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ÉLÉMENS
D’HISTOIRE NATURELLE
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DE CHIMIE
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ÉLÉMENS
D’HISTOIRE NATURELLE
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DE CHIMIE.
QUATRIÈME ÉDITION;
F j. r M. Fou a c r o y , Médecin , de
F Académie des Sciences , de la Société
de Médecine de Paris , F rofesseur de
Chimie au Jardin des Flan les , etc .
TOME SECOND.
A PARIS,
Chez Cuchet , Libraire , rue 8c hôtel Serpente.
M. DCC. XCI.
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ELÉMENS
D'HISTOIRE NATURELLE
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DE CHIMIE.
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Suite de la seconde Section de la
Minéralogie ou de l'histoire des
Matières salines (i).
CHAPITRE, V.
ORDRE lï. Sels fecondaires ou neutres .
Nous comprenons fous le nom de fels fecon-
daires toutes les matières qui font compofées
(i) Il faut fe rappeller que cet Ouvrage efl: divifé en
quatre Parties. La première, traitée dans !e premier volu-
Tome II, A
i Elémens
de deux fubftances falines primitives combinée*
enfembîe. Ces fels ont été nommés neutres,
parce qu’ils n’ont point les caraélères des fels
primitifs, c’efl-à-dire , qu’ils ne font en général
ni acides ni alcalins. Cependant il en efl plu-
fieurs, comme le borax, la craie & les alcalis
unis à l’acide carboni que , qui jouirent de quel-
ques-unes des propriétés des fels primitifs, mais
dans un degré beaucoup moins marqué qu’eux.
Ces fels fecondaires n’ont point une faveur aufîi
forte que la plupart des fels primitifs; leur ten-
dance il la combinaifon & leur diffolubilité font
moins confidirables ; mais ce qui les diflingue
fur-tout des premiers, c’eft qu’ils ne peuvent
point communiquer les propriétés falines à d’au-
tres corps comme les fels primitifs ; leur forme
cryflalline confiante efl encore un cara&ère
marqué dont l’étude appartient au naturalise 6c
me , comprend dans huit Chapitres les généralités de la
Chimie ; la (econde renferme le régne minéral ou la mi-
néralogie ; la troifième contient l’hiftoire chimique des
végétaux , & la quatrième celle des fubftances animales.
La minéralogie a été partagée en trois Seélions. La
premières contenue dans le premier volume, expofe
dans quatre Chapitres les caraélères phyfiqucs & chimi-
ques des terres Si des pierres la fécondé Seélion efl def-
tinée aux matières falines ; ce volume commence par ua
des Chapitres de cette fécondé Section.
d’HiST. NaÏ. ET DE CHIMIE.'
qui quelquefois indique leur nature, quoiqu’elle
foit fouvent capable d’induire en erreur.
On appelle ordinairement bafe la matière la
plus fixe qui entre dans la compofition des fels
neutres. Comme cette bafe, qui quelquefois eft
volatile, donne plufieurs cara&ères généraux
allez conftans aux diverfes combinaifons qu’elle
forme avec les acides, nous prendrons le nom de
la baie pour diflinguer les genres que nous éta-
blirons dans les feis fecondaires. Nous divife-
rons donc ces Tels en autant de genres qu’il y a
de bafes falines ou alcalines qui peuvent être
unies aux acides.
Le premier genre comprendra ceux qui font
formés par l’union des deux alcalis fixes avec les
acides j nous les appellerons fels neutres parfaits ,
parce que leur union eft très-intime.
Le deuxième genre renfermera ceux qui font
compofés par l’alcali volatil ou l’ammoniac com-
biné avec les acides. Ils feront défignés par le
nom de fcls ammoniacaux , d’après le nom de
leur bafe adopté par les modernes. On pourroit
aufîi les connoître fous celui de fels imparfaits,
parce qu’ils font beaucoup plus décompofables
que les premiers.
Dans le troifième genre nous rangerons les
fels neutres dont la chaux eft la bafe. ils font en
général moins parfaits que ceux du fécond gen-
Aij
4 E L É M E N S
re , quoique la chaux ait plus d’affinité avec les
acides que n’en a l’ammoniac , comme les détails
le feront voir. Ces fels auront le titre de fels naî-
tre s calcaires.
La magnéfie combinée avec les divers acides
confirmera le quairième genre des fels neutres.
/
Ces fels font plus décompcfables que les précé-
dens , parce que la chaux & les alcalis ont plus
d’affinité avec les acides que n’en a la magnéfîe.
Ils retiendront le nom de fels nemns magnèfiens
OU à. bafe de magnifie.
Le cinquième genre fera clefliné à ceux qui
ont la terre argilleufe pure ou l’alumine pour bafe.
Comme l’alun eft la principale de ces combinai-
fons , on leur a donné le nom générique de fels
alumineux. Les alcalis , la chaux 6c la magnéfîe
décompofent en général les fels neutres alumi-
neux.
Enfin dans le fixième genre nous placerons les
fels neutres à bafe de baryte ou terre pefante;
Ces fels, ainfique la plupart de ceux des deux
genres préccdens, refont que très-peu connus.
On les appelle fels barytlqiies.
On conçoit que ces différentes bafes combi-
nées avec les acides dont nous avons examiné
lés propriétés, doivent donner un grand nom-
bre de fels neutres , & que ce nombr peut
même aller beaucoup au-delà , fi l’on admet-
d’Hist. Nat. et de Chimie. f
avec Bergman , pour des compofes particuliers ,
ceux qui réfultent de l’union de ces mêmes
bafes avec les acides qu’il appelle plilogif -
tiques , & qui font privés d’une partie de leur
oxigène fuivant la doctrine moderne. Mais ces
derniers n’étant que des modifications peu
durables j qui s’altèrent par le conta# de l’air 9
& qui paffent affez promptement à l’état des
véritables fels neutres , nous croyons ne pas
devoir multiplier ces fubftances dont le nombre
efi: déjà très-confidérable ; &C nous nous pro-
pofons d’indiquer les différences que préfentent
ces fels fuivant l’état de leurs acides. Nous ob-
fervons encore que les bafes alcalines dont nous
venons de faire l’énumération combinées avec
l’eau régale, donnant des fels nitreux & mu-
riatiques mélangés qu’on peut obrenir ifolés Sc
qui font parfaitement femblables à ceux que
forment ces deux acides féparés , nous ne par-
lerons que des combinaifons de ces mêmes bafes
avec les acides fimples. Comme nous n’avons
encore examiné que les fix principaux acides ,
nous ne traiterons que des combinaifons falines
neutres de ceux-ci.
Quant au rang & à la difpofition des diffé-
rentes fortes de fels neutres , nous avons cris
devoir fuivre l’ordre de la force d’attraftioa
des acides : ainfi dans tous les genres nous
A iij
/
6 Elémens
commencerons par les fels fulfuriques , & nous
paierons de fuite aux fels nitriques , aux muria-
tiques, à ceux dans lefquels entre l’acide bora-
cique , puis à ceux qui font formés par l’acide
fluorique ; & enfin nous terminerons ces détails
par les fels qui contiennent l’acide carbonique ,
parce que cet acide efl: le plus foible de tous.
Nous adopterons pour défigner tous ces fels
les noms compofés des acides & des bafes ,
afin que cette nomenclature exprime la nature
de chacun , & qu’il ne puifie plus y avoir d’erreur
fur ce point • nous aurons foin d’y joindre une
fynonymie pour faire connoïrre les difFérens
noms que chaque fel neutre a reçus à diverfes
époques.
Genre I. Sels neutres parfaits ,
OU A BASE D'ALCALIS FIXES .
Sorts I. Sulfate de potasse.
c
Le fuifate de potafie qui a été nommé tartre
vitriolé , fel de duobus , fel polychrefle , arcanum
duplication , efi: un fel neutre parfait , réfuhant
de la combinaifon de l'acide fulfurique avec la
potafie , comme le nom adopté l’indique. Il
n’exifie que très-rarement parmi les corps miné-
d’Hist. NAT. et de Chimie. 7
raux ; quelques végétaux en contiennent une pe-
tite quantité*
Ce Tel eft communément tous la forme d’un
corps rranfparent, plus ou moins blanc & ré-
gulier. Ses cryftaux varient fuivant les circonf-
tances de fa cryftallifation. Quand elle a été faite
en petit & avec lenteur, elle donne des pyra-
mides rranfparentes à fix faces , taillées à-peu-
près comme des pointes de diamans en rofes,
ou plus rarement des prifmes à fix pans termi-
nés par une ou par deux pyramides à fix faces ,
à-peu-près comme le cryftal de roche. Mais fà
l’évaporation a été très-prompte , tous les cryf-
taux s’agglutinent & fe confondent fous la for-
me d’une croûte folide , dont la furface eft
hériflee de pointes ou de pyramides irréguliè-
res ; tel eft celui du commerce. Enfin, lorfque
pour avoir des cryftaux très-réguliers de ce fel ,
on expofe fa diftoluîion à l’évaporation lente
& fpontanée, opérée par la chaleur de l’atmof-
phère,on obtient fou vent des folides à douze
faces , formés par deux pyramides à fix faces
réunies à leur bafe, &: quelquefois féparées par
un commencement de p ri fine à fix pans. Il eft
vrai que ces derniers cryftaux font ordinairement
l'aies, & n’ont jamais la blancheur ni la tranfpa-
renee de ceux qu’on obtient par la première
A iv
Ê Elémens
évaporation. Mais c’efl une difficulté qui exifte
dans la plupart des fels neutres. Ils font prefque
toujours blancs aux dépens de la forme , ou ré-
guliers aux dépens de la tranfparence.
Le fulfate de poraffe a une faveur amère, afftz
défagréable ; il n’éprouve que peu d’altération de
la part du feu. Lorfqu’on l’expofe fur des char-
bons ardens, il fe brife avec bruit en un grand
nombre de petits fragmens ; ce phénomène ,
qu’on appelle décrépitation , dépend de la raré-
faéiion fubite de l’eau de fa cryflallifation. Lorf-
que le fulfate de potaffe a décrépité , il n’a rien
perdu de fes propriétés effentielles. Si onl’expofè
dans un creufet à l’aélion du feu , il décrépite
également , & devient fec , friable &c même pul-
vérulent, en perdant l'eau de fa cryfïaliifation ;
il rougit avant de fe fondre ; il lui faut même un
feu affiez violent pour entrer en fufion; expofé au
froid lorfqu’il eff fondu , il fe prend en une maffe
opaque , friable, difiolubîe , qui n’a éprouvé au-
cune altération dans fes principes , puifqu on
peut lui rendre fa forme tranfparente 6c cryftal-
line en le diffolvant de nouveau dans l’eau. Tenu
en fufion dans un vaiffeau ouvert , il fe volatilife,
mais toujours fans fe déccmpofer.
Le fulfate de potaffie n’éprouve aucune altéra»
tion à l’air ; il refie dans fon état cryflallin fans
rien perdre ni de fa forme , ni de fa tranfpa-
d’Hist. Nat. et de Chimie; f $
tence. Il efl peu diffoluble dans l’eau , mais
cependant dans des degrés très-différens , fui-
vant la température de ce fluide. Suivant Spiel-
man, il faut environ dix-huit parties d’eau froide
pour diffoudre une partie de ce fel neutre ;
lorfqu’elle ell bouillante elle paroît en diffou-
dre prefque le quart de fon poids , puifque M.
Baume allure que quatre onces d’eau bouillante
diffolvent fept gros quarante-huit grains de ful-
fate de potaffe. Il fe cryftallife en partie par re-
froidiffement , & plus encore par évaporation ;
il ne retient que peu d’eau dans fes cryflaux ;
c’efi ce qui fait qu’il ne change point d’état lorf-
qu’on l’expofe à l’air.
Le fulfale de potaffe n’a point d’aflion fur les
terres fimples. On a obfervé que celui qui efl
par hafard uni aux fels fondans, dont on le fert
pour faire le verre, fe retrouve dans les fcories,
& on le retire en affez grande quantité du fiel
de verre.
La baryte ou terre pefante décompofe le ful-
fate de potaffe , fuivant Bergman , parce qu’elle
a plus d’affinité avec l’acide fulfurique que n’en
a la potaffe. Si l’on verfe une diffolution de
cette terre dans une diffolution de ce fel il fe
forme un précipité de fuifate barytique ou fpath
■pefam tout-à-fait infoluble , & dont nous exa-
minerons plus bas les propriétés. La potaffe
!Ï0 E L i M E N S
refie pure & cauflique en diffolution dans la l£
qu eur.
La chaux & la magnéfie n’ont aucune attion
fur le fulfate de potaffe , mais plufieurs acides
en ont une très-marquée fur ce fel. Rouelle a
découvert qu’il étoit pofîible de combiner avec
ce fel une plus grande quantiré d’acide fulfurique,
que celle qu’il contient naturellement. Son pro-
cédé confifloit à difliller de l’acide fulfurique
concentré fur le fulfate de potaffe ; ce dernier
refie imprégné d’acide , & acquiert des pro-
priétés nouvelles ; celles de rougir la teinture
de violettes , d’être plus diffoluble dans l’eau t
d'avoir une faveur aigre , & de faire efferves-
cence avec les alcalis faturés d’acide carbonique,
même après avoir été diffous & cryflallifé. M.
Baumé a foutenu que cet acide n’écoit point
réellement combiné , & qu’on pouvoir l’enlever
au fel neutre en le faifant finalement égoutter
fur du papier gris ou fur le fable. Cependant
Macquer remarque que l’acide fulfurique adhère
avec une force affez confidérable au fulfate de
potaffe , croit que cette adhérence efl due à
une affinité particulière de ces deux fubflances ,
puifque fuivant lui l’a&ion du feu &c celle de
l’eau ne peuvent la détruire. J’ai fait plufieurs
fois cette combinaifon d’acide fulfurique con-
centré de fulfate de potaffe à la manière de
d’Hist. Nat. et de Chimie. ri
Rouelle ; c’eft-à-dire , par la diftillation dans deiï
cornues de verre , & j’ai obfervé des phéno-
mènes dont on n’a pas fait affez mention dans la
difcuffion favante qui s’eft élevée fur cet objet.
Le fulfate de potaffe s’eft fondu en une efpèce
de verre ou d’émail blanc opaque , d’une faveur
fort acide ; mais cette fritte vitreufe n’a point
attiré l’humidité de l’air , elle s’eft au contraire
comme effleurie , lorfque l’acide ne faifoit. que
le quart du poids total ; il y a donc , comme l’a
penfé Macquer , une adhérence affez forte entre
ce fel neutre & l’acide; & cette adhérence eft
due fans doute à une combinaifon particulière.
M. Bawmé a obfervé que le fulfate de po-
raffe éprouvoit une altération très-marquée de
la part de l’acide du nitre. Si l’on fait bouillir de
l’eau-forte fur ce fel , l’acide nitrique s’empare
d’une partie de la potaffe & en dégage l’acide
fulfurique; en laiffant refroidir ce mélange , il fe
cryftallife du véritable nitre. On avoit cru d’abord
que cette décompof tion ne s’opéroit qu’à l’aide
de la chaleur mais l’efprit de nitre fumant verfë
fur du fulfate de potaffe en poudre dépofe des
cryftaux de nitre au bout de plufîeurs heures.
On avoit aufîi avancé que le mélange devenant
froid, l’acide fulfurique reprenoit fes droits , &
. \
décompofoit à fon tour le nitre de potaffe ;
cependant j’ai confervé plufîeurs années des
I* E L É M E N S • v
mélanges de fulfate de potaffe êc d’efprit de ni-
tre, au fond defquelsil eft refté conftamment des
cryftaux falins qui détonnent fur les charbons »
& qui n’ont point changé de nature, quoiqu’ils
foient plongés dans l’acide fulfurique , féparé
par l’acide nitreux. M. Cornette a obfervé que
l’acide muriatique concentré décompofé auffi
le fulfate de potaffe même à froid. Il fembleroit,
d’après ces deux faits , que la loi d’affinité
relative aux différens acides n’eft pas fi conf-
iante qu’on l’avoit cru ; cependant il faut
obferver avec Bergman , i°. qu’il n’y a qu’un
tiers de lulfate de potaffe décompofé dans ces
expériences ; 20. que ces décompofitions n’ont
lieu que lorfque le fulfate de potaffe contient un
peu d’acide fulfurique excédent à fa neutralifa-
tion ; 30. que l’affinité du fulfate de potaffe,
pour l’acide fulfurique , eft la vraie caufe de ces
décompofitions, 3c que le fulfate de potaffe non
décompofé eft très-acide.
La décompofifon la plus importante du ful-
fate de potaffe eft celle qui a lieu par beaucoup
de matières combuftibles , notamment par le
charbon & par plufteurs fubftances métalliques*
(Voyez mes Mémoires de Chimie , page 225.)
Si l’on chauffe fortement dans un creufet un
mélange de ce fel & de charbon , le fulfate
de potaffe n’exiftera plus , & l’on ne retrouvera
d’Hist. Nat. et de Chimie. i j
que du foufre uni à l’alcali fixe. Stahl a regardé
cette expérience comme très-propre à démontrer
la préfence du phlogiflique ; les chimiftes mo-
dernes l’expliquent par la théorie pneumatique;
nous expoferons ces diverfes théories dans l’hif-
loire du foufre.
Un quintal de fulfate de potafle cryflallifé
contient , fuivant Bergman, environ 52 parties
depotafTe, 40 d’acide fuifurique , S d’eau de
cryftallifation.
Ce fel n’exiftant que rarement & en petite
quantité dans la nature , celui qu’on emploie
en médecine eft toujours le produit de l’art.
On peut le faire de trois manières ; première-
ment, en combinant dire&ement l’acide fuifuri-
que avec la potafîe , il en réfulte fur le champ
du fulfate de potafle qu’on peut diffoudre dans
l’eau & faire cryftallifer , comme nous l’avons
dit. Le fécond moyen , c’eft de dccompofer , à
l’aide de l’acide fuifurique , les fels neutres
formés par l’union de la potafle aux autres
acides , tels que le nitrate, le muriate &le car-
bonate de potafle , & c. il rélulte toujours du
fulfate de potafle de ces décompofitions. La
troifième manière de former ce feî , c’efl: de
décompofer les fels fulfuriques terreux & mé-
talliques par la potafle. Cette dernière précipite
les fubftances falino-terreufes ôc les oxides
1 4 ElÉ MENS
métalliques unis à l’acide fulfurique. Nous re-
viendrons fur ces deux dernières manières de
préparer le fulfate de potaffe , lorfqu’il fera
queflicn des fels neutres qu’on emploie pour
cette préparation.
Ce fel n’eft d’un grand ufage qu’en méde-
cine. C’eft un purgatif affez bon. On le donne
quelquefois feul à la dofe d’une demi-once ou
d’une once. Le plus fouvent on ne Padminiftre
qu’à celle d’un ou de deux gros , affocié com-
' me auxiliaire , à d’autres médicamens purgatifs.
On l’emploie aufîi comme fondant dans les
maladies chroniques &c fur-tout dans les dépôts
laiteux. On le donne alors à la dofe de quel-
ques gros dans des boiffons appropriées; mais
fa vertu fondante eft fort inférieure à celle de
piufieurs autres fels neutres plus lolubles ôc plus
fapides.
L’acide fulfureux , ou l’acide fulfurique avec
excès de foufre, uni à la potaffe, forme un fel
neutre un peu différent du précédent , que Stahl
appelloit fel fulfureux , & que nous nommerons
fulfite de potajjc ; ce fel cryftaliife en polyèdres
à dix faces, ou en deux pyramides à quatre fa-
ces coupées vers leurs bafes ; il eft très-amer ,
très-diffoluble , légèrement déliquefeent ; prefque
tous les acides minéraux & piufieurs acides vé-
gétaux en dégagent l’acide fulfureux fous la forme
d’Hist. Nat. et de Chimie; i f
de gaz & avec effervefcence. Expofé à l’air , le
fulfite de potaffé abforbe péu-à peu de l’oxigène
& devient fulfate de potaffe.
Sorte II. Sulfate de Soude.
Le fulfdte de foude nommé jufqu’à préfent fd
de Glauber , d’après le nom du chimiffe allemand
qui l’a découvert , ell un fel neutre parfait for-
mé, comme l’indique fou nom, par l’union de
l’acide fulfurique de l’a’ cali minéral ou foude.
Ce fêla beaucoup de propriétés communesavec
le fulfate de potaffe , & il en a quelques-unes de
particulières ; il eff également cryffallifable ; il a
une faveur amère ; il eff très-peu fufible; il eff:
foluble dans l’eau; il ne s’unit point aux terres;
il eft en partie décompofable par les acides ni-
trique & muriatique, comme le fulfate de po-
taffe ; cependant pîufieurs de fes propriétés s’é-
loignent beaucoup de celles de ce dernier , com-
me nous allons le voir en les parcourant plus en
détail.
Le fulfate de foude eff ordinairement un corps
plus ou moins blanc ou tranfparent, d’nne forme
régulière. Ses cryffaux font des prifmes à fix pans
inégaux & ffriés , terminés par des fommets diè-
dres. Il eff rare qu’ils aient cette forme régulière;
le n©mbrc des faces varie ainff que leur étendue*
ï 6 Elémens
leur pofition , leurs fines , comme l*d expofé fort
en détail M. Rome de Lifie , dans fa cryftallo-
graphie. Ses cryfiaux varient aufli en étendue
depuis celle de prifmes très-fins ou de petites
aiguilles , jufqu’à celle de gros prlfrnes de près
d’un pouce de diamètre , &: de 6 à 8 pouces de
longueur , comme on les obtient dans des cryf-
taliifations en grand, La faveur de ce lel effc d’a-
bord fraîche , puis d’une amertume très-forte. Il
n’altère point les couleurs bleues végétales.
• Lorfqü’on 1 expofe à l’aétion du feu, il fe
liquéfie affez promptement , mais bientôt il fe
defsèche & devienr d’un blanc mat ; dans cet
état , il ne peut être fondu qu’à une chaleur
confidérable , comme le fulfate depotaflé. Pour
bien concevoir ce qui fe pafie dans cette
aélion du feu fur le fulfate de fonde , il faut dif-
tinguer deux efpèces de fufion dans les matières
falines ; l’une qui çft due à l’eau qui eitre
dans la formation de leurs cryfiaux , ôi qu’on
appelle fufion aqueufe; elle n’a lieu que pour
les fels qui font plus folubles dans l’eau chaude
que dans l’eau froide; & elle efi due à ce que
la portion de ce fluide qui entie dans la com-
pofition des cryfiaux falins s’échauffe & devient
alors capable de diiToudre la matière faline ;
* cette fufion aqueufe neft donc qu’une diffolu-
lion
d’Hist. Nat. et de Chimie.' 17
tion par l’eau chaude ; auffi le fulfate de foude
fondu fe prend-il en maffe lorfqu’on le laiffe re-
froidir. Mais fi l’on continue de le chauffer, après
l’avoir fait liquéfier , il fe défsèche & devient
blanc; alors la fufion qu’on opère à l’aide d’une
plus grande chaleur eft vraiment due au feu , & fe
nomme fufion ignée. Le fulfate de foude eft donc
tout aufïi peu fufible que le fulfate de potaffe ;
comme lui , il fe volatilise à la dernière violence
du feu, mais il n’éprouve aucune altération dans
fes principes par l’aâion de la chaleur.
C’eft encore à la grande quantité d’eau que
contiennent les cryftaux de fulfate de foude,
qü’eft due la propriété qu’ils ont de fe réduire
en une pouffière blanche très -fine, lorfqu’on
les laiffe expofés à l’air. On donne à ce phéno-
mène le nom d 'efflorefcence , parce qu’en effet
les criflaux fe couvrent d’une efpèce de duvet
pulvérulent , femblable par la blancheur & par
la forme, aux matières fublimées que l’on connoît
en chimie fous le nom impropre de fleurs . Ce
n’efl que parce qu’il perd l’eau qui entre dans la
combinaifon de fes criftaux, que ce fel tombe
ainfi en pouffière par le contact de d’air, aufïi
fon efflorefcence n’eft-elle jamais plus rapide
& plus marquée que lorfque l’air eff très-fec &C
par conféquent très- avide d’humidité. Ce phé-
nomène eft donc très-analogue au deffécheraent
Tome IL B
È L t M E N S
opéré par la chaleur; tous les deux dépendent
uniquement de l’évaporation de l’eau qui fait
partie conftituante des criftaux. Cependant
comme l’eau qui entre dans les criftaux de
fulfate de fonde & dans ceux de tous les fels
effiorefcens en général , eft exa&ement combi-
née avec la matière faline, il paroît que c’eft
par une efpèce d’attra&ion éleétive entre l’air
ôc l’eau que l’efïlorefcence a lieu. Ce phénomène
doit être regardé comme une décompofition
«les criftaux, opérée en raifon de l’affinité plus
grande qu’il y a entre l’eau & l’air, qu’entre l’eau
& la matière faline. C’eft ainfi que j’ai toujours
conçu l’eftlorefcence , & je ne vois pas qu’on
puiffe l’expliquer autrement. ( Voyez mes Mé-
moires de Chimie. ) Le fulfate de fonde perd
prefque la moitié de fon poids dans cette alté-
ration; mais fa nature n’eft pas changée, on peut
lui rendre fa forme criftalline , en lui reftituant
l’eau qu’il a perdue. Quoiqu’aueun auteur de
matière médicale n’ait fait cette ohfervation , il
nous paroît important de connoître exactement
la quantité d'eau que perd le fulfate de fonde
dans fon eftlorefcence , pour prefcrire en mé-
decine une dofe toujours égale de ce fel dans
ces deux états. On doit le donner eftleuri à un
peu plus d’un tiers de moins que lorfqu’il eft en
&eaux criftaux tranfparens.
î5VHist. Nat. et de Chimie. s9
* it f*v
Le fulfate de foude efl: très-diflfoluble dans
feau. Il ne faut que quatre parties d’eau froide
pour en diflfoudreune partie. Cette quantité d’eaa
néceflaire à fa difîolution diminue en proportion
de la chaleur de ce fluide. L’eau bouillante diflout
prefque fon poids de ce fel. C’eft fur cette pror
priété qu’efî fondée la manière de le faire crif-
tallifer. Comme il efl plus foluble dans l’eau
chaude que dans l’eau froide , il fuffit de laifîer
refroidir une difîolution bien chargée de ce
fel, & elle donne des crifîaux d’autant plus beaux
plus réguliers, que la difîolution efl; faite à plus
grande dofev& qu’elle fe refroidit avec plus de
lenteur. En faifanr cette opération en grand dans
les pharmacies , on obtient fouvenc des prifmes
flxiés de plufleurs pouces de longueur , dans lef-
quels on peut facilement reconnoître la forme
régulière de ce fel.
Le fulfate de fonde n’a pas plus d’aftion fur
les terres filicée &: alumineufe que le fulfate de
potaffe ; il n’entre pas plus que lui dans la forma-
tion des verres à caufe de fon peu de fuflbilitë.
La baryte le décompofe comme le fulfate de po-
îafle, mais les autres fubflances falino-terreufes
ne l’altèrent en aucune manière.
La potafle pure & cauflique mêlée à une
difîolution de fulfate de foude le déçompofe ,
parce qu’elle a plus d’affinité avec l'acide fulfu-
B ij
10 Élémens
rique, que n’en a la foude. Pour fe convaincre
de cette vérité, il fuffit de verfer uneleffivede
potaffe cauftique dans une diffolution chaude &C
bien faturée de fulfate de foude. Cette diffolution
qui auroit donné des cryftaax de ce dernier fel
par le refroidiffement, ne fournit que du fulfate
de potaffe par l’évaporation ; l’eau mère contient
la foude cauflique.
L’acide fulfurique fe combine avec le fulfate
de fonde , & y adhère de la même manière
qu’au fulfate de potaffe.
Les acides nitrique & muriatique le décom-
pofent alors avec les mêmes circonftances que ce
dernier fel.
Lorfqu’on chauffe fortement le fulfate de foude
avec du charbon & quelques métaux, l’acide fui-
furique paffe à l’état de foufre, comme nous le
dirons plus en détail dans l’hiftoire de ce corps
combuftible.
Toutes les propriétés du fulfate de foude , qui
diffèrent de celles du fulfate de potaffe, font
voir que les deux alcalis fixes, qui fe reffemblent
parfaitement lorfqu’on les confidère dans leur
état de pureté , font cependant très - différens
l'un de l’autre ,puifqu*ils forment desfelstrès-
diffemblables avec le même acide. D’ailleurs
la proportion des principes de ce fel diffère
beaucoup de çelle qui çonflitue le fulfate de
b'Hist: Nat. et de Chimie; i%
potaffe j puirqu’un quintal de fulfate de foude con-
tient, d’après les recherches de Bergman, iç
parties de foude , 17 parties d’acide fulfurique , 5c
58 parties d’eau.
Ce fel eft plus abondant dans la nature que
le fulfate de potaffe. On le trouve en affez
grande quantité dans les eaux de la mer, dans
celles de certaines fontaines falées , & fur-tout
dans plufieurs eaux minérales. L’art peut d’ailleurs
lui donner naiffance par les trois moyens dont
nous avons parlé à l’article du fulfate de potaffe.
Il n’eff pas plus employé dans les arts que ce
dernier ; mais il l’eft beaucoup plus que lui en
médecine. On le donne comme fondant, apéritif
& purgatif, depuis un demi-gros jufqu’à une
once &C demie, fui vant les cas où on l’adminiftre;
fes effets font même plus marqués & plus prompts
que ceux du fulfate de potaffe, parce qu’il eff
beaucoup plusfoluble dans nos humeurs, & parce
que fa faveur eff plus vive.
On ne connoît pas les propriétés du fulfîte de
foude , ou de la combinaifon de l’acide fulfureux
avec l’alcali de la foude.
Sorte III. Nitrate de potasse ou Nitre ordinaire.
Le nitrate de potaffe, le nitre commun ou
falpêtre , eff un fel neutre formé par la com-
binaifon faiurée de l’acide nitrique avec la
A
*T> •
B uj
Il Élémens
poraffe. Ce fel a une faveur fraîche ; il eft parfai-
tement neutre, il n’altère point la couleur du fi-
ropde violettes. Sescryflaux font des prifmes à
fix pans,, terminés par des fommets dièdres ou
en bifeau, & fouvent creufés par un canal dans
toute leur longueur.
Ilexifteen très-grande quantité dans la nature
il fe forme journellement dans les lieux habités
par les animaux. On le trouve allez abondara-
méat fur les murs abrités de la pluie ; on l’appelle
alors falpêtre ou nitre de houflage.
Il paroît qu’il y a trois circonfïances princi-
pales qui favorifent fa formation. La première ,
c’efl la préfence de la craie ou d’un fel calcaire
quelconque ; c’efl ainfi que fe forme le nitre de
houffage que l’on ramaffe fur les murs recou-
verts de plâtre ; c’eft ainfi que les démolitions des
vieux édifices contiennent de grandes quantités
de nitre. Ce fel fe trouve encore tout pur dans
des craies; M. le duc delà Rochefoucault en a
retiré jufqu’à une once par livre d’une craie de
la Roche-Guyon.
La fécondé circondance dans laquelle ce fel
fe produit, c’efl la putréfaéUon ou la décompo-
sition fpontanée des matières végétales & ani-
males. C’efl un fait très-connu que les lieux arro-
gés de liqueurs animales, ou qui contiennent des
matières animales en putréfa&ion , tels que les
d’Hist. Nat. et de Chimie. ,\2$
fumiers , les étables , les latrines , prdduifeùt
beaucoup de nitrate de potafie. On a profité de
cette obfervation confiante pour former des
nitrières artificielles;, on conftruit des foffes ou
des hangards couverts, mais expofés à l’air par
les côtés; on les remplit de fubfiances putrelci»
blés comme du fumier, des- excrémens de qua-
drupèdes, des fientes; de volailles, des débris, de
végétaux ; on arrofe ces matières de temps en
temps ,& fur-tout avec.des eaux chargées de fubf-.
tances animales ou végéralesfufceptibles de fe
pourrir, & on les agite pour renouveller toutes
les furfaces. Lorfque la putréfaéUon efi avancés,
on prend une petite portion de ces matières & on
la lefiive pour s’afîurer de ce qu’elle contient de
nitre : fi on la trouve afiez chargée on lefiive
toute la matière.
La troifième circonftance qui paroît favorifer
la production du nitre c’eft le contact de l’aire
Telle efi la raifon de la formation du falpêtre de
houflage; c’efi aufii celle pour laquelle on agite
les mélanges des nitrières artificielles , pour que
l’air les touche dans tous leurs points. Enfin
les craies qui contiennent naturellement du nitre,;
n’en fourniffent qu’à une certaine profondeur , §£
point du tout au-delà de cet efpace Si ces trois
circonfiances font réunies, la production du nitso
fera très-abondante.;, tels font les principes fui;
B iv
Ï4 Ê L É M E N S
lefquelsil faut conftruite des nitrières artificielles.
On ne connoit que depuis peu de temps la
théorie de la formation du nitre. Glauber & plu-
sieurs autres chimiftes qui l’ont fuivi , penfoient
que ce fel étoit tout formé dans les végétaux >
qu’il paffoit delà dans les animaux, & que la
putréfaction ne faifoit que le dégager de fes
entraves; mais on a bientôt reconnu que les
végétaux n’en contenoient point une affez grande
quantité pour fuffire à celle que l’on retire dans
les nitrières artificielles. M. Thouvenel qui a
remporté le prix de l’académie fur la formation
du nitre, a fait beaucoup d’expériences pour en
déterminer la caufe ,& il a reconnu que l’acide
nitrique étoit produit par la combinaifon d’un
fluide élaftique dégagé des matières animales en
putréfaétion,avec l’air vital. 11 a également établi
que cet acide une fois formé , fe combine avec
la terre calcaire lorfque l’on n’emploie que des
matières animales pour les nitrières , & que les
débris des végétaux font utiles pour fournir l’al-
cali fixe ou la potafle, qui eft la bafe du nitre
ordinaire. Mais M. Thouvenel n’avoit point dé-
terminé la nature du gaz qui fe dégage des matiè-
res animales en putréfaction, & c’eft M. Caven-
difch qui a démontré que ce gaz eft le même
que celui qui constitue un des principes de l’at-
iîicfphèies fous le nom d’air phlogiftiqué , de
d’Hist. Nat. et de Chimie; 25
mofette atmofphérique , ou de gaz azote; il a
fait de véritable acide nitrique par la combinai-
î on de ce gaz avec l’air vital au moyen de l’étin-
celle éleârique.
Le nitrate de potafte eft très-altérable par la
chaleur : fi on l’expofe à l’aéfcion du feu dans un
creufet , il fe liquéfie allez vite , & cette liqué-
fa&ion eft une fufion ignée ; car quoiqu’on le
tienne quelque temps dans cet état , il ne fe
defsèche pas , & peut rougir fans prendre la
forme sèche. Si on le laide refroidir après l’avoir
fait fondre, il fe fige en une malle opaque que
l’on nomme crifïal minerai , & qui eft aulîi pe-
fant, aulîi fufible & aulîi diftbiuble que le nitrate
de potafte. Le criftal minéral des pharmacies dif-
fère du nitre pur fondu, en ce qu’il contient un
peu de fulfate de potafte produit par la combuf-
tion du foufre qu’on ajoute , à la dofe d’un gros
par livre de nitre , fuivant la pharmacopée
de Paris.
Si on laifte le nitrate de potafte expofé à.
l’aélion du feu après fa fufion , il fe décompofe
& il s’alcalife de lui-même. Cette opération
faite dans une cornue réuftit de même , & ins-
truit en même -temps fur la décompofition de
l’acide nitrique. En effet au lieu d’obtenir cet
acide pur, il paffe une grande quantité d'un
fluide açriforme qu’on peut recueillir au-deffirs
'3.6 Ê L É M É N S
de l’eau , & qui eff de véritable air vital mêlé
de gaz azote. L’alcali réffdu fait ordinaire-
ment fondre très-vite la cornue , & on ne peut
pourfuivre l’opération jufqu’à la fin qu’avec une
cornue de grès très-réfraéiaire. Voilà donc
l’acide nitrique entièrement décompofé en air
vital & en gaz azote , par le moyen de la cha-
leur & la lumière qui féparent fes deux prin-
cipes. Si l’on ne pouffe point le feu jufqu’à d6-
compofer entièrement le nitrate de potaffe, l’al-
cali reffe chargé d’une certaine quantité d’acide
nitreux, ou nitrique avec excès de gaz nitreux;
on en dégage cet acide avec le vinaigre ; ce fel
dans cet état eft ce que nous appelions nitrite ck
potajfe , en raifon de l’état de l’acide nitreux qu’il
contient; comme on nomme fulfite de potaffe,
la combinaifon de l’acide fui fur eux avec cet al-
cali; fi l’on chauffe plus fortement le nitrate de
potaffe , l’alcali reffe pur & cauftique. On con-
çoit d’après la facilité avec laquelle la chaleur
décompofé le nitrate de potaffe, que pour faire
du criffal minéral par la fimple fuffon il ne faut
pas tenir ce fel trop long-temps au feu ; fans cette
précaution ce médicament contiendroit un ex-
cès de potaffe dont l’effet feroit beaucoup trop
violent.
Le nitrate de potaffe fe décompofé avec d’au-
tr es phénomènes, lorfqu’onl’expofe à l’aclion-du
d’Hist. Nat. et de Chimie; i 7
feu avec des corps combufîibles; appliqué fur un
charbon, il produit une flamme blanche, vive*
accompagnée d’une efpèce de décrépitation ;
c’eft ce qu’on appelle détonation ou fufion du
nitre, on dit alors que ce fel détonne ou fufe,
& c’efl à ce caraéfère qu’on le reconnoît faci-
lement. Sthal croyoit que ce phénomène étoit dû
à la combinaifon rapide de l’acide du nitre avec
le phlogiflique ; & M. Baume , d’après cette
ih éorie penfoit qu’il fe formoit dans cette expé-
rience un foufre nitreux qui s’enflammoit fur
le champ. J’ai lu en 1780 à l’académie un
mémoire dans lequel j’ai démontré que le nitrate
de potaffe n’eft pas combuflible par lui-même
6c ne forme pas de foufre nitreux dans fa dé-
tonation , mais que ce phénomène n’eff dû qu’à
ce que la matière combuflible , qu’il efl néceffaire
d’ajouter à ce fel pour le faire détoner , brûle
plus ou moins rapidement à l’aide de l’air
vital qui fe dégage en grande quantité du nitrate
de potaffe fortement chauffé. Cette théorie eft
complètement prouvée, i°. parce que ce fel
ne fufe jamais feul ; z°. parce qu’après fa dé-
tonation à l’aide d’une matière inflammable ,
cette dernière efl entièrement brûlée; 30. parce
que plus la quantité de nitrate de potaflè efl
grande , relativement à celle du corps com-
buflible, plus la combuflion de ce corps efl
28 Élémens
complète; 40. enfin parce que la de'tonation
a lieu a u fii bien dans les vaiffeaux clos qu’à
l’a-r fibre , ce qui ne peut fe taire qu’à l’aide
de l’air viral fourni p r ce tel. Cette affertion
e]j entièrement démontrée par ce qui fe paffe
odns l’opération des clyjfus de nitre, qui ne font
que des détonations de ce fel avec differentes
ma: ères combufi: blés dans des vaiffeaux fermés*
Norav ne c erons ici que celle qui fe fait avec
le chai b >n. On adapte deux ou trois ballons
enfilés à une cornue de terre ou de fer, à
laquelle on a pratiqué dans la partie fupérieure
une cuverrure que l’on peut boucher avec un
couverte. Or, fait chauffer ce vaiffeau & lorf-
que fon fond ett rouge, on projette peu à-peu
le mélange du nitrate de pc-taffe & de charbon
par la tubulure que l’on ferme promptement.
Pendant ’a détonation les ballons font remplis
de vapeurs dont une partie fe condenfe en une
liqueur fade nullement acide & fouvent alcaline»
le réfidu n’eft que de la potaffe chargée d’acide
cai bonique : l’acide nitrique eft donc entierément
décdmpofë, il fe produit une grande quantié
«le gaz que j’ai recueilli en adaptant à la partie
fupérieure des ballons qui étoient tubulés dans
cette rcg’on , ou une vefiie ou des tubes dont
les ext remîtes étoient reçues fous des cloches
pleines d’eau, Ce gaz étoit en grande partie
d’Hist. Nat. et de Chimie. 29
de l’acide carbonique , mêlé d’un peu de gaz
inflammable & de gaz azote, l’un des principes
de l’acide nitrique. Le gaz inflammable provient
de la décompofltion d’une partie de l’eau du
nitre par le charbon.
Le réfldu de la détonation du nitrate de po-
tafle avec du charbon faite dans un- çreufet ,
porte le nom impropre de nitre fixé par les
charbons , c’elfc de la potafle combinée avec
l’acide carbonique.
Le nitrate de potafle bien pur ne s’altère en
aucune manière à l’air.
Il eft très-difloluble puifque trois ou quatre
parties d’eau froide en difîblvent une partie ,
l’eau bouillante en diffout le double de fon
poids. Aufli criflallife-t-il très-bien par refroi-
diflement; c’efl fur ces deux propriétés qu’efl:
fondé l’art d’extraire le nitrate de potafle des
plâtras où il efl: contenu. Les falpêtriers mettent
les plâtras concsflbs dans des tonneaux dont le
fond percé d’un trou dans fon milieu efl cou-
vert de cendres. Ils y font palier de l’eau
jufqu’à ce qu’elle en foit très-char gée , cbfer-
vant de mettre de l’eau pure fur des plâtras déjà
lavés pour les épu fer tout - à - fait , tk l’eau
déjà falée fur des plâtras neufs pour la char-
ger entièrement. Ils font enfuite évaporer leur
lefliyç dans des chaudières de cuivre* Ils en
$Q É L É M E N S
retirent les premières pellicules qi^i ne font quô
du muriate de fonde ou fel marin contenu dans
les plâtras. Ils nomment ce fel grain , & ils font
obligés par leurs règlemens de le rapporter aux
rafîneries. Lorfque l’eau eft affez évaporée pour
qu’elle fe fige par le refroidiffement , ils la met-
tent dans des bafiinaux où le nitrate de potafte
fe criftallife : ce fel eft très-impur & très-fale ;
c’eft ce qu’on appelle le nitre de la première
cuite. Quelques chimifles ont cru que les cen-
dres employées par les falpêtriers ne fervoient
qu’à dégraiffer le nitrate de potaffe, & cette
opinion paroifToit fondée fur ce que ces ma-
tières ne contiennent prefque point d’alcali > &
fur-tout fur ce que les falpêtriers du Languedoc
emploient les cendres du tamarifc , qui ne con-
tiennent que du fulfate de fonde. Mais ce fel
ainfi que le fulfate de potaffe eft tout aufii bon
pour décompofer le nitrate calcaire qui fe trouve
en grande quantité dans les plâtras, par la voie
des attra&ions éle&ives doubles , ainfi que
M. Lavoifier l’a obfervé pour les cendres
lefîivées employées par les falpêtriers de Paris :
nous reviendrons fur ce fait avec plus de détail
à l’article du nitrate calcaire.
Le nitrate de potaffe de la première cuite eft
toujours fort impur ; il contient outre le nitre
pur cinq autres fortes de fels; favoir du muriate
d’Hist, Nat. et de Chimie. 31
de foude, du nitrate de magnéfie, du nitrate
calcaire , du muriate de magnéfie & du muriate
calcaire , qu’il s’agit de féparer pour avoir le
nitrate de potaffe dans fon état de pureté. On
parvient à le purifier en le faifant rediffoudre
dans le moins d’eau pofiible , en clarifiant cette
liqueur bouillante à l’aide du fang de boeuf dont
le coagulum albumineux formé par la chaleur
entraîne toutes les impuretés en s’élevant du
fond de la liqueur à fa furface; on fait enfuite
évaporer cette fécondé leflive , & on en obtient
par le refroidiffement un nitrate de potaffe, qui
eff beaucoup plus pur & qu’on nomme nitre
de la fécondé cuite. Il eff encore altéré par,
une certaine quantité de muriate de foude 3s
d’eau mère. On le purifie une troifième fois par
le même procédé , & il devient beaucoup plus
blanc & plus pur ; c’eft le nitre de la troifième
cuite. Comme on le fait criftallifer très-promp-
tement, il eft en groffes maffes affez confufes?
il fe forme cependant dans le milieu des bafli-
naux une couche de criftaux allongés & .réguliers
qu’on appelle nitre en baguette. Ce dernier eft
rejette dans les arfenaux, parce qu’il e fl moins
propre à former de bonne poudre à canon ,
que le nitre en groffes maffes informes , à caufe
de l’eau qu’il retient dans fa criftallifation, &
qui nuit à la çombuftion de la poudre.
3* É L É M E N S
Les chimiffes & les pharmaciens purifient
encore le nitre de la troifième cuite par de
nouvelles diffolutions & criftallifations: de cette
manière ils font certains d’avoir un nitrate de
potaffe très-pur, & qui ne contient plus aucune
matière étrangère , fur-tout les muriates à bafe
de foude , de chaux & de magnéfie , dont on ne
peut prefque jamais enlever les dernières por-
tions dans les raffineries en grand (i).
Le nitrate de potaffe paroît éprouver quelques
altérations de la part de la terre filicée , puifqu’on
en retire l’acide en le difiillant avec du fable.
Cet acide paffe fans couleur, il répand quelques
vapeurs; le réfidu eft plus ou moins vitreux,
(i) Rien n’eft fi fingulier aux yeux des naturalises 8c
des chimiftes , que la production de fix fortes de fels dans
les plâtras, & lur-tout l’union confiante de chaque bafe
alcaline à un acide particulier. La potaffe fe trouve toujours
unie à l’acide nitrique, &la foude eft toujours combinée
avec l’acide muriatique. Il femble qu’il y ait un rapport
particulier entre ces différentes efpèces de fels primitifs, &
qu’ils fechoififfent mutuellement; car pourquoi ne trouve-
t-on pas de inuriate de potaffe ou du nitrate de foude ? On
pourroit obferver la même chofe pour les fels terreux : en
effet, il y a bien plus de muriate de magnéfie 8i de nitrate
calcaire , que de nitrate de magnéfie ou de muriate cal-
caire ; cela indique que la magnéfie a une affinité parti-
culière avec l’acide muriatique , & que la chaux en a de^
même une avec l’acide nitrique.
fuivant
d’Hist. Nat. et de Chimie. 33
fuîvant la quantité de fable employé, & fuivant
le degré de chaleur qu’on a / donné. 11 parent
que le fable décompofe le nitrate de potaffe par
la tendance qu’il a pour fe combiner avec fa bafe
alcaline , puifqu’en diflillant le nitre fans inter-
mède , on n’obtient point d’acide nitrique* mais
de l’air vital mêlé de gaze azote. Je crois que
cela vient de ce que dans la diflillation du
nitrate de potaffe fans intermède , l’alcali réagit
fur l’acide & contribue à fa décomposition ;
tandis que lorfqu’on chauffe ce fel mêlé avec
du fable , ce dernier tendant à s’unir à la potaffe
pour former du verre, l’empêche de réagir fur
l’acide qui paffe alors fans altération. Les .terres
argileufes décompofent aufli le nitre. On fe
fert communément d’une argile plus ou moins
colorée. C’efl une pareille terre que les difhlla-
teurs d’eau-forte da Paris emploient. Ils in-
troduifent deux livres de nitre de la fécondé
cuite avec fix livres d’argiie colorée de Gen-
tilly dans des cornues de terre d’une forme
particulière qu’on nomme des cuincs , &c qui
font placées les unes à côté des autres fur des
fournaux allongés , connus fous le nom de
galères ; leur col eft reçu dans une bouteille de
même forme qui s’ert de récipient. Ils retirent*
par ce moyen , d’abord une liqueur tranfparente
peu acide , qu’ils nomment flegme de l’eau,-
Tome II t C
34 Ê L É M E ÎSf $
forte, enfuite de l’acide de plus en plus con-
centré. Le rélidu eft une fubflance terreufé
rouge & très-dure, qui fert à faire une efpèce
de mortier. Cette expérience n’eft rien moins
que propre à prouver que l'argile décômpofe
îe nitre de potaffie. i°. Les diftillateurs n’em-
ploient qu’un nitre fort impur , & qui contient
beaucoup de nitre terreux. i°. Ils fe fervent
d’une argile très-compofée & fouvent remplie
d’une grande quantité de pyrites donc l’acide
fulfurique peut décompofer le nitre. Pour
compter fur cette décompofition , il faut la
faire avec de, l’argile blanche , & mieux encore
avec la bafe de l’alun ou l’alumine. Cette terre
n’ayant pas autant de tendance pour s’unir à
l’alcali que le fable , & ne formant pas de
verre avec ce fel » ne paroît pas pouvoir dé-
ccmpofer aufîicomplètement lenîtrate-de potaffie
que le fable. Cependant M. Baume dit avoir
obtenu l’acide du nitrate de potaffie par la porce-
laine l’argile cuite en grès , qui ne contiennent
point d’acide fulfurique, quoiqu’il ait cru que
c’étoità cet acide, contenu dans les argiles,
qu’étoit due la décompofition de ce fel*
La baryte décompofe le nitrate de poraffie &
en fépare l’alcali. Bergman dans fa table d’affi-
nités ^ place cette fubftance falino - terreufe
avant les alcalis immédiatement après l’acide
nitrique.
b’Hist. Nat. et de Chimie:
La magnéfie , la chaux & les alcalis n’ont
aucune a£Hon fur le nitre*
Les acides en ont une très-marquée fur ce
fel, fur- tout l'acide fulfurique qui a réellement
plus d’affinité avec les alcalis que n’en a l’acide
nitrique* Si on verfe de l’acide fulfurique con-
centré fur du nitrate de potaffe bien fec * il fe
produit une effervefcence corlîdérable , & l’on
voit s’élever des vapeurs rouges qui ne font que
de l’acide nitreux. En faifant cette opération dans
une cornue à laquelle eft ajufté un récipient ,
on recueille cet acide connu fous le nom d’efprit
de nitre : cette opération eft appellée dans les
laboratoires diffillation de lefprit de nitre à la
manière de Glauber, parce que c’eft ce ehimifte
qui le premier l’a décrite affez clairement. Dans
ce procédé on étoit obligé de laiffer au ballon
un petit trou ouvert pour donner ifîïie aux
vapeurs d’acide nitreux; on avoit remarqué que
ces vapeurs ctoient très-difficiles à condenfer ,
& qu’elles cccafionnoient deux accidens : le
premier étoit la perte d’une quantité notable
du plus fort efprit de nitre qui fe diffipoit par
la tubulure du vaiffeau ; le fécond confiftoit
dans le danger que couroit l’artifte expofé à
ces vapeurs très-âeres & très-corrolives; c’étoit
donc un procédé très-défe&ueux. M. Woulfe
Lavant chimide anglois a trouvé le moyen de
Cij
y
$6 É L E M E N S
remédier à ces inconvéniens : au lieu d’em-
ployer un récipient percé d’un petit trou , il fe
fert d’un ballon à deux pointes ; il place dans
l’extrémité de ce vaifleau oppofée à la cornue
un tube dont un bout qui fait angle droit avec
l’autre, plonge dans une bouteille ; cette bouteille
a deux tubulures ‘fur fes côtés j chacune
cle ces tubulures reçoit un fyphon qui pade
dans une autre bouteille , placée de chaque côté
cle la première. Les deux bouteilles collatérales
font jointes par le moyen d’un fyphon avec
deux vaideaux pareils donc les tubulures latérales
redent Ouvertes. La première bouteille rede
ordinairement vicie , les bouteilles collaté*
raies contiennent une certaine quantité d’eau
dans laquelle plonge l’extrémité inférieure & la
plus longue du tube qui communique de l’une
à l’autre; la partie fupérieure de ces bouteilles
rede vide, & lorfque la vapeur d’acide pade
'au-deiTus de l’eau des premières, elle ed portée
par les autres tubes jufque dans l’eau des bou-
teilles fuivantes. Par cet appareil ingénieux il
ne fe perd rien du tout, & i’artide n’efl nulle-
ment incommodé. L’acide nitreux en vapeur
palTe dans le ballon & va dans les premières
bouteilles où il ed abforbé par l’eau. Celui qui
ne peut pas l’être pade dans les fécondés
bouteilles collatérales , s’y unit à l’eau
)
d’Hist. Nat. et de Chimie. 37
qu’elles contiennent. U fe dégage par la tubu'ure
ouverte des dernières bouteilles une q .anîite
plus ou moins grande d’air vital qu’on peut
recueillir dans des cloches. Cet appareil tel
qu’il vient d’être décrit a un avantage dont il
doit être fait mention ; à la fin de l’opération ,
lorfqu’on laide refroidir la cornue , il fe fait un
vide dans les vaiffeaux , &c l'air extérieur pref-
fant fur l’eau des dernières boufei’les ouvertes ,
la force de remonter par les fyphons dans les1
premières bouteilles collatérales, & de celles-ci
dans la bouteille moyenne &C la plus voifine
du ballon. Si la première bouteille n’étoit pas
vide & n’avoit pas allez de volume pour con-
tenir toute l’eau des buvantes , les liqueurs
acides pafferoient dans le ballon ; & comme
l’acide nitreux le plus fort eft contenu dans ce
vaiffeau , il fe trouveroit mêlé avec toutes les
liqueurs des bouteilles , &: il n’auroit pas le
degré de force qu’on y recherche ; cet incon-
vénient feroit encore plus préjudiciable pour
d’autres dibillations dont nous parlerons par
h fuite, parce qu’au lieu de diminuer limple-
ment la force du produit il en akéreroit la
pureté.
Pour faire cette opération dans un labora-
toire, on met quatre livres de nitrate de poîafie
pur 6c fondu en crijlal minerai dans une cornus
C iij
|8 ÊLEMENS
de grès tubulée placée dans un fourneau de
réverbère : on peut aufli fe fervir de cornues
de verre tubulées que l’on place fur un bain
de fable. On verfe tout-à-la'-fois par la tubulure
deux livres & demie d’acide fulfurique con-
centré, êc on bouche la cornue. On l’adapte
on la lutte promptement à l’appareil décrit ci-
deffus qu’on a eu foin de monter la veille. On
ïa chauffe par degrés jufqu’à ce qu’il ne paffe
plus rien; on peut régler la conduite de l’opé-
ration d’après le dégagement & le partage du
gaz dans les bouteilles. S’il efl: trop rapide , la
chaleur efl trop violente, & on doit la diminuer
de peur que toute la maffe de la cornue ne fe
gonfle trop & ne paffe dans le ballon; fi le jeu
des bouteilles efl: trop lent , on augmente le feu
pour éviter l’abforption ; ainfi cet appareil a
encore l’avantage d’avertir l’artifle fur la marche
de fon procédé.
Le réfidu de cette dccom ;ofition efl: du fulfate
A
de potaffe, formé par fanion de l’acide fulfuri-
que avec l’alcali bafe du nitre : ce fel réfidu
efl connu en pharmacie fous le nom de fel
de duobus , OU arçanum duphcatutn. Il efl
ordinairement en une maffe blanche opaque à
fdemi-vitrifiée remplie de cavités qui annoncent
on bourfoutflement ; ce fel efl fort acide , en
ç-aifon de la quantité d’acide fulfurique que iToj*
d’Hist. Nat. et de Chimie. 39
emploie, & c’eft cet excès d’acide qui fait fon-
dre le fel, comme nous l’avons vu dans l’hif-
toire dufulfatede potaffe. L’acide nitreux qu’on
obtient par ce procédé eft très-rouge & très-
fumant , en raifon de la^ chaleur forte qu’on
emploie dans cette diftillation , &C qui dégage
une portion d’air vital. Comme il eft toujours
mêlé d’une certaine quantité d’acide fulfurique >
on le rectifie en le rediftillant fur un quart de
fon poids de nitre. On doit encore obferver
qu’il eft néceftaîre d’employer du nitrate de
potaiTe bien pur pour avoir de l’acide nitreux
fur les effets duquel on puiffe compter. Celui
qu’on retire du nitre de la fécondé cuite con-
tient de l’acide muriatique , & agit dans les.
diffolutions à la manière de l*e.au régale . On peut
purifier cet acide &lui enlever l’acide muriatique
qu’il contient par une diftillation bien ménagée,
comme l’ont démontré MM. de Laffonne &&
Cornette. ( Acad. 1781 , page 6 53 à <^5 6.)
L’acide boracique concret décoir.pofe le nitre
à l’aide de la chaleur, & en dégage un acide-
nitrique affez concentré; il paroît que c’eft en
raifon de fa fixité qu’il opère cette décompo-
fition, comme le penfent- MM. les Académiciens
de Dijon ; cependant il faut aufii l’attribuer ei*
par-tie à l’aîtraclion qui efl entre l’acide bora^
tique & la potaffe bafe du nitre.
Cil-
40 ÉLÈMENS
Le nitrate de potafle efl d’un très-grand ufage
dans les arts. Il efl le principal & le plus utile des
ingrédiens de la poudre à canon, donc nous
parlerons à l’article du foufre. Brûlé avec diffé-
rentes dofes de tartre, il forme des matières
fondantes nommées flux , qu’on emploie en
docimafie , pour fondre & réduire les fubftances
méîallicmes , &c, &c.
j 7
On s’en fert fréquemment en médecine ,
comme d’un médicament calmant , rafraîchif-
fant , diutitique , anti-feptique , &c. On l’admi-
niflre dans une boifTon quelconque A la dofe
de dix à douze grains, jufqu’à celle d’un demi-
gros & plus. Les médecins en obtiennent tous
les jours de très-bons effets.
Sorte IV. Nitrate desoude.
Le nitrate de foude que l’on a nommé nitre
cubiq.UC , nitre. quadr angulaire , nitre rhomboidal ,
efl le fel neutre parfait , réfultant de la com-
binaifon faturée de l’acide nitrique & de la
foude.
Ce fel efl: ordinairement en allez gros crjf-
taux rhomboïdaux très-réguliers ; le nom de
nitre rhomboïdal lui convenoit donc mieux que
celui de nitre cubique.
Sa faveur efl fraîche tk un peu plus amère
que celle du nitrate de potafTe.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 41
Le feu le décompofe comme ce dernier ; mais
il décrépite & fe fond moins facilement que
lui. Au refte , il donne de l’air vital mêlé de gaz
azote & s’alcalife comme le nitre de potaffe.
Il eff un peu plus altérable à l’air que ce der-
nier, & il en attire légèrement l’humidité.
II fe diffout allez bien dans l’eau froide Sc
même plus abondamment que le premier ,
puifque deux parties d’eau à la température ordi-
naire de iô degrés, en diffolvent une partie ; l’eau
bouillante n’en diffout prefque pas davantage;
auffi pour l’avoir criffallifé régulièrement , on eft
obligé d’évaporer lentement fa diffolution. En
expofant une lefîlve bien claire de ce fel dans un
endroit fec , on y trouve au bout de quelques
mois des criftaux rhomboïdaux de ftx à huit
lignes, & quelquefois de près d’un pouce d’éten-
due. Ce procédé eft en général celui qui réuffit le
mieux pour faire criftallifer les fels qui ne font
pas plus folubles dans l’eau chaude que dans
l’eau froide.
Le nitrate de foade détonne fur les charbons
ardens, & fait biûlertous les corps combuftibles
avec lefquels on le chauffe un peu moins rapi-
dement que le nitrate de potaffe.
La terre ftlicée en dégage l’acide nitrique Si
forme du verre avec fa bafe ; l’argile en fépare
aufti l’acide , & le réfidu de cette décompofttion
4 i' E L é M F N s
eft une efpece de fritte un peu bourfouflée ^
&C opaque lorfqu’on a donné un bon coup de
feu.
La baryte le décompofe & met à nud la foude.
La magnéfie & la chaux ne l’altèrent pas fenfi-
blement.
La potaffe a plus d’affinité que fa bafe avec
l’acide nitrique avec lequel elle forme du nitrate
de poraffe ; on peut fe convaincre de cette
décompofîtion par une expérience très-facile.
Si Ton partage une diffolution bouilllante ÔC
faturée de nitrate de foude en deux portions ,
& fi l’on jette dans une d’elles de la potaffe cauf-
tique , celle-ci dépofera pendant fon réfroidif-
fement des criflaux prifmatiques de nitrate de
potaffe ; tandis que la portion dans laquelle on
n’aura point rnis de potaffe ne criftallifeifa point,
parce que les criftaux de nitrate de foude ne fe
forment que par l’évaporation lente.
L’acide fulfurique concentré verfé fur le nitrate
de foude en dégage l’acide nitrique avec effer-
vefcence. On peut diftilîer ce mélange , & obte-
nir de l’acide nitrique , comme avec le nitrate
dç potaffe. Les autres acides minéraux dont pas
plus d’a&ion fur ce fel que fur le précédent.
Les fels neutres déjà examinés , les fulfates de
potaffe & de fonde, & le nitrate de potaffe
«fanèrent en aucune manière le nitrate de foude j
d’Hist. Nat. et de Chimie; 4*
fi ces fe's font diffous dans la môme eau , fls
crifiallife it fépajrémenc , 6c chacun dans leur
ordre ordinaire ; le nitrate de potaffe & le fulfate
de foude par réfroidiffement , le fulfate de po-
taffe 6c le nitrate de foude par l’évaporation.
Toutes ces propriétés démontrent que le nitrate
de foude ne diffère du nitrate de potaffe que
par fa forme, fa faveur.,, fa légère déliquef-
cençe , fa folubilité plus grande , fa propriété
de eriffallifer par l’évaporation , 6c fur-tout fa
décompofition par la potaffe.
On n’a point encore trouvé le nitrate de foude
dans la nature j il eft toujours un produit de
l’art qui le forme de cinq manières différentes ;
i°. en unifiant directement l’acide nitrique avec
la foude ; 20. en décompofant par çe même al-
cali les nitrates terreux , le nitrate ammoniacal
èc les nitrates métalliques ; 3p. en décompofant
le muriate de foude par l’intermède de l’acide
nitrique ; 40. en décompofant le fulfate de foude
par l’efprit de nitre fumant ; 50. enfin , en dé^-
compofaïtt les difiolutions métalliques nitriques
qui en font fufceptibles par le muriate de foude :
dans ce dernier cas , à me fuie que l’acide mu-
riatique s’unit au métal qu’il fépare de l’acide
nitrique , ce dernier fe combine avec la foude
qui quitte fon premier acide. Toutes ces dé-
çompofitiç>ns feront détaillées e» parçulier à
A4 É LÉM ENS
l'article de chacun des fels qui en font fufcep-
tibles.
Le nitrate de fonde pourroit fervir aux mêmes
ufages que le nitrate de potaffe ; mais comme
il ne produit pas tous les effets de ce dernier
fel , fans doute à caufe de la plus grande affinité
qu’il a avec l’eau , on ne l’emploie pas dans
les arts ; d’ailleurs comme on ne le trouve point
dans la nature , & comme il n’eft qu’un pro-
duit de l’art , on n’a pas effayé d’en faire un
ufage particulier ; on n’a même pas encore fait
fur ce fel tcfutes les recherches nécef&ir es poar
en bien connoître les propriétés.
Sorte V. Murïate de potasse.
Le mini a te de potaffe , appelé autrefois fd
fébrifuge de Sylvius , eff formé par l’union fa-
turée de l’acide muriatique avec la potaffe. Il
a été mal à propos nomme fel marin régénéré ,
puifqu’il d fîere de ce fel par la nature de fa
bafe. Ses criftaux font des cubes, mais qui ont
prefque toujours un afpeéf confus & une forme
peu régulière. Sa faveur eft talée , piquante ?
amère & défagréable : lorfqu’on i’expofe au feu,
il décrépite , c’eff-à-dire , que fes criffaux fe
brifent & s’éclatent en petits morceaux , ce qui
vient de la raréfa&ion fubite de l’eau qui entre
dans leur compcfition ; li on le laiile fur le
d’Hist. Nat. et de Chimie. 45
feu après qu’il a décrépité , & que la chaleur
foit allez forte , il fe fond & fe volatilife, mais
fans fe décompofer; il peut fervir de fondant
aux terres &: aux fubftances métalliques. Sa prin-
cipale utilité dans ce cas, c’eft qu’en recou-
vrant les matières, il fixe l’aûion des autres fon-
dans , les empêche de fe volatilifer , & prévient
les altérations que l’accès de l’air pourroit pro-
duire.
Le muriate de potaffe eft peu altérable à l’air,
il n’en attire que très-légèrement l’humidité.
Il lui faut environ tçois parties d’eau froide
pour être tenu en diffolution ; l’eau chaude n’en
diffout pas davantage ; c’eft pour cela qu’on eft
forcé d’avoir recours à l’évaporation lente pour
l’obtenir criflallife. C’eft un des fels qu’il eft le
plus difficile d'avoir en criftaux réguliers d’un
certain volume.
L’argile paroît le décompofer en partie, puif-
qu’en diftillant du muriate de potaffe avec les
glaifes des environs de Paris , on obtient de
l’acide muriatique ; à la vérité , cette opération
n’en fournit qu’une petite quantité, & fon ré-
sultat eft bien éloigné de celui que donne le
nitrate de potaffe. Il paroît auffi que le fabla
a la même a&ion que l’argile fur le mariale de
potaffe.
La baryte s’empare de fon acide & en féparç
4^ É L i M E N §
la poraffe fuivant Bergman. La magnéfie & la
chaux ne l'altèrent en aucune manière.
Les acides fulfurjque & nitrique en dégagent
î’acide muriatique avec effervelcence (i) : ce
phénomène eft d’autant plus marqué , que le
muriate de potaffe ed plus fec. Celui que l’on a
fair décrépiter, & qui a perdu Ton eau de crif-
tallifarion, produit une effervefcence très-confit
dérable avec l’acide fulfurique coneenrré , & le
mélange s'échauffe beaucoup,* En faifant ces
(i) Nous avons déjà fait obferver, en parlant de la
’décompofition du nitrate de potaffe par l’acide fulfuriqué
cbncentré, que l’acide nitrique fe dégageoit avec une vive
effervefcence. Nous retrouvons ici le mérite phéMoftiène
pour l’acide muriatique : il ed même beaucoup plus mar-
qué dans ce dernier fel , parce que fon acide a une très-
grande tendance pour fe mettre dans l’état de gaz. Telle
ed la caufe générale des effervefcence3 dont la nature &
les différences n’ont été bien connues que depuis très-peu
de temps. On croyôit autrefois que c’étoit au dégagement
de l’air qu’elles étoient dues ; on ed convaincu aujourd’hui
que ce n’ed pas l’air , mais tous les corps qui petivent af-
fefter l’aggrégation aériformr qui les produiferit ; ainfi ,•
nous avons fait voir que l’ébullition de l’eau pouvoir être
regardée comme une forte d’edervefcence. Comme cette
vérité a befoin d’être fouvent répétée jufqu’à ce qu’elle foit
bien connue & bien entendue de tout le monde j nous re-
tiendrons plüfieurs fois fur Cèf objet, en traitant des diffé-
rens fels neutres fufeeptibles d’être décômpofés par les
acides.
d’Hist. Nat. et dé Chimie: ‘47;
décôtàpo fit ions dans des cornues on obtient
de l’acide muriatique dans le récipient , & la
cornue contient du fulfate de potaffie Iorfqu’on
opère avec l’acide fulfurique : le récipient con-
tient, au contraire , de \'eau régale, & le téfidu
donne du nitrate de potaffie , fi l’on emploie
l’acide nitrique. L’acide boracique décompofa
suffi le muriate de potaffe par le moyen de la
diffillation , & en dégage l’acide muriatique.
Comme toutes ces opérations fe pratiquent avec
le muriate de foude ou fel marin, nous les dé-
crirons plus en détail à l’article de ce dernier.
Les acides carbonique & fluorique n’ont aucune
aélion fur le muriate de potaffie.
Les fulfates & les nitrates de potaffie & dé
fonde n’en ont pas davantage fur ce fel 5 lors-
qu'ils font diffious dans la même eau, chacun
d’eux criflallife féparément & à fa manière.
Le muriate de potalle fe rencontre fréquem-
ment dans la pâture ; mais toujours en allez
petite quantité. On le trouve dans les eaux de
la mer & dés fontaines falées ; il exifte , quoi-
que rarement , dans les lieux où l’on rencontré
le nitrate de potaffie; on le trouve encore dans
les cendres des végétaux', & dans quelques hu-
meurs animales. L’art peut auffi le produire , 1°.
en combinant dire&ement l’acide muriatique
avec la potaffie ; iQ. en décompofant les muriates
4$ Élémens
terreux , ammoniacaux ou métalliques par le
même alcali ; 30. en décompofant le fulfate ou
le nitrate de potaffe, par le moyen de l’acide
muriatique , comme l’a indiqué M. Corwetre.
On employoit autrefois ce fel neutre comme
un excellent fébrifuge; mais il ne pofsède cette
propriété, que Sylvius lui a attribuée, qu’en fa
qualité de fel amer. On préféré aujourd’hui à
ce fel les fulfates de potaffe & de foude.
Le muriate de potaffe n’eft pas d’ufage dans les
arts; fon goût défagréable empêche qu’on ne s’en
ferve pour affaifonnement comme on le fait du
muriate de foude; il a d’ailleurs toutes les pro-
priétés chimiques de ce dernier fel, dont il ne
différé que par fa faveur amère , fa clifTol ubiliré
moins grande , fon altérabilité à l’air & fa crif-
tallifation moins régulière ; c’eft pourquoi nous
n’infifferons pas davantage fur fon hiftoire.
Sorte VI. Muriate de soude.
Le muriate de fonde, plus connu fous les noms
de fel marin ou fel de cuifîne , fal culinarc , eft
un fel neutre parfait , formé par la combinaifon
faturée de l’acide muriatique & de la foude. On
doit s’appercevoir que , dans la nomenclature
adoptée jufqu’ici , la définition de la nature de
ces fels neutres eft prefque inutile , puilqu’elle
eû exprimée par la dénomination.
Ce
d5Hist. Nat; et de Chimie. 49
Ce fel eft répandu en quantité confidérable
dans la nature ; c’eft le plus abondant de tous.
On le trouve en maftes immenfes dans l’intérieur
de la terre , en Efpagne , en Calabre , en Hon-
grie, en Mofcovie , & fur-tout à Vielizcka , en
Pologne, près les monts Crapacks. Les mines
de ce dernier endroit font d’une grandeur très-
confidérable , & le muriate de fonde y eft en
quantité prodigieufe. Ce fel , contenu dans la
terre , eft ordinairement irrégulier , rarement
criftallifé : il eft plus ou moins blanc ; on en
trouve de coloré : dans cet état on l’appelle
fel gemme , parce qu’il a fouvent la tranfparence
des criftaux connus fous ce nom. Les eaux de la
mer en font chargées, ainft que celle de certains
lacs & de quelques fontaines, C’eft de ces eaux
qu’on le retire par quatre procédés généraux.
Le premier eft l’évaporation fpontanée par la
chaleur du foleil ; ce moyen eft mis en ufage
dans nos provinces méridionales, en Langue-*
doc , à Peyrac , Pecais , &c. On creufe fur le
bord de la mer des efpèces de foftes qu’on en-
duit d’argile bien battue \ on y pratique des pe-
tits murs qui les partagent en plufieurs compar-
timens, & qui communiquent les uns avec les
autres. La marée montante dépofe de l’eau dans
ces marais falans , o£ elle eft retenue par les
efpèces de cloifons que forment les murs j 01%
J'orne //, D
É LÉ M ENS
n’y en laifle qu’une couche aflez mince que la
chaleur du foleil cvapore très-bien. Quand il
s'y eft formé une pellicule faline , on la cafte,
&: elle fe précipite ; on la brife ainfi jufqu’à ce
qu’il n’y ait plus d’eau. Alors on ramafle le fel
avec des râteaux , & on le met en tas pour le
faire fécher. Ce fel eft mêlé avec tous ceux qui
font diffous dans les eaux de la mer, tels que les
fuîfates de fonde de magnéfie , les muriates
de magnéfie & de chaux. Il eft aufli fali par une
porrion de la glaife qui forme le fond des marais
falans ; enfin on y trouve du fer & du mercure
en très -petits globules; ce dernier s’y démontre
facilement en laiffant féjourner une lame d’or
dans le fel ; elle y eft blanchie très-manifefte-
ment Ce fel fort impur eft connu fous le nom
de fel de gabelle.
Dans les provinces feptentrionales de la
France , en Normandie & en Bretagne , on fe
{>-rt de l’évaporation artificielle à l’aide du feu.
Dans l’Avranchin , on prend les fables mouvans
fur Iefquels l’eau de la mer a dépofé des crif»
taux filins ; on les lave avec la moins grande
quantité poflvble d’eau de mer , afin que le fel
n’en ait que ce qu’il lui en faut pour être dif-
fous ; on porte cette eau falée dans des chaudières
de plomb clans lefquelles on l’évapore jufqu’à
#ccité. Ce fel eft très-blanc & plus pur que celui
VHist. Nat. et de Chimie. 51
éks marais falans. Guettard a décrit avec foin
ce travail dans les Mémoires de l’Académie pour
l’année 1758.
La Lorraine & la Franche-Comté ont beau-
coup de fontaines falées. L’eau de ces fontaines
eft chargée de différentes quantités de muriate
de foude. A Montmorot, dans la dernière de ces
provinces, pour obtenir ce fel on réunit l’éva-
poration fpontanée à l’évaporation par le feu.
Pour cet effet., Peau des puits eft portée, par' des
pompes à chapelet , dans un grand baftin. Ce
dernier eft placé au haut d’un hangard nommé
bâtiment de graduation. Sous cet hangard font
fufpendues, par érages , des planches fur lef-
quellesfont placés de petits fagors d’épines. L’eau
tombe fur ces fagots par des robinets ; elle fe
divife -en pluie fine } & comme elle préfente
beaucoup de furface à l’air qui circule avec ra-
pidité fous ceshangards, il s’en cvapore prefque
les deux tiers ; elle dépofe du fuifate de chaux
ou de la fèlénite fur les fagots ; &: lorfqu’elle eft
aftez chargée de fel pour donner treize à qua-
torze degrés au pèfe-liqueur, elle eft portée dans
de grandes chaudières de fer , fouttnues par des
crochets d« même métal , qui partent de leur
fond & repofent fur des pièces de bois portées
par les bords de ces vaiffeaux. Ces chaudières ,
appelées poêles , font très-larges & peu pro-
52 É L É M E N s
fondes. Elles contiennent cent muids d’eâu falée*
On les chauffe brufquement ; lorfque l’eau bout
à gros bouillons, elle fe trouble d’abord, & dé-
pofe à fa furface une terre ochreufe en forme
d’écume. Il s’en fépare enfuite un fel peu foluble
qui n’eft que du fulfate de chaux ; les ouvriers
le nomment Jchlot : le fchlot eft mêlé d’un peu
de muriate de foude, de fulfate de foude & de
muriates terreux : il eft reçu dans de petites au-
ges de tôle, placées fur les bords des chaudières,
dans lefquelles il eft porté par les flots de la li-
queur qui bout ; on enlève les augelots de temps
en temps, & on les remet jufqu’à ce qu’il fe
forme à la furface de la liqueur une grande quan-
tité de petits criftaux cubiques que les ouvriers
appellent pieds de mouches . A cette époque on
retire les augelots pour la dernière fois. On di-
minue le feu on enlève le muriate de foude
avec des écumoirs , à mefure qu’il s’en eft crif-
tallifé une affez grande quantité ; on continue de
l’enlever ainfi , & d’évaporer jufqu’à ce que l’eau
ne donne plus de criftaux cubiques. Le fel que
l’on obtient eft en criftaux plus ou moins gros,
fuivant la rapidité ou la lenteur de l’évaporation;
l’eau qui n’en fournit plus eft appelée mulre ou
eau mere : elle contient des muriates terreux (i).
(i) On prépare à Montmoror un fel neutre, connu fous
d’Hist. Nat. et de Chimie.
Wallerius rapporte un quatrième procédé pour
retirer le fel des eaux de la mer , mis en ufage
dans les pays du Nord. On expofe cette eau.
dans des folTes fur le bord de la mer ; comme
elle n’y forme qu’une petite couche , le froid la
pénètre , & elle fe gèle ; mais la portion d’eau
fiirabondante à la diiTolution faline étant la
feule fufceptible de fe geler , celle qui refte fluide
retient tout le fel qui étoit contenu dans la quan-
tité primitive , & elle fe trouve concentrée ait
point de laiffer criftallifer le muriate de foude à
la moindre chaleur ; on la porte dans des chau-
dières de plomb, dans lefquelles on l’évapore.
Les criftaux de muriate de foude font des
cubes très -réguliers & d’autant plus gros, que
l’évaporation a été plus lente; ils fe groupent
enfemble par leurs bords, de manière à former
des efpèces d’efcaliers ou de trémies creufes.
Rouelle l’aîné a obfervé & décrit ce phénomène
avec beaucoup de foin dans fes Mémoires fur là
criftalhfation. Bergman en a donné line éthiolo-
gie fort ingénieufe.
le nom de fel d Epforn de Lorraine ; mais ce n’eft que du
fulfate de foude ou fel de Glaubei dont on a troublé lst>
criftallifation. On le diftingue du vrai fulfate de magnéfifc.
ou fel d'Epfom , en ce qu’il s’effleurit à l’air , tandis que le
premier , tel qu’il vient d’Angleterre , eft déliquefeent,
Diij
54 É t É m E N 5
La faveur de ce fel , qui eft falée &: agréable l
eft connue de tout le monde.
Lorfqu’on l’expofe à l’avion d’un feu bruf-
que, il pétille & faute en éclats. On appelle ce
phénomène décrépitation ; il eft du, ainfi que nous
l’avons déjà fait obferver pour le fulfate de po-
laire & le muriate de potaffe, à ce que l’eau qui
entre dans les criftaux fe raréfiant fubitement ,
brife & écarte avec effort toutes les petites lames
dont ils font compofés. Lorfque toute l’eau eft
ainfi évaporée , la décrépitation ceffe, & le fel
eft en pouflicre. Si on continue à le chauffer for-
tement , il fe fond après avoir rougi : en le cou-
lant fur une plaque de marbre, il fe fige en une
efpèce de criftal minéral. Mais il n’eft altéré en
aucune manière , car on peut lui rendre fa pre-
mière forme en le diffolvant dans l’eau. Le feu
ne le décompofe donc pas : en le tenant fondu
quelque temps , il finit par fe volatililer fans al-
tération, mais il faut pour cela un feu de la der-
nière violence.
Le muriate de fonde n’éprouve pas d’altéra-
tion fenfible à l’air , lorfqu’il eft bien pur ; il fe
defsèche plutôt qu’il ne s’humeûe , & il n’en
attire l’humidité que lorfqu’il contient des mu-
riates à bafes terreufes , comme celui de ga-
belle. _
Jl eft très-diffoluble dans l’eau; il ne lui faut
d’Hist. Nat. et de Chimie. 5 5
que trois parties de ce fluide pour etr-e tenu
en diffolution. Trois onces & demie d eau dif-
fblvent très-complètement une once de ce fel :
il n’efl pas plus difïokible dans l’eau bouillante
que dans l’eau froide. La diffolution fe fait feule-
ment un peu plus vite parla chaleur. On obtient
les criflaux de ce fel par une évaporation très-
lente. Il fe forme d’abord fur la liqueur des
pieds de mouches qui fe joignent , & donnent
naiffanee a une pellicule plus ou moins épaiffe 3
quelquefois, au lieu de cubes, on obferve des
efpèces de pyramides quarrées & creufes , fem*
blables à des trémies. Rouelle l’aîné , qui a cb-
fervé avec grand loin tous les phénomènes de
cette criffallifation ,, a vu que ces trémies pre~
noient naiffanee de la manière fuivante. Lorf-
qu’il y a un cube farrné , ce petit folide s’en-
fonce un peu dans l’eau ; il en naît enfuite un
fécond qui eft attiré par le premier, & qui s’at-
tache à lui par un de fes côtés 3 le même phéno-
mène a lieu pour les trois autres côtés du cube.
Il eft aifé de concevoir que cet accroiffemenî
fucceftif produira des pyramides creufes, dont
la pointe fera en bas 8c la bafe en? haut. Lorf-
qu’elles font trop groffes, elles fe précipitent au
fond de la liqueur. L’eau dans laquelle on a dif-
fous ce fel , & qu’on a fait évaporer jufqu’à ce
quelle n’en fourniffe plus., ne contient plus au®
D iv
$6 Élémens
cune matière faline , fi le Tel employé étoît bien
pur : celle de la mer & des falines contient tou-
jours quelques fels à bafe terreufe. On peut en
précipiter la terre à l'aide de la foude , comme
nous le dirons à l’article des fels neutres terreux.
Tel eft le moyen qu’on emploie pour obtenir
du muriate de foude très-pur.
Le muriate de foude paroît faciliter la fufion
des verres j il occupe toujours la partie fupé-
rieure des pots dans lefquels on fond cette ma-
tière , &: constitue en grande partie le fiel de
yerre.
On s’en fert pour vitrifier la furface de cer-
taines poteries , & pour leur donner ainfi une
efpèce de couverte aux dépens de leur portion
extérieure, qui fe fond à l’aide de la grande cha-
leur communiquée par le fel ; on y parvient aifé-
ment, en jetant dans les fours où on la cuit une
certaine quantité de muriate de foude. Il fe vo-
îaiiiife &. fe répand fur la furface des poteries ,
dont il occafionne la fufion par fon extrême cha-
leur. C’eft ainfi qu’on enduit la poterie d’Angle-
terre.
La terre filicée ne l’altère en aucune manière ,
quoiqu’il paroiffe en favorifer la fufion.
L’argile pure a beaucoup moins d’a&ion fur le
tnuriate de fonde que fur les nitres: elle ne donne,
en la diûillant avec ce fel , qu’un acide foible
d’Hist. Nat. et de Chimie: $7
& phlegmatique en affez petite quantité. Les dis-
tillateurs d’eau-forte retirent , il eft vrai , l’acide
muriatique appelé efprit de fd de cette manière ;
mais ils emploient du fe* ae gabelle, qui contient
beaucoup de munates à bafe tcrreuft , èz ils fe
fervent d’une argile très-colorée & très-impure.
La baryte décompofe le muriate de Soude
comme tous les autres Sels alcalins , d’après les
expériences de Bergman.
La chaux & la magnéfte n’altèrent en aucune
manière le muriate de Soude. Peut-être ces deux
Subffances SaIino-terreuSes,combinées avec l’acide
carbonique, peuvent-elles Séparer les principes
du muriate de Soude par une attra&ion éle&ive
double ?
La potaffe cauflique décompofe le muriate de
Soude , parce qu’elle a plus d’affinité avec Son
acide que n’en a la Soude. Une diffolûtion de mu-
riate de Soude , mêlée avec de la potaffe, donne
du muriate de potaffe par l’évaporation, 8c l’eau
mère contient la Soude pure 8c ifolée.
Les acides ont une a&ion très-marquée Sur le
muriate de Soude. Si l’on verfe de l’acide Sulfuri-
que concentré Sur ce Sel , il Se produit un mouve-
ment très -confidérable, une chaleur très- vive;
on obferve une effervefcence violente (1), cau-
0) L’effervefcence eft aufîi raanifefie dans cette opé*
ÊLÉMEtfS
fée par l’acide muriatique qui fe dégage forts î?
forme de gaz; on reconnoît la nature de cet
acide aériforme dégagé , par la vapeur blancha
qu’il forme avec l’eau de l’atmofphère, & par
fon odeur piquante analogue à celle du fafran ,
lorfque cette vapeur eft fort étendue. Si l’on fait
cette opération avec l’appareil pneumato-chimi-
que au mercure, on obtient beaucoup de gai
acide muriatique. Glauber eit le premier qui ait
obfervé & décrit avec foin cette décompolition
du fel marin par l’acide fulfurique , pour re-
tirer l’acide de ce fel ; c’eft pour cela qu’on a
donné à cet acide le nom d ’efprit de fel marin à
la maniéré de Glauber . En examinant le rélidu de
•ette opération , il a découvert fon fel admira-
ble , ou le fulfate de foude»
Prefque tous les auteurs prefcrivent, pour dif-
tiller l’acide muriatique , de mettre du muriate
de fonde décrépité dans une cornue de grès tu-
bulée, de ver fer par la tubulure la moitié de
fon poids d’acide fulfurique concentré ; il fe dé-
ration , que dans l’union du même acide avee la chaux
les alcalis faturés d’acide carbonique. Elle a donc lieu
toutes les fois qu’un corps , féparé d’une combinaifon , fe
volatilife fous la forme de gaz ; elle peut donc être occa-
fionnée par l’acide carbonique, l’acide muriatique, l’acide
nitrique, l’acide fulfureux , l’acide fluorique, &c. Elle ne
doit pas être attribuée au dégagement de l’air»
d’Hist. Nat. et de Chimie. 59
gage fur le champ beaucoup de vapeurs acides ,
qui partent par le bec de la cornue , & vont fe
raffembler dans deux ballons enfï és ; le dernier
de ces vaiffeaux eft percé d’un petit trou , afin
de laiffer échapper les vapeurs & de prévenir la
rupture de l’appareil. Il en eft de cette opéra-
tion comme de la diftillation de l’acide nitreux j
on perd une grande quantité de l’acide muriati-
que le plus pur , qui fe diflipe fous la forme de
gaz par le trou du ballon , & on eft fort incom-
modé par les vapeurs très - corrofives de cet
acide , qui rempliffent le laboratoire où fe fait
la diftillation. M. Baumé, pour éviter une par-
tie de ces inconvéniens, ajoute de l’eau dans la
cornue. Cette eau , volatilifée dans le ballon,
abforbe une partie du gaz acide muriatique ;
mais comme elle eft beaucoup moins volatile
que lui, il fe perd toujours une grande quantité
de cet acide. M. ’W’oulfe a corrigé tous ces dé-
fauts , & a trouvé le moyen de fe procurer l’a-
cide muriatique le plus fort & le plus concentré
poflible , en faifant l’inverfe du procédé de M.
Baumé. Au lieu de faire volatilifer l’eau pour
aller après les vapeurs d’acide muriatique, il
préfente ce liquide à la rencontre du gaz , & il
emploie pour cela l’appareil que nous avons dé-
crit à l’article du nitre.
On met huit onces d’eau diftillée dans les
&0 Ê L É MENS
bouteilles collatérales, pour un mélange de deux
livres de muriate de foude & d’une livre d’acide
fulfurique concentré. Le gaz acide muriatique ,
conduit par des tubes dans l’eau des bouteilles ,
s’y diffouf. Cette eau s’échauffe prefque juf-
qu’à l’ébullition en fe combinant avec le gaz,
& elle en abforbe un poids égal au lien. Lorf-
qu’elle en efl chargée à ce point, elle n’en dif-
fout plus , & elle fe refroidit ; mais le gaz paf-
fant dans les fécondés bouteilles collatérales ,s’y
noie de nouveau dans l’eau qu’il échauffe &
qu’il fature.
Ce procédé , très-ingénieux & bien d’accord
avec les propriétés connues du gaz acide muria-
tique, a plufieurs avantages : i°. il évite les in-
convéniens de l’acide en vapeur répandu dans
l’air; i°. il empêche qu’on n’en perde la plus
grande quantité, comme cela arrivoit même dans
le procédé ancien ; 30. il procure l’acide
muriatique le plus fort , le plus concentré , le
plus fumant qu’il foit poffible d’avoir ; 40. cet
acide efl en même temps très pur, puifqu’il n’eft
formé que du gaz diffous dans l’eau. Audi efl-
ii très-blanc , tandis que celui qu’on avoit au-
trefois dans les laboratoires étoit toujours d’une
couleur citrine ; ce qui a même induit les chi-
miftes en erreur, puifqu’ils ont donné cette
couleur comme un cara&ère de cet acide. La
d’Hist. Nat. et de Chimie: 6i
portion d’acide liquide qui, dans ce procédé, fe
condenfe dans les allonges , eft jaune & falie
par les matières étrangères entraînées par l’eau
contenue dans le mélange , ainli que cela arrive
dans l’ancien procédé; 50. la méthode nouvelle
avertit l’artifte du degré de feu nécedaire, & de
la manière de conduire fon opération , par le
paflage plus ou moins rapide de l’acide muriati-
que gazeux à travers l’eau des bouteilles; 6°. en»
fin, ce qu’il y a de plus précieux , elle fournit un
moyen de connoître exa&ement la quantité d’a-
cide contenu dans le fel neutre , puifqu’on n’en
perd aucune portion.
L’acide nitrique décompofe aufîî le muriate
de foude ; mais comme il ed volatil, il monte ÔC
s’unit à l’acide de ce fel; il réfulte de cette union
l’acide mixte connu fous le nom d’acide nitror
muriatique ou Veau régale.
JSaron a découvert que l’acide boracique dé-
gage l’acide du muriate de foude à l’aide de la
chaleur. Le réfidu de cette diftillation ed du vé-
ritable borate de foude très-pur.
L’acide carbonique &: l’acide fluorique n’ont
point d’a&ion marquée fur le muriate de foude.
Les fels neutres que nous avons fait connoître
jufqu’ici n’en ont pas davantage fur ce fel.
Lorfque les fulfates , les nitrates de potade U, de
Élémins
fonde , & le muriate de potafTe fe trouvent dif-
fous dans la même eau que le muriate de foude ,
chacune de ces matières falines criftallife à fa ma-
nière • le muriate de foude eft un de ceux qui
s’en fépare le premier pendant les progrès de
Tévaporation , & il fe mêle avec un peu de ful-
fate & de muriate de potaffe ; mais le fulfate de
foude & le nitrate de potaffe reftent les derniers
en diffolution , & ne fe criftallifent que par le
refroidiffement. C’eft pour cela qu’en Lorraine
on prend l’eau mère des falines d’où on a retiré
le fei de cuifine ; on la met dans des tonneaux ,
& on l’agite avec des bâtons ; pendant fon re-
^roidiffement, le fulfate de foude fe criftallife
confufément , & en petites aiguilles qui reffem-
blent à celles du vrai fel d’Epfom , ou fulfate de
magnéfie.
Les ufages du muriate de foude font fort éten-
dus. Il eft employé, i®. dans quelques poteries,
pour faire entrer leur furface en fufion , & leur'
donner une'efpèce de couverte; 2®. dans la ver-
rerie pour blanchir & purifier le verre; )°. dans
la docimafie ou dans l’effai des mines, pour fer-
vir de fondant aux matières qui forment les fco-
ries , pour faciliter la précipitation des métaux,
&: pour empêcher leur altération par l’air, en les
défendant du contaft de l’atmofphère.
d’Hist. Nat.' ét de Chimie.
On fent aujourd’hui le befoin de le faire fervir
a un ufage encore plus important que ceux-là;
à l’extraâion de la foude qui devient tous les
Jours de plus en plus rare , & dont l’ufage eft
très-néceflaire pour les arts. Plufieurs perfonnes
pofsèdent ce fecret en Angleterre , & retirent en
grand la foude du fel de la mer.
Quelques chimiftes ont penfé que la litharge
eft fufceptible de décompofer le muriate de foude
à froid & par la Ample macération ; il paroiflbit
que réunifiant deux propriétés , la première de
contenir de l’acide carbonique capable d’attirer
la foude, la fécondé de former avec l’acide mu-
îiatique un fel infoluble , & facile à fe féparer
de la lefiive alcaline , elle devoir agir par une
attraôion éle&ive double ; mais les eflais que
J’ai faits , fur cet objet , m’ont prouvé que ce
procédé étoit infuffifant. Schéele a vu que le fer
plongé dans une diflblution de muriate de foude
fe couvre de foude faturée d’acide carbonique ;
il a obtenu lç même fuccès du fulfate & du ni-
trate de foude, traités de la même manière. Il a
découvert que la chaux vive mêlée à une diflb-
lution de muriate de foude , Sc ce mélange laiflfé
dans une cave humide, donnoit une efflorefcence
de foude, •& qu’il fe formoit du muriate cal-
caire. Cohaufen avoit annoncé ce fait en 1717,
M- de Morveau a prouvé que çss décompositions
44 É L t M E N 5
s’opèrent à la faveur de l’acide carbonique ?
puifqu’une diffolution de fulfate 6c de muriate
de potaffe , verfée dans de l’eau de chaux pré-
cipitée par l’acide carbonique, devenoit claire 6c
tranfparente , & puifqu’il n’y a pas de précipité
en verfant dans un mélange d’eau de chaux 6c
d’une diffolution de ces fels , de l’eau chargée
d’acide carbonique. Tous ces faits font autant de
données d’où il faut partir pour trouver l’art de
retirer la foudç du fel de la mer , & pour former
des établiffemens en grand fur cette utile ex*
tradion.
Le muriate de fonde fert d’affaifonnement
pour les alimens, dont il corrige la fadeur ; il
facilite la digeftion , en produifant un commen-
cement d’altération putride dans les fubffances
alimentaires. Quoiqu’il foit bien prouvé par les
expériences de MM. Pringle , Macbride, &c.
qu’il retarde la putréfadion , & qu’il eft un anti-
feptique puiffant, comme la plupart des matières
falines, lorfqu’on le mêle en grande dofe avec
les fubffances animales, il agit d’une manière
bien différente quand on le mêle en petite quan-
tité à ces mêmes fubffances, puifqu’il les fait
paffer p-us vite à la putréfadion. Ce fait eft
piouvé par les expériences de l’auteur des effais
peur fervir à l’hiftoire de la putréfaction , 6c par
celles de Gardane.
Ce
d’Hist. Nat* et d.e Chimie; 6$
Ce (el n*eft pas moins utile en médecine; on le
met dans la bouche & on l’emploie en lavemens
comme un ftimulant très-utile dans l’apoplexie ,
la paralyfie , &rc. C’efl un fondant affez a£Iif dans
beaucoup de cas , &c. Il eft fort recommandé par
Ruffel ( de Tabe Glandulari ) pour les engorge-
mens lymphatiques qui dépendent du vice fcro-
phuleux. J’en ai moi-même obtenu de très-bons
effets dans plufieurs maladies de cette nature. Il
purge iorfqu’on l’adminiflre à la dofe de plufieurs
gros. Comme c’tft le fel gris que l’on' emploie
ordinairement dans ces différentes circonfiances ,
les effets qu’il produit font dus en partie aux mu-
riates calcaire & magnéfien qu’il contient.
Sorte VII. Borax de soude ou Borate sursaturé
de soude (i).
Le borax de foude ou borax commun, eflun
fel neutre formé par la combinaifon de l’acide
boracique avec la foude en excès.
L’hifioire de ce fel qui nous vient des Indes
Orientales eff fort incertaine. On ne fait pas
(i)Nous avons jufqu’ici commencé par examiner les
fels neutres, formés par chaque acide uni à la potafte.
Quant a ceux dans lefquels entre l’a.cide boracique , nous
fommes forcés de commencer par celui à baie de foude,
parce que c eft le feul bien connu.
Tome //.
E
66 É l I mens
encore pofitivement fi c’eft un produit de la na-
ture ou de l’art. En effet , fi la découverte de
l’acide boracique en diffolution dans les eaux de
pîufieurs lacs de Tofcane , dont nous avons fait
mention dans l’hiffoire de cet acide , peut faire
préfumer que le borax de foude eft un produit de
la nature, pîufieurs faits que nous rapporterons
plus bas femblent démontrer qu’il efi pofiiblede
former ce fel de toutes pièces par certains pro-
cédés, & peut-être aura-t-on quelque jour des
minières artificielles de borax , comme on a au-,
jourd’hui des nitrieres artificielles dans diffé-
rentes parties de l*Europe.
Le borax eft fous trois états dans le commerce;
Le premier eft le borax brut , tinckal ou chryfo -
colle , qui nous vient de Perfe ; il eft en maffes
verdâtres , grades au toucher , ou en efpeces de
criftaux opaques , d’un vert de porreau , qui font
des prifmes à fix pans , terminés par des pyra-
mides irrégulières. On trouve même deux varié-
tés de ces criftaux verdâtres différentes par la
groffeur dans le commerce. Ce fel eft très-impur
& mêlé de beaucoup de matières étrangères à fa
çompofition.
La fécondé efpece de borax eft connue fous le
nom de borax de la Chine ; celui-ci eft un peu
plus pur que le précédent \ il eft en petites pla-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 67
ques , ou en malles irrégulièrement criftallifées ,
d’un blanc fale ; on y apperçoit des rudimens de
prifmes & de pyramides , mais confondus en-
semble fans aucun arrangement fymmétrique : on
obferve fur 'ces criftaux une pouffiere blanche
qui en enduit la furface , & que l’on croit de
nature argileufe.
La troifieme efpece eft le borax de Hollande ,
f t 1 *
ou borax raffiné. Il eft en portion de criftaux
tranfparens & affez purs; on y reconnoît des
pyramides, à plufieurs faces , mais dont la criftal-
lifation a été interrompue. Cette forme indique
d’une maniéré certaine que 1a méthode employée
par les hollandois pour rainer ce fel ëft la diffo-
lution & la criftallifation.
Enfin on prépare à Paris , dans le laboratoire
defylM. Lefgüil,lèrs, droguiftés rue des Lombards,
un borax; purifié qui ne le cede en rien à celui de
Hollande ,/ & qui
fupéneur de pureté
Outre ces quatre efpeces de borax, un pharma-
cien dé Paris , M. la Pierre, a cru découvrir qu*il
s’en forme journellement dans les eaux de fa von
mêlées à celles des cuifinçs , qu’un particulier
laiffe féjoumer dans une, efpece de foffe ; il en
retire au bout d’un certain tems de vrai boçax en
beaux criftaux : mais ce fait annoncé il y a plus
£ij
peut-être, a même un degré
68 élément
de dix ans j n’a point été confirmé depuis.
On n’efi: donc pas encore inftruit fur la forma-
tion du borax; il paroît feulement qu’il s’en pro-
duit dans les eaux Gagnantes qui contiennent des
matières graffes. Quelques auteurs afîurent qu’on
le fait artificiellement à la Chine, en mêlant dans
une fofîe de la graiffe , de l’argile & du fumier ,
couches par couches , en arrofant ce mélange
avec de l’eau , & en le laiflant ainfi féjourner
pendant quelques années. Au bout de ce tems on
lefiive ces matières , on évapore la leflive , & on
obtient le borax brut. D’autres ont cru qu’on le
tiroit d’une eau qui fe filtre à travers des mines
de cuivre. M. Baumé dit pofitivement que le
premier de ces procédés lui a fort bien réuflî.
( Chim. expèrim . tom. II , page 132.)
Le borax purifié efi: en prifmes à fix pans , dont
deux font plus larges , avec des pyramides triè-
dres. 11 préfente d’ailleurs beaucoup de variétés
dans fa criftallifation. Sa faveur eft ftiptique &Z
urineufe ; il verdit le firop de violettes , parce
qu’il contient un excès de foude ; c’eft pour le
diftiriguer de celui qui efi: faturé d’acide boracique,
ou du vrai borate de foude , que nous lui laiffons le
nom de borax ; nous le nommons aufii borate
furfaturé de foude , pour défigner la nature de f*
jçombinaifon.
d’Hist. Nat. et de Chimie. <%
Lorfqn’on l’expofe à l’aftion du feu , il fond
afîez vite à l’aide de l’eau de fa criftallifation ; il
perd peu-à-peu cette eau,& acquiert un volume
confidérable : il eft alors fous la forme d’une
maffe légère , poreufe & très-friable que l’on dé^
ligne fous le nom de borax calciné ; le volume
confidérable , la forme lainelleufe & poreufe que
prend le borax dans fa calcination viennent de
ce que l’eau qui fe dégage dans l’état de vapeur
fouleve la portion de la fubftance faiine à demi-
defféchée en pellicules légères , & de ce que les
bulles qu’elle forme crevant à la furfarce dufel,
ces pellicules fe de flèchent entièrement \ & fe
placent les unes fur les autres, de forte à laifler
des intervalles entr’elles. Le borax calciné n’eft
nullement altéré dans fa compofition jjln’aperdu
que fon eau de criftallifation , qui fait à-peu-près
fix onces par livre. On peut lui rendre fa première
forme en le diflolvant dans i’eau y & en le faifanr
criftallifer j mais lorfqu’on continue de chauffer ce
fel calciné, il fe fond dès qu’il commence à rougily
& forme un. verre très-^fufible , tranfparent, un
peu verdâtre , qui fe ternit à l’air & qui fe diffouî
dans l’eau. Le borax.n’a point changé de nature par
cette fufion^on peut le faire reparoître avec toutes
les propriétés qui lui font particulières, par le.
moyen de la diffolution & de la criftallifation«
E üj
i
7° Élémens
L’air n’altere point ce Tel; il s’effleurit cependant
à fa furface en perdant une portion de foneau de
criftallifation. Il paroît même que cette efïloref-
cence n’eff pas toujours la mêmedansles différens
boraxs purifiés; celui de la Chine s’effleurit beau-
coup moins que celui de Hollande , & celui-ci
plus que le borax purifié à Paris ; cette légère
différence dépend fans doute des procédés qu’on
a fuivis dans fa purification, de la maniéré dont
on le fait criftallifer , de la quantité d’eau que fes
crifiaux contiennent fuivant la rapidité plus ou
moins grande avec laquelle ils fe font formés , &
peut-être aufîi des différentes proportions d’acide
boracique Si de foude qui entrent dans fa compo-
sition.
Le borax eft très-diffoluble dans l’eau : il faut
douze parties d’eau froide pour diffoudre une
partie de ce fel ; fix parties d’eau bouillante en
diffolvent une. On obtient fes criflaux par le re-
froidiffement de fa diffolution ; mais les plus
beaux Si les plus réguliers fe forment dans une
diffolution qu’on laifïe s’évaporer très-lentement,
& à la température ordinaire de l’atmofphère.
Le borax fert de fondant à la terre filicée , & il
forme avec elle un verre affez beau. On l’emploie
dans la préparation des pierres précieufes artifi-
cielles, ou des verres durs.
d’Hist. Nat. et de Chimié. 71.
Il vitrifie également l’argile , mais avec beau-
coup plus de difficulté & beaucoup moins corn-'
plétemeirt ; telle eft la raifon pour laquelle il ad-
hère aux creufets dans lefquels on le fait fondre.
On ne connoît par bien Pattion de la baryte
Sô de la magnéfie pures fur le borax de foudo.
Bergman place cependant ces deux fubftances
avant les alcalis dans la première colonne de fa
table des affinités \ ce qui annonce quelles font
fufceptibles de décompofer ce fel ; mais il dit
dans fa differtation que les affinités de la
terre pefante & de la magnéfie avec l’acide
boracique ne font point encore exa&emen&
déterminées.
La chaux a réellemerft plus d’affinité avec
cet acide , que n’en a la foude. L’eau de chaux
précipite la diffolution de ce fel ; mais pour en
opérer tout-à-fait la décompofition, il faut faire
bouillir de la chaux vive avec le borax de
foude j alors le dépôt qui fe forme efl un
compofé falin peu fdluble de la chaux avec
l’acide boracique , tandis que la foude cauflique
refte en diffolution dans Peau.
La potaffe paroît décompofer le borax de
foude , comme elle le fait à l’égard de tous les
autres fels neutres à bafe de foude. L’ammo-
niaque ne l’altère en aucune manière*
E iv
72 Élémins
Les acides ont une a&ion très marquée fur ce
fel. Si dans une diffolution bouillante de borax
<îe foude on verfe avec précaution de l’acide
fulfurique concentré, jufqu’à ce qu’il y ait un
léger excès d’acide dans la liqueur, on obtient
par le refroidiffement du mélange filtré un pré-
cipité très-abondant , & difpofé en petites écail-
les brillantes , c’efl l’acide boracique ; on le lave
avec de l’eau diftillée , & on le fait fécher à l’air
pour l’avoir bien pur. En évaporant & laiffant
refroidir la difïolution ainfi préparée, on en ob-
tient à plufteurs reprifes de l’acide boracique. A
la fin on ne retire plus que du fulfate de foude ,
formé par l’union de l’acide fulfurique qu’on a
employé , avec la bafe alcaline du borax.
L’acide nitrique &c racidemuriatique décompo-
fent de même le borax de foude, parce qu’ils ont
comme l’acide fulfurique plus d’affinité avec la
foude , que n’en a l’acide boracique. On retire
des dernières évaporations de ces mélanges du
nitrate ou du muriate de foude. La découverte
de l’acide boracique paroît être due à Bec-
cher, mais on a coutume de l’attribuer à Hom-
berg qui a le premier décrit avec allez d’exac-
titude , dans les Mémoires de l’Académie pour
1701 , un procédé pour l’obtenir. Ce chimifte
découvrit ce fel fublimé dans la diftillation
d’Hist. Nat. et de Chimie. 73
d’un mélange de fulfate de fer calciné , de borax
de foude & d’eau. Comme il crut que la pre-
mière de ces matières contribuoit beaucoup à fa
formation il l’appela fel volatil narcotique, de vi-
triol. Louis Lemery, fils aîné du fameux Nicolas
Lemery , a beaucoup travaillé fur le borax de
foude, & a découvert en 1728 qu’on pouvoit
obtenir l’acide boracique appelé alors Jd fédatif
par l’acide fulfurique pur , & que les acides nitri-
que & muriatique en donnoient de même*, mais
il employ oit toujoursla fublimation. C’eft à Géof-
froy le cadet qu’on doit l’anaiyfe complète du
borax de foude ; il a prouvé en 1732. qu’on obte-
noit l'acide boracique par évaporation & par
criftallifation; & en examinant le réfidu de ces
opérations , il a démontré que la foude étoit un
des principes du borax.
Les travaux de Baron fur ce fel , préfentés à
l’Académie en 1745 & *748, ontajoutéà cesdé-
couvertes deux faits importans pour la connoif-
fance du borax de foude. Le premier, c’efi: que
les acides végétaux le décompofent aufli bien
que les acides minéraux ; le fécond , c’eft qu’on
peut refaire du vrai borax en unifiant l’acide bo-
racique avec la foude ; ce qui prouve que cet
acide eft tout formé dans ce fel,& que les acides
que l’on emploie pour le précipiter ne contri^
buent en rien à fa formation.
74 É L È M E N s
L’acide fluorique & l’acide carbonique mêirft ;
quoiqu’un des plus foibles , paroiffent être fuf-
ceptibles de décompofer le borax de foude &
d’en féparer l’acide boracique. Ce dernier s’unit
facilement au borax du commerce dont la bafe
alcaline demande, pour être entièrement faturée
d’acide boracique, un peu plus de cet acide que le
poids total du borax. Bergman penfe même que
ce fel n’eft bien neutre &: bien faturé, & que
les propriétés alcalines qui y dominent ordinai-
rement ne peuvent être mafquées que par cette
addition d’acide boracique. On n’a point encore
examiné en détail les propriétés de ce fel neutre
ou vrai borate de fonde.
Les fels neutres alcalins fulfuriques , nitriques
& muriatiques , n’ont aucune a&ion fur le borax
de foude.
Ce fel, fondu avec des matières combuftibles ,
comme le charbon , acquiert une couleur rou-
geâtre : mais on ne connoît pas l'altération qu’il
éprouve de la part de ces matières.
Le borax du commerce eft d’une très-grande
utilité dans plufieurs arts. On l’emploie dans la
verrerie , comme un excellent fondant, ainfi que
dans la docimafie. On s’en fert avec grand avan-
tage dans les foudures , parce qu’il fait couler l’al-
liage deitiné à fouder j de plus , il entretient les
d’Hist. Nat. et de Chimie; ' 75
furfacesdes métaux que l’on veut réunir, dans un
ramoliffement très-propre à cette opération ; &c
en les recouvrant, il empêche que le contaâ: de
l’air ne les altère. On en faifoit autrefois unufage
alfezétendu en médecine , mais il eft entièrement
abandonné aujourd’hui.
Sorte VIII. Borate de potasse;
Nous donnons le nom de borate de potaffe à la
combinaifon de l’acide boracique avec la potaffe.
On fait que ces deux fubftances falines font très-
fufceptibles de s’unir , & qu’il réfulte de cette
union un fel neutre analogue au borate de foude.
Tel eft le réfidu du nitre de potaffe décompofé
par l’acide boracique. M. Baumé dit que ce ré-
fidu eft en maffe blanche , demi -fondue , & que
diffous dans l’eau j il lui a fourni un fel en petits
criftaux. Le borate de potaffe eft donc fuftble ,
diffoluble & criftallifable ; les acides purs le dé-
compofent ainfi que le borax de foude. On ne
connoît rien de plus fur ce fel qu’il feroit nécef-
faire d’examiner comme on a fait le borate de
foude. Baron a connu la poflibilité de faire ce fel
en combinant dire&ement de l’acide boracique
avec la potaffe, il l’a même bien diftinguédu bo-
rax ordinaire ou à bafe de foude , mais il n’a rien
dit fur les propriétés particulières de ce borate.
7* ' Êlémens
Sorte IX. Fluate d f. potasse;
On doit défigner par ce nom, fuivant les règles
de nomenclature adoptées jufqu’ici , la combinai*
fon de l’acide fluorique avec la potaffe. Cette ef-
pèce de fel neutre n’a encore été que très-légère-
ment examinée par MM. Schéele & Boullanger.
Il eft toujours fous forme gélatineufe, & ne crif-
tallife jamais, d’après ces deux chimiftes. Deffé»
ché & fondu , il eft âcre, cauftique & déliquef-
cent, fuivant Schéele. Ce chimifte le compare
alors à la liqueur des cailloux. Il paroît que le feu
en dégage l’acide fluorique , & que la terre filicée
dont fe charge toujours ce dernier pendant fa
préparation fe fond en un verre foluble , à
l’aide de la potaffe.
Le fluate de potaffe eft très-foluble dans l’eau ;
il retient toujours une fl grande quantité de ce
fluide , qu’on ne peut lui faire prendre une forme
criftalline. Lorfqu’il eft bien faturé, fa diffolu-
tion n’altère point le ftrop de violettes.
On ne connoît pas bien l’a&ion des terres fili-
cée , argileufe & bary tique fur ce fel, non plus
que celle de la magnéfle.
Suivanr Schéele & Bergman , la chaux a plus
d’afKnité avec l’acide fluorique , que n’en a la
potaffe. Le fluate de potaffe , mis dans l’eau dq
d’Hist. Nat. et dê Chimie: 7 7
chaux, y eft fur-le*champ décompofé; la chaux
s’unit avec l’acide fluorique, & forme un fel in-
foluble qui trouble la liqueur , & qui eft du fluate
de chaux. On connoîtra des fels neutres formés
par l’acide carbonique, & les alcalis fixes, qui
font également décompofés par la chaux. On a vu
le borax de foude être précipité par l’eau de
chaux;l’acide fluorique n’eft donc pas le feul acide
qui ait plus d’affinité avec cette fubftance falino-
terreufe , que n’en ont les alcalis fixes.
L’acide fulfurique concentré décompofé le
fluate de potafle , en dégage l’acide, qui, fui»
vant M. Boullanger, fe préfente avec l’odeur 6c
les vapeurs blanches propres à l’acide muriatique.
En faifant cette expérience dans un appareil diftil-
latoire, on recueilleroit l’acide fluorique, comme
on le fait à l’égard du nitrate de potafle & du mu-
riate de foude décompofés par l’acide fulfurique.
On n’a point examiné l’attion des acides nitri-
que & muriatique , ainfi que celle des fels neutres
que nous connoifîons fur le fluate de potafle.
Ce fel , d’ailleurs très-peu connu , n’eft encore
4’aucun ufage.
Sorte X. Fluate de soude.
Ce nom défigne aflez le fel neutre formé par la
combinaifon faturée de l’acide fluorique avec la
7$ É L E M E N S
fonde. Ce fel eft dans le même cas que le précé-"
dent; il a été fort peu examiné. Il n’y a que
MM. Schéele &. Boullanger qui en aient dit quel-
que chofe ; encore ne font-ils point dfaccord
entr’eux } comme on va le voir.
Schéele allure que la foude unie à l’acide fluo-
nque forme une gelée comme le fel précédent,
M. Boullanger avance , au contraire , que cette
combinaifon donne de très-petits criftaux durs,
caffans, figurés en quarrés oblongs , d’une faveur
amère &un peu ffiptique. Ce fel mis fur les char-
bons ardens décrépite comme le muriate de
foude : il nefediffout qu’avec peine dans l’eau.
L’eau de chaux le décompofe coQjme le fluate
de potaiïe.
L’acide fulfurique en dégage l’acide avec effets
vefcence , vapeur blanche & odeur piquante ,
analogues à celles de l’acide muriatiques
On voit , d’après ce court expofé , que ce fel
n’eft pas plus connu que le précédent.
Sorte XI. Carbonate de potasse.
Les deux derniers fels neutres parfaitsqui nous
reftent à examiner font les combinaifons de l’a-
cide carbonique avec les alcalis fixes.
Ces fubiïances n’ont jamais été rangées parmi
les fels neutres ; cependant ils en font de véri-f
tables , comme nous l’allons voir.
d’Hist. Nat. et pE Chimie. 79
Nous donnons le nom de carbonate de potaffe
au fel neutre qui réfulte de la combinaifon fatu-
rée de l’acide carbonique avec la potaffe. Quel-
ques chimiftes modernes rappellent /a/rre mepÆi-
tique , alcali végétal aéré , &c. Cette fubftance fa-
line , qu’on avoit toujours prife pour de l’alcali
pur , n’eft connue comme un fel neutre que de-
puis les travaux de M. Black. On lui donnoit au-
trefois le nom de fel fixe de tartre , parce qu’on le
retire de l’incinération du tartre du vin. On le
regardoit comme un alcali , parce qu’il a quel-
ques-unes des propriétés de ces Tels. En effet , il
verdit le firop de violettes; mais le borax & plu-
ffeurs autres Tels ont la même propriété; d’ailleurs
ii ne détruit pas ou n’affoiblit pas la couleur des
violettes comme la potaffe. lia une faveuralcaline
qu’on retrouve aufîi dans le borax. Onfediffin-
guoit feulement de l’alcali de la foude , par la pro-
priéfé qu’on lui attribuoit d’attirer très-prompte-
ment l’humidité de l’air, & de ne pas pouvoir fe
criftallifer ; ainfi hume&é par l’air , on l’appeloit
huile de tartre par défait lance{\ fi Mais ces deuxpror
(1) Bohnius rapporte qu’ayant évaporé lentement & à
fine douce chaleur , de t'huile de tartre , il a obtenu, fous
une pellicule faline , de beaux crifleaux, qui fe font con-
servés plus de fix ans fans altération , quoiqu’expofés à
Êl£mens
priétés ne dépendent que de ce que le Tel fixe de!
tartre n’eft pas un Tel neutre parfait. Comme il
contient encore une certaine quantité de potaffe »
non faturée d’acide carbonique, c’eff en raifon de
cet excès d’alcali qu’il eft déliquefcent. Aujour-
d’hui on efi: parvenu à avoir ce fel très-criffalli-
fable,qui n’attire point du tout Vàumidité de
l’air , & qui s’effleurit plutôt. M. de Chaut-
ncs ,qui s’eft beaucoup occupé de cet objet , pré-
pare ce fel en expofant une diffolution de potaffe
cauffique , ou chargée de peu d’acide carboni-
que,dans un lieu rempli decetacide gazeux, com-
me dans le haut d’une cuve de bierre en fermenta-
tion. L’alcali s’empare de tout l’acide carbonique
qu’il peur abforber , &c il criffallife très- réguliè-
rement. Ses criftaux font des prifmes quadrangu-
laires , terminés par des pyramides à quatre faces
très-courtes.
La faveur du carbonate de potaffe eft urineufe ,
mais beaucoup moins forte que celle de l’al-
cali végétal cauffique , puifqu’on l’emploie en
médecine à la dofe de quelques grains comme
«cny— ...
différentes températures. ( DiJJ'ert. Phyjico-Chim.,1666. ).
M. Montet , célèbre chimifte de Montpellier , qui fans
doute n’avoit pas connoiffance de la découverte de Boh-
nius , a trouvé defon côté un procédé pour faire criftalli-j
fer le fel fixe de tartre. Acad, des Sc, an 1764 ,pœg‘ 5 76.
fondant.
dHist. Nat. et de Chimie 8ï
fondant. Ce fel neutre eft très -altérable au feu ;
il fe fond.aifément , 6c il s’alcalife aflez vite. Si
on le di Aille dans une cornue en adaptant à ce
vaiffeau un récipient 6c un appareil pneumato*
chimique au mercure , on en retire l’eau de crif-
tallifation , 6c fon acide dans l’état aériforme ; ia
poraffe efi: en maffe irrégulière après cette opé-
ration, & elle retient toujours une petite portion
de fon acide que le feu ne peut lui enlever qu’a-
vec la plus grande difficulté. D’après l’analyfe de
Bergman , le carbonate de potaffe (attiré d’acide
& bien criiftallifé, qu'il nomme alcali végétal aéré 9
contient par quintal vingt parties d’acide, qua-
rante-huit d’alcali pur, & trente-deux d’eau. Mais
il faut obferver que les carbonates paroiffent être
en général plus fufceptibles que les autres de con-
tenir des dofes très-différentes 6c très- variées de
leur acide. Malgré cette propriété , ce fel ne
fourniffant jamais de criftaux réguliers que lorf-
qu’il eft parfaitement faturé, on peut regarder
comme exad & affez confiant le calcul donné par
Bergman.
Le carbonate de potaffe , Iorfqu’iî efi bien crif-
tallifé , n’éprouve aucune altération de la part de
l’air ; fes criftaux refient tranfparens , fans fe
fondre ni s’effleurir. Comme il efi très - impor-
tant & très néceffaire pour beaucoup d’experien»
Tomt II. p
s 2 ÉLEMEN5
ces, d’avoir ce Tel afflz pur pour jouir de cette
propriété, & pour réfifhr ainfi à l’épreuve de
l’air humide ou fec , on en préparera facilement
en expofant une leffive de potaffe ordinaire bien
pure , bien blanche & bien féparée du fulfate de
potaffe que ce fel contient ordinairement, au-
deffus d’une cuve à bierre dans un vaiffeau plat ,
& mieux encore en l’agitant avec des mouffoirs,
ou en la verfant continuellement d’un vafe dans
un autre ; on la laiffera ainfi en contaél avec l’a-
cide carbonique, produit en grand pendant la
fermentation , jufqu’à ce que la leffive ait dépo-
sé de beaux criffaux de carbonate de potaffe.
Ce fel fe diffout très-bien dans quatre parties
d’eau froide, & il exige un peu moins d’eau
chaude pour êt; e tenu en diffclution ^ il produit
du froid en s’unifiant à ce fluide. Cette propriété
qui diftingue les fels neutres des fels fimples , ca-
raâérife affez la différence du carbonate de po-
taffe d’avec la potaffe pure ou cauftique. Il orif-
tal'ife par l’évaporation jointe au refroidiffement;
fi la diffclution eft trop rapprochée , il fe pi end
en maffe irrégulière, ce qui arrive très-fouyent
dans les laboratoires.
11 peut (ervir de fondant aux terres vitrifiables,
comme la potaffe, parce qu’il s’alcalife par fac-
tion du feu , en perdant l’acide carbonique ; d’ail*
d’Hist. Nat. et de Chimie; 85
leurs lorfqu’on chauffe fortement ce fel mêlé avec
du fable dans des creufets,on obferve que dans
le moment de la vitrification il fe produit une
vive effervefcenceoccafionnée par le dégagement
de l’acide aériforme. Ce phénomène prouve que
la terre filicée ne peut point fe combiner avec
l’alcali faturé de cet acide , & que celui-ci s’en dé-
gage dans l’inftant de la combinaifon vitreufe. Ce
caractère d’effervefcence efi fi confiant qu’il a été
prcpofé par Bergman , pour reconnoître en petit
& par l’acfion du chalumeau , une terre filicée ,
qui fe fond avec le carbonate de potafié, en pro-
duifant un bouillonnement ou une effervefcence
très-remarquable, tandis que es autres terres ne
préfentent point le même phénomène.
L’alumine n’a point d’aélion fur le carbonate
de potaffe qui réduit cette terrç par la fufion en
une fritte vitreufe , un peu moins facilement à
la vérité que la potaffe cauftique j la baryte enlè-
ve l’acide carbonique à ce fel.
La chaux le décompofe aufiî , parce qu’elle a
plus d’affinité avec cet acide, que n’en a la po-
ttaffe. Si l’on verfe de l’eau de chaux dansuneclif-
ifoîution de carbonate de potaffe , il fe précipite
un fel prefque infoluble formé par l’union de
la chaux à l’acide carbonique , &: l’alcali pur ou
u cauftique refie en diffolution dans l’eau. Onem-
84 Élémens
ploie en pharmacie cette décompofition pour
préparer la pierre à cautère , qui n’eft que l’alcali
fixe végétal rendu caufiique par la chaux. Les con-
'noiflances modernes ont appris que le procédé de
Lemerÿ , fuivi par plufieurs pharmacopées , eft
très- défectueux. Il confiftoità mêler deux livres
«de cendres gravelées (i) avec une livre de chaux
vive , à arrofer ce mélange avec feize livres
d’eau, à le filtrer, à évaporer la lefiive dans un
vaiffeau de cuivre ,& à fondre dans un creufet &
couler fur une plaque le réfidu de cette évapora-
tion. Dans cette opération on n°obtient qu’un al*’
cali fale , peu cauftique , chargé de cuivre.
Bucquet qui a fenti tous ces inconvéniens , a
donné un procédé plus long & plus difpendieux
à la vérité , mais beaucoup plus fur & plus utile ,
fur- tout pour préparer de la potaffe bien pure ,
fi néceffaire dans les expériences de chimie. On
prend deux livres de chaux bien vive , on l’arrofe
d’un peu d’eau pour la faire brifer, on ajoute
une livre de fel fixe de tartre, & on verfe allez
d’eau pour former une pâte ; Iorfque le mélange
(i)Les cendres gravelées font celles que fournit la
fombufiion du marc & de la lie de vin. Ces cendres con-
tiennent beaucoup d’alcali végétal ou de carbonate depo-
& du fulfate de potaffe.
b’Hist. Nat. et de Chimie. 85;
eft refroidi , on ajoute de l’eau jufqu’à la Quan-
tité de feize pintes , on jette le tout fur un pa-
pier foutenu par un linge; il pafle douze livres
environ d’une liqueur claire ; on lave encore le
réfidu avec quatre pintes d’eau bouillante pour
emporter tout l’alcali. Cette liqueur ne fait au-
cune effervefcence avec les acides ; mais la meil-
leure pierre de touche de fa parfaite cauûieité ,
c’eft quand elle ne trouble point l’eau de chaux ,
parce que la petite quantité d’acide carbonique
qu’elle contient fuffit pour y occafionner des
nuages fenfibles. Or comme après cette première
opération elle précipite encore un peu cette li-
queur , fi Ton defire avoir un alcali très-pur
pour des. expériences délicates , il faut traiter
cette lefîive avec deux nouvelles livres de chaux
vive; alors elle pafle Très- claire & fi cauftique
qu’elle n’altère pas la tranfparence de l’eau de
chaux. Lorfqn’on évapore l’alcali à feu ouvert ,
ce fel fe charge de l’acide carbonique contenu
dans l’atmofphère. On doit donc pour l’obtenir
bien cauftique & fous forme sèche , évaporer la
liqueur dans une cornue jufqu’à ficçiré. Cette
opération très-longue n’eft pas néceffaire pour la
pierre à cautère puifqu’il fufSt pour ce médica-
ment qu’il y ait une portion d’alcali cauftique qui
puiffe ronger le tiflu de la peau-; mais comme Ü
Fiij
$6 Élémens
e/l très-nécefiaire pour les expériences exaéfes
d’avoir de la potafTe sèche & fol i de dans le plus
grand état de pureté } je dois faire obferver que
l’évaporation de la!effive alcaline caufKque doit
être faite dans des vaifieaux fermes , & que com-
me cette évaporation préfente de grandes diffi-
cultés relativement à la d enfilé que prend fur la
fin la liqueur , il faut conduire le feu avec beau-
coup de précaution. L’alcali fixe que l’on obtient
par ce procédé doit être très-blanc, ne faire nulle
efrervefcence avec es acides & ne point troubler
du tout l’eau de chaux.
l a magndlie n’agit point fur le carbonate de
potafTe , parce que lVcali fixe végétal a plus d’af-
finité avec l’acide carbonique que n’en a cette
fiibftar.ee falino-terrèufe.
Les acides fulfurique , nitrique , muriatique &
fiuoricjue clécompofent le carbonate de porafie ,
en s’unifiant a l’alcali fixe, &en féparant l’acide
carbonique qui fe dégage avec effervefcence. On
peut recueillir cet acide au - deflus de l’eau ou du
mercure j on le reconnoît aux quatre cara&ères
fuivants ; il efi: plus pefart que l’air atmofphéri-
que , il éteint les bougies , il rougit la teinture de
tournefol , & il précipite l’eau de chaux.
L’acide boracique paroît ne point féparer a
froid l’acide du carbonate de potafTe ; mais il l’en
dégage uès-facilementà chaud.
d’Histoire Nat. et de Chimte. 87
Les fels neutres que nous avons examines
jufqu’à préfent ne font point altérés par le
carbonate de potaffe , & ne l’allèrent point lui-
même.
Ce fel eft très-abondant dans la nature. Il fs
trouve tout formé dans les végétaux, & on le
retire par l’incinération de ces corps organiques ,
comme nous le dirons dans le règne végétal f
c’eft fur - tout du tartre brûlé qu’on l’obtient»
On le prépare encore par la détonation du nitrate1
de potaffe.
Les ufages du carbonate de potaffe font affez
étendus dans les arts. On l'emploie en médecine ^
comme un fondant très-a&if, dans les embarras
du méfentère & des voies urinaires. On nel’ad-
miniftre qu’à une t ès-petite dofe.,& on a foin
de le donner avec quelque fubftance qui en mo-
dère l’aétion.
Sorte XII. Carbonate de soude.
Il en eft de ce fel neutre comme du précédent.
On le rcgardoir autrefois comme un alcali ; c’eft
(cependant une combinaifon del’acide carbonique
avec l’alcali minéral: il paroîtque c’eft ce fel que
les anciens avoient appelé natrum. On le nomme
communément Jcl de fouit , parce qu’on le retire
affezpu'r & affez bien criftallifé, en évaporant une
Fiy
<53 Êlf.men.9
leffive de foude du commerce. Audi diftinguok-
on l’alcali marin de l’alcali fixe végétal parla pro-
priété de criftallifer & de s’t fleurir, cequi dépend
de ce qu’il eft tout-à-fait faturé d’acide carboni-
que dans la foude ordinaire.
Le carbonate de foude a une faveur alcaline \ il
verdit le firop de violettes , mais fans en altérer
la couleur comme le fait la fonde cauftique. Sa
faveur eft urineufe, mais non brûlante & beau-
coup moins forte que celle de l’alcali marin pur.
Ce fel eft naturellement plus neutre que le
carbonate do potaffe , puifqu’il y a long-tems
qu’on lui connoît la propriété de crîftallifer \
propriété qui,prife en général, d-i (lingue les Tels
neutres d’avec les Tels fimples. Il la doit à ce
qu’il contient preique toujours la quantité d’a-
cide carbonique nécedàire à fa faturation & à fi
criftallifation.
Ce fel neutre, criflallifé rapidement , préfente
des lames rhomboïdales appliquées oblique-
ment les unes fur les autres, de forte qu’elles
parodient fe recouvrir à la manière des tuilesi
Si on le fait cridallifer 'entement, il prend la
forme d’oéïaèdres rhomboïdaux dont les pyra-
mides font tronquées très j près de leur bafe,
ou de folides décaèdres qui ont deux angles
aigus & deux obtus,
d*Hist. Nat. et de Chimie. S 9
Ce fel fond en général plus facilement que
le carbonate de potaffe ; c’eft pour cela qu’on
l’emploie dans les verreries préférablement à ce
dernier. Il perd la plus grande partie de fon acide
par l’aèUon de la chaleur , mais il en retient tou-
jours un peu. Bergman a trouvé par une analyfe
exafle j que cent parties de carbonate de foude ,
qu’il nomme alcali miner al aéré, contiennent feize
parties d’acide , vingt parties d’alcali pur & foi-
xante- quatre parties d’eau, de forte que la foude
demande plus d’acide carbonique pour être fatu-
rée que la potaffe & qu’elle retient dans fes
criffaux une fois plus d’eau que celle-ci. C’eft à
cette grande quantité d’eau que le carbonate de
foude doit fa criftailifation plus facile , plus régu-
lière, & fon efflorefcence.
Le carbonate de foude eft plus diffoluble que
celui de potaffe. Il fe diffout dans deux parties
d’eau froide , & dans une quantité d’eau bouil-
lante égale à la Tienne. Il criftallife par le re-
froidiffement , mais l’évaporation lente fournit
des cri (faux beaucoup plus réguliers.
Ce fel expofé à l'air tombe très-facilement
en pouffière , en perdant fon eau de criftallifa-
tion que l’air lui enlève; mais ïl n’eft point altéré
par cette efflorefcence ; on peut lui fendre fa pre-
mière forme en le diffolvapt dans l’eau en le
faifant criffallifer.
9° Élemens
Il facilite beaucoup la fufion des terres vîtri-
fiables , & fait un verre moins altérable que celui
dans lequel entre le carbonate de potaffe ; aufti le
préféré t-on dans les verreries. On a obfervé que
le f ble , en s'unifiant à ce fel , en dégage l’acide
carbonique qui s’échappe avec une effervescence
bien marquée, comme nous l’avons vu pour le
carbonate de potaffe. Il n’a pas plus d’action fur
l’argile que ce dernier fel.
La baryte , ainft que la' chaux & fa dilToIu-
tion ,décompofent lecarbonate de fonde , comme
elles font celui de potaffe, & elles en dégagent
l’alcali minéral pur &: cauftique. Quand on vcrfe
une diffolurion de ce fel dans l’eau de chaux, il y
produit un précipité , ce qui n’a point lieu avec
la fonde cauftique. Si l’on veut obtenir ce dernier
fei dans cet état pour des expériences délicates de
chimie , il faut avoit recours au procédé que
non avons décrit pour la préparation de la pierre
à cautcrc , que l’on fait ordinairement avec la
potaffe.
Le carbonate de fonde cftdécompofé comme
celui de potaffe, par les acides fulfurique, nitri-
que , muriatique , &tc. On peut en obtenir l’a-
cide carbonique en le recevant fous une cloche
pleine d’eau ou de mercure.
Ce fel exifte tout formé à la furface de la terre.
c
d’Hist. Nat. et de Chimie. çti
én Egypte , &c. On le retrouve encore dans les
cendres des plantes marines ; mais il n’eft pas
fatuié de tout l’acide auquel il doit être uni.
Pour le rendre plus parfaitement neutre , on
peut le combiner direCtemerit avec l’acide de la
craie , foit en l’agitant dans une cuve en fermen-
tation 3 foit en recevant dans fa diffolution de
l'acide carbonique dégagé de la craie par l'acide
fulfurique. On le fait encore en imprégnant les
parois d’un vafe de diflolution de foude , 8c en
verfant dans ce vafe dé l’acide carbonique; on le
couvre d’une veffie mouillée , & au bout de quel-
ques l:e ;resla combinaifon eff faite , la veffie efl
enfoncée à caufe du vide qui s'eft formé dans le
vaiffeau , & le fel neutre eft dépofé en criftaux
réguliers fur les parois.
Le carbonate de foude peut être employé
comme le carbonate de potaffe ; il eft d’un
ufage beaucoup plus multiplié pour les manu-
factures de verrerie , de favon , &c. &c. Il eft
donc très-néceffaire d’en augmenter la quan-
ti >é , & de chercher à le retirer en grand du mu-
riate de foude. Nous avons vu que la litharge ,
propofée par quelques chimiftes pour produire
cet effet , ne décompofe pas bien ce fel; que
Schéele a découvert une décompofition plus
m2nifefle dans le muriate de foude par la chaux
91 Ê L É MENS
vive & le fer , au moyen du conta& de l’atmcf-
phère & de l acide carbonique qui y eft mêlé.
On voit qu’une proportion de cet acide, plus
grande que celle qui exifte communément dans
l’air , doit favorifer cette décompofition , en
agi fiant p&r Ton attradion fur la fonde.
CHAPITRE VI.
Genre IL Sels neutres imparfaits,
A base d' Ammoniaque , ou Sels
AM M O NI AC A UX.
Xj es feîs ammoniacaux font formés par la
combinaifon d’un acide avec X alcali volatil oit
l’ammoniaque; leur faveur efl: en général uri-
neufe, ils font tous plus ou moins volatils &.
plus décompofables que les feîs neutres par-
faits. Nous en connoiffons fix fortes ; le fulfate
ammoniacal, le nitrate ammoniacal , le muriate
ammoniacal ou Jd ammoniac proprement dit*
le borate ammonical , le fluare ammoniacal
le carbonate ammoniacal.
Sorte I. Sulfate ammoniacal.
i
Le fulfate ammoniacal , appelé d’abord fel
ammoniacal vitriglique , ou vitriol ammoniacal
eil le résultat .de la combinaifon faturée de
d’Hist. Nat. et de Chimie.
r^cide fulfuriq\ie & de l’ammoniaque. On Ta
nommé fel ammoniacal fecret de Glaubtr , parce
que c’eft ce chimifte qui l’a découvert.
Lorsqu’il eft bien pur, il fe préfente fous îa
ferme d’aiguilles qui , examinées avec foin , font
des prifmes comprimés à fix pans , donc deux
font très-larges, terminés par des pyramides à fix
faces plus oumoins irrégulières ;prefque toujours
cette forme offre des variétés qui s’éloignent de
celle que nous venons de décrire. Quelquefois
ce feî paroîtêtre en prifmes quadrarigulaires ; j’en
ai fouvent obtenu en plaques quarrées & très-min.
ces. Ce qui paroît dépendre , comme dans toute
criftallifation, de la manière dont les molécules
criftallines fe dépofent plus ou moins régulière-
ment les unes à côté des autres , ou de la loi de
leur décroiffement.
La faveur de ce fel eft amère & urineufe; il eft
affez leger & très-friable.
Comme il contient beaucoup d’eau dans fa
Criftallifation , il fe liquéfie d’abord à un feu
même affez léger; mais pen-à-peu il fe defsè-
che à meiiîre que fon eau de criftallifation fe
diflipe. Dans cet état il commence par rougir
& fe fond bientôt fans fe volatilifer fuivan$
Bucquet; cependant M. Baumé annonce qu’iî
eft demi- volatil. En répétant cette expérience,
j’ai obfervé qu’en effet une partie de ce fel fe
94 ÉLÉMENS
iublime, mais qu’il en relie une portion fixe dans
le vailïeau ; c’elf fans doute cette dernière dont
a voulu parler Bucquet.
Le füîfate ammoniacal n’éprouve prefque au-
cune altération de la part de l’air; il ne tombe
point en efflorefcence comme le fulfate de foude ,
mais au contraire il en attire légèrement l’humi-
dité.
Il eft très - diffoluble dans l’eau ; deux parties
d’eau froide en diffolvent une de ce fel , & l’eau
bouillante en diffout fon poids. Il crifiallife par le
refroidiffement, mais les p’us beaux criftaux ne
s’obtiennent que par l’évaporation infenfible &
fpontanée de fa diffolution. Il s’unit aufii à la glace
qu’il fait fondre en produifant beaucoup de froid.
Il n’a point d’aflion fur les Terres filicée& alumi-
neufe :1a magncfie en décompofe une partie & fur*
tout à l’aide du tems , fuivant l’obfervation de
Bergman.
La chaux, la baryte & les alcalis fixes purs en
dégagent l’ammoniaque , comme nous le verrons
à l’égard du muriate ammoniacal. Si l’on diftiile du
carbonate de potaile ou de foude avec le fulfate
ammoniacal s d fe fait une double décompofition
& une double combinaifon ; l’acide fulfurique fe
porte fur l’alcali fixe pour former du fulfate de
potafle ou de foude , fuivant la nature de l’alcali ;
d’Hist. Nat. Et d.e Chimie. 95
l’acide carbonique dégage fe volatilifaot en même-
tèms que le gaz alcalin ou ammoniac, ces deux
corps s’unifient, & il enréfulte un fel ammoniacal
particulier qui le cri fl ail i 1e dans le récipient. Nous
reviendrons plus en détail fur cet objet dans l’hif-
toire du muriate ammoniacal.
L’acide nitrique & l’acide muriatique féparent
une partie de l’acide fulfurique du fulfate ammo-
niacal,comme ils le fontpourles iulfatesde potafïs
& de foude.
On ne l’a point trouvé jufqu’ici dans les pro-
duits de la nature. Cependant on lit dans l’effai de
crifîalIographiedeM.Roméde Lille , 1772 , page
-57, que fuivant M. Sageîe fel ammoniac natif des
volcans efl de cette efpèce. L’art le produit en
combinant directement l’acidefulfurique & l’am-
moniaque, en décompofant des fels terre ux ou des
Lels métalliques par l’alcali volatil, ou enfin en dé-
compofant les fels ammoniacaux nitrique, muria-
tique & carbonique par l’acide fulfurique.
Le fulfate ammoniacal n’efl d’aucun ufage ^
quoique Glauber l’ait fort recommandé dans les
opérations de la métallurgie.
Sorte II. Nitra-Te ammoniacal;
Le nitrate ammoniacal , ou fitl ammoniacal
nitreux , efl comme le précédent un produit de
1
5>6 Élémens
fart. On le prépare en combinant dire&ement l’a-
cide nitrique avec l’ammoniaque. Ses criftaux
font des prifmes dont le nombre & la difpofi-
tion des pans n’ont pas été bien examinés. M, Ro-
mé de Lifle dit qu’il eft fufceptible de criftallifer
en belles aiguilles afiez femblables à celles du ful-
fate de potafle} mais fes aiguilles font tres-allon-
gées, ftriées & beaucoup plus femblables à celles
du nitre ordinaire qu’au fulfate de potafte.
Sa faveur eft amère , p’quante, un peu fraî-
che &: urineufe. Sa friabilité eft la même qu®
celle du fulfate ammoniacal. Lorfqu’on l’ex-
pofe à l’aâion du feu , il fe liquéfie , exhale
des vapeurs aqueufes , fe defsèche , 6e long-
tems avant de rougir, il détonne feul fans leçon-
taû d’aucune matière combuftible & même dans
les vaiffeaux fermés. Nous avions fait obferver
dans notre première édition que cette propriété
fingulière paroiffoit dcpendre de l’ammoniaque;
puifque le gaz alcalin femble avoir quelque
chofe de combuftible , & puifqu’il augmente la
flamme des bougies avant de l’éteindre. M. Ber-
tholet ayant expofé du nitrate ammoniacal à l’ac-
tion du feu dans un appareil diftillatoire & pneu-
mato-chimique , & ayant oblervé avec plus da
foin qu’on ne l’avoit fait avant lui les phéno-
mènes de cette opération , a remarqué que ce
n’eft
d'Hist. Nat. et de Chimie. 97
n*eft point une véritable détonation qui a lieu
dans ce cas; mais une décompofition brufqne
& rapide, dans laquelle une partie de l’alcali
volatil ou ammoniaque eft entièrement détruite;
l’eau que l’on obtient dans le récipient contient
un peu d’acide nitrique à nud en proportion de
H’ammoniaque décompofée, & celui-ci donne
(du gaz azot ou de Xzmofetu atmofphérique. En
pefant le produit liquide de cette opération,
on trouve plus d’eau qu’il n’y en gvoit dans le
nitrate ammonical , & M. Bertholet penfe que
cette eau furabondante eft formée par l’union
«Jde l’hydrogène appartenant à l’ammoniaque ,
aavec l’oxigène de l’acide nitrique. L’azote,
îutre principe de l’ammoniaque fix fois plus
abondant dans ce fel que l’hydrogène, fe dégage -
& fe raflemble dans les cloches de l’appareil
pneumatique , fous la forme de gaz azote.
On ne fait fi ce fel eft fufible ; car la pre-
mière liquéfaûion n’efl due qu’à l’eau de fa
l :riftallifation , & il fe diflipe avant de paffer
1. la fécondé.
Il en eft de même de fa volatilité; on ne peut
n juger , puifqu’avant de fe fublimer il fe dé-,
ompofe avec bourfoufflement.
Il attire un peu l’humidité de l’air, fes crif-
: atux s’agglutinent & forment des efpèces de
1 pelotons.
Jomt IL
Q
9* ÉLÉMeNS
Il eft très-diffoluble dans l’eau ; il s’unit à
ïa glace qu’il fait tondre , &c il produit alors
un froid confidérabl#. Il eft plus diffoluble dans
l’eau chaude que dans l’eau froide; il n’exige
qu’une demi-partie de la première pour être
tenu en diffolution, & il criftallife par refroi-
diffement ; mais cette criftallifation eft irrégu-
lière ; & pour obtenir des criftaux bien formés
de ce fel, il faut avoir recours à l’évaporation
fpontanée ou infenfible.
Le nitrate ammoniacal eft décompofé par la
baryte , la chaux & les alcalis fixes comme le
fulfate ammoniacal. Le gaz alcalin féparé par
ces fubftances cauftiques étant très-vohtil ÔC
très-expanfible , la décompofition du nitrate
ammoniacal , comme celle des autres fels de
ce genre , eft fenfible à froid , & elle s’opère
en triturant ce fel avec la chaux; mais Porfqu’on
veut procéder à cette décompofition par le feu
dans des vaiffeaux fermés , il faut donner un degré
de chaleur très-ménagé pour éviter fa combus-
tion fpontanée.
L’acide Sulfurique dégage l’acide nitrique de
Ce fel avec effervescence , & il forme avec fa
bafe du fulfate ammoniacal.
Les carbonates de potaffe & de foude le dé-
composent font mutuellement décompofés ;
il fe Sublime dans ces opérations de l’ammo-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 99
iliaque fous forme concrète, que nous examine-
rons plus bas fous le nom de carbonate, ammo-
niacal. *
Le nitrate ammoniacal n’efl: d’aucun ufage.
Sorte III. Muriate ammoniacal ou Sel ammoniac.
Le muriate ammoniacal ou la combinaifon
faturée de l’acide muriatique avec l’ammo-
niaque , a été appellé , par les anciens, fel ammo-
niac , parce qu’ils le tiroient de l’Ammonie ,
contrée de la Libye où étoit finie le temple
de Jupiter Ammon.
Ce fel fe rencontre aux environs des volcans ;
ion l’y trouve fous la forme d’efflorefcence &C
(de grouppes aiguillés ou compares ordinaire-
ment colorés en jaune ou en rouge , & mêlés
cd’arfenic & d’orpiment ; on ne fe fert point de
(celui-ci , & l’on n’emploie dans les arts que
ccelui que l’on prépare en grand , comme nous
aa’ions l’expofer.
La véritable origine de ce fel faâice n’a été
cconnue qu’au commencement de ce fiècle ,
cquoiqu’on s’en fervît dans un grand nombre
d’arts depuis un temps prefque immémorial. C’eft
par une lettre de Lemere, conful au Caire,
écrite à l’académie le 24 Juin 1719, qu’on a
appris l’art de retirer le fel ammoniac des fuies
de fiente de chameau , que l’on brûle au Cairâ
aau lieu de bois.
G ij
§00 È L É M E N S
On met cette fuie dans de grandes bouteil!
rondes, d’un pied &c demi de diamètre, te
minées par un col de deux doigts de haut
& on les remplit de cette matière jufqu’à qit
tre doigts près de leur col. Chaque ballon cor
tient environ quarante livres de cette fuie <
fournit à peu-près fix livres de fel. On plat
ces vaiffeaux fur un fourneau en forme c
four , de forte qu’il n'y ait que leur col qui d<
borde. On allume le feu avec la fiente de ch;
meau, & on le continue pendant trois jours l
trois nuits. Ce n’efi: que le deuxieme 6c le rroi
fième jour que le fel fe fublime. On cafie enfuil
les ballons 6c on en retire les pains de fel fu
blimé. Ces pains } qui nous font envoyés te
qu’ils ont été retirés des ballons en Egypte
font convexes 6c inégaux d’un côté, 6c offren
dans le milieu de cette face un tubercule qu
dcfigne le col du vaiffeau où ils ont été fublimé^
La face inférieure effc concave 6c falie, ainfi qu
la fupérieure , par une ef, èce de fuie.
Pomer a indiqué un fel ammoniac venant pai
la voie de la Hollande, 6c qui étoit en pain;
tronqués femblabks aux pains de fucre. Geof-
froy qui le premier a découvert en France le«
matériaux de ce fel , 6c qui a deviné le procède
employé au Caire pour le préparer, a décou-
vert que çette fécondé efpèce de fel ammo-
d’Hist. Nat. et de Chimie. toi
nîac fe fait aux Indes ; qu’il fe prépare en beau-
coup ph. s grande quantité qu’en Egypte, &
qu’il ne différé de ce dernier que par la forme,
puifqu’il eft également fublimé. En effet , ces
pains de quatorze à quinze livres font creux
à leur bafe & formés de différentes couches*
Lé cône eft tronqué, parce qu’on enlève la
pointe qui n’eft qu’une matière impure.
M. Baumé a établi aux environs de Paris une
manufacture de muriate ammoniacal , oit l’on
fabrique entièrement ce fel, en quoi il différé de
la préparation des Egyptiens, qui ne font que
1 extraire. Le fel de M. Buimé a encore fur
celui d Egypte l’avantage d’être beaucoup plus
i pur.
La faveur dumuriateammoniacal efl piquante,
âcre & urineufe. La forme de fes criftaux efl
une pyramide hexaèdre trèsalongée; celle en
barbe de p’ume n’eft que la réunion de toutes
ccs pyramides , qui fe font rapprochées fous
dés angles plus ou moins aigus. M. Romé de
r L'fle penfe que les criftaux du muriate ammo-
r nia cal font des oétaèdres réunis. On trouve $
* ^uoicllie raremenc , des criftaux cubiques de ce
5 fel, au mi ieu de la partie concave U creufe de
6 leurs pains fublimés.
■ Ce Tel a une p-oprété phyfique aff z fingu-
• lièrejcVft une forte deiduûilité, ou d’èuUiié»
Giij
K10î E L É M E N S
qui fait qu’il faute fous le marteau , & qu’il fe
laifle plier fous les doigts, ce qui le rend difficile
à réduire en poudre.
Le nuiriate ammoniacal eft entièrement vola-
til j mais il demande un coup de feu allez fort
pour fe fublimer. On emploie ce moyen pour
l’obtenir très-pur , & privé d’eau autant qu’il eft
poflible. On le met en poudre dans des matras»
qu’on plonge dans un bain de fable jufqu’au
milieu de leur capacité ; on les chauffe par
degrés pendant plufieurs heures. Par ce procédé
on obtient une mafie compofée d’aiguilles can-
nelées & appliquées fuivant leur longueur. Lorf-
que l’opération a été conduite avec ménage-
ment, on trouve fouvent dans le milieu de
ces pains des criftaux cubiques très-réguliers ;
mais fi on a chauffé trop fortement , on n’a
qu’une maffe informe très-denfe à demi-tranf-
parente cl comme fondue. .
M. Baume a obfervé qu’en fublimant plu-
fieurs fois ce fel, il s’en dégage à chaque fois
un peu d’ammoniaque & d’acide muriatique , de
forte qu’il feroit peut-être poftible, fuivant ce
chimifte , de déçompofer le muriate ammoniacal
par des fublimations répétées. Ce fait demande
à être confirmé.
Le muriate ammoniacal n’eft point altérable
à l’air ; ils’y conferve très-long-tems fans éprou-
ver de changement fenfible,
d’HiST; NAT. ET DE CHIMIE. 103
Il eft très- diffoluble dans l’eau. Six parties
d’eau froide fuffifent pour diffoudre une partie
de ce fel. Il produit dans cette diffolution un
froid confidèrabîe ; ce froid eft encore plus vif
lorfqu’on mcle ce ftl avec de la glace. On fe
fert avec avantage de ce froid artificiel pour
donner naiffance à plufieurs phénomènes qui
n’auroient point lieu fans cette circonftance , tels
que La congélation de l’èau , la criftallifation de
certains fels , la confervation & la fixation de
quelques liquides crès-evaporabî'es , &c.
L’eau bouillante difFout prefque fon poids de.
muriate ammoniacal : ce fël criftalîife par re-
froidiffement , mais fes criftaiix les plus régu-
liers s’obtiennent, comme ceux des autres fels*
par l’évaporation fpotanée ou infenfible. Sou-
vent une diffolution très-chargée de ce fel ,
renfermée dans un flacon , laiffe dépofer au bout
de quelques jours des criflaux en panaches
formés par un filet moyen auquel un grand nom-
bre d’autres filets fe réunifient perpendiculaire-
ment, & ceux-ci en fouriennent d’autres plus
petits, de forte que L’enfetnble imite parfaite-
ment une végétation. J’ai obfervé plufieurs fois
ce phénomène dans mon laboratoire (1).
I
(1) Il n eft aucun Chirnifte qui n’ait éprouvé combien,
il eft iméreffant de vifiter de tems à autre les produit^
G iv
104 Elémens
Le muriate ammoniacal n’eft pas décompofé
par l’alumine. La magnéfie ne le décompofé que
très-difficilement , & en partie comme l’a ob-
fervé Bergman. Si on met dans une fiole un
mélange de magnéfie & de diffolution de mu-
riate ammoniacal , il fe dégage , fuivant la
remarque du célèbre chimifte d’Upfal, des va-
peurs d’ammoniaque au bout de quelques heures;
mais ce dégagement ceffe bientôt , & il n’y a
que très-peu de fel décompofé.
La chaux ainfi que la baryte féparent l’am-
moniaque de l’acide muriatique même à froid.
Il fuffi: de triturer ce fel avec la chaux vive ,
V
pour qu’il fe volatilife fur - le - champ du gaz
ammoniac , dont; l’odeur frappe vivement les
nerfs. En faifant cette expérience dans des vaif-
confervés dans un laboratoire, fur-tout les diftolutions
des fels. Lorfque le hafard préfente quelques obfervations
curieufes , on doit les noter fur-le-champ , afin de ne pas
laiffer perdre des faits qui peuvent devenir très-importans.
C’eft ainfi que j’ai vu un grand nombre de fois fe former
des criftaux que je n’avois pu obtenir par l’évaporation.
J1 arrive encore qu’en remuant ou débouchant les flacons ,
il s’y dépofe, peu de tems après, des criftaux dont
l’agitation &. le contaâ de l’air favorifent fingulièrement
la naiflance. Cette note , inutile pour ceux qui travaillent
depuis long-tems , n’eft qu’en faveur des perfonnes qui
fe propofent de fe livrer aux recherches chimiques.
\
d’Hist. Nat. et d t Chimie. i°5
féaux fermés , on peut recueillir l’ammoniaque
ou gazeufe ou diffoute dans l’eau ; cette opéra-
tion n’étant jjas encore sffiez bien développée dans
les auteurs , quoique les connoiffances modernes
aient permis de la rendrt £•£ plus exafte & plus
sûre, nous croyons devoir infifler fur fa def-
cription.
Si l’on emploie de la chaux très-vive 8c du
muriate ammoniacal bien lèc , & fi l’on chauffe
ce mélange dans une cornue dont le Dec
plonge fous une cloche pleine de mercure, ou
obtient une grande quantité de gaz alcalin
Iou ammoniac. On fait aéluellement pourquoi
lorfqu’on diffilloit un pareil mélange dans des
ballons fans l’appareil pneumato- chimique , on
n’obtenoit prefque point de produit, & pour-
quoi l’on étoit expofé aux dangers de la rupture
des vaiffeaux. L’état deraréfa&ion , & la quantité
de gaz ammoniac qui fe dégage dans cette ex-
périence en font la véritable caufe. M. Baumé ,
qui a fenti une partie de ces inconvéniens , a
confeil'é de mettre de l’eau dans la cornue. Ce
fluide abforbe en effet une partie du gaz, 8c
l’entraîne avec lui ; mais comme ce gaz eff
beaucoup plus volatil que l’eau , qn eu perd
toujours la plus grande quantité. Les chimiffes
qui connoiffent aujourd’hui la grande affinité
du gaz ammoniac avec l’eau, & fa fingulière
10(5 É t É M E N S
^volatilité , emploient avec grand ftiecès , pour
cette operation , l’appareil de M. Woulfe ; ce
procédé ingénieux confiée à adapter à un ballon
à deux pointes une bouteille vide , à laquelle
on en joint deux ou quatre autres collatérales,
qui communiquent enlemble à l’aide de typhons.
On mec dans une cornue de grès deftinée a être
luttée avec le ballon , la chaux vive & le mu-
riate ammoniacal fec en poudre ; on chauffe
lentement & avec beaucoup de précaution ,
jufqu’à faire rougir ôc même vitrifier le fond
de la cornue. Le gaz ammoniac dégagé par
la chaux , pnffe dans le ballon ÔC dans les
bouteilles; il s’unit à l’eau avec chaleur, la
fature , & forme dans les premières bouteilles
ce qu’on appelle Ytfptit alcali volatil , le plus
cauôique poffible. Par ce moyen il ne fe perd
aucune portion d’ammoniaque , & on a de
phis les avantages de pouvoir bien conduire
fon ^opération , d’avoir un produit très-pur tte.
très blanc, de n’être point affeéfci par la vapeur,
&; enfin de n’avoir rien à craindre pour la
rupture des vaiffeaux. Nous nous fommes aufli
affurés, Bucquet & moi, par un grand nombre
d’expériences , qu’il ne faut qu’une partie &Z
demie de chaux , au lieu de trois qu’on em-
ployoit ordinairement pour décompofer une
partie de rmiriate ammoniacal. La chaux éteinte
d’Hist. Nat. et de Chimie; io?
à l’air décompofe ce tel , de même que la chaux
vive. Le réfidu eft du muriate calcaire , que
nous examinerons par la fuite. Cette opération
prouve que la chaux a plus d’affinité avec l’acide
muriatique que n’en a l’ammoniaque.
Les deux alcalis fixes décompofent le muriate
ammoniacal, comme le fait la chaux, & ils en
dégagent de même l’ammoniaque pure & fous
forme de gaz. On peut les employer comme
la chaux pour obtenir l’efprit alcalin ; mais on
ne fait point ordinairement cette opération dans
les laboratoires , parce qu’elle coûte beaucoup
plus cher que la décompofition par la chaux
vive , & parce que celle-ci remplit abfolument
le même but.
Les acides fulfurique & nitrique féparent l’a-
cide muriatique de ce fel , & s'unifient à l’am-
moniaque avec laquelle ils ont plus d’affinité. Le
réfidu de ces décompofitions conftitue le fulfate
& le nitrate 'ammoniacal.
La plupart des feis neutres alcalins n’ont
aucune aftion fur le muriate ammoniacal : il
n’y a que ceux qui font formés par l’acide
carbonique & les deux alcalis fixes , qui le dé-
compofent. Il s’opère dans ces mélanges une
double décompofition &: une double combi-
naifon. En effet, tandis que l’acide muriatique
s’unit aux alcalis fixes pour former les muriates
r
foS É L à M E N S
de potaiTe ou de foude , l’acide carbonique
qui efi fépa'*é de ces derniers le reporte fuç
Pammoniaque dégagée , &£ forme avec elle
du caibonate ammo iacal , qui fe fublime en
criftaux dont i’intérieur du ballon elt rapide.
Pour faire cette opération , on mêle une partie
de carbonate de potaiTe ou de foude bien fecs ,
avec une partie de muriate ammoniacal il blimé.
en poudre ; on introduit ce mélange dans une
cornue de g. è>, à laquelle on adapte un grand
ballon, ou m eux une cucurbite de verre; on
do ne le’ feu par degrés , jufqua ce que le fond
de la cornue foit rouge. Il fe fublime dans la
cucuibite un fel blanc bien criftallifé ; ( c’eft le
carbonate ammoniacal.) II paile auiîi un peu
d’humidité ; le réiidu eft du n uriate de potaiTe
\ ou de fonde fuivant l’a’ca’i fixe qu’on a employé.
On retire par ce moyen une quantité très-
confidé able de ce fil, qui égale plus des d.ux
tiers du muriate ammoniacal employé. Ce phé-
nomène avoit fiiit penfer à Duhamel qu’il
pafioit un peu d’alcali fixe avec l’alcali volatil.
11 efl aifé de concevoir, depuis que les ex-
périences modernes ont éclairé cette théorie ,
que c’efi: à l’acide carbonique de l’alcali fixe qui
s’tft reporté fur l’ammoniaque, qu’eil due la
quantité confidérable de fel fubîimé que l’on
obtient, Cependant jufqu’à ces derniers teras
d’Hist. Nat. et de CïÏimîë. te£
©n avoit toujours regardé cet alcali volatil con-
cret comme le plus pur , & on lui avoit
attribué la propriété de criftallifer, de faire efFer-
vefcence avec les acides , tandis que celui qu’on
obtient par la chaux, & qui efl le véritable
alcali volatil pur, pafToit pour un fel altéré r
& en partie décompofé. On doit apprécier ,
d’après cela , combien les découvertes du doc-
teur Black ont jetté de jour fur les matières
faline ; & l’on ne peut s’empêcher de dire
qu’elles ont créé une chimie entièrement neuve,
Les ufages du muriate ammoniacal font fort
étendus. En médecine , on l’emploie comme
fondant à l’intérieur , à la dofe de quelques
grains, dans les obflru&ions , les fièvres inter-
mittentes, &c. Il agit à l’extérieur comme un
puiffanc antifeptique dans la gangrène, &c,&ç.
On s’en fert dans un grand nombre d’arts ;
mais fpécialement dans la teinture , dans les
opérations de métallurgie relatives à la réunion
ou à la foudure de différens métaux ; les chau-
dronniers l’emploient pour décaper la furface du
cuivre qu’ils veulent étamer.
Sorte IV, Borate ammoniacal.
Le borate ammoniacal ou la combinaifon
faturée de l’acide boràcique avec l’ammoniaque,
a’a encore été examiné par aucun chimiÆe.
IIO ÉtÉ M ENS
Voici ce que j’ai obfervé fur quelques-unes de
fes propriétés.
J’ai diflbus de l’acide boracique bien pur dans
de l’ammoniaque ou alcali volatil cauftique ,
jufqu’à ce que la faturarion m’ait paru complète ;
j’ai étendu cette dilTolution dans un peu d’eau ,
& j’ai fait évaporer au bain de fable environ
moitié de la liqueur; elle a fourni par le refroi-
diflement une couche de criftaux réunis, donc
la furface oifroit des pyramides. Ce fel a une
faveur piquante & urineufe; il verdit le firop
de violettes ; il perdpem à-peu fa forme criftalline,
& devient d’une couleur brune par le contact
de l’air ; il paroît allez difloluble dans l’eau ;
la chaux en dégage l'ammoniaque.
Telles font les principales propriétés que je lui
ai reconnues par un premier examen ; mais je
n’ai point tenté affez d’expériences pour en con-
noître plus à fond la nature.
Le borate ammoniacal n’eft abfolument d’au-
cun ufage.
Sorte V. Fluate ammoniacal.
Il en eft de ce fel comme du précédent \
on n’a point encore reconnu les propriétés qui
le diftinguent des autres fels ammoniacaux.
M. Boullanger s’accorde avec Schéele à dire
que l’acide fluorique combiné avec l'ammonia-
que ne cridallife point, mais forme une gelée
d’Hist. Nat. eT de Chimie iiT
qui donne des vapeurs analogues à ceMes de
l’acide muriatique , par l’addition de l’acide
fulfurique. Ces deux ch- milles n’cnt point exa-
miné les autres propriétés de cette efpèce de
fel; mais ils en ont vu affez pour faire diftin-
guer l’acide fluor ique de l’acide muriatique.
Sorte VI. Carbonate ammoniacal.
Nous donnons le nom de carbonate ammo-
niacal àl’efpèce de fel neutre que l’on appelloit
autrefois alcali volant concret 3 &. qui eff véri-
tablement une combinaifon faline neutre de
l'acide carbonique avec l’ammoniaque.
Il n’exifte pas pur & ifolé clans la nature. On
le retire de prefque toutes les fubftances ani-
males par l’aélion du feu. On le forme aufîi par
l’union direffe de l’ammoniaque avec l’acide
carbonique , i°. en agitant cet alcali dans une
cuve en fermentation , i° . en faifant palier de
l’acide carbonique dans l’efprit alcali volatil ,
3 S. en \erfant cet acide dans un vaiffeau, fur
les parois duquel on a mis des gouttes d’ammo-
niaque diffoute dans l’eau , 40. en combinant
dire&ement au-deffus du mercure le gaz acide
carbonique & le gaz ammoniac : ces deux
gaz fe prénétrent tout à-coup , il s’excite beau-
coup de chaleur , & il fe forme un fel concret
fur les parois de 'la cloche où l’on a fait le
mélange, Dans tous ces cas on voit bientôt fe
111 É L i M E N S
former des criftaux de carbonate ammoniacal
On l’obtient encore en décompofant le muripte
ammoniacal par les Tels neutres «arboniques à
bafe de potafle ou de foude.
Le carbonate ammoniacal eft fufceptible de
prendre une forme régulière ; fes criftaux paroil-
fent erre des prifmes à plufieurs faces. Bergman
les défigne par des oCtaèdres ayant quatre de
leurs angles tronqués. M. Romé de Lille a vu
des grouppes de ce fel dans iefquels il étoit fous
la forme de petits prifmes tétraèdres comprimes,
terminés à leur extrémité fupérieure par un fom-
met diètire.
Sa faveur efl: urineufe , mais beaucoup moins
forte que celle de l’ammoniaque pure & caufti-
que; fon odeur, quoique femblable à celle de
cette dernière , eft aufîi beaucoup moins énergi-
que ; il verdit le firop de violettes. Nous croyDns
néceffaire de rappeller ici , relativement à cette
dernière propriété , que l’acide carbonique ne
détruit point complètement les caractères de
toutes les matières alcalines avec lefquelles il
eft combiné, qu’il leur laiffe des qualités alcali-
nes toujours reconnoiffables; fîiais ce n’eft point
une raifo'npour refufer le nom de felsneutres aux
alcalis faturés par cet acide foible , puifque leurs
propriétés alcalines font très-mafquées , puifque
leur âcreté, leur caufticité eft cout-à-fait détruite,
puifqu’ils ne corrodent plus les matières animales.
Le
d’Hist. Nat. et de Chimie; i i $
Le carbonate ammoniacal eff très-volatil,
la moindre chaleur le fubiime en entier. S’il
eff bien criffallifé , lorfqu’on le chauffe, il com-
mence par fe liquéfier à l’aide de l’eau de fa
criffallifation ; mais il fe volatilife prefqu’en
même temps, de manière qu’il eff très- difficile
d’avoir ce fel bien criffallifé &i bien fec.
Il eft très-diffoluble dans, l’eau; il produit
t du froid dans cette diffolutiou , comme tous
les fels neutres criffailifés ; cette propriété très-
différente de celle de l’ammoniaque pure qui
donne beaucoup de chaleur en fe combinant
avec l’eau, fuffiroit pour le ranger parmi les fels
meutres. Deux parties d’eau froide en diffolvent
{plus d’une de carbonate ammoniacal ; l’eau chaude
en difl'out plus que fon poids; mais comme il fe
diffipe à la chaleur de l’eau bouillante, on ne
Deutj’jfans rifque d’en perdre beaucoup, employer
;e moyen pour le faire criffallifer.
Il s’hume&e légèrement à l’air, fur-tout îorf-
qu’il n’eft pas entièrement faturé d’acide carbo-
nique.
Les terres filicée & alumineufe n’ont pas plus d’ac;
ion fur lui que fur les autres fels ammoniacaux,
a magnéfie ne le décompofe que très-foible-
nent. La chaux le décompofe comme les autres
els ammoniacaux , en s’emparant de fon acide
Tome II, H
l
I 14 É L É M E N S.
avec lequel elle a beaucoup d’affinité. Si l’on
verfe de l’eau de chaux dans une difiolution
de carbonate ammoniacal , il fe fait fur le
champ un précipité , &: l’on fent une odeur
vive d’ammoniaque cauftique. La chaux s’eft:
emparée de l’acide carbonique avec lequel elle
a formé de la craie ou du carbonate calcaire
qui s’eft précipité, & l’ammoniaque s’eft féparée.
La chaux vive triturée avec le carbonate ammo-
niacal en dégage fur le champ l’ammoniaque
fous forme gazeufe. En mettant ce mélange
dans une cornue , on peut obtenir à l’aide de
l’eau placée dans les bouteilles de l’appareil de
Woulfe, l’ammoniaque cauftique, ainfi qu’on
l’obtient du muriate ammoniacal diftillé avec le
même intermède. Cette décompofition prouve
que la chaux a plus d’affinité avec l’acide car-
bonique que n’en a l’ammoniaque ; ce qui eft
également démontré pour les autres acides.
Les alcalis fixes décompofent le carbonate am-
moniacal, comme le fait la chaux, en féparant
l’ammoniaque pure , en s’unifiant à fon acide.
Enfin les acides fulfurique, nitrique, muriatique
& fluorique ont plus d’affinité avec l’ammo-
niaque que n’en a l’acide carbonique. Lorfqu’on
verfe un de ces acides fur le carbonate ammo-
niacal , il fe produit une vive effervefcence due
d’Hist. Nat. et de Chimie. i i 5
au dégagement de l’acide carbonique. Si on
fait cette décompofitlon dans un vaifleau étroit
& allongé, on peut reconnoître la préfence de
l’acide carbonique gazeux , en y plonge<mt une
bougie qu’il éteint, de la teinture de tournefol
qu’il fait pafier au rouge,, &: de l’eau de chaux
qu’il précipite. Ces décompofiticns du carbonate
ammoniacal par la chaux & les alcalis fixes qui
s’emparent de fon acide , en féparant l’ammo-
niaque , & par les acides qui dégagent l’acide
carbonique en s’unifiant ;à l’alcali, démontrent
clairement la nature du carbonate ammoniacal.
Bergman a trouvé, par des expériences exades,
qu’un quinta' de ce fei crifiallifé contient quarante
cinq parties d’acide carbonique , quarante-trois
d’ammoniaque , & douze d’eau. Comme il y a
plus d’acide dans ce fel que dans le carbonate
de foude , & dans ce dernier plus que dans le
carbonate de potable , ce favant chimifte en
conclut que plus la bafe alcaline eft foible , Sc
plus elle demande d’acide carbonique pour être
faturée. L’acide boracique ne décompofe point
3. froid le carbonate ammoniacal; mais lorfqu’on
verfe fur ce dernier fel une difîblution bien
chaude d’acide boracique, il fe produit une
effervefcence très - fenfible ; on reconnoît le
dégagement de l’acide carbonique par les
H ij
%lb ÊLÉMENS
moyens ordinaires , & l’on trouve au fond dit
vafeun vrai borate ammoniacal* Cette expérience
que j’ai répétée bien des fois , prouve que la cha-
leur modifie ou change les loix des attrapions
élePives, comme l’a obfervé Bergman.
Le carbonate ammoniacal n’a point d’aPion
■fur les fels neutres pai faits. Nous verrons plus
bas qu’il décompof les 'fis neutre calcaires par
la voie des doubles affiniïés , ce que nefait point
l’ammon aque pure &c cauffique. Cette belle dé-
couverre de Black explique pourquoi les < hi-
mifles avoient dit que l’ammon aqne a plus d’af-
finité avec les acides que la terre calcaire.
Le carbonate ammoniacal efb employé en mé-
decine comme fudorifique, anti hyflérique , &c.’
O h le mêle avec quelques matières aromairques.
11 a été regardé prefque comme fpécifique dans
la morfure de la vipère ; ma s M. l’abbé Fontana
s’efl élevé avec r.ufon contre cette opinion. Plu-
lieurs ont confeilié le carbonate ammoniacal ou
l’alcab volatil cc ncret comme anti-vénérien9 l’ex-
pé erc : n’a point encore prononcé fur ce point;
& tout ce que l’art d guérir pofsède de connoif-
fances exaPesfur cet objet fe réduit à lavoir que
ce el v fl j u gatif, i icifif , d urétique, diaphoré-
îique, fondant , & qu’il a un effet très-marqué
dans toutes les maladies qui dépendent de l’épai f7
D’HlST. NaT. ET DE ClîlMIE. llf
fixement de la lymphe; comme quelques acci-
dens vénériens , les dépôts laiteux , les engorge-
mens fcrophuleux &c.
On l’adminiftre à la dofe de quelques grains
dans des boiffons propriées, ou bien dans des
mélanges opiatiqùes ou pillulaires.
CHAPITRE VIL
Genre III. Sels neutres callairesi
Sorte I.- Sulfate de chaux , Sélénite , Gypse.
jX-.A combinaifon de l’acide fulfurique ayec la
cchaux doit porter le nom de fuifaîe calcaire;
Icon l’a appelé Jê Unité , plâtre ou gypfe. Ce fel
texifte en grande quantité dans la nature. Il forme
ifouvent des bancs ou couches immenfes, comme
on peut l’obferver à Montmartre près Paris; les
montagnes de cet endroit font entièrement rem-
; plies de lus de féléniteou deplârre, enveloppés
1 cou recouverts d’une efpèce de marne argileufe
cqui l’accompagne prefque conflamment.
Ce fel n’ayant que très-peu de faveur &c de
j didolubilité , les natura illes l’ont depuis long-
temps regardé comme une fubllar.ee pierreufe,
.& ils en ont diflingué beaucoup de variétés à
Hüj
j
îiS Élémens.
raifon de la diverfité des formes qu’il préfente &
de fon plus ou moins de pureté ; nous ne citerons
ici que les principales.
Principales variétés du Sulfate calcaire*
i. Sulfate calcaire ou félénite en lames rhom-
boidales.
2. S.ilfate edeaire ou félénite cunéiforme ,
ou en fer de lance.
Il eft formé de deux triangles fealènes., réunis
dans le milieu , dont chacun eft compoféde lames
triangulaires , fui van t I’obfervation de M. de la
Hire : on nomme cette félénite, pierre fpéculaire9
miroir d'âne ou talc de Montmartre (i).
3. Sulfate calcaire ou Sélénite rhomboïdale
décaèdre.
Tel eft celui que l’on trouve dans les carrières
de Pafty.
4. Sulfate calcaire ou félénite prifmatique
décaèdre.
Il eft formé de prifmes hexaèdres , terminés
par des pyramides dièdres , ou par un angle ren-
(1) Ces deux premières variétés font des fragmens des
plus gros criftaux; ils font faits parla main des hommes
on ne les indique ici que comme morceaux de cabi-
nets.
d’Hist. Nat. et de Chimie. Tï'S
Variétés.
irant. On en trouve en Suiffe , &c. Il reffemble
beaucoup à la précédente variété.
5. Sulfate calcaire lenticulaire, ouSélénite
en crêtes de coq de Montmartre.
Ce font des amas des criftaux lenticulaires ;
placés obliquement les uns à côté des autres. La
forme de fer de lance ( variété z ) ne provient
que des fragmens de ce fulfate de chaux lenticu-
laire.
6. Sulfate calcaire ou Sélénite foyeufe ou
flriée , gypfe foyeux de la Chine.
On en trouve en Franche-Comté , dans l’An-
goumois, &c. Il eft formé de prifmes très-fins,
réunis en faifceaux, le plus fouvept brillans Sc
comme fatinés. 11 eft très-difficile d’y reconnoître
les lames rhomboïdales que l’on trouve dans
toutes les autres variétés.
7. Sulfate calcaire, gypfe commun, ou
pierre à plâtre.
Cette fubfkmce eft d’un blanc plus ou moins
gris, parfemée de petits cryftaux brillans, faciles
à égréner avec le couteau. Elle fe trouve difpo-
fée par couches , & elle forme la plupart des
montagnes des environs de Paris. On faura par
la fuite que ce n’eft point de la félénite pure , &
qu’elle doit fa propriété de bon plâtre , après,
fa cuiffon , au mélange d’un autre fel terreux.
H iv
’Siô Élêmens
Variétés.
8. Sulfate calcaire fous forme d’albâtre ^
ou albâtre gypfeux.
C’eft une forte de pierre à plâtre, plus dure
Si plus ancienne que la précédente , dont elle
ne différé que par une demi - tranfparence ,
& par une difpofition en petites couches plus
ou moins variées , comme on les obferve dans les
ftala&ites. On en trouve beaucoup à Lagny près
de Paris. Celui-ci eft un des plus blancs ; il eft
quelquefois veiné & taché de jaune, de gris, de
\iolet ou de noir.
Sulfate calcaire, féîénite, gypfe commun
/ ou albâtre gypfeux, coloré; veiné,
taché , nué , ponétué de différentes
nuances.
Ce mélange de couleurs annonce que la féîénite
eft falie par quelque fubffance étrangère & colo-
rante ; c’eff prefque toujours le fer dans differens
états qui conffitue les couleurs de ce fel terreux.
On trouve encore le fulfate calcaire diff'ous
dans les eaux comme dans celle des puits de Paris ;
mais il n’y eft jamais pur , & il s’y trouve toujours
combiné avec quelqu’aucre fel terreux à bafe de
chaux ou de magnéfie.
Nous avons déjà fait obferver que le fulfate
calcaire a été pris long-temps pour une fubffance
pierreufe par les naturalises. Comme ils ne
d’Hist. Nat. et de Chimie.4 x it
lui trouvoient ni faveur, ni diflolubilité appa-
rentes, ils ne penfoient pas que ce pût être un
véritable fel. Cependant il a une faveur particu-
lière qu’il communique à l’eau, & qui eft très-;
fenfible fur l’eftomac ; en effet l’eau crue ou fé-
léniteufe fait éprouver à ce vifcère un froid 6c
une pefanteur très-marqués. Quant à fa diffolu-
bilité, la forme, la grandeur, la tranfparence ,
la quantité, enfin la difpofition par couches du
fulfate calcaire criffal ifé en beaucoup d’endroits,
6c particulièrement dans tous les environs de
Paris, indiquent affez qu’il a été préliminairement
diffous dans l’eau , 6c dépofé par ce fluide.
Le fulfate calcaire , expofé à l’a&ion du feu ,
perd fon eau de criffallifation , décrépite lorf-
qu’on le chauffe brufquement , 6c devient d’un
blanc mat 6c d’une friabilité très-confidérable;
il forme ce qu’on appelle le plâtre fin. Comme
il eft fufceptibîe de prendre avec l’eau un cer-
tain liant , on fait , avec cette pâte qu’on jette en
moule , des ffatues très-blanches & très-agréables;
mais ce plâtre fe defféchant facilement, & ne
retenant que très-peu d’eau, ces ffatues font
fillettes à caffer au moindre choc. Si l’on pouffe
le feu , lorfque le fulfate calcaire eff en poudre
blanche , il finit par fe fondre en une efpèce de
'verre ; mais il faut pour cela un feu de la der-
112
É L É M E N S
nière violence , tel que celui des fours de por-
celaine , ou des lentilles de verres. MM. d’Arcet
& Macquer font parvenus à fondre le fulfate
calcaire. Ce dernier a obfervé qu’en expofant
au miroir ardent de la félénite cunéiforme fur
fes faces polies , elle ne fait que blanchir ; mais
que fi on la préfente fur fa tranche, elle fond
fur le champ en bouillant j on la fond de même au
chalumeau de Bergman, & au jet d’air vital lancé
fur le charbon ardent.
Le fulfate calcaire mis fur un fer chaud devient
phofphorique ; cette propriété efl commune à
tous les fels calcaires. La chaux la préfente aufii
dans fon extindion comme nous l’avons dit.
Le fulfate calcaire n’éprouve point d’altération
très-marquée par le contaft de l’air; cependant les
lames brillantes & polies de ce fel neutre terreux
fe terniffent , prennent les couleurs de l’iris, fe
délitent par couches, & finiffent par fe détruire
dans l’atmofphère; mais ces phénomènes font
dus à l’aftion combinée de la chaleur, de l’eau
& de l’air.
Le fulfate calcaire eft difïbluble dans l’eau,
quoique d’une manière peu fenfible. Il faut,
fuivant Meilleurs les chimiftes de Dijon, environ
cinq cents parties d’eau pour en diffoudre une
partie. L’eau chaude n’en diffout pas davantage.
En évaporant cette diffolution , on n’en obtient
d’Hist Nat. et de Chimie. 115
point de crifhux femblablès à ceux que pré-
fente la nature, & Ion n’a qup des feuillets , oh
des petites aiguilles qui fe précipitent à mefure
que la liqueur bouillante s'évapore. Les lames
que donne l’évaporation de la diffiolution du
fulfate calcaire font fouvent brillantes , & lorf-
qu’on les examine de près, elles paroiflent for-
mées par des aiguilles très-fines , réunies fur leur
longueur.
La baryte a plus d’affinité que la chaux avec
l’acide fulfurique, & elle décompofe le fulfate
calcaire j en verfant une diffiolution de baryte
dans de l’eau chargçe de ce fel , il fe forme des
ûries de fulfate baritique.
Les alcalis fixes décompofent également ce fel
neutre ; en verfant un alcali fixe cauftique dans
une diffiolution de fulfate calcaire, il fe forme un
précipité blanc en floccons comme mucilagineux ,
qui fe raffemblent affez promptement au fond
des vafes, de que l’on reconnoît aifément pour
de la chaux vive par quelques expériences, &
fur tout parce qu’ils fe diffolvent dans une grande
quantité d’eau ; fi l’on fait évaporer la liqueur
qui fumage, on obtient du fulfate de potaffe ou
de foude , fuivant l’alcali fixe végétal ou minéral
qu’on a employé.
•L’ammoniaque , qui a moins d’affinité avec
tous les acides que n’en a la chaux , ne décom-
1 24 É L Ë M E N s;
p e ooint le 1. i t. cvcaire h ce feï efl: trcJ-
pur , V fi l’dmrnonidqiie empl< y eft rrès-cauf-i
tioue; cm fi ”c an dans laq e’ie le fu f te calcaire
eft (U; ous contient qu Ique ftl à fc-.fe de
m g h. lie ou d'alu mi ^e, comme ce le des puits de
Peins 1 mi.noni.que occafionne un précipité
dans cts derniers. Pour réuftir dans cette expé-
rience , il faut diffoudre du fpath calcaire dans
l’acide fu’furique pur , fk étendre ce fulfate de
ch iux dans de l’eau diftillée ; ’ammonïaque cauf-
tiqne, verfée dan^ cet e difïolution, ou mieux
encore le gaz ammoniac qu’o ; y t'air paffer , n’y
occafioi ne aucun précipité.
Le carbonate de potafle e*ft décompofé par le
fulfate calcaire qu’il décompofe en même-temps.
Ilyad ne double décompofition& double combi-
raifon dans ce mélange. 1 ’acide fulfurique quitte
la chaux pour s’unir à l’alcali fixe, &l former du
fulfate de p< t;ffe;l’aci de carbonique, féparédela
potaffe y s’unit à a chaux, & forme avec elle du
carbonate edeaire, . irès-ccnnu fous le nom de
craie- .
Le carbonate de fonde décompofe de même le
fulfa e calcaire , & eft au fît décompofé par ce fe .Il
fe f rme dans ce mélange du fuîtate de foucle , par
l'union de l’acide fulfurique avec l’alcali minéral,
& du carbonate calcaire u de la craie par la comr
binaiion dvla chaux U de i’acide carbonique.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 115
Le carbonate ammoi ûac.>; < ccompofe le ful-
£-te calcaire à l’aide des doubles affinités tandis
que ,’acide fulfurique fe porte fui l’ammoniaque,
la chaux eft fèparée de l’acide fulfurique par
l’acide carbonique, avec lequel elle a une très-
grande affinité , & forme avec ce dernier de la
craie qui le précipite.
Cette décompofitiou eff fi fmfible, &Z fa caufe
eft fi bien connue depuis les défc’ouyertes du
célèbre Black , que fi l’o.i la.ffe que'que temps
expole à l’air un mélange de difiolution de
fulfare calcaire & d’ammoniaque cauftique, ce
me1 ange d a la tranfynr nce refie parfaite dans
le moment qu’il eld fait, préfente bientôt un
nuage remarquable à fa furface, en raifon de
l’acide carbonique qui lé précipite de l’atmof-
phère & qui donne naiff nce à une double af-
finité ;ie même phénomène a lieu en faifant paffier
quelques bulles de cet acide gazeux dans la
liqu ur. Comme on croyoit autrefois que l’alcali
volatif concret , ou le carboi are ammoniacal,
etoi c l’alca'i volatil pur : Geoffroy, fondé fur ce
que ce fel précipite réellement le fulfate cal-
caire, a cru que cet alcali avoit plus d’affinité
avec l’acide fulfurique , que n’en a la chaux.
Le lulfate calcaire eft décompofé par un
grand nombre de matières combuftibles , à
l’aide de la chaleur. Le charbon des fubftances
*2l6 È L Ê M E N s
végétales enlève à l’acide fulfurique l’oxigene
avec lequel il a plus d'affinité que n’en a le
foufre ; il le dégage de l’acide carbonique
dans cette décompoiition , & le foufre féparé de
l’acide fulfurique s’unit à la chaux , &: forme ce
qu’on a appelé ht par calcaire , & ce que nous
nommerons par la fuite fui fur e de chaux .
Les variétés du fulfate calcaire criftallifé font
Cbnfervées avec fdin dans les cabinets d’hiftoire
naturelle ; on s’en fert après fa calcination , &c
en la détrempant dans l’eau , peur couler des
Hautes , des modèles, &c. On fait difFérens meu-
bles affiez agréables avec l’albâtre gypfeux taillé
& poli , les beaux morceaux de celui de Lagny
font employés à cet ufage.
La pierre à plâtre eft une des matières les
plus utiles que la nature produite. Cette pierre
eft un mélange de fulfate calcaire de car-
bonate calcaire ou craie. Lorfqu’on l’expofe à
l’afîion du feu pour cuire le plâtre , le fulfate
calcaire perd fon eau de criflallifation & la craie
fon acide. Le plâtre cuit eff donc un mélange
de chaux vive & de fulfate calcaire privée d’eau.
Lorfqu’on verfe de l’eau fur cette fubftance ,
ce fluide eft abforbé très-rapidement par la
chaux; il en réfulte de la chaleur. L’odeur
fétide que l’extincfion du plâtre répand vient
<l’un peu de foufre formé par l’acide fulfurique
d’Hist. Nat. et de Chimie. 127
décompofé par les matières charbonneufes ani-
males ou végétales qui fe rencontrent toujours
dans la pierre à plâtre; ce foufre dilTous par
la chaux , forme une efpèce de fulfure ou foie
de foufre, qui répand l’odeur dont nous parlons.
Lorfque la chaux a abforbé allez d’eau pour
être dans l’état de pâte , elle enveloppe le
fulfate calcaire qui , reprenant une portion de
ce fluide , criftallife au milieu de cette pâte. La
chaux fe defféchant peu-à-peu , prend corps à
l’aide des criftaux de fulfate calcaire, & forme
l’efpèce de mortier qu’on nomme plâtre. On
conçoit, d’après cette théorie , pourquoi le
plâtre doit être cuit à un point particulier ; .s’il
ne l’eft pas affez , il ne fe lie pas à l’eau , parce
que la chaux n’eft pas allez vive ; s’il i’eft trop ,
la chaux forme avec le fulfate calcaire une
efpèce de mauvaife friite vitreufe , qui ne peut
plus s’unir à l’eau ; c’ell le plâtre brûlé. On con-
çoit encore que fi le plâtre perd fa qualité lors-
qu’on le laille expofé à l’air, c’efi: que la chaux
s’éteint peu-à-peu ; on lui rend fa force en le
calcinant de nouveau. Enfin, il eft facile de fen-
tir pourquoi le plâtre fe conferve très-bien dans
les lieux fecs & chauds, & pourquoi il fe dé-
truit & s’enlève par écailles ou par lames dans
les endroits humides. Dans ce dernier cas , le
fulfate calcaire ? qui eû diffoluble dans l’eau ,
Élémens
perd peu-à-peu fa forme criffalline & fa con^
(iftance; c’eft par cette diflolubilité que le plâtre
différé des vrais mortiers , dans lefquels le
fable ouïe ciment, qui en fait la bafe , n’eff pas
attaquable par l’eau; auffi n’employe-t-cn pas
leplâtre dans les endroits où il ayde l’eau, comme
îes baffins, les réfervoirs, les terraffes, &c. auffi
!e plâtre ne conferve-t-il pas fa dureté dans les
lieux bas , fouterreins , &c.
Sorte Iî. Nitrate calcaire.
Le nitrate calcaire , ou le fel réfultant de la
combinaifon de l’acide nitrique avec la. chaux ,
eff beaucoup moins abondant dans la nature
que le fulfate calcaire ou la félénite. On ne le
trouve que dans les endroits où fe rencontre
le nitre alcalin. Il fe forme fur les parois des
murs, dans les lieux habités par les animaux;
dans les matières animales en putréfaélion , dans
quelques eaux minérales; mais comme il eff
îrès-foluble & meme déliquefcent , à mefure
qu’il fe forme il eff difîous par îes eaux; c’eft
pour cela qu’il exiffe en grande quantité dans
les eaux mères des falpêtriers.
Lorfqu’il eff criffallifé régulièrement par le
procédé dont nous parlerons plus bas, il pré-
fente un folide prifmatique à ffx pans , allez
Semblable au nitrate de potaffe } & terminé par
f- des
d’Hist. Nat. et de Chimie. 129
des pyramides dièdres. Il cfi affez rare de l’obte-
nir de cette régularité; le plus fouvent il eft en
petites aiguilles ferrées les unes contre les autres,
& donc on ne peut déterminer la forme.
Ce fel a une faveur amère & défagréable ; en
quoi il différé beaucoup du fulfate calcaire. Sa
faveur a même quelque chofe ce frais comme
celle du nitrate de potaffe..
Il fe liquéfie aifément fur le feu & devient
folide par le refroidiffément. Si on le porte dans
l’-obfcurité, après l’avoir fait air.fi chauffer, il
paroît lumineux , & conflitue dans cet état le
phofphore de Baudouin , Balduinus. Si on le met
fur un fer rouge, il préfente le même phénomène.
Jetté fur un charbon ardent , il fe liquéfie & dé-
tonne lentement à mefure qu’il fe defsèche. Le
nitrate calcaire chauffé pendant long temps , perd
fon acide qui fe décompofe par l’aérion de la
chaleur. En faifant cette opération dans une cor-
nue dont le bec èft plongé fous une cloch : pleine
d’eau , on obtient de l’air vital , & fur la fin du
gaz azote. Le réfidu eff de la chaux unie à une
certaine quantité d’acide nitreux fi l’on n’a em-
ployé qu’un feu médiocre &. pendant trop peu
de temps ; mais on peut obtenir par ce procédé fa
chaux très-vive, en donnant un très-grand /féaré
de feu , & en le continuant affez long-temps pour
T oms 11 , I
13° É L É M E N S
décompofer entièrement l’acide nitreux. Cette
déco mpofit ion eff abfolument femblable à celle
que l’acide éprouve lorfqu’on diflille le nitrate
de potafie , comme nous l’avons expofé dans
l’hifloire de ce fel neutre.
Le nitrate calcaire attire très-vite l’humidité
de l’air ; aufîi eff-il néceffaire de le tenir dans des
vaiffeaux bien fermés , fi -on veut le conferver en
criflaux; on le voit même fe fondre allez promp-
tement fi l’on débouche trop fouvent les flacons
qui le contiennent.
Ce fel efl très-difïoluble dans l’eau ; il ne faut
que deux parties de ce fluide froid , pour difTou-
dre une partie de nitrate calcaire ; l’eau bouillante
en difïoutplus que fon poids. Pour l’obtenir crif-
tallifc, il faut faire évaporer fa diffolution, &lorf-
qu’elle a acquis une ccnfiflance un peu moindre
que celle de firop , l’expofer dans un endroit
frais } il s’y forme alors des criftauxprifmatiquçs
trcs-alîongés , & qui prélentent ordinairement
des faifceaux dont les aiguilles divergent d’un
centre commun. En expofant une difTolution de
nitrate calcaire un peu moins évaporée que la
précédente à une température sèche & chaude,
jl s’y forme à la longue des prifmcs plus réguliers,
& femblsbles à ceux que nous ayons décrits au
commencement de cet article.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 13 i
Le fable 6c l’argile décompofent le nitrate cal-
caire , 6c en Séparent l’acide.
La baryte le décompose comme le Sulfate
calcaire, Suivant Bergman ; la magnéfie ne lui fait
éprouver aucune altération fenfible. M. M or-
veau a obfervé que l’eau de chaux, verfce dans
une difîolution de nitrate calcaire, y occaiionne
un précipité. Il attribue cet effet au phlogiftique
de la chaux vive , &c il per.fe que cette dernière a
plus d'affinité avec l’acide nitreux, que n’en a la
chaux qui lui eff unie , & que cet acide a déjà
\
dépouillée de fcn phlogiftique. Ce chifïiifte n’a
malheureufement pas examiné la nature du préci-
pité ; cet examen auroit vraisemblablement fourni
quelques lumières fur cette fingulière expérience.
M. Baume avoit déjà obfervé qu’une diffolution
1 de Spath calcaire dans l’acide nitreux eff préci-
pitée par l’eau de chaux,, -mais i' avoit attribué
ce phénomène à un peu de terre argiffufe , con-
tenue dans le fpaih. Cet effet dépend ou d’un peu
ede magnéfie, ou de l’avidité du nitre calcaire
[pour l’eau qu’il enlève à ia chaux.
Les alcalis fixes s’emparent de l’acide nitrique,
du nitrate calcaire, & en précipitent la chaux.
L’ammoniaque bien pure ne :e nécompoie pas plus
au’elle ne fait le luifate de chaux &-tous les fels
'alcaires«en général.
1 ’i
i}l E L É M E N S
L'acide fiilfurique en dégage l’acide nirrique avec
efftrvefcence. L’on peut obtenir cet acide ainff
dégagé dans un récipient, comme on l’obtient du
nitre ordinaire. L’acide fiilfurique , verlé dans une
diffolution de nitrate calcaire, y forme fur-le-
champ un précipité de fulfate de chaux, & l’acide
nitrique refte libre &: à nud dans la liqueur. On ne
connoît point encore l’aélion des autres acides fur
ce fel.
Le nitrate calcaire décompofe les fels neutres
alcalins fulfuriques;il enréfuîte du fulfatedechaux
&: du nitre de potaffe ou de foude. I! en efl de
même du fulfate ammoniacal ; il produit, lors-
qu'on le mêle avec une diffolution de nitrate cal-
caire , du nitrate ammoniacal & du fulfate de
chaux. Ce dernier qui n’trft que très-peu diffoluble,
fe précipitant dans l’inftant du mélange , ne laiffe
aucun doute fur ces doubles déco.mpoli rions*
Le carbonate de potaffe décompofe de même
le nitrate calcaire qui en défuniî en même-temps
les principes , & il réfulte de cette double décom-
pcfuion du nitrate de potaffe qui relie en diffolu-
tion dans la liqueur , & de la craie ou carbonate
calcaire qui fe précipite.
Le carbonate de foude , qui agit de même fur
le nitrate calcaire, donne du n trate de ioude dif-
fous dans l’eau , & du carbonate calcaire ou de
la craie qui fe précipite.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 133
Le carbonate ammoniacal décompofe aufîi ce
fel , à l’aide des affinités doubles ; il fe forme du
nitrate ammoniacal & du carbonate de chaux.
Le fulfate de chaux n’altère point le nitrate
calcaire ; mais lorfque ces deux fels fe trouvent
diffious dans la même eau comme le premier n’effi
que très-peu diffioluble &; que le fécond l’eft
beaucoup, on peut les leparer par la criftallifa-
tion ; le fulfate de chaux fe précipite d’abord , &
le nitrate calcaire ne fe criffiallife que lorfque la
liqueur très-rapprochée fe refroidit.
Le nitrate calcaire n’eft d’aucun ufage : il pour-
roit être employé en médecine comme un fondant
très-a&if, & quelques médecins chimiftes dilent.
en avoir obtenu des fuccès , quoiqu’ils n’en con»
nuflent pas bien les propriétés.
Sorte 111. Muriate calcaire.
Le muriaté calcaire ou le fel formé par la com-
binaifon de l’acide muriatique & de la chaux, qui
étoit autrefois nommé très- improprement fct
ammoniac fixe. , huile de chaux , &c. fe rencontre
abondamment dans tous les lieux où fe trouve le
muriate de foude , & fpécialement dans l’esu de
la mer , à laquelle il donne cette faveur âcre &c
amère,' qui avoitfaitautrefois admettre du bitume
dans cette eau ; mais il n’eft jamais pur dans ce
fluide j. iî eft toujours mêlé de muriate de magné»
I iij
/
*34 £ L É M E N S
fie. Si l’on veut fe procurer du muriate calcaire trcs-
pur , il faut combiner immédiatement l’acide mu-
riatique avecla chaux jufqu’au point de faturation.
Ce fel, lorfqu’on i’a dans l’état fec & folide,eft
fous la forme deprifmes à quatre pans ftriés, ter-
miné par des pyramides très-aigues. Il a une faveur
falée & amère très-délagréabte. Expofé à l’a&ion
d’un feu doux , il fe liquéfie à la faveur de fon eau
de eriftdlîifation)& il fefigeparlerefroidifiement.
A un feu plus fort3 il n’éprouve prtfque p^s d’alté-
ration. M. Baume a obfervé qu’il ne perdoit pas
fon acide. Mis fur une pélle rouge , il devient lu-
mineux : c’efi pour cela qu'on l’a appelle phojphorù
d, Hombcrg.
Le muriate calcaire qui refie dans la cornue
après la décompofition du muriate ammoniacal
par la chaux » & qu’on ap telle fiel ammoniac fixe ,
fe fond en uneefpèce de fritte d’un gris légèrement
ardoifé , &: fans donner d’acide muriatique, quoi-
qu’on lui faffe éprouver une chaleur capab'e de
vitrifier la furface de la cornue. Cette frirre fait feu
avec le briquet , ôl frottée dans l’oblcurité avec de
l’acier , elle donne des étincelles phofphoriques.
Il faut obferver que ce fel réfidu contient or-
dinairement une portion de chaux excédente à la
faturation de l’acide muriatique, parce qu’on em-
ploie plus de chaux qu’il n’en faut pour décompo-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 13-5
fer le muriate ammoniacal. C’efl fansdouteà cette
quantité furabondante de chaux que ce réfidu doit
la propriété de donner une fritte vitreufe dure ,
qui d’ailleurs s’altère & s'humefle a la longue,
lorfqu’on l’expofeà l’air. Le muriate calcaire, fans
excès de chaux, ne prend j amais autant de duretc
que ce réfidu par l’aftion du feu , & ne prefente
point la même phofphorefcence que lui.
Le muriate calcaire purexpofé à l’air , en attire
promptement l’humidité , & tombe entièrement
en déliquiüfn. Il efl néceftaire de le tenir dans un
vaifîeau bien bouché, fi l'on veut le conferver
fous fa forme eriflalline.
Cefel efl très-difioluble dans Peau, il ne faut
qu’en viron une partie & demie de ce fluide froid
pourén diffoudre une de muriate calcaire; l’eau
chaude en difTout plus que fon poids. En évaporant
fa diffolution prefqu’en confiflance de drop, &
en la laiffant enfuite refroidir lentement , on ob-
tient des criflaux en prifmes tétraèdres , de plu-
fieurs pouces de longueur qui forment comme
autant de rayons partant d’un centre commun ;
nous ferons obferver que cette forme paroît ctre
allez confiante dans tous les fels calcaires. Si la
liqueur efl trop évaporée , & fi elle refroidit trop
promptement , elle fe prend en une malle in-
forme , un peu aiguillée à fa fùrfaee.
I iv
Ï3 6 E L E M E N S
Une diffolution c!e muriate calcaire évaporée
jufqu’à ce qu’elle donne quarante-cinq degrés à
l’aréomètre de M. Baumé , & expofée au frais dans
un flacon , dépofe des prifmes très-régul ers &
fouvent très-gros : quelquefois lorfquelle n’a point
encore ci iftallifé , & lorfqu’on l’agite , elle fe prend
tcut-à-coup en une maffe très-folide, & il fe dé-
gage beaucoup de chaleur.
La baryte décompofe le muriate calcaire, parce
qu’elle a plus , d’affinité avec l'acide muriatique
que n’en a la chaux , d’après les expériences de
Bergman. La chaux & la magnéfle ne l’altcrent pas.
Les alcalis Axes en précipitent la chaux; fi les
deux liqueurs font concentrées , la chaux abfor-
bant le peu d’eau qu’elles contiennent, forme pref-
que fur- de-champ une gelée qui devient bientôt
très- folide. On donne à ceîte expérience le nom
de miracle chimique , parce qu’elle offre deux
fluides qui paffent lubitement à l’état d’un folide \
mais elle ne réuflit bien qu’avec la diffolution de
carbonate de potafie &c de foude , parce que les
alcalis purs &: cauftiqués précipitent la chaux
trop divilee.
L’ammoniaque cauftique ne décompofe pas le
muriate calcaire, parce qu’elle a moins d’affinité
avec l’acide muriatique que n’en a la chaux, ce
que prouve la déeompofition complète du mu-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 137
riate ammoniacal par cetie fubffance falino-ter-
reufe.
L’acide fulfurique Si l’acide nitrique dégagent
l’acide muriatique de ce feî avec effervefcence ,
61 l’on pourroit , avec l’appareil diftillatoire ’
obtenir cet acide comme on l’obtient du muriate
de foude. La diffillation de ce fel terreux avec
l’acide nitrique fournit de l’acide' nitro 'muria-
tique ou de l’ eau régale , à caufe de la volatilité
des deux acides.
Le muriate calcaire décompofe les fulfates de
potaffe & de fonde ; il eff aifé des’affurer de ce fait
en mêlant les diffolutions de cesdifférens fels; il
fe fait fur-le-champ un précipité que l’on recon-
noît pour du fulfaie de chaux ; la liqueur qui
fumage contient du muriate de foude ou de
potaffe , que l’on peut obtenir par l’évaporation ,
& reconnoure même par la faveur de la liqueur
qui fumage le fulfate calcaire.
Les carbonates de potaffe & de foude décom-
pofentauffi le muriate calcaire. Dans ces mélanges
il fe fait deux décompofitions & deux combi-
naifons; l’acide muriatique du dernier fel fe porte
fur la potaffe , ou la foude , avec lequel il forme
du muriate de potaffe ou de foude qui refte en
d:ffbIution dans la liqueur; Sz l’acide carbonique
qui abandonne les alcalis fixes s’unit à la chaux
r3§ E L Ê M E N S
avec laquelle il forme de la craie ou du carbonate
calcaire, qui fe précipite. Si le carbonate de po-
taffe ou de foude font diffous dans une très-petite
quantité d’eau , 5c que la diffiolution du muriate
calcaire foit auffi ti ès-cbargée , le mélange devient
épais & gélatineux j enfuiie il prend p u> decon-
liftance & fe durcit même comme une efpèce de
pierre factice, lorfque les proportions font exactes
pourra faturation réciproque. C’efl cette expé-
rience que les premiers chimirtes qui i’ont con-
nue ont appellée miracle chimique .
Le carbonate ammoniacal décompofe le mu-
riate calcaire par une double affinité , comme nous
l’avons expliqué pour le fulfate & le nitrate cal-
caires. L’ammoniac s’unit à l’acide muriatique,
5c forme du muriate ammoniacal qui refte en
diffolution dans la liqueur, tandis que l’acide
carbonique combiné avec la chaux forme du car-
bonate calcaire qui fe précipite.
Le muriate calcaire diffous dans l’eau avec le
nitrate calcaire efl difficile à féparerde ce dernier,
parce que la loi de criffallifation eft la même pour
ces deux fels ; mais on conçoit très-bien que s’il
étoit diffous avec le fulfate de chaux, il feroit
aifé de les obtenir féparément, parce que ce der-
nier fel ne criftaîlifant que par évaporation, laif-
feioit à la fin de cette opération le muriate cal-
d'Hist. Nat. et de Chimie. 139
Caire pur, qui criftaliife par refroidiffement. 11
eff important de faire cette remarque , parce que
ices deux Tels (e trouvent fréquemment en diilo-
ilution dans la même eau mit érale.
Le muriate ca: caire n’a été jufqu’aujourd’hui
cque très-peu en ufage. Comme il exiffe en allez
grande quantité dans le fél de gabelle, que l’on
rrecommande comme un purgatif fondant dans le
wi:e fcrophuleux , j’ai fait voir que ce dernier
(el lui doit une partie de fes propriétés. J’ai ajouté
que la faveur forte du muriate calcaire & fa grande
L'Jifîblubiliré promettaient des effets très- utiles de
c:e tel dans toutes les maladies où il s’agit de
[fondre , & d’altérer la nature des humeurs. ïl
I èroit fort à defirer que les médecins en connuf-
Vent les propriétés & en hffent ufage dans un
qrand nombre de cas où les fonda ns ordinaires
'•dont fouvent que des effets peu marqués , fut-
out dans ceux où l'on ne peut pas fe permettre
es remèdes mercuriels. J’ai réuni ce que l’expé-
iience m’a déjà appris fur les vertus de ce fef
rendant dans un mémoire inféré parmi ceux de
i fociété royale de médecine , peur les années
-781 & 1783.
Sorte ï V. Borate calcaire.
On peut appellerainfi la ccmbinalfon de l’acide
14° E L É M ENS
fèdatif ou boracique avec la chaux; ce fel n’a
point dti tout été examiné , quoiqu’il foit certain
que l’acide boracique eft fufceptible de s’unir à
la chaux , puifque cette dernière décompofe le
borax de fonde , ainfi que nous l’avons dit.
MM. les ehimiffces de l’académie de Dijon ont
oblervé que l’acide boracique concret , traité au
feu avec la chaux éteinte , a donné une matière
foiblement agglutinée & fans adhérence au creu-
fet. Cette matière ’jettée dans l’eau n'a pas préfenté
les phénomènes de la chaux, ce qui prouve qu’il
y avoit une véritable combinaifon, M. Baumé
dit avoir faturé de l’eau de chaux avec du fd
fèdatif ; cette liqueur évaporée à l’air , ne lui a
point donné de criftaux , mais des pellicules jau-
nâtres qui avoient une foible faveur d’acide bora-
cique. Enfin, MM. les académiciens de Dijon
ont fait digérer au bain de fable de l’eau chargée
de cet acide fur de la chaux éteinte à l’air. Cette
difîolution filtrée a donné un précipité blanc $£
abondant par l’alcali fixe. Ces diverfes expé-
riences ne font qu’indiquer la diflblubihté de la
chaux par l’acide boracique , & ne nous appren-
nent rien fur les propriétés du fel neutre qui ré*
fuite de cette combinaifon.
d’Hist, Nat. et de Chimie. 14*
Sorte V. Spath fluor ou fluate calcaire.
Cette efpèce de Tel eft la combinaifoiT d’acide
fluorique avec la chaux. Il eft: répandu fort abon-
damment dans la nature. On !e rencontre fur-tout
dans les environs des mines , dont il indique
même la préfence. Il a été regardé jufqu’à préfent
comme une matière pierreufe, en raifon de fon
infipidicé , de fa dureté & de fon indiffolubilité.
On Ta appellé fpath , parce qu’il a la forme & la
cafl'ure fpatique ; jluor ou fujible , parce qu’il fe
fond très-bien , & eft même employé avec fuccès
dans les travaux des mines ; vitreux , parce qu’il
a rafpeél du verre , Si d’ailleurs parce qu’il en
forme un affez beau par la fufion ; cubique , parce
qu’il a le plus fouvent cette forme ; enfin phofpho -
rique } parce que chauffé & porté dans l’obfcurité,
il y paroît lumineux. Avant la decouverte de
Schéele , le fpath vitreux bien diftingué par les
mineurs de toutes les autres matières minérales ,
à caufe de fa fufibilité, avoir été confondu par
les naturaliftes, foit-avec les gvpfes, foir avec les
fpaths calcaires, foit avec Iesfpaths pefans, qu’on
a auffi appelles fufiblcs. Le cé èbre Margraf a voit
cependant diftingué ce fel d’avec le fpath pelant,
en adoptant pour le premier le nom de fpath
fuüble vitreux , Si pour le fécond , celui de fpath
Î41 ÉLÉMENS
fufble phofphorique ; & l’on doit rendre à ce
chimifte l’hommage des premières découvertes
faites fur les propriétés du fluate calcaire.
Ce fel eft ordinairement fous la forme de
criftaux cubiques de diverfes couleurs, très-régu-
liers, d’une tranfparence glaceufe & virreufe : fa
cafture eft fpaîhique, & I on y obferve des pla-
ques cubiques & comme gercées à fa furface. Il
fe brife par le choc du briquet \ il fe rencontre
toujours dans les mines , & il leur fert fouvent
de gangue. Quelquefois il eft opaque & en
maffes irrégulières. Sa pefanteur eft plus confi-
dérable que celle de toutes les matières falines
que nous avons examinées jufqu’à préfent ; il
eft quelquefois nué, veiné, taché, & p'us fouvent
entièrement coloré en vert , en rofe, en violet,
en rouge , &c.
On peut diftinguer dix variétés principales de
cette fubftance parmi cell-.s que la nature nous
préfente.
Variétés.
1. Fluate calcaire eu fpath vitreux cubique,
blanc & tranfparejt.
2. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique ,
blanc & opaque.
•* Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique ^
jaune ; faufte topaze.
d’Hist. Nat, et de Chimie, 14$
Variétés.
4. Fliiate calcaire ou fpath vitreux cubique ,
rougeâtre ; faux rubis.
5. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique,
verd pâle ; fauffe aigue-marine.
. 6. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique,
verd; faillie émeraude.
7. Fluate calcaire ou fpath vitreux cubique ,
violet ; fauffe amethyfle.
8. Fluate calcaire ou fpath vitreux oôaèdre,
dont les pyramides font incomplettes.
J’ai dansmacoîieètion uncriftaldecetteefpece,
qui eff demi-tranfparen: & un peu noirâtre.
9. Fluate calcaire ou fpath vitreux en maffe
lamelieufe irrégulière.
Il eft prefque toujours d’un vert clair , ou
. violet : il forme la gangue de plufieurs mines,
1 eff quelquefois roulé.
. %
10. Fluate calcaire ou fpath vitreux en
couches de différentes épaiffeurs , &C
colorées di^erfement.
Ces différentes variétés cle fluate calcaire ne
ont , pour la plus grande partie , qu’une feule
même fubflance faline , ç’eff-à-dire la com-
unaifon de l’acide fluorique avec la chaux.
Dépendant comme e.les font formées par la
rature , on y trouve ordinairement par une
:r.nalyfe exaéte plufieurs matières étrangères ,
‘ •omise de la^tcrre filicée , de l’argile ôc du fer,
Ï44 E l é m e n s
C’efl en général le caractère de tous les pro-
duits naturels. L’Angleterre eft fort riche en
fluate calcaire.
Ce fel terreux expoféàun feu doux , acquiert
«ne propriété phofphorique affez marquée ;
mais fi on le chauffe jufqu'à le faire rougir , il la
perd entièrement , fa couleur verte ou violette
fe diffipe en même-tems,il devient gris &c
friable ; fi on le chauffe brufquement , il décré-
pite prefque auffî vivement que le muriate de
fou de. Lorfqu’on jette du fluate de chaux en
poudre fur un fer chaux, il éfente une lueur
bleuâtre ou violette qui paffe promptement. Une
nouvelle chaleur ne donne plus le même phéno-
mène fur celui qui l’a déjà préfenté.
Une chaleur forte fait fondre ce fel en un verre
îranfparent & uniforme ; ce verre adhère aux
creufets. On peut fondre un quart de fon poids
de quartz fin avec le fluate calcaire ; c’efl pour
cela qu’il eft employé comme fondant dans les
mines.
Le fluate calcaire n’eft point altérable à l’air ,
ni diffoluble dans l’eau.
Il fert de fondant aux matières terreufes &
falino-terreufes. Les alcalis fixes purs ne peuvent
le décompofer , parceque la chaux a plus d’affi-
nité avec fon acide que n’en ont ces fels, fuivant
Bergman.
L’acide
d’Hist. Nat. et ï>e Chimie. 145
L’acide fulfurique concentré en dégage l’acide
fluorique , & c’eft le moyen dont on fe fert
ordinairement pour obtenir cet acide. On met
dans une cornue de verre une partie de fmate
calcaire en poudre , avec trois parties d’acide
fulfurique ; le mélange s’échauffe peu-à-peu ,
il fe produit une effervefcence , & il fe dégage
des vapeurs d’acide fluorique. Cette diftillation
s’établit fans chaleur étrangère , & il fe fublime
dans le récipient une fubftance blanche , comme
effleurie , & dépofée par le gaz acide. On donne
le feu , & on obtient de l’acide fluorique con-
centré, qui fe couvre d’une pellicule terreufe ,
«cpaiffe, femblable à i’efïïorefcence blanche donc
mous avons parlé, forfqu’il tombe goutte à
; goutte dans l’eau qu’on a foin de mettre dans
Je récipient. On peut obtenir cet acide fous la
forme de gaz , lorfqu’on plonge le bec de la
' «cornue fous une cloche pleine de mercure. Cet
acide aériforme eft tranfparent, &tne laiffe pré-
cipiter la terre qui lui eff unie que lorfqu’on
1 lie met en contaéb avec de l’eau. On conçoit
1 d’après cela pourquoi l’acide fluorique liquide
' dépof® dans le ballon des croûres pierreufes ,
: puifqu’il ne peut les tenir en diffolution tomes
‘ les fois qu’il eft combiné avec l’eau. Nous avons
vu que cette terre qui eft de nature filicée appar-
tient aux yafes dç veïrç 311e l’açide fluorique
%omc 11„
e
ÏLÉMENS
corrode, Sc. qu’elle n’eft point le produit de la
combinaison de l’acide avec l’eau , comme
î’avoit d’abord penfé Schéele. Lorfque la dis-
tillation eft finie , on obferve que le réfidu eft
dur, blanc ou rougeâtre, par plaques, & que
la cornue eft trouée ou corrodée très-fenfible-
ment. Cette obfervation n’avoit point échappe
à Margraf ; & ft l’on examine par les difFérens
moyens la nature du réfidu , on reconnoît que
cveft du Sulfate calcaire mêlé à de la Silice „
Souvent même à de l’alumine Ôz h un peu de.
magnéfie. Ces deux dernières Subftances Sem-
blent j ainfi que le fer , n’être qu’accidentelles-i
dans le fluate calcaire. La croûte dépofée pa*<i
l’acide fluorique eft de nature filicée , puisqu’elle
n’eft ni fuSible, ni diffoluble dans les acides,
puifqu’avec les alcalis fixes elles Se fondent en
verre blanc & durable. Les détails de cette expé,
tùence font voir qu’il eft impoflible de diftiller,
une grande quantité de cet acide ; j’ai eflayé
plufteurs Sois d’opérer Sur une livre de fluate
calcaire , pour obtenir une bonne quantité,
d’acide fluorique, & n’ayant jamais trouvé de
cornue capable de réfifter à cet agent corrofif,
j’ai été obligé de renoncer entièrement à cette
diftillation.
L’acide nitrique décompcfe le fluate calcaire,
mais ayçc des phénomènes très-différens* SuU
d’Hist Nat. et de Chimie. 147
vant M. Boullanger, puifqu’on n’obferve point de
croûte dans cette opération , comme dans celle
<qiîi eft faite avec l’acide fulfurique. On n’a
point encore bien examiné les détails de cette
«expérience.
L’acide muriatique fépare également l’acide
Ifluorique, fuivant Schéele ; mais il n’a point in-
’fiflé fur les phénomènes de cette décompofition.
On ne ccnnoît point encore l’aélion du plus
grand nombre des tels neutres fur le fluate
calcaire. On fait feulement que les carbonates
de potaffe & de foude le décompofent à l’aide
vd’une double affinité , tandis que les alcalis fixes
teauftiques ne le décompofent pas. En fondant
mne partie de ce fiuate > avec quatre parties de
ccarbonate & de potaffe , & en jettant ce
1 Tnélange fondu dans l’eau, il fe précipite du
■ ccarbonate de chaux formé par l’acide carbonir
que uni à la chaux du £uare calcaire , & la
' liqueur contient du fluate de potaffe qu’on peut
’ obtenir fous forme de gelée par l'évaporation.
0 (Ce procédé répété avec le carbonate de foude
e fournit également du carbonate de chaux &
> * du fluate de foude que l’on obtient criftallilé
e en évaporant la liqueur.
Le fluate calcaire n’eft d’ufage que dans quel*
lues pays de mines , çû çn Remploie ÇQnm$
K 3
I 4& Elémens
un très- bon fondant. On pourroit aufli s’en
fervir au meme ufage dans les travaux doci-
maftiques.
Sorte VI. Carbonate de chaux ou craie;
Matières calcaires en général.
Le fpath calcaire , le marbre , la craie , & tout
Ce qu’on appelle en général matière ca lcaire ,
eft un fel neutre formé par l’union de l’acide
carbonique avec la chaux : il faut donc appeler
ce fel carbonate, de, chaux ou carbonate, calcairt.
Cette fubftance a été mife au rang des pierres;
par les naturaliftes , parce qu’ils ne lui avoient
reconnu aucune propriété faline. Cependant
nous verrons qu’elle a une forte de faveur ,
qu’elle eft diflbîuble dans l’eau, qu’elle peut être
décompofée, & qu’elle fournit dans fcn analyfe;
une grande quantité d’acide carbonique , & lat
fubftance falino-terreufe que nous avons connue
fous le nom de chaux. Comme le fpath calcaire
cfl la dernière modification d’une matière très-
variée dans fa forme , &c qui pafte par beaucoup
d’érats différens avant d’être régulièrement crif-
tallifee, il eft néceffaire de conftdérer en généra)
les fubftances calcaires, ou crétacées (i).
(i) Je crois qu’on devroit appeller crétacées toutes les
4Tubftances que l’on défigne ordinairement en hiûoire na-
turelle gai, le fipgk çrtwrjs i çn.çffet , le premier
1
d'Hist. Nat. et de Chimie. ï4#
Aucune partie de l’hiftcire naturelle n’oflre
un champ plus vafte à parcourir, un enfemble
plus complet de cofinoiflances pofitives que celle
des matières calcaires. Une longue obfervation
tqui ne s’eft jamais démentie, & fur-tout la pof-
iibilité de fuivre pas à pas la marche de la
mature dans la formarion de ces matières , ont
appris que le fein des mers eft le laboratoire
:©ii elles font fans ceffe travaillées. Parmi le
grand nombre d’animaux que ces immenfes amas
d’eaux nourrirent, il en efè pluheurs claffes dont
les individus, multipliés prefqu’à l’infini , fèm-
iblent deftinés à ajouter à la maffe de notre
globe. Tels font les vers à coquille, les ma-
drépores , les li.hopbites , dont les parties foli-
ddes , examinées par l'art du chimifte, quelque
t temps après qu’ils ont cefTé de vivre , préfentent
indique la combinaifon faline neutre formée par la chaux
■Sc l’acide carbonique, c’ed-à-dire, la craie, creta\ le fécond
. appartient en propre à la chaux , calx , qui fait la bafe
d le ce fel. L’expreiïion matière ou terre calcaire devroit
ll'lonc être réfervée pour la chaux vive , & celle de matière
raieufe ou crétacée diftingueroit la combinaifon de la.
r ehaux avec l’acide delà craie; mais on ne peut pas fe-
îâtter de faire adopter de fitôt ces deux expreffions qui ont
toujours été fynonimes, quoiqu’elles dufi'ent être appli-
quées à des fubftances vraiment différentes , & quoiqu’ël*
tes fiiffent lufceptibles d’enrichir notre langue.
* ï0 Ë L É- M 2 N S
tous les caraélères de fubfîances calcaires. C’elî
la bafe de ces efpèces de fquelettes marins qui
produit , par leur entaffement fucceffif , les mon-
tagnes entièrement formées dè ces matières.
Quoiqu’il y ait bien loin de l'état naturel de ces
être animés, jufqti’à la cri fralli Cation du fpath
calcaire , quoiqu’il foit difficile d’appercevoir
au premier coup-d’œil la différence étonnante
qui exiÜe entre la fubftance molle & pulpeufe
de ces animaux vivans , & la dureté de ces
maffes pierreufes qu’ils forment avec le temps,
& qui font deftinées à donner de la folidité
à nos étffïces les plus durables, il eft cepen-
dant poffible de fe former une idée des nuan-
ces d’altération par lefquels ils paffent pour
fe confondre avec les corps minéraux. Voici
comment on peut concevoir ces dégradations
depuis l’organifation animale agiffante, jufqu’au
dépôt régulier qui forme peu-à-peule carbonate
de chaux tranfparent & criflallifé, c’eft-à-dirc le
fpath calcaire.
Les eaux de la mer, en fe balançant fui-
vantlesioix d’un mouvement qui nous eft encore
inconnu, fe déplacent infenfibiement , & chan-
gent de lit. Elles quittent un rivage qui s’ag-
grandit peu-à-peu pour s’avancer fur une terre
dont l’étendue diminue en même proportion.’
Ce fait eft démontré dans la lavante théorie
\
d’Hist. Nat. et de Chimie. 151
| ;de la terre de Buffon. A mefure que les
I eaux abandonnent une partie de leur lit , elles
1 daiffent à découvert des fonds fur lefquels leurs
I mouvemens variés , & fi bien appréciés par
l’homme célèbre que nous venons de citer ,
1 ont formé des couches , par le dépôt fuccehif
<des parties folides ^ ou des fquelettes des ani-
unaux marins. Ces. couches font prefqu’enti ére-
intent remplies de coquilles , dont la putréfac-
tion détruit bientôt le gluten animal, & qui
alors ayant perdu leurs couleurs , le poli de
leurfurface interne a & fur-tout leur conlillanee*
Jfont devenues friables , terreufes, & ont paffé à
l’état de foffiies ^ delà la production des terres
icoquillières & des pierres de la même nature.
Ces pierres, idées par les eaux, perdent peu-
<à-peu la forme organique, deviennent de plus
<en plus friables, & forment bientôt une matière
icTun grain peu cohérent, & que l’on appelle
craie . Lorsqu’une pierre coquillière a acquis allez
<de dureté pour être fufceptible de poli , & que
lies coquilles qui la compofent ont pris diver-
ses couleurs, en confervant leur organifation
t elle cohftitue alors les lumaehelles . Si les traces
de l’organifation font tout-à-fait détruites , fi la
p'erre eft dure, fufceptible de poli , on la con-
çoit fous le nom de marbre . L’eau chargée de
«raie la dépcfe fur tous les corps fur lefquels
& h
\
*52 Élémens
elle coule, & forme les incruflatlons . Lorfqu’elle
ie filtre à travers les voûtes des cavités fon-
terraines, elle produit des dépôts blancs, opa-
ques , formés de couches concentriques , dont
l’enfemble eft conique & femblable à des cu’s-
de-lampes; ce font les Jlalaclitcs. Si ces dernières,
réunies en grande malle , & rempîiffant des
cavernes , féjournent pendant long-temps dans
la terre , elles acquièrent une dureté confidé-
rable, & donnent nailfance à l 'albâtre. Enfin
lorfque l’eau , qui tient une craie très-fine &c
très atténuée en di Ablution, pénètre lentement
des cavités pierreufes , elle dépofera cette
fubflance, pour ainfi dire , molécule à molécule,
& ces petits corps fe rapprochant par les furfa-
ces qui fe conviendront le mieux, prendront un
arrangement fymm étriqué & régulier , Se for-
meront des criftaux durs, tranfparens , fembla-
loles à ceux des matières falines; on les défigne
fous le nom de fpa.thscatca.ins. C’eS-là le dernier
degré d’atténuation de la craie , l’état où elle
ed: le plus éloignée de fon origine animale , &
dans lequel elle refl'emble le plus à un véritable
fel.
Ces paffages fi variés & fi nombreux de la
fubflance crétacée , dont la confjdération four-
nit de fi grandes vues au naturalise, fur l anti-
quité du globe, fur fes altérations , fur l’empira
4
d’Hist. Nat. et de Chimie:
0u règne animal, qui conftitue une grande
partie de fa furface Sz. de fes couches externes 9
ne préfentent cependant aux yeux du chimifte
qu’une feule matière femblable à elle-meme , un
feu! & unique fel neutre , formé de chaux Sc
d’acide carbonique. Nous allons le conûderer
fous ce double point de vue.
g. I. thjloire naturelle des fubjlances calcaires ( i ),
Avant d’entrer dans le detail des matières
calcaires , il eft bon de jetter un coup- d’œil
général fur leur difpohtion dans le globe. Ces
fuflances forment des couches plus ou moins
étendues, horifontales ou inclinées, qui portent
manifeftement l’empreinte de l’a&ion des eaux.
Ces couches compofent des montagnes entières s
des collines , &c. & forment une grande partie
de l’écorce du globe. Elles attellent que les
eaux de la mer ont recouvert notre terre, ôe
y ont dépofé une immenfe quantité de dépouilles
(i) Quoique dans l’hifioire des terres &des pierres;
nous ayons déjà préfenté des divifions méthodiques des
matières calcaires rangées ordinairement dans cette ciaflV
par' les naturalises , nous croyons devoir offrir dans
cet article de nouvelles divifions fur ces matières , parce
qu’elles font relatives à d’autres confédérations que celles;'
qui ont guidé les métljodifles dans leurs travaux,
/
M4 E L É M E N S
de Tes habitans. Les eaux, en fe filtrant à travers
ces maffes calcaires, en entraînent des portions
& vont les difiribuer plus profondément dans
les cavités fouîerraines , fous les différentes
formes que nous allons examiner. Leurs carac-
tères généraux donnés par les naturalises , &
très-propres à les faire dilfinguer, font tirés de
deux propriétés remarquables ; elles n’étincèlent
point fous le briquet , & elles font effervef-
cence avec les acides. Comme d’après ce que
nous avons dit , la forme de ces matières cal-
caires efi affez multipliée , il eft indifpenfable de
les divifer en plufieurs genres. Nous en recon^
noiffons fix (i).
Genre I. Terres et Pierres
CO QU I LLIERES.
Ces fubftances ont été rangées parmi les pier-
res , parce qu’elles n’ont ni faveur, ni diffolu-
biliré apparentes ; mais leur analyfe démontre
qu’elles font véritablement falines , ainfi que
(i) On fera peut-être étonné de trouver de nouvelles
tSvifions de genres dans l’hifioire d’une forte defel ; mais
on doit obferver que ces genres ne font que relatifs à
l’hiftoire naturelle , & qu’ils doivent en effet être rap-
portés à î’efpcce de fel neutre dont nous examinons-
les propriétés chimiques.
*
d’Hist. Nat. et de Chimie; i$f
tous les autres genres fuivans. On les recon-
noît à la forme organique ; fouvent les coquilles
y font encore tout entières , &; la pierre n’eft
qu’un amas de ces corps organifés ; quelque-
fois même elles ont confervé une partie de leurs
couleurs. Il arrive aufîi qu’on trouve de ces
animaux, dont les analogues n’exiftent plus
vivans dans l’intérieur des mers, tels que plu-
lieurs efpèces de cornes d’Ammon Si de Nauti-
les en général. Il exifte au contraire en Europe
en France des coquilles fofïiles dont on con-
noîtles individus analogues vivans en Amérique.
Quelques paturaliftes ont fait des divifions très-
étendues des coquilles foftiles; mais comme elles
font femblables à celles de ces animaux vivans,
nous en traiterons ailleurs. 11 exifte auiïi parmi
les débris foftites des animaux marins , des corps
dont la forme & l’organifation ne peuvent être
en aucune manière rapportées à aucun habitant
connu de la mer. Quoique nous n’ayons point
encore d’Otivrage complet fur les animaux fof-
files , & quoique cette partie de l’Hiftoire Na-
turelle n’ait pas été traitée avec autant de foin
de précifion que la minéralogie , les defcrip-
tions d’un affez grand nombre de ces corps fufti-
fent pour prouver qu’il a exifté dans les mers
des animaux dont l’efpècea été détruite.
Lorlque les corps fofliles calcaires paroiftent
H l é m e n s.
manifeftement avoir appartenu à des animant
connus , on leur donne alors un nom relatif à leur
origine, & formé ordinairement de celui de la
cl a (Te d’animatix à laquelle ils appartiennent, en
ajoutant un mot qui défigne leur état pierreux,
tel eft celui de madréporites , &c. mais il faut
obferver que les os de l’homme , des quadru-
pèdes , des oifeaux , des poiffons qui ont été
enfouis dans la terre ,&£ qu’on connoît auffi fous
le nom de fofliles, ne font point de nature cré-
tacée ; ils confervent leur caraéïère de phofphate
calcaire; ainfi, les ornitholithes ; les iehrhyo-
lithes , &c. ne doivent point être rangées parmi
les fubftances crétacées.
Dans la defcription des fubftances organiques
foffiles dont on ne connoît pas l’origine , on leur
a donné des noms particuliers pris de leur forme.
Telles font les pierres judaïques , que quelques
perfonnes croient être des pointes d’ourfms ;
les pierres numifmales ou liards de Saint-Pierre ,
femblsbles à des pièces de monnoie , & qui ne
paroifient être que des petites cornes d’Am-
mon appliquées les unes fur les autres ; le
bé^oard fojjiïe , efpèces de maffe arrondie ou de
concrétion par coucher concentriques ; le Indus
Jielrnontii , dont les aéroles femblent avoir été
formées par la retraite Ôc le deftechement d’une
matière terreufe, molle , & remplies par de la
ir
d’Hist. Nat. et de Chimie. 15^
terre calcaire; les trothites , entrcques 6c aftroi-
tes qui proviennent d’un zoophyte nommé
palmier marin ; les pifolites , oolites ou me comtes ,
que l’on croit être des œufs de poillons ou
d’infeûes pétrifiés , mais dont la véritable origine
efi: inconnue.
I Comme on rapportoit auiïi à ce genre de
pierres vraiment calcaires toutes les lubflances
pétrifiées 9 à quelques animaux qu’elles euffent
appartenu , on conncît en hifloire naturelle des
gammarolites , des cancrites , des entomolues , des
amphibiolites , des ^oolites , des aneropoliees. Mais
I depuis les nouvelles découvertes fur les os, ces
matières ne doivent plus être rapportées à la
craie , ainfi que nous l’avons déjà- expofé ; il
en efl de même des glojjop'etres ou dents de requins
pétrifiées , de l 'ivoire ou uniccrnu fojjile , .qui vient
des dents d’éléphans ; des turquoifes ou dès os
çolcrès en vert & en bleu ; des crapaudines , pier-
res grifes ou jaunâtres 6c creufes , qui , d’après
Jufiieu . font les couronnes des dents mo-
M !»
laires du poiflbn du Bréfil , appelle Grondeur ;
des yeux de ferpens qui appartiennent, fuivant
ce naturalise , aux dents incifives du mêm£
poifîon.
D’après ces détails > ce genre peut-être réduit
a deux lortes fous lefquelles on pourra com-
prendre toutes l$s priées po£&.ble^
E L JE M a N s.'
*58
Sortes.
1. Coquilles entières ou fofïiles.
On y diftingue différentes nuances d’altéra-
tions, pour les couleurs, le brillant , la dure-
té, &c. Il faut y comprendre les madrépores
& toutes les habitations calcaires de polypes
dans l’érat de fofïiles.
2. Falun ou cron.
Coquilles brifées & fous la forme de terre;
le fol d’une partie de la Touraine & de plu-
fieurs autres provinces de la France eft entiè-
rement de cette nature. On emploie ces terres
comme un très-bun engrais.
Genre 1 1. Ter re s et Pierres ;
CA L C AI RE S.
Elles font formées par les matières du pre-
mier genre ufées ôt dépofées par les eaux. On
les trouve difpofécs par couches ou par bancs
dans l’intérieur de la terre. Nous fuivons M. Dau-
. benton dans la diftinûion des différentes fortes»
Sortes.
1. Terre calcaire compa&e ; craie.
Elle varie par la couleur ôc la fîneffe du grain
on l’emploie à beaucoup d’ufages domefti-
ques.
2. Terre calcaire fpongieufe J moelle de,
pierre.
)
0 A
d’Hist. Nat. et' de Chimie. 159
I Sorte?.
3. Terre calcaire en poudre ; farine, fojjlle .
4. Terre calcaire en bouillie ÿ Lait de Lune.
5 Terre calcaire molle •, tuf.
Il durcit & blanchit en le léchant.
6. Pierre calcaire à gros grains.
Celle d’Arcueil en fournit un exemple. On y
trouve des coquilles à demi-brifées.
7. Pierre calcaire à grain fin.
La pierre de Tonnerre en elt une variété.
Sans entrer dans des détails inutiles, on conçoit
que la couleur, la dureté & les ufages divers
auxquels on emploie ces terres & ces pierres
donnent un grand nombre de variétés qu’on
connoît fous différons noms. En général elles
fervent à faire de la chaux, à la conftruffioa
des édifices , &c. &c.
Genre l.I.I. il I arbre
Les marbres différent des pierres calcaires
proprement dites, par leur dureié un peu plus
confidérable, Comme elles, ils n’étincèlent pas
fous le briquet, ils font effervefcence avec les
acides , & leur caffure eff grenue. Mais leur grain
eft beaucoup plus fin & plus ferré ; leurs cou-
leurs font plus brillantes , & ils prennent un
plus beau poli. Tout le monde connoît les ufages
du marbre dans la fculpture a l’arçhite&ure, 3cc.,
Mo E I É M E N S
pa l’emploie aufïi dans quelques pays pour faire
de la chaux.
Sortes.
f. Lumachelle.
Ce nom a été donné par les italiens à une
jefpèce de marbre formé par des coquilles agglu-
tinées.
2. Brèche.
C’eft un marbre compofé de petites malles
arrondies, liées par un ciment de même nature,
3. Marbre proprement dit.
On n’y trouve ni les coquilles des lumachelles,
ni la compofition en maffes arrondies des brè-
ches; lès taches font irrégulières : il eft l'ouvent
veiné. M. Daubenton divife les marbres par le
nombre & la combinaifon des couleurs, en
comprenant fous la même dénomination les
lumachelles & les brèches.
10. En marbre de fix couleurs : ex. blanc ,
'gris , vert , jaune , rouge & noir ; marbre de
Wirtemberg.
2°. En marbre de deux couleurs : ex. blanc*
gris ; marbre de Carare.
3®. En marbre de trois couleurs : ex. gris,
jaune & noir; lumachelle.
40. En marbre de quatre couleurs : ex. blanc*
gris , jaune, rouge ; brocïïtelle d’Efpagne.
50. En marbre de cinq couleurs : ex. blanc ,
d’Hîst. Nat. Ef de Chimie* 161
Sottes.
gris , jaune , ronge , noiï ; brèche de la vieille
Cafhlle.
4. Marbre figuré.
Il repréfente des ruines comme le marbre de
-Florence , ou des herbes comme celui de HefTe*
On obfervera que les couleurs du marbre dé-
pendent prefque toujours du fer qui a été inter-
pofé entre fes grains ; cette fubftance , quoique
I ufceptible d’un allez beau poli , efl très-poreu-
fe ; tout le rhonde fait qu’il le tache très-facile*
nent ; c’efl lur cette propriété qu’efl fondé Part
Py deiîiner de s fleurs , & de les teindre de beau-
oup de cou’eurs variées*
Souvent le marbre eft mêlé de quelques frag-
iens de pierre dure, telles que le quartz, le
lex i alors la partie qui contient ces frapriens
mit feu avec le briquet ; j’ai trouvé fréquemment
e; caractère dans piufieurs efpèaes de marbre
coir.
Genre IV. Concrétions ,
Les concrétions font formées irrégulièrement 9
ir un dépôt plus ou moins ient , ne la matière
Jcaire châtiée pat les eaux , à la fut face d’un
,rps quelconque. Elles ne font point difpoléei
Tome IL •« l
i6z E L É M E N S
par grandes couches , mais par fragmens en maffes
d’abord ifo'ées , qui peu-à-peu fe rapprochent ÔC
fe confondent en augm entant d’étendue.
Sortes.
1. Incruftations.
Les eaux très-charg es de cra:e les dépofent à la
furface de tous les corps far lefquels elles cou-
lent; les incruftations peuvent donc avoir toutes
les formes poffibles , fuivant les f.ibftances qui
leur ont fervi de noyaux. Telles font celles des
eaux d’Arcueil ; telle eft l’oftéocolle , &c.
2. Stala&ites.
Elles font formées lentement & par couches
concentriques, dépofées par les eaux, aux voû-
tes des cavernes, &c. Elles diffèrent entr’elles
par la grofEur, la tranfparence ou l’opacité , le
grain , la couleur , la rorme. Elles font en géné-
ral pyramidales & creufes. Le jlos ferri eff la
plus pure de toutes. Lorfqu’elles font collées le
long des parois des cavités fouterreines , on les
nomme congélations : dépofées fur le, fol, elles
portent le nom de flalagmitcs •
3. Albâtre.
L’albâtre paroît fermé par les ftala&ites les
plus pures, enfouies pendant long'tems. Il eft
moins dur que le marbre; lor qu’il eft poli, fa
furface paroi: graffe & huüeufe. I eft manifefte-
ment compofé de couches qui ont différentes di-
d’Hist. Nat. Et de Chimie: ‘ïëy
redions. Il a toujours une îranfparence, plus ou
moins grande, qui le diflingue des marbres;
mais elle n’égale jamais celle de quelques fpaths.
L’albâtre a d’ailleurs tous les caraûères des pier-
res calcaires. On en fait des vafes 6c des ftatues»
On peut en diftinguer beaucoup de variétés.
,\ ariètés.
1. Albâtre Oriental.
C’eft le plus tranfparent & le plus dur.
2. Albâtre occidental.
Il eft moins beau 6c moins pur que le précé-
dent.
3. Albâtre taché de différentes couleurs.
4. Albâtre ondé.
On l’appelle auiTi albâtre d’agate.
s. Albâtre fleuri.
1 J '
Il préfente des efpèces d’herborifations.'
Genre V. Spath calcaire f
Le fpath calcaire diffère des quatre genres pré4’’
cédens par fa forme le plus fouvent régulière
& fur-tout par fa calibre. Il eft formé de lames
appliquées les unes fur les autres , & très-appa-
rentes dans fa fra&ure, Il s'égrène par le Conrad
du briquet,
. Lij
l
E L £ M E N 5
$64
Sortes.
1. Spath calcaire opaque.
Il eft blanc ou coloré de diverfes manières ;
il efl ordinairement formé de lames rhomboï-
dales.
2. Spath calcaire rhomboïdal obtus ; cryftal
d’iflande.
Il double les objets. C’eft fouvent un fragment
artificiel.
''1
3. Spath calcaire lenticulaire.
M. Rome de Lille le croit une variété dufpath
prifmatique hexaèdre , terminé par deux pyra-
mides triangulaires obtufes , placées en fens con-
traire. Mais c’efl réellement la variété précé-
dente arrondie dans fes ang'es folides.
4. Spath calcaire prifmatique fans pyrami-
des,
1
Ce font des prifmes hexaèdres purs , dont les
pans font égaux ou inégaux, & dont quelquefois
les angles font coupés, de forte qu’ds forment
des prifmes à douze faces ; ce qui donne trois
Variétés,
5. Spath calcaire en prifmes terminés par
deux pyramides.
11 y a un afftz grand nombre de variétés de ce
fpath, Quelques-unes font des prifmes à fixpans,
terminés par des pyramides hexaèdres , ou en-
tières, ou incomplettes; D’autres préfentent , à
d’Hist. Nat, et de Chimie.
ï6S
Sortes.
l’extrémité des mêmes prifmes à fix pans , des
pyramides trièdres , entières ou incomplettes ,
ou des fommets dièdres. Enfin, il en efl dont les
prifmes quadrangulaires font terminés par des
fommets dièdres. On y compte , lorfqu’il efl ré-
gulier , 18 facettes crapézoïdes.
6. Spath calcaire pyramidal, ou à douze
triangles.
Celui-ci eft formé d’une ou de deux pyramides
réunies fans prifme intermédiaire. La forme
hexaèdre ou triangulaire de ces pyramides , l’i-
négalité de leurs faces , leurs angles fouvent
tronqués établirent un grand nombre de varié-
tés (i).
(i) Si l’on veut prendre une idée des variétés de forme
que l’on peut diftinguer dans les fpaths , & du grand
nombre d’efpèces que l’on pourroit en faire , fi l’on avoit
égard à ces nuances de forme , on peut confulter l’Ou-
vrage anglois de M. Hill , qui a pour titre : The Hijlory
of fojjîls , containing the hijlory of metals , and gems , &c.
London , 1748, in fol. cum tab. tzneis. M. Romé de
Lille en a donné un extrait dans la première édition de
fa Cryftallographie , page 131 & fuiv. page 191 & fuiv..
relativement au fparh calcaire & au cryflal de roche. Il
démontre que la méthode de M. Hill efl défeéfueufe 3
embarrafl'ante , &c.
Liij
E L É M E N S
i 66
Sortes.
7. Spath calcaire dodécaèdre.
Cette variété eft formée de douze faces pen-
tagones ftriées en fens inverfe : quand il eft petit,
on le nomme fpath en tête de clous.
8. Spath calcaire en (tries.
C’eft un amas de longs prifmes ralîemblés en
faifceaux, &c qui ne préfentent point de forme
régulière qu’il foit pofiib'e de déterminer. Le
lapis fuijlus des Suédois appartient à cette forte.
*
§• II. Propriétés chimiques du carbonate calcaire .
Comme les propriétés chimiques tiennent à la
combinaifon ou aux principes des corps, il faut
donner à çeux-ci des noms qui expriment leur
nature; d’après cette confidération , les diverfes
matières calcaires que nous avons défignées doi-
vent être confondues chimiquement fous la dé-
nomination de carbonate calcaire : c’e(t fur le
fpath calcaire le plus tranfparent ou fur le mar-
bre blanc pur , que l’on doit faire les expériences
qui établiffent les propriétés de ce fel terreux.
Pour foumettre du carbonate calcaire à l’ana-
lyfç , il faut en détruire l’aggrégation en le ré-
duifant en poudre. Sous çette forme , il eÜ blanc
6c opaque ; il n’a pas de faveur marquée , ce-
pendant il reiferre un peu les fibres du palais &:
d’Hist. Nat. it de Chimie: 167
He la langue , lorfqu’on le tient pendant quelque
tems dans la bouche.
Ce fel terreux, expofé à Pa&ion du feu , perd
fon acide 6c fon eau de criftalhiation. Si on le
chauffe brufquenient , il décrépite 6c perd fa
tranfparence. En le diffiilant dans une cornue,
on en retire de l’eau & beaucoup décide car-
bonique gazeux ; mais il faut une chaleur con-
fidérable pour dégager ce dernier. Après cette
opération, la matière calcaire eft réduite à l’état
de chaux vive ; on peut réformer ce fel eu
combinant cette dernière avec i’aclde qu’on a
obtenu de fa décompofition. La difliliation de
la craie , qui ne différé du fpath calcaire que
par fon peu de cohérence & fon opacité , a été
faite par M. Jacquin. M. de la Rochefou-
cauîd , qui i’a répétée avec beaucoup de foin ,
a obfervé que les cornues de grès laiffoient échap-
per une partie de l’acide carbonique aériforme,
M. Prieftley a conffaté ce fait par plufieurs ex-
périences très-exaèles. On peut fe fervir d’une
cornue de fer , ou d’un canon de fufil , mais on
obtient toujours un peu de gaz inflammable ou
hydrogène produit par l’aélion de l’eau conte-
nue dans la craie fur le fer.
Le carbonate calcaire 3 expofé à un grand feu
dans des creufets d’asgile , eft fufceptible de fe
Liv
I 68 E L I M E N S
fondre en verre autour des parois de ce vaifTeau,
■ M. d’Arcet en a fondu plufieurs fortes en un
verre tranfparent marqué de quelques taches ;
mais comme Macquer a obfervé que ce fel ter-
reux n’a point été fondu au foyer de la lentille
de M, de Truda;ne, on ne peut dourer que la
fuffion obtenue par M. d’Arcet ne fût due à l’ar-
gile des creufets,
Le carbonate calcaire n’eft point ahérab'e par
l’air pur. Mais le contad vie Patent fphère humi-
de , joint aux rayons du (o'eil , lui fait perdre fa
trafd'parençe 6c la cohv.fi on de les lames. Sa
furface prend «es couleurs de l’iris , s’oblçurcit
& fe délite peu -à -peu»
Il ne pare il pas ditîpluble dans l’eau. La craie,
que l’art ne parvient pas plus à didoudre dans
çe fj tée pur que le carbonate calcaire , ed ce-
pendant tenue en difîolution par les eaux qui
coulent à travers ces fubdançes ; quelques-unes
même en contiennent une quantité notable,
Telles font celles d’Arcueil aux environs de Pa-?
ris; elles font chargées d’une affez grande quan-'
tiré de craie pour incruder, en quelques mois,
les corps plongés dans les canaux qu’elles par*
courent. Les eaux des bains de Saint Philippe
en Italie font tellement chargées de cette fubf-
tançe , qu’elles en dépolent des couches de prés
4’uq demhpQUçe d’épaifTeur dans l’eipace d§
d’Hist. Nat. et de Chimie. *$9
quelques jours. On profite de cette propriété
pour y former des tableaux & des figures ; on
y plonge des moules creux à la furface inté-
rieure defquels ces eaux dépofent la craie quel-
les contiennent.
Le carbonate calcaire aide la vitrification de
quelques fubflances terreufes & pierreufes ; mele
avec la terre filicée , il la fait entrer en fufion,
lorfque cette dernière efl dans la proportion d un
tiers ou d’un quart.
Ce fel, mêlé par la nature avec une terre ar-
gileufe , forme une matière terreufe , mixte ,
que les naturalises & les cultivateurs défignent
fous le nom de marne. Cette fubSance , qui offre
un grand nombre de variétés différentes par la
couleur, la denfité, &c. fe fond à un grand
feu en un verre d’un jaune verdâtre ; on l’em-
ploie avec beaucoup de fuccès pour ameublir
les terres Sc pour les fertilifer,
La baryte & la magnélîe n’ont aucune aftion
fur le carbonate calcaire par la voie humide } l’a-
cide carbonique adhère plus fortement à la chaux
qu’à ces deux fubftances falino-terreufes ; mais
le carbonate calcaire, traité au feu avec ces ter-
res alcalines, forme avec eiles des combinaifons
Vitreufes. M. Achard a fait une grande fuite d’ex-
périences fur tous ces mélanges par la vitrifîca-
170 E L É M E K S
tion ; les détails en font confignés dans le Journal
de Phyfique.
Les alcalis fixes & l’ammoniaque n’altèrent
point le carbonate calcaire , parce que l’acide
carbonique a plus d’affinité avec la chaux que
n’en ont ces fels.
Les acides fulfurique, nitrique, muriatique
& ffiiorique le décompofent en lui en'evant fa
bafe , & en dégageant l’acide carbonique. Si l’on
verfe de l’acide fulfurique fur du carbonate cal-
caire , il s’excite un bouillonnement dû au dé-
gagement de l’acide carbonique fous la forme
gazeufe. Les naturalises fe fervent avec avau*,
tage de ce caradère chimique pour diftinguer
toutes les fubftances calcaires. On peut faire , à
l’aide des acides, une analyfe exade du carbo-
nate calcaire. Pour cela , on verfe de l’acide ful-
furique fur ce fel réduit en poudre. L’effervefi-
cence violente qui fe produit dans l’inftant du
mélange indique la féparat'on de l’acide* carbo-
nique , que l’on peut obtenir &z mefurer en le
recevant, à l’aide d’un fyphon , dans des cloches
remplies de mercure. L’effiervefcence efi accom-
pagnée de froid , à caufe de la volatilifaticn de
l’acide. Lorfqu’elle efi: finie, fi l’on examine la
nouvelle combinaifon , on trouve que c’efi: du
fiulfate calcaire, formé par l’acide fulfurique uni
à la chaux , qui faifoit la bafe du premier feb
d’Hist. Nat. et de Chimie. 171
Des expériences nouvelles ont appris cjue quel-
ques-uns de ces fpaîhs contiennent un peu de
roagtaéfie, & donnent du fulfate de magnefie,
lorfqu’on les diffout par l’acide fulfurique. L a-
cide nitrique que les naturaliftes emploient ordi-
nairement dans leurs efifais produit la meme efFer-
vefcence fur le carbonate calcaire ; il en dégagé
l’acide carbonique forme du nitrate calcaire
avec fa bafe.
L’acide muriatique fépare de même avec effer-
vefcence violente l’acide du carbonate calcaire ,
& donne du muriate de chaux en fe combinant
avec fa bafe.
L’acide fluorique le décompofe de même , &
forme du fluate calcaire avec fa bafe.
L’acide boracique ne décompofe point à froid
le carbonate calcaire } mais il produit une efter-
vefcence lorfqu’on le fait chauffer en le mêlant
avec de la craie en poudre , & en délayant dans
ce mélange fuffifanîe quantité d’eau.
L’acide carbonique a la propriété de donner
de la folubilité au carbonate de chaux ou à
toutes les matières calcaires en général. Nous
avons déjà vu , à l’article de cet acide , qu’il
précipite l’eau de chaux en craie, & qu’il la re-
diiïout fi on en ajoute plus qu’il n’en faut pour
cette précipitation. L’eau chargée d’acide carbo-
nique qui féjourne fur du carbonate ca’ caire en
17* E L É M E N S
poudre, fe charge peu à-pcu d’une certaine quan-
tité de ce Tel neutre terreux. Plufieurs eaux con-
tiennent auffi de la craie àla faveur de Ton acide;
mais toutes ces diffo’utions (ont peu durables.
Lor (qu’on les expofe à l’air , elles fe troublent
peu-à-peu , 6c la craie fe piécipite à mefure que
l’acide carbonique fe diflipe. Cet effet e(l beau-
coup plus rapide par l’o&ion de la chaleur; c'eft
pour cela qu’on emploie avec fuccès l’ébullition
pour corriger les eaux chargées de craie, qui
font dures & crues, (ans cette précaution.
Comme c’eft prefque toujours en raifen de
l’acide carbonique que les eaux tiennent de la
craie endiüolut-ion , on coi çoir que ce fel terreux
doitfe précipiter lorfque l’ac'de s’évapore; telle
efl la caufe des dépôts calcaires 6c des incrus-
tations qui fe forment dans les fontaines , autour
des canaux que l’eau parcourt, ainfi qu’on l’eb*
fervepour celles d’Arçueil 6c des bains de Saint-
Philippe en Italie. Lorfque l’hiftoire naturelle
n’étoit point encore éclairée par la chimie, on
don noir le nom de fontaines pénifiantes à celles
qui préfentoient ces dépôts , oc la fuper (lition
des peuples les comptoir au nombre des mira-
cles.
Le carbonate calcaire n’a aucune a&îon fur les
fels n.utres à bafe d’alcalis fixes. Il décompofe
les fcls ammoniacaux. On obtient d’une part un
v
d’Hîst. Nat. .-et te Chimie. 17$
fel calcaire formé par l’acide des fels ammo-
niacaux 6c la chaux , & de l’autre part , du car-
bonate ammoniacal , réfultant de la combi-
naifonde l’acide carbonique avec l’ammoniaque.
On fait cette opération en d iffillanr dans une
cornue de grès un mélange/d’une livre de fel
ammoniac & de deux livres de craie , ou bien
de fpa:h calcaire en poudre. On a foin d’em-
ployer ces deux fubflances b. en sèches. On
adapte à la cornue un ballon avec une allonge ,
ou mieux encore une cucurbite de verre ou de
grès. On donne le feu par degrés jufqu’à faire
rougir le fond de la cornue , & l’on refroidit
le récipient avec des linges mouillés, eu un filet
d’eau froide dont l’écoulement efl entretenu
pendant toute l’opération. Il paffe des vapeurs
blanches, qui fe condenfent en criftaux très-
blancs & très-purs fur les parois du récipient^
C’eft le carbonate ammoniacal : il parok que
c’efl par ce procédé qu’on le prépare en grand
à Londres , d’oîi il éioit envoyé autrefois dans
toute l’Europe, fous le nom de fl volatil d' An-
gleterre ; aujourd’hui on fait préparer ce fel par-
tout. Le réfidu de cette opération efl du muriate
calcaire avec excès de chaux , ordinairement fon-
du, lorfqu’on a donné un bon coup de feu fur
la fin de l’opération.
Les ufages du fpath & des matières calcaires
1 74 E L É M E N S
en général font fort étendus , ainlî que nous
l’avons déjà fait obferver en traitant de leur
hiftoire naturelle* Mais un des plus importans ,
eft la préparation qu’on leur fait fubir pour les
changer en chaux. L’art du chaufournier con-
fiée à décompofer les matières calcaires par
l’aétion du feu , & à leur enlever leur acide. Les
pierres chargées de coquilles, les marbres, &
la plupart des fpaths calcaires font celles de ces
fubftances qui donnent la meilleure chaux. Ce-
pendant on fe fertplus communément, fur-tout
aux environs de Paris , d’une efpèce de pierre
calcaire dure , que l*on nomme pierre à chaux .
On arrange ces pierres dans une efpèce de four
ou de tourelle , de manière qu’elles forment une
voûte; on allume fous cette voûte un feu de
fagots , que l’on continue jufqu’à ce qu’il s’élève
une flamme vive , fans fumée , à environ dix
pieds au-deffus du four , & jufqu’à ce que les
pierres foient dune grande blancheur. On com-
mence aujourd’hui à fe fervir aux environs de
Paris de charbon de terre & de tourbe pour la
cuiffon de la chaux.
Pour que la chaux foit bonne , elle doit être
dure , fonore , s’échauffer promptement & for-
tement avec l’eau , & donner une fumée épaiffe
dans fon extin&ion. Si elle n’a pas été affez cal-
cinée, elle eft moins fonore , & elle ne s’échaude
d’Hist. Nat. et de Chimie. 175
que peu 6c lentement avec l’eau ; fi elle l’a été
trop, elle efi à demi- vitrifiée ; elle rend, lorf-
qu’on la frappe, un fon trop clair; 6c elle ne
peut plus s’unir facilement avec l’eau. Les chau-
fourniers la nomment alors chaux brûlée . Nous
ne parlerons pas des ufages de la chaux , parce
que nous en avons traité dans i’hilloire de cette
fubfiance pure.
Nous ajouterons ici que le carbonate calcaire
qui fe trouve mêlé en irès-petiis fragmens avec
le fulfate calcaire eu le gypfe , 8c qui efi: dé-
pofé dans les montagnes par grandes couches
ordinairement régulières, fiparées par des bancs
de glaife & de marne , comme on l’obferve dans
tous les environs de Paris, confiitue la pierre à
plâtre la plus utile pour la bâtifie. Quoique nous
ayons déjà parlé de cet objet à l’article du fulfate
calcaire, nous croyons devoir y revenir encore
ici , ÔC entrer dans un aflez grand détail , pour
fuppléer à cet égard à ce qui manque dans tous
les ôuvrages d’hiftoire naturelle Sc de chimie.
Nous devons d’abord r< ppeller que le füifaie
calcaire pur ne donne par la ca'ciiiation que du
plâtre fin , qui ne fait qu’une pâle incohérente
avec l’eau, 6c que l’on emploie pour couler
des fiatues ; tout le monda fait que cette pâte
defiechée efi très-çaffante 6c n’a aucune tena-
I76 ËLÉMENS
cité , qu’elle fe brile au moindre effort ; ceîat
dépend de ce que cette matière la'ine , en re-
prenant l’eau qu’elle a perdue par la calcina-
tion, forme une maffe égale 6c homogène dans
toutes les parties. 11 n’en eft pas de même du
plâtre propre à bâtir. La pierre qui le fournit
à Montmartre 6c daiià tous les endroits qui
contiennent ce minéral , eli utie forte de brèche
formée de très-paits crydaux grenus de fulfate
de chaux , 6i de âmes très-tenues de carbonate
calcaire; on y reconnoît la j.réfence de ce der-
nier en mettant une goutte d’acice nitrique fur
la pierre ; il le produit une vive effervefcence
due au dégagement de l’acide caibonique ; en
,faifant uhioudre un poids donné de pierre à
plâtre de Montmartre dans fufHfante quantité
d’eau-forte, tout le carbonate calcaire eft dé-
compofé à mefure que la chaux s’unit à l’acide
nitrique , 6c il ne relie plus que le fwlfate ca caire
qui eit inioiuble dans cet acide ^ on trouve par
cette expérience que le carbonate calcaire varie
en proportion dans les différentes pierres à plâ-
tre , 6c que dans la meilleure il fait plus du
tiers de fa maffe.
Ce point une fois bien démontré fur la na-
ture mélangée de la pierre à plâtre , il efl fort
aifc de concevoir les phénomènes que prélente
1«
d’Hist. Ntaty êt de Chimie. 177
le plâtre à bâtir clans fa cuiffon , dans Ton ex-
tin&ion &c dans fon endurciilemenr. Quand on
cuit ce fel terreux, le fulfate calcaire qu’il con-
tient perd fon çau de criftallifaîion &c devient
friable , le carbonate calcaire perd fon acide &
paffe à l’état de chaux; d’après cela le plâtre bien
cuit eft âcre & alcalin , il verdit le fyrop de
violettes , il s’échauffe avec les acides fans
faire d’effervefcence, il perd (fa force à l’air, à
mefure que la chaux vive qui’il contient s’éteint
en attirant l’acide carbonique & l’eau de l’atmof
phère; il abforhe l’eau avec chaleur ^ quand on
le gâche; quant à la folidité qu’il prend très-
promptement comme tout le monde le fait,
cette propriété eft l’inverfe de celle de la chaux
pure , elle eft due à ce que la chaux vive ayant
d’abord abforbé l’eau qui lui eft néceffaire pour
fon exiin&ion , le fulfate calcaire qui eft inter-
pofé entre fes molécules en attire une portion ,
& fe crifta'lifant fubitement , produit l’effet du
fable ou du ciment dans le mortier, en liant êk.
en accrochant , pour ainft dire , enfemble les
parcelles calcaires.
On connoît enfin , d’après cette théorie ,
pourquoi le plâtre fe conferve bien par la
chaleur & la féchereffe , tandis qu’il fe dé-
truit & s’enlève promptement par l’humidité.
Les deux principes falins & foîubles dans
Tome II, M
178 E L É M E N S
l’eau qui le conftituent font la caufe de ceâ
phénomènes.
fil— BlüJiM— ■ nm M— !
CHAPITRE VIII.
Genre IV. neutres a base d£
MAGNESIE OU SELS MAGNESIENS .
On a déjà vu dans l’hiftoire des acides que la
magnéfie fe combine très-bien avec ces fels,
qu’elle forme dans ces combinaifons des fels
neutres diffiérens de ceux que conftituent tou-
tes les autres bafes. Ces fels ne font pas encore
entièrement connus, Sc ils n’ont point été l’objet
des recherches de beaucoup de chitniftes. Le
célèbre M. Black eft le premier qui les ait bien
diftingués ; on les confondoit avant lui avec les
fels à bafe terreufe en général.
Les fels magnéfiens ont des caractères géné-
riques qui les difîinguent; ils font prefque tous 1
amers & falés, la plupart criftallifent réguliè- 1
rement quoique difficilement ; la plupart font £
très-folubles dans Feau , quelques-uns attirent
snême l'humidité de l’air; ils font plus décorn-
pofables que les fels ammoniacaux &: calcaires ,
iis cèdent leurs acides à la baryte , à la
chaux , aux deux alcalis fixes , ôc en partie à
1
d'Hist. Nat. et de Chimie; 1791
l’ammoniaque ; cette dernière fubftance reffe
en partie unie aux acides en même-temps que
la magnefle , & forme alors des fels triples
ammoniaco-magnéfiens.
Nous examinerons dans ce chapitre fix de
ces fels , favoir le fulfate m3gnéfien ou le fel
d’Epfom , le nitrate magnéfien , le inuriate
magnefien, le borate magnéfien, le fluate ma->
gnéfien & le carbonate magnéfien.
Sorte I. Sulfate de magnésie ou Sel d’Epsom.
Le fel neutre formé par l’acide fulftirique uni
à la magnéfie a été appell éfeUEpfom, à raifon
du lieu d’oii on le droit autrefois en plus grande
quantité : c’eft une fontaine d’Angleterre. Il
exifte encore dans les eaux d’Egra, de Sedlitz,
de Seydfchutz. Son véritable nom efl fulfate de
magnifie ou fulfate magnéfien .
Ce fel a une faveur très -amère, auffi ]UJ
a-t-on donné le nom de fel cathar clique- amer . H
eft dans le commerce fous la forme de très-
petites aiguilles terminées par des pyramides
fort aigues ; dans cet état il reffemble affez au
fulfate de foude ou fel de Glauber , mais fit
faveur eft plus amère, il ne s’effleurit point à
l’air , & fa criftallifation ett bien différente lorf-
qu’elfe eft très - régulière ; on l’obtient en le
îaiffant criftallifer fpontanément fous la formg
M ij
ïSo É L É M E N 5
de beaux prifmes quadrangulaires , terminés par
des pyramides également quadrangulaires ; les
faces de fes prifmes & de fes pyramides font
lifl’es & fans canelures , & fes criltaux font en
général plus courts & plus gros que ceux du
fulfate de foude; d’ailleurs toutes fes autres pro-
priétés le diflinguent de ce fel neutre parfait ,
comme on va le voir.
Le fulfate de magnéfie retient allez d’eau de,
criftallifation pour être en état d'éprouver ,
comme le fulfate de foude & le borax, la liqué-
faction aqueufe. Il fe fond à la plus légère cha-
leur ; il fe prend en une malle informe par
le refroidiflement. Lorfqu’on le lailfe fur le feu,
après qu’il a éprouvé la liquéfaction aqueufe ,
il fe defsèche en une malfe blanche , friable ,
qui n’eli que le fel privé de fon eau de crif-
taliifation, &: dont la nature n’a point changé.
Il faut un feu extrême pour faire éprouver une
véritable fufion ignée au fulfate magnéfien del-
féché. Ce fel contient près de la moitié de fon
poids d’eau de criftallifation.
Macquer & plulieurs chimides ont dit qu’il
s’humeCte légèrement à l’air , &: que cette pro-
priété peut fervir à le faire diltinguer du fulfate
de foude qui s’y edleurit. Mais Bergman annonce,
au contraire, qu’expofé à un air fec , le fulfate
magnéfien perd d’abord fa tranfparence , &
d’Hist* Nat. et de Chimie. 181
fe réduit à la fin en une poudre blanche ; & il
avance que celui qu’on vend en petites aiguilles
efi humide &c déliquefcent à caufe du muriate de
magnéfie qu’il contient. M. Butini , citoyen de
Genève, à qui l’on doit de fort bonnes recher-
ches fur la magnéfie , dit avoir trouvé dans le
fel d’Epfom d’Angletterre du fulfate de foude
ou fel de Glauber , auquel on pourroit attribuer
cette efilorefcence ; mais le fulfate de magnéfie
bien purifié quoique perdant un peu de fa trans-
parence à l’air , n’eft point à beaucoup, près
efflorefeent comme le fulfate de foude , qui fe
réduit entièrement en poufiîère au bout d’un
certain tems.
Le fulfate de magnéfie eft fi diffoluble dans
l’eau, qu’il ne demande pas deux parties de ce
fluide froid pour être tenu en diffolution, & que
l’eau chaude- peut en difloudre près du doufi^
de fon poids. Il fe crifiallife par le refroïdÿW^-'
ment; mais pour l’avoir très-régulier, i'l! fh'iiJt
Iaiffer évaporer fpontanément une difioîution'jde
ce fel faite àê froid.
Ce fel n’ë prouve aucune alteration de la part
des terres: fiiicéé &: alumineufe. •
La baryte le clécompofè- parce qu’elle a plus
aL’affinité avec l’acide fifi’füri'que que n’en a la
«magnéfie." s ■ v • ' ", i
La chaux le déçompofe par la meme raifoni
-M iij
ïSl Ê L É M T. N S.
Si l’on met un peu de fulfate de magnéfie dans
de l’eau de chaux, ou fi l’on verfe cette dernière
dans une diffoîution de ce Tel , il fe forme un
précipité dû à la magncfie & au fulfate calcaire.
Cette précipitation effc un caractère $ur pour
diûinguer le fulfate magnéfien de celui de
foude.
Les alcalis fixes purs décompo.fent aufii le
fulfate de magnéfie. L’ammoniaque cauftique
ayant la même propriété , tandis qu’elle ne dé-
compofe pas le fulfate calcaire , il efi démontré
que ce fêla p1us'drafifiraté avec l’acide fulfurique
que n’en a la magncfie , & qu’il en a moins que
la chaux ; il peut donc fervir à faire diftinguer
dans les eaux la préfence du fulfate magnéfien.
C’efi ainfl qu’on obtient par l’ammoniaque cauf-
' tique la magnéfie pjure, dont nous avons fait
^hifloirê au commencement des matières falines.
-ée^gman a vu cependant que l’ammoniaque ne
±pr&ci|)ite point complètement la magnéfie du fel
fd’Epfom , & qu’il y a une partie de ce fel qui
refie fans déccmpofirion. La liqueur après ce
njqlange tient en difTolution du fvdfaîe ammor
niacal & du fulfate magnéfien ; les ichimiftes ont
découvert que ces deux fels formeofr-'enfemble
une efpèce de fel triple , ou compofe d’un acide
&: de deux bafesj mais pour éviter/ l’erreur-,
remarquons que quoique ces Tels fe trouvent
b’Hist. Nat, et de Chimie. 183
dans la même eau, l’un efl formé par Fa ci de
fulfurique uni à l’ammoniaque , & Fautre par
le même acide combiné avec la magnifie ;
tous les deux onr une portion différente d’acideÿ
& ce n’efi pas la même qui adhère en même-
îems aux deux bafes ; mais ces deux fulfates-
ont une affez forte attraûion l’un pour l’autre,,
ils fe criflallifent enfemble , & e’efi: .cette union-
opérée par la crifial'lifation qn’on peut appe-
ler fil triple ou Julfatt ammoniaco - magne*
fun0
On ne connoît pas encore bien l’aéiion du
fulfate magnéfien fur les Tels neutres à bafe
d’alcalis fixes & d?ammoniaque. Il eft probable
qu’il décompoferoit les fels nitriques & muriati-
ques de ces deux genres par une double affinité.
M„ Quatremère Dijonval afïure dans une
lettre à M. de Morveau, (Journal de phyflque,
mai 1780 , vol. XVII , pag. 391 , ) que îorfqu’on
linit une diffolution de fulfate de magnéfie avec
une diffolution de fulfate ammoniacal, il s’opère
une précipitation totale du premier fel fans
décompofition; celui-ci , dit-il , tombe ali fond
du verre fous la forme de criftaux affez gros ,
qu’on peut reconnoître par la faveur , &c. Il
attribue cet effet ù ce que fe fulfate ammoniacal
eft fufceptible de s’emparer de l’eau du fulfate
de magnéfie , qu’il croit être très-cri ftnllifable*
M iv
184 É L É M E N S
Mais c’eft une erreur , puifque le Tel criftallifé
dans cette opération eft un vrai fel triple ou
fu'fate ammoniaco-magnéfien , comme je m’en
fuis affuré par l’expérience.
Quant aux Tels carboniques, il eft certain que
le fulfate magnéfien les décompole, àc qu’il eft
décompofé par eux. Lorlqu’on verfe une dif-
folution de carbonate de potafte ou de foude
dans une diffolution de fulfate de magnéfie , il
y a alors double décompofttion double com-
binailon. L’acide fulfurique du fel d’Epfom s’u-
nit aux alcalis fixes , l’acide carbonique qui
fe fépare de ces derniers fe reporte fur la
magnéfie , forme avec elle un fel neutre ,
connu fous le nom de magnéfie douce ou effer-
vefc&nte , & que nous nommerons carbonate de
magnéfie. C’eft par ce procédé que l’on prépare
la magnéfie douce dont on fait ufage en mé-
decine , comme d’un très -bon purgatif. Nous
décrirons très en détail cette opération à la fin
de ce chapitre.
Une difidùition de fulfate de chaux, mêlée
avec iirçe diffolution de fif faite de magnéfie,
offre la' précipitation de ce dernier, fuivant
M. Dijgnval, quoique ce phénomène foit peu
ftnfible à c,uife de la petite quantité de fulfate
calcaire tenue en diffolution. Le nitrate & le
mnriate calcaires décompofeht auffi le fulfate
d’Hist. Nat. et de Chimie.
cle magnéfie , &: font décompofés en même-
tems par ce Tel ; mais nous ne croyons pas que
l’on puiffe en conclure , avec M. Dijonval ,
que les acides nitrique & muriatique ont plus
d’affinité avec la magnéfie , que n’en a l’acide
fulfurique , pùifque dans ces expériences on doit
nécefiairement tenir compte des attractions élec-
tives doubles.
Bergman dit que le quintal de fulfate de
magnéfie criftallifé contient dix-neuf parties de
magnéfie pure , trente-trois d’acide fulfurique ,
& quarante- huit d’eau.
Le fulfate de magnéfie ou fel d’Epfom efi:
employé en médecine avec beaucoup de fuccès.
C’eft un purgatif fort utile , & qui jouît en
même-temps de la propriété fondante. On le
préfère même aux autres fels purgatifs à caufe
de fa grande diffolubilité. On l’adminiftre , ou
feul , diffious dans l’eau , depuis une once jufqu’à
deux , ou comme adjuvant ,, à la dofe d’un à
deux gros. Il minéralife la plupart des eaux
purgatives naturelles , & fpécialement celles
d’Egra , de Sedlitz , de Seydschutz, mais il y eft
toujours accompagné de muriate de magnéfie.
Sorte II. Nitrate magnésien.
Le nitrate magnéfien appelé jufqu’ici par les
chimifies nitre de magnéfie ou magnéfie mirée %
J 36 Élément
a été examiné par Bergman. Cet ilîuffre chi-
mifte dit que la diffolution de ce fel fait par
Fart , donne après une évaporation convenable
des criftaux prifmatfqites , quadrangulaires , fpa-
thiques, fans pyramides.
Ce fel a une faveur acre & trcs-amère; il fe
décompofe par la chaleur; il attire l’humidité
de l’air. Il efï très-diffoluble dans Feau;on ne
l’obtient criffaliifé que par une évaporation lente;
& r on ne connoît même pas afiez bien les
loix de fa criftaliifation , peur le faire paroître
à volonté feus fa forme régulière , comme
cela a lieu pour un grand nombre d’autres fels.
La baryte , la chaux &c les alcalis fixes le décom-
pofent.
Comme le nitrate magnéfien fe trouve di flous
dans les eaux mères du nitre, M. de Morveau-
a propofé d’en retirer en grand la magnéfie ,
en les précipitant par "l’eau de chaux. Ce pro-
cédé pourroit être très-avantageux par la faci-
lité de fort exécution & le peu de frais qu’il
demande ; mais le même chimifle ayant obfervé
que Beau de chaux récente précipite le nitrate
calcaire bien pur , lorfque celui-ci ne contient
point allez d’eau de diffolution, la magnéfie
qu’on obtiendroit par ce procédé n’auroit point
le degré de pureté convenable à un médicament
aulli mile , fi l’on n’opéroit pas cette précipita-
d’Hist. Nat. et de Chimie; i S7
tion fur des eaux-mères étendues d’une très-
grande quantité de liquide.
L’acide fulfurique 6c l’acide fluorique déga-
gent l’acide du nitrate de magnéfie. L’acide bora-
cique le fépare suffi à l’aide de la chaleur , 6c a
raifon de fa fixité. Telles font les propriétés de
ce fel indiquées par Bergman.
M. Quatremère Dijonval , qui a fait des re-
cherches fur 1 plu fieurs combinaifons de la ma-4
gnéfie, a trouvé dans le nitrate magnéfien quel-
ques propriétés très-différentes de celles annon-
cées par le chimiffe d’Upfal. 11 dit avoir obtenu
de criitiux non déliquefcens du nitrate ma-
gnéfifri, 6c il ajoute meme que les fels ma-
gnéfiens font autant criftallifables & portés à
s’effieurir que les fels calcaires font avides d’hu-
midité.
Le nitrate de magnéfie paroît être fufceptible
de décompofer , à l’aide des affinités doubles,
les fulfates de- poïafTe , de foude & d’ammonia-
que j mais ces dëcompofitions ne font point
fenfiblés dans le mélange des diflbluîions de ces
différens fe-ls i ebnîme dans Celles 'qui font opé-
rées par fé;-nitfà?e) c&’lcaire, parce que les nitrates
de' potaffiéT de . fëhde 6c d?ammoniaque, ainfi
que le flufate*'- dè^ittagnéfie , qui en réfultent ,
font tous îrè-S-fpkïiales dans l’eau, tandis que
le fulfàte'dë chauxT formé -dansJa décompofirion
-*88 É L É M E N 5
du fulfate de potaffe, de foude & d’ammoniaque
par le nitrate calcaire , préfente un précipité très-
abondant. Cependant on peut fe convaincre de
l’efFet de ces affinités doubles opérées par le ni-
trate magnéfien en évaporant les liqueurs. On
trouve les nitrates formes par le tranfport des
alcalis fur l’acide nitrique , Ôc le fulfate de ma*
gnéfie réfultant de l’union de l’acide fulfurique
des felsdécompofésavec labafe du nitrate magné»
lien. , '
M. Dijonval a annoncé un fait digne de toute
l’attention des chimiftes. C’efi la précipitation du
nitrate magnéfien, opérée par le nitrate cal-
caire. Lorfqu’on môle, dit M. Dijon val, des
diffolutions tranfparentes bien pures de ces
deux fels , le nitrate de magnéfie fe dépofe fur-
ie-champ fous la forme criftalline , & fans être
décompofé en aucune maniéré ;tla liqueur retient
en diffiolution le nitrate calcaire. Il eft très-fm-
gulier que deux fels qui , féparés , ont affez
d’eau pour être diffous parfaitement, préfen-
tent dans leur mélange la précipitation & . la
criftallifationfubite de l’undes^ux, jyi. DijonyaJ
penfe , comme nous bavons, déjà annoncé plus
haut, que cela dépend de. la grande .tendance
du nitrate calcaire pour s’unir à Celef
pouvant, fuivant lui, abforber une plus grande
quantité d’eau que celle qui lui eft néçeilairt
d’Hist. Nat. et de Chimie. 1S9
pour être tenu en diffolution , dès qu’on mêle
avec lui une diffolution de nitrate de magnéfie -
qui d’ailleurs tend fortement à fe criflallifer ,
il s’empare auffi-tôt de Peau de criflallifation de
ce dernier , & alors le nitrate de magnéfie n’étant
plus équipondrable à la quantité d’eau qui le
foutenoit , fe précipite fous fa forme criflalline.
Cette explication ne paroît pas lever plufieurs
difficultés qu’il efl poffiible de lui oppofer.
Comment en effet un fel , quelque diffoluble
qu’il foit , & quelque tendance qu’il ait pour fe
combiner avec l’eau, peut-il s’emparer de l’eau
de criflallifation d’un autre fel, lorfqu’il eft lui-
même uni à une affez grande quantité d’eau pour
être tenu en diffolution ? Si l’on répond qu’il
n’efl pas faturé d’eau , il exifte donc un point
de faturation où le nitrate calcaire ceffieroit de
faire ainfi précipiter le nitrate de magnéfie ; Sc
c’eflce qu’il auroit été néceffairede démontrer.
Cette fuppofition même admife , comment le
nitrate calcaire s’empareroit-il de l’eau de criflal-
lifarion du nitrate magnéden, tandis qu’il peut
abforber celle qui tient en diffolution ce même
fel , avant de lui enlever la portion de ce fluide
qui doit faire partie conflituante de fes criflaux ?
Enfin , comment peut-on concevoir dans cette
explication, que le nitrate magnéfien, privé de
l’eau de fa criflallifation par le nitrate calcaire ,
Ï9<* Ê L E M E N S
foit fufceptible de fe précipiter fur-le- champ fous
la forme criftailine, tandis qu’il a perdu un des
élémens de les criftaux ? Nous croyons d’après
ces obfervations , qu’il a échappé à M. Dijon-
val quelques circonftances dans le phénomène
qu’il a obfervé , & qu’il tient à une caufe qu’on
ne connoîtra bien que lorsqu’on aura répété &Z
varié cette expérience de beaucoup de manières
différentes, relativement à la quantité d’eau, des
fels, à la température , &c.
Le nitrate magnéfien n’eft d’aucun ufage dans
les arts ni dans la médecine. Sa faveur forte , fa
déliquefcence & toutes fes propriétés annoncent
qu’il auroit une forte aèfion fur l’économie ani-
male, & il feroit fort à défirer qu’on l’effayât
comme fondant incifif dans tous les cas oii
lesmédicamens de ce geme font indiqués.
Sorte III. Muriate magnésien.
Ce fel qui efl la combiaaifon faturée d’acide
muriatique & de magnéfie , exifle dans toutes les
eaux falées, & dans toutes celles qui tiennent
du fulfate de magnéfie en diffolution, comme les
eaux d’epfom , d’Egra , de Sedlitz , de Seyds-
cbutz & beaucoup d’autres ; il eft infiniment
plus commun qu’un ne l’a cru.
'■j
J
d’Hîst. Nat. et de Chimiè. 19 1
Le muriate magnéfien a une faveur très-amère
& très-chaude. Bergman dit qu’on ne peut l’ob-
. tenir criftaliifé qu’en expofant fubitement à un
grand froid fa diffioktion fortement concentrée
par l’évaporation. Il eft alors fous la forme de
petites aiguilles tiès-déliquefcentes. Cette difio-
îution offre le plus fouvent une gelée îranfpa-
rente. M. Dijonval qui annonce avoir obtenu
ce fel fous une forme régulière & permanente,
croit même qu’il efî plutôt effiorefcent que déli-
quefcent.
Le muriate de magnifie fe décompofe, &C
perd fon acide par l’adion du feu. Lts dernières
portions d’acide ne fe dégagent qu’avec beau-
coup de difficulté } la magnéfie refte cauftique
après cette opération.
Ce fel expofé à l’air parcîfen attirer puiffiamment
l’humidité &fe réfoudre promptement en liqueur*
Bergman &c beaucoup d’autres chimiftes ont re-
connu cette propriété ^ M. Dijonval efl le feid
qui ait annoncé que le muriate de magnéfie ,
comme le nitrate magnéfien, s’effleurifloit plutôt
que de s’hume&er ; mais cette affertion demande
à être confirmée par de nouvelles expériences.
Le muriate magnéfien eft très-foluble dans
i’ëau; il paroît même qu’il ne lui faut qu’un
poids de ce liquide égale au fieu pour être terni
x92 Élémens
en diffo’ution. II eff très-difficile de l’obtenir
bien criftallifé; l’évaporation à l’aide de la cha-
leur ne réuffit que très-mal , parce qu’il faut
épaiffir beaucoup la liqueur qui en fe refroi-
diffant prend prefque toujours la confiffance
géîatineufe; il y a plus d’efpoir de réuffir en
laiffant évaporer fpontanément dans les chaleurs
de l’été une diffolution de ce fel bien pur ; encore
ce moyen ne fournit-il des criftaux qu’avec
beaucoup de difficultés.
Le muriate de magnéfie , chauffé dans une
cornue avec la terre filicée & l’argile, donne
fon acide; mais comme l’a&ion du feu feul le
dégage , on ne peut point attribuer cette décom-
pofuion aux terres.
La baryte Sc la chaux décompofent ce fel
& en précipitent la magnéfie. Comme les eaux
mères du muriate de foude des fontaines falées
contiennent du muriate de magnéfie mêlé avec
le muriate calcaire, on pourroit en précipiter
en grand à peu de frais la magnéfie par le
moyen de l’eau de chaux.
Les alcalis fixes & l’ammoniaque cauffique
ont plus d’affinité avec l’acide muriatique que
n’en a la magnéfie, & précipitent cette dernière
du muriate magnéfien. La liqueur tient en diffo-
lution des muriates de potaffe , ou de foude ou
d’ammoniaque , fuivant la nature de l’alcali qu’on
a
d’Hist. Nat. TEir de Chimie. 193
a esnployé pour cette décompofition. L’ammo-
niaque ne le décompofe pas complètement, ôc
forme un fel muriatique triple cryftallifable, avec
la portion fubfiftante de muriate magnéfien.
Les acides fulfurique & nitrique décompofent
ce fel , & en féparent l’acide muriatique avec
elfervefcence. Pour opérer ces décompofitions ,
il faut diftiller dans une cornue de verre un mé-
lange d’une partie de ces acides & de deux parties
de muriate de magnéfie. L’acide de ce dernier fe
volatilife, tandis que les deux autres plus puif-
fans fe combinent avec la magnéfie , & forment
du fulfate ou du nitrate magnélîen. L’acide bora-
racique en dégage auffi l’acide muriatique par la
chaleur.
Le muriate magnélîen décompofe les feîs fulfu-
riques oi nitriques à bafe d’alcalis fixes & d’am-
moniaque , par la voie des doubles affinités ;
mais pour s’affurer de ces décompofitions , il faut
évaporer ou mêler avec 1 alcohol les diffioluiions
de ces fels verfées fur la difioliition du muriate
de magnéfie, parce que les matières lalines nou-
velles qui en réfuîcent reûent en dilfolution dans
la liqueur aqueufe après le mélange.
Mis en contad avec le muriate de potaffe ,
& tous les deux en diffolution , le muriate de
magnéfie fe précipite en cridaux , luivant
Tome. II, N
i s>4 Éléjæens,
M. Dijonval , par la grande difpofition à fa
criflallifer qu’il admet dans ce dernier , corn'
».
parativement au muriate de potaffe , qui retient
l’eau de fa diffolution. 11 eft encore très-difficile
de concevoir , dans l’opinion de ce chimifte ,
comment un fel auffi peu foluble ôc déliquef-
cent que le muriate de potaffe , en comparaifon
de ces deux propriétés confidérées dans le mu-
riate de magnéfie , peut s'emparer de l’eau qui
diffout ce dernier. Si l’on mêle une diffolution
de muriate magnéfien avec une diffolution de
muriate calcaire, t ej premier fel fe précipite en
cryffaux d’après le même chimiffe. Toutes ces
affertions doivent être confirmées par de nou-
velles expériences pour faire partie des élémens
de h fcience chimique. Il eft très-vraifemblable
que ces criffaux précipités ne font pas purs , ôc
& appartiennent à la claffe des fels triples.
Le muriate magnéfien n’eft d’aucun ufage j
mais nous croyons qu’il pourra être employé
en médecine avec beaucoup d’avantage comme
purgatif & fondant ; les médecins en adminif-
trent tous les jours de petites quantités; en pref-
crivant le fel d’Epfom , les eaux de Sedlitz, &
le fel marin gris , puifque ces fubftances en con-
tiennent toujours.
d’Hist. Nat. et de Chimie; 19$
Sorte IV. Borate Magnésien.
On doit donner ce nom à la combinaifon
de l’acide boracique avec la magnéfie. Ce fel
n’eft prefque pas connu. Bergman a obfervé que
lorfqu’on jette de la magnéfie dans une difld-
lution d’acide boracique, elle s’y difTout , mais
lentement. La liqueur évaporée donne des cryk
taux grenus, fans forme régulière*
Ce fel fe fond au feu fans fe décompofer.
Les acides le décompofent en s’emparant de la
magnéfie , & en en féparant l’acide boracique,
L’efprit-de-vin lui enlève aufli cet acide, &laiffe
la magnéfie à nud ; celle-ci n’adhère donc point
fortement à l’acide du borax.
On ignore, comme l’on voit, prefque toutes les
propriétés de ce fel, fur lequel les chimiftes n’ont
encore fait que très-peu d’expériences.
• « ,
Sorte V. Fluate magnésien;
La combinaifon de la magnéfie avec î’acido
fluorique , qu’on doit appeller fiuau mapnéfien
n’efl pas plus connue que le borate magnéfien*
Bergman efl le feul chimifte qui en ait dit quel-
que chofe. Suivant lui, l’acide fluorique diflouf
rapidement la magnéfie j une grande partie de e$
Nij
*96 É L É M E N S
fel fe dépofe à mefure que la faturatîon ap-
proche.
La diflolution fournit, par l'évaporation fjpon-
tanée, une forte de moufle tranfparente , qui
grimpe fur les parois du vafe , & qui préfente
quelques filets criftallins allongés & très-fins.
On obtient auffi dans le fond du vafe des crif-
taux fpathiques , en prifmes hexagones termi-
nés par une pyramide peu élevée , compofée
de trois rbombes. Ce fel n’éprouve aucune alté-
ration de la part du feu le plus violent. Aucun
acide ne peut le décompofer par la voie humide.
C’efl: un des fels neutres fluoriques qui mérite-
roient un examen fuivi d’après les fingulières
propriétés que Bergnanlui a reconnues.
Sorte VI. Carbonate de magnésie;
Ce fe1 , nommé magnéjîe douce ou effervefcente 9
par le do&eur Black, qui l’a fait connoître le
premier; efl formé, comme l’indique le nom que
nous avons adopté, par la combinaifon faturée
de la magnéfie avec l’acide carbonique. On le
prépare ordinairement en précipitant une dif-
fo'ution de fulfate de magnéfie, par les carbonates
de potafie ou de fonde , ainfi que nous l’expofe-
rons à la fin de cet article.
dHist. Nat. et de Chimie. 197
Le carbonate de magnéfie a le plus fc^cnt
Fafpeét terreux; iî èu ën poudre très- blanche
cependant Bergman & M. Butini de Genève
Fout obtenu cryftallifé par le procédé que nous
décrirons plus bas. Il eft fufceptible de contenir
une plus ou moins grande quantité de fon acide,.
Comme tous les fels carboniques en général , &
fes propriétés varient fuivant qu'il en eô plus ou
moins chargé; fa faveur eft crue & comme terreufe
il en a une plus marquée dans les intcflins , puif-
qu’il eft purgatif.-
Lorfqu’on i’expofe su feu dans un creufst, ce
fel perd l’eau & l’acide qui lui font unis^M. Tin-
gry, apothicaire de Genève , a obfervé que lorf-
qu’on calcine en grand la magnéfie effervefcente,
elle bouillonne & femble jouir d’un mouvement
de fluidité à fia furface; ce phénomène dépend du
dégagement de fon gaz acide. Il s’élève du creufèt
un léger brouillard qui dépofe fur les corps en-
vironnans une pouffière blanche que l’onrecon-
noît facilement pour la magnéfie emportée par
le courant de l’acide carbonique. Si l’on y plonge-
un corps chaud, ce fel y adhère , fuivant le même
obfervateur ; un corps froid en emporte encore
davantage. Sur la fin de l’opération , la magnéfie
brille d’une lueur bleuâtre & phofphorique très*-
fenfible dans i’obfcurité*
N it$
fï 5?S Ê L É M E N S
Si l’on calcine le carbonate de magnéfie dans
des vaifïeaux fermés avec un appareil pneu^
mato-çhimique, on obtient l’eau & l’acide qu’il
contient, M. Butini , qui a fait cette opération
avec beaucoup d’exa&itude, allure, d’après des
calculs fur les produits qu’il a obtenus , que
trente-deux grains de magnéfie commune , ( U
appelle ainfi l’efpèce de carbonate magnéfien
que l’on prépare pour la pharmacie , & qui n’eft
pas tout-à-fait faturé d’acide, ) contiennent en->
viron treize grains de terre pure , douze grains
d’acide & fept grains d’eau. Bergman eflime que
ce fel contient , au quintal , vingt-cinq ou trente
parties d’acide , fuivant fon état , trente d’eau &
quarante^cinq de magnéfie pure. Si on le chauffe
plus fortement, après qu’il a perdu fon acide, il
s’agglutine & prend de la dureté comme la ma-
gnéfie pure ou cauflique.
Le carbonate de magnéfie n’éprouve point
d’altération bien remarquable de la part de l’air 5
cependant il (e pelotonne dans l’air humide , & il
paroîtètre légèrement déliquefeent.
L’eau ne diront qu’une infiniment petite
quantité de ce fel, & cette diffolubilité varie
fuivant qu’il contient plus ou moins d’acide.
Si on le môle avec un peu d’eau, il forme une
efpèce de pâte qui n’a que peu de liant , & qui
sççhç fans prendre ni confiflance ni retraite,
d’Hist. Nat. et de Chimie. 199
En l’étendant d’abord avec beaucoup d’eau , il
fe difl’out à-peu-près à la dofe d’un quart de
grain par une once de ce fluide, ce dont on peut
s’afliirer par l’évaporation. Mais il exifte des
moyens de Caire difïbudre ce fel en beaucoup
plus grande quantité , comme nous le dirons
tout-à-l’heure.
Le carbonate de magnéfie n’eft pas décompofé
par les terres pures. La chaleur lui enlève fon
acide avec lequel elle a plus d’affinité. De l’eau de
chaux verfée dans une difiolution de ce fel occa-
fionneun précipité allez notable , quelque petite
que foit la quantité de ce Cet neutre tenu en dif-
folution dans l’eau. Le précipité eft du carbonate
de chaux 8c un peu de magnéfie cauftique, qui ,
comme on le fait , eft prefque infoluble.
Les alcalis fixes 8c l’ammoniaque cauftiqu.es
le décompofent comme la chaux, parce qu’ils
ont comme elle plus d’affinité avec l’acide car-
bonique que n’en a la magnéfie. Il refaite de
ces mélanges des carbonates de potafte , de foude
8c d’ammoniaque; la magnéfie pure 8c cauftique
fe précipite. -<■
Les acides fulfurique, nitrique 8c muriatique
déçompofent le carbonate de magnéfte d’une
manière inverfe , 8c rendent l’analyfe de ce feî
neutre complète Ils s’uniftent à la magnéfie
N iv
200 É L É M E N S
avec laquelle ils ont plus d’affinité que n’en a
l’acide carbonique, & ils dégagent ce dernier
acide fous la forme gazeufe , ce qui confiitue l’ef-
fervefcence. On peut reconnoître l’acide carboni-
que à fes caractères ordinaires. M. Butini aobfer-
vé dan^ fes recherches que les âcideçen dégagent
moins d’acide carbonique que le feus &que cha-
cun de ces fels fépare des quantités différentes de
cet acide : qu’ainfi , par exemple, l’acide muriati-
que en dégage plus que l’acide nitrique , & celui-
ci plus que le fulfurique. Il en conclut que les fels
neutres formés par la magnéfie unie aux acides 9
fa voir le fulfate & le nitrare magnéfiens, retien-
nent une portion d’acide carbonique.
L’acide carbonique a la propriété de rendre le
carbonate de magnéfie beaucoup plus diffoluble
qu’il ne l’efi: naturellement. C’df fur les phéno-
mènes de cette diffolution que roulent fpé-
cialement les expériences neuves de M. Bu-
tini. Il a découvert que lorfqu’on jette de la
magnéfie ord’na’re & non faturée d’acide car-
bonique dans l’eau gazeufe, ou chargée de cet
acide , la magnéfie fe fature d’abord de l’acide
en l’enlevant à l’eau , & ne fe diffout que lorf-
qu’elle en efi très-cha-gée. Cette diffolution ver-
dit le firop de violettes ; expofée au froid , elle
perd fon acide furabondant , 'mais fans que la
d’Hist. Nat. et de Chimie. 201
magnéfie s’en fépare , & elle refie en parfaite
combinaifon dans l’eau, même glacée. Si l’on
chauffe une diffolution de magnéfie avec fura-
bondance d’acide carbonique , elle fe trouble 8c
reprend une forte de tranfparence lorfqu’on la
laiffe refroidir; ce phénomène fingulier nous of-
fre, comme l’a très-bien dit M. Butini , un genre
nouveau dans les fels , dont le caractère eff de fe
diffoudre en plus grande quantité dans l’eau froide
que dans l’eau bouillante. Plus une diffolution ga-
zeufe efl chargée de magnéfie , plus vite elle fe
trouble par la chaleur. Pour bien obferver le paf-
fage de cette diffolution de l’opacité à la tranfpa-
rence à l’aide du refroidiffement , il faut prendre,
fuivantce chimifle,une diffolution qui contienne
deux grains par once « ài la faire chauffer ju foira
foixante degrés du thermomètre deRéaumur;
elle devient laiteufe par la chaleur . & toute la
magnéfie qui s’en précipite fe redhTcut par le
froid.
Bergman avoir annoncé que la diffolution de
magnéfie chargée d’acide carbonique évaporée
lentement donnoit des crifiaux , les uns en g -ai ns
tranfparens, les autres reffeimblams à deux fais-
ceaux de rayons qui divergent du même point.
M. Butini a obfervé avec la plus grande exac-
titude tous les phénomènes de cette criflalii-
*0* É L É M E N S ;
fation. II a fait évaporer à la chaleur très-foible
d’une lampe une difl'olution chargée de neuf
grains de ce ftl par once d’eau. Il s’effc formé d’a-
bord à fa fur fa ce une pellicule dont le deffous
ainli que les parois du vafe étoient tapifles de
plufieurs houppes de criftaux. Le réfidu offroit
des aiguilles brillantes, effilées par leurs bafes s
& compofant de petites maffes hémifphériques à
filets divergens. Ces aiguilles qui n’avoient pas
line ligne, offroient au microfcope de longs prif-
mes à fix pans tranchés par un hexagone ôc fem-
blables à ceux de certains fpaths.
M. Butini a découvert encore une autre ma-
nière de faire criftaliifer ls carbonate de magnéfie*
Elle confifte à expofer à l’air une difiolution
acide de ce fel , précipitée par la chaleur. Il
s’y forme au bout de quelques jours des crif-
taux femblables à ceux que l’on obtient par
l’évaporation. La magnéfie précipitée du fel
d’Epfom par le carbonate de potafie , & defle-
chée , n’en donne aucun ; lorfqu’on la déhye
dans l’eau , elle ne forme jamais que des malles
pelotonnées irrégulières. Mais une difiolution
de fulfate de magnéfie nouvellement précipitée
par le même fel , donne des criftaux aiguillés au
bout de quelques jours. La même difl'olution
{épatée de fon précipité par le filtre , fournit
I
d’Hist. Nat. et de Chimie. 103
auffi des aiguilles de magnéfie. J’ai obferve plu-
fieurs fois qu’une diffolution de carbonate de ma-
gnéfie préparée pour l’ufage d’un laboratoire,
confervée dans des flacons de verre bien bou-
chés, dépofe au bout de quelque tems une grande
quantité de petites aiguilles très «fines- èz* très-
brillantes , qui préfentent à la loupe des prifmes
à fix pans.
Les Tels neutres parfaits n’éprouvent point d’al-
tération de la part du carbonate de magnéfie, &C
ils ne lui en font point éprouver ; ils augmentent
feulement fa diffolubilité dans l’eau , fuivant M.
Butini ; il faut cependant excepter le carbonate de
poîafie qui lui enlève cette propriété.
Les fels neutres calcaires font décompofés
par la magnéfie eflervefcente ; c’eft en vertu
des affinités doubles que s’opère cette décom-
pofition. Nous avons fait obferver que la chaux
a plus d’affinité avec les acides que n’en a la
magnéfie, & qu’elle décompofe les fels neutres
qui ont cette dernière fubflance pour bafe. Ce
n’eft donc qu’en raifon de l’acide carbonique
que fe font ces décompofitions ; & c’efl: à caufe
de la grande affinité de la chaux avec cet acide,
qu'elle quitte les autres pour s’y unir , pourvu
que ces derniers trouvent une bafe avec
laquelle ils puiflent fè combiner. Lors donc
104 E L É M ENS
qu’on verfe une diffolution de carbonate de ma-
gnéfie dans une di Ablution de fulfate , de nitrate
ou du muriate caicaires , l’acide fulfurique, ni-
trique ou muriatique quitte la chaux pour fe
porter fur la magnéfie , s’y unit & forme du ful-
fate ,«du nirrate ou du muriate de magnéfie , tan-
dis que la chaux fe combine avec l’acide carboni-
que féparée de la magnéfie , &: fe précipite en.
craie.
Il en efi: donc de la magnéfie comme de l’am-
moniaque. Lorfque tous les deux font purs 8c
cauftiques, ils ne peuvent décompofer les fels
calcaires, parce qu’ils ont moins d’affinité avec
les acides que n’en a la chaux. Maislorfqu’ils font
unis à l’acide carbonique , & dans l’état de fels
neutres , alors ils font capables de décompofer les
fels calcaires , en vertu des doubles attractions y
comme nous l’avons déjà expliqué à l’article du
fulfate de chaux , du nitrate calcaire , &c.
Le fel dont nous venons d’expofer les pro-
priétés efi: d’ufagé en médecine, fous le nom
de magnifie douce ou blanche. On la préparoit
autrefois avec l’eau-mère du nitre évaporée à
fjccité , ou précipitée par l’alcali fixe. Elle a
été connue d’abord fous les noms de poudre
du comte de Palme , poudre de Sentonelli ; elle a
été nommée enfuite poudre laxative polychrcjle
d’Hist. Nat. et de Chimie. 205
par Yalentini , magnéfie blanche du nitre , magné fie du
fcl commun , parce qu’on la retiroit auflide l’eau-
mèrede ce dernier Tel. Mais ce médicament, pré-
paré de cette manière , contient toujours de la
terre calcaire & plufieurs autres fubffances étran-
gères. Celle dont on fe fert aujourd’hui eft ordi-
nairement précipitée du fui fa te de magnéfie par
l’alcali fixe végétal ou carbonate de potaffe.
M. Butini a donné un très-bon procédé pour
l’obtenir très- fine & en plus grande quantité
poffible. On délaye une quantité quelconque
de potaffe dans le double de fon poids d’eau
froide ; on la laiffe expofée à l’air pendant
quelques mois , fi le temps le permet , pour
qu’elle abforbe l’acide carbonique de l’atmof-
phère, & pour que la terre qu’elle contient fe
précipite ; on la filtre , on diffout une quan-:
tité de fulfate de magnéfie égale à celle de la po-
taffe , dans quatre ou cinq fo s fon poids d’eau \
on filtre cette diffolution , & on y ajoute de nou-
velle eau à-peu-près quinze fois le poids du fel.
On fait chauffer cette liqueur , & lorfqu’elle
bout on y verfe la diffolution alcaline. Le
précipité de magnéfie fe forme, on agite bien
le mélange , & on le filtre au papier. On lave
le précipité refté fur le filtre avec de l’eau bouil-
lante, pour enlever le fulfate de potaffe qui
10 6 E L É M E N S
peut y être mêlé. Quand la magnéfië eft bien
égoutée, on l’enlève de deiïiis le filtre, on
l’étend en couches minces fur des papiers que
l’on porte à l’étuve. Lorfqu’elle eft deftéchée ,
elle offre des morceaux blancs quis’écrafent fous
le doigt en une poudre extrêmement fine & adhé-
rente à la peau.
On doit préférer comme purgative cette ma-
gnéfie combinée avec l’acide carbonique à celle
qui eft cauftique , parce qu’elle eft beaucoup plus
foluble. On la donne à la dofe d’une ou de deux
onces, fuivant les cas. La magnéfië cauftique eft ,
au contraire , préférable comme abforbante , &
on doit en préparer des deux efpéces dans les
pharmacies. La raifon principale de cette préfé-
rence dans les divers cas de pratique , & de la
nécefîité d’avoir les deux efpèces de magnéfië
dans les pharmacies , a été très-bien expofée par
Macquer dans un mémoire configné parmi ceux
de la fociété royale de médecine. Lorfqu’on ad-
miniftre la magnéfië comme abforbante , c’eft
pour détruire & neutralifer un acide développé
& trop abondant dans les premières voies , com-
me cela a lieu chez les enfans , les jeunes filles,
les femmes en couches , &c. Cet acide gaftrique
eft certainement plus fort que l’acide carbonique;
lorfque la magnéfië douce eft retenue dans ce vif-
• d’Hist. Nat. et de Chimie. 207
cère,ilfe produit une effervescence plus ou moins
vive, fuivant que l’aigre e fl: plus ou moins déve-
loppé danslespremières voîes;l’acide carbonique
dégagé par cette effervefcence diflend,l’eflomac,
occafionne fouvent des douleurs, des naufées ,
des vomiflemens, des difficultés de refpirer ,
beaucoup d’autres accidens fpaftnodiques, fuivant
la fenfibilité des fujets. Dans ces circonflances il
vaut beaucoup mieux employer Iamagnéfie pure,
quiabforbe auffi puiflamment les aigres, & qui
n’occafionnepas d’effervefcence.
Lorfqu’au contraire on donne la magnéfie com-
me purgative, &dans les cas oii l’on n’a point l’in-
dication d’abforber des aigres dans les premières
voies , on peut prêfcrire celle qui efl chargée d’a-
cide carbonique. Alors cetacide n’eflpoint dégagé,
& l’on n’a point à craindre les accidens qui dépen-
dent de la diftenfion de l’eflomac par ce fluide
élaftique. Il efl donc néceflaire que les médecins
connoiffent ces deux efpèces de magnéfie , les cas
où chacune d’elles doit être préférée, & que les
apothicaires en aient dans leurs pharmacies.
M. Butinipropofe une eau minérale artificielle
faite avec l’eau gazeufe chargée de magnéfie; il
obferveque ce fluide peut contenir plus de trois
gros de cette terre magnéfienne par livre , & que
d’ailleurs elle n’efl pas plus difficile à préparer que
2oS ' E l é m e n s ,
les eaux martiales acidulées ou gazeufes. En effet,
la manipulation eft ab olument la même pour
toutes les deux. Les médecins pourroient s’en
Servir dans plufieurs cas avec Excès. Voye^ mes
Mémoires Jur Us fels magnefiens , dans les annales
de chimie , deuxieme & troifième volumes .
■HW" Il W—
CHAPITRE IX.
Genre V. sels neutres argile u x
OU ALUMINEUX .
Ï_TArGILE ou l’alumine bien pure Se com.
bine très -bien avec la plupart des acides ; il
réfulte de ces combinaisons $ des Sels neutres
qu’on connoît Sous le nom de fels argileux ou
alumineux. Ce genre de matières Salines , Si l’on
en excepte la première. Sorte , n’a pas encore
été examiné avec aûez de loinpar les chimiftes.
Auffi leurs propriétés Sont-elles encore moins
connues que celles des quatre genres précé-
dens. En général les Sels alumineux Sont moins
parfaits que tous les Sels neutres dont nous nous
Sommes déjà occupés ; ils cèdent leurs acides
aux alcalis fixes , à l’ammoniaque , à la baryte ,
à la chaux & à la magnéfie ; ils ont une Saveur
acerbe & aftrigente.
Ce
d’Hist. Nat. et de Chimie.1 io$>
Ce genre comprend fix fortes , l’alun ouïe ful-
fate d’alumine, le nitrate alumineux, le mûri ite
alumineux, le borate alumineux, lefluate alumi-
neux & le carbonate d’alumine.
Sorte I. Sulfate d’alumine ou Alun.
L’alun eft un fel formé par la combinai-
fon de l’acide fulfurique avec l’alumine , ou
argile pure , & qui mérite en conféquence
le nom de fulfate d'alumine. Les chimiftes n’ont
pas toujours été d’accord fur la baie de l’alun.
Les uns la diftingnoient de l’argile , & la dé-
fignoient fous le nom particulier de terre alu -
mineufe ou de terre de l'alun. Margraf a démontré
que cette terre broyée avec le filex réduit en
poudre fine, forme de l’argile. Hellot, Geoffroy,
Pott, & fur-tout M. Baumé , ont fait de vé-
ritable alun avec l’argile 6c l’acide fulfurique.
Enfin , fi les vrais caractères de l’argile font de
prendre du liant avec l’eau , de la retraite 6z
de la dureté au feu, la terre alumineufe , pré-
sentant toutes ces propriétés dans un degré émi-
nent , doit être regardée comme la partie la plus
pure de l’argile. Telle eft aujourdh’ui l’opinion
générale de tous les chimiftes. On fent d’après
cela de plus en plus la néceflité de distinguer
cette terre bafe de l’alun par le nom particulier
Tome II, Q
210
E L É M E N S
à" alumine, puifque l’argile, quelque pure qu’elle
(bit , contient toujours de la filice.
Le fulfate d’alumine ou l’alun a une faveur
d’abord douceâtre & enfuite fortement aftrin-
gente ; il rougit le papier bleu , ce qui annonce
qu’une portion de fon acide eft à nud & n’eft
point faturée. Il eft fufceptible de prendre une
forme très-régulière qui fera décrite plus bas.
L’alun n’exifte prefque jamais pur & ifolé
dans la nature ; on le trouve quelquefois dans le
voifmage des volcans ; il eft toujours mêlé avec
de l’a gile. Les minéraîogides , & fur - tout
Wallerius, ont diftingué plufieurs fortes d’alun
natifs , tels que l’alun folide , l’alun criftallifé ,
l’alun en efflorefcence , les terres alumineufes
blanches , grifes , brunes , noires , les fchiftes
alumineux.
On connoît plufieurs fortes d’alun dans le
commerce.
i°. L’alun de glace ou de Roche en mafies
confidérables & tranfparentes. Bergman croit
que ce nom lui vient de la ville de Roche en
Syrie , aujourd’hui EdeJJe , cil étoit établie la plus
ancienne manufaûure de ce fel , & non pas de
fa forme femblable à celle d’un rocher, comme
l’ont dit plufieurs auteurs, ou bien de ce qu’on
le retire des rochers ; cette efpèce d’alun eft fort
impure.
2ï I.
d’Hist. Nat. et de Chimie.
2q. L’alun de Rome , qui fe prépare dans le
territoire de Civita-Vecehia, & qu'on retire d’un
lieu nommé en italien Aluminmc délia Tolfa ;
cet alun eft en morceaux gros comme des œufs ;
il eft couvert d’une efflorefcence rougeâtre ; il
paffe pour pur , lorfqu’on en a féparé cette
efflorefcence.
3°. L’alun de Naples , que l’on extrait d’une
terre particulière à la Solfatare ; il eft en maffes
plus grofles que celui de Rome, & une de fes
furfaces efl toute hériffée de criftaux pyrami-
daux.
4°. L’alun de Smyrne ; c’efi,à ce qu’il paroît,
dans les environs de cette ville & de Conftanti-
nople , qu’ont été élevées les plus anciennes ma-
nufadlures d’alun. Ii n’en exifie que quelques
échantillons dans les cabinets.
5°. L’alun de France ; on prépare de toutes
pièces de l’alun dans plufieurs manufactures de
France , & fur'tout à Javel près Paris.
6*. On peut extraire de l’alun defchiftes efib-
refcens , & des produits volcaniques. J’en ai re-
tiré une quantité notable d’une terre qui m’a été
envoyée d’Auvergne; on pourroit retirer ce fel
de plufieurs fubfiances analogues que la France
pofsède , & enlever ainfi cette branche de com-
merce aux étrangers. On extrait de cette mu-
ÉLÉ MENS
niere l’alun des terres ou des pierres qui le con-
tiennent dans beaucoup d’endroits de l'Allema-
gne où il y avoit des manufaftures dès 1544»
en Angleterre , en Efpagne , en Suède , 6c dans
prefque toutes les parties de l’Europe.
Beckman a fait fur l’hiftoire de la fabrica-
tion de ce fel une diflertation très - détaillée
que l’on trouve dans les a&es de Gottingue. Il
paroît , d’après les recherches de ce favant,
que les peuples de l’Orient ont les premiers
préparé ou extrait de l’alun ; car ce que les
anciens , & Pline en particulier , appelaient
chi(lon , trïchitls , calchitès % & qu’ils paroiffoit
avoir confondu avec l’alumen & le cwi-ap/ct des
grecs , femble plutôt appartenir aux différens
états du fulfate martial ou de la couperofe
verte. Les italiens prirent à bail les fabriques
d'alun des environs de Conflantinople ; vers
l’année 1459 ? Bartholomé Perdix ou Pernix,
génois, découvrit une mine de ce fel dans l’île
d’Hchia ; dans le même tems à-peu-près Jean
de Caftro en trouva une autre à la To!fa,&
bientôt il s’établit un grand nombre de fabri-
ques d’alun en Italie , fur-tout lorfque le pape
Pie II défendit 1* m, >01 talion de l’alun d’Orient.
Cet art paffa enfuite en Efpagne, en Allema-
gne, en A' gL er e x. en Suède, vers le commen-
cement du dix-leptième fiède. (V. Beckman .)
d’Hist. Nat. et de Chimie; ü f
La préparation du fulface d’alumine eft très-
variée , fuivant les pays & les matières d’où on
le retire. Bergman, qui a fait une très- bonne
differtation fur cet objet, divife les matières que
l’on emploie pour préparer ce fel, 6c que l’on
nomme ordinairement mines d'alun , en deux
efpèces; celles qui le contiennent tout formé*
& celles qui n’en contiennent que les principes.
Les premières n’ont befoin que d’être leffivées
pour fournir leur alun ; telle eft la terre qui fe
trouve à la Solfatare , telle efl: auffi celle d’Auver-
gne dont j’ai parlé. A la Solfatare on met cette
terre avec de l’eau dans des chaudières de plomb
enfoncées dans le fol. La chaleur naturelle du fol
favorife la diffolution & la criftallifation de l’alun ;
on le purifie par une fécondé criftallifation. On
pourroit lefii ver ainfi les terres de l’Auvergne, 6ccè
évaporer l’eau dans des chaudières de plomb , ôc
faire criftallifer l’alun,
Quant aux fubftances naturelles qui ne con-
tiennent que les principes du fu'fate d’alumine*
& qui font beaucoup plus communes que les
premières , elles demandent une préparation pré-
liminaire avant de fournir ce fel neutre ; il faut
les calciner ou les expofer à l’air , fuivant leur
rature. Les fchiftes alumineux demandent à
être calcinés , afin de brûler le bitume qui les
colore, & de décompofer les pyrites qui doivent
Püj
f
âI4 ÉLÉMENS
fournir l’alun. Bergman s’ed affuré qu’avant
d’avoir été calciné , ce fchide ne donne pas un
atome d’alun , lorfqu’on le lave avec de l’eau.
L’expoütion à l’air fait le meme eff,_r fur les
pyrites pures que l’on arrofe d’eau. La décom-
podtion fpontanée de ces fubdarces produit de
l’acide fulfurique qui fe porre fur l’argile &c
forme de l’alun. On ledive ces pyrites efdeu-
ries , on laide dépofer à plufieurs reprifes le
fer que contient la ledive, on la fait évaporer
& on la met cridallifer dans des tonneaux. Le
fel fe dépofe en gros cridaux. On emploie fou-
vent une forte ledive des favôniers pour fa-
ciliter la cridallifation de l’alun. Tel eff le pro-
cédé qu’on fuit dans plufieurs manufactures ;
mais ces aluns retirés des pyrites contiennent
toujours plus ou moins de fer j celui que l’on
retire des pierres où il exide tout formé ed
toujours plus pur , comme l’alun de Rome.
L’alun qu’on fabrique en combinant dire&ement
l’acide fulfurique avec les argiles ed fouvent
mêlé d’une certaine quantité de fer , parce que
les argiles colorées qu’on emploie pour cette
préparation font chargées de ce métal.
Le fulfate d’alumine , fous fa forme régulière,
ed un o&aèdre parfait formé de deux pyramides
à quatre faces jointes bafe à bafe. Cette forme
varie beaucoup Clivant les circondances de la
d’HiST. N AT. ET DE CHIMIE. 1 1 f
criftallifation ; l’o&aèdre eft plus ou moins tron-
qué, irrégulier, aigu, applati. Les angles font
plus ou moins complets, coupés; les crifiaux
font fouvent réunis oc comme emboîtés les uns
dans les autres par leurs pyramides. M. Rome
de Lille a décrit avec beaucoup de loin toutes
ces variétés dans la nouvelle édition de la Crifi*
tallographie.
Ce fel fe liquéfie à une chaleur douce ; il
exhale des vapeurs aqueufes très-abondantes s:
il fe bourfouffle beaucoup , & il offre une maffe
très~volumineufe , légère, d’un blanc, mat, Ô£
remplie de beaucoup de cavités. Ce phénomène
eft dû, comme dans le borate , au dégagement
de l’eau, dont les bulles fo ilèvent peu-à-peu
&; étendent les molécules falines. L’alun dans
cet état prend le nom d’alun calciné ; il a perdu
à-peu-près la moitié de fon poids;, il elt un.
peu altéré , il rougit le firop de violettes; fa
faveur eft beaucoup plus conlidérable , & il
femble que fon acide fe foit développé. Si on
le diffout dans l’eau , il s’en précipite un peu
de terre ; on peut îe faire crilfallifer, mais il
ne fe baurfoüffle prefque plus lorfqu’on îe cal-
cine de nouveau , fuivant l’obfer.vation de M„
Beaumé. Si on calcine de l’alun dans un appa-
reil diff illatoire on obtient du phlegme qui fur
la fin devient acide; mais on ne peut pas 1©
O iv
2.1 6 E L f M E N s
décompofer entièrement , puifque Geoffroy l’a
tenu dans une cornue à un feu extrême j pendant
trois jours & trois nuirs, fans qu i! ait iubi d’al-
tération bien remarquable. Cependant je penfe
qu’on n’a point encore examiné convenablement
les changemens que l’alun éprouve de la part
d’un feu long-tems foutenu.
Le fulfate d’alumine s’efReurit légèrement à
l’air , & perd l’eau de fa criftallifation. Ce fel
ü’efl que peu diffoluble dans l’eau froide , puif-
que deux livres de ce fluide ne peuvent diffoudre
que quatorze gros d’alun , fuivant M. Beaumé;
mais l’eau bouillante en diffout plus de la moitié
de fon poids. Huit onces de ce fluide dans cet
ctat peuvent tenir en diffolution cinq onces de
ce fel. Il fe criftallife très «bien par réfroidif-
fement. Ses criftaux paroiffent être des efpèces
«le pyramides triangulaires dont les angles font
tronqués , mais qui ne font que des portions
d^oflaèdres. Lorfqu’iis fe dépofent fur des fils
SU milieu de la diffolution , ils forment alors
des o&aèdres très- réguliers, dont les pyramides
précédentes ne font qu’une moitié coupée obli-
» a ment.
La rerre îliicée ne fait éprouver aucun chan-
gement notable au fulfate dVumine. Ce fel
t s’unir à une plus grande quantité d’alumine
^’il p’eti co/itient dans fon état ordinaire. Il
d’Hist. Nat. et de Chimie. 217
prend dans cette union les cara&ères de l’argile
commune, fuivant les recherches de M.Beaume.
Pour faturer l’alun de fa terre 3 on fâii c bouillir
une diffolution de ce Tel avec de l’alumine bien
pure ; on continue de chauffer ce mélangé
jufqu’à ce qu’il ait perdu fa faveur ftyptique.
La combinaifon bien faite n’a plus qu’une favçur
fade , douceâtre & terreufe. M. Beaumé a ob-
fervé qu’en la faifant évaporer , on en obtenoit
de'; paillettes femblables au mica. M. Chaülnes
ayant laiffé long-tems expofée à l’air une lef-
five de ce fel faturé de fa terre , y trouva au
bout de quelques mois des crifiaux cubiques
très-réguliers. M. le Blanc a également obtenu
ces criflaux cubiques à volonté. I! paroît qu’on
ne peut plus faire repaffer l’alun faturé de f a
terre à l’état de véritable alun , comme il étoit
auparavant.
Le fulfate d’alumine peut être décompofé par
la baryte & par la magnéfie , qui ont plus d’affi-
nité avec l’acide fulfurique que n’en a l’alumine,
ïl réfidte du fulfate barytique ou rnagnéfien de
ces décomposions.
L’eau de chaux verfée dans une diffoîution
de ce fel neutre en précipite la terre. Les
alcalis fixes , ainfi que l’ammoniaque , ont auffi
la propriété de décompofer l’alun. Les car-
bonates de pctaffe } de foude , d’ammo-
2i8 E l é m e n s
iliaque, de chaux & de magnéfie, en feparent
auffi ralumine qui retient une portion de l’acide
carbonique, fi la précipitation fe fait à froid;
mais j’ai obfervé qu’en prenant une diffolution
d’alun, ainfi que des diffolutions chaudes des
carbonates alcalins , & en mêlant les liqueurs ,
la précipitation eft accompagnée d’ure effervef-
cence produite par le dégagemeet de l’acide car-
bonique.
✓
L’alumine précipitée par ces différentes fubf-
tances efl , flocconneufe ; elle fe dépofe, peu-à*
peu; defféchée doucement, elle eft très-blan-
cne ; elle décrépite au feu comme les argiles;
la chaleur forte lui donne une dureté confidé-
rable ; fon volume eft en même - temps fort
diminué , & elle prend beaucoup de retraite ;
elle n’efl point fufible , même au plus grand
feu, telle que celui de la lentille du jardin de
l’Infante. Elle retient les dernières portions d’eau
avec une fi grande force, qu’il faut un feu de
la dernière violence pour l’en priver. Elle fe
délaye dans l’eau , & forme une pâte qui a du
liant , & qui fe cuit au feu en une porcela'ne
d’excellente qualité. L’alumine a donc tous les
cara&ères des terres argiieufes , & c’eft l’argile
la plus pure que l’on puiffe fe procurer , ainfi que
l’a annoncé Macquer.
On ne connoît pas bien l’a&ion de la baryte r
I
d’Hist. Nat. et de Chimie. 219
de la magnéfîe , de la chaux & des alca'is purs
fur l’alumine. Il efl vraifemblable que ces lubf-
tances , fur-tout les dernières , la mettroient, à
l’aide du feu , dans l’état d’une fri rte vitreufe.
M. Achard a fait une fuite d’expériences qui
prouvent cette affertion. la couleur , la tranf-
parence , la dureté & toutes les propriétés
de ces efpèces de verres , varient fuivant les
proportions relatives des fubftances que l’on
mêle pour les obtenir , comme on l’apprend
dans la differtation du chimide de Berlin déjà
cité.
L’acide fulfurique difîout facilement l’alumine
lorfqu’elle ed fraîche & humide ; il ne la difloüt
qu’avec peine quand elle ed sèche. Cette dif-
folution , faite à la dofe de plufiêurs onces ,
donne des cridaux d’alun mêlé de quelques
paillettes ou écailles femblables à celles du mica.
M. Beaumc ajoute même que fi on fait cette ex-
périence en petit, ont n’obtient prefque que de ces
dernières & point d’alun. Les autres acides dif«
folvent aufîi cette terre , & forment avec elle
des feTs peu connus , dont nous parlerons dans
les articles fuivans.
On ne fait pas quelle feroiî l’aftion de îa terre
alumineufe fur les fels neutres; mais la propriété
la plus fingulière qu’elle préfente c’ed celle de
fe combiner par excès au fulfate d’alumine , &:
2-^0 Elément
de lui donner des caractères nouveaux, comme
nous l’avons déjà fait obferver plus haut. M.
Beaumé , à qui appartient cette découverte , a
fait bouillir une diffolution d’alun avec de la
terre précipitée de ce fel par les alcalis fixes;
cette liqueur a diflous la terre avec effervef-
cence. Filtrée elle n’avoit plus la faveur de
l’alun , mais celle d’une eau dure ; elle ne rou-
gifloit point la teinture de tournefol , & elle
verdiflbit le firop de violettes. Par une évapo-
ration fpontanée , elle a fourni quelques crif-
taux en écailles douces au toucher , femblables
au mica ; M. Beaumé les compare à la félénite
ou fulfate de chaux. Il n’eft pas aile de réfor-
mer de l’alun en ajoutant de l’acide fulfurique à
ce fel déjà faturé de fa terre ; le mélange eft
alors acide fans ftipticité. Cependant , par une
évaporation fpontanée de trois mois, la difio-
lution a donné des criftaux d’alun , mêlés avec
quelques paillettes micacées , fembjables à celles .
que fournit l’alun faturé de fa terre. Telle eft
le précis des travaux de MM. Macquer &
Beaumé fur la terre alumineufe.
L’alun traité au feu avec les matières com-
buftibles forme une fubftance qui s’enflamme
à l’air , & qu’on appelle pyrophore de Hom -
ierg. Ce chimifte, qui l’a fait connoître en 17 1 1,
travailloit fur la matière fécale humaine , pour
d’Hist. Nat. ï.t de Chimii. 22 1
en tirer une huile blanche qui devoit fixer le
mercure en argent fin. Ce travail fut l’origine
de plufieurs découvertes. Un réfidu de cette
matière animale , diftillée avec de l’alun , prit
feu à l’air. Homberg répéta plufieurs fois ce
procédé , qui lui réufiil: confirmaient. Lémery
le cadet a publié en 1714 & 1715 deux Mé-
moires , dans lefquelsil a annoncé qu’on pouvoit
faire du pyrophore avec un grand nombre de
matières végétales & animales , traitées par l’alun.
Mais il n’a pas réufîi à en former avec plufieurs
autres fiels fulfuriques. Ces deux chimifies , qui
regardoient l’alun comme une combinaifon d’aci-
de fulfurique & de terre calcaire , penfoient que
cette dernière, réduite à l’état de chaux, attiroit
l’humidité de l’air , ÔC enflammoit par la chaleur
qui s’excitoit dans le mélange le foufre qu’ils fa-;
voient s’y former.
Depuis ces chimifies , le Jay de Suvigny , doc-
teur en médecine , a donné fur le pyrophore
' un très-bon Mémoire imprimé parmi ceux du
troifième volume des Savans Etrangers. Il y dé-:
taille un grand nombre d’expériences par lef-
quellesil eft parvenu à faire du pyrophore , non-
feulement avec l’alun & différentes matières corn*
buftibles, comme l’avoic fait Lémery, mais en-
core avec la plupart des fels qui contiennent
l’acide fulfurique. Ce médecin a auffi donné fu$
222 É L É M E N S
l’inflammation du pyrophore expofe à l’air
une théorie qui a été adoptée par tous les chi-
miftes jufquà ces derniers rems. Il penfoit que le
pyrophore contenoit de V huile de vitriol glacialt
qui , attirant l’humidité de l'air s’échauffant
fortement , allumoit le foufre & produifoit l’in—
mation fponranée.
Pour préparer le pyrophore, on fait fondre
dans une poêle de fer trois parties d’alun avec
une partie de fucre , de miel ou de farine ; on
defsèche ce mélange jafqu’à ce qu’il foit noi-
râtre , & qu’il ne fe bourfouflle plus ; on le
concaffe ; on 'le met dans un maîras ou dans
une fiole lutée avec de la terre, on place ce
vaiffeau dans un creufet avec du fable ; on le
chauffe jufqu’à ce qu’il forte du col de la fiole
une flamme bleuâtre ; & lorfqu’elle a brûlé
pendant quelques minutes , on retire le creu-
fet du feu ; on le laide refroidir , & on verfe
le pyrophore qu’il contient dans un flaccon bien
fec & qui bouche exa&ennent. Si l’on expofe
ce pyrophore à l’air , il s’enflamme d’autant
plus vite que l’atmofphère efl plus humide. On
accélère fa combuÜion en dir géant à fa fur-
face une vapeur humide , comme celle de
l’haleine. 11 ne faut pas chauffer trop lcng-tems
le pyrophore, fans cela il ne prend pins feu à
Pair. Il fe charge peu-à-peu d’humidité, lorf-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 113
qu’il eft dans un vaiffeau mal bouché ; il perd
la combuftibilité , mais on peut la lui rendre en
le calcinant de nouveau avec les précautions
indiquées.
Telles étoient les connoiffances que l’on avoit
fur le pyrophore avant M. Prouft , qui a donné
d’utiles recherches fur cetre matière dans le
Journal de Médecine , juillet 1778. Ce chi-
mifte ayant eu occafion de trouver dans fes
expériences un grand nombre de rélidus pyro-
phoriques , dans lefquels on ne pouvoit pas
foupçonner l’exiftence de l’acide fulfurique , a
cru que cet acide n’eft pas la caufe de l’inflam-
mation fpontanée du pyrophore ; il a prouvé ,
par une expérience bien fimple, qu’en effet cette
fubftance combuftible n’en contient pas un
arôme de libre , puifqu’en verfant de l’eau fur le
pyrophore , il ne fe produit point de chaleur.
11 paroît , d’après ie dénombrement des différens
pyrophores qu’il a obtenus, que toutes les fubf-
tances qui laiffent après leur déeompofition un
réfidu charboneux , divifé par une terre ou
par un oxide métallique, font fufceptibles de
s’enflammer à l’air. Mais on ne peut difconve-
nir que la partie de fon travail que M. Prouft
a fait connoître n’indique point encore la
caufe de l’inflammation du pyrophore de Hom-
berg , qui, fuivant lui, différé de ceux qu’il a
t
2*4 E L É U E N 5
obfervés; & en effet, fon Mémoire n’apprend
rien fur la compofirion de la fubflance qui nous
occupe.
M. Bewîy, chirurgien anglois , dans une let-
tre écrite à M Prieftley, attribue l’inflamma-
tion du pyrophore à ce qu'il contient une fubf-
tance capable d’attirer l’acide nitrique de l’atmof-
pbère. Il eft fondé dans cette opinion , parce
qu’il a découvert que l’efprit de nitre inflamme
fur-le-champ un pyrophore qui n’a pas été affez
calciné , ou qui s’eft chargé d’humidité. Mais il
eft démontré, d’une part, que l’acide nitrique n’eft
pas contenu en nature dans l’atmofphère ; &c
d’une autre part, M. Prouft a découvert que
l’inflammation du pyrophore par l’efprit de ni-
tre , efl due au charbon contenu dans cette fubf-
tance, puifque cet acide détonne avec toutes les
matières charbonneufes bien sèches & très-divi-
fées , comme nous le dirons plus en détail à l’ar-
ticle du charbon. L’explication de M. Bewly
h’eid donc pas plus latisfaifante que celle des chi-
mifles qui l’ont précédé.
La feule manière de découvrir la caufe de
ce phénomène , eft de bien connoître la nature
chimique du pyrophore de Homberg ; il paroît
qu’il contient la terre de l’alun , une matière
charbonneufe très-divifée, fournie par le miel ,
le fucre, &c. un peu de poçaffe, & du foufre
uni
d’Hist. Nat. et de Chimie. Mï
uni en partie à la terre de l’alun, & en partie à
l’alcali.En chauffant fortement du pyrophore dans
un appareil pneumato-chimique , on en retire
une grande quantité de gaz hydrogène fulfuré ,
ou hépatique . Lorfqu’il n’en fournit plus , il ne
s’enflamme plus à l’air. Si l*on plonge du pyro-
phore dans l’air vital , il brûle rapidement avec
une flamme rouge très-brillante. En le lavant
avec de l’eau chaude , on en retire un véritable
fulfure , & il ne reffe plus fur le filtre que la ma-
tière charbonneufe $c un peu d’alumine. Le py-»
rophore eff alors décompofé. Lorfque le pyro-
phore a ceffé de brûler, il a augmenté de poids
à caufe de la portion d’oxigène qu’il a abforbée.
Sa lefîive fournit alors du fulfate d’alumine, parce
que le foufre brûlé parl’aûion de l’air forme de
l’acide fulfurique qui s’unit à la terre aluminéufe j
mais ce fel eff de l’alun faturé de fa terre.
On a donné dans le Journal de Phyfique, No^
vembre iy8o , des obfer valions fur le pyro-*
pbore , dans lefquelles on annonce , qUç cette
fubffance doit fa combuffibilité à une certaine
quantité de phofphore formé par l’acide des ma-
tières muqueufes; i°. que la diffillation du pyro-
phore fournit par once cinq à fept grains de phof-
phore ; 3°. que l’on peut en faire fur-le- champ
en triturant dans un mortier de fer cinquante-*’
Tome II 4 #
y
élément
quatre grains de fleur de foufre , trente-fix de
charbon de Taule bien fec,& trois grains de phof-
phore ordinaire. Les détails de cette analyfe ne
répondent pas exactement aux indu&ions qu’on
en tire , puisqu’il n’y eff pas démontré qu’on en
ait retiré du véritable phofphore. Au refte , ce
mémoire offre plufleurs faits intéreffans, & qui
feront utiles aux chimifles qui voudront entre-
prendre une analyfe fui vie du pyrophore.
L’alun efl; d’un ufage très-étendu. On l’emploie
en médecine comme aflringent ; mais il demande
beaucoup de précautions pour être admimflré
à l’intérieur. On s’en fert plus fouvent à l’exté-
rieur , comme d’un fliptique & d’un defliccatif
puiflant. Il entre dans les collyres , les garga-,
rifmes , les emplâtres, &c.
L’alun eft une des matières falines les plus
utiles dans les arts. Les chandeliers le mêlent au
fuif pour le rendre plus ferme. Les imprimeurs
frottent leurs balles avec l’alun calciné , pour leur
faire prendre l’encre. Le bois, imprégné d’une
diffoîution d’alun , ne brûle qu’avec peine; c’eff
d’après cela qu’on a propofé ce moyen pour ga«
rantir les édifices des incendies; on a le même
avantage pour le papier ; mais celui-ci jaunit &
s’altère affez promptement.
Les blanchiffeuies jettent un peu d’alun danç
d’Hist. Nat. et de Chimie; ±ïf
ï’eau trouble pour l’éclaircir. M. Baume croit que
ce tel le charge d’une partie de la terre fufpendué
dans ce fluide , &- fe précipite avec elle * en for-
mant un compolé infoluble. Quelques perfGnnés
fe fervent de ce moyen pour purifier 6c rendre
claire l’eau que l’on veut boire. On s’en fert
pour préparer les cuirs ; pour imprégner les pa-
piers 6c les toiles que f’on veut colorer à l’aide
de l’impreffiom
Une di Ablution d’alun retarde la putréfaèiion
des fubftances animales. C'eft un moyen très-bon
& très-économique pour conferver les produc-
tions naturelles que l’on envqie des pays étran-
gers. La terre d’alun fait la bafe des paflels , 6c
elle leur donne du corps ; enfin , ce fel eft famé
de la teinture * comme le dit Macquer. 11 aug-
mente l’éclat 6c l’intenfité des couleurs; il donne
de la folidité aux parties colora tes extractives *
qui fans lui ne feroient point durables 6c s’enlé-
veroient par l’eau. Cette dernière aétion de l’alun
fur les matières colorantes végétales fera exami-
née dans l’h’ftoirt de ces matières; on y verra que
e’eft en changeant leur natu e , en les décompo-
fant , 6c en les rendant indiflolubles dans l’eau j
que l’alun leur fait prendre de la loliditéi
tl2& Ê L É M E N 9
Sort. II. Nitrate alumineux;
M. Bautné dit que l’acide nitrique diffout com-
plètement la terre de l’alun. Cette diffolution eft
limpide & beaucoup plus aftringente que celle de
i’alum Elle donne par une évaporation fpontanée
des petits criftaux pyramidaux, très-ftiptiques ,
qui font déliquefcens.
On n’a point encore examiné les autres pro-
priétés de ce fel ; on fait feulement qu’il eft dé-
compofable par les mêmes intermèdes que l’alun.
On ne l’a point encore trouvé dans la nature, ôi.
il eft toujours un produit de l’art.
Sorte III. Muriate aluminïux.
L’acide muriatique diffout mieux la terre alu-
jnineufe que ne le fait l’acide nitrique. Cette diffo-
lution faturée eft gélatineufe ; on ne peut la filtrer
qu’en l’étendant dans beaucoup d’eau. La faveur
du muriate alumineux eft falée & ftiptique ; il
rougit le firop de violettes , & le verdit enfuite.
Il donne par une évaporat'on fponranée des
criftaux très- ftiptiques,dont on n’apoint examiné
la forme : l’eau de chaux le décompofe. Le mu-
riate alumineux eft déliquefeent ; il a toujours
été jufqu’à préfent un produit de l’arr. On ne
çonnost point fes autres propriétés.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 2.29
Sorte IV. Borate alumineux.
On n’a point encore examiné la ccmbinaifon
de l’acide boracique avec l’âluhûne , que nous
appelons borate alumineux. On fait que fi l’on
verfe une diffolution de borate de foude dans
une diffolution de fulfate alumineux , il fe forme
un précipité léger tk flocconneux. L’acide fulfuri-
que quitte l’alumine pour s’unir à la foude. Cette
terre fe combine avec l’acide boracique , qui fe
fépare en même temps ; & ce nouveau fel fe re-
diffout peu-à-peu. Cette liqueur précipite enfuite
%
par l’alcau fixe , & elle donne par l’évaporation
une malle vifqueufe & aftringente, dans laquelle
le fulfate de foude & le borate alumineux font
confondus. Cette efpèce de borate efl décompo-
fab'e par les mêmes intermèdes que l’alun; ait
refte , on n’en a point examiné avec aflez de foin
les propriétés, *
Sorte V. F lu ATI alumineux.’
Nous cléfignons par ce nom la combinaifoil
d’acide fîuorique avec l’alumine. Ce fel neutro
n’eft point connu , & on ne l’a point du tout
examiné. MM. Schéele , Boullanger <k Bergman
n’ont rien dit fur cette combinaifon.
Sorte V I. Carbonate alumineux.
/
L’union de l’acide carbonique avec l’alu miaft
Piii
Z]Q, E L É M E N S
n’a été encore que peu examinée. Il eft cependant
certain que cet acide fe combine avec une por-
tion de terre alumineufe , puifque , io. fuivant la
remarque de Bergman, lorfqu’on précipite une
diffolution d’alun par les carbonates alcalins, la
liqueui nltrée laiffe dép.ofer au bout de quelque
temps un peu de terre, qui y étoir tenue en diffo-
lution par l’açide carbonique qui s’enfépare i
jnefure que ce dernier fe difïipe ; 2°. cette préci-
pitation faite à froidne préfente point d’effervef-
çence, & une portion de l’acide carbonique qui
fe fépare de l’a’cali paroît fe porter fur l’alu-
mine , tandis qu’une autre portion fe diffout dans
la liqueur.
D’ailleurs il eft reconnu aujourd’hui , d’après
i’analyfe de plufieurs terres argileufes faites par
quelques chimiftes modernes, qu’elles contiennent
de l’acide carbonique, puifqu’elles font une effer;-
vefcençe plus ou moins marquée , lorfqu’on les,
d.üTout dans les acides fulfurique &c muriatique..
b’hist. Nat. et de Chimie; 131
CHAPITRE X.
Genre VI. Sels neutres Barytiques ,
OU A BASE DE BARYTE.
a
L A baryte forme avec les acides des fels neutres
différens de tous ceux que nous avons examinés
jufqu’ici, non-feulement parleur forme, leur
faveur , leur iolubilité , mais encore par les loix
qu’ils fui vent dans leur décompofition.Labafe ter-
reo-alcaline qui les conftitue a plus d’affinitéavec
les acides que n’en ont les rrois alcalis &les au-
tres terres ; il faut que ces fubflances alcalines
foient unies à l’acide carbonique pour pouvoir
féparer cette bafe & décompofer les fels baryti-
ques. Ces fels font au nombre de fix, favoir , le
fulfate barytique , ou fpath pefanr , le nitrate ba-
rytique , le muriate barytique , le borate baryti-
que , le fluate barytique & le carbonate baryti-
que A ces lix fels il faut ajouter les combinai-
fons de la baryte avec les acides tunftique , arfé-
nique , molybdique & fuccinique; mais ceux-ci
étant bien moins connus , nous n’en parlerons que-
d.ans l’hiftoire particulière de ces quatre acides.
P i*
*3Z Elemens
Sorte 7. Sulfate Barytique ou Spath pesant.
Le fpath pifant , regardé jufqu’à préfent comme
une pierre par les naturalises, parce qu’il n’a ni
faveur , ni difîolubiliîé , eS le réfultatde la com-
binaifon de l’acide fulfurique avec la baryte , &C
doit porter le nom de Julfatc barytique. Ce fel
terreux a fou vent été confondu avec le fpath jluot
ou fluate calcaire par beaucoup de naturalises \
Sc ils ont fans doute étc trompés , parce qu’il ne
fait pas plus d’effervefcenceque lui avec les acides.
Mais fa forme, fon peu de tranfparence , &: fur-
tout fa pefanteur extrême, le fontaflez facilement
distinguer, Un feul caractère chimique fuffit en-
core pour le faire reconnoître. Si on verfe un peu
d’acide fulfurique fur ce fpath réduit en poudre,
çet acide le mouille fans en dégager aucune va-
peur, ni aucune odeur \ tandis que le fluate cal-
caire ou fpaih-jluor , traité de même , exhale peu-
à-peu un gaz d’une odeur piquante , qui forme
line fumée blanche dès qu’il eft en contaft aveG
l’air, & que l’on reconnoît bientôt pour l’acide Hua-
rique. D’autres naturaliftes l’ont confondu avec
quelques variétés de félénite ou fulfate de chaux,
pais çe dernier fel n’a ni la même forme, ni la
même infolubilité,& il efl: décompofé par les alcar
lis fixes purs ou cauftiques, tandis que le fpath pe^
faut n’éprowye point d -altération dç la part de ces
fels.
d’Hist. Nat. et ds Chimie. 235
Lefulfate bary tique le trouve en grande quan-
tité dans la nature ; il accompagne le plus fou-
vent les mines métalliques; il efl, ou criflallifé,
ou en maffes informes , mais toujours difpofé
par couches plus ou moins épaiffes, & plus ou
moins étendues. Il efl d’une dureté allez confidé-
rable , quoiqu’il n’étincèle pas fous le briquet*
Ses principales variétés font les fuivantes,
.Variétés*
1. Sulfate bary tique ou fpath pefant blanc ,
demi-tranfparent , criflallifé , en prifmes
à fix faces , deux très^-larges , quatre rrès-
petites , terminés par des fommets diè-
dres. Ces criûaux font placés obliquement
fur des maffes de même nature. Ilsreffem-
blent à des plaques quarrées allongées ,
dont les quatre bords auroient été taillés
en bifeau à chaque face. Ils font fouvent
recouverts de criftaux rhomboïdaux jau-
nâtres. On l’appelle comme le fuivant ,
fpath pefant en tables.
2. Sulfate barytique , ou fpath pefant d’un
blanc laiteux en tables fans bi féaux» Il n’efî
pas criflallifé régulièrement , mais il efl
formé de couches allez épaiffes, pofées
les unes fur les autres. Il efl fouvent in-
cruflé d’une poufîière rougeâtre de mine
d’argent rouge, ou d z pyrites*
Elément
v
vV ariétés#
3. Sul ate barytique ou fpath pefant arrondi
& demi chatoyant; pierre de Boulogne.
Elle eft formée de plufieurs filets conver-
gens , qui fe réunifient en lames appli-
quées les unes fur les autres. C’eft cette
variété qui eft la plus connue, à caufe de
fa propriété phofphorique. Elle a mani-
feftement été roulée par les eaux.
4. Sulfate bary tique ou fpath pefant o&aè-
dre. Les fommets des pyramides font
■ fouvent tronqués , ce qui forme un dé-
caèdre. Il préfente aufii plufieurs autres
variétés, fui vant rallongement & la tron-
cature de (es angles, ou plutôt fui vant les
divers décroiffemens formés par fes mo-
lécifes.
5. Sulfate barytique ou fpath pefant dodé-
caèdre. Il a la forme de certains grenats
& de quelques pyrites. Il eft plus rare
que le précédent.
6. Sulfate barytique ou fpath pefant pyra-
midal. Cette variété, ainfi que la précé-
dente , eft indiquée dans le tableau de
M. Daubenton.
J’avois regardé comme une variété de fpath
pefant celui qu’on appe'l e fpath pet le , & qui avoit
été placé autrefois parmi les fpath fèlénimx
d’Hist. Nat. et de Chimie: i]f
comme la plupart des précédentes. Ce fpath eft
formé de petites écailles rhombéales fouvent
brillantes , qui fe recouvrent obliquement les
unes les autres. Il eft opaque , brillant , 'comme
micacé & femé fur du fpath calcaire, fur du quartz
ou fur la première variété que nous avons dé-
crite. Il eft coloré en jaune ou en vert fale ;
quelquefois il eft d’un blanc argentin. C’eft un
vrai fpath calcaire, , fuivant M, l’abbé Haiiy.
Margraf , qui a examiné plufteurs variétés de
fulfate bary tique, telles que la pierre de Boulo-
gne & le fpath pefant blanc opaque , avoit cru le
reconnoître pour une efpèce de fèlènite ou fulfate
calcaire , mêlée avec un peu d’argile, qui la ren-
doit infoluble ; mais MM. Gahn , Schéeleôi Berg-
man y ont trouvé la terre particulière que nous
avons appellée baryte .r M. Monnet y avoit aullâ
reconnu une bafe différente de la terre calcaire
par les fels qu’elle forme avec les acides ; mais
ce chimifte y admet le foufre tout formé ,
regarde le fpath pefant comme un foie de foufre
terreux criftallifé*
Le fulfate barytique fe fond à une chaleur
violente , telle que celle des fours de porce-
laine , &c. il donne un verre plus ou moins co-
lore. Expofé à une chaleur foible, il n’eft nulle-
ment altéré. Si on le porte dans l’obfcunte, lor£-
a36 Elémens
<qu’il a été chauffé un peu fortement , il préfente
line lumière bleuâtre très~vive. Lemery rapporte
qu’un cordonnier d’Italie, appelle Vincenzo Caf-
ciarolo, découvrit le premier la propriété phof-
phorique de la pierre de Boulogne. Cet homme
ramaffa au bas du monr Paterno cette pierre dont
le brillant & la pefanteur lui avoient fait penfer
qu’elle contenoit de l’argent ; l’ayant expofée au
feu , pour effayer fans doute d’y reconnoître
quelques traces de ce précieux métal, il remarqua
qu’elle étoit lumineufe dans l’obfcurité } cette dé-
couverte attira fon attention, & l’expérience ré-
pétée plufîeurs fois lui réufîît conftamment. Beau-
coup de phy ficiens & de chimiffes fe font fucceffi-
vement occupés de ce phénomène , & ont varié
de toutes les manières la calcinaîionde la pierre de
Boulogne ; les ouvrages de la Poterie , de Montal-
ban , de Mentzel , de Lemery , les Mémoires de
Homberg , de Dufay,de Margraf, contiennent
plufîeurs procédés pour cette opération.
On fait aujourd’hui que cette propriété eft
commune à toutes les variétés de Calfate baryti-
que. Il luffit de les faire rougir dans un creufet , de
les réduire en poudre dans un mortier de verre ,
d’en faire une pâte avec un peu de mucilage de
gomme adragant , d’en former des gâteaux minces
comme des lames de couteau ; on fait féchcr eu-
£>’ Hist. Nat. et te C«îmie. 137
•fuite ces gâteaux , & on les calcine fortement
en les mettant au milieu des charbons dans un
fourneau qui tire bien ; on ne les en retire que
lorfque le charbon eft confume Si le fourneau
tféfroidi ; on les nettoie par le moyen d’un fouf-
flet, on les expofe à la lumière pendant quelques
minutes , & en les portant dans un lieu obfcur,
on les voit briller comme un charbon ardent. Ces
gâteaux luifent même dans l’eau ; ils perdent peu-
à-peu cette propriété , & on la leur rend en les
chauffant de nouveau. Mais beaucoup d’autres
fubftances préfentent le même phénomène; la
magnéfte , la craie , le fulfate ôc le fluate cal-
caires , ôzc. deviennent lumineux après avoir été
chauffés. Macquer a reconnu la même propriété
dans la terre de l’alun , le fulfate de potaffe , la
craie de Briançon , la pierre à fufil noire calcinée,
ce qui prouve que la préfence d’un acide n’eft
pas abfolument néceffaire pour la produéiion de
ce phénomène , quoiqu’elle paroiffe contribuer
pour quelque chofe à fon intenfité.
Le fulfate barytique chauffé dans une cornue ,
n’a rien donné à Margraf. Ce favant a obfervé
que ce fpath n’étoit nullement altéré par cettç
opération.
Ce fel eft parfaitement infoluble dans l’eau ;
les matières terreufes ÔC falino-terreufes n’ont au-
*3 “ E L É M E N S.1
cune aélionfur lui. Les alcalis fixes purs ne péitf
veut le décompofer ; & c’efflà la propriété la plus
fingulière qu’il préfente. En effet , les autres ma-
tières terreufes & falino-terreufes ont moins d’af-
finité avec l’acide fulfurique , que n’en ont les
alcalis fixes. La baryte , au contraire , a plus
d’affinité que ces fels avec ces acides. Auffi nous
avons fait obferver , d’après Bergman , que cette
terre décompofoit les fulfates de poraffe & de
foude. 11 en eft de même de l’ammoniaque.
Les acides minéraux n’ont point d’aéfion fur
le fulfate bary tique, parce que l’acide fulfurique
efl le plus adhérent de tous à la terre qui fert de
bafe à ce fel. Les fels neutres ne l’altèrent pas
davantage , fi l’on en excepte les carbonates de
potaffe & de foude. Ces deux fubffances falines
décompofent le fpath pefant à l’aide des affinités
doubles. La baryte eft féparée de l’acide fulfuri-
que , parce qu’elle eft attirée par l’acide carboni-
que , en même-temps que l’un ou l’autre des
alcalis fixes fe porte fur le premier acide; Pour
opérer cette décompcfition , on fait fortement
chauffer dans un creufet un mélange de deux
parties de carbonate de potaffe , & d’une partie
de fulfate barytiqne réduit en poudre. Onîeffive
cette matière , qui eft à demi-vitrifiée, dans l’eau
diftillée ; on filtre la liqueur , ÔC q n en obtient
b’Hist. Nat. et de Chimie; 239
par l’évaporation du fulfate de potalfe. La fubf-
tance reliée fur le filtre ell le carbonate de baryte^
on le lave à grande eau pour le bien delfaler , 8c
il ell fous la forme d’une nirtière pulvérulente
très-blanche & très-fine, mais ordinairement im-
pure , parce qu’il contient prefque toujours une
portion de fulfate baryîique qui a échappé à la
décompofition.
Les fubllances combuilibîes ayant la propriété
de déccmpofer ce fel terreux , peuvent aulîi être
employées pour en obtenir la bafe. Lorfqu’oa
expofe au feu , dans un creufet , ce fel pulvérifé
avec un huitième de fon poids de charbon en
poudre , & lorfqu’on fait rougir le creufet pen-;
dant deux ou trois heures, la matière verfée dans
de l’eau dillillée donne fur-le-champ à ce fluide
une couleur jaune rougeâtre , & tous les carac-
tères d’une dilfolution de fulfure terreux. En
effet , le charbon ayant enlevé l’oxigène à l’acide
fulfurique , le foufre mis à nud par cette dér
compolition s’unit à la baryte qui le réduit dans
l’état de fulfure ou d ’hépar. On précipite la diffo-
lution de ce fulfure à l’aide d’un acide ; on choifit
l’acide muriatique parce qu’il forme, avec cette
terre, un fel folubie , tandis que l'acide lulfu-
rique reformeroit du fulfate barytique qui ell
infoluble j on filtre la liqueur décompofée par
I
*4° E L £ M Ê N s
l'acide ; le foufre féparé par cet acide refte fat
le filtre , & l’eau filtrée tient en diffolution du
xnuriate barytique. On le décompofe par une
diffolution de carbonate de potaffe , & la ba-
ryte fe précipite unie à l’acide carbonique , dont
on peut la Séparer par la calcination , comme
nous le d'rons dans un autre article.Ce procédé,
que j’ai exécuté un grand nombre de fois , ne
fournit que très-peu de baryte , &: l’on ne trouve
fur le filtre de la précipitation de l’hépar par
l’acide muriatique que quelques atomes de foufre,
fi l’on ne fait pas chauffer très - fortement le
mélange. Pour aider la décomposition de ce fel
terreux , Bergman & Schéele ont prefcrit d’a-
jouter au mélange de fulfate barytique & de
charbon un quart environ de fel fixe de tartre .
Alors on fépare plus facilement le foufre & la
baryte; ce qui dépend de la fufion plus complète
opérée par l’alcali fixe.
On voit , d’après les deux procédés par les-
quels on décompofe le fulfate barytique , ainfi
que d’après l’examen de- toutes les propriétés de
ce fel , combien la terre ou la fubftance falino-
terreufe qui en fait la bafe , différé de celles que
nous connoiffons, favoir, de l’alumine, de La
chaux & de la magnéfie.
Le fulfate barytique n’eft abfolument d’aucun
ulâge
d’Hist. Nat. et de Chimie. 141
ufage dans les arrs : on en prépare des gâteaux
phofphoriques, & on en extrait la baryte pour
l’ufage des laboratoires de chimie.
Sorte II. Nitrate barytique.
L’acide nitrique s’unit facilement à la baryte ;
il réliilte de cette combinaifon un fel neutre ,
qui donne ou de gros criftaux hexagones , ou
de petits criffaux irréguliers , fuivant M. d’Ar-
cet : on ne l’obtient criffallifé qu’avec affez de
difficulté.
Le nitrate barytique fe décompofe au feu , &
il donne de l’air vital.
Il attire l’humidité de* l’air ; & cependant il
lui faut une affez grande quantité d’eau pour
être tenu en diffolution.
Les alcalis purs ne le décompofent point non
plus que le fable , l’alumine , la chaux & la ma-
gnéiie.
L’acide fuîfurique verfé dans la diffolution dit
nitrate barytique en précipite fur le champ du
fulfate de baryte. L’acide fluorique s’empare auffi
de fa bafe.
Les carbonates alcalins le décompofent par
une double affinité.
Ce fel n’eft encore que très-peu connu.
Sorte III. Muriate barytique.
Ce fel a été auffi peu examiné que le préeé-
Tome IL Q
M2- É L Ê M E N 5
dent. Bergman dit qu’il eft fufceptibîe de crif-
taliifer , & qu’il ne fe diffout que difficilement;
on l’obtient en effet fous la forme de criftaux
quarrés allongés affez fernbîables à ceux du
fpath pefant en tables.
Le labié, l’alumine, la chaux, la magnéfie
& les alcalis cauftiques ou purs n’ont nulle ac-
tion fur ce fel , & n’en féparent point les prir>
cipes.
Les acides fulfurique & fluorique décompcH
fent ce fel, en s’emparant de fa bafe.
Les carbonates de potaffe & de foude en pré-
cipitent la baryte unie à l’acide carbonique.
Bergman met le muriate barytique au nom-
bte des réa&ifs les plus fenfibles ; & il le pro-
pofe pour reconnoître la plus petite quantité
pcffible d’acide fulfurique contenu dans une
eau minérale. Une ou deux gouttes de diffolu*
tion de ce fel verfées dans environ trois livres
d’eau chargée de douze grains de fulfate de
foude en criftaux y prpduifeut bientôt des ftries
blanches de fulfate bary tique, formé par la dou-
ble décompofition de ces deux fels , & par le
tranfport de l’acide lulfurique fur la baryte ; il
refte du muriate de foude en diffolution dans la
liqueur : tous les fels fulfuriques font également
fenfibles par ce réattif qui les déçompofe en for-
mant du fui fat ç bary tique.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 245
Sorte IV. Borate barytique.
On ne connoît point du tout cette combinai»
fon de l’acide boracique avec la baryte.
Bergman affure que l’acide du borax eft tirî
de ceux qui a le moins d’affinité avec cette flibf-
tance falino-terreufe , & il le place dans fa table
au-deflbus de la plupart des acides végétaux Sc
animaux.
Sorte Y. Fluate barytique.
Ce fel n’efl pas plus connu que le précédent,'
& c’efl un objet de travail abfolument neuf,
ainfi que beaucoup d’autres matières falines ,
qui n’ont point encore été examinées, & fur les-
quelles la difette de faits nous a obligés d’être
fort courts.
Bergman affure dans fa differtation fur les
attrapions éle&ives, que l’acide fluorique verfé
dans une diffolution de nitrate ou de rnuriate
barytique, y occaflonne un précipité , & que ce
précipité fait effervefcence avec l’acide fulfuri-
que qui en dégage l’acide fluorique.
Cette expérience prouve que l’acide fluorique
a plus d’affinité avec la baryte que les acides
nitrique ôi muriatique, & qu’il forme avec cette
fubftance falino-terreufe un fel beaucoup moins
foluble que le nitrate £{le muriate barytique.
Qü
1
*44
E L É M E N S
Sorte VI. Carbonate barytique.'
La baîyte efl fufceptible de s’unir à l’acide
carbonique, & il en réfu te une efpèce de fel
neutre qui préfente des propriétés particulières,
& qui femble avoir quelques rapports avec la
craie*
On a déjà obfervé que c’efl en raifon de
l’afEnité de la baryte avec l’acide carbonique,
que le fulface bary tique &c tons les fels en géné-
ral dont cette terre efl la bafe font dé .ompofés
par les carbonates alcalins. Dans ces décompo-
litions , il le précipite toujours du carbonate
de baryte. On prépare encore cette efpèce de
fel en expofant à i’air une diffolution de cette
fubflance filino - tcrreule pure ; la furface fe
/
couvre lentement d’une pellicule qui fait effer-
vefcence avec ies acides, & qui efl due à cette
terre chargée de l’acide carbonique de l’atmof-
phère, & devenue moins foluble par fa neutra-
lifation ; ce phénomène efl femblable à celui
que préfente l’eau de chaux , & c’efl une
analogie frappante qui exifle entre ces deux
fubfta ces falino-terreufes , quoiqu’elles diffé-
rent fmgulièrement par beaucoup d’autres pro-
priétés.
Le carbonate barytique expofé au feu perd
fon acide. Si on le chauffe dans une cornue ou
D’HiSt'. Nat. et de Chimie. 24$
dans un matras auquel on a adapté un appareil
pneumato-chimique , on obtient cet aude fous
fa forme gazeufe naturelle. Cependant on n’en
fépare les dernières portions que très- difficile-
ment & à une chaleur exceffive.
Tous les acides minéraux dccompofent ce
fel & en dégagent l’acide carbonique ; ce qui
produit l’effervefcence vive qui le diflingue d’a-
vec la baryte cauffique ou pure. Bergman ef-
time que ce Tel contient au quintal fept parties
d’acide carbonique , foixante-cinq de baryte, Sc
huit d’eau.
\ .
L’eau ne diffout qu’à peine le carbonate ba-
rytique, mais lorfqu’elle efl elle-même char-
gée d’acide carbonique , elle en diffout environ
lin mil cinq cent cinquantième de fon poids'.
On voit, d’après cela, que le carbonate bary-
tique eff moins diffoluble que la baryte pure
ou cauftique , puifque dans ce dernier état l’eau
peut en diffoudre environ un neuf- centième,
fnivant les expériences de Bergman. Il fe com-
porte donc à-peu-près comme la craie ou le
carbonate de chaux , puifqu’il fe précipite auffi
comme ce dernier, à mefure que l’acide carbo-
nique uni à l’eau qui le tient en diffolution
s’évapore. Au refte il en diffère par un grand
nombre d’autres propriétés , &c fur-tout par les
fels qu’il forpie avec les atitres acides s comme
Q “i
Z4& É L É M E M S
nous l’avons démontré par l’examen de ces Tels.
Le carbonate barytique n’eft d’aucun ufage î
on l’a trouvé dans la nature. Voyez l’Analyfe
de celui d’Alfton-Moore , Annales de Chimie,
CHAPITRE XL
Récapitulation Jur tous les fels minéraux
comparés entreux .
J^L'PR Ès avoir expofé les connoiffances ac-
quifes jufqu’à ce jour fur les propriétés de tous
ies fels minéraux connus, nous croyons devoir
présenter un précis de leurs principaux carac-
tères, de leur nature comparée, & de leurs attrac-
tions réciproques.
I. Les fels fe reconnoiflent à quatre propriétés
générales, la faveur, la tendance à la combinai-
fcn , la didolubilité Sc l’incombuftibilité ; ces
propriétés font dans des degrés très-différens
d’énergie , & ces degrés conflituent des -diffé-
rences efTemielles dans les matières Câlines.
II. Tous les fels peuvent être rapportés à
quatre ordres ou à quatre genres principaux,
pavoir , î®. les fubifances falino - terreufes qui
joignent des propriétés terreufes aux qualités
d’Hist. Nat- et de £»imie. 2.47
jfalines; 20. les alcalis dont les carà&ères con-
fident dans ia faveur urineufe & dans la pro-
priété de verdir placeurs couleurs bleues végé-
ta les ; 3 9. les acides reconnoidables par la faveur
aigre & la couleur rouge qu’ils font prendre aux
matières végétales bleues; 4®, les fels moyens
ou neutres qui different des précédons par moins
de faveur , & fur-tout une faveur mixte falée,
amère, &cc. moins de diffolubilité, &c„
III. Il y a trois fubdances falino-terreufes
la terre pefante ou baryte , la magnéfie &: la
chaux. On connoît allez bien leurs propriétés,
mais on ignore leur compofition. Aucun chi-
mide n’a encore pu féparer les principes ele ces
fubdances ni les reformer par des combinpifons ;
ainlî ces matières font réellement fimpîes, relati-
vement à l’état aéhiel de la fcience ; peut-être
parviendra-t-on par la fuite à les décompofer.
IV. On connoît trois fels alcalis ; la potaffe
appellée aulîi alcali fixe végétal y alcali du tarin ;
la foude nommée alcali minéral ou alcali marin ;
l’ammoniaque ou alcali volatil. Les deux pre-
miers font fecs , folides , caudiques , fufibles ,
déliquefcenS , &c. On ne peut les didinguer
l’un de l’autre lorfqu’iîs font purs ; on les dis-
tingue facilement par leurs combinai fons avec
les acides. Aucune expérience n’apprend encore'
rien de pofitit fur leur compofition imime >
Q iv
*4$ Ê L É M E N S
perfonne n’en a féparé les principes ] ou n’en
a forme par des combinaifons particulières.
L’opinion des chimiftes qui les regardoient com-
me une union de l’eau & de la terre, n’eft qu’une
hypôthèfe autrefois ingénieufe à laquelle on doit
renoncer, parce qu’elîe n’eft appuyée fur aucun
fait politif. L’ammoniaque diffère des deux pre-
miers, parce qu’c le eft fous la forme d’un fluide
élaftique très-odorant, très-expanfible , &rc. On
entrevoit aujourd’hui qu’elle eft compofée de la
bafe de deux gaz», de celle du gaz inflammable
ou hydrogène , & de celle de la mofette atmof-
phérique on de l’azote, qu’elle fe décompofe
dans pîufieurs opérations, & qu’elle fe forme
dans d’autres. Il paroîc que les deux alcalis fixes
contiennent atiiïi de l’azote , & que ce corps
peut être regardé comme le principe alcalifîant,
ou comme alcali fine.
V. Les acides bien connus font au nombre
de fix; l’acide carbonique, l’acide muriatique,
l’acide fluorique , l’acide nitrique , l’acide fulfu-
rique & l’acide boracique ; tous ont des pro-
priétés particulières qui les diftinguent; l’acide
carbonique, l’acide muriatique, l’acide fluorique
prennent très-facilement l’état é'aflique ou aéri-
forme ; il n’en eft pas de même de l’acide
nitiique & de l’acide fuifurique; l’acide bora-
cique eft concret & criftallin. Les acides arfé-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 249
nique , molybdique & tunftique , dont nous
traiterons dans une efpèce de fupplément , font
concrets , mais pulvérulens & fans forme crif-
talline.
VI. On commence à connoître la nature des
acides beaucoup mieux qu’autrefois. Il eft prou-
vé que l’hypothèfe qui les regardoit comme
l’union intime de l’eau & de la terre n’a plus
rien de vraifemblable. On a démontré que la
bafe de l’air vital ou Fcxigène entre dans leur
compofition ; que fouvent cet oxigène y efi uni
avec un corps combufiible , comme le charbon
dans l’acide carbonique , le fouffre dans l’acide
fulfurique, l’azote dans l’acide nitrique ; îa for-
mation d’un grand nombre d’acides particuliers
par l’a&ion de l’acide nitrique fur des corps
combufiibles confirme cette afiertion fur la né-
cefiité de l’oxigène pour conftituer les acides.
VII. Les acides s’unifient fans décompofition
à l’alumine , à la baryte , à la magnéfie , à la
chaux, aux alcalis fixes & à l'ammoniaque j
il réfui te de ces combinaifons un grand nom-
bre de fels appelles fels compofés , fels moyens ,
fels neutres. On nomme bafes les fubfiances qui
neutralifent les acides dans ces combinaifons
falines.
VIII. Les fels moyens ou neutres ont des
propriétés différentes de celles de leurs compo-
2$0 É L É M E N S
fans ; on ne reconnoît plus dans la plupart les
Cara&ères de l’acide ni de la bafe. Cependant
celle-ci paroît donner aux fels neutres quelques
propriétés générales ou communes , & c’eft pour
cela que nous avons diftingué les genres de ces
fels par leurs baies.
IX. Il y a d’après ce principe lix genres de
fels neutres dont nous croyons devoir retracer
ici Tordre, la compolition àc la nomenclature.
Genre I. Sels neutres a base
d'alcalis fixes.
Noms anciens.
' Sort : I. Acide fulfurique &
potaffe.
Ç Tajtre vitriole , fel de duo bu fr
Sulfate Dï POTASSE. < Arcanum duplicjiurn, Vï~
C. triol de potaffe.
Sorte IL Acide fulfurique Sc
foude.
„ r Sst de Glnuber, Vitriol èt
Sulfate de soude. £
Sorte 111. Acide nitrique &.
potafle.
Nitrate DEPOTASSE. Nitre commun. Salpêtre..
Sorte IV. Acide nitrique St
foude.
< Nitre cubique , Nitre rhons*
Nitrate de soude. ^ boïdil.
Sorte V. Acide muriatique &
P°taU<“‘ Ç Sel digeflif , Sel fébrifuge de
MURIATE DE POTASSE. ^ Sylvius, Sel marin régénéré»
Sorte VL Acide muriatique
2c foude. „ , . _ , ,, c r
ç Set marin , Sel de mer , Sel
MuriatX DE soude. Z commun , Sel de cuifine .
d’Hist. Nat. et de Chimie; 151;
Sorte T II. Acide boracique
& potafle.
Noms anciens.
Borate de potasse.
Borax végétal.
Sorte VIII. Acide boracique
& foude.
: •
Borate sursaturé de*Ï
soude ou. Borax. , <
> Boiax commun , Tinckal .
Sorte IX. Acide fluorique
& potafle.
Fluate de potasse. J
(' Tartre fpathique ;
Spath, de tartre .
Sorte X. Acide fluorique Sc
foude.
Fluate de SOUDE. Soude fpathiquci
Sorte XI. Acide carbonique
& potafle.
Carbonate de potasse. £ Tartre çrayeu-*.
£ Craie de potajje .
Sorte XII, Acide carbonique
& foude.
Carbonate de soude.
Genre II. Sels neutres ammoniacaux •
Sorte 1. Acide fulfurique &
ammoniaque.
Sulfate ammoniacal. S Selammoniat fecret de Glau -
c Vitriol ammoniacal.
Sorte II. Acide nitrique Sc
ammoniaque.
Nitrate ammoniacal. Nitre ammoniacal.
• \
Sorte 111. Acide muriatique
& ammoniaque.
Muriate ammoniacal. Sel ammoniacs
1
*5»
ÊlB
E M E N S
Sorte IV. A eide fluorique & Noms anciens.
ammoniaque
Fluate ammoniacal.
Sorte T Acide boracique &
ammoniaque i
BojtATE AMMONIACAL.
Sorte VI. Acide carbonique
& ammoniaque.
i Carbonate ammonia- Ç ^ £ ^ V0Jat^ ^ Angleterre*,
CAL. ) Alcali volatil concret.
(. Fraie ammoniacale.
Genre III. .Seis neutres calcaires %
Sorte 1. Acide fulfurique &
chaux.
T Plâtre.
Sulfate calcaire.
1 belcmte.
V Vitriol calcaire .
Sorte II. Acide nitrique &
chaux.
Nitrate calcaire. Nitre calcaire.
I ' *v
Sorte III. Acide muriatique
& chaux.
Ç Sel ammoniac fixe , Huile de
MuRIATE CALCAIRE. chaux.
( Sel marin calcaire .
Sorte IV. A eide fluorique &
chaux.
Ç Spath cubique , Spath vi-
Fluate calcaire. { "eux > SJ. Mh Mf.‘ “
1 fluor , rluor Jpathique ,
% Chaux fluorée.
Sorte V. Acide boracique &
chaux.
Borate calcaire.
/ • .
d’Hist. Nat. et de Chimie. '253
Sorte VI. Acide carbonique Noms anciens;
6c chaux.
„ C Craie , Spath calcaire. Terre
Carbonate de chaux.
l calcaire.
Genre IV- Sels neutres magnésiens .
Sorte I. Acide fulfurique 6c
magnéfie.
Ç Sel d’Epfom , de Sedlit Sel
Sulfate MAGNÉSIEN. < cathartique amer, Vitriol de
C magnifie.
1
Sorte II. Acide nitrique &
magnéfie.
Nitrate magnésien.
Sorte III. Acide muriatique
6c magnéfie.
Muriate magnésien. Sel marin à bafe de magnifie é
Sorte IV. Acide fluorique
& magnéfie.
Fluate magnésien;
Sorte V. Acide boracique 6c
magnéfie.
Borate magnésien.
Sorte VI. Acide carbonique
6c magnéfie.
Ç Magnéfie ejf rvefrente.
Carbonate MAGNÉSIEN. < Magnifie douce, airée.
Craie magnéfiene.
Genre V. Sels neutres alumineux.
Sorte I. Acide fulfurique 6c
alumine.
Sulfate alumineux. i Alun , Vitriol d'argile '.
Il .
MENS.
2Î4 É L É
SOr“ 11 âumL!itriq“e & No'ms“
Nitrate alumineux. 5 Njtre argileux.
( Alun nitreux.
Sorte III. Acide muriatique
& alumine.
Muriate alumineux. 5^cj mar'ln-arS^eux»
l Alun mariné
Sorte IV. Acide fluorique &
alumine.
Fluate ALUMINEUX. I Argile fpanque.
I Iluor argileux.
Sorte V. Acide boracique &
alumine.
Borate alumineux. Borax argileux. \ ï.
Sorte VI. Acide carbonique
& alumine.
„ f Argile effervefeente.
Carbonate alumineux. | c Jie JgdJ^
Genre VI. Sels neutres a base de baryte 9
ou Sels neutres barytiques .
Sorte I. Acide fulfurique &
baryte.
„ i, Spath pefant.
Sulfate barytique. < barodqu^
Sorte II. Acide nitrique &
baryte.
Nitrate barytique. i
Sorte III. Acide muriatique
& baryte.
MUJUATË BARYTIQUE. Sel marin pefant.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 155
Sotte IV. Acide fluorique Se Noms anciens,
baryte.
Fluate barytique.
Sorte V. Acide boracique &
baryte.
Borate barytique.
Sorte VL Acide carbonique
& baryte.
Ç Terre pe faute aérée .
Carbonate barytique. < Terre pe/ ante crayeufe.
Ç, Craie barotiejuè .
X. On pourra joindre à ces fels ceux qui font
formés par les acides arfénique , molybdique,
tun&que & fuccinique , en appellant les pre-
miers ARSENIATES DE POTASSE, DE SOUDE, &C.
les féconds, molybdates de potasse* db
SOUDE , AMMONIACAL , CALCAIRE , &C. les
troifièmes, tunstates de potasse, de soude,
de chaux, &c. les quatrièmes, succina.t£S
DE POTASSE , DE MAGNESIE , D’ALUMINE , &c.
Nous traiterons de ces quatre genres de fels
neutres dans l’hiftoire des fubfîances métalliques
& bitumineufes.
XI. Chaque fel en particulier, foit fimple,’
foit neutre ou moyen , a des cara&ères diüinc-
tifs qui le font différer de tous les autres &
à l’aide defquels on peut le reconnoître. Ces
caractères confident dans leur faveur , leur
forme, leur altérabilité par le feu, par l’air,
par les terres &: par les diverfes fubftances
25 6 Élemens
falines. On ne peut apprendre à les bien diftin-
guer qu’en étudiant avec foin toutes leurs pro-
priétés , en les comparant entr’elles , & fur-tout
en confidérant celles qui contraftent les unes
avec les autres.
XII. Quoique la plupart des fels {impies &
fpécialement des fels neutres foient prefque tou-
jours un produit de l’art, la nature en préfente
cependant beaucoup à la furface ou à très-peu
de profondeur de la terre. On n’a point encore
trouvé la baryte & la magnéfie pure; la chaux
exifte aux environs des volcans ; les alcalis
fixes ne font jamais cauftiques à la furface du
globe, mais combinés avec des acides; l’acide
carbonique eft contenu dans l’atmofphère ^em-
plie quelques cavités fouterreines , & fe dégage
de plufieurs eaux ; l’acide muriatique paroît
être libre à la furface de la mer ; l’acide fluo-
rique eft toujours combiné avec la chaux;
l’acide nitrique fe rencontre dans les environs
des matières en putréfaéfion ; l’acide fulfurique
a été trouvé criftallifé par M. Baldoftari dans
une grotte des bains de S. Philippe en Italie ,
& par M. de Dolomieu dans une grotte de
l’Etna. M. Vandelli a obfervé qu’aux environs
de Sienne & de Yiterbe , l’acide fulfurique
diffous dans Peau fuinte à travers les pierres.
L’acide füil fur eux fe dégage fans ceffe dans les
lieux
d’Hist. Nat. et de Chimie. 2^7
lieux volcanifés. L’acide boracique eft di.ffous
dans l’eau de plufieurs lacs de Tofcane, fuivant
M. Hoëfer.
XIII. Parmi les quarante-deux efpèces princi-
pales (1) de fels neutres dont nous avons fait
l’hiiloire , on n’a trouvé à la furface ciu globe ,
dans les eaux ou dans les fluides des êtres orga»
nifés, que les fuivans , dans le genre des fels neu-
tres parfaits ou à bafe d’alca'is fixes. Le fulfate
de potaffe dans les végétaux ; le fulfate de fonde
dans les eaux & dans quelques plantes ; le nitre
da^s les fucs des végétaux & dans les terres im-
prégnées de matières putrides; le muriatede po-
tafTe dans les eaux & dans les plantes marines; le
muriate de fonde dans la terre , dans les eaux 5
clins les végétaux du bord de la mer &: dans les
humeurs animales ; le carbonate de potaffe dans
les végétaux ; le carbonate de foude en effloref-
cence fur la terre, fur les pierres, & dans les hu-
meurs animales; il y a de l’incertitude fur le
(1) On ne parle pas ici des modifications de ces Tels
appelles Sulfites de, &c. Nitrites de , & c. Muria-
tes oxigènes de , &c. ni des a8 fortes formées par les
acides métalliques & bitumineux ; le nombre des fels
neutres feroit bien plus confidérable ; d’ailleurs la plu-
part de ceux-ci ne paroifient pas exifter dans la nature.
Tome //. pv
E L É M E N S
borax. Le nitrate de fonde, le fluate de potafle,
le fluate de fonde , le borate de potaffe font tou-
jours un produit de l’art.
XIV. Parmi les fels ammoniacaux, on ne
connoît tout formés dans la nature que le mu-
riate ammoniacal aux environs des volcans, oC
le carbonate ammoniacal dans les mat é es ani-
males pourries; le fulfate ammoniacal , le nitrate
ammoniacal , le fluate ammoniacal &c le borate
ammoniacal font toujours formés par les chimif-
tes dans leurs laboratoires,
XV. Les fels neutres calcaires font très-abon-
dans à la furface du globe ; tk des fix efpèces que
nous en connoifîons , cinq ont été trouvées pro-
duites par la nature. Le fulfate calcaire ou la fêlé-
nite forme des lits confidérables dans les monta-
gnes; le carbonate de chaux ou les matières cal-
caires confiituent une grande partie des couches
fupcrieures du globe ; le nitrate calcaire accom-
pagne conflamment le nitre ordinaire dans les
];eux oit il fe produit ; le muriate cakaire en fait
autant à l’égard du muriate de fonde; le fluate
calcaire fe trouve abondamment dans les mines,
XVI. Les fels magnéfiens font beaucoup plus
rares dans la nature; il n’y a que le fulfate inag-
néfien le muriate de magnéfie qui fe rencon-
trent difTous dans plufieurs eaux; le nitrate mag-
»
j*. . .
d’Hist. Nat. et de Chimie. 2 59
ncfien y exifle auffi quelquefois, mais en très-
petite quantité. La nature n’a point encore offert
le borate magnéfien , le fluate magnéfien & lo
carbonate de magnéfie ; celui-ci paroît cire ce-
pendant contenu dans pli; heurs pierres.
XVII. Des fix fels neutres baryriques , le fuî-
fate de baryte eft le feul qui ait été trouvé abon-
damment parmi les minéraux ; on le rencontre
dans les fentes des montagnes, & toujours aux
environs des mines. On ne connoîc point encore
dans la nature le nitrate , le muriate , le borate y
ni le fluate barytioues. Mais on a découvert , il
y a quelques années , le carbonate de baryte
pur, très-bien cryftallifé & en grofles maiTes , en
Angleterre.
XVIII. Il en eft à-peu-près de même des fels
alumineux. Le fulfate acids d’alumine eft prefoue
le feul que l’on trouve aux environs des vol-
cans dans les terres vôlcariifées. Il fe ren-
contre en efilorefcence fur les laves décompo-
fées, &c. les pyrites effleuries en contiennent
auffi ; quant au nitrate s au muriate , au borate
ôc au fluate alumineux , on ne les a point encore
reconnus dans les produits naturels. L'alumine
eft affiez fréquemment combinée avec l’acide
carbonique, & il n’y a prefque aucune terre de
cette efpèce dont on ne puiffie féparer plus ou
R ij
"6° Élément
moins d’acide carbonique par des acides pîu£
forts.
CHAPITRE XII.
Examen de quelques propriétés générales
des fils- 5 particuliérement de leur cryf-
tallifation , de leur fufibilité 3 de l'efflo-
refcence ou de la déliquejcence , de leur
dijjolubiliié , &c.
XjES propriétés que nous avons fait connoître
dans les fels fimples & compcfés, & que nous
n’avons examinées que dans chacun d'eux ifolés,
doivent être confidérées en général & compa-
rées dans les diverfes cfpèces, pour qu’on puiffe
en tirer quelques réfultats utiles. Nous traite-
rons donc ici fous ce point de vue de la cryftal-
lifation , de la fufibilité, de Pefflorefcence , de la
déliquefcence & de la dilTolubilité dans l’eau.
La cryüallifation , confidérée en général dans
tous les corps qui en font fufceptibles , elï une
propriété par laquelle ils tendent à prendre une
forme ulière, à l’aide de certaines circonftan-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 26 i
ées nécefîaires pour en favorifer l’arrangeaient.
Prefque tous les minéraux en jouifFent , mais il
n’y a point de corps dans lefquels elle foit auffi.
énergique que les fubfances falines. Les circonf-
tances qui la favorilent , & fans lefqueiies elle
ne peut avoir lieu , fe réduifent toutes pour les
fels aux deux fuivantes ; i°. il faut que leurs mo-
lécules foient divifées & écartées par un fluide,
afin qu’elles puiffent enfuite tendre les unes vers
les autres par les faces qui ont le plus de rapport
entr’elles; 20. il efl nécefîaire, pour que ce rap-
prochement ait lieu , que le fluide qui écarte leurs
parties intégrantes foit enlevé peu-à-peu, &cefie
de les tenir écartées. Il efl ’aifé de concevoir, d’a-
près ce fimpîe expofé , que la cryflallifation ne
s’opère qu*en vertu de l’attracïion entre les mo-
lécules, ou de l’afiinité d’aggrégation qui tend à
les faire adhérer les unes aux autres. Ces confé-
dérations conduifent à perafer que les parties in-
tégrantes d’un fel ont une forme qui leur efl par-
ticulière , & que c’efl de cette forme primitive
des molécules que dépend la figure différente que
chaque fubflance faline afretle dans fa cryfïallî-
fation ; elles portent également à croire que les.
petites figures polyèdres appartenantes aux mo-
lécules des fels ayant des côtés inégaux ou des
faces plus étendues les unes que les autres , ses.
Riij
I
*6 1 E L É M EN S
molécules doivent tendre à ft rapprocher Sc à fe
réunir par celles de ces faces qui font les plus
larges. Celapofé, l’on concevra facilement qu’en
enlevant le fluide qui tient ces molécules difper-
fées , elles fe réuniront par les faces qui fe con-
viennent le p’us, eu qui ont le plus de rapport
entr’elles, fi c.e fluide ne les abandonne que peu-’
à-peu , & de manière à laiffer , pour air.fi dire ,
aux parcelles falines le tems de s’arranger, de fe
préfenter convenablement les unes aux autres,
a’ors la crydallifation fera régulière ; & qu’au
contraire, une fouftra&ion trop prompre du
fluide qui les écarte les forcera de fe rapprocher
flibitement, & pour ainfi dire parles premières
faces varies; dans ce cas la cryflalîifation fera
iî régulière & la forme difficile à déterminer. Si
O
même l’évaporation efl tout-à-fait fubite , le
fel ne formera qu’une maffie concrète qui n’aura
prefque rien de cryftaHin.
C’eft fur ccs vérités fondamentales qu’efî fon-
dé Fart de faire cry^lfalîifer les matières iâünes.
Tous les Tels en font fufceptibles, mais avec phis
on moins de facilité; il en eft qui cryflaliifent fi
facilement qu’on réuffit confhmment à leur faire
prendre à volonté la forme régulière ; d’autres
demandent plus de foin 8c de précautions ; enfin
il y en a pliffieurs qu’il eft h difficile d’obtenir
H ' ■ Y
d’Hist. Nat. et de Chimie. *^3
dans cet état , qu’on n’a pas encore pu y parve-
nir. C’eft en étudiant bien les circcnftances parti-
culières à chaque fe! qu’on réuffit à le taire cry 1-
tallifer. Une première condition pour réuflîr dans
ces opérations , c’eft de ciifloudre les fubltances
falines dans l’eau; mais il y en a-qtii font fi peu
fol 11 blés par nos moyens , qu’il eff prefqu’impoi-
fible çn fuite d’en obtenir le rapprochement ré-
gulier; tels font lefulfate calcaire , le carbonate
calcaire, le fluate calcaire, le fulfate barytique ;
la nature nous préfente tous les jours ces fels
neutres terreux cryftallifés très-réguliérement ,
& l’art ne peut l’imiter qu’à l’aide d’un tems très-
long ; même plufi eurs favans diflingués ne croient
point encore à la pofîibilité de ce procédé, que
nous indiquons d’après M. Achard, 8c à l’aide
duquel on a alluré avoir produit des cryfhux de
carbonate calcaire. Ce procédé ingénieux con-
fiée à faire palier Veau. qui a féjourné long-tems
fur des fels très -peu foîübles à travers un canal
très-étroit , & à en procurer l’évaporation avec
beaucoup de lenteur. Il y a, au contraire, d’au-
tres matières falines qui font fi fo lubies , & qui
ont tant d’adhérence avec l’eau , qu’elles ne l’a-
bandonnent qu’avec beaucoup de difficulté , &
qui! eft auffi très difficile de les obtenir fous des
formes régulières, comme cela a lieu pour tous
R iv
E L É M E N S
les Tels déliquefcens, tels que les nitrates ôc les
«mri a es calcaires & magnéfiens.
On ne peut douter que chaque fel n’ait: fa ma-
niéré propre & particulière de cry ftallifer , ou ce
qui eff la même chofe , qu’il n’ait dans fes der-
nières molécules une forme déterminée & diffé-
rente de celle de tous les autres. Telle eft fans
doute la caufe des variétés remarquables qui
exiftent entre les cryffaux qu’on obtient. Les
fel s (impies, depuis les fublfances falino-terreufes
jufqu’aux acides les plus puiffans, n’ont, pour
la plupart , aucune forme diftin&ive ; il n’y a que
quelques circoriffanc s qui, fans détruire rout-à-
fait leurs propriétés falines diftinéfives, leur font
affeéler une forme cryhalline, comme cela a lieu
dans l’acide muriatique oxigéné, & dans l’acide
fulfurique concret. Cependant les alcalis caufti-
ques cryflallifent en lames, fuivant M. Bertho-
let, & l’acide du borax picfente la même forme
îamelieufe à tous les chimiffes. Malgré cette ano-
male apparente entre les fels limples , la plupart
ne prennent point de forme régulière dans nos
laboratoires , foit parce qu’en effet ils n’en font
pas réellement fufceptibles , foit parce que nos
moyens font infuffî fans pour la leur donner ; mais
les fels compofés ou moyens affe&ent tous une
forme régulière , U l’art eff parvenu à la repro-
d'Hist. Nat. et de Chimie. 265
cîuire & à la faire difparoître à volonté dans la
plupart d’entr’eux. En confidérant cette propriété
bien différente de celle des fels fimples , eft»il
pofîible de déterminer fi elle dépend des acides,
ou fi elle dépend des bafes alcalines qui les neu-
tralifent. Il paroît qu’on ne peut attribuer ni aux
uns ni aux autres cette propriété exdufive , puis-
que les mêmes acides forment fou vent avec des
bafes différentes des fels d’une figure très-diverle ;
tandis que, dans d’autres exemples, la même
bafe combinée avec des acides divers préfente la
même diflémblance dans les crydaux ; c’eff donc
au changement total des propriétés de chaque
nouveau compoféfalin qu’il faut attribuer la di-
verfité des formes que ces compofé.s afreâent.
Il y a en général trois moyens de faire cryf-
raîhferles fels dans nos laboratoires ; i°. l’éva-
poration. Ce procédé confide à faire chauffer
une diffolution faline de manière à réduire en va*
peurs l’eau qui en tient les molécules écartées.
Plus cette évaporation ell lente, & plus la cryf-
tallifarion fera régulière; c’eft ainfi qu’on pro-
cède pour obtenir crydallifés le fulfate de potaffe,
les muriates de potaffe & de fonde, le fui fa te
calcaire ,1e carbonate magnéfien. Leur forme n’êft
que très-peu régulière fi l’on évapore trop promp-
tement comme par la chaleur de l’ébullition $
266 E L É M ENS
mais en tenant fur un bain de fable d’une chaleur
de 45 degrés à-peu-près les dilTolurions falines de
cette nature, on obtient confia mment , à l’aide
d’un rems plus ou moins long, des cryflaux très-
beaux & très-réguliers , & il n’y a prefque point
de felqui ne pui (Te prendre une forme rrès-diflincte
par ce procédé , s’il efl exécuté avec intelligence..
2.°. Le refroîdiffement efl employé avec fuccès
pour ceux des fels qui font plus diflolubles dans
l’eau chaude que dans l’eau froide; on conçoit
îrès-bien qu’un fel de cette nature doit préfenter
ce phénomène, puifqu’il ceffe d’être également
foîuble dans l’eau dont la température s’abaiffe ;
la portion qui ne refloit difïbute qu’à la faveur
de cette élévation de température fe (éparera à
mefure que la liqueur fe refroidira , & lorfqu’elle
fera tout-à-fait froide, l'eau n'en retiendra^plus
en difîolution que la partie qui efl difloluble à
froid. Il en efl de ce fécond procédé comme du
premier, plus l’eau fe refroidira lentement , &
plus les molécules falines fe rapprocheront par
les faces qui fe conviennent le mieux , alors on
aura une cryflallifation très-régulière; voilà pour-
quoi il faut entretenir pendant quelque tems un
certain degré de chaleur fous les diffolütions la-
lines, ék le diminuer graduellement pour le con-
duire peu-à-peu 3 fi cela efl nécefi'aire , jufquaiî
d’Hist. Nat. et be Chimie. 167
degré de la congélation. On doit obferver en
effet que tous les fels qu’on pt ut faire cryflallifer
par ce procédé , font beaucoup plus diffoîubles
en général que ceux pour lefquels on fe fert du
premier , 6f. que comme on les diffout d’abord
dans l’eau bouillante , celle-ci refroidie fubite-
ment laifferoit dépofer en maffe informe tout ce
qui a été diflous à la faveur de la chaleur de l’é-
bullition ; au contraire, fi on place fur un bain
de fable la diffolution très-chaude , & fi on a foin
d’en graduer lentement le refroidiffement , la
cryflallifaîion fera très-régulière. Telle eft la
manière d’obtenir en beaux cryflaux le fulfate
de foude,Ie nitre , les carbonates de foude
de potaffe , le muriate ammoniacal, &c.
30. La troifième manière de faire cryflallifer
les fels , c’efl de les foumettre à l’évaporation
fpontanée. Pour cela on expofe une diffolution
faline bien pure à la température de l’air dans des
capfules de verre ou de grès qu’on a foin de
couvrir de gaze afin d’empêcher la poufîière d’y
tomber ,’fans s’oppofer à l’évaporation de l’eau ;
on choifir pour cette opération une chambre ou
un grenier ifolés, & qui ne fervent qu’à cela;
on laiffe cette diffolution ainfi expofée à l’air juf-
qu’à ce qu’on y apperçoive des cryftaux , ce qui
n’a quelquefois lieu qu’au bout de 4 à 5 mois &c
meme plus tard pour certains fels. Ce procédé
1
2-68 E L É M E N S
eft en général celui qui rcuffit le mieux pou?*
obtenir des cryftaux très-réguliers Si d’un volume
eonfidérable. Il devroit être employé générale-
ment pour tous les fels, fi le tems le permettoit,
parce que c’ed le moyen de les avoir parfaite-
ment purs. On doit opérer ainfi pour le nitrate
de/foude , le muriate de fou de , le borax, les
fulfates d’alumine & de magnéfie, le fulfate am-
moniacal , le nitrate ammoniacal, &c.
Dans quelques circondances on réunit avec
avantage plufieurs de ces procédés; c’ed particu-
liérement pour obtenir crydallifés les fels très*
déliquefcens , tels que le nitrate & le muriate
calcaires , le nitrate & le muriate magnéfiens, Sic»
On cvapore fortement leurs diffolutions Si en
les expofe tout de fuite à un grand froid ; mais ce
moyen ne fournit jamais que des crydaux irré-
guliers, & quelquefois des mafles concrètes fans
forme régulière. Si l’on n’ed point encore par-
venu à faire crydallifer un adez grand nombre
de fels neutres , cela vient de ce qu’on n’a pas
déterminé exactement l’état de concentration où
doit être chacune de leurs diffolutions pour pou-
voir fournir des crydaux. Ce travail , facile en
lui-même, & qui n’exige que du tems 8i de la pa-
tience, n’a point encore été completternent fuivi
par les chimides ; c’ed par la pefanteur fpécifique
des ditlolutions qu’on arrivera à eetes donnée
d’Hist. Nat. et de Chimie.1 ±£9
. £brt utile pour les laboratoires de chimie; déjà
ce procédé a été mis en ufage dans plufieurs tra-
vaux en grand fur les matières fahnes ; onfe fert
avec fuccès d’un aréomètre ou pèfe-liqueur pour
déterminer le point de la cryftaÜifabiiité pour les
liqueurs falines.
Outre ces différens moyens de faire cryflal-
lifer les fels , il exifle plufieurs circonftances qui
favorifent cette opération, &C dont il eft nécef-
faire de favoir apprécier l’influence. Un léger
mouvement eft quelquefois utile pour détermi-
ner une cryftallifation qui ne réuffit point ; c’eft
ainfi qu’en agitant ou en tranfportant des capfules
pleines de diffolutions falines qui n’offrent point
de cryflaux formés , on voit fouvent la cryftal-
lifation s’établir quelques inflans après la plus
légère agitation ; j’ai déjà fait remarquer que ce
phénomène avoit fur-tout lieu pour le nitrate &
pour le muriate calcaires. Le contaâ: de l’air eft
d’une nécefîité indifpenfable pour la formation
des cryflaux ; fouvent une diflolution évaporée
au point néceflaire pour la cryflallifation ne
fournit point de cryflaux dans un flacon bien
bouché, tandis qu’expofée à l’air dans une cap-
ftile , on les voit fe former très-promptement.
Cette obfervation a été faite avec beaucoup
d’exaftitude par Rouelle l’aîné. La forme des
I vaiflcaux , les corps étrangers plongés dans les
27° SIEMENS
tli Ablutions falines ont encore beaucoup d’in-
fluence fur la cryftallifation. La première mo-
difie la figure des cryftaux , & y produit une
très-grande1 variété; c’eft pour cela qu’cn place
avec avantage des fils ou des petits bâtons dans
les capfules oit s’opère la cryflallifalion , pour
obtenir des cryftaux réguliers ; ceux-ci fe dépo-
fent fur les fils , &: comme leur bafe eft alors
très-peu étendue , ils ont ordinairement la forme
la plus régulière , tandis qu’en s’appliquant fur
les parois obliques , irrégulières , inégales des
terrines & des autres vaiffeaux communément
employés à cet ufage , ils font plus ou moins
tronqués & irréguliers. Souvent les corps étran-
gers plongés dans les diffolutions falines ont en-
core un autre avantage ; ils déterminent la for-
mation des cryftaux qui âuroit été beaucoup plus
lente fans leur préfence ; c’eft: ainfi qu’un mor-
ceau de bois ou une pierre jettée dans une four-
ce falée devient une bafe fur laquelle l’eau dépofe
des cryftaux de muriate de foude. C’eft d’après
l’obfervation de ce phénomène , que quelques
chimiftes ont propofide plonger un cryftal faim
clans une di Ablution d’un fel qui ne cryftallife
point facilement ; pîufieurs ont afîuré que ce
moyen favorifoit la produébon des cryftaux des
fels qu’il eft très-difficile d’obtenir fous une forme
régulière. Telles font les principales cnufes qui
d’Hist. Nat. et de Chimie. 271
influent fur la cryfiallifation ; il en eff fans cloute
encore beaucoup d'autres que rob'ervation fera
connoitre par la fuite aux chimiftes.
La féparation d’un fel d’avec l’eau qui le îe-
noit fondu ou en .diffohition ne peut fe faire
d’une manière régulière fans que le fel ne retienne
une partie de ce fluide. On peut fe convaincre
de ce phénomène en prenant un fel réduit en.
poudre par la chaleur , comme du fulfate d’alu-
mine j du borate de fonde calcinés , ou du ful-
fate de foude defféché; en les diffolvant dans
l’eau & en les faifant cryftallifer , on les trou-
vera augmentés quelquefois à partie égale après
leur cryftalii dation ; c’eft-à-dire , qu’une once
de fel traite ainfi donnera deux onces de cry{-
taux. Les chimiftes ont conclu de ce phénomène,
■qu’un fel bien cryftallifé contient plus d’eau que
le même fel privé de fa forme par l’aâion du few
ou ce l’air j ils ont appelle cette eau étrangère à
fon efferxe faline , mais nécefîaire à fa forme
cryfialline , eau de cryfiallifation. , parce qu’en
effet elle eft un des élémens de leurs cryftaux;
lorfqu’on leur enlève certe eau , ils perdent eu
même-tems leur tranfparence & leur forme ré-
gulière , les différées fels contiennent une pli s ou
moins grande quantité de cette eau de cryfialli-
fation ;• il en eft qui en contiennent la moitié
2-71 E L É M E N S
de leur poids, comme le fulfate de foude , le
carbonate de foude , le fulfate alumineux ; d’au-
tres n’en ont qu’une petite quantité, comme le
nitre , le muriate de foude , &c. on n’a point en-
core déterminé exaflement cette quantité reV.ive
d’eau de cryffaliifation dans tous les fels bien
cryffallifables. Cette eau peut être enlevée aux
fels fans que leur nature intime en foie a’térce en
aucune manière , & elle eff elle-même parfaite-
ment pure &: fembîable à de l’eau diftillée.
Comme d’après tout ce que nous avons
expolé jufqu’ici fur la cryftallifition des fels, il
eft démontré que les diverfes fubffances falines
ne cryftallifent point par les mêmes procédés ,
& fuivent différentes loix dans leur formation
en cryftaux , il eff clair qu’on peut fe fervir
de ce moyen avec avantage pour opérer leur
féparation; c’eft ainfi qu’un lel cryffallifable par
le refroidiffement peut être obtenu très-exac-
tement féparé d’un autre fel cryffallifable par la
feule évaporation continuée , comme cela a
lieu pour les eaux des fontaines de Lorraine
qui contiennent du muriate & du fulfate de
foude. Malgré cela il arrive fouvent que deux
fels diffous dans la même eau, quelque différence
qu’ils préfentent dans la manière dont ils cryf-
tallifent , fe trouvent plus ou moins mêlés
enlembîe ?
V
d5Hist. Nat. et £>e Chimie. 2.75
fenfemble, & qu’il faut avoir recours à plufieurs
<$i Solutions & criftallifations fucceffiveS pour les
obtenir purs & fans mélange. Cette obfervaîion
eff encore plus importante à faire fur les fels
qui fe reffemblent par les loix de leur criftaîli-
fation ; ceux-ci font beaucoup plus difficiles à
féparer les uns des autres, fur-tout s’ils font en
plus grand nombre. Far exemple , fi la même
eau contenoit quatre fels également criflallifa-
bles par l’évaporation ou par le refroidiffiement',
il feroit impoffible de les féparer par une ou
«leux crifraliifations fucceffives j & il faudroir
multiplier ces opérations un allez grand nombre
de fois, pour faire agir les nuances légères qui
exigent entre leurs criflall habilités ; car il faut
remarquer que , quoique deux ou plufieurs fels
foient également criftaîlifables par le refroidif-
fement ou par l’évaporation , il y a cependant
entr’eux des nuances fenlibles qui modifient ,
peur ainfi dire , cette loi général ; fans cela, ils
criflaliiferoient toujours erhemble, oc l’on ne
ponrroiî jamais les obtenir bien féparés, ce qui
a cependant lieu même pour les fels les plus fem-
blables parleur cr.ftallifabiUté. 11 n’y en a que
quelques-uns qui ont exception à cette règle ,
parce qu’ils ont une adhérence particulière ou
une affinité remarquable entr’eux ; tels font en
général les fels neutres formés par le mêm®
Tomt II, S
/
274 E L i M E N s
acide , & en même temps eriftatlifables par le
même procédé comme les fuîfates magnéfien &
ammoniacal ; mais on n’a point encore aff z ob-
fervé ces fmguiières adhérences entre les Tels
neutres, &: cet objet mérité toute l’attention des
chirmftes.
Enfin, pour terminer cette biftoire abrégée de
la criftallifation des fiels , nous ajouterons qu’il
y a me autre manière de les obtenir criftallifés,
c'ell de les précipiter de leurs diffolutions par
une fubllance qui ait plus d’affinité avec l’eau
qu’ils n’en ont ; l’efprit-de - vin verfé dans une
diffolution fialine produit cet effet fiur le p'us
grand nombre djs fiels neutres; on ne doit en
excepter que ceux qui font diffolubles dans ce
liquide. Le même phénomène de précipitation
des criftaux latins a lieu dans le mélange de quel-
ques fiels dont la diffolubi'ité eft très-différente,
& même quelquefois par le mélange de plufieurs
4
dififo utions fialines entr’elles ; c’tll ainii que du
fulfiate de maguéjie diflous dans l’eau paroît
précipiter en cnffaux 'e fulfiate ammoniacal dit—
fi us dans l’eau; mais On n’a point allez étudié ce
qui fie paffe dans ces lingu'iers mé’anges , pour
que je doive militer tur le phénomène qu’ils font
naître •
La fipfibilité par la chaleur a été traitée dans
l’hiftoue de chaque fiubitance fialine en particu-
MH
d’Hist. Nat. et de Chimie. i-jS
lier , mais il eft bon de la comparer dans les di-
verfes efpèces. On diflingue deux efpèces de fn-
fibilité dans les fels, l’une qui eft due à l’eau &
qu’on appelle fufion aqueufe, l’autre qui n’a point
la même caufe , qui appartient fpécialement à la
matière faline, & qu’on déligne fous le nom de
fujion ignée. La fufion aqueufe dépend entière-
ment de l’eau de criftallifation , qui étant très»
abondante dans plulieurs fels , & faifant quel-
quefois la moitié du poids des criftaux falins ,
devient capable de diffoudre ces fels lorfqu’elte
a acquis 60 degrés de chaleur. Alors la forme
criftalline difparoît , le fel fe diffout, &L la fufion
qu’il préfente n’eft en effet qu’une véritable dif-
folution ; cette obfervation eft fi vraie que lorf-
qu’on tient quelque temps fondu un fel de cette
nature , comme le fulfate de foude, le borate de
foude , le fulfate d’alumine , l’eau qui les diffout
par la chaleur venant à s évaporer peu à peu , le
fel fe defsèche & ceffe de pareître fondu. Cette
fufion apparente ou aqueufe eft d’ailleurs indé-
pendante de la véritable fufion ignée , puifque
celle-ci peut avoir lieu dans tous les fels qui ont
été defféchés après avoir été d’abord liquéfiés
par leur eau de criftallifation. C’eft ainfi qu’on
fait fondre le muriate de foude & le borate de
foude en les chauffant fortement , après leur
t
£7 £ E l è M a N 5
avoir fait éprouver par une chaleur modérée ta
fufion aqueufe & le defféchement. La véritable
fufibilité ignée n’eft pas la même poùr tous les
fels ; il en eft qui , comme le nitrate & le muriate
de foude,fe fondent dès qu’ils commencent à
bien rougir ; d’autres exigent un feu beaucoup
plus violent pour fe fondre, ainfi que le fulfate
de potaffe , le fulfate de fonde. Enfin , il y en a
quelques-uns dont la fufibilité eft fi forte , qu’ils
peuvent la communiquer à des corps d’ailleurs
très-réfra&aires ou très-infufibles par eux-mêmes;
c’eft ainfi que les alcalis fixes entraînent dans leur
fufion le quartz , le fable & toutes les terres fili« -
cées , qui font absolument infufibles ; on appelle
ces fels des fondons en raifon de cette propriété ,
& parce qu’on s’en fe rt pour hâter la vitrification
& la fufion des fubftances terreufes & métalli-
ques. Nous avons déjà fait remarquer ailleurs
que l’extrême de la fufibilité étoit la volatilifa-
tion , &. nous obferverons ici que les matières
falines font toutes plus ou moins volatiles , &
qu’il n’en eft aucune qu’on ne puiffe volatilifer
par un très-grand feu. C'ell ainfi que le fulfate de
potaflè & le muriate de fonde fe fubliment en
vapeurs au plus grand degré de chaleur qu’ils
puiftent éprouver.
Tous les fels criftallifés expofés à l’air ne s’al-
d’Hist. Nat. et de Chimie; 277
tërent point de la même manière , il en eft qui
n’y éprouvent aucun changement fenfible ; mais
plufieurs perdent plus ou moins promptement
leur tranfparence , leur forme, &c parmi ceux-là
les uns fe fondent peu à peu en augmentant de
poids, les autres deviennent pulvérulens en per-
dant une portion de leur mafTe. La première de
ces altérations porte le nom de déliquefcence
& la fécondé celui d’efîlorefcence.
On a appelle l’un de ces phénomènes déliquef-
cence, parce que la matière faline qui réprouva
devient liquide ; on dit aufti qu’un fel tombe en
ddiquium lorfqu’il fe fond ainii par le contaél de
l’air. Autrefois le mot défaillance éioit fynonyme
de déliquefcence , mais cette expreftion a vieilli ,
& on ne la trouve prefque plus aujourd’hui dans
les livres de chimie. Cette altération dépend de
ce que les fels attirent l’humidité contenue dans
l’air, j’ai cru devoir la regarder comme une
vraie attra&ion éleûive , qui eft plus forte entre
le fel & l’eau qu’entre cette dernière & l’àir at-
mofphérique ; la déliquefcence n’eft pas la même
dans tous les fels , foit pour la rapidité avec la-
quelle elle a lieu,foir pour l’efpèce defaturation
qui la borne ; il en eft, comme ces alcalis fixes ,
f ammoniaque gazeufe, le gaz acide muriatique &:
l’acide fulfurique concentré, qui enlèvent lVau de
Vaîmofphère, defsèchent, pour ainii dire, l’air
S iii
178 E L É M E N S
avec une énergie très-confidérable , & abforbent
line quantité de ce fluide plus confldérablc que
leur poids ; cela efl fur-tout remarquable pour la
potafîe sèche , ainfi que pour l’acide fulfurique
rendu concret par le froid ; ces deux fels devien*
nent d’abord mous , & prennent bientôt une li-
quidité épaifl'e femblable à la conflflance de quel-
ques huiles, ce qui a fait appeller le premier huile
de tartre , & le fécond huile de vitriol , quoique ces
noms foient très-mal appliqués & plus fufcepti-
bles d’induire en erreur que d’éclairer les per-
fonnes qui commencent l’étude de la chimie.
Quelques autres font encore très-déliquefeens ,
mais n’attirent pas l’humidité avec autant de
promptitude , & en aufli grande quantité que les
précédons ; tels font le nitrate & le muriate cal-
caires, le nitrate Si le muriate de magnéfie ; en-
fin, il y en a qui ne font que s’hume&er fenfible-
ment , & qui ne fe fondent point complètement ,
comme le nitrate de foude , le muriate de po-
tafle , le fui fa te ammoniacal , &c.
L’efflordcence a été ainfi nommée, parce que
les fels qui en font fufceptibles femblent fe cou-
vrir de petits filets blancs femblables aux matières
fublimées qu’on connoît en chimie fous le nom
de fleurs. Cette propriété efll’inverfe de la déli-
quefcence } dans celle-ci les criftaux falins déeom-
pofent l’atmofphère numide, parce qu’ils ont une
d’Hist. Nat. et de Chimie. 279
attraélion élective p'us forte pour l’eau que l’air
atmofphérique ; dans i’efflorefcence,au contraire,
c'eft l’atmofphère qui décompofe les criflaux fa-
lins, parce que l’air a plus d’affinité avec l’eau
que n’en ont ’es fels qui forment ces crifhux.
C’eft donc l’eau de la criftallifation qui eft enle-
vée par l’tfflorefcence, & telle eft la caufe pour
laquelle lesr fels qui s’tffleuri fient perdent leur
tranfparence , leur forme & une partie de leur
malle. Il eft eflentiel d’obferver que tous les crif-
taux falins efflorefcens éprouvent de la part de
l’air une altération femblable à celle que la cha-
leur leur fait fubir ; c’eft une forte de calcination
lente & froide qui décompofe les fels criftallifés ,
& qui en fépare l’eau à laquelle ils doivent leur
forme criftalline , & toutes les propriétés qui les
caraftérifoient criflaux falins } aufli un fel com-
plètement effieuri éprouve -t- il exactement la
même perte de poids dans cette opération que
lorfqu’on le defsèche par l’adion du feu. Remar-
quons encore que les fels dont les criflaux font
efflorefcens appartiennent à la clafle des plus dif-
folubles , & de ceux qui criftallifent par le re-
froidiffement de leurs diflolutions.
Il en eft de l’effiorefcence comme de la déli-
quefcence ; elle n’eft: pas la même pour tous les
fels neutres dans lefquels on l’obfervè. Il en efl:
comme le fulfate & le carbonate de for.de , qui
S iv
i&O E L E M E N 5
s’effleurifient promptement, & jufqu’à la dernière
parcelle criflalline , de forte qu’ils fe trouvent
réduits en une pouflière blanche très-fine; comme
ils ont perdu plus de la moitié de leur poids par
cette décompofition de leurs crifiaux , on peut
en conclure que c’eft en raifon de la grande
quantité d’eau qui enfce dans leur criftalli fation ,
qu'ils éprouvent une efllorelcenee» aufli com-
plète ; & en effet' les le’ s qui ne s\ ffleuriffent que
très-peu, tels que le borax, le fulfate d’alumine
& de magnéfie,ne contiennent point une aufïi
grande quantité de ce fluide dans leurs criflaux.
Si l’eftlorefcence dépend d’une atrraéhon eleèiive
plus forte entre l’air & l’eau qu’entre cette der-
nière & les Tels , Iorfque Patmofphère fera très-
sèche, ce phénomène aura lieu d’une manière
plus marquée & plus prompte, &c c’eft aufli ce
que l’on obferve , tandis que l’air chargé d’humi-
dité n’a pas la même afîion furies fels efïlorefcens,
&: les laifle inta&s. On peut encore confirmer
cette aflertion en répandant Hne petite quantité
d’eau fur les criflaux fa’ins fufceptibies d’cflloref-
cence ; par ce moyen l’atiriofphère enlevant cette
eau & s’en faturant ne touche point à celle qui
entre dans la conftiturion des criflaux , & ceux-
ci reflent fans altération ; mais fi l’on n’a pas foin
de renouveller ce fluide, l’air agit alors fur le
fel criflaliifé & en détruit îa criflallifaticn. On
d’Hist.Nat. et deCüïmie. 2.3 î'
obferve journellement ce phénomène dans le9
pharmacies oii l’on a foin d’Iiumeèter le fulfate
de fonde ou fel di Glaubcr d’une petite quantité
d’eau, afin de le conferver bien criftallifé.
La diffolution des fels dans l’eau eft un des
phénomènes qui méritent le plus a’attention de
la pan des chimiftes. Quelques perfonnes ayant
obferve qu’elle fe fait fans le mouvement fenfibla
& fans l’effervefcence qui accompagne la dillo-
lution des métaux dans les acides , avoient pro-
pofé de la diffinguer de celle-ci par le nom de
folution j mais l’une & l’autre de ces expreffions
ne préfentant point un fens différent , & faction
réciproque des acides & des métaux étant tout-à-
jfait différente de la diffoluîion des fels dans l’eau ,
& tenant à des caufes particulières que nous ex- '
poferons plus bas, cette diftinèrion ne peut avoir
aucun avantage. La diffolution des fels dans l’eau
a été regardée par quelques chimiffes physiciens
comme une fimple divifion mécanique des parti-
cules falines ; mais il y a une pénétration intime
entre ces deux corps : leur température change
fur le champ , & il par oit qu’il fe paffe entre les
fels & l’eau une vraie combinaifon qu’on ne fan-
roit expliquer par le feul écartement des molé-
cules des fels. Ceci eft prouvé non-feulement par
la température qui change dans ces opérations,
mais encore par la poffibilité de féparer un fel de
É L I M E N s;
l’eau par un autre fel qui a plus d’affinhé avec ce
fluide; c’ed ainfi que la potafle précipite le ful-
fa<e de potafle & le carbonate calcaire des eaux
qui les tiennent en diffo’.ution ; toutes les préci-
pitations des feis les uns par les autres ne font
p s à beaucoup près connues, & la chimie tire-
roit beaucoup d’avantages d’un travail fuivi fur
cette matièri importante. On a pu remarquer dans
l’hftoire particulière de chaque fubfbnce faîine
qu’elles joui lient toutes d’un degré de folub lité
different, depuis celles qui ont une fi grande ten-
dan ce pour s’unir à l’eau qu’elles font toujours
fluides, cotime l'acide fulfurique & l’acide nitri-
que, jufqu’à celles qui font prefque parfaitement
infolub es, comme le fulfate ba>rytique. Piufieurs
chimilles ont déjà effayé de prefenter des tables
de la différente diflolubilité des f.ls;mais ces
tables feront incomplètes jufqu’à ce qu’on ait
allez multiplié les expériences pour établir des
proportions très-exaftes entre ces diverfes foîu-
biliiés. Nous rappellerons ici que tous les feis
fimples,foit alcalins, foit acides, produifent
conflamment de la chaleur lorfqu’on les diffout
dans l’eau, tandis qu’il s’excite toujours du froid
pendant la dt Ablution des feis neutres. La me-
fure de ces changemens de température n’eff
point encore convenablement connue pour tous
les feis; on commence à faire plus d’attention au-
d’Hist. Nat. et de Chimie ig$'
jourd'hui à ce phénomène qu’on n'en faifoit au-
trefois. Elle conduira fans doute à des réfultats
utiles ; & déjà l’on peut entrevoir quelques vé-
rités dont on n’avoit pas même foupçonné l’exif-
tence ; par exemple, en obfervant que les fels
neutres qui produifent le plus de froid dans leur
diffolution, comme le fulfate de foude, le ni-
trate, le muriate ammoniacal, font beaucoup plus
folubles dans l’eau chaude que dans l’eau froide ,
ne peut-on pas penfer que cette diffolubilité plus
i grande dépend de ce qu’ils trouvent dans l’eau
chaude une quantité plus confidérable de chaleur
«qu’ils paroifient avoir, pour ainh dire , befoin
(d’abforber pour fe fondre & prendre l’état li-
cquide ; à la vérité cet excès de chaleur leur eft
•facilement enlevé par l’air, de forte qu’il s’en pré-
cipite une partie fous la forme de criflaux pen-
dant le refroidiffement.
É L É M E N S
CHAPITRE XII.
Des attractions électives qui ont lieu entre
les divtrjes matières falines .
Lf.s découvertes dues aux travaux multipliés
que les chimiftes ont faits fur les matières falines
depuis le milieu de ce fièele, leur ont appris que
ces matières ont entr’elles d fïjrens degrés d’affi-
nités ou d attrapions élePives. Geoffroy eft le
premier qui les aitj comparées les unes aux au-
tres; mais les recherches des modernes ont dé-
montré que fa table contenoir plufieurs f rreurs.
Bergman les a corrigées, & a fait connoître un
beaucoup plus grand nombre d’attraPions élec-
tives entre tous les fels; cependant en confultant
les articles de la tab e du célèbre chinai de Sué-
dois qui ont rapport aux attrapions élePives des
fubdances falines entr’elles, on remarque que
pUiiieurs ne font point encore fondée* fur un allez
grand nombre d'expériences exactes , & qu’il en
reconnoît lui-même l’incertitude. Sans étendre
donc la théorie des attrapions élePives à un fi
grand nombre d’acides & de bafes que l’a fait
Bergman , il faut fe borner dans l’état aPuel de la
d’Hist. Nat. et de Chimie; 285
chimie à l'examen des affirmés qui ont lieu entre
les matières falines dont la nature & les proprié»
tés font les mieux connues.
Parmi les fix efpèces d’acides que nous avons
examinés, l’acide fulfurique paroît être le plus
fort ou celui dont les attrapions élePives font
en général les plus marquées pour les différentes
bafes; c’eft- à-dire , qu’il enlève la plupart des
bafes alcalines ou faîino - terreufes aux autres
acides ; ainfi il décompofe les nitrates , les mu*
riates , les rîuates, les borates & les carbonates
en dégageant leurs acides.
L’acide nitrique tient en général le fécond
rang j il cède les bafes alcalines à l’acide fulfu-
rique , mais il les enlève aux quatre acides fui-*
vans.
Pour mieux faire connoître les différentes af-
finités qui ont lieu entre les acides minéraux &
les bafes falines du même règne, nous allons les
préfenter dans l’ordre où Bergman les range dans
fa table des affinités. En confidérant j i°. cha-
que acide par rapport aux diverfes bafes aux-
quelles il peut s’unir ; 20. chaque matière alca-
line relativement aux acides qui les faturent, &
au degré d’adhérence qui les tient unies avec ces
i fels.
I. Les attraPions élePives de l’acide fulfuri-;
que pour les différentes bafes font difpofées pai;
286 É L É M E N S.
Bergman dans l’ordre fuivant, en commençant
par celle à laquelle il adhère le plus (i).
Acide sulfurique.
Baryte.
Potafle.
Soude.
Chaux.
Ammoniaque.
Magnéfie.
Alumine.
Comme les acides nitrique & muriatique ont
le même ordre d’attra&ions éle&ives pour les
bafes alcalines, nous les préfenterons ici à la fuite
des premiers.
Acide nitrique.
Baryte.
Potalïe.
Soude.
Chaux.
Ammoniaque.
Magnéfie.
Alumine.
(i) Nous avons déjà indiqué l’ordre des affinités des
acides avec les baies dans l’hiftoire de chacun d’eux ; mais
nous avons cru devoir les repréfenter ici en colonnes ,
comme on le fait dans les tables d’affinités , afin de les
off' ir fous un feul point de vue , & d’en faire faire la
comparaifon.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 287
Acide muriatique.
Baryte.
PoTafie.
Soude.
Chaux.
Ammoniaque.
Magnéfie*
Alumine.
La baryte a donc avec les acides fulfurique ,
nitrique & muriatique plus d’affinité que toutes
les autres bafes, & elle décompofe tous les fels
neurres formés par ces acides unis aux autres
matières alcalines. Bergman place la magnéfie
avant l’ammoniaque, parce qu’il aûure que cette
fubftance falino-terreufe décompofe les tels am-
moniacaux. Nous remarquerons que l’ammonia-
que décompofe plus complètement les fels ma-
gnéfiens ; à la vérité toute la magnéfie n’ctf pas
précipitée par cet alcali, & il rtfte dans la li-
queur des fels mixtes ou triples formés par l’union
des fels magr.éfiens avec les fels ammoniacaux.
Nous croyons cependant , malgré l’autorité de
Bergman , qu’il y a une plus grande attraâion
éle&ive entre les acides ik l’ammoniaque, qu’en-
: tre les mêmes lels & la magnéfie, parce que
celle-ci, quoiqu’elle dégage un peu d’ammonia-
que des fels ammoniacaux par la voie humide,
ne décompofe pas ces fels par la diflillation ;
i2§ Élément.
c’efi pour cela que nous avons placé flamme-
oiaque avant la magnéfie , & nous penfons que
cette correPion eft néceflfaire dans la table de
Bergman.
H. Les attrapions élePives de l’acide fluorique
pour les bafes alcalines font très-diflérentes de
celles des trois précédons ; les alcalis cèdent cet
acide à la chaux & aux deux autres fubflances
fàlino-terreufes. Une diflblution de fluate bary-
tique dans l’eau chaude eft précipitée par l’eau
de chaux qui réforme fur le champ du fluate cal-
caire; il en efl de même des autres Tels neutres
fluoriques; la chaux leur enlève cet acide, comme
l’exprime la huitième colonne de la table de Berg-
man difpofée ainft :
Acide fluorique.
Ghaux.
Baryte.
1 Magnéfie.
PotafTe.
Soude.
Ammoniaque.
Alumine.
Les mêmes phénomènes ont lieu par la voie
sèche , car le fluate calcaire n’efl pas décompofé
par les alcalis fixes purs & caufliques , mais il l’eft
par les carbonates de potaflè de fonde.
III.
d*Hist. Nàt. et de Chimie. 289
I î l. Bergman préfente dans fa dixième co-
lonne les affinités de l'acide boracique dans le
même ordre qlie celles de l’acide fiuorique,
parce qu’en faifant chauffer dans de l’eau du
borax avec la chaux vive , celle-ci fe porte fur
fon acide , forme du borate calcaire très -peu fo-
Iuble , 5c laiffe la foude pure. Quant aux autres
bafes 3 il ne les a difpofées que par analogie, 5c
il ne regarde encore cette difpcfition que comme
line conjepure probable. Quod idem accidat cum
alcali vegetabili , acido boracis faturato , Raclerais
tantum probabilis ejl conjcciura , es que ac terres pon -
derofœ & magnejïœ, pofitura.
Acide b o r a c 1 Ne
Chaux.
Baryte.
Magnéfie.
Potaffe.
Soude.
Ammoniaque.
Alumine.
IV. Les attrapions éîepives de l’acide carbo-
nique font un peu différentes de celles qui ont
été expofées pour les autres. Cet acide adhère
plus à la baryte Sc enfuite à la chaux qu’à toute
autre fubflance. Sa combinaifon avec la magnéfie
eff auffi détruite par l’ammoniaque , comme Berg-
Tome IL T
2-9° É L É M E N S
msn l’a prouvé par des expériences exaPesi
Nous ne ferons donc pas ici l’obfervation que
nous avons faite fur les autres acides, & nous
présenterons la partie de la colonne i $ delà table
de ce célèbre chimie , qui exprime les attrac-
tions de l’acide carbonique pour les diverfes bafes
falines,
Aciqe carbonique.
Baryte.
Chaux.
Potaffe.
Soude.
Magné (le.
Ammoniaque.
Alumine.
V. Les fept bafes terreufes ou alcalines dont
nous avons examiné les combinaifons avec les
acides minéraux ont des attrapions élePives
différentes les unes des autres pour ces mômes
acides. Cinq çVentr’elles , {avoir, les deux alcalis
£xes, l’ammoniaque, la chaux Sz l’alumine, fe
reiTemblent par l’ordre de leurs affinités. Toutes
les cinq adhèrent aux acides dans les degrés de
force fuivans , l’acide fulfurique , l’acide nitri-
que , l’acide muriatique , l’acide fluorîque, l’acide
boracique & l’acide carbonique; mais la baryte
oz la magnéfie ont des affinités différentes de
d’Hist. Nat. et de Chimie. 291
c elles de ces cinq premières bafes avec les acides
minéraux, &L analogues entr’elles.
Voici comment Bergman difpofe les attrac-
tions élePives de la baryte 5c de la magnelie
relativement aux acides minéraux.
Baryte&Magnésie.
Acide fulfurique.
Acide fluorique.
Acide nitrique.
Acide muriatique.
Acide boracique.
Acide carbonique.
Il n’y a d’autres’ différences entre ces affini-
tés & celles des cinq bafes précédentes, fi ce
n’efl que l’acide fluorique efl: avant les acides
nitrique & muriatique, ce qui indique que les
nitrates &: les muriates baryîiques & magnéfiens
font décompcfés par l’acide fluorique ; tandis
que les fluates baryîique & magnéfien ne cèdent
pas leurs bafes aux acides nitrique & muria-
tique.
VI. Les attrapions élePives que nous venons
d’expofer indiquent l’ordre des décompofitions
fimples qui ont lieu dans le mélange- de trois
matières falines entr’elles ; mais ce n’eft point
affez de conroître ces affinités ou attrapions
élePivcs fimples , il faut encore é;udier celles
J
2.92. E L É M E N S
qui Ce paffient Couvent entre quatre de ces fubf-
tances.
On doit Ce rappeller qu’on entend par affinité
double une force combinée en vertu de laquelle
un compofé de deux corps qui ne peut être
détruit ni par un troifième , ni parun quatrième
autre corps féparé , l’eft cependant avec la
plus grande facilité lorfque ces deux derniers
font combinés enfembîe. Cette double attrac-
tion cleélive a très- Couvent lieu dans les Cels
neutres ; c>eft ainfi que le Cuîfate , le nitrate &
le muriate calcaires ne Cont point décom-
poCés par l’ammoniaque ni par l’acide carbo-
nique Ceuls , parce que le premier de ces corps
a moins d’affinité avec les acides Culfurique,
nitrique &C muriatique , que n’en a la chaux ,
tandis que le Cecond en a moins avec la chaux ,
que n’en ont les mêmes acides ; mais lorCqu’on
pfélente à. ces Cels calcaires un compofé -d’am-
moniaque ôc d’acide carbonique , ce compofé
devient Cufceptible de détruire l'adhérence de
leurs principes. J’ai fait voir dans le chapitre du
premier volume ou je traite des affinirés en géné-
ral, qu’on pourroit expliquer h raifon de ce
phénomène, en exprimant par des nombres les
différens degrés d’attraélions éle&ives. J’ai eCTayé
d’appliquer cette idée aux matières falines ; mais
comme on ne connoît point encore bien la na-
d’Hist. Nat. et de Chimie; 293
ture & les combinaifons des acides fluorique
& boracique , je n’ai fait cette application
qu’aux acides iulf urique , nitrique , muriati-
que & carbonique , confidérés relativement
aux bafes falines minérales , & aux différens
degrés d’adhérence qu’ils' paroiffient avoir avec
ces bafes. Les nombres que j’ai fuppofés pour
exprimer ces divers degrés d’adhérence , font
fondés fur le réfciltat des décomposions (im-
pies ; on doit être prévenu qu’ils ne font
peut - être pas très » exaPement Pexprefficn
de la force d’affinité , mais qu’ils ne font def-
tinés qu’à faire concevoir la caufe des affinités
doubles.
Je donnerai d’abord la table des affinités
numériqnes des quatre acides défignés avec fix
bafes, je n’y comprends pas encore la baryte,
parce qu’on ne connoît point encore affez fes
diverfes combinaifons falines. J’expoferai enfuite
dans des tableaux particuliers le jeu des affi-
nités doubles connues entre les fels neutres ,
en adoptant la difpofition donnée par Berg-
man, 6c que j’ai déjà décrite à l’article des affi-
nités en général. Je rappellerai ici que, dans
cette ingénieufe difpofition à laquelle je n’ai
fait qu’ajouter l’expreffion des affinités par des
sombres , la fomme des deux nombres verti-
caux qui défignentles attrapions divéllentes doit
â94 É L É MENS
l’emporter fur ce'.le des nombres horizontaux
qui indiquent les attrapions quiefcentes-, pour
qu’il ’exifte une décompofition paraffinité double*
Tableau des degrés dé a ttracîion exprimés
par des nombres entre quatre acides 6* fix
bafcs.
Première Colonne.
la potaffe , une affinité égale
à 8
lia foude
L’acide fulfurique a ha cjiaux t<
pour fe combiner avec
1 il ammoniaque 4
'la magnéfie 3-
l’alumine 2
Seconde Colonne.
•
la potaffe , une affinité égale
à 7
lia foude 6
L’acide nitrique a pour 3 ^ ^aux
fe combiner avec 4,
llammomaque 3
la magnéfie 2
1
N VO
d’Hist. Nat. et de Chimie. 295
Troisième Colonne.
‘lapotaffie, une affinité égale
à' 6
T, .j . . lia foude ç
L acide munatique a J >
_ r .. -Ma chaux
pour le comb:ner avec 1
[l’ammoniaque .. ... 2
la masnêfie » 1
\
> l’alumine
Quatrième Colonne.
* •
la chaux, une affinité égal
Ÿ'\ a
T , . , , jla potaffe .„.
L acide carbonique a J r
, , . \la foude
pour le combiner avec
/l’ammoniaque
la magnélie
.l’alumine
f •
Tir.
tf<!H -MVJ H ,H W rs> *»|H
296 E L É M E N S
1 A B L E A V de dix efpeces di> affinités doubles
qui ont lieu entre divers Jets neutres & qui
font exprimés par des nombres pris du tableau
précèdent .
Premier Exemple.
fulfate
de
potafle.
nitre.
potaffe. 7 acide
nitrique.
8 affinités
acide
fulfurique.
•
nitrate
rai
re.
3 quiefeentes 4^12 /calcai'
— chaux.
*3
fulfate calcaire.
S e c o n. d Exemple,'
muriate de potafle,'
fulfate
de
potafle.
potaffe.
acide
muriatique.
muria^
> _ 1
8 affinités '*3 quiefeentes % \i J. /te cal-
acide
fulfurique.
te,
— chaux*
12
cane.
fulfate calcaire.
* Ce nombre mis à droite dans une petite accolade eft
la fomme des deux affinités horizontales , ou quiefeentes ,
d’Hist. Nat. et de Chimie. *197
Troisième Exemple.
nitrate de fonde.'
fulfate
de
Coude.
foude.
6 acide
^ nitrique; i
'u i
M
1
•S "
nitrate
7 affinités
quiefcentes 4{ 1 1 ^
fcalcâi-
^ i
^ 1
[ te*
acide.
— chaux.
fulfurique.
12
fulfate calcaire.
Quatrième Exemple.'
muriate de fonde.
fonde. 5 acide
c: muriatique.
fulfate 1 * ^ S muria*
de <q 7 affinités -quiefcentes 3 1 10 ^te cal-
ioude. 1 a caire.
<3*
acide ± chaux,
fulfunque. 11
fulfatç calcaire.
qui doit être moindre que celle des affinités verticales J
ou -divdlentes , pour que la double décomposition ait lieu,'
I
Ï98 É L É M F. N S
Cinquième Exemple.
fulfare ammoniacal.
'acide fulfurique. 4 ammoniaque.
"g ff nateam*
è,iïLnMS tà* /-ï i6*} cal, ou
^ I alcali
chaux. — acide carboniqu. v 0,wl"
7 } concret
Calfate
calcaire
nitrate
calcaire <
carbonate calcaire.
Sixième Exemple.
nitrate ammoniacal.
acide nitrique. 3 ammoniaque.
• ff carbo-
4 affinités ^ quicfc. -j { 4 \ V, nateam-
l monia-
„ cal.
chaux. -g- chaux.
carbonate calcaire.
Septième Exemple.’
j
muriate ammoniacal,
acide muriatique 2 ammoniaque.
.j> i catbo-
mnrïate | 3 affinités. ~'3. quiefc.\ £ 3^\nateam-
^ / monia-
* 1 cal.
chaux. JL acide carbor.iq.
calcaire
carbonate calcaire.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 299
Huitième Exemple.
fulfate magnéfien , ou fel d’Epfum.
"acide fulfurique. „r niagnefu. jcarbo-
- ^nate de
magûé-
fulfate J 6 affinités. quiefc. ~ £ 6-r Vfie , ou
calcaire \
3 -
chaux, 71 acide carbonjq. 'Ivefcen- '
J te.
carbonate calcaire.
Neuvième Exemple.
nitrate magnéfien.
acide nitsique. 2, magnéile.
magne-
fieefFer-
nitrate
calcaire'
- carbo-
4 affinités quiefc 4 jVnarema.
gnéfien
chaux. JJ_ acide carboniq.
5
carbonate calcaire.
Dixième et dernier Exemple.
muriate magnéfien.
acide muriatique 1 magnéfie.
HJ
3
muriate
calcaire
carbo-
3 affinités quiefc.- 2 3 f \nate de
chaux.
acide'carboniq. Il
/ magné-
s fie.
carbonate calcaire.
500 É L É M E N S
Ces dix affinités doubles ne font pas les feules
qui exillent entre tous les fels neutres que nous
avons examinés ; nous avons vu , par exemple ,
que les fels barytiques ne font pas décompofés
p sr la potafîe , tandis que les carbonates de
potaffe & de fonde les décompofent ; que le
fluate calcaire préfente le meme phénomène \
ces deux efpèces d’affinités doubles , & peut-
être quélques autres qui ne font point encore
connues entre les fels, n’ont point été repré-
fentées dans la table précédente, parce qu’on n’a
point encore allez étudié les attra&ions éle&ives
delà baryte & de l’acide fluorique, pour que
nous ayons pu les déligner par des nombres. Lorf*
que les recherches néceffaires pour acquérir ces
connoiffances auront été faites, il fera fans doute
nécelfaire de changer les nombres indiqués, pour
les faire quadrer avec les affinités que l’on dé-
couvrira ; mais la méthode propofée reliera tou-
jours &c elle ne pourra meme acquérir que plus
d’exa&itude.
J
m
\
d’Hist. Nat. et de Chimie. 301
TROISIEME SECTION.
t *
DE LA MINÉRALOGIE.
Corps combustibles .
CHAPITRE PREMIER.
Des corps combuftihles en général.
N o u s avons déjà parlé de la cômbiiftion dans
l’hifioire de l’air. L’ordre que nous avons adop-
té exige que nous rappellions en peu de mots ce
qui a été dit fur cet objet.
Un corps combuftible eft, fuivant Stabl , un
compofé qui contient le feu fixe ou le phlo-
giftique. La combuftion n’efl, d’après fa théorie,
que le dégagement de- ce feu fixé, & fon paf-
fage à l’état de feu libre ; ce dégagement fe
manifefie par la lumière par la chaleur. Lorf-
qu’il efi: entièrement fini , le corps qui l’a
éprouvé rentre dans la clafie des matière? in-
combuftibles , & on’ peut lui rendre fa pre-
. mière combuftibilité en lui rendant fon phlo-
gifiique , ou en lui unifiant la matière du feu
. fixée dans un autre corps. Nous avons trouvé
L
302 ÉlImens
quatre grandes difficultés dans cette théorie;
i°. l’impoffibilité de démontrer la préfence du
phlogiftique ; 20. l’augmentation de poids par
la combullion qui ne peut pas fe concevoir avec
la perte d’un principe; 30. la perte de poids
du' corps par l’addition du phlogillique , lorf-
qu’on le fait palier de l’état incombuilible à
l’état inflammable ; 40. le peu d’attention que
Stahl avoit faite à la nécèffité de l’air.
Ce dernier phénomène mieux obfervé , &
raugmentation de poids des corps combuftibles
pendant leur combullion , a fait naître la théorie
fui vante.
Un corps n’elt combuflible que parce qu’il
tend fortement à fe combiner avec la bafe de
l’air vital ou l’cxigène. La combullion n’eft que
l’ade même de cette combinaifon, elle n’a lieu
qu’autant que l’oxigène perd le calorique qui le
tenoit en état d’air. Cette opinion ell fondée fur
les quatre faits fuivans : i°. Un corps ne peut
brûler làns air vital ; 20. plus l’air efr pur , plus la
combullion ell rapide; 30. dans la combullion il
y a abforption de l’air 6z augmentation de poids
dans le corps brûlé ; 40. enfin, le corps brûlé
dans i’atmofphcre contient en exigène la partie
en poids que l’air atmofphérique a perdue , &
on peut fouvent extraire cet oxigène par diffé-
rens moyens que nous connoîtrons plus bas.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 303
Macquer avoit réuni cette théorie avec celle
de Siahl en regardant la lumière fixée comme
lephlogiftique, & en admettant l’air vital comme
précipitant de la lumière/; il penfoit que dans
toute combuftion , le phlogiftique étoit leparé
dans l’état de lumière par l’air vital qui prenoit
fa place dans le corps combuftible , & il regar-
doit ces deux matières , la lumière & l’air vital ,
comme les précipitons l’une de l’autre ; ainfî ,
lorfqu’on faifoit pafTer la lumière fixée d’un
corps combufiible dans un corps déjà brûlé * il
croyoit que ce pacage n’avoit lieu- qu’à mefure
que l’air vital uni au corps brûlé cédoit fa placé
à la matière de la lumière, & fe transportait
dans celui d’oû la lumière s’échappoit» La forme
exa&e & rigoureufe que la dodirine moderne a
acquife depuis quelques années n’exige , ne
permet même plus qu’on ait recours à ces théo-
ries compliquées ôc forcées : en la rappeliant
ici nous ne ferons qu’ajouter à la (implicite &
à la clarté.
L’air viral eft compofé d’une bafe fixable
appellée oxigène , tk qui eft tenue en difTolution
dans l’état de fluide ëlaftiquè par le calorique
& la lumière. Lorfqu’on chauffe un corps com-
buflible dans ce fluide , ce corps décompofe
l’air vital en s’emparant de fa îfafe ou de fon
oxigène , & alors le calorique la lumière
304 É L E M E N S
devenus libres , reprennent tous leurs droits ,
& s’échappent avec les caradères qui les didin-
guent ; (avoir, le premier fous forme de cha-
leur, & la fécondé fouscelle de flamme. Suivant
cette dodrine , l’air vital eft le véritable &; le
f’eul corps combudible. Cette théorie femble
ne pas détruire la préfence du phlogidique dont
la lumière joue ici le rôle, mais elle diffère de
celle de Stahl par le lieu du phlogidique ou du
feu fixé, que nous admettons dans le corps qui
fert à la combudion, tandis que Stahl l’admet-
toit dans le corps combudible. Quoiqu’on puiffe
faire contre le principe oxigène de l’air vital une
partie de l’objedion qu’on a faite contre le phîo-
gidique de Stahl , puifqu’on ne connoîr pas plus
ce principe ifolé ou pur , puifqu’il ed toujours
ou combiné avec le calorique dans l’air vital , ou
avec les corps combudibles lorfqu’ils ont brûlé;
puifqu’enfin il ne Fait comme le phlogidique
que paffer d’un corps dans un autre , & changer
de combinaifon fans pouvoir être féparé &
préfenté dans un état de pureté ; il y a cepen-
dant une très-grande différence entre les deux
théories; la dernière, celle que nous admettons,
a tous les caraêlères de l’exa&itude & de la
vérité; elle ed fondée fur l’addition ou la four-
tradion du poids , ce qui n’a jamais pu être fait
dansdâ doctrine de Stahl.
Les
d’Hist. Nat. et de Chimie. 305
Les différçns corps combuftibles préfentent
beaucoup de degrés ou de différences dans leur
tendance à fe combiner avec l’oxigène ; & il
paroîtque le plus ou le moins de combuftibilité
dépend des rapports variés qui exiftent entre ce
principe & les corps combuftibles ; de forte
qu’on pourroit établir un ordre de leur combu -
tibilité , &t conftruire une table de leur affinité
avec la bafe de l’air vital.
Cette variété d’affinité entre les corps com-
buftibles & l’oxigène eft la caufe des différens
phénomènes que ces corps préfentent dans leur
combinaifon avec ce fluide.
On pourroit d’après cda diftinguer quatre
fortes de combuflions.
r°. La combuflion avec flamme Sc chaleur,
comme celle du foufre, &c.
2.0. La combuflion avec chaleur fans flamme ,
comme celle de plufieurs métaux , &c.
30. La combuflion avec flamme fans chaleur ,
comme celle des phofphores , &c.
4°. La combuflion très-lente , fans flamme ni
chaleur apparentes , comme cela a lieu par le
contact de certains corps combuftibles avec l’air,
ou ’orfque l’oxigène fixé dans un corps & dépourvu
de calorique , pafl'e immédiatement , tacitement
pour ainfi dire , de ce corps dans un autre.
Il faut obferver qu’outre cette diftindioti ,
V
3 o 6 ÉléMËNS
la combuftion diffère encore par un grand nom-
bre d’autres phénomènes particuliers à chaque
corps combuftible. La rapidité, la couleur , l’éten-
due de la flamme, l’odeur qui l’accompagne, la
quantité d’oxigène abforbée , la forme , la couleur^
la pefanteur, l’état du réfidu du corps brûlé, &
plufieurs autres circonflances qu’il feroit inutile
de développer ici , & qui feront traitées avec toute
l’importance qu’elles méritent à l’article de cha-
que corps combuftible , érabliffent les différences
eflentielles , & propres à caraftérifer chacun
des êtres qui appartiennent à cette clafle.
En confldérant toutes les variétés que pré-
fentent les corps combuflibles pendant leur
combuftion , on ne peut s’empêcher de conve-
nir que leur caufe n’eft point encore connue, &
qu’il refle des découvertes importantes à faire fur
ce point de la théorie chimique ; déjà les degrés
d’affinité différens que paroiflent avoir les divers
corps combuflibles pour s’unir à l’oxigène peu-
vent fervir à expliquer une partie de ces phéno-
mènes ; en effet , il eft naturel de croire qu’un
corps qui a une grande attra&ien pour fe com-
biner avec ce principe offrira dans cette combi-
naifon plus de chaleur , plus de mouvement ÔC
plus de lumière, parce que celle-ci fera féparée
* *
de l’air vital avec plus d’énergie. Mais cette doc-
trine n’explique point encore quelle eft la caufe
b’H'i'st. Nat. et de Chimie. 507
'<3e la couleur fi variée de la flamme des difFé—
rens corps inflammables; pourquoi, par exemple-,
le cuivre brille en verd, &c. Elle n explique point
non plus, au moins par des expériences, comment
quelques matières combustibles brûlent fans flam-
me apparente, à moins qu’on ne croie avec plu-
lieurs phyficiens que la matière de la lumière eft la
même que celle de la chaleur , & n’en différé que
parce qu’elle eft plus divifée, plus éparpillée ; or ,
on fait combien cette opinion fouffre encore de
difficultés. Si l’on fe rappelle que la lumière eft un
des principes de l’air vital , & qu’elle s’en dégage
pendant la combuftion , on pouirroit croire que ce
corps êft dégagé diverfement de l’air vital par les
différentes matières combuftibles $ qu’il y en a ,
par exemple , où toute la lumière , l’enfemble de
fes fept rayons ou principes , eft féparée ; qu*il en
eft d’autres où il n’y a que le rayon ofangé de dé-
gagé comme par le gaz nitreux, lê jaune ou le verd
comme par le zinc & le cuivre ; mais cette hypo-
thèse , dont il a déjà été queftion dans l’hiftoire de
la combuftion traitée à l’article de l’air,n’eft point
encore appuyée par l’expérience. Il fuffit qu’il foit
prefque démontré que la lumière eft plutôt conte-
nue dans l’air vital que dans les corps combufti-
bles. En effet , comment concevoir qu’un corps
auffi divifé & auffi élaftique en même- temps que
lalumicre , puiffe fe fixer & prendre de la folidité?
v
I
308 É L I M ! NJ
NVtl-il p?s plus naturel & plus conforme à tou-
tes les idees e la faine phy tique de penfer que ,
loin de pouvoir prendre ainti une forme folide,
la lumière etl plutôt capable de la faire perdre à
ceux qui en jouiffent , & qu’elle et! une des caufes
de l’élatlicité de l’air vital, qui n’etl que l’oxigène
folide par lui-même uni au calorique &c à la
lumière ?
Quoiqu’il relie donc encore quelques difficul-
tés à réioudre dans l’hitloire de la combutlion ,
il ell bien prouvé aujourd’hui que les corpscom-
buftibles qui onr brûlé ont tout-à fait changé de
nature ; que l’oxigène qui ell fixé leur donne tou-
jours plus de pefanteur abfolue;& que ce principe
y prend lui- même une forme plus folide que celle
qu’it avoit. dans fa combinaifon avec le calorique
& la lumière qui le continuent air vital.
Nous divifons les matières combutlibles du
règne minéral en cinq genres ^ {avoir , le diamant,
le gaz hydrogène ou inflamm ibîe, le foufre,
les matières métalliques & les bitumes.
4 arufe i-
i w >
f
d’Hist. Nat. et de Chimie. 309
CHAPITRE IL
Genre I. Diamant .
Le diamant eft une fubftance unique dans fori
efpèce ; on Ta placé avec les pierres , parce qu’il
en a la dureté,rinfipidité,rinfolubilité. il eft d’ail-
leurs le plus tranfparent Si le plus dur de tous
les minéraux. Sa dureté eft telle que l’acier le
mieux trempé ne mord point fur lui, oc qu’on
ne peut ufer les diamans qu’en les frottant l’un
contre l’autre ; c’eft ce qu’on nomme égriler.
Les diamans fe trouvent aux grandes Indes ,
particulièrement dans les royaumes de Golconde
ôi de Vifapour. On en tire auflî du Bréfil;mais
ils parbiftent d’une qualité inférieure: on les con»
noît dans le commerce fous le nom de diamans
de Portugal.
Les diamans fe rencontrent ordinairement
dans une terre ochracée , jaunâtre , fous des
roches de grès & de quartz; on en trouve auiïi
quelquefois dans l’eau des torrens ; ces diamans
ont été détachés de leurs mines. Il eft rare que
les diamans ioient d'un certain volume. Les
fouverains de l'Inde gardent les plus volumi-
V üj
A
310 É L É M E N S
neux , afin que le prix de ces fubftances ne dimi-
nue point.
Les diamans ne fortent pas de la terre avec
leur éclat ; il ne s’en trouve de brillans que dans
les eaux. Tous ceux que l’on retire des mines font
enveloppés d’une croûte terreufe qui recouvre
line fécondé couche de la nature du fpath calcaire ,
fuivant M. Romé de Lifle.
Jh
Souvent les diamans n’ont pas de forme régu-
lière; ils font plats ou roulés. Quelquefois ils.
offrent des criffaux réguliers en oélaèdres.formés,
dô deux pyramides quadrangulaires réunies par
leurs bafes ; on en trouve auffi à 12, à 24 &
à 48 faces.
Quelques diamans font parfaitement tranfpa-
rens &£ de la plus belle eau; d’autres font tachés,
veinés, nues; alors ils perdent beaucoup de leur
prix. Ii en eft qui ont des teintes uniformes &Z
bien marquées de jaune , de rouge , de bleu, de
noir ; ces derniers font fort rares.
Les diamans paroiffent être formés de lames,
appliquées les unes fur les autres; on les divife
aifément en les frappant dans le fens de ces
lames avec un infiniment de bon acier. Il y a
cependant quelques diamans qui ne paroifîent
point compofés de lames dillin&es , mais de
fibres entortillées, comme font celles que l’c%
d’Hist. Nat. et de Chimie. 3 it
obferve dans les nœuds du bols. Ces derniers
font fort durs, & ne peuvent être travaillés; les
lapidai es les nomment diamans dénature,
La tranfparence , la dureté du diamant , la
forme criftalline régulière qu’il affe&e , avoient
déterminé les naturalises à ranger cette fubf-
tance au nombre des pierres vitrifiables. Ils le
reeardoient comme la matière du criflal de
ta»
roche , la plus pure &: la plus homogène. Ils
le croycient inaltérable au feu , parce que les
joaillier^ font dans l’ufage de faire chauffer &c
même rougir les diamans tachés de jaune; par
ce procédé , les taches deviennent noires , &
n’empêchent pas l’éclat de la pierre. Cependant
on favoit que le diamant étoit plus pefant &
plus dur que le criftal de roche , & qu’il avoit
une propriété éleéirique très- marquée ; mais
on n’attribuoit cela qu'à fon extrême pureté.
On fait que tous les corps tranfparens pier-
reux ou falins refrangent la lumière en raifon
direêle de leur denfité , mais que les corps rranf-
parens combuflibles la refrangent en raifon dou-
ble de leur denfité. L,e diamant a une force réfrin-
gente prefque triple de celle qu’il devroit avoir
en raifon de fa denfité ; il paroît que c’eft de
cette grande force réfringente que dépend le
ûngulier éclat du diamant. Comme il eft très**
y ly
f
3ii Êlémens
îranfparent , Si que la lumière fe refrange forte-
ment entre fes lames lcrfqu’on multiplie fes
furfaces par la taille , chacune de fes facettes
fournit unfaifceau de lumière très-brillant. Audi
ceux qui font taillés à facettes fur totfte leur
circonférence ont-ils un éclat bien fupérieur à
ceux qui ne font taillés que d’un côté ; c’eft
pour cela que les lapidaires défignent les premiers
fous le nom de bùLLans , Si qu’ils appellent les
féconds des rofes.
Boyleavoitditque le feu altéroit les diamans.
Si qu’il s’en dégageoit des vapeurs âcres; mais
le fait annoncé par ce phyficien ne fixa point l’at-
tention des favans. Cependant CofmelII, grand
duc de Tofcane , vit à Florence, en 1694 Sz.
1695 , le diamant fe détruire au miroir ardent.
L’empereur François I fut auffi témoin à Vienne
de la deflruûion du diamant par le (impie feu
des fourneaux. ✓
M. d’Arcet , dans fes belles expériences fur
les matières pierreufes expofées à l’aèlion d’un
feu violent Si continu , n’oublia pas les diamans.
Il annonça qu’ils s’évaporoient dans le fens de
leurs lames, Si que fi on arrêroit l'évaporation
à propos, ce qui redoit n’éroit nullement altéré,
& n’offroit qu’un diamant de moindre volume.
M, d’Arcet voulant lavoir fi l’évaporation du
d’Hist. Nat. et de Chimie. 3 1 3
diamant n’étoit pas une fimplç decrepitation,
imagina de le traiter dans des vaiffeaux diffé-
remment fermés. Il prit une fphère de pâte de
porcelaine , & après l’avoir coupée en deux,
il plaça un diamant au centre ; il ajufta enfuite
les deux hémifphères , de manière que le dia-
mant fe formant à lui-même fa cavité , il n’y
eût pas d’efpace vide autour. Ayant laide ces
boules au four jufqu’à ce qu’elles fufTent cuites ,
il les caffa , & trouva la loge vide & le diamant
évaporé , fans qu’on pût appercevoir la moindre
gerçure à la boule.
M. d’Arcet a varié cette expérience de plu-
fieurs manières; tantôt en prenant des boules
de pâte de porcelaine, tantôt des creufets de
porcelaine cuite , fermés d’un bouchon de pareil-
le matière, enduit avec une fubftance fufible qui,
en fe vitrifiant du feu , taiioit un lut hermétique.
M. d’Arcet a toujours vu le diamant difparoîfre,
&■ en a conclu qu’il étoit évaporable fans le fecours
de l’air.
Depuis, MM. d’Arcet & Roux ont obfervc
qu’il n’étoit pas néceflaire d’avoir recours à de*
feux d’une fi grande violence, pour opérer la
volatilifation du diamant; & en 1770 M. Roux
en volatiüfa un, aux écoles de médecine, en
cinq heures de temps , dans un fournau de cou-
pelle.
?I4 ÉLÉMENS
£n 1771 Macquer obferva un nouveau phé-
nomène relatif à la deflru&ion de cette fubf-
ïance. Ayant eu un diamant à volatilifer , il
employa le fourneau de Pott , auquel il avoit
fait quelques corre&ions. Ce fourneau, lorfqu’il
eft terminé par un tuyau de poêle de dix à douze
pieds de hauteur * produit une chaleur égale à
celle d’un four à porcelaine dure. Macquer
avoir place une moufle au centre de Ion fourneau,
qui n’avoit qu’un tuyau de deux pieds. Il
mit un diamant taillé en brillant , & pefant
trcis-feizièmes de karat , dans une coupelle qu’il
plaça d bord au-devant de la moufle bien rou-
ge ; il eut foin de ne l’enfoncer que par de-
grés , peur éviter que le diament ne s’éclatât.
Au bout de vingt minutes , ayant obfervé le
diamant, il le trouva augmenté de volume &
beaucoup plus brillant que la capfule dans
laquelle il étoit ; enfin il obferva une flamme
légère & comme phofphorique , qui formoit
une auréole très-marquée autour de la pierre >
mais il ne fentit point de vapeurs âcres , comme
l’avoit annoncé Boyle. Le diamant ayant été
reporté fous la moufle , au bout de trente
minutes il étoit entièrement difparu, fans laifler
après lui aucune îrace. Ainfi Macquer a volacilifé
en moins d’une heure un diamant de près de
quatre grajns, & il a vu que ce corps brûle
d’Hist. Nat. et de Chimie.4 315
avec line flamme fenfible à la manière des autres,
corps combuftibles.
Ce fait annoncé par Macquer a été vérifié
plufieurs fois depuis. En 1775 Bucquet a vola-*
tilifé un diamant d’environ trois grains & demi;
il s’eff fervi du fourneau de Macquer , mais fans
tuyau 3 & la moufle eft reftée ouverte prefque
tout le tems de l’opération , afin qu’on put voir
ce qui fe pafïoitpendant lacombuft ion du diamant.
Il eft refté environ quinze minutes avant de
s’enflammer , & à compter du moment de fin-
flcimmation , il n’a p<-.s fallu vingt - cinq minutes
pour fon entière volatilifation.
Comme aucune de ces expériences ne démon-
troit ce que devenoit le diamant, MM. Mac-
quer , Lr*voifier &: Cadet réfolurent de faire
quelques effais dans des vailfeaux clos. Ils chauf-
fèrent vingt grains de diamans dans une cor-
nue de grès , avec un appareil propre à retenir
les produits , s’il eût pafTé quelque chcfe ; ils
employèrent un feu de la plus grande violence,
& n’obtinrent rien ; ils trouvèrent les diamans
bien entiers, mais ayant perdu un peu de leur
poids ; ils foupçonnèrent dès - lors que cette
perte dépendoit de ce que les diamans avoient
brûlé en partie, à l’aide du peu d’air renfermé
dans les vaiffeaux ; les diamans d’ailleurs étoient
^ouverts d’un enduit noirâtre , & comme char-
3 1 £ Élémens
bonneux , qui difparoiffoit promptement en les
frotta t fur la meule.
Pendant que les chimiftes s’occupoient des re-
cherches fur le diamant , les lapidaires croyoient
toujours à la parfaite indeftruétibilité de cette
pierre. L’un d’eux, M. le Blanc, porta chez M.
Rouelle un diamant pour être expofé au feu;
mais il voulut l’envelopper à fa manière. En
conléquence , il le mit dans un creufet avec un
cernent de craie de poudre de charbon ; ce
premier creufet fut enfermé dans un autre , fer-
mé de fon couvercle ôc luté avec le fable des
»
fondeurs. Cet appareil refta au feu pendant qua-
tre heures, ainfi que plulieurs autres diamans
fur lefquels M. Rouelle rravailloit. Au bout de
ce tems , les diamans de M. Rouelle avoient
difparu , ainli que celui de M. le Blanc. M. Mail-
lard, autre lapidaire, fe rendit chez M. Cadet,
où travailloient MM. Macquer & Lavoiûer ;
ayant apporté trois diamans, il propofa de les
expofer au feu , après qu’il les auroit cémentés
à fa manière. Il remplit de charbon pilé & bien
prefl'é le fourneau d’une pipe , & ayant mis
les diamans au centre du charbon , il couvrit
la pipe d’une, plaque de fer qu’il luta avec le
fable des fondeurs; la pipe fut renfermée dans
un creufet garni de craie & revêtu d’un enduit
de Cible détrempé avec l’eau falée. Le tout fut
d’Hist. Nat. et de Chimie. 317
mis au fourneau de Macquer , &: efi'uya un
feu tel qu’au bout de deux heures l’appareil
ctoit ramolli 6c prêt à couler. Après l'opéra-
tion , le creufet étoit vitrifié & informe ; on
le cafia avec précaution , Sc l’on trouva la pipe
bien ent.ère : le charbon qu’elle conrenoit étoit
parfaitement noir, 6c les diamans n’avoient rien
perdu. Ils étoient feulement noircis à leur fur-
face , mais en les frottant fur la meule , ils
redevinrent blancs & brillans. Macquer a répété
cette expérience dans le grand four qui cuit la
porcelaine dure de Sèves, elle a réufii de même;
cependant , comme le fer qui couvroit la pipe
avoir été fondu, une partie ayant atteint le
diamant , l’avoit fcorifié d’un côté , mais l’autre
étoit bien entier ; le feu avoir duré vingt-quatre
heures.
M. Mitouard , ayant eu occafion de traiter
plufieurs diamans dans des vaififeaux fermés 6z
avec différens cemens, a reconnu que le char-
bon étoit celui de tous qui empêchoit le mieux
la combuftion de ce corps.
Tous les chimiftes ont été perfuadés par ces
faits que le diamant brûloit à la manière des
corps combuftibles , & qu’il ne fe détruifoit ,
comme le charbon , qu’autant qu’il avoit le
contaél de l’air. Cependant les expériences très-
£i8 Êlémens
bien faites & îrès-multipliées de M. d'Àrcet
fembloient établir le contraire. Pour éclaircir ce
point de théorie , Macquer prit du charbon en
poudre, il en remplit plufieurs boules de porce-
laine cuite & plufieurs creufets de pâte de por-
celaine; le charbon fe réduifit en cendres dans
les creufets de porcelaine non cuite , les cen-
dres même fe vitrifièrent, tandis que le char-
bon renfermé dans les vaille aux de porcelaine
cuite refia fans altération ; d’où ce chimifle a
conclu qu’il y a une grande dffiérence entre
ces deux fortes de vaifleaux. Il penfe que pen-
dant la cuite de la porcelaine il fe fait des
fentes , des gerçures peu fenfibles , mais fuffi-
fantes pour faciliter la combuflion , & que ces
porcelaines prenant de la retraite en fe refroi-
diffant, toutes ces petites ouvertures fe referment
& difparoiffent entièrement après la cuite.
M. Lavoifier a ajouté à ces expériences de
nouvelles recherches qui prouvent que le dia-
mant ne fe brûle qu’autant qu’il a le contaél
de l’air. Il a expofé des diamans au foyer de
la lentille de M. de Trudaine } après les avoir
couverts d’une cloche fous laquelle il a fait
monter de l’eau ou du mercuie en afpirant l’air.
Ce chirmfte,dans des travaux fur les effets du
verre ardent , faits en commun avec MM. Mao*
d’Hist. Nat. et de Chimie. 3 1 9
quer , Cadet & Briffon , avoit déjà obfervé que fi
on chauffoit brufquement les diamans , ils pe-
tilloient & s’éclatoient fenfiblement , ce qui
n’arrive pas lorfqu’on les chauffe lentement ÔC
par degrés. Il a vu aufîi les diamans fe fondre
& couler en certains endroits : la furface de ceux
qui étoient refiés quelque tems expofés au feu
de la lentille lui a paru crib’ée de petits trous
comme une pierre ponce. En les chauffant dans
l’appareil pneumato-chimique décrit ci-deffus
il s’efl convaincu que le diamant ne bruloit que
pendant un certain tems plus ou moins long
à raifon de la quantité d’air contenu fous la
cloche ; il a examiné l’air dans lequel avoit
brûlé le diamant , & il l’a trouvé abfolument
femblable à celui qui refie après la combuf-
tion de tous les autres corps combuflibles ,
c’efbà-dire , privé de la partie d’air vital propre
à entretenir ce phénomène. Une circonflance
qu’il faut noter j c’efl que cet air réfidu de la
combuflion du diamant préeipitoit l’eau de
chaux & contenoit de l’acide carbonique.
Pour conflater de plus en plus la nature du
diamant , M. Lavoifier a effayé de le brûler
fous une cloche pleine d’acide carbonique. Le
diamant a éprouvé un peu de déchet dû fans
doute à une portion d’air mêlé à cet acide. Ce
chimifte penfe que cette perte dépend aufîi en
32.0 E L É M E N S
grande partie de la volatilifation du diamant ,
& il en conclut que ce corps pourroit fe vo-
latilifer en entier dans des vaiffeaux fermés ,
fi on lui appliquoit une chaleur fuffifante.
M. Lavoifier ayant opéré de même fur le char-
bon , a eu des réfultats analogues, foit relative-
ment à la combuftion, foit relativement à la
volatilifation. Il a aufïi vu le diamant fe noircir
toujours à fa furface.
Il réfulte de ces différens faits , que le dia-
mant eff une fubftance très-différente des pier-
res ; que c’eff , au contraire , un véritable corps
combuflible , fufceptible de brûler avec flamme
toutes les fois qu’on le chauffe jufqu’à le faire
rougir avec le contaél de l’air ; en un mot ,
que c’eff: un corps combuflible volatil , puif-
que le diamant ne laiffe aucun réfidu fixe ;
qu’il reflemble parfaitement au charbon par
la manière dont il fe comporte au feu , en-
core qu’il en diffère beaucoup par fa tranf-
parence , fa pefanteur , fa dureté , & plufieurs
autres propriétés. Toutes ces expériences, ainfi
que l’art de cliver le diamant , ont appris
qu’il eff formé de lames ou de couches pla-
cées les unes fur les autres ; qu’il y a quelque-
fois entre ces couches une matière étrangère
colorante à laquelle eff peut-être dû renduit
charbonneux dont fe couvrent les diamans
chauffés ,
d'HiSÏ. NaÏ. ÊT DÈ CüïMÎÊ; 51!
chauffés, fur - tout dans les vaiffeSux fermés.
C’eft cette couche colorée placée plus ou moins
profondément , qui rend incertain le procédé
employé par les lapidaires pour blanchir les dia-
mans tachés. Si elle efl peu profonde, elle peut
fe détruire facilement , & le diamant fera blan-
chi. Si elle eft , au contraire , dans l’intérieur
de ce corps, on ne pourra l’enlever que par la
deffruôion fucceflive des lames qui la recou-
vrent , & alors il faut quelquefois détruire pref-
qu’entiérement le diamant avant de lui enlever
fa couleur.
g Malgré tous ces travaux, oïl ne fait rien ericôrô
fur la compoficion du diamant , & on doit le
regarder , dans l’état aftuel de nos coilnoiffan*
ces , comme un corps combuffible particulier ÔC
différent de tous les autres.
Le diamant n’eff d’ufage que Comme orne--
ment ; mais la propriété qu’il a de réfranger les
rayons lumineux , de les décompofer & d’offrir
à l’œil les couleurs les plus brillantes & les plus
vives, le rend véritablement précieux, fans
qu’on puiffe attribuer au caprice de la mode
l’eftime dont il jouit. Sa dureté excefîive à la-
quelle il doit le poli inaltérable de fes furfaces ,
fa rareté & l’art de la taille ajoutent encore à fon
prix. On s’en fert avec avantage pour grav.f
fur le verre & fur les pierres dûtes , & pour
ÿ'omc II, X
$1% E 1 à m e ®r $
donner à ces corps ia forme & les grandeur^
C^nvenab’es*
La poufîîere des diamans fert à ufer 8l à po%
cteux qui font entiers.
ST""* ... — -A
CHAPITRE IÎL
Genre IL Gaz Hydrogéné,
Ï^E gaz nommé air inflammable par Prieftley*
&; que nous défi gnons par le nom de §ar hydro-
gène , eft un fluide aériforme qui jouit de routes
îes propriétés apparentes de l’air* Il eft environ
ty fois plus léger que lui 9 il ne peut fervir à la
Combuftion , il tue très-promptement les ani-
maux en leur donnant des convulfions vives- Il
a une odeur forte 8c très-reconnoiffable : une
de fes propriétés cara&ériftiques eft de s’allu-
mer lorfqu il eft en contafl avec l’air & qu’ot»
lui préfente un corps enflammé > ou qu’on y
fait pafler l’étincelle élefhique..
Le gaz hydrogène étoit connu depuis long-
temps dans la nature 8c dans l’art. Les mines
métalliques , celles de charbon de terre, la fur-
face des eaux, les matières animales ou végé-
tales en putréfaâion ^voient offert un grand
nombre d’exemples de vapeurs combuftibles
natuzelleç. L’art s’étoit exercé à en produire
I
d’Kist. Nat. et de Chimie. 31$
«ans la diffolution de plufieurs métaux par les
acides fulfurique & muriatique, par la diflillation
des fubftances animales & végétales; Mais per-
fonne avant M. Priefl'ey n’avoit imaginé de
recueillir ces vapeurs dans des récipiens , & d’en
examiner les propriétés. Ce phyficien a décou-
vert qu’elles formoient une efpece de fluide élas-
tique permanent.
Le gaz hydrogène préfente tous les phéno-
mènes des corps combuftibles dans un degré
très-marqué. Comme eux il ne peut brûler fanâ
le contaft de l’air; il brûle avec une flamme plus
ou moins rouge îorfqu’il etr bien pur * & bleue
ou jaune , quand il efl: uni à quelque fubflance
capable de modifier f es propriétés. Souvent il
pétille 5c produit en brûlant de petites étin-
celles brillantes, avec un bruit femblable à celui
du nitre qui détone. Il s’excite dans fa combuflion
une chaleur vive. Il s’allume par le contaél de
l’érincelle électrique*
Il brûle d’autant plus rapidement qu’il efl
environné d’une plus grande quantité d’air.
Comme ces deux fluides ont une aggrégation
pareille , on conçoit qu’il efl: poffible de les
mêler , de forte qu’une molécule de gaz hydro-
gène foit environné de molécules d’air ; . £&
qu’alors il doit brûler avec rapidité. C’efl aitffi
Xi j
$24 ' ÉLÉMENS
ce qui a lieu lorfqu’on enflamme un mélange de
deux parties d air atmofphérique & d’une partie
de gaz hydrogène ; ce mélange s’allume , il
brûle dans un infant , & en, produifant une
explofion vive femblable à celle de la poudre
à canon ; le gaz hydrogène feul ne brûle , au
contraire , que lentement & à fa furface.
On peut le faire brûler de même en un inf-
tant & avec beaucoup plus de véhémence , fi on
en mêle deux ou trois parties avec une partie
d’air vital ou gaz oxigène ; il produit alors une
explofion beaucoup plus confidérable que dans
l’expérience précédente.
M. Cavendifch avoir remarqué 3 plufieurs an-
nées avant M. Lavoifier > que toutes les fois
qu’on brûloit du gaz hydrogène il fe manifef-
loit toujours des gouttes d’eam En faifant brû-
ler ce gaz dans un vailleau plein d’air vital , ôc
au-defïus du mercure , il fe fait un vide dans
l’appareil , le mercure remonte , & les parois
du val'e fe trouvent enduites d’une grande
quantité de gouttelettes d’eau très -pure qui
augmente en quantité à mefure que la cornbuf-
tion s’opère. M. Lavoifier a combiné de cette
maniéré une affez grande quantité de ces deux
fluides diadiques l’un avec l’autre pour pouvoir
obtenir plufieurs gros d’eau. Il a eu foin de faire
palier l’un 6c l’autre de ces fluides à travers un
r
d’Hist. Nat. et de Chimie. 315
cylindre de verre rempli d’alcali fixe càuftique
bien fec , afin de les dépouiller de la portion
d’eau qu’ils pouvoient contenir. L’eau qu’il a
obtenue répondoit parfaitement par fon poids à
celui des fluides diadiques qu’il avoit employés ;
&il en a conclu qu’elle eft en effet un compofé
de la bafe de ces deux gaz , favoir , de fix parties
en poids d’oxigène & d’une partie d’hydrogène;
car il eft aifé de concevoiqd’après tout ce que n ous
avons fait connoître jufqu’ici , que le calorique
& la lumière de l’air vital & du gaz hydrogène
fe dégagent pendant leur combuftion. C’eft à ce
dégagement qu’on doit attribuer la pefanteur de
l’eau comparée à celle des gaz cxigène Sz hydro-
gène ; ce fluide eft à la pefanteur du gaz hydro-
gène comme 11050 eft ai, en fuppofant celle
de ce dernier gaz , relativement à celle de l’air ,
dans le rapport de 1 3 à 1 ; ce rapport fera en-
core bien plus éloigné fi l’on éleve la légéreté du
gaz hydrogène à 16 , comme il paroît que cela
peut être îorfqu’il eft d’une parfaite pureté.
L’eau obtenue par la combuftion de l’air vital
& du gaz oxigène s’eft trouvée contenir quel-
ques grains d’acide nitrique. Pour concevoir la
formation de cet acide, il faut fe rappeller
que M. Cavendilch l’a produit en combinant , à
l’aide de l’étincelle éle&rique , fept parties d’air
yital &z trois parties de gaz azote de i’aîmof-
X iij
ji G , ÉlémEns
phère. Or, l’air vital que M. Lavoifier a employé
pour Ton expérience ayant été retiré du précipité
rouge ou oxide mercuriel par l’acide nitrique ,
çet oxide qui l'a fourni a bien pu donner une
petite quantité de l’azote qui entre dans fa com-
position ; ainfî cette portion d’acide ne change
rien au réfultat & aux alertions de M. La-
voilier fur la produêfion de l’eau. Si l’on com-
pare à cette belle expérience celle par laquelle
le même chimifte a décompofé l’eau en la fai-
fant tomber Sur le fer , le zinc & le charbon
rouge , airsfi que fur les huiles bouillantes , &
en a retiré du gaz hydrogène en proportion de
la combuflion qui avoit lieu dans ces différens
çorps, on fera convaincu que cette théorie de
la nature de l’eau eft appuyée fur des fondemens
aulTi Solides que toutes celles qui ont été pro-
posées fqr les différens faits chimiques,
La proportion des compofans de l’eau , dé-
montrée par les expériences les plus exaêres*
cSl de 8 s parties d’oxigène & de 1 5 d'hydro-
gène en poids,
U ne refie plus qu’un point à déterminer fur la
rature du gaz hydrogène ; cet être eft-il Simple
ou compofé ; efl-il d’une feule efpece toujours
identique ? Peut- on le regarder comme le phlo-
giibque de Stahl , ainSi que le penfent pluSieurç
çhiî^iftes angloisj & fur- tout M. Kirwan?
d’Hist. Nat. et de Chimie. 317
A l’égard de * premûce quel i m , les chi-
aniftes font aujourd’hui bien près d’être d’accord
entr’eux fur l’identité de gaz inflammable retire
de fi.ibftan.ces très-différentes , & qui paroî t jouir
de propriétés diverfes.
lien eft , à la vérité, quelques-uns qui penfent
encore qu’il y en a réellement plufieurs efpeces;
tels font, fuivant eux, le gaz inflammable obtenu
du fer & du zinc par l’eau, qui brûle en rouge
& détonne avec Pair vital Celui que Laffone a
retiré du bleu de Pruffe , de la réduction des
Heurs de zinc par le charbon , qui bride fans dé-
tonner avec Fair ; le gaz inflammable des marais
qui brûle en bleu & ne détonne pas } celui que
Ton obtient de la diftillation des matières orga-
niques & qui reffemble au gaz des marais. Mais
uneanalyfe exa&e nous a prouvé que ces deux
derniers font des compofés de véritable gaz
hydrogène pur & détonnant , avec du gaz
azote , & de l’acide carbonique en différentes
proportions ; & nous étions portés à croire avec
Filluftre Macquer , en 1782 , qu’il n’y a qu’un
être de cette efpece fufceptible de plufieurs modi-
fications par fes combinâifons avec différentes
fabftances. Les travaux d’un grand nombre de
phyficiens célèbres, ôc en particulier de MM.
Cavendifch , Prieftley , Wath , Kirwan , La-
yoifier, Monge, Berthollec , Morveau, &c,
X iv
$Z§ E L È M E N S
ont confirmé cette opinion. Les mélanges de gaz
étrangers indiqués, la diffolution du charbon,
du foufre , du phofphore dans le gaz hydrogène
dont ils augmentent la pefanteur & diminuent la
combuflibilité , annoncent que c’eft à ces mêlant
ges ou à ces combinaifons que font dues les
différences apparentes des gaz inflammables. Je
crois donc qu’on peut regarder comme dé-
montré aujourd’hui qu’il n’y a qu’une feule
çfpece d§ gaz inflammable provenant toujours
de la dccompofition de l’eau , la reformant par
fon union avec l’air vital; en un mot , qu’il
n’exifle dans ce genre que le gaz hydrogène pré»
fentant plus ou moins d’inflammabilité & des
couleurs diverfes dans fa combui‘lian,fuivant qu’il
çft mêlé ou combiné avec différens autres corps.
Quant à la fécondé queflion , quoique i’opi»
ni on de Bergman & des chimiftes anglois qui
regardent le gaz hydrogène comme le phlo»
giftique de Stahl paroiffe s’accorder avec un
certain nombre de faits 3 il en eff cependant un
plus grand nombre qui empêchent qu’on puiffe
l’adopter. En effet , il paroît que ce ne font
point toujours les fufbflances combuflibles dans
le (quelles Stahl admettoit la préfence du phlo-
giftique qui fourniffent cette efpece de fluide ,
& que l’eau contribue toujours à fa formation,
M» Kirwan, qui s’occupe depuis quelques années
d’Hist.' Nat. et de Chimie; 319
de l’examen de cette importante queftion , n’a
point encore trouvé , à notre connoiffance ,
d’expérience qui puiffe la démontrer pofitive-
ment. Nous aurons foin d’expofer dans plulieurs
autres articles de cet ouvrage ce que nous
penfons du gaz hydrogène que ce célèbre chi-
mifte a obtenu d’une amalgame de zinc , ainfî
que de quelques autres expériences analogues
que plulieurs phyliciens ont oppofées à notre
doélrine. Nous n’entrerons point ici dans le
détail des obje&ions qu’on peut lui oppofer ,
parce que nous rifquerions de n’être peint en-
tendus des perfonnes qui n’auront lu que ce
qui précède ce chapitre de notre ouvrage ;
nous ferons connoître ces objeèlions dans les
chapitres où nous traiterons des fubftances mé-
talliques , du phofphore , &c. Quoi qu’il en foit ,
nous conviendrons ici qu’il feroit polîible- d’ex-
pliquer les phénomènes de la chimie en admet-
tant l’hydrogène pour phlogiftique ; mais nous
obferverons en même-temps que cette théorie
phlogiftique exige des fuppofitions forcées ,
qu’elle eft bien loin de paroître auffi fimple &
suffi fatisfaifante que celle que nous avons
adoptée comme le fimple réfultat des faits (1).
(1) Voyez la. traduction dei’ouvrage de M. Kirwan ,
les notes que nous y ayons ajoutées.
$30 E L É M E N S
Aucun chimifte n’a pu, jufqu'à préfent , ré-
parer les principes du gaz hydrogène : c’eft un
être (impie dans l’état aéhiel de nos connoif-
fances; fa baie ou l’hydrogène fe comb ne en
entier avec celle de l’air pur ou l’oxigène, &C
forme de l’eau dans ceite combinaifon. On
doit s’appercevoir que nous ne difons rien des
théories de quelques auteurs qui ont avancé,
les uns , que le gaz inflammable eft un compolé
d’air & de la matière du feu ; les ai très , que
c’eft une modification de la lumière, du fru,
du fluide éleèirique , 6cc, Toutes ces affermons
font trop vagues , elles reffemblent trop au
langage inexaét 6c incertain des premiers tems
de la phyfique , 6c elles font trop éloignées des
expériences 6c de toutes démonftrations , pour
qu’elles nous paroiffent devoir mériter une dif-
cuffion foutenue. Suivant M, Kirvan , M. Craw-
ford vient de faire voir que le gaz hidrogène
contient plus de lumière 6c de calorique que l’air
vital, 6c que le rapport de lumière 6c de calo-
rique dans ces deux gaz e(l comme 24 à f.Il feroit
très-utile de déterminer combien l’hydrogène
perd de ces principes en entrant dans des combi-
naifons liquides ou folides.On ne peut douter que
le gaz hydrogène ne contienne beaucoup de cha-
leur fpécifique ou de calorique , peut - être
même de la matière de la lumière , 6c que le
çaîorique ne fe fépare de ce gaz toutes les fois
d’Hist. Nat. et de Chimie; $ $ 1
qu’il perd Ton étar élaftique , & qu’il pîtffe dans
des combinaifons liquides.
Le gaz hydrogéné ne s’unit point à 1 eau ;
on peut le conferver long-tems fans altération
au-deflus de ce fluide/ Cependant à la longue
il eft altéré & n’eft plus inflammable. M. Priefliey
n’a point déterminé cette efpece de change-
ment , ni l’état de l’eau qui le produit. Il eft
vraifemblable que cette expérience faite avec
foin jetteroit beaucoup de jour fur la nature
de ce corps combuftible.
Le gaz hydrogène ne paroît point avoir d’ac-
tion fur les terres, ni fur les trois fubftances
falinc-terreufes ; cependant il détruit la blan-
cheur de la baryte & il la colore ; ce qui Ta
fait regarder comme la chaux , ou l’oxide d’un
métal particulier encore inconnu.
On ne connoît point l’altération que les alca-
lis ôc les acides pourroient lui fa;re éprouver y
& celle qu’il feroit naître lui même dans ces
fels. Il eft vraifemblable qu’il décompoferoit
quelques acides, & fur-tout l’acide fülfurique
Sc l’acide muriatique oxigéné , en s’emparant
de leur ox:gène avec lequel il formeroit de
l’eau. Quant à l’açide fulfurique , on peut
ioupçonner qu’il éprouveroit cette décompoft-
îion , la bafe de l’air vital ayant plus d’affinité
avec l’hydrogène qu’avec le foufre , puifque
ççhii-çi ne décompofe point l’eau , comme nous
332 Elément \
le verrons plus bas. L’acide muriatique oxigéné
a une fi grande quantité d’oxigènefurabondantSe
fi peu adhérent, qu’on peut préfumer que le gaz
hydrogène le lui enleveroit pour former de l’eau.
Le gaz hydrogène ne paroît point avoir
d’aélion fur les fels neutres, & on a peu exa-
miné en général fa maniéré d’agir fur toutes les
fubflances falines.
Ce gaz eft devenu un être beaucoup plus
important pour les favans , depuis qu’on s’en
eft fervi pour remplir les machines aéroftatiques,
dont la découverte eft due à MM. de Montgol-
fier. Sa légéreté fpécifique , treize fois plus con-
fidérable que l’air , efl la caufe de l’afcenfion de
ces machines. Il efl plus que vraifemblable qu’il
joue un très- grand rôle dans les phénomènes
météoriques , qu’il exifte en grande quantité
dans l’atmofphère qu’il s’y allume par l’étin-
celle cle&rique , qu’il y forme de l’eau. Peut-
être eft-il emporté par les vents comme une
efpece d’aéroftat naturel.
On a cherché à le fubftituer à d’autres matières
combuftibles dans plufieurs befoins de la vie,
comme pour éclairer , pour chauffer , pour
charger quelques armes à feu , &c. M. Volta
l’a confidéré fous ce dernier point de vue , &C
il a propofé plufieurs maniérés de s’en fervir.
M. Neret a donné la defcription d’un réchaud
« gaz inflammable dans le journal de phyfique.
d’Hist, Nat. et de Chimie. 33^
( janvier 1777. ) MM. Furftenberger , phyficien
de Bâle t B ranci er 9 méchanicien d’Augsbourg ,
Ehrmann , démonftrateur de phyfique à Straf-
bourgj ont [imaginé des lampes que Ton peut
allumer la nuit à l’aide d’une étincelle électri-
que. Enfin, on fait des feux d’artifices fort
agréables avec des tubes de verre différemment
contournés , & percés d’un grand nombre de
petites ouvertures. On introduit le gaz inflam-
mable dans ces tubes à l’aide d’une vefïle qui
en eft remplie , & qui s’y adapte par un robinet
de cuivre. En preffant cette vefîie , le gaz in-
flammable pafie dans le tube , fort par toutes les
ouvertures qui y font pratiquées , & on l’enflam-
me en approchant une bougie allumée.
CHAPITRE IV.
Genre III. Soufre,
Le foufre eft lin corps combuftible , fec^
très-fragile, d’un jaune citron, qui n’a d’odeur
que lorfqu’il eft chauffé, & dont la faveur par-
ticulière eft foible , quoique cependant très-
fenfible. Si on le frotte , il devient éledlrique.
Si lorfqu’il eft en gros morceaux on lui fait
éprouver une chaleur douce , mais fubite , com-
me en le ferrant dans la main , il fe brife en
pétil'ant*
334 E I É M EN s
Le foufre fe rencontre en grande quantité
dans la nature , tantôt pur & tantôt combiné»
Il ne doit être ici queftion que du premier»
Voici les variétés de forme qu’il préfente dans
fon état de pureté.
Variétés.
1. Soufre tranfparent criftallifé en oétaè-
dres dont les deux pyramides font tron-
quées. Il eft dépôfé par l’eau le plus fou-
vent à la fur face d’un fpath calcaire.
Tel efî celui de Cadix.
/
2. Soufre tranfparent en morceaux irrégu-
liers. Celui de la Suifle eft dans cet état.
3. Soufre blanchâtre pulvérulent , dépofé
dans des géodes filiceufes. On trouve des
cailloux remplis de foufre en Franche-
Comté , &c.
4. Soufre pulvérulent, dépofé à la furface
des eaux minérales , comme à celles
d’Aix-la-Chapelle, d’Enghien près de
Pai is, &c.
ç. Soufre criftallin fublimé; il eft en crif-
taux tranfparens; on le rencontre dans
les environs des volcans.
(u Soufre pulvérulent fubümé des volcans ;
celui-ci eft fans forme régu'iere , & fou-
vent interpolé dans des pierres tendres *
comme on l’obferve à la Solfatare aux
environs de Naples*
t
jD’Hîst. Nat. et de Chimie.1 3 3 ?
7. Sialdftitcs de foutre , formées par le
feu des volcans.
Outre ces fept variétés de f< ufre minéral pur,1
cette fubftance combtiftible fe trouve combinée
avec différentes matières. C’eft le plus fouvent
à des méiaitx qu’il eft uni, & il les mer dans
l’état de pyrites ou fulfures métalliques, & de
mines. Quelquefois il eft combiné avec des ma-
tières calcaires dans l’étal: de fulfure ou foie de
foufre terreux - les pierres calcaires fétides, la
pierre-porc , paroiffent être de cette nature.
Des découvertes récentes étendent encore
l’empire de ce minéral. Il femble fe former jour-;
aellement dans toutes les matières végétales &
animales qui éprouvent un commencement de
putréfa&ion. Quoique ces efpeces de foufre
n’appartiennent pas effentiellement au régné mi-
néral , nous croyons cependant devoir les join-
dre aux variétés précédentes, pour rendre fon
hiftoire naturelle plus complette.
Variétés.
S. Soufre criftalüfé , formé par la déeom-
pofition lente des matières animales
accumulées ; tel eft celui que l’on a
trouvé dans des anciennes voieries à
Paris, près la porte Saint-Antoine.
9. Soufre pulvérulent, formé par les va-
peurs dégagées des fubftances animales
en putréfa&ion ; on en ramaffe fur les
murs des étables , des latrines , &c,
E L É M E N S
•53s
[Variétés:
10. Soufre retiré de plùfieurs végétaux^
notamment de la racine de patience , de
l’efprit de cochléaria , &ic. C’eft à MM.
Baumé &. Deyeux, membres du college
de pharmacie , & démonftrateurs de
chimie , qu eft due cette découverte.
1 1 . Soufre obtenu de l’analyfe des matières
animales , Si notamment du blanc d’œuf
par M. Deyeux.
12. Soufre retiré du crottin de cheval. On
a trouve ce corps combuftible dans du
crottin de cheval , à l’inftant où il ve-
noit d’être rendu. Il eft vraifemblable
que des travaux ultérieurs le feront dé-
couvrir dans un grand nombre d’autres
fubftances animales.
Cesdifférens foufres ne conftitueni point celui
que l’on emploie dans les arts. On l’extrait par
la diffillation des compofés métalliques dont
il forme un des principes , & qu’on appelle
pyrites. En Saxe & en Bohême on les met en
petits morceaux dans des tuyaux de terre pla-
cés fur un fourneau allongé. Le bout des tuyaux
qui fort du fourneau eft reçu dans des cailles
carrées de fonte de fer, dans lefquelles on met
de l’eau. Lç foufre fe ramaffe dans ces efpeces
c • de
d’Hist. Nat. et de Chimie. 337
de récipiens ; mais il eft fort impur. Pour le
purifier, on le fond dans une poète de fer;
les parties terreufes métalliques fe précipitent.
On le verfe dans une chaudière de cuivre , ou
il forme un autre dépôt des matières étrangères
qui l’altéroient. Apres l’avoir tenu quelque tems
en fufion, on le coule dans des moules de bois
cylindriques , & il forme le foufre en canons.
Celui qui s’eft précipité au fond de la chaudière
pendant la fufion eft gris & très-impur ; on le
nomme fort improprement foufre vif. Dans d’au-
tres pays , comme à Rammelsberg , on extrait
le foufre des pyrites d’une manière plus fimple.
O11 fe contente d’enlever avec des cuillers celui
qui fe trouve fondu dans les maffes de pyrites
que l’on grille à l’air, & on le purifie par une
nouvelle fonte.
Le foufre ne s’altère point par le contaft de
la lumière. Chauffé dans des vaiffeaux fermés ,
il fe ramollit , fe fond , prend fouvent en fe
figeant une couleur rouge , brune ou verdâtre ,
& une forme aiguillée. Pour réuflîr dans cette
criftallifation , il faut , d’après le procédé de
Rouelle, biffer figer la furface & décanter auffi-
tôt la portion fluide qui fe trouve au-deffous
de cette efpèce de croûte ; alors on obtient des
aiguilles de foufre qui fe croifent en diftérens
fens.
Tome II,
y
338 Ê L É M E N s
Si on chauffe doucement le foufre îcrfqu’iî
eft fondu , il fe volatilife & fe conduit dans
les récipiens en petites parcelles pulvéru-
lentes d’un jaune citron, qu’on appelle fleurs
de foufre . Comme il n’y a que la portion du
foufre pur qui fe volatilife dans cette opéra-
tion , on l’emploie avec fuccès pour le purifier.
Pour faire cette préparation , on met du fou-
fre commun en poudre dans une cucurbite de
terre à laquelle on adapte des pots de terre
ou de faïance qui fe reçoivent mutuellement ,
&: qu’on nomme aludtls. On termine le dernier
par un entonnoir renverfé, dont la tige établit
une légère communication avec l’air; on chauffe
la cucurbite jufqu’à liquéfier le foufre , qui fe
fublime à ce degré de chaleur , & s’attache aux
parois des aludels.
Les fleurs de foufre préparées en grand con-
jiennent Cuvent un peu d’acide fulfurique, for-
mé par la combuflion d’une petite quantité de
ce foufre , qui a eu lieu en raifon de l’air conte-
nu dans les vaiffeaux. On les purifie très-exa&e-
ment en les lavant ; c’eft le foufre ainfi préparé
qu’on doit employer en médecine , àc dans les
expériences délicates de la chimie.
Le foufre chauffé avec le concours de l’air
s’allume lorfqu’il eft fondu , & brûle avec une
flamme bleue, fi la chaleur qu’on lui fait éprou-
ver n’eft que peu confidérable , ou bien avec
d’Hist. Nat. et de Chi mie. 3 3 9
line flamme blanche ÔC vive , fi on le chauffe
fortement. Dans la première de ces combuf-
tions il répand une odeur iufroquante, & fi 1 on
recueille la vapeur qu’il exhale , on obtient de
l’acide fulfureux très-fort. Dans la combufiion
rapide fon odeur eft nulle , & ion refidu n a
plus celle de l’acide fulfureux ; c’eft en effet de
l’acide fulfurique. Sîahl , qui a penfé que le foufre
étoit un compofé de cet acide & de phlogif-
tique , croyoit que pendant fa combufiion ce
corps perdoit fon principe inflammable , &C
ccnféquemment étoit réduit à l'état d’acideb
L’enfemble des preuves qu’il a préfentées fur
cette opinion étoit bien fait pour entraîner
tous les chimiftes qui l’ont fuivi. Cependant
depuis que l’on a cherché à connoître l’in-
fluence de l’air dans la combufiion , influence k
laquelle Stahl paroît n’avoir fait que peu d’at-
tention , quelques chimiftes frappis de la d ffi-
cu té qu’on a éprouvée jufqu’ici à démontrer le
phlogiftique , & de la facilité avec laquelle on
répond à toutes les obj^&ions fa'tes à cette
1 doéli ine,par les nouvelles connoidances acquifes
fur l’air , ont adopté une opinion entièrement
oppofée à celle de Stahl fur la nature du foufre ,
& fur fa combufiion.
Vomi les faits fur lefquels cette nouvelle
opinion eft fondée. Haies avoit obfervé que le
Yij
34° É L É M E N S
foufre abforboit en brûlant une grande quantité
d’air. M. Lavoifier a démontré qu’il en eft du
foufre comme de toutes les matières combuf-
tibles, c’eft- à-dire, i°. qu’il ne peut brûler
qu’avec le concours de l’air vital ; i°. qu’il ab-
forbe la portion la plus pure de ce fluide pendant
fa combuflion ; 30. que ce qui refle de l’air ath-
mofphérique après fa combuflion ne peut plus
fervir à une nouvelle combuflion ; 4°- que l’acide
fulfurique qui en provient , a , en excès fur la
quantité du foufre qui l’a produit , le poids que
l’air a perdu pendant la combuflion de ce der-
nier ; 50. qu’en conféquence le foufre s’efl com-
biné avec la bafe de l’air pur ou l’oxigène
pour former l’acide fulfurique. Cet acide eft
donc un corps compofé d’oxigène & de foufre ;
ce dernier, au lieu d’être un corps compofé,
n’efl qu’un des principes de l’acide fulfurique ;
il ne lui manque plus que de s’unir à la bafe
de l’air ou à l’oxigène pour former cet acide ;
& c’eft ce qu'il fait dans la combuflion. La
chaleur eft néceflaire pour le faire brûler, parce
qu’en le divifant & en déîruifant fon aggrégation ,
elle favorife fa combinaifon avec l’oxigène ;
lorfqu’il eft une fois brûlé ou combiné avec ce
dernier principe , il n’efl plus fufceptible de
s’enflammer , & il rentre dans la ciüfîe des corps
incombuftibles.
d'Hist. Nat. et de Chimie. 341
Suivant la manière dont on s’y prend pour
le faire brûler , il abforbe des quantités diver-
fes d’ox'gène ^ & il devient plus ou moins acide.
Telle eit la théorie de la différence qui exihe
entre les combuftions lente &c rapide du foufre ,
& les acides fulfureux & fulfurique qui réfultent
de l’une ou de l’autre. Stbal croyoit qu’en
brûlant lentement du foufre il ne perdoit pas
tout fon phlogiftique , &: qne l’acide fulfurique
qui en retenolt une partie confervoit de l’odeur
& de la volatilité; aujourd’hui il eh prouvé par
l’expérience qu’en brûlant lentement il n’ab-
forbe pas tout l’oxigène auquel il peut s’unir ,
tandis que dans fa combuhion rapide il fe
combine avec toute la quantité de ce principe
néceffaire pour le conhituer acide fulfurique.
C’eh en abforbant peu-à-peu la bafe de l’air
vital athmofphérique que l’acide fulfureux com-
biné avec les matières alcalines paffe à l’état d’aci-
de fulfurique.
On conçoit tout anfîî facilement dans cette
théorie ce qui fe paffe lorfque l’on forme du
foufre avecl’acide fulfurique & quelques matières
combuflibles , comme nous l’avons indiqué
pour les fulfates de potaffe , de foude, ammo-
niacal , calcaire , magnéfien , alumineux & ba~
rytique , chauffés avec du charbon. Le corps
çombuffible s’empare de l’oxigène contenu dans
Yüj
34* E L É M E N 5
l’acide fulfurique, & ne laiffe plus conféquem-.
ment que le foufre qui eft l’autre de Tes princi-
pe : aufîi toutes les fois que l’acide fulfurique
efl changé en foufre par un corps combuftible
quelconque , ce dernier eft il toujours réduit
à l’état de corps b.ûlé r comme nous le verrons
dans l'biftoi e de plu ficurs lubûances métalliques.
C’eft pour cela que l’on obtient une grande quan-
tité d’acide carbonique dans cette produélion ar-
tifîcie’le du foufre , par le tranfporî de l’oxigène
de Y acide fulfurique fur la matière charbcnneide
pure ou le carbone: on doit fe rappeller qu’on
démontre facilement la préfence de la bafe de
l’air pur ou de l’oxigène dans l’acide fulfurique.
On a cherché à déterminer les proportions d’o-
xigène &: de foufre contenues dans l’acide fulfu-
rique, comme on les connoît pour les acides
nitrique , carbonique &: phofphorique ; cette
proportion n’efl pas encore exa&ement connue.
Le foufre n’efl: en aucune manière altérable
à l’air, ni difToluble dans l’eau. Si lorfqu’il a
été tenu quelque teins en fufion , & qu’il s’eft
épaitfi , on le verfe dans ce fluide, il devient
rouge , & il conferve un certain degré demol-
leffe; en peut le pétrir dans les mains, mais il
perd ces propriétés au bout de quelques jours.
L’eau jettée goutte àgout'e fur du foufre allu-
sni ne parcît point décompofée , & n’en entre»
r
d’Hist. Nat. et de C mje. 345
tient peint la combuftion ; ce qui indique que
îabafe de l’air vital ou l’ôxigène a plus d’affinité
avec l’hydrogène qu’avec le (oufre; cette afiertion
peut être confirmée par l’a dion du gaz hydro-
gène fur l’acide fulfuriqüe auquel ce gaz paroit
enlever l’oxigène.
Le foufre n’a point d’adion fur la terre filicée ;
il ne s’unit que difficilement avec l’alumine qui,
cependant , quand elle eft très divifée, paroît le
réduire dans l’état hépatique ou de fulfure fé-
tide , comme on le voit dans la préparation du
pyrophore.
On nomme en général fulfure alcalin , kl par 5 ou
foie de foufre , un compofé formé par toutes les
matières alcalines avec le foufre. Ce compofé
confidéré en général a une couleur plus ou moins
brune , femblab'e à celle du foie des animaux ;
il eft décompofable par Pair vital ; l’eau en le
diffolvant y développe une odeur fétide ; les aci-
des en précipitent le foufre & en dégagent une
efpècedegaz particulier appelle d’abord gai hépa-
tique , & que nous nommons , en raifon de fa na-
ture, gaz hydrogène fulfuré. Il y a fix fortes de
fulfures alcalins produits par la baryte, la magné-
fie, la chaux , les deux alcalis fixes & l’ammoiw-
que ou alcali volatil; il faut examiner les pro-
priétés de chacun d’eux en particulier.
La baryte pure n’a point une forte a&ion fur
Y iv
544 Élêmens
le foufre , lorfqu’on la fait chaufer dans l’eau
avec ce corps combuftible ; il en réfulte une
liqueur foiblement fwlfurée ou hépatique; mais
elle s’y combine beaucoup plus intimement par
la voie sèche ; c’eft pour cela que lorfqu’on
chauffe fortement dans un creufet un mélange
de huit parties de fulfate barytique en poudre
avec une partie de charbon , on obtient une
maffe un peu cohérente fans fufion, quifediffout
promptement dans l’eau chaude , &qui a l’odeur
& tous les caraélères hépatiques, La diffolution
eft de couleur jaune , dorée ou orangée ; j’ai
découvert qu’elle criftallife par le refroidiffe-
ment ; le fui fur e barytique ainfi criftallifé eft
d’un blanc un peu jaune; il fe décompofe à l’air,
il en attire l’humidité, fa couleur fe fonce; il
s’en précipite du foufre , & il s’y reforme du ful-
fate de baryte. Ce fulfure laiffe échapper par les
acides qui le précipitent un fluide élaftique connu
fous le ncm de gaz hydrogène fulfuré , déjà indi-
qué, &c dont nous examinerons plus bas les pro-
priétés particulières. Lorfqu’on précipite le ful-
fure barytique par l’acide fulfurique , il fepréci-
p te du foufre & du fulfate de baryte ; en fe fer-
vant d'acide nitrique & d’acide muriatique ,1e ni-
trate &: le muriate barytique reftent en diffolu-
tion , Sc le foufre feul fe dépofe.
Le foufre s’unit à la magncfia pure à l’aide
b’Hist. Nat. et de Chimie. 345
de la chaleur ; pour faire cette combinaifon, on
prend ordinairement le fel neutre que nous avons
appelle carbonate de magnéfie , comme plus fo-
luble dans l’eau. On en met une pincée avec un
pareil volume de fleurs de foufre dans une bou-
teille pleine d’eau diflillée ; on expofe ce vaiffeau
vide d’air & bien bouché à la chaleur d’un bain-
marie pendant plufieurs heures ; alors on filtre
l’eau; elle a une odeur fétide d’oeufs pourris;
elle colore fortement les difïolutions métalliques ;
elle fournit par une évaporation fpontanée de
petites aiguilles criflallines ; c’efl en un mot un
véritable fulfure magnéfien ; la magnéfie peut en
être précipitée par l’un ou l’autre des alcalis fixes
qui ont plus d’affinité quelle avec le foufre.
Quant à ce corps combufiible , fa préfence y
efl facilement démontrée par les acides qui le
féparent fous la forme d’une poudre blanche.
Telle étoit l’efpèce de foie de foufre que le
Roi, médecin de Montpellier, faifoit aifloudre
dans l’eau pure pour imiter les eaux minérales
fulfureufes; mais l’on fait aujourd’hui que la plu-
part de ces eaux ne contiennent pas de véritable
fulfure, & font minéralifées par le gaz hydro-
gène fulfuré.
La chaux s’unit beaucoup plus promptement
& avec bien plus de vivacité au foufre , que les
deux fubdances faîino-terreufes précédentes. Si
346 É L t M E N s
l’on vcrfe peu-à peu de l’eau fur un mélange
de chaux vive & de foufre en poudre, la cha-
leur dégagée par l’a&ion de Peau fur la chaux
fuffîr pour favorifer la combinalfon entre cette
dernière le foufre> Si l’on ajoute de l’eau ,
elle p-end une couleur rougeâtre & une odeur
fétide ; elle tient en diffolution du foufre com-
biné avec la chaux. Ce fulfure calcaire ne fe
prépare bien que par la voie humide ; fouvent
lorfque la chaux n’eft pas très-vive & ne s’é-
chauffe pas beaucoup avec l’eau , l’on eft obligé
d'aider la combinalfon par un feu doux. Ce
compofé eft d’un rouge plus ou moins foncé*
fuivant la caufticité de la chaux ; j’ai oblervé
que lorfqu’il eft fort chargé , il dépofe par le
refroidiffement une couche de petits eriftaux
aiguillés, d’un jaune orangé, difpofés en houp-
pes, & qui m’ont paru être des prifmes tétraèdres
comprimés , terminés par des fommets dièdres.
Ces eriftaux perdent peu à-peu leur couleur à
Pair , & deviennent blancs & opaques , fans
éprouver d’altération dans leur forme. Le fui-
fure calcaire , hume&é d’un peu d’eau & diftillé
à l’appareil pneumato-chimique , fe décompofe
en partie , & donne une grande quantité de gaz
hydrogène fulfuré. Si on l’évapore à ficcité , &
fi on le calcine dans un creufet à l’air jufqu’à ce
qu’il ne fume plus , il ne refte , après cette opé-
r
d’Hist. Nat. et de Chimie. 547
ration, que du fulfate calcaire formé par la chaux
& l’acide fulfurique dû à la combuflion lente
du foiifre. Le fulfure calcaire s’altere tiès-
promptement à l’air ; il perd fon odeur & fa
couleur à mefure que fon gaz fe diffipe. Diffous
dans une grande quantité d’eau , ii éprouve la
meme altération , fur- tout lorfqu’il efl agite ,
comme l’a fait obfirver M. Monnet dans fon
Iraitédes Eaux Minérales : il ne refte apres ces
altérations que du fulfate calcaire, Conierve
dans des boureil'es en partie vides , il dépofe
fur les parois un enduit noirâtre , & ii fe forme
des croûtes ou pellicules qui tombent au fond
de la liqueur. Si le vafe qui le contient efl bien
fermé, il fe conferve long-temps fans altération ,
comme je l’ai obfervé bien des fois dans mon
laboratoire. J’en ai eu qui étoit préparé depuis
15 ans i il confervoit encore beaucoup de
couleur & d’odeur ; il précipitoit abondamment
par les acides. Le fulfure calcaire efl décom-
pofi par les alcalis fixes purs qui ont plus
d’affinité avec le foufre que n’en a la chaux.
Les acides en précipitent le foufre fous la
forme d’une poudre blanche très tenue , à la-
quelle on a donné le nom de magïjtcr de foufre.
L’acide carbonique opère cette précipitation de
même que les autres. On ne connoît point l’aclion
des. fels neutres fur le fulfure calcaire.
43 ^ Élémens
Les deux alcalis fixes purs ou cauftiques ont
unea&ion très-marquée fur le foufre. Ils forment
les véritables fulfures , ceux qui font le moins
décompofables , & les plus permanens. J’ai dé-
couvert que les alcalis fixes fecs bien cauftlques
agiffent même à froid fur le foufre ; il fufiit pour
cela de triturer dans un mortier de la potafie ou
de la foude folides avec du foufre en poudre ;
l’humidité de l’air attirée par l’alcali favorife la
réa&ion de ce fel furie foufre; le mélange le
ramollit, fe colore en jaune , exhale une odeur
fétide & forme un fulfure; mais lorlqu’on le dif—
fout dans l’eau, cette diffolution n’a qu’une cou-
leur jaune pâle , & ne contient pas une suffi gran-
de quantité de foufre que le même fulfure pré-
paré à l’aide de la chaleur. On fait le fulfure
alcalin de deux manières dans les laboratoires ,
ou par la voie scche ou par la voie humide.
Pour exécuter le premier procédé , on met dans
un crcufet partie égale de potaffe ou de fonde
pures & folides, 6c de foufre en poudre ; on
fait chauffer ce mélange jufqu’à ce qu’il foir
entièrement fondu ; on le coule alors fur une
plaque de marbre , & quand il efi refroidi , il eft
d’une couleur rouge foncée femblable à celle
du foie des animaux. M. Gengembre qui a lu
à l’académie de très-bonnes recherches fur le
g-^z hydrogène fulfuré , a fait une cbfervation
/
d’Hist. Nat. et de Chimie.' 349
effentiellefur le fulfure alcalin préparé par la voie
scche; c’eft que ce compofé n’a point de fétidité ,
& n’exhale point de gaz hydrogène fulfuré tant
qu’il eft fec ; il faut qu’il ait attiré l’humidité de
l’air , ou qu’on le diffolve dans l’eau , pour que
fon odeur fe développe , ce qui prouve que le
dégagement du gaz fétide eft opéré par l’eau ,
comme nous le dirons plus en détail. Les deux
alcalis fixes purs & cauftiques agiffent abfolu-
ment de la même manière fur le foufre, & le
diffolvent également par la voie sèche. Ces
combinaifons des alcalis cauftiques avec le foufre
n’ont été que peu examinées ; on a prefque
toujours fait le fulfure alcalin avec les alcalis
fixes faturés d’acide carbonique. H y a cepen-
dant des différences notables entre ces deux
efpèces de fulfures. D’abord ceux que l’on fait
avec les alcalis fixes effervefcens demandent
plus de tems pour leur préparation , parce que
ces fels font beaucoup moins aftifs. Mais la plus
importante différence que nous avons eu occa-
fion d’obferver entre les fulfures alcalins cauf-
tiques ou non cauftiques faits par la voie sèche,
c’eft l’état de leur faturation comparée. En effet ,
les premiers font plus bruns , plus fétides lorf-
qu’on les diftout , & le gaz qu’ils donnent eft:
beaucoup plus inflammable que celui des
féconds. Ces derniers font d’une couleur plus
3<sO
Ë L E M E N S
pâle j fouvent d’un gris verdâtre, d’une odeur
plus foible , & d’une compofition moins dura-
ble. II paroît que les alcalis fixes confervent une
partie de l’acide carbonique dans leur union avec
le foufre , puifqüe le gaz de ces fulfures non cauf-^
tiques n’eft inflammable que lorfqu’on l’a bien
lavé avec de l’eau de chaux qui s’empare de Ton
acide. On trouve donc dans la préfence de cet
acide , & dans le peu d’énergie des alcalis qu’il
adoucit, la caufe des différences qui exiffent
entres les fulfures non cauffiques &: les fulfures
cauffiques.
Le fulfure alcalin folide fait par l’un ou l’autre
alcali fixe cauffique eff très-fufible; il fe décom-
pofeàl’air comme le fulfure calcaire; lorfqu’on
le chauffe dans des vaiffeaux fermés , après
l’avoir humeèté d’un peu d’eau , il donne beau-
coup de gaz hydrogène fulfuré ; après avoir été
fondu il eft fufceptible de prendre par le re-
froiditTement une forme criflalline qui n’a point
encore été bien décrite. Tant qu’il eff chaud 6c
fec, il eff d’une couleur brune; à mefure qu’il
fe refroidit & qu’il attire l’humidité de l’air ,
il perd cette couleur & devient plus pâle ;
bientôt même le contaft de l’air lui donne une
couleur jaune verdâtre; il fe réfout en liqueur
& fe décompofe, quoique lentement, de manière
à palier au bout d’un certain tems à l’état de
d’Hist. Nat. et de Chimie. 3 5 1
fulfate de potalfe ou de loude. Il le diffout tres-
bien dans l’eau ; il prend fur le-champ une
odeur fétide & particulière ; le gaz odorant qui
n’y exiftoit pas auparavant fe forme par la
réa&ion de l’eau. Cette diffolution a une couleur
rouge foncée ou verte, fuivant que le fulfure
alcalin eft récemment préparé ou fait depuis
quelque tems ; les foies de foufre ou fulfures
alcalins par la voie humide , que l’on prépare en
faifant chauffer dans un matras l’un ou l’autre
alcali fixe cauhique diffous dans l’eau avec la
moitié de leur poids de foufre en poudre , pré*
fentent les memes propriétés que cette diffolu-
tion , & l’on doit faire en même-tems l’hiftoire
des propriétés des uns , & de l’autre fous le nom
de fulfure alcalin liquide.
Le fulfure alcalin liquide très-chargé dépofe
par le refroidiffement des aiguilles irrégulières.
Il eft fufceptible d’être décompofé par l’aclion
de la chaleur; fi on le diftille à l’appareil
pneumato-chimique , on en retire du gaz hydro-
gène fulfuré ; l’air le décompofé également , &
l’on fait qu’il fe couvre de pellicules , qu’il
dépofe du foufre , & qu’il fe troubie. Bergman
& Scheele ont prouvé que cette décompo-
fition eft due à l’air vital répandu dans l’athmof-
phère ; en effet , en mettant un peu de fulfure
alcalin liquidée dans une cloche avec de l’air
3 5 ^ E L É M E N s
vital, l’oxigène efi abforbé tout entier & le fui*
fure décompofé. Scheele a même propoféce moyen
pour fervir d’eudiomètre , & il efi: reconnu au-
jourd’hui pour un des meilleurs.
Les terres & les fubfiances faiino-cerreufes
n’ont aucune a&ion fur le fulfure alcalin liquide
lorfqu’il effc bien pur ; mais s’il a été préparé
par les carbonates de potafi’e ou de foude , il
efi: troublé par l’eau de chaux. Les acides le
décompofent en s’unifiant à l’alcali , & en pré-
cipitent le foufre fous la forme d’une poudre
blanche tiès fine. L’acide nitrique verfé fur du
fulfure alcalin folide produit une détonation ,
fuivant M. Proufi. L’acide muriatique oxigéné ,
verfé en grande quantité fur une diflblution de
fulfure alcalin , ne le précipite pas ou ne le pré-
cipite que très-peu, parce quil rediflout le fou-
fre , en raifon de fon oxigène prefque libre , qui
s’unit promptement à ce corps combuftible, tk.
qui le convertir en acide fulfurique : on peut fe
convaincre de ce fait , que j’ai démontré , en ver-
fantdansce mélange du muriate barytique qui y
produit un précipité abondant de lulfate de ba-
ryte. Tous les acides, en décompofant ce fulfure,
en dégagent en même-tems un gaz qu’on peut
recueillir dans l’appareil pneumato-chimique, &
qui mérite un examen particulier.
Pour obtenir ce gaz , il faut verfer un acide
fur
(
d*Hist. Nat. et de CiïiMiË.
fur du fulfure alcalin pulvérifé ; il fe produit
alors une vive effervefcence , qui n’a point lieu
de îa même manière fi l’on verfe lucide dans
une diffolution de ce compoié ; ce phénomène,
auquel les chimiftes n’ont fait jufqu’ici que peii
d’attention, dépend de deux circonfiances. i°. Lé
lulfure alcalin folide ne contient point de gaz
hépatique ou hydrogène fulfure toüt formé ,
fuivant l’obfervation de M. Gengembre ; & lorf-
qu’on verfe un acide , l'eau qui tient ce dernier
fel en diffolution contribue à fa formation; com me
il s’en produit fur le champ une grande quantité,
ce gaz, ne trouvant pas de corps qui le retienne
en le difiblvant, s’échappe en occafionnarit une
grande effervefcence , de forte qu’en faifant l’ex-
périence dans un flacon tubulé dont le tube
plonge fous une cloche pleine d’eau , on re-
cueille facilement ce fiuide diadique. 2°. Lit
diffolution dé fulfure a: câlin contient bien dit
ga 2 tout formé, mais dont une partie s’eft déjà
dégagée pendant l’afte de fa diffolution , & lorf-
qu’on ajoute un acide, la portion de ce gaz que
ce fel développe fe. diffout à mefure dans l’eau ,
de forte qu’il n’y a pas d’effervefcence fënfiblé,
ou bien que celle qui fe manifefte efi peu confi*
dérable , & ne permet pas de recueillir une
quantité notable de ce gaz.
Tome IL
%
354 E L Ê M E N s
Le gaz hydrogène fulfuré, qui eft îe même
dans tousse futures terreux ou alcalins, & qui
en fait même reconr.oître la préfence, eft connu
depuis long temS par fon odeur fétide , par fon
aêtion fur les métaux & les oxides métalliques,
& notamment fur ceux de p’omb & de bifmuth
qu’il noircit très promptement. Il efl d’une fé-
tidité infupportab'e , il tue lubirement les ani-
maux, il verdit le firop de violettes, il bride
avec ure flamme bleue très-légère. Si on ral-
lume dans une grande cloche de verre bien pro-
pre , il fe dépofe , pendant fa combudion fur les
parois de ce vaiffeau, une pellicule jaunâtre qui
n’ell que du foufre. Ce gaz eft décotnpofé par
l’air vital ; toutes les fois qu’il eft en conta# avec
l’air atmofphérique , il s’en fépare du foufre,
C’efl pour cela que les eaux fulfureufes qu’il mi-
néralife ne contiennent pas de véritable fulfure
alcalin , quoiqu’on voie le foufre nager à leur
fur fa ce , & fe dépofer aux voûtes des bafîins oit
tgTes font contenues , comme cela a lieu dans
©elles d’Aix-la-Chapelie, d’Enghien , &c. C’eft
encore à cette déccmpcfition du gaz hydrogène
fidfuré par ’-’air vital, que font dus les dépôts
fulfureux que l’on cbferve dans les flacons qui
cennennent des difîolutions de fulfures alcalins.
Bergman attribue cette décompofition à la grande
affinité de l’air pur avec le phlogiftique. 11 re-
d’HiST. N AT. ET DE CHIMIE. 355
garde le gaz hépatique comme une combinaifon
de foufre , de phlogiftique & de la matière de la
chaleur. Quand l’un de ces principes eft féparé ,
les deux autres fe défuniffent. M. Gengembre ,
frappé de ce que les fulfures ne contiennent 5c
n’exhalent de gaz hydrogène fulfuré que Iorfqu’ils
font diffous dans l’eau ou faits par la voie hu-
mide s a penfé que ce fluide contribuoit à fa for-
mation en fe décompofant , que fon air vital fe
portant fur une partie du foufre, fon hydrogène
dégagé en diffolvoit une petite portion , & que
cette diffolution conffituoit le gaz hydrogène
fulfuré. Il a imité la formation de ce gaz en fon-
dant du foufre au-deffus du mercure fous une
cloche pleine de gaz hydrogène, à l’aide des
rayons du foleil raflemblés par une lentille de
neuf pouces de diamètre j le foufre s’eft diffous
en partie dans le gaz qui a pris tous les caractères
du gaz hépatique; mais comme le foufre feul ne
décompofe point l’eau , & comme l’oxigène a
plus d’affinité avec l’hydrogène qu’avec ce corps
combuftible, M. Gengembre penfe que l’alcali
favorife cette décompofftion de l’eau par le fou-
fre , en raifon de la tendance qu’il a pour s’unir
avec le produit de la combinaifon du foufre avec
l’oxigène , c’eff-à-dire , avec l’acide fulfurique.
Pour appuyer cette théorie, M. Gengembre ob~
Zij
356 E L i M E N s
ferve que les acides dégagent d’autant plus de gaz
hydrogène fulfiiré des fulfures alcalins, qu’ils ont
plus de force pour retenir leur oxigène , parce
qu’alors l’eau efl plutôt décompofée que l’acide j
telle eft, fuivantlui, la raifon pour laquelle l’a-
cide muriatique donne moitié plus de ce gaz que
î’acide nitrique, comme l’ont remarqué MM.
Schesîe & Senebier. Enfin le procédé de Scheele
pour obtenir beaucoup de gaz hydrogène fulfuré,
qui confifte à diffoudre une pyrite artificielle com-
pofée de trois parties de fer & d’une partie de
fcufre dans l’acide fulfurique étendu d’eau, donne
beaucoup de force à fon opinion. Il paroît donc
que l’air viial décompofe le gaz hydrogène ful-
furé en s’unifiant avec l’hydrogènd avec lequel
il forme de l’eau , tandis que le foufre fe précipite.
L’eau difiout aflez bien le gaz hydrogène ful-
furé , cette difiolution imite parfaitement les
eaux minérales fulfareufes.
Les terres &; les fubftances alcalines ne pa-i
jroiffent peint avoir d’a&ion fur ce gaz.
L’acide fulfurique ne décompofe point ce gaz,
mais l’acide fulfureux en fépare le foufre, parce
que l*oxigène en partie libre de cet acide fe
porte plus facilement fur l’hydrogène du gaz.
L’acide nitreux rouge , dans lequel l’oxigène
tient très foiblement j décompofe avec beaucoup
d’Hist. Nat. et de Chimie; 35^
d’énergie le gaz hydrogène fuifuré&: en précipite
du foufre. On fe fert avec avantage de cet acide
pour démontrer la préfence du foufre dans les
eaux fulfureufes.
Le fulfure alcalin déeompofe les fels neutres
terreux, ainfi que les diffolimoos métalliques,
comme nous le verrons plus bas.
L’ammoniaque liquide n’a que très-peu d’aûion
fur le foufre concret ; cependant Boerhaave af-
fure que cette liqueur tenue long-tems fur des
fleurs de foufre lui a donné une teinture couleur
d’or. Pour combiner ccs deux corps , il faut les
préfenter en contadi l’un à l’autre dans l’état d'e
vapeur. A cet effet., on cliffille un mélange de
parties égales de chaux vive , de muriate ammo-
niacal & d’une demi-partie de foufre. Dans cette
diftilîation qu’il faut conduire avec ménagement,
on obtient une liqueur d’un jaune rougeâtre ,
d’une odeur ammoniacale , piquante &c fétide;
en un mot , un véritable fulfure ammoniacal qui
a la propriété de répandre une fumée blanchâtre,
Iorfqu’il a le contadf de l’air , & que l’on a nommé
d’après cela liqueur fumante de Boylc, Ce fulfure
ammoniacal eftdécompofé parla chaleur; il s’y
forme , au bout d’un certain tems, une grande
quantité de petites aiguilles irifées , d’une ou
deux lignes de longueur, qui paroiffent être du
Z iij
358 E L É M E N s
fulfure ammoniacal concret & cryflallifé. Il dé-
pofe fur les parois des flacons une croûte
légère noirâtre & Couvent dorée. La chaux &
les alcalis fixes décompofent la liqueur fumante ;
les acides en précipitent aufîi le foufre avec beau-
coup de facilité , & en dégagent du gaz hydro-
gène fulfuré très-inflammable. Il réfuhe de ces
décompofitions , desfels ammoniacaux différons
fuivant la nature de l’acide employé. Une mé-
prife faite dans un de mes cours m’a préfenté un
fait que je crois devoir décrire ici. Voulant pré-
cipiter la liqueur fumante de Eoyle, je pris un
flacon placé fur ma table fous le titre à*efprit J&
vitriol ; il ne contenoit plus qu’une très- petite
quantité de fluide , ce qui m’empêcha de m’ap-
percevcir que c’étoit de l’acidc fulfurique très-
concentré. J’cn verfai quelques gouttes fur le ful-
fure ammoniacal , à l’inftant même il s’excita un
mouvement rapide ; il s’éleva du vafe, ou éîoit
le mélange , un nuage blanc fort épais , & il y eut
lin bruit femb’able à celui d’une groffe fufée; la
liqueur fauta loin du verre; ce vaiffeau s’échauffa
beaucoup & fe brifa en plufieurs pièces ; il ne
refloit fur quelques-uns de fes fragmens que du
foufre en un magma jaunâtre, épais. Je répétai
un grand nombre de fois l’expérience avec pré-
caution, &: j’eus conftammenî le même réfu'tar,
d’Hist. Nat. et de Chimie. 55^
tout le mélange eft lancé au lom après un mou-
vement violent ; mais ces ckfférens phénomènes
fe fuccèdent avec une rapidité telle , qu’il eft im-
poüîble de ne pas les confondre. L’acide nitreux
le plus fumant ne m’a pas paru produire le même
effet fur le fulfure ammon acal préparé depuis
quelque tems. Le mélange eft fortement agite ,
il fe produit beaucoup d: chaleur & de bouillon-
nement, il s’élève un nuage blanc de nitrate am-
moniacal , mais il n’y a point, d’expl'ofion comme
en produit l’acide fulfurique concentré fur la
même liqueur hépatique quoique faite ancien-
nement. M. Prouft. allure que l’acidë nitreux *
verfé fur deux gros de liqueur fumante de Boyle,.
produit un coup auffi violent que pourraient le
faire deux gros de poudre fulminante. Il paroît
que ce phénomène n’a lieu qu’avec le fulfure
ammoniacal récemment préparé.
Le carbonate ammoniacal s’unit aufti au foiifre
Lorfque ces deux corps fe rencontrent en vapeurs*
ils fe combinent & formentun fulfure ammonia-
cal concret. On l’obtient en diftillànt un mé-
lange de parties égales de carbonate de potafte ou
de chaux & de muriate ammoniacal , avec une
demi partie de foufre. Ce fulfure eft d’un rouge
brun , il eft cryftal’.ifé , il répand quelques va-
peurs blanches lorfqu’on le diffput , il fe décora»-
X iv
3^0 E l ê m e n S
pôle par la chaleur, il s’altère à l’air & perd fa
couleur ; il eft décompofé par les acides , &c.
Le gaz hydrogène fulfure qu’il donne contient
de l’acide carbonique. Il faut obfervçr que ce
fulfure ammoniacal concret n’eft que du carbo-
nate ammoniacal fali par un peu de liqueur de
Boyle , çar il cft impoffible que l’ammoniac tienne
le foufre en diffolution pendant qu’il eft combiné
avec l’acide carbonique, puifque cet acide pré-
cipite très -promptement le foufre du fulfure
ammoniacal.
Quelques acides ont une a&ion plus ou moins
forte fur le foufre. Si l’on fait bouillir de l’acide
fulfurique fur du foufre, l’acide prend une cou-
leur ambrée & une odeur fulfureufe ; le foufre
fe fond &c nage comme de l’huile; en refroidif-
fant il forme des globules concrets d’un verd
plus ou moins foncé , fuivant le tems qu’on a mis
à cette diffolution. L’acide a diffous une petite
portion de foufre qu’on peut en précipiter à
l’aide de l’alcali, comme l’a indiqué M. Baumé,
Cette expérience, & plijfieurs autres de cette
nature, ont fait croire à M. Bertholet que l’acide
fitifureux n’étoit que de l’acide fiffurique qui
îenoit du foufre en diffolution ; Sc en effet ,
cette opinion eff d’accord avec toutes les expé-
riences modernes, qui démontrent que i’açido
d’Hist. Nat. et de Chimie; 361
fulfureux ne diffère du fulfurique que par une
plus grande proportion de foufre.
L’acide nitreux rutilant a beaucoup d’a&ion
fur le foufre. M. Prouff a reconnu le premier
qu’en verfant de l’acide nitreux rouge fur du
foufre fondu , il fe produit une détonation
une inflammation. M. Chapt&l a fait des expé
riences fuivies fur cet objet ; il eft parvenu en
diflillant de l’acide nitreux fur le foufre , à le
diffoudre à le convertir en acide fulfurique ;
il paroît donc que l’oxigène a plus d’affinité
avec le foufre qu’avec l’azote ou le radical ni-
trique.
L’acide muriatique ordinaire ne fait éprouver
aucune altération à ce corps combuftible ; mais
l’acide muriatique oxîgène efb fufceprible d’agir
avec plus d’énergie fur le foufre ; il le brûle
même au milieu de l’eau tk le convertit prompte-
ment en acide fulffirique; on voit alors le foufre
fe diffoudre dans l’eau.
Les fels neutres fu’furiques n’ont aucune ac-
tion fur le foufre. Les fels nitriques , au contraire,
le font brûler avec rapidité , & même dans les
vaiffeaux fermés. Rien n’yfl fi iimp'e que la
théorie de cet important phénomène. Le nitre
déiompofé par la chaleur donne une très-grande
quantité d’air vital ; le foufre eft un être très-
3 62, E L É M E N S
combuflible , ou qui a beaucoup de tendance
pour s’unir à l’oxigène ; il trouve donc dans le
nitre le principe néceffaire à la combuftion , & il
n’a plus befoin du contact de l’air atmofpbérique
pour s’enflammer. On a des produits très-diffé-
rens les uns des autres, fuivantla quantité ref-
peétive de nitre & de foutre que l’on emploie*
Si l’on met le feu à un mélange de huit parties
de foufre , & d’une de nitre dans des vaiffeaux
fermés, le foufre brûle avec une flamme blanche
très-vive , & il fe change en acide fulfurique.
C’eft un moyen que l’on met en ufage depuis
plus de vingt ans en Angleterre & en Hollande
pour préparer cet acide , que l’on retiroit aupa-
ravant des vitrio's. On fe fervoit d’abord en An-
gleterre de très-grands ballons de verre de quatre
ou cinq cents pintes , dont le col étoit fort large*
On les plaçoit les uns à coté des autres fur un lit
de fable ; on les difpofoit fur deux files affez
écartées , afin qu’on pût aller & venir commo-
dément entr’elles ; on mettoit quelques livre*
d’eau dans chacun de ces vaiffeaux ; on y intro-
duisit par le col un pot de grès fur lequel on
plaçoit une cuiller de fonte à long manche , que
l’on avoit fait rougir auparavant. C’efl dans
cette dernière qu’on mettoit , à l’aide d’une au-
tre cuiller de fer-blanc s un mélange de foufre
d’Hist. Nat. et de Chimie. 363
de nitre fait fuivant les proportions défignées;
on bouchoit aulli-tôt l’ouverture du ballon avec
un morceau de bois. La chaleur de la cuiller
enflammoit ces fubftances, le foufre étoit brûlé
par l’air vital du nitre, & lorfque la combufiion
avoit eu lieu , on reriroit le vaiffeau & on lai A
foit les vapeurs fe condenser. On faifoit la même
opération fur chacun des ballons qui compo-
foient les deux rangées, de forte que l’ouvrier
arrivé au premier ballon par lequel il avoit com-
mencé , y trouvoit les vapeurs totalement con-
denfées, & pouvoir continuer d’y brûier une
nouvelle portion du mélange. Quand l’eau étoit
affez chargée d’acide , on la retiroit & on la ver-
foit dans des cornues de verre placées fur des
galères ; on en féparoit la portion aqueufe à
l’aide delà diflillation, & l’on concentroit l’acide,
jufqu’à ce qu’il pesât une once fept gros &
demi , dans une bouteille de la capacité d’une
once d’eau dillillée ; telle étoit la manière de
préparer Y huile de vitriol ou l’acide fulfurique
concentré d’Angleterre. Ce procédé , pour ob-
tenir cet acide, entraîne beaucoup de frais à
caufe du prix des ballons & de leur fragilité.
On a imaginé, depuis quelques années, de faire
brûler le foufre fur des efpèces de grils de fer
placés dans de grandes chambres garnies- de
364 Elément
plomb far toutes leurs parois ; l’acide fulfurique
condenfé efl conduit par des gouttières dans un
réfervoir. On le concentre enfuite par l’a&ion
du feu. Teleflle procédé que l’on fuit dans la
manufacture de Javelle près Paris , dont i’éta-
bliffement ne peut qu’être fort utile aux arts. Il
efl bon d’obferver que l’acide fulfurique , ob-
tenu par ce procédé , eft toujours uni à un peu
de foufre & de fulfate de potaffe ; on y trouva
auffi un peu de fulfate d’alumine & de fulfate de
plomb ; mais ces fubfiances y font en fi petite
quantité , que leurs effets font abfolument infen-r
fibles dans la plupart des ufàges auxquels on em-
ploie cette matière faline ; d’ailleurs on le pu-
rifie facilement pour les recherches délicates de
la chimie, en le diftillant à liccité.
Si, au lieu de brûler le foufre à l’aide d’un
huitième de nitre, on augmente la dofe de ce
dernier jufqu’à partie égale , alors , au lieu d’a-
voir l’acide fulfurique libre, on n’obtient que
du fulfate de potaffe , formé par la combinaifon
de cet acide avec l’alcali fixe bafe du nitre. On
donnoit au fel obtenu de cette manière le noms
de fel polychrejle de Glafer : on le préparoit en
projetant dans un creufet rougi un mélange de
nitre de foufre à parties égales ; on diffo'voit
le réfidu dans l’eau ; on fai foi t évaporer cettâ
Id’Hist. Nat. et de Chimie. 365
tiiflolution jufqu’à pellicule ; on la filtrait ,
elle fourniffoit , par le refroidiffement des cryf-
tanx de véritable fulfate de pocaffe qu’on a dé-
figné fous le nom particulier indiqué, parce que
c’eft Glafer qui a fait connoïtre la préparation
de ce fel, mais il eft clair qu’il n’a rien de diffé-
rent du fulfate de poraffe ordinaire.
Le mélange de foufre & de nitre avec du
charbon compofe une matière dont les terribles
effets font dus à fa grande combuftibilité ; c’eff la
poudre à canon. Elle eft formée, pour /la plus
grande partie, de nitre, de beaucoup moins de
charbon, & le foufre eft la fubftance qui y entre
en plus petite quantité. Cent livres de poudre à
canon d’Effone près Corbeil contiennent foixan-
te-quinze livres de nitre, neuf livres & demie de
foufre , & quinze livres de charbon. On triture
pendant dix à douze heures ce mélange dans des
mortiers de bois avec des pilons de la même ma-
dère ; on y ajoute peu-à-peu une très-petite
quantité d’eau. Loffque le mouvement a éva-
poré prefque tout ce fluide , & que la poudre
mife fur une afliette de faïance n’y laiffe aucune
trace d humidité , on la porte au grainoir. Grai-
ner la poudre, c’eft la faire paffer par plufieurs
cribles de peau qui font mus horizontalement &
en ligne droite. Ces cribles ont des trous de dif-
férentes grandeurs jufqu’à celle qui forme le$
3 66 Élément
grains de la poudre à canon. On tamife enfuite
la poudre grainée pour en féparer la pouffière.
On la porte au féchoir, hangard expofé au midi,
&: recevant par un vitrage les rayons du foleil.
La poudre à canon n’éprouve pas d’autres pré-
parations. La poudre de chaffe eft liffée , afin
qu’elle ne faliffe pas les mains. Pour faire cette
opération , on en remplit à demi un tonneau qui
tourne fur lui-même à l’aide d’un axe quarré qui
le traverfe qui eft fixé à une roue que l’eau
fait mouvoir. Ce mouvement du tonneau excite
des frottemens continuels qui ufent la furfaee
des grains de poudre. On paffe au tamis cette
poudre lifiée , pour en féparer la pouflière : un
crible par lequel on la pafie une fécondé fois , en
trie les grains & forme deux poudres de groffeur
différente qui font également employées pour la
chaffe. M. Baumé a fait , conjointement avec
M. le chevalier d’Arcy , un très-grand travail fur
la manière de préparer la poudre , fur les forces
refpeélives de ce compofé fait à différentes dofes
de fes ingrédiens , & fur l’analyle de cette fubf-
tance. Ces recherches ont procuré beaucoup de
connoiffances , dont nous ne préfenterons ici que
les plus importantes , & celles qui ont un rapport
immédiat avec la théorie chimique. i°. On ne
peut pas faire de bonne poudre fans foufre, ce
r
dHist. Nat. et de Chimie. 3 67
qui avoit été propofé par quelques perfonnes;
cette fubftance augmente fingulièrement fa force.
2°. Tous les charbons légers ou pefans , à l’ex-
ception de ceux des matières animales , font éga-
lement bons pour cette compofition. 30. Le
charbon efl une des parties les plus utiles de la
poudre , puifqu’un mélange de foufre & de nitre
ne produit pas à beaucoup près les memes effets.
40. La bonté de la poudre dépend entièrement
du mélange exafl , & de la trituration faite juf-
qu’à ce que cette matière voltige autour du mor-
tier par fon agitation. 50. La poudre a beaucoup
plus d’effets quand elle n’efï que fimplement def-
féchée , que lorfqu’elle eff grainée. L'humidité
néceffaire pour que la poudre prenne la forme de
grains , fait criifallifer le nitre qui fe fépare des
autres fubflances ; auflï le retrouve-t-on dans
l’intérieur des grains coupés & obfervés à la
loupe. 6°. La poudre liiTée ou la poudre de
chafle efl moins forte que la poudre à canon non
liffée , parce que les molécules de la première
font plus rapprochées, & conféquemment moins
inflammables.
Quant à l’analyfe de la poudre , M. Baume y
a réuffi d’une manière fort fimple. Son procédé
confifle à laver la poudre à canon bien pulvé-
rifée avec de l’eau diftillée, à faire évaporer.
368 É L É M E N S
cette eau } on obtient le nitre par cette première
opération. Le réfidu contient le charbon &c le
foufre. La fublimation de ce dernier ne peut pas
le féparer complettement , parce qu’il paraît être
fixé en partie par le charbon. M. Baume a em-
ployé] pour les feparer une légère chaleur fuf-
ceptible de brûler le foufre &c non le charbon.
Cependant ce dernier retient toujours une petite
quantité de foufre, puifque , d’après l’oblerva-
tion de ce chimifle, il répand une odeur fulfu-
reufe jufqu’à ce qu’il foit entièrement réduit en
cendre. Il évalue le loufre , retenu par le char-
bon , à un vingt-quatrième de Ion poids. On
peut aulli défoufrer la poudre , en l’expofant
toute entière & fans la laver à l’a&ion d’un feu
doux ; ce fait étoit connu de M. Robins , qui
l’a annoncé dans fon traité d’artillerie écrit en
anglois. Les braconniers font, dit-on , dans l’u-
fage de défoufrer la poudre en l’expofant fur les
cendres chaudes dans un plat d étain. Ils font
perfuadés par j’uîage , que la poudre ainfidéfou-
frée cha e la charge beaucoup plus loin, 6c al-
tère moins les armes à feu.
Les chimiftes & les phyficiens ont eu diffé-
rentes opinion^ fur les effets violens de la poudre
à canon. Les uns les ont attribués à l’eau ré-
duite en vapeurs; d’autres à l’air dilaté Libre-
ment.
<
d’Hist. Nat. et de Chimie. 569
ment. M. Baume a penfé qu’ils font dus à du
foufre nitreux qui fe forme dans l’infîant de la
combuftion. Pour nous, nous regardons ce phé-
nomène comme très facile à expliquer, d’après
les connoiffances modernes. Pour bien entendre
notre théorie, il eft d’abord néceffaire d’obferver
que tout ce qui fe paffe dans l’inflammation de
la poudre dépend entièrement de fa grande corn-
bufiibilité. Or, le foufre & le charbon extrême-
ment divifés font deux corps éminemment in-
flammables. Le mélange intime qui influe tant
fur la force de la poudre , d'après les belles ex-
périences de M. Baumé, efl la feule caufe de fes
effets. Le nitre fe trouve également partagé entre
toutes les molécules de matières très-combufli-
bles; comme il efl en beaucoup plus grande
quantité qu’elles, chaque molécule de foufre
de charbon fe trouve entourée & comme re-
couverte d’un enduit de nitre ; chacune d’elles a
donc beaucoup plus d’air vital qu’il ne lui eu
faut pour brûler complètement, puifqu’il efî dé-
montré que le nitre fournit beaucoup de ce fluide
par l’aéfion de la chaleur. 11 arrive dans cette
combuflion ce qui arrive lorfqu’on plonge un
corps combuftible dans un vafè rempli d’air vital.
On fait que ce corps brûle avec fcintillation ,
en beaucoup moins de temps qu’il ne le pourroit
Tome II, A a
37° El i m e n s
faire dans l’air atinofphérîque ; on voit donc que
tour le foufre tout le charbon doivent brûler
dans un feul inflant , pa^ce qu’ils font réellement
plongés dans une atmofphère d’air vital. On con-
çoit d’après cela pourquoi l’inflammation de la
poudre eft fi rapide ; pourquoi elle a Heu dans
des vaifleaux fermés comme en plein air ; Sz
pourquoi , lorfqu’on oppofe un obflacle quelcon-
que à un agent fl terrible , il produit des explo-
flons & chafle cet obflacle avec tant de force.
Les effets de ce mélange de nitre , de foufre
& de charbon ne font rien en comparaifon de
ceux d’une autre préparation nommée poudre ful-
minante, Cette poudre fe fait avec trois onces de
nitre , deux onces de carbonate de potafle en ex-
cès ou fd fixe de tartre bien fec , & une once de
foufre en poudre. On triture le tout dans un mor-
tier de marbre chaud avec un pilon de bois, juf-
qu’à ce que les trois matières foient bien exacte-
ment mêlées. Un gros de cette poudre expofé à
un feu doux dans une cuiller de fer, fefond,
& produit bientôt une détonation aufli forte
qu’un coup de canon. Pour connoître la caufe
de ce phénomène d’autant plus étonnant que la
poudre fulminante n’a pas befojn pour le pro-
duire d’être enfermée & reflerrée comme la pou-
dre à canon, il faut obferyer , i°. qu’il n’a lieu
b’Hist. Nat: et de Chimie: . 371
qu’en chauffant lentement ce mélange * & lorf-
qu’il eft liquéfié ; 20. que fi on jette de la pou-
dre fulminante fur des charbons ardens, elle ne
fait que fufer comme le nitre, mais fans bruit ;
30. qu’un mélange de fulfure de potaffe avec du
nitre , fait à la dofe d’une partie du premier
de deux parties du fécond , fulmine plus rapide-
ment , & avec tout autant de fracas que celui qui
eff fait avec le foufre, le nitre ôi l’alcali. 11 pa-
roît donc que lorsqu’on chauffe la poudre fulmi-
nante , il fe forme du fulfure de potaffe avant
que fa détonation ait lieu. Ce feul fait explique
le phénomène dont nous nous occupons» Lorf-
qu’on expofe du nitre eriffallifé &C du fulfure de
potaffe à l’aftion de la chaleur , il fe dégage du
gaz hydrogène fulfuré de ce dernier & de l’air
vital du fel. Or , ces deux gaz capables de pro-
duire une détonation vive , comme nous l’avons
vu dans l’hiftoire du gaz hydrogène font en-
flammés par une portion de foufre qui s’allume;
mais comme ils éprouvent un obffacle de la part
d’un liquide épais qu’ils font obligés de îraverfer,
& comme ils s’allument dans tous leurs points à
la fois , ils frappent l’air avec une telle rapidité
dans leur combuftion , que ce dernier leur ré-
fifte ainfi que le font les parois des armes à la
poudre à canon. Cette réfiffance eff prouvée par
A a ij
37* E L É M E N S
l’effet cle la poudre fulminante fur la cuiller dans
laquelle on l’expofe au feu ; le fond de ce vaif-
fcau e£l creufé , & les parois font repliées vers
rintérieur , comme s’il avoit éprouvé un effort
cle haut en bas , & de dehors en dedans , quoi-
qu’on conçoive bien que l’effort de l’explofion
s’exerce en tout fens,ou circulàirement.
Enfin, un dernier mé’ange de nitre & de fou-
fre que nous devons confidérer , tft celui qu’on
a appelé poudre de fufion. On la prépare avec trois
parties de nirre, une partie dé foufre & une
partie de fciure de bois. On met un peu de cette
poudre dans une coquille de noix , avec une
pièce de cuivre pliée \ on recouvre cette pièce
de la même poudre, & on y met le feu ; elle
s’allume rapidement , & fond la pièce que l’on
retrouve enfuire dans la coquille qui n’eft que
noircie fan» être brûlée. On a foin pour cela de
la plonger dans l’eau dès que la poudre a ceffé
de brûler. Cette expérience prouve en effet que
cette poudre efl une matière très-fondante ; mais
comme elle eft due en grande partie à l’a&ion
du foufre fur le métal , nous reviendrons fur ce
fait dans l’hiftoire des matières métalliques.
Les tels neutres muriatiques , fluoriques & bo-
raciques n’ont aucune athon fur le foufre. Nous
avoi s vu que les carbonates alcalins s’uniffoient
)
I
d’Hist. Nat. et de Chimie.' 375
avec cette fubftance , & la rendolent diffoluble
dans l’eau, en formant les fulfureS alcalins qui
retiennent une petite portion des carbonates.
Le gaz hydrogène n’ag’t pas d’une manière
marquée fur lefoufreen maffe ; mais il fe diffout
îorfqu’il eft divifé par le calorique, & il forme
dugas hydrogène fulfuré.Il eft important d'obfer-
ver qu’il étoit bien naturel autrefois, de trouver
entre l’hydrogène & le foufre une très grande
analogie ; en effet , l’acide fulfuri que étendu d’eau
produit du gaz hydrogène dans fa comb'naifon
avec les matières métalliques. Dans tous les lieux
où i! fe produit du g z hydrogène , & fur-tout
dans les matières animales qui fe pourriftent , il
fe forme aufti du foufre. Ce dernier , combiné
avec les alcalis, a dû paroître d’abord pafter lui-
même à l’état de gaz hydrogène. Enfin, le gaz
hydrogène agit fur beaucoup de corps à peu
près comme le foufre. On auroit donc pu croire
qu’il y avoit de l’identité entre ces deux corps
combuftibles , fi l’on n’a voit pas démontré au-
jourd’hui que le gaz hydrogène eft prefque tou-
jours un produit de la décompofition de l’eau 9
& que le foufre n’entre pour rien dans fa for-
mation.
Le foufre eft; fufceotibîe de fe combiner à
beaucoup d’autres fuLftances ; mais comme nous
A a iij
374 Elémens
ne connoiffons pas encore ces fubftanc€S nous
ne parlerons de leur union avec ce minéral, que
lorfque nous traiterons de leurs propriétés.
Le foufre ed un excellent médicament dans les
maladies pituiteufes des poumons, & fur -tout
dans les maladies de la peau. On l’emploie avec
grand fucçès dans l’afthme humide , les éruptions
galleufes, dartreufes, &c. On l’adminiltre , ou
fous la forme de fleurs de foufre , ou en tablettes
préparées avec le fucre. On en fait avec les grailles
lin onguent dont on frotte les parties couvertes
de galle. On a propole les fulfures alcalins pour
les obltruflions, les engourdiffemens, les paraly-
ses, les maladies de la peau, &c. Quoique quel-
ques médecins aient cru que le foufre ne fe dif-
fout point dans les humeurs animales, il elt ce-
pendant certain qu’il pénètre jufqu’aux extrémités
vafculaires les plus fines , puifque chez les per-
fonnes qui en font ufage,la tranfpiration , les
urines & les crachats en font manifellement im-
prégnés. Le gaz hydrogène fulfuré diffout dans les
eaux minérales , telles que celles de Cauterets ,
d’Aix-la-Chapelle , de Barège , d’Enghien , &c.
leur communique des propriétés incifives très-
utiles dans les maladies de la peau , des poulmons,
des articulations , dans les paralyfies, &c.
Le foufre n’ell pas moins utile dans les arts.
r
d’Hist. Nat. et de Chimie. 375
C’eff un des ingrédiens les plus néceffaires de la
poudre à canon : il fert à prendre des empreintes
très-belles de pierres gravées ; on en fait des mè-
ches combuffibles; on le brûle pour blanchir les
foies, pour détruire certaines couleurs, pour ar-
rêter la fermentation des vins,&c. On Ta pro-
pofé pour iceller le fer dans les pierres, &c.
CHAPITRE V.
„
Genre V. Substances métalliques en
GÉNÉRAL .
Les fubffances métalliques forment un ordre de
corps très-irnportans & très-utiles dans les diffé-
rens ufages de la vie , dans la chimie & dans la mé-
decine. Elles diffèrent effentiellement des matières
terreufes & des matières falines par leurs carac-
tères phyfiques Sc par leurs propriétés chimiques.
Avant de paffer à l’examen de chacune de ces
fubffances en particulier, il eft néceffaire de les.
confidérer en général. Pour le faire avec ordre ,
nous traiterons dans plufieurs paragraphes , 1 °. de
leurs propriétés phyfiques ; i°. de leur hiffoire
naturelle; 30. de l’art d’en reconnoître la nature
ôc la quantité, ou de îa docimaûe ; 40. de celui
A a ïv
37^ E L É M E N S
de les travailler en grand, ou de la métallurgie ;
5°. de leurs propriétés ch'miques; 6°. de la ma-
nière de les diftinguer les unes des autres , & des
divifions qu’il eft effentiel d’établir entr’elles»
§. I. Des propriétés phyjiqucs des fub (lances
métalliques .
Les fubftances métalliques ont une opacité
abfolue. Cette opacité efl beaucoup plus grande
que celle des matières pierreufes; car la pierre la
plus opaque, étant en plaque très mince, a une
forte de tranfparence ; au lieu que la lame la plus
fine d’un métal quelconque eft parfaitement opa-
que, & tout autant qu’une grande malTe du même
métal. L’opacité des fubftances métalliques les
rend très-propres à réfléchir les rayons de la lu-
mière, & aucun corps ne pofsède cette propriété
dans un degré auffi marqué que ces fubftances ;
e’eft ainfi que les miroirs de glace ne réfléchirent
les objets que parce qu’ils font enduits d’une
feuille de métal; cette propriété particulière aux
métaux confHtue l’éclat ou le brillant métallique,
qualité qui eft toujours en raifon compofée de
la denfiîé ou de la dureté du métal qui lui per-
met de prendre un po’i très-vif, & de fa cou-
leur. Les fubfhnces métalliques blanches réfié-
s
d’Hist. Nat. et de Chimie. 577
chiftent plus de rayons , & font plus brillantes
que celles qui font colorées.
Les fubfiances métalliques ont une pefanteur
fpécifique bien plus conlidérable que les autres
corps minéraux ; un pied cube de marbre ne pèfe
que deux cent cinquante -deux livres; un pied
cube d’étain, qui eft le plus léger des métaux,
pèfe cinq cent feizé livres, & un pied cube d’or
pèfe treize cent vingt-ftx livres. Cette pefanteur,
beaucoup au-deflus de celle des matières ter-
reufes, dépend fans doute de la grande denfité
des iubftances métalliques, à laquelle elles doi-
vent encore leur opacité parfaite &L leur brillant.
La plus grande partie des fubftances métalli-
ques eft fufeeptib^e de s’étendre à l’aide d’une
pereuftion répétée, ou d’une forte preftion. Cette
propriété , qui eft particulière à ces fubftances ,
& que nous n’avons pas encore eu occafion
d'obferver dans aucune des matières que nous
avons examinées, porte le nom de ductilité. Nous
penfons qu’on doit en diftinguer deux efpèces ;
l’une qu’en appelle duélilité fous le marteau ou
malléabilité , fe reconnoît à ce que les métaux
qui en jouiftent peuvent s’étendre en lames min-
ces fans fe cafter : le plomb & l’étain nous four-
niftent un exemple de cette forte de du&iiité.
L’autre conlifte dans l’allongement fucceftif &c
378 É L É M E N S
prefque extrême de certaines matières métalli-
ques^ forte qu’elles forment un fil plus ou moins
fin : c’eft la ducli'ité à la filière, telle qu’on peut
Fohferver dans le fer, le cuivre, l’or. On lui a
aufii donné le nom de ténacité. Il eft d’aurant plus
Important de bien diflinguer ces deux fortes de
duéhlités, qu’elles femblent être réellement très-
différentes l’une de l’autre , puifque les fubftances
métalliques qui font très-malléables ont fouvent
très-peu de ténacité, & que celles qui font très-
du&iles à la filière ne font que peu malléables.
On exprime la ténacité des métaux d’une ma-
nière fort exa&e, en défignant la fomme de
poids qu’un fil métallique d’un diamètre connu
peut foutenir fans fe rompre® L’une & l’autre
de ces propriétés paroît dépendre d’une forme
particulière des parties intégrantes de chaque
métal. Il femble que les métaux qui s’étendent
en plaques minces par la percufîlon foient for-
més de petites lames qui , lorfqu’elles font com-
primées , gliflent les unes à côté des autres , &;
augmentent en largeur à mefure qu’elles per-
dent de leur épaifieur; tandis que ceux qui peu-
vent fe filer offrent une forte de tiffu fibreux
dont les fi amens difpofés par paquets fe rap-
prochent & s’allongent à l’aide de la forte pref-
fion que leur fait éprouver la filière.
/
d’Hist. Nat. et de Chimie. 379
La duftilité des métaux a des bornes. On ob-
serve que lorsqu’un métal même tres-ductile a
reçu plufieurs coups de marteau , il durcit & Te
déchire au lieu de s’étendre ; cette propriété fe
nomme écrouifjemcnt. Lorfqu’on chauffe lente-
ment & avec précaution un métal écroui, il de-
vient plus duélile, & il peut être frappé fans fe
brifer. Il paroît que les parties ne s’étendent
fous le marteau qu’autant qu’elles trouvent en-
tr’elles un efpace qu’elles peuvent remplir à me-
fure qu’elles fuient la prefiion : on conçoit aifé-
ment que ccs parties étant une fois affez rap-
prochées par la percufiion , pour ne laiffer en-
tr’elles que peu d’intervalle , elles ne pourront
plus fuir fous le marteau , &C que , dans ce cas ,
le métal fe déchirera. La chaleur en le dilatant en
écarte les parties , & produit entr’elles de nou-
veaux efpaces qui leur permettent de fe rap-
procher de nouveau à i’aide des percuflions réi-
térées.
Comme la ductilité ne fe rencontre que dans
certaines fubfiances métalliques , les chimifies &
les naturaliffes fe font fervi de l’abfence & de
la préfence de cette propriété pour diftinguer
ces fubftances entr’elles. Ils ont appelé métaux
celles qui réunifient la du&ilité à l’opaciré, à la
pefanteur & au brillant métallique ; & demi-mé-
ÊtÉMENS
taux , celles qui , avec l’apparence métallique , ne
font point ductiles. Mais cette diftinétion , quoi-
qu’aflez exa&e , ne fuffit cependant pas pour fé-
parer en deux claffes toutes les matières métal-
liques , parce que depuis la duftilité extrême de
For jufqu’à la fingulière fragilité de l’arfenic, on
ne trouve que des degrés infeniibles dans cette
propriété, & parce qu’il y a peut-être plus loin
pour la duétiliré de l’or au plomb , qui eft re-
gardé comme un métal , qu’il n’y a du plomb
au zinc qu’on range parmi les demi-métaux, &
du zinc à l’arfenic. D’ailleurs le mot demi-metaux
exprime une opinion très hipoihétique fur la na-
turel la formation des métaux.
Les métaux, considérés relativement au degré
de leur duétilité , doivent être rangés dans l’or-
dre fuivant. L’or eft le plus malléable de tous ;
enfuite viennent l’argent , le cuivre , le fer , l’é-
tain & le plomb. Les demi-métaux ont été regar-
dés comme n’en ayant aucune. Nous verrons
cependant que cette propriété exifte jufqu’à un
certain degré dans le zinc Sc dans le mercure.
Quant à la ténacité , l’or efl celui qui en a le plus :
on place à la fure le fer , le cuivre , l’argent,
l’étain & le plomb ; celle du platine n’efl: pas
bien connue.
Les fubftances métalliques font fufceptibles
d’Hist. Nat. et de Chimie. $Si
de prendre une forme régulière, foit par le tra-
vail de la nature , foit par les efforts de Part. Les
naturalises ccnnoiffoient depuis long - temps
cette propriété que la nature leur avoit offerte
dans le bifmuth natif, l’argent vierge , & quel-
ques autres métaux. Les alchimiSes même avoient
obfervé foigneufement les figures ramifiées ou
étoilées qui fe forment à la furface de l’anti-
moine & du bifmuth. M. Baumé a annoncé dans
fa chimie expérimentale & raifonnée que les
matières métalliques qui ont été bien fondues
prennent, par un refroidiffement lent, un arran-
gement fymmétrique & régulier, &:c. M. l’abbé
Mongez, qui a fuivi M. la Peyroufe dans fort
voyage autour du monde , a fait un travail fur la
criflallifation des matières métalliques. M. Bron-
ginart, démonfïrateur de chimie au jardin du roi,
s’eftauffi occupé de cet objet, & beaucoup de chi-
miftes ont répété leurs procédés. Il en réfulte que
tous les métaux peuvent criffallifer , Sc que ,
quoique plufieurs d'entr’eux aient une criffalli-
faticn en apparence différente , le plus grand
nombre préfente cependant la même forme oc-
taèdre avec quelques modifications.
Quelques matiè es métalliques on d • la faveur
&: de l’odeur , comme l’arfenic , 1 antimoine , le
plomb, le cuivre, l’étain , le fer. Ces propriétés
\
I
'$$1 ï L É M E N S
fe rencontrent conflamment dans toutes celles
qui font les plus altérables. Elles y font même
quelquefois dans un degré fi marqué, que ces
matières font fufceptibles de corroder & de dé-
truire entièrement les organes des animaux.
II. Hijloirc naturelle des fubjlances métalliques .
\
Les fubftances métalliques exiflent dans l’in-
térieur de la terre dans quatre états différens ; le
premier eft celui de métal vierge ou natif, c’efl-
à-dire, pourvu de toutes fes propriétés; c’eft
ainfi que fe trouvent toujours l’or, fouvent l’ar-
gent, le cuivre, le mercure, le bifmuth, Par*?
fenic , rarement le fer , plus rarement encore le
plomb , le zinc , l’antimoine, &c.
Le fécond état où fe rencontrent les fubflances
métalliques eff celui d’oxides ou de chaux , c’eft-
à-dire , n’ayant pas Pafpeft métallique, mais plu-
tôt une forte de reffemblance avec les ochres
ou les matières terreufes. On trouve fouvent le
cuivre dans l’état d’oxide vert ou bleu ; le fer
dans celui d’oxide jaune , rouge ou brun ; le
plomb dans l’état d’oxide blanc , gris , jaune ,
rougeâtre &c. ; le zinc dans l’état de calamine ;
le cobalt en fleurs rouges ; l’arfenic en oxide
blanc , &c.
r
d’Hist. Nat. et de Chimie.' 3%
Le troifième état naturel des métaux ,& celui
qui eft le plus commun , çonftitue les mines ou
minerais. La fubftance métallique s’y trouve com-
binée avec une matière combuftible qui lui ei>
lève Tes propriétés métalliques , & elle ne peut
les recouvrer que iorfqu’elle en eft féparée. Cette
matière, que l’on nomme le minèralifateur , eft ou
du foufre , ou un autre métal. Quelques chi»
milles affiirent même que le foufre eft le mini-
ralifateur le plus commun. Il eft uni à l’argent
dans la mine d’argent vitreufe ; celles de cuivre
contiennent prefque toujours une très -grande
quantité de foufre ; le fer eft combiné avec ce
minéral dans la pyrite martiale , le plomb dans
la galène , le mercure dans le cinabre , le zinc
dans la blende ; enfin , on trouve quelquefois le
bifmuth & fouvent Farfenic unis au foufre.
Il eft bon d’obferver que les métaux n’ont pas
tous la même affinité avec le foufre. Il en eft qui
en contiennent beaucoup 6c qui le perdent aifé-
ment; leur état métallique en paroît peu altéré;
tels font le cuivre , le plomb , l’antimoine ; d’au-
tres en contiennent très-peu , mais ce foufre leur
eft très - adhérent , 6c quoiqu’il foit en petite
quantité , il fait difparoître prefque toutes les
qualités métalliques ; c’eft ce qu’on obfervc à
l’égard du cinabre.
384 É L É M E N S
Les métaux peuvent fe trouver alliés avec
d’autres métaux, mais c’efl particulièrement l’ar-
fenic qui les minéralife. On trouve le fer, l’étain,
le cobalt , iouvent unis à l’arfenic ; quelquefois
le métal eft uni en même-temps à l’arfenic 6c au
foufre, comme dans la mine d’antimoine rcuge ,
dans l’argent rouge ; enfin , il y a des mines mé-
talliques compofées de plufieurs métaux 6c de
plusieurs fubflances minéralifantes , ainfi que la
mine de cuivre grife, la mine d’argent grife &C
quelques autres.
Le quatrième état que les métaux préfentent
dans l’intérieur de la terre efl; leur combinaifon
avec des fubflances falines, & prefque toujours
avec des acides. L’acide fulfurique s’y trouve
combiné très-fréquemment ; les oxides de zinc ,
de plomb , de cuivre , de fer , font fouvent dans
l’état de fulfates ; l’acide carbonique efl un des
minéralifateurs les plus communs des métaux; les
acides muriatique , arfenique 6c phofphorique y
ont aufli été démontrés depuis quelques années.
Les fubflances métalliques font bien moins
abondantes dans le globe terreflre que les ma-
tières pierreufes. Elles forment dans les monta-
gnes des veines ou filons qui coupent plus ou
moins obliquement les couches de terrés 6c de
pierres, c’efl; l’état le plus ordinaire des métaux
jninéralifés.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 385
tïïinéralifés. Ceux qui iont dans l’état d oxides •
ou de fels fe trouvent fouvtmt par mailes que
l’eau a tranfportées 6c quelquefois criftallifées ;
on rencontre aufti plufieurs mines métalliques
en tas informes : e-ies doivent alors leur for-
mation à quelques accidens particuliers*
Les filons métalliques font accompagnés de
matières pierreufes qui femblent avoir été for-
mées en même - temps quVox. C s pierres font
ordinairement du. quartz & du fpath * elles for-
ment deux couches ; l’une ,'fur laquelle pofe la
mine, fe nomme lit ou fol ; l’autre qui la re-
couvre eft le toit. Ces pierres conflituent ce
qu’on appelle la gangue ou matrice de la mine à
qui ne doit pas être confondue avec le miné-
ralifateur ; car celui - ci eft combiné avec le
métal, de manière qu’il ne pe u en être iëparé
que par des procédés chimiques , tandis que
la gangue peut en être féparée psf des moyens
méchaniques j il ne faut pas non obis confondre
ia gangue qui eft formée de pierres criftallifées >
avec la roche qui forme la mafle des monta-
gnes, dans lefquelles fe trouvent les filons mé-
talliques. Ces derniers fe divif nt en riches oü
pauvres , en filons capitaux ou veinules , en filons
de vrais cours qui fe continuent drtns la meme
dire&ion , ou filons rebelles qui fe détournent
& font interrompus dans leur continuité.
J ome H, B b
3$é ÊL É ME NS
Les mines métalliques paroiffent toutes devoir
leur formation à l’eau ; en effet , la plupart fe
trouvent criftallifées ou mêlées à des fubftances
que le feun’auroit pas manqué d’altérer , comme
les pierres calcaires & le loutre ; &: Ton ren-
contre p3rmi elles des corps qui ont confervé
l'organifation végétale ou animale , organifation
que le feu n’auroit pas refpe&ée ; il y a peut-
être quelques mines métalliques qui ont été for-
mées par le feu ; telle paroît être la mine de fer
fpéculaire du Mont-d’Or en Auvergne , celle de
file d’Elbe ; niais ces cas font rares.
Les mines fe trouvent plus communément
dans les montagnes que dans les plaines , 8c
prefque toujours dans celles qui forment des
chaînes continues. On obferve que les plantes
qui croiflent à la furface des montagnes qui
renferment ces matières, font arides ; les arbres
y tort tortueux , & ont un. mauvais port ;
la neige y fond prefque aufii - tôt qu’elle y tom-
be , les fables offrant fouvent des couleurs mé-
talliques. On trouv, dans le voif nage, des four-
ces d’eaux minérales métalliques ; l’examen de
ces eaux & des fables qu’elles charient, four-
ni fient de très-bons indices de la préfence des
matières métalliques qui les avoifinent. Lorf-
qn’on voit paroître à la furface de la terre
quelques veines métalliques, ces indices doivent
d’Hist. Nat. et de Chimie. 387
fuffire pour taire fonder le lerrcin ; la fonde
rapportant les fubftdnces qui compofent l’in-
térieur de la montagne avec la matière miné-
rale métallique, lert à faire connaître quelle eft
la nature de cette fubflance , tk. la réfiftance
qu’on doit at endre du terrein,
§. III. De l'art cPejJayer les mines , ou
de la Docimasie.
Lorfqu’on a reti é une certaine quantité de
mine, il convient d’en faire l’effai pour en con-
noître exd&ement la nature & le produit. Ces
eftais forment une des parties les plus impor-
tantes de la chimie, à laquel'e on a douné.le nom
de docimajie. l’s doivent être variés fuivant la
nature de chaque mine ; cependant il eft certains
procédés généraux qu’il con\ient de fuivre dans
tous les effais.
On prend des échantillons de mine qu’on choi-
ftt parmi les plus riches, les plus pauvres, $£ ceux
d’une richefle moyenne, cette opération s’appelle
lotir les mines ;\e lonflageeft indftpenfable , parce
que fi on ne tentoit que l’effdi d’un échantillon ri-
che, on pourron concevoir des efpérances trop
flatteufes; fi on n’efiayoit que des échantillons
très-pauvres , on tomberoit dans le décourage-
ment. Les mines étant loties » il faut les piler exac?
bo xj
388 Élemehs
tement , & enfuite les laver à grande eau* €e
fluide emporte la gangue réduite en poudre ; le
minerai , comme plus pefant , refte au fond du
vafe où fe fait le lavage. La mine lavée doit être
enfuite grillée avec loin pour enlever par la fu-
jblimation la plus grande quantité poffible du mi-
néralifateur ; on doit faire le grillage dans une
petite écuelle de terre , couverte d’un vaiffeau
femblable. Cette précaution eft néceflaire, parce
que certaines mines pétillent au feu & fautent
hors delà capfule dans laquelle on les grille ; cet
accident eft capable de rendre le réfultat incer-
tain. Comme ce grillage fait en plein air lailfe
ordinairement le métal dans l’état d’oxide, & peut
même en faire perdre une partie li le métal que
l’on eflaie eft volatil, nous préférons de griller
les mines dans une cornue degrés. Cette opéra-
tion , quoique plus longue & plus difficile , a l’a-
vantage de faire connoître la nature & la quantité
du minéralifateur , & de donner une analyfe
beaucoup plus exafte du minéral dont on fait
l’eftai. Lorfqne la mine a été tenue rouge pendant
quelque temps , &: qu’il ne s’en exhaie aucune
vapeur , le grillage eft fini. Comme on a pefé
la mine avant & après le lavage pour déter-
miner la quantité de gangue qu’elle conte-
noit , ©n la pèfe de nouveau après le grillage.
d’Hist. Nat. et ce Chimie. 385»
pour favoir combien elle a perdu par cette
opération.
La mine grillée doit être fondue; à cet effet on
la mêle avec trois parties de flux noir & un peu de
muriate de fonde décrépité , on la met dans un
creufet fermé de fon couvercle, on place ce creu-
fet dans un bon fourneau de fufion. L’alcali du flux
noirfond le métal, &abforbe laponion de minéra-
lifateur qui refie dans lamine. Le charbon du tar-
tre qui fe trouve dans le flux noir, fert à réduire
l’oxide du métal en abforbant fon oxigène ; le mu-
riate de fonde empêche que le mélange ne fou.ffre
de déperdition pendant la fufion, parce que ce fel
fondu étant plus léger que les autres matières , oc-
cupe toujours la partie fupérieure du creufet, re-
couvre le mélange & fupporte feul le décher.
La fufion étant achevée , il faut laiffer refroi-
dir très-lentement le creufet; on s’apperçoit que
la matière a été bien fondue, lorfque le métal eft
raffemblé en un feul culot convexe à fa fuper-
fcie, qu’il ne fe trouve aucun grain dans les
fcories , & que ces fcories elles-mêmes font en
une maffe vitreufe , compare & uniforme, cou-
verte d’une couche de fel marin fondu. On pèfe
exactement le culot métallique, & on connoît en
quelle proportion le métal fe trouve dans la mine
que l’on a effayée.
B b iij
39<> fe L É M É N S
I! efî des rrines qui font plus Jures & plutf
réfra&aires ; a’or.s on a: ru te des fondons p'us
aclif.s ôc ii pK s grande quantité, comme le bo-
rax , le verre pilé , 1ef a c b fxes , &rc. Il arrive
foir e :t que le meme mi érai contient des mé-
taux parlai s avec des métaux imparfaits; on les
fép re en chauffmt avec le contact de l'air le
Culot métallique. Le métal imparfait s’oxiJe & fe
diflïpe , le métal parfait refie pur *, cette opération
fe romme en général ûflîjage. Le métal parfait
qu’on obtient par ce procédé eft prefque toujours
un mélange d’or & d’argent. On fépare ces deux
métaux par le moyen d’un didolvant oui s’empare
de l’argent & laide l’or intaét; cette opération fe
nomme dipart. Le réfîdusque tous ces procédés
fourniflent , doivent être pefés avec la balance
d’efîai.
Ce travail, quelqu’exaét qu'il paroifTe , efb
fouvenr moins utile pour guider dans l’exploita-
tion d’une mine , que ne feroit un efTai plus grof-
fer; parce que , dans les travaux en grand, on
n’emploie pas des matériaux auffi chers , & que
d’ailleurs on n’opère pas avec autant de précau-
tion ; il faut donc effayer de fondre la mine à
travers les charbons dar s un fourneau de fufion.
Les charbons réduifent l’oxide métallique; l’al-
càli fixe qui fe produit dans leur combuilion.
-î
r
d’Hist. Nat. et de Chimie. 391
abforbe une portion de la fubftance qui miné»
ralife le métal. Il faut quelquefois ajouter un
peu de limaille ou de fcories de fer , ou du
fiel de verre pour faciliter la ftifton des mines
très-réfra&aires.
Il efl une forte d’eflai par la voie humide qui
peut fe pratique»" lorfqu’on veut connoître les
métaux conterais dans des échantillons de mines
qu'on fe propofe de conferver dans des cabinets
d’hilfoire naturelle. On prend un petit morceau
de l’échantillon, on le fait digérer dans des acides
qui diffolver.t le métal &C en féparent le minérali-
fatetir ; le tel oui réfuhe de l’union du métal à l’a-
v t
eide fait connoître la qualité de ce métal ; mais
ceteffaine peut pas avoir lieu pour toutes fortes
de mines, parce qu’elles ne font pas toutes fuf-
cepîibles d’être attaquées par les acides. Bergman
a donné fur la docirnafie humide une très-bonne
dlffertation qu’on pourra confulter avec fruit.
A
IV. De L'art d'extraire & de purifier en grand
les métaux , ou delà MÉTALLURGIE.
Lorfqu’on s’efr allure, par un efTal convenable ,
que la mine peut être exploitée utilement , on
y procède de la manière fuivante. On creufe un
puits carré perpendiculaire , allez large pour y
placer des échelles droites, à l’aide defqueîles
Bb iv
l
/
J92 E L É M F. N s
les ouvriers piaffent descendre & monter. Ordi-
nairement on pofe fur ces puits des treuils pour
tirer les îceaux charbés de minerai ; quelquefois
auffi on y rr.ei des pompes pour puifer l’eau qui
s’y raffen bie. Si la mine eff trop profonde pour
qu’un feul puits conclmie au fol du filon , on pra-
tique ur>e gaieriehori.cn le, au bout de laquelle
on çreufe un nouveau puits, & ainfi de fuite j juf-
qu’à ce qu’on fort parvenu au fond de lamine.
Si ;a roche dans iacue e on creuieeft fort dure
Cdpab e de fe fourenir d’e’le-même , la mine
n’a pas befoin d’être étayée ; mais fi on travaille
dans des roches tendres ou dans des terres qui
peuvent s’ébouler , on eff obligé d’érançonner
les galeries &l de garnir les puits de pièces de
charpente qu’cn recouvre de p'anches dans tout
le pourtour.
Il eff effentiel de renouveller l’air dans les
mines ; lorsqu’il efl poffible de creufer une
galerie, qui du bas des puits réponde dans la
plaine, le courant d’air s’établit aifément; quand
cela ne fe peut pas , on creufe un puits qui
aboutit à l’ex'rêmité de la galerie oppolée à
celle où fe trouve le premier. Lorfque l’un
des deux puits eff plus bas que l’autre , l’air
circule trcs-aifément; mais fi les deux puits font
de hauteur égale , le courant d’air ne faurok.
d’Hist. Nat. et de Chimie^ 39$’
s’établir : dans ce dernier cas on allume du
feu dans un fourneau, au-deffus de 1 un des
puits ; & l’air , forcé de traverfer les matières
combuflibles, fe renouvelle continuellement dans
la galerie.
L’eau efl encore un inconvénient très - grand
dans les mines ; fi elle fort peu-à-peu entre les
terres, on tâche de lui ménager une iffue dans !a
plaine , & de là dans la rivière la plus voifine , à
l’aide d’une galerie de percement. Si elle fe ra-
maffe en plus grande quantité , on tire l’eau à
l’aide des pompes. Quelquefois en perçant la
roche il en fort une quantilé d’eau énorme, 5c ca-
pable de remplir à l’inffant toutes les galeries ^ les
ouvriers en font avertis par le retentiffement
qu’ils entendent en frappant la roche ; alors ils
érabliilent uneportedans une des galeries, cette
porte peut fe fermer par un valet ; un ouvrier
perce la roche pour donner iffue à l’eau , & fe
retire en fermant la porte fur lui ; il a le temps
de s’éloigner avant que l’eau puiffe gagner.
Il s’élève dans les fouterreins des mines des
vapeurs d’acide carbonique de gaz hydrogène,
dégagées ou formées par la réaâion des ma-
tières minérales 3z métalliques les unes fur les
autres. Souvent aufîi les feux que les ouvriers
font obligés d’allumer dans le deffein d’attendrir
394 Elémens
la roche , favorifent le dégagement de ces gaz ;
dont les dangereux effets ne peuvent être préve-
nus que par les courans d’air rapides , ou par la
détonation.
Le minéral tiré de la terre eft enfuite pilé ,
lavé, grillé , fondu & affiné. On pile la mine
fous de gros pilons mus par un courant d’eau ;
les pilons fe nomment bocatds ; la mine pilée eft
lavée fur des tables inclinées , de forte que l’eau
s’écoule & emporte la gangue. Les mines qui con-
tiennent beaucoup de foufre , doivent être gril-
lées à l’air ; celles qui en contiennent peu , doi-
vent l’être dans des fourneaux qui fervent enfuite
à les fondre } quelques mines fe fondent feules ,
d’autres veulent être fondues à travers les char-
bons , & avec différens fondans. Les fourneaux
d.e fufon diffèrent fuivant les pays &: la qualité
plus ou moins réfraftaire de la mine. Ceux qui
fervent à l’affinage , ne font pas effeniiellement
différens des premiers. Quelquefois même ces
deux opérations fe font dans un feul fourneau.
Lorfqu’on a ainfi réduit les métaux , ils font
prefque toujours unis plufieurs enfemble ; on a
alors recours pour les féparer , à des procédés
entièrement chimiques , & que nous ferons con-
noître à l’article de chaque métal.
d ni st. Nat. et de Chimie. 595
f*
§. V. Dis propretés chimiques des jubjlances
métalliques»
Toutes les propriétés chimiques des fubf-
tances métalliques fen bl nt d montrer que ces
matières font fimp'cs, & qu’on ne peut les dé-
compofer Les altérations qu’ lies éprouvent de
la part de la chaleur, de l’air & des fubftances
fa ines, font toujours dues, comme on le verra ,
à des combinaifons , & pas une de ces a'térations
ne peut être comparée à une analyie, ainfi que
nous al onsle faire voir par l’cxpofition détaillée
des phénomènes qu’elles préfentent.
La lumière paroît a’té^er la couleur & le
brillant de quelques fubflances métalliques.
Bien enfermées dans des vaifleaux tranfparens ,
quelques unes s’y terniffent , prennent une cou-
leur changeante , qui fait difparoître peu-à-peu
leur brillant. On n’a pas fuivi plus loin cette ef-
pèce d’altérat on.
Le caloriqne ne leur fait éprouver que quel-
ques changemens d’aggrégation , & cela avec plus
ou moins de facilité & de prompî'tude. Toutes
les fubflances métalliques , chauffées dans des
vaifleaux bien fermés , fe fondent les unes bien
avant de rougir , d’autres dans l’inftant qu’elles
rougiflent , d’autres long- tems après qu’elles
39& * Elémens
ont rougi. Il y a autant de degrés dans la f Ha-
bilité de ces matières , qu’il y a d’efpèces de
métaux. Si on les ^iffe refroidir lorfqu’ils ont
été fondus ils crifiallifent ; fi on les pouffe
à un feu violent , ils bouillent à la manière des
fluides, 6c fe réduiféht en vapeurs. Ilyalong-
tems qu’on connoiffoit ces propriétés dans le
mercure ; les orfèvres voyent fouvent bouillir
l’or & l’argent en fufion. Buffon avoit
obfervé qn’en expofant des plats d’argent au
foyer d’un grand miroir concave , il s’élevoit
une fumée blanche de la furface des plats. MM.
Macquer &: Lavoifier ayant mis de l’argent de
coupelle au foyer de la lentille de Tfchirnaufen ,
virent ce métal s’exhaler en fumée ; une lame
d’or expofée à cette fumée fut parfaitement argen-
tée. L’or mis au même foyer donna également
des fumées qui dorèrent parfaitement une lame
d’argent qu’on y expofa. Les cheminées des orfè-
vres &c des effayeurs font remplies d’or & d’argent
fublimés. Le cuivre, l’étain, le plomb, le
zinc, l’antimoine , le bifmuth 6c l’arfenicfe vo-
latilifent affez facilement.
Tous les méraux fondus paroiffent convexes
à leur furface, & lorsqu’ils font en très-petites
maffes , ils forment des fphères parfaites ; cec
effet dépend de la force d’aggrégation qui fait
î
d’Hist, Nat. et de Chimie. 397
rapprocher les partie, métalliques les unes vers
les autres, & de leur peu de tendance à la com-
binaifon avec le corps fur lequel elles pofênt.
Cette propriété eft générale dans tous les fluides,
& on peut l’obferver dans l’huile à l’égard de
l’eau , & dans l’eau à l’égard des corps gras.
Les métaux expofés à TaéHort du calorique
avec lecontaûde l’air y éprouvent des altérations
affez fenfibles , les uns plutôt , les autres plus
tard : ceux qui ne font point fenfiblement
altérés , fe nomment métaux parfaits ; on appelle
métaux imparfaits , ceux qui perdent entièrement
leurs propriétés métalliques par ce procédé.
Cette altération des matières métalliques , que
nous nommons oxidaùoti , eft une véritable
combuftion ; elle ne peut fe faire qu’avec le
fecours de l’air „ comme celle de toutes les
fubftances combuûibles ; & lorfqu’elle a eu lieu
quelque tems dans une certaine quantité d’air ,
elle ne peut plus s’y continuer à moins que l’air
ne foit renouvellé. Cet air dans lequel les
métaux ont brûlé , eft devenu méphitique. La
combuftion des fubftances métalliques eft ac-
compagnée d’une flamme plus ou moins vive,
cette flamme eft très - fenfible dans le zinc
/ *
l’arfenic , le fer, l’or, l’argent; elle l’eft même
dans le plomb , l’étain , l’antimoine } qui font
3ç>8 Élémens
choutfcs fortement. Les métaux perdent en brû-
lant leurs pn;pr étés métalliques d’u ie manière
d’autant plus marquée, qu’i'.s ont été expolés à
1’ ét on du f u & au conraél de i’air pendant
lin itms plus ’o g ; quelques uns femblent alors
fe rapprocher à l’extérieur du car.Ctere des ma-
tières terreufes ; auffi leur a t-on donné , dans
cet éî^t , le nom de terres ou de chaux métalliques.
On doit préféré, à ce nom celui d’oxi les mé-
talliques, parce ou’il tfl démontré aujourd’hui
' r
que ces métaux b'û'ésne font j-oint des terres
comme on le croyoit il y a quelques années ;
mais des combinailbns avec l’oxigène. Les oxides
métalliques n’ont plus 7e bri 1 ant & la fufib Lié
des métaux , i's n’ont p’us du tout J’c/ffinité avec
ces corps , pas môme avec ceux qui ont tervià
les faire. Si on les pouffe au feu , ils (e voLtiiifent
ou fe fondent en verres. Ces derniers font d’au-
tant plus tranfparens &L d’autant plus difïicil s à
fondre, que b s métaux ont éecxidés, ou qu’ils
contiennent plus d’ox'gène. les oxides métalli-
ques s’unifient aux matières faiinesdc rerreufes.
Plufieurs d’entr’eux o u les caractères de matières
falines, L’arienic Lien oxidé devien un acide par-
ticulier , dont les propriétés ont été examiné, s
par Schéele 6t Eergman. RoiieUe a reconnu
que l’oxided’antimoine fe diffout dans l’eau commç
le fait i’arfenic.
r
d’Hist. Nat. et de Chimie* $9?
Quelques oxides métalliques expofésà l’aftion
du feu , fe réduisent en métaux &" fourniffent en
fe réduiiant un fluide aériforme qui efl de l’air
vital très-pur. C’efl àM. Bayen que l’on doit les
premières connoiffances fur cet objet. Il a ob-
fervé que les oxides de mercure chauffés dans
des vaiffeaux fermés donnoient beaucoup d’air ,
& qu’ils fe réduifoient en mercure coulant. M*
Prieftley 3 ayant examiné cet air , vit qu’il étoit
beaucoup meilleur que l’air atmofphérique ; &
ic’eft à cette découverte que l’on doit fixer l’é-
poque de la connoiffance exa&e que nous avons
aujourd’hui fur la calcination des métaux. Reve-
nons un moment fur les phénomènes de cette
opération. Un métal ne fe calcine jamais que lorf-
qu’il a un contaél avec l’air ; plus ce corïtaél eft
i multiplié , plus le métal fe calcine ; une quantité
donnée d’air ne peut fervir à calciner qu’une
quantité donnée de métal , comme l’a ingénieu-
fement démontré M. Lavoifier en calcinant du
plomb , k l’aide d’un miroir de réflexion, dans
une cloche qui contenoit un volume connu d’air.
Le métal en fe calcinant . abforbe une portion de
l’air qui l’environne, puifque le mercure au-def-
fus duquel on calcine un métal fous une cloche,
remonte dans ce vaiffeau à mefure aue la calci-
1
nation avance. C’cfl à cet oxigène abforbé que
S4©0 Ê L É M E N S
les oxides métalliques doivent la pefânteüf qu’ils
ont acquiiè clans la calcination , puifque quand on
l’extrait des oxides de mercure , ils perdent en
»
revenant à l’état métallique cet excès de poids
que Ton retrouve exactement dans l’air vital
qu’elles 'fourni fient à l’aide de la diftillation. Il
paroît démontré , d’après tous ces phénomènes ,
que la calcination n’efl autre choie que la combi-
na.'fon du métal avec la bafe de l’air pur ou l’oxi-
gène contenu dans l’atmofphère. Cette combi-
nation fe fait fouvent par le ieul contaft de l’air
& de l’eau , dans les métaux qui font fufcepti-
blesde fe rouiller. Si l’on a befoinde faire chauf-
fer'a p1up rr des métaux pour les oxider , c’eft
que la chaleur, en diminuant la force d’iggréga-
tiondes molécules de ces corps pour elle - même,
augmente eri même proportion la force d’affinité
ou de combinailon , & favorife ainfi celle que
l’on veut opérer entre l’oxigène & le métal. La
chaleur n’ell donc , dans cette opération , qu’un
auxiliaire comme dans beaucoup de diiTolutions.
L’air qui a lervi à oxider un métal ne peut plus
entretenir la combuftion , parce qu’il eft privé
de la portion d’air vital qu’il cpntenoit , & qui
feule peut donner lieu à !a combufïion & à la
vie. Plus le fluide attnofphérique contient de
cet air vital , plus il eft propre à oxider promp-
tement
D’HiSTo NAT. ET DE CHIMIE. 401]
bernent une quantité donnée de métal. J’ai bien
des fois obfer-vé qu’on peut faire une beaucoup
pins grande quantité ü’oxide métallique de
plomb , de bifmuth , &c en plongeant ces mé-
taux fondus dans une cloche pleine d’air vital,
qu’on n’en feroit dans le même temps au milieu
de l’air atmofphérique. Tous ces faits , & un
grand nombre d’autres, que l’on trouvera dans,
1’hiftoire particulière de chaque métal, font bien
propres à démontrer qu’un oxide métallique
n’eft autre chofe qu’une combinaifon chimique
du métal & de l’oxigène atmofphérique , que la
calcination n’eff que l’a de même de cette com-
binaifon, Si que l’air vital étant fixé dans cette
opération , il ne refie plus que le gaz azote qui
fai Toit partie de l’atmofphère.
La rédudion des oxides métalliques, à l’aide
des matières combuflibles , éclaire encore cette
théorie, & lui donne de nouvelles forces. On
efl fouvent obligé , lorfqu’on veut réduire un
oxide métallique en métal, de le faire chauffer,
dans des vaiffeaux fermés avec une matière
combuftible , comme avec des graiffes , des
huiles, du charbon, Sic. Dans tous ces cas on
décompofe l’oxide métallique , en lui enlevant
foxigène qui le conftituoit tel. Pour bien en-
tenclie ce qui fe paffe dans cette opération, il
faut concevoir, i°, que les métaux ne font pas
J ome II. Ce
v
402 Ê L É M E N S
les corps les plus combuftibles de la nature, ou^
ce qui eft la même chofe, que les métaux n’ont
pas avec l’oxigène la plus grande affinité poffi-
ble; 2°. que les matières combuftibles animales
ou végétales ont plus d’affinité avec cet oxi-
gère que n’en ont les fubftances métalliques ;
30. qu’en conféquence , lorfqu’on réduit un
oxide métallique à l’aide du charbon, ce der-
nier étant plus combuftible que le métal, ou
ayant plus d’affinité que lui avec l’oxigène , s’en
empare & décompofe l’oxide métallique , qui
paffe à l’état du métal. Auffi ces fortes d’opéra-
tions ne réuffifTent-elles bien que dans des vaif-
feaux fermés, parce que la matière combuftible,
n’ayant pas de conta# avec l’air, eft obligée de
briller à l’aide de l’oxigène de l’oxide. C’eft
pour cela que la portion de carbone pure, qui
s’empare de l’oxigène uni à la fubftance métal-
lique , fe trouve changée en acide carbonique
pendant la réduftion.
En faifant l’hiftoire de la calcination métal-
lique , d’après la théorie des modernes , nous
devons dire un mot de la doélrine de Stahl ,
qui a été adoptée prefque univerfefement par
tous les chimiftcs , jufqu’aux dernières décou-
vertes iur l’air & fur la cembuftion. Stahl re-
gardoit les fubftances métalliques comme des
compofés de terres particulières ôc de phlogif-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 40$
tique. La calcination n’étoit fuivant lui que le
dégagement du phlogijlique , & la réduction fer-
voit à rendre aux chaux métalliques ce principe
qu’elles avoient perdu dans leur calcination. On
voit que cette théorie eft abfolument l’inverfe
de celle des modernes, puifqu’elle annonce que
les métaux font des êtres compofés , tandis que
la dodrine adueile les confidère comme des
corps fimples ; ils perdent, fuivant Stahl , un
principe dans leur calcination , & la dodrine
nouvelle prouve qu’ils fe combinent à un nou-
veau corps dans cette opération ; enfin, ce grand,
homme penfoin que pendant la rédudion , les
oxides métalliques reprenoient le phlogifîique qui
avoit été dégagé des métaux par le feu, &. les
modernes ont prouvé que la rédudion n’eft qne
la féparation de l’oxigène qui s’éto t combiné
avec eux dans la calcination.
Eflayons de démontrer , après ce léger parai*
lèle de ces deux théories, à laquelle des deux
le plus grand nombre des faits peut être favo-
rable. Stahl , uniquement occupé à démontrer
la préfence du phlogijlique dans les métaux, fem-
ble avoir oublié l’influence de l’air dans la cal-
cination. Beccher, Jean Rey, Boyle & plufieurs
autres chimiftes avoient cependant foupçonné
avant lui que cet élément jouoit le principal
C c ij
'404 Ê L É M E N S
rôle dans ce phénomène. La théorie de Stahl ;
quelque fatisfaifante qu’elle ait dû paroître juf-
qu’à l’époque des nouvelles découvertes fur l’air,
ne pouvoit donc pas Te trouver d’accord avec
tous les faits qui démontrent la néceflité & l’ac-
tion de ce fluide dans la calcination. Aufli y a-
t-il plufieurs phénomènes inexplicables dans la
do&rine de Stahl, &: qui même la rendoient im-
parfaite. Telle eft, par exemple, la pefanteur
des oxides métalliques , plus confidérable que
celle des métaux avant leur calcination. On ne
concevra jamais comment un corps peut aug-
menter de poids en perdant une de fes parties
conftituantes; & comme la pefanteur eft une des
propriétés qui fert à démontrer la préfence de
toute fubflance, l’explication ingénieufe que M.
de Morveau a donnée dans fa diflertation fur le
phlogiflique , relativement au phénomène dont il
s’agit, ne peut pas entièrement fatisfaire, fur-tout
depuis qu’on a reconnu l’exiftence de rair dans
les oxides métalliques. Il paroît donc, d’après
ces faits, que la théorie pneumatique a de grands
avantages fur celle de Stahl. Macquer, guidé par
cette fage retenue dont nous ne pouvons que
faire l’éloge, a voit cru pouvoir allier tes décou-
vertes modernes avec la coftrine du phlogi/U -
que. Suivant ce célèbre chimifle , les métaux ne
* d’Hist. Nat. et de Ghimie. 405
•peuvent perdre leur phlogiflique fe calciner ,
qu’autant que l’air pur de l’atmofphère fe préci-
pite & s’unit à leur propre fubftance, en déga-
geant la lumière qui leur eft unie , Sc ils ne le
réduifcnt que lorfque la lumière , aidée par la
chaleur, en fépare l’air pur, en prenant fa place,
de forte que ces deux corps font mutuellement
précipitans l’un de l’autre. Mois comme per-
fonne n’a démontré encore l’identité de la lu-
mière & de ce que Stahl a appellé phlogijlique ,
ni le principe de la lumière dans les corps com-
buftiblts, l’opinion de Macquer n’eft qu’une by-
pothèfe dont on peut entièrement fe palier , Sc
qu’il n’eft plus permis d’admettre.
Il eft donc bien démontré aujourd’hui que les
oxides métalliques font des compofés des mé-
taux & d’oxigène ; il feroit très-important de
connoître les diverfes attractions éle&ives qui
exiftcnt entre ce principe &. les fubftances mé-
talliques. M. Lavoifier s’eft déjà occupé de ce
travail intérelfant j mais fes expériences ne font
point encore allez multipliées , 5c leur réfultat
n’eft point affez exaû, pour qu’il foit polîible
de traiter ici cet objet avec les détails qu’il exi-
geroit. ,
Les fubftances métalliques s’altèrent à l’air *,
Jeur furfdce fe ternit , quelques-unes fe couvrent
C c iij
40 6 É L É M E N S
de rouille. Les chimiftes ont regardé la rouille
comme un oxide métallique. Nous aurons occa-
fion de revenir plufieurs fois fur cet objet , &
de faire voir que l’eau en vapeurs oxide plufieurs
fubflances métalliques , & que l’acide carboni-
que contenu dans l’atmofphère s’y unit après
leur calcination.
L’eau diflout certains métaux ; elle n’a aucune
aftion fur quelques autres ; lorfqu’tlle eft en
vapeurs, elle favorife finguüèrement la produc-
tion de la rouille fur ceux qui en font fufcep-
tibles;on fait, d’après les nouvelles découvertes
de M. Lavoifier , qu’elle oxide avec beaucoup
d’énergie ceux des métaux qui font les plus com-
buffibles , comme le zinc &z le fer , Sc qu’elle fe
dicompofe en oxigène , qui s’unit à ces métaux,
ÔC en hydrogène qui fe dégage uni à une très-
grande quantité de calorique , & conféqiiem-
ment fous la forme de gaz très-léger.
Les mat ères térreüfes ne paroiffent avoir au-
cune aftion fur les fubflances métalliques ; mais
elles s’uniffent avec leurs oxides par ia fu fi on.
On ne connoît pas du tout l’aéiion des ma-
tières faüno-terreufes fur ces fubflances.
Les akedis en diflfolvent quelques-unes, &
n’agiffent que foiblement fur la plupart d’en-
tr’elles. Il paroît que l’eau ou le contâél de l’at-
:
d’Hist. Nat. et de Chimie. 407
mofphère contribuent beaucoup à l’oxidation
de plufieurs métaux opérée à l’aide des alcalis.
Les acides altèrent beaucoup plus ces fubf-
îances& les diffolvent plus ou moins facilement.
L’acide fulfurique produit alors ou du gaz hy-
drogène, ou du gaz fulfureux, fuivant qu’il eft
uni à l’eau ou concentré ; dans le premier cas ,
c’eft l’eau qui fe décompofe,,& qui en donnant
fon oxigène aux métaux produit le gaz hydro-
gène ; dans le fécond, l’acide lpi-même effc dé-
compofé , & fon oxigène propre en fe fixant en
partie dans les fubftances métalliques laiffe le
foufre encore uni à une portion de ce principe,.
& conféquemment dans l’état de gaz acide fuL
fureux. L’acide fulfurique faturé des oxides mé-
talliques dans l’une & l’autre de ces circonf-
tances forme des fulfates appellés autrefois vi-
triols , qui doivent être regardés,, lorfqu’ils font
criftallifés, comme des compofés de quatre corps
favoir des métaux, d’oxigène ,, d’acide, fulfurique
& d’eau. Ces fulfates métalliques font plus ou
moins colorés, criftaIlifab!es,folubles dans l’eau,,
décompofables par la chaleur, par l’air vital dont
ils abforbent l’oxigène , par les alcalis qui fépa»
rent les oxides métalliques , Sec.
L’acide nitrique paroît agir fur les métaux
avec plus de rapidité que l’acide fulfurique, quoi-
C c iv
/
4°S É l É M E N S
qu’il y adhère en général beaucoup moins. Il fo
dégage, pendant. fon aPion fur ces fubftances ,
line grande quantité de gaz nitreux ; le métal fe
trouve plus ou moins oxidé ; il fe précipite, ou
bien il rtfie uni à cet acide. Srahl artribuoit cet
effet au dégagement du phlogiflique des métaux.
Les chimifles modernes penfent aujourd’nui
qu’il c-fl dit à la clécompofuion de l’acide nit ri—
' que & à la féparation d’une partie de i’oxigène
d’avec l’azote, qui forment, comme nous l’a-
vons expofé ailleurs, les deux principes de cet
acide. Les difiolutions métalliques nitriques, ou
les nitrates métalliques, font plus ou moins crif-
îallifables , dccompofables par la chaleur , par
l’air, par l’eau; les matières alca’ines en fépa-
rent les oxides des métaux ; l’acide nitrique a
des attrapions élcPives variées pour les différens
métaux , comme l’acide fulfurique. M. Prouft a
découvert que p udeurs fubflances métalliques
s’enflamment par le contaP de cet acide.
L’acide muriatique agit en général avec peu
d’énergie fur les métaux. L'eau qui lui eft unie
commence par les oxder , & produit le gaz
hydrogène qui fe dégage des difiolutions opé-
rées par cet acide. Ces difiolutions muriatiques
font en général plus permanentes que les deux
précédentes , & prefque toujours plus difficiles
\
d’Hist. Nat. et de Chimie.4 409
à décompofer par la chaleur. Quelquefois elles
fourni ffent des criffaux, louvent elles n’en don-
nent que très-difficilement. L’acide muriatique a
plus d’affinité que les deux précédens avec plu-
lieurs fubffances métalliques, &L décompofe leurs
diffoîutions fulfuriques & nitriques. Les muriates
métalliques ont fouvent de la volatilité.
L’acide muriatique oxigéné oxide la plupart
des métaux avec beaucoup d’énergie , en raifort
de l’excès d’oxlgène qu’il contient & qui lui eft
peu adhérent. Il les diffout fans effcrvefcence S Z
de la même manière que l’eau diffout les fels.
L’acide carbonique attaque foiblement les mé-
taux ; cependant il efl fufceptible de fe combi-
ner à la p'upart, comme l’a démontré Bergman.
La nature préfente fouvent des combinauons de
métaux avec cet acide, &: quelquefois ces ef-
pèces de fe’s font crifta.lifées ; on les conncit
fous le nom de n létaux fpathiques , comme le
fer , le plomb fpathiques ; mais nous les défi-
gnerons comme les’ autres fe’s formés par cet
acide , par les noms de carbonates de ffir, de
plomb , & c.
L’acide fluorique l’acide boracique s’unif-
fent également aux matières métalliques ; mais
ces compofés font en général peu connus.
Parmi toutes les combinaifons des métaux
410 É L É M E N S
avec les acides , les unes font fufceptibles de
criflallifer , d’autres ne prennent aucune forme
régulière. Il en eft que le feu décompofe , &
quelques-unes n’éprouvent aucune altération de
la part de cet agent. La plupart s’altèrent à l’air
dont elles abforbent l’oxigène. Toutes font plus
eu moins folubles dans l’eau , & peuvent être
décompofées par ce fluide en grande quantité ,
ainfi que l’a fait remarquer Macquer ; toutes
font précipitées par l’alumine s la baryte , la ma-
gnéfîe , la chaux & les alcalis , qui ont en gé-
néral plus d’affinité avec les acides, que n’en ont
les oxides métalliques.
Lorfque quelques métaux font employés pour
féparer d’autres métaux de leurs diffolutions ,
les métaux précipités reparoiffent avec leur forme
& leur brillant métallique , parce que l’oxigène
qui leur étoit uni dans l’état de difTolution s’en
fépare & fe reporte fur le métal précipitant
qui fe diffout à fon tour dans l’acide; c’eft: pour
cela que M. Lavoifier regarde avec raifon ces
précipitations des métaux les uns par les au-
tres, comme le produit des attrapions élec-
tives diverfes de l’oxigène pour ces corps com-
buftibles.
Les feîs neutres ne font que peu altérés par
les matières métalliques, tant que l’on opère
d’Hist. Nat. et de Chimie. 411
par la voie humide ; mais (1 l’on chauffe forte-
ment des mélanges de ces tels avec les métaux,
plusieurs d’entr’eux font decompofés. Quelques
fels fulfuriques forment alors du foufre. M. Mon-
net eft le feul chimifte qui ait annoncé cette
décompofition pour l’antimoine. Dans un tra-
vail fuivi fur cet objet , j’ai découvert plufieurs
autres métaux, tels que le fer, le zinc, 6cc. qui
décompofent le fulfate de potaffe, &c.
Le nitre détone avec la plupart des fubftances
métalliques , & il les oxide plus ou moins for-
tement} ce phénomène dépend de ce que l’oxi-
gène a plus d’affinité avec plufieurs de ces fubf*
tances qu’il n’en a avec l’azote. Les métaux ,
oxidés par ce fel , portent le nom d 'oxides mé-
talliques par le nitre. La bafe alcaline de ce fel
aiffout fouvent une partie de ces oxides.
Le muriate ammoniacal eft décompofé par
plufieurs métaux , & par les oxides de prefque
toutes ces fubftances. ilucquet, qui a fait des re-
cherches fuivies fur cet objet, a remarqué que
toutes les fubftances métalliques fur lesquelles
l’acide muriatique a une aflion immédiate , font
fufceptibles dedécompcfer complètement le mu-
riate ammoniacal, qu’il fe dégage du gaz hydro-
gène pendant ces decompcfuicns , Ôc qu’elles
n’ont point également lieu avec celles de ces
ifl* É L E M E N s
fubftances qui ne font point diffolubles par Fa-
ci de muriatique ordinaire. L’ammoniaque, ob-
tenue par ees décompofitions , efl toujours tiès-
cauftique & trèî-pure.
Prefque toutes les matières combuftibles mi-
nérales s’unifient facilement avec les métaux. Le
gaz hydrogène les colore, & il réduit quelques-
uns de leurs oxides, parce qu’il a plus d’affinité
avec l’oxigène que n’en ont la plupart des mé-
taux, comme l’a prouvé M. Prieftley p3r des
expériences fort ingénieufes. Ces rédu&ions des
oxides métalliques par le gaz hydrogène , font
accompagnées de la produ&ion d’une certaine
quantité d’eau, par la combinaifon de l’hydro-
gène avec l’oxigè îe dégagé des métaux.
Le foufre s’unit à la plupart des métaux ; ces
combinaifons forment des efpèces de mines ar-
tificielles ; lorfqu’clles font humc&ées ou expo-
fées à i’air humide, elles fe vhriolifent ou fe chan-
gent peu à peu en fulfates métalliques. Les Cul -
fures alcalins diffiolvent tous les métaux. Le gaz
hydrogène fulfuré les colore & dceompofe leurs
oxides, qu’il fait repaffier à l’état métallique en
abforbant l’oxigène qui leur eft uni.
Les métaux fe combinent plus ou moins faci-
lement entr’eux ; il en réfnlte des alliages dont
les propriétés diverfes les rendent fufceptibles
d’èire employés avec fuccès dans ditFérens arts.
d’Hist Nàt. et de Chimie; 415
VI. Difîinciion méthodique des fubjlances
métalliques.
Les fubftances métalliques étant en affez grand
nombre, il eft nécefiaire d’établir entr’elles un
(ordre qui réunifie celles dont les propriétés font
ifemblables , & fépare celles qui diffèrent les
lunes des autres. La du&iüté fervoit autrefois
ffeule de cara&ère. Les fubflances métalliques, qui
m’en ont point' du tout, ou au moins dans lef-
qjuelles cette propriété efi: très -bornée , ont été
aappellées demi-métaux. Celles , au contraire , qui
font très-duétiles , ont été nommées métaux. Les
ddemi-métaux étoient ou très-caflans , ou fuf-i
cceptibles de s’étendre légèrement fous le marteau;
parmi les métaux, les uns, chauffes avec le con-
(cours de l’air , s’oxident facilement ; d’autres, au
I contraire , traités de même , n’éprouvent aucune
(altération. Les premiers étoient les métaux impar-
I faits ; les féconds, les métaux parfaits. Mais les
moins de demi-métaux & de métaux imparfaits
1 ttenant mamiefiement à des idées alchimiques ë>C
\ fraudes tur ces fubltances , nous croyons devoir
fubftituer d’autres divifions , fondées fur la duc-
£ titilité& furl’attraôion des métaux pour l’oxigène;
< mous partageons les 17 métaux connus en 5 fec-
1 liions : nous n’y rangeons point encore l’uranite 9
mi quelques autres matières métalliques annon-
,
I
41.4 É L E M E N S.
cées nouvellement & dont la découverte n’eft
pas confirmée.
Section ï.
Métaux caffans 6* acidi-
fiables.
Section III.
Métaux demi - duBiles &
oxidables
L’arfenic,
Le tungfiène ,
Le molybdène.
Section II.
Métaux cajfans & non ad
difiables.
Le cobalt ,
Le bifmuth,
Le nickel ,
Le manganèfe ,
L’antimoine.
Le zinc ,
Le mercure.
Section IV.
Métaux duBiles & facile-
ment oxidables .
LJ t •
etam ,
Le plomb.
Le fer ,
Le cuivre.
Section V.*
Métaux très-duBiles & dif-
ficilement oxidables.
L’argent ,
L’or,
Le platine.
f
d’Hist. Nat. et de Chimie; 415
CHAPITRE VL
De l1 Arsenic et de l' a ci d e
A R S E N I QUE (i).
L’arsenic doit être placé au premier rang des
demi-métaux , parce qu’il a beaucoup de rapport
avec les fels. Kunkel le regardoit comme une
eau forte coagulée. Beccher & Stahl l’ont confl-
déré comme une matière faline. Schéele a prouvé
qu’il efl fufeeptible de former un acide particu-
lier. D’un autre côté, Brandt & Macquer ont
démontré que cette fubflance étoit un vrai demi-
métal. L’arfenic , pourvu de toutes fes proprié-
tés, a en effet les caraéfères des matières métal-
liques; il efl: parfaitement opaque, il a la pefan-
teur & le brillant propres à ces fubftances.
L’arfenic fe trouve fouvent natif ; il efl en
mafles noires peu brillantes, très-pefantes; quel-
quefois il a l’éclat métallique , & réfléchit les
couleurs de l’iris. Dans fa caffure, il paroît plus
(t) Nous donnons le nom d 'arjenic à la matière demi-
métallique, connue ordinairement fous celui-ci de rende
d’arfenic. Cette dernière dénomination efl impropre, &
Il «doit être abandonnée. Ce qu’on appelle arfenic blanc efl
JJ 1 l’oxide de ce demi-métal.
i6 Êlémens
brillant, & femble cc i pofé d’un grand nombre
de petites écailles ; lorfque ces écailles font fen-
fibles à l’extérieur des échantillons, on les nomme
alors arfenic tejlacé , ou improprement cobalt tef-
tacé, parce qu’autrefois, comme on ne connoif-
foit point le cara&ère met, lliqne de Farfenic ,
& qu’on retiroir des mines de cobalt une grande
quantité d’oxide d’arfenic, en avoit regardé Far-
fenic tedacé comme une mine de cobalt. L’ar-
fenic vierge ed très-aifé à reconncître lorfqu’il
a l’éclat métallique, qu’il ed en : etites écailles;
mais lorfqu’il ed noir, & que dans fa frafture il
parrît compofé de grains dns & très-ferrés, on
ne peut le didinguer que par fa pefanteur qui
ed très-confidérable , & parce que fi on l’expefe
fur des charbons ardens , il fe diflipe r entier
fous la forme de fumées blanches, qui ont une
forte odeur d’ail. Ce dernier métal fe trouve
abondamment à Saime-Marie-aux- Mines. Il ed
mêlé avec la mine d’argent grife ; on en rencon-
tre anfîi parmi les mines de cobalt en S.;xe , 5c
à Andrarum en Scanie.
La nature cdïe quelquefois l’arfen’c en oxide
blanc, ayant même Fafpeft vitreux, mais le
plus feuvent fous la forme de poudière fuper-
fïcielle,ou mêlée à quslqms terres. Cet oxide
exide auffi à Sainte-Marie-aux-Mines ; on le re-
connaît
J
d’Hist. Nat. et de Chimie. 417
connoît par les fumées blanches & l’odeur d’ail
qu’il exhale lorfqu’on en jette au feu.
L’oxide d’arfenic eft fouvent uni avec le foufre ;
il forme alors l 'orpiment &: le rêaLgar, ou les oxides
d’arfenic fulfurés jaune & rouge. U orpiment natif
eft en maffes plus ou moins groftfes , jaunes,
brillantes & comme talqueufes ; il y en a de plus
ou moins brillant ; fouvent il eft mêlé de ré ai -
gar ; quelquefois il tire fur le verd. Le réalgar
eft d’un rouge plus ou moins vif & tranfparent,
&: fouvent criftallifé en aiguilles biillantes. On
en trouve beaucoup à Quitto & fur le Véfuve ;
ces deux matières ne paroiffent différer que par
le plus ou moins grand degré de feu qui les a
combinées.
Le mifpikel , ou pyrite arfénicale , eft la der-
nière mine d’arfenic. C? métal s’y trouve com-
biné au fer; quelquefois le mifpikel eft crif-
tallifé en prifmes droits quadrangulaires, fou-
vent il n’a point de forme régulière. Cette mine
c-ft de couleur blanche- & chatoyante ; Wallérius
la nomme mine d’arfenic blanche cubique.
O11 trouve encore l’arfenic dans les mines de
cobalt, d'antimoine, d’étain, de fer, de cuivre
& d’argent.
L’arfenic pur, nommé aufti régule cParfenlc , eft
d’une couleur grife noirâtre, réfléchiffant les cou-
leurs de l’iris; il eft très-pefant $£ très- friable.
Tome IL D d
/
4 18 Ê L É M E N S
Expofé au feu dans des vaifleaux fermés, iî
fe fublime fans éprouver de décompofition c’eft:
même une des matières métalliques les plus vo-
latiles. Il eft fufceptible de criftallifer en té-
traèdres réguliers , lorfqu’on le fublime lente-
ment. L’arlenic chauffé avec le contaét de l’air ,
s’cxide très-promptement , & fe difîîpe fous la
forme de fumées blanches , qui répandent une
odeur d’ail très-forte. Lorfque l’arfenic eft rouge,
il brûle avec une flamme bleuâtre. Dans cette
combuftion, il fe combine avec l’oxigène de
l’air vital , forme un compofé connu fous les
noms à’arfenic blanc , de chaux àlarfenic , & que
nous nommons oxide d’arfenic : c’eft en raifon
de ce phénomène , que les mines de cobalt ar-
fenicales fournifltnt dans les fourneaux ou on
les traite une grande quantité de fumées blan-
ches qui fe condenfent dans les cheminées fous
la forme d’une matière blanche , pefante , vitri-
fiée, dépofée couches par couches , que l’on dé-
bite fous le nom très-impropre d’arfenic. C’eft:
un vrai oxide d’arfenic vitreux.
L’oxide d’arfenic diffère effentiellement de
tous les autres oxides métalliques ; il a une fa-
veur très -forte, & même cauftique ; c’eft un
poifon violent. Si on l’expofe au feu dans des
vaifleaux fermés , il fe volatilile à une chaleur
médiocre, en une poudre blanche, criftalline 3
r
b’HisT. Nat. et de Chimie. 419
nommée fleurs d’arfenic ; fi la chaleur eft un peù
plus forte , il fe vitrifie en fe fivblimant , il ert
réfulte un verre très-tranfparent, fufeeptible'dé
fe criftallifer en tétraèdres , dont les angles font
tronqués. Ce verre fe ternit facilement à l’airt
Aucun oxide métallique n’eft vraiment Volatil
par lui - même , & celui d’arfenic prélente feul
cette propriété. Il eft en même tems très-fufiblé
& très-vitrifiable. Beccher attribuoit la pefanîeur
& la volatilité de l’arfenic à un principe particu-
lier, qu’il nommoit terre mercurielle ou arfenicàle $
ôc dont Siahl n’a pas pu démontrer l’exiitence.
L’arfenic, dans l’état métallique, n’agit pas
d’une manière fenfible fur les corps combufti-
bles ; mais l’oxide d’arfenic les altère fenfible®.
ment, & reprend l’éclat métalliaue. Stahl penfé
que dans ce cas le phlogiftique que l’arfenic a
perdu dans la calcination lui eft rendu par le corps
combuftible. Les modernes ont prouvé, au con-
traire, que l’oxide d’arfenic eft un compofé d’ar«
fenic & d’oxigène, & que le corps combuftible,
en enlevant ce dernier avec lequel il a plus
d’affinité que l’arfenic ,fait paffer celui-ci à l’état
métallique. Pour réuffir à réduire l’oxide d’arfe-
nic, on fait une pâte avec cet oxide en poudré
du favon noir ; on met cette pâte dans uri
matras , fur un bain de fable ; on chauffe d’abord
Ddij
.
m.
■
410 É L É M E N S
faiblement pour defiecher l’huile ; Icrfqu’il ne
s’exhale plus de vapeurs humides, on augmente
le feu pour faire fublimêr l’arfenic. On cafle le
inatras,& on trouve à fa partie fupérieure un
pain , ayant l’afpeft oi le .brillant métallique de
l’arfenic ; la plus grande partie du charbon de
l’huile relie au fond du matras,
L’arfenic , expofé à l’air , y noircit fenfible-
jnent; l’oxide d’arfenic vitrifié perd fa tranfpa-
rence , & devient laiteux, en éprouvant une forte
d’cffiorefcence.
L’arfenic ne paroît point être attaqué par
l’eau; mais fon oxide fe diflout trè -bien dans
ce rnenftrue, en quantité un peu plus grande à
chaud qu’à froid ; au refie , la diflolubilité de
cette fubftance varie fuivant qu’elle a été plus
ou moins parfaitement oxidée. L’oxide d’arfenic
fournit, par l’évaporation lente de fa diffolu-
tion, descriflaux jaunâtres en tétraèdres plus ou
moins réguliers ; on ne connoît aucun oxide mé-
tallique qui fe difîolve dans l’eau en auffi grande
quantité; cette propriété, jointe à fa faveur ex-
trême, le rapproche des matières falines.
L’oxide d’arfenic s’unit allez bien aux rerres
par la fufion ; il fe fixe avec elles , &: en accélère
la vitrification ; mais tous les verres dans lefquels
il entre ont l’inconvénient de fe ternir à l’air en
D'Hi5T. Nat. et de Chimie. 419
-peu de temps. On ne connoît pis l’-aâion des
matières fàlino-terreufes fur l’arienic , ni fur f on
oxide. Les alcalis fixes caufiiques,qui n’ont point
une action fenfible fur l’arfenic, difîblvent très-
bien l’oxide de ce demi- métal. Maequer , dans
fon beau travail fur cette matière {Acad. 1746) »
a obfèrvé qu’en faifant bouil ir de l’oxide d’ar-
fenic en poudre dans la liqueur de nitre fixé ,
ou di Ablution de potaffe çauftique , cette fubf-
tarc; s’y diffout complètement , ôc forme un
fluide brun, gélatineux, dont la conf, fiance aug-
mente peu-à-peu. Ce compofé, auquel il a donné
le nom d q feic d\irfcnic , ne criftallife point; il
devient dur &C caffant ; il cft déliquefcent , dif-
foluble dans l’eau, qui en précipite quelques
flocons bruns. Pouffé au grand ftu, le fçie dtar-
Jenic laiffe échapper cette dernière fubffance. Il
cft décompofé par les acides. La fonde préfente
les mêmes phénomènes ; mais fa diffolution a
donné à Maequer des criffaux irréguliers dont
il lui a été impoffible de déterminer la forme.
L’acide fulfurique, même concentré, n’attaque
pasl’arfenic à froid; mais fi en le fait bouillir
avec ce demi -métal dans une cornue, l’acide
donne d’abord beaucoup de gaz fulfureux ; er -
fuite il fè fublime un peu de foufre , & l’arfenic
fe trouve réduit en oxide, mais fans être difTous*
D d ii j
Ê L É M E N S
L’acide fulfiirique concentré & bonifiant diffouî
suffi l’oxide d’arfenic ; mais lorfque la diffolu**
îion eft refroidie , cet oxide fe précipite , &C
l’acide ne paroît plus en retenir. Il acquiert dans
çette combinaifon une fixité afifez confidérable»
Bucquet affiire qu’en le leffivant pour emporter
la portion d’acide qu’il peut retenir, il reprend1
toutes fes qua.'ités.
L’acide nitrique, appliqué à Tarfenic, l’attaque,
avec vivacité & l’oxide ; cet acide diffout auffi
l’oxide d’arfenic en affi z grande quantité, lorf-
qu’il efi aidé d’une douce chaleur. Saturé de l’une
ou de l’autre de ces fubffances , il conferve l’o-
deur qui lui efi: propre ; évaporé fortement , il
forme un fel qui n’a point de forme régulière 5,
fuivant Bucquet , & que M. Baumé dit être en
partie cubique, & en partie taillé en pointes de
diamans. Wallérius dit que fes criflaux font fem-
b, labiés à ceux du nitrate d’argent. Le nitrate d’ar-
fenic attire puiffamment l’humidité de l’air ; il
ne détone pas fur les charbons ; il n’efl: décom-
pofé ni par l’eau, ni par les acides; les alcalis n’y
occafionnent aucun précipité : cependant ils le.
décompofent, fuivant Bucquet, puifqu’en faifant
évaporer une diffolytion nitrique d’arfenic, à la-
quelle on a ajouté une leffive alcaline, on obtient
nitrate ordinaire & de l’arfeniate de pot allé»
d’Hist. Nat. et de Chimie. 4*5
Nous verrons plus bas que tous les chimiftes ,
très- embar rafles fur la nature fingulière des dif-
folurions de l’arfenic & de fon oxide dans les
acides , n’avoient point découvert ce qui pafTe
dans la combinaifon de cet oxide avec l’acide ni-
trique , & n’avoient même pas foupçonné h pro-
dudion de l’acide arfenique. Remarquons feule-
ment ici que l’oxide d’arfenic enlève à l’acidç
nitrique une grande partie de fon oxigène.
L’acide muriatique 3 aidé de l’adion du feu ,
diffout l’arfenic & fon oxide, fuivant . Bucquet.
Cette combinaifon peut être précipitée par les
alcalis fixes & volatil. M. Baume dit que ce mé-
tal fe diffout dans l’acide muriatique bouillant ,
& qu’il s’en précipite enfuite une poudre jaune
comme du foufre. MM. Bayen & Charlard
ont conflaté que l’acide muriatique n’a aucune
adion à froid fur l’arfenic. Ge métal en poudre
jette dans le gaz acide muriatique oxigéné , y
brûle avec une flamme blanche.
On ne connoît pas i’adion des autres acides
fur l’arfenic & fur l’oxide de ce demi-métal. L’ar-
fenic mêlé avec le nitre , & projette dans un creu-
fet rougi au feu, produit une détonation vive
l’acide nitrique calcine , bride le demi métal : on
trouve dans le creufet, après l’opération, l’alcali
fixe qui fervoit de bafe au nitre , & l’ai fenic ré-
Ddiy
M •
ijlji £ L É M E N 5
d ait en oxide combiné en partie avec l’alcali fixe.
Si on mêle partie égale d’oxide d’arfenic &
de nitre, & qu’on mette ce mélange en diftilla-
tion dans une cornue de verre, on obtient un ef-
prit de nitre en vapeurs très-rouges. Cet acide
ne peut fe condenfer qu’autant qu’on met un
peu d’eau dans le ballon , ce qui lui donne une
couleur bleue. Beccher , Stahl & Kunckel ont
décrit cette operation. Macquer, qui l’a répétée
avec foin, ayant examiné le réfidu dont ces chi-
miftes n’avoient pas parlé, a découvert que c’é-
toit un fel neutre particulier auquel il a donné
le nom de fel neutre arfenlcal; il doit être nommé
arfeniate de potafl'e. Ce fel, diffous dans l’eau ôc
évaporé à l’air , donne des criftaux très-réguliers
en prifmes tétraèdres, terminés par des pyra-
mides à quatre faces égales; quelquefois la forme
de ces criflaux varie.
L’arfeniate de potafle expofé au feu fe fond
facilement , refte en fonte tranquille fans s’al-
califer , & fans qu’il fe volatilife aucune portion
d’arfenic ; il n’éprouve pas d’altération fenfible à
l’air. Il e ft beaucoup plus diffoluble dans l’eau que
l’oxide d’arfenic pur, & il fe diffout en plus grande
quantité dans l’eau chaude que dans l’eau froide.
Il ne peut être décompofé par aucun acide
pur, mais i! l’elï par la voie des affinités doubles.
d’Hist. Nat. et de Chimie. 425
Si on mêle à la diffolution de ce fel un peu de
diffolution de Sulfate de fer ou vitriol maniai , il
le fait une double décompofition & une double
combinaifon ; l’acide fulfurique quitte le fer pour,
s’unir à la potaffe , & l’acide arfenique , féparé
de l’alcali, fe combine avec l’oxide du fer. Les
matières combustibles décompofent très - bien
l’arfeniate de potaffe.
L’oxide d’arfenic décotnpofe aufîi le nitrate de
fonde, à l’aide de la difbl'ation , & forme avec
fa bafe de l’arfeniate de foude qui, Suivant Mac-
quer, diffère peu du premier fel à bafe de po-
Jaffe , & qui criffallife abfolument de la même
manière. Cet oxide agit de même fur le nitrate
ammoniacal ; uni avec fa bafe , il conffitue un
arfeniate ammoniacal. On avoit cru que cette
opération demandoit beaucoup de précautions à
caufe de la propriété qu’a le nitrate ammoniacal
de détoner fans addition dans les vaiffeaux clos :
mais M. Pelletier a prouvé qu’on pou voit la
faire fans aucun danger, même à la dofe de plu-
sieurs livres. La découverte du fel neutre arfeni-
cal de Macquer a mis fur la voie de celle de
l’acide arfenique , puifque cet illuffre chimiffe
avoit vu & annoncé que l’oxide d’arfenic fai-
Soit fonêbon d’acide dans ce fel. Mais c’eff à
Schéele, comme nous le dirons plus b:<s, que l’on
/
426 É L É M E N S
doit véritablement la connoiffance exa&e de ces
nouvelles combirraifons.
L’oxide cl’arfenic ne décompofe pas les mu-
riates alcalins. Il ne Jfépare que difficilement
ainfi que l’arfenic lui - même, l’ammoniaque du
muriate ammoniacal.
On n’a point examiné l’aélion des matières
combuftibles minérales fur l’arfenic. L’oxide de
ce demi-métal parcît être fufceptible de fe ré-
duire par le gaz hydrogène , qui a plus d’affinité
que l’arfenic avec l’oxigène , ou la bafe de l’air
vital.
L’oxide d’arfenic fe combine très bien avec le
foufre. Lorfqu’on fait fondre ces deux fubflances,
il en réfulte un corps jaune ou rouge , volatil ,
qui a une faveur moins forte que l’oxide d’arfe-
n‘c pur & qui n’eft plus foluble dans l’eau. Cet
oxide d’arfenic fulfuré jaune a été nommé orpin
ou o' piment factice ; il eft fufceptible de criftalli-
fer en tétraèdres , comme l’oxide d’arfenic vi-
treux; lorfqu’il eff rouge on l’appelle réalgal , rèal-
gar y ri f gai factice ou arjenic rouge. Nous nom-
mons ce ccmpofé oxide d’arfenic fulfuré rouge.
Quelques chimiftes ont cru qu’il ne différoit du
jaune ou de l’orpiment qu’en ce qu’il contenoit
plus de foufre; mais Bucquet a démontré que le
çompofé de foufre & d’oxide d’atfenic efl rouge
c
d’Hist. Nat. et de Chimie; 417
lorfqu’il a été fondu , puifqu’il fuffit d’expofer de
l’orpiment à une chaleur vive pour le faire palier
à l’état de réalgar. Je me fuis convaincu que le
réalgar efl beaucoup moins volatil que l’orpi-
ment, puifqu’il refte au fond des matras où l’on
a fublimé le mélange d’oxide d’arfeniç & de fou-
fre, des lames rouges bourfoufflées , & qui ont
été manifeflement fondues. L’orpiment & le réaf-
gar artificiels ne diffèrent point des naturels. On
les décompofe par la chaux & les alcalis , qui ont
plus d’affinité avec le foufre que n’en a l’oxide
d’arfenic. Cependant cet oxide a, comme les
acides , la propriété de décompofer les fulfures
alcalins.
Toutes les propriétés de l’oxide d’arfenic
annoncent que cette matière métallique &
combufhble, unie à la bafe de l’air vital , a pris
les cara&ères d’une fubflance faline» La théorie
que nous avons expofée en traitant des fels en
général, fe trouve donc confirmée par ces expé-
riences. Macquer, par fes belles découvertes fur
l’arfeniate de potafie, avoir déjà cbfervé, comme
je l’ai dit, que l’oxide d’arfenic faifoit fon&ion
d’acide dans ce fel. Mais il étoit difficile de con-
cevoir pourquoi cet oxide diffous immédiate-
ment dans la potaffe, diffère tant de la même,
çombinaifon faite par la décompofirion du nitre
4 18 Elemens,
à l’aide du même oxide. Schéele, conduit par lâ
découverte de l’acide muriatique oxigéné, a penfé
qu’il arrive quelque chofe de femblable lorfqu’on
didille du nitre avec l’oxide d’arfenic. 11 croyolt
que l’acide nitrique s'emparoit du phlogiftique
encore exidant dans cet oxide, & qu’alors ce
dernier paffoit à l’état d’un acide particulier, que
nous nommons acide arfenique. 11 a préparé l’a-
cide par des procédés analogues à celui par le-
quel il a produit l’acide muriatique oxigéné. L’un
de ces procédés confide à diftiller un mélange
d’acide muriatique oxigéné & d’oxide d’arfenic.
Suivant lui , l’acide muriatique s’empare du phlo-
gifiique de cet oxide, qui pade alors à l’état d’a-
cide. On rendit audi à préparer l’acide arfenique,
en diftillant lur fon oxide Ex parties d’acide ni-
trique. Ce dernier donne beaucoup de gaz ni-
treux, & l’oxide d’arfenic prend les caraétères
d’acide; on le chauffe affez fortement &: affez
long-temps pour dégager tout l’acide nitreux fura-
bondant.
Ce qui fe pade dans ces opérations favorife
beaucoup la do&rine moderne. En effet, d’un
côté, il ed difficile d’accorder, fuivant la théorie
de Stahl, l’exifience du phlogiftique dans l’oxide
d’arfenic, &: de l’autre, rien n’eft d facile à con-
cevoir, d’après la nouvelle doctrine , que le paf-
d’I-Iist. Nat. et de Chimie. 419
fage de cet oxide à l’état d’acide , par l’aélion de
l’efprit de nitre ou de l’acide muriatique oxigéné.
L’oxide d’arfenic paroît avoir une grande affinité
avec l’oxigène dont il n’efl pas fa tu ré ; lorfqu’on
le dirtille avec l’acide nitrique ou avec l’acide
muriatique oxigéné, il s’empare de l’oxigène qui
entre comme principe dans l’un l’autre de ces
acides. Plus il contient d’cxigène, plus il fe rap-
proche des fubilances falines , & lorfqu’il en eil
entièrement faturé, il prend tous les caraélères
des acides, qui , comme nous l’avons démontré ,
ne font que des matières combuilibles combinées
avec l’oxigène , auquel elles doivent toutes leurs
propriétés falines. On conçoit très-bien , d’après
cette théorie , pourquoi l’oxide d’arfenic non
faturé d’oxigène , & tel qu’il eil par la ilmple
oxidation au feu, ne forme point d’arfeniate de
potaffe , & pourquoi il ne peut conflituer ce fel
qu’après avoir été préalablement Traité par les
acides qu’il déccmpofe,' & auxquels il enlève
l’oxigène à l’aide de la chaleur.
L’acide arfeniique diffère beaucoup de l’oxide
d’arfenic ordinaire. Sa faveur eil plus forte. Il eil
fixe au feu, & l’on fe fert de ce procédé pour
féparer exactement cet acide de la portion d’oxide
d’arfemc qu’il peut contenir. C’eiî fans doute en
paffant à l’état d’acide que i’oxide d’arfenic prend
I
43'1® Ë l è m e N s
de la fixité , lorfqu’on l’unit avec l’acide fuîfuri*
que. Cet acide efi fufceptible de fe fondre en un
verre tranfparent; il entraîne dans fa fufion les
matières terreufes ; il paroît même fufceptible dé
ronger le verre, 11 rougit foiblement les couleurs
bleues végétales. J’ai obfervé que par l’expofition
à l’air, il perd fa tranfparence, fe délite &: s’é-
caille en fragmens fouvent pentagones , & attire
peu à peu l’humidité. Il fe diffout dans deux par-
ties d'eau. Il fe combine facilement avec la chaux *
plus difficilement avec la baryte & la magnéfie.
Lorfqu'on l’unit avec les alcalis, il forme des fels
neutres, que la chaux décompofe, fuivant Berg-
man. La baryte &. la magnéfie paroifi'ent avoir
auffi p'us d’affinité avec cet acide que n’en ont les
alcalis , d’après le même chimifte. Il y a encore
une grande quantité d’expériences à faire pour
connoître toutes les propriétés de l’acide arfeni-
que, M. Pelletier a préparé cet acide en décom-
polant le nitrate ammoniacal p2r l’oxide d’arfe-
nic : Parfeniate ammoniacal qui en réfulte laiffô
dégager l’ammoniaque par la chaleur, & en con-
tinuant l’a&ion du feu fur cette fubftance, l’acide
arfenique refie feul & pur au fond de la cornue*'
Bergman remarque que la pefanteur fpécifi-
que de l’arfenic varie beaucoup depuis fon état
métallique jufqu’à fon état d’acide. Voici celles
d’Hist. Nat. et de Chimie. 431
qu’il lui attribue dans fes différentes modifica*
lions. Arfenic en régule , §,308. — Oxide d’arfe-
nic vitreux, 5,000. — Oxide d’arfenic blanc,
3,706. — Acide arfenique, 3,391.
L’arfenic eft employé dans plufieurs arts , &
notamment dans la teinture. On fe fert aufTi de
l’arfeniate de potaffe, & M. Beaumé en a préparé
pendant long-temps pour l’ufage des arts.
La facilité qu’a l’oxide d’arfenic de fe diffou-
dre dans l’eau & dans tous les fluides aqueux 9
fait qu’il peut devenir un poifon très- dangereux.
On cor.noît qu’une perfonn&a été empoifonnée
par cette fubftance aux fymptômes fuivans. La
bouche eft fèche, les dents agacées, le gofier
ferré: on éprouve un crachottement involontaire,
une douleur vive à l’eftomae, une grande foif ,
des naufées , des vomiffemens de matières glai^-
reufes , fanguinolentes ; des coliques très-vives,
accompagnées de fueurs froides, des convul-
fions. Ces fymptômes font bientôt fuivis de la
mort; on s’affure que l’oxide d’arfenic en eft la
caufe, en examinant les alimens fufpeèfs. La pré-
fênce de ce poifon s’y manifefte , lorfqu’ea jet—
tant fur des charbons une portion de ces alimens
defféchés , il s’en élève une fumée blanche d’une
î forte odeur d’ail.
On avoit coutume de donner aux perfonnes
çmpoifonnées par l’oxide d’arfenic, des boiffons
43 1 Elèmens
nuicilag’neuies ou du lait, ou des huiles douces
en grandes dofes , dans le deffein de relâcher
les vifcères agacés , de diffoudre 8c d’emporter
la plus grande partie du poifon arfenical. Na-
vier, médecin de Châlons , qui s’eft occupé de
la recherche des contre-poifons de l’oxide d’ar-
fenic , a trouvé une matière qui fe combine
avec cette fubftance par la voie humide , la
fature 8c détruit la plus grande partie de fa
caufficiîé. Cette fubftance eh: le fulfure calcaire
ou alcalin , 8c mieux encore le même fulfure
qui tient en dilïolution un peu de fer. La difîb-
lution d’oxide d’arfenic décompofe les fulfures
fans exhaler aucune odeur ; cet oxide fe com-
bine au foufre avec lequel il fait de l’orpiment,
& il s’unit en même temps au fer fi le fulfure
en contient. Navier prefcrit un gros de foie de
foufre dans une pinte d’eau , qu’il fait prendre
par verrées : on peut également donner cinq à
fix grains de fulfure de potaffefec en pillules, 8c
par-deffus chaque pillule un verre d’eau chaude.
Lorfque les premiers fymptômes font diflîpés ,
il confeille l’ufage des eaux minérales fulfi-
reufes. L’expérience lui a fait connoître qu’elles .g
font très-propres à détruire les tremblemens 8c
les paralyfies qui fui vent ordinairement l’effet
de l’oxide d’arfenic , 8c qui mènent à la phthifie
& ï la mort, Nayisr approuve auffi l’ufage du
lait *
d?Hist. Nat. et de fcmMiE. 433
îgît , parce que cette fubflance diffout l’oxide
d’arfenic aufti bien que le fait l’eau } mais il con»
damne les huiles, qui ne peuvent le diffoudre.
CHAPITRE VIL
Du Molybdène & de l'acide Molybdique.
^îous donnons le nom de molybdène, à un nou-
veau métal caftant découvert par M. Hielm , re-
tiré de la fubflance minérale connue fous ce
même nom. Cette fubftance ne doit point être
confondue avec la mine de plomb ordinaire , plom-
bagine ou crayon noir dont on fe fert pour def»
fmer , & qui porte aujourd’hui le nom particu-
lier de carbure de fer. Cette confufion a certaine-
ment apporté quelque différence dans les tra-
vaux des chimiftes qui ont examiné cette fubf-
tance depuis Pott jufqu’à Schéele. 11 faut obfer-
ver que le carbure de fer ou plombagine étant
beaucoup plus commun que le molybdène, dont
on ne trouve encore que très-peu d'échantillon*
dans les cabinets d’hifloire naturelle , c’efl pref-
que toujours fur la première que les chimiftes
ont travaillé , fi l’on en excepte MM. Quift &:
Schéele.
La vraie mine de molybdène eft difficile à
Tome IL E e
N
424 £ L É M E K S
difringuer du carbure de fer par les caraâèrcs
extérieurs ; cependant le molybdène efl un peu
moins gras autoucher; il efl formé de lames écaiî-
leufes hexagones plus ou moins grandes , très-
peu adhérentes les unes aux autres ; il tache les
doigts & laide fur le papier des traces bleuâtres
ou d’un gris argentin ; lorfqu’on le réduit en
poudre , ce qui efl difficile à caufe de l’élaflicité
de fes lames , fa pouffière efl bleuâtre ; on le
coupe facilement avec le couteau ; il ne fe brife
point & n’a point le tiflu grenu comme le car-
bure de fer. Pour pulvérifer la mine de molyb-
dène , il faut , d’après le procédé de Schéele ,
jetter dans le mortier un peu de fulfate de po-
tafle; on lave enfuite la poudre avec de l’eau
chaude qui emporte le fel , cette mine relie
pure. L’analyfe de cette mine faite par différens
moyens prouve que c’eft un compofé de fou-
fre & du métal que nous examinons , mais
celui-ci efl très -difficile à obtenir. L’illuflre
.Schéele n’a pas pu réduire fon oxide en métal
ni avec le flux noir & le charbon, ni avec le
borax & le meme corps combuflible , ni avec
l’huile. Bergman dit que M. Hielm a été plus
heureux , & qu’il efl parvenu à obtenir alîèz de
ce demi-métal peur en faire connoîrre les pro-
priétés ; mais depuis cette note de Bergman *
M, Hielm n’a rien publié fur cette matière.
S
:
d{Hijt. Hat. eî be Chimie, 43 y
U. Pelletier, dans Tes expériences fur la ré-
duction de l’oxide 8c de l’acide moîybdique, n’a
jamais obtenu un culot de molybdène , mais
une matière agglutinée, noirâtre, friable > ayant
le brillant métallique ; on y voyoit à la loupe
des petits grains ronds , brillans & gris que M..
Pelletier regarde comme le métal, ou le molyb-
dène pur. Le manganèfe n’a de même été encore
obtenu que fous la forme de grenailles. Voici,
d’après les efîais faits fur ce demi - métal , les
propriétés qu’on y a reconnues. Le molybdène
eft gris, formé de petits grains agglutinés , caf-
fans, d’une extrême infufibilité. Chauffé avec le
contact de l’air, il fe change en un oxide blanc,
volatil , & qui fe criffallife par la fublimation
en prifmes aiguillés & brillans, comme celui de
l’antimoine. Cet oxide furchargé d’oxigène de»
vient acide, c’eft le produit falin qu’on con-
noît le mieux d’après les recherches de Schéele*
L’acide nitrique brûle facilement le molybdène
8c le convertit en un oxide blanc , & même en
acide molybdique. L’oxide de molybdène de-
vient bleu brillant en repaiTant à l’état métal-
lique. Les alcalis , aidés par l’aélion de l’eau a
oxident & diffolvent ce demi-métal ; il eft fuf-
ceptibîe de s’allier avec le plomb, le cuivre* le
fer, l’argent, & il forme des alliages grenus*
grisâtres , très-friables. Enfin , uni au foufre , il
Ecij
43 6 E L É M E N s
contiens le fulfure de molybdène , & ce com-
pofé eft tout-à-fait femblable à la mine de ce
métal , connue improprement fous le nom do
Molybdène. & de Potelot. Comme c’efl cette der-
nière mine qui a été le fujet des expériences de
Schéele , & comme c’eil avec ce minéral beau-
coup plus connu que le métal qu’il contient,
que ce chimifle a préparé l’acide molybdique ,
nous allons en examiner les propriétés plus en
détail.
Le potelot ou fulfure de molybdène natif ex-
pofé au feu dans un vailTeau ouvert exhale du
foufre & s’évapore prefque tout entier en fumée
blanche. Traité an chalumeau dans la cuiller, il
donne la môme fumée, qui fe condenfe en lames
criftallines jaunâtres, & qui prend une couleur
bleue par le contact des corps combiiftibles.
M. Pelïètier ayant calciné du fulfure de molyb-
dène dans un creufet recouvert d’un autre creu-
fet a obtenu des criftaux aiguillés , blancs ôc
brillans, femblables à ce qu’on appelloit fleurs
argentines d'antimoine. Cet oxide de molybdène
fublimé a déjà les caractères d’acide ; mais ce
procédé feroit trop long & trop difpendieux
pour la préparation de l’acide molybdique.
Les terres falines & les alcalis fixes , fondus
avec le fulfure de molybdène , en diffolvent le
foufre & le métal.
I
d’Hist. Nat. et de Chimie; 43?
Quelques acides font éprouver des altérations
remarquables à cette mine.
L’acide fulfurique concentré en oxide le mé-
tal , & s’exhale en acide fulfureux à l’aide de
l’ébullition.
L’acide muriatique n!'a nulle a&ion fur ce
minéral.
L’acide arfenique, traité par la diftillation avec
le fulfure de molybdène, cède fon oxigène à
line partie du foufre qui devient acide fulfureux ,
fe volatilife en orpiment avec une partie dvt
même foufre, change une portion de molybdène
en acide molybdique, & en laide la plus grande
partie dans l’état métallique. M. Pelletier con-
clut de cette expérience , que le molybdène eft
à l’état métallique dans fa mine.
En diflillant 30 onces d’acide nitrique étendu
d’eau fur une once de molybdène en 5 reprifes ,
c’eft-à-dire, 6 onces de cet acide à la fois , il fe
dégage une grande quantité de gaz nitreux , &
il refte dans la cornue une poudre blanche qu’il
faut laver avec fuffifante quantité d’eau didilléa
froide pour emporter l’acide étranger foîuble à
cette température ; il refte après cette édulcora-
tion fix gros & demi d’acide molybdique pur.
Schéele , à qui eft due cette découverte , penfe
que l’acide nitrique s’empare du phlogidique 9
L e u)
>
^3'3 E L i. M Ë N s
& s’échappe en vapeurs rouges ; il brûle aufîi îe
fonfre qui fe trouve clans le molybdène ; ot voilà
pourquoi l’eau qu’on emploie peur laver l’acide
du molybdène contient de l’acide fulfurique
qu’on obtient concentré par l’évaporation , &C
qui retient un peu de molybdène en diffolution;
cette fubfhmce donne à la liqueur évaporée une
couleur bleue allez brillante. Nous penfons que
dans cette opération, ainli que dans toutes celles
oii l’acide nitrique, diftiilé fur quelque fubfiance
que ce loir 3 la réduit en état d’acide, le premier
efl décompofc , & que c’efc à la féparation de
l’oxigène de l’acide nitrique & à fa fixation dans
le molybdène que font dus le dégagement du
gaz nitreux & la formation des acides fulfurique
6c moîybdique.
L’acide moîybdique , obtenu par le procédé
que nous venons de décrire, efl fous la forme
d’une poudre blanche , d'une faveur légèrement
acide & métallique. Chauffé dans la cuiller au
chalumeau , ou dans un creufet avec le contaél
de l’air, il fç volatilife en une fumée blanche ,
qui fe condenfe en criilaux aiguillés, & il fe fond
en partie fur lçs parois du creufet. Malgré l’édul-
coration il retient une portion d’acide fulfureux
que la chaleur forte en dégage complètement.
Cet acide fe difTopt dans l’eau bouillante j
:
b’Hist. Nat. et de Chimie. 439.
Schéele en a diffous un fcrupule dans 20 onces
d’eau. Cette diffolution a une faveur finguüère-
ment acide Si prefqué inétallique ; elle rougit la
teinture de tournefol, décompofe la diffolution
de favon, 8i précipite les fulfures alcalins ou
foies de foufre ; elle devient bleue Si prend de la
confiflance par le froid.
L’acide molybdique fe difTout en grande quan-
tité dans l’acide fulfurique concentré à l’aide
de la chaleur ; cétte diflolution prend une belle
couleur bleue. Si s’épaifîit par le refroidiffement;
on fait difparoître ces deux phénomènes en la
chauffant , Si ils reparoiffent à mefure que la
liqueur refroidit; fi l’on chauffe fortement cette
combinaifon dans une cornue, l’acide fulfurique
fe volatilife, Si l’acide molybdique refie fec au
fond de ce vaiffeau.
L’acide nitrique n’a nulle a£lion fur l’acide
molybdique. ,
L’acide muriatique ordinaire en diffout une
grande quantité; cette diffolution donne une ré-
fidu bleu foncé , lorfqu’on la diflille à ficcité ;
en pouffant le feu, ce réfidu donne un fublimé
blanc Si un autre bleuâtre; ce qui refie dans la
cornue eft gris ; le fublimé eft déliquefcent Si
colore les métaux en bleu; l’acide muriatique
paffe oxigéné dans le récipient. Il eft facile de
concevoir que dans cette opération l'acide mu-
E e iv
440 E L E M E N 5
riatîque enlève une portion d’oxigcne à l'acide
molybdique , & qu’une portion de cet acide
paffe à l’état de molybdène.
L’acide molybdique décompofe, à l’aide de[la
chaleur, les nitrates & les muriates alcalins, en
dégageant leurs acides , & il forme avec leurs
bafes des feîs neutres dont Schéele n’a point exa-
miné toutes les propriétés. Cet acide dégage aufli
l’acide carbonique des trois alcalis,& forme des
feîs neutres avec leurs bafes.
Quoique Schéele n’ait point fait connoître
tontes les propriétés de ces fels neutres , que
nous défignerons par les noms de molybdates de.
potaffe , de foudc y d' ammoniaque , &c. il en a ce-
pendant indiqué trois qwi fuffifent pour caraélé-
nfer leur état de ncutralifation. 11 a reconnu ,
i°. que l’alcali fixe rendoit l’acide molyb-
dique plus foluble dans l’eau ; 2°. que ce fel
empêchoit l’acide molybdique de fe volatiüfer
par la chaleur ; 30. que le molybdate de potaffe
fe précipitoit par le refroidiffement en petits
criflaux grenus ; & qu’on pouvoit le féparer aufîi
de fcn diffolvant par les acides fulfurique 6c
muriatique.
L’acide molybdique décompofe le nitrate &
le muriate barytiques. Le molybdate barytique
formé dans ces opérations eft difToluble dans
3’eau,
d’Hist. Nat. et de Chimie. 44T
L’acide molybdique paroît décompofer en
partie le fulfate de potaffe par une forte chaleur.
L’acide molybdique diffout plufieurs métaux,
& prend une couleur bleue , à mefure qu’il
leur abandonne une portion de fon oxigène.
Il précipite plufieurs ditTolutions métalliques ,
&c. M.Klaprot l’a trouvé combiné avec le plomb
dans une mine de plomb fpathique jaune.
CHAPITRE VII.
Du Tungjlène & de l'acide TunJUque .
j A • • ... (
L E minéral nommé tungfléne par les Suédois ,
appellé pierre pejanie , lapis ponderofus , par plu-
fieurs naturalifies , & en particulier par Bergman
dans fa Sciagraphie, a été regardé par Cronftedt
comme une efpèce de mine de fer, & défigné
par lui fous cette phrafe : ferrum calciforme terra,
quadam irreognitâ intime mixtum. La plupart des
naturalifies allemands le rangeoient parmi les
mines d’étain , fous le nom de enflai d'étain blanc
ou de iinn-fpath ; dans prefque tous les cabinets
d hifioire naturelle on le préfentoit comme apr
partenant à ce métal.
On ne setoit point occupé de Panalyfe exafte
de ce minerai avant Scheele, Ce chimifie ayaat
441 E L É M E N 5
examiné cetre prétendue mine d’étain , cécou-
vrit par fes expériences qu’elle étoit compofce
d’un acide particulier uni à la chaux; Bergman,
faifant de fon côté des recherches fuivies fur
cette matière , trouva les mêmes réfultats. Cette
découverte eft de iySi. Les deux chimifles fué-
dois ont penfé, d’après l’examen des propriétés
de ce minéral, que l’acide qu’il contenoit étoit
métallique.
Depuis cette époque , MM. d’Elhuyar , de la
fociété royale Batqugife , M. Angulo , de l’aca-
démie de Walladoiid , Sc M. Crell , ont répété
les expériences des c invites fuédois 5 Sc en ont-
confirmé les réfultats» D’après la définition que
nous venons de donner de ce fel naturel Sc de
fon acide, nous ferons obferver que ce que les
Suédois ont appelé tungjlène , eft un fel formé
par l’acide tunfiique Sc par la chaux : nous adop-
tons ce nom de îungftène pour le demi-métal
qui paroît être la bafe de cet acide , Sc nous ap-
pellerons cette efpèce de mine tunjlate de chaux
natif.
MM. d’Elhuyar , de la fociété Bafquaife , ont
découvert que le wolfram , qu’on regardoit au-
trefois comme une mine de fer pauvre , efl une
combinaifon de cet acide îiinflique avec le man-
ganèfe Sc le fer. Ils ont obtenu un régule parti-
culier de ce minéral. Le wolfram qu’ils ont ana-
d’Hist. Nat. et de Chimie. 44*
lyfé venoit de la mine d’étain de Zinwalde. Il eff
en maffes ou en prifmes hexaèdres comprimés ;
11 a le brillant métallique, la caffure feuilletee ,
&C fe laiffe entamer au couteau. Il contient par
quintal iz parties d’oxide noir de manganèfe ,
12 d’oxide de fer , 64 d’acide tunftique & 2 de
quartz. Le tunftate de chaux natif de Schlecken-
walde , en Bohème , contient fuivanî eux 68 liv.
d’acide tunftique , & 30 de chaux.
V oilà deux mines connues du demi - métal
nouveau que nous nommons tungjlhne. MM. d’El-
huyar ont fondu une partie de wolfram avec 4
parties de carbonate de potaiTe -, ils ont leftivé
ce mélange ; l’eau a diflous le tunftate de po-
taiTe, d’où ils ont précipité l’acide tunftique en
poudre jaune par l’acide nitrique. Ce précipité ,
pouffé au feu avec du charbon dans un creufet ,
leur a donné un bouton métallique compofé de
beaucoup de petits globules friables. Voici les
propriétés qu’ils ont reconnues dans le nouveau
demi-métal. Une pefanteur fpécifîque , confidé-
rable, mais jamais au-deffus de 17,9; une infu-
fîbilité très-grande & qui parcît même excéder
celle du manganèfe ; une indiffolulité dans les 3
acides les plus forts , & même dans l’acide nitro-
muriatique^ une union facile avec quelques mé-
taux , & en particulier avec le fer & l’argent
444 É L É M E N s
dont il change finguliérement les propriétés ; une
oxidation affez facile , un oxide jaune qui de-
vient bleu par la chaleur , qui eft indiffoluble
dans les acides & foluble dans les alcalis , qui
refie fufpendu dans l’eau ou on le triture &
imite une émulfion. Quoique quelques-uns de
ces caraélères foient analogues à ceux du molyb-
dène, ainfi que Bergman & Schéele l’avoient déjà
entrevu dans l’acide molybdique, leur enfemble
fuffit cependant pour regarder le tungflène
comme un métal particulier. Mais il manque
encore beaucoup d’expériences pour en con-
noître avec exaélitude toutes les propriétés.
Les chimiftes qui fe font occupés de cet objet
ont fait beaucoup plus de recherches fur le tunf-
tate de chaux natif , que fur le métal qu’en
ont retiré MM. d’ELhuyar : pour faire connoître
l’enfemble de leurs découvertes fur ce minéral ,
il efl néceffaire que nous infiflions quelque temps
fur ces propriétés.
Le tunflate de chaux patif a été affez rare juf-
qu’aéluellement ; on en trouve dans les mines de
fer de Bitzberg, dans celles d’étain de Schleckenr-
walde en Bohême ; & la plupart des criffaux d’é-
tain blanc de Sauberg, près d’Ehrenfrienderfdorf,
font du tunflate de chaux ; ainfi en effayant les
criffaux d’étain blanc confervés dans les cabi-
d’Hist. Nat. et de Chimie: 445
nets, par les moyens que nous indiquerons, on
pourra en reconnoître quelques échantillons dont
on ne foupçonnoit pas la nature.
Le tunftate de chaux n’éprouve point d’altéra-
tion fenfible par la chaleur ; il décrépite & fe ré-
duit en pouffière par l’a&lon du chalumeau, mais
il ne fe fond pas. La flamme bleue le colore légè-
rement , & le nitre lui enlève cette couleur.
L’eau bouillante n’a nulle aélion fur ce fel mé-
tallique en poudre , & il eft parfaitement infolu-
bîe. On n’a point examiné l’a&ion de l’air, des
terres , des fubftances falino-terreufes ôc des alca*
lis cauftiques fur certe fubftance.
L’acide fulfurique chauffé & diûillé fur le
tunftate de chaux natif paffe fans altération ; le
réfidu prend une couleur bleuâtre ; lefîivé avec
de l’eau bouillante , on en retire un peu de fub»
fate calcaire ; ce qui prouve que cette fubflance
contient de la chaux , & que l’acide fulfurique ••
n’en décompofe qu’une très-petite partie.
L’acide nitrique foible agit fur ce fel à l’aide
de la chaleur , mais fans effervefcence fenfible.
Cet acide lui donne une couleur jaune, ce qui
le diftingue d’avec la vraie mine d’étain , & il
le décompofe en lui enlevant la chaux ; il faut
environ douze parties d’acide nitrique dans l’é-
tat d’eau-forte ordinaire pour décompofer en-
44^ ' É L É M E N S
tièrement une partie de tunftate calcaire. Schéele
a fait cette opération en pîufieurs reprifes ; après
l’attion de trois parties d’acide nitrique foible
fur une partie de ce fel neutre, il verfe deux
parties d’ammoniaque cauftique ; la poudre que
l’acide nitrique change en jaune devient blanche
par l’alcali ; il répète Paétion fucceffive de l’a-
cide & de l’alcali , jufqu’à ce que le tunftate cal-
caire foit tout-à fait diffous. De quatre fcru-
pules traités par ce procédé, il a eu trois grains1
de rélidu qui lui a paru être de la filice. En pré-
cipitant l’acide nitrique employé pour cette
opération par du pruffiate de potaffe, 6c enfuite
par la potaffe, il a obtenu deux grains de pFuf-
fiate de fer ou bleu de Pruffe., 6c cinquante-trois
grains de craie; l’ammoniaque unie à l’acide ni-
trique lui a donné un précipité acide. Dans cette
expérience, l’acide nitrique décompofe le tunf-
,.tate calcaire en s’emparant de la chaux , 8c l’a-
cide tunftique , mis à nud par cette décompofi-
tion , eft enlevé par l’ammoniaque. Le fel ammo-
niacal formé par cette dernière diffolution , eft
décompofé par l’acide nitrique qui a plus d’affi-
nité avec l’ammoniaque , que celle - ci n’en a
avec l’acide tunftique ; comme ce dernier acide
gft beaucoup moins foluble que le tunftate am-
moniacal , il fe précipite à mefure qu’il devient
d’Hist. Nat. et de Chimie. 447/
libre fous la forme d’une poudre blanche ; en
leffive cette poudre avec de l’eau diffillée froide
pour avoir l’acide tunflique bien pur.
On peut encore obtenir cet acide par un autre
procédé que Schéele a employé avec un égal
fuccès. On fait fondre, dans un creufet de fer,
une partie de tunffate calcaire natif en poudre ,
avec quatre parties de carbonate de potaffe ; oti
leffive cette maffe avec douze parties d’eau bouil-
lante ; & on y verfe de l’acide nitrique jufqu’à,
ce qu’il n’y ait plus d’effervefcence ; on la fond
une fécondé fois avec quatre patties de carbo-
nate de potafle ; on la leffive avec i’eàu, & on
la traite par l’acide nitrique , jufqu’à la ceffation
de l’effiervefcence ; alors il ne reffie qu’un peu
de filice , & tout le fel tunftique eff décompofé.
En effet, pendant la fufiûn , la potaffe fe porte
fur l’acide tunffique avec lequel elle forme un
fel neutre particulier , tandis que l’aride carbo-
nique s’unit à la chaux qu’il change en craie.
Lorfqu’on leffive la maffe fondue , l’eau diffout
le tunffate de potaffe , qui eff beaucoup plus fo«
lubie que la craie , & celle-ci reffe feule ; l’acide
nitrique qu’on emploie après l’eau diffout la
craie avec effervefcence fans toucher à la portion
de tunffate calcaire que les quatre premières par-
ties d’alcali n’ont pas décompofée. A la fécondé
opr ation , le fel étant complètement décompofé
448 ÉLÉ ME NS
par les quatre autres parties de carbonate de
potafle , l’acide nitrique enlève toute la craie ;
de forte qu’à l’aide de huit parties d’alcali fixe &C
d’une petite quantité d’eau forte employée fuc-
cefiîvement , on a tout-à-fait féparé les principes
du tunfiate calcaire ; fon acids eft uni avec la
potaffe & fa chaux combinée avec l’acide nitri-
que ; en précipitant le nitrate calcaire par la po-
taffe, on connoît la quantité de chaux contenue
dans le tunflate calcaire employé ; il ne s’agit
plus enfuite que de féparer l’acide tunftique uni
à l’alcali fixe. Pour cela , on fe fert du procédé
qui a été décrit dans la première expérience. On
verfe dans la lelfive du mélange fondu du runf-
tate de chaux avec le carbonate de potafle , une
fuffifante quantité d’acide nitrique ; cette lefiive
fe trouble & s’épaiffit , parce que l’acide nitrique
ayant plus d’affinité avec l’alcali fixe que n’en a
l’acide tunflique , celui-ci fe précipite en poudre,
& la liqueur tient du mitre en difiblution. On
lave le précipité avec de l’eau froide , & l’on a
i —
l’acide tunflique pur fous la forme d’une poudre
blanche comme dans la première opération ; ce
procédé doit même être préféré comme moins
difpendieux & plus facile.
L’acide muriatique agit fur le tunffiite calcaire
de la meme manière que l’acide nitrique; il le
décompose
d’Hist. Nat. et de Chimie. 449
décompofé avec la même énergie ; et comme il
lui donne une couleur plus jaune , Bergman le
recommande pour effayer & pour reconnoître ce
fel terreux.
L’acide tunfliqne , obtenu par l’un tHi l’autre
de ces trois protédés , eu , comme nous l’avons
dit, fous la forme d'une poudre blanche. Au
chalumeau, il devient .fauve , brun &r noir fans
fe fondre ni fe volatiÜfcT. Il fe diffiou.t dans 20
parties d’eau bouillante ^ cette diffoluîion a une
faveur acide, 8t rougit la teinture de tournefoî.
L’acide lundi que paroit former avec la baryte
un fel abfolument infoluble dans l’eau, avec la
jnagnéfie un autre fel difficilement foluble.
Lorfqu’on verfe fa diffiolution dans de l’eau de
chaux , elle y opéré un peu de précipité qui
augmente beaucoup par la chaleur , &qui efl du
tundace calcaire régénéré , fui vant Schéele.
L’acide tundique faturé de potafle donne un
fel qui fe précipite en très-petits cridaux , Ô£
dont la forme n’a point etc déterminée. Schéele
n’a point parlé de fa corn binai fon avec h foude.
Il formé , fuivantlui , avec l’ammoniaque, un fel
figuré en très-petites aiguilles ; ce tunftate am-
moniacal , expoféaufeu dans une cornue, laide
aller l’ammoniaque , & l’acide tundique rede en
poudre sèche &t jaunâtre ; le même fel decom-
Tomc 11% F f
4^0 E L É M E N S
pofe le nitrate calcaire & reforme du tunftate de
chaux.
L’acide tunftique chauffé avec de l’acide fui-
furique prend une couleu bleuâtre; avec l’acide
nitrique &i l’acide muriatique , il devient jaune
citron; il précipite en verd le fulfure alcalin ou
foie de foufre. Sellée1 e n’a point déterminé à
quelle caufe font dus ces changemens de couleur.
Ce chimifle ayant obfervé que l’acide tunûi-
que le colore facilement par les corps combufti-
i •
bies, & colore lui-même en bleu les flux vitreux
comme le borax, fkc, a chauffé dans un creufet
cet acide avec de l’huile de iin ; mais il n’en a
point obtenu de métal , & l’acide n’a été que
noirci. Bergman penfoit cependant, & avec rai-
jfon , d’après la pefanteur confidérable de cet
acide , fa coloration par les corps inflammables ,
6c la précipitation par le pruffiate de potaffe ou
l’alcali prufîien, qu’il étoit d’origine métallique.
Nous avons dit par quel procédé MM. d’El-
hy?.r font parvenus à réduire en globules mé-
talliques l’oxide tunfïique retiré du wolfram , &:
la nature métallique de cet acide n’eft plus un
problème.
d’Hist. Nat. et de Chimie, 454*
CHAPITRE IX.
Du Cobalt.
T cobalt ou cobolt efi un métal cafiant d’une
couleur blanche , tirant un peu fur le rouge,
d’un grain fin & ferré , qui efi très-caflant 6c qui
fe réduit facilement en poudre par l’aûion du
pilon. Pefé à la balance hydrofiatique , il perd
environ un huitième de fon poids. Sa pefan-
teur fpécifique efi d’environ 7,700 , fuivant
Bergman. Il efl fufceptibîe de fe criftallifer en
faifceaux d’aiguilles couchées les unes fur les
; autres.
Le cobalt n’a jamais été trouvé pur &: natif
«dans la nature, il efi; prefque toujours calciné 6c
luni avec l’arfenic ou fon acide , le foufre, le
fer,&c. Voici les principales fortes de mines
<de cobalt difiinguées d’après leurs combinaifons,1
jpar Bergman & JVLMongez.
i°. Cobalt natif uni à l’arfenic. Cette mine efi:
folicle , grife, pefante, peu brillante 6c grenue
«dans fa cafîure } elle fait feu avec le briquet, 6c
'noircit au feu. L’acide nitrique la difibut avec
i leffervefcence ; elle donne une encre de fym-
: ] pathie par l’acide muriatique.
Ffij
45 1 ÉlêmeNs
2°. Cobalt en oxide. Cette mine , qui paroît
être du cobalt oxidé par les acides , eft ordinai-
rement grife noirâtre , & quelquefois femblable
à du noir de fumée , fouvent friable & pulvé-
rulente. Elle falit les doigts ;vcelle qui eft corn pade
préfente des taches rofées dans fa cafture ; elle
»
reflemble quelquefois à des fcories de verre , ce
qui Ta fait appelîer mine de cobalt vitreufe par
quelques naturalises. Cette mine ne contient
point d’arfenic lorsqu’elle eft pure , mais elle eft
fouvent mêlée d’ochre martiale.
3°. Cobalt uni à l’acide arfenique ; fleurs de
cobalt rouges , rofcs , couleur de Jleurs de pêcher.
L’acide arfenique que Bergman & M. Mongez y
Ont découvert, lui donne fa couleur. Cette mine
eft ou en maftfe, ou en poudre, ou en efflores-
cence ftriée, ou en priftnes à 4 pans avec des
fommets à deux faces. Sa couleur fe détruit au
feu, à mefure que l’acide arfenique fe dégage.
40. Cobalt uni au fer & à l’acide fulfurique;
mine de cobalt fpèculaire. On l’a appellée fort im-
proprement cobalt fulfhreux , parce qu’elle ne con-
tient point de foufre, mais un peu d’acide ful-
furique. Cette mine eft blanche ou grife , &z très-
brillante ; c’eft la plus riche de toutes ; elle fait
fouvent feu avec le briquet.
50. Cobalt uni au foufre , à l’arfenic & au fer.
Ce minéral porte le nom de mine de cobalt blanche
d’Hist, Nat. et de Chimie. 453
ou grifc ; elle eft d’un g;is blanchâtre, crlftaîlifée
en cubes entiers ou tronqués , de manière à for-
mer desfolides à quatorze , dix-huit on vingt-fix
facettes. Sa caffure ed lamelleufe & fpathique.
Quelquefois elle offre à fa furface des dendrkes
en feuilles de fougère ; dans cet état , on la
nomme mine de cobalt tricotée . Souvent les mi-
nes de cobalt blanches n’ont aucune cridallifa-
tion régulière ; mais efes font toujours recon-
noiffables à leur couleur grife blanchâtre , àj leur
pefanteur moindre que celle des précédentes, <k.
à l’efflorefcence rouge qu’elles ontprefque toutes
à leur furface-.
Pour faire l’e/fai d’une- mine de cobalt , on
commence par la piler & îa laver , enfuite on
la grille pour en féparer l’arfenic. Le cobalt fede
dans l’état d’un oxide noir plus ou moins foncé ;
on mêle cet oxide avec trois parties de flux
noir & un peu de fel marin décrépité ; on le
fond dans un creufet brafqué & couvert, au
feu de forge ^ on attend que ia fonte foit com,-
plète , & que la matière foit parfaitement li-
quide pour laide r refroidir le creufét.; on l’agite
légèrement pour faire précipiter le métal,
qui fe raiTembie en culot au fond du vaif-
feau. Ce culot ed quelquefois formé de deux
matières métalliques ; le cobalt efl placé fupé-
rie.uremeni 5. le bifmuth fe trouve au - defj-
F f iij
454 ÉLEMENi
fous ; on les fépare facilement d’un coup de
marteau.
Les minéralogiftes modernes , & fur - tout
Bergman & M. Kirv/an propofent de faire l’ef-
fai des mines de cobalt par l’acide nitrique ;
cet acide diffout le cobalt & le fer^ on les pré-
cipite par le carbonate de foude , & on diffout
enfuite le précipité cobaltique par l’acide acé-
leux. Scheffer confeille de reconnoître la puif-
iance colorante des mines de cobalt, en les fon-
dant avec trois parties de potaffe & cinq de verre
en poudre.
Dans les travaux en grand , on ne retire point
le cobalt fous la forme métallique. Après avoir
pilé lavé la mine de cobalt, on la grille dans
le fourneau à manche. Ce fourneau fe termine
par une longue galerie horifontale qui ferc de
cheminée ; c’eff dans cette galerie que l’oxide
d’arfemc fublimé fe condenfe & fe fond en
verre , que l’on vend dans le commerce fous le
nom impropre d ''arfenic blanc. Si la mine conte-
noit un peu de bifmuth , comme ce métal eft
ïrès-fufible , il fe raffemble au fond du fourneau ,
3e cobalt reffe dans l’état d’un oxide grisobfcur,
nommé fafre. Le fafre du commerce n’eff jamais
pur ; on le mêle avec trois fois fon poids de
cailloux put vérités. Le fafre , ainfi mêlé &
içxpofé au grand feu , fe fond en un verre d’un
d’Hist. Nat. et de Chimie. 455
bleu cbfcur , nommé fma.lt , On réduit ce fmalfc
en poudre dans des moulins, & on le de aye dans
l’eau. La première portion de verre qui (e pré-
cipite efl la plus gtoffière , on la nomme ayrir
greffier ; on décante l’eau encore trouble , elle
donne un fécond précipité ; on la décante ainfi
jufqu’à quatre fois, Sc le dépôr qu’elle forme
alors efl plus fin que tousJ.es autres ; on le nomme
improprement a^ur des quatre feux. Cet azur efl
employé dans plufieurs arts pour colorer en bleu
les métaux & les verres, &c.
Le fafre du commerce , fondu avec trois fois
fon poids de flux noir &C un peu de fuif &. de fel
marin , donne le métal cafTant connu fous le nom
impropre de régule de cobalt, La réduction du
fafre efl très-difficile. Il faut employer une grande
quantité de fondant , & avoir foin de tenir le
creufet rouge -blanc pendtnt un temps affez long
pour que la matière foit bien fluide , tranquille,
&: que les feories foient fondues en un verr©
bleu j alors le cobalt fe précipite 5c fe rafTemble
en un culot au-defTous des feories.
Le cobalt , expofé au feu, ne fe fond que
lorfqu’il efl bien rouge : ce métal efl de
très-difficile fufion , 5e paroît très- fixe au feu ;
on ignore même s’il peut fe volatilifer dans des
vaiffeaux- fermés j mais on fait que fi on le laide
refroidir lentement 9 il fe çriftallife en prifm.es.
F fiv
456 E L É M E N S
aiguillés , couchés les uns fur les autres & réunis
en faifceaux; &. ils imitent affez bien une maffe
de ba faites écroulés, comme l’obferve M. Mon-
v •
gez. Pour réuffir dans cette criftallifation , il
fuffit de faire fondre du cobalt dans un creufet,
julqu a ce qu 'il éprouve une efpèce d’ébullition,
ôc d’incliner ce vaiffeau , lorfqu’après l’avoir
retiré du feu , la lurface de ce demi -métal fe
fige. Par cette inclinaifon , la portion encore
fondue s’écoule , & celle qui adhère aux parois
de l’efpèce de géode formée par le refroidiffe-
ment des furfaces du cobalt , fe trouve tapiffée
de criflaux prifmatiques entafies.
Le cobalt fondu expofé à l’air fe couvre
d’une pellicule fombre & terne, qui n’ell qu’un
oxide de ce demi - métal , formé par fa combi-'
naifon avec l’oxigène. On fait plus facilement
une plus grande quantité d’oxide de cobalt , en
expofant ce demi -métal réduit en poudre dans
lin têt à rôtir fous la mouille d’un fourneau de
\
coupelle , (k en l’agitant pour renouvelîer les
fuifacts. Cette poudre, tenue rouge pendant
quelque tems, perd fon brillant, augmente de
poids &i devient noire. Cet oxide noir de cobalt
demandeun feu de la dernière violence pour fe
fondre en un verre bleu très -foncé.
Le cpbalt fe ternit un peu à l’air, & il n’eft
point attaqué par Peau. Ce métal ne s’unit
d’Hist. Nat. et de Chimie. 457
point aux terres , mais fon oxide s’y combine
par la fufion , & il forme avec elles un beau
verre bleu de la plus grande fixité au feu. C’eft
à eau fe de cette propriété de l’oxide de cobalt,
que cette fubftance eft d’un grand ufage dans la
peinturedes émaux , de la porcelaine & de la
finance.
On ne connoît pas bien l’aftion de la ba-
ryre , de la magnéjfie & de la chaux fur le
cobalt. Les alcalis diffous dans l’eau l’altèrent
manifeftement ; mais on n’a point encore fuivi
c es altérations.
Ce métal fe diffout dans tous les acides,
mais avec des phénomènes difrérens, fuiyant fon
état celui de l’acide.
Le cobalt ne fe diffout que dans l’acide fuî-
furique concentré & bouillant. On fait cette
diffolution dans une fiole de verre ou dans
une cornue ; lorfque l’acide eft prefque tout
évaporé en gaz fulfureux , on lave le réfidu ;
une portion fe difiout dans l’eau & lui commu-
nique une couleur rolée ou verdâtre ; c’eft le
fui fa te de cobalt ; l’autre eft du cobalt oxidé
par l’acide dmnt l’oxygène s’eft combiné avec •
le métal. M. B numé du qu’on obtient de
la diffolution fulfurique de cobalt fuffifamment
évaporée, & par le refroidiffement , deux fortes
de criftaux ; les uns blancs, petits & cubiques;
' 4 É L É M E N S
les autres verdâtres , quarrés , de fix lignes de
long, 6c laiges de quatre. Ce font ces derniers
qu’il regarde comme le fulfate de cobalt. Les
premiers dépendent de quelques autres matières
métalliques étrangères unies au cobalt. Les crif-
N taux de fulfate de cobalt, que l’on obtient le
plus fouvent fous la forme de petites aiguilles %
& que M. Sage défigne par celles de prifmes
tétraèdres rhomboïdaux , terminés par un fom-
met dièdre à plans rhombéaux, fe déccmpofent
au feu ; il ne refie qu’un oxide de cobalt qui
ne peut fe réduire feul. La baryte , la mngnéfie ,
la chaux & les trois alcalis décompofent auffi
ce fel, & en précipitent le cobalt en lin oxide
rofée y joo grains de cobalt diffous dans l’acide
fulfurique donnent par la foude pure environ
140 grains de précipité, 6c par le carbonate de
foude 160 grains. Cetîe augmentation de poids
dépend de i’oxigène de l’acide fulfurique qui
s’efl uni au cobalt ; dans la fécondé précipita-
tion l’acide carbonique , qui fe combine à l’oxide
de coba’t, augmente encore fa pefanteur. L’acide
fulfurique , étendu d’eau , agit fur le fafre , 6c en
diffout une portion avec laquelle il forme du
fulfate de cobalt.
L’acide nitrique diffout le cobalt avec effer-
vescence , à l’aide d’une douce chaleur ; il fe
dégage du gaz nitreux, à mefure que le pria-
d’Hist Nat. et de Chimie; 459
feîpe oxigène de cet acide s’unit au cobalt.
Lorfque la diffolution eff au point de faturaiion ,
elle eff d’un brun rofée ou d’un f erd clair. Elle
donne , par une forte évaporation , un nitrate
de cobalt en petites aiguilles reunies. Ce fel eft
très-déliquefcent ; il bouillonne fur les charbons
fans détoner , & il laiffe un oxide rouge foncé.
Il eft décompofé par les mêmes intermèdes
falins que le fulfate de cobalt. Si dans ces dé-
compobtions on ajoute plus d’a’cali qu’il n’en
faut pour précipiter l’oxide de cobalt , cette
fubftance fe diffout dans l’excédent du fel , & le
précipité difparoît.
L’acide muriatique ne diffout pas le cobalt
à froid ; mais à l’aide de la chaleur il en diffout
une portion. Cet acide agit mieux fur l’oxide
du demi-métal ; il forme une diffolution d’un
brun rouge , qui devient verte dès qu’on la
chauffe ; cette diffolution évaporée , & bien
concentrée , fournit un muriate de cobalt qui
criftallife en petites aiguilles & qui eff fort
déliquefcent ; la chaleur lui donne d’abord une
couleur verte & le déccmpofe.
Veau régale ou l’acide nitro - muriatique dif-
fout le cobalt un peu plus aifément que ne fait
l’acide muriatique feul , mais avec moins d’é-
nergie que ne fait l’acide nitrique. Cette diffo-
lution eff connue depuis long-tems comme une
4&0 ! L É M E N S
forte d 'encre de fympathie , qui ne devient appa-
rente que lorsqu’on la chauffe , l’écriture , qui
n’étoit pas vifible à froid , ,paroît d’un beau
verd céladon par la chaleur , & difparoît à
mefure que le papier fe refroidit. Cette propriété
appartient à la diffolution de l’oxide de cobalt
dans l’acide muriatique , &C l’acide nitrique qu’on
a ajouté pour faire l'eau régale n’y contribue
qu’en facilitant fa diffolution & fa fufpenfion.
On avoit cru que la couleur verte que produit
l’encre de cobalt chauffée, & quelle perd en
refroidiffant , étoit due au fel métallique que
la chaleur faifoit criffallifer , &: qui , étant expofé
à l’air froid , attïr oit affez d’humidité pour fe
difloudre & difparoître entièrement ; mais il efï
prouvé que le muriate de cobalt, diffous dans
l’eju , prend la môme couleur des qu’on lui fait
éprouver un certain degré de chaleur.
L’acide boraciquene diffout point immédiate-
ment le cobalt*, mais lorfqu’on môle une diffo-
lution de borate de fonde avec une diffolution
du cobalt dans un de ces acides pié:édens,
il s’opère une double décompofition. La fonde
s’unit avec l’acide qui tenoit l’oxide métallique
en diffolution , & l’acide boracique , combiné
avec cet oxide , forme un fel peu foluble ,
qui fe précipite : on peut recueillir ce borate
de cobalt , en féparant par le filtre la liqueur
qui le fumage.
D’HiST. NAT. ET DE CHIMIE. 4 6ï,
Le cobalt n’a point d’a&ion fur la plupart des
fels neutres. Il s’oxide lorfqu’on le traite au
feu avec du nitre. Si on projette dans un creutet
rouge un mélange d’une partie de cobalt eft
poudre , & de deux ou trois parties de nitre bien
fcc , il ne fe produit point une détonation vive ,
mais il s’excite de petites lcintiliations bien
marquées $ on trouve enfuire une portion du
cobalt changée en un oxide d’un rouge plus
ou moins foncé fouvent verdâtre. Cette expé-
rience , ainfi que toutes celles fur l’aition réci-
proque du nitre & des matières métalliques, de-
manderait à être fuivie.
Le cobalt ne décompofe point le muriate am-
moniacal. Bucquet, qui a fait cette expérience
avec beaucoup de foin , n’â pas obtenu un
atome d’ammoniaque ; cela dépend du peu
d’action qu’exerce l’acide .muriatique fur ce
métal.
On ne connoît pas l’aélion du gaz hydrogène
fur le cobalt. Le foufre ne s’unit que très- diffi-
cilement avec cette lubflance, mais les fulfures
alcalins favorifent cette comhinaifon ; il en
réfulte une forte de mine artificielle , à facetres
plus ou moins larges ou d’un grain plus ou moins
fin , d’une couleur blanche ou jaunâtre , fuivant
la quantité de foufre combiné. M. Baumé , oui
a donné d’excellens détails fur cette combinai-
46* ÉLÉMENT
fon , dans fa Chimie expér mentale & raifonnée *
(tome II , 228 à 297 ) obferve qu’elle ne
peut être décompofée que par les acides , &
que le feu n’eft pas capable d'en féparer tout
le foufre.
Le cobalt n’eft d’aucun ufage dans fon état
métallique , mais on emploie fon oxide pour
colorer en bleu les verres , les émaux , les faïen-
ces , les porcelaines. On en fabrique audï une
encre de fympathie.
CHAPITRE X.
Du Bismuth ;
«
L E bifmuth , nommé autrefois étain de glace y
efl un métal fragile d’un blanc jaunâtre , fort
pefant , difpofé en grandes lames. 11 s’enfonce
un peu par les coups de marteau , mais il fe
brife bientôt en petites paillettes , & finit par
fe réduire en poudre. Il perd dans l’eau un
dixième de fon poids. Il efl fufceptible de crif-
tallifer en prifmes polygones , qui fe difpofent
en volutes grecques quarrées , ou entièrement
femb'ables à celles du muriate de foiide, Il n’a
que très -peu d’odeur 6c de faveur.
d’Hist. Nat. et de Chimie; 465
Le bifmuth eft fouvent fous forme métalli-
que dans la nature. On le reconnoît à fa cou»
leur brillante jaunâtre , à fa molleffe , telle qu’il
fe laifie couper au couteau , à fa forme lamel»
leufe , & fur-tout h fa grande fufibilité. Il eft
ordinairement criftallifé en lames triangulaires
qui font pofées les unes fur les autres par
recouvrement. Il y a des échantillons dans
lesquelles ce demi-métal eft fous la forme
d’o&aèdres très réguliers. Sa gangue eft ordi-
nairement quartzeufe ; on en trouve à Scala en
Neritie , en Dalécarüe , & à Schnéeberg en
Allemagne.
Plufieurs minéralogiftes modernes doutent de
l’exiftence de la mine de bifmuth arfenicale.
Cependant quelques-uns aflurent que cette mine
eft chatoyante , fouvent difpofée en petites
lames luifantes d’un gris clair. Elle eft auftî ,
fuivant ces derniers , prefque toujours mêlée de
bifmuth natif & de cobalt , dont i’efflorefcence
rougeâtre fe fait quelquefois remarquer à la
furface des échantillons.
La mine de bifmuth fulfureufe , ou le fui-»
fure de bifmuth natif , reconnue par tous les
minéralogiftes , eft d’un gris blanchâtre , quel-
quefois tirant fur le bleu , à facettes ou en
prifmes aiguillés. Cette mine a l’éclat & la cou-
leur de la mine de plomb ou galène ; elle pré?
464 E L É M. E N S
fente prefque toujours des facettes quarrées ;
mais jamais on n’y voit de véritables fragmens
cubiques ; elle fe coupe au couteau ; elle efl
fort rare , on la trouve à Baftnaës en Suède &Z
à Schnéeberg en Saxe.
Qronûedt parle auffi d’une mine de bîfmuth
martiale , qu’il dit fe rencontrer en grofles écail-
les cunéiformes, à Konsberg en Norwège.
Enfin , le bifmuth fe rencontre quelquefois
dans l’état d’oxide. Il efl fous la forme d’une
efîlorefcence granuleufe , d’un jaune verdâtre
& jamais rouge , à la furface des mines de
bifmuth. M. Kirwan croit que cet oxide de
bifmuth y eft uni à l’acide carbonique. Quelques
minéralogifles afiurent qu’il y a un fulfate de
bifmuth natif mêlé à cet oxide.
, Pour faire l’effai d'une mine de bifmuth , on
fe contente de la fondre à une douce chaleur
dans un creufet <Sc a l’aide d’une ceitaine quantité
de flux réduûif. Comme le bifmuth efl volatil ,
on doit le fondre le plus vite pofîible ; il vaut
meme mieux faire cet efîai dans des vaifTeaux
fermes , comme le recommande Cramer.
La fonte en grand des mines de bifmuth n’cft
pas plus difficile ; on fait une fofife en terre , on
la couvre de bûches, qu’on place près les unes
des au, res ; on allume le bois, & on jette par-
deffus la mine concaffée ; le bifmuth fe fond
&
d’Hist» Nat. et de Chimie. 465
& coule dans la folle , où il fe moule en pain
orbiculaire. Dans d’autres endroits on incline
un tronc de pin creufé en canal, fur lequel
on met un lit de bois ; on jette le bifmuth
fur cette matière combuftible après l’avoir
allumée. Ce métal fe fond , coule dans le
canal qui le conduit dans un trou fait en terre ,
fur lequel pofe l’extrémité du tronc de pin. On
puife le bifmuth dans cette efpèce de caffe , on
le verfe dans des moules de fer, ou dans des
lingotières.
Le bifmuth n’eft que peu altéré par le contad
de la lumière. Il eft extrêmement fulible , il fe
fond long-temps avant de rougir. Chauffé dans
des vaiffeanx fermés, il fe fublime en entier. Si
on le laiffe refroidir lentement, il fe criftallife
en volutes grecques. C’eft une des fubftances
métalliques qui fe crifiallife le plus facilement.
M. Brongniart eft le premier chimifle qui ait
bien réuffi à cette criftallifation.
Si on tient le bifmuth en fufion avec le contaét
de l’air, fa furface fe couvre d’une pellicule
qui fe change en un oxide d’un gris verdâtre ou
brun , nommé cendre ou chaux de bifmuth . Dix-
neuf gros de bifmuth calcinés dans une capfule
de verre ont donné à M. Baumé vingt gros
trente-quatre grains doxide. Le bifmuth chauffé •
jufqu’à rougir brûle avec une petite flamme
Tome IL G g
4 66 É L £ M E N s
bleue peu fenfible; Ton oxide s’évapore fous la
forme d’une fumée jninârre , qui fe conclenfe à
la fur face des corps froids en une pouffière de
même couleur, nommée improprement fleurs
de bij'rmith ; cette poudre ne doit fa volatilifation
qu’à la rapidité avec laquelle le bifmuth brûle ;
car fi on l’expofe feule au feu, elle fe fond en
un verre verdâtre fans fe fublimer. Geoffroy
le fils a obfervé que fur la fin cet oxide de
bifmuth fublimé devient d’un beau jaune d’or-
piment.
Les oxides gris ou brun , fublimé &c vitreux ,
ne font que des combinaifons de ce métal
avec la bafe de Fair vital ou l’oxigène. Ils ne
fe réduifent pas fans addition , parce qu’il y a
beaucoup d’adhérence entre les deux principes
qui les compofent ; mais le gaz hydrogène , le
charbon & toutes les matières combuflibles or-
ganiques qui co .tiennent l’un & l’autre de ces
corps , lont capables de les décompofer oc de
leur rendre leur état métallique , en s’emparant
de l’oxigène avec lequel ces corps ont plus
d’affinité que n’en a le bifmuth.
M. d’Arcet ayant expofé du bifmuth dans
une boule de porcelaine non cuite, à la chaleur
du four qui cuit cette dernière fubflance , ce
métal a coulé au dehors par une crevalTe
du creufet j la portion reftée dans ce vaiffeau
b’Hist. Nat. et be Chimie. 467
y a formé un verre d’un violet fale , tandis que
le bifmuth fondu à l’extérieur de la boule étoit
jaunâtre. 11 paroît, d’après ce fait& plufieurs au-
tres femblables , que les verres métalliques faits
avec ou fans le contaâ de l’air , different les
uns des autres.
Le bifmuth fe ternit un peu à l’air, & il fe
forme une rouille blanchâtre à fa furtace. Il n’eft
point attaqué par l’eau , ôt il ne fe combine
point aux terres ; mais fon oxide s’unit avec
toutes les matières terreufes , ôz en facilite la
fufion ; il donne une teinte jaune verdâtre aux
verres dans la combinail'on defqueis on le fait
entrer.
On ne connoît pas l’adion des fubftances
faüno-terreufes ôz des alcalis fur ce demi-
métal.
L’acide fulfurique concentré & bouillant eft
altéré par le bifmuth; cet acide fe décompofe
en partie Ôz laiffe exhaler du gaz fiilfureux. La
y
mafl'e qui relie dans le vaiffeau après la décom-
pofition d’une partie de l’acide eft blanche ;
on fépare par l’eau la portion qui eft dans l’état
falin de celle qui efl pur oxicles ôz qui ne con-
tient que très-peu d’acide; la leffive évaporée
fournit un fulfare de bifmuth en petites aiguilles
déliquefcentes. Ce fel peut être décompofé
par le feu, par les fubftances falino-terreufes ,
G g ij
468 E l £ M E N s
par les alcalis & même par l’eau en grande
quantité. On ne connoît point le fulfite de bil-
mutn.
L’acide nitrique diftbur le bifmuth avec une
rapidité étonnante , ou plutôt ce métal dé-
compofe l’acide & lui enlève très-promptement
une partie de Ton oxigène. Le mélange s’échauffe
beaucoup ; il s’en exhale des vapeurs rouges
très-épaiffes. Si l’on fait cette combinaifon dans
l’appareil pneumato - chimique , on en obtient
une très -grande quantité de gaz nitreux; c’eft
un moyen très-prompt & très-commode de fe
procurer ce gaz. Il fe précipite pendant cette
dillblution une poudre noire que Lémery a prife
pour du bitume 9 que Pott a regardée comme
un oxide de bifmuth très -calciné. M. Baumé l’a
prife pour du foufre ; peut-être eft-ce du char-
bon. La diffolution nitrique de bifmuth eft fans
couleur ; îorfqu’elle eft chargée , elle dépofe des
criftaux fans évaporation. Ce dernier moyen, com*
biné avec le refroidiffement , fournit un nitrate
de bifmuth ^ fur la forme duquel les chimiftes
ne font nullement d’accord. M. Baumé dit que
ce fel eft difpofé en groffes aiguilles taillées
en pointes de diamant par un bout. M. Sage
définit ces criftaux des prifmes tétraèdres , un
peu comprimés & terminés par deux pyramides
trièdres obtufes , dont les plans font un rhombe
d’Hist. Nat. et de Chimie. 469.
8c deux trapèzes. Par une évaporation lente
}’en ai obtenu des rhombes applatis , fort gros
& tout - à - fait femblables au fpath calcaire
d’Iûande.
Le nitrate de bifmuth détone foiblement &
par fcintillations rougeâtres ; il le fond & fe
bourfo.iffle , & il laide un oxide d’un jaune ver-
dâtre , qui ne fe réduit pas fans addition. Ce fel?
expofé à Pair , perd fa tranfparence en même-
tems que Peau de fa cridallifation fe diflipe.
Dès qu’on effaie de le diffoudre dans Peau , il
la rend blanche , laiteufe*, &. y forme un préci-
pité d’oxide de bifmuth.
Il en ed de même û Pon verfe dans Peau la
diffolution nitrique du bifmuth ; la plus grande
partie de l’oxide de ce métal fe précipite
fous la forme d’une poudre blanche , nommée
blanc de fard ou magijler de bifmuth. Cent grains
de ce métal diffous dans l’acide nitrique
donnent 1 1 3 grains d’oxide précipité ? en
raifon de Poxigène qui s’y eft fixé. Pour avoir
ce précipité très -blanc & très - fin , il faut le
préparer avec une grande quantité d’eau. Les
femmes s’en fervent pour blanchir la peau , mais
il a l’inconvénient de noircir lorfqu’il ed eu
contatt avec des matières odorantes & com-
buftibles ; c’efl: même un des oxides métalliques
dans lefquels cette propriété eft la plus éner~
Gg îij
47 O É L É M E M S
gique. Quoique le nitrate de bifmuth foit en
grande partie décompofe par l’eau , il en refte
cependant une portion en diffolution , & cette
portion ne peut être précipitée que par la chaux
ou les alcalis. Ce cara&ère d’être précipité par
l’eau appartient à toutes les diffiolutions de
bifmuth. On ne connoît point le nitrite de
bifmuth.
L’acide muriatique agit difficilement fur ce
métal ; il faut que cet acide foit concentré
& qu’on le tienne long-temps en digeftion fur
le bifmuth; cette difTolution réüffit encore mieux
«
en diftilbint une grande quantité d’acide muria-
tique fur le métal; il s’exhale une odeur fétide de
ce mélange : on lave le réfidu avec de l’eau , qui
fe charge de la portion d’oxide métallique unie à
l’acide. Le muriate de bifmuth criftallife difficile-
ment; il eft fufceptible de fe fublimer et de for-
mer une forte de fel mou , fufible, nommé im-
proprement beurre de bifmuth , qui attire fortement
l’humidité de l’air ; l’eau le décompofe & en
précipite un oxide blanc.
On ne connoît point l’aêHon des autres acides
minéraux fur le bifmuth.
Le bilmuih eft oxidé par le nitre ordinaire,
mais fans détonation fenfible. Ce métal ne
décompofe point clu tout le muriate ammo-
niacal , mais fon oxide en fépare complettement
l’ammoniaque. On obtient dans cette expérience
d’Hist. Nat. et de Chimie. 471
une grande quantité de gaz ammoniac , & le
réfidu contient la combinaifon de l’oxide mé-
tallique avec l’acide muriatique. Si le bilmath
n’agit point fur le muriate ammoniacal , en
raifun du peu d’a&ion que l’acide muriatique
a fur ce métal la propiété de décompofer
ce lel , dont jouit fon oxide , ed bien remar-
quable , & elle prouve qu’il fe rapproche des
fubftances falines-
Le gaz hydrogène altère la couleur' du bif-
muth , &c lui donne une teinte violette..
Le foufre fe combine avec lui par la fufiom.
Il en résulté une forte de mine grife , bleuâtre
& brillante qui cridallife en belles aiguilles té-
traèdres femblables par leur couleur & leurs re-
flets aux plus beaux morceaux de fulfure d’anti-
moine.
On ne connoît pas bien l’aélion de l'àrfenic fur
le bifmuth , on fait que ce métal ne s’allie
point au cobalt , & qu’il en. rede féparé dans la
fonte.
Le bifmuth ed employé par les potiers d’étain
pour donner de la dureté à ce dernier métalo.,
11 pourroit être fubditué au plomb dans l’art
de coupeller les métaux parfaits ; parce qu’il a*„
comme ce métal , la propriété de fe fondre en
un verre que les coupelles abforbent. Geoffroy
le cadet a trouvé beaucoup de rapport entre ce
G g iv
47* É L É M E NS
métal caffant Si le plomb. On ne peut que foup-
çonner les effets du bifmuth fur l’économie
animale j on croit avec affez de vraifemblance
que fon ufage feroit dangereux comme celui du
plomb. On connoît même quelques mauvais
effets de ce métal appliqué extérieurement.
On fe fert de l’oxide de bifmuth , appelle
blanc de fard , pour blanchir la peau ; mais il
faut alors éviter avec foin toutes les matières
très-odorantes, & fur-tout celles qui font fétides.
Le voif nage des boucheries , des voiries , des
égouts , des latrines , meme des odeurs fortes ,
influe tellement fur cet oxide , qu’il lui donne
une couleur plus ou moins noire. La vapeur des
fulfures alcalins , celle des œufs produifent cet
effet avec beaucoup d’énergie ; on fait en phy-
fique une expérience qui prouve cette propriété ;
on trace des cara&ères avec une diffolution de
bifmuth fur le premier feuillet d’un livre blanc ,
compofé d’une centaine de pages ; on imprégné
le dernier feuillet d’un peu de fulfure alcalin
liquide ; quelques inftans après la vapeur hé-
patique portée par l’air qui circule entre tous
les feuillets , arrive à l’extrémité du livre Sz
colore en brun foncé les caraéferes tracés fur
la première page. On a dit que le gaz hydro-
géné fulfuré ou hépatique traverfoit le papier ;
mais M. Monge a prouvé que c’eft l’air qui le
d’Hist. Nat. et di Chimie.’ 473
porte ainfi de feuille en feuille , puifqu’en collant
ces feuilles les unes aux autres , la coloration
n’a plus lieu.
CHAPITRE XI.
Du Nickel.
L E nickel a été regardé par Cronftedt comme
un demi-métal particulier , qu’il a fair connoître
en 1751 & J754, dans les a£!es de l’acadé-
mie de Stockolm. Ce métal caffant eft fuivant lui
d’une couleur blanche , brillante , tirant fur le
rouge , far -tout à l’extérieur. Il efl très - fragile ,
de paroît compofé de facettes dans fa frac-
ture , ce qui le di dingue du cobalt. M. Arvidffon ,
qui a publié 9 conjointement avec Bergman,
une thèfe fur les propriétés du nickel , traduite
& inférée dans le journal de phylique , Octo-
bre 1776, ra obfervé que le nickel obtenu par
le grillage Sc la fufion de fes mines , comme
l’avoit indiqué Cronftedt, n’eft rien moins que
ce métal pur , & qu’il contient du fou-
fre , de l’arfenic , du cobalt & du fer. Comme
Bergman eft parvenu par un grand nombre de
procédés ingénieux à extraire la plus grande
\
474 ÉLÉMENT
partie de ces matières étrangères , & a obte -
nir du nickel différent , par plufieurs de fes pro-
priétés, de celui de Cronfîedt , c’efî de celui-là
que nous parlerons après avoir fait l’hifîoire de
fes mines.
On trouve le nickel uni au foufre & à l’ar-
fenic. Ses mines ont une couleur rouge de cui-
vre ; elles font prefque toujours couvertes d’une
efîlorefcence d’un gris verdâtre ; les allemands
les nomment kupfer • nickel , ou cuivre /aux. Ce
minéral efî très commun à Freyberg en Saxe ;
il efî fouvent mclé avec la mine de cobalt grife.
Mais fa couleur rouge , fon efîlorefcence ver-
dâtre le distinguent de cette mine qui efî grife
ou noire , & dont l’efîlorefcence efî rouge ^
il efî fouvent erifîallifé en cubes. Wallerius
défigne le kupfer-nickel fous le nom de mine de
cobalt d’un rouge de cuivre ; il la croit un com-
pofé de cobalt , de fer & d’arfenic. Linnéus le
regardoit comme du cuivre minéralifé par l’ar-
fenic. Rome de Lille l’a rangé avec Wallerius
parmi les mines de cobalt , & penfe comme
lui que c’efî un alliage. M. Sage ayant traité
cette mine avec le muriate ammoniacal , en a
retiré du fer , du cuivre & du cobalt. Il croit
qu’elle efî formée de. l’alliage de ces trois ma-
tières métalliques avec l’afenic, On y trouve
aufli un peu d’or , fuivanc ce chimifîe.Il efî bon
d’Hist. Nat. et de Chimie 475
d’obferver qu’il a eu des réfulrats différens de
ceux de Bergman. Il dit avoir opéré fur des
kupfer-nickels de Biber en Hefle , & d’Âllemont
en Dauphiné.
Cronftedt aflùre quon peut féparer du nickel
la matière métallique nommée fpùjf par les
allemands , & qui fe raffemble dans les creufets
où on fond le fmalr. M. Monnet croit que le
ipeilT de la manufacture de Gengenback , à
quatorze lieues de Strasbourg , efl: du vrai nic-
kel ; & comme la mine de cobalt qu’on emploie
dans cet endroit pour faire le fmalt efl: très-
pure , il en conclut que le nickel eft néceflaire-
ment produit par le cobalt lui même , comme
nous le verrous plus bas. Mais M. Baumé a
retiré du nickel de prefque toutes les mines de
cobalt, parle moyen du fulfure alcalin. Il paroît
donc que la mine de cobalt que l’on travaille à
Gengenback contient du nickel qu’il efb impofli-
ble d’y reconnoître à l’œil, à caufe de l’union in-
time de ces deux matières métalliques.
Pour retirer le nickel de fa mine , on le fait
griller lentement , afin d’enlever une portion de
foufre & de l’arfenic. Elle fe change en un
O
©xide verdâtre ; plus elle efl: verte , plus elle
contient de nickel , d’après Bergman & Ar-
vidffon. On la fond enfuite avec trois parties,
de flux noir & du muriate de foude , 6c on en
'4 7 6 E L É M E N S
tire un métal tel que l’a défigné Cronftedt , mais
qui efl bien éloigné d’être le nickel pur ; fes
fcories font brunes ou bleues. Beaucoup de
chimiftes , depuis le travail de M. Arvidffon ,
regardent encore cette fubftance métallique
comme un alliage naturel de fer , de cobalt
& d’arfenic. Quant au cuivre , il n’y a que
M. Sage qui dit en avoir retiré du kupfer-nickel.
M. Monnet penfe que le nickel n’cft que du
cobalt privé du fer & de l’arfenic. A mefure
que nous examinerons les propriétés de ce
métal , nous verrons fur quoi font fondées ces
différentes opinions ; nous croyons avec Berg-
man que ce qui en a impofé afix cbimides
fur cet objet , c’eft l’extrême difficulté que
l’on éprouve pour obtenir du nickel très -pur ;
vérité bien démontrée dans la differtation de
M. Arvidffon, déjà citée. Comme il eft certain
qu’amené autant qu’il eft poffible à cet état de
pureté , il a des propriétés très - particulières ,
& qu’on n’a pas encore pu ni le féparer par
l’analyfe en différentes fubftances métalliques ,
ni le recompofer par un alliage quelconque,
on doit le regarder comme un métal par-
ticulier j jufqu’à ce que des expériences ulté-
rieures nous aient convaincu du contraire.
Le métal que fournit la fimple fufion
dukupfer-nickel grillé eft à facettes d’un blanc
d’Hist. Nat. et de Chimie. 477
rougeâtre & très-fragile. Il contient beaucoup
d’arfenic , de cobalt 6l de fer. M. Arvidffon
lui a fait éprouver fix grillages qui ont dure
depuis fix jufqu’à quatorze heures chacune ; il
a réduit le métal après chaque grillage ; il a
obfervé qu’en le traitant ainli il s’en exhale
des vapeurs d’arfenic & des vapeurs branches qui
ne fentenr point ce dernier métal ; la poudre de
charbon mêlée dans ces opérations facilite la
volatilifation de Parfenic. Le nickel, dont le
poids étoit beaucoup diminué par ces fix opé-
rations , fentoit encore Parfenic & étoit attira-
bîe. On le fondit fix fois avec de la chaux Sc
du borax, & on le fit chauffer une feptième en y
ajoutant du charbon, jufqu’à ce qu’il ne répandît
plus de vapeurs d’arfenic. Cet oxide étoit
ferrugineux , nuancé de taches vertes ; réduit ,
il donna des fcories martiales & un bouton
encore attirable à l’aimant. Le fuccès a toujours
été pareil avec pîufiéùrs nickels de différens
pays. Le foufre, le fulfure de potaffe ,Ja déto-
nation du nitre , les diffolutions dans l’acide
nitrique & dans l’ammoniaque , employés par
M. Arvidffon , n’ont jamais pu enlever tout le
fer du nickel. Il a conclu de ces expériences
qu’il eft impofiible de purifier exactement ce
métal ; que le foufre ne s’en fépare que par
les grillages repérés ; qtie Parfenic y eft plus
478 E L i M E N s
adhérent ; qu’on peut l’en extraire à l’aide de la
poudre de charbon & du nitre ; que le cobalt
y efl encore plus intimement combiné , puis-
que le nitre le fait découvrir , quoique rien
n’indiquât fa préfence ; Si qu’il efl importable
de le priver de tout le fer qu’il contient , puif-
que lorfque le nickel a été traité de toutes ces
manières , il efl quelquefois plus attirable à
l’aimant que jamais. M. Arvidffon croit, d’après
cela, que cette fubftance n’efl autre chofe que
du fer dans un état particulier ; & il préfente
un tableau comparé de plufieurs propriétés de
ce métal avec celles du cobalt, de l’aimant
& du nickel , d’après lequel il regarde ces trois
matières métalliques comme du fer différem-
ment modifié. Mais la principale propriété du
nickel , qui a conduit M. Arvidffon à cette con-
clufion , efl fon magnétifme. Ne pourroit-on
pas croire qu’elle n’efl pas fuffifante pour con-
fondre deux matières métalliques différentes
dans toutes leurs autres propriétés , puifque
d’ailleurs il efl pofîîble que le magnétifme ne
foit pas particulier au fer , & fe rencontre dans
plufieurs fubflances métalliques? Je penfe donc
que malgré la propriété que préfente le nickel
d’ctre attirable à l’aimant , on doit le conlidé-
rer, iorfqu’il a été purifié par les procédés de
M. Arvidffon, commé 'un métal particulier,
d’Hist. Nat. et de Chimie. 479
puifque , comme je l’ai déjà annoncé , on ne
peut ni en extraire d’autres fubftances métal-
liques , ni l’imiter parfaitement paraucun alliage ;
puifqu’enfin il a alors des propriétés qui n’ap-
partiçnnent qu’à lui, & à l’examen defquelles
nous allons pafter. M. Kirwan a adopté entière-
ment cette opinion dans fa minéralogie.
Il n’ofïre pas de facettes , comme l’avoit indi-
qué Cronftedt , mais fa caffure eft grenue ; il
pèfe neuf fois plus que l’eau ; il n’eft pas fra-
gile , comme Cronftedt l’avoit annoncé ; il jouit
au contraire de la dudilité dans un degré allez
marqué pour que Bergman doute s'il doit être
rangé parmi les métaux ou les demi-métaux;
il eft prefque auffi difficile à fondre que le fer
forgé ; il cft très fixe ; il fe calcine lorfqu’on le
chauffe à l’air , & il donne un oxide d’autant
plus vert qu’il eft plus pur. On ne fait point fi
cet oxide peut fe fondre en verre; on le réduit
à l’aide des fondans & des matières combuf-
tibles qui le décompofent comme tous les autres.
On ne connoît point l’udion de l’air &: de
l’eau fur le nickel. Son oxide , fondu avec des
matières propres à faire du vtr e , leur doi ne
une couleur d’hyacinthe plus ou moins rouge.
L’adion de la chaux > de la magnéfie &. des trois
alcalis purs fur le nickel cft encore inconnue.
M. Sage dit qu’en diftihant quatre parties
E L É M E N S
d’acide fulfurique concentré fur une partie de ré-
gule dekupfer nickel en poudre il paffe de l’acide
fulfureux; le réfidu eft grifâtre ; & en le diffol-
vant dans l’eau diftiliée, il eft de la plus belle cou-
leur verte. Il fournit des criftaux feuilletés de la
couleur de l’émeraude. Suivant M. Arvidffon ,
l’acide fulfurique forme avec l’oxide de nickel
un fel vert en criftaux décaèdres } ce font deux
pyramides quadrangulaires , réunies& tronquées
près de leur bafe.
Le même oxide fe diflbut très-bien dans
l’acide nitrique. Le nitrate de nickel criftallife
en cubes rhombéaux , fuivant M. Sage ; toutes
les autres dilîolutions du nickel , ou de fon
oxide dans l’acide muriatique & dans les acides
végétaux, font plus ou moins vertes. Les alcalis
fixes le précipitent en blanc verdâtre & le ré-
dilTolvent ; la liqueur devient alors jaunâtre.
L’ammoniaque , verfée dans une diffolution
acide de nickel , y produit une belle couleur
bleue j ce fel préfente le même phénomène
lorfqu’on le mêle avec les précipités de ce
métal par les alcalis fixes. Comme les diffolu-
tions de cuivre offrent la même couleur avec
l’ammoniaque , & qu’on eft même convenu de re.
garder cette couleur comme une pierre de touche
. très-propre à indiquer la préfence de ce méta
par-tout où il fe trouve, on a cru, àc quelques
perfonnes
d’Mist. Nat. et de Chîmie. 48$
perfonnes croient encore d’après cela , que le
nickel contient du cuivre,. Cependant Cronftedt
a tenté en vain tous les moyens connus de re*
tirer ce métal de la diffolution de nickel colorée
en bleu par l’ammoniaque. D’ailleurs , ce lel ne
diffout pas immédiatement le nickel , comme il
difl'out le cuivre, il eft donc démontré par- là *
comme le penfe Bergman , que cette propriété
appartient au nickel lui-même 3 & qu’il ne la
doit point au cuivre. Ce dernier chimifte n’a pas
reconnu des lignes certains de la difîclurion de
nickel par l’acide carbonique , en tenant pendant
huit jours ce métal dans de l’eau gazeufe ou
chargée de cet acide.
Le nickel détone avec le rJtre ; cette détona-
tion a fourni à M. Arvidfl'on un moyen de re-
connoître dans ce métal la préfence du co»
hait, qu’aucune autre épreuve n’avoit rendue
fenftble. Le nickel eft enfuite plus ou moins oxi-
de , fuivant la quantité de nitre qu’on a em-
ployée. Ce fel neutre a auftï la propriété d’aug-
menter l’intenfité de la couleur d’hyacinthe que
l’oxide de nickel communique aux verres , &: de
la faire reparoître lorfqu’elle a été difîipée par la
fufion ; ce qui arrive aflez fouvent à cet oxide ,
& ce qui lui eft commun avec l’oxide du demi-
ynétal que nous examinerons après celui-ci.
L’oxide de nickel fondu avec au bora**
Jom H* H h
482 É L I M E N S
lui donne aufii une couleur d’hyacinthe.
11 décompofe en partie le muriate ammoniacal.
Le fublimé ferrugineux que M. Sage a obtenu
dans cette expérience , dépend de ce qu’il a em-
ployé un régule qui n’étoit pas aufli pur que celui
de M. Àrvidffon; car ce dernier chimifte affure
que le muriate ammoniacal fublimé avec ce mé-
tal étoit blanc, & nedonnoit aucun indice de fer
par la noix de galle. Il paffe un peu d’ammonia-
que & d’acide muriatique ; le réfidu réduit donne
lin nickel qui a perdu un peu de fon magnétifine.
On ne connoît point l’a&ion du gaz hydrogène
fur le nickel.
Ce métal fe combine bien au foufre par
la fufion ; il forme alors une efpèce de minéral
dur, de couleur jaune, & à petites facettes bril-
lantes. Lorfqu’on le chauffe fortement & en con-
tai avec l’air, il pétille & répand des étincelles
trèsdumineufes , comme celles qui fortent du fer
forgé. Cronfiedt, à qui eft due cette expérience
ne l’a pas fuivie plus loin ; il a obfervé feulement
que ce phénomène n’a pas lieu , fi on a foin d’ôter
3e conraél: de l’air , en couvrant ce minéral de
verre en fufion ; ce qui indique que cet effet
n’eft dû qu’à la combuflion rapide du nickel opé-
rée par le foufre. Le même chimifte nous ap-
prend que ce métal fe diffout dans les fulfures
alcalins j & forme un compofé femblable aux
d’Hist. Nat. et de Chimie. 485
mines de cuivre jaunes. Le foufre ne peut être
féparé du nickel que par des fufions 6c des gril-
lages multipliés.
Le nickel fe combine avec l’arfenic , auquel il
adhère fortement. M. Monnet , qui regardoit
d’abord, d’après Cronfledt, le nickel comme un
métal particulier , ayant obfervé que lorf-
qu’il eft uni à î’arfenic il forme un verre bleu ,
femblable à celui que fournit le cobalt, a penfé ,
d’après cela , que le nickel n’eft que du cobalt
privé d’arfenic & de fer. Il fuit de cette opinion
que M. Monnet regarde le cobalt , ainfi que le
nickel, comme un véritable alliage. M. Bergman
croit que fi , en ajoutant de l’arfenic au nickel,
ce dernier peut donner du verre bleu, c’eft parce
que le cobab que le nickel contient toujours ,
6c dont les propriétés font mafquées par ce der-
nier, qui eft en beaucoup plus grande quantité,
eft oxidé 6c féparé du nickel par l’arfenic , &c
qu’alors il jouit de fes propriétés, 6e fur-tout
de celle de fe fondre en verre plus oit moins
bleu. Nous avons dit qu’on ne fépate entière-
ment le nickel de l’arfenic qu’à l’aide de la calci-
nation répétée avec du charbon en poudre.
Le nickel s’unit encore plus intimement au
cobalt qu’à l’arfenic, 6c on ne l’en féparé qu’avec
la plus grande difficulté; il peut même y être
combiné fans manifefter fes propriétés , 6c il n’y
H h ij
484 Elémens
a que le nitre, le borax & l’arfenic qui puiffent
en indiquer la prél'ence par la fufion,
Crcnftedt dit que le nickel forme avec le bif-
muth un régule cafîant & écailleux. La difTolu-
tion par l’acide nitrique peut féparer , quoi-
qu’imparfaitement , ces deux matières métalli-
ques, parla propriété que nous connoifïbns au
nitrate de bifmuth d’ètre décompofé par l’eau.
On n’a fait encore aucun ufage du nickel.
CHAPITRE XII.
Du Manganèse.
On connoiffoit , depuis long-tems, fous le nom
de magnifie, noire ou manganife , un minéral d’une
couleur grife , fombre , qui iâlit les doigts, qu’oil
emploie dans les verreries pour colorer ou blan-
chir le verre. Les ouvriers Pavoient appellé le
favon du verre, à caufe de cette dernière propriété.
La plupart des naturaliftes Pavoient pris pour
une mine de fer pauvre , à raifon de fa couleur
«
fk. de la terre ferrugineufe dont fa furface eft
fouvent enduite. Pott 6c Cronftedt , après une
analyfe exade , ne Pont point rtc :>nnu pour ure
matière ferrugineufe. Le dernier dit y avoirtrou-
vé un peu d’étain. M. Sage l’a rangé parai les
mines de zinc , 6c il croit qu’il efl formé par la
d’Hist. Nat. et de Chimie» 4S5
combinailon de ce de mi- métal & du cobalt avec
l’acide muriatique ; il ajoute , d’après les efiais ,
qu’on y rencontre quelquefois du fer ou du plomb.
La peiantenr de ce minéral , la propriété de
teindre le verre, & celle de donner par les pruf»
fiâtes alcalins verfés fur fes diffolutions dans les
acides un précipité blanchâtre , avoient fait foup-
çcnner à Bergman , comme il nous l’apprend dans
le dernier paragraphe de la Difiertation fur les
attractions électives , que ce minéral contenoit
une fubflance métallique particulière. Son loup-
çon a été plein , ment confirmé par un de fes élè-
ves , M. Gahn , doéleur en. médecine à Stockolm,
qui a fait conjointement avec Schéele , la décou-
verte de l’acide phofphorique dans les os. Ce
médecin efl le premier qui ait obtenu du régule
de manganèfe , vraifemblablement en traitant ce
minéral avec un flux rédu&if. Le degré de feu
néceflaire pour cette opération efl fans doute ex-
cefîif; car j’ai vu M. Brongniart_, chimiile très-
habile & très-exercé , effayer en vain de réduire
en culot ce minéral dans un fourneau, qui donne
cependant un grand coup de feu. On m’a alluré
qu’on avoit réufTi à Paris en employant le flux de
M. Morveau , avec lequel ce chimifie obtient
e fer en culot très-bien fondu. Mais je crois ,
comme M. la Peyroufe , que les flux nuifent
beaucoup dans cette opération. J’ai îenré cette
4S6 E L É M E N S
réclusion dans un très-bon fourneau de fufion
conftruit au laboratoire de l’école vétérinaire
d’Alfort. Je n’ai point obtenu un culot entier,
mais j’en ai retiré une bonne quantité de grenail-
les de deux ou trois lignes de diamètre. En em-
ployant plufieurs fois des alcalis fixes & du bo-
rax, je n’ai point eu de.métal. Dans mes diffe-
rens efiais , chaque petit globule métallique de
manganèfe étoit environné d’un verre ou d’une
fritte vitreufe verte foncée.
Cette matière doit , d’après nos principes, être
regardée comme un métal particulier , puif-
qu’on ne peut en faire l’analyfe, &. puifqu’elle
préfente d’ailleurs des propriétés qui n’appartien-
nent à aucune antre fubftance métallique. Pour
avoir une nomenclature uniforme , nous appel-
lerons cette fubftance le manganèfe.
Ce métal eft beaucoup mieux connu au-
jourd’hui d’après les travaux de MM. Bergman,
Schceie, Gahn, Rinman, d’Engeftroem, llfemao,
la Peyroufe. C’eft des travaux de ces chimif-
tes , ainfi que de mes expériences particulières ,
que j’emprunterai ce que je vais en dire. Je ferai
cbferver d’abord que la difficulté de réduire les
mines de ce métal a été caufe que l’on cc-n-
noît beaucoup mieux les propriétés de Ion oxide
que celles de fa fubftance métallique. Schéele,
l’un des plus habiles chimiftes de ce fiècle , paroît
dHist. Nat. et de Chimie. 487
n’avoir pas pu réduire cette fubftance , puifqu’il
n’indique aucune de fes propriétés dans l’crat
métallique.
Les mines de manganèfe Te reconnoiffent à leur
couleur grife , brune ou noire, plus ou moins
brillante , & à leur forme. On peut en diflinguer
un aflez grand nombre de variétés.
Variétés.
1. Mine de manganèfe criftallifée en prifmes té»
traèdres , rhomboïdaux , flriés , fuivant leur
longueur & féparés les uns des autres.
z. Mine de manganèfe criftallifée , dont les prif-
mes font difpofés en faifceaux.
3. Mine de manganèfe criflallifée en petites ai-
guilles , qui font difpofées en étoiles.
4. Mine de manganèfe effleurie noire 8z friable.'
Elle tache les doigts comme de la fuie.
5. Mine de manganèfe veloutée. Ce font de très-
petites aiguilles cffleuries., dont la belle cou-*
leur noire matte imite le velours.
6. Mine de manganèfe compa£ïe.& informe; elle
eft d’un gris noir, fouvent caverneufe, très-
pefante. Elle falit les doigts , on y trouve quel-
quefois des aiguilles brillantes. La pierre ds?
Périgueux appartient à cette variété.
7. Manganèfe fpathique trouvée dans les mines,
de fer de Klapperud à Fresko , dans le Dabi»-
and, ôi décrite par Mi Rinman.
H h iv
4§§ Elémens
8, Miriiganèfe native en globules métalliques
trouvée à Sem , dans le comté de Foix, par
M. la Peyroufe. Ce naturalise a décrit dans
le Journal de Phyfique, Janvier 17S0, beau-
coup de variétés de mines de manganèfe trou*
vées dans le meme endroit.
1
Schéele a découvert i’oxide de manganèfe
dans les cendres des végétaux , & il lui attribue
îa couleur verte ou bleue que prend fouvent l’al-
cali fixe calciné. La couleur verte que préfente
îa potaffe lorfqu’on la, traite par la chaux , & la
couleur rofe que j’ai fouvent obfervée dans fa
combinaifon avec les acides, font dues (fuivant
lui) à cet oxide métallique. On le trouve en pe-
tite quantité dans tous les charbons.
Le manganèfe extrait de fa mine eft d’un blanc
brillant dans fa frafture ; fon tiflu eft grenu comme
celui du cobalt. ïl efl dur & fe brife après avoir
fubi un peu d’applatiflement par le marteau. Son
înfufibiliîé eft telle , qu’il eft plus difficile à fondre
que le fer ; ce qui a d’abord fait conjefturer à
Bergman qu’il avoit quelque rapport avec le pla-
tine.
Le manganèfe chauffé avec le conta# de l’air
fe change en un oxide d’abord blanchâtre , &
qui devient de plus en plus noir , à mefure qu’il
s’oxide davantage. J’ai obfervé que les petits
globules de manganèfe, obtenus par le procé dé
d’Hist. Nat. et de Chimie; 48#
que j’ai indiqué plus haut, s’altèrent très-promp-
tement par le contaft de l’air ; ils fe terniftent
d’abord ôc fe colorent en lilas §c en violet ; bien-
tôt ils tombent en poulîière noire , & refTem-
blent alors à l’oxide de manganèfe natif.
Cette oxidstion rapide du manganèfe par le
contatt de l’air , eft un fait dont l’obferva-
tion a toujours eu pour moi quelque chofe de
irès-fingulier. Des globules métalliques durs ,
brillans , très-réfraélaires , fe confervent entiers
pendant allez îong-tems dans un flacon bien bou-
ché , pourvu que leur furface foit entière 6c re-
couverte de la petite couche d’oxide qui s’y eft
formée pendant la fufion du demi-métal ; mais fi
l’on cafTe ces globules en trois ou quatre frag-
mens, on trouve, en fixant les yeux quelques
minutes fur leur caftiue expofée à l’air , qu’elle
change promptement de couleur ; de blanche
qu’elle étoit , elle devient rapidement rofée ,
pourpre ou violette, & enfin prefque brune. Si
on laiffe les fragmens dans un flacon qui contienne
en même tems une certaine quantité d’air, 6c fi'
on les fecoue légèrement de tems en tems , au
bout de quelques mois on les trouve réduits en
une poufiière prefque noire ; c’eft une forte de
pulvérifation ou d’efflorefcence métallique ana-
logue à celle des fub fiances faillies ou des pyri-
tes. Elle prouve la forte attraction qui exifte entre
490 Ê L É M S N g
îe manganèfe & Poxigène atmofphérique, &: la
rapidité avec laquelle ces fubdances tendent à
s’unir.
On n’a point examiné l’a&ion du maaganèfe
fur les terres & fur les fubftances falino-terreufes.
L’oxide de ce métal donne au verre une cou-
leur violette ou brune , fufceptible d’un grand
nombre de modifications, & quife difîipe faci-
lement parl’a&ion des matières combuflibles. Le
nitre revivifie ou fait reparoître promptement
cette couleur brune ou violette , en rendant de
l’oxigène au manganèfe. Telle eft la raifon pour
laquelle les matras & les cornues de verre blanc
que l’on emploie dans nos laboratoires , pour
obtenir Pair vital du nitre , prennent toujours une
couleur brune ou violette. Schéelea fait un grand
nombre d’expériences ingénieufes fur cette colo-
ration du verre par Poxide de manganèfe.
On ne connoît pas bien la manière dont les al-
calis agiffent fur le manganèfe. Mais on fait que
l’oxide de ce métal s’y combine , Sc eft re-
vivifié par l’ammoniaque. Bergman obferve que
dans cette combinaifon il fe dégage un gaz par-
ticulier, qu’il regarde comme un des principes de
l’ammoniaque, & fur lequel il ne donne point de
détails. Il paroît que c’eft le gaz azote, d'après la
découverte de M. Berthollet , & que l’hydrogène
de l’ammoniaque fe porte fur Poxigène qu’il eiv
d’I-Iist. Nat. et de Chimie. 491
lève au manganèfe ; celui-ci eft alors réduit &
devient blanc. Schéele a donné le nom de camé-
léon minéral à une combinaifon de potaûe &
d’oxide de manganèfe, qui prend une belle cou-,
leur verre dans î’eau chaude, & rouge avec l’eau
froide. L’oxigène & le calorique paroiffent être
les principales caufes des phénomènes que pré-
fente cette combinaifon. Peut-être 1 azote , que je
regarde comme le principe' alcalifiant ou comme
Y alcaligene , fe dégage-t-il de la potafïe dans cette
opération , & efl-il en partie la caufe de ces fiq-
gulières modifications de la couleur.
L’acide fulfurique efi décompofé par le man-
ganèfe & diflout fon oxide. Cette diflolution ed
colorée, &. elle perd fa couleur par l’addition
d’une matière combuflible , comme le fucre , le
miel ; elle donne un fulfate de manganèfe trans-
parent en criflaux parallélipipèdes. Ce fulfate efl
décompofé par le feu & donne de l’air vital; les
alcalis en féparent un oxide de manganèfe qui de-
vient brun par fon expofition à l’air.
L’acide nitrique diflout ce métal en don-
nant des vapeurs rouges. Son oxide n’e'ft point at-
taqué par cet acide , à moins que ce dernier ne
foit rutilant, ou qu’on n’y ajoute un corps com-
buflible, comme du miel ou du fucre. Les alca-
lis précipitent de ces diflolutions un oxide blanc
diffoluble dans les acides, qui noircit & s’oxide
492 E L E M ENS
davantage lorsqu’on le chauffe. Bergman penfe
que ce métal eft une des fubftances métalli-
ques qui a le plus d’affinité avec les Tels , puifque
dans fa table d'attraélions chimiques il le place
prefqu au haut des colonnes qui expriment les at-
Traéfions éleéfives des acides pour les différentes
fubftances auxquelles ils font fufceptibles de s’unir.
L’acide muriatique difîout auffi le manganèfe ,
qui le colore à froid en brun foncé ; en chauf-
fant cette diffolution , elle perd fa couleur ; l’eau
la précipite, & les alcalis la décornpofent.
Nous avons vu dans Phifloire de cet acide ,
qu’en le diftillant fur l’oxide natif de ce métal ,
celui-ci devient blanc & fe rapproche de l’état
métallique, en donnant une partie de fon oxigène
à l’acide muriatique qui fe dégage en gaz acide
muriatique oxïgéné. Il parcît que cet acide a
plus d'affinité avec le manganèfe que n’en a l’a-
cide fuifurique , puifqu’une diffolution de ce
métal par ce dernier , verfé dans Pacide mu-
riatique , forme un précipité que Bergman a
reconnu pour erre du muriate de manganèfe , par
la propriété qu’il a de fe diffioudre dans l’aico-
hol -, propriété que ne préfente point le fulfate
du meme métal.
L’acide fluorique ne difîout que très - peu
d’oxide de manganèfe ; on unit mieux ces deux
fubftances, fuivant Schéele, en décompofant le
d’Hist. Nat. et de Chimie. 49 3
fulfate , le nitrate ou le muriate de manganèfe
par le fluate ammoniacal.
L’acide carbonique diflout une petite quantité
de manganèfe par la digeffion à froid ; la potaffe
& le contaft de l’air en précipitent l’oxide métal-
lique.
Schéele a examiné l’aélion du nitre , du borax
&C du muriate ammoniacal fur l’oxide de manga-
nèfe. Cet oxide dégage l’acide du nitre par la
chaleur ; il forme avec la potaffe une malle verte
foncée, diffoluble dans l’eau, à laquelle elle donne
la même couleur. Celle-ci n’eft verte qu’à raifon
du fer contenu dans le manganèfe ; à mefureque
le fer s’en précipite , il laiffe la diffolution bleue;
l’eau êc les acides précipitent cette diffolution
alcaline. C’eft le caméléon minéral de Schéele
dont nous avons déjà parlé.
Le nitrate de potaffe, chauffé dans des vaiffeaux
de verre contenant du manganèfe , donne à ce ver-
re une couleur violette d’autant plus foncée que
l’oxidation de ce métal par l’acide nitrique eff
plus complette.
Le borax fondu avec l’oxide de manganèfe
prend une couleur brune ou violette.
Le muriate ammoniacal, diftillé avec cet oxide
métallique , donne de l’ammoniaque , & celle-ci
eft en partie décompofée. Schéele , qui a fait cette
obfervation , a annoncé en même tems qu’il fe
494 E L É ME N S
dégage un fluide diadique qu’il regarde comme
un des principes de l’ammoniaque, mais il n’a
point indiqué la nature de ce fluide ; M. Ber-
îhollet a reconnu depuis que dans les décompofi-
tions de l’ammoniaque parles oxides métalliques,
il fe forme de l’eau par l’union de l’hydrogène,
l’un des principes de ce fel, avec l’oxigène des
oxides, tandis que l’azote., autre principe de l’am-
moniaque , fe dégage en gaz. Il fe forme aufTi de
l’acide nitrique dans cette opération.
On ne connoît pas l’a&ion .de l’hydrogène &
'du foufre fur le manganèfe & fur fon oxide natif.
L’arfenic même en oxide blanc paroîr être fufcep-
tible d’enlever à cet oxide une portion de fon
oxigène , puifqu’il décolore les verres brunis
par cette fubftance.
Bergman ajoute à ces propriétés que le man-
ganèfe ne peut pas être exactement féparé du fer
qu’il contient toujours ; ainfi donc il en eft de ce
nouveau demi-métal, comme du nickel : on ne le
connoît point encore dans fon état de pureté.
Schéele , dans l’analyfe exaCte qu’il a faite de
l’oxide de manganèfe naturel , y a découvert du
fer, de la chsux,de la baryte & un peu de lilice.
On emploie l’oxide de manganèfe , nommé
magnifie noire , dans les verreries , foit pour ôter
les teintes de jaune , de verd ou de bleu aux
verres blancs , foit pour colorer ces fubflances
d’Hist. Nat. et de Chimie. 49?
en violet. Il eft vraifemblable que cephenomene
eft dû à l’avion de l’oxigène féparé de l’oxide de
manganèfe par la chaleur fur les lubftances co-
lorées.
On fe fert aujourd’hui de l’oxide de manga-
nèfe natif en chimie pour préparer l’acide mu-
riatique oxigéné, 6c pour un grand nombre
d’autres expériences.
Cet oxide natif donne , en le chauffant feul
dans un appareil pneumato-chimique , de l’air
vital ou gaz oxigène très-pur ; c’eft cet air vital
qui feul peut être employé avec avantage pour
les malades chez fefquels fon adminîftration eff
indiauée. Il faut obferver que pour obtenir
l’air vital bien pur en diflillant l’oxide de man-
ganèfe natif, il faut en remplir entièrement les
cornues , & ne point y laiffer d’air atmofphéri-
que; c’eft ainii qu’on doit procéder pour obtenir
l’air vital defliné aux malades, ou employé pour
recompofer l’eau. Sans cette précaution on a,
dans cette dernière expérience, une quantité plus
grande d’acide nitrique formé , ou un réûdu mé-
phitique qui arrête la combudicn du gaz hy-
drogène, & qui oblige de faire plufieurs fois le
vide dans le ballon.
L’affinité du manganèfe pour le principe de la
combuffion guide auffi le? chiaiiûçs modernes
496 £ L E M E N S, &C.
dans un grand nombre de cas, & pourra con-*
duire quelque jour à de nouvelles découvertes,
qui ne font pas même encore foupçonnées , fur
la nature de plulieurs fubftances 2 inconnue juf*
qu’a&ueliemenc.
Fin du Tome fcconcL
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