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Full text of "Système des connaissances chimiques, et de leurs applications aux phénomènes de la nature et de l'art"

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LA  MÉDECINE 

éclairée 

PAR  LES  SCIENCES  PHYSIQUES, 


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JOURNAÈ  dÉs  DÉCOUVERTES 

\ 

i 

RELATIVES 


AUX  DIFFÉRENTES  PARTIES 

DE  L’ART  DE  GUERIR; 

Rédigé  par  M.  FOURCROY. 


TOME  TROISIÈME. 


A PARIS, 

Chea  Buisson,  Libraire  , Hôtel  de  Coè’tlosquet , 
rue  Hautefeuille , N®  2.0. 


Sk’ 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2015 


https://archive.org/details/b21980342 


N°.  Ier. 


LA  MÉDECINE 

ÉCLAIRÉE 

PA  Pu  LES  SCIENCES  PHYSIQUES, 

o u 

» ’ 

JOURNAL  DES  DÉCOUVERTES 

Relatives  aux  différentes  parties  de  l’Art 

de  Guérir. 


CHIMIE. 

Extrait  d’un  Mémoire  de  M.  Fonrcroy  , sur 
les  différentes  variétés  de  sulfate  de  mer- 
cure , et  sur  leurs  précipitations  par  les  al- 
calis' et  spécialement  par  V ammoniaque . 
Annal,  chimiques  , tom.  X , page  293. 

Le  mercure  fournit  aux  physiciens  une  mine 
inépuisable , où  chacun,  en  y descendant:,  trouve 
des  richesses  nouvelles  s’il  y porte  des  instru- 
mens  propres  à ]es  découvrir  et  à les  exploiter. 
Jamais  substance  n’a  plus  occupé  les  savans 
de  tous  les  genres,  et  nulle  n’a  si  généreuse- 
ment récompensé  leurs  soins  et  leurs  travaux 
que  le  mercure. 

M.  Fourcroy  ne  s’attendoit  pas  , en  se  tra- 
çant la  route  qu’il  devoit  suivre  dans  ce  travail  , 
à rencontrer  autant  de  sentiers  latéraux  entiè- 
rement inconnus  , et  aussi  fertiles  en  faits  nou- 
veaux. En  effet , chaque  expérience  sur  cette 


4 LàMédecïwe 

matière  a été  pour  lui  un  trait  de  lumière  qui 
l’a  conduit  à des  résultats  très-intéressans  , et 
qu’il  ne  pouvoit  pas  prévoir  d’avance. 

Son  mémoire  est  divisé  en  deux  parties  ; la 
première  comprend  des  remarques  sur  la  pré- 
paration et  les  différens  états  où  peut  se 
trouver  le  sulfate  de  mercure  ; la  seconde  ren- 
ferme les  précipitations  du  sulfate  de  mercure 
par  les  alcalis , et  les  propriétés  des  sels  triples 
qu’il  forme  avec  l’ammoniaque. 

De  la  préparation  du  sulfate  de  mercure  et  de 

ses  variétés. 

Pour  préparer  le  sulfate  de  mercure  ^ on  fait 
bouillir  ensemble  une  partie  de  mercure  cou- 
lant , une  partie  et  demie  d’acide  sulfurique  , 
jusqu’à  ce  que  le  mercure  soit  réduit  en  une 
masse  blanche  formée  de  petits  cristaux.  Pen- 
dant cette  opération , le  mercure  est  agité 
d’un  mouvement  continuel , par  des  bulles  de 
gaz  sulfureux  qui  s’en  dégagent  de  toutes  parts. 
Quand  l’expérience  a été  faite  lentement  dans 
des  vaisseaux  élevés  et  qui  ne  peuvent  per- 
mettre la  volatilisation  de  l’acide  sulfurique  , 
le  sulfate  de  mercure  est  blanc  , encore  en- 
vironné d’une  certaine  quantité  d’acide  sulfu- 
rique non  décomposé  , et  n’est  point  converti 
en  sulfate  jaune  de  mercure  par  l’eau  ^ s’il  a 
été  exactement  séparé  de  l’acide  sulfurique 
surabondant.  Mais  si  l’on  jette  sur  cette  subs- 
tance mêlée  d’acide  sulfurique  , de  l’eau  , et 
sur-tout  de  l’eau  chaude , une  grande  partie 
sera  dissoute  , et  l’autre  se  convertira  en  sul- 
fate jaune  de  mercure  ou  turbith  minéral  ÿ 
souvent  même  , si  l’on  donne  un  grand  mou- 
vement à la  matière  , en  commençant  à y verser 
de  l’eau  , il  arrive  qu’elle  se  dissout  entière- 


à C L A I R É E , ect.  5 

ment  sans  qu’il  y ait  un  atome  de  turbith 
formé. 

Si  sur  le  sulfate  de  mercure  dont  on  a enlevé 
l’excès  d’acide  sulfurique , on  verse  de  l’eau 
froide  , on  achève  de  le  priver  de  ce  corps  , 
et  l’on  met  la  matière  dans  l’état  de  sulfate  de 
mercure  blanc  et  neutre. 

Dans  cet  état , il  n’a  point  de  saveur  acide  , 
comme  il  avoit  immédiatement  après  sa  prépa- 
ration ; il  n’a  plus  qu’un  goût  métallique  plus 
ou  moins  analogue  à celui  de  tous  les  sels  mer- 
curiels ; il  est  moins  dissoluble  dans  l’eau  , et 
il  ne  rougit  plus  les  couleurs  bleues  des  végé- 
taux. 

Si  en  préparant  le  sulfate  de  mercure  , on 
suit  la  méthode  ordinaire  employée  dans  les 
pharmacies  , c’est-à-dire  , si  l’on  chauffe  forte- 
ment la  masse  jusqu’à  ce  qu’elle  soit  entière- 
ment desséchée  , ou  qu’elle  commence  à jaunir  , 
l’eau  , de  quelque  manière  qu’on  l’applique  , la 
convertit  en  sulfate  de  mercure  jaune  ou  turbith 
minéral. 

Le  sulfate  acide  de  mercure  est  plus  disso- 
luble que  le  sulfate  blanc  neutre  de  mercure  , 
et  celui-ci  l’est  plus  que  le  jaune  ou  le  turbith 
minéral. 

Le  sulfate  de  mercure  pur  et  neutre  se  dissout 
dans  5oo  parties  d’eau , et  le  turbith  minéral  en 
demande  2000.  Pour  connoître  le  degré  de 
dissolubilité  que  l’acide  sulfurique  pouvoit 
donner  au  sulfate  de  mercure  , on  a mêlé 
deux  parties  de  cette  matière  et  une  partie 
d’acide  sulfurique  , et  au  lieu  de  5oo  parties 
d’eau,  il  n’en  a fallu  que  157  ; ce  qui  indique  un 
effet  plus  grand  que  la  cause  qui  le  produit. 

Relativement  à la  dissolubilité  du  sulfate 
acide  de  mercure  , M.  Fourcroy  a fait  clea 

A 3 / 


6 La  Médecine 

remarques  intéressantes.  Si  au  lieu  d’employer 
les  1 5y  parties  d’eau  à-la-fois  , on  les  partage 
en  4 parties  pour  les  employer  successivement, 
on  ne  dissoudra  point  entièrement  le  sulfate  de 
mercure  , parce  que  les  premières  doses  n’enlè- 
vent presque  que  l’acide  pur  , et  il  reste  pour 
les  dernières  un  sel  qui  demande  5oo  parties 
d’eau  ; et  dans  un  partage  de  cette  nature  , il  a 
fallu  3^3  parties  et  demie  d’eau  au  lieu  de  1 5y  , 
pour  opérer  cette  dissolution. 

D’après  ces  expériences,  M.  Fourcroy  dis- 
tingue trois  variétés  de  sulfate  de  mercure  : le 
sulfate  de  mercure  , proprement  dit,  celui  qui 
est  blanc  , qui  n’est  point  acide  et  qui  ne  jaunit 
point  ; le  sulfate  acide  de  mercure  , qui  n’est 
qu’une  combinaison  du  précédent  avec  l’acide 
sulfurique  ; enfin  , le  sulfate  de  mercure  avec 
excès  d’oxide  et  d’oxigène.  Il  a prouvé  par  la 
synthèse  et  par  l’analyse  , que  Je  sulfate  de 
mercure  blanc  différoit  du  jaune  par  moins 
d’oxîgène,  d’oxide  et  plus  d’acide  : en  effet,  le 
sulfate  blanc  de  mercure  , exposé  pendant  long- 
temps à l’air,  jaunit  et  augmente  de  poids; 
chauffé  dans  des  vaisseaux  clos  , il  exhale  de 
l’acide  sulfureux,  et  prend  aussi  une  couleur 
jaune.  Par  l’analyse  , la  dissolution  d’une. quan- 
tité de  sulfate  blanc  de  mercure  dans  l’acide 
muriatique  donne  plus  de  précipité  qu’une  dis- 
solution de  la  même  quantité  de  sulfate  jaune 
de  mercure.  Quant  à l’oxigène  , il  a prouvé  , 
par  le  même  acide  muriatique,  qu’il  y en  avoit 
plus  dans  le  sulfate  jaune  de  mercure  que  dans 
l’autre  , puisque  le  jaune  se  convertit  entière- 
ment en  sublimé  corrosif  ’,  et  que  le  blanc  reste 
à l’état  de  mercure  doux . 

Pour  démontrer  cjue  le  sulfate  jaune  de  mer- 
cure contenoit  plus  de  mercure  que  le  blanc , 


ÉCLAIRÉ  Ë,  etc.  7 

il  en  a réduit  deux  portions  égales  à l’état  de  ' 
muriate  de  mercure  corrosif  pur  , et  il  en  a 
précipité  l’oxide  par  un  alcali  fixe.  Par  ces  ex- 
périences , il  a trouvé  que  le  sulfate  de  mer- 
cure blanc  contient  sur  100  parties,  12.  parties 
d’acide  , y5  de  mercure , 8 d’oxigène  et  5 d’eau  ; 
et  que  le  sulfate  de  mercure  jaune  ou  turbifh 
minéral  est  composé  sur  100  parties  , de  10  par- 
ties d’acide  , de  76  de  mercure  , de  11  d’oxigène 
et  de  3 parties  d’eau. 

De  la  décomposition  des  différens  sulfates  de 
mercure  par  les  alcalis  en  général. 

Les  différences  qu’il  y a entre  les  variétés  du 
sulfate  de  mercure  dévoient  faire  naître  des 
phénomènes  particuliers  dans  leurs  précipita- 
tions par  les  alcalis. 

C’est  ce  qui  est  en  effet  arrivé  , comme  on  va 
le  voir  tout  à l’heure. 

La  dissolution  de  sulfate  de  mercure  dans 
l’eau  est  blanche  et  sans  couleur.  Elle  a une 
saveur  stiptique  et  métallique  ; la  chaux  , les 
alcalis  fixes  et  volatils  en  précipitent  l’oxide  sous 
une  couleur  noire,  et  cet  oxide  , exposé  à la  lu- 
mière , se  réduit  en  mercure  coulant.  Les  phé- 
nomènes qui  se  présentent  pendant  ces  expé- 
riences se  ressemblent  parfaitement , excepté 
que  le  dépôt  formé  par  l’ammoniaque  , quoique 
analogue  aux  autres  , en  diffère  seulement  par 
la  quantité,  qui  est  plus  petite. 

Chacun  de  ces  réactifs  , mis  sur  du  sulfate  de 
mercure  sec,  le  noircit  comme  de  l’enére  ; 
et  ces  oxides  sont  réductibles  par  eux-nîr^é-s’ 
à la  lumière.  «r  •' 

Dans  cette,  mamère  d’opérer,  l’ammoriiaqne 
offre  quelque  chose  de  particulier  5 c’est  un 
bruit,  un  frissonnement  semblable  à celui  d’un 

A4 


8 La  Médecine 

fer  chaud  trempé  dans  l’eau  j dans  chacune  de 
ces  expériences  , la  température  du  mélange  est 
élevée. 

Après  avoir  décomposé  la  dissolution  du  sul- 
fate de  mercure  par  les  alcalis  fixes , on  ne 
trouve  plus  dans  la  liqueur  aucune  trace  de 
mercure , et  l’évaporation  de  cette  liqueur  le 
démontre  complètement  ; mais  il  n’en  est  pas 
de  même  de  celle  qui  a été  précipitée  par  l’am- 
moniaque , elle  retient  encore  de  l’oxide  de 
mercure  que  l’on  y peut  démontrer  par  l’acide 
muriatique  , par  l’eau  et  par  l’évaporation  de  la 
liqueur  qui  surnage  le  précipité. 

S’il  est  arrivé  que  l’on  ait  mis  plus  d’ammo- 
niaque qu’il  n’étoit  nécessaire  pour  la  préci- 
pitation de  l’oxide  de  mercure  la  liqueur  où 
elle  est  contenue  , exposée  à l’air  , déposera  au 
bout  de  quelques  heures  de  petits  cristaux 
blancs  , brillans  , et  ayant  une  forme  régulière. 
A mesure  que  cette  cristallisation  s’opère  , 
Fadeur  ammoniacale  de  la  liqueur  diminue,  ce 
qui  indique  que  ce  n’est  qu’en  perdant  cette 
substance  que  les  cristaux  se  déposent  , et 
qu’elle  contribuoit  à leur  dissolution. 

Au  lieu  d’attendre  la  séparation  spontanée 
et  lente  des  cristaux  , si  on  verse  dans  la  li- 
queur une  grande  quantité  d’eau,  elle  se  trou- 
ble et  devient  absolument  comme  du  lait.  Peu- 
à-peu  il  se  précipite  une  poudre  blanche.,  et  la 
liqueur  s’éclaircit. 

..  Cette  poudre  est  composée  d’oxide  de  mer- 
cure, d’ammoniaque  et  d’acide  sulfurique  ; c’est 
ép^tie  M.  Fourcroy  appelle  sulfate  ammoniaco- 
mreicuriel.  Les  moyens  d’analyse  qu’il  a mis  en 
usage  pour  apprécier  \eé  quantités  des  principes 
du  sulfate  ammoniaco-mercuriel , sont  trop  com- 
pliqués pour  que  nous  puissions  les  faire  con- 


ÉCLAIRÉE,  eCt.  9 

noître  ici  ; nous  nous  bornerons  seulement  à 
leur  résultat  : 100  parties  de  ce  sel  contiennent 
18  parties  d’acide  sulfurique  , 33d.’ammoniaque  , 
3ç  d’oxide  de  mercure  , et  à-peu-près  10  d eau. 
Ce  sel  a une  saveur  métallique  et  stiptique  très- 
forte  j il  n’est  que  peu  dissoluble  dans  l’eau  ; 
il  noircit  à la  lumière  ; il  donne  à la  distilla- 
tion , i°.  de  l’ammoniaque  , iQ . du  gaz  azote  , 
3°.  un  peu  de  mercure  coulant  réduit  par  la 
décomposition  de  l’ammoniaque  , 4°-  du  sulfate 
d’ammoniaque  : il  reste  dans  la  cornue  du  sul- 
fate de  mercure  jaune  ou  turbith  minéral.  Il 
se  dissout  dans  l’acide  muriatique  , avec  lequel 
il  forme  du  sel  alembroth  mêlé  de  sulfate  d’am- 
moniaque. L’acide  nitrique  le  dissout  aussi  , 
mais  sans  le  décomposer. 

Ces  expériences  démontrent  que  l’ammo- 
niaque ne  sépare  point  tout  le  mercure  de 
l’acide  sulfurique  , qu’elle  n’en  précipite  que  la 
quantité  nécessaire  pour  former  avec  l’acide 
sulfurique  assez  de  sulfate  d’ammoniaque  pour 
donner  naissance  à un  sel  triple  en  s’unissant 
au  sulfate  de  mercure  non  décomposé , et  par 
lequel  il  est  attiré.  On  conçoit  facilement  , 
d’après  cela , pourquoi  , dans  une  dissolution 
de  sulfate  acide  de  mercure  , il  ne  se  fait  point 
de  précipité  noir,  quelle  que  soit  la  quantité  d’am- 
moniaque qu’on  y ajoute  , mais  quelquefois  un 
dépôt  blanc  5 pourquoi , lorsqu’on  mêle  des  dis- 
solutions de  sulfate  de  mercure  et  de  sulfate 
d’ammoniaque  , il  se  forme  un  sel  triple  qui  se 
dépose  sur  le  champ  sous  la  forme  de  poussière 
blanche.  L’ammoniaque  agit  à-peu-près  de  la 
même  manière  générale  sur  les  différens  sul- 
fates de  mercure  , c’est-à  dire  qu’elle  forme 
toujours  des  sels  triples  plus  ou  moins  abon- 
dans  t suivant  que  les  sels  contenoient  plus  ou 


lo 


La  Médecine 

moins  d’acide  , et  qu’elle  en  sépare  toujours 
l’oxide  sous  une  couleur  noire. 

Les  alcalis  fixes  n’exercent  pas  la  même  ac- 
tion sur  tous  ; d’abord  ils  ne  forment  point  de 
sels  triples  , et  ils  précipitent  l’oxide  de  mer- 
cure sous  des  couleurs  différentes.  Ils  séparent 
un  oxide  jaune  du  sulfate  acide  de  mercure  et 
noir,  des  dissolutions  du  sulfate  de  mercure  pro- 
prement dit,  et  du  sulfate  de  mercure  avec 
excès  d’oxide. 

Ces  différences  dans  les  phénomènes  ont  em- 
barrassé M . Fourcroy  pour  leur  explication.  Il 
est  admis  par  les  Chimistes,  que  dans  les  disso- 
lutions métalliques  blanches  , les  oxides  y sont 
sans  couleur  : l’on  sait  que  le  mercure  contient 
moins  d’oxigène  dans  l’état  d’oxide  noir  que 
dans  celui  d’oxide  blanc  ; d’après  cela , il  est  aisé 
d’expliquer  comment  l’oxide  de  mercure  passe 
du  blanc  au  noir  par  l’ammoniaque  5 mais  la 
nature  inconnue  'des  alcalis  fixes  jette  beau- 
coup d’obscurité  sur  la  manière  dont  ils  préci- 
pitent^ d’une  dissolution  blanche  de  mercure  , 
un  oxide  noir.  Ouoi  qu’il  en  soit , il  est  certain 
que  toutes  les  fois  que  l’ammoniaque  précipite 
Foxide  de  mercure  , elle  lui  enlève  une  portion 
d’oxigène;que  lesalcalisfixesle  précipitent  tantôt 
avec  plus  d’oxigène  qu’il  n’en  avoit  dans  la 
dissolution  et  tantôt  avec  moins , comme  dans 
î 'exemple  de  la  décomposition  du  sulfate  de 
mercure  neutre.  Tels  sont  les  faits  principaux 
que  renferme  le  mémoire  de  M.  Fourcroy, 
duquel  nous  pensons  nue  la  lecture  seroit  d’un 
grand  avantage  pour  les  Chimistes , Médecins 
et  Pharmaciens  , qui  doivent  s’intéresser  parti- 
culièrement à tout  ce  qui  lient  aux  préparations 
mercurielles.. 


éclairée,  ect.  1 1 

MÉDECINE  PRATIQUE. 

I.  Lettre  de  M.  Burel  le  jeune , ancien  Méde- 
cin des  hôpitaux  militaires  , pensionné  par 
la  communauté  de  Si  que , district  de  Bri- 
gnol es  , département  du  Var , à M.  Four- 
croy,  sur  plusieurs  abjections  de  nature  char- 
b o rieuse. 

L'observation  de  M,.  Chopart,  rapportée  dans 
le  numéro  XI  de  votre  Journal  , m’en  a rap- 
pel'é  quelques- mies  de  ce  genre  qui  me  pa- 
roissent  de  la  plus  grande  importance.  Je  ne 
me  permettrai  des  réflexions  qu’après  avoir 
établi  les  faits. 

Le  nommé  Andrieu , travailleur,  d’un  tem- 
pérament bilieux  et  sanguin,  se  sentit  piqué 
au  col  ; il  y porta  la  main  avec  violence  et 
y écrasa  une  araignée.  La  chaleur  et  l’enflure 
survinrent-  bientôt  $ la  dernière  fit  assez  de 
progrès  pour  occuper  dans  l’espace  de  deux 
heures  toute  la  partie  antérieure  , postérieure 
et  supérieure  du  tronc  , se  portant  tout  le  long 
du  bras,  où  la  chaleur  lut  vive  avec  sentiment  de 
stupeur  considérable  : à ces  symptômes  se  joi- 
gnirent bientôt  des  sueurs  froides  ass^z  copieuses, 
des  soulèvemens  de  cœur,  des  vomissemens  , des 
défaillances,  des  foiblesses  , des  sincopes  si  rap- 
prochées qu’on  crut  que  c’en  étoit  fait  du  ma- 
lade. Je  fus  appellé  dans  ces  circonstances. 
Je  trouvai  le  malade  avec  un  pouls  petit,  très- 
fréquent  et  convulsif.  Je  découvris  sur  la  partie 
piquée  , un  point  de  la  largeur  d’une  pièce 
de  douze  sols,  noir,  semblable  a un  vrai  char- 
bon , entouré  d’une  aréole  de  deux  à trois 
lignes , qui  en  occupoit  toute  la  circonférence. 


Ü La  Médecine 

L’état  du  malade  me  fit  porter  un  pronostic 
des  plus  fâcheux.  Je  fis  à l’instant  scarifier 
le  point  spliacelé  , panser  avec  l’onguent  égyp- 
tiac  et  fomenter  toute  la  tumeur  avec  la  dé- 
coction de  scabieuse,  animée  de  quelques  gouttes 
d’eau  de-vie.  Je  prescrivis  en  même  temps  une 
potion  cordiale,  à prendre  à cuillerée  toutes  les 
demi-heures,  ensemble  une  mixture  faite  avec 
alcali  volatil  six  grains,  décoction  de  mélisse  deux 
onces  , sirop  d’œillet  une  once  , à repéter  de  trois 
en  trois  heures.  L’état  du  malade  me  permit  de 
supprimer,  à ma  seconde  visite  , la  potion  cor- 
diale ; à celle  du  soir  , je  fis  éloigner  les  prises 
de  la  potion  alcaline  : enfin  , le  jour  d’après , 
l’élévation  du  pouls  , qui  n’étoit  plus  convulsif, 
la  cessation  des  anxiétés  et  le  mieux  être  du 
malade  me  firent  tout  espérer.  Je  supprimai 
la  potion  , à laquelle  je  substituai  l’usage  du 
kina  uni  au  camphre.  Je  permis  une  purée 
de  quatre  en  quatre  heures,  avec  prière  de 
ne  rien  changer  à ce  régime  avant  mon  re- 
tour de  la  Ciotat,  où  j’étois  appellé  pour  des  ma- 
lades ; mais,  à peine  fus-je  panique  les  voisins, 
gens  aussi  simples  que  crédules , firent  con- 
sentir le  malade  à appeller  un  charlatan  qui 
blâma  tout  x et  promit  une  guérison  dans  six 
heures.  Il  fit  en  conséquence  appliquer  vers 
la  région  de  l’estomac  où  la  tumeur  avoit  des- 
cendu , ets’étoit  circonscrite , un  emplâtre  dont 
l'effet  fut  des  plus  prompts , qui  répercuta 
l’enflure  , renouvella  les  symptômes  avec  une 
telie  violence  que  le  malade  périt  deux  heures 
après . 

Le  nommé  Jourdan,  habitant  à la  Ciotat, 
employé  à cuire  le  pain  dans  les  fours  publics  , 
d’un  tempérament  bilieux  et  très-robuste  , s’en- 
dormit sur  des  fagots  de  branches  fraîches  de 


ÈCLAIRBE,  etC.  l3 

différens  arbustes  5 il  y fut  éveillé  par  bi  dou- 
leur que  lui  causa  la  piquure  d’une  araignée 
sur  le  téton  gauche.  La  partie  enfla  considé- 
rablement quelques  instans  après  , avec  un 
sentiment  de  chaleur  et  d’ardeur  insuportables. 
Survinrent  bientôt  après  des  anxiétés  et  dé- 
faillances qui  le  mirent  hors  d’état  de  se  rendre 
chez  lui.  Il  y fut  porté  à corps.  On  différa 
jusqu’au  lendemain  à m'appelle!.  Je  le  trouvai 
froid  , sans  pouls  et  dans  des  défaillances 
continuelles.  Je  trouvai  à l’endroit  piqué,  un 
point  noir  en  tout  semblable  à celui  d’Andrieu. 
Il  avoit  la  tête  très-libre,  répondit  parfaitement 
à toutes  mes  questions , et  me  fit  le  rapport 
le  plus  suivi  de  tous  ses  accidens.  Ce  malade 
mourut  quelques  heures  après. 

La  nommée  Jourdan  , femme  d’un  auber- 
giste de  la  Cadière  , éprouvoit  à la  suite  d’une 
maladie  des  plus  graves , des  maux  de  tête 
presque  continuels.  Elle  étoit  cependant  mieux 
depuis  une  quinzaine  de  jours.  Etant  à son 
travail , elle  crut  avoir  été  piquée  à la  partie 
latérale  et  postérieure  du  col.  Elle  y porta  la 
main  inutilement  ; les  recherches  dans  ses  ha- 
bits de  coté  et  d’autres  furent  aussi  infruc- 
tueuses, on  ne  découvrit  rien.  Quelques  ins- 
tans après  la  douleur  fut  des  plus  vives.  La 
partie  enfla  considérablement  et  gagna  bien- 
tôt de  proche  en  proche.  M.  Guérard , Mé- 
decin ordinaire,  déterminé  par  l’état  du  pouls, 
plaça  une  saignée,  qui  fut  de  nul  effet.  Appelle 
en  consultation  avec  ce  digne  Médecin  , nous 
réunîmes  nos  efforts  pour  procurer  quelques 
soula^eraens  à la  malade.  L’enflure  devint  si 
considérable  qu’il  fallut  avoir  recours  à des 
scarifications  qui  ne  la  soulagèrent  que  foible- 
ment.  L’enflure  gagna  de  jour  en  jour  avec 


14  La  Médecine 

tant  de  force  que  je  doute  de  jamais  rien  Yoir 
de  pareil  dans  ma  pratique.  La  malade  mourut 
du  sept  au  huit.  Lu  partie  prétendue  piquée 
ne  présentoit  pas  les  mêmes  symptômes  que 
dans  les  deux  cas  précédens.  On  y appercevoit 
seulement  un  point  comme  la  tête  d’une  épin- 
gle , tant  soit  peu  livide. 

Cliambon  , dans  son  traité  de  l’anthrax , met 
la  piquure  des  araignées  et  des  animaux  veni- 
meux dans  la  classe  des  causes  du  charbon. 

Richard  , dans  son  recueil  d’observations  de 
Médecine  militaire  , rapporte  plusieurs  faits 
analogues^  voyez  tome  II  , p.  677.  Beaucoup 
d’auteurs  qu’il  est  inutile  de  citer  ici,  viennent 
à l’appui  de  cette  doctrine  , confirmée  par  l’ex- 
périence journalière.  D’autre  part  nous  voyons 
plusieurs  cas  de  charbon  facilement  attribués 
à la  piquure  des  insectes,  tandis  qu’ils  sont  les 
suites  d’un  vice  interne.  Voyez  l’observation  de 
M.  Aehard,  rapportée  dans  votre  Journal,  n°.  V. 
Celle  de  M.  de  Souville,  journal  de  Médecine 
militaire  , par  Dehorne  , Janvier  1788.  Celle 
de  la  Jourdan  que  nous  venons  de  rapporter,  est 
peut-être  dans  cette  classe  , et  beaucoup  d’autres 
qu’on  pourroit  citer  : d’où  il  résulte,  ce  me  sem- 
ble , que  le  charbon  se  contracte  de  deux  ma- 
nières différentes  , ou  par  la  piquure  , la  mor- 
sure d’un  insecte , d’un  animal  irrité , ou  par 
les  causes  connues,  telles  que  les  chaleurs  exces- 
sives , les  sucs  des  alimens  gâtés , principale- 
ment de  la  chair  des  animaux  morts  de  cette 
maladie  , et  des  exhalaisons  des  corps  en  putré- 
faction . 

M.  Tournatori , professeur  en  l’université 
d’Aix,  avantageusement  connu  par  ses  grandes 
connoissances  en  Anatomie , à laquelle  il  s’est 
livré  avec  la  plus  grande  ardeur  , fut  attaqué  , 


ÉCLAIRÉE,  eCt.  1 5 

✓ ' 

à la  suite  de  dissections  forcées  faites  sur  des 
cadavres  à demi-putréliés  , d’une  maladie  des 
plus  graves,  dont  il  se  tira  contre  i’attence  de 
tous  les  gens  de  l’art.  Je  le  vis  à Gémenos , 
chez  M.  d’Albertas,  où  il  ëtoit  venu  ch  auger 
d’air,  et  datis  un  état  qui  annonçok  assez  com- 
bien la  qualité  de  la  bile  et  les  fonctions  du 
foie  avoient  été  altérées  ; dans  une  situation 
d’ailleurs  à faire  tout  craindre  pour  les  suites 
de  sa  maladie.  Il  m’apprit  qu’il  avoit  eu  trois 
charbons,  qu’il  avoit  regardés  comme  insufli- 
sans  pour  produire  une  crise  parfaite.  Sans 
vouloir  discuter  si  ces  charbons  ont  été  vrai- 
ment critiques  ou  symptomatiques,  et  s’ils  n’ont 
pas  constitué  essentiellement  la  maladie , on 
ne  peut  guère  douter  que  ce  ne  soit  aux  fré- 
quentes dissections  des  corps  à demi-putréhés , 
et  à l’altération  des  humeurs  et  de  la  bile , 
qu’on  doit  rapporter  la  cause  de  ces  charbons, 
car  ils  sont  en  effet  toujours  le  produit  d’une 
acrimonie  particulière  de  la  bile  , acrimonie  qui 
diffère  peut-être  des  autres  , à raison  des  prin- 
cipes ou  de  la  proportion  des  principes  qui 
la  constituent,  et  sur  lesquels  la  seule  chimie 
pourra  peut-être  nous  donner  un  jour  des  con- 
noissances  exactes  et  sûres.  Il  est  très-probable 
que  ce  n’est  qu’aux  diverses  combinaisons , qui 
se  tiennent  peut-être  toutes  par  des  chaînons 
très  - rapprochés , que  la  plupart  des  maladies 
de  ce  genre  doivent  leur  origine.  Les  obser- 
vations des  auteurs  paroissent  favoriser  ce  sys- 
tème , ainsi  que  nous  pourrions  le  . démontrer 
si  nous  ne  craignions  de  donner  trop  d’exten- 
tion  à ce  mémoire.  Mais  ce  qui  doit,  je  pense  , 
fixer  l’attention  des  Médecins , c’est  la  diffé- 
rence qui  existe  dans  la  marche  de  cette  mala- 
die , à raison  de  la  façon  dont  elle  a été  con- 


/ 

1 6 La  Médecine 

tractée.  Si  elle  est  le  produit  de  la  morsure 
ou  piquure  d’on  animal  ou  d’un  insecte  ve- 
nimeux ou  irrité,  sa  marche  est  des  plus  aiguës, 
et  c’en  est  fait  du  malade  sion  n’yporteles  secours 
les  pins  prompts.  Dans  le  second  cas,  les  symp- 
tômes trompent  quelquefois  , à raison  de  leur 
espèce  de  bénignité,  et  le  malade  est  très-mal 
sans  qu’on  sans  doute.  Pourquoi  cela  ? parce  que 
les  humeurs  ne  se  vicient  alors  que  lentement , 
la  nature  s’accoutume,  pour  ainsi  dire,  à la  pré- 
sence d’un  virus  délétère  qui  mine  sourdement 
et  énerve  peu  à peu  les  forces  de  la  vie.  Les 
miasmes  délétères  qui  s’introduisent  dans  nos 
htuweurs  , soit  par  la  voie  du  poulrnon  , soit 
par  la  voie  des  alimens,  sont  adoucis,  modifiés, 
altérés  par  leurs  mélanges  avec  elles  j au  lieuque 
dans  le  premier  cas  , i’animal  dépose  tout  son 
venin  sur  une  partie  sensible  et  nerveuse,  d’où, 
le  désordre  se  propage  bientôt  dans  tout  le 
système , le  venin  ne  peut  être  modifié  par  l’a- 
bord d’aucune  humeur,  parce  que  l’irritation 
de  la  partie  dénature  tout  ce  qui  s’y  porte  ; 
mais,  mieux  que  tout  cela  , la  vitalité  ne  donne- 
t-elle  pas  au  virus  un  dégré  d’énergie  qu’il  n’est 
pas  susceptible  de  retenir  après  la  mort.  Je 
crois  que  c’est  ici  la  principale  raison  de  ces 
différences.  L’expérience  donne  un  grand  poids 
à tout  ceci.  Ne  voit- on  pas  en  effet  tous  les 
jours,  que  les  excrémens  des  malades,  l’ha- 
leine  des  infectés  , l’ouverture  d’une  tumeur  , 
d’une  parotide  , communique  bien  plus  sû- 
rement et  plus  promptement  une  maladie  con- 
tagieuse , que  ne  pourroit  le  faire  l’ouverture 
des  cadavres  , les  exhalaisons  des  corps  en  pu- 
tréfaction. Voyez  ce  que  j’en  ai  dit  dans  mon 
mémoire  sur  l’épidémie  de  la  Malgue  , Journal 
de  Médecine  militaire,  cahier  de  Janvier  1788  : 

d’où 


ÉCLAIB.ÉE,  ©Ct» 


d’où  l’on  est  en  droit  de  conclure  que  le  charbon 
est  toujours  le  produit  d’une  âcreté  ou  d’un 
virus  animal  , auquel  la  vitalité  donne  un  plus 
grand  degré  de  force  et  d’énergie. 


IL  Observations  sur  la  fièvre  puerpérale  , spécia- 
lement telle  qu'elle  s’est  présentée  à l’hôpital 
des  femmes  en  couches  de  Dublin  > par 
M.  Clarke.  ( Medical  commentâmes  for  the 
year  ijgo.  vol.  V.  Edinburg.  ijcji). 

M.  Clarke  entend  par  fièvre  puerpérale  , une 
maladie  qui  attaque  en  général  les  femmes  le 
second  et  le  troisième  jour  après  l'accouche- 
ment. Ses  symptômes  ordinaires  sont  des  fris- 
sons , une  douleur  aiguë  dans  quelque  partie  de 
la  cavité  abdominale  , avec  une  extrême  sensi- 
bilité au  toucher  , un  pouls  accéléré  , et  enfin 
une  distension  considérable  de  l’abdomen. 

Il  se  présente  quelquefois , durant  les  cou- 
ches , des  symptômes  un  peu  analogues  , et 
qui  continuent  d’être  alarmans  jusqu’à  ce  que 
les  intestins  aient  été  évacués  par  les  purgatifs. 
Il  est  par  conséquent  difficile  au  commence- 
ment de  distinguer  une  fièvre  puerpérale  des 
accumulations  des  matières  fécales  dans  le  con- 
duit intestinal,  sur- tout  si  elles  sont  jointes  à 
une  fièvre  éphémère. 

Quand  les  symptômes  rapportés  ci  - dessus 
continuent  au-delà  de  vingt-quatre  heures  , ce 
qui  est  la  durée  ordinaire  d’une  fièvre  éphémère  , 
et  après  l’administration  des  purgatifs  , M. 
Clarke  regarde  l’existence  de  la  fièvre  puerpé- 
rale comme  absolument  constatée  , et  on  sait 
qu’elle  devient  funeste  à la  grande  majorité  des 
femmes  qu’elle  attaque.  Cette  maladie  a fait 
l’objet  de  plusieurs  traités,  tant  en  France  qu’en 
Tome  III.  N°.  Ier*  JS 


i8  La  Médecine 

Angleterre  , et  M.  Clarke  ne  publie  aujourd’hui 
ses  observations  que  parce  que  les  opinions  des 
Auteurs  lui  paroissent  différer  si  sensiblement  , 
soit  pour  la  théorie;  , soit  pour  le  traitement  de 
cette  fièvre  , que  le  Médecin  sans  expérience  sait 
encore  à peine  la  route  qu’il  doit  tenir.  En  outre 
les  Auteurs  ont  perdu  de  vue  , et  presque  passé 
sous  silence  , les  moyens  d’arrêter  les  progrès  de 
cette  maladie  dans  les  hôpitaux  ou  même  de 
prévenir  entièrement  son  existence  : c’est  sur 
ces  objets  que  M.  Clarke  se  propose  de  répan- 
dre quelque  lumière  par  les  nouvelles  observa- 
tions qu’il  publie. 

Il  rappelle  différentes  épidémies  de  fièvres 
puerpérales  qui  ont  régné  dans  les  hôpitaux  des 
femmes  en  couche  , soit  de  France  , soit  d’An- 
gleterre , et  il  s’arrête  sur-tout  aux  deux  der- 
nières qui  ont  régné  dans  l’hôpital  de  Dublin  , 
parce  qu’il  en  a dirigé  le  traitement  ; son  objet 
n’est  point  de  donner  une  nouvelle  description 
de  cette  maladie  3 qui  a fait  déjà  la  matière  de 
plusieurs  traités  ou  mémoires  particuliers.  Il  se 
borne  à rapporter  quelques  faits  à titre  de  sup- 
plément. 

Durant  le  printemps  de  1787  la  température 
de  l’air  fut  en  général  très-froide  , avec  des  vents 
très-piquans  d'est  et  de  nord-est.  Les  maladies 
inflammatoires  furent  dominantes  , sur-tout  les 
rhumatismes  aigus.  Les  affections  de  la  poi- 
trine furent  très- vives  , et  on  fut  obligé  d’avoir 
recours  à des  saignées  répétées  ^ sur-tout  dans 
les  mois  de  Février  et  de  Mars.  O11  observa  en 
général  que  le  rétablissement  étoit  lent  , ce  qui 
etoit  d’autant  plus  malheureux  qu’il  se  présen- 
toit  beaucoup  de  pauvres  femmes  à cause  de  la 
rigueur  de  l’hiver.  On  fut  obligé  , contre  l’usage 
ordinaire  , d’en  mettre  deux  dans  un  lit  plutôt 
que  de  les  renvoyer  ailleurs. 


ÉCLAIRÉE,  etC.  19 

Il  s’étoit  déjà  passé  un  temps  considérable 
sans  qu’on  eût  peint  et  blanchi  les  chambres.  M. 
Clarke  crut  que  cette  circonstance  con  tribu  oit 
à la  lenteur  du  rétablissement  des  malades  , et 
il  s’adressa  aux  administrateurs  de  cet  hôpital 
pour  en  obtenir  cette  réparation.  On  fut  obligé 
d’attendre  par  le  défaut  des  fonds  de  charité  , 
et  c’est  dans  ces  circonstances  que  la  fièvre  puer- 
pérale se  déclara  de  la  manière  la  plus  funeste. 
La  première  femme  en  fut  attaquée  le  18  de 
Mars  , et  la  seconde  le  3i  ; la  troisième  , le  3 
Avril  ; la  quatrième  , le  7 $ la  cinquième  , le  10  ; 
la  sixième  , le  11  ; il  y en  eut  deux  le  14  , (Jeux 
le  i5,  et  une  de  plus  le  17.  C’est  vers  le  milieu 
d’ Avril  que  ses  progrès  furent  très-rapides  et 
que  l’épidémie  se  déclara-  de  la  manière  la 
moins  équivoque. 

Les  symptômes  de  cette  fièvre  étoient  si  cor- 
respondais avec  ceux  que  le  docteur  Hulme  a 
décrits  , que  M.  Clarke  a cru  devoir  se  borner 
à quelques  légères  remarques  sur  cet  objet.  Elle 
commençoit  toujours  par  un  sentiment  de  froid 
ou  des  frissons.  La  douleur  dans  la  cavité  de 
l’abdomen  n’étoit  pas  plus  fixe  dans  un  endroit 
que  dans  un  autre.  Il  n’y  avoit  point  une  sensi- 
bilité assez  vive  pour  être  affecté  par  des  causes 
aussi  légères  que  la  compression  des  draps  du 
lit.  Il  n’y  avoit  que  peu  ou  point  de  vomisse- 
ment dans  les  diverses  périodes  de  la  maladie  ; 
il  n’y  avoit  point  de  déliré  et  on  n’appercevoit 
aucun  signe  marqué  de  putrescence.  Le  pouls 
faisoit  éprouver  depuis  cent- vingt  jusqu’à  cent- 
quarante  batteméns  par  minute.  L’écoulement 
des  lochies  et  la  secrétion  du  lait  n’étoient  sou- 
mis à aucune  loi  générale.  Quelquefois  ils  con» 
tinuoient  avec  régularité  pendantquelque  temps, 
et  d’autrefois  ils  étoient  supprimés  dès  le  début 

B a 


20 


La  Médecine 

de  la  fièvre.  M.  Clarke  n’a  point  apperçu  qu’ils 
fussent  plus  dérangés  dans  ce  cas  que  dans  toute 
autre  maladie  où  la  circulation  du  sang  est  éga- 
lement altérée. 

L’ouverture  des  corps  de  celles  qui  ont  suc- 
combé à cette  fièvre  n’a  point  offert  de  résultats 
diffère  ns  de  ceux  qui  ont  été  remarqués  parles 
Auteurs  qui  ont  suivi  le  cours  de  cette  maladie 
dans  les  hôpitaux.  Dans  tous  les  individus  l’épi- 
ploon a paru  enflammé  , mais  sans  offrir  de 
gangrène.  M.  Clarke  est  porté  à croire,  d’après 
des  faits  nombreux  , que  les  Auteurs  qui  ont 
parlé  de  la  gangrène  de  l’épiploon  ou  d’autres 
parties  de  l’abdomen,  avoientlaissé  les  cadavres 
trop  long-temps  sans  procéder  à leur  ouverture. 
Dans  toutes  les  dissections  , le  péritoine  parut  ex- 
traordinairement vascrdeux  et  enflammé.  Après 
l’épiploon les  ligamens  larges  de  l’utérus  , le 
cæcum  et  la  partie  joignante  du  colon  , ont  paru 
avoir  le  plus  souffert  de  l’ inflammation.  On  a 
toujours  trouvé  un  fluide  jaune,  plus  ou  moins 
trouble  et  quelquefois  fétide  , qui  flottoit  parmi 
les  intestins  ; des  grumeaux  de  matière  puru- 
lente coagulée  , des  adhérences  par  inflamma- 
tion entre  les  intestins  , etc.  Dans  aucun  cas 
les  apparences  de  l’inflammation  n’ont  paru  pé- 
nétrer plus  profondément  que  la  tunique  du  pé- 
ritoine ou.  quelqu’un  des  viscères  de  l’abdomen 
ou  du  bassin. 

La  supposition  la  plus  probable  qu’on  ait  faite 
jusqu’ici  de  la  cause  prochaine  de  cette.maladie, 
est  qu’elle  consiste  dans  une  inflammation  du 
péritoine  , et  par  conséquent  le  nom  nosologi- 
que de  péri lonitis  lui  a été  donné  par  le  docteur 
Forster.  Sans  doute  que  l’épiploon  souffre  da- 
vantage de  l’inflammation,  parce  qu’il  est  com- 
posé de  quatre  replis  ou  d’un  quadruple  péri- 


21 


ÉCLAIRÉE,  etC. 

toine.  Après  l’épiploon  , les  cluplicatüres  clu 

Îiéritoine  sont  les  plus  affectées  , sur-tout  les 
igamens  larges  de  l’utérus. 

La  plupart  des  femmes  qui  furent  attaquées 
de  la  fièvre  puerpérale  avoient  été  reçues  dans 
un  état  de  foiblesse  et  avoient  eu  des  couches 
tardives  et  fatigantes.  Parmi  celles  qui  mou- 
rurent, il  y en  avoit  quatre  qui  étoient  -primi- 
pares. Deux  parurent  malades  durant  tout  le 
travail  et  continuèrent  de  l’être  ainsi  , sans  in- 
termission  , après  l’accouchement.  Une  d’elles 
mourut  en  trente-six  heures  , et  l’autre  vécut 
jusqu’au  sixième  jour.  11  y en  eut  qui  furent 
attaquées  le  second  jour  après  l’accouchement, 
et  qui  moururent  le  septième  , c’est-à-dire  après 
cinq  jours  de  maladie.  Une  des  femmes  fut 
attaquée  le  quatrième  jour,  et  mourut  le  dixième. 
Une  autre  fut  visiblement  attaqiîée  le  neuvième 
jour , dans  le  moment  qu’elle  étoit  assise  auprès 
d’un  bon  feu  , et  elle  mourut  le  douzième  jour. 
Malgré  la  courte  durée  de  cette  maladie  , on 
trouva  depuis  cinq  jusqu’à  six  livres  d’un  fluide 
jaunâtre  fétide  qui  flottoit  dans  la  cavité  de 
l’abdomen,  et  beaucoup  d’adhérences  produites 
par  rinflammation. 

On  peut  voir  , d’après  ce  qui  a été  rapporté 
ci-dessus  du  progrès  et  des  circonstances  de  la 
maladie  , qu’elle  tire  son  origine  d’une  conta- 
gion (i)  locale  et  non  d’aucune  émanation  ré- 


(i)  Le  premier  étage  de  l’hôpital  dans  lequel  sont  les 
femmes  en  couche  est  séparé  en  quatre  grandes  divisions  , 
chacune  desquelles  consiste  dans  une  grande  chambre 
et  deux  petites.  La  première  contient  sept  lits  et  les  au- 
tres deux  lits  chacune.  A chaque  division  il  y a un  infir- 
mier et  une  garde.  M.  Clarke  fait  remarquer  que  dins 
une  de  ces  divisions  il  ne  perdit  point  une  seule  femme 
par  la  fièvre  puerpérale  , pendant  que  la  mortalité  dans 

B 3 


22  La  Médecine 

pandue  dans  l’atmosphère.  D’après  ces  vues  on 
fît  fermer  les  deux  grands  compartimens  où  la 
fièvre  puerpérale  avoir.  le  plus  régné  , en  faisant 
transporter  ailleurs  les  malades.  Les  murs  et  le 
plancher  des  chambres  vides  furent  blanchis 
sans  délai.  Tout  le  bois  des  lits  fut  peint , les 
couvertures  et  tout  ce  qui  pouvoir  être  lavé  fut 
nétoyé  avec  soin  , et  le  reste  fut  exposé  à l’air 
ouvert  pendant  plusieurs  jours.  On  allumoit  de 
grands  feux  pendant  le  jour  ^ et  la  nuit  on  lais- 
soit  les  fenêtres  ouvertes.  On  se  comporta  de 
la  même  manière  pour  tous  les  autres  apparte- 
nions qui  a voient  été  occupés  par  des  malades. 

Les  suites  de  cette  pratique  furent  très-favo- 
rables , et  l’hôpital  devint  très- sain.  Durant  le 
reste  de  l'année,  sur  neuf  cents  soixante  femmes 
qui  vinrent  y accoucher  , on  n’en  perdit  que 
trois,  et  deux  fie  celles-là  avoient  mis  au  jour  des 
jumeaux.,  ce  qui  diminue  toujours  la  chance  du 
rétablissement  de  la  mère. 

Durant  les  dix  premiers  mois  de  l’année  1788 
on  accoucha  dans  l’hôpital  1260  femmes  , et  sur 
ce  nombre  il  n’èn  mourut  que  i3  ; mais  il  faut 
remarquer  que  plusieurs  furent  reçues  dans  un 
état  dangereux  de  maladie  , et  que  deux  même 
étoient  mourantes  à leur  entrée.  Dans  de  pa- 
reilles circonstances  la  perte  d’environ  une  sur 
cent  ne  peut  point  être  regardée  comme  consi- 
dérable Sur  le  s treize  qui  succombèrent  , au- 
cune cependant  ne  mourut  de  fièvre  puerpérale. 

Le  18  Novembre  une  femme  fut  attaquée  de 
cette  fièvre.  Le  8 Décembre  une  autre  le  fut 
aussi  j il  y en  eut  deux  le  21  , une  le  2 3,  une 


les  trois  autres  étoit  presqu'égale  . quoiqu’on  somme  il  y 
eut  un  plus  grand  nombre  de  femmes  malades  dans  les 
deux  divisions  qui  avoient  leur  aspect  au  midi. 


ÉCLAIRÉE,  <3tC.  2,3 

le  28  , une  autre  le  29,  une  le  3i  , une  le  3 
Janvier,  une  le  6,  deux  le  îj  et  une  le  16. 
Chacune  de  celles  dont  la  lièvre  puerpérale  pa- 
rut, avec  ses  symptômes  caractéristiques,  en 
périt  , pendant  que  sur  cinq  cas  où  ces  symp- 
tômes furent  douteux  , aucune  des  femmes  11e 
succomba. 

Depuis  le  18  Décembre  jusqu’au  2,3  Janvier 
treize  femmes  furent  affectées  des  symptômes 
d’une  fièvre  générale  sans  aucune  apparence 
d’affection  locale  dans  l’abdomen.  Cette  lièvre 
se  prolongea  au-delà  de  la  durée  d’une  lièvre 
éphémère.  Deux  femmes  en  périrent  , l’une  le 
huitième  et  l’autre  le  dix-septième  jour  de  l’at- 
taque. M.  Clarke  attribue  ces  affections  fébriles 
aux  craintes  et  aux  alarmes  qu’avoit  excitées 
la  mort  des  autres  femmes  qui  avoient  succombé 
à la  lièvre  puerpérale. 

Les  symptômes  de  cette  fièvre  épidémique 
11’ont  point  différé  essentiellement  de  celle  de 
1787.  Dans  plusieurs  cas  la  douleur  de  l’ abdo- 
men et  sa  distension  étoient  moins  fortes  , 
ce  qui  rendit  dans  quelques  cas  la  maladie  plus 
longue.  Les  jours  de  l’invasion  de  la  fièvre 
lurent  dans  l’ordre  suivant.  Une  en  fut  atta- 
quée quatre  jours  avant  l’accouchement,  une 
autre  le  jour  même  de  l’accouchement  ; huit  en 
furent  attaquées  le  second  jour  et  une  le  troi- 
sième. Quant  aux  jours  de  la  mort , deux  péri- 
rent le  deuxième  jour  de  la  maladie,  trois  le 
quatrième  , deux  le  cinquième  ; une  le  septième  , 
deux  le  huitième,  une  le  dixième,  une  le  on- 
zième , et  une  le  douzième. 

Dans  plusieurs  de  ces  cas  l’estomac  et  les  in- 
testins offrirent  des  degrés  extraordinaires  d’in- 
sensibilité aux  opérations  des  médicamens.  Une 
de  ces  malades  prit  du  tai  tre  émétique  en  disso- 

B 4 


$4  L a Médecine 

lution  jusqu’à  la  quantité  rie  seize  grains,  avant 
qu’elle  en  éprouvât  aucun  effet  émétique.  Une 
autre  prit  jusqu’à  quarante-cinq  grains  d’ipéca- 
cuanlia  à des  doses  de  sept  grains  et  demi  cha- 
cune d’heure  en  heure  , pour  en  sentir  le  même 
effet.  Souvent  on  a été  obligé  de  seconder  l’opé- 
ration de  l’ipécacuanha  avec  une  solution  de 
tartre  émétique  , comme  le  recommande  la  so 
ciété  de  Médecine  de  Paris.  Dans  un  petit 
nombre  de  cas  , les  purgatifs  les  plus  doux 
n’ont  point  produit  d’effet  sur  les  intestins  , et 
on  a été  obligé  d’avoir  recours  à un  extrait  ca- 
thartique et  au  calomel , aux  cly stères  irritans 
de  décoctions  de  senné  , de  tabac,  etc.  Une 
pareille  insensibilité  doit  être  toujours  considé- 
rée comme  un  grand  dérangement  dans  les  fonc- 
tions du  système  nerveux  (1).  Quelques  ma- 
lades durant  l’épidémie  ont  été  attaquées  de 
délire  avant  la  mort. 

Ayant  observé  , d’après  les  faits  historiques  , 
que  la  fièvre  puerpérale  ne  paroît  guères  dans 
les  hôpitaux  plus  d’une  fois  dans  dix  ou  douze 
ans  , ,M.  Clarke  n’attendoit  pas  son  retour  dans 
l’espace  de  douze  mois.  Les  premiers  deux  ou 
trois  cas  furent  considérés  comme  accidentels. 
Cependant  observant  que  la  mortalité  conti- 
nuoit ^ quoique  lentement,  il  commença  à soup- 
çonner que  les  lits ^ par  l’usage  non  interrompu 
qu’on  en  faisoit , avoient  acquis  quelques  qua- 
lités nuisibles  ; mais  comme  ils  avoient  été  né- 


Ci)  Cette  épidémie  eut  cela  de  remarquable,  que  la 
chambre  exempte  de  la  maladie  durant  la  première  épi- 
démie de  17S7  , étoit  maintenant  celle  où  il  y avoit  le  plus 
de  malades,  et  qn’au  contraire  , celle  qui  alors  en  avoit 
le  plus  se  trouvoit  la  plus  salubre  en  a 7B3  , quoique  sous 
Jes  soins  des  mêmes  gardes. 


ÉCLAIRÉE,  eCt.  2,5 

toyés  quelques  mois  auparavant  , il  crut  qu’en 
exposant  les  paillasses  à un  feu  violent  et  à l’air 
ouvert,  elles  seroient  assez  purifiées.  Les  couver- 
tures, les  matelas  , etc.  furent  aussi  ventilés.  Ces 
mesures  servirent  à produire  quelques  intervalles 
insidieux  , durant  lesquels  la  maladie  parut  se 
calmer.  Enfin  on  fut  obligé  d’en  venir  aux  pro- 
cédés dispendieux  et  incommodes  de  blanchir  , 
de  peindre  , ect.  et  on  en  obtint  le  plus  heu- 
reux effet.  Sur  cent  cinquante  femmes  en  cou- 
ches, qui  furent  introduites  dans  l’hôpital  après 
cette  réparation  , il  y en  eut  à peine  une  qui  eut 
une  maladie  sérieuse  , et  ce  séjour  lut  également 
salubre  le  reste  de  l’année. 

Le  docteur  Youns; , d’Edimbourg  , recomman- 
de  les  memes  précautions  d apres  sa  propre 
expérience.  Toutes  les  fois  donc  que  trois  ou 
quatre  femmes  meurent  de  fièvre  puerpérale 
dans  peu  de  temps  , on  doit  soupçonner  une 
infection  locale  , sur-tout  clans  l’édifice  , et  on 
doit  prendre  aussi-tôt  les  mesures  les  plus  vi- 
goureuses pour  arrêter  ainsi  cette  maladie. 
Pourquoi  néglige-t-on  de  les  prendre  en  France 
et  en  Angleterre  ? 

Pour  prévenir  le  développement  de  cette  infec- 
tion, il  n’y  a pas  de  doute  que  les  lits  des  femmes 
en  couche  qui  sont  dans  un  usage  non  interrompu 
ne  doivent  être  soumis  à la  réparation  dont  on 
vient  de  parler  toutes  les  années.  Dès  qu’une 
femme  est  morte  , on  doit  à l’instant  ôter  tout 
ce  qui  servoit  pour  son  lit , et  ne  le  replacer 
qu’ après  l’avoir  nétoyé.  Toutes  les  fois  qu’une 
chambre  est  vide  pour  deux  ou  trois  jours  , 
ses  lits  doivent  être  défaits  et  exposés  à un  cou- 
rantd’air  nuit  et  jour,  au  lieu  du  procédé  ordi- 
naire, qui  consiste  à remettre  la  couverture  , etc. 
Peut-être  même  qu’il  seroit  nécessaire  d’avoir 
dans  l’hôpital  un  appartement  au-delà  de  ceux 


-2.6  La  Médecine 

qui  sont  nécessaires  pour  le  service  de  l’hô- 
pital 5 on  pourroit  ainsi , à tour  de  rôle  , laisser 
chacun  de  ceux  qui  sont  employés  se  reposer 
deux  ou  trois  semaines  et  le  purifier  comme 
on  le  jugeroit  convenable.  On  préviendroit 
ainsi  les  suites  pernicieuses  d’un  usage  non 
interrompu  des  mêmes  lieux.  On  pourroit 
ainsi  empêcher  les  fièvres  puerpérales  épidé- 
miques. 

Plusieurs  Auteurs  ont  assuré  que  la  fièvre 

Puerpérale  n’attaque  jamais  les  femmes  qu’ après 
accouchement  ; mais  M.  Clarke  dit  avoir  vu  des 
cas  dans  lesquels  il  étoit  manifeste  que  la  ma- 
ladie avoit  existé  avant  l’accouchement  , et 
Pexamen  anatomique  a fait  voir  après  la  mort 
toutes  les  apparences  qu’on  trouve  ordinaire- 
ment après  cette  fièvre.  Il  a vu  un  cas  de  cette 
nature  en  1782,  , et  la  malade  périt  trente-six 
heures  après  l’accouchement.  Un  second  cas 
dé  cette  nature  eut  lieu  en  1786,  et  la  femme 
expira  deux  heures  après  un  accouchement 
long  et  fatiguant , avec  des  signes  d’épuisement, 
lün  ouvrant  le  lendemain  la  cavité  de  l’abdo- 
men , on  y trouva  les  effets  ordinaires  d’une 
fièvre  puerpérale  très-distinctement  marqués. 

M.  Clarke  fait  peu  de  remarques  sur  les  mé- 
thodes de  traitement  employées  jusqu’à  ce  jour. 

La  saignée  ,,  qui  est  fortement  recommandée 
par  MM.  Leake  , Denman  et  autres  , n’a  paru 
jamais  utile  à M.  Clarke  , excepté  dans  un  petit 
nombre  de  cas  011  il  y avoit  une  complication  de 
péripneumonie  et  depéritonitis  (inflammation  du 
péritoine  ) , et  même  dans  ces  cas  la  saignée  n’a 
fait  que  calmer  la  violence  des  symptômes. 

L’ipécacuanha , administré  comme  le  recom- 
mande la  société  de  Médecine  de  Paris,  semble 
quelquefois  être  très- avantageux  , et  dans  d’au- 
tres cas  n’être  d’aucune  utilité.  Comment  peut- 


ÉCLAIRÉE  , etC.-  27 

on  en.  rendre  raison  ? on  conseille  d’en  donner 
sept  grains  et  demi  lorsque  le  malade  est  atta- 
qué d’un  frisson  , et  de  ie  répéter  à laT  même 
dose  dans  une  heure.  Maintenant  on  peut  as- 
surer que  lorsqu’une  femme  eu  couche  a un 
frisson  , personne  ne  peut  dire  si  la  maladie  est 
une  fièvre  éphémère  ou  une  fièvre  puerpérale. 
Dans  le  premier  cas , on  aura  produit  en  appa- 
rence la  guérison.  Dans  le  second  cas,  cette 
substance  aura  rarement  un  effet  permanent. 
Lorsque  Pipécacuanha  opère  comme  laxatif  et 
comme  émétique  , ce  qui  arrive  souvent  , on 
trouvera  qu’il  produit  des  effets  plus  heureux 
que  quand  il  n’agit  qu’à  titre  d’émétique  5 mais 
il  est  si  loin  de  guérir  dans  tous  les  cas  , que  M. 
Clarke  ne  craint  point  d’affirmer  que  sur  dix 
cas  il  ne  réussit  pas  un , lorsque  la  maladie  est 
épidémique  Dans  un  cas  il  a fait  employer  plus 
de  trois  onces  et  demie  d’ipécacuanha,  suivant  le 
précepte  de  la  société  de  Médecine  , et  cependant 
jamais  la  mortalité  n’a  été  si  grande  que  durant 
ce  mois. 

Les  purgatifs  salins  et  les  fomentations  sur 
la  cavité  de  l’abdomen  , comme  le  conseille  M. 
Forster,  et  comme  on  le  pratique  à Dublin  , for- 
ment les  remèdes  sur  lesquels  on  doit  le  plus 
compter  pour  la  guérison  de  la  fièvre  puerpé- 
rale. Mais  M.  Clarke  n’est  nullement  de  l’avis 
de  M.  Forster  qui  dit  ce  qu’il  n’y  a point  de 
maladie  dans  laquelle  le  danger  soit  aussi 
33  grand  et  qui  cède  si  facilement  aux  remèdes, 
33  c’est-à-dire  que  tous  les  symptômes  dange- 
33  reux  se  dissipent  presque  constamment  par 
33  l’usage  répété  et  commencé  de  bonne  heure 
33  des  remèdes  qu’il  recommande  33.  M.  Clarke 
dit  que  son  expérience  est  contraire  à ces  asser- 
tions. Il  ajoute  que  lorsque  la  maladie  est  épi- 
démique , aucune  méthode  de  traitement  con- 


è8  i A Médecine 

seillée  jusqu’à  ce  jour  n’a  produit  une  guérison 
sur  cinq  cas  de  maladie.  Au  contraire  , lorsque 
la  maladie  provient  de  causes  accidentelles  qui 
causent  l’inflammation  , il  y a lieu  d’attendre 
un  heureux  succès  , en  persévérant  constam- 
ment quelques  jours  dans  la  méthode  employée 
par  M.  Forster. 

C FI  I R U K G I E. 

Observation  sur  un  cancer  à la  lèvre  inférièurè  , 
par  M.  Lacroix  ^ ancien  élève  de  l’Ecole  pra- 
tique de  Paris. 

« L’extirpation  d’une  tumeur  cancéreuse  , dit 
3?  M.  Louis  , est  assurément  le  seul  moyen  de 
33  guérir  celui  qui  a le  malheur  d’en  être  atta- 
3>  qué  ; mais  il  faudroit quand  les  tumeurs 
33  ont  une  certaine  étendue  , ne  faire  cette  opé- 
33  ration  que  pour  sauver  la  vie  et  ne  pas  pré- 
33  tendre  corriger  la  difformité , sur-tout  par 
33  des  moyens  qui  irritent  les  parties  et  qui  at- 
33  tirent  presque  nécessairement  les  accidens 
« qu’un  autre  procédé  pourroit  éviter  33.  On 
sait  que  par  ces  moyens,  qui  irritent  les  parties , 
M.  Louis  entend  les  sutures  , et  qu’il  en  a pro- 
noncé la  proscription  générale  dans  le  tome 
douzième  des  Mémoires  de  l’Académie  Royale 
de  Chirurgie.  Je  vais  rapporter  une  observa- 
tion qui  répand  de  nouvelles  lumières  sur  les 
deux  points  chirurgicaux  qui  viennent  d’être 
énoncés.  Elle  fait  voir  que  le  Chirurgien  ne  doit 
pas  désespérer  de  corriger  la  difformité  extrême 
qui  résulte  de  l’extirpation  d’une  tumeur  can- 
céreuse de  la  lèvre  , et  elle  met  au  jour  un 
moyen  ingénieux  et  simple  d’y  remédier  ; elle 
montre  aussi  que  pour  compléter  la  guérison 
de  la  plaie , rien  ne  pouvoit  suppléer  à la  suture 


ÉCLAIRÉE,  eCt.  29 

entortillée  que  M.  Louis  cherche  à proscrire,  ou 
du  moins  elle  offre  un  de  ces  cas  extraordinaires 
de  son  heureuse  application , que  le  même 
auteur  disoit  ne  lui  être  pas  possible  de  prévoir. 

François  Dubois,  dragon  au  ci-devant  régi- 
ment de  Lorraine  , âgé  de  ans , d’une  bonne 
constitution,  fut  atteint  en  1788,  n’ayant  ja- 
mais éprouvé  de  maladie  et  sans  cause  connue  , 
d’une  petite  gerçure  à-peu-près  dans  le  milieu 
du  bord  libre  de  la  lèvre  inférieure  ; ce  mal  , 
plus  inquiétant  que  douloureux  , fut  supporté 
pendant  deux  années  sans  quë  le  malade  s’ap- 
perçût  qu’il  fît  le  moindre  progrès.  Au  bout  de 
ce  temps,  sollicité  par  son  épouse,  il  eut  re- 
cours à un  Chirurgien  qui  lui  conseilla  d’ap- 
pliquer sur  la  lèvre  des  feuilles  de  cochléaria  : 
dès  le  lendemain  il  survint  de  la  douleur  et  un 
peu  de  chaleur  dans  la  partie  ; on  réitéra  néan- 
moins plusieurs  jours  de  suite  cette  application 
qui  aggravoit  de  plus  en  plus  les  accidens.  Il 
alla  consulter  un  autre  Chirurgien,  qui  lui  pro- 
mit une  guérison  aussi  prompte  que  certaine 
s’il  vouloit  se  soumettre  au  traitement  par  un 
caustique  qu’il  disoit  être  de  sa  composition  ; 
celui-ci  y consentit  deux  fois  , après  lesquelles 
l’ulcère  fut  en  partie  détruit  , et  avec  lui  une 
portion  saine  de  la  lèvre. 

Le  malade  , effrayé  des  ravages  du  caustique  , 
vint  à Paris  prendre  avis  de  plusieurs  gens  de 
l’art  ; un  petit  nombre  proposa  l’opération  ou 
extirpation  de  la  lèvre  , tant  à cause  de  l’aspect 
hideux  de  la  maladie  qu’à  raison  de  la  diffi- 
culté qu’il  y auroit  à obtenir  la  réunion , après 
une  perte  de  substance  aussi  énorme.  Malgré 
cette  disparité  dans  les  opinions  , M.  Chopart , 
Chirurgien  en  chef  de  l’Hospice  du  Collège  de 
Chirurgie  , reçut  le  malade  dans  cet  hôpital  le 


3 o la  Médecine 

2.6  de  juillet  1791.  Pendant  la  première  huitaine 
de  son  séjour  , il  ne  lui  fit  prendre  que  quelques 
bains,  en  y joignant  des  lotions  sur  la  lèvre  avec 
l’eau  végéto-minérale.  Le  mal  paroissoit  cepen- 
dant s’étendre  ; on  voyoit  augmenter  l’engor- 
gement de  la  glande  sous-maxillaire  droite  , 
ainsi  que  le  gonflement  de  l’os  de  l.a  mâchoire 
infé  rieure.  Tant  de  symptômes  fâcheux  exi- 
geoient  qu’on  prît  un  parti  5 on  se  décida  pour 
l’extirpation  , quoique  avec  l’incertitude  de 
pouvoir  rapprocher  les  bords  de  la  plaie.  L’é- 
tendue de  l’ulcère  devoit  le  faire  craindre  , car 
il  avoit  son  siège  à trois  lignes  de  la  commis- 
sure gauche , dans  toute  la  hauteur  et  l’épaisseur 
de  la  lèvre  , y compris  la  houppe  du  menton  ; se 
portoit  à droite  , s’étendoit  en  dehors  et  en 
arrière  à six  lignes  de  la  commissure  droite  , 
laquelle  étoit  tuméfiée  , rouge  et  très-sensible. 

Lé  malade  fut  préparé  à l’opération  suivant 
l’usage  ordinaire  , et  opéré  de  la  manière  sui- 
vante , le  14  août , vingt-sixième  jour  de  son 
entrée  à l’Hospice.  Assis  sur  une  chaise  , un 
drap  passé  autour  du  cou  et  sur  la  poitrine  , 

Ïjour  le  garantir  du  sang  , sa  tête  appuyée  sur 
a poitrine  d’un  aide  qui  la  fîxoit , avec  ses 
mains  placées  sur  les  tempes  5 un  second  aide 
saisit  la  commissure  gauche  , et  le  Chirurgien  le 
milieu  de  la  lèvre,  qu’il  incisa  avec  un  bistouri 
du  haut  en  bas  , et  obliquement  de  dehors  en 
dedans  , tout  près  de  la  partie  affectée  , jus- 
qu’au bord  inférieur  de  l’os  de  la  mâchoire.  Le 
même  aide  ayant  repris  la  lèvre  supérieure  , le 
Chirurgien  saisit  le  lambeau  résultant  de  cette 
première  incision  , et  coupa  en  dedans,  à quatre 
lignes  de  la  commissure  droite  , la  lèvre  supé- 
rieure , continua  son  incision  autour  de  l’en- 
gorgement qui  occupoit  la  commissure  et  sur 


ÉCLAIRÉE,  etC.  3l 

la  lèvre  inférieure  clans  toute  sa  hauteur  , jus- 
qu’à ce  qu’il  eût  rencontré  , le  long  du  bord  in- 
férieur de  la  mâchoire  , la  fin  cle  la  première 
division.  La  houppe  du  menton  qui  se  trouvoit 
comprise  entre  les  deux  sections  , fut  détachée 
ensuite  , parce  qu’elle  étoit  infectée  du  même 
virus.  La  plaie  bien  nétoyée  , on  excisa  plu- 
sieurs tubercules  situés  au-devant  de  la  gencive. 

L’opération  avoit  été  faite  suivant  toutes  les 
règles  de  l’art  ; mais  la  difformité  qui  semblait 
devoir  en  résulter  nécessairement  , offroit  le 
grand  inconvénient  dont  parle  M.  Louis  dans 
son  mémoire  sur  l’opération  du  bec  de  lièvre  , 
puisque  par  cette  perte  de  substance  toutes  les 
dents  , en  comptant  de  gauche  à droite  , depuis 
, la  dernière  grosse  molaire  jusqu’à  la  seconde 
grossé  molaire  du  côté  droit , étoient  à décou- 
vert, et  avec  elles  toute  la  face  antérieure  de 
l’os  maxillaire  inférieur.  M.  Chopart  tanta 
cl’aborcl  et  exécuta  la  réunion  au  moyen  de 
deux  aiguilles  , comme  dans  l’opération  du  bec 
de  lièvre.  Mais  il  restoit  encore  une  difficulté 
bien  plus  grande  à surmonter  : la  figure  qu’on 
avoit  été  forcé  de  donner  à la  plaie  offroit  une 
perte  de  substance  au-devant  de  la  portion 
carrée  du  menton  que  la  peau  , trop  peu  exten- 
sible dans  les  environs,  ne  pouvoit  permettre  de 
recouvrir.  C’est  dans  cette  circonstance  que  le 
Chirurgien  eut  l’idée  ingénieuse  de  faire  servir 
nne  partie  des  tégmnens  du  cou  pour  remplir 
le  vide  qui  avoit  été  formé  par  l’extirpation  de 
l’ulcère  et  du  menton.  Alors,  par  deux  incisions, 
dont  l’une  se  clirigeoit  verticalement  sur  la  partie 
supérieure  du  cou  , et  l’autre  transversalement, 
sur  un  bourelet  formé  par  les  tégumens  vers  la 
fin  du  corps  de  la  mâchoire  , on  a eu  un  lam- 
beau qu’on  a disséqué , ramené  de  bas  en  haut 


3z  La  Médecine,  etc. 

et  étendu  sur  le  menton , où  il  a été  maintenu 
par  deux  points  de  suture  simple.  La  réunion 
étant  complette  , on  a appliqué  l’appareil  en 
usage  après  cette  espèce  d’opération.  Le  malade, 
mis  dans  son  lit , ne  manifesta  que  de  légères 
souffrances  ; on  lui  prescrivit  la  diète  et  des 
lotions  faites  sur  la  face  avec  l’eau  végéto- 
minérale.  Le  lendemain  , comme  il  étoit  sans 
fièvre  et  qu’il  ne  se  plaignoit  que  de  douleurs 
extérieures  à la  tête  , on  lui  permit  quelques 
bouillons.  Le  deuxième  jour  on  lui  donna  du 
ris  ; le  même  régime  fut  observé  le  troisième  , 
où  l’on  releva  l’appareil.  Le  septième  , les 
parties  étant  bien  unies  , on  coupa  les  deux 

f>oints  de  suture  simple.  Le  huitième,  on  retira 
’aiguille  inférieure, et  l’on  repansa  à l’ordinaire. 
Le  dixième  , M.  Chopart  ayant  apperçu  , dans 
l’endroit  d’où  il  avoit  retiré  l’aiguille , un  écar- 
tement par  lequel  s’écouloit  la  salive  mêlée  à 
du  pus  , il  traversa , avec  une  aiguille  dirigée 
obliquement  de  gauche  à droite  , la  partie  de 
la  lèvre  réunie  et  l’angle  du  lambeau  qui  étoit 

lia  les  extrémités  de  l’ai- 
maintint  les  parties  rap- 

Le  douzième  , on  ôta  les  deux  aiguilles  , et 
la  réunion  se  trouva  faite  5 on  continua  cepen- 
dant plusieurs  jours  de  suite  à appliquer  un 
bandage  contentif  Le  succès  de  l’opération , 
quoique  entier,  n’empêchoit  point  les  progrès 
du  gonflement  de  la  mâchoire  qu’enyain  on  a 
voulu  combattre  par  des  frictions  mercurielles 
sur  la  partie  , et  une  tisane  appropriée.  Le 
malade  est  sorti  de  l’hôpital  , sa  plaie  parfai- 
tement cicatrisée  , mais  avec  une  tuméfaction 
excessive  à l’os  maxillaire  inférieure  , qui  fait 
craindre  une  suite  dangereuse  de  cette  maladie. 

® • * * r v-  D 


écarté  , puis  il  en  tort 
guille  avec  un  fil  qui 
prochées. 


33 


( N°.  I I.  ) 

PHYSIQUE. 

Expérience  en  preuve  de  la  différence  d’ap- 
titude de  la  pointe  , pour  lancer  et  l'ecevoir 
explosivement  la  matière  électrique  ; par 
M.  Chappe. 

Cj’est  une  opinion  reçue  parmi  les  Physiciens, 
que  la  pointe  a la  même  aptitude  , et  pour  re- 
cevoir et  pour  lancer  le  fluide  électrique  ; cette 
opinion  , consacrée  par  l’autorité  d’une  foule  de 
savans,  ne  paroît  pas  conforme  à l’expérience  qui 
suit. 

Expérience.  A l’extrémité  d’une  des  tiges  de 
l’excitateur  universel , vissez  une  boule  d’un 
pouce  et  demi  de  diamètre. 

Adaptez  une  pointe  très-aiguë  à l’autre  bran- 
che } la  pointe  placée  à distance  de  sept  à 
huit  pouces  de  la  boule  , faites  communiquer 
avec  la  garniture  extérieure  d’une  forte  bou- 
teille de  Leyde  ou  batterie  , l’anneau  de  la  tige 
porte-boule  ; puis  chargez  cette  batterie  par 
excédent  ; dans  cet  état , si  l’on  provoque  la 
décharge  en  portant  brusquement,  vers  le  con- 
ducteur de  la  machine  électrique  , un  excitateur 
lors  de  sa  communication  avec  l’anneau  de  la 
tige  porte  - pointe  , une  étincelle  énergique  se 
détache  de  la  pointe , franchit  l’espace  avec 
éclat , et  de  ce  choc  violent  résulte  un  équilibre 
parfait  entre  les  deux  surfaces  garnies. 

Présentement,  donnez  à l’excitateur  universel 
une  position  différente  de  la  première  , en 
faisant  communiquer  la  tige  porte-pointe  avec 
la  garniture  extérieure  de  la  batterie  , de  ma- 
nière que  le  fluide  électrique  puisse  affluer  de 
la  boule  vers  la  pointe. 

Dans  ce  cas  , point  de  choc  par  l’applica- 
Tome  III.  N®.  IL  G 


34  La  I,ï  d e c i n e 

tion  de  l’excitateur  , quelque  chargée  que  soit 
la  batterie  ; l’équilibre  s’établit  paisiblement. 

On  parvient  à la  distance  explosive  par  la 
réduction  de  l’espace  compris  entre  la  boule 
et  la  pointé  ; cette  réduction  paroît  suivre  les 
rapports  du  diamètre  des  boules  ; plus  il  aug- 
mente , moins  la  distance  est  grande. 

La  boule  de  l’expérience  précédente  n’arrive 
à distance  explosive  que  dans  l’approximation 
de  quatre  pouces.,  différence  prodigieuse  qui 
tient  à des  causes  que  je  développerai  dans  un 
mémoire  particulier. 

La  sphère  d’attraction  des  pointes  étant  in- 
comparablement moins  étendue  que  leur  sphère 
d’expulsion  , il  en  résulte  les  conséquences  qui 
suivent  : 

i°.  Que  les  pointes  dressées  sur  les  édifices  , 
la  cîme  des  arbres  et  tous  les  corps  saillans 
dans  l’atmosphère  , qui  offrent  un  accès  facile 
au  fluide  électrique  , sont  plus  ou  moins  en 
but  à l’action  de  la  foudre  , selon  qu'ils  exer- 
cent leur  pouvoir  sur  un  système  de  nuage 
positif  ou  négatif. 

20.  Que  les  coups  de  foudre  les  plus  fré- 
quens  et  les  plus  redoutables  dans  leurs  effets , 
sont  ceux  qui , s’élevant  subitement  de  la  terre 
à la  faveur  des  corps  pointus  , vont  frapper 
les  nues;  phénomène  observé  depuis  long- 
temps par  plus  d’un  Physicien  , mais  dont  la 
cause  restoit  ignorée.  L’abbé  Chappe  , mon 
oncle  , a eu  occasion  de  recueillir  plusieurs 
observations  semblables  dans  un  voyage  qu’il 
fit  en  Californie  en  1769  : cet  illustre  martyr 
des  sciences  nous  a laissé  des  détails  aussi 
curieux  que  savans  sur  plusieurs  phénomènes 
de  la  foudre. 

3°.  Que  les  violens  et  fréquens  orages  doivent 


é c i a i a é e,  ect.  35 

particulièrement  se  faire  sentir  dans  les  pays 
de  montagnes  et  de  forêts  j c’est  ce  que  l'ex- 
périence nous  apprend. 

Ainsi  , il  paroît  constant  qu’un  corps  pointu  , 
élevé  clans  l’atmosphère,  peut  souvent  provo- 
quer la  foudre  en  favorisant  son  émission  vers 
la  nue  orageuse , bien,  loin  de  l’enchaîner  , en 
l’épuisant  insensiblement  $ cet  effet  doit  avoir 
lieu  toutes  les  fois  qu’un  nuage  , dépouillé  subi- 
tement de  son  électricité  propre  , se  trouve  „ 
dans  cette  rupture  d’équilibre  , à distance  ex- 
plosive d’un  corps  pointu  en  communication 
avec  la  terre  : dans  ce  cas  , le  paratonnère  ne 
pourroit  être  un  moyen  préservatif  contre  les 
funestes  effets  de  la  foudre  , qu’ autant  que  le 
conduit  de  décharge  seroit  de  grosseur  conve- 
nable et  communiqueroit  parfaitement  avec  le 
réservoir  commun  , encore  il  se  pourroit  qu’on 
ne  fût  pas  entièrement  à l’abri  de  ses  atteintes. 

En  effet  , comment  éviter  l’expansion  laté- 
rale et  le  choc  en  retour  qui  résulteroit  de  la 
pression  élastico-électricjue  , lors  du  passage  du 
trait  fulminant , à travers  le  conduit  de  dé- 
chargé , sur-tout  si  la  masse  électrique  étoit 
prodigieuse.  Cette  objection  , assez  impor- 
tante , mérite  d’être  réfléchie. 

Une  pointe  communicant  à un  système  po- 
sitif, transmet  donc  une  explosion  à une  dis- 
tance bien  plus  grande  que  celle  à laquelle 
elle  peut  la  recevoir  , lorsqu’elle  communiqué 
à un  système  négatif  ; c’est  sur  cette  différence 
que  j’ai  établi  un  appareil  propre  à distinguer 
les  deux  espèces  d’électrisation,  et  à déterminer 
d’une  manière  précise  , la  différence  d’aptitude 
qu’ont  les  pointes  , pour  lancer  ou  pour  rece- 
voir en  masse  la  matière  électrique. 

L’instrurnent  dont  il  est  question  est  un  petit 

Ç a 


I 


36  La  Medecine 

bocal  doublé  d’une  feuille  d’étain  aux  deux 
surfaces  , jusqu’à  la  moitié  de  sa  iiauteur. 

Au  fond  et  au  centre  de  ce  bocal  est  établie 
une  pointe  très-aiguë  5 elle  communique  par- 
faitement avec  la  garniture.  Un  bouchon  tra- 
versé  par  un  tube  de  verre  ferme  l’orifice  du 
bocal  -,  dans  l’intérieur  du  tube  est  une  échelle 
graduée  ; et  â son  extrémité  est  mastiqué  un 
écrou  qui  reçoit  une  tige  de  cuivre , dont  la 
partie  supérieure  est  terminée  en  pointe  et  l’in- 
férieure par  une  boule  bien  polie. 

Il  est  indispensable  d’enduire  de  plusieurs 
couches  de  vernis  à la  cire  d’Espagne  le  tube 
de  verre  , les  deux  tiers  de  la  boule , la  tige 
jusqu’à  la  pointe  et  l’intérieur  du  bocal  , à 
l’exception  de  la  partie  opposée  à la  pointe  et 
à la  boule , afin  de  pouvoir  observer  le  jeu  du 
fluide  électrique. 

Voilà  l’instrument  5 voici  la  manière  de  s’en 
servir  : 

Placez  la  boule  à distance  convenable  de  la 
pointe  ; chargez  le  bocal  extérieurement , et  à 
l’aide  d’un  excitateur  , établissez  communica- 
tion entre  les  deux  surfaces,  et  vous  verrez  la 
pointe  sous-tirer  paisiblement  le  fluide  électri- 
que : chargez  maintenant  le  bocal  d’une  manière 
inverse  j avant  que  le  bout  de  l’excitateur  soit 
en  contact  avec  la  pointe  , une  forte  étincelle 
se  manifestera  à son  sommet  $ ainsi  rien  de 
plus  facile  que  de  distinguer  les  deux  espèces 
d’électrisation.  La  présence  de  l’étincelle  à 
l’approche  de  l’excitateur  est  donc  un  signe 
certain  et  invariable  de  Pélectrisation  positive  , 
et  son  absence  un  signe  contraire  : on  pourra 
s’assurer  de  la  différence  d’aptitude  de  la  pointe 
pour  lancer  et  attirer  la  matière  électrique  , au 
moyen  de  l’échelle  de  division  pratiquée  à la 
partie  supérieure  du  tube. 


ÉCLAIRÉE,  eCt.  87 

Cet  instrument , quoiqu’assez  simple  , ne 
peut  remplir  son  objet  qu’ autant  qu’il  est  exé- 
cuté avec  justesse  et  précision  ; il  est  sur-tout 
bien  essentiel  d’éviter  la  moindre  humidité.  On 
trouvera  cet  appareil  chez  MM.  Dumotier  , 
rue  du  Jardinet. 

MATIÈRE  MÉDICALE. 

Notice  sur  le  suc  qui  fournit  la  gomme  élastique , 
extraite  d' un  mémoire  lu  à la  société  d' A- 
griculture  de  Paris , par  M.  Fourcroy. 

La  gomme  ou  résine  élastique  sert  à un  grand 
nombre  d’usages.  Dans  les  pays  où  croissent  les 
arbres  qui  la  fournissent  , elle  est  employée  à 
faire  des  torches,  et  on  la  brûle  comme  de  la 
cire,  ou  plutôt  comme  de  la  résine  : aussi  quel- 
ques chimistes  ont-ils  proposé  de  la  nommer 
résine  élastique  , en  l’appliquant  liquide  sur  des 
moules  de  terre  et  en  la  laissant  évaporer  à 
l’air  , on  en  fait  des  vases  de  formes  et  de.  gran- 
deurs variées  , destinés  à contenir  toutes  sortes 
de  liqueurs.  L’industrie  européenne  a trouvé 
dans  cette  matière  une  ressource  de  plus  pour 
fabriquer  des  instruments  de  chirurgie  , qui  pus- 
sent contenir  quelques  par  ties  sans  opérer  une 
compression  trop  forte  , et  en  se  pliant  à tous 
les  inouvemens,  à toutes  les  flexionsque  ces  par- 
ties exécutent.  Les  mécaniciens  et  les  physiciens 
tirent  aussi  11.11  grand  parti  de  cette  substance  ; 
elle  fait  aujourd’hui  fonction  de  ressort  dans  les 
machines  ; on  l’étend  sur  les  étoffes  de  lil  et  de 
soie  qulelle  défend  de  l’impressiou  de  l’eau  , 
en  leur  conservant  de  la  flexibilité. 

Jusqu’actuellement  on  n’a  reçu  cette  matière 
que  sous  la  forme  solide  , et  il  a fallu  trouver 

j 3 


38  Ï,A  MËnËfcîNE 

les  moyfens  de  la  ramollir,  de  la  dissoudre  , pour 
la  faire  servir  à un  plus  grand  nombre  d’usages. 
Onsaitquepresquetoujoursc’estauxdépensdc  ses 
propriétés  qu’on  lui  a fait  subir  ces  cliangemens. 
Il  y a plus  de  dix  aïis  que  , pour  connoître  s’il 
ne  seroit  pas  possible  de  l’employer  ici  comme 
on  le  fait  dans  nos  colonies  d’Afrique  et  d’A- 
mérique , je  demandai  qu’on  me  l’envoyât  li- 
quide , et  telle  qu’elle  découle  des  arbres  qui 
la  fournissent.  J’en  ai  obtenu,  il  y a six  ans, 
une  pinte  , par  les  soins  de  M.  Melon  , ancien 
commissaire  du  roi  à i’île  de  Bourbon  , et  j’ai 
reconnu  dès-lors  que  mes  vues  pourroient  être 
remplies  quelque  jour.  La  société  d’ Agriculture 
en  ayant  reçu  une  bouteille  au  mois  de  juillet 
de  cette  année , et  m’ayant  chargé  d’en  examiner 
les  propriétés  , j’ai  repris  les  expériences  que 
j’avois  faites  auparavant  sur  cette  matière  , et 
j’ai  eu  occasion  de  confirmer  les  premiers  ré- 
sultats que  j’avois  déjà  obtenus  j c’est  de  ces 
résultats  , immédiatement  applicables  aux  arts  , 
que  je  m’occuperai  dans  cette  notice  , car  on 
verra  que  je  suis  bien  éloigné  d’avoir  complété 
l’analyse  de  cette  substance  singulière  ; il  auroit 
fallu  en  avoir  une  beaucoup  plus  grande  quan- 
tité , et  il  m’est  permis  de  l’esperfer  quelque  jour 
du  zèle  des  voyageurs  instruits  qui  parcourent 
aujourd’hui  nos  colonies. 

En  débouchant  les  bouteilles  qui  contenoient 
le  suc  del 'hevùea  Guianensis  d’Aüblet,  ou  du  ja- 
îi'opha  elasticci  de  Linnéus,  il  s’ëst  répandu  une 
odeur  fétide  très-forte  , mêlée  de  celles  du  gaz 
hydrogène  sulfuré  et  de  l’ail  pourri.  La  pins 
grande  partie  du  sût  ëtoit  liquide  , Liant: , et  opa- 
que comme  du  lait  \ mais' dans  l’une  et  l’autre  bou- 
teille, il  y avoit  une  masse  concrète  très- blanche, 
ayant  la  forme  de  la  bouteille  dans  l’une,  et 


i C 1 A I R É E , ecf.'  3.9 

seulement  celle  de  son  goulot  et  de  sa  partie 
évasée  dans  l’autre  , parce  que  celle-ci  avoit  été 
tenue  renversée  pendant  le  voyage.  Sur  deux 
livres  une  once  un  gros  et  demi  de  matière 
contenue  en  totalité  dans  la  bouteille  du  dernier 
envoi  à la  société  d’Agriculture  , on  a retiré* 
en  'la  cassant , trois  onces  un  gros  trente-six 
grains  de  gomme  élastique  concrète  , blanche 
et  pure.  La  liqueur  blanche  avoit  une. saveur  un 
peu.  sucrée  , quoiqu’elle  f\it  en  même-temps  âcre 
et  désagréable.  En  la  chauffant  doucement  dans 
des  vaisseaux  fermés  elle  ne  s’est  point  coagulée, 
mais  en  la  chauffant  dans  un  vase  large  , et  avec 
le  contact  de  l’air,  elle  a présenté  un  phénomène 
très-important  pour  la  connoissance  de  la  gommé 
élastique.  Il  s’e'st  formé  à la  surface  de  la  liqueur 
une  pellicule  blanche  demi-transparente  très- 
élastique  , qui  avoit  toutes  les  propriétés  de  la 
gomme.  Après  avoir  enlevé  cette  première  pel- 
licule il  en  a paru  successivement  plusieurs  au- 
tres $ .une  livre  de  cette  liqueur  a fourni  près 
d’un  demirgros  de  gomme  élastique.  Après  qu’elle 
n’en  donnoit  plus , le  lait  d’hevæa  étoit  devenu 
transparent  ; en  l’évaporant  jusqu’à  consistence 
presque  syrupeuse  , il  a déposé  , par  le  refroi- 
dissement , une  grande  quantité  de  cristaux 
rayonnés  d’une  couleur  jaune  , d’une  saveur 
sucrée  et  légèrement  acide  : nous  parlerons  plus 
bas  de  cette  matière  particulière  5 il  faut  con- 
tinuer ici  l’examen  dé  la  liqueur  laiteuse  et  de 
la  gomme  élastique  qui  s’en  étoit  séparée. 

. Exposée  à l’air,  au-desSüsdu  mercure  , cette 
liqueur  absorbe  peu  à peu  l’air  vital , la  gomme 
élastique  s’en  sépare  et  vient  nager  à sa  surface. 
Dans  cette  expérience,  comme  dans  l’évapora- 
tion , la  fixation  de  l’oxigène  opère  la  concré- 
tion de  la  matière  élastique  3 aussi  les  acides 


4 0 L a M'  BfIJJX  3v  C I NE 

yersés  dans  .'la  liqueur  en:  séparent-ils  la  portioil 
de  gomme  élastique  qui  y est  en  suspension  : 
cette  gouïme  prend  d’abord  la  forme  de  flocons  , 
qui  bientôt  se  rapprochent  et  s'unissent  en  une 
■seule  masse  cohérente.  L’.acide  muriatique  oxi- 
géné  produit  très-promptement  cette  précipita- 
tion de  la  gomme  , et  la.  perte  de  son  odeur 
prouve  ' que  c’est  à la  fixation  de  son  oxigène 
qu’il  faut  attribuer  ce  phénomène  ; en  sorte  que 
aails  cette  expérience  , comme  dans- toutes  celles 
que  l’on  fait  avec  l’acide  muriatique  oxigéné  , cet 
acide  produit  dans  un  temps  très-court  ce  que 
le  contact  de  l’air  ne  produit  qù’à  la  longue. 

Les  alcalis  agissent  d’une  manière  inverse  sur 
le  lait  de  Yhevaea  ; ils  opèrent  une  combinaison 
plus  intime  de  la  matière  élastique  avec  le  li- 
quide. , et  s’opposent  à sa  séparation  par  ,1’oxi- 
gène  atmosphérique  : en  distillant  quatre  onces 
de  ce  èùc  laiteux  , par  une  chaleur  très-douce  , 
©n  a obtenu  une  liqueur  claire  comme  de  l’eau  , 
d’une  odeur  analogue  à celle  du  jaSmin  , odeur 
bien  différente  assurément  de  celle  du  gaz  hy- 
drogène sulfuré  ; cette  eau  étoit  légèrement  acide, 
mais  sa  petite  quantité  a empêché  qu’on  ne  pût 
en  déterminer  la  nature. 

La  gomme  élastique  > déposée  dans  le  col  de 
la  bouteille  qui  lui  avoit  en  quelque  sorte  servi 
de  moule  , et  qui  pesoit  plus  de  trois  onces  un 
gros  , comme  il  a déjà  été  dit',  étoit  parfaite- 
ment blanche  , d’un  tissu  fin  et  serré  , douce  au 
toucher,  entièrement  élastique  ; exposée  à l’air, 
elle  a pris  une  couleur  fauve  quia  passé  au  brun. 
En  la  distillant  on  en  a tiré  beaucop  d’ ammo- 
niaque et  d’huile  5 les  alcalis  caustiques  et  liqui- 
des ne  lui  ont  fait  éprouver  aucune  altérartion  , 


ÉCLAIRÉE,  etc.  4* 

soute.  L’huile  volatile  de  térébenthine  Ta  égale- 
ment et  bien  plus  facilement  dissoute  que  l’éther. 
Cette  dissolution  chauffée  long-temps  à un  feu 
doux  , et  par  le  contact  de  l’air  , a laissé  déposer 
Une  portion  de  la  gomme  dans  son  état  élasti- 
que, et  pur.  En  traitant  cette  gomme  élastique 
pure  par  l’acide  nitrique  , on  en  a obtenu  du 
gaz  azote  , du  gaz  acide  carbonique  , du  gaz 
acide  prnssicjtie  et  de  l’acide  oxalique  -,  toutes 
ces  expériences  ont  été  faites  en  même-temps 
sur  la  gomme  élastique  du  commerce  et  elles  ont 
présenté  absolument  les  mêmes  résultats. 

La  matière  cristaline  et  de  saveur  sucrée  que 
le  suc  d 'hevaea  avoit  formée  après  la  séparation 
des  pellicules  de  gomme  élastique  , étoit  très- 
dissoluble  dans  l’eau  ; cette  dissolution  rougis- 
soit  les  papiers  teints  par  le  tournesol  : l’alcool 
dissout  très-facilement  cette  matière  , et  prend 
dans  cette  opération  une  couleur  rouge.  En  lais- 
sant cette  dissolution  s’évaporer  spontanément 
à l’air , il  s’en  sépare  des  cristaux  blancs  , allon- 
gés et  minces  ; il  reste  une  matière  colorante 
dans  la  dernière  portion  de  l’alcool.  Les  mêmes 
cristaux  précipités,  de  l’alcool  , et  séparés  de 
la  matière  colorante  qui  les  altère  , sont  promp- 
tement et  facilement  dissolubles  dans  l’eau  ^ ils 
ne  précipitent  point  les  dissolutions  nitriques 
d’argent  et  de,  mercure  ; ils  ne  forment  point 
un  sel  insoluble  avec  l’eau  de  chaux  $ ils  ont 
encore  ta  saveur  sucrée  qui  les  distingue  , lors- 
qu’on les  examine  immédiatement  après  l’éva- 
poration du  suc  dChevaea.  Le  feu  les  décompose, 
en  dégage  de  l’acide  pyromuqueux  , et  élu  gaz 
acide  carbonique  , sans  apparence  d’huile.  Ils 
ne  font  point  éprouver  d’altération  aux  carbo- 
nates alcalins.  Ils  paroissent  être  formés  par  la 
substance  sucrée  qui  commence  à prendre  des 


42  La  Médecine 

caractères  acides  , sans  être  encore  entièrement 
convertie  en  matière  saline  ; ce  qui  paroît  dé- 
pendre d'une  plus  grande  proportion  d’oxigène 
qu’il  n’y  en  a dans  le  sucre. 

Cet  essai  d’analyse  , que  nous  aurions  désiré 
de  poursuivre  et  'd’étendre  bien  plus  loin  , si 
nous  avions  eu  à notre  disposition  une  plus 
grande  quantité  du  suc  qui  fournit  la  gomme 
élastique  , nous  permet  d’offrir  quelques  résul- 
tats nouveaux  et  utiles  , soit  pour  une  eonnois- 
sance  plus  parfaite  dé  la  nature  de  ce  singulier 
produit  végétal  , soit  pour  tirer  un  plus  grand 
parti  des  propriétés  de  cette  matière.  Nous  pla^ 
cous  dans  la  première  classe  les  faits  suivans  .‘ 
i°.  La  gomme  élastique  esl'dissoute  oti  sus- 
pendue dans  un  suc  laiteux  , d’oii  elle  se  sépare 
peu  à peu  par  le  contact  de  l’air , mais  non  pas 
par  la  seule  évaporation.  ' 1 

2.°.  L’absorpion  de  l’oxigcnc  est  la  principale 
cause  de  cette  séparation’ et  de  la  concrétion  de 
la  gomme  élastique.  ' 

3l>.  La  gomme  élastique  se' Colore  cri  FàuVri 
et  en  brun  par*  $e  contact  de  l’air',  et  la  suie 
n’est  pas  la  cause  .de  la  coloration  dé  ce  produit. 

4°.  La  gomme  plastique  dbrfrié  , par  sa  nature 
même  et  noix  pas:  en  raison  dé  la  suie;  qu’elle 
contient , del  Ammoniaque  à la  distillation;  c’éjlst 
à în  présence  dé  l’azote  , dans  cette  substance  , 
qu’il  faut  attribuer  la  production  de  cet  alcali'.' 

5°.  Là  goimne  élastique  est  diSsolubl c clans  l’c- 
tber  , quand  on  ia  met  en  fragmens  trcs-miricèiS 
élans  dé  l’étîier  sulfuricpie  bien  rectifié  *. 

; 6°.  parmi  des  principes  immédiats  dès  : végé- 
taux aitxcjüéîs  ôtl  a comparé  la  gômine  élastique, 
ce  ri’eSt  ui  déS ‘Huiles  grasses  concrètes;  ni  des 
ïésines  qu’elle  paroît  se  rapprocher  , ‘mais  c’est 

ci  v .*  > w 1 Ojl  - * . *-»  \j  1 i IT*"  00  - i *0  w ^ + J • * ■>  & 


ÉCLAIRÉE,  etC.  43 

à la  matière  glutineuse  qu’elle  ressemble  le  plus, 
par  son  élasticité  , sa  propriété  de  donner  de 
l’ammoniaque  et  une  huile  fétide  à la  distilla- 
tion , et  par  celle  de  fournir  du  gaz  azote  et  de 
l’acide  prussique  par  l’acide  nitrique. 

Quant  aux  résultats  utiles  aux  arts  qui  parois- 
sent  découler  naturellement  des  expériences  que 
nous  avons  décrites  , nous  ferons  remarquer 
qu’outre  la  propriété  que  paroît  avoir  la  gomme 
élastique  blanche  et  pure  de  se  dissoudre  fort 
bien  dans  l’huile  volatile  de  térébenthine  , et 
la  possibilité  de  se  servir  de  cette  dissolution  , 
pour  enduire  différens  corps  et  les  recouvrir 
d’une  pellicule  élastique  que  l’huile  volatile  lais- 
sera en  se  réduisant  en  vapeur  , c’est  plus  par- 
ticulièrement sur  le  suc  de  l 'hevetea  que  nous 
avons  cru  devoir  porter  toute  notre  attention. 
Dans  les  deux  envois  que  nous  avons  eu  occa- 
sion d’examiner  , la  plus  grande  partie  de  la 
gomme,  ou  plutôt  du  gluten  élastique  , s’en  étoit 
séparé  sous  la  forme  solide  , pendant  le  voyagé, 
et  il  n’en  restolt  pas  le  trentième  dans  la  liqueur; 
cette  portion  de  gluten  élastique  encore  dissous  , 
peut  en  être  séparée  , soit  lentement  , par  l’ex- 
position à l’air ^ soit  un  peu  plus  vite  , par  la 
chaleur  réunie  à l’action  de  l’air  , soit  enfin 
rapidement  par  l’addition  des  acides  ; mais  il 
étoit  plus  important  de  trouver  des  moyens  de 
maintenir  la  gomme  élastique  toute  entière  en 
dissolution  , et  de  l’empêcher  de  se  précipiter. 
Il  falloit  en  même-temps  que  oe  moyen  n’altérât 
pas  la  matière  élastique  , et  permît  de  la  re- 
trouver et  de  l’obtenir  à part  lorsqu’on  le  dési- 
.reroit.  Sans  doute  , pour  réussir  dans  l’exécu- 
tion de  cette  idée  , il  seroit  utile  d’examiner  , 
-dans  son  pays  natal  , le  suc  de  l 'kevciea  , et  de 
■le  mêler  avec  différens  réactifs  5 car  ce  que  nous 


44  La  Médecine 

avons  pu  faire  à cet  égard  , n’a  eu  lieu  que  sur 
ce  suc  déjà  privé  de  la  plus  grande  partie  de 
son  gluten  : de  sorte  qu’il  restera  de  l’incerti- 
tude sur  ce  point , tant  que  l’expérience  n’aura 
pas  confirmé  notre  procédé  sur  le  suc  entier , 
d où  il  ne  se  sera  rien  encore  précipité.  L’alcali 
fixe  , soit  potasse  , soit  soude  , nous  ayant  paru 
augmenter  très  - sensiblement  l’attraction  et 
l’adherence  de  la  gomme  élastique  pour  le  suc, 
c est  ce  sel  que  nous  recommanderons  de  mêler 
au  suc  de  Y kevaea  , dans  l’instant  où  il  sera  tiré 
du  végétal  : on  peut  espérer  que  cette  addition 
empêchera  la  gomme  de  se  précipiter  pendant 
le  voyage  et  que  nous  aurons  ainsi  le  suc  en- 
tier sans  décomposition.  Alors  il  sera  facile 
d en  séparer  à volonté  la  gomme  élastique,  en 
absorbant  l’alcali  au  moyen  d’un  acide  foible  , et 
de  lui  donner  , à l’aide  de  moules  , toutes  les 
formes  , et  toutes  les  épaisseurs  que  l’on  dési- 
rera • alors  on  ne  risquera  plus  d’altérer  ce 
produit  dans  sa  nature  , en  le  dissolvant  et  en 
le  combinant  avec  des. corps  qui  diminuent  son 
élasticité  , qui  le  rendent  gras  et  poisseux  , ou 
sec  et  cassant.  Il  seroit  superflu  de  détailler 
ici  tous  les  avantages  qui  résulteront  de  ce 
procédé  , parce  qu’ils  seront  facilement  prévus 
parloutesles  personnes  qui  emploient  la  gomme 
élastique  , ou  qui  connoissent  les  arts  multipliés 
auxquels  elle  est  utile.  Il  ne  nous  reste  qu’à  don- 
.ner  aux  naturalistes  , aux  voyageurs  et  aux  culti- 
vateurs de  nos  colonies  d’Amérique  et  d’Afrique, 
.connoissance  du  procédé  que  nous  proposons  ; 
.leur  zèle  et  leurs  lumières  nous  répondent  qu’ils 
voudront  bien  le  répéter  sur-le  suc  de  Yhevaea  , 
au  moment  même  qu’il  sera  tiré  , et  l’envoyer 
en  France  , après  cette  addition  , dans  des  bou- 
teilles bien  bouchées,  enjoignant  à leur  envoi 


ÉCLAIRÉE,  etC.'  45 

la  note  de  la  quantité  de  ce  suc  , une  légère 
description  de  ses  propriétés  , de  sa  pesanteur 
spécifique  , de  sa  saveur , de  son  odeur  avant 
le  mélange  d’alcali , ainsi  que  la  date  de  son 
extraction.  La  même  expérience  devra  être  faite 
sur  le  suc  des  diverses  espèces  d ' hevaea  , ainsi 
que  sur  ceux  du  cecropia  psltata , du  ficus  in ^ 
dica  , et  de  tous  les  autres  végétaux  connus  ou 
inconnus  des  botanistes,  mais  d’où  l’on  sait  qu’on 
peut  obtenir  de  la  gomme  élastique. 

MÉDECINE  PRATIQUE. 

I.  Observations  sur  le  sang  des  phtisiques  , par 
M.  Portai.  ( Extraites  d'un  ouvrage  sur  la 
Phtisie  , qui  doit  être  bientôt  mis  sous 
presse.  ) 

Un  des  points  de  doctrine  sur  lequel  les  opinions 
des  Médecins  sont  encore  divisées  , est  l’état 
particulier  du  système  sanguin  dans  la  phtisie. 
Quelques-uns  ont  en  effet  pensé  que  cette  ma- 
ladie étoit  toujours  la  suite  , sinon  d’une 
pléthore  générale  , du  moins  d’une  pléthore 
locale  ; c’est  sans  doute  cette  idée  qui  a 
engagé  Fernel  à recommander  l’usage  de  la 
saignée  , non-seulement  au  commencement  de 
la  phtisie , mais  encore  durant  ses  progrès. 
Stahl  étoit  si  persuadé  de  cette  pléthore  qu’il 
l’a  regardée  comme  la  principale  cause  de 
la  maladie,  et  qu’il  dit  que  la  plupart  des 
phtisies  viennent  à la  suite  de  la  suppression 
de  quelques  hémorragies,  comme  un  saignement 
de  nez  habituel,  du  flux  hémorroïdal,  des  mens- 
trues , etc.  Sydenham,  dont  le  nom  est  d’un 
si  grand  poids  en  Médecine,  trouvoit  chez  tous 
les  phtisiques  tous  les  signes  caractéristiques  de 


46  La  Médecine 

la  plétliore  sanguine  , ce  qui  le  cléterminoit  à 
conseiller  la  saignée.  On  pourroit  citer  plusieurs 
auteurs  qui  sont  du  même  avis  ; mais  d’un 
autre  côté.,  des  Médecins  célèbres  ont  soutenu 
une  opinion  opposée.  Torzi  pense  que  les  phti- 
siques ont  si  peu  de  sang,  qu’ils  ont  à peine 
celui  qui  est  nécessaire  pour  la  circulation.  M. 
Lieutaud  étoit  si  convaincu  que  les  phtisiques 
éprouvent  plutôt  une  diminution  qu’une  sura- 
bondance de  sang,  même  dans  la  phthisie 
tuberculeuse  , qu’il  s’élevoit  fortement  contre 
l’opinion  de  ceux  qui  recommandent  la  saignée. 
Knoblochius,  quia  écrit  vers  le  commencement 
du  dix-septième  siècle,  à et  qui  nous  devons  quel- 
ques observations  anatomiques  intéressantes  , 
attribuoit  la  cause  du  marasme  qui  survient 
dans  la  phtisie  au  défaut  de  sang  , et  cette 
opinion  a été  adoptée  par  une  suite  nombreuse 
d’écrivains. 

On  auroit  du  s’attendre  que  les  résultats  des 
ouvertures  de  corps  , auroient  ôté  toute  incer- 
titude sur  cet  objet  5 mais  ils  n’ont  lait  que 
l’augmenter.  Thomas  Bartliolin  ouvrit  le  corps 
d’une  personne  morte  de  phtisie , et  il  ne 
trouva  aucune  goutte  de  sang,  ni  dans  les  vais- 
seaux , ni  dans  le  cœur.  D’un  autre  côté  , des 
Anatomistes  du  plus  grand  nom,  disent  avoir 
trouvé  le  plus  souvent  à l’ouverture  du  corps 
des  phtisiques  une  quantité  plus  ou  moins 
considérable  de  sang  dans  le  cœur  et  clans 
les  gros  vaisseaux.  On  lit  clans  les  épliemérides 
des  curieux  de  la  nature  , qu’en  disséquant 
le  corps  d’une  femme  morte  phtisique  et 
qui  étoit  d’une  maigreur  extrême  , on  trouva 
les  vaisseaux  pleins  de  sang  , principalement 
ceux  du  poumon.  Il  est  prouvé  par  d’autres 
observations  rapportées  dans  le  même  recueil. 


ÉCLAIR  ÉE,  etC.  47 

qu’on  trouve  souvent  beaucoup  de  sang  dans 
les  cadavres  des  plïtisiqùes  , soit  dans  tous 
les  vaisseaux  en  général  , soit  dans  quelques- 
uns  en  particulier.  Suivant  M.  Haller  les 
phtisiques  ont  beaucoup  de  sang  pendant  les 
divers  temps  de  leur  maladie,  et  on  en  trouve 
aussi  beaucoup  à l’ouverture  de  leurs  corps. 

C’est  cette  contrariété  d’opinions  qui  m’a  en- 
gagé à diriger  mes  recherches  sur  l’état  du 
système  sanguin  chez  les  phtisiques,  d au- 
tant plus  que  cela  est  loin  d’être  un  objet  de 
pure  théorie  , et  l’usage  de  la  saignée  dans  cette 
maladie  peut  en  dépendre  : mais  on  sent  bien 
qUe  pour  fixer  le  vrai  point  de  la  question,  il 
faut  considérer  la  phtisie  dans  ses  diverses 
périodes  , c’est-à-dire  qu’il  faut  examiner  l’état 
des  phtisiques  , i°.  lorsqu’ils  sont  menacés 
de  phtisie  et  avant  qu’ils  en  éprouvent  propre- 
ment les  premiers  symptômes  ; 2.0.  lorsque 
la  maladie  est  déclarée  et  au  premier  degré; 
3°.  lorsqu’elle  est  confirmée  ; \° . lorsque  les 
malades  sont  dans  un  état  de  dépérissement  , 
où  pour  me  servir  de  l’expression  ordinaire 
dans  le  dernier  degré  de  la  phtisie;  5°.  enfin 
il  convenoit  aussi  de  s’assurer  par  l’ouverture 
de  leurs  corps,  de  la  quantité  et  de  la  nature 
de  leur  sang- 

Ceux  qui  sont  menacés  de  tomber  dans  la 
phtisie  , éprouvent  presque  tous  des  hémor- 
ragies , soit  par  le  nez  , soit  par  les  veines  hé- 
morroïdales et  plus  fréquemment  encore  , ils 
ont  des  vraies  hérnoptisies.  Or  ces  circonstances 
semblent  annoncer  en  eux  une  quantité  excé- 
dente  de  sang , et  l’on  en  sera  encore  plus 
persuadé  quand  on  considérera  la  rougeur  sou- 
vent habituelle  de  leurs  visages,  de  la  région 
dç  la  pommète  , particulièrement  quand  on 


la  Médecine 

remarquera  que  leur  pouls  est  plein  et  rebondis- 
sant , leurs  yeux  plus  saillans  et  plus  brillans 
que  dans  l’état  ordinaire , leur  chaleur  à la 
surface  de  la  peau  plus  vive  et  plus  développée. 
D’ailleurs  il  est  facile  d’appercevoir  que  leurs 
veines  jugulaires  sont  très-distendues,  ainsi  que 
celles  des  extrémités.  Mais  ces  apparences  de  plé- 
thore ne  sont-elles  pas  souvent  trompeuses?  Il  est 
certain  que  si  on  établit  que  dans  la  phtisie  essen- 
tielle , souvent  avant  qu’aucun  des  simptômes 
énoncés  se  manifeste  , les  poumons  sont  engor- 
gés , flétris  et  desséchés,  il  n’est  pas  étonnant 
que,  sans  une  augmentation  réelle  de  la  quanti- 
tLté  de  sang,  il  survienne  des  Hémorragies,  le 
gonflement  des  vaisseaux  extérieurs  et  la  plé- 
nitude du  pouls.  Le  sang  ne  pouvant  se  vuider 
librement  dans  le  poumon  , qui  ne  lui  est  plus 
également  perméable  , se  ramasse  dans  l’oreil- 
lette droite , dans  les  veines  caves , et  de  proche 
en  proche  dans  les  jugulaires,  ce  qui  entraîne 
bientôt  l’engorgement  des  autres  vaisseaux.  Les 
poumons  forment  une  espèce  de  ligature  qui 
donne  lieu  à une  gêne  insurmontable  de  la 
circulation , ce  qui  est  prouvé  par  l’état  même 
des  jugulaires,  qui  ne  se  dégorgent  jamais  aussi 
complètement  que  dans  l’état  de  santé.  Souvent, 
pour  m’assurer  s’il  y avoit  de  la  gêne  dans 
fa  circulation  pulmonaire , j’ai  conseillé  aux 
malades  de  faire  une  grande  inspiration  , et  je 
n’ai  pas  craint  de  regarder  les  poumons  comme 
engorgés , lorsque  je  n’ai  pas  vu  les  veines  jugu- 
laires "se  désenfler  pendant  l’inspiration.  L’en- 
gorgement des  poumons  occasionne  le  gonfle- 
ment des  veines  jugulaires  et  celui  des  veines 
qui  leur  correspondent  comme  les  engorgeinens 
du  foie  produisent  les  hémorragies  ; voilà  des 
exemples  frappans  de  pléthore  locale  qu’il  ne 

faut 


i s i i i k i i,  etc.  49 

faut  pas  confondre  avec  l’augmentation  réelle 
de  la  quantité  de  sang  dans  tout  le  système, 
vasculaire. 

Mais  ce  qui  prouve  de  plus  en  plus  mon  opi- 
nion y c’est  que  les  rougeurs  du  visage  , le  gon- 
flement des  vaisseaux  et  la  chaleur  augmentent 
presque  jusqu’au  dernier  moment , non-seule- 
ment aux  extrémités  supérieures  , mais  encore 
aux  inférieures,  et  à F ouverture  de  leurs  corps 
on  ne  trouve  pas  quelquefois  une  goutte  de  sang. 
Combien  de  fois  n’ai-je  point  vu  de  malheureux 
phtisiques  qui  avoient  dans  les  derniers  mo- 
mens  de  leur  vie  les  veines  du  cou  , celles  du 
visage  et  celles  des  extrémités,  si  gonflées  et 
si  distendues  parle  sang , qu’elles  en  paroissoient 
comme  variqueuses!  Venoient-ils  à mourir , on 
11e  trouvoit  presque  plus  de  sang  dans  leurs  vais- 
seaux , pas  même  dans  les  veines  caves  ni  dans 
l’oreillette  droite  , ni  dans  la  -ventricule  qui  lui 
correspond.  Dans  cette  sorte  de  malades,  les  vais- 
seaux paroissent  plus  pleins  que  dans  ceux  qui 
éprouvent  souvent  l’apoplexie  sanguine  la  plus 
manifeste,  et  dont  on  trouve  après  la  mort,  je  ne 
dis  pas  les  vaisseaux  du  cerveau,  mais  même 
tous  ceux  du  reste  du  corps  , remplis  de  sang. 

Ne  confondons  donc  point  la  pléthore  de 
quelques  vaisseaux,  occasionnée  par  l’engorge- 
ment des  poumons  , avec  la  pléthore  réelle  , et 
11’épuisons  pas  les  malades  par  des  saignées 
trop  copieuses  et  trop  souvent  répétées.  Ce  n’est 
pas  que  je  blâme  de  recourir  quelquefois  à la 
saignée  , qui  peut  être  nécessaire  pour  opérer 
un  dégorgement  local,  ou  pour  prévenir  les 
suites  de  quelques  suppressions  , d’une  hémor- 
ragie habituelle.  Je  ne  doute  point  qu’on  ne 
soit  parvenu  souvent  à prévenir  la  phtisie 
par  quelques  saignées 5 mais  elle  ne  peuvent  être 
Tome  III . N°.  II.  D 


5o  La  Médecine 

utiles  qu’au  commencement  de  la  maladie  , 
et  on  doit  les  considérer  plutôt  comme  un  moyen 
préservatif  que  curatif,  car  il  paroît  que  lors- 
que la  phtisie  est  confirmée  , la  quantité  du 
sang  diminue  bien  vite , et  il  est  incroyable  com- 
bien on  en  trouve  peu  dans  le  corps  de  ceux  qui 
ont  péri  de  cette  maladie.  Je  pourrois  rappor- 
ter ici  le  résultat  d’un  très- grand  nombre  d’ou- 
vertures qui  prouveroientqu’à  peine  on  a trouvé 
quelques  grumeaux  de  sang  dans  les  corps 
des  phtisiques.  Il  semble  qu’ils  n’avoient  cessé 
de  vivre  que  lorsque  leur  sang  avoit  été  con- 
sumé , eu  si  l’on  veut , que  leur  vie  n’avoit  été 
prolongée  que  pour  que  toute  la  quantité. de 
sang  contenue  dans  leurs  vaisseaux  fût  con- 
sumée. 

Il  est  cependant  vrai  que  dans  des  sujets  dont 
j’ai  fait  l’ouverture  du  corps  ou  que  j’ai  vu  faire 
par  d’autres , on  a trouvé  une  médiocre  quan- 
tité de  sang  dans  les  vaisseaux,  et  plus  souvent 
dans  le  ventricule  droit  du  cœur  ; mais  je  dois 
observer  que  c’est  toujours  dans  le  corps  des 
phtisiques  qui  ont  éprouvé  quelques  acculons 
aigus  , entés  pour  ainsi  dire  sur  la  maladie  chro- 
nique , comme  une  hémorragie  qui  a été  promp- 
tement mortelle  , car  dans  ceux  qui  meurent 
comme  par  extinction  , le  sang  se  consume 
presqu’entièrement.  Ne  peut-on  pas  croire  que 
lorsque  le  poumon  est  malade,  la  sanguification 
languit  et  qu’enfm  elle  cesse  de  se  faire  lorsque 
l’altération  de  ce  viscère  est  portée  au  dernier 
degré  ? Combien  de  raisons  physiologiques  ne 
potirroit-on  pas  alléguer  pour  prouver  que  cette 
fonction  est  due  au  poumon,  et  qu’elle  doit 
être  beaucoup  altérée  dans  ses  maladies  , er 
sur- tout  dans  la  phtisie. 


ÉCLAIRÉE.,  etC.  01 

I • 

II.  Rapport  fait  à la  société  Philomatique  , 
sur  une Jemme  qui.  bu,voit  une  très  - grande 
quantité  d’eau  , par  MM.  Bellot  et  Bron- 
gniart. 

La  société  Philomatique  , désirant  répondre 
à la  demande  qui  lui  a été  faite  par  M.  Par- 
mentier , au  nom  du  docteur  Simulons,  a nom- 
mé M.  Bellot  et  moi  pour  examiner  les  habi- 
tudes et  le  tempérament  d'une  femme  qui  bu- 
voit  beaucoup  d’eau. 

Nous  nous  sommes  transportés  en  consé- 
quence , samedi  i5  octobre  , fauxbourg  Saint- 
Martin,  hôtel  des  arts  , chez  la  femme  en  ques- 
tion ; ne  l’ayant  point  rencontrée  chez  elle  , 
nous  allâmes  à la  place  où  travailloit  son  mari, 
après  avoir  pris  auparavant  quelques  informa- 
tions auprès  du  portier  de  la  maison  , qui  furent 
conformes  à ce  que  l’on  avoit  déjà  dit.  Nous 
trouvâmes  cette  femme  avec  une  cruche  d’eau 
à côté  d’elle  ; nous  prîmes  jour  ensemble  , et  il 
fut  convenu  qu’elle  viendroit  passer  une  jour- 
née entière  chez  l’un  de  nous. 

Nous  nous  réunîmes  en  effet  , lundi  17  oc- 
tobre 1791  , et  reçûmes  de  cette  femme  les  ren- 
seignemens  suivans  : 

Catherine  Bonsergent  , épouse  de  Jacques 
Fery  , savetier,  demeurant  à Paris  , hôtel  des 
arts  , fauxbourg  Saint-Martin  , est  âgée  de  qua- 
rante ans  ; elle  est  née  à Senlis. 

Elle  est  très-blonde  , sa  peau  est  fine  et  mar- 
quée de  taches  de  rousseur;  elle  est  plus  maigre 
que  grasse  et  paroît  être  d’un  tempérament  bi- 
lieux ; ses  bras  sont  plus  maigres  que  le  reste  de 
son  corps. 

Elle  fut  mise  en  sevrage  chez  sa  grand’ mère, 

D a 


5'z  La  Médecine 

qui  , buvant  beaucoup  de  vin , lui  en  fit  boire 
aussi  ; de  retour  chez  sa  mère  , elle  vomissoit 
tout  ce  qu’elle  prenoit  j les  matières  qu’elle  vo- 
missoit étoient  noires. 

Dès  sa  plus  tendre  jeunesse  elle  eut  une  soif 
très-considérable  , et  cherchoit  tous  les  moyens 
de  la  satisfaire.  Etant  fille  , elle  buvoit  trois 
seaux  d’eau  par  jour  $ étant  mariée  , deux  seaux 
lui  suffirent  jusqu’à  son  premier  enfant  ; alors 
elle  reprit  sa  première  dose  de  trois  seaux  , jus- 
qu’à son  quatrième.  Depuis  cette  époque  , elle 
n’en  boit  plus  que  deux  dans  les  vingt- quatre 
heures. 

Lorsqu’elle  est  malade  elle  n’a  plus  la  même 
soif,  et  lorsqu’elle  ne  boit  point  autant  qu’elle 
le  desire  ^ elle  se  porte  mal. 

Lorsqu’elle  est  en  couche , elle  a beaucoup 
plus  soif  qu’à  l’ordinaire. 

Elle  n’a  pas  plus  soif  en  été  qu’en  hiver. 

Les  choses  salées  , qu’elle  n’aime  pas  à man- 
ger , ne  l’altèrent  pas  plus  que  les  autres. 

Sa  soif  se  fait  sentir  par  une  défaillance  d’es- 
tomac, semblable  à celle  que  l’onéprouve  lorsque 
l’on  a faim.  Elle  a la  bouche  pâteuse  , et  ne 
pourroit , dit- elle  , avaler  un  morceau  de  pain. 

Lorsqu’elle  a bu  , elle  sent  vers  la  région  de 
l’estomac  un  froid  assez  considérable  , qui  la  fait 
frissonner  pendant  quelque  temps  , ce  qui  l’o- 
blige d’être  continuellement  auprès  du  feu  , 
pour  peu  qyi’il  fasse  froid. 

Cette  femme  a la  lèvre  inférieure  assez  grosse 
et  couverte  de  croûtes  : cette  lèvre  lui  fait  res- 
sentir des  élancemens  douloureux  , sur-tout  en 
été.  Elle  est  sujette  à des  hémorroïdes  qui  ne 
fluent  pas  \ alors  elle  n’a  plus  mal  à la  lèvre. 

Elle  a eu  onze  enfans  en  dix  couches.  C’est 
depuis  son  premier  enfant  qu’elle  a des  hémor- 


i'C  i a i r i e , etc.  „ 53 

roïdes.  De  tous  ses  enfans  il  ne  lui  en  reste 
que  deux.  Presque  tous  ceux  qu’elle  a nourris 
ont  été  sujets  à différentes  maladies.  Son  aîné  , 
encore  existant , a une  maladie  de  la  peau 
semblable  à la  gale  , mais  qui  n’est  cependant 
pas  contagieuse.  Le  plus  jeune  , qu’elle  n’a 
nourri  qu’un  mois,  jouit  d’une  assez  bonne  santé. 

Cette  femme  est  1a.  seule  de  sa  famille  qui  ait 
une  aussi  grande  soif. 

. Elle  sue  assez  , et  urine  en  proportion  de  ce 
qu’elle  boit. 

Elle  ne  crache  point. 

Elle  ne  prend  ni  café  , ni  vin  , ni  liqueur  spi- 
ritueuse  : elle  nous  a dit  qu’elle  mangeoit 
beaucoup  , ce  que  nous  n’avons  cependant  pas 
remarqué. 

Cette  femme  a bu  devant  nous  , pendant  dix 
heures  qu’elle  est  restée  avec  nous  , quatorze 
pintes  d’eau  , ce  qui  peut  produire  environ 
vingt-huit  livres.  Elle  nous  a dit  qu’elle  se  rele- 
voit  la  nuit  toutes  les  heures  et  demie  pour 
boire  , ce  qui  fait  assez  exactement  la  voie  d’eau 
qu’elleprétend  consommer  dans  les  vingt  quatre 
heures. 

Elle  a rendu  dix  pintes  d’urine. 

MM.  Bonnard,  Lair  et  Robilliard^  membres 
de  la  société  , ont  vu  cette  femme  avec  nous 
pendant  une  assez  grande  partie  de  la,  journée. 

C H I E.  U R G I E. 

I.  Discussion  relative  à V opération  de  la  taille  ; 
par  M.  Sabatier. 

Il  y a quelque  temps  qu’on  a fait  part  à 
l’Académie  de  Chirurgie  d’une  observation  qui 
a donné  lieu  à une  discussion  bien  intéressante, 

V 3 


54  La  Médecine 

et  qui  seroit  probablement  perdue  pour  le  pu- 
blic , et  pour  r Académie  elle-même , si  on  ne 
prenoit  le  soin  de  la  recueillir.  Un  homme  , 
d’un  âge  moyen  , tourmenté  des  incommodités 
que  cause  la  pierre  , s’est  soumis  à l’opération 
de  la  lithotomie  , laquelle  a été  pratiquée  sui- 
vant une  des  méthodes  connues  de  l’appareil 
latéral.  On  présumoit  que  la  pierre  étoit  grosse. 
Les  incisions  ont  été  faites  en  conséquence  : 
cependant  elles  ne  se  sont  pas  trouvées  suffi- 
santes pour  en  procurer  l’extraction.  Cette 
pierre  étoit  solide.  Les  tenettes  mordoient  peu 
sur  elle  , et  elle  leur  échappoit.  La  crainte  de 
fatiguer  la  vessie  par  des  tentatives  trop  mul- 
tipliées engagea  à remettre  le  malade  dans  son 
lit  afin  de  le  laisser  reposer  , et  de  délibérer  h 
loisir  sur  les  moyens  à employer.  La  journée 
fut  orageuse.  Le  ventre  se  tendit  ; il  y eut  beau- 
coup de  douleurs  ; les  urines  furent  retenues  j 
enfin  , il  se  fit  des  mouvemens  salutaires  dont 
le  résultat  fut  l’expulsion  spontanée  de  la  pierre, 
qui  se  trouva  être  du  poids  de  neuf  onces.  Le 
rédacteur  de  cette  observation  la  présentent 
comme  une  nouvelle  preuve  de  l’avantage  de 
la  taille  en  deux  temps.  Il  est  vrai  que  la  pierre 
est  sortie  sans  violence  , au  lieu  qu’il  eût  fallu 
en  faire  beaucoup  si  on  se  fût  opiniâtré  à la 
tirer  au  moment  de  l’opération.  Mais  cet  évé- 
nement est  peut-être  sans  exemple,  et  par  con- 
séquent il  ne  prouve  rien.  Des  pierres  médiocres, 
laissées  à dessein  dans  la  vessie  ou  dont  la  pré- 
sence a été  méconnue  , des  fraginens  de  pierres 
qui  se  sont  brisées  au  dedans  de  ce  viscère  pen- 
dant les  tentatives  qu’on  faisoit  pour  les  ex- 
traire , sortent  d’eux  mêmes  : rien  n’est  plus 
fréquent.  Cela  perrnet-il  d’espérer  qu’une  pierre 
d’un  volume  et  d’un  poids  aussi  considérables 


ÉCLAIRÉE,  etc. 


que  celle  dont  il  s’agit,  soit  expulsée  par  les 
seules  forces  de  la  nature  , ou  qu’on  puisse  en 
faire  l’extraction  avec  plus  de  facilité  lorsque 
l’irritation  et  le  spasme  , qui  sont  les  suites  né- 
cessaires de  l’incision  et  des  premières  ten- 
tatives , seront  calmés  ? Le  peu  d’écartement  que 
présentent  les  branches  des  os  ischion  et  pubis  , 
et  la  médiocrité  de  l’ouverture  que  l’on  peut 
faire  au  col  de  la  vessie  sans  trop  endommager 
ce  viscère,  n’y  mettent-ils  pas  obstacle  P Aussi 
pensoit-on  à inciser  au-dessus  du  pubis  , à 
pratiquer  au  malade  une  seconde  opération  par 
la  méthode  du  haut  appareil.  C’est  ce  que  le 
frère  Corne  a fait  en  diverses  circonstances  , 
et  avec  des  succès  variés.  Plusieurs  membres 
de  l’Académie  ont  cité  des  exemples  de  cette 
conduite.  On  la  suivit , il  y a une  vingtaine 
d’années , à l’hôpital  de  la  Charité  de  Paris  , 
sur  un  malade  dont  l’histoire  est  remarquable. 
Il  avoit  été  sondé  à Page  de  quinze  ou  dix-huit 
ans,  et  on  lui  avoit  trouvé  une  grosse  pierre. 
Sans  doute  les  incommodités  que  la  présence 
de  ce  corps  étranger  lui  causoit  n’étoient  pas 
fort  vives  , puisqu’il  ne  fut  point  opéré  alors. 
Il  exerçoit  la  profession  d’horloger  , et  a vécu 
jusqu’à  quarante-six  ans  en  bonne  santé  Ce 
fut  à cette  époque  de  sa  vie  que  , portant  une 
pendule  , il  fit  un  effort  qui  fut  suivi  de  grandes 
douleurs  à la  région  de  la  vessie  , et  de  diffi- 
cultés d’uriner.  On  le  sonda  , et  on  sentit  bien 
que  la  pierre  étoit  fort  grosse.  Il  fut  taillé  au- 
dessous  du  pubis.  La  pierre  n’ayant  pu  être 
saisie  , on  se  détermina  le  lendemain  à l’opérer 
par  le  haut  appareil.  On  eut  pu  attendre  que 
les  accidens  de  la  première  opération  fussent 
dissipés.  Peut-être  auroit-on  pu  lui  épargner 
la  seconde  en  essayant  de  placer  une  cannule 

D 4 


La  Médecine 
dans  la  vessie  et  cle  l’y  laisser  à demeure  , ou 
de  rendre  la  plaie  fistuleuse.  Mais  on  conçut 
le  dessein  louable  de  le  guérir  sans  qu’il  con- 
servât d’incommodité.  La  pierre  pesoit  vingt- 
quatre  onces.  Les  accidens  survinrent  en  foule. 
Le  malade  périt  trente  six  heures  après. 

Le  poids  de  cette  pierre  paroissoit  énorme. 
Un  des  membres  de  l’Académie  , témoin  de  ce 
lait,  a dit  en  avoir  une  en  sa  possession  , la- 
quelle à la  vérité  n’a  été  tirée  qu’après  la  mort, 
et  qui  pesoit  cinquante-une  onces.  ( 1 ).  Ces 
pierres  ont  perdu  un  peu  de  leur  poids  par 
le  dessèchement  qu’elles  ont  éprouvé.  Un  autre 
malade  , dont  la  pierre  a de  même  été  tirée 
par  une  incision  faite  à la  vessie  au-dessus  du 
pubis  , après  des  tentatives  infructueuses  pour 
en  procurer  l’extraction  au  moyen  de  l’appareil 
latéral , qui  avoit  été  pratiqué  peu  d’heures  au- 
paravant , est  mort  aussi.  Une  petite  fille  , qui 
a été  dans  le  même  cas  , et  à qui  on  avoit  in- 
cisé sans  fruit  le  canal  de  l’urètre  et  le  col 
de  la  vessie  , a guéri  malgré  la  difficulté  qu’on 
a eue  a 1 operer  , et  quoique  1 ouverture  laite 
au  péritoine  , et  par  laquelle  les  intestins  ten- 
doient  à s’échapper  pendant  qu’on  s’occupoit 
à chercher  et  à tirer  la  pierre,  ait  dû  per- 
mettre à une  partie  des  urines  de  tomber  clans 
le  ventre.  La  collection  de  pièces  sur  la  taille 
au  haut  appareil  , publiée  en  îyéoparM.  Mo- 
rand, à l'occasion  d’une  opération  de  cette 
espèce  qu’il  venoit  de  pratiquer  , présente  plu- 
sieurs exemples  de  guérison  malgré  la  blessure 
du  péritoine  , et  celui-ci  ajoute  à la  certitude 
qui  en  résulte,  que  les  épanchemens  d’une 


o)  Gptte  pierre  est  déposée  dans  une  salle  de  l’hôpital 
de  la  Charité  de  Paris. 


ÉCLAIRÉE,  etC. 

quantité  médiocre  d’urine  dans  le  ventre  , ne 
sont  pas  mortels. 

La  plupart  de  ceux  auxquels  en  a fait  l’opé- 
ration de  la  taille  par  l’appareil  latéral , et 
ensuite  celle  par  le  haut  appareil  , ont  suc- 
combé. Un  autre  membre  de  l’Académie  pen- 
soit  que  cet  événement  doit  plutôt  être  attribué 
aux  tentatives  indiscrètes  que  l’on  fait  pour 
tirer  la  pierre  par  la  première  opération  , et  à 
l’irritation  qui  en  est  la  suite  , qu’à  la  double 
opération  : car  , disoit-il , une  simple  incision 
pratiquée  au  col  de  la  vessie  n’a  rien  de  dan- 
gereux , et  la  meilleure  preuve  qu’on  puisse  en 
donner  , c’est  que  l’opération  du  haut  appareil 
à la  méthode  du  frère  Côme , qui  suppose  cette 
incision  , réussit  assez  fréquemment  ; il  se  trom- 
poit.  Premièrement , on  ne  peut  pas  dire  que  le 
risque  auquel  sont  exposés  ceux  à qui  on  ouvre 
le  col  de  la  vessie  , ne  mérite  aucune  considé- 
ration. Cette  ouverture  suppose  une  incision 
profonde  qui  comprend  des  parties  musculeuses 
et  graisseuses,  arrosées  de  beaucoup  de  vaisseaux 
sanguins  , et  parsemées  d’un  grand  nombre  de 
nerfs.  Elle  porte  sur  des  parties  très-sensibles  ; 
et  quoiqu’il  soit  vrai  que  quelques  personnes  , 
a qui  on  a fait  la  lithotomie  , guérissent  comme 
par  enchantement  ^ il  y en  a d’autres  qui  éprou- 
vent des  accidens  terribles , lesquels  se  ter- 
minent quelquefois  par  la  mort , quoique  les 
recherches  et  l’extraction  de  la  pierre  n’ayent 
rien  eu  de  pénible.  Pourquoi  cette  ouverture 
seroit-elle  sans  conséquence , lorsque  nous  sa- 
vons que  celle  du  péritoine  et  du  ventre  a été 
mortelle  en  des  malades  qu’on  n’opéroit  de 
leurs  hernies  que  pour  leur  procurer  une  gué- 
rison radicale , et  sans  qu’on  y fut  déterminé 
par  les  accidens  ordinaires  de  l’étranglement  ? 


*58  La  Médecine 

Le  célèbre  Jean-Louis  Petit  en  a conservé  des 
exemples.  En  second  lieu  , ce  n’est  pas  le  col 
de  la  vessie  que  l’on  ouvre  préliminairement 
dans  l’opération  dont  il  s’agit.  C’est  le  canal 
de  l’ urètre  à la  partie  la  plus  inférieure  du  pé- 
riné  , et  cela  dans  la  vue  cle  placer  une  cannule 
qui  , traversant  la  partie  membraneuse  de  l’urè- 
tre  et  pénétrant  dans  la  vessie  à travers  son 
col , permette  aux  urines  de  s’écouler  , et  pré- 
vienne leur  sortie  à travers  la  plaie  qui  regarde 
les  os  pubis. 

Si  on  n’ouvre  pas  le  col  de  la  vessie  dans 
cette  circonstance,  ajoutoit  l’académicien  dont 
on  vient  de  parler  , on  devroit  f ouvrir  ^ parce 
que  sans  cela  les  urines  n’auront  point  de  faci- 
lité à s’échapper  par  en  bas.  Ce  procédé  d’ail- 
leurs exempteroil  de  placer  une  cannule  qu’on 
ne  peut  s’empêcher  de  regarder  comme  un 
corps  étranger.  Mais  pourquoi  les  urines  ne 
sortiroient- elles  pas  aisément  par  la  cannule  r 
On  sait  que  le  col  de  la  vessie  est  assez  élevé 
deri'ière  la  symphise  des  os  pubis  , et  que  la 
partie  membraneuse  de  l’urètre  qui  se  trouve 
en-dcçà  de  la  prostate  , descend  de  haut  en  bas 
jusqu’à  la  partie  inférieure  de  cette  symphise  , 
o h elle  est  embrassée  par  la  substance  spon- 
gieuse qui  accompagne  ce  canal  jusqu’à  sa 
dernière  extrémité.  Donc,  en  faisant  aux  tégu- 
rnens  une  incision  qui  réponde  à la  partie  gau- 
che et  inférieure  du  périné  , et  qui  pénétré 
dans  l’urètre  à travers  son  bulbe , la  cannule 
qu’on  y place  parcourt  une  route  qui  monte  de 
bas  en  haut  jusqu’à  ce  qu’elle  parvienne  dans 
la  vessie.  Cette  cannule  offre  par  conséquent 
aux  urines  une  conduite  qui  descend  de  haut 
en  bas  et  de  derrière  en  devant  , et  qui  leur 
permet  de  s’écouler  avec  facilité.  Voila  le  but 


ÉCLAIRÉE,  eCt.  5f) 

que  se  proposoit  le  frère  Corne.  Reste  à savoir 
si  on  le  rempliroit  aussi  bien  dans  le  cas  où 
on  se  contenteroit  d’ouvrir  le  col  de  la  vessie 
sans  faire  usage  de  cannule.  Chacun  doit  avoir 
remarqué  que  souvent  après  l’opération  de  la 
taille  les  urines  continuent  à couler  à travers 
l’urètre  , comme  si  le  malade  n’eût  souffert  au- 
cune opération.  Elles  ne  commencent  à passer 
par  la  plaie  qu’au  bout  de  quelques  jours,  et 
lorsque  le  gonflement  survenu  à celle  qui  a été 
faite  au  col  de  la  vessie  vient  à se  dissiper 
par  le  dégorgement.  Alors  , il  n’en  sort  plus 
par  l’urètre  jusqu’à  ce  que  les  bords  de  la 
plaie  intérieure  se  rapprochent  et  se  recollent- 
Qu’en  conclure  , sinon  que  l’incision  du  col 
de  la  vessie , sans  y placer  une  cannule  , seroit 
une  mesure  insuffisante  pour  en  procurer  la 
sortie  par  cette  voie  ? 

Le  choc  des  opinions  n’a  pas  permis  d’in- 
sister sur  la  question  la  plus  importante  peut- 
être  , sur  celle  de  savoir  si  dans  les  cas  dont  il 
s’agit , il  ne  vaudroit  pas  mieux  attendre  pour 
faire  la  seconde  opération , que  les  accidens 
de  la  première  fussent  entièrement  dissipés. 
Toutes  les  raisons  , qui  militent  en  faveur  de 
l’opération  en  deux  temps,  prouvent  également 
que  cette  opération  ne  peut  être  que  fort 
utile.  Quand  on  pratique  le  haut  appareil  peu 
de  temps  après  avoir  essayé  de  tirer  la  pierre 
par  l’appareil  latéral  , le  malade  est  exposé  à 
deux  risques  dont  la  réunion  est  effrayante  , 
au  lieu  que  chacun  d’eux  , pris  séparément , est 
beaucoup  moins  grave.  Peut-être  la  sortie  spon- 
tanée de  la  pierre,  qui  a eu  lieu  chez  le  sujet 
dont  l’histoire  a amené  la  discussion  qui  nous 
occupe  , seroil-elle  arrivée  plusieurs  fois  si  on 
eût  suivi  cette  utile  méthode  , au  lieu  que  ce 


60  La  Médecine 

fait  est  unique  , au  moins  à notre  connoissance. 
La  natur  e a tant  de  ressources  , que  nous  ne 
devons  employer  celles  que  l’art  nous  offre  , 
cjue  lorsque  nous  avons  la  certitude  qu’elle  a 
épuisé  toutes  les  siennes. 

II.  Remarques  sur  les  effets  de  l’èpithême 

désorganisant  de  M.  Dorez , Chirurgien  , 

rue  et  isle  de  Saint-Louis  ; par  M * Pinel. 

L’art  de  guérir  ne  doit- il  pas  suivre  la  même 
m irche  que  les  autres  sciences  naturelles,  et 
peut-il  faire  des  progrès  , si  on  ne  fixe  avec 
pr  écision  le  vrai  caractère  du  mal  et  l’espèce 
des  remèdes  qu’on  emploie  ? Ne  seroit-il  pas 
resté  dans  un  état  perpétuel  d’enfance,  s’il  avoit 
été  toujours  pratiqué  par  des  gens  à secret  et 
par  des  empiriques  ? Des  méthodes  de  guérir 
uniformes  et  dirigées  aveuglément  auroient  été 
quelquefois  utiles  et  très-souvent  nuisibles  ; et 
après  plusieurs  siècles  d’une  expérience  vague 
et  incertaine  , on  auroit  toujours  abouti  au 
point  du  départ , c’est-à-dire  , à une  instabilité 
éternelle  d’opinions  et  de  principes. 

M.  Dorez  peut  être  cité  en  preuve  de  ce 
que  je  viens  d’avancer  ; il  me  fit  adresser  en 
3788  deux  lettres  par  deux  de  ses  malades, 
qui  se  disoient  guéries  de  cancers  par  son  épi- 
thême  désorganisant  (1) , et  qui  me  prioient  de 
rendre  publiques  ces  cures  prétendues  par  la 
voie  d’une  feuille  périodique  dont  j’étois  alors 
chargé.  Je  répondis  , en  refusant  d’insérer  les 


(1)  Je  conserve  encore  les  originaux  de  ces  lettres  , qui 
sont  remarquables  par  l'inexactitude  la  plus  marquée  . 
soit  dans  la  détermination  de  l’espèce  de  la  tumeur  , soit 
dans  lit  manière  d’agir  du  remède. 


ÉCLAIRÉE,  eCt.  6 1 

cîenx  observations , que  les  Médecins  et  les 
Chirurgiens  avoient  été  dans  tous  les  temps 
témoins  des  dangers  et  des  effets  funestes  de 
tous  les  topiques  qu  on  avoit  proposes  pour  la 
guérison  du  cancer  , que  des  topiques  de  toutes 
les  formes  avoient  été  présentés  , et  qu’ après 
de  nouveaux  essais  faits  avec  soin.,  on  avoit  été 
contraint  de  les  abandonner. 

Mais  comme  M.  Dorez  pouvoit  répliquer  que 
son  topique  étoit  unique  dans  son  genre  , et 
qu’il  avoit  un  avantage  marqué  sur  tous  ceux 
qu’on  a proposés  jusqu’à  ce  jour  , je  lui  pro- 
posai dans  ce  cas  , de  soumettre  l’examen  de 
son  remède  à la  société  de  Médecine  ou  à l’a- 
cadémie de  Chirurgie  , qui  nommeroient  des 
commissaires  pour  en  faire  le  rapport  et  pour 
lui  en  garantir  le  secret  ; qu’il  n’auroit  alors 
qu’à  fixer,  par  une  suite  d’expériences  décisives, 
son  efficacité  et  les  moyens  de  s’en  servir  ; qu’il 
falloit  sur-tout  faire  bien  distinguer  et  recon- 
noître  avec  candeur  les  cas  qui  seroient  favo- 
rables à l’emploi  de  son  remède , et  ceux  qui 
lui  seroient  contraires;  car  j’ajoutois  que  ce 
seroit  toujours  une  grande  chimère  qu’un  moyen 
uniforme  de  guérir  toutes  sortes  de  tumeurs  , 
quelle  que  fut  leur  origine  et  leur  nature , l’âge 
et  la  constitution  de  l’individu  , l’époque  plus 
ou  moins  avancée  de  la  maladie  , ses  compli- 
cations avec  divers  virus  ou  d’autres  maladies 
habituelles  , ect.  Je  finissois  par  l’assurer  que 
je  me  ferois  alors  un  vrai  plaisir  de  communi- 
quer au  public  les  observations  authentiques 
qui  me  seroient  adressées  sur  cet  objet. 

On  imagine  bien  que  toutes  ces  sages  pré- 
cautions n’ont  pas  été  du  goût  de  M.  Dorez  , 
et  qu’il  n’a  pas  manqué  d’insinuer  à ses  ma- 
lades, que  les  Médecins  et  les  Chirurgiens  de  la 


62  Là  Médecine 

capitale  ne  cher  choient  qu’à  le  persécuter  et  à 
se  montrer  ses  détracteurs  ; que  ce  n’étoit  que 
de  pures  jalousies  et  des  rivalités  qui  empê- 
choient  qu’on  lui  rendît  justice.  Il  se  défia 
donc  de  tous  les  journaux  qui  sont  consacrés 
aux  progrès  de  l’art  de  guérir  , et  il  a publié 
depuis  cette  époque  de  prétendues  cures  de 
cancer  , dans  le  Journal  de  Paris  , dans  le 
Mercure,  dans  le  Journal  encyclopédique  , ect. 
Il  faut  respecter  le  zèle  des  rédacteurs  de  ces 
journaux  , qui  ont  cru  se  rendre  ainsi  utiles 
à l’humanité  souffrante  ; mais  peut-être  qu’il 
eût  été  prudent , avant  de  publier  les  succès  de 
M.  Dorez,  d’attendre  qu’ori  fît  connoître  quel- 
que cas  qui  fût  contraire  à l’emploi  de  son 
remède  pour  éviter  le  trop  grand  empressement 
de  quelques  malades  à faire  des  essais  nuisibles 
et  dangereux.  Je  puis  communiquer  au  public 
deux  exemples  de  ce  dernier  genre  , dont  l’un 
m’a  été  attesté  par  M.  Paschal , maître  en  Chi- 
rurgie à Erie-Comte-Robert  , et  l’autre  s’est 
passé  sous  mes  yeux. 

Madame  Lavigne  , aubergiste  , à Grosbois  , 
et  affligée  d’un  cancer  au  sein  , se  rendit  à 
Paris  pour  y être  traitée  par  M.  Dorez.  Elle 
vint  se  loger  chez  madame  Boisard , marchande 
grainetière,  rue  Saint-Antoine.  On  publia  quel- 
que temps  après  que  sa  plaie  étoit  prête  à se 
cicatriser;  mais  il  survint  un  érésipelle  au  bras 
du  même  côté  que  le  cancer  , et  la  plaie  s a- 
grandit  de  nouveau  La  malade  ht  en  vain  des 
instances  à M.  Dorez  pour  qu’il  remplît  la  pro- 
messe qu’il  lui  avoit  faite  de  la  guérir  en  rece- 
vant d’avance  ses  honoraires  ; elle  s’est  vue 
enfin  abandonnée  , et  a succombé  à ses  dou- 
leurs au  mois  de  juillet  1788. 

Voici  encore  un  autre  exemple  des  effets 


• ÉCLAIRÉE,  etc.  63 

funestes  de  l’épithême  de  M.  Dorez,  dont  on 
petit  facilement  prendre  connoissance.  Made- 
moiselle Fricot  , rue  du  Férou,  près  i’église  de 
Saint-Snlpicc  , avoit  une  loupe  à la  joue  droite 
dont  elle  desiroit  beaucoup  de  se  délivrer  ; 
elle  s’adressa  à M.  Dénoue  , Chirurgien  , logé 
à la  rue  de  Seine  , qui  appliqua  un  caustique 
sur  la  tumeur  , et  en  consuma  une  partie  ; 
bientôt  après  , il  survint  un  engorgement  dou- 
loureux à la  partie  latérale  droite  du  cou. 
Des  Médecins  qui  furent  consultés  prescrivirent 
tour-à-tour  des  cataplasmes  érnolliens  et  des 
répercussifs  , mais  sans  produire  aucun  effet 
remarquable.  M.  Dorez  fut  appelé  , et  il  ap- 
pliqua son  épitliême  désorganisant  ; il  produisit 
une  ouverture  à la  peau  qui  s’est  agrandie  peu- 
à-peu  et  qui  a pris  un  caractère  malin  , en- 
sorte  que  M.  Dorez  a abandonné  la  malade. 
Cette  malheureuse  victime  de  l’empirisme  s’est 
adressée  encore  à d’autres  personnes  qui  lui 
promettoient  de  la  guérir  ; mais  le  mal  a 
continué  de  faire  des  progrès  5 il  s’est  formé  , 
vers  la  partie  supérieure  et  latérale  du  cou , un 
ulcère  de  la  grandeur  de  la  main  , avec  des 
bords  calleux  et  d’une  fétidité  insupportable, 
M.  Boyer  , Chirurgien  gagnant  maîtrise  à la 
Charité , qui  lui  a donné  des  soins  , m,e  l’a 
fait  voir  dans  cet  état  déplorable  : le  visage 
et  l’œil  du  même  côté  étoient  très  - gonflés  ; 
les  douleurs  ont  été  très-vives,  et  M.  Boyer 
n’est  parvenu  à les  calmer  qu’au  moyen  d’une 
espèce  d’onguent  où  il  fait  entrer  la  dissolution 
d’opium  à une  forte  dose.  Après  l’usage  die  ce  re- 
mode , la  malade  a été  plus  tranquille  et  a joui 
même  du  sommeil  ; mais  le  mal  n’en  conserva 
pas  moins  le  caractère  d’un  ulcère  carcinoma- 
teux , et  on  sait  combien  jusqu’à  présent  les 


64  La  M É D E C I N E,  etC. 

ressources  de  l’art  de  guérir  sont  foibles  et  in- 
certaines contre  ce  mal  atroce.  Dans  ce  cas-là 
donc  , on  ne  peut  méconnoître  une  espèce  de 
cancer  , provenue  d’une  application  imprudente 
de  l’épithême  désorganisant  de  M.  Dorez.  Cette 
malade  est  morte  vers  les  derniers  jours  d’oc- 
tobre 1791. 

N’est-ce  pas  donc  une  illusion  bien  déplora- 
ble, cjue  cette  confiance  aveugle  que  les  malades 
accordent  aux  empiriques  qui  prônent  avec  em- 
phase leurs  prétendues  guérisons  de  cancers  , 
et  qui  omettent  prudemment  de  parler  d’une 
foule  de  cas  où  ils  ne  font  qu’aggraver  le  mal 
et  accélérer  le  moment  d’une  mort  cruelle  ? 

L’histoire  des  caustiques,  dans  les maladeis  cancéreuses, 
est  une  des  parties  de  Part  les  mieux  connues  aujourd’hui  : 
sans  doute  on  ne  peut  douter  que  leur  usage , en  détruisant 
les  parties  squirrheuses  ou  cancéreuses,  ne  puisse  quelque- 
fois être  utile;  mais  l’infection  générale  de  la  masse  des 
humeurs  ne  peut  pas  être  corrigée  par  un  pareil  moyen,  et 
il  ne  peut  avoir  de  véritable  succès  que  dans  une  affection 
locale  , dont  les  progrès  n’ont  point  altéré  le  système  lym- 
phatique. Voilà  le  seul  cas  où  le  médecin  instruit  peut  con- 
seiller ou  employer  les  caustiques.  Mais  ce  n’est  pas  à cela 
que  s’arrêtent  la  plupart  des  guérisseurs  qui  vendent  et 
cachent  leurs  caustiques:  ordinairement  ils  entreprennent 
tout  et  ne  respectent  rien;  aussi  leur  réputation  tombe- 
t-elle  toujours  au  bout  de  quelque  temps  ; mais  il  leur 
reste  au  moins  le  profit,  et  c’est  souvent  tout  ce  qu’ils 
veulent.  Au  reste,  on  seroit  trop  heureux  avec  de  pareils 
hommes  , que  l’espoir  de  la  guérison  favorise  tandis  que 
les  vraies  lumières  les  repoussent  , s’ils  vouloient  bien 
mettre  dans  leurs  procédés  cautérisant  la  prudence  qui 
devroit  toujours  les  guider  ; ils  épargneroient  aux  malades 
les  douleurs  atroces  et  les  accidens  funestes  qui  accompa- 
gnent les  mauvais  traitemens  en  ce  genre. 


( N°  I I L ) 65 

MÉDECINE  PRATIQUE. 


Observations  sur  l’usage  du  Camphre  d’ Amé- 
rique y dans  les  maladies  chroniques  et  in- 
flammatoires j par  J.  MarsillaCj  Médecin. 

T o u s les  praticiens  savent  que  le  Camphrb 
est  le  suc  concret  du  laurus  camphora  de  Li- 
néus  , que  ]es  Hollandois  retirent  du  Japon 
ou  de  l’île  de  Sumatra  : depuis  deux  ou  trois 
ans  on  a tenté  en  Amérique  divers  extraits  vé- 
gétaux de  plusieurs  espèces  de  laurier  , dont 
la  sublimation  a offert  du  camphre  de  même 
odeur  , saveur  , et  effets  que  celui  qu’on  retire 
de  Sumatra. 

Celui  d’Amérique  est  d’un  blanc  demi-trans- 
parent , onctueux  au  toucher  , laissant  sur  la 
langue  une  saveur  amère  aromatique  , et  d’une 
âcreté  fortement  prononcée  ; il  est  totalement 
volatil  , inflammable  , soluble  dans  les  esprits 
ardens  , les  huiles  et  les  acides  minéraux  j 
mais  il  ne  se  dissout  pas  dans  les  liqueurs  al- 
calines ni  les  acides  végétaux. 

Le  docteur  Alexandre  , d’Edimbourg  , en 
ayant  donné  deux  scrupules  dans  une  maladie 
inflammatoire  où  le  pouls  donnoit  soixante-dix- 
sept  pulsations  par  minutes  , sur  un  sujet  de 
28  ans,  le  pouls  tomba  en  dix  minutes  àsoixante- 
dix  pulsations  $ mais  une  demi-heure  après  le 
pouls  revint  à soixante-dix-sept.  — Deux  heures 
après  l’avoir  pris  , il  survint  un  délire  quel- 
ques mouvemens  convulsifs  , et  le  pouls  gra- 
duellement accéléré  donna  cent  pulsations  par 
minute.  — Cinq  heures  après  la  circulation  se 
ralentit  , il  éprouva  un  froid  extérieur  qui  se 
Tome  III.  NQ.  III.  E 


66  La  Médecine 

dissipa  en  buvant  du  thé  chaud  , et  se  termina 
par  des  sueurs  abondantes. 

Le  docteur  Prembertt,  de  Philadelphie  , an- 
nonce que  le  camphre  américain  , pris  intérieu- 
rement , pénètre  rapidement  toutes  les  parties 
du  corps  , et  provoque  une  transpiration  sou- 
tenue 5 pris  plusieurs  jours  , à la  dose  d’un  de- 
mi-gros il  rend  le  sang  plus  fluide  , et  ralen- 
tit sa  vive  circulation  , il  purifie  les  humeurs, 
chasse  les  matières  morbifiques  par  les  pores  , 
et  produit  d’heureux  effets  dans  les  fièvres 
malignes  et  maladies  aiguës  chroniques  , pro- 
cédant d’un  état  d’acrimonie  dans  les  fluides. 

Nos. fréquentations  journalières  avec  les  na- 
turels américains  (vulgairement  appelés  sau- 
vages) nous  apprennent  que  ces  peuples  font 
usage  du  camphre  de  leurs  climats  pour  se 
guérir,  des mafadiès  siphili tiques,  et  l’expérience 
offre  plusieurs  exemples  en  .Ecosse  , où  le  cam- 
phre seul  a guéri  des  maladies  vénériennes  qui 
avoient  résisté  à l’usage  varié  des  mercuriaux  , 
frictions  et  autres  traitcmens  du  même  genre. 

Le  docteur  Ohriscool  assure  n’avoir  jamais 
Trouvé  une  substance  plus  énergique  et  un 
dépuratif  plus  doux  dans  cette  dernière  mala- 
die , lors  même  qu’elle  est  accompagnée  de 
phlegmons  , chancres  et  autres  accessoires  alar- 
ma ns. 

La  pratique  d’Ecosse  a prouvé  que  le  cam- 
phre portoit  sa  principale  énergie  sur  les  voies 
urinaires,  s’opposoit  au  calcul  et  en  dissipoit  les 
inflammations  ; il  y a cependant  . des  ternpé- 
ramens  qui  ne  peuvent  en  soutenir  la  saveur 
trop  forte  , mais  on  la  rend  supportable  en 
y associant  deux  ou  trois  grains  de  musc  por- 
phirisé. 

Enfin  , l’usage  extérieur  du  camphre  d’Amé- 


ÉCLAIRÉE,  etC.  67 

riqne  offre  un  puissant  antiputride  contre  la 
mortification , la  gangrène  , les  exanthèmes 
scorbutiques  , et  autres  accidens  qui  recon- 
noissent  , pour  première  cause  , un  excès  de 
chaleur  ou  des  humeurs  âcres  et  corrosives  : 
il  paroît  probable  que  le  camphre  d’Europe, 
employé  de  la  même  manière  , produiroit  les 
mêmes  effets  que  celui  d’ Amérique  , mais  la 
cherté  de  cette  substance,  préparée  par  les  Hol- 
landois  , s’opposera  toujours  à son  usage  fré- 
quent, tant  (ju’on  n’emploiera  pas  les  moyens 
de  se  soustraire  à leur  cupidité  despotique. 

C II  I.R  U R G I E. 

Sur  les  plaies  des  artères  , par  JVL.  Deschamps  , 
Chirurgien  en  chef  de  V hôpital  de  la  Charité 
à Paris , lu  le  zi  décembre  VJS1  m 

Dans  la  blessure  dés  principales  artères  qui 
se  distribuent  aux  extrémités  , l’art  ne  pré- 
sentait aux  anciens  d’autres  ressources  que 
l’amputation  du  membre  ( 1 ).  La  Chirurgie 
moderne  , plus  instruite  et  plus  confiante  dans 
les  ressources  de  la  nature  , n’a  point  déses- 
péré de  la  conservation  de  la  partie  blessée  , 
et  le  succès  quelquefois  a couronné  ses  tenta- 
tives. 

On  a cru  que  la  compression  sur  une  artère 
avoit  cet  avantage  sur  la  ligature  , que  par  îë 
premier  moyen  , le  calibre  de  l’artèrë  ' était 


, . • • » '.  O 

• (1)  Les  Fabrice  , Paré  , Paul  d’Fgine  et  autres , et  même 
GalieJJ,  eonnoissoient  la  ressource  de  lier  les  artères , même 
à leur  origine  ; mais  ils  ne  donnent  aucun  précepte  par- 
ticulier sur  la  ligature  des  principales  artères  blessées  dont 
ils  ne  fournissent  aucune  observation. 

E 2 


68  La  Médecine 

conservé  , et  que  le  cours  du  sang  n’étoit  point 
interrompu  dans  l’artère  blessée,  dont  les  bords 
ou  les  lèvres  de  la  plaie  se  réunissoient  ou 
plutôt  s’unissoient  médiatement  l’un  à l’autrê. 
Mais  l’expérience  a prouvé  que  toute  com- 
pression stable  et  permanente  sur  une  artère  , 
l’oblitéroit  dans  le  lieu  de  la  pression  , et 
jusques  à l’endroit  où  elle  reçoit  quelques 
petites  artères  de  communication  (1)  : cet  avan- 
tage est  donc  imaginaire.  Mais  les  inconvéniens 
qui  résultent  de  cette  compression  sont  réels  ; 
ou  celle-ci  sera  insuffisante  , ou  il  ne  sera  pas 
possible  d’en  garantir  entièrement  les  parties 
environnantes , et  la  moindre  suffit  pour  s’op- 
poser au  cours  du  sang  dans  les  petites  artères 
collatérales  qui  doivent  le  porter  dans  l’artère 
au-dessous  du  lieu  comprimé.  C’est  à cette  par- 
faite liberté  dans  le  cours  des  liqueurs  , qu’est 
dû  le  succès  que  l’on  peut  se  promettre  de 
l’opération. 

Les  premiers  exemples  qui  nous  aient  été 
donnés  delà  ligature  de  ces  principales  artères, 
nous  ont  été  fournis  par  Marc-Aurèle  Seve- 
rin  (2)  et  par  Saviard  (3).  On  voit , par  l’ob- 
servation du  premier combien  Lon  redou- 
toit  de  mettre  l’artère  à découvert  et  d’en 
faire  la  ligature  , puisque  la  proposition  en  fut 
universellement  rejetée  : ce  ne  fut  qu’après 


(1)  Des  observations  faites  par  M.  Petit  ont  prouvé  que 

cet  effet  de  la  compression  n’étoit  pas  constant  ; mais  le 
contraire  a été  généralement  observé  par  les  meilleurs 
observateurs  , et  particulièrement  par  Valsalva  , Molinelli , 
Tdorgagni,  etc.  ; l’observation  de  M.  Petit  ne  peut  donc 
être  regardée  que  comme  une  exception  à Ta  règle  gé- 
nérale. V " , 

(2)  De  medicina  ejficaci , liber  3. 

(3)  Obs.  63. 


ÉCLAIRÉE,  etC. 


69 


plusieurs  hémorragies  que  répuisement  du  ma- 
lade détermina  enfin  à prendre  ce  parti.  On 
ne  peut  clouter  que  la  compression  , sur-tout 
après  l’ouverture  de  la  tumeur  , n’ait  été  mé- 
thodique (1).  La  précaution  de  faire  la  com- 
pression à l’aine  pour  se  rendre  maître  du 
sang  pendant  l’opération  , et  celle  de  séparer 
la  veine  de  l’artère  pour  la  lier  , ne  laissent 
aucun  doute  sur  les  connoissances  anatomiques 
qui  dirigeoient  les  Chirurgiens  chargés  du 
malade. 

L’observation  de  Saviard  nous  présente  la 
ligature  de  l’artère  fémorale  blessée  comme  la 
seule  ressource  à tenter  , malgré  la  perte  de 
sang  qu’il  redoutoit  pendant  l’opération  : la 
crainte  de  ne  pas  reconnoître  l’ouverture  de 
l’artère  , et  celle  de  ne  pouvoir  s’opposer  au 
sphacèle  qui  pouvoit  survenir  après  la  ligature  , 
toutes  ces  considérations  n’arrêtèrent  point  , 
et  l’opération  eut  le  plus  grand  succès. 

Si  l’on  s’en  rapporte  à Heister  (2)  ^ une  bles- 
sure de  l’artère  fémorale  a été  guérie  par  la 
compression. 

Depuis  Saviard  , la  première  cure  d’une 
blessure  de  l’artère  fémorale  en  France  est 
due  à M.  Sabatier.  Cet  habile  Chirurgien  em- 
ploya la  compression  : plusieurs  hémorragies 
se  succédèrent  j il  se  rendit  enfin  maître  du 
sang  , et  le  malade  a guéri. 

O11  lit  dans  le  journal  de  Médecine  , novem— 


(1)  On  sait  que  la  compression  sur  le  tube  artériel  est 
d’autant  plus  sûre  qu’elle  est  immédiate, 

(2 ) Inst.  Chir.  pars  11  , seck.  1 , caput  i3  , et  program- 
ma cle  artenœ  cruralis  vulnere  pericuiosissimo  féliciter 
sanato  , 1771  , in  quo  ligaturam  indicat.  Idem  Ephém. 
des  curieux  de  la  nature , vol.  7 , obs.  32. 

E 3 


7°  La  Médecine 

bre  1770  , qu’une  blessure  d’artère  fémorale  a 
été  guérie  par  une  compression  stable  sur  le 
trajet  de  l’artère  , au  moyen  du  tourniquet  de 
Morel  ; ce  qui  n’empêcha  pas,  ajoute-t-on  , la 
libre  circulation  du  sang  dans  la  partie  au- 
dessous  de  la  compression. 

M.  Dessault , alors  substitut  du  Chirurgien 
en  chef  de  l’hôpital  de  la  Charité  , fit  publi- 
quement , dans  cet  hôpital  la  ligature  de 
l'artère  fémorale  à la  suite  d’une  blessure  , et 
l’opération  eut  le  succès  (1)  que  l’on  devoit 
attendre  de  cet  habile  Chirurgien. 

Si  à la  cure  opérée  par  M.  Sabatier,  par  la 
compression  , et  à celle  qu’a  obtenue  , par  le 
même  moyen  , M..  JussyJ , Chirurgien  à Be- 
sançon , ori  oppose  la  multiplicité  des  cas  où 
la  compression  sur  des  artères  principales  , et 
même  sur  celles  d’un  ordre  inférieur,  n’a  eu 
aucun  succès  il  sera  difficile  de  ne  pas  con- 
venir que  la  ligature  est  préférable.  J* 

Dans  les  anévrismes  vrais  et  dans  les  ané- 
vrismes faux.,  quand  , dans  ceux-ci  , il  s’est 
écoulé  quelque  temps  entre  la  blessure  de 
l’artère  et  l'opération  , la  gêne  que  le  sang 
éprouve  dans  l’artère  blessée  le  fait  refluer  en 
plus  grande  quantité  dans  les  petites  artères 
collatérales  $ celles-ci  acquièrent  un  diamètre 
plus  grand  , et  sont  déjà  disposées  à porter  le 
sang  dans  l’artère  au-dessous  de  la  blessure  , 
lorsqu’on  se  détermine  à l’opération  : mais  dans 
l’opération,  qui  suit  de  près  la  lésion  d’une 
artère  , les  petites  collatérales  ne  présentent 
pas  le  même  avantage  \ cest  donc  plus  que 


(1)  Quoique  le  malade  soit  mort  le  quinzième  jour  , 
J’opëration  n'a  pas  moins  réussi , l’artère  étoit  oblitérée 
et  le  malade  eut  conservé  sa  cuisse. 


éclairée,  etc.  71 

jamais  le  cas  cl’éviter  tonte  compression  sur 
elles  , et  celui  sur- tout  de  permettre  la  plus 
grande  liberté  dans  le  cours  des  liqueurs. 

Première  Observation. 

Blessure  de  V artère  brachiale . 


Le  11  avril  1791  , le  nommé  René  Piénoir  , 
âgé  de  2 5 ans , domestique  attaché  au  ser- 
vice de  M.  Baujon,  rue  du  Mont-Parnasse  , 
fut  menacé  d’un  coup  de  couteau  dirigé  vers 
la  poitrine  : Piénoir  leva  le  bras  pour  parer  le 
coup  ; l’instrument  blessa  le  bras  à sa  partie 
, moyenne  antérieure  et  supérieure  , vers  le  bord 
externe  du  biceps.  Par  cette  situation  du  bras  , 
de  coup  porté  de  haut  en  bas  se  trouva  dirigé 
dans  le  bras  de  bas  en  hhnt.  Le  blesse  fit  quel- 
ques pas  ; mais  affoibli  par  la  perte  d’une  grande 
quantité  de  sang  , il  tomba  sans  connoissance. 
Un  élève  peu  instruit  ne  connut  point  le  dam 
ger  de  cette  blessure  5 il  saigna  le  malade  une 
fois , et  mit  sur  la  partie  blessée  des  compresses 
trempées  dans  une  liqueur  spiritueuse.  Le  bras 
se  tuméfia  médiocrement  , et  les  choses  res- 
tèrent dans  cet  état  pendant  huit  jours. 

Le  huitième  jour , une  légère  toux  déter- 
mina une  forte  hémorragie  ; un  autre  Chirur- 
gien , appelé  vers  les  quatre  heures  du  matin  , 
connut  l’importance  de  la  blessure  , et  me  fit 
inviter  à voir  le  malade.  Le  sang  alors  étoit 


arrête. 


A huit  heures  du  matin  , je  m’y  transportai 
avec  M.  Boyer  , Chirurgien  gagnant  maîtrise 
de  l’hôpital  de  la  Charité.  Je  trouvai  le  bras 
énormément  tuméfié  depuis  l’aisselle  jusqu’au 
pli  du  bras  ; celui-ci  et  l’avant-bras  éîoient 

E 4 


72  La  MÉDECINS 

échimosés  jusqu’au  poignet.  Nous  reconnûmes 
aisément  les  symptômes  d’un  anévrisme  faux 
à la  suite  de  la  blessure  de  l’artère  brachiale. 
Nous  convînmes  de  nous  trouver  chez  le  ma- 
lade le  même  jour  , onze  heures  du  matin  , 
pour  procéder  a l’opération,  qui  étoit  urgente. 

A cette  heure  , toutes  les  choses  disposées  , 
le  malade  et  les  élèves  situés,  j’introduisis  une 
sonde  dans  le  trajet  de  la  plaie  ; mais  sa  direc- 
tion de  bas  en  haut  vers  l’axillaire  , nous  donna 
lieu  de  craindre  que  la  lésion  de  l’artère  ne 
.fut  très- haute,  et  que  peut-être  nous  nous 
trouverions  dans  la  nécessité  indispensable  de 
procéder  sur  le  champ  à l’amputation  dans 
l’article.  L’importance  du  cas  me  détermina 
à demander  un  consultant.  A cinq  heures  du 
soir  , nous  nous  trouvâmes  chez  le  malade  avec 
M.  Sabatier,  et  je  procédai  à l’opération  de  la 
manière  suivante. 

Je  fis  une  incision  de  cinq  pouces  environ 
sur  le  trajet  de  l’artère  , depuis  le  tendon  du 
pectoral  jusques  vers  le  tiers  inférieur  du  bras  ; 
je  pénétrai  dans  le  foyer  anévrismal , et  le  né- 
toyai  de  tous  les  caillots  qu’il  contenoit  : l’in- 
térieur lavé  et  essuvé  avec  une  éponge  fine  , 
on  suspendit  la  pression  faite  sur  l’axillaire  , 
au-dessus  de  la  clavicule.  Nous  sentîmes  alors 
bien  distinctement  les  battemens  de  l’artère  , 
mais  il  n’en  sortit  pas  une  goutte  de  sang  : 
nous  passâmes  plus  d’un  quart-d’heure  à exa- 
miner la  partie  , et  à nous  assurer  de  l’état  des 
choses  ; et  pendant  tout  ce  temps  , il  ne  sortit 
rien  de  l’artère.  .Un  de  nous  présuma  que  la 
principale  artère  n’étoit  point  blessée  , parce 
qu’il  n’étoit  pas  probable  qu’une  artère  aussi 
forte  ne  fournît  point  de  sang.  Les  autres  per- 
sistèrent dans  l’opinion  que  l’artère  brachiale 


ÉCLAIRÉE,  etC. 

étoit  ouverte  , nulle  autre  , clans  cet  endroit , 
11e  pouvant  fournir  une  aussi  grande  quantité 
de  sang  que  le  malade  en  avoit  perdu.  Dans 
cette  incertitude  , nous  résolûmes  d’employer 
dans  l’intérieur  de  la  plaie  une  compression 
sur  le  trajet  de  l’artère  , et  préalablement  de 
placer  une  ligature  d’attente  ; mais  la  difficulté 
étoit  de  connoître  le  lieu  de  la  blessure.  J’a- 
grandis la  plaie  faite  par  le  couteau  , et  portai 
le  doigt  vers  la  partie  supérieure  de  I fL  bra- 
chiale ; je  pris  le  parti  de  choisir  ce  lieu  pour 
celui  de  la  ligature  , que  je  fis  cinq  à six  lignes 
au-dessus  de  l’endroit  où  répondoit  l’extrémité 
de  mon  doigt.  Pour  faire  cette  ligature  , je  me 
servis  cl’une  aiguille  imitant  celle  de  Gou- 
larcl  (1)  , pour  la  ligature  des  artères  inter- 
costales , mais  dont  la  courbure  étoit  adaptée 
au  lieu  où  j’opérois.  L’aiguille  passée  sous 
l’artère  et  le  pacquet  de  nerfs,  j’introduisis  un 
fil  ciré  en  trois  brins  dans  l’ouverture  pratiquée 
à sa  pointe,  et  je  le  passai  en  retirant  l’ai- 
guille. Tout  le  trajet  de  l’artère  dans  la  plaie 
fut  garni  d’agaric  , et  la  cavité  de  charpie  ; le 
tout  contenu  par  un  bandage  à dix-huit  chefs 
solidement  serré  , mais  pas  assez  pour  effacer 
le  pouls  qui  se  faisoit  sentir  aisément.  Les 
boissons  furent  appropriées  à l’état  du  malade  , 
et  un  élève  instruit  fut  placé  près  de  lui  pour 
ne  le  point  quitter. 

La  nuit  suivante  fut  assez  tranquille  ; mais 
vers  les  quatre  heures  du  matin  , le  sang  parut 
en  petite  quantité  , et  s’arrêta  de  lui-même  5 ce 


(1)  Mémoires  de  l’Académie  des  sciences,  année  174°  : 
Garengeot , tom.  2,  page  4^1  . deuxième  édition. 

Gravée  dans  JJionis  par  M.  Lafaye , torn.  2 , planche 
première  des  remarques  P G. 


74  La  Médecine 

qui  se  renouvel  la  deux  fois  dans  la  journée  , 
ainsi  que  le  lendemain  mercredi.  La  perte  de 
sang  cependant  ne  paroissoit  pas  considérable  , 
mais  le  jeudi  matin  elle  fut  effrayante.  Le  lit 
étoit  entièrement  traversé  par  un  sang  noir  et 
d’une  odeur  putride  que  lui  communiquoit  l’ap- 
pareil , qui  exhaloit  une  odeur  insupportable. 
A dix  heures  du  matin  , je  me  trouvai  chez  le 
malade  avec  M.  Boyer  : nous  levâmes  l’appa- 
reil, et  laissâmes  dans  la  plaie  la  charpie  et 
l’agaric  qui  y aclhéroient  ; une  partie  de  la 
charpie  , introduite  dans  la  plaie  faite  par  le 
couteau  fut  ôtée  ; il  n’y  eut  aucune  apparence 
d’hémorragie  ; le  malade  fut  pansé  comme  le 
jour  de  l’opération.  Il  y avoit  moins  de  gonfle- 
ment au  bras  , mais  la  chaleur  étoit  diminuée  , 
et  le  pouls  paroissoit  moins  sensible.  A midi  , 
le  sang  partit  avec  impétuosité,  et  fut  arrêté  sur 
le  champ  par  l’élève.  Je  me  transportai  aussi- 
tôt chez  le  malade  ; je  levai  entièrement  l’ap- 
pareil  ; je  nétoyai  l’intérieur  de  la  plaie  dans 
l’espérance  de  trouver  l’ouverture  de  l’artère  , 
ou  au  moins  le  lieu  à-peu-près  de  la  sortie  du 
sang.  Mon  espérance  fut  trompée  ; il  n’en 
sortit  pas  une  goutte.  Le  malade  étoit  épuisé  , 
et  je  ne  pouvois  plus  compter  sur  la  com- 
pression : je  pris  le  parti  de  me  servir  de  la 
ligature  d’attente.,  dans  l’espérance  qu’elle  seroit 
peut-être  placée  avantageusement;  mais  a peine 
l’artère  fut-elle  serrée  , que  le  sang  sortit  avec 
impétuosité.  Il  me  fut  facile  de  sentir  que  la 
ligature  étoit  placée  au-dessous  de  la  blessure 
de  l’artère  , que  je  ne  pus  distinguer,  mais  j en 
tirai  cet  avantage  , tardif  à la  vérité  , que  je 
Connus  précisément  le  lieu  d’où  sortoit  le  sang. 
Celui-ci  arrêté  par  la  compression  sur  1 axiilaii  e, 
je  portai  une  ligature  au  dessus,  et  le  coins 


É C ï.  A I R É E , etc.  7S 

clu  sang  fut  suspendu  entièrement.  Le  malade 
à l’instant  perdit  toute  espèce  de  sentiment  et 
de  chaleur  à la  partie.  La  quantité  de  sang 
écoulé  pendant  cette  opération  pouvoit  être 
évaluée  à deux  ou  trois  cuillerées  , mais  il 
étoit  d’ailleurs  épuisé.  Une  demi-heure  après, 
il  eut  une  foi  blesse.  Quelques  minutes  après 
il  reprit  sa  connoissance , mais  un  orage,  ac- 
compagné de  plusieurs  coups  de  tonnerre  , 
joint  à l’état  critique  où  il  étoit lui  fit  une 
telle  impression  , qu’il  expira  trois  heures  après 
l’opération. 

A l’ouverture  du  cadavre  , nous  reconnûmes  , 
MM.  Sabatier  , Boyer  et  moi  , que  l’artère  bra- 
chiale avoit  été  ouverte  à sa  partie  postérieure 
externe  , dans  une  étendue  de  deux  lignes  , 
suivant  sa  longueur  , vis-à-vis  le  bord  inférieur 
du  tendon  du  grand  pectoral  , au-dessus  de  la 
naissance  des  artères  profondes  supérieures  du 
bras  ÿ que  la  ligature  d’attente  étoit  placée  à 
quatre  lignes  environ  au-dessous  de  l’ouver- 
ture , et  que  la  supérieure  l’étoit  à cinq  lignes 
à-peu-près  au-dessus. 

D euxième  Observation. 

Blessure  de  l’artèi'e  fémorale . 

Le  mois  suivant , 9 mai  1791  , le  nommé 
Etienne  Escure  , menuisier  , âgé  de  21  ans  , 
se  blessa  au  tiers  inférieur  antérieur  de  la 
cmsse  droite  , avec  un  ciseau  dit  bédane  , dont 
le  tranchant  étoit  de  dix  lignes.  Cet  instrument 
pénétra  de  devant  en  arrière  et  de  dehors  en 
dedans  , et  ouvrit  l’artère  fémorale.!  Le  sang 
sortit  avec  rapidité  et  en  grande  quantité.  Le 
malade  fut  transporté  le  même  jour  à l’hôpital 
de  la  Charité. 


7^  La  Médecine 

Le  lendemain  , sept  heures  du  matin  , j’exa- 
minai la  blessure  ; la  cuisse  étoit  légèrement 
tuméfiée.  Je  levai  un  peu  de  charpie  placée 
sur  la  plaie  ; le  sang  sortit  aussi- tôt  en  arcade. 
La  situation  de  la  plaie  ne  laissa  aucun  doute 
sur  la  lésion  de  l’artère  fémorale  , aucune 
autre  dans  cet  endroit  ne  pouvoit  fournir  la 
quantité  de  sang  que  le  malade  avoit  perdu. 
L’opération  étoit  indispensable  ; elle  fut  remise 
à onze  heures  du  matin  le  même  jour. 

En  présence  de  MM.  Chopart  , Boyer  et 
autres,  je  procédai  à l’opération  de  la  manière 
suivante.  J’introduisis  une  sonde  dans  la  plaie  ; 
sa  direction  ^ cjue  j’eus  de  la  peine  à suivre  , la 
conduisit  vers  l’artère  fémorale  , à-peu-près  à 
l’endroit  où  elle  passe  à travers  le  tendon  du 
grand  adducteur.  Sans  avoir  égard . à cette 
plaie  _,  je  fis  une  incision  de  la  longueur  de  six 
à sept  travers  de  doigts  sur  le  trajet  de  la  fé- 
morale , de  manière  que  le  lieu  où  la  blessure 
de  l’artère  pouvoit  etre  supposée  , se  trouva 
■ dans  le  milieu  de  l’incision  $ les  tégumens 
ouverts , je  pénétrai  à travers  le  muscle  qui 
couvre  l’artère  avec  toutes  les  précautions  né- 
cessaires jusqu’à  ce  qu.e  son  battement  me  fût 
sensible. 

Comme  il  n’y  avoit  aucun  épanchement  san- 
guin , et  par  conséquent  aucune  cavité  , il  me 
fut  impossible  de  mettre  l’artère  parfaitement 
à découvert.  J’en  approchai  le  plus  près  pos- 
sible et  autant  que  la  prudence  put  me  le  per- 
mettre. Celle-ci,  blessée  à sa  partie  postérieure, 
ne  me  présentoit  aucune  ouverture.  La  com- 
pression faite  sur  l’artère  crurale  , au  pli  de 
l’aine  , suspendue  , le  sang  ne  parut  ni  par 
l'incision  ni  par  la  plaie  faite  par  l’instrument 
blessant.  J’introduisis  de  nouveau  la  sonde  par 


ÜSCLAIREE,  etc.  77 

cette  plaie  ; j’en  sentis  distinctement  l’extré- 
mité , mais  non  él  nu  : en  portant  l’ongle  du 
doigt  index  sur  les  parties  latérales  de  l’artère  , 
je  pénétrai  dans  un  très-petit  foyer  , qui  conte- 
noit  un  caillot  de  la  grosseur  à-peu-près  d’une 
aveline.  Tout  l’intérieur  de  la  plaie  nétoyée  , 
lavée  et  essuyée  avec  une  éponge  , je  fis  sus- 
pendre la  compression  , le  sang  ne  parut  point. 
Quelques-uns  des  assistans  doutèrent  de  la  lé- 
sion de  l’artère  -,  mais  la  direction  de  l’instru- 
ment, et  la  quantité  de  sang  sorti  par  la  plaie  , 
ne  me  laissèrent  aucun  doute  sur  la  blessure 
de  l’artère  fémorale.  La  ligature  étoit  indiquée  , 
mais  la  difficulté  étoit  de  les  placer  l’une  au- 
dessus  et  l’autre  au-dessous  de  la  lésion  de 
l’artère,  dont  le  lieu  précis  étoit  inconnu  : je 
me  rappelai  que  chez  le  malade  qui  a fait 
le  sujet  de  l’observation  précédente  , la  cons- 
triction  de  l’artère  au-dessous  de  la  blessure 
avoit  déterminé  la  sortie  du  sang.  Je  crus  en. 
conséquence  devoir  commencer  par  la  ligature 
inférieure.  L’extrémité  de  la  sonde  rejoignant 
l’artère  près  de  son  passage  à travers  le  tendon 
du  grand  adducteur,  j’incisai  plus  profondé- 
ment à cette  partie  où  , passé  le  tendon  , 
l’artère  est  plus  enfoncée  $ et  quand  j’en  eus  ap- 
proché avec  toute  la  prudence  qu’exigeoit  cette 
opération  , je  projetai  de  placer  la  ligatur® 
quatre  à six  lignes  au-dessous  de  l’endroit  où 
aboutissoit  l’extrémité  de  la  sonde. 

Le  doigt  indicateur  de  la  main  gauche  , placé 
en  cet  endroit  transversalement  sur  l’artère  , 
me  donna  le  double  avantage  de  m’assurer  , 
par  le  battement  de  l’artère  , de  sa  position 
exacte  , et  celui  de  diriger  la  pointe-mousse  dé 
l’aiguille , qui  fut  la  meme  que  celle  dont  je 
me  suis  servi  pour  la  ligature  de  l’artère  bra- 


7^  La  Médecins 

cliiale.  Mon  doigt  un  peu  plus  avancé  sur  l’ar- 
tère , et  l’ongle  par  conséquent  un  peu  plus 
éloigné  , je  dirigeai  sur  lui  l’extrémité  mousse 
de  T aiguille  à manche , présentée  suivant  la 
longueur  du  membre.  Je  la  portai  perpendi- 
culairement , et  assez  profondément  pour  être 
sûr  d’avoir  dépassé  l’artère  ; ensuite  , je  lui  lis 
faire  un  demi-tour,  rappelant  à moi  le  manche 
de  l’instrument  pour  le  placer  transversale- 
ment à l’artère  , sous  laquelle  je  la  passai  en 
y comprenant  une  portion  des  muscles  envi- 
ronnans.  La  pointe-mousse  de  l’aiguille  par- 
venue au  côté  opposé  à son  entrée  , et  sortie 
assez  au-deiiors  pour  en  voir  facilement  la 
petite  ouverture  pratiquée  près  sa  pointe  , j’y 
passai  un  fil  ciré  en  quatre  brins  , que  je  con- 
duisis sous  l’artère  en  retirant  l’aiguille  (1)  $ 
ensuite  , prenant  les  deux  extrémités  du  fil  de 
la  main  droite  , je  passai  entr’eux  le  doigt  in- 
dicateur de  la  main  gauche  , et  j’appuyai  for- 
tement sur  l’artère  , tandis  que  je  tirai  à moi 
les  deux  fils.  Le  sang  par  ce  moyen  arrêté  dans 
le  tube  artériel  , au-dessous  de  sa  blessure  , 
sortit  avec  une  impétuosité  telle  qu'un  des 
assistant  prononça  légèrement  que  j’avois  tra- 
versé l’artère  avec  l’aiguille.  Le  sang  fut  arrêté 


(1)  L’aiguille  de  Goulard  a une  rainure  sur  sa  partie 
convexe  pour  loger  le  fl  dont  elle  est  armée  avant  de 
traverser  les  parties  , ce  qui  rend  la  marche  de  cette  ai- 
guille plus  difficile  : à cette  difficulté  est  jointe  celle  de 
dégager  ce  fil  lorsque  la  pointe  de  l’aiguille  est  parvenue 
au  côté  opposé.  Celle  dont  je  me  sers  est  plate  , sans 
rainure,  sa  largeur  est  d’une  ligne  et  demie,  mousse  à 
sa  pointe  , à une  ligne  et  demie  de  laquelle  est  pratiquée 
une  ouverture  dans  laquelle  je  ne  passe  le  fil  que  lors- 
que l’aiguille  a traversé  toutes  les  parties.  Ce  procédé  me 
paroît  préférable  à l’autre. 


ÉCLAIRÉE,  etc.  79 

sw  le  champ  par  la  compression  à l’aine.  Le 
lien  d’où  sortoit  le  sang  parfaitement  connu  , 
il  me  fut  facile  de  faire  la  ligature  supérieure. 
Le  procédé  fut  le  même  ; et  la  même  pression, 
sur  l’artère  avec  mon  doigt  entre  les  deux  fils 
tirés  à moi  , en  arrêtant  entièrement  le  sang  , 
m’assura  que  l’artère  étoit  bien  comprise  , et 
que  je  pouvois  la  lier.  En  retirant  l’aiguille  , 
au  lieu  de  conduire  le  fil  double  , j e le  tirai 
simple.  Je  proposai  d’en  conduire  un  autre 
pour  une  ligature  d’attente  , mais  la  longueur 
de  l’opération  fit  rejeter  ma  proposition  , et 
j’eus  lieu  de  m’en  repentir.  De  petites  com- 
presses furent  placées  sur  l’artère  , qui  fut  liée 
haut  et  bas  par  un  double  nœud.  Les  fils  ap- 
partenans  à chaque  ligature  furent  placés  sé- 
parément , enveloppés  de  petites  compresses. 
La  plaie  fut  mollement  remplie  de  charpie  , et 
l’appareil  fut  contenu  par  un  bandage  nulle- 
ment serré  , et  tel  qu’il  ne  pouvoit  s’opposer 
à la  libre  circulation  du  sang  dans  les  artères 
collatérales.  Le  soir  , le  malade  étoit  dans  un 
état  satisfaisant  ; la  douleur  étoit  médiocre  , 
et  la  jambe  avoit  conservé  sa  chaleur  naturelle. 
La  nuit  fut  agitée  j il  y eut  quelques  instans 
de  délire.  Le  lendemain,  à ma  visite  du  matin, 
je  trouvai  le  malade  assez  bien  ; il  y avoit  de 
l’élévation  dans  le  pouls  , sans  fièvre  marquée. 
On  observoit  moins  de  chaleur  au  pied  , mais 
celle  de  la  jambe  étoit  dans  son  état  naturel  , 
et  point  de  gonflement  dans  la  partie.  Le  sur-r 
lendemain  , troisième  jour  de  l’opération  , la 
fievre  étoit  plus  forte  , mais  modérée  , la  dou- 
leur étoit  réduite  à peu  de  chose  ; la  chaleur 
étoit  rétablie  dans  toute  l’étendue  de  la  partie. 
Lie  quatrième  jour  , l’appareil  parut  un  peu 
humecté  d’une  liqueur  séreuse  sanguinolente. 


8o  Là  Médecine 

Cet  état  resta  le  même  jusqu’au  septième  jour 
de  l’opération , qu’il  y eut  le  soir  une  hémor- 
ragie considérable  ! je  levai  l’appareil  3 à l’exa- 
men  , je  trouvai  la  ligature  relâchée  , et  telle 
qu’elle  n’avoit  plus  aucune  action  sur  l’artère  , 
les  parties  musculaires  , comprises  dans  la  liga- 
ture , étant  en  partie  coupées.  L’impossibilité 
de  dénouer  les  fils  et  de  resserrer  la  ligature  , 

( inconvénient  attaché  à ce  moyen  d’arrêter  le 
sang  ) me  mit , par  l’omission  d’une  ligature 
d’attente  , dans  la  nécessité  d’en  pratiquer  une 
nouvelle  au-dessus  de  l’ancienne  3 ce  ne  fut 
qu’en  la  serrant  très  - fortement  que  je  pus 
intercepter  le  cours  du  sang  dans  le  canal  ar- 
tériel : j’en  vins  enfin  à bout,  mais  le  lendemain 
au  soir  le  sang  reparut  en  assez  grande  quantité. 
L’appareil  fut  levé  et  la  ligature  fut  encore  trou- 
vée relâchée.  Nous  prîmes  le  parti  d 'agrandir 
la  plaie  supérieurement,  et  de  prendre  l’artère 
dans  la  partie  où  elle  est  placée  moins  profondé- 
ment. J’y  fis  une  ligature  , mais  ce  fut  encore 
avec  une  plus  grande  difficulté  que  je  parvins 
à arrêter  le  sang.  Cette  ligature  fut  serrée  aussi 
solidement  que  les  précédentes  3 mais  dans  la 
nuit , le  sang  reparut  et  continua  de  couler  à 
différentes  reprises  , le  jour  suivant , mercredi 
18  juin  , dixième  jour  de  la  première  opération. 
Toutes  ces  pertes  de  sang  , coups  sur  coups , 
avoient  extrêmement  affoiblit  le  malade  3 son 
visage  étoit  décoloré  , et  son  poids  d’une  foi- 
blesse  extrême.  Tant  de  ligatures  sans  succès 
me  firent  regarder  une  nouvelle  tentative 
comme  inutile.  Il  falloit  un  moyen  d’étrangler  * 
promptement  l’artère  , et  de  la  mafntenir  cons- 
tamment étranglée  par  la  facilité  que  l’on  au- 
roit  de  la  serrer  à volonté  , à mesure  que  les 
parties  comprises  dans  l’anse  de  la  ligature  cé- 

deroient 


t c î-  a i r.  ié  e , etc.  8r 

deroient  à la  pression  du  fil.  Le  gonflement 
de  la  partie  avoit  rendu  la  situation  de  l’ar- 
tère plus  profonde  ; il  fallôit , par  conséquent^ 
que  ce  moyen  présentât  cet  avantage  , que  la 
puissance  qui  agiroit  pour  serrer  le  fil  put 
avoir  un  effet  sûr , quoiqu’él'oignée  dix  tube 
artériel.  J’imaginai  un  instrument  propre  à 
remplir  ces  intentions.  Je  passai  une  partie  de 
l’après-midi  chez  un  orfèvre  pour  le  faire  exé- 
cuter devant  moi.  A peine  étoit-il  achevé  , que 
l’on  vint  m’avertir  que  le  malade  perdoit  du 
sang  , en  petite  quantité  , à la  vérité  ; un  élève  # 
qui  ne  quittoit  point  le  malade  , s’en  étoit 
rendu  maître  , au  moyen  du  tourniquet  de 
M.  Petit  , placé  par  précaution.  Je  me  trans- 
portai aussi-tôt  à l’hôpital,  où  s’étoit  rendu 
M.  Boyer  j nous  examinâmes  l’instrument,  et 
nous  nous  assurâmes  à priori  de  l’effet  qu’il 
devoit  produire  sur  l’artère.  L’appareil  fut  levé 
en  entier  : je  trouvai  la  ligature  relâchée  \ elle 
fut  coupée  , et  le  fil  d’attente  , que  j’avois  eu 
soin  de  mettre  à chaque  ligature  , me  servit  à 
conduire  sous  l’artère  un  cordonnet  plat  d’une 
ligne  et  demie  de  largeur , appelé  dans  le  com- 
merce coulisse  ou  lacet  blanc  : il  me  parut  pré- 
férable au  fil  ciré  en  quatre  brins  , en  ce  qu’il 
étoit  moins  coupant  ; que  nécessairement  il 
devoit  comprimer  par  sa  partie  plate  , et  que 
les  parties  qui  le  composent  ne  sont  point  di- 
visibles. Ce  cordonnet  passé  , j’en  introduisis 
les  extrémités  dans  les  ouvertures  pratiquées 
à la  plaque , et  à celle  de  la  tige  de  la  machine  , 
comme  il  est  marqué  dans  la  figure  ci-j ointe. 
Alors  , tirant  les  deux  extrémités  du  ruban 
d’une  main,  je  conduisis  la  plaque  sur  l’ar- 
tère. Bien  assuré  de  sa  position  , je  pris  de 
chaque  main  une  extrémité  du  ruban  et  le 
Tome  III.  N°.  III.  F 


82  XjA.  Médecine 

tirant  en  sens  contraire , sur  le  bord  arrondi 
et  poli  de  l’ouverture  pratiquée  à la  tige  , 
comme  sur  une  poulie  , je  comprimai  l’artère 
qui  , au  premier  effort , fut  aussi- tôt  étranglée  , 
et  avec  la  plus  grande  facilité  ; le  sang  fut  arreté 
sur  le  champ  , ce  que  nous  avions  eu  la  plus 
grande  peine  à obtenir  par  la  ligature  ordinaire  , 
comme  je  l’ai  observé  : je  passai  alternativement 
les  extrémités  du  ruban  dans  l’échancrure  pra- 
tiquée à l’extrémité  de  la  tige  , et  les  fixai  au- 
tour par  un  nœud  coulant.  Dès  ce  moment 
le  sang  a été  arrêté , et  il  n’en  a pas  paru  une 
goutte  depuis.  L’appareil  fut  placé  mollement  ; 
la  machine  , ou  serre-artère  , fut  entourée  de 
charpie  mollette  ; les  compresses  furent  mises 
de  manière  que  sa  partie  excédant  les  bords 
de  la  plaie  fût  libre  au-dehors,  et  je  pris  toutes 
les  précautions  nécessaires  pour  qu’elle  ne  fût 
point  exposée  aux  agens  extérieurs.  A cette 
époque  , le  pied  me  parut  un  peu  plus  froid 
que  la  jambe.  Le  malade,  comme  je  l’ai  dit, 
étoit  d’une  foiblesse  extrême  : les  toniques  , 
les  légers  cordiaux  et  les  alimens  farineux 
furent  mis  en  usage  , ceux-ci  avec  la  plus 
grande  prudence.  Le  lendemain  de  cette  der- 
nière ligature  , je  trouvai  les  linges  baignées 
.d’une  matière  putride  , ce  qui  m’obligea  de 
lever  l’appareil  , qui  fut  suivie  de  la  charpie, 
qui  se  détacha  d’elle-même  ; le  pied  me  parut 
avoir  plus  de  chaleur  que  la  veille  , et  les  jours 
suivans  elle  fut  entièrement  rétablie.  Cette 
matière  putride  fit  bientôt  place  à une  suppu- 
ration d’une  bonne  qualité.  La  plaie  alors  étoit 
d’une  grandeur  énorme , de  la  longueur  de 
sept  à huit  pouces,  et  d’une  profondeur  consi- 
dérable près  le  jarret,  où,  comme  je  l’ai  dit, 
la  ligature  inférieure ayoit  été  placée  au-dessous 


^ÉCLAIRÉE,  etc.'  83 

du  passage  de  l’artère  , à travers  le  tendon  du 
grand  adducteur. 

Le  lundi  q.5  mai  , cinquième  jour  du  place- 
ment de  la  dernière  ligature , je  m’apperçus 
qu’elle  étoit  un  peu  lâchée  3 je  déliai  les  ru- 
bans et  la  serrai  un  peu  , ce  que  j’exécutai 
avec  la  plus  grande  facilité  ; j’eus  encore  oc- 
casion de  la  resserrer  un  peu  le  douzième  jour. 
Alorsla ligature  inférieure^  quin’avoit  pas  chan- 
celé s’étant  trouvé  lâchée  , elle  me  parut  inu- 
tile , et  même  nuisible  , comme  corps  étranger  3 
et  d’autant  plus  qu’elle  contenoit  dans  son  anse 
une  compresse  imbibée  de  matière  putride  , je 
passai  une  sonde  cannelée  sous  le  fil  , et  le 
coupai. 

Le  mardi  premier  juin  , une  escharre  gangre- 
neuse s’annonça  à l’angle  inférieur  de  la  plaie, 
dans  le  lieu  qu’occupoit  la  ligature.  Le  malade 
éprouvoit  à cette  partie  des  douleurs  vives  et 
continues  : d’ailleurs  le  reste  de  la  plaie  étoit 
dans  un  état  satisfaisant.  La  suppuration  étoit 
d’une  bonne  qualité  , et  dans  une  telle  abon- 
dance , qu’elle  m’obligeoit  , depuis  quelques 
jours  , à panser  le  malade  deux  et  quelque- 
fois même  trois  fois  dans  les  vingt  - quatre 
heures. 

L’escharre  fit  quelques  progrès  3 les  bords 
de  la  plaie  , clans  cet  endroit  , étoient  enflam- 
més et  extrêmement  douloureux.  Le  fond  de 
la  plaie  , qui , dans  ce  lieu  , étoit  de  la  profon- 
deur déplus  de  deux  pouces  , paroissoit  affecté 
de  gangrène  3 mais  elle  ne  me  parut  cpie  locale  3 
les  parties  voisines  n’en  étoient  point  mena- 
cées. 

Le  trois  juin  le  malade  commit  une  impru- 
dence dans  le  régime  3 il  eut  une  mauvaise 
nuit  3 il  éprouva  des  coliques  violentes  , qui 

F 2 


84  La  Médecine 

furent  suivies  d’une  évacuation  abondante  par 
les  selles.  Cet  accident  le  jetta  dans  l’affais- 
sement ; la  quantité  de  pus  diminua  sensible- 
ment , mais  le  surlendemain  elle  se  rétablit. 

Le  cinq  juin  , dix-huitième  jour  du  place- 
ment de  la  dernière  ligature , au  pansement 
du  matin  , le  fil  d’attente  suivit  l’appareil  ; ce 
qui  me  convainquit  que  toutes  les  parties  com- 
prises dansl'anse  de  la  ligature  étoient  coupées, 
et  que  le  serre  - artère  étoit  inutile  j mais  la 
plaque  étoit  perdue , et  enclavée  dans  les  chairs 
qui  la  recouvroient  ; je  crus  prudent  de  ne  la 
point  tirer  ce  jour-là,  crainte  défroisser  les 
parties  nouvellement  coupées  ; quelques  jours 
après  je  l’ébranlai  avec  précaution  et  j’en  dé- 
barrassai la  plaie. 

L’escharre  gangreneuse,  ainsique  la  douleur, 
persistèrent  jusqu’au  12,  juin  que  l’inflamma- 
tion se  calma  ; quelques  petites  portions  d’es- 
cliarres  se  séparèrent.  L’ulcère  paroissoit  parfai- 
tement détergé  le  dix-huit , mais  la  douleur  n’é- 
toit  pas  encore  dissipée  ; la  quantité  de  pus  di- 
minua par  degrés  , ainsi  que  l’étendue  de  la 
plaie , dont  la  partie  supérieure  se  cicatrisoit  , 
tandis  que  la  partie  inférieure  restoit  dans  le 
même  état.  Je  rapprochai  le  milieu  des  lèvres 
delà  plaie  avec  un  emplâtre  aglutinatif,  qui 
eut  tout  le  succès  que  je  pouvois  en  attendre  ; 
mais  ce  moyen  ne  pouvoit  être  employé  à la 
partie  inférieure  : une  compression  sur  le  jarret 
n’eut  aucun  succès  $ j’en  référai  au  temps  , et 
par  des  degrés  bien  Jens  à la  vérité  la  cavité 
a diminué  , et  enfin  le  malade  a été  parfaite- 
ment guéri  le  16  août  suivant  , trois  mois  et 
sept  jours  après  sa  blessure.  Il  est  sorti  de  l’hô- 
pital le  vingt-neuf  du  même  mois.  A cette  épo- 
que le  malade  avoit  le  mouvement  du  genou 


85 


ÉCLAIRÉE,  etC. 

plus  libre  , et  il  commençoit  à alonger  sa 
jambe. 

Je  ne  parlerai  d’un  ulcère  gangreneux,  qu’une 
situation  constante  sur  la  lace  externe  de  la 
jambe  avoit  déterminé  à la  malléole  externe  , 
que  comme  d’une  cause  de  plus  de  douleur , 
qui  a tourmenté  le  malade  pendant  presque 
tout  le  cours  de  sa  maladie. 

Troisième  Observation. 

Blessure  de  l’artère  poplitée . 

Le  même  jour  que  le  malade  qui  fait  le  sujet 
de  l’observation  précédente  fut  conduit  à l’hô- 
pital de  la  charité  , on  y reçut  le  nommé  Etienne 
Repassos  , domestique  , âgé  de  4.1  ans  , blessé 
au  jarret  droit  par  la  pointe  d’un  sabre. 

La  plaie  étoit  située  à la  partie  postérieure 
inférieure  un  peu  externe  de  la  cuisse  , avec 
lésion  de  l’artère  poplitée  ; j’observai  une  tu- 
meur anévrismale  circonscrite,  du  volume  d’un 
gros  œuf  de  dinde  , avec  une  pulsation  très- 
forte  , et  même  sensible  à la  vue.  La  jambe 
étoitconsidérablement tuméfiée , principalement 
au  mollet.  L’état  du  malade  étoit  d’ailleurs  alar- 
mant , par  une  affection  catharreuse  à la  poi- 
trine , survenue  rapidement  le  lendemain  de  la 
blessure  : cet  état  étoit  accompagné  de  fièvre, 
d’étouffemens  et  d’insomnie  ; les  crachats  étoient 
abondans  et  suspects.  Cette  situation  ne  permit 
pas  de  tenter  l’opération  ; on  se  contenta  d’un 
bandage  méthodique  sur  le  pied  et  sur  la  jambe, 
et  d’une  compression  graduée  sur  le  trajet  de 
l’artère  fémorale.  Les  douleurs  à la  partie 
blessée  furent  supportables  pendant  quelque 
temps  3 mais  , du  quatorze  au  vingt,  elles  aug- 


86  Là  Médecine 

méritèrent , ainsi  que  la  tuméfaction  delà  jambe: 
la  tumeur  anévrismale  ne  parut  éprouver  au- 
cun changement.  Le  vingt  juin  , la  situation  du 
malade  , quant  à la  poitrine  , paroissant  amé- 
liorée , la  fièvre  diminuée  , ainsi  que  la  quan- 
tité des  crachats  , mais  l’état  douloureux  de  la 
partie  blessée  augmentant  , je  me  déterminai 
à l’opération  , qui  fut  faite  le  lundi  2,0  juin  , en 
présence  et  de  l’avis  de  MM.  Chopart  , Pelle- 
tan  , Boyer  et  plusieurs  autres.  Le  malade 
placé  sur  le  ventre  , j’incisai  sur  la  tumeur, 
suivant  la  direction  de  l’artère  , premièrement 
îa  peau  , ensuite  le  tissu  cellulaire  , avec  toutes 
les  précautions  nécessaires  pour  ne  point  in- 
téresser le  nerf  que  je  cher, chois  (1).  La  peau 
et  le  tissu  cellulaire  incisés  , de  la  longueur  de 
six  travers  de  doigt,  je  reconnus  le  nerf  au 
côté  duquel  , vers  la  partie  interne  du  jarret, 
j’incisai  toujours  à profondeur  , jusqu’à  ce  que 
j’eusse  pénétré  dans  le  sac  anévrismal.  Alors, 
en  écartant  le  nerf  avec  les  doigts  de  la  main 
gauche  , j’agrandis  l’ouverture  du  sac  haut  et 
bas.  Ceci  fait  , j’ôtai  tous  les  caillots  ; je  lavai 
et  épongai  exactement  tout  l’intérieur  du  foyer: 
celui-ci  parfaitement  à sec  , j’observai  son 
étendue  et  le  lieu  de  la  blessure  de  l’artère  : 
elle  se  présentoit  à la  vue  d’une  manière  bien 
sensible  ; elle  étoit  entièrement  coupée  , le  dé- 
sordre , dans  cette  partie  , étoit  tel,  que  l’on 
pouvoit  facilement  introduire  le  bout  du  doigt 
dans  le  lieu  où  l’artère  avoit  été  coupée . Je  fis 


(a)  Il  n’est  point  indifférent  de  comprendre  Je  nerf  dans 
la  ligature,  quand  il  est  le  seul  qui  porte  le  sentimentaux 
parties.  On  peut  impunément , comme  font  observé  Vai- 
salva  , Molinelli , etc.,  lier  ie  nerf  médian;  mais  il  n'en 
$eroit  pas  ainsi  du  nerf  ou  paquet  de  nerf  brachial  et  du 
nerf  dont  il  est  question  ici. 


ÉCLAIRÉE,  etC.  87 

lâcher  le  tourniquet , et  la  prompte  sortie  du 
sang  me  confirma  le  lieu  de  la  blessure  de 
l’artère  : celle-ci  n’étoit  pas  située  dans  la  partie 
la  plus  profonde  du  foyer  , comme  cela  arrive 
ordinairement  ; nous  observâmes  qu’elle  étoit 
placée  un  peu  plus  en  dehors  , sur  le  côté  in- 
terne du  foyer  , ce  qui  en  rendit  la  ligature 
plus  facile.  Je  111e  servis  de  la  même  aiguille  , 
et  du  même  procédé  , et  avec  la  même  facilité. 
Je  conduisis  le  fil  ciré  sous  l’artère  inférieure- 
ment , à quatre  lignes  à peu  près  de  sa  divi- 
sion ; je  serrai  le  fil  par  un  double  nœud  simple. 

Je  procédai  ensuite  à la  ligature  supérieure  , 
que  je  fis  à égale  distance  à peu  près  de  la 
blessure  de  l’artère  , y conduisant  en  même 
temps  un  fil  d’attente.  Je  saisis  , comme  dans 
l’observation  précédente  , les  deux  extrémités 
du  fil  avec  la  main  droite  , que  je  tirai  à moi  , 
tandis  que  le  doigt  indicateur  de  la  main  gauche, 
appuyé  sur  l’artère  , entre  les  deux  fils  , arrêtant 
le  sang,  m’assura  que  l’artère  étoit  bien  comprise 
dans  l’anse  du  fil  ; je  fis  alors  un  nœud  simple  sur 
l’artère,  sans  me  servir  de  petite  compresse.  Je 
le  serrai  fortement  ; je  fis  lâcher  le  tourniquet, 
le  sang  parut  en  petite  quantité  ; je  serrai  de 
nouveau  , mes  doigts  étant  introduits  dans  le  fond 
de  la  plaie.  Un  des  assistans  posa  le  doigt  sur  le 
nœud  du  fil  pour  le  contenir  , tandis  que  je 
faisois  le  second  que  je  serrai  sur  le  premier, 
avec  toute  la  fermeté  que  mes  doigts  , agissant 
près  le  tube  artériel,  purent  me  procurer.  Nous 
restâmes  un  instant  à examiner  ces  choses  : le 
tourniquet  étoit  lâché,  le  sang  parut  $ les  deux 
nœuds  étoient  faits  , il  n’étoit  plus  possible  de 
resserrer  la  ligature.  Quelques-uns  des  consultant 
furent  d’avis  de  se  servir  de  la  ligature  d’at- 
tente , et  de  la  serrer  5 d’autres  proposèrent 

F 4 


8o  la  Médecine 

la  machine  ou  serrre-artère  qui  m’avoit  réussi 
clans  l’opération  précédente  ; je  me  rendis  à ce 
dernier  avis.  Je  me  servis  de  la  ligature  d’at- 
tente pour  passer  le  cordonnet  plat  , sans 
toutefois  supprimer  le  fil  d’attente.  Je  coupai 
la  ligature  faite  , passai  le  cordonnet  dans  le 
serre- artère  , et  au  premier  effort  le  sang  fut 
arrêté  et  ne  reparut  plus.  Je  serrai  le  fil  sur  le 
serre-artère  $ je  garnis  cet  instrument  comme 
dans  l’observation  précédente.  La  plaie  fut  rem- 
plie de  charpie  , et  tout  l’appareil  fut  contenu 
par  un  bandage  médiocrement  serré.  Le  même 
jour  midi , la  jambe  avoit  à peu  près  sa  chaleur 
naturelle  ; mais  le  pied  étoit  froid  et  insensible: 
les  fomentations  spiritueuses  chaudes  furent  em- 
ployées sans  interruption.  Le  soir  le  pied  me 
parut  moins  froid  , ce  que  j’aurois  pu  attribuer 
aux  linges  chauds  qui  l’enveloppoient  conti- 
nuellement , si  le  sentiment  n’étoit  un  peu 
revenu  dans  la  partie  : ce  sentiment  parut  plus 
marqué  le  lendemain  et  le  jour  suivant  ; mais 
les  deux  premiers  jours  le  pied  se  refroidissoit 
quelques  instans  après  que  les  linges  chauds 
étoient  ôtés  5 ce  ne  fut  que  le  cinquième  jour 
que  les  doigts  du  pied  reprirent  un  peu  de  cha- 
leur ; les  jours  suivans  elle  étoit  dans  son  état 
naturel. 

Le  vingt-trois  juin  , troisième  jour  de  l’opéra- 
tion , j’ôtai  les  compresses  et  ne  laissai  que  la 
charpie  , qui , humectée  par  une  suppuration 
abondante  et  fétide  , se  détacha  d’elle-même 
le  surlendemain. 

Le  lundi  vingt-septième  jour  , la  ligature  me 
parut  moins  serrée  , je  la  resserrai  un  peu.  Les 
pansernens  consistoient , comme  dans  l’obser- 
vation précédente*,  en  charpie  molette  dans 
l’intérieur  de  la  plaie , et  en  plumaceaux  cou- 


ÉCLAIRÉE,  etC.  89 

verts  d’un  mélange  de  bannie  d’arcœus  et  de 
cérat.  La  suppuration  étoit  abondante  et  d’une 
bonne  qualité;  mais  malgré  tous  les  moyens  in- 
diqués , pris  intérieurement,  la  lièvre  11’avoit 
point  discontinué  ; la  poitrine  étoit  toujours 
un  peu  affectée. 

Le  samedi  deux  juillet,  douzième  jour  de  l’o- 
pération , je  remarquai  que  toutes  les  parties 
comprises  dans  l’anse  de  la  ligature  supérieure 
étoient  coupées  ; je  retirai  facilement  , avec 
précaution,  le  serre-artère  , ainsi  que  le  ruban 
qui  y étoit  attaché.  Deux  jours  après,  la  li- 
gature me  permit  de  passer  une  sonde  can- 
nelée dans  son  anse  , et  je  la  coupai.  Le  senti- 
ment et  la  chaleur  , dans  toute  la  partie  , 
étoient  dans  l’état  naturel , mais  l’engorgement 
de  la  jambe  n’avoit  point  diminué.  Une  tumeur 
profonde  et  douloureuse  sous  les  muscles  ju- 
meaux et  solaire  se  termina  par  un  abscès  , 
dont  le  pus  se  dégorgeoit  dans  la  plaie  ; j’en 
incisai  l’angle  inférieur  , assez  pour  établir  une 
communication  plus  facile. 

\'ers  le  vingt  juillet , un  mois  après  l’opéra- 
tion , le  malade  fut  attaqué  d’une  diarrhée 
opiniâtre  5 il  éprouva  des  frissons  irréguliers  ^ 
des  vomissemens  , des  foiblesses  : le  pus  devint 
séreux  et  fétide , et  le  malade  succomba  le 
vingt-huit  juillet  , trente-huitième  jour  de  l’o- 
pération. 

J’ai  cru  devoir  entrer  dans  quelques  détails 
sur  le  manuel  de  ces  différentes  opérations  , et 
sur  leurs  suites  ; détails  trop  négligés  par  le 
petit  nombre  de  ceux  qui  ont  parlé  de  l’ané- 
vrisme et  des  blessures  d’artère. 

Les  deux  premières  observations  prouvent 
qu’il  est  des  cas  où  l’artère  blessée  à sa  partie 
postérieure  , ne  permet  aucune  effusion  de 
sang  lors  de  l’opération  , et  qu’on  ne  doit  point 


9°  la  Médecine 

en  conclure  que  l’artère  n’est  pas  blessée,  quand 
îa  situation  et  la  direction  de  la  blessure  ne 
peuvent  faire  soupçonner  la  lésion  d’aucune 
autre  capable  de  fournir  une  certaine  quan- 
tité de  sang  ; que  le  lieu  précis  de  la  blessure 
de  l’artère  étant  inconnu  , il  est  impossible 
de  placer  sûrement  la  ligature.  Le  hasard 
m’ayant  procuré  le  moyen  de  m’en  assurer 
dans  la  première  opération  , il  pourra  en  pa- 
reilles circonstances  être  employé  avec  le  même 
succès  que  je  l’ai  fait  dans  la  seconde. 

Lorsqu’à  près  la  blessure  d’une  artère  , le 
sang  a eu  une  issue  libre  par  la  plaie  , et  qu’il 
ne  s’est  point  accumulé  dans  le  lieu  de  la  bles- 
sure , comme  dans  la  seconde  observation  , l’ar- 
tère ne  cesse  point  d’être  environnée  du  tissu 
cellulaire  , et  il  n’est  pas  possible  , sans  impru- 
dence , de  la  mettre  parfaitement  à découvert, 
il  suffit  d’en  approcher  le  pins  près  possible. 

Il  pourrait  arriver  que  , malgré  toute  l’atten- 
tion que  l’on  mettroit  à comprendre  l’artère 
dans  la  ligature  , elle  échappât  ; la  précaution 
de  tirer  les  fds  à soi  , tandis  que  le  doigt  de 
l’autre  main  seroit  appuyé  sur  l’artère  entre  les 
fils  , donneroit  une  preuve  certaine  que  le  fil 
est  bien  placé  ; et  dans  le  cas  contraire  011  évite- 
roitune  constriction  inutile  et  plus  douloureuse 
que  la  pression  faite  par  le  doigt.  Ce  procédé 
m’auroit  été  de  la  plus  grande  utilité  dans  la 
première  observation.  Là  blessure  de,  l’artere  , 
à la  vérité,  étoit  au-dessus  des  artères  profondes 
supérieures  , et  par  conséquent  trop  haute 
pour  espérer  de  conserver  le  bras  \ mais  le  ma- 
lade alors  n’étant  pas  épuisé  , il  restoit  la  res- 
source de  l’amputation  dans  l 'article. 

La  ligature  des  principales  artères  placées  pro- 
fondément , présente  souvent  beaucoup  de  dif- 
ficultés. i°.  Four  que  la ligaturesoit suffisamment 


É C L A I R É E , etC.  91 

serrée,  il  faut  que  la  puissance  qui  agit  soit  très- 
près  du  nœud  ; ce  qui  ne  peut  avoir  lieu  dans 
ce  cas  , que  par  les  extrémités  des  doigts  , de- 
là une  force  insuffisante  ; l’attention  , lans  ce 
cas  , d’entortiller  le  fil  autour  d’une  pince,  n’est 
pas  plus  sûre.  2°.  La  réaction  des  parties  com- 
prises# dans  la  ligature  , et  l’action  convulsive 
des  muscles  (1)  , agissant  du  centre  à la  circon- 
férence sur  tout  le  cercle  du  fil  , tend  à l’é- 
carter , et  il  se  trouve  lâclié  lorsque  le  second 
nœud  vient  à Fassujétir.  La  cire  dont  le  fil 
est  enduit  s’opposefoit  un  peu  à cet  écarte- 
ment , mais  l’humidité  dont  il  est  aussi-tôt  cou- 
vert rend  cet  avantage  nul.  L’utilité  du  double 
nœud,  ou  du  nœud  du  chirurgien , est  imagi- 
naire ; celui-ci  , à la  vérité  , présente  assez  de 
solidité  pour  attendre  le  second  , mais  ce  der- 
nier ne  peut  être  appliqué  exactement  sur  le 
premier  , et  la  ligature  n’est  pas  serrée  plus 
solidement.  La  précaution  de  mettre  un  doigt  sur 
le  premier  nœud,  sur-tout  à cette  profondeur, 
ne  la  rend  pas  plus  sûre  , le  fl  glissant  sous  le 
le  doigt  sans  qu’on  s’en  apperçoive.  3°.  La  né- 
cessité de  tirer  les  fils  transversalement  à l’ar- 
tère , ajoute  encore  à la  difficulté  , les  lèvres 
de  la  plaie  ne  donnant  qu’un  espace  très-limité; 
cet  espace  scroit  plus  étendu  , si  l’on  droit 
les  fils  suivant  la  longueur  du  canal  artériel  ; 
mais  alors  le  nœud  seroit  encore  plus  défectueux  , 
car  , par  cette  direction  , le  cercle  deviendroit 
plus  oblique  sur  l’artère  , et  abandonné  à lui- 
meme  il  se  trouveroit  moins  serré. 

D après  ces  considérations  , il  n’est  paséton- 


(0  Chez  le  malade  , sujet  de  la  seconde  observation  , 
j ai  remarqué  qu’à  chaque  ligature  les  muscles  entroient 
1 en  convulsion  , et  cet  état  convulsif  des  muscles  a été 
«observé  aux  pansemens  suivans. 


91 2  La  M é d e c i k e 

nant  qu’on  éprouve  de  la  difficulté  à arrêter 
entièrement  le  sang  dans  le  tube  artériel  (1), 
quand  , avec  lui  , on  comprend  des  parties  en- 
vironnantes ; aussi  a t on  vu  des  cas  où  il  n’a 
pas  ete  possible  de  se  rendre  maître  du  sang. 
Dans  une  opération  d’anévrisme  de  l’artère  po- 
plitée 3 un  chirurgien  très  exercé  aux  opérations 
chirurgicales  , ne  put  parvenir  à serrer  suffi- 
samment l’artère  , et  l’on  fut  obligé  d’avoir 
recours  à l’amputation. 

Plus  il  y aura  de  parties  comprises  dans  la 
ligature , moins  la  pression  circulaire  s’exercera 
sur  le  tube  artériel  , et  plus  il  faudra  que  cette 
pression  soit  forte  , par  conséquent  les  parties 
environnant  l’artère  seront  plutôt  coupées  (2)  ; 
le  fil  alors  deviendra  lâche  , et  n’agira  plus 
sur  le  tube  artériel  $ et  si  ce  relâchement  arrive 
avant  que  celui-ci  soit  oblitéré  , l’hémorragie 
aura  lieu.  On  sait  qu’il  n’est  point  de  temps  pré- 
cisément déterminé  pour  cette  oblitération  ; 
chez  le  malade  , sujet  de  la  seconde  observa- 
tion , elle  n’avoit  pas  lieu  le  septième  jour. 
Dans  un  des  hôpitaux  de  Paris  , et  dans  le 
même  temps  , un  malade  eut  l’artère  brachiale 
ouverte  ; le  sang  a donné.,  à différentes  reprises, 
malgré  la  ligature. 


(1)  Je  suppose  que  l’artère  n’est  affectée  d’aucune  autre 
maladie  que  de  la  blessure. 

(2)  La  ligature  sera  d’autant  moins  solide  que  1 on  com- 
prendra plus  de  parties  avec  l’artère  dans  l’anse  du  iil. 
Gette  opinion  fondée  sur  la  raison  et  sur  l’expérience, 
est  bien  opposée  au  conseil  donné  par  plusieurs  auteurs , 
de  comprendre  avec  l'artère  quelques  parties  environ- 
nantes pour , disent-ils  , matelasser  1 artère  et  en  garantir  la 
section.  La  ligature  la  plus  sûre  sera  celle  ou  1 artère  seule 
sera  comprise  ; la  méthode  de  Paré,  universellement  em- 
ployée dans  les  amputations  des  grandes  extrémités , en  est 
une  preuve. 


ÉCLAIRÉE,  etC.  93 

Le  double  nœud  que  l’on  est  obligé  de  faire 
pour  la  sûreté  de  la  ligature  a cet  inconvé- 
nient que  , lorsqu’elle  se  trouve  lâchée , il 
est  impossible  de  délier  le  fil  pour  la  resserrer. 
Une  ligature  d’attente  est  alors  de  la  plus  grande 
utilité  5 mais  celle-ci  employée , doit  être  suivie 
d’un  autre  en  cas  de  récidive.  Toutes  ces  liga- 
tures d’attente  deviendroient  inutiles  , si  l’ar- 
tère étoit  coupée  par  le  fil  en  totalité  ou  en 
partie  5 on  sent  qu’en  pareille  circonstance  il 
faudra  placer  une  nouvelle  ligature  au-dessus 
de  l’ancienne. 

Il  est  donc  des  cas  , mais  rares  à la  vérité  , 
où  il  est  impossible  de  se  rendre  absolument 
maître  du  sang  , et  d'autres  où  il  est  absolument 
nécessaire  de  resserrer  la  ligature.  Ce  sera  dans 
de  pareilles  circonstances  qu’il  faudra  avoir 
recours  aux  moyens  mécaniques  , qui  , en 
augmentant  les  forces  , et  les  dirigeant  de  loin 
vers  le  lieu  où  elles  sont  utiles  , supléeront  au 
défaut  des  instrumens  naturels  , toujours  pré- 
férables quand  ils  peuvent  suffire.  Tel  est  l’ins- 
trument dont  je  me  suis  servi  , et  qui  , à cet 
avantage  , réunit  celui  de  resserrer  facilement 
la  ligature  quand  elle  est  lâchée. 

Un  ruban  ou  cordonnet  plat  de  fil  me  paroît 
préférable  au  fil  ciré  en  plusieurs  doubles  , poul- 
ies raisons  alléguées  , et  parce  qu’il  présente 
une  surface  plus  large  , et  que  par-là  il  est  moins 
susceptible  de  couper  promptement.  C'etoit  l’o- 
pinion du  célèbre  professeur  d’Edimbourg  (1). 

Chez  le  malade  , sujet  de  la  seconde  obser- 
vation , je  cédai  à l’avis  d’un  des  assistans  , 
qui  proposa  une  petite  compresse  placée  sur 
l’artère  , entre  elle  et  le  fil  de  la  ligature.  Je 
rejette  cette  compresse  comme  inutile  et  dan- 


(1)  Essais  de  médecine  de  la  société  d’Edimbourg. 


94  La  MiDEciNE 

gereuse  : celle-ci  n enveloppant  pas  l’artère  , 
et  ne  la  garantissant  que  dans  un  point  , c’est 
comme  si  elle  ne  la  garantissoit  point  du  tout. 
Cette  compresse  , loin  d’ajouter  à la  solidité  de 
la  ligature  , lui  est  nuisible  , en  ce  que  le  linge 
humecte  s affaisse  , et  le  lien  devient  moins 
serre.  Enfin  , cette  compresse  séjournant  long- 
temps dans  la  plaie  , elle  se  trouve  , dès  les 
premiers  jours  , imbibée  des  matières  premières, 
toujours  d’une  mauvaise  qualité  , et  dont  la  pu- 
tridité augmente  par  le  séjour  ; son  contact  con- 
tinuel avec  les  parties  voisines  est  préjudiciable  : 
pourroit-on  lui  attribuer  l’inflammation  locale 
et  l’escharre  gangreneuse  survenue  à l’angle 
inférieure  de  la  plaie  où  elle  étoit  placée  , ac- 
cident auquel  n’a  point  participé  le  reste  de  la 
plaie  , qui  a toujours  été  dans  l’état  le  plus 
satisfaisant .?  Quoi  qu’il  en  soit  je  pense,  avec 
Saviard  , qu’elle  doit  être  proscrite  de  la  liga- 
ture des  artères  (^î). 

Description  diL  Sej'rc- artère. 

Cet  instrument,  en  acier  ou  en  argent  forgé, 
est  composé  d’une  plaque  A et  d’une  tige  B , 
placée  perpendiculairement  sur  elle. 

La  plaque  , longue  de  six  à sept  lignes  , large 
de  près  de  trois  lignes  , épaisse  d’un  tiérs  de 
ligne  à ses  extrémités  , et  cl’une  ligne  un  quart 
a son  milieu  , est  plate  du  cote  oe  la  tige  , et 
arrondie  du  coté  opposé.  Elle  est  percée  dé 
trois  trous  -,  un  quarré  dans  son  milieu  , pour 
recevoir  la  tige  rivée  exactement.  Les  deux  au- 
tres CC  sont  ronds  , polis  et  é vidés  du  diamètre 
d’une  ligne  et  demie  , placés  à chaque  extrémité 
de  la  plaque. 

La  tige  a deux  ponces  de  longueur  ; son  épais- 


(i)  Lieu  cité. 


ÉCLAIRÉE,  etc.  9 5 

senr  est  d’une  forte  ligne  ; elle  est  applatie  , et 
sa  largeur  augmente  depuis  la  plaque  jusqu’à 
son  extrémité , où.  elle  peut  avoir  environ 
quatre  à six  lignes  : cette  largeur  est  transver- 
sale , par  rapport  à la  largeur  de  la  plaque. 

Au  tiers  supérieur  de  cette  tige  , est  pratiqué 
un  trou  rond  , très-poli  et  évidé  D , dont  le  dia- 
mètre est  d’une  ligne  et  demie  ou  deux  lignes. 
Cette  plaque  est  terminée  par  une  fente  ou  échan- 
crure E , qui  s’élargit  à mesure  qu’elle  appro- 
che de  son  extrémité. 

T tube  artériel  à comprimer, 
fl  Ruban. 


Pastilles  astringentes  de  kzno.' 

Ces  pastilles  sont  préparées  ayec  la  gomme 


9 6 LaMédecike 

kino  , qui  nous  est  apportée  d’Afrique , et  dont 
il  a été  question  dans  un  des  numéros  précédens. 
Les  Médecins  angiois  l’employent , depuis  plu- 
sieurs années  , avec  le  plus  grand  succès  dans  les 
dissenteries , et  ils  la  regardent  comme  le  meil- 
leur des  astringens  connus  : ils  la  font  prendre  le 
plus  ordinairement  en  poudre  , à la  dose  de  dix 
grains  jusqu’à  trente-six,  ou  bien  ils  en  prépa- 
rent une  teinture  qu’ils  donnent  à la  dose  d’un 
et  deux  gros.  Cette  dernière  préparation  est  ap- 
propriée au  goût  des  Angiois  , qui  sont  dans 
l’usage  de  prendre  un  grand  nombre  de  inédica- 
mens  sous  la  forme  de  teinture  ; mais  comme  les 
François  sont  peu  accoutumés  à ce  genre  de  pré- 
parations , on  a cru  pouvoir  leur  offrir  la  gomme 
kino  sous  la  forme  d’un  médicament  qui  peut  leur 
être  agréable  , c’est-à-dire  sous  la  forme  de  pas- 
tilles , qui  sont  ceux  des  médicamens  que  les 
malades  prennent  avec  le  moins  de  répugnance  , 
et  qui  dérangent  le  moins  tout  régime  médical. 

L’on  fait  usage  des  pastilles  de  kino  comme  de 
celles  de  cachou  : on  les  donne  aux  personnes 
chez  lesquelles  les  digestions  sont  lentes  et  diffi- 
ciles ; elles  produisent  particulièrement  de  bons 
effets  dans  les  diarrhées  chroniques  et  invété- 
rées ; on  les  prescrit  aussi  aux  personnes  que 
l’eau  de  la  Seine  relâche  : leur  usage  n’exige  au- 
cun régime  particulier  ; l’on  peut  en  prendre  une 
vingtaine  par  jour  lorsqu  on  les  prend  comme 
stomachiques,  soit  le  matin  ou  le  soir  , avant  ou 
après  le  repas  ; mais  l’on  doit  doubler  la  dose  , 
même  la  .tripler  , lorsqu’on  les  prendra  comme 
astringentes. 

Ces  pastilles  sont  préparées  à la  pharmacie  de 
Tloüeïle-Pelletier 9 rue  Jacob,  fauxbourg  Saint- 
Germain  , où  l’on  trouve  aussi  la  teinture  de 
gomme  kino. 


( N°.  IV.  ) 

CHIMIE. 


97 


I.  Observations  sur  le  mélange  métallique  qui 
est  employé  à fade  les  caractères  d’impri- 
merie , par  M.  Sage. 

T j t.  plomb  et  l’antimoine  (le  régule ) fondus  en 
diverses  proportions,  forment  les  caractères  que 
les  imprimeurs  employent  : si  je  dis  en  diverses 
proportions  , c’est  qu’on  mêle  avec  le  plomb  plus 
ou  moins  d’antimoine  , suivant  la  dureté  qu’on 
veut  donner  aux  caractères  j ordinairement  on 
met  cinquante  livres  de  plomb  dans  vingt  livres 
d’antimoine  fondu , mais  pour  les  petits  carac- 
tères , où  il  faut  plus  de  dureté , on  met  soixante- 
quinze  livres  de  plomb  ^ vingt-cinq  livres  d’an- 
timoine. Pour  les  gros  caractères,  quatre-vingt- 
cinq  livres  de  plomb  et  quinze  livres  d’anti- 
moine. Comme  quatre-vingt  livres  de  plomb  et 
vingt  livres  d’antimoine  formeroient  un  alliage 
trop  fort  pour  les  gros  caractères,  les  fondeurs 
ajoutent  du  plomb  à l’antimoine.  Ces  deux 
substances  métalliques,  quoique  de  gravités  spé- 
cifiques bien  différentes  , restent  exactement 
combinées  et  ne  se  séparent  point  par  la  fusion  , 
à moins  que  le  feu  ne  soit  assez  violent  pour 
les  brûler  et  les  volatiliser  , alors  l’antimoine 
commence  par  s’exlialer. 

Les  fondeurs  de  caractères  doivent  être  atten- 
tifs à employer  l’antimoine  le  plus  pur  ^ c’est-à- 
dire  le  plus  exempt  de  soufre  $ car  lorsqu’il  en 
contient , il  se  reporte  avec  le  temps  sur  le 
plomb  et  forme  une  espèce  de  galène  ou  sul- 
fure de  plomb  qui  prend  une  couleur  noire. 
L’alliage  métallique  des  caractères,  au  lieu  de 
'Conserver  Son  brillant  et  s pu  poli  , se  ride  , se 
Tome  III.  N°.  IV.  G 


98  La  Médecine 

ferce  et  effleurit  pour  ainsi  dire.  Lorsque  cette 
écomposition  spontanée  a lieu , les  caractères 
se  déforment  et  deviennent  friables  ; j’ai  eu 
occasion  de  m’en  assurer  en  analysant  un  alliage 
semblable,  avec  lequel  M.  Anisson  av oit  fait 
mouler  des  caractères  arabes. 

Le  régule  d’antimoine  donne  non-seulement 
de  la  dureté  au  plomb,  mais  ce  métal  en  prend 
une  bien  plus  considérable  s’il  est  en  outre 
mêlé  avec  de  l’étain.  J’ai  analysé  des  clous 
qu’on  destinoit  pour  la  marine,  ils  étoient  com- 
posés de  trois  parties  d’étain  , de  deux  parties 
de  plomb  et  d’une  de  régule  d’antimoine. 

Desclousde cet  alliagequi  avoient  douze  lignes 
de  longueur  sur  deux  lignes  de  diamètre  vers 
leur  tête  , entroient  dans  le  bois  de  chêne  de 
toute  leur  longueur  sans  s’émousser. 


IL  Analyse  d’une  mine  de  plomb  cuivreuse  > 
antimoniale  , martiale  , cobaltique  , argen- 
tifère , dans  laquelle  ces  substances  métalli- 
ques se  trouvent  combinées  avec  le  soufre  et 
l’arsenic  d’ Arnostigui,  dans  la  concession  des 
mines  de  Baigorri , en  basse  Navarre , par 
M . Sage. 


Cette  mine , d’un  gris  noirâtre  , et  brillante  en 
quelques  endroits  comme  la  mine  d'argent 
grise  , est  entremêlée  de  quartz  , quelquefois 
parsemée  d’azur  de  cuivre , d’efflorescence  cui- 
vreuse verte  et  de  fleurs  de  cobalt  d’un  lilas 
tendre. 

Ayant  fondu  une  partie  de  cette  mine  torré- 
fiée , avec  cinquante  parties  de  borax  , elle  a 
donné  une  couleur  bleue. 

Cette  mine  calcinée , ayant  été  fondue  avec 
trois  parties  de  flux  noir  et  un  seizième  de  poudre 
de  charbon a produit  par  quintal  vingt-cinq 


£ C L A 1'  R i £,  etC.  99 

livres  d’un  régule  gris  et  fragile  ; l’ayant  fondu 
avec  huit  parties  de  verre  de  borax  , ce  régule 
ne  lui  a communiqué  aucune  couleur  , il  s’etoit 
précipité  au  fond  un  culot  gris  , fragile  , enclia- 
tonné  de  plomb  ductile. 

Si  je  n’avois  pas  eu  recours  à ce  moyen  , je  ne 
me  serois  pas  apperçu  que  cette  mine  contient 
du  plomb  , quoiqu’il  soit  au  moins  dans  la  pro- 
portion de  moitié  dans  le  régule  mixte  qu’elle 
produit , qui  est  lui-même  composé  d’environ 
moitié  cuivre  et  d’un  tiers  de  régule  d’antimoiue 
En  le  dissolvant  dans  l’acide  nitreux , l’anti- 
moine se  trouve  au  fond  du  matras  sous  forme 
d’une  chaux  blanche. 

Le  premier  culot  obtenu  par  la  réduction  da 
la  mine  étoit  composé  de  plomb  , d’argent , de 
cuivre  et  d’antimoine  $ on  voit  que  par  la  fu- 
sion de  ce  culot  avec  le  verre  de  borax  il  s’est  fait 
un  départ  par  la  voie  sèche  , puisque  le  plomb 
et  l’argent  se  sont  précipités  et  ont  resté  sé- 
parés y tandis  que  l’antimoine  et  le  cuivre  étoient 
à la  surface.  Cette  expérience  démontre  encore 
que  le  cuivre  a plus  de  rapport  avec  l’antimoine 
que  le  plomb , puisque  l’antimoine  se  sépare  de 
ce  métal  pour  s’unir  au  cuivre. 

III.  Suite  du  mémoire  de  M.  Fourcroy  sur  les 
matières  animales . Ann.  Chimiq.  tom.  7. 

Sur  le  beurre  et  la  crème  du  lait  de  vache. 


Le  beurre  a le  plus  ordinairement  une  cou- 
leur jaune  ; il  y en  a cependant  qui  n’a  point 
de  couleur  et  qui  est  blanc  comme  de  la  graisse. 
On  sait  généralement  que  ce  dernier  est  infé- 
rieur en  qualité. 

On  prétend  que  la  couleur  ou  l’absence  de 

G a 


îoo 


La  Médecine 

couleur  est  due  aux  alimëns  que  prennent  les 
animaux  qui  les  fournissent  ; mais  c’est  un  fait 
connu  des  habitans  des  campagnes  que  les  va- 
ches donnent , les  unes  du  beurre  blanc  et  les 
autres  du  jaune  , lors  même  qu’elles  sont  nour- 
ries des  mêmes  substances  ou  dans  les  mêmes 
pâturages.  Sans  nier  que  les  alimens  contribuent 
pour  quelque  chose  à la  coloration  du  beurre  , 
il  paroît  que  cette  coloration  inhérente  à la 
nature  du  produit  , tient  aussi  à la  diversité  de 
ce  produit  : on  sait  encore  (pie  le  contact  de 
l’air  colore  beaucoup  le  beurre  _,  et  que  celui 
qui  est  absolument  blanc,  immédiatement  après 
sa  préjiaration  ^ devient  jaune  au  bout  de  quel- 
que temps.  Ce  phénomène  est  bien  sensible 
dans  les  mottes  de  beurre  que  l’oii  coupe  , et 
dont  l’intérieur  est  infiniment  moins  coloré  que 
l’extérieur  , qui  jouit  du  contact  de  l’air. 

On  a remarqué  que  le  lait  fournissoit  plus 
promptement  sa  crème  en  été  qu’en  hiver  , 
parce  que  la  chaleur,  en  donnant  plus  de  fluidité 
a tous  les  principes  de  ce  liquide  , leur  permet 
de  prendre  la  place  qui  leur  convient  en  raison 
de  leur  pesanteur  spécifique.  Il  ne  faut  cepen- 
dant pas  que  cette  chaleur  soit  trop  forte  ni 
trop  subite  , car  alors  l’équilibre  de  proportion 
entre  ses  élémens  change  , il  se  produit  souvent 
un  acide  qui  coagule  le  fromage  avant  que  le 
beurre  ait  eu  le  temps  de  s’en  séparer.  C’est 
ce  phénomène  que  fait  naître  l’orage  et  que  les 
fermiers  redoutent  tous  pour  leurs  laiteries.  M. 
Fourcroy  soupçonne  que  la  matière  électrique 
est  la  principale  cause  de  cet  effet  ; il  s appuyé 
sur  ce  qu’un  conducteur  électrique  , passant  au 
travers  d’une  laiterie,  empêche  ou  au  moins  re- 
tarde de  beaucoup  la  coagulation  du  lait  pen- 
dant les  orages. 


ECLAIREE,  etC.  ÎOl 

Le  lait  demande  au  plus  quatre  à cinq  jours 
en  été  pour  fournir  sa  crème  ; il  lui  en  faut  au 
moins  huit  à dix  en  hiver  , encore  faut-il  qu’il 
soit  tenu  à la  température  de  huit  à dix  degrés , 
car  il  ne  crémeroit  point  du  tout  s’il  étoit  ex- 
posé à la  température  de  zéro  , et  il  se  gèle- 
rait même  s’il  avoit  quelques  degrés  au-dessous.. 

On  attend  toujours  quelques  jours  après 
que  la  crème  est  formée  pour  en  extraire  le 
beurre.  Il  paroît,  dit  M.  Fourcroy , que  la  crème 
absorbe  une  portion  d’oxigène  de  l’air  qui 
s’épaissit  et  qui  diminue  l’attraction  du  beurre 
pour  les  autres  principes  auxquels  il  étoit  en- 
icore  uni  dans  la  crème  ; ces  principes  sont 
principalement  le  fromage  et  le  mucilage  gélati- 
meux  , dont  une  portion  se  sépare  de  la  crème 
;solide  lorsqu’on  le  bat  pour  faire  le  beurre.  Il 
] paroît  que  l’air  facilite  beaucoup  la  séparation 
de  la  crème  du  lait , car  ce  liquide  mis  dans  le 
ivide  parfait  d’une  colonne  barométrique  de 
mercure  , ne  donne  pas  sa  crème  si  prompte- 
ment que  celui  qui  est  exposé  à l’air  avec  la 
même  température.  La  crème  de  vingt  quatre 
heures,  c’est-à-dire  qu’on  a prise  sur  du  lait 
igardé  pendant  cet  espace  de  temps  , exige  au 
rmoins  quatre  fois  plus  de  temps  pour  donner 
du  beurre  que  celle  de  huit  jours,  et  quatre  fois 
[plus  de  mouvement  $ car  il  faut  qu’elle  prenne 
en  quelques  heures  dans  l’air  ce  que  l’autre  y 
avoit  prise  en  sept  jours,  et  pour  cela,  dit 
l’auteur  , il  est  nécessaire  que  les  points  de 
contact  soient  beaucoup  plus  multipliés  et  re- 
nouvellés  , ce  que  l’on  fait  par  le  battage. 

La  crème  qu’on  laisse  long-temps  en  contact 
avec  l’air  présente  à sa  surface  des  mucors  et  des 
tissus  , tandis  que  celle  qui  se  forme  dans  le  vide 
jn’en  offre  point  ; il  est  nécessaire  que  dans  le  vide 

G 3 


îoa 


La  Médecine 

une  portion  de  l’oxigène  combiné  à tons  les 
principes  du  lait  à la  fois  se  partage  inégale- 
ment , et  que  l’huile  du  lait  en  prenne  ce  qu’il 
lui  en  faut  pour  devenir  du  beurre.  M.  Four- 
croy  remarque  que  la  crème  recueillie  dans  le 
vide  n’est  jamais  aussi  abondante  et  aussi 
épaisse  que  celle  qui  s’est  formée  au  milieu  de 
l’air  5 et  il  ajoute  que  ces  faits  paroissent  prouver 
que  le  beurre  n’est  pas  tout  formé  dans  le  lait , 
qu’il  y est  contenu  dans  l’état  d’huile  qui  a 
besoin  d’absorber  de  l’oxigène  pour  devenir 
concrète. 

Le  beurre  bien  pur,  exposé  à une  chaleur  douce, 
se  fond  et  devient  transparent  ; la  température 
qui  est  nécessaire  pour  cela  est  de  vingt-huit  à 
trente  degrés  au  termomètre  de  Réaumur.  Ce 
beurre  , lorsqu’il  a été  bien  lavé  , ne  rancit  pas 
aussi  vite  que  celui  qui  contient  encore  quelque 
portion  de  fromage  et  de  mucilage  ; mais  aussi 
n’est-il  pas  aussi  agréable  au  goût,  et  c’est  vrai- 
semblablement pour  cette  raison  qu’on  y laisse 
toujours  une  certaine  quantité  de  fromage  qui 
le  rend  opaque  , et  qu’on  en  peut  séparer  par  la 
fusion  douce  du  beurre. 

Le  beurre  frais  de  nos  marchés  , mis  dans  un 
ttdje  d’un  pouce  de  diamètre  , bouché  à l’une 
de  ses  extrémités  , plongé  dans  l’eau  chaude 
et  ayant  acquis  la  température  de  vingt -huit 
degrés  , s’est  divisé  en  trois  parties  ; savoir  en 
beurre  proprement  dit , en  fromage  et  en  eau. 
Le  fromage  a été  entraîné  à la  partie  supérieure 
par  les  bulles  d’air  qui  paroissoient  y adhérer 
plus  qu’aux  autres  substances  ; le  beurre  est 
resté  au  milieu  et  l’eau  dans  la  partie  inférieure. 

M.  Fourcroy  présume  que  le  beurre  fondu  par 
cette  chaleur  douce  n’a  pas  éprouvé  de  chan- 
gement dans  sa  nature  intime  5 quoiqu’il  11’ait 


b c l i i r é ï,  etc.  io3 

plus  les  mêmes  propriétés  } que  sa  couleur , sa 
saveur  et  son  tissu , pour  ainsi  dire  , soient 
chargés  , car  il  est  devenu  demi-transparent  et 
grenu , sa  saveur  est  fade  et  analogue  à celle 
de  la  graisse  : c’est  donc  à la  séparation  du  fro- 
mage et  du  mucilage  que  sont  dus  les  chan- 
gemens  qu’éprouve  le  beurre  frais  en  se  fondant. 

Le  beurre  exposé  à une  chaleur  forte  dans 
des  vaisseaux  fermés  , fournit  une  huile  peu 
colorée  , un  acide  appellé  acide  sébacique  , de 
l’eau  et  presque  point  de  fluide  élastique  $ il 
reste  dans  la  cornue  un  charbon  compact  qui 
fait  au  plus  le  trente  - deuxième  de  la  masse 
employée. 

Plusieurs  Chimistes  modernes  pensent  cpie 
c’est  à l’air  des  vaisseaux  où  se  fait  l’opération 
qu’est  due  la  formation  de  l’acide  sébacique  , 
et  en  général  la  décomposition  des  matières  or- 
ganiques. M.  Fourcroy  remarque  que  cette 
assertion  , appliquée  au  beurre  , exige  quelques 
restrictions  d’après  les  considérations  suivantes 
qu’il  expose , i°.  avant  que  le  beurre  commence 
à s’altérer  les  deux  tiers  de  l’air  ont  été  expulsé* 
hors  des  vases  par  la  chaleur  ; a°.  la  quantité 
n’est  jamais  proportionnée  à celle  de  l’air  des 
vaisseaux  ; 3Q.  il  ne  se  forme  point  d’acide 
carbonique  ; 4°*  ü reste  dans  la  cornue  une  cer- 
taine quantité  de  carbone  privé  d’oxigène  ; 
5°.  l’huile  distillée  contient  beaucoup  moins 
d’oxigène  que  le  beurre  qui  lui  a donné  nais- 
sance. On  voit  par  ces  observations , dit  l’au- 
teur , que  l’air  atmosphérique  n’est  point  d’une 
nécessité  absolue  pour  la  formation  de  l’acide 
sébacique  dans  la  première  distillation  du  beurre. 
L’oxigène  qu’il  contient  se  partage  inégalement 
à l’aide  de  la  chaleur  : il  resuite  de  ce  partage 
inégal  des  principes  désoxigènés  et  d’autres  plus 

G 4 


La  Médeciki 

oxigénés  qu’ils  ne  l’étoient.  C’est  sur-tout  clans 
les  distillations  successives  du.  beurre  que  l’air 
atmosphérique  est  nécessaire  pour  la  formation 
de  l’acicle  sébacique  , parce  que  la  quantité 
d’oxigène  que  contient  le  beurre  n’est  point 
assez  considérable  pour  le  convertir  entièrement 
en  acide  sébacique  , aussi  s’en  forme-t-il  beau- 
coup plus  dans  un  grand  appareil  que  dans  un 
petit. 

Le  beurre  forme  avec  la  potasse  un  savon  peu 
solide  d’une  couleur  jaune  , d’une  ocleur  agréa- 
ble , 'qui  se  dissout  bien  dans  l’eau  et  qui  dé- 
graisse parfaitement  bien  les  étoffes  et  les  mains  : 
M.  Fourcroy  pense  qu’il  pourroit  servir  avec 
avantage  dans  la  médecine. 

Sur  le  fromage. 

Schéèle  avoit  découvert  que  les  acides  , en 
séparant  le  fromage  des  autres  principes  aux- 
quels il  est  uni  dans  le  lait , en  dissout  une 
certaine  quantité  ; il  s’etoit  même  apperçu  que 
chaque  acide  avoit  avec  cette  substance  un  degré 
d’attraction  qui  lui  étoit  propre  , et  qu’il  en 
dissol  voit  des  quantités  différentes. 

On  savoit  aussi  que  le  sérum  du  lait con- 
jointement avec  la  partie  sucrée  et  gélatineuse  , 
retenoient  aussi  en  dissolution  une  certaine 
quantité  de  fromage. 

MM.  Parmentier  et  Deyeux  ont  remarqué 
qu’en  versant  une  dissolution  de  potasse  ou  de 
soude  sur  le  fromage  , il  se  fonnoit  de  l’ammo- 
niaque. M.  Fourcroy  , qui  connoissoit  ce  fait 
avant  ie  travail  de  MM.  Deyeux  et  Parmentier, 
l’a  examiné  de  plus  près  et  l’a  décrit  plus  en 
détail.  A mesure  , dit- il  ^ que  l’alcali  fixe  et  le 
fromage  réagissent  l’un  sur  l’autre  , il  se  forme 


t c i a i i i i,  etc.  io5 

une  écume  considérable  , il  se  produit  une 
effervescence  due  au  dégagement  de  l’ammo- 
niaque , reconnoissable  par  toutes  ses  proprié- 
tés. Bientôt  la  liqueur  prend  une  couleur  brune , 
le  fromage  se  dissout  et  il  se  dépose  des  flocons 
noirs  qui  ne  sont  que  du  fromage  à moitié  brûlé. 
L’on  peut , continue  l’auteur  , séparer  ensuite 
par  un  acide  le  fromage  dissous  dans  l’alcali  , 
mais  dans  un  état  entièrement  différent  de  celui 
de  fromage.  Il  a une  couleur  noire  , il  se  fond 
au  feu  comme  une  huile  épaisse  ; il  ne  se  des- 
sèche plus  , et  reste  gras  sur  les  papiers  où  il 
a été  étendu  pour  le  faire  sécher.  Il  paroît  , 
ajoute-t-il , en  forme  de  conclusion,  que  l’azote 
et  l’hydrogène  se  dégagent  pour  former  de  l’am- 
moniaque •,  que  l’hydrogène  et  l’oxigène  , de- 
venus plus  abondans  dans  la  matière  du  fro- 
mage , lui  donnent  des  caractères  huileux  ; de 
sorte  que  la  dissolution  dans  l’alcali  est  une 
sorte  de  savon. 

Sur  la  bile. 

La  bile  , suivant  les  chimistes  , est  une  li- 
queur savoneuse  , formée  de  résine  et  d’al- 
cali $ M.  Fourcroy  a observé  , il  y a onze  ans  , 
qu’elle  contenoit  encore  une  autre  substance 
analogue  à l’albumen  de  l’œuf. 

L’acide  muriatique  oxigéné  détruit  la  cou- 
leur de  la  bile  , et  en  coagule  la  partie  albumi- 
neuse qui  se  précipite  en  flocons  blancs  ; le  sa- 
von biliaire  reste  en  dissolution,  et  semble  n’êfere 
que  de  1 eau  pure  , car  il  a perdu  sa  couleur  et 
son  odeur  , mais  il  conserve  encore  toute  son 
amertume.  Si  1 on  a mis  plus  d’acide  muria- 
tique oxigéné  qu’il  n’en  faut  pour  coaguler 
1 albumen  , cet  excès  agit  peu  à peu  sur  l’huile 


ic6  La  Medicinb 

ilu  savon  , et , redevenant  de  l’acide  muriatique 
ordinaire  , décompose  une  portion  du  savon  , et 
en  sépare  l’huile  sous  une  forme  concrète  et 
£vec  une  couleur  blanche.  Comme  il  pavoît  que 
ce  n’est  qu’en  fournissant  de  l’oxigène  à l’al- 
bumen que  l’acide  muriatique  oxiséné  coagule 
la  bile  , il  est  vraisemblable  que  ia  portion  de 
cet  acide  revenue  à son  état  simple  , décompose 
ime  certaine  quantité  de  savon  biliaire  , et  que 
par  conséquent  1 albumen  doit  toujours  être 
naêle  d’un  peu  de  résine  ou  d’huile  concrète  de 
la  bile.  Telle  est  la  manière  par  laquelle  M, 
Tourcroy  explique  l’action  de  l’acide  muriatique 
cxigéné  sur  la  bile  et  sur  ses  principes. 

Si  dans  la  bile  traitée  par  l’acide  muriatique 
oxigéné  , et  qui  a perdu  sa  couleur  , on  met  un 
acide  simple , comme  l’acide  sulfurique  , mu- 
riatique , etc.  il  se  fait  sur  le  champ  un  préci- 
pité blanc,  concret  , et  de  la  consistance  de  la 
graisse.  Ce  pr  écipité  blanc  , qui  est  de  la  ré- 
sine de  la  bile  un  peu  altérée  par  l’oxigène  de 
l’acide  muriatique  , se  délaye  parfaitement 
dans  l’eau  , et  s’y  dissout  même  lorsqu’elle  est 
•chaude  : cette  propriété  , dit  M.  Fourcrôy  , est 
très-singulière  , car  la  soude  qui  la  rend  ordinai- 
rement dissoluble  n’v  est  plus  unie,  puisqu’elle 
s’est  combinée  à l’acide  dont  on  s’est  servi  pour 
décomposer  la  bile. 

Cette  huile  concrète  , ou  cette  sorte  de  ré- 
sine blanche  , se  dissout  à froid  dans  l’alcool  : 
quand  on  emploie  la  chaleur  pour  accélérer 
la  dissolution  , il  se  forme  une  certaine  quan- 
tité d’éther  , ce  qui  paroît  tenir  à l’oxigène  que 
cette  huile  contient,  et  qui  en  passant  dans 
l’alcool  change  les  proportions  de  ses  prin- 
cipes. La  dissolution  alcoolique  , exposée.  à 
l'air,  perd  peu  à peu  soit  alcool  et  s épaissit, 


S C L À 1 R £ R , etc.  107 

mais  elle  ne  devient  que  très-difficilement  solide. 
Si , lorsqu’elle  est  épaisse  comme  un  sirop  , on 
la  mêle  à de  l’eau , elle  s’y  unit  parfaitement  : 
ceci  y dit  l’auteur  , semblèrent  annoncer  que  ce 
savon  biliaire  n’a  pas  été  décomposé;  mais  qu’on 
ajoute  à cette  dissolution  un  acide  quelconque.,  il 
se  fait  sur  le  champ  un  précipité.  Une  autre  ex- 
périence qu’il  rapporte  , qui  n’est  pas  moins 
singulière  , c’est  que  si  l’on  inet  une  nouvelle 
quantité  d’alcool  sur  la  résine  épaissie  à l’air  , et 
qu'on  ajoute  ensuite  de  l’eau  , il  se  forme  un 
précipité  abondant. 

Le  même  phénomène  sur  la  dissolubilité  de 
cette  matière  , nommée  résine  de  la  bile  , dans 
l’eau  , avoit  été  observé  il  y a quelques  années 
dans  le  laboratoire  de  M.  Fourcroy.  Après 
avoir  précipité  la  prétendue  résine  cle  la  bile 
par  un  acide  , on  voulut  laver  cette  matière 
colorante  pour  emporter  l’excès  d’acide  3 et  la 
substance  saline  qu'elle  pouvoit  contenir  ; l’eau 
qu’on  employoit  emportoit  à chaque  fois  une 
portion  de  la  résine  elle-même  ; il  paroît  qu’on 
auroit  tout  dissout , si  on  avoit  continué  de  la  la- 
ver ainsi.  L'eau  qui  avoit  dissous  cette  matière 
donnoit  un  précipité  de  résine  de  bile  par  l’addi- 
tion d’un  acide  ; ce  second  précipité  est  égale- 
ment dissoluble  dans  l’eau  , lorsqu’il  est  privé 
de  tout  excès  d’acide.  Il  sembleroit  donc  , dit 
l’auteur  , que  la  matière  de  la  bile  , regardée 
jusqu’ici  comme  une  espèce  de  résine  , est  en 
partie  dissoîuble  dans  l’eau  , et  ne  prend  un 
caractère  apparent  d’indissolubilité  dans  ce  li- 
quide que  par  la  présence  d’un  acide. 

M.  Fourcroy  avoit  pensé  que  la  matière 
blanche  que  l’on  séparoit  de  la  bile  de  beuf 
par  1 acide  muriatique  oxigéné  , avoit  quelques 
analogies  avec  la  matière  blanche  et  cristal- 


io8  La  Médecins 

line  des  calculs  de  la  vésicule  du  fiel  de 
l’homme  , mais  il  s’apperçut  bientôt  qu'elle 
en  différoit  par  plusieurs  caractères  ; i°.  elle 
est  plus  dissoluble  que  cette  dernière  dans 
l’alcool , d’où  elle  ne  se  précipite  point  en  pe- 
tites lames  comme  la  matière  cristalline  du 
calcul  biliaire  humain  ; 20.  elle  se  dissout  dans 
l’eau,  ce  que  ne  fait  point  la  matière  cris- 
talline du  calcul  ; 3°.  elle  est  beaucoup  plus 
molle  et  plus  fusible  que  cette  dernière  ; sa 
fusibilité  é^ale  à peu  près  celle  de  la  graisse 
(elle  a lieu  à 32  ou  33  degrés),  tandis  que  la  ma- 
tière cristalline  des  calculs  biliaires  humains  ne 
se  fond  qu’à  une  chaleur  au-dessus  de  90  de- 
grés , et  reste  solide  au-dessus  de  l’eau  bouil- 
lante. 

Lorsque  la  bile  a perdu  son  huile  par  l’ac- 
tion d’une  chaleur  forte  , on  éprouve  les  plus 
grandes  difficultés  pour  réduire  son  charbon 
en  cendre*;  pendant  qu’on  le  fait  bouillir  , la 
soude  se  volatilise , et  la  cendre  , encore  noi- 
râtre , qui  en  résulte  , n’en  fournit  aucune 
trace  dans  l’eau.  L’incinération  est  donc  un 
procédé  défectueux  pour  déterminer  la  pro- 
portion des  principes  fixes  de  la  bile. 

O11  trouve  dans  le  mémoire  de  M.  Four- 
■croy  quelques  faits  intéressans  sur  les  propriétés 
de  la  matière  huileuse  de  la  bile  , qui  seront 
peut-être  un  jour  appliqués  , par  la  phisiologie , 
à l’art  de  guérir  ; peut-être  feront-elles  connoître 
la  nature  des  calculs  biliaires  , comment  ils  se 
forment  dans  l’économie  animale  , et  les 
moyens  de  prévenir  ou  au  moins  d’arrêter 
cette  cruelle  maladie,  toujours  mortelle  , quand 
elle  est  parvenue  à une  certaine  époque. 


ÉCLAIRÉE;  etC. 


1 09 

IV.  Examen  d’un  calcul  rénal  de  cheval . 

Sa  forme  est  très- exactement  celle  du  rein 
dont  il  occupoit  la  place  , à chacune  de  ses  ex- 
trémités , il  portoit  des  végétations  en  forme 
de  choux  fleurs.  Sa  surface  avoit  une  couleur 
brune  et  offroit  une  infinité  de  petites  lames 
brillantes  comme  des  fragmens  de  sable  qui 
réfléchissent  les  rayons  du  soleil.  Il- y avoit  dans 
sa  partie  moyenne  un  étranglement  comme 
s’il  avoit  été  lié  , dans  un  état  de  molesse  , 
avec  une  bande.  Sur  ses  bords  on  appercevoit 
plusieurs  cavités  caverneuses  et  inégales.  Pres- 
que toute  sa  surface  étoit  mamelonnée  et  con- 
tenoit  en  quelques  endroits  des  portions  de 
membranes.  En  le  sciant , on  a d’abord  éprouvé 
beaucoup  de  difficulté  à cause  de  sa  dureté  ; 
mais  lorsque  la  scie  a été  parvenue  à trois  ou 
quatre  lignes  elle  a passé  très-facilement.  En 
effet , l’extérieur  étoit  très-dense  , mais  le  mi- 
lieu étoit  formé  de  couches  très  - poreuses  et 
très- tendres  5 le  couteau  les  coupoit  aisément. 
Il  pesoit  quinze  onces  cinq  gros  trente  - six 
grains. 

Cent  parties  de  ce  calcul  réduit  en  poudre  et 
mises  avec  de  l’acide  muriatique  , s’y  sont  dis- 
soutes en  produisant  une  vive  effervescence 
écumeuse.  Le  produit  de  cette  effervescence  étoit 
de  l’acide  carbonique.  L’eau  de  chaux  versée 
dans  cette  dissolution  de  calcul,  par  l’acide 
muriatique , a produit  un  dépôt  floconneux  de 
la  nature  des  os  , qui  pesoit  vingt-deux  parties. 
L’acide  oxalique  a formé  aussi  dans  cette  dis- 
solution, un  précipité  abondant  qui  é„uit  de 
l’oxalate  de  chaux. 

Ces  deux  ou  trois  expériences  suffisent  pour 


110  La  MiDBCïHE 

nous  apprendre  que  la  matière  du  calcul  de 
cheval  est  composée  de  carbonate  et  de  phos- 
phate de  chaux  , et  que  ces  sels  terreux  in- 
solubles sont  dans  le  rapport  de  soixante-huit 
pour  le  premier , à vingt-deux  pour  le  second 
dans  un  quintal. 

Cette  différence  entre  la  nature  du  calcul  du 
cheval  et  celle  de  l’homme  , ne  doit  pas  étonner 
d’après  l’existence  du  carbonate  de  chaux  dans 
les  urines  de  cet  animal.  Sa  formation  est  même 
peut-être  plus  fréquente  qu’on  ne  pense  chez  ces 
animaux , vu  la  facilité  avec  laquelle  ces  ma* 
tières  se  déposent  de  leurs  urines.  Qui  n’a  pas 
vu  qu’à  mesure  qu’ils  rendent  leurs  urines 
elles  deviennent  blanches  et  laiteuse*  , qu’elles 
sortent  même  quelquefois  toutes  troubles  de 
leur  vessie.  Nous  nous  étendrons  davantage  sur 
cet  objet  dans  l’analyse  de  l’urine  de  jument , 
que  nous  ferons  connoître. 

V*  Consultation  chimique  et  médicale  sur  une 

poudre  rouge  qu’ on  emploie  à Saint-Domin- 
gue contre  la  dis  s ente  rie  , par  M.  Fourcroy. 

On  in’a  envoyé  de  Bordeaux  un  paquet  d’une 
poudre  rouge  dont  on  desiroit  connoître  la 
nature  : il  y en  avoit  dix  grains. 

La  petite  quantité  de  l’échantillon  envoyé 
m’a  forcé  de  la  ménager  singulièrement  j mal- 
gré cela  les  expériences  assez  nombreuses  que 
je  vais  décrire  , et  dont  quelques-unes  ont  été 
faites  sur  un  demi  - grain  , ont  heureusement 
suffi  pour  en  connoître  assez  exactement  la  na- 
ture , parce  qu’elles  ont  été  faites  avec  les 
soins,  l’attention  , et  conséquemment  le  temps 
qu’exige  une  analyse  aussi  délicate  et  aussi  mir 
nutieuse.  Voici  les  détails  de  cette  analyse. 


éclairée,  etc.  111 

Analyse  exacte  de  la  poudre. 

i°.  Cette  poudre  , vue  à la  loupe  , étoit 
grenue  , chaque  grain  offroit  un  morceau  po- 
lygone demi-transparent  , et  teint  inégalement 
d’une  couleur  rosée. 

2.0.  Mise  sur  la  langue  elle  y adhéroit  comme 
une  gomme  , ou  plutôt  comme  une  fécule  , 
telle  que  la  farine  de  pomme  de  terre  ; elle 
n’avoit  aucune  saveur  distincte  , ni  âcreté  % 
ni  amertume  , ni  astriction,  ni  goût  sucré  , etc. 
Ella  ne  se  fondoit  pas  $ elle  paroissoit  seule- 
ment augmenter  un  peu  de  volume  et  former 
une  pâte  avec  la  salive.  Il  étoit  déjà  prouvé 
par-là  qu’elle  ne  contenoit  ni  sel  , ni  matière 
minérale  sapide  et  dissoluble. 

3°.  Un  grain  de  la  poudre  , mis  sur  un  char- 
bon , s’est  boursoufflé , noirci , a exhalé  une 
odeur  semblable  à une  gomme  brûlée  , et  a 
fini  par  s’enflammer  ; en  poussant  le  feu  à l’aide 
d’un  chalumeau  , il  est  resté  un  atome  de  cen- 
dre blanche.  Cette  expérience  a commencé  à 
me  faire  voir  que  la  poudre  étoit  une  matière 
végétale  , et  que  sa  partie  colorante  n’étoit  point 
due  à une  matière  métallique. 

4°.  Une  portion  de  la  poudre  jettée  dans 
l’eau  froide  , s’est  mise  en  petits  pelotons  , en 
grumeaux  , sans  s’y  dissoudre  j elle  s’est  légè- 
rement ramollie,  mais  sans  se  dissoudre  au  bout 
de  quelques  jours  , et  l’eau  a pris  , quoique  à 
froid  , un  peu  de  sa  couleur  : ce  liquide  ne 
contenoit  rien  en  dissolution. 

5°.  Une  autre  portion  de  la  poudre  , jettée 
dans  l’eau  bouillante  , s’y  est  dissoute  toute 
entière,  à l’aide  d’une  longue  et  exacte  tritu- 
ration } car , sans  l’agitation  , une  partie  au- 


114 


La  Médecijts 

roit  conservé  la  forme  de  petits  flocons  trans- 
parens.  La  dissolution  avoit  une  couleur  rose 
assez  agréable  ; elle  s’est  prise  en  gelée  trans- 
parente par  le  refroidissement. 

6°.  Différens  acides  , et  sur-tout  l’acide  sul- 
furique et  l’acide  muriatique  jettés  sur  la  pou- 
dre , ont  d’abord  augmenté  sa  couleur  rouge 
et  l’ont  fait  passer  au  rose  éclatant  , mais 
bientôt  cette  teinte  a passé  au  jaune. 

70.  L’acide  nitreux  , et  l’acide  muriatique 
oxigéné  sur-tout , ont  détruit  entièrement  la 
couleur  de  cette  poudre. 

8°.  Les  alcalis  lui  ont  fait  prendre  au  contraire 
une  nuance  pourpre  foncée. 

Toutes  ces  expériences  prouvent  cjue  la  poudre 
dont  il  est  ici  question  est  un  mélangé  d’une 
matière  végétale  , gommeuse  ou  amylacée  , 
avec  une  petite  quantité  de  substance  colorante, 
végétale  ou  animale;  qu’elle  ne  contient  rien 
de  salin,  de  minéral  ou  de  métallique. 

Imitation  de  cette  poudre. 

On  sait  , d’après  les  connoissances  acquises 
aujourd’hui  en  chimie  , combien  il  est  diffi- 
cile de  prononcer  exactement  sur  les  substances 
végétales  , et  de  déterminer  positivement  de 
quelle  nature  elles  sont , ou  à quelle  matière 
végétale  elles  appartiennent  : ce  n’est  que  par 
hasard  qu’on  a quelquefois  rencontré  juste  dans 
ces  recherches.  Il  ne  peut  y avoir  qu’une  com- 
paraison soignée  et  attentive  entre  différentes 
substances  végétales  connues , et  celle  incon- 
nue qu’on  examine  , qui  conduise  plus  ou 
moins  près  de  la  vérité.  Aussi  le  charlatanisme, 
en  se  fondant  sur  cette  difficulté  de  lascienee  , 
cherche  encore  à l’embarrasser  davantage  par 


HCZ.A£RÉE>  etC.  Îl3 

des  mélanges  divers  : on  en  a un  exemple  dans 
la  poudre  d’Ailhaud , etc.  La  poudre  que  j’é- 
tois  chargé  d’examiner  pouvoit  être  formée  de 
gomme  arabique  ou  adragant  en  poudre  , ou 
bien  d’une  fécule  , d’un  amidon  , d’une  farine 
quelconque  , colorée  par  un  extrait  de  bois 
de  Brésil  , de  bois  de  campêche  ou  de  cochenille. 
Pour  tâcher  de  deviner , en  quelque  sorte  , les- 
quelles de  ces  substances  entroient  dans  la 
préparation  ci-dessus  , j’ai  comparé  à la  pou- 
dre de  Saint-Domingue  la  gomme  adragant  , 
la  fécule  de  pommes  de  terre  , la  farine  de 
manioc  , en  faisant  sur  ces  diverses  substances 
les  mêmes  expériences  que  sur  la  poudre.  Il 
in’a  paru  , d’après  toutes  ces  comparaisons  , 

?n’elle  ressembloit  le  plus  possible  à la  farine  ou 
écule  de  manioc  , colorée  par  un  peu  d’extrait 
de  bois  de  Brésil  , ou  de  cochenille  , car  il  m’a 
été  impossible  , vu  la  petite  quantité  de  pou- 
dre que  j’avois,  de  déterminer  positivement  la 
nature  de  sa  partie  colorante.  Quant  à la  ma- 
tière blanche  qui  en  fait  la  base  ou  plus  des  neuf 
dixièmes  , je  suis  persuadé  , par  l’analogie  de 
la  forme  , de  la  saveur  , de  la  manière  de  se 
comporter  avec  l’eau  froide  et  chaude  , qu’elle 
n’est  autre  chose  que  la  farine  de  manioc.  Je 
crois  donc  qu’on  fera  une  poudre  toute  sem- 
blable , en  prenant  une  livre  de  farine  de  ma- 
nioc , et  la  broyant  dans  un  mortier  avec  quel- 
ques gros  d'extrait  de  bois  de  Brésil  ou  de  co- 
chenille : la  nature  de  la  partie  colorante  ne 
fait  rien  à ce  remède  , car  elle  n’y  est  intro- 
duite , suivant  toute  apparence  , que  pour  dé- 
guiser ou  masquer  la  farine  , qui  seroit  trop 
promptement  et  trop  facilement  reconnue. 

A Tans  ce  2.4  octobre  . 


Tome  III.  N°.  IV. 


H 


x A Médecins 


xî4 


MÉDECINE. 

I.  Lettre  de  AI.  Davon  , Médecin  de  la  faculté 
de  Montpellier , à Al.  Fourcroy  , sur  les  dou- 
leurs y etc.  qui  accompagnent  les  accouche- 
mens . 

A Pontcroix  , le  i5  octobre  1791. 

Monsieur  , votre  journal  est  tellement  ré- 
pandu et  d’ailleurs  si  propre  à propager  les 
connoissances  utiles  à la  société  , que  j’ai  pensé 
que  vous  n’y  refuseriez  pas  une  place  à quel- 
ques réflexions  sur  la  nature  de  ces  douleurs 
atroces  , qui  harcèlent  si  cruellement  les  fem- 
mes en  travail , et  deviennent  par  là  même 
un  obstacle  si  fréquent  aux  accouchemens. 
L’efficacité  de  l’opium  en  pareil  cas  , est  au- 
dessus  de  tout  éloge  , et  mérite  bien  de  fixer 
particulièrement  l’attention  du  petit  nombre 
des  bons  accoucheurs. 

De  toutes  les  branches  du  grand  art  de  guérir, 
il  n’en  est  sûrement  aucune  où  l’homme  puisse 
rendre  à ses  pareils  des  services  aussi  mar- 
qués que  dans  les  accouchemens.  Les  secours 
d’un  praticien  habile  , y sont  d’autant  plus  pré- 
cieux, que  leur  certitude  est,  pour  ainsi  dire  , 
poussée  jusqu’à  la  démonstration  géométrique  , 
et  qu’ils  ont  toujours  pour  objet  la  conserva- 
tion de  plusieurs  individus  à la  fois. 

Si  la  partie  mécanique  de  cet  art  salutaire 
a été  portée  de  nos  jours  à un  degré  de  per- 
fection qui  laisse  peu  de  chose  à desirer  , la 
partie  médicale  en  revanche  , offrira  toujours 
à l’œil  observateur  un  champ  vaste,  riche  , et 
capable  d’exercer  son  génie  5 mais  celui  qui 
ne  l’aura  étudié  que  sous  le  premier  de  ces 


ÉCLAIRÉE,  etc.  1 1 S 

rapports,  ne  doit  pas  se  flatter  d’un  succès  tou- 
jours égal.  A chaque  pas  sa  marche  se  trou- 
vera entravée  par  des  difficultés  qu’il  ne  sait 
ni  prévoir  ni  combattre  , et  que  les  seules  lu- 
mières de  la  Médecine  peuvent  applanir. 

Plusieurs  genres  d’obstacles  s’opposent  à la 
sortie  de  l’enfant.  Je  les  divise  en  deux  classes  : 
dans  la  première,  je  range  les  vices  de  con- 
formation de  la  mère  ou  de  l’enfant , les 
différentes  positions  contre  la  nature  de  ce 
dernier,  et  les  disproportions  respectives  de 
la  tête  de  l’enfant  avec  le  bassin  de  la  mère  , 
qui  toutes  regardent  essentiellement  la  partie 
chirurgicale,  trop  savamment  traitée  dans  une 
foule  d’ouvrages  pour  que  je  m’y  arrête  , n’é- 
tant pas  là  mon  objet. 

Je  passe  donc  à la  seconde  classe  où  le  flambeau 
de  la  Médecine,  malheureusement  trop  négligée, 
doit  nous  conduire  : elle  comprend,  i°.  ia  plé- 
thore sanguine  ; 2°.  un  état  de  débilité  et  d’i- 
nertie ; 3°.  le  spasme  , qui  tous  peuvent  af- 
fecter le  système  en  général  ou  être  particuliers 
à la  matrice  et  ses  dépendances.  Delà  , l’effi- 
cacité reconnue  des  différentes  saignées  pra- 
tiquées dans  le  premier  cas  , des  stimuians 
et  des  toniques  dans  le  second,  qui  est  bien 
plus  rare  qu’on  se  l’imagine  (quoique  la  rou- 
tine ordinaire  soit  de  faire  un  abus  révoltant 
des  cordiaux),  et  qu’il  seroit  cependant  bien 
maladroit  de  confondre  avec  l’affection  pu- 
rement spasmodique  , dont  je  vais  particuliè- 
rement m’occuper. 

Deux  sortes  de  douleurs  se  font  communément 
sentir  chez  une  femme  en  travail , les  franches 
et  les  fausses  : les  premières  tendent  toujours 
à expulser  l’enfant  , à moins  que  leur  cours 
ne  soit  interrompu  par  quelque  accident  } 

H 2 


n6  La  Médecine 

elles  portent  de  haut  en  bas  et  fatiguent  peu$ 
mais  comme  la  nature  a cloué  le  col  de  la  ma- 
trice d’une  force  qui  tend  à retenir  le  fœtus  * 
à dessein  sans  doute  de  prévenir  les  accouche- 
inens  trop  faciles  et  sur-tout  les  avortemens, 
qui  sans  cette  sage  précaution  auroient  si  sou- 
vent lieu  , il  s’en  suit  nécessairement  que  pour 
que  F accouchement  s’opère  , les  contraction* 
réitérées  de  la  matrice  doivent  forcer  insen- 
siblement et  graduellement  la  dilatation  de 
son  col  : voilà  donc  deux  forces  opposées  bien 
démontrées  dans  le  même  organe.,  qui  établissent 
une  alternative  de  bonnes  et  de  mauvaises  dou- 
leurs suivant  que  les  unes  ouïes  autres  dominent  ; 
mais  il  arrive  fréquemment  que  les  dernières 
prennent  le  dessus  y et  font  même  quelquefois 
taire  entièrement  les  autres.  Elles  sont  assez  fa- 
ciles à distinguer  , en  ce  que  leur  mouvement  est 
inverse,  et  semble  porter  de  bas  en  liant.  Les 
femmes  se  plaignent  alors  d’une  douleur  cruelle 
à l’iiypogastre.  Si  l’on  saisit  ce  moment  pour 
le  toucher  , on  trouve  le  col  de  la  matrice 
exactement  collé  sur  la  partie  de  l’enfant 
qui  se  présente  ; les  eaux  , bien  loin  de  faire 
saillie  , ne  se  font  plus  sentir,  et  la  tête  semble 
remonter.  J’ai  vu  des  cas  où  la  tête  , après  avoir 
dépassé  le  col  de  la  matrice  , se  trouvoit  flot- 
tante dans  le  petit  bassin  , et  l’accouchement 
lie  pouvoir  néanmoins  se  terminer,  parce  que 
cet  organe,  affecté  de  constriction  spasmodique  , 
retenoit  l’enfant  très  étroitement  serré. 

Si  nous  considérons  la  structure  délicate  des 
femmes  , leur  éducation  molle  et  inactive  , leurs 
passions  vives  , l’état  de  grossesse  qui  exhalte 
singulièrement  l’irritabilité  des  nerfs,  tout  doit 
nous  mettre  en  garde  contre  la  mobilité  extrême 
de  ces  organes , qui  jouent  presque  toujours  un 


ÉCLAIRÉE,  etC.  IÎ7 

grand  rôle  dans  la  plupart  de  leurs  maladies 
et  particulièrement  ici.  Nous  trouvons  encore 
la  cause  naturelle  de  cet  obstacle  dans  la  struc- 
ture même  du  col  de  la  matrice,  qui  joint  à beau- 
coup d’irritabilité  une  grande  force  contractile. 
On  conçoit  aisément  qu’une  puissance  capable 
de  porter  en  si  peu  de  temps  son  extension 
au  point  de  laisser  passer  une  tête  souvent  très- 
volumineuse  , doit  le  tenir  dans  un  violent  état 
de  contrainte  , provoquer  sa  réaction  et  mettre 
toute  sa  sensibilité  en  jeu  j et  celle-ci,  lorsqu’elle 
vient  à correspondre  avec  toute  la  machine  , ne 
tarde  pas  à offrir  la  scène  la  plus  affligeante.  IL 
n est  point  d ame  sensible  qui  ne  seroit  attendrie 
des  douleurs  atroces  qu’éprouvent  ces  malheu- 
reuses victimes  ; elles  sont  telles  que  toutes , 
d’un  commun  accord  , se  réunissent  à desîrer 
la  mort,  comme  le  terme  prochain  à tant  de  souf- 
frances 5 elles  jettent  des  cris  perçans  et  la- 
mentables , se  roulent  avec  fureur  , grincent 
des  dents  , et  entrent  dans  de  violens  accès 
convulsifs  , qui  dégénèrent  quelquefois  en  épi- 
lepsie, et  finissent  toujours  par  épuiser  tota- 
lement leurs  forces  , si  bientôt  une  main  secou- 
rable  ne  vient  apporter  le  remède  à d’aussi 
grands  maux.  L’extrait  gommeux  d’opium  fait  à 
l’eau  froide  , et  donné  depuis  un  grain  jusques  à 
deux , est  le  beaume  salutaire  qui  fait  disparoître, 
comme  par  enchantement,  tout  cet  appareil  me- 
naçant : ce  précieux  médicament  est  à peine  tom- 
bé dans  l’estomac  qu’il  a déjà  fait  éprouver 
sa  bienfaisante  influence.  Le  mouvement  désor- 
donné des  nerfs  se  ralentit,  les  convulsions 
cessent , le  calme  renaît  et  les  fausses  douleurs 
disparoissent  totalement  , pour  céder  la  place 
à celles  qui  seules  peuvent  opérer  la  délivrance. 
Deventer,  ce  célèbre  Médecin  accoucheur  , dut 

H 3 


i îB  La  Médecine 

la  majeure  partie  de  ses  succès  à l’opium  , qu’il 
mànioit  si  adroitement.  Aussi  disoit-il , l’opium 
mûrit  les  accouche  mens  ; heureuse  expression 
qui  peint  au  naturel  la  puissante  vertu  de  ce 
remède  vraiment  divin , que  nul  autre  ne  sauroit 
remplacer,  comme  l’expérience  me  l’a  nombre  de 
fois  prouvé  , et  je  dirois  bien  avec  Sylvius  de 
Hollande,  libentius  JVLedicînae  reîiunciare  quain 
opio  carere . 

Ce  n’est  pas  là  le  seul  service  qu’il  peut  rendre 
aux  femmes  en  couches  : les  violent is  coliques 
qui  tourmentent  quelquefois  si  impitoyable- 
ment les  nouvelles  accouchées,  les  suppressions 
de  lochies  qui  reconnoissent  pour  cause  quel- 
que affection  morale  , ou  se  trouvent  accom- 
pagnées de  spasme  , sont  encore  de  son  ressort; 
certaines  hémorragies  mêmes  ne  cèdent  souvent 
u aucun' autre  moyen  curatif. 

Je  préfère  l’extrait  gommeux  d’opium  par 
l’eau  froide  à toutes  ses  autres  préparations  : 
ainsi  dépouillé  de  sa  partie  résineuse , il  est  plus 
doux  et  plus  sûr  dans  ses  effets  , ses  vertus  n’y 
sont  point  dénaturées  par  des  associations  sou- 
vent monstrueuses,  et  qui  ne  saüroient  s’ac- 
commoder à tous  les  tempéramens  et  à toutes 
les  circonstances.  La  forme  solide  sous  laquelle 
je  l’administre,  réunit  encore  de  grands  avan- 
tages : son  action  est  plus  durable,  et  se  gradue 
à proportion  que  la  dissolution  s’en  fait  dans 
l’estomac. 

J’invite  les  hommes  sans  préjugés,  ces  vrais 
amis  de  l’humanité  , à s’assurer  par  eux-mêmes, 
et  paroles  expériences  bien  faites  et  réitérées, 
de  la  fidélité  de  mes  observations;  je  les  ai  si  sou- 
vent répétées  et  avec  un  succès  si  constamment 
heureux  , que  passant  sur  les  vains  détails  qui 
fout  lu  fastueux  cortège  du  charlatan  , jàii  pré- 


ECLAIR 


i e , etc. 


119 

féré  dépeindre  le  plus  exactement  qu’il  m’a 
été  possible  les  caractères  principaux  qui  dis- 
tinguent ce  genre  d’affection  purement  spas- 
modique , d’avec  la  foule  des  autres  obstacles 
qui  peuvent  empêcher  l’accoucliement  , et  bien, 
marquer  la  juste  application  d’un  remède  , dont 
la  singulière’  efficacité  peut  se  changer  en  poi- 
son dans  des  mains  inhabiles  et  sans  expérience. 
Mon  désir  le  plus  cher  seroit  de  fixer  l’attention 
des  praticiens  sur  un  genre  d’affections  extrê- 
mement commun  , peu  connu  , souvent  très- 
daugereux  , et  dont  une  sage  administration  de 
l’opium  triomphera  toujours. 

Eh  combien  de  fois  ne  s’est-on  pas  mépris 
sur  la  qualité  des  obstacles  que  l’on  avoit  à com- 
battre ! que  d’erreurs  funestes  à l’humanité  ! 
que  de  meurtres  même  ! car  le  fer  paroît  la  res- 
source favorite  , et  quelquefois  l’unique  de  ces 
êtres  qu’une  routine  aveugle  conduit , qui  ne 
rêvent  qu’enclavement , et  dont  les  lumières  se 
bornant  aux  seules  connoissances  du  bassin, 
l’accusent  toujours  du  mal  dont  il  est  souvent 
bien  innocent,  etc. 


II.  h" ur  Ici  guérison  d’un  ulcère  au  sein  par 
/'  in oculatlon  de  la  gale  ; lettre  au  rédacteur 
du  journal , par  M.  Pascal,  maître  en  Chirur- 
gie et  Chirurgien  en  chef  de  V Hôtel-Dieu 
de  Brie- Comte-Robert. 


J’ai  lu  avec  intérêt  dans  votre  dernier  numéro 
des  remarques  judicieuses  sur  l’épithême  dé- 
sorganisant  de  M.  Dorez  , et  je  suis  convaincu 
que  ce  remède,  ainsi  que  tous  ceux  des  empi- 
riques , qui  n’ont  en  général  que  des  idées  très- 
confuses  des  maux  qu’ils  entreprennent  de  gué- 
rir , est  souvent  appliqué  sur  des  tumeurs  ou 

Ii  4 


3 20 


La  Médecine 

des  ulcères  qui  n’ont  nullement  le  caractère 
carcinomateux  , et  c’est-là  sans  doute  la  source 
des  succès  dont  l’auteur  se  vante.  Je  vais  don- 
ner un  exemple  des  erreurs  qu’on  peut  com- 
mettre sur  cet  objet  lorsqu’on  se  décide  sim- 
plement sur  des  apparences  extérieures,  et  qu’on 
n’examine  point  la  nature  du  mal  avec  un  ju- 
gement éclairé.  Ne  pourrois-je  pas  moi-même, 
si  j’étois  de  mauvaise  foi , me  vanter  d’avoir  gué- 
ri un  cancer  en  inoculant  la  gale,  comme  on 
va  le  voir  par  l’observation  suivante  ? 

La  nommée  L...  âgée  de  22  ans,  d’une  mal- 
propreté naturelle  et  d’un  tempérament  plileg- 
xnatique  , ayant  d’ailleurs  les  seins  très-volu- 
mineux et  menant  une  vie  peu  régulière , 
contracta  la  gale  en  1787  : un  empirique  lui 
conseilla  de  mettre  une  ceinture  d’écarlate  en- 
duite d’une  amalgame  de  mercure  , et  peu  de 
temps  après  elle  parut  en  effet  guérie  de  la  gale  } 
mais  sur  là  fin  d’octobre  de  l’année  suivante  , 
elle  vint  me  consulter  pour  un  ulcère  qu’elle 
avoit  au  sein  droit  depuis  environ  six  mois.  Cet 
ulcère  étoit  de  la  largeur  d’un  écu  de  six  livres  , 
le  fond  en  étoit  noir  et  il  en  découloit  une 
matière  sanieuse  ; mais  ce  qui  lui  donnoit  sur- 
tout l’aspect  d’un  cancer,  étoit  ses  bords  durs 
et  renversés.  M.  Dorez  n’auroit  certainement 
pas  manqué  de  se  laisser  prendre  à ces  appa- 
rences et  d’appliquer  son  épitliême  désorga- 
nisant 5 mais  , d’après  les  informations  que  je 
pris  , il  me  fut  facile  de  juger  que  c’étoit  la  suite 
d’une  gale  répercutée. 

Ce  fut  le  2 6 octobre  de  la  même  année  que 
j e commençai  à lui  donner  mes  soins.  J’appli- 
quai d’abord  de  la  charpie  sur  l’ulcère  , et  par- 
dessus un  cataplasme  fait  avec  l’eau  de  fleur  de 
sureau  et  la  mie  de  pain.  Je  lui  fis  prendre  aussi 


ÉCLAIRÉE,  etC.  12.1 

un  purgatif  ordinaire  le  4 novembre  , ce  qui 
contribua  à déterger  un  peu  l’ulcère  ; mais  ses 
bords  restoient  cependant  durs  et  renversés. 
Persuadé  de  l’existence  du  virus  de  la  gale  , 
et  d’après  les  observations  deM.  Descotes,  Mé- 
decin à xlrgentan  , cité  dans  le  journal  de  Mé- 
decine (cahier  de  mars  1786),  je  me  décidai 
à l’inoculation  de  cette  éruption  cutanée.  Je 
traitois  en  ce  moment  une  autre  personne  de 
la  gale  , et  il  ne  me  fut  pas  difficile  d’avoir  de 
la  matière  récente  pour  la  communiquer.  Je 
fis  mettre  sur  l’estomac  de  ce  dernier  malade 
de  grandes  compresses  de  linge  avec  de  la  char- 
pie, qu’il  porta  pendant  deux  jours.  C’est  de 
cette  même  charpie  et  des  compresses  dont  je 
me  servis  le  8 novembre  pour  panser  l’ulcère 
de  la  personne  à qui  je  voulois  inoculer  la  gale. 
Le  lendemain  je  renouvellai  le  procédé  avec 
du  linge  que  j’avois  fait  porter  au  galeux  dont 
j’ai  parlé  ci-dessus. 

Vers  le  14  du  même  mois,  la  malade  me  dit 
éprouver  déjà  des  démangeaisons  auxquelles 
elles  ne  pouvoit  résister  , et  deux  jours  après 
elle  fut  couverte  de  gale.  A cette  époque  je 
fis  appliquer  sur  l’ulcère  des  cataplasmes  avec 
de  la  mie  de  pain  et  du  vin  , et  de  la  charpie 
brute.  Je  la  purgeai  deux  fois  de  suite  comme 
ci-dessus  , et  je  lui  fis  faire  usage  du  soufre 
intérieurement  et  extérieurement.  J’ai  suivi  en 
cela  la  méthode  cle  Buchan , enseignée  dans 
sa  Médecine  domestique.  Le  vingt  du  même  mois 
les  bords  de  l’ulcère  étoient  affaissés  et  le  fond 
detergé.  Le  changement  est  devenu  ensuite  de 
jour  en  jour  plus  favorable  , et  la  plaie  a été 
parfaitement  cicatrisée  dans  le  cours  du  mois 
de  décembre. 

Je  n’avois  pas  cru  devoir  publier  dans  le 


*22  l a Médecine 

temps  ceUe  observation  , parce  que  la  personne 
qui  en  fait  le  sujet  a voit  quitté  la  ville.  Le  ha- 
sard nie  1 a fait  rencontrer  dans  un  voyage  que 
j ai  fait  a Paris  vers  la  fin  de  l’année  1791, 
et  je  nie  suis  assure  qu’elle  s’étoit  bien  portée 
depuis  son  dernier  traitement,  et  qu’elle  11’avoit 
plus  ressenti  aucun  mal  dans  son  sein  depuis 
la  cicatrice  de  l’ulcère. 

HT  * Observation  sur  un  enfant  qui  boit  beaucoup , 
par  M.  Vauquelin. 

Cet  enfant , âgé  de  cinq  ans  , est  d’une  bonne 
constitution  , son  teint  est  pâle  , sa  bouche  , 
son  nez  et  ses  yeux  sont  toujours  humides.  Il 
mange  raisonnablement  et  d’un  bon  appétit  ; 
son  pouls  bat  quatre-vingt  à quatre-vingt- cinq 
fois  par  minute  , mais  il  a de  fréquentes  irré- 
gularités. Ses  inspirations  sont  au  nombre  de 
quinze  à dix-huit  par  minute.  Son  caractère 
est  gai , ses  sensations  sont  vives  et  assez  dé- 
licates. 

Cet  enfant  a bu  en  vingt-quatre  heures  dix 
pintes  d’eau;  il  met  environ  une  heure  d’inter- 
valle entre  chaque  verre  : pendant  le  même 
espace  de  temps  ( vingt-quatre  heures  ) il  a 
rendu  douze  pintes  d’urine  (1).  Il  dort  environ 
dix  heures  sur  vingt-quatre  ; son  sommeil  est 
interrompu  toutes  les  deux  heures  par  l’envie 
de  boire  et  d’uriner,  et  malgré  les  insomnies, 
il  pisse  toutes  les  nuits  au  lit. 

Lorsqu’il  boit,  on  remarque  le  plaisir  briller 
dans  ses  yeux  , et  la  gaieté  se  peindre  sur  son 
visage,  et  après  avoir  bu  il  chante  et  il  danse. 


(1)  La  température  du  lieu  où  cet  enfant  a resté  , pen- 
dant les  vingt-quatre  heures  que  nous  l'avons  surveillé  , 
ctoit  de  10  à 11. 


ÉCLAIRÉE,  etC.  12.3 

Si  on  lui  refuse  à boire  pendant  quelque 
temps,  il  lui  prend,  dit- on  , un  tremblement 
de  cœur  qui  se  passe  aussi-tôt  qu’on  lui  pré- 
sente de  la  boisson.  Cette  envie  de  boire  est 
si  forte  chez  cet  enfant  qu’il  se  jette  sur  tout 
ce  qui  a la  forme  liquide  , et  si  on  n’y  prend 
garde  , il  boit  son  urine  à mesure  qu’il  ia  rend. 
Après  avoir  bu  il  est  saisi  par  le  froid  ; il 
éprouve  un  léger  frisson  par-tout  le  corps  , 
sa  ligure  devient  bleuâtre  et  son  haleine  froide. 
Il  y a environ  quatre  mois  que  cet  enfant  est 
atteint  de  cette  maladie  ; elle  lui  est  venue 
quelque  temps  avant  d’avoir  la  petite  vérole  , 
dont  il  est  bien  guéri.  L’urine  qu’il  rend  est 
claire  comme  de  l’eau , dont  elle  ne  diffère 
extérieurement  que  par  une  odeur  fade  qu’elle 
répand.  En  sortant  de  la  vessie  elle  fait  monter 
le  mercure  du  thermomètre  de  dix  à vingt -huit 
degrés;  elle  ne  rougit  pas  sensiblement  le  pa- 
pier teint  par  le  tournesol  ; elle  n’est  que  très- 
légèrement  troublée  par  l’eau  de  chaux.  Son 
poids  spécifique  ne  diffère  pas  sensiblement 
de  celui  de  l’eau  , tandis  que  l’urine  ordinaire 
donne  trois  à quatre  degrés  à l’aréomètre  de 
Baumé  pour  les  sels.  L’ammoniaque  versée  dans 
cette  urine  n’y  produit  aucun  effet.  Elle  s’al- 
tère beaucoup  plus  promptement  que  l’urine 
de  l’homme  en  santé;  cette  altération  se  ma- 
nifeste par  une  couleur  laiteuse  et  par  une 
odeur  très -désagréable.  Exposée  à une  chaleur 
douce  avec  le  contact  de  l’air,  elle  prend  la  cou- 
leur de  l’urine'  ordinaire  ; cette  couleur  devient 
plus  intense  à mesure  que  ce  liquide  s’évapore, 
son  odeur  désagréable  se  dissipe  quand  elle 
est  évaporée  aux  cinq  sixièmes,  son  acide  se 
développe  et  elle  rougit  le  papier  de  tournesol, 
dille  a fourni  , par  l’évaporation  complette , 


124  La  Médecine 

63  grains  de  résidu  qui  contenoit  du  phosphate 
de  soude  et  d’ammoniaque  , beaucoup  de  sel 
marin  , un  extrait  muqueux  et  de  l’acide  phos- 
phorique  libre.  Cette  quantité  de  matière  est 
bien  peu  de  chose  en  comparaison  de  celle  du 
liqu  ide  où  elle  éloit  dissoute. 

Les  excrémens  de  cet  enfant  sont  bien  liés, 
et  ont  ordinairement  une  couleur  jaune  ; mais 
un  de  ces  jours  derniers  , il  en  a rendu  qui 
sont  blancs  comme  de  la  craie. 

Nous  nous  gaulerons  bien  de  vouloir  expli- 
quer l’origine  d’une  maladie  aussi  singulière 
que  celle-là , nous  nous  bornerons  seulement 
à faire  quelques  observations  sur  la  grande 
quantité  de  calorique  que  l'enfant  perd  conti- 
nuellement par  la  boisson  qu’il  prend.  On  a vu 
qu'il  a bu  dix  pintes  d’eau  à dix  degrés  en 
vingt-quatre  heures  , qu’il  a rendu  douze  pintes 
d’urine  a vingt-huit  dégrés* pendant  cet  espace 
de  temps  : or  il  est  clair  que  chaque  livre  de 
ce  liquide  a enlevé  au  sang  dix-huit  degrés 
de  chaleur  , et  que  Ces  dix-huit  degrés  de  cha- 
leur multipliés  par  vingt- quatre  livres  que  don- 
nent les  douze  pintes  d’urine  rendue  , forment 
une  somme  de  quatre  cent  trente-deux  degrés 
de  chaleur  enlevés  pendant  vingt-quatre  heures. 
Il  résulte  des  travaux  de  plusieurs  chimistes,  que 
ces  quatre  cent  trente-deux  degrés  de  chaleur 
sont  capables  de  faire  fondre  sept  livres  trois  onces 
un  gros  quarante  trois  grains  de  glace  ou  de 
réduire  en  gaz  huit  onces  trois  gros  soixante-trois 
grains  d’eau.  Cette  grande  perte  de  calorique 
explique  pourquoi  cet  enfant  éprouve  du  froid 
et  des  frissons  immédiatement  après  avoir  bu  , 
pourquoi  son  haleine  est  froide  , et  enfin  pour- 
quoi son  visage  , ses  lèvres , et  le  gland  de 
sa  verge  prennent  une  couleur  violette.  D'a- 


ÉCLAIRÉE,  etC-  îa5 

près  ces  observations  , la  transpiration  ne  doit 
pas  être  abondante  chez  cet  enfant , puisqu'il 
rend  autant  et  même  plus  d’urine  qu’il  ne  prend 
de  boisson.  Ne  pourroit-on  pas  penser  que  cette 
soif  continuelle  auroit  pour  cause  l'altération 
des  fonctions  de  la  peau  , qui  est  destinée  à 
rafraîchir  le  sang  , en  offrant  un  passage  à une 
portion  d’humeur  qui  s’exhale  continuellement 
dans  l’atmosphère , sous  la  forme  de  gaz  ? On 
conçoit  en  effet  que  s’il  n’y  avoit  point  un 
effluve  continuel  d’humeur  par  la.  peau,  la  tem- 
pérature de  notre  corps  s’éleveroit  sans  doute 
au  point  de  déranger  l’ordre  établi  dans  nos 
fonctions , et  nos  humeurs  seroient  bientôt 
altérées  si  de  nouveaux  régulateurs  n’étoient 
pas  établis. 

Au  reste  ce  ne  sont  que  des  hypothèses  , qui 
deviendroient  cependant  des  vérités  si  on  par- 
venoit,  en  rétablissant  la  transpiration,  à dimi- 
nuer la  nécessité  de  boire  qu’a  cet  enfant.  Ce 
seroit  donc  alors  un  nouveau  régulateur  que 
la  nature  auroit  mis  en  usage  pour  suppléer 
à la  peau  et  tenir  le  corps  à la  température 
nécessaire  pour  l’exécution  des  autres  fonctions 
de  l'économie  animale,  et  par  conséquent  pour 
l’entretien  de  la  vie. 

Au  reste , il  faudroit  réunir  plusieurs  faits  ana- 
logues à celui-ci  , et  comparer  plusieurs  fois 
les  phénomènes  que  ces  maladies  présentent, 
pour  reconnoître  positivement  la  cause  de  ces 
accidens  singuliers.  Nous  recommanderons  donc 
aux  médecins  observateurs  de  saisir  les  occa- 
sions qui  se  présenteront  de  voir  avec  soin  de 
pareilles  affections  , et  de  déterminer  exac- 
tement la  température  de  la  peau,  celle  des 
urines , les  pulsations  et  les  respirations. 


12Ô 


L A M ï D ® C I K ® 


pharmacie, 


Extrait  du  Journal  de  Pharmacie  de  Aï. ....  J 
apothicaire  de  Paris  , par  AI.  Pinel. 


Eclellium  , 12  onces. 

Gomme  ammoniaque  , 20  onces  2 gros. 

Encens  , 6 onces  6 gros. 

Opoponax  , 6 onces  6 gros. 

Mastic , % 

Aristoloche  , > de  chaque  6 onces. 
Verdet , J 

Litharge,  6 livres. 

Huile  d’olives.,  12  livres. 

Cire  jaune  , 3 livres. 

Aimant , 9 onces. 

Eau  , suffisante  quantité. 

Commencez  par  faire  cuire  la  litharge  avec 
i’huileetl’eau  : lorsque  l’emplâtreseracuitet  qu’il 
n’y  aura  plus  d’eau  , ce  que  l’on  reconnoitra 
lorsqu’on  le  verra  fumer  et  même  perdre  un  peu 
de  sa  couleur  blanche  alors  retirez  la  bassine 
de  dessus  le  feu  ; ajoutez-y  le  verdet  en  poudre 
à l’aide  d’un  tamis,  afin  d’éviter  les  grumeaux  : 
l’emplâtre  prendra  alors  une  belle  couleur  verte. 
Remettez  aussi-tôt  votre  bassine  sur  le  feu  et 
continuez  à agiter  l’emplâtre  ( sans  y ajouter  de 
l’eau  ).  On  sentira  une  odeur  piquante  et  acide 
comme  si  l’emplâtre  brûloit  ; il  passera  du  verd 
à une  couleur  jaune  $ il  se  fera  aussi  une  effer- 
vescence assez  vive  , ce  que  l’on  reconnaîtra 
facilement  par  le  gonflement  que  l’on  observera 


Emplâtre 


divin. 


Prenez  Galbanum , 
Mirrhe  , 


| de  chaque  i3  onces  et  demi. 


/ 


ÉCLAIRÉE,  etC.  1 27 

dans  la  bassine  : l’etn plâtre  passera  du  jaune 
à une  couleur  brune  ; retirez  alors  la  bassine 
de  dessus  le  feu  , continuez  à l’agiter  et  il  s’y 
fera  dans  l’instant  un  grand  changement  dans 
la  couleur  de  l’emplâtre  5 il  prendra  une  belle 
couleur  , ou  plutôt  celle  connue  sous  le  nom  de 
lie  de  vin  rouge  , ou  encore  rouge  pourprée  , 
et  l’on  observera  une  belle  pellicule  cuivreuse 
ou  dorée  , qui  couvrira  la  surface  de  i’emplâ- 
tre  j c’est  çette  couleur  rouge  que  l’on  doit  don- 
ner à l’emplâtre  , et  qui  ne  peut  s’obtenir  qu’ au- 
tant qu’il  ne  reste  plus  d’humidité  dans  la  bas- 
sine ; il  faut  cependant  qu’il  y ait  de  l’eau  pour 
que  la  litharge  puisse  se  combiner  avec  l’huile 
et  obtenir  la  consistance  emplastique  ; voilà 
pourquoi  je  commence  à faire  cuire  l’huile  et 
la  litharge  , et  je  n’ajoute  le  verdet  que  lorsque 
d’emplâtre  est  cuit  et  qu’il  n’a  plus  d’humidité. 

L’emplâtre  ayant  la  couleur  rouge  , j’y  fais 
tfondre  la  cire  , ensuite  j’y  ajoute  le  galbanuin 

■ que  j’ai  fait  dissoudre  dans  le  vinaigre  et  que 
j’ai  évaporé  en  consistance  épaisse,  parce  qu’il 
n’a  pu  être  réduit  en  poudre  5 j’y  incorpore 
■après  les  autres  gommes  résines  , ainsi  que 
d’aristoloche  etl’aiinant  réduits  en  poudre  fine  , 

■ et  c’est  encore  en  me  servant  d’un  garnis  que  je 
dais  cette  incorporation. 

En  suivant  exactement  ce  procédé.,  j’ai  obtenu 
un  emplâtre  d’une  belle  couleur  et  d’une  bonne 
consistance  , nullement  grumelé. 

Observations.  Il  6e  fait  dans  cet  emplâtre 
nne  réduction  du  verdet  comme  dans  l’onguent 
.Egyptiac  ; M.  Baumé , le  Codex  de  Paris  et  au- 
* res  , recommandent  de  mettre  le  verdet  avec  la 
liitharge  des  le  commencement  de  l’opération  , 
fît  de  faire  cuire  l’emplâtre  en  ajoutant  de  l’eau; 
cf-est , dit  M.  Baumé  , afin  de  donner  le  temps 


îa8-  La  Médecine 

auverdet  de  pouvoir  se  réduire.  M.  Baume  n’a 
point  fait  attention  que  la  réduction  du  verdet 
ne  pouvoit  point  se  faire  tant  qu’il  y avoit  de 
1 eau  ? Plusieurs  pharmaciens  m’ont  aussi  dit 
qu’il  leur  étoit  arrivé  d’avoir  leur  emplâtre 
rouge  long-temps  avant  qu’il  ne  fût  cuit.  D’au- 
tres m’ont  dit  qu’ils  n’avoient  jamais  pu  lui 
donner  la  couleur  rouge  : cela  tient  à ce  que 
les  premiers  avoient  laissé  manquer  d’eau  avant 
que  l’emplâtre  fût  cuit  , et  que  les  derniers  au 
contraire  ont  toujours  conservé  trop  d’eau  dans 
leur  emplâtre  , et  qu’ alors  le  verdet  n’a  pu  se 
réduire  : il  ne  faut  donc  pas  mettre  le  verdet 
avec  la  litharge  , comme  M.  Baumé  le  prescrit, 
pour  lui  donner  le  temps  de  se  réduire  , puis- 
qu’une seule  minute  suffit  pour  la  réduction  du 
verdet. 

D’après  Ge  que  je  viens  de  dire , il  est  aisé 
de  voir  que  si  l’on  veut  avoir  l’emplâtre  de  cou- 
leur verte  , il  faut  mettre  le  verdet  sur  la  fin 
de  la  cuite  , et  avoir  soin  que  l’emplâtre  ne  soit 
pas  trop  chaud  lors  du  mélangé  , qu’il  conserve 
même  un  peu  d’humidité  ; il  faut  aussi  avoir 
l’attention  de  porphiriser  le  verdet  avec  un 
peu  d’huile  , afin  qu’en  l’unissant  à l’emplâtre 
il  s’y  trouve  plus  divisé. 

On  regarde  Nicolas  Myrepsus  comme  l’au- 
teur de  cet  emplâtre  ; le  nom  de  divin  lui  a été 
donné  à cause  de  ses  grandes  vertus  : il  est  dé- 
tersif. On  a cru  que  cet  emplâtre  étoit  meil- 
leur lorsqu’il  étoit  vert,  mais  aujourd’hui  on 
le  prépare  généralement  rouge.  Léinery  et  au- 
tres prescrivent  une-  plus  forte  quantité  de 
pierre  d’aimant.  Le  Codex  de  Paris  en  retranche 
les  trois  quarts,,  et  comme  elle  est  presqu’inutile 
et  qu’elle  ne  sert  qu’à  dessécher  l’emplâtre  , je 
crois  que  l’on  pourroit  la  supprimer  totalement. 


129 


(.  N°  V.  ) . 

c'h  I M I E. 

Suite  des  expériences  sur  les  matières  animales  : 
extrait  d’un  mémoire  de  M.  Fourcroy. 

Sur  l’urine  humaine . 

I.  L’urine  la  plus  fraîche  , quand  on  la  fait 
évaporer  à une  chaleur  un  peu  forte  , répand 
une  ordeur  d’ammoniaque.  Cette  odeur  est  due 
à la  décomposition  du  phosphate  d’ammonia- 
que , dont  les  principes  n’ont  entr’éiix  qu’une 
attraction  foible.  La  preuve  de  cette  assertion 
se  trouve  dans  l’acidité  considérable  de  l’urine 
évaporée  , et  dans  la  quantité  plus  grande  d’am- 
moniaque qu’il  faut  alors  pour  saturer  cet 
acide. 

II.  M.  Fourcroy  s’est  apperçu  qu’outre  l’am- 
moniaque il  se  dégage  oit  aussi , pendant  l’éva.- 
poration  de  l’urine  ^ une  petite  quantité  d’acide 
phosphorique,  car  il  n’a  pas  obtenu  autant  de  pré- 
cipité par  l’eau  de  chaux  de  l’urine  évaporée  :aux 
trois-quarts  , que  de  la  même  urine  non  échauf- 
fée. Ce  fait  a été  vérifié  d’une  autre  manière  ; eii 
distillant  l’urine  dans  des  vases  fermés  , on  a 
constamment  obtenu  dans  le  récipient  une  pe- 
tite quantité  de  phosphate  d’ammoniaque  , avec 
excès  d’ammoniaque  : l’acide  phosphorique  a été 
prouvé  par  l’eau  de  chaux  , quia  formé  du  phos- 
phate calcaire  , et  l’ammoniaque  par  la  teinture 
de  v-iolettes. 

III.  Une  certaine  quantité  d’urine,  évaporée 
{environ  jusqu’à  la  moitié  de  son  volume,  a été 
■abandonnée  pendant  plusieurs  jours  au  contact 
de  l’air,  à la  température  de  quinze  degrés  du 
-thermomètre  de  Réaumur  : aù  bout  de  ce  temps 
Tome  III.  N°.  Y.  I 


i*5o  T,  A M B D E C I N S 

r~. 

elle  a offert  une  pellicule  verte  bleuâtre  , qui 
n’étoit  pas  dissoluble  dans  l’eau  , mais  la  ren- 
doit  laiteuse  lorsqu’on  l’y  agitoit  pendant  quel- 
que temps  ; cette  urine  , "qui  étoit  fortement 
acide  immédiatement  après  son  évaporation  , 
étoit  devenue  ammoniacale  , répandoitune  mau- 
vaise odeur  et  a voit  déposé  une  assez  grande 
quantité  de  matière  jaunâtre. 

Ces  faits  prouvent , dit  M.  Fourcroy  , que 
pour  connoître  la  quantité  d’ammoniaque  et 
d’acide  phospliorique  que  contient  l’urine  , il 
ne  faut  pas  la  faire  évaporer  dans  des  vaisseaux 
ouverts  , puisqu’il  se  dégage  toujours  une  por- 
tion de  l’une  et  de  l’autre  de  ces  matières.  La 
méthode  qu’il  conseille  est  de  verser  dans  l’urine 
fraîche  de  l’eau  de  chaux  pour  l’un  , de  l’acide 
muriatique  ou  sulfurique  pour  l’autre  : par  la 
quantité  de  phosphate  de  chaux  on  connoît 
celle  de  l’acide  phospliorique  ; ensuite  , en  fai- 
sant évaporer  la  liqueur  , la  quantité  de  mu- 
riate  d’ammoniaque  que  l’on  obtient  , et  qu’il 
est  aisé  de  séparer  de  celui  de  soude  par  le 
moyen  de  l’alcool , indique  la  proportion  d’am- 
moniaque. 

IV.  M.  Fourcroy  a reconnu  la  présence  de  l’acide 
sulfurique  dans  l’urine  en  y versant  du  muriate 
de  baryte  j il  se  forme  un  précipité  composé  de 
sulfate  et  de  phosphate  de  baryte.  L’acide  mu- 
riatique dissout  le  phosphate  de  baryte  , et  le 
sulfate  de  baryte  reste  seul  ; son  poids  donne 
celui  de  l’acide  sulfurique. 

Sur  le  sel  fusible  entier  de  l’urine  humaine. 

I.  Depuis  six  ans  M.  Fourcroy  conservoit  dans 
un  bocal  de  verre  recouvert  d’un  carton , quel- 
ques livres  de  sel  fusible  , retiré  de  l’urine  hu- 
maine par  la  première  cristallisation  j ce  sel 


Eclairée,  etc. 

avoit  une  couleur  brune  et  une  odeur  parti- 
culière , à laquelle  a succédé  depuis  deux  ans 
environ  une  odeur  de  musc  ou  d’ambre  très- 
sensible.  Les  chimistes  , dit-il  , ont  trouvé  que 
ce  sel  est  composé  de  deux  matières  salines  , 
de  phosphate  de  soude  et  de  phosphate  d’am- 
moniaque , ils  ont  dit  qu’on  pouvoit  lès  obtenir 
à part  par  la  cristallisation.  Ayant  plusieurs 
fois  essayé  d’obtenir  séparément  ces  deux  subs- 
tances salines  du  sel  fusible  entier  de  l’urine  , 
il  lui  a été  impossible  d’y  réussir  complètement  ; 
ils  ont  paru  combinés  intimement,  et  il  dit  que 
si  une  portion  se  présente  presque  pure  , c’est 
qu’elle  est  excédente  à la  combinaison  saline 
triple  qui  a lieu  entre  ces  deux  matières  $ que 
la  portion  qni  se  sépare  aussi  presque  seule  ap- 
partient au  phosphate  de  soude  , et  que  cela  n’a 
lieu  qu’à  la  fin  de  l’opération.  Il  s’est  apperçu  , 
en  purifiant  ce  sel,  que  la  quantité  de  phosphate 
d’ammoniaque  diminuoit  à mesure  que  la  cris- 
tallisation avançoit , c’est- à dire  que  les  levées 
de  cristaux  contenoient  d’autant  moins  de  ce 
sel  qu’elles  approchoient  davantage  de  la  fin 
de  l’opération  $ de  manière  qu’il  peut  y avoir 
clés  sels  triples  de  la  même  nature  générale  , 
mais  dans  un  grand  nombre  cle  proportions 
différentes. 

II.  Le  sel  fusible  de  l’urine  s’effleurit  à l’air  , 
il  verdit  les  papiers  teints  avec  les  fleurs  de  vio- 
lettes , les  cristaux  qu’on  en  obtient , même  vers 
la  fin  , c’est-à-dire , soit  que  ce  soit  du  phosphate 
de  soude  et  d’ammoniaque  , ou  du  phosphate 
cle  soude  presque  pur,  produisent  constam- 
ment cet  effet.  Cette  propriété  est  très-singu- 
lière , remarque  M.  Fourcroy  , car  il  est  démon- 
tré que  l’urine  , en  s’évaporant,  perd  cle  l’am- 
moniaque sans  perdre  en  -proportion  de  l’acide 

I 2 


î32 


IA  M É 


D E 


CINE 

pliospliorique  ; que  par  conséquent  elle  devient 
acide  , et  cependant  les  sels  qu’on  en  obtient 
verdissent  les  violettes  au  lieu  de  les  rougir. 

Une  autre  observation  qui  n’est  pas  moins 
remarquable,  c’est  que  du  sel  fusible  de  l’urine  , 


phosphate  de  soude  qui  verdit  toujours  les  pa- 
piers de  violettes.  Le  phosphate  d’ammoniaque 
paroît  donc  s’être  entièrement  volatilisé  à la 
chaleur  simple  de  l’atmosphère  , comme  l’a- 
voient  déjà  reconnu  MM.  Rouelle  et  Ghaulnes. 

III.  Les  différens  sels  triples,  obtenus  de  la 
purification  du  sel  fussible  entier  de  l’ urine  , 
donnent  tous  de  l’ammoniaque  par  la  chaux. 
Cent  parties  d’un  de  ces  sels  régulièrement  cris- 
tallisé, mis  dans  une  cornue,  ont  donné,  i°.  une 
grande  quantité  d’eau  $ i°.  une  légère  dose 
d’ammoniaque  sensible  à l’odorat  ; 3°.  un  peu 
d’acide  pliospliorique  combiné  à l’ammoniaque  ; 
4°.  il  est  resté  dans  la  cornue  soixante  parties 
de  phosphate  de  soude  pur  , de  manière  qu’il 
n’y  a peut-être  pas  o,5  de  phosphate  d’amino- 
niacjue  dans  ce  sel  triple.  Le  produit  liquide  de 
cette  distillation  verdissoit  les  couleurs  bleues , 
et  la  matière  saline  restée  dans  la  cornue  les 
verdissoit  aussi  au  lieu  de  les  rougir,  comme  elle 
l’auroit  dû  , puisqu’elle  avoit  perdu  une  por- 
tion plus  grande  d’ammoniaque  que  d’acide 
pliospliorique. 

IV.  Cette  manière  d’opérer  n’ayant  pas  paru 
suffisante  pour  connoître  exactement  les  pro- 
portions du  sel  triple  de  l’urine  , M.  Fourcroy 
a eu  recours  à un  autre  procédé  5 il  a précipité 
une  dissolution  dans  l’eau  par  l’eau  de  chaux, 
il  a ramassé  le  précipité , qu’il  a fait  sécher  et 


Eclairés,  etc.  i33 

qu’il  a pesé  ; il  a ensuite  saturé  la  liqueur  par 
l’acide  muriatique  , et  il  Fa  fait  évaporer  : les 
poids  des  muriates  de  soude  et  d’ammoniaque 
obtenus  lui  ont  donné  les  proportions  de  phos- 
phate de  soude  et  d’ammoniaque.  M.  Fourcroy 
avertit  que  s’il  arrivoit  de  mettre  trop  de  chaux: 
pour  précipiter  l’acide  phosphorique  , il  fau- 
droit , après  avoir  saturé  la  soude  et  l’ammo- 
niaque, par  1‘* acide  muriatique  , précipiter  la 
chaux  par  l’acide  oxalique  , afin  de  ne  point 
avoir  de  inuriate  calcaire  y très- difficile  à séparer 
d’avec  les  deux  autres  à la  fin  de  l’opération. 

Cent  parties  de  sel  fusible  de  l’urine  , ou  du 
phosphate  de  soude  et  d’ammoniaque,  ont  donné 


par  ce  procédé , 

i°.  D’ammoniaque 19 

2.0.  De  soude 24 

3°.  D’acide  phosphorique 3a 

4°.  D’eau. 2.5 


100 

Sur  le  calcul  de  la  vessie. 


Les  expériences  qui  ont  été  faites  au  Lycée 
par  M.  Fourcroy  , ont  ajouté  à l’analyse  de 
Schéele  et  de  Bergman  , sur  les  calculs  de  la 
vessie  , les  faits  suivans  : 

I.  La  dissolution  de  quelques  calculs  dans 
l’eau  rougit  assez  fortement  le  papier  de 
tournesol. 

II.  Les  calculs  donnent  de  l’acide  prussique 
par  la  simple  distillation  à feu  nu  , et  par  l’ac- 
tion de  l’acide  nitrique  ; mais  M.  Fourcroy 
décrit  cette  opération  en  détail  5 voici  comment 
il  s’explique  : « La  distillation  du  calcul  urinaire 
donne  d’abord  un  produit  liquide  sans  couleur* 
ensuite  des  fluides  élastiques  composés  d’acide 

13 


ï34  ï.  a Médecine 

carbonique,  de  gazhydrogène  et  d’un  peu  d’azote.' 
Il  s’attache  ensuite  dans  le  col  de  la  cornue  des 
cristaux  lamelleux,  brillans  et  plus  ou  moins  jau- 
nâtres d’acide  lithique,  et  du  carbonate  d’ammo- 
niaque en  petite  quantité  : il  reste  dans  la  cornue 
une  grande  quantité  de  charbon  ; on  n’ob- 
tient pas  sensiblement  d’huile.  En  examinant  le 
produit  liquide  , on  y reconnoît  l’odeur  de  l’a- 
cide prussique  libre  ; on  trouve  dans  l’eau  une 
petite  quantité  de  carbonate  ammoniacal  et  de 
p-russiate  d’ammoniaque  : on  a facilement  dis- 
tingué la  présence  de  l’acide  prussique  par  l’oxide 
de  fer  nouvellement  précipité  , qui  a été 
changé  en  bleu  de  Prusse  en  le  jettant  dans 
cette  liqueur  ». 

III.  1VÎ.  Fourcrcy  pense  , d’après  ces  faits  , 
que  le  calcul  de  la  vessie  ne  ‘contient  que  très- 
peu  d’hydrogène  , puisqu’il  ne  se  forme  que  peu 
d’ammoniaque  , qu’il  se  dégage  une  grande 
quantité  d’azote , et  qu’il  ne  se  forme  point 
d’huile  ; que  l’acide  lithique  ne  contient  que 
très-peu  d’oxigène  , puisqu’il  n’y  a qu’une  très- 
petite  quantité  d’acide  prussique  et  carbonique 
formés  , puisque  d’ailleurs  il  reste  une  très- 
grande  quantité  de  charbon  à nu  dans  la 
cornue. 

IY.  M.  Fourcroy  infère  de  ces  observations 
que  l’acide  prussique  contient  plus  d’oxigène 
que  l’acide  lithique  , puisqu’il  n’y  a que  très- 
peu  d’acide  prussique  formé  par  une  grande 
quantité  d’acide  lithique  décompose  ; qu’il  est 
vraisemblable  qu’il  se  forme  en  même  temps  de 
l’acide  carbonique  , mais  que  la  quantité  en  est 
très-petite  en  comparaison  de  la  masse  de  char- 
bon qui  reste  dans  la  cornue.  Il  semble  , ajoute- 
t-il,  que  l’acide  lithique  est  un  composé  de  beau- 
coup de  carbone  et  d’azote,  et  de  très-peu  d’oxi- 
gène et  d’hydrogène. 


i3  5 


Eclairée,  etc. 

Sur  plusieurs  matières  grasses  animales  com- 
parées dans  leur  fusibilité  , leur  dissolubilité 
dans  V alcool , etc. 

M.  Fourcroy  rappelle  qu’ayant  trouvé  plu- 
sieurs matières  analogues  au  blanc  de  baleine 
dans  les  produits  du  corps  humain  , et  notam- 
ment dans  la. substance  cristalline  et  blanche  des 
calculs  biliaires,  dans  les  corps  convertis  en  gras 
par  leur  enfouissement  dans  la  terre  , il  lui  a 
paru  intéressant  de  comparer  ces  substances 
les  unes  avec  les  autres  , et  de  déterminer  les 
loix  de  leur  dissolubilité  dans  l’alcool  et  de  leur 
fusibilité  par  la  chaleur. 

Calculs  biliaires  dans  V alcool. 

Une  once  cinq  gros  douze  grains  d’alcool  dissol- 
vent, à la  température  de  soixante  degrés  du  ther- 
momètre de  Réaumur  j cinquante  grains  de  cette 
matière  blanche  et  cristalline  : quoique  peut- 
être  il  pût  s’en  dissoudre  davantage , il  paroît 
qu’on  peut  fixer  ainsi  le  terme  de  cette  dissolu- 
bilité ; elle  représente  une  combinaison  dont  le 
rapport  des  composans  est  comme  un  de  ma- 
tière calculeuse  biliaire  à dix-neuf  d’alcool. 

Leur  union  est  presque  nulle  , car  des  cin- 
quante grains  qui  avoient  été  dissous  à chaud 
par  l’alcool  , il  s’en  est  déposé  quarante-huit 
grains  par  le  refroidissement  , et  l’alcool  mêlé 
à l’eau  ne  se  troubloit  que  très-légèrement. 

Matière  grasse  des  cadavres  enfouis  dans  la 

terre . 

Une  once  d’alcool  peut  dissoudre  , à la  tem- 
pérature de  soixante  degrés  , près  de  son  poids 
de  cette  substance  , mais  il  en  laisse  une  grande 

I 4 


*56  r A Médecine 

partie  en  refroidissant  ; il  en  garde  environ  le 
quatrième  ou  le  cinquième  de  son  poids  : de 
manière  qu’une  once  d’alcool  peut  dissoudre  à 
froid  deux  gros  de  cire  humaine  , ce  qui  diffère 
beaucoup  cîu  blanc  de  baleine  et  de  la  matière 
cristalline  des  calculs  biliaires. 

La  substance  cireuse  des  cadavres  forme  avec 
les  alcalis,  un  savon  beaucoup  plus  facilement 
que  les  autres  matières  auxquelles  nous  la  com- 
parons. 

Blanc  de  baleine  dans  V alcool  chaud  et  froid . 

Une  once  cinq  gros  douze  grains  d’alcool  à 
trente-huit  degrés  , la  température  étoit  dix  , 
dissolvent  six  erains  de  blanc  de  baleine  à l’aide 
d’une  chaleur  de  soixante  degrés  du  termomètre 
de  Réaumur.  Ce  corps  gras  n’est  point  du  tout 
dissoluble  à froid  dans  l’alcool , puisque  de  cin- 
quante grains  de  cette  matière  , traités  à chaud  , 
avec  une  once  cinq  gros  douze  grains  d’alcool , 
il  s’en  est  séparé  quarante-neuf  par  le  refroidis-' 
sement. 

Fusibilité  comparée  du  blanc  de  baleine , de  la 
matière  blanche  des  calculs  biliaires  , et  de 
la  cire  du  gras  des  cadavres. 

Le  blanc  de  baleine  commence  à se  fondre  à 
trente-deux  degrés  du  thermomètre  de  Réaumur, 
le  thermomètre  monte  constamment  à trente-huit 
jusqu’à  ce  que  toutes  les  molécules  de  cette  ma- 
tière soient  fondues  à la  quantité  de  cinquante 
grains  5 mais  il  paroît  que  l’on  peut  en  fixer  le 
terme  entre  trente-deux  et  trente-cinq. 

L’espèce  de  matière  cireuse  , séparée  par  les 
acides  des  cadavres  convertis  en  gras,  commence 
àse  fondre  à vingt-huit  degrés,  etic  thermomètre 
monte  ordinairement  jusqu’à  trente-trois  degrés 


rCLAinÉi,  etc.  - i3j 

pendant  que  cinquante  grains  de  cette  matière, 
réduite  en  poudre  , éprouvent  la  fusion  com- 
plète ; le  vrai  terme  est  depuis  vingt-huit  jus- 
qu’à trente  : elle  est  par  conséquent  plus -fusible 
que  lé  blanc  de  baleine, 

La  matière  blanche  des  calculs  biliaires  ne  se 
fond  que  bien  au-dessus  du  degré  de  l’eau  bouil- 
lante. M.  Fourcroy  n’en  a point  encore  dé- 
terminé précisément  le  degré  de  fusibilité  5 mais 
il  suffit , dit-il , pour  la  comparaison  avec  les 
deux  autres  substances  , de  savoir  qu’elle  n’est 
pas  même  ramollie  à la  chaleur  de  quatre-vingt- 
dix  degrés. 

P FI  Y S I Q U E ANIMALE. 

T rentier  rapport  des  expériences  faites , d’après 
M.  l’abbé  Spalanzani  , sur  la  génération 
des  grenouilles  , par  MM.  Berlinghieri,  Sil- 
vestre  , Robilliard  et  Brongniart  , lu  à la  So- 
ciété philomatique , dans  sa  séance  du  q 
janvier  iqÿz. 

La  société  nous  a chargé,  MM.  Berlinghieri  , 
Silvestre  , Robilliard  et  moi , de  répéter  les  expé- 
riences de  M.  l’abbé  Spalanzani.  Nous  venons 
lui  rendre  compte  de  nos  travaux  pendant  1791. 
Les  faits  que  nous  avons  vérifiés  et  les  résultats 
que  nous  avons  obtenus  feront  l’objet  de  ce 
rapport,  qui  paroîtra  sans  doute  plus  intéres- 
sant par  le  degré  de  certitude  qu’il  donnera 
aux  assertions  de  M.  l’abbé  Spalanzani , dont 
plusieurs  naturalistes  sembloient  encore  douter, 
que  par  la  quantité  de  faits  nouveaux  qu'il 
pourra  lui  offrir  , la  vérification  des  expériences 
de  ce  physicien  ayant  été  l’objet  principal  de 
la  mission  qu’elle  a donnée  à ses  commissaires. 


*38  La  Médecin* 

Nous  n’ayons  fait  nos  expériences  que  sur  une 
seule  espèce  de  grenouille  , le  rana  esculenta  de 
Linnéus  , la  grenouille  commune  de  la  Cépède  'r 
ce  n’étoit  point  la  même  espèce  que  celle  de 
Spalanzani  , mais  cet  auteur  ne  l’ayant  point 
déterminée  d’une  manière  systématique  , nous 
n’avons  pu  savoir  de  quelle  espèce  il  a parlé. 
Avant  de  commencer  le  détail  de  nos  expé- 
riences , nous  devons  rappeler  ici  la  principale 
cle  M.  Spalanzani  , le  but  dans  lequel  il  les 
a faites  , et  les  conclusions  qu’il  en  a tirées. 

M.  Spalanzani  a voulu  prouver  plusieurs 
points  de  théorie. 

i°.  Que  les  œufs  des  grenouilles  n’étoient 
point  fécondés  par  le  mâle  dans  l’intérieur  du 
corps  de  ranimai  , ni  de  la  même  manière  que 
dans  la  plupart  des  autres  animaux  ni  par  cette 
carnosité  rugueuse  du  pouce  du  mâle,  appliquée 
sur  la  poitrine  de  la  femelle  pendant  l’accou- 
plement , ainsi  que  l’ont  prétendu  quelques 
auteurs. 

2°.  Que  les  fœtus  préexistoient  à la  fécon- 
dation , et  que  les  prétendus  œufs  de  la  gre- 
nouille n’étoient  que  de  véritables  fœtus  non 
encore  animés  par  la  semence  du  mâle. 

3°.  Que  l’accouplement  n’étoit  point  néces- 
saire à la  fécondation,  et  que  l’on  pouvoit  imi- 
ter cette  opération  de  la  nature  en  touchant 
les  œufs  avec  la  liqueur  séminale  du  mâle. 

Pour  prouver  ces  trois  opinions , M.  Spalan- 
zani a fait  une  grande  quantité  d’expériences. 
Premièrement  il  a examiné  avec  soin  les  gre- 
nouilles pendant  leur  accouplement , et  n’a 
reconnu  aucun  contact  immédiat  entre  les  or- 
ganes mâles  et  femelles  ; au  contraire  il  a vu 
que  les  œufs  étoient  arrosés  par  la  liqueur  sémi- 
nale du  mâle  à mesure  qu’ils  sortoient  de  l’u- 


éclairée,  etc.  189 

ter  ns  de  la  femelle.  Il  a vu  que  la  femelle , sé- 
parée du  mal  dans  ce  moment , ne  pondoit  plus 
que  des  œufs  stériles.  Il  a mis  des  caleçons  aux 
mâles  et  s’est  opposé  ainsi  à la  fécondation, 
des  œufs.  Secondement,  ayant  examiné  avec 
soin  les  œufs  fécondés  des  grenouilles  , il  a vu 
que  c’étoit  ce  point  noir  qui  se  développoit  en 
fo  rme  de  têtard  , et  non  le  têtard  qui  sortoit 
du  point  noir  : il  en  a conclu  que  le  point  noir 
étoit  l’embryon  du  têtard  mis  en  mouvement 
par  la  liqueur  séminale  du  mâle. 

Troisièmement  enfin,  il  a arrosé  des  œufs 
de  grenouilles  avec  des  doses  de  liqueur  sé- 
minale plus  ou  moins  fortes  et  a constamment 
obtenu  des  têtards. 

M.  Spalanzani  a conclu  de  ces  trois  corps 
d’expériences  , i°.  que  les  œufs  de  grenouilles 
étoient  fécondes  en  dehors  du  corps  de  l’a- 
nimal ; 2°.  que  ces  œufs  n’étoient  que  de  véri- 
tables embryons  de  grenouilles  privés  de  vie  ; 
3°.  que  les  prétendus  œufs  pouvoient  être  fé- 
condés artificiellement. 

Nous  allons  rapporter  les  expériences  que 

nous  avons  faites  sur  ces  mêmes  objets  : passant 

rapidement  sur  celles  qui  nous  donnent  les 

mêmes  résultats  , nous  ne  nous  arrêterons  que 

sur  celles  dont  nous  ne  croirons  pas  pouvoir 

tirer  les  mêmes  conclusions  que  M.  l’abbé 

Spal/nzani. 

> 

S*  I.  Expériences  sur  V accouplement  et  la  ponte 
des  grenouilles. 

Dans  l’accouplement  des  grenouilles  , ainsi 
que  1 ont  dit  Rœsel  et  plusieurs  autres  auteurs  , 
le  male  passeses  pattes  antérieures  sous  les  aiselles 
de  la  femelle  et  vient  les  rejoindre  sur  sa  poitrine, 
en  y appliquant  la  carnosité  rugueuse  de  ses 


*4°  La  Médecine 

pouces  ; il  y est  si  solidement  fixé  qu’il  faut 
beaucoup  de  peine  pour  lui  faire  lâcher  prise  , 
et  cette  action  est  tellement  inhérente  aux 
muscles  des  bras  clans  ce  moment , que  les  bras 
du  male  , séparés  de  sa  femelle  et  n’embrassant 
plus  rien , restent  dans  la  même  situation  pen- 
dant quelques  instans. 

La  durée  de  l’accouplement  est  très-variable  , 
quelquefois  elle  n’est  cpie  de  vingt-quatre  heures. 
Nous  avons  eu  des  grenouilles  accouplées  pen- 
dant plus  de  vingt  jours  j elles  ne  prennent 
alors  aucune  nourriture. 

Cetanimal,  pendant  tout  le  temps  qu’il  est  ainsi 
fixé  sur  le  dos  de  sa  femelle  , ne  fait  rien  pour 
la  fécondation  ; il  paroît  attendre  dans  cette 
situation  le  moment  de  la  ponte  afin  d’arroser, 
avec  sa  liqueur  séminale  , les  œufs  à mesure 
qu’ils  sortent  : tout  ce  qu’il  peut  faire  c’est  de 
hâter  et  d’aider  la  ponte  par  la  pression  qu’il 
exerce  sur  le  ventre  de  sa  femelle. 

A l’instant  où  les  œufs  s’échappent  de  l’uté- 
rus, dit  Rœsel , on  voit  une  vapfeur  blanchâtre 
qui , partant  de  l’anus  du  mâle  , enveloppe  les 
œufs  qui  sont  alors  fécondés. 

L’abbé  Spalanzani  dit  avoir  vu  pareillement 
une  pointe  peu  longue  qui  sortoit  proche  l’anus 
du  mâle , et  versoit  une  petite  liqueur  limpide 
sur  les  œufs  d’une  grenouille  mise  à sec. 

Ces  observations  très-intéressantes  son:  de 
fortes  preuves  de  la  fécondation  extérieure. 
Nous  eussions  bien  voulu  le  vérifier  , mais  nous 
ne  pûmes  y parvenir  ; la  ponte  du  ranci  escu  - 
Tenta  est  si  prompte  que  nous  ne  pouvions  être 
a temps  pour  la  saisir.  Nous  passâmes  quatre 
nuits  et  quatre  jours  de  suite  à examiner  avec 
attention  une  douzaine  de  grenouilles  accou- 
plées  sans  pouvoir  rien  appercevoir  de  satis- 
faisant. 


S C I A I R B E , etc.  I4t 

Durant  la  première  et  la  seconde  nuit,  au- 
cune grenouille  ne  pondit  ; le  matin  nous  étions 
sept  observateurs  à l’entour  de  ces  grenouilles, 
une  d’entr’elle  pondit  dans  un  instant  si  court 
que  personne  ne  l’apperçut. 

La  quatrième  nuit  s’annonça  d’une  manière 
plus  heureuse.  Vers  sept  heures  du  soir  quel- 
ques œufs  , que  nous  apperçûmes  dans  le  bocal 
où  étoit  une  grenouille  accouplée,  nous  laisoient 
penser  que  la  ponte  totale  n’étoit  pas  éloignée. 
Nous  l’examinâmes  avec  soin:  la  lumière  que 
nous  étions  obligé  d’employer  , inquiéta  proba- 
blement cet  animal  , car  il  fut  très -long-temps 
avant  de  pondre  le  reste  de  ses  œufs  ; enfin 
ce  moment  arriva  , mais  dans  cet  instant 
le  mâle  et  la  femelle  s’agitèrent  dans  l’eau  si 
fortement  qu’il  nous  fut  impossible  de  rien 
distinguer. 

Une  autre  grenouille,  que  nous  saisîmes  peu 
après  dans  le  milieu  de  sa  ponte,  s’arrêta  dès 
que  nous  voulûmes  l’observer  avec  de  la  lu- 
mière 5 mise  à sec , elle  se  clésacoupla. 

Tous  ces  faits  nous  confirmèrent  dans  l’o- 
pinion que  l’espèce  que  nous  examinions  n’é- 
toit point  celle  de  M.  l’abbé  Spalanzani  , 
car  Fauteur  italien  assure  qu’il  est  très -facile 
de  voir  le  mâle  arroser  les  œufs  qui  sortent 
pendant  une  ponte  c^ui  dure  environ  une  heure. 

Nous  nous  consolâmes  un  peu  de  la  non  réus- 
site de  nos  observations  en  lisant  dans  Rœsel 
qu’il  avoit  passé  bien  des  nuits , pendant  plu- 
sieurs années,  avant  d’être  parvenu  à voir  clai- 
rement la  ponte  du  rana  esculenta  accouplée. 

Ne  pouvant  prouver  d’une  manière  directe 
la  fécondation  externe  des  œufs  de  grenouilles, 
nous  employâmes  des  moyens  indirects. 

Au  bout  de  plusieurs  jours  d’accouplement 
nous  retirâmes  un  mâle  d’avec  sa  femelle,  et 


*42  La  Médecins 

laissâmes  pondre  celle-ci  clans  un  vase  séparé. 
Les  œufs  furent  constamment  stériles. 

. Nous  mîmes  des  caleçons  de  taffetas  à des 
mâles  de  grenouilles  accouplés,  leurs  femelles 
pondirent  et  lesœufs  furentconstamment stériles. 

Ces  expériences  nous  prouvoient  suffisam- 
ment que  non  - seulement  les  œufs  n’étoient 
point  fécondés  par  les  pouces  rugueux  du 
mâle , mais  encore  qu’ils  l’étoient  en  dehors 
du  corps  de  l’animal. 

Cette  opinion  de  la  fécondation  par  les  pouces 
du  mâle  , a été  celle  de  plusieurs  naturalistes. 
Elle  étoit  pareillement  adoptée  par  un  natu- 
raliste très -connu,  correspondant  de  la  so- 
ciété $ il  l’abandonna  facilement  en  assistant 
à nos  expériences. 

§.  II.  Des  fécondations  artificielles . 

Nous  avons  répété  presque  toutes  les  expé- 
riences que  M.  l’abbé  Spalanzani  à faites  sur 
les  grenouilles  ; mais  comme  elles  tendent  à un 
meme  but,  nous  nous  bornerons  ici  à rappeler 
les  principales. 

Ayant  séparé  deux  grenouilles  accouplées 
depuis  plusieurs  jours  , nous  retirâmes  de  l’uté- 
rus de  la  femelle  les  deux  masses  d’œufs  qui  y 
étoient  contenus  , et  les  divisâmes  en  trois  por- 
tions. 

Nous  ouvrîmes  ensuite  le  mâle  , et  piquant 
dans  un  verre  de  montre  une  des  vésicules  sé- 
minales , nous  étendîmes  cette  liqueur  avec 
un  petit  pinceau  sur  la  surface  de  la  première 
portion  d’œufs. 

Nous  broyâmes  un  testicule  dans  une  petite 
capsule  de  verre,  et  nous  humectâmes  avec  cette 
liqueur  la  seconde  portion.  Enfin  la  troisième 
portion  d’œuf  fut  mise  à part  à une  même  tem- 
pérature, et  dans  une  eau  tirée  du  même  vase. 


li  C L I I R £ £,  etc.  143 

Au  bout  de  trois  jours  les  deux  portions  d’œufs, 
humectées  de  la  liqueur  du  vésicule  et  des  testi- 
cules , commençoient  à éprouver  les  altérations 
qui  se  manifestent  dans  le  développement  du 
têtard , la  portion  non  fécondée  n’éprouvoit 
aucun  changement.  Cinq  jours  après  les  têtards 
fécondés  artificiellement  nageoient  dans  l’eau 
des  vases  , tandis  que  les  autres  étoient  tombés 
en  putréfaction.  Cette  même  expérience  répé- 
tée plusieurs  fois  réussit  également. 

Nous  variâmes  les  fécondations  artificielles 
de  la  manière  suivante. 

Ayant  extrait  de  l’utérus  d’une  femelle  les 
deux  masses  d’œufs  qui  y étoient  contenues,  nous 
les  divisâmes  en  plusieurs  portions.  Nous  mî- 
mes soigneusement  à part  la  première,  à laquelle 
nous  ne  touchâmes  point.  Nous  pesâmes  ensuite 
deux  grains  de  semence  tirée  des  vésicules  , et 
mêlâmes  cette  petite  dose  avec  une  demi  livre 
d’eau  ; prenant  avec  une  épingle  des  goutelettes 
de  cette  eau,  nous  en  touchâmes  plusieurs  œufs  : 
au  bout  de  quelques  jours  la  plupart  de  ces 
œufs  donnèrent  des  têtards. 

Nous  mêlâmes  de  la  semence  avec  partie 
égale  d’urine  , et  obtînmes  de  ce  mélange  un 
égal  succès. 

L’abbé  Spalanzani  n’ayant  point  dit  si  un. 
accouplement  antérieur  étoit  nécessaire  aux 
fécondatious  artificielles,  nous  voulûmes  le  sa- 
voir. Les  œufs  d’une  femelle  accouplée  ayant 
été  fécondés  avec  la  semence  d’un  mâle  non 
accouplé  , nous  tirâmes  de  l’utérus  d’une  autre 
femelle  , non  accouplée , les  œufs  qui  y étoient 
contenus,  et  prenant  les  testicules  d’un  mâle  pa- 
reillement non  accouplé,  nous  fécondâmes  ces 
œufs  avec  la  liqueur  broyée  dans  l’eau.  Huit  jours 
après,  des  têtards  très-nombreux  avoient  pris 
tout  leur  développement , nouvelle  preuve  de 


1 4 ^ La  M b d e c i n jç 

l’inutilité  de  l’accouplement  pour  la  fécondation. 

Nous  devons  remarquer  ici  que  les  féconda- 
tions artificielles  réussissant  très-bien  avec  la 
liqueur  de  la  vésicule  , sont  une  objection  assez 
forte  au  système  de  M.  Chaptal  qui,  clans  un 
mémoire  inséré  dans  le  Journal  de  Physique  , 
prétend  que  ces  organes  ne  servent  point  à con- 
server la  véritable  semence  , et  que  la  liqueur 
qu’ils  renferment  n’est  point  prolifique. 

Nous  avons  souvent  examiné  au  microsco- 
pes les  differentes  liqueurs  séminales  de  gre- 
nouilles , de  salamandres,  de  carpes  et  de  chiens. 
Nous  y avons  presque  toujours  vu  unanimement 
des  animaux  microscopiques  parfaitement  sem- 
blables à ceux  qui  ont  été  décrits  par  Spalan- 
zani  , mais  les  fécondations  artificielles  que 
nous  avons  tentées  sur  ces  dernières  espèces  d’a- 
nimaux , les  salamandres  , les  carpes  et  les 
chiens,  on  tété  jusqu’à  présent  infructueuses  : les 
travaux  que  nous  nous  proposons  de  suivre  cette 
année  , nous  permettront  sans  doute  de  fixer 
notre  opinion  à cet  égard. 

S.  III.  Du  développement  des  têtards. 

Les  œufs  pondus  par  les  grenouilles  accou- 
plées sont , dans  les  premiers  momens  de  la 
ponte  , absolument  les  mêmes  que  ceux  pondus 
par  les  grenouilles  non  accouplées.  La  descrip- 
tion de  ces  œufs,  faite  par  M.  l’abbé  Spalan- 
zani , diffère  un  peu  de  nos  observations  ; nous 
croyons  devoir  les  rapporter  avec  quelques  détails. 

Immédiatement  après  leur  sortie  de  l’utérus  , 
les  œufs  présentent  une  masse  de  la  grosseur  à- 
peu-près  du  ventre  de  la  grenouille , formée 
de  points  noirs  qui  sont  environnés  chacun 
d'une  matière  transparente  , peu  épaisse  alors , 
mais  très- gluante  : au  bout  de  quelques  momens 


éclairée,  etc'.  14S 

de  leur  séjour  dans  l’eau  ces  œufs  augmentent 
sensiblement  de  volume  et  finissent  par  eil 
acquérir  un  trois  ou  quatre  fois  plus  grandi'.  Ils 
ressemblent  alors  à autant  de  sphères  trans^a!*- 
rentes  de  la  grosseur  d’un  pois , qui  seroient  toutes 
réunies  , et  qui  auraient  à leur  ceütre  un  point 
noir.  A mesure  qu’elles  prennent  ce  Voluftie  , 
ces  sphères  laissent  appercevoir  les  différentes 
liqueurs  dont  elles  sont  composées  : le  centre  , 
ainsi  que  nous  venons  de  le  dire  , est  un  point 
noir  gros  comme  un  grain  de  millet , présentant 
un  segment  blanc  qui  , dans  tous  les  œufs  d’uiie 
même  masse  , est  tourné  presque  toujours  cîu 
même  sens.  Ce  point  noir  est  environné  d’uii 
petit  cercle  très-transpUrenü  et  assez  mince  pour 
qu’il  soit  souvent  difficile 7 de  Tappéree^oif  à 
l’œil  nu  5 c’est  ce  petit  cerclé  que;  M.  S pal  an - 
zani  appelle  l’auminos. -Ahtouf.de  ce  cerclé  é£t 
une  auréole  plus  ou  moiifs  laiteuse  , qui  ne  s’ap- 
perçoit  que  dans  les  oeufs  ttês-recens  , et  pondus 
dans  de  Teau  claire  : cette  auréole  , dans  les  pre- 
miers instans  , est  très -distincte  de  la  dernière 
portion  transparente  de  la  glu  ; mais  à.mèsuté 
que  l'œuf  augmente  de  volume,  il  se  perd  in- 
sensiblement dans  la  couche  superficielle,  en 
diminuant  d’intensité. 

M.  Spalanzani  reeorinèît  dans  chaque  sphèrè 
trois  membranes  5 la  première  , et  la  plus  super- 
ficielle , envelope  la  sphère  5 la  seconde  est  entré 
l’amiiios  et  cette  membrane  superficielle  j là 
troisième  est  celle  qui  enveloppe  les  eaux  d& 
i’anâ’ffios.  1 ’ ' J 

Nous  sommes  portés  à croire  qu’il  n’ÿ  a réel- 
lement point  de  membrane  entre  l’aminos  et  la 
membrane  superficielle.  Le  caractère  d’une  mem- 
brane en  effet  est  de  donner  quelque  preuve  dé 
son  existence  , soit  en  opposant  une  certaine 
résistance  au  déchirement,  soit  en  donnant  des 
tome  III . N°.  Y.  K 


1 46  il  a Médecine 

caractères  d’une  densité  plus  grande  que  ce 
qu’elle  renferme  ; or  , cette  prétendue  membrane 
moyenne  ne  présente  aucun  de  ces  caractères. 
Nous  pensons  , d’après  cela,  que  les  différences 
que  l’on  remarque  entre  les  couches  de  glu 
appliquées  sur  l’amnios  , sont  dues  aux  diffé- 
rences de  densité  de  cette  glu  : la  manière  .dont 
l’auréole  laiteuse  se  perd  par  des  nuances  insen- 
sibles dans  la  sphère  transparente  , confirme 
cette  opinion. 

Au  bout  de  trois  ou  quatre  jours  , selon  la  tem- 
pérature , les  points  noirs  changent  de  forme  ; 
ilss’alongent,  une  des  extrémités  devient  pointue 
et  mince  , l’autre  obtuse  et  grosse  , avec  deux 
espèces  de  tubercules  : cette  figure  est  un  peu 
courbée  5 l’amnios,  toujours  rond  et  transparent, 
est  alors  très-visible*  En  observant  au  microscope 
la  liqueur  limpide  qui  , contenue  dans  cette 
membrane , environne  le  têtard  , nous  y re- 
connûmes distinctement  plusieurs  animacules 
ovoïdes  qui  y couroient  avec  rapidité.  Le  point 
noir  augmente  toujours  ainsi  en  changeant  de 
forme,  jusqu’au  moment  où,  alongé  et  pourvu 
de  petites  nageoires. , il  est  assez  fort  pour 
sortir  de  la  glu  qui  l’enveloppe  ; alors  il  com- 
mence à nager  dans  l’eau.  Tous  les  têtards  ainsi 
éclos  se  rassemblent  en  masses  , qui  ont  la  forme 
d’une  étoile  $ iis  réunissent  toutes  leurs  têtes 
dans  un  seul  point , et  toutes  les  queues  , assez 
longues  de  ces  petits  animaux  , forment  comme 
autant  de  rayons  divergens  : ce  développement 
est  absolument  le  même  dans  les  œufs  fécondés 
naturellement  ou  artificiellement. 

D’après  ce  que  nous  venons  de  rapporter 
sur  le  développement  du  têtard  , on  voit  très- 
bien  , comme  le  dit  M.  Spalanzani , que  le 
pêtarcl  n’est  point  sorti  du  point  noir  , que 
c’est  au  contraire  le  point  noir  qui  est  devenu 


ÉCLAIRÉE,  etC.  3 47 

têtard  , sans  laisser  aucune  enveloppe.  De  là 
M.  Spalanzani  conclut  que  le  point  noir  n’est 
autre  chose  que  le  têtard  lui-même  , qui  n’attend 
pour  se  développer  qu’un  irritant  qui  puisse 
imprimerie  mouvement  à son  cœur  : cet  irritant , 
suivant  lui , est  la  liqueur  séminale  du  mâle. 

Cette  théorie  , spécieuse  au  premier  coup- 
d’œil , renverse  celle  de  la  réunion  des  deux 
semences  pour  établir  le  système  des  germes 
préexistans  àla  fécondation  ; mais  M.  la  Cépède  , 
dans  son  histoire  de  la  grenouille  commune  , 
a répondu  d’une  manière  très-satisfaisante  à M. 
Spalanzani , et  les  expériences  que  nous  avons 
faites  viennent  à l’appui  de  son  assertion. 

M.  la  Cépède  regarde  le  têtard  non  pas  comme 
un  animal  sorti  d’un  œuf,  et  devant  ensuite 
se  transforner  en  grenouille  , mais  comme  urz 
œuf  dont  les  membranes  minces  permettent  à 
l’animal  qu’il  contient  d’agir  et  de  se  mouvoir, 
comme  un  œuf  enfin  diff  érent  encore  des  autres 
œufs  en  ce  que  l’animal  11e  l’abandonne  pas 
tout  d’un  coup  , mais  petit  à petit , de  la  même 
manière  que  les  grenouilles  changent  de  peau. 

Nous  avons  suivi  avec  attention  la  transforma- 
tion des  têtards  en  grenouilles  , et  nous  avons 
remarqué,  i°.  que  les  pattes  déjà  développées 
dans  l’intérieur  de  cette  membrane  n’en  sor- 
toient  que  lorsqu'elles  avoient  pris  un  certain 
accroissement,  et  qu’elles  on  sortoient  en  per- 
çant' cette  première  peau. 

20.  Que  la  queue  ne  tomboit  point  tout 
d’un  coup  , mais  qu’elle  se  détruisoit  et  tomboit 
en  sphacèle  à mesure  que  les  pattes  postérieures 
prenoient  de  l’accroissement  (1). 

5°;  Nous  avons  pris  plusieurs  têtards  assez 
avancés  en  âge  , ensorte  que  l’on  appercevoit 


1)  Roesel  avoit  déjà  fait  à peu  près  cette  observation. 

K 2 


*48  La  Médecine 

au  travers  des  téguinens  les  rudimens  des  pattes  : 
nous  les  avons  dépouillés  avec  soin  de  leur  pre- 
mière enveloppe  , et  nous  avons  enlevé  assez  faci* 
lement , dans  plusieurs  endroits  , une  pellicule 
mince  qui  recouvroit  les  pattes  , et  qui  pas- 
sant par  - dessus  les  yeux  , dont  on  pouvoit 
facilement  la  détacher  , alloit  s’enfoncer  dans 
la  bouche  et  dans  les  autres  cavités.  Le  têtard  , 
ainsi  dépouillé  , ressembloit  parfaitement  à une 
petite  grenouille  recouverte  de  sa  peau  ; les 
quatre  pattes  s’y  trouvoient , et  la  tête  étoit  celle 
d’une  grenouille  et  non  celle  d’un  têtard. 

On  pourroit  donc  regarder  , avec  M.  la 
Cépèdc  , le  têtard  comme  un  véritable  œuf  qui  , 
ne  contenant  point  la  substance  utile  au  jeune 
individu,  est  percé  des  ouvertures  nécessaires 
pour  qu’il  la  prenne  au  dehors.  La  coquille  de 
cet  œuf  est  la  peau  du  têtard  ; elle  ne  tombe 
point  tout  d’un  coup  comme  une  coquille  d’œuf 
d’oiseau,  mais  petit  à petit  et  couche  par  couche, 
comme  le  fait  la  queue  de  cet  animal , organe 
musculeux  cependant , et  beaucoup  plus  fort 
qu’une  légère  membrane. 

Il  est  d’autant  plus  étonnant  que  l’ingénieux 
abbé  Spalanzani  n’ait  pas  remarqué  ce  phéno- 
mène , qu’il  frappe  tous  ceux  qui  observent  le 
développement  des  têtards  , et  que  M.  Berling- 
hieri  , l’un  des  commissaires,  nous  avoit  ex- 
posé cette  même  théorie  avant  de  connoître 
l’opinion  de  M.  la  Cépède. 

Constitution  du  trimestre  d’ automne  de  Vannée 
1792,  lue  à la  Société  royale  de  JMédecine  le 
27  février  1792 , avec  le  détail  des  maladies 
qui  ont  régné  pendant  cette  saison  ; par  M. 
Geoffroy. 

A la  suite  d’un  etc  dont  la  température  en  gé-r 


ÉCLAIRÉE,  etC.  l49 

lierai  avolt  été  fort  sèche  , et  sur-  tout  vers  la  fin  , 
est  survenu  un  automne  plus  humide  et  assez 
doux.  La  première  huitaine  du  mois  d’octobre 
a ressemblé  à la  fin  de  septembre  , le  temps  a été 
beau  et  tempéré  jusqu’au  7 , que  le  vent  ayant 
quitté  le  nord-est  pour  tourner  d’abord  au  sud, 
puis  au  sud-ouest,  a amené  une  pluie  douce 
qui  a duré  vingt  - quatre  heures,  et  qui  a éré 
suivie  de  pluies  légères  par  intervalles , et  d’un 
temps  entre-mêlé  de  jours  plus  froids  et  d’autres 
plus  doux,  ainsi  que  de  quelques  beaux  jours,  ce 
qui  a continué  jusqu’au  19,  moment  où  nous 
avons  eu  un  orage  assez  fort,  qui  nous  a pro- 
curé des  jours  froids  et  même  quelques  jours  de 
gelées.  Le  2.6  il  est  tombé  une  pluie  fort  froide  , 
le  vent  soufflant  du  sud-est , uyais  le  reste  de  ce 
mois  a été  assez  beau  par  une  gelée  assez  vive 
pour  la  saison. 

Le  mois  de  novembre  a été  encore  plus  in- 
constant que  le  précédent.  Pendant  les  quatre 
premiers  jours  , le  ciel  a été  couvert , le  froid 
étoit  noir,  mais  les  jours  suivans  le  temps  s’est 
remis  au  beau  , et  la  gelée  a été  assez  forte  pour 
que  le  thermomètre  descendît  à cinq  dégrés  au- 
dessous  du  terme  de  la  glace,  le  vent  soufflant 
du  nord-est.  Le  12  , le  temps  a changé  de  nou- 
veau ; il  est  tombé  une  petite  pluie  qui  a ramené 
une  température  douce  jusqu’aux  22  et  23  , que 
la  gelée  a repris,  et  a été  accompagnée  d’un 
brouillard  très-fort  et  pesant , ce  qui  a été  suivi 
d’un  temps  plus  doux , de  quelques  pluies  lé- 
gères, et  ensuite  d’un  vent  violent  le  28. 

Le  mauvais  temps  , les  pluies  froides  et  sou- 
vent continues  , ainsi  que  les  vents  forts  , n’ont 
pas  discontinué  les  dix  premiers  jours  de  décem- 
bre alors  la  neige  et  la  gelée  sont  survenues  ; 
elles  ont  été  suivies,  tantôt  de  pluies  froides  et 
presque  continuelles,  tantôt  de  neige  jusqu’au 

K 3 


ï5o  la  Médecine 

29  , que  le  temps  est  devenu  beau  et  légèrement 
froid,  ce  qui  a duré  les  trois  derniers  jours  de 
l’année. 

Octobre. 

Le  temps  inconstant,  qui  au  commencement 
de  l’automne  a succédé  assez  promptement  à un 
été  sec  et  chaud  , principalement  sur  la  fin  , a 
contribué  beaucoup  à augmenter  le  nombre  des 
maladies  dans  les  premiers  jours  d’octobre.  Les 
petites  véroles,  qui  avoient  commencé  à régner 
dès  le  mois  d’août,  sont  devenues  plus  nom- 
breuses et  épidémiques  : cependant,  en  général, 
elles  ontété  discrètes  et  peu  meurtrières,  et  parmi 
une  quantité  assez  considérable  que  j’ai  eu  occa- 
sion de  traiter  pendant  ce  mois,  non- seulement 
chez  les  enfans  et  les  jeunes  gens,  mais  même 
parmi  les  adultes  et  des  personnes  d’un  certain 
âge  , je  n’ai  vu  périr  qu’une  seule  femme  d’une 
cinquantaine  d’années,  qu’une  goutte  remon- 
tée , maladie  à laquelle  elle  ëtoit  sujette  , a em- 
portée presque  subitement  le  troisième  jour  de 
l’éruption. 

L’humidité  froide  a réveillé  les  affections  ca- 
tharrales  , que  la  chaleur  précédente  avoit  dis- 
sipées. Outre  les  attaques  cle  goutte  , et  de  rhu- 
matismes goutteux  , la  poitrine  a été  souvent  le 
siège  sur  lequel  s’est  fixée  l'humeur  du  catliarre  , 
ce  qui  a donné  naissance  à des  toux  opiniâtres  , 
et  même  à des  péripneumonies  et  des  pleu- 
résies assez  graves.  Cependant  la  plupart  de  ces 
maladies  , après  une  couple  de  saignées  faites 
au  commencement,  et  quelquefois  l’application 
d’un  vésicatoire  sur  le  côté  , se  sont  terminées  le 
7 ou  le  9 par  des  moiteurs  douces  et  soutenues. 
Je  n’ai  vu  qu’un  seul  de  ces  malades  périr* 
c’étoit  un  homme  âgé,  dont  la  maladie  parois- 
soit  prendre  un  cours  heureux  jusqu’au  sixième 


ÉCLAIRÉE,  etc.  l5l 

jour,  et  qui  fut  emporté  le  septième  , en  ciuq  à 
six  heures,  par  une  suffocation  et  suppression 
subite  des  crachats  , malgré  les  vésicatoires  que 
j’avois  fait  appliquer  de  bonne-heure  aux  jambes 
et  qui  suppuroient  abondamment  , et  malgré 
l’usage  soutenu  de  légers  incisifs.  Les  diarrhées 
et  les  dissenteries  , suites  de  la  suppression  de  la 
transpiration  , ont  été  aussi  assez  nombreuses  , 
sans  être  cependant  dangereuses  ; il  en  a été  de 
même  des  fluxions  , des  ophtalmies,  des  érési- 
pèles  au  visage  , dont  plusieurs  personnes  ont 
été  plutôt  incommodées  que  malades,  la  plupart 
de  ces  maladies  , à l’exception  des  érésipèles  , 
n’ayant  point  été  accompagnées  de  fièvre.  Il  y a 
eu  aussi  , dans  la  première  moitié  de  ce  mois  , 
quelques  apoplexies  , dont  une  des  plus  fortes  a 
frappé  de  mort , en  trois  jours  , une  femme  très- 
grasse,  âgée  d’environ  soixante  ans  5 mais  sur  la 
fin  du  mois  , quoique  le  nombre  des  malades  ait 
un  peu  diminué  , les  maladies  que  nous  avous 
eu  à traiter  ont  été  beaucoup  plus  graves.  Les 
fièvres  putrides  ont  été  nombreuses  et  accompa- 
gnées de  délires  et  de  mouvemens  convulsifs  dans 
les  tendons  $ elles  ne  se  sont  terminées  qu’après 
vingt-un  jours  , par  des  évacuations  bilieuses 
critiques  , et  j’en  ai  vu  une  dont  la  crise  s’est 
opérée  par  une  abondante  expectoration  de 
crachats  purulens  qui , pendant  un  mois  qu’elle 
a duré , a mis  la  malade  à deux  doigts  de  la  mort. 
Je  n’ai  vu  dans  le  cours  de  ce  mois  qu’une  seule 
fièvre  véritablement  maligne  , encore  11’ai-je  été 
appellé  que  le  huitième  jour  de  la  maladie. 
C’étoit  un  jeune  homme  de  mérite,  excédé  par 
un  travail  d’esprit  forcé  et  par  les  veilles.  Son 
pouls  , quand  je  le  vis  , étoit  petit,  concentré 
et  médiocrement  fréquent  ; la  chaleur  de  la 
peau  médiocre  et  presque  naturelle  ; ses  urines 
presque  semblables  à celles  que  l’on  rend  en 

K 4 


tSz  La  Mïdjscinï: 

santé  ; mais  il  y avoit  perpétuellement  un  dé- 
lire obscur,  des  soubresauts  dans  les  tendons, 
un  tremblement  dans  les  mains  et  dans  les 
lèvres  , et  des  convulsions  dans  les  muscles  de  la 
face.  Vers  le  quinzième  jour  de  la  maladie  il 
parut  des  taches  gangreneuses,  qui  commen- 
cèrent par  les  plaies  clés  vésicatoires  qu’on  lui 
avoit  appliqués  , et  qui  gagnèrent  les  extrémités 
inférieures  ; enfin  survint  une  évacuation  d’un 
sang  noir  dissous  , et  d’une  odeur  infecte  et 
putride  , qui  termina  cette  affreuse  maladie  et 
fit  périr,  à la  fleur  de  l’âge,  un  citoyen  précieux 
à la  patrie  , sans  que  les  anti-septiques  les  plus 
actifs  , la  décoction  de  tamarin  , et  celle  de 
quinquina  acidulée,  lui  ayent  pu  apporter  aucun 
soulagement.  Les  petites  véroles  étoient  un  peu 
moins  nombreuses  sur  la  fin  du  mois  qu’au 
commencement,  sans  cependant  qu’elles  aient 
cessé  de  tout  l’automne  ; probablement  on  étoit 
redevable  de  cette  rémission  au  froid  et  aux 
gelées  qui  revenoient  par  intervalles. 

Novembre 

Le  nombre  des  malades,  qui  s’est  soutenu  dans 
le  commencement  du  mois  de  novembre,  a com- 
mencé à diminuer  vers  le  milieu,  et  sur  la  fin 
nous  n’avons  eu  que  très  peu  de  maladies  aigues. 
Celles  qui  ont  régné  le  plus  communément  ont 
été  les  fièvres  intermittentes  , tierces  , doubles 
tierces  et  quartes  , qui  , malgré  la  mauvaise 
saison  , n’ont  pas  été  rebelles  , et  ont  cédé  aux  fé- 
brifuges , précédés  des  vomitifs  et  des  purgatifs  ; 
mais  plusieurs  de  ces  malades  ont  été  repris  au 
bout  de  quinze  jours  ou  de  trois  semaines  , les 
un  plutôt , les  autres  plus  tard  , à la  suite  de 
quelque*»  erreurs  dans  le  régime  , ou  pour  s’etie 
exposés  imprudemment  au  froid  et  surtout  à 
l’humidité.  Les  rhumes  et  les  catharres  ont  été 
aussi  fréquens  que  le  mois  précédent,  sans  être 


ÉCLAIRÉE,  etc.  l53 

plus  dangereux  : un  seul  a dégénéré  en  périp- 
neumonie plus  catharrale  qu’inflammatoire  , 
qui  s’est  terminée  heureusement.  Nombre  de 
personnes  ont  été  attaquées  de  fluxions  , de 
maux  de  gorge,  d’érésipeies  et  de  rhumatismes, 
toutes  maJadies  qui  dévoient  leur  origine  à l’hu- 
midité froide,  et  à la  suppression  de  la  transpi- 
ration qui  en  étoit  la  suite.  C’est  à la  même 
cause  que  j’attribue  les  diarrhées  et  les  dissen- 
teries  , qui  ont  été  encore  plus  fréquentes  que 
le  mois  précédent.  J’ai  traité  un  militaire  attaqué 
d’une  de  ces  dernières  , qu’une  imprudence  avoit 
rendu  très-grave.  Cet  homme  , fort  et  vigoureux  , 
dans  la  force  de  l’âge , attaqué  d’une  dissen- 
torie  , étoit  néanmoins  parti  de  Besançon  pour 
venir  à Paris  , et  dans  le  cours  de  son  voyage  il 
avoit  continuellement  rendu  des  glaires  ensan- 
glantés, dans  un  bassin  qu’il  avoit  dans  sa  chaise 
de  poste.  A son  arrivée  la  fièvre  étoit  vive  , le 
visagè  allumé  , et  le  ventre  très- sensible  , tendu 
et  douloureux.  Je  fus  obligé  de  faire  saigner 
trois  fois  très-promptement  : les  fomentations  , 
les  lavemens  émoliiens  , les  boissons  adoucis- 
santes et  mucilagineuses  , furent  mis  en  usage. 
En  peu  de  jours  ce  traitement  fit  cesser  la  fièvre  , 
le  sang  disparut  dans  les  déjections  ; la  bile  , 
qui  étoit  arrêlée  , commença  à couler  , et  le 
malade  s’est  rétabli  assez  promptement  , à la 
suite  de  quelques  minoratifs  , toujours  suivis  le 
soir  de  quelques  légers  caïmans  , suivant  la  pra- 
tique de  Sydenham.  Je  ne  sais  si  ce  n’est  pas  à 
l’humidité  froide  , qui  a régné  dans  ce  temps  , 
qu’on  peut  attribuer  quelques  éruptions  cuta- 
nées , ruais  légères  et  sans  lièvre,  dont  plusieurs 
personnes  se  sont  plaintes. 

Sur  la  fin  de  ce  mois  j’ai  eu  occasion  de  voir 
une  Lèvre  lente  nerveuse  très-caractérisée  , ac- 
compagnée de  morosité  et  de  mélancolie  , suite 
de  la  masturbation  : heureusement  le  jeune 


154  La  Médecine 

homme  n’y  a pas  succombé  , en  suivant  les  con- 
seils que  je  lui  ai  donnés  avec  un  de  mes 
confrères. 

J’ai  remarqué  que  pendant  ce  mois  les  phti- 
siques , dont  je  voyois  un  assez  grand  nombre  , 
ont  plus  souffert , et  plusieurs  ont  terminé  leurs 
jours  , que  l’inconstance  de  la  mauvaise  saison 
a pu  contribuer  à abréger. 

Décembre. 

La  température  du  mois  de  décembre  ayant 
été  la  même  que  celle  du  mois  précédent,  les 
maladies  qui  ont  régné  ont  offert  les  mêmes 
caractères.  Le  froid  humide  dé  la  saison  a en- 
tretenu la  constitution  catharrale  , qui  a donné 
naissance  à des  fluxions  de  différentes  espèces  , 
à des  rhumes  longs  et  opiniâtres  , à des  rhu- 
matismes et  des  diarrhées.  Les  fièvres  tierces, 
et  encore  plus  les  quartes , ont  continué  de 
régner  : j’ai  vu  plusieurs  de  ces  dernières,  déjà 
anciennes,  qui  éloient  accompagnées  d’obstruc- 
tions , auxquelles  ont  succédé  des  enflures  et 
des  bouffissures  très-difficiles  à guérir.  Un  ma- 
lade, venu  de  province  dans  ce  déplorable  état, 
y a succombé  quatre  jours  après  son  arrivée.  Les 

Iietites  véroles  ont  continué  d'être  fréquentes  , 
a plupart  bénignes  et  quelques  - unes  con- 
fluentes : une  de  ces  dernières  a fait  périr  , au 
douzième  jour , un  enfant  de  vingt  mois  dont  les 
boutons  , singulièrement  petits  , étoient  si  nom- 
breux que  sa  peau  ressembloit  à une  espèce  de 
chagrin.  Les  fièvres  bilieuses  putrides  n’ont  pas 
discontinué  : plusieurs  enfans  principalement  en 
ont  été  attaqués  Quoiqu’elles  fussent  accompa- 
gnées de  symptômes  graves,  de  délire,  de  soubre- 
sauts dans  les  tendons  $ elles  se  sont  terminées 
heureusement  vers  le  vingt  unième  jour.  Les 
astbrnatbiques  ont  beaucoup  souffert  pendant  ce 
mois  j quelques-uns  ont  succombé  à des  liydro- 


i c l ’a  i r é i , etc.1  i55 

pisies  de  poitrine  , suites  de  cette  première  ma- 
ladie, et  la  mauvaise  saison  a rendu  les  phtisies 
fort  communes  : en  général  cette  dernière  ma- 
ladie me  paroît  devenue  plus  fréquente  depuis 
quelques  années. 

C’est  probablement  à l’intempérie  de  la  saison 
qu’on  doit  attribuer  les  dépôts  laiteux  et  les 
fièvres  puerpérales  qu’ont  éprouvés  quelques  ac- 
couchées, qui  peut-être  s’étoient  attiré  ces  ma- 
ladies par  quelques  imprudences.  Une  de  ces 
fièvres  , bien  caractérisée  , a été  guérie  par  la 
méthode  de  feu  M.  Doulcet , et  une  autre  jeune 
femme  dont  le  lait , porté  à la  tête  , avoit  ex- 
cité un  transport  des  plus  violens  , a dû  un 
prompt  soulagement  à deux  saignées  du  pied 
très-rapprochées,  à l’application  clés  vésicatoires 
aux  jambes  , et  ensuite  , lorsque  la  fièvre  et  le 
spasme  ont  été  calmés  , à l’usage  répété  des 
laxatifs.  Quant  aux  dépôts  laiteux  , les  uns  sur 
les  bras  , les  autres  sur  la  cuisse , ds  ont  été 
très-difficiles  à guérir  , et  ce  n’est  qu’à  la  longue 
que  les  sudorifiques  , entre-mêiés  d’évacuans, 
ont  eu  du.  succès. 

CHIRURGIE. 

Observation  sur  la  nécrose  ; extrait  d'un  mé- 
moire sur  cette  maladie  , par  M.  Laumonier  , 
chirurgien  en  chef  de  V IIo  tel  Dieu  de  Rouen . 

Livré  depuis  long-temps  à des  recherches  sur 
cette  maladie  , le  hasard  ne  m’avoit  offert  que 
des  nécroses  formées  , compliquées  de  fistules 
et  de  carie  de  quelques  points  de  l’écorce  os- 
seuse qui  renfermoit  le  séquestre  que  la  nature 
s’efforçoit  d’atténuer  pour  l’expulser  ; car  alors 
il  est  non  seulement  livré  à une  destruction 
spontanée  , mais  encore  à l’action  de  la  cha- 
leur  , de  l’humidité  et  même  du  principe  vital  , 
qui  donne  à tous  les  agens  une  activité  très- 


î56  La  Médecine 

considérable  , car  il  est  de  fait  que  la  disso- 
lution est  plus  rapide  et  plus  complète  dans  une 
partie  d’un  tout  vivant  que  dans  un  ensemble 
jnort . 

Je  connoissois  les  superbes  expériences  de 
M.  Troja  , elles  m’ont  appris  que  la  destruction 
de  la  moelle  produisoit  sur  certains  animaux 
une  nécrose  artificielle,  d'où  cet  habile  homme 
a presque  conclu  que  cette  maladie  n’étoit  et 
ne  pouvoit  être  produite  par  une  autre  cause. 

J’ai  été  mieux  servi  à mon  arrivée  dans  l’Ho- 
tel-Dieu  de  Rouen  ; le  hasard  m’a  présenté  une 
nécrose  naissante  que  j’ai  vu  s’accroître,  par- 
venir à son  état  et  guérir. 

Le  nommé  François-Romain  Renard  , de  la 
Chapelle-Breteau- , près  de  Ponteaudmer  , âgé 
de  neuf  ans  , étoit  à l’IIôtel-Dieu  vers  la  un 
de  1784,  pour  y être  traité  d'une  petite  tumeur  , 
située  sur  la  partie  moyenne  antérieure  du 
tibia  droit , qu’il  dit  être  la  suite  d’une  légère 
contusion.  La  chose  étoit  assez  peu  doulou- 
reuse pour  être  négligée  pendant  plus  de  trois 
mois,  et  elle  l’auroit  sans  doute  été  bien  plus 
long  temps  , si  l’augmentation  du  volume  n’a- 
voit  inquiété  les  parens  plus  que  la  douleur 
ne  gênoit  le  malade.  n 

Il  fut  apporté  à l’hôpital  quelques  jours  avant 
mon  installation,  et  il  fut  un  des  premiers  qui 
fixa  particulièrement  mon  attention. 

J’examinai  attentivement  l’état  de  cette  jam- 
be , je  trouvai  le  tibia  gonflé  depuis  sa  tubéro- 
sité antérieure  supérieure  , jusqu’il  la  malléole 
interne  en  ligne  oblique  , qui  laissoit  dans  l’état 
naturel  la  moitié  inférieure  de  la  face  externe 
de  la  jambe. 

Le  gonflement,  quoique  dur  et  fort  épais, 
me  parut  pâteux  et  élastique  dans  certains 
points  ; il  augmenta  le  volume  du  tibia  d’un 
demi-travers  de  doigt  dans  toute  la  circonférence 


iCLAIRBK,  etc.  157 

de  la  partie  postérieure  d’une  manière  plus 
douteuse  , à cause  des  muscles  jumeaux  et  so* 
laires  qui  le  recouvrent  dans  cet  endroit  ; la  peau 
n’étoit  point  altérée  dans  sa  texure  ni  dans  sa 
-couleur,  le  pouls  du  malade  étoit  fébrile,  sa 
langue  pâteuse  et  légèrement  amère  , les 
douleurs  étoient  sourdes,  et  l’accident  le  plus 
marqué  étoit  l’insomnie  la  plus  fatigante. 

Je  fis  appliquer  sur  toute  la  jambe  un  cata-> 
plasme  aromatique  , et  prescrivis  le  régime  con- 
venable. J^e  cinquième  jour  le  malade  fut  purgé 
et  le  sommeil  commença  à être  plus  tranquille; 
la  jambe  resta  dans  le  même  état  jusqu’au  qua- 
trième mois  de  séjour  dans  l’hôpital , pendant 
lequel  temps  le  régime  et  les  moyens  généraux 
furent  méthodiquement  employés. 

Alors  la  jambe  se  fractura  d’elle-même  et 
sans  effort,  malgré  les  faux  fanons  qui  la  soute- 
noient.  La  fracture  étoit  située  vers  le  quart 
supérieur,  et  parut  être  oblique  et  sans  dépla- 
cement : le  gonflement  ne  parut  pas  sensible- 
ment augmenté  en  épaisseur  , mais  un  peu 
en  étendue  , car  alors  il  occupoit  toute  la 
partie  inférieure  externe  , jusqu’à  la  malléole 
exclusivement. 

Toutes  les  ressources  du  toucher  ne  m’avoient 
encore  fait  connoître  aucune  fluctuation  jusqu’à 
ce  moment  ; elle  parut  d’abord  d’une  manière 
équivoque  sur  l'a  face  interne  du  tibia,  très-près 
de  sa  crête  , qui  étoit  alors  effacée  par  une  sur- 
face  d’environ  un  pouce  et  demi , près  de  deux 
pouces. 

Chaque  jour  la  fluctuation  devint  plus  sensible, 
et  la  jambe,  qui  n’étoit fracturée  que  danssapar- 
tie  supérieure  , se  fractura  de  nouveau  vers  les 
malléoles,  c’est-à-dire  qu’il  se  fit  une  désunion 
de  l’épiphise  inférieure  d’avec  le  corps  de  l’os. 

L’indication  générale  étoit  d’ouvrir  le  sac,  qui 
eontenoit  manifestemènt  une  très-grande  quan- 


i5S  La  Médecine 

tité  de  matière  purulente  , qui  devoit  abreuver 
les  surfaces  des  os  fracturés  ; mais  s’il  est  des 
cas  où  il  faut  sortir  du  sentier  ordinaire  , c’est 
particulièrement  celui-ci.  En  pratiquant  une 
ouverture  j’aurois  évacué  du  pus  et  soulagé  mon 
malade  pendant  trois  ou  quatre  jours,  mais 
il  auroit  payé  de  sa  jambe  et  probablement  de 
sa  vie  le  foible  soulagement  que  lui  auroit  pro- 
curé cette  fâcheuse  entreprise. 

J’ai  respecté  le  travail  de  la  nature  , qui  ébau- 
choit  les  premiers  rudimens  d’un  nouvel  os,  sans 
lequel  la  jambe  devenoit  plutôt  à charge  qu’u- 
tile au  malade.  J’ai  suivi  avec  la  plus  scrupu- 
leuse attention  les  progrès  de  cette  ossification  , 
et  je  trouvai  le  premier  noyau  sensible  au  tou- 
cher , situé  sur  la  partie  antérieure  de  la  région 
moyenne  du  tibia.  Il  s’est  prolongé  intérieu- 
rement , en  suivant  une  ligne  oblique  du  haut 
en  bas,  et  de  dehors  en  dedans  supérieurement, 
et  s’est  élevé  assez  perpendiculairement.  Parve- 
nu à la  hauteur  de  l’insertion  du  ligament  de 
la  rotule  , il  s’est  formé  une  espèce  de  pont  qui 
s’est  porté  transversalement  de  dedans  en  de- 
hors, et  qui  s’est  uni  à un  ay':re  point  d’ossifica- 
tion situé  postérieurement.  ' Sept  à huit  jours 
après  , un  nouveau  pont  , partant  du  premier 
noyau  situé  sur  la  partie  moyenne  du  tibia,  s’est 
porté  vers  un  prolongement  osseux  qui  sortoit 
de  dessous  le  corps  du  muscle  jambier  antérieur. 
La  partie  inférieure  de  la  jambe  a été  plus  long- 
temps à présenter  les  signes  d’une  nouvelle  ossi- 
fication; cependant  environ  trois  semaines  après 
la  formation  du  point  moyen,  je  sentis  qu’il 
se  formoit  une  portion  de  bracelet  osseux  au- 
dessus  de  la  malléole  externe  , et  qu’il  se  prolon- 
geoit  jusqu’à  la  partie  externe  de  la  ligne  obli- 
que qui  descendoit  du  noyau  primitif. 

De  ces  trois  noyaux,  osseux  unis  en  avant  par 
une  bande  longitudinale,  a résulté  une  espèce  de 


ÉCLAIRÉE,  etC.  I69 

carcasse  ; les  intervallesse  seroient  probablement 
ossifiés  si  le  tibia  primitif  , devenu  corps  étran- 
ger et  ne  participant  plus  à la  vie  commune,  dont 
il  avoit  été  dépouillé  à l’instant  où  la  matière 
amassée  sous  le  périoste  a décolé  cette  mem- 
brane dans  toute  l’étendue  du  séquestre,  n’avoit 
irrité  les  portions  de  ce  fourreau  , dans  lequel 
le  dépôt  de  matière  crétacée  11’avoit  point  en- 
gourdi le  sentiment  par  la  replétion  de  ses 
mailles  ou  aréoles.  De  cette  irritation  sont  nées 
trois  fistules  qui  se  sont  fait  jour  à travers  la 
peau  : la  matière  qui  en  est  sortie  dans  le  prin- 
cipe étoit  louable  et  assez  onctueuse  -,  bientôt 
après,  elle  est  devenue  semblable  à du  petit- 
lait  mêlé  de  quelques  flocons  caséeux.  La  fièvre 
lente  suppuratoire  s’est  fait  sentir  à mesure  que 
la  matière  a changé  de  consistance.  L’insomnie 
a recommencé  , avec  une  espèce  de  diarrhée  , 
contre  lesquelles  le  quinquina  en  lavage  a été 
d’une  grande  efficacité.  Les  pansemens  ont  été 
faits  avec  la  plus  grande  attention  , pour  em- 
pêcher l'introduction  de  l’air  dans  le  foyer  et 
s’opposer  à la  diathèse  putride  qui  s’en  seroit 
suivie. 

Par  ces  moyens  la  fièvre  suppuratoire  et  le 
déroiement  ont  été  presqu’entierement dissipés, 
la  marche  de  l'ossification  est  devenue  plus 
rapide  , jusqu’au  moment  où  la  nature  a tenté 
elle -même  l’expulsion  du  séquestre  enfermé 
dans  l'étui  osseux  qu’elle  venoit  de  construire. 

Le  trou  flstuleux  supérieur  présenta  une 
portion  d’os  tranchante  , d’une  couleur  assez 
blanche  , que  je  saisis  avec  des  pinces  , pour  en 
tenter  l’extirpation  ; elle  étoit  mobile  , mais 
elle  me  parut  tenir  à une  masse  très-étendue  , 
que  je  pouvois  à la  vérité  faire  monter  et  des- 
cendre , suivant  la  longueur  du  cilindre  nou- 
veau , mais  non  pas  extirper  sans  une  opération 
préliminaire. 


i6cj  La  Médecine 

L’indication  me  parut  déterminante  ; cepen- 
dant , avant  de  procéder  à son  exécution  , je 
cherchai  à m’assurer  si  ie  nouveau  cilindre  étoit 
en  état  de  résister  à la  contraction  des  puis- 
sances motrices  qui  ont  leurs  attaches  sur  dif- 
férons points  de  son  étendue,  et  s’il  y âvoit 
lieu  d’espérer  que  nonobstant  la  perte  que  ce 
nouveau  tibia  alloit  essuyer,  il  pouvoit  soutenir 
le  poids  du  corps  et  servir  de  remplacement  à 
l’os  dont  il  avoit  pris  la  place. 

Telle  étoit  la  situation  de  mon  malade  au  sei- 
zième mois  de  sa  maladie , à compter  de  l’é- 
poque du  coup  reçu  sur  le  tibia. 

L’enveloppe  osseuse  bien  solide,  épaisse  d’un 
grand  demi-pouce  dans  sa  partie  antérieure,  per- 
cée de  trois  trous  fistuleux,  le  séquestre  bien 
flottant  dans  sou  étui,  je  ne  balançai  plus  à débar- 
rasser ce  cadavre  enfermé  dans  un  membre  vi- 
vant , et  j’y  procédai  en  faisant  deux  incisions 
parallèles  , distantes  l’une  de  l’autre  d’un  bon 
demi-pouce  sur  la  partie  antérieure  de  la  jambe , 
et  de  toute  la  longueur  qui  se  trou  voit  entre 
la  listule  supérieure  et  les  malléoles.  - 

J’enlevai  le  lambeau  et  mis  à nu  cette  nou- 
velle production  osseuse  qui  renfermoit  le 
séquestre.  Après  avoir  soulevé  la  peau  dans  son 
pourtour,  je  creusai  avec  une  gouge  et  un  maillet 
une  espèce  de  gouttière  dans  tonte  la  longueur 
du  cilindre.  Mon  ouverture  étant  suffisante  , 
je  tirai  du  fond  de  cette  cavité  une  portion  demi- 
cilinclrique  du  tibia  primitif,  dont  l’autre  moitié 
avoit  déjà  été  détruite  ; mais  ce  qui  me  parut 
plus  digne  d’attention,  c’est  que  je  trouvai  la 
moelle  très-entière,  très-vermeille  et  très  saine, 
ce  qui  , contre  la  théorie  de  M.  Troja  , prouve 
d’une  manière  incontestable  que  les  nécroses 
ne  3ont  point  toujours  produites  par  la  destruc- 
tion de  la  moelle. 


( N°  V I.  ) . m 

1.  >>•«''  ’ 1 ^ A *-  ■ *-  k '*■'  » ^ *• 

BOTANIQUE. 

Décade  des  plantes  nouvelles  , dont  les  graines 
ont  été  apportées  des  côtes  de  Barbarie, 
par  M.  Desfontaines  , et  qui  sont  maintenant 
propagées  dans  nos  jardins.  ( Extrait  d’un 
Mémoire  lu  à la  société  d’Histoire  naturelle 
le  i3  janvier  1792.  ). 

Le  mémoire  , dont  nous  donnons  ici  une  sim- 
ple notice,  contient  la  description  détaillée  des 
plantes  qui  composent  cette  décade.  Nous  nous 
bornerons  à rapporter  ici  simplement  le  carac- 
tère spécifique  de  chacune  de  ces  plantes. 

I.  Salvia  bi.color , sauge  bicolore. 

Salvia  foliis  , ovato-oblongis  , sublobatis  , 
ramis  virgatis  , bracteis  reflexis  , floribùs  nu - 
tantibus  , corollae  lo b o interme dio  saccato. 

Cette  belle  sauge  croît  naturellement,  au  mi- 
lieu des  moissons  , dans  les  environs  de  Mascar 
et  de  Themsem.  Elle  fleurit  en  mai  : on  la  cul- 
tive maintenant  en  Europe  , et  on  peut  l’em- 
ployer à la  décoration  des  parterres. 

II.  iScilla  undulata.  , scille  ondulée, 

Scilla  foliis  glabris  lanceolatis  , iuidulaiis  ~ 
bracteis  minimis  , floribùs  laxe  spicatis. 

Cette  jolie,  scille  croît  dans  toute  l’étendue  de 
la  Barbarie  , sur  les  colines' arides  et  sablon- 
neuses. Elle  fleurit  en  automne  5 ses  feuilles  ne 
paroissent  qu’en  hiver. 

III.  Nitéaria.  tridentcita  , nitraria  à trois  dents. 
Nitraria  ramis  spi.nosis  , foliis  carnosis , 

trûîféatis  , cunceiformibus. 

Cet  arbrisseau  croît  dans  les  terreins  humides 
eE  sélrloneux  , sur  les  bords  “de fia  mér  , aux 

2W1//,N°.YI.  L 


x 


16s  la  Médecins 

environs  de  Souse  , dans  le  royaume  de  Tunis  , 
et  sur  les  bords  du  desert. 

Linnéus  et  tous  les  botanistes  qui  ont  décrit 
le  genre  nitraria  lui  donnent , pour  un  des  ca- 
ractères distinctifs  , une  baie  uniloculaire  , ren- 
fermant une  noix  à trois  loges.  La  noix  du 
nitraria  tridentata  est  certainement  à une  seule 
loge. 

IV.  Scrophularia  nectarifera , scrophulaire 
nectarifère. 

Scrophularia  caule  erecto , tetragono  , foliis 
glabris  pinnatis  , foliolis  3-7  lanceolatis , den- 
tato  serratis  , floribus  sub  verticillatis . 

Cette  plante  croît  dans  presque  toute  l’éten- 
due de  la  Barbarie  ; elle  fleurit  fru  printemps. 

V.  Scorzonera.  coronopifolia  , scorsonnaire  à 
feuille  de  corne  de  cerf. 

Scorzonera  foliis  pinnatifido-laciniatis  , pu - 
bescentibus , caule  unifloj'o. 

Cette  plante  croît  aux  environs  de  Tunis,  dans 
les  terreins  incultes. 

VI.  Hypochacris  Tninima  , liypocliæris  naine. 

Hypocriaeris  foliis  dentatis  , pappis  disci 

stipitatis  plumosis  , radiis  sessilibus  , setis  basi 
araneoso- tomentosis. 

Cette  espèce  est  originaire  des  côtes  de  Bar- 
barie ; elle  croît  dans  les  terreins  sablonneux. 

VII.  Seriola  hieracio'ides  , sériola  fausse 
épervière. 

Seriola  foliis  radicalibus  spatulatis  dentatis 
glabris  caule  nudo , pedunculis  unifions  , pappo 
sessili  simplicissimo . 

Cette  espèce  de  sériole , dont  on  pourroit 
peut-être  faire  un  genre  particulier , croît  dans 
les  fentes  des  rochers  du  mont  Atlas  ; elle  fleurit 
en  mai. 

VIII.  Serra  tu  la  hetcrophilla  , sarrêtc  à fleurs 
variables. 


ÉCLAIRÉE,  etc.  l63 

Serratula  coule  szmplicz  üniftoro  , foliis  pla- 
ins , inferioribus  ovatis  , dentatis , caulinis 
pinnatifidis . 

Cette  espèce  èst  originaire  des  côtes  septen- 
trionales de  l’Afrique.  Elle  croît  sur  les  collines 
incultes. 

IX.  Centaurea  ferox  , centaurée  très  - épi- 
neuse. 

Centaurea  tomeritosa  , caule  decumbente  , 
foliis  lyratis  , calicibus  spinosissimis , spinis 
palniatis  , b a si  sursum  eclnnatis . 

Cette  espèce  a beaucoup  de  rapport  avec  la 
centaurée  sonchifolia  L.  Elle  en  diffère  par  les 
feuilles  incanes  , et  sur-tout  par  la  surface  su- 
périeure de  la  base  des  épines  du  calice,  qui  est 
hérissée  de  pointes. 

X.  Ephedra  altissima  , éphédra  élevée. 

Ephedra  caule  fruticoso  , nodoso , ramis 

scandentibus  , numéro  sis  S i rnis. 

Cette  espèce  d’éphèdra  croît  naturellement 
dans  les  montagnes  de  l’Atlas  ; elle  grimpe  sur 
les  buissons  et  même  sur  les  arbres  touffus  , 
tels  que  les  lentisques  , en  s’y  attachant  au 
moyen  de  ses  rameaux  nombreux  et  flexibles. 
Elle  fleurit  en  hiver. 

ZOOLOGIE. 

Note  sur  un  animal  quadrupède  inconnu , qu’on 

montre  à Londres  , lue  par  M.  Swediaur  f 

à V Académie  , le  premier  février  ijÿi. 

Cet  animal  ressemble  beaucoup  à un  ours  au 
premier  coup  d’œil.  Son  corps  est  couvert  de 
poils  longs  et  épais,  la  tête  grande,  le  front 
très-large  ; c’est  la  seule  partie  du  corps  qui  soit 
couverte  de  poils  courts.  Le  museau  est  long  et 

L a 


3 64  la  Médecine 

finit  par  un  cartilage  mince,  large,  prolongé 
au-dessus  clu  nez  d’un  pouce  et  demi.  Les  lèvres 
sont  minces  et  trèsdongues  ; l’animal  peut  les 
allonger  d’une  manière  remarquable  , lorsqu’il 
voit  et  sent  la  nourriture  qu’on  lui  offre.  Les 
yeux  sont  noirs , petits  , avec  l’aspect  sombre  ; 
les  oreilles  et  la  queue  sont  très-courtes  , les 
jambes  et  les  cuisses  sont  fortes  et  grosses.  Il 
marche  sur  tous  les  pieds  comme  l’ours  ; ses 
doigts  ne  sont  point  divisés.  Il  a cinq  ongles  longs, 
courbes  , blancs  ^ à chaque  pied  , dont  il  fait 
un  usage  très-adroit  pour  diviser  sa  nourriture  et 
pour  la  porter  à sa  bouche  ; il  se  sert  de  toutes 
ensemble  ou  séparément.  Sa  couleur  est  noire  , 
luisante  , excepté  le  inuseau  , qui  est  jaunâtre  : 
il  y a aussi  une  tache  blanche  sous  le  gosier. 

Il  n’a  point  de  dents  incisives  , mais  deux  ca- 
nines très-fortes  et  six  molaires  dans  chaque 
mâchoire. 

Il  est  doux  et  bon  ; mais  quand  on  l’irrite  , 
il  fait  un  bruit  à peu  près  comme  un  ours.  Sa 
nourriture  est  du  pain  , des  fruits  , des  noix  j 
il  aime  le  miel  ; il  mange  de  la  moelle  des  os  , 
de  la  graisse  cuite  ou  crue  , mais  non  les  mus- 
cles ou  la  chair  ; il  refuse  toutes  les  racines  , 
les  légumes  et  la  viande.  Ceux  qui  le  montrent, 
à Londres  , disent  qu’il  vient  du  Bengale  , et 
qu’il  ,se  fait  des  trous  dans  la  terre  où  il  vit  : 
n’est-ce  pas  l’ animal fourmi  d’Hérodote.  Ce  qui 
est  très-caractérisé  dans  cet  animal  , c’est  une 
bosse  sur  le  dos  , couverte  de  poils  de  douze 
pouces  de-  longueur , qui  tombent  des  deux 
cotés  ; peut-être  cette  bosse  lui  sert-elle  à bâtir 
la  voûte  de  sa  demeure. 

JSf.  B.  Cet  animal  estreprésentédans  un  ouvrage 
anglois  destiné  à réducation  ou  à l'instruction 
des  gens  du  inonde  ; mais  la  gravure*  est  inal  faite 


Eclairée,  etc.  . 1 65 

et  ne  présente  aucun  clés  caractères  de  ce  qua- 
drupède. Il  n’a  point  été  décrit  , et  M.  Swediaur 
rie  lui  a point  donné  de  nom  ; il  paroît  qn’il 
doit  faire  un  genre  particulier  de  quadrupède. 

C H I MI  E MÉDICINALE. 

Analysé  et  préparation  du  tartrite  d:  antimoine 
et  de  potasse  , ou  du  tartre  stibié , extraites 
de  la  dissertation  de  Bergman  trop  peu 
connue  des  Médecins . 


Les  remèdes  héroïques  doivent  être  constam- 
ment les  mêrriés'j  pour  ne  compromettre  ni  la 
médecine  ni  les  médecins.  Cela  est  extrême- 
ment vrai  , sur-tout  par  rapport  aux  antimo- 
niaux. On  préfère  les  préparations  salines  de 
l’antimoine  pour  avoir  les  remèdes  cloués  tou- 
jours cle  la  même  force  : rien  n’est  cependant 
plus  différent  que  les  diverses  formules  dé- 
crites dans  les  différons  dispensaires  pour  la 
préparation  du  .tartrite  d’antimoine  ét  de  po- 
tasse- Si  presque  tous  prescrivent  le  tartre  ou 
J a crème  de  tartre  .‘  fes  pharmacopées  , d’Aus- 
bourg  (]  704)  j d’Ütrecht  (1749)  , : de  Wirtem- 
berg  (1750),  d’Edimbourg  (1 766)  , indiquent 
le  safran  des  métaux  : celles  de  Prusse  (1708) 

ve 
et 


niwVtn,  y ; ■ ... 

clç  Paris  (1738), conseille  le  verre  et  le  foie' d’an- 
ii  moine  à parti  es  épa  ! 'es  ; celle  de  Bath  (1688) 
les  fleurs  'd* antimoine . Le  plus  grand  nombre 
des'  pharmacopées  prescrivent  pattiès  égales 
de  ' creme  de  tarire^et  de  matière  antimoniale  ; 
celles  .d’Edimbourg*  et  de  Paris  exigent  le  double 
dfl  tartre.  Ces  ouvrages  diffèrent  encore  par 
la  quhiitité  d’eau  et  par  les  temps  de  l’ébulli- 

L 3 


3 66  tl  x Médecine 

lion  : à Londres,  on  prescrit  une  ébullition  d’une 
demi-heure;  à Paris,  on  en  veut  une  de  douze 
heures;  enfin  , suivant  les  uns,  il  faut  faire  cris- 
talliser la  décoction  , suivant  les  autres  on  doit 
l’évaporer  jusqu’à  siccité. 

Au  lieu  de  toutes  ces  variétés  de  procédés, 
il  seroit  utile  d’en  fixer  un  qui  donnât  toujours 
le  même  tartrite  d’antimoine  , et  pour  cela  il 
faut  faire  un  choix  exact  de  la  base  et  du  dis- 
solvant. On  doit  rechercher  si  les  matières  anti- 
uioniées , qu’on  prend  ordinairement  pour  faire 
cette  préparation,  sont  constamment  les  mêmes 
par  la  manière  dont  on  les  prépare  elles-mêmes. 
Le  foie  d’antimoine  prépare  avec  le  nitre,  varie 
suivant  une  foule  de  circonstances  , telles  que 
la  proportion  et  le  mélange  plus  ou  moins  ré- 
gulier de  ce  sel,  la  chaleur  qu’on  donne,  la 
manière  dont  on  opère  la  detonnation , soit 
en  promettant  les  matières  dans  un  creuset  rou- 
gi , soit  en  les  allumant  dans  un  vaisseau  froid 
avec  un  charbon  embrasé.  Le  foie  d’antimoine 
doit  donc  être  rejette  comme  variable  ; il  en 
est  de  même  , et  par  la  meme  cause  , du  safraq 
des  métaux.  Le  verre  d’antimoine  n’est  pas 
plus  constant  dans  sa  nature  , puisqu’on  prend 
pour  le  faire  un  sulfure  d’antirnoine  plus  ou 
moins  brûlé  , et  contenant  plus  ou  moins  de 
soufre.  Les  meilleurs  auteurs  sont  à cet  égard 
parfaitement  d’accord  avec  Bergman  , et  sur- 
tout Macquer  , Poulletier  de  la  Salle.  L’anti- 
moine , même  quand  il  seroit  facilement  attaqué 
par  le  tartre  , ne  devoit  pas  être  choisi  x puis- 
que l’on  n’est  jamais  sûr  de  sa  parfaite  iden- 
tité dans  toutes  les  boutiques.  La  poudre  d’at- 
garoth  y ou  l’oxide  d’antimoine  , précipité  par 
l’eau  du  muriate  d’antimoine  sublimé  , paroît 
à Bergman  remplir  toutes  les  conditions  qu’on 


£ c l i ni  £ tj  etc.'  167 

désiré  pour  la  préparation  du  tartritc  d’anti- 
moine j elle  est  toujours  la  même  , parce  que 
l’antimoine  combiné  ayec  l’acide  muriatique 
est  toujours  dans  le  même  état  d’oxidation  : à 
la  vérité  elle  Contient  un  peu  d’acide  muria- 
tique , mais  on  l’en  débarrasse  par  une  lessive 
alcaline. 

Le  choix  de  la  matière  antimoniée , ainsi 
fixée  sur  la  poudre  d> algaroth  , Bergman  passe 
à celui  du  dissolvant  ; ce  dernier  est  éclairé  par 
un  plus  grand  nombre  d’expériences  , parce  que 
Bergman  a traité  en  particulier  de  la  nature 
des  antimoniaux  sulfurés  , dans  une  disserta- 
tion dont  on  exposera  les  résultats  les  plus  im- 
portans  dans  un  des  numéros  suivans  , auquel 
nous  renvoyons.  Comme  l’action  du  tartre  , re- 
commandé par  la  plupart  des  dispensaires,  sur 
les  oxides  d’antimoine , n’est  pas  encore  bien 
connue  , et  comme  il  n’est  pas  décidé  si  c’est 
son  acide  surabondant  qui  dissout  ces  oxides  , 
ou  si  toutes  les  parties  de  cet  acidulé  contri- 
buent à leur  dissolution , Bergman  examine 
cette  action  , soit  de  la  part  de  l’acide  tarta- 
reux  pur  , soit  du  tartrite  de  potasse  qui  , uni 
à une  portion  de  cet  acide , constitue  l’aci- 
dule  tartareux , soit  l’acidule  tartareux  luî- 
mêine.  Une  partie  d’antimoine  préparé  suivant 
le  procédé  de  la  pharmacopée  de  Londres , 
ayant  bouilli  pendant  vingt  minutes,  avec  vingt- 
cinq  parties  d'acide  tartareux  pur  , obtenu  par 
le  procédé  de  M.  Retjrus , a donné  de  petits 
grouppes  de  cristaux  qui  se  sont  comportés 
au  chalumeau  comme  ceux  de  l’acide  tarta- 
reux  pur,  et  sans  donner  de  vapeurs  antimo- 
niales ; ainsi  cet  acide  ne  dissout  point  et  n’at- 
taque point  l’antimoine  : il  en  a été  de  même 
du  foie  d’antimoine  traité  avec  le  même  acid» 

L 4 


i68  La  Médçcïkê 

et  cle  la  même  manière.  Le  safran  des  mé - 
taqœ , tenu  en  digestion  clans  six  parties  de  cet 
acide  pendant  deux  heures  , a donné  des  cris- 
taux rayonnes  qui,  traités  au  chalumeau,  ont 
exhalé  quelque  fumée,  d’antimoine.  Le  verre 
d’ antimoine  , traité  pendant  trente  minutes 
avec  vingt-cinq  parties  d’acide  tartareux , a 
fourni  des  cristaux  grenus  qui  ont  donné  au 
chalumeau,  et  une  fumée  d’antimoine  très -forte, 
et  quelques  globules  d’antimoine  : une  partie 
qui  étoit  sous  forme  de  gomme  a présenté  les 
mêmes  phénomènes.  Une  partie  antimoine 
diqphorétique  , tenue  en  digestion  avec  vingt- 
cinq  parties  cl’acide  pendant  trente  minutes, 
a donné  un  sel  blanc  qui  a répandu  un  peu 
de  fumée  antimoniale  au  chalumeau.  Une  par- 
tie de  poudre  d’ aîgaroth  , bouillie  pendant 
trente  minutes  avec  neuf  parties  d’acide  tarta- 
reux , s’est  convertie.,  par  le  refroidissement  , 
en  une  substance,  gélatineuse  qui,  humectée 
par  l’air  , présenta  des  ramifications  agréables. 
Exposée  au  chalumeau,  çette  gelée  se  bour- 
souffla  beaucoup  , et  répandit  une  abondante 
fuinée:  antimoniale  , sans  donner  de  globules 
métalliques.  Dans  une  autre  expérience,  une 
partie  de  la  même  poudre  fut.  complètement 
dissoute  par  cinq  parties  d’acide , et  à l’aide 
d’une  ébullition  d’une  heure.  Bergman  n’a  ja- 
mais pu  parvenir  à saturer  cet  acide  d’oxide 
d’antimoine  5 la  dissolution  étoit  toujours  acide. 
Il  conclut  de  toutes  ces  expériences  que  le  métal 
de  l’antimoine  n’est  pas  dissoluble  par  l’acide 
tartareux,  mais  qu’il  le  devient  à mesure  qu’il 
est  oxidé , et  cependant  jusqu’à  une  certaine 
limite  d’oxidation  , puisque  l’oxide  par  le  nitre 
est  moins  dissoluble  que  l’oxide  vitreux,  qui 
contient  moins  d’oxigène. 


ÉCLAIRÉE,  CtC.  l6<J 

Bergman  examine  ensuite  l’action  du  tartrite 
de  potasse  sur  les  antimoniaux,  et  quoiqu  il 
fût  vraisemblable  qu’un  sel  neutre  n’agiroit 
pas  sur  les  oxides  métalliques,  il  prouve  ce- 
pendant qu’il  y a une  véritaîile -union  entre  ces 
substances.  Le  foie  d’antimoine  , l’antimoine  , 
traités  avec  huit  parties  de  tartrite  de  potasse , 
ont  donné  des  cristaux  qui  se  sont  consumés 
sans  trace  d’antimoine.  Le  safran  des  métaux 
et  /’ antimoine  diapliorètique  , traités  avec 
ce  sel  à la  même  dose  , ont  donné  au  chalumeau 
des  signes  équivoques  d’antimoine.  Le  verre 
cV antimoine  a donné  , avec  huit  parties  de  tar- 
trite de  potasse  , de  petites  aiguilles  qui , sur 
le  chalumeau  , ont  répandu  une  fumée  blanche 
d’antimoine.  La  poudre  d’-algaroth,  bouillie  dans 
l’eau  avec  cinq  parties  de  ce  sel  , pendant  vingt 
minutes,  a donné  deux  genres  de  cristaux , 
les  uns  en  tétraèdres  , les  autres  en  aiguilles  5 
les  premiers  , exposés  au  chalumeau  , ont  offert 
une  grande  fumée  antimoniale , et  beaucoup 
de  globules  de  ce  métal  : ainsi,  le  tartrite  de 
potasse  bien  saturé  et  même  avec  excès  d’al- 
cali, dissout  comme-  l’acide  tartareux,  et  dans 
des  proportions  égales  , les  divers  oxides  d’an- 
timoine. Gette  découverte  de  Bergman  semble 
annoncer  que  ces  oxides  agissent  ici  à la  ma- 
nière d’un  acide,  qu’ils  décomposent  en  partie 
le  tartrite  de  potasse  , et  qu’ils  forment  un  sel 
triple  à deux  espèces  d’acides  et  à une  seule 
base. 

Les  mêmes  antimoniaux , traités  par  l’acidule 
tartareux  , ou  la  crème  de  tartre , ont  offert  les  ré- 
sultats suivans:  deux  parties  foie  d’antimoine  , 
bouillies  avec  une  partie  de  tartre,  n’ont  formé 
qu’un  sel  gommeux  insipide  ; une  partie  de 
safran  des  métaux , avec  huit  parties  de  cet  aci- 


>7°  L x Médecine 

dule  , ont  offert  le  même  résultat.  Le  verre 
d’antimoine  exige  trois  parties  de  tartrite  aci- 
dulé de  potasse  pour  être  saturé , et  donne 
des  cristaux.  Trois  parties  d 'antimoine  diapho- 
rétique  fait  avec  l’antimoine^  mises  en  diges- 
tion. avec  deux  parties  de  tartre,  ont  donné 
quelques  cristaux  ; mais  la  plus  grande  portion 
a pris  1a.  forme  gommeuse.  Cent  parties  de 
poudre  d’algaroth  , demandent  soixante- dix 
parties  de  l’acidulé  tartareux  pour  leur  disso- 
lution. S’il  y a plus  de  tartre,  il  se  forme  avec 
des  cristaux  une  celée  transparente,  une  grande 
quantité  d eau  la  décomposé  , et  en  précipité 
l’oxide  d’antimoine.  Les  alcalis  et  le  borax 
facilitent  la  dissolulion  des  antimoniaux  par 
l’acidule  tartareux.  Trois  parties  d’une  compo- 
sition , formée  d’une  partie  de  tartre  et  d’une 
demi-partie  d’acide  boracique  , dissolvent  une 
partie  de  verre  d.’ antimoine  , et  forment  une 
matière  gommeuse  qui  se  change  en  une  poudre 
jaunâtre  par  la  dessication.  Cette  poudre  est 
indiquée  comme  très-supérieure  au  tartrite  d’an- 
timoine et  de  potasse. 

Ces  recherches  préliminaires  conduisent  Berg- 
man à prescrire  la  préparation  du  tartrite  d’anti- 
trioineetclepotasse  de  la  manière suivante.Prenez, 
dit-il , cinq  onces  de  crème  de  tartre  réduite  en 
poudre  , et  deux  onces  deux  drachmes  de  poudre 
d’algaroth  précipitée  par  l’eau  chaude,  lavée  et 
séchée;  ajoutez  une  demi-kanne  d’eau,  et  faites 
bouillir  doucement  pendant  une  demi-heure  : 
après  cela  , il  reste  ordinairement  un  peu  de 
poudre  noire  mercurielle.  Je  ne  sature  pas  ab- 
solument le  tartre  , parce  qu’alors  une  partie 
de  la  dissolution  se  convertit  volontiers  en  ge- 
lée , et  que  le  sel  qui  est  formé  demeurant  long- 
temps suspendu  dans  l’eau , se  décompose  fa- 


ÉCL  AIRÉE,  etC.  I7I 

cilement  ; c’est  un  inconvénient  dans  la  pra- 
tique qu’il  est  bon  d’éviter.  D’ailleurs  le  re- 
mède étant  moins  actif  , la  dose  sera  plus 
forte  ; on  pourra  la  peser  plus  exactement 
et  la  distribuer  en  plusieurs  prises,  sans  craindre 
aucun  accident.  Après  avoir  filtré  la  dissolu- 
tion , faites-là  évaporer  jusqu’à  pellicule  dans 
un  vaisseau  découvert  ( on  ne  doit  pas  se  servir 
de  vaisseaux  de  métal):  tenez  la  ensuite  à la 
chaleur  de  la  digestion  , pour  que  les  cristaux  se 
forment  et  se  précipitent  insensiblement;  vous 
les  dessécherez  ensuite  sur  du  papier  gris  que 
vous  aurez  lavé  auparavant.  Ces  cristaux  sont 
nets  et  brillans,  ils  égalent  le  poids  du  tartre 
que  l’on  a employé.  Les  croûtes  salines  les 
plus  pures , qui  se  sont  attachées  aux  bords 
des  vaisseaux , vont  environ  à une  demi-once  ; 
on  les  lavera  dans  l’eau  froide  et  on  les  gaxdera 
séparément.  La  dernière  lessive  , rousse  et 
épaisse,  doit  être  jettée. 

Bergman  termine  sa  dissertation  par  exa- 
miner les  propriétés  du  tartrite  d’antimoine  et 
de  potasse  : ce  sel  cristallise  en  octaèdre,  dont 
les  pyramides  sont  plus  allongées  que  celles  de 
l’alun.  M.  Morveau  observe  à cet  égard  que 
le  plus  souvent  il  est  en  cristaux  tétraèdres.  Ces 
cristaux  contiennent  un  tiers  de  leur  poids 
d’antimoine  ; ils  ne  s’eflleurissent  ni  ne  s’humec- 
tent à l’air.  Ils  décrépitent  au  chalumeau,  ex- 
halent beaucoup  de  fumée  antimoniale,  et  lais- 
sent sur  le  charbon  des  grains  métalliques. 

L’eau  distillée  à quinze  degrés  en  dissout  -g-  ? 

cette  dissolution  rougit  le  tournesol  ; les  alcalis 
en  précipitent  un  oxide  blanc  très-divisé  , qui 
s’attache  fortement  au  verre.  La  première  li- 
queur préparée  pour  la  cristallisation  du  tar- 
trite antimonié  3 se  comporte  autrement  que  la 


T 71i  L a MÉDECINE 

dissolution  pure  de  ce  sel;  les  alcalis  caustiques 
ne  séparent  l’oxide  qu’en  poudre;  le  précipité  fait 
par  les  carbonates  offre  , au  bout  de  quelques 
temps,  des  cristaux  rayonnés  qui  disparoissent 
et  ne  laissent  qu’une  simple  poussière:  lorsqu’on 
chauffe  jusqu’à  trente  degrés  la  liqueur  qui  les 
contient  , l’acide  sulfurique  concentré  forme  , 
dans  la  dissolution  de  tartrite  d’antimoine  et  de 
potasse,  un  précipité  blanc  abondant,  qui  dispa- 
rojt  par  l’agitation  , et  qui , au  chalumeau,  se 
dissipe  en  fumée  antimoniale.  Le  sulfure  alca- 
lin y forme  un  précipité  orangé  de  soufre  doré 
d antimoine. 

MATIÈRE  MÉDICALE. 

C.«  ; j A • • » > i , , » . , . * fî  ; * • i * 

JSote  adressée  à la  société  pli  'ri o mati que  de 
Taris  , par  AI.  C haussier  , secrétaire  de  V A- 
c ad /nie  de  Dijon  , sur  un  prétendu  spécifique 
contre  la  rage. 

On  trouve  , dans  le  Patriote  François  du  7 
février,  l’annonce  de  deux  bureaux . établis  , 
i’un  à Paris  , l’autre,  à Lyon  , pour  la  vente  d’un 
spécifique  contre  la  rage.  Ce  spécifique,  que  l’on 
connoît  ordinairement  sous  le  nom  d’onnskirck, 
ou  remède  de  M.  Hilldormskirçk , est,  dit-on, 
fameux  dans  toute  l’Angleterre  ; l’essai  en  est 
justifié  par  l’expérience  , et  non-seulement  il 
prévient  cette  terrible  maladie  , mais  encore  il 
la  guérit  lorsqu’elle  est  confirmée  ; enfin  , pour 
inspirer  plus  de  confiance  , fauteur  de  cette 
annonce  ajouté  que  quoique  ce  remède  soit 
secret , ses  effets  sont  connus  de,  tous  les  an- 
glais , qu’on  peut  les  consulter  , et  que  si  ce 
remède  réussit  en  France  comme  en  Angleterre  , 
il;  présentera  une  pétition  à l’Assemblée  natio- 


éclairée,  etc.  arr3 

riale  , pour  la  prier  d’excepter  ce  médicament 
de  la  prohibition  générale  décrétée  , an  mois 
d’avril  dernier  , par  l’Assemblée  constituante. 

Nous  aimons  penser  que  le  désir  du  bien  pu- 
blic et  l’amour  de  l’humanité- sont  les  seuls  mo- 
tifs de  cette  annonce  ; mais  malheureusement 
il  s’en  faut  de  beaucoup  que  ce  remède  si  vanté 
mérite  la  confiance  que  l’on  cherche  à inspirer 
dans  son  usage  : ce  remède  , connu  dans  l’An- 
gleterre depuis  une  quarantaine  d’années  , a 
été  employé  plusieurs  fois  sous  les  yeux  des 
médecins  lès  plus  célèbres  du  pays  , soit  pour 
prévenir  la  maladie  , soit  pour  la  guérir  , et 
toujours  les  e'spérances  ont  été  trompées. 

Waughan  (dans  lo Medical hiquiries,  tcm.  5) 
rapporte  plusieurs  exemples  de  personnes  mor  - 
dues par  des  chiens  enragés  , et  qui  sont  morts 
de  la  rage  après  avoir  pris  l’ormskirck. 

Le  célèbre  J.  Hunter  rapporte  qu’en  1784  le 
fils  de  l’amiral  Rowley  , ayant  été  mordu  au  vi- 
sage par  un  chien  malade  , prit  l’ormskirck  , 
et  ce  qu’il  faut  observer  ce  remède  fut  admi- 
nistré au  blessé  par  M.  Barry  lui-même  , qui  le 
vend  publiquement  à Londres  , et  dont  par  con- 
séquent on  ne  pouvoit  suspecter  la  préparation  ; 
cependant  il  est  certain  que  le  jeune  homme 
périt  quelque  temps  après  de  la  rage.  Ce  fait 
tout  récent , et  quelques  autres  analogues  , est 
rapporté  dans  l’ouvrage  de  M.  Hamilton  , in- 
titulé Remarc  les  on  the  bite  of  a mad  dog.  Aussi  , 
quoique  l’on  nous  en  dise  , les  plus  sages  mé- 
decins de  l’Angleterre  n’ont  aucune  confiance 
dans  ce  remède  , et  ils  11e  le  laissent  prendre  à 
leurs  malades  que  pour  guérir  l’imagination. 

Au  surplus  y la  composition  de  çe  prétendu 
spécifique  n’est  plus  un  mystère  pour  les  chi- 
mistes  et  les  médecins  instruits  : l’analyse  en  est 


174  La  Médecine 

très-facile  ; elle  a été  faite  plusieurs  fois , et  on 
sait  très-positivement  que  ce  remède  est  une 
préparation  terreuse  , absorbante  ; nous  en  rap- 
porterons la  formule  telle  que  l’ont  donnée 
Heyslain  et  Parry.  Cette  formule  se  trouve  aussi 
dans  les  recherches  sur  la  rage  , par  M.  Audry. 
Prenez  Craie  en  poudre.  . . 4 gros. 

Bol  d’Arménie.  ...  3 gros. 

Enula  campana  en  poudre.  1 gros. 

Sulfate  d’alumine.  . . 10  grains. 

Huile  volatile  d’anis.  . 5 gouttes. 

Mêlez  pour  une  dose  que  l’on  délaie  dans 
suffisante  quantité  d’eau  avec  un  peu  de  lait  ^ 
et  que  le  blessé  doit  prendre  le  matin  à jeun  , eii 
une  ou  plusieurs  fois  ; ce  qu’il  faut  répéter  pen- 
dant six  jours  consécutifs.  Heyslam  est  le  seul 
médecin  anglois  qui  attribue  quelqu’efficacité  à 
cette  préparation,  parce  qu’il  regardoitles  terres 
absorbantes  calcaires  comme  propres  à détruire 
le  virus  ; mais  l’expérience  n’a  que  trop  prouvé 
combien  ces  prétentions  étoient  peu  fondées. 

Il  seroit  déplacé  de  nous  arrêter  ici  à d’autres 
observations  5 il  suffit  de  remarquer  qu’il  n’est 
point  de  pays  dans  lequel  on  ne  trouve  de  tels 
remèdes  que  l’on  vante  comme  spécifiques  in- 
faillibles , et  pour  appuyer  ces  prétentions  , on 
ne  manque  par  de  citer  des  exemples  de  leurs 
succès  , mais  on  ne  fait  pas  attention  que  tous 
les  chiens  malades  ne  sont  pas  enragés  , et  que 
toutes  les  personnes  mordues  par  un  animal 
véritablement  enragé  ne  sont  cependant  pas 
également  susceptibles  de  contracter  la  mala- 
die ; aussi , dans  ces  sortes  de  cas  , tous  les 
remèdes  paroissent  efficaces  à ceux  qui  se  bor- 
nent aux  apparences  , et  c’est  à de  telles  cir- 
constances que  l’on  doit  attribuer  la  réputation 
de  l’ormskirck , et  de  tant  de  spécifiques  pré- 


éclairée,  etc.  lyS 

tendus  infaillibles  , avec  lesquels  on  entretient 
la  crédulité  du  public.  Il  n’est  jusqu’à  présent 
qu’un  moyen  vraiernent  spécifique  de  prévenir 
la  rage  , c’est  d’empêcher  l’absorption  du  virus  ; 
on  y parvient  principalement  en  cautérisant  la 
partie  mordue  , en  y excitant  par  différent 
moyens  une  secrétion  ou  une  suppuration  abon- 
dante , propre  à entraîner  le  venin  qui  a été 
introduit  par  la  morsure. 

CHIRURGIE. 

Ohservatioîi  sur  une  plaie  à la  vésicule  du  Jiel , 
par  M.  Sabatier. 

L’histoire  d’une  plaie  à laquelle  le  blessé  n’a 
survécu  que  peu  de  jours,  et  dont  les  suites 
dévoient  être  funestes  par  la  nature  même  des 
parties  intéressées  , semble  ne  mériter  aucune 
attention.  Cependant  si  les  symptômes  en  ont 
été  observés  avec  soin  ; si,  comparés  avec  ceux 
qui  sont  survenus  dans  des  cas  semblables  , ils 
peuvent  faire  distinguer  les  plaies  de  la  même 
espèce  d’avec  toutes  les  autres , elle  est  vraie- 
inent  intéressante  et  doit  être  conservée.  Chacun 
sait  en  effet  combien  il  est  utile  de  prévoir  ce  qui 
doit  arriver,  même  au  désavantage  des  blessés, 
soit  pour  ne  pas  compromettre  son  jugement , 
soit  pour  leur  épargner  des  opérations  infruc- 
tueuses , et  souvent  capables  d’accélérer  leur 
perte.  Cette  considération  m’engage  à publier 
l’observation  suivante. 

Un  sous-officier  invalide  reçut , dans  un  com- 
bat particulier  , un  coup  d’épée  à la  partie 
moyenne  inférieure  de  la  région  hypocondria- 

3ue  droite  , entre  la  troisième  et  la  quatrième 
es  fâusses  côtes.  Il  sentit  sur  le  champ  une 


176  La  Médecine 

douleur  aiguë  à l’endroit  de  la  plaie  , et  fat 
obligé  de  se  retirer  dans  une  maison  voisine, 
où  iL  resta  environ  deux  heures  sans  secours. 
Pendant  ce  temps  le  bas- ventre  se  tuméfia  et 
la  respiration  devint  un  peu  difficile.  Trans- 
porté dans  les  infirmeries  de  l’hôtel , ces  symp- 
tômes augmentèrent  considérablement,  de  sorte 
qu’il  étoit  moins  incommodé  de  la  douleur  qù’il 
éprouvoit  dans  l’hypocondre  droit  , que  de  la 
tension  du  bas-ventre  et  de  la  gêne  de  la  res- 
piration. Son  pouls  étoit  petit,  fréquent,  et  con- 
centré , ses  extrémités  froides  , son  visage  dé- 
coloré 5 il  avoit  quelques  nausées  et  ne  pouvoit 
se  tenir  qu’à  demi-couclié  à la  renverse  , sans 
qu’il  lui  fut  possible  de  se  tourner  à gauche  ou 
à droite.  Il  lut  saigné  deux  fois  le  meme  jour  , 
et  sa  plaie  fut  couverte  d’une  compresse  trempée 
dans  de  l’eau-de-vie  , à laquelle  on  substitua 
peu  de  temps  après  des  linges  trempés  dans 
l’huile  rosat.  On  lui  fit  aussi  des  embrocations 
avec  la  même  huile  sur  toute  l’étendue  du  bas- 
ventre.  Sur  le  soir  le  pouls  s’anima  , les  mou- 
vemens  en  devinrent  plus  prompts  sans  être 
plus  forts.  Une  chaleur  brûlante  succéda  au 
froid  des  extrémités  , et  l’agitation  s’empara  du 
malade  , qui  se  plaignit  clans  le  même  temps 
d’une  soif  que  rien  ne  pouvoit  éteindre.  U passa 
la  nuit  dans  cet  état.  Quoique  le  lendemain 
au  matin  il  fût  tranquille  , que  sa  fièvre  lût  di- 
minuée , la  plaie  moins  douloureuse  , et  que 
les  urines  coulassent  avec  assez  d’abondance  , 
on  crut  devoir  le  saigner  encore  une  fois  , parce 
que  le  bas-ventre  étoit  toujours  tendu  , et  que 
la  respiration  n’étoit  pas  plus  libre  que  la 
veille.  Cette  troisième  saignée  le  jetta  clans  un 
anéantissement  difficile  à concevoir,  eu  égard 
à la  force.de  son  tempérament  et  à la  vigtieur 


I 


E o l a-  s»  n i.  e , etc.  177 

de  son  âge;,  car  il  n’aVoit'  guère  que  quarante-cinq 
à cinquante  ans-,  et  n’ëtoit  ëffoibii  par  aucune 
infirmité.  La  tuméfaction  du  bas-ventre  et  la  dif- 
ficulté de  respirer  augmentèrent  beaucoup  dans 
cette  journée  y les  nausées  revinrent  plus  fré- 
quentes qu’auparkvan-t  , et  le  pouls  devint 
-plus  dur  et  plus  serré.  La  foi  blesse  extrême  du 
malade  empêcha  qu’on  ne  le  saignât  une  qua- 
triènie  fois.  Il  n’eut  pas  autant  de  fièvre  pen- 
dant la  nuit  qu’il  en  avoit  eu  la  précédente  ; 
mais  il  ne  lui  fut  pas  possible  de  fermer  les 
yeux  ni  de  goûter  un  instant  de  repos.  Le  troi- 
sième jour  se  passa  comme  le  second  , si  ce 
n’est  qu’il  lui  prit  sur  le  soir  un  vomissement 
qui  revint  plusieurs  fois  la  nuit  suivante  , et 
par  lequel  il  rendoit  des  matières  de  couleur 
Yejdâtre. 

Un  de  mes  confrères  , à qui  j’avois  fait  voir 
le  blessé  , avoit  pensé  qu'il  s’étoit  formé  un. 
épanchement  dans  le  ventre  , vu  la  prompti- 
tude avec  laquelle  il  s’étoit  élevé.  Le  peu  de 
■douleurs  que  -le  malade  éprouvoit  lorsqu’on 
posoit  la  main  dessus  , et  lors  même  qu’on  le 
compriment  légèrement,  augmentoit  ses  soup- 
çons- L’espèce  de  fluctuation  qu’il  sentoit  , en 
l’examinant  de  nouveau,  vers  la  partie  infé- 
rieure et  droite  de  la  région  ombilicale  , les 
confirma.  11  ne  s’agissoit  pins  que  de  détermi- 
ner si  , malgré  l'état  presque  désespéré  du 
blessé  , on  donneroit  issue  au  liquide  épanché 
par  une  incision  pratiquée  à l’endroit  où  il 
s’étoil  fait  sentir.  Avant  de  prendre  ce  parti,  nous 
crûmes  devoir  donner  un  coup  de  trois-. quart 
pour  conuoître  la  nature  de  l’épanchement.  Il 
sortit  à l’instant  une  once  ou  deux  d une  iiqueur 
tirant  sur  le  noir  , sans  aucun  tnêiange  de  sang 
ni  de  matière  alimenteuse  ou  excréinenteuse  , 
Tome  III.  N°.  YI.  M 


1 78  L J\X  É D B O I N E 

et  qui  n!*i voit  nulle  odeur..  Il  n’étoit  pas  difficile 
de  juger  que  cette  liqueur  .étoit  de  la  bile,  et 
que  la  vésicule  du  fiel  avoit  été  blessée  ; sàns 
doute  il  en  fut  venu  une  plus  grande  quantité 
si  je  n’eusse  retiré  aussi-tot  la  cannule  du 
trois-quart.  Les  forces,  languissantes  du  malade 
furent  soutenues  par  une  potion  cordiale  jus- 
qu’à cinq  heures  du  soir  , temps  auquel  nous 
étant  rendus  près  de  lui?,  nous  con  vînmes  , mon 
confrère  et  moi  , de  lui  faire  une  incision  au 
bas-ventre  , persuadés  de  la  nécessité  d’évacuer 
tout  liquide  étranger  dont  l’existence  est  re- 
connue. D’ailleurs , il  pouvoit  se  faire  que  la 
plaie  de  la  vésicule  se  fût  rétrécie  par  l’affais- 
sement et  même  par  la  contraction  des  parois 
de  cette  poche  membraneuse  , et  par  consé- 
quent que  la  source  de  la  bile  épanchée  fût  déjà 
tarie.  Cette  opération  ayant  été  faite  à la  partie 
la  plus  décilve  du  lieu  qu’occupoit  l’épanche- 
inent , nous  fûmes  surpris  de  11e  rien  voir  sortir  ; 
mais  notre  étonnement  cessa  , lorsqu’ayant 
porté  mon  doigt  dans  l’ouverture  , je  sentis 
qu’une  portion  d’intestin  fort  gonflée  la  bou- 
clioit  en  entier.  Je  la  repoussai  avec  assez  de 
peine  , et  je  fus  obligé  de  la  contenir  pendant 
tout  le  temps  que  la  matière  épanchée  mit  à 
s’écouler  : on  en  reçut  quinze  à seize  onces 
dans  un  vaisseau  convenable  , sans  compter  ce 
qui  se  perdit  dans  les  draps  $ elle  avoit  la  même 
couleur  et  la  même  consistance  que  celle  qui 
étoit  sortie  le  matin  , et  n’avoit  pas  contracté 
d’odeur , quoiqu’elle  eût  séjourné  plus  long- 
temps. Malgré  la  répugnance  qu’une  pareille 
épreuve  devoit  m'inspirer,  j’eus  le  courage  de 
porter  sur  ma  langue  un  de  mes  doigts  que  j’y 
avois  plongé  : son  excessive  amertume  me  con- 
firma, que  c’étoit  de  la  bile  toute  pure.  Le  nia- 


ÉCLA  IR»!,  etc.  1-79 

Jade  fut  pansé  avec  une  bandé  de  linge  effilée  ^ 
dont  je  portai  une  des  extrémités  dans  le  ventre. 
Sa  respiration  parut  un  peu  plus  libre  pen- 
dant qüelque  temps  , mais  la  tension  de  l'ab- 
domen ne  diminua  en  rien.  Les  nausées  et  les 
vomissemens  deveneientplus  fréquens  , le  pouls 
s’affoiblit , ses  extrémités  perdirent  insensible- 
ment le  peu  de  chaleur  qu’elles  avoient  corn 
servé  , et  le  malade  expira  environ  cinq  heures 
après  l’opération. 

Nous  étions  trop  curieux  de  savoir  quelles 
parties  avoient  été  intéressées  , et  quel  étoit 
l’état  des  viscère  du  bas-ventre  , pour  négliger 
d’en  faire  l’examen  3 c’est  pourquoi  je  procédai 
à l’ouverture  du  cadavre  environ  dix  huit  heures 
après  la  mort  du  blessé.  Il  sortit  d’abord  une 
quantité  de.  bile  presqu’égale  à celle  qui  avoit 
été  tirée  par  les  opérations  dont  j’ai  parlé  plus 
haut,  mais  plus  épaisse  et  d’un  jaune  aussi 
foncé  que  celle  qui  se  trouve  ordinairement  dans 
la  vésicule  du  fiel.  Cette  différence  de  couleur 
mérite  d’être  remarquée , et  l’on  ne  conçoit 
pas  aisément  comment  il  peut  se  faire  que  la 
bile  épanchée  dans  le  ventre  ait  été  décidément 
verte  pendant  la  vie  du  blessé  , et  qu’après  sa 
mort  elle  ait  pris  la  couleur  jaune  qui  . lui  est 
naturelle.  Le  bassin  contenoit  encore  trois  ou 
quatre  onces  de  bile.  L’estomac  et  les  intestins 
étoient  prodigieusement  distendus  et  couverts 
d’une  espèce  d’enduit  de  couleur  jaune  , tout 
semblable  à la  liqueur  épanchée  3 cet  enduit  les 
colloitles  uns  aux  autres  , de  sorte  qu’ils  ne  pou- 
voient  être  séparés  sans  quelque  difficulté.  Une 
portion  de  l’iléon  , appliquée  à l’ouverture  qui 
avoit  été  laite  au  péritoine  avec  le  bistouri , y 
avoit  aussi  contracté  de  pareilles  adhérences.  Du 
reste  on  ne  Yoyoit  point  de  bile  entre  les  cir- 

M a 


180  i.  à Mxnxeiirx 

convolutiens  des  intestins,  ce  qui  prouye  que  les 
matières  qui  s’épanchent  dans  la  capacité  de 
l’abdomen  trouvent , dans  l’action  naturelle  des 
viscères  les  uns  sur  les  autres  , une  résistance 
qui  les  empêche  de  se  répandre  de  tous  côtés  , 
et  qui  les  force  à s’y  rassembler  dans  un  seul 
foyer  , comme  le  dit  M.  Petit  le  fds  , dans  son 
excellente  dissertation  sur  les  épanchemens  , 
insérée  dans  le  second  volume  des  Mémoires  de 
l’Académie  de  Chirurgie.  Le  foie  étoit  dans  la 
plus  parfaite  intégrité  , mais  la  vésicule  du  fiel 
étoit  affaissée  sur  elle-même  et  presque  vide  : j’y 
découvris  bientôt  une  petite  plaie  d une  ligne  et 
demie  d’étendue  , par  où  la  bile  s’étoit  écoulée 
dans  le  ventre.  Le  péritoine  étoit  percé  vis-à- 
vis  d’une  plaie  de  même  grandeur.  Je  vis  alors 
que  l’épée  avoit  pénétré  entre  les  extrémités 
osseuses  de  la  troisième  et  de  la  quatrième  des 
fausses  côtes , et  qu’elle  avoit  glissé  de  derrière 
en  devant , et  de  haut  en  bas  , entre  leurs  por- 
tions cartilagineuses  , pour  atteindre  le  fond  de 
la  vésicule. 

Je  n’ai  rencontré  , en  parcourant  les  obser- 
vateurs qui  me  sont  connus  , qu’un  petit  nom- 
bre d’exemples  d’épanchemens  bilieux  dans  le 
ventre.  Gérard  Blasius  , célèbre  médecin  hol- 
landois  , en  rapporte  un  dans  ses  Obseiyationes 
7nedicae  rariores.  Il  dit  qu’ayant  fait  l’ouverture 
d’un  enfant  de  huit  mois , il  trouva  l’abdomen 
rempli  d’une  grande  quantité  de  bile.  La  vésicule 
du  fiel  étoit  si  prodigieusement  distendue  que 
ses  parois  amincies  laissoient  suinter  la  liqueur 
qu’elle  contenoit.  Il  y avoit  un  resserrement 
dans  le  canal  cholédoque  qui , ne  permettant  pas 
à cette  liqueur  de  s’écouler  par  la  voie  ordi- 
naire , avoit  donné  lieu  à son  amas  et  à son 
épanchement  à travers  les  parois  de  la  vési- 


SCLAIK.ÉE,  etc.  181 

cule.  L’enfant  n’avoit  cessé  de  crier  nuit  et  jour 
depuis  l’instant  de  sa  naissance  ; il  toussoit  et 
vomissoit  souvent  ; il  étoit  attaqué  de  temps  en 
temps  de  légers  mouvemens  epileptiques  , et 
rendoit  par  les  selles  une  matière  écuineuse  et 
de  couleur  noire.  Joli,  à Meekren  , chirurgien 
d’Amsterdam  , nous  a conservé  l’histoire  d’un 
pareil  épanchement  dans  le  recueil  de  ses  Obser- 
vations médico-chirurgicales.  Un  enfant  de  six 
ans  , qui  avoit  un  abcès  considérable  au  coude  , 
fut  inopinément  attaqué  de  douleurs  excessives 
dans  le  ventre  , d’anxiétés  continuelles  et  d’une 
sueur  abondante  qui  le  firent  périr  en  moins 
de  deux  jours.-  Lorsque  Meekren  fit  l’ouver- 
ture du  cadavre  , il  trouva  une  si  grande  quan- 
tité de  bile  dans  le  ventre  ^ qu’il  crut  devoir 
examiner  l’état  du  foie  et  de  la  vésicule  du  fiel. 
Cette  poche  étoit  affaissée  sur  elle-même  et 
percée  d’une  ouverture  par  où  la  bile  s’étoit 
écoulée.  La  cause  de  cet  accident  se  trouva  dans 
le  canal  cholédoque , dont  une  partie  étoit 
entrée  dans  l’autre  par  une  véritable  intussuscep- 
lion , comme  il  arrive  aux  intestins  dans  cer*- 
taines  espèces  de  passions  iliaques.  Ces  deux 
observations  , quoiqu’intéressantes  d’ailleurs  , 
ne  peuvent  cependant  jetter  aucun  jour  sur  le 
diagnostic  des  plaies  de  la  vésicule  du  fiel  et 
des  épancheinens  qui  en  sont  la  suite;  car  il  est 
fort  douteux  que  les  accidens  qui  ont  précédé 
la  mort  du  malade  aient  été  causés  par  la 
seule  effusion  de  la  bile.  Ils.  paroissent  au  con- 
traire avoir  été  produits  par  la  distension  de  la 
vésicule  , et  peut-être  aussi  par  la  compression 
qu’elle  faisoit  sur  les  parties  voisines. 

Pour  déterminer  quels  sont  les  symptômes  qui 
résultent  essentiellement  de  la  lésion  de  cette 
poche  membraneuse  , il  faudroit  pouvoir  com- 

M 3 


1§2  L A M il  D T,  *C  INK 

parer  ensemble  plusieursdaits  semblables  à celui 
que  j’ai  rapporté" f mais  la  situation  cïe  la  vé- 
sicule doit .lea rendre  fort  raçes.  On  sait  en  effet 
qu’elle  est  logée  dans  un -des  enfoncemens  de 
la  face  inférieure  du  foie  qui  la  couvre  d’un 
côté-  , et’ qu’elle  porte, de  l’autre  sur  l’intestin 
colon ^11  n’y  a que  son  fond  qui  appuie  sur  le 
péiilîûiiie.j  encore  fautAl  pour  cela  que  l’on  soit  à 
jeun  , et  que  la  bile  ait  eu  le  temps  de  s’y 
entasser  y car  en  toute  autre  circonstance  elle 
diminue  de  volume  et  se  retire  sous  le  foie,  qui 
fa  cache, en  entier»  Cela  posé  , on  conçoit  qu’il 
est  difficile  qu’elle,  soit  ouverte  sans  que  les 
viscères  qui  l’avoisinent  soient  endommagés  : on 
lit  .pourtant  ûn  cas;,  de  cette  espèce  dans  le 
•septième  volume  de  i’ Abrégé  des  Transactions 
Jffi iiosopliiques . Le  plus  remarquable  des'  acci- 
dens  qui  sur  vinrent  an  blessé  , pendant  les  sept 
jours  qu’il  vécut,  une.  tension  excessive  du 
bas-ventre.  Il  ne  vida  rien  par  les  selles  , et  les 
urines  coulèrent  en  petite  quantité  , nonobstant 
•les  purgatifs  et  les  la-vemens  qu’on  lui  donna  , 
-et  quoiqu’il  prît  une1  quantité  de  boisson  con- 
venable à sa  situation.  Le  malade  n’eut  jamais 
de  sommeil  tranquille  malgré  l’usage  des  ano- 
dins ; il  n’avoit  point  de  fièvre  , et  son  pouls  se 
soutint  dans  un  état  itaturel  jusqu’à  l’avau t- 
dernier  jour  de  sa  vie  , temps  auquel  il  devint 
intermittent  : il  eut  aussi  pour  lors  des  nausées 
et  des  hoquets  assez:  fréquens.  Après  sa  mort , 
cm.  trouva  ses  intestins  très-distendus  ; la  vé- 
sicule du  fiel  était  presqu’éntièreineiit  vide  et 
il  y avoit  une  grande  quantité  de;  bile  répan- 
due clans  la  cavité  de  l’abdomen.  Cette  obser- 
vation, qui  a été  communiquée  à la  société  royale 
par  le  docteur  Steward  médecin  de  la  reine 
d’Angleterre , a été  insérée  par  extrait  dans  le 


i c t jl  i r ib  e , elc.  i83 

troisième  volume  des  Essais  d’Edimbourg  , à 
l’endroit  où  il  est  ‘question  des  découvertes 
faites  en  médecine  "dejpiiis  l’année.  1^33  , et  a 
passé  depuis  dans  le  Commentaire^ du  célèbre  M. 
Van-Swietein  sur  les  Aphorismes  de"  JBoerhaave  , 
à l’article  des  plaies  elubas-yéntrej.  Il  est  facile  de 
voir  que  les  accidens  survenus:  au  malade  qui 
en  fait  le  sujet , ressemblent  beaucoup  m ceux 
du  blessé  dont  j’ai  donné  l’iiistortei  Tous  deux 
ont  eu  le  ventre  ^ort  tèndü  , sans  douteur  et  sans 
bùrborigmes  ; tous  deux  ont  été  constipés  j tous 
deux  enfin  ont  eu  le  pouls  fortfoible  les  derniers 
jouis  de  leur  vie,  et  ont  été  attaqués  de  ho- 
quets et  de  nausées  assez1  fréquentes*  On  ne  peut 
cependant  pas  assurer  que  ces  symptômes  doi- 
vent avoir  lieu  dans  tous  les  cas  où  la  vésicule 
*du$el  est  blessée  , 'sans  que  les  autres  viscères 
'Se  trouvent  endommagés,  jusqu’à  ce  que  de 
nouveaux  faits  soiènt  venus  confirmer  ceux  que 
l’o.iV vient  de  lire. 

Il  '.Recherches  sur  V aitiologie  , ou  le  mécanisme 
~‘jde  la  luxation  de  la  mâchoire  inférieure  ; 

■ > 'par'  M.  Pinel  j docteur  en  médecine . 

33  ft  v*  jj  r i • t 'r-  I < ) * c 5 \ f • 4 . r ’ ' • 

- --  La  théorie  des  luxations  est  sans  doute  une  des 
parties  de  l’art  de  guérir  où  on  peut  le  plus  es- 
pérer de  faire  une  juste  application  des  sciences 
exactes  , -puisqu’on  peut  analyser  les  moyens 
mécaniques  qui  servent  à les  produire  et  à en 
opérer  la  réduction.  Leur  aitiologie,  c’est-à- 
dire  le  développement  des  causes  prochaines 
qui  leur  donnent  lieu  , est  depuis  long- 
temps l’objet  de  mes  recherches  , et  ce  que 
je  dis  aujourd’hui  de  la  mâchoire  inférieure  , 
sert  de  suite  à un  travail  sur  les  luxations 
dont  j’ai  déjà  publié  quelques  parties  dans  le 

M 4 


184  L JL  Médecin* 

Journal  de'  physique.  Il  d-oit  paroître  étonnant 
qu’un  grand  nombréjd’an.tejuis  très-distingués  ; 
tels  que rWeitbrecllt , ARnnusr/Ptuiscli , Muntlo* 
Ferrein  , Bertin,,  etc. , se  soient  occupés  des  ni au- 
vemens  variés  .de  la  mâchoire  inférieure  , et 
qu’ils  n’aient  point  porté  leurs  vues  sur  le  vrai 
mécanisme  de; sa  luxation,  b ;> 

Les  anciens  en  traitant  :des  luxations  de;  ia 
mâchoire  inferieure  , nese’sOht  guère  occupés 
que  des  symptômes  qu’elles  peuvent  produire 
ou  d’un  vain  appareil  d’agènsc;jnécanit]Ues  pour 
leur  réduction.  On  peut  voir  sur  ce  point  Hip- 
pocrate , Galien  , Celse-,  Paul  d’Egiue,,  Qri- 
base  , etc,  Ce  qu’en  disent  ;Salicet  et  d’autres  au- 
-teurs  .peu  versés  dans  l’anatomie,  se  réduit  à 
une  division  scholastique  des  luxations  qui  s’o- 
pèrent suivant  eux  en  avant , en  arrière;,  'à  gau- 
che et  à droite  , comme  si  tous  ces  déplacemens 
étoient  compatibles  avec.la  structure  de.s  parties. 

Fabrice  cî’Aquapendente  , .doué  d’un'  esprit 
bien  plus  exact  , fait  sentir  le  ridicule  de  cette 
division  ; mais  en  même  temps  qu’il  fait  des 
remarques  judicieuses  et  dictées  par  l’expé- 
rience , il  me  paroît  que  le  vrai  mécanisme  de 
cette  luxation  lui  a échappé,  lorsqu’il  a avancé 
qu’elle  s’opéroit  parce  que  l’apophise  coronôïde 
s’engage  sous  l’os  malaire,  puisqu’à  la  simple 
inspection  des  parties  , on  voit  que  cette  . apo- 
phise  s’en  éloigne  à mesure  que  la  bouche 
s’ouvre  , et  qu’avant  la  luxation  cette  ouverture 
est  extrême.  Presque  tous*  les  auteurs  ont  em- 
brassé l’opinion  d’Aquapendente  sans  la  discu- 
ter , et  on  n’en  doit  pas  même  excepter  Monro 
qui , dans  le  premier  Volume  des  essais  d’Edim- 
bourg, a publié  un  mémoire  sur  la  luxation 
de  la  mâchoire  inférieure.  Petit  et  Heister  ont 
-eu  une  idée  plus  juste  de  cette  luxation  en  l’at- 


ÉCLAIRÉS,  etc.  l85 

tribu  an  t à un  glissement  des  condiles  de  la  mâ- 
choire inférieure,  au  devant  de  chaque  emi- 
nence  transverse  qui  est  à la  base  postérieure 
de  l’arcade  zigomatique  ; mais  ce  n’est-là  que 
rapporter  une- circonstance  de  la  luxation,  et 
nullement  en  donner  le  développement.  Ce  der- 
nier objet  est  celui  dont  j’expose  aujourd’hui 
le  résultat,  en  supposant  d’ailleurs  connue  la 
structure  anatomique  de  toutes  les  parties 
qui  concourent  à l’ articulation  de  la  mâchoire 
inferieure.  Ce  sont  des  recherches  d’anatomie 
comparée  , qui  m’ont  donné  de  nouvelles  lu- 
mières sur  ce  mécanisme. 

i ' V. 

Les  parties  ‘osseuses  qui , dans  les  divers 
genres  d'animaux  , contribuent  à l'articulation 
de  la  mâchoire  inférieure  , m’ont  offert  une 
si  grande  variété  que  j’en  ai  fait  le  fondement 
d’une  nouvelle  classification  des  quadrupèdes, 
comme  on’le ' vferra  dans  un  mémoire  qui  -sera 
inséré  dans  le' premier  fascicule  dès  actes  de 
la  société  d’Histoire  naturelle.  J’ai  reconnu  que 
dans  tous  les  animaux  , J’oS'  maxillaire  fàisoit 
les  fonctions  d’un  levier  du  troisième  genre, 
c’est-à-dire  que  la  puissance  musculaire  qui  sert 
à l’élever  se  trouve  entre  le  point  d’appui  et 
la  résistance  ; il  en  est  de  même  dans  l’homme  : 
mais  en  comparant  l’articulation  de  cet  os  con- 
sidéré danscl-homme  et  dans  les  autres  ani- 
maux, il  s’est  présenté  une  différence  frap- 
pante; c’est  que  le  point  d’appui  du  condile 
est  toujours  le  même  dans  les  quadrupèdes  , 
quelle  que  soit  l’ouverture  de  la  bouche  , au 
lieu  que  ce  point  d’appui  varie  dans  l’homme  , 
suivant  que  la  bouche  est  fermée  ou  plus  ou 
moins  ouverte.  On  peut  regarder  aussi  comme 
un  fait,  que  les  animaux  ne  sont  nullement 
sujets  à la  luxation  de  l’os  maxillaire  irifé- 


La  M é d e c.-j  k;'K 

-Ï^BFlpâr  la  seule  forçe.  des  muscles,  au  lieu 
.i|u.e  rkoinme  y est-exposé,,  comme  l’expérience 
de  chaque  jour  le  démontre.  U a été  donc  d’a- 
Jtiprd'  naturel  de  présumer  que  c’étoit  au  cham- 
peinent  du  point  d’appui  qu’est  du  ce  désavan- 
cqjn’a  l’iaomme  sur  les  animaux,  et  que  ce 
qpli !yi concouroit-  le  plus  é toit  Réunis  en  çe  trans- 
verse  qui  se  trouve  à la,  base  postérieure  de 
J'ùrcade  zygomatique  , éminence  qui  ne  se 
•tçfmve  pns  dan>s  les- autres  animaux^  pas  meme 
le  sing^  Pour, éclaircir  cet  objet./  j’ai  fait 
4ifl4rensessaisdan^i.’ampbithéâtre  de  la  Charité, 
en  présence  de  M.  Boyer,  pour  bien  voir  sur 
le  -cadav/le  toutes  les  circonstances  ,du  chan- 
gement d’appui,  .de  l’os  maxillaire  inférieur  , 
•dans  les  ; divers  degrés  de  l’ouverture  de  la 
bouche  jusqu’à  une  luxation  parfaite , et  voici 
.quel  en  a été, Ig' rcsiultat.  ' h 

ba.  première  position  du  point,  d'appui  du  con- 
dile  est  lorsque  là  bouche  est  fermée,  et  que 
rie  condile  de  chaque  côté  porte  directement 
^d-aus,  la  fossette  articulaire.  Pour  juger  de  la 
.traction  que  rie  muscle  masseterc  exerce  dans 
ce  câs  , comparativement  aux  autres'  positions 
du  point  d’appui,  j’ai  cherché  Jfc  déterminer 
1 angle  formé  par  l’axe  du  condile  ,r.et  par  une 
ligne  longitudinale  moyenne  , qu’on  peut  subs- 
tituer par  la  pensé  à l’effort  ;der  ce.  muscle  ; 
-j’ai  trouvé  cet  angle  de  trente- cirai  degrés, 
lorsque  le  condile  portoit  dans  la  fossette  arti- 
culaire; et  comme  l’angle  formé  par  l’axe  du 
même  condile  , et  par  le  rebord  inférieur  de 
f’os.  maxillaire,  est  de  cent  vingt  degrés  , il  s’en- 
suit que  la  ligne  moyenne  du  masse  ter  fait , avec 
la  direction  de  la  base  de  l’os  maxillaire  infé- 
rieur, nn  angle  qui  a environ  quatre-vingt-cinq 
degrés  , c’est-à-dire  qui  approche  beaucoup 


ÉCLAIRÉE,  etC.  187 

de  l’angle  droit.  Dans  .cette  position  donc  , 
le  muscle  masseter  et  le  muscle  crotaphite  , dont 
les  deux  directions  coincident,  exercent  la  plus 
grande  force  pour  tenir  élevé  Pos  maxillaire 
inférieur. 

A mesure  que  la  boubliè  s’ouvre  , lé  .condile 
se  porte  en  avant  et  s’aVance  au-dessous  de  l’é- 
minence traris verse  ; lorsqu’il  est  placé  direc- 
tement sous  cette  éminençé;  son  axe  fait  avec 
la  direction  moyenne  du  masseter  un  angle  de 
seize  dégrés , et  par  conséquent  l’angle  formé 
par  cette  direction  et  par  celle  du  rebord  in- 
férieur de  Pos  maxillaire',  est  de  cent  quatre 
degrés  , c’est  - à - dire'  qtie  la  force  que  ce 
muscle  exerce  , pour  élever  cet  os  , est  beau- 
coup plus  oblique  :que  dhiis  le  cas  précédent, 
et  par  conséquent  il  s’opère  une  décompo- 
sition de  cette  force  , en  sorte  qu’il  11’y  a que  la 
traction  perpendiculaire  qui  soit  effective  pour 
opérer  l’élévation  de  Pos  maxillaire  inférieur. 
Mais  il  faut  observer  que  dans  cette  seconde 
position  , ainsi  que  dans  la  première  , Pos  ma- 
xillaire inférieur  peut  touj ours  être  considéré 
comme  un  levier  du  troisième  genre,  puisque 
le  condile  se  trouve  toujours  postérieur  airmas- 
seter  , et  que  par  conséquent  la  puissance  reste 
entre  lé  point  d’appui  et  la  résistance.  Il  n’en 
est  pas  de  même  dans  la  troisième  position  , qui 
nous  reste  à considérer  , et  dans  laquelle  la 
luxation  a lieu  comme  on  va  le  voir. 

Dans  les  essais  que  j’ai  faits  sur  le  cadavre  , 
jai  remarqué  que  dans  une  ouverture  extrême 
et  forcée  de  la  bouche , l’extrémité  postérieure 
du  condile  s’engageoit  devant  l’éminence  trans- 
verse. Dans  cette  position  , j’ai  reconnu  que 
l’angle  formé  par  l’axe  du  condile  et  par  la  di- 
rection moyenne  du  masseter  n’étoit  plus  que 


i88  Là  Mêdegikï 

de  quatre  ou  cinq  degrés,  c’est-à-dire  que  la 
traction  de  ce  muscle  approchoit  beaucoup  de 
la  direction  moyenne  du  condile  ; l’effort  donc 
de  ce  muscle  s’emploie  alors  presque  tout  entier 
à tenir  le  condile  dans  cette  position  contre 
nature,  qui  nécessite  l’abaissement  de  toute 
la  courbure  antérieure  de  l’os  maxillaire  infér 
rieur.  O11  voit  donc  dans  quelle  circonstance  les 
muscles  releveurs  de  la  mâchoire  concourent 
réellement  à son  abaissement,  et  servent  ainsi 
à la  maintenir  dans  un  état  de  luxation  $ mais 
ce  qui  doit  être  sur-tout  remarqué,  c’est  que 
dans  cette  troisième  position  contre  nature  les 
Ijtbres  postérieures  duànasseter  se  trouvent  der- 
rière le  condile , en  sorte  que  par  rapport  à ces 
fibres  l’os  maxillaire  inférieur  vient  à former 
ûn  levier  du  premier  genre  , puisque  le  point 
d’appui  se  trouve  entre  la  résistance  et  cette 
partie  de  la  puissance.  Voilà  précisément  ce  qui 
fait  la  différence  de  l'homme  et  des  animaux, 
puisque  dans  ces  derniers  le  point  d’appui  est 
toujours  le  même,  et  que  l’os  maxillaire  in- 
férieur ne  cesse  sous  aucun  rapport  d’être  un 
levier  du  troisième  genre. 

11  faut  remarquer  en  outre  que  dans  cette  troi- 
sième position  contre  nature  , l’angle  formé  par 
la  direction  moyenne  du  masseter  (i),  et  par  le 


(i)  On  m’objectera  peut-être  que  j’introduis  dans  la 
chirurgie  un  appareil  de  géométrie  qui  ne  sert  qu’à  la 
compliquer;  mais  on  peut  répondre  qu’il  est  impossible  , 
d’une  autre  manière,  d’introduire  de  la  précision  et  une 
exactitude  rigoureuse  dans  tout  ce  que  cette  science  offre 
de  méchanique.  Comment  peut-on  déterminer  autrement 
que  par  la  géométrie  la  figure  régulière  d’un  grand  nom- 
bre d’insr.rumens,  et  assujétir  leur  construction  et  leurs 
usages  à des  préceptes  fixes  et  invariables?  L’architecture  , 


ÉCLAIRÉE,  ëtC.  li>9 

rebord  inférieur  de  l’os  maxillaire,  est  de  cent 
quinze  degrés  , c’est-à-dire  que  l’effort  de  ce 
muscle  est  très-oblique  , et  qu’il  se  décompose 
en  un  effort  perpendiculaire  qui  est  seul  effec- 
tif pour  élever  l’os  maxillaire  inférieur,  et  en 
un  effort  dirigé  en  arrière  dans  le  sens  du  re- 
bord inférieur  du  même  os;  or,  ce  dernier  tend 
à tenir  appliqué  l’extrémité  postérieure  du  con- 
dile  contre  l’éminence  transverse  , et  à entrete- 
nir la  luxation  jusqu’à  ce  qu’elle  soit  réduite. 

La  distinction  que  je  viens  de  faire  des  trois  po- 
sitions principales  que  peut  prendre  dans  l’hom- 
me le  point  d’appui  de  l’oa  maxillaire  inférieur  , 
fait  voir  ce  qui  manque  à la  théorie  de  Borelli, 
sur  l’évaluation  de  la  force  des  muscles  releveurs 
de  la  mâchoire  inférieure  , qu’il  a déterminé 
d’une  manière  indéfinie  , comme  si  le  point  d’ap- 
pui étoit  toujours  le  même.  Je  pourvois  ici  fa- 
cilement exposer  cette  détermination  dans  les 
trois  cas  , mais  je  me  bornerai  à la  première 
position  pour  donner  une  idée  juste  de  l’exac- 
titude qu’on  doit  mettre  dans  cette  évaluation. 

On  n’a  qu’à  placer  une  règle  en  partie  sous  le 
rebord  inférieur  de  l’os  maxillaire  , et  paral- 
lèlement à l’axe  de  sa  courbure.  Pour  déter- 
miner la  direction  du  point  d’appui , on  abaisse 
une  perpendiculaire  du  milieu  de  la  fossette  ar- 
ticulaire sur  la  règle.  Pour  connoître  mainte- 
nant la  direction  des  trois  muscles  releveurs  de 
la  mâchoire  , je  fais  attention  que  la  direction 
des  fibres  moyennes  du  crotaphite  et  du  masse- 


l’hydraulique  , l’optique  , d’astronomie,  ont -elles  pose 
perfectionner  autrement  que  par  l’application  des  sciences 
exactes?  J’ose  dire  que  la  théorie  des  luxations  manque 
entièrement  à la  chirurgie  , et  qu’il  est  impossible  de 
l'établir  sans  l’applicatjori  des  mathématiques. 


190  La.  Médecine 

ter , est  suivant  celle  du  tiers  longitudinal  anté- 
rieur de  la  branche  montante  de  l’os  maxillaire, 
mais  que  la  direction  moyenne  des  libres  du 
muscle  ptérigoîdien  interne  répond  à peu-près 
vers  le  tiers  postérieur  de  la  meme  branche 
montante  ; il  n’y  a donc  qu’à  supposer  que  l’effort 
combiné  des  trois  muscles  est  dirigé  suivant  le  mi- 
lieu ou  l’axe  de  la  branche  montante  , ce  qui  est 
à un  pouce  de  la  direction  du  point  d’appui. 
Quant  à la  résistance  , supposons-la  placée 
entre  les  dents  incisives,  c’est-à-dire  à trois  pouces 
et  demi  du  point  d’appui,  comme  par  exemple 
quand  un  homme  élève  un  poids  de  deux  cents 
livres  pesant  au  moyen  d’une  corde  placée  entre 
les  dents.  Or  puisque,  suivant  les  principes  com- 
mis du  levier,  la  puissance  et  la  résistance 
doivent  être  en  raison  inverse  de  leur  distance 
au  point  d’appui  dans  le  cas  d’équilibre  , on 
trouvera,  puisque  ces  distances  respectives  sont 
un  pouce  et  trois  pouces  et  demi  , la  valeur  de 
la  puissance  par  cette  simple  règle  de  propor- 
tion 1 : 3 f , ou  bien  2,  : 7 : : 200  : X ^ 700,  en  esti- 
mant seulement  l’effort  que  font  les  muscles 
releveurs  de  la  mâchoire  à leur  insertion  dans 
cet  os. 

Pour  réduire  la  luxation  de  la  mâchoire  , il 
faut  contrebalancer  l’action  spasmodique  des 
muscles  qui  retiennent  les  condilesdans  cette  po- 
sition contre  nature,  et  pour  parvenir  à ce  but,  il 
faut  d’abord  abaisser  la  facette  du  condile  au  ni- 
veau de  celle  de  l’éminence  transverse  de  chaque 
côté , et  dans  un  second  temps , il  faut  porter  les 
mêmes  condiles  en  arrière,  c’est-à-dire  les  re- 
placer sur  leur  point  d’nppuiNnaturel.  Cette  ré- 
duction se  fera  donc  en  deux,  temps*;  par  le 
premier  , on  relevera  le  menton  et  on  abaissera 
les  dents  molaires  pour  remettre  les  condiles 


ï é l a i 'à  4 ë j etc.  191 

de  ïliveàu  avec  lès  éminences  transverses , et 
par  un  second  mouvement  en  arrière  on  les 
replacera  dans  la  fossette  articulaire.  Celui  qui 
voudra  donc  opérer  cette  réduction  enveloppera, 
comme  le  prescrivent  les  auteurs , le  pouce 
de  chaque  main  avec  du  litige  , pour  pouvoir 
l’introduire  dans  la  bouche  -et  l’appliquer  de 
côté  et  d’autre  sur  les  dents  molaires;  il  saisira 
en  même  temps  , avec  le  reste' de  la  main,  les 
deux  côtés  du  menton;  cela  fait,  il  relevéra 
toute  la  partie  antérieure  de  la  mâchoire  , pen- 
dant qu’avec  les  pouces  appliqués  sur  les  dents 
molaires , il  abaissera  fortement  la  partie  pos- 
térieure. En  vertu  de  ce  double  mouvement , 
les  condiles  seront  abaissés  au  niveau  des  émh- 
nences  transverses  , et  ensuite  , par  une  impul- 
sion dirigée  en  arrière , ils  seront  placés  dans 
leur  position  naturelle. 

Je  ne  puis  m’empêcher  de  faire  remarquer 
ici  combien  étoient  compliqués  les  moyens  adop- 
tés parles  anciens , pour  la  réduction  des  luxa- 
tions, faute  de  connoissances’précises  d’anatomie 
et  du  vrai  mécanisme  des  luxations.  Comment 
a-t-on  pu  donner  des  regrets  à l’abandon  de  ces 
moyens,  dans  ce  siècle  éclairé  ! « Oribase  , dit 
M.  Louis,  a fait  un  livre  particulier  qui  ne  laisse 
rien  à desirer  sur  les  machines  convenables 
à la  réduction  des  os  fracturés  et  luxés  ».  Or  voici 
comment  cet  auteur  propose  d’effectuer  la  ré- 
duction de  l’os  maxillaire  inférieur,  lorsqu’il 
est  luxé.  L’homme  étant  étendu  sur  ce  qu’on 
appelloit  banc  d'Hippocrate,  onluilioit,  dans 
une  position  horizontale,  les  jambes  et  les 
cuisses  , et  on  fixoit  de  la  même  manière  les 
bras  le  long  du  tronc.  Pour  abaisser  ensuite 
la  partie  postérieure  de  la  mâchoire  et  relever 
le  menton,  on  faisoit  passer  dans  la  bouche 


lya  La  Médecine 

une  corde  ou  bâillon  qui,  en  portant  sur  les 
dents  molaires , étoit  fixé  vers  les  pieds  du 
malade  à un  cabestan,  tandis  qu’une  autre 
corde,  qui  embrassoit  la  partie  inférieure  et  anté- 
rieure de  la  mâchoire  , étoit  fixée  à un  autre  ca- 
bestan au-dessus  de  sa  tête  ; c’est  ainsi  qu’on 
proposoit  de  relever  le  menton  et  d’abaisser  la 
partie  postérieure  de  la  mâchoire  ; mais  qui  ne 
voit  dans  ces  moyens  une  complication  superflue 
d’agens  mécaniques,  qu’une  expérience  cons- 
tante démontre  pouvoir  être  remplacés  par  les 
seuls  efforts  de  la  inain,  dirigée  avec  intelligence. 

Il  reste  à concilier  avec  les  principes  qui  vien- 
nent d’être  développés,  une  circonstance  qui  ac- 
compagne la  luxation  delà  mâchoire  inférieure  ; 
c’est  que  l’ouverture  de  la  bouche  est  extrême 
au  moment  où  la  luxation  s’opère  et  qu’elle  est 
bien  moindre  lorsqu’elle  est  faite.  On  voit  en  effet 
que  les  condiles  ne  peuvent  porter  directement 
contre  la  partie  inférieure  de  l’éminence  trans- 
verse , sans  que  la  bouche  ne  s’ouvre  extrême- 
ment ; mais  aussi-tôt  que  les  condiles  ont  dé- 
passé cette  éminence  , et  qu’ils  se  sont  engagés 
contre  sa  partie  antérieure  , ils  remontent  un 
peu  dans  la  fosse  zigomaticjue  par  l’effort  des 
muscles  releveurs  , et  la  mâchoire  inférieure  se 
rapproche  de  la  supérieure. 

Un  seul  condile  peut-il  éprouver  une  luxa- 
tion complète  ? un  chirurgien  m’a  assuré  avoir 
reconnu  cette  espèce  de  luxation  sur  le  cadavre 
d’une  femme  morte  à Bicêtre  $ il  m’a  fait  voir 
même  une  vingtaine  de  petits  osselets  qui 
s’étoient  formés  dans  la  cavité  articulaire  qu’a- 
voit  entièrement  abandonnée  un  des  condiles. 


( N°.  YII.  ) 


193 


MÉDECINE  PRATIQUE. 

Compte  rendu  des  effets  médicamenteux  de 
V électricité , d’après  une  expérience  de  seize 
ans  , par  M.  Maucluit , médecin  de  Paris . 

Depuis  seize  ans  j’ai  consacré  mon  temps  à 
l’emploi  de  l’électricité  médicale  ; j’ai  admi- 
nistré ce  genre  de  remède  à beaucoup  de  ma- 
lades, j’ai  été  témoin  d’un  grand  nombre  de 
faits  j je  les  ai  comparés  aux  faits  de  même 
genre  publiés  par  les  auteurs.  Jai  rendu  compte 
de  mon  travail  en  différens  temps  ; mais  mes 
observations  sont  isolées  et  éparses  : vous  pen- 
sez mon  cher  confrère,  qu’en  les  rapprochant, 
en  écrivant  un  résultat  général , e pourrois 
concourir  à fixer,  dans  l’état  actuel  des  choses, 
nos  connoissances  sur  l’utilité  de  l’électricité 
médicale  ; vous  m’invitez  à m’occuper  de  ce 
résultat , à le  publier , et  vous  m’offrez  d’en 
rendre  compte  dans  le  Journal  que  vous  ré- 
digez; je  souscris  avec  plaisir  et  avec  recon- 
noissance  à votre  invitation,  je  la  remplirai 
le  mieux  qu’il  me  sera  possible  , et  sur-tout 
en  me  renfermant,  comme  j’ai  toujours  tâché 
de  le  faire,  dans  les  bornes  de  la  plus  stricte-  et  de 
la  plus  exacte  vérité.  Je  peux  me  tromper,  mais 
je  ne  peux  vouloir  tromper  les  autres. 

Je  divise  les  maladies  , relativement  à l’utilité 
dont  je  crois  que  l’électricité  peut-être  pour 
les  cembattre, 

i°.  En  maladies  contre  lesquelles  l’utilité  de 
l’électricité  est  avérée  ; 

2.0.  En  maladies  contre  lesquelles  il  est  seu* 
lement  propable  que  l’électricité  peut-être  utile; 
3°.  En  maladies  contre  lesquelles  l’éleçtricité 
Tome  III . N°.  YII.  N 


19  4 La  Médecine 

n’offre  point  de  ressource,  quoique  des  appa- 
rences en  aient  imposé  aux  premiers  obser- 
vateurs, et  qu’ils  aient  annoncé  l'électricité  ; 
comine  le  remède  contre  ces  memes  maladies. 

L’ordre  dans  lequel  j’énonce  les  maladies , 
indique  le  degré  d’utilité  de  l’électricité  dans 
chacune. 

La  paralysie  est  peut  être  la  maladie  contre 
laquelle  on  emploie  l’électricité  plus  utilement, 
parce  qu’on  guérit  par  son  moyen  beaucoup  de 

Îjaralytiques,  parce  que  la  paralysie  est  une  ma- 
adie  très-fâcheuse  et  très-nuisible  : il  ne  faut 
pas  cependant  croire  qu’on  guérisse  tous  les  pa- 
ralytiques en  leur  administrant  l’électricité  ; les 
succès  dépendent  du  caractère  ou  plutôt  de  la  na- 
ture de  la  maladie  , de  son  intensité  , de  sa  date. 
Quant  à la  nature  de  la  paralysie  , cette  maladie 
est  ou  humorale  et  accompagnée  de  stase,  de 
congestion  , soit  sanguine,  soit  lymphatique  ; ou 
elle  est  produite  par  le  dessèchement , l’atro- 
phie , la  rétraction,  la  rigidité  des  fibres;  ou 
ces  symptômes  sont  au  moins  sa  cause  secon- 
daire et  apparente. 

La  paralysie  a encore  lieu  quelquefois  à la 
suite  d’une  humeur  répercutée  , ou  elle  suc- 
cède à une  violente  commotion  , à un  choc,, 
un  coup,  une  chute. 

La  paralysie  dans  laquelle  il  y a stase  et 
engorgement , est  ou  humorale , ou  sanguine  ; 
c’est  la  lymphe  qui  est  en  stagnation,  et  qui 
forme  congestion  dans  la  première  ; l’engor- 
gement est  dû,  dans  la  seconde,  à la  stase  du 
sang  ou  à la  difficulté  qu’il  éprouve  à circuler. 
Dans  le  premier  genre  de  paralysie  , la  fibre 
est  lâche  , le  tissu  cellulaire  est  engorgé,  il  y a 
ædême  et  empâtement,  ptyalisme , pâleur  et  froid 
à la  peau  , le  pouls  est  foible , enfoncé  et  lent  ; 


ÉCLAIRÉE,  etC.  195 

dans  la  seconde  espèce  de  paralysie , la  clialeur 
est  souvent  augmentée  ; il  n’y  a ni  empâtement 
ni  ædêrne  , la  fibre  est  sèche  et  tendue,  le  pouls 
est  aussi  fort , aussi  fréquent  que  dans  l’état 
naturel,  quelquefois  davantage  ; les  membres 
paralysés  conservent  la  même  clialeur,  le  même 
coloris  que  dans  l’état  de  santé  ; le  visage  est 
souvent  fort  rouge  , ainsi  que  les  yeux.  La 
première  espèce  de  paralysie  est  la  plus  fré- 
quente , c’est  celle  clans  laquelle  on  obtient  des 
succès  plus  prompts  , plus  complets  ; on  en 
obtient  aussi  dans  la  seconde  , mais  ils  sont 
plus  lents,  rarement  aussi  complets,  et  quel- 
quefois on  n’en  obtient  pas.  Ces  deux  espèces 
de  paralysies  sont  souvent  compliquées,  et  le 
mal  cède  à proportion  qu’il  s’approche,  plus 
de  l’une  ou  de  l’autre  espèce  de  paralysie. 

Jai  dit  que  les  succès  dépendent  aussi  de 
l’intensité  de  la  maladie  et  de  sa  date. 

Tous  les  malades  que  jai  soumis  à l’électricité , 
qui  étoient  dans  un  affaissement  extrême,  soit 
que  la  paralysie  fût  humorale  , soit  qu’elle  fût 
sanguine  , dont  l’affaissement  frappoit  sur  tout 
le  système  économique,  dont  les  fonctions  intel- 
lectuelles étoient  ou  milles  ou  très -dérangées  , 
qui  éprouvoient  une  extrême  difficulté  à parler  , 
qui  conservoient  la  mémoire  des  faits  anciens , 
et  oublioient  promptement  les  faits  les  plus 
récens,  n’ont  obtenu  aucun  succès.  J’ai  vérifié 
les  observations  de  ce  genre  un  assez  grand 
nombre  de  fois,  et  dans  des  cas  assez  variés 
pour  que  je  croie  pouvoir  conclure  qu’à  pro- 
portion que  les  symptômes  que  je  viens  de  rap-*> 
porter  sont  réunis  en  plus  grand  nombre , 
qu’ils  ont  plus  d’intensité  dans  le  même  sujet, 
il  y a moins  ou  point  de  succès  à espérer  pour 
lui  5 qu’au  contraire,  moins  on  observe  de  ces 

N a 


S 9 6 L A MÉDECINE 

symptômes  à l’égard  d’un  malade  , plus  ils  sont 
légers,  plus  il  y a espérer  à son  éga  d , quoique 
sa  paralysie  soit  complète,  que  les  membres 
affectés  soient  privés  de  tout  mouvement  et 
de  tout  sentiment. 

Le  succès  dépend  aussi  de  la  date  de  la  ma- 
ladie : plus  elle  est  récente  , plutôt  et  plus  com- 
plètement on  y remédie;  mais  quelqu’imétérée 
qu’elle  soit , on  obtient  dans  le  cas  favorable 
que  j’ai  désigné,  un  succès  seulement  plus  tar- 
dif et  moins  complet , enserte  que  le  para- 
lytique électrisé  peu  après  l’attaque  est  com- 
plètement guéri  : celui  qui  ne  l’est  que  plu- 
sieurs mois,  ou  plu  leurs  années  après,  n’est 
que  soulagé.  Il  ne  m’a  pas  paru  que  l’âge  plus 
avancé  rende  la  cure  de  la  paralysie  plus  dif- 
ficile. 

Il  suit  de  ce  que  je  viens  de  dire,  que  pour 
apprécier  en  général  la  valeur  de  l’électricité 
contre  la  paralysie  , il  faudroil  que  ceux  qui 
font  des  observations  à cet  égard  commen- 
çassent par  constater  l’espèce  de  paralysie  qu  ils 
entreprennent  de  combattre , les  symptômes 
dont  le  malade  est  affecté.  En  e ffet , l’un  pour- 
roit  guérir  tous  les  malades  , l’autre  n’en  guérir 
aucun;  il  en  resulteroit  une  conti  adiction  epii 
ne  tiendroit  cju’à  ce  epie  leurs  observations  ne 
se  rapporteroient  pas  à des  objets  de  même 
nature,  mais  à des  objets  très-différens , tjuoi- 
que  désignés  par  le  même  nom. 

Il  suit  de  ce  que  je  viens  de  dire  sur  la  pa- 
ralysie, i°  Que  l’espèce  de  paralysie  qui  a pour 
cause  une  congestion  lymphatique,  est  celle 
contre  laquelle  on  obtient  plus  de  succès; 

a°.  Qu’on  en  obtient  aussi  dans  la  paralysie 
qui  succède  au  coup  de  sang  incomplet  ; 

3°.  Qu’à  proportion  que  le  malade  est  élec- 


ÉCL  AISÉE,  etc.  Ï97 

trisé  plus  promptement  après  i’attaque,  la  cure  est 
plus  facile  , plus  complète;  qu’elle  l’est  de  même 
à proportion  que  i’aftaissement  du  malade  est 
moins  général  , moins  étendu  sur  la  totalité 

D 7 

de  son  individu , plus  circonscrit  aux  autres 
parties  paralysées,  que  ses  facultés  intellec- 
tuelles sont  intactes,  que  les  organes  de  la 
yoix  sont  moins  al’f  ctés. 

.1  ai  traiié  par  l'électricité  quelques  malades  pa- 
ra y tiques  qui  me  paroissoient  évidemment  être 
tombes  dans  cette  infirmité  , les  uns  par  la  ré- 
percussion de  r humeur  de  la  gale,  les  autres 
de  l uumeur  dartreuse  ; ces  malades  , ou  avoient 
eu  des  exutoires  avant  d’être  électrisés  , ou 
ils  les.  conservoient  encore  , ou  ils  n’en  avoient 
point  et  n’en  ^voient  jamais  eu.  Je  les  faisois 
garder  aux  seconds,  je  les  faisois  renouveller 
aux  premiers  , je  les  prescrivois  aux  derniers  ^ 
avant  d’employer  1 électricité.  Les  malades  dont 
il  s agit , ont  obtenu  beaucoup  de  succès  : l’hu- 
meur dt  s dartres  a communément  reparu  à la 
peau  ; ce  retour  dans  ce  cas  et  les  exutoires  9 
peuvent  être  regardés  comme  la  cause  immé- 
diate de  la  cure,  mais  l’électricité  y a contribué 
certainement,  et  a déterminé  l’action  de  la 
cause  immédiate  , en  irritant  la  peau  par  le 
moyen  des  étincelles,  en  y rappellant  par  l’effet 
de  l’irritation  , en  poussant  vers  son  tissu  par 
l’augmentation  du  mouvement  de  la  circulation, 
l’huin:  ur  dartreuse  répercutée  ; et  dans  i’un 
et  l’autre  cas  , l’électricité  a agi  en  détermi- 
nant un  cours  beaucoup  plus  abondant  de  l’hu- 
meur répercutée  vers  les  exutoires  ; car  c’est 
un  fait  constaté  par  tous  les  électriciens  que 
l’électricité  augmente  beaucoup  l’écoulement 
qui  a lieu  par  les  exutoires  , et  que  cet  écor^- 
lement  est  plus  abondant  dans  le  même  sujet 


198  ï.  a Médecine 

les  jours  où  il  est  électrisé  et  ceux  où  il  l’est  plus 
fortement,  que  clans  les  jours  dans  lesquels  il 
n’est  pas  électrisé  , et  dans  ceux  où  il  ne  l’est 
que  foiblement. 

Jai  administré  l’électricité  à deux  malades 
devenus  subitement  paralytiques , l’un  à la  suite 
d’une  chute j l’autre  à la  suite  d’uri  coup  de 
fleuret  au-dessus  de  l’arcade  sourcilière  ; ni  l'un, 
ni  l’autre  n’ont  obtenu  aucun  succès.  Si  la 
chute  , le  coup , la  commotion  de  quelque  na- 
ture quelle  soit,  ne  détermine  que  la  conges- 
tion , la  stase  des  humeurs , l’électricité  pourra 
très-probablement  être  utile  5 mais  qu’espérer 
de  ce  moyen,  si  l’ébranlement  à dérangé  le  sys- 
tème organique  ? 

Le  compte  que  j’ai  rendu  des  premiers  trai- 
tcmens  électriques  que  j’ai  administrés  , et  qui 
est  inséré  dans  le  tome  second  des  mémoires 
de  la  Société  de  Médecine,  est  accompagné  d’un 
tableau  qui  présente  le  nom,  l’âge  des  malades , 
la  date  de  leur  maladie  , ses  causes,  autant  qu’il 
est  possible  de  les  déterminer.  On  lit  sur  ce 
tableau  les  noms  de  cinquante-un  paralytiques  5 
leur  histoire,  rapportée  dans  le  compte  que 
j’ai  rendu  , appuie  et  vérifie  les  résultats , les 
conséquences,  les  assertions  que  j’énonce  dans 
Cette  lettre.  J’ai  électrisé  depuis  un  beaucoup 
plus  grand  nombre  de  paralytiques  , et  leur  trai- 
tement a , successivement  et  sans  variation , 
confirmé  mes  premiers  apperçus. 

Voulant,  autant  qu’il  me  seroit  possible,  dé- 
terminer la  valeur  de  l’électricité  contre  la  pa- 
ralysie , j’ai  comparé  les  succès  obtenus  par  ce 
moyen  aux  succès  que  procurent  les  autres 
médicamens  usités  contre  la  meme  maladie  : 
il  m’a  paru  qu’en  comparant  des  faits  qui  se 
rapportent  dans  les  circonstances,  comme  la 


ÉCLAIRÉE,  etC.  I99 

nature  , la  cause  , la  date  , les  symptômes  de 
la  maladie  , l’électricité  est  contre  la  paralysie 
l’équivalent  des  autres  moyens  curatifs  qu’on 
peut  employer  contre  cette  maladie  : ensorte 
que  l’électricité  guérit,  soulage,  ou  n’est  suivie 
d’aucun  succès,  dans  les  cas  où  les  autres  moyens 
curatifs  auroient  également  guéri  , soulagé  , on 
n’auroient  procuré  aucun  avantage.  Faut-il  en 
conclure  qu’on  n’ait  rien  gagné  par  l’application 
de  l’électricité  à la  paralysie  P Je  crois  que  cette 
conséquence  seroit  très-erronée  , parce  que  l’é- 
lectricité est  un  moyen  plus  facile  à administrer, 
beaucoup  moins  fatigant  et  moins  désagréable 
pour  le  malade  , infiniment  moins  dispendieux 
que  les  autres  procédés  curatifs  contre  la  même 
maladie. 

Le  riche  devenu  paralytique  gagne  donc , 
en  recourant  à l’électricite , de  n’être  pas  con- 
traint , comme  en  recourant  aux  eaux  miné- 
rales , et  en  allant,  pour  qu’elles  soient  plus 
efficaces  , en  user  à leur  source  , à se  dé- 
placer, de  ne  pas  quitter  ses  affaires,  de  de- 
meurer auprès  des  personnes , et  dans  les  lieux 
dont  l’éloignement  lui  seroit  pénible  , d’em- 
ployer un  remède  qui  le  fatigue  moins,  et  dont 
l’usage  n’a  rien  qui  surcharge  et  fatigue  ses 
viscères  , qui  blesse  la  délicatesse  de  ses  sens  , 
et  dont  l’usage  le  contrarie  dans  sa  manière  de 
vivre.  Mais  le  très-grand  avantage  de  l’élec- 
tricité est  en  faveur  de  l’homme  peu  opulent 
et  du  pauvre.  Le  premier  épuise  ses  moyens 
en  faisant  usage  des  remèdes  ordinaires  5 le 
pauvre  ne  sauroit  les  employer  , et  personne 
n’en  fait  la  dépense  en  sa  faveur  • ils  ne  lui 
sont  fournis  ni  par  les  charités  des  paroisses-, 
ni  dans  les  hôpitaux  : c’est  une  des  causes  d’a- 
près lesquelles  on  voit  tant  d’infirmes  parmi; 

N 4 


2.00  La  Médecine 

le  peuple.  En  effet , la  nourriture  du  pauvre , 
les  intempéries  qu’il  supporte  , l’insalubrité  des 
lieux  qu’il  habite,  souvent  la  nature  de  son  tra- 
vail, l’exposent  au  danger  de  devenir  paralytique, 
et  beaucoup  de  pauvres,  même  encore  jeunes, 
sont  frappés  de  paralysie  ; ils  demeurent  perclus  , 
à charge  à l’état,  malheureux,  faute  de  secours  : 
des  traitemens  électriques , administrés  dans 
les  hôpitaux,  qui  occasionneroient  une  dépense 
très-modique  , rendraient  à eux-mêmes  et  à l’é- 
tat un  grand  nombre  de  paralytiques.  L’élec- 
tricité , sous  ce  seul  point  de  vue  , peut  donc 
être  d’une  très-grande  utilité.  . 

Pour  achever  ce  que  j’ai  observé  relative- 
ment à la  paralysie  , je  dirai,  i°.  dans  quel  temps 
je  crois  convenable  d’employer  l’électricité  après 
l’invasion  du  mal  ; 20.  de  quelle  manière  il 
est  plus  avantageux  d’administrer  l’électricité  ; 
3°.  de  quelle  précaution  on  doit  user  en  en 
faisant  usage. 

Ou  la  paralysie  à lieu  seule,  sans  avoir  été 
précédée  , sans  être  accompagnée  de  l’apoplexie 
ou  d’une  autre  maladie,  ou  011  est  frappé  à la 
suite  del’apoplexie  ou  instantanément  avec  cette 
maladie,  ou  la  paralysie  a été  précédée  par  des 
douleurs  de  goutte  ou  de  rhumatisme  plus  ou 
moins  fréquentes  , ou  la  paralysie  succède  à la 
répercussion  d’une  humeur  qui  se  portoit  à la 
peau  , ou  elle  arrive  à la  suite  des  coliques  cau- 
sées par  le  vin  lithargiré  ou  par  les  poisons  mé- 
talliques , soit  pris  intérieurement , soit  intro- 
duits sous  forme  de  vapeurs  parles  pores  absorbans 
et  la  respiration.  Tels  sont  les  cas  dans  lesquels 
la  paralysie  a le  plus  communément  lieu , car 
elle  arrive  aussi  quelquefois  après  la  suppres- 
sion de  certains  écoulemens , ou  habituels,  ou 
périodiques  comme  après  la  dessication  d’uu 


ÉCLAIRÉE,  etC.  2>OÎ 

ulcère  , après  la  cessation  du  flux  liernor- 
rhoïdai . Jai  cru  reconnoître  évidemment  ces 
cas  et  ces  causes  de  la  paralysie  parmi  les  pa- 
ralytiques pour  lesquels  j’ai  employé  l'élec- 
tricité , et  il  m’a  paru  qu’on  doit  observer  les 
faits  suivans  relativement  au  temps  , à la  ma- 
nière d’administrer  l’électricité  ^ aux  précau- 
tions à prendre  en  en  faisant  usage. 

Lorsque  la  paralysie  a lieu  en  même  temps 
que  l’apoplexie  , ou  qu’elle  succède  promp- 
tement à cette  première  maladie  , sans  que 
l’une  ni  l’autre  aient  été  précédées  par  des 
infirmités  habituelles,  il  faut  seulement,  avant 
d’avoir  recours  à l’électricité  , attendre  que  les 
accidens  que  l’apoplexie  peut  occasionner  11e 
soient  plus  à redouter  5 que  l’assoupissement 
profond,  le  stertor , la  pesanteur  de  tête,  les 
étourdissemens , la  rougeur  du  visage  et  des 
yeux  , soient  dissipés,  ou  au  moins  très-dimi- 
nués ; que  l’usage  des  sens  soit  en  partie  ré- 
tabli : il  est  sur-tout  nécessaire  d’attendre  dans 
le  cas  d’apoplexie  sanguine  ; sans  cette  lenteur 
on  risqueroit,  en  raréfiant  les  humeurs  , en  ac- 
célérant le  mouvement  de  la  circulation  par 
l’effet  de  l’électricité , de  causer  une  nouvelle 
attaque  d’apoplexie  , d’augmenter  l’embarras 
du  cerveau,  et  d’aggraver,  de  renouveller  tous 
les  accidens;  il  faut  donc  attendre  que  les  symp- 
tômes de  la  pléthore  ou  de  l’engorgement 
soient  au  moins  très-diminués , et  assez  pour 
qu’une  légère  augmentation  de  ces  simptômes 
ne  soit  pas  à redouter , pour  qu’on  n’ait  pas 
à en  craindre  qu’elle  occasionne  une  nouvelle 
attaque  d’apoplexie.  On  connoît  les  moyens 
de  remedier  aux  symptômes  de  l’apoplexie; 
ce  n’est  pas  le  lieu  de  parler  de  ces  moyens  , il 
suffit  de  dire  que  leur  usage  et  l’effet  qu’on 


^02  JL/  a M e d e c i n e 

attend  doivent  précéder  l’emploi  de  l’électricité. 

Quand  la  paralysie  a été  précédée  par  de 
longues  , fréquentes  ou  habituelles  douleurs 
de  rhumatisme  , ou  par  des  affections  gout- 
teuses, ou  en  particulier  par  des  accès  de  goutte 
bien  caractérisés  , il  faut  avoir  égard  à ces  cir- 
constances différentes  ; quand  la  paralysie  a 
ete  précédée  par  des  douleurs  rhumatisantes , 
je  crois  qu’on  peut  sans  risque  employer  l’é- 
lectricité sans  aucun  préliminaire  de  l'invasion 
du  mal;  quand  on  a lieu  de  présumer  que  la 
paralysie  est  due  à une  humeur 'de  goutte  vague 
qui  s’est  fixée  , je  crois  qu’il  est  prudent  , 
avant  d’emjdoyer  l’électricité  , de  prescrire  des 
remèdes  propres  à porter  à la  peau,  et  de  les 
faire  ensuite  concourir  avec  l’électricité  pendant 
tout  le  temps  du  traitement  : mais,  lorsque 
le  malade  a eu  plusieurs  accès  de  goutte  ca- 
ractérisés, et  qu’on  est  fondé  à regarder  l’hu- 
meur goutteuse  comme  la  source  et  le  prin- 
cipe de  la  paralysie  , je  ne  pense  pas  qu’on 
doive  en  aucun  temps  employer  l’électricité. 
Mon  opinion , dans  les  cas  que  je  viens  d’é- 
noncer, est  fondée  sur  les  observations  suivantes. 

L’électricité  manque  rarement  de  déplacer 
l’humeur  rhumatisante  et  de  la  pousser  à la 
peau.  On  peut  donc,  dans  le  cas  de  paralysie 
qui  succède  au  rhumatisme  , et  qui  paroît 
avoir  pour  cause  l’humeur  rhumatisante , em- 
ployer, dès  l’invasion  de  la  paralyse,  l’electricilé 
sans  danger;  car  l’humeur  morbifique  déplacée, 
mise  en  mouvement  , sera  portée  vers  une 
partie  où  elle  ne  causera  pas  d’accident , et  elle 
sera  même  expulsée. 

Dans  les  rhumatismes  qu'on  nomme  goutteux 
et  dans  les  affections  de  ce  genre  , l’électricité 
agit  avec  plus  de  promptitude  encore , et  a 


ÉCLAIRES,  etC.  2.o3 

plus  d’effet  que  dans  le  rhumatisme  simple  : 
c’est  parce  que  son  action  est  très-vive,  son 
effet  très-grand , parce  qu’elle  met  en  mou- 
vement une  humeur  plus  abondante  dans  ce 
genre  d’affection , que  je  crois  nécessaire  de 
faire  précéder  pendant  quelques  jours,  et  de 
faire  concourir  avec  l’électricité,  les  remèdes 
propres  à porter  à la  peau.  En  effet,  dans  le 
cas  dont  il  s’agit , les  malades  qu’on  électrise 
ont  souvent  des  crises  par  les  crachats , quel- 
quefois par  les  urines , ou  même  par  les  selles  : 
l’humeur  mise  en  mouvement  se  porte  donc 
sur  les  viscères , et  c’est  une  voie  dont  il  est 
toujours  prudent  de  la  détourner  , sur-tout 
quand  il  est  possible  de  lui  faciliter  une  autre 
issue  et  une  sortie  qu’aucun  risque  n’accom- 
pagne. 

Je  11e  me  suis  jamais  permis  d’administrer 
l’électricité  aux  goutteux,  ni  aux  paralytiques 
en  qui  l’humeur  goutteuse  m’a  paru  être  la 
cause  de  la  paralysie  , parce  que  Zetzel  et 
Linnéus,  d’autres  observateurs  encore , assurent 
que  l’électricité , calme  les  douleurs  de  la  goutte , 
mais  en  déplaçant  l’humeur  plus  promptement 
qu’aucun  autre  moyen,  sans  l’expulser  au  de- 
hors j d’où  il  suit,  ajoutent  les  auteurs,  que 
les  goutteux  dont  on  a calmé  les  douleurs  sont 
pris,  tantôt  de  vertiges  et  de  maux  de  tête  in- 
supportables, tantôt  de  toux  opiniâtres,  ou  de 
coliques  accompagnées  de  déjections  glaireuses 
et  sanguinolentes  , tous  symptômes  graves  et 
très-difficiles  a dissiper , qui  ne  cessent  que 
quand  l’humeur  goutteuse  a été  rappellée  à 
son  siège  ordinaire,  aux  extrémités,  soit  par 
les  forces  vitales  seules,  soit  aidées  par  des 
remèdes  convenables. 

Il  n’est  pas  nécessaire  de  dire  que  quand  le 


2o4  La  M é ïi  b C i n e 

rhumatisme  esl  inflammatoire , ce  seroit  beau- 
coup risquer  de  prescrire  l’électricité  avant  que 
les  symptômes  de  l’inflammâtion  soient  en 
grande  partie  calmés.  Je  faisois  un  cours  d'é- 
ïectricite  médicale,  de  jeunes  élèves  qui  le  sui- 
voie.nt  m’amenèrent  le  valet  de  leur  hôtellerie, 
perclus  par  un  rhumatisme  très-aigu  : une  cir- 
constance me  fit  sortir  de  la  pièce  oh  je  les 
avois  reçus  pendant  quelques  instans  ; ils  don- 
nèrent au  malade  en  mon  absence  de  fortes 
commotions  , répétées  en  assez  grand  bon  dire  : 

• ^ . ' /v  ^ I • 

je  les  trouvai  occupes  a cet  emploi  en  ren- 
trant ; je  les  blâmai  et  je  leur  exposai,  après 
que  le  malade  fut  retiré  , les  dangers  auxquels 
je  croyois  qu’ils  venaient  de  l’exposer.  Ce  ma- 
lade étoit  venu  chez  moi  , appuyé  sur  une  bé- 
quille, et  aidé  par  les  jeunes  gens  qui  l’ame- 
noientj  je  le  vis  revenir  le  lendemain  avec 
eux,  sans  appui  d’aucune  sorte.  Il  avoit  eu 
la  veille,  après  l’électrisation  , un.  redouble- 
ment de  fièvre  et  un  très-violent  accès  de  plu- 
sieurs heures,  suivi  d’une  sueur  excessivement 
abondante,  qui  dura  la  plus  grande  parlie  de 
la  nuit  : il  s’étoit  trouvé  presque  totalement 
délivré  de  douleurs  le  matin;  il  avoit  recouvert 
la  facilité  de  se  mouvoir,  il  étoit  venu  sahs^  être 
aidé  ni  appuyé  , et  il  n’avoit  plus  de  fievre. 
Je  le  félicitai  et  ceux  qui  raccompagnoient  sur 
l’heureuse  issue  de  leur  essai  ; je  leur  con- 
seillai cependant  de  ne  le  pas  renouvellèr  en 
pareil  cas  : en  effet,  si  la  nature  n’avoit  pas  ete 
assez  forte  pour  déterminer  et  soutenir  la  vio- 
lente crise  qui  avoit  eu  lieu  par  la  sueur  , le 
malade  n’auroit-il  pas  été  dans  le  plus  grand 
danger,  et  peut-être  la  victime  de  l’essai  P Je 
crois  donc  beaucoup  plus  sage  > en  pareil  cas  , 
d’attendre  que  la  violence  des  symptômes  in- 


iSclairéI)  etc.  io5 

flammatoires  soit  diminuée  , et  de  n’employer 
même  alors  qu  une  électricité  dont  l’effet  soit 
moins  prompt,  mais  moins  dangereux.  Em- 
ployée dans  le  cas  dont  il  s’agit,  avec  la  violence 
dont  elle  le  fut  pour  le  mdjade  dont  je  parle, 
ce  seroit  un  de  ces  remèdes  de  charlatans  qui 
réussissent  une  fois  et  tuent  vingt  autres  fois. 

Toutes  les  fois  que  la  paralysie  m’a  paru 
avoir  pour  cause  une  humeur  repercutée,  ou 
la  suppréssion  d’un  écoulement  soit  habituel  , 
soit  périodique  , j’ai  prescrit  avant  et  pendant 
le  traitement  électrique  , ou  l’usage  d’un  exu- 
toire , ou  celm'des  remèdes  propres  à rappeller 
l’écoulement  habituel  ou  périodique  qui  avoit 
cessé  d’avoir  lieu.  Je  me  suis  conduit  à cet 
égard  comme  par  rapport  à l’objet  de  l’article 
précèdent,  dans  la  vue  d’appeller  l’humeur 
mise  en  mouvement  vers  une  partie  où  elle 
se  portât  sans  y produire  un  effet  dangereux. 

La  paralysie  ne  succède  à l’effet  des  poisons 
métalliques  pris  intérieurement  , que  quand 
les  accidens  inflammatoires  les  plus  violons 
sont  en  partie  calmés  ; mais  lors  de  son  inva- 
sion, le  malade  peut  ressentir  encore  de  vives 
douleurs  dans  les  entrailles. 

Lorsque  la  paralysie  est  occasionnée  par  des 
vapeurs  métalliques  , elle  n’a  quelquefois  lieu 
qu’après  que  les  malades  ont  éprouvé  des  co- 
liq  ues  inflammatoires,  comme  il  arrive  sou- 
vent aux  peintres  et  aux  plombiers  ; elle  se 
déclare  au  contraire  d’autres  fois  sans  avoir 
été  précédée  par  des  coliques  , comme  les  do- 
reurs en  fournissent  l’exemple.  Je  crois  que 
quand  la  paralysie  causée  par  des  poisons  me- 
ta i tp  s,  est  accompagnée  de  coliques,  même  de 
simp.es  douleurs  , et  d’une  extrême  sensibilité 
des  entrailles,  qui  subsistent  encore,  il  faut, 


206  La  Médecine 

avant  d’employer  l’électricité,  attendre  que  ces 
symptômes  soient  très  - diminués,  sans  quoi 
l’action  irritante  de  l’électricité  les  rappelleroit 
à leur  intensité , ou  les  en  rapprocheroit  beau- 
coup : mais  quand  la  paralysie  n’a  pas  été  pré- 
cédée de  douleurs  d’entrailles  , ou  que  ces 
douleurs  ont  cessé , on  peut  faire  usage  de 
l’électricité  aussi- tôt  que  la  paralysie  se  déclaré. 

Je  n’offre  dans  cet  article  qu’une  simple 
conjecture  à l’égard  de  la  paralysie  survenue 
à la  suite  de  coliques  causées  par  des  poisons 
métalliques  pris  intérieurement  j je  n’ai  point 
traité  de  malades  dans  ca  cas  , à qui  les  dou- 
leurs d’entrailles  se  fissent  encore  sentir  ; mais 
j’en  ai  traité  deux  qui , après  avoir  éprouvé 
des  coliques  , étoient  devenus  paralytiques  , et 
ne  souffroient  plus  de  douleurs  d’entrailles  \ 
j’ai  administré  l’électricité  à trois  malades  de- 
venus paralytiques  par  l’effet  des  vapeurs  du 
mercure  , sans  avoir  éprouvé  des  coliques  : ces 
trois  derniers  étoient  des  doreurs  ; les  deux 
premiers  n’ont  été  que  soulagés  et  .les  trois 
autres  ont  été  guéris.  De  Haen  , si  digne  qu’on 
le  croie  , assure  avoir  guéri , par  l’électricité , 
un  grand  nombre  de  doreurs  perclus,  et  réduits 
à l’état  le  plus  fâcheux.  Son  assertion  m’a  tou- 
jours fait  desirer  d’employer  l’électricité  en 
faveur  des  doreurs,  mais  je  n’ai  eu  occasion 
d’en  traiter  que  trois  ; d’après  l’assertion  de 
de  Haen , un  traitement  électrique  public  seroit 
un  grand  bienfait  pour  ces  artistes. 

Après  avoir  essayé  de  déterminer  l’époque 
où  il  est  à propos  , dans  les  différentes  es- 
peces de  paralysie , d’administrer  l’électricité , je 
m’occuperai  de  rechercher  quelle  est  la  meil- 
leure méthode  d’en  faire  usage , quel  doit  être 
le  nombre  des  séances  par  jour,  la  durée  de 


ÉCLAIRÉE,  etC.  207 

cb  fi  que  séance  , et  celle  du  traitement  entier. 

La  manière  d’employer  l’électricité  , la  duree 
et  la.  fréquence  des  séances.,  sont  la  façon  de 
doser  ce  remède,  comme  la  préparation  des 
autres  médicamens  , leur  poids,  est  la  manière 
d’en  régler  et  d’en  fixer  la  dose.  Les  au- 
teurs anglois  recommandent , de  quelque  ma- 
nière qu’on  emploie  l’électricilé , de  ne  por- 
ter le  traitement  qu’à  un  degré  tel  qu’il  ne 
fatigue  pas  le  malade  et  ne  lui  laisse  pas  un 
sentiment  de  lassitude  qui  se  prolonge  plus 
ou  moins  après  le  traitement  : ils  assurent 
qu’on  ne  réussit  qu’en  bornant  à ce  degré  la 
dose  d’électricité  , si  l’on  peut  employer  cette 
expression.  J’ai  toujours  pratiqué  leur  conseil 
depuis  que  je  l’ai  connu  , et  je  m’en  suis  cons- 
tamment très-bien  trouvé  : en  conséquence , 
je  commence  toujours  le  traitement  par  la  mé- 
thode la  moins  active  , par  le  bain  électrique  ; 
je  passe  ensuite  pour  la  paralysie  aux  étincelles, 
et  je  fais  d’abord  des  séances  très-courtes.  J’ob- 
serve le  degré  de  sensibilité  du  malade.,  et 
selon  qu’il  supporte  mieux  l’électricité,  je  pro- 
longe les  séances  , j’en  augmente  la  fréquence  , 
s’il  est  possible  j’emploie  les  étincelles  , et 
plutôt  et  pendant  plus  de  temps  à chaque 
séance.  J’ai  toujours  observé  encore,  même 
pour  les  malades  qui  supportent  le  mieux  l’élec- 
tricité, de  prolonger  graduellement  les  séances, 
comme  pour  obtenir  de  l’effet  d’un  remède  , 
long-temps  continué,  on  en  augmente  insen'sible- 
inent  et  graduellement  la  dose.  Je  n’ai  recours 
à la  commotion  que  quand  les  bains  et  les  étin-. 
celles  ont  été  sans  effet  assez  de  temps  pour 
que  je  croie  qu’il  n’y  a plus  lieu  d’en  espérer 
de  succès  j alors  je  mets  en  usage  les  commo- 
tions, comme  une  dernière  ressource,  et  je  les 


xa  Médecine 

gradue  comme  je  le  pratique  pour  le  bain  et 
les  étincelles.  Je  résume  de  ce  qui  précède  , que 
pour  les  sujets  très-sensibles , que  les  étincelles 
fatiguent , il  faut  se  borner  au  bain  : ce  moyen 
agit  plûs  lentement  mais  il  conduit  au  même 
succès,  en  dépensant  seulement  plus  de  temps; 
les  commotions  m’ont  toujours  paru  un  moyen 
fatigant  , dont  on  doit  se  passer  pour  la  plupart 
des  paralytiques,  et  qu’on  ne  doit  employer  que 
quand  les  autres  moyenssont  reconnus  inu  tiles.  La 
duree  des  premières  séances  me  paroît  ne  devoir 
pas  excéder  huit  à dix  minutes  , et  je  les  porte 
ensuite  à demi-heure  ou  trois-quarts  d’heure  , 
en  les  augmentant  de  quelques  minutes  chaque 
jour.  Je  partage  la  durée  des  séances  moitié 
en  bain  , moitié  en  étincelles  : le  mieux  seroit 
de  faire  deux  séances  par  jour , une  le  matin  , 
une  le  soir  j mais  je  l’ai  peu  pratiqué  , les  ma- 
lades étant  obligés  de  venir  chez  moi.  Quant 
à la  durée  du  traitement  en  totalité  , je  ne  crois 
pas  qu’on  puisse  fixer  aucune  époque  , puis- 
qu’il y a des  paralytiques  guéris  en  six  se- 
maines ; d’autres  qui  n’ayant  éprouvé  que  très- 
peu  ou  point  "de  soulagement  en  six  mois,  et 
ne  se  rebutant  pas  cependant,  obtiennent  tout 
à coup  beaucoup  de  soulagement  : on  doit  seu- 
lement conclure  que  l’électricité  agit  très-len- 
tement , et  que  les  paralytiques  11e  doivent 
pas  désespérer  qu’elle  les  guérisse  , ou  les 
soulage,  s’ils  n’en  ont  pas  fait  usage  au  moins 
pendant  six  mois. 

Il  me  reste  à parler  des  précautions  que  je 
crois  nécessaires  , en  administrant  l’électricité 
aux  paralytiques. 

Lorsque  MM.  Lassone  , Morand , Nollet  , 
traitèrent  aux  Invalides  des  paralytiques  par 
l’électricité } ces  messieurs  obtinrent  d’abord 

de 


ÉCLAIRÉE,  etC.  2.09 

des  succès  marqués  ; on  en  conçut  des  espé- 
rances , mais  la  plupart  des  malades  retom- 
bèrent bientôt  dans  le  premier  état  , ou  ils 
furent  frappés  de  paralysie  sur  des  membres 
que  cette  maladie  n’avoit  pas  affectés,  tandis 
qu’ils  étoient  soulagés  du  côté  des  parties  qui 
avoient  été  premièrement  paralysées,  et  ayant 
l’usage  de  l’électricité  ; on  en  conclut  quelle 
étoit  nuisible  plutôt  qu’avantageuse  , et  on 
cessa  pour  long  temps  en  France  de  l'employer. 
Les  faits  qui  avoient  eu  lieu  en  avoient  im- 
posé , et  la  conséquence  qu’on  en  avoit  tirée 
n’étoit  pas  fondée  : ces  mêmes  faits  prouvoient 
que  l’électricité  avoit  une  action  $ il  étoit  pos- 
sible de  la  diriger  ou  de  la  seconder  de  ma- 
nière qu’elle  fût  utile  et  ne  pût  pas  nuire  j 
mais  on  ne  tira  point  alors  cette  conséquence  , 
et  011  ne  chercha  point  à profiter  de  l’action 
de  l’électricité  , en  prévenant  les  dangers  à re- 
douter de  cette  même  action  ; c’est  je  crois 
ce  que  l’observation  et  les  circonstances  m’ont 
appris  de  la  manière  que  je  vais  exposer. 

Quand  je  commençai  à électriser  des  ma- 
lades, je  m’attachai  à observer  chaque  jour  ce  qui 
leur  arrivoit  , et  je  recueillis  à leur  égard  tous 
les  faits  qui  eurent  lieu.  Je  11e  tardai  pas  à 
reconnoître,  comme  les  physiciens  qui  firent 
des  traitemens  aux  Invalides  et  d 'autres  sa  vans , 
en  particulier  Sauvages , l’avoient  annoncé  , que 
l’électricité  détermine  dans  la  plupart  des  ma- 
lades des  excrétions  , tantôt  par  les  sueurs  , 
et  c’est  l’excrétion  la  plus  fréquente  , tantôt 
pas  les  crachats  , quelquefois  par  les  urines 
ou  par  les  selles.  Ces  excrétions  me  parurent 
des  crises  que  la  nature  cormnençoit  , qui 
étoient  déterminées  par  l’électricité  5 j'observai 
que  les  sécrétions  étoient  peu  abondantes  , que 
Tome  IIL  N°.  VII.  O 


210  Là.  Médecine 

souvent  elles  s^arretoient  après  avoir  commen- 
cé , qu’elles  succédoient  toujours  à des  dou* 
.leurs , des  mouvemens  intestins  éprouvés  dans 
les  parties  paralysées  , et  à un  retour  marqué 
de  mouvement  et  de  sensibilité  dans  ces  parties  j 
que  ces  avantages  se  soutenoient  si  les  ex- 
crétions continuoient , mais  que  si  elles  dimi- 
nuoient  ou  elles  étoient  supprimées  , les  acci- 
dens  qui  avaient  été  diminués  redevenoient 
aussi  graves  que  par  le  passé  ; que  d’autres 
fois  le  soulagement  persévéroit  à l’égard  des 
parties  sur  lesquelles  il  avoit  eu  lieu,  mais 
que  le  mal  se  portoit  sur  des  parties  qui  en 
«.voient  été  exemptes  avant  l’électrisation. 

Une  femme  sur-tout,  madame  Prémon,  dont 
l’histoire  est  rapportée  tome  second  des  Mé- 
moires de  la  Société  de  Médecine,  me  fournit 
occasion  de  répéter  , de  confirmer  ces  obser- 
vations, et  d’en  tirer  une  conséquence  pré- 
cise. Madame  Prémon  étoit  hémiplégique  : on 
l’amena  chez  moi  en  voiture  , et  on  la  portoit 
de  la  voiture  à la  chambre  où  elle  étoit  élec- 
trisée  $ elle  ne  tarda  pas  à être  en  état  de  marcher 
seule  et  de  commencer  à se  servir  de  son  bras;  mais 
au  moment  où  il  sembloit  qu’on  ne  devoit  que 
s’applaudir,  madame  de  Prémon  fut  saisie  d’une 
oppression  inquiétante  , accompagnée  de  beau- 
coup de  fièvre  et  d’une  violente  douleur  à la 
région  du  diaphragme.  Des  délayans  et  des  caï- 
mans adoucirent  les  symptômes , qui  se  dissi- 
pèrent à la  suite  d’une  sueur  longue  et  abon- 
dante. La  malade  recommença  l’usage  de  l’é- 
lectricité ; elle  éprouvoit  depuis  long-temps 
une  douleur  fixée  sur  le  muscle  grand  pectoral , 
et  cette  douleur,  qui  en  s’augmentant  gênoit 
les  mouvemens  du  bras  , paroissoit  être  un  puis- 
sant obstacle  à ces  mouvemens  : je  m’attachai 
un  jour  à diriger  l’action  de  l’électricité  sur 


ÉCLAIRÉE,  CtC.  211 

le  muscle  grand  pectoral , en  ne  tirant  des  étin- 
celles que  de  ce  muscle  , en  en  tirant  beaucoup  , 
en  faisant  traverser  quelques  commotions.  Le 
jour  même  la  douleur  cessa  dans  la  partie  qui 
en  avoit  été  constamment  le  siège,  le  mou- 
vement fut  plus  libre  ; mais  dans  la  nuit  sui- 
vante la  douleur  se  porta  sur  les  muscles  sterno- 
costaux  , et  fut  si  vive  qu’elle  forçoit  la  malade 
à ne  faire  que  de  très-légères  inspirations.  Cet 
accident  se  termina  comme  le  premier  , et  se 
renouvella  , mais  avec  moins  de  violence  , une 
troisième  fois  , de  la  même  manière  que  la  se- 
conde fois.  Plusieurs  de  mes  confrères  qui  ont 
suivi  avec  moi  le  traitement  de  madame  Pré- 
inon , furent  témoins  des  faits  que  je  viens  de 
rapporter  ; ils  contribuèrent  beaucoup  à nous 
confirmer  dans  le  sentiment  où  nous  étions,  d’a- 
près les  excrétions  que  l’électricité  a coutume 
de  déterminer,  d’après  les  circonstances  qui 
précèdent , accompagnent  et  suivent  ces  ex- 
crétions, que  l’électricité  entame  des  crises, 
que  rarement  elle  les  soutient  si  on  ne  la  se- 
conde pas  , et  que  si  la  nature  n’est  pas  assez 
forte  pour  l'es  maintenir , elle  expose  les  ma- 
lades qu’elle  soulage  au  risque  des  métastases  $ 
mais  qu’on  peut  prévenir  ce  danger,  et  profiter 
des  avantages  que  l’électricité  procure  en  se- 
condant les  crises  qu’elle  détermine  , en  pro- 
curant l’évacuation  des  humeurs  qu’elle  déplace, 
qu’elle  met  en  mouvement,  qu’elle  pousse  vers 
un  conduit  excrétoire.  Ainsi , en  associant  à 
l’électricité  , les  légers  sudorifiques  prescrits  en 
boissons  , les  sialagogues , les  diurétiques,  se- 
lon que  la  crise  s’annonce  par  les  sueurs  , les 
crachats  ou  les  urines,  et  sur-tout  en  étant  at- 
tentif, toutes  les  fois  qu’un  changement  en 
bien  s’opère  subitement  et  d’une  manière  mar- 

O 2, 


La  Médecine 
quee  dans  les  paralytiques,  à les  évacuer  promp- 
tement par  les  selles  , on  peut  obtenir  de  grands 
avantages  par  l’électricité,  sans  avoir  de  re- 
chutes ni  de  métastases  à craindre  : cette  pro- 
position a été  confirmée  d’abord  par  l’exemple 
de  madame  Prémon  , que  j’ai  continué  d’élec- 
triser après  les  trois  premiers  accidens  dont 
j’ai  parlé  , qui  n’en  a plus  éprouvé  et  a cepen- 
dant beaucoup  obtenu  par  l’électricité.  La 
même  proposition  a acquis,  je  crois , l’évidence , 
par  l’exemple  du  grand  nombre  de  paralytiques 
que  j ’oi  traités  depuis,  pour  qui  j’ai  employé 
les  précautions  dont  j’ai  cru  reconnoître  la  né- 
cessité, dont  aucune  n’a  éprouvé  ni  rechute, 
ni  métastase. 

Je  me  suis  beaucoup  étendu  sur  la  paralysie  , 
parce  que  cette  maladie  est  très-fréquente  , parce 
que  l’issue  du  traitement  est  très  - différent 
suivant  la  nature  des  symptômes , la  date  de 
la  paralysie  , parce  que  je  crois  indispensable 
d’user  des  précautions  dont  je  viens  de  parler  , 
et  que  c’est  faute  d’en  avoir  fait  usage  qu’on 
a souvent  manqué  de  guérir  les  paralytiques , 
parce  qu’enfin  je  pense  qu’en  employant  l’é- 
lectricité pour  les  paralytiques  dans  les  cas , 
de  la  manière  et  avec  les  précautions  que  j’ai 
rapportés,  on  en  guériroit  un  très-grand  nombre. 

Ce  que  j’ai  dit  de  la  paralysie  relativement 
à son  intensité,  sa  date,  à la  force  du  traitement, 
aux  précautions  nécessaires  en  électrisant , doit 
également  s’appliquer  au  traitement  des  autres 
maladies;  ce  sont  des  généralités  que  je  prie 
de  ne  pas  oublier,  dont  je  ne  parlerai  plus, 
et  dont  je  supposerai  qu’on  se, souviendra. 


it 


ÉCLAIRÉE,  etC.  2l3 

HYGIÈNE. 

Blanchiment  du  linge  taché  par  T onguent  mer- 
curiel, par  M.  Y au  quel  in. 

C’est  un  problème,  parmi  les  praticiens  oc- 
cupés du.  traitement  des  maladies  vénériennes  , 
de  trouver  un  moyen  de  nétoyer  les  linges  dont 
on  a fait  usage  pendant  le  traitement  par  les 
frictions  mercurielles.  Il  est  difficile  de  se  former 
une  idée  de  la  quantité  de  linge  détruit  par  ce 
traitement  : ce  n’est  que  dans  les  hôpitaux  où 
ces  maladies  sont  traitées  que  l’on  peut  s’apper- 
cevoir  de  cette  dépense  considérable. 

Elle  se  fait  sentir  dans  toute  sa  force  lorsque 
par  ignorance  , ou  faute  de  précaution  de  la 
part  du  chirurgien  , les  malades  portent  pendant 
leur  traitement  des  linges  précieux  et  qu’ils  les 
font  ensuite  blanchir  avec  d’autres  linges  par 
des  moyens  ordinaires. 

Il  arrive  inévitablement  que  ce  linge  , ainsi 
que  celui  avec  lequel  on  l’expose  , est  à jamais 
taché  , et  même  que  chaque  tache  , au  bout  d’un 
certain  temps  , devient  un  trou  sur  le  linge. 

Il  est  encore  un  autre  inconvénient  qui  résulte 
du  traitement  des  maladies  vénériennes  , c’est 
de  décéler  cette' maladie  chez  des  personnes  qui 
quelquefois  peuvent  avoir  un  grand  intérêt  à 
la  soigneusement  cacher.  Combien  ces  stigmates 
sur  les  linges  n’ont-ils  pas  été  des  sources  de 
maux  et  de  scission  dans  les  ménages  et  dans 
les  familles  ! 

Une  circonstance  telle  que  celle  que  nous 
avons  exposée  plus  haut  , relativement  au  dé- 
faut de  précaution  dans  l’administration  des 
médicamens  anti -vénériens,  m’a  mis  à portée 
d’offrir  au  public  un  moyen  sûr  et  peu  dispen- 
dieux pour  blanchir  les  linges  tachés  par  des 
préparations  de  mercure  et  de  plomb. 

O 3 


2î4  La  Médecine 

Ayant  été  chargé  de  détacher  un  assez 
grand  nombre  de  chemises  fines  , de  mouchoirs 
de  poche  , et  de  serviettes  , etc.  tant  en  coton 
qu’en  fil , j’ai  opéré  de  la  manière  suivante  : 

J’ai  d’abord  lessivé  quelques-unes  des  che- 
mises , qui  ne  l’ayoient  point  été,  dans  une 
liqueur  faite  avec  cinquante  parties  d’eau  , une 
de  potasse  et  une  et  demie  de  chaux  ; lorsque 
toute  la  graisse  a été  dissoute  par  l’alcali  et 
qu’il  ne  restoit  plus  sur  les  linges  que  l’oxide  de 
mercure  (car  c’est  avec  l’onguent  mercuriel  que 
se  font  les  taches)  , je  les  ai  réunis  avec  ceux 
qui  avoient  subi  la  première  opération  chez  la 
blanchisseuse  , et  je  les  ai  plongés  dans  un  ba- 
quet contenant  une  liqueur  composée  de  douze 
parties  d’eau  et  d’une  partie  d’acide  muriatique 
oxigéné  le  plus  fort  possible  , à la  température 
de  dix  degrés.  J’ai  laissé  ces  linges  dans  la  li- 
queur jusqu’à  ce  que  toutes  les  taches  ayent  été 
enlevées  , ce  qui  dure  plus  ou  moins  de  temps  , 
suivant  qu’il  y a plus  ou  moins  de  matière  à dis- 
soudre. S’il  arrivoit  que  l’on  eût  mis  plus  de 
linge  que  l’acide  muriatique  oxigéné  n’en  peut 
détacher  , il  faudroit  , après  avoir  ôté  le  linge 
de  dedans  la  première  liqueur  , ajouter  un 
vingtième  du  même  acide  et  y plonger  le  linge 
de  nouveau.  Je  conseille  de  retirer  le  linge  avant 
l’addition  de  l’acide  , car  il  pourroit  arriver 
qu’il  ne  se  mêlât  pas  exactement  par-tout , et 
qu’il  brûlât  les  parties  du  linge  sur  lesquelles 
il  séjourneroit. 

Lorsque  toutes  les  taches  sont  disparues  , il 
faut  bien  laver  le  linge  avec  de  l’eau  de  fontaine  , 
le  passer  dans  une  eau  de  savon  pour  lui  enlever 
son  odeur  , et  ensuite  , si  l’on  veut  lui  donner 
un  beau  blanc  , on  peut  le  plonger  pendant 
quelques  heures  dans  une  eau  ou  on  aura  mêlé 
0,01  d’acide  sulfurique  ou  sulfureux.  Ce  sont- 


éclaikéb,  etc.  2i5, 

là  les  closes  qui  m’ont  le  mieux  réussi  j elles 
peuvent  être  changées  en  raison  des  quantités  de 
linges  qu’on  a blanchis  et  les  quantités  de 
taches  dont  ils  sont  gâtés  : mais  en  général  il 
faut  mieux  être  obligé  de  lessiver  et  immerger 
deux  fois  que  d’employer  ou  les  lessives  ou 
l’acide  trop  forLs  , car  on  pourroit  brûler  son. 


linge 


Cette  application  de  la  chimie  à l’économie 
domestique  , met  les  malades  hors  de  cette 
alternative  , ou  de  perdre  par  le  traitement  anti- 
vénérien des  linges  précieux  , ou  de  ne  mettre 
que  des  haillons  que  beaucoup  de  personnes  ne 
souffrent  que  difficilement. 

Nota,  Quand  on  se  sert  de  vases  de  bois  neufs  , 
il  faut  avoir  soin  d’y  mettre  quelques  heures 
avant  de  l’acide  muriatique  oxigéné  , pour  en 
détruire  la  couleur.  Il  faut  aussi  soigneusement 
en.  écarter  le.  fer. 


PHYSIOLOGIE. 

Observation  sur  le  Légalement , par  M.  Charles 
Cadet , homme  de  loi. 

J’ai  vu  , dans  la  société , un  jeune  homme 
d’un  extérieur  avantageux , rempli  de  talens  et 
fait  pour  y tenir  une  place  distinguée,  si  un 
bégayement , qu’il  appelloit  insurmontable,  lui 
eût  permis  de  prononcer  deux  syllabes  de  suite. 
Je  crus  ce  défaut  produit  par  une  conformation 
vicieuse  , et  je  le  plaignois  de  ne  pouvoir  la  rec- 
tifier , lorsqu’une  occasion  assez  ordinaire  dans 
les  cercles  me  mit  a même  de  l’entendre  chan- 
ter. Quel  fut  mon  étonnement  d’entendre  les 
sons  les  plus  doux,  les  plus  longues  tenues, 
la  prononciation  la  plus  nette  et  la  mieux  arti- 
culée , sans  aucune  faute  de  prosodie  ! Je  sentis 
à l’instant  que  l’étude  et  la  méthode  de  la  mu- 


2i  6 ï.  a Médecine 

siqtie , qui  lie  chaque  syllabe  à un  certain  nombre 
de  notes  , avoient  maîtrisé  son  organe  , et  je  pen- 
sai que  si  la  mesure  changeoit  subitement  de 
mouvement,  le  bégayement  devoit  se  faire  sen- 
tir ; mais  je  fus  détrompé  : le  même  jeune  homme 
exécuta  sur  le  champ,  avec  la  même  perfection  , 
un  long  récitatif. 

Une  pareille  singularité  me  frappa  , mais  ne 
me  parut  pas  assez  concluante  pour  établir  un 
système  , et  ne  fit  que  me  rendre  plus  attentif; 
mais  ce  qui  vous  surprendra  sans  doute  , c’est 
que  , peu  de  temps  après  , j’eus  lieu  de  faire  la 
même  remarque  dans  trois  autres  personnes  que 
le  même  défaut  affligeoit.  Toutes  trois  bègues 
dans  1a.  conversation  , avoient  toutes  trois  la 
voix  libre  en  chantant.  Une  d’elles  déclamoit 
aussi  sans  obstacle  , mais  alors  le  son  de  sa 
voix  avoit  un  caractère  très-rapproché  du  chant. 
Ce  rapport  étonnant  a fait  naître  quelques  ré- 
flexions dont  le  développement  demanderoit  de 
l’étendue  , mais  qu’il  me  suffira  d’indiquer  ici. 

Je  crois,  avec  J.  J.  Rousseau  , que  le  bégaye- 
ment  est  toujours  un  vice  d’éducation  ; excepté 
les  cas  de  paralysie  oud’autresmaladics  connues, 
il  n’est  peut-être  pas  un  seul  paysan  qui  bégaye. 
Si  cette  opinion  est  aussi  juste  que  je  la  suppose  , 
il  seroit  infiniment  utile  d’employer  de  bonne 
heure  la  musique  pour  corriger  cette  imperfec- 
tion. Quel  triomphe  pour  elle  si  elle  acquéroit 
par-là  ie  titre  d’art  utile  î 

Après  avoir  dompté  la  nature  par  la  nécessité 
d’observer  des  intonations  justes , après  avoir  as- 
servi l’organe  à la  précision  qu’il  faut  pour  arti- 
culer avec  netteté  les  paroles  d’un  air  rapide,  on 
pourroit  lui  substituer  un  récitatif  lent , faire 
passer  ensuite  graduellement  du  récitatif  à la 
déclamation  noble  et  accentuée  ; de  ce  genre  à 
la  déclamation  moins  élévée , et  de  celle-ci  enfin 


ÉCLAIRÉE,  etC.  217 

au  ton  de  la  conversation.  De  cette  manière  on 
parviendront,  j’ose  Je  croire,  à donner  une  pro- 
nonciation nette  à un  enfant'  qui  n’auroit  eu 
toute  sa  vie  qu’un  insupportable  bredouillement. 

Il  est  sans  doute  urgent  que  les  instituteurs  s’oc- 
cupent de  cet  objet.  De  jour  en  jour  les  organes 
naturels  deviennent  plus  rares;  le  tiers  de  nos 
comédiens  bégaye  , bredouille  ou  grasseye  ; la 
moitié  des  femmes  se  font  une  mode  et  même 
un  attrait  du  plus  désagréable  zézayement  : ce 
qui  est  plus  étrange,  c’est  qu’on  les  applaudit  et 
qu’on  les  imite. 

Je  ne  doute  pas  que  l’honneur  qui  appelle  la 
jeunesse  françoise  à la  tribune  politique , pour 
y défendre  les  droits  sacrés  du  peuple  , ne  la 
porte  à soigner  son  organe.  Le  remède  que  je 
propose  peut  encore  sembler  utile  à ceux  qui  , 
avec  des  talens  précieux  , seroient  découragés 
par  un  organe  défectueux  qu’ils  croiroient  ne 
pouvoir  rectifier. 


ANATOMIE. 

Mémoire  sur  les  changemens  qui  arrivent  aux 
organes  de  la  circulation  du  fœtus  , lorsqu’il 
commence  à respirer , lu  à l’ Académie  des 
Sciences  , à la  séance  publique  de  la  Saint- 
Martin  , par  M.  Sabatier. 

La  disposition  des  organes  de  la  circulation  du 
fœtus  a autrefois  excité  mon  attention  : elle  m’a 
fourni  , sur  la  manière  dont  le  sang  traverse  le 
cœur  à cette  époque  de  la  vie , des  idées  diffé- 
rentes de  celles  qui  avoient  été  adoptées  jus- 
qu’alors. Au  lieu  d’en  conclure  que  ce  fluide 
passe  réciproquement  de  l’oreillette  droite  dans 
la  gauche  et  de  celle-ci  dans  la  droite,  de  ma- 
niéré qu’il  se  fasse  un  mélange  de  celui  qui 
revient  du  placenta  par  la  veine  cave  infé- 


2iS  x a Médecine 

rieure  , avec  celui  que  les  veines  pulmonaires 
ramènent  des  poulmons  , et  que  les  deux  oreil- 
lettes ne  forment  qu’une  seule  cavité  partagée 
en  deux  par  une  cloison  ouverte  à sa  partie 
moyenne  , j’ai  cru  voir  clairement  que  la  dispo- 
sition dont  il  s’agit  permettoit  à la  totalité  du 
sang  de  la  veine  cave  inférieure  d’entrer  dans 
l’oreillette  gauclie  , et  à celui  de  la  supérieure 
de  tomber  dans  l’oreillette  droite.  J’en  ai  tiré  la 
conséquence  que  tout  le  sang  du  cœur  retourne 
au  placenta  avant  de  recommencer  son  cours  , 
à peu  près  comme  celui  de  l’adulte  traverse  les 
poumons  avant  de  rentrer  dans  l’aorte  , et  qu’il 
décrit  dans  sa  marche  une  espèce  de  huit  de 
chiffre.  Ce  mécanisme  , et  les  preuves  qui  l’éta- 
blissent , sont  exposés  dans  un  Mémoire  im- 
primé parmi  ceux  de  l’Académie  , pour  l’année 
1774.  Il  a paru  assez  satisfaisant  pour  que  le  plus 
grand  nombre  des  personnes  qui  s’occupent 
d’ Anatomie  et  de  Physique  animale  Paient 
adopté  dans  leurs  écrits,  et  dans  l’enseignement 
de  ces  deux  sciences. 

J’ai  eu  soin  d’avertir  que  , pour  vérifier  mes 
remarques , il  falloit  avoir  des  fœtus  qui  n’eus- 
sent pas  respiré  , parce  que  le  nouvel  ordre  de 
choses  qui  s’établit  lorsque  l’air  a commencé  à 
s’introduire  dans  les  poumons  , amène  des  chan  ■ 
gemens  très-prompts  dans  l’état  du  trou  ovale  , 
et  dans  celui  du  canal  artériel  et  des  arteres  om- 
bilicales , dont  l’un  se  ferme  presque  en  entier , 
et  les  autres  se  rétrécissent  au  point  qu’il  est 
impossible  de  se  les  représenter  tels  qu’ils  étoient 
quelques  heures  avant.  Mon  dessein  n’étoit  que 
de  prévenir  sur  la  promptitude  avec  laquelle  se 
font  ces  changemens  , qui  d’ailleurs  sont  tres- 
connus.  Mais  quelle  en  est  la  cause  ? comment 
le  trou  ovale  ne  permet-il  plus  au  sang  de  passer 
de  droite  à gauche  ? pourquoi  le  canal  artériel 


ÉCLAIRÉE  ,_etC.  , 2.I9 

et  les  artères  ombilicales  se  resserrent-ils  ? On  a 
cherché  à rendre  raison  du  premier  de  ces  phé- 
nomènes : les  autres  ont  été  négligés.  La  quan- 

. , , . DD  J- 

tite  de  sang  qui  se  porte  aux  poumons  lorsque 
l’enfant  a respiré  est  , dit  - on  , plus  grande 
qu’avant  ) ce  fluide  arrive  avec  plus  d’abondance 
dans  l’oreillette  gauche  , et  la  valvule  du  trou 
ovale  qui  est  appliquée  sur  la  paroi  gauche  de  la 
cloison  commune  aux  oreillettes  est  entraînée 
vers  cette  ouverture  , et  intercepte  toute  com- 
munication entr’elles.  Cette  explication  suppose 
que  l’enfant  respire  , et  que  les  vaisseaux  du 
poumon  se  laissent  pénétrer  par  le  sang  que  le 
ventricule  droit  pousse  dans  le  tronc  de  l’artère 
pulmonaire.  Reste  à savoir  pourquoi  il  respire, 
et  ce  que  l’Anatomie  apprend  sur  les  change- 
inens  que  le  développement  des  poumons  pro- 
duit dans  les  diverses  parties  du  cœur. 

Les  Physiologistes  se  sont  beaucoup  occupés 
des  causes  de  la  première  inspiration.  Le  plus 
grand  nombre  a pensé  qu’elle  est  l’effet  de  l’im- 
pression que  la  différence  de  température  pro- 
duit sur  le  corps  de  l’enfant.  Il  croît  au  milieu 
d un  fluide  dont  la  chaleur , égale  à celle  du 
sang  et  de  toutes  les  parties  intérieures  du 
corps,  s’élevoit  à trente-deux  degrés.  Le  froid 
que  Pair  lui  fait  éprouver  agit  sur  lui  comme  un 
agent  irritant , et  détermine  ses  muscles  à se 
contracter  : ceux  qui  servent  à la  respiration 
sont  mis  en  jeu  comme  les  autres  5 les  côtes  sont 
élevées  et  le  diaphragme  abaissé  , et  Pair  se 
précipite  dans  les  poumons.  Quelques-uns  ont 
cru  que  l’humeur  de  la  transpiration  , que  le 
froid  empêche  de  s’échapper  comme  à l’ordi- 
naire , refluoit  sur  les  parties  intérieures  , et 
que  la  suppression  de  cette  humeur  produisoit 
dans  la  machine  une  sorte  de  gêne  qui  pouvoit 
donner  lieu  à la  contraction  du  système  muscu- 


220  la  -Médecine 

laire.  Gette  explication,  vraisemblable  pour  les 
régions  froides  et  pour  celles  qui  sont  tempé- 
rées , ne  l’est  pas  pour  les  lieux  où  la  chaleur 
de  l’atmosphère  est  égaie  ou  même  supérieure  à 
celle  du  sang.  Il  est  vrai  que  l’enfant  éprouve 
du  inal-aise  à l’instant  où  ses  rapports  avec  le 
placenta  viennent  à cesser  , et  que  ce  mal- aise 
le  force  à mettre  tous  ses  muscles  en  action  , 
mais  il  dépend  de  toute  autre  cause  que  celle 
dont  il  vient  d’être  parlé.  Tant  qu’il  a été  ren- 
fermé dans  la  matrice  , il  recevoit , par  la  veine 
ombilicale  , une  quantité  de  sang  que  l’on  peut 
croire  égale  à celle  qu’il  perdoit  par  les  artères 
du  même  nom.  Le  système  vasculaire  étoit  sur- 
chargé d’une  colonne  de  fluide  , laquelle  s’éten- 
doit  , sans  interruption  , de  l’entrée  de  l’une  à 
la  sortie  des  autres.  Cette  colonne  , sans  cesse 
reproduite  et  sans  cesse  portée  au  dehors  , ne 
oausoit  aucun  embarras  : au  moment  où  la  com- 
munication avec  le  placenta  est  interrompue  , 
elle  devient  un  obstacle  à la  libre  circulation  du 
sang;  l’enfant  éprouve  un  mal -aise  dont  il 
cherche  à se  débarrasser , ses  muscles  se  con- 
tractent, il  s’étend,  il  baille,  et  les  dimersions 
de  sa  poitrine  , devenues  plus  grandes  qu’elles 
n’étoient  , par  l’élévation  des  côtes  et.  par 
l’abaissement  du  diaphragme  , obligent  l’air  de 
remplir  les  poumons.  Les  vaisseaux  de  ces  or- 
ganes , étendus  et  comme  déployés.,  n offrent 
plus  autant  de  résistance  au  sang  qui  cherche  a 
les  pénétrer  ; il  s’y  introduit  en  plus  grande 
quantité  qu’avant  , et  le  système  vasculaire  est 
dégagé. 

Cette  cause  est  la  première  de  celles  qui  don- 
nent lieu  aux  changemens  qu’éprouvent  les  or- 
ganes de  la  circulation,  mais  elle  n’est  pas  la 
seule  : pour  connoître  les  autres  il  faut  se  rap- 
peller  le  peu  de  dimensions  que  présente  la  cavité 


ÉCLAIRÉE,  etC.  312,1 

de  la  poitrine  dans  un  enfant  qui  n’a  pas  respiré , 
le  refoulement  des  viscères  du  bas-ventre  vers  le 
diaphragme  , et  le  pelotonnement , s’il  rn’est 
permis  de  m’exprimer  ainsi  , du  cœur  et  des 
poumons.  Ces  derniers  viscères  dévoient  être 
renfermés  clans  un  espace  qui  leur  permît  de  se 
dilater  , et  qui  pût  s’agrandir  et  se  resserrer  avec 
eux  : celui  qui  leur  est  destiné,  circonscrit  par 
les  côtes  , par  les  muscles  qui  remplissent  leurs 
intervalles  et  par  le  diaphragme  , est  peu  étendu 
dans  le  fœtus  ^ parce  que  les  poumons  y ont  peu 
de  volume  j il  acquiert  des  dimensions  plus 
grandes  lorsque  les  côtes  viennent  à s’élever  et 
que  le  diaphragme  s’abaisse.  Ce  muscle  , dont 
les  influences  sur  presque  toutes  les  parties  du 
bas-ventre  et  de  la  poitrine  sont  si  grandes  j,  est 
alors  dans  le  plus  grand  relâchement  : il  est 
poussé  en  haut  par  les  muscles  abdominaux , 
dont  rien  ne  contre-balance  l’action  j son  refou- 
lement vers  la  poitrine  est  d’autant  plus  grand 
qu’il  y est  enfoncé  par  le  foie  , dont  le  volume 
est  beaucoup  plus  considérable  qu’il  ne  doit  être 
dans  les  autres  temps  de  la  vie.  Les  poumons 
occupent  la  partie  la  plus  élevée  du  thorax  , et  y 
retiennent  le  cœur , dont  la  position  est  subor- 
donnée à la  leur  , ainsi  qu’à  celle  du  dia- 
phragme. Il  est  facile  de  se  représenter  cet  état 
des  choses  ; mais  j’en  ai  trouvé  la  preuve  dans 
une  observation  assez  délicate , qui  a échappé 
aux  Anatomistes.  L’aorte,  à sa  sortie  du  ventri- 
cule gauche  du  cœur , se  porte  de  derrière  en 
devant , de  gauche  à droite  et  de  bas  en  haut. 
Bientôt  elle  retourne  en  arrière  et  de  droite 
à gauche  en  continuant  de  s’élever  , après  quoi 
elle  descend  le  long  de  la  partie  gahche  des  veiv 
tèbres  qui  lui  correspondent  : elle  décrit  une  ar- 
cade de  laquelle  s’élèvent  le  plus  ordinairement 
trois  gros  troncs  ; celui  qui  est  commun  à la. 


222  La  Médecine 

sous  clavière  et  à la  carotide  droite  , la  carotide 
gauche  et  la  sous-clavière  du  même  côté.  On  a 
remarqué  avec  soin  la  position  et  les  dimensions 
de  ces  vaisseaux , dont  le  premier  est  en  devant , 
et  peut  être  d'un  calibre  plus  gros  que  celui  des 
deux  autres  pris  ensemble  , et  ceux-ci  plus  en 
arrière  et  moins  gros , de  sorte  que  la  sous- 
clavière  gauche  , qui  naît  de  l’aorte  à l’endroit 
où  cette  artère  est  prête  à s’appliquer  aux  ver- 
tèbres , est  dans  un©  situation  plus  reculée  que 
les  deux  autres.  On  n’a  pas  dit  qu’elle  est  en 
même  temps  la  plus  élevée,  c’est-à-dire  qu’elle 
naît  de  la  partie  la  plus  haute  de  la  crosse  de 
l’aorte  , peut-être  parce  que  cette  circonstance 
a paru  indifférente , ou  parce  qu’on  a jugé 
qu’étant  une  suite  nécessaire  de  la  progression 
suivant  laquelle  naissent  les  trois  gros  troncs  dont 
il  s’agit,  elle  n’avoit  pas  besoin  d’être  indiquée. 
L’attention  que  j’y  ai  donnée  m’a  fait  voir  que 
le  fœtus  qui  n’a  point  respiré  présente  à cet 
égard  une  différence  remarquable  : le  tronc 
commun  de  la  sous-clavière  et  de  la  carotide 
droite  répond  à la  partie  la  plus  élevée  de  la 
crosse  de  l’aorte  pendant  que  la  sous  clavière 
gauche  répond  à sa  partie  la  plus  basse.  Ce  fait, 
que  j’ai  vérifié  un  assez  grand  nombre  de  fois 
pour  le  regarder  comme  constant , indique  d’une 
manière  manifeste  le  changement  qui  arrive 
dans  la  position  du  cœur  et  des  gros  vaisseaux. 
Ce  viscère  occupoit  le  haut  de  la  poitrine  , où  il 
étoit  retenu  par  les  poumons  resserrés  sur  eux- 
mêmes  , et  par  le  diaphragme  , que  son  état  de 
relâchement  enfonçoit  vers  cette  cavité.  Lorsque 
l’enfant  a commencé  à respirer  , il  descend  avec 
ces  parties  , et  prend  , au  bout  de  quelque 
temps  , la  place  qu’il  doit  occuper  pendant 
toute  la  vie.  Les  veines  caves  acquièrent  plus 
de  longueur;  l’inférieure  sur  * tout , entraînée 


ÉCLAIRÉE,  etc.  sa3 

par  le  foie  qu’elle  traverse  , est  distendue  aussi 
tien  que  la  valvule  destinée  à bouclier  le  irou 
ovale.  Cette  valvule  n’est  plus  disposée  à prêter 
comme  elle  l’étoit  avant  , et  elle  offre  au  sang , 
qui  tend  à la  pousser  de  droite  à gauche  , une 
résistance  qui  empêche  ce  fluide  de  s’y  porter. 
Le  changement  qui  arrive  dans  les  veines  hépa- 
tiques contribue  à cet  effet.  Quand  le  foie  étoit 
élevé  vers  la  poitrine  , ces  veines  se  trouvoient 
plus  près  du  trou  ovale  , et  le  sang  qu’elles  cliar- 
rioient  étoit  porté  du  côté  de  cette  ouverture  , 
dans  une  direction  presque  horizontale.  Lors- 
qu’il descend  elles  s’en  éloignent  et  s’ouvrent 
avec  plus  d'obliquité  dans  la  portion  de  la  veine 
cave  qui  traverse  ce  viscère.  Le  sang  qui  les  par- 
court prend  une  direction  différente  de  celle 
qu’il  avoit , et  se  portant  de  bas  en  haut  , il 
confond  son  cours  avec  celui  que  les  extrémités 
inférieures  et  quelques-uns  des  viscères  du  bas- 
ventre  versent  dans  la  veine  cave. 

Ce  n’est  donc  pas  uniquement  parce  que  le 
sang  qui  a traversé  les  poumons,  et  qui  revient 
dans  l’oreillette  gauche  du  cœur  , soulève  la 
valvule  qui  doit  boucher  le  trou  ovale  et  s’ap- 
plique sur  cette  ouverture  , qu’elle  refuse  le 
passage  au  sang  de  la  veine  cave  inférieure , et 
que  ce  sang  est  obligé  de  se  rendre  dans  l’oreil- 
lette droite  , ou  , pour  parler  plus  exactement , 
dans  le  sinus  des  veines  caves  : deux  autres 
causes  essentielles  viennent  s’y  réunir  ; savoir  , 
la  distension  qu’éprouvent  ces  veines  et  la 
cloison  qui  sépare  leur  sinus  de  celui  des  veines 
pulmonaires,  et  le  changement  de  ^direction 
qui  arrive  dans  les  veines  hépatiques  , et  ces 
causes  sont  subordonnées  à celle  qui  produit  la 
première  inspiration  et  qui  détermine  le  sang  à 
se  porter  , avec  une  abondance  extraordinaire  , 
dans  les  yaisseaux  du  poumon. 


224  La  Médecine 

Reste  à savoir  comment  le  canal  artériel  se 
ferme  , et  ne  peimet  plus  au  sang  du  ventricule 
droit  de  le  parcourir.  J avoue  cjue  ce  phénomène 
me  semble  beaucoup  plus  difficile  à expliquer 
que  celui  dont  je  viens  de  rendre  raison.  Le 
cœur,  entraîné  de  haut  en  bas,  exerce  la  même 
action  sur  l’artère  pulmonaire  et  sur  l’aorte  : 
ces  vaisseaux,  également  distendus,  conservent 
entre  eux  le  même  rapport  $ on  ne  voit  point 
que  l’angle  qu’ils  forment  à leur  point  de  réu- 
nion doive  changer.  Quelle  cause  peut  donc 
s’opposer  à ce  que  le  sang  traverse  le  canal  arté- 
riel , qui  n’est  autre  chose  que  le  tronc  de  l’ar- 
tère pulmonaire  prolongé  jusqu’à  l’aorte  ? Je 
n’en  vois  d’autre  que  l’espèce  de  dérivation  qui 
se  fait  dans  les  artères  pulmonaires  : ces  vais- 
seaux ne  présentant  plus  d’obstacle  au  cours  du 
sang  , ce  fluide  s’y  précipite  , et  ce  qui  en  reste 
pour  le  canal  artériel  est  en  si  petite  quantité 
qu’il  ne  l’empêche  pas  de  se  resserrer.  J’ai  re- 
marqué plusieurs  fois  que  les  parois  de  ce  canal , 
ainsi  que  celles  des  artères  ombilicales  , ont 
beaucoup  d’épaisseur.  Mon  journal  d’observa- 
tions porte  que  je  leur  ai  trouvé  un  calibre  fort 
étroit  , relativement  à leur  grosseur  ; de  sorte 
qu’ils  m’ont  paru  pouvoir  être  comparés  au  canal 
déférent , dont  on  sait  que  la  cavité  intérieure 
ne  répond  pas  aux  dimensions  qu’il  présente  ex- 
térieurement. Peut-être  la  nature  s’est-elle  servi 
de  cette  construction  pour  opérer,  dans  les  vais- 
seaux dont  il  s’agit  , le  changement  qu’ils  doi- 
vent subir  après  la  naissance  , afin  que  se  con- 
tractant avec  une  force  supérieure  à la  résistance 
que  leur  oppose  le  peu  de  fluide  qui  y reste  ou 
qui  s’y  introduit , ils  se  resserrent  avec  force  , et 
refusent  de  lui  livrer  passage. 


I 


( N°  V I 1 1.  ) 2^5 


HISTOIRE  NATURELLE. 

Observation  sur  la  fontaine  brillante  située  dans 
la.  paroisse  de  Sain  t - B art  11  demi  , départe- 
ment de  L’Isère  ; par  JM.  Bouvier  apothi- 
caire. 

L e mot  de  fontaine  est  bien  mal  applique 
pour  cet  endroit , puisque  l’eau  qu’on  y ren- 
contre n’y  est  qu’accidentelle.  Cette  prétendue 
fontaine  , qui  depuis  long-temps  à été  rangée 
au  nombre  des  sept  merveilles  du  Dauphiné,  étoit 
située  près  d’un  ravin  , mais  un  cboulement  de 
terre  , qui  se  fit  il  y a environ  quinze  ans  , la 
fit  changer  de  place  , et  i eleva  de  quelques  pieds 
au-dessus  de  son  premier  niveau. 

Le  samedi  2.3  avril  1791 , je  me  transportai  sur 
le  lieu  : j’observai  le  terrein  , qui  est  de  nature 
argileuse  , et  j’examinai  l’eau  qui  s’étoit  filtrée 
en  très  petite  quantité  à travers  cette  terre; 
cette  eau  , dont  la  présence  est  totalement 
étrangère  à la  cause  du  phénomène  qui  nous  in- 
téresse , m’a  semblé  assez  pure  ; elle  n^avoit 
point  de  saveur  sensible  , et  elle  ne  rougissoit 
ni  ne  verdissoit  les  papiers  colorés  avec  les  tein- 
tures de  tournesol  et  de  violette  : sa  tempéra- 
ture étoit  égale  à celle  de  l’atmosphère. 

La  présence  de  l’eau  sert  à démontrer  le  déga- 
gement d’un  fluide  élastique  qui  s’enflamme  par 
le  contact  des  corps  en  ignition  , et  qui  est  du 
gaz  hydrogène  , dont  l’odeur  est  semblable  à 
celle  du  gaz  qui  se  dégage  pendant  la  dissolution 
du  fer  dans  l’acide  sulfurique  étendu  d’eau. 

Quelqu’un  de  Saint-Barthelemi  m’a  dit  avoir 
recueilli  plusieurs  fois  , dans  les  environs  de 
Tome  111.  N°.  Y III.  P 


22 ,6  xa  Médecine 

cette  fontaine  , une  substance  semblable  à de  la 
neige  , et  qui  fondoit  si  facilement  qu’il  pou- 
voit  à peine  la  transporter  chez  lui  : ce  n’est  que 
dans  l’été  qu’on  rencontre  cette  substance. 

Le  même  observateur  m’a  assuré  que  dans 
l’été  le  dégagement  de  ce  gaz  étoit  si  considé- 
rable qu’on  voyoit  continuellement  une  flamme 
de  cinq  à six  pieds  de  hauteur,  et  que  des  voya- 
geurs , à son  aspect , s’imaginoient  voir  un  vil- 
lage en  combustion. 

Il  est  vraisemblable  que  l’inflammation  de  ce 
gaz  tient  à l’équilibre  du  fluide  électrique  qui 
s’établit  entre  la  terre  et  les  nuages. 

Seroit-ce  à un  sulfure  décomposé  qu’est  dû  le 
dégagement  de  ce  gaz  ? Si  cela  étoit  ainsi  , le 
gaz  hydrogène  seroit  sulfuré  , et  celui  que  j’ai 
observé  n’étoit  pas  de  cette  nature. 

Seroit-ce  plutôt  à la  présence  d’une  tourbière? 
Alors  le  gaz  brûleroit  lentement , et  seroit  for- 
tement chargé  de  carbone  et  d’acide  carbonique. 

Il  faudroit  faire  des  fouilles  dans  cet  endroit  ; 
elles  seroient  sûrement  de  quelque  utilité  à la 
science,  car,  depuis  1400  ans  , ce  phénomène 
existe,  et  saint  Augustin  , chap.  VII , liv.  XXI 
de  la  Cité  de  Dieu  , fait  mention  de  la  fontaine 
brûlante  située  dans  le  voisinage  de  Grenoble. 

ANATOMIE. 

Observation  sur  un  vice  de  conformation  de 
.l’ extrémité  supérieure , par  M.  A.  P.  Brasdor. 

Vers  l’année  1787  François  Souchard  naquit 
avec  le  seul  bras  droit  , et  11’ayant , de  toute 
l’extrémité  supérieure  gauche  , que  l’épaule  et 
un  doigt  réunis  l’un  à l’autre  par  les  parties 
snollei»  le  bras  â l’avant-bras  et  le  reste  de  la 


ECLAIREE,  etC.  227 

main  manquoient  totalement  de  ce  côté.  Il  est 
peut-être  bon  de  remarquer  que  la  mère  de 
François  Souchard  avoitdéjaeu,  avant  celui-ci, 
un  enfant  mal  conformé  : j’ignore  également, 
et  le  genre  de  cette  vicieuse  conformation,  et  sa 
cause  présumée.  Quant  à celui  qui  fait  le  sujet 
de  cette  observation,  j’ai  appris  que  la  mère  lui 
donnoit  pour  cause  la  vue  habituelle  d’un  christ 
dont  le  bras  gauche  étoit  cassé , et  auquel  elle 
avoit  tenté  plusieurs  fois  et  inutilement  de  recol- 
ler ce  bras.  Les  explications  de  ce  genre  ne 
manquent  guères  aux  femmes , sur-tout  à celles 
dont  l’ignorance  et  la  superstition  peuvent  excu- 
ser la  crédulité.  J’ignore  si  l’imagination  des 
femmes  enceintes  a quelque  influence  sur  l’enfant 
renfermé  dans  leur  sein  ; mais  je  suis  très- per- 
suadé que  celle  des  femmes  accouchées  influe 
beaucoup  sur  les  explications  qu’on  ne  manque 
presque  jamais  de  donner  des  difformités  de 
naissance.  Sans  doute  il  n’est  pas  arrivé  à une 
seule  femme  de  prédire  qu’elle  accoucheroit  de 
tel  ou  tel  monstre  ; mais  après  un  accouchement 
de  cette  nature  , la  mère , troublée  par  cet  évène- 
ment , et  impatiente  de  lui  trouver  une  cause  , 
se  retrace  la  foule  des  images  qui  l’ont  frappée 
pendant  sa  grossesse  , et  saisit  avec  avidité  quel- 
que analogie  qui  puisse  expliquer  un  évènement 
toujours  imprévu.  C’est-là,  je  crois,  la  source 
de  toutes  ces  explications  illusoires,  parmi  les- 
quelles peut  aussi  être  rangée  celle  que  je  viens 
d’exposer. 

Le  10  février  de  cette  année  1792,  François 
Souchard  tomba  dans  un  escalier  très-rapide, 
la  tête  la  première  , et  du  côté  gauche  : la  priva- 
tion du  bras  de  ce  côté  l’empêcha  de  modérer 
sa  chute.  L’accident  étoit  arrivé  vers  midi  j ce 
ne  fut  qu’à  dix  heures  du  soir  que  les  pareils 

P 2. 


N 

228  La  Médecine 

demandèrent  clu  secours.  Je  supprime  ici  tous 
les  détails  de  la  maladie  : il  me  suffit  cle  dire 
que  toutes  les  ressources  de  l’art  ayant  été  em- 
ployées inutilement , le  malade  mourut  le  samedi 
suivant.  J’obtins  de  ses  païens  ia  permission  de 
faire  l’ouverture  du  cadavre.  Je  trouvai  un  en- 
gorgement considérable  dans  les  sinus  de  la  dure- 
mère  et  les  vaisseaux  extérieurs  du  cerveau. 
La  couleur  de  ce  viscère  , à sa  partie  supérieure 
et  de  chaque  côté  des  vaisseaux  gonflés  par  le 
sang  , annoncoit  un  commencement  de  suppii- 

J 1 **  • 1 / • 1 • • 

ration  ) les  ventricules  etoient  remplis  d une  sé- 
rosité sanguinolente.  Cet  examen  fait  , ainsi  que 
celui  des  autres  cavités  , j’emportai  l’épaule  , 
dont  je  vais  maintenant  faire  l’exposition  : je 
la  décrirai  d’abord  recouverte  des  tégumens , 
puis  dépouillée  de  sa  peau  et  clu  tissu  cellulaire. 

Cette  épaule  , recouverte  des  tégumens  , pa- 
roissoit  moins  volumineuse  qu’elle  ne  devoit 
l’être  relativement  à l’àge  et  à la  stature  du 
sujet.  La  clavicule  et  i omoplate  paroissoiént 
être  dans  leur  situation  respective  ordinaire. 
La  forme  de  ces  os  n’offroit  aucun  changement , 
si  ce  n’est  qu’entre  l'apophyse  coracoïde  et 
l’acromion  , et  au-dessous  de  ces  apophyses  , au 
lieu  de  la  dépression  que  la  cavité  glénoïde 
devoit  y faire  trouver,  on  srntoit  une  éminence 
arrondie  comme  la  tête  de  l’humérus  , moins 
saillante  cependant  que  celle-ci  , et  paroissant 
formée  aux  dépens  de  f omoplate.  Au-dessous 
de  ces  os  pendoit  une  masse  de  chair  arrondie, 
au  bas  de  laquelle , et  à la  distance  de  deux 
pouces  à-peu-près  cle  l’acromion  , on  voyoit  un 
doigt  ayant  la  forme  ordinaire  et  pourvu  de  son 
ongle.  Au  premier  coup-d’œil , je  pris  ce  doigt 
pour  le  pouce  articulé  avec  le  premier  os  du 
métacarpe  j mais  un  examen  plus  attentif  m’y 


ÉCLAIRÉE,  etC.  2*9 

fit  sentir  trois  phalanges  et  une  petite  portion 
d’un  os  du  métacarpe  ; au-dessus  on  sentoit  une 
espèce  de  cordon  tendineux  ou  ligamenteux  , 
qui  lioit  ce  doigt  à l'épaulé  : celle-ci  pouvoit  être 
eievoe  , abaissée  , portée  en  arrière  , en  devant 
et  dans  les  points  intermédiaires.  Le  doigt  ne 
pouvoit  qu’être  soulevé  et  appliqué  avec  peu  de 
force  contre  la  peau  , à son  côté  interne  : la 
grandeur  de  ce  doigt  paroissoit  être  celle  de  la 
moitié  des  doigts  de  la  main  droite  , et  comme 
son  développement  étoit  proportionnel  à celui 
des- os  de  l’épaule  , j’ai  cru  pouvoir  juger  que 
celle-ci  étoit  aus  i beaucoup  moins  développée 
que  la  droite  , avec  laquelle  je  ne  l’ai  pas  com- 
parée. 

La  peau  et  le  tissu  cellulaire  étant  enlevés  , 
voici  quelle  m’a  paru  être  la  disposition  des  os 
et  des  muscles.  La  grandeur  , la  position  , la 
forme  gén  érale  des  os  de  l’épaule , ainsi  exa- 
minées de  plus  près  , ne  m’ont  offert  que  ce  que 
j’avois  senti  à travers  les  parties  molles.  L’émi- 
nence qui  occupoit  la  place  de  la  cavité  glénoïde 
del’  omoplate  m’a  paru  moins  saillante  qu’avant 
l’enlèvement  de  la  peau  et  du  tissu  cellulaire 
très-abondant  qui  recouvroit  toute  l’épaule.  Sa 
saillie  cependant  étoit  encore  augmentée  par  une 
membrane  très -épaisse  qui  enveloppoït  cette 
éminence  , s’attachoit  à la  base  et  dans  tout  le 
reste  de  son  étendue  , glissoit  sur  elle  sans  y 
adhérer.  Je  coupai  cette  membrane  , et  cette 
section  me  lit  découvrir  une  éminence  très-peu 
saillante  , prenant  naissance  de  1 angle  antérieur 
et  supérieur  de  l’omoDlale  , précisément  à l’en- 
droit où  cet  os  est  ordinairement  déprimé  pour 
recevoir  une  portion  de  la  tête  de  l’humérus,  et 
terminée  extérieurement  par  une  surface  arron- 
die , lisse  , incrustée  d’un  cartilage  diarthrodiai 

‘ r 3 


23o  La  Médecine 

et  lubréfiée  par  la  synovie.  Quant  au  doigt  et  à 
la  portion  d’os  qui  le  soutenoit , les  trois  pha- 
langes du  premier  avoient  la  forme  ordinaire. 
Je  n’ai  rien  trouvé  non  plus  de  particulier  dans 
la  disposition  des  surfaces  articulaires  de  ces  os  : 
la  portion  d’os  qui  soutenoit  ou  plutôt  suspen- 
doit  le  doigt  , en  s’articulant  avec  sa  première 
phalange  , étoit  l’extrémité  digitale  d’un  os  du 
métacarpe  , auquel  on  reconnoissoit  une  tête 
arrondie  pour  son  articulation  énartrodiale  avec 
la  première  phalange  , et  qui , immédiatement 
au-dessus  du  collet  de  cette  tête  articulaire , 
se  continuoit  avec  un  cordon  tendineux  , où 
aboutissoient  plusieurs  faisceaux  charnus. 

Je  n’a  jouterai  rien  à cette  exposition  des 
parties  osseuses  ; je  passe  maintenant  à celle  des 
muscles.  Parmi  ceux  qui  lient  au  tronc  l’extré- 
mité supérieure  , le  grand  pectoral  se  perdoit  à 
la  peau  : il  en  étoit  sans  doute  de  même  du  grand 
dorsal , qui  ne  s’est  pas  trouvé  compris  dans  la 
section  faite  pour  enlever  l’épaule.  Les  autres 
ont  échappé  à mes  recherches  , comme  le  grand 
dorsal,  et,  par  la  même  raison  , ne  m’ont  rien 
offert  de  particulier.  De  tous  les  muscles  qui 
s’attachent  d’une  part  à l’épaule  , cle  l’autre  à 
l’humérus,  je  ne  puis  dire  avoir  trouvé  que  le 
sur-épineux,  le  sous-épineux  , le  petit  rond  , le 
grand  rond  , le  sous  scapulaire  et  le  deltoïde  : 
quant  au  coraco  brachial  , au  biceps  , et  au 
grand  anconé  , autrement  dit  longue  portion  du 
triceps  brachial , je  n’en  ai  trouvé  aucun  vestige  , 
à moins  qu’on  ne  regarde  comme  portions  de 
ces  muscles,  des  fibres  charnues  qui  prenoient 
naissance  de  l’apophyse  coracoïde  et  de  la 
partie  inférieure  de  l’angle  antérieur  et  supé- 
rieur de  l’omoplate.  Dans  ce  cas  les  premières 
seroient  les  extrémités  supérieures  du  coraco 


/ - 

éclairée',  etç.  23r  ' 

brachial  et  de  la  courte  portion  du  biceps  $ les 
secondes  celles  du  grand  ançoné.  Les  muscles 
sur-épineux  , sous-epi.neux  , petit  rond  , grand 
rond  et  sous-scapulaire  , cpjd  étoient  entiers  et 
que  j’ai  pu  bien  examiner , occupoient  sur  l’omo- 
plate leur  place  accoutumée  et  se  terminoient  , 
par  leurs  qxtrémités’éiternes  , à la  capsule,  qui 
recouvroit  l'éminence  décrite  plus  haut.  Le  del- 
toïde s’attachoit  aussi  , comme  à l’ordinaire  , 
au  tiers  externe  du  bord  antérieur  de  la  clavi- 
cule et  au  bord  inférieur  de  l’épine  de  l’omo- 
plate : mais  ce  que  ees  muscles  offroient  de  plus 
remarquable,  c’est  que  de  plusieurs  d’entr’eux 
se  détachoient  des  faisceaux  charnus  particu- 
liers, pour  aller  soutenir  le  doigt.  Ces  faisceaux 
étoient  au  nombre  de  quatre.  Le  premier  venoit 
de  l’extrémité  externe  .du  grand 1 rond  et  de 
l’apophyse  coracoïde  ; le  seoond  du  muscle  del- 
toïde , avec  lequel  il  se  continuoit,  et  immédiate- 
ment par  quelques  libres  charnues , et  média- 
tementpar  un  tissu  cellulaire  dense  $ le  troisième 
étoit  une  portion  du  sous-épineûx  Ç le  quatrième 
étoit  formé  par  le  petit  rond  presqu’entier.  Tous 
ces  faisceaux  charnus  ’descendoient  en  conver- 
geant , unis  entr’eux  par  d’autres  faisceaux 
moyens , et  se  terminoient  à un  tendoil  Commun  , 
qui  s’identilioit , com'nïe  je  l’ai  dit  , aveclapor- 
tion  d’os  du  métacarpe  articulée  avec  le  doigt. 
Ace  doigt  je  n’ai  trouvé  ni  tendon  extenseur, 
ni  tendon  fléchisseur  ; cependant  les  articula- 
tions en  étoient  mobiles , une  petite  capsule 
entouroit  chacune  d’entr’elles. 

Tel  est  le  résultat  de  l’examen  anatomique  de 
cette  épaule  monstrueuse.  Ce  que  j’ai  cru  y trou- 
ver de  plus  remarquable,  est  la  disposition  de  ces 
muscles  particuliers  f qui  soutenant  le  doigt 
sans  le  fléchir  ni  l’éténdre  , le  rendoient  ainsi! 

P4 


a3s  La  Médecine 

absolument  inutile,  et  qui  d’ailleurs  , soit  par 
leur  forme,  soit  par  leur  position,  n’avoient 
aucune  analogie  avec  les  muscles  du  bras.  Quant 
à l’éminence  de  l’angle  antérieur  et  supérieur  de 
l’omoplate  , à la  capsule  qui  recouvroit  cette 
éminence  et  à l’espèce  d’articulation  qui  existoit 
en  cette  endroit,  je  crois  que  l’entre-croisement 
des  muscles  sur-épineux  , sous-épineux  , etc. 
sur  cet  angle  antérieur  et  supérieur  de  l’omo- 
plate , suffit  pour  rendre  raison  de  tout  cela. 
Je  me  garderai  bien  de  parler  de  la  manière 
dont  cette  épaule  a pu  prendre  une  forme  bizarre. 
Avant  d’expliquer  quelque  variation  de  la  nature 
dai^s  l’acte  de  la  génération  , je  voudrois  con- 
noître  d’une  manière  positive  quelle  est  sa  mar- 
che ordinaire  dans  cet  acte.  Jusque-là  je  garde 
sur  ce  point  un  silence  que  je  crois  très-prudent, 
au  moins  pour  moi. 

PHYSIOLOGIE 

Extrait  d’un  rapport  fait  à T Académie  des 

Sciences  , d’un  Mémoire  de  M.  Séguin  sur 

les  vaisseaux  absorbans  et  exhalans. 

L’ordre  des  fonctions  des  corps  animés  est 
tel  que  toutes  ces  fonctions  ont  entr’elles  des 
rapports  intimes,  des  liaisons  non-interrompues, 
et  que  l’étude  de  l’une  conduit  nécessairement 
à celle  des  autres.  C’est  ainsi  que  M.  Séguin  , 
ayant  pris  d’abord  pour  objet  de  scs  recherches 
l’altération  que  l’air  éprouve  par  la  respiration  , 
s’est  trouvé  comme  malgré  lui  engagé  à exa- 
miner les  mouvemens  de  la  circulation  et  de  la 
pulsation  des  artères  , qui  suivent  ceux  de  1 ins- 
piration et  de  l’expiration  , la  digestion  des 
aliinens  et  l’élaboration  du  chile  dont  les  pou- 


i c l a i * i b j etc.  ^33 

mous  lui  offroient  un  des  principaux  moteurs  , 
et  les  phénomènes  de  la  transpiration  cutanée 
qui  tiennent  immédiatement  à l’existence  des 
premiers  phénomènes  de  la  vie  , en  telle  sorte 
que  toutes  ces  fonctions  sont  , par  rapport  les 
unes  aux  autres  , des  modérateurs  dont  l’action 
réciproque  entretient  l’équilibre  entre  les  masses 
et  les  forces  qui  composent  l’ensemble  de  la 
vie  des  animaux.  L’Académie  se  rappelle  i’in- 
térêt  qu’a  excité  dans  ses  séances  la  lecture  des 
diffé  rens  mémoires  de  M.  Séguin,  sur  la  res- 

. . -i  . 7 . 

piration  , la  transpiration  pulmonaire  et  cu- 
tanée. Celui  dont  nous  rendons  compte  au- 
jourd’hui ne  lui  présentera  pas  un  intérêt 
moindre  ; il  a pour  objet  l’examen  d’une  ques- 
tion importante  pour  la  physique  animale  , 
que  les  physiologistes  ont  regardée  comme 
terminée  , et  qui  méritoit  cependant  comme 
on  va  le  voir  , des  recherches  et  des  expériences 
plus  exactes  que  celles  qui  avoient  été-  faites 
jusqu’ici.  Il  s’agit  des  fonctions  de  deux  classes 
de  vaisseaux  qui  s’ouvrent  à la  surface  du  corps 
humain , et  que  l’on  a nommés  vaisseaux  a b- 
sorbans  et  vaisseaux  exhalans.  Les  anatomistes 
ont  admis  les  uns  comme  les  autres  : une 
analogie  bien  naturelle  entre  ce  qui  arrive  dans 
les  cavités  intérieures  et  ce  qui  devoit  arriver  à 
la  peau  , ne  leur  a même  pas  permis  de  doutef 
qu’il  y eût  des  vaisseaux  destinés  à absorber  les 
fluides  dissous  dans  l’air  ou  les  liquides  et 
même  quelques  solides  placés  sur  la  peau  , 
comme  il  y en  a qui  portent  dans  l’atmosphère 
une  partie  des  liquides  contenus  dans  nos  corps. 
C’est  par  l’action  de  ces  absot  bans  ou  inhalans 
cutanés  , qu’on  expliquoit  celle  de  beaucoup 
de  médicamens  appliqués  sur  la  peau  , l’intro- 
duction de  l’eau  des  bains , et  des  matières  qui 


a3  4 La  Médecine 

y étoient  dissoutes  , dans  le  système  vasculaire , 
l’intromission  de  différens  virus  contagieux , etc. 
M.  Séguin  s’étant  apperçu,  dans  ses  recherches 
sur  la  transpiration  , que  cette  fonction  absor- 
bante de  la  peau  ne  répondoit  pas  aux  phéno- 
mènes qu’il  observoit  , a cru  devoir  interroger 
l’expérience  à cet  égard.  Haller  ayant  dit  positi- 
tivement  que  la  peau  pompoit  l’eau  des  bains  , 
et  que  c’étoit  pour  cela  que  le  corps  augmentoit 
de  poids  et  qu’il  lui  arrivoit  la  même  chose 
clans  un  air  humide  , par  la  balnéation  , M.  Sé- 
guin a commencé  par  rechercher  si  ce  phéno- 
mène avoit  réellement  lieu  , et  il  a senti  bientôt 
la  nécessité  d’étendre  ce  travail  sur  différentes 
substances  placées  sur  la  peau  : tel  est  le  but  de 
l’ouvrage  qui  nous  occupe.  Nous  n’entrerons 
point  dans  le  détail  des  nombreuses  expériences 
qui  y sont  consignées  , et  que  l’on  affoibliroit 
par  la  rapidité  nécessaire  dans  un  rapport  $ nous 
nous  contenterons  de  rappeller  à l’Académie  les 
principaux  résultats  qu’elles  ont  donnés. 

Le  premier  résultat  tiré  de  trente-trois  expé- 
riences faites  sur  lui-même  , c’est  que  le  corps 
n’augmerrfe  pas  de  poids  dans  le  bain  , qu’il 
perd  moins  dans  l’eau  que  dans  l’air,  et  que 
cette  perte  suit  sur-tout  la  raison  de  la  tempéra- 
ture de  l’eau  du  bain  ; que  la  perte  de  poids 
dans  l’eau  à dix  ou  douze  degrés  ( baromètre  a 
vingt-huit  pouces  ) , est  à celle  dans  l’air  comme 
6,5  est  à 175  qu’à  quinze  à dix-huit  degrés  de 
température  , cette  perte  dans  l’eau  est  à celle 
dans  l’air  comme  7,5  est  à 21,7  j que  dans  l’eau 
chaude  à vingt  six  ou  vingt-huit  degrés,  elle  est 
à celle  dans  l’air  comme  i3  est  à 2.3.  Deux  autres 
personnes  ont  offert  des  résultats  différens  dans 
ces  pertes  relatives , mais  elles  ont  toujours 
moins  perdu  dans  l’eau  que  dans  l’air.  M.  Séguin 


iCLAIRBE,  etc.  2.3  5 

attribue  cette  perte  moindre  à ce  que  la  matière 
de  la  transpiration  insensible  n’est  point  exposée 
au  contact  de  l’air  qui  doit  la  dissoudre  dans 
l’état  ordinaire.  Il  rend  raison  de  la  différence 
de  ces  pertes  à diverses  températures  de  l’air  de 
la  manière  suivante,  La  perte  de  poids  qu’on 
éprouve  dans  l’eau  à dix  ou  douze  degrés  est 
beaucoup  plus  foible  que  celle  qui  a lieu  dans 
l’air  , parce  qu’il  n’y  a point  de  transpiration 
cutanée  j il  n’existe  alors  que  la  transpiration 
pulmonaire  : celle  qui  se  fait  dans  l’eau  à dix- 
liuit  degrés  est  un  peu  plus  foible  que  la  seule 
transpiration  pulmonaire  , parce  qu’outre  qu’il 
n’y  a point  de  transpiration  cutanée  clans  ce  cas 
comme  dans  le  précédent  ^ l’air  qui  entre  dans 
le  poumon  est  chargé  d’humidité  , et  ne  dissout 
pas  toute  celle  qui  se  dégage  de  ce  viscère  ; 
enfin , la  perte  de  poids  qu’on  fait  dans  un 
bain  d’eau  à vingt-huit  degrés  est  plus  considé- 
rable que  celle  qui  est  produite  par  la  seule 
transpiration  pulmonaire  dans  l’air  à cette  même 
température  parce  qu’alors  le  corps  perd , et 
par  cette  dernière  transpiration  , et  par  la  sueur 
qui  sort  des  vaisseaux  exhalés  , en  raison  de 
l’augmentation  de  mouvement  du  cœur  et  des 
artères ^ qui , comme  M.  Seguin  l’a  prouvé  dans 
son  mémoire  sur  la  transpiration  , est  la  seule 
cause  de  la  transpiration  sensible , ou  de  la 
sueur.  Mais  , malgré  la  différence  de  ces  trois 
résultats  qui  dépendent  de  la  température  de 
1 eau  du  bain  , il  n’est  pas  moins  certain  qu’il 
n y a point  augmentation  du  poids  du  corps  par 
le  bain  et  qu’il  y a seulement  une  perte  moins 
forte  que  dans  l’air  , dépendante  de  l’absence 
de  celui-ci  et  de  la  privation  de  sa  qualité  dissol- 
vante par  rapport  à la  matière  de  la  transpi- 
ration. 1 


2,36  LA  MÉDECINE 

Los  premières  expériences  dont  nous  venons 
d’exposer  les  résultats  généraux  les  plus  impor- 
tans^prouvoieut  bien  que  le  corps  n’augmente  pas 
<.le  poids  dans  le  bain  , mais  elles  ne  décidoient 
point  encore  l’absorption  ou  la  non  absorption 
par  la  peau  j car  on  pouvoit  objecter  à leur  auteur 
que  la  perte  moindre  que  dans  l’air  dépendoit  de 
la  portion  d’eau  absorbée  par  les  vaisseaux  in- 
lialans.  M.  Séguin  a pensé  que  , pour  répondre 
à cette  objection  , il  falloit  faire  baigner  des  in- 
dividus dans  des  dissolutions  de  substances  dont 
les  effets  sur  l’économie  animale  fussent  bien 
tranchans.  Il  a employé  la  dissolution  de  mu- 
riate  oxigéné  de  mercure,  à des  doses  connues  , 
en  pédiluves  , sur  plusieurs  malades  attaqués 
de  symptômes  vénériens,  et  il  a constamment 
observé  que  lorsque  la  peau  étoit  bien  saine  et 
l’épiderme  bien  entier , il  ne  passoit  pas  de 
sublimé  corrosif  dans  leurs  humeurs , ils  n’éprou- 
voient  aucun  des  accidens  dus  à ce  sel  , et 
aucune  amélioration  dans  leurs  maladies,  tandis 
que  dans  le  cas  où  l’épiderme  étoit  affecté  et 
entamé  , comme  dans  la  gale  , etc.  ce  sel  péné- 
troit  le  corps  et  produisoit  alors  les  effets  qui 
en  font  reconnoître  l'existence  dans  l’économie 
animale. 

Non  content  de  ces  expériences  faites  dans 
un  hôpital  sur  plusieurs  individus  malades  , 
M.  Séguin  a cru  devoir  les  recommencer  sur 
un  sujet  sain  , les  suivre  avec  une  scrupuleuse 
exactitude  , jusqu’à  ce  qu’il  eût  leve  tous  les 
doutes  , et  il  s’est  choisi  lui-même  pour  sujet 
de  ces  nouvelles  tentatives.  En  tenant  à un 
grand  nombre  de  reprises  différentes,  pendant 
long-temps  à chaque  fois  , une  partie  de  son 
bras  plongée  dans  une  dissolution  connue  de 
subli&ié  corrosif  à différentes  températures  , et 


à C L A I R i E , etc.  207 

disposée  dans  un  manchon  de  verre  recouvert 
de  taffetas  gommé  , de  manière  à ce  qu’il  n’y 
eût  point  d’évaporation  sensible  , le  reste  de 
son  corps,  excepté  sa  bouche  , étant  d’ailleurs 
enfermé  dans  l’enveloppe  imperméable  de  taf- 
fetas ciré  , afin  de  pouvoir  apprécier  la  trans- 
piration pulmonaire  comme  il  a voit  apprécié 
la  perte  dans  l’air  de  la  partie  du  bras  plongée 
dans  la  dissolution  , M.  Séguin  est  parvenu  à 
obtenir  des  résultats  aussi  singuliers  que  nou- 
veaux: nous  ne  rapporterons  ici  que  ceux  qui 
ont  trait  à l’absorption  par  la  peau.  Quand  la 
dissolution  de  deux  gros  de  sublimé  dans  dix 
livres  d’eau  est  à dix  et  à vingt-huit  degrés  de 
température  , la  quantité  de  ce  sel  dans  le  bain 
est  très  sensiblement  la  même  après  l’expérience 
qu'au paravant , et  conséquemment  il  n’y  en  a 
pas  d’absorbé  ; mais  dans  la  même  dissolution, 
à dix-huit  degrés , si  la  presque  totalité  du 
bras  très-sain,  et  dont  l’épiderme  est  bien  entier, 
y reste  plongée  , il  y a par  heuie  1 , 2. 
grains  de  sublimé  absorbé  , quoique  l’eau  du 
bain  qui  tenoit  cette  portion  de  sublimé  en 
dissolution  ne  soit  point  elle-même  absorbée. 
M.  Séguin  tire  de  ce  singulier  résultat  l’in- 
duction que  ce  n’est  pas  par  les  vaisseaux 
lymphatiques  que  se  fait  cette  absorption  du 
sublimé  , car  ces  vaisseaux  absorberaient  bien 
plus  facilement  l’eau  , qui  cependant  n’éprouve 
pas  de  diminution , mais  par  les  vaisseaux 
exlialans.  L’auteur  explique  ce  phénomène 
d’une  manière  très-ingénieuse  \ il  pense  que 
ces  vaisseaux  exhalans  resserrés  par  des  tem- 
pératures basses  telles  que  douze  , en  évacuant 
des  gouttelettes  de  sueur  continuelles  par  un 
effort  plus  considérable  du  cœur  et  des  artères 
produit  par  la  température  de  vingt- huit  degrés , 


238  t A M É T>  E C I N E 

et  n’absorbant  conséquemment  aucune  parcelle 
de  sublimé  dans  les  deux  circonstances  , se 
trouvent  tellement  disposés  à la  température 
de  dix-huit  degrés  , que  suffisamment  dilatés 
pour  que  l’eau  de  la  dissolution  soit  en  simple 
contact  à leur  extrémité  avec  l’humeur  trans- 
piratoire  , sans  être  repoussée  par  l’écoulement 
de  cette  humeur  , comme  cela  a lieu  à vingt- 
huit  degrés  ; alors  ce  contact  sans  mouvement 
permet  à l’humeur  de  la  transpiration  de  dis- 
soudre de  proche  en  proche  une  partie  du 
muriate  oxigéné  de  mercure  dissout  dans  le 
bain  , de  le  partager  avec  sa  première  eau  de 
dissolution  , de  se  mettre  avec  elle  dans  u.n 
véritable  état  d’équilibre , comme  cela  a lieu 
dans  toutes  les  dissolutions  salines  mêlées  avec 
de  l’eau  purq.  Ainsi,  suivant  lui,  une  dissolution 
saline  à dix'  ou  à vingt-huit  degrés  étant  mise 
en  contact  avec  la  peau  humaine  bien  saine  , 
il  n’y  a point  d’absorption  ni  de  la  part  de 
l’eau  ni  de  la  part  du  sel  \ la  même  dissolution 
à dix-huit  degrés  , mise  en  contact  avec  la  peau 
qui  ne  transpire  point  dans  l’eau  à cette  tem- 
pérature, permet  à l’humeur  de  la  transpiration 
de  partager  le  sel  de  la  dissolution  jusqu’à  l’é- 
quilibre de  saturation,  et  de  le  porter  dans  la 
circulation  : cet  effet  n’a  pas  lieu  lorsque 
les  pores  des  v-aisseanx  exhalans  sont  resserrés 
par  une  température  basse  ou  traversés  par  les 
cour  an  s de  sueur  qui  repoussent  la  dissolution 
de  sel.  Les  vaisseaux  lymphatiques  n’enlèvent 
ni  solide,  ni  liquide  , ni  fluide  élastique  à la 
surface  du  corps  ; les  vaisseaux  exhalans  n’ab- 
sorbent jamais  ni  solide  insoluble  , ni  liquide, 
ni  gaz  , parce  qu’ils  sont  toujours  pleins  de  la 
liqueur  transpirable.  L’absorption  qui  n’a  lieu 
que  dans  une  certaine  température  , et  qui 


ECLAIREE,  etC.  2,39 

tient  à la  tendance  à l’équilibre  entre  un  liquide 
non  saturé  et  un  liquide  saturé , est  par  cela 
même  très-bornée. 

M.  Séguin , en  poursuivant  la  description  de 
ses  expériences  , confirme  les  assertions  précé- 
dentes , par  l’histoire  de  plusieurs  malades 
vénériens  , chez  lesquels  la  dissolution  de  su- 
blimé employée  en  lotion  n’a  rien  fait  tant  que 
l’épiderme  n’a  point  été  entamé  5 d’autres  à qui 
le  sublimé  ainsi  que  le  muriate  d’ammoniaque 
et  de  mercure  ou  le  sel  alembroth , appliqués  à 
sec  , n’ont  produit  d’effets  que  lorsque  la  peau 
s’entamoit  par  l’âcreté  de  ces  sels  ; de  quelques- 
uns  qui  n’ont  éprouvé  ni  érosion , ni  action 
conséquemment  du  muriate  de  mercure  ou 
mercure  doux  appliqué  sur  la  peau.  Le  tartrite 
d’antimoine  et  de  potasse  ou  le  tartre  stibié , 
appliqué  ainsi  sur  le  ventre , a purgé  après 
avoir  produit  des  boutons  dans  le  lieu  de  l’ap- 
plication ; la  gomme  gutte  , la  scammonée  , 
appliquées  sur  le  ventre  à sec  , et  recouvertes 
comme  les  matières  précédentes  d’un  emplâtre 
agglutinatif  à sa  circonférence  , n’ont  fait  naître 
aucun  effet  sensible.  L'onguent  mercuriel  n’agit 
que  par  une  friction  qui  fait  pénétrer  l’oxide 
de  mercure  sous  l’épiderme , et  le  met  dans  le 
cas  d’être  absorbé  5 un  onguent  fait  avec  le 
sublimé  corrosif  entame  la  peau , et  devient  un 
des  moyens  les  plus  prompts  et  les  plus  actifs 
de  faire  pénétrer  du  mercure  très-oxidé  dans  le 
torrent  de  la  circulation. 

Il  n’est  pas  nécessaire  d’entrer  ici  dans  de 
plus  grands  détails  sur  les  expériences  très- 
nombreuses  de  M.  Séguin  , pour  faire  conce- 
voir les  résultats  généraux  qu’elles  lui  ont 
fournis  et  qu’on  peut  réduire  aux  suivans  : 
i°.  Les  vaisseaux  absorbans  n’absorbent  dans 


2J^o  La  Médecine 

•i  %'  * 

aucun  cas  ni  l’eau , ni  l’air  , ni  les  matières 
qui  y sont  mêlées  ou  dissoutes  ; 2°.  l’épiderme 
qui  les  recouvre  exactement  dans  l’état  sain  , 
les  empêche  absolument  de  faire  cette  fonction  , 
et  ils  ne  l’exercent  qu’au-dessous  de  cette  croûte; 
3°.  Les  matières  dissolubles  sont  peu-à-peu  en- 
levées à l’eau  qui  les  dissout  par  l’humeur  de 
la  transpiration  placée  à l’extrémité  des  vais- 
seaux exhalans,  lorsque  cette  humeur  ne  coule 
point  en  torrent  comme  dans  la  sueur  ou 
lorsque  les  vaisseaux  ne  sont  point  resserrés 
comme  par  une  température  trop  basse  ; 40.  les 
matières  liquides  ou  fluides  élastiques  ne  sont 
point  admises  dans  les  vaisseaux  exhalans  , tou- 
jours pleins  de  l’humeur  transpiratoire  qui  y 
séjourne  ou  qui  y est  dans  un  mouvement 
in  verse  à celui  de  l’absorption  ; 5°.  les  matières 
caustiques  sèches  ne  sont  absorbées  qu’après 
avoir  détruit  et  corrodé  l’épiderme  ; 6°.  les 
matières  sèches  non  solubles  ne  peuvent  passer 
dans  le  système  lymphatique  , que  lorsque  par 
une  friction  plus  ou  moins  forte  on  les  a fait 
pénétrer  à travers  les  mailles  et  les  pores  de 
l’épiderme  jusqu’à  l’espace  ou  s’ouvrent  les 
bouches  des  vaisseaux  absorbans. 

A ces  énoncés  , qui  résultent  immédiatement 
des  expériences  indiquées,  M.  Séguin  en  ajoute 
d’également  importans/qui  ne  sont  que  des  con- 
séquences nécessaires  des  premiers  et  dont  nous 
exposerons  ici  les  principaux  : i°.  les  maladies 
épidémiques  se  contractent  par  la  voie  de  la 
respiration  , et  les  miasmes  dissous  dans  1 air 
déposé  dans  les  poumons  sont  absorbés  par 
les  vaisseaux  absorbans  de  ces  viscères  qui  , 
dépourvus  d’épiderme  , jouissent  d’une  force 
absorbante  très-entière  ; 20.  le  diabète  ne  pro- 
vient point  de  l’eau  absorbée  dans  l’air  par  la 

peau, 


ÉCLAIRÉE,  etC.'  24 1 

peau  , mais  du  reflux  de  celle  qui  ne  peut  pas 
être  enlevée  aux  poumons  par  l’air  trop  chargé 
d’humidité  3 3°.  les  amas  d’eau  ou  les  diverses 
espèces  d’hydropisies  ne  dépendent  que  de  la 
d;fférence  d’action  entre  les  vaisseaux  absor- 
bans  et  les  vaisseaux  exhalans  ; 4°*  1 absorption 
commune  dans  les  absorbans  par  le  vuide  qui. 
y est  produit,  soit  par  la  diminution  de  pres- 
sion , soit  par  celle  des  stimulus  , leur  structure 
valvulaire  interne  , détermine  le  mouvement 
des  fluides  de  leur  extrémité  vers  le  système  des 
vaisseaux  sanguins  ; 5°.  les  matières  âcres  et 
stimulantes  , en  faisant  contracter  les  vaisseaux  , 
arrêtent  l’absorption  3 l’affinité  des  substances 
à absorber  avec  les  vaisseaux  absorbans  dé- 
termine également  cette  fonction  3 telle  est  la 
différence  d’action  des  matières  nourrissantes 
et  des  purgatives  , par  rapport  au  système  des 
vaisseaux  absorbans  abdominaux  ; 6°.  enfin  les 
virus  contraires  pénètrent  par  les  poumons  3 
l’épiderme  est  un  rempart  qu’ils  ne  peuvent 
franchir  dans  l’état  sain  et  dans  l’intégrité  par- 
faite de  ce  tissu  , et  ils  ne  peuvent  pas  être 
absorbés  par  la  peau. 

MÉDECINE  PRATIQUE. 

Suite  du  compte  rendu  sur  V électricité  médicale  î 
par  M.  Mauduit. 

Un  grand  nombre  d’électriciens  regarde  la 
suppression  des  règles  comme  l’accident  contre 
lequel  l’électricité  a un  effet  plus  général  e plus 
pomplet.  Je  pense  , d’après  Les  observations  que 
ai  faites  , que  l’électricité  est  un  moyen  de 
emédierà  la  suppression  des  règles  dans  les  cas 
3 s plus  fréquens,  d’une  manière  plus  prompte. 
Tome  111.  N°.  VIII.  Q 


2,4%  l a Médecine 

moins  fatigante  , plus  certaine  , accompagnée 
de- moins  de  risques  que  tous  les  autres  moyens 
connus  et  usités  contre  le  même  accident  : ruais 
je  crois  que  l’électricité  11e  réussit  pas  dans  tous 
les  cas  de  suppression  , et  qu’il  en  est  dans  les- 
quels il  seroit  imprudent  de  l’employer  sans  pré- 
caution. 

Lorsqu’une  cause  physique  ou  morale  arrête 
le  cours  des  règles  et  suspend  leur  retour  pério- 
dique dans  une  femme  d’ailleurs  bien  portante 
et  bien  constituée  ; (pie  la  suppression  est  la 
maladie  essentielle,  et  non  un  symptôme,  alors 
l’électricité,  bien  administrée  , rétablit  le  cours 
supprimé  , ou  le  renouvelle  à son  période  , sans 
qu’il  soit  besoin  que  d’un  traitement  de  fort  peu 
cle  jours;  elle  agit  plus  sûrement,  en  moins  de 
tempte,  en  altérant  moins  les  diverses  fonctions 
qui  ne  sont  pas  lésées  que  11e  le  font  les  autres 
moyens  : en  effet,  les  emméïiagogues,  la  sai- 
gnée , sont  des  remèdes  violens  et  qui  usent 
les  forces.  L’électrieùe  ne  paroît  accompagnée 
d’aucun  danger , mais  il  est  des  cas  dans  lesquels 
je  lui  ai  trouvé  bien  peu  ou  point  d’efficacité  ; 
elle  ne  m’a  jamais  réussi  , quoique  je  l’aie  em- 
ployée assez  souvent  pour  les  jeunes  personnes 
qui  ont  passé  l’âge  où  les  femmes  sont  ordinai- 
rement réglées  , sans  qu’elles  le  fussent  encore 
devenues  ; elle  a été  également  toujours  inutile 
à celles  qui  , n’étant  pas  réglées  par  le  défaut 
de  force  , étoient  dans  un  état  de  langueur  , de 
foiblesseet  d’atonie,  et  souvent  à celles  dont  la 
fibre  trop  tendre  , trop  irritable  , ne  permettoit 
pas  sans  doute  la  dilatation  des  vaisseaux  de 
l’utérus,  nécessaire  pour  L’écoulement  du  fins 
périodique  , qui  péchoient  par  un  excès  de  vi- 
gueur , et  étoient  dans  un  état  pléthorique.  J’ai 
réussi  deux  fois  dans  ce  dernier  cas  , en  faisant 


1 


ÉCLAIRÉE,  CtC.  243 

précéder  l’électricité  par  les  demi-bains  et  la  sai- 
gnée au  pied  : je  crois  que  l’apparition  du  flux 
menstruel  doit  se  rapporter  , même  pour  les 
deux  faits  dont  il  s’agit , à l’action  de  l’électri- 
cité , parce  que  les  demi-bains  et  la  saignée  au 
pied  , employés  précédemment  , ne  l’avoient 
pas  déterminé  , même  à différentes  époques,  et 
que  ce  flux  s’est  établi  peu  après  l’emploi  de 
l’électricité  , à la  suite  immédiate  des  mèmès 
moyens  qui  ne  me  semblent,  dans  le  cas  présent,  ; 
avoir  été  que  préparatoires  et  prédisposans. 

En  électrisant  une  jeune  fille  fortement  cons- 
tituée , dont  la  fibre  pêche  par  excès  de  tension  , 
ne  doit-on  pas  craindre  que  l’action  active  et  ir- 
ritante de  l’électricité  n’augmente  les  obstacles; 
qu’une  personne  dont  la  fibre  pêche  par  un  excès 
de  tension  , et  qui  est  en  même-temps  dans  un 
état  pléthorique  , ne  soit  exposée  par  l’action  de 
l:éiectricité  à une  alternative  très- dangereuse  ? 
Eu  effet , ou  l’électricité  , en  portant  la  tension 
et  les  vibrations  de  la  fibre  , le  mouvement  ra- 
pide c\u  sang  à l’excès  , forcera  J a résistance  des 
vaisseaux  utérins  , et  les  accidens  se  dissiperont 
à mesure  que  le  flux  s’établira  ; ou  le  sang  raré- 
i lé  , poussé  par  des  artères  tendues  et  dans  un 
état  violent  d’irritation  , fera  irruption  , ou  sur 
le  cerveau  , ou  sur  le  poumon  , dont  les  vais- 
seaux n’auront  pas  assez  de  ressort  pour  résister 
à son  impulsion . 

Je  pense  donc  que  dans  le  cas  de  suppression 
accompagnée  de  rigidité  et  de  pléthore  , il  est 
toujours  prudent  de  diminuer  cet  état  et  de  le 
réduire  , avant  l’emploi  de  l’électricité  , à un 
degré  dans  lequel  il  n’y  ait  plus  à craindre  du 
stimulus  qui  accompagne  ce  remède. 

Peut  être  dans  le  cas  opposé  réussiroit-on  , si 
avant  i’éicctricité  , et  en  même-temps  , on  em- 

Q * 


&44  L a Médecine 

ployoit  les  remèdes  propres  à relever  les  forces  , 
si  on  les  ainenoit  à un  degré  où  , aidées  par 
l'électricité  , elles  détermineroient  le  flux  mens- 
truel. Il  n’est  rpie  symptomatique  dans  les  deux 
cas  dont  je  viens  de  parler  , et  l’électricité  ne 
réussit  pas  parce  qu’on  n’attaque  pas  précédem- 
ment et  en  même-temps  la  cause  , la  maladie  es- 
sentielle à laquelle  l’électricité  ne  remédie  pas, 
ou  que  même  elle  augmente. 

Il  y a des  femmes  en  qui  la  suppression  est  un 
symptôme  de  l’état  spasmodique  , comme  il  y en 
a , et  plus  souvent , en  qui  cet  état  est  un  symp- 
tôme de  la  suppression.  11  est  infiniment  difficile 
de  prévoir  si  on  remédiera  dans  ces  femmes  à la 
si  ppression  , ou  si  on  n’en  prolongera  pas  la 
durée  ; si  on  n’aggravera  pas  l’état  spasmodique  , 
parce  que  lien  n'est  plus  difficile  à déterminer 
que  l’effet  de  l’électricité  dans  les  maladies  ner- 
veuses. 11  ester  pendant  arrivé  que  ce  remède  n’a 
pas  été  contraiie  à toutes  les  maladies  de  nerfs, 
comme  on  l’avoit  d’abord  pensé  ; qu’au  contraire 
il  a été  un  très- bon  remède  dans  plusieurs  de  ces 
maladies  : mais  quelles  sont  celles  dans  lesquelles 
il  convient , celles  dans  lesquelles  il  nuit  ? voilà 
ce  qu’on  pourra  peut  être  déterminer  un  jour, 
mais  que  je  crois  impossible  quant  à présent. 

Lors  donc  qu’une  femme  souffre  en  même- 
temps  une  suppression  , et  qu’elle  éprouve  des 
symptômes  spasmodiques  et  liistériques  , je  çrois 
qu’on  peut  conseiller  l’électricité  , employée 
d’abord  avec  beaucoup  de  ménagement , et  conti- 
nuée ou  abandonnée  selon  que  les  symptômes 
spasmodiques  et  liistériques  sont  dimiuués  pen- 
dant son  usage  ou  aggravés.  J’ai  réussi  de  cette 
façon  pour  des  personnes  dont  l’état  spasmo- 
dique , avant  le  traitement , sembloit  devoir  le 
faire  redouter  et  n’en  faire  attendre  que  l’aug- 


i c i k i r i e , etc.  2.^5 

mentation  des  sy al p tomes.  C’est  ce  qui  m’est 
arrivé  à l'égard  d line  jeune  personne  qui  me  fut 
adressée  par  feu  M.  le  Clerc  , médecin  de  la 
faculté  de  Paris.  Cette  malade  étoit  affectée  de 
symptômes  liistériques portés  au  plus  liant  degré: 
je  craignois  de  les  voir  augmenter,  et  je  m’y  atten- 
dons en  commençant  le  traitement  électrique  ; 
il  les  diminua  , les  calma  et  les  dissipa  au  con- 
traire contre  mon  attente  , et  la  malade  en  fut 
délivrée,  ainsi  que  de  la  suppression,  qui  ne 
céda  qu'aprèsque  tous  les  symptômes  liistériques 
avoient  disparu  -,  ainsi  il  est  probable  qu’ils  en- 
tretenoient  la  suppression  , car  sa  cause  primitive 
avoit  été  une  frayeur  violente  dans  le  temps 
périodique.  La  suppression  avoit  donc  vraisem- 
bla  blement  causé  les  symptômes  liistériques  , et 
ces  symptômes  une  fois  excités,  prolongoient  la 
suppression  en  entretenant  le  spasme. 

Il  me  reste  à dire  un  mot  sur  la  manière  d’ad- 
ministrer l’éLectricité  dans  le  cas  de  suppression. 
On  rétablit  le  cours  périodique,  hors  les  circons- 
tances qui  font  exception  et  que  j’ai  raportées  p 
de  quelque  manière  que  l’on  emploie  Lélectri- 
cité.  Le  bain  agit  plus  lentement  que  tous  les 
autres  moyens  ; la  commotion,  sur-tout  à travers 
V utérus , plus  promptement  , mais  ce  moyen  est 
extrême  et  n’est  peut-être  pas  sans  danger  : la 
méthode  indiquée  par  Parthington  , électricien 
angiois  , agit  très-promptement , dirige  l’action 
de  l’électricité  sur  les  seules  parties  naturelles  „ 
ne  fatigue  point  les  malades  et. ne  paroît  suscep- 
tible dJ  aucun  inconvénient.  Je  la  crois  donc 
préférable  de  toutes  manières.  Je  ne  ferai  pas 
ici  la  description  de  catte  méthode  , que  l’on 
trouvera  , ou  dans  l’ouvrage  de  Cavailo  , ou 
dans  le  mémoire  (pie  j’ai  publié  sur  les  différentes 
manières  d’administrer  l’électricité. 

0 3 


2,46  L A MÉDJ3CIKE 

Les  engelures  ne  sont  regardées  en  généra]  que 
comme  une  incommodité  et  même  une  incom- 
modité légère  ; on  croit  à peine  qu’elles  méri- 
tent l’attention  des  médecins  : elles  sont  en  effet 
un  mal  fort  léger  pour  les  gens  qui  mènent  une 
vie  aisée  , qui  ne  sont  pas  forcis  de  s’exposer  à 
l’action  du  froid  , de  l’iiurnidité  , de  travailler 
en  plein  air  -,  mais  les  engelures  sont  un  supplice 
pour  tous  ceux  qui  sont  dans  un  cas  opposé  : 
les  premiers  en  sont  rarement  attaqués  , les 
seconds  le  sont  très-souvent  ; les  enfans  y sont 
sur-tout  sujets  , mais  les  adultes  le  sont  aussi 
parmi  la  classe  indigente  et  laborieuse.  Les 
engelures  ouvertes,  ulcérées,  sont  un  tourment, 
Sur-tout  pour  ceux  qui  sont  forcés  , ou  de  beau- 
coup marcher,  ou  de  travailler  , et  particulière- 
ment pour  ceux  que  le  genre  de  leurs  travaux 
contraint  de  s’exposer  à l’air  , de  manier  des 
corps  froids  ou  humides,  ou  même  de  tremper  les 
mains  alternativement  dans  l’eau  chaude  et  dans 
l’eau  très  froide.  Puisque  les  engelures  sont  un 
supplice  long  et  très-douloureux  pour  un  grand 
nombre  d’hommes,  sur  tout  pour  les  pl  us  pauvres 
et  ceux  qui  sont  forcés  de  travailler  pour  gagner 
leur  vie,  elles  méritent  toute  l’attention  des 
médecins  , contre  l’opinion  que  les  gens  riches  , 
qui  n’en  jugent  que  parce  qu’ils  en  éprouvent  , 
s’en  forment  ordinairement. 

Je  place  les  engelures  au  troisième  rang 
des  maladies  que  prévient  et  guérit  l’électricité. 
Sauvage  s’apperçut  le  premier  qu’elle  est  un 
moyen  sur  de  guérir  les  engelures  , et  tous 
les  électriciens  ont  confirmé  depuis  cette  pro- 
priété. 

J’ai  pendant  deux  ans  de  suite  électrisé  beau- 
coup d’enfans  et  quelques  adultes  pour  des 
engelures.  Je  n’ai  employé  que  les  étincelles 


ÉCLAIRÉE,  etC.  2.47 

pour  ceux  dont  les  engelures  n’étoierit  point 
ouvertes  , et  je  les  ai  dissipées  en  fort  peu  de 
temps  , au  bout  de  six  ou  huit  séances  de  dix 
minutes  chacune  environ:  j’ai  employé  le  souffle 
des  pointes  électrisées,  touchant  sur  les  ulcères 
des  engelures  ouyertes  , le  malade  n’étant  pas 
isolé  , et  faisant  varier  la  position  de  la  pointe 
de  façon  cpie  le  soufile  parcourut  successive- 
ment toute  la  surface  de  la  partie  ouverte  et 
ulcérée.  Je  n’ai  guère  trouvé  d’engelures  si 
considérables  qu’elles  n’aient  été  guéries  en 
trois  semaines  par  le  souffle  électrique.  Je  fai- 
sois  une  séance  pir  jour  de  dix  ou  quinze  mi- 
nutes, selon  l’étendue  du  mal. 

La  guérison  des  engelures  par  l’électricité  est 
donc  certaine,  mais  on  peut  en  outre,  par  le 
même  moyen,  dissiper  le  mal  dans  son  origine, 
en  recourant  au  remède  aussi-tôt  que  le  mal  s’an- 
nonce , ou  le  prévenir  pour  ceux  qui  y sont 
sujets  chaque  hiver  , en  prenant  quelques  séan- 
ces électriques  au  retour  des  premiers  froids. 
M.  Girault  , médecin  de  la  faculté  de  Paris  , 
m’adressa  à l’automne  huit  ou  dix  enfans 
d’une  pension  dont  il  étoit  le  médecin,  sujets 
à de  fortes  engelures  tous  les  hivers  : aucun  n’en 
eut , ayant  été  électrisés  au  commencement  de 
l’automne.  Un  grand  nombre  de  boursiers  du 
collège  de  Montaigii  me  vint  trouver  dans  le 
même  hiver  ; la  plupart  avoient  des  engelures 
ouvertes  très-étendues,  quelques  unes  formant 
des  ulcères  très-profonds  : tous  furent  guéris, 
quoique  le  traitement  ait  été  fait  par  un  temps 
de  gelée  , que  la  terre  fut  couverte  de  neige  et 
que  ces  messieurs  ne  cessassent  pas  de  prendre 
leur  récréation  dans  la  cour  du  collège. 

Un  traitement  électrique  public  seroit  donc 
un  très  grand  bienfait  pour  un  nombre  fort  con- 


24S  La  Médecine 

sidérable  de  pauvres  citoyens  , qui  se  rendroient 
au  lieu  du  traitement,  n'y  passeroient  que  quel- 
• ques  minutes  chaque  jour  , et  qui,  faute  d’un 
moyen  d’un  usage  aussi  facile  , qui  dépense 
aussi  peu  de  temps  , qui  ne  coûteroit  rien  d’ail- 
leurs , passent  trois  ou  quatre  mois  chaque 
année  dans  un  état  malheureux  , et  dont  plu- 
sieurs sont  contraints  d’interrompre  leurs  tra- 
vaux , dont  beaucoup  d’autres  11e  les  conti- 
nuent qu’à  force  de  courage  et  nu  prix  des 
tourmensque  les  engelures  leurs  causent.  Je  sais 
qu’il  est  nombre  de  remèdes,  même  peu  dispen- 
dieux ou  gratuits  , qu’on  propose  contre  ce  mal  ; 
mais  je  ne  crois  pas  qu’il  y en  ait  aucun  dont 
l’effet  soit  aussi  sûr , aussi  prompt , l’usage 
moins  gênant. 

Je  range  d’après  les  faits  nombreux  dont  j’ai 
été  témoins , et  des  faits  pareils  publiés  par 
différons  observateurs,  le  rhumatismes  au  nom- 
bre des  maladies  contre  lesquelles  l’utilité  de 
l’électricité  est  avérée  ; mais  cet  objet  exige 
que  j’entre  dans  des  détails,  car  la  diffé- 
rence dans  la  nature,  l’intensité,  la  date  du 
rhumatisme  , en  apporte  beaucoup  dans  sa  cu- 
rabilité par  l’électricité,  et  dans  la  manière  ou 
plutôt  le  moment  d’employer  ce  remède. 

Lorsque  le  rhumatisme  est  aigu,  et  accom- 
pagné de  symptômes  inflammatoires  , d'une 
fièvre  violente  , recourir  d’abord  à l’électricité  , 
rne  paroîtroit  un  moyen  dangereux  , et  on  ne 
fèroit,  je  crois,  qu’augmenter  la  violence  du 
mal  - il  faut  donc  dans  ce  cas  faire  cl’abord 
usage  des  caïmans  , des  délayans,  et  des  anti- 

ue  ces 
ie  in- 
tricité 

pendant  quelque  temps,  pour  qu’ils  remédient  à 


phlogistiques  , employer  l’electncite  lorsq 
premiers  moyens  ont  tempéré  la  fougi 
flammatoire  , et  les  continuer  avec  Téléc 


ÉCLAIRÉE,  etC.  24^ 

ce  que  ce  remède  a de  tonique  et  d’irritant,  et 
qui  pourroit  entretenir  ou  augmenter  la  disposi- 
tion inflammatoire  ; mais  quand  les  symptômes 
sont  calmés  en  plus  grande  partie  , alors  on  peut 
ne  faire  usage  que  de  l’électricité  seule. 

Quand  le  rhumatisme  est  récent  et  produit 
par  une  cause  accidentelle  , comme  une  pluie 
longue  et  froide  , un  vent  du  nord  violent , 
auquel  le  malade  a été  exposé  , l’entrée  et  le 
séjour  dans  un  lieu  frais  étant  en  sueur,  ce 
qu’on  appelle  un  vent-coulis , dont  la  direc- 
tion a eu  lieu  sur  le  membre  affecté  de  rhu- 
matisme , et  dans  les  cas  analogues , quelque 
violent  que  soit  le  rhumatisme  , s’il  n’est  pas 
inflammatoire  , on  peut,  aussi-tôt  l’invasion  du 
mal,  recourir  à l’électricité , faire  de  longues 
et  de  fréquentes  séances , et  plus  le  malade 
sera  électrisé  , plutôt  il  sera  soulagé  et  guéri. 

Je  n’ai  vu  aucun  malade  dans  le  cas  dont 
je  viens  de  parler,  qui  n’ait  été  guéri  en  huit 
jours  au  plus  , et  souvent  moins. 

Un  ouvrier  en  boutons  de  métal  souffroit , 
depuis  trois  jours  , d’un  rhumatisme  qui  s’éten- 
doit  sur  les  reins,  l’omoplate  et  le  bras  jusqu’au 
coude  du  côté  droit  : cet  homme  , seul  dans 
sa  chambre  , n’avoit  pu  se  déshabiller  depuis 
trois  jours  5 il  les  avoit  passés  en  plus  grande 
partie  sur  son  lit  ; la  viole  ce  des  douleurs 
ne  lui  avoit  pas  laissé  prendre  une  heure  de 
sommeil  de  suite.  Il  vint  me  trouver  le  qua- 
trième jour  à demi  courbé,  ne  pouvant  se  re- 
dresser , ni  faire  aucun  mouvement  de  son  bras: 
je  l’examinai,  il  me  parut  bien  constitué  , le 
pouls  étoit  élevé  et  fréquent  plus  que  dans  l’état 
naturel  , mais  sans  ardeur  ni  rongeur  i la  peau  , 
et  s ms  qu’aucur  symptôme  annonçât  un  état 
inflammatoire.  Le  malade  avoit  été  exposé 


J JO  La  Médecine 

à une  pluie  froide  dans  un  voyage  à pied  , et 
dans  la  nuit  même  il  avoit  été  atteint  du  rhu- 
matisme , sans  en  avoir  auparavant  jamais 
éprouve  de  douleur.  Je  l’électrisai  après  avoir 
constate  son  état  : la  séance  fut  d’une  demi- 
heure,  Je  lui  prescrivis  pour  boisson  la  décoc- 
tion d’un  gros  de  salsepareille  et  d’autant  de 
sqnine,  dans  cinq  demi -sep  tiers  d’eau  réduits 
à une  pinte  \ de  tâcher  d’être  aidé  et  secouru 
par  quelqu’un  , de  se  mettre  au  lit  et  de  boire 
de  la  décoction  aussi  abondamment  qu’il  le 
nourroit.  Il  revint  le  lendemain  matin  , redressé, 
commençant  à mouvoir  son  bras  : n’ayant  pu, 
ou  n’ayant  voulu  a'ppeller  personne  à son  se- 
cours , il  avoit  fait  la  décoction  , s’étoit  mis 
au  lit  sans  se  déshabiller,  avoit  bu  de  sa  ti- 
sane placée  à côté  de  lui,  avoit  sué,  et  com- 
mençant sur  le  soir  à se  trouver  soulagé,  il 
s’étoit  levé,  s’étoit  déshabillé  et  remis  au  lit. 
La  sueur  avoit  repris  son  cours  , il  s’étoit  en- 
dormi vers  le  milieu  de  la  nuit  , et  le  sommeil 
avoit  été  de  quatre  à cinq  heures  sans  interrup- 
tion. Le  malade  s’étoit  habillé  sans  trop  de 
difficulté  , n’ayant  pu  seulement  retourner  en- 
core le  bras  pour  mettre  son  coi.  Il  prit  nue 
séance  fie  trois  quarts-d’heure , passa  la  jour- 
née comme  celle  de  la  veille  , et  m’assura 
le  troisième  jour  qu’il  ne  sentoit  plus  que  de 
légères  douleurs  par  intervalles.  Il  reprit  son 
métier  le  sixième  jour  , et  en  tout  huit  séances 
électriques.  Je  l’engageai  à me  donner  de  ses 
nouvelles  de  temps  en  temps.  Tl  étoit  devenu 
incommodé  en  novembre,  et  il  me  rendit  di- 
verses visites  jusqu’au  milieu  du  printemps, 
dans  lesquelles  il  m’assura  qu’il  j 'avait  ressenti 
aucune  douleur  depuis  son  traitement. 

Lç  fait  que  je  viens  de  rapporter  est  un  des 


. Eclairée,  etc.  ^5ï 

plus  frappans  dont  j’aie  été  témoin  , soit  par 
la  promptitude  du  succès,  soit  à cause  de  l’in- 
tensité du  mal  : mais  j’ai  traité  beaucoup  de 
malades  dans  des  cas  analogues  ; tous  ont  ob- 
tenu un  succès  qui  répond  à celui  dont  il  vient 
d’être  question. 

Les  personnes  auxquelles  j’ai  administré 
l’électricité  pour  cause  de  rhumatisme  , qui 
avoient  précédemment  ressenti  des  douleurs 
de  ce  genre  , qui  les  éprouvoient  sans  une 
cause  décidément  déterminante  et  marquée  , 
mais  par  une  suite  de  leur  tempérament , plus 
susceptible  que  ne  le  sont  les  hommes  bien 
constitués,  des  influences  de  l’atmosphère,  dont 
la  crise  actuelle  étoit  récente  , ont  constam- 
ment été  soulagés  très-promptement , et  le  pa- 
roxisme  qui.,  d’après  les  paroxismes  précé- 
dens  , auroit  probablement  été  long  , a été  ter- 
miné en  peu  de  jours  ; mais  l’électricité  n’a  pas 
remédié  à l’état  de  foiblesse  et  de  propension 
à être  affecté  de  rhumatisme.  Les  paroxismes  se 
sont  fait  sentir  par  intervalles  comme  parle  passé. 

Ne  peut-on  pas  conclure  des  faits  précédens 
que  l’électricité  dissipe  souverainement , très- 
promptement  et  sans  retour,  le  rhumatisme 
accidentel  et  récent  5 qu’elle  abrège  et  dissipe 
le  paroxisme  du  rhumatisme  dans  les  personnes 
sujettes  par  intervalles  à ce  genre  d’infirmité, 
sans  remédier  à la  constitution  qui  les  assujétit 
à ce  genre  d’incommodité  ? Mais  l’électricité 
est  un  remède  avantageux  pour  ces  personnes 
même  , puisqu’elle  arrête  et  dissipe  dans  son 
origine,  en  quelques  jours  d’un  traitement  très- 
facile  , un  paroxisme  qui  auroit  été  très-dou- 
loureux , qui  auroit  duré  plusieurs  semaines  , 
souvent  plusieurs  mois  , et  quelquefois  toute 
la  saison  froide. 


O •)  O 

y-» 


La  Médecine 
Lorsque  le  rhumatisme  succède,  comme  il 
arrive  souvent a une  longue  habitation  dans 
un  lieu  humide,  ou  au  passage  fréquent  de 
1 exercice  a 1 inaction  , en  demeurant  exposé 
a.  i air  , au  froid  ou  à l’humidité  , comme  y 
sont  exposés  les  hommes  qui  travaillent , tantôt 
et  successivement  à l'air  libre  et  dans  des  caves  , 
dans  des  souterreins,  s’il  est  récent  , l’élec- 
tricite  y remédie  , mais  en  y consacrant  pins 
de  temps  que  dans  les  cas  précédens,  sans 
en  m 1 pécher  le  retour  , si  on  ne  change  pis 
cl  habitation  ou  de  manière  de  vivre.  Si  le 
rhumatisme  est  invétéré  , l’électricité  même 
en  la  continuant  très-  long-temps  , diminue  l’in- 
tensité des  douleurs  , quoiqu’on  ne  change 
ni  d’habitation  ni  de  genre  de  vie  ; elle  rend 
les;  mouvemens  moins  difficiles,  mais  ne  guérit 
pas  ; cependant  elle  est  utile  même  dans  ces 
circonstances  , car  en  y ayant  recours  par  in- 
tervalles, pendant  quelques  jours,  ce  seroit  un 
prophylactique  qui , s’il  ne  prévenoit  pas  tous  les 
paroxismes  , les  éioigneroit  au  moins  , en  abré- 
geroit  la  durée  et  en  diminueroit  la  violence;  et 
qu’on  n’oublie  pas  combien  l’emploi  de  l’électri- 
cité est  facile  , et  dépense  peu  de  temps  J Je  crois 
prouver,  par  les  détails  dans  lesquels  je  viens 
d’entrer,  qu’on  est  fondé  à la  regarder  comme 
très-utile  contre  le  rhumatisme;  que  comme  ce 
ma!  est  très-commun  parmi  les  pauvres  , ce  seroit 
leur  faire  un  grand  bien  que  de  leur  procurer  un 
traitement  électrique  , auquel  ils  pussent  re- 
courir dans  les  attaques  de  rhumatismes.  La 
meilleure  méthode  d’employer  l’électricité  con- 
tre le  rhumatisme  , m’a  paru  celle  que  les  anglois 
appellent  à travers  la  flanelle  $ elle  consiste  à 
couvrir  la  partie  douloureuse  d’une  flanelle 
qui  soit  appliquée  immédiatement  sur  la  peau, 


ÉCLAIRÉE,  etc.  2.5a 

sans  former  de  plis  , à promener  sur  cette  fla- 
nelle , ou  sur  les  vêtemens  qui  la  recouvrent, 
le  malade  étant  isolé  , la  boule  d’un  excitateur 
non  isolé.  Le  malade  sent  un  prurit  à tous 
les  points  correspond  ans  à ceux  que  la  boule 
parcourt  , et  assez  souvent  les  parties  élec- 
trisées se  couvrent  de  sueur  dans  le  lit  , quoique 
le  malade  ne  sue  pas  dans  le  reste  de  sa  personne. 

Ma  coutume  est  de  faire  concourir  avec  l’é- 
lectricité, l’usage  de  la  décoction  de  squine  et 
de  salsepareiUe.  Je  crois  que  cette  décoction  aide 
l’action  de  l’électricité  ; mais  je  ne  pense  pas 
qu’on  doive  lui  attribuer  le  succès,  parce  que  cette 
décoction  seule  , comme  on  l’emploie  souvent, 
ne  produit  pas  des  effets  qu’on  puisse  comparer 
à ceux  qu’on  obtient  par  l’électricité  , dont  on 
fait  en  même-temps  usage. 

Je  crois  devoir  , en  ne  jugeant  que  d’après 
les  faks  dont  j’ai  été  témoin  , borner  l’utilité 
reconnue  et  avérée  de  l’électricité  aux  quatre 
maladies  précédentes;  mais  il  en  est  un  plus 
grand  nombre  contre  lesquelles  les  observa- 
teurs , et  en  particulier  les  auteurs  angiois  , as- 
surent que  l’électricité  est  également  tuile.  Cette 
assertion  d’un  grand  nombre  de  physiciens, 
l’expérience  que  j’ai  faite  dans  beaucoup  de 
ces  maladies,  me  font  penser  qu’on  est  au 
moins  fondé  à regarder  l’emploi  de  l’électricité 
contre  ces  maladies,  comme  d’une  utilité  t.ès- 
probable  , et  dont  la  preuve  n’a  besoin  que  ce 
nouve'les  expériences  qui  la  confirment. 

Plusieurs  maladies  des  yeux  sont  celles  contre 
lesquelles  il  est  probable  que  l’électricité  four- 
niroit  des  secours  plus  avantageux.  Nous  devons 
les  premières  découvertes  en  ce  genre  , et  la 
manière  d’administrer  l’électricité  dans  les  cas 
dont  il  s’agit,  aux  physiciens  angiois.  J'ai  depuis 


25zf  l a Médecine 

vérifié  plusieurs  de  leurs  observations,  et  d’autres 
médecins  franc  ois  en  ont  également  reconnu 
la  vérité.  Les  maladies  des  yeux  dont  il  s’agit, 
sont  l’oplitalruie  , soit  aiguë  , soit  chronique  ; 
l’engorgement  des  membr  anes  , l’opacité  pro- 
duite par  cet  engorgement , celui  des  paupières 
et  des  glandes  situés  à leur  bord,  les  ulcères 
de  ces  glandes  et  ceux  de  la  cornée,  soit  opa- 
que , soit  transparente.  J’ai  employé  plusieurs 
fois  l’électricité  dans  les  cas  dont  je  viens  de 
faire  l’énumération  ; elle  a toujours  réussi  com- 
plètement et  avec  une  célérité  qui  m’a  surpris. 
M.  Toulon  , médecin  de  la  marine  à Toulon, 
M.  Vivers  , chirurgien  de  l’hôpital  de  Ro- 
chefort  , ont  de  même  obtenu  de  semblables 
succès  dans  les  mêmes  cas,  et  ils  en  ont,  en 
différent  temps , rendu  compte  à la  société 
de  médecine.  Pendant  deux  ans  que  j’ai  suivi 
les  malades  du  dépôt  de  médecine  à Saint  Denis  , 
j’ai,  en  divers  temps,  répété  les  mêmes  expé- 
riences, toujours  avec  succès.  Les  anglois  disent 
que  l’électricité  est  employée  avec  le  plus  grand 
succès  contre  l’ophtalmie  la  plus  aiguë,  dans 
le  moment  de  sa  plus  grande  violence  , et 
qu’elle  la  dissipe  plus  sûrement , plus  promp- 
tement qu’aucun  autre  moyen  , loin  d’irriter 
et  d’augmenter  les  symptômes  inflammatoires. 
Je  n’ai  pas  fait  usage  de  l’électricité  dans  ce 
cas,  je  ne  puis  rien  assurer  de  moi-même  , mais 
je  l’ai  administré  à un  homme  dont  l’état  étoit 
celui  de  cuisinier,  dans  une  maison  où  il  avoit 
tous  les  jours  un  travail  fort  long  , et  à faire 
usage  de  beaucoup  de  feu  ; il  n’en  supportait 
l’éclat  qu’avec  une  peine  extrême , celui  du 
jour  seul  l’incommodoit.  L’ophtalmie  étoit 
vive  , récente  , sans  être  très-aiguë  ; elle  a été 
dissipée  en  huit  à dix  séances,  quoique  le  ma- 


ÉCLAIRÉE,  etC.  2j5 

îâtle  n’ait  pas  interrompu  son  travail , si  nui- 
sible à son  état. 

On  employé  le  souffle  électrique  dans  les 
maladies  dont  je  viens  de  parler  , dirigé  sur  les 
parties  affectées  ; on  lui  trace  même  son  cours 
à travers  les  parties,  selon  les  cas.  Je  n’entrerai 
pas  ici  dans  des  détails  qu’on  peut  trouver  dans 
l’ouvrage  de  Cavallo,  ou  dans  le  Mémoire  que 
j’ai  publié  sur  les  différentes  manières  d’admi- 
nistrer l’électricité. 

La  goutte  sereine  est  la  maladie  des  yeux 
contre  laquelle  les  physiciens  ont  le  plus  sou- 
vent tenté  l’emploi  de  l’électricité.  Je  l’ai  moi- 
même  administrée  à un  assez  grand  nombre 
"de  malades  privés  de  la  vue  par  une  goutte 
sereine.  Quelques  observateurs  certifient  avoir 
guéri  plusieurs  malades  , et  pensent  que  l’élec- 
tricité est  ie  remède  contre  ia  goutte  sereine  : 
selon  les  auteurs  anglais  , on  n’en  guérit  jamais 
quand  elle  date  de  plus  de  deux  ans,  et  on  la 
dissipe  quelquefois  quand  elle  est  plus  récente. 
Je  certifierais  , comme  si  j’en  usse  été  témoin  , 
la  guérison  d’une  goutte  sereine  par  l’électri- 
cite  , parce  que  le  fait  m’a  été  communiqué  par 
M.  de  Sa  ussnre  , dont  la  capacité  pour  juger 
du  genre  de  la  maladie  , et  l’exactitude  dans 
l’énoncé  des  faits  , ne  sauraient  être  mis  eu 
doute  par  personne.  Je  no  dirai  rien  des  autres 
cures  de  la  goutte  sereine  publiées  par  des  ob- 
servateurs qui  ont  pu  ou  se  tromper  sur  la  na- 
ture de  la  maladie,  ou  qui  n’ont  pas  été  exacts 
dans  leur  récit.  Je  concluerai  d'après  l’observa- 
tion de  M.  de  Saussure  , des  commencemens  de 
succès  que  j’ai  souvent  obtenus , d’un  succès  même 
qui  probablement  eût  été  complet  sans  l’obsti- 
nation inconcevable  du  malade  à dicontinuer  le 
traitement  , fait  dont  M.  Geoffroi  et  plusieurs 


2d6  La  Médecine 

autres  cle  mes  confrères  ont  été  témoins  , qu’il 
est  probable  qu’on  réussiroit  quelquefois  , mais 
très  - rarement  , à guér  ir  les  malades  privés 
de  la  vue  par  la  goutte  sereine  ; ce  seroit  encore 
une  ressource  précieuse  , puisqu’il  n’en  existe 
pas  d’autre  jusqu’à  présent  contre  cette  cruelle 
maladie  , et  c’en  est  assez  pour  essayer  i’é- 
lectricité.  La  manière  de  l’employer  est  par  de 
légères  commotions  à travers  le  globe  de  l’œil  ; 
on  les  fait  passer  de  la  cornée  , 1 œil  étant  fer- 
mé, à la  nuque  du  cou  , d’une  tempe  à l’antre. 
On  doit  se  servir  , dans  cette  opération  , de  la 
bouteille  disposée  avec  l’électromètre  de  Làne , 
de  manière  à graduer  à volonté  les  commotions. 
On  peut  les  donner  d’un  quart  de  ligne  aune  de- 
mi-ligne d’écartement  entre  les  deux  boules, 
et  il  faut  les  répéter  quatre  , cinq  fois  par  jour  * 
en  faisant  supporter  de  vingt  à soixante  pour 
chaque  œil  par  séance  ; quelques  légères  qu’on 
les  donne  , elles  occasionnent  des  étourdis' 
semens  , des  maux  de  tête , et  ces  effets  in- 
quiétans  sont  communément  cause  que  les 
malades  renoncent  au  traitement  avant  qu’on 
puisse  savoir  quel  auroit  été  son  effet*  Cepen- 
dant ces  symptômes  ne  sont  pas  aussi  dangereux 
qu’on  pourroit  le  croire  ; ils  ne  le  sont  même 
pas.  La  femme  traitée  et  guérie  par  1VL  de 
Saussure  recevoit  des  commotions  plus  fortes 
que  celles  que  je  conseille  à chaque  seance  , 
elle  éprouva  de  violens  maux  de  tête  pendant 
tout  son  traitement,  eut  le  courage  de  les  sup- 
porter , guérit  et  jouissoit  cinq  ans  apres  d une 
santé  parfaite , ainsi  que  de  la  vue  qu’elle  avoit 
recouvrée. 


/ 


( N°  X.  ) 


2.89 


PHYSIQUE  MÉDICALE. 

Suite  de  V extrait  d’un,  article  du  Dictionnaire 

encyclopédique  de  Médecine , sur  l' électricité 

atmosphérique  ; par  M.  Iiallé. 

101.  L’état  habituel  d’électricité  positive  du 
globe  terrestre,  et  l’état  presque  toujours  négatif 
des  corps  atmosphériques  ont  fait  penser  à plu- 
sieurs physiciens  que  la  foudre  s’éîançoit  aussi 
presque  toujours  de  la  terre  vers  la  nue  ; plu- 
sieurs exemples  où  la  foudre  est  réellement  et 
sensiblement  partie  du  globe  , confirmaient  cette 
opinion.  Les  désordres  qu’elle  occasionne  sur 
les  corps  terrestres  ne  la  détruisoient  pas  , parce 
que  l’on  conçoit  aisément  que  dans  une.  explo- 
sion pareille  le  corps  duquel  part  l’explosion 
peut  être  affecté  d’une  manière  aussi  violente 
que  celui  vers  lequel  elle  se  dirige.  Néanmoins 
les  apparences  les  plus  ordinaires  ont  toujours 
fait  croire  que  la  foudre  partoit  de  la  nuée. 

102.  La  difficulté  qui  naît  de  cette  contradic- 
tion apparente  , paroît  entièrement  levée  par 
l’expérience  de  M.  Mauduyt.  Qu’arrive-t-il  dans 
cette  expérience  ? Dans  le  premier  temps  , l’élec- 
tricité communiquée  au  globe,  est  absorbée  en 
silence  par  la  vapeur  aqueuse  qui , par  rapport 
à lui  , se  trouve  comme  la  nue  par  rapport  à la 
terre  dans  un  état  négatif.  G’est  le  propre  des 
vapeurs  aqueuses  d’anéantir  tous  les  phén  omènes 
électriques  dans  le  temps  qu’elles  reçoivent  ce 
fluide  des  conducteurs  électrisés. 

103.  Dans  le  second  temps  , la  surcharge  com- 
mence à se  manifester  dans  la  doublure  de  la 
jarre  , et  les  étincelles  s’élancent,  non  du  globe 

7W///.N°.  X.  T * 


2.90  La  Médecins 

vers  cette  doublure  , mais  de  cette  doublure  sur 
le  globe.  Ainsi  la  doublure  a déjà  passé  à Tétât 
positif  relativement  au  globe.  En  effet , l’élec- 
tricité communiquée  au  globe  se  répand  à me- 
sure sur  la  vapeur  et  sur  la  doublure  , mais  de 
celles-ci  elle  ne  passe  à aucun  autre  corps , parce 
qu’elle  est  contenue  parle  corps  non-conducteur 
eu  le  verre  qui  les  environne. 

104.  Dans  le  troisième  temps  , la  vapeur,  qui 
est  plus  longue  à se  surcharger  que  la  doublure , 
prend  enfin  une  forte  surcharge  , toutes  ses 
parties  deviennent  lumineuses  , et  le  feu  élec- 
trique réuni  dans  un  sillon  fond  sur  le  globe 
avec  un  bruit  d’autant  plus  éclatant  que  la  ma- 
tière qui  a produit  la  surcharge  étoit  plus  abon- 
dante. La  décharge  faite,  il  faut  une  nouvelle 
surcharge  pour  produire  une  nouvelle  déto- 
nation. 

105.  Dans  le  quatrième  temps  , la  vapeur 
étant  détruite  , comme  Ta  dit  M.  Mauduyt , le 
phénomène  n’a  plus  lieu  et  ne  peut  se  renou- 
veler que  par  l’introduction  d’une  nouvelle  va- 
peur. C’est  dans  cette  partie  de  l’expérience 
qu’il  reste  à faire  beaucoup  de  recherches  pour 
connoître  l’état  précis  auquel  est  passée  la  va- 
peur lorsqu’elle  est  devenue  incapable  de  rece- 
voir une  surcharge  nouvelle. 

106.  Quoiqu’il  en  soit,  n’est-on  pas  très-porté 
à croire  que  dans  le  temps  qui  précède  un  orage, 
dans  ce  temps  où  tous  les  animaux  sont  dans  un 
accablement  si  singulier,  où  l’électricité  aérienne 
s’anéantit  ( 80  , 84  ) , toute  cette  électricité  se 
porte  sur  la  nue  avec  une  extrême  rapidité.  Si 
elle  n’est  pas  assez  considérable  pour  y produire 
une  prompte  surcharge , l’orage  est  différé,  et 
Ton  sait  que  l’espèce  d’anéantissement  qui  pré- 
cédé les  détonations  orageuses  dure  souvent 


£CLAl|BE,j  CtC,  291 

très-long-temps. , et  quelquefois  plusieurs  jours. 

107.  Presque  toujours  l’orage,  est  précédé  d’é.- 
clairs  ou  de  grondemens  sans  éclat  j alors  c’est 
entre  les  nuées  que  toute  la  scène  se  passe  ; 
il  semble  que  la  nue  surchargée  se  décharge 
sur  celles  qui  le  sont  moins,  et  quelques  orages 
se  bornent  à ces  foi  blés  détonations  où  les 
nuages  semblent  seulement  s’équilibrer  les  uns 
aux  autres. 

108.  Mais  c’est  lorsque  la  foudre  .éclate  et 
fond  sur  le  globe  qu’on  entend  ces  bruits  déchi- 
rans  dans  lesquels  le  ciel  paroît  en  feu  , et  -où 
le  trait  qui  traverse  l’air  semble  sillonner  la  nue 
nty  laisser  quelques  temps  une  empreinte  em- 
brasée. Des  flots  d’eau  terminent  la  scène  , 
épuisent  la  nue,  et  le  calme  se  rétablit. 

109.  Il  en  résulte  , quoique  les  nuages  soient 
avant  l’orage,  relativement  à l’air  et  au  globe, 
dans  un  état  négatif,  que  la  foudre  peut,  dans 
ce  cas  même  , partir  de  la  nue  et  peut  réelle- 
ment être , comme  elle  en  a l’apparence  , la 
décharge  d’un  état  électrique  positif,  état  que 
paroît  recevoir  la  nue  du  globe  , puisque  le 
globe  , comme  on  l’a  observé  , perd  subitement 
son  état  positif  par  l’approche  d’une  nuée 
électrisée  négativement. 

Exemples  de  contre-coups  électriques . 

110.  Cette  théorie  de  la  foudre  11’est  nulle- 
ment en  contradiction  avec  celle  de  M.  Mahon. 
Il  pense  que  souvent  dans  le  moment  où  la 
foudre  part  d’une  partie  de  la  nue  , il  arrive  que 
vers  la  partie  opposée  et  même  fort  loin  du  lieu 
où  s’est  faite  la  décharge  foudroyante,  les  corps 
exposés  à l’atmosphère  électrique  de  cette 
même  nue , sont  frappés  par  le  seul  effet  d’un 

T a 


292  JC  A MÉDBCINE 

contre-coup  électrique  , suivant  la  théorie  et  le* 
expériences  rapportées  ci-dessus  ( 63  et  suiv.  ). 

in.  Il  cite  plusieurs  faits  ( principles  ofelec- 
tricity  , §.  û23- — 3û2  ) qui  semblent  démontrer 
cette  idée.  Plusieurs  personnes  , dit-il , fort  dis- 
tantes les  unes  des  autres  , ont  été  à la  fois  et 
du  même  coup  frappées  de  la  foudre.  Des 
animaux  ont  été  frappés  à une  grande  distance 
du  lieu  de  l’éclair.  On  a vu  des  personnes 
frappées  de  la  foudre  n’avoir  éprouvé  d’altéra- 
tions que  dans  leurs  pieds  et  dans  leurs  chaus- 
sures déchirées  et  mises  en  pièces  , c’est-à-dire  , 
dans  la  partie  la  plus  proche  du  sol ,,  ou  dans 
celle  par  laquelle  le  contre  coup  doit  se  faire  au 
moment  où  la  nue  éprouve  loin  delà  une  dé- 
charge subite  ( 73 , 74  > 75  , 76  ).  En  effet  , les 
cuirs  des  chaussures  , ainsi  que  beaucoup  d*au- 
tres  corps  intermédiaires  entre  le  sol  et  l’homme, 
étant  des  conducteurs  imparfaits  , ne  peuvent 

F as  être  considérés  comme  établissant  du  sol  à 
homme  une  communication  immédiate.  On  a 
vu  encore  une  personne  , touchant  un  paraton- 
nerre dont  la  conduite  étoit  interrompue,  rece- 
voir une  violente  commotion  au  moment  où  un 
éclair  partoit  très-loin  de  l’endroit  où  il  étoit 
situé-;  enfin  on  a vu  dans  une  semblable  inter- 
ruption paroître  une  lumière  brillante  et  subite 
au  moment  où , à une  grande  distance  de  ce 
lieu  , un  éclair  partoit  de  la  nue. 

112.  Je  bornerai  à ce  peu  de  réflexions  toute 
la  théorie  de  l’électricité  atmosphérique.  D’après 
cette  théorie  , on  concevra  aisément  comment , 
suivant  les  variations  de  la  propriété  isolante 
de  l’air,  suivant  le  nombre  et  la  disposition 
des  corps  atmosphériques  , suivant  la  force  de 
la  charge  électrique  que  reçoit  le  globe  avant 
de  la  communiquer  à ces  corps,  les  phénomènes 


ÉCLAIRÉE,  €tC.  293 

électtiq'ues  doivent  varier  dans  les  différentes 
heures  du  jour,  dans  les  différentes  saisons  de 
l’année  , dans  les  différens  climats  du  globe. 

n3.  On  conçoit  comment  très-peu  d’orages 
ont  lieu  le  matin  depuis  une  heure  avant  jus- 
que deux  heures  après  le  lever  du  soleil  ; 

2u’au  contraire  le  très-grand  nombre  arrive 
epuis  trois  ou  quatre  heures  après  midi  jus- 
que dans  la  nuit.  Le  refroidissement  qui  a lieu 
à l’heure  du  lever  , la  rosée  qui  se  forme  alors, 
les  vapeurs  qui  s’élèvent  ensuite  , tant  du  sol 
que  de  la  surface  des  rivières  , forment  un  im- 
mense moyen  de  communication  qui  ôte  à l’air 
~5a  propriété  isolante.  Dans  le  jour,  la  faculté 
isolante  de  fair  se  rétablit , les  nuages  dilatés 
et  en  partie  absorbés  s’éloignent  davantage  de 
la  terre  $ le  soir , ils  se  condensent  , se  précipi- 
tent et  se  rapprochent  du  sol  ; mais  dans  les  j ours 
orageux  où  le  serein  n’a  point  lieu  , il  ne  se 
forme  au  coucher  dusoleil  aucune  communication- 
qui  puisse  rétablir  insensiblement  l’équilibre 
entre  le  sol  et  les  corps  atmosphériques. 

114.. On  conçoit  comment  les  orages  les  plus 
violens  sont  ceux  qui  surviennent  après  une 
saison  long-temps  sèche,  et  où  l’air,  ayant 
long- temps  conservé  sa  faculté  isolante  , a dû 
devenir  très-électrique  ; et  par  conséquent  pour- 
quoi, dans  nos  climats  tempérés,  mais  inconstans 
et  variables , les  orages  , quoique  souvent  très- 
fréquens  , sont  bien  moins  violens  que  dans  les 
climats  où  les  températures  sèches  , soit  chau- 
des , soit  froides  , se  soutiennent  long-temps  ? 
pourquoi  nos  étés  sont  orageux,  tandis  qu’en 
Italie  les  orages  , beaucoup  plus  violens  que  Les 
nôtres,  ont  principalement  lieu  dans  les  derniers 
mois  de  l’automne. 

n5.  On  conçoit  pourquoi  on  voit  des  ora- 

T 3 


294  Fa  Mébecine 

ges  considérables  dans  les  contrées  très-boréa- 
les , dans  ces  lieux  où  l’air  long-temps  sec  au 
milieu  des  glaces,  est  en  même  temps  lumineux 
dans'  ces  longues  nuits  où  les  aurores  boréales 
remplacent  la  clarté  du  soleil  ; pourquoi  on  en 
voit  également  de  très-violens,  dans  les  contrées 
placées  sous  l’équateur,  où  l’année  se  partage  en 
deux  grandes  saisons,  la  saison  sèche  et  la  saison 
despluies;  pourquoi  enfin  les  orages  très-fréquens 
et  très-multipliés  dans  le  continent  américain, 
abreuvé  de  tant  d’eaux,  y sont  cependant  beau- 
coup moins  forts  que  dans  le  climat  sec,  aride 
et  brûlant  de  l’Afrique. 

116.  O11  traitera,  dans  d’autres  parties  du  Dic- 
tionnaire encyclopédique , de  la  propriété  des 
pointes  et  de  cet  art  si  connu  maintenant , et 
cependant  encore  trop  peu  répandu  , de  préve- 
nir la  foudre  au  moyen  de  pointes  élevées  , par 
lesquelles  la  matière  électrique  s’échappant  en 
silence  s’écoule  doucement  et  sans  effort , de  la 
terre  vers  la  nue  ou  de  la  nue  vers  la  terre , 
et  prévient  à la  fois  et  les  éclats  dangereux 
de  la  foudre  et  les  effets  non  moins  redou- 
tables des  contre  - coups  électriques  ; bienfait 
inestimable  de  Franklin , de  cet  homme  vrai- 
ment grand  , à quelques  génies  et  à quel- 
ques siècles  qu’on  le  compare  , et  dont  la 

•destinée  incroyable  fut  d’affranchir  les  hom- 
mes de  tant  de  fléaux  , de  rendre  le  calme  à 
l’air  , et  la  liberté  , la  paix  et  le  bonheur  a 
ses  concitoyens. 

117.  Nous  ne  nous  occuperons  pas  non  plus 
d’entamer  ici  une  question  très-difficile , celle 
de  l’influence  del’électricité  atmosphérique  sur 
la  pluie  , la  grêle  , la  gelée  et  les  autres  mé- 
téores. par  lesquels  l’eau  se  précipite  de  1 air 
sous  tant  de  formes  différentes. 


ÉCLAIRÉE,  etC.  29  5 

t 1 8.0nsentfacilementquerhomme,placé  aumi- 
lieu  du  jeu  continuel  de  cette  immense  machine, 
dont  il  fait  lui-même  partie,  ne  peut  rester  indiffé- 
rent à ce  flux  et  reflux  d’un  fluide  perpétuellement 
en  mouvement 5 néanmoins  on  n’a  que  des  obser- 
vations très- générales  sur  cet  objet  , et  l’on  sait 
seulement  que  les  personnes  sensibles  sont  af- 
fectées long-temps  avant  les  orages  et  les  pré- 
voyent  par  le  mal-aise  qu’elles  en  éprouvent. 
Quelques-unes  sont  dans  un  état  violent,  et  dans 
les  altérations  qu’elles  éprouvent  on  reconnoît 
aisément  l’effet  des  atmosphères  électriques  , si 
bien  observé  par  M.  Mahon , et  soumis  par  lui 
— à des  calculs  si  précis  et  à des  expériences  si  dé- 
monstratives (62,76).  Qu’on  relise  ce  qui  a été 
dit  dans  les  paragraphes  où  nous  avons  exposé 
cet  excellent  système  , qui  n’est  composé  que 
de  faits  et  d’expériences  $ qu’on  y joigne  les 
observations  vraiment  importantes  de  M.  Mau- 
cluyt , qu’on  se  représente  dans  le  corps  hu- 
main tout  ce  qui  arrive  aux  corps  isolés  de 
M.  Mahon  et  au  globe  électrique  de  M.  Mau- 
duyt,  et  l’on  aura  toute  la  théorie  possible 
de  l’influence  inévitable  et  incontestable  de 
l’électricité  atmosphérique  sur  nos  corps. 

M.  Mauduyt  et  M.  Ingen-Housz  ont  démon- 
tré également  combien  peu  il  falloit  croire  à 
ce  que  d’ingénieux  physiciens  nous  ont  dit 
jusqu’à  présent  de  l’accélération  que  l’électricité 
artificielle  produit  dans  l’accroissement  et  le 
développement  des  végétaux  et  des  animaux  , 
et  par  conséquent  combien  est  peu  solide  l’ap- 
plication qu’ils  ont  faite  de  leurs  expériences 
à l’électricité  atmosphérique. 

On  verra  d’ailleurs,  dans  l’article  Electricité 
médicale  , tout  ce  qui  résulte  au- dedans  de 
nous  des  différentes  directions  qu’on  fait  sul- 

T4 


2()6  La  Médecine 

vre  au  fluide  électrique  en  le  déterminant  sur 
nos  différeras  organes. 

HISTOIRE  NATURELLE. 

Extrait  d'une  lettre  écrite  de  Russie  , à M.  la 
Roche  foucault , par  M.  Genet , lue  à V Aca- 
démie le  2 S avril  Z792  , contenant  la  notice 
de  plusieurs  découvertes  d’histoire  naturelle 
dans  V Archipel  du  nord . 

On  a reçu  des  nouvelles  du  capitaine  Bellings , 
chargé  par  l’impératrice  de  Russie  de  faire  des 
découvertes  dans  la  mer  du  sud.  Ce  navigateur 
a parcouru  pendant  l’année  1790  toutes  les  îles 
de  l’Archipel  du  nord  ; il  est  revenu  hiverner 
au  Kamshatka  , et  il  est  reparti  au  commen- 
cement de  l’année  1791  pour  les  côtes  de  l’Amé- 
rique , où  il  a dû  faire  son  second  hivernage.  Il 
a envoyé  à l’impératrice  plusieurs  caisses  d’ani- 
maux,  de  vêtemens  et  de  plantes.  M.  Pallas  n’a 
point  encore  pris  connoissance  des  animaux  ; 
niais  ce  savant  a distingué  parmi  les  plantes  des 
espèces  nouvelles  de  sophora , de  croton  , de 
gnaphalium,  d’andromeda,  de  potentilla  , d’ar- 
theuiisia,  de  rhododendron  , un  lis  noir  dont 
les  racines  sont  tuberculeuses  et  servent  à la 
nourriture  des  insulaires  , une  nouvelle  gra- 
minée pérenne  dont  l’épi  est  très-gros  et  con- 
tient une  grande  quantité  de  grains  propres  à 
la  nourriture  des  hommes  5 plusieurs  légumi- 
neuses très-propres  également  à la  nourriture 
des  hommes,,  un  sapin  , un  sorbier  et  un  saule 
nain,  Ces  arbres,  dont  la  plus  grande  élévation 
est  de  deux  pieds  , sont  les  seuls  qui  croissent 
dans  les  îles  Kourits  et  Aléontes  , où  I on 
trouve  toutes  les  plantes  alpines  des  montagnes 
du  Karnshatka  et  de  la  Sibérie, 


Eclairée,  etc.'  297 

Le  capitaine  Bellings  n’a  pas  pu  recueillir  de 
graines ; il  étoit  enmeràl’époquede  leur  maturité. 

Le  8 mai  1789  , on  a ressenti  au  lOvinsliatka 
plusieurs  secousses  violentes  de  tremblement  de 
terre  occasionnées  par  des  éruptions  du  volcan 
situé  dans  la  partie  septentrionale  de  cette 
péninsule. 

Le  capitaine  Bellings  a découvert  une  nou- 
velle île  dans  la  mer  d’Ochotzk. 

MÉDECINE  PRATIQUE. 

Suite  du  compte  rendu  sur  V électricité  médi- 
cale ; par  M.  Mauduyt. 

Je  desirois  depuis  long-temps  appliquer  l’élec- 
tricité au  traitement  des  écrouelles.  Un  soldat 
âgé  de  vingt-deux  ans  se  présenta  et  m’offrit 
l’occasion  que  je  chercliois  : le  genre  de  sa 
maladie  fut  constaté  parla  société  de  médecine  ; 
les  glandes  engorgées  ou  abcédées  qu’il  portoit 
autour  du  cou  furent  dissipées  en  moins  de 
trois  mois  de  traitement  électrique  par  bain  et 
par  étincelles;  il  y avoit  deux  ans  , quand  il  se 
présenta  , qu’il  étoit  inutilement  traité  dans  les 
hôpitaux  militaires.  Sa  guérison  apparente  fut 
constatée  par  la  société  de  médecine  , qui  con- 
clut que  les  symptômes  étoient  dissipés  , que  le 
temps  apprendroit  si  la  cause  étoit  détruite  ; en 
deux  mois  les  symptômes  reparurent,  et  même 
sur  des  parties  où  ils  ne  s’étoient  pas  encore 
manifestés.  Ce  nouvel  état  fut  constaté  comme 
le  premier  , et  l’électricité  employée  une  seconde 
fois  , mais  en  y associant  à l’intérieur  des  re- 
mèdes fondans  ; les  nouveaux  symptômes  étoient 
dissipés  au  bout  de  six  semaines,  et  dix-huit  mois 
après  rien  n’avoit  annoncé  leur  retour  , quoi- 
que le  soldat  eût  fait. , pendant  ce  temps  et  du- 


298  La  Médecine 

rant  un  hiver  fort  rude  , le  métier  de  garçon 
boulanger. 

Quelque  temps  après,  je  traitai  de  même  par 
l’électricité  un  enfant  écrouelleux  dont  le  mal 
faisoit  depuis  trois  mois  des  progrès  rapides  , 
malgré  des  remèdes  dont  il  usoit  et  qui  étoient 
appropriés  à son  état  5 je  fis  continuer , en 
même  temps  que  l’électricité  , ces  remèdes  qui 
n’avoient  pas  même  antérieurement  retardé  les 

nrès  du  mal  : l’enfant  étoit  guéri  au  bout 
sux  mois. 

Je  concluois  des  deux  faits  précédens  que 
l’électricité  jointe  aux  remèdes  fondans  en  fa- 
vorisoit  l’action , la  rendoit  plus  prompte  et  plus 
complète  ; que  ce  genre  de  traitement  seroit 
probablement  fort  utile  contre  les  écrouelles  , 
et  je  desirois  vérifier  ma  conjecture  par  des 
expériences  comparatives  , en  choisissant  un 
nombre  déterminé  de  malades  dans  des  cir- 
constances en  tout  semblables,  autant  qu’il  se 
pourroit  , en  traitant  un  tiers  par  l’électricité 
seule  , l’autre  par  les  seuls  fondans,  et  les  der- 
niers par  les  fondans  et  l’électricité  ; attendant  le 
résultat,  je  ne  pus  mettre  à exécution  ce  projet, 
qui  ne  pouvoit  y être  mis  que  dans  un  hôpital. 

J’étois  réduit  à la  simple  conjecture  fondée 
sur  deux  faits,  quand  je  trouvai  dans  l’ouvrage 
de  Cavallo  l’assertion  très-positive  des  auteurs 
anglois  , qu’on  guérit  les  écrouelles  , quelques 
graves,  quelques  invétérées  qu’elles  soient,  en 
associant  l’électricité  aux  moyens  communément 
et  souvent  inutilement  employés  contre  cette 
maladie. 

Je  crois  ce  que  je  viens  de  rapporter  suffisant 
pour  qu’on  puisse  regarder  l’emploi  de  1 élec- 
tricité comme  probablement  très-utile  contre 
les  écrouelles,  et  pour  qu’on  doive  vérifier  la 


ÉCLAIRÉE,  etC.  299 

valeur  de  cette  présomption  par  les  expériences 
contradictoires  que  je  n’ai  pu  exécuter  jusqu’à 
présent. 

J’ai  employé  l’électricité  pour  plusieurs  fem- 
mes , plus  'ou  moins  gravement  incommodées 
des  suites  de  la  maladie  connue  communément 
sous  le  nom  de  lait  épanché  ; l’électricité  a eu 
sur  toutes  une  action  très-prompte  et  très  vive  j 
elle  a excité  cfes  excrétions  abondantes  , tantôt 
par  les  sueurs,  tantôt  par  les  selles  , quelque- 
fois par  les  urines  , les  crachats  et  même  le 
vomissement.  La  sueur  avoit  une  odeur  déci- 
- — dément  aigre  ; les  matières  rendues  par  les 
selles  ou  le  vomissement  étoient  mêlées  de 
fragmens  blancs  en  grande  abondance  ; ils  res- 
sembloient  par  la  couleur  et  la  consistance  à 
des  portions  de  lait  caillé  ; les  urines  mêmes 
étoient  chargées  de  filets  de  la  même  matière. 
Cependant  il  y avoit  plusieurs  mois,  même  une 
année  et  davantage  , que  les  femmes  étoient 
malades.  Je  laisse  à tirer  de  ces  faits  les  consé- 
quences qu’on  croira  devoir  en  déduire  sur  la 
nature  et  la  cause  des  accidens  qu’on  attribue 
au  lait  épanché.  Les  crises  dont  je  viens  de 
parler  , car  je  crois  pouvoir  employer  ce  terme  , 
étoient  toujours  suivies  de  quelque  soulage- 
ment, mais  elles  n’étoient  pas  apparemment 
complètes  , car  quelquefois  j’y  ai  vu  succéder 
des  métastases.  Si  cette  méthode  étoit  usitée  , 
il  y auroit  sans  doute  moyen  de  prévenir  cet 
inconvénient , en  soutenant  les  crises  , en  ai- 
dant l’action  de  l’électricité  par  des  remèdes 
qu’on  y associeroit. 

L’action  prompte  et  vive  de  l’électricité  dans 
les  épanchemens  appelés  laiteux  , le  soulage- 
ment obtenu  par  les  femmes  électrisées,  me  font 
regarder  comme  probable  que  l’on  pourroit  re- 


3oo  La  Médecine 

tirer  un  grand  avantage  de  l’électricité  dans  le 
traitement  de  ce  genre  d’incommodité  : je  crois 
que  1 électricité  seule  n’y  remédieroit  que  rare- 
ment 5 mais  que  faisant  partie  d’un  traitement 
méthodique  , elle  rendroit  ce  traitement  beau- 
coup plus  efficace  ; il  y auroit  même  des  cas 
eù  seule  elle  suffiroit  5 plusieurs  de  mes  con- 
frères et  moi  en  avons  été  témoins  à l’égard 
de  madame  Bucquet  , aujourd’hui  veuve  de 
notre  confrère.  Cette  dame  conservoit  au 
commencement  de  l’été  des  symptômes  graves, 
suite  d’un  lait  épanché  dont  elle  avoit  été 
traitée  pendant  six  mois  par  feu  son  mari  et 
M.  Lorri.  Les  soins  de  ces  deux  habiles  Méde- 
cins n’avoient  pu  rendre  à madame  Bucquet  la 
faculté  de  plier  un  des  genoux  , dissiper  la 
tumeur  qui  gonfloit  cette  partie  et  la  douleur 
vive  que  la  malade  y éprouvoit  : elle  ne  mar- 
choit  même  dans  sa  chambre  que  difficilement 3 
le  marcher  étoit  accompagné  de  douleurs  vives  ; 
les  règles  étoient  supprimées  depuis  un  an. 
Madame  Bucquet  fut  électrisée  pendant  deux 
mois  par  étincelles  et  par  courant  du  fluide 
dirigé  a travers  les  parties  affectées.  A la  fin 
du  traitement  , tous  les  symptômes  étoient  dis- 
sipés , le  cours  périodique  rétabli,  ainsi  que  la 
mobilité  du  genou  ; aucun  symptôme  ne  s’est 
fait  sentir  depuis  : madame  Bucquet  a joui  d’une 
santé  constante.  Cette  dame  avoit  eu  pendant 
la  durée  du  traitement  des  sueurs  très- abon- 
dantes, quelques  jours  de  diarrhée.  M.  Bucquet 
et  moi  convînmes  de  soutenir  les  sueurs  parle 
simple  usage  de  quelques  fasses  d’infusion  de 
fleur  de  sureau  prises  dans-  la  journée  , et  nous 
secondâmes  l’effet  des  diarrhées  par  un  mino- 
ratif  prescrit  le  lendemain  du  jour  où  elles 
avoient  eu  lieu.  Mais  ces  moyens  secondaires 


ÉCLAIRÉE,  etc.  3oi 

ne  me  semblent  que  clés  précautions  dont  nous 
aurions  peut-être  pu  nous  dispenser  , et  per- 
sonne ne  doutera  qu’elles  n’ont  pu  influer  que 
fort  peu  sur  le  succès.  Cependant,  et  dans  cette 
occasion  , et  dans  beaucoup  d’autres  , dans 
presque  toutes  celles  qui  ont  été  à ma  connois- 
sance  , l’électricité  m’a  paru  très-propre  à di- 
viser , à mettre  les  humeurs  en  mouvement , à 
en  provoquer  la  séparation  de  la  masse  des 
fluides  et  l’issue  par  des  excrétions , sans  suffire 
seule  à cette  heureuse  terminaison  , dont  elle 
est  suivie  si  on  a soin  de  seconder  à propos 
son  effet  salutaire  , et  que  les  remèdes  employés 
à la  seconder  n^auroient  pas  déterminée  seuls. 

Ma  propre  expérience  ne  m’a  presque  rien 
appris  sur  l’éffet  de  l’électricité  contre  les  ma- 
ladies des  nerfs  Je  n’en  peux  guère  parler  que 
d’après  le  témoignage  d’autrui  : mais  ce  témoi- 
gnage est  si  positif  parmi  les  auteurs  à qui 
nous  le  devons 5 il  y en  a de  si  dignes  de  foi  à 
tous  égards  , que  je  crois 'devoir  placer  les  ma- 
ladies nerveuses  au  moins  au  nombre  de  celles 
contre  lesquelles  il  est  trè.s  propable  que  l’élec 
tricité  seroit  très-utile.  Le  fait  me  paroît  même 
prouvé  à l’égard  de  plusieurs  de  ces  maladies  : ce 
sont  la  catalepsie , la  danse  de  Saint-Guy , 
le  tremblement , et  les  affections  nerveuses  pro- 
duites par  l’effet  des  vapeurs  du  mercure.  De 
Haen  assure  si  positivement  avoir  guéri , et  si 
souvent,  des  malades  dans  les  cas  que  je  viens 
de  citer  , que  je  ne  me  permets  aucun  doute 
à cet  égard  , et  que  je  regarde  comme  prouvé 
que  l’électricité  est  le  vrai  remède  contre  les 
maladies  dont  il  s’agit.  J’ai  été  témoin  d’un  fait 
de  ce  genre  dans  la  personne  d’une  femme 
enfermée  au  dépôt  de  Saint-Denis,  attaquée 
de  la  danse  de  Saint-Guy,  et  impotente  depuis 


3o2  La  M B D E C I N E 

quatre  ans^  guérie  par  l'électricité  ; j’ai  aussi  été 
témoin  clés  effets  de  l’électricité  contre  le  trem- 
blement dans  deux  sujets  incommodés  des  suites 
des  vapeurs  du  mercure  , et  ce  petit  nombre 
de  faits  a confirmé  les  nombreuses  observations 
de  Haen  et  ses  assertions  sur  le  même  sujet. 

Les  maladies  nerveuses  dont  je  viens  de  par- 
ler ont  un  caractère  qui  leur  est  propre  et 
qui  les  distingue  ; mais  pour  cette  foule  d’autres 
affections  qu’on  désigne  par  le  nom  vague  de 
maladies  de  nerfs,  parce  qu’on  n’a  pu  en- 
core saisir  le  caractère  de  ces  affections,  les 
distinguer  entre  elles  , qu’on  ne  sait  à quelle 
cause  les  rapporter,  j’ignore  pleinement  si  l’é- 
lectricité est  avantageuse  ou  nuisible  contre 
ces  affections.  Plusieurs  auteurs  anglois,  bien 
éloignés  de  ce  doute  , présentent  l’électricité 
comme  le  remède  contre  toutes  les  maladies 
de  nerfs  indistinctement.  C’est  à l’expérience 
à confirmer  ou  à détruire  leur  assertion;  mais 
au  défaut  de  l’expérience,  forcé,  jusquà  ce 
qu’elle  nous  ait  instruit  , de  in’en  tenir  au 
raisonnement  ; il  me  paroît  que  les  auteurs 
anglois  dont  il  s’agit  annoncent  beaucoup 
trop  ; en  effet,  quoique  nous  sachions  bien  peu 
de  chose  sur  la  nature  des  nerfs  , sur  le  carac- 
tère , la  nature  et  les  causes  des  maladies  ner- 
veuses, cependant  il  paroît  qu’on  peut  diviser 
ces  maladies  en  général  en  deux  grandes  classes, 
l’une  dans  laquelle  il  y a excès  cle  tension , d’ir- 
ritablité  et  de  sensibilité , l’autre  dans  laquelle 
existe  l’excès  opposé,  celui  de  relâchement,  de 
manque  de  ton,  d’irritabilité  et  de  sentiment:  on 
peut  à ces  deux  classes  en  ajouter  une  troisième  , 
dans  laquelle  il  y a à la  fois , ou  excès  de  tension , 
ou  d’atonie.  Cependant  l’effet  de  l’électricité  gé- 
néral, avéré  et  reconnu,  est  un  effet  stimulant. 


ÉCLAIRÉE,  etC.  3o3 

irritant  et  tonique  j elle  sera  donc  vraisembla- 
blement contraire  contre  les  maladies  de  la  pre- 
mière classe  , avantageuse  contre  celles  de  la 
seconde,  et  elle  aura  de  bons  et  de  mauvais  effets 
contre  les  maladies  de  la  troisième. 

Il  faudroit  donc  , pour  porter  un.  pronostic 
qui  eût  quelque  fondement  à l’égard  d’un  ma- 
lade attaqué  d’affection  nerveuse  , pouvoir  dé- 
terminer d’abord  à laquelle  des  trois  classes, 
les  maux  dont  il  est  affecté  se  rapportent.  J’i- 
gnore si  cette  connoissance  est  possible,  dans 
l’état  présent  de  la  science , mais  bien  assuré 
qu’elle  me  manque,  je  n’ose  prédire  à aucun 
"malade  dans  le  cas  d’affections  nerveuses  , si 
l'électricité  lui  sera  avantageuse  ou  défavorable  ; 
je  ne  crois  pouvoir  être  éclairé  sur  cet  objet, 
que  par  l’expérience  même,  et  je  conseille  de 
la  consulter,  indécis  entre  l’espérance  et  la 
crainte.  Un  essai  léger  ne  peut  être  suivi  d’ac- 
cident, il  apprend  bientôt  si  l’électricité  diminue 
ou  augmente  les  symptômes , et  il  me  paroît 
sage  alors  de  continuer  ou  d’abandonner  ce 
remède.  Je  ne  conseille  cependant  pas  d’y  re- 
noncer sans  être  sûr,  autant  qu’on  le  peut , si 
l’augmentatiou  des  symptômes  n’est  pas  un  effet 
de  l’imagination , et  non  du  traitement. 

En  procédant  de  la  manière  que  je  viens  d’ex- 
poser , je  n’ai  vu  aucun  malade  qui  ait  éprouvé 
de  vrais  inconvéniens  de  l’essai  de  l’électricité  5 
quelques  uns  en  ont  été  plus  incommodés  deux 
ou  trois  jours,  et  ils  seront  revenus  sans  ac- 
cident à leur  état  ordinaire.  Parmi  ceux  qu’un 
essai  suivi  de  quelques  succès  m’a  déterminé 
a encourager  à suivre  le  traitement , j’en  ai 
vu  quelques  uns  qui  ont  été  soulagés  ; mais  étoit- 
ce  par  l’effet  de  l’électricité  , par  l’action  de 
l’imagination  sur  les  organes,  par  le  bien  que 


3 04  h a M É D E C I N E 

procure  l’exercice  ? Je  n’eil  ai  vu  aucun  à l’égard 
duquel  le  succès  eût  été  assez  complet  pour 
que  je  regarde  l’électricité  comme  le  remède 
contre  les  affections  nerveuses;  il  est  cependant 
un  cas  qu’il  faut  excepter,  c’est  celui  dans  lequel 
les  affections  nerveuses  sont  symptomatiques, 
et  les  suites  d’une  maladie  dont  l’électricité  est 
le  remède.  Ainsi  la  jeune  personne  présentée 
par  M.  le  Clerc,  dont  j’ai  parlé  à l’article  des 
règles,  dont  la  suppression  étoit  accompagnée 
d’affections  nerveuses  très-graves,  en  a été  dé- 
livrée par  l’électricité,  parce  qu’elle  a remédié 
à la  suppression , dont  les  affections  nerveuses 
étoient  un  symptôme;  ainsi  une  autre  jeune 
fille,  aussi  incommodée  par  l’effet  d’une  sup- 
pression, avoit  tous  les  mois  une  fois,  pendant 
la  nuit,  à-peu-près  au  jour  où  le  cours  périodique 
auroit  du  s’établir  , un  accès  d’épilepsie  , ac- 
cident qu’elle  n’a  plus  éprouvé  depuis  le  moment 
où  l’électricité  eut  rétabli  le  cours  des  règles.  Un 
chirurgien  de  campagne  , parent  de  feu  le  frère 
Uôme  , traité  dans  l’hôpital  de  ce  religieux  pen- 
dant long-temps , étoit  resté  hémiplégique  et 
sujet  à deux  ou  trois  attaques  d’épilepsie  par 
mois  : l’électricité  guérit  parfaitement  ce  ma- 
lade, et  il  fut  en  même-temps  délivré  des  attaques 
épileptipes,  qui  n’étoient  sans  doute  que  symp- 
tomatiques et  l’effet  de  la  même  cause  qui  avoit 
produit  l’hémiplégie. 

Je  conclus  de  ce  qui  vient  d’être  dit  sur  les 
maladies  des  nerfs,  que  l’électricité  guérit  les 
malades  attaqués  de  catalepsie  , de  la  danse  de 
Saint-Guy,  du  tremblement,  de  la  contraction 
des  membres  et  autres  affections  nerveuses  qui 
sont  les  suites  des  vapeurs  mercurielles. 

Qu’il  est  probable  que  l’électricité  seroit  utile 
contre  les  maladies  nerveuses  dépendantes  de 
, relâchement 


fCLAIR^E,  etc.  3o5 

relâchement , d’atonie,  de  défaut  d’irritabilité  et 
de  sensibilité  , cpie  probablement  elle  est  nui- 
sible dans  les  cas  contraires  ; que  dans  ceux  où 
il  y a complication  de  tension , défaut  de  sen- 
sibilité, ou  excès  de  sensibilité  avec  relâchement, 
l’électricité  peut  à la.  fois  être  avantageuse  et 
nuisible  ; que  comme  il  est  très-difficile  et  même 
impossible  de  déterminer  la  nature  des  maladies 
nerveuses,  on  ne  peut  raisonnablement  se  per- 
mettre d’établir  un  prognostic  sur  les  effets  de 
l’électricité  à l’égard  de  ces  maladies;  que  c’est 
à cause  de  la  différence  de  ses  effets  selon  la 
différente  nature  du  mal,  qu’elle  est  préconisée 
'par  les  uns  et  décriée  par  les  autres  ; que  dans 
l’impossibilité  de  prévoir  ses  effets,  on  doit 
tenter  ce  remède,  le  continuer,  ou  en  cesser 
l’usage,  selon  ce  qu’il  produit;  enfin,  que  toutes 
les  fois  que  les  affections  nerveuses  sont  secon- 
daires et  symptômes  d’un  mal  soumis  à une  ac- 
tion victorieuse  de  l’électricité,  elle  dissipe,  avec 
la  maladie  essentielle,  les  affections  nerveuses 
qui  n’en  étoient  que  des  symptômes.  1 
Je  termine  l’énumération  des  maladies  contre 
lesquelles  il  me  paroît  probable  que  l’électricité 
seroit  utilement  employée  , par  les  tumeurs 
molles  , indolentes  , formées  par  congestion 
lymphatique  , séreuse  ou  adipeuse.  J’ai  vu 
plusieurs  malades  qui  portoient  des  tumeurs  de 
ce  genre  , en  être  en  totalité  ou  en  grande  partie 
délivrés  à la  suite  du  traitement  électrique  , 
suivi  pour  un  autre  objet.  Une  femme  entre 
autres  , portoit  sur  le  coté  une  tumeur  de  la 
grosseur  d’un  très-petit  melon  ou  d’une  très- 
grosse  poire  de  livre  ; l’origine  de  ce;  te  tumeur 
remontoit  à quatorze  à quinze  ans  , et  elle  faisoit 
des  progrès  lents,  mais  continuels  , et  qu’on 
pouvoit  remarquer  d’une  année  à une  autre 
Tome  III.  N°.  X,  Y 


3o 6 L a M É D E C I N E 

la  tumeur  étoit  molle  , indolente.  La  malade 
fut  électrisée  pendant  trois  mois  pour  une  hémi- 
plégie j au  bout  de  ce  temps  , la  tumeur  n’étoit 
pas  plus  grosse  qu’un  œuf  de  poule  , elle  étoit 
démeurée  indolente,  mais  elle  étoit  dure  , et 
il  ne  paroissoit  en  rester  qu’un  noyau  ou  kiste  : 
ce  noyau  auroit-il  été  dissous  par  un  traitement 
électrique  plus  long  ? Je  l’ignore  et  présume  que 
non.  Voyant  la  tumeur  diminuer  rapidement, 
je  fis  ouvrir  un  cautère  au  bras  de  la  malade. 
Je  crois  que  dans  le  cas  où  on  tenteroit  de  dis- 
siper des  tumeurs  d’un  certain  volume  par  l’é- 
lectricité, un  émonctoire  seroit  un  préliminaire 
et  une  précaution  dont  on  ne  pourroit  sagement 
se  dispenser. 

Je  dois  encore  ajouter  à cet  article  un  mot 
sur  la  surdité  et  sur  le  relâchement  des  liga- 
mens  , des  capsules  articulaires , à la  suite  des 
luxations,  des  fractures  , des  entorses,  etc. 

On  a beaucoup  vanté  l’électricité  contre  la 
surdité,  ce  qui  m’a  mis  dans  le  cas  d’étre  con- 
sulté par  un  grand  nombre  de  sourds  et  d’en 
traiter  beaucoup.  J’en  ai  soulagé  un  très-petit 
nombre  et  guéri  deux  sur  plus  de  quarante.  Il 
m’a  paru  que  l’électricité  soulageoit  quand  la 
surdité  avoit  pour  cause  une  congestion  , un 
embarras  humoral  de  l’organe,  causé  par  le  re- 
flux, ou  d’une  crise  imparfaite  à la  suite  d’une 
maladie  aiguë,  ou  d’une  excrétion  à laquelle 
les  malades  étoient  ou  habituellement  ou  pé- 
riodiquement sujets,  et  qu’il  n’éprouvoient  plus 
depuis  -qu’ils  étoient  sourds  ; l’électricité  m’a 
paru  complètement  inutile  dans  tous  les  autres 
cas.  Les  deux  malades  guéris  ont  été  une  femme 
devenue,  complètement  sourde  d’une  oreille  , 
à la  suite  d’un  lait  épanché,  un  jeune  homme 
qui  avoit  presqu’entièrement  perdu  l’ouïe  à la 


ÉCLAIRÉE,  etC.  3o/ 

Btiite  d’une  fièvre  maligne.  Il  est  donc  un  cas 
dans  lequel  l’électricité  est  probablement  utile 
contre  la  surdité. 

Il  arrive  souvent  qu’après  la  guérison  d’une 
fracture  , d’une  luxation  , d’une  entorse  , après 
un  effort  violent,  les  ligamens  et  les  capsules 
articulaires , distendus  , tiraillés,  forcés  au-delà 
de  l’extension  de  laquelle’  leur  ressort  suffit 
pour  les  rappeller  , restent  très  - long- temps 
dans  cet  état  : il  s’en  suit  de  la  foiblesse 
dans  les  membres  , de  la  difficulté  à s’en 
servir.  J’ai  tenté  dans  plusieurs  de  ces  cas 
l’action  stimulante  et  tonique  des  étincel- 
les électriques  $ leur  usage  a été  suivi  d’un 
prompt  et  heureux  effet  : il  avoit  paru  si 
marqué  à ftu  M.  Tiphaine  , connu  par  la 
sagacité  avec  laquelle  il  parvènoit  à redresser 
les  membres  contournés  des  jeunes  gens  , qu’en 
terminant  leur  traitement  il  leur  conseilloit 
d’avoir  recours  à l’électricité , pour  dissiper 
la  foiblesse  et  la  distension  des  ligamens,  des 
capsides  , suite  de  l’effort  des  machines  qu’il 
einployoit  , beaucoup  plus  promptement  qu’il 
n’avôit  coutume  d’arriver  par  les  seules  forces 
de  la  nature  , et  sans  le  secours  de  l’élec- 
tricité. 

Je  n’entrerai  pas  dans  de  longs  détails  sur 
les  maladies  qu’un  jugement  précipité  à fait 
annoncer  comme  curables  par  l’électricité  , et 
contre  lesquelles  l’expérience  a depuis  démon- 
tré l’insuffisance  de  ce  moyen  ; le  simple  ex- 
posé des  faits  suffit  à cet  égard. 

Un  physicien  qui  a beaucoup  écrit  sur  l’é- 
lectricité la  présente  comme  un  remède  général 
contre  contre  tontes  les  maladies.  Voici  comme 
il  procède  : il  divise  les  maladies  en  deux  classes  $ 
les  unes  sont  causées  par  l’excès  du  fluide  élec- 

V a 


3o8  l a , Médecine 

trique,  les  autres  par  le  défaut  de  ce  fluide: 
puis  le  physicien  fait  rémunération  des  mala- 
dies dont  ie  défaut  de  fluide  électrique  est  la 
cause  , et  il  trouve  dans  T/électricité  positive, 
qui  fournit  aux  malades  le  fluide  qui  leur  man- 
que , le  remède  à leurs  maux  : il  fait  de  même 
rénumération  des  maladies  causées  par  l’excès 
de  fluide  électrique  , et  il  prescrit  pour  re- 
mède l’électricité  négative  , qui  dépouille  et  dé- 
livre les  malades  de  la  surabondance  de  fluide  , 
cause  de  leurs  maux.  Ce  physicien  suit  dans 
sa  division  le  catalogue  des  maladies  rédigé 
par  Sauvage  ; d’où  il  suit  que  l’électricité  est 
un  remède  général  , et  que  d’après  cette  heu- 
reuse découverte  , ou  ce  don  précieux  du  Ciel , 
tous  les  maux  peuvent  et  devroient  être  bannis 
de  la  surface  cle  la  terre. 

Mais  le  système  du  physicien  porte  sur  des 
suppositions  purement  gratuites  et  n’est  appuyé 
sur  aucun  fondement.  D’abord  rien  n’est  moins 
constaté  que  le  fluide  électrique , tel  que  nous 
l’obtenons  par  les  machines  , entre  dans  notre 
constitution  comme  partie  intégrante  5 celte 
supposition  même  n’est  pas  probable  à cause 
de  la  tendance  continuelle  du  fluide  à s’échap- 
per : s’il  fait  partie  de  nous-mêmes , étant 
fixé  ce  n’est  plus  le  fluide  que  nous  mettons 
en  mouvement  par  les  machines  , et  celui-ci 
peut  nous  affecter  de  différentes  manières  , 
sans  se  combiner  avec  notre  substance,  et  dès- 
lors  il  ne  nous  fourniroit  pas  ce  qui  nous 
manqueroit  ; nous  le  perdrions  aussi-tôt  que 
nous  l’aurions  reçu  , et  nous  ne  conserverions 
ce  dont  nous  en  aurions  besoin  que  pendant 
que  nous  serions  électrisés.  Les  maladies  ai- 
guës et  inflammatoires  , qui  sont  en  général 
celles  que  l’auteur  croit  produites  par  excès 


ÉCLAIRÉE,  etc.  3o() 

cle  fluide  électrique , ont  pour  symptôme  un  phé- 
nomène  que  le  fluide  électrique  , accumule  et 
concentré  , bien  au-delà  de  ce  qu’on  peut  sup- 
poser à l’égard  du  corps  humain  , ne  produit 
jamais  : ce  phénomène  est  celui  de  la  chaleur 
portée  à un  très-haut  degré.  Le  thermomètre 
exposé  à l’action  du  fluide  électrique  dans  le 
plus  grand  état  de  force  où  nous  puissions 
l’obtçnir  , n’offre  aucune  variation  j donc  le 
fluide  électrique  ne  produit  pas  de  chaleur  j 
donc  il  n’est  pas  l’agent  principal  dans  les  ma- 
ladies aiguës  et  inflammatoires  , toujours  accom- 
pagnées  d’une  violente  chaleur  ; donc  il  ne  pa- 
roît  même  concourir  pour  rien  à l’existence 
de  ces  maladies:  mais  quand  il  y concourroit , 
quand  il  en  seroit  le  principe  , que  serviroit 
l’électricité  négative  puisqu’à  mesure  que  le 
malade  perdroit  du  fluide  , il  en  recevroit  des 
corps  environnans  , de  l’air  qu’il  respire  , au- 
tant qu’il  en  fourniroit  à la  machine  puis- 
que l’électricité  négative,  telle  qu’on  peut  l’ad- 
ministrer aux  malades  , 11’est  qu’une  manière 
inverse  de  les  électriser  , c’est-à-dire  qu’au 
lieu  de  recevoir  de  la  machine  et  communi- 
quer à l’atmosphère  , aux  corps  ambians , au 
réservoir  commun  , ils  fournissent  à la  ma- 
chine et  reçoivent  de  tout  ce  qui  les  entoure  , 
puisque  pour  que  l’électricité  négative  eût  son 
effet  à l’égard  d’un  homme  , comme  elle  l’a  à 
. l’égard  d’une  substance  inanimée  , il  faudroit 
qu’il  fût  possible  d’isoler  l’homme  comme  la 
substance  qu’on  électrise  , d’intercepter  entre- 
lui  et  les  corps  environnans  toute  communi- 
cation , de  le  priver  même  du  contact  de  l’air  , 
et  de  ne  laisser  d’action  qu’entre  lui  et  l’axe  des 
coussins  delà  machine,  comme  on.  le  pratique 
à l’égard  d’une  susbtance  inanimée.  Il  n’y  a 


3io  La  Médecine 

clone  rien  à attendre  de  l’électricité  négative 
contre  les  maladies  aigues  et  inflammatoires  , 
contre  celles  dont  on  attribue  la  cause  à l’excès 
clu  fluide  électrique.  Il  n’y  a pas  plus  de  res- 
source de  sa  part  contre  les  maladies  attri- 
buées à son  peu  d’abondance  ; car  il  faudroit 
qu’en  en  fournissant  par  l’action  d’une  ma- 
chine positive,  on  trouvât  le  moyen  de  le  fixer, 
que  le  malade  sur  l’isoloir  ne  communiquât 
pas  aux  corps  ambians  une  partie  de  ce  qu'il  re- 
çoit , et  qu’il  ne  perdît  pas  le  tout  en  des- 
cendant cîe  dessus  l’isoloir.  Ce  n’est  donc  pas 
en  ce  qu’on  augmente  ou  en  ce  qu’on  dimi- 
nue la  mesure  ou  la  proportion  du  •fluide  élec- 
trique dans  le  corps,  que  ce  fluide  agit  dans 
certaines  maladies , mais  bien  par  ses  propriétés 
tonique , stimulante  et  apéritivc. 

( La  suite  au  prochain  JS  u/né ro.  ) 

Constitution  clu  trimestre  d’hiver  de  l’année 
2792  , avec,  le  détail  des  maladies  qui  o/it 
régné  pendant  cette  saison , par  M.  Geoffroy, 
lue  le  2.4  avril  27.92. , à la  société  de  médecine . 

L’hiver  de  cette  année  a été  en  général  très- 
variable  et  plus  humide  que  froid  : nous  n’avons 
eu  pendant  toute  cette  saison  que  peu  de  gelées  , 
qui  ne  se  sont  pas  soutenues  , et  après  quelques 
jours  de  froid  le  temps  s’est  radouci  et  l’humi- 
dité a repris  le  dessus. 

Le  mauvais  temps  , qui  avoit  régné  pendant 
le  mois  de  décembre  , a encore  continué  pen- 
dant les  premiers  jours  de  janvier  ; mais  dès 
le  4 > vent  quittant  le  sud  et  retournant  au 
nord,  la  saison  est  devenue  plus  belle  et  s’est 
mise  à la  gelée  , qui  a augmenté  graduellement , 
malgré  la  neige  qui  est  tombée  le  7 , et  le 


K C L A I R E E , 


etc.  3 11 

froid  est  devenu  si  vif  le  i3  et  le  i/\.  , que  le 
thermomètre  est  descendu  de  sept  degrés  au- 
dessous  du  terme  de  la  glace.  Ce  dernier  jour 
il  est  tombé  du  verglas  , après  quoi  le  vent 
quittant  le  nord  , le  temps  est  devenu  doux  par 
un  vent  du  sud-est ,,  mais  souvent  pluvieux  et 
enfin  très-chaud  pour  la  saison  le  2 5 et  le  jour 
suivant , ce  qui  a été  accompagné  d’ouragans 
et  de  grandes  pluies  , qui  ont  continué  jusqu’à 
la  fin  du  mois  , le  vent  soufflant  violemment  du 
sud-est. 

La  saison  n'a  pas  été  moins  inconstante  dans 
le  courant  de  février.  Dès  le  second  jour  de  ce 
mois  , la  pluie  a cessé , le  temps  est  devenu 
beau -et  très-doux  , et  le  vent  du  sud-ouest  sem- 
bloit  avoir  amené  la  température  du  printemps  y 
ce  qui  a été  suivi  d’une  légère  gelée,  à laquelle  a 
succédé  de  nouveau  un  temps  doux  du  10  au  12  , 
le  vent  soufflant  tantôt  du  sud  , tantôt  du"sud- 
est  ou  du  sud-ouest  ; mais  dès  le  i3 , le  vent  re- 
tournant au  nord-est  nous  a amené  une  neige 
très-abondante  , qui  a été  suivie  d’une  gelée 
très-vive,  au  point  que  le  20  et  le  21  la  rivière 
a charié  , et  que  le  thermomètre  de  Réaumur 
est  descendu  à neuf  et  à dix  degrés  au-dessous 
de  o.  Dès  le  25,  le  dégel  est  survenu  par  un  vent 
du  sud,  le  temps  est  devenu  très-doux  , et  le  27- 
il  a fait  une  fort  belle  journée  , à laquelle  ont 
succédé  quelques  gelées  blanches  les  derniers 
jours  du  mois. 

Le  vent  soufflant  de  l’est  et  du  sud-èst , le 
temps  a été  doux  , humide  , avec  quelques  pe- 
tites pluies  les  premiers  jours  du  mois  de  mars. 
Cette  température  agréable  n’a  pas  duré  r elle 
a été  bientôt  suivie  d’ouragans  par  un  vent  du 
sud  très-violent,  jusqu’à  ce  que  le  vent  retour- 
nant au  nord  et  au  nord-est  il  y ait  eu  une  gelée 

V 4 


à 1 in  . L JL  M é n e c i if  y 

assez  forte  du  11  au  14,  jour  auquel  le  dégel 
est  survenu  avec  la  pluie,  ce  qui  a été  suivi 
d’une  gelée  assez  vive  pendant  deux  jour s^,  et 
ensuite  d’un  second  dégel  et  d’un  temps  doux. 
Pour  lors  , par  un  vent  d’ouest,  la  saison  s’est 
soutenue  belle  jusqu’au  20  , mais  au  21  elle  a 
tout-à-coup  changé  ; le  vent  du  sud  nous  a 
amené  deux  jours  de  pluie  continue  , et  la  tem- 
pérature a été  toujours  douce  et  humide,  à 
l’exception  des  trois  ou  quatre  derniers  jours 
de  ce  mois,  où  le  temps  a été  plus  aigre  par  uht 
vent  sec  de  nord-ouest,  malgré  quelques  ondées 
passagères. 

On  voit  par  ce  détail  combien  la  saison  a été 
variable  pendant  tout  cet  hiver  , et  combien 
nous  avons  éprouvé  alternativement  de  vicissi- 
tudes de  temps  beau  , de  temps  doux  et  de 
froid  quelquefois  vif.  Ces  changemens  ont  été 
si  subits  et  si  condérablcs,  que  dans  le  mois  de 
janvier  il  y a eu  en  vingt-quatre  heures  douze 
degrés  de  différence  au  thermomètre  de  Réau- 
mur,  et  que  le  1 3 et  le  14,  par  un  froid  piquant, 
la  liqueur  de  ce  thermomètre  est  descendue  à 
sept  degrés  plus  bas  que  le  terme  o , tandis  que 
le  25  et  le  26  elle  est  montée  à dix  et  à onze 
degrés  au-dessus  du  môme  terme. 

Janvier. 

Ces  variations  perpétuelles  et  subites  de  tem- 
pérature influant  sur  les  corps  et  supprimant 
fréquemment  la  transpiration  , il  a régné  pen- 
dant cet  hiver  , et  sur  tout  en  janvier  , un 
nombre  de  fièvres  bilieuses  continues 'avec  des 
redoubleraens.  Les  malades  avoient  la  langue 
très  chargée  et  presque  toujours  couverte  d un 
limon  jaune  5 la  peau  avoit  pareillement  une 
teinte  jaune  , les  urines  étoient  hautes  en  cou- 


ÉCLAIRÉE,  etc.  3l3 

leur,  et  les  selles  que  rendoient  les  malades  , 
lorsque  la  détente  commençoit  à se  faire , étoient 
très-bilieuses.  J’ai  vu  plusieurs  personnes  atta- 
quées de  ces  fièvres  , je  n’en  ai  fait  saigner 
aucune  ; je  me  suis  contenté  de  délayer  et  dè 
détremper , tant  par  les  tisannes  et  les  apozèmes 
faits  avec  les  plantes  chicoracées  que  la  saison 
p ou  voit  fournir , que  par  deslavemens  émolliens 
fréquemment  répétés.  Par  cette  méthode  , dès 
le  huitième  jour  la  bile  s’est  mise  en  mouve- 
ment. Pour  lors  les  boissons,  aiguisées  d’émé- 
tique et  de  quelques  sels  neutres , ont  facilité 
son  écoulement,  et  en  même  temps  la  fièvre  a 
diminué  tellement  par  degrés  qu’elle  s’est  ter- 
minée chez  la  plupart  le  14  , chez  quelques 
autres  au  vingt  et  unième  jour  , sans  qu’un  seul 
de  ces  malades  ait  péri. 

Le  même  caractère  bilieux  s’est  fait  apper- 
cevoir  dans  les  catharres  et  les  péripneumo- 
nies  , qui  ont  été  fréquentes  pendant  ce  mois 
et  les  deux  suivans.  C’est  la  maladie,  qui  a 
régné  le  plus  communément  pendant  tout  l’hiver 
et  qui  n’a  pas  encore  cessé  aujourd’hui  dans 
le  mois  d’avril  , ce  qui  m’engage  à la  décrire 
avec  un-  peu  plus  de  détail. 

Dans  la  plupart  des  malades,  ces  péripneu- 
monies  se  déclarent  par  un  frisson  pendant  le- 
quel survient  un  vomissement  d’une  bile  ver- 
dâtre et  quelquefois  des  alimens  , lorsqu’on  a 
mangé  depuis  peu  de  temps.  Dès  le  lendemain 
le  point  de  côté  se  déclare  d’une  manière  vive , 
la  toux  sans  être  trop  fréquente  est  très- fati- 
gante , à cause  de  la  douleur  qu’elle  reveille  j 
à peine  les  malades  peuvent-ils  tousser.  Les 
crachats  qu’ils  rendent  sont  mousseux  et  glai- 
reux, rarement  deviennent- ils  cuits  et  épais, 
mais  le  plus  souvent  ils  sont  légèrement  sau- 


3i4  la  Médecine 

guinolens , teints  d’une  couleur  rose  , dans 
d’autres  jaunes  , verdâtres  et  bilieux  , enfin 
dans  quelques  - uns  noirâtres.  Ces  derniers  , 
céchés  sur  le  linge  paroissoient  bordés  d’un 
cercle  noir  , qui  annonçoit  une  disposition 
à la  gangrène  ; aussi  dans  ce  cas  les  mala- 
des périssoient  du  sept  au  neuf.  Lorsque 
les  cracliats  de ven oient  plus  blancs  , que  la 
douleur  de  côté  diminuoit,  et  que  la  bile  pre- 
aioit  son  cours  par  en  bas , on  pouvoit  "tirer 
an  pronostic  favorable.  Dans  ces  maladies  j’ai 
cru  qu’il  falloit  très-peu  insister  sur  les  saignées 
quoique  les  crachats  fussent  sanguinolens.  Je 
n’en  ai  fait  faire  qu’une  ou  deux  au  commence- 
ment, rarement  trois,  et  souvent  point  du  tout. 
Mais  j ’ai  employé  les  apozèmes  avec  les  plantes 
chicoracées  et  béchiques  légèrement  aiguisées 
d’émétique  , l’application  d’un  vésicatoire  sur 
le  côté  douloureux  , et  des  loochs  chargés 
de  quelques  grains  de  kermès  minéral.  Par 
ces  moyens  les  malades  ont  éprouvé  des  moi- 
teurs douces  et  soutenues  , les  crachats  ont 
pris  une  meilleure  couleur  et  plus  de  consis- 
tance , la  douleur  de  côté  a diminué  insensi- 
blement j la  langue  , auparavant  chargée,  s’est 
nétoyée  , et  lorsque  les  accidens  ont  été  calmes  , 
et  que  la  bile  a coulé  d’une  bonne  qualité  , 
j’ai  terminé  le  tout  par  des  purgatifs  doux  , 
mais  plusieurs  fois  répétés. 

Pendant  ce  meme  mois  nous  avons  eu  en- 
core à traiter  quelques  petites  veroles  , mais 
fort  bénignes  , en  beaucoup  plus  petit  nombre 
que  les  mois  précédens.  Il  subsistoit  aussi  que  l- 
ques fièvres  intermitentes , tierces  et  doubles 
tierces  , en  général  peu  rebelles.  Il  n en  etoifc 
pas  de  même  des  diarrhées  et  de  quelques  dis- 


3eclaib.ee,  etc.  3i5 

senteries  qui  étoient  très-opiniâtres  quoique 
sans  fièvre. 

Sur  la  fin  du  mois  le  temps , qui  est  devenu 
doux  et  même  un  peu  lourd,  adonné  naissance 
à plusieurs  coups  de  sang  qui  heureusement 
n’ont  pas  été  mortels,  et  à beaucoup  d’anasar- 
ques  et  de  bouffissures  universelles  $ quelques 
personnes  ont  éprouvé  des  accès  de  goutte 
assez  vifs. 

Février. 

La  variation  du  temps  , qui  a continué  pen- 
dant le  mois  de  février,  a entretenu  la  cons- 
titution catharrale  du  mois  précédent.  Nom- 
bre de  personnes  ont  été  attaquées  de  rhumes 
violens;  plusieurs  avec  'fièvre  et  courbature, 
quelques-uns  sans  fièvre.  D’autres  malades  ont 
été  pris,  les  uns  d’ophtalmies  assez  fortes  , les 
autres  de  fluxions  sur  les  oreilles  , qui  quel- 
quefois occasionnoient  une  surdité  passagère. 
Ces  fluxions  ont  ordinairement  cédé  à l’appli- 
cation des  vésicatoires,  et  chez  d’autres  elles 
ont  été  dissipées  par  un  écoulement,  soit  lym- 
phatique et  séreux , soit  légèrement  purulent 
par  l’oreille.  Les  pulmonies  nombreuses  cette 
année  ont  terminé  les  jours  de  plusieurs  phti- 
siques dans  le  cours  de  ce  mois.  Nous  avons 
eu  à traiter  des  péripneumonies  catarrhales 
de  la  même  nature  que  celles  du  mois  précé- 
dent. En  général  elles  n’ont  point  été  mor- 
telles et  je  n’ai  vu  périr  qu’un  seul  de  ces 
malades  , dont  la  fluxion  de  poitrine  étoit  com- 
pliquée d’une  suffocation  violente  et  perpé- 
tuelle que  rien  11’a  pu  soulager,  et  qui  est  mort 
enfin  le  dix-septième  jour  de  sa  maladie.  IL 
y a encore  eu  des  diarrhées  , des  dissenteries  , 


3l  6 I.  A MÉDECINE 

plusieurs  petites  véroles , qui  en  général  n’ont 
point  été  dangereuses  , et . un  nombre  assez 
considérable  de  dartres  et  d’autres  maladies 
cutanées. 

Dans  la  dernière  quinzaine  du  mois  , j’ai  été 
appellé  auprès  de  quelques  jeunes  femmes  nou- 
vellement accouchées,  que  j’ai  trouvé  malades 
de  dépôts  laiteux.  Leur'  sein  étoit  affaissé  et 
vide  de  lait  , elles  avoient  de  la  fièvre  .dont 
la  chaleur  étoit  entrecoupée  plusieurs  foisuans 
les  vingt-quatre  heures  par  les  frissonnemens. 
Ayant  examiné  le  ventre  , j’ai  senti  , sur- 
tout à deux  de  ces  malades  , des  duretés  très- 
sensibles  dans  la  région  de  l’ovaire  et  du  li- 
gament droit  de  la  matrice  , place  que  ces 
dépôts  paroissent  affecter  préférablement  au 
côté  gauche.  Heureusement  ces  femmes  ont 
guéri  par  différentes  crises  et  même  par  plu- 
sieurs réunies  ensemble.  Presque  toutes  ont 
eu  des  moiteurs  ou  des  sueurs  soutenues  , aux- 
quelles se  sont  jointes  dans  les  unes  des  éva- 
cuations par  les  selles  , dans  lesquelles  la 
matière  laiteuse  étoit  reconnoissable  tant  par 
la  couleur  que  par  les  grumeaux  qu’elle  for- 
moit  ; dans  d’autres  par  un  sédiment  laiteux 
très-abondant  que  déposoit  l’urine.  Je  pense 
qu’à  ces  indices  il  est  impossible  de  ne  pas 
reconnoître  un  véritable  dépôt  de  lait. 

Mars. 

La  constitution  du  temps  n’ayant  pas  changé 
et  la  saison  ayant  été  aussi  variable  en  mars 
que  pendant  les  deux  mois  précéder  s , les  ma- 
ladies ont  été  aussi  les  mêmes  et  l’humeur  ca- 
tharrale  a encore  été  la  maladie  dominante. 
Ces  catharres  étoient  dangereux  pour  les  per* 


ÉCLA  IRÉE,  etc*  3 17 

sennes  âgées,  et  lorsqu’ils  étoient  accompagnés 
de  fièvre  et  d’inflammation  , ils  devenoient  quel- 
quefois mortels.  Plusieurs  ont  dégénéré  en 
vraies  péripneumonies  , tandis  que  chez  d’au- 
tres personnes  ils  produisoient  des  douleurs 
rhumatismales  vives  et  aiguës  dans  les  muscles 
pectoraux  , qui  arrêtoient  et  gênoient  la  res- 
piration , quoiqu’il  n’y  eût  point  de  fièvre.  En 
général  Ges  maladies,  quoique  vives , n’ont  exigé 
que  très-peu  de  saignées  et  elles  se  dissipoient 
par  des  moiteurs.  Quelquefois  , au  lieu  d’atta- 
quer la  poitrine  , cette  même  humeur  se  por- 
toit  à la  tête  , et  y produisoit  des  fluxions  opi- 
niâtres ; elle  affectoit  les  yeux  ou  les  oreilles , 
d’autres  fois  elle  se  jettoit  sur  les  entrailles, 
ce  qui  donnoit  lieu  à des  diarrhées. 

Outre  ces  maladies  régnantes , nous  avons 
eu  en  mars  quelques  fièvres  , soit  intermitten- 
tes , soit  continues  rémittentes  , mais  en  petit 
nombre  , et  les  petites  véroles  ont  été  beau- 
coup moins  fréquentes  que  les  mois  précédens. 
Mais  à l’exception  des  humeurs  catarrhales  , 
il  y a eu  plus  d’incommodités  que  de  vraies  ma- 
ladies. Les  pulmoniques  se  sont  trouvés  très- 
mal  de  l’inconstance  de  la  saison , plusieurs 
ont  péri,  et  j’ai  vu  une  jeune  femme  dans  ce 
triste  état,  qui  dans  les  trois  dernières  se- 
maines de  sa  vie  a été  attaquée  d’une  manie 
des  p'us  violentes  , (accident  que  je  n’ai  point 
encore  observé  chez  les  phtisiques),  sans  que 
les  sangsues  qu’on  lui  avoit  appliquées  précé- 
damment , que  les  cautères  qu’elle  portoit  et 
que  les  bains  et  les  douches  dont  elle  a usé 
quelquefois  , ayent  pu  prévenir  ni  calmer  ces 
accès  de  folie. 


3i8 


i a Médecine 


CHIRUR.GI  E. 

Observation  sur  une  hémorragie  considérable 

survenue  durant  V opération  de  la  taille  par 

M.  Boyer  , chirurgien  à Paris. 

Un  des  accidens  qui  cause  le  plus  d’embarras 
et  de  trouble  durant  l’opération  de  la  taille  ou 
lithotomie  , est  sans  doute  l’hémorragie  qui 
peut  survenir  par  l’ouverture  d’une  artère  consi- 
dérable. L’opérateur  reste  quelquefois  en  sus- 
pens et  ne  sait  s’il  doit  procéder  tout  de  suite  à 
l’extraction  de  la  pierre  ou  la  renvoyer  à un 
autre  temps,  pour  prendre  tout  de  suite  les 
moyens  d’arrêter  l’hémorragie.  Le  but  de  l’ob- 
servation que  je  vais  rapporter  est  de  prouver 
qu’une  hémorragie  considérable , qui  survient 
durant  l’opération  de  la  taille  , n’est  pas  une 
raison  suffisante  pour  remettre  l’extraction  de  la 
pierre  à un  autre  temps,  comme  on  l’a  proposé  $ 
elle  fait  connoître  en  outre  un  moyen  simple 
d’arrêter  le  sang,  qui  me  paroît  bien  préférable 
à celui  qu’on  emploie  ordinairement. 

Je  fus  appellé  , au  mois  de  juin  de  l’année  der- 
nière , à vingt-deux  lieues  de  Paris,  pourvoir 
un  homme  âgé  de  soixante-dix  ans , attaqué 
du  calcul  de  la  vessie.  Un  chirurgien  du  lieu 
avoit  voulu  faire  l’extraction  de  ce  corps  étran- 
ger en  pratiquant  une  incision  à la  partie  spon- 
gieuse de  l’urètre  f mais  ses  tentatives  furent  faites 
a deux  reprises  différentes  , et  à huit  jours  de 
distance  l’une  de  l’autre.  Je  taillai  cet  homme 
ave 6 le  lithotome  caché  , et  je  remarquai  que 
l’angle  inférieur  de  l’incision  qit’on  avoit  prati- 
quée à l’urètre  étoit  dirigé  eu  dehors  , ensorte 
que  je  fus  obligé  de  commencer  la  section  de  la 


."ÉCLAIRÉE,  etc.  3l9 

peau  entre  cet  angle  et  le  raphé.  Cette  section 
donna  peu  de  sang;  mais  l’incision  interne  fut 
accompagnée  d’une  hémorragie  si  considérable 
que  je  fus  obligé  de  porter  le  doigt  indicateur 
clans  la  plaie  , sur  l’endroit  d’où  jallissoit 
le  sang.  J’étois  incertain  sur  le  parti  que  je 
devois  prendre  , et  mon  embarras  étoit  en- 
core augmenté  par  le  défaut  de  canulle  propre 
à faire  la  compression.  Dans  cette  circons- 
tance , je  portai  les  tenettes  dans  la  vessie  3 
sans  ôter  le  doigt  qui  étoit  dans  la  plaie  ; mais 
j^ôtai  ce  doigt  lorsque  j’eus  rencontré  l'a  pierre 
avec  les  tenettes  , non  • seulement  pour  saisir 
les  tenettes  avec  les  deux  mains  et  charger  plus 
facilement  la  pierre  , mais  encoie  parce  qu’il 
auroit  nui  à la  sortie  des  tenettes.  La  pierre  ayant 
été  saisie  de  la  manière  la  plus  favorable  , son 
extraction  fut  aussi  prompte  que  facile.  Aussi- 
tôt que  la  pierre  fut  sortie,  je  reportai  le  doigt 
sur  l’orifice  du  vaisseau  d’où  le  sang  continuoit 
de  couler.  J’eus  d’abord  l’idée  de  faire  tenir  le 
doigt  d’un  aide  appliqué  sur  „cet  orifice  ; mais 
comme  l’artère  ouverte  paroissoit  fort  considé- 
rable, et  qu’il  eût  fallu  laisser  trop  long-temps 
le  doigt  dessus  , je  me  déterminai  pour  un  ap- 
pareil compressif,  appliqué  de  la  manière  sui- 
vante. 

Je  portai  dans  la  vessie  , par  la  plaie  , une 
algalie  de  femme,  que  je  plaçai  à la  partie  infé- 
rieure de  l’incision  ; ensuite  je  portai  un  bour- 
donnet , lié  avec,  un  bi  double  , dans  la  plaie 
jusqu’au  delà  de  l’endroit  ou  siégeoit  l’artère 
ouverte  ; je  séparai  les  deux  fils  et  je  plaçai  d’au- 
tres bourdonnets  dans  leur  intervalle.  Lorsque 
j’eus  ainsi  rempli  la  plaie  bien  exactement,  je 
plaçai  extérieurement  un  gros  tampon  de  char- 
pie , sur  lequel  je  serrai  fortement  les  deux  fils 


02.0  la  Médecine 

du  premier  bourdonnet  ; j’appliquai  ensuite 
des  compresses  , et  le  tout  Fut  soutenu  par  un 
bandage  en  T , aux  chefs  duquel  je  fixai  la 
sonde  avec  deux  petits  rubans.  Cet  appareil 
remplit  si  bien  mes  vues  qu’il  ne  sortit  pas  une 
goutte  de  sang.  Comme  je  de  vois  partir  le  len- 
demain , je  recommandai  au  chirurgien  qui 
devoit  prendre  soin  du  malade  de  ne  lever  l’ap- 
pareil qu’au  bout  de  plusieurs  jours  , et  de 
faire  des  injections  par  la  sonde  , si  leï>  urines 
avoient  de  la  peine  à passer.  L’appareil  fut  levé 
au  bout  de  huit  jours,  l’hémorragie  ne  reparut 
point,  et  le  malade  est  parfaitement  guéri  j il 
est  vrai  que  la  plaie  a été  long -temps  à se 
fermer. 


/ 


I 


( N-  XI.  ) 32l 


N O U V E I.  L E S CHIMIQUES. 

I.  Extrait  d’une  lettre  de  M.  Van-Mons  , 
apothicaire  à Bruxelles , et  membre  de  plu- 
sieurs Académies , à M.  Schrœder , à la  ma- 
ni/J'actui'e  d’indiennes  , près  de  Colmar. 

«Je  vous  prie  de  dire  à M.  J.  M.  Hoff- 
man , i°.  que  j’ai  trouvé  que  lorsque  l’on  dé- 
compose du  muriate  oxigéné  de  mercure  au 
moyen  de  Faminoniaque  , il  ne  se  produit  point 
de  muriate  de  cet  alcali , mais  que  l’ammo- 
niaque est  décomposée,  que  son  azote  forme 
de  l’acide  nitrique  qui  se  combine  avec  l’acide 
muriatique  et  produit  l’eau  régale  (1)  ». 

« an.  Que  j’ai  fait  un  grand  nombre  d’autres 
expériences  sur  la  décomposition  de  l’ammo- 
niaque par  l’oxigène  des  oxides  métalliques  , 
dont  il  est  l’auteur,  et  qu’il  en  trouvera  le  dé- 
tail dans  un  des  prochains  cahiers  du  journal 
de  physique  François  ». 

cc  3°.  Que  M.  Kasteleyn  d’Amsterdam  m’ap- 
prend que  M.  Kels  détruit  le  principe  astrin- 
gent au  moyen  du  charbon  ; que  des  infusions 
de  garance,  de  safran,  de  syrop  noir,  la  dis- 
solution d’indigo  dans  l’acide  sulfurique , ect. 
sont  ainsi  parfaitement  décolorées  et  rendues 
claires  comme  de  l’eau.  M.  Vestrumb  se  pro- 
pose de  tirer  de  ces  expériences  des  conclu- 


(i)  Le  précipité  qui  se  forme  est  une  combinaison  d'oxide 
de  mercure  , d’acide  muriatique  et  d’ammoniaque  , de 
sorte  que  l’ammoniaque  n’est  pas  détruite  encore.  Not* 
de  C.  Zr.  BertholleC. 


Tome  ///.  N°.  XI. 


X 


322  La  Médecin* 

sions  qui  renverseront  entièrement  la  nouvelle 
théorie  , ect.  » 

cc  Voici  le  procédé  pour  tirer  l’eau-de-vie  des 
carottes  , que  je  vous  ai  promis  ». 

cc  On  fait  bouillir,  dans  deux  cent  seize  quar- 
tiers ( mesure  de  Saxe  ) d’eau  pure  , deux  mille 
cent  douze  livres  de  carottes  , jusqu’à  ce  qu’elles 
soient  réduites  en  pulpe  , et  on  exprime  le  jus». 

cc  On  fait  bouillir  ce  jus  pendant  cinq  heures 
avec  un  peu  de  houblon  ; on  coule  le  tout  encore 
chaud  dans  une  cuve  , et  quand  la  chaleur  du 
bouillon  est  descendue  au  quinzième  degré  de 
Réaumur  , on  y ajoute  six  quartiers  de  levure  ». 

<c  Dans  un  été  médiocrement  chaud  , la  masse 
fermente  pendant  quarante-huit  heures  ». 

•c  Quand  elle  a déposé  sa  lie , on  y ajoute 
quarante-huit  quartiers  du  même  jus  non  fer- 
menté et  un  peu  échauffé  ». 

cc  Par  cette  addition  , la  liqueur  remonte  à 
quinze  degrés  et  fermente  de  nouveau  pendant 
vingt-quatre  heures.  Quand  sa  lie  est  précipitée, 
on  met  la  liqueur  en  tonneau.  Cette  opération 
produit  encore  une  fermentation  qui  dure  trois 
jours  ». 

cc  II  est  nécessaire  que  le  laboratoire  soit 
constamment  entretenu  à six  ou  sept  degrés  de 
température  ». 

cc  En  distillant  cette  liqueur  , on  obtient  deux 
Cent  quartiers  d’esprit  premier  , qui  fournissent 
par  la  rectification  quarante-huit  quartiers  d’es- 
prit ardent.  Le  marc  de  l’expression  de  la  pulpe 
pèse  environ  six  cent  soixante-douze  livres  ; 
réuni  aux  herbes  des  racines,  il  fournit  une 
excellente  nourriture  pour  les  porcs». 


Eclairée,  etc. 


323 


II.  Extrait  de  deux  lettres  de  31.  le  chevalier 

de  Landriani  à JM.  de  la  Rochefoucauld  , 

en  mars 

Un  chimiste  de  Freyberg  assez  connu  , M. 
de  WenzeJ,  vient  de  faire  une  découverte  très- 
intéressante.  Il  a trouvé  que  le  vrai  régule  de  co- 
balt, c’est  à-dire  ce  demi-métal  ne  contenant  ni 
fer,  ni  arsenic,  ni  nickel,  peut  acquérir  aussi  bien 
que  le  fer  la  vertu  magnétique  : avec  ce  métal 
on  a fait  aussi  des  aiguilles  déclinatoires,  qui 
ont  un  très -grand  avantage  sur  celles  de 
fer  en  ce  qu  elles  ne  se  rouillent  pas  à l’air  , 
et  qu’elles  conservent  très-fortement  la  vertu 
magnétique.  Mais  la  purification  du  cobalt  est 
très-pénible  , sur-tout  pour  séparer  l’arsenic. 
J’ai  découvert  un  procédé  qui  me  paroît  excel- 
lent à cet  effet  , au  moins  les  expériences  que 
j’ai  faites  semblent  me  le  persuader. 

II7.  . . J’ai  fait  faire  des  démarches  auprès  de 
M.  Wenzel  pour  me  procurer  une  bonne  portion 
de  régule  de  cobalt  parfaitement  purifié,  mais  ce 
chimiste  cache  soigneusement  son  procédé.  Je 
vous  indiquerai  ceux  dont  je  me  suis  servi 
avec  succès.  Vous  qui  connoissez  le  beau  tra- 
vail de  Bergman  sur  le  nickel  , Vous  savez  que 
l’ arsenic  adhère  très  fortement  aux  métaux  avec 
lesquels  il  a de  l’affinité  ; que  la  violence  du 
feu  le  plus  fort  est  insuffisante  pour  le  sépa- 
rer en  entier  , et  que  cette  séparation  se  fait 
beaucoup  mieux  en  se  servant  d’un  feu  ménagé 
et  long-temps  soutenu  , qui  sans  oxider  l’ar- 
senic , soit  suffisant  pour  le  rendre  volatil. 
Lorsque  fai  séparé  tout  P arsenic  qu’il  est 
possible  de  détacher  par  ce  m<  yen  , je  fais 


o2/[.  La  Médecine 

dissoudre  le  régule  dans  l’acide  nitreux  $ je 
précipite  la  dissolution  avec  l’alcali,  et  je  verse 
sur  le  précipité  desséché  de  l’acide  marin , qui  dis- 
sout la  chaux  métallique  sans  attaquer  l’arsenic 
qu’on  sépare  de  la  solution  par  la  filtration. 
On  peut  effectuer  cette  séparation  en  préci- 
pitant la  solution  de  régule  cobaltin  avec 
l’alcali  phlogistiqué  , et  en  faisant  bouillir  le 
précipité  qu’on  obtient  avec  de  l’àcide  îKtreux, 
car  le  précipité  arsenical  opéré  par  l’alcali  phlo- 
gistiqué, par  l’ébullition  de  l’arsenic,  devient 
soluble  dans  l’eau  , tandis  que  le  précipité  de 
cobalt  , le  prussiate  de  cobalt  , est  entière- 
ment insoluble  dans  les  acides. 

La  séparation  du  nickel  est  plus  difficile. 
J’ai  vu  bien  peu  de  mines  de  cobalt  qui  n’en 
contiennent.  M.  "Watt  m’a  appris  un  procédé 
en  grand  qui  est  assez,  bon  : il  consiste  à sco- 
rifier  le  régule  avec  des  doses  de  nitre  très- 
ménagées , et  à séparer  les  premières  scories 
qui  contiennent  le  cobalt  presque  pur  , parce 
que  ce  métal  est  plus  facilement  calcinable 
que  le  nickel. 

Je  me  suis  servi  aussi  avec  beaucoup  de 
succès,  dans  les  expériences  en  petit,  de  l’alcali 
volatil  pour  séparer  le  nickel.  Je  fais  dissou- 
dre le  cobalt  clans  l’acide  nitreux,  et  je  pré- 
cipite la  dissolution  par  un  alcali  quelconque. 
L’alcali  volatil,  mis  en  digestion  sur  ce  préci- 
pité , sépare  le  nickel  du  cobalt. 

Quand  j’aurai  la  quantité  de  cobalt  purifié 
que  j’attends  de  l’Electeur,  je  me  propose  de 
faire  plusieurs  expériences  sur  cette  matière , 
qui  n’a  pas  été  encore  assez  bien  examinée 
des  chimistes.  Je  vous  enverrai  aussi  une  aiguille 
pour  l’Académie. 


3 2.5 


éclairée,  etc . 

PHYSIQUE  VÉGÉTALE. 

Observations  sur  V accrois  sentent  des  bois  , com- 
paré à celui  des  os  ; par  JM.  Daubenton. 

Les  opinions  sont  partagées  sur  la  formation 
des  os  ; je  ne  ferai  mention  ici  que  de  deux 
des  principales  , qui  ont  pour  auteurs  Duhamel 
et  Haller. 

Suivant  Duhamel  ^ « les  os  croissent  en 
35  grosseur  par  l’extension  des  couches  osseu- 
33  ses  non  endurcies  , qui  produit  l’élargisse- 
33  ment  du  canal  médullaire,  et  parla  suraddi- 
33  tion  des  couches  du  périoste  qui , en  s’os- 
33  siiîant  , forment  l’épaississement  des  parois 
33  de  ce  canal  33. 

Haller  prétend  au  contraire  que  les  os  sont 
formés  par  un  suc  glutineux  chargé  de  parti- 
cules calcaires  , qui  vient  des  artères  et  qui 
s’unit  au  gluten  primitif  des  fibres. 

Malpighi  compare  l’accroissement  des  os  à 
celui  des  bois  ; Duhamel  pense  que  les  os 
croissent  à très-peu  de  chose  près  comme  le 
corps  ligneux  des  arbres.  L’opinion  de  Haller 
est  différente  : les  observation^  que  j’ai  faites 
sur  l’accroissement  du  bois  prouvent  qu’il  y 
a des  bois  dont  l’accroissement  diffère  beau- 
coup de  celui  des  os. 

Le  bois  et  l’écorce  de  la  plupart  des  arbres 
consistent  en  partie  dans  des  couches  con- 
centx  iques,  composées  d’un  réseau  ligneux  dont 
les  mailles  sont  occupées  par  les  prolongemens 
médullaires.  Le  réseau  forme  des  enveloppes 
circulaires  appliquées  les  unes  sur  les  autres 
le  long  du  tronc  des^’acines  et  des  branches. 
L’accroissement  de  l’arbre  fait  chaque  année 

X 3 


32 6 E A MÉDECINE 

une  épaisseur  de  bois  que  l’on  appelle  couche 
annuelle  5 lorsque  l’arbre  est  coupé  transver- 
salement , on  apperçoit  la  jonction  des  couches 
annuelles  de  son  bois  , et  par  conséquent  on 
peut  savoir  le  nombre  de  ses  années.  Dans 
certains  arbres  on  distingue  aussi,  dans  les 
couches  annuelles  , la  jonction  de  plusieurs 
feuillets  qu’elles  contiennent  ; ces  joiiKs  sont 
moins  sensibles  parce  qu’ils  ne  viennent  que 
de  quelque  ralentissement  ou  de  quelque  com  te 
interruption  dans  la  végétation,  par  de  mau- 
vais temps  pendant  la  mauvaise  saison,  mais  les 
joints  des  couches  annuelles  sont  plus  marqués 
parce  que  l’arbre  a cessé  de  croître  pendant 
l’hiver. 

Si  l’on  coupe  transversalement  le  tronc  d’un 
palmier  dattier  , on  n’y  voit  en  aucune  ma- 
nière l’organisation  du  bois  et  de  l’écorce  de 
la  plupart  des  autres  arbres.  Au  lieu  de  cou- 
ches annuelles  et  de  prolongement  médullaire, 
on  ne  distingue  que  des  taches  noires  disper- 
sées sans  ordre  sur  un  fond  blanchâtre  \ les 
plus  grandes  de  ces  taches  n’ont  qu’un  tiers 
de  ligne  en  diamètre  , les  autres  sont  de  plus 
en  plus  petites  à mesure  qu’elles  se  trouvent 
placées  plus  près  de  la  circonférence  du  tronc. 

J’ai  vu  dans  le  tronc  du  même  arbre  fendu 
longitudinalement , des  hlets  de  même  couleur 
et  de  même  diamètre  que  les  taches  de  la 
coupe  transversale , et  en  même  nombre  ; en 
effet , ces  taches  etoient  formées  par  la  coupe 
transversale  des  filets  : il  y avoit  entre  ces  filets 
une  substance  blanchâtre  qui  les  enveloppoit  et 
qui  paroissoit  sur  la  coupe  transversale  entre 
les  taches  noires. 

J’ai  vu  une  portion  d’un  vieux  tronc  de  pal- 
mier déchirée  longitudinalement  5 le  tronc  entier 


ÉCLAIRÉE,  etC.  O27 

auroit  eu,  à ce  qu’il  paroissoit , neuf  pouces 
de  diamètre  , et  la  portion  déchirée  avoit  deux 
pieds  cinq  pouces  de  longueur.  Presque  tous  les 
filets  s’étendoient  en  ligne  droite  d’un  bout 
à l’autre  : quelques-uns  seulement  étoient  in- 
clinés ou  recourbés.  Leur  direction  étoit  très- 
apparente  , n’y  ayant  plus  entre  la  plupart  de 
substance  blanchâtre  qui  les  enveloppât  5 elle 
avoit  été  détruite  par  vétusté  et  ces  filets  étoient 
jaunâtres  5 mais  clans  les  endroits  où  la  subs- 
tance blanchâtre  étoit  restée , les  filets  qu’elle 
enveloppoit  avoient  leur  couleur  noire. 

Il  y a lieu  de  croire  que  les  filets  longitudi- 
naux et  la  substance  blanchâtre  du  tronc  dii 
palmier  dattier  correspondent  au  réseau  li- 
gneux, à la  moelle  et  aux  prolongemens  mé- 
dullaires , etc.  de  la  plupart  des  autres  arbres  r 
ce  qui  me  persuade  que  cette  substance  blan- 
châtre peut  être  comparée  à une  moelle , c’est 
que  j’ai  vu  , par  le  moyen  du  microscope  , des 
vésicules  transparentes  dans  une  parcelle  de  cetté 
substance  , quoiqu’elle  fut  desséchée  et  altérée 
par  vétusté. 

Le  tronc  de  la  plupart  des  arbres  grossit 
chaque  année  par  l’addition  d’une  nouvelle 
couche  annuelle  qui  se  forme  entre  le  bois  et 
l’écorce  ; au  contraire , le  palmier  dattier  né 
grossit  plus  dès  qu’il  a pris  le  port  d’un  arbre., 
et  qu’il  est  pour  ainsi  dire  hors  de  l’âge  dé 
puberté  , suivant  les  expressions  de  Kempfer, 
dans  son  histoire  du  palmier  ( 1 ).  Cet  auteut 
ajoute  qu’ alors  les  parties  n’ augmentent  ni 
en  nombre  ni  en  grosseur  , excepté  le  tronc 

• ^ 

( 1 ) Araoenitatura  exotiearum  fasciculus  IV , pag.  6j5  et 


328  La  M é D E C I N E 

qui  s’élève  dans  la  suite  , mais  il  garde  tou- 
jours la  même  grosseur  et  la  même  forme 
cylindrique.  On  sait  qu’un  tronc  d’arbre  qui 
a été  formé  par  des  couches  annuelles  doit  avoir 
moins  de  diamètre  à sa  partie  supérieure  qu’à 
l’inférieure  : comment  se  peut-il  donc  qu’un 
palmier  ait  toujours  le  même  diamètre  à quel- 
que hauteur  que  cet  arbre  puisse  atteindre. 

Les  observations  que  j’ai  pu  faire  sur  lbs  troncs 
de  deux  palmiers  en  différons  états  , et  les  faits 
que  j’ai  tirés  de  l’histoire  et  de  la  description  de 
cet  arbre  par  Kempfer  , m’ont  donné  quelques 
idées ‘sur  l'organisation  et  l’accroissement  du 
palmier  dattier. 

J’ai  vu  beaucoup  de  ressemblance  entre  les 
pédoncules  des  deux  ou  trois  premières  feuilles 
que  produit  le  palmier  dattier  dans  les  premiers 
mois  de  son  âge  et  l’organisation  du  tronc  ; 
ainsi  j’ai  tout  lieu  de  croire  que  les  péduncules 
des  feuilles  sont  un  prolongement  des  filets  li- 
gneux et  de  la  substance  cellulaire  du  tronc. 

Suivant  Kempfer  il  paroît , à six  mois  ou  un 
an,  au  centre  de  la  jeune  plante,  un  tubercule 
comme  un  bourgeon  formé  par  les  rudimens 
de  feuilles  serrées  les  unes  contre  les  autres  , et 
contournées  en  rond.  Il  sort  premièrement  une 
feuille  de  ce  bourgeon,  et  d’autres  ensuite  , pen- 
dant toute  la  vie  de  l’arbre,  dont  la  durée  est  de 
deux  ou  trois  cents  ans,  au  rapport  de  Kempfer. 
Suivant  le  même  auteur  ce  palmier  est  dans  sa 
vieillesse  à cent  ans  , et  dans  sa  décrépitude  à 
l’âge  de  deux  cents  ans  et  même  de  beaucoup 
au-delà  , suivant  la  tradition  du  pays.  Un  pal- 
mier dattier  ad  ulte  a 24  ou  3o  pieds  de  hauteur  ; 
en  vieillisant  il  va  jusqu’à  environ  5o  pieds,  et 
a 70  pieds  et  plus  dans  sa  décrépitude. 

Le  tronc  est  revêtu  par  les  feuilles  ou  par  les 


ÉCLAIRÉE,  etc.  3^9 

restes  de  leurs  queues.  Tous  les  ans  l’arbre 
produit  environ  sept  feuilles  nouvelles  et  il 
s’en  dessèche  sept  des  plus  anciennes.  Les 
restes  des  feuilles  forment  sur  le  tronc  , au 
lieu  d’une  vraie  écorce  , une  enveloppe  d’abord 
écailleuse  , ensuite  raboteuse  , et  enfin  unie 
lorsque  l’arbre  est  en  décrépitude. 

Chaque  feuille  , en  sortant  du  bourgeon  , est 
formée  par  un  prolongement  des  filets  ligneux 
et  de  la  substance  cellulaire  qui  sont  dans  le 
tronc  de  l’arbre  ; on  les  voit  dans  le  peduncule  , 
ils  sont  très  - apparens  dans  les  restes  de  la 
feuille  desséchée  qui  tiennent  au  tronc.  L’ac- 
croissement de  ce  tronc  est  donc  produit  par 
les  feuilles  qui  en  sortent  chaque  année  : à 
mesure  que  les  nouvelles  feuilles  paroisserit, 
les  filets  ligneux  et  la  substance  cellulaire  dont 
elles  sont  une  continuation  , se  trouvent  pla- 
cés de  plus  en  plus  près  du  centre  du  tronc  ; 
la  partie  qui  fait  tous  les  ans  son  accroisse- 
ment se  forme  donc  au  centre.  La  partie  du 
tronc  déjà  formée  dans  les  années  précédentes 
doit  nécessairement  être  déplacée  et  portée  au 
dehors,  comme  l’écorce  des  arbres  à bois  en 
réseau  est  rejettée  en  dehors  pour  faire  place 
aux  nouvelles  couches  qui  se  forment  entre 
l’écorce  et  l’aubier.  Cette  sorte  de  recul  n’a 
point  de  limites  dans  ces  arbres,  parce  qu'il 
se  forme  tous  les  ans  de  nouvelles  couches 
corticales  qui  sont  flexibles  , et  que  les  ancien- 
nes qui  ne  le  sont  plus  se  fendent  et  se  dé- 
truisent 5 aussi  la  grosseur  de  ces  arbres  n’est 
pas  limitée  comme  celle  du  palmier  dattier,  qui 
ne  va  guère  au-delà  de  dis?  pouces  ; c’est  parce 
que  la  substance  du  tronc  a d’autant  plus 
de  compacité  qu’elle  se  trouve  plus  près  de  la 
circonférence  , et  qu’à  un  certain  point  de  tien- 


33o  l a Médecine 

site  elle  ne  peut  pins  céder  à l’effort  des  parties 
intérieures  du  tronc  et  se  porter  en  dehors  ; 
aussi  l’arbre  parvenu  à ce  terme  ne  grossit 
plus. 

C’est  par  la  même  raison  cpie  le  tronc  du 
palmier  a la  même  grosseur  dans  toute  sa  lon- 
gueur : à mesure  que  l’arbre  s'élève,  les  parties 
de  la  substance  du  tronc  perdent  successive- 
ment leur  flexibilité  au  même  terme';  ainsi 
elles  doivent  cesser  de  se  porter  en  dehors 
lorsqu’elles  sont  parvenues  au  même  degré  de 
densité  dans  tous  les  points  de  la  hauteur  de 
l’arbre  : par  conséquent  le  tronc  a nécessaire- 
ment la  même  grosseur  dans  toute  sa  longueur. 

Au  contraire,  les  arbres  dont  le  bois  est  formé 
par  réseaux  , grossissent  tant  ciu’üs  vivent , 
leur  tronc  a moins  de  diamètre  a sa  partie 
supérieure  qu’à  l’inferieure.  La  grosseur  de 
ces  arbres  augmente  pendant  toute  leur  vie  , 
parce  qu’il  se  forme  tous  les  ans  une  nouvelle 
couche  entre  l’aubier  et  l’écorce.  La  partie 
inférieure  du  tronc  est  la  plus  grosse  , parce 
qu’elle  renferme  un  plus  grand  nombre  de 
couches  ligneuses  et  corticales.  La  figure  du 
tronc  est  le  plus  souvent  fort  irrégulière  et 
même  difforme  , parce  que  vies  couches  annuel- 
les n’ont  pas  la  même  épaisseur  dans  toutes 
les  parties  de  leur  circonférence  ; les  racines 
et  les  branches  sont  les  causes  de  cette  inégalité  , 
par  hi  différence  de  grosseur  et  de  force  qui 
se  trouve  en  tr’ellés.  Les  branches  qui  ont  cm 
sur  !e  tronc  le  difforrnent  ou  elles  gâtent  le 
fil  du  bois  au  dedans. 

Jusqu’à  présent  ou  a regardé  le  palmier 
comme  un  arbre  dont  le  tronc  avoit  du  bois 
et  de  l’écorce,  cependant  il  me  paroît  qu’il 
n’y  a dans  cet  arbre  ni  bois  proprement  dit , 


^ciiihîe,  etc.  33i 

ni  écorce  , et  que , par  conséquent , ce  n’est 
pas  un  arbre.,  quoiqu’il  s’élève  à une  très- grande 
hauteur  et  que  la  substance  de  son  tronc  soit 
fort  dure  • mais  il  n’a  point  de  branches , point 
d’autre  écorce  que  des  restes  de  ses  feuilles 
desséchées  et  presqu’entièrement  détruites.  Ce- 
pendant, quoique  la  substance  du  tronc  du  pal- 
mier n’ait  pas  la  même  organisation  que  le 
bois  des  vrais  arbres,  elle  est  composée  comme 
ce  bois  de  fibres  ligneuses  et  de  substance  cel- 
lulaire disposées  d’une  manière  particulière  ; 
c est  essentiellement  une  sorte  de  bois.  Il  fan- 
droit  donc  avoir  un  nom  particulier  pour  la 
désigner  ; son  caractère  seroit  difficile  à expri- 
mer par  un  seul  mot  : on  pourroit  peut-être 
le  dénommer  bois  en  faisceaux  , lignum  fascicu- 
latum  , pour  le  distinguer  dh  bois  ordinaire 
qui  est  par  réseaux  , lignum  reticulatum. 

J’ai  reconnu  l’organisation  du  bois  par  fais- 
ceaux dans  plusieurs  espèces  de  plantes  que 
Linnéus  a comprises  sous  le  genre  qu’il  a nommé 
calamus. 

Le  jet  ou  jonc  dont  on  fait  des  cannes  et 
que  l’on  apporte  de  Bengale  et  de  Malaca,  est 
tm  bois  à faisceaux  ; ses  filets  ligneux  m’ont 
paru  à proportion  plus  nombreux  que  dans  le 
palmier  ; il  y a moins  de  substance  cellulaire 
entr’eux  , et  la  cavité  des  filets  est  plus  grande: 
de  manière  que  j’ai  vu  le  jour  à travers  les 
filets  d’une  lame  transversale  de  ce  bois  qui 
avoit  quatre  lignes  d’épaisseur  et  huit  lignes 
de  diamètre  ; aussi  l’eau  que  l’on  souffle  dans 
dans  ces  jets  passe  d’un  bout  à l’autre  ; toutes 
ces  circonstances  contribuent  à les  rendre  aussi 
légers  et  flexibles  qu’ils  le  sont.  Linnéus  ne  rap- 
porte au  genre  calamus  qu’une  seule  espèce 
sous  le  nom  de  rotang  ; cette  plante  n’est  pas 


3*2  LA  MÉD3Cl7<rK 

le  jet  : les  botanistes  n’en  ont  aucune  connois- 


sance. 


La  partie  extérieure  cle  la  tige  du  jet  ne  m’a 
paru  différer  de  l’intérieure  qu’en  ce  que  les 
filets  ligneux  y sont  plus  serrés  les  uns  contre 
les  autres  , comme  dans  le  palmier;  mais  il  y 
a sur  le  jet  des  nœuds  circulaires  placés  à dif- 
fé  rentes  distances  les  uns  des  autres  ; après 
avoir  observé  l’organisation  intérieure  à l’en- 
droit de  l’un  de  ces  nœuds  , j’ai  présumé  qu’il 
n’avoit  été  formé  que  par  une  feuille  qui  étoit 
sorlie  de  la  tige  à cet  endroit  , et  que  l’on 
avoit.  détaché  de  chaque  nœud  des  jets  que  l’on 
vouloit  mettre  dans  le  commerce.  Les  fdets 
ligneux  qui  entrent  dans  chaque  feuille  , se  dé- 
tachant de  la  tige,  en  diminuent  le  diamètre; 
ainsi  les  parties  qui  sont  entre  deux  nœuds  ont 
d’autant  moins  de  grosseur  qu’elles  se  trou- 
vent placées  à une  plus  grande  hauteur.  Les 
parties  qui  sont  entre  les  nœuds  ont  différen- 
tes longueurs  , et  chaque  partie  a moins  de 
diamètre  à l’extrémité  supérieure.  On  recherche 
pour  faire  des  cannes  les  parties  les  plus  lon- 
gues et  dont  la  forme  est  la  plus  agréable  à 
l’œil  par  la  diminution  successive  de  leur  dia- 
mètre : c’est  ce  que  l’on  appelle  un  jet  bien 
filé.  Cette  plante  diffère  donc  du  palmier  en 
ce  que  les  feuilles  sont  à de  longues  distances 
les  unes  des  autres  , et  que  la  tige  n’a  pas  le 
même  diamètre  dans  toute  sa  longueur. 

Cette  feuille  , avant  de  sortir  au  dehors,  forme 
le  long  du  jet  une  côte  qui  est  d’autant  moins 
saillante  que  le  jet  est  plus  jeune  et  par  con- 
séquent la  feuille  plus  petite  : à peine  cette 
côte  est-elle  sensible  sur  les  jets  menus  et  longs, 
qui  sont  les  plus  recherchés. 

Le  rotin  on  ro£an  est  une  plante  à bois  en 


I 


ÉCLAIRÉE,  etc.  333 

faisceaux  bien  connue  dans  le  commerce,  parce 
que  l’on  en  fait  des  cannes  appellées  badines  , 
qui  sont  aujourd’hui  plus  à la  mode  que  jamais. 
Ses  iiiets  ligneux  sont  à proportion  plus  nom- 
breux que  ceux  du  palmier,  et  par  conséquent 
la  substance  cellulaire  est  en  moindre  quan- 
tité : la  cavité  des  filets  est  plus  grande  , de 
manière  que  j’ai  vu  le  jour  à travers  les  filets 
d’une  lame  transversale  de  ce  bois  qui  avoit 
deux  lignes  d'épaisseur  et  quatre  lignes  de 
diamètre  ; l’eau  que  l’on  souffle  dans  les  tiges 
du  rotin  passe  d’un  bout  à l’autre  : toutes  ces 
circonstances  contribuent  à rendre  ces  tiges 
fort  légères  et  très-flexibles.  Les  filets  ligneux 
étant  dépouillés  de  la  substance  cellulaire  qui 
les  enveloppe  , sont  assez  déliés  et  assez  son- 
pies  pour  former  au  bout  de  la  tige  une  brosse 
qui  peut  servira  nétoyer  les  dents.  C’est  avec 
la  partie  extérieure  du  bois  de  rotin,  coupée 
en  lanières  , que  l’on  fait  le  tissu  des  sièges 
de  cannes.  On  dit  que  cette  plante  est  fort 
abondante'  sur  les  côtes  du  détroit  de  Ma- 
laca. 

Le  rotin  n’étoit  connu  jusqu’à  présent  que 
par  les  tiges  qui  se  débitent  dans  le  commerce; 
mais  il  vient  d’en  arriver  au  jardin  du  roi  un 
plant  bien  conditionné  , qui  m’a  donné  l’occa- 
sion de  faire  sur  cette  plante  des  observations 
plus  étendues. 

Les  filets  ligneux  de  la  tige  du  rotin  pa- 
roissent  à sa  surface  en  ce  qu’elle  a des  stries 
longitudinales;  elles  sont  lisses  et  luisantes. 
Les  gaines  des  feuilles  enveloppent  la  tige,  et 
les  côtes  sont  placées  alternativement  de  côté 
et  d’autre  à différentes  distances,  qui  sont  de 
plus  en  plus  grandes  à mesure  que  la  tige 
s'élève.  Il  y avoit  sur  la  partie  inférieure  d’une 


334  La  Médecine 

tige  que  j ai  eue  , et  dont  la  longueur  étoit  de 
deux  pieds  et  demi  , quatre  pouces  de  distance 
entre  la  première  et  la  seconde  côte  , et  neuf 
pouces  entre  la  quatrième  et  la  cinquième  côte. 
Les  gaines  des  feuilles  sont  formées  par  des 
filets  ligneux  de  la  partie  extérieure  de  la  tige  , 
et  par  la  substance  cellulaire  qui  est  entr’eux. 
On  voit  sur  la  coupe  longitudinale  de  cette 
tige , que  sa  partie  extérieure  devient  plus  corn- 

Î>acte  dans  l’épaisseur  d’environ  un  tiers  de 
igné.  Cette  partie  se  sépare  du  reste  de  la  tige 
à l’endroit  de  la  côte  suivante  , devient  une 
gaine  épineuse  et  recouvre  une  partie  exté- 
rieure de  la  tige  qui  a pris  de  la  compacité, 
cette  partie  se  sépare  à son  tour  de  la  tige  et 
devient  aussi  une  gaine  épineuse  : les  mômes 
productions  se  font  successivement  dans  les 
intervalles  qui  se  trouvent  entre  deux  côtes 
de  feuilles.  Pendant  cet  accroissement , le  corps 
de  la  tige  a le  même  diamètre  dans  toute  sa 
longueur,  comme  dans  le  palmier  $ ce  qui  vient 
nécessairement  de  ce  que  les  filets  ligneux  et 
la  substance  cellulaire  se  développent  et  s’ac- 
croissent à mesure  que  la  tige  s’élève. 

Des  deux  gaines  qui  embrassent  la  tige  du 
rotin  , l’intérieure  tient  au  moins  en  partie 
à cette  tige  ; elle  est  lisse  par  le  dehors.  La 
gaine  extérieure  a aussi  sa  surface  intérieure 
lisse  , mais  l’extérieure  est  parsemée  d’épines 
placées  irrégulièrement  , un  peu  inclinées  en 
haut  , de  couleur  brune  et  de  longueur  iné- 
gale j celles  que  j’ai  vues  s’étendoient  au  plus 
à un  demi-pouce. 

La  côte  de  la  feuille  a aussi  des  épines  comme 
la  gaine  , dont  elle  est  un  prolongement.  Cette 
côte  étoit  terminée  par  une  foliole  dansla  feuille 
que  j’ai  observée , et  portoit  de  chaque  côté 


ÉCLAIRÉE;  etc.  335 

treize  autres  folioles  qui  a voient  quelques  peti- 
tes épines. 

Il  y a beaucoup  de  plantes  dont  la  tige  est 
en  faisceau  . En  suivant  l’examen  des  troncs 
des  arbres  et  des  tiges  des  plantes  , on  trou- 
vera de  nouveaux  moyens  pour  déterminer  les 
caractères  spécifiques  des  végétaux  , et  les  dis- 
tinguer des  qualités  accidentelles  et  variables. 
Cette  distinction  n’est  pas  établie  jusqu’à  pré- 
sent sur  des  principes  plus  certains  par  rapport 
aux  races  des  animaux.  On  fait  tous  les  jours 
des  équivoques  en  prenant  pour  espèce  ce  qui 
n’est  que  race  ou  variété.  Si  l’on  avoit  des 
moyens  sûrs  pour  reconnoître  les  caractères 
vraiment  spécifiques  , on  éviteroit  beaucoup 
d’erreurs  en  histoire  naturelle. 

ANATOMIE. 

Concrétion  osseuse  formée  dans  la  glande  thi - 

roide ; par  M.  Boyer.,  chirurgien  à Paris . 

Cette  concrétion  a été  trouvée  sur  le  cadavre 
d’un  homme  âgé  de  soixante-dix  ans,  mort  à la 
suite  de  l’étranglement  d’une  hernie  inguinale, 
formée  par  l’intestin  cæcum  et  une  partie  de 
l’iléon;  elle  étoit  située  à la  partie  antérieure 
et  inférieure  du  cou  , derrière  l’extrémité  in- 
férieure du  muscle  sterno-cleido-mastoïdien 
gauche  : la  forme  de  cette  concrétion  est  ob- 
longue,  aplatie  sur  une  de  ses  faces,  sa  superfi- 
cie est  inégale  ; elle  a dix  huit  lignes  d’étendue 
dans  son  grand  diamètre  , son  poids  est  de 
3 gros  5 o grains. 

Quoique  cette  concrétion  ait  été  trouvée 
à la  partie  inférieure  du  cou  , bien  au-dessous 
de  la  glande  thiroïde  , néanmoins  elle  avoit 
pris  naissance  dans  cette  glande  ; en  effet  , 


336  La  Médecine 

la  dissection  a fait  voir  qu’elle  étoit  recouverte 
d’une  substance  en  tout  semblable  à celle  de 
la  glande , a laquelle  elle  tenoit  par  un  pro- 
longement de  cette  même  substance.  Il  est  à 
remarquer  qu’on  ne  voyoit  aucune  trace  de 
cette  concrétion  à l’extérieur  ; mais  l’on  con- 
çoit aisément , que  si  elle  eût  acquis  un  vo- 
lume considérable  , elle  auroit  formé  une  tu- 
meur dont  on  n’auroit  pas  soupçoApé'  la  na- 
ture , et  sur  laquelle  le  topique  qu’on  n’au- 
roit pas  manqué  d’y  appliquer  n’anroit  eu  au- 
cune action  , puisqu  elle  etoit  osseuse  et  non 
susceptible  d’être  fondue  ou  ramollie  par  les 
topiques  qu’on  a coutume  d’appliquer  sur  les 
tumeurs. 

MATIÈRE  MÉDICALE. 

Extrait  d’une  lettre  de  M.  Wilkinson,  chirur- 
gien de  Sunderland , en  Angleterre , adressée 
à M.  Vicq-d’Azyr,  touchant  V écorce  d' an- 
gus  tur a. 

Sunderland  , z5  Mai. 

•c  En  1790  j’ai  communiqué  à mon  ami,  le 
docteur  Simmons , quelques  observations  sur 
Y écorce  d’angustura.  Ces  observations  ont  été 
publiées  dans  le  vol.  XI.  du  journal  de  Mé- 
decine de  hondj'es , et  ont  reparu  encore  clans 
un  excellent  essai  du  docteur  Brand , que  je  sup- 
pose que  vous  connoissez  déjà  depuis  long- 
temps. Mes  expériences  ultérieures  et  la  corres- 
pondance de  plusieurs  Médecins  de  mes  amis, 
m’ayant  mis  en  état  de  parler  plus  positive- 
ment sur  les  bons  effets  de  cette  écorce , j’ai 
fait  imprimer  de  nouveaux  détails  sur  cet  ex- 
cellent remède.  Ces  détails  ont  paru  dans  le 
second  volume  des  Faits  et  Observations  de 
Médecine  du  docteur  Sfmmons,  sous  la  date 
^ du 


iCLA  tRÜE,  CtC.  337 

du  4 octobre  1791-  Comme  vous  ne  tarderez 
peut-etre  pas  à avoir  connoissance  de  ce  que 
j’y  dis  de  cette  écorce,,  je  me  contenterai  de 
vous  faire  part  de  mes  nouvelles  épreuves  dans 
différens  cas  qui  se  sont  présentés  à moi  de- 
puis ce  temps 

««Dans  les  diarrhées  des  enfans  , j’ai  plusieurs 
fois  obtenu  d’excellens  effets  de  ce  remède , 
et  souvent  après  deux  ou  trois  doses  seule- 
ment. L’effet  en  est:  quelquefois  si  prompt 
que  plusieurs  personnes  ont  paru  fort  surprises 
de  voir  , après  deux  prises  , un  soulagement 
remarquable  dans  des  cas  où  les  enfans  ren- 
doient  une  grande  quantité  de  glaires  mêlés 
de  sang.  Voici  comment  je  donne  cette  subs- 
tance j prenez,  poudre  d’écorce  d* angustura t un 
scrupule  ; eau  de  cannelle , deux  onces  : ou  bien 
prenez  craie  préparée  , quinze  grains ; poudre 
d’écorce  d’ an gustura , un  scrupule  ; gomme  ara- 
bique > huit  grains  ; eau  de  canelle  siîiiple  , 
deux  onces.  M.  La  dose  est  de  deux  oa  trois 
cuillers  à café  deux  ou  trois  fois  le  jour  , sui- 
vant les  cas.  La  seconde  de  ces  préparations, 
m’a  paru  mieux  réussir  ». 

«Les  diarrhées  ont  régné  pendant  quelque 
temps  dans  cette  ville  et  ses  environs,  sur-tout 
pendant  les  quatre  ou  cinq  semaines  derniè- 
res. Toutes  celles  que  j’ai  vues  étoient  accom- 
pagnées de  symptômes  dissenteriques  ; elles  ré- 
gnoient  sur-tout  parmi  les  femmes  du  pauvre 
peuple  plutôt  que  parmi  les  hommes.  Les 
coliques  étoient  violentes  et'  suivies  de  glaires 
et  de  tenesmes.  Ma  méthode  étoit  d’abord  de 
vider  les  intestins  avec  la  magnésie  , la  rhubai - 
be , et  l’alcali  tartarisé  ; ensuite  de  donner 
Y écorce  d’angusture  de  dix  à quinze  grains 
trois  ou  quatre  fois  le  jour  , dans  de  l’eau 
Tome  III.  N°.  XI.  Y 


338  La  Médecins 

de  canelle  ou  de  riz.  D’autres  fois  j’ai  donné 
la  décoction  de  la  même  écorce  , qu’on  fait 
ainsi.  On  fait  bouillir  une  demi-once  de  cette 
substance  en  poudre  grossière  , dans  dix-huit  à 
vingt  onces  d’eau,  pendant  dix  ou  quinze  minutes. 
Sur  six  onces  de  cette  décoction  j’ajoute  deini- 
once  de  teinture  de  'canelle  et  vingt  gouttes 
de  teinture  d’opium  , et  j’en  donne  pour  chaque 
dose,  suivant  les  cas,  trois  cuillerées  à bouche. 
Ce  qu’il  y a de  remarquable  est  que  six  do- 
ses , et  quelquefois  moins  , ont  souvent  guéri 
la  maladie  ; et  que  , dans  les  cas  les  plus  gra- 
ves , rarement  en  a-t-il  fallu  plus  de  douze  ou 
dix-huit  >*. 

«<  Nombre  des  malades  auxquels  j’ai  donné 
ce  remède  avoient  été  très-mal  pendant  quel- 
que temps , et  avoient  pris  d’autres  remèdes 
avant  de  prendre  cette  écorce  : ce  remède  passe 
ordinairement  sans  incommoder  l’estoinac  , et 
alors  les  malades  sont  communément  soulagés 
dès  la  première  prise  >*. 

« Une  expérience  constante  m’a  convaincu 
du  peu  d’efficacité  du  kinkina  donné,  soit  en 
poudre  seul , soit  en  décoction , dans  les  cas 
de  dispepsie  , ou  dans  les  affections  appellées 
maladies  nerveuses.  Rarement  convient -il  à 
l’estomac  , et  souvent  on  le  rejette  •,  c’est  pour 
cette  raison  que  j’ai  souvent  été  obligé  d’a- 
voir recours  à la  teinture  stomachique  recom- 
mandée par  le  docteur  Whyt  d’Edimbourg  , 
(Observ.  on  nervous.  diseases.  iy65.  p.328.  372) 
que  je  donne  étendue  dans  trois  fois  autant 
d’eau.  Toutefois  cette  teinture,  même  la  racine 
de  columbo , le  lignum  quassia  , et  en  un  îtiofc 
tous  les  remèdes  connus  sous  la  dénomination 
■A.’ amers  chauds  , sont  bien  loin  d’avoir  au- 
tant d’effet  que  l’écorce  d’angustura  dans  le» 


ÉCLAIRÉE,  etc.  33p 

cas  dont  je  viens  de  parler.  Cependant , dans 
les  cas  où  ces  maladies  sont  accompagnées  de 
dérangée  ens  dans  les  viscères , ce  1 emède  doit  , 
comme  tous  tes  autres  , être  sans  effet.  Néan- 
moins dans  ces  Gas  mêmes  on  peut  y compter  , si 
l’on  a soin  d administrer  les  désobstruans  avant 
de  passer  à l’usage  de  l’écorce  d’angnsture, 
sur-tout  dans  les  cas  des  eimorsemens  abdo- 
minaux.  C^est  pour  cela  cjue  souvent  je  fais 
prendre  les  remèdes  aloétiques  joints  aux  sa- 
von eux  , auxquels  je  rnêie  ordinairement  de 
petites  doses  de  calomel,  et  par  fois  de  doux 
purgatifs  , comme  la  magnésie  , la  rhubarbe  et 
l’alca  i tartarisé.  Dans  les  cas  où  j’ai  observé 
que  ce  remède  nuisoit  à l’estomac  et  causoit 
un  sentiment  de  chaleur  , j’ai  joint  à sa  dé- 
coction ou  à son  infusion  la  magnésie  calcinée 
avec  un  effet  très-avantageux.  J’ai  de  même 
employé  ce  remède  avec  un  succès  peu  ordinaire 
dans  les  coqueluches  j j’en  ai  cité  un  exemple 
très-remarquable  dans  ma  dernière  dissertation 
insérée  dans  les  faits  et  observations  de  mé- 
decine. Depuis  ce  temps,  j’en  ai  fait  usage 
dans  quatre  occasions  avec  un  succès  étonnant. 
Dans  deux  de  ces  cas  , je  n’a  vois  administré 
aucun  antre  remède  ; dans  les  deux  autres  , 
j’avois  fait  usage  , à la  manière  de  FotherghiJl  f 
de  légères  doses  d’émétiques  antimoniaux,  mais 
sans  aucun  succès.  Je  l’ai  employé  dans  ces  cas 
en  infusion  , à la  dose  d’une  cuillerée  trois. fois 
le  jour,  et  moins  pour  les  plus  jeunes  sujeis. 
Peu  de  jours  ont  suffi  pour  rétablir  ces  malades. 
Aucun  n’a  demeuré  malade  plus  de  quinze  jours 
après,  et  aucun  n’a  pris  au-delà  de  huit  onces 
du  remède.  Deux  autres  malades  en  font  usage 
actuellement  et  sont  en  train  de  guérison  33. 
« Comme  cette  écorce  tient  un  rang  distingue 


340  r a Médecine 

parmi  les  remèdes  toniques  , je  ne  serois  pas 
surpris  de  lui  voir  produire  des  effets  très- 
surprenans,  même  sous  forme  de  ciyslères.  Cela 
seroit  très-bon  à essayer  dans  les  coqueluches 
clés  en  fans  et  dans  les  autres  cas  où  on  ne  peut 
radministrer  par  ia  bouche.  La  promptitude  de 
ses  effets  , son  activité  et  une  sorte  de  propriété 
calmante  dont  elle  paroît  douée  , et  que  je  suis 
tenté  d’attribuer  à son  huile  essentielle  , très- 
analogue  au  camphre  , me  déterminent  à 
adopter  cette  opinion.  Elle  pourroit  sans  doute 
avoir  une  activité  semblable  , même  appliquée  à 
la  peau  sous  forme  de  fomentations,  mais  je 
n’ai  point  eu  occasion  de  l’employer  de  cette 
manière  , si  ce  n’est  dans  deux  cas  d’cphthalmie 
ou  inflammation  des  yeux  occasionnée  par  un 
vice  scrophuleux , et  dont  j’ai  fait  ment  on.  Je 
l’ai  encore  employée  dans  deux  cas  paieiis  avec 
un  succès  égal.  Dans  ces  cas , j’en  fais  une 
lotion,  j’y  trempe  des  linges  que  j’applique  en 
forme  de  compresses  qu’on  met  sur  la  partie, 
avant  de  se  mettre  au  lit,  et  qu’on  garde  toute 
la  nuit  Je  préfère  alors  généralement  l’infusion , 
qu’on  fait  plus  ou  moins  forte  , selon  le  cas  et 
le  degré  d’irritabilité  de  la  partie  affectée  ». 

« Comme  fébrifuge  , je  n’ai  pas  encore  pu 
comparer  suffisamment  l’action  de  ce  remède 
avec  celle  du  quinquina  ; mais  ce  que  j’ai  dit  , 
et  ce  qu’en  a écrit  M.  Brand  , doit  vous  faire 
concevoir  que  les  propriétés  de  ce  remede  doi- 
vent encourager  les  praticiens  instruits  à l’es- 
sayer. Mon  savant  et  digne  ami,  M.  Lettsom  , 
appelle  ce  remède  un  estimable  végétal , et 
m’a  assuré  dans  une  de  ses  dernières  lettres 
qu’il  se  préparoit  à publier  ses  observations  à 
ce  sujet  ». 

« En  un  mot  .,  ce  remède  paroît  être  un  sup- 


iCLÀIRKE,  etC.  341 

plément  bien  avantageux  à notre  matière  mé- 
dicale, et  je  me  flatte  que  des  expériences  bien 
faites  par  d’autres  praticiens  et  exposées  avec 
franchise,  serviront  à confirmer  ce  que  j’en  ai 
dit  et  à en  accréditer  l’usage  ». 

Nous  savons  qu’on  trouve  cette  écorce  chez 
M.  Pelletier,  apothicaire,  à Paris,  rue  Jacob. 

MÉDECINE  PRATIQUE. 

Fin  du  compte  rendu  sur  T électricité  médicale , 
par  M.  Mauduyt. 

On  a indiqué  il  y a quelques  années  l’élec- 
tricité comme  le  remède  de  l’épilepsie  , sans 
distinction  des  différentes  espèces  de  cette  ma- 
ladie ) l’assertion  à cet  égard  à été  reçue  avec 
confiance  et  accréditée  pendant  un  temps  assez 
long  , sur- tout  à Paris  , et  même  dans  tout  le 
royaume.  Cependant  , malgré  le  grand  nombre 
de  malades  qui  a été  électrisé,  la  guérison 
d’aucun  épileptique  n’a  été  évidemment  cons- 
tatée. La  faculté  de  médecine  avoit  nommé  des 
commissaires  pour  suivre  cet  objet , pour  être 
témoins  des  traitemens  : ils  ont  fait  un  pre- 
mier rapport  dans  lequel  ils  donnoient  lieu 
d’espérer  des  succès  ; ils  promettoient  d’en 
rendre  compte  et  de  les  constater  par  un  second 
rapport  5 il  n’a  pas  été  fait  : c’est  au  moins  une 
forte  présomption  que  les  succès  attendus  n’ont 
pas  eu  lieu.  Les  commissaires  nommés  par  la 
faculté  auroient-ils  négligé  dans  un  objet  si 
important  de  rendre  témoignage  des  succès 
dont  ils  auroient  été  témoins  ? S’il  y en  a eu  , 
ils  n’ont  donc  pas  été  constatés  et  dès-lors  ils 
ne  sauroient  être  comptés  ? Mais  des  phy- 
siciens qui  n’avoient  rien  annoncé  , rien  pro- 
mis , ont  employé  l’électricité  pour  traiter  des 


ç\rr 


O ) 

042 


”dés  à 

oCS. 

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o 1.  Ü £- 


La  Médecine 

épileptiques  , et  ils  se  sont  tous 
assurer  qu’ils  n’avoient  obtenu  rir 
J’ai  été  cle  ce  nombre  ; j’ai  élcc 
d’épileptiques  , quelques-uns  mêi 
temps,  je  n’en  ai  ni  guéri,  ni  même  soiè’gé 
aucun.  Les  auteurs  Anglois , même  ceux  qui 
accordent  le  plus  de  pouvoir  à l'électricité 
contre  les  maladies  nerveuses  , ne  placent  pas 
l’épilepsie  au  nombre  des  maladies  auxquel- 
les elk  remédie.  Je  crois  , et  les  faits  dont  j’ai 
été  témoin  , et  ceux  que  différens  observateurs 
ont  publiés  , assez  nombreux  pour  conclure  que 
l’électricité  n’est  point  le  remède  de  l’épilep sie  et 
qu’on  avoit  à cet  égard  des  espérances  vaines. 

Il  peut  être  arrivé  , et  il  arrivera  que  l’on 
remédie  à des  attaques  épileptiques  , sympto- 
matiques , dépendantes  d’une  cause  curable  par 
l’étectricicé  , comme  la  suppression  des  règles; 
mais  pour  l’épilepsie  essentielle  , je  ne  pense 
pas  qu’on  en  ait  guéri  et  qu’on  en  guérisse 
jamais  par  l’électricité. 


Tumeurs  , en gorgômens . 

Quelques  physiciens  pensent  que  le  souffle 
électrique  est  capable  de  dissiper  les  engorge- 
mens  , les  tumeurs  , les  obstructions;  ils  éten- 
dent la  propriété  dissolvante  du  fluide  jusqu’à 
le  regarder  comme  assez  actif  pour  fondre  et 
dissiper  lessquirres  , les  anküoses  ; iis  citent  des 
faits  à l’appui  de  leurs  assertions,  mais  ils  n’en 
fournissent  pas  de  preuves.  Ces  faits  ne  sont 
pas  énoncés  par  des  médecins  , et  la  nature 
de  la  maladie  n’avoit  pas  été  constatée  par  des 
personnes  qui  en  pussent  juger.  Il  est  donc  in- 
finiment probable  qu’on  s’est  trompé  sur  le 
caractère  du  mal , et  que  de  simples  embarras 


£ c l a i k £ e , etc.  3 43 

ont  été  pris  pour  des;  obstructions  et  des  squir- 
res  , le  gonflement  des  articulations  pour  des 
ankiloses  , etc.  Tout  le  monde  sait  que  clans 
le  squirre  , l’ankilose,  il  y a destruction  de  l’or- 
ganisation ; qu’il  ne  peut  y avoir  par  consé- 
quent de  remède  qui  rétablisse  les  fonctions 
de  la  partie  lésée  , et  les  propriétés  dissolvan- 
tes et  résolutives  de  l’électricité  ne  paroissent 
pas  avoir  d’action  au-delà  des  simples  embar- 
ras , des  empâtemens , des  congestions  , des  en- 
gorgemens  • commençans. 

Les  gonorrhées  sont  souvent  suivies  d’un 
écoulement  qui  fatigue  et  qui  est  difficile  à 
arrêter  5 le  même  accident  ou  de  fréquentes 
émissions  involontaires  de  semence  sont  sou- 
vent la  suite  funeste  de  l’onanisme  ; enfin , quel- 
ques hommes  sont  privés  de  la  faculté  virile 
ou  la  perdent  fort  jeunes  après  en  avoir  joui 
sans  cependant  en  avoir  abusé  , sans  qu’ils  se 
soient  épuisés  , et  quoiqu’ils  conservent  toutes 
les  autres  fonctions  dans  leur  intégrité. 

On  a indiqué  l’électricité  comme  un  remède 
excellent , et  dont  l’heureux  effet  ne  manque 
jamais  dans  les  cas  que  j’ai  cités.  Je  l’ai  em- 
ployée plusieurs  fois  et  elle  n’a  été  suivie  d’au- 
cun succès  , quoique  je  me  sois  appliqué  , en 
l’administrant , à suivre  la  méthode  indiquée 
par  l’auteur  qui  conseille  ce  remède.  Je  cite- 
rai un  seul  fait  en  particulier.  Un  médecin  de 
province  , homme  fort  et  bien  portant  ,âgé  de 
quarante  ans  , après  avoir  joui  de  la  faculté 
virile  , en  avoir  usé  , mais  sans  excès , jusqu’à 
l’âge  de  trente  et  quelques  années , ne  s’étant 
jamais  abandonné  à l’onanisme,  perdit  tout-à- 
coup  la  faculté  dont  il  avoit  joui,  et  depuis 
plusieurs  années  ne  s’étoit  jamais  trouvé  en  état 
d’érection  5 cependant  il  éprouvoit  des  désirs , 

Ÿ4 


344  La.  Médecine 

ou  au  moins  il  en  concevoit  en  imagination  $ 
il  étoit  attaché  d’affection  à une  personne  dont 
il  étoit  aimé  qui  pressoit  son  union  avec  lui  : 
tout  convenoit  réciproquement  dans  ce  mariage  ; 
les  sentiments  , l’âge  , la  condition,  Infortune. 
Le  futur  époux,  après  avoir  épuisé  les  res- 
sources de  la  médecine , ayant  lu  l’ouvrage 
dans  lequel  l’électricité  est  présentée  comme 
un  remède  efficace  dans  le  cas  où  ul  se  trou- 
voit  , vint  à Paris  me  consulter  , et  nous  dé- 
cidâmes d’employer  l’électricité  ; le  malade  en 
lit  usage  pendant  un  mois  , lui  et  moi  atten- 
tifs à ne  rien  omettre  des  pratiques  prescrites; 
cependant  il  n’y  eut  aucun  effet  , aucun  signe 
qui  en  pût  faire  espérer. 

O11  a mis  la  manie  et  la  mélancolie  hypo- 
condriaque au  rang  des  maladies  curables  par 
l’électricité  ; on  a traité  les  malades  par  des 
commotions  fortes  données  à travers  le  cerveau. 
On  a cité  à cet  égard  entr’ autres  l’exem- 
ple d’un  magistrat  de  province  , maniaque  , et 
d’un  religieux  à Paris  , mélancolique  hypocon- 
driaque. Le  magistrat  fut  conduit  dans  un  ac- 
cès  de  manie  à Paris  , y fut  électrisé  , recourra 
son  bon  sens  , repartit , et  arrivé  dans  sa  pro- 
vince, guérit,  y reprit  et  remplit  comme  avant  son 
accident  scs  fonctions  de  magistrature.  Le  reli- 
gieux dans  l’état  d’une  mélancolie  si  profonde 
qu’elle  le  portoit  à attenter  à ses  jours , et  lui 
rendoit  le  fardeau  de  la  vie  insupportable  , ve- 
noit  tous  les  jours  de  son  couvent  au  lieu  où 
il  étoit  électrisé  ; les  idées  sombres  qui  l’af- 
fectoient  se  dissipèrent,  et  il  fut,  dit -on, 
pleinement  gnéri.  Un  médecin  témoin  de  ces 
deux  faits  , m’en  a souvent  fait  le  récit  , et 
me  les  a cités  comme  preuves  que  la  manie  et 
la  mélancolie  hypocondriaque  sont  des  mala- 


ÉCLAIRÉE,  etC.  3 4-5 

(lies  curables  par  l’électricité.  Je  lui  objectois 
d’abord  , que  deux  faits  sur  deux  objets  dif- 
lérens  , ce  qui  les  réduit  à un  seul  fait  de  sa 
nature  , ne  forment  pas  une  preuve  : en  second 
lieu  , lui  ai-je  souvent  dit  , avant  de  tirer  des 
deux  faits  .même  une  présomption  , attendez 
quelque  temps  \ car  les  maniaques  ne  le  sont 
que  par  accès  plus  ou  moins  éloignés  , et  ils 
jouissent  dans  les  intervalles  de  toute  leur  rai- 
son comme  les  autres  hommes  ; c’est  ce  qui 
arrive  sur-tout  après  les  premières  attaques  , 
et  lorsque  la  date  de  la  maladie  est  récente  , 
cas  dans  lequel  est  le  magistrat.  Attendez  donc 
quelques  mois  , même  une  année  et  plus  , et 
s’il  n’a  pas  eu  de  récidive  , concevez  quelque 
espérance  , mais  ne  concluez  pas  avant  un  laps 
de  temps  suffisant.  Quant  au  religieux  , ne 
comptez-vous  pour  rien  la  sortie  de  son  cou- 
vent, la  traversée  de  Paris,  les  matinées  pas- 
sées dans  un  lieu  où  il  trouvoit  des  hommes 
rassemblés,  où  l’entretien  , les  objets  variés,  le 
distrayoient  et  effaçoient  les  idées  dont  il  étoit 
obsédé.  Ces  causes  seules  ne  sont  elles  pas  , in- 
dépendamment de  l’électricité,  suffisantes  pour 
changer  son  état?  Attendons  , pour  avoir  une 
opinion  à son  égard  , qu’il  soit  rentré  dans 
la  solitude  et  le  silence  de  sa  retraite.  Jecrains, 
lorsqu’il  y aura  passé  quelque  temps  , qu’il 
ne  redevienne  ce  qu’il  étoit.  Si  ma  crainte 
ne  se  vérifie  pas  , je  vous  croirai  fondé  à 
tirer  de  son  exemple  une  induction  favorable 
à futilité  probable  de  l’électricité  contre  la 
mélancolie.  Le  médecin  promit  de  suivre  l’his- 
toire des  deux  malades  , de  m’en  faire  part  , 
et  de  la  publier.  On  a parlé  dans  le  temps 
de  leur  cure  , et  depuis  il  n’en  a plus  été  ques- 
tion. Rien  ne  prouve  donc,  jusqu’à  présent , 


I 


346  La  M é d e c in  e 

que  l’électricité  soit  un  remède  contre  la  ma- 
nie et  la  mélancolie.  On  n’en  auroit  de  preu- 
ves qu’autant  qu’un  nombre  de  malades  assez 
grand  auroit  été  électrisé,  et  qu'un  temps  assez 
long  pour  confirmer  leur  guérison  se  seroit 
écoulé  depuis  la  fin  du  traitement  qu’ils  auroient 
subi. 

J’entrerois  dans  des  détails  trdp  longs  si  je 
rapportois  tous  les  maux  contre  lesquels  on  a 
pr  ésenté  l’électricité  comme  un  remède  assuré. 
Une  preuve  que  ces  assertions  étoient  sans  fon- 
dement , c’est  qu’on  a cessé  d’employer  l’élec- 
tricité contre  ces  maux;  qu’on  a , au  contraire, 
continué  d’en  faire  usnge  dans  les  cas  dans 
lesquels  elle  est  en  effet  utile.  Il  est  cepen- 
dant un  genre  de  maladie  à l’égard  duquel 
je  ne  passerai  pas  sous  silence  ce  qu’on  a 
annoncé  des  avantages  de  l’électricité  ; il  se- 
roit trop  important  de  vérifier  le  fait , de  le 
rendre  public  s’il  avoit  lieu  , pour  garder  le 
silence  et  s’en  tenir  à la  simple  probabilité 
pour  rejetter  une  annonce  si  avantageuse. 

On  lit  dans  le  traité  de  Cavallo  , que  di- 
vers électriciens  anglois  regardent  l’électricité 
comme  le  spécifique  contre  les  fièvres  inter- 
mittentes j ils  administrent  l’électricité  au  mo- 
ment du  frisson,  par  étincelles  et  par  légères 
commotions  ; ils  tirent  des  étincelles  de  toute 
la  surface  du  tronc  et  des  membres , et  font 
passer  les  commotions  en  tout  sens  à travers 
les  diverses  parties  internes.  La  séance  est 
de  quarante  à quarante-cinq  minutes.  Ils  pres- 
crivent aux  malades  de  se  mettre  immédiate- 
ment au  lit , de  prendre  une  ou  deux  tasses 
d’une  boisson  diaphorétique  , de  demeurer 
bien  couverts  sans  être  surchargés  ; il  survient 
une  sueur  abondante  , et  ce  traitement , sui- 


ÉCLAIRÉE,  etC.  û4y 

vaut  les  auteurs  qui  le  conseillent,  est  si  effi- 
cace , qu’il  est  rare  que  la  fièvre  ne  soit  pas 
dissipée  par  une  seule  séance,  et  qu’elle  ne 
résiste  jamais  à trois  séances.  Les  avantages 
inappréciables  qui  résulteraient  d’une  méthode 
si  simple  , si  facile  à pratiquer  , si  utile  con- 
tre les  diverses  espèces  de  fièvres  intermitten- 
tes , car  on  annonce  la  valeur  de  cette  mé- 
thode sans  exception  , m’ont  fait  vivement 
souhaiter,  depuis  que  j’en  ai  eu  connoissance , 
de  la  mettre  en  pratique.  La  nécessité  d’élec- 
triser pendant  le  frisson  et  de  faire  ensuite  cou- 
cher le  malade  , m’a  empêché  de  la  vérifier 
par  ma  propre  expérience  : je  n’en  ai  trouvé 
qu’une  occasion  , ce  fut  au  dépôt  de  mendi- 
cité à Saint-Denis.  Un  malade  a voit  eu  déjà 
douze  accès  de  fièvre  tierce  , il  avoit  été  traité 
méthodiquement , il  prenoit  depuis  quelques 
jours  des  apozêmes  fébrifuges  ; rien  n’annon- 
çoit  que  la  fièvre  fut  prête  à se  terminer.  M. 
Davan , Médecin  du  dépôt  et  moi  , convînmes 
que  le  malade  seroit  électrisé  lé  prochain  jour 
de  fièvre  , et  nous  recommandâmes  au  chi- 
rurgien chargé  du  traitement  électrique  d’être 
attentif  au  moment  où  le  malade  seroit  pris 
du  frisson.  Toutes  les  conditions  du  traitement 
furent  exactement  remplies  : le  malade  n’eut 
point  d’accès  pendant  les  dix  jours  suivans  ; 
mais  le  onzième  il  commit  une  imprudence 
dans  le  régime  , il  eut  une  indigestion  de  ce- 
rises dont  il  avoit  beaucoup  mangé  : dès  ce 
même  jour  la  fièvre  le  reprit  et  les  accès  se 
renouvellèrent  aux  jours  ordinaires.  Le  malade 
fut  purgé  , et  nous  lui  conseillâmes  de  rece- 
voir l’électricité  ; il  refusa  d’user  de  ce  re- 
mède , sans  donner  de  raison  valable  de  son 
refus.  Ayant  la  fièvre  , il  étoit  à l’infirmerie 


3/(8  L a M É D E C I N K 

mieux  couché  , mieux  nourri , que  rentré  dans 
les  corridors  , et  il  se  peut  qu’il  ne  crut  pas 
acheter  ce  mieux  être  par  l’état  fébrile.  Cepen- 
dant est- ce  l’ électricité  qui  avoit  suspendu  ou 
dissipé  la  fièvre  ? est-ce  l’erreur  commise  dans 
ce  régime  qui  l’a  rappellé-e  ? Il  n’y  a rien  à 
conclure  d’un  seul  fait  , et  de  celui  ci  seu- 
lement , que  le  résultat  en  a été  conforme  à l’as- 
sertion des  auteurs  anglois.  Cependant  leur  as- 
sertion date  de  près  de  dix  ans  : comment,  depuis 
ce  temps  , l’électricité  n’est-elle  pas  reconnue  en 
Angleterre  et  dans  toute  l’Europe,  pour  le  spé- 
cifique des  fièvres  intermittentes  ? Je  pense 
que  quelques  circonstances  en  ont  d’abord  im- 
posé et  qu’on  a conclu  beaucoup  trop-tôt  5 mais 
relativement  à un  objet  aussi  important  , je 
crois  qu’on  devroit  constater  la  réalité  ou  la 
fausseté  du  fait  par  la  voie  de  l’expérience. 
On  le  doit  d’autant  plus,  que  supposé  le  fait 
vrai,  il  en  résulteroit  d’inappréciables  avan- 
tages j et  que  s’il  est  faux  , il  ne  peut  y avoir 
aucun  risque  pour  les  malades  soumis  à l’ex- 
périence. 

On  sera  sans  doute  surpris  qu’après  avoir 
consacré  pendant  quinze  ans  la  plus  grande 
partie  de  mon  temps  à l’électricité  médicale, 
j’aie  à tirer  des  faits  très-nombreux  dont  j’ai  été 
témoin, un  si  petit  nornbrede  conséquences  prou- 
vées par  les  faits  et  démontrées  par  inexpérience. 
Sans  doute  on  eût  pu  faire  beaucoup  plus,  et  il 
reste  beaucoup  à faire  dans  cette  carrière  nou- 
velle. Personne  n’y  a fait  encore  que  les  premiers 
pas  : mais  en  tout  genre  de  découvertes,  d’ex- 
périences , de  connoissances  nouvelles  en  mé- 
decine, on  n’avancera  jamais,  on  ne  découvrira 
la  vérité  , on  ne  dissipera  l’erreur  , on  n’ac- 
querra des  lumières  , 011  ne  perfectionnera  la 


ÉCLAIRÉE,  etC.  349 

science  qu’autant  que  dans  un  hôpitaj , on  ad- 
ministrera les  traitemwns  nouveaux  à un  nom- 
bre déterminé  de  malades  , les  traitemens  an- 
ciens à un  nombre  égal  ; que  d’ailleurs  toutes 
les  circonstances  seront  les  mêmes  autant  qu’il 
se  pourra;  que  par  des  expériences,  que  j’ap- 
pelle contradictoires  . on  constatera  l’efficacité 
plus  grande  d’un  traitement  que  d’un  autre  , et 
qu’  autant  encore  ( car  cette  condition  est  aussi 
nécessaire)  que  l’on  pourra  constater  long-temps 
après  les  traitemens  , l’état  des  malades  pour 
s’assurer  si  les  traitemens  n’auront  point  eu 
de  suites  fâcheuses. 

Je  11’ ai  pas  été  à même  de  remplir  ces  condi- 
tions ; c’est  ce  qui  a contribué  pour  beaucoup 
à retarder  les  progrès  que  j’aurois  pu  faire. 
Ceux  qui  seront  placés  à la  tête  des  écoles 
cliniques  auront  l’avantage  d’y  satisfaire,  et, 
placés  plus  favorablement  que  moi , ils  pour- 
ront se  promettre  en  électricité  médicale  des 
succès  plus  nombreux  que  les  miens. 

PHARMACIE. 

Rectification  de  V ammoniaque  , par  JM.  V au- 

quelin. 

En  préparant  l’ammoniaque,  alca li  volatil , il 
arrive  souvent,  quand  on  travaille  sur  de  grandes 
quantités  de  maLières  , qu’une  partie  del’ainmo- 
niaque  qu’on  obtient  a une  couleur  fauve  plus 
ou  moins  intense , et  une  odeur  empyreumatique 
quelquefois  très-forte. 

De  l’ammoniaque  telle  que  celle-là  peut  bien 
servir  à la  plupart  des  usages  ordinaires  de  la 
chimie  , même  à des  expériences  de  recherches  , 
mais  elle  n’est  pas  comnterçahle , et  elle  ne  peut 


O JO  L A M E D E C I N 2 

pas  servir  aux  usages  domestiques  , et  particu- 
lièrement en  médecine. 

Il  étoit  donc  utile  de  chercher  un  moyen  de 
remédier  à cet  inconvénient  , qui  arrive  cons- 
tamment lorsqu’on  emploie  du  muriate  d’ammo- 
niaque tel  qu’il  est  dans  le  commerce  , et  lorsque 
l’on  donne  un  grand  degré  de  chaleur  sur  la  fin 
de  l'opération.  J’ai  trouvé  , parmi  plusieurs 
substances  qui  remplissent  l’obje^  proposé  , que 
la  craie  , desséchée  à une  chaleur  un  peu  forte  , 
méritoit  la  préférence  sur  les  autres  ; elle  réunit 
le  double  avantage  d’enlever  et  la  couleur  et 
l’odeur  empyreumatique  sans  rien  communiquer 
à l’ammoniaque.  Le  charbon  l’éclaircit  aussi, 
mais  il  lui  laisse  une  partie  de  son  odeur  empy- 
reumatique ; la  chaux  la  prive  de  sa  couleur  et 
de  son  odeur,  mais  il  se  dissout  une  portion  de 
cette  matière  qui  altère  la  pureté  de  l’ammo- 
niaque et  n’en  permet  pas  l’emploi  à des  expé- 
riences délicates,  et  sur- tout  pour  la  médecine; 
il  seroit  impossible  d’en  composer  de  l’eau  de 
litre  permanente. 

Les  chimistes  savent  très-bien  quelle  est  la 
cause  de  l’odeur  et  de  la  couleur  que  prend 
l’ammoniaque  dans  les  circonstances  énoncées 
plus  haut  ; c’est  une  portion  d’huile  en  partie 
décomposée  qui  reste  dans  le  muriate  d’ammo- 
niaque , et  qui  s’élève  par  la  violence  du  feu. 

Ce  moyen  pourroit  être  appliqué  avec  beau- 
coup d’avantage  pour  la  purification  de  l’ammo- 
niaque que  donnent  les  matières  animales  , et 
spécialement  l’urine,  qui  en  fournit  beaucoup, 
sur- tout  lorsqu’elle  est  altérée  ; on  n’a  pu  jusqu’à 
Ce  jour  employer  cette  ammoniaque  qu’à  faire 
du  muriate  ammoniacal , à cause  de  sa  mau- 
vaise odeur  et  d’une  légère  couleur  fauve,  qu’elle 
conserve  opiniâtrement. 


ÉCLAIRÉE,  etc.  35l 

L’ammoniaque  s’éclaircit  à la  vérité  spon- 
tanément en  quelques  semaines  ; mais  il  est  sûr 
qu’elle  ne  devient  jamais  aussi  blanche  qu’avec 
la  craie,  et  qu’il  lui  reste  toujours  une  odeur 
empyreumatique. 

Remarque  du  Rédacteurs . J’ai  déjà  dit  uü 
grand  nombre  de  fois  depuis  douze  ans  que  j’en-, 
seigne  les  différentes  sciences  médicinales  à 
Paris  , que  les  pharmaciens  ne  sauroient  trop 
acquérir  de  connoissances  chimiques  ; que  leur 
art  est  celui  de  tous  auquel  ces  connoissances 
sont  les  plus  nécessaires  , et  qu’en  revanche  la, 
chimie  pou  voit  tirer  un  très- grand  parti  des  ex- 
périences faites  dans  les  laboratoires  de  phar- 
macie , lorsque  les  hommes  qui  y travaillent 
en  posséderont  assez  l’ensemble  pour  bien  ob- 
server tous  les  phénomènes  qui  se  présentent 
sans  cesse  à eux.  Le  nouveau  procédé  qui  vient 
d’être  inséré  ici  prouve  sans  réplique  cette  asser- 
tion. M.  Vauquelin,  mon  élève  et  mon  ami  , 
un  des  chimistes  les  plus  distingués  de  la  capi- 
tale , livré  depuis  quelques  mois  à des  travaux 
pharmaceutiques  très  multipliés  , est  convaincu 
comme  moi  de  cette  importante  vérité.  Il  ne  se 
passe  pas  un  jour  sans  qu’il  trouve  l’occasion 
d’en  faire  une  utile  application.  Déjà  il  a rec- 
tifié un  assez  grand  nombre  de  procédés  dont 
une  routine  presque  aveugle  sembloit  avoir 
consacré  la  perpétuité  dans  les  laboratoires  de 
pharmacie.  On  verra  la  plus  grande  partie  de 
ces  améliorations  , de  ces  vérifications  phar- 
maceutiques dues  à M.  Vauquelin,  dans  les 
numéros  suivans.  On  y trouvera  tous  les  avan- 
tages que  la  chimie  présente  à la  pharmacie  , 
ainsi  que  la  possibilité  d’avancer  la  science 
en  faisant  des  travaux  pharmaceutiques.  Scheèle, 


3 5i  La  Médecine 

qui  à lui  seul  a fait  .plus  de  découvertes  qu’un 
grand  nombre  d’autres  chimistes,  étoit  d’abord 
un  simple  garçon  apothicaire  , et  la  plupart 
des  travaux  dont  un  seul  eût  suffi  pour  immor- 
taliser son  auteur  , ont  été  faits  pendant  un 
séjour  de  quelques  années  dans  un  laboratoire 
de  pharmacie  dont  le  propriétaire  étoit  bien 
éloigné  d’apprécier  l’homme  qu’il  possédoit 
chez  lui.  Ce  fait  doit  suffire  pdur  échauffer 
le  zèle  de  tous  les  jeunes  gens  qui  se  livrent  à 
l’étude  de  la  pharmacie  , et  pour  les  engager  à 
devenir  d’habiles  et  de  profonds  chimistes  avant 
de  former  leur  établissement. 


( N°  X 1 1.  ) 


353 


C II  I M I ;E. 

I.  Eæpèrieîices  sur  le  tartrite  d’ antimoine  et 
de  potasse  ; par  M.  Vauquelin. 

E/  n répétant  les  expériences  de-  Bergman  sur 
le  tartrite  d’antimoine  et  de  potassé  , je  les  ai 
trouvées  parfaitement  d’accord  avec  son  dis- . 
. cours  ; il  est  donc  inutile  de  les  rappeler.  Mais 
comme  il  est  rare  qu’en  répétant  des  expériences, 
en  y portant  quelque  attention,  on  n’apperçoive 
pas  quelque  phénomène  nouveau,  je  vais  faire 
connoître  ceux  qui  se  sont  présentés  pendant 
le  cours  de  ce  travail  sur  le  tartrite  d’antimoine 
et  de  potasse. 

i°.  L’ érnétiqite  le  mieux  cristallisé  , et  par 
conséquent  le  pins  pur  , rougit  constamment 
les  couleurs  bleues  des  végétaux. 

2.q.  L’acide  sulfurique  le  décompose  en  s’em- 
parant de  l’oxide  d’antimoine  , avec  lequel  il 
forme  un  sel  insoluble  qui  se  précipite  , et  en 
laissant  le  tartrite  acidulé  de  potasse  libre. 

3°.  L’acide  muriatique  le  décompose  aussi 
mais  sans  former  de  précipité  clans  la  dissolution. 

4°.  Le  carbonate  de  chaux  décompose  l’émé- 
tique j des  dissolutions  de  ces  substances  mêlées, 
ensemble  ne  laissent  appercevoir  rien  de.  sen- 
sible sur  le  champ  ; mais  au  bout  de  quelques 
heures,  il  se  forme  un  nuage  blanc  fort  épais 
qui  commence  à paroître  à la  partie  supérieure 
de  la  liqueur  ; c’est  du  tartrite  de,  clijauy.  et  du- 
carbonate  d’antimoine.  ...... 

5°.  L’acétite  de  plomb  le  décompose  5 il  se 
forme  du  tartrite  de  plomb  , et  de  l’acétite  d’an- 
timoine et  de  potasse. 

Tome  III.  JSKXII.  Zi 


354  TjA  Médecine 

6°.  M.  Berthollet  vient  de  découvrir  que  plu- 
sieurs substances  végétales,  et  en  tr’ autres  le  quin- 
quina et  la  noix  de  galles , décomposent  l’éméti- 
que. Sans  expériences  directes  sur  la  manière 
dont  se  font  ces  décompositions,  M.  Berthollet  a 
pensé  que  c’étoit  en  absorbant  une  portion  de 
l’oxigène  de  l’oxide  d’antimoine  que  les  infusions 
végétales  décomposoient  ce  sel , et  que  par  con- 
séquent l’oxide  étoit  rapproché  ded’état  métalli- 
que. Pour  vérifier  cette  assertion  , qui  paroissoit 
assez  bien  fondée,  j’ai  fait  quelques  expériences 
que  voici  : 

J’ai  précipité  une  dissolution  de  cent  grains 
d’émétique  par  la  quantité  nécessaire  d’infu- 
sion de  quinquina  ; il  en  a failli  quatre  onces 
infusées  plus  de  dix  fois  de  suite.  J’ai  mis  sur 
le  précipité  rouge  pâle  qu’on  obtint  par  cette 
opération  de  l’acide  muriatique  affoibli , et  j’ai 
obtenu  tout  l’oxide  d’antimoine  que  le  précipité 
contenoit.  Le  précipité  a pris  une  couleur  rouge 
superbe , et  il  se  ramollissoit  dans  l’eau  comme 
une  résine  ; cependant  il  ne  fondoit  point  seul 
à sec , il  se  charbonnoit  plutôt. 

La  dissolution  de  l’oxide  d’antimoine  dans 
L’acide  muriatique  s’est  faite  sans  mouvement 
et  sans  effervescence  ; ce  qui  prouve  qu’il  étoit 
contenu  dans  le  précipité  tel  qu’il  étoit  dans 
l’émétique  même  , et  qu’il  n’a  pas  changé  de 
nature  avec  l’extrait  de  quinquina.  La  liqueur 
qui  surnage  le  précipité  dont  je  viens  de 
parler  , quand  on  a saisi  exactement  les  pro- 
portions, est  claire  comme  de  l’eau,  et  ne 
contient  du  quinquina  qu’une  portion  d’ex- 
trait muqueux  légèrement  amère , mêlé  au  tar- 
trite  acidulé  de  potasse,  que  j’ai  obtenu  à part 
et  que  j’ai  reconnu  par  toutes  ses  propriétés. 
Ce  n’est  donc  que  par  une  double  attraction 


ÉCLAIRÉE,  etC.  WS. 

que  s’opère  cette  décomposition  ; savoir,  celle  de 
l’oxide  d’antimoine  pour  la  matière  végétale,  et 
cellede  la  potasse  pour  la  masse  entière  de  l’acide 
tartareux. 

Je  n’ai  point  suivi  en  détail  la  manière  dont 
se  conduit  l’infusion  de  noix  galles  sur  l’émé- 
tique , mais  je  pense  qu’elle  est  la  même  que 
celle  du  quinquina.  Je  n’ai  point  remarqué 
qu’il  se  fît  de  changement  entre  l’émétique  et 
les  infusions  de  séné  , de  follicules  , de  rhu- 
barbe , de  chicorée , de  cerfeuil  , de  poirée  r 
de  bourrache  , etc.  Je  n’en  ai  pas  remarqué 
davantage  avec  le  sulfate  de  soude  , le  nitrate 
de  potasse  et  le  sulfate  de  magnésie.  J’ai  été 
curieux  d’essayer  l’émétique  avec  toutes  ces 
choses , parce  que  c’est  avec  elles  qu’on  l’ad- 
ministre souvent  en  médecine. 

Bergman  n’ayant  point  soumis  le  tartrite 
d’antimoine  et  de  potasse  à l’action  du  feu 
dans  des  vases  clos  , j’ai  cru  devoir  le  faire  ; 
j’ai  obtenu  vingt-neuf  parties  d’acide  carboni- 
que en  gaz  , douze  d’une  liqueur  légèrement 
acide  , une  de  gaz  hydrogène  et  cinquante-huit 
de  résidu.  Les  cinquante-huit  de  résidu  étoient 
composées  de  seize  de  carbonate  de  potasse  , 
de  dix  de  charbon  et  de  trente-deux  d’oxide 
d’antimoine.  Cent  parties  d ' émétiqzce  ordinaire 
sont  donc  composées  de  trente-trois  parties 
d’oxide  d’antimoine  , treize  de  potasse  , quà- 
rante-sept  d’acide  tartareux  et  sept  d’eau. 

Cette  substance  n’a  point  fourni  d’huile,  et  les 
essais  les  plus  exacts  n’ont  pu  découvrir  de 
traces  d’ammoniaque  dans  le  produit  liquide 
de  la  distillation. 

E11  faisant  quelques  légères  suppositions  , 
cette  expérience  donneroit  à peu  près  les  pro- 
pçrtioas  dés  principes  de  l’acide  tartareux  , 

Z % 


356  La  Médecine 

ainsi  que  la  quantité  de  potasse  qu’il  demande 
pour  être  dans  l’état  de  crème  de  tartre  5 mais 
comme  ces  proportions  ne  sont  pas  encore 
exactement  établies  nous  n’en  parlerons  pas 
en  détail  ; nous  dirons  seulement  que  le  prin- 
cipe qui  y est  le  plus  abondant  est  le  carbone, 
que  l’oxigène  le  suit,  et  que  l’hydrogène  n’y  est 
qu’en  très-petite  quantité. 

L’émétique  étant  un  sel  triple /composé  d’a- 
cide tartareux  de  potasse  et  d’oxide  d’anti- 
moine , j’ai  voulu  savoir  si  en  mêlant  à une 
dissolution  d’oxide  d’antimoine  dans  la  potasse 
une  quantité  d’acide  tartareux  capable  de  sa- 
turer l’alcali  et  l’oxide  d’antimoine  , il  se  for- 
meroit  de  l’émétique  semblable  à celui  qu’on 
obtient  par  la  méthode  ordinaire  5 voici  ce 
qui  arrive  : i°„  les  liqueurs  deviennent  lai- 
teuses et  il  se  dépose  de  l’oxide  d’antimoine  , 
mais  à l’aide  de  la  chaleur  elles  s’éclaircissent 
de  nouveau  ; 20.  il  se  dépose  des  cristaux  de 
tartrite  acidulé  de  potasse  pur  et  sans  mélange 
d’antimoine  ; 3°.  il  reste  dans  la  liqueur,  après 
l’évaporation,  un  véritable  émétique  semblable 
à celui  qui  est  employé  ordinairement  en  mé- 
decine. 

Ce  tartre  stibïé  étoit  légèrement  acide  , il 
contenoit  quelques  portions  de  tartrite  acidulé 
de  potasse  ; aussi  lorsque  je  l’ai  essayé  par  la 
dissolution  du  sulfure  de  chaux  il  s’est  lait  un 
précipité  blanc  , ce  qui  auroit  pu  faire  penser 
qu’il  n’y  avoit  point  d’oxide  d’antimoine;  mais 
j’ai  découvert  qu’en  y versant  de  l’acide  mu- 
riatique le  précipité  devenoit  d’un  jaune  oran- 
gé superbe,  et  tel  que  le  donnent  ordinairement 
les  dissolutions  d’antimoine  avec  les  sulfures 
ou  le  gaz  hydrogène  sulfuré.  Comme  la  dissolu- 
tion cL’oxide  d’antimoine  dans  la  potasse  pro- 


ÉCLAIRÉE,  etc.  3 5j 

yenoit  de  l’opération  par  laquelle  on  oxide  l’an- 
timoine au  moyen  du  nitrate  de  potasse  , il  res- 
toit  dans  la  dissolution  un  peu  de  nitrite  de 
potasse  qui  a été  décomposé  par  l’acide  tar- 
fcareux  , et  l’acide  nitreux  s’est  volatilise  en  va- 
peurs. Pour  être  sur  de  cette  dissolution  d’oxide 
d’antimoine  , j’en  ai  fait  une  immédiatement 
avec  de  la  potasse  et  des  fleurs  argentines  d’an- 
timoine , c’est-à-dire  de  l’oxide  d’antimoine  fait 
par  l’action  combinée  du  calorique  et  de  l’air, 
et  j’ai  vu  qu’une  once  de  dissolution  de  potasse, 
donnant  dix-neuf  degrés,  a dissout  vingt  grains 
de  cet  oxide.  Après  i^ne  demi-heure  d’ébullition, 
j’ai  mis  dans  cette  dissolution  peu  à peu  de 
l’acide  tartareux  pur  : dans  le  premier  instant 
il  ne  s’est  rien  produit  ; une  portion  d’acide 
tartareux  de  plus  a troublé  la  dissolution  par  un 
nuage  blanc  qui  s’est  dissous  à l’aide  de  l’ébul- 
lition. Cette  combinaison  a donné  par  l’éva- 
poration des  cristaux  très-petits  , d’une  saveur 
acide  à peu  près  analogue  à celle  de  la  crème 
de  tartre  , qui  contenoient  un  peu  d’oxide 
d’antimoine  , qui  ne  se  dissolvoient  que  dans 
l’eau  simple  et  froide,  mais  qui  se  dissolvoient 
abondamment  dans  cette  même  eau  alcalisée. 
La  dernière  portion  de  cristaux  donnée  par 
l’évaporation  étoit  moins  acide  et  contenoit 
plus  d’oxide  d’antimoine  , mais  n’en  contenoit 
pas  cependant  autant  quel’ émétique.  Si  j’avois 
mis  moins  d’acide  il  auroit  été  possible  que  la 
potasse  seulement  s’unît  à l’acide  tartareux  , 
et  j’aurois  obtenu  du  tartrite  de  potasse  dans 
la  liqueur  et  de  l’oxide  d’antimoine  à part  ; 
mais  pour  cela  il  n’auroit  pas  fallu  chauffer, 
car  alors  le  tartrite  de  potasse  auroit  dissous 
l’oxide  d’antimoine  et  formé  un  émétique  par- 
ticulier et  tel  qu’pn  le  prépare  dans  cçrUÜOS 

£ 3 


358  La  Médecine 

pays  ; il  auroit  différé  seulement  par  la  petite 
quantité  d’oxide  d’antimoine.  Il  m’eût  été  pos- 
sible aussi  de  ne  produire  aucun  précipité  dans 
la  liqueur , en  n’ajoutant  pas  assez  d’acide  tar- 
tareux  pour  saturer  toute  la  potasse  $ alors  il  y 
auroit  eu  dans  la  liqueur  du  tartrite  de  potasse 
et  de  l’antim onia-te  de  potasse  : c’est  en  effet  ce 
qui  m’est  arrivé  plusieurs  fois. 

En  traitant  l’oxide  blanc  d’antimoine  par  les 
alcalis  , j’ai  remarqué  que  leur  combinaison 
étoit  d’autant  plus  rapide  que  ces  derniers 
étoient  plus  concentrés  et  plus  parfaitement 
dépouillés  d’acide  carbonique  , et  que  quand 
ils  en  étaient  entièrement  saturés  , il  n’y  avoit 
alors  aucune  action  entr’eux.  L’alcali  volatil 
ou  ammoniaque  dissout  aussi  cet  oxide  mais 
d’une  manière  moins  marquée  que  la  potasse 
et  la  soude  ; peut-être  cela  vient-il  de  ce  qu’on 
ne  peut  pas  donner  au  mélange  le  même  degré 
de  chaleur  sans  opérer  la  volatilisation  de  l’alcali. 
Quand  on  met  quelques  gouttes  de  dissolution 
de  sulfure  calcaire  dans  une  dissolution  d'oxide 
d’antimoine  par  la  potasse  , il  se  fait  un  précipité 
blanc  en  raison  sans  doute  d’une  portion  d’a- 
cide carbonique  quela  potasse  aabsorbéependant 
l’ébullition,  et  ce  seul  moyenne  rend  pas  l’oxide 
d’antimoine  sensible  , mais  si  l’on  y ajoute  de 
l’acide  muriatique  , il  se  forme  sur  le  champ 
un  précipité  jaune  orangé. 

Le  sulfure  de  potasse  n’occasionne  non  plus 
qu’un  léger  précipité  blanc , et  quelquefois 
point  du  tout,  dans  la  dissolution  d’oxide  d’an- 
timoine par  la  potasse  ; mais  si  de  même  que 
pour  le  sulfure  calcaire  et  cette  même  disso- 
lution , on  y ajoute  de  l’acide  muriatique , il  se 
fait  un  précipité  jaune  comme  le  soufre  doré 
d* 'antimoine. 


ÉCLAIRÉE;  etC.  359 

Bergman  avoit  observé  que  l’acide  tartareux 
pur  donnoit , avec  les  oxides  d’antimoine  , des 
sels  qui  étoient  très-différens  de  ceux  qu’on 
obtenoit  avec  le  tartrite  acidulé  de  potasse, et  cela 
devoit  être  puisqu’il  y a un  principe  de  moins. 
Il  a suivi  ses  essais  sur  l’oxide  d’antimoine  dans 
tous  les  états  d’oxidation  connus  , ainsi  que 
dans  quelques-unes  de  leurs  combinaisons  avec 
le  soufre  , et  il  a observé  quelques  différences  , 
comme  on  l’a  vu  plus  haut.  Je  11’ai  pas  beau- 
coup multiplié  les  expériences  sur  les  prépara- 
tions antimoniales  par  l’acide  tartareux  pur,  je 
n’ai  employé  que  l’oxide  d’antimoine  formé  par 
le  nitrate  de  potasse  et  l’oxide  d’antimoine 
sulfuré  vitreux.  J’ai  remarqué,  i°.  que  l’acide 
tartareux  ne  perd  jamais  entièrement  son  aci- 
dité dans  ces  opérations,  tels  que  soient  la  quan- 
tité d’oxide  d’antimoine  et  l’espace  de  temps 
pendant  lequel  on  le  fait  bouillir  sur  ces  subs- 
tances ; 20.  que  l’oxide  d’antimoine  sulfuré 
vitreux  est  dissous  par  cet  acide  infiniment  plus 
promptement  que  l’oxide  d’antimoine  préparé 
par  le  nitrate  de  potasse  ; qu’il  se  dissout  en 
plus  grande  quantité  , et  que  par  conséquent  il 
arrive  plus  près  du  point  de  saturation  de  l’acide 
tartareux. 

En  évaporant  ces  dissolutions  d’oxide  d’anti- 
moine dans  l’acide  tartareux  pur,  j’ai  obtenu 
par  le  refroidissement  de  la  liqueur,  comme  l’a 
annoncé  Bergman  , une  masse  blanche  gélati- 
neuse et  transparente  comme  du  cristal.  En 
continuant  de  chauffer  cette  masse , elle  se 
dessèche  en  se  boursoufflant  comme  de  l’alun 
que  l’on  calcine. 

Cet  émétique  ainsi  préparé  a une  saveur  acide 
assez  agréable  au  commencement,  et  nauséeuse 
au  bout  d’un  certain  temps. 

Z 4 


36a  La  Médecine 

Il  rougit  fortement  les  couleurs  bleues  vé- 

Fhumidité  de  l’air  et  se  convertit  en 
masse  gluante  comme  du  mucilage.  Il  faut  donc 
le  conserver  dans  des  vases  fermés.  Ce  tartrite 
d’antimoine  agit  à peu  près  de  la  même  manière 
que  l’éméticiue  ordinaire  sur  les  autres  substan- 
ces. Il  est  décomposé  par  l’acide  sulfurique  , 
par  le  carbonate  de  chaux  , par  les'  infusions 
de  quinquina  et  de  noix  de  galles. 

Lorsqu’on  y combine  en  quantité  convenable 
de  la  potassé  , il  se  forme  un  sel  parfaitement 
semblable  à celui  qui  est  préparé  avec  le  tar- 
trite  acidulé  de  potasse  et  l’oxide  d’antimoine. 

Ce  tartrite  d’antimoine  paroît  avoir  les  mêmes 
propriétés  sur  l’économie  animale  que  l’éméti- 
ue  ; j’en  ai  donné  deux  grains  dans  trois  verres 
’eau  à un  jeune  homme  de  quinze  ans  chez 
lequel  les  symptômes  de  la  petite  vérole  se  dé- 
claroient  ; il  ne  vomit  point , mais  il  fut  abon- 
damment purgé  sans  éprouver  de  nausées  ni  de 
tranchées.  Trois  grains  du  même  émétique  ad- 
ministrés à un  homme  de  quarante  ans  , qui 
avoit  l’estomac  chargé  et  qui  manquoit  d’ap- 
pétit depuis  quelque  temps  , l’ont  fait  vomir  cinq 
à six  fois , et  évacuer  par  les  selles  à-peu-près 
autant  de  fois  sans  en  être  fatigué. 

Je  crois  que  cet  émétique  auroit  de  l’avantage 
sur  l’autre  dans  les  maladies  bilieuses  et  putri- 
des ; au  reste  c’est  à l’expérience  à prouver  cette 
assertion. 

II.  Observation  sur  V argehtite  ammoniacal , 
ou  argent  fulminant ) par  M.  Fourcroy. 

Après  avoir  laissé  sécher  à l’air  et  au  soleil , 
pendant  douze  ou  quinze  heures,  le  précipité 


gétales 
Il  ati 


Eclairée,  etc.  36 1 

du  nitrate  d’argent  par  l’eau  de  chaux , en  ver- 
sant dessus  la  quantité  d’ammoniaque  néces- 
saire pour  qu’il  en  soit  recouvert  de  quelques 
lignes  , il  devient  tout  à coup  noir  ; une  partie 
se  dissout  dans  l’ammoniaque  , et  il  se  forme 
à la  surface  une  pellicule  blanche  jaunâtre,  que 
M.  Berthollet  conseille  de  séparer  d’avec  le  pié- 
cipité  lorsqu’on  décante  l’ammoniaque^  parce  que 
cette  pellicule  n’est  pas  détonante  comme  le 
précipité  , et  nuit  à sa  fulmination  : on  verra 
tout  à l’heure  que  cette  pellicule  devient  ful- 
minante en  la  gardant  quelque  temps  , et  qu’il 
faut  s’en  méfier.  La  préparation  de  l’argent 
fulminant  est  une  des  opérations  les  plus  déli- 
cates , et  qui  demande  le  plus  de  prudence  et 
d’attention.  On  ne  doit  point  mettre  l’oxide 
d’argent  avec  l’ammoniaque  dans  des  vaisseaux 
très-profonds  , qui  aient  de  petites  ouvertures , 
car  la  chaleur  augmentée,  le  frottement  le 
plus  léger,  suffisent  pour  faire  briser  ces  vais- 
seaux avec  les  plus  grands  dangers.  Les  cap- 
sules plates  de  porcelaines  ou  les  soucoupes  , 
sont  les  vaisseaux  qui  méritent  la  préférence; 
il  ne  faut  pas  dessécher  l’oxide  d’argent  am- 
moniacal dans  ces  soucoupes , car  en  voulant 
le  détacher  , il  pourroit  blesser  les  yeux  de 
l’opérateur  en  fulminant  sur  un  corps  qui 
lui  opposeroit  de  la  résistance.  Quand  après 
dix-huit  ou  vingt  heures  de  séjour  de  l’ammo- 
niaque sur  l’oxide  d’argent,  il  faut  la  décanter 
en  donnant  de  légers  mouvemens  de  rotation 
à l’oxide  ammoniacal  qui  est  au  fond  de  la 
liqueur , on  doit  en  emporter  en  entier  cet  oxide 
avec  les  dernières  gouttes  de  liqueur,  et  distri- 
buer l’espèce  de  liquide  épais  que  forme  ce  mé- 
lange sur  des  morceaux  de  papier  Joseph  ; 
celui-ci  absorde  la  portion  liquide,  et  facilita 


r a Médecine 

le  dessèchement  de  l’oxide  d’argent  ammo- 
niacal. Chaque  morceau  de  papier  ne  doit  con- 
tenir que  trois  ou  quatre  grains  de  matière , et 
il  fautfles  couvrir  d’une  cloche  de  \erre  large 
afin  de  s’en  servir  au  besoin  j il  suffit , pour 
faire  fulminer  cette  substance  , d’y  toucher  lé- 
gèrement avec  un  corps  quelconque  $ une  goutte 
d’eau  , un  grain  de  sable  , tombés  d’une  cer- 
taine hauteur  dessus  , la  font  détofiner  très-vi- 
vement. L’ammoniaque  transparente,  décantée 
de  dessus  l’oxide  d’argent,  donne  des  cristaux 
lorsqu’on  l’évapore.  Ces  cristaux  , qui  parais- 
sent être  une  sorte  d’argentite  ammoniacal , 
sont  encore  détonans  lorsqu’ils  éprouvent  une 
pression  , même  au  milieu  du  liquide  qui  les 
contient  , comme  l’a  indiqué  M.  Berthollet. 
Il  faut  se  défier  de  cette  liqueur  , ne  la  traiter 
qu’avec  précaution.  Voici  ce  que  nous  avons 
vu,  M.  Vauquelinet  moi,  sur  ce  sel.  Nous  fai- 
sions évaporer  au  Lycée  quelques  onces  de  li- 
queur ammoniacale,  décantée  de  dessus  l’argent 
fulminant,  dans  un  vase  de  verre  arrondi  placé 
sur  un  bain  de  sable  ; la  chaleur  ayant  évaporé 
la  liqueur  jusqu’à  la  formation  de  quelques  cris- 
taux , on  se  proposoit  de  retirer  la  liqueur  du 
feu,  lorsque  pendant  qu’une  autre  occiipation 
nous  appelloit  ailleurs  , il  se  fit  entendre  un 
bruit  considérable,  le  vase  se  brisa  en  morceaux 
qui  furent  lancés  à plus  de  quinze  pieds  du  four- 
neau ; ces  fragmens  présentoient  à leur  sur- 
face, un  enduit  d’argent  d’un  poli  aussi  vif  que 
si  on  l’avoit  frotté  avec  un  brunissoir.  Les 
cristaux  que  l’on  obtient  par  l’évaporation  de 
l’argentite  ammoniacal  sont  blancs  et  transpa- 
rens,  mais  ils  noircissent  promptement  lorsqu’on 
les  expose  à la  lumière  , et  ils  deviennent  en 
même  temps  beaucoup  plus  fulminans  qu’ils 


éclairée,  etc.  363 

n’étoient  sous  la  forme  cristalline  et  trans- 
parente. 

La  pellicule  qui  se  forme  à la  surface  de  l'am- 
moniaque , versée  sur  l’oxide  d’argent,  et  que 
M.  Berthollet  conseille  de  séparer  comme  non. 
fulminante  , afin  qu’elle  ne  nuise  point  à la 
fulmination  de  la  poudre , acquiert  la  pro- 
priété détonante  au  bout  de  quelque  temps. 
M.  Vauquelin  en  a fait  l’expérience  d’une  ma- 
nière cruelle,  et  dont  il  a failli  d’être  la  victime 
dans  mon  laboratoire,  bn  préparant  de  l’oxide 
d’argent  ammoniacal  , il  avoit  mis  à part,  dans 
un  verre  conique  , la  pellicule  qui  pouvoit 
nuire  à la  pureté  de  cette  préparation.  Ce  verre 
étant  resté  environ  deux  mois  sur  une  tablette 
dans  le  laboratoire,  M.  Vauquelin  en  ayant 
besoin  pour  une  autre  expérience  , il  voulut  en- 
lever la  poudre*  noire  qu’il  contenoit  , ne  se  sou- 
venant plus  de  ce  qu’elle  étoitj  ayant  pris  le  pied 
du  vase  dans  sa  main  gauche,  il  porta  un  doigt 
de  la  droite  sur  cette  poudre  noire  pour  recon- 
noitre  si  elle  adhéroit  au  verre,  et  si  ellepourroit 
etre  enlevée  facilement  : la  pression  qu’il  exerça 
Jantal  instant  fulminer  avec  une  violence  ex- 
trême; le  verre  fut  réduit  en  grains  et  lancé  de  tous 
cotés,  un  grand  nombre  de  ces  morceaux  percè- 
rent les  mains  de  M.  Vauquelin  et  lui  sautèrent 
dans  les  yeux  ; il  éprouva  une  douleur  et  une 
cuisson  si  fortes  dans  ces  organes  qu’il  crut  les 
avoir  crévés  ; il  fut  quelques  minutes  sans  voir 
clair  heureusement  qu’ils  ne  furent  affectés 
que  d’une  inflammation  qui  dura  quelques  jours. 
Le  bruit  de  cette  détonation  fut  si  considérable 
que  M.  Vauquelin  resta  sourd  pendant  plus  de 
trois  heures  ; la  main  qui  tenoit  le  pied  du  verre 
fut  frappée  d’une  commotion  telle  qu’elle  fut 
presque  impotente  pendant  plusieurs  jours.  Cette 


364  i a M É D E C I N E 

commotion  s’étendit  à de  grandes  distances  dans 
le  laboratoire  , des  vases  de  verre  placés  à plus 
de  vingt  pieds  du  lieu  ou  la  fulmination  s’o- 
péra furent  renversés.  Il  n’y  avoit  cependant  que 
quatre  ou  cinq  grains  de  matière  dans  le  verre 
qui  causa  ce  fracas  ; qu’on  juge  d’après  cela  de 
l’horrible  accident  qui  auroit  pu  arriver  si 
ce  vase  eût  contenu  quelques  gros  de  ma- 
tière , comme  cela  n’auroit  pas  manqué  d’avoir 
lieu,  si  j’avois  fait  évaporer  à la  manière  accou- 
tumée une  quantité  assez  considérable  de  nitrate 
d’argent  et  d’ammoniaque  que  je  conservois  de- 
puis quelques  années 5 aussi  je  me  suis  hâté 
de  décomposer  cette  dissolution  par  l’alcali 
fixe.  On  doit  être  prévenu  de  ces  dangereuses 
expériences,  pour  se  méfier  toujours  des  mé- 
langes d’ammoniaque  et  d’oxide  d’argent.  Il 
faudra  ne  préparer  l’argent  fulminant  qu’à  pe- 
tites doses  et  avec  les  plus  grandes  précautions; 
il  est  toujours  indispensable  de  ne  rien  garder 
de  ces  préparations,  de  les  employer  à mesure 
qu’elles  sont  faites  , de  ne  les  faire  qu’à  des 
doses  modérées,  et  de  laver  sur  le  champ,  à 
grande  eau,  tous  les  vases  qui  y servent,  enfin 
de  ne  pas  conserver  dans  ces  vaisseaux  de  verre 
les  différens  produits  qu’on  en  obtient,  et  sur- 
tout les  pellicules  , regardées  jusqu’à  présent 
comme  non  fulminantes,  qui  se  forment  à la 
surface  de  1’, ammoniaque  tenant  de  l’oxide  d’ar- 
gent en  dissolution. 

Le  sel  qui  résulte  de  l’évaporation  de  l’ammo- 
niaque décantée  de  dessus  i’oxide  d’argent  am- 
monical  que  Bergman  avoit  indiquée  , qui  cris- 
tallise régulièrement  et  qui  lui  même  est  tres- 
fnl minant , comme  on  l’a  dit  plus  haut,  pa- 
roît  être  un  composé  d’ammoniaque  et  d’oxide 
d’argent,  clans  lequel  cet  oxide  fait  fonction 


éclairée,  etc*  3 65 

d’acide  , comme  M.  Eerthollet  l’a  pensé  de  plu- 
sieurs oxides  métalliques  , et  en  particulier  de 
ceux  d’antimoine  et  de  plomb  ; ainsi,  on  pour- 
roit  nommer  ce  sel  argentate  ammoniacal^  ce- 
pendant l’oxide  d’argent  se  rapprochant  da- 
vantage des  acides  foibîes,  il  vaudrait  mieux 
peut-être  le  désigner  par  la  dénomination  d’ar- 
gentite  ammoniacal , d’après  les  principes  de 
nomenclature  établis  dans  nos  ouvrages  sur 
cet  objet.  On  peut  soupçonner  aussi  que  cet  ar- 
gent ite  d’ammoniaque  contient  une  certaine 
quantité  de  nitrate  d’ammoniaque  , puisqu’il 
est  bien  prouvé  qu’en  agissant  sur  l’oxide  d’ar- 
gent, et  en  se  décomposant,  l’ammoniaque 
laisse  une  portion  d’azote  libre  , qui  peut  se 
combiner  avec  l’oxigène;  cependant  il  n’ÿ  a 
pas  encore  de  preuves  positives  de  la  présence 
du  nitrate  d’ammoniaque  dans  i’argentite  am- 
moniacal. 


JEx amen  d’une  liqueur  trouvé e dans  la  vésicule 
du  fiel  d'un  homme  ; par  MM.  Vauquelin 
• et  Èourcroy. 

Cette  liqueur  a voit  une  couleur  jaunâtre',  une 
odeur  analogue  à celle  du  gaz  hydrogène  sul- 
furé, une  saveur  fade  et  nauséeuse.  Elle  mous- 
soit  par  l’agitation  comme  une  dissolution  de 
gomme  ; elle  verdissait  légèrement  la  teinture  de 
violettes , et  elle  troubloit  un  peu  l’eau  de  chaux. 

Les  acides  concentrés  et  l’alcool  en  sépa- 
roient  une  matière  blanche  floconneuse  ; la 
chaleur  produisoit  les  mêmes  effets. 

Quatre  onces  de  cette  liqueur,  chauffées  jus- 
qu’à l’ébullition , ont  déposé  une  matière  blan- 
che jaunâtre,  qui  séchée  pesoit  quatre  grains. 
La  liqueur  claire  réduite  au  huitième  de  son. 


3 66  La  Médecine 

volume  primitif  , n’a  point  donné  de  gelée 
par  le  refroidissement  ; cependant , l’alcool  en 
séparoit  une  matière  blanche,  qui  se  dissolvoit 
en  grande  partie  dans  l’eau  froide.  Ces  floccons 
séparés  ainsi  par  l’alcool.,  séchés,  pesoient  six 
grains.  L’alcool  avoit  pris  une  couleur  jaune 
dans  cette  opération  ; il  a laissé  , après  l’évapo- 
ration, neuf  grains  d’une  matière  jaune  brune, 
qui  avoit  une  saveur  salée,  assez  ^semblable  à 
celle  de  l’extrait  de  viande.  Cette  matière,  mê- 
lée avec  l’acide  sulfurique  , a répandu  quelques 
vapeurs  d’acide  muriatique  ; la  chaux  n’en  a 
point  dégagé  d’ammoniaque  $ elle  troubloit  un 
peu  l’eau  de  chaux  et  précipitoit  le  nitrate 
d’argent  en  le  décomposant  : ce  précipité  pe- 
soit  douze  grains. 

On  voit,  par  ces  expériences,  que  la  liqueur 
de  la  vésicule  ne  contenoit  que  très-peu  de  ma- 
tière en  dissolution , puisque  sur  quatre  onces 
on  n’a  obtenu  que  dix-neuf  grains  de  résidu , 
composés  à peu  près  de  quatre  grains  d’albu- 
mine , six  grains  de  gélatine  , quatre  grains  de 
muriate  de  soude , un  peu  de  phosphate  de 
soude,  de  soude  libre,  et  deux  grains  de  ma- 
tière extractive. 

Il  ne  faut  pas  regarder  ces  estimations  comme 
bien  rigoureuses,  car  elles  n’ont  pu  être  faites 
que  sur  le  poids  des  précipités,  et  la  gélatine 
étoit  mêlée  d'une  portion  d’albumine  qui  rcs- 
toit  en  dissolution  dans  l’eau  , malgré  l’ébul- 
lition , et  qui  a été  précipitée  par  l’alcool  ; 
le  muriate  d’argent  étoit  mêlé  d’un  peu  de 
phosphate  d’argent  et  d’oxide  d’argent. 

On  auroit  pu  approcher , avec  du  temps , 
plus  près  de  la  vraie  quantité  des  matières 
contenues  dans  la  liqueur  de  la  vésicule,  mais 
comme  on  a pensé  que  cela  ne  serviroit  4 


ÉCLAIRÉE,  etc.  3 6j 

rien  pour  l’avancement  de  la  Physiologie  , on 
n’y  a pas  insisté. 

La  .vésicule  contenoit  cinq  onces  trois  gros 
de  cette  liqueur.  Le  canal  cystique  étoit  obstrué 
par  une  pierre  biliaire , dans  le  point  où.  il  se 
réunit  au  canal  hépatique  , ensorte  que  cet  obs- 
tacle empêchoit  l’écoulement  de  la  bile,  soit 
dans  la  vésicule,  soit  dans  le  duodénum. 

Il  seroit  bien  intéressant  pour  les  médecins, 
de  déterminer  ce  que  devient  la  soude  , l’un  des 
principes  de  la  bile  , et  quel  changement  éprouve 
l’autre  principe  huileux  dans  la  formation  des 
pierres  biliaires. 

Il  arrive  presque  toujours  qu’ après  la  for- 
mation des  pierres  biliaires  volumineuses  dans 
la  vésicule  du  fiel,  la  bile  ne  pouvant  plus  couler 
dans  ce  réservoir  , il  s’y  sépare  peu  à peu  un 
liquide  blanc  albumineux,  fort  différent  de  la 
bile  , qui  n’en  a ni  la  couleur , ni  la  saveur , 
ni  aucune  des  propriétés  : dans  ce  cas,  le  foie 
ne  peut  plus  séparer  de  bile,  ses  couloirs,  ses 
vaisseaux  s’engorgent  de  proche  en  proche  , 
l’engorgement  gagne  les  autres  viscères,  et  le 
mal  devient  enfin  absolument  incurable:  il  fau- 
droitconnoître  l’état  du  parenchyme  du  foie 
dans  ces  affections  ; nous  chercherons  à acqué- 
rir cette  connoissance  à la  première  occasion, 
et  nous  en  ferons  part  à nos  lecteurs. 

MATIÈRE  MÉDICALE 

ET  MÉDECINE  PRATIQUE. 

Sur  les  propriétés  médicinales  du  muriate  de 
baryte  ; par  M.  Crawford  , ( Médical  com- 
munications , vol.  2.  ). 

Le  muriate  de  baryte  quand  il  est  parfai- 
ment  neutralisé  a un  goût  amer  ; mais  celui 


368  La  Médecine 

dont  M.  Crawford  s’est  servi  dans  ses  expé- 
riences contenoit  un  peu  d’excès  d’acide  , ce 
qui  faisoit  disparcître  l’amertume  en  grande 
partie  ; et  sa  saveur  se  rapprpchoit  de  celle 
du  sel  ordinaire  de  cuisine.  E11  faisant  dis- 
soudre une  petite  quantité  de  muriate  de  ba- 
ryte dans  l’eau,  et  en  prenant  à l’intérieur 
un  peu  de  cette  dissolution  , 011  éprouve  dans 
l’estomac  une  agréable  sensation  1 de  chaleur. 
M.  Crawford  crut  devoir  présumer , d’après  les 
qualités  sensibles  du  muriate  de  baryte  , qu’il 
seroit  utile  de  l’essayer  dans  plusieurs  maladies 
qui  résistent  aux.  moyens  ordinaires  , comme 
les  tumeurs  scropliuleuses  , squireuses , et  les 
tumeurs  blanches  des  articulations.  Voici  quel- 
ques résultats  qu’à  donnés  l’expérience  dans 
l’hôpital  de  Saint-Thomas  à Londres. 

Henri  Thompson  , âgé  de  onze  ans  , fut  con- 
duit à cet  hôpital  en  1788  \ on  lui  avoit  fait 
l’année  précédente  l’opération  de  la  listule  à 
l’anus  , et  après  avoir  été  parfaitement  guéri 
et  avoir  joui  d’une  bonne  santé  pendant  le  cours 
d’une  année  , il  eut  un  léger  retour  de  cette 
maladie  qui  se  dissipa  cependant  sans  prendre 
aucun  remède  \ mais  vers  la  même  époque  il 
se  forma  une  tumeur  douloureuse  à la  malléole 
interne  du  pied  gauche  , et  le  jeune  malade 
éprouva  un  dépérissement  manifeste.  O11  ap- 
pliqua pendant  une  quinzaine  de  jours  des 
topiques  5 mais  comme  la  tumeur  ne  parois- 
soit  point  disposée  à suppurer,  M.  Crawford  pro- 
scrivit durantîa  première  semaine  dumoisde mai, 
depuis  quatre  jusqu’à  six  gouttes  d’une  solution 
de  muriate  de  baryte  deux  fois  le  jour.  L’u- 
sage de  ce  médicament  augmenta  immédiate- 
ment son  appétit  en  rétablissant  sa  santé , l'é- 
coulement de  l’urine  fut  augmenté , la  douleur 


ÉCLAIR  i R,  etc.  3o0 

de  la  jambe  diminua  , la  tumeur  s’ouvrit  en 
divers  endroits  , et  il  en  sortit  une  matière  lym- 
phatique. Après  avoir  persisté  dans  l’usage  de 
ces  médicamens  jusqu’à  la  fin  de  juin , toutes  les 
plaies  se  cicatrisèrent,  et  le  jeune  homme  sortit 
de  l’hôpital  bien  guéri. 

Jacques  Heskit,  âgé  de  douze  atis , fut  aussi  . 
reçu  dans  le  même  hôpital  le  i3  mai  1789.  Il 
avoit  éprouvé  , depuis  plusieurs  mois,  des  tu- 
meurs dans  les  glandes  lymphatiques  du  cou  $ 
-quelques  unes  même  avoient  suppuré , avec  écou- 
lement d’une  matière  ténue  1 sa  santé  à d’autres 
égards  se  maintenoit.  On  lui  prescrivit  depuis 
trois  jusqu’à  six  gouttes  de  la  solution  de  mu» 
riate  de  baryte  deux  fois  le  jour.  Ce  médica- 
ment rendit  l’urine  beaucoup  plus  abondante  s 
dans  peu  de  temps  les  tumeurs  devinrent  plus 
molles  et  diminuèrent  de  volume  , les  ulcères 
se  cicatrisèrent , et  au  bout  de  six  semaines 
le  jeune  homme  se  retira  bien  guéri. 

Elizabeth  Paradise,  âgée  de  vingt-deux  ans, 
fut  attaquée  au  mois  de  novembre  , sans  aucune 
cause  connue  , d’une  douleur  vive  au  genou  gau- 
che à laquelle  succéda  aussi-tôt  une  tumeur 
qui  environnoit  d’une  manière  uniforme  la  join- 
ture. Lorsque  la  malade  entra  à l’hôpital , cette 
tumeur  étoit  presque  de  la  grosseur  de  la  tête  ; 
elle  étoit  douloureuse  et  dans  un  état  de  ten- 
sion : sa  santé  paroissoit  en  souffrir  beaucoup  | 
son  pouls  étoit  fort  et  accéléré  , elle  éprouvoit 
des  nausées  , une  perte  totale  de  l’appétit , des 
frissons  par  intervalles,  et  des  sueurs  nocturnes. 
Aussi  - tôt  après  son  entrée  dans  l’hôpital  , 
011  avoit  appliqué  un  séton  au  genou  , ce  qui 
, avoit  diminué  beaucoup  le  gonflement , mais 
la  douleur  étoit  toujours  la  même.  Le  2,  mai 
*789  son  genou  étoit  encore  très-enflé  et  très* 

Tome  UL  XII.  Ai 


370  i-  à Médecin* 

douloureux  ; on  lui  prescrivit  depuis  quatre 
jusqu’à  dix  gouttes  d’une  solution  de  muriate 
de  baryte  deux  fois  le  jour.  Ce  médicament 
fut  continué  jusqu’au  19  mai  $ mais  les  symp- 
tômes n’étant  point  diminués,  quoique  l’excré- 
tion de  l’urine  eût  été  augmentée  , et  étant 
survenu  une  diarrhée  , on  fut  obligé  d’inter- 
rompre le  traitement.  On  appliqua  deux  sang- 
sues au  genou  , et  on  prescrivit  une  mixture 
d’eau  de  menthe,  d’esprit  d^  lavande  , et  de 
racine  de  Colombo  en  poudre  ; ces  remèdes 
diminuèrent,  la  douleur  d’estomac  et  la  diar- 
rhée , mais  comme  il  n’y  avoit  point  de  chan- 
gement dans  les  antres  symptômes  , on  pres- 
crivit le  10  juin  la  diète  lactée  de  deux  jours 
l’un.  On  apperçut  bientôt  un  rétablissement 
marqué  de  l’état  de  santé. 

O11  reprit  donc  le  2 5 juin  l’usage  du  mu- 
riate  de  baryte  , à la  dose  de  huit  gouttes  deux 
fois  le  jour.  Le  10  juillet  il  parut  que  la  diar- 
rhée et  la  douleur  avoient  cessé  , que  l’appé- 
tit étoit  bon  et  le  pouls  naturel  5 les  frissons 
et  les  sueurs  nocturnes  avoient  aussi  disparu  en 
grande  partie  5 la  malade  éprouvoit  aussi  un 
peu  de  soulagement  dans  sa  maladie  du  genou, 
et  l’excrétion  de  l’urine  avoit  été  beaucoup 
augmentée  depuis  la  reprise  de  l’usage  du  mu- 
riate de  baryte.  Le  14  de  juillet  on  réduisit 
entièrement  la  malade  à la  diète  lactée  ; le 
reste  du  mois  le  rétablissement  de  la  santé  fit 
des  progrès  , et  le  genou  gauche  fut  réduit  à 
n’avoir  pas  plus  de  volume  que  le  droit.  Vers 
le  20  du  même  mois  la  douleur  avoit  disparu  ; 
mais  elle  reparut  de  nouveau  à la  fin  du  mois. 
Ce  changement  sernbloit  provenir  de  l’admi- 
nistration du  quinquina,  qu’on  donnoit  conjoin- 
tement ayec  la  solution  de  baryte.  On  perse- 


éclairée,  etc.'  371 

véra  dans  l’usage  de  ces  remèdes  jusqu’au  19 
août , et  la  malade  sortit  de  l’hôpital  entière- 
ment exempte  de  tout  symptôme , exceptéqu’elle 
éprouvoit  une  certaine  foiblesse  dans  le  genou 
primitivement  affecté. 

M.  Crawford  considère  cette  affection  comme 
d’une  nature  scrophuleuse.  Si  le  muriate  de 
baryte  n’a  pas  bien  réussi  au  commencement 
de  ce  traitement  , ce  médecin  l’attribue  à la 
trop  grande  irritabilité  qui  régnoit  alors  dans 
toute  l’habitude  du  corps  , et  à une  sorte 
d’augmentation  de  force  du  système  vasculaire  j 
c’est  ce  qui  lui  a fait  avoir  recours  à la  diète 
lactée  , pour  diminuer  cet  état  général  d’irri- 
tation , et  ce  n’a  été  qu’après  que  tous  les 
symptômes  inflammatoires  ont  été  beaucoup  di- 
minués , que  le  muriate  de  baryte  a obtenu 
les  effets  tant  désirés. 

Barnabé  Nash  , âgé  de  vingt-quatre  ans  , fut 
reçu  à l’hôpital  le  i5  mai  1789  : il  avoit  éprouvé 
le  2.4  du  mois  précédent  des  frissons  auxquels 
avoient  succédé  de  la  chaleur  et  des  douleurs 
vives  dans  les  membres.  Le  lendemain  matin 
la  douleur  s’étoit  fixée  au  genou  gauche  , qui 
avoit  pris  un  volume  double  de  son  état  na- 
turel. Quand  il  fut  reçu  à l’hôpital  , il  se  plai- 
gnoit  de  vertiges , d’une  douleur  d’estomac  , 
d’une  perte  de  l’appétit , de  sueurs  nocturnes, 
d’un  accroissement  de  chaleur  , et  d’une  grande 
soif  5 il  étoit  dans  un  état  de  dépérissement  , 
son  pouls  étoit  fréquent  et  dur  , son  genou  très- 
enflammé  et  d’une  couleur  rouge  pourprée  : la 
douleur  étoit  si  vive  que  le  malade  ne  pouvoit 
goûter  un  moment  de  sommeil . On  lui  fit  pren- 
dre d’abord  huit  gouttes  de  muriate  de  baryte 
deux  fois  le  jour  , et  on  appliqua  des  cata- 
plasmes et  des  fomentations  sur  le  genou,  et 

Aaa 


3^2  La  Médecine 

bientôt  après  on  lit  succéder  à ces  topiques  un 
emplâtre  de  savon.  Ce  traitement  rendit  l’ex- 
crétion de  Turine  beaucoup  plus  abondante  $ 
mais  il  n’y  eut  point  de  diminution  des  symp- 
tômes durant  la  première  quinzaine  : à cette 
époque  , la  douleur  du  genou  diminua  ; la 
douleur  d’estomac,  la  soif , la  fréquence  du 
pouls  , les  vertiges  diminuèrent  aussi  graduel- 
lement , et  le  sommeil  et  l’appétit  se  rétablirent. 

Le  3o  mai  on  porta  la  dose  du  remède  jus- 
qu’à douze  gouttes  deux  fois  par  jour  ; et  vers 
le  milieu  de  juin  , comme  il  y avoit  encore  un 
peu  de  douleur  dans  le  genou , on  lui  fit  pren- 
dre chaque  soir  une  pillule  d’un  grain  de  calo- 
melas  et  d’autant  de  soufre  précipité  d’anti- 
moine. L’ayant  examiné  le  3 août  , il  parut 
que  l’inflammation  du  genou  avoit  cessé , qu’il 
n’y  avoit  plus  de  douleur  , excepté  quelques 
élancemens  pendant  la  nuit  ; que  cette  partie 
étoit  encore  plus  volumineuse  que  la  corres- 
pondante , quoiqu’elle  le  fût  beaucoup  moins 
qu’elle  l’étoit  auparavant  ; le  pouls  étoit  na- 
turel , l’appétit  bon , l’excrétion  de  l’urine  con- 
tinua à etre  augmentée.  Le  11  août  l’enflure 
du  genou  avoit  presqu’entièrement  disparu,  et 
le  malade  avoit  presqu’entièrement  repris  l’u- 
sage libre  de  la  jambe.  Le  17  septembre  il  sortit 
de  l’hôpital  , ne  ressentant  plus  qu’un  peu  de 
foiblesse  dans  le  genou.  On  l’invita  à continuer 
l’usage  du  remède  pendant  quelque  temps. 

Le  muriate  de  baryte  paroît  avoir  agi  dans 
toutes  les  affections  scrophuleuses  avec  un  degré 
rare  de  force  et  d’efficacité.  Ce  remède  semble 
agir  à titre  d’évacuant , de  désobstruant  et  de 
tonique.  Les  vertiges  qu’il  produit,  quoique  rare- 
ment , peuvent  tenir  aux  nausées  qu’il  excite  quel- 
quefois. Il  n’y  a pas  de  doute  qu’un  remède  aussi 


ÉCLAIRÉE,  etC.  3/3 

énergique  ne  produisît  des  effets  fâcheux  s’il  n’é- 
toit  administré  avec  prudence.  En  le  répétant  fré- 
quemment, à de  fortes  doses,  il  diminue  l’appétit 
en  excitant  constamment  des  nausées , et  il  se- 
roit  par  conséquent  dangereux  à une  plus  forte 
dose , en  ce  qu’il  pourrait  exciter  des  symptômes 
nerveux  , et  agir  même  comme  émétique  et 
comme  purgatif.  Il  paraît  avoir  produit  des 
effets  remarquables  dans  des  cas  de  squirre  ou 
de  cancer  occulte.  Il  étoit  survenu  à un  homme 
de  trente  - cinq  ans,  dans  une  des  glandes 
mammaires,  une  tumeur  de  la  grosseur  d’une 
noix.  Cette  tumeur  étoit  accompagnée  d’une 
douleur  aiguë  qui  s’étendoit  dans  tout  le  ster- 
num -y  elle  n’étoit  ni  rouge  ni  enflammée.  On 
donna  d’abord  des  pillules  d’un  grain  de  mer- 
cure doux , d’un  quart  de  grain  de  tartre  émé- 
tique , et  d’un  demi-grain  d’opium  deux  fois  le 
jour,  en  appliquant  un  emplâtre  de  savon  sur 
la  tumeur  5 mais  le  tout  fut  sans  succès.  On  fit 
cesser  les  pillules  après  un  mois  de  leur  usage  * 
pour  leur  substituer  la  solution  de  muriate  de 
baryte  à la  dose  de  quatre  gouttes  dans  une  tasse 
d’eau  pure  deux  fois  le  jour  ; 011  augmenta  gra- 
duellement jusqu’à  huit  gouttes  5 et  comme  au- 
delà  le  remède  causoit  des  nausées  , on  s’arrêta 
à l’usage  de  cette  dose.  L’appétit  devint  meilleur 
ainsi  que  l’état  général  de  la  santé.  Dans  peu  de 
jours  la  douleur  de  la  poitrine  cessa  entière- 
ment, et  dans  le  courant  de  la  quinzaine  , la 
tumeur  fut  complètement  dissipée.  Le  malade 
continua  encore  pendant  quelques  semaines 
l’usage  du  remède  , et  il  sortit  de  l’hôpital  : 
quelque  temps  après,  la  douleur  et  la  tumeur 
reparurent,  et  on  les  fit  disparaître  de  la  mémo 
manière. 


A a S 


374  La.  Médecin* 

j Remarques  chimiques  sur  le  muriale  de 

baryte. 

Le  muriate  de  baryte  peut  se  trouver  dans 
un  état  de  pureté  , ou  bien  combiné  avec  une 
très -petite  quantité  de  fer.  Les  constitutions 
sont  si  diversifiées  qu’il  peut  y avoir  plusieurs 
cas  dans  lesquels  la  combinaison  de  l’acide 
muriatique  , avec  un  peu  de  fer  et  de  terre  pe- 
sante ou  baryte  , peut  avoir  des  effets  plus  sa- 
lutaires que  le  muriatique  barytique  dans  son 
plus  grand  degré  de  pureté.  D’après  les  essais 
qu’on  a faits , il  paroît  que  le  muriate  de  ba- 
ryte simple  est  particulièrement  adopté  pour 
remédier  à la  diathèse  scrophuleuse  -,  mais 
lorsque  cette  diathèse  est  accompagnée  d’une 
grande  foiblesse  et  d’une  circulation  peu  éner- 
gique , l’efficacité  du  muriate  barytique  avec 
un  peu  de  fer  , ou  d’une  combinaison  de  mu- 
riate de  fer  avec  le  muriate  de  baryte  , est  plus 
marquée.  Mais  pour  répandre  de  nouvelles  lu- 
mières sur  cet  objet , il  importe  de  faire  encore 
plusieurs  expériences.  Pour  donner  une  nou- 
velle facilité  aux  médecins  de  les  faire  , deux 
pharmaciens  de  Londres , MM.  Pike  etCrawford , 
dans  la  rue  Leadenhallstréet , n°.  66  , se  char- 
gent de  préparer  ces  deux  sortes  de  sels  ; et  à 
Paris  , M.  Pelletier  , dans  l’ancienne  pharmacie 
de  Rouelle  rue  Jacob.  Dans  les  cas  où  le  mé- 
decin veut  employer  le  sel  barytique  composé, 
on  prend  un  gros  d’une  solution  saturée  de  mu- 
riate de  fer  et  une  once  d’une  solution  saturée 
de  muriate  de  baryte. 

Il  est  bon  d’observer  que  la  plupart  des  miné- 
raux d’où  on  tire  la  terre  pesante  ou  barytique  > 
contiennent  une  plus  ou  moins  grande  propor- 


ÉCLAIRÉE,  etC.  375 

tion  de  plomb  dans  leur  composition  ; quelques- 
uns  contiennent  aussi  un  alliage  de  cuivre.  M. 
Crawford  dit  même  avoir  plusieurs  échantillons 
de  carbonate  de  baryte  , qui  contiennent  des 
ramifications  de  mispikel  , qu’on  fait  consister 
dans  du  fer  minéralisé  par  l’arsenic.  Il  faut  donc 
user  de  la  plus  grande  précaution  pour  obte- 
nir le  sel  barytique  parfaitement  libre  de  toutes 
les  substances  qui  pourroient  le  convertir  en  un 
poison  virulent.  Voici  des  moyens  pour  déter- 
miner sa  pureté. 

La  solution  du  muriate  barytique  dans  l’eau 
doit  être  parfaitement  transparente  et  sans  cou- 
leur. Si  elle  a une  teinte  verdâtre  oul^ jaunâtre  , 
elle  contient  certainement  du  muriate  de  fer  , 
et  peut-être  aussi  d’autres  sels  ou  oxides  métal- 
liques. Le  défaut  de  couleur  ne  doit  pas  cepen- 
dant rassurer  parfaitement , car  la  solution 
du  muriate  de  plomb  est  sans  couleur  , et  M. 
Crawford  dit  avoir  découvert  quelquefois  uire 
certaine  quantité  de  fer  dans  une  solution  déco- 
lorée de  muriate-  de  baryte.  La  présence  du  fer 
peut  être  facilement  constatée  avec  le  prussiate 
d’alcali  car  , si  la  solution  contient  du  fer  , une 
petite  quantité  de  ce  prussiate  qu’on  y versera 
donnera  un  précipité  d’une  couleur  foncée  ; mais 
s’il  ne  contient  que  du  muriate  barytique,  le  pré- 
cipité par  le  prussiate  d’alcali  donnera  àla  liqueur 
un  coup  d’œil  d’un  blanc  jaunâtre  , et  ce  préci- 
pité, quelque  temps  après  qu’il  aura  été  formé  * 
sera  d’une  blancheur  parfaite. 

Le  plomb  peut  être  découvert  au  moyen  d’une 
solution  de  foie  de  soufre  ou  sulfure  d’alcali  $ 
car  une  petite  quantité  de  cette  solution  étant 
versée  dans  la  liqueur  qu’on  desire  éprouver  , 
si  celle-ci  contient  du  plomb  , il  se  formera  un 
précipité  brunâtre  qui , après  quelque  temps  de 

A a 4 


La  Médecine 
repos , prendra  une  couleur  foncée.  Voici  un 
moyen  très  - efficace  de  découvrir  les  sels  ou 
oxides  métalliques  , et  de  délivrer  la  solution  de 
muriate  barytique  de  tout  mélange  * étranger. 
Décomposez  le  spath  pesant  suivant  la  méthode 
de  Sçheèle  et  de  Bergman,  et  faites  dissou- 
dre dans  l’acide  muriatique  pur  une  portion 
de  la  terre  obtenue  par  les  procédés  de  ces  chi- 
mistes. Qu’une  portion  séparée  de  cette  terre 
soit  rendue  caustique  en  l’exposant  à une  cha- 
leur rouge  dans  üïi  creuset  , et  quand  le  tout 
£st  refroidi , versez -y  de  l’eau  distillée.  Une 
petite  quantité*  de  cette  dissolution  barytique  , 
après  avoir  été  filtrée,  étant  ajoutée  à une  so- 
lution de  baryte  dans  l’acide  muriatique  , si  le 
mélange  reste  transparent,  la  solution  est  pure; 
mais  s’il  en  est  autrement , elle  est  altérée  par 
un  mélange  de  terre  ou  de  sels  métalliques. 
Dans  ce  dernier  cas  , versez  lentement  la  disso- 
lution barytique  dans  la  solution  jusqu’à  ce 
quelle  n’y  produise  point  de  précipité  , et  vous 
ajouterez  à cette  liqueur  filtrée  autant  d’acide 
muriatique  qu’il  sera  nécessaire  pour  saturer  la 
baryte  superflue.  Par  cette  méthode,  la  solution 
peut  être  rendue  parfaitementpure.  C’est  toute- 
fois un  procédé  laborieux  et  qui  doit  être  dirigé 
avec  beaucoup  de  soin. 

M.  Cruikshank  a donné  un  autre  moyen  très- 
raffiné  pour  reconnoître  la  présence  des  oxides 
ou  sels  métalliques  dans  le  muriate  de  baryte. 
11  fait  passer  un  courant  de  gaz  hydrogène  sul- 
furé dans  une  dissolution  d’ammoniaque  pure 
ou  caustique  , jusqu’à  ce  que  l’alcali  soit  saturé 
de  ce  fluide.  Une  petite  quantité  de  cette  liqueur 
•étant  ajoutée  à une  dissolution  de  muriate  de 
baryte  , si  le  mélange  reste  transparent  et  sans 
couleur  , ou  s’il  dépose  seulement  un  peu  do 


ÉCLAIRÉE,  etC.  377 

‘précipité  blanc  , la  solution  est  pure  ; mais  s’il 
acquiert  une  couleur  brune  , un  vert  fonce  ou 
une  couleur  noirâtre  , elle  est  altérée  par  des 
fiels  métalliques. 

Il  est  bon  d’observer  qu’en  préparant  le  mé- 
dicament qui  a servi  dans  les  cas  précédons  , 
on  avoit  complètement  saturé  une  quantité 
donnée  d’eau  avec  le  muriate  de  baryte  , et 
qu’à  cette  solution  ainsi  saturée  on  a ajouté 
ensuite  un  peu  d’excès  d’acide.  L’addition  de 
cet  acide  le  prive,  en  partie,  d’une  certaine 
amertume  qui  lui  est  propre  , et  le  rend  plus 
agréable  à l’estomac.  Il  est  cependant  nécessaire 
que  la  quantité  d’acide  qui  est  ainsi  ajoutée 
soit  très-petite  , car  autrement  la  force  de  la 
solution  diininueroit  par  la  précipitation  d’une 
partie  considérable  de  ce  sel.  Peut-être  même 
qu’il  est  très-important  d’user  cl’une  solution, 
dans  un  état  parfait  de  saturation  , afin  que 
les  doses  soient  fixées  avec  plus  d’exactitude  ; 
et  pour  porter  encore  .plus  loin  la  précision  , 
il  faut  verser  la  solution  avec  une  petite  pliiole 
d’apothicaire  , afin  que  le  volume  des  gouttes 
soit  presque  toujours  le  même. 

Note  du  rédacteur.  Ces  observations,  d’ailleurs 
fort  intéressantes  par  leur  objet,  sont  malheu- 
reusement un  peu  incomplètes  par  la  simul- 
tanéité des  remèdes  qu’on  a employés  en  même- 
temps  que  le  muriate  de  baryte.  Il  est  très- 
important  que  les  médecins  qui  ont  à cœur  l’a- 
vancement de  leur  art  , veuillent  bien  suivre 
les  effets  de  ce  remède  , en  le  donnant  seul  et 
sans  mélange  , afin  de  déterminer  son  action 
et  son  efficacité  d’une  manière  exacte.  Je  ne 
puis  m’empêcher  de  croire , d’après  les  pro- 
priétés comparées  de  ce  sel  avec  le  muriate  de 
chaux  , que  ce  dernier  a autant  de  vertus  $ je 


378  La  Médecine 

les  ai  fait  connoître  dans  les  volumes  de  la 
société  de  médecine  , et  j’en  ai  inséré  une  no- 
tice dans  les  premiers  numéros  de  ce  journal. 

CHIRURGIE. 

Observation  sur  une  fracture  par  contre-coup  , 

à la  partie  orbitaire  du  coronal , par  M . 

Royer,  chirurgien  de  Varis. 

Le  nommé  Benoît  Minard  , charpentier , lit 
une  chute  du  haut  d’un  bâtiment  très-élevé  , le 
2.3  juillet  ] 787  ; on  le  releva  sans  cormoissance , 
et  il  fut  transporté  sur  le  champ  à l’hôpital  de  la 
Charité. La  perte  du  mouvement  et  du  sentiment, 
la  difficulté  de  respirer  , accompagnées  de  râle- 
ment, et  la  foiblesse  excessive  du  pouls , faisoient 
craindre  une  mort  très-prochaine.  Je  procédai 
à l’examen  du  malade,  et  je  remarquai  une  plaie 
contuse  au-dessus  du  sourcil  gauche  , avec  dénu- 
dation du  coronal  ; le  radius  et  la  rotule  gauches 
étoient  fracturés.  La  portion  du  coronal  qui 
paroissoit  à nu  dans  le  fond  de  la  plaie  , étant 
lin  peu  éraflée,  j’agrandis  la  plaie  pour  m’assu- 
rer si  l’os  étoit  réellement  fracturé  , comme  je  le 
présuinois,  mais  je  ne  découvris  aucune  trace  de 
fracture.  Le  malade  fut  saigné  trois  fois  dans  le 
jour  , et  il  recouvra  la  connoissance. 

Le  lendemain  24  la  fièvre  survint  et  le  ma- 
ladexfut  très-agité,  on  réitéra  trois  fois  la  saignée. 
Le  2 5 la  fièvre  augmenta,  les  bords  de  la  plaie 
étoient  secs  et  affaissés  , la  respiration  étoit 
laborieuse  et  le  malade  se  plaignoit  d’une  dou- 
leur très-vive  au  côté  gauche  de  la  poitrine.  Le 
27  l'état  du  malade  étoit  le  même  , on  appliqua 
sur  toute  la  tête  un  vésicatoire.  Le  28  le  ma- 
lade fut  plus  mal , le  pouls  devint  petit,  irrégu- 


Eclairée,  etc.  3yy 

lier  et  convulsif,  la  langue  sèche  , et  il  survint 
clés  sueurs  abondantes  tous  ces  symptômes 
allèrent  en  augmentant  jusqu’au  premier  août , 
que  le  malade  mourut. 

Le  lendemain  je  fis  l’ouverture  du  corps  ; le 
cerveau  et  ses  membranes  étoient  dans  l’état 
naturel , le  corbnal  avoit  conservé  son  intégrité 
clans  l’endroit  frappé  , mais  la  portion  de  cet  os 
qui  forme  la  voûte  de  l’orbite  gauclie  étoit 
fracturée  en  étoile.  La  poitrine  étoit  le  siège  de 
désordres  considérables  , le  poumon  gauclie 
étoit  en  suppuration , et  il  y avoit  une  grande 
quantité  de  matière  purulente  sur  le  diaphragme. 

L’espèce  de  contre-fracture  dont  il  est  ques- 
tion est  extrêmement  rare  ; JBonhius  (i)  nous 
en  a conservé  un  exemple  : il  rapporte  qu’un 
homme  mourut  d’un  coup  de  bâton  proche  du 
sourcil  droit  5 que  l’os  fut  trouvé  dans  son  inté- 
grité à l’endroit  de  la  plaie  , mais  que  clans 
l’orbite  droite,  il  y avoit  une  contre- fracture 
d’un  demi- pouce,  qui  avoit  sa  direction  du  côté 
de  la  selle  turcique  du  sphénoïde.  Ces  observa- 
tions sont  un  argument  invincible  contre  ceux 
qui  veulent  que  lorsqu’il  n’y  a pas  fracture  à 
l’endroit  de  la  plaie,  mais  ailleurs  , le  blessé 
ait  reçu  deux  coups. 

Quoiqu’on  ne  puisse  pas  attribuer  directement 
la  mort  de  notre  malade  à la  lésion  clu  coronal, 
il  n’est  pas  moins  vrai  de  dire  qu’une  pareille 
contre-fracture  à la  base  du  crâne  est  inévita- 
blement mortelle,  parle  défaut  de  signes  propres 
à la  faire  connoître,  et  sur-tout  par  l’impossibi- 
lité de  lui  opposer  des  moyens  efficaces. 


(i)  Joan,  Bonhius,  de  Renunt.  Vulner.  pag.  142. 


TABLE 

DES  ARTICLES 

CONTENUS  DANS  CE  VOLUME, 

Suivant  V ordre  des  Sciences  qui  y sont  traitées . 


PHYSIQUE. 

Expérience  en  preuve  de  la  différence  d’aptitude  de  la 
pointe,  pour  lancer  et  recevoir  explosivement  la  matière 
électrique,  par  M.  Chappe,  page  35 

Sur  l’électricité  atmosphérique,  par  M.  Hallé  , 267 

HISTOIRE  NATURELLE. 

Sur  la  fontaine  brûlante  située  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Barthelemi , département  de  l’Isère,  par  M.  Bouvier, 
apothicaire , 225 

Notice  de  plusieurs  découvertes  d’histoire  naturelle  dans 
l’archipel  du  Nord,  par  M.  Genet,  296 

BOTANIQUE. 

Décade  de  plantes  nouvelles  , dont  les  graines  ont  été 
apportées  des  côtes  de  Barbarie  et  naturalisées  dans  nos 
jardins  , par  M.  Desfontaines,  *61 

PHYSIQUE  VÉGÉTALE. 

Sur  l’accroissement  des  bois  comparé  à celui  des  os,  par 
M.  d’Aubenton,  043 

ZOOLOGIE. 

Sur  un  animal  quadrupède  inconnu  , qu’on  montre  à 
Londres,  par  M.  Swédiaur, 


TABLE  DES  ARTICLES.  53 1 


ANATOMIE. 


Sur  les  changemens  qui  arrivent  aux  organes  de  la  cir- 
culation du  foetus  lorsqu’il  commence  à respirer,  pax 
M.  Sabatier,  page  217 

Sur  un  vice  .de  conformation  de  l'extrémité  supérieure , 
par  M.  A.  P.  Brasdor,  226 

Concrétion  osseuse  formée  dans  la  glande  thiroïde,  par  M. 
Boyer,  chirurgien  à Paris  , 335 

PHYSIQUE  ANIMALE. 


(PHYSIOLOGIE.) 

Premier  rapport  des  expériences  faites,  d’après  M.  l’abbé 
Spalanzani , sur  la  génération  des  grenouilles , par  MM.1 
Berlinghieri , Silvestre , Robillard  et  Brongniart  , 137 

Expériences  sur  l’accouplement  et  la  ponte  des  grenouilles, 

i39 

Des  fécondations  artificielles  , 142 

Du  développement  des  têtards  , 144 

Sur  le  bégaiement,  par  M.  Charles  Cadet,  homme  de 
loi,  2l5 

Sur  les  vaisseaux  absorbans  et  exhalans  , par  M.  Séguin, 

23a 


CHIMIE. 

Sur  les  différentes  variétés  du  sulfate  de  mercure  et  sux 
leurs  précipitations  par  les  alcalis  et  spécialement  par 
l’ammoniaque  , par  M.  Fourcroy.  1 

Sur  le  mélange  métallique  qui  est  employé  à faire  les 
caractères  d’imprimerie  , par  M.  Sage,  97 

Analyse  d’une  mine  de  plomb  cuivreuse  , antimoniale, 
martiale , cobaltique  , argentine  , dans  laquelle  ces 
substances  métalliques  se  trouvent  combinées  avec  le 
soufre  et  l’arsenic  , d’Arnostigui  , dans  la  concession 


des  mines  de  Baigorri , en  basse  Navarre  , par  le 
même , 98 

Suite  du  mémoire  de  M.  Fourcroy  , sur  Les  matières 
animales  , 99 

Sur  le  beurre  et  la  crème  du  lait  de  vache  , ibid. 

Sur  le  fromage  , 104 

ôur  la  bile,  lo5 


TABLE 


cheval  , par  M.  FourJ 


SSs 

Examen  d’un  calcul  rénal  de 

cr°y  > m page  io9 

Consultation  chimique  et  médicale  sur  une  poudre  rouge 
qu’on  emploie  à Saint-Domingue  contre  la  dissenterie, 
par  le  même , j 10 

Analyse  de  cette  poudre,  Iir 

Imitation  de  cette  poudre,  u2 

Suite  des  expériences  sur  les  matières  animales  , par 
M.  Fourcroy,  I2g 

Sur  l'urine  humaine  , ibid. 

Sur  le  sel  fusible  entier  de  l’urine  humaine,  i3o 

Sur  le  calcul  de  la  vessie  , j33 

Sur  plusieurs  matières  grasses  animales  , comparées  dans 
leur  fusibilité , leur  dissolubilité  dans  l’alcool , etc.  i35 
Calculs  biliaires  dans  l’alcool , ibid. 

Matière  grasse  des  cadavres  enfouis  dans  la  terre  , ibid. 
Blanc  de  baleine  dans  l’alcool  chaud  et  froid  , i36 

Fusibilité  comparée  du  blanc  de  baleine,  de  la  matière 
blanche  des  calculs  biliaires  et  de  la  cire  grasse  du 
gras  des  cadavres,  ibid. 

Analyse  et  préparation  du  tartrite  d’antimoine  et  de 
potasse  , ( tartre  stibié  ) par  M.  Bergman , i65 

Nouvelles  chimiques,  par  M.  Van-Mons  et  M. le  chevalier 
de  Landriani,  321,  323 

Observations  et  expériences  chimiques  sur  le  tartrite 
d’antimoine  et  de  potasse  , par  M.  Vauquelin  , 558 

Observation  sur  l’argentite  ammoniacal  ou  argent  ful- 
minant , par  M.  Fourcroy , 36o 

Examen  d’une  liqueur  trouvée  dans  la  vésicule  du  fiel 
d’un  homme,  par  MM.  Fourcroy  et  Vauquelin,  365 


MATIÈRE  MÉDICALE. 

Sur  le  suc  qui  fournit  la  gomme  élastique , par  M.  Four- 
croy , ^7 

Sur  un  prétendu  spécifique  contre  la  rage  , par  M. 

Chaussier  , secrétaire  de  l’académie  de  Dijon  , 172 

’ Sur  l’écorce  d’angustura , par  M.  Wilkinson,  chirurgien 
de  Sunderland  en  Angleterre,  556 

HYGIÈNE. 

' » » ^ • *4  . ««  ' ,S»  .4  k ■ • I 

Blanchiment  du  linge  taché  par  l’onguent  mercuriel , 
par  M.  Vauquelin  , ai3 


DES  ARTICLES. 


335 


MÉDECINE  PRATIQUE. 

Sur  plusieurs  affections  de  nature  charbonneuse,  par  M. 
Burel  le  jeune,  ancien  médecin  de  hôpitaux  militaires, 
département  du  Yar  , -,  pagen 

Sur  la  fièvre  puerpérale  , telle  qu’elle  s’est -présentée  à 
l’hôpital  des  femmes  en  couches  de  DubUn  , par  M. 
Clarke,  17 

Sur  le  sang  des  phtisiques,  par  M.  Portai,  4^ 

Sur  une  femme  qui  boit  une  très-grande  quantité  d’eau  ; 

par  MM.  Bellot  et  Brongniart  , 5i 

Sur  l’usage  du  camphre  d’Amérique,  dans  les  maladies 
chroniques  et  inflammatoires,  par  J.  Marsillac  , mé- 
decin , 65 

Sur  les  douleurs  qui  accompagnent  l’accouchement  , 
par  M.  Davon  , médecin  de  la  faculté  de  Montpellier, 

“4 

Sur  la  guérison  d’un  ulcère  au  sein  , par  l’inoculation  de 
la  gale,  par  M.  Pascal,  chirurgien  en  chef  de  l’Hôtel- 
Dieu  de  Brie-Comte-Robert,  11g 

Sur  un  enfant  qui  boit  beaucoup  , par  M.  Vauquelin, 

122 

Constitution  du  trimestre  d’automne  de  l’année  179a  , 
par  M.  Geoffroi  , 148 

Des  effets  médicamenteux  dé  l’électricité  , d’après  une 
expérience  de  seize  ans,  par  M.  Mauduyt,  médecin  de 
Paris  , ■ ig3,  241 , 29 7 , 34i 

Constitution  du  trimestre  d’hiver  de  l’année  1792  , par 
M.  Geoffroi  , 3io 

Sur  les  propriétés  médicinales  du  muriate  de  baryte  , 
par  M.  Crawford,  667 

CHIRURGIE. 

Sur  un  cancer  à la  lèvre  inférieure  , par  M.  Lacroix  ; 

ancien  élève  de  l’école  pratique  de  Paris,  28 

Discussion  relative  à l’opération  de  la  taille,  par  M. 

Sabatier,  55 

Sur  les  effets  de  l’épithême  désorganisant  de  M.  Dorez  , 
chirurgien  , rue  et  île  Saint  - .Louis , par  M.  Pinel  , 

60 

Sur  les  plaies  des  artères,  par  M.  Deschamps,  chirurgien 
en  chef  de  l’hôpitaide  la  Charité,  à Paris,  67 


534  TABLE  DES  ARTICLES. 

Description  du  serre-artère  , par  le  même  , page  94 
Sur  la  nécrose,  par  M.  Laumonier,  chirurgien  en  chef 
de  l’Hôtel-Dieu  de  Rouen.  l55 

Sur  une  plaie  à la  vésicule  du  fiel , par  M.  Sabatier,  175 
Sur  l’aitiologie  ou  le  mécanisme  de  la  luxation  de  la  mâ- 
choire inférieure  , par  M.  Pinel,  docteur  en  médecine, 

183 

Sur  une  hémorragie  considérable  survenue  pendant  l’opé- 
ration de  la  taille  , par  M.  Boyer  , 3i8 

Observation  sur  une  fracture  par  contre-coup  à la  partie 
orbitaire  du  coronal,  par  M.  Boyer,  378 

PHARMACIE. 

Pastilles  astringentes  de  kino,  g5 

Préparation  de  l’emplâtre  divin;  136 

Rectification  de  l’ammoniaque,  par  M.  Vauquelin,  3^9 


Fin  de  la  Table  des  Articles, 


T AB  U 


585 


I -.1.1  IW  T u 'l'iu 

TABLE 

e 

DES  MATIÈRES 

CONTENUES  DANS  LE  TROISIÈME  VOLUME, 

PAR  ORDRE  ALPHABÉTIQUE. 

A 

Acc  ouchemens  ( douleurs  qui  les  accompagnent) 

page  114 

Accouplement  des  grenouilles  , i3g 

Accroissement  des  bois  comparé  à celui  des  os,  525 
Affection  dénaturé  charbonneuse,  j 1 

Aitiologie  de  la  luxation  de  la  mâchoire  inférieure  , i85 

Alcalis  ( les  alcalis  précipitent  différemment  les  différentes 
variétés  du  sulfate  de  mercure  ) , r 

Alcool  ( blanc  de  baleine  dans  l’alcool  chaud  et  froid  ) , 
i56  ; ( calculs  biliaires  dans  l’alcool)  , i35  ; ( dissoîu- 
bilité  et  fusibilité  comparées  de  plusieurs  matières 
grasses  dans  l’alcool  ) , ibid. 

Ammoniaque  ( l’ammoniaque  précipite  différemment  les 
différentes  variétés  du  sulfate  de  mercure  ) , 1 ; sa 
rectification),  54g; 

Analyse  d’une  mine  de  plomb  cuivreuse,  antimoniale,  ect. 
uni  au  soufre  et  à l’arsenic  , g8  ; d’une  poudre  rouge 
qu’on  emploie  à Saint-Domingue  pour  la  dissenterie, 
111  ; du  tartrite  d’antimoine  et  de  potasse,  i65  ; 
Anatomie  , 217  , 226,  335; 

Angustura  ( sur  l’écorce  d’angustura  ) , 33S 

Animal  quadrupède  inconnu  qu’on  montre  à Londres,  i'63 
Aptitude  différente  de  la  pointe  pour  lancer  et  recevoir 
explosivement  la  matière  électrique  , 33 

Argentite  ammoniacal  ou  argent  fulminant  ( observation 
' sur  1’  ) , 

Artères  (description  du  serre-artère)  , 94;  plaies  des  ar-; 
tères , 65  ; 

Automne  ( constitution  médicale  de  cette  saison  pendant 
l’année  I7gi  ) , 148 

Tome  ÜL  N0..  XII,  B b 


386 


TABLE 


B 


Bégaiement  ( sur  le  bégaiement),  page  Z i5 

Beurre  (nouveaux  faits  sur  le  beurre  ) 

Bile  ( découvertes  sur  la  bile),  105 

Blanc  de  baleine  dans  l'alcool  chaud  et  froid,  i36,  (sa 
fusibilité  comparée  avec  la  matière  blanclie  des  calculs 
biliaires  , et  la  cire  du  gras  des  cadavres  ) , ibid. 
Blanchiment  du  linge  taché  par  l’onguent  mercuriel,  2i3 
Bois  ( accroissement  des  bois  comparé  à celui  des  os  ) , 

325 

Botanique , i6r 

c 


Calculs  biliaires  dans  l’alcool , i35  ; fusibilité  comparée 
de  la  matière  blanche  des  calculs  biliaires,  du  blanc  de 
baleine,  de  la  cire  du  gras  des  cadavres,  i36 

Calcul  de  la  vessie  ( nouvelles  recherches  sur  le  calcul 
de  la  vessie),  i35  ; rénal  d’un  cheval  (son  examen 
chimique),  109 

Camphre  d’Amérique  ( son  usage  dans  les  maladies  chro- 
niques et  inflammatoires  ) , 65 

Cancer  à la  lèvre  inférieure  , 28 

Caractères  d’imprimerie  ( mélange  métallique  qui  les  com- 


pose) , . (î  _ 97 

Cliangemens  qui  arrivent  aux  organes  de  la  circulation 
du  foetus  des  qu’il  commence  à respirer,  217 

Chimie,  1 , 97  , 98  , 99  , 104  , io5 , 109,  110,  129,  i3o, 
i33  , i35 , i56  , i65  , 32 1,  323. 

Chirurgie,  28,  53,  60,  65,  94,  i55,  175,  i83,  3iS 

Circulation  ( cliangemens  qui  arrivent  aux  organes  de  la 
circulation  du  foetus,  lorsqu’il  commence  à respirer)  , 

: 217 

Comparaison  de  la  fusibilité  et  de  la  dissolubilité  de  plu- 
sieurs matières  animales  dans  l’alcool  , i35 

Concrétion  osseuse  de  la  glande  thiroide  , ^55 

Conformation  vicieuse  de  l’extrémité  supérieure,  226 

Constitution  du  trimestre  d’automne  de  lannée  » 

148;  du  trimestre  d’hiver,  , 3io 

Crème  du  lait  de  vache  ( expérience  sur  la  ) 99 


D 


Décade  de  plantes  nouvelles  dont  les  graines,  apportées 


D E S M A T I E R E S.  3S7 

des  côtes  de  Barbarie  , sont  naturalisées  dans  nos  jar- 
dins, i6r 

Découvertes  chimiques  , 3.21  , 323  ; d’histoire  naturelle 
dans  l’Archipel  du  nord  , 296 

Développement  des  têtards,  i44 


Dissènterie  ( analyse  et  imitation  d’une  poudre  rouge 
qu’on  emploie  à Saint-Domingue  contre  la  dissenterie  ) 

iro 

Dissolubilité  comparée  de  plusieurs  matières  grasses  dans 
l’alcool  , i55 

Douleurs  ( sur  les  douleurs  qui  accompagnent  les  accou- 
chemens),  n4 

E 

Eaux  ( femme  et  enfant  qui  boivent  une  grande  quan- 
tité d’èau ),  5i  , 122 

Ecorce  d’angustura  ( sur  l’écorce  d’angustura  ),  556 

Electricité  (sur  l’électricité  athmosphérique  ) , 25j  , 289  ; 

( effets  médicamenteux,  de  l’électricité  ) ig5  , 241  , 341 
Emplâtre  divin  (sa  préparation),  126 

Epithême  désorganisant  de  M.  Dorez  ( remarque  sur  ses 
effets),  60 

Expérience  sur  la  différence  d’aptitude  de  la  pointe  pour 
lancer  et  recevoir  explosivement  la  matière  électri- 
que , 33  ; sur  la  génération  des  grenouilles  , j 37 

Extrémité  supérieure  ( vice  de  sa  conformation  ) , 226 

F 

Fécondation  artificielle  des  grenouilles  , 142 

Femme  qui  boit  une  grande  quantité  d’eau  , 5i 

Fièvre  puerpérale  à l'hôpital  des  femmes  en  couche  de 
Dublin,  17 

Foetus  ( changemens  qui  arrivent  aux  organes  de  la  cir- 
culation du  fœtus  quand  il  commence  à respirer)  , 2x7 
Fontaine  brûlante  située  dans  la  paroisse  de  Saint- Bar- 
thelemi,  département  de  l’fsère  22S 

Fracture  par  contre-coup  à la  partie  orbitaire  du  coro- 
nal , 

Fromage  ( découvertes  sur  le  fromage),  xo4 

Fusilibilité  comparée  de  plusieurs  matières  grasses  dans 
l’alcool , i35;  du  blanc  de  baleine  , de  la  matière  blan- 
che des  calculs  biliaires  , de  la  cire  du  gras  des  ca- 
davres , i56 

Bbij 


oS8 


TABLE 


G 

Gale  ( guérison  d’un  ulcère  au  sein  par  l’inoculation  de 
^ la  gale  ),  ng 

Génération  des  grenouilles  ( expériences  sur  la  ),  i37 

Glande  thiroïde  ossifiée  , 335 

Gomme  élastique  ( suc  qui  la  fournit),  37 

.Graines  apportées  des  côtes  de  Barbaries  , et  naturalisées 
dans  nos  jardins,  i6i 

H 


Hémorragie  considérable  survenue  pendant  l’opération 

de  la  taille  , 3i8 

Histoire  naturelle  , 225,  296 

Hiver  ( constitution  du  trimestre  d’hiver  de  l’année 

17S1  )>  . 310 

Hôpital  des  femmes  en  couches  de  Dublin  (fièvre  puer- 
pérale à l’hôpital,  ect.  ) , i7 

Hygiène,  2i3 


I 

Imitation  d’une  poudre  rouge  qu'on  emploie  à Saint-Do- 
mingue contre  la  dissenterie,  112 

Imprimerie  ( mélange  métallique  employé  à composer 
les  caractères  d’imprimerie  ) , 97 

Inoculation  de  la  galle  (ulcère  au  seinguéri  par  ce  moyen  ), 


K 

Kino  ( pastille  astringente  de  kino)  , 

L 


95 


Lait  de  vache  ( nouvelles  recherches  sur  le  beurre  et  la 
crème  du  lait  de  vache)  , 99 

Lèvre  inférieure  (cancer  à la  lèvre  inférieure),  28 

Linge  taché  par  l’onguent  mercuriel  ( manière  de  le  blan- 
chir), 2i3 

Luxation  de  la  mâchoire  inférieure  ( mécanisme  de  la  ) . 

iS3 

M 

<0  . 

Mâchoire  inférieure  (mécanisme  de  sa  luxation) , i85 


DES  MATIERÈS:  3Sg 

Maladies  chroniques  et  inflammatoires  ( usage  du  camphre 
dans  les  ) 56 

Matière  blanche  des  calculs  biliaires  (sa  fusibilité  comparée 
avec  celle  du  blanc  de  baleine  et  de  la  cire  du  gras  des 
cadavres)  , i36 

Matière  électrique  ( différence  d’aptitude  de  la  pointe  pour 
la  lancer  ou  la  recevoir  explosivement) , 53;  matière 
grasse  des  cadavres  enfouie  dans  la  terre,  i35;  ma- 
tière médicale,  37,172,535 

Médecine  pratique,  11  , 17,  4^  , 5x , 65,  114,  119»  122,] 
148,  195,241,297,  3io,  541* 

Mélange  métallique  employé  à faire  les  caractères  d’im- 
primerie, 97 

Mine  de  plomb  cuivreuse  , antimoniale  , martiale,  ect.  uni 
au  souffre  et  à l’arsenic  ( son  analyse  ) , 98 

Muriate  de  baryte  ( propriétés  médicinales  du  ) , 3 67 

N 

Nécrose  ( observation  sur  la  nécrose) , i55 

O 

Onguent  mercuriel  ( blanchiment  du  linge  taché  par  l’on- 
guent mercuriel  ) , 2i3 

Opération  de  la  taille  (discussion  relative  à cette  opéra- 
tion ) , 53  ; (hémorragie  considérable  survenue  pendant 
cette  opération),  3i8 

Organes  de  la  circulation  du  foetus  ( changemens  qu’ils 
éprouvent  quand  le  foetus  commence  à respirer  ) , 217 

Os  ( accroissement  des  bois  comparé  à celui  des  os) , 325 

P 

P a stilles  astringentes  de  kino,  , 9^ 

Pharmacie,  g5  126,349 

Phtisiques  ( sur  le  sang  des  phtisiques  ) , 4^ 

Phisiologie(  vid.  physique  animale). 

Physique  , 83;  physique  animale,  i3y  ; i3g  , 142  , j44i' 
210,  232;  physique  médicale,  257,  289;  physique 
végétale  , 325. 

Plaies  des  artères  , 65  ; à la  vésicule  du  fiel  , 175. 

Plantas  nouvelles  dont  les  graines  ont  été  apportées  de 
Barbarie,  naturalisées  dans  nos  jardins,  161 


Zgq  TABLE 

Plomb  ( analyse  d’une  mine  de  plomb  cuivreuse , antimo- 
niale, martiale,  ect.  unie  au  soufre  et  à l’arsenic)  , 98 
Poudre  rouge  qu’on  emploie  à Saint-Domingue  dans  la 
dissenterie  , no;  son  analyse,  1x1  ; son  imitation  , 112 
Précipitation  des  différentes  variétés  de  sulfate  de  mer- 
cure par  les  alcalis,  1 

Préparation  de  l’emplâtre  divin,  126;  du  tartrite  d’anti- 
moine et  de  potasse  , 65 

R 

* * , • *■  1 '-  * *■  » 

Piage  ( prétendu  spécifique  contre  la  rage  ) , 

Rectification  de  l’ammoniaque  , 

S 


Sang  des  phtisiques  ( observations  sur  le),  4^ 

Sein  ( ulcère  au  sein  guéri  par  l’inoculation  de  la  galle  ) 

“9 

Sel  fusible  de  l’urine  humaine  , 100 

Soufre  uni  à une  mine  de  plomb  cuivreuse  , antimoniale  , 
martiale  , ect.  , ) 98 

Spécifique  prétendu  contre  la  rage,  172 

Suc  qui  fournit  la  gomme  élastique  , 5y 

Sulfate  de  mercure  (ses  différentes  variétés),  * 


T 

Tartrite  d’antimoine  et  de  potasse  (expériences  chimiques 
sur  le  ) , 553 

Taille  ( discussion  relative  à l’opération  de  la  taille  ),  55  $ 
( hémorragie  survenue  pendant  l’opération  de  la  taille  ) , 

3iS 

Tartre  stibié  ( vid.  tartrite  d’antimoine  et  de  potasse  ). 
Tartrite  d’antimoine  et  de  potasse  ( son  analyse  et  sa  pré- 
paration), i65 

Têtards  ( leurs  développemens  ) , i44 

Trimestre  d’automne  de  l’année  1791 , i4^î  d’hiver,  5io 

U 

Ulcère  au  sein,  guéri  par  l’inoculation  de  la  galle,  119 
Urine  humaine  (nouvelles  découvertes  sur  l’urine),  1 29; 
( sel  fusible  de  l’urine  ) , L;o 


172 

349 


DBS  MATIÈRES.-  5g  r. 

Usage  du  camphre  d’Amérique  dans  les  maladies  chroni- 
ques et  inflammatoires , 65 

V 

Vaisseaux  absorbans  et  exhalans  ( sur  les  ) ,’  23a 

Variétés  du  sulfate  de  mercure  , r 

Vésicule  du  fiel  ( plaie  à la  ),  175 

Idem . ( examen  d’une  liqueur  trouvée  dans  la  ) 565 

Vessie  ( calcul  de  la  vessie  ) , i33 

Vice  de  conformation  de  l’extrémité  supérieure,;  226 

Z 

Zoologie i65 


Fin  de  la  Table  -par  ordre  alphabétique. 


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LA  MÉDECINE 

* 

éclairée 

PAR  LES  SCIENCES  PHYSIQUES, 


journal  des  découvertes 

RELATIVES 


AUX  DIFFÉRENTES  PARTIES 


DE  L’ART  DE  GUERIR; 


••  A - 


Rédigé  par  M.  FOURCROY. 


2-4 


TOME  QUATRIEME. 


A PARIS, 

Chez  Buisson  , Libraire  , me  Hàutefeiiille , 

N°  20. 


1792. 


( N°  1er,  i Juillet  Ijÿl  ) 


3 


HISTOIRE  NATURELLE. 

Extrait  des  six  premiers  numéros  du  Journal 
d’histoire  naturelle . 


MINÉRALOGIE. 

Mémoire  sur  les  mines  de  charbon  des  mon - 
tagnes  des  Cé venue  s , et  sur  la  double  em- 
preinte des  fougères  qu’on  y trouve  ; par 
M.  Brugmère. 

L’auteur  cherche  clans  ce  mémoire  à expli- 
quer la  formation  des  mines  de  charbon  de  terre 
en  général  y et  en  particulier  cette  double  em- 
preinte de  la  surface  supérieure  des  feuilles 
de  fougère  qui  se  rencontre  si  fréquemment 
dans  les  schistes  qui  recouvrent  les  couches 
de  charbon  de  terre.  Après  avoir  fait  voir  que 
V image  de  V ordre  et  les  traces  de  la  lenteur  , 
qui  se  remarquent  dans  la  composition  des 
mines  de  charbon  , et  dans  la  conservation  in- 
tègre des  végétaux  qui  s’y  rencontrent , ne 
permettent  pas  de  croire  , avec  Antoine  de  Jus- 
sieu , que  ces  différens  végétaux  y ont  été  ap- 
portés par  quelque  violente  commotion  du 
globe  , il  propose  son  opinion.  La  mer  , dit- 
il  , a couvert  toute  l’Europe  , les  preuves  nom- 
breuses qu’elle  nous  en  â laissées  ne  permettent 
plus  d’en  douter  ; les  fleuves  charriant  sans 
cesse  et  tranquillement  des  débris  de  végétaux, 
et  même  les  végétaux  entiers  des  pays  qu’ils 
traversoient , ils  les  transportoient  jusques  au 
milieu  des  mers  , où  ils  se  précipitoient , mêlés 
avec  la  terre  , également  charriée  avec  ces  vé- 

A a 


4 


La  Médecine 


gétaux.  M.  Brugniere  appuie  cette  théorie  de 
la  formation  de  couches  de  charbon  en  géné- 
ral , d’un  assez  grand  nombre  d’observations. 
Il  passe  ensuite  à l’explication  de  la  double 
empreinte  des  feuilles  de  fougère  sur  les 
schistes.  Les  fougères  portent  leur  fructification 
sur  la  surface  inférieure  de  leurs  feuilles;  cette 
fructification  spongieuse  , en  s’imbibant  plus 
intimement  de  la  terre  argileuse  qui  forme  les 
schistes,  a rendu  ainsi  l’adhérence  de  la  feuille 
de  fougère  , par  cette  face,  beaucoup  plus  forte 
que  par  l’autre  $ ensorte  que  la  séparation  se 
fait  toujours  entre  la  face  lisse'  et  couverte 
et  le  schiste,  et  jamais  ou  presque  jamais  en- 
tre la  face  concave  des  fructifications  et  cette 
même  pierre.  La  convexité  représente  donc 
toujours  la  face  lisse  de  la  fougère  changée 
en  charbon,  et  la  cavité  l’empreinte  de  cette 
face  dans  le  schiste.  Cette  ingénieuse  explica- 
tion est  appuyée  de  plusieurs  observations  qui 
ne  laissent  plus  aucun  doute  sur  sa  vérité  , 
mais  qu’il  seroit  trop  long  de  rapporter. 


A.  inerme  ; à pétioles  pla-  M.  inerrnis  *,  yetiolh 
nés  , linéaires  , lancéolés  , planis  , lineari  lanceola- 
obliques  , nus  , foliifor-  tis  , obliquis , midis  , foin- 
mes  , épis  globuleux  axil-  formibus , spicif  axillanbus 
laires.  globosis. 

Cette  plante  est  remarquable  en  ce  qu’elle 
paroît  s’éloigner  par  son  feuillage  des  autres 
espèces  de  ce  genre  , qui  presque  toutes  ont 
des  feuilles  extrêmement  composées  ; mais , 
comine  le  fait  observer  M.  Lamarck  , en 


Acacie  oblique. 


Mimosa  obliqua . 


ÉCLAIRÉE.,  etC.  5 

donnant  la  description  de  cette  espèce  , les 
prétendues  feuilles  simples  ne  sont  que  les 
pétioles  des  feuilles  composées  qui  ont  paru 
dans  le  jeune  âge  de  la  plante,  elles  se  sont 
desséchées  et  sont  tombées  ; la  plante  , adulte 
en  se  développant , 11e  donne  bientôt  plus  nais- 
sance qu’à  des  pétioles,. 

Description  d'une  nouvelle  espèce  de  vantane  , 
envoyée  de  Cayenne  par  M.  Leblond  ; par 
M.  Lamarck. 


Vantane  à petites  fleurs.  J^aritanea  parviflorai 

V.  A feuilles  ovales  , un  V.  Foliis  ovalibus , obtu - 
peu  obtuses  , ovaire  lai-  siusculis , germine  lanato^ 
neux. 


Ce  végétal  est  un  arbre  ou  un  arbrisseau  ra- 
meux  à feuilles  ovales  , obtuses  , entières,  pé- 
tiolées  , ayant  ses  fleurs  disposées  en  coryrnbes 
terminaux  à pédoncules  rameux , courts  et  pu- 
bescens.  Si  ce  vantane  a le  cède  au  vantane  a- 
guyanensis  cl’Aublet  , par  la  petitesse  de  ses 
fleurs , il  l’emporte  au  moins  par  la  disposition 
de  son  feuillage. 

Description  d’un  nouveau  genre  de  plante  ap- 
pelle drapetes  , par  M.  Lamark. 

Cette  plante,  voisine  des  dais , a été  rapportée 
par  Commerson  des  terres  Magellaniques  $ 
M.  Bancks  l’y  a également  ramassée  et  lui  a 
donné  le  nom  que  M.  Lamark  lui  a conservé. 


Tétrandrie  monogynie. 

Drapet. 

Caract.  gènèr. 

Fl.  ramassée  en  faisceau; 
cal.  o ; cor.  infundibuliforme , 


TÉTRANDRIA  MOSrOGYNIA.] 

Drapetes. 

Caract.  generis." 

Fl.  aggrega  to- fascicu  la  tz, 
cal.  o ; cor.  infu  ndib u lifor- 

A3 


6 La  Médecine 

à limbe  qnadrifkle  , recep-  mis,  limbo  4 fido\  recepta - 
tacle  pédicellé  , barbu,  r eu  la  pedicellata , barbata  ; 
Sein,  couveite.  sem.  1,  tectum . 

L’espèce  nppellée  drapetes  muscosus  ressem- 
ble à une  passeî  ine;  ses  tiges  sont  filiformes  et 
en  touffes,  ses  feuilles  opposées  en.  croix , les 
fleurs  terminales  et  petites. 

ZOOLOGIE. 

INSECTES. 


Description  d’une  nouvelle  espèce  de  cétoine  ; 
par  G.  A.  Olivier. 

Cétoine  grillée.  Cetonia  clathrata. 


C.  Corcelet  noir,  rayé  de  C.  1' ho  race  nigro  , flavo - 
jaune  , élytres  d’un  pourpre  lineato  , elytris  fusco  pur - 
foncé , pointillées  de  jaune.  pureis  flavo  punctatis. 

Ce  bel  insecte  a été  envoyé  de  Cayenne  à la 
société  d’histoire  naturelle  , par  M.  Leblond. 

VERS  TESTACÉS. 

Description  d’une  nouvelle  espèce  de  mulette  ; 
par  J.  G.  Bruguière. 

M U LE  T T E.  U N I O. 

Caract.  du  genre.  Caract.  generis. 


Coquille  bivalve  , trans- 

verse. 

Valves  égales  , fermées 
par  tout,  nacréesdans  l’in- 
térieur. 

Empreintes  musculaires , 
trois  dans  chaque  valve:  une 
sur  leur  boid  antérieur  , 
deux  inégales  souvent  réu- 
nies sur  leur  bord  posté- 
rieur. 

Sommets , souvent  cariés. 


Testa  bivalvis , transversa. 

Valvulæ  eequales  , undi - 
que  clausce  , in  tus  marga- 
ritaceœ. 

impressiones  musculares, 
très  in  qualibet  valvula  ; 
una  juxta  marginem  ante • 
riorern  , duo  in  œqua/es  sce- 
pius  unitee  prope  marginem 
posteriorem. 

Apices,  scepius  erosi À 


3É  C L A ï 

Charnibre  , deux  et  trois 
dents  articulées;  valve  droi- 
te , deux  dents  : une  longi  - 
tudinale parallèle  au  liga- 
ment , la  seconde  grosse 
crenelée , située  en  arrière 
du  sommet.  Valve  gauche  ,, 
trois  dents;  unelongitudina- 
le  , accompagnée  en  dessous 
d’une  gouttière  parallèle  : 
les  deux  autres  inégales  , 
crénelées  , situées  en  arrière 
du  sommet. 

Ligament  extérieur,  con- 
vexe , épais. 


R 3É  32  , et<^  J 

Cardo  , dentes  duo  et  très 
articulati  ; valvulæ  dextras 
duo  : alius  longitudinale 
ligamento  parallelns . alius 
crassus  crenatus  , pone  api- 
cem  situs.  V alvulce  sinistrés 
dentes  très  ; nnus  longitu- 
dinalis  inferne  canalicula - 
tus  : duo  alii  inœquales ,] 
striato-crenati  , crassius - 
culi , pone  apicem  siti. 

Ligamentum  exterius  coït - 
vexum  crassum. 


Mulette  Grenue.  Unio  Grands  a. 

"Mulet te  , coquille  toute  Unio , testa granis conferi, 

parsemée  de  grains  saillans.  fis  undique  obsita. 

Cette  espèce  est  fluviatile  , et  a été  envoyée 
de  Cayenne  par  M.  le  Blond.  Le  genre 
mulette  dans  lequel  M.  Brugnière  la  fait  en- 
trer a été  formé  par  M.  Retzius  , avec  les 
espèces  fluviatiles  du  genre  mya  de  Linnéus  : 
ainsi  le  mya  pictorum  , improprement  appelle 
moule  de  rivière  , doit  entrer  également  dans 
ce  genre  , et  pourra  servir  à étudier  les  ca- 
ractères de  ce  nouveau  genre  , qui  n’est  point 
dans  le  tableau  systématique  des  vers  de  l’En- 
cyclopédie. 

Description  d'une  nouvelle  coquille  du  genre 
de  V anodontide . 


M.  Brugnière  a fait , dans  le  genre  de  la 
moule  de  Linnéus  , des  cliangemens  encore 
plus  nombreux  que  dans  ceux  de  la  mie , et  qui 
rendent  pareillement  ce  genre  plus  naturel. 
Il  en  a retiré  des  espèces  du  genre  des  huî- 
tres , et  a divisé  les  autres  espèces  en  trois 

A 3 


8 la  Médecine 

genres  , qu’il  a nommés  hy  ronde  , anodontide 
et  moula  j il  ne  compaie  ici  que  les  caractères 
de  ces  deux  dernières  : il  fait  voir  que  la 
moule  est  un  genre  de  coquille  marine1  plus 
longue  que  large  , fixée  aux  rochers  par  une 
substance  soyeuse  appel lée  byssus  , ne  pré- 
sentant que  deux  attaches  musculaires  , et 
renfermant  plusieurs  espèces  dont  la  charnière 
est  dentée.  Les  espèces  de  l’anodontide  ont 
au  contraire  constamment  une  charnière  sans 
dents:  cette  coquille  est  fluviatile  , plus  large 
que  longue  , "libre , et  présentant  trois  attaches 
musculaires.  Ce  dernier  caractère  est  proposé 
par  M.  Bruguière  , comme  pouvant  servir  à 
distinguer  les  coquilles  bivalves  marines  des 
fluviatiles.  Les  fluviatiles  n’ont  point  toujours 
trois  attaches  musculaires  , mais  les  coquilles 
marines  n’en  ont  jamais  plus  de  deux. 

Anodontide  crépue.  Anodontites  crispata.' 

Anodontide y coquille  ova-  Anodontites,  testa  ovali  % 

le.  marquée  de  stries  longi-  slriis longiti/ dinalibus  trans- 
tudinales,  et  d’autres  trans-  versisque  elevato-crispatis 
verses,  élevées  crépues.  cancellata. 

MATIÈRE  MÉDICALE. 

Réflexions  sur  l’usage  des  diverses  variétés 
d’alcali,  végétal  en  médecine , et  sur  la  né- 
cessité d’employer  ce  sel  dans  un  état 
constant  ; par  NI.  Fourcroy. 

r r i t ' 

Rien  n’est  plus  inexactement  connu  , et  plus 
vaguement  employé  en  matière  médicale  que 
les  différentes  espèces  d’alcalis  ; c’est  cepen-t 
dant  une  vérité  bien  importante  et  bien  sentie, 
que  la  nécessité  de  connoîlre  avec  précision 
la  nature  des  substances  qu’on  emploie  comme 


ÉCLAIRÉE,  €tC.  9 

médicamens.  Il  est  aisé  de  prouver , par  l’exa- 
men des  foi  uni  les  , que  les  médecins  , en  pres- 
crivant c nme  matières  analogues  la  potasse 
du  commerce  , l’alcali  végétal  , l’alcali  du  tar- 
tre , l’alcali  du  nitre  , les  cendres  gravelées  , 
l’huile  de  tartre  par  défaillance  , les  sels  fixes 
des  plantes  , n’emploient  point  une  matière 
alcaline  égale  , et  souvent , ce  qui  est  bien  pis , 
emploient  une  substance  dont  ils  ignorent  la 
nature  , l’énergie  , la  dose  réelle  , et  consé- 
quemment l’action.  Un  coup-d’œil  jetté  sur  les 
produits  chimiques  alcalisés  qui  ont  reçu  ces 
diverses  dénominations  , en  raison  de  la  dif- 
férence de  leur  prépar  ation  et  de  leur  origine  , 
fera  sentir  l’incertitude  qui  existe  dans  la  pres- 
cription de  ces  médicamens , et  la  nécessité 
de  changer  cette  pratique  vicieuse,  et  d’adopter 
un  mode  exact  et  certain  pour  l’usage  de  l’al- 
cali fixe. 

I.  De  la  potasse  du  commerce. 

La  potasse  du  commerce  est  préparée  en 
grand  dans  le  nord,  de  l’Europe  , en  brûlant 
des  bois  jusqu’à  les  réduire  en  cendres.  On  fait 
calciner  et  fondre  en  partie  ces  cendres  dans 
des  pots  de  terres,  et  c’est  de  deux  mois  al- 
lemands qui  signifient  cendre  de  pot  , que  le 
mot  potasse  à été  tiré.  Il  est  facile  de  conce- 
voir , avec  des  connoissances  mêmes  superfi- 
cielles en  chimie  que  ces  cendres  doivent 
contenir  beaucoup  de  matériaux  salins  et  ter- 
reux ; en  effet , outre  la  portion  de  potasse 
caustique  ou  pure  qu’elles  contiennent  en  raison 
de  la  forte  chaleur  qu’elles  ont  éprouvée  , et 
qui  varie  suivant  l’intensité  et  la  durée  de 
cette  chaleur  , outre  la  quantité  variée  de  car- 
bonate de  potasse  qu’elles  contiennenten  même 


lo  La  Médecine 

temps,  elles  sont  chargées  de  sulfate  de  potasse 
ou  tcütre  vitriolé , de  muriate  de  potasse  ou  sel 
fébrifuge  , de  muriate  de  soude  ou  sel  marin , 
de  sulfate  de  chaux  ou  sélériite  , de  carbonate 
de  chaux  ou  craie , de  terre  silicée  et  d’a- 
lumine ; on  y trouve  encore  du  charbon  , de 
petits  silex  , quelquefois  même  un  peu  d’ex- 
trait qui  a échappé  à l’action  du  feu , et  sou- 
vent beaucoup  de  corps  étrangers.  La  potasse 
du  commerce  ne  doit  donc  jamais  être  em- 
ployée en  médecine , pas  même  à l’extérieur  ; 
car  comme  elle  n’est  jamais  exactement  la 
même  par  la  quantité  et  la  nature  de  l’alcali 
qu’elle  contient  , on  ne  peut  jamais  compter 
sur  la  force  de  la  lessive  ou  de  la  dissolution 
qu’on  en  prépare.  La  potasse  blanche  ou  pure 
qu’on  prépare  en  grand , en  lessivant  la  pré- 
cédente avec  de  l’eau  , et  en  évaporant  à sic- 
cité  cette  lessive  filtrée  ou  tirée  à clair  , ne 
doit  pas  être  plus  avantageuse  en  médecine  ; 
car  elle  n’est  réellement  ni  plus  pure  , ni  plus 
connue  dans  sa  nature  et  la  proportion  de  ses 
principes  que  la  première.  Ln  effet , l’espèce 
de  purification  qu’on  lui  fait  subir  n’en  sé- 
pare que  les  corps  étrangers  , les  terres  et  les 
ordures  qui  peuvent  s’y  trouver  , et  le  produit 
de  la  lessive  évaporée  quoique  plus  blanc  et 
plus  salin  , contient  toujours  un  mélange  varié 
et  inégal  de  potàsse,  de  carbonate  de  potasse  , 
de  sulfate  de  potasse  et  de  chaux  , de  mu- 
riate , ect.  5 ainsi  cette  potasse  purifiée,  dans  le 
commerce  , est  bien  un  des  matériaux  d’où  l’on 
peut  tirer  en  chimie  et  en  pharmarcie  la  po- 
tasse pure  , ou  le  carbonate  de  potasse , mais 
ne  doit  jamais  être  employée  comme  médica- 
ment , même  pour  les  préparations  pharma- 
ceutiques extérieures. 


11 


^CXAIRSS,  etc. 

IL  De  V alcali  végétal. 

C’est  une  des  dénominations  les  plus  sou- 
yen  l employées  dans  les  formules  que  celle 
d’alcali  végétal.,  et  c’est  cependant  une  des 
pins  vagues  et  des  plus  insignifiantes  : ce  nom 
embarrasse  nécessairement  le  pharmacien  ; il  ne 
sait  ce  qu’il  doit  donner  ou  de  la  potasse  ou 
de  l’alcali  du  tartre  , s’il  faut  qu’il  le  fournisse 
sec  ou  liquide,  caustique  ou  adouci.  Une  pa- 
reille désignation  ajoute  donc  encore  aux  in- 
certitudes , et  doit  être  entièrement  proscrite. 

III.  De  V alcali  du  tartre . 

L’alcali  du  tartre  des  boutiques  est  le  ré- 
sidu de  la  combustion  ou  de  la  calcination  du 
tartre  mis  en  poudre  grossière  dans  des  cornets 
de  papier  , et  brûlé  au  milieu  des  charbons. 
On  jette  cette  cendre  alcaline  dans  l’eau  , et 
on  évapore  à siccité  la  lessive  qu’on  en  ob- 
tient. L’alcali  qui  provient  de -cette  opération, 
contient  de  la  potasse  pure  , du  carbonate  de 
potasse  en  proportion  diverse  , suivant  le  mode 
de  calcination  , la  force  et  la  longueur  du  feu 
qu’on  a employé  $ il  contient  aussi  du  sulfate 
de  potasse  , et  souvent  quelques  autres  sels 
étrangers  à la  matière  alcaline  : il  est  donc 
loin  d’être  dans  l’état  de  pureté  convenable, 
pour  qu’on  puisse  compter  sur  sa  nature  et 
sur  son  action  5 il  n’est  jamais  constant  dans 
ses  effets  , et  on  ne  sait  jamais  exactement  ce 
qu’on  donne  aux  malades  lorsqu’on  le  pres- 
crit. C’est  cependant  là  l’espèce  d’alcali  le  plus 
communément  employé  parmi  les  médicamens  ; 
c’est  celui  cju’on  croyoit  autrefois  le  plus  pur  , 
avant  qu’on  connût  bien  en  chimie  les  diffé- 
rées états  des  alcalis  fixes. 


1Z 


La  MsDECiNk 

IY.  De  V alcali  du  nitre. 

Pour  obtenir  promptement  de  l’alcali  ana- 
logue â celui  qu’on  extrait  des  cendres  des 
végétaux  , les  chimistes  ont  depuis  long-temps 
employé  la  détonation  du  niftre  avec  le  char- 
bon. Deux  parties  de  ce  sel  en  poudre  fine  , 
mêlées  avec  une  partie  de  charbon  également 
en  poudre  , et  projettées  dans  un  creuset  rouge  , 
détonent  fortement,  et  il  reste  après  la  déto- 
nation l’alcali  du  nitre  et  celui  qui  étoit  con- 
tenu dans  le  charbon.  Mais  comme  en  brûlant 
le  carbone,  combiné  avec  l’oxigène  de  l'acide 
nitrique,  forme  de  l’acide  carbonique,  cet  acide 
s’unit  à l’alcali  ou  potasse  , et  la  sature  plus 
ou  moins  , ou  y reste  en  plus  ou  moins  grande 
quantité,  suivant  qu’on  a tenu  le  résidu  de 
la  détonation  plus  ou  moins  long-temps  ex- 
posé au  feu.  Cet  alcali  est  donc  composé  de 
proportions  diverses  de  potasse  pure  ou  caus- 
tique , et  de  carbonate  de  potasse  $ et  quand 
on  l’employe  comme  médicament  , on  ne  sait 
jamais  positivement  l’énergie  et  la  nature  du 
remède  que  l’on  prescrit.  Ajoutons  encore  à 
cette  première  cause  d'incertitude  qu’il  en 
existe  plusieurs  autres,  soit  de  la  part  du  nitre  , 
dont  quelques  portions  peuvent  n’avoir  pas 
été  décomposées  , soit  de  la  part  du  charbon 
qui  fournit  quelques  sels  neutres  dans  sa  cen- 
dre , ou  qui  n’est  pas  toujours  egalement  et 
complètement  brûlé.  D’après  ces  observations 
on  voit  qu’on  ne  doit  pas  se  servir  en  médecine 
de  l’alcali  provenant  de  la  détonation  du  nitre, 
qu’on  connoît  aussi  sons  le  nom  d’alcali  extem- 
porané , à cause  de  la  promptitude  et  de  la 
facilité  qu’on  a à l’obtenir. 


i3 


KCLAIRÉK,  etC. 

V . Des  cendres  gravelées. 

Les  cendres  gravelés  , cineres  cJavellaiî , 
ont  été  nommées  ainsi , parce  qu’elles  sont 
sous  la  forme  grenue  et  comme  du  gravier. 
Elles  proviennent  de  la  combustion  des  lies 
de  vin  , elles  sont  fort  analogues  à i’alcàli 
obtenu  par  la  calcination  du  tartre  , car  les 
lies  de  vin  sont  en  grande  partie  formées  de 
cristaux  de  tartre  ; elles  n’en  diffèrent  même 
que  par  un  plus  grand  nombre  d’impuretés 
qu’elles  peuvent  contenir  en  raison  des  corps 
étrangers  , des  pépins  , des  portions  de  grappes, 
des  pellicules  ect.  , qui  se  précipitent  dans  les 
tonneaux  avec  le  tartre  fin  qui  s’y  dépose. 
Ainsi  elles  doivent  contenir  les  cendres  ou  les 
résidus  fixés  de  ces  différentes  matières  , mê- 
lées avec  l’alcali  caustique  , et  le  carbonate 
de  potasse  que  le  tartre  brûlé  et  plus  ou  moins 
calciné  à coutume  de  donner.  On  voit  donc 
qu’on  doit  encore  moins  les  employer  comme 
médicament  que  l’alcali  du  tartre  5 aussi  ne 
les  faisoit-on  en  général  servir  dans  la  phar- 
macie que  pour  la  préparation  de  quelques 
médicamens  composés  , et  ne  les  prescrivoit-on 
que  rarement  dans  les  formules,  encore  n’étoit- 
ce  que  pour  la  prescription  de  quelques  re- 
mèdes extérieurs. 

VI  De  V huile  de  tartre  par  défaillance . 

L’huile  détartré  par  défaillance  , oleum  tar- 
tan per  deliquium  , est  l’alcali  du  tartre  qui 
a attiré  l’humidité  de  l’air  , et  comme  cette 
dissolution  spontanée  est  épaisse  comme  une 
espèce  d’huile  , on  lui  a donné  le  nom  qu’elle 
porte.  Les  médecins  ont  souvent  ordonné  et 
fait  entrer  dans  leurs  formules  officinales  ou 


/ 


la  Z>  a Médeciwb 

magistrales,  l’huile  de  tartre  par  défaillance 
mais  ils  n’ont  pas  à beaucoup  pies  su  exac- 
tement ce  qu’ils  employoient  sous  cette  déno- 
mination. Il  n’y  a que  les  découvertes  de  l’état 
actuel  de  la  chimie  qui  puissent  faire  con- 
noître  exactement  ce  que  c’est  que  l’huile  de 
tartre  par  défaillance.  Quand  on  expose  à l’air 
l’alcali  du  tartre  , la  portion  de  potasse  pure 
ou  caustique  que  contient  cet  alcali  est  la 
6eule  de  ses  parties  qui  attire  l’humidité  de 
l’atmosphère  et  qui  devient  peu  à peu  liquide  ; 
quand  on  décante  cette  portion  déliquescente, 
on  trouve  au  fond , sous  la  forme  de  pondre 
humide  , le  carbonate  de  potasse  et  les  sels 
neutres  qui  existent  naturellement  dans  l’al- 
cali du  tartre  ; ainsi  la  déliquescence  due  à la 
forte  attraction  de  la  potasse  pour  l’eau  tend 
à séparer  cet  alcali  pur  d’avec  le  carbonate 
de  potasse  et  les  sels  neutres  qui  s’y  trouvent 
mélangés  dans  le  résidu  du  tartre  brûlé  ; et 
bous  ce  point  de  vue  , la  déliquescence  seroit 
un  assez  bon  moyen  d’avoir  de  la  potasse  pure , 
si  à mesure  que  l’eau  atmosphérique  se  préci- 
pite dans  cet  alcali , l’acide  carbonique  contenu 
dans  l’atmosphère  ne  s’y  précipitoit  pas  en 
même  temps  , et  ne  venoit  saturer  peu  à peu 
Cet  alcali  ; en  telle  sorte  qu’en  gardant  long* 
temps  à l’air  l’huile  de  tartre,,  on  obtient  au 
bout  de  quelques  mois  des  cristaux  de  carbo- 
nate de  potasse.  On  voit  donc  qu’en  employant 
l’huile  de  tartre  par  défaillance,  les  médecins 
donnent  aux  malades  un  mélange  varié  et 
inconnu  dans  ses  proportions  de  potasse  pure 
ou  caustique  , et  de  carbonate  de  potasse  , et 
qu’il  leur  est  impossible  d’apprécier  exacte- 
ment les  effets  médicamenteux  d’un  pareil  mé- 
lange. Si  l’huile  de  tartre  est  récente  , elle 


icixiRBE,  etc/  i3 

contient  assez  cle  potasse  pure  ou  caustique 
pour  être  très- âcre  , aussi  ronge-t-elle  la  peau 
et  les  excroissances  quand  on  l’applique  con- 
centrée sur  quelques  parties  extérieures  , et  ne 
peut-on  l’employer  à l’intérieur  qu’en  la  mê- 
lant avec  des  liquides  aqueux,  muqueux,  ect.  , 
en  plus  ou  moins  grande  quantité.  Si  l’huile 
de  tartre  est  ancienne  , et  a long-temps  resté 
exposée  à l’air  , la  potasse  y est  saturée  d’a- 
cide carbonique  ; elle  a perdu  son  âcreté  caus- 
tique , et  elle  a beaucoup  moins  d’énergie  à l’in- 
térieur. Entre  ces  deux  conditions  elle  varie 
considérablement  de  force  , et  c’est  en  raison 
de  ces  différences  qu’on  ne  doit  pas  l’employer 
comme  médicament. 

VII.  Des  sels  fixes  des  plantes. 

Otto  Tachenius  a beaucoup  vanté  l’usage 
des  sels  fixes  qu’on  retire  des  plantes  , et 
tous  les  médecins  qui  les  ont  employés  depuis 
lui  , les  ont  regardés  comme  des  alcalis.  Pour 
préparer  ces  sels,  on  met  les  plantes  sèches 
dans  une  marmite  de  fer  , on  y met  le  feu  , 
et  lorsqu’elles  commencent  à être  bien  embrasées 
on  couvre  le  vase  , afin  d’étouffer  la  flamme, 
et  de  laisser  lentement  consumer  les  plantes, 
pour  y retenir  une  partie  des  vapeurs  qui  se 
dissiperoient  dans  l’air.  Quand  la  combustion 
est  finie  , il  reste  des  cendres  charboneuses  , 
qui  retiennent  encore  la  forme  des  plantes  j 
on  les  agite  quelque  temps  en  les  faisant  en- 
core chauffer  pour  les  rapprocher  de  l’état 
de  véritables  cendres  : alors  on  les  lessive 
avec  de  l’eau  ; on  fait  évaporer  la  lessive  jusqu’à 
siccité  , et  on  obtient  ainsi  les  sels  fixes.  Ils  sont 
d’un  jaune  plus  ou  moins  brun  ou  fauve.  On  y 
trouve  par  l’analyse  de  la  potasse  , du  carbonate 


2 6 La  Médecine 

de  potasse,  du  sulfate  de  potasse.,  du  sulfate  de 
chaux  , du  carbonate  de  chaux , du  nmriate  de 
potasse  , du  phosphate  de  chaux , mêlés  d’un 
extrait  en  plus  ou  moins  grande  quantité.  La 
proportion  de  ces  matières  varie  suivant  la 
nature  des  plantes,  et  suivant  la  combus- 
tion plus  ou  moins  avancée  qu’on  leur  fait 
subir.  Ainsi  il  est  très- vrai  de  dire  que  les 
médecins,  en  prescrivant  les  sels  fixes  des  plan- 
tes , ne  connoissent  pas  ce  qu’ils  emploient , 
et  ne  peuvent  pas  apprécier  exactement  les  ef- 
fets que  ces  sels  peuvent  produire.  Plusieurs 
ordonnent  cependant  assez  fréquemmen  t le  sel 
d’absinthe  , le  sel  de  genêt  et  quelques  autres  , 
dans  l’hydropisie  , les  obstructions  ect.  , et  on 
en  voit  qui  font  beaucoup  de  cas  de  cesmédi- 
camens.  Un  homme  instruit  de  toutes  les  con- 
noissances  qui  constituent  la  matière  médicale  , 
ne  peut  plus  se  permettre  d’administrer  de  pa- 
reils médicamens,  qui  ne  sont  jamais  les  mêmes, 
et  dont  on  ignore  toujours  la  véritable  nature. 

VIII.  De  la  véritable  manière  d’avoir  l’alcali 
fixe  végétal  dans  un  état  identique  , et  de 
pouvoir  compter  sur  ses  effets. 

Il  résulte  de  tout  ce  qui  a été  dit  dans  les 
articles  précédens  , que  l’alcali  fixe  que  l’on 
emploie  comme  médicament , préparé  par  les 
divers  procédés  qui  ont  été  indiqués  , est  une 
substance  très-variée  , très-différente  dans  sa 
nature  , presque  toujours  inconnue  ou  au  moins 
peu  exactement  connue , et  par  conséquent 
très -incertaine  dans  ses  propriétés  et  ses  effets. 
Il  n’y  a qu’une  manière  d’avoir  dans  l’alcali 
fixe  un  médicament  constamment  semblable  à 
lui-même  dans  sa  nature  et  dans  son  action 

médicamenteuse  , 


ÉCLAIRÉE,  etC.'  17 

médicamenteuse , c’^st  de  bien  connoître  ce  sel 
pur  , du  bien  savoir  sa  préparation  et  ses  pro- 
priétés. L’alcali  fixe  végétal  est  nommé  au- 
jourd’hui potasse  dans  son  état  de  pureté  ; 
on  l’obtient  tel  en  traitant  tous  les  alcalis  pro- 
venant des  végétaux  brûlés  , du  tartre  cal- 
ciné , dunitre  décomposé  , par  la  chaux  vive  , 
qui  lui  enlève  l’acide  carbonique  (ancienne- 
ment l’air  fixe  ) dont  il  est  plus  ou  moins 
chargé  après  les  combustions.  Si  l’on  évapore 
la  potasse  ainsi  rendue  caustique  parla  chaux, 
dans  des  vaisseaux  ouverts  , elle  reprend  de 
l’acide  carbonique  de  l’atmosphère,  et  poussée 
jusqu’à  siccité  , elle  contient  de  la  chaux  et 
de  la  silice.  Pour  l’avoir  bien  pure  , il  faut 
dans  cet  état  la  dissoudre  dans  huit  ou  dix 
fois  son  poids  d’alcool  rectifié  , et  évaporer 
cette  dissolution  à siccité  dans  des  vaisseaux 
fermés  L’alcool , ne  dissolvant  absolument  que 
la  potasse  pure  , laisse  les  parties  de  carbonate 
de  potasse  , de  chaux  et  de  silice  , souvent 
contenues  dans  ce  sel  traité  par  la  chaux.  La 
potasse  ainsi  obtenue  , est  sous  la  forme  d’une 
matière  blanche  ou  grise,  non  ciistallisée  , très- 
âcre  ettrès-caustique,  qu’on  donne  dissoute  dans 
une  quantité  plus  ou  moins  grande  d’eau  avec 
quelque  mucilage  ; elle  est  toujours  la  même  , 
constamment  énergique  à un  dégré  connu  , 
quand  on  la  donne  avec  des  quantités  d’eau 
déterminées.  Le  nom  d’alcali  caustique  qu’on 
lui  donne  souvent  dans  cet  état  , ne  doit  point 
en  imposer  et  exciter  des  craintes  mal  fon- 
dées ; on  réduit  cette  causticité  , qui  est  très- 
forte  sous  la  forme  sèche  et  solide  de  ce  sel  , 
a une  saveur  presque  nulle  , en  le  donnant 
dans  une  grande  quantité  d’eau.  Quand  on  veut 
produire  un  effet  antacide,  absorbant,  fondant. 
Tome  IV . N°.  I B 


i8  La  Médecine 

mcisir , piompt  , on  ne  peut  pas  employer  nu 
plus  puissant , un  pins  sur  remède  ; c’est  celui 
qu’on  donne  avec  quelque*  succès  aujourd’hui 
dans  les  maladies  caiculeuseè  : il  convient  dans 
tous  les  cas  ou  les  alcalis  sont  indiqués,  et  au 
moins  on  peut  être  très-sûr  de  ses  effets  , puis- 
qu  on  sait  exactement  ce  qu’on  emploie  et  l’état 
précis  du  médicament  que  prennent  les  ma- 
lades. Il  y a encore  trop  peu  d’hommes  de  l’art 
qui  commissent  bien  l’alcali  dans  cet  état  de 
pureté  , et  qui  conçoivent  même  toutes  les 
ressoudes  que  la  médecine  peut  y puiser.  A 
mesure  que  l’art  de  guérir  se  perfectionnera 
par  l’.ipplicalion  sevère  des  sciences  acces- 
soires , on  tirera  un  parti  plus  grand  de  Ce  ré- 
niède',  et  je  suis  bien  trompé  si  cet  art  n’y 
trouve  pas  quelqiie  jour  un  des  plus  puissans 
moyens  d’attaquer  et  de  combattre  victorieu- 
sement des  maux  qu’on  regarde  aujourd’hui 
comme  incurables. 

Lè  médecin  veut-il*  au  contraire  employer 
un  alcali  très  doux  et  presque  savonneux,  pour 
me  servir  de  l’express'on  adoptée  , alors  il  doit 
prendre  le  carbonate  de  potasse  bien  pur , 
C’est  à -dire  la  potasse  bien  saturée  d’acide 
carbonique  , et  non  pas  dans  tous  les  états 
' variés  de  combinaison  avec  cet  acide,  qui  exis- 
tent clans  les  différentes  préparations  alcalines 
dont  il  a été  question  ci- dessus.  Tous  las  chi- 
mistes , tous  les  pharmaciens  doivent  savoir 
préparer  le  carbonate  de  potasse  bien  saturé  : 
il  ne  shunt  que  d’imprégner  une  lessive  de 
potasse  tres-pure  de  tout  i acide  carbonique 
qu’elle  peut  absorber  , d’évaporer  ensuite  len- 
tement la  dissolution  et  d’en  obtenir  le  sel 
sous  la  forme  de  prismes  rhomhé.uix  réguliers  , 

* non  déiiquescens  et  plutôt  légèrement  efïlo- 
rescens  à l’air.  Ce  sel  est  beaucoup  moins 


ÉCLAIRÉE,  etC.  I9 

fondant  et  beaucoup  moins  actif  que  la  po- 
tasse pure  : s’il  rencontre  des  aigres  dans  les 
premières  voies  , il  produit  une  effervescence 
occasionnée  par  le  dérasement  de  son  acide 

1 • 1 . . ° D,  r 

carbonique  ; mais  si  ce  11  est  que  comme  ton- 
dant qu’on  radministre  , on  a au  moins  l’avan- 
tage de  donner  un  remède  constant  , toujours 
semblable  à lui-même,  toujours  d’une  égale 
force  , et  sur  lequel  conséquemment  on  peut 
compter. 

Voilà  ce- que  les  médecins  empressés  d’avoir 
des  connoissances  exactes,  et  désirant  de  n’em- 
ployer pour  remède  que  des  substances  qu’ils 
connoissent  bien  , doive:  t savoir  et  avoir  tou- 
jours présent  à l’esprit  lorsqu’ils,. veulent  pres- 
crire l’alcali  fixe.  La  science  chimique  étant 
parvenue  à un  haut  point  de  perfection  dans 
la  connpissance  de  ce  sel  , il  n’est  plus  per- 
mis à la  médecine  de  ne  pas  suivre  ses  pro- 
grès , et  de  ne  pas  employer  ses  connoissances 
au  perfectionnement  de  la  matière  médicale 
qui  les  réclame. 

MÉDECINE  PRATIQUE. 

Exemple  remarquable  d’ abstinence  , par  Ro- 
bert Willâii  5 ( Médical  communications , vol. 

11).  ' 1 

Un  jeune  homme  très -studieux  et  d’un  ca- 
ractère mélancolique  , avoit  éprouvé  , durant 
les  années  1784  et  1785  , des  indigestions  très- 
laborieuses  , avec  des  douleurs  vives  dans 
l’estomac  et  une  sensation  constante  de  cha- 
leur intérieurement  ; il  s’imagina  en  1786  de 
s’astreindre  à une  abstinence  sevère  , dans 
l’espoir  de  faire  cesser  ces  symptômes  incom- 
modes : il  paroît  que  des  opinions  religieuses. 


no  La  Médecine 

contribuèrent  aussi  à lui  faire  prendre  cette 
résolution. 

Il  se  déroba  donc  à toutes  ses  affaires  , et 
à la  société  de  ses  amis  , et  fut  se  loger  dans 
une  rue  peu  habitée  , pour  y suivre  son  nou- 
veau plan  de  vie  5 son  régime  consista  à s’abs- 
tenir de  tout  aliment  solide , à humecter  seu- 
lement sa  bouche  de  temps  en  temps  avec  de 
l’eau  et  un  léger  mélange  de  suc  d’oranges. 
Après  trois  jours  d’abstinence  , la  sensation 
vie  la  faim  , qui  avoit  été  très-vive  , cessa  entiè- 
rement. Il  s’appliqua  alors  à l’étude  , et  se 
plongea  dans  la  méditation  sans  aucun  déran- 
gement. Il  ne  faisoit  aucun  exercice  , dor- 
moit  très  - peu  , et  passoit  la  plus  grande 
partie  de  la  nuit  à écrire.  La  quantité  d’eau 
qu’il  consominoit  chaque  jour  étoit  depuis 
une  demi  - pinte  jusqu’à  une  pinte.  Deux 
oranges  lui  sufiisoient  pour  une  semaine  ; il  11e 
m â choit  point  la  pulpe  , et  il  se  contentoit 
d’exprimer  le  jus  dans  l’eau  , pour  lui  donner 
une  saveur  agréable. 

Il  rendoit  une  médiocre  quantité  d’urine,  tou- 
jours claire  et  sans  sédiment.  Il  poussa  des 
selles  naturelles  depuis  le  second  jour  de  son 
nouveau  plan  de  vie  jusqu’au  quarantième  , 
mais  non  après  ce  terme , quoiqu’il  vécut  en- 
core de  la  même  manière  pendant  vingt  jours. 
Durant  les  dix  derniers  jours , il  éprouva  une 
chute  très-rapide  de  ses  forces  ; et,  quand  il  se 
vit  hors  d’état  de  se  lever  de  son  lit , il  fut  un 
peu  alarmé.  Jusques-là,  il  s’étoit  flatté  qu’il 
n’avoit  été  soutenu  dans  son  état  que  par  un 
moyen  surnaturel,  et  il  se  livroit  à l’agréable 
espoir  de  quelque  grand  événement  qu’il  croyoit 
devoir  survenir  à la  suite  d’une  abstinence  aussi 
extraordinaire  5 mais  cette  illusion  s’évanouit 
enfin  et  il  se  trouva  conduit  par  degrés  à une 


21 


Eclairée,  etc. 

exténuation  extrême , et  prêt  à être  précipité 
au  tombeau. 

Ses  amis  ayant  découvert  sa  retraite  , obtin- 
rent de  lui  de  recevoir  la  visite  d’un  ministre 
de  l’évangile  du  voisinage.  Celui-ci  lui  rendit 
sensibles,  avec  tous  les ménagemens  de  la  pru- 
dence, toutes  les  erreurs  de  ses  idées  vision- 
naires , et  le  lit  consentir  à adopter  un  régime 
propre  à obtenir  son  rétablissement  ; c’est  clans 
cette  vue  cjue  le  docteur  Willan  fut  appelé  le 
soixante  et  unième  jour  de  son  abstinence  , 
c’est-à-dire  le  20  mars  1786.  Il  étoit  alors  réduit 
à la  dernière  période  cle  l’amaigrissement  ; les 
muscles  de  la  face  étoient  entièrement  flétris. 
Les  os  de  la  pommette  et  les  arcades  zygoma- 
tiegues  étoient  très-saillans , et  lui  donnoient  l’as- 
pect de  la  mort.  Son  abdomen  étoit  concave  et 
l’ombilic  dans  un  état  de  rétraction  par  l’affais- 
sement des  intestins.  La  peau  et  les  muscles 
de  l’abdomen  étoient  ridés  au-dessous  du  rebord 
du  bassin  et  sous  les  côtes  en  laissant  de  grands 
vides  entre  les  os  des  isles , les  fausses-côtes 
et  l’épine.  Ses  membres  étoient  réduits  au  der- 
nier degré  de  ténuité  5 on  clistinguoit  facilement 
les  os  ischium  , les  trochanters  internes  et  toutes 
les  apopliises  des  os. 

L’état  de  ce  jeune  homme  donnoit  l’idée  d’un 
squelette  préparé  , en  desséchant  les  muscles 
dans  leurs  positions  naturelles.  Ses  yeux  n’a- 
voient  pas  perdu  leur  éclat  5 et  quoiqu’il  fût 
dans  un  état  de  foiblesse  , sa  voix  étoit  claire 
et  comme  dans  l’état  sain.  Quelques  écrits  qu’il 
avoit  faits  durant  sa  retraite , sur  des  objets  de 
piété  , se  ressentoient  beaucoup,  sur-tout  vers  la 
fin  , de  la  confusion  et  de  l’obscurité  de  ses  idées. 

Le  2.3  mars  , jour  de  la  visite  du  médecin  , 
on  lui  prescrivit  pour  boisson  une  pinte  d’eau 

B 3 


22  e a Médecine 

d’orge  et  deux  tasses  de  panade,  et  l'estomac 
parut  l)ien  digérer  ces  alimens  ; il  éprouva  un 
léger  mouvement  fébrile  durant  la  première 
partie  de  la  nuit,  mais  pendant  le  reste  de  la 
nuit  il  dormit  mieux  qu’à  l’ordinaire.  Le  2 4 
mars  il  prit  un  peu  de  bouillon  de  mouton  qu’il 
trouva  délicieux,  et  qui  parut  réveiller  son  ap- 
pétit. Son  pouls  marquoit  soixante-douze  batte- 
xnens  par  minute  ; il  étoit  petit  et  tempéré.  Le 
2 5 du  même  mois  , il  prit  à son  déjeuner 
une  pinte  de  lait  , et  pour  dîner  autant  de 
bouillon  de  mouton  cuit  avec  de  l’orge.  Le  soir 
pour  le  souper  on  lui  accorda  , à sa  demande, 
presqu’autant  de  riz  au  lait  ; il  éprouva  ce  jour- 
là  un  violent  appétit , et  il  auroit  beaucoup  plus 
mangé  si  on  le  lui  eut  permis.  Le  26  au  matin 
il  mangea  une  grande  quantité  de  pain  et  de 
beurre  , qu’il  prit  sur  la  table  pendant  l’absence 
de  la  garde-malade.  Peu  après  il  se  trouva  in- 
disposé et  il  voruit  deux  ou  trois  fois  sans  pres- 
que aucun  effort.  L’après-midi  il  poussa  une 
selle  , et  la  matière  des  déjections  offrit  la  con- 
figuration naturelle  , mais  elle  fut  suivie  de  , 
deux  ou  trois  selles  liquides.  L’urine  avoit  sa 
couleur  ordinaire,  avec  un  léger  enéorème  au 
milieu.  Sa  peau  étoit  toujours  sèche. 

M.  Wiilan  le  vit  le  soir,  et  il  le  trouva  beau- 
coup mieux.  Son  pouls  donnoit  quatre-vingt- 
dix  pulsations  par  minute  et  il  étoit  plus  fort. 
Il  étoit  alors  assis  sut*  un  fauteuil , parce  qu’il 
se  son  toit  un  peu  plus  de  force.  Il  se  plaignit 
de  quelques  symptômes  hypochondriaques.  Ses 
yeux  et  sa  langue  étoient  très  - diminués  en 
volume  et  dans  un  état  d’émaciation.  Il  dit  que 
la  sensation  de  chaleur  dans  l’estomac  ne  l’avoit 
jamais  quitté  même  durant  son  abstinence.  IL 
paiihit  d’u  e manière  sensible  et  même  avec 
esprit  sur  divers  objets,  mais  bientôt  la  conver- 


ÉCLAIRÉE,  etC.  2.3 

6ation  le  fatiguoit.  Il  prit  un  peu  de  pudding 
( bread  pudding')  au  dîner  et  deux  œufs  au 
souper,  et  la  saveur  de  ces  alimens  lui  parut 
très-agréable.  Il  fut  calme  et  plus  gai  qu’à  l’or- 
dinaire , en  marquant  la  satisfaction  qu’il  éprou- 
yoit  d’être  dégagé  de  son  ancienne  illusion.  Le 
2.8  il  parut  dans  un  état  de  rétablissement  ; ses 
joues  étoient  plus  pleines  ; il  avoit  même  assez 
de  forces  pour  se  promener  dans  sa  chambre.  Il 
n’a  voit  pas  beaucoup  dormi  la  nuit  précédente  , 
et  il  n’avoit  point  eu  de  selle  durant  le  jour.  II 
déclara  que  la  douleur  d’estomac l’avoit  quitté, 
ce  qui  contribuoit  beaucoup  à le  rendre  plus 
joyeux. 

Le  29  la  scène  changea  entièrement  ; il 
éprouva  de  la  confusion  dans  les  idées , et  vers 
minuit  il  tomba  dans  une  sorte  de  frénésie. 
Son  pouls  étolt  devenu  plus  fréquent,  avec 
une  chaleur  considérable  de  la  peau  et  des 
tremblemens.  L'incohérence  et  la  confusion  des 
idées  continua  le  lendemain.  On  lui  ht  prendre 
un  fort  purgatif  et  011  lui  administra  deux  clys- 
tères  dans  le  courant  du  jour  , ce  qui  ne  pro- 
duisit qu’une  petite  évacuation  ; il  resta  presque 
dans  le  même  état  jusqu’au  2 avril,  prenant 
peu  de  nourriture  et  dormant  très  peu;  à cette 
époque  , il  rendit  une  quantité  considérable  de 
matière  à l’aide  d’un  ciystère.  Bientôt  après  il 
devint  très-chagrin  et  n’ent  aucune  connois- 
sance  de  ce  qui  se  passoit  autour  de  lui.  A 
cette  époque  , il  fut  transporté  à la  campagne  , 
et  M.  Willan  n’eut  occasion  de  le  voir  que  le 
6 avril.  Il  parut  alors  aussi  amaigri  qu’à  la  pre- 
mière visite  qu’il  lui  avoit  rendue.  Son  pouls 
étoit  petit  et  foible  , avec  cent  vingt  battemens 
par  minute.  Le  7 et  le  8 , il  prit  toute  la  nour- 
riture qu’on  lui  offrit;  il  reconnut  tous  ceux 


2,4  i.  A Médecine 

qui  étoient  autour  de  lui  , mais  il  étoit  très- 
cléfailJant.  Le  9 il  mourut  dans  un  état  complet 
d’épuisement. 

Cette  abstinence  est  peut-être  la  plus  longue 
dont  on  ait  fait  mention  dans  les  annales  de 
médecine.  Elle  n’a  pu  guère  être  soutenue  que 
par  une  tournure  d’esprit  enthousiaste  et  qui 
approclioitde  la  manie,  qu’on  sait  être  si  propre 
à faire  supporter  la  faim  et  le  froid 

Dans  les  mémoires  de  l’Académie  des  Sciences, 
année  1769,  on  trouve  l’exemple  d’un  homme 
qui  vécut  quarante  sept  jours  sans  prendre  plus 
d’une  pinte  et  demie  d’eau  par  jour.  Il  resta 
constamment  dans  la  même  position  pendant 
trente-huit  jours;  mais  durant  les  derniers  huit 
jours,  il  fut  obligé  de  rester  couché,  et  alors  il 
11e  voulut  rien  prendre  , refusant  même  de  boire 
de  l’eau.  Lorsqu’il  commença  de  nouveau  à 
manger,  il  recouvra  sa  raison  pour  un  temps  , 
mais  il  retomba  aussi-tôt,  Dans  les  JEssais  de 
médecine  d’Edimbourg  , vol.  VI , on  rapporte 
l’exemple  cl’une  jeune  fille  qui  fit  une  absti- 
nence de  trente-quatre  jours,  et  dans  une  autre 
époque  de  cinquante-quatre  jours  , à cause  d’un 
spasme  et  d’une  obstruction  de  l’ésophage. 

M.  Fouteau,  dans  ses  œuvres  posthumes, 
parle  d’une  jeune  personne,  âgée  de  treize  ans  , 
qui , ne  pouvant  conserver  aucune  nourriture 
solide  dans  son  estomac,  subsista  dix-huit  mois 
avec  du  syrop  de  capillaire  mêlé  avec  l’eau  , et 
dont  le  corps  prit  en  hauteur  un  accroissement 
de  deux  pouces  et  demi.  On  trouve  divers  au- 
tres exemples  remarquables  d’abstinence  dans 
différent  ouvrages  , sur-tout  dans  les  Observa- 
liones  mrioj'es  de  Stalpart  Van  der  Wiel  ; clans 
les  Transactions  philosophiques  , vol.  LXV1I  ; 
dans  les  Mémoires  de  la  société  philosophique 
et  littéraire  cle  Manchester  ; mais  011  ne  peut 


ÉCLAIRÉE,  etC.'  25 

tirer  aucun  objet  d’utilité  de  ces  cas  extraor- 
dinaires : il  étoit  cependant  lion  de  faire  remar- 
quer jusqu’à  quel  point;  la  constitution  humaine 
est  capable  de  soutenir  l’abstinence. 

M.  Pouteau  a fait  une  observation  digne  de 
remarque  dans  ses  ouvrages.  Il  croit  que  le 
virus  du  cancer  peut  être  détruit  par  la  diète 
de  l’eau  , et  propose  pour  cet  objet  un  plan 
de  vie  qui  doit  être  continué  deux  mois.  Il 
assure  qu’ensuite  la  santé  et  la  force  peuvent 
se  rétablir  par  un  régime  convenable.  Une  per- 
sonne a été  guérie  parfaitement  par  ce  moyen. 
Dans  d’autres,  qui  n’ont  pu  s’astreindre  à l’abs- 
tinence que  pendant  un  mois,  la  maladie  paroît 
avoir  été  très-diminuée. 

CHIRURGIE. 

Observation  sur  le  passage  subit  de  l’intestin 
dans  la  tunique  vaginale  ; parM.  Deschamps, 
Chirurgien  en  chef  de  l’hôpital  de  la  Charité, 

Le  1 7 février  1787  , sur  les  neuf  heures 
du  matin  , M.  L.  G.  , clerc  de  notaire  , âgé  de 
vingt  ans  , en  sautant  un  ruisseau,  éprouva  un 
écartement  douloureux.  L’intestin  passa  par 
l’anneau  jusques  dans  le  scrotum  avec  la  plus 
grande  rapidité.  Transporté  rue  St. -Dominique , 
je  le  vis  une  heure  après  ; le  vomissement  avoit 
déjà  paru.  Je  tentai  la  réduction,  mais  une 
particularité  dans  une  hernie  aussi  récente  que 
celle-ci  fixa  mon  attention.  Je  trouvai  le  testi- 
cule droit  tellement  adhérent  à l’extrémité  de 
la  tumeur  herniaire,  que  je  ne  pus  l’éloigner 
assez  pour  embrasser  la  masse  intestinale  seule 
et  en  faire  la  réduction.  Je  ménageai  autant 
que  je  pus  la  compression  sur  cet  organe  clans 
les  différentes  tentatives  que  je  fis  pour  réduire 
la  hernie  5 ces  tentatives  furent  répétées  à dîf- 


2.6  La  Médecine 

férentes  reprises  et  toujours  inutilement.  Le 
malade  fut  mis  dans  le  bain  et  saigné  deux 
fois  dans  la  journée.  La  foiblessc  s’empara  de 
lui  ; les  vomissemens  et  les  hoquets  devenoient 
fréquens  ; il  passa  une  très- mauvaise  nuit.  Le 
matin  la  tumeur  étoit  douloureuse.  Vers  les 
onze  heures  ( vingt-six  heures  après  l’accident) 
je  le  vis  avec  M.  Sassard  , mon  confrère  ; nous 
nous  déterminâmes  à l’opération.  La  précipi- 
tation avec  laquelle  l’intestin  étoit  sorti  nous 
donna  lieu  de  penser  que  le  péritoine  ne  l’ac- 
coinpngnoit  pas  , et  qu’il  étoit  rompu  , ce  qui  me 
détermina  à redoubler  d’attention  après  l’ou- 
verture des  tégumens.  La  tumeur  herniaire  , 
entièrement  débarrassée  du  tissu  cellulaire  , 
nous  présenta  un  cylindre  parfait  de  la  lon- 
gueur d’environ  deux  pouces  et  demi , uni  dans 
toute  son  etçndue  , et  arrondi  a son  extrémité, 
à laquelle  nous  remarquâmes  aisément  le  tes- 
ticule séparé  de  l’intestin,  non  par  un  vide, 
mais  par  une  dépression  circulaire  seulement 
sensible  au  toucher.  Nous  regardâmes  c tte 
tumeur  comme  étant  de  la  nature  îles  hernies 
congénitales,  quoique  celle-ci  ne  lût  pas  de 
naissance,  mais  par  accident.  Quelque  fut  la 
cause  qui  ait  permis' l’introduction  de  l’intestin 
dans  la  tunique  vaginale^,  nous  regardâmes 
cette  tunique  comme  servant  de  sac  à l’intestin  : 
son  ouverture  donna  issue  à une  quantité  de 
sérosité  rougeâtre  plus  abondante  qu’elle  n au- 
rait du  être  pour  le  peu  de  temps  que  1 intestin 
V avoit  séjourné.  J’incisai  le  sac  jusqu’à  l’an- 


neau supérieurement  et  inférieurement , jusqu  a 
l’extrémité  des  parties  contenues  , c’est-à-dire 
jusqu’au  testicule , que  je  ne  crus  pas  de 
découvrir,  pouvant  librement  dégager  Pii 


devoir 
'intes- 
tin ; je  11’apperçus  aucune  interruption  entre 
lui  et  le  testicule  , qui  me  parurent  en  contact. 


ÉCLAIRÉE,  etC.  27 

La  portion  intestinale  étranglée  étoit  déjà  li- 
vide , mais  elle  n’avoit  rien  perdu  de  sa  con- 
sistance et  de  son  élasticité.  L'anneau  étoit 
très-serré  ; je  fus  obligé  de  l’inciser  à deux  fois  9 
la  première  incision  n’ayant  pas  été  suffisante. 
L’intestin  rentré,  il  sortit  de  l’abdomen  une 
assfz  grande  quantité  de  sérosité  pareille  à 
celle  dont  j’ai  parlé,  et  qui  étoit  contenue  dans 
le  sac  ; la  sortie  de  cette  sérosité  donna  issue 
à une  petite  portion  d’épiploon  qui  fut  reportée 
dans  le  ventre.  La  cessation  prompte  de  tous 
les  accidens  , les  digestions  stercorales  spon- 
tanées qui  survinrent  le  lendemain  , et  l’état 
satisfaisant  dans  lequel  se  trouva  le  malade, 
donnèren  t les  plus  grandes  espérances  de  succès. 
Le  quatrième  jour,  à la  levée  du  premier  ap- 
pareil , la  présence  du  testicule  dans  le  sac 
Herniaire  ne  fut  plus  douteuse  ; il  parut  à dé- 
couvert dans  l’étendue  d’une  pièce  de  douze 
sols  , et  la  charpie  y adhéroit  fortement  , ce 
qui  a constamment  lieu  dans  toutes  les  opéra- 
tions faites  à cette  partie  où  le  testicule  se  trouve 
à découvert  : il  s’étoit  beaucoup  tuméfié  et  étoit 
devenu  très- douloureux  , tandis  que  le  scrotum 
étoit , ù peu  de  choses  près  , dans  son  état  na- 
turel. Cette  tuméfaction  céda  par  degrés  à une 
suppuration  louable,  et  la  cicatrice  a été  par- 
faite le  trente-cinquième  jour. 

Dans  une  circonstance  absolument  nouvelle 
pour  moi,  j’ai  questionné  le  malade  sur  tout 
ce  qui  pouvoit  avoir  rapport  a une  hernie 
congénitale  , ou  à quelqu’autre  tumeur  pro- 
duite par  la  présence  d’un  fluide  dans  la  tuni- 
que vaginale.  Le  malade  m’a  assuré  ne  s’être 
jamais  apperçu  de  rien,  dans  cette  partie  , seu- 
lement il  a observé  , que  le  testicule  droit 
( côté  de  la  hernie  ) n’étoit  pas  tout- à fait  aussi 


28  La  Médecine 

bas  dans  le  scrotum  que  l’autre  mais  que  la 
différence  étoit  peu  de  chose. 

Le  passage  subit  de  l’intestin  dans  la  tuni- 
que vaginale  , ne  paroît  pas  s’accorder  avec 
les  notions  anatomiques  ; car  on  sait  que  le 
testicule  , encore  dans  le  bassin  d’un  fœtus  , ne 
descendpar  l’anneau,  oun’y  est  déterminé  par  ce 
que  Hunter  appelle  le gubernaculum  , qu’entre 
le  huitième  ou  neuvième  mois  de  la  conception  ; 
que  cet  organe  , en  passant  par  l’anneau  , 
entraîne  le  péritoine  dans  le  scrotum  ; que 
la  tunique  vaginale  , continuellement  humec- 
tée par  les  sérosités  qui  y sont  successivement 
versées  et  reprises,  ne  peut  contracter  d’adhé- 
rence avec  lui  : mais  qu’il  n’en  est  pas  ainsi 
de  la  production  du  péritoine  , qui  envelope  le 
cordon  des  vaisseaux  spermatiques  ; que  cette 
production  , dans  l’état  naturel, ne  forme  point 
de  sac  , et  qu’elle  adhère  fortement  au  cor- 
don depuis  l’anneau  où  cette  tunique  se  res- 
sère  jusqu’au  testicule  où  commence  vérita- 
blement la  tunique  vaginale  du  testicule. 

D’après  cette  observation  anatomique  , il  est 
difficile  de  concevoir  comment , dans  la  hernie 
précipitée  dont  il  est  question,  l’intestin  a pu 
glisser  dans  une  cavité  qui  ne  doit  point  exister. 

La  pathologie  apprend  que  souvent  l’in- 
testin et  l’épiploon  ont  été  trouvés  dans  cette 
enveloppe  , mais  ce  n’a  été  que  lorsque  ces 
parties  contenues  ont  suivi  la  descente  du 
testicule  dans  le  scrotum  , ce  qui  a fait  donner 
ù cette  hernie  le  nom  de  congénitale  ou  her- 
nie de  naissance  5 et  quand  ce  sont  des  flui- 
des accumulés  dans  cette  cavité , celui  d’hy- 
drocèle de  naissance  ou  congénitale. 

n _ 

Il  est  cependant  prouvé  , qu’outre  les  hydro- 
cèles de  naissance  , il  s’en  forme  souvent  dans  la 
tunique  vaginale  et  le  long  du  cordon  des  vais- 


ÉCLAIRÉE,  etC.  29 

seaux  spermatiques  en  même  temps  ; il  est  vrai 
que  le  liquide  , amassé  premièrement  dans  J a 
tunique  du  testicule  , a pu  forcer  l'obstacle  et 
s’étendre  le  long  du  cordon  des  vaisseaux , 
mais  encore  l’expérience  prouve  qu’il  existe 
des  hydrocèles  dans  la  tunique  ( 1 ) des  vais- 
seaux spermatiques,  et  cette  espèce  d’hydro- 
céle  , je  crois , ne  peut  plus  être  révoquée  en 
doute.  Suivant  Haller  ( 1 ) , la  communication 
de  l’abdomen  avec  la.  tunique  du  cordon  a 
été  observée,  mais  rarement.  M.  Pelletan  , dans 
sa  savante  thèse  JDe  herniâ  inguinali  conge- 
nitâ  ( 2 ) , dit , en  parlant  de  cette  communi- 
cation , potest  autem  apertum  remanere  , quod 
haud  fréquenter  in  homine , in  quadrupedibus 
vero  constanter  observatur. 

J’ai  recueilli  quelques  exemples  d’hydrocèle 
dans  la  tunique  vaginale  , dont  la  communica- 
tion avec  la  cavité  du  bas-ventre  n’étoit  point 
interrompue  , et  dont  l’eau , amassée  en  assez 
grande  quantité  , disparoissoit  précipitamment, 
rèpassant  dans  l’abdomen , et  de  cette  cavité 
dans  le  sac  de  l’hydrocèle.  Dans  la  hernie  dont 
il  est  question , la  grande  quantité  de  séro- 
sité que  nous  avons  remarquée  dans  le  sac  her- 
niaire , et  celle  qui  est  sortie  de  l’abdomen 
après  la  réduction  de  l’intestin  , ne  donneroit- 
elle  point  la  solution  du  problème  ? cette  ser- 
rosité  n’étoit-elle  point  habituellement  dans  la 
tunique  du  cordon  des  vaisseaux  spermatiques  , 
mais  en  si  petite  quantité  que  le  malade  ne 
s’en  est  pas  apperçu  ? n’a-t-elle  pas  été  la  cause 
de  la  communication  qui  a subsisté  depuis 

(i)  Je  préviens  que  ee  que  j’entendrai  par  tunique  du 
cordon , dans  ce  cas,  n’est  autre  chose  que  le  tissu  cellulaire 
dont  l’écartement  se  prête  à la  collection  aqueuse^ 

(1)  Haller  , phys.  lib.  27  , $.  z. 

(2)  21  octobre  1776. 


DO 


ï-  a Médecine 

sa  naissance  , et  de  la  hernie  consécutive  dans 
cette  partie  ? l’aspect  du  sac  herniaire  dé^ané 
de  tout  ce  qui  l’environnoit  , le  cordon^des 
vaisseaux,  sp  l ma  tiques  dans  le  lieu  qu’occu- 
poit  1 intestin  le  testicule  dans  l’intérieur  du 
sac,  et  à sa  partie  intérieure  celui-ci  mis  à 
découvert,  ne  me  laisse  en  particulier  aucun 
doute  sur  ie  passage  précipité  de  l’intestin  dans 
la  tunique  vaginale  , quelque  soit  la  cause 
qui  lui  en  aura  permis  l’entrée.  De  nouvelles 
observations  pourront  peut  être  venir  à l’appui 
de  celle-ci.  Le  signe  pathognomonique  (pii 
fera,  reconnaître  cette  espèce  de  hernie  sera , 
dans  une  hernie  récente  et  subite  , la  pré- 
sence du  testicule  à l’extrémité  île  la  tumeur  , 
avec  impossibilité  de  l’écarter  pour  embrasser 
aveç  la  main  la  masse  intestinale  , et  en  faire 
la  réduction. 

PHARMACIE. 

■Exposé  de  qjielques  phénomènes  qui  se  pré- 
sentent dans  la  préparation  du  phosphate 
de  soude  ; par  M.  Vauquelin. 

L’usage  du  phosphate  de  soude  comme  pur- 
gatif , est  depuis  quelque  temps  fort  répandu 
en  i rance  ; il  est  donc  utile  de  faire  connoître 
tous  les  phénomènes  que  présente  sa  prépara- 
tion. Pour  l’obtenir  , on  fait  calciner  à blanc 
des  os  de  quadrupèdes,  on  les  réduit  en  pou- 
dre , on  Je.tte  dessus  la  moitié  de  leur  poids 
d’acide  sulfurique  concentré  : il  se  produit  des 
phénomènes  différens  , suivant  que  les  os  ont 
été  plus  ou  moins  brûlés.  Communément  le 
mélange  s’échauffe,  noircit,  exhale  des  vapeurs 
blanches  d’acide  sulfureux  , quelquefois  mêlé 
de  gaz  hydrogène  , dû  à l’huile  plus  ou  moins 
brûlée  que  les  os  contiennent  encore  , et 
qui  agit  sur  l’açide  sulfurique  , en  lui  en- 


ÉCLAIRÉE,  etc.  3l 

levant  une  portion  jPoxigène.  Cette  réaction 
est  produite  par  l’hydrogène  et  le  carbone , 
aussi  se  forme-t-il  de  Peau  et  de  l’acide  car- 
bonique. La  chaleur  est  telle  dans  cette  opé- 
ration , cpie  tandis  qu’une  portion  d'hydro- 
gène et  cle  carbone  de  l’huile  contenue  dans 
les  os  , s’unissent  à Poxigène  de  l’acide  sul- 
furique, une  autre  portion  d’hydrogène  est  sépa- 
rée du  carbone  etde  l’azote  sous  la  forme  de  gaz. 
Ilsepasse  encore  ici.un  autre  phénomène  qui  n’a 
été  a p perçu  jusqu’à  présent  que  par  M.  .Ber- 
thelet , à la  vérité  sur  d’autres  matières  , mais 
qui  sont  analogues  par  leur  nature  ; l'attrac- 
tion de  l’acide  sulfurique  et  de  l’acide  phos- 
phorique  pour  les  alcalis  détermine  et  opère 
véritablement  l’union  de  l’azote  et  de  l’hy- 
drogène dans  des  doses  convenables  pour  don- 
ner naissance  à P ammoniaque  : tous  ces  effets 
• différens  ne  tiennent  qu’à  la  présence  d’une  ma- 
tière huileuse  due  à la  gélatine  et  à la  moëlle 
des  os  non  complètement  calcinés  : aussi  lors- 
que les  os  ont  été  parfaitement  brûlés  , il  n’y 
a qu’une  décomposition  simple  du  phosphate 
de  chaux  qui  en  forme  la  base  solide,  et  l’a- 
cide phpsplioriquè  devient  libre  tandis  que  l’a- 
cide sulfurique  s’unit  à la  cliaux.  , . 

Après  avoir  laissé  l’acide  sulfurique  et  les  os 
en  contact  environ  douze  heures,  pendant  les- 
quelles on  a eu;, soin  d’agiter  Je  mélange,  on 
délaye  la  matière  dans  cinq  à six  fois  son  poids 
d’eau  de  rivière,  et  on  jette  le  tout  sur  une 
toile  garnie  de  papier  gris  ; on, ,y  passe  assez 
d’eau  pour  emporter  tout  l’acide  pliospliprique 5 
ce  qui  reste  sur  le  filtre  est  du  sulfate  de  cliaux 
ou  du  plâtre  , qui  est  rejetté  comme  inutile. 

Comme  l’acide  phosphoriqué  dissout  une 
grande  quantité  de  sulfate  de  chaux  , il  con- 
vient de  le  faire  évaporer  jusqu’à  un  certain 


32  La  Médecine  éclairée  etc. 

point  , pour  en  séparer  ce  sel  qui  se  dépose 
ordinairement  en  aiguilles  ; mais  quoi  qu’on 
fasse  , jamais  on  ne  parvient  à l’enlever  en- 
tièrement. Lorsqu’il  ne  se  sépare  plus  sensi- 
blement de  sulfate  de  chaux  cle  la  liqueur,  on 
sature  cet  acide  phosphorique  avec  le  carbo- 
nate dé  soude  ; il  se  fait  une  vive  effervescence 
due  au  dégagement  de  l’acide  carbonique  $ on 
voit  se  précipiter  une  poussière  blanche  qui 
est  du  carbonate  de  chaux  ou  de  la  craie  pro- 
venant de  la  réunion  de  la  chaux  avec  l’a- 
cide carbonique  de  la  soude  , on  sent  en  même 
temps  une  odeur  d’ammoniaque  très-forte  ; ce 
carbonate  d’ammoniaque  qui  se  dégage  provient 
du  sulfate  d’ammoniaque  contenu  dans  la  les- 
sive d’acide  phosphorique  , et  décomposé  par 
le  carbonate  de  soude. 

On  voit  donc  qu’en  préparant  ainsi  le  phos- 
phate de  soude  il  est  impossible  de  l’obtenir 
parfaitement  pur  , et  qu’il  contient  constam- 
ment du  sulfate  de  soude  : on  sent  que  ce  sel 
est  plus  ou  moins  abondant  , suivant  que  les 
os  ont  été  aussi  plus  ou  moins  brûlés  , et  que 
l’acide  phosphorique  a été  plus  ou  moins  éva- 
poré. Cependant  si  l’on  mettoit  beaucoup  d’at- 
tention à la  séparation  de  ces  deux  sels  on  y 
parviendroit  au  moins  en  partie  , car  par  l’é- 
vaporation le  sulfate  de  soude  cristallise  le  pre- 
mier sous  la  forme  de  prismes.  Mais  ce  sel 
n’apportant  aucun  obstacle  à l’indication  que 
les  médecins  se  proposent  de  remplir  par  son 
usage  , on  ne  se  donhe  pas  la  peine  de  les 
séparer.  On  pourroit  se  procurer  le  phosphate 
de  soude  parfaitement  pur , en  combinant  à la 
soude  l’acide  phosphorique  obtenu  par  la  com- 
bustion rapide  du  phosphore  ; mais  ce  pro- 
cédé le  rendroit  extrêmement  cher. 


( 1er.  août  lygz.  ) 


65 


ANATOMIE. 

II.  Ei  : trait  d'une  lettre  écrite  à 31.  Seguin  , 
par  31.  Dumas,  de  l’académie  de  31  ont- 
pellier , contenant  l’histoire  d’une  concep- 
tion tuhale. 

U n e femme  qui  n’avoit  pas  fait  d’enfant  de- 
puis une  vingtaine  d’années  , portoit  depuis 
cette  époque  un  ventre  d’une  énorme  grosseur. 
Elle  vient  à l’hôpital  , on  la  juge  hydropique  ; 
on  lui  fait  la  ponction  , il  sort  de  son  ventre 
une  matière  épaisse  semblable  à du  chocolat  : 
à la  seconde  fois  , le  trois-quarts  est  arrêté  par 
un  obstacle  , on  le  retire  et  il  amène  un  gros 
paquet  de  cheveux;  on  soupçonne  un  grossesse 
extra- utérine.  La  femme  meurt,  on  trouve  à 
l’ouverture  du  cadavre  l’ovaire  droit  prodigieu- 
sement dilaté,  et  ayant  acquis  le  volume  d’un 
estomac  distendu.  L’ovaire  contenoit , i°.  au- 
tant de  cheveux  que  peut  en  fournir  la  tête 
d’un  adulte  ; a0,  beaucoup  de  cette  matière 
semblable  à du  chocolat  ; 3°.  un  morceau  de 
chair  dans  lequel  on  ne  remarquoit  aucune 
‘ structure  régulière  et  décidée  , il  avoit  la  forme 
et  la  couleur  d’un  morceau  de  saucisson.  : 4°- 
des  parcelles  d’os  brisés  et  moulus;  5°.  une 
portion  de  la  mâchoire  inférieure  présentant 
la  forme  , la  consistance,  la  dureté  , la  per- 
fection de  la  mâchoire  d’un  adulte  ; 6°.  quel- 
ques dents  implantées  dans  les  alvéoles  de  cette 
mâchoire  : ces  dents  a voient  l’émail  et  la  du- 
reté de  celles  qu’on  voit  chez  les  adultes  ; une 
de  ces  dents  étoit  implantée  dans  les  tuniques 
de  l’ovaire  à peu  près  comme  si  elle  eût  été 
Tome  IV.  N°.  IV*.  E 


66  i-  a Médecine 

dans  son  alvéole  : leur  disposition  n’étoit  pas 
régulière,  mais  cependant  elles  laissoient  en- 
tre elles  un  espace  convenable  , et  elles  étoient 
placées  alternativement  l’une  à droite,  l’autre 
à gauche. Telles  sont  les  circonstancesles  plus  re- 
marquables que  l’inspection  de  ce  cadavre  éton- 
nant nous  a présentées.  De  quelle  manière  ces 
cheveux  ont-ils  végété  dans  l’ovaire  ? de  quelle 
manière  les  dents  ont- elles  pris  de  la  consis- 
tance et  de  l’accroissement  ? comment  l’une 
cl’elles  a-t-elle  éprouvé  la  carie  ? comment  le 
corps  renfermé  dans  l’ovaire  s’est-il  dissous  , 
décomposé  , à l’exception  d’une  partie  de  la  mâ- 
choire , de  quelques  dents  et  d’un  morceau  de 
chair  ? comment  ces  parties  sont-elles  demeu- 
rées intactes  ? ect.  ect.  Que  de  questions  se  pré- 
sentent , auxquelles  il  faut  répondre  ce  que 
dit  Voltaire  dans  son  poëme  sur  la  Nature , 

Demandez- le  à ce  Dieu  qui  nous  donne  la  vie. 

Dans  les  mémoires  de  l’académie  de  chirur- 
gie , on  trouve  je  crois  une  observation  qui 
offre  quelque  analogie  avec  celle-ci  , mais  elle 
n’est  point  rapportée  par  un  témoin  oculaire, 
et  plusieurs  membres  de  l’académie  l’ont  ré- 
voquée en  doute  ; celle  que  je  vous  atteste  a 
été  suivie  par  trente  témoins  , et  je  suis  de  ce 
nombre  moi-même.  M.  Fagès  , chirurgien  de 
notre  hôpital , vient  d’envoyer  le  détail  de  cette 
observation  à l’académie  de  chirurgie,  avec  la 
pièce  anatomique  convenablement  préparée. 

PHYSIOLOGIE 

Procès-verbal  des  expériences  de  M.  Valli , 

sur  P électricité  animale. 

M.  Valli,  médecin  italien,  vient  de  faire 


ÉCLAIRÉE,  etC.  67 

connoître  à l’académie  des  sciences  de  très- 
belles  expériences  sur  ce  qu’il  nomme  l’élec- 
tricité animale.  L’académie  a chargé  MM.  le  Roi, 
Vicq-d’Azyr  et  Coulon  , de  répéter  ces  expé- 
riences avec  M.  Valli.,  Les  principales  ont  été 
faites  dans  le  laboratoire  de  M.  Lourcroy,  le 
jeudi  12  de  ce  mois  (juillet  1792),  en  présence 
de  plusieurs  savans  de  la  capitale  : c’est  le 
procès-verbal  simple  de  ces  essais  qu’on  donne 
ici  ; on  ne  l’accompagnera  pas  encore  de  ré- 
flexions sur  le  résultat  de  ces  expériences  , et  sur 
leur  application  à la  physique  animale.  Lors- 
qu’elles auront  été  répétées  et  variées  , comme 
la  nature  et  l’importance  du  sujet  l’exigent  , 
il  sera  temps  d’en  faite  connoître  alors  les  ap- 
plications : nous  dirons  seulement  que  la  pre- 
mière découverte  de  ce  genre  est  due  à M.  Co- 
tunnius  ; que  M.  Galvani  de  Padoue  a ré- 
pété ensuite  ces  expériences  électriques  , que 
M.  Valli  les  a multipliées,  et, qu’il  a déjà  publié 
trois  lettres  sur  cette  matière.  On  aura  soin 
d’entretenir  les  hommes  de  l’art  de  la  suite 
de  ces  recherches  , dans  les  numéros  suivans 
de  ce  journal. 

Trernière  expérieiice.  Une  grenouille  étant 
attachée  sur  une  table  , on  a disposé  sur  elle 
deux  armatures  métalliques  , l’une  étoit  une 
lame  de  plomb  posée  sur  l’abdomen  de  l’a- 
nimal; l’autre  une  pièce  d’argent  passée  sous 
le  bassin.  M.  Valli,  en  réunissant  les  deux  ar- 
matures par  le  moyen,  d’un  excitateur  de  cui- 
vre , produit  sur  l’animal  des  mouvemens  con- 
vulsifs très-remarquables. 

Secoîicie  expérience.  La  lame  de  plomb  qui 
servoit  de  première  armature  ayant  été  en- 
levée , l’abdomen  restant  à nu  et  l’excitateur 
ayant  été  posé  , les  convulsions  ont  eu  lieu  , 

£ 2 


68  La  Médecine 

mais  d’une  manière  moins  sensible  que  clans 
l’expéiience  précédente  , et  M.  Valli  a dit  que 
cetie  expérience  ne  réussissoit  pas  toujours. 

Troisième  expérience . On  a éprouvé  qu’en 
mettant  les  deux  armatures  d’un  même  métal, 
en  arpent  ou  en  or  indifféremment , l’excita- 
teur de  cuivre  produisoit  des  effets  beaucoup 
plus  foibles  : lorsque  les  deux  armatures  ont 
été  faites  avec  les  métaux  semblables  , cuivre, 
plomb  , étain  , z:nc  , ect.  , et  que  l’excitateur  a 
été  du  même  métal , on  n’a  observé  aucun 
effet. 

Quatrième  expérience.  L’armature  de  l’ab- 
domen a été  placée  d’une  manière  horisontale  , 
alors  les  points  de  contact  se  trouvant  moins 
nombreux  , les  effets  ont  été  beaucoup  moins 
sensibles  , mais  ils  ont  reparu  avec  force  lors* 
que  l’armature  a enveloppé  exactement  la  ca- 
pacité de  l’abdomen. 

Cinquième  expérience.  Une  grenouille  a été 
dépouillée  et  coupée  transversalement  par  la 
moitié  , les  nerfs  cruraux  mis  à nu  ont  été 
réunis  et  posés  sur  une  pièce  d’or,  tandis  que 
les  cuisses  restoient  en  contact  avec  une  pièce 
d’argent  ; l’exc  dateur  de  cuivre  a produit  alors 
de  légers  mouvemens  , les  deux  armatures  en 
arpent  en  ont  offert  aussi  avec  l’excitateur  de 
cuivre. 

Maïs  lorsqu’on  a substitué  une  armature  de 
plomb,  d’étain  ou  de  cuivie,  à celle  d’argent 
qui  cveloppoit  les  nerfs  , les  mouvemens  ont 
été  ti ès-violens  : on  ponvoit  cependam  y ob- 
server cette  gradation  dans  faction  dt  s mé- 
taux , le  plomb  prodirsoit  les  mouvemens  les 
plus  vifs,  ensuite  l’étain  , après  le  cuivre  5 à 
mesure  que  la  grenouille  perdoit  de  sa  vita- 
lité les  métaux  perdoient  aussi  la  faculté  de 


i c ï,  a ï ti  é e , etc.  69 

déterminer  la  marche  du  fluide  électrique 
dans  l’animal  : le  plomb  , l’étain  et  le  zinc,  ont 
conservé  le  plus  long  temps  cette  propriété. 

Sixième  expérience  Lu  plomb  de  vitrier, 
mis  des  deux  côtés  pour  armante  , n’a  produit 
aucun  effet  avec  un  excitateur  du  même  plomb; 
mais  lorsqu’on  y a mis  du  plomb  de  différentes 
qualités  , tels  que  celui  de  vitrier  et  celui  d’essai, 
un  excitateur  de  l’un  ou  l’autre  de  ces. .me taux 
a produit  des  effets  n marqu  . blés  , et  lorsque 
ces  deux  plombs  , en  changeant  les. métaux  dif- 
ferens  ne  prodnrsoient  puis,  rien  dans  .une 
des  armatures.,  en  substituant  au  plomb,  l’ar- 
gent , l or  , le  bismuth  , l’antimoine  ou  le  zinc, 
011  a .obtenu  encore  des  mouvemens  tiès  vifs, 
qui  ont  mis  f ■ nima l p n état  d’éprouver  de  lé- 
gères convulsions,  lorsqu’on  a remis  une  se* 
coude  fois  les  deux  premiers  plombs-  de  di- 
verse .nature.  -,  • .-j'ivr.ôr* 

Septième  expérience.  M.  "V al  1 i ayant  laissé, 
reposer  quelq.ues  inomens-  1 rt  grcncvviillç  t elle 
s’est  trouvée  en  état  d’éprouver  des  convul- 
sions rusez  vives  lorsqtrelle  a été  sqmnise  de 
de  nouveau  aux  mêmes  expériences. 

Huitième  expérience.  ,La  force  . électrique 
©tant  plus  pi  ès  d être  épuisée. dans  l’animal  , M. 
Walli  est  arrivé  au  point  ou  les  métaux,  cliffé- 
rens , en  rappellant  les ..convulsions  par.  leur  at- 
touchement, ne  lui  laissoient  pas  après  eux 
la  propriété  de  donner  encore  des  mouvemens 
avec  les  armatures  de  plomb  dj  vitrier  et  de 
plomb  d’essai. 

Neuvième  expérience . Enfin  l’acl  ion  électih  ue 
a tout  à-fait  disp  ou  ; dans  l’ordre  suivant  le 
plomb  de  vitrier  , fouinant  toujours  l’une  des 
aimatures  : 

i°.  Le  plomb  d’essai  a cessé  de  donner. 

E 3 


72  La  M e d e c i n e 

pouyqlt  être  l’état  d’électricité  de  l’amittal 
soumis  à l’expérience,  il  a été  plongé  clans  un 
vase  qui  contenoit  tin  électromètre  de  M.  Cou- 
lomb , successivement  "électrisé  positivement 
et  négativement  : dans  les  deux  cas  l’animal 
a attiré  la  boulé  de  l’électromètre , ce  cpii.  a 
prouvé  que  l’électricité  étoit  dans  un  parfait 
repos,  avant  et  pendant  l’expérience,  et  c|ue 
le  système  du  corps  sur  lequel  elle  se  faisoit 
préseiitoit  absolument  le  phénomène  de  la 
bouteille  clë  Levcle. 

] Jiæ-srptième  'expérience.  Le  nerf  crural  gau- 
che' d’une  grenouille  'vivante  , Vivant"  été  lié 
fortement,  l’àniniajf  a perdu  la  faculté  de  mou- 
voir naturellement  la!  partie  inférieure  à la  li- 
gature ; mais  ce  nèrf  étant  armé  comme  dans 
les  autres  expériences  , leS  moüvërnéni  ont  été 
excités  lorsque  la  coiurpunication  a été  établie 
cfutre  le  muscle  et  la1  partie  supérieure  à la 

T ; .'.•ù  .n  A ■ • y 4 , i 

ligature.  T : 

Diæ-îiuiLième  expérience.  La  ligaturé  ayant 

été'' faite  sur;  le  .ne'rf  gauche,f  assez  près  du 

muscle  pour  le  toucher  , et  dans  le  droit , do 

manière  .que  le  nerf  fût  dégagé  .et  visible  , la' 

partie  "anche' paralysée  es, t rëstéié  tfdri'Ritêiïiént' 
f - f.-arrn  i . mi  • • r " i • < ■icro1)  :ri.  i '-c: 
îmm^bne^ , et  toUs  les  mouyemèns  convulsifs 

cxôites  "par  la:  VômmUnïdàtion  'gé'soiir  portés 

sur  la  partie  droite  : le  mêrné" )]nh'n ’,ga'uèlié 

ayant  ensuite  été  dépouillé  plus  'avant  de,  la 

partie  musculaire  qui  l eiivironnoit^  g repris 

sa  faculté  conductrice  , et  laissé  ‘le  mouvement 

communiqué  agir  d’.ime  inditier e,  tressa clive  ; 

lorsqu’on  repoussoir  la  ligaturé  contre  le 

muscle.,  le  membre'*  perdoit  la'  faculté  de  se 

mouvoir. 

" Dix-neuvième  expévièiice.  Un!  dés  nerfs  çni- 
ràux  ayant  été  armé  d’une  plaque  de  plomb  , 

4-  » i 


É C L A I II  É E , e^Cl 


70 


M.  'Va'lli  l’a  rnis  en  communication  avec  T antre 
nerf 'crural  non  armé,  et  il  a obtenir  des  mou- 
vements convulsifs  très- considérables.  , 

Vingtième  expérience.  Un  même  , nerf  armé 
de  deux  plaques  de  plomb  à différentes  hau- 
teurs dans  le  muscle  , a été  violemment  agité 
'lorsque  les  deux  parties  ont  été  mises  en  com- 
munication par  l’excitateur.;  les  mêmes  effets 
ont  eu  lieu  quoique  le  nerf  fut  entièrement 
dépouillé  dans  tonte  sa  longueur  de  la  partie 
musculaire  qui  renvironnojt. 

Vingt*- deuxième  expérience  t La  cuisse  d’une 
[grenouille  présqii’entièrement  dépouillée  de 
sa  partie  musculaire  , et  dont  le  nerf  crural 
étôit  armé  d’une 'plaque  métallique,  oscilloit 
avec  forcé  'lorsqu’on  lui  présent  oit  un  con- 
1 cl ucteur  dé  métal. 'U 

. Vingt-troisième  expérience.  On  a essayé  d’é- 
tablir la  même  communication  sur  un  animal 
vïvân t et  à sang  chaud  ; un  homme  s’est  placé 
sur  la  table  et  les'  armatures  disposées  sut 
lui  de  la  même  manière  que  dans  les  expé- 
riences précédentes  , n’ont  produit  aucun  mou- 
vement lors  de  leur  réunion  par  le  moyen  dé 
l’excitatérr  - le  mê'rilè  essai  , tënté  sur  le  cochon 
d’inde  (càvia  çdbayà , Li'nn.  édit.'  i3.  ) n’a  pré- 
senté- aucun  résultat  satisfaisant. 


C H I M I E. 


Extrait,  d’un  rnerhoire  par  M.  Margueron  , 
pharmacien  aux  invalides  , sur  V examen 
chimique  de  la  sérosité  produite  par  les 
remèdes  vésicans  , lu  à r académie  le  19 
juin  1792,. 


Les  remèdes  vésicans  appliqués  sur  diffé- 


7 4 La  Médecine 

rentes  parties  du  corps  , y produisent  ordi- 
nairement de  la  chaleur  , de  la  douleur  , de 
rinflaimnation  , et  l’élévation  de  vessies  rem- 
plies d’un  liquide  connu  sous  le  nom  de  sé- 
rosité ; M.  Margueron  a eu  la  facilité  de  se 
procurer  une  assez  grande  quantité  de  ce  fluide 
dans  les  infirmeries  des  invalides.  Le  sujet  qui 
a fourni  la  sérosité  étoit  jeune  , d’une  foible 
constitution  , et  affecté  d’une  maladie  putride: 
des  emplâtres  vésicatoires  appliqués  aux  jambes 
du  malade  , produisirent  bientôt  l’effet  ordi- 
naire ; lorsqu’au  bout  de  douze  heures  on 
leva  l’appareil  , on  apperçut  une  vessie  qui 
ayant  été  ouverte,  laissa  découler  une  liqueur 
demi-transparente  , d’une  couleur  ambrée  : 
on  y reconnut  l’odeur  des  résines  et  des  can- 
tharides , qui  entrent  dans  la  composition  des 
vésicatoires  5 sa  pesanteur  spécifique  étoit  plus 
grande  que  celle  de  l’eau  distillée  , et  étoit  à 
ce  dernier  liquide  comme  trois  cents  sont  à deux 
cent  quatre-vingt  huit  ; sa  saveur  étoit  salée, 
elle  veidissoit  la  teinture  de  violettes. 

Il  se  forme  dans  la  sérosité,  quelques  temps 
«près  qu’elle  est  rendue  , un  réseau  qui,  se  re~ 
tirant  sur  lui-même,  produitune  pellicule  qui 
se  précipite  au  fond  du  vase.  M.  Margueron  , 
apres  avoir  reconnu  que  cette  liqueur  se  me- 
loit  à l’eau  ; que  ce  mélange  moussoit  par  l’a- 
gitation j que  l’eau  bouillante  , les  acides  et 
1 alcool  y détermin oient  un  sédiment  floco- 
nenx  • qu’un  degré  de  chaleur  inférieur  à celui 
de  l’eau  bouillante  la  coaguloit  , se  détermina 
à comparer  cette  liqueur  à cette  partie  du  sang 
connue  sous  le  nom  de  sérum  , et  à faire  un 
examen  chimique  de  la  sérosité  produite  par 
les  remèdes  vésicans  , comparativement  avec 
le  sérum  du  sang  eu  prenant  lçs  précautions 


ÉCLAIRÉE,  etC.'  75 

de  se  procurer  ces  deux  liqueurs  de  sujets 
du  même  sexe  , du  même  âge  et  de  la  même 
constitution. 

En  examinant  ces  deux  fluides  , leur  odeur 
ne  lui  a point  paru  être  la  même  5 le  sérum 
du  sang  n’avoit  presque  point  d’odeur  , la  sé- 
rosite  des  vésicatoires  avoit  1 odeur  des  résinés 
et  des  cantharides , que  l’on  sait  entrer  dans 
la  composition  de  l’emplâtre  vésicatoire. 

Le  sérum  a voit  une  couleur  jaune  verdâtre, 
la  sérosité  étoit  ambrée  ; leur  transparence 
étoit  la  même. 

Le  sérum  non-seulement  avoit  plus  de  vis- 
cosité que  la  sérosité  , mais  il  avoit  encore 
une  pesanteur  spécifique  plus  considérable  : 
ces  deux  liqueurs  se  trouvent  dans  le  rapport 
de  trois  cent  cinq  à trois  cent  ; la  saveur  de 
ces  deux  liqueurs  étoit  salée,  elles  verdissoient 
la  teinture  de  violettes. 

La  sérosité  donnoit  une  pellicule  que  ne 
donnoit  point  le  sérum  ; il  existe  donc  , parmi 
les  propriétés  physiques  de  ces  deux  liqueurs  , 
des  différences  qui  sont  l’espèce  de  pellicule 
que  fournit  la  sérosité  , et  sa  couleur  ambrée , 
que  M.  Margueron  croit  due  à l’action  des 
vésicans  sur  le  sérum  , puisque  clans  l’examen 
qu’il  a fait  de  plusieurs  sérosités  , les  unes 
produites  par  des  sujets  malades  , les  autres 
par  des  sujets  en  santé  , à qui  on  avoit  appli- 
qué des  vésicatoires  pour  des  opthalmies  , des 
rhumatismes,  et  autres  maladies  ou  les  hu- 
meurs animales  ne  sont  point  altérées  , il  a 
trouvé  dans  l’une  et  dans  l’autre  les  mêmes 
caractères. 

Le  sérum  du  sang  , et  la  sérosité  des  vé- 
sicatoires , se  mêlent  à l’eau  froide  , en  chan- 
gcntla  transparence  , ctlui donnent  la  propriété 


y6  La,  Médecine 

de  mousser  par  l’agitation,;  mais  avec  l’eau 
bouillante,,  ce.s  liqueurs  prennent  une  couleur 
laiteuse,  et  donnent  un  précipité  floconeux. 

Exposées  à une  douce  chaleur  , elles  se  coa- 
gulent bientôt  , avec  cette  différence  que  la 
sérosité  se  coagule  moins  promptement  et 
idurnit  un  coagulum  .moins  abondant  et  de 
Couleur  opale  , tandis  que  celui  du  sérum  a 
plus  de  consistance  et  a une  couleur  blanche. 

Mêlées  à deux  parties  d’eau  distillée  , et  ex- 
posées dans  un  hain  d’eau*bou>llante  , elles  se 
couvrent  de  pellicules  ; la  séros  lé  a donné 
plus  tard  que  le  sérum  cas  pellicules  , qui  ont 
été  en  moins  grande  quantité,  et  qui  avoient 
une  couleur  opale. 

Lorsqu’on  a eu  séparé  du  sérum  et  de  la  sé- 
rosité l’a. élimine  , les  liqueurs  contenoient  en- 
core d vais  sels  en  dissolution  qu’on  a obtenus 
par  l’évaporation,  et  qui  étoient  du  muriate 
de  sonde  et  du  cnbonate  de  soude  ; les 
acid-  s versés  dans  ces  liqueurs  y produisent 
la  sepniation  de  fil  a me  ns  blanchâtres;  l’alcool 
y détermine  une  pareille  séparation. 

Les  carlio'nati  s de  potasse  et  do  soude  se 
mêlent  à ces  deux  fluides  ; privés  de  leur 
acide  carbonique  ils  en  augmentent  la  flui- 
dité., i , '•> 

Exposées  à un  air  sec  , elles  perdent  leur 
humidité  , et  laissent  un  résidu  éciilleux,  ou 
on  n commît  la  présence  du  nruriate  de  souue 
et  du  caibonate  de  soude. 

Ab  indonnées  à une  température  humide  , 
elles  pci 'délit  leur  transparence  , se  couvrent 
de  pellicules,  cliangentcle  couleur  , et  donnent 
urte  odeur  de  poisson  pourri. 

lies  résidus  de  d'évaporation  cle  cos  deux  li- 
queurs , distillés  séparément,  donnent  un  flegme 


ÉCLAIRÉE,  etC. 

chargé  d’ammoniaque  , de  l’huile  'empyienmatî- 
que  , de  l’hydiogene  carbo  é , du  carbonate 
d’ammoniaque  $ il  reste  deux  charbons  qui , les- 
sivés , donnent  du  znuriate  de  soucie  et  du. 
carbonate  de  soude. 

Ces  charbons  lessivés  , mis  ensuite  à inci- 
nérer , laissent  une  cendre  blanchâtre  , soluble 
dans  l’acide  nitrique  5 l’acide  oxalique  fait, 
avec  cette  dissolution  , de  l’oxalate  calcaire  : la 
liqueur  filtrée  , et  mise  à évaporer  , laisse  un 
résidu  un  peu  coloré,  qui  , chauffé  au  chalu- 
meau , forme  un  globale  dont  la  dissolution 
dans  l’eau  distillée  est  précipitée  par  l’eau  de 
chaux  , ce  qui  annonce  l’existence  du  phos- 
phate de  chaux.1 

Il  résulte  de  ces  expériences  que  le  sérum 
du  sang  et  la  sérosité  des  vésicatoires  con- 
tiennent chacun  sur  deux  cents  parties  , 

Sérum.  Sérosité. 


i°.  Albumine 

40 

i°.  Albumine 

36 

2°.  Muriatede  soude.  . 

4 

20.  iVIuriate  d<-  soude.  . 

4 

3°.  Carbonate  de  soude 

3 

5°.  < ai  bonatp  de  soude 

2 

4°.  Phosphate  de  chaux 

2 

4°-  Phosphate  de  chaux 

2 

5°.  Eau 

1 5 

5°.  Eau.  . 

i55 

Total  

200 

Total 

200 

L’on  voit  , d’après  cet  analyse  comparée  , que 
la  sérosité  produite  par  les  remèdes  vésîcans 
ne  diffère  du  sérum  , i°.  que  parce  qu’elle 
contient  uu  peu  moins  d’albumine,  2°.  par  une 
couleur  ambrée  que  M.  Margueron  attribue  à 
l’action  des  remèdes  yésicans. 


78 


ïj  a Médecine 


MÉDECINE  PRATIQUE. 

Obseiyation  sur  une  maladie  endémique  des 
Asturies  en  Espagne  , qu’on  appelle  jnal  de 
larosa  ( Observation  de  médecine  et  de  phy- 
sique ect.  ; par  M.  Thierry,  vol . 11.  ). 

On  trouve  dans  les  Asturies  , outre  la  lèpre , 
plusieurs  affections  qui  en  approchent  ; de  ce 
nombre  est  le  mal  de  la  rosa  , qui  est  accom- 
pagné d’un  grand  nombre  de  symptômes  fort 
graves.  Ce  qui  le  caractérise  est  une  croûte  hor- 
rible , entrecoupée  de  crévasses  profondes  qui 
pénétrent  souvent  jusqu’au  vif  5 elle  peut  se 
montrer  à la  tête  , au  visage  , à l’abdomen  , 
aux  bras  , aux  cuisses  , à la  plante  des  pieds , 
à la  peau  des  mains  et  aux  coudes  , avec  plus 
ou  moins  de  douleur  et  de  fétidité  ; mais 
tous  ces  signes , fussent-ils  réunis  , les  Asturiens 
ne  lui  donnent  le  nom  de  la  rosa  que  quand 
il  a son  siège  précisément  aux  métacarpes  des 
mains  ou  sur  le  dos  du  pied. 

Cette  maladie  commence  d’ordinaire  vers  l’é- 
quinoxe du  printemps,  et  plus  rarement  en 
d’autres  saisons.  D’abord  on  ne  voit  qu’une 
simple  rougeur  , accompagnée  d’âpreté  ; elle 
dégénère  ensuite  dans  de  vraies  croûtes  sca- 
breuses , sèches  ou  noirâtres  , qui  se  sèchent 
communément  en  été  , et  pour  lors  le  dos  de 
la  main  ou  du  pied  se  trouvent  absolument 
dépouillés  de  ces  croûtes  ou  pustules  : il  reste 
à leur  place  des  stigmates  rougeâtres luisans, 
très-lisses  , dégarnis  de  poil  même  dans  les 
vieillards  , plus  enfoncés  que  la  peau  du  voi- 
sinage , assez  semblables  à ces  cicatrices  que 
laissent  des  brûlures  après  leur  guérison  5 ces 


écï/aïiiée,  etc 79 

cicatrices  au  printemps  de  cliaque  annee  se 
couvrent  de  nouvelles  croûtes  > qui  deviennent 
de  plus  en  plus  horribles  : elles  n’occupent 
point  constamment  les  deux  mains  , quelque- 
fois on  les  voit  à une  seule  ou  à un  pied  , quel- 
quefois aussi  à deux  mains  et  à un  seul  pied  ; 
il  arrive  encore  qu’elle  s’emparent  tout  à la 
dois  de  ces  deux  extrémités. 

Un  autre  signe  de  la  maladie  , qui  sans  être 
absolument  général  raccompagne  le  plus  sou- 
vent , consiste  dans  une  croûte  de  couleur 
icendrée  et  jaunâtre  à la  partie  antérieure  et 
iinférieure  du  col,  et  qui  s’étend  le  long  des  cla- 
vicules et  l’extrémité  supérieure  du  sternum, 
<en  formant  une  bande  large  de  deux  doigts  j 
rarement  elle  occupe  le  derrière  du  col  , mais 
telle  offre  communément  sur  le  sternum  une 
sorte  d’appendice  qui  s’étend  le  long  de  cet 
os  jusqu’à  la  moitié  du  thorax.  Quant  aux 
symptômes  qui  accompagnent  le  mal  de  la  rosa , 
c’est  un  tremblement  perpétuel  de  la  tête  et 
même  de  toute  la  partie  supérieure  du  tronc, 
une  ardeur  douloureuse  à la  bouche  , des  vési- 
cules aux  lèvres  , une  grande  inal-propreté  de 
la  langue  , et  une  foiblesse  extrême  de  l’esto- 
mac et  de  tout  le  corps  , un  sentiment  de  pe- 
santeur et  de  lassitude  dans  les  membres,  qui 
jette  les  malades  dans  l’inertie.  La  nuit  ils 
éprouvent  souvent  une  ardeur  brûlante  qui  les 
prive  du  sommeil  5 le  lit  leur  est  insupportable 
par  sa  chaleur,  et  néanmoins  ils  ne  se  trou- 
vent pas  mieux  du  froid  : ils  sont  tristes  , mé- 
lancoliques , on  les  voit  verser  des  larmes  et 
se  répandre  en  gémissemens  sans  aucun  sujet. 
Il  survient  aussi  quelquefois  des  symptômes 
particuliers  , comme  de  légers  délires  , une 
sorte  de  stupidité , la  perte  de  quelque  sens  , 


So  I.  A M É D E ,c  I N -E 

» 4 “ — 

du  goût  et  du  toucher  en  particulier,  la  gale  , 
des  lie vi es  nieguhei.es  , un  sommeil  tantôt  in- 
quiet, tantôt  léthargique,  une  couleurgénérale 
de  la  peau  mêlée  de  noir  et  de  jaune,  des 
crudités  acides  et  glutineuses,  des  obstructions 
invétérées  des  viscères. 

La  terminaison  du  mal  de  la  rosa , varie  sui- 
vant. l’âge  , le  tempérament  et  d’autres  circons- 
tances ; mais  le  plus  souvent  elle  finit  par  l’hy- 
dropisie  , par  des  tumeurs  ïcrophuleuscs  ou 
lymphatiques  , et  par  le  marasme.  Une  autre 
terminaison  qui  est  plus  ordinaire  vers  le  sols- 
tice d’été,  est  une  mélancolie  profonde  ou  la 
manie;  mais  celle-ci  , sansles  jetter  dans  une 
fureur  frénétique  , jette  seulement  l’esprit  dans 
des  idées  folles  et  dans  une  tristesse  inex- 
primable qui  les  force  à quitter  leurs  de- 
meures, et  à se  sauver  dans  des  solitudes  où 
l’excès  d’ennui  et  du  mal  les  porte  quelquefois 
au  dernier  désespoir. 

Ce  n’est  pas  seulement  dans  l’influence  du 
climat  qu’il  faut  chercher  l’origine  du  mal  de 
la  rosa , puisque  iesgens  riches  eusont  exempts, 
et  que  ce  mal  n’attaque  que  les  pauvres  qui 
ne  vivent  que  d une  sorte  de  bouillie  de  maïs  , 
ou  d’un  pain  non  fermenté  et  cuit  sous  la 
cendre  ; rarement  il  mangent  de  la  viande  sa- 
lée , de  la  fraîche  plus  rarement  encore.  Leur 
boisson  ordinaire  est  l’eau  , qui  est  souvent 
d’une  mauvaise  qualité.  Leurs  vêtemens  et 
leurs  logemens  se  ressentent  tous  d’une  pau- 
vreté extrême.  Il  paroît  que  le  mal  de  la  rosa 
est  précisément  plus  fréquent  dans  les  lieux 
qui  réunissent  un  plus  grand  nombre  de  causes 
morbifiques  , qui  tiennent  à la  mal-propreté  , 
et  à un  état  extrême  de  détresse.  Dans  l’énu- 
mération 


s symptômes  dont  on  vient  de 

parler 


ÉCLAIRÉE,  etC.  8î 

parler  , on  voit  mie  sorte  cle  combinaison  des 
affections  propres  au  scorbut , et  de  celles  qui 
conviennent  à la  lèpre. 

M.  Casai,  qui  a communiqué  à M.  Thierry 
ces  observations  sur  le  mal  de  la  rosa , a vu 
constamment  une  diminution  sensible  de  ce 
mal  par  l’usage  d’une  nourriture  plus  grasse  , 
et  il  dit  avoir  observé  en  général  une  utilité 
marquée  de  l’usage  interne  de  l’huile  , des  subs- 
tances onctueuses  , et  du  vin  dans  sa  pratique 
aux  Asturies.  Il  tient  d’un  particuli’er  , qu’une 
femme  attaquée  de  ce  mal,  eut  dans  son  dé- 
lire une  si  grande  envie  de'  se  nourrir  de  beurre 
de  vache  , qu’elle  vendit  pour  cela  tout  son 
bien  , et  qu’elle  guérit  ainsi  du  mal  de  la  rosa 
et  de  la  folie.  On  voit  qu’en  général  ces  maux 
provenant  d’un  mauvais  régime , ce  seroit  ce 
dernier  qu’il  faudroit  corriger  , et  envoyer  sur- 
tout les  malades  aux  eaux  thermales  , leur 
faire  prendre  des  bains  d’eau  tiède , les  mettre 
ensuite  à l’usage  des  bouillons  de  vipères , de 
tortues  , d’écrevisses  avec  les  végétaux  appro- 
priés , et  soutenir  ce  traitement  par  une  bonne 
nourriture  ; mais  ces  moyens  sont-ils  au  pou- 
voir de  la  médecine  , et  ne  devroient-ils  pas 
être  plutôt  un  objet  de  sollicitude  pour  le 
gouvernement  espagnol. 

CHIRURGIE. 

I.  Observation  sur  un  cathéter  laissé  dans 
la  vessie  en  évacuant  l’urine  dans  un  cas 
de  renversement  de  l’utérus  $ par  M.  Ford  , 
chirurgien  de  Westminster.  ( Médical  facts 
and  observ.  vol.  1.). 

Une  femme  âgée  de  vingt-cinq  ans  se  rendit , 

F 


82  la  Médecine 

vers  la  fin  du  mois  de  janvier  dernier  , au  dis- 
pensaire général  de  Westminster  ; elle  se 
plaignoit  d’un  écoulement  douloureux  et  invo- 
lontaire de  l’urine,  qui  sortoit  de  l’urètre  avec 
du  sang  et  une  autre  matière  $ elle  rendoit 
aussi  de  l’urine  purulente  d’un  ulcère  fistuleux 
qui  étoit  situé  vers  le  milieu  du  muscle  grand 
fessier  ; elle  étoit  réduite  à un  état  extrême 
d’émaciation  et  de  faiblesse  , et  étoit  restée 
alitée  pendant  plusieurs  mois.  Tout  ce  qu’on, 
avoit  fait  pour  la  retirer  de  cet  état  avoit 
été  accompagné  des  douleurs  les  plus  cruelles  , 
soit  au  cou  de  la  vessie  , soit  dans  l’ulcère 
fistuleux  des  fesses. 

En  sondant  la  malade  on  reconnoissoit  fa- 
cilement la  présence  d’un  substance  étrangère 
dans  la  vessie  , et  d’après  sa  dureté,  M.  Ford 
jugea  que  c’étoit  une  concrétion  calculeuse  ; il 
se  rendit  ensuite  au  vœu  de  la  malade , qui 
deslroit  qu’on  examinât  l’ulcère  fistuleux  de  la 
fesse  , et  qui  ajoutoit  qu’il  y avoit  un  morceau 
détaché  d'os  dans  la  blessure  , qui  se  faisoit 
souvent  jour  au-delà  de  la  plaie  , mais  qui 
paroissoit  souvent  être  retiré  avec  une  force 
considérable.  M.  Ford  reconnut  avec  la  sonde 
que  ce  corps  étranger  étoit  libre  dans  le  sinus 
fistuleux  , et  il  tâcha  de  le  retirer  avec  le  for- 
ceps , en  tirant  graduellement  au  dehors.  Ce 
procédé  ne  fut  pas  d’abord  très-douloureux  ; 
mais  lorsque  le  corps  étranger  fut  retiré  à la 
longueur  d’un  demi-pouce  hors  des  tégumens  , 
il  parut  impossible  d’en  obtenir  une  extraction 
ultérieure , parce  qu’il  étoit  retenu  par  une 
forte  contraclion  des  muscles  : pendant  que  ce 
corps  étoit  ainsi  retenu  à l’extérieur  par  le 
forceps  , M.  Ford  l’examina  avec  soin  pour 
savoir  si  c’étoit  une  exfoliation  d’un  os  carié  , 


ÉCLAIRÉE,  etc.  83 

ou  une  concrétion  calculeuse  qui  se  fût  fait 
ainsi  jour  liors  de  la  vessie  , et  il  fût  très-étonné 
de  voir  que  la  substance  qui  étoit  ainsi  pous- 
sée hors  de  la  plaie  étoit  évidemment  le  bout 
d’un  cathéter  d’argent. 

Il  suspendit  alors  tout  procédé  , jugeant  bien 
que  pour  ôter  le  cathéter  par  force  à travers  la 
blessure  , il  occasionneroit  une  dilacération 
considérable  du  fond  de  la  vessie.  M.  Ford 
ayant  pris  des  informations  auprès  de  la  ma- 
lade pour  remonter  à la  cause  primitive  de 
son  malheureux  état  , elle  répondit  qu’elle 
étoit  restée  alitée  pendant  quatre  mois  ; qu’au 
troisième  mois  de  sa  dernière  grossesse  elle 
avoit  été  attaquée  d’une  grande  difficulté  d’u- 
rine , à laquelle  on  avoit  remédié  plusieurs  fois 
par  la  sonde  ; que  cette  opération  l’avoit  sou- 
lagée , mais  que  la  dernière  fois  qu’elle  avoit 
été  pratiquée  , la  douleur  avoit  été  très-vive  ; 
que  l’accouchement  au  neuvième  mois  avoit 
été  heureux  ; elle  ajoutoit  qu’elle  avoit  allaité 
son  enfant  , quoique  réduit  au  dernier  degré 
de  dépérissement.  Il  étoit  évident  par  là  que  le 
cathéter  avoit  échappé  des  mains  du  chirur- 
gien la  dernière  fois  qu’elle  avoit  été  sondée  , 
qu’il  avoit  glissé  dans  la  vessie  , et  que  le  seul 
moyen  de  soulager  la  malade  étoit  d’en  faire 
l’extraction  par  le  méat  urinaire. 

L’état  de  foi  blesse  et  d’épuisement  dans  le- 
quel l’allaitement  l’avoit  réduite  , non  moins 
que  l’écoulement  par  l’ulcère  fistuleux  , fit 
qu’on  retarda  l’opération  jusqu’àce  que  ses  forces 
fussent  un  peu  rétablies  par  le  sevrage  de  l’en- 
fant , et  par  une  nourriture  plus  restaurante  : 
M.  Ford  fit  appeller  trois  de  ses  confrères  pour 
être  témoins  de  ce  cas  singulier., 

La  malade  fut  placée  sur  une  table  de  la 

F 3 


84  la  Médecine 

même  manière  qu’on  a coutume  de  le  faire 
pour  l’opération  de  la  lithotomie.  L’urètre 
fut  dilatée  avec  un  gorgeret  mousse , introduit 
à l’aide  d’un  conducteur  , et  on  tâcha  de 
tirer  au  dehors  le  cathéter  avec  le  forceps.  Cette 
partie  de  l’opération  fut  très-difficile  , parce 
que  le  cathéter  étoit  situé  transversalement 
dans  la  vessie  , le  manche  répondant  à l’ar- 
cade du  pubis  , et  l’autre  extrémité  aux  bran- 
ches de  l’ischium.  On  le  changea  de  situation 
en  tirant  à travers  l’ulcère  postérieur,  l’extré- 
mité mousse,  en  sorte  que  le  manche  de  l’ins- 
trument fut  détaché  du  pubis  pour  être  poussé 
à travers  l’ouverture  de  l’urètre  , et  pour 
rendre  l’extraction  possible.  Le  cathéter  se 
trouva  couvert  d’une  légère  incrustation  ; on 
finit  l’opération  en  faisant  sortir  quelques  petits 
calculs  de  la  vessie.  La  malade  fut  mise  au 
lit  et  assujettie  au  régime  de  ceux  qui  ont 
souffert  l’opération  de  de  la  lithotomie.  Il  sur- 
vint une  fièvre  légère  cjui  étoit  plutôt  due  au 
gonflement  des  seins  , a la  suite  du  sevrage  , 
qu’à  l’opération  même. 

L’ulcère  fistuleux  de  la  fesse  guérit  dans  peu 
de  jours  , parce  que  l’urine  reprit  son  cours 
naturel  par  l’urètre , et  dans  un  mois  la  gué- 
rison  fut  complette.  La  malade  retient  main- 
tenant son  urine,  et  ne  conserve  plus  aucun 
reste  de  son  infirmité  extraordinaire. 

On  voit  là  un  accident  à la  suite  d’une  opé- 
ration de  chirurgie  qui  a paru  toujours  facile 
et  ëiçmpte  de  danger.  La  structure  naturelle 
et  la  position  de  l’urètre  de  la  femme  ga- 
rantit l’opinion  générale  sur  la  sûreté  de  cette 
opération  ; mais  lorsque  ces  parties  éprouvent 
un  dérangement  par  un  état  de  grossesse  ou 
d’autres  causes  , l’opération  qui  sert  à évacuer 


éclairée,  etc?  85 

l’urine  peut  devenir  sujette  à quelque  danger. 

Dans  quelques  cas  de  rétroversion  de  l’uté- 
rus , Hunter  et  d’autres  praticiens  attestent 
que  cette  opération  n’est  pas  toujours  facile, 
et  que  dans  certains  cas  elle  est  impossible. 
La  femme  qui  fait  l’objet  de  l’observation  pré- 
cédente a été  sujette  à la  rétroversion  de  la 
matrice  , dans  cette  grossesse  et  dans  un  autre 
grossesse  précédente.  Un  accoucheur  distingué 
l’avoit  sondée  quelques  jours  avant  son.  acci- 
dent 5 mais  ayant  éprouvé  soudainement  une 
rétention  d’urme  , elle  fit  appeller  un  chirur- 
gien du  voisinage  , qui  fut  , par  sa  mal-adresse, 
la  cause  de  tout  le  mal.  Ses  affaires  l’ayant 
obligé  ensuite  de  quitter  Londres  , il  n’en- 
tendit plus  parler  de  la  malade  , et  il  y a ap- 
parence qu’il  imagina  que  le  cathéter  avoit  été 
expulsé  par  les  efforts  de  la  vessie, 

II.  Observation  sur  une  amputation  partielle 
du piecl  y par  M.  Lafiteau,  élève  de  l’hospice 
des  écoles  de  chirurgie  % 

Le  nommé  Charles  Saujot  , âgé  de  vingt- 
six  ans  , cuisinier,  fut  attaque  en  1707  d un 
petit  ulcère  à la  partie  supérieure  et  interne 
du  gros  orteil  du  pied  gauche  ; cet  ulcère  fut 
causé  et  entretenu  par  la  portion  interne  de 
l’ongle  qui  , en  se  recourbant  , avoit  entamé 
la  peau.  Le  malade  fit  d’abord  très-peu  d'at- 
tention à cette  maladie  , qu’il  eût  été  très-facile 
de  guérir  en  l’attaquant  dans  sa  cause  , c’est- 
à-dire  en  redressant  la  portion  d’ongle  recour- 
bée , ou  en  l’emportant  : mais  il  survint  un 
engorgement  inflammatoi  re  qui  s’étendit  au  loin 
sur  la  partie  supérieure  du  pied  , et  qui  déter- 
mina le  malade  à faire  usage  de  cataplasmes 

F 3 


8(5  X/  A Médecine 

émolliens  ; l’inflammation  céda  à l’usage  de 
ces  moyens  , mais  l’engorgement , loin  cle  di- 
minuer, augmenta,  s’endurcit  peu  à peu,  et  finit 
enfin  par  prendre  un  caractère  décidément 
squirreux.  Les  progrès  que  faisoit  la  tumeur 
déterminèrent  le  malade  à chercher  des  secours 
efficaces  contre  cette  maladie.  Il  entra  à l’hos- 
pice des  écoles  de  chirurgie  le  12.  août  1791  : 
à cette  époque  la  tumeur  avoit  tellement  aug- 
menté de  volume  , qu’elle  se  propageoit  jus- 
qu’à la  plante  du  pied  ; elle  étoit  aussi  de- 
venue douloureuse.  La  nature  carcinomateuse 
de  cette  tumeur  ne  laissoit  d’autre  ressource 
qùe  l’amputation  de  la  partie  malade  : mais 
comme  la  portion  du  pied  voisine  de  son  arti- 
culation avec  la  jambe  étoit  parfaitement  saine, 
M.  Cliopart  jugea  qu’il  étoit  possible  de  la 
conserver  en  amputant  dans  l’articulation  de 
l’astragale  avec  Je  scaphoïde  , et  dans  celle  du 
calcanéum  avec  le  cuboïde. 

Le  malade  ayant  été  disposé  à l’opération 
par  quelques  bains  et  une  médecine  , M.  Cho- 
part , chirurgien  en  chef  de  l’hospice  , la  pra- 
tiqua de  la  manière  suivante  : le  2.1  août,  il 
fit  d’abord  deux  incisions  latérales  , l’une  au 
côté  interne , et  l’autre  au  côté  externe  du 
pied,  depuis  les  articulations  dont  il  a été  parlé 
plus  haut , jusqu’à  la  tumeur  ; -ensuite  il  fit  une 
section  transversale  qui  joignoit  l’extrémité 
antérieure  des  deux  premières  incisions.  Le 
lambeau  formé  par  ces  trois  incisions  ayant 
été  disséqué  jusqu’à  sa  base  , M.  Cliopart  coupa 
en  travers  les  tendons  des  muscles  extenseurs 
des  orteils  , le  muscle  pédieux  et  les  ligamens 
tant  supérieurs  que  latéraux,  qui  unissent  l’as- 
tragale au  scaphoïde , et  le  calcanéum  au  cu- 
boïde 5 ensuite  il  luxa  ces  os,  en  abaissant  la 


éclairée,  etc.  87 

pointe  du  pied  , ce  qui  lui  donna  la  facilité 
de  porter  son  bistouri  entre  les  os  et  les  parties 
molles  de  la  plante  du  pied  , qu’il  coupa  de 
derrière  en  avant  , de  manière  à former  un 
lambeau  inférieur  un  peu  plus  long  que  le  su- 
périeur. La  ligature  des  vaisseaux  ayant  paru 
indispensable  , M.  Cliopart  lia  les  artères  plan- 
taires, et  la  pédieuse.  Lorsque  les  artères  fu- 
rent liées  , il  appliqua  les  lambeaux  sur  les 
surfaces  articulaires  des  os  , et  il  les  soutint 
au  moyen  d’un  appareil  convenable.  Malgré  la 
ligature  des  artères  , le  sang  pénétra  la  char- 
pie , les  compresses  et  la  bande,  et  bientôt  il 
coula  si  abondamment , qu’on  fut  obligé  de 
lever  l’appareil  , et  de  lier  plusieurs  artères 
qui  n’avoient  pas  été  apperçues  au  moment  de 
l’opération  ; ces  nouvelles  ligatures  ne  suffirent 
pas  , le  sang  coula  encore  et  l’on  fut  obligé 
d’exercer  une  forte  compression  pour  seconder 
leur  effet  , ce  qui  réussit  parfaitement.  Les 
lambeaux  se  sont  collés  en  partie  aux  surfaces 
articulaires  des  os  5 le  reste  de  la  plaie  a sup- 
puré et  a été  cicatrisé  au  bout  du  mois  : à 
cette  époque  , le  malade  a commencé  à s’ap- 
puyer sur  la  portion  restante  du  pied  , et  lors- 
qu’il est  sorti  de  l’hôpital  , le  6 novembre  , 
il  étoit  presque  aussi  ferme  sur  ce  pied  que 
sur  l’autre. 

L’examen  anatomique  de  la  tumeur  a con- 
firmé le  jugement  qu’on  avoit  porté  sur  sa 
nature  ; elle  étoit  formée  par  une  matière  blan- 
che , de  la  consistance  du  lard  , sans  aucune 
organisation  apparente:  dans  quelques  endroits, 
cette  matière  étoit  liquide  et  amassée  dans  de 
petits  foyers  ; la  tumeur  s’étendoit  entre  les 
os  du  métatarse  qui  étoient  gonflés  , et  dont, 
le  premier  étoit  carié. 

F 4 


88  e a Médecine 

Cette  observation  est  le  seul  exemple  que 
je  corinoisse  d’amputation  partielle  du  pied  , 
pratiquée  de  cette  manière  : on  a plusieurs 
fois  emporté  une  portion  du  pied  fracassée 
par  un  coup  de  feu  ; mais  alors  on  a suivi 
les  traces  du  désordre , et  le  procédé  opéra- 
toire a été  réglé  par  les  circonstances  de  la 
maladie  ; au  lieu  que  M.  Ch o part  a été  di- 
rigé dans  son  opération  par  la  connoissance 
anatomique  de  la  partie  : aussi  le  procédé  qu’il 
a suivi  est-il  applicable  à tous  les  cas  ou  l’é- 
tendue de  la  maladie  permettra  d’amputer  dans 
l’articulation  del’atragale  avec  le  scaphoïde,  et 
dans  celle  du  calcanéum  avec  le  cuboïde. 

III.  Observation  sur  uji  bec  de  lièvre  double  ; 

par  M.  Laliteau  , élève  de  V hospice  des  écoles 

de  chirurgie. 

Le  14  septembre  1792,  on  reçut  à l’hospice 
des  écoles  de  chirurgie  , une  petite  fille  âgée 
de  neuf  aiis  , qui  avoit  un  liée  de  lièvre  dou- 
ble , bien  singulier  : les  os  maxillaires  étoient 
séparés  l'un  de  l’autre  ; mais  la  portion  de  ces 
os  qui  soutient  la  dent  incisive  moyenne  étoit 
séparée  du  reste  et  continue  avec  le  vomer , 
ensorte  que  cette  portion  des  os  maxillaires 
formoit , conjointement  avec  les  dents  incisives 
moyennes  , une  saillie  fort  avancée.  De  la 
partie  inférieure  de  la  cloison  du  nez  descen- 
doit  devant  cette  saillie  un  lambeau  charnu  , 
gros  , large  et  court  $ chaque  bord  de  la  fente 
de  la  lèvre  se  terminoit  supérieurement  à l’aile 
du  nez,  et  les  bords  étant  très-éloignés  l’un 
de  l’autre  , ce  vice  de  conformation  donnoit 
à cette  petite  fille  un  aspect  hideux.  M.  CI10- 
part  opéra  ce  bec  de  lièvre  de  la  manière  sui- 


Eclairée,  etc.'  89 

vante  : le  24  septembre  1791  , il  enleva  d’abord 
le  lambeau  d’un  coup  de  bistouri,  ensuite  il 
chercha  à couper  J es  deux  dents  incisives 
moyennes,  et  ia  portion  des  os  maxillaires  dans 
laquelle  elles  étoient  implantées  , avec  de  forts 
ciseaux  5 mais  n’ayant  pas  pu  réussir  avec  cet 
instrument , il  fut  contraint  d’employer  une 
scie:  la  section  tomba  sur  la  racine  des  dents, 
ce  qui  rendit  l’usage  de  la  scie  nécessaire.  Le 
sang  coula  assez  fort  pour  exiger  le  tcmpon- 
nement  de  la  plaie  et  empêcher  de  pousser 
l’opération  plus  loin  ce  jour-là.  Lorsque  lu  plaie 
fut  guérie  , M.  Chopart  acheva  l’opération  : 
après  avoir  fait  la  resection  des. bords  de  la  di- 
vision , il  en  opéra  la  réunion  avec  deux  ai- 
guilles droites  d’or  ; malgré  l’écartement  énor- 
me que  présentoit  ce  bec  de  lièvre  , l’opération 
a eu  le  plus  grand  succès  , et  l’enfant  est  sorti 
de  l’hospice  parfaitement  guéri. 

Nota.  Les  succès  que  M.  Chopart  obtient 
dans  les  becs  de  lièvres  les  plus  compliqués  , 
en  employant  la  suture  entortillée  , sont  remar- 
quables 3 mais  de  tous  les  malades  que  je  lui 
ai  vu  opérer  , il  n’en  est  aucun  dont  la  gué- 
rison ait  été  aussi  prompte  que  celle  d’un 
jeune  homme  qui  avoit  un  bec  de  lièvre  sim- 
ple , pour  lequel  il  avoit  déjà  subi  une  fois 
l’opération  sans  succès  : M.  Chopart  employa 
la  suture  entortillée  ; à la  levée  du  premier 
appareil , la  réunion  étoit  si  exacte  , qu’elle 
présentoit  une  ligne  rouge  qui  n’a  point  sup- 
pure du  tout  : les  trous  formés  parles  aiguilles 
étoient  fermés  le  lendemain  du  jour  qu’elles 
furent  ôtees,  ensorte  qu’il  n’y  a pas  eu  la 
la  moindre  trace  de  suppuration. 


9° 


i,a  Médecine 

IV.  Exêmple  d’une  extirpation  totale  des  parties 

extérieures  de  la  génération.  ( Médical  com - 

mtinications  , xoîé.  1 1 • j • 

Un.  homme  âgé  de  cinquante-cinq  ans  avoit 
resté  quelque  temps  dans  un  état  profond  de 
mélancolie  , lorsqu’un  matin  on  trouva  son 
lit  tout  ensanglanté  , et  en  prenant  des  infor- 
mations , on  apprit  qu’il  s’étoit  amputé  la 
verge  , le  scrotum  et  les  testicules  tout  près  de 
l’abdomen.  On  lui  avoit  appliqué  immédia- 
tement dçg  compresses  de  linge  pour  arrêter 
le  sang,  et  quatre  heures  après  l’accident , M. 
Scott  ayant  été  appellé  trouva  que  l’hémorragie 
avoit  cessé. 

Il  appliqua  un  bandage  ordinaire  sur  la  plaie, 
mais  après  deux  ou  trois  jours  l’écoulement 
de  l’urine  par  la  plaie  devenoit  incommode  et 
douloureux.  Pour  obvier  à cela  , on  le  ht  tenir 
sur  ses  genoux  pour  relâcher  le  bandage  , ôter 
les  compresses  qui  portaient  sur  l'orifice  de 
l’urètre  , et  essayerde  le  faire  uriner  dans  cette 
position.il  évacua  très-facilement  l’urine  , même 
avec  un  jeta  plusieurs  pouces  dedistance  ; il  con- 
tinua donc  d’adopter  cette  position  pour  uri- 
ner , et  il  n’eut  plus  à se  plaindre  de  l’im- 
pression douloureuse  de  l’urine  sur  la  plaie. 
La  cure  fut  opérée  sans  qu’il  s’excitât  aucune 
fièvre  ni  aucun  symptôme  alarmant , et  la 
blessure  fut  parfaitement  cicatrisée  dans  sept 
semaines  ; il  s’étoit  formé  une  petite  préémi- 
nence ou  un  rebord  circulaire  autour  de  l’orifice 
de  l’urètre. 


ÉCLAIRÉE,  etC. 


9* 


CHIMIE. 

Extrait  d’une  lettre  de  M.  Fourcroy  à M. 
Meslon , ancien  commissaire  aux  Colonies 
françaises  ,*  sur  la  nature  de  l’huile  concrète 
du  croton  sebiferum  ( 1 ). 

Les  semences  du  croton  sebiferum  , ou  de 

l’arbre  à suif  des  Chinois  , dans  l’état  où  je  les 
ai  reçues,  ont  perdu  la  capsule  qui  les  enve- 
loppoit  sur  l’arbre  avant  la  maturité.  Elles  sont 
au  nombre  de  trois,  attachées  circulairement  sur 
un  placenta  placé  entr’elles  ; elles  sont  recou- 
vertes d’un  parenchyme  blanc  , qui  se  brise  et 
se  sépare  facilement  de  dessus  la  semence  ; 
cette  croûte , qui  est  grasse  au  toucher  et  qui 
se  ramollit  entre  les  doigts  , est  aussi  facile  à 
réduire  en  poudre  dans  un  mortier.  Au-des- 
sous de  cette  enveloppe  demi-cireuse  et  friable, 
se  trouve  une  espèce  de  coque  noire  ou  de 
noyau  dur,  lisse,  noirâtre,  assez  difficile  à 
casser  , de  l’épaisseur  d’un  quart  de  ligne  , 
qui  contient  une  petite  amande  ovoïde  com- 
posée de  deux  cotylédons  très-distincts  , et  dont 
la  saveur  douce  et  assez  agréable  est  analogue 
à celle  des  noisettes.  Nous  en  avons  goûté 
un  assez  grand  nombre  , aucune  n’étoit  rance,* 
ce  qui  paroît  être  dû  à ce  qu’elles  sont  bien 


( i ) M.  Hubert , habitant  de  l’Isle  de  France  , avoiten- 
voyé  il  y a quelques  années  , à M.  Meslon , une  assez  grande 
quantité  de  graines  du  croton  sébifère,  et  du  suif  végétal 
retiré  de  ces  graines;  M.  Meslon  me  les  remit,  on  me 
priant  d’en  faire  l’examen  : c’est  le  résultat  de  cet  exa- 
men qui  est  consigné  dans  les  détails  suivans  , extraits 
de  ma  lettre  écrite  dans  le  temps  à M.  Meslon. 


p2  jla  Médecine 

enfermées , et  défendues  du  contact  de  l/air 
par  la  coque  dure  qui  les  enveloppe. 

On  a fait  bouillir  deux  livres  de  ces  graines 
pendant  une  demi-lieure  dans  douze  livres 
d’eau  de  rivière  ; l’enveloppe  grasse  de  chaque 
noyau  ne  s’est  point  fondue  , comme  on  au- 
yoit  pu  le  croire  d’après  ce  que  disent  les  au- 
teurs d’histoire  naturelle  : à les  entendre  , les 
Chinois  extrayent  le  suif  solide  de  ces  graines 
par  la  seule  ébullition  dans  l’eau  ; mais  ce  pro- 
cédé simple  ne  réussit  pas.  Il  a fallu  presser 
les  graines  ainsi  bouillies  entre  les  mains  pour 
obtenir  le  suif  qui  les  enveloppe.  Nous  n’en 
avons  eu  qu’une  once  des  deux  livres  de  graine  5 
il  est  vrai  que  l’écorce  blanche  , plus  grasse 
qu’auparavant  , ne  paroissoit  pas  privée  de 
toute  l’huile  concrescible  qu’elle  contenoit.  Je 
crois  que  les  Chinois  ont  un  procédé  de  pres- 
sion quelconque  , qui  enlève  à cette  enveloppe 
grasse  plus  de  suif  que  nous  n’en  avons  ob- 
tenu , et  qui  n’écrase  point  l’amande. 

Après  cette  légère  expression  des  graines 
bouillies  , l’écorce  blanche  étoit  encore  rem- 
plie de  suif,  que  l’expression  des  mains  ne 
pouvoit  plus  en  faire  couler  5 il  auroit  fallu 
une  machine  pour  enlever  cette  écorce  de 
dessus  le  noyau  des  amandes  , et  pour  per- 
mettre de  traiter  ensuite  cette  écorce  par  une 
compression  suffisante.  Cette  écorce  blanche , 
ou  ce  parenchyme  qui  contient  le  suif , me 
paroît  être  formée  de  ce  suif  et  d’une  espèce 
de  fécule  grossière  , ou  de  matière  ligneuse 
légère  ; l’un  et  l’autre  sont  à peu  près  à par- 
ties égales.  Voici  les  propriétés  que  ce  suif, 
extrait  de  l’enveloppe  blanche  des  amandes  , 
a présentées  : il  est  très-blanc  , un  peu  plus  so- 
lide que  le  suif  ordinaire , cassant  comme  do 


B C I A I R i îj  etc.  9^ 

la  cire  ou  plutôt  comme  le  blanc  cle  baleine  , 
et  cependant  gras  sous  le  doigt  5 il  différé 
beaucoup  du  suif  de  mouton  , dont  il  a à peu 
près  la  saveur,  par  la  propriété  de  se  laisser 
dissoudre  complètement  par  l’alcool.  Cette  li- 
queur en  dissout  beaucoup  plus  à cliaud  qu’à 
froid  ; en  refroidissant  il  laisse  déposer  beau- 
coup de  cette  matière  en  flocons  blancs  , gre- 
nus , et  qui  semblent  avoir  une  forme  régulière 
et  cristalline.  Ce  qui  reste  dissous  après  l’en- 
tier refroidissement  de  l’alcool  peut  en  être 
séparé  par  l’eau , et  vient  nager  en  flocons 
blancs  à la  surface  de  la  liqueur , comme  le 
fait  l’huile  séparée  d’une  dissolution  de  savon 
par  un  acide.  Les  propriétés  de  l’huile  con- 
crète séparée  de  l’écorce  des  semences  du  croton 
sébifère  , la  rapprochent  plus  du  blanc  de  ba- 
leine qu'e  du  suif.  J’ai  extrait  de  beaucoup  de 
substances  animales  une  matière  analogue 
au  blanc  de  baleine  ^ mais  voilà  la  première 
que  je  trouve  dans  une  substance  végétale. 

Après  avoir  reconnu  les  propriétés  de  cette 
huile  concrète  extérieure  des  semences  du 
croton  sébifère , j’ai  comparé  celle  qui  m’a 
été  envoyée  , contenue  dans  un  bambou  : 011 
la  distingue  fort  bien  de  celle  qui  est  extraite 
des  graines  écrasées  par  sa  consistance  beau- 
coup plus  grande.  Ce  suif  est  moins  dur , 
moins  sec  , et  moins  cassant  que  celui  qui  a 
été  séparé  par  nous  du  parenchyme  des  se- 
mences , ce  qui  tient  sans  doute  à ce  que  les 
graines  ont  été  plus  pressées  dans  le  pays 
que  nous  ne  l’avons  fait  ici , et  à ce  qu’une 
petite  portion  de  l’huile  des  semences  a été  mê- 
lée avec  lui.  Ce  suif  étoit  jaune  dans  plusieurs 
points  , et  offroit  quelques  moisissures  : nous 
lui  avons  d’ailleurs  reconnu  absolument  les 


z A Médecine 

mêmes  propriétés  qu’à  celui  que  nous  avons 
extrait  nous-mêmes  , excepté  cju’ii  est  un  peu 
plus  mou  , un  peu  plus  fusible  , et  un  peu  plus 
dissoluble  dans  l’alcool  que  le  notre  , en  rai- 
son de  la  petite  quantité  de  l’huile  des  se- 
mences qu’il  nous  a paru  contenir. 

On  a traité  ensuite  les  graines  pulvérisées, 
on  en  a fait  bouillir  deux  livres  dans  douze 
livres  d’eau  pendant  trois  quarts  d’heure  ; on 
les  a d’abord  exprimées  à la  main  : par  ce 
procédé  elles  ont  fourni  quatre  onces,  ou  un 
huitième  de  leur  poids  , d’une  espèce  de  suif 
plus  mou  et  moins  blanc  que  celui  qui  pro- 
venoit  du  parenchyme  des  semences.  Deux 
autres  livres,  également  pulvérisées etbouillies, 
ont  été  soumises  à l’effort  d’une  grande  presse 
dont  le  levier  avoit  au  moins  trois  pieds  ; elles 
ont  fourni  huit  onces  ou  un  quart  de  leur 
poids  d’huile  concrète.  Cette  espèce  de  suif 
mélangé  de  celui  du  parenchyme  et  de  l’huile 
des  semences  étoit  gris  j il  étoit  plus  dissoluble 
encore  dans  l’alcool  que  celui  de  l’écorce  ; 
mais  il  se  fondoit  à trente  degrés  du  thermo- 
mètre de  Réaumur  , et  ne  redevenoit  ensuite 
solide  qu’à  vingt- deux  degrés.  Cette  fusibilité  , 
beaucoup  plus  grande  que  celle  du  suif  de 
mouton , doit  empêcher  qu’on  ne  puisse  en 
faire  des  chandelles  dans  des  pays  chauds , 
dont  la  température  est  souvent  au-dessus  de 
vingt-huit  à trente  de  ares  • 

-T  • \ 1 & ^ 

La  matière  parenchymateuse  qui  restoit  apres 
l’extraction  de  cette  huile  concrète,  quoique 
n’en  fournissant  plus  par  l’effort  d’une  grande 
presse  , étoit  encore  grasse  sous  le  doigt  ; sa 
saveur  d’amande  étoit  assez  agréable  : on  pou- 
roit Remployer  à engraisser  des  cochons,  peut- 
être  en  fait- on  déjà  cet  usage. 


• ÉCLAIRÉE,  etc.  9 5 

En  Normandie,  la  pâte  qui  reste  après  l’expres- 
sion des  graines  de  lin , et  après  l’extraction  com- 
plette  de  leur  huile,  sert  à engraisser  les  cochons 
et  les  bœufs , et  certainement  elle  ne  paroît  pas 
être  si  bonne  à manger.  Après  avoir  extrait  cette 
espèce  de  graisse  végétale  des  graines  concassées 
bouillies  du  croton  sébifère,  la  saveur  agréa- 
ble de  cette  graisse  ht  penser  à M.  Vauquelin  , 
mon  élève  , que  vous  connoissez  , qu’on  pour- 
roit  l’employer  dans  la  cuisine  ; il  me  ht  part 
de  cette  idée  : sans  larejetter,  je  lui  conseillai 
de  faire  cet  essai  avec  précaution , parce  que 
les  produits  d’un  arbre  de  la  famille  des  eu- 
phorbes , et  voisin  des  ricins,  me  paroissoient 
suspects.  Il  a fait  assaisonner  des  pommes  de 
terre  avec  cette  graisse  ; il  les  a trouvées  très- 
bonnes  , mais  quoiqu’il  en  ait  mangé  peu  , il 
a eu  des  nausées  , des  vomissemens  , des  coli- 
ques ; il  a été  purgé  , et  le  bon  goût  qu’il 
trouvoit  à cette  graisse  s’est  changé  pour  lui  , 
ainsi  que  pour  deux  autres  personnes  qui  en 
•ont  goûté  avec  lui  , en  un  dégoût  violent:  il 
ne  fera  plus  assaisonner  de  légumes  avec  pa- 
reille graisse.  Il  est  vraissemblable  que  les 
Chinois  ont  reconnu  cette  qualité  émétique 
et  purgative  à la  graisse  du  croton  sébifère  , 
car  on  nous  auroit  appris  cet  usage  éconoe 
mique  ; s’il  étoit  pratiqué  chez  eux. 

Le  suif  contenu  dans  le  bambou  extrait  des 
graînesbroyées,que  l’on  m’avoit  envoyé  avec  les 
graines,  avoit  les  mêmes  propriétés  que  celui  que 
nous  avons  obtenu  nous-mêmes  $ il  étoit  seule 
ment  plus  coloré  et  moins  attrayant  comme  assai- 
sonnement que  le  nôtre  ; aussi  l’idée  du  man- 
ger n’est  - elle  venue  à M.  Vauquelin  que 
d’après  l’odeur  agréable  du  suif  récemment 
exprimé,  etd’aprèsla  sayeurdouce  des  amandes. 


ç6  i,à  Médecine 

Voilà  ce  que  j’ai  fait  sur  les  graines  du 
croton  sébifère  , et  sur  les  suifs  que  vous  m’a- 
yez envoyés.  J’ai  quelques  questions  à vous 
faire  , que  je  vous  prierai  de  communiquer 
à M.  Hubert. 

Cultive-t-on  cet  arbre  , le  croton  sébrifère  , 
à l’Isle  de  Bourbon  ou  à l’Isle  de  France  ? 
y vient- il  bien  ? peut- on  espérer  qu’il  y pros- 
pérera ? 

Celui  qu’il  vous  a envoyé  venoit-il  de  la 
Chine?  comment  l’a-t-il  obtenu  ?(  sait-on  bien 
comment  les  Chinois  traitent  les  semences  ? 
n’employent-ils  pas  pour  les  lampes  l’huile  sé- 
parée des  graines  et  du  suif  de  l’extérieur  ? 
est-il  vrai  qu’ils  recouvrent  les  chandelles  de 
ce  suif  d’une  couche  de  cire  ? est-ce  du  galle 
qu’ils  tirent  celle-ci  ? M.  Hubert  pourroit-il 
vous  faire  parvenir  quelques  livres  des  graines 
du  gallé,  ou  piment  royal  des  Chinois  ? sait- 
il  si  c’est  le  même  arbre  que  le  cirier  de  la 
Louisiane  ? comment  les  Chinois  blanchissent- 
ils  la  cire  verte  ou  brune  , ou  bien  la  cire 
du  gallé  est- elle  naturellement  blanche  ? 


Physique  et  Médicinale.  4 1 

X XVI  ï . The  pharmacopœla  of  the  royal  collège 
of  Phisicians  of  London  , etc.  C’est-à-dire  , 
Pharmacopée  du  collège  des  Médecins  de  Lon- 
dres, traduite  en  an dois  , avec  des  notes  , un 
index  des  mots  nouveaux  , etc.  cinquième 
édition  , revue  par  M.  J.  Latham  , docteur  en 
Médecine.  A Londres , 1791  , in-8Q.  de  302 
pages. 

O11  sait  que  le  college  des  Médecins  de 
Londres  a publié  , en  1788  , une  nouvelle  phar- 
macopée devenue  nécessaire  par  les  progrès 
qu’ont  fait  dans  ces  derniers  temps  la  botanique 
et  la  chimie.  On  trouve  à la  tête  de  cet  ouvrage 
un  index  de  matière  médicale,  dans  lequel  011  a 
placé,  à côté  des  anciens  noms  des  plantes,  ceux 
par  lesquels  elles  sont  désignées  dans  le  traité 
classique  de  Linnæus  connu  sous  le  nom  de 
species  plantarum , réforme  qui  est  absolument 
nécessaire  dans  l’état  actuel  de  nos  connois- 
sances,  et  qu’aucun  Médecin  ne  devroit  ignorer. 
On  trouve  aussi  à la  fin  de  la  même  pharma- 
copée, un  index  des  médicamens  chimiques  , 
avec  les  nouveaux  noms  que  les  Méde- 
cins de  Londres  ont  cru  devoir  leur  substi- 
tuer, et  qui  sont  en  grande  partie  une  suite 
de  la  nouvelle  nomenclature  introduite  en 
France  dans  la  chimie.  Les  mêmes  auteurs  ont 
aussi  beaucoup  simplifié  les  formules  de  phar- 
macie, et  ils  ont  proscrit  une  foule  de  com- 
positions anciennes  qui  ne  peuvent  plus  s’accor- 
der avec  nos  lumières  actuelles. 

La  pharmacopée  de  Londres  avoit  d’abord 
paru  en  latin  , et  dans  quelques  éditions  consé- 
cutives elle  avoit  reçu  quelques  légers  chan- 
gemens.  M.  Latham  a eu  l’idée  de  la  traduire 
enanglois,  pour  en  étendre  l’usage,  et  il  lui  a 

Tom . III.  N°.Lr.  Biblioub apiiie.  F 


^2  Bibliographie 

été  facile  de  l’augmenter  du  double  par  des 
remarques  additionelles  , soit  sur  les  vertus  des 
plantes,  soit  sur  certaines  compositions  phar- 
maceutiques. C’est  sous  cette  forme  que  paroît 
aujourd’hui  l’ouvrage  que  nous  annonçons. 
On  sent  qu’il  doit  offrir  peu  de  nouveautés 
pour  les  Médecins  éclairés,  et  que  tout  ce  qu’il 
contient  se  trouve  naturellement  dans  les  ma- 
tières médicales  de  Lirmæus  , de  Bergius  , de 
Murray,  etc.  ou  se  déduit  des  progrès  modernes 
de  la  chimie,  qui  ne  pouvoit  qu'avoir  une  grande 
influence  sur  la  pharmacie  3 mais  nous  obser- 
verons aussi  que  les  sens  de  l’art  qui  sont  as- 

• \]  ^ ^ f /1  • 

treints  a leurs  anciennes  lorrriules  , et  qui  sont 
entièrement  étrangers  à l’état  actuel  de  la  bo- 
tanique et  de  la  chimie  , ne  se  persuaderont 
pas  aisément  qu’on  puisse  mieux  faire  qu’eux  , 
et  continueront  à marcher  dans  les  routes  qu’ils 
se  sont  tracées  , quelques  surannées  qu’elles 
puissent  être. 

Nous  croyons  devoir  donner  une  idée  des 
changemens  que  les  Médecins  de  Londres  ont 
fait  dans  la  nomenclature  pharmaceutique  , 
et  le  soin  qu’ils  ont  eu  d’cviter  des  termes  vains 
et  insignifians  dérivés  des  fausses  notions  de 
l’ancienne  chimie  , ou  fondés  sur  des  indications 
médicinales  3 c’est  ainsi  qu’ils  ont  substitué  , 
cerusa  acetata  , au  lieu  cfe  saccharum  saturni  ; 
electuarium  sennae  , au  lieu  de  electuarium  le- 
nitivum  ; flerrum  ammoniacale  , au  lieu  de  flores 
martiales  ; linimentum  ammoniae , au  lieu  de 
lini.mev.tum  volatile  ; oæymel aeruginis  , au  lieu 
de  mel  aegyp tiacum  ; pitlulae  ex  aloë  cum  myr- 
7~ha , au  lieu  de pillulae  Ruflfi,  etc.  Les  lecteurs 
qui  commissent  la  nouvelle  nomenclature  chy- 
mique  verront  sans  peine  que  les  anglois  en 
ont  profité,  mais  qu’ils  sont  re-stés  en  deçà  du 


Physique  et  Médicinale.  4^ 

terme  et  qu’ils  se  sont  refusés  à toutes  les  lu- 
mières qu’elle  peut  encore  répandre  sur  la 
pharmacie.  Il  faut  espérer  que  les  Médecins 
françois  , qui  travaillent  aussi  à une  réforme  de 
leur  pharmacopée  , marqueront  plus  de  con- 
fiance, et  ne  se  refuseront  point  à opérer  dans 
toute  son  étendue  une  innovation  utile  et  de- 
venue nécessaire. 

Pour  donner  ici  un  exemple  particulier  pris 
de  cet  ouvrage,  nous  rapporterons  cequiregarde 
l’ormeau  ( ///mus  campestris . L .) , d’autant  mieux 
qu’on  a cherché  à mettre  en  vogue  l’écorce 
d’orme  pyramidal.  C’est  le  docteur  Lysons  qui 
a recommandé  l’écorce  intérieure  de  l’ormeau 
contre  les  affections  cutanées  chroniques  de 
la  peau  ; il  a prétendu  avoir  guéri  par-là  la  lèpre 
icthyosis  des  Sauvages  ; mais  le  docteur  Monro 
a reconnu  que  les  éruptions  cutanées  du  genre 
delà  lèpre,  quoique  fort  diminuées  par  ce  re- 
mède ou  meme  guéries  en  apparence,  se  re- 
nouvelloient  dans  l’espace  de  quelques  mois 
ou  mêinexlans  le  courant  de  l’annee.  Le  docteur 
Lysons  prescrivoit  la  décoction  de  quatré  onces 
du  liber  ou  écorce  la  plus  voisine  de  l’aubier  , 
sur  quatre  livres  d’eau,  jusqu’à  réduction  de 
deux  livres.  La  dose  étoit  de  demi-livre  de 
cette  boisson  deux  ou  trois  fois  le  jour  ; mais 
il  faut  remarquer  qu’il  étoit  obligé  de  seconder 
l’action  de  ce  remède  par  ,des  purgatifs.  M. 
Latham  dit  aussi  l’avoir  employé  avec  avantage 
en  ne  faisant  usage  de  la  même  manière  que 
de  l’écorce  desséchée  ; mais  il  ajoute  qu’il  n’a 
jamais  réussi  sans  faire  prendre  de  temps  en 
temps  au  malade  des  purgatifs  énergiques  \ 
ce  qui  rend  douteuse  fa  vraie  efficacité  de 
l’ecorce  intérieure  de  l’orme. 


44  Bibliographie 

i 

XXVIII.  Traité  complet  delà  culture , fabrica- 
tion et  vente  du  tabac  , d’après  les  procédés 
pratiqués  dans  la  Pannonie  , la  Virginie  , le 
Dannemarck  , V Ukraine  , la  Valteline  , la 
Guyane  françoise . O/z  jy  a joint  d’ autres 
objets  d'économie  rurale  qui  , réunis  ou  subs- 
titués au  tabac  , en  rendent  la  culture  encore 
plus  utile  aux  propriétaires  et  très-intéres- 
sante pour  Vétat.  Ouvrage  orné  de  six  plan- 

/ 1 . J 7 / ° • 1 7 • 

eues  en  taille  douce , par  un  ancien  culti- 
vateur. ^ Paris  , chez  Buisson  , libraire-im- 
primeur , rue  Va  u Le feu  i Ile  , tj<)i  , in8°.  de 
AqG  pag.  prix  q liv.  broché , et  q liv*  io  s. 
franc  de  port  par  tout  le  royaume. 

L’assemblée  nationale  , en  décrétant  la  liberté 
de  la  culture,  fabrication  et  vente  du  tabac, 
a donné  , dit  l’auteur  , une  grande  impulsion 
au  dessèchement  des  marais  ; aucune  plante 
ne  convient  mieux  à cette  espèce  de  nova- 
les,  et  n’exige  moins  de  dépense  de  la  part 
du  cultivateur  : aussi  , est- elle  la  ressource 
des  familles  errantes  de  la  Hongrie,  lorsqu’elles 
trouvent  cette  espèce  de  terres  vagues  qu’on 
laisse  au  premier  occupant  ; cet  avantage  que 
l’état  y trouve,  n’est  pas  le  seul.  Aucune  cul- 
ture ne  demande  habituellement  autant  de 
bras  que  le  tabac.  Ceux  des  en  fans  au-dessous 
de  l’âge  de  puberté  , les  jeunes  filles  depuis 
dix  jusqu’à  quatorze  ans  y sont  les  plus  propres. 
L’état  y trouve  des  ressources  également  im- 
portantes : celle  de  la  population  des  cam- 
pagnes l’autre  , de  décharger  les  hôpitaux  de 
tous  les  enfans  qui  n’ont  de  père  que  le 
public,  et  qui  lui  sont  à charge  sans  être  utiles 
à eux-mêmes.  L’achat  des  tabacs  étrangers 


Physique  et  Médicinale.  4^ 

coûtoit  autrefois  aux  fermiers  généraux  qua- 
torze millions  ; la  contrebande  en  enlevoit 
trois  autres  : l’état  gagne  donc  dix  sept  millions 
à '.e  cultiver  sur  ses  terres. 

L’auteur  donne  d’abord  une  notice  historique 
sur  le  tabac  5 il  y joint  l’histoire  naturelle  de 
cette  plante  , la  description  de  son  genre  , de 
ses  espèces  et  de  ses  variétés  cultivées,  la  con- 
sidération des  climats  relativement  à la  culture 
des  différentes  espèces  de  tabac,  des  terres  les 
plus  propres  à cette  culture  , des  enclos  , des 
oâtimens  nécessaires  à une  plantation  , des  en- 
crais , des  labours  de  charrue  et  de  bêche  , des 
obstacles  nuisibles  au  succès  d’une  transplan- 
tation de  tabac , des  outils  qui  sont  nécessaires 
à- sa  culture  et  à sa  fabrication,  des  préparatifs 
et  attentions  nécessaires  avant  de  commencer 
la  récolte  , etc.  On  voit  que  l’auteur  n’a  rien 
négligé  de  ce  qui  a du  rapport  à la  culture  de 
ce  végétal  ou  à son  exploitation  , et  ce  qu’il  dit 
doit  avoir  d’autant  plus  de  poids  qu’il  parle 
sur  ces.  objets  d’après  sa  propre  expérience. 
« J’ai  fait  mes  essais,  dit-il,  en  Valteline  , 
dans  un  climat  fort  doux , semblable  à celui 
de  la  Provence  , dans  une  plaine  entourée  par 
de  hautes  montagnes.  Mes  terres  sont  com- 
posées d’un  limon  amené  par  la  rivière  qui 
passe  à côté,  et  dans  laquelle  se  jettent  plusieurs 
torrens  ; dans  le  temps  de  pluies  fortes  , ils 
charrient  toute  sorte  de  limons  sur  mes  terres. 
Je  leur  fais  donner  jusqu’à  trois  labours  avec 
la  charrue.  Je  la  fais  passer  en  tout  sens.  Mes 
terres  sont  entourées  d’un  fossé  très-profond  et 
O une  digue  qui  les  garantit  des  inondations  et 
des  mauvais  vents.  De  grandes  allées  de  mûriers 
sur  le  terre-plein  de  la  digue  , et  d’autres  de 
saules  au  bas  , le  couvrent , et  le  feront  encore 


46  Bibliographie 

mieux  lorsqu’ils  seront  plus  hauts  et  plus  touf- 
fus... Je  n'ai  jamais  pesé  ma  semence,  mais 
une  couche  de  12  pieds  de  long  sur  4 de  large 
m’a  toujours  fourni  assez  de  plantes  pour  deux 
arpens.  3» 

XXIX.  A lecture  on  muscul \ar  motion , etc.  c’est- 
à-dire  , Dissertation  J'ur  le  mouvement  muscu- 
laire, par  fa . G . Blanc , Docteur  en  Médecine , 
et  Membre  de  la  Société  Royale  de  Londres  , 

t/ 

in- 4°.  de  py  pag . 

Nous  nous  arrêterons  peu . sur  des  détails 
purement  hypothétiques  et  diverses  explications 
que  l’auteur  donne  sur  la  contraction  mus- 
culaire , il  suffira  de  rappeler  que  Jes  prin- 
cipaux phénomènes  de  cette  contraction  sont 
un  raccourcissement  des  fibres,  un  gonflement 
transversal. , un  accroissement  de  cohésion  et 
de  dureté  , une  température  et  une  densité  qui 
ne  sont  point  changées.  Il  paroît,  d’après  ces 
deux  dernières  circonstances  , que  les  mouve- 
mens  intimes  des  particules  , l’une  par  rapport 
à l’autre  , doivent  beaucoup  différer  de  celles 
qui  ont  lieu  dans  différons  cas  de  contraction 
et  d’expension  dans  les  corps  inanimés. 

L’auteur  , dans  le  cours  de  sa  dissertation  , 
fait  quelquefois  des.  applications  utiles  de  la 
doctrine  de  l’irritabilité  et  de  la  sensibilité  à 
la  pathologie.  On  sait  que  les  Anglois  , qui  se 
sont  sur-tout  distingués  par  leurs  recherches 
sur  le  système  lymphatique  , lui  attribuent  une 
erande  influence  dans  les  fonctions  de  l’eco- 

ij  u 

nomie  animale  , soit  dans  l’état  de  santé  , soit 
dans  celui  de  maladie.  Nous  croyons  devoir 
rapporter  ce  que  dit  M.  Blanc  sur  cet  objet. 

Les  vaisseaux  lymphatiques  ou  absorbons 


Physique  et  Médicinale.  47 

sont  doués  évidemment  de  la  faculté  d’absorber 
certaines  substances  et  d’en  rejeter  d’autres. 
Les ''-vaisseaux  lactés  , par  exemple  , dans  l’état 
de  -santé  , pompent  seulement  la  partie  nutritive 
de  la  substance  alimentaire  j car  il  y a dans  les 
matières  fécales  des  substances  aussi  solubles 
que  dans  le  chyle.  La  surface  interne  de  la 
vésicule  du  fiel  abonde  en  vaisseaux  absorbans  , 
qui  toutefois  ne  pompent  point  ia  bile  dans 
l’état  de  santé  , et  qui  contribuent  seulement 
à augmenter  sa  consistence  en  absorbant  sa 
partie  fluide.  Mais  , lorsqu'à  là  suite  des  con- 
duits de  la  bile,  la  vésicule  devient  très-distendue, 
ou  lorsque  les  fonctions  des  vaisseaux  absorbans 
sont  altérées  par  un  état  de  maladie,  la  bile  est 
reçue  dans  le  système  lymphatique  et  passe  delà 
dans  les  vaisseaux  sanguins. Quelquefois  cette  ac- 
tion inusitée  des  vaisseaux  absorbans  est  excitée 
comme  une  ressource  de  la  nature  pour  guérir 
certaines  maladies  ou  pour  produire  l’accrois» 
seinent  du  corps.  Mais  d'autrefois  les  maladies 
consistent  dans  des  affections  de  ces  vaisseaux , 
soit  que  leur  action  soit  trop  retardée  , comme 
dans  i’hydropisie  , etc.  On  peut  démontrer  que 
toute  la  surface  de  la  peau  et  des  bronches  est 
pourvue  de  vaisseaux  inhalans  qui  absorbent 
les  fluides  tenus  en  dissolution  dans  l’atmos- 
phère ; et  si  on  raisonne  par  analogie  avec  le 
reste  du  corps  , il  faut  supposer  qu’ils  ont  une 
certaine  faculté  d’élection  par  laquelle  ils.  pré- 
fèrent ou  rejettent  des  fluides  qui  se  présentent 
à eux  suivant  les  diverses  qualités  de  ceux-ci  , 
et  cette  faculté  varie  suivant  l’état  de  santé  ou 
de  maladie.  Mais  , indépendamment  de  l’ana- 
logie , l’état  variable  du  corps  humain  , qui  le 
rend  plus  ou  moins  sujet  à contracter  des  ma- 
ladies contagieuses  , semble. en  être  une  preuve 


48  Bibliographie 

directe  : c’est  un  fait  bien  connu  qu’une  per- 
sonne qui  n’a  jamais  eu  la  petite-vérole  pourra 
s’exposer  à la  contagion  sans  contracter  cette 
maladie  , tandis  que  dans  un  autre  temps  elle 
en  sera  attaquée  à la  moindre  occasion.  On 
peut  dire  que  le  venin  est  absorbé  clans  un  cas 
comme  dans  l’autre,  mais  que  l’état  interne  du 
corps  est  disposé  dans  un  cas  à être  affecté  et 
qu’il  ne  l’est  pas  dans  l’autre  par  une  variation 
particulière  de  l’irritabilité. 

XXX.  Libeîlus  inauguralis  de  tempe stivo  opii  usu 
in  variolis  curandis.  Des  cas  qui  demandent 
l’usage  de  l’opium  dans  le  traitement  de  la 
petite-vérole.  A Leipsick 

Rien  n’est  plus  dangereux  cpie  de  proposer 
des  remèdes  actifs  pour  le  traitement  des  ma- 
ladies , et  de  ne  point  fixer  avec  exactitude  les 
cas  précis  qui  peuvent  en  rendre  l’usage  conve- 
nable , puisque  pour  un  Médecin  qui  l’emploie 
d’une  manière  judicieuse  on  en  compte  tant 
d’autres  qui  le  prodiguent^  d’après  des  indica- 
tions vagues  et  qui  en  rendent  souvent  l’usage 
funeste.  Or  , en  lisant  la  petite  dissertation 
que  nous  annonçons  , on  se  demande  quelles 
sont  les  vraies  circonstances  qui  exigent  l’usage 
de  l’cpium  dans  la  petite-vérole  , et  on  cherche 
vainement  une  réponse  satisfaisante  à cette 
question.  Pourquoi  chercher  à introduire  des 
singularités  dans  le  traitement  des  maladies 
aiguës, tandis  que  les  Médecins  vraiment  éclairés 
puisent  presque  toutes  leurs  ressources  dans 
un  régime  bien  entendu  , et  que  ces  ressources 
sont  incalculables  quand  on  a bien  approfondi  , 
à l’exemple  d’Hypocrate  , les  règles  de  la  diété- 
tique ? 


Physique  et  Médicinale.  4q 

XXXI.  La  goutte  radicalement  guérie  par  des 
moyens  doux  } salutaires  et  fortifions , qu’on 
peut  appliquer  avec  succès  dans  tous  les  climats 
de  la  terre , méthode  également  favorable 
à la  guérison  des  rhumatismes , affections 
nerveuses  et  la  plupart  des  maladies  chro- 
niques , par  J.  Marsillac,  docteur  en  Méde- 
cine de  la  faculté  de  Montpellier , etc.  De 
l} imprimerie  du  Cercle  social , rue  du  Théâ- 
tre François  ; vol.  in-12.  de  2,20  pages . 

Je  suis  porté  à croire  , a dit  Sydenham  , 
qu’on  découvrira  un  jour  le  spécifique  de  la 
goutte  ; et  c’est  cette  opinion  du  Médecin  anglois 
que  M.  Marsillac  a prise  pour  épigraphe  de  son 
ouvrage , sans  doute  pour  indiquer  d’avance 
que  cette  heureuse  découverte  étoit  maintenant 
faite  et  les  vœux  de  Sydenham  réalisés.  On 
s’empresse  de  lire  l’ouvrage  pour  connoître 
enfin  ce  spécifique  si  long-temps  attendu , et 
l’on  a bientôt  regret  de  voir  que  l’auteur  garde 
sur  cet  objet  un  secret  mystérieux.  Voilà  dès- 
lors  l’art  de  guérir  arrêté  encore  dès  les  pre- 
miers pas,  puisqu’on  ne  peut  savoir  ni  la  nature 
du  remède , ni  les  différences  des  doses  * ni 
les  variétés  de  son  administration  , suivant 
l’âge , le  sexe , le  tempérament  ou  d’autres 
circonstances  où  se  trouve  l’individu  qui  est 
affligé  de  la  goutte.  Au  surplus  M.  Marsillac 
promet  de  publier  sa  découverte  , et  alors  il 
aura  droit  d’invoquer  l’expérience,  conformé- 
ment à une  autre  épigraphe  de  son  ouvrage  ; 
éprouve  et  juge. 

L’auteur  donne,  dans  le  cours  de  son  ou- 
vrage, des  préceptes  très-sages  sur  le  régime 
des  goutteux  , et  il  s’élève  contre  l’usage  des 
fom.  III.  N°.  III.  Biblioge  aeuie.  G 


5o  Bibliographie 

alimens  fades,  comme  le  lait  et  les  farineux,  etc. 
Il  m’a  toujours  paru,  ajoute-t-il , que  ce  régime 
fastidieux  achevoit  de  refroidir  l’estomac  , pré- 
cipitoit  la  ruine  des  digestions  , et  augmentoit 
la  masse  des  humeurs  goutteuses.  Comme  il 
a été  lui-même  attaqué  de  la  goutte , il  dit 
qu’un  sentiment  intérieur  lui  fit  regarder,  comme 
un  des  moyens  de  guérison  les  plus  sûrs  , de 
prendre  des  alimens  restaurans  pour  donner 
du  ton  aux  extrémités.  Voyant  en  effet  que  le 
lait , les  herbages  et  les  farineux  l’empâtoient , 
le  rendoient  lourd  et  augmentoient  l’engorge- 
ment de  ses  jambes  , il  changea  de  régime  ; il 
fit  usage  de  bouillons  restaurans , d’un  peu 
de  viande  et  de  boissons  fortifiantes.  Il  sentit 
avec  joie  son  engourdissement  diminuer , et 
son  corps  et  son  esprit  prendre  des  forces  nou- 
velles. Parmi  les  différens  vins  dont  il  essaya 
l’usage,  celui  qui  lui  réussit  le  mieux  fut  le 
vin  de  Bourgogne  , par  l’avantage  qu’il  a d’être 
limpide  , léger  et  peu  tartareux.  Il  a suivi  ce 
régime  sur  lui  et  sur  d’autres  goutteux  pendant 
plusieurs  années  , et  il  assure  en  avoir  toujours 
éprouvé  des  effets  salutaires. 

On  peut  aussi  compter  parmi  les  antres  pré- 
ceptes judicieux  que  donne  l’auteur  aux  gout- 
teux, l’usage  des  frictions  aromatiques.  « Le 
matin,  avant  de  sortir  du  lit,  un  domestique, 
avec  un  morceau  de  molleton  neuf  et  doux 
au  toucher , frottera  légèrement  à nu  toutes 
les  parties  du  corps,  et  afin  de  donner  à ses 
pores  le  ton  nécessaire  à une  transpiration 
égale  et  soutenue  , on  exposera  de  temps 
en  temps  le  morceau  de  flanelle  sur  les  vapeurs 
du  benjoin  en.  poudre  , qu’on  fera  brûler  par 
pincées,  sur  quelques  charbons  allumés;  cette 
étoffe  étant  pénétrée  de  ces  vapeurs  fortifiantes  , 


Physique  et  Médicinale.  5 1 

on  continuera  rapidement  ces  frictions  sèches 
pendant  une  demi-heure  ; les  pieds  seront  les 
derniers  frictionnés;  s’ils  sont  le  siège  de  la 
goutte  , on  les  couvrira  avec  un  coin  de  la 
couverture,  et  lorsque  le  corps  sera  frictionné  , 
on  le  couvrira,  et  faisant  sortir  seulement 
les  deux  jambes  du  lit,  on  les  frottera  légè- 
rement sept  ou  huit  minutes  avec  le  même  mol- 
leton empreint  de  parfums  aromatiques». 

M.  Marsillac  dit  qu’a  près  avoir  tenté  un 
grand  nombre  de  substances  médicales  , l’expé- 
rience lui  a prouvé  qu’un  extrait  acide  vésétal , 
incorpore  avec  un  savon  très-doux,  étoit  le  spé- 
cifique le  plus  propre  contre  la  goutte.  Nous 
ne  dirons  rien  sur  le  savon  fondant  dont  l’au- 
teur se  réserve  le  secret;  mais  nous  ferons 
remarquer  que  tout  ce  qu’il  dit  de  ses  effets 
immédiats  sur  l’économie  animale  , s’écarte 
un  peu  d’une  logique  sévère  , et  qu’on  doit 
absolument  s’interdire  ces  explications  et  ces 
prétendus  développemens  des  causes  pro- 
chaines , de  même  qu’on  le  fait  en  physique 
et  en  histoire  naturelle.  M.  Marsillac  est  d’au- 
tant plus  fait  pour  éviter  ce  stérile  langage  de 
l’école  , qu’il  cultive  lui- même  les  sciences  avec 
succès  , et  qu’il  sait  bien  que  l’art  de  guérir 
ne  doit , comme  elles  , prendre  pour  guides  que 
l’observation  et  l’expérience.  Il  s’est  bien  plus 
rappi’oché  des  vrais  principes  dans  le  journal 
des  moyens  curatifs  de  la  goutte  qu’il  a 
employés  sur  lui-même  et  par  lequel  il  termine 
son  ouvrage. 

XXXII.  Dissertatio  me  die  a de  uovâ  înfectionis  , 
fartasse  contagionis  destruendae  methodo  : 
-A uct.  M.  L.  C.  Guilbert , 1791. 

Celte  dissertation  sur  une  nouvelle  méthode, 

G a 


5a  Bibliographie 

de  détruire  l’infection  et  peut-être  la  contagion 
des  maladies,  a fait  la  matière  d’un  acte  public 
aux  écoles  de  Médecine  ; comme  l’auteur  fonde 
la  méthode  dont  il  parle  sur  l’usage  de  l’acide 
muriatique  oxigéné,  il  a été  obligé  de  rappeller 
succintement  les  travaux  des  divers  chimistes 
sur  cet  acide  : nous  nous  bornerons  ici  à expo- 
ser ses  effets  sur  l’économie  animale. 

Les  vapeurs  de  l’acide  muriatique  oxigéné  , 
affectent  vivement  la  membrane  pituitaire  et 
y causent  une  espèce  de  corriza;  delà  vient 
que  ceux  qui  traitent  cet  acide  pour  le  faire 
servir  à divers  usages,  ont  besoin  de  flairer 
souvent  de  l’alkali  volatil  ou  l’ammoniaque. 
L’action  de  cet  acide  resserre  beaucoup  les 
pores  de  la  peau.  On  a vu  dans  ce  journal 
que  cet  acide  détruit  l’odeur  des  chairs  putrides. 
M.  Guilbert  ajoute  que  dans  un  temps  où  il  se 
livroit  à l’anatomie  avec  un  de  ses  amis,  il  par- 
vint à détruire},  au  moyen  de  cet  acide,  l’odeur 
infecte  du  cadavre.  C’est  ainsi  qu’on  peut  dé- 
truire encore  l’odeur  des  latrines.  Comme  l’a- 
cide muriatique  oxigéné  a une  vertu  astrin- 
gente très-marquée  , conime  il  détruit  entiè- 
rement les  odeurs,  il  y a lieu  de  présumer  cjue 
c’est  un  excellent  anti-contagieux.  En  admettant 
en  effet,  avec  les  Médecins,  clés  miasmes  putrides 
et  contagieux  dans  l’air,  ils  peuvent  être  neu- 
tralisés par  cet  acide,  et  si  on  faisoit  des  lo- 
tions de  tout  le  corps  avec  ce  même  acide  très- 
clélayé  , on  parviendroit  à resserrer  les  pores 
de  la  peau  et  à empêcher  ainsi  la  commu- 
nication de  la  contagion.  Si  après  une  épizootie 
on  arrosoit  avec  ce  même  liquide  les  étables 
et  les  cadavres,  peut-être  qu’on  parviendroit 
à arrêter  les  progrès  du  mal.  Si  on  y plongeoit 
les  peaux  des  animaux  morts  durant  une  mala- 


Physique  et  Médicinale.  53 

die  épizootique , on  pourroit  s’en  servir  avec 
impunité  , au  lieu  qu’on  a été  obligé  jusqu’ici 
de  les  ensevelir  sous  terre.  Ceux  qui  craignent 
la  contagion  de  la  phtisie  pourraient  se  rassurer 
en  lavant  dans  le  même  liquide  les  vêtemens 
qui  ont  servi  aux  malades  et  en  détergeant 
ainsi  les  parois  de  leurs  chambres.  On  ne  peut 
plus  douter  que  l’acide  muriatique  oxigéné 
ne  soit  doué  d’une  vertu  antiseptique  et  tonique 
très-marquée  ; c’est  donc  un  très-bon  médi- 
cament contre  les  affections  scorbutiques  et 
sur-tout  pour  la  cure  des  anciens  ulcères.  On 
entrevoit  combien  l’art  de  guérir  peut  tirer 
avantage  de  l’emploi  judicieux  de  l’acide  mu- 
riatique oxigéné,  et  on  ne  peut  que  savoir  gré 
à M.  Guilbert  d’avoir  présenté  aux  Médecins 
cet  objet  fécond  en  nouvelles  recherches. 

XXXIII.  Disse  ri  atio  physiologie  a de  injluxu  la- 

minis  in  varia  naturae  corpora.  Auct . A.  L. 

Guilbert. 

Un  préjugé  singulier  a fait  souvent  regarder 
la  Médecine  comme  isolée  des  autres  sciences  , 
et  bien  des  Médecins  ont  paru  intéressés  à pro- 
pager cet  opinion,  parce  que  l’amour-propre 
fait  presque  toujours  qu’on  dédaigne  ce  qu’on 
ne  connoît  pas.  Mais  ceux  qui  portent  des  lu- 
mières étendues  dans  la  pratique  de  l’art  de  gué- 
rir, ne  négligent  jamais  aucun  moyen  de  s’é- 
clairer , et  profitant  des  progrès  que  font  les 
autres  sciences,  ils  sont  toujours  pleins  d’ac- 
tivité et  de  zèle  pour  en  faire  des  applications 
heureuses.  L’étude  qu’on  a faite  dans  ces  derniers 
temps  de  l’influence  de  la  lumière  sur  les  divers 
corps  de  la  nature,  offre  une  preuve  de  cette 
vérité.  Quand  on  réfléchit  sur  le  grand  nombre 
de  maladies  chroniques  dont  sont  affligés  les 


54  Bibliographie 

habitans  clés  villes  et  dont  ceux  clés  campagnes 
sont  exempts,  on  ne  peut  que  regarder  l’in- 
fluence de  la  lumière  sur  le  corps  vivant  comme 
des  plus  salutaires  , secondée  sur- tout  par  l’im- 
pression de  l’air  du  dehors.  On  sait  d’ailleurs 
quel  avantage  les  anciens  retiroient  de  l’inso- 
lation contre  toutes  les  affections  dont  le  prin- 
cipe étoit  la  langueur  et  l’atonie. 

XXXIV.  O pus  cula  anatomie  a et  physiologie  çl  re- 
trac tata  , aucta  et  révisa  ah  auctore.  Joli . Dan . 
Metzer  S.  R.  M.  Bor.  archiatro  , Anatomiae 
et  Medicinae  professore  primario  iu  acad. 
regioiTL.  Amslellodami , apud  Roëderum  et 
socios  ; vol.  in-  8°.  de  2.08  pet  g. 

S 

Les  Anatomistes  doivent  voir  avec  plaisir- 
une  nouvelle  édition  de  plusieurs  dissertations 
intéressantes  que  M.  Metzer  avoit  déjà  publiées 
sur  différens  points  d’Anatomie  et  de  Physio- 
lo  gie.  Deux  de  ces  dissertations  sont  consacrées 
à l’histoire  anatomique  et  à la  description  des 
nerfs  olfactifs.  Après  avoir  présenté  l’extrait 
assez  détaillé  des  travaux  suivis  que  plusieurs 
Anatomistes  ont  faits  sur  cet  objet , il  donne 
lui-rnêine  la  description  de  ces  nerfs,  qui  dif- 
fère peu  d’ailleurs  de  ce  qu’en  a dit  M.  Vicq 
d’Azir  dans  son  ouvrage.  Les  parties  qui  re- 
couvrent l’origine  de  ces  nerfs  sont  d’une  part 
la  couche  des  nerfs  optiques,  de  l’autre  le  tronc 
et  les  branches  de  l’artère  carotide  et  l’arach- 
noïde, qui  unit  les  lobes  antérieurs  et  postérieurs 
du  cerveau.  Ces  parties  une  fois  enlevées  et 
la  scissure  d.e  Syîvius  découverte  , l’on  apperçoit 
les  deux  origines  d’où  partent  les  neris  de  la 
première  pab*é  ; l’une  vient  de  l’angle  de  la 
scissure  de  Sylvius  par  une  insertion , tantôt 


Physique  et  Médicinale.  55 

large  , tantôt  mince  , qui  se  propage  vers  la 
partie  antérieure  en  s’inclinant  et  s'approchant 
du  bord  de  cette  scissure.  Ce  petit  filet  est 
alors  d’une  couleur  argentine  , il  traverse  en- 
suite la  substance  grisâtre  du  corps  strié  in- 
férieur et  antérieur,  et  se  réunit  avec  un  autre 
filet  médullaire  qui  part  de  la  ligne  qui  sépare 
le  corps  strié  antérieur  clu  postérieur.  L’auteur 
a exposé  dans  une  dissertation  l’examen  qu’il 
a fait  des  nerfs  olfactifs  dans  diverses  espèces 
d’animaux,  et  il  rapporte  toutes  les  variétés  qu’d 
a observées. 

La  troisième  dissertation  contenue  dans  le 
volume  que  nous  annonçons  , contient  des 
observations  an atomico  - pathologiques  sur  la 
théorie  des  nerfs.  Après  une  légère  esquisse 
des  meilleurs  travaux  qui  ont  été  publiés  sur 
la  névrologie , après  avoir  décrit  le  grand  in- 
tercostal d’après  Jwunof , après  avoir  examiné  et 
critiqué  l’opinion  de  M.  Petit  , qui  croit  que 
ce  nerf  a un  cours  rétrograde , M.  Metzer  rap- 
porte ce  qu’ont  pensé  divers  Anatomistes  sur 
la  structure  de  ces  organes  du  sentiment.  Il 
a fait  lui-même  plusieurs  expériences  pour  cher- 
cher à la  déterminer,  et  les  résultats  qu’il  a ob- 
tenus le  portent  à conclure  que  la  substance 
cérébrale  est  composée  d’un  tissu  cellulaire  peu 
transparent , qui  dans  ses  interstices  renferme  la 
pulpe  cérébrale  interposée  par  couches  à peu- 
près  demi-circulaires ! M.  Metzer  passe  ensuite 
à la  manière  dont  les  nerfs  agissent  sur  l’éco- 
nornie  animale  ; mais  il  nous  permettra  de  lui 
faire  remarquer  qu’il  franchit  un  peu  les  bornes 
sévères  où  doit  se  renfermer  tout  Anatomiste 
rigoureux  , lorsqu’il  cherche  à remonter  jus- 
qu’au siège  de  lame.  Il  nous  paroît  aussi  qu’il 
n’est  point  au  niveau  des  connoissances  que 


56  Bibliographie 

les  recherches  des  Chimistes  modernes  ont 
répandues  fur  l’origine  de  la  chaleur  animale  , 
puisqu’il  la  regarde  comme  le  produit  d’une 
des  fonctions  des  nerfs. 

XXXV.  Projet  de  décret  sur  V enseignement  et 
V exercice  de  Part  de  guérir , présenté  au  nom 
du  comité  de  salubrité , par  M.  Guillotin  , 
député  de  Paris. 

Ce  projet  renferme,  i°.  les  bases  de  ren- 
seignement et  de  l’exercice  de  l’art  de  guérir  : 
2°.  la  formation  et  le  réglement  des  écoles  ; 
3°.  les  concours  pour  les  chaires  ; 4°»  les  épreuves 
pour  l’admission  au  titre  légal  de  Médecin; 
5°.  la  Pharmacie  ; 6°.  les  réglemens  relatifs 
aux  sages-femmes  ; y0.  des  Médecins  et  des 
Pharmaciens  chargés  des  rapports  auprès  des 
tribunaux;  8°.  de  la  formation  première  des 
quatre  collèges  de  Médecine , de  la  retraite 
des  professeurs  supprimés  , des  appointemens 
des  nouveaux  professeurs , des  honoraires  des 
juges  du  concours  et  des  examinateurs  ; 90.  de 
l’agence  de  secours  et  de  salubrité  ; io°.  enfin 
des  secours  médicinaux  à domicile. 

Nous  ne  croyons  pas  que  le  plan  proposé 
par  M.  Guillotin  , diffère  assez  essentiellement 
de  celui  qui  a été  déjà  publié  par  la  société 
de  Médecine  , pour  qu’il  soit  nécessaire  d’en 
faire  connoître  plus  particulièrement  les  dé- 
tails et  l’ensemble. 

XXXVI.  Disse?'tatio  de  colicâ , auctore  P.  F. 

Ohleinann.  A Leipsick  , lyÿi- 

L’auteur  reconnoît  quinze  espèces  de  coli- 
ques, et  il  y joint  le  traitement  particulier  qui 
convient  à chacune. 


Physique  et  Médicinale.  5j 

XXXVII.  A Treatise  on  putrid  intestinal  ré- 
mittent fevers  , etc.  c’est-à-dire  , Traité  sur 
la  fièvre  putride  intestinale  rémittente  , dans 
lequel  on  cherche  à détei'miner  les  loix  de 
l’état  fehrile  et  de  l’injluence  lunaire , etc.; 
par  M.  Balfour  , docteur  en  Médecine  et  de 
la  Société  royale  de  Médecine  d' Edimbourg  ; 
vol.  in-8° . A Edimbourg,  ijg?. 

Nous  croyons  devoir  rappeler  ici  que  M.  Bal- 
four  a publié  , en  1784,,  à Edimbourg  , un  autre 
Traité  sur  l’influence  générale  des  périodes  de 
la  lune  sur  les  fièvres.  Comme  les  principes 
de  ce  dernier  Traité  sont  nécessaires  à l’intel- 
ligence de  celui  dont  nous  parlons,  nous  allons 
en  donner  un  extrait  sommaire  , d’autant  mieux 
que  l’objet  est  piquant  par  lui-même,  et  qu’il 
fait  voir  combien  l’amour  de  la  nouveauté  rend 
souvent  peu  difficiles  les  Médecins  sur  les  ré- 
sultats de  leurs  observations. 

M.  Balfour  , dans  son  Traité  général  sur  l’in- 
fluence des  périodes  de  la  lune  dans  les  fièvres  , 
établit  les  quatre  propositions  suivantes , qu’il 
dit  être  une  suite  immédiate  de  ce  qu’il  a ob- 
servé durant  un  séjour  de  quatorze  ans  dans  le 
Bengale  : i°.  les  fièvres  de  toute  espèce  ont 
dans  le  Bengale  une  correspondance  remarqua- 
ble avec  les  révolutions  de  la  lune  (1)  -,  2°.dans 


(1)  M.  Balfour  comprend  , sous  le  nom  de  périodes 
lunaires  , les  six  jours  qui  précèdent  et  les  six  jours  qui 
suivent  , soit  la  nouvelle  , soit  la  pleine  lune  , et  il  donna 
le  nom  d’intervalles  lunaires  aux  quatre  jours  qui  se  trou- 
vent deux  fois  le  mois  entre  les  deux  périodes  de  la  lune. 
Il  étoit  médecin  d’un  régiment  dans  le  Bengale  , et  il  dit 
avoir  remarqué  dans  la  partie  septentrionale  de  cette  ré- 
gion que  le  nombre  des  malades  fut  presque  double  à 
chaque  nouvelle  ou  pleine  lune  , ou  aux  environs. 

Tarn.  III.  N°.  Y.  Bibliographie.  H 


58  Bibliographie 

cette  même  région  il  est  nécessaire  d’avoir 
line  attention  particulière  aux  révolutions  de 
la  lune  pour  guérir  ou  pour  prévenir  les  fièvres  ; 
3°.  l’influence  lunaire  dans  les  fièvres  a lieu 
de  même  dans  toutes  le  parties  du  globe  ter- 
restre , et  par  conséquent  c’est  un  objet  impor- 
tant dans  la  pratique  de  la  médecine  $ 4°*  toute 
la  doctrine  de  la  crise  des  fièvres  peut-être  aisé- 
ment déduite  de  ce  qu’on  a établi  relativement 
à ces  maladies  dans  la  pleine  et  la  nouvelle 
lune. 

Nous  ne  pouvons  point  prononcer  en  Europe 
sur  ce  qui  se  passe  dans  la  zone  torride  ou  aux 
environs,  relativement  à l’influence  de  la  lune  , 
do-nt  l’action  sur  le  corps  humain  peut  provenir 
de  celle  que  cette  planète  secondaire  exerce  sur 
l’atmosphère.  Les  personnes  d’ailleurs  qui  ont 
voyagé  , soit  dans  les  Indes  ^ soit  dans  nos  co- 
lonies de  l’Amérique,  s’accordent  assez  sur  les 
effets  nuisible  de  la  lumière  de  la  lune.  Sans 
vouloir  donc  ni  nier  absolument  ni  défendre 
l’action  de  la  lune  sur  le  corps  humain  dans  les 
pays  méridionaux  , nous  nous  bornons  à dé- 
sirer que  ces  observations  soient  soigneusement 
.répétées  par  des  médecins  doués  d’un  esprit 
judicieux  , et  propres  à ne  point  se  méprendre 
sur  la  vraie  cause  des  changemens  qu’éprou- 
vent les  maladies.  Ainsi  nous  ne  prononçons 
point  sur  les  deux  premières  propositions  de 
M.  Balfour.  Quant  à la  troisième  , c’est-à-dire 
à l’influence  lunaire  considérée  dans  toutes  les 
parties  du  "lobe  , nous  croyons  ciue  M.  Balfour 
tire  une  conclusion  trop  précipitée  , car  nous 
avons  été  instruits  que  , depuis  que  son  premier 
ouvrage  a paru,  on  a porté  la  plus  grande  at- 
tention sur  cet  objet  en  Ecosse  , et  que  les 
exacerbations  lunaires  dans  les  fièvres  n’ont 


Physique  et  Médicinale.  5p 

nullement  paru  marquées  , comme  le  prétend 
cet  auteur. 

Passons  maintenant  à son  nouveau  Traité  sur 
les  fièvres  intestinales  rémittentes.  Nous  remar- 
quons d’abord  que  dans  ce  dernier  écrit  M.  Bal- 
four  fait  aussi  entrer  en  considération  l’influence 
diurne  du  soleil , et  qu’il  admet  des  paroxismes 
méridionaux  qu’il  prétend  qu’on  observe  , soit 
à midi , soit  à minuit.  Il  admet  donc  le  résultat 
d’une  double  cause  qu’il  appelle  sol-lunaire . Il 
auroit  pu  même  en  admettre  une  troisième  , qui 
est  le  passage  de  la  lune  au  méridien  , dont  la 
correspondance  avec  certains  phénomènes  des 
maladies  est  si  marquée  , comme  le  fait  voir 
Mead  dans  ce  qu’il  dit  , de  imperio  solis  et 
lunae . 

Voici  maintenant  les  règles  pratiques  que  M. 
Balfour  déduit  de  ses  considérations  sur  l’in- 
fluence sol-lunaire  : lorsque  les  fièvres  putrides 
intestinales  rémittentes  ont  lieu  et  qu’elles  sont 
bénignes  , il  propose  , i°.  d’évacuer  la  matière 
contagieuse  , s’il  est  possible  , avant  que  le  mu- 
cus de  l’estomac  et  des  intestins  soit  infecté  et 
corrompu  , ou  avant  qu’il  se  soitfaitune  absorp- 
tion suffisante  pour  exciter  et  pour  confirmer 
la  maladie  ; c’est  dans  cette  vue  qu’il  propose 
l’usage  des  émétiques  et  de  sels  purgatifs  : 
2,°.  lorsqu’après  l’usage  de  l’émétique  la  maladie 
paroît  établie  et  confirmée  , le  temps  des  pa- 
roxismes nocturnes  méridionaux  doit  être  con- 
sacré, pendant  les  quatre  ou  cinq  premiers  jours , 
à détacher  les  mucus  des  intestins  par  des  doses 
répétées  de  mercure  doux , prises  à l’heure 
du  coucher  5 ce  qu’on  doit  continuer  ensuite 
durant  le  cours  de  la  maladie  : 3°.  durant  les 
intervalles  méridionaux  (c’est-à-dire  les  heures 
les  plus  éloignées  des  deux  passages  du  soleil 

H 2 


6o 


Bibliographie 

au  méridien  ) , on  donnera  vers  le  matin  une 
solution  laxative  d’un  sel  purgatif  pendant  les 
quatre  ou  cinq  premiers  jours  de  la  fièvre  : 
4°.  après  l’action  du  laxatif  on  nourrira  un  peu  le 
malade  avec  de  petites  tasses  de  panade,  maison 
évitera  d’en  faire  prendre  à l’approche  de  l’exa- 
cerbation méridionale  : 5°.  la  continuation  de 
la  lièvre,  ou  même  une  augmentation  modérée  des 
symptômes  aux  périodes  lunaires  , ne  doit  point 
alarmer , mais  il  faut  persister  dans  le  même 
plan  de  traitement  durant  les  intervalles  lu- 
naires. 

Lorsque  la  maladie  est  accompagnée  de  symp- 
tômes de  malignité  , M.  Balfo.ur  propose  d’ob- 
server , durant  les  trois  premiers  jours  , les 
règles  qui  ont  été  données  pour  le  traitement 
de  la  fièvre  bénigne.  Il  propose  aussi  de  donner, 
immédiatement  après  l’action  du  laxatif  du  ma- 
tin du  troisième  jour,  le  quinquina  en  substance 
pour  prévenir  la  chute  des  forces  , et  on  en  con- 
tinuera l’usage  les  deux  jours  suivans,  jusqu’à 
ce  que  le  malade  en  ait  pris  douze  gros  ou  deux 
onces.  On  usera  en  même  temps  du  laxatif  le 
matin  et  du  mercure  doux  à l’heure  du  coucher , 
et  on  persistera  dans  la  même  méthode  de  trai- 
tement jusqu’à  la  fin  de  la  fièvre.  Il  suffit  après 
cela  d’insister  pendant  quelques  jours  sur  l’u- 
sage d’une  décoction  du  quinquina,  en  interpo- 
sant tous  les  deux  ou  trois  jours  une  solution 
laxative.  On  ne  doit  point  négliger  de  donner 
quelques  prises  d’opium  pour  empêcher  le  quin- 
quina d’être  rejetté  par  le  haut  ou  d’être  évacué 
par  le  conduit  intestinal. 

Ces  différentes  régies  générales , et  d’autres 
que  l’auteur  donne  , quoique  peu  opposées  au 
traitement  ordinaire  des  fièvres  rémittentes  des 
climats  chauds  , sont  cependant  en  partie  rap- 


Physique  et  Médicinale.  6 1 

portées  par  M.  Balfour  à la  théorie  de  l’in- 
fluence sol- lunaire  , et  si  cette  théorie  est  bien 
fondée , on  n’a  pas  besoin  d’ajouter  qu’il  ne 
peut  être  qu’utile  de  les  observer.  Ce  médecin  , 
sans  prétendre  expliquer  les  causes  de  cette 
influence , se  contente  de  les  proposer  comme 
un  résultat  des  faits.  Nous  avons  déjà  exposé 
notre  opinion  sur  cet  objet , et  nous  desirons 
qu’on  acquière  de  nouvelles  lumières  sur  cette 
correspondance  des  périodes  de  la  lune  avec 
les  changemens  qu’éprouvent  les  maladies. 
Il  paroît  seulement  que  la  médecine  d’Europe 
n’en  a point  encore  tiré  de  ressources  , et  que 
nos  climats  sont  peu  propres  à décider  la  ques- 
tion , mais  nous  n’invitons  pas  moins  les  mé- 
decins à ne  point  négliger  cet  objet  de  re- 
cherches . 

XXXVIII.  Philosophical  transactions  of  the 
royal  society  of  London  , etc.  Transactions 
philosophiques  de  la  société  royale  de  Lon- 
dres , volume  LXXXI , pour  l’année  iyc)i  , 
part.  I. 


I.  Parmi  les  mémoires  qui  composent  le  der- 
nier volume  des  Transaction  s philosophiques,  on. 
distingue  un  nouveau  travail  de  M.  Deluc  sur 
1 hygrométrie.  L’auteur  donne  comme  résultat 
des  recherches  qu’il  a faites,  pendant  vingt  ans, 
sur  les  anomalies  des  fils  hydroscopiques,  i°.  que 
le  feu  , comme  cause  de  la  chaleur,  est  le  seul 
moyen  sûr  d’obtenir  une  extrême  sécheresse  ; 
^celle-ci  est  le  produit  d’une  chaleur  incandes- 
cente dans  toutes  les  substances  hydroscopiques 
qui  peuvent  la  soutenir,  et  on  peut  ainsi  la  trans- 
mettre à l’hygromètre  ; 2°.  que  l’eau  dans  son 
état  de  liquidité  est  le  seul  moyen  sûr  de  dé- 


Bibliographie 

terminer  le  point  d’une  extrême  humidité  sur 
cet  instrument;  3°,  qu’il  ne  fhut  pas  attendre 
cV aucune  substance  hydroscopique  que  les 
changemens  soient  proportionnels  à ceux  de 
l’humidité  , mais  on  peut  assurer  qu’aucune 
substance  fibreuse  ou  vasculaire  , prise  dans  sa 
longueur,  n’est  propre  pour  servir  d’hygromètre  ; 
4°.  qu’un  moyen  de  répandre  de  nouvelles  lu- 
mières sur  la  marche  d’un  hygromètre  choisi , 
c’est  de  le  comparer  avec  les  changemens  corres- 
pondans  dans  le  poids  de  quelques  substances 
hydroscopiques. 

II.  Sur  la  production  de  l’ambre  gris. 

Un  commerçant  a écrit  à M.  Bàncks  , qu’on 
avoit  trouvé  trois  cent  soixante  - deux  onces 
d’ambre  gris  dans  le  corps  d’une  baleine  prise 
sur  la  cote  de  Guinée.  Une  partie  de  cet 
ambre  sortoit  de  l’anus  de  l’animal,  et  le  reste 
s’est  trouvé  dans  le  même  passage,  ou  bien  dans 
une  poche  un  peu  au-dessous  et  qui  commu- 
■Jiiquoit  avec  le  rectum.  Cette  baleine  paroissoit 
fort  vieille  et  dans  un  état  de  maladie.  On 
ajoute  qu’aucune  des  baleines  prises  par  les 
vaisseaux  anglois  employés  à cette  pêche  , n’a- 
Voient  jamais  auparavant  donné  de  l’ambre  gris. 

• i t > k 1 i i r**  /-\ f ■*  * **  M ' * t ' 

III.  Obser  valions  sur  l’affuiité  qui  se  trouve  entre 

les  basaltes  et  le  granit. 

, £>  

Les  deux  propositions  fondamentales  que 
l’auteur  de  ce  mémoire  croit  résulter  de  l’ob- 
servation est,  i°.  que  les  basaltes  ont  un  tel 
Tapport  avec  le  granit  qu’on  peut  suivre  le  pas* 
sage  et  les  changemens  gradués  de  l’un  de  ces 
rochers  dans  l’autre  ; a°.  que  les  basaltes  et  les 
granits  sont  si  contigus  et  si  confusément  mêlés 
•f un  avec  l’autre  qu’on  ne  peut  que  supposer 


Physique  et  Médicinale.  63 

qu’ils  sont  le  produit  de  la  même  opération  de 
la  nature  , qui  a agi  en  même  temps.  L’auteur  re- 
jette aussi  la  division  ordinaire  des  montagnes  en 
primitives  et  en  secondaires  , et  il  prétend  que 
les  chaînes  de  granit , de  schiste  et  de  pierre 
calcaire , sont  aussi  anciennes  les  unes  que 
les  autres. 


IV.  Observations  sur  certaines  excroissances 
charnues  du  corps  humain. 

Une  femme  âgée  maintenant  de  cinquante 
ans,  remarqua  il  y a environ  quatorze  ans,  une 
substance  mobile  sur  le  côté  gauche  de  sa  tête. 
Cette  tumeur  parvint , par  des  accroissemens 
gradués,  à la  grosseur  d’un  œuf  de  poule  ; s’étant 
alors  rompue  , il  en  découla  un  fluide  épais 
et  boueux.  Après  cette  évacuation  on  apperçut 
dans  le  centre  de  la  tumeur  une  petite  excrois- 
sance de  la  grosseur  d’un  pois  et  d’une  couleur 
rouge  au  sommet  ; elle  augmenta  par  dégrés 
en  longueur  et  en  épaisseur,  et  continua  d’être 
souple  pendant  trois  mois  : c’est  alors  qu’elle 
prit  la  consistance  d’une  corne.  Cette  femme  , 
désespérée  par  la  violence  de  la  douleur  , tâcha 
de  l’arracher  environ  deux  ans  et  trois  mois  après 
sa  première  formation.  Ce  fut  avec  beaucoup 
de  difficulté  et  d’efforts  qu’elle  parvint  enfin  à 
la  rompre  vers  le  milieu  , et  elle  arracha  en- 
suite la  racine  de  sa  tête  , en  y laissant  une  dé- 
pression considérable  qui  s’y  trouve  encore.  Sa 
longueur,  en  totalité,  est  environ  de  cinq  pouces, 
et  sa  circonférence  aux  deux  extrémités  est  d’un 
pouce  ; elle  est  un  peu  moindre  au  milieu  : 
elle  est  contournée  comme  la  corne  d’un  bélier. 

On  voit  naître  maintenant  une  autre  corne  du 
bord  inférieur  de  la  même  dépresssion,  et  celle- 
ci  a environ  trois  pouces  de  longueur,  et  elle 
est  de  la  grosseur  d’une  plume  d’oie. 


64  Bibliographie 

On  remarque  une  troisième  corne  située  à la 
partie  supérieure  de  la  suture  l’ambdoïde  , et 
d’un  pouce  de  long,  avec  autant  de  circonférence 
à la  base.  Elle  est  tournée  en  bas  , en  s’élevant 
un  peu  au-dessus  de  la  tète.  On  a vu  naître 
aussi  deux  ou  trois  cornes  dans  le  même  en- 
droit , mais  la  femme  les  a toujours  arrachées. 
Toutes  ces  excroissances  cornées  sont  précédées 
de  la  même  sorte  de  tumeurs  enkistées  qui , en  se 
rompant,  laissent  écouler  un  fluide  boueux.  Les 
ouvertures  d'où  la  matière  découle  sont  très- 

f)ctites.  Le  Liste  s’affaisse  et  se  dessèche  en 
aissant  distinguer  la  substance  charnue  qui 
croît  au  milieu.  Ces  kistes  sont  peu  douloureux 
jusqu’à  ce  que  les  cornes  viennent  à pousser , 
mais  alors  la  personne  éprouve  les  plus  vives 
douleurs  presque  6ans  relâche. 

M.  Home  , qui  rapporte  cette  observation  , en 
a joint  une  autre  qui  est  de  la  même  nature  ; 
il  parle  ensuite  de  divers  auteurs  qui  ont  fait, 
connoître  des  excroissances  analogues. 

XXXIX.  Observations  sur  les  maladies , les 
blessures  et  le  s autres  imperfections  des  arbres 
fruitiers  et  forestiers  de  toute  espèce  , avec  une 
méthode  particulière  de  les  guérir  , décou- 
verte et  pratiquée  par  G.  Forisith  , jardinier 
du  T'oi  de  la  grande  Bretagne  , à Kensing - 
tone  y traduites  de  l’ anglais . A Paris,  chez 
Théophile  Barrois  le  jeune . 

Ces  observations  sont  le  fruit  d’une  longue 
expérience  , et  paroissent  montrer  de  singu- 
lières analogies  entre  le  règne  animal  et  végétal. 
Elles  deviennent  sur-tout  précieuses  dans  les  cir- 
constances présentes  , où  il  importe  tant  de  per- 
fectionner la  culture  des  arbres,  puisque  les  bois 
deviennent  de  plus  en  plus  rares. 


Physique  et  Médicinale.  65 


XL.  Histoire  de  V Académie  royale  des  sciences , 
année  M.  DCC.  LXXXV11I,  avec  les  mémoires 
de  mathématiques  et  de  physique  pour  la 
même  année , tirés  des  registres  de  cette  aca- 
démie. A Paris  , de  l’ imprimerie  royale  , 

J791' 

Ce  nouveau  volume  des  travaux  de  l’académie 
des  sciences  commence  par  un  rapport  fait 
sur  le  choix  cl’une  unité  de  mesures  , et  sur 
un  projet  de  l’uniformité  des  mesures  et  des 
poids,  ce  L’établissement  d’un  système  de  poids 
et  de  mesures  uniformes  dans  toutes  les  parties 
de  la  France  , et  qui  ayant  pour  base  uilé  unité 
naturelle  , pût  mériter  d’être  adopté  par  toutes 
les  nations  , une  opinion  si  grande  , si  utile, 
devoit  être  un  des  bienfaits  de  l’Assemblée  na- 
tionale. Pouvoit-elle  négliger  d’épargner  au 
commerce  du  temps  et  des  erreurs , d’établir 
plus  d’union  entre  les  hommes,  plus  d’égalité 
entre  les  citoyens  , Je  rapprocher  les  nations 
comme  les  individus  , de  donner  enfin  plus 
de  justesse  aux  esprits  , en  répandant  plus  de 
simplicité,  plus  de  clarté  sur  des  opérations 
qui  sont  pour  tous  d’un  usage  habituel  et  né- 
cessaire » ? 

On  trouve  dans  le  même  volume  les  éloges  his- 
toriques de  MM.  de  Lassone , du  cardinal  de 
Luynes,  de  Fouchi  et  de  Buffon.  Nous  croyons 
devoir  détacher  un  des  morceaux  de  ce  dernier, 
puisqu’il  peut  servir  à donner  une  juste  idée  de 
cet  écrivain  célèbre,  ce  La  première  classe  d’ani- 
maux décrite  par  M.  de  Buffon  est  celle  des 
quadrupèdes;  la  seconde,  celle  des  oiseaux, 
et  c’est  à ces  deux  classes  que  s’est  borné  son 
travail.  Une  si  longue  suite  de  descriptions 
Tom.  III.  N°.  VII.  Bibliographie.  I 


66  Bibliographie 

sembloit  devoir  être  monotone,  et  ne  pouvoir 
intéresser  que  les  savans  ; mais  le  talent  a su 
triompher  de  cét  obstacle.  Esclaves  ou  ennemis 
de  rhomme  , destinés  à sa  nourriture  ou  n’é- 
tant pour  lui  qu’un  spectacle  , tous  ces  êtres  , 
sous  le  pinceau  de  M.  de  Buffon,  excitent  al- 
ternativement la  terreur,  l’intérêt,  la  pitié  ou  la 
curiosité.  Le  peintre  philosophe  n’en  appelle 
aucun  sur  cette  scène  toujours  attachante,  tou- 
jours animée , sans  marquer  la  place  qu’il  occupe 
dans  l’univers , sans  montrer  ses  rapports  avec 
nous.  Mais  s’agit-il  des  animaux  qui  sont  connus 
seulement  par  les  relations  des  voyageurs  , qui 
ont  reçu  d’eux  des  noms  différeris  , dont  il 
faut  chercher  l’histoire  ^ et  quelquefois  dis- 
cuter la  réalité  au  milieu  des  récits  vagues 
et  souvent  défigurés  par  le  merveilleux?  le 
savant  naturaliste  impose  silence  à son  ima- 
gination, il  a tout  lu  , tout  extrait , tout  ana- 
lysé, tout  discuté.  On  est  étonné  de  trouver 
un  nomënclateur  infatigable  dans  celui  de  qui 
on  n’attendoit  que  des  tableaux  imposans  ou 
agréables  ; on  lui  sait  gré  d’avoir  plié  son  génie 
à des  recherches  si  pénibles  , et  ceux  qui  lui 
auroient  reproché  peut-être  d’avoir  sacrifié 
l’exactitude  à l’effet , lui  pardonnent  et  sentent 
ranimer  leur  confiance 

En  nous  bornant  plus  particulièrement , dans 
ce  nouveau  volume  , aux  objets  qui  ont  un 
rapport  plus  direct  à notre  Journal , nous  ferons 
remarquer  quelques  mémoires  d’histoire  na- 
turelle , de  physisique  ou  de  chimie  j nous  y 
joindrons  quelques  notices  simples  , pour  ré- 
veiller l’attention  du  lecteur  sur  les  nouveautés 
et  pour  l’engager  à consulter  l’ouvrage  même. 


Physique  et  Miêbïcïïtàei.  Gy 

\ 

ù Mémoire  oh  Von  expose  une  méthode  ana- 
lytique , pour  résoudre  les  problèmes  re> 
loti. fs  à la  structure  des  cristaux , par  M* 
l'abbé  H an  y. 

On  sait  que  cette  idée  d’appliquer  la  géo- 
métrie à reconnoître  les  loix  de  la  figure  des 
cristaux , en  attendant  qu’elle  puisse  calculer 
celle  de  leur  formation  proposée  d’abord  par 
M,  Bergman  , a été  suivie  avec  tant  de  succès 
par  M.  Hauy,  qu’elle  est  devenue  en  quelque 
sorte  son  domaine. 

AI é moire  sur  la  double  réfraction  du  spath 
dislande , par  M.  l’abbé  Hauy. 

Le  phénomène  d’un  corps  transparent  , dans 
lequel  un  rayon  de  lumière  éprouve  une  ré- 
fraction double,  est  très-sensible  dans  le  cristal 
d’Islande  , et  peut  être  observé  dans  plusieurs 
autres  substances  cristallisées.  Newton  en  a 
donné  une  explication,  qui  suppose  que  ces 
substances  exercent  sur  les  rayons  de  lumière 
une  action  particulière. 

Analyse  de  la  prase  et  de  la  chrysoprase  ou 
calchedoine  verte  de  Cosemitz  , en  Silésie  > 
dans  le  comté  de  Glatz  , par  M.  Sage. 

L’espèce  d’agathe  verdâtre , connue  sous  le 
nom  de  prase  , est  colorée  par  le  cobalt  et  le- 
nikel  ; elle  porte  le  nom  de  chrysoprase  , lors- 
qu’elle est  parsemée  de  taches  couleur  d’or , 
et  alors  elle  contient  de  la  terre  /inartiale- 
jaune-. 


I a 


63 


Bibliographie 


Analyse  du  spath  pesant,  transparent  et  strié 
d’ Alston  moor , par  le  même . 

Ce  spath  très-pur  ne  contient , ni  terre  cal- 
caire , ni  chaux  métallique,  lorsqu’il  est  blanc  et 
transparent.  M.  Sage  examine  clans  ce  mémoire 
les  sels  formés  par  la  combinaison  de  ce  spath 
avec  les  trois  acides  minéraux. 

Mémoire  sur  le  muscadier  myristica , par  M.  de 

la  Mark. 

Quoique  le  fruit  du  muscadier  soit  en  usage 
depuis  plusieurs  siècles , le  monopole  exercé 
sur  le  commerce  des  épiceries  par  les  Hollan- 
dois , avoit  empêché  jusqu’ici  de  CQnnoître 
l’arbre  qui  le  produit;  M.  Poivre  l’a  transporté 
à l’isle  de  F.  ance  , et  c’est  à des  branches  de 
cet  arbre  , < nvoyées  à M.  Géré  , directeur  du  jar- 
din du  roi  dans  cette  isle  , que  nous  en  devons 
la  première  description  exacte.  Les  fleurs  mâles 
et  les  fleurs  femelles  se  trouvent  sur  les  indi- 
vidus séparés. 

Recherches  sur  l’espèce  d’acier  la  plus  propre 

à recevoir  la  vertu  magnétique  , par  M . 

Brisson. 

ïl  résulte  des  expériences  rapportées  dans 
ce  mémoire,  que  l’acier  d’Angleterre  est  le  plus 
prop  re  à recevoir  la  vertu  magnétique  $ l’acier 
d’Allemagne  , connu  sous  le  nom  (SI étoffe  des 
sons  , vient  immédiatement  après.  Les  aciers 
fondus  ne  peuvent  acquérir  que  très-peu  de 
force  magnétique. 


Physique  et  Médicinale.  69 

Mémoire  sur  la.  combustion  de  plusieurs  corps 
dans  le  gaz  acide  muriatique  oxigênê , par 
M.  Fourcroy. 

L’objet  principal  de  ce  mémoire  est  de  mon- 
trer cpiie  l’air  ou  le  gaz  , oul’oxigène  muriatique 
oxièéné , sert  à la  combustion  comme  l’air  vital, 
mais  en  présentant  des  phénomènes  particuliers. 
Le  gaz  oxigène  existe  à la  vérité  dans  cet  air 
muriatique  , mais  dans  un  état  de  combinaison, 
et  non  simplement  mêlé  avec  d’autres  airs , 
comme  dans  l’atmosphère. 

Mémoire  sur  les  phénomènes  qui  ont  lieu  dans 
la  précipitation  des  dissolutions  métalliques 
par  V ammoniaque  ( alkali  volatil  ) , par  M . 
Fourcroy. 

Les  phénomènes  que  présente  la  précipita- 
tation  des  métaux  par  l’alkali  volatil,  n’ont 
pu  être  bien  analysés  tant  qu’on  a ignoré  que 
î’ alkali  , formé  par  la  combinaison  de  l’azote 
et  du  gaz  inflammable,  se  décomposoit  plus  ou 
moins  dans  cette  opération.  M.  Fourcroy  pré- 
sente ici  l’analyse  de  ces  phénomènes. 

» 

Observation  sur  une  espèce  de  vareck  qui 
croît  sur  les  côtes  oc  ci  de  n ta  le  s de  la  basse 
'Normandie  , et  sur  une  petite  coquille  qui  se 
loge  dans  le  tronc  de  cette  plante  , et  g prend 
son  accroisement , par  M.  le  Gentil. 

Cet  auteur  a observé  que  presque  toutes  les 
tiges  d’une  espèce  de  vareck  qu^il  a rencontrée 
sur  les  côtes  de  Normandie  , servoient  de  re- 
traite à un  petit  coquillage  du  genre  des  pa- 


rjo  Bibliographie 

telles  qui.,  s’établissant  dans  ces  tiges,  y forme 
une  cavité  ou  il  vit,  et  à laquelle  il  est  adhérent. 
Ce  coquillage  est  d’une  couleur  verdâtre,  très- 
approchante  de  celle  de  la  plante. 

‘Recherches  su r un  arbrisseau  connu  des  an- 
ciens sous  le  nom  de  lotos  de  hybie  , par 
M.  Desfontaines. 

t 

Dans  les  temps  où  les  peuples  n’avoient  point 
de  communication  entre  eux  , la  nourriture  com- 
mune des  hommes  de  chaque  pays  devoit  être 
îa  graine  , le  fruit  , la  racine  qu’on  y trouvoit 
en  plus  grande  abondance  , qui  exigeoit  le 
moins  de  soin  , dont  la  récolte  étoit  moins  su- 
jette aux  accidens.  Cette  nourriture  commune 
devoit  être  plus  variée  qu’on  ne  l’observe  au- 
jourd’hui, où  des  rapports  plus  longs  et  plus 
fréquens  entre  les  peuples,  les  ont  rapprochés 
davantage  dans  leurs  habitudes.  Les  poètes, 
les  historiens  , les  naturalistes  anciens  ont  beau- 
coup parlé  d’un  peuple  d’Afrique  , qu’ils  ap- 
pellent l otopliage  s ; mais  l’on  ignoroit  quelle 
étoit  cette  nourriture  sur  laquelle  ils  ne  nous 
avoient  donné  que  clés  notions  vagues  , mêlées 
de  beaucoup  de  fables.  M.  Desfontaines , qui 
a visité  le  pays  habité  autrefois  par  ces  peuples , 
prouve  que  le  lotos  étoit  une  espèce  de  jujubier 
très-commun  encore  dans  le  pays. 

Manière  de  construire  un  aréomètre  qui  soit 
tel  que  les  pesanteurs  spécifiques  qu'il  in- 
dique , soient  en  raison  inverse  des  volumes 
qu’il  mesure  y et  qui  y en  conséquence  y fait  con- 
no/lre  la  pesanteur  spécifique  des  liqueurs  par 
la  simple  immersion  , et  sans  qu’il  soit  besoin 
d’aucun  calcul , par  M Brisson. 


I 


Physique  et  Médicinale.  71 


Sixième  mémoire  sur  V électricité , par  M. 

Colomb. 

Suite  des  recherches  sur  la  distribution  du 
Jiuide  électrique  entre  plusieurs  corps  con- 
ducteiu's  : détermination  de  la  densité  élec- 
trique dans  les  différons  points  de  la  surface 
de  ces  corps. 


Dans  ces  mémoires , l’auteur  suit  constam- 
ment la  même  marche.  Il  cherche  par  l’expé- 
rience seule  la  loi  clu  phénomène  qu’il  exa- 
mine , et  ce  n’est  qu’après  l’avoir  trouvée  qu’il 
examine  , par  le  calcul  , si  cette  loi  est  d’accord 
avec  celle  que  les  premières  expériences  lui 
ont  fait  reconnoître  avec  les  principes  généraux 
qu’il  en  a déduits. 


Observation  sur  la  manière  de  former  l' alun 
par  la  combinaison  directe  de  ses  principes 
constituons , par  JM.  Chaptal. 


Cette  combinaison,  faiteimmédiatement,  excé- 
deroit  dans  beaucoup  de  pays  ]e  prix  commun 
de  l’alun.  M.  Chaptal  propose  de  l’exécuter  en 
soumettant  la  terre  argilleuse,  qui  est  la  base  de 
ce  sel  , à l’action  de  l’acide  qui  se  dégage  pen- 
dant la  combustion  du  souffre  3 mais  si  011  en- 
duit de  plomb  la  chambre  où  cette  combustion 
s’exécute,  il  en  résulte  une  dépense  trop  con- 
sidérable encore.  Il  falloit  donc  chercher  un 
mastic  inattaquable  par  cette  vapeur  , qui  l’em- 
pêchât de  s’échapper  , et  que  la  chaleur  ne  pût 
ni  gercer  , ni  faire  couler.  Un  mélange  de 
partie  égale  de  poix  résine  , de  térébentine  et 
de  cire , lui  $ présenté  tous  ces  avantages , et 


yz  Bibliographie 

ce  mastic  peut  devenir  utile  à beaucoup  d’autres 
usages  importans. 

XLI.  Cours  d'étude  pharmaceutique  , par  E.  J. 

, B.  de  la  Grange  , membre  du  college  de  phar- 
macie de  Paris  y 4 vol.  in-8° . 

Cet  ouvrage  est  particulièrement  destiné  aux 
élèves  en  médecine,  chirurgie  et  pharmacie  : 
il  sera  divisé  en  quatre  parties  ; la  première 
contiendra  les  élémens  de  la  physique  ; la  se- 
conde traitera  des  médicamens  simples  ; la 
botanique  sera  l’objet  de  la  troisième  partie  ; la 
quatrième  enfin  contiendra  les  élémens  de  la 
ciiirnie  pharmaceutique. 

Ceux  qui  désireront  acquérir  cet  ouvrage, 
sont  priés  de  faire  leurs  soumissions  simples 
chez  II.  J.  Jansen,  imprimeur-libraire,  cloître 
Saint-Honoré.  Le  prix  des  quatre  volumes 
sera  de  quinze  livres  pour  les  souscripteurs. 

XLII.  Verhan  deling  over  etc.  Traité  des  fièvres 
eu  général  y et  en  particulier  de  la  fièvi'e  pu - 
tr'uie  et  de  la  disse literie  qui  ont  fait  depuis 
les  douze  dernières  années  tant  de  ravage 
dans  les  Pays-Bas  ; par  M.  Van-Baregem  , 
docteur  en  JSlédecine  , etc.  A Termonde , chez 
la  veuve  Ducaju,  etc.  , 3 vol,  in-8°. 

L’auteur  cherche  à détruire  , dans  le  premier 
volume,  les  abus  et  les  préjugés  innombrables  qui 
déshonorent  encore  la  Médecine  et  les  sciences 
qui  en  font  partie.  Il  propose  au  gouvernement 
plusieurs  moyens  de  les  reformer.  Dans  les  vo- 
lumes suivans,  M.  Van-Baregem  ne  traite  que  des 
maladies  énoncées  dans  le  titre  de  l’ouvrage  , 
et  une  pratique  paroît  lui  avoir  fourni  de  fré- 
quentes occasions  de  les  observer. 


Physique  et  Médicinale.  Si 


XL  VI.  Observations  de  physique  et  de  médecine 
faites  en  différons  lieux  de  lé  Espagne  ; on  y a 
joint  des  considérations  sur  la  lèpre  , la  petite- 
vérole  , et  la  maladie  vénérienne , par  M. 
Thiery  j docteur  régent  de  la  faculté  de  mé- 
decine de  Taris  , médecin  consultant  du 
roi , etc.  A Taris  , au  bureau  du  Cercle 
social , rue  du  Théâtre  François  3 1791,  a 
vol.  in- 8°. 

1 

<c  L’état  ancien  et  moderne  d’un  peuple, 
w dit  l’auteur  dans  son  avant-propos , ses  mœurs, 
33  son  caractère  nous  fournissent  de  bons  mé- 
33  moires  pour  faire  l’histoire  de  l’esprit  hu- 
33  main.  Les  médecins,  parleurs  études,  sont 
33  plus  propres  à ce  dessein.  Ils  savent  com- 
>3  bien  le  tempérament  détermine  les  qualités 
3»  de  l’esprit,  et  combien  le  climat  influe  sur 

33  les  dispositions  du  corps Quand  , après 

33  un  bon  nombre  d’observations  assidues  et 
33  exactes  autant  que  je  l’ai  pu,  faites  dans 
» la  capitale  et  aux  environs  , je  crus  avoir 
33  acquis  des  connoissances  suffisantes  sur 
33  la  partie  centrale  de  l’Espagne  , je  de- 
33  sirai  de  les  étendre  sur  plusieurs  autres  lieux 
33  de  la  presqu’île  que  mes  occupations  jour- 
33  nalières  auprès  de  mes  malades  m’empêchoient 
33  de  visiter  moi-même.  Il  n’y  avoit  d’autre 
33  moyen  de  remplir  mes  vues  à cet  égard 
33  qu’en  m’établissant  des  correspondances  avec 
33  les  médecins  les  plus  distingués  de  ces  di- 
,33  verses  contrées  33.  On  voit  , d’après  ce  qui 
vient  d’être  rapporté  , le  but  que  l’auteur  s^est 
proposé  dans  son.  ouvrage  et  le  zèle  qui  l’a 
animé  pour  le  remplir  ; il  donne  des  connois- 
sances bien  plus  étendues  sur  les  maux  épi- 
Tom.  III . N°.  XI.  Bibliographie.  L 


§2  Bibliographie 

démiques  de  la  Castille  et  de  Madrid  que  ne 
l’ont  fait  François  Valiez  et  Louis  Mercado  , 
célèbres  médecins  espagnols  du  seizième  siècle. 

L’auteur  , après  des  considérations  topogra- 
phiques sur  la  Castille  et  sur  la  ville  de  Ma- 
drid , donne  la  description  d’une  colique  qui 

Ï)aroissoit  épidémique  dans  cette  capitale  de 
'Espagne  ainsi  qu’aux  environs.  Les  malades 
étoient  tourmentés  de  vomissemens  presque  con- 
tinuels ; les  matières  qu’ils  rejettoient  par  le 
haut  avec  les  plus  grands  efforts  étoient  re- 
marquables par  leur  couleur  verte  et  leur  té- 
nacité 3 ces  évacuations  sembloient  les  soulager 
pour  quelques  momens  , mais  bientôt  la  douleur 
les  reprenoit  avec  la  même  violence  : à des  cris 
aigus  succédoient  tantôt  un  morne  silence  qu’ac- 
compagne l’expression  de  la  plus  vive  dou- 
leur , tantôt  de  longs  géinissemens.  La  cons- 
tipation étoit  opiniâtre  , et  on  parvenoit 
très-difficilement  à la  vaincre  par  des  lavemens 
et  des  laxatifs.  Cette  colique  se  terminoit  assefc 
fréquemment  par  la  paralysie  , sans  que  néan- 
moins le  sentiment  en  fût  généralement  affecté  ; 
ce  qu’il  y avoit  de  particulier  c’étoit  que  le 
pouls  étoit  rarement  concentré  durant  même 
que  le  malade  éprouvoit  des  douleurs  inex- 
primables. L’auteur  fait  des  remarques  judi- 
cieuses sur  l’emploi  de  la  saignée  et  l’usage 
des  relâchans  pris  à l’intérieur,  qui  se  trou- 
voient  ou  insuffisans  ou  nuisibles  contre  cette 
maladie  ; il  tire  ses  indications  de  la  nature  de* 
matières  que  les  malades  rendoient  , de  l’état 
actuel  des  symptômes  et  de  l’analogie  de  cette 
colique  avec  celle  qui  est  connue  en  France 
sous  le  nom  de  colique  du  Poitou  , et  qu’on 
guérit  à Paris  par  l’émétique  et  de  forts  pur- 
gatifs : il  adopta  donc  une  méthode  çurativ» 


Physique  et  Médicinale.  83 

opposée  à celle  qui  étoit  en  usage  à Madrid , 
et  il  se  félicite  d’en  avoir  obtenu  les  succès 
les  plus  marqués  : il  donnoit  donc  l’émétique 
à la  dose  de  trois  ou  quatre  grains  dans  une 
pinte  d’eau  , et  il  distribuoit  le  tout  en  six  ou 
sept  portions  afin  de  s’arrêter  selon  l’effet. 
Le  moindre  avantage  fut  que  les  vomissemens 
de  bile  verte  se  changeoient  promptement  en 
vomissemens  de  bile  jaune  ; le  soulagement 
étoit  marqué  dès  le  jour  même.  Le  soir  il 
donnoit  un  calmant , les-  gouttes  anodines  de 
Sydenham  ou  la  thériaque  j le  lendemain  des 
pilulles  gommeuses , avec  la  rhubarbe  et  quel- 
ques fondans  purgatifs  ; il  soutenoit  leur  effet 
par  quelques  apozêines  laxatifs  ; il  finissoit  par 
un  vrai  purgatif  combiné  avec  la  décoction 
du  bois  des  Indes.  Tous  les  malades  guérirent 
sans  exception  ; dans  ce  nombre  il  s’en  trou- 
voit  plusieurs  qui  } affligés  de  ce  mal  plusieurs 
mois  avant  son  arrivée  , n’avoient  pas  pu  se 
rétablir  encore. 

On  trouve  dans  le  second  volume  des  dé- 
tails intéressans  sur  la  mine  de  mercure  d’ Af- 
in aden  qui  ont  été  communiqués  à M.  Tliiery 
par  le  docteur  Arebalo  , médecin  de  l’hôpital 
royal  des  forçats  de  cette  ville.  Il  est  a pré- 
sumer que  ces  mines  , plus  ou'  moins  profon- 
des , s’étendent  fort  loin  en  suivant  la  direction 
des  montagnes  qui  courent  de  l’est  à l’ouest 
sans  interruption  considérable  , car  à Alicante 
( placé  sur  la  même  ligne  et  à la  même  lati- 
tude ) , où  ces  montagnes  vont  aboutir , on  a 
trouvé  nouvellement  une  mine  de  mercure.  La 
surface  du  sol  offre  d’abord  une  pierre  sablon- 
neuse qui  marche  par  couches  d’orient  en 
occident  ; on  rencontre  ensuite  l’ardoise  , et 
on  parvient  ensuite  à la  mine  qui  est  plus  ou 

L 2 


U 


Bibliographie 


moins  enfoncée.  La  superficie  étant  de  pierre  ; 
aussi- tôt  qu’on  commence  à creuser  , on  voit 
paroître  en  quelques  endroits  des  «lobules  de 
mercure  pur.  Entre  l’ardoise  et  le  minerai 
on  découvre  assez  souvent  des  croûtes  de  terre 
crétacée  (qu’on  nomme  caliches  ) , desquelles 
il  sort  quelquefois  des  jets  de  mercure  aussi 
liquide  et  assez  abondans  pour  pouvoir  en  amas- 
ser par  arrobes.  Il  n’en  coule  jamais  de  la 
masse  du  minerai  où  il  est  uni  au  souffre  , et 
sous  forme  de  cinnabre. 

Dans  tous  les  lieux  d’où  l’on  tire  le  minerai, 
la  chaleur  est  si  grande  que  les  ouvriers  sont 
obligés  d’être  nus  , et  malgré  cette  précaution 
ils  ne  cessent  de  suer  , sur  tout  si  le  minerai 
est  fin  , abondant  , et  si  l’air  n’est  pas  renou- 
vellé.  Dès  qu’un  petit  garçon  de  la  ville  d’Al- 
maden  est  assez  fort  pour  porter  un  poids  de 
douze  livres,  il  entre  dans  lamine  et  commence 
par  aider  les  ouvriers  ; son  travail  augmente 
avec  les  années  et  change  d’objet  par  degrés , 
mais  il  y passe  , sa  vie  , qui  le  plus  ordinaire- 
ment n’est  guère  que  de  soixante  ans  au  plus. 
Les  maladies  les  plus  communes  chez  les  mi- 
neurs sont  celles  de  la  poitrine  , la  pleurésie, 
la  péripneumonie  , l’hémoptisie  , l’asthme  con- 
vulsif , la  toux.  On  les  voit  aussi  sujets  au 


vomissement  de 


sang 


au  tremblement  des 


membres  , aux  inflammations  de  la  bouche  et 
du  gozier  , d’où  s’ensuivent  la  salivation  et  des 
ulcères  semblables  à ceux  qu’on  observe  dans 
l’usage  des  frictions  mercurielles  contre  le  mal 
vénérien.  Ceux  qui  sont  occupés  à la  fonte  du  mi- 
nerai sont  exposés  aux  mêmes  maladies;  le  mer- 
cure qui  se  volatilise  pénètre  avec  facilité  leurs 
corps  , au  point  qu’ils  rendent  parmi  les  ma- 
tières fécales  beaucoup  de  mercure  en  petites 


Physique  et  Médicinale.  85 

globules  très-visibles.  Un  auteur  rapporte  aussi 
qu’en  ouvrant  des  sépultures  à Almaden  on 
a cassé  des  os  , et  qu’on  en  a vu  sortir  du 
mercure. 

Qui  auroit  jamais  soupçonné  que  dans  un 
lieu  où  on  respire  pour  ainsi  dire  avec  l’air 
des  émanations  mercurielles  , les  vers  soient 
un  mal  endémique  ; c’est  cependant  ce  que 
l’observation  atteste.  On  voit  journellement  les 
malades  rejetter  par  le  vomissement  des  poches 
de  lombricaux  , et  dans  le  traitement  de  tou- 
tes les  maladies  on  doit  avoir  égard  à la  pré- 
sence des  vers  qui  les  compliquent.  Ainsi  les 
lièvres  étant  dérangées  dans  leur  marche  , leurs 
symptômes  dénaturés  et  leur  caractère  masqué, 
rien  de  plus  aisé  que  l’erreur  , si  l’on  n’a  soin 
de  s’en  garantir  par  la  plus  exacte  observation 
des  signes.  Les  maux  vénériens  sont  extrême- 
ment communs  dans  ce  lieu  ; ce  qui  dépend 
du  concours  de  beaucoup  d’étrangers  et  de 
vagabonds  des  deux  sexes,  qu’on  y amène 
de  tous  côtés  pour  travailler  aux  mines  , in- 
dépendamment des  troupes  réglées  pour  les 
contenir.  Les  lia  bit  an  s d’ Almaden  sont  donc 
infectés  au  point  qu’il  s’en  trouve  à peine 
quelqu’un  qui  en  soit  exempt.  Mais  en  gé- 
néral ces  maux  y font  moins  de  ravages  qu’ail- 
leurs  ; on  en  est  quitte  pour  quelques  dou- 
leurs ou  une  gonorrhée  légère  ; on  y observe 
très-peu  d’ulcères  au-dehors  des  pustules  ou 
des  bubons.  On  se  guérit  aisément  par  les  dé- 
coctions anti- vénériennes  , sans  qu’ils  soit  be- 
soin de  recourir  , sinon  en  des  cas  rares  , à 
l’usage  du  mercure  , employé  d’ailleurs  inté- 
rieurement ou  extérieurement  en  frictions  ; il 
produit  à Almaden,  comme  dans  les  autres  con- 
trées , la  salivation  et  la  sueur. 


86  Bibliographie 

L’auteur , après  clés  observations  curieuses 
de  topographie  médicale  sur  la  Saragosse  , la 
Navarre,  la  Biscaye  , les  Asturies  et  la  Galice , 
finit  son  ouvrage  par  des  considérations  sur 
la  lèpre  , la  petite- vérole  et  le  mal  vénérien. 


XLVII.  Bibliothèque physico économique  , ins- 
tructive et  amusante,  année  1 792  ou  11e.  année \ 
contenant  des  mémoires  , observations  prati- 
ques sur  V économie  rurale  ; les  nouvelles 
, découvertes  les  plus  intéressantes  dans  les 
arts  utiles  et  agréables  ; la  description  et 
la  figure  des  nouvelles  machines  , des  ins- 
trumens  qui  on  peut  y employer , d’apres  les 
expériences  des  auteurs  qui  les  ont  imagi- 
nées ; des  recettes  , pratiques  , procédés  , 
médicamens  nouveaux  , externes  ou  inter- 
nes , qui  peuvent  servir  aux  hommes  et  aux 
animaux  ; les  moyens  d’arrêter  et  de  pré- 
venir les  accidens  , d’y  remédier , de  se  ga- 
rantir des  fraudes ; de  nouvelles  vues  sur 
plusieurs  points  d’ économie  domestique  , et 
en  général  sur  tous  les  objets  d’utilité  et 
d’ agrément  dans  la  vie  civile  et  privée , etc. 
etc.  On  y a joint  des  notes  que  ion  a cru 
nécessaires  à plusieurs  articles.  2 vol.  in- îz. 
avec  des  planches  en  taille  douce . Prix , 
ô liv.  g sols  broché  , franc  de  port  par  la 
poste.  A Paris  , chez  Buisson  , libraire  , rue 
Plaulefeuille  , n° . 2.0. 


Cet  ouvrage  forme  actuellement  18  vol.  in- 12 
avec  beaucoup  de  planches  en  taille-douce  ; 
savoir,  l’année  1782,  1 vol.  ; 1788,  1 vol.j 

1784^  1 vol.  ; 1780  , 1 vol.  ; 1786  , 2 vol.  , 

1787  , 2 vol.  5 1788  2 vol.  ; 1789  , 2 vol.  ; 

1790,  2 vol.  j 1791,  2 vol.  -,  1792 , 2 vol. 


Physique  et  Médicinale.  87 

Chaque  année  se  vend  séparée  au  prix  de  2 liv. 
12  sols  le  vol.  broché,  franc  déport  par  la  poste. 

XL VIII.  Galen  vomaderlassen , etc.  Galien  sur 
la  saignée , contre  Erasistrate , traduit  du  latin 
par  le  docteur  de  Sallaba.  A Vienne , et 
se  trouve  à Strasbourg,  chez  Amand-Kœnig  , 
1791  ^ petit  z/z-8°.  de  i5o  pag.  : prix  1 liv. 
8 sols. 

Les  médecins  connoisscnt  assez  ce  que  l’an- 
tique Galien  a écrit  sur  la  saignée  , contre  le 
médecin  Erasistrate  • mais  en  leür  offrant  cette 
traduction  allemande  le  but  de  M.  Sal- 
iaba  est  dirigé  vers  d’autres  objets  ; il  s’a- 
git de  détruire  l’impression  qu^a  pu  faire  sur 
le  peuple  du  Nord  un  écrit  que  M.  le  pro- 
fesseur Nowtein  a fait  répandre  avec  profu- 
sion en  langue  vulgaire  , contre  l’usage  de  la 
saignée. 

XLIX.  Vratische  ansreisung  furden  burgêr 
and landmaiin  , etc.  C’est-à-dire , Instruction 
pratique  pour  apprendre  aux  citoyens  et 
gens  de  la  campagne  à se  guérir  radicale- 
ment en  peu  de  temps , et  sans  secours  de  pei'- 
sohne , toutes  les  maladies  , et  même  celles 
des  bestiaux.  A Ncu  wied , en  commission  , 
et  se  trouve  à Strasbourg  , chez  Amand- 
Kœnig  , libraire.  1792.  in- 8°.  de  i5o pag.  : 
prix  1 liv.  4 sols. 

Le  titre  de  ces  opuscules  annonce  assez  clâi- 
rementles  objets  dont  ils  traitent  ; mais  la  table 
des  matières  les  indiquera  encore  mieux.  Une 
partie  s’énonce  ainsi  : remèdes  contre  l’hydro- 
pisie,  la  pierre  ,1a  diarrhée,  les  convulsions. 


» 


88  Bibliographie 
etc.  Tout  cela  nous  paroît  tenir  beaucoup  du 
charlatanisme. 

L.  Handbuch  der  practisches  pharmacologie  , 
etc.  c'est-à-dire  , Manuel  de  pharmacologie 
pratique  , par  une  société  de  médecins  pra- 
ticiens. A Halle  } et  se  trouve  à Strasbourg , 
chez  Amand-Kœnig , 1792.,  grand  in-  8°.  de 
55z  pag.  , non  compris  une  introduction  : prise 
6 livres. 

Ce  traité  est  divisé  en  trois  parties.  Il  est  fait 
mention  dans  la  première  des  médicamens  sim- 
ples tirés  des  trois  règnes  de  la  nature  , exami- 
nés et  décrits  d’après  toutes  les  qualités  phy- 
siques qui  les  font  distinguer,  qui  en  déterminent 
un  bon  choix  ou  les  font  rejetter  : les  meil- 
leurs praticiens  ont  servi  de  règles  pour  en  ad- 
mettre les  vertus.  La  seconde  partie  traite  des 
remèdes  composés  les  plus  estimés  et  les  plus 
universellement  recommandés  $ la  manière  de 
les  préparer  , de  les  conserver  , ensemble  leurs 
propriétés  médicinales  établies  avec  soin.  La 
troisième  offre  des  méthodes  pour  bien  for- 
muler. 

Caroli  à Linné , etc.  systema  naturae per  régna 
tria  naturae  fecundum  classes  , ordines  , gé- 
néra , species  cum  caracteribus  , dijj'e rendis , 
synonymis,  locis , tom.J.pars  VI,  editio décima 
tertio.  ; curâ  J.  Fred.  Gosselin.  A Leipsick , et 
se  trouve  à Strasbourg , chez  Amand  Kœnig  , 
Libraire  ; et  à Paris  , chez  Croullebois  , 
Libraire  , rue  des  Mathurins  1791.  Prix  , 
9 liv.  10  sols. 

Quelle  recommandation,  pour  un  ouvrage  de 
science , que  d’en  être  à sa  treizième  édition  ! 


m r 

Physique  et  Médicinale.  89 

LU.  Lettre  de  M.  Dufresnoi  , médecin  consul- 
tant des  armées  du  roi,  ancien  médecin  de  S. 
J\ï.  en  Allemagne , etc.  d ale  ne  ie  une  s , ijy  2, 
brochure  de  ix  pages. 

M.  Dufresnoi  expose  dans  (jette  lettre  l’ob- 
jet du  procès  qui  a existé  entre  le  ci-devant 
corps  des  médecins  établis  de  tous  temps  à 
Valenciennes  , et  Je  sieur  Baudouin  ? méde- 
cin en  cette  ville  ; nous  n’entrerons  point  dans 
les  détails  qui  pourraient  n’intéresser  qu’un 
petit  nombre  de  nos  lecteurs  ^ et  nous  nous 
bornerons  à parler  des  effets  du  champignon, 
meurtrier  , employé  contre  la  phthisie  tuber- 
culeuse. Voici  la  copie  d’une  lettre  écrite  sur 
cet  objet  par  M.  Wattecamps  , à M.  Baume  3 
professeur  de  médecine  à Montpellier. 

Lié  depuis  long -temps  avec  M.  Dufresnoi 
par  les  mêmes  goûts  pour  l’étude  des  plantes  , 
je  me  fais  un  devoir  de  vous  écrire  ce  qué  j’ai 
observé  des  effets  du  champignon  meurtrier  , 
qu’il  employé  pour  combattre  la  phthisie  tu- 
berculeuse et  la  vomique.  Depuis  trois  ans  j’ai 
eu  de  fréquentes  occasions  de  m’assurer  par 
moi-même  des  succès  de  cette  plante  , en  sui- 
vant régulièrement  les  visites  de  ce  médecin  à 
l’hôpital  militaire  , et  j’ai  vu  que  l’éloge  bien 
mérité  que  MM.  les  officiers  de  santé  lui  ont 
donné  , étoit  bien  au-dessous  des  effets  inat- 
tendus qu’elle  a produits  sous  mes  yeux. 

Il  serait  à desirer  Monsieur  , que  les  mé- 
decins botanistes  s’appliquassent  à découvrir 
les  vertus  de  nos  plantes  indigènes , plutôt  que 
d’aller  dans  les  contrées  éloignées  en  chercher 
de  nouvelles  , qui  n’ont  souvent  d’autres  avan- 
tages sur  les  nôtres  que  celui  d’être  plus  rares. 

Tom.  IV.  N°.  Ier . BiELiQGE.ArüïE.  M 


q o Bibliographie 

C’est  encore  avec  une  plante  que  nous  fou- 
lons .aux  pieds  et  que  nous  payerions  au  poids 
de  l’or,  si  elle  venoit  des  Indes  , que  M.  Du- 
fresnoi a combattu  , avec  le  plus  grand  succès, 
les  fièvres  putrides  épidémiques  qui  ont  régné 
dans  la  garnison  de  cette  ville  en  1789  et  1790  , 
puisque  sur  plus  de  3oo  soldats  qui  ont  éprouvé 
cette  redoutable  maladie  , il  n’en  est  pas  mort 
im  seul. 

Ce  ne  sont  point  là  les  seules  découvertes 
utiles  dont  M.  Dufresnoi  a enrichi  l’art  de 
guérir  3 le  narcisse  des  prés  vient  d’avoir  le 
succès  les  plus  marqué  sur  un  épileptique 
de  cette  ville  , qui  avoit  employé  sans  succès 
la  racine  de  valériane  sauvage  , et  qui  depuis 
deux  ans  qu’il  prend  l'infusion  des  fleurs  de 
cette  plante , n’a  ressenti  que  deux  accès  très- 
foibles  , au  lieu  de  8 ou  9 qu’il  éprouvoit  cha- 
que année  avec  la  plus  grande  violence. 

Pour  ce  qui  est  du  l'Zius  radie  ans , dont  M. 
Dufresnoi  nous  a fait  également  connoître  les 
vertus  contre  la  paralysie  des  extrémités  infé- 
rieures , je  sais  que  c’est  avec  l’extrait  de 
cette  plante  que  M.  Pierre  , médecin  de  la 
plus  grande  réputation  à Mézières  , vient  de 
"guérir  la  paralysie  de  mademoiselle  de  Han  de 
Mazerny  , qui  avoit  résisté  aux  remèdes  des 
plus  célèbres  médecins  de  Paris,  aux  bains  de 
Bourbonne  , ect.  ect.  M.  Van-mons  , secré- 
taire de  la  société  de  physique  de  Bruxelles, 
mande  que  le  rhus  radicans  vient  d’opérer 
dans  cette  ville  une  cure  plus  éclatante  que 
celles  qui  sont  rapportées  dans  l’ouvrage  de 
toutes  M.  Dufresnoi.  Enfin.  M.  de  Blangy, 
lieutenant- général  des  armées  du  roi  , assure, 
dans  sa  lettre  du  10  décembre  dernier  , qu’il 
vient  de  faire  parcher  un  jeune  homme  de  27, 


Physique  et  M é.  b i c i h a l e . 9.1 

ans  , paralytique  depuis  6 mois  , en  lui  faisant 
prendre  l’extrait  du  rhus  radie  ans. 

Signé  y Wattecamps,  médecin  pensionnaire 
de  la  ville  de  Valenciennes 

LUI.  Mémoire  sur  la  question  proposée  pari’  aca- 
démie de  chirurgie  de  Paris  , pour  le  prix 
de  1792.  , en  ces  termes  : Déterminer  la 
meilleure  forme  de  diverses  aiguilles  propres 
à la  réunion  des  plaies , à la  ligature  des 
vaisseaux  et  autres  cas  oh  leur  usage  sera 
jugé  indispensable  , et  décrire  la  méthode 
de  s’en  servir  , par  J.  J.  Lamole.  A Pajis  , 
chez  l’auteur  , rue  Galande , N°.  33-  De 
V imprimerie  de  Didot  le  jeune  , zypa.  Prix 
y o sols. 

Ce  mémoire  est  divisé  en  trois  parties  \ dans 
la  première , l’auteur  examine  tous  les  cas  où 
l’usage  des  aiguilles  est  indiqué  ; il  parle-d’a- 
bord  des  plaies  où  l’usage  de  cet  instrument 
peut  devenir  nécessaire  , et  il  fait  remarquer 
sur  - tout  que  la  suture  aux  parois  du  ventre 
et  des  intestins  , comme  on  la  pratique  , ne  se- 
conde point  l’intention  de  la  nature.  Pour 
mieux  prescrire  un  usage  raisonné  du  même 
instrument , il  examine  avec  attention  les  effets 
qu’ilpeut  produire.  Dans  la  seconde  partie  l’au- 
teur donne  une  description  des  aiguilles  les 
plus  propres  à la  réunion,  des  plaies.  Il  pro- 
pose un  instrument  commode  et  simple  , pour 
les  cas  où  il  faut  faire  la  ligature  d’un  vais- 
seau profond.  Enfin  il  parle  des  liens  dont  les 
aiguilles  doivent  être  armées  } et  il  proscrit  en 
même  temps  la  suture  entortillée.  La  troisième 
partie  renferme  quelques  préceptes  généraux 

M 2, 


92  B ï B I I O G a À PHIe 

sur  la  manière  cle  se  servir  des  aiguilles  dans 
tous  les  cas  ; elle  proscrit  la  sature  enche- 
villée , et  propose  un  moyen  qui  doit  rendre 
l’effet  de  la  ligature  plus  certain  dans  le  cas» 
d’anévrisme  à une  grosse  artère. 

35  Pour  donner  un  exemple  des  préceptes  que 
donne  l’auteur  , nous  nous,  arrêterons  sur  ce 
qu’il  dit  des  aiguilles  propres  à la  ligature  des 
vaisseaux. Il  est  des  cas  simples,  dit  M.  Lamole  , 
où  l’on  pourra  avec  facilité  et  sans  inconvénient 
se  servir  , pour  faire  la  ligature  des  vaisseaux  , 
des  aiguilles  dont  on  se  sert  pour  la  réunion 
des  piales  , et  si  toujours  le  vaisseau  etoit  super- 
ficiel et  facile  à distinguer  des  autres  parties  , 
il  seroit  inutile  d’en  avoir  d’autre  ; mais  quand 
on  doit  lier  un  artère  profonde  , comme  la 
poplitée  , l’axillaire  ect.  , il  est  très -difficile 
et  peut-être  impossible  de  les  atteindre  con- 
venablementavec  ces  aiguilles:  il  faut  pour  cela 
une  courbure  rapide  qui  puisse  aller  facilement 
au  fond  de  la  plaie  , en  écartant  le  rnoinS 
possible  les  bords  , passer  sur  un  côté  du  vais- 
seau derrière  lui  , et  paroître  au  côté  opposé 
pour  laisser  le  fil  à sa  place  >3.  Voici  l’instru- 
ment simple  qu’il  croit  pouvoir  remplir  ses 
Vues. 

« Une  tige  d’acier,  longue  de  sept  pouces  , 
ayant  une  grosseur  convenable  pour  lui  donner 
la  force  suffisante  avec  la  figure  qui  lui  con- 
vient. Le  corps  de  cette  tige  doit  avoir  la  même 
forme  et  les  mêmes  dimensions  que  celui  des 
autres  aiguilles  , à cela  près  de  la  grosseur  ab- 
solue. Ses  deux  extrémités  formeront  deux  ai- 
guilles de  grandeur  différente  , et  pour  cela 
elles  seront  courbées  en  sens  opposé  de  ma- 
nière à former  deux  moitiés  de  cercle  , dont  le 
diamètre  sera  d’un  pouce  pour  la  plus  grande 


Physique  et  Médicinale.  93 

et  de  neuf  lignes  pour  l’autre.  La  grosseur  de 
chacune  sera  proportionnée  à sa  longueur. 
Leur  pointe  sera  mousse  et  non  tranchante  , 
seulement  assez  aiguë  pour  traverser  le  tissu 
cellulaire  , figurée  d’ailleurs  comme  les  autres 
aiguilles  ». 

Les  objets  exposés  dans  ce  mémoire  sontr 
décrits  avec  clarté;  mais  on  n’y  trouve  pres- 
que point  d’observations  nouvelles  qui  puis- 
sent ajouter  aux  connoissances  qu’on  a déjà 
acquises.  Des  préceptes  qui  ne  sont  pas  étayés 
sur  des  faits  bien  circonstanciés  , restent  tou- 
jours vagues  et  ne  font  qu’une  foible  impres- 
sion dans  l’esprit.  La  ligature  des  vaisseaux 
est  un  point  chirurgical  sur  lequel  il  a para 
des  faits  nouveaux  ces  dernières  années  , et  il 
en  a même  été  publié  dans  ce  journal  , dont 
l’auteur  n’a  point  pris  connoissance. 

LIV.  Médical  communications , -vol.  1 1 , London. 

Ce  recueil  d’observations  dont  on  publie  de 
temps  en  temps  de  nouveaux  volumes  à Lon- 
dres, contient  indistinctement  plusieurs  objets 
de  médecine  et  de  chirurgie  qui  font  voir  les 
progrès  successifs  de  l’art  de  guérir.  Comme 
tous  ces  objets  forment  des  articles  séparés  , 
et  qu’il  seroit  trop  long  d’en  donner  l’extrait , 
nous  nous  bornerons  à quelques  exemples. 

Observations  sur  les  effets  du  camphre  appli- 
qué extérieurement  dans  quelques  cas  de 
rétention  d’urine  , par  J.  Latham  , chirur- 
gien à Dartfort. 

Un  homme  de  soixante-dix  ans,  d’une  consti- 
tution délicate  , mais  assez  bien  portant  , avoit 
toujours  suivi  un  régime  régulier  , et  avoit  cou- 


q4  - B I B £ I O G R A P H I 2 

tume  de  se  livrer  chaque  jour  à quelque  exer- 
cice du  corps  , sur-tout  à celui  du  cheval.  Le 

10  novembre,  quatre  jours  avant  la  visite  de 
M.  Lantham  , il  gagna  un  rhume  à la  suite 
d’une  pluie  violente  qu’il  essuya  étant  à che- 
val , et  le  lendemain  il  éprouva  quelque  dif- 
ficulté'à  uriner  ; mais  elle  n’étoit  pas  plus 
grande  que  celle  qu’il  avoit  fréquemment  éprou- 
vée auparavant,  car  depuis  quelques  années 

11  n’étoit  point  en  état  de  retenir  son  urine 
pendant  quelque  temps  sans  inconvénient. 

Le  14  du  même  mois  , il  survint  une  réten- 
tion d’urine  accompagnée  d’efforts  violens  et 
douloureux  pour  la  rendre  , avec  un  pouls 
vif  et  un  peu  de  soif.  On  crut  convena- 
ble de  le  saigner  , après  quoi  on  lui  fit  pren- 
dre , pour  le  purger  , un  peu  d’huile  de  succin, 
et  on  y joignit  un  demi-bain.  Ces  moyens  ne 
produisant  point  l’effet  désiré  , le  cathéter 
fut  introduit , ce  qui  fit  évacuer  une  grande 
quantité  d’urine.  On  lui  prescrivit  ensuite  un 
peu  de  manne  avec  de  l’huile  d’amandes  douces 
de  quatre  en  quatre  heures. 

Le  10  le  cathéter  fut  introduit  de  nouveau  , 
et  cette  opération  fut  répétée  une  ou  deux 
fois  jusqu’au  37  ; 011  lui  ordonna  alors  de  pren- 
dre du  quinquina  , et  on  appliqua  sur  le  pu- 
bis un  linge  trempé  dans  l’eau  froide.  Le  ma- 
lade ne  fut  point  soulagé  , au  contraire  l’ir- 
ritation pour  uriner  devint  plus  violente  , et 
lorsque  le  cathéter  étoit  introduit,  011  n’éva- 
cuoit  guère  plus  que  la  moitié  de  la  quantité 
ordinaire  d’urine  3 le  pouls  étoit  ainsi  beau- 
coup plus  accéléré , et  on  observoit  d’autres 
signes  d’une  inflammation  augmentée  , en  sorte 
que  ce  n’étoit  qu’avec  beaucoup  de  difficulté 
qu’on  étoit  parvenu  à introduire  le  cathéter* 


Physique  et  Médicinale.  ç5 

M.  Latham  crut  donc  devoir  reprendre  son  pre- 
mier plan  de  traitement,  comme  la  saignée,  la 
purgation  avec  l’huile  de succin,  ect.  Après  la  se- 
conde saignée  , le  malade  se  trouva  presque  au 
même  état  où  il  avoit  été  réduit  avant  de 
prendre  le  quinquina.  M.  Green  prescrivit  le 
musc  à forte  dose  , ayan  t comme  ^ il  le  dit,  trouvé 
qu’il  réussissoit  dans  des  cas  semblables  , après 
que  d’autres  remèdes  n’avoient  produit  aucun 
effet  ; mais  il  n’eut  aucune  efficacité  à l’égard 
de  ce  malade. 

Dans  une  de  ces  visites  , M.  Latliain  dit 
au  médecin  qu’il  avoit  lu  quelque  part  des 
exemples  des  bons  effets  du  camphre  contre 
les  stranguries  , en  l’appliquant  en  topique. 
Il  rappeila  en  même  temps  que  le  camphre 
étoit  employé  en  général  dans  la  pratique  pour 
contrebalancer  l’irritation  des  cantharides  sur 
les  voies  urinaires  ; on  crut  donc  devoir  es- 
sayer le  même  remède  dans  le  cas  présent  de 
strangurie.  On  composa  donc  un  liniment  pré- 
paré avec  de  l’huile  d’amandes  et  autant  de 
camphre  que  cette  huile  pouvoit  en  tenir  en 
dissolution.  M.  Latham  prescrivit  de  frotter 
avec  ce  liniment , de  quatre  en  quatre  heures  , 
l’intérieur  des  cuisses  depuis  les  aines  jus- 
qu’au genou  , en  faisant  de  même  à la  région 
du  pubis.  A la  seconde  application  , le  ma- 
lade vuida  environ  demi-once  d’urine  , et  con- 
tinua d’en  évacuer  en  plus  grande  quantité 
de  temps  en  temps;  l’usage  du  cathéter,  qui 
avoit  été  introduit  précédemment  plus  de  67 
fois , ne  fut  plus  nécessaire  , et  par  des  remèdes 
convenables  et  un  régime  restaurant , le  ma- 
lade recouvra  ses  forces  ordinaires  sans  éprou- 
ver après  cela  aucun  retour  de  strangurie. 
Marie  Croifs,  d’un  âge  moyen  et  d’une  cona* 


BiBxioGRAriiiE  Phys,  et  Médici. 

ti  tu  Lion  délicate  , fut  attaquée  d’une  rétention 
d’urine  après  s’être  exposée  au  froid.  Lorsque 
M.  Latham  fut  appelle  , il  pratiqua  une  sai- 
gnée et  prescrivit  un  purgatif  et  une  appli- 
cation d’eau  froide  sur  la  région  du  pubis.  C,es 
remèdes  n’avant  produit  aucun  soulagement  , il 
évacua,  par  le  moyen  du  cathéter,  une  grande 
quantité  d’urine  , et  ii  prescrivit  ensuite  un 
clystè're  qui  contenoit  soixante  gouttes  de  tein- 
ture d’opium , et  un  demi-gros  de  camphre, 
ce  qui  procura  du  repos  et  du  sommeil  , mais 
ne  produisit  aucun  soulagement  de  ,1a  maladie. 
M.  Latam  fit  par  conséquent  usage  du  lini- 
înent  camphré,  comme  dans  le  cas  précédent 
et  dans  peu  de  temps  la  malade  évacua  un 
peu  d’urine  , après  quoi  ii  ne  fut  nécessaire 
de  recourir  que  deux  fois  au  cathéter , la  santé 
étant  parfaitement  rétablie.  Une  année  après, 
la  même  affection  se  renouvella  ; la  saignée  et 
les  laxatifs  furent  employés  de  nouveau  sans 
fcuccès  : le  Uniment  camphré  réussit  alors 
comme  auparavant  , et  la  malade  depuis  cinq 
années  est  restée  bien  portante. 

La 'rétention  d’urine  n’est  point  rare  après 
des  accouchemens  laborieux  , et  dans  de  pareils 
cas  l’usage  du  cathéter  , avec  un  régime  ra- 
fraîchissant, est  en  général  propre  à soulager. 
Mais  dans  deux  exemples  de  cette  espèce , où 
la  rétention  a continué  plus  qu’à  l’ordinaire, 
M.  Latham  a fait  un  usage  heureux  du  cam- 
phre appliqué  à l’extérieur. 


( 


Physique  et  Médicinale.  97 


Journal  physico-médical  des  eaux  de  Plom- 
bières , pour  Vannée  1791  y 7'édigé  et  publié 
parM.  Martinet,  I).  M. , directeur  adjoint 
en  survivance  des  eaux  de  Plombières  : avec 
cette  épigraphe , extraite  des  Recherches  sur 
les  maladies  chroniques  , par  Borcleu  : le 
traitement  des  eaux  minérales , employées  à 
leurs  sources  , est  sans  contredit  de  tous  les 
secours  de  la  médecine  le  mieux  en  état 
d’opérer  , pour  le  physique  et  le  moral  , 
toutes  les  révolutions  nécessaires  et  possibles 
dans  les  maladies  chroniques.  A Nancy , 
chez  H.  Ilaener , imprimeur  ordinaire  du 
roi , ect.  1792.,  in-8°.  de  92  pages. 

Il  y a des  journaux  dans  tous  les  genres,  non- 
seulement  pour  la  politique  , mais  encore  pour 
les  sciences  et  les  arts.  L’art  de  guérir  en  a 
plusieurs  ; mais,  selon  M.  Martinet,  il  lui  en 
manque  un  qui  paroît  essentiel  ; c’est  un 
journal  qui  rende  compte  annuellement  des 
effets  occasionnés  par  les  différentes  eaux  mi- 
nérales de  la  France  , et  des  divers  change- 
mens  qui  arrivent  , soit  dans  les  sources, 
soit  dans  les  objets  qui  y tiennent  de  près.  11 
seroit  peut-être  à desirer  que  tous  les  méde- 
cins des  eaux  minérales  en  fissent  un  de  ce 
genre  : les  médecins  éloignés  des  sources  miné- 
rales seroient  plus  à même , d’après  ces  journaux, 
de  juger  de  celles  qui  conviendroient  le  mieux 
aux  malades  qu’ils  envoyent  aux  eaux.  Un  tel 
journal  , d’ailleurs  , ne  peut  être  qu’une  nou- 
velle source  de  lumières,  sur  les  causes  et  le 
traitement  des  maladies.  En  attendant  que 
d’autres  médecins  entreprennent  la  même  tâche , 
M.  Martinet,  met  à exécution  ce  projet  pour 
Tom.  IV.  N°.III.  Bibliographie.  N 


^8  Bibliographie 

les  eaux  de  Plombières  : il  donne  avis  qu’il 
paroîtra  un  numéro  de  ces  annales  au  com- 
mencement de  mai  de  chaque  année  , et  ce  nu- 
méro rendra  compte  des  effets  produits  l’année 
dernière  , et  chaque  fait  sera  toujours  raisonné 
et  discuté.  L’abonnement  de  cet  ouvrage  pério- 
dique sera  très- modique  , l’auteur  ayant  plus 
à cœur  l’intérêt  de  son  art  et  de  l’humanité 
que  le  sien  propre. 

Les  eaux  de  Plombières  jouissent  d’une  ré- 
putation très-méritée  depuis  plusieurs  siècles 
pour  la  guérison  d’une  infinité  de  maladies 
chroniques  3 beaucoup  de  médecins  en  ont  fait 
l’éloge  , et  nous  avons  plusieurs  traités  qui  en 
constatent  l’efficacité.  Le  résultat  annuel  de 
leurs  effets  ne  peut  donc  être  qu’extrême- 
ment  intéressant  3 il  renfermera  deux  parties  : 
dans  la  première,  M.  Martinet  rendra  compte 
des  changemens  faits  et  à faire  dans  les  bains  , 
douches,  étuves  3 des  changemens  qui pourroient 
arriver  dans  les  sources , soit  thermales  , soit  des 
eaux  froides  3 desphénomènes  physiques  qui  s’ob- 
serveront sur  les  lieux  , sur-tout  des  variations 
dans  la  température  de  l’air  et  des  saisons  : 
•de  plus  on  pourra  y joindre  quelques  reflexions 
générales  sur  les  causes  , le  siège  et  le  traite- 
ment des  maladies  , sur  les  effets  des  eaux 
appliquées  sous  toutes  les  formes  , sur  les  ré- 
sultats nouveaux  que  l’analyse  pourra  fournir. 
13  ans  la  seconde  partie  , on  donnera  le  détail 
des  maladies,  des  effets  des  eaux  sur  ces  ma- 
ladies , avec  les  réflexions  que  chaque  sujet 
fera  naître  naturellement. 

La  première  partie  commence  par  l’indica- 
tif n des  changemens  utiles  à faire  aux  bains 
de  Plombières.  M.  Martinet  rapporte  les  ex- 
périences qu’il  a pratiquées  pour  reconnoître 


Physique  et  MImcinaie.  99 

leurs  effets  purgatifs  , présente  quelques  pré- 
ceptes d’Hippocrate  sur  l’usage  des  bains  , aux- 
quels il  ajoute  ses  propres  réflexions  : il  ter- 
mine cette  partie  par  un  coup  d’œil  rapide  sur 
les  effets  généraux  des  eaux  de  Plombières 
dans  la  lésion  de  divers  organes.  La  seconde 
- partie  offre  des  détails  de  pratique  5 ce  sont 
les  observations  que  M.  Martinet  a recueillies 
avec  soin  pendant  l’année  1791  ; nous  allons 
insérer  ici  la  suivante. 

cc  M.  Rignier  , ci-devant  religieux  bénédictin 
35  de  l’abbaye  de  Saint-Urbain  , près  de  Jouain- 
35  ville  , vint , d’après  les  avis  de  son  médecin, 
33  à Plombières  au  mois  de  de  juin  1790.  Il 
e>3  étoit  malade  depuis  plusieurs  années  5 sa 
33  santé  et  ses  forces  dépérissoient  à vue  d’œil  ; 
33  il  a voit  un  fonds  de  tristesse  et  de  mélancolie 
3»  qu’il  ne  pouvoit.  vaincre  ; il  étoit  sujet  à 
33  des  spasmes  nerveux  très  -violens , un  vice 
33  dartreux  se  manifestoit  à la  peau  , et  il 
33  portoit  depuis  quatre  à cinq  ans  sur  la  joue 
33  gauche  un  bouton  de  la  grosseur  d’un  petit 
33  œuf  de  pigeon  , qui  laissoit’  suinter  conti- 
33  nuellement  une  humeur  séreuse  très -âcre. 

Il  fit  usage  pendant  vingt  - six  jours  du. 
» bain  et  de  la  boisson  des  eaux  thermales  , en 
33  observant  un  régime  très-sobre.  Il  partit 
33  après  ces  vingt-six  jours  pour  s’en  retourner 
33  à sa  maison  ; il  ne  se  sentoit  nullement  sou- 
33  lagé.  Ce  ne  fut  qu’après  environ  six  semaines 
33  que  son  sommeil , qui  étoit  très- agité  , devint 
33  tranquille  ; ses  affections  nerveuses  devinrent 
33  moins  fréquentes  ; un  mieux.- être  général  se 
33  fit  sentir  , le  bouton  qu’il  portoit  à la  joue 
33  diminua,  et  finit  par  disparoître  entièrement. 
33  On  vouloit  lui  établir  un  cautère  , dans  la 
33  crainte  que  l’humeur  ne  se  portât  ailleurs  5 

N 2 


îoo  Bibliographie 

G,  et  sur  quelque  vicère  intéressant  , mais  il 
os  s’y  est  refusé  et  a continué  de  jouir  d’une 
<x  bonne  santé.  C’est  pour  consolider  sa  cure  et 
35  atténuer  de  plus  en  plus  le  vice  dartreux , 
55  qu’il  est  revenu  à Plombières  en  1791  ; il  y 
55  est  resté  environ  un  mois  35. 

33  II  n’étoit  plus  reconnoissable.  L’année  précé- 
35  dente  je  l’a  vois  vu  triste  , rêveur , et  cette  année 
53  dernière  il  étoit  gai  et  content  ; il  est  parti 
33  très- bien  portant  , en  chantant  les  louanges 
55  de  Plombières.  Les  eaux  ont  rétabli  les  sécré- 
53  tions  et  excrétions  naturelles  ; la  masse  du 
33  sang  s’est  trouvé  purgée  d’humeurs  excré- 
5>  mentielles  qui  irritoient  les  nerfs  et  trou- 
33  bloient  les  fonctions  de  l’économie  animale. 
33  Le  cautère  n’étoit  pas  mal  indiqué  ; mais  il 
33  est  toujours  préférable  de  rétablir  les  excré- 
33  tions  naturelles  plutôt  que  d’en  établir  d’ar- 
33  tificielles  $ la  nature  une  fois  accoutumée  à 
33  ces  portes  de  den'ière , néglige  de  suivre 
33  ses  voies  ordinaires  33. 

Ce  journal  ne  peut  que  grossir  la  masse  des 
bons  écrits  relatifs  à Part  de  guérir,  et  nous 
ne  pouvons  qu’engager  M.  Martinet  de  con- 
tinuer son  travail. 

MÉDECINE. 

Dissertatio  medica  de  curatione  icteri  maxi- 
me per  vitellum  ovi  : Dissertation  de  mé- 
decine sur  la  guérison  de  la  jaunisse  , opérée 
sur  - tout  avec  les  jaunes  d’œufs  5 par  J\I. 
Gustave  Schwartz  , de  Riga  en  Livonie  , doc- 
teur en  jnédecine  et  chirurgie . A Jena  , chez 
Goepferds  , 1791.' in-4°.  de  21  pages. 

Cet  opuscule,  qui  traite  d’une  maladie  sou- 
vent opiniâtre  , renferme  treize  paragraphes* 


Physique  et  Médicinale.  îoi 

Les  affections  physiques  et  morales  qui  peuvent 
produire  la  jaunisse  sont  si  variées  qu’il  est 
difficile  de  fixer  leur  nature  avec  précision  ; le 
plus  souvent  ce  sont  des  obstructions  dans  le 
parenchime  du  foie  , produites  par  une  bile 
épaissie  ou  par  des  calculs  biliaires.  Lorsque 
la  vésicule  du  fiel  regorge  de  bile  , et  que  le 
canal  cholédoque  est  obstrué  par  des  calculs 
et  des  vers  , ce  sont  autant  de  causes  qui  don- 
nent l’ictère. 

La  nostalgie  , une  vie  sédentaire  , les  pas- 
sions d’aine  languissantes  , des  études  forcées , 
la  morsure  de  quelques  animaux,  engendrent 
aussi  la  jaunisse. 

La  jaunisse  simple  n’est  nullement  dange- 
reuse , il  est  infiniment  rare  d’y  voir  succom- 
ber les  malades  ; il  est  fort  facile  de  la  guérir 
par  le  moyen  des  jaunes  d’œufs  : ce  médica- 
ment qui  est  alimentaire  , a été  employé  avec 
succès  par  M.  Whit , célèbre  médecin  anglois. 
La  manière  de  s’en  servir  consiste  simplement 
en  des  œufs  frais  , délayés  clans  l’eau  , donnés 
deux  à deux  , quatre  à cinq  fois  dans  la  jour- 
née. M.  Whit  tenoit  ce  remède  d’un  officier 
de  vaisseau  qui  avoit  été  guéri  d’une  jaunisse 
assez  opiniâtre  , et  M.  Whit  lui  - même  en 
avoit  éprouvé  l’utilité  sur  lui  et  sur  plusieurs 
malades.  Un  raisonnement  simple  l’avoit  décidé 
à adopter  ce  remède  : il  est  de  fait  qu’à  l’aide 
du  jaune  d’œuf 'on  dissout  les  résines  $ il  est 
certain  que  la  bile  épaisse  approche  beaucoup 
des  résines.  Ce  médicament  n’a  aucun  succès 
dans  la  jaunisse  accompagnée  de  squirres  au 
foie  , de  concrétions  dans  la  vésicule  du  foie. 
M.  Schwartz  rappelle  donc  la  méthode  de 
guérir  la  jaunisse  avec  les  jaunes  d’œufs , due 
à M.  Whit , et  ne  manque  pa3  de  citer  les 


foa  Bibliographie 

cures  opérées  avec  ce  moyen  , par  MM.  Ma- 
ret  et  Dufande , savans  médecins  de  Dijon. 
Le  premier  malade  traité  par  eux  étoit  un 
jeune  homme  que  quelqu’ affection  de  l’ame 
avoit  jetté  dans  la  jaunisse  ; elle  a cédé  à 
l’usage  des  œufs  en  moins  de  quinze  jours. 
Le  second  étoit  aussi  un  jeune  homme  qui 
étoit  tombé  de  cheval  sur  son  côté  droit  , et 
avoit  négligé  les  remèdes  capables  de  prévenir 
les  suites  de  la  commotion  et  d’une  espèce  de 
contusion  du  foie.  La  jaunisse  étoit  des  plus 
fortes  , la  couleur  de  la  peau  et  de  la  conjonc- 
tive extrêmement  foncée  , les  urines  presque 
noires,  les  déjections  rares  et  très-blanches, 
des  démangeaisons  considérables  fatiguoient 
le  malade.  Tous  ces  accidens  ont  cédé  à l’usage 
des  œufs  : le  ventre  est  devenu  plus  libre  au 
septième  jour  , et  environ  le  quinzième  il  est 
survenu  une  diarrhée  bilieuse  considérable  ,, 
qui  a occasionné  des  coliques  assez  vives  pour 
obliger  à recourir  aux  saignées  et  aux  caïmans  , 
après  quoi  le  malade  a été  parfaitement  guéri. 
Trois  autres  malades  ont  été  également  guéris 
avec  le  même  secours.  Ces  médecins  associoient 
à ce  remède  , les  tisanes  simples  de  racine 
de  fraisier  et  de  chiendent,  le  petit  lait  et  le 
régime. 

M.  Schwartz  rapporte  ensuite  quelques  cures 
opérées  avec  les  jaunes  d’œufs  , rappelions  . 
celle-ci. 

Un  jeune  homme  âgé  de  vingt  ans,  avoit 
perdu  l’appétit  , étoit  accablé  de  nausées  et 
d’éructations  , symptômes  qui  dénotoient  que 
l’estomac  étoit  malade  et  débile  : M.  Schwartz 
lui  prescrivit  des  stomachiques  , parmi  les- 
quels l’essence  amère  et  l’essence  d’écorce  d’o- 
r anges  tenoient  le  premier  rang.  Ces  médi- 


Physique  et  Médicinale.  îo3 

camens  ne  firent  aucun  effet , et  la  jaunisse 
survint  : pour  y remédier,  M.  Schwartz  fit  pren- 
dre en  premier  lieu  la  teinture  de  rhubarbe 
mêlée  avec  la  liqueur  de  terre  foliée  de  tartre  ; 
en  même  temps  une  décoction  de  racine  de 
chicorée,  de  dent  de  lion  , de  chiendent,  avec 
la  semence  de  fenouil , ce  qui  ne  produisit 
aucun  bien.  Il  eut  alors  recours  aux  jaunes 
d’œufs  ; il  en  fit  prendre  un  délayé  dans  un 
mortier  de  marbre , avec  un  peu  de  sucre  et 
deux  onces  d’eau  , pour  une  dose  à prendre 
deux  fois  avant  midi , et  trois  fois  l’après  dîner. 
Le  malade  usoit  en  même  temps  de  la  décoc- 
tion apéritive  ci-dessus.  Il  continua  ces  médi- 
camens  pendant  quatre  jours,  et  la  jaunisse  se 
dissipa.  Nous  ajouterons  ici  que  M.  Martin  , 
habile  médecin  des  hôpitaux  militaires  , emploie 
journellement , avec  le  plus  grand  succès  , l’u- 
sage des  jaunes  d’œufs  contre  la  jaunisse:  les 
guérisons  qu’il  en  obtient  journellement  sont 
connues. 

Suite  de  V annonce  d’un  ouvrage  an glois  qui 
a pour  titre  : Médical  communications. 

Description  d’une  espèce  d’ érésipelle  qui  s’est 
manifesté  parmi  les  enfans  dans  V hôpital 
des  femmes  en  couches  à Londres. 

Cette  maladie  a paru  très-meurtrière  5 le 
remède  le  plus  efficace  qu’on  ait  pu  lui  op- 
poser a été  le  quinquina  , en  donnant  en  clys- 
tère  une  forte  décoction  de  cette  écorce , ou 
bien  en  faisant  prendre  son  extrait  à l’intérieur. 

Terminaison  favorable  dune  blessure  faite  et 
l estomac  par  un  instrument  tranchant. 

Cette  blessure  a été  suivie  des  symptômes 


9m 

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ïo4  BxÈxiOGRAniiE  Phys,  et  Mébici. 

les  plus  all9.rm.ans  le  pouls  étoit  très-foible  et 
très-languissant , avec  une  grande  prostration 
des  forces  , le  froid  dès  extrémités  , et  une 
douleur  poignante  dans  ce  qu’011  appelle  vul- 
gairement le  creux  de  l’estomac  ; toute  les  subs- 
tances liquides  qu’on  donnoit  au  malade  étoient 
promptement  rejettées  , et  on  fut  obligé  de 
soutenir  ses  forces  avec  des  bouillons  donnés 
en  clystère.  On  appliquoit  des  fomentations 
chaudes  sur  la  région  épigastrique.  On  faisoit 
tremper  de  la  flanelle  dans  du  lait  et*  de  l’eau 
chaude  , et  on  l’ appliquoit  aussi  sur  les  bras 
et  les  jambes.  On  tenoit  sous  la  plante  de  ses 
pieds  des  briques  chaudes.  Le  deuxième  jour 
de  sa  blessure  , le  malade  parut  très-sensiblement 
soulagé  j il  fut  alors  en  état  de  prendre  un 
peu  de  gelée  faite  avec  de  la  viande  de  veau. 
Les  clystères  nourrissans  furent  continués  jus- 
qu’au seizième  jour  : en  les  répétant  moins 
fréquemment  depuis  cette  époque  , jusqu’au 
quarantième  jour  5 le  blessé  vécut  avec  du  pain, 
du  lait  et  une  légère  bouillie  5 le  soixantième 
jour  il  jouissoit  d’une  bonne  santé. 

Observation  sur  la  rupture  des  corps  caverneux 
du  jnembre  viril. 

V 

Cette  rupture  fat  occasionnée  par  une  chute 
violente  au  moment  où  la  verge  étoit  dans  un 
état  d’érection.  L’écoulement  de  J’urine  fut  dif- 
ficile jusqu’à  ce  que  les  corps  caverneux 
eussent  été  dégorgés  du  sang  qui  y étoit 
épanché. 


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