution  de  nitrate  de  magnéfie  - 
qui  d’ailleurs  tend  fortement  à fe  criflallifer  , 
il  s’empare  auffi-tôt  de  Peau  de  criflallifation  de 
ce  dernier , & alors  le  nitrate  de  magnéfie  n’étant 
plus  équipondrable  à la  quantité  d’eau  qui  le 
foutenoit , fe  précipite  fous  fa  forme  criflalline. 
Cette  explication  ne  paroît  pas  lever  plufieurs 
difficultés  qu’il  efl  poffiible  de  lui  oppofer. 
Comment  en  effet  un  fel  , quelque  diffoluble 
qu’il  foit , & quelque  tendance  qu’il  ait  pour  fe 
combiner  avec  l’eau,  peut-il  s’emparer  de  l’eau 
de  criflallifation  d’un  autre  fel,  lorfqu’il  eft  lui- 
même  uni  à une  affez  grande  quantité  d’eau  pour 
être  tenu  en  diffolution  ? Si  l’on  répond  qu’il 
n’efl  pas  faturé  d’eau  , il  exifte  donc  un  point 
de  faturation  où  le  nitrate  calcaire  ceffieroit  de 
faire  ainfi  précipiter  le  nitrate  de  magnéfie  ; Sc 
c’eflce  qu’il  auroit  été  néceffairede  démontrer. 
Cette  fuppofition  même  admife , comment  le 
nitrate  calcaire  s’empareroit-il  de  l’eau  de  criflal- 
lifarion  du  nitrate  magnéden,  tandis  qu’il  peut 
abforber  celle  qui  tient  en  diffolution  ce  même 
fel , avant  de  lui  enlever  la  portion  de  ce  fluide 
qui  doit  faire  partie  conflituante  de  fes  criflaux  ? 
Enfin  , comment  peut-on  concevoir  dans  cette 
explication,  que  le  nitrate  magnéfien,  privé  de 
l’eau  de  fa  criflallifation  par  le  nitrate  calcaire  , 


Ï9<*  Ê L E M E N S 

foit  fufceptible  de  fe  précipiter  fur-le- champ  fous 
la  forme  criftailine,  tandis  qu’il  a perdu  un  des 
élémens  de  les  criftaux  ? Nous  croyons  d’après 
ces  obfervations  , qu’il  a échappé  à M.  Dijon- 
val  quelques  circonftances  dans  le  phénomène 
qu’il  a obfervé  , & qu’il  tient  à une  caufe  qu’on 
ne  connoîtra  bien  que  lorsqu’on  aura  répété  &Z 
varié  cette  expérience  de  beaucoup  de  manières 
différentes,  relativement  à la  quantité  d’eau,  des 
fels,  à la  température  , &c. 

Le  nitrate  magnéfien  n’eft  d’aucun  ufage  dans 
les  arts  ni  dans  la  médecine.  Sa  faveur  forte  , fa 
déliquefcence  & toutes  fes  propriétés  annoncent 
qu’il  auroit  une  forte  aèfion  fur  l’économie  ani- 
male, & il  feroit  fort  à défirer  qu’on  l’effayât 
comme  fondant  incifif  dans  tous  les  cas  oii 
lesmédicamens  de  ce  geme  font  indiqués. 

Sorte  III.  Muriate  magnésien. 

Ce  fel  qui  efl  la  combiaaifon  faturée  d’acide 
muriatique  & de  magnéfie  , exifle  dans  toutes  les 
eaux  falées,  & dans  toutes  celles  qui  tiennent 
du  fulfate  de  magnéfie  en  diffolution,  comme  les 
eaux  d’epfom  , d’Egra  , de  Sedlitz  , de  Seyds- 
cbutz  & beaucoup  d’autres  ; il  eft  infiniment 
plus  commun  qu’un  ne  l’a  cru. 


'■j 


J 


d’Hîst.  Nat.  et  de  Chimiè.  19 1 

Le  muriate  magnéfien  a une  faveur  très-amère 
& très-chaude.  Bergman  dit  qu’on  ne  peut  l’ob- 
. tenir  criftaliifé  qu’en  expofant  fubitement  à un 
grand  froid  fa  diffioktion  fortement  concentrée 
par  l’évaporation.  Il  eft  alors  fous  la  forme  de 
petites  aiguilles  tiès-déliquefcentes.  Cette  difio- 
îution  offre  le  plus  fouvent  une  gelée  îranfpa- 
rente.  M.  Dijonval  qui  annonce  avoir  obtenu 
ce  fel  fous  une  forme  régulière  & permanente, 
croit  même  qu’il  efî  plutôt  effiorefcent  que  déli- 
quefcent. 

Le  muriate  de  magnifie  fe  décompofe,  &C 
perd  fon  acide  par  l’adion  du  feu.  Lts  dernières 
portions  d’acide  ne  fe  dégagent  qu’avec  beau- 
coup de  difficulté } la  magnéfie  refte  cauftique 
après  cette  opération. 

Ce  fel  expofé  à l’air  parcîfen  attirer  puiffiamment 
l’humidité  &fe  réfoudre  promptement  en  liqueur* 
Bergman  &c  beaucoup  d’autres  chimiftes  ont  re- 
connu cette  propriété  ^ M.  Dijonval  efl  le  feid 
qui  ait  annoncé  que  le  muriate  de  magnéfie  , 
comme  le  nitrate  magnéfien,  s’effleurifloit  plutôt 
que  de  s’hume&er  ; mais  cette  affertion  demande 
à être  confirmée  par  de  nouvelles  expériences. 

Le  muriate  magnéfien  eft  très-foluble  dans 
i’ëau;  il  paroît  même  qu’il  ne  lui  faut  qu’un 
poids  de  ce  liquide  égale  au  fieu  pour  être  terni 


x92  Élémens 

en  diffo’ution.  II  eff  très-difficile  de  l’obtenir 
bien  criftallifé;  l’évaporation  à l’aide  de  la  cha- 
leur ne  réuffit  que  très-mal , parce  qu’il  faut 
épaiffir  beaucoup  la  liqueur  qui  en  fe  refroi- 
diffant  prend  prefque  toujours  la  confiffance 
géîatineufe;  il  y a plus  d’efpoir  de  réuffir  en 
laiffant  évaporer  fpontanément  dans  les  chaleurs 
de  l’été  une  diffolution  de  ce  fel  bien  pur  ; encore 
ce  moyen  ne  fournit-il  des  criftaux  qu’avec 
beaucoup  de  difficultés. 

Le  muriate  de  magnéfie , chauffé  dans  une 
cornue  avec  la  terre  filicée  & l’argile,  donne 
fon  acide;  mais  comme  l’a&ion  du  feu  feul  le 
dégage , on  ne  peut  point  attribuer  cette  décom- 
pofuion  aux  terres. 

La  baryte  Sc  la  chaux  décompofent  ce  fel 
& en  précipitent  la  magnéfie.  Comme  les  eaux 
mères  du  muriate  de  foude  des  fontaines  falées 
contiennent  du  muriate  de  magnéfie  mêlé  avec 
le  muriate  calcaire,  on  pourroit  en  précipiter 
en  grand  à peu  de  frais  la  magnéfie  par  le 
moyen  de  l’eau  de  chaux. 

Les  alcalis  fixes  & l’ammoniaque  cauffique 
ont  plus  d’affinité  avec  l’acide  muriatique  que 
n’en  a la  magnéfie,  & précipitent  cette  dernière 
du  muriate  magnéfien.  La  liqueur  tient  en  diffo- 
lution des  muriates  de  potaffe , ou  de  foude  ou 
d’ammoniaque , fuivant  la  nature  de  l’alcali  qu’on 

a 


d’Hist.  Nat.  TEir  de  Chimie.  193 
a esnployé  pour  cette  décompofition.  L’ammo- 
niaque ne  le  décompofe  pas  complètement,  ôc 
forme  un  fel  muriatique  triple  cryftallifable,  avec 
la  portion  fubfiftante  de  muriate  magnéfien. 

Les  acides  fulfurique  & nitrique  décompofent 
ce  fel , & en  féparent  l’acide  muriatique  avec 
elfervefcence.  Pour  opérer  ces  décompofitions  , 
il  faut  diftiller  dans  une  cornue  de  verre  un  mé- 
lange d’une  partie  de  ces  acides  & de  deux  parties 
de  muriate  de  magnéfie.  L’acide  de  ce  dernier  fe 
volatilife,  tandis  que  les  deux  autres  plus  puif- 
fans  fe  combinent  avec  la  magnéfie , & forment 
du  fulfate  ou  du  nitrate  magnélîen.  L’acide  bora- 
racique  en  dégage  auffi  l’acide  muriatique  par  la 
chaleur. 

Le  muriate  magnélîen  décompofe  les  feîs  fulfu- 
riques  oi  nitriques  à bafe  d’alcalis  fixes  & d’am- 
moniaque , par  la  voie  des  doubles  affinités  ; 
mais  pour  s’affurer  de  ces  décompofitions , il  faut 
évaporer  ou  mêler  avec  1 alcohol  les  diffioluiions 
de  ces  fels  verfées  fur  la  difioliition  du  muriate 
de  magnéfie,  parce  que  les  matières  lalines nou- 
velles qui  en  réfuîcent  reûent  en  dilfolution  dans 
la  liqueur  aqueufe  après  le  mélange. 

Mis  en  contad  avec  le  muriate  de  potaffe  , 
& tous  les  deux  en  diffolution  , le  muriate  de 
magnéfie  fe  précipite  en  cridaux  , luivant 

Tome.  II,  N 


i s>4  Éléjæens, 

M.  Dijonval , par  la  grande  difpofition  à fa 

criflallifer  qu’il  admet  dans  ce  dernier  , corn' 

». 

parativement  au  muriate  de  potaffe , qui  retient 
l’eau  de  fa  diffolution.  11  eft  encore  très-difficile 
de  concevoir , dans  l’opinion  de  ce  chimifte  , 
comment  un  fel  auffi  peu  foluble  ôc  déliquef- 
cent  que  le  muriate  de  potaffe  , en  comparaifon 
de  ces  deux  propriétés  confidérées  dans  le  mu- 
riate de  magnéfie , peut  s'emparer  de  l’eau  qui 
diffout  ce  dernier.  Si  l’on  mêle  une  diffolution 
de  muriate  magnéfien  avec  une  diffolution  de 
muriate  calcaire,  t ej  premier  fel  fe  précipite  en 
cryffaux  d’après  le  même  chimiffe.  Toutes  ces 
affertions  doivent  être  confirmées  par  de  nou- 
velles expériences  pour  faire  partie  des  élémens 
de  h fcience  chimique.  Il  eft  très-vraifemblable 
que  ces  criffaux  précipités  ne  font  pas  purs , ôc 
& appartiennent  à la  claffe  des  fels  triples. 

Le  muriate  magnéfien  n’eft  d’aucun  ufage  j 
mais  nous  croyons  qu’il  pourra  être  employé 
en  médecine  avec  beaucoup  d’avantage  comme 
purgatif  & fondant  ; les  médecins  en  adminif- 
trent  tous  les  jours  de  petites  quantités;  en  pref- 
crivant  le  fel  d’Epfom , les  eaux  de  Sedlitz,  & 
le  fel  marin  gris  , puifque  ces  fubftances  en  con- 
tiennent toujours. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  19$ 
Sorte  IV.  Borate  Magnésien. 

On  doit  donner  ce  nom  à la  combinaifon 
de  l’acide  boracique  avec  la  magnéfie.  Ce  fel 
n’eft  prefque  pas  connu.  Bergman  a obfervé  que 
lorfqu’on  jette  de  la  magnéfie  dans  une  difld- 
lution  d’acide  boracique,  elle  s’y  difTout , mais 
lentement.  La  liqueur  évaporée  donne  des  cryk 
taux  grenus,  fans  forme  régulière* 

Ce  fel  fe  fond  au  feu  fans  fe  décompofer. 
Les  acides  le  décompofent  en  s’emparant  de  la 
magnéfie , & en  en  féparant  l’acide  boracique, 
L’efprit-de-vin  lui  enlève  aufli  cet  acide,  &laiffe 
la  magnéfie  à nud  ; celle-ci  n’adhère  donc  point 
fortement  à l’acide  du  borax. 

On  ignore,  comme  l’on  voit,  prefque  toutes  les 
propriétés  de  ce  fel,  fur  lequel  les  chimiftes  n’ont 

encore  fait  que  très-peu  d’expériences. 

• « , 

Sorte  V.  Fluate  magnésien; 

La  combinaifon  de  la  magnéfie  avec  î’acido 
fluorique  , qu’on  doit  appeller  fiuau  mapnéfien 
n’efl  pas  plus  connue  que  le  borate  magnéfien* 
Bergman  efl  le  feul  chimifte  qui  en  ait  dit  quel- 
que chofe.  Suivant  lui,  l’acide  fluorique  diflouf 
rapidement  la  magnéfie  j une  grande  partie  de  e$ 

Nij 


*96  É L É M E N S 

fel  fe  dépofe  à mefure  que  la  faturatîon  ap- 
proche. 

La  diflolution  fournit,  par  l'évaporation  fjpon- 
tanée,  une  forte  de  moufle  tranfparente , qui 
grimpe  fur  les  parois  du  vafe , & qui  préfente 
quelques  filets  criftallins  allongés  & très-fins. 
On  obtient  auffi  dans  le  fond  du  vafe  des  crif- 
taux  fpathiques  , en  prifmes  hexagones  termi- 
nés par  une  pyramide  peu  élevée , compofée 
de  trois  rbombes.  Ce  fel  n’éprouve  aucune  alté- 
ration de  la  part  du  feu  le  plus  violent.  Aucun 
acide  ne  peut  le  décompofer  par  la  voie  humide. 
C’efl:  un  des  fels  neutres  fluoriques  qui  mérite- 
roient  un  examen  fuivi  d’après  les  fingulières 
propriétés  que  Bergnanlui  a reconnues. 

Sorte  VI.  Carbonate  de  magnésie; 

Ce  fe1 , nommé  magnéjîe  douce  ou  effervefcente 9 
par  le  do&eur  Black,  qui  l’a  fait  connoître  le 
premier;  efl  formé,  comme  l’indique  le  nom  que 
nous  avons  adopté,  par  la  combinaifon  faturée 
de  la  magnéfie  avec  l’acide  carbonique.  On  le 
prépare  ordinairement  en  précipitant  une  dif- 
fo'ution  de  fulfate  de  magnéfie,  par  les  carbonates 
de  potafie  ou  de  fonde , ainfi  que  nous  l’expofe- 
rons  à la  fin  de  cet  article. 


dHist.  Nat.  et  de  Chimie.  197 

Le  carbonate  de  magnéfie  a le  plus  fc^cnt 
Fafpeét  terreux;  iî  èu  ën  poudre  très- blanche 
cependant  Bergman  & M.  Butini  de  Genève 
Fout  obtenu  cryftallifé  par  le  procédé  que  nous 
décrirons  plus  bas.  Il  eft  fufceptible  de  contenir 
une  plus  ou  moins  grande  quantité  de  fon  acide,. 
Comme  tous  les  fels  carboniques  en  général  , & 
fes  propriétés  varient  fuivant  qu'il  en  eô  plus  ou 
moins  chargé;  fa  faveur  eft  crue  & comme  terreufe 
il  en  a une  plus  marquée  dans  les  intcflins , puif- 
qu’il  eft  purgatif.- 

Lorfqu’on  i’expofe  su  feu  dans  un  creufst,  ce 
fel  perd  l’eau  & l’acide  qui  lui  font  unis^M.  Tin- 
gry,  apothicaire  de  Genève , a obfervé  que  lorf- 
qu’on calcine  en  grand  la  magnéfie  effervefcente, 
elle  bouillonne  & femble  jouir  d’un  mouvement 
de  fluidité  à fia  furface;  ce  phénomène  dépend  du 
dégagement  de  fon  gaz  acide.  Il  s’élève  du  creufèt 
un  léger  brouillard  qui  dépofe  fur  les  corps  en- 
vironnans  une  pouffière  blanche  que  l’onrecon- 
noît  facilement  pour  la  magnéfie  emportée  par 
le  courant  de  l’acide  carbonique.  Si  l’on  y plonge- 
un  corps  chaud,  ce  fel  y adhère  , fuivant  le  même 
obfervateur  ; un  corps  froid  en  emporte  encore 
davantage.  Sur  la  fin  de  l’opération , la  magnéfie 
brille  d’une  lueur  bleuâtre  & phofphorique  très*- 
fenfible  dans  i’obfcurité* 

N it$ 


fï  5?S  Ê L É M E N S 

Si  l’on  calcine  le  carbonate  de  magnéfie  dans 
des  vaifïeaux  fermés  avec  un  appareil  pneu^ 
mato-çhimique,  on  obtient  l’eau  & l’acide  qu’il 
contient,  M.  Butini , qui  a fait  cette  opération 
avec  beaucoup  d’exa&itude,  allure,  d’après  des 
calculs  fur  les  produits  qu’il  a obtenus , que 
trente-deux  grains  de  magnéfie  commune  , ( U 
appelle  ainfi  l’efpèce  de  carbonate  magnéfien 
que  l’on  prépare  pour  la  pharmacie  , & qui  n’eft 
pas  tout-à-fait  faturé  d’acide,  ) contiennent  en-> 
viron  treize  grains  de  terre  pure , douze  grains 
d’acide  & fept  grains  d’eau.  Bergman  eflime  que 
ce  fel  contient , au  quintal , vingt-cinq  ou  trente 
parties  d’acide , fuivant  fon  état , trente  d’eau  & 
quarante^cinq  de  magnéfie  pure.  Si  on  le  chauffe 
plus  fortement,  après  qu’il  a perdu  fon  acide,  il 
s’agglutine  & prend  de  la  dureté  comme  la  ma- 
gnéfie  pure  ou  cauflique. 

Le  carbonate  de  magnéfie  n’éprouve  point 
d’altération  bien  remarquable  de  la  part  de  l’air  5 
cependant  il  (e  pelotonne  dans  l’air  humide  , & il 
paroîtètre  légèrement  déliquefeent. 

L’eau  ne  diront  qu’une  infiniment  petite 
quantité  de  ce  fel,  & cette  diffolubilité  varie 
fuivant  qu’il  contient  plus  ou  moins  d’acide. 
Si  on  le  môle  avec  un  peu  d’eau,  il  forme  une 
efpèce  de  pâte  qui  n’a  que  peu  de  liant , & qui 
sççhç  fans  prendre  ni  confiflance  ni  retraite, 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  199 
En  l’étendant  d’abord  avec  beaucoup  d’eau  , il 
fe  difl’out  à-peu-près  à la  dofe  d’un  quart  de 
grain  par  une  once  de  ce  fluide,  ce  dont  on  peut 
s’afliirer  par  l’évaporation.  Mais  il  exifte  des 
moyens  de  Caire  difïbudre  ce  fel  en  beaucoup 
plus  grande  quantité , comme  nous  le  dirons 
tout-à-l’heure. 

Le  carbonate  de  magnéfie  n’eft  pas  décompofé 
par  les  terres  pures.  La  chaleur  lui  enlève  fon 
acide  avec  lequel  elle  a plus  d’affinité.  De  l’eau  de 
chaux  verfée  dans  une  difiolution  de  ce  fel  occa- 
fionneun  précipité  allez  notable  , quelque  petite 
que  foit  la  quantité  de  ce  Cet  neutre  tenu  en  dif- 
folution dans  l’eau.  Le  précipité eft  du  carbonate 
de  chaux  8c  un  peu  de  magnéfie  cauftique,  qui , 
comme  on  le  fait , eft  prefque  infoluble. 

Les  alcalis  fixes  8c  l’ammoniaque  cauftiqu.es 
le  décompofent  comme  la  chaux,  parce  qu’ils 
ont  comme  elle  plus  d’affinité  avec  l’acide  car- 
bonique que  n’en  a la  magnéfie.  Il  refaite  de 
ces  mélanges  des  carbonates  de  potafte  , de  foude 
8c  d’ammoniaque;  la  magnéfie  pure  8c  cauftique 
fe  précipite.  -<■ 

Les  acides  fulfurique,  nitrique  8c  muriatique 
déçompofent  le  carbonate  de  magnéfte  d’une 
manière  inverfe  , 8c  rendent  l’analyfe  de  ce  feî 
neutre  complète  Ils  s’uniftent  à la  magnéfie 

N iv 


200  É L É M E N S 

avec  laquelle  ils  ont  plus  d’affinité  que  n’en  a 
l’acide  carbonique,  & ils  dégagent  ce  dernier 
acide  fous  la  forme  gazeufe , ce  qui  confiitue  l’ef- 
fervefcence.  On  peut  reconnoître  l’acide  carboni- 
que à fes  caractères  ordinaires.  M.  Butini  aobfer- 
vé  dan^  fes  recherches  que  les  âcideçen  dégagent 
moins  d’acide  carbonique  que  le  feus  &que  cha- 
cun de  ces  fels  fépare  des  quantités  différentes  de 
cet  acide  : qu’ainfi , par  exemple,  l’acide  muriati- 
que en  dégage  plus  que  l’acide  nitrique  , & celui- 
ci  plus  que  le  fulfurique.  Il  en  conclut  que  les  fels 
neutres  formés  par  la  magnéfie  unie  aux  acides  9 
fa  voir  le  fulfate  & le  nitrare  magnéfiens,  retien- 
nent une  portion  d’acide  carbonique. 

L’acide  carbonique  a la  propriété  de  rendre  le 
carbonate  de  magnéfie  beaucoup  plus  diffoluble 
qu’il  ne  l’efi:  naturellement.  C’df  fur  les  phéno- 
mènes de  cette  diffolution  que  roulent  fpé- 
cialement  les  expériences  neuves  de  M.  Bu- 
tini. Il  a découvert  que  lorfqu’on  jette  de  la 
magnéfie  ord’na’re  & non  faturée  d’acide  car- 
bonique dans  l’eau  gazeufe,  ou  chargée  de  cet 
acide  , la  magnéfie  fe  fature  d’abord  de  l’acide 
en  l’enlevant  à l’eau , & ne  fe  diffout  que  lorf- 
qu’elle  en  efi  très-cha-gée.  Cette  diffolution  ver- 
dit le  firop  de  violettes  ; expofée  au  froid  , elle 
perd  fon  acide  furabondant , 'mais  fans  que  la 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  201 
magnéfie  s’en  fépare , & elle  refie  en  parfaite 
combinaifon  dans  l’eau,  même  glacée.  Si  l’on 
chauffe  une  diffolution  de  magnéfie  avec  fura- 
bondance  d’acide  carbonique , elle  fe  trouble  8c 
reprend  une  forte  de  tranfparence  lorfqu’on  la 
laiffe  refroidir;  ce  phénomène fingulier  nous  of- 
fre, comme  l’a  très-bien  dit  M.  Butini , un  genre 
nouveau  dans  les  fels , dont  le  caractère  eff  de  fe 
diffoudre  en  plus  grande  quantité  dans  l’eau  froide 
que  dans  l’eau  bouillante.  Plus  une  diffolution  ga- 
zeufe  efl  chargée  de  magnéfie , plus  vite  elle  fe 
trouble  par  la  chaleur.  Pour  bien  obferver  le  paf- 
fage  de  cette  diffolution  de  l’opacité  à la  tranfpa- 
rence à l’aide  du  refroidiffement , il  faut  prendre, 
fuivantce  chimifle,une  diffolution  qui  contienne 
deux  grains  par  once  « ài  la  faire  chauffer  ju foira 
foixante  degrés  du  thermomètre  deRéaumur; 
elle  devient  laiteufe  par  la  chaleur  . & toute  la 
magnéfie  qui  s’en  précipite  fe  redhTcut  par  le 
froid. 

Bergman  avoir  annoncé  que  la  diffolution  de 
magnéfie  chargée  d’acide  carbonique  évaporée 
lentement  donnoit des  crifiaux  , les  uns  en  g -ai ns 
tranfparens,  les  autres  reffeimblams  à deux  fais- 
ceaux de  rayons  qui  divergent  du  même  point. 
M.  Butini  a obfervé  avec  la  plus  grande  exac- 
titude tous  les  phénomènes  de  cette  criflalii- 


*0*  É L É M E N S ; 

fation.  II  a fait  évaporer  à la  chaleur  très-foible 
d’une  lampe  une  difl'olution  chargée  de  neuf 
grains  de  ce  ftl  par  once  d’eau.  Il  s’effc  formé  d’a- 
bord à fa  fur  fa  ce  une  pellicule  dont  le  deffous 
ainli  que  les  parois  du  vafe  étoient  tapifles  de 
plufieurs  houppes  de  criftaux.  Le  réfidu  offroit 
des  aiguilles  brillantes,  effilées  par  leurs  bafes  s 
& compofant  de  petites  maffes  hémifphériques  à 
filets  divergens.  Ces  aiguilles  qui  n’avoient  pas 
line  ligne,  offroient  au  microfcope  de  longs  prif- 
mes  à fix  pans  tranchés  par  un  hexagone  ôc  fem- 
blables  à ceux  de  certains  fpaths. 

M.  Butini  a découvert  encore  une  autre  ma- 
nière de  faire  criftaliifer  ls  carbonate  de  magnéfie* 
Elle  confifte  à expofer  à l’air  une  difiolution 
acide  de  ce  fel , précipitée  par  la  chaleur.  Il 
s’y  forme  au  bout  de  quelques  jours  des  crif- 
taux  femblables  à ceux  que  l’on  obtient  par 
l’évaporation.  La  magnéfie  précipitée  du  fel 
d’Epfom  par  le  carbonate  de  potafie , & defle- 
chée  , n’en  donne  aucun  ; lorfqu’on  la  déhye 
dans  l’eau  , elle  ne  forme  jamais  que  des  malles 
pelotonnées  irrégulières.  Mais  une  difiolution 
de  fulfate  de  magnéfie  nouvellement  précipitée 
par  le  même  fel , donne  des  criftaux  aiguillés  au 
bout  de  quelques  jours.  La  même  difl'olution 
{épatée  de  fon  précipité  par  le  filtre , fournit 


I 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  103 
auffi  des  aiguilles  de  magnéfie.  J’ai  obferve  plu- 
fieurs  fois  qu’une  diffolution  de  carbonate  de  ma- 
gnéfie préparée  pour  l’ufage  d’un  laboratoire, 
confervée  dans  des  flacons  de  verre  bien  bou- 
chés, dépofe  au  bout  de  quelque  tems  une  grande 
quantité  de  petites  aiguilles  très  «fines-  èz*  très- 
brillantes  , qui  préfentent  à la  loupe  des  prifmes 
à fix  pans. 

Les  Tels  neutres  parfaits  n’éprouvent  point  d’al- 
tération de  la  part  du  carbonate  de  magnéfie,  &C 
ils  ne  lui  en  font  point  éprouver  ; ils  augmentent 
feulement  fa  diffolubilité  dans  l’eau , fuivant  M. 
Butini  ; il  faut  cependant  excepter  le  carbonate  de 
poîafie  qui  lui  enlève  cette  propriété. 

Les  fels  neutres  calcaires  font  décompofés 
par  la  magnéfie  eflervefcente  ; c’eft  en  vertu 
des  affinités  doubles  que  s’opère  cette  décom- 
pofition.  Nous  avons  fait  obferver  que  la  chaux 
a plus  d’affinité  avec  les  acides  que  n’en  a la 
magnéfie,  & qu’elle  décompofe  les  fels  neutres 
qui  ont  cette  dernière  fubflance  pour  bafe.  Ce 
n’eft  donc  qu’en  raifon  de  l’acide  carbonique 
que  fe  font  ces  décompofitions  ; & c’efl:  à caufe 
de  la  grande  affinité  de  la  chaux  avec  cet  acide, 
qu'elle  quitte  les  autres  pour  s’y  unir  , pourvu 
que  ces  derniers  trouvent  une  bafe  avec 
laquelle  ils  puiflent  fè  combiner.  Lors  donc 


104  E L É M ENS 

qu’on  verfe  une  diffolution  de  carbonate  de  ma- 
gnéfie dans  une  di Ablution  de  fulfate  , de  nitrate 
ou  du  muriate  caicaires  , l’acide  fulfurique,  ni- 
trique ou  muriatique  quitte  la  chaux  pour  fe 
porter  fur  la  magnéfie , s’y  unit  & forme  du  ful- 
fate ,«du  nirrate  ou  du  muriate  de  magnéfie  , tan- 
dis que  la  chaux  fe  combine  avec  l’acide  carboni- 
que féparée  de  la  magnéfie , &:  fe  précipite  en. 
craie. 

Il  en  efi:  donc  de  la  magnéfie  comme  de  l’am- 
moniaque. Lorfque  tous  les  deux  font  purs  8c 
cauftiques,  ils  ne  peuvent  décompofer  les  fels 
calcaires,  parce  qu’ils  ont  moins  d’affinité  avec 
les  acides  que  n’en  a la  chaux.  Maislorfqu’ils  font 
unis  à l’acide  carbonique , & dans  l’état  de  fels 
neutres  , alors  ils  font  capables  de  décompofer  les 
fels  calcaires , en  vertu  des  doubles  attractions  y 
comme  nous  l’avons  déjà  expliqué  à l’article  du 
fulfate  de  chaux  , du  nitrate  calcaire  , &c. 

Le  fel  dont  nous  venons  d’expofer  les  pro- 
priétés efi:  d’ufagé  en  médecine,  fous  le  nom 
de  magnifie  douce  ou  blanche.  On  la  préparoit 
autrefois  avec  l’eau-mère  du  nitre  évaporée  à 
fjccité  , ou  précipitée  par  l’alcali  fixe.  Elle  a 
été  connue  d’abord  fous  les  noms  de  poudre 
du  comte  de  Palme , poudre  de  Sentonelli  ; elle  a 
été  nommée  enfuite  poudre  laxative  polychrcjle 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  205 
par  Yalentini , magnéfie  blanche  du  nitre , magné  fie  du 
fcl  commun , parce  qu’on  la  retiroit  auflide  l’eau- 
mèrede  ce  dernier  Tel.  Mais  ce  médicament,  pré- 
paré de  cette  manière , contient  toujours  de  la 
terre  calcaire  & plufieurs  autres  fubffances  étran- 
gères. Celle  dont  on  fe  fert  aujourd’hui  eft  ordi- 
nairement précipitée  du  fui  fa  te  de  magnéfie  par 
l’alcali  fixe  végétal  ou  carbonate  de  potaffe. 

M.  Butini  a donné  un  très-bon  procédé  pour 
l’obtenir  très-  fine  & en  plus  grande  quantité 
poffible.  On  délaye  une  quantité  quelconque 
de  potaffe  dans  le  double  de  fon  poids  d’eau 
froide  ; on  la  laiffe  expofée  à l’air  pendant 
quelques  mois  , fi  le  temps  le  permet , pour 
qu’elle  abforbe  l’acide  carbonique  de  l’atmof- 
phère,  & pour  que  la  terre  qu’elle  contient  fe 
précipite  ; on  la  filtre  , on  diffout  une  quan-: 
tité  de  fulfate  de  magnéfie  égale  à celle  de  la  po- 
taffe , dans  quatre  ou  cinq  fo  s fon  poids  d’eau  \ 
on  filtre  cette  diffolution , & on  y ajoute  de  nou- 
velle eau  à-peu-près  quinze  fois  le  poids  du  fel. 
On  fait  chauffer  cette  liqueur  , & lorfqu’elle 
bout  on  y verfe  la  diffolution  alcaline.  Le 
précipité  de  magnéfie  fe  forme,  on  agite  bien 
le  mélange  , & on  le  filtre  au  papier.  On  lave 
le  précipité  refté  fur  le  filtre  avec  de  l’eau  bouil- 
lante, pour  enlever  le  fulfate  de  potaffe  qui 


10  6 E L É M E N S 

peut  y être  mêlé.  Quand  la  magnéfië  eft  bien 
égoutée,  on  l’enlève  de  deiïiis  le  filtre,  on 
l’étend  en  couches  minces  fur  des  papiers  que 
l’on  porte  à l’étuve.  Lorfqu’elle  eft  deftéchée , 
elle  offre  des  morceaux  blancs  quis’écrafent  fous 
le  doigt  en  une  poudre  extrêmement  fine  & adhé- 
rente à la  peau. 

On  doit  préférer  comme  purgative  cette  ma- 
gnéfie  combinée  avec  l’acide  carbonique  à celle 
qui  eft  cauftique , parce  qu’elle  eft  beaucoup  plus 
foluble.  On  la  donne  à la  dofe  d’une  ou  de  deux 
onces,  fuivant  les  cas.  La  magnéfië  cauftique  eft  , 
au  contraire  , préférable  comme  abforbante  , & 
on  doit  en  préparer  des  deux  efpéces  dans  les 
pharmacies.  La  raifon  principale  de  cette  préfé- 
rence dans  les  divers  cas  de  pratique , & de  la 
nécefîité  d’avoir  les  deux  efpèces  de  magnéfië 
dans  les  pharmacies , a été  très-bien  expofée  par 
Macquer  dans  un  mémoire  configné  parmi  ceux 
de  la  fociété  royale  de  médecine.  Lorfqu’on  ad- 
miniftre  la  magnéfië  comme  abforbante  , c’eft 
pour  détruire  & neutralifer  un  acide  développé 
& trop  abondant  dans  les  premières  voies  , com- 
me cela  a lieu  chez  les  enfans  , les  jeunes  filles, 
les  femmes  en  couches  , &c.  Cet  acide  gaftrique 
eft  certainement  plus  fort  que  l’acide  carbonique; 
lorfque  la  magnéfië  douce  eft  retenue  dans  ce  vif- 


• d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  207 
cère,ilfe  produit  une  effervescence  plus  ou  moins 
vive,  fuivant  que  l’aigre  e fl:  plus  ou  moins  déve- 
loppé danslespremières  voîes;l’acide  carbonique 
dégagé  par  cette  effervefcence  diflend,l’eflomac, 
occafionne  fouvent  des  douleurs,  des  naufées  , 
des  vomiflemens,  des  difficultés  de  refpirer  , 
beaucoup  d’autres  accidens  fpaftnodiques, fuivant 
la  fenfibilité  des  fujets.  Dans  ces  circonflances  il 
vaut  beaucoup  mieux  employer  Iamagnéfie  pure, 
quiabforbe  auffi  puiflamment  les  aigres,  & qui 
n’occafionnepas  d’effervefcence. 

Lorfqu’au  contraire  on  donne  la  magnéfie  com- 
me purgative,  &dans  les  cas  oii  l’on  n’a  point  l’in- 
dication d’abforber  des  aigres  dans  les  premières 
voies  , on  peut  prêfcrire  celle  qui  efl chargée  d’a- 
cide carbonique.  Alors  cetacide  n’eflpoint  dégagé, 
& l’on  n’a  point  à craindre  les  accidens  qui  dépen- 
dent de  la  diftenfion  de  l’eflomac  par  ce  fluide 
élaftique.  Il  efl  donc  néceflaire  que  les  médecins 
connoiffent  ces  deux  efpèces  de  magnéfie  , les  cas 
où  chacune  d’elles  doit  être  préférée,  & que  les 
apothicaires  en  aient  dans  leurs  pharmacies. 

M.  Butinipropofe  une  eau  minérale  artificielle 
faite  avec  l’eau  gazeufe  chargée  de  magnéfie;  il 
obferveque  ce  fluide  peut  contenir  plus  de  trois 
gros  de  cette  terre  magnéfienne  par  livre  , & que 
d’ailleurs  elle  n’efl  pas  plus  difficile  à préparer  que 


2oS  ' E l é m e n s , 

les  eaux  martiales  acidulées  ou  gazeufes.  En  effet, 
la  manipulation  eft  ab  olument  la  même  pour 
toutes  les  deux.  Les  médecins  pourroient  s’en 
Servir  dans  plufieurs  cas  avec  Excès.  Voye^  mes 
Mémoires  Jur  Us  fels  magnefiens  , dans  les  annales 
de  chimie  , deuxieme  & troifième  volumes . 

■HW"  Il  W— 

CHAPITRE  IX. 

Genre  V.  sels  neutres  argile  u x 

OU  ALUMINEUX . 

Ï_TArGILE  ou  l’alumine  bien  pure  Se  com. 
bine  très -bien  avec  la  plupart  des  acides  ; il 
réfulte  de  ces  combinaisons  $ des  Sels  neutres 
qu’on  connoît  Sous  le  nom  de  fels  argileux  ou 
alumineux.  Ce  genre  de  matières  Salines , Si  l’on 
en  excepte  la  première.  Sorte  , n’a  pas  encore 
été  examiné  avec  aûez  de  loinpar  les  chimiftes. 
Auffi  leurs  propriétés  Sont-elles  encore  moins 
connues  que  celles  des  quatre  genres  précé- 
dens.  En  général  les  Sels  alumineux  Sont  moins 
parfaits  que  tous  les  Sels  neutres  dont  nous  nous 
Sommes  déjà  occupés  ; ils  cèdent  leurs  acides 
aux  alcalis  fixes , à l’ammoniaque  , à la  baryte  , 
à la  chaux  & à la  magnéfie  ; ils  ont  une  Saveur 
acerbe  & aftrigente. 


Ce 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.1  io$> 

Ce  genre  comprend  fix fortes  , l’alun  ouïe  ful- 
fate  d’alumine,  le  nitrate  alumineux,  le  mûri  ite 
alumineux,  le  borate  alumineux,  lefluate  alumi- 
neux & le  carbonate  d’alumine. 

Sorte  I.  Sulfate  d’alumine  ou  Alun. 

L’alun  eft  un  fel  formé  par  la  combinai- 
fon  de  l’acide  fulfurique  avec  l’alumine  , ou 
argile  pure , & qui  mérite  en  conféquence 
le  nom  de  fulfate  d'alumine.  Les  chimiftes  n’ont 
pas  toujours  été  d’accord  fur  la  baie  de  l’alun. 
Les  uns  la  diftingnoient  de  l’argile , & la  dé- 
fignoient  fous  le  nom  particulier  de  terre  alu - 
mineufe  ou  de  terre  de  l'alun.  Margraf  a démontré 
que  cette  terre  broyée  avec  le  filex  réduit  en 
poudre  fine,  forme  de  l’argile.  Hellot,  Geoffroy, 
Pott,  & fur-tout  M.  Baumé  , ont  fait  de  vé- 
ritable alun  avec  l’argile  6c  l’acide  fulfurique. 
Enfin , fi  les  vrais  caractères  de  l’argile  font  de 
prendre  du  liant  avec  l’eau  , de  la  retraite  6z 
de  la  dureté  au  feu,  la  terre  alumineufe , pré- 
sentant toutes  ces  propriétés  dans  un  degré  émi- 
nent , doit  être  regardée  comme  la  partie  la  plus 
pure  de  l’argile.  Telle  eft  aujourdh’ui  l’opinion 
générale  de  tous  les  chimiftes.  On  fent  d’après 
cela  de  plus  en  plus  la  néceflité  de  distinguer 
cette  terre  bafe  de  l’alun  par  le  nom  particulier 
Tome  II,  Q 


210 


E L É M E N S 
à" alumine,  puifque  l’argile,  quelque  pure  qu’elle 
(bit , contient  toujours  de  la  filice. 

Le  fulfate  d’alumine  ou  l’alun  a une  faveur 
d’abord  douceâtre  & enfuite  fortement  aftrin- 
gente  ; il  rougit  le  papier  bleu  , ce  qui  annonce 
qu’une  portion  de  fon  acide  eft  à nud  & n’eft 
point  faturée.  Il  eft  fufceptible  de  prendre  une 
forme  très-régulière  qui  fera  décrite  plus  bas. 

L’alun  n’exifte  prefque  jamais  pur  & ifolé 
dans  la  nature  ; on  le  trouve  quelquefois  dans  le 
voifmage  des  volcans  ; il  eft  toujours  mêlé  avec 
de  l’a  gile.  Les  minéraîogides , & fur  - tout 
Wallerius,  ont  diftingué  plufieurs  fortes  d’alun 
natifs  , tels  que  l’alun  folide  , l’alun  criftallifé  , 
l’alun  en  efflorefcence  , les  terres  alumineufes 
blanches , grifes , brunes , noires  , les  fchiftes 
alumineux. 

On  connoît  plufieurs  fortes  d’alun  dans  le 
commerce. 

i°.  L’alun  de  glace  ou  de  Roche  en  mafies 
confidérables  & tranfparentes.  Bergman  croit 
que  ce  nom  lui  vient  de  la  ville  de  Roche  en 
Syrie  , aujourd’hui  EdeJJe  , cil  étoit  établie  la  plus 
ancienne  manufaûure  de  ce  fel , & non  pas  de 
fa  forme  femblable  à celle  d’un  rocher, comme 
l’ont  dit  plufieurs  auteurs,  ou  bien  de  ce  qu’on 
le  retire  des  rochers  ; cette  efpèce  d’alun  eft  fort 
impure. 


2ï  I. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie. 

2q.  L’alun  de  Rome  , qui  fe  prépare  dans  le 
territoire  de  Civita-Vecehia,  & qu'on  retire  d’un 
lieu  nommé  en  italien  Aluminmc  délia  Tolfa  ; 
cet  alun  eft  en  morceaux  gros  comme  des  œufs  ; 
il  eft  couvert  d’une  efflorefcence  rougeâtre  ; il 
paffe  pour  pur  , lorfqu’on  en  a féparé  cette 
efflorefcence. 

3°.  L’alun  de  Naples  , que  l’on  extrait  d’une 
terre  particulière  à la  Solfatare  ; il  eft  en  maffes 
plus  grofles  que  celui  de  Rome,  & une  de  fes 
furfaces  efl  toute  hériffée  de  criftaux  pyrami- 
daux. 

4°.  L’alun  de  Smyrne  ; c’efi,à  ce  qu’il  paroît, 
dans  les  environs  de  cette  ville  & de  Conftanti- 
nople  , qu’ont  été  élevées  les  plus  anciennes  ma- 
nufadlures  d’alun.  Ii  n’en  exifie  que  quelques 
échantillons  dans  les  cabinets. 

5°.  L’alun  de  France  ; on  prépare  de  toutes 
pièces  de  l’alun  dans  plufieurs  manufactures  de 
France  , & fur'tout  à Javel  près  Paris. 

6*.  On  peut  extraire  de  l’alun  defchiftes  efib- 
refcens  , & des  produits  volcaniques.  J’en  ai  re- 
tiré une  quantité  notable  d’une  terre  qui  m’a  été 
envoyée  d’Auvergne;  on  pourroit  retirer  ce  fel 
de  plufieurs  fubfiances  analogues  que  la  France 
pofsède  , & enlever  ainfi  cette  branche  de  com- 
merce aux  étrangers.  On  extrait  de  cette  mu- 


ÉLÉ  MENS 

niere  l’alun  des  terres  ou  des  pierres  qui  le  con- 
tiennent dans  beaucoup  d’endroits  de  l'Allema- 
gne où  il  y avoit  des  manufaftures  dès  1544» 
en  Angleterre , en  Efpagne  , en  Suède  , 6c  dans 
prefque  toutes  les  parties  de  l’Europe. 

Beckman  a fait  fur  l’hiftoire  de  la  fabrica- 
tion de  ce  fel  une  diflertation  très  - détaillée 
que  l’on  trouve  dans  les  a&es  de  Gottingue.  Il 
paroît  , d’après  les  recherches  de  ce  favant, 
que  les  peuples  de  l’Orient  ont  les  premiers 
préparé  ou  extrait  de  l’alun  ; car  ce  que  les 
anciens , & Pline  en  particulier  , appelaient 
chi(lon  , trïchitls , calchitès  % & qu’ils  paroiffoit 
avoir  confondu  avec  l’alumen  & le  cwi-ap/ct  des 
grecs  , femble  plutôt  appartenir  aux  différens 
états  du  fulfate  martial  ou  de  la  couperofe 
verte.  Les  italiens  prirent  à bail  les  fabriques 
d'alun  des  environs  de  Conflantinople  ; vers 
l’année  1459  ? Bartholomé  Perdix  ou  Pernix, 
génois,  découvrit  une  mine  de  ce  fel  dans  l’île 
d’Hchia  ; dans  le  même  tems  à-peu-près  Jean 
de  Caftro  en  trouva  une  autre  à la  To!fa,& 
bientôt  il  s’établit  un  grand  nombre  de  fabri- 
ques d’alun  en  Italie  , fur-tout  lorfque  le  pape 
Pie  II  défendit  1*  m, >01  talion  de  l’alun  d’Orient. 
Cet  art  paffa  enfuite  en  Efpagne,  en  Allema- 
gne, en  A'  gL  er  e x.  en  Suède,  vers  le  commen- 
cement du  dix-leptième  fiède.  (V.  Beckman .) 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  ü f 

La  préparation  du  fulface  d’alumine  eft  très- 
variée  , fuivant  les  pays  & les  matières  d’où  on 
le  retire.  Bergman,  qui  a fait  une  très- bonne 
differtation  fur  cet  objet,  divife  les  matières  que 
l’on  emploie  pour  préparer  ce  fel,  6c  que  l’on 
nomme  ordinairement  mines  d'alun , en  deux 
efpèces;  celles  qui  le  contiennent  tout  formé* 
& celles  qui  n’en  contiennent  que  les  principes. 
Les  premières  n’ont  befoin  que  d’être  leffivées 
pour  fournir  leur  alun  ; telle  eft  la  terre  qui  fe 
trouve  à la  Solfatare , telle  efl:  auffi  celle  d’Auver- 
gne dont  j’ai  parlé.  A la  Solfatare  on  met  cette 
terre  avec  de  l’eau  dans  des  chaudières  de  plomb 
enfoncées  dans  le  fol.  La  chaleur  naturelle  du  fol 
favorife  la  diffolution  & la  criftallifation  de  l’alun  ; 
on  le  purifie  par  une  fécondé  criftallifation.  On 
pourroit  lefii  ver  ainfi  les  terres  de  l’Auvergne,  6ccè 
évaporer  l’eau  dans  des  chaudières  de  plomb  , ôc 
faire  criftallifer  l’alun, 

Quant  aux  fubftances  naturelles  qui  ne  con- 
tiennent que  les  principes  du  fu'fate  d’alumine* 
& qui  font  beaucoup  plus  communes  que  les 
premières , elles  demandent  une  préparation  pré- 
liminaire avant  de  fournir  ce  fel  neutre  ; il  faut 
les  calciner  ou  les  expofer  à l’air  , fuivant  leur 
rature.  Les  fchiftes  alumineux  demandent  à 
être  calcinés , afin  de  brûler  le  bitume  qui  les 
colore, & de  décompofer  les  pyrites  qui  doivent 

Püj 


f 


âI4  ÉLÉMENS 

fournir  l’alun.  Bergman  s’ed  affuré  qu’avant 
d’avoir  été  calciné  , ce  fchide  ne  donne  pas  un 
atome  d’alun , lorfqu’on  le  lave  avec  de  l’eau. 
L’expoütion  à l’air  fait  le  meme  eff,_r  fur  les 
pyrites  pures  que  l’on  arrofe  d’eau.  La  décom- 
podtion  fpontanée  de  ces  fubdarces  produit  de 
l’acide  fulfurique  qui  fe  porre  fur  l’argile  &c 
forme  de  l’alun.  On  ledive  ces  pyrites  efdeu- 
ries  , on  laide  dépofer  à plufieurs  reprifes  le 
fer  que  contient  la  ledive,  on  la  fait  évaporer 
& on  la  met  cridallifer  dans  des  tonneaux.  Le 
fel  fe  dépofe  en  gros  cridaux.  On  emploie  fou- 
vent  une  forte  ledive  des  favôniers  pour  fa- 
ciliter la  cridallifation  de  l’alun.  Tel  eff  le  pro- 
cédé qu’on  fuit  dans  plufieurs  manufactures  ; 
mais  ces  aluns  retirés  des  pyrites  contiennent 
toujours  plus  ou  moins  de  fer  j celui  que  l’on 
retire  des  pierres  où  il  exide  tout  formé  ed 
toujours  plus  pur , comme  l’alun  de  Rome. 
L’alun  qu’on  fabrique  en  combinant  dire&ement 
l’acide  fulfurique  avec  les  argiles  ed  fouvent 
mêlé  d’une  certaine  quantité  de  fer  , parce  que 
les  argiles  colorées  qu’on  emploie  pour  cette 
préparation  font  chargées  de  ce  métal. 

Le  fulfate  d’alumine , fous  fa  forme  régulière, 
ed  un  o&aèdre  parfait  formé  de  deux  pyramides 
à quatre  faces  jointes  bafe  à bafe.  Cette  forme 
varie  beaucoup  Clivant  les  circondances  de  la 


d’HiST.  N AT.  ET  DE  CHIMIE.  1 1 f 
criftallifation  ; l’o&aèdre  eft  plus  ou  moins  tron- 
qué, irrégulier,  aigu,  applati.  Les  angles  font 
plus  ou  moins  complets,  coupés;  les  crifiaux 
font  fouvent  réunis  oc  comme  emboîtés  les  uns 
dans  les  autres  par  leurs  pyramides.  M.  Rome 
de  Lille  a décrit  avec  beaucoup  de  loin  toutes 
ces  variétés  dans  la  nouvelle  édition  de  la  Crifi* 
tallographie. 

Ce  fel  fe  liquéfie  à une  chaleur  douce  ; il 
exhale  des  vapeurs  aqueufes  très-abondantes  s: 
il  fe  bourfouffle  beaucoup  , & il  offre  une  maffe 
très~volumineufe , légère,  d’un  blanc,  mat,  Ô£ 
remplie  de  beaucoup  de  cavités.  Ce  phénomène 
eft  dû,  comme  dans  le  borate  , au  dégagement 
de  l’eau,  dont  les  bulles  fo  ilèvent  peu-à-peu 
&;  étendent  les  molécules  falines.  L’alun  dans 
cet  état  prend  le  nom  d’alun  calciné  ; il  a perdu 
à-peu-près  la  moitié  de  fon  poids;,  il  elt  un. 
peu  altéré  , il  rougit  le  firop  de  violettes;  fa 
faveur  eft  beaucoup  plus  conlidérable , & il 
femble  que  fon  acide  fe  foit  développé.  Si  on 
le  diffout  dans  l’eau  , il  s’en  précipite  un  peu 
de  terre  ; on  peut  îe  faire  crilfallifer,  mais  il 
ne  fe  baurfoüffle  prefque  plus  lorfqu’on  îe  cal- 
cine de  nouveau , fuivant  l’obfer.vation  de  M„ 
Beaumé.  Si  on  calcine  de  l’alun  dans  un  appa- 
reil diff illatoire  on  obtient  du  phlegme  qui  fur 
la  fin  devient  acide;  mais  on  ne  peut  pas  1© 

O iv 


2.1 6 E L f M E N s 

décompofer  entièrement , puifque  Geoffroy  l’a 
tenu  dans  une  cornue  à un  feu  extrême  j pendant 
trois  jours  & trois  nuirs,  fans  qu  i!  ait  iubi  d’al- 
tération bien  remarquable.  Cependant  je  penfe 
qu’on  n’a  point  encore  examiné  convenablement 
les  changemens  que  l’alun  éprouve  de  la  part 
d’un  feu  long-tems  foutenu. 

Le  fulfate  d’alumine  s’efReurit  légèrement  à 
l’air  , & perd  l’eau  de  fa  criftallifation.  Ce  fel 
ü’efl  que  peu  diffoluble  dans  l’eau  froide  , puif- 
que deux  livres  de  ce  fluide  ne  peuvent  diffoudre 
que  quatorze  gros  d’alun  , fuivant  M.  Beaumé; 
mais  l’eau  bouillante  en  diffout  plus  de  la  moitié 
de  fon  poids.  Huit  onces  de  ce  fluide  dans  cet 
ctat  peuvent  tenir  en  diffolution  cinq  onces  de 
ce  fel.  Il  fe  criftallife  très  «bien  par  réfroidif- 
fement.  Ses  criftaux  paroiffent  être  des  efpèces 
«le  pyramides  triangulaires  dont  les  angles  font 
tronqués  , mais  qui  ne  font  que  des  portions 
d^oflaèdres.  Lorfqu’iis  fe  dépofent  fur  des  fils 
SU  milieu  de  la  diffolution  , ils  forment  alors 
des  o&aèdres  très- réguliers,  dont  les  pyramides 
précédentes  ne  font  qu’une  moitié  coupée  obli- 
» a ment. 

La  rerre  îliicée  ne  fait  éprouver  aucun  chan- 
gement notable  au  fulfate  dVumine.  Ce  fel 
t s’unir  à une  plus  grande  quantité  d’alumine 
^’il  p’eti  co/itient  dans  fon  état  ordinaire.  Il 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  217 
prend  dans  cette  union  les  cara&ères  de  l’argile 
commune,  fuivant  les  recherches  de  M.Beaume. 
Pour  faturer  l’alun  de  fa  terre  3 on  fâii c bouillir 
une  diffolution  de  ce  Tel  avec  de  l’alumine  bien 
pure  ; on  continue  de  chauffer  ce  mélangé 
jufqu’à  ce  qu’il  ait  perdu  fa  faveur  ftyptique. 
La  combinaifon  bien  faite  n’a  plus  qu’une  favçur 
fade  , douceâtre  & terreufe.  M.  Beaumé  a ob- 
fervé  qu’en  la  faifant  évaporer  , on  en  obtenoit 
de';  paillettes  femblables  au  mica.  M.  Chaülnes 
ayant  laiffé  long-tems  expofée  à l’air  une  lef- 
five  de  ce  fel  faturé  de  fa  terre  , y trouva  au 
bout  de  quelques  mois  des  crifiaux  cubiques 
très-réguliers.  M.  le  Blanc  a également  obtenu 
ces  criflaux  cubiques  à volonté.  I!  paroît  qu’on 
ne  peut  plus  faire  repaffer  l’alun  faturé  de  f a 
terre  à l’état  de  véritable  alun  , comme  il  étoit 
auparavant. 

Le  fulfate  d’alumine  peut  être  décompofé  par 
la  baryte  & par  la  magnéfie , qui  ont  plus  d’affi- 
nité avec  l’acide  fulfurique  que  n’en  a l’alumine, 
ïl  réfidte  du  fulfate  barytique  ou  rnagnéfien  de 
ces  décomposions. 

L’eau  de  chaux  verfée  dans  une  diffoîution 
de  ce  fel  neutre  en  précipite  la  terre.  Les 
alcalis  fixes , ainfi  que  l’ammoniaque  , ont  auffi 
la  propriété  de  décompofer  l’alun.  Les  car- 
bonates de  pctaffe  } de  foude  , d’ammo- 


2i8  E l é m e n s 

iliaque,  de  chaux  & de  magnéfie,  en  feparent 
auffi  ralumine  qui  retient  une  portion  de  l’acide 
carbonique,  fi  la  précipitation  fe  fait  à froid; 
mais  j’ai  obfervé  qu’en  prenant  une  diffolution 
d’alun,  ainfi  que  des  diffolutions  chaudes  des 
carbonates  alcalins , & en  mêlant  les  liqueurs  , 
la  précipitation  eft  accompagnée  d’ure  effervef- 
cence  produite  par  le  dégagemeet  de  l’acide  car- 
bonique. 

✓ 

L’alumine  précipitée  par  ces  différentes  fubf- 
tances  efl , flocconneufe  ; elle  fe  dépofe,  peu-à* 
peu;  defféchée  doucement,  elle  eft  très-blan- 
cne  ; elle  décrépite  au  feu  comme  les  argiles; 
la  chaleur  forte  lui  donne  une  dureté  confidé- 
rable  ; fon  volume  eft  en  même  - temps  fort 
diminué  , & elle  prend  beaucoup  de  retraite  ; 
elle  n’efl  point  fufible  , même  au  plus  grand 
feu,  telle  que  celui  de  la  lentille  du  jardin  de 
l’Infante.  Elle  retient  les  dernières  portions  d’eau 
avec  une  fi  grande  force,  qu’il  faut  un  feu  de 
la  dernière  violence  pour  l’en  priver.  Elle  fe 
délaye  dans  l’eau  , & forme  une  pâte  qui  a du 
liant  , & qui  fe  cuit  au  feu  en  une  porcela'ne 
d’excellente  qualité.  L’alumine  a donc  tous  les 
cara&ères  des  terres  argiieufes , & c’eft  l’argile 
la  plus  pure  que  l’on  puiffe  fe  procurer , ainfi  que 
l’a  annoncé  Macquer. 

On  ne  connoît  pas  bien  l’a&ion  de  la  baryte  r 


I 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  219 
de  la  magnéfîe , de  la  chaux  & des  alca'is  purs 
fur  l’alumine.  Il  efl  vraifemblable  que  ces  lubf- 
tances , fur-tout  les  dernières  , la  mettroient,  à 
l’aide  du  feu  , dans  l’état  d’une  fri  rte  vitreufe. 
M.  Achard  a fait  une  fuite  d’expériences  qui 
prouvent  cette  affertion.  la  couleur  , la  tranf- 
parence  , la  dureté  & toutes  les  propriétés 
de  ces  efpèces  de  verres  , varient  fuivant  les 
proportions  relatives  des  fubftances  que  l’on 
mêle  pour  les  obtenir  , comme  on  l’apprend 
dans  la  differtation  du  chimide  de  Berlin  déjà 
cité. 

L’acide  fulfurique  difîout  facilement  l’alumine 
lorfqu’elle  ed  fraîche  & humide  ; il  ne  la  difloüt 
qu’avec  peine  quand  elle  ed  sèche.  Cette  dif- 
folution  , faite  à la  dofe  de  plufiêurs  onces  , 
donne  des  cridaux  d’alun  mêlé  de  quelques 
paillettes  ou  écailles  femblables  à celles  du  mica. 
M.  Beaumc  ajoute  même  que  fi  on  fait  cette  ex- 
périence en  petit,  ont  n’obtient  prefque  que  de  ces 
dernières  & point  d’alun.  Les  autres  acides  dif« 
folvent  aufîi  cette  terre  , & forment  avec  elle 
des  feTs  peu  connus , dont  nous  parlerons  dans 
les  articles  fuivans. 

On  ne  fait  pas  quelle  feroiî  l’aftion  de  îa  terre 
alumineufe  fur  les  fels  neutres;  mais  la  propriété 
la  plus  fingulière  qu’elle  préfente  c’ed  celle  de 
fe  combiner  par  excès  au  fulfate  d’alumine  , &: 


2-^0  Elément 

de  lui  donner  des  caractères  nouveaux,  comme 
nous  l’avons  déjà  fait  obferver  plus  haut.  M. 
Beaumé  , à qui  appartient  cette  découverte  , a 
fait  bouillir  une  diffolution  d’alun  avec  de  la 
terre  précipitée  de  ce  fel  par  les  alcalis  fixes; 
cette  liqueur  a diflous  la  terre  avec  effervef- 
cence.  Filtrée  elle  n’avoit  plus  la  faveur  de 
l’alun  , mais  celle  d’une  eau  dure  ; elle  ne  rou- 
gifloit  point  la  teinture  de  tournefol , & elle 
verdiflbit  le  firop  de  violettes.  Par  une  évapo- 
ration fpontanée  , elle  a fourni  quelques  crif- 
taux  en  écailles  douces  au  toucher  , femblables 
au  mica  ; M.  Beaumé  les  compare  à la  félénite 
ou  fulfate  de  chaux.  Il  n’eft  pas  aile  de  réfor- 
mer de  l’alun  en  ajoutant  de  l’acide  fulfurique  à 
ce  fel  déjà  faturé  de  fa  terre  ; le  mélange  eft 
alors  acide  fans  ftipticité.  Cependant , par  une 
évaporation  fpontanée  de  trois  mois,  la  difio- 
lution  a donné  des  criftaux  d’alun  , mêlés  avec 
quelques  paillettes  micacées  , fembjables  à celles  . 
que  fournit  l’alun  faturé  de  fa  terre.  Telle  eft 
le  précis  des  travaux  de  MM.  Macquer  & 
Beaumé  fur  la  terre  alumineufe. 

L’alun  traité  au  feu  avec  les  matières  com- 
buftibles  forme  une  fubftance  qui  s’enflamme 
à l’air  , & qu’on  appelle  pyrophore  de  Hom - 
ierg.  Ce  chimifte,  qui  l’a  fait  connoître  en  17 1 1, 
travailloit  fur  la  matière  fécale  humaine , pour 


d’Hist.  Nat.  ï.t  de  Chimii.  22 1 
en  tirer  une  huile  blanche  qui  devoit  fixer  le 
mercure  en  argent  fin.  Ce  travail  fut  l’origine 
de  plufieurs  découvertes.  Un  réfidu  de  cette 
matière  animale  , diftillée  avec  de  l’alun  , prit 
feu  à l’air.  Homberg  répéta  plufieurs  fois  ce 
procédé , qui  lui  réufiil:  confirmaient.  Lémery 
le  cadet  a publié  en  1714  & 1715  deux  Mé- 
moires , dans  lefquelsil  a annoncé  qu’on  pouvoit 
faire  du  pyrophore  avec  un  grand  nombre  de 
matières  végétales  & animales , traitées  par  l’alun. 
Mais  il  n’a  pas  réufîi  à en  former  avec  plufieurs 
autres  fiels  fulfuriques.  Ces  deux  chimifies , qui 
regardoient  l’alun  comme  une  combinaifon  d’aci- 
de fulfurique  & de  terre  calcaire  , penfoient  que 
cette  dernière,  réduite  à l’état  de  chaux,  attiroit 
l’humidité  de  l’air  , ÔC  enflammoit  par  la  chaleur 
qui  s’excitoit  dans  le  mélange  le  foufre  qu’ils  fa-; 
voient  s’y  former. 

Depuis  ces  chimifies , le  Jay  de  Suvigny , doc- 
teur en  médecine , a donné  fur  le  pyrophore 
' un  très-bon  Mémoire  imprimé  parmi  ceux  du 
troifième  volume  des  Savans  Etrangers.  Il  y dé-: 
taille  un  grand  nombre  d’expériences  par  lef- 
quellesil  eft  parvenu  à faire  du  pyrophore  , non- 
feulement  avec  l’alun  & différentes  matières  corn* 
buftibles,  comme  l’avoic  fait  Lémery,  mais  en- 
core avec  la  plupart  des  fels  qui  contiennent 
l’acide  fulfurique.  Ce  médecin  a auffi  donné  fu$ 


222  É L É M E N S 

l’inflammation  du  pyrophore  expofe  à l’air 
une  théorie  qui  a été  adoptée  par  tous  les  chi- 
miftes  jufquà  ces  derniers  rems.  Il  penfoit  que  le 
pyrophore  contenoit  de  V huile  de  vitriol  glacialt 
qui  , attirant  l’humidité  de  l'air  s’échauffant 
fortement , allumoit  le  foufre  & produifoit  l’in— 
mation  fponranée. 

Pour  préparer  le  pyrophore,  on  fait  fondre 
dans  une  poêle  de  fer  trois  parties  d’alun  avec 
une  partie  de  fucre  , de  miel  ou  de  farine  ; on 
defsèche  ce  mélange  jafqu’à  ce  qu’il  foit  noi- 
râtre , & qu’il  ne  fe  bourfouflle  plus  ; on  le 
concaffe  ; on  'le  met  dans  un  maîras  ou  dans 
une  fiole  lutée  avec  de  la  terre,  on  place  ce 
vaiffeau  dans  un  creufet  avec  du  fable  ; on  le 
chauffe  jufqu’à  ce  qu’il  forte  du  col  de  la  fiole 
une  flamme  bleuâtre  ; & lorfqu’elle  a brûlé 
pendant  quelques  minutes  , on  retire  le  creu- 
fet du  feu  ; on  le  laide  refroidir  , & on  verfe 
le  pyrophore  qu’il  contient  dans  un  flaccon  bien 
fec  & qui  bouche  exa&ennent.  Si  l’on  expofe 
ce  pyrophore  à l’air  , il  s’enflamme  d’autant 
plus  vite  que  l’atmofphère  efl  plus  humide.  On 
accélère  fa  combuÜion  en  dir  géant  à fa  fur- 
face  une  vapeur  humide  , comme  celle  de 
l’haleine.  11  ne  faut  pas  chauffer  trop  lcng-tems 
le  pyrophore,  fans  cela  il  ne  prend  pins  feu  à 
Pair.  Il  fe  charge  peu-à-peu  d’humidité,  lorf- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  113 
qu’il  eft  dans  un  vaiffeau  mal  bouché  ; il  perd 
la  combuftibilité  , mais  on  peut  la  lui  rendre  en 
le  calcinant  de  nouveau  avec  les  précautions 
indiquées. 

Telles  étoient  les  connoiffances  que  l’on  avoit 
fur  le  pyrophore  avant  M.  Prouft  , qui  a donné 
d’utiles  recherches  fur  cetre  matière  dans  le 
Journal  de  Médecine  , juillet  1778.  Ce  chi- 
mifte  ayant  eu  occafion  de  trouver  dans  fes 
expériences  un  grand  nombre  de  rélidus  pyro- 
phoriques  , dans  lefquels  on  ne  pouvoit  pas 
foupçonner  l’exiftence  de  l’acide  fulfurique , a 
cru  que  cet  acide  n’eft  pas  la  caufe  de  l’inflam- 
mation  fpontanée  du  pyrophore  ; il  a prouvé  , 
par  une  expérience  bien  fimple,  qu’en  effet  cette 
fubftance  combuftible  n’en  contient  pas  un 
arôme  de  libre  , puifqu’en  verfant  de  l’eau  fur  le 
pyrophore , il  ne  fe  produit  point  de  chaleur. 
11  paroît , d’après  ie  dénombrement  des  différens 
pyrophores  qu’il  a obtenus,  que  toutes  les  fubf- 
tances  qui  laiffent  après  leur  déeompofition  un 
réfidu  charboneux  , divifé  par  une  terre  ou 
par  un  oxide  métallique,  font  fufceptibles  de 
s’enflammer  à l’air.  Mais  on  ne  peut  difconve- 
nir  que  la  partie  de  fon  travail  que  M.  Prouft 
a fait  connoître  n’indique  point  encore  la 
caufe  de  l’inflammation  du  pyrophore  de  Hom- 
berg , qui,  fuivant  lui,  différé  de  ceux  qu’il  a 


t 

2*4  E L É U E N 5 

obfervés;  & en  effet,  fon  Mémoire  n’apprend 

rien  fur  la  compofirion  de  la  fubflance  qui  nous 

occupe. 

M.  Bewîy,  chirurgien  anglois , dans  une  let- 
tre écrite  à M Prieftley,  attribue  l’inflamma- 
tion du  pyrophore  à ce  qu'il  contient  une  fubf- 
tance  capable  d’attirer  l’acide  nitrique  de  l’atmof- 

pbère.  Il  eft  fondé  dans  cette  opinion  , parce 
qu’il  a découvert  que  l’efprit  de  nitre  inflamme 
fur-le-champ  un  pyrophore  qui  n’a  pas  été  affez 
calciné  , ou  qui  s’eft  chargé  d’humidité.  Mais  il 
eft  démontré,  d’une  part,  que  l’acide  nitrique  n’eft 
pas  contenu  en  nature  dans  l’atmofphère  ; &c 
d’une  autre  part,  M.  Prouft  a découvert  que 
l’inflammation  du  pyrophore  par  l’efprit  de  ni- 
tre , efl  due  au  charbon  contenu  dans  cette  fubf- 
tance,  puifque  cet  acide  détonne  avec  toutes  les 
matières  charbonneufes  bien  sèches  & très-divi- 
fées  , comme  nous  le  dirons  plus  en  détail  à l’ar- 
ticle du  charbon.  L’explication  de  M.  Bewly 
h’eid  donc  pas  plus  latisfaifante  que  celle  des  chi- 
mifles  qui  l’ont  précédé. 

La  feule  manière  de  découvrir  la  caufe  de 
ce  phénomène , eft  de  bien  connoître  la  nature 
chimique  du  pyrophore  de  Homberg  ; il  paroît 
qu’il  contient  la  terre  de  l’alun  , une  matière 
charbonneufe  très-divifée,  fournie  par  le  miel  , 
le  fucre,  &c.  un  peu  de  poçaffe,  & du  foufre 

uni 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  Mï 
uni  en  partie  à la  terre  de  l’alun,  & en  partie  à 
l’alcali.En  chauffant  fortement  du  pyrophore  dans 
un  appareil  pneumato-chimique  , on  en  retire 
une  grande  quantité  de  gaz  hydrogène  fulfuré  , 
ou  hépatique . Lorfqu’il  n’en  fournit  plus  , il  ne 
s’enflamme  plus  à l’air.  Si  l*on  plonge  du  pyro- 
phore dans  l’air  vital  , il  brûle  rapidement  avec 
une  flamme  rouge  très-brillante.  En  le  lavant 
avec  de  l’eau  chaude , on  en  retire  un  véritable 
fulfure , & il  ne  reffe  plus  fur  le  filtre  que  la  ma- 
tière charbonneufe  $c  un  peu  d’alumine.  Le  py-» 
rophore  eff  alors  décompofé.  Lorfque  le  pyro- 
phore a ceffé  de  brûler,  il  a augmenté  de  poids 
à caufe  de  la  portion  d’oxigène  qu’il  a abforbée. 
Sa  lefîive  fournit  alors  du  fulfate  d’alumine,  parce 
que  le  foufre  brûlé  parl’aûion  de  l’air  forme  de 
l’acide  fulfurique  qui  s’unit  à la  terre  aluminéufe  j 
mais  ce  fel  eff  de  l’alun  faturé  de  fa  terre. 

On  a donné  dans  le  Journal  de  Phyfique,  No^ 
vembre  iy8o  , des  obfer valions  fur  le  pyro-* 
pbore , dans  lefquelles  on  annonce , qUç  cette 
fubffance  doit  fa  combuffibilité  à une  certaine 
quantité  de  phofphore  formé  par  l’acide  des  ma- 
tières muqueufes;  i°.  que  la  diffillation  du  pyro- 
phore fournit  par  once  cinq  à fept  grains  de  phof- 
phore ; 3°.  que  l’on  peut  en  faire  fur-le- champ 
en  triturant  dans  un  mortier  de  fer  cinquante-*’ 

Tome  II 4 # 


y 


élément 

quatre  grains  de  fleur  de  foufre  , trente-fix  de 
charbon  de  Taule  bien  fec,&  trois  grains  de  phof- 
phore  ordinaire.  Les  détails  de  cette  analyfe  ne 
répondent  pas  exactement  aux  indu&ions  qu’on 
en  tire  , puisqu’il  n’y  eff  pas  démontré  qu’on  en 
ait  retiré  du  véritable  phofphore.  Au  refte  , ce 
mémoire  offre  plufleurs  faits  intéreffans,  & qui 
feront  utiles  aux  chimifles  qui  voudront  entre- 
prendre une  analyfe  fui  vie  du  pyrophore. 

L’alun  efl;  d’un  ufage  très-étendu.  On  l’emploie 
en  médecine  comme  aflringent  ; mais  il  demande 
beaucoup  de  précautions  pour  être  admimflré 
à l’intérieur.  On  s’en  fert  plus  fouvent  à l’exté- 
rieur , comme  d’un  fliptique  & d’un  defliccatif 
puiflant.  Il  entre  dans  les  collyres  , les  garga-, 
rifmes , les  emplâtres,  &c. 

L’alun  eft  une  des  matières  falines  les  plus 
utiles  dans  les  arts.  Les  chandeliers  le  mêlent  au 
fuif  pour  le  rendre  plus  ferme.  Les  imprimeurs 
frottent  leurs  balles  avec  l’alun  calciné , pour  leur 
faire  prendre  l’encre.  Le  bois,  imprégné  d’une 
diffoîution  d’alun  , ne  brûle  qu’avec  peine;  c’eff 
d’après  cela  qu’on  a propofé  ce  moyen  pour  ga« 
rantir  les  édifices  des  incendies;  on  a le  même 
avantage  pour  le  papier  ; mais  celui-ci  jaunit  & 
s’altère  affez  promptement. 

Les  blanchiffeuies  jettent  un  peu  d’alun  danç 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  ±ïf 
ï’eau  trouble  pour  l’éclaircir.  M.  Baume  croit  que 
ce  tel  le  charge  d’une  partie  de  la  terre  fufpendué 
dans  ce  fluide  , &-  fe  précipite  avec  elle  * en  for- 
mant un  compolé  infoluble.  Quelques  perfGnnés 
fe  fervent  de  ce  moyen  pour  purifier  6c  rendre 
claire  l’eau  que  l’on  veut  boire.  On  s’en  fert 
pour  préparer  les  cuirs  ; pour  imprégner  les  pa- 
piers 6c  les  toiles  que  f’on  veut  colorer  à l’aide 
de  l’impreffiom 

Une  di  Ablution  d’alun  retarde  la  putréfaèiion 
des  fubftances animales.  C'eft  un  moyen  très-bon 
& très-économique  pour  conferver  les  produc- 
tions naturelles  que  l’on  envqie  des  pays  étran- 
gers. La  terre  d’alun  fait  la  bafe  des  paflels , 6c 
elle  leur  donne  du  corps  ; enfin  , ce  fel  eft  famé 
de  la  teinture  * comme  le  dit  Macquer.  11  aug- 
mente l’éclat  6c  l’intenfité  des  couleurs;  il  donne 
de  la  folidité  aux  parties  colora  tes  extractives  * 
qui  fans  lui  ne  feroient  point  durables  6c  s’enlé- 
veroient  par  l’eau.  Cette  dernière  aétion  de  l’alun 
fur  les  matières  colorantes  végétales  fera  exami- 
née dans  l’h’ftoirt  de  ces  matières;  on  y verra  que 
e’eft  en  changeant  leur  natu  e , en  les  décompo- 
fant , 6c  en  les  rendant  indiflolubles  dans  l’eau  j 
que  l’alun  leur  fait  prendre  de  la  loliditéi 


tl2&  Ê L É M E N 9 

Sort.  II.  Nitrate  alumineux; 

M.  Bautné  dit  que  l’acide  nitrique  diffout  com- 
plètement la  terre  de  l’alun.  Cette  diffolution  eft 
limpide  & beaucoup  plus  aftringente  que  celle  de 
i’alum  Elle  donne  par  une  évaporation  fpontanée 
des  petits  criftaux  pyramidaux,  très-ftiptiques , 
qui  font  déliquefcens. 

On  n’a  point  encore  examiné  les  autres  pro- 
priétés de  ce  fel  ; on  fait  feulement  qu’il  eft  dé- 
compofable  par  les  mêmes  intermèdes  que  l’alun. 
On  ne  l’a  point  encore  trouvé  dans  la  nature,  ôi. 
il  eft  toujours  un  produit  de  l’art. 

Sorte  III.  Muriate  aluminïux. 

L’acide  muriatique  diffout  mieux  la  terre  alu- 
jnineufe  que  ne  le  fait  l’acide  nitrique.  Cette  diffo- 
lution  faturée  eft  gélatineufe  ; on  ne  peut  la  filtrer 
qu’en  l’étendant  dans  beaucoup  d’eau.  La  faveur 
du  muriate  alumineux  eft  falée  & ftiptique  ; il 
rougit  le  firop  de  violettes , & le  verdit  enfuite. 
Il  donne  par  une  évaporat'on  fponranée  des 
criftaux  très- ftiptiques,dont  on  n’apoint  examiné 
la  forme  : l’eau  de  chaux  le  décompofe.  Le  mu- 
riate alumineux  eft  déliquefeent  ; il  a toujours 
été  jufqu’à  préfent  un  produit  de  l’arr.  On  ne 
çonnost  point  fes  autres  propriétés. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  2.29 

Sorte  IV.  Borate  alumineux. 

On  n’a  point  encore  examiné  la  ccmbinaifon 
de  l’acide  boracique  avec  l’âluhûne  , que  nous 
appelons  borate  alumineux.  On  fait  que  fi  l’on 
verfe  une  diffolution  de  borate  de  foude  dans 
une  diffolution  de  fulfate  alumineux  , il  fe  forme 
un  précipité  léger  tk  flocconneux. L’acide  fulfuri- 
que  quitte  l’alumine  pour  s’unir  à la  foude.  Cette 
terre  fe  combine  avec  l’acide  boracique  , qui  fe 
fépare  en  même  temps  ; & ce  nouveau  fel  fe  re- 

diffout  peu-à-peu.  Cette  liqueur  précipite  enfuite 

% 

par  l’alcau  fixe  , & elle  donne  par  l’évaporation 
une  malle  vifqueufe  & aftringente,  dans  laquelle 
le  fulfate  de  foude  & le  borate  alumineux  font 
confondus.  Cette  efpèce  de  borate  efl  décompo- 
fab'e  par  les  mêmes  intermèdes  que  l’alun;  ait 
refte , on  n’en  a point  examiné  avec  aflez  de  foin 
les  propriétés,  * 

Sorte  V.  F lu  ATI  alumineux.’ 

Nous  cléfignons  par  ce  nom  la  combinaifoil 
d’acide  fîuorique  avec  l’alumine.  Ce  fel  neutro 
n’eft  point  connu  , & on  ne  l’a  point  du  tout 
examiné.  MM.  Schéele  , Boullanger  <k  Bergman 
n’ont  rien  dit  fur  cette  combinaifon. 

Sorte  V I.  Carbonate  alumineux. 

/ 

L’union  de  l’acide  carbonique  avec  l’alu  miaft 

Piii 


Z]Q,  E L É M E N S 

n’a  été  encore  que  peu  examinée.  Il  eft  cependant 
certain  que  cet  acide  fe  combine  avec  une  por- 
tion de  terre  alumineufe , puifque  , io.  fuivant  la 
remarque  de  Bergman,  lorfqu’on  précipite  une 
diffolution  d’alun  par  les  carbonates  alcalins,  la 
liqueui  nltrée  laiffe  dép.ofer  au  bout  de  quelque 
temps  un  peu  de  terre, qui  y étoir  tenue  en  diffo- 
lution  par  l’açide  carbonique  qui  s’enfépare  i 
jnefure  que  ce  dernier  fe  difïipe  ; 2°.  cette  préci- 
pitation faite  à froidne  préfente  point  d’effervef- 
çence,  & une  portion  de  l’acide  carbonique  qui 
fe  fépare  de  l’a’cali  paroît  fe  porter  fur  l’alu- 
mine , tandis  qu’une  autre  portion  fe  diffout  dans 
la  liqueur. 

D’ailleurs  il  eft  reconnu  aujourd’hui , d’après 
i’analyfe  de  plufieurs  terres  argileufes  faites  par 
quelques  chimiftes modernes, qu’elles  contiennent 
de  l’acide  carbonique,  puifqu’elles  font  une  effer;- 
vefcençe  plus  ou  moins  marquée  , lorfqu’on  les, 
d.üTout  dans  les  acides  fulfurique  &c  muriatique.. 


b’hist.  Nat.  et  de  Chimie;  131 


CHAPITRE  X. 


Genre  VI.  Sels  neutres  Barytiques  , 

OU  A BASE  DE  BARYTE. 

a 

L A baryte  forme  avec  les  acides  des  fels  neutres 
différens  de  tous  ceux  que  nous  avons  examinés 
jufqu’ici,  non-feulement  parleur  forme,  leur 
faveur  , leur  iolubilité  , mais  encore  par  les  loix 
qu’ils  fui  vent  dans  leur  décompofition.Labafe  ter- 
reo-alcaline  qui  les  conftitue  a plus  d’affinitéavec 
les  acides  que  n’en  ont  les  rrois  alcalis  &les  au- 
tres terres  ; il  faut  que  ces  fubflances  alcalines 
foient  unies  à l’acide  carbonique  pour  pouvoir 
féparer  cette  bafe  & décompofer  les  fels  baryti- 
ques.  Ces  fels  font  au  nombre  de  fix,  favoir  , le 
fulfate  barytique  , ou  fpath  pefanr , le  nitrate  ba- 
rytique  , le  muriate  barytique  , le  borate  baryti- 
que , le  fluate  barytique  & le  carbonate  baryti- 
que A ces  lix  fels  il  faut  ajouter  les  combinai- 
fons  de  la  baryte  avec  les  acides  tunftique  , arfé- 
nique  , molybdique  & fuccinique;  mais  ceux-ci 
étant  bien  moins  connus , nous  n’en  parlerons  que- 
d.ans  l’hiftoire  particulière  de  ces  quatre  acides. 

P i* 


*3Z  Elemens 

Sorte  7.  Sulfate  Barytique  ou  Spath  pesant. 

Le  fpath pifant , regardé  jufqu’à  préfent  comme 
une  pierre  par  les  naturalises,  parce  qu’il  n’a  ni 
faveur  , ni  difîolubiliîé  , eS  le  réfultatde  la  com- 
binaifon  de  l’acide  fulfurique  avec  la  baryte , &C 
doit  porter  le  nom  de  Julfatc  barytique.  Ce  fel 
terreux  a fou  vent  été  confondu  avec  le  fpath  jluot 
ou  fluate  calcaire  par  beaucoup  de  naturalises  \ 
Sc  ils  ont  fans  doute  étc  trompés  , parce  qu’il  ne 
fait  pas  plus  d’effervefcenceque  lui  avec  les  acides. 
Mais  fa  forme,  fon  peu  de  tranfparence  , &:  fur- 
tout  fa  pefanteur  extrême, le  fontaflez  facilement 
distinguer,  Un  feul  caractère  chimique  fuffit  en- 
core pour  le  faire  reconnoître.  Si  on  verfe  un  peu 
d’acide  fulfurique  fur  ce  fpath  réduit  en  poudre, 
çet  acide  le  mouille  fans  en  dégager  aucune  va- 
peur, ni  aucune  odeur  \ tandis  que  le  fluate  cal- 
caire ou  fpaih-jluor , traité  de  même , exhale  peu- 
à-peu  un  gaz  d’une  odeur  piquante  , qui  forme 
line  fumée  blanche  dès  qu’il  eft  en  contaft  aveG 
l’air, & que  l’on  reconnoît  bientôt  pour  l’acide  Hua- 
rique.  D’autres  naturaliftes  l’ont  confondu  avec 
quelques  variétés  de  félénite  ou  fulfate  de  chaux, 
pais  çe  dernier  fel  n’a  ni  la  même  forme,  ni  la 
même  infolubilité,&  il  efl:  décompofé  par  les  alcar 
lis  fixes  purs  ou  cauftiques,  tandis  que  le  fpath  pe^ 
faut  n’éprowye  point  d -altération  dç  la  part  de  ces 
fels. 


d’Hist.  Nat.  et  ds  Chimie.  235 
Lefulfate  bary  tique  le  trouve  en  grande  quan- 
tité dans  la  nature  ; il  accompagne  le  plus  fou- 
vent  les  mines  métalliques;  il  efl,  ou  criflallifé, 
ou  en  maffes  informes  , mais  toujours  difpofé 
par  couches  plus  ou  moins  épaiffes,  & plus  ou 
moins  étendues.  Il  efl  d’une  dureté  allez  confidé- 
rable  , quoiqu’il  n’étincèle  pas  fous  le  briquet* 
Ses  principales  variétés  font  les  fuivantes, 
.Variétés* 

1.  Sulfate  bary  tique  ou  fpath  pefant  blanc  , 
demi-tranfparent , criflallifé  , en  prifmes 
à fix  faces  , deux  très^-larges , quatre  rrès- 
petites , terminés  par  des  fommets  diè- 
dres. Ces  criûaux  font  placés  obliquement 
fur  des  maffes  de  même  nature.  Ilsreffem- 
blent  à des  plaques  quarrées  allongées , 
dont  les  quatre  bords  auroient  été  taillés 
en  bifeau  à chaque  face.  Ils  font  fouvent 
recouverts  de  criftaux  rhomboïdaux  jau- 
nâtres. On  l’appelle  comme  le  fuivant  , 
fpath  pefant  en  tables. 

2.  Sulfate  barytique  , ou  fpath  pefant  d’un 
blanc  laiteux  en  tables  fans  bi  féaux»  Il  n’efî 
pas  criflallifé  régulièrement  , mais  il  efl 
formé  de  couches  allez  épaiffes,  pofées 
les  unes  fur  les  autres.  Il  efl  fouvent  in- 
cruflé  d’une  poufîière  rougeâtre  de  mine 
d’argent  rouge,  ou  d z pyrites* 


Elément 


v 


vV  ariétés# 

3.  Sul  ate  barytique  ou  fpath  pefant  arrondi 
& demi  chatoyant;  pierre  de  Boulogne. 
Elle  eft  formée  de  plufieurs  filets  conver- 
gens , qui  fe  réunifient  en  lames  appli- 
quées les  unes  fur  les  autres.  C’eft  cette 
variété  qui  eft  la  plus  connue,  à caufe  de 
fa  propriété  phofphorique.  Elle  a mani- 
feftement  été  roulée  par  les  eaux. 

4.  Sulfate  bary tique  ou  fpath  pefant  o&aè- 
dre.  Les  fommets  des  pyramides  font 

■ fouvent  tronqués  , ce  qui  forme  un  dé- 

caèdre. Il  préfente  aufii  plufieurs  autres 
variétés,  fui vant  rallongement  & la  tron- 
cature de  (es  angles,  ou  plutôt  fui  vant  les 
divers  décroiffemens  formés  par  fes  mo- 
lécifes. 

5.  Sulfate  barytique  ou  fpath  pefant  dodé- 
caèdre. Il  a la  forme  de  certains  grenats 
& de  quelques  pyrites.  Il  eft  plus  rare 
que  le  précédent. 

6.  Sulfate  barytique  ou  fpath  pefant  pyra- 
midal. Cette  variété,  ainfi  que  la  précé- 
dente , eft  indiquée  dans  le  tableau  de 
M.  Daubenton. 

J’avois  regardé  comme  une  variété  de  fpath 
pefant  celui  qu’on  appe'l  e fpath  pet  le , & qui  avoit 
été  placé  autrefois  parmi  les  fpath  fèlénimx 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie:  i]f 

comme  la  plupart  des  précédentes.  Ce  fpath  eft 
formé  de  petites  écailles  rhombéales  fouvent 
brillantes  , qui  fe  recouvrent  obliquement  les 
unes  les  autres.  Il  eft  opaque  , brillant , 'comme 
micacé  & femé  fur  du  fpath  calcaire,  fur  du  quartz 
ou  fur  la  première  variété  que  nous  avons  dé- 
crite. Il  eft  coloré  en  jaune  ou  en  vert  fale  ; 
quelquefois  il  eft  d’un  blanc  argentin.  C’eft  un 
vrai  fpath  calcaire, , fuivant  M,  l’abbé  Haiiy. 

Margraf , qui  a examiné  plufteurs  variétés  de 
fulfate  bary tique,  telles  que  la  pierre  de  Boulo- 
gne & le  fpath  pefant  blanc  opaque , avoit  cru  le 
reconnoître  pour  une  efpèce  de fèlènite  ou  fulfate 
calcaire , mêlée  avec  un  peu  d’argile,  qui  la  ren- 
doit  infoluble  ; mais  MM.  Gahn , Schéeleôi  Berg- 
man y ont  trouvé  la  terre  particulière  que  nous 
avons  appellée  baryte .r  M.  Monnet  y avoit  aullâ 
reconnu  une  bafe  différente  de  la  terre  calcaire 
par  les  fels  qu’elle  forme  avec  les  acides  ; mais 
ce  chimifte  y admet  le  foufre  tout  formé , 
regarde  le  fpath  pefant  comme  un  foie  de  foufre 
terreux  criftallifé* 

Le  fulfate  barytique  fe  fond  à une  chaleur 
violente  , telle  que  celle  des  fours  de  porce- 
laine , &c.  il  donne  un  verre  plus  ou  moins  co- 
lore. Expofé  à une  chaleur  foible,  il  n’eft  nulle- 
ment altéré.  Si  on  le  porte  dans  l’obfcunte,  lor£- 


a36  Elémens 

<qu’il  a été  chauffé  un  peu  fortement , il  préfente 
line  lumière  bleuâtre  très~vive.  Lemery  rapporte 
qu’un  cordonnier  d’Italie,  appelle  Vincenzo  Caf- 
ciarolo, découvrit  le  premier  la  propriété  phof- 
phorique  de  la  pierre  de  Boulogne.  Cet  homme 
ramaffa  au  bas  du  monr  Paterno  cette  pierre  dont 
le  brillant  & la  pefanteur  lui  avoient  fait  penfer 
qu’elle  contenoit  de  l’argent  ; l’ayant  expofée  au 
feu , pour  effayer  fans  doute  d’y  reconnoître 
quelques  traces  de  ce  précieux  métal,  il  remarqua 
qu’elle  étoit  lumineufe  dans  l’obfcurité } cette  dé- 
couverte attira fon  attention,  & l’expérience  ré- 
pétée plufîeurs  fois  lui  réufîît  conftamment.  Beau- 
coup de  phy ficiens  & de  chimiffes  fe  font  fucceffi- 
vement  occupés  de  ce  phénomène  , & ont  varié 
de  toutes  les  manières  la  calcinaîionde  la  pierre  de 
Boulogne  ; les  ouvrages  de  la  Poterie , de  Montal- 
ban  , de  Mentzel , de  Lemery , les  Mémoires  de 
Homberg , de  Dufay,de  Margraf,  contiennent 
plufîeurs  procédés  pour  cette  opération. 

On  fait  aujourd’hui  que  cette  propriété  eft 
commune  à toutes  les  variétés  de  Calfate  baryti- 
que.  Il  luffit  de  les  faire  rougir  dans  un  creufet , de 
les  réduire  en  poudre  dans  un  mortier  de  verre  , 
d’en  faire  une  pâte  avec  un  peu  de  mucilage  de 
gomme  adragant , d’en  former  des  gâteaux  minces 
comme  des  lames  de  couteau  ; on  fait  féchcr  eu- 


£>’ Hist.  Nat.  et  te  C«îmie.  137 
•fuite  ces  gâteaux  , & on  les  calcine  fortement 
en  les  mettant  au  milieu  des  charbons  dans  un 
fourneau  qui  tire  bien  ; on  ne  les  en  retire  que 
lorfque  le  charbon  eft  confume  Si  le  fourneau 
tféfroidi  ; on  les  nettoie  par  le  moyen  d’un  fouf- 
flet,  on  les  expofe  à la  lumière  pendant  quelques 
minutes  , & en  les  portant  dans  un  lieu  obfcur, 
on  les  voit  briller  comme  un  charbon  ardent.  Ces 
gâteaux  luifent  même  dans  l’eau  ; ils  perdent  peu- 
à-peu  cette  propriété  , & on  la  leur  rend  en  les 
chauffant  de  nouveau.  Mais  beaucoup  d’autres 
fubftances  préfentent  le  même  phénomène;  la 
magnéfte , la  craie  , le  fulfate  ôc  le  fluate  cal- 
caires , ôzc.  deviennent  lumineux  après  avoir  été 
chauffés.  Macquer  a reconnu  la  même  propriété 
dans  la  terre  de  l’alun , le  fulfate  de  potaffe  , la 
craie  de  Briançon , la  pierre  à fufil  noire  calcinée, 
ce  qui  prouve  que  la  préfence  d’un  acide  n’eft 
pas  abfolument  néceffaire  pour  la  produéiion  de 
ce  phénomène , quoiqu’elle  paroiffe  contribuer 
pour  quelque  chofe  à fon  intenfité. 

Le  fulfate  barytique  chauffé  dans  une  cornue  , 
n’a  rien  donné  à Margraf.  Ce  favant  a obfervé 
que  ce  fpath  n’étoit  nullement  altéré  par  cettç 
opération. 

Ce  fel  eft  parfaitement  infoluble  dans  l’eau  ; 
les  matières  terreufes  ÔC  falino-terreufes  n’ont  au- 


*3 “ E L É M E N S.1 

cune  aélionfur  lui.  Les  alcalis  fixes  purs  ne  péitf 
veut  le  décompofer  ; & c’efflà  la  propriété  la  plus 
fingulière  qu’il  préfente.  En  effet , les  autres  ma- 
tières terreufes  & falino-terreufes  ont  moins  d’af- 
finité avec  l’acide  fulfurique , que  n’en  ont  les 
alcalis  fixes.  La  baryte , au  contraire  , a plus 
d’affinité  que  ces  fels  avec  ces  acides.  Auffi  nous 
avons  fait  obferver , d’après  Bergman  , que  cette 
terre  décompofoit  les  fulfates  de  poraffe  & de 
foude.  11  en  eft  de  même  de  l’ammoniaque. 

Les  acides  minéraux  n’ont  point  d’aéfion  fur 
le  fulfate  bary tique,  parce  que  l’acide  fulfurique 
efl  le  plus  adhérent  de  tous  à la  terre  qui  fert  de 
bafe  à ce  fel.  Les  fels  neutres  ne  l’altèrent  pas 
davantage , fi  l’on  en  excepte  les  carbonates  de 
potaffe  & de  foude.  Ces  deux  fubffances  falines 
décompofent  le  fpath  pefant  à l’aide  des  affinités 
doubles.  La  baryte  eft  féparée  de  l’acide  fulfuri- 
que  , parce  qu’elle  eft  attirée  par  l’acide  carboni- 
que , en  même-temps  que  l’un  ou  l’autre  des 
alcalis  fixes  fe  porte  fur  le  premier  acide;  Pour 
opérer  cette  décompcfition  , on  fait  fortement 
chauffer  dans  un  creufet  un  mélange  de  deux 
parties  de  carbonate  de  potaffe  , & d’une  partie 
de  fulfate  barytiqne  réduit  en  poudre.  Onîeffive 
cette  matière , qui  eft  à demi-vitrifiée,  dans  l’eau 
diftillée  ; on  filtre  la  liqueur  , ÔC  q n en  obtient 


b’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  239 
par  l’évaporation  du  fulfate  de  potalfe.  La  fubf- 
tance  reliée  fur  le  filtre  ell  le  carbonate  de  baryte^ 
on  le  lave  à grande  eau  pour  le  bien  delfaler , 8c 
il  ell  fous  la  forme  d’une  nirtière  pulvérulente 
très-blanche  & très-fine,  mais  ordinairement  im- 
pure , parce  qu’il  contient  prefque  toujours  une 
portion  de  fulfate  baryîique  qui  a échappé  à la 
décompofition. 

Les  fubllances  combuilibîes  ayant  la  propriété 
de  déccmpofer  ce  fel  terreux  , peuvent  aulîi  être 
employées  pour  en  obtenir  la  bafe.  Lorfqu’oa 
expofe  au  feu  , dans  un  creufet , ce  fel  pulvérifé 
avec  un  huitième  de  fon  poids  de  charbon  en 
poudre , & lorfqu’on  fait  rougir  le  creufet  pen-; 
dant  deux  ou  trois  heures,  la  matière  verfée  dans 
de  l’eau  dillillée  donne  fur-le-champ  à ce  fluide 
une  couleur  jaune  rougeâtre , & tous  les  carac- 
tères d’une  dilfolution  de  fulfure  terreux.  En 
effet , le  charbon  ayant  enlevé l’oxigène  à l’acide 
fulfurique  , le  foufre  mis  à nud  par  cette  dér 
compolition  s’unit  à la  baryte  qui  le  réduit  dans 
l’état  de  fulfure  ou  d ’hépar.  On  précipite  la  diffo- 
lution  de  ce  fulfure  à l’aide  d’un  acide  ; on  choifit 
l’acide  muriatique  parce  qu’il  forme,  avec  cette 
terre,  un  fel  folubie , tandis  que  l'acide  lulfu- 
rique  reformeroit  du  fulfate  barytique  qui  ell 
infoluble  j on  filtre  la  liqueur  décompofée  par 


I 


*4°  E L £ M Ê N s 

l'acide  ; le  foufre  féparé  par  cet  acide  refte  fat 
le  filtre , & l’eau  filtrée  tient  en  diffolution  du 
xnuriate  barytique.  On  le  décompofe  par  une 
diffolution  de  carbonate  de  potaffe  , & la  ba- 
ryte fe  précipite  unie  à l’acide  carbonique  , dont 
on  peut  la  Séparer  par  la  calcination  , comme 
nous  le  d'rons  dans  un  autre  article.Ce  procédé, 
que  j’ai  exécuté  un  grand  nombre  de  fois , ne 
fournit  que  très-peu  de  baryte , &:  l’on  ne  trouve 
fur  le  filtre  de  la  précipitation  de  l’hépar  par 
l’acide  muriatique  que  quelques  atomes  de  foufre, 
fi  l’on  ne  fait  pas  chauffer  très  - fortement  le 
mélange.  Pour  aider  la  décomposition  de  ce  fel 
terreux  , Bergman  & Schéele  ont  prefcrit  d’a- 
jouter au  mélange  de  fulfate  barytique  & de 
charbon  un  quart  environ  de  fel  fixe  de  tartre . 
Alors  on  fépare  plus  facilement  le  foufre  & la 
baryte;  ce  qui  dépend  de  la  fufion  plus  complète 
opérée  par  l’alcali  fixe. 

On  voit , d’après  les  deux  procédés  par  les- 
quels on  décompofe  le  fulfate  barytique , ainfi 
que  d’après  l’examen  de- toutes  les  propriétés  de 
ce  fel , combien  la  terre  ou  la  fubftance  falino- 
terreufe  qui  en  fait  la  bafe  , différé  de  celles  que 
nous  connoiffons,  favoir,  de  l’alumine,  de  La 
chaux  & de  la  magnéfie. 

Le  fulfate  barytique  n’eft  abfolument  d’aucun 

ulâge 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  141 
ufage  dans  les  arrs  : on  en  prépare  des  gâteaux 
phofphoriques,  & on  en  extrait  la  baryte  pour 
l’ufage  des  laboratoires  de  chimie. 

Sorte  II.  Nitrate  barytique. 

L’acide  nitrique  s’unit  facilement  à la  baryte  ; 
il  réliilte  de  cette  combinaifon  un  fel  neutre , 
qui  donne  ou  de  gros  criftaux  hexagones  , ou 
de  petits  criffaux  irréguliers , fuivant  M.  d’Ar- 
cet  : on  ne  l’obtient  criffallifé  qu’avec  affez  de 
difficulté. 

Le  nitrate  barytique  fe  décompofe  au  feu , & 
il  donne  de  l’air  vital. 

Il  attire  l’humidité  de* l’air  ; & cependant  il 
lui  faut  une  affez  grande  quantité  d’eau  pour 
être  tenu  en  diffolution. 

Les  alcalis  purs  ne  le  décompofent  point  non 
plus  que  le  fable , l’alumine , la  chaux  & la  ma- 
gnéiie. 

L’acide  fuîfurique  verfé  dans  la  diffolution  dit 
nitrate  barytique  en  précipite  fur  le  champ  du 
fulfate  de  baryte.  L’acide  fluorique  s’empare  auffi 
de  fa  bafe. 

Les  carbonates  alcalins  le  décompofent  par 
une  double  affinité. 

Ce  fel  n’eft  encore  que  très-peu  connu. 

Sorte  III.  Muriate  barytique. 

Ce  fel  a été  auffi  peu  examiné  que  le  préeé- 

Tome  IL  Q 


M2-  É L Ê M E N 5 

dent.  Bergman  dit  qu’il  eft  fufceptibîe  de  crif- 
taliifer , & qu’il  ne  fe  diffout  que  difficilement; 
on  l’obtient  en  effet  fous  la  forme  de  criftaux 
quarrés  allongés  affez  fernbîables  à ceux  du 
fpath  pefant  en  tables. 

Le  labié,  l’alumine,  la  chaux,  la  magnéfie 
& les  alcalis  cauftiques  ou  purs  n’ont  nulle  ac- 
tion fur  ce  fel , & n’en  féparent  point  les  prir> 
cipes. 

Les  acides  fulfurique  & fluorique  décompcH 
fent  ce  fel,  en  s’emparant  de  fa  bafe. 

Les  carbonates  de  potaffe  & de  foude  en  pré- 
cipitent la  baryte  unie  à l’acide  carbonique. 

Bergman  met  le  muriate  barytique  au  nom- 
bte  des  réa&ifs  les  plus  fenfibles  ; & il  le  pro- 
pofe  pour  reconnoître  la  plus  petite  quantité 
pcffible  d’acide  fulfurique  contenu  dans  une 
eau  minérale.  Une  ou  deux  gouttes  de  diffolu* 
tion  de  ce  fel  verfées  dans  environ  trois  livres 
d’eau  chargée  de  douze  grains  de  fulfate  de 
foude  en  criftaux  y prpduifeut  bientôt  des  ftries 
blanches  de  fulfate  bary tique,  formé  par  la  dou- 
ble décompofition  de  ces  deux  fels , & par  le 
tranfport  de  l’acide  lulfurique  fur  la  baryte  ; il 
refte  du  muriate  de  foude  en  diffolution  dans  la 
liqueur  : tous  les  fels  fulfuriques  font  également 
fenfibles  par  ce  réattif  qui  les  déçompofe  en  for- 
mant du  fui  fat  ç bary  tique. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  245 
Sorte  IV.  Borate  barytique. 

On  ne  connoît  point  du  tout  cette  combinai» 
fon  de  l’acide  boracique  avec  la  baryte. 

Bergman  affure  que  l’acide  du  borax  eft  tirî 
de  ceux  qui  a le  moins  d’affinité  avec  cette  flibf- 
tance  falino-terreufe , & il  le  place  dans  fa  table 
au-deflbus  de  la  plupart  des  acides  végétaux  Sc 
animaux. 

Sorte  Y.  Fluate  barytique. 

Ce  fel  n’efl  pas  plus  connu  que  le  précédent,' 
& c’efl  un  objet  de  travail  abfolument  neuf, 
ainfi  que  beaucoup  d’autres  matières  falines  , 
qui  n’ont  point  encore  été  examinées,  & fur  les- 
quelles la  difette  de  faits  nous  a obligés  d’être 
fort  courts. 

Bergman  affure  dans  fa  differtation  fur  les 
attrapions  éle&ives,  que  l’acide  fluorique  verfé 
dans  une  diffolution  de  nitrate  ou  de  rnuriate 
barytique,  y occaflonne  un  précipité , & que  ce 
précipité  fait  effervefcence  avec  l’acide  fulfuri- 
que  qui  en  dégage  l’acide  fluorique. 

Cette  expérience  prouve  que  l’acide  fluorique 
a plus  d’affinité  avec  la  baryte  que  les  acides 
nitrique  ôi  muriatique,  & qu’il  forme  avec  cette 
fubftance  falino-terreufe  un  fel  beaucoup  moins 
foluble  que  le  nitrate  £{le  muriate  barytique. 

Qü 


1 


*44 


E L É M E N S 


Sorte  VI.  Carbonate  barytique.' 

La  baîyte  efl  fufceptible  de  s’unir  à l’acide 
carbonique,  & il  en  réfu  te  une  efpèce  de  fel 
neutre  qui  préfente  des  propriétés  particulières, 
& qui  femble  avoir  quelques  rapports  avec  la 
craie* 

On  a déjà  obfervé  que  c’efl  en  raifon  de 
l’afEnité  de  la  baryte  avec  l’acide  carbonique, 
que  le  fulface  bary tique  &c  tons  les  fels  en  géné- 
ral dont  cette  terre  efl  la  bafe  font  dé  .ompofés 
par  les  carbonates  alcalins.  Dans  ces  décompo- 
litions , il  le  précipite  toujours  du  carbonate 
de  baryte.  On  prépare  encore  cette  efpèce  de 
fel  en  expofant  à i’air  une  diffolution  de  cette 

fubflance  filino  - tcrreule  pure  ; la  furface  fe 

/ 

couvre  lentement  d’une  pellicule  qui  fait  effer- 
vefcence  avec  ies  acides,  & qui  efl  due  à cette 
terre  chargée  de  l’acide  carbonique  de  l’atmof- 
phère,  & devenue  moins  foluble  par  fa  neutra- 
lifation  ; ce  phénomène  efl  femblable  à celui 
que  préfente  l’eau  de  chaux  , & c’efl  une 
analogie  frappante  qui  exifle  entre  ces  deux 
fubfta  ces  falino-terreufes , quoiqu’elles  diffé- 
rent fmgulièrement  par  beaucoup  d’autres  pro- 
priétés. 

Le  carbonate  barytique  expofé  au  feu  perd 
fon  acide.  Si  on  le  chauffe  dans  une  cornue  ou 


D’HiSt'.  Nat.  et  de  Chimie.  24$ 
dans  un  matras  auquel  on  a adapté  un  appareil 
pneumato-chimique , on  obtient  cet  aude  fous 
fa  forme  gazeufe  naturelle.  Cependant  on  n’en 
fépare  les  dernières  portions  que  très- difficile- 
ment & à une  chaleur  exceffive. 

Tous  les  acides  minéraux  dccompofent  ce 
fel  & en  dégagent  l’acide  carbonique  ; ce  qui 
produit  l’effervefcence  vive  qui  le  diflingue  d’a- 
vec la  baryte  cauffique  ou  pure.  Bergman  ef- 
time  que  ce  Tel  contient  au  quintal  fept  parties 
d’acide  carbonique  , foixante-cinq  de  baryte,  Sc 
huit  d’eau. 

\ . 

L’eau  ne  diffout  qu’à  peine  le  carbonate  ba- 
rytique,  mais  lorfqu’elle  efl  elle-même  char- 
gée d’acide  carbonique  , elle  en  diffout  environ 
lin  mil  cinq  cent  cinquantième  de  fon  poids'. 
On  voit,  d’après  cela,  que  le  carbonate  bary- 
tique  eff  moins  diffoluble  que  la  baryte  pure 
ou  cauftique  , puifque  dans  ce  dernier  état  l’eau 
peut  en  diffoudre  environ  un  neuf-  centième, 
fnivant  les  expériences  de  Bergman.  Il  fe  com- 
porte donc  à-peu-près  comme  la  craie  ou  le 
carbonate  de  chaux , puifqu’il  fe  précipite  auffi 
comme  ce  dernier,  à mefure  que  l’acide  carbo- 
nique uni  à l’eau  qui  le  tient  en  diffolution 
s’évapore.  Au  refte  il  en  diffère  par  un  grand 
nombre  d’autres  propriétés , &c  fur-tout  par  les 
fels  qu’il  forpie  avec  les  atitres  acides  s comme 

Q “i 


Z4&  É L É M E M S 

nous  l’avons  démontré  par  l’examen  de  ces  Tels. 

Le  carbonate  barytique  n’eft  d’aucun  ufage  î 
on  l’a  trouvé  dans  la  nature.  Voyez  l’Analyfe 
de  celui  d’Alfton-Moore  , Annales  de  Chimie, 


CHAPITRE  XL 

Récapitulation  Jur  tous  les  fels  minéraux 
comparés  entreux . 

J^L'PR  Ès  avoir  expofé  les  connoiffances  ac- 
quifes  jufqu’à  ce  jour  fur  les  propriétés  de  tous 
ies  fels  minéraux  connus,  nous  croyons  devoir 
présenter  un  précis  de  leurs  principaux  carac- 
tères, de  leur  nature  comparée, & de  leurs  attrac- 
tions réciproques. 

I.  Les  fels  fe  reconnoiflent  à quatre  propriétés 
générales,  la  faveur,  la  tendance  à la  combinai- 
fcn  , la  didolubilité  Sc  l’incombuftibilité  ; ces 
propriétés  font  dans  des  degrés  très-différens 
d’énergie , & ces  degrés  conflituent  des  -diffé- 
rences efTemielles  dans  les  matières  Câlines. 

II.  Tous  les  fels  peuvent  être  rapportés  à 
quatre  ordres  ou  à quatre  genres  principaux, 
pavoir  , î®.  les  fubifances  falino  - terreufes  qui 
joignent  des  propriétés  terreufes  aux  qualités 


d’Hist.  Nat-  et  de  £»imie.  2.47 
jfalines;  20.  les  alcalis  dont  les  carà&ères  con- 
fident dans  ia  faveur  urineufe  & dans  la  pro- 
priété de  verdir  placeurs  couleurs  bleues  végé- 
ta les  ; 3 9.  les  acides  reconnoidables  par  la  faveur 
aigre  & la  couleur  rouge  qu’ils  font  prendre  aux 
matières  végétales  bleues;  4®,  les  fels  moyens 
ou  neutres  qui  different  des  précédons  par  moins 
de  faveur  , & fur-tout  une  faveur  mixte  falée, 
amère,  &cc.  moins  de  diffolubilité,  &c„ 

III.  Il  y a trois  fubdances  falino-terreufes 
la  terre  pefante  ou  baryte  , la  magnéfie  &:  la 
chaux.  On  connoît  allez  bien  leurs  propriétés, 
mais  on  ignore  leur  compofition.  Aucun  chi- 
mide  n’a  encore  pu  féparer  les  principes  ele  ces 
fubdances  ni  les  reformer  par  des  combinpifons  ; 
ainlî  ces  matières  font  réellement  fimpîes,  relati- 
vement à l’état  aéhiel  de  la  fcience  ; peut-être 
parviendra-t-on  par  la  fuite  à les  décompofer. 

IV.  On  connoît  trois  fels  alcalis  ; la  potaffe 
appellée  aulîi  alcali  fixe  végétal  y alcali  du  tarin  ; 
la  foude  nommée  alcali  minéral  ou  alcali  marin  ; 
l’ammoniaque  ou  alcali  volatil.  Les  deux  pre- 
miers font  fecs , folides , caudiques  , fufibles  , 
déliquefcenS  , &c.  On  ne  peut  les  didinguer 
l’un  de  l’autre  lorfqu’iîs  font  purs  ; on  les  dis- 
tingue facilement  par  leurs  combinai fons  avec 
les  acides.  Aucune  expérience  n’apprend  encore' 
rien  de  pofitit  fur  leur  compofition  imime  > 

Q iv 


*4$  Ê L É M E N S 

perfonne  n’en  a féparé  les  principes  ] ou  n’en 
a forme  par  des  combinaifons  particulières. 
L’opinion  des  chimiftes  qui  les  regardoient  com- 
me une  union  de  l’eau  & de  la  terre,  n’eft  qu’une 
hypôthèfe  autrefois  ingénieufe  à laquelle  on  doit 
renoncer,  parce  qu’elîe  n’eft  appuyée  fur  aucun 
fait  politif.  L’ammoniaque  diffère  des  deux  pre- 
miers, parce  qu’c  le  eft  fous  la  forme  d’un  fluide 
élaftique  très-odorant,  très-expanfible , &rc.  On 
entrevoit  aujourd’hui  qu’elle  eft  compofée  de  la 
bafe  de  deux  gaz»,  de  celle  du  gaz  inflammable 
ou  hydrogène  , & de  celle  de  la  mofette  atmof- 
phérique  on  de  l’azote,  qu’elle  fe  décompofe 
dans  pîufieurs  opérations,  & qu’elle  fe  forme 
dans  d’autres.  Il  paroîc  que  les  deux  alcalis  fixes 
contiennent  atiiïi  de  l’azote  , & que  ce  corps 
peut  être  regardé  comme  le  principe  alcalifîant, 
ou  comme  alcali  fine. 

V.  Les  acides  bien  connus  font  au  nombre 
de  fix;  l’acide  carbonique,  l’acide  muriatique, 
l’acide  fluorique  , l’acide  nitrique  , l’acide  fulfu- 
rique  & l’acide  boracique  ; tous  ont  des  pro- 
priétés particulières  qui  les  diftinguent;  l’acide 
carbonique,  l’acide  muriatique,  l’acide  fluorique 
prennent  très-facilement  l’état  é'aflique  ou  aéri- 
forme  ; il  n’en  eft  pas  de  même  de  l’acide 
nitiique  & de  l’acide  fuifurique;  l’acide  bora- 
cique eft  concret  & criftallin.  Les  acides  arfé- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  249 
nique  , molybdique  & tunftique  , dont  nous 
traiterons  dans  une  efpèce  de  fupplément , font 
concrets , mais  pulvérulens  & fans  forme  crif- 
talline. 

VI.  On  commence  à connoître  la  nature  des 
acides  beaucoup  mieux  qu’autrefois.  Il  eft  prou- 
vé que  l’hypothèfe  qui  les  regardoit  comme 
l’union  intime  de  l’eau  & de  la  terre  n’a  plus 
rien  de  vraifemblable.  On  a démontré  que  la 
bafe  de  l’air  vital  ou  Fcxigène  entre  dans  leur 
compofition  ; que  fouvent  cet  oxigène  y efi  uni 
avec  un  corps  combufiible , comme  le  charbon 
dans  l’acide  carbonique  , le  fouffre  dans  l’acide 
fulfurique,  l’azote  dans  l’acide  nitrique  ; îa  for- 
mation d’un  grand  nombre  d’acides  particuliers 
par  l’a&ion  de  l’acide  nitrique  fur  des  corps 
combufiibles  confirme  cette  afiertion  fur  la  né- 
cefiité  de  l’oxigène  pour  conftituer  les  acides. 

VII.  Les  acides  s’unifient  fans  décompofition 
à l’alumine  , à la  baryte , à la  magnéfie , à la 
chaux,  aux  alcalis  fixes  & à l'ammoniaque  j 
il  réfui  te  de  ces  combinaifons  un  grand  nom- 
bre de  fels  appelles  fels  compofés , fels  moyens , 
fels  neutres.  On  nomme  bafes  les  fubfiances  qui 
neutralifent  les  acides  dans  ces  combinaifons 
falines. 

VIII.  Les  fels  moyens  ou  neutres  ont  des 
propriétés  différentes  de  celles  de  leurs  compo- 


2$0  É L É M E N S 

fans  ; on  ne  reconnoît  plus  dans  la  plupart  les 
Cara&ères  de  l’acide  ni  de  la  bafe.  Cependant 
celle-ci  paroît  donner  aux  fels  neutres  quelques 
propriétés  générales  ou  communes  , & c’eft  pour 
cela  que  nous  avons  diftingué  les  genres  de  ces 
fels  par  leurs  baies. 

IX.  Il  y a d’après  ce  principe  lix  genres  de 
fels  neutres  dont  nous  croyons  devoir  retracer 
ici  Tordre,  la  compolition  àc  la  nomenclature. 

Genre  I.  Sels  neutres  a base 
d'alcalis  fixes. 


Noms  anciens. 

' Sort : I.  Acide  fulfurique  & 
potaffe. 

Ç Tajtre  vitriole , fel  de  duo  bu  fr 
Sulfate  Dï  POTASSE.  < Arcanum  duplicjiurn,  Vï~ 

C.  triol  de  potaffe. 

Sorte  IL  Acide  fulfurique  Sc 
foude. 

„ r Sst  de  Glnuber,  Vitriol  èt 

Sulfate  de  soude.  £ 

Sorte  111.  Acide  nitrique  &. 
potafle. 

Nitrate  DEPOTASSE.  Nitre  commun.  Salpêtre.. 


Sorte  IV.  Acide  nitrique  St 
foude. 

< Nitre  cubique , Nitre  rhons* 
Nitrate  de  soude.  ^ boïdil. 

Sorte  V.  Acide  muriatique  & 

P°taU<“‘  Ç Sel  digeflif , Sel  fébrifuge  de 

MURIATE  DE  POTASSE.  ^ Sylvius,  Sel  marin  régénéré» 

Sorte  VL  Acide  muriatique 

2c  foude.  „ , . _ , ,,  c r 

ç Set  marin  , Sel  de  mer , Sel 

MuriatX  DE  soude.  Z commun  , Sel  de  cuifine . 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  151; 


Sorte  T II.  Acide  boracique 
& potafle. 

Noms  anciens. 

Borate  de  potasse. 

Borax  végétal. 

Sorte  VIII.  Acide  boracique 
& foude. 

: • 

Borate  sursaturé  de*Ï 
soude  ou.  Borax.  , < 

> Boiax  commun , Tinckal . 

Sorte  IX.  Acide  fluorique 
& potafle. 

Fluate  de  potasse.  J 

('  Tartre  fpathique ; 
Spath,  de  tartre . 

Sorte  X.  Acide  fluorique  Sc 
foude. 


Fluate  de  SOUDE.  Soude  fpathiquci 

Sorte  XI.  Acide  carbonique 
& potafle. 

Carbonate  de  potasse.  £ Tartre çrayeu-*. 

£ Craie  de potajje . 

Sorte XII,  Acide  carbonique 
& foude. 

Carbonate  de  soude. 

Genre  II.  Sels  neutres  ammoniacaux • 

Sorte  1.  Acide  fulfurique  & 
ammoniaque. 

Sulfate  ammoniacal.  S Selammoniat  fecret  de  Glau - 

c Vitriol  ammoniacal. 

Sorte  II.  Acide  nitrique  Sc 
ammoniaque. 

Nitrate  ammoniacal.  Nitre  ammoniacal. 

• \ 

Sorte  111.  Acide  muriatique 
& ammoniaque. 

Muriate  ammoniacal.  Sel  ammoniacs 


1 


*5» 


ÊlB 


E M E N S 


Sorte  IV.  A eide  fluorique  & Noms  anciens. 


ammoniaque 


Fluate  ammoniacal. 

Sorte  T Acide  boracique  & 

ammoniaque  i 

BojtATE  AMMONIACAL. 

Sorte  VI.  Acide  carbonique 
& ammoniaque. 

i Carbonate  ammonia-  Ç ^ £ ^ V0Jat^  ^ Angleterre*, 
CAL.  ) Alcali  volatil  concret. 

(.  Fraie  ammoniacale. 

Genre  III.  .Seis  neutres  calcaires % 

Sorte  1.  Acide  fulfurique  & 
chaux. 

T Plâtre. 

Sulfate  calcaire. 

1 belcmte. 

V Vitriol  calcaire . 

Sorte  II.  Acide  nitrique  & 
chaux. 

Nitrate  calcaire.  Nitre  calcaire. 

I ' *v 

Sorte  III.  Acide  muriatique 
& chaux. 

Ç Sel  ammoniac  fixe , Huile  de 
MuRIATE  CALCAIRE.  chaux. 

( Sel  marin  calcaire . 

Sorte  IV.  A eide  fluorique  & 
chaux. 

Ç Spath  cubique  , Spath  vi- 

Fluate  calcaire.  { "eux  > SJ. Mh  Mf.‘  “ 

1 fluor  , rluor  Jpathique  , 

% Chaux  fluorée. 

Sorte  V.  Acide  boracique  & 
chaux. 

Borate  calcaire. 

/ • . 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  '253 

Sorte  VI.  Acide  carbonique  Noms  anciens; 

6c  chaux. 

„ C Craie  , Spath  calcaire.  Terre 

Carbonate  de  chaux. 

l calcaire. 

Genre  IV-  Sels  neutres  magnésiens . 

Sorte  I.  Acide  fulfurique  6c 
magnéfie. 

Ç Sel  d’Epfom , de  Sedlit Sel 
Sulfate  MAGNÉSIEN.  < cathartique  amer,  Vitriol  de 

C magnifie. 

1 

Sorte  II.  Acide  nitrique  & 
magnéfie. 

Nitrate  magnésien. 

Sorte  III.  Acide  muriatique 
6c  magnéfie. 

Muriate  magnésien.  Sel  marin  à bafe  de  magnifie é 

Sorte  IV.  Acide  fluorique 
& magnéfie. 

Fluate  magnésien; 

Sorte  V.  Acide  boracique  6c 
magnéfie. 

Borate  magnésien. 

Sorte  VI.  Acide  carbonique 
6c  magnéfie. 

Ç Magnéfie  ejf  rvefrente. 
Carbonate  MAGNÉSIEN.  < Magnifie  douce,  airée. 

Craie  magnéfiene. 

Genre  V.  Sels  neutres  alumineux. 

Sorte  I.  Acide  fulfurique  6c 
alumine. 

Sulfate  alumineux.  i Alun , Vitriol  d'argile  '. 

Il  . 


MENS. 


2Î4  É L É 

SOr“  11  âumL!itriq“e  & No'ms“ 

Nitrate  alumineux.  5 Njtre  argileux. 

( Alun  nitreux. 

Sorte  III.  Acide  muriatique 
& alumine. 

Muriate  alumineux.  5^cj  mar'ln-arS^eux» 

l Alun  mariné 

Sorte  IV.  Acide  fluorique  & 
alumine. 

Fluate  ALUMINEUX.  I Argile  fpanque. 

I Iluor  argileux. 

Sorte  V.  Acide  boracique  & 
alumine. 

Borate  alumineux.  Borax  argileux.  \ ï. 

Sorte  VI.  Acide  carbonique 
& alumine. 

„ f Argile  effervefeente. 

Carbonate  alumineux.  | c Jie  JgdJ^ 

Genre  VI.  Sels  neutres  a base  de  baryte 9 
ou  Sels  neutres  barytiques . 

Sorte  I.  Acide  fulfurique  & 
baryte. 

„ i,  Spath  pefant. 

Sulfate  barytique.  < barodqu^ 

Sorte  II.  Acide  nitrique  & 
baryte. 

Nitrate  barytique.  i 

Sorte  III.  Acide  muriatique 
& baryte. 

MUJUATË  BARYTIQUE.  Sel  marin  pefant. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  155 

Sotte  IV.  Acide  fluorique  Se  Noms  anciens, 

baryte. 

Fluate  barytique. 

Sorte  V.  Acide  boracique  & 
baryte. 

Borate  barytique. 

Sorte  VL  Acide  carbonique 
& baryte. 

Ç Terre  pe faute  aérée . 

Carbonate  barytique.  < Terre  pe/ ante  crayeufe. 

Ç,  Craie  barotiejuè . 

X.  On  pourra  joindre  à ces  fels  ceux  qui  font 
formés  par  les  acides  arfénique , molybdique, 
tun&que  & fuccinique , en  appellant  les  pre- 
miers ARSENIATES  DE  POTASSE,  DE  SOUDE,  &C. 

les  féconds,  molybdates  de  potasse*  db 
SOUDE  , AMMONIACAL  , CALCAIRE  , &C.  les 
troifièmes,  tunstates  de  potasse,  de  soude, 
de  chaux,  &c.  les  quatrièmes,  succina.t£S 

DE  POTASSE  , DE  MAGNESIE  , D’ALUMINE  , &c. 

Nous  traiterons  de  ces  quatre  genres  de  fels 
neutres  dans  l’hiftoire  des  fubfîances  métalliques 
& bitumineufes. 

XI.  Chaque  fel  en  particulier,  foit  fimple,’ 
foit  neutre  ou  moyen , a des  cara&ères  diüinc- 
tifs  qui  le  font  différer  de  tous  les  autres  & 
à l’aide  defquels  on  peut  le  reconnoître.  Ces 
caractères  confident  dans  leur  faveur  , leur 
forme,  leur  altérabilité  par  le  feu,  par  l’air, 
par  les  terres  &:  par  les  diverfes  fubftances 


25  6 Élemens 

falines.  On  ne  peut  apprendre  à les  bien  diftin- 
guer  qu’en  étudiant  avec  foin  toutes  leurs  pro- 
priétés , en  les  comparant  entr’elles , & fur-tout 
en  confidérant  celles  qui  contraftent  les  unes 
avec  les  autres. 

XII.  Quoique  la  plupart  des  fels  {impies  & 
fpécialement  des  fels  neutres  foient  prefque  tou- 
jours un  produit  de  l’art,  la  nature  en  préfente 
cependant  beaucoup  à la  furface  ou  à très-peu 
de  profondeur  de  la  terre.  On  n’a  point  encore 
trouvé  la  baryte  & la  magnéfie  pure;  la  chaux 
exifte  aux  environs  des  volcans  ; les  alcalis 
fixes  ne  font  jamais  cauftiques  à la  furface  du 
globe,  mais  combinés  avec  des  acides;  l’acide 
carbonique  eft  contenu  dans  l’atmofphère  ^em- 
plie quelques  cavités  fouterreines , & fe  dégage 
de  plufieurs  eaux  ; l’acide  muriatique  paroît 
être  libre  à la  furface  de  la  mer  ; l’acide  fluo- 
rique  eft  toujours  combiné  avec  la  chaux; 
l’acide  nitrique  fe  rencontre  dans  les  environs 
des  matières  en  putréfaéfion  ; l’acide  fulfurique 
a été  trouvé  criftallifé  par  M.  Baldoftari  dans 
une  grotte  des  bains  de  S.  Philippe  en  Italie  , 
& par  M.  de  Dolomieu  dans  une  grotte  de 
l’Etna.  M.  Vandelli  a obfervé  qu’aux  environs 
de  Sienne  & de  Yiterbe , l’acide  fulfurique 
diffous  dans  Peau  fuinte  à travers  les  pierres. 
L’acide  füil  fur  eux  fe  dégage  fans  ceffe  dans  les 

lieux 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  2^7 
lieux  volcanifés.  L’acide  boracique  eft  di.ffous 
dans  l’eau  de  plufieurs  lacs  de  Tofcane,  fuivant 
M.  Hoëfer. 

XIII.  Parmi  les  quarante-deux  efpèces  princi- 
pales (1)  de  fels  neutres  dont  nous  avons  fait 
l’hiiloire  , on  n’a  trouvé  à la  furface  ciu  globe  , 
dans  les  eaux  ou  dans  les  fluides  des  êtres  orga» 
nifés,  que  les  fuivans  , dans  le  genre  des  fels  neu- 
tres parfaits  ou  à bafe  d’alca'is  fixes.  Le  fulfate 
de  potaffe  dans  les  végétaux  ; le  fulfate  de  fonde 
dans  les  eaux  & dans  quelques  plantes  ; le  nitre 
da^s  les  fucs  des  végétaux  & dans  les  terres  im- 
prégnées de  matières  putrides;  le  muriatede  po- 
tafTe  dans  les  eaux  & dans  les  plantes  marines;  le 
muriate  de  fonde  dans  la  terre , dans  les  eaux  5 
clins  les  végétaux  du  bord  de  la  mer  &:  dans  les 
humeurs  animales  ; le  carbonate  de  potaffe  dans 
les  végétaux  ; le  carbonate  de  foude  en  effloref- 
cence  fur  la  terre,  fur  les  pierres,  & dans  les  hu- 
meurs animales;  il  y a de  l’incertitude  fur  le 


(1)  On  ne  parle  pas  ici  des  modifications  de  ces  Tels 
appelles  Sulfites  de,  &c.  Nitrites  de  , & c.  Muria- 
tes  oxigènes  de  , &c.  ni  des  a8  fortes  formées  par  les 
acides  métalliques  & bitumineux  ; le  nombre  des  fels 
neutres  feroit  bien  plus  confidérable  ; d’ailleurs  la  plu- 
part de  ceux-ci  ne  paroifient  pas  exifter  dans  la  nature. 
Tome  //.  pv 


E L É M E N S 

borax.  Le  nitrate  de  fonde,  le  fluate  de  potafle, 
le  fluate  de  fonde , le  borate  de  potaffe  font  tou- 
jours un  produit  de  l’art. 

XIV.  Parmi  les  fels  ammoniacaux,  on  ne 
connoît  tout  formés  dans  la  nature  que  le  mu- 
riate  ammoniacal  aux  environs  des  volcans,  oC 
le  carbonate  ammoniacal  dans  les  mat  é es  ani- 
males pourries;  le  fulfate  ammoniacal , le  nitrate 
ammoniacal , le  fluate  ammoniacal  &c  le  borate 
ammoniacal  font  toujours  formés  par  les  chimif- 
tes  dans  leurs  laboratoires, 

XV.  Les  fels  neutres  calcaires  font  très-abon- 
dans  à la  furface  du  globe  ; tk  des  fix  efpèces  que 
nous  en  connoifîons , cinq  ont  été  trouvées  pro- 
duites par  la  nature.  Le  fulfate  calcaire  ou  la  fêlé- 
nite  forme  des  lits  confidérables  dans  les  monta- 
gnes; le  carbonate  de  chaux  ou  les  matières  cal- 
caires  confiituent  une  grande  partie  des  couches 
fupcrieures  du  globe  ; le  nitrate  calcaire  accom- 
pagne conflamment  le  nitre  ordinaire  dans  les 
];eux  oit  il  fe  produit  ; le  muriate  cakaire  en  fait 
autant  à l’égard  du  muriate  de  fonde;  le  fluate 
calcaire  fe  trouve  abondamment  dans  les  mines, 

XVI.  Les  fels  magnéfiens  font  beaucoup  plus 
rares  dans  la  nature;  il  n’y  a que  le  fulfate  inag- 
néfien  le  muriate  de  magnéfie  qui  fe  rencon- 
trent difTous  dans  plufieurs  eaux;  le  nitrate  mag- 


» 


j*.  . . 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  2 59 
ncfien  y exifle  auffi  quelquefois,  mais  en  très- 
petite  quantité.  La  nature  n’a  point  encore  offert 
le  borate  magnéfien , le  fluate  magnéfien  & lo 
carbonate  de  magnéfie  ; celui-ci  paroît  cire  ce- 
pendant contenu  dans  pli; heurs  pierres. 

XVII.  Des  fix  fels  neutres  baryriques  , le  fuî- 
fate  de  baryte  eft  le  feul  qui  ait  été  trouvé  abon- 
damment parmi  les  minéraux  ; on  le  rencontre 
dans  les  fentes  des  montagnes,  & toujours  aux 
environs  des  mines.  On  ne  connoîc  point  encore 
dans  la  nature  le  nitrate  , le  muriate  , le  borate  y 
ni  le  fluate  barytioues.  Mais  on  a découvert , il 
y a quelques  années  , le  carbonate  de  baryte 
pur,  très-bien  cryftallifé  & en  grofles  maiTes  , en 
Angleterre. 

XVIII.  Il  en  eft  à-peu-près  de  même  des  fels 
alumineux.  Le  fulfate acids  d’alumine  eft  prefoue 
le  feul  que  l’on  trouve  aux  environs  des  vol- 
cans dans  les  terres  vôlcariifées.  Il  fe  ren- 
contre en  efilorefcence  fur  les  laves  décompo- 
fées,  &c.  les  pyrites  effleuries  en  contiennent 
auffi  ; quant  au  nitrate  s au  muriate  , au  borate 
ôc  au  fluate  alumineux , on  ne  les  a point  encore 
reconnus  dans  les  produits  naturels.  L'alumine 
eft  affiez  fréquemment  combinée  avec  l’acide 
carbonique,  & il  n’y  a prefque  aucune  terre  de 
cette  efpèce  dont  on  ne  puiffie  féparer  plus  ou 

R ij 


"6°  Élément 

moins  d’acide  carbonique  par  des  acides  pîu£ 
forts. 


CHAPITRE  XII. 

Examen  de  quelques  propriétés  générales 
des  fils-  5 particuliérement  de  leur  cryf- 
tallifation  , de  leur  fufibilité  3 de  l'efflo- 
refcence  ou  de  la  déliquejcence  , de  leur 
dijjolubiliié , &c. 

XjES  propriétés  que  nous  avons  fait  connoître 
dans  les  fels  fimples  & compcfés,  & que  nous 
n’avons  examinées  que  dans  chacun  d'eux  ifolés, 
doivent  être  confidérées  en  général  & compa- 
rées dans  les  diverfes  cfpèces,  pour  qu’on  puiffe 
en  tirer  quelques  réfultats  utiles.  Nous  traite- 
rons donc  ici  fous  ce  point  de  vue  de  la  cryftal- 
lifation  , de  la  fufibilité,  de  Pefflorefcence , de  la 
déliquefcence  & de  la  dilTolubilité  dans  l’eau. 

La  cryüallifation  , confidérée  en  général  dans 
tous  les  corps  qui  en  font  fufceptibles , elï  une 
propriété  par  laquelle  ils  tendent  à prendre  une 
forme  ulière,  à l’aide  de  certaines  circonftan- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  26 i 
ées  nécefîaires  pour  en  favorifer  l’arrangeaient. 
Prefque  tous  les  minéraux  en  jouifFent , mais  il 
n’y  a point  de  corps  dans  lefquels  elle  foit  auffi. 
énergique  que  les  fubfances  falines.  Les  circonf- 
tances  qui  la  favorilent , & fans  lefqueiies  elle 
ne  peut  avoir  lieu  , fe  réduifent  toutes  pour  les 
fels  aux  deux  fuivantes  ; i°.  il  faut  que  leurs  mo- 
lécules foient  divifées  & écartées  par  un  fluide, 
afin  qu’elles  puiffent  enfuite  tendre  les  unes  vers 
les  autres  par  les  faces  qui  ont  le  plus  de  rapport 
entr’elles;  20.  il  efl  nécefîaire,  pour  que  ce  rap- 
prochement ait  lieu , que  le  fluide  qui  écarte  leurs 
parties  intégrantes  foit  enlevé  peu-à-peu,  &cefie 
de  les  tenir  écartées.  Il  efl  ’aifé  de  concevoir,  d’a- 
près ce  fimpîe  expofé , que  la  cryflallifation  ne 
s’opère  qu*en  vertu  de  l’attracïion  entre  les  mo- 
lécules, ou  de  l’afiinité  d’aggrégation  qui  tend  à 
les  faire  adhérer  les  unes  aux  autres.  Ces  confé- 
dérations conduifent  à perafer  que  les  parties  in- 
tégrantes d’un  fel  ont  une  forme  qui  leur  efl  par- 
ticulière , & que  c’efl  de  cette  forme  primitive 
des  molécules  que  dépend  la  figure  différente  que 
chaque  fubflance  faline  afretle  dans  fa  cryfïallî- 
fation  ; elles  portent  également  à croire  que  les. 
petites  figures  polyèdres  appartenantes  aux  mo- 
lécules des  fels  ayant  des  côtés  inégaux  ou  des 

faces  plus  étendues  les  unes  que  les  autres , ses. 

Riij 


I 


*6 1 E L É M EN  S 

molécules  doivent  tendre  à ft  rapprocher  Sc  à fe 
réunir  par  celles  de  ces  faces  qui  font  les  plus 
larges.  Celapofé,  l’on  concevra  facilement  qu’en 
enlevant  le  fluide  qui  tient  ces  molécules  difper- 
fées  , elles  fe  réuniront  par  les  faces  qui  fe  con- 
viennent le  p’us,  eu  qui  ont  le  plus  de  rapport 
entr’elles,  fi  c.e  fluide  ne  les  abandonne  que  peu-’ 
à-peu  , & de  manière  à laiffer , pour  air.fi  dire  , 
aux  parcelles  falines  le  tems  de  s’arranger,  de  fe 
préfenter  convenablement  les  unes  aux  autres, 
a’ors  la  crydallifation  fera  régulière  ; & qu’au 
contraire,  une  fouftra&ion  trop  prompre  du 
fluide  qui  les  écarte  les  forcera  de  fe  rapprocher 
flibitement,  & pour  ainfi  dire  parles  premières 
faces  varies;  dans  ce  cas  la  cryflalîifation  fera 
iî  régulière  & la  forme  difficile  à déterminer.  Si 

O 

même  l’évaporation  efl  tout-à-fait  fubite  , le 
fel  ne  formera  qu’une  maffie  concrète  qui  n’aura 
prefque  rien  de  cryftaHin. 

C’eft  fur  ccs  vérités  fondamentales  qu’efî  fon- 
dé Fart  de  faire  cry^lfalîifer  les  matières  iâünes. 
Tous  les  Tels  en  font  fufceptibles,  mais  avec  phis 
on  moins  de  facilité;  il  en  eft  qui  cryflaliifent  fi 
facilement  qu’on  réuffit  confhmment  à leur  faire 
prendre  à volonté  la  forme  régulière  ; d’autres 
demandent  plus  de  foin  8c  de  précautions  ; enfin 
il  y en  a pliffieurs  qu’il  eft  h difficile  d’obtenir 


H ' ■ Y 

d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  *^3 
dans  cet  état  , qu’on  n’a  pas  encore  pu  y parve- 
nir. C’eft  en  étudiant  bien  les  circcnftances  parti- 
culières à chaque  fe!  qu’on  réuffit  à le  taire  cry  1- 
tallifer.  Une  première  condition  pour  réuflîr  dans 
ces  opérations , c’eft  de  ciifloudre  les  fubltances 
falines  dans  l’eau;  mais  il  y en  a-qtii  font  fi  peu 
fol  11  blés  par  nos  moyens , qu’il  eff  prefqu’impoi- 
fible  çn fuite  d’en  obtenir  le  rapprochement  ré- 
gulier; tels  font  lefulfate  calcaire  , le  carbonate 
calcaire,  le  fluate  calcaire,  le  fulfate  barytique ; 
la  nature  nous  préfente  tous  les  jours  ces  fels 
neutres  terreux  cryftallifés  très-réguliérement , 
& l’art  ne  peut  l’imiter  qu’à  l’aide  d’un  tems  très- 
long  ; même  plufi eurs  favans  diflingués  ne  croient 
point  encore  à la  pofîibilité  de  ce  procédé,  que 
nous  indiquons  d’après  M.  Achard,  8c  à l’aide 
duquel  on  a alluré  avoir  produit  des  cryfhux  de 
carbonate  calcaire.  Ce  procédé  ingénieux  con- 
fiée à faire  palier  Veau.  qui  a féjourné  long-tems 
fur  des  fels  très -peu  foîübles  à travers  un  canal 
très-étroit  , & à en  procurer  l’évaporation  avec 
beaucoup  de  lenteur.  Il  y a,  au  contraire,  d’au- 
tres matières  falines  qui  font  fi  fo lubies  , & qui 
ont  tant  d’adhérence  avec  l’eau  , qu’elles  ne  l’a- 
bandonnent qu’avec  beaucoup  de  difficulté  , & 
qui!  eft  auffi  très  difficile  de  les  obtenir  fous  des 
formes  régulières,  comme  cela  a lieu  pour  tous 

R iv 


E L É M E N S 

les  Tels  déliquefcens,  tels  que  les  nitrates  ôc  les 
«mri a es  calcaires  & magnéfiens. 

On  ne  peut  douter  que  chaque  fel  n’ait:  fa  ma- 
niéré propre  & particulière  de  cry  ftallifer , ou  ce 
qui  eff  la  même  chofe  , qu’il  n’ait  dans  fes  der- 
nières molécules  une  forme  déterminée  & diffé- 
rente de  celle  de  tous  les  autres.  Telle  eft  fans 
doute  la  caufe  des  variétés  remarquables  qui 
exiftent  entre  les  cryffaux  qu’on  obtient.  Les 
fel  s (impies,  depuis  les  fublfances  falino-terreufes 
jufqu’aux  acides  les  plus  puiffans,  n’ont,  pour 
la  plupart , aucune  forme  diftin&ive  ; il  n’y  a que 
quelques  circoriffanc  s qui,  fans  détruire  rout-à- 
fait  leurs  propriétés  falines  diftinéfives,  leur  font 
affeéler  une  forme  cryhalline,  comme  cela  a lieu 
dans  l’acide  muriatique  oxigéné,  & dans  l’acide 
fulfurique  concret.  Cependant  les  alcalis  caufti- 
ques  cryflallifent  en  lames,  fuivant  M.  Bertho- 
let,  & l’acide  du  borax  picfente  la  même  forme 
îamelieufe  à tous  les  chimiffes.  Malgré  cette  ano- 
male apparente  entre  les  fels  limples  , la  plupart 
ne  prennent  point  de  forme  régulière  dans  nos 
laboratoires , foit  parce  qu’en  effet  ils  n’en  font 
pas  réellement  fufceptibles  , foit  parce  que  nos 
moyens  font  infuffî fans  pour  la  leur  donner  ; mais 
les  fels  compofés  ou  moyens  affe&ent  tous  une 
forme  régulière  , U l’art  eff  parvenu  à la  repro- 


d'Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  265 
cîuire  & à la  faire  difparoître  à volonté  dans  la 
plupart  d’entr’eux.  En  confidérant  cette  propriété 
bien  différente  de  celle  des  fels  fimples , eft»il 
pofîible  de  déterminer  fi  elle  dépend  des  acides, 
ou  fi  elle  dépend  des  bafes  alcalines  qui  les  neu- 
tralifent.  Il  paroît  qu’on  ne  peut  attribuer  ni  aux 
uns  ni  aux  autres  cette  propriété  exdufive  , puis- 
que les  mêmes  acides  forment  fou  vent  avec  des 
bafes  différentes  des  fels  d’une  figure  très-diverle  ; 
tandis  que,  dans  d’autres  exemples,  la  même 
bafe  combinée  avec  des  acides  divers  préfente  la 
même  diflémblance  dans  les  crydaux  ; c’eff  donc 
au  changement  total  des  propriétés  de  chaque 
nouveau  compoféfalin  qu’il  faut  attribuer  la  di- 
verfité  des  formes  que  ces  compofé.s  afreâent. 

Il  y a en  général  trois  moyens  de  faire  cryf- 
raîhferles  fels  dans  nos  laboratoires  ; i°.  l’éva- 
poration. Ce  procédé  confide  à faire  chauffer 
une  diffolution  faline  de  manière  à réduire  en  va* 
peurs  l’eau  qui  en  tient  les  molécules  écartées. 
Plus  cette  évaporation  ell  lente,  & plus  la  cryf- 
tallifarion  fera  régulière;  c’eft  ainfi  qu’on  pro- 
cède pour  obtenir  crydallifés  le  fulfate  de  potaffe, 
les  muriates  de  potaffe  & de  fonde,  le  fui  fa  te 
calcaire  ,1e  carbonate  magnéfien.  Leur  forme n’êft 
que  très-peu  régulière  fi  l’on  évapore  trop  promp- 
tement comme  par  la  chaleur  de  l’ébullition  $ 


266  E L É M ENS 

mais  en  tenant  fur  un  bain  de  fable  d’une  chaleur 
de  45  degrés  à-peu-près  les  dilTolurions  falines  de 
cette  nature,  on  obtient  confia mment , à l’aide 
d’un  rems  plus  ou  moins  long,  des  cryflaux  très- 
beaux  & très-réguliers , & il  n’y  a prefque  point 
de  felqui  ne  pui (Te  prendre  une  forme  rrès-diflincte 
par  ce  procédé  , s’il  efl  exécuté  avec  intelligence.. 
2.°.  Le  refroîdiffement  efl  employé  avec  fuccès 
pour  ceux  des  fels  qui  font  plus  diflolubles  dans 
l’eau  chaude  que  dans  l’eau  froide;  on  conçoit 
îrès-bien  qu’un  fel  de  cette  nature  doit  préfenter 
ce  phénomène,  puifqu’il  ceffe  d’être  également 
foîuble  dans  l’eau  dont  la  température  s’abaiffe  ; 
la  portion  qui  ne  refloit  difïbute  qu’à  la  faveur 
de  cette  élévation  de  température  fe  (éparera  à 
mefure  que  la  liqueur  fe  refroidira  , & lorfqu’elle 
fera  tout-à-fait  froide,  l'eau  n'en  retiendra^plus 
en  difîolution  que  la  partie  qui  efl  difloluble  à 
froid.  Il  en  efl  de  ce  fécond  procédé  comme  du 
premier,  plus  l’eau  fe  refroidira  lentement , & 
plus  les  molécules  falines  fe  rapprocheront  par 
les  faces  qui  fe  conviennent  le  mieux  , alors  on 
aura  une  cryflallifation  très-régulière;  voilà  pour- 
quoi il  faut  entretenir  pendant  quelque  tems  un 
certain  degré  de  chaleur  fous  les  diffolütions  la- 
lines,  ék  le  diminuer  graduellement  pour  le  con- 
duire peu-à-peu  3 fi  cela  efl  nécefi'aire , jufquaiî 


d’Hist.  Nat.  et  be  Chimie.  167 
degré  de  la  congélation.  On  doit  obferver  en 
effet  que  tous  les  fels  qu’on  pt  ut  faire  cryflallifer 
par  ce  procédé  , font  beaucoup  plus  diffoîubles 
en  général  que  ceux  pour  lefquels  on  fe  fert  du 
premier  , 6f.  que  comme  on  les  diffout  d’abord 
dans  l’eau  bouillante  , celle-ci  refroidie  fubite- 
ment  laifferoit  dépofer  en  maffe  informe  tout  ce 
qui  a été  diflous  à la  faveur  de  la  chaleur  de  l’é- 
bullition ; au  contraire,  fi  on  place  fur  un  bain 
de  fable  la  diffolution  très-chaude  , & fi  on  a foin 
d’en  graduer  lentement  le  refroidiffement , la 
cryflallifaîion  fera  très-régulière.  Telle  eft  la 
manière  d’obtenir  en  beaux  cryflaux  le  fulfate 
de  foude,Ie  nitre  , les  carbonates  de  foude 
de  potaffe  , le  muriate  ammoniacal,  &c. 

30.  La  troifième  manière  de  faire  cryflallifer 
les  fels , c’efl  de  les  foumettre  à l’évaporation 
fpontanée.  Pour  cela  on  expofe  une  diffolution 
faline  bien  pure  à la  température  de  l’air  dans  des 
capfules  de  verre  ou  de  grès  qu’on  a foin  de 
couvrir  de  gaze  afin  d’empêcher  la  poufîière  d’y 
tomber  ,’fans  s’oppofer  à l’évaporation  de  l’eau  ; 
on  choifir  pour  cette  opération  une  chambre  ou 
un  grenier  ifolés,  & qui  ne  fervent  qu’à  cela; 
on  laiffe  cette  diffolution  ainfi  expofée  à l’air  juf- 
qu’à  ce  qu’on  y apperçoive  des  cryftaux , ce  qui 
n’a  quelquefois  lieu  qu’au  bout  de  4 à 5 mois  &c 
meme  plus  tard  pour  certains  fels.  Ce  procédé 


1 


2-68  E L É M E N S 

eft  en  général  celui  qui  rcuffit  le  mieux  pou?* 
obtenir  des  cryftaux  très-réguliers  Si  d’un  volume 
eonfidérable.  Il  devroit  être  employé  générale- 
ment pour  tous  les  fels,  fi  le  tems  le  permettoit, 
parce  que  c’ed  le  moyen  de  les  avoir  parfaite- 
ment purs.  On  doit  opérer  ainfi  pour  le  nitrate 
de/foude  , le  muriate  de  fou  de  , le  borax,  les 
fulfates  d’alumine  & de  magnéfie,  le  fulfate  am- 
moniacal , le  nitrate  ammoniacal,  &c. 

Dans  quelques  circondances  on  réunit  avec 
avantage  plufieurs  de  ces  procédés;  c’ed  particu- 
liérement pour  obtenir  crydallifés  les  fels  très* 
déliquefcens , tels  que  le  nitrate  & le  muriate 
calcaires , le  nitrate  & le  muriate  magnéfiens,  Sic» 
On  cvapore  fortement  leurs  diffolutions  Si  en 
les  expofe  tout  de  fuite  à un  grand  froid  ; mais  ce 
moyen  ne  fournit  jamais  que  des  crydaux  irré- 
guliers, & quelquefois  des  mafles  concrètes  fans 
forme  régulière.  Si  l’on  n’ed  point  encore  par- 
venu à faire  crydallifer  un  adez  grand  nombre 
de  fels  neutres , cela  vient  de  ce  qu’on  n’a  pas 
déterminé  exactement  l’état  de  concentration  où 
doit  être  chacune  de  leurs  diffolutions  pour  pou- 
voir fournir  des  crydaux.  Ce  travail , facile  en 
lui-même, & qui  n’exige  que  du  tems  8i  de  la  pa- 
tience, n’a  point  encore  été  completternent  fuivi 
par  les  chimides  ; c’ed  par  la  pefanteur  fpécifique 
des  ditlolutions  qu’on  arrivera  à eetes  donnée 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.1  ±£9 
. £brt  utile  pour  les  laboratoires  de  chimie;  déjà 
ce  procédé  a été  mis  en  ufage  dans  plufieurs  tra- 
vaux en  grand  fur  les  matières  fahnes  ; onfe  fert 
avec  fuccès  d’un  aréomètre  ou  pèfe-liqueur  pour 
déterminer  le  point  de  la  cryftaÜifabiiité  pour  les 
liqueurs  falines. 

Outre  ces  différens  moyens  de  faire  cryflal- 
lifer  les  fels  , il  exifle  plufieurs  circonftances  qui 
favorifent  cette  opération,  &C  dont  il  eft  nécef- 
faire  de  favoir  apprécier  l’influence.  Un  léger 
mouvement  eft  quelquefois  utile  pour  détermi- 
ner une  cryftallifation  qui  ne  réuffit  point  ; c’eft 
ainfi  qu’en  agitant  ou  en  tranfportant  des  capfules 
pleines  de  diffolutions  falines  qui  n’offrent  point 
de  cryflaux  formés , on  voit  fouvent  la  cryftal- 
lifation  s’établir  quelques  inflans  après  la  plus 
légère  agitation  ; j’ai  déjà  fait  remarquer  que  ce 
phénomène  avoit  fur-tout  lieu  pour  le  nitrate  & 
pour  le  muriate  calcaires.  Le  contaâ:  de  l’air  eft 
d’une  nécefîité  indifpenfable  pour  la  formation 
des  cryflaux  ; fouvent  une  diflolution  évaporée 
au  point  néceflaire  pour  la  cryflallifation  ne 
fournit  point  de  cryflaux  dans  un  flacon  bien 
bouché,  tandis  qu’expofée  à l’air  dans  une  cap- 
ftile , on  les  voit  fe  former  très-promptement. 
Cette  obfervation  a été  faite  avec  beaucoup 
d’exaftitude  par  Rouelle  l’aîné.  La  forme  des 
I vaiflcaux  , les  corps  étrangers  plongés  dans  les 


27°  SIEMENS 

tli  Ablutions  falines  ont  encore  beaucoup  d’in- 
fluence fur  la  cryftallifation.  La  première  mo- 
difie la  figure  des  cryftaux  , & y produit  une 
très-grande1  variété;  c’eft  pour  cela  qu’cn  place 
avec  avantage  des  fils  ou  des  petits  bâtons  dans 
les  capfules  oit  s’opère  la  cryflallifalion  , pour 
obtenir  des  cryftaux  réguliers  ; ceux-ci  fe  dépo- 
fent  fur  les  fils , &:  comme  leur  bafe  eft  alors 
très-peu  étendue  , ils  ont  ordinairement  la  forme 
la  plus  régulière , tandis  qu’en  s’appliquant  fur 
les  parois  obliques  , irrégulières , inégales  des 
terrines  & des  autres  vaiffeaux  communément 
employés  à cet  ufage , ils  font  plus  ou  moins 
tronqués  & irréguliers.  Souvent  les  corps  étran- 
gers plongés  dans  les  diffolutions  falines  ont  en- 
core un  autre  avantage  ; ils  déterminent  la  for- 
mation des  cryftaux  qui  âuroit  été  beaucoup  plus 
lente  fans  leur  préfence  ; c’eft:  ainfi  qu’un  mor- 
ceau de  bois  ou  une  pierre  jettée  dans  une  four- 
ce  falée  devient  une  bafe  fur  laquelle  l’eau  dépofe 
des  cryftaux  de  muriate  de  foude.  C’eft  d’après 
l’obfervation  de  ce  phénomène  , que  quelques 
chimiftes  ont  propofide  plonger  un  cryftal  faim 
clans  une  di Ablution  d’un  fel  qui  ne  cryftallife 
point  facilement  ; pîufieurs  ont  afîuré  que  ce 
moyen  favorifoit  la  produébon  des  cryftaux  des 
fels  qu’il  eft  très-difficile  d’obtenir  fous  une  forme 
régulière.  Telles  font  les  principales  cnufes  qui 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  271 
influent  fur  la  cryfiallifation  ; il  en  eff  fans  cloute 
encore  beaucoup  d'autres  que  rob'ervation  fera 
connoitre  par  la  fuite  aux  chimiftes. 

La  féparation  d’un  fel  d’avec  l’eau  qui  le  îe- 
noit  fondu  ou  en  .diffohition  ne  peut  fe  faire 
d’une  manière  régulière  fans  que  le  fel  ne  retienne 
une  partie  de  ce  fluide.  On  peut  fe  convaincre 
de  ce  phénomène  en  prenant  un  fel  réduit  en. 
poudre  par  la  chaleur  , comme  du  fulfate  d’alu- 
mine j du  borate  de  fonde  calcinés  , ou  du  ful- 
fate de  foude  defféché;  en  les  diffolvant  dans 
l’eau  & en  les  faifant  cryftallifer , on  les  trou- 
vera augmentés  quelquefois  à partie  égale  après 
leur  cryftalii  dation  ; c’eft-à-dire  , qu’une  once 
de  fel  traite  ainfi  donnera  deux  onces  de  cry{- 
taux.  Les  chimiftes  ont  conclu  de  ce  phénomène, 
■qu’un  fel  bien  cryftallifé  contient  plus  d’eau  que 
le  même  fel  privé  de  fa  forme  par  l’aâion  du  few 
ou  ce  l’air  j ils  ont  appelle  cette  eau  étrangère  à 
fon  efferxe  faline  , mais  nécefîaire  à fa  forme 
cryfialline , eau  de  cryfiallifation. , parce  qu’en 
effet  elle  eft  un  des  élémens  de  leurs  cryftaux; 
lorfqu’on  leur  enlève  certe  eau  , ils  perdent  eu 
même-tems  leur  tranfparence  & leur  forme  ré- 
gulière , les  différées  fels  contiennent  une  pli  s ou 
moins  grande  quantité  de  cette  eau  de  cryfialli- 
fation ;•  il  en  eft  qui  en  contiennent  la  moitié 


2-71  E L É M E N S 

de  leur  poids,  comme  le  fulfate  de  foude , le 
carbonate  de  foude , le  fulfate  alumineux  ; d’au- 
tres n’en  ont  qu’une  petite  quantité,  comme  le 
nitre , le  muriate  de  foude  , &c.  on  n’a  point  en- 
core déterminé  exaflement  cette  quantité  reV.ive 
d’eau  de  cryffaliifation  dans  tous  les  fels  bien 
cryffallifables.  Cette  eau  peut  être  enlevée  aux 
fels  fans  que  leur  nature  intime  en  foie  a’térce  en 
aucune  manière , & elle  eff  elle-même  parfaite- 
ment pure  &:  fembîable  à de  l’eau  diftillée. 

Comme  d’après  tout  ce  que  nous  avons 
expolé  jufqu’ici  fur  la  cryftallifition  des  fels,  il 
eft  démontré  que  les  diverfes  fubffances  falines 
ne  cryftallifent  point  par  les  mêmes  procédés  , 
& fuivent  différentes  loix  dans  leur  formation 
en  cryftaux , il  eff  clair  qu’on  peut  fe  fervir 
de  ce  moyen  avec  avantage  pour  opérer  leur 
féparation;  c’eft  ainfi  qu’un  lel  cryffallifable  par 
le  refroidiffement  peut  être  obtenu  très-exac- 
tement féparé  d’un  autre  fel  cryffallifable  par  la 
feule  évaporation  continuée  , comme  cela  a 
lieu  pour  les  eaux  des  fontaines  de  Lorraine 
qui  contiennent  du  muriate  & du  fulfate  de 
foude.  Malgré  cela  il  arrive  fouvent  que  deux 
fels  diffous  dans  la  même  eau,  quelque  différence 
qu’ils  préfentent  dans  la  manière  dont  ils  cryf- 
tallifent  , fe  trouvent  plus  ou  moins  mêlés 

enlembîe  ? 


V 


d5Hist.  Nat.  et  £>e  Chimie.  2.75 
fenfemble,  & qu’il  faut  avoir  recours  à plufieurs 
<$i Solutions  & criftallifations  fucceffiveS  pour  les 
obtenir  purs  & fans  mélange.  Cette  obfervaîion 
eff  encore  plus  importante  à faire  fur  les  fels 
qui  fe  reffemblent  par  les  loix  de  leur  criftaîli- 
fation  ; ceux-ci  font  beaucoup  plus  difficiles  à 
féparer  les  uns  des  autres,  fur-tout  s’ils  font  en 


plus  grand  nombre.  Far  exemple , fi  la  même 
eau  contenoit  quatre  fels  également  criflallifa- 
bles  par  l’évaporation  ou  par  le  refroidiffiement', 
il  feroit  impoffible  de  les  féparer  par  une  ou 
«leux  crifraliifations  fucceffives  j & il  faudroir 
multiplier  ces  opérations  un  allez  grand  nombre 
de  fois,  pour  faire  agir  les  nuances  légères  qui 
exigent  entre  leurs  criflall  habilités  ; car  il  faut 
remarquer  que  , quoique  deux  ou  plufieurs  fels 
foient  également  criftaîlifables  par  le  refroidif- 
fement  ou  par  l’évaporation  , il  y a cependant 
entr’eux  des  nuances  fenlibles  qui  modifient  , 
peur  ainfi  dire  , cette  loi  général  ; fans  cela,  ils 
criflaliiferoient  toujours  erhemble,  oc  l’on  ne 
ponrroiî  jamais  les  obtenir  bien  féparés,  ce  qui 
a cependant  lieu  même  pour  les  fels  les  plus  fem- 
blables  parleur  cr.ftallifabiUté.  11  n’y  en  a que 
quelques-uns  qui  ont  exception  à cette  règle , 
parce  qu’ils  ont  une  adhérence  particulière  ou 
une  affinité  remarquable  entr’eux  ; tels  font  en 
général  les  fels  neutres  formés  par  le  mêm® 
Tomt  II,  S 


/ 


274  E L i M E N s 

acide , & en  même  temps  eriftatlifables  par  le 

même  procédé  comme  les  fuîfates  magnéfien  & 

ammoniacal  ; mais  on  n’a  point  encore  aff  z ob- 

fervé  ces  fmguiières  adhérences  entre  les  Tels 

neutres,  &:  cet  objet  mérité  toute  l’attention  des 

chirmftes. 

Enfin,  pour  terminer  cette  biftoire  abrégée  de 
la  criftallifation  des  fiels  , nous  ajouterons  qu’il 
y a me  autre  manière  de  les  obtenir  criftallifés, 
c'ell  de  les  précipiter  de  leurs  diffolutions  par 
une  fubllance  qui  ait  plus  d’affinité  avec  l’eau 
qu’ils  n’en  ont  ; l’efprit-de  - vin  verfé  dans  une 
diffolution  fialine  produit  cet  effet  fiur  le  p'us 
grand  nombre  djs  fiels  neutres;  on  ne  doit  en 
excepter  que  ceux  qui  font  diffolubles  dans  ce 
liquide.  Le  même  phénomène  de  précipitation 
des  criftaux  latins  a lieu  dans  le  mélange  de  quel- 
ques fiels  dont  la  diffolubi'ité  eft  très-différente, 
& même  quelquefois  par  le  mélange  de  plufieurs 

4 

dififo  utions  fialines  entr’elles  ; c’tll  ainii  que  du 
fulfiate  de  maguéjie  diflous  dans  l’eau  paroît 
précipiter  en  cnffaux  'e  fulfiate  ammoniacal  dit— 
fi  us  dans  l’eau;  mais  On  n’a  point  allez  étudié  ce 
qui  fie  paffe  dans  ces  lingu'iers  mé’anges , pour 
que  je  doive  militer  tur  le  phénomène  qu’ils  font 
naître  • 

La  fipfibilité  par  la  chaleur  a été  traitée  dans 
l’hiftoue  de  chaque  fiubitance  fialine  en  particu- 


MH 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  i-jS 
lier  , mais  il  eft  bon  de  la  comparer  dans  les  di- 
verfes  efpèces.  On  diflingue  deux  efpèces  de  fn- 
fibilité  dans  les  fels,  l’une  qui  eft  due  à l’eau  & 
qu’on  appelle  fufion  aqueufe,  l’autre  qui  n’a  point 
la  même  caufe , qui  appartient  fpécialement  à la 
matière  faline,  & qu’on  déligne  fous  le  nom  de 
fujion  ignée.  La  fufion  aqueufe  dépend  entière- 
ment de  l’eau  de  criftallifation , qui  étant  très» 
abondante  dans  plulieurs  fels , & faifant  quel- 
quefois la  moitié  du  poids  des  criftaux  falins  , 
devient  capable  de  diffoudre  ces  fels  lorfqu’elte 
a acquis  60  degrés  de  chaleur.  Alors  la  forme 
criftalline  difparoît , le  fel  fe  diffout,  &L  la  fufion 
qu’il  préfente  n’eft  en  effet  qu’une  véritable  dif- 
folution  ; cette  obfervation  eft  fi  vraie  que  lorf- 
qu’on  tient  quelque  temps  fondu  un  fel  de  cette 
nature  , comme  le  fulfate  de  foude,  le  borate  de 
foude , le  fulfate  d’alumine  , l’eau  qui  les  diffout 
par  la  chaleur  venant  à s évaporer  peu  à peu  , le 
fel  fe  defsèche  & ceffe  de  pareître  fondu.  Cette 
fufion  apparente  ou  aqueufe  eft  d’ailleurs  indé- 
pendante de  la  véritable  fufion  ignée , puifque 
celle-ci  peut  avoir  lieu  dans  tous  les  fels  qui  ont 
été  defféchés  après  avoir  été  d’abord  liquéfiés 
par  leur  eau  de  criftallifation.  C’eft  ainfi  qu’on 
fait  fondre  le  muriate  de  foude  & le  borate  de 
foude  en  les  chauffant  fortement , après  leur 


t 


£7 £ E l è M a N 5 

avoir  fait  éprouver  par  une  chaleur  modérée  ta 
fufion  aqueufe  & le  defféchement.  La  véritable 
fufibilité  ignée  n’eft  pas  la  même  poùr  tous  les 
fels  ; il  en  eft  qui , comme  le  nitrate  & le  muriate 
de  foude,fe  fondent  dès  qu’ils  commencent  à 
bien  rougir  ; d’autres  exigent  un  feu  beaucoup 
plus  violent  pour  fe  fondre,  ainfi  que  le  fulfate 
de  potaffe  , le  fulfate  de  fonde.  Enfin  , il  y en  a 
quelques-uns  dont  la  fufibilité  eft  fi  forte  , qu’ils 
peuvent  la  communiquer  à des  corps  d’ailleurs 
très-réfra&aires  ou  très-infufibles  par  eux-mêmes; 
c’eft  ainfi  que  les  alcalis  fixes  entraînent  dans  leur 
fufion  le  quartz , le  fable  & toutes  les  terres  fili«  - 
cées , qui  font  absolument  infufibles  ; on  appelle 
ces  fels  des  fondons  en  raifon  de  cette  propriété  , 
& parce  qu’on  s’en  fe rt  pour  hâter  la  vitrification 
& la  fufion  des  fubftances  terreufes  & métalli- 
ques. Nous  avons  déjà  fait  remarquer  ailleurs 
que  l’extrême  de  la  fufibilité  étoit  la  volatilifa- 
tion , &.  nous  obferverons  ici  que  les  matières 
falines  font  toutes  plus  ou  moins  volatiles , & 
qu’il  n’en  eft  aucune  qu’on  ne  puiffe  volatilifer 
par  un  très-grand  feu.  C'ell  ainfi  que  le  fulfate  de 
potaflè  & le  muriate  de  fonde  fe  fubliment  en 
vapeurs  au  plus  grand  degré  de  chaleur  qu’ils 
puiftent  éprouver. 

Tous  les  fels  criftallifés  expofés  à l’air  ne  s’al- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  277 
tërent  point  de  la  même  manière , il  en  eft  qui 
n’y  éprouvent  aucun  changement  fenfible  ; mais 
plufieurs  perdent  plus  ou  moins  promptement 
leur  tranfparence , leur  forme,  &c  parmi  ceux-là 
les  uns  fe  fondent  peu  à peu  en  augmentant  de 
poids,  les  autres  deviennent  pulvérulens  en  per- 
dant une  portion  de  leur  mafTe.  La  première  de 
ces  altérations  porte  le  nom  de  déliquefcence 
& la  fécondé  celui  d’efîlorefcence. 

On  a appelle  l’un  de  ces  phénomènes  déliquef- 
cence, parce  que  la  matière  faline  qui  réprouva 
devient  liquide  ; on  dit  aufti  qu’un  fel  tombe  en 
ddiquium  lorfqu’il  fe  fond  ainii  par  le  contaél  de 
l’air.  Autrefois  le  mot  défaillance  éioit  fynonyme 
de  déliquefcence , mais  cette  expreftion  a vieilli  , 
& on  ne  la  trouve  prefque  plus  aujourd’hui  dans 
les  livres  de  chimie.  Cette  altération  dépend  de 
ce  que  les  fels  attirent  l’humidité  contenue  dans 
l’air,  j’ai  cru  devoir  la  regarder  comme  une 
vraie  attra&ion  éleûive  , qui  eft  plus  forte  entre 
le  fel  & l’eau  qu’entre  cette  dernière  & l’àir  at- 
mofphérique  ; la  déliquefcence  n’eft  pas  la  même 
dans  tous  les  fels  , foit  pour  la  rapidité  avec  la- 
quelle elle  a lieu,foir  pour  l’efpèce  defaturation 
qui  la  borne  ; il  en  eft,  comme  ces  alcalis  fixes  , 
f ammoniaque  gazeufe,  le  gaz  acide  muriatique  &: 
l’acide  fulfurique  concentré,  qui  enlèvent  lVau  de 
Vaîmofphère,  defsèchent,  pour  ainii  dire,  l’air 

S iii 


178  E L É M E N S 

avec  une  énergie  très-confidérable , & abforbent 
line  quantité  de  ce  fluide  plus  confldérablc  que 
leur  poids  ; cela  efl  fur-tout  remarquable  pour  la 
potafîe  sèche , ainfi  que  pour  l’acide  fulfurique 
rendu  concret  par  le  froid  ; ces  deux  fels  devien* 
nent  d’abord  mous , & prennent  bientôt  une  li- 
quidité épaifl'e  femblable  à la  conflflance  de  quel- 
ques huiles,  ce  qui  a fait  appeller  le  premier  huile 
de  tartre , & le  fécond  huile  de  vitriol , quoique  ces 
noms  foient  très-mal  appliqués  & plus  fufcepti- 
bles  d’induire  en  erreur  que  d’éclairer  les  per- 
fonnes  qui  commencent  l’étude  de  la  chimie. 
Quelques  autres  font  encore  très-déliquefeens  , 
mais  n’attirent  pas  l’humidité  avec  autant  de 
promptitude  , & en  aufli  grande  quantité  que  les 
précédons  ; tels  font  le  nitrate  & le  muriate  cal- 
caires, le  nitrate  Si  le  muriate  de  magnéfie  ; en- 
fin, il  y en  a qui  ne  font  que  s’hume&er  fenfible- 
ment , & qui  ne  fe  fondent  point  complètement , 
comme  le  nitrate  de  foude  , le  muriate  de  po- 
tafle  , le  fui  fa  te  ammoniacal , &c. 

L’efflordcence  a été  ainfi  nommée,  parce  que 
les  fels  qui  en  font  fufceptibles  femblent  fe  cou- 
vrir de  petits  filets  blancs  femblables  aux  matières 
fublimées  qu’on  connoît  en  chimie  fous  le  nom 
de  fleurs.  Cette  propriété  efll’inverfe  de  la  déli- 
quefcence  } dans  celle-ci  les  criftaux  falins  déeom- 
pofent  l’atmofphère  numide,  parce  qu’ils  ont  une 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  279 
attraélion  élective  p'us  forte  pour  l’eau  que  l’air 
atmofphérique  ; dans  i’efflorefcence,au  contraire, 
c'eft  l’atmofphère  qui  décompofe  les  criflaux  fa- 
lins,  parce  que  l’air  a plus  d’affinité  avec  l’eau 
que  n’en  ont  ’es  fels  qui  forment  ces  crifhux. 
C’eft  donc  l’eau  de  la  criftallifation  qui  eft  enle- 
vée par  l’tfflorefcence,  & telle  eft  la  caufe  pour 
laquelle  lesr  fels  qui  s’tffleuri  fient  perdent  leur 
tranfparence  , leur  forme  & une  partie  de  leur 
malle.  Il  eft  eflentiel  d’obferver  que  tous  les  crif- 
taux  falins  efflorefcens  éprouvent  de  la  part  de 
l’air  une  altération  femblable  à celle  que  la  cha- 
leur leur  fait  fubir  ; c’eft  une  forte  de  calcination 
lente  & froide  qui  décompofe  les  fels  criftallifés  , 
& qui  en  fépare  l’eau  à laquelle  ils  doivent  leur 
forme  criftalline  , & toutes  les  propriétés  qui  les 
caraftérifoient  criflaux  falins } aufli  un  fel  com- 
plètement effieuri  éprouve -t- il  exactement  la 
même  perte  de  poids  dans  cette  opération  que 
lorfqu’on  le  defsèche  par  l’adion  du  feu.  Remar- 
quons encore  que  les  fels  dont  les  criflaux  font 
efflorefcens  appartiennent  à la  clafle  des  plus  dif- 
folubles  , & de  ceux  qui  criftallifent  par  le  re- 
froidiffement  de  leurs  diflolutions. 

Il  en  eft  de  l’effiorefcence  comme  de  la  déli- 
quefcence  ; elle  n’eft:  pas  la  même  pour  tous  les 
fels  neutres  dans  lefquels  on  l’obfervè.  Il  en  efl: 
comme  le  fulfate  & le  carbonate  de  for.de  , qui 

S iv 


i&O  E L E M E N 5 

s’effleurifient  promptement, & jufqu’à  la  dernière 
parcelle  criflalline  , de  forte  qu’ils  fe  trouvent 
réduits  en  une  pouflière  blanche  très-fine;  comme 
ils  ont  perdu  plus  de  la  moitié  de  leur  poids  par 
cette  décompofition  de  leurs  crifiaux  , on  peut 
en  conclure  que  c’eft  en  raifon  de  la  grande 
quantité  d’eau  qui  enfce  dans  leur  criftalli fation , 
qu'ils  éprouvent  une  efllorelcenee»  aufli  com- 
plète ; & en  effet' les  le’ s qui  ne  s\  ffleuriffent  que 
très-peu,  tels  que  le  borax,  le  fulfate  d’alumine 
& de  magnéfie,ne  contiennent  point  une  aufïi 
grande  quantité  de  ce  fluide  dans  leurs  criflaux. 
Si  l’eftlorefcence  dépend  d’une  atrraéhon  eleèiive 
plus  forte  entre  l’air  & l’eau  qu’entre  cette  der- 
nière & les  Tels , Iorfque  Patmofphère  fera  très- 
sèche,  ce  phénomène  aura  lieu  d’une  manière 
plus  marquée  & plus  prompte,  &c  c’eft  aufli  ce 
que  l’on  obferve , tandis  que  l’air  chargé  d’humi- 
dité n’a  pas  la  même  afîion  furies  fels  efïlorefcens, 
&:  les  laifle  inta&s.  On  peut  encore  confirmer 
cette  aflertion  en  répandant  Hne  petite  quantité 
d’eau  fur  les  criflaux  fa’ins  fufceptibies  d’cflloref- 
cence  ; par  ce  moyen  l’atiriofphère  enlevant  cette 
eau  & s’en  faturant  ne  touche  point  à celle  qui 
entre  dans  la  conftiturion  des  criflaux , & ceux- 
ci  reflent  fans  altération  ; mais  fi  l’on  n’a  pas  foin 
de  renouveller  ce  fluide,  l’air  agit  alors  fur  le 
fel  criflaliifé  & en  détruit  îa  criflallifaticn.  On 


d’Hist.Nat.  et  deCüïmie.  2.3  î' 

obferve  journellement  ce  phénomène  dans  le9 
pharmacies  oii  l’on  a foin  d’Iiumeèter  le  fulfate 
de  fonde  ou  fel  di  Glaubcr  d’une  petite  quantité 
d’eau,  afin  de  le  conferver  bien  criftallifé. 

La  diffolution  des  fels  dans  l’eau  eft  un  des 
phénomènes  qui  méritent  le  plus  a’attention  de 
la  pan  des  chimiftes.  Quelques  perfonnes  ayant 
obferve  qu’elle  fe  fait  fans  le  mouvement  fenfibla 
& fans  l’effervefcence  qui  accompagne  la  dillo- 
lution  des  métaux  dans  les  acides , avoient  pro- 
pofé  de  la  diffinguer  de  celle-ci  par  le  nom  de 
folution  j mais  l’une  & l’autre  de  ces  expreffions 
ne  préfentant  point  un  fens  différent , & faction 
réciproque  des  acides  & des  métaux  étant  tout-à- 
jfait  différente  de  la  diffoluîion  des  fels  dans  l’eau , 
& tenant  à des  caufes  particulières  que  nous  ex-  ' 
poferons  plus  bas,  cette  diftinèrion  ne  peut  avoir 
aucun  avantage.  La  diffolution  des  fels  dans  l’eau 
a été  regardée  par  quelques  chimiffes  physiciens 
comme  une  fimple  divifion  mécanique  des  parti- 
cules falines  ; mais  il  y a une  pénétration  intime 
entre  ces  deux  corps  : leur  température  change 
fur  le  champ  , & il  par  oit  qu’il  fe  paffe  entre  les 
fels  & l’eau  une  vraie  combinaifon  qu’on  ne  fan- 
roit  expliquer  par  le  feul  écartement  des  molé- 
cules des  fels.  Ceci  eft  prouvé  non-feulement  par 
la  température  qui  change  dans  ces  opérations, 
mais  encore  par  la  poffibilité  de  féparer  un  fel  de 


É L I M E N s; 

l’eau  par  un  autre  fel  qui  a plus  d’affinhé  avec  ce 
fluide;  c’ed  ainfi  que  la  potafle  précipite  le  ful- 
fa<e  de  potafle  & le  carbonate  calcaire  des  eaux 
qui  les  tiennent  en  diffo’.ution  ; toutes  les  préci- 
pitations des  feis  les  uns  par  les  autres  ne  font 
p s à beaucoup  près  connues,  & la  chimie  tire- 
roit  beaucoup  d’avantages  d’un  travail  fuivi  fur 
cette  matièri  importante.  On  a pu  remarquer  dans 
l’hftoire  particulière  de  chaque  fubfbnce  faîine 
qu’elles  joui  lient  toutes  d’un  degré  de  folub  lité 
different,  depuis  celles  qui  ont  une  fi  grande  ten- 
dan  ce  pour  s’unir  à l’eau  qu’elles  font  toujours 
fluides,  cotime  l'acide  fulfurique  & l’acide  nitri- 
que, jufqu’à  celles  qui  font  prefque  parfaitement 
infolub  es,  comme  le  fulfate  ba>rytique.  Piufieurs 
chimilles  ont  déjà  effayé  de  prefenter  des  tables 
de  la  différente  diflolubilité  des  f.ls;mais  ces 
tables  feront  incomplètes  jufqu’à  ce  qu’on  ait 
allez  multiplié  les  expériences  pour  établir  des 
proportions  très-exaftes  entre  ces  diverfes  foîu- 
biliiés.  Nous  rappellerons  ici  que  tous  les  feis 
fimples,foit  alcalins,  foit  acides,  produifent 
conflamment  de  la  chaleur  lorfqu’on  les  diffout 
dans  l’eau,  tandis  qu’il  s’excite  toujours  du  froid 
pendant  la  dt Ablution  des  feis  neutres.  La  me- 
fure  de  ces  changemens  de  température  n’eff 
point  encore  convenablement  connue  pour  tous 
les  feis;  on  commence  à faire  plus  d’attention  au- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie  ig$' 
jourd'hui  à ce  phénomène  qu’on  n'en  faifoit  au- 
trefois. Elle  conduira  fans  doute  à des  réfultats 
utiles  ; & déjà  l’on  peut  entrevoir  quelques  vé- 
rités dont  on  n’avoit  pas  même  foupçonné  l’exif- 
tence  ; par  exemple,  en  obfervant  que  les  fels 
neutres  qui  produifent  le  plus  de  froid  dans  leur 
diffolution,  comme  le  fulfate  de  foude,  le  ni- 
trate, le  muriate  ammoniacal,  font  beaucoup  plus 
folubles  dans  l’eau  chaude  que  dans  l’eau  froide  , 
ne  peut-on  pas  penfer  que  cette  diffolubilité  plus 
i grande  dépend  de  ce  qu’ils  trouvent  dans  l’eau 
chaude  une  quantité  plus  confidérable  de  chaleur 
«qu’ils  paroifient  avoir,  pour  ainh  dire , befoin 
(d’abforber  pour  fe  fondre  & prendre  l’état  li- 
cquide  ; à la  vérité  cet  excès  de  chaleur  leur  eft 
•facilement  enlevé  par  l’air,  de  forte  qu’il  s’en  pré- 
cipite une  partie  fous  la  forme  de  criflaux  pen- 
dant le  refroidiffement. 


É L É M E N S 


CHAPITRE  XII. 

Des  attractions  électives  qui  ont  lieu  entre 
les  divtrjes  matières  falines . 

Lf.s  découvertes  dues  aux  travaux  multipliés 
que  les  chimiftes  ont  faits  fur  les  matières  falines 
depuis  le  milieu  de  ce  fièele,  leur  ont  appris  que 
ces  matières  ont  entr’elles  d fïjrens  degrés  d’affi- 
nités ou  d attrapions  élePives.  Geoffroy  eft  le 
premier  qui  les  aitj  comparées  les  unes  aux  au- 
tres; mais  les  recherches  des  modernes  ont  dé- 
montré que  fa  table  contenoir  plufieurs  f rreurs. 
Bergman  les  a corrigées,  & a fait  connoître  un 
beaucoup  plus  grand  nombre  d’attraPions  élec- 
tives entre  tous  les  fels;  cependant  en  confultant 
les  articles  de  la  tab  e du  célèbre  chinai  de  Sué- 
dois qui  ont  rapport  aux  attrapions  élePives  des 
fubdances  falines  entr’elles,  on  remarque  que 
pUiiieurs  ne  font  point  encore  fondée*  fur  un  allez 
grand  nombre  d'expériences  exactes , & qu’il  en 
reconnoît  lui-même  l’incertitude.  Sans  étendre 
donc  la  théorie  des  attrapions  élePives  à un  fi 
grand  nombre  d’acides  & de  bafes  que  l’a  fait 
Bergman , il  faut  fe  borner  dans  l’état  aPuel  de  la 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  285 
chimie  à l'examen  des  affirmés  qui  ont  lieu  entre 
les  matières  falines  dont  la  nature  & les  proprié» 
tés  font  les  mieux  connues. 

Parmi  les  fix  efpèces  d’acides  que  nous  avons 
examinés,  l’acide  fulfurique  paroît  être  le  plus 
fort  ou  celui  dont  les  attrapions  élePives  font 
en  général  les  plus  marquées  pour  les  différentes 
bafes;  c’eft- à-dire  , qu’il  enlève  la  plupart  des 
bafes  alcalines  ou  faîino  - terreufes  aux  autres 
acides  ; ainfi  il  décompofe  les  nitrates , les  mu* 
riates , les  rîuates,  les  borates  & les  carbonates 
en  dégageant  leurs  acides. 

L’acide  nitrique  tient  en  général  le  fécond 
rang  j il  cède  les  bafes  alcalines  à l’acide  fulfu- 
rique , mais  il  les  enlève  aux  quatre  acides  fui-* 
vans. 

Pour  mieux  faire  connoître  les  différentes  af- 
finités qui  ont  lieu  entre  les  acides  minéraux  & 
les  bafes  falines  du  même  règne,  nous  allons  les 
préfenter  dans  l’ordre  où  Bergman  les  range  dans 
fa  table  des  affinités.  En  confidérant  j i°.  cha- 
que acide  par  rapport  aux  diverfes  bafes  aux- 
quelles il  peut  s’unir  ; 20.  chaque  matière  alca- 
line relativement  aux  acides  qui  les  faturent,  & 
au  degré  d’adhérence  qui  les  tient  unies  avec  ces 
i fels. 

I.  Les  attraPions  élePives  de  l’acide  fulfuri-; 
que  pour  les  différentes  bafes  font  difpofées  pai; 


286  É L É M E N S. 

Bergman  dans  l’ordre  fuivant,  en  commençant 
par  celle  à laquelle  il  adhère  le  plus  (i). 

Acide  sulfurique. 

Baryte. 

Potafle. 

Soude. 

Chaux. 

Ammoniaque. 

Magnéfie. 

Alumine. 

Comme  les  acides  nitrique  & muriatique  ont 
le  même  ordre  d’attra&ions  éle&ives  pour  les 
bafes  alcalines,  nous  les  préfenterons  ici  à la  fuite 
des  premiers. 

Acide  nitrique. 

Baryte. 

Potalïe. 

Soude. 

Chaux. 

Ammoniaque. 

Magnéfie. 

Alumine. 

(i)  Nous  avons  déjà  indiqué  l’ordre  des  affinités  des 
acides  avec  les  baies  dans  l’hiftoire  de  chacun  d’eux  ; mais 
nous  avons  cru  devoir  les  repréfenter  ici  en  colonnes  , 
comme  on  le  fait  dans  les  tables  d’affinités , afin  de  les 
off'  ir  fous  un  feul  point  de  vue , & d’en  faire  faire  la 
comparaifon. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  287 

Acide  muriatique. 

Baryte. 

PoTafie. 

Soude. 

Chaux. 

Ammoniaque. 

Magnéfie* 

Alumine. 

La  baryte  a donc  avec  les  acides  fulfurique , 
nitrique  & muriatique  plus  d’affinité  que  toutes 
les  autres  bafes,  & elle  décompofe  tous  les  fels 
neurres  formés  par  ces  acides  unis  aux  autres 
matières  alcalines.  Bergman  place  la  magnéfie 
avant  l’ammoniaque,  parce  qu’il  aûure  que  cette 
fubftance  falino-terreufe  décompofe  les  tels  am- 
moniacaux. Nous  remarquerons  que  l’ammonia- 
que décompofe  plus  complètement  les  fels  ma- 
gnéfiens  ; à la  vérité  toute  la  magnéfie  n’ctf  pas 
précipitée  par  cet  alcali,  & il  rtfte  dans  la  li- 
queur des  fels  mixtes  ou  triples  formés  par  l’union 
des  fels  magr.éfiens  avec  les  fels  ammoniacaux. 
Nous  croyons  cependant , malgré  l’autorité  de 
Bergman  , qu’il  y a une  plus  grande  attraâion 
éle&ive  entre  les  acides  ik  l’ammoniaque,  qu’en- 
: tre  les  mêmes  lels  & la  magnéfie,  parce  que 
celle-ci,  quoiqu’elle  dégage  un  peu  d’ammonia- 
que des  fels  ammoniacaux  par  la  voie  humide, 
ne  décompofe  pas  ces  fels  par  la  diflillation  ; 


i2§  Élément. 

c’efi  pour  cela  que  nous  avons  placé  flamme- 
oiaque  avant  la  magnéfie , & nous  penfons  que 
cette  correPion  eft  néceflfaire  dans  la  table  de 
Bergman. 

H.  Les  attrapions  élePives  de  l’acide  fluorique 
pour  les  bafes  alcalines  font  très-diflérentes  de 
celles  des  trois  précédons  ; les  alcalis  cèdent  cet 
acide  à la  chaux  & aux  deux  autres  fubflances 
fàlino-terreufes.  Une  diflblution  de  fluate  bary- 
tique  dans  l’eau  chaude  eft  précipitée  par  l’eau 
de  chaux  qui  réforme  fur  le  champ  du  fluate  cal- 
caire; il  en  efl  de  même  des  autres  Tels  neutres 
fluoriques;  la  chaux  leur  enlève  cet  acide,  comme 
l’exprime  la  huitième  colonne  de  la  table  de  Berg- 
man difpofée  ainft  : 

Acide  fluorique. 

Ghaux. 

Baryte. 

1 Magnéfie. 

PotafTe. 

Soude. 

Ammoniaque. 

Alumine. 

Les  mêmes  phénomènes  ont  lieu  par  la  voie 
sèche , car  le  fluate  calcaire  n’efl  pas  décompofé 
par  les  alcalis  fixes  purs  & caufliques , mais  il  l’eft 
par  les  carbonates  de  potaflè  de  fonde. 


III. 


d*Hist.  Nàt.  et  de  Chimie.  289 

I î l.  Bergman  préfente  dans  fa  dixième  co- 
lonne les  affinités  de  l'acide  boracique  dans  le 
même  ordre  qlie  celles  de  l’acide  fiuorique, 
parce  qu’en  faifant  chauffer  dans  de  l’eau  du 
borax  avec  la  chaux  vive  , celle-ci  fe  porte  fur 
fon  acide , forme  du  borate  calcaire  très  -peu  fo- 
Iuble  , 5c  laiffe  la  foude  pure.  Quant  aux  autres 
bafes  3 il  ne  les  a difpofées  que  par  analogie,  5c 
il  ne  regarde  encore  cette  difpcfition  que  comme 
line  conjepure  probable.  Quod  idem  accidat  cum 
alcali  vegetabili , acido  boracis  faturato  , Raclerais 
tantum probabilis  ejl  conjcciura  , es  que  ac  terres  pon - 
derofœ  & magnejïœ,  pofitura. 

Acide  b o r a c 1 Ne 

Chaux. 

Baryte. 

Magnéfie. 

Potaffe. 

Soude. 

Ammoniaque. 

Alumine. 

IV.  Les  attrapions  éîepives  de  l’acide  carbo- 
nique font  un  peu  différentes  de  celles  qui  ont 
été  expofées  pour  les  autres.  Cet  acide  adhère 
plus  à la  baryte  Sc  enfuite  à la  chaux  qu’à  toute 
autre  fubflance.  Sa  combinaifon  avec  la  magnéfie 
eff  auffi  détruite  par  l’ammoniaque , comme  Berg- 
Tome  IL  T 


2-9°  É L É M E N S 

msn  l’a  prouvé  par  des  expériences  exaPesi 
Nous  ne  ferons  donc  pas  ici  l’obfervation  que 
nous  avons  faite  fur  les  autres  acides,  & nous 
présenterons  la  partie  de  la  colonne  i $ delà  table 
de  ce  célèbre  chimie  , qui  exprime  les  attrac- 
tions de  l’acide  carbonique  pour  les  diverfes  bafes 
falines, 

Aciqe  carbonique. 

Baryte. 

Chaux. 

Potaffe. 

Soude. 

Magné  (le. 

Ammoniaque. 

Alumine. 

V.  Les  fept  bafes  terreufes  ou  alcalines  dont 
nous  avons  examiné  les  combinaifons  avec  les 
acides  minéraux  ont  des  attrapions  élePives 
différentes  les  unes  des  autres  pour  ces  mômes 
acides.  Cinq  çVentr’elles , {avoir,  les  deux  alcalis 
£xes,  l’ammoniaque,  la  chaux  Sz  l’alumine,  fe 
reiTemblent  par  l’ordre  de  leurs  affinités.  Toutes 
les  cinq  adhèrent  aux  acides  dans  les  degrés  de 
force  fuivans  , l’acide  fulfurique  , l’acide  nitri- 
que , l’acide  muriatique , l’acide  fluorîque,  l’acide 
boracique  & l’acide  carbonique;  mais  la  baryte 
oz  la  magnéfie  ont  des  affinités  différentes  de 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  291 
c elles  de  ces  cinq  premières  bafes  avec  les  acides 
minéraux,  &L  analogues  entr’elles. 

Voici  comment  Bergman  difpofe  les  attrac- 
tions élePives  de  la  baryte  5c  de  la  magnelie 
relativement  aux  acides  minéraux. 

Baryte&Magnésie. 

Acide  fulfurique. 

Acide  fluorique. 

Acide  nitrique. 

Acide  muriatique. 

Acide  boracique. 

Acide  carbonique. 

Il  n’y  a d’autres’  différences  entre  ces  affini- 
tés & celles  des  cinq  bafes  précédentes,  fi  ce 
n’efl  que  l’acide  fluorique  efl:  avant  les  acides 
nitrique  & muriatique,  ce  qui  indique  que  les 
nitrates  &:  les  muriates  baryîiques  & magnéfiens 
font  décompcfés  par  l’acide  fluorique  ; tandis 
que  les  fluates  baryîique  & magnéfien  ne  cèdent 
pas  leurs  bafes  aux  acides  nitrique  & muria- 
tique. 

VI.  Les  attrapions  élePives  que  nous  venons 
d’expofer  indiquent  l’ordre  des  décompofitions 
fimples  qui  ont  lieu  dans  le  mélange-  de  trois 
matières  falines  entr’elles  ; mais  ce  n’eft  point 
affez  de  conroître  ces  affinités  ou  attrapions 
élePivcs  fimples , il  faut  encore  é;udier  celles 


J 


2.92.  E L É M E N S 

qui  Ce  paffient  Couvent  entre  quatre  de  ces  fubf- 

tances. 

On  doit  Ce  rappeller  qu’on  entend  par  affinité 
double  une  force  combinée  en  vertu  de  laquelle 
un  compofé  de  deux  corps  qui  ne  peut  être 
détruit  ni  par  un  troifième  , ni  parun  quatrième 
autre  corps  féparé  , l’eft  cependant  avec  la 
plus  grande  facilité  lorfque  ces  deux  derniers 
font  combinés  enfembîe.  Cette  double  attrac- 
tion cleélive  a très- Couvent  lieu  dans  les  Cels 
neutres  ; c>eft  ainfi  que  le  Cuîfate  , le  nitrate  & 
le  muriate  calcaires  ne  Cont  point  décom- 
poCés  par  l’ammoniaque  ni  par  l’acide  carbo- 
nique Ceuls , parce  que  le  premier  de  ces  corps 
a moins  d’affinité  avec  les  acides  Culfurique, 
nitrique  &C  muriatique  , que  n’en  a la  chaux  , 
tandis  que  le  Cecond  en  a moins  avec  la  chaux  , 
que  n’en  ont  les  mêmes  acides  ; mais  lorCqu’on 
pfélente  à.  ces  Cels  calcaires  un  compofé -d’am- 
moniaque ôc  d’acide  carbonique  , ce  compofé 
devient  Cufceptible  de  détruire  l'adhérence  de 
leurs  principes.  J’ai  fait  voir  dans  le  chapitre  du 
premier  volume  ou  je  traite  des  affinirés  en  géné- 
ral, qu’on  pourroit  expliquer  h raifon  de  ce 
phénomène,  en  exprimant  par  des  nombres  les 
différens  degrés  d’attraélions  éle&ives.  J’ai  eCTayé 
d’appliquer  cette  idée  aux  matières  falines  ; mais 
comme  on  ne  connoît  point  encore  bien  la  na- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  293 
ture  & les  combinaifons  des  acides  fluorique 
& boracique  , je  n’ai  fait  cette  application 
qu’aux  acides  iulf  urique  , nitrique  , muriati- 
que & carbonique  , confidérés  relativement 
aux  bafes  falines  minérales  , & aux  différens 
degrés  d’adhérence  qu’ils'  paroiffient  avoir  avec 
ces  bafes.  Les  nombres  que  j’ai  fuppofés  pour 
exprimer  ces  divers  degrés  d’adhérence , font 
fondés  fur  le  réfciltat  des  décomposions  (im- 
pies ; on  doit  être  prévenu  qu’ils  ne  font 
peut  - être  pas  très  » exaPement  Pexprefficn 
de  la  force  d’affinité  , mais  qu’ils  ne  font  def- 
tinés  qu’à  faire  concevoir  la  caufe  des  affinités 
doubles. 

Je  donnerai  d’abord  la  table  des  affinités 
numériqnes  des  quatre  acides  défignés  avec  fix 
bafes,  je  n’y  comprends  pas  encore  la  baryte, 
parce  qu’on  ne  connoît  point  encore  affez  fes 
diverfes  combinaifons  falines.  J’expoferai  enfuite 
dans  des  tableaux  particuliers  le  jeu  des  affi- 
nités doubles  connues  entre  les  fels  neutres  , 
en  adoptant  la  difpofition  donnée  par  Berg- 
man, 6c  que  j’ai  déjà  décrite  à l’article  des  affi- 
nités en  général.  Je  rappellerai  ici  que,  dans 
cette  ingénieufe  difpofition  à laquelle  je  n’ai 
fait  qu’ajouter  l’expreffion  des  affinités  par  des 
sombres  , la  fomme  des  deux  nombres  verti- 
caux qui  défignentles  attrapions  divéllentes  doit 


â94  É L É MENS 

l’emporter  fur  ce'.le  des  nombres  horizontaux 
qui  indiquent  les  attrapions  quiefcentes-,  pour 
qu’il ’exifte  une  décompofition  paraffinité  double* 

Tableau  des  degrés  dé  a ttracîion  exprimés 
par  des  nombres  entre  quatre  acides  6*  fix 

bafcs. 

Première  Colonne. 


la  potaffe  , une  affinité  égale 

à 8 

lia  foude 

L’acide  fulfurique  a ha  cjiaux  t< 

pour  fe  combiner  avec 

1 il  ammoniaque 4 

'la  magnéfie  3- 

l’alumine  2 

Seconde  Colonne. 

• 

la  potaffe , une  affinité  égale 

à 7 

lia  foude 6 

L’acide  nitrique  a pour  3 ^ ^aux 

fe  combiner  avec  4, 

llammomaque 3 

la  magnéfie 2 

1 


N VO 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  295 

Troisième  Colonne. 

‘lapotaffie,  une  affinité  égale 

à' 6 

T,  .j  . . lia  foude ç 

L acide  munatique  a J > 

_ r ..  -Ma  chaux 

pour  le  comb:ner  avec  1 

[l’ammoniaque .. ...  2 

la  masnêfie » 1 

\ 

> l’alumine 

Quatrième  Colonne. 

* • 
la  chaux,  une  affinité  égal 

Ÿ'\  a 

T , . , , jla  potaffe  .„. 

L acide  carbonique  a J r 

, , . \la  foude 

pour  le  combiner  avec 

/l’ammoniaque 
la  magnélie 
.l’alumine 


f • 


Tir. 


tf<!H  -MVJ  H ,H  W rs>  *»|H 


296  E L É M E N S 

1 A B L E A V de  dix  efpeces  di>  affinités  doubles 
qui  ont  lieu  entre  divers  Jets  neutres  & qui 
font  exprimés  par  des  nombres  pris  du  tableau 
précèdent . 


Premier  Exemple. 


fulfate 

de 

potafle. 


nitre. 

potaffe.  7 acide 
nitrique. 


8 affinités 


acide 

fulfurique. 


• 


nitrate 
rai 
re. 


3 quiefeentes  4^12  /calcai' 


— chaux. 
*3 


fulfate  calcaire. 

S e c o n.  d Exemple,' 
muriate  de  potafle,' 


fulfate 

de 

potafle. 


potaffe. 


acide 

muriatique. 


muria^ 


> _ 1 

8 affinités  '*3  quiefeentes  % \i J. /te  cal- 


acide 

fulfurique. 


te, 

— chaux* 
12 


cane. 


fulfate  calcaire. 


* Ce  nombre  mis  à droite  dans  une  petite  accolade  eft 
la  fomme  des  deux  affinités  horizontales , ou  quiefeentes , 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  *197 

Troisième  Exemple. 


nitrate  de  fonde.' 


fulfate 

de 

Coude. 


foude. 

6 acide 

^ nitrique;  i 

'u  i 

M 

1 

•S  " 

nitrate 

7 affinités 

quiefcentes  4{ 1 1 ^ 

fcalcâi- 

^ i 

^ 1 

[ te* 

acide. 

— chaux. 

fulfurique. 

12 

fulfate  calcaire. 

Quatrième  Exemple.' 
muriate  de  fonde. 


fonde.  5 acide 

c:  muriatique. 

fulfate  1 * ^ S muria* 

de  <q  7 affinités  -quiefcentes  3 1 10  ^te  cal- 

ioude.  1 a caire. 

<3* 

acide  ± chaux, 

fulfunque.  11 

fulfatç  calcaire. 


qui  doit  être  moindre  que  celle  des  affinités  verticales  J 
ou -divdlentes , pour  que  la  double  décomposition  ait  lieu,' 


I 


Ï98  É L É M F.  N S 

Cinquième  Exemple. 

fulfare  ammoniacal. 

'acide  fulfurique.  4 ammoniaque. 

"g  ff  nateam* 

è,iïLnMS  tà*  /-ï  i6*} cal,  ou 

^ I alcali 

chaux.  — acide  carboniqu.  v 0,wl" 

7 } concret 


Calfate 

calcaire 


nitrate 
calcaire < 


carbonate  calcaire. 

Sixième  Exemple. 
nitrate  ammoniacal. 

acide  nitrique.  3 ammoniaque. 

• ff  carbo- 

4 affinités  ^ quicfc.  -j  { 4 \ V,  nateam- 

l monia- 
„ cal. 

chaux.  -g-  chaux. 


carbonate  calcaire. 

Septième  Exemple.’ 

j 

muriate  ammoniacal, 
acide  muriatique  2 ammoniaque. 

.j>  i catbo- 

mnrïate  | 3 affinités.  ~'3.  quiefc.\  £ 3^\nateam- 

^ / monia- 

* 1 cal. 

chaux.  JL  acide  carbor.iq. 


calcaire 


carbonate  calcaire. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  299 

Huitième  Exemple. 

fulfate  magnéfien  , ou  fel  d’Epfum. 

"acide  fulfurique.  „r  niagnefu.  jcarbo- 

- ^nate  de 

magûé- 

fulfate  J 6 affinités.  quiefc.  ~ £ 6-r  Vfie  , ou 

calcaire  \ 


3 - 

chaux,  71  acide  carbonjq.  'Ivefcen-  ' 

J te. 

carbonate  calcaire. 

Neuvième  Exemple. 
nitrate  magnéfien. 

acide  nitsique.  2,  magnéile. 


magne- 

fieefFer- 


nitrate 

calcaire' 


- carbo- 

4 affinités  quiefc 4 jVnarema. 


gnéfien 


chaux.  JJ_  acide  carboniq. 

5 


carbonate  calcaire. 

Dixième  et  dernier  Exemple. 
muriate  magnéfien. 

acide  muriatique  1 magnéfie. 


HJ 

3 


muriate 

calcaire 


carbo- 

3 affinités  quiefc.-  2 3 f \nate  de 


chaux. 


acide'carboniq.  Il 


/ magné- 
s fie. 


carbonate  calcaire. 


500  É L É M E N S 

Ces  dix  affinités  doubles  ne  font  pas  les  feules 
qui  exillent  entre  tous  les  fels  neutres  que  nous 
avons  examinés  ; nous  avons  vu  , par  exemple  , 
que  les  fels  barytiques  ne  font  pas  décompofés 
p sr  la  potafîe  , tandis  que  les  carbonates  de 
potaffe  & de  fonde  les  décompofent  ; que  le 
fluate  calcaire  préfente  le  meme  phénomène  \ 
ces  deux  efpèces  d’affinités  doubles  , & peut- 
être  quélques  autres  qui  ne  font  point  encore 
connues  entre  les  fels,  n’ont  point  été  repré- 
fentées  dans  la  table  précédente,  parce  qu’on  n’a 
point  encore  allez  étudié  les  attra&ions  éle&ives 
delà  baryte  & de  l’acide  fluorique,  pour  que 
nous  ayons  pu  les  déligner  par  des  nombres.  Lorf* 
que  les  recherches  néceffaires  pour  acquérir  ces 
connoiffances  auront  été  faites,  il  fera  fans  doute 
nécelfaire  de  changer  les  nombres  indiqués,  pour 
les  faire  quadrer  avec  les  affinités  que  l’on  dé- 
couvrira ; mais  la  méthode  propofée  reliera  tou- 
jours &c  elle  ne  pourra  meme  acquérir  que  plus 
d’exa&itude. 

J 

m 


\ 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  301 


TROISIEME  SECTION. 

t * 

DE  LA  MINÉRALOGIE. 


Corps  combustibles . 


CHAPITRE  PREMIER. 

Des  corps  combuftihles  en  général. 

N o u s avons  déjà  parlé  de  la  cômbiiftion  dans 
l’hifioire  de  l’air.  L’ordre  que  nous  avons  adop- 
té exige  que  nous  rappellions  en  peu  de  mots  ce 
qui  a été  dit  fur  cet  objet. 

Un  corps  combuftible  eft,  fuivant  Stabl , un 
compofé  qui  contient  le  feu  fixe  ou  le  phlo- 
giftique.  La  combuftion  n’efl,  d’après  fa  théorie, 
que  le  dégagement  de- ce  feu  fixé,  & fon  paf- 
fage  à l’état  de  feu  libre  ; ce  dégagement  fe 
manifefie  par  la  lumière  par  la  chaleur.  Lorf- 
qu’il  efi:  entièrement  fini  , le  corps  qui  l’a 
éprouvé  rentre  dans  la  clafie  des  matière?  in- 
combuftibles  , & on’ peut  lui  rendre  fa  pre- 
. mière  combuftibilité  en  lui  rendant  fon  phlo- 
gifiique  , ou  en  lui  unifiant  la  matière  du  feu 
. fixée  dans  un  autre  corps.  Nous  avons  trouvé 


L 


302  ÉlImens 

quatre  grandes  difficultés  dans  cette  théorie; 
i°.  l’impoffibilité  de  démontrer  la  préfence  du 
phlogiftique  ; 20.  l’augmentation  de  poids  par 
la  combullion  qui  ne  peut  pas  fe  concevoir  avec 
la  perte  d’un  principe;  30.  la  perte  de  poids 
du' corps  par  l’addition  du  phlogillique  , lorf- 
qu’on  le  fait  palier  de  l’état  incombuilible  à 
l’état  inflammable  ; 40.  le  peu  d’attention  que 
Stahl  avoit  faite  à la  nécèffité  de  l’air. 

Ce  dernier  phénomène  mieux  obfervé , & 
raugmentation  de  poids  des  corps  combuftibles 
pendant  leur  combullion  , a fait  naître  la  théorie 
fui  vante. 

Un  corps  n’elt  combuflible  que  parce  qu’il 
tend  fortement  à fe  combiner  avec  la  bafe  de 
l’air  vital  ou  l’cxigène.  La  combullion  n’eft  que 
l’ade  même  de  cette  combinaifon,  elle  n’a  lieu 
qu’autant  que  l’oxigène  perd  le  calorique  qui  le 
tenoit  en  état  d’air.  Cette  opinion  ell  fondée  fur 
les  quatre  faits  fuivans  : i°.  Un  corps  ne  peut 
brûler  làns  air  vital  ; 20.  plus  l’air  efr  pur , plus  la 
combullion  ell  rapide;  30.  dans  la  combullion  il 
y a abforption  de  l’air  6z  augmentation  de  poids 
dans  le  corps  brûlé  ; 40.  enfin,  le  corps  brûlé 
dans  i’atmofphcre  contient  en  exigène  la  partie 
en  poids  que  l’air  atmofphérique  a perdue  , & 
on  peut  fouvent  extraire  cet  oxigène  par  diffé- 
rens  moyens  que  nous  connoîtrons  plus  bas. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  303 
Macquer  avoit  réuni  cette  théorie  avec  celle 
de  Siahl  en  regardant  la  lumière  fixée  comme 
lephlogiftique,  & en  admettant  l’air  vital  comme 
précipitant  de  la  lumière/;  il  penfoit  que  dans 
toute  combuftion  , le  phlogiftique  étoit  leparé 
dans  l’état  de  lumière  par  l’air  vital  qui  prenoit 
fa  place  dans  le  corps  combuftible  , & il  regar- 
doit  ces  deux  matières , la  lumière  & l’air  vital  , 
comme  les  précipitons  l’une  de  l’autre  ; ainfî  , 
lorfqu’on  faifoit  pafTer  la  lumière  fixée  d’un 
corps  combufiible  dans  un  corps  déjà  brûlé  * il 
croyoit  que  ce  pacage  n’avoit  lieu- qu’à  mefure 
que  l’air  vital  uni  au  corps  brûlé  cédoit  fa  placé 
à la  matière  de  la  lumière,  & fe  transportait 
dans  celui  d’oû  la  lumière  s’échappoit»  La  forme 
exa&e  & rigoureufe  que  la  dodirine  moderne  a 
acquife  depuis  quelques  années  n’exige  , ne 
permet  même  plus  qu’on  ait  recours  à ces  théo- 
ries compliquées  ôc  forcées  : en  la  rappeliant 
ici  nous  ne  ferons  qu’ajouter  à la  (implicite  & 
à la  clarté. 

L’air  viral  eft  compofé  d’une  bafe  fixable 
appellée  oxigène , tk  qui  eft  tenue  en  difTolution 
dans  l’état  de  fluide  ëlaftiquè  par  le  calorique 
& la  lumière.  Lorfqu’on  chauffe  un  corps  com- 
buflible  dans  ce  fluide  , ce  corps  décompofe 
l’air  vital  en  s’emparant  de  fa  îfafe  ou  de  fon 
oxigène  , & alors  le  calorique  la  lumière 


304  É L E M E N S 

devenus  libres  , reprennent  tous  leurs  droits  , 
& s’échappent  avec  les  caradères  qui  les  didin- 
guent  ; (avoir,  le  premier  fous  forme  de  cha- 
leur, & la  fécondé  fouscelle  de  flamme.  Suivant 
cette  dodrine , l’air  vital  eft  le  véritable  &;  le 
f’eul  corps  combudible.  Cette  théorie  femble 
ne  pas  détruire  la  préfence  du  phlogidique  dont 
la  lumière  joue  ici  le  rôle,  mais  elle  diffère  de 
celle  de  Stahl  par  le  lieu  du  phlogidique  ou  du 
feu  fixé,  que  nous  admettons  dans  le  corps  qui 
fert  à la  combudion,  tandis  que  Stahl  l’admet- 
toit  dans  le  corps  combudible.  Quoiqu’on  puiffe 
faire  contre  le  principe  oxigène  de  l’air  vital  une 
partie  de  l’objedion  qu’on  a faite  contre  le  phîo- 
gidique  de  Stahl , puifqu’on  ne  connoîr  pas  plus 
ce  principe  ifolé  ou  pur  , puifqu’il  ed  toujours 
ou  combiné  avec  le  calorique  dans  l’air  vital , ou 
avec  les  corps  combudibles  lorfqu’ils  ont  brûlé; 
puifqu’enfin  il  ne  Fait  comme  le  phlogidique 
que  paffer  d’un  corps  dans  un  autre  , & changer 
de  combinaifon  fans  pouvoir  être  féparé  & 
préfenté  dans  un  état  de  pureté  ; il  y a cepen- 
dant une  très-grande  différence  entre  les  deux 
théories; la  dernière,  celle  que  nous  admettons, 
a tous  les  caraêlères  de  l’exa&itude  & de  la 
vérité;  elle  ed  fondée  fur  l’addition  ou  la  four- 
tradion  du  poids  , ce  qui  n’a  jamais  pu  être  fait 
dansdâ  doctrine  de  Stahl. 


Les 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  305 

Les  différçns  corps  combuftibles  préfentent 
beaucoup  de  degrés  ou  de  différences  dans  leur 
tendance  à fe  combiner  avec  l’oxigène  ; & il 
paroîtque  le  plus  ou  le  moins  de  combuftibilité 
dépend  des  rapports  variés  qui  exiftent  entre  ce 
principe  & les  corps  combuftibles  ; de  forte 
qu’on  pourroit  établir  un  ordre  de  leur  combu - 
tibilité , &t  conftruire  une  table  de  leur  affinité 
avec  la  bafe  de  l’air  vital. 

Cette  variété  d’affinité  entre  les  corps  com- 
buftibles  & l’oxigène  eft  la  caufe  des  différens 
phénomènes  que  ces  corps  préfentent  dans  leur 
combinaifon  avec  ce  fluide. 

On  pourroit  d’après  cda  diftinguer  quatre 
fortes  de  combuflions. 

r°.  La  combuflion  avec  flamme  Sc  chaleur, 
comme  celle  du  foufre,  &c. 

2.0.  La  combuflion  avec  chaleur  fans  flamme  , 
comme  celle  de  plufieurs  métaux , &c. 

30.  La  combuflion  avec  flamme  fans  chaleur , 
comme  celle  des  phofphores  , &c. 

4°.  La  combuflion  très-lente  , fans  flamme  ni 
chaleur  apparentes , comme  cela  a lieu  par  le 
contact  de  certains  corps  combuftibles  avec  l’air, 
ou  ’orfque  l’oxigène  fixé  dans  un  corps  & dépourvu 
de  calorique  , pafl'e  immédiatement , tacitement 
pour  ainfi  dire , de  ce  corps  dans  un  autre. 

Il  faut  obferver  qu’outre  cette  diftindioti  , 

V 


3 o 6 ÉléMËNS 

la  combuftion  diffère  encore  par  un  grand  nom- 
bre d’autres  phénomènes  particuliers  à chaque 
corps combuftible.  La  rapidité,  la  couleur , l’éten- 
due de  la  flamme,  l’odeur  qui  l’accompagne,  la 
quantité  d’oxigène  abforbée , la  forme , la  couleur^ 
la  pefanteur,  l’état  du  réfidu  du  corps  brûlé,  & 
plufieurs  autres  circonflances  qu’il  feroit  inutile 
de  développer  ici , & qui  feront  traitées  avec  toute 
l’importance  qu’elles  méritent  à l’article  de  cha- 
que corps  combuftible , érabliffent  les  différences 
eflentielles , & propres  à caraftérifer  chacun 
des  êtres  qui  appartiennent  à cette  clafle. 

En  confldérant  toutes  les  variétés  que  pré- 
fentent  les  corps  combuflibles  pendant  leur 
combuftion  , on  ne  peut  s’empêcher  de  conve- 
nir que  leur  caufe  n’eft  point  encore  connue,  & 
qu’il  refle  des  découvertes  importantes  à faire  fur 
ce  point  de  la  théorie  chimique  ; déjà  les  degrés 
d’affinité  différens  que  paroiflent  avoir  les  divers 
corps  combuflibles  pour  s’unir  à l’oxigène  peu- 
vent fervir  à expliquer  une  partie  de  ces  phéno- 
mènes ; en  effet , il  eft  naturel  de  croire  qu’un 
corps  qui  a une  grande  attra&ien  pour  fe  com- 
biner avec  ce  principe  offrira  dans  cette  combi- 
naifon  plus  de  chaleur  , plus  de  mouvement  ÔC 

plus  de  lumière,  parce  que  celle-ci  fera  féparée 

* * 

de  l’air  vital  avec  plus  d’énergie.  Mais  cette  doc- 
trine n’explique  point  encore  quelle  eft  la  caufe 


b’H'i'st.  Nat.  et  de  Chimie.  507 
'<3e  la  couleur  fi  variée  de  la  flamme  des  difFé— 
rens  corps  inflammables;  pourquoi,  par  exemple-, 
le  cuivre  brille  en  verd,  &c.  Elle  n explique  point 
non  plus,  au  moins  par  des  expériences, comment 
quelques  matières  combustibles  brûlent  fans  flam- 
me apparente,  à moins  qu’on  ne  croie  avec  plu- 
lieurs  phyficiens  que  la  matière  de  la  lumière  eft  la 
même  que  celle  de  la  chaleur  , & n’en  différé  que 
parce  qu’elle  eft  plus  divifée,  plus  éparpillée  ; or , 
on  fait  combien  cette  opinion  fouffre  encore  de 
difficultés.  Si  l’on  fe  rappelle  que  la  lumière  eft  un 
des  principes  de  l’air  vital , & qu’elle  s’en  dégage 
pendant  la  combuftion , on  pouirroit  croire  que  ce 
corps  êft  dégagé  diverfement  de  l’air  vital  par  les 
différentes  matières  combuftibles  $ qu’il  y en  a , 
par  exemple  , où  toute  la  lumière  , l’enfemble  de 
fes  fept  rayons  ou  principes , eft  féparée  ; qu*il  en 
eft  d’autres  où  il  n’y  a que  le  rayon  ofangé  de  dé- 
gagé comme  par  le  gaz  nitreux,  lê  jaune  ou  le  verd 
comme  par  le  zinc  & le  cuivre  ; mais  cette  hypo- 
thèse , dont  il  a déjà  été  queftion  dans  l’hiftoire  de 
la  combuftion  traitée  à l’article  de  l’air,n’eft  point 
encore  appuyée  par  l’expérience.  Il  fuffit  qu’il  foit 
prefque  démontré  que  la  lumière  eft  plutôt  conte- 
nue dans  l’air  vital  que  dans  les  corps  combufti- 
bles. En  effet , comment  concevoir  qu’un  corps 
auffi  divifé  & auffi  élaftique  en  même- temps  que 
lalumicre , puiffe  fe  fixer  & prendre  de  la  folidité? 

v 


I 


308  É L I M ! NJ 

NVtl-il  p?s  plus  naturel  & plus  conforme  à tou- 
tes les  idees  e la  faine  phy  tique  de  penfer  que  , 
loin  de  pouvoir  prendre  ainti  une  forme  folide, 
la  lumière  etl  plutôt  capable  de  la  faire  perdre  à 
ceux  qui  en  jouiffent , & qu’elle  et!  une  des  caufes 
de  l’élatlicité  de  l’air  vital,  qui  n’etl  que  l’oxigène 
folide  par  lui-même  uni  au  calorique  &c  à la 
lumière  ? 

Quoiqu’il  relie  donc  encore  quelques  difficul- 
tés à réioudre  dans  l’hitloire  de  la  combutlion  , 
il  ell  bien  prouvé  aujourd’hui  que  les  corpscom- 
buftibles  qui  onr  brûlé  ont  tout-à  fait  changé  de 
nature  ; que  l’oxigène  qui  ell  fixé  leur  donne  tou- 
jours plus  de  pefanteur  abfolue;&  que  ce  principe 
y prend  lui-  même  une  forme  plus  folide  que  celle 
qu’it  avoit.  dans  fa  combinaifon  avec  le  calorique 
& la  lumière  qui  le  continuent  air  vital. 

Nous  divifons  les  matières  combutlibles  du 
règne  minéral  en  cinq  genres  ^ {avoir  , le  diamant, 
le  gaz  hydrogène  ou  inflamm  ibîe,  le  foufre, 
les  matières  métalliques  & les  bitumes. 

4 arufe  i- 

i w > 


f 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  309 


CHAPITRE  IL 


Genre  I.  Diamant . 

Le  diamant  eft  une  fubftance  unique  dans  fori 
efpèce  ; on  Ta  placé  avec  les  pierres  , parce  qu’il 
en  a la  dureté,rinfipidité,rinfolubilité.  il  eft  d’ail- 
leurs le  plus  tranfparent  Si  le  plus  dur  de  tous 
les  minéraux.  Sa  dureté  eft  telle  que  l’acier  le 
mieux  trempé  ne  mord  point  fur  lui,  oc  qu’on 
ne  peut  ufer  les  diamans  qu’en  les  frottant  l’un 
contre  l’autre  ; c’eft  ce  qu’on  nomme  égriler. 

Les  diamans  fe  trouvent  aux  grandes  Indes  , 
particulièrement  dans  les  royaumes  de  Golconde 
ôi  de  Vifapour.  On  en  tire  auflî  du  Bréfil;mais 
ils  parbiftent  d’une  qualité  inférieure:  on  les  con» 
noît  dans  le  commerce  fous  le  nom  de  diamans 
de  Portugal. 

Les  diamans  fe  rencontrent  ordinairement 
dans  une  terre  ochracée  , jaunâtre  , fous  des 
roches  de  grès  & de  quartz;  on  en  trouve  auiïi 
quelquefois  dans  l’eau  des  torrens  ; ces  diamans 
ont  été  détachés  de  leurs  mines.  Il  eft  rare  que 
les  diamans  ioient  d'un  certain  volume.  Les 
fouverains  de  l'Inde  gardent  les  plus  volumi- 

V üj 

A 


310  É L É M E N S 

neux , afin  que  le  prix  de  ces  fubftances  ne  dimi- 
nue point. 

Les  diamans  ne  fortent  pas  de  la  terre  avec 
leur  éclat  ; il  ne  s’en  trouve  de  brillans  que  dans 
les  eaux.  Tous  ceux  que  l’on  retire  des  mines  font 
enveloppés  d’une  croûte  terreufe  qui  recouvre 
line  fécondé  couche  de  la  nature  du  fpath  calcaire , 
fuivant  M.  Romé  de  Lifle. 

Jh 

Souvent  les  diamans  n’ont  pas  de  forme  régu- 
lière; ils  font  plats  ou  roulés.  Quelquefois  ils. 
offrent  des  criffaux  réguliers  en  oélaèdres.formés, 
dô  deux  pyramides  quadrangulaires  réunies  par 
leurs  bafes  ; on  en  trouve  auffi  à 12,  à 24  & 
à 48  faces. 

Quelques  diamans  font  parfaitement  tranfpa- 
rens  &£  de  la  plus  belle  eau;  d’autres  font  tachés, 
veinés,  nues;  alors  ils  perdent  beaucoup  de  leur 
prix.  Ii  en  eft  qui  ont  des  teintes  uniformes  &Z 
bien  marquées  de  jaune  , de  rouge , de  bleu,  de 
noir  ; ces  derniers  font  fort  rares. 

Les  diamans  paroiffent  être  formés  de  lames, 
appliquées  les  unes  fur  les  autres;  on  les  divife 
aifément  en  les  frappant  dans  le  fens  de  ces 
lames  avec  un  infiniment  de  bon  acier.  Il  y a 
cependant  quelques  diamans  qui  ne  paroifîent 
point  compofés  de  lames  dillin&es  , mais  de 
fibres  entortillées,  comme  font  celles  que  l’c% 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  3 it 

obferve  dans  les  nœuds  du  bols.  Ces  derniers 
font  fort  durs,  & ne  peuvent  être  travaillés;  les 
lapidai  es  les  nomment  diamans  dénature, 

La  tranfparence , la  dureté  du  diamant , la 
forme  criftalline  régulière  qu’il  affe&e , avoient 
déterminé  les  naturalises  à ranger  cette  fubf- 
tance  au  nombre  des  pierres  vitrifiables.  Ils  le 
reeardoient  comme  la  matière  du  criflal  de 

ta» 

roche , la  plus  pure  &:  la  plus  homogène.  Ils 
le  croycient  inaltérable  au  feu  , parce  que  les 
joaillier^  font  dans  l’ufage  de  faire  chauffer  &c 
même  rougir  les  diamans  tachés  de  jaune;  par 
ce  procédé , les  taches  deviennent  noires  , & 
n’empêchent  pas  l’éclat  de  la  pierre.  Cependant 
on  favoit  que  le  diamant  étoit  plus  pefant  & 
plus  dur  que  le  criftal  de  roche , & qu’il  avoit 
une  propriété  éleéirique  très- marquée  ; mais 
on  n’attribuoit  cela  qu'à  fon  extrême  pureté. 

On  fait  que  tous  les  corps  tranfparens  pier- 
reux ou  falins  refrangent  la  lumière  en  raifon 
direêle  de  leur  denfité  , mais  que  les  corps  rranf- 
parens  combuflibles  la  refrangent  en  raifon  dou- 
ble de  leur  denfité.  L,e  diamant  a une  force  réfrin- 
gente prefque  triple  de  celle  qu’il  devroit  avoir 
en  raifon  de  fa  denfité  ; il  paroît  que  c’eft  de 
cette  grande  force  réfringente  que  dépend  le 
ûngulier  éclat  du  diamant.  Comme  il  eft  très** 

y ly 


f 


3ii  Êlémens 

îranfparent , Si  que  la  lumière  fe  refrange  forte- 
ment entre  fes  lames  lcrfqu’on  multiplie  fes 
furfaces  par  la  taille , chacune  de  fes  facettes 
fournit  unfaifceau  de  lumière  très-brillant.  Audi 
ceux  qui  font  taillés  à facettes  fur  totfte  leur 
circonférence  ont-ils  un  éclat  bien  fupérieur  à 
ceux  qui  ne  font  taillés  que  d’un  côté  ; c’eft 
pour  cela  que  les  lapidaires  défignent  les  premiers 
fous  le  nom  de  bùLLans , Si  qu’ils  appellent  les 
féconds  des  rofes. 

Boyleavoitditque  le  feu  altéroit  les  diamans. 
Si  qu’il  s’en  dégageoit  des  vapeurs  âcres;  mais 
le  fait  annoncé  par  ce  phyficien  ne  fixa  point  l’at- 
tention des  favans.  Cependant  CofmelII,  grand 
duc  de  Tofcane  , vit  à Florence,  en  1694  Sz. 
1695  , le  diamant  fe  détruire  au  miroir  ardent. 
L’empereur  François  I fut  auffi  témoin  à Vienne 
de  la  deflruûion  du  diamant  par  le  (impie  feu 
des  fourneaux.  ✓ 

M.  d’Arcet , dans  fes  belles  expériences  fur 
les  matières  pierreufes  expofées  à l’aèlion  d’un 
feu  violent  Si  continu  , n’oublia  pas  les  diamans. 

Il  annonça  qu’ils  s’évaporoient  dans  le  fens  de 
leurs  lames,  Si  que  fi  on  arrêroit  l'évaporation 
à propos,  ce  qui  redoit  n’éroit  nullement  altéré, 

& n’offroit  qu’un  diamant  de  moindre  volume. 
M,  d’Arcet  voulant  lavoir  fi  l’évaporation  du 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  3 1 3 
diamant  n’étoit  pas  une  fimplç  decrepitation, 
imagina  de  le  traiter  dans  des  vaiffeaux  diffé- 
remment fermés.  Il  prit  une  fphère  de  pâte  de 
porcelaine  , & après  l’avoir  coupée  en  deux, 
il  plaça  un  diamant  au  centre  ; il  ajufta  enfuite 
les  deux  hémifphères , de  manière  que  le  dia- 
mant fe  formant  à lui-même  fa  cavité  , il  n’y 
eût  pas  d’efpace  vide  autour.  Ayant  laide  ces 
boules  au  four  jufqu’à  ce  qu’elles  fufTent  cuites  , 
il  les  caffa  , & trouva  la  loge  vide  & le  diamant 
évaporé  , fans  qu’on  pût  appercevoir  la  moindre 
gerçure  à la  boule. 

M.  d’Arcet  a varié  cette  expérience  de  plu- 
fieurs  manières;  tantôt  en  prenant  des  boules 
de  pâte  de  porcelaine,  tantôt  des  creufets  de 
porcelaine  cuite  , fermés  d’un  bouchon  de  pareil- 
le matière,  enduit  avec  une  fubftance  fufible  qui, 
en  fe  vitrifiant  du  feu  , taiioit  un  lut  hermétique. 
M.  d’Arcet  a toujours  vu  le  diamant  difparoîfre, 
&■  en  a conclu  qu’il  étoit  évaporable  fans  le  fecours 
de  l’air. 

Depuis,  MM.  d’Arcet  & Roux  ont  obfervc 
qu’il  n’étoit  pas  néceflaire  d’avoir  recours  à de* 
feux  d’une  fi  grande  violence,  pour  opérer  la 
volatilifation  du  diamant;  & en  1770  M.  Roux 
en  volatiüfa  un,  aux  écoles  de  médecine,  en 
cinq  heures  de  temps , dans  un  fournau  de  cou- 
pelle. 


?I4  ÉLÉMENS 

£n  1771  Macquer  obferva  un  nouveau  phé- 
nomène relatif  à la  deflru&ion  de  cette  fubf- 
ïance.  Ayant  eu  un  diamant  à volatilifer  , il 
employa  le  fourneau  de  Pott , auquel  il  avoit 
fait  quelques  corre&ions.  Ce  fourneau,  lorfqu’il 
eft  terminé  par  un  tuyau  de  poêle  de  dix  à douze 
pieds  de  hauteur  * produit  une  chaleur  égale  à 
celle  d’un  four  à porcelaine  dure.  Macquer 
avoir  place  une  moufle  au  centre  de  Ion  fourneau, 
qui  n’avoit  qu’un  tuyau  de  deux  pieds.  Il 
mit  un  diamant  taillé  en  brillant  , & pefant 
trcis-feizièmes  de  karat , dans  une  coupelle  qu’il 
plaça  d bord  au-devant  de  la  moufle  bien  rou- 
ge ; il  eut  foin  de  ne  l’enfoncer  que  par  de- 
grés , peur  éviter  que  le  diament  ne  s’éclatât. 
Au  bout  de  vingt  minutes  , ayant  obfervé  le 
diamant,  il  le  trouva  augmenté  de  volume  & 
beaucoup  plus  brillant  que  la  capfule  dans 
laquelle  il  étoit  ; enfin  il  obferva  une  flamme 
légère  & comme  phofphorique  , qui  formoit 
une  auréole  très-marquée  autour  de  la  pierre  > 
mais  il  ne  fentit  point  de  vapeurs  âcres  , comme 
l’avoit  annoncé  Boyle.  Le  diamant  ayant  été 
reporté  fous  la  moufle  , au  bout  de  trente 
minutes  il  étoit  entièrement  difparu,  fans  laifler 
après  lui  aucune  îrace.  Ainfi  Macquer  a volacilifé 
en  moins  d’une  heure  un  diamant  de  près  de 
quatre  grajns,  & il  a vu  que  ce  corps  brûle 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.4  315 
avec  line  flamme  fenfible  à la  manière  des  autres, 
corps  combuftibles. 

Ce  fait  annoncé  par  Macquer  a été  vérifié 
plufieurs  fois  depuis.  En  1775  Bucquet  a vola-* 
tilifé  un  diamant  d’environ  trois  grains  & demi; 
il  s’eff  fervi  du  fourneau  de  Macquer , mais  fans 
tuyau  3 & la  moufle  eft  reftée  ouverte  prefque 
tout  le  tems  de  l’opération  , afin  qu’on  put  voir 
ce  qui  fe  pafïoitpendant  lacombuft ion  du  diamant. 
Il  eft  refté  environ  quinze  minutes  avant  de 
s’enflammer  , & à compter  du  moment  de  fin- 
flcimmation  , il  n’a  p<-.s  fallu  vingt  - cinq  minutes 
pour  fon  entière  volatilifation. 

Comme  aucune  de  ces  expériences  ne  démon- 
troit  ce  que  devenoit  le  diamant,  MM.  Mac- 
quer , Lr*voifier  &:  Cadet  réfolurent  de  faire 
quelques  effais  dans  des  vailfeaux  clos.  Ils  chauf- 
fèrent vingt  grains  de  diamans  dans  une  cor- 
nue de  grès , avec  un  appareil  propre  à retenir 
les  produits , s’il  eût  pafTé  quelque  chcfe  ; ils 
employèrent  un  feu  de  la  plus  grande  violence, 
& n’obtinrent  rien  ; ils  trouvèrent  les  diamans 
bien  entiers,  mais  ayant  perdu  un  peu  de  leur 
poids  ; ils  foupçonnèrent  dès  - lors  que  cette 
perte  dépendoit  de  ce  que  les  diamans  avoient 
brûlé  en  partie,  à l’aide  du  peu  d’air  renfermé 
dans  les  vaiffeaux  ; les  diamans  d’ailleurs  étoient 
^ouverts  d’un  enduit  noirâtre , & comme  char- 


3 1 £ Élémens 

bonneux  , qui  difparoiffoit  promptement  en  les 

frotta  t fur  la  meule. 

Pendant  que  les  chimiftes  s’occupoient  des  re- 
cherches fur  le  diamant , les  lapidaires  croyoient 
toujours  à la  parfaite  indeftruétibilité  de  cette 
pierre.  L’un  d’eux,  M.  le  Blanc,  porta  chez  M. 
Rouelle  un  diamant  pour  être  expofé  au  feu; 
mais  il  voulut  l’envelopper  à fa  manière.  En 
conléquence , il  le  mit  dans  un  creufet  avec  un 
cernent  de  craie  de  poudre  de  charbon  ; ce 
premier  creufet  fut  enfermé  dans  un  autre  , fer- 
mé de  fon  couvercle  ôc  luté  avec  le  fable  des 

» 

fondeurs.  Cet  appareil  refta  au  feu  pendant  qua- 
tre heures,  ainfi  que  plulieurs  autres  diamans 
fur  lefquels  M.  Rouelle  rravailloit.  Au  bout  de 
ce  tems  , les  diamans  de  M.  Rouelle  avoient 
difparu , ainli  que  celui  de  M.  le  Blanc.  M.  Mail- 
lard, autre  lapidaire,  fe  rendit  chez  M.  Cadet, 
où  travailloient  MM.  Macquer  & Lavoiûer  ; 
ayant  apporté  trois  diamans,  il  propofa  de  les 
expofer  au  feu , après  qu’il  les  auroit  cémentés 
à fa  manière.  Il  remplit  de  charbon  pilé  & bien 
prefl'é  le  fourneau  d’une  pipe  , & ayant  mis 
les  diamans  au  centre  du  charbon  , il  couvrit 
la  pipe  d’une,  plaque  de  fer  qu’il  luta  avec  le 
fable  des  fondeurs;  la  pipe  fut  renfermée  dans 
un  creufet  garni  de  craie  & revêtu  d’un  enduit 
de  Cible  détrempé  avec  l’eau  falée.  Le  tout  fut 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  317 
mis  au  fourneau  de  Macquer  , &:  efi'uya  un 
feu  tel  qu’au  bout  de  deux  heures  l’appareil 
ctoit  ramolli  6c  prêt  à couler.  Après  l'opéra- 
tion , le  creufet  étoit  vitrifié  & informe  ; on 
le  cafia  avec  précaution  , Sc  l’on  trouva  la  pipe 
bien  ent.ère  : le  charbon  qu’elle  conrenoit  étoit 
parfaitement  noir,  6c  les  diamans  n’avoient  rien 
perdu.  Ils  étoient  feulement  noircis  à leur  fur- 
face  , mais  en  les  frottant  fur  la  meule  , ils 
redevinrent  blancs  & brillans.  Macquer  a répété 
cette  expérience  dans  le  grand  four  qui  cuit  la 
porcelaine  dure  de  Sèves,  elle  a réufii  de  même; 
cependant , comme  le  fer  qui  couvroit  la  pipe 
avoir  été  fondu,  une  partie  ayant  atteint  le 
diamant , l’avoit  fcorifié  d’un  côté  , mais  l’autre 
étoit  bien  entier  ; le  feu  avoir  duré  vingt-quatre 
heures. 

M.  Mitouard  , ayant  eu  occafion  de  traiter 
plufieurs  diamans  dans  des  vaififeaux  fermés  6z 
avec  différens  cemens,  a reconnu  que  le  char- 
bon étoit  celui  de  tous  qui  empêchoit  le  mieux 
la  combuftion  de  ce  corps. 

Tous  les  chimiftes  ont  été  perfuadés  par  ces 
faits  que  le  diamant  brûloit  à la  manière  des 
corps  combuftibles , & qu’il  ne  fe  détruifoit , 
comme  le  charbon , qu’autant  qu’il  avoit  le 
contaél  de  l’air.  Cependant  les  expériences  très- 


£i8  Êlémens 

bien  faites  & îrès-multipliées  de  M.  d'Àrcet 
fembloient  établir  le  contraire.  Pour  éclaircir  ce 
point  de  théorie  , Macquer  prit  du  charbon  en 
poudre,  il  en  remplit  plufieurs  boules  de  porce- 
laine cuite  & plufieurs  creufets  de  pâte  de  por- 
celaine; le  charbon  fe  réduifit  en  cendres  dans 
les  creufets  de  porcelaine  non  cuite , les  cen- 
dres même  fe  vitrifièrent,  tandis  que  le  char- 
bon renfermé  dans  les  vaille  aux  de  porcelaine 
cuite  refia  fans  altération  ; d’où  ce  chimifle  a 
conclu  qu’il  y a une  grande  dffiérence  entre 
ces  deux  fortes  de  vaifleaux.  Il  penfe  que  pen- 
dant la  cuite  de  la  porcelaine  il  fe  fait  des 
fentes , des  gerçures  peu  fenfibles  , mais  fuffi- 
fantes  pour  faciliter  la  combuflion  , & que  ces 
porcelaines  prenant  de  la  retraite  en  fe  refroi- 
diffant, toutes  ces  petites  ouvertures  fe  referment 
& difparoiffent  entièrement  après  la  cuite. 

M.  Lavoifier  a ajouté  à ces  expériences  de 
nouvelles  recherches  qui  prouvent  que  le  dia- 
mant ne  fe  brûle  qu’autant  qu’il  a le  contaél 
de  l’air.  Il  a expofé  des  diamans  au  foyer  de 
la  lentille  de  M.  de  Trudaine  } après  les  avoir 
couverts  d’une  cloche  fous  laquelle  il  a fait 
monter  de  l’eau  ou  du  mercuie  en  afpirant  l’air. 
Ce  chirmfte,dans  des  travaux  fur  les  effets  du 
verre  ardent , faits  en  commun  avec  MM.  Mao* 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  3 1 9 
quer , Cadet  & Briffon  , avoit  déjà  obfervé  que  fi 
on  chauffoit  brufquement  les  diamans  , ils  pe- 
tilloient  & s’éclatoient  fenfiblement  , ce  qui 
n’arrive  pas  lorfqu’on  les  chauffe  lentement  ÔC 
par  degrés.  Il  a vu  aufîi  les  diamans  fe  fondre 
& couler  en  certains  endroits  : la  furface  de  ceux 
qui  étoient  refiés  quelque  tems  expofés  au  feu 
de  la  lentille  lui  a paru  crib’ée  de  petits  trous 
comme  une  pierre  ponce.  En  les  chauffant  dans 
l’appareil  pneumato-chimique  décrit  ci-deffus 
il  s’efl  convaincu  que  le  diamant  ne  bruloit  que 
pendant  un  certain  tems  plus  ou  moins  long 
à raifon  de  la  quantité  d’air  contenu  fous  la 
cloche  ; il  a examiné  l’air  dans  lequel  avoit 
brûlé  le  diamant , & il  l’a  trouvé  abfolument 
femblable  à celui  qui  refie  après  la  combuf- 
tion  de  tous  les  autres  corps  combuflibles  , 
c’efbà-dire  , privé  de  la  partie  d’air  vital  propre 
à entretenir  ce  phénomène.  Une  circonflance 
qu’il  faut  noter  j c’efl  que  cet  air  réfidu  de  la 
combuflion  du  diamant  préeipitoit  l’eau  de 
chaux  & contenoit  de  l’acide  carbonique. 

Pour  conflater  de  plus  en  plus  la  nature  du 
diamant , M.  Lavoifier  a effayé  de  le  brûler 
fous  une  cloche  pleine  d’acide  carbonique.  Le 
diamant  a éprouvé  un  peu  de  déchet  dû  fans 
doute  à une  portion  d’air  mêlé  à cet  acide.  Ce 
chimifte  penfe  que  cette  perte  dépend  aufîi  en 


32.0  E L É M E N S 

grande  partie  de  la  volatilifation  du  diamant  , 
& il  en  conclut  que  ce  corps  pourroit  fe  vo- 
latilifer  en  entier  dans  des  vaiffeaux  fermés  , 
fi  on  lui  appliquoit  une  chaleur  fuffifante. 
M.  Lavoifier  ayant  opéré  de  même  fur  le  char- 
bon , a eu  des  réfultats  analogues,  foit  relative- 
ment à la  combuftion,  foit  relativement  à la 
volatilifation.  Il  a aufïi  vu  le  diamant  fe  noircir 
toujours  à fa  furface. 

Il  réfulte  de  ces  différens  faits , que  le  dia- 
mant eff  une  fubftance  très-différente  des  pier- 
res ; que  c’eff , au  contraire , un  véritable  corps 
combuflible , fufceptible  de  brûler  avec  flamme 
toutes  les  fois  qu’on  le  chauffe  jufqu’à  le  faire 
rougir  avec  le  contaél  de  l’air  ; en  un  mot  , 
que  c’eff:  un  corps  combuflible  volatil , puif- 
que  le  diamant  ne  laiffe  aucun  réfidu  fixe  ; 
qu’il  reflemble  parfaitement  au  charbon  par 
la  manière  dont  il  fe  comporte  au  feu , en- 
core qu’il  en  diffère  beaucoup  par  fa  tranf- 
parence , fa  pefanteur , fa  dureté , & plufieurs 
autres  propriétés.  Toutes  ces  expériences,  ainfi 
que  l’art  de  cliver  le  diamant , ont  appris 
qu’il  eff  formé  de  lames  ou  de  couches  pla- 
cées les  unes  fur  les  autres  ; qu’il  y a quelque- 
fois entre  ces  couches  une  matière  étrangère 
colorante  à laquelle  eff  peut-être  dû  renduit 
charbonneux  dont  fe  couvrent  les  diamans 

chauffés , 


d'HiSÏ.  NaÏ.  ÊT  DÈ  CüïMÎÊ;  51! 
chauffés,  fur  - tout  dans  les  vaiffeSux  fermés. 
C’eft  cette  couche  colorée  placée  plus  ou  moins 
profondément  , qui  rend  incertain  le  procédé 
employé  par  les  lapidaires  pour  blanchir  les  dia- 
mans  tachés.  Si  elle  efl  peu  profonde,  elle  peut 
fe  détruire  facilement , & le  diamant  fera  blan- 
chi. Si  elle  eft , au  contraire  , dans  l’intérieur 
de  ce  corps,  on  ne  pourra  l’enlever  que  par  la 
deffruôion  fucceflive  des  lames  qui  la  recou- 
vrent , & alors  il  faut  quelquefois  détruire  pref- 
qu’entiérement  le  diamant  avant  de  lui  enlever 
fa  couleur. 

g Malgré  tous  ces  travaux,  oïl  ne  fait  rien  ericôrô 
fur  la  compoficion  du  diamant , & on  doit  le 
regarder , dans  l’état  aftuel  de  nos  coilnoiffan* 
ces  , comme  un  corps  combuffible  particulier  ÔC 
différent  de  tous  les  autres. 

Le  diamant  n’eff  d’ufage  que  Comme  orne-- 
ment  ; mais  la  propriété  qu’il  a de  réfranger  les 
rayons  lumineux  , de  les  décompofer  & d’offrir 
à l’œil  les  couleurs  les  plus  brillantes  & les  plus 
vives,  le  rend  véritablement  précieux,  fans 
qu’on  puiffe  attribuer  au  caprice  de  la  mode 
l’eftime  dont  il  jouit.  Sa  dureté  excefîive  à la- 
quelle il  doit  le  poli  inaltérable  de  fes  furfaces  , 
fa  rareté  & l’art  de  la  taille  ajoutent  encore  à fon 
prix.  On  s’en  fert  avec  avantage  pour  grav.f 
fur  le  verre  & fur  les  pierres  dûtes , & pour 
ÿ'omc  II,  X 


$1%  E 1 à m e ®r  $ 

donner  à ces  corps  ia  forme  & les  grandeur^ 

C^nvenab’es* 

La  poufîîere  des  diamans  fert  à ufer  8l  à po% 
cteux  qui  font  entiers. 

ST""*  ...  — -A 

CHAPITRE  IÎL 

Genre  IL  Gaz  Hydrogéné, 

Ï^E  gaz  nommé  air  inflammable  par  Prieftley* 
&;  que  nous  défi  gnons  par  le  nom  de  §ar  hydro- 
gène , eft  un  fluide  aériforme  qui  jouit  de  routes 
îes  propriétés  apparentes  de  l’air*  Il  eft  environ 
ty  fois  plus  léger  que  lui  9 il  ne  peut  fervir  à la 
Combuftion , il  tue  très-promptement  les  ani- 
maux en  leur  donnant  des  convulfions  vives-  Il 
a une  odeur  forte  8c  très-reconnoiffable  : une 
de  fes  propriétés  cara&ériftiques  eft  de  s’allu- 
mer lorfqu  il  eft  en  contafl  avec  l’air  & qu’ot» 
lui  préfente  un  corps  enflammé  > ou  qu’on  y 
fait  pafler  l’étincelle  élefhique.. 

Le  gaz  hydrogène  étoit  connu  depuis  long- 
temps dans  la  nature  8c  dans  l’art.  Les  mines 
métalliques  , celles  de  charbon  de  terre,  la  fur- 
face  des  eaux,  les  matières  animales  ou  végé- 
tales en  putréfaâion  ^voient  offert  un  grand 
nombre  d’exemples  de  vapeurs  combuftibles 
natuzelleç.  L’art  s’étoit  exercé  à en  produire 


I 


d’Kist.  Nat.  et  de  Chimie.  31$ 
«ans  la  diffolution  de  plufieurs  métaux  par  les 
acides  fulfurique  & muriatique,  par  la  diflillation 
des  fubftances  animales  & végétales;  Mais  per- 
fonne  avant  M.  Priefl'ey  n’avoit  imaginé  de 
recueillir  ces  vapeurs  dans  des  récipiens , & d’en 
examiner  les  propriétés.  Ce  phyficien  a décou- 
vert qu’elles  formoient  une  efpece  de  fluide  élas- 
tique permanent. 

Le  gaz  hydrogène  préfente  tous  les  phéno- 
mènes des  corps  combuftibles  dans  un  degré 
très-marqué.  Comme  eux  il  ne  peut  brûler  fanâ 
le  contaft  de  l’air;  il  brûle  avec  une  flamme  plus 
ou  moins  rouge  îorfqu’il  etr  bien  pur  * & bleue 
ou  jaune  , quand  il  efl:  uni  à quelque  fubflance 
capable  de  modifier  f es  propriétés.  Souvent  il 
pétille  5c  produit  en  brûlant  de  petites  étin- 
celles brillantes,  avec  un  bruit  femblable  à celui 
du  nitre  qui  détone.  Il  s’excite  dans  fa  combuflion 
une  chaleur  vive.  Il  s’allume  par  le  contaél  de 
l’érincelle  électrique* 

Il  brûle  d’autant  plus  rapidement  qu’il  efl 
environné  d’une  plus  grande  quantité  d’air. 
Comme  ces  deux  fluides  ont  une  aggrégation 
pareille , on  conçoit  qu’il  efl:  poffible  de  les 
mêler  , de  forte  qu’une  molécule  de  gaz  hydro- 
gène foit  environné  de  molécules  d’air  ; . £& 
qu’alors  il  doit  brûler  avec  rapidité.  C’efl  aitffi 

Xi  j 


$24  ' ÉLÉMENS 

ce  qui  a lieu  lorfqu’on  enflamme  un  mélange  de 
deux  parties  d air  atmofphérique  & d’une  partie 
de  gaz  hydrogène  ; ce  mélange  s’allume  , il 
brûle  dans  un  infant , & en,  produifant  une 
explofion  vive  femblable  à celle  de  la  poudre 
à canon  ; le  gaz  hydrogène  feul  ne  brûle , au 
contraire , que  lentement  & à fa  furface. 

On  peut  le  faire  brûler  de  même  en  un  inf- 
tant  & avec  beaucoup  plus  de  véhémence  , fi  on 
en  mêle  deux  ou  trois  parties  avec  une  partie 
d’air  vital  ou  gaz  oxigène  ; il  produit  alors  une 
explofion  beaucoup  plus  confidérable  que  dans 
l’expérience  précédente. 

M.  Cavendifch  avoir  remarqué  3 plufieurs  an- 
nées avant  M.  Lavoifier  > que  toutes  les  fois 
qu’on  brûloit  du  gaz  hydrogène  il  fe  manifef- 
loit  toujours  des  gouttes  d’eam  En  faifant  brû- 
ler ce  gaz  dans  un  vailleau  plein  d’air  vital  , ôc 
au-defïus  du  mercure  , il  fe  fait  un  vide  dans 
l’appareil  , le  mercure  remonte  , & les  parois 
du  val'e  fe  trouvent  enduites  d’une  grande 
quantité  de  gouttelettes  d’eau  très -pure  qui 
augmente  en  quantité  à mefure  que  la  cornbuf- 
tion  s’opère.  M.  Lavoifier  a combiné  de  cette 
maniéré  une  affez  grande  quantité  de  ces  deux 
fluides  diadiques  l’un  avec  l’autre  pour  pouvoir 
obtenir  plufieurs  gros  d’eau.  Il  a eu  foin  de  faire 
palier  l’un  6c  l’autre  de  ces  fluides  à travers  un 


r 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  315 
cylindre  de  verre  rempli  d’alcali  fixe  càuftique 
bien  fec , afin  de  les  dépouiller  de  la  portion 
d’eau  qu’ils  pouvoient  contenir.  L’eau  qu’il  a 
obtenue  répondoit  parfaitement  par  fon  poids  à 
celui  des  fluides  diadiques  qu’il  avoit  employés  ; 
&il  en  a conclu  qu’elle  eft  en  effet  un  compofé 
de  la  bafe  de  ces  deux  gaz , favoir , de  fix  parties 
en  poids  d’oxigène  & d’une  partie  d’hydrogène; 
car  il  eft  aifé  de  concevoiqd’après  tout  ce  que  n ous 
avons  fait  connoître  jufqu’ici , que  le  calorique 
& la  lumière  de  l’air  vital  & du  gaz  hydrogène 
fe  dégagent  pendant  leur  combuftion.  C’eft  à ce 
dégagement  qu’on  doit  attribuer  la  pefanteur  de 
l’eau  comparée  à celle  des  gaz  cxigène  Sz  hydro- 
gène ; ce  fluide  eft  à la  pefanteur  du  gaz  hydro- 
gène comme  11050  eft  ai,  en  fuppofant  celle 
de  ce  dernier  gaz , relativement  à celle  de  l’air  , 
dans  le  rapport  de  1 3 à 1 ; ce  rapport  fera  en- 
core bien  plus  éloigné  fi  l’on  éleve  la  légéreté  du 
gaz  hydrogène  à 16  , comme  il  paroît  que  cela 
peut  être  îorfqu’il  eft  d’une  parfaite  pureté. 

L’eau  obtenue  par  la  combuftion  de  l’air  vital 
& du  gaz  oxigène  s’eft  trouvée  contenir  quel- 
ques grains  d’acide  nitrique.  Pour  concevoir  la 
formation  de  cet  acide,  il  faut  fe  rappeller 
que  M.  Cavendilch  l’a  produit  en  combinant , à 
l’aide  de  l’étincelle  éle&rique  , fept  parties  d’air 
yital  &z  trois  parties  de  gaz  azote  de  i’aîmof- 

X iij 


ji  G , ÉlémEns 
phère.  Or,  l’air  vital  que  M.  Lavoifier  a employé 
pour  Ton  expérience  ayant  été  retiré  du  précipité 
rouge  ou  oxide  mercuriel  par  l’acide  nitrique  , 
çet  oxide  qui  l'a  fourni  a bien  pu  donner  une 
petite  quantité  de  l’azote  qui  entre  dans  fa  com- 
position ; ainfî  cette  portion  d’acide  ne  change 
rien  au  réfultat  & aux  alertions  de  M.  La- 
voilier  fur  la  produêfion  de  l’eau.  Si  l’on  com- 
pare à cette  belle  expérience  celle  par  laquelle 
le  même  chimifte  a décompofé  l’eau  en  la  fai- 
fant  tomber  Sur  le  fer , le  zinc  & le  charbon 
rouge  , airsfi  que  fur  les  huiles  bouillantes  , & 
en  a retiré  du  gaz  hydrogène  en  proportion  de 
la  combuflion  qui  avoit  lieu  dans  ces  différens 
çorps,  on  fera  convaincu  que  cette  théorie  de 
la  nature  de  l’eau  eft  appuyée  fur  des  fondemens 
aulTi  Solides  que  toutes  celles  qui  ont  été  pro- 
posées fqr  les  différens  faits  chimiques, 

La  proportion  des  compofans  de  l’eau  , dé- 
montrée par  les  expériences  les  plus  exaêres* 
cSl  de  8 s parties  d’oxigène  & de  1 5 d'hydro- 
gène en  poids, 

U ne  refie  plus  qu’un  point  à déterminer  fur  la 
rature  du  gaz  hydrogène  ; cet  être  eft-il  Simple 
ou  compofé  ; efl-il  d’une  feule  efpece  toujours 
identique  ? Peut- on  le  regarder  comme  le  phlo- 
giibque  de  Stahl , ainSi  que  le  penfent  pluSieurç 
çhiî^iftes  angloisj  & fur- tout  M.  Kirwan? 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  317 

A l’égard  de  * premûce  quel  i m , les  chi- 
aniftes  font  aujourd’hui  bien  près  d’être  d’accord 
entr’eux  fur  l’identité  de  gaz  inflammable  retire 
de  fi.ibftan.ces  très-différentes  , & qui  paroî t jouir 
de  propriétés  diverfes. 

lien  eft , à la  vérité,  quelques-uns  qui  penfent 
encore  qu’il  y en  a réellement  plufieurs  efpeces; 
tels  font,  fuivant  eux,  le  gaz  inflammable  obtenu 
du  fer  & du  zinc  par  l’eau,  qui  brûle  en  rouge 
& détonne  avec  Pair  vital  Celui  que  Laffone  a 
retiré  du  bleu  de  Pruffe , de  la  réduction  des 
Heurs  de  zinc  par  le  charbon  , qui  bride  fans  dé- 
tonner avec  Fair  ; le  gaz  inflammable  des  marais 
qui  brûle  en  bleu  & ne  détonne  pas  } celui  que 
Ton  obtient  de  la  diftillation  des  matières  orga- 
niques & qui  reffemble  au  gaz  des  marais.  Mais 
uneanalyfe  exa&e  nous  a prouvé  que  ces  deux 
derniers  font  des  compofés  de  véritable  gaz 
hydrogène  pur  & détonnant  , avec  du  gaz 
azote  , & de  l’acide  carbonique  en  différentes 
proportions  ; & nous  étions  portés  à croire  avec 
Filluftre  Macquer  , en  1782  , qu’il  n’y  a qu’un 
être  de  cette  efpece  fufceptible  de  plufieurs  modi- 
fications par  fes  combinâifons  avec  différentes 
fabftances.  Les  travaux  d’un  grand  nombre  de 
phyficiens  célèbres,  ôc  en  particulier  de  MM. 
Cavendifch  , Prieftley  , Wath  , Kirwan , La- 
yoifier,  Monge,  Berthollec  , Morveau,  &c, 

X iv 


$Z§  E L È M E N S 

ont  confirmé  cette  opinion.  Les  mélanges  de  gaz 
étrangers  indiqués,  la  diffolution  du  charbon, 
du  foufre  , du  phofphore  dans  le  gaz  hydrogène 
dont  ils  augmentent  la  pefanteur  & diminuent  la 
combuflibilité , annoncent  que  c’eft  à ces  mêlant 
ges  ou  à ces  combinaifons  que  font  dues  les 
différences  apparentes  des  gaz  inflammables.  Je 
crois  donc  qu’on  peut  regarder  comme  dé- 
montré aujourd’hui  qu’il  n’y  a qu’une  feule 
çfpece  d§  gaz  inflammable  provenant  toujours 
de  la  dccompofition  de  l’eau  , la  reformant  par 
fon  union  avec  l’air  vital;  en  un  mot , qu’il 
n’exifle  dans  ce  genre  que  le  gaz  hydrogène  pré» 
fentant  plus  ou  moins  d’inflammabilité  & des 
couleurs  diverfes  dans  fa  combui‘lian,fuivant  qu’il 
çft  mêlé  ou  combiné  avec  différens  autres  corps. 
Quant  à la  fécondé  queflion , quoique  i’opi» 
ni  on  de  Bergman  & des  chimiftes  anglois  qui 
regardent  le  gaz  hydrogène  comme  le  phlo» 
giftique  de  Stahl  paroiffe  s’accorder  avec  un 
certain  nombre  de  faits  3 il  en  eff  cependant  un 
plus  grand  nombre  qui  empêchent  qu’on  puiffe 
l’adopter.  En  effet  , il  paroît  que  ce  ne  font 
point  toujours  les  fufbflances  combuflibles  dans 
le  (quelles  Stahl  admettoit  la  préfence  du  phlo- 
giftique  qui  fourniffent  cette  efpece  de  fluide , 
& que  l’eau  contribue  toujours  à fa  formation, 
M»  Kirwan,  qui  s’occupe  depuis  quelques  années 


d’Hist.'  Nat.  et  de  Chimie;  319 
de  l’examen  de  cette  importante  queftion  , n’a 
point  encore  trouvé  , à notre  connoiffance , 
d’expérience  qui  puiffe  la  démontrer  pofitive- 
ment.  Nous  aurons  foin  d’expofer  dans  plulieurs 
autres  articles  de  cet  ouvrage  ce  que  nous 
penfons  du  gaz  hydrogène  que  ce  célèbre  chi- 
mifte  a obtenu  d’une  amalgame  de  zinc  , ainfî 
que  de  quelques  autres  expériences  analogues 
que  plulieurs  phyliciens  ont  oppofées  à notre 
doélrine.  Nous  n’entrerons  point  ici  dans  le 
détail  des  obje&ions  qu’on  peut  lui  oppofer  , 
parce  que  nous  rifquerions  de  n’être  peint  en- 
tendus des  perfonnes  qui  n’auront  lu  que  ce 
qui  précède  ce  chapitre  de  notre  ouvrage  ; 
nous  ferons  connoître  ces  objeèlions  dans  les 
chapitres  où  nous  traiterons  des  fubftances  mé- 
talliques , du  phofphore , &c.  Quoi  qu’il  en  foit , 
nous  conviendrons  ici  qu’il  feroit  polîible- d’ex- 
pliquer les  phénomènes  de  la  chimie  en  admet- 
tant l’hydrogène  pour  phlogiftique  ; mais  nous 
obferverons  en  même-temps  que  cette  théorie 
phlogiftique  exige  des  fuppofitions  forcées  , 
qu’elle  eft  bien  loin  de  paroître  auffi  fimple  & 
suffi  fatisfaifante  que  celle  que  nous  avons 
adoptée  comme  le  fimple  réfultat  des  faits  (1). 


(1)  Voyez  la.  traduction  dei’ouvrage  de  M.  Kirwan  , 
les  notes  que  nous  y ayons  ajoutées. 


$30  E L É M E N S 

Aucun  chimifte  n’a  pu,  jufqu'à  préfent  , ré- 
parer les  principes  du  gaz  hydrogène  : c’eft  un 
être  (impie  dans  l’état  aéhiel  de  nos  connoif- 
fances;  fa  baie  ou  l’hydrogène  fe  comb  ne  en 
entier  avec  celle  de  l’air  pur  ou  l’oxigène,  &C 
forme  de  l’eau  dans  ceite  combinaifon.  On 
doit  s’appercevoir  que  nous  ne  difons  rien  des 
théories  de  quelques  auteurs  qui  ont  avancé, 
les  uns , que  le  gaz  inflammable  eft  un  compolé 
d’air  & de  la  matière  du  feu  ; les  ai  très , que 
c’eft  une  modification  de  la  lumière,  du  fru, 
du  fluide  éleèirique , 6cc,  Toutes  ces  affermons 
font  trop  vagues , elles  reffemblent  trop  au 
langage  inexaét  6c  incertain  des  premiers  tems 
de  la  phyfique , 6c  elles  font  trop  éloignées  des 
expériences  6c  de  toutes  démonftrations  , pour 
qu’elles  nous  paroiffent  devoir  mériter  une  dif- 
cuffion  foutenue.  Suivant  M,  Kirvan  , M.  Craw- 
ford  vient  de  faire  voir  que  le  gaz  hidrogène 
contient  plus  de  lumière  6c  de  calorique  que  l’air 
vital,  6c  que  le  rapport  de  lumière  6c  de  calo- 
rique dans  ces  deux  gaz  e(l  comme  24  à f.Il  feroit 
très-utile  de  déterminer  combien  l’hydrogène 
perd  de  ces  principes  en  entrant  dans  des  combi- 
naifons  liquides  ou  folides.On  ne  peut  douter  que 
le  gaz  hydrogène  ne  contienne  beaucoup  de  cha- 
leur fpécifique  ou  de  calorique  , peut  - être 
même  de  la  matière  de  la  lumière  , 6c  que  le 
çaîorique  ne  fe  fépare  de  ce  gaz  toutes  les  fois 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  $ $ 1 
qu’il  perd  Ton  étar  élaftique , & qu’il  pîtffe  dans 
des  combinaifons  liquides. 

Le  gaz  hydrogéné  ne  s’unit  point  à 1 eau  ; 
on  peut  le  conferver  long-tems  fans  altération 
au-deflus  de  ce  fluide/ Cependant  à la  longue 
il  eft  altéré  & n’eft  plus  inflammable.  M.  Priefliey 
n’a  point  déterminé  cette  efpece  de  change- 
ment , ni  l’état  de  l’eau  qui  le  produit.  Il  eft 
vraifemblable  que  cette  expérience  faite  avec 
foin  jetteroit  beaucoup  de  jour  fur  la  nature 
de  ce  corps  combuftible. 

Le  gaz  hydrogène  ne  paroît  point  avoir  d’ac- 
tion fur  les  terres,  ni  fur  les  trois  fubftances 
falinc-terreufes  ; cependant  il  détruit  la  blan- 
cheur de  la  baryte  & il  la  colore  ; ce  qui  Ta 
fait  regarder  comme  la  chaux  , ou  l’oxide  d’un 
métal  particulier  encore  inconnu. 

On  ne  connoît  point  l’altération  que  les  alca- 
lis ôc  les  acides  pourroient  lui  fa;re  éprouver  y 
& celle  qu’il  feroit  naître  lui  même  dans  ces 
fels.  Il  eft  vraifemblable  qu’il  décompoferoit 
quelques  acides,  & fur-tout  l’acide  fülfurique 
Sc  l’acide  muriatique  oxigéné  , en  s’emparant 
de  leur  ox:gène  avec  lequel  il  formeroit  de 
l’eau.  Quant  à l’açide  fulfurique  , on  peut 
ioupçonner  qu’il  éprouveroit  cette  décompoft- 
îion  , la  bafe  de  l’air  vital  ayant  plus  d’affinité 
avec  l’hydrogène  qu’avec  le  foufre  , puifque 
ççhii-çi  ne  décompofe  point  l’eau , comme  nous 


332  Elément  \ 

le  verrons  plus  bas.  L’acide  muriatique  oxigéné 
a une  fi  grande  quantité  d’oxigènefurabondantSe 
fi  peu  adhérent,  qu’on  peut  préfumer  que  le  gaz 
hydrogène  le  lui  enleveroit  pour  former  de  l’eau. 

Le  gaz  hydrogène  ne  paroît  point  avoir 
d’aélion  fur  les  fels  neutres,  & on  a peu  exa- 
miné en  général  fa  maniéré  d’agir  fur  toutes  les 
fubflances  falines. 

Ce  gaz  eft  devenu  un  être  beaucoup  plus 
important  pour  les  favans  , depuis  qu’on  s’en 
eft  fervi  pour  remplir  les  machines  aéroftatiques, 
dont  la  découverte  eft  due  à MM.  de  Montgol- 
fier.  Sa  légéreté  fpécifique  , treize  fois  plus  con- 
fidérable  que  l’air  , efl  la  caufe  de  l’afcenfion  de 
ces  machines.  Il  efl  plus  que  vraifemblable  qu’il 
joue  un  très- grand  rôle  dans  les  phénomènes 
météoriques  , qu’il  exifte  en  grande  quantité 
dans  l’atmofphère  qu’il  s’y  allume  par  l’étin- 
celle cle&rique  , qu’il  y forme  de  l’eau.  Peut- 
être  eft-il  emporté  par  les  vents  comme  une 
efpece  d’aéroftat  naturel. 

On  a cherché  à le  fubftituer  à d’autres  matières 
combuftibles  dans  plufieurs  befoins  de  la  vie, 
comme  pour  éclairer  , pour  chauffer  , pour 
charger  quelques  armes  à feu  , &c.  M.  Volta 
l’a  confidéré  fous  ce  dernier  point  de  vue , &C 
il  a propofé  plufieurs  maniérés  de  s’en  fervir. 
M.  Neret  a donné  la  defcription  d’un  réchaud 
« gaz  inflammable  dans  le  journal  de  phyfique. 


d’Hist,  Nat.  et  de  Chimie.  33^ 
( janvier  1777.  ) MM.  Furftenberger  , phyficien 
de  Bâle  t B ranci  er  9 méchanicien  d’Augsbourg  , 
Ehrmann , démonftrateur  de  phyfique  à Straf- 
bourgj  ont  [imaginé  des  lampes  que  Ton  peut 
allumer  la  nuit  à l’aide  d’une  étincelle  électri- 
que. Enfin,  on  fait  des  feux  d’artifices  fort 
agréables  avec  des  tubes  de  verre  différemment 
contournés  , & percés  d’un  grand  nombre  de 
petites  ouvertures.  On  introduit  le  gaz  inflam- 
mable dans  ces  tubes  à l’aide  d’une  vefïle  qui 
en  eft  remplie , & qui  s’y  adapte  par  un  robinet 
de  cuivre.  En  preffant  cette  vefîie  , le  gaz  in- 
flammable pafie  dans  le  tube  , fort  par  toutes  les 
ouvertures  qui  y font  pratiquées  , & on  l’enflam- 
me en  approchant  une  bougie  allumée. 


CHAPITRE  IV. 


Genre  III.  Soufre, 

Le  foufre  eft  lin  corps  combuftible , fec^ 
très-fragile,  d’un  jaune  citron,  qui  n’a  d’odeur 
que  lorfqu’il  eft  chauffé,  & dont  la  faveur  par- 
ticulière eft  foible  , quoique  cependant  très- 
fenfible.  Si  on  le  frotte  , il  devient  éledlrique. 
Si  lorfqu’il  eft  en  gros  morceaux  on  lui  fait 
éprouver  une  chaleur  douce  , mais  fubite  , com- 
me en  le  ferrant  dans  la  main , il  fe  brife  en 
pétil'ant* 


334  E I É M EN  s 

Le  foufre  fe  rencontre  en  grande  quantité 
dans  la  nature  , tantôt  pur  & tantôt  combiné» 
Il  ne  doit  être  ici  queftion  que  du  premier» 
Voici  les  variétés  de  forme  qu’il  préfente  dans 
fon  état  de  pureté. 

Variétés. 

1.  Soufre  tranfparent  criftallifé  en  oétaè- 
dres  dont  les  deux  pyramides  font  tron- 
quées. Il  eft  dépôfé  par  l’eau  le  plus  fou- 
vent  à la  fur  face  d’un  fpath  calcaire. 

Tel  efî  celui  de  Cadix. 

/ 

2.  Soufre  tranfparent  en  morceaux  irrégu- 
liers. Celui  de  la  Suifle  eft  dans  cet  état. 

3.  Soufre  blanchâtre  pulvérulent  , dépofé 
dans  des  géodes  filiceufes.  On  trouve  des 
cailloux  remplis  de  foufre  en  Franche- 
Comté  , &c. 

4.  Soufre  pulvérulent,  dépofé  à la  furface 
des  eaux  minérales  , comme  à celles 
d’Aix-la-Chapelle,  d’Enghien  près  de 
Pai  is,  &c. 

ç.  Soufre  criftallin  fublimé;  il  eft  en  crif- 
taux  tranfparens;  on  le  rencontre  dans 
les  environs  des  volcans. 

(u  Soufre  pulvérulent  fubümé  des  volcans  ; 
celui-ci  eft  fans  forme  régu'iere , & fou- 
vent  interpolé  dans  des  pierres  tendres  * 
comme  on  l’obferve  à la  Solfatare  aux 
environs  de  Naples* 


t 


jD’Hîst.  Nat.  et  de  Chimie.1  3 3 ? 

7.  Sialdftitcs  de  foutre , formées  par  le 
feu  des  volcans. 

Outre  ces  fept  variétés  de  f<  ufre  minéral  pur,1 
cette  fubftance  combtiftible  fe  trouve  combinée 
avec  différentes  matières.  C’eft  le  plus  fouvent 
à des  méiaitx  qu’il  eft  uni,  & il  les  mer  dans 
l’état  de  pyrites  ou  fulfures  métalliques,  & de 
mines.  Quelquefois  il  eft  combiné  avec  des  ma- 
tières calcaires  dans  l’étal:  de  fulfure  ou  foie  de 
foufre  terreux  - les  pierres  calcaires  fétides,  la 
pierre-porc  , paroiffent  être  de  cette  nature. 

Des  découvertes  récentes  étendent  encore 
l’empire  de  ce  minéral.  Il  femble  fe  former  jour-; 
aellement  dans  toutes  les  matières  végétales  & 
animales  qui  éprouvent  un  commencement  de 
putréfa&ion.  Quoique  ces  efpeces  de  foufre 
n’appartiennent  pas  effentiellement  au  régné  mi- 
néral , nous  croyons  cependant  devoir  les  join- 
dre aux  variétés  précédentes,  pour  rendre  fon 
hiftoire  naturelle  plus  complette. 

Variétés. 

S.  Soufre  criftalüfé , formé  par  la  déeom- 
pofition  lente  des  matières  animales 
accumulées  ; tel  eft  celui  que  l’on  a 
trouvé  dans  des  anciennes  voieries  à 
Paris,  près  la  porte  Saint-Antoine. 

9.  Soufre  pulvérulent,  formé  par  les  va- 
peurs dégagées  des  fubftances  animales 
en  putréfa&ion  ; on  en  ramaffe  fur  les 
murs  des  étables , des  latrines , &c, 


E L É M E N S 


•53s 


[Variétés: 

10.  Soufre  retiré  de  plùfieurs  végétaux^ 
notamment  de  la  racine  de  patience  , de 
l’efprit  de  cochléaria  , &ic.  C’eft  à MM. 
Baumé  &.  Deyeux,  membres  du  college 
de  pharmacie  , & démonftrateurs  de 
chimie  , qu  eft  due  cette  découverte. 

1 1 . Soufre  obtenu  de  l’analyfe  des  matières 
animales  , Si  notamment  du  blanc  d’œuf 
par  M.  Deyeux. 

12.  Soufre  retiré  du  crottin  de  cheval.  On 
a trouve  ce  corps  combuftible  dans  du 
crottin  de  cheval , à l’inftant  où  il  ve- 
noit  d’être  rendu.  Il  eft  vraifemblable 
que  des  travaux  ultérieurs  le  feront  dé- 
couvrir dans  un  grand  nombre  d’autres 
fubftances  animales. 


Cesdifférens  foufres  ne  conftitueni  point  celui 
que  l’on  emploie  dans  les  arts.  On  l’extrait  par 
la  diffillation  des  compofés  métalliques  dont 
il  forme  un  des  principes , & qu’on  appelle 
pyrites.  En  Saxe  & en  Bohême  on  les  met  en 
petits  morceaux  dans  des  tuyaux  de  terre  pla- 
cés fur  un  fourneau  allongé.  Le  bout  des  tuyaux 
qui  fort  du  fourneau  eft  reçu  dans  des  cailles 
carrées  de  fonte  de  fer,  dans  lefquelles  on  met 
de  l’eau.  Lç  foufre  fe  ramaffe  dans  ces  efpeces 
c • de 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  337 
de  récipiens  ; mais  il  eft  fort  impur.  Pour  le 
purifier,  on  le  fond  dans  une  poète  de  fer; 
les  parties  terreufes  métalliques  fe  précipitent. 
On  le  verfe  dans  une  chaudière  de  cuivre , ou 
il  forme  un  autre  dépôt  des  matières  étrangères 
qui  l’altéroient.  Apres  l’avoir  tenu  quelque  tems 
en  fufion,  on  le  coule  dans  des  moules  de  bois 
cylindriques  , & il  forme  le  foufre  en  canons. 
Celui  qui  s’eft  précipité  au  fond  de  la  chaudière 
pendant  la  fufion  eft  gris  & très-impur  ; on  le 
nomme  fort  improprement  foufre  vif.  Dans  d’au- 
tres pays  , comme  à Rammelsberg  , on  extrait 
le  foufre  des  pyrites  d’une  manière  plus  fimple. 
O11  fe  contente  d’enlever  avec  des  cuillers  celui 
qui  fe  trouve  fondu  dans  les  maffes  de  pyrites 
que  l’on  grille  à l’air,  & on  le  purifie  par  une 
nouvelle  fonte. 

Le  foufre  ne  s’altère  point  par  le  contaft  de 
la  lumière.  Chauffé  dans  des  vaiffeaux  fermés , 
il  fe  ramollit , fe  fond  , prend  fouvent  en  fe 
figeant  une  couleur  rouge , brune  ou  verdâtre , 
& une  forme  aiguillée.  Pour  réuflîr  dans  cette 
criftallifation  , il  faut , d’après  le  procédé  de 
Rouelle,  biffer  figer  la  furface  & décanter  auffi- 
tôt  la  portion  fluide  qui  fe  trouve  au-deffous 
de  cette  efpèce  de  croûte  ; alors  on  obtient  des 
aiguilles  de  foufre  qui  fe  croifent  en  diftérens 
fens. 

Tome  II, 


y 


338  Ê L É M E N s 

Si  on  chauffe  doucement  le  foufre  îcrfqu’iî 
eft  fondu  , il  fe  volatilife  & fe  conduit  dans 
les  récipiens  en  petites  parcelles  pulvéru- 
lentes d’un  jaune  citron,  qu’on  appelle  fleurs 
de  foufre . Comme  il  n’y  a que  la  portion  du 
foufre  pur  qui  fe  volatilife  dans  cette  opéra- 
tion , on  l’emploie  avec  fuccès  pour  le  purifier. 
Pour  faire  cette  préparation  , on  met  du  fou- 
fre commun  en  poudre  dans  une  cucurbite  de 
terre  à laquelle  on  adapte  des  pots  de  terre 
ou  de  faïance  qui  fe  reçoivent  mutuellement , 
&:  qu’on  nomme  aludtls.  On  termine  le  dernier 
par  un  entonnoir  renverfé,  dont  la  tige  établit 
une  légère  communication  avec  l’air;  on  chauffe 
la  cucurbite  jufqu’à  liquéfier  le  foufre  , qui  fe 
fublime  à ce  degré  de  chaleur , & s’attache  aux 
parois  des  aludels. 

Les  fleurs  de  foufre  préparées  en  grand  con- 
jiennent  Cuvent  un  peu  d’acide  fulfurique,  for- 
mé par  la  combuflion  d’une  petite  quantité  de 
ce  foufre  , qui  a eu  lieu  en  raifon  de  l’air  conte- 
nu dans  les  vaiffeaux.  On  les  purifie  très-exa&e- 
ment  en  les  lavant  ; c’eft  le  foufre  ainfi  préparé 
qu’on  doit  employer  en  médecine  , àc  dans  les 
expériences  délicates  de  la  chimie. 

Le  foufre  chauffé  avec  le  concours  de  l’air 
s’allume  lorfqu’il  eft  fondu  , & brûle  avec  une 
flamme  bleue,  fi  la  chaleur  qu’on  lui  fait  éprou- 
ver n’eft  que  peu  confidérable , ou  bien  avec 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chi  mie.  3 3 9 
line  flamme  blanche  ÔC  vive  , fi  on  le  chauffe 
fortement.  Dans  la  première  de  ces  combuf- 
tions  il  répand  une  odeur  iufroquante,  & fi  1 on 
recueille  la  vapeur  qu’il  exhale  , on  obtient  de 
l’acide  fulfureux  très-fort.  Dans  la  combufiion 
rapide  fon  odeur  eft  nulle  , & ion  refidu  n a 
plus  celle  de  l’acide  fulfureux  ; c’eft  en  effet  de 
l’acide  fulfurique.  Sîahl , qui  a penfé  que  le  foufre 
étoit  un  compofé  de  cet  acide  & de  phlogif- 
tique  , croyoit  que  pendant  fa  combufiion  ce 
corps  perdoit  fon  principe  inflammable  , &C 
ccnféquemment  étoit  réduit  à l'état  d’acideb 
L’enfemble  des  preuves  qu’il  a préfentées  fur 
cette  opinion  étoit  bien  fait  pour  entraîner 
tous  les  chimiftes  qui  l’ont  fuivi.  Cependant 
depuis  que  l’on  a cherché  à connoître  l’in- 
fluence de  l’air  dans  la  combufiion , influence  k 
laquelle  Stahl  paroît  n’avoir  fait  que  peu  d’at- 
tention , quelques  chimiftes  frappis  de  la  d ffi- 
cu  té  qu’on  a éprouvée  jufqu’ici  à démontrer  le 
phlogiftique  , & de  la  facilité  avec  laquelle  on 
répond  à toutes  les  obj^&ions  fa'tes  à cette 
1 doéli  ine,par  les  nouvelles  connoidances  acquifes 
fur  l’air  , ont  adopté  une  opinion  entièrement 
oppofée  à celle  de  Stahl  fur  la  nature  du  foufre  , 
& fur  fa  combufiion. 

Vomi  les  faits  fur  lefquels  cette  nouvelle 
opinion  eft  fondée.  Haies  avoit  obfervé  que  le 

Yij 


34°  É L É M E N S 

foufre  abforboit  en  brûlant  une  grande  quantité 
d’air.  M.  Lavoifier  a démontré  qu’il  en  eft  du 
foufre  comme  de  toutes  les  matières  combuf- 
tibles,  c’eft-  à-dire,  i°.  qu’il  ne  peut  brûler 
qu’avec  le  concours  de  l’air  vital  ; i°.  qu’il  ab- 
forbe  la  portion  la  plus  pure  de  ce  fluide  pendant 
fa  combuflion  ; 30.  que  ce  qui  refle  de  l’air  ath- 
mofphérique  après  fa  combuflion  ne  peut  plus 
fervir  à une  nouvelle  combuflion  ; 4°-  que  l’acide 
fulfurique  qui  en  provient , a , en  excès  fur  la 
quantité  du  foufre  qui  l’a  produit , le  poids  que 
l’air  a perdu  pendant  la  combuflion  de  ce  der- 
nier ; 50.  qu’en  conféquence  le  foufre  s’efl  com- 
biné avec  la  bafe  de  l’air  pur  ou  l’oxigène 
pour  former  l’acide  fulfurique.  Cet  acide  eft 
donc  un  corps  compofé  d’oxigène  & de  foufre  ; 
ce  dernier,  au  lieu  d’être  un  corps  compofé, 
n’efl  qu’un  des  principes  de  l’acide  fulfurique  ; 
il  ne  lui  manque  plus  que  de  s’unir  à la  bafe 
de  l’air  ou  à l’oxigène  pour  former  cet  acide  ; 
& c’eft  ce  qu'il  fait  dans  la  combuflion.  La 
chaleur  eft  néceflaire  pour  le  faire  brûler,  parce 
qu’en  le  divifant  & en  déîruifant  fon  aggrégation , 
elle  favorife  fa  combinaifon  avec  l’oxigène  ; 
lorfqu’il  eft  une  fois  brûlé  ou  combiné  avec  ce 
dernier  principe  , il  n’efl  plus  fufceptible  de 
s’enflammer , & il  rentre  dans  la  ciüfîe  des  corps 
incombuftibles. 


d'Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  341 
Suivant  la  manière  dont  on  s’y  prend  pour 
le  faire  brûler  , il  abforbe  des  quantités  diver- 
fes  d’ox'gène  ^ & il  devient  plus  ou  moins  acide. 
Telle  eit  la  théorie  de  la  différence  qui  exihe 
entre  les  combuftions  lente  &c  rapide  du  foufre  , 
& les  acides  fulfureux  & fulfurique  qui  réfultent 
de  l’une  ou  de  l’autre.  Stbal  croyoit  qu’en 
brûlant  lentement  du  foufre  il  ne  perdoit  pas 
tout  fon  phlogiftique  , &:  qne  l’acide  fulfurique 
qui  en  retenolt  une  partie  confervoit  de  l’odeur 
& de  la  volatilité;  aujourd’hui  il  eh  prouvé  par 
l’expérience  qu’en  brûlant  lentement  il  n’ab- 
forbe  pas  tout  l’oxigène  auquel  il  peut  s’unir , 
tandis  que  dans  fa  combuhion  rapide  il  fe 
combine  avec  toute  la  quantité  de  ce  principe 
néceffaire  pour  le  conhituer  acide  fulfurique. 
C’eh  en  abforbant  peu-à-peu  la  bafe  de  l’air 
vital  athmofphérique  que  l’acide  fulfureux  com- 
biné avec  les  matières  alcalines  paffe  à l’état  d’aci- 
de fulfurique. 

On  conçoit  tout  anfîî  facilement  dans  cette 
théorie  ce  qui  fe  paffe  lorfque  l’on  forme  du 
foufre  avecl’acide  fulfurique  & quelques  matières 
combuflibles  , comme  nous  l’avons  indiqué 
pour  les  fulfates  de  potaffe  , de  foude,  ammo- 
niacal , calcaire  , magnéfien  , alumineux  & ba~ 
rytique  , chauffés  avec  du  charbon.  Le  corps 
çombuffible  s’empare  de  l’oxigène  contenu  dans 

Yüj 


34*  E L É M E N 5 

l’acide  fulfurique,  & ne  laiffe  plus  conféquem-. 
ment  que  le  foufre  qui  eft  l’autre  de  Tes  princi- 
pe : aufîi  toutes  les  fois  que  l’acide  fulfurique 
efl  changé  en  foufre  par  un  corps  combuftible 
quelconque  , ce  dernier  eft  il  toujours  réduit 
à l’état  de  corps  b.ûlé  r comme  nous  le  verrons 
dans  l'biftoi  e de  plu ficurs  lubûances métalliques. 
C’eft  pour  cela  que  l’on  obtient  une  grande  quan- 
tité d’acide  carbonique  dans  cette  produélion  ar- 
tifîcie’le  du  foufre , par  le  tranfporî  de  l’oxigène 
de  Y acide  fulfurique  fur  la  matière  charbcnneide 
pure  ou  le  carbone:  on  doit  fe  rappeller  qu’on 
démontre  facilement  la  préfence  de  la  bafe  de 
l’air  pur  ou  de  l’oxigène  dans  l’acide  fulfurique. 
On  a cherché  à déterminer  les  proportions  d’o- 
xigène  &:  de  foufre  contenues  dans  l’acide  fulfu- 
rique, comme  on  les  connoît  pour  les  acides 
nitrique  , carbonique  &:  phofphorique  ; cette 
proportion  n’efl  pas  encore  exa&ement  connue. 

Le  foufre  n’efl:  en  aucune  manière  altérable 
à l’air,  ni  difToluble  dans  l’eau.  Si  lorfqu’il  a 
été  tenu  quelque  teins  en  fufion  , & qu’il  s’eft 
épaitfi  , on  le  verfe  dans  ce  fluide,  il  devient 
rouge , & il  conferve  un  certain  degré  demol- 
leffe;  en  peut  le  pétrir  dans  les  mains,  mais  il 
perd  ces  propriétés  au  bout  de  quelques  jours. 
L’eau  jettée  goutte  àgout'e  fur  du  foufre  allu- 
sni  ne  parcît  point  décompofée  , & n’en  entre» 


r 


d’Hist.  Nat.  et  de  C mje.  345 

tient  peint  la  combuftion  ; ce  qui  indique  que 
îabafe  de  l’air  vital  ou  l’ôxigène  a plus  d’affinité 
avec  l’hydrogène  qu’avec  le  (oufre;  cette  afiertion 
peut  être  confirmée  par  l’a  dion  du  gaz  hydro- 
gène fur  l’acide  fulfuriqüe  auquel  ce  gaz  paroit 
enlever  l’oxigène. 

Le  foufre  n’a  point  d’adion  fur  la  terre  filicée  ; 
il  ne  s’unit  que  difficilement  avec  l’alumine  qui, 
cependant , quand  elle  eft  très  divifée,  paroît  le 
réduire  dans  l’état  hépatique  ou  de  fulfure  fé- 
tide , comme  on  le  voit  dans  la  préparation  du 
pyrophore. 

On  nomme  en  général  fulfure  alcalin  , kl  par  5 ou 
foie  de  foufre , un  compofé  formé  par  toutes  les 
matières  alcalines  avec  le  foufre.  Ce  compofé 
confidéré  en  général  a une  couleur  plus  ou  moins 
brune  , femblab'e  à celle  du  foie  des  animaux  ; 
il  eft  décompofable  par  Pair  vital  ; l’eau  en  le 
diffolvant  y développe  une  odeur  fétide  ; les  aci- 
des en  précipitent  le  foufre  & en  dégagent  une 
efpècedegaz  particulier  appelle  d’abord  gai  hépa- 
tique , & que  nous  nommons , en  raifon  de  fa  na- 
ture, gaz  hydrogène  fulfuré.  Il  y a fix  fortes  de 
fulfures  alcalins  produits  par  la  baryte,  la  magné- 
fie,  la  chaux  , les  deux  alcalis  fixes  & l’ammoiw- 
que  ou  alcali  volatil;  il  faut  examiner  les  pro- 
priétés de  chacun  d’eux  en  particulier. 

La  baryte  pure  n’a  point  une  forte  a&ion  fur 

Y iv 


544  Élêmens 

le  foufre  , lorfqu’on  la  fait  chaufer  dans  l’eau 
avec  ce  corps  combuftible  ; il  en  réfulte  une 
liqueur  foiblement  fwlfurée  ou  hépatique;  mais 
elle  s’y  combine  beaucoup  plus  intimement  par 
la  voie  sèche  ; c’eft  pour  cela  que  lorfqu’on 
chauffe  fortement  dans  un  creufet  un  mélange 
de  huit  parties  de  fulfate  barytique  en  poudre 
avec  une  partie  de  charbon  , on  obtient  une 
maffe  un  peu  cohérente  fans  fufion,  quifediffout 
promptement  dans  l’eau  chaude  , &qui  a l’odeur 
& tous  les  caraélères  hépatiques,  La  diffolution 
eft  de  couleur  jaune  , dorée  ou  orangée  ; j’ai 
découvert  qu’elle  criftallife  par  le  refroidiffe- 
ment  ; le  fui  fur  e barytique  ainfi  criftallifé  eft 
d’un  blanc  un  peu  jaune;  il  fe  décompofe  à l’air, 
il  en  attire  l’humidité,  fa  couleur  fe  fonce;  il 
s’en  précipite  du  foufre  , & il  s’y  reforme  du  ful- 
fate de  baryte.  Ce  fulfure  laiffe  échapper  par  les 
acides  qui  le  précipitent  un  fluide  élaftique  connu 
fous  le  ncm  de  gaz  hydrogène  fulfuré  , déjà  indi- 
qué, &c  dont  nous  examinerons  plus  bas  les  pro- 
priétés particulières.  Lorfqu’on  précipite  le  ful- 
fure barytique  par  l’acide  fulfurique  , il  fepréci- 
p te  du  foufre  & du  fulfate  de  baryte  ; en  fe  fer- 
vant  d'acide  nitrique  & d’acide  muriatique  ,1e  ni- 
trate &:  le  muriate  barytique  reftent  en  diffolu- 
tion , Sc  le  foufre  feul  fe  dépofe. 

Le  foufre  s’unit  à la  magncfia  pure  à l’aide 


b’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  345 
de  la  chaleur  ; pour  faire  cette  combinaifon,  on 
prend  ordinairement  le  fel  neutre  que  nous  avons 
appelle  carbonate  de  magnéfie  , comme  plus  fo- 
luble  dans  l’eau.  On  en  met  une  pincée  avec  un 
pareil  volume  de  fleurs  de  foufre  dans  une  bou- 
teille pleine  d’eau  diflillée  ; on  expofe  ce  vaiffeau 
vide  d’air  & bien  bouché  à la  chaleur  d’un  bain- 
marie  pendant  plufieurs  heures  ; alors  on  filtre 
l’eau;  elle  a une  odeur  fétide  d’oeufs  pourris; 
elle  colore  fortement  les  difïolutions  métalliques  ; 
elle  fournit  par  une  évaporation  fpontanée  de 
petites  aiguilles  criflallines  ; c’efl  en  un  mot  un 
véritable  fulfure  magnéfien  ; la  magnéfie  peut  en 
être  précipitée  par  l’un  ou  l’autre  des  alcalis  fixes 
qui  ont  plus  d’affinité  quelle  avec  le  foufre. 
Quant  à ce  corps  combufiible  , fa  préfence  y 
efl  facilement  démontrée  par  les  acides  qui  le 
féparent  fous  la  forme  d’une  poudre  blanche. 
Telle  étoit  l’efpèce  de  foie  de  foufre  que  le 
Roi,  médecin  de  Montpellier,  faifoit  aifloudre 
dans  l’eau  pure  pour  imiter  les  eaux  minérales 
fulfureufes;  mais  l’on  fait  aujourd’hui  que  la  plu- 
part de  ces  eaux  ne  contiennent  pas  de  véritable 
fulfure,  & font  minéralifées  par  le  gaz  hydro- 
gène fulfuré. 

La  chaux  s’unit  beaucoup  plus  promptement 
& avec  bien  plus  de  vivacité  au  foufre  , que  les 
deux  fubdances  faîino-terreufes  précédentes.  Si 


346  É L t M E N s 

l’on  vcrfe  peu-à  peu  de  l’eau  fur  un  mélange 
de  chaux  vive  & de  foufre  en  poudre,  la  cha- 
leur dégagée  par  l’a&ion  de  Peau  fur  la  chaux 
fuffîr  pour  favorifer  la  combinalfon  entre  cette 
dernière  le  foufre>  Si  l’on  ajoute  de  l’eau , 
elle  p-end  une  couleur  rougeâtre  & une  odeur 
fétide  ; elle  tient  en  diffolution  du  foufre  com- 
biné avec  la  chaux.  Ce  fulfure  calcaire  ne  fe 
prépare  bien  que  par  la  voie  humide  ; fouvent 
lorfque  la  chaux  n’eft  pas  très-vive  & ne  s’é- 
chauffe pas  beaucoup  avec  l’eau  , l’on  eft  obligé 
d'aider  la  combinalfon  par  un  feu  doux.  Ce 
compofé  eft  d’un  rouge  plus  ou  moins  foncé* 
fuivant  la  caufticité  de  la  chaux  ; j’ai  oblervé 
que  lorfqu’il  eft  fort  chargé  , il  dépofe  par  le 
refroidiffement  une  couche  de  petits  eriftaux 
aiguillés,  d’un  jaune  orangé,  difpofés  en  houp- 
pes, & qui  m’ont  paru  être  des  prifmes  tétraèdres 
comprimés , terminés  par  des  fommets  dièdres. 
Ces  eriftaux  perdent  peu  à-peu  leur  couleur  à 
Pair  , & deviennent  blancs  & opaques  , fans 
éprouver  d’altération  dans  leur  forme.  Le  fui- 
fure  calcaire  , hume&é  d’un  peu  d’eau  & diftillé 
à l’appareil  pneumato-chimique  , fe  décompofe 
en  partie  , & donne  une  grande  quantité  de  gaz 
hydrogène  fulfuré.  Si  on  l’évapore  à ficcité  , & 
fi  on  le  calcine  dans  un  creufet  à l’air  jufqu’à  ce 
qu’il  ne  fume  plus  , il  ne  refte  , après  cette  opé- 


r 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  547 
ration, que  du  fulfate  calcaire  formé  par  la  chaux 
& l’acide  fulfurique  dû  à la  combuflion  lente 
du  foiifre.  Le  fulfure  calcaire  s’altere  tiès- 
promptement  à l’air  ; il  perd  fon  odeur  & fa 
couleur  à mefure  que  fon  gaz  fe  diffipe.  Diffous 
dans  une  grande  quantité  d’eau  , ii  éprouve  la 
meme  altération  , fur- tout  lorfqu’il  efl  agite  , 
comme  l’a  fait  obfirver  M.  Monnet  dans  fon 
Iraitédes  Eaux  Minérales  : il  ne  refte  apres  ces 
altérations  que  du  fulfate  calcaire,  Conierve 
dans  des  boureil'es  en  partie  vides , il  dépofe 
fur  les  parois  un  enduit  noirâtre  , & ii  fe  forme 
des  croûtes  ou  pellicules  qui  tombent  au  fond 
de  la  liqueur.  Si  le  vafe  qui  le  contient  efl  bien 
fermé, il  fe  conferve  long-temps  fans  altération , 
comme  je  l’ai  obfervé  bien  des  fois  dans  mon 
laboratoire.  J’en  ai  eu  qui  étoit  préparé  depuis 
15  ans  i il  confervoit  encore  beaucoup  de 
couleur  & d’odeur  ; il  précipitoit  abondamment 
par  les  acides.  Le  fulfure  calcaire  efl  décom- 
pofi  par  les  alcalis  fixes  purs  qui  ont  plus 
d’affinité  avec  le  foufre  que  n’en  a la  chaux. 
Les  acides  en  précipitent  le  foufre  fous  la 
forme  d’une  poudre  blanche  très  tenue  , à la- 
quelle on  a donné  le  nom  de  magïjtcr  de  foufre. 
L’acide  carbonique  opère  cette  précipitation  de 
même  que  les  autres.  On  ne  connoît  point  l’aclion 
des.  fels  neutres  fur  le  fulfure  calcaire. 


43  ^ Élémens 

Les  deux  alcalis  fixes  purs  ou  cauftiques  ont 
unea&ion  très-marquée  fur  le  foufre.  Ils  forment 
les  véritables  fulfures  , ceux  qui  font  le  moins 
décompofables , & les  plus  permanens.  J’ai  dé- 
couvert que  les  alcalis  fixes  fecs  bien  cauftlques 
agiffent  même  à froid  fur  le  foufre  ; il  fufiit  pour 
cela  de  triturer  dans  un  mortier  de  la  potafie  ou 
de  la  foude  folides  avec  du  foufre  en  poudre  ; 
l’humidité  de  l’air  attirée  par  l’alcali  favorife  la 
réa&ion  de  ce  fel  furie  foufre;  le  mélange  le 
ramollit,  fe  colore  en  jaune  , exhale  une  odeur 
fétide  & forme  un  fulfure;  mais  lorlqu’on  le  dif— 
fout  dans  l’eau,  cette  diffolution  n’a  qu’une  cou- 
leur jaune  pâle , & ne  contient  pas  une  suffi  gran- 
de quantité  de  foufre  que  le  même  fulfure  pré- 
paré à l’aide  de  la  chaleur.  On  fait  le  fulfure 
alcalin  de  deux  manières  dans  les  laboratoires  , 
ou  par  la  voie  scche  ou  par  la  voie  humide. 
Pour  exécuter  le  premier  procédé  , on  met  dans 
un  crcufet  partie  égale  de  potaffe  ou  de  fonde 
pures  & folides,  6c  de  foufre  en  poudre  ; on 
fait  chauffer  ce  mélange  jufqu’à  ce  qu’il  foir 
entièrement  fondu  ; on  le  coule  alors  fur  une 
plaque  de  marbre , & quand  il  efi  refroidi  , il  eft 
d’une  couleur  rouge  foncée  femblable  à celle 
du  foie  des  animaux.  M.  Gengembre  qui  a lu 
à l’académie  de  très-bonnes  recherches  fur  le 
g-^z  hydrogène  fulfuré , a fait  une  cbfervation 


/ 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.'  349 
effentiellefur  le  fulfure  alcalin  préparé  par  la  voie 
scche;  c’eft  que  ce  compofé  n’a  point  de  fétidité , 

& n’exhale  point  de  gaz  hydrogène  fulfuré  tant 
qu’il  eft  fec  ; il  faut  qu’il  ait  attiré  l’humidité  de 
l’air  , ou  qu’on  le  diffolve  dans  l’eau , pour  que 
fon  odeur  fe  développe  , ce  qui  prouve  que  le 
dégagement  du  gaz  fétide  eft  opéré  par  l’eau  , 
comme  nous  le  dirons  plus  en  détail.  Les  deux 
alcalis  fixes  purs  & cauftiques  agiffent  abfolu- 
ment  de  la  même  manière  fur  le  foufre,  & le 
diffolvent  également  par  la  voie  sèche.  Ces 
combinaifons  des  alcalis  cauftiques  avec  le  foufre 
n’ont  été  que  peu  examinées  ; on  a prefque 
toujours  fait  le  fulfure  alcalin  avec  les  alcalis 
fixes  faturés  d’acide  carbonique.  H y a cepen- 
dant des  différences  notables  entre  ces  deux 
efpèces  de  fulfures.  D’abord  ceux  que  l’on  fait 
avec  les  alcalis  fixes  effervefcens  demandent 
plus  de  tems  pour  leur  préparation  , parce  que 
ces  fels  font  beaucoup  moins  aftifs.  Mais  la  plus 
importante  différence  que  nous  avons  eu  occa- 
fion  d’obferver  entre  les  fulfures  alcalins  cauf- 
tiques ou  non  cauftiques  faits  par  la  voie  sèche, 
c’eft  l’état  de  leur  faturation  comparée.  En  effet  , 
les  premiers  font  plus  bruns , plus  fétides  lorf- 
qu’on  les  diftout , & le  gaz  qu’ils  donnent  eft: 
beaucoup  plus  inflammable  que  celui  des 
féconds.  Ces  derniers  font  d’une  couleur  plus 


3<sO 


Ë L E M E N S 


pâle j fouvent  d’un  gris  verdâtre,  d’une  odeur 
plus  foible  , & d’une  compofition  moins  dura- 
ble. II  paroît  que  les  alcalis  fixes  confervent  une 
partie  de  l’acide  carbonique  dans  leur  union  avec 
le  foufre , puifqüe  le  gaz  de  ces  fulfures  non  cauf-^ 
tiques  n’eft  inflammable  que  lorfqu’on  l’a  bien 
lavé  avec  de  l’eau  de  chaux  qui  s’empare  de  Ton 
acide.  On  trouve  donc  dans  la  préfence  de  cet 
acide  , & dans  le  peu  d’énergie  des  alcalis  qu’il 
adoucit,  la  caufe  des  différences  qui  exiffent 
entres  les  fulfures  non  cauffiques  &:  les  fulfures 
cauffiques. 

Le  fulfure  alcalin  folide  fait  par  l’un  ou  l’autre 
alcali  fixe  cauffique  eff  très-fufible;  il  fe  décom- 
pofeàl’air  comme  le  fulfure  calcaire;  lorfqu’on 
le  chauffe  dans  des  vaiffeaux  fermés , après 
l’avoir  humeèté  d’un  peu  d’eau  , il  donne  beau- 
coup de  gaz  hydrogène  fulfuré  ; après  avoir  été 
fondu  il  eft  fufceptible  de  prendre  par  le  re- 
froiditTement  une  forme  criflalline  qui  n’a  point 
encore  été  bien  décrite.  Tant  qu’il  eff  chaud  6c 
fec,  il  eff  d’une  couleur  brune;  à mefure  qu’il 
fe  refroidit  & qu’il  attire  l’humidité  de  l’air  , 
il  perd  cette  couleur  & devient  plus  pâle  ; 
bientôt  même  le  contaft  de  l’air  lui  donne  une 
couleur  jaune  verdâtre;  il  fe  réfout  en  liqueur 
& fe  décompofe,  quoique  lentement,  de  manière 
à palier  au  bout  d’un  certain  tems  à l’état  de 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  3 5 1 
fulfate  de  potalfe  ou  de  loude.  Il  le  diffout  tres- 
bien  dans  l’eau  ; il  prend  fur  le-champ  une 
odeur  fétide  & particulière  ; le  gaz  odorant  qui 
n’y  exiftoit  pas  auparavant  fe  forme  par  la 
réa&ion  de  l’eau.  Cette  diffolution  a une  couleur 
rouge  foncée  ou  verte,  fuivant  que  le  fulfure 
alcalin  eft  récemment  préparé  ou  fait  depuis 
quelque  tems  ; les  foies  de  foufre  ou  fulfures 
alcalins  par  la  voie  humide  , que  l’on  prépare  en 
faifant  chauffer  dans  un  matras  l’un  ou  l’autre 
alcali  fixe  cauhique  diffous  dans  l’eau  avec  la 
moitié  de  leur  poids  de  foufre  en  poudre , pré* 
fentent  les  memes  propriétés  que  cette  diffolu- 
tion  , & l’on  doit  faire  en  même-tems  l’hiftoire 
des  propriétés  des  uns , & de  l’autre  fous  le  nom 
de  fulfure  alcalin  liquide. 

Le  fulfure  alcalin  liquide  très-chargé  dépofe 
par  le  refroidiffement  des  aiguilles  irrégulières. 
Il  eft  fufceptible  d’être  décompofé  par  l’aclion 
de  la  chaleur;  fi  on  le  diftille  à l’appareil 
pneumato-chimique , on  en  retire  du  gaz  hydro- 
gène fulfuré  ; l’air  le  décompofé  également , & 
l’on  fait  qu’il  fe  couvre  de  pellicules , qu’il 
dépofe  du  foufre , & qu’il  fe  troubie.  Bergman 
& Scheele  ont  prouvé  que  cette  décompo- 
fition  eft  due  à l’air  vital  répandu  dans  l’athmof- 
phère  ; en  effet  , en  mettant  un  peu  de  fulfure 
alcalin  liquidée  dans  une  cloche  avec  de  l’air 


3 5 ^ E L É M E N s 

vital,  l’oxigène  efi  abforbé  tout  entier  & le  fui* 
fure  décompofé.  Scheele  a même  propoféce  moyen 
pour  fervir  d’eudiomètre , & il  efi:  reconnu  au- 
jourd’hui pour  un  des  meilleurs. 

Les  terres  & les  fubfiances  faiino-cerreufes 
n’ont  aucune  a&ion  fur  le  fulfure  alcalin  liquide 
lorfqu’il  effc  bien  pur  ; mais  s’il  a été  préparé 
par  les  carbonates  de  potafi’e  ou  de  foude , il 
efi:  troublé  par  l’eau  de  chaux.  Les  acides  le 
décompofent  en  s’unifiant  à l’alcali , & en  pré- 
cipitent le  foufre  fous  la  forme  d’une  poudre 
blanche  tiès  fine.  L’acide  nitrique  verfé  fur  du 
fulfure  alcalin  folide  produit  une  détonation  , 
fuivant  M.  Proufi.  L’acide  muriatique  oxigéné  , 
verfé  en  grande  quantité  fur  une  diflblution  de 
fulfure  alcalin  , ne  le  précipite  pas  ou  ne  le  pré- 
cipite que  très-peu,  parce  quil  rediflout  le  fou- 
fre , en  raifon  de  fon  oxigène  prefque  libre , qui 
s’unit  promptement  à ce  corps  combuftible,  tk. 
qui  le  convertir  en  acide  fulfurique  : on  peut  fe 
convaincre  de  ce  fait , que  j’ai  démontré  , en  ver- 
fantdansce  mélange  du  muriate  barytique  qui  y 
produit  un  précipité  abondant  de  lulfate  de  ba- 
ryte. Tous  les  acides,  en  décompofant  ce  fulfure, 
en  dégagent  en  même-tems  un  gaz  qu’on  peut 
recueillir  dans  l’appareil  pneumato-chimique,  & 
qui  mérite  un  examen  particulier. 

Pour  obtenir  ce  gaz  , il  faut  verfer  un  acide 

fur 

( 


d*Hist.  Nat.  et  de  CiïiMiË. 
fur  du  fulfure  alcalin  pulvérifé  ; il  fe  produit 
alors  une  vive  effervefcence , qui  n’a  point  lieu 
de  îa  même  manière  fi  l’on  verfe  lucide  dans 
une  diffolution  de  ce  compoié  ; ce  phénomène, 
auquel  les  chimiftes  n’ont  fait  jufqu’ici  que  peii 
d’attention,  dépend  de  deux  circonfiances.  i°.  Lé 
lulfure  alcalin  folide  ne  contient  point  de  gaz 
hépatique  ou  hydrogène  fulfure  toüt  formé  , 
fuivant  l’obfervation  de  M.  Gengembre  ; & lorf- 
qu’on  verfe  un  acide  , l'eau  qui  tient  ce  dernier 
fel  en  diffolution  contribue  à fa  formation;  com me 
il  s’en  produit  fur  le  champ  une  grande  quantité, 
ce  gaz,  ne  trouvant  pas  de  corps  qui  le  retienne 
en  le  difiblvant,  s’échappe  en  occafionnarit  une 
grande  effervefcence  , de  forte  qu’en  faifant  l’ex- 
périence dans  un  flacon  tubulé  dont  le  tube 
plonge  fous  une  cloche  pleine  d’eau , on  re- 
cueille facilement  ce  fiuide  diadique.  2°.  Lit 
diffolution  dé  fulfure  a: câlin  contient  bien  dit 
ga 2 tout  formé,  mais  dont  une  partie  s’eft  déjà 
dégagée  pendant  l’afte  de  fa  diffolution  , & lorf- 
qu’on  ajoute  un  acide,  la  portion  de  ce  gaz  que 
ce  fel  développe  fe.  diffout  à mefure  dans  l’eau  , 
de  forte  qu’il  n’y  a pas  d’effervefcence  fënfiblé, 
ou  bien  que  celle  qui  fe  manifefte  efi  peu  confi* 
dérable  , & ne  permet  pas  de  recueillir  une 
quantité  notable  de  ce  gaz. 

Tome  IL 


% 


354  E L Ê M E N s 

Le  gaz  hydrogène  fulfuré,  qui  eft  îe  même 
dans  tousse  futures  terreux  ou  alcalins,  & qui 
en  fait  même  reconr.oître  la  préfence,  eft  connu 
depuis  long  temS  par  fon  odeur  fétide  , par  fon 
aêtion  fur  les  métaux  & les  oxides  métalliques, 
& notamment  fur  ceux  de  p’omb  & de  bifmuth 
qu’il  noircit  très  promptement.  Il  efl  d’une  fé- 
tidité infupportab'e , il  tue  lubirement  les  ani- 
maux, il  verdit  le  firop  de  violettes,  il  bride 
avec  ure  flamme  bleue  très-légère.  Si  on  ral- 
lume dans  une  grande  cloche  de  verre  bien  pro- 
pre , il  fe  dépofe  , pendant  fa  combudion  fur  les 
parois  de  ce  vaiffeau,  une  pellicule  jaunâtre  qui 
n’ell  que  du  foufre.  Ce  gaz  eft  décotnpofé  par 
l’air  vital  ; toutes  les  fois  qu’il  eft  en  conta#  avec 
l’air  atmofphérique  , il  s’en  fépare  du  foufre, 
C’efl  pour  cela  que  les  eaux  fulfureufes  qu’il  mi- 
néralife  ne  contiennent  pas  de  véritable  fulfure 
alcalin  , quoiqu’on  voie  le  foufre  nager  à leur 
fur  fa  ce , & fe  dépofer  aux  voûtes  des  bafîins  oit 
tgTes  font  contenues , comme  cela  a lieu  dans 
©elles  d’Aix-la-Chapelie,  d’Enghien  , &c.  C’eft 
encore  à cette  déccmpcfition  du  gaz  hydrogène 
fidfuré  par  ’-’air  vital,  que  font  dus  les  dépôts 
fulfureux  que  l’on  cbferve  dans  les  flacons  qui 
cennennent  des  difîolutions  de  fulfures  alcalins. 
Bergman  attribue  cette  décompofition  à la  grande 
affinité  de  l’air  pur  avec  le  phlogiftique.  11  re- 


d’HiST.  N AT.  ET  DE  CHIMIE.  355 
garde  le  gaz  hépatique  comme  une  combinaifon 
de  foufre  , de  phlogiftique  & de  la  matière  de  la 
chaleur.  Quand  l’un  de  ces  principes  eft  féparé  , 
les  deux  autres  fe  défuniffent.  M.  Gengembre  , 
frappé  de  ce  que  les  fulfures  ne  contiennent  5c 
n’exhalent  de  gaz  hydrogène  fulfuré  que  Iorfqu’ils 
font  diffous  dans  l’eau  ou  faits  par  la  voie  hu- 
mide s a penfé  que  ce  fluide  contribuoit  à fa  for- 
mation en  fe  décompofant , que  fon  air  vital  fe 
portant  fur  une  partie  du  foufre,  fon  hydrogène 
dégagé  en  diffolvoit  une  petite  portion , & que 
cette  diffolution  conffituoit  le  gaz  hydrogène 
fulfuré.  Il  a imité  la  formation  de  ce  gaz  en  fon- 
dant du  foufre  au-deffus  du  mercure  fous  une 
cloche  pleine  de  gaz  hydrogène,  à l’aide  des 
rayons  du  foleil  raflemblés  par  une  lentille  de 
neuf  pouces  de  diamètre  j le  foufre  s’eft  diffous 
en  partie  dans  le  gaz  qui  a pris  tous  les  caractères 
du  gaz  hépatique;  mais  comme  le  foufre  feul  ne 
décompofe  point  l’eau , & comme  l’oxigène  a 
plus  d’affinité  avec  l’hydrogène  qu’avec  ce  corps 
combuftible,  M.  Gengembre  penfe  que  l’alcali 
favorife  cette  décompofftion  de  l’eau  par  le  fou- 
fre , en  raifon  de  la  tendance  qu’il  a pour  s’unir 
avec  le  produit  de  la  combinaifon  du  foufre  avec 
l’oxigène  , c’eff-à-dire  , avec  l’acide  fulfurique. 
Pour  appuyer  cette  théorie,  M.  Gengembre  ob~ 

Zij 


356  E L i M E N s 

ferve  que  les  acides  dégagent  d’autant  plus  de  gaz 
hydrogène  fulfiiré  des  fulfures  alcalins,  qu’ils  ont 
plus  de  force  pour  retenir  leur  oxigène , parce 
qu’alors  l’eau  efl  plutôt  décompofée  que  l’acide  j 
telle  eft,  fuivantlui,  la  raifon  pour  laquelle  l’a- 
cide muriatique  donne  moitié  plus  de  ce  gaz  que 
î’acide  nitrique,  comme  l’ont  remarqué  MM. 
Schesîe  & Senebier.  Enfin  le  procédé  de  Scheele 
pour  obtenir  beaucoup  de  gaz  hydrogène  fulfuré, 
qui  confifte  à diffoudre  une  pyrite  artificielle  com- 
pofée  de  trois  parties  de  fer  & d’une  partie  de 
fcufre  dans  l’acide  fulfurique  étendu  d’eau, donne 
beaucoup  de  force  à fon  opinion.  Il  paroît  donc 
que  l’air  viial  décompofe  le  gaz  hydrogène  ful- 
furé en  s’unifiant  avec  l’hydrogènd  avec  lequel 
il  forme  de  l’eau  , tandis  que  le  foufre  fe  précipite. 

L’eau  difiout  aflez  bien  le  gaz  hydrogène  ful- 
furé , cette  difiolution  imite  parfaitement  les 
eaux  minérales  fulfareufes. 

Les  terres  &;  les  fubftances  alcalines  ne  pa-i 
jroiffent  peint  avoir  d’a&ion  fur  ce  gaz. 

L’acide  fulfurique  ne  décompofe  point  ce  gaz, 
mais  l’acide  fulfureux  en  fépare  le  foufre,  parce 
que  l*oxigène  en  partie  libre  de  cet  acide  fe 
porte  plus  facilement  fur  l’hydrogène  du  gaz. 

L’acide  nitreux  rouge  , dans  lequel  l’oxigène 
tient  très  foiblement  j décompofe  avec  beaucoup 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  35^ 
d’énergie  le  gaz  hydrogène  fuifuré&:  en  précipite 
du  foufre.  On  fe  fert  avec  avantage  de  cet  acide 
pour  démontrer  la  préfence  du  foufre  dans  les 
eaux  fulfureufes. 

Le  fulfure  alcalin  déeompofe  les  fels  neutres 
terreux,  ainfi  que  les  diffolimoos  métalliques, 
comme  nous  le  verrons  plus  bas. 

L’ammoniaque  liquide  n’a  que  très-peu  d’aûion 
fur  le  foufre  concret  ; cependant  Boerhaave  af- 
fure  que  cette  liqueur  tenue  long-tems  fur  des 
fleurs  de  foufre  lui  a donné  une  teinture  couleur 
d’or.  Pour  combiner  ccs  deux  corps , il  faut  les 
préfenter  en  contadi  l’un  à l’autre  dans  l’état  d'e 
vapeur.  A cet  effet.,  on  cliffille  un  mélange  de 
parties  égales  de  chaux  vive  , de  muriate  ammo- 
niacal & d’une  demi-partie  de  foufre.  Dans  cette 
diftilîation  qu’il  faut  conduire  avec  ménagement, 
on  obtient  une  liqueur  d’un  jaune  rougeâtre  , 
d’une  odeur  ammoniacale , piquante  &c  fétide; 
en  un  mot , un  véritable  fulfure  ammoniacal  qui 
a la  propriété  de  répandre  une  fumée  blanchâtre, 
Iorfqu’il  a le  contadf  de  l’air  , & que  l’on  a nommé 
d’après  cela  liqueur  fumante  de  Boylc,  Ce  fulfure 
ammoniacal  eftdécompofé  parla  chaleur;  il  s’y 
forme , au  bout  d’un  certain  tems,  une  grande 
quantité  de  petites  aiguilles  irifées , d’une  ou 
deux  lignes  de  longueur,  qui  paroiffent  être  du 

Z iij 


358  E L É M E N s 

fulfure  ammoniacal  concret  & cryflallifé.  Il  dé- 
pofe  fur  les  parois  des  flacons  une  croûte 
légère  noirâtre  & Couvent  dorée.  La  chaux  & 
les  alcalis  fixes  décompofent  la  liqueur  fumante  ; 
les  acides  en  précipitent  aufîi  le  foufre  avec  beau- 
coup de  facilité  , & en  dégagent  du  gaz  hydro- 
gène fulfuré  très-inflammable.  Il  réfuhe  de  ces 
décompofitions , desfels  ammoniacaux  différons 
fuivant  la  nature  de  l’acide  employé.  Une  mé- 
prife  faite  dans  un  de  mes  cours  m’a  préfenté  un 
fait  que  je  crois  devoir  décrire  ici.  Voulant  pré- 
cipiter la  liqueur  fumante  de  Eoyle,  je  pris  un 
flacon  placé  fur  ma  table  fous  le  titre  à*efprit  J& 
vitriol  ; il  ne  contenoit  plus  qu’une  très- petite 
quantité  de  fluide  , ce  qui  m’empêcha  de  m’ap- 
percevcir  que  c’étoit  de  l’acidc  fulfurique  très- 
concentré.  J’cn  verfai  quelques  gouttes  fur  le  ful- 
fure  ammoniacal , à l’inftant  même  il  s’excita  un 
mouvement  rapide  ; il  s’éleva  du  vafe,  ou  éîoit 
le  mélange  , un  nuage  blanc  fort  épais , & il  y eut 
lin  bruit  femb’able  à celui  d’une  groffe  fufée;  la 
liqueur  fauta  loin  du  verre;  ce  vaiffeau  s’échauffa 
beaucoup  & fe  brifa  en  plufieurs  pièces  ; il  ne 
refloit  fur  quelques-uns  de  fes  fragmens  que  du 
foufre  en  un  magma  jaunâtre,  épais.  Je  répétai 
un  grand  nombre  de  fois  l’expérience  avec  pré- 
caution, &:  j’eus  conftammenî  le  même  réfu'tar, 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  55^ 
tout  le  mélange  eft  lancé  au  lom  après  un  mou- 
vement violent  ; mais  ces  ckfférens  phénomènes 
fe  fuccèdent  avec  une  rapidité  telle , qu’il  eft  im- 
poüîble  de  ne  pas  les  confondre.  L’acide  nitreux 
le  plus  fumant  ne  m’a  pas  paru  produire  le  même 
effet  fur  le  fulfure  ammon  acal  préparé  depuis 
quelque  tems.  Le  mélange  eft  fortement  agite , 
il  fe  produit  beaucoup  d:  chaleur  & de  bouillon- 
nement, il  s’élève  un  nuage  blanc  de  nitrate  am- 
moniacal , mais  il  n’y  a point,  d’expl'ofion  comme 
en  produit  l’acide  fulfurique  concentré  fur  la 
même  liqueur  hépatique  quoique  faite  ancien- 
nement. M.  Prouft.  allure  que  l’acidë  nitreux  * 
verfé  fur  deux  gros  de  liqueur  fumante  de  Boyle,. 
produit  un  coup  auffi  violent  que  pourraient  le 
faire  deux  gros  de  poudre  fulminante.  Il  paroît 
que  ce  phénomène  n’a  lieu  qu’avec  le  fulfure 
ammoniacal  récemment  préparé. 

Le  carbonate  ammoniacal  s’unit  aufti  au  foiifre 
Lorfque  ces  deux  corps  fe  rencontrent  en  vapeurs* 
ils  fe  combinent  & formentun  fulfure  ammonia- 
cal concret.  On  l’obtient  en  diftillànt  un  mé- 
lange de  parties  égales  de  carbonate  de  potafte  ou 
de  chaux  & de  muriate  ammoniacal , avec  une 
demi  partie  de  foufre.  Ce  fulfure  eft  d’un  rouge 
brun  , il  eft  cryftal’.ifé  , il  répand  quelques  va- 
peurs blanches  lorfqu’on  le  diffput , il  fe  décora»- 

X iv 


3^0  E l ê m e n S 

pôle  par  la  chaleur,  il  s’altère  à l’air  & perd  fa 
couleur  ; il  eft  décompofé  par  les  acides , &c. 
Le  gaz  hydrogène  fulfure  qu’il  donne  contient 
de  l’acide  carbonique.  Il  faut  obfervçr  que  ce 
fulfure  ammoniacal  concret  n’eft  que  du  carbo- 
nate ammoniacal  fali  par  un  peu  de  liqueur  de 
Boyle , çar  il  cft  impoffible  que  l’ammoniac  tienne 
le  foufre  en  diffolution  pendant  qu’il  eft  combiné 
avec  l’acide  carbonique,  puifque  cet  acide  pré- 
cipite très -promptement  le  foufre  du  fulfure 
ammoniacal. 

Quelques  acides  ont  une  a&ion  plus  ou  moins 
forte  fur  le  foufre.  Si  l’on  fait  bouillir  de  l’acide 
fulfurique  fur  du  foufre,  l’acide  prend  une  cou- 
leur ambrée  & une  odeur  fulfureufe  ; le  foufre 
fe  fond  &c  nage  comme  de  l’huile;  en  refroidif- 
fant  il  forme  des  globules  concrets  d’un  verd 
plus  ou  moins  foncé  , fuivant  le  tems  qu’on  a mis 
à cette  diffolution.  L’acide  a diffous  une  petite 
portion  de  foufre  qu’on  peut  en  précipiter  à 
l’aide  de  l’alcali,  comme  l’a  indiqué  M.  Baumé, 
Cette  expérience,  & plijfieurs  autres  de  cette 
nature,  ont  fait  croire  à M.  Bertholet  que  l’acide 
fitifureux  n’étoit  que  de  l’acide  fiffurique  qui 
îenoit  du  foufre  en  diffolution  ; Sc  en  effet  , 
cette  opinion  eff  d’accord  avec  toutes  les  expé- 
riences modernes,  qui  démontrent  que  i’açido 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  361 
fulfureux  ne  diffère  du  fulfurique  que  par  une 
plus  grande  proportion  de  foufre. 

L’acide  nitreux  rutilant  a beaucoup  d’a&ion 
fur  le  foufre.  M.  Prouff  a reconnu  le  premier 
qu’en  verfant  de  l’acide  nitreux  rouge  fur  du 
foufre  fondu  , il  fe  produit  une  détonation 
une  inflammation.  M.  Chapt&l  a fait  des  expé 
riences  fuivies  fur  cet  objet  ; il  eft  parvenu  en 
diflillant  de  l’acide  nitreux  fur  le  foufre , à le 
diffoudre  à le  convertir  en  acide  fulfurique  ; 
il  paroît  donc  que  l’oxigène  a plus  d’affinité 
avec  le  foufre  qu’avec  l’azote  ou  le  radical  ni- 
trique. 

L’acide  muriatique  ordinaire  ne  fait  éprouver 
aucune  altération  à ce  corps  combuftible  ; mais 
l’acide  muriatique  oxîgène  efb  fufceprible  d’agir 
avec  plus  d’énergie  fur  le  foufre  ; il  le  brûle 
même  au  milieu  de  l’eau  tk  le  convertit  prompte- 
ment en  acide  fulffirique;  on  voit  alors  le  foufre 
fe  diffoudre  dans  l’eau. 

Les  fels  neutres  fu’furiques  n’ont  aucune  ac- 
tion fur  le  foufre.  Les  fels  nitriques , au  contraire, 
le  font  brûler  avec  rapidité , & même  dans  les 
vaiffeaux  fermés.  Rien  n’yfl  fi  iimp'e  que  la 
théorie  de  cet  important  phénomène.  Le  nitre 
déiompofé  par  la  chaleur  donne  une  très-grande 
quantité  d’air  vital  ; le  foufre  eft  un  être  très- 


3 62,  E L É M E N S 

combuflible  , ou  qui  a beaucoup  de  tendance 
pour  s’unir  à l’oxigène  ; il  trouve  donc  dans  le 
nitre  le  principe  néceffaire  à la  combuftion  , & il 
n’a  plus  befoin  du  contact  de  l’air  atmofpbérique 
pour  s’enflammer.  On  a des  produits  très-diffé- 
rens  les  uns  des  autres,  fuivantla  quantité  ref- 
peétive  de  nitre  & de  foutre  que  l’on  emploie* 
Si  l’on  met  le  feu  à un  mélange  de  huit  parties 
de  foufre  , & d’une  de  nitre  dans  des  vaiffeaux 
fermés,  le  foufre  brûle  avec  une  flamme  blanche 
très-vive  , & il  fe  change  en  acide  fulfurique. 
C’eft  un  moyen  que  l’on  met  en  ufage  depuis 
plus  de  vingt  ans  en  Angleterre  & en  Hollande 
pour  préparer  cet  acide  , que  l’on  retiroit  aupa- 
ravant des  vitrio's.  On  fe  fervoit  d’abord  en  An- 
gleterre de  très-grands  ballons  de  verre  de  quatre 
ou  cinq  cents  pintes  , dont  le  col  étoit  fort  large* 
On  les  plaçoit  les  uns  à coté  des  autres  fur  un  lit 
de  fable  ; on  les  difpofoit  fur  deux  files  affez 
écartées , afin  qu’on  pût  aller  & venir  commo- 
dément entr’elles  ; on  mettoit  quelques  livre* 
d’eau  dans  chacun  de  ces  vaiffeaux  ; on  y intro- 
duisit par  le  col  un  pot  de  grès  fur  lequel  on 
plaçoit  une  cuiller  de  fonte  à long  manche  , que 
l’on  avoit  fait  rougir  auparavant.  C’efl  dans 
cette  dernière  qu’on  mettoit , à l’aide  d’une  au- 
tre cuiller  de  fer-blanc  s un  mélange  de  foufre 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  363 
de  nitre  fait  fuivant  les  proportions  défignées; 
on  bouchoit  aulli-tôt  l’ouverture  du  ballon  avec 
un  morceau  de  bois.  La  chaleur  de  la  cuiller 
enflammoit  ces  fubftances,  le  foufre  étoit  brûlé 
par  l’air  vital  du  nitre,  & lorfque  la  combufiion 
avoit  eu  lieu  , on  reriroit  le  vaiffeau  & on  lai  A 
foit  les  vapeurs  fe  condenser.  On  faifoit  la  même 
opération  fur  chacun  des  ballons  qui  compo- 
foient  les  deux  rangées,  de  forte  que  l’ouvrier 
arrivé  au  premier  ballon  par  lequel  il  avoit  com- 
mencé , y trouvoit  les  vapeurs  totalement  con- 
denfées,  & pouvoir  continuer  d’y  brûier  une 
nouvelle  portion  du  mélange.  Quand  l’eau  étoit 
affez  chargée  d’acide , on  la  retiroit  & on  la  ver- 
foit  dans  des  cornues  de  verre  placées  fur  des 
galères  ; on  en  féparoit  la  portion  aqueufe  à 
l’aide  delà  diflillation,  & l’on  concentroit  l’acide, 
jufqu’à  ce  qu’il  pesât  une  once  fept  gros  & 
demi  , dans  une  bouteille  de  la  capacité  d’une 
once  d’eau  dillillée  ; telle  étoit  la  manière  de 
préparer  Y huile  de  vitriol  ou  l’acide  fulfurique 
concentré  d’Angleterre.  Ce  procédé  , pour  ob- 
tenir cet  acide,  entraîne  beaucoup  de  frais  à 
caufe  du  prix  des  ballons  & de  leur  fragilité. 
On  a imaginé,  depuis  quelques  années,  de  faire 
brûler  le  foufre  fur  des  efpèces  de  grils  de  fer 
placés  dans  de  grandes  chambres  garnies-  de 


364  Elément 

plomb  far  toutes  leurs  parois  ; l’acide  fulfurique 
condenfé  efl  conduit  par  des  gouttières  dans  un 
réfervoir.  On  le  concentre  enfuite  par  l’a&ion 
du  feu.  Teleflle  procédé  que  l’on  fuit  dans  la 
manufacture  de  Javelle  près  Paris , dont  i’éta- 
bliffement  ne  peut  qu’être  fort  utile  aux  arts.  Il 
efl  bon  d’obferver  que  l’acide  fulfurique  , ob- 
tenu par  ce  procédé  , eft  toujours  uni  à un  peu 
de  foufre  & de  fulfate  de  potaffe  ; on  y trouva 
auffi  un  peu  de  fulfate  d’alumine  & de  fulfate  de 
plomb  ; mais  ces  fubfiances  y font  en  fi  petite 
quantité , que  leurs  effets  font  abfolument  infen-r 
fibles  dans  la  plupart  des  ufàges  auxquels  on  em- 
ploie cette  matière  faline  ; d’ailleurs  on  le  pu- 
rifie facilement  pour  les  recherches  délicates  de 
la  chimie,  en  le  diftillant  à liccité. 

Si,  au  lieu  de  brûler  le  foufre  à l’aide  d’un 
huitième  de  nitre,  on  augmente  la  dofe  de  ce 
dernier  jufqu’à  partie  égale , alors , au  lieu  d’a- 
voir l’acide  fulfurique  libre,  on  n’obtient  que 
du  fulfate  de  potaffe  , formé  par  la  combinaifon 
de  cet  acide  avec  l’alcali  fixe  bafe  du  nitre.  On 
donnoit  au  fel  obtenu  de  cette  manière  le  noms 
de  fel  polychrejle  de  Glafer  : on  le  préparoit  en 
projetant  dans  un  creufet  rougi  un  mélange  de 
nitre  de  foufre  à parties  égales  ; on  diffo'voit 
le  réfidu  dans  l’eau  ; on  fai  foi t évaporer  cettâ 


Id’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  365 
tiiflolution  jufqu’à  pellicule  ; on  la  filtrait , 
elle  fourniffoit  , par  le  refroidiffement  des  cryf- 
tanx  de  véritable  fulfate  de  pocaffe  qu’on  a dé- 
figné  fous  le  nom  particulier  indiqué,  parce  que 
c’eft  Glafer  qui  a fait  connoïtre  la  préparation 
de  ce  fel,  mais  il  eft  clair  qu’il  n’a  rien  de  diffé- 
rent du  fulfate  de  poraffe  ordinaire. 

Le  mélange  de  foufre  & de  nitre  avec  du 
charbon  compofe  une  matière  dont  les  terribles 
effets  font  dus  à fa  grande  combuftibilité  ; c’eff  la 
poudre  à canon.  Elle  eft  formée,  pour  /la  plus 
grande  partie,  de  nitre,  de  beaucoup  moins  de 
charbon,  & le  foufre  eft  la  fubftance  qui  y entre 
en  plus  petite  quantité.  Cent  livres  de  poudre  à 
canon  d’Effone  près  Corbeil  contiennent  foixan- 
te-quinze  livres  de  nitre,  neuf  livres  & demie  de 
foufre , & quinze  livres  de  charbon.  On  triture 
pendant  dix  à douze  heures  ce  mélange  dans  des 
mortiers  de  bois  avec  des  pilons  de  la  même  ma- 
dère ; on  y ajoute  peu-à-peu  une  très-petite 
quantité  d’eau.  Loffque  le  mouvement  a éva- 
poré prefque  tout  ce  fluide  , & que  la  poudre 
mife  fur  une  afliette  de  faïance  n’y  laiffe  aucune 
trace  d humidité  , on  la  porte  au  grainoir.  Grai- 
ner  la  poudre,  c’eft  la  faire  paffer  par  plufieurs 
cribles  de  peau  qui  font  mus  horizontalement  & 
en  ligne  droite.  Ces  cribles  ont  des  trous  de  dif- 
férentes grandeurs  jufqu’à  celle  qui  forme  le$ 


3 66  Élément 

grains  de  la  poudre  à canon.  On  tamife  enfuite 
la  poudre  grainée  pour  en  féparer  la  pouffière. 
On  la  porte  au  féchoir,  hangard  expofé  au  midi, 
&:  recevant  par  un  vitrage  les  rayons  du  foleil. 
La  poudre  à canon  n’éprouve  pas  d’autres  pré- 
parations. La  poudre  de  chaffe  eft  liffée , afin 
qu’elle  ne  faliffe  pas  les  mains.  Pour  faire  cette 
opération  , on  en  remplit  à demi  un  tonneau  qui 
tourne  fur  lui-même  à l’aide  d’un  axe  quarré  qui 
le  traverfe  qui  eft  fixé  à une  roue  que  l’eau 
fait  mouvoir.  Ce  mouvement  du  tonneau  excite 
des  frottemens  continuels  qui  ufent  la  furfaee 
des  grains  de  poudre.  On  paffe  au  tamis  cette 
poudre  lifiée  , pour  en  féparer  la  pouflière  : un 
crible  par  lequel  on  la  pafie  une  fécondé  fois , en 
trie  les  grains  & forme  deux  poudres  de  groffeur 
différente  qui  font  également  employées  pour  la 
chaffe.  M.  Baumé  a fait , conjointement  avec 
M.  le  chevalier  d’Arcy  , un  très-grand  travail  fur 
la  manière  de  préparer  la  poudre  , fur  les  forces 
refpeélives  de  ce  compofé  fait  à différentes  dofes 
de  fes  ingrédiens , & fur  l’analyle  de  cette  fubf- 
tance.  Ces  recherches  ont  procuré  beaucoup  de 
connoiffances  , dont  nous  ne  préfenterons  ici  que 
les  plus  importantes , & celles  qui  ont  un  rapport 
immédiat  avec  la  théorie  chimique.  i°.  On  ne 
peut  pas  faire  de  bonne  poudre  fans  foufre,  ce 


r 


dHist.  Nat.  et  de  Chimie.  3 67 

qui  avoit  été  propofé  par  quelques  perfonnes; 
cette  fubftance  augmente  fingulièrement  fa  force. 
2°.  Tous  les  charbons  légers  ou  pefans , à l’ex- 
ception de  ceux  des  matières  animales  , font  éga- 
lement bons  pour  cette  compofition.  30.  Le 
charbon  efl  une  des  parties  les  plus  utiles  de  la 
poudre , puifqu’un  mélange  de  foufre  & de  nitre 
ne  produit  pas  à beaucoup  près  les  memes  effets. 
40.  La  bonté  de  la  poudre  dépend  entièrement 
du  mélange  exafl , & de  la  trituration  faite  juf- 
qu’à  ce  que  cette  matière  voltige  autour  du  mor- 
tier par  fon  agitation.  50.  La  poudre  a beaucoup 
plus  d’effets  quand  elle  n’efï  que  fimplement  def- 
féchée  , que  lorfqu’elle  eff  grainée.  L'humidité 
néceffaire  pour  que  la  poudre  prenne  la  forme  de 
grains , fait  criifallifer  le  nitre  qui  fe  fépare  des 
autres  fubflances  ; auflï  le  retrouve-t-on  dans 
l’intérieur  des  grains  coupés  & obfervés  à la 
loupe.  6°.  La  poudre  liiTée  ou  la  poudre  de 
chafle  efl  moins  forte  que  la  poudre  à canon  non 
liffée  , parce  que  les  molécules  de  la  première 
font  plus  rapprochées,  & conféquemment  moins 
inflammables. 

Quant  à l’analyfe  de  la  poudre  , M.  Baume  y 
a réuffi  d’une  manière  fort  fimple.  Son  procédé 
confifle  à laver  la  poudre  à canon  bien  pulvé- 
rifée  avec  de  l’eau  diftillée,  à faire  évaporer. 


368  É L É M E N S 

cette  eau  } on  obtient  le  nitre  par  cette  première 
opération.  Le  réfidu  contient  le  charbon  &c  le 
foufre.  La  fublimation  de  ce  dernier  ne  peut  pas 
le  féparer  complettement , parce  qu’il  paraît  être 
fixé  en  partie  par  le  charbon.  M.  Baume  a em- 
ployé] pour  les  feparer  une  légère  chaleur  fuf- 
ceptible  de  brûler  le  foufre  &c  non  le  charbon. 
Cependant  ce  dernier  retient  toujours  une  petite 
quantité  de  foufre,  puifque , d’après  l’oblerva- 
tion  de  ce  chimifle,  il  répand  une  odeur  fulfu- 
reufe  jufqu’à  ce  qu’il  foit  entièrement  réduit  en 
cendre.  Il  évalue  le  loufre  , retenu  par  le  char- 
bon , à un  vingt-quatrième  de  Ion  poids.  On 
peut  aulli  défoufrer  la  poudre  , en  l’expofant 
toute  entière  & fans  la  laver  à l’a&ion  d’un  feu 
doux  ; ce  fait  étoit  connu  de  M.  Robins  , qui 
l’a  annoncé  dans  fon  traité  d’artillerie  écrit  en 
anglois.  Les  braconniers  font,  dit-on  , dans  l’u- 
fage  de  défoufrer  la  poudre  en  l’expofant  fur  les 
cendres  chaudes  dans  un  plat  d étain.  Ils  font 
perfuadés  par  j’uîage  , que  la  poudre  ainfidéfou- 
frée  cha  e la  charge  beaucoup  plus  loin,  6c  al- 
tère moins  les  armes  à feu. 

Les  chimiftes  & les  phyficiens  ont  eu  diffé- 
rentes opinion^  fur  les  effets  violens  de  la  poudre 
à canon.  Les  uns  les  ont  attribués  à l’eau  ré- 
duite en  vapeurs;  d’autres  à l’air  dilaté  Libre- 
ment. 


< 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  569 
ment.  M.  Baume  a penfé  qu’ils  font  dus  à du 
foufre  nitreux  qui  fe  forme  dans  l’infîant  de  la 
combuftion.  Pour  nous,  nous  regardons  ce  phé- 
nomène comme  très  facile  à expliquer,  d’après 
les  connoiffances  modernes.  Pour  bien  entendre 
notre  théorie,  il  eft  d’abord  néceffaire  d’obferver 
que  tout  ce  qui  fe  paffe  dans  l’inflammation  de 
la  poudre  dépend  entièrement  de  fa  grande  corn- 
bufiibilité.  Or,  le  foufre  & le  charbon  extrême- 
ment divifés  font  deux  corps  éminemment  in- 
flammables.  Le  mélange  intime  qui  influe  tant 
fur  la  force  de  la  poudre  , d'après  les  belles  ex- 
périences de  M.  Baumé,  efl  la  feule  caufe  de  fes 
effets.  Le  nitre  fe  trouve  également  partagé  entre 
toutes  les  molécules  de  matières  très-combufli- 
bles;  comme  il  efl  en  beaucoup  plus  grande 
quantité  qu’elles,  chaque  molécule  de  foufre 
de  charbon  fe  trouve  entourée  & comme  re- 
couverte d’un  enduit  de  nitre  ; chacune  d’elles  a 
donc  beaucoup  plus  d’air  vital  qu’il  ne  lui  eu 
faut  pour  brûler  complètement,  puifqu’il  efî  dé- 
montré que  le  nitre  fournit  beaucoup  de  ce  fluide 
par  l’aéfion  de  la  chaleur.  11  arrive  dans  cette 
combuflion  ce  qui  arrive  lorfqu’on  plonge  un 
corps  combuftible  dans  un  vafè  rempli  d’air  vital. 
On  fait  que  ce  corps  brûle  avec  fcintillation , 
en  beaucoup  moins  de  temps  qu’il  ne  le  pourroit 
Tome  II,  A a 


37°  El  i m e n s 

faire  dans  l’air  atinofphérîque  ; on  voit  donc  que 
tour  le  foufre  tout  le  charbon  doivent  brûler 
dans  un  feul  inflant , pa^ce  qu’ils  font  réellement 
plongés  dans  une  atmofphère  d’air  vital.  On  con- 
çoit d’après  cela  pourquoi  l’inflammation  de  la 
poudre  eft  fi  rapide  ; pourquoi  elle  a Heu  dans 
des  vaifleaux  fermés  comme  en  plein  air  ; Sz 
pourquoi , lorfqu’on  oppofe  un  obflacle  quelcon- 
que à un  agent  fl  terrible , il  produit  des  explo- 
flons  & chafle  cet  obflacle  avec  tant  de  force. 

Les  effets  de  ce  mélange  de  nitre , de  foufre 
& de  charbon  ne  font  rien  en  comparaifon  de 
ceux  d’une  autre  préparation  nommée  poudre  ful- 
minante, Cette  poudre  fe  fait  avec  trois  onces  de 
nitre , deux  onces  de  carbonate  de  potafle  en  ex- 
cès ou  fd  fixe  de  tartre  bien  fec  , & une  once  de 
foufre  en  poudre.  On  triture  le  tout  dans  un  mor- 
tier de  marbre  chaud  avec  un  pilon  de  bois,  juf- 
qu’à  ce  que  les  trois  matières  foient  bien  exacte- 
ment mêlées.  Un  gros  de  cette  poudre  expofé  à 
un  feu  doux  dans  une  cuiller  de  fer,  fefond, 
& produit  bientôt  une  détonation  aufli  forte 
qu’un  coup  de  canon.  Pour  connoître  la  caufe 
de  ce  phénomène  d’autant  plus  étonnant  que  la 
poudre  fulminante  n’a  pas  befojn  pour  le  pro- 
duire d’être  enfermée  & reflerrée  comme  la  pou- 
dre à canon,  il  faut  obferyer , i°.  qu’il  n’a  lieu 


b’Hist.  Nat:  et  de  Chimie:  . 371 
qu’en  chauffant  lentement  ce  mélange  * & lorf- 
qu’il  eft  liquéfié  ; 20.  que  fi  on  jette  de  la  pou- 
dre fulminante  fur  des  charbons  ardens,  elle  ne 
fait  que  fufer  comme  le  nitre,  mais  fans  bruit  ; 
30.  qu’un  mélange  de  fulfure  de  potaffe  avec  du 
nitre , fait  à la  dofe  d’une  partie  du  premier 
de  deux  parties  du  fécond , fulmine  plus  rapide- 
ment , & avec  tout  autant  de  fracas  que  celui  qui 
eff  fait  avec  le  foufre,  le  nitre  ôi  l’alcali.  11  pa- 
roît  donc  que  lorsqu’on  chauffe  la  poudre  fulmi- 
nante , il  fe  forme  du  fulfure  de  potaffe  avant 
que  fa  détonation  ait  lieu.  Ce  feul  fait  explique 
le  phénomène  dont  nous  nous  occupons»  Lorf- 
qu’on  expofe  du  nitre  eriffallifé  &C  du  fulfure  de 
potaffe  à l’aftion  de  la  chaleur , il  fe  dégage  du 
gaz  hydrogène  fulfuré  de  ce  dernier  & de  l’air 
vital  du  fel.  Or , ces  deux  gaz  capables  de  pro- 
duire une  détonation  vive  , comme  nous  l’avons 
vu  dans  l’hiftoire  du  gaz  hydrogène  font  en- 
flammés par  une  portion  de  foufre  qui  s’allume; 
mais  comme  ils  éprouvent  un  obffacle  de  la  part 
d’un  liquide  épais  qu’ils  font  obligés  de  îraverfer, 
& comme  ils  s’allument  dans  tous  leurs  points  à 
la  fois , ils  frappent  l’air  avec  une  telle  rapidité 
dans  leur  combuftion  , que  ce  dernier  leur  ré- 
fifte  ainfi  que  le  font  les  parois  des  armes  à la 
poudre  à canon.  Cette  réfiffance  eff  prouvée  par 

A a ij 


37*  E L É M E N S 

l’effet  cle  la  poudre  fulminante  fur  la  cuiller  dans 
laquelle  on  l’expofe  au  feu  ; le  fond  de  ce  vaif- 
fcau  e£l  creufé , & les  parois  font  repliées  vers 
rintérieur , comme  s’il  avoit  éprouvé  un  effort 
cle  haut  en  bas , & de  dehors  en  dedans , quoi- 
qu’on conçoive  bien  que  l’effort  de  l’explofion 
s’exerce  en  tout  fens,ou  circulàirement. 

Enfin,  un  dernier  mé’ange  de  nitre  & de  fou- 
fre  que  nous  devons  confidérer  , tft  celui  qu’on 
a appelé  poudre  de  fufion.  On  la  prépare  avec  trois 
parties  de  nirre,  une  partie  dé  foufre  & une 
partie  de  fciure  de  bois.  On  met  un  peu  de  cette 
poudre  dans  une  coquille  de  noix , avec  une 
pièce  de  cuivre  pliée  \ on  recouvre  cette  pièce 
de  la  même  poudre,  & on  y met  le  feu  ; elle 
s’allume  rapidement , & fond  la  pièce  que  l’on 
retrouve  enfuire  dans  la  coquille  qui  n’eft  que 
noircie  fan»  être  brûlée.  On  a foin  pour  cela  de 
la  plonger  dans  l’eau  dès  que  la  poudre  a ceffé 
de  brûler.  Cette  expérience  prouve  en  effet  que 
cette  poudre  efl  une  matière  très-fondante  ; mais 
comme  elle  eft  due  en  grande  partie  à l’a&ion 
du  foufre  fur  le  métal  , nous  reviendrons  fur  ce 
fait  dans  l’hiftoire  des  matières  métalliques. 

Les  tels  neutres  muriatiques , fluoriques  & bo- 
raciques  n’ont  aucune  athon  fur  le  foufre.  Nous 
avoi  s vu  que  les  carbonates  alcalins  s’uniffoient 


) 


I 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.'  375 
avec  cette  fubftance , & la  rendolent  diffoluble 
dans  l’eau,  en  formant  les  fulfureS  alcalins  qui 
retiennent  une  petite  portion  des  carbonates. 

Le  gaz  hydrogène  n’ag’t  pas  d’une  manière 
marquée  fur  lefoufreen  maffe  ; mais  il  fe  diffout 
îorfqu’il  eft  divifé  par  le  calorique,  & il  forme 
dugas  hydrogène  fulfuré.Il  eft  important  d'obfer- 
ver  qu’il  étoit  bien  naturel  autrefois,  de  trouver 
entre  l’hydrogène  & le  foufre  une  très  grande 
analogie  ; en  effet , l’acide  fulfuri que  étendu  d’eau 
produit  du  gaz  hydrogène  dans  fa  comb'naifon 
avec  les  matières  métalliques.  Dans  tous  les  lieux 
où  i!  fe  produit  du  g z hydrogène , & fur-tout 
dans  les  matières  animales  qui  fe  pourriftent , il 
fe  forme  aufti  du  foufre.  Ce  dernier  , combiné 
avec  les  alcalis,  a dû  paroître  d’abord  pafter  lui- 
même  à l’état  de  gaz  hydrogène.  Enfin,  le  gaz 
hydrogène  agit  fur  beaucoup  de  corps  à peu 
près  comme  le  foufre.  On  auroit  donc  pu  croire 
qu’il  y avoit  de  l’identité  entre  ces  deux  corps 
combuftibles , fi  l’on  n’a  voit  pas  démontré  au- 
jourd’hui  que  le  gaz  hydrogène  eft  prefque  tou- 
jours un  produit  de  la  décompofition  de  l’eau  9 
& que  le  foufre  n’entre  pour  rien  dans  fa  for- 
mation. 

Le  foufre  eft;  fufceotibîe  de  fe  combiner  à 
beaucoup  d’autres  fuLftances  ; mais  comme  nous 

A a iij 


374  Elémens 

ne  connoiffons  pas  encore  ces  fubftanc€S  nous 
ne  parlerons  de  leur  union  avec  ce  minéral,  que 
lorfque  nous  traiterons  de  leurs  propriétés. 

Le  foufre  ed  un  excellent  médicament  dans  les 
maladies  pituiteufes  des  poumons,  & fur -tout 
dans  les  maladies  de  la  peau.  On  l’emploie  avec 
grand  fucçès  dans  l’afthme  humide , les  éruptions 
galleufes,  dartreufes,  &c.  On  l’adminiltre , ou 
fous  la  forme  de  fleurs  de  foufre , ou  en  tablettes 
préparées  avec  le  fucre.  On  en  fait  avec  les  grailles 
lin  onguent  dont  on  frotte  les  parties  couvertes 
de  galle.  On  a propole  les  fulfures  alcalins  pour 
les  obltruflions,  les  engourdiffemens,  les  paraly- 
ses, les  maladies  de  la  peau,  &c.  Quoique  quel- 
ques médecins  aient  cru  que  le  foufre  ne  fe  dif- 
fout  point  dans  les  humeurs  animales,  il  elt  ce- 
pendant certain  qu’il  pénètre  jufqu’aux  extrémités 
vafculaires  les  plus  fines  , puifque  chez  les  per- 
fonnes  qui  en  font  ufage,la  tranfpiration , les 
urines  & les  crachats  en  font  manifellement  im- 
prégnés. Le  gaz  hydrogène  fulfuré  diffout  dans  les 
eaux  minérales , telles  que  celles  de  Cauterets , 
d’Aix-la-Chapelle  , de  Barège  , d’Enghien  , &c. 
leur  communique  des  propriétés  incifives  très- 
utiles  dans  les  maladies  de  la  peau , des  poulmons, 
des  articulations  , dans  les  paralyfies,  &c. 

Le  foufre  n’ell  pas  moins  utile  dans  les  arts. 


r 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  375 
C’eff  un  des  ingrédiens  les  plus  néceffaires  de  la 
poudre  à canon  : il  fert  à prendre  des  empreintes 
très-belles  de  pierres  gravées  ; on  en  fait  des  mè- 
ches combuffibles;  on  le  brûle  pour  blanchir  les 
foies, pour  détruire  certaines  couleurs,  pour  ar- 
rêter la  fermentation  des  vins,&c.  On  Ta  pro- 
pofé  pour  iceller  le  fer  dans  les  pierres,  &c. 

CHAPITRE  V. 

„ 

Genre  V.  Substances  métalliques  en 

GÉNÉRAL . 

Les  fubffances  métalliques  forment  un  ordre  de 
corps  très-irnportans  & très-utiles  dans  les  diffé- 
rens  ufages  de  la  vie , dans  la  chimie  & dans  la  mé- 
decine. Elles  diffèrent  effentiellement  des  matières 
terreufes  & des  matières  falines  par  leurs  carac- 
tères phyfiques  Sc  par  leurs  propriétés  chimiques. 

Avant  de  paffer  à l’examen  de  chacune  de  ces 
fubffances  en  particulier,  il  eft  néceffaire  de  les. 
confidérer  en  général.  Pour  le  faire  avec  ordre  , 
nous  traiterons  dans  plufieurs  paragraphes , 1 °.  de 
leurs  propriétés  phyfiques  ; i°.  de  leur  hiffoire 
naturelle;  30.  de  l’art  d’en  reconnoître  la  nature 
ôc  la  quantité,  ou  de  îa  docimaûe  ; 40.  de  celui 

A a ïv 


37^  E L É M E N S 

de  les  travailler  en  grand,  ou  de  la  métallurgie  ; 
5°.  de  leurs  propriétés  ch'miques;  6°.  de  la  ma- 
nière de  les  diftinguer  les  unes  des  autres , & des 
divifions  qu’il  eft  effentiel  d’établir  entr’elles» 

§.  I.  Des  propriétés  phyjiqucs  des  fub (lances 
métalliques . 

Les  fubftances  métalliques  ont  une  opacité 
abfolue.  Cette  opacité  efl  beaucoup  plus  grande 
que  celle  des  matières  pierreufes;  car  la  pierre  la 
plus  opaque,  étant  en  plaque  très  mince,  a une 
forte  de  tranfparence  ; au  lieu  que  la  lame  la  plus 
fine  d’un  métal  quelconque  eft  parfaitement  opa- 
que, & tout  autant  qu’une  grande  malTe  du  même 
métal.  L’opacité  des  fubftances  métalliques  les 
rend  très-propres  à réfléchir  les  rayons  de  la  lu- 
mière, & aucun  corps  ne  pofsède  cette  propriété 
dans  un  degré  auffi  marqué  que  ces  fubftances  ; 
e’eft  ainfi  que  les  miroirs  de  glace  ne  réfléchirent 
les  objets  que  parce  qu’ils  font  enduits  d’une 
feuille  de  métal;  cette  propriété  particulière  aux 
métaux  confHtue  l’éclat  ou  le  brillant  métallique, 
qualité  qui  eft  toujours  en  raifon  compofée  de 
la  denfiîé  ou  de  la  dureté  du  métal  qui  lui  per- 
met de  prendre  un  po’i  très-vif,  & de  fa  cou- 
leur. Les  fubfhnces  métalliques  blanches  réfié- 


s 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  577 
chiftent  plus  de  rayons  , & font  plus  brillantes 
que  celles  qui  font  colorées. 

Les  fubfiances  métalliques  ont  une  pefanteur 
fpécifique  bien  plus  conlidérable  que  les  autres 
corps  minéraux  ; un  pied  cube  de  marbre  ne  pèfe 
que  deux  cent  cinquante -deux  livres;  un  pied 
cube  d’étain,  qui  eft  le  plus  léger  des  métaux, 
pèfe  cinq  cent  feizé  livres,  & un  pied  cube  d’or 
pèfe  treize  cent  vingt-ftx  livres.  Cette  pefanteur, 
beaucoup  au-deflus  de  celle  des  matières  ter- 
reufes,  dépend  fans  doute  de  la  grande  denfité 
des  iubftances  métalliques,  à laquelle  elles  doi- 
vent encore  leur  opacité  parfaite  &L  leur  brillant. 

La  plus  grande  partie  des  fubftances  métalli- 
ques eft  fufeeptib^e  de  s’étendre  à l’aide  d’une 
pereuftion  répétée, ou  d’une  forte  preftion.  Cette 
propriété  , qui  eft  particulière  à ces  fubftances  , 
& que  nous  n’avons  pas  encore  eu  occafion 
d'obferver  dans  aucune  des  matières  que  nous 
avons  examinées,  porte  le  nom  de  ductilité.  Nous 
penfons  qu’on  doit  en  diftinguer  deux  efpèces  ; 
l’une  qu’en  appelle  duélilité  fous  le  marteau  ou 
malléabilité , fe  reconnoît  à ce  que  les  métaux 
qui  en  jouiftent  peuvent  s’étendre  en  lames  min- 
ces fans  fe  cafter  : le  plomb  & l’étain  nous  four- 
niftent  un  exemple  de  cette  forte  de  du&iiité. 
L’autre  conlifte  dans  l’allongement  fucceftif  &c 


378  É L É M E N S 

prefque  extrême  de  certaines  matières  métalli- 
ques^ forte  qu’elles  forment  un  fil  plus  ou  moins 
fin  : c’eft  la  ducli'ité  à la  filière,  telle  qu’on  peut 
Fohferver  dans  le  fer,  le  cuivre,  l’or.  On  lui  a 
aufii  donné  le  nom  de  ténacité.  Il  eft  d’aurant  plus 
Important  de  bien  diflinguer  ces  deux  fortes  de 
duéhlités,  qu’elles  femblent  être  réellement  très- 
différentes  l’une  de  l’autre , puifque  les  fubftances 
métalliques  qui  font  très-malléables  ont  fouvent 
très-peu  de  ténacité,  & que  celles  qui  font  très- 
du&iles  à la  filière  ne  font  que  peu  malléables. 
On  exprime  la  ténacité  des  métaux  d’une  ma- 
nière fort  exa&e,  en  défignant  la  fomme  de 
poids  qu’un  fil  métallique  d’un  diamètre  connu 
peut  foutenir  fans  fe  rompre®  L’une  & l’autre 
de  ces  propriétés  paroît  dépendre  d’une  forme 
particulière  des  parties  intégrantes  de  chaque 
métal.  Il  femble  que  les  métaux  qui  s’étendent 
en  plaques  minces  par  la  percufîlon  foient  for- 
més de  petites  lames  qui , lorfqu’elles  font  com- 
primées , gliflent  les  unes  à côté  des  autres , &; 
augmentent  en  largeur  à mefure  qu’elles  per- 
dent de  leur  épaifieur;  tandis  que  ceux  qui  peu- 
vent fe  filer  offrent  une  forte  de  tiffu  fibreux 
dont  les  fi  amens  difpofés  par  paquets  fe  rap- 
prochent & s’allongent  à l’aide  de  la  forte  pref- 
fion  que  leur  fait  éprouver  la  filière. 


/ 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  379 
La  duftilité  des  métaux  a des  bornes.  On  ob- 
serve que  lorsqu’un  métal  même  tres-ductile  a 
reçu  plufieurs  coups  de  marteau , il  durcit  & Te 
déchire  au  lieu  de  s’étendre  ; cette  propriété  fe 
nomme  écrouifjemcnt.  Lorfqu’on  chauffe  lente- 
ment & avec  précaution  un  métal  écroui,  il  de- 
vient plus  duélile,  & il  peut  être  frappé  fans  fe 
brifer.  Il  paroît  que  les  parties  ne  s’étendent 
fous  le  marteau  qu’autant  qu’elles  trouvent  en- 
tr’elles  un  efpace  qu’elles  peuvent  remplir  à me- 
fure  qu’elles  fuient  la  prefiion  : on  conçoit  aifé- 
ment  que  ccs  parties  étant  une  fois  affez  rap- 
prochées par  la  percufiion , pour  ne  laiffer  en- 
tr’elles  que  peu  d’intervalle  , elles  ne  pourront 
plus  fuir  fous  le  marteau  , &C  que , dans  ce  cas , 
le  métal  fe  déchirera.  La  chaleur  en  le  dilatant  en 
écarte  les  parties , & produit  entr’elles  de  nou- 
veaux efpaces  qui  leur  permettent  de  fe  rap- 
procher de  nouveau  à i’aide  des  percuflions  réi- 
térées. 

Comme  la  ductilité  ne  fe  rencontre  que  dans 
certaines  fubfiances  métalliques  , les  chimifies  & 
les  naturaliffes  fe  font  fervi  de  l’abfence  & de 
la  préfence  de  cette  propriété  pour  diftinguer 
ces  fubftances  entr’elles.  Ils  ont  appelé  métaux 
celles  qui  réunifient  la  du&ilité  à l’opaciré,  à la 
pefanteur  & au  brillant  métallique  ; & demi-mé- 


ÊtÉMENS 

taux , celles  qui , avec  l’apparence  métallique , ne 
font  point  ductiles.  Mais  cette  diftinétion , quoi- 
qu’aflez  exa&e , ne  fuffit  cependant  pas  pour  fé- 
parer  en  deux  claffes  toutes  les  matières  métal- 
liques , parce  que  depuis  la  duftilité  extrême  de 
For  jufqu’à  la  fingulière  fragilité  de  l’arfenic,  on 
ne  trouve  que  des  degrés  infeniibles  dans  cette 
propriété,  & parce  qu’il  y a peut-être  plus  loin 
pour  la  duétiliré  de  l’or  au  plomb , qui  eft  re- 
gardé comme  un  métal , qu’il  n’y  a du  plomb 
au  zinc  qu’on  range  parmi  les  demi-métaux,  & 
du  zinc  à l’arfenic.  D’ailleurs  le  mot  demi-metaux 
exprime  une  opinion  très  hipoihétique  fur  la  na- 
turel la  formation  des  métaux. 

Les  métaux,  considérés  relativement  au  degré 
de  leur  duétilité , doivent  être  rangés  dans  l’or- 
dre fuivant.  L’or  eft  le  plus  malléable  de  tous  ; 
enfuite  viennent  l’argent , le  cuivre  , le  fer  , l’é- 
tain & le  plomb.  Les  demi-métaux  ont  été  regar- 
dés comme  n’en  ayant  aucune.  Nous  verrons 
cependant  que  cette  propriété  exifte  jufqu’à  un 
certain  degré  dans  le  zinc  Sc  dans  le  mercure. 
Quant  à la  ténacité , l’or  efl  celui  qui  en  a le  plus  : 
on  place  à la  fure  le  fer  , le  cuivre , l’argent, 
l’étain  & le  plomb  ; celle  du  platine  n’efl:  pas 
bien  connue. 

Les  fubftances  métalliques  font  fufceptibles 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  $Si 
de  prendre  une  forme  régulière,  foit  par  le  tra- 
vail de  la  nature  , foit  par  les  efforts  de  Part.  Les 
naturalises  ccnnoiffoient  depuis  long  - temps 
cette  propriété  que  la  nature  leur  avoit  offerte 
dans  le  bifmuth  natif,  l’argent  vierge  , & quel- 
ques autres  métaux.  Les  alchimiSes  même  avoient 
obfervé  foigneufement  les  figures  ramifiées  ou 
étoilées  qui  fe  forment  à la  furface  de  l’anti- 
moine & du  bifmuth.  M.  Baumé  a annoncé  dans 
fa  chimie  expérimentale  & raifonnée  que  les 
matières  métalliques  qui  ont  été  bien  fondues 
prennent,  par  un  refroidiffement  lent,  un  arran- 
gement fymmétrique  & régulier,  &:c.  M.  l’abbé 
Mongez,  qui  a fuivi  M.  la  Peyroufe  dans  fort 
voyage  autour  du  monde , a fait  un  travail  fur  la 
criflallifation  des  matières  métalliques.  M.  Bron- 
ginart,  démonfïrateur  de  chimie  au  jardin  du  roi, 
s’eftauffi  occupé  de  cet  objet,  & beaucoup  de  chi- 
miftes  ont  répété  leurs  procédés.  Il  en  réfulte  que 
tous  les  métaux  peuvent  criffallifer , Sc  que  , 
quoique  plufieurs  d'entr’eux  aient  une  criffalli- 
faticn  en  apparence  différente  , le  plus  grand 
nombre  préfente  cependant  la  même  forme  oc- 
taèdre avec  quelques  modifications. 

Quelques  matiè  es  métalliques  on  d • la  faveur 
&:  de  l’odeur  , comme  l’arfenic  , 1 antimoine  , le 
plomb,  le  cuivre,  l’étain  , le  fer.  Ces  propriétés 


\ 


I 


'$$1  ï L É M E N S 

fe  rencontrent  conflamment  dans  toutes  celles 
qui  font  les  plus  altérables.  Elles  y font  même 
quelquefois  dans  un  degré  fi  marqué,  que  ces 
matières  font  fufceptibles  de  corroder  & de  dé- 
truire entièrement  les  organes  des  animaux. 

II.  Hijloirc  naturelle  des  fubjlances  métalliques . 

\ 

Les  fubftances  métalliques  exiflent  dans  l’in- 
térieur de  la  terre  dans  quatre  états  différens  ; le 
premier  eft  celui  de  métal  vierge  ou  natif,  c’efl- 
à-dire,  pourvu  de  toutes  fes  propriétés;  c’eft 
ainfi  que  fe  trouvent  toujours  l’or,  fouvent  l’ar- 
gent, le  cuivre,  le  mercure,  le  bifmuth,  Par*? 
fenic , rarement  le  fer , plus  rarement  encore  le 
plomb  , le  zinc , l’antimoine,  &c. 

Le  fécond  état  où  fe  rencontrent  les  fubflances 
métalliques  eff  celui  d’oxides  ou  de  chaux , c’eft- 
à-dire , n’ayant  pas  Pafpeft  métallique,  mais  plu- 
tôt une  forte  de  reffemblance  avec  les  ochres 
ou  les  matières  terreufes.  On  trouve  fouvent  le 
cuivre  dans  l’état  d’oxide  vert  ou  bleu  ; le  fer 
dans  celui  d’oxide  jaune  , rouge  ou  brun  ; le 
plomb  dans  l’état  d’oxide  blanc  , gris , jaune , 
rougeâtre  &c.  ; le  zinc  dans  l’état  de  calamine  ; 
le  cobalt  en  fleurs  rouges  ; l’arfenic  en  oxide 
blanc , &c. 


r 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.'  3% 
Le  troifième  état  naturel  des  métaux  ,&  celui 
qui  eft  le  plus  commun , çonftitue  les  mines  ou 
minerais.  La  fubftance  métallique  s’y  trouve  com- 
binée avec  une  matière  combuftible  qui  lui  ei> 
lève  Tes  propriétés  métalliques , & elle  ne  peut 
les  recouvrer  que  iorfqu’elle  en  eft  féparée.  Cette 
matière,  que  l’on  nomme  le  minèralifateur , eft  ou 
du  foufre  , ou  un  autre  métal.  Quelques  chi» 
milles  affiirent  même  que  le  foufre  eft  le  mini- 
ralifateur  le  plus  commun.  Il  eft  uni  à l’argent 
dans  la  mine  d’argent  vitreufe  ; celles  de  cuivre 
contiennent  prefque  toujours  une  très -grande 
quantité  de  foufre  ; le  fer  eft  combiné  avec  ce 
minéral  dans  la  pyrite  martiale , le  plomb  dans 
la  galène , le  mercure  dans  le  cinabre , le  zinc 
dans  la  blende  ; enfin  , on  trouve  quelquefois  le 
bifmuth  & fouvent  Farfenic  unis  au  foufre. 

Il  eft  bon  d’obferver  que  les  métaux  n’ont  pas 
tous  la  même  affinité  avec  le  foufre.  Il  en  eft  qui 
en  contiennent  beaucoup  6c  qui  le  perdent  aifé- 
ment;  leur  état  métallique  en  paroît  peu  altéré; 
tels  font  le  cuivre  , le  plomb , l’antimoine  ; d’au- 
tres en  contiennent  très-peu  , mais  ce  foufre  leur 
eft  très  - adhérent , 6c  quoiqu’il  foit  en  petite 
quantité , il  fait  difparoître  prefque  toutes  les 
qualités  métalliques  ; c’eft  ce  qu’on  obfervc  à 
l’égard  du  cinabre. 


384  É L É M E N S 

Les  métaux  peuvent  fe  trouver  alliés  avec 
d’autres  métaux,  mais  c’efl  particulièrement  l’ar- 
fenic  qui  les  minéralife.  On  trouve  le  fer,  l’étain, 
le  cobalt , iouvent  unis  à l’arfenic  ; quelquefois 
le  métal  eft  uni  en  même-temps  à l’arfenic  6c  au 
foufre,  comme  dans  la  mine  d’antimoine  rcuge  , 
dans  l’argent  rouge  ; enfin  , il  y a des  mines  mé- 
talliques compofées  de  plufieurs  métaux  6c  de 
plusieurs  fubflances  minéralifantes , ainfi  que  la 
mine  de  cuivre  grife,  la  mine  d’argent  grife  &C 
quelques  autres. 

Le  quatrième  état  que  les  métaux  préfentent 
dans  l’intérieur  de  la  terre  efl;  leur  combinaifon 
avec  des  fubflances  falines,  & prefque  toujours 
avec  des  acides.  L’acide  fulfurique  s’y  trouve 
combiné  très-fréquemment  ; les  oxides  de  zinc  , 
de  plomb  , de  cuivre  , de  fer  , font  fouvent  dans 
l’état  de  fulfates  ; l’acide  carbonique  efl  un  des 
minéralifateurs  les  plus  communs  des  métaux;  les 
acides  muriatique  , arfenique  6c  phofphorique  y 
ont  aufli  été  démontrés  depuis  quelques  années. 

Les  fubflances  métalliques  font  bien  moins 
abondantes  dans  le  globe  terreflre  que  les  ma- 
tières pierreufes.  Elles  forment  dans  les  monta- 
gnes des  veines  ou  filons  qui  coupent  plus  ou 
moins  obliquement  les  couches  de  terrés  6c  de 
pierres,  c’efl;  l’état  le  plus  ordinaire  des  métaux 

jninéralifés. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  385 
tïïinéralifés.  Ceux  qui  iont  dans  l’état  d oxides  • 
ou  de  fels  fe  trouvent  fouvtmt  par  mailes  que 
l’eau  a tranfportées  6c  quelquefois  criftallifées  ; 
on  rencontre  aufti  plufieurs  mines  métalliques 
en  tas  informes  : e-ies  doivent  alors  leur  for- 
mation à quelques  accidens  particuliers* 

Les  filons  métalliques  font  accompagnés  de 
matières  pierreufes  qui  femblent  avoir  été  for- 
mées en  même  - temps  quVox.  C s pierres  font 
ordinairement  du.  quartz  & du  fpath  * elles  for- 
ment deux  couches  ; l’une  ,'fur  laquelle  pofe  la 
mine,  fe  nomme  lit  ou  fol  ; l’autre  qui  la  re- 
couvre eft  le  toit.  Ces  pierres  conflituent  ce 
qu’on  appelle  la  gangue  ou  matrice  de  la  mine  à 
qui  ne  doit  pas  être  confondue  avec  le  miné- 
ralifateur  ; car  celui  - ci  eft  combiné  avec  le 
métal,  de  manière  qu’il  ne  pe  u en  être  iëparé 
que  par  des  procédés  chimiques  , tandis  que 
la  gangue  peut  en  être  féparée  psf  des  moyens 
méchaniques  j il  ne  faut  pas  non  obis  confondre 
ia  gangue  qui  eft  formée  de  pierres  criftallifées  > 
avec  la  roche  qui  forme  la  mafle  des  monta- 
gnes, dans  lefquelles  fe  trouvent  les  filons  mé- 
talliques. Ces  derniers  fe  divif  nt  en  riches  oü 
pauvres  , en  filons  capitaux  ou  veinules  , en  filons 
de  vrais  cours  qui  fe  continuent  drtns  la  meme 
dire&ion  , ou  filons  rebelles  qui  fe  détournent 
& font  interrompus  dans  leur  continuité. 

J ome  H,  B b 


3$é  ÊL  É ME  NS 

Les  mines  métalliques  paroiffent  toutes  devoir 
leur  formation  à l’eau  ; en  effet , la  plupart  fe 
trouvent  criftallifées  ou  mêlées  à des  fubftances 
que  le  feun’auroit  pas  manqué  d’altérer , comme 
les  pierres  calcaires  & le  loutre  ; &:  Ton  ren- 
contre p3rmi  elles  des  corps  qui  ont  confervé 
l'organifation  végétale  ou  animale  , organifation 
que  le  feu  n’auroit  pas  refpe&ée  ; il  y a peut- 
être  quelques  mines  métalliques  qui  ont  été  for- 
mées par  le  feu  ; telle  paroît  être  la  mine  de  fer 
fpéculaire  du  Mont-d’Or  en  Auvergne  , celle  de 
file  d’Elbe  ; niais  ces  cas  font  rares. 

Les  mines  fe  trouvent  plus  communément 
dans  les  montagnes  que  dans  les  plaines  , 8c 
prefque  toujours  dans  celles  qui  forment  des 
chaînes  continues.  On  obferve  que  les  plantes 
qui  croiflent  à la  furface  des  montagnes  qui 
renferment  ces  matières,  font  arides  ; les  arbres 
y tort  tortueux  , & ont  un.  mauvais  port  ; 
la  neige  y fond  prefque  aufii  - tôt  qu’elle  y tom- 
be , les  fables  offrant  fouvent  des  couleurs  mé- 
talliques. On  trouv,  dans  le  voif nage,  des  four- 
ces  d’eaux  minérales  métalliques  ; l’examen  de 
ces  eaux  & des  fables  qu’elles  charient,  four- 
ni fient  de  très-bons  indices  de  la  préfence  des 
matières  métalliques  qui  les  avoifinent.  Lorf- 
qn’on  voit  paroître  à la  furface  de  la  terre 
quelques  veines  métalliques,  ces  indices  doivent 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  387 

fuffire  pour  taire  fonder  le  lerrcin  ; la  fonde 
rapportant  les  fubftdnces  qui  compofent  l’in- 
térieur de  la  montagne  avec  la  matière  miné- 
rale métallique,  lert  à faire  connaître  quelle  eft 
la  nature  de  cette  fubflance , tk.  la  réfiftance 
qu’on  doit  at  endre  du  terrein, 

§.  III.  De  l'art  cPejJayer  les  mines  , ou 
de  la  Docimasie. 

Lorfqu’on  a reti  é une  certaine  quantité  de 
mine,  il  convient  d’en  faire  l’effai  pour  en  con- 
noître  exd&ement  la  nature  & le  produit.  Ces 
eftais  forment  une  des  parties  les  plus  impor- 
tantes de  la  chimie,  à laquel'e  on  a douné.le  nom 
de  docimajie.  l’s  doivent  être  variés  fuivant  la 
nature  de  chaque  mine  ; cependant  il  eft  certains 
procédés  généraux  qu’il  con\ient  de  fuivre  dans 
tous  les  effais. 

On  prend  des  échantillons  de  mine  qu’on  choi- 
ftt  parmi  les  plus  riches,  les  plus  pauvres,  $£  ceux 
d’une  richefle  moyenne,  cette  opération  s’appelle 
lotir  les  mines  ;\e  lonflageeft  indftpenfable , parce 
que  fi  on  ne  tentoit  que  l’effdi  d’un  échantillon  ri- 
che, on  pourron  concevoir  des  efpérances  trop 
flatteufes;  fi  on  n’efiayoit  que  des  échantillons 
très-pauvres  , on  tomberoit  dans  le  décourage- 
ment.  Les  mines  étant  loties  » il  faut  les  piler  exac? 

bo  xj 


388  Élemehs 

tement , & enfuite  les  laver  à grande  eau*  €e 
fluide  emporte  la  gangue  réduite  en  poudre  ; le 
minerai , comme  plus  pefant  , refte  au  fond  du 
vafe  où  fe  fait  le  lavage.  La  mine  lavée  doit  être 
enfuite  grillée  avec  loin  pour  enlever  par  la  fu- 
jblimation  la  plus  grande  quantité  poffible  du  mi- 
néralifateur  ; on  doit  faire  le  grillage  dans  une 
petite  écuelle  de  terre  , couverte  d’un  vaiffeau 
femblable.  Cette  précaution  eft  néceflaire,  parce 
que  certaines  mines  pétillent  au  feu  & fautent 
hors  delà  capfule  dans  laquelle  on  les  grille  ; cet 
accident  eft  capable  de  rendre  le  réfultat  incer- 
tain. Comme  ce  grillage  fait  en  plein  air  lailfe 
ordinairement  le  métal  dans  l’état  d’oxide,  & peut 
même  en  faire  perdre  une  partie  li  le  métal  que 
l’on  eflaie  eft  volatil,  nous  préférons  de  griller 
les  mines  dans  une  cornue  degrés.  Cette  opéra- 
tion , quoique  plus  longue  & plus  difficile , a l’a- 
vantage de  faire  connoître  la  nature  & la  quantité 
du  minéralifateur  , & de  donner  une  analyfe 
beaucoup  plus  exafte  du  minéral  dont  on  fait 
l’eftai.  Lorfqne  la  mine  a été  tenue  rouge  pendant 
quelque  temps  , &:  qu’il  ne  s’en  exhaie  aucune 
vapeur , le  grillage  eft  fini.  Comme  on  a pefé 
la  mine  avant  & après  le  lavage  pour  déter- 
miner la  quantité  de  gangue  qu’elle  conte- 
noit  , ©n  la  pèfe  de  nouveau  après  le  grillage. 


d’Hist.  Nat.  et  ce  Chimie.  385» 
pour  favoir  combien  elle  a perdu  par  cette 
opération. 

La  mine  grillée  doit  être  fondue;  à cet  effet  on 
la  mêle  avec  trois  parties  de  flux  noir  & un  peu  de 
muriate  de  fonde  décrépité  , on  la  met  dans  un 
creufet  fermé  de  fon  couvercle,  on  place  ce  creu- 
fet  dans  un  bon  fourneau  de fufion.  L’alcali  du  flux 
noirfond  le  métal, &abforbe  laponion  de  minéra- 
lifateur  qui  refie  dans  lamine.  Le  charbon  du  tar- 
tre qui  fe  trouve  dans  le  flux  noir,  fert  à réduire 
l’oxide  du  métal  en  abforbant  fon  oxigène  ; le  mu- 
riate  de  fonde  empêche  que  le  mélange  ne  fou.ffre 
de  déperdition  pendant  la  fufion,  parce  que  ce  fel 
fondu  étant  plus  léger  que  les  autres  matières , oc- 
cupe toujours  la  partie  fupérieure  du  creufet,  re- 
couvre le  mélange  & fupporte  feul  le  décher. 

La  fufion  étant  achevée  , il  faut  laiffer  refroi- 
dir très-lentement  le  creufet;  on  s’apperçoit  que 
la  matière  a été  bien  fondue,  lorfque  le  métal  eft 
raffemblé  en  un  feul  culot  convexe  à fa  fuper- 
fcie,  qu’il  ne  fe  trouve  aucun  grain  dans  les 
fcories  , & que  ces  fcories  elles-mêmes  font  en 
une  maffe  vitreufe  , compare  & uniforme,  cou- 
verte d’une  couche  de  fel  marin  fondu.  On  pèfe 
exactement  le  culot  métallique,  & on  connoît  en 
quelle  proportion  le  métal  fe  trouve  dans  la  mine 
que  l’on  a effayée. 


B b iij 


39<>  fe  L É M É N S 

I!  efî  des  rrines  qui  font  plus  Jures  & plutf 
réfra&aires  ; a’or.s  on  a:  ru  te  des  fondons  p'us 
aclif.s  ôc  ii  pK  s grande  quantité,  comme  le  bo- 
rax , le  verre  pilé  , 1ef  a c b fxes , &rc.  Il  arrive 
foir  e :t  que  le  meme  mi  érai  contient  des  mé- 
taux parlai  s avec  des  métaux  imparfaits;  on  les 
fép  re  en  chauffmt  avec  le  contact  de  l'air  le 
Culot  métallique.  Le  métal  imparfait  s’oxiJe  & fe 
diflïpe , le  métal  parfait  refie  pur  *,  cette  opération 
fe  romme  en  général  ûflîjage.  Le  métal  parfait 
qu’on  obtient  par  ce  procédé  eft  prefque  toujours 
un  mélange  d’or  & d’argent.  On  fépare  ces  deux 
métaux  par  le  moyen  d’un  didolvant  oui  s’empare 
de  l’argent  & laide  l’or  intaét;  cette  opération  fe 
nomme  dipart.  Le  réfîdusque  tous  ces  procédés 
fourniflent  , doivent  être  pefés  avec  la  balance 
d’efîai. 

Ce  travail,  quelqu’exaét  qu'il  paroifTe  , efb 
fouvenr  moins  utile  pour  guider  dans  l’exploita- 
tion d’une  mine  , que  ne  feroit  un  efTai  plus  grof- 
fer;  parce  que  , dans  les  travaux  en  grand,  on 
n’emploie  pas  des  matériaux  auffi  chers  , & que 
d’ailleurs  on  n’opère  pas  avec  autant  de  précau- 
tion ; il  faut  donc  effayer  de  fondre  la  mine  à 
travers  les  charbons  dar  s un  fourneau  de  fufion. 
Les  charbons  réduifent  l’oxide  métallique;  l’al- 
càli  fixe  qui  fe  produit  dans  leur  combuilion. 


-î 


r 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  391 
abforbe  une  portion  de  la  fubftance  qui  miné» 
ralife  le  métal.  Il  faut  quelquefois  ajouter  un 
peu  de  limaille  ou  de  fcories  de  fer , ou  du 
fiel  de  verre  pour  faciliter  la  ftifton  des  mines 
très-réfra&aires. 

Il  efl  une  forte  d’eflai  par  la  voie  humide  qui 
peut  fe  pratique»"  lorfqu’on  veut  connoître  les 
métaux  conterais  dans  des  échantillons  de  mines 
qu'on  fe  propofe  de  conferver  dans  des  cabinets 
d’hilfoire  naturelle.  On  prend  un  petit  morceau 
de  l’échantillon,  on  le  fait  digérer  dans  des  acides 
qui  diffolver.t  le  métal  &C  en  féparent  le  minérali- 
fatetir  ; le  tel  oui  réfuhe  de  l’union  du  métal  à l’a- 

v t 

eide  fait  connoître  la  qualité  de  ce  métal  ; mais 
ceteffaine  peut  pas  avoir  lieu  pour  toutes  fortes 
de  mines,  parce  qu’elles  ne  font  pas  toutes  fuf- 
cepîibles  d’être  attaquées  par  les  acides.  Bergman 
a donné  fur  la  docirnafie  humide  une  très-bonne 
dlffertation  qu’on  pourra  confulter  avec  fruit. 

A 

IV.  De  L'art  d'extraire  & de  purifier  en  grand 
les  métaux , ou  delà  MÉTALLURGIE. 

Lorfqu’on  s’efr  allure,  par  un  efTal  convenable , 
que  la  mine  peut  être  exploitée  utilement , on 
y procède  de  la  manière  fuivante.  On  creufe  un 
puits  carré  perpendiculaire  , allez  large  pour  y 
placer  des  échelles  droites,  à l’aide  defqueîles 

Bb  iv 


l 


/ 


J92  E L É M F.  N s 

les  ouvriers  piaffent  descendre  & monter.  Ordi- 
nairement on  pofe  fur  ces  puits  des  treuils  pour 
tirer  les  îceaux  charbés  de  minerai  ; quelquefois 
auffi  on  y rr.ei  des  pompes  pour  puifer  l’eau  qui 
s’y  raffen  bie.  Si  la  mine  eff  trop  profonde  pour 
qu’un  feul  puits  conclmie  au  fol  du  filon  , on  pra- 
tique ur>e  gaieriehori.cn  le,  au  bout  de  laquelle 
on  çreufe  un  nouveau  puits,  & ainfi  de  fuite  j juf- 
qu’à  ce  qu’on  fort  parvenu  au  fond  de  lamine. 

Si  ;a  roche  dans  iacue  e on  creuieeft  fort  dure 

Cdpab  e de  fe  fourenir  d’e’le-même  , la  mine 
n’a  pas  befoin  d’être  étayée  ; mais  fi  on  travaille 
dans  des  roches  tendres  ou  dans  des  terres  qui 
peuvent  s’ébouler  , on  eff  obligé  d’érançonner 
les  galeries  &l  de  garnir  les  puits  de  pièces  de 
charpente  qu’cn  recouvre  de  p'anches  dans  tout 
le  pourtour. 

Il  eff  effentiel  de  renouveller  l’air  dans  les 
mines  ; lorsqu’il  efl  poffible  de  creufer  une 
galerie,  qui  du  bas  des  puits  réponde  dans  la 
plaine,  le  courant  d’air  s’établit  aifément;  quand 
cela  ne  fe  peut  pas  , on  creufe  un  puits  qui 
aboutit  à l’ex'rêmité  de  la  galerie  oppolée  à 
celle  où  fe  trouve  le  premier.  Lorfque  l’un 
des  deux  puits  eff  plus  bas  que  l’autre  , l’air 
circule  trcs-aifément;  mais  fi  les  deux  puits  font 
de  hauteur  égale , le  courant  d’air  ne  faurok. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie^  39$’ 
s’établir  : dans  ce  dernier  cas  on  allume  du 
feu  dans  un  fourneau,  au-deffus  de  1 un  des 
puits  ; & l’air  , forcé  de  traverfer  les  matières 
combuflibles,  fe  renouvelle  continuellement  dans 
la  galerie. 

L’eau  efl  encore  un  inconvénient  très  - grand 
dans  les  mines  ; fi  elle  fort  peu-à-peu  entre  les 
terres,  on  tâche  de  lui  ménager  une  iffue  dans  !a 
plaine , & de  là  dans  la  rivière  la  plus  voifine , à 
l’aide  d’une  galerie  de  percement.  Si  elle  fe  ra- 
maffe  en  plus  grande  quantité , on  tire  l’eau  à 
l’aide  des  pompes.  Quelquefois  en  perçant  la 
roche  il  en  fort  une  quantilé  d’eau  énorme, 5c  ca- 
pable de  remplir  à l’inffant  toutes  les  galeries  ^ les 
ouvriers  en  font  avertis  par  le  retentiffement 
qu’ils  entendent  en  frappant  la  roche  ; alors  ils 
érabliilent  uneportedans  une  des  galeries,  cette 
porte  peut  fe  fermer  par  un  valet  ; un  ouvrier 
perce  la  roche  pour  donner  iffue  à l’eau  , & fe 
retire  en  fermant  la  porte  fur  lui  ; il  a le  temps 
de  s’éloigner  avant  que  l’eau  puiffe  gagner. 

Il  s’élève  dans  les  fouterreins  des  mines  des 
vapeurs  d’acide  carbonique  de  gaz  hydrogène, 
dégagées  ou  formées  par  la  réaâion  des  ma- 
tières minérales  3z  métalliques  les  unes  fur  les 
autres.  Souvent  aufîi  les  feux  que  les  ouvriers 
font  obligés  d’allumer  dans  le  deffein  d’attendrir 


394  Elémens 

la  roche  , favorifent  le  dégagement  de  ces  gaz  ; 
dont  les  dangereux  effets  ne  peuvent  être  préve- 
nus que  par  les  courans  d’air  rapides  , ou  par  la 

détonation. 

Le  minéral  tiré  de  la  terre  eft  enfuite  pilé  , 
lavé,  grillé  , fondu  & affiné.  On  pile  la  mine 
fous  de  gros  pilons  mus  par  un  courant  d’eau  ; 
les  pilons  fe  nomment  bocatds  ; la  mine  pilée  eft 
lavée  fur  des  tables  inclinées , de  forte  que  l’eau 
s’écoule  & emporte  la  gangue.  Les  mines  qui  con- 
tiennent beaucoup  de  foufre  , doivent  être  gril- 
lées à l’air  ; celles  qui  en  contiennent  peu  , doi- 
vent l’être  dans  des  fourneaux  qui  fervent  enfuite 
à les  fondre  } quelques  mines  fe  fondent  feules  , 
d’autres  veulent  être  fondues  à travers  les  char- 
bons , & avec  différens  fondans.  Les  fourneaux 
d.e  fufon  diffèrent  fuivant  les  pays  &:  la  qualité 
plus  ou  moins  réfraftaire  de  la  mine.  Ceux  qui 
fervent  à l’affinage  , ne  font  pas  effeniiellement 
différens  des  premiers.  Quelquefois  même  ces 
deux  opérations  fe  font  dans  un  feul  fourneau. 
Lorfqu’on  a ainfi  réduit  les  métaux  , ils  font 
prefque  toujours  unis  plufieurs  enfemble  ; on  a 
alors  recours  pour  les  féparer , à des  procédés 
entièrement  chimiques , & que  nous  ferons  con- 
noître  à l’article  de  chaque  métal. 


d ni st.  Nat.  et  de  Chimie.  595 

f* 

§.  V.  Dis  propretés  chimiques  des  jubjlances 
métalliques» 

Toutes  les  propriétés  chimiques  des  fubf- 
tances  métalliques  fen  bl  nt  d montrer  que  ces 
matières  font  fimp'cs,  & qu’on  ne  peut  les  dé- 
compofer  Les  altérations  qu’  lies  éprouvent  de 
la  part  de  la  chaleur,  de  l’air  & des  fubftances 
fa  ines,  font  toujours  dues,  comme  on  le  verra  , 
à des  combinaifons , & pas  une  de  ces  a'térations 
ne  peut  être  comparée  à une  analyie,  ainfi  que 
nous  al  onsle  faire  voir  par  l’cxpofition  détaillée 
des  phénomènes  qu’elles  préfentent. 

La  lumière  paroît  a’té^er  la  couleur  & le 
brillant  de  quelques  fubflances  métalliques. 
Bien  enfermées  dans  des  vaifleaux  tranfparens , 
quelques  unes  s’y  terniffent , prennent  une  cou- 
leur changeante , qui  fait  difparoître  peu-à-peu 
leur  brillant.  On  n’a  pas  fuivi  plus  loin  cette  ef- 
pèce  d’altérat  on. 

Le  caloriqne  ne  leur  fait  éprouver  que  quel- 
ques changemens  d’aggrégation  , & cela  avec  plus 
ou  moins  de  facilité  & de  prompî'tude.  Toutes 
les  fubflances  métalliques  , chauffées  dans  des 
vaifleaux  bien  fermés  , fe  fondent  les  unes  bien 
avant  de  rougir  , d’autres  dans  l’inftant  qu’elles 
rougiflent , d’autres  long- tems  après  qu’elles 


39&  * Elémens 

ont  rougi.  Il  y a autant  de  degrés  dans  la  f Ha- 
bilité de  ces  matières  , qu’il  y a d’efpèces  de 
métaux.  Si  on  les  ^iffe  refroidir  lorfqu’ils  ont 
été  fondus  ils  crifiallifent  ; fi  on  les  pouffe 
à un  feu  violent , ils  bouillent  à la  manière  des 
fluides,  6c  fe  réduiféht  en  vapeurs.  Ilyalong- 
tems  qu’on  connoiffoit  ces  propriétés  dans  le 
mercure  ; les  orfèvres  voyent  fouvent  bouillir 
l’or  & l’argent  en  fufion.  Buffon  avoit 
obfervé  qn’en  expofant  des  plats  d’argent  au 
foyer  d’un  grand  miroir  concave  , il  s’élevoit 
une  fumée  blanche  de  la  furface  des  plats.  MM. 
Macquer  &:  Lavoifier  ayant  mis  de  l’argent  de 
coupelle  au  foyer  de  la  lentille  de  Tfchirnaufen , 
virent  ce  métal  s’exhaler  en  fumée  ; une  lame 
d’or  expofée  à cette  fumée  fut  parfaitement  argen- 
tée. L’or  mis  au  même  foyer  donna  également 
des  fumées  qui  dorèrent  parfaitement  une  lame 
d’argent  qu’on  y expofa.  Les  cheminées  des  orfè- 
vres &c  des  effayeurs  font  remplies  d’or  & d’argent 
fublimés.  Le  cuivre,  l’étain,  le  plomb,  le 
zinc,  l’antimoine , le  bifmuth  6c  l’arfenicfe  vo- 
latilifent  affez  facilement. 

Tous  les  méraux  fondus  paroiffent  convexes 
à leur  furface,  & lorsqu’ils  font  en  très-petites 
maffes , ils  forment  des  fphères  parfaites  ; cec 
effet  dépend  de  la  force  d’aggrégation  qui  fait 


î 


d’Hist,  Nat.  et  de  Chimie.  397 
rapprocher  les  partie,  métalliques  les  unes  vers 
les  autres,  & de  leur  peu  de  tendance  à la  com- 
binaifon  avec  le  corps  fur  lequel  elles  pofênt. 
Cette  propriété  eft  générale  dans  tous  les  fluides, 
& on  peut  l’obferver  dans  l’huile  à l’égard  de 
l’eau , & dans  l’eau  à l’égard  des  corps  gras. 

Les  métaux  expofés  à TaéHort  du  calorique 
avec  lecontaûde  l’air  y éprouvent  des  altérations 
affez  fenfibles  , les  uns  plutôt , les  autres  plus 
tard  : ceux  qui  ne  font  point  fenfiblement 
altérés  , fe  nomment  métaux  parfaits  ; on  appelle 
métaux  imparfaits  , ceux  qui  perdent  entièrement 
leurs  propriétés  métalliques  par  ce  procédé. 
Cette  altération  des  matières  métalliques , que 
nous  nommons  oxidaùoti  , eft  une  véritable 
combuftion  ; elle  ne  peut  fe  faire  qu’avec  le 
fecours  de  l’air  „ comme  celle  de  toutes  les 
fubftances  combuûibles  ; & lorfqu’elle  a eu  lieu 
quelque  tems  dans  une  certaine  quantité  d’air , 
elle  ne  peut  plus  s’y  continuer  à moins  que  l’air 
ne  foit  renouvellé.  Cet  air  dans  lequel  les 
métaux  ont  brûlé  , eft  devenu  méphitique.  La 
combuftion  des  fubftances  métalliques  eft  ac- 
compagnée d’une  flamme  plus  ou  moins  vive, 

cette  flamme  eft  très  - fenfible  dans  le  zinc 

/ * 
l’arfenic , le  fer,  l’or,  l’argent;  elle  l’eft  même 

dans  le  plomb , l’étain , l’antimoine } qui  font 


3ç>8  Élémens 

choutfcs  fortement.  Les  métaux  perdent  en  brû- 
lant leurs  pn;pr  étés  métalliques  d’u  ie  manière 
d’autant  plus  marquée,  qu’i'.s  ont  été  expolés  à 
1’  ét  on  du  f u & au  conraél  de  i’air  pendant 
lin  itms  plus  ’o  g ; quelques  uns  femblent  alors 
fe  rapprocher  à l’extérieur  du  car.Ctere  des  ma- 
tières terreufes  ; auffi  leur  a t-on  donné  , dans 
cet  éî^t , le  nom  de  terres  ou  de  chaux  métalliques. 
On  doit  préféré,  à ce  nom  celui  d’oxi  les  mé- 
talliques, parce  ou’il  tfl  démontré  aujourd’hui 

' r 

que  ces  métaux  b'û'ésne  font  j-oint  des  terres 
comme  on  le  croyoit  il  y a quelques  années  ; 
mais  des  combinailbns  avec l’oxigène.  Les  oxides 
métalliques  n’ont  plus  7e  bri  1 ant  & la  fufib  Lié 
des  métaux  , i's  n’ont  p’us  du  tout  J’c/ffinité  avec 
ces  corps  , pas  môme  avec  ceux  qui  ont  tervià 
les  faire.  Si  on  les  pouffe  au  feu  , ils  (e  voLtiiifent 
ou  fe  fondent  en  verres.  Ces  derniers  font  d’au- 
tant plus  tranfparens  &L  d’autant  plus  difïicil  s à 
fondre,  que  b s métaux  ont  éecxidés,  ou  qu’ils 
contiennent  plus  d’ox'gène.  les  oxides  métalli- 
ques s’unifient  aux  matières  faiinesdc  rerreufes. 
Plufieurs  d’entr’eux  o u les  caractères  de  matières 
falines,  L’arienic  Lien  oxidé  devien  un  acide  par- 
ticulier , dont  les  propriétés  ont  été  examiné,  s 
par  Schéele  6t  Eergman.  RoiieUe  a reconnu 
que  l’oxided’antimoine  fe  diffout  dans  l’eau  commç 
le  fait  i’arfenic. 


r 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie*  $9? 

Quelques  oxides  métalliques  expofésà  l’aftion 
du  feu  , fe  réduisent  en  métaux  &"  fourniffent  en 
fe  réduiiant  un  fluide  aériforme  qui  efl  de  l’air 
vital  très-pur.  C’efl  àM.  Bayen  que  l’on  doit  les 
premières  connoiffances  fur  cet  objet.  Il  a ob- 
fervé  que  les  oxides  de  mercure  chauffés  dans 
des  vaiffeaux  fermés  donnoient  beaucoup  d’air  , 
& qu’ils  fe  réduifoient  en  mercure  coulant.  M* 
Prieftley  3 ayant  examiné  cet  air  , vit  qu’il  étoit 
beaucoup  meilleur  que  l’air  atmofphérique  ; & 
ic’eft  à cette  découverte  que  l’on  doit  fixer  l’é- 
poque de  la  connoiffance  exa&e  que  nous  avons 
aujourd’hui  fur  la  calcination  des  métaux.  Reve- 
nons un  moment  fur  les  phénomènes  de  cette 
opération.  Un  métal  ne  fe  calcine  jamais  que  lorf- 
qu’il  a un  contaél  avec  l’air  ; plus  ce  corïtaél  eft 
i multiplié  , plus  le  métal  fe  calcine  ; une  quantité 
donnée  d’air  ne  peut  fervir  à calciner  qu’une 
quantité  donnée  de  métal  , comme  l’a  ingénieu- 
fement  démontré  M.  Lavoifier  en  calcinant  du 
plomb  , k l’aide  d’un  miroir  de  réflexion,  dans 
une  cloche  qui  contenoit  un  volume  connu  d’air. 
Le  métal  en  fe  calcinant . abforbe  une  portion  de 
l’air  qui  l’environne,  puifque  le  mercure  au-def- 
fus  duquel  on  calcine  un  métal  fous  une  cloche, 

remonte  dans  ce  vaiffeau  à mefure  aue  la  calci- 

1 

nation  avance.  C’cfl  à cet  oxigène  abforbé  que 


S4©0  Ê L É M E N S 

les  oxides  métalliques  doivent  la  pefânteüf  qu’ils 

ont  acquiiè  clans  la  calcination , puifque  quand  on 

l’extrait  des  oxides  de  mercure  , ils  perdent  en 

» 

revenant  à l’état  métallique  cet  excès  de  poids 
que  Ton  retrouve  exactement  dans  l’air  vital 
qu’elles 'fourni  fient  à l’aide  de  la  diftillation.  Il 
paroît  démontré  , d’après  tous  ces  phénomènes  , 
que  la  calcination  n’efl  autre  choie  que  la  combi- 
na.'fon  du  métal  avec  la  bafe  de  l’air  pur  ou  l’oxi- 
gène  contenu  dans  l’atmofphère.  Cette  combi- 
nation fe  fait  fouvent  par  le  ieul  contaft  de  l’air 
& de  l’eau , dans  les  métaux  qui  font  fufcepti- 
blesde  fe  rouiller.  Si  l’on  a befoinde  faire  chauf- 
fer'a  p1up  rr  des  métaux  pour  les  oxider , c’eft 
que  la  chaleur,  en  diminuant  la  force  d’iggréga- 
tiondes  molécules  de  ces  corps  pour  elle  - même, 
augmente  eri  même  proportion  la  force  d’affinité 
ou  de  combinailon  , & favorife  ainfi  celle  que 
l’on  veut  opérer  entre  l’oxigène  & le  métal.  La 
chaleur  n’ell  donc  , dans  cette  opération  , qu’un 
auxiliaire  comme  dans  beaucoup  de  diiTolutions. 
L’air  qui  a lervi  à oxider  un  métal  ne  peut  plus 
entretenir  la  combuftion  , parce  qu’il  eft  privé 
de  la  portion  d’air  vital  qu’il  cpntenoit , & qui 
feule  peut  donner  lieu  à !a  combufïion  & à la 
vie.  Plus  le  fluide  attnofphérique  contient  de 
cet  air  vital , plus  il  eft  propre  à oxider  promp- 
tement 


D’HiSTo  NAT.  ET  DE  CHIMIE.  401] 
bernent  une  quantité  donnée  de  métal.  J’ai  bien 
des  fois  obfer-vé  qu’on  peut  faire  une  beaucoup 
pins  grande  quantité  ü’oxide  métallique  de 
plomb  , de  bifmuth  , &c  en  plongeant  ces  mé- 
taux fondus  dans  une  cloche  pleine  d’air  vital, 
qu’on  n’en  feroit  dans  le  même  temps  au  milieu 
de  l’air  atmofphérique.  Tous  ces  faits  , & un 
grand  nombre  d’autres,  que  l’on  trouvera  dans, 
1’hiftoire  particulière  de  chaque  métal,  font  bien 
propres  à démontrer  qu’un  oxide  métallique 
n’eft  autre  chofe  qu’une  combinaifon  chimique 
du  métal  & de  l’oxigène  atmofphérique , que  la 
calcination  n’eff  que  l’a  de  même  de  cette  com- 
binaifon, Si  que  l’air  vital  étant  fixé  dans  cette 
opération  , il  ne  refie  plus  que  le  gaz  azote  qui 
fai  Toit  partie  de  l’atmofphère. 

La  rédudion  des  oxides  métalliques,  à l’aide 
des  matières  combuflibles  , éclaire  encore  cette 
théorie,  & lui  donne  de  nouvelles  forces.  On 
efl  fouvent  obligé  , lorfqu’on  veut  réduire  un 
oxide  métallique  en  métal,  de  le  faire  chauffer, 
dans  des  vaiffeaux  fermés  avec  une  matière 
combuftible , comme  avec  des  graiffes  , des 
huiles,  du  charbon,  Sic.  Dans  tous  ces  cas  on 
décompofe  l’oxide  métallique , en  lui  enlevant 
foxigène  qui  le  conftituoit  tel.  Pour  bien  en- 
tenclie  ce  qui  fe  paffe  dans  cette  opération,  il 
faut  concevoir,  i°,  que  les  métaux  ne  font  pas 
J ome  II.  Ce 


v 


402  Ê L É M E N S 

les  corps  les  plus  combuftibles  de  la  nature,  ou^ 
ce  qui  eft  la  même  chofe,  que  les  métaux  n’ont 
pas  avec  l’oxigène  la  plus  grande  affinité  poffi- 
ble;  2°.  que  les  matières  combuftibles  animales 
ou  végétales  ont  plus  d’affinité  avec  cet  oxi- 
gère  que  n’en  ont  les  fubftances  métalliques  ; 
30.  qu’en  conféquence , lorfqu’on  réduit  un 
oxide  métallique  à l’aide  du  charbon,  ce  der- 
nier étant  plus  combuftible  que  le  métal,  ou 
ayant  plus  d’affinité  que  lui  avec  l’oxigène , s’en 
empare  & décompofe  l’oxide  métallique  , qui 
paffe  à l’état  du  métal.  Auffi  ces  fortes  d’opéra- 
tions ne  réuffifTent-elles  bien  que  dans  des  vaif- 
feaux  fermés,  parce  que  la  matière  combuftible, 
n’ayant  pas  de  conta#  avec  l’air,  eft  obligée  de 
briller  à l’aide  de  l’oxigène  de  l’oxide.  C’eft 
pour  cela  que  la  portion  de  carbone  pure,  qui 
s’empare  de  l’oxigène  uni  à la  fubftance  métal- 
lique , fe  trouve  changée  en  acide  carbonique 
pendant  la  réduftion. 

En  faifant  l’hiftoire  de  la  calcination  métal- 
lique , d’après  la  théorie  des  modernes  , nous 
devons  dire  un  mot  de  la  doélrine  de  Stahl  , 
qui  a été  adoptée  prefque  univerfefement  par 
tous  les  chimiftcs  , jufqu’aux  dernières  décou- 
vertes iur  l’air  & fur  la  cembuftion.  Stahl  re- 
gardoit  les  fubftances  métalliques  comme  des 
compofés  de  terres  particulières  ôc  de  phlogif- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  40$ 
tique.  La  calcination  n’étoit  fuivant  lui  que  le 
dégagement  du  phlogijlique , & la  réduction  fer- 
voit  à rendre  aux  chaux  métalliques  ce  principe 
qu’elles  avoient  perdu  dans  leur  calcination.  On 
voit  que  cette  théorie  eft  abfolument  l’inverfe 
de  celle  des  modernes,  puifqu’elle  annonce  que 
les  métaux  font  des  êtres  compofés , tandis  que 
la  dodrine  adueile  les  confidère  comme  des 
corps  fimples  ; ils  perdent,  fuivant  Stahl  , un 
principe  dans  leur  calcination , & la  dodrine 
nouvelle  prouve  qu’ils  fe  combinent  à un  nou- 
veau corps  dans  cette  opération  ; enfin,  ce  grand, 
homme  penfoin  que  pendant  la  rédudion  , les 
oxides  métalliques  reprenoient  le phlogifîique  qui 
avoit  été  dégagé  des  métaux  par  le  feu,  &.  les 
modernes  ont  prouvé  que  la  rédudion  n’eft  qne 
la  féparation  de  l’oxigène  qui  s’éto  t combiné 
avec  eux  dans  la  calcination. 

Eflayons  de  démontrer  , après  ce  léger  parai* 
lèle  de  ces  deux  théories,  à laquelle  des  deux 
le  plus  grand  nombre  des  faits  peut  être  favo- 
rable. Stahl , uniquement  occupé  à démontrer 
la  préfence  du  phlogijlique  dans  les  métaux,  fem- 
ble  avoir  oublié  l’influence  de  l’air  dans  la  cal- 
cination. Beccher,  Jean  Rey,  Boyle  & plufieurs 
autres  chimiftes  avoient  cependant  foupçonné 
avant  lui  que  cet  élément  jouoit  le  principal 

C c ij 


'404  Ê L É M E N S 

rôle  dans  ce  phénomène.  La  théorie  de  Stahl  ; 
quelque  fatisfaifante  qu’elle  ait  dû  paroître  juf- 
qu’à  l’époque  des  nouvelles  découvertes  fur  l’air, 
ne  pouvoit  donc  pas  Te  trouver  d’accord  avec 
tous  les  faits  qui  démontrent  la  néceflité  & l’ac- 
tion de  ce  fluide  dans  la  calcination.  Aufli  y a- 
t-il  plufieurs  phénomènes  inexplicables  dans  la 
do&rine  de  Stahl,  &:  qui  même  la  rendoient  im- 
parfaite. Telle  eft,  par  exemple,  la  pefanteur 
des  oxides  métalliques  , plus  confidérable  que 
celle  des  métaux  avant  leur  calcination.  On  ne 
concevra  jamais  comment  un  corps  peut  aug- 
menter de  poids  en  perdant  une  de  fes  parties 
conftituantes;  & comme  la  pefanteur  eft  une  des 
propriétés  qui  fert  à démontrer  la  préfence  de 
toute  fubflance,  l’explication  ingénieufe  que  M. 
de  Morveau  a donnée  dans  fa  diflertation  fur  le 
phlogiflique , relativement  au  phénomène  dont  il 
s’agit,  ne  peut  pas  entièrement  fatisfaire,  fur-tout 
depuis  qu’on  a reconnu  l’exiftence  de  rair  dans 
les  oxides  métalliques.  Il  paroît  donc,  d’après 
ces  faits, que  la  théorie  pneumatique  a de  grands 
avantages  fur  celle  de  Stahl.  Macquer,  guidé  par 
cette  fage  retenue  dont  nous  ne  pouvons  que 
faire  l’éloge,  a voit  cru  pouvoir  allier  tes  décou- 
vertes modernes  avec  la  coftrine  du  phlogi/U - 
que.  Suivant  ce  célèbre  chimifle , les  métaux  ne 


* d’Hist.  Nat.  et  de  Ghimie.  405 
•peuvent  perdre  leur  phlogiflique  fe  calciner , 
qu’autant  que  l’air  pur  de  l’atmofphère  fe  préci- 
pite & s’unit  à leur  propre  fubftance,  en  déga- 
geant la  lumière  qui  leur  eft  unie  , Sc  ils  ne  le 
réduifcnt  que  lorfque  la  lumière  , aidée  par  la 
chaleur,  en  fépare  l’air  pur,  en  prenant  fa  place, 
de  forte  que  ces  deux  corps  font  mutuellement 
précipitans  l’un  de  l’autre.  Mois  comme  per- 
fonne  n’a  démontré  encore  l’identité  de  la  lu- 
mière & de  ce  que  Stahl  a appellé  phlogijlique  , 
ni  le  principe  de  la  lumière  dans  les  corps  com- 
buftiblts,  l’opinion  de  Macquer  n’eft  qu’une  by- 
pothèfe  dont  on  peut  entièrement  fe  palier , Sc 
qu’il  n’eft  plus  permis  d’admettre. 

Il  eft  donc  bien  démontré  aujourd’hui  que  les 
oxides  métalliques  font  des  compofés  des  mé- 
taux & d’oxigène  ; il  feroit  très-important  de 
connoître  les  diverfes  attractions  éle&ives  qui 
exiftcnt  entre  ce  principe  &.  les  fubftances  mé- 
talliques. M.  Lavoifier  s’eft  déjà  occupé  de  ce 
travail  intérelfant  j mais  fes  expériences  ne  font 
point  encore  allez  multipliées  , 5c  leur  réfultat 
n’eft  point  affez  exaû,  pour  qu’il  foit  polîible 
de  traiter  ici  cet  objet  avec  les  détails  qu’il  exi- 
geroit.  , 

Les  fubftances  métalliques  s’altèrent  à l’air  *, 
Jeur  furfdce  fe  ternit , quelques-unes  fe  couvrent 

C c iij 


40  6 É L É M E N S 

de  rouille.  Les  chimiftes  ont  regardé  la  rouille 
comme  un  oxide  métallique.  Nous  aurons  occa- 
fion  de  revenir  plufieurs  fois  fur  cet  objet , & 
de  faire  voir  que  l’eau  en  vapeurs  oxide  plufieurs 
fubflances  métalliques  , & que  l’acide  carboni- 
que contenu  dans  l’atmofphère  s’y  unit  après 
leur  calcination. 

L’eau  diflout  certains  métaux  ; elle  n’a  aucune 
aftion  fur  quelques  autres  ; lorfqu’tlle  eft  en 
vapeurs,  elle  favorife  finguüèrement  la  produc- 
tion de  la  rouille  fur  ceux  qui  en  font  fufcep- 
tibles;on  fait,  d’après  les  nouvelles  découvertes 
de  M.  Lavoifier , qu’elle  oxide  avec  beaucoup 
d’énergie  ceux  des  métaux  qui  font  les  plus  com- 
buffibles , comme  le  zinc  &z  le  fer , Sc  qu’elle  fe 
dicompofe  en  oxigène , qui  s’unit  à ces  métaux, 
ÔC  en  hydrogène  qui  fe  dégage  uni  à une  très- 
grande  quantité  de  calorique , & conféqiiem- 
ment  fous  la  forme  de  gaz  très-léger. 

Les  mat  ères  térreüfes  ne  paroiffent  avoir  au- 
cune aftion  fur  les  fubflances  métalliques  ; mais 
elles  s’uniffent  avec  leurs  oxides  par  ia  fu  fi  on. 

On  ne  connoît  pas  du  tout  l’aéiion  des  ma- 
tières faüno-terreufes  fur  ces  fubflances. 

Les  akedis  en  diflfolvent  quelques-unes,  & 
n’agiffent  que  foiblement  fur  la  plupart  d’en- 
tr’elles.  Il  paroît  que  l’eau  ou  le  contâél  de  l’at- 


: 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  407 
mofphère  contribuent  beaucoup  à l’oxidation 
de  plufieurs  métaux  opérée  à l’aide  des  alcalis. 

Les  acides  altèrent  beaucoup  plus  ces  fubf- 
îances&  les  diffolvent  plus  ou  moins  facilement. 
L’acide  fulfurique  produit  alors  ou  du  gaz  hy- 
drogène, ou  du  gaz  fulfureux,  fuivant  qu’il  eft 
uni  à l’eau  ou  concentré  ; dans  le  premier  cas , 
c’eft  l’eau  qui  fe  décompofe,,&  qui  en  donnant 
fon  oxigène  aux  métaux  produit  le  gaz  hydro- 
gène ; dans  le  fécond,  l’acide  lpi-même  effc  dé- 
compofé , & fon  oxigène  propre  en  fe  fixant  en 
partie  dans  les  fubftances  métalliques  laiffe  le 
foufre  encore  uni  à une  portion  de  ce  principe,. 
& conféquemment  dans  l’état  de  gaz  acide  fuL 
fureux.  L’acide  fulfurique  faturé  des  oxides  mé- 
talliques dans  l’une  & l’autre  de  ces  circonf- 
tances  forme  des  fulfates  appellés  autrefois  vi- 
triols , qui  doivent  être  regardés,,  lorfqu’ils  font 
criftallifés,  comme  des  compofés  de  quatre  corps 
favoir  des  métaux,  d’oxigène  ,, d’acide,  fulfurique 
& d’eau.  Ces  fulfates  métalliques  font  plus  ou 
moins  colorés,  criftaIlifab!es,folubles  dans  l’eau,, 
décompofables  par  la  chaleur,  par  l’air  vital  dont 
ils  abforbent  l’oxigène , par  les  alcalis  qui  fépa» 
rent  les  oxides  métalliques  , Sec. 

L’acide  nitrique  paroît  agir  fur  les  métaux 
avec  plus  de  rapidité  que  l’acide  fulfurique,  quoi- 

C c iv 


/ 


4°S  É l É M E N S 

qu’il  y adhère  en  général  beaucoup  moins.  Il  fo 
dégage,  pendant. fon  aPion  fur  ces  fubftances  , 
line  grande  quantité  de  gaz  nitreux  ; le  métal  fe 
trouve  plus  ou  moins  oxidé  ; il  fe  précipite,  ou 
bien  il  rtfie  uni  à cet  acide.  Srahl  artribuoit  cet 
effet  au  dégagement  du  phlogiflique  des  métaux. 
Les  chimifles  modernes  penfent  aujourd’nui 
qu’il  c-fl  dit  à la  clécompofuion  de  l’acide  nit ri— 
' que  & à la  féparation  d’une  partie  de  i’oxigène 
d’avec  l’azote,  qui  forment,  comme  nous  l’a- 
vons expofé  ailleurs,  les  deux  principes  de  cet 
acide.  Les  difiolutions  métalliques  nitriques,  ou 
les  nitrates  métalliques,  font  plus  ou  moins  crif- 
îallifables , dccompofables  par  la  chaleur , par 
l’air,  par  l’eau;  les  matières  alca’ines  en  fépa- 
rent  les  oxides  des  métaux  ; l’acide  nitrique  a 
des  attrapions  élcPives  variées  pour  les  différens 
métaux  , comme  l’acide  fulfurique.  M.  Prouft  a 
découvert  que  p udeurs  fubflances  métalliques 
s’enflamment  par  le  contaP  de  cet  acide. 

L’acide  muriatique  agit  en  général  avec  peu 
d’énergie  fur  les  métaux.  L'eau  qui  lui  eft  unie 
commence  par  les  oxder  , & produit  le  gaz 
hydrogène  qui  fe  dégage  des  difiolutions  opé- 
rées par  cet  acide.  Ces  difiolutions  muriatiques 
font  en  général  plus  permanentes  que  les  deux 
précédentes , & prefque  toujours  plus  difficiles 


\ 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.4  409 

à décompofer  par  la  chaleur.  Quelquefois  elles 
fourni ffent  des  criffaux,  louvent  elles  n’en  don- 
nent que  très-difficilement.  L’acide  muriatique  a 
plus  d’affinité  que  les  deux  précédens  avec  plu- 
lieurs  fubffances  métalliques,  &L  décompofe  leurs 
diffoîutions fulfuriques  & nitriques.  Les  muriates 
métalliques  ont  fouvent  de  la  volatilité. 

L’acide  muriatique  oxigéné  oxide  la  plupart 
des  métaux  avec  beaucoup  d’énergie  , en  raifort 
de  l’excès  d’oxlgène  qu’il  contient  & qui  lui  eft 
peu  adhérent.  Il  les  diffout  fans  effcrvefcence  S Z 
de  la  même  manière  que  l’eau  diffout  les  fels. 

L’acide  carbonique  attaque  foiblement  les  mé- 
taux ; cependant  il  efl  fufceptible  de  fe  combi- 
ner à la  p'upart,  comme  l’a  démontré  Bergman. 
La  nature  préfente  fouvent  des  combinauons  de 
métaux  avec  cet  acide,  &:  quelquefois  ces  ef- 
pèces  de  fe’s  font  crifta.lifées  ; on  les  conncit 
fous  le  nom  de  n létaux  fpathiques  , comme  le 
fer , le  plomb  fpathiques  ; mais  nous  les  défi- 
gnerons  comme  les’  autres  fe’s  formés  par  cet 
acide  , par  les  noms  de  carbonates  de  ffir,  de 
plomb  , & c. 

L’acide  fluorique  l’acide  boracique  s’unif- 
fent  également  aux  matières  métalliques  ; mais 
ces  compofés  font  en  général  peu  connus. 

Parmi  toutes  les  combinaifons  des  métaux 


410  É L É M E N S 

avec  les  acides , les  unes  font  fufceptibles  de 
criflallifer , d’autres  ne  prennent  aucune  forme 
régulière.  Il  en  eft  que  le  feu  décompofe , & 
quelques-unes  n’éprouvent  aucune  altération  de 
la  part  de  cet  agent.  La  plupart  s’altèrent  à l’air 
dont  elles  abforbent  l’oxigène.  Toutes  font  plus 
eu  moins  folubles  dans  l’eau , & peuvent  être 
décompofées  par  ce  fluide  en  grande  quantité , 
ainfi  que  l’a  fait  remarquer  Macquer  ; toutes 
font  précipitées  par  l’alumine  s la  baryte , la  ma- 
gnéfîe , la  chaux  & les  alcalis , qui  ont  en  gé- 
néral plus  d’affinité  avec  les  acides,  que  n’en  ont 
les  oxides  métalliques. 

Lorfque  quelques  métaux  font  employés  pour 
féparer  d’autres  métaux  de  leurs  diffolutions  , 
les  métaux  précipités  reparoiffent  avec  leur  forme 
& leur  brillant  métallique  , parce  que  l’oxigène 
qui  leur  étoit  uni  dans  l’état  de  difTolution  s’en 
fépare  & fe  reporte  fur  le  métal  précipitant 
qui  fe  diffout  à fon  tour  dans  l’acide;  c’eft:  pour 
cela  que  M.  Lavoifier  regarde  avec  raifon  ces 
précipitations  des  métaux  les  uns  par  les  au- 
tres, comme  le  produit  des  attrapions  élec- 
tives diverfes  de  l’oxigène  pour  ces  corps  com- 
buftibles. 

Les  feîs  neutres  ne  font  que  peu  altérés  par 
les  matières  métalliques,  tant  que  l’on  opère 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  411 
par  la  voie  humide  ; mais  (1  l’on  chauffe  forte- 
ment des  mélanges  de  ces  tels  avec  les  métaux, 
plusieurs  d’entr’eux  font  decompofés.  Quelques 
fels  fulfuriques  forment  alors  du  foufre.  M.  Mon- 
net eft  le  feul  chimifte  qui  ait  annoncé  cette 
décompofition  pour  l’antimoine.  Dans  un  tra- 
vail fuivi  fur  cet  objet , j’ai  découvert  plufieurs 
autres  métaux,  tels  que  le  fer,  le  zinc,  6cc.  qui 
décompofent  le  fulfate  de  potaffe,  &c. 

Le  nitre  détone  avec  la  plupart  des  fubftances 
métalliques  , & il  les  oxide  plus  ou  moins  for- 
tement} ce  phénomène  dépend  de  ce  que  l’oxi- 
gène  a plus  d’affinité  avec  plufieurs  de  ces  fubf* 
tances  qu’il  n’en  a avec  l’azote.  Les  métaux , 
oxidés  par  ce  fel , portent  le  nom  d 'oxides  mé- 
talliques par  le  nitre.  La  bafe  alcaline  de  ce  fel 
aiffout  fouvent  une  partie  de  ces  oxides. 

Le  muriate  ammoniacal  eft  décompofé  par 
plufieurs  métaux  , & par  les  oxides  de  prefque 
toutes  ces  fubftances.  ilucquet,  qui  a fait  des  re- 
cherches fuivies  fur  cet  objet,  a remarqué  que 
toutes  les  fubftances  métalliques  fur  lesquelles 
l’acide  muriatique  a une  aflion  immédiate  , font 
fufceptibles  dedécompcfer  complètement  le  mu- 
riate ammoniacal,  qu’il  fe  dégage  du  gaz  hydro- 
gène pendant  ces  decompcfuicns  , Ôc  qu’elles 
n’ont  point  également  lieu  avec  celles  de  ces 


ifl*  É L E M E N s 

fubftances  qui  ne  font  point  diffolubles  par  Fa- 
ci  de  muriatique  ordinaire.  L’ammoniaque,  ob- 
tenue par  ees  décompofitions , efl  toujours  tiès- 
cauftique  & trèî-pure. 

Prefque  toutes  les  matières  combuftibles  mi- 
nérales s’unifient  facilement  avec  les  métaux.  Le 
gaz  hydrogène  les  colore,  & il  réduit  quelques- 
uns  de  leurs  oxides,  parce  qu’il  a plus  d’affinité 
avec  l’oxigène  que  n’en  ont  la  plupart  des  mé- 
taux, comme  l’a  prouvé  M.  Prieftley  p3r  des 
expériences  fort  ingénieufes.  Ces  rédu&ions  des 
oxides  métalliques  par  le  gaz  hydrogène  , font 
accompagnées  de  la  produ&ion  d’une  certaine 
quantité  d’eau,  par  la  combinaifon  de  l’hydro- 
gène avec  l’oxigè  îe  dégagé  des  métaux. 

Le  foufre  s’unit  à la  plupart  des  métaux  ; ces 
combinaifons  forment  des  efpèces  de  mines  ar- 
tificielles ; lorfqu’clles  font  humc&ées  ou  expo- 
fées  à i’air  humide,  elles  fe  vhriolifent  ou  fe  chan- 
gent peu  à peu  en  fulfates  métalliques.  Les  Cul  - 
fures  alcalins  diffiolvent  tous  les  métaux.  Le  gaz 
hydrogène  fulfuré  les  colore  & dceompofe  leurs 
oxides,  qu’il  fait  repaffier  à l’état  métallique  en 
abforbant  l’oxigène  qui  leur  eft  uni. 

Les  métaux  fe  combinent  plus  ou  moins  faci- 
lement entr’eux  ; il  en  réfnlte  des  alliages  dont 
les  propriétés  diverfes  les  rendent  fufceptibles 
d’èire  employés  avec  fuccès  dans  ditFérens  arts. 


d’Hist  Nàt.  et  de  Chimie;  415 

VI.  Difîinciion  méthodique  des  fubjlances 
métalliques. 

Les  fubftances  métalliques  étant  en  affez  grand 
nombre,  il  eft  nécefiaire  d’établir  entr’elles  un 
(ordre  qui  réunifie  celles  dont  les  propriétés  font 
ifemblables , & fépare  celles  qui  diffèrent  les 
lunes  des  autres.  La  du&iüté  fervoit  autrefois 
ffeule  de  cara&ère.  Les  fubflances  métalliques, qui 
m’en  ont  point'  du  tout,  ou  au  moins  dans  lef- 
qjuelles  cette  propriété  efi:  très  -bornée , ont  été 
aappellées  demi-métaux.  Celles , au  contraire  , qui 
font  très-duétiles  , ont  été  nommées  métaux.  Les 
ddemi-métaux  étoient  ou  très-caflans  , ou  fuf-i 
cceptibles  de  s’étendre  légèrement  fous  le  marteau; 
parmi  les  métaux,  les  uns,  chauffes  avec  le  con- 
(cours  de  l’air  , s’oxident  facilement  ; d’autres,  au 

I contraire , traités  de  même  , n’éprouvent  aucune 
(altération.  Les  premiers  étoient  les  métaux  impar- 
I faits  ; les  féconds,  les  métaux  parfaits.  Mais  les 
moins  de  demi-métaux  & de  métaux  imparfaits 
1 ttenant  mamiefiement  à des  idées  alchimiques  ë>C 
\ fraudes  tur  ces  fubltances  , nous  croyons  devoir 
fubftituer  d’autres  divifions  , fondées  fur  la  duc- 
£ titilité&  furl’attraôion  des  métaux  pour  l’oxigène; 

< mous  partageons  les  17  métaux  connus  en  5 fec- 
1 liions  : nous  n’y  rangeons  point  encore  l’uranite  9 
mi  quelques  autres  matières  métalliques  annon- 

, 


I 


41.4  É L E M E N S. 

cées  nouvellement  & dont  la  découverte  n’eft 
pas  confirmée. 


Section  ï. 

Métaux  caffans  6*  acidi- 
fiables. 


Section  III. 

Métaux  demi  - duBiles  & 
oxidables 


L’arfenic, 

Le  tungfiène , 

Le  molybdène. 

Section  II. 

Métaux  cajfans  & non  ad 
difiables. 

Le  cobalt , 

Le  bifmuth, 

Le  nickel , 

Le  manganèfe  , 
L’antimoine. 


Le  zinc , 

Le  mercure. 
Section  IV. 

Métaux  duBiles  & facile- 
ment oxidables . 

LJ  t • 

etam , 

Le  plomb. 

Le  fer , 

Le  cuivre. 

Section  V.* 

Métaux  très-duBiles  & dif- 
ficilement oxidables. 

L’argent , 

L’or, 

Le  platine. 


f 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  415 


CHAPITRE  VL 

De  l1  Arsenic  et  de  l'  a ci  d e 

A R S E N I QUE  (i). 

L’arsenic  doit  être  placé  au  premier  rang  des 
demi-métaux  , parce  qu’il  a beaucoup  de  rapport 
avec  les  fels.  Kunkel  le  regardoit  comme  une 
eau  forte  coagulée.  Beccher  & Stahl  l’ont  confl- 
déré  comme  une  matière  faline.  Schéele  a prouvé 
qu’il  efl  fufeeptible  de  former  un  acide  particu- 
lier. D’un  autre  côté,  Brandt  & Macquer  ont 
démontré  que  cette  fubflance  étoit  un  vrai  demi- 
métal.  L’arfenic  , pourvu  de  toutes  fes  proprié- 
tés, a en  effet  les  caraéfères  des  matières  métal- 
liques; il  efl:  parfaitement  opaque,  il  a la  pefan- 
teur  & le  brillant  propres  à ces  fubftances. 

L’arfenic  fe  trouve  fouvent  natif  ; il  efl  en 
mafles  noires  peu  brillantes,  très-pefantes;  quel- 
quefois il  a l’éclat  métallique , & réfléchit  les 
couleurs  de  l’iris.  Dans  fa  caffure,  il  paroît  plus 

(t)  Nous  donnons  le  nom  d 'arjenic  à la  matière  demi- 
métallique,  connue  ordinairement  fous  celui-ci  de  rende 
d’arfenic.  Cette  dernière  dénomination  efl  impropre,  & 
Il  «doit  être  abandonnée.  Ce  qu’on  appelle  arfenic  blanc  efl 
JJ  1 l’oxide  de  ce  demi-métal. 


i6  Êlémens 

brillant,  & femble  cc i pofé  d’un  grand  nombre 
de  petites  écailles  ; lorfque  ces  écailles  font  fen- 
fibles  à l’extérieur  des  échantillons,  on  les  nomme 
alors  arfenic  tejlacé , ou  improprement  cobalt  tef- 
tacé,  parce  qu’autrefois,  comme  on  ne  connoif- 
foit  point  le  cara&ère  met,  lliqne  de  Farfenic , 
& qu’on  retiroir  des  mines  de  cobalt  une  grande 
quantité  d’oxide  d’arfenic,  en  avoit  regardé  Far- 
fenic  tedacé  comme  une  mine  de  cobalt.  L’ar- 
fenic vierge  ed  très-aifé  à reconncître  lorfqu’il 
a l’éclat  métallique,  qu’il  ed  en  : etites écailles; 
mais  lorfqu’il  ed  noir,  & que  dans  fa  frafture  il 
parrît  compofé  de  grains  dns  & très-ferrés,  on 
ne  peut  le  didinguer  que  par  fa  pefanteur  qui 
ed  très-confidérable , & parce  que  fi  on  l’expefe 
fur  des  charbons  ardens , il  fe  diflipe  r entier 
fous  la  forme  de  fumées  blanches,  qui  ont  une 
forte  odeur  d’ail.  Ce  dernier  métal  fe  trouve 
abondamment  à Saime-Marie-aux- Mines.  Il  ed 
mêlé  avec  la  mine  d’argent  grife  ; on  en  rencon- 
tre anfîi  parmi  les  mines  de  cobalt  en  S.;xe  , 5c 
à Andrarum  en  Scanie. 

La  nature  cdïe  quelquefois  l’arfen’c  en  oxide 
blanc,  ayant  même  Fafpeft  vitreux,  mais  le 
plus  feuvent  fous  la  forme  de  poudière  fuper- 
fïcielle,ou  mêlée  à quslqms  terres.  Cet  oxide 
exide  auffi  à Sainte-Marie-aux-Mines  ; on  le  re- 
connaît 


J 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  417 
connoît  par  les  fumées  blanches  & l’odeur  d’ail 
qu’il  exhale  lorfqu’on  en  jette  au  feu. 

L’oxide  d’arfenic  eft  fouvent  uni  avec  le  foufre  ; 
il  forme  alors  l 'orpiment  &:  le  rêaLgar, ou  les  oxides 
d’arfenic  fulfurés  jaune  & rouge.  U orpiment  natif 
eft  en  maffes  plus  ou  moins  groftfes , jaunes, 
brillantes  & comme  talqueufes  ; il  y en  a de  plus 
ou  moins  brillant  ; fouvent  il  eft  mêlé  de  ré  ai - 
gar ; quelquefois  il  tire  fur  le  verd.  Le  réalgar 
eft  d’un  rouge  plus  ou  moins  vif  & tranfparent, 
&:  fouvent  criftallifé  en  aiguilles  biillantes.  On 
en  trouve  beaucoup  à Quitto  & fur  le  Véfuve  ; 
ces  deux  matières  ne  paroiffent  différer  que  par 
le  plus  ou  moins  grand  degré  de  feu  qui  les  a 
combinées. 

Le  mifpikel , ou  pyrite  arfénicale  , eft  la  der- 
nière mine  d’arfenic.  C?  métal  s’y  trouve  com- 
biné au  fer;  quelquefois  le  mifpikel  eft  crif- 
tallifé en  prifmes  droits  quadrangulaires,  fou- 
vent il  n’a  point  de  forme  régulière.  Cette  mine 
c-ft  de  couleur  blanche- & chatoyante  ; Wallérius 
la  nomme  mine  d’arfenic  blanche  cubique. 

O11  trouve  encore  l’arfenic  dans  les  mines  de 
cobalt,  d'antimoine,  d’étain,  de  fer,  de  cuivre 
& d’argent. 

L’arfenic  pur,  nommé  aufti  régule  cParfenlc , eft 
d’une  couleur  grife  noirâtre,  réfléchiffant  les  cou- 
leurs de  l’iris;  il  eft  très-pefant  $£  très- friable. 

Tome  IL  D d 


/ 


4 18  Ê L É M E N S 

Expofé  au  feu  dans  des  vaifleaux  fermés,  iî 
fe  fublime  fans  éprouver  de  décompofition  c’eft: 
même  une  des  matières  métalliques  les  plus  vo- 
latiles. Il  eft  fufceptible  de  criftallifer  en  té- 
traèdres réguliers  , lorfqu’on  le  fublime  lente- 
ment. L’arlenic  chauffé  avec  le  contaét  de  l’air , 
s’cxide  très-promptement , & fe  difîîpe  fous  la 
forme  de  fumées  blanches , qui  répandent  une 
odeur  d’ail  très-forte. Lorfque  l’arfenic  eft  rouge, 
il  brûle  avec  une  flamme  bleuâtre.  Dans  cette 
combuftion,  il  fe  combine  avec  l’oxigène  de 
l’air  vital , forme  un  compofé  connu  fous  les 
noms  à’arfenic  blanc  , de  chaux  àlarfenic , & que 
nous  nommons  oxide  d’arfenic  : c’eft  en  raifon 
de  ce  phénomène  , que  les  mines  de  cobalt  ar- 
fenicales  fournifltnt  dans  les  fourneaux  ou  on 
les  traite  une  grande  quantité  de  fumées  blan- 
ches qui  fe  condenfent  dans  les  cheminées  fous 
la  forme  d’une  matière  blanche  , pefante  , vitri- 
fiée, dépofée  couches  par  couches  , que  l’on  dé- 
bite fous  le  nom  très-impropre  d’arfenic.  C’eft: 
un  vrai  oxide  d’arfenic  vitreux. 

L’oxide  d’arfenic  diffère  effentiellement  de 
tous  les  autres  oxides  métalliques  ; il  a une  fa- 
veur très -forte,  & même  cauftique  ; c’eft  un 
poifon  violent.  Si  on  l’expofe  au  feu  dans  des 
vaifleaux  fermés  , il  fe  volatilile  à une  chaleur 
médiocre,  en  une  poudre  blanche,  criftalline  3 


r 


b’HisT.  Nat.  et  de  Chimie.  419 
nommée  fleurs  d’arfenic  ; fi  la  chaleur  eft  un  peù 
plus  forte , il  fe  vitrifie  en  fe  fivblimant , il  ert 
réfulte  un  verre  très-tranfparent,  fufeeptible'dé 
fe  criftallifer  en  tétraèdres  , dont  les  angles  font 
tronqués.  Ce  verre  fe  ternit  facilement  à l’airt 
Aucun  oxide  métallique  n’eft  vraiment  Volatil 
par  lui  - même  , & celui  d’arfenic  prélente  feul 
cette  propriété.  Il  eft  en  même  tems  très-fufiblé 
& très-vitrifiable.  Beccher  attribuoit  la  pefanîeur 
& la  volatilité  de  l’arfenic  à un  principe  particu- 
lier, qu’il  nommoit  terre  mercurielle  ou  arfenicàle  $ 
ôc  dont  Siahl  n’a  pas  pu  démontrer  l’exiitence. 

L’arfenic,  dans  l’état  métallique,  n’agit  pas 
d’une  manière  fenfible  fur  les  corps  combufti- 
bles  ; mais  l’oxide  d’arfenic  les  altère  fenfible®. 
ment,  & reprend  l’éclat  métalliaue.  Stahl  penfé 
que  dans  ce  cas  le  phlogiftique  que  l’arfenic  a 
perdu  dans  la  calcination  lui  eft  rendu  par  le  corps 
combuftible.  Les  modernes  ont  prouvé,  au  con- 
traire, que  l’oxide  d’arfenic  eft  un  compofé  d’ar« 
fenic  & d’oxigène,  & que  le  corps  combuftible, 
en  enlevant  ce  dernier  avec  lequel  il  a plus 
d’affinité  que  l’arfenic  ,fait  paffer  celui-ci  à l’état 
métallique.  Pour  réuffir  à réduire  l’oxide  d’arfe- 
nic, on  fait  une  pâte  avec  cet  oxide  en  poudré 
du  favon  noir  ; on  met  cette  pâte  dans  uri 
matras , fur  un  bain  de  fable  ; on  chauffe  d’abord 

Ddij 

. 

m. 

■ 


410  É L É M E N S 

faiblement  pour  defiecher  l’huile  ; Icrfqu’il  ne 
s’exhale  plus  de  vapeurs  humides,  on  augmente 
le  feu  pour  faire  fublimêr  l’arfenic.  On  cafle  le 
inatras,&  on  trouve  à fa  partie  fupérieure  un 
pain  , ayant  l’afpeft  oi  le  .brillant  métallique  de 
l’arfenic  ; la  plus  grande  partie  du  charbon  de 
l’huile  relie  au  fond  du  matras, 

L’arfenic  , expofé  à l’air , y noircit  fenfible- 
jnent;  l’oxide  d’arfenic  vitrifié  perd  fa  tranfpa- 
rence , & devient  laiteux,  en  éprouvant  une  forte 
d’cffiorefcence. 

L’arfenic  ne  paroît  point  être  attaqué  par 
l’eau;  mais  fon  oxide  fe  diflout  trè  -bien  dans 
ce  rnenftrue,  en  quantité  un  peu  plus  grande  à 
chaud  qu’à  froid  ; au  refie  , la  diflolubilité  de 
cette  fubftance  varie  fuivant  qu’elle  a été  plus 
ou  moins  parfaitement  oxidée.  L’oxide  d’arfenic 
fournit,  par  l’évaporation  lente  de  fa  diffolu- 
tion,  descriflaux  jaunâtres  en  tétraèdres  plus  ou 
moins  réguliers  ; on  ne  connoît  aucun  oxide  mé- 
tallique qui  fe  difîolve  dans  l’eau  en  auffi  grande 
quantité;  cette  propriété,  jointe  à fa  faveur  ex- 
trême, le  rapproche  des  matières  falines. 

L’oxide  d’arfenic  s’unit  allez  bien  aux  rerres 
par  la  fufion  ; il  fe  fixe  avec  elles , &:  en  accélère 
la  vitrification  ; mais  tous  les  verres  dans  lefquels 
il  entre  ont  l’inconvénient  de  fe  ternir  à l’air  en 


D'Hi5T.  Nat.  et  de  Chimie.  419 
-peu  de  temps.  On  ne  connoît  pis  l’-aâion  des 
matières  fàlino-terreufes  fur  l’arienic  , ni  fur  f on 
oxide.  Les  alcalis  fixes  caufiiques,qui  n’ont  point 
une  action  fenfible  fur  l’arfenic,  difîblvent  très- 
bien  l’oxide  de  ce  demi- métal.  Maequer , dans 
fon  beau  travail  fur  cette  matière  {Acad.  1746)  » 
a obfèrvé  qu’en  faifant  bouil  ir  de  l’oxide  d’ar- 
fenic  en  poudre  dans  la  liqueur  de  nitre  fixé  , 
ou  di Ablution  de  potaffe  çauftique  , cette  fubf- 
tarc;  s’y  diffout  complètement , ôc  forme  un 
fluide  brun,  gélatineux,  dont  la  conf, fiance  aug- 
mente peu-à-peu.  Ce  compofé,  auquel  il  a donné 
le  nom  d q feic  d\irfcnic , ne  criftallife  point;  il 
devient  dur  &C  caffant  ; il  cft  déliquefcent , dif- 
foluble  dans  l’eau,  qui  en  précipite  quelques 
flocons  bruns.  Pouffé  au  grand  ftu,  le  fçie  dtar- 
Jenic  laiffe  échapper  cette  dernière  fubffance.  Il 
cft  décompofé  par  les  acides.  La  fonde  préfente 
les  mêmes  phénomènes  ; mais  fa  diffolution  a 
donné  à Maequer  des  criffaux  irréguliers  dont 
il  lui  a été  impoffible  de  déterminer  la  forme. 

L’acide  fulfurique,  même  concentré,  n’attaque 
pasl’arfenic  à froid;  mais  fi  en  le  fait  bouillir 
avec  ce  demi -métal  dans  une  cornue,  l’acide 
donne  d’abord  beaucoup  de  gaz  fulfureux  ; er - 
fuite  il  fè  fublime  un  peu  de  foufre  , & l’arfenic 
fe  trouve  réduit  en  oxide,  mais  fans  être  difTous* 

D d ii  j 


Ê L É M E N S 

L’acide  fulfiirique  concentré  & bonifiant  diffouî 
suffi  l’oxide  d’arfenic  ; mais  lorfque  la  diffolu** 
îion  eft  refroidie , cet  oxide  fe  précipite , &C 
l’acide  ne  paroît  plus  en  retenir.  Il  acquiert  dans 
çette  combinaifon  une  fixité  afifez  confidérable» 
Bucquet  affiire  qu’en  le  leffivant  pour  emporter 
la  portion  d’acide  qu’il  peut  retenir,  il  reprend1 
toutes  fes  qua.'ités. 

L’acide  nitrique,  appliqué  à Tarfenic,  l’attaque, 
avec  vivacité  & l’oxide  ; cet  acide  diffout  auffi 
l’oxide  d’arfenic  en  affi z grande  quantité,  lorf- 
qu’il  efi  aidé  d’une  douce  chaleur.  Saturé  de  l’une 
ou  de  l’autre  de  ces  fubffances  , il  conferve  l’o- 
deur qui  lui  efi:  propre  ; évaporé  fortement , il 
forme  un  fel  qui  n’a  point  de  forme  régulière  5, 
fuivant  Bucquet , & que  M.  Baumé  dit  être  en 
partie  cubique,  & en  partie  taillé  en  pointes  de 
diamans.  Wallérius  dit  que  fes  criflaux  font  fem- 
b, labiés  à ceux  du  nitrate  d’argent.  Le  nitrate  d’ar- 
fenic attire  puiffamment  l’humidité  de  l’air  ; il 
ne  détone  pas  fur  les  charbons  ; il  n’efl:  décom- 
pofé  ni  par  l’eau,  ni  par  les  acides;  les  alcalis  n’y 
occafionnent  aucun  précipité  : cependant  ils  le. 
décompofent,  fuivant  Bucquet,  puifqu’en  faifant 
évaporer  une  diffolytion  nitrique  d’arfenic,  à la- 
quelle on  a ajouté  une  leffive  alcaline,  on  obtient 
nitrate  ordinaire  & de  l’arfeniate  de  pot  allé» 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  4*5 
Nous  verrons  plus  bas  que  tous  les  chimiftes  , 
très- embar rafles  fur  la  nature  fingulière  des  dif- 
folurions  de  l’arfenic  & de  fon  oxide  dans  les 
acides , n’avoient  point  découvert  ce  qui  pafTe 
dans  la  combinaifon  de  cet  oxide  avec  l’acide  ni- 
trique , & n’avoient  même  pas  foupçonné  h pro- 
dudion  de  l’acide  arfenique.  Remarquons  feule- 
ment ici  que  l’oxide  d’arfenic  enlève  à l’acidç 
nitrique  une  grande  partie  de  fon  oxigène. 

L’acide  muriatique  3 aidé  de  l’adion  du  feu  , 
diffout  l’arfenic  & fon  oxide,  fuivant . Bucquet. 
Cette  combinaifon  peut  être  précipitée  par  les 
alcalis  fixes  & volatil.  M.  Baume  dit  que  ce  mé- 
tal fe  diffout  dans  l’acide  muriatique  bouillant , 
& qu’il  s’en  précipite  enfuite  une  poudre  jaune 
comme  du  foufre.  MM.  Bayen  & Charlard 
ont  conflaté  que  l’acide  muriatique  n’a  aucune 
adion  à froid  fur  l’arfenic.  Ge  métal  en  poudre 
jette  dans  le  gaz  acide  muriatique  oxigéné , y 
brûle  avec  une  flamme  blanche. 

On  ne  connoît  pas  i’adion  des  autres  acides 
fur  l’arfenic  & fur  l’oxide  de  ce  demi-métal.  L’ar- 
fenic mêlé  avec  le  nitre , & projette  dans  un  creu- 
fet  rougi  au  feu,  produit  une  détonation  vive 
l’acide  nitrique  calcine , bride  le  demi  métal  : on 
trouve  dans  le  creufet,  après  l’opération,  l’alcali 
fixe  qui  fervoit  de  bafe  au  nitre  , & l’ai  fenic  ré- 

Ddiy 


M • 


ijlji  £ L É M E N 5 

d ait  en  oxide  combiné  en  partie  avec  l’alcali  fixe. 

Si  on  mêle  partie  égale  d’oxide  d’arfenic  & 
de  nitre,  & qu’on  mette  ce  mélange  en  diftilla- 
tion  dans  une  cornue  de  verre,  on  obtient  un  ef- 
prit  de  nitre  en  vapeurs  très-rouges.  Cet  acide 
ne  peut  fe  condenfer  qu’autant  qu’on  met  un 
peu  d’eau  dans  le  ballon , ce  qui  lui  donne  une 
couleur  bleue.  Beccher , Stahl  & Kunckel  ont 
décrit  cette  operation.  Macquer,  qui  l’a  répétée 
avec  foin,  ayant  examiné  le  réfidu  dont  ces  chi- 
miftes  n’avoient  pas  parlé,  a découvert  que  c’é- 
toit  un  fel  neutre  particulier  auquel  il  a donné 
le  nom  de  fel  neutre  arfenlcal;  il  doit  être  nommé 
arfeniate  de  potafl'e.  Ce  fel,  diffous  dans  l’eau  ôc 
évaporé  à l’air , donne  des  criftaux  très-réguliers 
en  prifmes  tétraèdres,  terminés  par  des  pyra- 
mides à quatre  faces  égales;  quelquefois  la  forme 
de  ces  criflaux  varie. 

L’arfeniate  de  potafle  expofé  au  feu  fe  fond 
facilement , refte  en  fonte  tranquille  fans  s’al- 
califer  , & fans  qu’il  fe  volatilife  aucune  portion 
d’arfenic  ; il  n’éprouve  pas  d’altération  fenfible  à 
l’air.  Il  e ft  beaucoup  plus  diffoluble  dans  l’eau  que 
l’oxide  d’arfenic  pur,  & il  fe  diffout  en  plus  grande 
quantité  dans  l’eau  chaude  que  dans  l’eau  froide. 

Il  ne  peut  être  décompofé  par  aucun  acide 
pur,  mais  i!  l’elï  par  la  voie  des  affinités  doubles. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  425 
Si  on  mêle  à la  diffolution  de  ce  fel  un  peu  de 
diffolution  de  Sulfate  de  fer  ou  vitriol  maniai , il 
le  fait  une  double  décompofition  & une  double 
combinaifon  ; l’acide  fulfurique  quitte  le  fer  pour, 
s’unir  à la  potaffe , & l’acide  arfenique  , féparé 
de  l’alcali,  fe  combine  avec  l’oxide  du  fer.  Les 
matières  combustibles  décompofent  très  - bien 
l’arfeniate  de  potaffe. 

L’oxide  d’arfenic  décotnpofe  aufîi  le  nitrate  de 
fonde,  à l’aide  de  la  difbl'ation , & forme  avec 
fa  bafe  de  l’arfeniate  de  foude  qui,  Suivant  Mac- 
quer,  diffère  peu  du  premier  fel  à bafe  de  po- 
Jaffe  , & qui  criffallife  abfolument  de  la  même 
manière.  Cet  oxide  agit  de  même  fur  le  nitrate 
ammoniacal  ; uni  avec  fa  bafe  , il  conffitue  un 
arfeniate  ammoniacal.  On  avoit  cru  que  cette 
opération  demandoit  beaucoup  de  précautions  à 
caufe  de  la  propriété  qu’a  le  nitrate  ammoniacal 
de  détoner  fans  addition  dans  les  vaiffeaux  clos  : 
mais  M.  Pelletier  a prouvé  qu’on  pou  voit  la 
faire  fans  aucun  danger,  même  à la  dofe  de  plu- 
sieurs livres.  La  découverte  du  fel  neutre  arfeni- 
cal  de  Macquer  a mis  fur  la  voie  de  celle  de 
l’acide  arfenique  , puifque  cet  illuffre  chimiffe 
avoit  vu  & annoncé  que  l’oxide  d’arfenic  fai- 
Soit  fonêbon  d’acide  dans  ce  fel.  Mais  c’eff  à 
Schéele,  comme  nous  le  dirons  plus  b:<s,  que  l’on 


/ 


426  É L É M E N S 

doit  véritablement  la  connoiffance  exa&e  de  ces 

nouvelles  combirraifons. 

L’oxide  cl’arfenic  ne  décompofe  pas  les  mu- 
riates  alcalins.  Il  ne  Jfépare  que  difficilement 
ainfi  que  l’arfenic  lui  - même,  l’ammoniaque  du 
muriate  ammoniacal. 

On  n’a  point  examiné  l’aélion  des  matières 
combuftibles  minérales  fur  l’arfenic.  L’oxide  de 
ce  demi-métal  parcît  être  fufceptible  de  fe  ré- 
duire par  le  gaz  hydrogène  , qui  a plus  d’affinité 
que  l’arfenic  avec  l’oxigène  , ou  la  bafe  de  l’air 
vital. 

L’oxide  d’arfenic  fe  combine  très  bien  avec  le 
foufre.  Lorfqu’on  fait  fondre  ces  deux  fubflances, 
il  en  réfulte  un  corps  jaune  ou  rouge  , volatil , 
qui  a une  faveur  moins  forte  que  l’oxide  d’arfe- 
n‘c  pur  & qui  n’eft  plus  foluble  dans  l’eau.  Cet 
oxide  d’arfenic  fulfuré  jaune  a été  nommé  orpin 
ou  o' piment  factice  ; il  eft  fufceptible  de  criftalli- 
fer  en  tétraèdres  , comme  l’oxide  d’arfenic  vi- 
treux; lorfqu’il  eff  rouge  on  l’appelle  réalgal , rèal- 
gar  y ri  f gai  factice  ou  arjenic  rouge.  Nous  nom- 
mons ce  ccmpofé  oxide  d’arfenic  fulfuré  rouge. 
Quelques  chimiftes  ont  cru  qu’il  ne  différoit  du 
jaune  ou  de  l’orpiment  qu’en  ce  qu’il  contenoit 
plus  de  foufre;  mais  Bucquet  a démontré  que  le 
çompofé  de  foufre  & d’oxide  d’atfenic  efl  rouge 


c 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  417 
lorfqu’il  a été  fondu , puifqu’il  fuffit  d’expofer  de 
l’orpiment  à une  chaleur  vive  pour  le  faire  palier 
à l’état  de  réalgar.  Je  me  fuis  convaincu  que  le 
réalgar  efl  beaucoup  moins  volatil  que  l’orpi- 
ment, puifqu’il  refte  au  fond  des  matras  où  l’on 
a fublimé  le  mélange  d’oxide  d’arfeniç  & de  fou- 
fre,  des  lames  rouges  bourfoufflées , & qui  ont 
été  manifeflement  fondues.  L’orpiment  & le  réaf- 
gar  artificiels  ne  diffèrent  point  des  naturels.  On 
les  décompofe  par  la  chaux  & les  alcalis , qui  ont 
plus  d’affinité  avec  le  foufre  que  n’en  a l’oxide 
d’arfenic.  Cependant  cet  oxide  a,  comme  les 
acides , la  propriété  de  décompofer  les  fulfures 
alcalins. 

Toutes  les  propriétés  de  l’oxide  d’arfenic 
annoncent  que  cette  matière  métallique  & 
combufhble,  unie  à la  bafe  de  l’air  vital , a pris 
les  cara&ères  d’une  fubflance  faline»  La  théorie 
que  nous  avons  expofée  en  traitant  des  fels  en 
général,  fe  trouve  donc  confirmée  par  ces  expé- 
riences. Macquer,  par  fes  belles  découvertes  fur 
l’arfeniate  de  potafie, avoir  déjà  cbfervé,  comme 
je  l’ai  dit,  que  l’oxide  d’arfenic  faifoit  fon&ion 
d’acide  dans  ce  fel.  Mais  il  étoit  difficile  de  con- 
cevoir pourquoi  cet  oxide  diffous  immédiate- 
ment dans  la  potaffe,  diffère  tant  de  la  même, 
çombinaifon  faite  par  la  décompofirion  du  nitre 


4 18  Elemens, 

à l’aide  du  même  oxide.  Schéele,  conduit  par  lâ 
découverte  de  l’acide  muriatique  oxigéné,  a penfé 
qu’il  arrive  quelque  chofe  de  femblable  lorfqu’on 
didille  du  nitre  avec  l’oxide  d’arfenic.  11  croyolt 
que  l’acide  nitrique  s'emparoit  du  phlogiftique 
encore  exidant  dans  cet  oxide,  & qu’alors  ce 
dernier  paffoit  à l’état  d’un  acide  particulier,  que 
nous  nommons  acide  arfenique.  11  a préparé  l’a- 
cide par  des  procédés  analogues  à celui  par  le- 
quel il  a produit  l’acide  muriatique  oxigéné.  L’un 
de  ces  procédés  confide  à diftiller  un  mélange 
d’acide  muriatique  oxigéné  & d’oxide  d’arfenic. 
Suivant  lui , l’acide  muriatique  s’empare  du  phlo- 
gifiique  de  cet  oxide,  qui  pade  alors  à l’état  d’a- 
cide. On  rendit  audi  à préparer  l’acide  arfenique, 
en  diftillant  lur  fon  oxide  Ex  parties  d’acide  ni- 
trique. Ce  dernier  donne  beaucoup  de  gaz  ni- 
treux, & l’oxide  d’arfenic  prend  les  caraétères 
d’acide;  on  le  chauffe  affez  fortement  &:  affez 
long-temps  pour  dégager  tout  l’acide  nitreux  fura- 
bondant. 

Ce  qui  fe  pade  dans  ces  opérations  favorife 
beaucoup  la  do&rine  moderne.  En  effet,  d’un 
côté,  il  ed  difficile  d’accorder,  fuivant  la  théorie 
de  Stahl,  l’exifience  du  phlogiftique  dans  l’oxide 
d’arfenic,  &:  de  l’autre,  rien  n’eft  d facile  à con- 
cevoir, d’après  la  nouvelle  doctrine  , que  le  paf- 


d’I-Iist.  Nat.  et  de  Chimie.  419 
fage  de  cet  oxide  à l’état  d’acide , par  l’aélion  de 
l’efprit  de  nitre  ou  de  l’acide  muriatique  oxigéné. 
L’oxide  d’arfenic  paroît  avoir  une  grande  affinité 
avec  l’oxigène  dont  il  n’efl  pas  fa  tu  ré  ; lorfqu’on 
le  dirtille  avec  l’acide  nitrique  ou  avec  l’acide 
muriatique  oxigéné,  il  s’empare  de  l’oxigène  qui 
entre  comme  principe  dans  l’un  l’autre  de  ces 
acides.  Plus  il  contient  d’cxigène,  plus  il  fe  rap- 
proche  des  fubilances  falines , & lorfqu’il  en  eil 
entièrement  faturé,  il  prend  tous  les  caraélères 
des  acides,  qui , comme  nous  l’avons  démontré , 
ne  font  que  des  matières  combuilibles  combinées 
avec  l’oxigène , auquel  elles  doivent  toutes  leurs 
propriétés  falines.  On  conçoit  très-bien , d’après 
cette  théorie  , pourquoi  l’oxide  d’arfenic  non 
faturé  d’oxigène , & tel  qu’il  eil  par  la  ilmple 
oxidation  au  feu,  ne  forme  point  d’arfeniate  de 
potaffe  , & pourquoi  il  ne  peut  conflituer  ce  fel 
qu’après  avoir  été  préalablement  Traité  par  les 
acides  qu’il  déccmpofe,'  & auxquels  il  enlève 
l’oxigène  à l’aide  de  la  chaleur. 

L’acide  arfeniique  diffère  beaucoup  de  l’oxide 
d’arfenic  ordinaire.  Sa  faveur  eil  plus  forte.  Il  eil 
fixe  au  feu,  & l’on  fe  fert  de  ce  procédé  pour 
féparer  exactement  cet  acide  de  la  portion  d’oxide 
d’arfemc  qu’il  peut  contenir.  C’eiî  fans  doute  en 
paffant  à l’état  d’acide  que  i’oxide  d’arfenic  prend 


I 


43'1®  Ë l è m e N s 

de  la  fixité , lorfqu’on  l’unit  avec  l’acide  fuîfuri* 
que.  Cet  acide  efi  fufceptible  de  fe  fondre  en  un 
verre  tranfparent;  il  entraîne  dans  fa  fufion  les 
matières  terreufes  ; il  paroît  même  fufceptible  dé 
ronger  le  verre,  11  rougit  foiblement  les  couleurs 
bleues  végétales.  J’ai  obfervé  que  par  l’expofition 
à l’air,  il  perd  fa  tranfparence,  fe  délite  &:  s’é- 
caille en  fragmens  fouvent  pentagones  , & attire 
peu  à peu  l’humidité.  Il  fe  diffout  dans  deux  par- 
ties d'eau.  Il  fe  combine  facilement  avec  la  chaux  * 
plus  difficilement  avec  la  baryte  & la  magnéfie. 
Lorfqu'on  l’unit  avec  les  alcalis,  il  forme  des  fels 
neutres,  que  la  chaux  décompofe,  fuivant  Berg- 
man. La  baryte  &.  la  magnéfie  paroifi'ent  avoir 
auffi  p'us  d’affinité  avec  cet  acide  que  n’en  ont  les 
alcalis , d’après  le  même  chimifte.  Il  y a encore 
une  grande  quantité  d’expériences  à faire  pour 
connoître  toutes  les  propriétés  de  l’acide  arfeni- 
que,  M.  Pelletier  a préparé  cet  acide  en  décom- 
polant  le  nitrate  ammoniacal  p2r  l’oxide  d’arfe- 
nic  : Parfeniate  ammoniacal  qui  en  réfulte  laiffô 
dégager  l’ammoniaque  par  la  chaleur,  & en  con- 
tinuant l’a&ion  du  feu  fur  cette  fubftance,  l’acide 
arfenique  refie  feul  & pur  au  fond  de  la  cornue*' 
Bergman  remarque  que  la  pefanteur  fpécifi- 
que  de  l’arfenic  varie  beaucoup  depuis  fon  état 
métallique  jufqu’à  fon  état  d’acide.  Voici  celles 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  431 
qu’il  lui  attribue  dans  fes  différentes  modifica* 
lions.  Arfenic  en  régule  , §,308.  — Oxide  d’arfe- 
nic  vitreux,  5,000.  — Oxide  d’arfenic  blanc, 
3,706.  — Acide  arfenique,  3,391. 

L’arfenic  eft  employé  dans  plufieurs  arts  , & 
notamment  dans  la  teinture.  On  fe  fert  aufTi  de 
l’arfeniate  de  potaffe,  & M.  Beaumé  en  a préparé 
pendant  long-temps  pour  l’ufage  des  arts. 

La  facilité  qu’a  l’oxide  d’arfenic  de  fe  diffou- 
dre  dans  l’eau  & dans  tous  les  fluides  aqueux  9 
fait  qu’il  peut  devenir  un  poifon  très- dangereux. 
On  cor.noît  qu’une  perfonn&a  été  empoifonnée 
par  cette  fubftance  aux  fymptômes  fuivans.  La 
bouche  eft  fèche,  les  dents  agacées,  le  gofier 
ferré:  on  éprouve  un  crachottement  involontaire, 
une  douleur  vive  à l’eftomae,  une  grande  foif , 
des  naufées , des  vomiffemens  de  matières  glai^- 
reufes , fanguinolentes  ; des  coliques  très-vives, 
accompagnées  de  fueurs  froides,  des  convul- 
fions.  Ces  fymptômes  font  bientôt  fuivis  de  la 
mort;  on  s’affure  que  l’oxide  d’arfenic  en  eft  la 
caufe,  en  examinant  les  alimens  fufpeèfs.  La  pré- 
fênce  de  ce  poifon  s’y  manifefte  , lorfqu’ea  jet— 
tant  fur  des  charbons  une  portion  de  ces  alimens 
defféchés , il  s’en  élève  une  fumée  blanche  d’une 
î forte  odeur  d’ail. 

On  avoit  coutume  de  donner  aux  perfonnes 
çmpoifonnées  par  l’oxide  d’arfenic,  des  boiffons 


43 1 Elèmens 

nuicilag’neuies  ou  du  lait,  ou  des  huiles  douces 
en  grandes  dofes , dans  le  deffein  de  relâcher 
les  vifcères  agacés  , de  diffoudre  8c  d’emporter 
la  plus  grande  partie  du  poifon  arfenical.  Na- 
vier,  médecin  de  Châlons , qui  s’eft  occupé  de 
la  recherche  des  contre-poifons  de  l’oxide  d’ar- 
fenic , a trouvé  une  matière  qui  fe  combine 
avec  cette  fubftance  par  la  voie  humide , la 
fature  8c  détruit  la  plus  grande  partie  de  fa 
caufficiîé.  Cette  fubftance  eh:  le  fulfure  calcaire 
ou  alcalin , 8c  mieux  encore  le  même  fulfure 
qui  tient  en  dilïolution  un  peu  de  fer.  La  difîb- 
lution  d’oxide  d’arfenic  décompofe  les  fulfures 
fans  exhaler  aucune  odeur  ; cet  oxide  fe  com- 
bine au  foufre  avec  lequel  il  fait  de  l’orpiment, 

& il  s’unit  en  même  temps  au  fer  fi  le  fulfure 
en  contient.  Navier  prefcrit  un  gros  de  foie  de 
foufre  dans  une  pinte  d’eau , qu’il  fait  prendre 
par  verrées  : on  peut  également  donner  cinq  à 
fix  grains  de  fulfure  de  potaffefec  en  pillules,  8c 
par-deffus  chaque  pillule  un  verre  d’eau  chaude. 
Lorfque  les  premiers  fymptômes  font  diflîpés , 
il  confeille  l’ufage  des  eaux  minérales  fulfi- 
reufes.  L’expérience  lui  a fait  connoître  qu’elles  .g 
font  très-propres  à détruire  les  tremblemens  8c 
les  paralyfies  qui  fui  vent  ordinairement  l’effet 
de  l’oxide  d’arfenic  , 8c  qui  mènent  à la  phthifie 
& ï la  mort,  Nayisr  approuve  auffi  l’ufage  du 

lait * 


d?Hist.  Nat.  et  de  fcmMiE.  433 
îgît , parce  que  cette  fubflance  diffout  l’oxide 
d’arfenic  aufti  bien  que  le  fait  l’eau } mais  il  con» 
damne  les  huiles,  qui  ne  peuvent  le  diffoudre. 


CHAPITRE  VIL 


Du  Molybdène  & de  l'acide  Molybdique. 

^îous  donnons  le  nom  de  molybdène,  à un  nou- 
veau métal  caftant  découvert  par  M.  Hielm  , re- 
tiré de  la  fubflance  minérale  connue  fous  ce 
même  nom.  Cette  fubftance  ne  doit  point  être 
confondue  avec  la  mine  de  plomb  ordinaire , plom- 
bagine ou  crayon  noir  dont  on  fe  fert  pour  def» 
fmer  , & qui  porte  aujourd’hui  le  nom  particu- 
lier de  carbure  de  fer.  Cette  confufion  a certaine- 
ment apporté  quelque  différence  dans  les  tra- 
vaux des  chimiftes  qui  ont  examiné  cette  fubf- 
tance depuis  Pott  jufqu’à  Schéele.  11  faut  obfer- 
ver  que  le  carbure  de  fer  ou  plombagine  étant 
beaucoup  plus  commun  que  le  molybdène,  dont 
on  ne  trouve  encore  que  très-peu  d'échantillon* 
dans  les  cabinets  d’hifloire  naturelle , c’efl  pref- 
que  toujours  fur  la  première  que  les  chimiftes 
ont  travaillé , fi  l’on  en  excepte  MM.  Quift  &: 
Schéele. 

La  vraie  mine  de  molybdène  eft  difficile  à 

Tome  IL  E e 


N 


424  £ L É M E K S 

difringuer  du  carbure  de  fer  par  les  caraâèrcs 
extérieurs  ; cependant  le  molybdène  efl  un  peu 
moins  gras  autoucher;  il  efl  formé  de  lames  écaiî- 
leufes  hexagones  plus  ou  moins  grandes , très- 
peu  adhérentes  les  unes  aux  autres  ; il  tache  les 
doigts  & laide  fur  le  papier  des  traces  bleuâtres 
ou  d’un  gris  argentin  ; lorfqu’on  le  réduit  en 
poudre , ce  qui  efl  difficile  à caufe  de  l’élaflicité 
de  fes  lames , fa  pouffière  efl  bleuâtre  ; on  le 
coupe  facilement  avec  le  couteau  ; il  ne  fe  brife 
point  & n’a  point  le  tiflu  grenu  comme  le  car- 
bure de  fer.  Pour  pulvérifer  la  mine  de  molyb- 
dène , il  faut , d’après  le  procédé  de  Schéele , 
jetter  dans  le  mortier  un  peu  de  fulfate  de  po- 
tafle;  on  lave  enfuite  la  poudre  avec  de  l’eau 
chaude  qui  emporte  le  fel , cette  mine  relie 
pure.  L’analyfe  de  cette  mine  faite  par  différens 
moyens  prouve  que  c’eft  un  compofé  de  fou- 
fre  & du  métal  que  nous  examinons  , mais 
celui-ci  efl  très -difficile  à obtenir.  L’illuflre 
.Schéele  n’a  pas  pu  réduire  fon  oxide  en  métal 
ni  avec  le  flux  noir  & le  charbon,  ni  avec  le 
borax  & le  meme  corps  combuflible  , ni  avec 
l’huile.  Bergman  dit  que  M.  Hielm  a été  plus 
heureux , & qu’il  efl  parvenu  à obtenir  alîèz  de 
ce  demi-métal  peur  en  faire  connoîrre  les  pro- 
priétés ; mais  depuis  cette  note  de  Bergman  * 
M,  Hielm  n’a  rien  publié  fur  cette  matière. 


S 


: 


d{Hijt.  Hat.  eî  be  Chimie,  43 y 
U.  Pelletier,  dans  Tes  expériences  fur  la  ré- 
duction de  l’oxide  8c  de  l’acide  moîybdique,  n’a 
jamais  obtenu  un  culot  de  molybdène  , mais 
une  matière  agglutinée,  noirâtre,  friable  > ayant 
le  brillant  métallique  ; on  y voyoit  à la  loupe 
des  petits  grains  ronds  , brillans  & gris  que  M.. 
Pelletier  regarde  comme  le  métal,  ou  le  molyb- 
dène pur.  Le  manganèfe  n’a  de  même  été  encore 
obtenu  que  fous  la  forme  de  grenailles. Voici, 
d’après  les  efîais  faits  fur  ce  demi  - métal , les 
propriétés  qu’on  y a reconnues.  Le  molybdène 
eft  gris,  formé  de  petits  grains  agglutinés , caf- 
fans,  d’une  extrême  infufibilité.  Chauffé  avec  le 
contact  de  l’air,  il  fe  change  en  un  oxide  blanc, 
volatil , & qui  fe  criffallife  par  la  fublimation 
en  prifmes  aiguillés  & brillans,  comme  celui  de 
l’antimoine.  Cet  oxide  furchargé  d’oxigène  de» 
vient  acide,  c’eft  le  produit  falin  qu’on  con- 
noît  le  mieux  d’après  les  recherches  de  Schéele* 
L’acide  nitrique  brûle  facilement  le  molybdène 
8c  le  convertit  en  un  oxide  blanc , & même  en 
acide  molybdique.  L’oxide  de  molybdène  de- 
vient bleu  brillant  en  repaiTant  à l’état  métal- 
lique. Les  alcalis , aidés  par  l’aélion  de  l’eau  a 
oxident  & diffolvent  ce  demi-métal  ; il  eft  fuf- 
ceptibîe  de  s’allier  avec  le  plomb,  le  cuivre*  le 
fer,  l’argent,  & il  forme  des  alliages  grenus* 
grisâtres , très-friables.  Enfin  , uni  au  foufre , il 

Ecij 


43  6 E L É M E N s 

contiens  le  fulfure  de  molybdène  , & ce  com- 
pofé  eft  tout-à-fait  femblable  à la  mine  de  ce 
métal , connue  improprement  fous  le  nom  do 
Molybdène.  & de  Potelot.  Comme  c’efl  cette  der- 
nière mine  qui  a été  le  fujet  des  expériences  de 
Schéele , & comme  c’eil  avec  ce  minéral  beau- 
coup plus  connu  que  le  métal  qu’il  contient, 
que  ce  chimifle  a préparé  l’acide  molybdique , 
nous  allons  en  examiner  les  propriétés  plus  en 
détail. 

Le  potelot  ou  fulfure  de  molybdène  natif  ex- 
pofé  au  feu  dans  un  vailTeau  ouvert  exhale  du 
foufre  & s’évapore  prefque  tout  entier  en  fumée 
blanche.  Traité  an  chalumeau  dans  la  cuiller,  il 
donne  la  môme  fumée,  qui  fe  condenfe  en  lames 
criftallines  jaunâtres,  & qui  prend  une  couleur 
bleue  par  le  contact  des  corps  combiiftibles. 
M.  Pelïètier  ayant  calciné  du  fulfure  de  molyb- 
dène dans  un  creufet  recouvert  d’un  autre  creu- 
fet  a obtenu  des  criftaux  aiguillés , blancs  ôc 
brillans,  femblables  à ce  qu’on  appelloit  fleurs 
argentines  d'antimoine.  Cet  oxide  de  molybdène 
fublimé  a déjà  les  caractères  d’acide  ; mais  ce 
procédé  feroit  trop  long  & trop  difpendieux 
pour  la  préparation  de  l’acide  molybdique. 

Les  terres  falines  & les  alcalis  fixes , fondus 
avec  le  fulfure  de  molybdène  , en  diffolvent  le 
foufre  & le  métal. 


I 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  43? 
Quelques  acides  font  éprouver  des  altérations 
remarquables  à cette  mine. 

L’acide  fulfurique  concentré  en  oxide  le  mé- 
tal , & s’exhale  en  acide  fulfureux  à l’aide  de 
l’ébullition. 

L’acide  muriatique  n!'a  nulle  a&ion  fur  ce 
minéral. 

L’acide  arfenique,  traité  par  la  diftillation  avec 
le  fulfure  de  molybdène,  cède  fon  oxigène  à 
line  partie  du  foufre  qui  devient  acide  fulfureux , 
fe  volatilife  en  orpiment  avec  une  partie  dvt 
même  foufre,  change  une  portion  de  molybdène 
en  acide  molybdique,  & en  laide  la  plus  grande 
partie  dans  l’état  métallique.  M.  Pelletier  con- 
clut de  cette  expérience  , que  le  molybdène  eft 
à l’état  métallique  dans  fa  mine. 

En  diflillant  30  onces  d’acide  nitrique  étendu 
d’eau  fur  une  once  de  molybdène  en  5 reprifes , 
c’eft-à-dire,  6 onces  de  cet  acide  à la  fois , il  fe 
dégage  une  grande  quantité  de  gaz  nitreux , & 
il  refte  dans  la  cornue  une  poudre  blanche  qu’il 
faut  laver  avec  fuffifante  quantité  d’eau  didilléa 
froide  pour  emporter  l’acide  étranger  foîuble  à 
cette  température  ; il  refte  après  cette  édulcora- 
tion fix  gros  & demi  d’acide  molybdique  pur. 
Schéele , à qui  eft  due  cette  découverte , penfe 
que  l’acide  nitrique  s’empare  du  phlogidique  9 

L e u) 


> 


^3'3  E L i.  M Ë N s 

& s’échappe  en  vapeurs  rouges  ; il  brûle  aufîi  îe 
fonfre  qui  fe  trouve  clans  le  molybdène  ; ot  voilà 
pourquoi  l’eau  qu’on  emploie  peur  laver  l’acide 
du  molybdène  contient  de  l’acide  fulfurique 
qu’on  obtient  concentré  par  l’évaporation , &C 
qui  retient  un  peu  de  molybdène  en  diffolution; 
cette  fubfhmce  donne  à la  liqueur  évaporée  une 
couleur  bleue  allez  brillante.  Nous  penfons  que 
dans  cette  opération,  ainli  que  dans  toutes  celles 
oii  l’acide  nitrique,  diftiilé  fur  quelque  fubfiance 
que  ce  loir 3 la  réduit  en  état  d’acide,  le  premier 
efl  décompofc , & que  c’efc  à la  féparation  de 
l’oxigène  de  l’acide  nitrique  & à fa  fixation  dans 
le  molybdène  que  font  dus  le  dégagement  du 
gaz  nitreux  & la  formation  des  acides  fulfurique 
6c  moîybdique. 

L’acide  moîybdique , obtenu  par  le  procédé 
que  nous  venons  de  décrire,  efl  fous  la  forme 
d’une  poudre  blanche  , d'une  faveur  légèrement 
acide  & métallique.  Chauffé  dans  la  cuiller  au 
chalumeau , ou  dans  un  creufet  avec  le  contaél 
de  l’air,  il  fç  volatilife  en  une  fumée  blanche  , 
qui  fe  condenfe  en  criilaux  aiguillés,  & il  fe  fond 
en  partie  fur  lçs  parois  du  creufet.  Malgré  l’édul- 
coration il  retient  une  portion  d’acide  fulfureux 
que  la  chaleur  forte  en  dégage  complètement. 

Cet  acide  fe  difTopt  dans  l’eau  bouillante  j 


: 


b’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  439. 
Schéele  en  a diffous  un  fcrupule  dans  20  onces 
d’eau.  Cette  diffolution  a une  faveur  finguüère- 
ment  acide  Si  prefqué  inétallique  ; elle  rougit  la 
teinture  de  tournefol,  décompofe  la  diffolution 
de  favon,  8i  précipite  les  fulfures  alcalins  ou 
foies  de  foufre  ; elle  devient  bleue  Si  prend  de  la 
confiflance  par  le  froid. 

L’acide  molybdique  fe  difTout  en  grande  quan- 
tité dans  l’acide  fulfurique  concentré  à l’aide 
de  la  chaleur  ; cétte  diflolution  prend  une  belle 
couleur  bleue.  Si  s’épaifîit  par  le  refroidiffement; 
on  fait  difparoître  ces  deux  phénomènes  en  la 
chauffant , Si  ils  reparoiffent  à mefure  que  la 
liqueur  refroidit;  fi  l’on  chauffe  fortement  cette 
combinaifon  dans  une  cornue,  l’acide  fulfurique 
fe  volatilife,  Si  l’acide  molybdique  refie  fec  au 
fond  de  ce  vaiffeau. 

L’acide  nitrique  n’a  nulle  a£lion  fur  l’acide 
molybdique.  , 

L’acide  muriatique  ordinaire  en  diffout  une 
grande  quantité;  cette  diffolution  donne  une  ré- 
fidu  bleu  foncé  , lorfqu’on  la  diflille  à ficcité  ; 
en  pouffant  le  feu,  ce  réfidu  donne  un  fublimé 
blanc  Si  un  autre  bleuâtre;  ce  qui  refie  dans  la 
cornue  eft  gris  ; le  fublimé  eft  déliquefcent  Si 
colore  les  métaux  en  bleu;  l’acide  muriatique 
paffe  oxigéné  dans  le  récipient.  Il  eft  facile  de 
concevoir  que  dans  cette  opération  l'acide  mu- 

E e iv 


440  E L E M E N 5 

riatîque  enlève  une  portion  d’oxigcne  à l'acide 
molybdique  , & qu’une  portion  de  cet  acide 
paffe  à l’état  de  molybdène. 

L’acide  molybdique  décompofe,  à l’aide  de[la 
chaleur,  les  nitrates  & les  muriates  alcalins,  en 
dégageant  leurs  acides , & il  forme  avec  leurs 
bafes  des  feîs  neutres  dont  Schéele  n’a  point  exa- 
miné toutes  les  propriétés.  Cet  acide  dégage  aufli 
l’acide  carbonique  des  trois  alcalis,&  forme  des 
feîs  neutres  avec  leurs  bafes. 

Quoique  Schéele  n’ait  point  fait  connoître 
tontes  les  propriétés  de  ces  fels  neutres , que 
nous  défignerons  par  les  noms  de  molybdates  de. 
potaffe  , de  foudc  y d' ammoniaque , &c.  il  en  a ce- 
pendant indiqué  trois  qwi  fuffifent  pour  caraélé- 
nfer  leur  état  de  ncutralifation.  11  a reconnu  , 
i°.  que  l’alcali  fixe  rendoit  l’acide  molyb- 
dique plus  foluble  dans  l’eau  ; 2°.  que  ce  fel 
empêchoit  l’acide  molybdique  de  fe  volatiüfer 
par  la  chaleur  ; 30.  que  le  molybdate  de  potaffe 
fe  précipitoit  par  le  refroidiffement  en  petits 
criflaux  grenus  ; & qu’on  pouvoit  le  féparer  aufîi 
de  fcn  diffolvant  par  les  acides  fulfurique  6c 
muriatique. 

L’acide  molybdique  décompofe  le  nitrate  & 
le  muriate  barytiques.  Le  molybdate  barytique 
formé  dans  ces  opérations  eft  difToluble  dans 
3’eau, 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  44T 
L’acide  molybdique  paroît  décompofer  en 
partie  le  fulfate  de  potaffe  par  une  forte  chaleur. 

L’acide  molybdique  diffout  plufieurs  métaux, 
& prend  une  couleur  bleue , à mefure  qu’il 
leur  abandonne  une  portion  de  fon  oxigène. 
Il  précipite  plufieurs  ditTolutions  métalliques , 
&c.  M.Klaprot  l’a  trouvé  combiné  avec  le  plomb 
dans  une  mine  de  plomb  fpathique  jaune. 


CHAPITRE  VII. 

Du  Tungjlène  & de  l'acide  TunJUque . 

j A • • ...  ( 

L E minéral  nommé  tungfléne  par  les  Suédois  , 
appellé  pierre  pejanie , lapis  ponderofus  , par  plu- 
fieurs  naturalifies , & en  particulier  par  Bergman 
dans  fa  Sciagraphie,  a été  regardé  par  Cronftedt 
comme  une  efpèce  de  mine  de  fer,  & défigné 
par  lui  fous  cette  phrafe  : ferrum  calciforme  terra, 
quadam  irreognitâ  intime  mixtum.  La  plupart  des 
naturalifies  allemands  le  rangeoient  parmi  les 
mines  d’étain  , fous  le  nom  de  enflai  d'étain  blanc 
ou  de  iinn-fpath  ; dans  prefque  tous  les  cabinets 
d hifioire  naturelle  on  le  préfentoit  comme  apr 
partenant  à ce  métal. 

On  ne  setoit  point  occupé  de  Panalyfe  exafte 
de  ce  minerai  avant  Scheele,  Ce  chimifie  ayaat 


441  E L É M E N 5 

examiné  cetre  prétendue  mine  d’étain , cécou- 
vrit  par  fes  expériences  qu’elle  étoit  compofce 
d’un  acide  particulier  uni  à la  chaux;  Bergman, 
faifant  de  fon  côté  des  recherches  fuivies  fur 
cette  matière , trouva  les  mêmes  réfultats.  Cette 
découverte  eft  de  iySi.  Les  deux  chimifles  fué- 
dois  ont  penfé,  d’après  l’examen  des  propriétés 
de  ce  minéral,  que  l’acide  qu’il  contenoit  étoit 
métallique. 

Depuis  cette  époque , MM.  d’Elhuyar , de  la 
fociété  royale  Batqugife  , M.  Angulo  , de  l’aca- 
démie de  Walladoiid  , Sc  M.  Crell , ont  répété 
les  expériences  des  c invites  fuédois  5 Sc  en  ont- 
confirmé  les  réfultats»  D’après  la  définition  que 
nous  venons  de  donner  de  ce  fel  naturel  Sc  de 
fon  acide,  nous  ferons  obferver  que  ce  que  les 
Suédois  ont  appelé  tungjlène , eft  un  fel  formé 
par  l’acide  tunfiique  Sc  par  la  chaux  : nous  adop- 
tons ce  nom  de  îungftène  pour  le  demi-métal 
qui  paroît  être  la  bafe  de  cet  acide  , Sc  nous  ap- 
pellerons cette  efpèce  de  mine  tunjlate  de  chaux 
natif. 

MM.  d’Elhuyar  , de  la  fociété  Bafquaife  , ont 
découvert  que  le  wolfram , qu’on  regardoit  au- 
trefois comme  une  mine  de  fer  pauvre  , efl  une 
combinaifon  de  cet  acide  îiinflique  avec  le  man- 
ganèfe  Sc  le  fer.  Ils  ont  obtenu  un  régule  parti- 
culier de  ce  minéral.  Le  wolfram  qu’ils  ont  ana- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  44* 
lyfé  venoit  de  la  mine  d’étain  de  Zinwalde.  Il  eff 
en  maffes  ou  en  prifmes  hexaèdres  comprimés  ; 

11  a le  brillant  métallique,  la  caffure  feuilletee  , 
&C  fe  laiffe  entamer  au  couteau.  Il  contient  par 
quintal  iz  parties  d’oxide  noir  de  manganèfe  , 

12  d’oxide  de  fer  , 64  d’acide  tunftique  & 2 de 
quartz.  Le  tunftate  de  chaux  natif  de  Schlecken- 
walde , en  Bohème  , contient  fuivanî  eux  68  liv. 
d’acide  tunftique  , & 30  de  chaux. 

V oilà  deux  mines  connues  du  demi  - métal 
nouveau  que  nous  nommons  tungjlhne.  MM.  d’El- 
huyar  ont  fondu  une  partie  de  wolfram  avec  4 
parties  de  carbonate  de  potaiTe  -,  ils  ont  leftivé 
ce  mélange  ; l’eau  a diflous  le  tunftate  de  po- 
taiTe, d’où  ils  ont  précipité  l’acide  tunftique  en 
poudre  jaune  par  l’acide  nitrique.  Ce  précipité  , 
pouffé  au  feu  avec  du  charbon  dans  un  creufet , 
leur  a donné  un  bouton  métallique  compofé  de 
beaucoup  de  petits  globules  friables.  Voici  les 
propriétés  qu’ils  ont  reconnues  dans  le  nouveau 
demi-métal.  Une  pefanteur  fpécifîque , confidé- 
rable,  mais  jamais  au-deffus  de  17,9;  une  infu- 
fîbilité  très-grande  & qui  parcît  même  excéder 
celle  du  manganèfe  ; une  indiffolulité  dans  les  3 
acides  les  plus  forts , & même  dans  l’acide  nitro- 
muriatique^  une  union  facile  avec  quelques  mé- 
taux , & en  particulier  avec  le  fer  & l’argent 


444  É L É M E N s 

dont  il  change  finguliérement  les  propriétés  ; une 
oxidation  affez  facile , un  oxide  jaune  qui  de- 
vient bleu  par  la  chaleur , qui  eft  indiffoluble 
dans  les  acides  & foluble  dans  les  alcalis , qui 
refie  fufpendu  dans  l’eau  ou  on  le  triture  & 
imite  une  émulfion.  Quoique  quelques-uns  de 
ces  caraélères  foient  analogues  à ceux  du  molyb- 
dène, ainfi  que  Bergman  & Schéele  l’avoient  déjà 
entrevu  dans  l’acide  molybdique,  leur  enfemble 
fuffit  cependant  pour  regarder  le  tungflène 
comme  un  métal  particulier.  Mais  il  manque 
encore  beaucoup  d’expériences  pour  en  con- 
noître  avec  exaélitude  toutes  les  propriétés. 

Les  chimiftes  qui  fe  font  occupés  de  cet  objet 
ont  fait  beaucoup  plus  de  recherches  fur  le  tunf- 
tate  de  chaux  natif , que  fur  le  métal  qu’en 
ont  retiré  MM.  d’ELhuyar  : pour  faire  connoître 
l’enfemble  de  leurs  découvertes  fur  ce  minéral  , 
il  efl  néceffaire  que  nous  infiflions  quelque  temps 
fur  ces  propriétés. 

Le  tunflate  de  chaux  patif  a été  affez  rare  juf- 
qu’aéluellement  ; on  en  trouve  dans  les  mines  de 
fer  de  Bitzberg,  dans  celles  d’étain  de  Schleckenr- 
walde  en  Bohême  ; & la  plupart  des  criffaux  d’é- 
tain blanc  de  Sauberg,  près  d’Ehrenfrienderfdorf, 
font  du  tunflate  de  chaux  ; ainfi  en  effayant  les 
criffaux  d’étain  blanc  confervés  dans  les  cabi- 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie:  445 

nets,  par  les  moyens  que  nous  indiquerons,  on 
pourra  en  reconnoître  quelques  échantillons  dont 
on  ne  foupçonnoit  pas  la  nature. 

Le  tunftate  de  chaux  n’éprouve  point  d’altéra- 
tion fenfible  par  la  chaleur  ; il  décrépite  & fe  ré- 
duit en  pouffière  par  l’a&lon  du  chalumeau,  mais 
il  ne  fe  fond  pas.  La  flamme  bleue  le  colore  légè- 
rement , & le  nitre  lui  enlève  cette  couleur. 

L’eau  bouillante  n’a  nulle  aélion  fur  ce  fel  mé- 
tallique en  poudre  , & il  eft  parfaitement  infolu- 
bîe.  On  n’a  point  examiné  l’a&ion  de  l’air,  des 
terres , des  fubftances  falino-terreufes  ôc  des  alca* 
lis  cauftiques  fur  certe  fubftance. 

L’acide  fulfurique  chauffé  & diûillé  fur  le 
tunftate  de  chaux  natif  paffe  fans  altération  ; le 
réfidu  prend  une  couleur  bleuâtre  ; lefîivé  avec 
de  l’eau  bouillante , on  en  retire  un  peu  de  fub» 
fate  calcaire  ; ce  qui  prouve  que  cette  fubflance 
contient  de  la  chaux  , & que  l’acide  fulfurique  •• 
n’en  décompofe  qu’une  très-petite  partie. 

L’acide  nitrique  foible  agit  fur  ce  fel  à l’aide 
de  la  chaleur , mais  fans  effervefcence  fenfible. 
Cet  acide  lui  donne  une  couleur  jaune,  ce  qui 
le  diftingue  d’avec  la  vraie  mine  d’étain , & il 
le  décompofe  en  lui  enlevant  la  chaux  ; il  faut 
environ  douze  parties  d’acide  nitrique  dans  l’é- 
tat d’eau-forte  ordinaire  pour  décompofer  en- 


44^  ' É L É M E N S 

tièrement  une  partie  de  tunftate  calcaire.  Schéele 
a fait  cette  opération  en  pîufieurs  reprifes  ; après 
l’attion  de  trois  parties  d’acide  nitrique  foible 
fur  une  partie  de  ce  fel  neutre,  il  verfe  deux 
parties  d’ammoniaque  cauftique  ; la  poudre  que 
l’acide  nitrique  change  en  jaune  devient  blanche 
par  l’alcali  ; il  répète  Paétion  fucceffive  de  l’a- 
cide & de  l’alcali , jufqu’à  ce  que  le  tunftate  cal- 
caire foit  tout-à  fait  diffous.  De  quatre  fcru- 
pules  traités  par  ce  procédé,  il  a eu  trois  grains1 
de  rélidu  qui  lui  a paru  être  de  la  filice.  En  pré- 
cipitant l’acide  nitrique  employé  pour  cette 
opération  par  du  pruffiate  de  potaffe,  6c  enfuite 
par  la  potaffe,  il  a obtenu  deux  grains  de  pFuf- 
fiate  de  fer  ou  bleu  de  Pruffe.,  6c  cinquante-trois 
grains  de  craie;  l’ammoniaque  unie  à l’acide  ni- 
trique lui  a donné  un  précipité  acide.  Dans  cette 
expérience,  l’acide  nitrique  décompofe  le  tunf- 
,.tate  calcaire  en  s’emparant  de  la  chaux , 8c  l’a- 
cide tunftique , mis  à nud  par  cette  décompofi- 
tion  , eft  enlevé  par  l’ammoniaque.  Le  fel  ammo- 
niacal formé  par  cette  dernière  diffolution  , eft 
décompofé  par  l’acide  nitrique  qui  a plus  d’affi- 
nité avec  l’ammoniaque  , que  celle  - ci  n’en  a 
avec  l’acide  tunftique  ; comme  ce  dernier  acide 
gft  beaucoup  moins  foluble  que  le  tunftate  am- 
moniacal , il  fe  précipite  à mefure  qu’il  devient 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  447/ 
libre  fous  la  forme  d’une  poudre  blanche  ; en 
leffive  cette  poudre  avec  de  l’eau  diffillée  froide 
pour  avoir  l’acide  tunflique  bien  pur. 

On  peut  encore  obtenir  cet  acide  par  un  autre 
procédé  que  Schéele  a employé  avec  un  égal 
fuccès.  On  fait  fondre,  dans  un  creufet  de  fer, 
une  partie  de  tunffate  calcaire  natif  en  poudre  , 
avec  quatre  parties  de  carbonate  de  potaffe  ; oti 
leffive  cette  maffe  avec  douze  parties  d’eau  bouil- 
lante ; & on  y verfe  de  l’acide  nitrique  jufqu’à, 
ce  qu’il  n’y  ait  plus  d’effervefcence  ; on  la  fond 
une  fécondé  fois  avec  quatre  patties  de  carbo- 
nate de  potafle  ; on  la  leffive  avec  i’eàu,  & on 
la  traite  par  l’acide  nitrique  , jufqu’à  la  ceffation 
de  l’effiervefcence  ; alors  il  ne  reffie  qu’un  peu 
de  filice  , & tout  le  fel  tunftique  eff  décompofé. 
En  effet,  pendant  la  fufiûn , la  potaffe  fe  porte 
fur  l’acide  tunffique  avec  lequel  elle  forme  un 
fel  neutre  particulier , tandis  que  l’aride  carbo- 
nique s’unit  à la  chaux  qu’il  change  en  craie. 
Lorfqu’on  leffive  la  maffe  fondue  , l’eau  diffout 
le  tunffate  de  potaffe , qui  eff  beaucoup  plus  fo« 
lubie  que  la  craie  , & celle-ci  reffe  feule  ; l’acide 
nitrique  qu’on  emploie  après  l’eau  diffout  la 
craie  avec  effervefcence  fans  toucher  à la  portion 
de  tunffate  calcaire  que  les  quatre  premières  par- 
ties d’alcali  n’ont  pas  décompofée.  A la  fécondé 
opr  ation  , le  fel  étant  complètement  décompofé 


448  ÉLÉ  ME  NS 

par  les  quatre  autres  parties  de  carbonate  de 
potafle , l’acide  nitrique  enlève  toute  la  craie  ; 
de  forte  qu’à  l’aide  de  huit  parties  d’alcali  fixe  &C 
d’une  petite  quantité  d’eau  forte  employée  fuc- 
cefiîvement , on  a tout-à-fait  féparé  les  principes 
du  tunfiate  calcaire  ; fon  acids  eft  uni  avec  la 
potaffe  & fa  chaux  combinée  avec  l’acide  nitri- 
que ; en  précipitant  le  nitrate  calcaire  par  la  po- 
taffe,  on  connoît  la  quantité  de  chaux  contenue 
dans  le  tunflate  calcaire  employé  ; il  ne  s’agit 
plus  enfuite  que  de  féparer  l’acide  tunftique  uni 
à l’alcali  fixe.  Pour  cela  , on  fe  fert  du  procédé 
qui  a été  décrit  dans  la  première  expérience.  On 
verfe  dans  la  lelfive  du  mélange  fondu  du  runf- 
tate  de  chaux  avec  le  carbonate  de  potafle , une 
fuffifante  quantité  d’acide  nitrique  ; cette  lefiive 
fe  trouble  & s’épaiffit , parce  que  l’acide  nitrique 
ayant  plus  d’affinité  avec  l’alcali  fixe  que  n’en  a 
l’acide  tunflique  , celui-ci  fe  précipite  en  poudre, 
& la  liqueur  tient  du  mitre  en  difiblution.  On 
lave  le  précipité  avec  de  l’eau  froide , & l’on  a 

i — 

l’acide  tunflique  pur  fous  la  forme  d’une  poudre 
blanche  comme  dans  la  première  opération  ; ce 
procédé  doit  même  être  préféré  comme  moins 
difpendieux  & plus  facile. 

L’acide  muriatique  agit  fur  le  tunffiite  calcaire 
de  la  meme  manière  que  l’acide  nitrique;  il  le 

décompose 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  449 

décompofé  avec  la  même  énergie  ; et  comme  il 
lui  donne  une  couleur  plus  jaune , Bergman  le 
recommande  pour  effayer  & pour  reconnoître  ce 
fel  terreux. 

L’acide  tunfliqne  , obtenu  par  l’un  tHi  l’autre 
de  ces  trois  protédés  , eu  , comme  nous  l’avons 
dit,  fous  la  forme  d'une  poudre  blanche.  Au 
chalumeau,  il  devient .fauve  , brun  &r  noir  fans 
fe  fondre  ni  fe  volatiÜfcT.  Il  fe  diffiou.t  dans  20 
parties  d’eau  bouillante  ^ cette  diffoluîion  a une 
faveur  acide,  8t  rougit  la  teinture  de  tournefoî. 

L’acide  lundi  que  paroit  former  avec  la  baryte 
un  fel  abfolument  infoluble  dans  l’eau,  avec  la 
jnagnéfie  un  autre  fel  difficilement  foluble. 

Lorfqu’on  verfe  fa  diffiolution  dans  de  l’eau  de 
chaux  , elle  y opéré  un  peu  de  précipité  qui 
augmente  beaucoup  par  la  chaleur  , &qui  efl  du 
tundace  calcaire  régénéré , fui vant  Schéele. 

L’acide  tundique  faturé  de  potafle  donne  un 
fel  qui  fe  précipite  en  très-petits  cridaux , Ô£ 
dont  la  forme  n’a  point  etc  déterminée.  Schéele 
n’a  point  parlé  de  fa  corn  binai  fon  avec  h foude. 
Il  formé  , fuivantlui , avec  l’ammoniaque,  un  fel 
figuré  en  très-petites  aiguilles  ; ce  tunftate  am- 
moniacal , expoféaufeu  dans  une  cornue,  laide 
aller  l’ammoniaque  , & l’acide  tundique  rede  en 
poudre  sèche  &t  jaunâtre  ; le  même  fel  decom- 
Tomc  11%  F f 


4^0  E L É M E N S 

pofe  le  nitrate  calcaire  & reforme  du  tunftate  de 

chaux. 

L’acide  tunftique  chauffé  avec  de  l’acide  fui- 
furique  prend  une  couleu  bleuâtre;  avec  l’acide 
nitrique  &i  l’acide  muriatique , il  devient  jaune 
citron;  il  précipite  en  verd  le  fulfure  alcalin  ou 
foie  de  foufre.  Sellée1  e n’a  point  déterminé  à 
quelle  caufe  font  dus  ces  changemens  de  couleur. 

Ce  chimifle  ayant  obfervé  que  l’acide  tunûi- 
que  le  colore  facilement  par  les  corps  combufti- 

i • 

bies,  & colore  lui-même  en  bleu  les  flux  vitreux 
comme  le  borax,  fkc,  a chauffé  dans  un  creufet 
cet  acide  avec  de  l’huile  de  iin  ; mais  il  n’en  a 
point  obtenu  de  métal  , & l’acide  n’a  été  que 
noirci.  Bergman  penfoit  cependant,  & avec  rai- 
jfon  , d’après  la  pefanteur  confidérable  de  cet 
acide , fa  coloration  par  les  corps  inflammables  , 
6c  la  précipitation  par  le  pruffiate  de  potaffe  ou 
l’alcali  prufîien,  qu’il  étoit  d’origine  métallique. 

Nous  avons  dit  par  quel  procédé  MM.  d’El- 
hy?.r  font  parvenus  à réduire  en  globules  mé- 
talliques l’oxide  tunfïique  retiré  du  wolfram  , &: 
la  nature  métallique  de  cet  acide  n’eft  plus  un 
problème. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie,  454* 


CHAPITRE  IX. 

Du  Cobalt. 

T cobalt  ou  cobolt  efi  un  métal  cafiant  d’une 
couleur  blanche , tirant  un  peu  fur  le  rouge, 
d’un  grain  fin  & ferré , qui  efi  très-caflant  6c  qui 
fe  réduit  facilement  en  poudre  par  l’aûion  du 
pilon.  Pefé  à la  balance  hydrofiatique  , il  perd 
environ  un  huitième  de  fon  poids.  Sa  pefan- 
teur  fpécifique  efi  d’environ  7,700  , fuivant 
Bergman.  Il  efl  fufceptibîe  de  fe  criftallifer  en 
faifceaux  d’aiguilles  couchées  les  unes  fur  les 
; autres. 

Le  cobalt  n’a  jamais  été  trouvé  pur  &:  natif 
«dans  la  nature,  il  efi;  prefque  toujours  calciné  6c 
luni  avec  l’arfenic  ou  fon  acide  , le  foufre,  le 
fer,&c.  Voici  les  principales  fortes  de  mines 
<de  cobalt  difiinguées  d’après  leurs  combinaifons,1 
jpar  Bergman  & JVLMongez. 

i°.  Cobalt  natif  uni  à l’arfenic.  Cette  mine  efi: 
folicle , grife,  pefante,  peu  brillante  6c  grenue 
«dans  fa  cafîure  } elle  fait  feu  avec  le  briquet,  6c 
'noircit  au  feu.  L’acide  nitrique  la  difibut  avec 
i leffervefcence  ; elle  donne  une  encre  de  fym- 
: ] pathie  par  l’acide  muriatique. 

Ffij 


45 1 ÉlêmeNs 

2°.  Cobalt  en  oxide.  Cette  mine  , qui  paroît 
être  du  cobalt  oxidé  par  les  acides , eft  ordinai- 
rement grife  noirâtre  , & quelquefois  femblable 
à du  noir  de  fumée  , fouvent  friable  & pulvé- 
rulente. Elle  falit  les  doigts  ;vcelle  qui eft  corn pade 

préfente  des  taches  rofées  dans  fa  cafture  ; elle 

» 

reflemble  quelquefois  à des  fcories  de  verre  , ce 
qui  Ta  fait  appelîer  mine  de  cobalt  vitreufe  par 
quelques  naturalises.  Cette  mine  ne  contient 
point  d’arfenic  lorsqu’elle  eft  pure  , mais  elle  eft 
fouvent  mêlée  d’ochre  martiale. 

3°.  Cobalt  uni  à l’acide  arfenique  ; fleurs  de 
cobalt  rouges  , rofcs  , couleur  de  Jleurs  de  pêcher. 
L’acide  arfenique  que  Bergman  & M.  Mongez  y 
Ont  découvert,  lui  donne  fa  couleur.  Cette  mine 
eft  ou  en  maftfe,  ou  en  poudre,  ou  en  efflores- 
cence ftriée,  ou  en  priftnes  à 4 pans  avec  des 
fommets  à deux  faces.  Sa  couleur  fe  détruit  au 
feu,  à mefure  que  l’acide  arfenique  fe  dégage. 

40.  Cobalt  uni  au  fer  & à l’acide  fulfurique; 
mine  de  cobalt  fpèculaire.  On  l’a  appellée  fort  im- 
proprement cobalt  fulfhreux , parce  qu’elle  ne  con- 
tient point  de  foufre,  mais  un  peu  d’acide  ful- 
furique. Cette  mine  eft  blanche  ou  grife , &z  très- 
brillante  ; c’eft  la  plus  riche  de  toutes  ; elle  fait 
fouvent  feu  avec  le  briquet. 

50.  Cobalt  uni  au  foufre  , à l’arfenic  & au  fer. 
Ce  minéral  porte  le  nom  de  mine  de  cobalt  blanche 


d’Hist,  Nat.  et  de  Chimie.  453 

ou  grifc ; elle  eft  d’un  g;is  blanchâtre,  crlftaîlifée 
en  cubes  entiers  ou  tronqués  , de  manière  à for- 
mer desfolides  à quatorze  , dix-huit  on  vingt-fix 
facettes.  Sa  caffure  ed  lamelleufe  & fpathique. 
Quelquefois  elle  offre  à fa  furface  des  dendrkes 
en  feuilles  de  fougère  ; dans  cet  état  , on  la 
nomme  mine  de  cobalt  tricotée . Souvent  les  mi- 
nes de  cobalt  blanches  n’ont  aucune  cridallifa- 
tion  régulière  ; mais  efes  font  toujours  recon- 
noiffables  à leur  couleur  grife  blanchâtre  , àj  leur 
pefanteur  moindre  que  celle  des  précédentes,  <k. 
à l’efflorefcence  rouge  qu’elles  ontprefque  toutes 
à leur  furface-. 

Pour  faire  l’e/fai  d’une-  mine  de  cobalt  , on 
commence  par  la  piler  & îa  laver  , enfuite  on 
la  grille  pour  en  féparer  l’arfenic.  Le  cobalt  fede 
dans  l’état  d’un  oxide  noir  plus  ou  moins  foncé  ; 
on  mêle  cet  oxide  avec  trois  parties  de  flux 
noir  & un  peu  de  fel  marin  décrépité  ; on  le 
fond  dans  un  creufet  brafqué  & couvert,  au 
feu  de  forge  ^ on  attend  que  ia  fonte  foit  com,- 
plète , & que  la  matière  foit  parfaitement  li- 
quide pour  laide r refroidir  le  creufét.;  on  l’agite 
légèrement  pour  faire  précipiter  le  métal, 
qui  fe  raiTembie  en  culot  au  fond  du  vaif- 
feau.  Ce  culot  ed  quelquefois  formé  de  deux 
matières  métalliques  ; le  cobalt  efl  placé  fupé- 
rie.uremeni  5.  le  bifmuth  fe  trouve  au  - defj- 

F f iij 


454  ÉLEMENi 

fous  ; on  les  fépare  facilement  d’un  coup  de 

marteau. 

Les  minéralogiftes  modernes  , & fur  - tout 
Bergman  & M.  Kirv/an  propofent  de  faire  l’ef- 
fai  des  mines  de  cobalt  par  l’acide  nitrique  ; 
cet  acide  diffout  le  cobalt  & le  fer^  on  les  pré- 
cipite par  le  carbonate  de  foude , & on  diffout 
enfuite  le  précipité  cobaltique  par  l’acide  acé- 
leux.  Scheffer  confeille  de  reconnoître  la  puif- 
iance  colorante  des  mines  de  cobalt,  en  les  fon- 
dant avec  trois  parties  de  potaffe  & cinq  de  verre 
en  poudre. 

Dans  les  travaux  en  grand  , on  ne  retire  point 
le  cobalt  fous  la  forme  métallique.  Après  avoir 
pilé  lavé  la  mine  de  cobalt,  on  la  grille  dans 
le  fourneau  à manche.  Ce  fourneau  fe  termine 
par  une  longue  galerie  horifontale  qui  ferc  de 
cheminée  ; c’eff  dans  cette  galerie  que  l’oxide 
d’arfemc  fublimé  fe  condenfe  & fe  fond  en 
verre  , que  l’on  vend  dans  le  commerce  fous  le 
nom  impropre  d ''arfenic  blanc.  Si  la  mine  conte- 
noit  un  peu  de  bifmuth  , comme  ce  métal  eft 
ïrès-fufible  , il  fe  raffemble  au  fond  du  fourneau  , 
3e  cobalt  reffe  dans  l’état  d’un  oxide  grisobfcur, 
nommé  fafre.  Le  fafre  du  commerce  n’eff  jamais 
pur  ; on  le  mêle  avec  trois  fois  fon  poids  de 
cailloux  put  vérités.  Le  fafre  , ainfi  mêlé  & 
içxpofé  au  grand  feu  , fe  fond  en  un  verre  d’un 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  455 

bleu  cbfcur  , nommé  fma.lt , On  réduit  ce  fmalfc 
en  poudre  dans  des  moulins, & on  le  de  aye  dans 
l’eau.  La  première  portion  de  verre  qui  (e  pré- 
cipite efl  la  plus  gtoffière  , on  la  nomme  ayrir 
greffier  ; on  décante  l’eau  encore  trouble  , elle 
donne  un  fécond  précipité  ; on  la  décante  ainfi 
jufqu’à  quatre  fois,  Sc  le  dépôr  qu’elle  forme 
alors  efl  plus  fin  que  tousJ.es  autres  ; on  le  nomme 
improprement  a^ur  des  quatre  feux.  Cet  azur  efl 
employé  dans  plufieurs  arts  pour  colorer  en  bleu 
les  métaux  & les  verres,  &c. 

Le  fafre  du  commerce  , fondu  avec  trois  fois 
fon  poids  de  flux  noir  &C  un  peu  de  fuif  &.  de  fel 
marin  , donne  le  métal  cafTant  connu  fous  le  nom 
impropre  de  régule  de  cobalt,  La  réduction  du 
fafre  efl  très-difficile.  Il  faut  employer  une  grande 
quantité  de  fondant  , & avoir  foin  de  tenir  le 
creufet  rouge -blanc  pendtnt  un  temps  affez  long 
pour  que  la  matière  foit  bien  fluide  , tranquille, 
&:  que  les  feories  foient  fondues  en  un  verr© 
bleu  j alors  le  cobalt  fe  précipite  5c  fe  rafTemble 
en  un  culot  au-defTous  des  feories. 

Le  cobalt , expofé  au  feu,  ne  fe  fond  que 
lorfqu’il  efl  bien  rouge  : ce  métal  efl  de 
très-difficile  fufion  , 5e  paroît  très- fixe  au  feu  ; 
on  ignore  même  s’il  peut  fe  volatilifer  dans  des 
vaiffeaux- fermés  j mais  on  fait  que  fi  on  le  laide 
refroidir  lentement  9 il  fe  çriftallife  en  prifm.es. 

F fiv 


456  E L É M E N S 

aiguillés , couchés  les  uns  fur  les  autres  & réunis 
en  faifceaux;  &.  ils  imitent  affez  bien  une  maffe 
de  ba faites  écroulés,  comme  l’obferve  M.  Mon- 

v • 

gez.  Pour  réuffir  dans  cette  criftallifation  , il 
fuffit  de  faire  fondre  du  cobalt  dans  un  creufet, 
julqu  a ce  qu 'il  éprouve  une  efpèce  d’ébullition, 
ôc  d’incliner  ce  vaiffeau  , lorfqu’après  l’avoir 
retiré  du  feu  , la  lurface  de  ce  demi -métal  fe 
fige.  Par  cette  inclinaifon  , la  portion  encore 
fondue  s’écoule , & celle  qui  adhère  aux  parois 
de  l’efpèce  de  géode  formée  par  le  refroidiffe- 
ment  des  furfaces  du  cobalt , fe  trouve  tapiffée 
de  criflaux  prifmatiques  entafies. 

Le  cobalt  fondu  expofé  à l’air  fe  couvre 
d’une  pellicule  fombre  & terne,  qui  n’ell  qu’un 
oxide  de  ce  demi  - métal , formé  par  fa  combi-' 
naifon  avec  l’oxigène.  On  fait  plus  facilement 
une  plus  grande  quantité  d’oxide  de  cobalt , en 
expofant  ce  demi -métal  réduit  en  poudre  dans 

lin  têt  à rôtir  fous  la  mouille  d’un  fourneau  de 

\ 

coupelle  , (k  en  l’agitant  pour  renouvelîer  les 
fuifacts.  Cette  poudre,  tenue  rouge  pendant 
quelque  tems,  perd  fon  brillant,  augmente  de 
poids  &i  devient  noire.  Cet  oxide  noir  de  cobalt 
demandeun  feu  de  la  dernière  violence  pour  fe 
fondre  en  un  verre  bleu  très -foncé. 

Le  cpbalt  fe  ternit  un  peu  à l’air,  & il  n’eft 
point  attaqué  par  Peau.  Ce  métal  ne  s’unit 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  457 

point  aux  terres  , mais  fon  oxide  s’y  combine 
par  la  fufion  , & il  forme  avec  elles  un  beau 
verre  bleu  de  la  plus  grande  fixité  au  feu.  C’eft 
à eau fe  de  cette  propriété  de  l’oxide  de  cobalt, 
que  cette  fubftance  eft  d’un  grand  ufage  dans  la 
peinturedes  émaux  , de  la  porcelaine  & de  la 
finance. 

On  ne  connoît  pas  bien  l’aftion  de  la  ba- 
ryre  , de  la  magnéjfie  & de  la  chaux  fur  le 
cobalt.  Les  alcalis  diffous  dans  l’eau  l’altèrent 
manifeftement  ; mais  on  n’a  point  encore  fuivi 
c es  altérations. 

Ce  métal  fe  diffout  dans  tous  les  acides, 
mais  avec  des  phénomènes  difrérens,  fuiyant  fon 
état  celui  de  l’acide. 

Le  cobalt  ne  fe  diffout  que  dans  l’acide  fuî- 
furique  concentré  & bouillant.  On  fait  cette 
diffolution  dans  une  fiole  de  verre  ou  dans 
une  cornue  ; lorfque  l’acide  eft  prefque  tout 
évaporé  en  gaz  fulfureux  , on  lave  le  réfidu  ; 
une  portion  fe  difiout  dans  l’eau  & lui  commu- 
nique une  couleur  rolée  ou  verdâtre  ; c’eft  le 
fui  fa  te  de  cobalt  ; l’autre  eft  du  cobalt  oxidé 
par  l’acide  dmnt  l’oxygène  s’eft  combiné  avec  • 
le  métal.  M.  B numé  du  qu’on  obtient  de 
la  diffolution  fulfurique  de  cobalt  fuffifamment 
évaporée,  & par  le  refroidiffement , deux  fortes 
de  criftaux  ; les  uns  blancs,  petits  & cubiques; 


' 4 É L É M E N S 

les  autres  verdâtres , quarrés , de  fix  lignes  de 
long,  6c  laiges  de  quatre.  Ce  font  ces  derniers 
qu’il  regarde  comme  le  fulfate  de  cobalt.  Les 
premiers  dépendent  de  quelques  autres  matières 
métalliques  étrangères  unies  au  cobalt.  Les  crif- 
N taux  de  fulfate  de  cobalt,  que  l’on  obtient  le 
plus  fouvent  fous  la  forme  de  petites  aiguilles % 
& que  M.  Sage  défigne  par  celles  de  prifmes 
tétraèdres  rhomboïdaux  , terminés  par  un  fom- 
met  dièdre  à plans  rhombéaux,  fe  déccmpofent 
au  feu  ; il  ne  refie  qu’un  oxide  de  cobalt  qui 
ne  peut  fe  réduire  feul.  La  baryte , la  mngnéfie  , 
la  chaux  & les  trois  alcalis  décompofent  auffi 
ce  fel,  & en  précipitent  le  cobalt  en  lin  oxide 
rofée  y joo  grains  de  cobalt  diffous  dans  l’acide 
fulfurique  donnent  par  la  foude  pure  environ 
140  grains  de  précipité,  6c  par  le  carbonate  de 
foude  160  grains.  Cetîe  augmentation  de  poids 
dépend  de  i’oxigène  de  l’acide  fulfurique  qui 
s’efl  uni  au  cobalt  ; dans  la  fécondé  précipita- 
tion l’acide  carbonique  , qui  fe  combine  à l’oxide 
de  coba’t,  augmente  encore  fa  pefanteur.  L’acide 
fulfurique , étendu  d’eau  , agit  fur  le  fafre , 6c  en 
diffout  une  portion  avec  laquelle  il  forme  du 
fulfate  de  cobalt. 

L’acide  nitrique  diffout  le  cobalt  avec  effer- 
vescence , à l’aide  d’une  douce  chaleur  ; il  fe 
dégage  du  gaz  nitreux,  à mefure  que  le  pria- 


d’Hist  Nat.  et  de  Chimie;  459 
feîpe  oxigène  de  cet  acide  s’unit  au  cobalt. 
Lorfque  la  diffolution  eff  au  point  de  faturaiion , 
elle  eff  d’un  brun  rofée  ou  d’un  f erd  clair.  Elle 
donne , par  une  forte  évaporation  , un  nitrate 
de  cobalt  en  petites  aiguilles  reunies.  Ce  fel  eft 
très-déliquefcent  ; il  bouillonne  fur  les  charbons 
fans  détoner  , & il  laiffe  un  oxide  rouge  foncé. 
Il  eft  décompofé  par  les  mêmes  intermèdes 
falins  que  le  fulfate  de  cobalt.  Si  dans  ces  dé- 
compobtions  on  ajoute  plus  d’a’cali  qu’il  n’en 
faut  pour  précipiter  l’oxide  de  cobalt  , cette 
fubftance  fe  diffout  dans  l’excédent  du  fel , & le 
précipité  difparoît. 

L’acide  muriatique  ne  diffout  pas  le  cobalt 
à froid  ; mais  à l’aide  de  la  chaleur  il  en  diffout 
une  portion.  Cet  acide  agit  mieux  fur  l’oxide 
du  demi-métal  ; il  forme  une  diffolution  d’un 
brun  rouge  , qui  devient  verte  dès  qu’on  la 
chauffe  ; cette  diffolution  évaporée  , & bien 
concentrée , fournit  un  muriate  de  cobalt  qui 
criftallife  en  petites  aiguilles  & qui  eff  fort 
déliquefcent  ; la  chaleur  lui  donne  d’abord  une 
couleur  verte  & le  déccmpofe. 

Veau  régale  ou  l’acide  nitro  - muriatique  dif- 
fout le  cobalt  un  peu  plus  aifément  que  ne  fait 
l’acide  muriatique  feul  , mais  avec  moins  d’é- 
nergie que  ne  fait  l’acide  nitrique.  Cette  diffo- 
lution eff  connue  depuis  long-tems  comme  une 


4&0  ! L É M E N S 

forte  d 'encre  de  fympathie , qui  ne  devient  appa- 
rente que  lorsqu’on  la  chauffe  , l’écriture  , qui 
n’étoit  pas  vifible  à froid  , ,paroît  d’un  beau 
verd  céladon  par  la  chaleur  , & difparoît  à 
mefure  que  le  papier  fe  refroidit.  Cette  propriété 
appartient  à la  diffolution  de  l’oxide  de  cobalt 
dans  l’acide  muriatique  , &C  l’acide  nitrique  qu’on 
a ajouté  pour  faire  l'eau  régale  n’y  contribue 
qu’en  facilitant  fa  diffolution  & fa  fufpenfion. 
On  avoit  cru  que  la  couleur  verte  que  produit 
l’encre  de  cobalt  chauffée,  & quelle  perd  en 
refroidiffant  , étoit  due  au  fel  métallique  que 
la  chaleur  faifoit  criffallifer , &:  qui , étant  expofé 
à l’air  froid  , attïr oit  affez  d’humidité  pour  fe 
difloudre  & difparoître  entièrement  ; mais  il  efï 
prouvé  que  le  muriate  de  cobalt,  diffous  dans 
l’eju  , prend  la  môme  couleur  des  qu’on  lui  fait 
éprouver  un  certain  degré  de  chaleur. 

L’acide  boraciquene  diffout  point  immédiate- 
ment le  cobalt*,  mais  lorfqu’on  môle  une  diffo- 
lution de  borate  de  fonde  avec  une  diffolution 
du  cobalt  dans  un  de  ces  acides  pié:édens, 
il  s’opère  une  double  décompofition.  La  fonde 
s’unit  avec  l’acide  qui  tenoit  l’oxide  métallique 
en  diffolution  , & l’acide  boracique  , combiné 
avec  cet  oxide  , forme  un  fel  peu  foluble  , 
qui  fe  précipite  : on  peut  recueillir  ce  borate 
de  cobalt , en  féparant  par  le  filtre  la  liqueur 
qui  le  fumage. 


D’HiST.  NAT.  ET  DE  CHIMIE.  4 6ï, 

Le  cobalt  n’a  point  d’a&ion  fur  la  plupart  des 
fels  neutres.  Il  s’oxide  lorfqu’on  le  traite  au 
feu  avec  du  nitre.  Si  on  projette  dans  un  creutet 
rouge  un  mélange  d’une  partie  de  cobalt  eft 
poudre  , & de  deux  ou  trois  parties  de  nitre  bien 
fcc  , il  ne  fe  produit  point  une  détonation  vive  , 
mais  il  s’excite  de  petites  lcintiliations  bien 
marquées  $ on  trouve  enfuire  une  portion  du 
cobalt  changée  en  un  oxide  d’un  rouge  plus 
ou  moins  foncé  fouvent  verdâtre.  Cette  expé- 
rience , ainfi  que  toutes  celles  fur  l’aition  réci- 
proque du  nitre  & des  matières  métalliques,  de- 
manderait à être  fuivie. 

Le  cobalt  ne  décompofe  point  le  muriate  am- 
moniacal. Bucquet,  qui  a fait  cette  expérience 
avec  beaucoup  de  foin  , n’â  pas  obtenu  un 
atome  d’ammoniaque  ; cela  dépend  du  peu 
d’action  qu’exerce  l’acide  .muriatique  fur  ce 
métal. 

On  ne  connoît  pas  l’aélion  du  gaz  hydrogène 
fur  le  cobalt.  Le  foufre  ne  s’unit  que  très- diffi- 
cilement avec  cette  lubflance,  mais  les  fulfures 
alcalins  favorifent  cette  comhinaifon  ; il  en 
réfulte  une  forte  de  mine  artificielle , à facetres 
plus  ou  moins  larges  ou  d’un  grain  plus  ou  moins 
fin  , d’une  couleur  blanche  ou  jaunâtre  , fuivant 
la  quantité  de  foufre  combiné.  M.  Baumé  , oui 
a donné  d’excellens  détails  fur  cette  combinai- 


46*  ÉLÉMENT 

fon  , dans  fa  Chimie  expér  mentale  & raifonnée  * 
(tome  II , 228  à 297  ) obferve  qu’elle  ne 

peut  être  décompofée  que  par  les  acides  , & 
que  le  feu  n’eft  pas  capable  d'en  féparer  tout 
le  foufre. 

Le  cobalt  n’eft  d’aucun  ufage  dans  fon  état 
métallique  , mais  on  emploie  fon  oxide  pour 
colorer  en  bleu  les  verres , les  émaux , les  faïen- 
ces , les  porcelaines.  On  en  fabrique  audï  une 
encre  de  fympathie. 


CHAPITRE  X. 


Du  Bismuth ; 

« 

L E bifmuth  , nommé  autrefois  étain  de  glace  y 
efl  un  métal  fragile  d’un  blanc  jaunâtre  , fort 
pefant  , difpofé  en  grandes  lames.  11  s’enfonce 
un  peu  par  les  coups  de  marteau , mais  il  fe 
brife  bientôt  en  petites  paillettes  , & finit  par 
fe  réduire  en  poudre.  Il  perd  dans  l’eau  un 
dixième  de  fon  poids.  Il  efl  fufceptible  de  crif- 
tallifer  en  prifmes  polygones  , qui  fe  difpofent 
en  volutes  grecques  quarrées  , ou  entièrement 
femb'ables  à celles  du  muriate  de  foiide,  Il  n’a 
que  très -peu  d’odeur  6c  de  faveur. 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  465 

Le  bifmuth  eft  fouvent  fous  forme  métalli- 
que dans  la  nature.  On  le  reconnoît  à fa  cou» 
leur  brillante  jaunâtre  , à fa  molleffe , telle  qu’il 
fe  laifie  couper  au  couteau  , à fa  forme  lamel» 
leufe  , & fur-tout  h fa  grande  fufibilité.  Il  eft 
ordinairement  criftallifé  en  lames  triangulaires 
qui  font  pofées  les  unes  fur  les  autres  par 
recouvrement.  Il  y a des  échantillons  dans 
lesquelles  ce  demi-métal  eft  fous  la  forme 
d’o&aèdres  très  réguliers.  Sa  gangue  eft  ordi- 
nairement quartzeufe  ; on  en  trouve  à Scala  en 
Neritie  , en  Dalécarüe  , & à Schnéeberg  en 
Allemagne. 

Plufieurs  minéralogiftes  modernes  doutent  de 
l’exiftence  de  la  mine  de  bifmuth  arfenicale. 
Cependant  quelques-uns  aflurent  que  cette  mine 
eft  chatoyante  , fouvent  difpofée  en  petites 
lames  luifantes  d’un  gris  clair.  Elle  eft  auftî  , 
fuivant  ces  derniers , prefque  toujours  mêlée  de 
bifmuth  natif  & de  cobalt , dont  i’efflorefcence 
rougeâtre  fe  fait  quelquefois  remarquer  à la 
furface  des  échantillons. 

La  mine  de  bifmuth  fulfureufe  , ou  le  fui-» 
fure  de  bifmuth  natif  , reconnue  par  tous  les 
minéralogiftes  , eft  d’un  gris  blanchâtre , quel- 
quefois tirant  fur  le  bleu  , à facettes  ou  en 
prifmes  aiguillés.  Cette  mine  a l’éclat  & la  cou- 
leur de  la  mine  de  plomb  ou  galène  ; elle  pré? 


464  E L É M.  E N S 

fente  prefque  toujours  des  facettes  quarrées  ; 
mais  jamais  on  n’y  voit  de  véritables  fragmens 
cubiques  ; elle  fe  coupe  au  couteau  ; elle  efl 
fort  rare  , on  la  trouve  à Baftnaës  en  Suède  &Z 
à Schnéeberg  en  Saxe. 

Qronûedt  parle  auffi  d’une  mine  de  bîfmuth 
martiale  , qu’il  dit  fe  rencontrer  en  grofles  écail- 
les cunéiformes,  à Konsberg  en  Norwège. 

Enfin  , le  bifmuth  fe  rencontre  quelquefois 
dans  l’état  d’oxide.  Il  efl  fous  la  forme  d’une 
efîlorefcence  granuleufe  , d’un  jaune  verdâtre 
& jamais  rouge  , à la  furface  des  mines  de 
bifmuth.  M.  Kirwan  croit  que  cet  oxide  de 
bifmuth  y eft  uni  à l’acide  carbonique.  Quelques 
minéralogifles  afiurent  qu’il  y a un  fulfate  de 
bifmuth  natif  mêlé  à cet  oxide. 

, Pour  faire  l’effai  d'une  mine  de  bifmuth  , on 
fe  contente  de  la  fondre  à une  douce  chaleur 
dans  un  creufet  <Sc  a l’aide  d’une  ceitaine  quantité 
de  flux  réduûif.  Comme  le  bifmuth  efl  volatil  , 
on  doit  le  fondre  le  plus  vite  pofîible  ; il  vaut 
meme  mieux  faire  cet  efîai  dans  des  vaifTeaux 
fermes  , comme  le  recommande  Cramer. 

La  fonte  en  grand  des  mines  de  bifmuth  n’cft 
pas  plus  difficile  ; on  fait  une  fofife  en  terre  , on 
la  couvre  de  bûches,  qu’on  place  près  les  unes 
des  au,  res  ; on  allume  le  bois,  & on  jette  par- 
deffus  la  mine  concaffée  ; le  bifmuth  fe  fond 

& 


d’Hist»  Nat.  et  de  Chimie.  465 

& coule  dans  la  folle , où  il  fe  moule  en  pain 
orbiculaire.  Dans  d’autres  endroits  on  incline 
un  tronc  de  pin  creufé  en  canal,  fur  lequel 
on  met  un  lit  de  bois  ; on  jette  le  bifmuth 
fur  cette  matière  combuftible  après  l’avoir 
allumée.  Ce  métal  fe  fond  , coule  dans  le 
canal  qui  le  conduit  dans  un  trou  fait  en  terre  , 
fur  lequel  pofe  l’extrémité  du  tronc  de  pin.  On 
puife  le  bifmuth  dans  cette  efpèce  de  caffe , on 
le  verfe  dans  des  moules  de  fer,  ou  dans  des 
lingotières. 

Le  bifmuth  n’eft  que  peu  altéré  par  le  contad 
de  la  lumière.  Il  eft  extrêmement  fulible  , il  fe 
fond  long-temps  avant  de  rougir.  Chauffé  dans 
des  vaiffeanx  fermés,  il  fe  fublime  en  entier.  Si 
on  le  laiffe  refroidir  lentement,  il  fe  criftallife 
en  volutes  grecques.  C’eft  une  des  fubftances 
métalliques  qui  fe  crifiallife  le  plus  facilement. 
M.  Brongniart  eft  le  premier  chimifle  qui  ait 
bien  réuffi  à cette  criftallifation. 

Si  on  tient  le  bifmuth  en  fufion  avec  le  contaét 
de  l’air,  fa  furface  fe  couvre  d’une  pellicule 
qui  fe  change  en  un  oxide  d’un  gris  verdâtre  ou 
brun , nommé  cendre  ou  chaux  de  bifmuth . Dix- 
neuf  gros  de  bifmuth  calcinés  dans  une  capfule 
de  verre  ont  donné  à M.  Baumé  vingt  gros 
trente-quatre  grains  doxide.  Le  bifmuth  chauffé  • 
jufqu’à  rougir  brûle  avec  une  petite  flamme 
Tome  IL  G g 


4 66  É L £ M E N s 

bleue  peu  fenfible;  Ton  oxide  s’évapore  fous  la 
forme  d’une  fumée  jninârre  , qui  fe  conclenfe  à 
la  fur  face  des  corps  froids  en  une  pouffière  de 
même  couleur,  nommée  improprement  fleurs 
de  bij'rmith ; cette  poudre  ne  doit  fa  volatilifation 
qu’à  la  rapidité  avec  laquelle  le  bifmuth  brûle  ; 
car  fi  on  l’expofe  feule  au  feu,  elle  fe  fond  en 
un  verre  verdâtre  fans  fe  fublimer.  Geoffroy 
le  fils  a obfervé  que  fur  la  fin  cet  oxide  de 
bifmuth  fublimé  devient  d’un  beau  jaune  d’or- 
piment. 

Les  oxides  gris  ou  brun  , fublimé  &c  vitreux  , 
ne  font  que  des  combinaifons  de  ce  métal 
avec  la  bafe  de  Fair  vital  ou  l’oxigène.  Ils  ne 
fe  réduifent  pas  fans  addition  , parce  qu’il  y a 
beaucoup  d’adhérence  entre  les  deux  principes 
qui  les  compofent  ; mais  le  gaz  hydrogène  , le 
charbon  & toutes  les  matières  combuflibles  or- 
ganiques qui  co  .tiennent  l’un  & l’autre  de  ces 
corps , lont  capables  de  les  décompofer  oc  de 
leur  rendre  leur  état  métallique , en  s’emparant 
de  l’oxigène  avec  lequel  ces  corps  ont  plus 
d’affinité  que  n’en  a le  bifmuth. 

M.  d’Arcet  ayant  expofé  du  bifmuth  dans 
une  boule  de  porcelaine  non  cuite,  à la  chaleur 
du  four  qui  cuit  cette  dernière  fubflance , ce 
métal  a coulé  au  dehors  par  une  crevalTe 
du  creufet  j la  portion  reftée  dans  ce  vaiffeau 


b’Hist.  Nat.  et  be  Chimie.  467 

y a formé  un  verre  d’un  violet  fale  , tandis  que 
le  bifmuth  fondu  à l’extérieur  de  la  boule  étoit 
jaunâtre.  11  paroît,  d’après  ce  fait&  plufieurs  au- 
tres femblables , que  les  verres  métalliques  faits 
avec  ou  fans  le  contaâ  de  l’air , different  les 
uns  des  autres. 

Le  bifmuth  fe  ternit  un  peu  à l’air,  & il  fe 
forme  une  rouille  blanchâtre  à fa  furtace.  Il  n’eft 
point  attaqué  par  l’eau , ôt  il  ne  fe  combine 
point  aux  terres  ; mais  fon  oxide  s’unit  avec 
toutes  les  matières  terreufes  , ôz  en  facilite  la 
fufion  ; il  donne  une  teinte  jaune  verdâtre  aux 
verres  dans  la  combinail'on  defqueis  on  le  fait 
entrer. 

On  ne  connoît  pas  l’adion  des  fubftances 
faüno-terreufes  ôz  des  alcalis  fur  ce  demi- 
métal. 

L’acide  fulfurique  concentré  & bouillant  eft 
altéré  par  le  bifmuth;  cet  acide  fe  décompofe 
en  partie  Ôz  laiffe  exhaler  du  gaz  fiilfureux.  La 

y 

mafl'e  qui  relie  dans  le  vaiffeau  après  la  décom- 
pofition  d’une  partie  de  l’acide  eft  blanche  ; 
on  fépare  par  l’eau  la  portion  qui  eft  dans  l’état 
falin  de  celle  qui  efl  pur  oxicles  ôz  qui  ne  con- 
tient que  très-peu  d’acide;  la  leffive  évaporée 
fournit  un  fulfare  de  bifmuth  en  petites  aiguilles 
déliquefcentes.  Ce  fel  peut  être  décompofé 
par  le  feu,  par  les  fubftances  falino-terreufes  , 

G g ij 


468  E l £ M E N s 

par  les  alcalis  & même  par  l’eau  en  grande 

quantité.  On  ne  connoît  point  le  fulfite  de  bil- 

mutn. 

L’acide  nitrique  diftbur  le  bifmuth  avec  une 
rapidité  étonnante  , ou  plutôt  ce  métal  dé- 
compofe  l’acide  & lui  enlève  très-promptement 
une  partie  de  Ton  oxigène.  Le  mélange  s’échauffe 
beaucoup  ; il  s’en  exhale  des  vapeurs  rouges 
très-épaiffes.  Si  l’on  fait  cette  combinaifon  dans 
l’appareil  pneumato  - chimique  , on  en  obtient 
une  très -grande  quantité  de  gaz  nitreux;  c’eft 
un  moyen  très-prompt  & très-commode  de  fe 
procurer  ce  gaz.  Il  fe  précipite  pendant  cette 
dillblution  une  poudre  noire  que  Lémery  a prife 
pour  du  bitume  9 que  Pott  a regardée  comme 
un  oxide  de  bifmuth  très -calciné.  M.  Baumé  l’a 
prife  pour  du  foufre  ; peut-être  eft-ce  du  char- 
bon. La  diffolution  nitrique  de  bifmuth  eft  fans 
couleur  ; îorfqu’elle  eft  chargée  , elle  dépofe  des 
criftaux  fans  évaporation. Ce  dernier  moyen,  com* 
biné  avec  le  refroidiffement , fournit  un  nitrate 
de  bifmuth  ^ fur  la  forme  duquel  les  chimiftes 
ne  font  nullement  d’accord.  M.  Baumé  dit  que 
ce  fel  eft  difpofé  en  groffes  aiguilles  taillées 
en  pointes  de  diamant  par  un  bout.  M.  Sage 
définit  ces  criftaux  des  prifmes  tétraèdres  , un 
peu  comprimés  & terminés  par  deux  pyramides 
trièdres  obtufes , dont  les  plans  font  un  rhombe 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  469. 
8c  deux  trapèzes.  Par  une  évaporation  lente 
}’en  ai  obtenu  des  rhombes  applatis , fort  gros 
& tout  - à - fait  femblables  au  fpath  calcaire 
d’Iûande. 

Le  nitrate  de  bifmuth  détone  foiblement  & 
par  fcintillations  rougeâtres  ; il  le  fond  & fe 
bourfo.iffle  , & il  laide  un  oxide  d’un  jaune  ver- 
dâtre , qui  ne  fe  réduit  pas  fans  addition.  Ce  fel? 
expofé  à Pair  , perd  fa  tranfparence  en  même- 
tems  que  Peau  de  fa  cridallifation  fe  diflipe. 
Dès  qu’on  effaie  de  le  diffoudre  dans  Peau  , il 
la  rend  blanche  , laiteufe*,  &.  y forme  un  préci- 
pité d’oxide  de  bifmuth. 

Il  en  ed  de  même  û Pon  verfe  dans  Peau  la 
diffolution  nitrique  du  bifmuth  ; la  plus  grande 
partie  de  l’oxide  de  ce  métal  fe  précipite 
fous  la  forme  d’une  poudre  blanche  , nommée 
blanc  de  fard  ou  magijler  de  bifmuth.  Cent  grains 
de  ce  métal  diffous  dans  l’acide  nitrique 
donnent  1 1 3 grains  d’oxide  précipité  ? en 
raifon  de  Poxigène  qui  s’y  eft  fixé.  Pour  avoir 
ce  précipité  très -blanc  & très  - fin  , il  faut  le 
préparer  avec  une  grande  quantité  d’eau.  Les 
femmes  s’en  fervent  pour  blanchir  la  peau  , mais 
il  a l’inconvénient  de  noircir  lorfqu’il  ed  eu 
contatt  avec  des  matières  odorantes  & com- 
buftibles  ; c’efl:  même  un  des  oxides  métalliques 

dans  lefquels  cette  propriété  eft  la  plus  éner~ 

Gg  îij 


47 O É L É M E M S 

gique.  Quoique  le  nitrate  de  bifmuth  foit  en 
grande  partie  décompofe  par  l’eau  , il  en  refte 
cependant  une  portion  en  diffolution  , & cette 
portion  ne  peut  être  précipitée  que  par  la  chaux 
ou  les  alcalis.  Ce  cara&ère  d’être  précipité  par 
l’eau  appartient  à toutes  les  diffiolutions  de 
bifmuth.  On  ne  connoît  point  le  nitrite  de 
bifmuth. 

L’acide  muriatique  agit  difficilement  fur  ce 
métal  ; il  faut  que  cet  acide  foit  concentré 
& qu’on  le  tienne  long-temps  en  digeftion  fur 

le  bifmuth;  cette  difTolution  réüffit  encore  mieux 

« 

en  diftilbint  une  grande  quantité  d’acide  muria- 
tique fur  le  métal;  il  s’exhale  une  odeur  fétide  de 
ce  mélange  : on  lave  le  réfidu  avec  de  l’eau  , qui 
fe  charge  de  la  portion  d’oxide  métallique  unie  à 
l’acide.  Le  muriate  de  bifmuth  criftallife  difficile- 
ment; il  eft  fufceptible  de  fe  fublimer  et  de  for- 
mer une  forte  de  fel  mou , fufible,  nommé  im- 
proprement beurre  de  bifmuth , qui  attire  fortement 
l’humidité  de  l’air  ; l’eau  le  décompofe  & en 
précipite  un  oxide  blanc. 

On  ne  connoît  point  l’aêHon  des  autres  acides 
minéraux  fur  le  bifmuth. 

Le  bilmuih  eft  oxidé  par  le  nitre  ordinaire, 
mais  fans  détonation  fenfible.  Ce  métal  ne 
décompofe  point  clu  tout  le  muriate  ammo- 
niacal , mais  fon  oxide  en  fépare  complettement 
l’ammoniaque.  On  obtient  dans  cette  expérience 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  471 
une  grande  quantité  de  gaz  ammoniac  , & le 
réfidu  contient  la  combinaifon  de  l’oxide  mé- 
tallique avec  l’acide  muriatique.  Si  le  bilmath 
n’agit  point  fur  le  muriate  ammoniacal  , en 
raifun  du  peu  d’a&ion  que  l’acide  muriatique 
a fur  ce  métal  la  propiété  de  décompofer 
ce  lel  , dont  jouit  fon  oxide  , ed  bien  remar- 
quable , & elle  prouve  qu’il  fe  rapproche  des 
fubftances  falines- 

Le  gaz  hydrogène  altère  la  couleur'  du  bif- 
muth  , &c  lui  donne  une  teinte  violette.. 

Le  foufre  fe  combine  avec  lui  par  la  fufiom. 

Il  en  résulté  une  forte  de  mine  grife  , bleuâtre 
& brillante  qui  cridallife  en  belles  aiguilles  té- 
traèdres femblables  par  leur  couleur  & leurs  re- 
flets aux  plus  beaux  morceaux  de  fulfure  d’anti- 
moine. 

On  ne  connoît  pas  bien  l’aélion  de  l'àrfenic  fur 
le  bifmuth , on  fait  que  ce  métal  ne  s’allie 
point  au  cobalt  , & qu’il  en.  rede  féparé  dans  la 
fonte. 

Le  bifmuth  ed  employé  par  les  potiers  d’étain 
pour  donner  de  la  dureté  à ce  dernier  métalo., 
11  pourroit  être  fubditué  au  plomb  dans  l’art 
de  coupeller  les  métaux  parfaits  ; parce  qu’il  a*„ 
comme  ce  métal  , la  propriété  de  fe  fondre  en 
un  verre  que  les  coupelles  abforbent.  Geoffroy 
le  cadet  a trouvé  beaucoup  de  rapport  entre  ce 

G g iv 


47*  É L É M E NS 

métal  caffant  Si  le  plomb.  On  ne  peut  que  foup- 
çonner  les  effets  du  bifmuth  fur  l’économie 
animale  j on  croit  avec  affez  de  vraifemblance 
que  fon  ufage  feroit  dangereux  comme  celui  du 
plomb.  On  connoît  même  quelques  mauvais 
effets  de  ce  métal  appliqué  extérieurement. 

On  fe  fert  de  l’oxide  de  bifmuth  , appelle 
blanc  de  fard , pour  blanchir  la  peau  ; mais  il 
faut  alors  éviter  avec  foin  toutes  les  matières 
très-odorantes,  & fur-tout  celles  qui  font  fétides. 
Le  voif  nage  des  boucheries  , des  voiries , des 
égouts , des  latrines  , meme  des  odeurs  fortes  , 
influe  tellement  fur  cet  oxide  , qu’il  lui  donne 
une  couleur  plus  ou  moins  noire.  La  vapeur  des 
fulfures  alcalins , celle  des  œufs  produifent  cet 
effet  avec  beaucoup  d’énergie  ; on  fait  en  phy- 
fique  une  expérience  qui  prouve  cette  propriété  ; 
on  trace  des  cara&ères  avec  une  diffolution  de 
bifmuth  fur  le  premier  feuillet  d’un  livre  blanc  , 
compofé  d’une  centaine  de  pages  ; on  imprégné 
le  dernier  feuillet  d’un  peu  de  fulfure  alcalin 
liquide  ; quelques  inftans  après  la  vapeur  hé- 
patique portée  par  l’air  qui  circule  entre  tous 
les  feuillets  , arrive  à l’extrémité  du  livre  Sz 
colore  en  brun  foncé  les  caraéferes  tracés  fur 
la  première  page.  On  a dit  que  le  gaz  hydro- 
géné fulfuré  ou  hépatique  traverfoit  le  papier  ; 
mais  M.  Monge  a prouvé  que  c’eft  l’air  qui  le 


d’Hist.  Nat.  et  di  Chimie.’  473 
porte  ainfi  de  feuille  en  feuille , puifqu’en  collant 
ces  feuilles  les  unes  aux  autres , la  coloration 
n’a  plus  lieu. 


CHAPITRE  XI. 


Du  Nickel. 

L E nickel  a été  regardé  par  Cronftedt  comme 
un  demi-métal  particulier  , qu’il  a fair  connoître 
en  1751  & J754,  dans  les  a£!es  de  l’acadé- 
mie de  Stockolm.  Ce  métal  caffant  eft  fuivant  lui 
d’une  couleur  blanche  , brillante  , tirant  fur  le 
rouge , far -tout  à l’extérieur.  Il  efl  très  - fragile , 
de  paroît  compofé  de  facettes  dans  fa  frac- 
ture , ce  qui  le  di  dingue  du  cobalt.  M.  Arvidffon  , 
qui  a publié  9 conjointement  avec  Bergman, 
une  thèfe  fur  les  propriétés  du  nickel , traduite 
& inférée  dans  le  journal  de  phylique  , Octo- 
bre 1776,  ra  obfervé  que  le  nickel  obtenu  par 
le  grillage  Sc  la  fufion  de  fes  mines  , comme 
l’avoit  indiqué  Cronftedt,  n’eft  rien  moins  que 
ce  métal  pur , & qu’il  contient  du  fou- 
fre  , de  l’arfenic  , du  cobalt  & du  fer.  Comme 
Bergman  eft  parvenu  par  un  grand  nombre  de 
procédés  ingénieux  à extraire  la  plus  grande 


\ 


474  ÉLÉMENT 

partie  de  ces  matières  étrangères  , & a obte  - 
nir du  nickel  différent  , par  plufieurs  de  fes  pro- 
priétés, de  celui  de  Cronfîedt , c’efî  de  celui-là 
que  nous  parlerons  après  avoir  fait  l’hifîoire  de 
fes  mines. 

On  trouve  le  nickel  uni  au  foufre  & à l’ar- 
fenic.  Ses  mines  ont  une  couleur  rouge  de  cui- 
vre ; elles  font  prefque  toujours  couvertes  d’une 
efîlorefcence  d’un  gris  verdâtre  ; les  allemands 
les  nomment  kupfer  • nickel  , ou  cuivre  /aux.  Ce 
minéral  efî  très  commun  à Freyberg  en  Saxe  ; 
il  efî  fouvent  mclé  avec  la  mine  de  cobalt  grife. 
Mais  fa  couleur  rouge  , fon  efîlorefcence  ver- 
dâtre le  distinguent  de  cette  mine  qui  efî  grife 
ou  noire  , & dont  l’efîlorefcence  efî  rouge  ^ 
il  efî  fouvent  erifîallifé  en  cubes.  Wallerius 
défigne  le  kupfer-nickel  fous  le  nom  de  mine  de 
cobalt  d’un  rouge  de  cuivre  ; il  la  croit  un  com- 
pofé  de  cobalt , de  fer  & d’arfenic.  Linnéus  le 
regardoit  comme  du  cuivre  minéralifé  par  l’ar- 
fenic.  Rome  de  Lille  l’a  rangé  avec  Wallerius 
parmi  les  mines  de  cobalt  , & penfe  comme 
lui  que  c’efî  un  alliage.  M.  Sage  ayant  traité 
cette  mine  avec  le  muriate  ammoniacal  , en  a 
retiré  du  fer  , du  cuivre  & du  cobalt.  Il  croit 
qu’elle  efî  formée  de. l’alliage  de  ces  trois  ma- 
tières métalliques  avec  l’afenic,  On  y trouve 
aufli  un  peu  d’or , fuivanc  ce  chimifîe.Il  efî  bon 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie  475 
d’obferver  qu’il  a eu  des  réfulrats  différens  de 
ceux  de  Bergman.  Il  dit  avoir  opéré  fur  des 
kupfer-nickels  de  Biber  en  Hefle  , & d’Âllemont 
en  Dauphiné. 

Cronftedt  aflùre  quon  peut  féparer  du  nickel 
la  matière  métallique  nommée  fpùjf  par  les 
allemands , & qui  fe  raffemble  dans  les  creufets 
où  on  fond  le  fmalr.  M.  Monnet  croit  que  le 
ipeilT  de  la  manufacture  de  Gengenback  , à 
quatorze  lieues  de  Strasbourg  , efl:  du  vrai  nic- 
kel ; & comme  la  mine  de  cobalt  qu’on  emploie 
dans  cet  endroit  pour  faire  le  fmalt  efl:  très- 
pure  , il  en  conclut  que  le  nickel  eft  néceflaire- 
ment  produit  par  le  cobalt  lui  même  , comme 
nous  le  verrous  plus  bas.  Mais  M.  Baumé  a 
retiré  du  nickel  de  prefque  toutes  les  mines  de 
cobalt,  parle  moyen  du  fulfure  alcalin.  Il  paroît 
donc  que  la  mine  de  cobalt  que  l’on  travaille  à 
Gengenback  contient  du  nickel  qu’il  efb  impofli- 
ble  d’y  reconnoître  à l’œil, à caufe  de  l’union  in- 
time de  ces  deux  matières  métalliques. 

Pour  retirer  le  nickel  de  fa  mine , on  le  fait 
griller  lentement , afin  d’enlever  une  portion  de 
foufre  & de  l’arfenic.  Elle  fe  change  en  un 

O 

©xide  verdâtre  ; plus  elle  efl:  verte  , plus  elle 
contient  de  nickel  , d’après  Bergman  & Ar- 
vidffon.  On  la  fond  enfuite  avec  trois  parties, 
de  flux  noir  & du  muriate  de  foude  , 6c  on  en 


'4  7 6 E L É M E N S 

tire  un  métal  tel  que  l’a  défigné  Cronftedt , mais 
qui  efl  bien  éloigné  d’être  le  nickel  pur  ; fes 
fcories  font  brunes  ou  bleues.  Beaucoup  de 
chimiftes  , depuis  le  travail  de  M.  Arvidffon  , 
regardent  encore  cette  fubftance  métallique 
comme  un  alliage  naturel  de  fer  , de  cobalt 
& d’arfenic.  Quant  au  cuivre , il  n’y  a que 
M.  Sage  qui  dit  en  avoir  retiré  du  kupfer-nickel. 
M.  Monnet  penfe  que  le  nickel  n’cft  que  du 
cobalt  privé  du  fer  & de  l’arfenic.  A mefure 
que  nous  examinerons  les  propriétés  de  ce 
métal , nous  verrons  fur  quoi  font  fondées  ces 
différentes  opinions  ; nous  croyons  avec  Berg- 
man que  ce  qui  en  a impofé  afix  cbimides 
fur  cet  objet  , c’eft  l’extrême  difficulté  que 
l’on  éprouve  pour  obtenir  du  nickel  très -pur  ; 
vérité  bien  démontrée  dans  la  differtation  de 
M.  Arvidffon,  déjà  citée.  Comme  il  eft  certain 
qu’amené  autant  qu’il  eft  poffible  à cet  état  de 
pureté  , il  a des  propriétés  très  - particulières , 
& qu’on  n’a  pas  encore  pu  ni  le  féparer  par 
l’analyfe  en  différentes  fubftances  métalliques  , 
ni  le  recompofer  par  un  alliage  quelconque, 
on  doit  le  regarder  comme  un  métal  par- 
ticulier j jufqu’à  ce  que  des  expériences  ulté- 
rieures nous  aient  convaincu  du  contraire. 

Le  métal  que  fournit  la  fimple  fufion 
dukupfer-nickel  grillé  eft  à facettes  d’un  blanc 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  477 
rougeâtre  & très-fragile.  Il  contient  beaucoup 
d’arfenic  , de  cobalt  6l  de  fer.  M.  Arvidffon 
lui  a fait  éprouver  fix  grillages  qui  ont  dure 
depuis  fix  jufqu’à  quatorze  heures  chacune  ; il 
a réduit  le  métal  après  chaque  grillage  ; il  a 
obfervé  qu’en  le  traitant  ainli  il  s’en  exhale 
des  vapeurs  d’arfenic  & des  vapeurs  branches  qui 
ne  fentenr  point  ce  dernier  métal  ; la  poudre  de 
charbon  mêlée  dans  ces  opérations  facilite  la 
volatilifation  de  Parfenic.  Le  nickel,  dont  le 
poids  étoit  beaucoup  diminué  par  ces  fix  opé- 
rations , fentoit  encore  Parfenic  & étoit  attira- 
bîe.  On  le  fondit  fix  fois  avec  de  la  chaux  Sc 
du  borax,  & on  le  fit  chauffer  une  feptième  en  y 
ajoutant  du  charbon,  jufqu’à  ce  qu’il  ne  répandît 
plus  de  vapeurs  d’arfenic.  Cet  oxide  étoit 
ferrugineux  , nuancé  de  taches  vertes  ; réduit , 
il  donna  des  fcories  martiales  & un  bouton 
encore  attirable  à l’aimant.  Le  fuccès  a toujours 
été  pareil  avec  pîufiéùrs  nickels  de  différens 
pays.  Le  foufre,  le  fulfure  de  potaffe  ,Ja  déto- 
nation du  nitre  , les  diffolutions  dans  l’acide 
nitrique  & dans  l’ammoniaque  , employés  par 
M.  Arvidffon , n’ont  jamais  pu  enlever  tout  le 
fer  du  nickel.  Il  a conclu  de  ces  expériences 
qu’il  eft  impofiible  de  purifier  exactement  ce 
métal  ; que  le  foufre  ne  s’en  fépare  que  par 
les  grillages  repérés  ; qtie  Parfenic  y eft  plus 


478  E L i M E N s 

adhérent  ; qu’on  peut  l’en  extraire  à l’aide  de  la 
poudre  de  charbon  & du  nitre  ; que  le  cobalt 
y efl  encore  plus  intimement  combiné  , puis- 
que le  nitre  le  fait  découvrir  , quoique  rien 
n’indiquât  fa  préfence  ; Si  qu’il  efl  importable 
de  le  priver  de  tout  le  fer  qu’il  contient , puif- 
que  lorfque  le  nickel  a été  traité  de  toutes  ces 
manières , il  efl  quelquefois  plus  attirable  à 
l’aimant  que  jamais.  M.  Arvidffon  croit,  d’après 
cela,  que  cette  fubftance  n’efl  autre  chofe  que 
du  fer  dans  un  état  particulier  ; & il  préfente 
un  tableau  comparé  de  plufieurs  propriétés  de 
ce  métal  avec  celles  du  cobalt,  de  l’aimant 
& du  nickel , d’après  lequel  il  regarde  ces  trois 
matières  métalliques  comme  du  fer  différem- 
ment modifié.  Mais  la  principale  propriété  du 
nickel , qui  a conduit  M.  Arvidffon  à cette  con- 
clufion  , efl  fon  magnétifme.  Ne  pourroit-on 
pas  croire  qu’elle  n’efl  pas  fuffifante  pour  con- 
fondre deux  matières  métalliques  différentes 
dans  toutes  leurs  autres  propriétés  , puifque 
d’ailleurs  il  efl  pofîîble  que  le  magnétifme  ne 
foit  pas  particulier  au  fer , & fe  rencontre  dans 
plufieurs  fubflances  métalliques?  Je  penfe  donc 
que  malgré  la  propriété  que  préfente  le  nickel 
d’ctre  attirable  à l’aimant  , on  doit  le  conlidé- 
rer,  iorfqu’il  a été  purifié  par  les  procédés  de 
M.  Arvidffon,  commé 'un  métal  particulier, 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  479 

puifque  , comme  je  l’ai  déjà  annoncé  , on  ne 
peut  ni  en  extraire  d’autres  fubftances  métal- 
liques , ni  l’imiter  parfaitement  paraucun  alliage  ; 
puifqu’enfin  il  a alors  des  propriétés  qui  n’ap- 
partiçnnent  qu’à  lui,  & à l’examen  defquelles 
nous  allons  pafter.  M.  Kirwan  a adopté  entière- 
ment cette  opinion  dans  fa  minéralogie. 

Il  n’ofïre  pas  de  facettes  , comme  l’avoit  indi- 
qué Cronftedt , mais  fa  caffure  eft  grenue  ; il 
pèfe  neuf  fois  plus  que  l’eau  ; il  n’eft  pas  fra- 
gile , comme  Cronftedt  l’avoit  annoncé  ; il  jouit 
au  contraire  de  la  dudilité  dans  un  degré  allez 
marqué  pour  que  Bergman  doute  s'il  doit  être 
rangé  parmi  les  métaux  ou  les  demi-métaux; 
il  eft  prefque  auffi  difficile  à fondre  que  le  fer 
forgé  ; il  cft  très  fixe  ; il  fe  calcine  lorfqu’on  le 
chauffe  à l’air , & il  donne  un  oxide  d’autant 
plus  vert  qu’il  eft  plus  pur.  On  ne  fait  point  fi 
cet  oxide  peut  fe  fondre  en  verre;  on  le  réduit 
à l’aide  des  fondans  & des  matières  combuf- 
tibles  qui  le  décompofent  comme  tous  les  autres. 
On  ne  connoît  point  l’udion  de  l’air  &:  de 
l’eau  fur  le  nickel.  Son  oxide  , fondu  avec  des 
matières  propres  à faire  du  vtr  e , leur  doi  ne 
une  couleur  d’hyacinthe  plus  ou  moins  rouge. 
L’adion  de  la  chaux  > de  la  magnéfie  &.  des  trois 
alcalis  purs  fur  le  nickel  cft  encore  inconnue. 
M.  Sage  dit  qu’en  diftihant  quatre  parties 


E L É M E N S 

d’acide  fulfurique  concentré  fur  une  partie  de  ré- 
gule dekupfer  nickel  en  poudre  il  paffe  de  l’acide 
fulfureux;  le  réfidu  eft  grifâtre  ; & en  le  diffol- 
vant  dans  l’eau  diftiliée,  il  eft  de  la  plus  belle  cou- 
leur verte.  Il  fournit  des  criftaux  feuilletés  de  la 
couleur  de  l’émeraude.  Suivant  M.  Arvidffon  , 
l’acide  fulfurique  forme  avec  l’oxide  de  nickel 
un  fel  vert  en  criftaux  décaèdres } ce  font  deux 
pyramides  quadrangulaires , réunies&  tronquées 
près  de  leur  bafe. 

Le  même  oxide  fe  diflbut  très-bien  dans 
l’acide  nitrique.  Le  nitrate  de  nickel  criftallife 
en  cubes  rhombéaux  , fuivant  M.  Sage  ; toutes 
les  autres  dilîolutions  du  nickel , ou  de  fon 
oxide  dans  l’acide  muriatique  & dans  les  acides 
végétaux,  font  plus  ou  moins  vertes.  Les  alcalis 
fixes  le  précipitent  en  blanc  verdâtre  & le  ré- 
dilTolvent  ; la  liqueur  devient  alors  jaunâtre. 
L’ammoniaque  , verfée  dans  une  diffolution 
acide  de  nickel , y produit  une  belle  couleur 
bleue  j ce  fel  préfente  le  même  phénomène 
lorfqu’on  le  mêle  avec  les  précipités  de  ce 
métal  par  les  alcalis  fixes.  Comme  les  diffolu- 
tions  de  cuivre  offrent  la  même  couleur  avec 
l’ammoniaque , & qu’on  eft  même  convenu  de  re. 
garder  cette  couleur  comme  une  pierre  de  touche 
. très-propre  à indiquer  la  préfence  de  ce  méta 
par-tout  où  il  fe  trouve,  on  a cru,  àc  quelques 

perfonnes 


d’Mist.  Nat.  et  de  Chîmie.  48$ 
perfonnes  croient  encore  d’après  cela  , que  le 
nickel  contient  du  cuivre,.  Cependant  Cronftedt 
a tenté  en  vain  tous  les  moyens  connus  de  re* 
tirer  ce  métal  de  la  diffolution  de  nickel  colorée 
en  bleu  par  l’ammoniaque.  D’ailleurs , ce  lel  ne 
diffout  pas  immédiatement  le  nickel , comme  il 
difl'out  le  cuivre,  il  eft  donc  démontré  par- là  * 
comme  le  penfe  Bergman  , que  cette  propriété 
appartient  au  nickel  lui-même  3 & qu’il  ne  la 
doit  point  au  cuivre.  Ce  dernier  chimifte  n’a  pas 
reconnu  des  lignes  certains  de  la  difîclurion  de 
nickel  par  l’acide  carbonique  , en  tenant  pendant 
huit  jours  ce  métal  dans  de  l’eau  gazeufe  ou 
chargée  de  cet  acide. 

Le  nickel  détone  avec  le  rJtre  ; cette  détona- 
tion  a fourni  à M.  Arvidfl'on  un  moyen  de  re- 
connoître  dans  ce  métal  la  préfence  du  co» 
hait,  qu’aucune  autre  épreuve  n’avoit  rendue 
fenftble.  Le  nickel  eft  enfuite  plus  ou  moins  oxi- 
de , fuivant  la  quantité  de  nitre  qu’on  a em- 
ployée. Ce  fel  neutre  a auftï  la  propriété  d’aug- 
menter l’intenfité  de  la  couleur  d’hyacinthe  que 
l’oxide  de  nickel  communique  aux  verres , &:  de 
la  faire  reparoître  lorfqu’elle  a été  difîipée  par  la 
fufion  ; ce  qui  arrive  aflez  fouvent  à cet  oxide , 
& ce  qui  lui  eft  commun  avec  l’oxide  du  demi- 
ynétal  que  nous  examinerons  après  celui-ci. 

L’oxide  de  nickel  fondu  avec  au  bora** 
Jom  H*  H h 


482  É L I M E N S 

lui  donne  aufii  une  couleur  d’hyacinthe. 

11  décompofe  en  partie  le  muriate  ammoniacal. 
Le  fublimé  ferrugineux  que  M.  Sage  a obtenu 
dans  cette  expérience  , dépend  de  ce  qu’il  a em- 
ployé un  régule  qui  n’étoit  pas  aufli  pur  que  celui 
de  M.  Àrvidffon;  car  ce  dernier  chimifte  affure 
que  le  muriate  ammoniacal  fublimé  avec  ce  mé- 
tal étoit  blanc,  & nedonnoit  aucun  indice  de  fer 
par  la  noix  de  galle.  Il  paffe  un  peu  d’ammonia- 
que & d’acide  muriatique  ; le  réfidu  réduit  donne 
lin  nickel  qui  a perdu  un  peu  de  fon  magnétifine. 

On  ne  connoît  point  l’a&ion  du  gaz  hydrogène 
fur  le  nickel. 

Ce  métal  fe  combine  bien  au  foufre  par 
la  fufion  ; il  forme  alors  une  efpèce  de  minéral 
dur, de  couleur  jaune,  & à petites  facettes  bril- 
lantes. Lorfqu’on  le  chauffe  fortement  & en  con- 
tai avec  l’air,  il  pétille  & répand  des  étincelles 
trèsdumineufes , comme  celles  qui  fortent  du  fer 
forgé.  Cronfiedt,  à qui  eft  due  cette  expérience 
ne  l’a  pas  fuivie  plus  loin  ; il  a obfervé  feulement 
que  ce  phénomène  n’a  pas  lieu , fi  on  a foin  d’ôter 
3e  conraél:  de  l’air , en  couvrant  ce  minéral  de 
verre  en  fufion  ; ce  qui  indique  que  cet  effet 
n’eft  dû  qu’à  la  combuflion  rapide  du  nickel  opé- 
rée par  le  foufre.  Le  même  chimifte  nous  ap- 
prend que  ce  métal  fe  diffout  dans  les  fulfures 
alcalins  j & forme  un  compofé  femblable  aux 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  485 
mines  de  cuivre  jaunes.  Le  foufre  ne  peut  être 
féparé  du  nickel  que  par  des  fufions  6c  des  gril- 
lages multipliés. 

Le  nickel  fe  combine  avec  l’arfenic  , auquel  il 
adhère  fortement.  M.  Monnet , qui  regardoit 
d’abord,  d’après  Cronfledt,  le  nickel  comme  un 
métal  particulier  , ayant  obfervé  que  lorf- 
qu’il  eft  uni  à î’arfenic  il  forme  un  verre  bleu  , 
femblable  à celui  que  fournit  le  cobalt,  a penfé  , 
d’après  cela , que  le  nickel  n’eft  que  du  cobalt 
privé  d’arfenic  & de  fer.  Il  fuit  de  cette  opinion 
que  M.  Monnet  regarde  le  cobalt  , ainfi  que  le 
nickel,  comme  un  véritable  alliage.  M.  Bergman 
croit  que  fi , en  ajoutant  de  l’arfenic  au  nickel, 
ce  dernier  peut  donner  du  verre  bleu,  c’eft  parce 
que  le  cobab  que  le  nickel  contient  toujours , 
6c  dont  les  propriétés  font  mafquées  par  ce  der- 
nier, qui  eft  en  beaucoup  plus  grande  quantité, 
eft  oxidé  6c  féparé  du  nickel  par  l’arfenic , &c 
qu’alors  il  jouit  de  fes  propriétés,  6e  fur-tout 
de  celle  de  fe  fondre  en  verre  plus  oit  moins 
bleu.  Nous  avons  dit  qu’on  ne  fépate  entière- 
ment le  nickel  de  l’arfenic  qu’à  l’aide  de  la  calci- 
nation répétée  avec  du  charbon  en  poudre. 

Le  nickel  s’unit  encore  plus  intimement  au 
cobalt  qu’à  l’arfenic,  6c  on  ne  l’en  féparé  qu’avec 
la  plus  grande  difficulté;  il  peut  même  y être 
combiné  fans  manifefter  fes  propriétés , 6c  il  n’y 

H h ij 


484  Elémens 

a que  le  nitre,  le  borax  & l’arfenic  qui  puiffent 
en  indiquer  la  prél'ence  par  la  fufion, 

Crcnftedt  dit  que  le  nickel  forme  avec  le  bif- 
muth  un  régule  cafîant  & écailleux.  La  difTolu- 
tion  par  l’acide  nitrique  peut  féparer  , quoi- 
qu’imparfaitement , ces  deux  matières  métalli- 
ques, parla  propriété  que  nous  connoifïbns  au 
nitrate  de  bifmuth  d’ètre  décompofé  par  l’eau. 
On  n’a  fait  encore  aucun  ufage  du  nickel. 

CHAPITRE  XII. 

Du  Manganèse. 

On  connoiffoit , depuis  long-tems,  fous  le  nom 
de  magnifie,  noire  ou  manganife , un  minéral  d’une 
couleur  grife  , fombre  , qui  iâlit  les  doigts,  qu’oil 
emploie  dans  les  verreries  pour  colorer  ou  blan- 
chir le  verre.  Les  ouvriers  Pavoient  appellé  le 
favon  du  verre,  à caufe  de  cette  dernière  propriété. 
La  plupart  des  naturaliftes  Pavoient  pris  pour 

une  mine  de  fer  pauvre  , à raifon  de  fa  couleur 

« 

fk.  de  la  terre  ferrugineufe  dont  fa  furface  eft 
fouvent  enduite.  Pott  6c  Cronftedt , après  une 
analyfe  exade  , ne  Pont  point  rtc  :>nnu  pour  ure 
matière  ferrugineufe.  Le  dernier  dit  y avoirtrou- 
vé  un  peu  d’étain.  M.  Sage  l’a  rangé  parai  les 
mines  de  zinc , 6c  il  croit  qu’il  efl  formé  par  la 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie»  4S5 
combinailon  de  ce  de  mi- métal  & du  cobalt  avec 
l’acide  muriatique  ; il  ajoute  , d’après  les  efiais  , 
qu’on  y rencontre  quelquefois  du  fer  ou  du  plomb. 

La  peiantenr  de  ce  minéral  , la  propriété  de 
teindre  le  verre,  & celle  de  donner  par  les  pruf» 
fiâtes  alcalins  verfés  fur  fes  diffolutions  dans  les 
acides  un  précipité  blanchâtre  , avoient  fait  foup- 
çcnner  à Bergman , comme  il  nous  l’apprend  dans 
le  dernier  paragraphe  de  la  Difiertation  fur  les 
attractions  électives  , que  ce  minéral  contenoit 
une  fubflance  métallique  particulière.  Son  loup- 
çon  a été  plein  , ment  confirmé  par  un  de  fes  élè- 
ves , M.  Gahn , doéleur  en.  médecine  à Stockolm, 
qui  a fait  conjointement  avec  Schéele  , la  décou- 
verte de  l’acide  phofphorique  dans  les  os.  Ce 
médecin  efl  le  premier  qui  ait  obtenu  du  régule 
de  manganèfe  , vraifemblablement  en  traitant  ce 
minéral  avec  un  flux  rédu&if.  Le  degré  de  feu 
néceflaire  pour  cette  opération  efl  fans  doute  ex- 
cefîif;  car  j’ai  vu  M.  Brongniart_,  chimiile  très- 
habile  & très-exercé , effayer  en  vain  de  réduire 
en  culot  ce  minéral  dans  un  fourneau,  qui  donne 
cependant  un  grand  coup  de  feu.  On  m’a  alluré 
qu’on  avoit  réufTi  à Paris  en  employant  le  flux  de 
M.  Morveau , avec  lequel  ce  chimifie  obtient 
e fer  en  culot  très-bien  fondu.  Mais  je  crois  , 
comme  M.  la  Peyroufe , que  les  flux  nuifent 
beaucoup  dans  cette  opération.  J’ai  îenré  cette 


4S6  E L É M E N S 

réclusion  dans  un  très-bon  fourneau  de  fufion 
conftruit  au  laboratoire  de  l’école  vétérinaire 
d’Alfort.  Je  n’ai  point  obtenu  un  culot  entier, 
mais  j’en  ai  retiré  une  bonne  quantité  de  grenail- 
les de  deux  ou  trois  lignes  de  diamètre.  En  em- 
ployant plufieurs  fois  des  alcalis  fixes  & du  bo- 
rax, je  n’ai  point  eu  de.métal.  Dans  mes  diffe- 
rens  efiais  , chaque  petit  globule  métallique  de 
manganèfe  étoit  environné  d’un  verre  ou  d’une 
fritte  vitreufe  verte  foncée. 

Cette  matière  doit , d’après  nos  principes,  être 
regardée  comme  un  métal  particulier  , puif- 
qu’on  ne  peut  en  faire  l’analyfe,  &.  puifqu’elle 
préfente  d’ailleurs  des  propriétés  qui  n’appartien- 
nent à aucune  antre  fubftance  métallique.  Pour 
avoir  une  nomenclature  uniforme  , nous  appel- 
lerons cette  fubftance  le  manganèfe. 

Ce  métal  eft  beaucoup  mieux  connu  au- 
jourd’hui d’après  les  travaux  de  MM.  Bergman, 
Schceie,  Gahn,  Rinman,  d’Engeftroem,  llfemao, 
la  Peyroufe.  C’eft  des  travaux  de  ces  chimif- 
tes  , ainfi  que  de  mes  expériences  particulières  , 
que  j’emprunterai  ce  que  je  vais  en  dire.  Je  ferai 
cbferver  d’abord  que  la  difficulté  de  réduire  les 
mines  de  ce  métal  a été  caufe  que  l’on  cc-n- 
noît  beaucoup  mieux  les  propriétés  de  Ion  oxide 
que  celles  de  fa  fubftance  métallique.  Schéele, 
l’un  des  plus  habiles  chimiftes  de  ce  fiècle , paroît 


dHist.  Nat.  et  de  Chimie.  487 
n’avoir  pas  pu  réduire  cette  fubftance , puifqu’il 
n’indique  aucune  de  fes  propriétés  dans  l’crat 
métallique. 

Les  mines  de  manganèfe  Te  reconnoiffent  à leur 
couleur  grife , brune  ou  noire,  plus  ou  moins 
brillante , & à leur  forme.  On  peut  en  diflinguer 
un  aflez  grand  nombre  de  variétés. 

Variétés. 

1.  Mine  de  manganèfe  criftallifée  en  prifmes  té» 
traèdres , rhomboïdaux , flriés , fuivant  leur 
longueur  & féparés  les  uns  des  autres. 
z.  Mine  de  manganèfe  criftallifée  , dont  les  prif- 
mes font  difpofés  en  faifceaux. 

3.  Mine  de  manganèfe  criflallifée  en  petites  ai- 
guilles , qui  font  difpofées  en  étoiles. 

4.  Mine  de  manganèfe  effleurie  noire  8z  friable.' 
Elle  tache  les  doigts  comme  de  la  fuie. 

5.  Mine  de  manganèfe  veloutée.  Ce  font  de  très- 
petites  aiguilles  cffleuries.,  dont  la  belle  cou-* 
leur  noire  matte  imite  le  velours. 

6.  Mine  de  manganèfe  compa£ïe.&  informe;  elle 
eft  d’un  gris  noir,  fouvent  caverneufe,  très- 
pefante.  Elle  falit  les  doigts , on  y trouve  quel- 
quefois des  aiguilles  brillantes.  La  pierre  ds? 
Périgueux  appartient  à cette  variété. 

7.  Manganèfe  fpathique  trouvée  dans  les  mines, 
de  fer  de  Klapperud  à Fresko  , dans  le  Dabi»- 

and,  ôi  décrite  par  Mi  Rinman. 

H h iv 


4§§  Elémens 

8,  Miriiganèfe  native  en  globules  métalliques 
trouvée  à Sem , dans  le  comté  de  Foix,  par 
M.  la  Peyroufe.  Ce  naturalise  a décrit  dans 
le  Journal  de  Phyfique,  Janvier  17S0,  beau- 
coup de  variétés  de  mines  de  manganèfe  trou* 
vées  dans  le  meme  endroit. 

1 

Schéele  a découvert  i’oxide  de  manganèfe 
dans  les  cendres  des  végétaux  , & il  lui  attribue 
îa  couleur  verte  ou  bleue  que  prend  fouvent  l’al- 
cali fixe  calciné.  La  couleur  verte  que  préfente 
îa  potaffe  lorfqu’on  la,  traite  par  la  chaux , & la 
couleur  rofe  que  j’ai  fouvent  obfervée  dans  fa 
combinaifon  avec  les  acides,  font  dues  (fuivant 
lui)  à cet  oxide  métallique.  On  le  trouve  en  pe- 
tite quantité  dans  tous  les  charbons. 

Le  manganèfe  extrait  de  fa  mine  eft  d’un  blanc 
brillant  dans  fa  frafture  ; fon  tiflu  eft  grenu  comme 
celui  du  cobalt.  ïl  efl  dur  & fe  brife  après  avoir 
fubi  un  peu  d’applatiflement  par  le  marteau.  Son 
înfufibiliîé  eft  telle , qu’il  eft plus  difficile  à fondre 
que  le  fer  ; ce  qui  a d’abord  fait  conjefturer  à 
Bergman  qu’il  avoit  quelque  rapport  avec  le  pla- 
tine. 

Le  manganèfe  chauffé  avec  le  conta#  de  l’air 
fe  change  en  un  oxide  d’abord  blanchâtre , & 
qui  devient  de  plus  en  plus  noir  , à mefure  qu’il 
s’oxide  davantage.  J’ai  obfervé  que  les  petits 
globules  de  manganèfe,  obtenus  par  le  procé  dé 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie;  48# 
que  j’ai  indiqué  plus  haut,  s’altèrent  très-promp- 
tement par  le  contaft  de  l’air  ; ils  fe  terniftent 
d’abord  ôc  fe  colorent  en  lilas  §c  en  violet  ; bien- 
tôt ils  tombent  en  poulîière  noire  , & refTem- 
blent  alors  à l’oxide  de  manganèfe  natif. 

Cette  oxidstion  rapide  du  manganèfe  par  le 
contatt  de  l’air  , eft  un  fait  dont  l’obferva- 
tion  a toujours  eu  pour  moi  quelque  chofe  de 
irès-fingulier.  Des  globules  métalliques  durs  , 
brillans , très-réfraélaires  , fe  confervent  entiers 
pendant  allez  îong-tems  dans  un  flacon  bien  bou- 
ché , pourvu  que  leur  furface  foit  entière  6c  re- 
couverte de  la  petite  couche  d’oxide  qui  s’y  eft 
formée  pendant  la  fufion  du  demi-métal  ; mais  fi 
l’on  cafTe  ces  globules  en  trois  ou  quatre  frag- 
mens,  on  trouve,  en  fixant  les  yeux  quelques 
minutes  fur  leur  caftiue  expofée  à l’air , qu’elle 
change  promptement  de  couleur  ; de  blanche 
qu’elle  étoit , elle  devient  rapidement  rofée , 
pourpre  ou  violette,  & enfin  prefque  brune.  Si 
on  laiffe  les  fragmens  dans  un  flacon  qui  contienne 
en  même  tems  une  certaine  quantité  d’air,  6c  fi' 
on  les  fecoue  légèrement  de  tems  en  tems , au 
bout  de  quelques  mois  on  les  trouve  réduits  en 
une  poufiière  prefque  noire  ; c’eft  une  forte  de 
pulvérifation  ou  d’efflorefcence  métallique  ana- 
logue à celle  des  fub fiances  faillies  ou  des  pyri- 
tes. Elle  prouve  la  forte  attraction  qui  exifte  entre 


490  Ê L É M S N g 

îe  manganèfe  & Poxigène  atmofphérique,  &:  la 
rapidité  avec  laquelle  ces  fubdances  tendent  à 
s’unir. 

On  n’a  point  examiné  l’a&ion  du  maaganèfe 
fur  les  terres  & fur  les  fubftances  falino-terreufes. 
L’oxide  de  ce  métal  donne  au  verre  une  cou- 
leur violette  ou  brune  , fufceptible  d’un  grand 
nombre  de  modifications,  & quife  difîipe  faci- 
lement parl’a&ion  des  matières  combuflibles.  Le 
nitre  revivifie  ou  fait  reparoître  promptement 
cette  couleur  brune  ou  violette  , en  rendant  de 
l’oxigène  au  manganèfe.  Telle  eft  la  raifon  pour 
laquelle  les  matras  & les  cornues  de  verre  blanc 
que  l’on  emploie  dans  nos  laboratoires  , pour 
obtenir  Pair  vital  du  nitre , prennent  toujours  une 
couleur  brune  ou  violette.  Schéelea  fait  un  grand 
nombre  d’expériences  ingénieufes  fur  cette  colo- 
ration du  verre  par  Poxide  de  manganèfe. 

On  ne  connoît  pas  bien  la  manière  dont  les  al- 
calis agiffent  fur  le  manganèfe.  Mais  on  fait  que 
l’oxide  de  ce  métal  s’y  combine  , Sc  eft  re- 
vivifié par  l’ammoniaque.  Bergman  obferve  que 
dans  cette  combinaifon  il  fe  dégage  un  gaz  par- 
ticulier, qu’il  regarde  comme  un  des  principes  de 
l’ammoniaque,  & fur  lequel  il  ne  donne  point  de 
détails.  Il  paroît  que  c’eft  le  gaz  azote,  d'après  la 
découverte  de  M.  Berthollet , & que  l’hydrogène 
de  l’ammoniaque  fe  porte  fur  Poxigène  qu’il  eiv 


d’I-Iist.  Nat.  et  de  Chimie.  491 
lève  au  manganèfe  ; celui-ci  eft  alors  réduit  & 
devient  blanc.  Schéele  a donné  le  nom  de  camé- 
léon minéral  à une  combinaifon  de  potaûe  & 
d’oxide  de  manganèfe,  qui  prend  une  belle  cou-, 
leur  verre  dans  î’eau  chaude,  & rouge  avec  l’eau 
froide.  L’oxigène  & le  calorique  paroiffent  être 
les  principales  caufes  des  phénomènes  que  pré- 
fente cette  combinaifon.  Peut-être  1 azote , que  je 
regarde  comme  le  principe'  alcalifiant  ou  comme 
Y alcaligene , fe  dégage-t-il  de  la  potafïe  dans  cette 
opération , & efl-il  en  partie  la  caufe  de  ces  fiq- 
gulières  modifications  de  la  couleur. 

L’acide  fulfurique  efi  décompofé  par  le  man- 
ganèfe & diflout  fon  oxide.  Cette  diflolution  ed 
colorée,  &.  elle  perd  fa  couleur  par  l’addition 
d’une  matière  combuflible  , comme  le  fucre , le 
miel  ; elle  donne  un  fulfate  de  manganèfe  trans- 
parent en  criflaux  parallélipipèdes.  Ce  fulfate  efl 
décompofé  par  le  feu  & donne  de  l’air  vital;  les 
alcalis  en  féparent  un  oxide  de  manganèfe  qui  de- 
vient brun  par  fon  expofition  à l’air. 

L’acide  nitrique  diflout  ce  métal  en  don- 
nant des  vapeurs  rouges.  Son  oxide  n’e'ft  point  at- 
taqué par  cet  acide , à moins  que  ce  dernier  ne 
foit  rutilant,  ou  qu’on  n’y  ajoute  un  corps  com- 
buflible, comme  du  miel  ou  du  fucre.  Les  alca- 
lis précipitent  de  ces  diflolutions  un  oxide  blanc 
diffoluble  dans  les  acides,  qui  noircit  & s’oxide 


492  E L E M ENS 

davantage  lorsqu’on  le  chauffe.  Bergman  penfe 
que  ce  métal  eft  une  des  fubftances  métalli- 
ques qui  a le  plus  d’affinité  avec  les  Tels , puifque 
dans  fa  table  d'attraélions  chimiques  il  le  place 
prefqu  au  haut  des  colonnes  qui  expriment  les  at- 
Traéfions  éleéfives  des  acides  pour  les  différentes 
fubftances  auxquelles  ils  font  fufceptibles  de  s’unir. 

L’acide  muriatique  difîout  auffi  le  manganèfe , 
qui  le  colore  à froid  en  brun  foncé  ; en  chauf- 
fant cette  diffolution  , elle  perd  fa  couleur  ; l’eau 
la  précipite,  & les  alcalis  la  décornpofent. 

Nous  avons  vu  dans  Phifloire  de  cet  acide  , 
qu’en  le  diftillant  fur  l’oxide  natif  de  ce  métal  , 
celui-ci  devient  blanc  & fe  rapproche  de  l’état 
métallique,  en  donnant  une  partie  de  fon  oxigène 
à l’acide  muriatique  qui  fe  dégage  en  gaz  acide 
muriatique  oxïgéné.  Il  parcît  que  cet  acide  a 
plus  d'affinité  avec  le  manganèfe  que  n’en  a l’a- 
cide fuifurique  , puifqu’une  diffolution  de  ce 
métal  par  ce  dernier  , verfé  dans  Pacide  mu- 
riatique , forme  un  précipité  que  Bergman  a 
reconnu  pour  erre  du  muriate  de  manganèfe  , par 
la  propriété  qu’il  a de  fe  diffioudre  dans  l’aico- 
hol  -,  propriété  que  ne  préfente  point  le  fulfate 
du  meme  métal. 

L’acide  fluorique  ne  difîout  que  très  - peu 
d’oxide  de  manganèfe  ; on  unit  mieux  ces  deux 
fubftances,  fuivant  Schéele,  en  décompofant  le 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  49 3 
fulfate , le  nitrate  ou  le  muriate  de  manganèfe 
par  le  fluate  ammoniacal. 

L’acide  carbonique  diflout  une  petite  quantité 
de  manganèfe  par  la  digeffion  à froid  ; la  potaffe 
& le  contaft  de  l’air  en  précipitent  l’oxide  métal- 
lique. 

Schéele  a examiné  l’aélion  du  nitre , du  borax 
&C  du  muriate  ammoniacal  fur  l’oxide  de  manga- 
nèfe. Cet  oxide  dégage  l’acide  du  nitre  par  la 
chaleur  ; il  forme  avec  la  potaffe  une  malle  verte 
foncée,  diffoluble  dans  l’eau,  à laquelle  elle  donne 
la  même  couleur.  Celle-ci  n’eft  verte  qu’à  raifon 
du  fer  contenu  dans  le  manganèfe  ; à mefureque 
le  fer  s’en  précipite  , il  laiffe  la  diffolution  bleue; 
l’eau  êc  les  acides  précipitent  cette  diffolution 
alcaline.  C’eft  le  caméléon  minéral  de  Schéele 
dont  nous  avons  déjà  parlé. 

Le  nitrate  de  potaffe,  chauffé  dans  des  vaiffeaux 
de  verre  contenant  du  manganèfe , donne  à ce  ver- 
re une  couleur  violette  d’autant  plus  foncée  que 
l’oxidation  de  ce  métal  par  l’acide  nitrique  eff 
plus  complette. 

Le  borax  fondu  avec  l’oxide  de  manganèfe 
prend  une  couleur  brune  ou  violette. 

Le  muriate  ammoniacal,  diftillé avec  cet  oxide 
métallique , donne  de  l’ammoniaque , & celle-ci 
eft  en  partie  décompofée.  Schéele , qui  a fait  cette 
obfervation  , a annoncé  en  même  tems  qu’il  fe 


494  E L É ME  N S 

dégage  un  fluide  diadique  qu’il  regarde  comme 
un  des  principes  de  l’ammoniaque,  mais  il  n’a 
point  indiqué  la  nature  de  ce  fluide  ; M.  Ber- 
îhollet  a reconnu  depuis  que  dans  les  décompofi- 
tions  de  l’ammoniaque  parles  oxides  métalliques, 
il  fe  forme  de  l’eau  par  l’union  de  l’hydrogène, 
l’un  des  principes  de  ce  fel,  avec  l’oxigène  des 
oxides,  tandis  que  l’azote.,  autre  principe  de  l’am- 
moniaque , fe  dégage  en  gaz.  Il  fe  forme  aufTi  de 
l’acide  nitrique  dans  cette  opération. 

On  ne  connoît  pas  l’a&ion  .de  l’hydrogène  & 
'du  foufre  fur  le  manganèfe  & fur  fon  oxide  natif. 
L’arfenic  même  en  oxide  blanc  paroîr  être  fufcep- 
tible  d’enlever  à cet  oxide  une  portion  de  fon 
oxigène , puifqu’il  décolore  les  verres  brunis 
par  cette  fubftance. 

Bergman  ajoute  à ces  propriétés  que  le  man- 
ganèfe ne  peut  pas  être  exactement  féparé  du  fer 
qu’il  contient  toujours  ; ainfi  donc  il  en  eft  de  ce 
nouveau  demi-métal,  comme  du  nickel  : on  ne  le 
connoît  point  encore  dans  fon  état  de  pureté. 
Schéele , dans  l’analyfe  exaCte  qu’il  a faite  de 
l’oxide  de  manganèfe  naturel , y a découvert  du 
fer,  de  la  chsux,de  la  baryte  & un  peu  de  lilice. 

On  emploie  l’oxide  de  manganèfe  , nommé 
magnifie  noire , dans  les  verreries  , foit  pour  ôter 
les  teintes  de  jaune , de  verd  ou  de  bleu  aux 
verres  blancs  , foit  pour  colorer  ces  fubflances 


d’Hist.  Nat.  et  de  Chimie.  49? 

en  violet.  Il  eft  vraifemblable  que  cephenomene 
eft  dû  à l’avion  de  l’oxigène  féparé  de  l’oxide  de 
manganèfe  par  la  chaleur  fur  les  lubftances  co- 
lorées. 

On  fe  fert  aujourd’hui  de  l’oxide  de  manga- 
nèfe natif  en  chimie  pour  préparer  l’acide  mu- 
riatique oxigéné,  6c  pour  un  grand  nombre 
d’autres  expériences. 

Cet  oxide  natif  donne  , en  le  chauffant  feul 
dans  un  appareil  pneumato-chimique  , de  l’air 
vital  ou  gaz  oxigène  très-pur  ; c’eft  cet  air  vital 
qui  feul  peut  être  employé  avec  avantage  pour 
les  malades  chez  fefquels  fon  adminîftration  eff 
indiauée.  Il  faut  obferver  que  pour  obtenir 
l’air  vital  bien  pur  en  diflillant  l’oxide  de  man- 
ganèfe natif,  il  faut  en  remplir  entièrement  les 
cornues , & ne  point  y laiffer  d’air  atmofphéri- 
que;  c’eft  ainii  qu’on  doit  procéder  pour  obtenir 
l’air  vital  defliné  aux  malades,  ou  employé  pour 
recompofer  l’eau.  Sans  cette  précaution  on  a, 
dans  cette  dernière  expérience,  une  quantité  plus 
grande  d’acide  nitrique  formé  , ou  un  réûdu  mé- 
phitique qui  arrête  la  combudicn  du  gaz  hy- 
drogène, & qui  oblige  de  faire  plufieurs  fois  le 
vide  dans  le  ballon. 

L’affinité  du  manganèfe  pour  le  principe  de  la 
combuffion  guide  auffi  le?  chiaiiûçs  modernes 


496  £ L E M E N S,  &C. 

dans  un  grand  nombre  de  cas,  & pourra  con-* 

duire  quelque  jour  à de  nouvelles  découvertes, 

qui  ne  font  pas  même  encore  foupçonnées , fur 

la  nature  de  plulieurs  fubftances  2 inconnue  juf* 

qu’a&ueliemenc. 


Fin  du  Tome  fcconcL 


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