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LA MÉDECINE
éclairée
PAR LES SCIENCES PHYSIQUES,
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JOURNAÈ dÉs DÉCOUVERTES
\
i
RELATIVES
AUX DIFFÉRENTES PARTIES
DE L’ART DE GUERIR;
Rédigé par M. FOURCROY.
TOME TROISIÈME.
A PARIS,
Chea Buisson, Libraire , Hôtel de Coè’tlosquet ,
rue Hautefeuille , N® 2.0.
Sk’
Digitized by the Internet Archive
in 2015
https://archive.org/details/b21980342
N°. Ier.
LA MÉDECINE
ÉCLAIRÉE
PA Pu LES SCIENCES PHYSIQUES,
o u
» ’
JOURNAL DES DÉCOUVERTES
Relatives aux différentes parties de l’Art
de Guérir.
CHIMIE.
Extrait d’un Mémoire de M. Fonrcroy , sur
les différentes variétés de sulfate de mer-
cure , et sur leurs précipitations par les al-
calis' et spécialement par V ammoniaque .
Annal, chimiques , tom. X , page 293.
Le mercure fournit aux physiciens une mine
inépuisable , où chacun, en y descendant:, trouve
des richesses nouvelles s’il y porte des instru-
mens propres à ]es découvrir et à les exploiter.
Jamais substance n’a plus occupé les savans
de tous les genres, et nulle n’a si généreuse-
ment récompensé leurs soins et leurs travaux
que le mercure.
M. Fourcroy ne s’attendoit pas , en se tra-
çant la route qu’il devoit suivre dans ce travail ,
à rencontrer autant de sentiers latéraux entiè-
rement inconnus , et aussi fertiles en faits nou-
veaux. En effet , chaque expérience sur cette
4 LàMédecïwe
matière a été pour lui un trait de lumière qui
l’a conduit à des résultats très-intéressans , et
qu’il ne pouvoit pas prévoir d’avance.
Son mémoire est divisé en deux parties ; la
première comprend des remarques sur la pré-
paration et les différens états où peut se
trouver le sulfate de mercure ; la seconde ren-
ferme les précipitations du sulfate de mercure
par les alcalis , et les propriétés des sels triples
qu’il forme avec l’ammoniaque.
De la préparation du sulfate de mercure et de
ses variétés.
Pour préparer le sulfate de mercure ^ on fait
bouillir ensemble une partie de mercure cou-
lant , une partie et demie d’acide sulfurique ,
jusqu’à ce que le mercure soit réduit en une
masse blanche formée de petits cristaux. Pen-
dant cette opération , le mercure est agité
d’un mouvement continuel , par des bulles de
gaz sulfureux qui s’en dégagent de toutes parts.
Quand l’expérience a été faite lentement dans
des vaisseaux élevés et qui ne peuvent per-
mettre la volatilisation de l’acide sulfurique ,
le sulfate de mercure est blanc , encore en-
vironné d’une certaine quantité d’acide sulfu-
rique non décomposé , et n’est point converti
en sulfate jaune de mercure par l’eau ^ s’il a
été exactement séparé de l’acide sulfurique
surabondant. Mais si l’on jette sur cette subs-
tance mêlée d’acide sulfurique , de l’eau , et
sur-tout de l’eau chaude , une grande partie
sera dissoute , et l’autre se convertira en sul-
fate jaune de mercure ou turbith minéral ÿ
souvent même , si l’on donne un grand mou-
vement à la matière , en commençant à y verser
de l’eau , il arrive qu’elle se dissout entière-
à C L A I R É E , ect. 5
ment sans qu’il y ait un atome de turbith
formé.
Si sur le sulfate de mercure dont on a enlevé
l’excès d’acide sulfurique , on verse de l’eau
froide , on achève de le priver de ce corps ,
et l’on met la matière dans l’état de sulfate de
mercure blanc et neutre.
Dans cet état , il n’a point de saveur acide ,
comme il avoit immédiatement après sa prépa-
ration ; il n’a plus qu’un goût métallique plus
ou moins analogue à celui de tous les sels mer-
curiels ; il est moins dissoluble dans l’eau , et
il ne rougit plus les couleurs bleues des végé-
taux.
Si en préparant le sulfate de mercure , on
suit la méthode ordinaire employée dans les
pharmacies , c’est-à-dire , si l’on chauffe forte-
ment la masse jusqu’à ce qu’elle soit entière-
ment desséchée , ou qu’elle commence à jaunir ,
l’eau , de quelque manière qu’on l’applique , la
convertit en sulfate de mercure jaune ou turbith
minéral.
Le sulfate acide de mercure est plus disso-
luble que le sulfate blanc neutre de mercure ,
et celui-ci l’est plus que le jaune ou le turbith
minéral.
Le sulfate de mercure pur et neutre se dissout
dans 5oo parties d’eau , et le turbith minéral en
demande 2000. Pour connoître le degré de
dissolubilité que l’acide sulfurique pouvoit
donner au sulfate de mercure , on a mêlé
deux parties de cette matière et une partie
d’acide sulfurique , et au lieu de 5oo parties
d’eau, il n’en a fallu que 157 ; ce qui indique un
effet plus grand que la cause qui le produit.
Relativement à la dissolubilité du sulfate
acide de mercure , M. Fourcroy a fait clea
A 3 /
6 La Médecine
remarques intéressantes. Si au lieu d’employer
les 1 5y parties d’eau à-la-fois , on les partage
en 4 parties pour les employer successivement,
on ne dissoudra point entièrement le sulfate de
mercure , parce que les premières doses n’enlè-
vent presque que l’acide pur , et il reste pour
les dernières un sel qui demande 5oo parties
d’eau ; et dans un partage de cette nature , il a
fallu 3^3 parties et demie d’eau au lieu de 1 5y ,
pour opérer cette dissolution.
D’après ces expériences, M. Fourcroy dis-
tingue trois variétés de sulfate de mercure : le
sulfate de mercure , proprement dit, celui qui
est blanc , qui n’est point acide et qui ne jaunit
point ; le sulfate acide de mercure , qui n’est
qu’une combinaison du précédent avec l’acide
sulfurique ; enfin , le sulfate de mercure avec
excès d’oxide et d’oxigène. Il a prouvé par la
synthèse et par l’analyse , que Je sulfate de
mercure blanc différoit du jaune par moins
d’oxîgène, d’oxide et plus d’acide : en effet, le
sulfate blanc de mercure , exposé pendant long-
temps à l’air, jaunit et augmente de poids;
chauffé dans des vaisseaux clos , il exhale de
l’acide sulfureux, et prend aussi une couleur
jaune. Par l’analyse , la dissolution d’une. quan-
tité de sulfate blanc de mercure dans l’acide
muriatique donne plus de précipité qu’une dis-
solution de la même quantité de sulfate jaune
de mercure. Quant à l’oxigène , il a prouvé ,
par le même acide muriatique, qu’il y en avoit
plus dans le sulfate jaune de mercure que dans
l’autre , puisque le jaune se convertit entière-
ment en sublimé corrosif ’, et que le blanc reste
à l’état de mercure doux .
Pour démontrer cjue le sulfate jaune de mer-
cure contenoit plus de mercure que le blanc ,
ÉCLAIRÉ Ë, etc. 7
il en a réduit deux portions égales à l’état de '
muriate de mercure corrosif pur , et il en a
précipité l’oxide par un alcali fixe. Par ces ex-
périences , il a trouvé que le sulfate de mer-
cure blanc contient sur 100 parties, 12. parties
d’acide , y5 de mercure , 8 d’oxigène et 5 d’eau ;
et que le sulfate de mercure jaune ou turbifh
minéral est composé sur 100 parties , de 10 par-
ties d’acide , de 76 de mercure , de 11 d’oxigène
et de 3 parties d’eau.
De la décomposition des différens sulfates de
mercure par les alcalis en général.
Les différences qu’il y a entre les variétés du
sulfate de mercure dévoient faire naître des
phénomènes particuliers dans leurs précipita-
tions par les alcalis.
C’est ce qui est en effet arrivé , comme on va
le voir tout à l’heure.
La dissolution de sulfate de mercure dans
l’eau est blanche et sans couleur. Elle a une
saveur stiptique et métallique ; la chaux , les
alcalis fixes et volatils en précipitent l’oxide sous
une couleur noire, et cet oxide , exposé à la lu-
mière , se réduit en mercure coulant. Les phé-
nomènes qui se présentent pendant ces expé-
riences se ressemblent parfaitement , excepté
que le dépôt formé par l’ammoniaque , quoique
analogue aux autres , en diffère seulement par
la quantité, qui est plus petite.
Chacun de ces réactifs , mis sur du sulfate de
mercure sec, le noircit comme de l’enére ;
et ces oxides sont réductibles par eux-nîr^é-s’
à la lumière. «r •'
Dans cette, mamère d’opérer, l’ammoriiaqne
offre quelque chose de particulier 5 c’est un
bruit, un frissonnement semblable à celui d’un
A4
8 La Médecine
fer chaud trempé dans l’eau j dans chacune de
ces expériences , la température du mélange est
élevée.
Après avoir décomposé la dissolution du sul-
fate de mercure par les alcalis fixes , on ne
trouve plus dans la liqueur aucune trace de
mercure , et l’évaporation de cette liqueur le
démontre complètement ; mais il n’en est pas
de même de celle qui a été précipitée par l’am-
moniaque , elle retient encore de l’oxide de
mercure que l’on y peut démontrer par l’acide
muriatique , par l’eau et par l’évaporation de la
liqueur qui surnage le précipité.
S’il est arrivé que l’on ait mis plus d’ammo-
niaque qu’il n’étoit nécessaire pour la préci-
pitation de l’oxide de mercure la liqueur où
elle est contenue , exposée à l’air , déposera au
bout de quelques heures de petits cristaux
blancs , brillans , et ayant une forme régulière.
A mesure que cette cristallisation s’opère ,
Fadeur ammoniacale de la liqueur diminue, ce
qui indique que ce n’est qu’en perdant cette
substance que les cristaux se déposent , et
qu’elle contribuoit à leur dissolution.
Au lieu d’attendre la séparation spontanée
et lente des cristaux , si on verse dans la li-
queur une grande quantité d’eau, elle se trou-
ble et devient absolument comme du lait. Peu-
à-peu il se précipite une poudre blanche., et la
liqueur s’éclaircit.
.. Cette poudre est composée d’oxide de mer-
cure, d’ammoniaque et d’acide sulfurique ; c’est
ép^tie M. Fourcroy appelle sulfate ammoniaco-
mreicuriel. Les moyens d’analyse qu’il a mis en
usage pour apprécier \eé quantités des principes
du sulfate ammoniaco-mercuriel , sont trop com-
pliqués pour que nous puissions les faire con-
ÉCLAIRÉE, eCt. 9
noître ici ; nous nous bornerons seulement à
leur résultat : 100 parties de ce sel contiennent
18 parties d’acide sulfurique , 33d.’ammoniaque ,
3ç d’oxide de mercure , et à-peu-près 10 d eau.
Ce sel a une saveur métallique et stiptique très-
forte j il n’est que peu dissoluble dans l’eau ;
il noircit à la lumière ; il donne à la distilla-
tion , i°. de l’ammoniaque , iQ . du gaz azote ,
3°. un peu de mercure coulant réduit par la
décomposition de l’ammoniaque , 4°- du sulfate
d’ammoniaque : il reste dans la cornue du sul-
fate de mercure jaune ou turbith minéral. Il
se dissout dans l’acide muriatique , avec lequel
il forme du sel alembroth mêlé de sulfate d’am-
moniaque. L’acide nitrique le dissout aussi ,
mais sans le décomposer.
Ces expériences démontrent que l’ammo-
niaque ne sépare point tout le mercure de
l’acide sulfurique , qu’elle n’en précipite que la
quantité nécessaire pour former avec l’acide
sulfurique assez de sulfate d’ammoniaque pour
donner naissance à un sel triple en s’unissant
au sulfate de mercure non décomposé , et par
lequel il est attiré. On conçoit facilement ,
d’après cela , pourquoi , dans une dissolution
de sulfate acide de mercure , il ne se fait point
de précipité noir, quelle que soit la quantité d’am-
moniaque qu’on y ajoute , mais quelquefois un
dépôt blanc 5 pourquoi , lorsqu’on mêle des dis-
solutions de sulfate de mercure et de sulfate
d’ammoniaque , il se forme un sel triple qui se
dépose sur le champ sous la forme de poussière
blanche. L’ammoniaque agit à-peu-près de la
même manière générale sur les différens sul-
fates de mercure , c’est-à dire qu’elle forme
toujours des sels triples plus ou moins abon-
dans t suivant que les sels contenoient plus ou
lo
La Médecine
moins d’acide , et qu’elle en sépare toujours
l’oxide sous une couleur noire.
Les alcalis fixes n’exercent pas la même ac-
tion sur tous ; d’abord ils ne forment point de
sels triples , et ils précipitent l’oxide de mer-
cure sous des couleurs différentes. Ils séparent
un oxide jaune du sulfate acide de mercure et
noir, des dissolutions du sulfate de mercure pro-
prement dit, et du sulfate de mercure avec
excès d’oxide.
Ces différences dans les phénomènes ont em-
barrassé M . Fourcroy pour leur explication. Il
est admis par les Chimistes, que dans les disso-
lutions métalliques blanches , les oxides y sont
sans couleur : l’on sait que le mercure contient
moins d’oxigène dans l’état d’oxide noir que
dans celui d’oxide blanc ; d’après cela , il est aisé
d’expliquer comment l’oxide de mercure passe
du blanc au noir par l’ammoniaque 5 mais la
nature inconnue 'des alcalis fixes jette beau-
coup d’obscurité sur la manière dont ils préci-
pitent^ d’une dissolution blanche de mercure ,
un oxide noir. Ouoi qu’il en soit , il est certain
que toutes les fois que l’ammoniaque précipite
Foxide de mercure , elle lui enlève une portion
d’oxigène;que lesalcalisfixesle précipitent tantôt
avec plus d’oxigène qu’il n’en avoit dans la
dissolution et tantôt avec moins , comme dans
î 'exemple de la décomposition du sulfate de
mercure neutre. Tels sont les faits principaux
que renferme le mémoire de M. Fourcroy,
duquel nous pensons nue la lecture seroit d’un
grand avantage pour les Chimistes , Médecins
et Pharmaciens , qui doivent s’intéresser parti-
culièrement à tout ce qui lient aux préparations
mercurielles..
éclairée, ect. 1 1
MÉDECINE PRATIQUE.
I. Lettre de M. Burel le jeune , ancien Méde-
cin des hôpitaux militaires , pensionné par
la communauté de Si que , district de Bri-
gnol es , département du Var , à M. Four-
croy, sur plusieurs abjections de nature char-
b o rieuse.
L'observation de M,. Chopart, rapportée dans
le numéro XI de votre Journal , m’en a rap-
pel'é quelques- mies de ce genre qui me pa-
roissent de la plus grande importance. Je ne
me permettrai des réflexions qu’après avoir
établi les faits.
Le nommé Andrieu , travailleur, d’un tem-
pérament bilieux et sanguin, se sentit piqué
au col ; il y porta la main avec violence et
y écrasa une araignée. La chaleur et l’enflure
survinrent- bientôt $ la dernière fit assez de
progrès pour occuper dans l’espace de deux
heures toute la partie antérieure , postérieure
et supérieure du tronc , se portant tout le long
du bras, où la chaleur lut vive avec sentiment de
stupeur considérable : à ces symptômes se joi-
gnirent bientôt des sueurs froides ass^z copieuses,
des soulèvemens de cœur, des vomissemens , des
défaillances, des foiblesses , des sincopes si rap-
prochées qu’on crut que c’en étoit fait du ma-
lade. Je fus appellé dans ces circonstances.
Je trouvai le malade avec un pouls petit, très-
fréquent et convulsif. Je découvris sur la partie
piquée , un point de la largeur d’une pièce
de douze sols, noir, semblable a un vrai char-
bon , entouré d’une aréole de deux à trois
lignes , qui en occupoit toute la circonférence.
Ü La Médecine
L’état du malade me fit porter un pronostic
des plus fâcheux. Je fis à l’instant scarifier
le point spliacelé , panser avec l’onguent égyp-
tiac et fomenter toute la tumeur avec la dé-
coction de scabieuse, animée de quelques gouttes
d’eau de-vie. Je prescrivis en même temps une
potion cordiale, à prendre à cuillerée toutes les
demi-heures, ensemble une mixture faite avec
alcali volatil six grains, décoction de mélisse deux
onces , sirop d’œillet une once , à repéter de trois
en trois heures. L’état du malade me permit de
supprimer, à ma seconde visite , la potion cor-
diale ; à celle du soir , je fis éloigner les prises
de la potion alcaline : enfin , le jour d’après ,
l’élévation du pouls , qui n’étoit plus convulsif,
la cessation des anxiétés et le mieux être du
malade me firent tout espérer. Je supprimai
la potion , à laquelle je substituai l’usage du
kina uni au camphre. Je permis une purée
de quatre en quatre heures, avec prière de
ne rien changer à ce régime avant mon re-
tour de la Ciotat, où j’étois appellé pour des ma-
lades ; mais, à peine fus-je panique les voisins,
gens aussi simples que crédules , firent con-
sentir le malade à appeller un charlatan qui
blâma tout x et promit une guérison dans six
heures. Il fit en conséquence appliquer vers
la région de l’estomac où la tumeur avoit des-
cendu , ets’étoit circonscrite , un emplâtre dont
l'effet fut des plus prompts , qui répercuta
l’enflure , renouvella les symptômes avec une
telie violence que le malade périt deux heures
après .
Le nommé Jourdan, habitant à la Ciotat,
employé à cuire le pain dans les fours publics ,
d’un tempérament bilieux et très-robuste , s’en-
dormit sur des fagots de branches fraîches de
ÈCLAIRBE, etC. l3
différens arbustes 5 il y fut éveillé par bi dou-
leur que lui causa la piquure d’une araignée
sur le téton gauche. La partie enfla considé-
rablement quelques instans après , avec un
sentiment de chaleur et d’ardeur insuportables.
Survinrent bientôt après des anxiétés et dé-
faillances qui le mirent hors d’état de se rendre
chez lui. Il y fut porté à corps. On différa
jusqu’au lendemain à m'appelle!. Je le trouvai
froid , sans pouls et dans des défaillances
continuelles. Je trouvai à l’endroit piqué, un
point noir en tout semblable à celui d’Andrieu.
Il avoit la tête très-libre, répondit parfaitement
à toutes mes questions , et me fit le rapport
le plus suivi de tous ses accidens. Ce malade
mourut quelques heures après.
La nommée Jourdan , femme d’un auber-
giste de la Cadière , éprouvoit à la suite d’une
maladie des plus graves , des maux de tête
presque continuels. Elle étoit cependant mieux
depuis une quinzaine de jours. Etant à son
travail , elle crut avoir été piquée à la partie
latérale et postérieure du col. Elle y porta la
main inutilement ; les recherches dans ses ha-
bits de coté et d’autres furent aussi infruc-
tueuses, on ne découvrit rien. Quelques ins-
tans après la douleur fut des plus vives. La
partie enfla considérablement et gagna bien-
tôt de proche en proche. M. Guérard , Mé-
decin ordinaire, déterminé par l’état du pouls,
plaça une saignée, qui fut de nul effet. Appelle
en consultation avec ce digne Médecin , nous
réunîmes nos efforts pour procurer quelques
soula^eraens à la malade. L’enflure devint si
considérable qu’il fallut avoir recours à des
scarifications qui ne la soulagèrent que foible-
ment. L’enflure gagna de jour en jour avec
14 La Médecine
tant de force que je doute de jamais rien Yoir
de pareil dans ma pratique. La malade mourut
du sept au huit. Lu partie prétendue piquée
ne présentoit pas les mêmes symptômes que
dans les deux cas précédens. On y appercevoit
seulement un point comme la tête d’une épin-
gle , tant soit peu livide.
Cliambon , dans son traité de l’anthrax , met
la piquure des araignées et des animaux veni-
meux dans la classe des causes du charbon.
Richard , dans son recueil d’observations de
Médecine militaire , rapporte plusieurs faits
analogues^ voyez tome II , p. 677. Beaucoup
d’auteurs qu’il est inutile de citer ici, viennent
à l’appui de cette doctrine , confirmée par l’ex-
périence journalière. D’autre part nous voyons
plusieurs cas de charbon facilement attribués
à la piquure des insectes, tandis qu’ils sont les
suites d’un vice interne. Voyez l’observation de
M. Aehard, rapportée dans votre Journal, n°. V.
Celle de M. de Souville, journal de Médecine
militaire , par Dehorne , Janvier 1788. Celle
de la Jourdan que nous venons de rapporter, est
peut-être dans cette classe , et beaucoup d’autres
qu’on pourroit citer : d’où il résulte, ce me sem-
ble , que le charbon se contracte de deux ma-
nières différentes , ou par la piquure , la mor-
sure d’un insecte , d’un animal irrité , ou par
les causes connues, telles que les chaleurs exces-
sives , les sucs des alimens gâtés , principale-
ment de la chair des animaux morts de cette
maladie , et des exhalaisons des corps en putré-
faction .
M. Tournatori , professeur en l’université
d’Aix, avantageusement connu par ses grandes
connoissances en Anatomie , à laquelle il s’est
livré avec la plus grande ardeur , fut attaqué ,
ÉCLAIRÉE, eCt. 1 5
✓ '
à la suite de dissections forcées faites sur des
cadavres à demi-putréliés , d’une maladie des
plus graves, dont il se tira contre i’attence de
tous les gens de l’art. Je le vis à Gémenos ,
chez M. d’Albertas, où il ëtoit venu ch auger
d’air, et datis un état qui annonçok assez com-
bien la qualité de la bile et les fonctions du
foie avoient été altérées ; dans une situation
d’ailleurs à faire tout craindre pour les suites
de sa maladie. Il m’apprit qu’il avoit eu trois
charbons, qu’il avoit regardés comme insufli-
sans pour produire une crise parfaite. Sans
vouloir discuter si ces charbons ont été vrai-
ment critiques ou symptomatiques, et s’ils n’ont
pas constitué essentiellement la maladie , on
ne peut guère douter que ce ne soit aux fré-
quentes dissections des corps à demi-putréhés ,
et à l’altération des humeurs et de la bile ,
qu’on doit rapporter la cause de ces charbons,
car ils sont en effet toujours le produit d’une
acrimonie particulière de la bile , acrimonie qui
diffère peut-être des autres , à raison des prin-
cipes ou de la proportion des principes qui
la constituent, et sur lesquels la seule chimie
pourra peut-être nous donner un jour des con-
noissances exactes et sûres. Il est très-probable
que ce n’est qu’aux diverses combinaisons , qui
se tiennent peut-être toutes par des chaînons
très - rapprochés , que la plupart des maladies
de ce genre doivent leur origine. Les obser-
vations des auteurs paroissent favoriser ce sys-
tème , ainsi que nous pourrions le . démontrer
si nous ne craignions de donner trop d’exten-
tion à ce mémoire. Mais ce qui doit, je pense ,
fixer l’attention des Médecins , c’est la diffé-
rence qui existe dans la marche de cette mala-
die , à raison de la façon dont elle a été con-
/
1 6 La Médecine
tractée. Si elle est le produit de la morsure
ou piquure d’on animal ou d’un insecte ve-
nimeux ou irrité, sa marche est des plus aiguës,
et c’en est fait du malade sion n’yporteles secours
les pins prompts. Dans le second cas, les symp-
tômes trompent quelquefois , à raison de leur
espèce de bénignité, et le malade est très-mal
sans qu’on sans doute. Pourquoi cela ? parce que
les humeurs ne se vicient alors que lentement ,
la nature s’accoutume, pour ainsi dire, à la pré-
sence d’un virus délétère qui mine sourdement
et énerve peu à peu les forces de la vie. Les
miasmes délétères qui s’introduisent dans nos
htuweurs , soit par la voie du poulrnon , soit
par la voie des alimens, sont adoucis, modifiés,
altérés par leurs mélanges avec elles j au lieuque
dans le premier cas , i’animal dépose tout son
venin sur une partie sensible et nerveuse, d’où,
le désordre se propage bientôt dans tout le
système , le venin ne peut être modifié par l’a-
bord d’aucune humeur, parce que l’irritation
de la partie dénature tout ce qui s’y porte ;
mais, mieux que tout cela , la vitalité ne donne-
t-elle pas au virus un dégré d’énergie qu’il n’est
pas susceptible de retenir après la mort. Je
crois que c’est ici la principale raison de ces
différences. L’expérience donne un grand poids
à tout ceci. Ne voit- on pas en effet tous les
jours, que les excrémens des malades, l’ha-
leine des infectés , l’ouverture d’une tumeur ,
d’une parotide , communique bien plus sû-
rement et plus promptement une maladie con-
tagieuse , que ne pourroit le faire l’ouverture
des cadavres , les exhalaisons des corps en pu-
tréfaction. Voyez ce que j’en ai dit dans mon
mémoire sur l’épidémie de la Malgue , Journal
de Médecine militaire, cahier de Janvier 1788 :
d’où
ÉCLAIB.ÉE, ©Ct»
d’où l’on est en droit de conclure que le charbon
est toujours le produit d’une âcreté ou d’un
virus animal , auquel la vitalité donne un plus
grand degré de force et d’énergie.
IL Observations sur la fièvre puerpérale , spécia-
lement telle qu'elle s’est présentée à l’hôpital
des femmes en couches de Dublin > par
M. Clarke. ( Medical commentâmes for the
year ijgo. vol. V. Edinburg. ijcji).
M. Clarke entend par fièvre puerpérale , une
maladie qui attaque en général les femmes le
second et le troisième jour après l'accouche-
ment. Ses symptômes ordinaires sont des fris-
sons , une douleur aiguë dans quelque partie de
la cavité abdominale , avec une extrême sensi-
bilité au toucher , un pouls accéléré , et enfin
une distension considérable de l’abdomen.
Il se présente quelquefois , durant les cou-
ches , des symptômes un peu analogues , et
qui continuent d’être alarmans jusqu’à ce que
les intestins aient été évacués par les purgatifs.
Il est par conséquent difficile au commence-
ment de distinguer une fièvre puerpérale des
accumulations des matières fécales dans le con-
duit intestinal, sur- tout si elles sont jointes à
une fièvre éphémère.
Quand les symptômes rapportés ci - dessus
continuent au-delà de vingt-quatre heures , ce
qui est la durée ordinaire d’une fièvre éphémère ,
et après l’administration des purgatifs , M.
Clarke regarde l’existence de la fièvre puerpé-
rale comme absolument constatée , et on sait
qu’elle devient funeste à la grande majorité des
femmes qu’elle attaque. Cette maladie a fait
l’objet de plusieurs traités, tant en France qu’en
Tome III. N°. Ier* JS
i8 La Médecine
Angleterre , et M. Clarke ne publie aujourd’hui
ses observations que parce que les opinions des
Auteurs lui paroissent différer si sensiblement ,
soit pour la théorie; , soit pour le traitement de
cette fièvre , que le Médecin sans expérience sait
encore à peine la route qu’il doit tenir. En outre
les Auteurs ont perdu de vue , et presque passé
sous silence , les moyens d’arrêter les progrès de
cette maladie dans les hôpitaux ou même de
prévenir entièrement son existence : c’est sur
ces objets que M. Clarke se propose de répan-
dre quelque lumière par les nouvelles observa-
tions qu’il publie.
Il rappelle différentes épidémies de fièvres
puerpérales qui ont régné dans les hôpitaux des
femmes en couche , soit de France , soit d’An-
gleterre , et il s’arrête sur-tout aux deux der-
nières qui ont régné dans l’hôpital de Dublin ,
parce qu’il en a dirigé le traitement ; son objet
n’est point de donner une nouvelle description
de cette maladie 3 qui a fait déjà la matière de
plusieurs traités ou mémoires particuliers. Il se
borne à rapporter quelques faits à titre de sup-
plément.
Durant le printemps de 1787 la température
de l’air fut en général très-froide , avec des vents
très-piquans d'est et de nord-est. Les maladies
inflammatoires furent dominantes , sur-tout les
rhumatismes aigus. Les affections de la poi-
trine furent très- vives , et on fut obligé d’avoir
recours à des saignées répétées ^ sur-tout dans
les mois de Février et de Mars. O11 observa en
général que le rétablissement étoit lent , ce qui
etoit d’autant plus malheureux qu’il se présen-
toit beaucoup de pauvres femmes à cause de la
rigueur de l’hiver. On fut obligé , contre l’usage
ordinaire , d’en mettre deux dans un lit plutôt
que de les renvoyer ailleurs.
ÉCLAIRÉE, etC. 19
Il s’étoit déjà passé un temps considérable
sans qu’on eût peint et blanchi les chambres. M.
Clarke crut que cette circonstance con tribu oit
à la lenteur du rétablissement des malades , et
il s’adressa aux administrateurs de cet hôpital
pour en obtenir cette réparation. On fut obligé
d’attendre par le défaut des fonds de charité ,
et c’est dans ces circonstances que la fièvre puer-
pérale se déclara de la manière la plus funeste.
La première femme en fut attaquée le 18 de
Mars , et la seconde le 3i ; la troisième , le 3
Avril ; la quatrième , le 7 $ la cinquième , le 10 ;
la sixième , le 11 ; il y en eut deux le 14 , (Jeux
le i5, et une de plus le 17. C’est vers le milieu
d’ Avril que ses progrès furent très-rapides et
que l’épidémie se déclara- de la manière la
moins équivoque.
Les symptômes de cette fièvre étoient si cor-
respondais avec ceux que le docteur Hulme a
décrits , que M. Clarke a cru devoir se borner
à quelques légères remarques sur cet objet. Elle
commençoit toujours par un sentiment de froid
ou des frissons. La douleur dans la cavité de
l’abdomen n’étoit pas plus fixe dans un endroit
que dans un autre. Il n’y avoit point une sensi-
bilité assez vive pour être affecté par des causes
aussi légères que la compression des draps du
lit. Il n’y avoit que peu ou point de vomisse-
ment dans les diverses périodes de la maladie ;
il n’y avoit point de déliré et on n’appercevoit
aucun signe marqué de putrescence. Le pouls
faisoit éprouver depuis cent- vingt jusqu’à cent-
quarante batteméns par minute. L’écoulement
des lochies et la secrétion du lait n’étoient sou-
mis à aucune loi générale. Quelquefois ils con»
tinuoient avec régularité pendantquelque temps,
et d’autrefois ils étoient supprimés dès le début
B a
20
La Médecine
de la fièvre. M. Clarke n’a point apperçu qu’ils
fussent plus dérangés dans ce cas que dans toute
autre maladie où la circulation du sang est éga-
lement altérée.
L’ouverture des corps de celles qui ont suc-
combé à cette fièvre n’a point offert de résultats
diffère ns de ceux qui ont été remarqués parles
Auteurs qui ont suivi le cours de cette maladie
dans les hôpitaux. Dans tous les individus l’épi-
ploon a paru enflammé , mais sans offrir de
gangrène. M. Clarke est porté à croire, d’après
des faits nombreux , que les Auteurs qui ont
parlé de la gangrène de l’épiploon ou d’autres
parties de l’abdomen, avoientlaissé les cadavres
trop long-temps sans procéder à leur ouverture.
Dans toutes les dissections , le péritoine parut ex-
traordinairement vascrdeux et enflammé. Après
l’épiploon les ligamens larges de l’utérus , le
cæcum et la partie joignante du colon , ont paru
avoir le plus souffert de l’ inflammation. On a
toujours trouvé un fluide jaune, plus ou moins
trouble et quelquefois fétide , qui flottoit parmi
les intestins ; des grumeaux de matière puru-
lente coagulée , des adhérences par inflamma-
tion entre les intestins , etc. Dans aucun cas
les apparences de l’inflammation n’ont paru pé-
nétrer plus profondément que la tunique du pé-
ritoine ou. quelqu’un des viscères de l’abdomen
ou du bassin.
La supposition la plus probable qu’on ait faite
jusqu’ici de la cause prochaine de cette.maladie,
est qu’elle consiste dans une inflammation du
péritoine , et par conséquent le nom nosologi-
que de péri lonitis lui a été donné par le docteur
Forster. Sans doute que l’épiploon souffre da-
vantage de l’inflammation, parce qu’il est com-
posé de quatre replis ou d’un quadruple péri-
21
ÉCLAIRÉE, etC.
toine. Après l’épiploon , les cluplicatüres clu
Îiéritoine sont les plus affectées , sur-tout les
igamens larges de l’utérus.
La plupart des femmes qui furent attaquées
de la fièvre puerpérale avoient été reçues dans
un état de foiblesse et avoient eu des couches
tardives et fatigantes. Parmi celles qui mou-
rurent, il y en avoit quatre qui étoient -primi-
pares. Deux parurent malades durant tout le
travail et continuèrent de l’être ainsi , sans in-
termission , après l’accouchement. Une d’elles
mourut en trente-six heures , et l’autre vécut
jusqu’au sixième jour. 11 y en eut qui furent
attaquées le second jour après l’accouchement,
et qui moururent le septième , c’est-à-dire après
cinq jours de maladie. Une des femmes fut
attaquée le quatrième jour, et mourut le dixième.
Une autre fut visiblement attaqiîée le neuvième
jour , dans le moment qu’elle étoit assise auprès
d’un bon feu , et elle mourut le douzième jour.
Malgré la courte durée de cette maladie , on
trouva depuis cinq jusqu’à six livres d’un fluide
jaunâtre fétide qui flottoit dans la cavité de
l’abdomen, et beaucoup d’adhérences produites
par rinflammation.
On peut voir , d’après ce qui a été rapporté
ci-dessus du progrès et des circonstances de la
maladie , qu’elle tire son origine d’une conta-
gion (i) locale et non d’aucune émanation ré-
(i) Le premier étage de l’hôpital dans lequel sont les
femmes en couche est séparé en quatre grandes divisions ,
chacune desquelles consiste dans une grande chambre
et deux petites. La première contient sept lits et les au-
tres deux lits chacune. A chaque division il y a un infir-
mier et une garde. M. Clarke fait remarquer que dins
une de ces divisions il ne perdit point une seule femme
par la fièvre puerpérale , pendant que la mortalité dans
B 3
22 La Médecine
pandue dans l’atmosphère. D’après ces vues on
fît fermer les deux grands compartimens où la
fièvre puerpérale avoir. le plus régné , en faisant
transporter ailleurs les malades. Les murs et le
plancher des chambres vides furent blanchis
sans délai. Tout le bois des lits fut peint , les
couvertures et tout ce qui pouvoir être lavé fut
nétoyé avec soin , et le reste fut exposé à l’air
ouvert pendant plusieurs jours. On allumoit de
grands feux pendant le jour ^ et la nuit on lais-
soit les fenêtres ouvertes. On se comporta de
la même manière pour tous les autres apparte-
nions qui a voient été occupés par des malades.
Les suites de cette pratique furent très-favo-
rables , et l’hôpital devint très- sain. Durant le
reste de l'année, sur neuf cents soixante femmes
qui vinrent y accoucher , on n’en perdit que
trois, et deux fie celles-là avoient mis au jour des
jumeaux., ce qui diminue toujours la chance du
rétablissement de la mère.
Durant les dix premiers mois de l’année 1788
on accoucha dans l’hôpital 1260 femmes , et sur
ce nombre il n’èn mourut que i3 ; mais il faut
remarquer que plusieurs furent reçues dans un
état dangereux de maladie , et que deux même
étoient mourantes à leur entrée. Dans de pa-
reilles circonstances la perte d’environ une sur
cent ne peut point être regardée comme consi-
dérable Sur le s treize qui succombèrent , au-
cune cependant ne mourut de fièvre puerpérale.
Le 18 Novembre une femme fut attaquée de
cette fièvre. Le 8 Décembre une autre le fut
aussi j il y en eut deux le 21 , une le 2 3, une
les trois autres étoit presqu'égale . quoiqu’on somme il y
eut un plus grand nombre de femmes malades dans les
deux divisions qui avoient leur aspect au midi.
ÉCLAIRÉE, <3tC. 2,3
le 28 , une autre le 29, une le 3i , une le 3
Janvier, une le 6, deux le îj et une le 16.
Chacune de celles dont la lièvre puerpérale pa-
rut, avec ses symptômes caractéristiques, en
périt , pendant que sur cinq cas où ces symp-
tômes furent douteux , aucune des femmes 11e
succomba.
Depuis le 18 Décembre jusqu’au 2,3 Janvier
treize femmes furent affectées des symptômes
d’une fièvre générale sans aucune apparence
d’affection locale dans l’abdomen. Cette lièvre
se prolongea au-delà de la durée d’une lièvre
éphémère. Deux femmes en périrent , l’une le
huitième et l’autre le dix-septième jour de l’at-
taque. M. Clarke attribue ces affections fébriles
aux craintes et aux alarmes qu’avoit excitées
la mort des autres femmes qui avoient succombé
à la lièvre puerpérale.
Les symptômes de cette fièvre épidémique
11’ont point différé essentiellement de celle de
1787. Dans plusieurs cas la douleur de l’ abdo-
men et sa distension étoient moins fortes ,
ce qui rendit dans quelques cas la maladie plus
longue. Les jours de l’invasion de la fièvre
lurent dans l’ordre suivant. Une en fut atta-
quée quatre jours avant l’accouchement, une
autre le jour même de l’accouchement ; huit en
furent attaquées le second jour et une le troi-
sième. Quant aux jours de la mort , deux péri-
rent le deuxième jour de la maladie, trois le
quatrième , deux le cinquième ; une le septième ,
deux le huitième, une le dixième, une le on-
zième , et une le douzième.
Dans plusieurs de ces cas l’estomac et les in-
testins offrirent des degrés extraordinaires d’in-
sensibilité aux opérations des médicamens. Une
de ces malades prit du tai tre émétique en disso-
B 4
$4 L a Médecine
lution jusqu’à la quantité rie seize grains, avant
qu’elle en éprouvât aucun effet émétique. Une
autre prit jusqu’à quarante-cinq grains d’ipéca-
cuanlia à des doses de sept grains et demi cha-
cune d’heure en heure , pour en sentir le même
effet. Souvent on a été obligé de seconder l’opé-
ration de l’ipécacuanha avec une solution de
tartre émétique , comme le recommande la so
ciété de Médecine de Paris. Dans un petit
nombre de cas , les purgatifs les plus doux
n’ont point produit d’effet sur les intestins , et
on a été obligé d’avoir recours à un extrait ca-
thartique et au calomel , aux cly stères irritans
de décoctions de senné , de tabac, etc. Une
pareille insensibilité doit être toujours considé-
rée comme un grand dérangement dans les fonc-
tions du système nerveux (1). Quelques ma-
lades durant l’épidémie ont été attaquées de
délire avant la mort.
Ayant observé , d’après les faits historiques ,
que la fièvre puerpérale ne paroît guères dans
les hôpitaux plus d’une fois dans dix ou douze
ans , ,M. Clarke n’attendoit pas son retour dans
l’espace de douze mois. Les premiers deux ou
trois cas furent considérés comme accidentels.
Cependant observant que la mortalité conti-
nuoit ^ quoique lentement, il commença à soup-
çonner que les lits ^ par l’usage non interrompu
qu’on en faisoit , avoient acquis quelques qua-
lités nuisibles ; mais comme ils avoient été né-
Ci) Cette épidémie eut cela de remarquable, que la
chambre exempte de la maladie durant la première épi-
démie de 17S7 , étoit maintenant celle où il y avoit le plus
de malades, et qn’au contraire , celle qui alors en avoit
le plus se trouvoit la plus salubre en a 7B3 , quoique sous
Jes soins des mêmes gardes.
ÉCLAIRÉE, eCt. 2,5
toyés quelques mois auparavant , il crut qu’en
exposant les paillasses à un feu violent et à l’air
ouvert, elles seroient assez purifiées. Les couver-
tures, les matelas , etc. furent aussi ventilés. Ces
mesures servirent à produire quelques intervalles
insidieux , durant lesquels la maladie parut se
calmer. Enfin on fut obligé d’en venir aux pro-
cédés dispendieux et incommodes de blanchir ,
de peindre , ect. et on en obtint le plus heu-
reux effet. Sur cent cinquante femmes en cou-
ches, qui furent introduites dans l’hôpital après
cette réparation , il y en eut à peine une qui eut
une maladie sérieuse , et ce séjour lut également
salubre le reste de l’année.
Le docteur Youns; , d’Edimbourg , recomman-
de les memes précautions d apres sa propre
expérience. Toutes les fois donc que trois ou
quatre femmes meurent de fièvre puerpérale
dans peu de temps , on doit soupçonner une
infection locale , sur-tout clans l’édifice , et on
doit prendre aussi-tôt les mesures les plus vi-
goureuses pour arrêter ainsi cette maladie.
Pourquoi néglige-t-on de les prendre en France
et en Angleterre ?
Pour prévenir le développement de cette infec-
tion, il n’y a pas de doute que les lits des femmes
en couche qui sont dans un usage non interrompu
ne doivent être soumis à la réparation dont on
vient de parler toutes les années. Dès qu’une
femme est morte , on doit à l’instant ôter tout
ce qui servoit pour son lit , et ne le replacer
qu’ après l’avoir nétoyé. Toutes les fois qu’une
chambre est vide pour deux ou trois jours ,
ses lits doivent être défaits et exposés à un cou-
rantd’air nuit et jour, au lieu du procédé ordi-
naire, qui consiste à remettre la couverture , etc.
Peut-être même qu’il seroit nécessaire d’avoir
dans l’hôpital un appartement au-delà de ceux
-2.6 La Médecine
qui sont nécessaires pour le service de l’hô-
pital 5 on pourroit ainsi , à tour de rôle , laisser
chacun de ceux qui sont employés se reposer
deux ou trois semaines et le purifier comme
on le jugeroit convenable. On préviendroit
ainsi les suites pernicieuses d’un usage non
interrompu des mêmes lieux. On pourroit
ainsi empêcher les fièvres puerpérales épidé-
miques.
Plusieurs Auteurs ont assuré que la fièvre
Puerpérale n’attaque jamais les femmes qu’ après
accouchement ; mais M. Clarke dit avoir vu des
cas dans lesquels il étoit manifeste que la ma-
ladie avoit existé avant l’accouchement , et
Pexamen anatomique a fait voir après la mort
toutes les apparences qu’on trouve ordinaire-
ment après cette fièvre. Il a vu un cas de cette
nature en 1782, , et la malade périt trente-six
heures après l’accouchement. Un second cas
dé cette nature eut lieu en 1786, et la femme
expira deux heures après un accouchement
long et fatiguant , avec des signes d’épuisement,
lün ouvrant le lendemain la cavité de l’abdo-
men , on y trouva les effets ordinaires d’une
fièvre puerpérale très-distinctement marqués.
M. Clarke fait peu de remarques sur les mé-
thodes de traitement employées jusqu’à ce jour.
La saignée ,, qui est fortement recommandée
par MM. Leake , Denman et autres , n’a paru
jamais utile à M. Clarke , excepté dans un petit
nombre de cas 011 il y avoit une complication de
péripneumonie et depéritonitis (inflammation du
péritoine ) , et même dans ces cas la saignée n’a
fait que calmer la violence des symptômes.
L’ipécacuanha , administré comme le recom-
mande la société de Médecine de Paris, semble
quelquefois être très- avantageux , et dans d’au-
tres cas n’être d’aucune utilité. Comment peut-
ÉCLAIRÉE , etC.- 27
on en. rendre raison ? on conseille d’en donner
sept grains et demi lorsque le malade est atta-
qué d’un frisson , et de ie répéter à laT même
dose dans une heure. Maintenant on peut as-
surer que lorsqu’une femme eu couche a un
frisson , personne ne peut dire si la maladie est
une fièvre éphémère ou une fièvre puerpérale.
Dans le premier cas , on aura produit en appa-
rence la guérison. Dans le second cas, cette
substance aura rarement un effet permanent.
Lorsque Pipécacuanha opère comme laxatif et
comme émétique , ce qui arrive souvent , on
trouvera qu’il produit des effets plus heureux
que quand il n’agit qu’à titre d’émétique 5 mais
il est si loin de guérir dans tous les cas , que M.
Clarke ne craint point d’affirmer que sur dix
cas il ne réussit pas un , lorsque la maladie est
épidémique Dans un cas il a fait employer plus
de trois onces et demie d’ipécacuanha, suivant le
précepte de la société de Médecine , et cependant
jamais la mortalité n’a été si grande que durant
ce mois.
Les purgatifs salins et les fomentations sur
la cavité de l’abdomen , comme le conseille M.
Forster, et comme on le pratique à Dublin , for-
ment les remèdes sur lesquels on doit le plus
compter pour la guérison de la fièvre puerpé-
rale. Mais M. Clarke n’est nullement de l’avis
de M. Forster qui dit ce qu’il n’y a point de
maladie dans laquelle le danger soit aussi
33 grand et qui cède si facilement aux remèdes,
33 c’est-à-dire que tous les symptômes dange-
33 reux se dissipent presque constamment par
33 l’usage répété et commencé de bonne heure
33 des remèdes qu’il recommande 33. M. Clarke
dit que son expérience est contraire à ces asser-
tions. Il ajoute que lorsque la maladie est épi-
démique , aucune méthode de traitement con-
è8 i A Médecine
seillée jusqu’à ce jour n’a produit une guérison
sur cinq cas de maladie. Au contraire , lorsque
la maladie provient de causes accidentelles qui
causent l’inflammation , il y a lieu d’attendre
un heureux succès , en persévérant constam-
ment quelques jours dans la méthode employée
par M. Forster.
C FI I R U K G I E.
Observation sur un cancer à la lèvre inférièurè ,
par M. Lacroix ^ ancien élève de l’Ecole pra-
tique de Paris.
« L’extirpation d’une tumeur cancéreuse , dit
3? M. Louis , est assurément le seul moyen de
33 guérir celui qui a le malheur d’en être atta-
3> qué ; mais il faudroit quand les tumeurs
33 ont une certaine étendue , ne faire cette opé-
33 ration que pour sauver la vie et ne pas pré-
33 tendre corriger la difformité , sur-tout par
33 des moyens qui irritent les parties et qui at-
33 tirent presque nécessairement les accidens
« qu’un autre procédé pourroit éviter 33. On
sait que par ces moyens, qui irritent les parties ,
M. Louis entend les sutures , et qu’il en a pro-
noncé la proscription générale dans le tome
douzième des Mémoires de l’Académie Royale
de Chirurgie. Je vais rapporter une observa-
tion qui répand de nouvelles lumières sur les
deux points chirurgicaux qui viennent d’être
énoncés. Elle fait voir que le Chirurgien ne doit
pas désespérer de corriger la difformité extrême
qui résulte de l’extirpation d’une tumeur can-
céreuse de la lèvre , et elle met au jour un
moyen ingénieux et simple d’y remédier ; elle
montre aussi que pour compléter la guérison
de la plaie , rien ne pouvoit suppléer à la suture
ÉCLAIRÉE, eCt. 29
entortillée que M. Louis cherche à proscrire, ou
du moins elle offre un de ces cas extraordinaires
de son heureuse application , que le même
auteur disoit ne lui être pas possible de prévoir.
François Dubois, dragon au ci-devant régi-
ment de Lorraine , âgé de ans , d’une bonne
constitution, fut atteint en 1788, n’ayant ja-
mais éprouvé de maladie et sans cause connue ,
d’une petite gerçure à-peu-près dans le milieu
du bord libre de la lèvre inférieure ; ce mal ,
plus inquiétant que douloureux , fut supporté
pendant deux années sans quë le malade s’ap-
perçût qu’il fît le moindre progrès. Au bout de
ce temps, sollicité par son épouse, il eut re-
cours à un Chirurgien qui lui conseilla d’ap-
pliquer sur la lèvre des feuilles de cochléaria :
dès le lendemain il survint de la douleur et un
peu de chaleur dans la partie ; on réitéra néan-
moins plusieurs jours de suite cette application
qui aggravoit de plus en plus les accidens. Il
alla consulter un autre Chirurgien, qui lui pro-
mit une guérison aussi prompte que certaine
s’il vouloit se soumettre au traitement par un
caustique qu’il disoit être de sa composition ;
celui-ci y consentit deux fois , après lesquelles
l’ulcère fut en partie détruit , et avec lui une
portion saine de la lèvre.
Le malade , effrayé des ravages du caustique ,
vint à Paris prendre avis de plusieurs gens de
l’art ; un petit nombre proposa l’opération ou
extirpation de la lèvre , tant à cause de l’aspect
hideux de la maladie qu’à raison de la diffi-
culté qu’il y auroit à obtenir la réunion , après
une perte de substance aussi énorme. Malgré
cette disparité dans les opinions , M. Chopart ,
Chirurgien en chef de l’Hospice du Collège de
Chirurgie , reçut le malade dans cet hôpital le
3 o la Médecine
2.6 de juillet 1791. Pendant la première huitaine
de son séjour , il ne lui fit prendre que quelques
bains, en y joignant des lotions sur la lèvre avec
l’eau végéto-minérale. Le mal paroissoit cepen-
dant s’étendre ; on voyoit augmenter l’engor-
gement de la glande sous-maxillaire droite ,
ainsi que le gonflement de l’os de l.a mâchoire
infé rieure. Tant de symptômes fâcheux exi-
geoient qu’on prît un parti 5 on se décida pour
l’extirpation , quoique avec l’incertitude de
pouvoir rapprocher les bords de la plaie. L’é-
tendue de l’ulcère devoit le faire craindre , car
il avoit son siège à trois lignes de la commis-
sure gauche , dans toute la hauteur et l’épaisseur
de la lèvre , y compris la houppe du menton ; se
portoit à droite , s’étendoit en dehors et en
arrière à six lignes de la commissure droite ,
laquelle étoit tuméfiée , rouge et très-sensible.
Lé malade fut préparé à l’opération suivant
l’usage ordinaire , et opéré de la manière sui-
vante , le 14 août , vingt-sixième jour de son
entrée à l’Hospice. Assis sur une chaise , un
drap passé autour du cou et sur la poitrine ,
Ïjour le garantir du sang , sa tête appuyée sur
a poitrine d’un aide qui la fîxoit , avec ses
mains placées sur les tempes 5 un second aide
saisit la commissure gauche , et le Chirurgien le
milieu de la lèvre, qu’il incisa avec un bistouri
du haut en bas , et obliquement de dehors en
dedans , tout près de la partie affectée , jus-
qu’au bord inférieur de l’os de la mâchoire. Le
même aide ayant repris la lèvre supérieure , le
Chirurgien saisit le lambeau résultant de cette
première incision , et coupa en dedans, à quatre
lignes de la commissure droite , la lèvre supé-
rieure , continua son incision autour de l’en-
gorgement qui occupoit la commissure et sur
ÉCLAIRÉE, etC. 3l
la lèvre inférieure clans toute sa hauteur , jus-
qu’à ce qu’il eût rencontré , le long du bord in-
férieur de la mâchoire , la fin cle la première
division. La houppe du menton qui se trouvoit
comprise entre les deux sections , fut détachée
ensuite , parce qu’elle étoit infectée du même
virus. La plaie bien nétoyée , on excisa plu-
sieurs tubercules situés au-devant de la gencive.
L’opération avoit été faite suivant toutes les
règles de l’art ; mais la difformité qui semblait
devoir en résulter nécessairement , offroit le
grand inconvénient dont parle M. Louis dans
son mémoire sur l’opération du bec de lièvre ,
puisque par cette perte de substance toutes les
dents , en comptant de gauche à droite , depuis
, la dernière grosse molaire jusqu’à la seconde
grossé molaire du côté droit , étoient à décou-
vert, et avec elles toute la face antérieure de
l’os maxillaire inférieur. M. Chopart tanta
cl’aborcl et exécuta la réunion au moyen de
deux aiguilles , comme dans l’opération du bec
de lièvre. Mais il restoit encore une difficulté
bien plus grande à surmonter : la figure qu’on
avoit été forcé de donner à la plaie offroit une
perte de substance au-devant de la portion
carrée du menton que la peau , trop peu exten-
sible dans les environs, ne pouvoit permettre de
recouvrir. C’est dans cette circonstance que le
Chirurgien eut l’idée ingénieuse de faire servir
nne partie des tégmnens du cou pour remplir
le vide qui avoit été formé par l’extirpation de
l’ulcère et du menton. Alors, par deux incisions,
dont l’une se clirigeoit verticalement sur la partie
supérieure du cou , et l’autre transversalement,
sur un bourelet formé par les tégumens vers la
fin du corps de la mâchoire , on a eu un lam-
beau qu’on a disséqué , ramené de bas en haut
3z La Médecine, etc.
et étendu sur le menton , où il a été maintenu
par deux points de suture simple. La réunion
étant complette , on a appliqué l’appareil en
usage après cette espèce d’opération. Le malade,
mis dans son lit , ne manifesta que de légères
souffrances ; on lui prescrivit la diète et des
lotions faites sur la face avec l’eau végéto-
minérale. Le lendemain , comme il étoit sans
fièvre et qu’il ne se plaignoit que de douleurs
extérieures à la tête , on lui permit quelques
bouillons. Le deuxième jour on lui donna du
ris ; le même régime fut observé le troisième ,
où l’on releva l’appareil. Le septième , les
parties étant bien unies , on coupa les deux
f>oints de suture simple. Le huitième, on retira
’aiguille inférieure, et l’on repansa à l’ordinaire.
Le dixième , M. Chopart ayant apperçu , dans
l’endroit d’où il avoit retiré l’aiguille , un écar-
tement par lequel s’écouloit la salive mêlée à
du pus , il traversa , avec une aiguille dirigée
obliquement de gauche à droite , la partie de
la lèvre réunie et l’angle du lambeau qui étoit
lia les extrémités de l’ai-
maintint les parties rap-
Le douzième , on ôta les deux aiguilles , et
la réunion se trouva faite 5 on continua cepen-
dant plusieurs jours de suite à appliquer un
bandage contentif Le succès de l’opération ,
quoique entier, n’empêchoit point les progrès
du gonflement de la mâchoire qu’enyain on a
voulu combattre par des frictions mercurielles
sur la partie , et une tisane appropriée. Le
malade est sorti de l’hôpital , sa plaie parfai-
tement cicatrisée , mais avec une tuméfaction
excessive à l’os maxillaire inférieure , qui fait
craindre une suite dangereuse de cette maladie.
® • * * r v- D
écarté , puis il en tort
guille avec un fil qui
prochées.
33
( N°. I I. )
PHYSIQUE.
Expérience en preuve de la différence d’ap-
titude de la pointe , pour lancer et l'ecevoir
explosivement la matière électrique ; par
M. Chappe.
Cj’est une opinion reçue parmi les Physiciens,
que la pointe a la même aptitude , et pour re-
cevoir et pour lancer le fluide électrique ; cette
opinion , consacrée par l’autorité d’une foule de
savans, ne paroît pas conforme à l’expérience qui
suit.
Expérience. A l’extrémité d’une des tiges de
l’excitateur universel , vissez une boule d’un
pouce et demi de diamètre.
Adaptez une pointe très-aiguë à l’autre bran-
che } la pointe placée à distance de sept à
huit pouces de la boule , faites communiquer
avec la garniture extérieure d’une forte bou-
teille de Leyde ou batterie , l’anneau de la tige
porte-boule ; puis chargez cette batterie par
excédent ; dans cet état , si l’on provoque la
décharge en portant brusquement, vers le con-
ducteur de la machine électrique , un excitateur
lors de sa communication avec l’anneau de la
tige porte - pointe , une étincelle énergique se
détache de la pointe , franchit l’espace avec
éclat , et de ce choc violent résulte un équilibre
parfait entre les deux surfaces garnies.
Présentement, donnez à l’excitateur universel
une position différente de la première , en
faisant communiquer la tige porte-pointe avec
la garniture extérieure de la batterie , de ma-
nière que le fluide électrique puisse affluer de
la boule vers la pointe.
Dans ce cas , point de choc par l’applica-
Tome III. N®. IL G
34 La I,ï d e c i n e
tion de l’excitateur , quelque chargée que soit
la batterie ; l’équilibre s’établit paisiblement.
On parvient à la distance explosive par la
réduction de l’espace compris entre la boule
et la pointé ; cette réduction paroît suivre les
rapports du diamètre des boules ; plus il aug-
mente , moins la distance est grande.
La boule de l’expérience précédente n’arrive
à distance explosive que dans l’approximation
de quatre pouces., différence prodigieuse qui
tient à des causes que je développerai dans un
mémoire particulier.
La sphère d’attraction des pointes étant in-
comparablement moins étendue que leur sphère
d’expulsion , il en résulte les conséquences qui
suivent :
i°. Que les pointes dressées sur les édifices ,
la cîme des arbres et tous les corps saillans
dans l’atmosphère , qui offrent un accès facile
au fluide électrique , sont plus ou moins en
but à l’action de la foudre , selon qu'ils exer-
cent leur pouvoir sur un système de nuage
positif ou négatif.
20. Que les coups de foudre les plus fré-
quens et les plus redoutables dans leurs effets ,
sont ceux qui , s’élevant subitement de la terre
à la faveur des corps pointus , vont frapper
les nues; phénomène observé depuis long-
temps par plus d’un Physicien , mais dont la
cause restoit ignorée. L’abbé Chappe , mon
oncle , a eu occasion de recueillir plusieurs
observations semblables dans un voyage qu’il
fit en Californie en 1769 : cet illustre martyr
des sciences nous a laissé des détails aussi
curieux que savans sur plusieurs phénomènes
de la foudre.
3°. Que les violens et fréquens orages doivent
é c i a i a é e, ect. 35
particulièrement se faire sentir dans les pays
de montagnes et de forêts j c’est ce que l'ex-
périence nous apprend.
Ainsi , il paroît constant qu’un corps pointu ,
élevé clans l’atmosphère, peut souvent provo-
quer la foudre en favorisant son émission vers
la nue orageuse , bien, loin de l’enchaîner , en
l’épuisant insensiblement $ cet effet doit avoir
lieu toutes les fois qu’un nuage , dépouillé subi-
tement de son électricité propre , se trouve „
dans cette rupture d’équilibre , à distance ex-
plosive d’un corps pointu en communication
avec la terre : dans ce cas , le paratonnère ne
pourroit être un moyen préservatif contre les
funestes effets de la foudre , qu’ autant que le
conduit de décharge seroit de grosseur conve-
nable et communiqueroit parfaitement avec le
réservoir commun , encore il se pourroit qu’on
ne fût pas entièrement à l’abri de ses atteintes.
En effet , comment éviter l’expansion laté-
rale et le choc en retour qui résulteroit de la
pression élastico-électricjue , lors du passage du
trait fulminant , à travers le conduit de dé-
chargé , sur-tout si la masse électrique étoit
prodigieuse. Cette objection , assez impor-
tante , mérite d’être réfléchie.
Une pointe communicant à un système po-
sitif, transmet donc une explosion à une dis-
tance bien plus grande que celle à laquelle
elle peut la recevoir , lorsqu’elle communiqué
à un système négatif ; c’est sur cette différence
que j’ai établi un appareil propre à distinguer
les deux espèces d’électrisation, et à déterminer
d’une manière précise , la différence d’aptitude
qu’ont les pointes , pour lancer ou pour rece-
voir en masse la matière électrique.
L’instrurnent dont il est question est un petit
Ç a
I
36 La Medecine
bocal doublé d’une feuille d’étain aux deux
surfaces , jusqu’à la moitié de sa iiauteur.
Au fond et au centre de ce bocal est établie
une pointe très-aiguë 5 elle communique par-
faitement avec la garniture. Un bouchon tra-
versé par un tube de verre ferme l’orifice du
bocal -, dans l’intérieur du tube est une échelle
graduée ; et â son extrémité est mastiqué un
écrou qui reçoit une tige de cuivre , dont la
partie supérieure est terminée en pointe et l’in-
férieure par une boule bien polie.
Il est indispensable d’enduire de plusieurs
couches de vernis à la cire d’Espagne le tube
de verre , les deux tiers de la boule , la tige
jusqu’à la pointe et l’intérieur du bocal , à
l’exception de la partie opposée à la pointe et
à la boule , afin de pouvoir observer le jeu du
fluide électrique.
Voilà l’instrument 5 voici la manière de s’en
servir :
Placez la boule à distance convenable de la
pointe ; chargez le bocal extérieurement , et à
l’aide d’un excitateur , établissez communica-
tion entre les deux surfaces, et vous verrez la
pointe sous-tirer paisiblement le fluide électri-
que : chargez maintenant le bocal d’une manière
inverse j avant que le bout de l’excitateur soit
en contact avec la pointe , une forte étincelle
se manifestera à son sommet $ ainsi rien de
plus facile que de distinguer les deux espèces
d’électrisation. La présence de l’étincelle à
l’approche de l’excitateur est donc un signe
certain et invariable de Pélectrisation positive ,
et son absence un signe contraire : on pourra
s’assurer de la différence d’aptitude de la pointe
pour lancer et attirer la matière électrique , au
moyen de l’échelle de division pratiquée à la
partie supérieure du tube.
ÉCLAIRÉE, eCt. 87
Cet instrument , quoiqu’assez simple , ne
peut remplir son objet qu’ autant qu’il est exé-
cuté avec justesse et précision ; il est sur-tout
bien essentiel d’éviter la moindre humidité. On
trouvera cet appareil chez MM. Dumotier ,
rue du Jardinet.
MATIÈRE MÉDICALE.
Notice sur le suc qui fournit la gomme élastique ,
extraite d' un mémoire lu à la société d' A-
griculture de Paris , par M. Fourcroy.
La gomme ou résine élastique sert à un grand
nombre d’usages. Dans les pays où croissent les
arbres qui la fournissent , elle est employée à
faire des torches, et on la brûle comme de la
cire, ou plutôt comme de la résine : aussi quel-
ques chimistes ont-ils proposé de la nommer
résine élastique , en l’appliquant liquide sur des
moules de terre et en la laissant évaporer à
l’air , on en fait des vases de formes et de. gran-
deurs variées , destinés à contenir toutes sortes
de liqueurs. L’industrie européenne a trouvé
dans cette matière une ressource de plus pour
fabriquer des instruments de chirurgie , qui pus-
sent contenir quelques par ties sans opérer une
compression trop forte , et en se pliant à tous
les inouvemens, à toutes les flexionsque ces par-
ties exécutent. Les mécaniciens et les physiciens
tirent aussi 11.11 grand parti de cette substance ;
elle fait aujourd’hui fonction de ressort dans les
machines ; on l’étend sur les étoffes de lil et de
soie qulelle défend de l’impressiou de l’eau ,
en leur conservant de la flexibilité.
Jusqu’actuellement on n’a reçu cette matière
que sous la forme solide , et il a fallu trouver
j 3
38 Ï,A MËnËfcîNE
les moyfens de la ramollir, de la dissoudre , pour
la faire servir à un plus grand nombre d’usages.
Onsaitquepresquetoujoursc’estauxdépensdc ses
propriétés qu’on lui a fait subir ces cliangemens.
Il y a plus de dix aïis que , pour connoître s’il
ne seroit pas possible de l’employer ici comme
on le fait dans nos colonies d’Afrique et d’A-
mérique , je demandai qu’on me l’envoyât li-
quide , et telle qu’elle découle des arbres qui
la fournissent. J’en ai obtenu, il y a six ans,
une pinte , par les soins de M. Melon , ancien
commissaire du roi à i’île de Bourbon , et j’ai
reconnu dès-lors que mes vues pourroient être
remplies quelque jour. La société d’ Agriculture
en ayant reçu une bouteille au mois de juillet
de cette année , et m’ayant chargé d’en examiner
les propriétés , j’ai repris les expériences que
j’avois faites auparavant sur cette matière , et
j’ai eu occasion de confirmer les premiers ré-
sultats que j’avois déjà obtenus j c’est de ces
résultats , immédiatement applicables aux arts ,
que je m’occuperai dans cette notice , car on
verra que je suis bien éloigné d’avoir complété
l’analyse de cette substance singulière ; il auroit
fallu en avoir une beaucoup plus grande quan-
tité , et il m’est permis de l’esperfer quelque jour
du zèle des voyageurs instruits qui parcourent
aujourd’hui nos colonies.
En débouchant les bouteilles qui contenoient
le suc del 'hevùea Guianensis d’Aüblet, ou du ja-
îi'opha elasticci de Linnéus, il s’ëst répandu une
odeur fétide très-forte , mêlée de celles du gaz
hydrogène sulfuré et de l’ail pourri. La pins
grande partie du sût ëtoit liquide , Liant: , et opa-
que comme du lait \ mais' dans l’une et l’autre bou-
teille, il y avoit une masse concrète très- blanche,
ayant la forme de la bouteille dans l’une, et
i C 1 A I R É E , ecf.' 3.9
seulement celle de son goulot et de sa partie
évasée dans l’autre , parce que celle-ci avoit été
tenue renversée pendant le voyage. Sur deux
livres une once un gros et demi de matière
contenue en totalité dans la bouteille du dernier
envoi à la société d’Agriculture , on a retiré*
en 'la cassant , trois onces un gros trente-six
grains de gomme élastique concrète , blanche
et pure. La liqueur blanche avoit une. saveur un
peu. sucrée , quoiqu’elle f\it en même-temps âcre
et désagréable. En la chauffant doucement dans
des vaisseaux fermés elle ne s’est point coagulée,
mais en la chauffant dans un vase large , et avec
le contact de l’air, elle a présenté un phénomène
très-important pour la connoissance de la gommé
élastique. Il s’e'st formé à la surface de la liqueur
une pellicule blanche demi-transparente très-
élastique , qui avoit toutes les propriétés de la
gomme. Après avoir enlevé cette première pel-
licule il en a paru successivement plusieurs au-
tres $ .une livre de cette liqueur a fourni près
d’un demirgros de gomme élastique. Après qu’elle
n’en donnoit plus , le lait d’hevæa étoit devenu
transparent ; en l’évaporant jusqu’à consistence
presque syrupeuse , il a déposé , par le refroi-
dissement , une grande quantité de cristaux
rayonnés d’une couleur jaune , d’une saveur
sucrée et légèrement acide : nous parlerons plus
bas de cette matière particulière 5 il faut con-
tinuer ici l’examen dé la liqueur laiteuse et de
la gomme élastique qui s’en étoit séparée.
. Exposée à l’air, au-desSüsdu mercure , cette
liqueur absorbe peu à peu l’air vital , la gomme
élastique s’en sépare et vient nager à sa surface.
Dans cette expérience, comme dans l’évapora-
tion , la fixation de l’oxigène opère la concré-
tion de la matière élastique 3 aussi les acides
4 0 L a M' BfIJJX 3v C I NE
yersés dans .'la liqueur en: séparent-ils la portioil
de gomme élastique qui y est en suspension :
cette gouïme prend d’abord la forme de flocons ,
qui bientôt se rapprochent et s'unissent en une
■seule masse cohérente. L’.acide muriatique oxi-
géné produit très-promptement cette précipita-
tion de la gomme , et la. perte de son odeur
prouve ' que c’est à la fixation de son oxigène
qu’il faut attribuer ce phénomène ; en sorte que
aails cette expérience , comme dans- toutes celles
que l’on fait avec l’acide muriatique oxigéné , cet
acide produit dans un temps très-court ce que
le contact de l’air ne produit qù’à la longue.
Les alcalis agissent d’une manière inverse sur
le lait de Yhevaea ; ils opèrent une combinaison
plus intime de la matière élastique avec le li-
quide. , et s’opposent à sa séparation par ,1’oxi-
gène atmosphérique : en distillant quatre onces
de ce èùc laiteux , par une chaleur très-douce ,
©n a obtenu une liqueur claire comme de l’eau ,
d’une odeur analogue à celle du jaSmin , odeur
bien différente assurément de celle du gaz hy-
drogène sulfuré ; cette eau étoit légèrement acide,
mais sa petite quantité a empêché qu’on ne pût
en déterminer la nature.
La gomme élastique > déposée dans le col de
la bouteille qui lui avoit en quelque sorte servi
de moule , et qui pesoit plus de trois onces un
gros , comme il a déjà été dit', étoit parfaite-
ment blanche , d’un tissu fin et serré , douce au
toucher, entièrement élastique ; exposée à l’air,
elle a pris une couleur fauve quia passé au brun.
En la distillant on en a tiré beaucop d’ ammo-
niaque et d’huile 5 les alcalis caustiques et liqui-
des ne lui ont fait éprouver aucune altérartion ,
ÉCLAIRÉE, etc. 4*
soute. L’huile volatile de térébenthine Ta égale-
ment et bien plus facilement dissoute que l’éther.
Cette dissolution chauffée long-temps à un feu
doux , et par le contact de l’air , a laissé déposer
Une portion de la gomme dans son état élasti-
que, et pur. En traitant cette gomme élastique
pure par l’acide nitrique , on en a obtenu du
gaz azote , du gaz acide carbonique , du gaz
acide prnssicjtie et de l’acide oxalique -, toutes
ces expériences ont été faites en même-temps
sur la gomme élastique du commerce et elles ont
présenté absolument les mêmes résultats.
La matière cristaline et de saveur sucrée que
le suc d 'hevaea avoit formée après la séparation
des pellicules de gomme élastique , étoit très-
dissoluble dans l’eau ; cette dissolution rougis-
soit les papiers teints par le tournesol : l’alcool
dissout très-facilement cette matière , et prend
dans cette opération une couleur rouge. En lais-
sant cette dissolution s’évaporer spontanément
à l’air , il s’en sépare des cristaux blancs , allon-
gés et minces ; il reste une matière colorante
dans la dernière portion de l’alcool. Les mêmes
cristaux précipités, de l’alcool , et séparés de
la matière colorante qui les altère , sont promp-
tement et facilement dissolubles dans l’eau ^ ils
ne précipitent point les dissolutions nitriques
d’argent et de, mercure ; ils ne forment point
un sel insoluble avec l’eau de chaux $ ils ont
encore ta saveur sucrée qui les distingue , lors-
qu’on les examine immédiatement après l’éva-
poration du suc dChevaea. Le feu les décompose,
en dégage de l’acide pyromuqueux , et élu gaz
acide carbonique , sans apparence d’huile. Ils
ne font point éprouver d’altération aux carbo-
nates alcalins. Ils paroissent être formés par la
substance sucrée qui commence à prendre des
42 La Médecine
caractères acides , sans être encore entièrement
convertie en matière saline ; ce qui paroît dé-
pendre d'une plus grande proportion d’oxigène
qu’il n’y en a dans le sucre.
Cet essai d’analyse , que nous aurions désiré
de poursuivre et 'd’étendre bien plus loin , si
nous avions eu à notre disposition une plus
grande quantité du suc qui fournit la gomme
élastique , nous permet d’offrir quelques résul-
tats nouveaux et utiles , soit pour une eonnois-
sance plus parfaite dé la nature de ce singulier
produit végétal , soit pour tirer un plus grand
parti des propriétés de cette matière. Nous pla^
cous dans la première classe les faits suivans .‘
i°. La gomme élastique esl'dissoute oti sus-
pendue dans un suc laiteux , d’oii elle se sépare
peu à peu par le contact de l’air , mais non pas
par la seule évaporation. ' 1
2.°. L’absorpion de l’oxigcnc est la principale
cause de cette séparation’ et de la concrétion de
la gomme élastique. '
3l>. La gomme élastique se' Colore cri FàuVri
et en brun par* $e contact de l’air', et la suie
n’est pas la cause .de la coloration dé ce produit.
4°. La gomme plastique dbrfrié , par sa nature
même et noix pas: en raison dé la suie; qu’elle
contient , del Ammoniaque à la distillation; c’éjlst
à în présence dé l’azote , dans cette substance ,
qu’il faut attribuer la production de cet alcali'.'
5°. Là goimne élastique est diSsolubl c clans l’c-
tber , quand on ia met en fragmens trcs-miricèiS
élans dé l’étîier sulfuricpie bien rectifié *.
; 6°. parmi des principes immédiats dès : végé-
taux aitxcjüéîs ôtl a comparé la gômine élastique,
ce ri’eSt ui déS ‘Huiles grasses concrètes; ni des
ïésines qu’elle paroît se rapprocher , ‘mais c’est
ci v .* > w 1 Ojl - * . *-» \j 1 i IT*" 00 - i *0 w ^ + J • * ■> &
ÉCLAIRÉE, etC. 43
à la matière glutineuse qu’elle ressemble le plus,
par son élasticité , sa propriété de donner de
l’ammoniaque et une huile fétide à la distilla-
tion , et par celle de fournir du gaz azote et de
l’acide prussique par l’acide nitrique.
Quant aux résultats utiles aux arts qui parois-
sent découler naturellement des expériences que
nous avons décrites , nous ferons remarquer
qu’outre la propriété que paroît avoir la gomme
élastique blanche et pure de se dissoudre fort
bien dans l’huile volatile de térébenthine , et
la possibilité de se servir de cette dissolution ,
pour enduire différens corps et les recouvrir
d’une pellicule élastique que l’huile volatile lais-
sera en se réduisant en vapeur , c’est plus par-
ticulièrement sur le suc de l 'hevetea que nous
avons cru devoir porter toute notre attention.
Dans les deux envois que nous avons eu occa-
sion d’examiner , la plus grande partie de la
gomme, ou plutôt du gluten élastique , s’en étoit
séparé sous la forme solide , pendant le voyagé,
et il n’en restolt pas le trentième dans la liqueur;
cette portion de gluten élastique encore dissous ,
peut en être séparée , soit lentement , par l’ex-
position à l’air ^ soit un peu plus vite , par la
chaleur réunie à l’action de l’air , soit enfin
rapidement par l’addition des acides ; mais il
étoit plus important de trouver des moyens de
maintenir la gomme élastique toute entière en
dissolution , et de l’empêcher de se précipiter.
Il falloit en même-temps que oe moyen n’altérât
pas la matière élastique , et permît de la re-
trouver et de l’obtenir à part lorsqu’on le dési-
.reroit. Sans doute , pour réussir dans l’exécu-
tion de cette idée , il seroit utile d’examiner ,
-dans son pays natal , le suc de l 'kevciea , et de
■le mêler avec différens réactifs 5 car ce que nous
44 La Médecine
avons pu faire à cet égard , n’a eu lieu que sur
ce suc déjà privé de la plus grande partie de
son gluten : de sorte qu’il restera de l’incerti-
tude sur ce point , tant que l’expérience n’aura
pas confirmé notre procédé sur le suc entier ,
d où il ne se sera rien encore précipité. L’alcali
fixe , soit potasse , soit soude , nous ayant paru
augmenter très - sensiblement l’attraction et
l’adherence de la gomme élastique pour le suc,
c est ce sel que nous recommanderons de mêler
au suc de Y kevaea , dans l’instant où il sera tiré
du végétal : on peut espérer que cette addition
empêchera la gomme de se précipiter pendant
le voyage et que nous aurons ainsi le suc en-
tier sans décomposition. Alors il sera facile
d en séparer à volonté la gomme élastique, en
absorbant l’alcali au moyen d’un acide foible , et
de lui donner , à l’aide de moules , toutes les
formes , et toutes les épaisseurs que l’on dési-
rera • alors on ne risquera plus d’altérer ce
produit dans sa nature , en le dissolvant et en
le combinant avec des. corps qui diminuent son
élasticité , qui le rendent gras et poisseux , ou
sec et cassant. Il seroit superflu de détailler
ici tous les avantages qui résulteront de ce
procédé , parce qu’ils seront facilement prévus
parloutesles personnes qui emploient la gomme
élastique , ou qui connoissent les arts multipliés
auxquels elle est utile. Il ne nous reste qu’à don-
.ner aux naturalistes , aux voyageurs et aux culti-
vateurs de nos colonies d’Amérique et d’Afrique,
.connoissance du procédé que nous proposons ;
.leur zèle et leurs lumières nous répondent qu’ils
voudront bien le répéter sur-le suc de Yhevaea ,
au moment même qu’il sera tiré , et l’envoyer
en France , après cette addition , dans des bou-
teilles bien bouchées, enjoignant à leur envoi
ÉCLAIRÉE, etC.' 45
la note de la quantité de ce suc , une légère
description de ses propriétés , de sa pesanteur
spécifique , de sa saveur , de son odeur avant
le mélange d’alcali , ainsi que la date de son
extraction. La même expérience devra être faite
sur le suc des diverses espèces d ' hevaea , ainsi
que sur ceux du cecropia psltata , du ficus in ^
dica , et de tous les autres végétaux connus ou
inconnus des botanistes, mais d’où l’on sait qu’on
peut obtenir de la gomme élastique.
MÉDECINE PRATIQUE.
I. Observations sur le sang des phtisiques , par
M. Portai. ( Extraites d'un ouvrage sur la
Phtisie , qui doit être bientôt mis sous
presse. )
Un des points de doctrine sur lequel les opinions
des Médecins sont encore divisées , est l’état
particulier du système sanguin dans la phtisie.
Quelques-uns ont en effet pensé que cette ma-
ladie étoit toujours la suite , sinon d’une
pléthore générale , du moins d’une pléthore
locale ; c’est sans doute cette idée qui a
engagé Fernel à recommander l’usage de la
saignée , non-seulement au commencement de
la phtisie , mais encore durant ses progrès.
Stahl étoit si persuadé de cette pléthore qu’il
l’a regardée comme la principale cause de
la maladie, et qu’il dit que la plupart des
phtisies viennent à la suite de la suppression
de quelques hémorragies, comme un saignement
de nez habituel, du flux hémorroïdal, des mens-
trues , etc. Sydenham, dont le nom est d’un
si grand poids en Médecine, trouvoit chez tous
les phtisiques tous les signes caractéristiques de
46 La Médecine
la plétliore sanguine , ce qui le cléterminoit à
conseiller la saignée. On pourroit citer plusieurs
auteurs qui sont du même avis ; mais d’un
autre côté., des Médecins célèbres ont soutenu
une opinion opposée. Torzi pense que les phti-
siques ont si peu de sang, qu’ils ont à peine
celui qui est nécessaire pour la circulation. M.
Lieutaud étoit si convaincu que les phtisiques
éprouvent plutôt une diminution qu’une sura-
bondance de sang, même dans la phthisie
tuberculeuse , qu’il s’élevoit fortement contre
l’opinion de ceux qui recommandent la saignée.
Knoblochius, quia écrit vers le commencement
du dix-septième siècle, à et qui nous devons quel-
ques observations anatomiques intéressantes ,
attribuoit la cause du marasme qui survient
dans la phtisie au défaut de sang , et cette
opinion a été adoptée par une suite nombreuse
d’écrivains.
On auroit du s’attendre que les résultats des
ouvertures de corps , auroient ôté toute incer-
titude sur cet objet 5 mais ils n’ont lait que
l’augmenter. Thomas Bartliolin ouvrit le corps
d’une personne morte de phtisie , et il ne
trouva aucune goutte de sang, ni dans les vais-
seaux , ni dans le cœur. D’un autre côté , des
Anatomistes du plus grand nom, disent avoir
trouvé le plus souvent à l’ouverture du corps
des phtisiques une quantité plus ou moins
considérable de sang dans le cœur et clans
les gros vaisseaux. On lit clans les épliemérides
des curieux de la nature , qu’en disséquant
le corps d’une femme morte phtisique et
qui étoit d’une maigreur extrême , on trouva
les vaisseaux pleins de sang , principalement
ceux du poumon. Il est prouvé par d’autres
observations rapportées dans le même recueil.
ÉCLAIR ÉE, etC. 47
qu’on trouve souvent beaucoup de sang dans
les cadavres des plïtisiqùes , soit dans tous
les vaisseaux en général , soit dans quelques-
uns en particulier. Suivant M. Haller les
phtisiques ont beaucoup de sang pendant les
divers temps de leur maladie, et on en trouve
aussi beaucoup à l’ouverture de leurs corps.
C’est cette contrariété d’opinions qui m’a en-
gagé à diriger mes recherches sur l’état du
système sanguin chez les phtisiques, d au-
tant plus que cela est loin d’être un objet de
pure théorie , et l’usage de la saignée dans cette
maladie peut en dépendre : mais on sent bien
qUe pour fixer le vrai point de la question, il
faut considérer la phtisie dans ses diverses
périodes , c’est-à-dire qu’il faut examiner l’état
des phtisiques , i°. lorsqu’ils sont menacés
de phtisie et avant qu’ils en éprouvent propre-
ment les premiers symptômes ; 2.0. lorsque
la maladie est déclarée et au premier degré;
3°. lorsqu’elle est confirmée ; \° . lorsque les
malades sont dans un état de dépérissement ,
où pour me servir de l’expression ordinaire
dans le dernier degré de la phtisie; 5°. enfin
il convenoit aussi de s’assurer par l’ouverture
de leurs corps, de la quantité et de la nature
de leur sang-
Ceux qui sont menacés de tomber dans la
phtisie , éprouvent presque tous des hémor-
ragies , soit par le nez , soit par les veines hé-
morroïdales et plus fréquemment encore , ils
ont des vraies hérnoptisies. Or ces circonstances
semblent annoncer en eux une quantité excé-
dente de sang , et l’on en sera encore plus
persuadé quand on considérera la rougeur sou-
vent habituelle de leurs visages, de la région
dç la pommète , particulièrement quand on
la Médecine
remarquera que leur pouls est plein et rebondis-
sant , leurs yeux plus saillans et plus brillans
que dans l’état ordinaire , leur chaleur à la
surface de la peau plus vive et plus développée.
D’ailleurs il est facile d’appercevoir que leurs
veines jugulaires sont très-distendues, ainsi que
celles des extrémités. Mais ces apparences de plé-
thore ne sont-elles pas souvent trompeuses? Il est
certain que si on établit que dans la phtisie essen-
tielle , souvent avant qu’aucun des simptômes
énoncés se manifeste , les poumons sont engor-
gés , flétris et desséchés, il n’est pas étonnant
que, sans une augmentation réelle de la quanti-
tLté de sang, il survienne des Hémorragies, le
gonflement des vaisseaux extérieurs et la plé-
nitude du pouls. Le sang ne pouvant se vuider
librement dans le poumon , qui ne lui est plus
également perméable , se ramasse dans l’oreil-
lette droite , dans les veines caves , et de proche
en proche dans les jugulaires, ce qui entraîne
bientôt l’engorgement des autres vaisseaux. Les
poumons forment une espèce de ligature qui
donne lieu à une gêne insurmontable de la
circulation , ce qui est prouvé par l’état même
des jugulaires, qui ne se dégorgent jamais aussi
complètement que dans l’état de santé. Souvent,
pour m’assurer s’il y avoit de la gêne dans
fa circulation pulmonaire , j’ai conseillé aux
malades de faire une grande inspiration , et je
n’ai pas craint de regarder les poumons comme
engorgés , lorsque je n’ai pas vu les veines jugu-
laires "se désenfler pendant l’inspiration. L’en-
gorgement des poumons occasionne le gonfle-
ment des veines jugulaires et celui des veines
qui leur correspondent comme les engorgeinens
du foie produisent les hémorragies ; voilà des
exemples frappans de pléthore locale qu’il ne
faut
i s i i i k i i, etc. 49
faut pas confondre avec l’augmentation réelle
de la quantité de sang dans tout le système,
vasculaire.
Mais ce qui prouve de plus en plus mon opi-
nion y c’est que les rougeurs du visage , le gon-
flement des vaisseaux et la chaleur augmentent
presque jusqu’au dernier moment , non-seule-
ment aux extrémités supérieures , mais encore
aux inférieures, et à F ouverture de leurs corps
on ne trouve pas quelquefois une goutte de sang.
Combien de fois n’ai-je point vu de malheureux
phtisiques qui avoient dans les derniers mo-
mens de leur vie les veines du cou , celles du
visage et celles des extrémités, si gonflées et
si distendues parle sang , qu’elles en paroissoient
comme variqueuses! Venoient-ils à mourir , on
11e trouvoit presque plus de sang dans leurs vais-
seaux , pas même dans les veines caves ni dans
l’oreillette droite , ni dans la -ventricule qui lui
correspond. Dans cette sorte de malades, les vais-
seaux paroissent plus pleins que dans ceux qui
éprouvent souvent l’apoplexie sanguine la plus
manifeste, et dont on trouve après la mort, je ne
dis pas les vaisseaux du cerveau, mais même
tous ceux du reste du corps , remplis de sang.
Ne confondons donc point la pléthore de
quelques vaisseaux, occasionnée par l’engorge-
ment des poumons , avec la pléthore réelle , et
11’épuisons pas les malades par des saignées
trop copieuses et trop souvent répétées. Ce n’est
pas que je blâme de recourir quelquefois à la
saignée , qui peut être nécessaire pour opérer
un dégorgement local, ou pour prévenir les
suites de quelques suppressions , d’une hémor-
ragie habituelle. Je ne doute point qu’on ne
soit parvenu souvent à prévenir la phtisie
par quelques saignées 5 mais elle ne peuvent être
Tome III . N°. II. D
5o La Médecine
utiles qu’au commencement de la maladie ,
et on doit les considérer plutôt comme un moyen
préservatif que curatif, car il paroît que lors-
que la phtisie est confirmée , la quantité du
sang diminue bien vite , et il est incroyable com-
bien on en trouve peu dans le corps de ceux qui
ont péri de cette maladie. Je pourrois rappor-
ter ici le résultat d’un très- grand nombre d’ou-
vertures qui prouveroientqu’à peine on a trouvé
quelques grumeaux de sang dans les corps
des phtisiques. Il semble qu’ils n’avoient cessé
de vivre que lorsque leur sang avoit été con-
sumé , eu si l’on veut , que leur vie n’avoit été
prolongée que pour que toute la quantité. de
sang contenue dans leurs vaisseaux fût con-
sumée.
Il est cependant vrai que dans des sujets dont
j’ai fait l’ouverture du corps ou que j’ai vu faire
par d’autres , on a trouvé une médiocre quan-
tité de sang dans les vaisseaux, et plus souvent
dans le ventricule droit du cœur ; mais je dois
observer que c’est toujours dans le corps des
phtisiques qui ont éprouvé quelques acculons
aigus , entés pour ainsi dire sur la maladie chro-
nique , comme une hémorragie qui a été promp-
tement mortelle , car dans ceux qui meurent
comme par extinction , le sang se consume
presqu’entièrement. Ne peut-on pas croire que
lorsque le poumon est malade, la sanguification
languit et qu’enfm elle cesse de se faire lorsque
l’altération de ce viscère est portée au dernier
degré ? Combien de raisons physiologiques ne
potirroit-on pas alléguer pour prouver que cette
fonction est due au poumon, et qu’elle doit
être beaucoup altérée dans ses maladies , er
sur- tout dans la phtisie.
ÉCLAIRÉE., etC. 01
I •
II. Rapport fait à la société Philomatique ,
sur une Jemme qui. bu,voit une très - grande
quantité d’eau , par MM. Bellot et Bron-
gniart.
La société Philomatique , désirant répondre
à la demande qui lui a été faite par M. Par-
mentier , au nom du docteur Simulons, a nom-
mé M. Bellot et moi pour examiner les habi-
tudes et le tempérament d'une femme qui bu-
voit beaucoup d’eau.
Nous nous sommes transportés en consé-
quence , samedi i5 octobre , fauxbourg Saint-
Martin, hôtel des arts , chez la femme en ques-
tion ; ne l’ayant point rencontrée chez elle ,
nous allâmes à la place où travailloit son mari,
après avoir pris auparavant quelques informa-
tions auprès du portier de la maison , qui furent
conformes à ce que l’on avoit déjà dit. Nous
trouvâmes cette femme avec une cruche d’eau
à côté d’elle ; nous prîmes jour ensemble , et il
fut convenu qu’elle viendroit passer une jour-
née entière chez l’un de nous.
Nous nous réunîmes en effet , lundi 17 oc-
tobre 1791 , et reçûmes de cette femme les ren-
seignemens suivans :
Catherine Bonsergent , épouse de Jacques
Fery , savetier, demeurant à Paris , hôtel des
arts , fauxbourg Saint-Martin , est âgée de qua-
rante ans ; elle est née à Senlis.
Elle est très-blonde , sa peau est fine et mar-
quée de taches de rousseur; elle est plus maigre
que grasse et paroît être d’un tempérament bi-
lieux ; ses bras sont plus maigres que le reste de
son corps.
Elle fut mise en sevrage chez sa grand’ mère,
D a
5'z La Médecine
qui , buvant beaucoup de vin , lui en fit boire
aussi ; de retour chez sa mère , elle vomissoit
tout ce qu’elle prenoit j les matières qu’elle vo-
missoit étoient noires.
Dès sa plus tendre jeunesse elle eut une soif
très-considérable , et cherchoit tous les moyens
de la satisfaire. Etant fille , elle buvoit trois
seaux d’eau par jour $ étant mariée , deux seaux
lui suffirent jusqu’à son premier enfant ; alors
elle reprit sa première dose de trois seaux , jus-
qu’à son quatrième. Depuis cette époque , elle
n’en boit plus que deux dans les vingt- quatre
heures.
Lorsqu’elle est malade elle n’a plus la même
soif, et lorsqu’elle ne boit point autant qu’elle
le desire ^ elle se porte mal.
Lorsqu’elle est en couche , elle a beaucoup
plus soif qu’à l’ordinaire.
Elle n’a pas plus soif en été qu’en hiver.
Les choses salées , qu’elle n’aime pas à man-
ger , ne l’altèrent pas plus que les autres.
Sa soif se fait sentir par une défaillance d’es-
tomac, semblable à celle que l’onéprouve lorsque
l’on a faim. Elle a la bouche pâteuse , et ne
pourroit , dit- elle , avaler un morceau de pain.
Lorsqu’elle a bu , elle sent vers la région de
l’estomac un froid assez considérable , qui la fait
frissonner pendant quelque temps , ce qui l’o-
blige d’être continuellement auprès du feu ,
pour peu qyi’il fasse froid.
Cette femme a la lèvre inférieure assez grosse
et couverte de croûtes : cette lèvre lui fait res-
sentir des élancemens douloureux , sur-tout en
été. Elle est sujette à des hémorroïdes qui ne
fluent pas \ alors elle n’a plus mal à la lèvre.
Elle a eu onze enfans en dix couches. C’est
depuis son premier enfant qu’elle a des hémor-
i'C i a i r i e , etc. „ 53
roïdes. De tous ses enfans il ne lui en reste
que deux. Presque tous ceux qu’elle a nourris
ont été sujets à différentes maladies. Son aîné ,
encore existant , a une maladie de la peau
semblable à la gale , mais qui n’est cependant
pas contagieuse. Le plus jeune , qu’elle n’a
nourri qu’un mois, jouit d’une assez bonne santé.
Cette femme est 1a. seule de sa famille qui ait
une aussi grande soif.
. Elle sue assez , et urine en proportion de ce
qu’elle boit.
Elle ne crache point.
Elle ne prend ni café , ni vin , ni liqueur spi-
ritueuse : elle nous a dit qu’elle mangeoit
beaucoup , ce que nous n’avons cependant pas
remarqué.
Cette femme a bu devant nous , pendant dix
heures qu’elle est restée avec nous , quatorze
pintes d’eau , ce qui peut produire environ
vingt-huit livres. Elle nous a dit qu’elle se rele-
voit la nuit toutes les heures et demie pour
boire , ce qui fait assez exactement la voie d’eau
qu’elleprétend consommer dans les vingt quatre
heures.
Elle a rendu dix pintes d’urine.
MM. Bonnard, Lair et Robilliard^ membres
de la société , ont vu cette femme avec nous
pendant une assez grande partie de la, journée.
C H I E. U R G I E.
I. Discussion relative à V opération de la taille ;
par M. Sabatier.
Il y a quelque temps qu’on a fait part à
l’Académie de Chirurgie d’une observation qui
a donné lieu à une discussion bien intéressante,
V 3
54 La Médecine
et qui seroit probablement perdue pour le pu-
blic , et pour r Académie elle-même , si on ne
prenoit le soin de la recueillir. Un homme ,
d’un âge moyen , tourmenté des incommodités
que cause la pierre , s’est soumis à l’opération
de la lithotomie , laquelle a été pratiquée sui-
vant une des méthodes connues de l’appareil
latéral. On présumoit que la pierre étoit grosse.
Les incisions ont été faites en conséquence :
cependant elles ne se sont pas trouvées suffi-
santes pour en procurer l’extraction. Cette
pierre étoit solide. Les tenettes mordoient peu
sur elle , et elle leur échappoit. La crainte de
fatiguer la vessie par des tentatives trop mul-
tipliées engagea à remettre le malade dans son
lit afin de le laisser reposer , et de délibérer h
loisir sur les moyens à employer. La journée
fut orageuse. Le ventre se tendit ; il y eut beau-
coup de douleurs ; les urines furent retenues j
enfin , il se fit des mouvemens salutaires dont
le résultat fut l’expulsion spontanée de la pierre,
qui se trouva être du poids de neuf onces. Le
rédacteur de cette observation la présentent
comme une nouvelle preuve de l’avantage de
la taille en deux temps. Il est vrai que la pierre
est sortie sans violence , au lieu qu’il eût fallu
en faire beaucoup si on se fût opiniâtré à la
tirer au moment de l’opération. Mais cet évé-
nement est peut-être sans exemple, et par con-
séquent il ne prouve rien. Des pierres médiocres,
laissées à dessein dans la vessie ou dont la pré-
sence a été méconnue , des fraginens de pierres
qui se sont brisées au dedans de ce viscère pen-
dant les tentatives qu’on faisoit pour les ex-
traire , sortent d’eux mêmes : rien n’est plus
fréquent. Cela perrnet-il d’espérer qu’une pierre
d’un volume et d’un poids aussi considérables
ÉCLAIRÉE, etc.
que celle dont il s’agit, soit expulsée par les
seules forces de la nature , ou qu’on puisse en
faire l’extraction avec plus de facilité lorsque
l’irritation et le spasme , qui sont les suites né-
cessaires de l’incision et des premières ten-
tatives , seront calmés ? Le peu d’écartement que
présentent les branches des os ischion et pubis ,
et la médiocrité de l’ouverture que l’on peut
faire au col de la vessie sans trop endommager
ce viscère, n’y mettent-ils pas obstacle P Aussi
pensoit-on à inciser au-dessus du pubis , à
pratiquer au malade une seconde opération par
la méthode du haut appareil. C’est ce que le
frère Corne a fait en diverses circonstances ,
et avec des succès variés. Plusieurs membres
de l’Académie ont cité des exemples de cette
conduite. On la suivit , il y a une vingtaine
d’années , à l’hôpital de la Charité de Paris ,
sur un malade dont l’histoire est remarquable.
Il avoit été sondé à Page de quinze ou dix-huit
ans, et on lui avoit trouvé une grosse pierre.
Sans doute les incommodités que la présence
de ce corps étranger lui causoit n’étoient pas
fort vives , puisqu’il ne fut point opéré alors.
Il exerçoit la profession d’horloger , et a vécu
jusqu’à quarante-six ans en bonne santé Ce
fut à cette époque de sa vie que , portant une
pendule , il fit un effort qui fut suivi de grandes
douleurs à la région de la vessie , et de diffi-
cultés d’uriner. On le sonda , et on sentit bien
que la pierre étoit fort grosse. Il fut taillé au-
dessous du pubis. La pierre n’ayant pu être
saisie , on se détermina le lendemain à l’opérer
par le haut appareil. On eut pu attendre que
les accidens de la première opération fussent
dissipés. Peut-être auroit-on pu lui épargner
la seconde en essayant de placer une cannule
D 4
La Médecine
dans la vessie et cle l’y laisser à demeure , ou
de rendre la plaie fistuleuse. Mais on conçut
le dessein louable de le guérir sans qu’il con-
servât d’incommodité. La pierre pesoit vingt-
quatre onces. Les accidens survinrent en foule.
Le malade périt trente six heures après.
Le poids de cette pierre paroissoit énorme.
Un des membres de l’Académie , témoin de ce
lait, a dit en avoir une en sa possession , la-
quelle à la vérité n’a été tirée qu’après la mort,
et qui pesoit cinquante-une onces. ( 1 ). Ces
pierres ont perdu un peu de leur poids par
le dessèchement qu’elles ont éprouvé. Un autre
malade , dont la pierre a de même été tirée
par une incision faite à la vessie au-dessus du
pubis , après des tentatives infructueuses pour
en procurer l’extraction au moyen de l’appareil
latéral , qui avoit été pratiqué peu d’heures au-
paravant , est mort aussi. Une petite fille , qui
a été dans le même cas , et à qui on avoit in-
cisé sans fruit le canal de l’urètre et le col
de la vessie , a guéri malgré la difficulté qu’on
a eue a 1 operer , et quoique 1 ouverture laite
au péritoine , et par laquelle les intestins ten-
doient à s’échapper pendant qu’on s’occupoit
à chercher et à tirer la pierre, ait dû per-
mettre à une partie des urines de tomber clans
le ventre. La collection de pièces sur la taille
au haut appareil , publiée en îyéoparM. Mo-
rand, à l'occasion d’une opération de cette
espèce qu’il venoit de pratiquer , présente plu-
sieurs exemples de guérison malgré la blessure
du péritoine , et celui-ci ajoute à la certitude
qui en résulte, que les épanchemens d’une
o) Gptte pierre est déposée dans une salle de l’hôpital
de la Charité de Paris.
ÉCLAIRÉE, etC.
quantité médiocre d’urine dans le ventre , ne
sont pas mortels.
La plupart de ceux auxquels en a fait l’opé-
ration de la taille par l’appareil latéral , et
ensuite celle par le haut appareil , ont suc-
combé. Un autre membre de l’Académie pen-
soit que cet événement doit plutôt être attribué
aux tentatives indiscrètes que l’on fait pour
tirer la pierre par la première opération , et à
l’irritation qui en est la suite , qu’à la double
opération : car , disoit-il , une simple incision
pratiquée au col de la vessie n’a rien de dan-
gereux , et la meilleure preuve qu’on puisse en
donner , c’est que l’opération du haut appareil
à la méthode du frère Côme , qui suppose cette
incision , réussit assez fréquemment ; il se trom-
poit. Premièrement , on ne peut pas dire que le
risque auquel sont exposés ceux à qui on ouvre
le col de la vessie , ne mérite aucune considé-
ration. Cette ouverture suppose une incision
profonde qui comprend des parties musculeuses
et graisseuses, arrosées de beaucoup de vaisseaux
sanguins , et parsemées d’un grand nombre de
nerfs. Elle porte sur des parties très-sensibles ;
et quoiqu’il soit vrai que quelques personnes ,
a qui on a fait la lithotomie , guérissent comme
par enchantement ^ il y en a d’autres qui éprou-
vent des accidens terribles , lesquels se ter-
minent quelquefois par la mort , quoique les
recherches et l’extraction de la pierre n’ayent
rien eu de pénible. Pourquoi cette ouverture
seroit-elle sans conséquence , lorsque nous sa-
vons que celle du péritoine et du ventre a été
mortelle en des malades qu’on n’opéroit de
leurs hernies que pour leur procurer une gué-
rison radicale , et sans qu’on y fut déterminé
par les accidens ordinaires de l’étranglement ?
*58 La Médecine
Le célèbre Jean-Louis Petit en a conservé des
exemples. En second lieu , ce n’est pas le col
de la vessie que l’on ouvre préliminairement
dans l’opération dont il s’agit. C’est le canal
de l’ urètre à la partie la plus inférieure du pé-
riné , et cela dans la vue cle placer une cannule
qui , traversant la partie membraneuse de l’urè-
tre et pénétrant dans la vessie à travers son
col , permette aux urines de s’écouler , et pré-
vienne leur sortie à travers la plaie qui regarde
les os pubis.
Si on n’ouvre pas le col de la vessie dans
cette circonstance, ajoutoit l’académicien dont
on vient de parler , on devroit f ouvrir ^ parce
que sans cela les urines n’auront point de faci-
lité à s’échapper par en bas. Ce procédé d’ail-
leurs exempteroil de placer une cannule qu’on
ne peut s’empêcher de regarder comme un
corps étranger. Mais pourquoi les urines ne
sortiroient- elles pas aisément par la cannule r
On sait que le col de la vessie est assez élevé
deri'ière la symphise des os pubis , et que la
partie membraneuse de l’urètre qui se trouve
en-dcçà de la prostate , descend de haut en bas
jusqu’à la partie inférieure de cette symphise ,
o h elle est embrassée par la substance spon-
gieuse qui accompagne ce canal jusqu’à sa
dernière extrémité. Donc, en faisant aux tégu-
rnens une incision qui réponde à la partie gau-
che et inférieure du périné , et qui pénétré
dans l’urètre à travers son bulbe , la cannule
qu’on y place parcourt une route qui monte de
bas en haut jusqu’à ce qu’elle parvienne dans
la vessie. Cette cannule offre par conséquent
aux urines une conduite qui descend de haut
en bas et de derrière en devant , et qui leur
permet de s’écouler avec facilité. Voila le but
ÉCLAIRÉE, eCt. 5f)
que se proposoit le frère Corne. Reste à savoir
si on le rempliroit aussi bien dans le cas où
on se contenteroit d’ouvrir le col de la vessie
sans faire usage de cannule. Chacun doit avoir
remarqué que souvent après l’opération de la
taille les urines continuent à couler à travers
l’urètre , comme si le malade n’eût souffert au-
cune opération. Elles ne commencent à passer
par la plaie qu’au bout de quelques jours, et
lorsque le gonflement survenu à celle qui a été
faite au col de la vessie vient à se dissiper
par le dégorgement. Alors , il n’en sort plus
par l’urètre jusqu’à ce que les bords de la
plaie intérieure se rapprochent et se recollent-
Qu’en conclure , sinon que l’incision du col
de la vessie , sans y placer une cannule , seroit
une mesure insuffisante pour en procurer la
sortie par cette voie ?
Le choc des opinions n’a pas permis d’in-
sister sur la question la plus importante peut-
être , sur celle de savoir si dans les cas dont il
s’agit , il ne vaudroit pas mieux attendre pour
faire la seconde opération , que les accidens
de la première fussent entièrement dissipés.
Toutes les raisons , qui militent en faveur de
l’opération en deux temps, prouvent également
que cette opération ne peut être que fort
utile. Quand on pratique le haut appareil peu
de temps après avoir essayé de tirer la pierre
par l’appareil latéral , le malade est exposé à
deux risques dont la réunion est effrayante ,
au lieu que chacun d’eux , pris séparément , est
beaucoup moins grave. Peut-être la sortie spon-
tanée de la pierre, qui a eu lieu chez le sujet
dont l’histoire a amené la discussion qui nous
occupe , seroil-elle arrivée plusieurs fois si on
eût suivi cette utile méthode , au lieu que ce
60 La Médecine
fait est unique , au moins à notre connoissance.
La natur e a tant de ressources , que nous ne
devons employer celles que l’art nous offre ,
cjue lorsque nous avons la certitude qu’elle a
épuisé toutes les siennes.
II. Remarques sur les effets de l’èpithême
désorganisant de M. Dorez , Chirurgien ,
rue et isle de Saint-Louis ; par M * Pinel.
L’art de guérir ne doit- il pas suivre la même
m irche que les autres sciences naturelles, et
peut-il faire des progrès , si on ne fixe avec
pr écision le vrai caractère du mal et l’espèce
des remèdes qu’on emploie ? Ne seroit-il pas
resté dans un état perpétuel d’enfance, s’il avoit
été toujours pratiqué par des gens à secret et
par des empiriques ? Des méthodes de guérir
uniformes et dirigées aveuglément auroient été
quelquefois utiles et très-souvent nuisibles ; et
après plusieurs siècles d’une expérience vague
et incertaine , on auroit toujours abouti au
point du départ , c’est-à-dire , à une instabilité
éternelle d’opinions et de principes.
M. Dorez peut être cité en preuve de ce
que je viens d’avancer ; il me fit adresser en
3788 deux lettres par deux de ses malades,
qui se disoient guéries de cancers par son épi-
thême désorganisant (1) , et qui me prioient de
rendre publiques ces cures prétendues par la
voie d’une feuille périodique dont j’étois alors
chargé. Je répondis , en refusant d’insérer les
(1) Je conserve encore les originaux de ces lettres , qui
sont remarquables par l'inexactitude la plus marquée .
soit dans la détermination de l’espèce de la tumeur , soit
dans lit manière d’agir du remède.
ÉCLAIRÉE, eCt. 6 1
cîenx observations , que les Médecins et les
Chirurgiens avoient été dans tous les temps
témoins des dangers et des effets funestes de
tous les topiques qu on avoit proposes pour la
guérison du cancer , que des topiques de toutes
les formes avoient été présentés , et qu’ après
de nouveaux essais faits avec soin., on avoit été
contraint de les abandonner.
Mais comme M. Dorez pouvoit répliquer que
son topique étoit unique dans son genre , et
qu’il avoit un avantage marqué sur tous ceux
qu’on a proposés jusqu’à ce jour , je lui pro-
posai dans ce cas , de soumettre l’examen de
son remède à la société de Médecine ou à l’a-
cadémie de Chirurgie , qui nommeroient des
commissaires pour en faire le rapport et pour
lui en garantir le secret ; qu’il n’auroit alors
qu’à fixer, par une suite d’expériences décisives,
son efficacité et les moyens de s’en servir ; qu’il
falloit sur-tout faire bien distinguer et recon-
noître avec candeur les cas qui seroient favo-
rables à l’emploi de son remède , et ceux qui
lui seroient contraires; car j’ajoutois que ce
seroit toujours une grande chimère qu’un moyen
uniforme de guérir toutes sortes de tumeurs ,
quelle que fut leur origine et leur nature , l’âge
et la constitution de l’individu , l’époque plus
ou moins avancée de la maladie , ses compli-
cations avec divers virus ou d’autres maladies
habituelles , ect. Je finissois par l’assurer que
je me ferois alors un vrai plaisir de communi-
quer au public les observations authentiques
qui me seroient adressées sur cet objet.
On imagine bien que toutes ces sages pré-
cautions n’ont pas été du goût de M. Dorez ,
et qu’il n’a pas manqué d’insinuer à ses ma-
lades, que les Médecins et les Chirurgiens de la
62 Là Médecine
capitale ne cher choient qu’à le persécuter et à
se montrer ses détracteurs ; que ce n’étoit que
de pures jalousies et des rivalités qui empê-
choient qu’on lui rendît justice. Il se défia
donc de tous les journaux qui sont consacrés
aux progrès de l’art de guérir , et il a publié
depuis cette époque de prétendues cures de
cancer , dans le Journal de Paris , dans le
Mercure, dans le Journal encyclopédique , ect.
Il faut respecter le zèle des rédacteurs de ces
journaux , qui ont cru se rendre ainsi utiles
à l’humanité souffrante ; mais peut-être qu’il
eût été prudent , avant de publier les succès de
M. Dorez, d’attendre qu’ori fît connoître quel-
que cas qui fût contraire à l’emploi de son
remède pour éviter le trop grand empressement
de quelques malades à faire des essais nuisibles
et dangereux. Je puis communiquer au public
deux exemples de ce dernier genre , dont l’un
m’a été attesté par M. Paschal , maître en Chi-
rurgie à Erie-Comte-Robert , et l’autre s’est
passé sous mes yeux.
Madame Lavigne , aubergiste , à Grosbois ,
et affligée d’un cancer au sein , se rendit à
Paris pour y être traitée par M. Dorez. Elle
vint se loger chez madame Boisard , marchande
grainetière, rue Saint-Antoine. On publia quel-
que temps après que sa plaie étoit prête à se
cicatriser; mais il survint un érésipelle au bras
du même côté que le cancer , et la plaie s a-
grandit de nouveau La malade ht en vain des
instances à M. Dorez pour qu’il remplît la pro-
messe qu’il lui avoit faite de la guérir en rece-
vant d’avance ses honoraires ; elle s’est vue
enfin abandonnée , et a succombé à ses dou-
leurs au mois de juillet 1788.
Voici encore un autre exemple des effets
• ÉCLAIRÉE, etc. 63
funestes de l’épithême de M. Dorez, dont on
petit facilement prendre connoissance. Made-
moiselle Fricot , rue du Férou, près i’église de
Saint-Snlpicc , avoit une loupe à la joue droite
dont elle desiroit beaucoup de se délivrer ;
elle s’adressa à M. Dénoue , Chirurgien , logé
à la rue de Seine , qui appliqua un caustique
sur la tumeur , et en consuma une partie ;
bientôt après , il survint un engorgement dou-
loureux à la partie latérale droite du cou.
Des Médecins qui furent consultés prescrivirent
tour-à-tour des cataplasmes érnolliens et des
répercussifs , mais sans produire aucun effet
remarquable. M. Dorez fut appelé , et il ap-
pliqua son épitliême désorganisant ; il produisit
une ouverture à la peau qui s’est agrandie peu-
à-peu et qui a pris un caractère malin , en-
sorte que M. Dorez a abandonné la malade.
Cette malheureuse victime de l’empirisme s’est
adressée encore à d’autres personnes qui lui
promettoient de la guérir ; mais le mal a
continué de faire des progrès 5 il s’est formé ,
vers la partie supérieure et latérale du cou , un
ulcère de la grandeur de la main , avec des
bords calleux et d’une fétidité insupportable,
M. Boyer , Chirurgien gagnant maîtrise à la
Charité , qui lui a donné des soins , m,e l’a
fait voir dans cet état déplorable : le visage
et l’œil du même côté étoient très - gonflés ;
les douleurs ont été très-vives, et M. Boyer
n’est parvenu à les calmer qu’au moyen d’une
espèce d’onguent où il fait entrer la dissolution
d’opium à une forte dose. Après l’usage die ce re-
mode , la malade a été plus tranquille et a joui
même du sommeil ; mais le mal n’en conserva
pas moins le caractère d’un ulcère carcinoma-
teux , et on sait combien jusqu’à présent les
64 La M É D E C I N E, etC.
ressources de l’art de guérir sont foibles et in-
certaines contre ce mal atroce. Dans ce cas-là
donc , on ne peut méconnoître une espèce de
cancer , provenue d’une application imprudente
de l’épithême désorganisant de M. Dorez. Cette
malade est morte vers les derniers jours d’oc-
tobre 1791.
N’est-ce pas donc une illusion bien déplora-
ble, cjue cette confiance aveugle que les malades
accordent aux empiriques qui prônent avec em-
phase leurs prétendues guérisons de cancers ,
et qui omettent prudemment de parler d’une
foule de cas où ils ne font qu’aggraver le mal
et accélérer le moment d’une mort cruelle ?
L’histoire des caustiques, dans les maladeis cancéreuses,
est une des parties de Part les mieux connues aujourd’hui :
sans doute on ne peut douter que leur usage , en détruisant
les parties squirrheuses ou cancéreuses, ne puisse quelque-
fois être utile; mais l’infection générale de la masse des
humeurs ne peut pas être corrigée par un pareil moyen, et
il ne peut avoir de véritable succès que dans une affection
locale , dont les progrès n’ont point altéré le système lym-
phatique. Voilà le seul cas où le médecin instruit peut con-
seiller ou employer les caustiques. Mais ce n’est pas à cela
que s’arrêtent la plupart des guérisseurs qui vendent et
cachent leurs caustiques: ordinairement ils entreprennent
tout et ne respectent rien; aussi leur réputation tombe-
t-elle toujours au bout de quelque temps ; mais il leur
reste au moins le profit, et c’est souvent tout ce qu’ils
veulent. Au reste, on seroit trop heureux avec de pareils
hommes , que l’espoir de la guérison favorise tandis que
les vraies lumières les repoussent , s’ils vouloient bien
mettre dans leurs procédés cautérisant la prudence qui
devroit toujours les guider ; ils épargneroient aux malades
les douleurs atroces et les accidens funestes qui accompa-
gnent les mauvais traitemens en ce genre.
( N° I I L ) 65
MÉDECINE PRATIQUE.
Observations sur l’usage du Camphre d’ Amé-
rique y dans les maladies chroniques et in-
flammatoires j par J. MarsillaCj Médecin.
T o u s les praticiens savent que le Camphrb
est le suc concret du laurus camphora de Li-
néus , que ]es Hollandois retirent du Japon
ou de l’île de Sumatra : depuis deux ou trois
ans on a tenté en Amérique divers extraits vé-
gétaux de plusieurs espèces de laurier , dont
la sublimation a offert du camphre de même
odeur , saveur , et effets que celui qu’on retire
de Sumatra.
Celui d’Amérique est d’un blanc demi-trans-
parent , onctueux au toucher , laissant sur la
langue une saveur amère aromatique , et d’une
âcreté fortement prononcée ; il est totalement
volatil , inflammable , soluble dans les esprits
ardens , les huiles et les acides minéraux j
mais il ne se dissout pas dans les liqueurs al-
calines ni les acides végétaux.
Le docteur Alexandre , d’Edimbourg , en
ayant donné deux scrupules dans une maladie
inflammatoire où le pouls donnoit soixante-dix-
sept pulsations par minutes , sur un sujet de
28 ans, le pouls tomba en dix minutes àsoixante-
dix pulsations $ mais une demi-heure après le
pouls revint à soixante-dix-sept. — Deux heures
après l’avoir pris , il survint un délire quel-
ques mouvemens convulsifs , et le pouls gra-
duellement accéléré donna cent pulsations par
minute. — Cinq heures après la circulation se
ralentit , il éprouva un froid extérieur qui se
Tome III. NQ. III. E
66 La Médecine
dissipa en buvant du thé chaud , et se termina
par des sueurs abondantes.
Le docteur Prembertt, de Philadelphie , an-
nonce que le camphre américain , pris intérieu-
rement , pénètre rapidement toutes les parties
du corps , et provoque une transpiration sou-
tenue 5 pris plusieurs jours , à la dose d’un de-
mi-gros il rend le sang plus fluide , et ralen-
tit sa vive circulation , il purifie les humeurs,
chasse les matières morbifiques par les pores ,
et produit d’heureux effets dans les fièvres
malignes et maladies aiguës chroniques , pro-
cédant d’un état d’acrimonie dans les fluides.
Nos. fréquentations journalières avec les na-
turels américains (vulgairement appelés sau-
vages) nous apprennent que ces peuples font
usage du camphre de leurs climats pour se
guérir, des mafadiès siphili tiques, et l’expérience
offre plusieurs exemples en .Ecosse , où le cam-
phre seul a guéri des maladies vénériennes qui
avoient résisté à l’usage varié des mercuriaux ,
frictions et autres traitcmens du même genre.
Le docteur Ohriscool assure n’avoir jamais
Trouvé une substance plus énergique et un
dépuratif plus doux dans cette dernière mala-
die , lors même qu’elle est accompagnée de
phlegmons , chancres et autres accessoires alar-
ma ns.
La pratique d’Ecosse a prouvé que le cam-
phre portoit sa principale énergie sur les voies
urinaires, s’opposoit au calcul et en dissipoit les
inflammations ; il y a cependant . des ternpé-
ramens qui ne peuvent en soutenir la saveur
trop forte , mais on la rend supportable en
y associant deux ou trois grains de musc por-
phirisé.
Enfin , l’usage extérieur du camphre d’Amé-
ÉCLAIRÉE, etC. 67
riqne offre un puissant antiputride contre la
mortification , la gangrène , les exanthèmes
scorbutiques , et autres accidens qui recon-
noissent , pour première cause , un excès de
chaleur ou des humeurs âcres et corrosives :
il paroît probable que le camphre d’Europe,
employé de la même manière , produiroit les
mêmes effets que celui d’ Amérique , mais la
cherté de cette substance, préparée par les Hol-
landois , s’opposera toujours à son usage fré-
quent, tant (ju’on n’emploiera pas les moyens
de se soustraire à leur cupidité despotique.
C II I.R U R G I E.
Sur les plaies des artères , par JVL. Deschamps ,
Chirurgien en chef de V hôpital de la Charité
à Paris , lu le zi décembre VJS1 m
Dans la blessure dés principales artères qui
se distribuent aux extrémités , l’art ne pré-
sentait aux anciens d’autres ressources que
l’amputation du membre ( 1 ). La Chirurgie
moderne , plus instruite et plus confiante dans
les ressources de la nature , n’a point déses-
péré de la conservation de la partie blessée ,
et le succès quelquefois a couronné ses tenta-
tives.
On a cru que la compression sur une artère
avoit cet avantage sur la ligature , que par îë
premier moyen , le calibre de l’artèrë ' était
, . • • » '. O
• (1) Les Fabrice , Paré , Paul d’Fgine et autres , et même
GalieJJ, eonnoissoient la ressource de lier les artères , même
à leur origine ; mais ils ne donnent aucun précepte par-
ticulier sur la ligature des principales artères blessées dont
ils ne fournissent aucune observation.
E 2
68 La Médecine
conservé , et que le cours du sang n’étoit point
interrompu dans l’artère blessée, dont les bords
ou les lèvres de la plaie se réunissoient ou
plutôt s’unissoient médiatement l’un à l’autrê.
Mais l’expérience a prouvé que toute com-
pression stable et permanente sur une artère ,
l’oblitéroit dans le lieu de la pression , et
jusques à l’endroit où elle reçoit quelques
petites artères de communication (1) : cet avan-
tage est donc imaginaire. Mais les inconvéniens
qui résultent de cette compression sont réels ;
ou celle-ci sera insuffisante , ou il ne sera pas
possible d’en garantir entièrement les parties
environnantes , et la moindre suffit pour s’op-
poser au cours du sang dans les petites artères
collatérales qui doivent le porter dans l’artère
au-dessous du lieu comprimé. C’est à cette par-
faite liberté dans le cours des liqueurs , qu’est
dû le succès que l’on peut se promettre de
l’opération.
Les premiers exemples qui nous aient été
donnés delà ligature de ces principales artères,
nous ont été fournis par Marc-Aurèle Seve-
rin (2) et par Saviard (3). On voit , par l’ob-
servation du premier combien Lon redou-
toit de mettre l’artère à découvert et d’en
faire la ligature , puisque la proposition en fut
universellement rejetée : ce ne fut qu’après
(1) Des observations faites par M. Petit ont prouvé que
cet effet de la compression n’étoit pas constant ; mais le
contraire a été généralement observé par les meilleurs
observateurs , et particulièrement par Valsalva , Molinelli ,
Tdorgagni, etc. ; l’observation de M. Petit ne peut donc
être regardée que comme une exception à Ta règle gé-
nérale. V " ,
(2) De medicina ejficaci , liber 3.
(3) Obs. 63.
ÉCLAIRÉE, etC.
69
plusieurs hémorragies que répuisement du ma-
lade détermina enfin à prendre ce parti. On
ne peut clouter que la compression , sur-tout
après l’ouverture de la tumeur , n’ait été mé-
thodique (1). La précaution de faire la com-
pression à l’aine pour se rendre maître du
sang pendant l’opération , et celle de séparer
la veine de l’artère pour la lier , ne laissent
aucun doute sur les connoissances anatomiques
qui dirigeoient les Chirurgiens chargés du
malade.
L’observation de Saviard nous présente la
ligature de l’artère fémorale blessée comme la
seule ressource à tenter , malgré la perte de
sang qu’il redoutoit pendant l’opération : la
crainte de ne pas reconnoître l’ouverture de
l’artère , et celle de ne pouvoir s’opposer au
sphacèle qui pouvoit survenir après la ligature ,
toutes ces considérations n’arrêtèrent point ,
et l’opération eut le plus grand succès.
Si l’on s’en rapporte à Heister (2) ^ une bles-
sure de l’artère fémorale a été guérie par la
compression.
Depuis Saviard , la première cure d’une
blessure de l’artère fémorale en France est
due à M. Sabatier. Cet habile Chirurgien em-
ploya la compression : plusieurs hémorragies
se succédèrent j il se rendit enfin maître du
sang , et le malade a guéri.
O11 lit dans le journal de Médecine , novem—
(1) On sait que la compression sur le tube artériel est
d’autant plus sûre qu’elle est immédiate,
(2 ) Inst. Chir. pars 11 , seck. 1 , caput i3 , et program-
ma cle artenœ cruralis vulnere pericuiosissimo féliciter
sanato , 1771 , in quo ligaturam indicat. Idem Ephém.
des curieux de la nature , vol. 7 , obs. 32.
E 3
7° La Médecine
bre 1770 , qu’une blessure d’artère fémorale a
été guérie par une compression stable sur le
trajet de l’artère , au moyen du tourniquet de
Morel ; ce qui n’empêcha pas, ajoute-t-on , la
libre circulation du sang dans la partie au-
dessous de la compression.
M. Dessault , alors substitut du Chirurgien
en chef de l’hôpital de la Charité , fit publi-
quement , dans cet hôpital la ligature de
l'artère fémorale à la suite d’une blessure , et
l’opération eut le succès (1) que l’on devoit
attendre de cet habile Chirurgien.
Si à la cure opérée par M. Sabatier, par la
compression , et à celle qu’a obtenue , par le
même moyen , M.. JussyJ , Chirurgien à Be-
sançon , ori oppose la multiplicité des cas où
la compression sur des artères principales , et
même sur celles d’un ordre inférieur, n’a eu
aucun succès il sera difficile de ne pas con-
venir que la ligature est préférable. J*
Dans les anévrismes vrais et dans les ané-
vrismes faux., quand , dans ceux-ci , il s’est
écoulé quelque temps entre la blessure de
l’artère et l'opération , la gêne que le sang
éprouve dans l’artère blessée le fait refluer en
plus grande quantité dans les petites artères
collatérales $ celles-ci acquièrent un diamètre
plus grand , et sont déjà disposées à porter le
sang dans l’artère au-dessous de la blessure ,
lorsqu’on se détermine à l’opération : mais dans
l’opération, qui suit de près la lésion d’une
artère , les petites collatérales ne présentent
pas le même avantage \ cest donc plus que
(1) Quoique le malade soit mort le quinzième jour ,
J’opëration n'a pas moins réussi , l’artère étoit oblitérée
et le malade eut conservé sa cuisse.
éclairée, etc. 71
jamais le cas cl’éviter tonte compression sur
elles , et celui sur- tout de permettre la plus
grande liberté dans le cours des liqueurs.
Première Observation.
Blessure de V artère brachiale .
Le 11 avril 1791 , le nommé René Piénoir ,
âgé de 2 5 ans , domestique attaché au ser-
vice de M. Baujon, rue du Mont-Parnasse ,
fut menacé d’un coup de couteau dirigé vers
la poitrine : Piénoir leva le bras pour parer le
coup ; l’instrument blessa le bras à sa partie
, moyenne antérieure et supérieure , vers le bord
externe du biceps. Par cette situation du bras ,
de coup porté de haut en bas se trouva dirigé
dans le bras de bas en hhnt. Le blesse fit quel-
ques pas ; mais affoibli par la perte d’une grande
quantité de sang , il tomba sans connoissance.
Un élève peu instruit ne connut point le dam
ger de cette blessure 5 il saigna le malade une
fois , et mit sur la partie blessée des compresses
trempées dans une liqueur spiritueuse. Le bras
se tuméfia médiocrement , et les choses res-
tèrent dans cet état pendant huit jours.
Le huitième jour , une légère toux déter-
mina une forte hémorragie ; un autre Chirur-
gien , appelé vers les quatre heures du matin ,
connut l’importance de la blessure , et me fit
inviter à voir le malade. Le sang alors étoit
arrête.
A huit heures du matin , je m’y transportai
avec M. Boyer , Chirurgien gagnant maîtrise
de l’hôpital de la Charité. Je trouvai le bras
énormément tuméfié depuis l’aisselle jusqu’au
pli du bras ; celui-ci et l’avant-bras éîoient
E 4
72 La MÉDECINS
échimosés jusqu’au poignet. Nous reconnûmes
aisément les symptômes d’un anévrisme faux
à la suite de la blessure de l’artère brachiale.
Nous convînmes de nous trouver chez le ma-
lade le même jour , onze heures du matin ,
pour procéder a l’opération, qui étoit urgente.
A cette heure , toutes les choses disposées ,
le malade et les élèves situés, j’introduisis une
sonde dans le trajet de la plaie ; mais sa direc-
tion de bas en haut vers l’axillaire , nous donna
lieu de craindre que la lésion de l’artère ne
.fut très- haute, et que peut-être nous nous
trouverions dans la nécessité indispensable de
procéder sur le champ à l’amputation dans
l’article. L’importance du cas me détermina
à demander un consultant. A cinq heures du
soir , nous nous trouvâmes chez le malade avec
M. Sabatier, et je procédai à l’opération de la
manière suivante.
Je fis une incision de cinq pouces environ
sur le trajet de l’artère , depuis le tendon du
pectoral jusques vers le tiers inférieur du bras ;
je pénétrai dans le foyer anévrismal , et le né-
toyai de tous les caillots qu’il contenoit : l’in-
térieur lavé et essuvé avec une éponge fine ,
on suspendit la pression faite sur l’axillaire ,
au-dessus de la clavicule. Nous sentîmes alors
bien distinctement les battemens de l’artère ,
mais il n’en sortit pas une goutte de sang :
nous passâmes plus d’un quart-d’heure à exa-
miner la partie , et à nous assurer de l’état des
choses ; et pendant tout ce temps , il ne sortit
rien de l’artère. .Un de nous présuma que la
principale artère n’étoit point blessée , parce
qu’il n’étoit pas probable qu’une artère aussi
forte ne fournît point de sang. Les autres per-
sistèrent dans l’opinion que l’artère brachiale
ÉCLAIRÉE, etC.
étoit ouverte , nulle autre , clans cet endroit ,
11e pouvant fournir une aussi grande quantité
de sang que le malade en avoit perdu. Dans
cette incertitude , nous résolûmes d’employer
dans l’intérieur de la plaie une compression
sur le trajet de l’artère , et préalablement de
placer une ligature d’attente ; mais la difficulté
étoit de connoître le lieu de la blessure. J’a-
grandis la plaie faite par le couteau , et portai
le doigt vers la partie supérieure de I fL bra-
chiale ; je pris le parti de choisir ce lieu pour
celui de la ligature , que je fis cinq à six lignes
au-dessus de l’endroit où répondoit l’extrémité
de mon doigt. Pour faire cette ligature , je me
servis cl’une aiguille imitant celle de Gou-
larcl (1) , pour la ligature des artères inter-
costales , mais dont la courbure étoit adaptée
au lieu où j’opérois. L’aiguille passée sous
l’artère et le pacquet de nerfs, j’introduisis un
fil ciré en trois brins dans l’ouverture pratiquée
à sa pointe, et je le passai en retirant l’ai-
guille. Tout le trajet de l’artère dans la plaie
fut garni d’agaric , et la cavité de charpie ; le
tout contenu par un bandage à dix-huit chefs
solidement serré , mais pas assez pour effacer
le pouls qui se faisoit sentir aisément. Les
boissons furent appropriées à l’état du malade ,
et un élève instruit fut placé près de lui pour
ne le point quitter.
La nuit suivante fut assez tranquille ; mais
vers les quatre heures du matin , le sang parut
en petite quantité , et s’arrêta de lui-même 5 ce
(1) Mémoires de l’Académie des sciences, année 174° :
Garengeot , tom. 2, page 4^1 . deuxième édition.
Gravée dans JJionis par M. Lafaye , torn. 2 , planche
première des remarques P G.
74 La Médecine
qui se renouvel la deux fois dans la journée ,
ainsi que le lendemain mercredi. La perte de
sang cependant ne paroissoit pas considérable ,
mais le jeudi matin elle fut effrayante. Le lit
étoit entièrement traversé par un sang noir et
d’une odeur putride que lui communiquoit l’ap-
pareil , qui exhaloit une odeur insupportable.
A dix heures du matin , je me trouvai chez le
malade avec M. Boyer : nous levâmes l’appa-
reil, et laissâmes dans la plaie la charpie et
l’agaric qui y aclhéroient ; une partie de la
charpie , introduite dans la plaie faite par le
couteau fut ôtée ; il n’y eut aucune apparence
d’hémorragie ; le malade fut pansé comme le
jour de l’opération. Il y avoit moins de gonfle-
ment au bras , mais la chaleur étoit diminuée ,
et le pouls paroissoit moins sensible. A midi ,
le sang partit avec impétuosité, et fut arrêté sur
le champ par l’élève. Je me transportai aussi-
tôt chez le malade ; je levai entièrement l’ap-
pareil ; je nétoyai l’intérieur de la plaie dans
l’espérance de trouver l’ouverture de l’artère ,
ou au moins le lieu à-peu-près de la sortie du
sang. Mon espérance fut trompée ; il n’en
sortit pas une goutte. Le malade étoit épuisé ,
et je ne pouvois plus compter sur la com-
pression : je pris le parti de me servir de la
ligature d’attente., dans l’espérance qu’elle seroit
peut-être placée avantageusement; mais a peine
l’artère fut-elle serrée , que le sang sortit avec
impétuosité. Il me fut facile de sentir que la
ligature étoit placée au-dessous de la blessure
de l’artère , que je ne pus distinguer, mais j en
tirai cet avantage , tardif à la vérité , que je
Connus précisément le lieu d’où sortoit le sang.
Celui-ci arrêté par la compression sur 1 axiilaii e,
je portai une ligature au dessus, et le coins
É C ï. A I R É E , etc. 7S
clu sang fut suspendu entièrement. Le malade
à l’instant perdit toute espèce de sentiment et
de chaleur à la partie. La quantité de sang
écoulé pendant cette opération pouvoit être
évaluée à deux ou trois cuillerées , mais il
étoit d’ailleurs épuisé. Une demi-heure après,
il eut une foi blesse. Quelques minutes après
il reprit sa connoissance , mais un orage, ac-
compagné de plusieurs coups de tonnerre ,
joint à l’état critique où il étoit lui fit une
telle impression , qu’il expira trois heures après
l’opération.
A l’ouverture du cadavre , nous reconnûmes ,
MM. Sabatier , Boyer et moi , que l’artère bra-
chiale avoit été ouverte à sa partie postérieure
externe , dans une étendue de deux lignes ,
suivant sa longueur , vis-à-vis le bord inférieur
du tendon du grand pectoral , au-dessus de la
naissance des artères profondes supérieures du
bras ÿ que la ligature d’attente étoit placée à
quatre lignes environ au-dessous de l’ouver-
ture , et que la supérieure l’étoit à cinq lignes
à-peu-près au-dessus.
D euxième Observation.
Blessure de l’artèi'e fémorale .
Le mois suivant , 9 mai 1791 , le nommé
Etienne Escure , menuisier , âgé de 21 ans ,
se blessa au tiers inférieur antérieur de la
cmsse droite , avec un ciseau dit bédane , dont
le tranchant étoit de dix lignes. Cet instrument
pénétra de devant en arrière et de dehors en
dedans , et ouvrit l’artère fémorale.! Le sang
sortit avec rapidité et en grande quantité. Le
malade fut transporté le même jour à l’hôpital
de la Charité.
7^ La Médecine
Le lendemain , sept heures du matin , j’exa-
minai la blessure ; la cuisse étoit légèrement
tuméfiée. Je levai un peu de charpie placée
sur la plaie ; le sang sortit aussi- tôt en arcade.
La situation de la plaie ne laissa aucun doute
sur la lésion de l’artère fémorale , aucune
autre dans cet endroit ne pouvoit fournir la
quantité de sang que le malade avoit perdu.
L’opération étoit indispensable ; elle fut remise
à onze heures du matin le même jour.
En présence de MM. Chopart , Boyer et
autres, je procédai à l’opération de la manière
suivante. J’introduisis une sonde dans la plaie ;
sa direction ^ cjue j’eus de la peine à suivre , la
conduisit vers l’artère fémorale , à-peu-près à
l’endroit où elle passe à travers le tendon du
grand adducteur. Sans avoir égard . à cette
plaie _, je fis une incision de la longueur de six
à sept travers de doigts sur le trajet de la fé-
morale , de manière que le lieu où la blessure
de l’artère pouvoit etre supposée , se trouva
■ dans le milieu de l’incision $ les tégumens
ouverts , je pénétrai à travers le muscle qui
couvre l’artère avec toutes les précautions né-
cessaires jusqu’à ce qu.e son battement me fût
sensible.
Comme il n’y avoit aucun épanchement san-
guin , et par conséquent aucune cavité , il me
fut impossible de mettre l’artère parfaitement
à découvert. J’en approchai le plus près pos-
sible et autant que la prudence put me le per-
mettre. Celle-ci, blessée à sa partie postérieure,
ne me présentoit aucune ouverture. La com-
pression faite sur l’artère crurale , au pli de
l’aine , suspendue , le sang ne parut ni par
l'incision ni par la plaie faite par l’instrument
blessant. J’introduisis de nouveau la sonde par
ÜSCLAIREE, etc. 77
cette plaie ; j’en sentis distinctement l’extré-
mité , mais non él nu : en portant l’ongle du
doigt index sur les parties latérales de l’artère ,
je pénétrai dans un très-petit foyer , qui conte-
noit un caillot de la grosseur à-peu-près d’une
aveline. Tout l’intérieur de la plaie nétoyée ,
lavée et essuyée avec une éponge , je fis sus-
pendre la compression , le sang ne parut point.
Quelques-uns des assistans doutèrent de la lé-
sion de l’artère -, mais la direction de l’instru-
ment, et la quantité de sang sorti par la plaie ,
ne me laissèrent aucun doute sur la blessure
de l’artère fémorale. La ligature étoit indiquée ,
mais la difficulté étoit de les placer l’une au-
dessus et l’autre au-dessous de la lésion de
l’artère, dont le lieu précis étoit inconnu : je
me rappelai que chez le malade qui a fait
le sujet de l’observation précédente , la cons-
triction de l’artère au-dessous de la blessure
avoit déterminé la sortie du sang. Je crus en.
conséquence devoir commencer par la ligature
inférieure. L’extrémité de la sonde rejoignant
l’artère près de son passage à travers le tendon
du grand adducteur, j’incisai plus profondé-
ment à cette partie où , passé le tendon ,
l’artère est plus enfoncée $ et quand j’en eus ap-
proché avec toute la prudence qu’exigeoit cette
opération , je projetai de placer la ligatur®
quatre à six lignes au-dessous de l’endroit où
aboutissoit l’extrémité de la sonde.
Le doigt indicateur de la main gauche , placé
en cet endroit transversalement sur l’artère ,
me donna le double avantage de m’assurer ,
par le battement de l’artère , de sa position
exacte , et celui de diriger la pointe-mousse dé
l’aiguille , qui fut la meme que celle dont je
me suis servi pour la ligature de l’artère bra-
7^ La Médecins
cliiale. Mon doigt un peu plus avancé sur l’ar-
tère , et l’ongle par conséquent un peu plus
éloigné , je dirigeai sur lui l’extrémité mousse
de T aiguille à manche , présentée suivant la
longueur du membre. Je la portai perpendi-
culairement , et assez profondément pour être
sûr d’avoir dépassé l’artère ; ensuite , je lui lis
faire un demi-tour, rappelant à moi le manche
de l’instrument pour le placer transversale-
ment à l’artère , sous laquelle je la passai en
y comprenant une portion des muscles envi-
ronnans. La pointe-mousse de l’aiguille par-
venue au côté opposé à son entrée , et sortie
assez au-deiiors pour en voir facilement la
petite ouverture pratiquée près sa pointe , j’y
passai un fil ciré en quatre brins , que je con-
duisis sous l’artère en retirant l’aiguille (1) $
ensuite , prenant les deux extrémités du fil de
la main droite , je passai entr’eux le doigt in-
dicateur de la main gauche , et j’appuyai for-
tement sur l’artère , tandis que je tirai à moi
les deux fils. Le sang par ce moyen arrêté dans
le tube artériel , au-dessous de sa blessure ,
sortit avec une impétuosité telle qu'un des
assistant prononça légèrement que j’avois tra-
versé l’artère avec l’aiguille. Le sang fut arrêté
(1) L’aiguille de Goulard a une rainure sur sa partie
convexe pour loger le fl dont elle est armée avant de
traverser les parties , ce qui rend la marche de cette ai-
guille plus difficile : à cette difficulté est jointe celle de
dégager ce fil lorsque la pointe de l’aiguille est parvenue
au côté opposé. Celle dont je me sers est plate , sans
rainure, sa largeur est d’une ligne et demie, mousse à
sa pointe , à une ligne et demie de laquelle est pratiquée
une ouverture dans laquelle je ne passe le fil que lors-
que l’aiguille a traversé toutes les parties. Ce procédé me
paroît préférable à l’autre.
ÉCLAIRÉE, etc. 79
sw le champ par la compression à l’aine. Le
lien d’où sortoit le sang parfaitement connu ,
il me fut facile de faire la ligature supérieure.
Le procédé fut le même ; et la même pression,
sur l’artère avec mon doigt entre les deux fils
tirés à moi , en arrêtant entièrement le sang ,
m’assura que l’artère étoit bien comprise , et
que je pouvois la lier. En retirant l’aiguille ,
au lieu de conduire le fil double , j e le tirai
simple. Je proposai d’en conduire un autre
pour une ligature d’attente , mais la longueur
de l’opération fit rejeter ma proposition , et
j’eus lieu de m’en repentir. De petites com-
presses furent placées sur l’artère , qui fut liée
haut et bas par un double nœud. Les fils ap-
partenans à chaque ligature furent placés sé-
parément , enveloppés de petites compresses.
La plaie fut mollement remplie de charpie , et
l’appareil fut contenu par un bandage nulle-
ment serré , et tel qu’il ne pouvoit s’opposer
à la libre circulation du sang dans les artères
collatérales. Le soir , le malade étoit dans un
état satisfaisant ; la douleur étoit médiocre ,
et la jambe avoit conservé sa chaleur naturelle.
La nuit fut agitée j il y eut quelques instans
de délire. Le lendemain, à ma visite du matin,
je trouvai le malade assez bien ; il y avoit de
l’élévation dans le pouls , sans fièvre marquée.
On observoit moins de chaleur au pied , mais
celle de la jambe étoit dans son état naturel ,
et point de gonflement dans la partie. Le sur-r
lendemain , troisième jour de l’opération , la
fievre étoit plus forte , mais modérée , la dou-
leur étoit réduite à peu de chose ; la chaleur
étoit rétablie dans toute l’étendue de la partie.
Lie quatrième jour , l’appareil parut un peu
humecté d’une liqueur séreuse sanguinolente.
8o Là Médecine
Cet état resta le même jusqu’au septième jour
de l’opération , qu’il y eut le soir une hémor-
ragie considérable ! je levai l’appareil 3 à l’exa-
men , je trouvai la ligature relâchée , et telle
qu’elle n’avoit plus aucune action sur l’artère ,
les parties musculaires , comprises dans la liga-
ture , étant en partie coupées. L’impossibilité
de dénouer les fils et de resserrer la ligature ,
( inconvénient attaché à ce moyen d’arrêter le
sang ) me mit , par l’omission d’une ligature
d’attente , dans la nécessité d’en pratiquer une
nouvelle au-dessus de l’ancienne 3 ce ne fut
qu’en la serrant très - fortement que je pus
intercepter le cours du sang dans le canal ar-
tériel : j’en vins enfin à bout, mais le lendemain
au soir le sang reparut en assez grande quantité.
L’appareil fut levé et la ligature fut encore trou-
vée relâchée. Nous prîmes le parti d 'agrandir
la plaie supérieurement, et de prendre l’artère
dans la partie où elle est placée moins profondé-
ment. J’y fis une ligature , mais ce fut encore
avec une plus grande difficulté que je parvins
à arrêter le sang. Cette ligature fut serrée aussi
solidement que les précédentes 3 mais dans la
nuit , le sang reparut et continua de couler à
différentes reprises , le jour suivant , mercredi
18 juin , dixième jour de la première opération.
Toutes ces pertes de sang , coups sur coups ,
avoient extrêmement affoiblit le malade 3 son
visage étoit décoloré , et son poids d’une foi-
blesse extrême. Tant de ligatures sans succès
me firent regarder une nouvelle tentative
comme inutile. Il falloit un moyen d’étrangler *
promptement l’artère , et de la mafntenir cons-
tamment étranglée par la facilité que l’on au-
roit de la serrer à volonté , à mesure que les
parties comprises dans l’anse de la ligature cé-
deroient
t c î- a i r. ié e , etc. 8r
deroient à la pression du fil. Le gonflement
de la partie avoit rendu la situation de l’ar-
tère plus profonde ; il fallôit , par conséquent^
que ce moyen présentât cet avantage , que la
puissance qui agiroit pour serrer le fil put
avoir un effet sûr , quoiqu’él'oignée dix tube
artériel. J’imaginai un instrument propre à
remplir ces intentions. Je passai une partie de
l’après-midi chez un orfèvre pour le faire exé-
cuter devant moi. A peine étoit-il achevé , que
l’on vint m’avertir que le malade perdoit du
sang , en petite quantité , à la vérité ; un élève #
qui ne quittoit point le malade , s’en étoit
rendu maître , au moyen du tourniquet de
M. Petit , placé par précaution. Je me trans-
portai aussi-tôt à l’hôpital, où s’étoit rendu
M. Boyer j nous examinâmes l’instrument, et
nous nous assurâmes à priori de l’effet qu’il
devoit produire sur l’artère. L’appareil fut levé
en entier : je trouvai la ligature relâchée \ elle
fut coupée , et le fil d’attente , que j’avois eu
soin de mettre à chaque ligature , me servit à
conduire sous l’artère un cordonnet plat d’une
ligne et demie de largeur , appelé dans le com-
merce coulisse ou lacet blanc : il me parut pré-
férable au fil ciré en quatre brins , en ce qu’il
étoit moins coupant ; que nécessairement il
devoit comprimer par sa partie plate , et que
les parties qui le composent ne sont point di-
visibles. Ce cordonnet passé , j’en introduisis
les extrémités dans les ouvertures pratiquées
à la plaque , et à celle de la tige de la machine ,
comme il est marqué dans la figure ci-j ointe.
Alors , tirant les deux extrémités du ruban
d’une main, je conduisis la plaque sur l’ar-
tère. Bien assuré de sa position , je pris de
chaque main une extrémité du ruban et le
Tome III. N°. III. F
82 XjA. Médecine
tirant en sens contraire , sur le bord arrondi
et poli de l’ouverture pratiquée à la tige ,
comme sur une poulie , je comprimai l’artère
qui , au premier effort , fut aussi- tôt étranglée ,
et avec la plus grande facilité ; le sang fut arreté
sur le champ , ce que nous avions eu la plus
grande peine à obtenir par la ligature ordinaire ,
comme je l’ai observé : je passai alternativement
les extrémités du ruban dans l’échancrure pra-
tiquée à l’extrémité de la tige , et les fixai au-
tour par un nœud coulant. Dès ce moment
le sang a été arrêté , et il n’en a pas paru une
goutte depuis. L’appareil fut placé mollement ;
la machine , ou serre-artère , fut entourée de
charpie mollette ; les compresses furent mises
de manière que sa partie excédant les bords
de la plaie fût libre au-dehors, et je pris toutes
les précautions nécessaires pour qu’elle ne fût
point exposée aux agens extérieurs. A cette
époque , le pied me parut un peu plus froid
que la jambe. Le malade, comme je l’ai dit,
étoit d’une foiblesse extrême : les toniques ,
les légers cordiaux et les alimens farineux
furent mis en usage , ceux-ci avec la plus
grande prudence. Le lendemain de cette der-
nière ligature , je trouvai les linges baignées
.d’une matière putride , ce qui m’obligea de
lever l’appareil , qui fut suivie de la charpie,
qui se détacha d’elle-même ; le pied me parut
avoir plus de chaleur que la veille , et les jours
suivans elle fut entièrement rétablie. Cette
matière putride fit bientôt place à une suppu-
ration d’une bonne qualité. La plaie alors étoit
d’une grandeur énorme , de la longueur de
sept à huit pouces, et d’une profondeur consi-
dérable près le jarret, où, comme je l’ai dit,
la ligature inférieure ayoit été placée au-dessous
^ÉCLAIRÉE, etc.' 83
du passage de l’artère , à travers le tendon du
grand adducteur.
Le lundi q.5 mai , cinquième jour du place-
ment de la dernière ligature , je m’apperçus
qu’elle étoit un peu lâchée 3 je déliai les ru-
bans et la serrai un peu , ce que j’exécutai
avec la plus grande facilité ; j’eus encore oc-
casion de la resserrer un peu le douzième jour.
Alorsla ligature inférieure^ quin’avoit pas chan-
celé s’étant trouvé lâchée , elle me parut inu-
tile , et même nuisible , comme corps étranger 3
et d’autant plus qu’elle contenoit dans son anse
une compresse imbibée de matière putride , je
passai une sonde cannelée sous le fil , et le
coupai.
Le mardi premier juin , une escharre gangre-
neuse s’annonça à l’angle inférieur de la plaie,
dans le lieu qu’occupoit la ligature. Le malade
éprouvoit à cette partie des douleurs vives et
continues : d’ailleurs le reste de la plaie étoit
dans un état satisfaisant. La suppuration étoit
d’une bonne qualité , et dans une telle abon-
dance , qu’elle m’obligeoit , depuis quelques
jours , à panser le malade deux et quelque-
fois même trois fois dans les vingt - quatre
heures.
L’escharre fit quelques progrès 3 les bords
de la plaie , clans cet endroit , étoient enflam-
més et extrêmement douloureux. Le fond de
la plaie , qui , dans ce lieu , étoit de la profon-
deur déplus de deux pouces , paroissoit affecté
de gangrène 3 mais elle ne me parut cpie locale 3
les parties voisines n’en étoient point mena-
cées.
Le trois juin le malade commit une impru-
dence dans le régime 3 il eut une mauvaise
nuit 3 il éprouva des coliques violentes , qui
F 2
84 La Médecine
furent suivies d’une évacuation abondante par
les selles. Cet accident le jetta dans l’affais-
sement ; la quantité de pus diminua sensible-
ment , mais le surlendemain elle se rétablit.
Le cinq juin , dix-huitième jour du place-
ment de la dernière ligature , au pansement
du matin , le fil d’attente suivit l’appareil ; ce
qui me convainquit que toutes les parties com-
prises dansl'anse de la ligature étoient coupées,
et que le serre - artère étoit inutile j mais la
plaque étoit perdue , et enclavée dans les chairs
qui la recouvroient ; je crus prudent de ne la
point tirer ce jour-là, crainte défroisser les
parties nouvellement coupées ; quelques jours
après je l’ébranlai avec précaution et j’en dé-
barrassai la plaie.
L’escharre gangreneuse, ainsique la douleur,
persistèrent jusqu’au 12, juin que l’inflamma-
tion se calma ; quelques petites portions d’es-
cliarres se séparèrent. L’ulcère paroissoit parfai-
tement détergé le dix-huit , mais la douleur n’é-
toit pas encore dissipée ; la quantité de pus di-
minua par degrés , ainsi que l’étendue de la
plaie , dont la partie supérieure se cicatrisoit ,
tandis que la partie inférieure restoit dans le
même état. Je rapprochai le milieu des lèvres
delà plaie avec un emplâtre aglutinatif, qui
eut tout le succès que je pouvois en attendre ;
mais ce moyen ne pouvoit être employé à la
partie inférieure : une compression sur le jarret
n’eut aucun succès $ j’en référai au temps , et
par des degrés bien Jens à la vérité la cavité
a diminué , et enfin le malade a été parfaite-
ment guéri le 16 août suivant , trois mois et
sept jours après sa blessure. Il est sorti de l’hô-
pital le vingt-neuf du même mois. A cette épo-
que le malade avoit le mouvement du genou
85
ÉCLAIRÉE, etC.
plus libre , et il commençoit à alonger sa
jambe.
Je ne parlerai d’un ulcère gangreneux, qu’une
situation constante sur la lace externe de la
jambe avoit déterminé à la malléole externe ,
que comme d’une cause de plus de douleur ,
qui a tourmenté le malade pendant presque
tout le cours de sa maladie.
Troisième Observation.
Blessure de l’artère poplitée .
Le même jour que le malade qui fait le sujet
de l’observation précédente fut conduit à l’hô-
pital de la charité , on y reçut le nommé Etienne
Repassos , domestique , âgé de 4.1 ans , blessé
au jarret droit par la pointe d’un sabre.
La plaie étoit située à la partie postérieure
inférieure un peu externe de la cuisse , avec
lésion de l’artère poplitée ; j’observai une tu-
meur anévrismale circonscrite, du volume d’un
gros œuf de dinde , avec une pulsation très-
forte , et même sensible à la vue. La jambe
étoitconsidérablement tuméfiée , principalement
au mollet. L’état du malade étoit d’ailleurs alar-
mant , par une affection catharreuse à la poi-
trine , survenue rapidement le lendemain de la
blessure : cet état étoit accompagné de fièvre,
d’étouffemens et d’insomnie ; les crachats étoient
abondans et suspects. Cette situation ne permit
pas de tenter l’opération ; on se contenta d’un
bandage méthodique sur le pied et sur la jambe,
et d’une compression graduée sur le trajet de
l’artère fémorale. Les douleurs à la partie
blessée furent supportables pendant quelque
temps 3 mais , du quatorze au vingt, elles aug-
86 Là Médecine
méritèrent , ainsi que la tuméfaction delà jambe:
la tumeur anévrismale ne parut éprouver au-
cun changement. Le vingt juin , la situation du
malade , quant à la poitrine , paroissant amé-
liorée , la fièvre diminuée , ainsi que la quan-
tité des crachats , mais l’état douloureux de la
partie blessée augmentant , je me déterminai
à l’opération , qui fut faite le lundi 2,0 juin , en
présence et de l’avis de MM. Chopart , Pelle-
tan , Boyer et plusieurs autres. Le malade
placé sur le ventre , j’incisai sur la tumeur,
suivant la direction de l’artère , premièrement
îa peau , ensuite le tissu cellulaire , avec toutes
les précautions nécessaires pour ne point in-
téresser le nerf que je cher, chois (1). La peau
et le tissu cellulaire incisés , de la longueur de
six travers de doigt, je reconnus le nerf au
côté duquel , vers la partie interne du jarret,
j’incisai toujours à profondeur , jusqu’à ce que
j’eusse pénétré dans le sac anévrismal. Alors,
en écartant le nerf avec les doigts de la main
gauche , j’agrandis l’ouverture du sac haut et
bas. Ceci fait , j’ôtai tous les caillots ; je lavai
et épongai exactement tout l’intérieur du foyer:
celui-ci parfaitement à sec , j’observai son
étendue et le lieu de la blessure de l’artère :
elle se présentoit à la vue d’une manière bien
sensible ; elle étoit entièrement coupée , le dé-
sordre , dans cette partie , étoit tel, que l’on
pouvoit facilement introduire le bout du doigt
dans le lieu où l’artère avoit été coupée . Je fis
(a) Il n’est point indifférent de comprendre Je nerf dans
la ligature, quand il est le seul qui porte le sentimentaux
parties. On peut impunément , comme font observé Vai-
salva , Molinelli , etc., lier ie nerf médian; mais il n'en
$eroit pas ainsi du nerf ou paquet de nerf brachial et du
nerf dont il est question ici.
ÉCLAIRÉE, etC. 87
lâcher le tourniquet , et la prompte sortie du
sang me confirma le lieu de la blessure de
l’artère : celle-ci n’étoit pas située dans la partie
la plus profonde du foyer , comme cela arrive
ordinairement ; nous observâmes qu’elle étoit
placée un peu plus en dehors , sur le côté in-
terne du foyer , ce qui en rendit la ligature
plus facile. Je 111e servis de la même aiguille ,
et du même procédé , et avec la même facilité.
Je conduisis le fil ciré sous l’artère inférieure-
ment , à quatre lignes à peu près de sa divi-
sion ; je serrai le fil par un double nœud simple.
Je procédai ensuite à la ligature supérieure ,
que je fis à égale distance à peu près de la
blessure de l’artère , y conduisant en même
temps un fil d’attente. Je saisis , comme dans
l’observation précédente , les deux extrémités
du fil avec la main droite , que je tirai à moi ,
tandis que le doigt indicateur de la main gauche,
appuyé sur l’artère , entre les deux fils , arrêtant
le sang, m’assura que l’artère étoit bien comprise
dans l’anse du fil ; je fis alors un nœud simple sur
l’artère, sans me servir de petite compresse. Je
le serrai fortement ; je fis lâcher le tourniquet,
le sang parut en petite quantité ; je serrai de
nouveau , mes doigts étant introduits dans le fond
de la plaie. Un des assistans posa le doigt sur le
nœud du fil pour le contenir , tandis que je
faisois le second que je serrai sur le premier,
avec toute la fermeté que mes doigts , agissant
près le tube artériel, purent me procurer. Nous
restâmes un instant à examiner ces choses : le
tourniquet étoit lâché, le sang parut $ les deux
nœuds étoient faits , il n’étoit plus possible de
resserrer la ligature. Quelques-uns des consultant
furent d’avis de se servir de la ligature d’at-
tente , et de la serrer 5 d’autres proposèrent
F 4
8o la Médecine
la machine ou serrre-artère qui m’avoit réussi
clans l’opération précédente ; je me rendis à ce
dernier avis. Je me servis de la ligature d’at-
tente pour passer le cordonnet plat , sans
toutefois supprimer le fil d’attente. Je coupai
la ligature faite , passai le cordonnet dans le
serre- artère , et au premier effort le sang fut
arrêté et ne reparut plus. Je serrai le fil sur le
serre-artère $ je garnis cet instrument comme
dans l’observation précédente. La plaie fut rem-
plie de charpie , et tout l’appareil fut contenu
par un bandage médiocrement serré. Le même
jour midi , la jambe avoit à peu près sa chaleur
naturelle ; mais le pied étoit froid et insensible:
les fomentations spiritueuses chaudes furent em-
ployées sans interruption. Le soir le pied me
parut moins froid , ce que j’aurois pu attribuer
aux linges chauds qui l’enveloppoient conti-
nuellement , si le sentiment n’étoit un peu
revenu dans la partie : ce sentiment parut plus
marqué le lendemain et le jour suivant ; mais
les deux premiers jours le pied se refroidissoit
quelques instans après que les linges chauds
étoient ôtés 5 ce ne fut que le cinquième jour
que les doigts du pied reprirent un peu de cha-
leur ; les jours suivans elle étoit dans son état
naturel.
Le vingt-trois juin , troisième jour de l’opéra-
tion , j’ôtai les compresses et ne laissai que la
charpie , qui , humectée par une suppuration
abondante et fétide , se détacha d’elle-même
le surlendemain.
Le lundi vingt-septième jour , la ligature me
parut moins serrée , je la resserrai un peu. Les
pansernens consistoient , comme dans l’obser-
vation précédente*, en charpie molette dans
l’intérieur de la plaie , et en plumaceaux cou-
ÉCLAIRÉE, etC. 89
verts d’un mélange de bannie d’arcœus et de
cérat. La suppuration étoit abondante et d’une
bonne qualité; mais malgré tous les moyens in-
diqués , pris intérieurement, la lièvre 11’avoit
point discontinué ; la poitrine étoit toujours
un peu affectée.
Le samedi deux juillet, douzième jour de l’o-
pération , je remarquai que toutes les parties
comprises dans l’anse de la ligature supérieure
étoient coupées ; je retirai facilement , avec
précaution, le serre-artère , ainsi que le ruban
qui y étoit attaché. Deux jours après, la li-
gature me permit de passer une sonde can-
nelée dans son anse , et je la coupai. Le senti-
ment et la chaleur , dans toute la partie ,
étoient dans l’état naturel , mais l’engorgement
de la jambe n’avoit point diminué. Une tumeur
profonde et douloureuse sous les muscles ju-
meaux et solaire se termina par un abscès ,
dont le pus se dégorgeoit dans la plaie ; j’en
incisai l’angle inférieur , assez pour établir une
communication plus facile.
\'ers le vingt juillet , un mois après l’opéra-
tion , le malade fut attaqué d’une diarrhée
opiniâtre 5 il éprouva des frissons irréguliers ^
des vomissemens , des foiblesses : le pus devint
séreux et fétide , et le malade succomba le
vingt-huit juillet , trente-huitième jour de l’o-
pération.
J’ai cru devoir entrer dans quelques détails
sur le manuel de ces différentes opérations , et
sur leurs suites ; détails trop négligés par le
petit nombre de ceux qui ont parlé de l’ané-
vrisme et des blessures d’artère.
Les deux premières observations prouvent
qu’il est des cas où l’artère blessée à sa partie
postérieure , ne permet aucune effusion de
sang lors de l’opération , et qu’on ne doit point
9° la Médecine
en conclure que l’artère n’est pas blessée, quand
îa situation et la direction de la blessure ne
peuvent faire soupçonner la lésion d’aucune
autre capable de fournir une certaine quan-
tité de sang ; que le lieu précis de la blessure
de l’artère étant inconnu , il est impossible
de placer sûrement la ligature. Le hasard
m’ayant procuré le moyen de m’en assurer
dans la première opération , il pourra en pa-
reilles circonstances être employé avec le même
succès que je l’ai fait dans la seconde.
Lorsqu’à près la blessure d’une artère , le
sang a eu une issue libre par la plaie , et qu’il
ne s’est point accumulé dans le lieu de la bles-
sure , comme dans la seconde observation , l’ar-
tère ne cesse point d’être environnée du tissu
cellulaire , et il n’est pas possible , sans impru-
dence , de la mettre parfaitement à découvert,
il suffit d’en approcher le pins près possible.
Il pourrait arriver que , malgré toute l’atten-
tion que l’on mettroit à comprendre l’artère
dans la ligature , elle échappât ; la précaution
de tirer les fds à soi , tandis que le doigt de
l’autre main seroit appuyé sur l’artère entre les
fils , donneroit une preuve certaine que le fil
est bien placé ; et dans le cas contraire 011 évite-
roitune constriction inutile et plus douloureuse
que la pression faite par le doigt. Ce procédé
m’auroit été de la plus grande utilité dans la
première observation. Là blessure de, l’artere ,
à la vérité, étoit au-dessus des artères profondes
supérieures , et par conséquent trop haute
pour espérer de conserver le bras \ mais le ma-
lade alors n’étant pas épuisé , il restoit la res-
source de l’amputation dans l 'article.
La ligature des principales artères placées pro-
fondément , présente souvent beaucoup de dif-
ficultés. i°. Four que la ligaturesoit suffisamment
É C L A I R É E , etC. 91
serrée, il faut que la puissance qui agit soit très-
près du nœud ; ce qui ne peut avoir lieu dans
ce cas , que par les extrémités des doigts , de-
là une force insuffisante ; l’attention , lans ce
cas , d’entortiller le fil autour d’une pince, n’est
pas plus sûre. 2°. La réaction des parties com-
prises# dans la ligature , et l’action convulsive
des muscles (1) , agissant du centre à la circon-
férence sur tout le cercle du fil , tend à l’é-
carter , et il se trouve lâclié lorsque le second
nœud vient à Fassujétir. La cire dont le fil
est enduit s’opposefoit un peu à cet écarte-
ment , mais l’humidité dont il est aussi-tôt cou-
vert rend cet avantage nul. L’utilité du double
nœud, ou du nœud du chirurgien , est imagi-
naire ; celui-ci , à la vérité , présente assez de
solidité pour attendre le second , mais ce der-
nier ne peut être appliqué exactement sur le
premier , et la ligature n’est pas serrée plus
solidement. La précaution de mettre un doigt sur
le premier nœud, sur-tout à cette profondeur,
ne la rend pas plus sûre , le fl glissant sous le
le doigt sans qu’on s’en apperçoive. 3°. La né-
cessité de tirer les fils transversalement à l’ar-
tère , ajoute encore à la difficulté , les lèvres
de la plaie ne donnant qu’un espace très-limité;
cet espace scroit plus étendu , si l’on droit
les fils suivant la longueur du canal artériel ;
mais alors le nœud seroit encore plus défectueux ,
car , par cette direction , le cercle deviendroit
plus oblique sur l’artère , et abandonné à lui-
meme il se trouveroit moins serré.
D après ces considérations , il n’est paséton-
(0 Chez le malade , sujet de la seconde observation ,
j ai remarqué qu’à chaque ligature les muscles entroient
1 en convulsion , et cet état convulsif des muscles a été
«observé aux pansemens suivans.
91 2 La M é d e c i k e
nant qu’on éprouve de la difficulté à arrêter
entièrement le sang dans le tube artériel (1),
quand , avec lui , on comprend des parties en-
vironnantes ; aussi a t on vu des cas où il n’a
pas ete possible de se rendre maître du sang.
Dans une opération d’anévrisme de l’artère po-
plitée 3 un chirurgien très exercé aux opérations
chirurgicales , ne put parvenir à serrer suffi-
samment l’artère , et l’on fut obligé d’avoir
recours à l’amputation.
Plus il y aura de parties comprises dans la
ligature , moins la pression circulaire s’exercera
sur le tube artériel , et plus il faudra que cette
pression soit forte , par conséquent les parties
environnant l’artère seront plutôt coupées (2) ;
le fil alors deviendra lâche , et n’agira plus
sur le tube artériel $ et si ce relâchement arrive
avant que celui-ci soit oblitéré , l’hémorragie
aura lieu. On sait qu’il n’est point de temps pré-
cisément déterminé pour cette oblitération ;
chez le malade , sujet de la seconde observa-
tion , elle n’avoit pas lieu le septième jour.
Dans un des hôpitaux de Paris , et dans le
même temps , un malade eut l’artère brachiale
ouverte ; le sang a donné., à différentes reprises,
malgré la ligature.
(1) Je suppose que l’artère n’est affectée d’aucune autre
maladie que de la blessure.
(2) La ligature sera d’autant moins solide que 1 on com-
prendra plus de parties avec l’artère dans l’anse du iil.
Gette opinion fondée sur la raison et sur l’expérience,
est bien opposée au conseil donné par plusieurs auteurs ,
de comprendre avec l'artère quelques parties environ-
nantes pour , disent-ils , matelasser 1 artère et en garantir la
section. La ligature la plus sûre sera celle ou 1 artère seule
sera comprise ; la méthode de Paré, universellement em-
ployée dans les amputations des grandes extrémités , en est
une preuve.
ÉCLAIRÉE, etC. 93
Le double nœud que l’on est obligé de faire
pour la sûreté de la ligature a cet inconvé-
nient que , lorsqu’elle se trouve lâchée , il
est impossible de délier le fil pour la resserrer.
Une ligature d’attente est alors de la plus grande
utilité 5 mais celle-ci employée , doit être suivie
d’un autre en cas de récidive. Toutes ces liga-
tures d’attente deviendroient inutiles , si l’ar-
tère étoit coupée par le fil en totalité ou en
partie 5 on sent qu’en pareille circonstance il
faudra placer une nouvelle ligature au-dessus
de l’ancienne.
Il est donc des cas , mais rares à la vérité ,
où il est impossible de se rendre absolument
maître du sang , et d'autres où il est absolument
nécessaire de resserrer la ligature. Ce sera dans
de pareilles circonstances qu’il faudra avoir
recours aux moyens mécaniques , qui , en
augmentant les forces , et les dirigeant de loin
vers le lieu où elles sont utiles , supléeront au
défaut des instrumens naturels , toujours pré-
férables quand ils peuvent suffire. Tel est l’ins-
trument dont je me suis servi , et qui , à cet
avantage , réunit celui de resserrer facilement
la ligature quand elle est lâchée.
Un ruban ou cordonnet plat de fil me paroît
préférable au fil ciré en plusieurs doubles , poul-
ies raisons alléguées , et parce qu’il présente
une surface plus large , et que par-là il est moins
susceptible de couper promptement. C'etoit l’o-
pinion du célèbre professeur d’Edimbourg (1).
Chez le malade , sujet de la seconde obser-
vation , je cédai à l’avis d’un des assistans ,
qui proposa une petite compresse placée sur
l’artère , entre elle et le fil de la ligature. Je
rejette cette compresse comme inutile et dan-
(1) Essais de médecine de la société d’Edimbourg.
94 La MiDEciNE
gereuse : celle-ci n enveloppant pas l’artère ,
et ne la garantissant que dans un point , c’est
comme si elle ne la garantissoit point du tout.
Cette compresse , loin d’ajouter à la solidité de
la ligature , lui est nuisible , en ce que le linge
humecte s affaisse , et le lien devient moins
serre. Enfin , cette compresse séjournant long-
temps dans la plaie , elle se trouve , dès les
premiers jours , imbibée des matières premières,
toujours d’une mauvaise qualité , et dont la pu-
tridité augmente par le séjour ; son contact con-
tinuel avec les parties voisines est préjudiciable :
pourroit-on lui attribuer l’inflammation locale
et l’escharre gangreneuse survenue à l’angle
inférieure de la plaie où elle étoit placée , ac-
cident auquel n’a point participé le reste de la
plaie , qui a toujours été dans l’état le plus
satisfaisant .? Quoi qu’il en soit je pense, avec
Saviard , qu’elle doit être proscrite de la liga-
ture des artères (^î).
Description diL Sej'rc- artère.
Cet instrument, en acier ou en argent forgé,
est composé d’une plaque A et d’une tige B ,
placée perpendiculairement sur elle.
La plaque , longue de six à sept lignes , large
de près de trois lignes , épaisse d’un tiérs de
ligne à ses extrémités , et cl’une ligne un quart
a son milieu , est plate du cote oe la tige , et
arrondie du coté opposé. Elle est percée dé
trois trous -, un quarré dans son milieu , pour
recevoir la tige rivée exactement. Les deux au-
tres CC sont ronds , polis et é vidés du diamètre
d’une ligne et demie , placés à chaque extrémité
de la plaque.
La tige a deux ponces de longueur ; son épais-
(i) Lieu cité.
ÉCLAIRÉE, etc. 9 5
senr est d’une forte ligne ; elle est applatie , et
sa largeur augmente depuis la plaque jusqu’à
son extrémité , où. elle peut avoir environ
quatre à six lignes : cette largeur est transver-
sale , par rapport à la largeur de la plaque.
Au tiers supérieur de cette tige , est pratiqué
un trou rond , très-poli et évidé D , dont le dia-
mètre est d’une ligne et demie ou deux lignes.
Cette plaque est terminée par une fente ou échan-
crure E , qui s’élargit à mesure qu’elle appro-
che de son extrémité.
T tube artériel à comprimer,
fl Ruban.
Pastilles astringentes de kzno.'
Ces pastilles sont préparées ayec la gomme
9 6 LaMédecike
kino , qui nous est apportée d’Afrique , et dont
il a été question dans un des numéros précédens.
Les Médecins angiois l’employent , depuis plu-
sieurs années , avec le plus grand succès dans les
dissenteries , et ils la regardent comme le meil-
leur des astringens connus : ils la font prendre le
plus ordinairement en poudre , à la dose de dix
grains jusqu’à trente-six, ou bien ils en prépa-
rent une teinture qu’ils donnent à la dose d’un
et deux gros. Cette dernière préparation est ap-
propriée au goût des Angiois , qui sont dans
l’usage de prendre un grand nombre de inédica-
mens sous la forme de teinture ; mais comme les
François sont peu accoutumés à ce genre de pré-
parations , on a cru pouvoir leur offrir la gomme
kino sous la forme d’un médicament qui peut leur
être agréable , c’est-à-dire sous la forme de pas-
tilles , qui sont ceux des médicamens que les
malades prennent avec le moins de répugnance ,
et qui dérangent le moins tout régime médical.
L’on fait usage des pastilles de kino comme de
celles de cachou : on les donne aux personnes
chez lesquelles les digestions sont lentes et diffi-
ciles ; elles produisent particulièrement de bons
effets dans les diarrhées chroniques et invété-
rées ; on les prescrit aussi aux personnes que
l’eau de la Seine relâche : leur usage n’exige au-
cun régime particulier ; l’on peut en prendre une
vingtaine par jour lorsqu on les prend comme
stomachiques, soit le matin ou le soir , avant ou
après le repas ; mais l’on doit doubler la dose ,
même la .tripler , lorsqu’on les prendra comme
astringentes.
Ces pastilles sont préparées à la pharmacie de
Tloüeïle-Pelletier 9 rue Jacob, fauxbourg Saint-
Germain , où l’on trouve aussi la teinture de
gomme kino.
( N°. IV. )
CHIMIE.
97
I. Observations sur le mélange métallique qui
est employé à fade les caractères d’impri-
merie , par M. Sage.
T j t. plomb et l’antimoine (le régule ) fondus en
diverses proportions, forment les caractères que
les imprimeurs employent : si je dis en diverses
proportions , c’est qu’on mêle avec le plomb plus
ou moins d’antimoine , suivant la dureté qu’on
veut donner aux caractères j ordinairement on
met cinquante livres de plomb dans vingt livres
d’antimoine fondu , mais pour les petits carac-
tères , où il faut plus de dureté , on met soixante-
quinze livres de plomb ^ vingt-cinq livres d’an-
timoine. Pour les gros caractères, quatre-vingt-
cinq livres de plomb et quinze livres d’anti-
moine. Comme quatre-vingt livres de plomb et
vingt livres d’antimoine formeroient un alliage
trop fort pour les gros caractères, les fondeurs
ajoutent du plomb à l’antimoine. Ces deux
substances métalliques, quoique de gravités spé-
cifiques bien différentes , restent exactement
combinées et ne se séparent point par la fusion ,
à moins que le feu ne soit assez violent pour
les brûler et les volatiliser , alors l’antimoine
commence par s’exlialer.
Les fondeurs de caractères doivent être atten-
tifs à employer l’antimoine le plus pur ^ c’est-à-
dire le plus exempt de soufre $ car lorsqu’il en
contient , il se reporte avec le temps sur le
plomb et forme une espèce de galène ou sul-
fure de plomb qui prend une couleur noire.
L’alliage métallique des caractères, au lieu de
'Conserver Son brillant et s pu poli , se ride , se
Tome III. N°. IV. G
98 La Médecine
ferce et effleurit pour ainsi dire. Lorsque cette
écomposition spontanée a lieu , les caractères
se déforment et deviennent friables ; j’ai eu
occasion de m’en assurer en analysant un alliage
semblable, avec lequel M. Anisson av oit fait
mouler des caractères arabes.
Le régule d’antimoine donne non-seulement
de la dureté au plomb, mais ce métal en prend
une bien plus considérable s’il est en outre
mêlé avec de l’étain. J’ai analysé des clous
qu’on destinoit pour la marine, ils étoient com-
posés de trois parties d’étain , de deux parties
de plomb et d’une de régule d’antimoine.
Desclousde cet alliagequi avoient douze lignes
de longueur sur deux lignes de diamètre vers
leur tête , entroient dans le bois de chêne de
toute leur longueur sans s’émousser.
IL Analyse d’une mine de plomb cuivreuse >
antimoniale , martiale , cobaltique , argen-
tifère , dans laquelle ces substances métalli-
ques se trouvent combinées avec le soufre et
l’arsenic d’ Arnostigui, dans la concession des
mines de Baigorri , en basse Navarre , par
M . Sage.
Cette mine , d’un gris noirâtre , et brillante en
quelques endroits comme la mine d'argent
grise , est entremêlée de quartz , quelquefois
parsemée d’azur de cuivre , d’efflorescence cui-
vreuse verte et de fleurs de cobalt d’un lilas
tendre.
Ayant fondu une partie de cette mine torré-
fiée , avec cinquante parties de borax , elle a
donné une couleur bleue.
Cette mine calcinée , ayant été fondue avec
trois parties de flux noir et un seizième de poudre
de charbon a produit par quintal vingt-cinq
£ C L A 1' R i £, etC. 99
livres d’un régule gris et fragile ; l’ayant fondu
avec huit parties de verre de borax , ce régule
ne lui a communiqué aucune couleur , il s’etoit
précipité au fond un culot gris , fragile , enclia-
tonné de plomb ductile.
Si je n’avois pas eu recours à ce moyen , je ne
me serois pas apperçu que cette mine contient
du plomb , quoiqu’il soit au moins dans la pro-
portion de moitié dans le régule mixte qu’elle
produit , qui est lui-même composé d’environ
moitié cuivre et d’un tiers de régule d’antimoiue
En le dissolvant dans l’acide nitreux , l’anti-
moine se trouve au fond du matras sous forme
d’une chaux blanche.
Le premier culot obtenu par la réduction da
la mine étoit composé de plomb , d’argent , de
cuivre et d’antimoine $ on voit que par la fu-
sion de ce culot avec le verre de borax il s’est fait
un départ par la voie sèche , puisque le plomb
et l’argent se sont précipités et ont resté sé-
parés y tandis que l’antimoine et le cuivre étoient
à la surface. Cette expérience démontre encore
que le cuivre a plus de rapport avec l’antimoine
que le plomb , puisque l’antimoine se sépare de
ce métal pour s’unir au cuivre.
III. Suite du mémoire de M. Fourcroy sur les
matières animales . Ann. Chimiq. tom. 7.
Sur le beurre et la crème du lait de vache.
Le beurre a le plus ordinairement une cou-
leur jaune ; il y en a cependant qui n’a point
de couleur et qui est blanc comme de la graisse.
On sait généralement que ce dernier est infé-
rieur en qualité.
On prétend que la couleur ou l’absence de
G a
îoo
La Médecine
couleur est due aux alimëns que prennent les
animaux qui les fournissent ; mais c’est un fait
connu des habitans des campagnes que les va-
ches donnent , les unes du beurre blanc et les
autres du jaune , lors même qu’elles sont nour-
ries des mêmes substances ou dans les mêmes
pâturages. Sans nier que les alimens contribuent
pour quelque chose à la coloration du beurre ,
il paroît que cette coloration inhérente à la
nature du produit , tient aussi à la diversité de
ce produit : on sait encore (pie le contact de
l’air colore beaucoup le beurre _, et que celui
qui est absolument blanc, immédiatement après
sa préjiaration ^ devient jaune au bout de quel-
que temps. Ce phénomène est bien sensible
dans les mottes de beurre que l’oii coupe , et
dont l’intérieur est infiniment moins coloré que
l’extérieur , qui jouit du contact de l’air.
On a remarqué que le lait fournissoit plus
promptement sa crème en été qu’en hiver ,
parce que la chaleur, en donnant plus de fluidité
a tous les principes de ce liquide , leur permet
de prendre la place qui leur convient en raison
de leur pesanteur spécifique. Il ne faut cepen-
dant pas que cette chaleur soit trop forte ni
trop subite , car alors l’équilibre de proportion
entre ses élémens change , il se produit souvent
un acide qui coagule le fromage avant que le
beurre ait eu le temps de s’en séparer. C’est
ce phénomène que fait naître l’orage et que les
fermiers redoutent tous pour leurs laiteries. M.
Fourcroy soupçonne que la matière électrique
est la principale cause de cet effet ; il s appuyé
sur ce qu’un conducteur électrique , passant au
travers d’une laiterie, empêche ou au moins re-
tarde de beaucoup la coagulation du lait pen-
dant les orages.
ECLAIREE, etC. ÎOl
Le lait demande au plus quatre à cinq jours
en été pour fournir sa crème ; il lui en faut au
moins huit à dix en hiver , encore faut-il qu’il
soit tenu à la température de huit à dix degrés ,
car il ne crémeroit point du tout s’il étoit ex-
posé à la température de zéro , et il se gèle-
rait même s’il avoit quelques degrés au-dessous..
On attend toujours quelques jours après
que la crème est formée pour en extraire le
beurre. Il paroît, dit M. Fourcroy , que la crème
absorbe une portion d’oxigène de l’air qui
s’épaissit et qui diminue l’attraction du beurre
pour les autres principes auxquels il étoit en-
icore uni dans la crème ; ces principes sont
principalement le fromage et le mucilage gélati-
meux , dont une portion se sépare de la crème
;solide lorsqu’on le bat pour faire le beurre. Il
] paroît que l’air facilite beaucoup la séparation
de la crème du lait , car ce liquide mis dans le
ivide parfait d’une colonne barométrique de
mercure , ne donne pas sa crème si prompte-
ment que celui qui est exposé à l’air avec la
même température. La crème de vingt quatre
heures, c’est-à-dire qu’on a prise sur du lait
igardé pendant cet espace de temps , exige au
rmoins quatre fois plus de temps pour donner
du beurre que celle de huit jours, et quatre fois
[plus de mouvement $ car il faut qu’elle prenne
en quelques heures dans l’air ce que l’autre y
avoit prise en sept jours, et pour cela, dit
l’auteur , il est nécessaire que les points de
contact soient beaucoup plus multipliés et re-
nouvellés , ce que l’on fait par le battage.
La crème qu’on laisse long-temps en contact
avec l’air présente à sa surface des mucors et des
tissus , tandis que celle qui se forme dans le vide
jn’en offre point ; il est nécessaire que dans le vide
G 3
îoa
La Médecine
une portion de l’oxigène combiné à tons les
principes du lait à la fois se partage inégale-
ment , et que l’huile du lait en prenne ce qu’il
lui en faut pour devenir du beurre. M. Four-
croy remarque que la crème recueillie dans le
vide n’est jamais aussi abondante et aussi
épaisse que celle qui s’est formée au milieu de
l’air 5 et il ajoute que ces faits paroissent prouver
que le beurre n’est pas tout formé dans le lait ,
qu’il y est contenu dans l’état d’huile qui a
besoin d’absorber de l’oxigène pour devenir
concrète.
Le beurre bien pur, exposé à une chaleur douce,
se fond et devient transparent ; la température
qui est nécessaire pour cela est de vingt-huit à
trente degrés au termomètre de Réaumur. Ce
beurre , lorsqu’il a été bien lavé , ne rancit pas
aussi vite que celui qui contient encore quelque
portion de fromage et de mucilage ; mais aussi
n’est-il pas aussi agréable au goût, et c’est vrai-
semblablement pour cette raison qu’on y laisse
toujours une certaine quantité de fromage qui
le rend opaque , et qu’on en peut séparer par la
fusion douce du beurre.
Le beurre frais de nos marchés , mis dans un
ttdje d’un pouce de diamètre , bouché à l’une
de ses extrémités , plongé dans l’eau chaude
et ayant acquis la température de vingt -huit
degrés , s’est divisé en trois parties ; savoir en
beurre proprement dit , en fromage et en eau.
Le fromage a été entraîné à la partie supérieure
par les bulles d’air qui paroissoient y adhérer
plus qu’aux autres substances ; le beurre est
resté au milieu et l’eau dans la partie inférieure.
M. Fourcroy présume que le beurre fondu par
cette chaleur douce n’a pas éprouvé de chan-
gement dans sa nature intime 5 quoiqu’il 11’ait
b c l i i r é ï, etc. io3
plus les mêmes propriétés } que sa couleur , sa
saveur et son tissu , pour ainsi dire , soient
chargés , car il est devenu demi-transparent et
grenu , sa saveur est fade et analogue à celle
de la graisse : c’est donc à la séparation du fro-
mage et du mucilage que sont dus les chan-
gemens qu’éprouve le beurre frais en se fondant.
Le beurre exposé à une chaleur forte dans
des vaisseaux fermés , fournit une huile peu
colorée , un acide appellé acide sébacique , de
l’eau et presque point de fluide élastique $ il
reste dans la cornue un charbon compact qui
fait au plus le trente - deuxième de la masse
employée.
Plusieurs Chimistes modernes pensent cpie
c’est à l’air des vaisseaux où se fait l’opération
qu’est due la formation de l’acide sébacique ,
et en général la décomposition des matières or-
ganiques. M. Fourcroy remarque que cette
assertion , appliquée au beurre , exige quelques
restrictions d’après les considérations suivantes
qu’il expose , i°. avant que le beurre commence
à s’altérer les deux tiers de l’air ont été expulsé*
hors des vases par la chaleur ; a°. la quantité
n’est jamais proportionnée à celle de l’air des
vaisseaux ; 3Q. il ne se forme point d’acide
carbonique ; 4°* ü reste dans la cornue une cer-
taine quantité de carbone privé d’oxigène ;
5°. l’huile distillée contient beaucoup moins
d’oxigène que le beurre qui lui a donné nais-
sance. On voit par ces observations , dit l’au-
teur , que l’air atmosphérique n’est point d’une
nécessité absolue pour la formation de l’acide
sébacique dans la première distillation du beurre.
L’oxigène qu’il contient se partage inégalement
à l’aide de la chaleur : il resuite de ce partage
inégal des principes désoxigènés et d’autres plus
G 4
La Médeciki
oxigénés qu’ils ne l’étoient. C’est sur-tout clans
les distillations successives du. beurre que l’air
atmosphérique est nécessaire pour la formation
de l’acicle sébacique , parce que la quantité
d’oxigène que contient le beurre n’est point
assez considérable pour le convertir entièrement
en acide sébacique , aussi s’en forme-t-il beau-
coup plus dans un grand appareil que dans un
petit.
Le beurre forme avec la potasse un savon peu
solide d’une couleur jaune , d’une ocleur agréa-
ble , 'qui se dissout bien dans l’eau et qui dé-
graisse parfaitement bien les étoffes et les mains :
M. Fourcroy pense qu’il pourroit servir avec
avantage dans la médecine.
Sur le fromage.
Schéèle avoit découvert que les acides , en
séparant le fromage des autres principes aux-
quels il est uni dans le lait , en dissout une
certaine quantité ; il s’etoit même apperçu que
chaque acide avoit avec cette substance un degré
d’attraction qui lui étoit propre , et qu’il en
dissol voit des quantités différentes.
On savoit aussi que le sérum du lait con-
jointement avec la partie sucrée et gélatineuse ,
retenoient aussi en dissolution une certaine
quantité de fromage.
MM. Parmentier et Deyeux ont remarqué
qu’en versant une dissolution de potasse ou de
soude sur le fromage , il se fonnoit de l’ammo-
niaque. M. Fourcroy , qui connoissoit ce fait
avant ie travail de MM. Deyeux et Parmentier,
l’a examiné de plus près et l’a décrit plus en
détail. A mesure , dit- il ^ que l’alcali fixe et le
fromage réagissent l’un sur l’autre , il se forme
t c i a i i i i, etc. io5
une écume considérable , il se produit une
effervescence due au dégagement de l’ammo-
niaque , reconnoissable par toutes ses proprié-
tés. Bientôt la liqueur prend une couleur brune ,
le fromage se dissout et il se dépose des flocons
noirs qui ne sont que du fromage à moitié brûlé.
L’on peut , continue l’auteur , séparer ensuite
par un acide le fromage dissous dans l’alcali ,
mais dans un état entièrement différent de celui
de fromage. Il a une couleur noire , il se fond
au feu comme une huile épaisse ; il ne se des-
sèche plus , et reste gras sur les papiers où il
a été étendu pour le faire sécher. Il paroît ,
ajoute-t-il , en forme de conclusion, que l’azote
et l’hydrogène se dégagent pour former de l’am-
moniaque •, que l’hydrogène et l’oxigène , de-
venus plus abondans dans la matière du fro-
mage , lui donnent des caractères huileux ; de
sorte que la dissolution dans l’alcali est une
sorte de savon.
Sur la bile.
La bile , suivant les chimistes , est une li-
queur savoneuse , formée de résine et d’al-
cali $ M. Fourcroy a observé , il y a onze ans ,
qu’elle contenoit encore une autre substance
analogue à l’albumen de l’œuf.
L’acide muriatique oxigéné détruit la cou-
leur de la bile , et en coagule la partie albumi-
neuse qui se précipite en flocons blancs ; le sa-
von biliaire reste en dissolution, et semble n’êfere
que de 1 eau pure , car il a perdu sa couleur et
son odeur , mais il conserve encore toute son
amertume. Si 1 on a mis plus d’acide muria-
tique oxigéné qu’il n’en faut pour coaguler
1 albumen , cet excès agit peu à peu sur l’huile
ic6 La Medicinb
ilu savon , et , redevenant de l’acide muriatique
ordinaire , décompose une portion du savon , et
en sépare l’huile sous une forme concrète et
£vec une couleur blanche. Comme il pavoît que
ce n’est qu’en fournissant de l’oxigène à l’al-
bumen que l’acide muriatique oxiséné coagule
la bile , il est vraisemblable que ia portion de
cet acide revenue à son état simple , décompose
ime certaine quantité de savon biliaire , et que
par conséquent 1 albumen doit toujours être
naêle d’un peu de résine ou d’huile concrète de
la bile. Telle est la manière par laquelle M,
Tourcroy explique l’action de l’acide muriatique
cxigéné sur la bile et sur ses principes.
Si dans la bile traitée par l’acide muriatique
oxigéné , et qui a perdu sa couleur , on met un
acide simple , comme l’acide sulfurique , mu-
riatique , etc. il se fait sur le champ un préci-
pité blanc, concret , et de la consistance de la
graisse. Ce pr écipité blanc , qui est de la ré-
sine de la bile un peu altérée par l’oxigène de
l’acide muriatique , se délaye parfaitement
dans l’eau , et s’y dissout même lorsqu’elle est
•chaude : cette propriété , dit M. Fourcrôy , est
très-singulière , car la soude qui la rend ordinai-
rement dissoluble n’v est plus unie, puisqu’elle
s’est combinée à l’acide dont on s’est servi pour
décomposer la bile.
Cette huile concrète , ou cette sorte de ré-
sine blanche , se dissout à froid dans l’alcool :
quand on emploie la chaleur pour accélérer
la dissolution , il se forme une certaine quan-
tité d’éther , ce qui paroît tenir à l’oxigène que
cette huile contient, et qui en passant dans
l’alcool change les proportions de ses prin-
cipes. La dissolution alcoolique , exposée. à
l'air, perd peu à peu soit alcool et s épaissit,
S C L À 1 R £ R , etc. 107
mais elle ne devient que très-difficilement solide.
Si , lorsqu’elle est épaisse comme un sirop , on
la mêle à de l’eau , elle s’y unit parfaitement :
ceci y dit l’auteur , semblèrent annoncer que ce
savon biliaire n’a pas été décomposé; mais qu’on
ajoute à cette dissolution un acide quelconque., il
se fait sur le champ un précipité. Une autre ex-
périence qu’il rapporte , qui n’est pas moins
singulière , c’est que si l’on inet une nouvelle
quantité d’alcool sur la résine épaissie à l’air , et
qu'on ajoute ensuite de l’eau , il se forme un
précipité abondant.
Le même phénomène sur la dissolubilité de
cette matière , nommée résine de la bile , dans
l’eau , avoit été observé il y a quelques années
dans le laboratoire de M. Fourcroy. Après
avoir précipité la prétendue résine cle la bile
par un acide , on voulut laver cette matière
colorante pour emporter l’excès d’acide 3 et la
substance saline qu'elle pouvoit contenir ; l’eau
qu’on employoit emportoit à chaque fois une
portion de la résine elle-même ; il paroît qu’on
auroit tout dissout , si on avoit continué de la la-
ver ainsi. L'eau qui avoit dissous cette matière
donnoit un précipité de résine de bile par l’addi-
tion d’un acide ; ce second précipité est égale-
ment dissoluble dans l’eau , lorsqu’il est privé
de tout excès d’acide. Il sembleroit donc , dit
l’auteur , que la matière de la bile , regardée
jusqu’ici comme une espèce de résine , est en
partie dissoîuble dans l’eau , et ne prend un
caractère apparent d’indissolubilité dans ce li-
quide que par la présence d’un acide.
M. Fourcroy avoit pensé que la matière
blanche que l’on séparoit de la bile de beuf
par 1 acide muriatique oxigéné , avoit quelques
analogies avec la matière blanche et cristal-
io8 La Médecins
line des calculs de la vésicule du fiel de
l’homme , mais il s’apperçut bientôt qu'elle
en différoit par plusieurs caractères ; i°. elle
est plus dissoluble que cette dernière dans
l’alcool , d’où elle ne se précipite point en pe-
tites lames comme la matière cristalline du
calcul biliaire humain ; 20. elle se dissout dans
l’eau, ce que ne fait point la matière cris-
talline du calcul ; 3°. elle est beaucoup plus
molle et plus fusible que cette dernière ; sa
fusibilité é^ale à peu près celle de la graisse
(elle a lieu à 32 ou 33 degrés), tandis que la ma-
tière cristalline des calculs biliaires humains ne
se fond qu’à une chaleur au-dessus de 90 de-
grés , et reste solide au-dessus de l’eau bouil-
lante.
Lorsque la bile a perdu son huile par l’ac-
tion d’une chaleur forte , on éprouve les plus
grandes difficultés pour réduire son charbon
en cendre*; pendant qu’on le fait bouillir , la
soude se volatilise , et la cendre , encore noi-
râtre , qui en résulte , n’en fournit aucune
trace dans l’eau. L’incinération est donc un
procédé défectueux pour déterminer la pro-
portion des principes fixes de la bile.
O11 trouve dans le mémoire de M. Four-
■croy quelques faits intéressans sur les propriétés
de la matière huileuse de la bile , qui seront
peut-être un jour appliqués , par la phisiologie ,
à l’art de guérir ; peut-être feront-elles connoître
la nature des calculs biliaires , comment ils se
forment dans l’économie animale , et les
moyens de prévenir ou au moins d’arrêter
cette cruelle maladie, toujours mortelle , quand
elle est parvenue à une certaine époque.
ÉCLAIRÉE; etC.
1 09
IV. Examen d’un calcul rénal de cheval .
Sa forme est très- exactement celle du rein
dont il occupoit la place , à chacune de ses ex-
trémités , il portoit des végétations en forme
de choux fleurs. Sa surface avoit une couleur
brune et offroit une infinité de petites lames
brillantes comme des fragmens de sable qui
réfléchissent les rayons du soleil. Il- y avoit dans
sa partie moyenne un étranglement comme
s’il avoit été lié , dans un état de molesse ,
avec une bande. Sur ses bords on appercevoit
plusieurs cavités caverneuses et inégales. Pres-
que toute sa surface étoit mamelonnée et con-
tenoit en quelques endroits des portions de
membranes. En le sciant , on a d’abord éprouvé
beaucoup de difficulté à cause de sa dureté ;
mais lorsque la scie a été parvenue à trois ou
quatre lignes elle a passé très-facilement. En
effet , l’extérieur étoit très-dense , mais le mi-
lieu étoit formé de couches très - poreuses et
très- tendres 5 le couteau les coupoit aisément.
Il pesoit quinze onces cinq gros trente - six
grains.
Cent parties de ce calcul réduit en poudre et
mises avec de l’acide muriatique , s’y sont dis-
soutes en produisant une vive effervescence
écumeuse. Le produit de cette effervescence étoit
de l’acide carbonique. L’eau de chaux versée
dans cette dissolution de calcul, par l’acide
muriatique , a produit un dépôt floconneux de
la nature des os , qui pesoit vingt-deux parties.
L’acide oxalique a formé aussi dans cette dis-
solution, un précipité abondant qui é„uit de
l’oxalate de chaux.
Ces deux ou trois expériences suffisent pour
110 La MiDBCïHE
nous apprendre que la matière du calcul de
cheval est composée de carbonate et de phos-
phate de chaux , et que ces sels terreux in-
solubles sont dans le rapport de soixante-huit
pour le premier , à vingt-deux pour le second
dans un quintal.
Cette différence entre la nature du calcul du
cheval et celle de l’homme , ne doit pas étonner
d’après l’existence du carbonate de chaux dans
les urines de cet animal. Sa formation est même
peut-être plus fréquente qu’on ne pense chez ces
animaux , vu la facilité avec laquelle ces ma*
tières se déposent de leurs urines. Qui n’a pas
vu qu’à mesure qu’ils rendent leurs urines
elles deviennent blanches et laiteuse* , qu’elles
sortent même quelquefois toutes troubles de
leur vessie. Nous nous étendrons davantage sur
cet objet dans l’analyse de l’urine de jument ,
que nous ferons connoître.
V* Consultation chimique et médicale sur une
poudre rouge qu’ on emploie à Saint-Domin-
gue contre la dis s ente rie , par M. Fourcroy.
On in’a envoyé de Bordeaux un paquet d’une
poudre rouge dont on desiroit connoître la
nature : il y en avoit dix grains.
La petite quantité de l’échantillon envoyé
m’a forcé de la ménager singulièrement j mal-
gré cela les expériences assez nombreuses que
je vais décrire , et dont quelques-unes ont été
faites sur un demi - grain , ont heureusement
suffi pour en connoître assez exactement la na-
ture , parce qu’elles ont été faites avec les
soins, l’attention , et conséquemment le temps
qu’exige une analyse aussi délicate et aussi mir
nutieuse. Voici les détails de cette analyse.
éclairée, etc. 111
Analyse exacte de la poudre.
i°. Cette poudre , vue à la loupe , étoit
grenue , chaque grain offroit un morceau po-
lygone demi-transparent , et teint inégalement
d’une couleur rosée.
2.0. Mise sur la langue elle y adhéroit comme
une gomme , ou plutôt comme une fécule ,
telle que la farine de pomme de terre ; elle
n’avoit aucune saveur distincte , ni âcreté %
ni amertume , ni astriction, ni goût sucré , etc.
Ella ne se fondoit pas $ elle paroissoit seule-
ment augmenter un peu de volume et former
une pâte avec la salive. Il étoit déjà prouvé
par-là qu’elle ne contenoit ni sel , ni matière
minérale sapide et dissoluble.
3°. Un grain de la poudre , mis sur un char-
bon , s’est boursoufflé , noirci , a exhalé une
odeur semblable à une gomme brûlée , et a
fini par s’enflammer ; en poussant le feu à l’aide
d’un chalumeau , il est resté un atome de cen-
dre blanche. Cette expérience a commencé à
me faire voir que la poudre étoit une matière
végétale , et que sa partie colorante n’étoit point
due à une matière métallique.
4°. Une portion de la poudre jettée dans
l’eau froide , s’est mise en petits pelotons , en
grumeaux , sans s’y dissoudre j elle s’est légè-
rement ramollie, mais sans se dissoudre au bout
de quelques jours , et l’eau a pris , quoique à
froid , un peu de sa couleur : ce liquide ne
contenoit rien en dissolution.
5°. Une autre portion de la poudre , jettée
dans l’eau bouillante , s’y est dissoute toute
entière, à l’aide d’une longue et exacte tritu-
ration } car , sans l’agitation , une partie au-
114
La Médecijts
roit conservé la forme de petits flocons trans-
parens. La dissolution avoit une couleur rose
assez agréable ; elle s’est prise en gelée trans-
parente par le refroidissement.
6°. Différens acides , et sur-tout l’acide sul-
furique et l’acide muriatique jettés sur la pou-
dre , ont d’abord augmenté sa couleur rouge
et l’ont fait passer au rose éclatant , mais
bientôt cette teinte a passé au jaune.
70. L’acide nitreux , et l’acide muriatique
oxigéné sur-tout , ont détruit entièrement la
couleur de cette poudre.
8°. Les alcalis lui ont fait prendre au contraire
une nuance pourpre foncée.
Toutes ces expériences prouvent cjue la poudre
dont il est ici question est un mélangé d’une
matière végétale , gommeuse ou amylacée ,
avec une petite quantité de substance colorante,
végétale ou animale; qu’elle ne contient rien
de salin, de minéral ou de métallique.
Imitation de cette poudre.
On sait , d’après les connoissances acquises
aujourd’hui en chimie , combien il est diffi-
cile de prononcer exactement sur les substances
végétales , et de déterminer positivement de
quelle nature elles sont , ou à quelle matière
végétale elles appartiennent : ce n’est que par
hasard qu’on a quelquefois rencontré juste dans
ces recherches. Il ne peut y avoir qu’une com-
paraison soignée et attentive entre différentes
substances végétales connues , et celle incon-
nue qu’on examine , qui conduise plus ou
moins près de la vérité. Aussi le charlatanisme,
en se fondant sur cette difficulté de lascienee ,
cherche encore à l’embarrasser davantage par
HCZ.A£RÉE> etC. Îl3
des mélanges divers : on en a un exemple dans
la poudre d’Ailhaud , etc. La poudre que j’é-
tois chargé d’examiner pouvoit être formée de
gomme arabique ou adragant en poudre , ou
bien d’une fécule , d’un amidon , d’une farine
quelconque , colorée par un extrait de bois
de Brésil , de bois de campêche ou de cochenille.
Pour tâcher de deviner , en quelque sorte , les-
quelles de ces substances entroient dans la
préparation ci-dessus , j’ai comparé à la pou-
dre de Saint-Domingue la gomme adragant ,
la fécule de pommes de terre , la farine de
manioc , en faisant sur ces diverses substances
les mêmes expériences que sur la poudre. Il
in’a paru , d’après toutes ces comparaisons ,
?n’elle ressembloit le plus possible à la farine ou
écule de manioc , colorée par un peu d’extrait
de bois de Brésil , ou de cochenille , car il m’a
été impossible , vu la petite quantité de pou-
dre que j’avois, de déterminer positivement la
nature de sa partie colorante. Quant à la ma-
tière blanche qui en fait la base ou plus des neuf
dixièmes , je suis persuadé , par l’analogie de
la forme , de la saveur , de la manière de se
comporter avec l’eau froide et chaude , qu’elle
n’est autre chose que la farine de manioc. Je
crois donc qu’on fera une poudre toute sem-
blable , en prenant une livre de farine de ma-
nioc , et la broyant dans un mortier avec quel-
ques gros d'extrait de bois de Brésil ou de co-
chenille : la nature de la partie colorante ne
fait rien à ce remède , car elle n’y est intro-
duite , suivant toute apparence , que pour dé-
guiser ou masquer la farine , qui seroit trop
promptement et trop facilement reconnue.
A Tans ce 2.4 octobre .
Tome III. N°. IV.
H
x A Médecins
xî4
MÉDECINE.
I. Lettre de AI. Davon , Médecin de la faculté
de Montpellier , à Al. Fourcroy , sur les dou-
leurs y etc. qui accompagnent les accouche-
mens .
A Pontcroix , le i5 octobre 1791.
Monsieur , votre journal est tellement ré-
pandu et d’ailleurs si propre à propager les
connoissances utiles à la société , que j’ai pensé
que vous n’y refuseriez pas une place à quel-
ques réflexions sur la nature de ces douleurs
atroces , qui harcèlent si cruellement les fem-
mes en travail , et deviennent par là même
un obstacle si fréquent aux accouchemens.
L’efficacité de l’opium en pareil cas , est au-
dessus de tout éloge , et mérite bien de fixer
particulièrement l’attention du petit nombre
des bons accoucheurs.
De toutes les branches du grand art de guérir,
il n’en est sûrement aucune où l’homme puisse
rendre à ses pareils des services aussi mar-
qués que dans les accouchemens. Les secours
d’un praticien habile , y sont d’autant plus pré-
cieux, que leur certitude est, pour ainsi dire ,
poussée jusqu’à la démonstration géométrique ,
et qu’ils ont toujours pour objet la conserva-
tion de plusieurs individus à la fois.
Si la partie mécanique de cet art salutaire
a été portée de nos jours à un degré de per-
fection qui laisse peu de chose à desirer , la
partie médicale en revanche , offrira toujours
à l’œil observateur un champ vaste, riche , et
capable d’exercer son génie 5 mais celui qui
ne l’aura étudié que sous le premier de ces
ÉCLAIRÉE, etc. 1 1 S
rapports, ne doit pas se flatter d’un succès tou-
jours égal. A chaque pas sa marche se trou-
vera entravée par des difficultés qu’il ne sait
ni prévoir ni combattre , et que les seules lu-
mières de la Médecine peuvent applanir.
Plusieurs genres d’obstacles s’opposent à la
sortie de l’enfant. Je les divise en deux classes :
dans la première, je range les vices de con-
formation de la mère ou de l’enfant , les
différentes positions contre la nature de ce
dernier, et les disproportions respectives de
la tête de l’enfant avec le bassin de la mère ,
qui toutes regardent essentiellement la partie
chirurgicale, trop savamment traitée dans une
foule d’ouvrages pour que je m’y arrête , n’é-
tant pas là mon objet.
Je passe donc à la seconde classe où le flambeau
de la Médecine, malheureusement trop négligée,
doit nous conduire : elle comprend, i°. ia plé-
thore sanguine ; 2°. un état de débilité et d’i-
nertie ; 3°. le spasme , qui tous peuvent af-
fecter le système en général ou être particuliers
à la matrice et ses dépendances. Delà , l’effi-
cacité reconnue des différentes saignées pra-
tiquées dans le premier cas , des stimuians
et des toniques dans le second, qui est bien
plus rare qu’on se l’imagine (quoique la rou-
tine ordinaire soit de faire un abus révoltant
des cordiaux), et qu’il seroit cependant bien
maladroit de confondre avec l’affection pu-
rement spasmodique , dont je vais particuliè-
rement m’occuper.
Deux sortes de douleurs se font communément
sentir chez une femme en travail , les franches
et les fausses : les premières tendent toujours
à expulser l’enfant , à moins que leur cours
ne soit interrompu par quelque accident }
H 2
n6 La Médecine
elles portent de haut en bas et fatiguent peu$
mais comme la nature a cloué le col de la ma-
trice d’une force qui tend à retenir le fœtus *
à dessein sans doute de prévenir les accouche-
inens trop faciles et sur-tout les avortemens,
qui sans cette sage précaution auroient si sou-
vent lieu , il s’en suit nécessairement que pour
que F accouchement s’opère , les contraction*
réitérées de la matrice doivent forcer insen-
siblement et graduellement la dilatation de
son col : voilà donc deux forces opposées bien
démontrées dans le même organe., qui établissent
une alternative de bonnes et de mauvaises dou-
leurs suivant que les unes ouïes autres dominent ;
mais il arrive fréquemment que les dernières
prennent le dessus y et font même quelquefois
taire entièrement les autres. Elles sont assez fa-
ciles à distinguer , en ce que leur mouvement est
inverse, et semble porter de bas en liant. Les
femmes se plaignent alors d’une douleur cruelle
à l’iiypogastre. Si l’on saisit ce moment pour
le toucher , on trouve le col de la matrice
exactement collé sur la partie de l’enfant
qui se présente ; les eaux , bien loin de faire
saillie , ne se font plus sentir, et la tête semble
remonter. J’ai vu des cas où la tête , après avoir
dépassé le col de la matrice , se trouvoit flot-
tante dans le petit bassin , et l’accouchement
lie pouvoir néanmoins se terminer, parce que
cet organe, affecté de constriction spasmodique ,
retenoit l’enfant très étroitement serré.
Si nous considérons la structure délicate des
femmes , leur éducation molle et inactive , leurs
passions vives , l’état de grossesse qui exhalte
singulièrement l’irritabilité des nerfs, tout doit
nous mettre en garde contre la mobilité extrême
de ces organes , qui jouent presque toujours un
ÉCLAIRÉE, etC. IÎ7
grand rôle dans la plupart de leurs maladies
et particulièrement ici. Nous trouvons encore
la cause naturelle de cet obstacle dans la struc-
ture même du col de la matrice, qui joint à beau-
coup d’irritabilité une grande force contractile.
On conçoit aisément qu’une puissance capable
de porter en si peu de temps son extension
au point de laisser passer une tête souvent très-
volumineuse , doit le tenir dans un violent état
de contrainte , provoquer sa réaction et mettre
toute sa sensibilité en jeu j et celle-ci, lorsqu’elle
vient à correspondre avec toute la machine , ne
tarde pas à offrir la scène la plus affligeante. IL
n est point d ame sensible qui ne seroit attendrie
des douleurs atroces qu’éprouvent ces malheu-
reuses victimes ; elles sont telles que toutes ,
d’un commun accord , se réunissent à desîrer
la mort, comme le terme prochain à tant de souf-
frances 5 elles jettent des cris perçans et la-
mentables , se roulent avec fureur , grincent
des dents , et entrent dans de violens accès
convulsifs , qui dégénèrent quelquefois en épi-
lepsie, et finissent toujours par épuiser tota-
lement leurs forces , si bientôt une main secou-
rable ne vient apporter le remède à d’aussi
grands maux. L’extrait gommeux d’opium fait à
l’eau froide , et donné depuis un grain jusques à
deux , est le beaume salutaire qui fait disparoître,
comme par enchantement, tout cet appareil me-
naçant : ce précieux médicament est à peine tom-
bé dans l’estomac qu’il a déjà fait éprouver
sa bienfaisante influence. Le mouvement désor-
donné des nerfs se ralentit, les convulsions
cessent , le calme renaît et les fausses douleurs
disparoissent totalement , pour céder la place
à celles qui seules peuvent opérer la délivrance.
Deventer, ce célèbre Médecin accoucheur , dut
H 3
i îB La Médecine
la majeure partie de ses succès à l’opium , qu’il
mànioit si adroitement. Aussi disoit-il , l’opium
mûrit les accouche mens ; heureuse expression
qui peint au naturel la puissante vertu de ce
remède vraiment divin , que nul autre ne sauroit
remplacer, comme l’expérience me l’a nombre de
fois prouvé , et je dirois bien avec Sylvius de
Hollande, libentius JVLedicînae reîiunciare quain
opio carere .
Ce n’est pas là le seul service qu’il peut rendre
aux femmes en couches : les violent is coliques
qui tourmentent quelquefois si impitoyable-
ment les nouvelles accouchées, les suppressions
de lochies qui reconnoissent pour cause quel-
que affection morale , ou se trouvent accom-
pagnées de spasme , sont encore de son ressort;
certaines hémorragies mêmes ne cèdent souvent
u aucun' autre moyen curatif.
Je préfère l’extrait gommeux d’opium par
l’eau froide à toutes ses autres préparations :
ainsi dépouillé de sa partie résineuse , il est plus
doux et plus sûr dans ses effets , ses vertus n’y
sont point dénaturées par des associations sou-
vent monstrueuses, et qui ne saüroient s’ac-
commoder à tous les tempéramens et à toutes
les circonstances. La forme solide sous laquelle
je l’administre, réunit encore de grands avan-
tages : son action est plus durable, et se gradue
à proportion que la dissolution s’en fait dans
l’estomac.
J’invite les hommes sans préjugés, ces vrais
amis de l’humanité , à s’assurer par eux-mêmes,
et paroles expériences bien faites et réitérées,
de la fidélité de mes observations; je les ai si sou-
vent répétées et avec un succès si constamment
heureux , que passant sur les vains détails qui
fout lu fastueux cortège du charlatan , jàii pré-
ECLAIR
i e , etc.
119
féré dépeindre le plus exactement qu’il m’a
été possible les caractères principaux qui dis-
tinguent ce genre d’affection purement spas-
modique , d’avec la foule des autres obstacles
qui peuvent empêcher l’accoucliement , et bien,
marquer la juste application d’un remède , dont
la singulière’ efficacité peut se changer en poi-
son dans des mains inhabiles et sans expérience.
Mon désir le plus cher seroit de fixer l’attention
des praticiens sur un genre d’affections extrê-
mement commun , peu connu , souvent très-
daugereux , et dont une sage administration de
l’opium triomphera toujours.
Eh combien de fois ne s’est-on pas mépris
sur la qualité des obstacles que l’on avoit à com-
battre ! que d’erreurs funestes à l’humanité !
que de meurtres même ! car le fer paroît la res-
source favorite , et quelquefois l’unique de ces
êtres qu’une routine aveugle conduit , qui ne
rêvent qu’enclavement , et dont les lumières se
bornant aux seules connoissances du bassin,
l’accusent toujours du mal dont il est souvent
bien innocent, etc.
II. h" ur Ici guérison d’un ulcère au sein par
/' in oculatlon de la gale ; lettre au rédacteur
du journal , par M. Pascal, maître en Chirur-
gie et Chirurgien en chef de V Hôtel-Dieu
de Brie- Comte-Robert.
J’ai lu avec intérêt dans votre dernier numéro
des remarques judicieuses sur l’épithême dé-
sorganisant de M. Dorez , et je suis convaincu
que ce remède, ainsi que tous ceux des empi-
riques , qui n’ont en général que des idées très-
confuses des maux qu’ils entreprennent de gué-
rir , est souvent appliqué sur des tumeurs ou
Ii 4
3 20
La Médecine
des ulcères qui n’ont nullement le caractère
carcinomateux , et c’est-là sans doute la source
des succès dont l’auteur se vante. Je vais don-
ner un exemple des erreurs qu’on peut com-
mettre sur cet objet lorsqu’on se décide sim-
plement sur des apparences extérieures, et qu’on
n’examine point la nature du mal avec un ju-
gement éclairé. Ne pourrois-je pas moi-même,
si j’étois de mauvaise foi , me vanter d’avoir gué-
ri un cancer en inoculant la gale, comme on
va le voir par l’observation suivante ?
La nommée L... âgée de 22 ans, d’une mal-
propreté naturelle et d’un tempérament plileg-
xnatique , ayant d’ailleurs les seins très-volu-
mineux et menant une vie peu régulière ,
contracta la gale en 1787 : un empirique lui
conseilla de mettre une ceinture d’écarlate en-
duite d’une amalgame de mercure , et peu de
temps après elle parut en effet guérie de la gale }
mais sur là fin d’octobre de l’année suivante ,
elle vint me consulter pour un ulcère qu’elle
avoit au sein droit depuis environ six mois. Cet
ulcère étoit de la largeur d’un écu de six livres ,
le fond en étoit noir et il en découloit une
matière sanieuse ; mais ce qui lui donnoit sur-
tout l’aspect d’un cancer, étoit ses bords durs
et renversés. M. Dorez n’auroit certainement
pas manqué de se laisser prendre à ces appa-
rences et d’appliquer son épitliême désorga-
nisant 5 mais , d’après les informations que je
pris , il me fut facile de juger que c’étoit la suite
d’une gale répercutée.
Ce fut le 2 6 octobre de la même année que
j e commençai à lui donner mes soins. J’appli-
quai d’abord de la charpie sur l’ulcère , et par-
dessus un cataplasme fait avec l’eau de fleur de
sureau et la mie de pain. Je lui fis prendre aussi
ÉCLAIRÉE, etC. 12.1
un purgatif ordinaire le 4 novembre , ce qui
contribua à déterger un peu l’ulcère ; mais ses
bords restoient cependant durs et renversés.
Persuadé de l’existence du virus de la gale ,
et d’après les observations deM. Descotes, Mé-
decin à xlrgentan , cité dans le journal de Mé-
decine (cahier de mars 1786), je me décidai
à l’inoculation de cette éruption cutanée. Je
traitois en ce moment une autre personne de
la gale , et il ne me fut pas difficile d’avoir de
la matière récente pour la communiquer. Je
fis mettre sur l’estomac de ce dernier malade
de grandes compresses de linge avec de la char-
pie, qu’il porta pendant deux jours. C’est de
cette même charpie et des compresses dont je
me servis le 8 novembre pour panser l’ulcère
de la personne à qui je voulois inoculer la gale.
Le lendemain je renouvellai le procédé avec
du linge que j’avois fait porter au galeux dont
j’ai parlé ci-dessus.
Vers le 14 du même mois, la malade me dit
éprouver déjà des démangeaisons auxquelles
elles ne pouvoit résister , et deux jours après
elle fut couverte de gale. A cette époque je
fis appliquer sur l’ulcère des cataplasmes avec
de la mie de pain et du vin , et de la charpie
brute. Je la purgeai deux fois de suite comme
ci-dessus , et je lui fis faire usage du soufre
intérieurement et extérieurement. J’ai suivi en
cela la méthode cle Buchan , enseignée dans
sa Médecine domestique. Le vingt du même mois
les bords de l’ulcère étoient affaissés et le fond
detergé. Le changement est devenu ensuite de
jour en jour plus favorable , et la plaie a été
parfaitement cicatrisée dans le cours du mois
de décembre.
Je n’avois pas cru devoir publier dans le
*22 l a Médecine
temps ceUe observation , parce que la personne
qui en fait le sujet a voit quitté la ville. Le ha-
sard nie 1 a fait rencontrer dans un voyage que
j ai fait a Paris vers la fin de l’année 1791,
et je nie suis assure qu’elle s’étoit bien portée
depuis son dernier traitement, et qu’elle 11’avoit
plus ressenti aucun mal dans son sein depuis
la cicatrice de l’ulcère.
HT * Observation sur un enfant qui boit beaucoup ,
par M. Vauquelin.
Cet enfant , âgé de cinq ans , est d’une bonne
constitution , son teint est pâle , sa bouche ,
son nez et ses yeux sont toujours humides. Il
mange raisonnablement et d’un bon appétit ;
son pouls bat quatre-vingt à quatre-vingt- cinq
fois par minute , mais il a de fréquentes irré-
gularités. Ses inspirations sont au nombre de
quinze à dix-huit par minute. Son caractère
est gai , ses sensations sont vives et assez dé-
licates.
Cet enfant a bu en vingt-quatre heures dix
pintes d’eau; il met environ une heure d’inter-
valle entre chaque verre : pendant le même
espace de temps ( vingt-quatre heures ) il a
rendu douze pintes d’urine (1). Il dort environ
dix heures sur vingt-quatre ; son sommeil est
interrompu toutes les deux heures par l’envie
de boire et d’uriner, et malgré les insomnies,
il pisse toutes les nuits au lit.
Lorsqu’il boit, on remarque le plaisir briller
dans ses yeux , et la gaieté se peindre sur son
visage, et après avoir bu il chante et il danse.
(1) La température du lieu où cet enfant a resté , pen-
dant les vingt-quatre heures que nous l'avons surveillé ,
ctoit de 10 à 11.
ÉCLAIRÉE, etC. 12.3
Si on lui refuse à boire pendant quelque
temps, il lui prend, dit- on , un tremblement
de cœur qui se passe aussi-tôt qu’on lui pré-
sente de la boisson. Cette envie de boire est
si forte chez cet enfant qu’il se jette sur tout
ce qui a la forme liquide , et si on n’y prend
garde , il boit son urine à mesure qu’il ia rend.
Après avoir bu il est saisi par le froid ; il
éprouve un léger frisson par-tout le corps ,
sa ligure devient bleuâtre et son haleine froide.
Il y a environ quatre mois que cet enfant est
atteint de cette maladie ; elle lui est venue
quelque temps avant d’avoir la petite vérole ,
dont il est bien guéri. L’urine qu’il rend est
claire comme de l’eau , dont elle ne diffère
extérieurement que par une odeur fade qu’elle
répand. En sortant de la vessie elle fait monter
le mercure du thermomètre de dix à vingt -huit
degrés; elle ne rougit pas sensiblement le pa-
pier teint par le tournesol ; elle n’est que très-
légèrement troublée par l’eau de chaux. Son
poids spécifique ne diffère pas sensiblement
de celui de l’eau , tandis que l’urine ordinaire
donne trois à quatre degrés à l’aréomètre de
Baumé pour les sels. L’ammoniaque versée dans
cette urine n’y produit aucun effet. Elle s’al-
tère beaucoup plus promptement que l’urine
de l’homme en santé; cette altération se ma-
nifeste par une couleur laiteuse et par une
odeur très -désagréable. Exposée à une chaleur
douce avec le contact de l’air, elle prend la cou-
leur de l’urine' ordinaire ; cette couleur devient
plus intense à mesure que ce liquide s’évapore,
son odeur désagréable se dissipe quand elle
est évaporée aux cinq sixièmes, son acide se
développe et elle rougit le papier de tournesol,
dille a fourni , par l’évaporation complette ,
124 La Médecine
63 grains de résidu qui contenoit du phosphate
de soude et d’ammoniaque , beaucoup de sel
marin , un extrait muqueux et de l’acide phos-
phorique libre. Cette quantité de matière est
bien peu de chose en comparaison de celle du
liqu ide où elle éloit dissoute.
Les excrémens de cet enfant sont bien liés,
et ont ordinairement une couleur jaune ; mais
un de ces jours derniers , il en a rendu qui
sont blancs comme de la craie.
Nous nous gaulerons bien de vouloir expli-
quer l’origine d’une maladie aussi singulière
que celle-là , nous nous bornerons seulement
à faire quelques observations sur la grande
quantité de calorique que l'enfant perd conti-
nuellement par la boisson qu’il prend. On a vu
qu'il a bu dix pintes d’eau à dix degrés en
vingt-quatre heures , qu’il a rendu douze pintes
d’urine a vingt-huit dégrés* pendant cet espace
de temps : or il est clair que chaque livre de
ce liquide a enlevé au sang dix-huit degrés
de chaleur , et que Ces dix-huit degrés de cha-
leur multipliés par vingt- quatre livres que don-
nent les douze pintes d’urine rendue , forment
une somme de quatre cent trente-deux degrés
de chaleur enlevés pendant vingt-quatre heures.
Il résulte des travaux de plusieurs chimistes, que
ces quatre cent trente-deux degrés de chaleur
sont capables de faire fondre sept livres trois onces
un gros quarante trois grains de glace ou de
réduire en gaz huit onces trois gros soixante-trois
grains d’eau. Cette grande perte de calorique
explique pourquoi cet enfant éprouve du froid
et des frissons immédiatement après avoir bu ,
pourquoi son haleine est froide , et enfin pour-
quoi son visage , ses lèvres , et le gland de
sa verge prennent une couleur violette. D'a-
ÉCLAIRÉE, etC- îa5
près ces observations , la transpiration ne doit
pas être abondante chez cet enfant , puisqu'il
rend autant et même plus d’urine qu’il ne prend
de boisson. Ne pourroit-on pas penser que cette
soif continuelle auroit pour cause l'altération
des fonctions de la peau , qui est destinée à
rafraîchir le sang , en offrant un passage à une
portion d’humeur qui s’exhale continuellement
dans l’atmosphère , sous la forme de gaz ? On
conçoit en effet que s’il n’y avoit point un
effluve continuel d’humeur par la. peau, la tem-
pérature de notre corps s’éleveroit sans doute
au point de déranger l’ordre établi dans nos
fonctions , et nos humeurs seroient bientôt
altérées si de nouveaux régulateurs n’étoient
pas établis.
Au reste ce ne sont que des hypothèses , qui
deviendroient cependant des vérités si on par-
venoit, en rétablissant la transpiration, à dimi-
nuer la nécessité de boire qu’a cet enfant. Ce
seroit donc alors un nouveau régulateur que
la nature auroit mis en usage pour suppléer
à la peau et tenir le corps à la température
nécessaire pour l’exécution des autres fonctions
de l'économie animale, et par conséquent pour
l’entretien de la vie.
Au reste , il faudroit réunir plusieurs faits ana-
logues à celui-ci , et comparer plusieurs fois
les phénomènes que ces maladies présentent,
pour reconnoître positivement la cause de ces
accidens singuliers. Nous recommanderons donc
aux médecins observateurs de saisir les occa-
sions qui se présenteront de voir avec soin de
pareilles affections , et de déterminer exac-
tement la température de la peau, celle des
urines , les pulsations et les respirations.
12Ô
L A M ï D ® C I K ®
pharmacie,
Extrait du Journal de Pharmacie de Aï. .... J
apothicaire de Paris , par AI. Pinel.
Eclellium , 12 onces.
Gomme ammoniaque , 20 onces 2 gros.
Encens , 6 onces 6 gros.
Opoponax , 6 onces 6 gros.
Mastic , %
Aristoloche , > de chaque 6 onces.
Verdet , J
Litharge, 6 livres.
Huile d’olives., 12 livres.
Cire jaune , 3 livres.
Aimant , 9 onces.
Eau , suffisante quantité.
Commencez par faire cuire la litharge avec
i’huileetl’eau : lorsque l’emplâtreseracuitet qu’il
n’y aura plus d’eau , ce que l’on reconnoitra
lorsqu’on le verra fumer et même perdre un peu
de sa couleur blanche alors retirez la bassine
de dessus le feu ; ajoutez-y le verdet en poudre
à l’aide d’un tamis, afin d’éviter les grumeaux :
l’emplâtre prendra alors une belle couleur verte.
Remettez aussi-tôt votre bassine sur le feu et
continuez à agiter l’emplâtre ( sans y ajouter de
l’eau ). On sentira une odeur piquante et acide
comme si l’emplâtre brûloit ; il passera du verd
à une couleur jaune $ il se fera aussi une effer-
vescence assez vive , ce que l’on reconnaîtra
facilement par le gonflement que l’on observera
Emplâtre
divin.
Prenez Galbanum ,
Mirrhe ,
| de chaque i3 onces et demi.
/
ÉCLAIRÉE, etC. 1 27
dans la bassine : l’etn plâtre passera du jaune
à une couleur brune ; retirez alors la bassine
de dessus le feu , continuez à l’agiter et il s’y
fera dans l’instant un grand changement dans
la couleur de l’emplâtre 5 il prendra une belle
couleur , ou plutôt celle connue sous le nom de
lie de vin rouge , ou encore rouge pourprée ,
et l’on observera une belle pellicule cuivreuse
ou dorée , qui couvrira la surface de i’emplâ-
tre j c’est çette couleur rouge que l’on doit don-
ner à l’emplâtre , et qui ne peut s’obtenir qu’ au-
tant qu’il ne reste plus d’humidité dans la bas-
sine ; il faut cependant qu’il y ait de l’eau pour
que la litharge puisse se combiner avec l’huile
et obtenir la consistance emplastique ; voilà
pourquoi je commence à faire cuire l’huile et
la litharge , et je n’ajoute le verdet que lorsque
d’emplâtre est cuit et qu’il n’a plus d’humidité.
L’emplâtre ayant la couleur rouge , j’y fais
tfondre la cire , ensuite j’y ajoute le galbanuin
■ que j’ai fait dissoudre dans le vinaigre et que
j’ai évaporé en consistance épaisse, parce qu’il
n’a pu être réduit en poudre 5 j’y incorpore
■après les autres gommes résines , ainsi que
d’aristoloche etl’aiinant réduits en poudre fine ,
■ et c’est encore en me servant d’un garnis que je
dais cette incorporation.
En suivant exactement ce procédé., j’ai obtenu
un emplâtre d’une belle couleur et d’une bonne
consistance , nullement grumelé.
Observations. Il 6e fait dans cet emplâtre
nne réduction du verdet comme dans l’onguent
.Egyptiac ; M. Baumé , le Codex de Paris et au-
* res , recommandent de mettre le verdet avec la
liitharge des le commencement de l’opération ,
fît de faire cuire l’emplâtre en ajoutant de l’eau;
cf-est , dit M. Baumé , afin de donner le temps
îa8- La Médecine
auverdet de pouvoir se réduire. M. Baume n’a
point fait attention que la réduction du verdet
ne pouvoit point se faire tant qu’il y avoit de
1 eau ? Plusieurs pharmaciens m’ont aussi dit
qu’il leur étoit arrivé d’avoir leur emplâtre
rouge long-temps avant qu’il ne fût cuit. D’au-
tres m’ont dit qu’ils n’avoient jamais pu lui
donner la couleur rouge : cela tient à ce que
les premiers avoient laissé manquer d’eau avant
que l’emplâtre fût cuit , et que les derniers au
contraire ont toujours conservé trop d’eau dans
leur emplâtre , et qu’ alors le verdet n’a pu se
réduire : il ne faut donc pas mettre le verdet
avec la litharge , comme M. Baumé le prescrit,
pour lui donner le temps de se réduire , puis-
qu’une seule minute suffit pour la réduction du
verdet.
D’après Ge que je viens de dire , il est aisé
de voir que si l’on veut avoir l’emplâtre de cou-
leur verte , il faut mettre le verdet sur la fin
de la cuite , et avoir soin que l’emplâtre ne soit
pas trop chaud lors du mélangé , qu’il conserve
même un peu d’humidité ; il faut aussi avoir
l’attention de porphiriser le verdet avec un
peu d’huile , afin qu’en l’unissant à l’emplâtre
il s’y trouve plus divisé.
On regarde Nicolas Myrepsus comme l’au-
teur de cet emplâtre ; le nom de divin lui a été
donné à cause de ses grandes vertus : il est dé-
tersif. On a cru que cet emplâtre étoit meil-
leur lorsqu’il étoit vert, mais aujourd’hui on
le prépare généralement rouge. Léinery et au-
tres prescrivent une- plus forte quantité de
pierre d’aimant. Le Codex de Paris en retranche
les trois quarts,, et comme elle est presqu’inutile
et qu’elle ne sert qu’à dessécher l’emplâtre , je
crois que l’on pourroit la supprimer totalement.
129
(. N° V. ) .
c'h I M I E.
Suite des expériences sur les matières animales :
extrait d’un mémoire de M. Fourcroy.
Sur l’urine humaine .
I. L’urine la plus fraîche , quand on la fait
évaporer à une chaleur un peu forte , répand
une ordeur d’ammoniaque. Cette odeur est due
à la décomposition du phosphate d’ammonia-
que , dont les principes n’ont entr’éiix qu’une
attraction foible. La preuve de cette assertion
se trouve dans l’acidité considérable de l’urine
évaporée , et dans la quantité plus grande d’am-
moniaque qu’il faut alors pour saturer cet
acide.
II. M. Fourcroy s’est apperçu qu’outre l’am-
moniaque il se dégage oit aussi , pendant l’éva.-
poration de l’urine ^ une petite quantité d’acide
phosphorique, car il n’a pas obtenu autant de pré-
cipité par l’eau de chaux de l’urine évaporée :aux
trois-quarts , que de la même urine non échauf-
fée. Ce fait a été vérifié d’une autre manière ; eii
distillant l’urine dans des vases fermés , on a
constamment obtenu dans le récipient une pe-
tite quantité de phosphate d’ammoniaque , avec
excès d’ammoniaque : l’acide phosphorique a été
prouvé par l’eau de chaux , quia formé du phos-
phate calcaire , et l’ammoniaque par la teinture
de v-iolettes.
III. Une certaine quantité d’urine, évaporée
{environ jusqu’à la moitié de son volume, a été
■abandonnée pendant plusieurs jours au contact
de l’air, à la température de quinze degrés du
-thermomètre de Réaumur : aù bout de ce temps
Tome III. N°. Y. I
i*5o T, A M B D E C I N S
r~.
elle a offert une pellicule verte bleuâtre , qui
n’étoit pas dissoluble dans l’eau , mais la ren-
doit laiteuse lorsqu’on l’y agitoit pendant quel-
que temps ; cette urine , "qui étoit fortement
acide immédiatement après son évaporation ,
étoit devenue ammoniacale , répandoitune mau-
vaise odeur et a voit déposé une assez grande
quantité de matière jaunâtre.
Ces faits prouvent , dit M. Fourcroy , que
pour connoître la quantité d’ammoniaque et
d’acide phospliorique que contient l’urine , il
ne faut pas la faire évaporer dans des vaisseaux
ouverts , puisqu’il se dégage toujours une por-
tion de l’une et de l’autre de ces matières. La
méthode qu’il conseille est de verser dans l’urine
fraîche de l’eau de chaux pour l’un , de l’acide
muriatique ou sulfurique pour l’autre : par la
quantité de phosphate de chaux on connoît
celle de l’acide phospliorique ; ensuite , en fai-
sant évaporer la liqueur , la quantité de mu-
riate d’ammoniaque que l’on obtient , et qu’il
est aisé de séparer de celui de soude par le
moyen de l’alcool , indique la proportion d’am-
moniaque.
IV. M. Fourcroy a reconnu la présence de l’acide
sulfurique dans l’urine en y versant du muriate
de baryte j il se forme un précipité composé de
sulfate et de phosphate de baryte. L’acide mu-
riatique dissout le phosphate de baryte , et le
sulfate de baryte reste seul ; son poids donne
celui de l’acide sulfurique.
Sur le sel fusible entier de l’urine humaine.
I. Depuis six ans M. Fourcroy conservoit dans
un bocal de verre recouvert d’un carton , quel-
ques livres de sel fusible , retiré de l’urine hu-
maine par la première cristallisation j ce sel
Eclairée, etc.
avoit une couleur brune et une odeur parti-
culière , à laquelle a succédé depuis deux ans
environ une odeur de musc ou d’ambre très-
sensible. Les chimistes , dit-il , ont trouvé que
ce sel est composé de deux matières salines ,
de phosphate de soude et de phosphate d’am-
moniaque , ils ont dit qu’on pouvoit lès obtenir
à part par la cristallisation. Ayant plusieurs
fois essayé d’obtenir séparément ces deux subs-
tances salines du sel fusible entier de l’urine ,
il lui a été impossible d’y réussir complètement ;
ils ont paru combinés intimement, et il dit que
si une portion se présente presque pure , c’est
qu’elle est excédente à la combinaison saline
triple qui a lieu entre ces deux matières $ que
la portion qni se sépare aussi presque seule ap-
partient au phosphate de soude , et que cela n’a
lieu qu’à la fin de l’opération. Il s’est apperçu ,
en purifiant ce sel, que la quantité de phosphate
d’ammoniaque diminuoit à mesure que la cris-
tallisation avançoit , c’est- à dire que les levées
de cristaux contenoient d’autant moins de ce
sel qu’elles approchoient davantage de la fin
de l’opération $ de manière qu’il peut y avoir
clés sels triples de la même nature générale ,
mais dans un grand nombre cle proportions
différentes.
II. Le sel fusible de l’urine s’effleurit à l’air ,
il verdit les papiers teints avec les fleurs de vio-
lettes , les cristaux qu’on en obtient , même vers
la fin , c’est-à-dire , soit que ce soit du phosphate
de soude et d’ammoniaque , ou du phosphate
cle soude presque pur, produisent constam-
ment cet effet. Cette propriété est très-singu-
lière , remarque M. Fourcroy , car il est démon-
tré que l’urine , en s’évaporant, perd cle l’am-
moniaque sans perdre en -proportion de l’acide
I 2
î32
IA M É
D E
CINE
pliospliorique ; que par conséquent elle devient
acide , et cependant les sels qu’on en obtient
verdissent les violettes au lieu de les rougir.
Une autre observation qui n’est pas moins
remarquable, c’est que du sel fusible de l’urine ,
phosphate de soude qui verdit toujours les pa-
piers de violettes. Le phosphate d’ammoniaque
paroît donc s’être entièrement volatilisé à la
chaleur simple de l’atmosphère , comme l’a-
voient déjà reconnu MM. Rouelle et Ghaulnes.
III. Les différens sels triples, obtenus de la
purification du sel fussible entier de l’ urine ,
donnent tous de l’ammoniaque par la chaux.
Cent parties d’un de ces sels régulièrement cris-
tallisé, mis dans une cornue, ont donné, i°. une
grande quantité d’eau $ i°. une légère dose
d’ammoniaque sensible à l’odorat ; 3°. un peu
d’acide pliospliorique combiné à l’ammoniaque ;
4°. il est resté dans la cornue soixante parties
de phosphate de soude pur , de manière qu’il
n’y a peut-être pas o,5 de phosphate d’amino-
niacjue dans ce sel triple. Le produit liquide de
cette distillation verdissoit les couleurs bleues ,
et la matière saline restée dans la cornue les
verdissoit aussi au lieu de les rougir, comme elle
l’auroit dû , puisqu’elle avoit perdu une por-
tion plus grande d’ammoniaque que d’acide
pliospliorique.
IV. Cette manière d’opérer n’ayant pas paru
suffisante pour connoître exactement les pro-
portions du sel triple de l’urine , M. Fourcroy
a eu recours à un autre procédé 5 il a précipité
une dissolution dans l’eau par l’eau de chaux,
il a ramassé le précipité , qu’il a fait sécher et
Eclairés, etc. i33
qu’il a pesé ; il a ensuite saturé la liqueur par
l’acide muriatique , et il Fa fait évaporer : les
poids des muriates de soude et d’ammoniaque
obtenus lui ont donné les proportions de phos-
phate de soude et d’ammoniaque. M. Fourcroy
avertit que s’il arrivoit de mettre trop de chaux:
pour précipiter l’acide phosphorique , il fau-
droit , après avoir saturé la soude et l’ammo-
niaque, par 1‘* acide muriatique , précipiter la
chaux par l’acide oxalique , afin de ne point
avoir de inuriate calcaire y très- difficile à séparer
d’avec les deux autres à la fin de l’opération.
Cent parties de sel fusible de l’urine , ou du
phosphate de soude et d’ammoniaque, ont donné
par ce procédé ,
i°. D’ammoniaque 19
2.0. De soude 24
3°. D’acide phosphorique 3a
4°. D’eau. 2.5
100
Sur le calcul de la vessie.
Les expériences qui ont été faites au Lycée
par M. Fourcroy , ont ajouté à l’analyse de
Schéele et de Bergman , sur les calculs de la
vessie , les faits suivans :
I. La dissolution de quelques calculs dans
l’eau rougit assez fortement le papier de
tournesol.
II. Les calculs donnent de l’acide prussique
par la simple distillation à feu nu , et par l’ac-
tion de l’acide nitrique ; mais M. Fourcroy
décrit cette opération en détail 5 voici comment
il s’explique : « La distillation du calcul urinaire
donne d’abord un produit liquide sans couleur*
ensuite des fluides élastiques composés d’acide
13
ï34 ï. a Médecine
carbonique, de gazhydrogène et d’un peu d’azote.'
Il s’attache ensuite dans le col de la cornue des
cristaux lamelleux, brillans et plus ou moins jau-
nâtres d’acide lithique, et du carbonate d’ammo-
niaque en petite quantité : il reste dans la cornue
une grande quantité de charbon ; on n’ob-
tient pas sensiblement d’huile. En examinant le
produit liquide , on y reconnoît l’odeur de l’a-
cide prussique libre ; on trouve dans l’eau une
petite quantité de carbonate ammoniacal et de
p-russiate d’ammoniaque : on a facilement dis-
tingué la présence de l’acide prussique par l’oxide
de fer nouvellement précipité , qui a été
changé en bleu de Prusse en le jettant dans
cette liqueur ».
III. 1VÎ. Fourcrcy pense , d’après ces faits ,
que le calcul de la vessie ne ‘contient que très-
peu d’hydrogène , puisqu’il ne se forme que peu
d’ammoniaque , qu’il se dégage une grande
quantité d’azote , et qu’il ne se forme point
d’huile ; que l’acide lithique ne contient que
très-peu d’oxigène , puisqu’il n’y a qu’une très-
petite quantité d’acide prussique et carbonique
formés , puisque d’ailleurs il reste une très-
grande quantité de charbon à nu dans la
cornue.
IY. M. Fourcroy infère de ces observations
que l’acide prussique contient plus d’oxigène
que l’acide lithique , puisqu’il n’y a que très-
peu d’acide prussique formé par une grande
quantité d’acide lithique décompose ; qu’il est
vraisemblable qu’il se forme en même temps de
l’acide carbonique , mais que la quantité en est
très-petite en comparaison de la masse de char-
bon qui reste dans la cornue. Il semble , ajoute-
t-il, que l’acide lithique est un composé de beau-
coup de carbone et d’azote, et de très-peu d’oxi-
gène et d’hydrogène.
i3 5
Eclairée, etc.
Sur plusieurs matières grasses animales com-
parées dans leur fusibilité , leur dissolubilité
dans V alcool , etc.
M. Fourcroy rappelle qu’ayant trouvé plu-
sieurs matières analogues au blanc de baleine
dans les produits du corps humain , et notam-
ment dans la. substance cristalline et blanche des
calculs biliaires, dans les corps convertis en gras
par leur enfouissement dans la terre , il lui a
paru intéressant de comparer ces substances
les unes avec les autres , et de déterminer les
loix de leur dissolubilité dans l’alcool et de leur
fusibilité par la chaleur.
Calculs biliaires dans V alcool.
Une once cinq gros douze grains d’alcool dissol-
vent, à la température de soixante degrés du ther-
momètre de Réaumur j cinquante grains de cette
matière blanche et cristalline : quoique peut-
être il pût s’en dissoudre davantage , il paroît
qu’on peut fixer ainsi le terme de cette dissolu-
bilité ; elle représente une combinaison dont le
rapport des composans est comme un de ma-
tière calculeuse biliaire à dix-neuf d’alcool.
Leur union est presque nulle , car des cin-
quante grains qui avoient été dissous à chaud
par l’alcool , il s’en est déposé quarante-huit
grains par le refroidissement , et l’alcool mêlé
à l’eau ne se troubloit que très-légèrement.
Matière grasse des cadavres enfouis dans la
terre .
Une once d’alcool peut dissoudre , à la tem-
pérature de soixante degrés , près de son poids
de cette substance , mais il en laisse une grande
I 4
*56 r A Médecine
partie en refroidissant ; il en garde environ le
quatrième ou le cinquième de son poids : de
manière qu’une once d’alcool peut dissoudre à
froid deux gros de cire humaine , ce qui diffère
beaucoup cîu blanc de baleine et de la matière
cristalline des calculs biliaires.
La substance cireuse des cadavres forme avec
les alcalis, un savon beaucoup plus facilement
que les autres matières auxquelles nous la com-
parons.
Blanc de baleine dans V alcool chaud et froid .
Une once cinq gros douze grains d’alcool à
trente-huit degrés , la température étoit dix ,
dissolvent six erains de blanc de baleine à l’aide
d’une chaleur de soixante degrés du termomètre
de Réaumur. Ce corps gras n’est point du tout
dissoluble à froid dans l’alcool , puisque de cin-
quante grains de cette matière , traités à chaud ,
avec une once cinq gros douze grains d’alcool ,
il s’en est séparé quarante-neuf par le refroidis-'
sement.
Fusibilité comparée du blanc de baleine , de la
matière blanche des calculs biliaires , et de
la cire du gras des cadavres.
Le blanc de baleine commence à se fondre à
trente-deux degrés du thermomètre de Réaumur,
le thermomètre monte constamment à trente-huit
jusqu’à ce que toutes les molécules de cette ma-
tière soient fondues à la quantité de cinquante
grains 5 mais il paroît que l’on peut en fixer le
terme entre trente-deux et trente-cinq.
L’espèce de matière cireuse , séparée par les
acides des cadavres convertis en gras, commence
àse fondre à vingt-huit degrés, etic thermomètre
monte ordinairement jusqu’à trente-trois degrés
rCLAinÉi, etc. - i3j
pendant que cinquante grains de cette matière,
réduite en poudre , éprouvent la fusion com-
plète ; le vrai terme est depuis vingt-huit jus-
qu’à trente : elle est par conséquent plus -fusible
que lé blanc de baleine,
La matière blanche des calculs biliaires ne se
fond que bien au-dessus du degré de l’eau bouil-
lante. M. Fourcroy n’en a point encore dé-
terminé précisément le degré de fusibilité 5 mais
il suffit , dit-il , pour la comparaison avec les
deux autres substances , de savoir qu’elle n’est
pas même ramollie à la chaleur de quatre-vingt-
dix degrés.
P FI Y S I Q U E ANIMALE.
T rentier rapport des expériences faites , d’après
M. l’abbé Spalanzani , sur la génération
des grenouilles , par MM. Berlinghieri, Sil-
vestre , Robilliard et Brongniart , lu à la So-
ciété philomatique , dans sa séance du q
janvier iqÿz.
La société nous a chargé, MM. Berlinghieri ,
Silvestre , Robilliard et moi , de répéter les expé-
riences de M. l’abbé Spalanzani. Nous venons
lui rendre compte de nos travaux pendant 1791.
Les faits que nous avons vérifiés et les résultats
que nous avons obtenus feront l’objet de ce
rapport, qui paroîtra sans doute plus intéres-
sant par le degré de certitude qu’il donnera
aux assertions de M. l’abbé Spalanzani , dont
plusieurs naturalistes sembloient encore douter,
que par la quantité de faits nouveaux qu'il
pourra lui offrir , la vérification des expériences
de ce physicien ayant été l’objet principal de
la mission qu’elle a donnée à ses commissaires.
*38 La Médecin*
Nous n’ayons fait nos expériences que sur une
seule espèce de grenouille , le rana esculenta de
Linnéus , la grenouille commune de la Cépède 'r
ce n’étoit point la même espèce que celle de
Spalanzani , mais cet auteur ne l’ayant point
déterminée d’une manière systématique , nous
n’avons pu savoir de quelle espèce il a parlé.
Avant de commencer le détail de nos expé-
riences , nous devons rappeler ici la principale
cle M. Spalanzani , le but dans lequel il les
a faites , et les conclusions qu’il en a tirées.
M. Spalanzani a voulu prouver plusieurs
points de théorie.
i°. Que les œufs des grenouilles n’étoient
point fécondés par le mâle dans l’intérieur du
corps de ranimai , ni de la même manière que
dans la plupart des autres animaux ni par cette
carnosité rugueuse du pouce du mâle, appliquée
sur la poitrine de la femelle pendant l’accou-
plement , ainsi que l’ont prétendu quelques
auteurs.
2°. Que les fœtus préexistoient à la fécon-
dation , et que les prétendus œufs de la gre-
nouille n’étoient que de véritables fœtus non
encore animés par la semence du mâle.
3°. Que l’accouplement n’étoit point néces-
saire à la fécondation, et que l’on pouvoit imi-
ter cette opération de la nature en touchant
les œufs avec la liqueur séminale du mâle.
Pour prouver ces trois opinions , M. Spalan-
zani a fait une grande quantité d’expériences.
Premièrement il a examiné avec soin les gre-
nouilles pendant leur accouplement , et n’a
reconnu aucun contact immédiat entre les or-
ganes mâles et femelles ; au contraire il a vu
que les œufs étoient arrosés par la liqueur sémi-
nale du mâle à mesure qu’ils sortoient de l’u-
éclairée, etc. 189
ter ns de la femelle. Il a vu que la femelle , sé-
parée du mal dans ce moment , ne pondoit plus
que des œufs stériles. Il a mis des caleçons aux
mâles et s’est opposé ainsi à la fécondation,
des œufs. Secondement, ayant examiné avec
soin les œufs fécondés des grenouilles , il a vu
que c’étoit ce point noir qui se développoit en
fo rme de têtard , et non le têtard qui sortoit
du point noir : il en a conclu que le point noir
étoit l’embryon du têtard mis en mouvement
par la liqueur séminale du mâle.
Troisièmement enfin, il a arrosé des œufs
de grenouilles avec des doses de liqueur sé-
minale plus ou moins fortes et a constamment
obtenu des têtards.
M. Spalanzani a conclu de ces trois corps
d’expériences , i°. que les œufs de grenouilles
étoient fécondes en dehors du corps de l’a-
nimal ; 2°. que ces œufs n’étoient que de véri-
tables embryons de grenouilles privés de vie ;
3°. que les prétendus œufs pouvoient être fé-
condés artificiellement.
Nous allons rapporter les expériences que
nous avons faites sur ces mêmes objets : passant
rapidement sur celles qui nous donnent les
mêmes résultats , nous ne nous arrêterons que
sur celles dont nous ne croirons pas pouvoir
tirer les mêmes conclusions que M. l’abbé
Spal/nzani.
>
S* I. Expériences sur V accouplement et la ponte
des grenouilles.
Dans l’accouplement des grenouilles , ainsi
que 1 ont dit Rœsel et plusieurs autres auteurs ,
le male passeses pattes antérieures sous les aiselles
de la femelle et vient les rejoindre sur sa poitrine,
en y appliquant la carnosité rugueuse de ses
*4° La Médecine
pouces ; il y est si solidement fixé qu’il faut
beaucoup de peine pour lui faire lâcher prise ,
et cette action est tellement inhérente aux
muscles des bras clans ce moment , que les bras
du male , séparés de sa femelle et n’embrassant
plus rien , restent dans la même situation pen-
dant quelques instans.
La durée de l’accouplement est très-variable ,
quelquefois elle n’est cpie de vingt-quatre heures.
Nous avons eu des grenouilles accouplées pen-
dant plus de vingt jours j elles ne prennent
alors aucune nourriture.
Cetanimal, pendant tout le temps qu’il est ainsi
fixé sur le dos de sa femelle , ne fait rien pour
la fécondation ; il paroît attendre dans cette
situation le moment de la ponte afin d’arroser,
avec sa liqueur séminale , les œufs à mesure
qu’ils sortent : tout ce qu’il peut faire c’est de
hâter et d’aider la ponte par la pression qu’il
exerce sur le ventre de sa femelle.
A l’instant où les œufs s’échappent de l’uté-
rus, dit Rœsel , on voit une vapfeur blanchâtre
qui , partant de l’anus du mâle , enveloppe les
œufs qui sont alors fécondés.
L’abbé Spalanzani dit avoir vu pareillement
une pointe peu longue qui sortoit proche l’anus
du mâle , et versoit une petite liqueur limpide
sur les œufs d’une grenouille mise à sec.
Ces observations très-intéressantes son: de
fortes preuves de la fécondation extérieure.
Nous eussions bien voulu le vérifier , mais nous
ne pûmes y parvenir ; la ponte du ranci escu -
Tenta est si prompte que nous ne pouvions être
a temps pour la saisir. Nous passâmes quatre
nuits et quatre jours de suite à examiner avec
attention une douzaine de grenouilles accou-
plées sans pouvoir rien appercevoir de satis-
faisant.
S C I A I R B E , etc. I4t
Durant la première et la seconde nuit, au-
cune grenouille ne pondit ; le matin nous étions
sept observateurs à l’entour de ces grenouilles,
une d’entr’elle pondit dans un instant si court
que personne ne l’apperçut.
La quatrième nuit s’annonça d’une manière
plus heureuse. Vers sept heures du soir quel-
ques œufs , que nous apperçûmes dans le bocal
où étoit une grenouille accouplée, nous laisoient
penser que la ponte totale n’étoit pas éloignée.
Nous l’examinâmes avec soin: la lumière que
nous étions obligé d’employer , inquiéta proba-
blement cet animal , car il fut très -long-temps
avant de pondre le reste de ses œufs ; enfin
ce moment arriva , mais dans cet instant
le mâle et la femelle s’agitèrent dans l’eau si
fortement qu’il nous fut impossible de rien
distinguer.
Une autre grenouille, que nous saisîmes peu
après dans le milieu de sa ponte, s’arrêta dès
que nous voulûmes l’observer avec de la lu-
mière 5 mise à sec , elle se clésacoupla.
Tous ces faits nous confirmèrent dans l’o-
pinion que l’espèce que nous examinions n’é-
toit point celle de M. l’abbé Spalanzani ,
car Fauteur italien assure qu’il est très -facile
de voir le mâle arroser les œufs qui sortent
pendant une ponte c^ui dure environ une heure.
Nous nous consolâmes un peu de la non réus-
site de nos observations en lisant dans Rœsel
qu’il avoit passé bien des nuits , pendant plu-
sieurs années, avant d’être parvenu à voir clai-
rement la ponte du rana esculenta accouplée.
Ne pouvant prouver d’une manière directe
la fécondation externe des œufs de grenouilles,
nous employâmes des moyens indirects.
Au bout de plusieurs jours d’accouplement
nous retirâmes un mâle d’avec sa femelle, et
*42 La Médecins
laissâmes pondre celle-ci clans un vase séparé.
Les œufs furent constamment stériles.
. Nous mîmes des caleçons de taffetas à des
mâles de grenouilles accouplés, leurs femelles
pondirent et lesœufs furentconstamment stériles.
Ces expériences nous prouvoient suffisam-
ment que non - seulement les œufs n’étoient
point fécondés par les pouces rugueux du
mâle , mais encore qu’ils l’étoient en dehors
du corps de l’animal.
Cette opinion de la fécondation par les pouces
du mâle , a été celle de plusieurs naturalistes.
Elle étoit pareillement adoptée par un natu-
raliste très -connu, correspondant de la so-
ciété $ il l’abandonna facilement en assistant
à nos expériences.
§. II. Des fécondations artificielles .
Nous avons répété presque toutes les expé-
riences que M. l’abbé Spalanzani à faites sur
les grenouilles ; mais comme elles tendent à un
meme but, nous nous bornerons ici à rappeler
les principales.
Ayant séparé deux grenouilles accouplées
depuis plusieurs jours , nous retirâmes de l’uté-
rus de la femelle les deux masses d’œufs qui y
étoient contenus , et les divisâmes en trois por-
tions.
Nous ouvrîmes ensuite le mâle , et piquant
dans un verre de montre une des vésicules sé-
minales , nous étendîmes cette liqueur avec
un petit pinceau sur la surface de la première
portion d’œufs.
Nous broyâmes un testicule dans une petite
capsule de verre, et nous humectâmes avec cette
liqueur la seconde portion. Enfin la troisième
portion d’œuf fut mise à part à une même tem-
pérature, et dans une eau tirée du même vase.
li C L I I R £ £, etc. 143
Au bout de trois jours les deux portions d’œufs,
humectées de la liqueur du vésicule et des testi-
cules , commençoient à éprouver les altérations
qui se manifestent dans le développement du
têtard , la portion non fécondée n’éprouvoit
aucun changement. Cinq jours après les têtards
fécondés artificiellement nageoient dans l’eau
des vases , tandis que les autres étoient tombés
en putréfaction. Cette même expérience répé-
tée plusieurs fois réussit également.
Nous variâmes les fécondations artificielles
de la manière suivante.
Ayant extrait de l’utérus d’une femelle les
deux masses d’œufs qui y étoient contenues, nous
les divisâmes en plusieurs portions. Nous mî-
mes soigneusement à part la première, à laquelle
nous ne touchâmes point. Nous pesâmes ensuite
deux grains de semence tirée des vésicules , et
mêlâmes cette petite dose avec une demi livre
d’eau ; prenant avec une épingle des goutelettes
de cette eau, nous en touchâmes plusieurs œufs :
au bout de quelques jours la plupart de ces
œufs donnèrent des têtards.
Nous mêlâmes de la semence avec partie
égale d’urine , et obtînmes de ce mélange un
égal succès.
L’abbé Spalanzani n’ayant point dit si un.
accouplement antérieur étoit nécessaire aux
fécondatious artificielles, nous voulûmes le sa-
voir. Les œufs d’une femelle accouplée ayant
été fécondés avec la semence d’un mâle non
accouplé , nous tirâmes de l’utérus d’une autre
femelle , non accouplée , les œufs qui y étoient
contenus, et prenant les testicules d’un mâle pa-
reillement non accouplé, nous fécondâmes ces
œufs avec la liqueur broyée dans l’eau. Huit jours
après, des têtards très-nombreux avoient pris
tout leur développement , nouvelle preuve de
1 4 ^ La M b d e c i n jç
l’inutilité de l’accouplement pour la fécondation.
Nous devons remarquer ici que les féconda-
tions artificielles réussissant très-bien avec la
liqueur de la vésicule , sont une objection assez
forte au système de M. Chaptal qui, clans un
mémoire inséré dans le Journal de Physique ,
prétend que ces organes ne servent point à con-
server la véritable semence , et que la liqueur
qu’ils renferment n’est point prolifique.
Nous avons souvent examiné au microsco-
pes les differentes liqueurs séminales de gre-
nouilles , de salamandres, de carpes et de chiens.
Nous y avons presque toujours vu unanimement
des animaux microscopiques parfaitement sem-
blables à ceux qui ont été décrits par Spalan-
zani , mais les fécondations artificielles que
nous avons tentées sur ces dernières espèces d’a-
nimaux , les salamandres , les carpes et les
chiens, on tété jusqu’à présent infructueuses : les
travaux que nous nous proposons de suivre cette
année , nous permettront sans doute de fixer
notre opinion à cet égard.
S. III. Du développement des têtards.
Les œufs pondus par les grenouilles accou-
plées sont , dans les premiers momens de la
ponte , absolument les mêmes que ceux pondus
par les grenouilles non accouplées. La descrip-
tion de ces œufs, faite par M. l’abbé Spalan-
zani , diffère un peu de nos observations ; nous
croyons devoir les rapporter avec quelques détails.
Immédiatement après leur sortie de l’utérus ,
les œufs présentent une masse de la grosseur à-
peu-près du ventre de la grenouille , formée
de points noirs qui sont environnés chacun
d'une matière transparente , peu épaisse alors ,
mais très- gluante : au bout de quelques momens
éclairée, etc'. 14S
de leur séjour dans l’eau ces œufs augmentent
sensiblement de volume et finissent par eil
acquérir un trois ou quatre fois plus grandi'. Ils
ressemblent alors à autant de sphères trans^a!*-
rentes de la grosseur d’un pois , qui seroient toutes
réunies , et qui auraient à leur ceütre un point
noir. A mesure qu’elles prennent ce Voluftie ,
ces sphères laissent appercevoir les différentes
liqueurs dont elles sont composées : le centre ,
ainsi que nous venons de le dire , est un point
noir gros comme un grain de millet , présentant
un segment blanc qui , dans tous les œufs d’uiie
même masse , est tourné presque toujours cîu
même sens. Ce point noir est environné d’uii
petit cercle très-transpUrenü et assez mince pour
qu’il soit souvent difficile 7 de Tappéree^oif à
l’œil nu 5 c’est ce petit cerclé que; M. S pal an -
zani appelle l’auminos. -Ahtouf.de ce cerclé é£t
une auréole plus ou moiifs laiteuse , qui ne s’ap-
perçoit que dans les oeufs ttês-recens , et pondus
dans de Teau claire : cette auréole , dans les pre-
miers instans , est très -distincte de la dernière
portion transparente de la glu ; mais à.mèsuté
que l'œuf augmente de volume, il se perd in-
sensiblement dans la couche superficielle, en
diminuant d’intensité.
M. Spalanzani reeorinèît dans chaque sphèrè
trois membranes 5 la première , et la plus super-
ficielle , envelope la sphère 5 la seconde est entré
l’amiiios et cette membrane superficielle j là
troisième est celle qui enveloppe les eaux d&
i’anâ’ffios. 1 ’ ' J
Nous sommes portés à croire qu’il n’ÿ a réel-
lement point de membrane entre l’aminos et la
membrane superficielle. Le caractère d’une mem-
brane en effet est de donner quelque preuve dé
son existence , soit en opposant une certaine
résistance au déchirement, soit en donnant des
tome III . N°. Y. K
1 46 il a Médecine
caractères d’une densité plus grande que ce
qu’elle renferme ; or , cette prétendue membrane
moyenne ne présente aucun de ces caractères.
Nous pensons , d’après cela, que les différences
que l’on remarque entre les couches de glu
appliquées sur l’amnios , sont dues aux diffé-
rences de densité de cette glu : la manière .dont
l’auréole laiteuse se perd par des nuances insen-
sibles dans la sphère transparente , confirme
cette opinion.
Au bout de trois ou quatre jours , selon la tem-
pérature , les points noirs changent de forme ;
ilss’alongent, une des extrémités devient pointue
et mince , l’autre obtuse et grosse , avec deux
espèces de tubercules : cette figure est un peu
courbée 5 l’amnios, toujours rond et transparent,
est alors très-visible* En observant au microscope
la liqueur limpide qui , contenue dans cette
membrane , environne le têtard , nous y re-
connûmes distinctement plusieurs animacules
ovoïdes qui y couroient avec rapidité. Le point
noir augmente toujours ainsi en changeant de
forme, jusqu’au moment où, alongé et pourvu
de petites nageoires. , il est assez fort pour
sortir de la glu qui l’enveloppe ; alors il com-
mence à nager dans l’eau. Tous les têtards ainsi
éclos se rassemblent en masses , qui ont la forme
d’une étoile $ iis réunissent toutes leurs têtes
dans un seul point , et toutes les queues , assez
longues de ces petits animaux , forment comme
autant de rayons divergens : ce développement
est absolument le même dans les œufs fécondés
naturellement ou artificiellement.
D’après ce que nous venons de rapporter
sur le développement du têtard , on voit très-
bien , comme le dit M. Spalanzani , que le
pêtarcl n’est point sorti du point noir , que
c’est au contraire le point noir qui est devenu
ÉCLAIRÉE, etC. 3 47
têtard , sans laisser aucune enveloppe. De là
M. Spalanzani conclut que le point noir n’est
autre chose que le têtard lui-même , qui n’attend
pour se développer qu’un irritant qui puisse
imprimerie mouvement à son cœur : cet irritant ,
suivant lui , est la liqueur séminale du mâle.
Cette théorie , spécieuse au premier coup-
d’œil , renverse celle de la réunion des deux
semences pour établir le système des germes
préexistans àla fécondation ; mais M. la Cépède ,
dans son histoire de la grenouille commune ,
a répondu d’une manière très-satisfaisante à M.
Spalanzani , et les expériences que nous avons
faites viennent à l’appui de son assertion.
M. la Cépède regarde le têtard non pas comme
un animal sorti d’un œuf, et devant ensuite
se transforner en grenouille , mais comme urz
œuf dont les membranes minces permettent à
l’animal qu’il contient d’agir et de se mouvoir,
comme un œuf enfin diff érent encore des autres
œufs en ce que l’animal 11e l’abandonne pas
tout d’un coup , mais petit à petit , de la même
manière que les grenouilles changent de peau.
Nous avons suivi avec attention la transforma-
tion des têtards en grenouilles , et nous avons
remarqué, i°. que les pattes déjà développées
dans l’intérieur de cette membrane n’en sor-
toient que lorsqu'elles avoient pris un certain
accroissement, et qu’elles on sortoient en per-
çant' cette première peau.
20. Que la queue ne tomboit point tout
d’un coup , mais qu’elle se détruisoit et tomboit
en sphacèle à mesure que les pattes postérieures
prenoient de l’accroissement (1).
5°; Nous avons pris plusieurs têtards assez
avancés en âge , ensorte que l’on appercevoit
1) Roesel avoit déjà fait à peu près cette observation.
K 2
*48 La Médecine
au travers des téguinens les rudimens des pattes :
nous les avons dépouillés avec soin de leur pre-
mière enveloppe , et nous avons enlevé assez faci*
lement , dans plusieurs endroits , une pellicule
mince qui recouvroit les pattes , et qui pas-
sant par - dessus les yeux , dont on pouvoit
facilement la détacher , alloit s’enfoncer dans
la bouche et dans les autres cavités. Le têtard ,
ainsi dépouillé , ressembloit parfaitement à une
petite grenouille recouverte de sa peau ; les
quatre pattes s’y trouvoient , et la tête étoit celle
d’une grenouille et non celle d’un têtard.
On pourroit donc regarder , avec M. la
Cépèdc , le têtard comme un véritable œuf qui ,
ne contenant point la substance utile au jeune
individu, est percé des ouvertures nécessaires
pour qu’il la prenne au dehors. La coquille de
cet œuf est la peau du têtard ; elle ne tombe
point tout d’un coup comme une coquille d’œuf
d’oiseau, mais petit à petit et couche par couche,
comme le fait la queue de cet animal , organe
musculeux cependant , et beaucoup plus fort
qu’une légère membrane.
Il est d’autant plus étonnant que l’ingénieux
abbé Spalanzani n’ait pas remarqué ce phéno-
mène , qu’il frappe tous ceux qui observent le
développement des têtards , et que M. Berling-
hieri , l’un des commissaires, nous avoit ex-
posé cette même théorie avant de connoître
l’opinion de M. la Cépède.
Constitution du trimestre d’ automne de Vannée
1792, lue à la Société royale de JMédecine le
27 février 1792 , avec le détail des maladies
qui ont régné pendant cette saison ; par M.
Geoffroy.
A la suite d’un etc dont la température en gé-r
ÉCLAIRÉE, etC. l49
lierai avolt été fort sèche , et sur- tout vers la fin ,
est survenu un automne plus humide et assez
doux. La première huitaine du mois d’octobre
a ressemblé à la fin de septembre , le temps a été
beau et tempéré jusqu’au 7 , que le vent ayant
quitté le nord-est pour tourner d’abord au sud,
puis au sud-ouest, a amené une pluie douce
qui a duré vingt - quatre heures, et qui a éré
suivie de pluies légères par intervalles , et d’un
temps entre-mêlé de jours plus froids et d’autres
plus doux, ainsi que de quelques beaux jours, ce
qui a continué jusqu’au 19, moment où nous
avons eu un orage assez fort, qui nous a pro-
curé des jours froids et même quelques jours de
gelées. Le 2.6 il est tombé une pluie fort froide ,
le vent soufflant du sud-est , uyais le reste de ce
mois a été assez beau par une gelée assez vive
pour la saison.
Le mois de novembre a été encore plus in-
constant que le précédent. Pendant les quatre
premiers jours , le ciel a été couvert , le froid
étoit noir, mais les jours suivans le temps s’est
remis au beau , et la gelée a été assez forte pour
que le thermomètre descendît à cinq dégrés au-
dessous du terme de la glace, le vent soufflant
du nord-est. Le 12 , le temps a changé de nou-
veau ; il est tombé une petite pluie qui a ramené
une température douce jusqu’aux 22 et 23 , que
la gelée a repris, et a été accompagnée d’un
brouillard très-fort et pesant , ce qui a été suivi
d’un temps plus doux , de quelques pluies lé-
gères, et ensuite d’un vent violent le 28.
Le mauvais temps , les pluies froides et sou-
vent continues , ainsi que les vents forts , n’ont
pas discontinué les dix premiers jours de décem-
bre alors la neige et la gelée sont survenues ;
elles ont été suivies, tantôt de pluies froides et
presque continuelles, tantôt de neige jusqu’au
K 3
ï5o la Médecine
29 , que le temps est devenu beau et légèrement
froid, ce qui a duré les trois derniers jours de
l’année.
Octobre.
Le temps inconstant, qui au commencement
de l’automne a succédé assez promptement à un
été sec et chaud , principalement sur la fin , a
contribué beaucoup à augmenter le nombre des
maladies dans les premiers jours d’octobre. Les
petites véroles, qui avoient commencé à régner
dès le mois d’août, sont devenues plus nom-
breuses et épidémiques : cependant, en général,
elles ontété discrètes et peu meurtrières, et parmi
une quantité assez considérable que j’ai eu occa-
sion de traiter pendant ce mois, non- seulement
chez les enfans et les jeunes gens, mais même
parmi les adultes et des personnes d’un certain
âge , je n’ai vu périr qu’une seule femme d’une
cinquantaine d’années, qu’une goutte remon-
tée , maladie à laquelle elle ëtoit sujette , a em-
portée presque subitement le troisième jour de
l’éruption.
L’humidité froide a réveillé les affections ca-
tharrales , que la chaleur précédente avoit dis-
sipées. Outre les attaques cle goutte , et de rhu-
matismes goutteux , la poitrine a été souvent le
siège sur lequel s’est fixée l'humeur du catliarre ,
ce qui a donné naissance à des toux opiniâtres ,
et même à des péripneumonies et des pleu-
résies assez graves. Cependant la plupart de ces
maladies , après une couple de saignées faites
au commencement, et quelquefois l’application
d’un vésicatoire sur le côté , se sont terminées le
7 ou le 9 par des moiteurs douces et soutenues.
Je n’ai vu qu’un seul de ces malades périr*
c’étoit un homme âgé, dont la maladie parois-
soit prendre un cours heureux jusqu’au sixième
ÉCLAIRÉE, etc. l5l
jour, et qui fut emporté le septième , en ciuq à
six heures, par une suffocation et suppression
subite des crachats , malgré les vésicatoires que
j’avois fait appliquer de bonne-heure aux jambes
et qui suppuroient abondamment , et malgré
l’usage soutenu de légers incisifs. Les diarrhées
et les dissenteries , suites de la suppression de la
transpiration , ont été aussi assez nombreuses ,
sans être cependant dangereuses ; il en a été de
même des fluxions , des ophtalmies, des érési-
pèles au visage , dont plusieurs personnes ont
été plutôt incommodées que malades, la plupart
de ces maladies , à l’exception des érésipèles ,
n’ayant point été accompagnées de fièvre. Il y a
eu aussi , dans la première moitié de ce mois ,
quelques apoplexies , dont une des plus fortes a
frappé de mort , en trois jours , une femme très-
grasse, âgée d’environ soixante ans 5 mais sur la
fin du mois , quoique le nombre des malades ait
un peu diminué , les maladies que nous avous
eu à traiter ont été beaucoup plus graves. Les
fièvres putrides ont été nombreuses et accompa-
gnées de délires et de mouvemens convulsifs dans
les tendons $ elles ne se sont terminées qu’après
vingt-un jours , par des évacuations bilieuses
critiques , et j’en ai vu une dont la crise s’est
opérée par une abondante expectoration de
crachats purulens qui , pendant un mois qu’elle
a duré , a mis la malade à deux doigts de la mort.
Je n’ai vu dans le cours de ce mois qu’une seule
fièvre véritablement maligne , encore 11’ai-je été
appellé que le huitième jour de la maladie.
C’étoit un jeune homme de mérite, excédé par
un travail d’esprit forcé et par les veilles. Son
pouls , quand je le vis , étoit petit, concentré
et médiocrement fréquent ; la chaleur de la
peau médiocre et presque naturelle ; ses urines
presque semblables à celles que l’on rend en
K 4
tSz La Mïdjscinï:
santé ; mais il y avoit perpétuellement un dé-
lire obscur, des soubresauts dans les tendons,
un tremblement dans les mains et dans les
lèvres , et des convulsions dans les muscles de la
face. Vers le quinzième jour de la maladie il
parut des taches gangreneuses, qui commen-
cèrent par les plaies clés vésicatoires qu’on lui
avoit appliqués , et qui gagnèrent les extrémités
inférieures ; enfin survint une évacuation d’un
sang noir dissous , et d’une odeur infecte et
putride , qui termina cette affreuse maladie et
fit périr, à la fleur de l’âge, un citoyen précieux
à la patrie , sans que les anti-septiques les plus
actifs , la décoction de tamarin , et celle de
quinquina acidulée, lui ayent pu apporter aucun
soulagement. Les petites véroles étoient un peu
moins nombreuses sur la fin du mois qu’au
commencement, sans cependant qu’elles aient
cessé de tout l’automne ; probablement on étoit
redevable de cette rémission au froid et aux
gelées qui revenoient par intervalles.
Novembre
Le nombre des malades, qui s’est soutenu dans
le commencement du mois de novembre, a com-
mencé à diminuer vers le milieu, et sur la fin
nous n’avons eu que très peu de maladies aigues.
Celles qui ont régné le plus communément ont
été les fièvres intermittentes , tierces , doubles
tierces et quartes , qui , malgré la mauvaise
saison , n’ont pas été rebelles , et ont cédé aux fé-
brifuges , précédés des vomitifs et des purgatifs ;
mais plusieurs de ces malades ont été repris au
bout de quinze jours ou de trois semaines , les
un plutôt , les autres plus tard , à la suite de
quelque*» erreurs dans le régime , ou pour s’etie
exposés imprudemment au froid et surtout à
l’humidité. Les rhumes et les catharres ont été
aussi fréquens que le mois précédent, sans être
ÉCLAIRÉE, etc. l53
plus dangereux : un seul a dégénéré en périp-
neumonie plus catharrale qu’inflammatoire ,
qui s’est terminée heureusement. Nombre de
personnes ont été attaquées de fluxions , de
maux de gorge, d’érésipeies et de rhumatismes,
toutes maJadies qui dévoient leur origine à l’hu-
midité froide, et à la suppression de la transpi-
ration qui en étoit la suite. C’est à la même
cause que j’attribue les diarrhées et les dissen-
teries , qui ont été encore plus fréquentes que
le mois précédent. J’ai traité un militaire attaqué
d’une de ces dernières , qu’une imprudence avoit
rendu très-grave. Cet homme , fort et vigoureux ,
dans la force de l’âge , attaqué d’une dissen-
torie , étoit néanmoins parti de Besançon pour
venir à Paris , et dans le cours de son voyage il
avoit continuellement rendu des glaires ensan-
glantés, dans un bassin qu’il avoit dans sa chaise
de poste. A son arrivée la fièvre étoit vive , le
visagè allumé , et le ventre très- sensible , tendu
et douloureux. Je fus obligé de faire saigner
trois fois très-promptement : les fomentations ,
les lavemens émoliiens , les boissons adoucis-
santes et mucilagineuses , furent mis en usage.
En peu de jours ce traitement fit cesser la fièvre ,
le sang disparut dans les déjections ; la bile ,
qui étoit arrêlée , commença à couler , et le
malade s’est rétabli assez promptement , à la
suite de quelques minoratifs , toujours suivis le
soir de quelques légers caïmans , suivant la pra-
tique de Sydenham. Je ne sais si ce n’est pas à
l’humidité froide , qui a régné dans ce temps ,
qu’on peut attribuer quelques éruptions cuta-
nées , ruais légères et sans lièvre, dont plusieurs
personnes se sont plaintes.
Sur la fin de ce mois j’ai eu occasion de voir
une Lèvre lente nerveuse très-caractérisée , ac-
compagnée de morosité et de mélancolie , suite
de la masturbation : heureusement le jeune
154 La Médecine
homme n’y a pas succombé , en suivant les con-
seils que je lui ai donnés avec un de mes
confrères.
J’ai remarqué que pendant ce mois les phti-
siques , dont je voyois un assez grand nombre ,
ont plus souffert , et plusieurs ont terminé leurs
jours , que l’inconstance de la mauvaise saison
a pu contribuer à abréger.
Décembre.
La température du mois de décembre ayant
été la même que celle du mois précédent, les
maladies qui ont régné ont offert les mêmes
caractères. Le froid humide dé la saison a en-
tretenu la constitution catharrale , qui a donné
naissance à des fluxions de différentes espèces ,
à des rhumes longs et opiniâtres , à des rhu-
matismes et des diarrhées. Les fièvres tierces,
et encore plus les quartes , ont continué de
régner : j’ai vu plusieurs de ces dernières, déjà
anciennes, qui éloient accompagnées d’obstruc-
tions , auxquelles ont succédé des enflures et
des bouffissures très-difficiles à guérir. Un ma-
lade, venu de province dans ce déplorable état,
y a succombé quatre jours après son arrivée. Les
Iietites véroles ont continué d'être fréquentes ,
a plupart bénignes et quelques - unes con-
fluentes : une de ces dernières a fait périr , au
douzième jour , un enfant de vingt mois dont les
boutons , singulièrement petits , étoient si nom-
breux que sa peau ressembloit à une espèce de
chagrin. Les fièvres bilieuses putrides n’ont pas
discontinué : plusieurs enfans principalement en
ont été attaqués Quoiqu’elles fussent accompa-
gnées de symptômes graves, de délire, de soubre-
sauts dans les tendons $ elles se sont terminées
heureusement vers le vingt unième jour. Les
astbrnatbiques ont beaucoup souffert pendant ce
mois j quelques-uns ont succombé à des liydro-
i c l ’a i r é i , etc.1 i55
pisies de poitrine , suites de cette première ma-
ladie, et la mauvaise saison a rendu les phtisies
fort communes : en général cette dernière ma-
ladie me paroît devenue plus fréquente depuis
quelques années.
C’est probablement à l’intempérie de la saison
qu’on doit attribuer les dépôts laiteux et les
fièvres puerpérales qu’ont éprouvés quelques ac-
couchées, qui peut-être s’étoient attiré ces ma-
ladies par quelques imprudences. Une de ces
fièvres , bien caractérisée , a été guérie par la
méthode de feu M. Doulcet , et une autre jeune
femme dont le lait , porté à la tête , avoit ex-
cité un transport des plus violens , a dû un
prompt soulagement à deux saignées du pied
très-rapprochées, à l’application clés vésicatoires
aux jambes , et ensuite , lorsque la fièvre et le
spasme ont été calmés , à l’usage répété des
laxatifs. Quant aux dépôts laiteux , les uns sur
les bras , les autres sur la cuisse , ds ont été
très-difficiles à guérir , et ce n’est qu’à la longue
que les sudorifiques , entre-mêiés d’évacuans,
ont eu du. succès.
CHIRURGIE.
Observation sur la nécrose ; extrait d'un mé-
moire sur cette maladie , par M. Laumonier ,
chirurgien en chef de V IIo tel Dieu de Rouen .
Livré depuis long-temps à des recherches sur
cette maladie , le hasard ne m’avoit offert que
des nécroses formées , compliquées de fistules
et de carie de quelques points de l’écorce os-
seuse qui renfermoit le séquestre que la nature
s’efforçoit d’atténuer pour l’expulser ; car alors
il est non seulement livré à une destruction
spontanée , mais encore à l’action de la cha-
leur , de l’humidité et même du principe vital ,
qui donne à tous les agens une activité très-
î56 La Médecine
considérable , car il est de fait que la disso-
lution est plus rapide et plus complète dans une
partie d’un tout vivant que dans un ensemble
jnort .
Je connoissois les superbes expériences de
M. Troja , elles m’ont appris que la destruction
de la moelle produisoit sur certains animaux
une nécrose artificielle, d'où cet habile homme
a presque conclu que cette maladie n’étoit et
ne pouvoit être produite par une autre cause.
J’ai été mieux servi à mon arrivée dans l’Ho-
tel-Dieu de Rouen ; le hasard m’a présenté une
nécrose naissante que j’ai vu s’accroître, par-
venir à son état et guérir.
Le nommé François-Romain Renard , de la
Chapelle-Breteau- , près de Ponteaudmer , âgé
de neuf ans , étoit à l’IIôtel-Dieu vers la un
de 1784, pour y être traité d'une petite tumeur ,
située sur la partie moyenne antérieure du
tibia droit , qu’il dit être la suite d’une légère
contusion. La chose étoit assez peu doulou-
reuse pour être négligée pendant plus de trois
mois, et elle l’auroit sans doute été bien plus
long temps , si l’augmentation du volume n’a-
voit inquiété les parens plus que la douleur
ne gênoit le malade. n
Il fut apporté à l’hôpital quelques jours avant
mon installation, et il fut un des premiers qui
fixa particulièrement mon attention.
J’examinai attentivement l’état de cette jam-
be , je trouvai le tibia gonflé depuis sa tubéro-
sité antérieure supérieure , jusqu’il la malléole
interne en ligne oblique , qui laissoit dans l’état
naturel la moitié inférieure de la face externe
de la jambe.
Le gonflement, quoique dur et fort épais,
me parut pâteux et élastique dans certains
points ; il augmenta le volume du tibia d’un
demi-travers de doigt dans toute la circonférence
iCLAIRBK, etc. 157
de la partie postérieure d’une manière plus
douteuse , à cause des muscles jumeaux et so*
laires qui le recouvrent dans cet endroit ; la peau
n’étoit point altérée dans sa texure ni dans sa
-couleur, le pouls du malade étoit fébrile, sa
langue pâteuse et légèrement amère , les
douleurs étoient sourdes, et l’accident le plus
marqué étoit l’insomnie la plus fatigante.
Je fis appliquer sur toute la jambe un cata->
plasme aromatique , et prescrivis le régime con-
venable. J^e cinquième jour le malade fut purgé
et le sommeil commença à être plus tranquille;
la jambe resta dans le même état jusqu’au qua-
trième mois de séjour dans l’hôpital , pendant
lequel temps le régime et les moyens généraux
furent méthodiquement employés.
Alors la jambe se fractura d’elle-même et
sans effort, malgré les faux fanons qui la soute-
noient. La fracture étoit située vers le quart
supérieur, et parut être oblique et sans dépla-
cement : le gonflement ne parut pas sensible-
ment augmenté en épaisseur , mais un peu
en étendue , car alors il occupoit toute la
partie inférieure externe , jusqu’à la malléole
exclusivement.
Toutes les ressources du toucher ne m’avoient
encore fait connoître aucune fluctuation jusqu’à
ce moment ; elle parut d’abord d’une manière
équivoque sur l'a face interne du tibia, très-près
de sa crête , qui étoit alors effacée par une sur-
face d’environ un pouce et demi , près de deux
pouces.
Chaque jour la fluctuation devint plus sensible,
et la jambe, qui n’étoit fracturée que danssapar-
tie supérieure , se fractura de nouveau vers les
malléoles, c’est-à-dire qu’il se fit une désunion
de l’épiphise inférieure d’avec le corps de l’os.
L’indication générale étoit d’ouvrir le sac, qui
eontenoit manifestemènt une très-grande quan-
i5S La Médecine
tité de matière purulente , qui devoit abreuver
les surfaces des os fracturés ; mais s’il est des
cas où il faut sortir du sentier ordinaire , c’est
particulièrement celui-ci. En pratiquant une
ouverture j’aurois évacué du pus et soulagé mon
malade pendant trois ou quatre jours, mais
il auroit payé de sa jambe et probablement de
sa vie le foible soulagement que lui auroit pro-
curé cette fâcheuse entreprise.
J’ai respecté le travail de la nature , qui ébau-
choit les premiers rudimens d’un nouvel os, sans
lequel la jambe devenoit plutôt à charge qu’u-
tile au malade. J’ai suivi avec la plus scrupu-
leuse attention les progrès de cette ossification ,
et je trouvai le premier noyau sensible au tou-
cher , situé sur la partie antérieure de la région
moyenne du tibia. Il s’est prolongé intérieu-
rement , en suivant une ligne oblique du haut
en bas, et de dehors en dedans supérieurement,
et s’est élevé assez perpendiculairement. Parve-
nu à la hauteur de l’insertion du ligament de
la rotule , il s’est formé une espèce de pont qui
s’est porté transversalement de dedans en de-
hors, et qui s’est uni à un ay':re point d’ossifica-
tion situé postérieurement. ' Sept à huit jours
après , un nouveau pont , partant du premier
noyau situé sur la partie moyenne du tibia, s’est
porté vers un prolongement osseux qui sortoit
de dessous le corps du muscle jambier antérieur.
La partie inférieure de la jambe a été plus long-
temps à présenter les signes d’une nouvelle ossi-
fication; cependant environ trois semaines après
la formation du point moyen, je sentis qu’il
se formoit une portion de bracelet osseux au-
dessus de la malléole externe , et qu’il se prolon-
geoit jusqu’à la partie externe de la ligne obli-
que qui descendoit du noyau primitif.
De ces trois noyaux, osseux unis en avant par
une bande longitudinale, a résulté une espèce de
ÉCLAIRÉE, etC. I69
carcasse ; les intervallesse seroient probablement
ossifiés si le tibia primitif , devenu corps étran-
ger et ne participant plus à la vie commune, dont
il avoit été dépouillé à l’instant où la matière
amassée sous le périoste a décolé cette mem-
brane dans toute l’étendue du séquestre, n’avoit
irrité les portions de ce fourreau , dans lequel
le dépôt de matière crétacée 11’avoit point en-
gourdi le sentiment par la replétion de ses
mailles ou aréoles. De cette irritation sont nées
trois fistules qui se sont fait jour à travers la
peau : la matière qui en est sortie dans le prin-
cipe étoit louable et assez onctueuse -, bientôt
après, elle est devenue semblable à du petit-
lait mêlé de quelques flocons caséeux. La fièvre
lente suppuratoire s’est fait sentir à mesure que
la matière a changé de consistance. L’insomnie
a recommencé , avec une espèce de diarrhée ,
contre lesquelles le quinquina en lavage a été
d’une grande efficacité. Les pansemens ont été
faits avec la plus grande attention , pour em-
pêcher l'introduction de l’air dans le foyer et
s’opposer à la diathèse putride qui s’en seroit
suivie.
Par ces moyens la fièvre suppuratoire et le
déroiement ont été presqu’entierement dissipés,
la marche de l'ossification est devenue plus
rapide , jusqu’au moment où la nature a tenté
elle -même l’expulsion du séquestre enfermé
dans l'étui osseux qu’elle venoit de construire.
Le trou flstuleux supérieur présenta une
portion d’os tranchante , d’une couleur assez
blanche , que je saisis avec des pinces , pour en
tenter l’extirpation ; elle étoit mobile , mais
elle me parut tenir à une masse très-étendue ,
que je pouvois à la vérité faire monter et des-
cendre , suivant la longueur du cilindre nou-
veau , mais non pas extirper sans une opération
préliminaire.
i6cj La Médecine
L’indication me parut déterminante ; cepen-
dant , avant de procéder à son exécution , je
cherchai à m’assurer si ie nouveau cilindre étoit
en état de résister à la contraction des puis-
sances motrices qui ont leurs attaches sur dif-
férons points de son étendue, et s’il y âvoit
lieu d’espérer que nonobstant la perte que ce
nouveau tibia alloit essuyer, il pouvoit soutenir
le poids du corps et servir de remplacement à
l’os dont il avoit pris la place.
Telle étoit la situation de mon malade au sei-
zième mois de sa maladie , à compter de l’é-
poque du coup reçu sur le tibia.
L’enveloppe osseuse bien solide, épaisse d’un
grand demi-pouce dans sa partie antérieure, per-
cée de trois trous fistuleux, le séquestre bien
flottant dans sou étui, je ne balançai plus à débar-
rasser ce cadavre enfermé dans un membre vi-
vant , et j’y procédai en faisant deux incisions
parallèles , distantes l’une de l’autre d’un bon
demi-pouce sur la partie antérieure de la jambe ,
et de toute la longueur qui se trou voit entre
la listule supérieure et les malléoles. -
J’enlevai le lambeau et mis à nu cette nou-
velle production osseuse qui renfermoit le
séquestre. Après avoir soulevé la peau dans son
pourtour, je creusai avec une gouge et un maillet
une espèce de gouttière dans tonte la longueur
du cilindre. Mon ouverture étant suffisante ,
je tirai du fond de cette cavité une portion demi-
cilinclrique du tibia primitif, dont l’autre moitié
avoit déjà été détruite ; mais ce qui me parut
plus digne d’attention, c’est que je trouvai la
moelle très-entière, très-vermeille et très saine,
ce qui , contre la théorie de M. Troja , prouve
d’une manière incontestable que les nécroses
ne 3ont point toujours produites par la destruc-
tion de la moelle.
( N° V I. ) . m
1. >>•«'' ’ 1 ^ A *- ■ *- k '*■' » ^ *•
BOTANIQUE.
Décade des plantes nouvelles , dont les graines
ont été apportées des côtes de Barbarie,
par M. Desfontaines , et qui sont maintenant
propagées dans nos jardins. ( Extrait d’un
Mémoire lu à la société d’Histoire naturelle
le i3 janvier 1792. ).
Le mémoire , dont nous donnons ici une sim-
ple notice, contient la description détaillée des
plantes qui composent cette décade. Nous nous
bornerons à rapporter ici simplement le carac-
tère spécifique de chacune de ces plantes.
I. Salvia bi.color , sauge bicolore.
Salvia foliis , ovato-oblongis , sublobatis ,
ramis virgatis , bracteis reflexis , floribùs nu -
tantibus , corollae lo b o interme dio saccato.
Cette belle sauge croît naturellement, au mi-
lieu des moissons , dans les environs de Mascar
et de Themsem. Elle fleurit en mai : on la cul-
tive maintenant en Europe , et on peut l’em-
ployer à la décoration des parterres.
II. iScilla undulata. , scille ondulée,
Scilla foliis glabris lanceolatis , iuidulaiis ~
bracteis minimis , floribùs laxe spicatis.
Cette jolie, scille croît dans toute l’étendue de
la Barbarie , sur les colines' arides et sablon-
neuses. Elle fleurit en automne 5 ses feuilles ne
paroissent qu’en hiver.
III. Nitéaria. tridentcita , nitraria à trois dents.
Nitraria ramis spi.nosis , foliis carnosis ,
trûîféatis , cunceiformibus.
Cet arbrisseau croît dans les terreins humides
eE sélrloneux , sur les bords “de fia mér , aux
2W1//,N°.YI. L
x
16s la Médecins
environs de Souse , dans le royaume de Tunis ,
et sur les bords du desert.
Linnéus et tous les botanistes qui ont décrit
le genre nitraria lui donnent , pour un des ca-
ractères distinctifs , une baie uniloculaire , ren-
fermant une noix à trois loges. La noix du
nitraria tridentata est certainement à une seule
loge.
IV. Scrophularia nectarifera , scrophulaire
nectarifère.
Scrophularia caule erecto , tetragono , foliis
glabris pinnatis , foliolis 3-7 lanceolatis , den-
tato serratis , floribus sub verticillatis .
Cette plante croît dans presque toute l’éten-
due de la Barbarie ; elle fleurit fru printemps.
V. Scorzonera. coronopifolia , scorsonnaire à
feuille de corne de cerf.
Scorzonera foliis pinnatifido-laciniatis , pu -
bescentibus , caule unifloj'o.
Cette plante croît aux environs de Tunis, dans
les terreins incultes.
VI. Hypochacris Tninima , liypocliæris naine.
Hypocriaeris foliis dentatis , pappis disci
stipitatis plumosis , radiis sessilibus , setis basi
araneoso- tomentosis.
Cette espèce est originaire des côtes de Bar-
barie ; elle croît dans les terreins sablonneux.
VII. Seriola hieracio'ides , sériola fausse
épervière.
Seriola foliis radicalibus spatulatis dentatis
glabris caule nudo , pedunculis unifions , pappo
sessili simplicissimo .
Cette espèce de sériole , dont on pourroit
peut-être faire un genre particulier , croît dans
les fentes des rochers du mont Atlas ; elle fleurit
en mai.
VIII. Serra tu la hetcrophilla , sarrêtc à fleurs
variables.
ÉCLAIRÉE, etc. l63
Serratula coule szmplicz üniftoro , foliis pla-
ins , inferioribus ovatis , dentatis , caulinis
pinnatifidis .
Cette espèce èst originaire des côtes septen-
trionales de l’Afrique. Elle croît sur les collines
incultes.
IX. Centaurea ferox , centaurée très - épi-
neuse.
Centaurea tomeritosa , caule decumbente ,
foliis lyratis , calicibus spinosissimis , spinis
palniatis , b a si sursum eclnnatis .
Cette espèce a beaucoup de rapport avec la
centaurée sonchifolia L. Elle en diffère par les
feuilles incanes , et sur-tout par la surface su-
périeure de la base des épines du calice, qui est
hérissée de pointes.
X. Ephedra altissima , éphédra élevée.
Ephedra caule fruticoso , nodoso , ramis
scandentibus , numéro sis S i rnis.
Cette espèce d’éphèdra croît naturellement
dans les montagnes de l’Atlas ; elle grimpe sur
les buissons et même sur les arbres touffus ,
tels que les lentisques , en s’y attachant au
moyen de ses rameaux nombreux et flexibles.
Elle fleurit en hiver.
ZOOLOGIE.
Note sur un animal quadrupède inconnu , qu’on
montre à Londres , lue par M. Swediaur f
à V Académie , le premier février ijÿi.
Cet animal ressemble beaucoup à un ours au
premier coup d’œil. Son corps est couvert de
poils longs et épais, la tête grande, le front
très-large ; c’est la seule partie du corps qui soit
couverte de poils courts. Le museau est long et
L a
3 64 la Médecine
finit par un cartilage mince, large, prolongé
au-dessus clu nez d’un pouce et demi. Les lèvres
sont minces et trèsdongues ; l’animal peut les
allonger d’une manière remarquable , lorsqu’il
voit et sent la nourriture qu’on lui offre. Les
yeux sont noirs , petits , avec l’aspect sombre ;
les oreilles et la queue sont très-courtes , les
jambes et les cuisses sont fortes et grosses. Il
marche sur tous les pieds comme l’ours ; ses
doigts ne sont point divisés. Il a cinq ongles longs,
courbes , blancs ^ à chaque pied , dont il fait
un usage très-adroit pour diviser sa nourriture et
pour la porter à sa bouche ; il se sert de toutes
ensemble ou séparément. Sa couleur est noire ,
luisante , excepté le inuseau , qui est jaunâtre :
il y a aussi une tache blanche sous le gosier.
Il n’a point de dents incisives , mais deux ca-
nines très-fortes et six molaires dans chaque
mâchoire.
Il est doux et bon ; mais quand on l’irrite ,
il fait un bruit à peu près comme un ours. Sa
nourriture est du pain , des fruits , des noix j
il aime le miel ; il mange de la moelle des os ,
de la graisse cuite ou crue , mais non les mus-
cles ou la chair ; il refuse toutes les racines ,
les légumes et la viande. Ceux qui le montrent,
à Londres , disent qu’il vient du Bengale , et
qu’il ,se fait des trous dans la terre où il vit :
n’est-ce pas l’ animal fourmi d’Hérodote. Ce qui
est très-caractérisé dans cet animal , c’est une
bosse sur le dos , couverte de poils de douze
pouces de- longueur , qui tombent des deux
cotés ; peut-être cette bosse lui sert-elle à bâtir
la voûte de sa demeure.
JSf. B. Cet animal estreprésentédans un ouvrage
anglois destiné à réducation ou à l'instruction
des gens du inonde ; mais la gravure* est inal faite
Eclairée, etc. . 1 65
et ne présente aucun clés caractères de ce qua-
drupède. Il n’a point été décrit , et M. Swediaur
rie lui a point donné de nom ; il paroît qn’il
doit faire un genre particulier de quadrupède.
C H I MI E MÉDICINALE.
Analysé et préparation du tartrite d: antimoine
et de potasse , ou du tartre stibié , extraites
de la dissertation de Bergman trop peu
connue des Médecins .
Les remèdes héroïques doivent être constam-
ment les mêrriés'j pour ne compromettre ni la
médecine ni les médecins. Cela est extrême-
ment vrai , sur-tout par rapport aux antimo-
niaux. On préfère les préparations salines de
l’antimoine pour avoir les remèdes cloués tou-
jours cle la même force : rien n’est cependant
plus différent que les diverses formules dé-
crites dans les différons dispensaires pour la
préparation du .tartrite d’antimoine ét de po-
tasse- Si presque tous prescrivent le tartre ou
J a crème de tartre .‘ fes pharmacopées , d’Aus-
bourg (] 704) j d’Ütrecht (1749) , : de Wirtem-
berg (1750), d’Edimbourg (1 766) , indiquent
le safran des métaux : celles de Prusse (1708)
ve
et
niwVtn, y ; ■ ...
clç Paris (1738), conseille le verre et le foie' d’an-
ii moine à parti es épa ! 'es ; celle de Bath (1688)
les fleurs 'd* antimoine . Le plus grand nombre
des' pharmacopées prescrivent pattiès égales
de ' creme de tarire^et de matière antimoniale ;
celles .d’Edimbourg* et de Paris exigent le double
dfl tartre. Ces ouvrages diffèrent encore par
la quhiitité d’eau et par les temps de l’ébulli-
L 3
3 66 tl x Médecine
lion : à Londres, on prescrit une ébullition d’une
demi-heure; à Paris, on en veut une de douze
heures; enfin , suivant les uns, il faut faire cris-
talliser la décoction , suivant les autres on doit
l’évaporer jusqu’à siccité.
Au lieu de toutes ces variétés de procédés,
il seroit utile d’en fixer un qui donnât toujours
le même tartrite d’antimoine , et pour cela il
faut faire un choix exact de la base et du dis-
solvant. On doit rechercher si les matières anti-
uioniées , qu’on prend ordinairement pour faire
cette préparation, sont constamment les mêmes
par la manière dont on les prépare elles-mêmes.
Le foie d’antimoine prépare avec le nitre, varie
suivant une foule de circonstances , telles que
la proportion et le mélange plus ou moins ré-
gulier de ce sel, la chaleur qu’on donne, la
manière dont on opère la detonnation , soit
en promettant les matières dans un creuset rou-
gi , soit en les allumant dans un vaisseau froid
avec un charbon embrasé. Le foie d’antimoine
doit donc être rejette comme variable ; il en
est de même , et par la meme cause , du safraq
des métaux. Le verre d’antimoine n’est pas
plus constant dans sa nature , puisqu’on prend
pour le faire un sulfure d’antirnoine plus ou
moins brûlé , et contenant plus ou moins de
soufre. Les meilleurs auteurs sont à cet égard
parfaitement d’accord avec Bergman , et sur-
tout Macquer , Poulletier de la Salle. L’anti-
moine , même quand il seroit facilement attaqué
par le tartre , ne devoit pas être choisi x puis-
que l’on n’est jamais sûr de sa parfaite iden-
tité dans toutes les boutiques. La poudre d’at-
garoth y ou l’oxide d’antimoine , précipité par
l’eau du muriate d’antimoine sublimé , paroît
à Bergman remplir toutes les conditions qu’on
£ c l i ni £ tj etc.' 167
désiré pour la préparation du tartritc d’anti-
moine j elle est toujours la même , parce que
l’antimoine combiné ayec l’acide muriatique
est toujours dans le même état d’oxidation : à
la vérité elle Contient un peu d’acide muria-
tique , mais on l’en débarrasse par une lessive
alcaline.
Le choix de la matière antimoniée , ainsi
fixée sur la poudre d> algaroth , Bergman passe
à celui du dissolvant ; ce dernier est éclairé par
un plus grand nombre d’expériences , parce que
Bergman a traité en particulier de la nature
des antimoniaux sulfurés , dans une disserta-
tion dont on exposera les résultats les plus im-
portans dans un des numéros suivans , auquel
nous renvoyons. Comme l’action du tartre , re-
commandé par la plupart des dispensaires, sur
les oxides d’antimoine , n’est pas encore bien
connue , et comme il n’est pas décidé si c’est
son acide surabondant qui dissout ces oxides ,
ou si toutes les parties de cet acidulé contri-
buent à leur dissolution , Bergman examine
cette action , soit de la part de l’acide tarta-
reux pur , soit du tartrite de potasse qui , uni
à une portion de cet acide , constitue l’aci-
dule tartareux , soit l’acidule tartareux luî-
mêine. Une partie d’antimoine préparé suivant
le procédé de la pharmacopée de Londres ,
ayant bouilli pendant vingt minutes, avec vingt-
cinq parties d'acide tartareux pur , obtenu par
le procédé de M. Retjrus , a donné de petits
grouppes de cristaux qui se sont comportés
au chalumeau comme ceux de l’acide tarta-
reux pur, et sans donner de vapeurs antimo-
niales ; ainsi cet acide ne dissout point et n’at-
taque point l’antimoine : il en a été de même
du foie d’antimoine traité avec le même acid»
L 4
i68 La Médçcïkê
et cle la même manière. Le safran des mé -
taqœ , tenu en digestion clans six parties de cet
acide pendant deux heures , a donné des cris-
taux rayonnes qui, traités au chalumeau, ont
exhalé quelque fumée, d’antimoine. Le verre
d’ antimoine , traité pendant trente minutes
avec vingt-cinq parties d’acide tartareux , a
fourni des cristaux grenus qui ont donné au
chalumeau, et une fumée d’antimoine très -forte,
et quelques globules d’antimoine : une partie
qui étoit sous forme de gomme a présenté les
mêmes phénomènes. Une partie antimoine
diqphorétique , tenue en digestion avec vingt-
cinq parties cl’acide pendant trente minutes,
a donné un sel blanc qui a répandu un peu
de fumée antimoniale au chalumeau. Une par-
tie de poudre d’ aîgaroth , bouillie pendant
trente minutes avec neuf parties d’acide tarta-
reux , s’est convertie., par le refroidissement ,
en une substance, gélatineuse qui, humectée
par l’air , présenta des ramifications agréables.
Exposée au chalumeau, çette gelée se bour-
souffla beaucoup , et répandit une abondante
fuinée: antimoniale , sans donner de globules
métalliques. Dans une autre expérience, une
partie de la même poudre fut. complètement
dissoute par cinq parties d’acide , et à l’aide
d’une ébullition d’une heure. Bergman n’a ja-
mais pu parvenir à saturer cet acide d’oxide
d’antimoine 5 la dissolution étoit toujours acide.
Il conclut de toutes ces expériences que le métal
de l’antimoine n’est pas dissoluble par l’acide
tartareux, mais qu’il le devient à mesure qu’il
est oxidé , et cependant jusqu’à une certaine
limite d’oxidation , puisque l’oxide par le nitre
est moins dissoluble que l’oxide vitreux, qui
contient moins d’oxigène.
ÉCLAIRÉE, CtC. l6<J
Bergman examine ensuite l’action du tartrite
de potasse sur les antimoniaux, et quoiqu il
fût vraisemblable qu’un sel neutre n’agiroit
pas sur les oxides métalliques, il prouve ce-
pendant qu’il y a une véritaîile -union entre ces
substances. Le foie d’antimoine , l’antimoine ,
traités avec huit parties de tartrite de potasse ,
ont donné des cristaux qui se sont consumés
sans trace d’antimoine. Le safran des métaux
et /’ antimoine diapliorètique , traités avec
ce sel à la même dose , ont donné au chalumeau
des signes équivoques d’antimoine. Le verre
cV antimoine a donné , avec huit parties de tar-
trite de potasse , de petites aiguilles qui , sur
le chalumeau , ont répandu une fumée blanche
d’antimoine. La poudre d’-algaroth, bouillie dans
l’eau avec cinq parties de ce sel , pendant vingt
minutes, a donné deux genres de cristaux ,
les uns en tétraèdres , les autres en aiguilles 5
les premiers , exposés au chalumeau , ont offert
une grande fumée antimoniale , et beaucoup
de globules de ce métal : ainsi, le tartrite de
potasse bien saturé et même avec excès d’al-
cali, dissout comme- l’acide tartareux, et dans
des proportions égales , les divers oxides d’an-
timoine. Gette découverte de Bergman semble
annoncer que ces oxides agissent ici à la ma-
nière d’un acide, qu’ils décomposent en partie
le tartrite de potasse , et qu’ils forment un sel
triple à deux espèces d’acides et à une seule
base.
Les mêmes antimoniaux , traités par l’acidule
tartareux , ou la crème de tartre , ont offert les ré-
sultats suivans: deux parties foie d’antimoine ,
bouillies avec une partie de tartre, n’ont formé
qu’un sel gommeux insipide ; une partie de
safran des métaux , avec huit parties de cet aci-
>7° L x Médecine
dule , ont offert le même résultat. Le verre
d’antimoine exige trois parties de tartrite aci-
dulé de potasse pour être saturé , et donne
des cristaux. Trois parties d 'antimoine diapho-
rétique fait avec l’antimoine^ mises en diges-
tion. avec deux parties de tartre, ont donné
quelques cristaux ; mais la plus grande portion
a pris 1a. forme gommeuse. Cent parties de
poudre d’algaroth , demandent soixante- dix
parties de l’acidulé tartareux pour leur disso-
lution. S’il y a plus de tartre, il se forme avec
des cristaux une celée transparente, une grande
quantité d eau la décomposé , et en précipité
l’oxide d’antimoine. Les alcalis et le borax
facilitent la dissolulion des antimoniaux par
l’acidule tartareux. Trois parties d’une compo-
sition , formée d’une partie de tartre et d’une
demi-partie d’acide boracique , dissolvent une
partie de verre d.’ antimoine , et forment une
matière gommeuse qui se change en une poudre
jaunâtre par la dessication. Cette poudre est
indiquée comme très-supérieure au tartrite d’an-
timoine et de potasse.
Ces recherches préliminaires conduisent Berg-
man à prescrire la préparation du tartrite d’anti-
trioineetclepotasse de la manière suivante.Prenez,
dit-il , cinq onces de crème de tartre réduite en
poudre , et deux onces deux drachmes de poudre
d’algaroth précipitée par l’eau chaude, lavée et
séchée; ajoutez une demi-kanne d’eau, et faites
bouillir doucement pendant une demi-heure :
après cela , il reste ordinairement un peu de
poudre noire mercurielle. Je ne sature pas ab-
solument le tartre , parce qu’alors une partie
de la dissolution se convertit volontiers en ge-
lée , et que le sel qui est formé demeurant long-
temps suspendu dans l’eau , se décompose fa-
ÉCL AIRÉE, etC. I7I
cilement ; c’est un inconvénient dans la pra-
tique qu’il est bon d’éviter. D’ailleurs le re-
mède étant moins actif , la dose sera plus
forte ; on pourra la peser plus exactement
et la distribuer en plusieurs prises, sans craindre
aucun accident. Après avoir filtré la dissolu-
tion , faites-là évaporer jusqu’à pellicule dans
un vaisseau découvert ( on ne doit pas se servir
de vaisseaux de métal): tenez la ensuite à la
chaleur de la digestion , pour que les cristaux se
forment et se précipitent insensiblement; vous
les dessécherez ensuite sur du papier gris que
vous aurez lavé auparavant. Ces cristaux sont
nets et brillans, ils égalent le poids du tartre
que l’on a employé. Les croûtes salines les
plus pures , qui se sont attachées aux bords
des vaisseaux , vont environ à une demi-once ;
on les lavera dans l’eau froide et on les gaxdera
séparément. La dernière lessive , rousse et
épaisse, doit être jettée.
Bergman termine sa dissertation par exa-
miner les propriétés du tartrite d’antimoine et
de potasse : ce sel cristallise en octaèdre, dont
les pyramides sont plus allongées que celles de
l’alun. M. Morveau observe à cet égard que
le plus souvent il est en cristaux tétraèdres. Ces
cristaux contiennent un tiers de leur poids
d’antimoine ; ils ne s’eflleurissent ni ne s’humec-
tent à l’air. Ils décrépitent au chalumeau, ex-
halent beaucoup de fumée antimoniale, et lais-
sent sur le charbon des grains métalliques.
L’eau distillée à quinze degrés en dissout -g- ?
cette dissolution rougit le tournesol ; les alcalis
en précipitent un oxide blanc très-divisé , qui
s’attache fortement au verre. La première li-
queur préparée pour la cristallisation du tar-
trite antimonié 3 se comporte autrement que la
T 71i L a MÉDECINE
dissolution pure de ce sel; les alcalis caustiques
ne séparent l’oxide qu’en poudre; le précipité fait
par les carbonates offre , au bout de quelques
temps, des cristaux rayonnés qui disparoissent
et ne laissent qu’une simple poussière: lorsqu’on
chauffe jusqu’à trente degrés la liqueur qui les
contient , l’acide sulfurique concentré forme ,
dans la dissolution de tartrite d’antimoine et de
potasse, un précipité blanc abondant, qui dispa-
rojt par l’agitation , et qui , au chalumeau, se
dissipe en fumée antimoniale. Le sulfure alca-
lin y forme un précipité orangé de soufre doré
d antimoine.
MATIÈRE MÉDICALE.
C.« ; j A • • » > i , , » . , . * fî ; * • i *
JSote adressée à la société pli 'ri o mati que de
Taris , par AI. C haussier , secrétaire de V A-
c ad /nie de Dijon , sur un prétendu spécifique
contre la rage.
On trouve , dans le Patriote François du 7
février, l’annonce de deux bureaux . établis ,
i’un à Paris , l’autre, à Lyon , pour la vente d’un
spécifique contre la rage. Ce spécifique, que l’on
connoît ordinairement sous le nom d’onnskirck,
ou remède de M. Hilldormskirçk , est, dit-on,
fameux dans toute l’Angleterre ; l’essai en est
justifié par l’expérience , et non-seulement il
prévient cette terrible maladie , mais encore il
la guérit lorsqu’elle est confirmée ; enfin , pour
inspirer plus de confiance , fauteur de cette
annonce ajouté que quoique ce remède soit
secret , ses effets sont connus de, tous les an-
glais , qu’on peut les consulter , et que si ce
remède réussit en France comme en Angleterre ,
il; présentera une pétition à l’Assemblée natio-
éclairée, etc. arr3
riale , pour la prier d’excepter ce médicament
de la prohibition générale décrétée , an mois
d’avril dernier , par l’Assemblée constituante.
Nous aimons penser que le désir du bien pu-
blic et l’amour de l’humanité- sont les seuls mo-
tifs de cette annonce ; mais malheureusement
il s’en faut de beaucoup que ce remède si vanté
mérite la confiance que l’on cherche à inspirer
dans son usage : ce remède , connu dans l’An-
gleterre depuis une quarantaine d’années , a
été employé plusieurs fois sous les yeux des
médecins lès plus célèbres du pays , soit pour
prévenir la maladie , soit pour la guérir , et
toujours les e'spérances ont été trompées.
Waughan (dans lo Medical hiquiries, tcm. 5)
rapporte plusieurs exemples de personnes mor -
dues par des chiens enragés , et qui sont morts
de la rage après avoir pris l’ormskirck.
Le célèbre J. Hunter rapporte qu’en 1784 le
fils de l’amiral Rowley , ayant été mordu au vi-
sage par un chien malade , prit l’ormskirck ,
et ce qu’il faut observer ce remède fut admi-
nistré au blessé par M. Barry lui-même , qui le
vend publiquement à Londres , et dont par con-
séquent on ne pouvoit suspecter la préparation ;
cependant il est certain que le jeune homme
périt quelque temps après de la rage. Ce fait
tout récent , et quelques autres analogues , est
rapporté dans l’ouvrage de M. Hamilton , in-
titulé Remarc les on the bite of a mad dog. Aussi ,
quoique l’on nous en dise , les plus sages mé-
decins de l’Angleterre n’ont aucune confiance
dans ce remède , et ils 11e le laissent prendre à
leurs malades que pour guérir l’imagination.
Au surplus y la composition de çe prétendu
spécifique n’est plus un mystère pour les chi-
mistes et les médecins instruits : l’analyse en est
174 La Médecine
très-facile ; elle a été faite plusieurs fois , et on
sait très-positivement que ce remède est une
préparation terreuse , absorbante ; nous en rap-
porterons la formule telle que l’ont donnée
Heyslain et Parry. Cette formule se trouve aussi
dans les recherches sur la rage , par M. Audry.
Prenez Craie en poudre. . . 4 gros.
Bol d’Arménie. ... 3 gros.
Enula campana en poudre. 1 gros.
Sulfate d’alumine. . . 10 grains.
Huile volatile d’anis. . 5 gouttes.
Mêlez pour une dose que l’on délaie dans
suffisante quantité d’eau avec un peu de lait ^
et que le blessé doit prendre le matin à jeun , eii
une ou plusieurs fois ; ce qu’il faut répéter pen-
dant six jours consécutifs. Heyslam est le seul
médecin anglois qui attribue quelqu’efficacité à
cette préparation, parce qu’il regardoitles terres
absorbantes calcaires comme propres à détruire
le virus ; mais l’expérience n’a que trop prouvé
combien ces prétentions étoient peu fondées.
Il seroit déplacé de nous arrêter ici à d’autres
observations 5 il suffit de remarquer qu’il n’est
point de pays dans lequel on ne trouve de tels
remèdes que l’on vante comme spécifiques in-
faillibles , et pour appuyer ces prétentions , on
ne manque par de citer des exemples de leurs
succès , mais on ne fait pas attention que tous
les chiens malades ne sont pas enragés , et que
toutes les personnes mordues par un animal
véritablement enragé ne sont cependant pas
également susceptibles de contracter la mala-
die ; aussi , dans ces sortes de cas , tous les
remèdes paroissent efficaces à ceux qui se bor-
nent aux apparences , et c’est à de telles cir-
constances que l’on doit attribuer la réputation
de l’ormskirck , et de tant de spécifiques pré-
éclairée, etc. lyS
tendus infaillibles , avec lesquels on entretient
la crédulité du public. Il n’est jusqu’à présent
qu’un moyen vraiernent spécifique de prévenir
la rage , c’est d’empêcher l’absorption du virus ;
on y parvient principalement en cautérisant la
partie mordue , en y excitant par différent
moyens une secrétion ou une suppuration abon-
dante , propre à entraîner le venin qui a été
introduit par la morsure.
CHIRURGIE.
Ohservatioîi sur une plaie à la vésicule du Jiel ,
par M. Sabatier.
L’histoire d’une plaie à laquelle le blessé n’a
survécu que peu de jours, et dont les suites
dévoient être funestes par la nature même des
parties intéressées , semble ne mériter aucune
attention. Cependant si les symptômes en ont
été observés avec soin ; si, comparés avec ceux
qui sont survenus dans des cas semblables , ils
peuvent faire distinguer les plaies de la même
espèce d’avec toutes les autres , elle est vraie-
inent intéressante et doit être conservée. Chacun
sait en effet combien il est utile de prévoir ce qui
doit arriver, même au désavantage des blessés,
soit pour ne pas compromettre son jugement ,
soit pour leur épargner des opérations infruc-
tueuses , et souvent capables d’accélérer leur
perte. Cette considération m’engage à publier
l’observation suivante.
Un sous-officier invalide reçut , dans un com-
bat particulier , un coup d’épée à la partie
moyenne inférieure de la région hypocondria-
3ue droite , entre la troisième et la quatrième
es fâusses côtes. Il sentit sur le champ une
176 La Médecine
douleur aiguë à l’endroit de la plaie , et fat
obligé de se retirer dans une maison voisine,
où iL resta environ deux heures sans secours.
Pendant ce temps le bas- ventre se tuméfia et
la respiration devint un peu difficile. Trans-
porté dans les infirmeries de l’hôtel , ces symp-
tômes augmentèrent considérablement, de sorte
qu’il étoit moins incommodé de la douleur qù’il
éprouvoit dans l’hypocondre droit , que de la
tension du bas-ventre et de la gêne de la res-
piration. Son pouls étoit petit, fréquent, et con-
centré , ses extrémités froides , son visage dé-
coloré 5 il avoit quelques nausées et ne pouvoit
se tenir qu’à demi-couclié à la renverse , sans
qu’il lui fut possible de se tourner à gauche ou
à droite. Il lut saigné deux fois le meme jour ,
et sa plaie fut couverte d’une compresse trempée
dans de l’eau-de-vie , à laquelle on substitua
peu de temps après des linges trempés dans
l’huile rosat. On lui fit aussi des embrocations
avec la même huile sur toute l’étendue du bas-
ventre. Sur le soir le pouls s’anima , les mou-
vemens en devinrent plus prompts sans être
plus forts. Une chaleur brûlante succéda au
froid des extrémités , et l’agitation s’empara du
malade , qui se plaignit clans le même temps
d’une soif que rien ne pouvoit éteindre. U passa
la nuit dans cet état. Quoique le lendemain
au matin il fût tranquille , que sa fièvre lût di-
minuée , la plaie moins douloureuse , et que
les urines coulassent avec assez d’abondance ,
on crut devoir le saigner encore une fois , parce
que le bas-ventre étoit toujours tendu , et que
la respiration n’étoit pas plus libre que la
veille. Cette troisième saignée le jetta clans un
anéantissement difficile à concevoir, eu égard
à la force.de son tempérament et à la vigtieur
I
E o l a- s» n i. e , etc. 177
de son âge;, car il n’aVoit' guère que quarante-cinq
à cinquante ans-, et n’ëtoit ëffoibii par aucune
infirmité. La tuméfaction du bas-ventre et la dif-
ficulté de respirer augmentèrent beaucoup dans
cette journée y les nausées revinrent plus fré-
quentes qu’auparkvan-t , et le pouls devint
-plus dur et plus serré. La foi blesse extrême du
malade empêcha qu’on ne le saignât une qua-
triènie fois. Il n’eut pas autant de fièvre pen-
dant la nuit qu’il en avoit eu la précédente ;
mais il ne lui fut pas possible de fermer les
yeux ni de goûter un instant de repos. Le troi-
sième jour se passa comme le second , si ce
n’est qu’il lui prit sur le soir un vomissement
qui revint plusieurs fois la nuit suivante , et
par lequel il rendoit des matières de couleur
Yejdâtre.
Un de mes confrères , à qui j’avois fait voir
le blessé , avoit pensé qu'il s’étoit formé un.
épanchement dans le ventre , vu la prompti-
tude avec laquelle il s’étoit élevé. Le peu de
■douleurs que -le malade éprouvoit lorsqu’on
posoit la main dessus , et lors même qu’on le
compriment légèrement, augmentoit ses soup-
çons- L’espèce de fluctuation qu’il sentoit , en
l’examinant de nouveau, vers la partie infé-
rieure et droite de la région ombilicale , les
confirma. 11 ne s’agissoit pins que de détermi-
ner si , malgré l'état presque désespéré du
blessé , on donneroit issue au liquide épanché
par une incision pratiquée à l’endroit où il
s’étoil fait sentir. Avant de prendre ce parti, nous
crûmes devoir donner un coup de trois-. quart
pour conuoître la nature de l’épanchement. Il
sortit à l’instant une once ou deux d une iiqueur
tirant sur le noir , sans aucun tnêiange de sang
ni de matière alimenteuse ou excréinenteuse ,
Tome III. N°. YI. M
1 78 L J\X É D B O I N E
et qui n!*i voit nulle odeur.. Il n’étoit pas difficile
de juger que cette liqueur .étoit de la bile, et
que la vésicule du fiel avoit été blessée ; sàns
doute il en fut venu une plus grande quantité
si je n’eusse retiré aussi-tot la cannule du
trois-quart. Les forces, languissantes du malade
furent soutenues par une potion cordiale jus-
qu’à cinq heures du soir , temps auquel nous
étant rendus près de lui?, nous con vînmes , mon
confrère et moi , de lui faire une incision au
bas-ventre , persuadés de la nécessité d’évacuer
tout liquide étranger dont l’existence est re-
connue. D’ailleurs , il pouvoit se faire que la
plaie de la vésicule se fût rétrécie par l’affais-
sement et même par la contraction des parois
de cette poche membraneuse , et par consé-
quent que la source de la bile épanchée fût déjà
tarie. Cette opération ayant été faite à la partie
la plus décilve du lieu qu’occupoit l’épanche-
inent , nous fûmes surpris de 11e rien voir sortir ;
mais notre étonnement cessa , lorsqu’ayant
porté mon doigt dans l’ouverture , je sentis
qu’une portion d’intestin fort gonflée la bou-
clioit en entier. Je la repoussai avec assez de
peine , et je fus obligé de la contenir pendant
tout le temps que la matière épanchée mit à
s’écouler : on en reçut quinze à seize onces
dans un vaisseau convenable , sans compter ce
qui se perdit dans les draps $ elle avoit la même
couleur et la même consistance que celle qui
étoit sortie le matin , et n’avoit pas contracté
d’odeur , quoiqu’elle eût séjourné plus long-
temps. Malgré la répugnance qu’une pareille
épreuve devoit m'inspirer, j’eus le courage de
porter sur ma langue un de mes doigts que j’y
avois plongé : son excessive amertume me con-
firma, que c’étoit de la bile toute pure. Le nia-
ÉCLA IR»!, etc. 1-79
Jade fut pansé avec une bandé de linge effilée ^
dont je portai une des extrémités dans le ventre.
Sa respiration parut un peu plus libre pen-
dant qüelque temps , mais la tension de l'ab-
domen ne diminua en rien. Les nausées et les
vomissemens deveneientplus fréquens , le pouls
s’affoiblit , ses extrémités perdirent insensible-
ment le peu de chaleur qu’elles avoient corn
servé , et le malade expira environ cinq heures
après l’opération.
Nous étions trop curieux de savoir quelles
parties avoient été intéressées , et quel étoit
l’état des viscère du bas-ventre , pour négliger
d’en faire l’examen 3 c’est pourquoi je procédai
à l’ouverture du cadavre environ dix huit heures
après la mort du blessé. Il sortit d’abord une
quantité de. bile presqu’égale à celle qui avoit
été tirée par les opérations dont j’ai parlé plus
haut, mais plus épaisse et d’un jaune aussi
foncé que celle qui se trouve ordinairement dans
la vésicule du fiel. Cette différence de couleur
mérite d’être remarquée , et l’on ne conçoit
pas aisément comment il peut se faire que la
bile épanchée dans le ventre ait été décidément
verte pendant la vie du blessé , et qu’après sa
mort elle ait pris la couleur jaune qui . lui est
naturelle. Le bassin contenoit encore trois ou
quatre onces de bile. L’estomac et les intestins
étoient prodigieusement distendus et couverts
d’une espèce d’enduit de couleur jaune , tout
semblable à la liqueur épanchée 3 cet enduit les
colloitles uns aux autres , de sorte qu’ils ne pou-
voient être séparés sans quelque difficulté. Une
portion de l’iléon , appliquée à l’ouverture qui
avoit été laite au péritoine avec le bistouri , y
avoit aussi contracté de pareilles adhérences. Du
reste on ne Yoyoit point de bile entre les cir-
M a
180 i. à Mxnxeiirx
convolutiens des intestins, ce qui prouye que les
matières qui s’épanchent dans la capacité de
l’abdomen trouvent , dans l’action naturelle des
viscères les uns sur les autres , une résistance
qui les empêche de se répandre de tous côtés ,
et qui les force à s’y rassembler dans un seul
foyer , comme le dit M. Petit le fds , dans son
excellente dissertation sur les épanchemens ,
insérée dans le second volume des Mémoires de
l’Académie de Chirurgie. Le foie étoit dans la
plus parfaite intégrité , mais la vésicule du fiel
étoit affaissée sur elle-même et presque vide : j’y
découvris bientôt une petite plaie d une ligne et
demie d’étendue , par où la bile s’étoit écoulée
dans le ventre. Le péritoine étoit percé vis-à-
vis d’une plaie de même grandeur. Je vis alors
que l’épée avoit pénétré entre les extrémités
osseuses de la troisième et de la quatrième des
fausses côtes , et qu’elle avoit glissé de derrière
en devant , et de haut en bas , entre leurs por-
tions cartilagineuses , pour atteindre le fond de
la vésicule.
Je n’ai rencontré , en parcourant les obser-
vateurs qui me sont connus , qu’un petit nom-
bre d’exemples d’épanchemens bilieux dans le
ventre. Gérard Blasius , célèbre médecin hol-
landois , en rapporte un dans ses Obseiyationes
7nedicae rariores. Il dit qu’ayant fait l’ouverture
d’un enfant de huit mois , il trouva l’abdomen
rempli d’une grande quantité de bile. La vésicule
du fiel étoit si prodigieusement distendue que
ses parois amincies laissoient suinter la liqueur
qu’elle contenoit. Il y avoit un resserrement
dans le canal cholédoque qui , ne permettant pas
à cette liqueur de s’écouler par la voie ordi-
naire , avoit donné lieu à son amas et à son
épanchement à travers les parois de la vési-
SCLAIK.ÉE, etc. 181
cule. L’enfant n’avoit cessé de crier nuit et jour
depuis l’instant de sa naissance ; il toussoit et
vomissoit souvent ; il étoit attaqué de temps en
temps de légers mouvemens epileptiques , et
rendoit par les selles une matière écuineuse et
de couleur noire. Joli, à Meekren , chirurgien
d’Amsterdam , nous a conservé l’histoire d’un
pareil épanchement dans le recueil de ses Obser-
vations médico-chirurgicales. Un enfant de six
ans , qui avoit un abcès considérable au coude ,
fut inopinément attaqué de douleurs excessives
dans le ventre , d’anxiétés continuelles et d’une
sueur abondante qui le firent périr en moins
de deux jours.- Lorsque Meekren fit l’ouver-
ture du cadavre , il trouva une si grande quan-
tité de bile dans le ventre ^ qu’il crut devoir
examiner l’état du foie et de la vésicule du fiel.
Cette poche étoit affaissée sur elle-même et
percée d’une ouverture par où la bile s’étoit
écoulée. La cause de cet accident se trouva dans
le canal cholédoque , dont une partie étoit
entrée dans l’autre par une véritable intussuscep-
lion , comme il arrive aux intestins dans cer*-
taines espèces de passions iliaques. Ces deux
observations , quoiqu’intéressantes d’ailleurs ,
ne peuvent cependant jetter aucun jour sur le
diagnostic des plaies de la vésicule du fiel et
des épancheinens qui en sont la suite; car il est
fort douteux que les accidens qui ont précédé
la mort du malade aient été causés par la
seule effusion de la bile. Ils. paroissent au con-
traire avoir été produits par la distension de la
vésicule , et peut-être aussi par la compression
qu’elle faisoit sur les parties voisines.
Pour déterminer quels sont les symptômes qui
résultent essentiellement de la lésion de cette
poche membraneuse , il faudroit pouvoir com-
M 3
1§2 L A M il D T, *C INK
parer ensemble plusieursdaits semblables à celui
que j’ai rapporté" f mais la situation cïe la vé-
sicule doit .lea rendre fort raçes. On sait en effet
qu’elle est logée dans un -des enfoncemens de
la face inférieure du foie qui la couvre d’un
côté- , et’ qu’elle porte, de l’autre sur l’intestin
colon ^11 n’y a que son fond qui appuie sur le
péiilîûiiie.j encore fautAl pour cela que l’on soit à
jeun , et que la bile ait eu le temps de s’y
entasser y car en toute autre circonstance elle
diminue de volume et se retire sous le foie, qui
fa cache, en entier» Cela posé , on conçoit qu’il
est difficile qu’elle, soit ouverte sans que les
viscères qui l’avoisinent soient endommagés : on
lit .pourtant ûn cas;, de cette espèce dans le
•septième volume de i’ Abrégé des Transactions
Jffi iiosopliiques . Le plus remarquable des' acci-
dens qui sur vinrent an blessé , pendant les sept
jours qu’il vécut, une. tension excessive du
bas-ventre. Il ne vida rien par les selles , et les
urines coulèrent en petite quantité , nonobstant
•les purgatifs et les la-vemens qu’on lui donna ,
-et quoiqu’il prît une1 quantité de boisson con-
venable à sa situation. Le malade n’eut jamais
de sommeil tranquille malgré l’usage des ano-
dins ; il n’avoit point de fièvre , et son pouls se
soutint dans un état itaturel jusqu’à l’avau t-
dernier jour de sa vie , temps auquel il devint
intermittent : il eut aussi pour lors des nausées
et des hoquets assez: fréquens. Après sa mort ,
cm. trouva ses intestins très-distendus ; la vé-
sicule du fiel était presqu’éntièreineiit vide et
il y avoit une grande quantité de; bile répan-
due clans la cavité de l’abdomen. Cette obser-
vation, qui a été communiquée à la société royale
par le docteur Steward médecin de la reine
d’Angleterre , a été insérée par extrait dans le
i c t jl i r ib e , elc. i83
troisième volume des Essais d’Edimbourg , à
l’endroit où il est ‘question des découvertes
faites en médecine "dejpiiis l’année. 1^33 , et a
passé depuis dans le Commentaire^ du célèbre M.
Van-Swietein sur les Aphorismes de" JBoerhaave ,
à l’article des plaies elubas-yéntrej. Il est facile de
voir que les accidens survenus: au malade qui
en fait le sujet , ressemblent beaucoup m ceux
du blessé dont j’ai donné l’iiistortei Tous deux
ont eu le ventre ^ort tèndü , sans douteur et sans
bùrborigmes ; tous deux ont été constipés j tous
deux enfin ont eu le pouls fortfoible les derniers
jouis de leur vie, et ont été attaqués de ho-
quets et de nausées assez1 fréquentes* On ne peut
cependant pas assurer que ces symptômes doi-
vent avoir lieu dans tous les cas où la vésicule
*du$el est blessée , 'sans que les autres viscères
'Se trouvent endommagés, jusqu’à ce que de
nouveaux faits soiènt venus confirmer ceux que
l’o.iV vient de lire.
Il '.Recherches sur V aitiologie , ou le mécanisme
~‘jde la luxation de la mâchoire inférieure ;
■ > 'par' M. Pinel j docteur en médecine .
33 ft v* jj r i • t 'r- I < ) * c 5 \ f • 4 . r ’ ' •
- -- La théorie des luxations est sans doute une des
parties de l’art de guérir où on peut le plus es-
pérer de faire une juste application des sciences
exactes , -puisqu’on peut analyser les moyens
mécaniques qui servent à les produire et à en
opérer la réduction. Leur aitiologie, c’est-à-
dire le développement des causes prochaines
qui leur donnent lieu , est depuis long-
temps l’objet de mes recherches , et ce que
je dis aujourd’hui de la mâchoire inférieure ,
sert de suite à un travail sur les luxations
dont j’ai déjà publié quelques parties dans le
M 4
184 L JL Médecin*
Journal de' physique. Il d-oit paroître étonnant
qu’un grand nombréjd’an.tejuis très-distingués ;
tels que rWeitbrecllt , ARnnusr/Ptuiscli , Muntlo*
Ferrein , Bertin,, etc. , se soient occupés des ni au-
vemens variés .de la mâchoire inférieure , et
qu’ils n’aient point porté leurs vues sur le vrai
mécanisme de; sa luxation, b ;>
Les anciens en traitant :des luxations de; ia
mâchoire inferieure , nese’sOht guère occupés
que des symptômes qu’elles peuvent produire
ou d’un vain appareil d’agènsc;jnécanit]Ues pour
leur réduction. On peut voir sur ce point Hip-
pocrate , Galien , Celse-, Paul d’Egiue,, Qri-
base , etc, Ce qu’en disent ;Salicet et d’autres au-
-teurs .peu versés dans l’anatomie, se réduit à
une division scholastique des luxations qui s’o-
pèrent suivant eux en avant , en arrière;, 'à gau-
che et à droite , comme si tous ces déplacemens
étoient compatibles avec.la structure de.s parties.
Fabrice cî’Aquapendente , .doué d’un' esprit
bien plus exact , fait sentir le ridicule de cette
division ; mais en même temps qu’il fait des
remarques judicieuses et dictées par l’expé-
rience , il me paroît que le vrai mécanisme de
cette luxation lui a échappé, lorsqu’il a avancé
qu’elle s’opéroit parce que l’apophise coronôïde
s’engage sous l’os malaire, puisqu’à la simple
inspection des parties , on voit que cette . apo-
phise s’en éloigne à mesure que la bouche
s’ouvre , et qu’avant la luxation cette ouverture
est extrême. Presque tous* les auteurs ont em-
brassé l’opinion d’Aquapendente sans la discu-
ter , et on n’en doit pas même excepter Monro
qui , dans le premier Volume des essais d’Edim-
bourg, a publié un mémoire sur la luxation
de la mâchoire inférieure. Petit et Heister ont
-eu une idée plus juste de cette luxation en l’at-
ÉCLAIRÉS, etc. l85
tribu an t à un glissement des condiles de la mâ-
choire inférieure, au devant de chaque emi-
nence transverse qui est à la base postérieure
de l’arcade zigomatique ; mais ce n’est-là que
rapporter une- circonstance de la luxation, et
nullement en donner le développement. Ce der-
nier objet est celui dont j’expose aujourd’hui
le résultat, en supposant d’ailleurs connue la
structure anatomique de toutes les parties
qui concourent à l’ articulation de la mâchoire
inferieure. Ce sont des recherches d’anatomie
comparée , qui m’ont donné de nouvelles lu-
mières sur ce mécanisme.
i ' V.
Les parties ‘osseuses qui , dans les divers
genres d'animaux , contribuent à l'articulation
de la mâchoire inférieure , m’ont offert une
si grande variété que j’en ai fait le fondement
d’une nouvelle classification des quadrupèdes,
comme on’le ' vferra dans un mémoire qui -sera
inséré dans le' premier fascicule dès actes de
la société d’Histoire naturelle. J’ai reconnu que
dans tous les animaux , J’oS' maxillaire fàisoit
les fonctions d’un levier du troisième genre,
c’est-à-dire que la puissance musculaire qui sert
à l’élever se trouve entre le point d’appui et
la résistance ; il en est de même dans l’homme :
mais en comparant l’articulation de cet os con-
sidéré danscl-homme et dans les autres ani-
maux, il s’est présenté une différence frap-
pante; c’est que le point d’appui du condile
est toujours le même dans les quadrupèdes ,
quelle que soit l’ouverture de la bouche , au
lieu que ce point d’appui varie dans l’homme ,
suivant que la bouche est fermée ou plus ou
moins ouverte. On peut regarder aussi comme
un fait, que les animaux ne sont nullement
sujets à la luxation de l’os maxillaire irifé-
La M é d e c.-j k;'K
-Ï^BFlpâr la seule forçe. des muscles, au lieu
.i|u.e rkoinme y est-exposé,, comme l’expérience
de chaque jour le démontre. U a été donc d’a-
Jtiprd' naturel de présumer que c’étoit au cham-
peinent du point d’appui qu’est du ce désavan-
cqjn’a l’iaomme sur les animaux, et que ce
qpli !yi concouroit- le plus é toit Réunis en çe trans-
verse qui se trouve à la, base postérieure de
J'ùrcade zygomatique , éminence qui ne se
•tçfmve pns dan>s les- autres animaux^ pas meme
le sing^ Pour, éclaircir cet objet./ j’ai fait
4ifl4rensessaisdan^i.’ampbithéâtre de la Charité,
en présence de M. Boyer, pour bien voir sur
le -cadav/le toutes les circonstances ,du chan-
gement d’appui, .de l’os maxillaire inférieur ,
•dans les ; divers degrés de l’ouverture de la
bouche jusqu’à une luxation parfaite , et voici
.quel en a été, Ig' rcsiultat. ' h
ba. première position du point, d'appui du con-
dile est lorsque là bouche est fermée, et que
rie condile de chaque côté porte directement
^d-aus, la fossette articulaire. Pour juger de la
.traction que rie muscle masseterc exerce dans
ce câs , comparativement aux autres' positions
du point d’appui, j’ai cherché Jfc déterminer
1 angle formé par l’axe du condile ,r.et par une
ligne longitudinale moyenne , qu’on peut subs-
tituer par la pensé à l’effort ;der ce. muscle ;
-j’ai trouvé cet angle de trente- cirai degrés,
lorsque le condile portoit dans la fossette arti-
culaire; et comme l’angle formé par l’axe du
même condile , et par le rebord inférieur de
f’os. maxillaire, est de cent vingt degrés , il s’en-
suit que la ligne moyenne du masse ter fait , avec
la direction de la base de l’os maxillaire infé-
rieur, nn angle qui a environ quatre-vingt-cinq
degrés , c’est-à-dire qui approche beaucoup
ÉCLAIRÉE, etC. 187
de l’angle droit. Dans .cette position donc ,
le muscle masseter et le muscle crotaphite , dont
les deux directions coincident, exercent la plus
grande force pour tenir élevé Pos maxillaire
inférieur.
A mesure que la boubliè s’ouvre , lé .condile
se porte en avant et s’aVance au-dessous de l’é-
minence traris verse ; lorsqu’il est placé direc-
tement sous cette éminençé; son axe fait avec
la direction moyenne du masseter un angle de
seize dégrés , et par conséquent l’angle formé
par cette direction et par celle du rebord in-
férieur de Pos maxillaire', est de cent quatre
degrés , c’est - à - dire' qtie la force que ce
muscle exerce , pour élever cet os , est beau-
coup plus oblique :que dhiis le cas précédent,
et par conséquent il s’opère une décompo-
sition de cette force , en sorte qu’il 11’y a que la
traction perpendiculaire qui soit effective pour
opérer l’élévation de Pos maxillaire inférieur.
Mais il faut observer que dans cette seconde
position , ainsi que dans la première , Pos ma-
xillaire inférieur peut touj ours être considéré
comme un levier du troisième genre, puisque
le condile se trouve toujours postérieur airmas-
seter , et que par conséquent la puissance reste
entre lé point d’appui et la résistance. Il n’en
est pas de même dans la troisième position , qui
nous reste à considérer , et dans laquelle la
luxation a lieu comme on va le voir.
Dans les essais que j’ai faits sur le cadavre ,
jai remarqué que dans une ouverture extrême
et forcée de la bouche , l’extrémité postérieure
du condile s’engageoit devant l’éminence trans-
verse. Dans cette position , j’ai reconnu que
l’angle formé par l’axe du condile et par la di-
rection moyenne du masseter n’étoit plus que
i88 Là Mêdegikï
de quatre ou cinq degrés, c’est-à-dire que la
traction de ce muscle approchoit beaucoup de
la direction moyenne du condile ; l’effort donc
de ce muscle s’emploie alors presque tout entier
à tenir le condile dans cette position contre
nature, qui nécessite l’abaissement de toute
la courbure antérieure de l’os maxillaire infér
rieur. O11 voit donc dans quelle circonstance les
muscles releveurs de la mâchoire concourent
réellement à son abaissement, et servent ainsi
à la maintenir dans un état de luxation $ mais
ce qui doit être sur-tout remarqué, c’est que
dans cette troisième position contre nature les
Ijtbres postérieures duànasseter se trouvent der-
rière le condile , en sorte que par rapport à ces
fibres l’os maxillaire inférieur vient à former
ûn levier du premier genre , puisque le point
d’appui se trouve entre la résistance et cette
partie de la puissance. Voilà précisément ce qui
fait la différence de l'homme et des animaux,
puisque dans ces derniers le point d’appui est
toujours le même, et que l’os maxillaire in-
férieur ne cesse sous aucun rapport d’être un
levier du troisième genre.
11 faut remarquer en outre que dans cette troi-
sième position contre nature , l’angle formé par
la direction moyenne du masseter (i), et par le
(i) On m’objectera peut-être que j’introduis dans la
chirurgie un appareil de géométrie qui ne sert qu’à la
compliquer; mais on peut répondre qu’il est impossible ,
d’une autre manière, d’introduire de la précision et une
exactitude rigoureuse dans tout ce que cette science offre
de méchanique. Comment peut-on déterminer autrement
que par la géométrie la figure régulière d’un grand nom-
bre d’insr.rumens, et assujétir leur construction et leurs
usages à des préceptes fixes et invariables? L’architecture ,
ÉCLAIRÉE, ëtC. li>9
rebord inférieur de l’os maxillaire, est de cent
quinze degrés , c’est-à-dire que l’effort de ce
muscle est très-oblique , et qu’il se décompose
en un effort perpendiculaire qui est seul effec-
tif pour élever l’os maxillaire inférieur, et en
un effort dirigé en arrière dans le sens du re-
bord inférieur du même os; or, ce dernier tend
à tenir appliqué l’extrémité postérieure du con-
dile contre l’éminence transverse , et à entrete-
nir la luxation jusqu’à ce qu’elle soit réduite.
La distinction que je viens de faire des trois po-
sitions principales que peut prendre dans l’hom-
me le point d’appui de l’oa maxillaire inférieur ,
fait voir ce qui manque à la théorie de Borelli,
sur l’évaluation de la force des muscles releveurs
de la mâchoire inférieure , qu’il a déterminé
d’une manière indéfinie , comme si le point d’ap-
pui étoit toujours le même. Je pourvois ici fa-
cilement exposer cette détermination dans les
trois cas , mais je me bornerai à la première
position pour donner une idée juste de l’exac-
titude qu’on doit mettre dans cette évaluation.
On n’a qu’à placer une règle en partie sous le
rebord inférieur de l’os maxillaire , et paral-
lèlement à l’axe de sa courbure. Pour déter-
miner la direction du point d’appui , on abaisse
une perpendiculaire du milieu de la fossette ar-
ticulaire sur la règle. Pour connoître mainte-
nant la direction des trois muscles releveurs de
la mâchoire , je fais attention que la direction
des fibres moyennes du crotaphite et du masse-
l’hydraulique , l’optique , d’astronomie, ont -elles pose
perfectionner autrement que par l’application des sciences
exactes? J’ose dire que la théorie des luxations manque
entièrement à la chirurgie , et qu’il est impossible de
l'établir sans l’applicatjori des mathématiques.
190 La. Médecine
ter , est suivant celle du tiers longitudinal anté-
rieur de la branche montante de l’os maxillaire,
mais que la direction moyenne des libres du
muscle ptérigoîdien interne répond à peu-près
vers le tiers postérieur de la meme branche
montante ; il n’y a donc qu’à supposer que l’effort
combiné des trois muscles est dirigé suivant le mi-
lieu ou l’axe de la branche montante , ce qui est
à un pouce de la direction du point d’appui.
Quant à la résistance , supposons-la placée
entre les dents incisives, c’est-à-dire à trois pouces
et demi du point d’appui, comme par exemple
quand un homme élève un poids de deux cents
livres pesant au moyen d’une corde placée entre
les dents. Or puisque, suivant les principes com-
mis du levier, la puissance et la résistance
doivent être en raison inverse de leur distance
au point d’appui dans le cas d’équilibre , on
trouvera, puisque ces distances respectives sont
un pouce et trois pouces et demi , la valeur de
la puissance par cette simple règle de propor-
tion 1 : 3 f , ou bien 2, : 7 : : 200 : X ^ 700, en esti-
mant seulement l’effort que font les muscles
releveurs de la mâchoire à leur insertion dans
cet os.
Pour réduire la luxation de la mâchoire , il
faut contrebalancer l’action spasmodique des
muscles qui retiennent les condilesdans cette po-
sition contre nature, et pour parvenir à ce but, il
faut d’abord abaisser la facette du condile au ni-
veau de celle de l’éminence transverse de chaque
côté , et dans un second temps , il faut porter les
mêmes condiles en arrière, c’est-à-dire les re-
placer sur leur point d’nppuiNnaturel. Cette ré-
duction se fera donc en deux, temps*; par le
premier , on relevera le menton et on abaissera
les dents molaires pour remettre les condiles
ï é l a i 'à 4 ë j etc. 191
de ïliveàu avec lès éminences transverses , et
par un second mouvement en arrière on les
replacera dans la fossette articulaire. Celui qui
voudra donc opérer cette réduction enveloppera,
comme le prescrivent les auteurs , le pouce
de chaque main avec du litige , pour pouvoir
l’introduire dans la bouche -et l’appliquer de
côté et d’autre sur les dents molaires; il saisira
en même temps , avec le reste' de la main, les
deux côtés du menton; cela fait, il relevéra
toute la partie antérieure de la mâchoire , pen-
dant qu’avec les pouces appliqués sur les dents
molaires , il abaissera fortement la partie pos-
térieure. En vertu de ce double mouvement ,
les condiles seront abaissés au niveau des émh-
nences transverses , et ensuite , par une impul-
sion dirigée en arrière , ils seront placés dans
leur position naturelle.
Je ne puis m’empêcher de faire remarquer
ici combien étoient compliqués les moyens adop-
tés parles anciens , pour la réduction des luxa-
tions, faute de connoissances’précises d’anatomie
et du vrai mécanisme des luxations. Comment
a-t-on pu donner des regrets à l’abandon de ces
moyens, dans ce siècle éclairé ! « Oribase , dit
M. Louis, a fait un livre particulier qui ne laisse
rien à desirer sur les machines convenables
à la réduction des os fracturés et luxés ». Or voici
comment cet auteur propose d’effectuer la ré-
duction de l’os maxillaire inférieur, lorsqu’il
est luxé. L’homme étant étendu sur ce qu’on
appelloit banc d'Hippocrate, onluilioit, dans
une position horizontale, les jambes et les
cuisses , et on fixoit de la même manière les
bras le long du tronc. Pour abaisser ensuite
la partie postérieure de la mâchoire et relever
le menton, on faisoit passer dans la bouche
lya La Médecine
une corde ou bâillon qui, en portant sur les
dents molaires , étoit fixé vers les pieds du
malade à un cabestan, tandis qu’une autre
corde, qui embrassoit la partie inférieure et anté-
rieure de la mâchoire , étoit fixée à un autre ca-
bestan au-dessus de sa tête ; c’est ainsi qu’on
proposoit de relever le menton et d’abaisser la
partie postérieure de la mâchoire ; mais qui ne
voit dans ces moyens une complication superflue
d’agens mécaniques, qu’une expérience cons-
tante démontre pouvoir être remplacés par les
seuls efforts de la inain, dirigée avec intelligence.
Il reste à concilier avec les principes qui vien-
nent d’être développés, une circonstance qui ac-
compagne la luxation delà mâchoire inférieure ;
c’est que l’ouverture de la bouche est extrême
au moment où la luxation s’opère et qu’elle est
bien moindre lorsqu’elle est faite. On voit en effet
que les condiles ne peuvent porter directement
contre la partie inférieure de l’éminence trans-
verse , sans que la bouche ne s’ouvre extrême-
ment ; mais aussi-tôt que les condiles ont dé-
passé cette éminence , et qu’ils se sont engagés
contre sa partie antérieure , ils remontent un
peu dans la fosse zigomaticjue par l’effort des
muscles releveurs , et la mâchoire inférieure se
rapproche de la supérieure.
Un seul condile peut-il éprouver une luxa-
tion complète ? un chirurgien m’a assuré avoir
reconnu cette espèce de luxation sur le cadavre
d’une femme morte à Bicêtre $ il m’a fait voir
même une vingtaine de petits osselets qui
s’étoient formés dans la cavité articulaire qu’a-
voit entièrement abandonnée un des condiles.
( N°. YII. )
193
MÉDECINE PRATIQUE.
Compte rendu des effets médicamenteux de
V électricité , d’après une expérience de seize
ans , par M. Maucluit , médecin de Paris .
Depuis seize ans j’ai consacré mon temps à
l’emploi de l’électricité médicale ; j’ai admi-
nistré ce genre de remède à beaucoup de ma-
lades, j’ai été témoin d’un grand nombre de
faits j je les ai comparés aux faits de même
genre publiés par les auteurs. Jai rendu compte
de mon travail en différens temps ; mais mes
observations sont isolées et éparses : vous pen-
sez mon cher confrère, qu’en les rapprochant,
en écrivant un résultat général , e pourrois
concourir à fixer, dans l’état actuel des choses,
nos connoissances sur l’utilité de l’électricité
médicale ; vous m’invitez à m’occuper de ce
résultat , à le publier , et vous m’offrez d’en
rendre compte dans le Journal que vous ré-
digez; je souscris avec plaisir et avec recon-
noissance à votre invitation, je la remplirai
le mieux qu’il me sera possible , et sur-tout
en me renfermant, comme j’ai toujours tâché
de le faire, dans les bornes de la plus stricte- et de
la plus exacte vérité. Je peux me tromper, mais
je ne peux vouloir tromper les autres.
Je divise les maladies , relativement à l’utilité
dont je crois que l’électricité peut-être pour
les cembattre,
i°. En maladies contre lesquelles l’utilité de
l’électricité est avérée ;
2.0. En maladies contre lesquelles il est seu*
lement propable que l’électricité peut-être utile;
3°. En maladies contre lesquelles l’éleçtricité
Tome III . N°. YII. N
19 4 La Médecine
n’offre point de ressource, quoique des appa-
rences en aient imposé aux premiers obser-
vateurs, et qu’ils aient annoncé l'électricité ;
comine le remède contre ces memes maladies.
L’ordre dans lequel j’énonce les maladies ,
indique le degré d’utilité de l’électricité dans
chacune.
La paralysie est peut être la maladie contre
laquelle on emploie l’électricité plus utilement,
parce qu’on guérit par son moyen beaucoup de
Îjaralytiques, parce que la paralysie est une ma-
adie très-fâcheuse et très-nuisible : il ne faut
pas cependant croire qu’on guérisse tous les pa-
ralytiques en leur administrant l’électricité ; les
succès dépendent du caractère ou plutôt de la na-
ture de la maladie , de son intensité , de sa date.
Quant à la nature de la paralysie , cette maladie
est ou humorale et accompagnée de stase, de
congestion , soit sanguine, soit lymphatique ; ou
elle est produite par le dessèchement , l’atro-
phie , la rétraction, la rigidité des fibres; ou
ces symptômes sont au moins sa cause secon-
daire et apparente.
La paralysie a encore lieu quelquefois à la
suite d’une humeur répercutée , ou elle suc-
cède à une violente commotion , à un choc,,
un coup, une chute.
La paralysie dans laquelle il y a stase et
engorgement , est ou humorale , ou sanguine ;
c’est la lymphe qui est en stagnation, et qui
forme congestion dans la première ; l’engor-
gement est dû, dans la seconde, à la stase du
sang ou à la difficulté qu’il éprouve à circuler.
Dans le premier genre de paralysie , la fibre
est lâche , le tissu cellulaire est engorgé, il y a
ædême et empâtement, ptyalisme , pâleur et froid
à la peau , le pouls est foible , enfoncé et lent ;
ÉCLAIRÉE, etC. 195
dans la seconde espèce de paralysie , la clialeur
est souvent augmentée ; il n’y a ni empâtement
ni ædêrne , la fibre est sèche et tendue, le pouls
est aussi fort , aussi fréquent que dans l’état
naturel, quelquefois davantage ; les membres
paralysés conservent la même clialeur, le même
coloris que dans l’état de santé ; le visage est
souvent fort rouge , ainsi que les yeux. La
première espèce de paralysie est la plus fré-
quente , c’est celle clans laquelle on obtient des
succès plus prompts , plus complets ; on en
obtient aussi dans la seconde , mais ils sont
plus lents, rarement aussi complets, et quel-
quefois on n’en obtient pas. Ces deux espèces
de paralysies sont souvent compliquées, et le
mal cède à proportion qu’il s’approche, plus
de l’une ou de l’autre espèce de paralysie.
Jai dit que les succès dépendent aussi de
l’intensité de la maladie et de sa date.
Tous les malades que jai soumis à l’électricité ,
qui étoient dans un affaissement extrême, soit
que la paralysie fût humorale , soit qu’elle fût
sanguine , dont l’affaissement frappoit sur tout
le système économique, dont les fonctions intel-
lectuelles étoient ou milles ou très -dérangées ,
qui éprouvoient une extrême difficulté à parler ,
qui conservoient la mémoire des faits anciens ,
et oublioient promptement les faits les plus
récens, n’ont obtenu aucun succès. J’ai vérifié
les observations de ce genre un assez grand
nombre de fois, et dans des cas assez variés
pour que je croie pouvoir conclure qu’à pro-
portion que les symptômes que je viens de rap-*>
porter sont réunis en plus grand nombre ,
qu’ils ont plus d’intensité dans le même sujet,
il y a moins ou point de succès à espérer pour
lui 5 qu’au contraire, moins on observe de ces
N a
S 9 6 L A MÉDECINE
symptômes à l’égard d’un malade , plus ils sont
légers, plus il y a espérer à son éga d , quoique
sa paralysie soit complète, que les membres
affectés soient privés de tout mouvement et
de tout sentiment.
Le succès dépend aussi de la date de la ma-
ladie : plus elle est récente , plutôt et plus com-
plètement on y remédie; mais quelqu’imétérée
qu’elle soit , on obtient dans le cas favorable
que j’ai désigné, un succès seulement plus tar-
dif et moins complet , enserte que le para-
lytique électrisé peu après l’attaque est com-
plètement guéri : celui qui ne l’est que plu-
sieurs mois, ou plu leurs années après, n’est
que soulagé. Il ne m’a pas paru que l’âge plus
avancé rende la cure de la paralysie plus dif-
ficile.
Il suit de ce que je viens de dire, que pour
apprécier en général la valeur de l’électricité
contre la paralysie , il faudroil que ceux qui
font des observations à cet égard commen-
çassent par constater l’espèce de paralysie qu ils
entreprennent de combattre , les symptômes
dont le malade est affecté. En e ffet , l’un pour-
roit guérir tous les malades , l’autre n’en guérir
aucun; il en resulteroit une conti adiction epii
ne tiendroit cju’à ce epie leurs observations ne
se rapporteroient pas à des objets de même
nature, mais à des objets très-différens , tjuoi-
que désignés par le même nom.
Il suit de ce que je viens de dire sur la pa-
ralysie, i° Que l’espèce de paralysie qui a pour
cause une congestion lymphatique, est celle
contre laquelle on obtient plus de succès;
a°. Qu’on en obtient aussi dans la paralysie
qui succède au coup de sang incomplet ;
3°. Qu’à proportion que le malade est élec-
ÉCL AISÉE, etc. Ï97
trisé plus promptement après i’attaque, la cure est
plus facile , plus complète; qu’elle l’est de même
à proportion que i’aftaissement du malade est
moins général , moins étendu sur la totalité
D 7
de son individu , plus circonscrit aux autres
parties paralysées, que ses facultés intellec-
tuelles sont intactes, que les organes de la
yoix sont moins al’f ctés.
.1 ai traiié par l'électricité quelques malades pa-
ra y tiques qui me paroissoient évidemment être
tombes dans cette infirmité , les uns par la ré-
percussion de r humeur de la gale, les autres
de l uumeur dartreuse ; ces malades , ou avoient
eu des exutoires avant d’être électrisés , ou
ils les. conservoient encore , ou ils n’en avoient
point et n’en ^voient jamais eu. Je les faisois
garder aux seconds, je les faisois renouveller
aux premiers , je les prescrivois aux derniers ^
avant d’employer 1 électricité. Les malades dont
il s agit , ont obtenu beaucoup de succès : l’hu-
meur dt s dartres a communément reparu à la
peau ; ce retour dans ce cas et les exutoires 9
peuvent être regardés comme la cause immé-
diate de la cure, mais l’électricité y a contribué
certainement, et a déterminé l’action de la
cause immédiate , en irritant la peau par le
moyen des étincelles, en y rappellant par l’effet
de l’irritation , en poussant vers son tissu par
l’augmentation du mouvement de la circulation,
l’huin: ur dartreuse répercutée ; et dans i’un
et l’autre cas , l’électricité a agi en détermi-
nant un cours beaucoup plus abondant de l’hu-
meur répercutée vers les exutoires ; car c’est
un fait constaté par tous les électriciens que
l’électricité augmente beaucoup l’écoulement
qui a lieu par les exutoires , et que cet écor^-
lement est plus abondant dans le même sujet
198 ï. a Médecine
les jours où il est électrisé et ceux où il l’est plus
fortement, que clans les jours dans lesquels il
n’est pas électrisé , et dans ceux où il ne l’est
que foiblement.
Jai administré l’électricité à deux malades
devenus subitement paralytiques , l’un à la suite
d’une chute j l’autre à la suite d’uri coup de
fleuret au-dessus de l’arcade sourcilière ; ni l'un,
ni l’autre n’ont obtenu aucun succès. Si la
chute , le coup , la commotion de quelque na-
ture quelle soit, ne détermine que la conges-
tion , la stase des humeurs , l’électricité pourra
très-probablement être utile 5 mais qu’espérer
de ce moyen, si l’ébranlement à dérangé le sys-
tème organique ?
Le compte que j’ai rendu des premiers trai-
tcmens électriques que j’ai administrés , et qui
est inséré dans le tome second des mémoires
de la Société de Médecine, est accompagné d’un
tableau qui présente le nom, l’âge des malades ,
la date de leur maladie , ses causes, autant qu’il
est possible de les déterminer. On lit sur ce
tableau les noms de cinquante-un paralytiques 5
leur histoire, rapportée dans le compte que
j’ai rendu , appuie et vérifie les résultats , les
conséquences, les assertions que j’énonce dans
Cette lettre. J’ai électrisé depuis un beaucoup
plus grand nombre de paralytiques , et leur trai-
tement a , successivement et sans variation ,
confirmé mes premiers apperçus.
Voulant, autant qu’il me seroit possible, dé-
terminer la valeur de l’électricité contre la pa-
ralysie , j’ai comparé les succès obtenus par ce
moyen aux succès que procurent les autres
médicamens usités contre la meme maladie :
il m’a paru qu’en comparant des faits qui se
rapportent dans les circonstances, comme la
ÉCLAIRÉE, etC. I99
nature , la cause , la date , les symptômes de
la maladie , l’électricité est contre la paralysie
l’équivalent des autres moyens curatifs qu’on
peut employer contre cette maladie : ensorte
que l’électricité guérit, soulage, ou n’est suivie
d’aucun succès, dans les cas où les autres moyens
curatifs auroient également guéri , soulagé , on
n’auroient procuré aucun avantage. Faut-il en
conclure qu’on n’ait rien gagné par l’application
de l’électricité à la paralysie P Je crois que cette
conséquence seroit très-erronée , parce que l’é-
lectricité est un moyen plus facile à administrer,
beaucoup moins fatigant et moins désagréable
pour le malade , infiniment moins dispendieux
que les autres procédés curatifs contre la même
maladie.
Le riche devenu paralytique gagne donc ,
en recourant à l’électricite , de n’être pas con-
traint , comme en recourant aux eaux miné-
rales , et en allant, pour qu’elles soient plus
efficaces , en user à leur source , à se dé-
placer, de ne pas quitter ses affaires, de de-
meurer auprès des personnes , et dans les lieux
dont l’éloignement lui seroit pénible , d’em-
ployer un remède qui le fatigue moins, et dont
l’usage n’a rien qui surcharge et fatigue ses
viscères , qui blesse la délicatesse de ses sens ,
et dont l’usage le contrarie dans sa manière de
vivre. Mais le très-grand avantage de l’élec-
tricité est en faveur de l’homme peu opulent
et du pauvre. Le premier épuise ses moyens
en faisant usage des remèdes ordinaires 5 le
pauvre ne sauroit les employer , et personne
n’en fait la dépense en sa faveur • ils ne lui
sont fournis ni par les charités des paroisses-,
ni dans les hôpitaux : c’est une des causes d’a-
près lesquelles on voit tant d’infirmes parmi;
N 4
2.00 La Médecine
le peuple. En effet , la nourriture du pauvre ,
les intempéries qu’il supporte , l’insalubrité des
lieux qu’il habite, souvent la nature de son tra-
vail, l’exposent au danger de devenir paralytique,
et beaucoup de pauvres, même encore jeunes,
sont frappés de paralysie ; ils demeurent perclus ,
à charge à l’état, malheureux, faute de secours :
des traitemens électriques , administrés dans
les hôpitaux, qui occasionneroient une dépense
très-modique , rendraient à eux-mêmes et à l’é-
tat un grand nombre de paralytiques. L’élec-
tricité , sous ce seul point de vue , peut donc
être d’une très-grande utilité. .
Pour achever ce que j’ai observé relative-
ment à la paralysie , je dirai, i°. dans quel temps
je crois convenable d’employer l’électricité après
l’invasion du mal ; 20. de quelle manière il
est plus avantageux d’administrer l’électricité ;
3°. de quelle précaution on doit user en en
faisant usage.
Ou la paralysie à lieu seule, sans avoir été
précédée , sans être accompagnée de l’apoplexie
ou d’une autre maladie, ou 011 est frappé à la
suite del’apoplexie ou instantanément avec cette
maladie, ou la paralysie a été précédée par des
douleurs de goutte ou de rhumatisme plus ou
moins fréquentes , ou la paralysie succède à la
répercussion d’une humeur qui se portoit à la
peau , ou elle arrive à la suite des coliques cau-
sées par le vin lithargiré ou par les poisons mé-
talliques , soit pris intérieurement , soit intro-
duits sous forme de vapeurs parles pores absorbans
et la respiration. Tels sont les cas dans lesquels
la paralysie a le plus communément lieu , car
elle arrive aussi quelquefois après la suppres-
sion de certains écoulemens , ou habituels, ou
périodiques comme après la dessication d’uu
ÉCLAIRÉE, etC. 2>OÎ
ulcère , après la cessation du flux liernor-
rhoïdai . Jai cru reconnoître évidemment ces
cas et ces causes de la paralysie parmi les pa-
ralytiques pour lesquels j’ai employé l'élec-
tricité , et il m’a paru qu’on doit observer les
faits suivans relativement au temps , à la ma-
nière d’administrer l’électricité ^ aux précau-
tions à prendre en en faisant usage.
Lorsque la paralysie a lieu en même temps
que l’apoplexie , ou qu’elle succède promp-
tement à cette première maladie , sans que
l’une ni l’autre aient été précédées par des
infirmités habituelles, il faut seulement, avant
d’avoir recours à l’électricité , attendre que les
accidens que l’apoplexie peut occasionner 11e
soient plus à redouter 5 que l’assoupissement
profond, le stertor , la pesanteur de tête, les
étourdissemens , la rougeur du visage et des
yeux , soient dissipés, ou au moins très-dimi-
nués ; que l’usage des sens soit en partie ré-
tabli : il est sur-tout nécessaire d’attendre dans
le cas d’apoplexie sanguine ; sans cette lenteur
on risqueroit, en raréfiant les humeurs , en ac-
célérant le mouvement de la circulation par
l’effet de l’électricité , de causer une nouvelle
attaque d’apoplexie , d’augmenter l’embarras
du cerveau, et d’aggraver, de renouveller tous
les accidens; il faut donc attendre que les symp-
tômes de la pléthore ou de l’engorgement
soient au moins très-diminués , et assez pour
qu’une légère augmentation de ces simptômes
ne soit pas à redouter , pour qu’on n’ait pas
à en craindre qu’elle occasionne une nouvelle
attaque d’apoplexie. On connoît les moyens
de remedier aux symptômes de l’apoplexie;
ce n’est pas le lieu de parler de ces moyens , il
suffit de dire que leur usage et l’effet qu’on
^02 JL/ a M e d e c i n e
attend doivent précéder l’emploi de l’électricité.
Quand la paralysie a été précédée par de
longues , fréquentes ou habituelles douleurs
de rhumatisme , ou par des affections gout-
teuses, ou en particulier par des accès de goutte
bien caractérisés , il faut avoir égard à ces cir-
constances différentes ; quand la paralysie a
ete précédée par des douleurs rhumatisantes ,
je crois qu’on peut sans risque employer l’é-
lectricité sans aucun préliminaire de l'invasion
du mal; quand on a lieu de présumer que la
paralysie est due à une humeur 'de goutte vague
qui s’est fixée , je crois qu’il est prudent ,
avant d’emjdoyer l’électricité , de prescrire des
remèdes propres à porter à la peau, et de les
faire ensuite concourir avec l’électricité pendant
tout le temps du traitement : mais, lorsque
le malade a eu plusieurs accès de goutte ca-
ractérisés, et qu’on est fondé à regarder l’hu-
meur goutteuse comme la source et le prin-
cipe de la paralysie , je ne pense pas qu’on
doive en aucun temps employer l’électricité.
Mon opinion , dans les cas que je viens d’é-
noncer, est fondée sur les observations suivantes.
L’électricité manque rarement de déplacer
l’humeur rhumatisante et de la pousser à la
peau. On peut donc, dans le cas de paralysie
qui succède au rhumatisme , et qui paroît
avoir pour cause l’humeur rhumatisante , em-
ployer, dès l’invasion de la paralyse, l’electricilé
sans danger; car l’humeur morbifique déplacée,
mise en mouvement , sera portée vers une
partie où elle ne causera pas d’accident , et elle
sera même expulsée.
Dans les rhumatismes qu'on nomme goutteux
et dans les affections de ce genre , l’électricité
agit avec plus de promptitude encore , et a
ÉCLAIRES, etC. 2.o3
plus d’effet que dans le rhumatisme simple :
c’est parce que son action est très-vive, son
effet très-grand , parce qu’elle met en mou-
vement une humeur plus abondante dans ce
genre d’affection , que je crois nécessaire de
faire précéder pendant quelques jours, et de
faire concourir avec l’électricité, les remèdes
propres à porter à la peau. En effet, dans le
cas dont il s’agit , les malades qu’on électrise
ont souvent des crises par les crachats , quel-
quefois par les urines , ou même par les selles :
l’humeur mise en mouvement se porte donc
sur les viscères , et c’est une voie dont il est
toujours prudent de la détourner , sur-tout
quand il est possible de lui faciliter une autre
issue et une sortie qu’aucun risque n’accom-
pagne.
Je 11e me suis jamais permis d’administrer
l’électricité aux goutteux, ni aux paralytiques
en qui l’humeur goutteuse m’a paru être la
cause de la paralysie , parce que Zetzel et
Linnéus, d’autres observateurs encore , assurent
que l’électricité , calme les douleurs de la goutte ,
mais en déplaçant l’humeur plus promptement
qu’aucun autre moyen, sans l’expulser au de-
hors j d’où il suit, ajoutent les auteurs, que
les goutteux dont on a calmé les douleurs sont
pris, tantôt de vertiges et de maux de tête in-
supportables, tantôt de toux opiniâtres, ou de
coliques accompagnées de déjections glaireuses
et sanguinolentes , tous symptômes graves et
très-difficiles a dissiper , qui ne cessent que
quand l’humeur goutteuse a été rappellée à
son siège ordinaire, aux extrémités, soit par
les forces vitales seules, soit aidées par des
remèdes convenables.
Il n’est pas nécessaire de dire que quand le
2o4 La M é ïi b C i n e
rhumatisme esl inflammatoire , ce seroit beau-
coup risquer de prescrire l’électricité avant que
les symptômes de l’inflammâtion soient en
grande partie calmés. Je faisois un cours d'é-
ïectricite médicale, de jeunes élèves qui le sui-
voie.nt m’amenèrent le valet de leur hôtellerie,
perclus par un rhumatisme très-aigu : une cir-
constance me fit sortir de la pièce oh je les
avois reçus pendant quelques instans ; ils don-
nèrent au malade en mon absence de fortes
commotions , répétées en assez grand bon dire :
• ^ . ' /v ^ I •
je les trouvai occupes a cet emploi en ren-
trant ; je les blâmai et je leur exposai, après
que le malade fut retiré , les dangers auxquels
je croyois qu’ils venaient de l’exposer. Ce ma-
lade étoit venu chez moi , appuyé sur une bé-
quille, et aidé par les jeunes gens qui l’ame-
noientj je le vis revenir le lendemain avec
eux, sans appui d’aucune sorte. Il avoit eu
la veille, après l’électrisation , un. redouble-
ment de fièvre et un très-violent accès de plu-
sieurs heures, suivi d’une sueur excessivement
abondante, qui dura la plus grande parlie de
la nuit : il s’étoit trouvé presque totalement
délivré de douleurs le matin; il avoit recouvert
la facilité de se mouvoir, il étoit venu sahs^ être
aidé ni appuyé , et il n’avoit plus de fievre.
Je le félicitai et ceux qui raccompagnoient sur
l’heureuse issue de leur essai ; je leur con-
seillai cependant de ne le pas renouvellèr en
pareil cas : en effet, si la nature n’avoit pas ete
assez forte pour déterminer et soutenir la vio-
lente crise qui avoit eu lieu par la sueur , le
malade n’auroit-il pas été dans le plus grand
danger, et peut-être la victime de l’essai P Je
crois donc beaucoup plus sage > en pareil cas ,
d’attendre que la violence des symptômes in-
iSclairéI) etc. io5
flammatoires soit diminuée , et de n’employer
même alors qu une électricité dont l’effet soit
moins prompt, mais moins dangereux. Em-
ployée dans le cas dont il s’agit, avec la violence
dont elle le fut pour le mdjade dont je parle,
ce seroit un de ces remèdes de charlatans qui
réussissent une fois et tuent vingt autres fois.
Toutes les fois que la paralysie m’a paru
avoir pour cause une humeur repercutée, ou
la suppréssion d’un écoulement soit habituel ,
soit périodique , j’ai prescrit avant et pendant
le traitement électrique , ou l’usage d’un exu-
toire , ou celm'des remèdes propres à rappeller
l’écoulement habituel ou périodique qui avoit
cessé d’avoir lieu. Je me suis conduit à cet
égard comme par rapport à l’objet de l’article
précèdent, dans la vue d’appeller l’humeur
mise en mouvement vers une partie où elle
se portât sans y produire un effet dangereux.
La paralysie ne succède à l’effet des poisons
métalliques pris intérieurement , que quand
les accidens inflammatoires les plus violons
sont en partie calmés ; mais lors de son inva-
sion, le malade peut ressentir encore de vives
douleurs dans les entrailles.
Lorsque la paralysie est occasionnée par des
vapeurs métalliques , elle n’a quelquefois lieu
qu’après que les malades ont éprouvé des co-
liq ues inflammatoires, comme il arrive sou-
vent aux peintres et aux plombiers ; elle se
déclare au contraire d’autres fois sans avoir
été précédée par des coliques , comme les do-
reurs en fournissent l’exemple. Je crois que
quand la paralysie causée par des poisons me-
ta i tp s, est accompagnée de coliques, même de
simp.es douleurs , et d’une extrême sensibilité
des entrailles, qui subsistent encore, il faut,
206 La Médecine
avant d’employer l’électricité, attendre que ces
symptômes soient très - diminués, sans quoi
l’action irritante de l’électricité les rappelleroit
à leur intensité , ou les en rapprocheroit beau-
coup : mais quand la paralysie n’a pas été pré-
cédée de douleurs d’entrailles , ou que ces
douleurs ont cessé , on peut faire usage de
l’électricité aussi- tôt que la paralysie se déclaré.
Je n’offre dans cet article qu’une simple
conjecture à l’égard de la paralysie survenue
à la suite de coliques causées par des poisons
métalliques pris intérieurement j je n’ai point
traité de malades dans ca cas , à qui les dou-
leurs d’entrailles se fissent encore sentir ; mais
j’en ai traité deux qui , après avoir éprouvé
des coliques , étoient devenus paralytiques , et
ne souffroient plus de douleurs d’entrailles \
j’ai administré l’électricité à trois malades de-
venus paralytiques par l’effet des vapeurs du
mercure , sans avoir éprouvé des coliques : ces
trois derniers étoient des doreurs ; les deux
premiers n’ont été que soulagés et .les trois
autres ont été guéris. De Haen , si digne qu’on
le croie , assure avoir guéri , par l’électricité ,
un grand nombre de doreurs perclus, et réduits
à l’état le plus fâcheux. Son assertion m’a tou-
jours fait desirer d’employer l’électricité en
faveur des doreurs, mais je n’ai eu occasion
d’en traiter que trois ; d’après l’assertion de
de Haen , un traitement électrique public seroit
un grand bienfait pour ces artistes.
Après avoir essayé de déterminer l’époque
où il est à propos , dans les différentes es-
peces de paralysie , d’administrer l’électricité , je
m’occuperai de rechercher quelle est la meil-
leure méthode d’en faire usage , quel doit être
le nombre des séances par jour, la durée de
ÉCLAIRÉE, etC. 207
cb fi que séance , et celle du traitement entier.
La manière d’employer l’électricité , la duree
et la. fréquence des séances., sont la façon de
doser ce remède, comme la préparation des
autres médicamens , leur poids, est la manière
d’en régler et d’en fixer la dose. Les au-
teurs anglois recommandent , de quelque ma-
nière qu’on emploie l’électricilé , de ne por-
ter le traitement qu’à un degré tel qu’il ne
fatigue pas le malade et ne lui laisse pas un
sentiment de lassitude qui se prolonge plus
ou moins après le traitement : ils assurent
qu’on ne réussit qu’en bornant à ce degré la
dose d’électricité , si l’on peut employer cette
expression. J’ai toujours pratiqué leur conseil
depuis que je l’ai connu , et je m’en suis cons-
tamment très-bien trouvé : en conséquence ,
je commence toujours le traitement par la mé-
thode la moins active , par le bain électrique ;
je passe ensuite pour la paralysie aux étincelles,
et je fais d’abord des séances très-courtes. J’ob-
serve le degré de sensibilité du malade., et
selon qu’il supporte mieux l’électricité, je pro-
longe les séances , j’en augmente la fréquence ,
s’il est possible j’emploie les étincelles , et
plutôt et pendant plus de temps à chaque
séance. J’ai toujours observé encore, même
pour les malades qui supportent le mieux l’élec-
tricité, de prolonger graduellement les séances,
comme pour obtenir de l’effet d’un remède ,
long-temps continué, on en augmente insen'sible-
inent et graduellement la dose. Je n’ai recours
à la commotion que quand les bains et les étin-.
celles ont été sans effet assez de temps pour
que je croie qu’il n’y a plus lieu d’en espérer
de succès j alors je mets en usage les commo-
tions, comme une dernière ressource, et je les
xa Médecine
gradue comme je le pratique pour le bain et
les étincelles. Je résume de ce qui précède , que
pour les sujets très-sensibles , que les étincelles
fatiguent , il faut se borner au bain : ce moyen
agit plûs lentement mais il conduit au même
succès, en dépensant seulement plus de temps;
les commotions m’ont toujours paru un moyen
fatigant , dont on doit se passer pour la plupart
des paralytiques, et qu’on ne doit employer que
quand les autres moyenssont reconnus inu tiles. La
duree des premières séances me paroît ne devoir
pas excéder huit à dix minutes , et je les porte
ensuite à demi-heure ou trois-quarts d’heure ,
en les augmentant de quelques minutes chaque
jour. Je partage la durée des séances moitié
en bain , moitié en étincelles : le mieux seroit
de faire deux séances par jour , une le matin ,
une le soir j mais je l’ai peu pratiqué , les ma-
lades étant obligés de venir chez moi. Quant
à la durée du traitement en totalité , je ne crois
pas qu’on puisse fixer aucune époque , puis-
qu’il y a des paralytiques guéris en six se-
maines ; d’autres qui n’ayant éprouvé que très-
peu ou point "de soulagement en six mois, et
ne se rebutant pas cependant, obtiennent tout
à coup beaucoup de soulagement : on doit seu-
lement conclure que l’électricité agit très-len-
tement , et que les paralytiques 11e doivent
pas désespérer qu’elle les guérisse , ou les
soulage, s’ils n’en ont pas fait usage au moins
pendant six mois.
Il me reste à parler des précautions que je
crois nécessaires , en administrant l’électricité
aux paralytiques.
Lorsque MM. Lassone , Morand , Nollet ,
traitèrent aux Invalides des paralytiques par
l’électricité } ces messieurs obtinrent d’abord
de
ÉCLAIRÉE, etC. 2.09
des succès marqués ; on en conçut des espé-
rances , mais la plupart des malades retom-
bèrent bientôt dans le premier état , ou ils
furent frappés de paralysie sur des membres
que cette maladie n’avoit pas affectés, tandis
qu’ils étoient soulagés du côté des parties qui
avoient été premièrement paralysées, et ayant
l’usage de l’électricité ; on en conclut quelle
étoit nuisible plutôt qu’avantageuse , et on
cessa pour long temps en France de l'employer.
Les faits qui avoient eu lieu en avoient im-
posé , et la conséquence qu’on en avoit tirée
n’étoit pas fondée : ces mêmes faits prouvoient
que l’électricité avoit une action $ il étoit pos-
sible de la diriger ou de la seconder de ma-
nière qu’elle fût utile et ne pût pas nuire j
mais on ne tira point alors cette conséquence ,
et 011 ne chercha point à profiter de l’action
de l’électricité , en prévenant les dangers à re-
douter de cette même action ; c’est je crois
ce que l’observation et les circonstances m’ont
appris de la manière que je vais exposer.
Quand je commençai à électriser des ma-
lades, je m’attachai à observer chaque jour ce qui
leur arrivoit , et je recueillis à leur égard tous
les faits qui eurent lieu. Je 11e tardai pas à
reconnoître, comme les physiciens qui firent
des traitemens aux Invalides et d 'autres sa vans ,
en particulier Sauvages , l’avoient annoncé , que
l’électricité détermine dans la plupart des ma-
lades des excrétions , tantôt par les sueurs ,
et c’est l’excrétion la plus fréquente , tantôt
pas les crachats , quelquefois par les urines
ou par les selles. Ces excrétions me parurent
des crises que la nature cormnençoit , qui
étoient déterminées par l’électricité 5 j'observai
que les sécrétions étoient peu abondantes , que
Tome IIL N°. VII. O
210 Là. Médecine
souvent elles s^arretoient après avoir commen-
cé , qu’elles succédoient toujours à des dou*
.leurs , des mouvemens intestins éprouvés dans
les parties paralysées , et à un retour marqué
de mouvement et de sensibilité dans ces parties j
que ces avantages se soutenoient si les ex-
crétions continuoient , mais que si elles dimi-
nuoient ou elles étoient supprimées , les acci-
dens qui avaient été diminués redevenoient
aussi graves que par le passé ; que d’autres
fois le soulagement persévéroit à l’égard des
parties sur lesquelles il avoit eu lieu, mais
que le mal se portoit sur des parties qui en
«.voient été exemptes avant l’électrisation.
Une femme sur-tout, madame Prémon, dont
l’histoire est rapportée tome second des Mé-
moires de la Société de Médecine, me fournit
occasion de répéter , de confirmer ces obser-
vations, et d’en tirer une conséquence pré-
cise. Madame Prémon étoit hémiplégique : on
l’amena chez moi en voiture , et on la portoit
de la voiture à la chambre où elle étoit élec-
trisée $ elle ne tarda pas à être en état de marcher
seule et de commencer à se servir de son bras; mais
au moment où il sembloit qu’on ne devoit que
s’applaudir, madame de Prémon fut saisie d’une
oppression inquiétante , accompagnée de beau-
coup de fièvre et d’une violente douleur à la
région du diaphragme. Des délayans et des caï-
mans adoucirent les symptômes , qui se dissi-
pèrent à la suite d’une sueur longue et abon-
dante. La malade recommença l’usage de l’é-
lectricité ; elle éprouvoit depuis long-temps
une douleur fixée sur le muscle grand pectoral ,
et cette douleur, qui en s’augmentant gênoit
les mouvemens du bras , paroissoit être un puis-
sant obstacle à ces mouvemens : je m’attachai
un jour à diriger l’action de l’électricité sur
ÉCLAIRÉE, CtC. 211
le muscle grand pectoral , en ne tirant des étin-
celles que de ce muscle , en en tirant beaucoup ,
en faisant traverser quelques commotions. Le
jour même la douleur cessa dans la partie qui
en avoit été constamment le siège, le mou-
vement fut plus libre ; mais dans la nuit sui-
vante la douleur se porta sur les muscles sterno-
costaux , et fut si vive qu’elle forçoit la malade
à ne faire que de très-légères inspirations. Cet
accident se termina comme le premier , et se
renouvella , mais avec moins de violence , une
troisième fois , de la même manière que la se-
conde fois. Plusieurs de mes confrères qui ont
suivi avec moi le traitement de madame Pré-
inon , furent témoins des faits que je viens de
rapporter ; ils contribuèrent beaucoup à nous
confirmer dans le sentiment où nous étions, d’a-
près les excrétions que l’électricité a coutume
de déterminer, d’après les circonstances qui
précèdent , accompagnent et suivent ces ex-
crétions, que l’électricité entame des crises,
que rarement elle les soutient si on ne la se-
conde pas , et que si la nature n’est pas assez
forte pour l'es maintenir , elle expose les ma-
lades qu’elle soulage au risque des métastases $
mais qu’on peut prévenir ce danger, et profiter
des avantages que l’électricité procure en se-
condant les crises qu’elle détermine , en pro-
curant l’évacuation des humeurs qu’elle déplace,
qu’elle met en mouvement, qu’elle pousse vers
un conduit excrétoire. Ainsi , en associant à
l’électricité , les légers sudorifiques prescrits en
boissons , les sialagogues , les diurétiques, se-
lon que la crise s’annonce par les sueurs , les
crachats ou les urines, et sur-tout en étant at-
tentif, toutes les fois qu’un changement en
bien s’opère subitement et d’une manière mar-
O 2,
La Médecine
quee dans les paralytiques, à les évacuer promp-
tement par les selles , on peut obtenir de grands
avantages par l’électricité, sans avoir de re-
chutes ni de métastases à craindre : cette pro-
position a été confirmée d’abord par l’exemple
de madame Prémon , que j’ai continué d’élec-
triser après les trois premiers accidens dont
j’ai parlé , qui n’en a plus éprouvé et a cepen-
dant beaucoup obtenu par l’électricité. La
même proposition a acquis, je crois , l’évidence ,
par l’exemple du grand nombre de paralytiques
que j ’oi traités depuis, pour qui j’ai employé
les précautions dont j’ai cru reconnoître la né-
cessité, dont aucune n’a éprouvé ni rechute,
ni métastase.
Je me suis beaucoup étendu sur la paralysie ,
parce que cette maladie est très-fréquente , parce
que l’issue du traitement est très - différent
suivant la nature des symptômes , la date de
la paralysie , parce que je crois indispensable
d’user des précautions dont je viens de parler ,
et que c’est faute d’en avoir fait usage qu’on
a souvent manqué de guérir les paralytiques ,
parce qu’enfin je pense qu’en employant l’é-
lectricité pour les paralytiques dans les cas ,
de la manière et avec les précautions que j’ai
rapportés, on en guériroit un très-grand nombre.
Ce que j’ai dit de la paralysie relativement
à son intensité, sa date, à la force du traitement,
aux précautions nécessaires en électrisant , doit
également s’appliquer au traitement des autres
maladies; ce sont des généralités que je prie
de ne pas oublier, dont je ne parlerai plus,
et dont je supposerai qu’on se, souviendra.
it
ÉCLAIRÉE, etC. 2l3
HYGIÈNE.
Blanchiment du linge taché par T onguent mer-
curiel, par M. Y au quel in.
C’est un problème, parmi les praticiens oc-
cupés du. traitement des maladies vénériennes ,
de trouver un moyen de nétoyer les linges dont
on a fait usage pendant le traitement par les
frictions mercurielles. Il est difficile de se former
une idée de la quantité de linge détruit par ce
traitement : ce n’est que dans les hôpitaux où
ces maladies sont traitées que l’on peut s’apper-
cevoir de cette dépense considérable.
Elle se fait sentir dans toute sa force lorsque
par ignorance , ou faute de précaution de la
part du chirurgien , les malades portent pendant
leur traitement des linges précieux et qu’ils les
font ensuite blanchir avec d’autres linges par
des moyens ordinaires.
Il arrive inévitablement que ce linge , ainsi
que celui avec lequel on l’expose , est à jamais
taché , et même que chaque tache , au bout d’un
certain temps , devient un trou sur le linge.
Il est encore un autre inconvénient qui résulte
du traitement des maladies vénériennes , c’est
de décéler cette' maladie chez des personnes qui
quelquefois peuvent avoir un grand intérêt à
la soigneusement cacher. Combien ces stigmates
sur les linges n’ont-ils pas été des sources de
maux et de scission dans les ménages et dans
les familles !
Une circonstance telle que celle que nous
avons exposée plus haut , relativement au dé-
faut de précaution dans l’administration des
médicamens anti -vénériens, m’a mis à portée
d’offrir au public un moyen sûr et peu dispen-
dieux pour blanchir les linges tachés par des
préparations de mercure et de plomb.
O 3
2î4 La Médecine
Ayant été chargé de détacher un assez
grand nombre de chemises fines , de mouchoirs
de poche , et de serviettes , etc. tant en coton
qu’en fil , j’ai opéré de la manière suivante :
J’ai d’abord lessivé quelques-unes des che-
mises , qui ne l’ayoient point été, dans une
liqueur faite avec cinquante parties d’eau , une
de potasse et une et demie de chaux ; lorsque
toute la graisse a été dissoute par l’alcali et
qu’il ne restoit plus sur les linges que l’oxide de
mercure (car c’est avec l’onguent mercuriel que
se font les taches) , je les ai réunis avec ceux
qui avoient subi la première opération chez la
blanchisseuse , et je les ai plongés dans un ba-
quet contenant une liqueur composée de douze
parties d’eau et d’une partie d’acide muriatique
oxigéné le plus fort possible , à la température
de dix degrés. J’ai laissé ces linges dans la li-
queur jusqu’à ce que toutes les taches ayent été
enlevées , ce qui dure plus ou moins de temps ,
suivant qu’il y a plus ou moins de matière à dis-
soudre. S’il arrivoit que l’on eût mis plus de
linge que l’acide muriatique oxigéné n’en peut
détacher , il faudroit , après avoir ôté le linge
de dedans la première liqueur , ajouter un
vingtième du même acide et y plonger le linge
de nouveau. Je conseille de retirer le linge avant
l’addition de l’acide , car il pourroit arriver
qu’il ne se mêlât pas exactement par-tout , et
qu’il brûlât les parties du linge sur lesquelles
il séjourneroit.
Lorsque toutes les taches sont disparues , il
faut bien laver le linge avec de l’eau de fontaine ,
le passer dans une eau de savon pour lui enlever
son odeur , et ensuite , si l’on veut lui donner
un beau blanc , on peut le plonger pendant
quelques heures dans une eau ou on aura mêlé
0,01 d’acide sulfurique ou sulfureux. Ce sont-
éclaikéb, etc. 2i5,
là les closes qui m’ont le mieux réussi j elles
peuvent être changées en raison des quantités de
linges qu’on a blanchis et les quantités de
taches dont ils sont gâtés : mais en général il
faut mieux être obligé de lessiver et immerger
deux fois que d’employer ou les lessives ou
l’acide trop forLs , car on pourroit brûler son.
linge
Cette application de la chimie à l’économie
domestique , met les malades hors de cette
alternative , ou de perdre par le traitement anti-
vénérien des linges précieux , ou de ne mettre
que des haillons que beaucoup de personnes ne
souffrent que difficilement.
Nota, Quand on se sert de vases de bois neufs ,
il faut avoir soin d’y mettre quelques heures
avant de l’acide muriatique oxigéné , pour en
détruire la couleur. Il faut aussi soigneusement
en. écarter le. fer.
PHYSIOLOGIE.
Observation sur le Légalement , par M. Charles
Cadet , homme de loi.
J’ai vu , dans la société , un jeune homme
d’un extérieur avantageux , rempli de talens et
fait pour y tenir une place distinguée, si un
bégayement , qu’il appelloit insurmontable, lui
eût permis de prononcer deux syllabes de suite.
Je crus ce défaut produit par une conformation
vicieuse , et je le plaignois de ne pouvoir la rec-
tifier , lorsqu’une occasion assez ordinaire dans
les cercles me mit a même de l’entendre chan-
ter. Quel fut mon étonnement d’entendre les
sons les plus doux, les plus longues tenues,
la prononciation la plus nette et la mieux arti-
culée , sans aucune faute de prosodie ! Je sentis
à l’instant que l’étude et la méthode de la mu-
2i 6 ï. a Médecine
siqtie , qui lie chaque syllabe à un certain nombre
de notes , avoient maîtrisé son organe , et je pen-
sai que si la mesure changeoit subitement de
mouvement, le bégayement devoit se faire sen-
tir ; mais je fus détrompé : le même jeune homme
exécuta sur le champ, avec la même perfection ,
un long récitatif.
Une pareille singularité me frappa , mais ne
me parut pas assez concluante pour établir un
système , et ne fit que me rendre plus attentif;
mais ce qui vous surprendra sans doute , c’est
que , peu de temps après , j’eus lieu de faire la
même remarque dans trois autres personnes que
le même défaut affligeoit. Toutes trois bègues
dans 1a. conversation , avoient toutes trois la
voix libre en chantant. Une d’elles déclamoit
aussi sans obstacle , mais alors le son de sa
voix avoit un caractère très-rapproché du chant.
Ce rapport étonnant a fait naître quelques ré-
flexions dont le développement demanderoit de
l’étendue , mais qu’il me suffira d’indiquer ici.
Je crois, avec J. J. Rousseau , que le bégaye-
ment est toujours un vice d’éducation ; excepté
les cas de paralysie oud’autresmaladics connues,
il n’est peut-être pas un seul paysan qui bégaye.
Si cette opinion est aussi juste que je la suppose ,
il seroit infiniment utile d’employer de bonne
heure la musique pour corriger cette imperfec-
tion. Quel triomphe pour elle si elle acquéroit
par-là ie titre d’art utile î
Après avoir dompté la nature par la nécessité
d’observer des intonations justes , après avoir as-
servi l’organe à la précision qu’il faut pour arti-
culer avec netteté les paroles d’un air rapide, on
pourroit lui substituer un récitatif lent , faire
passer ensuite graduellement du récitatif à la
déclamation noble et accentuée ; de ce genre à
la déclamation moins élévée , et de celle-ci enfin
ÉCLAIRÉE, etC. 217
au ton de la conversation. De cette manière on
parviendront, j’ose Je croire, à donner une pro-
nonciation nette à un enfant' qui n’auroit eu
toute sa vie qu’un insupportable bredouillement.
Il est sans doute urgent que les instituteurs s’oc-
cupent de cet objet. De jour en jour les organes
naturels deviennent plus rares; le tiers de nos
comédiens bégaye , bredouille ou grasseye ; la
moitié des femmes se font une mode et même
un attrait du plus désagréable zézayement : ce
qui est plus étrange, c’est qu’on les applaudit et
qu’on les imite.
Je ne doute pas que l’honneur qui appelle la
jeunesse françoise à la tribune politique , pour
y défendre les droits sacrés du peuple , ne la
porte à soigner son organe. Le remède que je
propose peut encore sembler utile à ceux qui ,
avec des talens précieux , seroient découragés
par un organe défectueux qu’ils croiroient ne
pouvoir rectifier.
ANATOMIE.
Mémoire sur les changemens qui arrivent aux
organes de la circulation du fœtus , lorsqu’il
commence à respirer , lu à l’ Académie des
Sciences , à la séance publique de la Saint-
Martin , par M. Sabatier.
La disposition des organes de la circulation du
fœtus a autrefois excité mon attention : elle m’a
fourni , sur la manière dont le sang traverse le
cœur à cette époque de la vie , des idées diffé-
rentes de celles qui avoient été adoptées jus-
qu’alors. Au lieu d’en conclure que ce fluide
passe réciproquement de l’oreillette droite dans
la gauche et de celle-ci dans la droite, de ma-
niéré qu’il se fasse un mélange de celui qui
revient du placenta par la veine cave infé-
2iS x a Médecine
rieure , avec celui que les veines pulmonaires
ramènent des poulmons , et que les deux oreil-
lettes ne forment qu’une seule cavité partagée
en deux par une cloison ouverte à sa partie
moyenne , j’ai cru voir clairement que la dispo-
sition dont il s’agit permettoit à la totalité du
sang de la veine cave inférieure d’entrer dans
l’oreillette gauclie , et à celui de la supérieure
de tomber dans l’oreillette droite. J’en ai tiré la
conséquence que tout le sang du cœur retourne
au placenta avant de recommencer son cours ,
à peu près comme celui de l’adulte traverse les
poumons avant de rentrer dans l’aorte , et qu’il
décrit dans sa marche une espèce de huit de
chiffre. Ce mécanisme , et les preuves qui l’éta-
blissent , sont exposés dans un Mémoire im-
primé parmi ceux de l’Académie , pour l’année
1774. Il a paru assez satisfaisant pour que le plus
grand nombre des personnes qui s’occupent
d’ Anatomie et de Physique animale Paient
adopté dans leurs écrits, et dans l’enseignement
de ces deux sciences.
J’ai eu soin d’avertir que , pour vérifier mes
remarques , il falloit avoir des fœtus qui n’eus-
sent pas respiré , parce que le nouvel ordre de
choses qui s’établit lorsque l’air a commencé à
s’introduire dans les poumons , amène des chan ■
gemens très-prompts dans l’état du trou ovale ,
et dans celui du canal artériel et des arteres om-
bilicales , dont l’un se ferme presque en entier ,
et les autres se rétrécissent au point qu’il est
impossible de se les représenter tels qu’ils étoient
quelques heures avant. Mon dessein n’étoit que
de prévenir sur la promptitude avec laquelle se
font ces changemens , qui d’ailleurs sont tres-
connus. Mais quelle en est la cause ? comment
le trou ovale ne permet-il plus au sang de passer
de droite à gauche ? pourquoi le canal artériel
ÉCLAIRÉE ,_etC. , 2.I9
et les artères ombilicales se resserrent-ils ? On a
cherché à rendre raison du premier de ces phé-
nomènes : les autres ont été négligés. La quan-
. , , . DD J-
tite de sang qui se porte aux poumons lorsque
l’enfant a respiré est , dit - on , plus grande
qu’avant ) ce fluide arrive avec plus d’abondance
dans l’oreillette gauche , et la valvule du trou
ovale qui est appliquée sur la paroi gauche de la
cloison commune aux oreillettes est entraînée
vers cette ouverture , et intercepte toute com-
munication entr’elles. Cette explication suppose
que l’enfant respire , et que les vaisseaux du
poumon se laissent pénétrer par le sang que le
ventricule droit pousse dans le tronc de l’artère
pulmonaire. Reste à savoir pourquoi il respire,
et ce que l’Anatomie apprend sur les change-
inens que le développement des poumons pro-
duit dans les diverses parties du cœur.
Les Physiologistes se sont beaucoup occupés
des causes de la première inspiration. Le plus
grand nombre a pensé qu’elle est l’effet de l’im-
pression que la différence de température pro-
duit sur le corps de l’enfant. Il croît au milieu
d un fluide dont la chaleur , égale à celle du
sang et de toutes les parties intérieures du
corps, s’élevoit à trente-deux degrés. Le froid
que Pair lui fait éprouver agit sur lui comme un
agent irritant , et détermine ses muscles à se
contracter : ceux qui servent à la respiration
sont mis en jeu comme les autres 5 les côtes sont
élevées et le diaphragme abaissé , et Pair se
précipite dans les poumons. Quelques-uns ont
cru que l’humeur de la transpiration , que le
froid empêche de s’échapper comme à l’ordi-
naire , refluoit sur les parties intérieures , et
que la suppression de cette humeur produisoit
dans la machine une sorte de gêne qui pouvoit
donner lieu à la contraction du système muscu-
220 la -Médecine
laire. Gette explication, vraisemblable pour les
régions froides et pour celles qui sont tempé-
rées , ne l’est pas pour les lieux où la chaleur
de l’atmosphère est égaie ou même supérieure à
celle du sang. Il est vrai que l’enfant éprouve
du inal-aise à l’instant où ses rapports avec le
placenta viennent à cesser , et que ce mal- aise
le force à mettre tous ses muscles en action ,
mais il dépend de toute autre cause que celle
dont il vient d’être parlé. Tant qu’il a été ren-
fermé dans la matrice , il recevoit , par la veine
ombilicale , une quantité de sang que l’on peut
croire égale à celle qu’il perdoit par les artères
du même nom. Le système vasculaire étoit sur-
chargé d’une colonne de fluide , laquelle s’éten-
doit , sans interruption , de l’entrée de l’une à
la sortie des autres. Cette colonne , sans cesse
reproduite et sans cesse portée au dehors , ne
oausoit aucun embarras : au moment où la com-
munication avec le placenta est interrompue ,
elle devient un obstacle à la libre circulation du
sang; l’enfant éprouve un mal -aise dont il
cherche à se débarrasser , ses muscles se con-
tractent, il s’étend, il baille, et les dimersions
de sa poitrine , devenues plus grandes qu’elles
n’étoient , par l’élévation des côtes et. par
l’abaissement du diaphragme , obligent l’air de
remplir les poumons. Les vaisseaux de ces or-
ganes , étendus et comme déployés., n offrent
plus autant de résistance au sang qui cherche a
les pénétrer ; il s’y introduit en plus grande
quantité qu’avant , et le système vasculaire est
dégagé.
Cette cause est la première de celles qui don-
nent lieu aux changemens qu’éprouvent les or-
ganes de la circulation, mais elle n’est pas la
seule : pour connoître les autres il faut se rap-
peller le peu de dimensions que présente la cavité
ÉCLAIRÉE, etC. 312,1
de la poitrine dans un enfant qui n’a pas respiré ,
le refoulement des viscères du bas-ventre vers le
diaphragme , et le pelotonnement , s’il rn’est
permis de m’exprimer ainsi , du cœur et des
poumons. Ces derniers viscères dévoient être
renfermés clans un espace qui leur permît de se
dilater , et qui pût s’agrandir et se resserrer avec
eux : celui qui leur est destiné, circonscrit par
les côtes , par les muscles qui remplissent leurs
intervalles et par le diaphragme , est peu étendu
dans le fœtus ^ parce que les poumons y ont peu
de volume j il acquiert des dimensions plus
grandes lorsque les côtes viennent à s’élever et
que le diaphragme s’abaisse. Ce muscle , dont
les influences sur presque toutes les parties du
bas-ventre et de la poitrine sont si grandes j, est
alors dans le plus grand relâchement : il est
poussé en haut par les muscles abdominaux ,
dont rien ne contre-balance l’action j son refou-
lement vers la poitrine est d’autant plus grand
qu’il y est enfoncé par le foie , dont le volume
est beaucoup plus considérable qu’il ne doit être
dans les autres temps de la vie. Les poumons
occupent la partie la plus élevée du thorax , et y
retiennent le cœur , dont la position est subor-
donnée à la leur , ainsi qu’à celle du dia-
phragme. Il est facile de se représenter cet état
des choses ; mais j’en ai trouvé la preuve dans
une observation assez délicate , qui a échappé
aux Anatomistes. L’aorte, à sa sortie du ventri-
cule gauche du cœur , se porte de derrière en
devant , de gauche à droite et de bas en haut.
Bientôt elle retourne en arrière et de droite
à gauche en continuant de s’élever , après quoi
elle descend le long de la partie gahche des veiv
tèbres qui lui correspondent : elle décrit une ar-
cade de laquelle s’élèvent le plus ordinairement
trois gros troncs ; celui qui est commun à la.
222 La Médecine
sous clavière et à la carotide droite , la carotide
gauche et la sous-clavière du même côté. On a
remarqué avec soin la position et les dimensions
de ces vaisseaux , dont le premier est en devant ,
et peut être d'un calibre plus gros que celui des
deux autres pris ensemble , et ceux-ci plus en
arrière et moins gros , de sorte que la sous-
clavière gauche , qui naît de l’aorte à l’endroit
où cette artère est prête à s’appliquer aux ver-
tèbres , est dans un© situation plus reculée que
les deux autres. On n’a pas dit qu’elle est en
même temps la plus élevée, c’est-à-dire qu’elle
naît de la partie la plus haute de la crosse de
l’aorte , peut-être parce que cette circonstance
a paru indifférente , ou parce qu’on a jugé
qu’étant une suite nécessaire de la progression
suivant laquelle naissent les trois gros troncs dont
il s’agit, elle n’avoit pas besoin d’être indiquée.
L’attention que j’y ai donnée m’a fait voir que
le fœtus qui n’a point respiré présente à cet
égard une différence remarquable : le tronc
commun de la sous-clavière et de la carotide
droite répond à la partie la plus élevée de la
crosse de l’aorte pendant que la sous clavière
gauche répond à sa partie la plus basse. Ce fait,
que j’ai vérifié un assez grand nombre de fois
pour le regarder comme constant , indique d’une
manière manifeste le changement qui arrive
dans la position du cœur et des gros vaisseaux.
Ce viscère occupoit le haut de la poitrine , où il
étoit retenu par les poumons resserrés sur eux-
mêmes , et par le diaphragme , que son état de
relâchement enfonçoit vers cette cavité. Lorsque
l’enfant a commencé à respirer , il descend avec
ces parties , et prend , au bout de quelque
temps , la place qu’il doit occuper pendant
toute la vie. Les veines caves acquièrent plus
de longueur; l’inférieure sur * tout , entraînée
ÉCLAIRÉE, etc. sa3
par le foie qu’elle traverse , est distendue aussi
tien que la valvule destinée à bouclier le irou
ovale. Cette valvule n’est plus disposée à prêter
comme elle l’étoit avant , et elle offre au sang ,
qui tend à la pousser de droite à gauche , une
résistance qui empêche ce fluide de s’y porter.
Le changement qui arrive dans les veines hépa-
tiques contribue à cet effet. Quand le foie étoit
élevé vers la poitrine , ces veines se trouvoient
plus près du trou ovale , et le sang qu’elles cliar-
rioient étoit porté du côté de cette ouverture ,
dans une direction presque horizontale. Lors-
qu’il descend elles s’en éloignent et s’ouvrent
avec plus d'obliquité dans la portion de la veine
cave qui traverse ce viscère. Le sang qui les par-
court prend une direction différente de celle
qu’il avoit , et se portant de bas en haut , il
confond son cours avec celui que les extrémités
inférieures et quelques-uns des viscères du bas-
ventre versent dans la veine cave.
Ce n’est donc pas uniquement parce que le
sang qui a traversé les poumons, et qui revient
dans l’oreillette gauche du cœur , soulève la
valvule qui doit boucher le trou ovale et s’ap-
plique sur cette ouverture , qu’elle refuse le
passage au sang de la veine cave inférieure , et
que ce sang est obligé de se rendre dans l’oreil-
lette droite , ou , pour parler plus exactement ,
dans le sinus des veines caves : deux autres
causes essentielles viennent s’y réunir ; savoir ,
la distension qu’éprouvent ces veines et la
cloison qui sépare leur sinus de celui des veines
pulmonaires, et le changement de ^direction
qui arrive dans les veines hépatiques , et ces
causes sont subordonnées à celle qui produit la
première inspiration et qui détermine le sang à
se porter , avec une abondance extraordinaire ,
dans les yaisseaux du poumon.
224 La Médecine
Reste à savoir comment le canal artériel se
ferme , et ne peimet plus au sang du ventricule
droit de le parcourir. J avoue cjue ce phénomène
me semble beaucoup plus difficile à expliquer
que celui dont je viens de rendre raison. Le
cœur, entraîné de haut en bas, exerce la même
action sur l’artère pulmonaire et sur l’aorte :
ces vaisseaux, également distendus, conservent
entre eux le même rapport $ on ne voit point
que l’angle qu’ils forment à leur point de réu-
nion doive changer. Quelle cause peut donc
s’opposer à ce que le sang traverse le canal arté-
riel , qui n’est autre chose que le tronc de l’ar-
tère pulmonaire prolongé jusqu’à l’aorte ? Je
n’en vois d’autre que l’espèce de dérivation qui
se fait dans les artères pulmonaires : ces vais-
seaux ne présentant plus d’obstacle au cours du
sang , ce fluide s’y précipite , et ce qui en reste
pour le canal artériel est en si petite quantité
qu’il ne l’empêche pas de se resserrer. J’ai re-
marqué plusieurs fois que les parois de ce canal ,
ainsi que celles des artères ombilicales , ont
beaucoup d’épaisseur. Mon journal d’observa-
tions porte que je leur ai trouvé un calibre fort
étroit , relativement à leur grosseur ; de sorte
qu’ils m’ont paru pouvoir être comparés au canal
déférent , dont on sait que la cavité intérieure
ne répond pas aux dimensions qu’il présente ex-
térieurement. Peut-être la nature s’est-elle servi
de cette construction pour opérer, dans les vais-
seaux dont il s’agit , le changement qu’ils doi-
vent subir après la naissance , afin que se con-
tractant avec une force supérieure à la résistance
que leur oppose le peu de fluide qui y reste ou
qui s’y introduit , ils se resserrent avec force , et
refusent de lui livrer passage.
I
( N° V I 1 1. ) 2^5
HISTOIRE NATURELLE.
Observation sur la fontaine brillante située dans
la. paroisse de Sain t - B art 11 demi , départe-
ment de L’Isère ; par JM. Bouvier apothi-
caire.
L e mot de fontaine est bien mal applique
pour cet endroit , puisque l’eau qu’on y ren-
contre n’y est qu’accidentelle. Cette prétendue
fontaine , qui depuis long-temps à été rangée
au nombre des sept merveilles du Dauphiné, étoit
située près d’un ravin , mais un cboulement de
terre , qui se fit il y a environ quinze ans , la
fit changer de place , et i eleva de quelques pieds
au-dessus de son premier niveau.
Le samedi 2.3 avril 1791 , je me transportai sur
le lieu : j’observai le terrein , qui est de nature
argileuse , et j’examinai l’eau qui s’étoit filtrée
en très petite quantité à travers cette terre;
cette eau , dont la présence est totalement
étrangère à la cause du phénomène qui nous in-
téresse , m’a semblé assez pure ; elle n^avoit
point de saveur sensible , et elle ne rougissoit
ni ne verdissoit les papiers colorés avec les tein-
tures de tournesol et de violette : sa tempéra-
ture étoit égale à celle de l’atmosphère.
La présence de l’eau sert à démontrer le déga-
gement d’un fluide élastique qui s’enflamme par
le contact des corps en ignition , et qui est du
gaz hydrogène , dont l’odeur est semblable à
celle du gaz qui se dégage pendant la dissolution
du fer dans l’acide sulfurique étendu d’eau.
Quelqu’un de Saint-Barthelemi m’a dit avoir
recueilli plusieurs fois , dans les environs de
Tome 111. N°. Y III. P
22 ,6 xa Médecine
cette fontaine , une substance semblable à de la
neige , et qui fondoit si facilement qu’il pou-
voit à peine la transporter chez lui : ce n’est que
dans l’été qu’on rencontre cette substance.
Le même observateur m’a assuré que dans
l’été le dégagement de ce gaz étoit si considé-
rable qu’on voyoit continuellement une flamme
de cinq à six pieds de hauteur, et que des voya-
geurs , à son aspect , s’imaginoient voir un vil-
lage en combustion.
Il est vraisemblable que l’inflammation de ce
gaz tient à l’équilibre du fluide électrique qui
s’établit entre la terre et les nuages.
Seroit-ce à un sulfure décomposé qu’est dû le
dégagement de ce gaz ? Si cela étoit ainsi , le
gaz hydrogène seroit sulfuré , et celui que j’ai
observé n’étoit pas de cette nature.
Seroit-ce plutôt à la présence d’une tourbière?
Alors le gaz brûleroit lentement , et seroit for-
tement chargé de carbone et d’acide carbonique.
Il faudroit faire des fouilles dans cet endroit ;
elles seroient sûrement de quelque utilité à la
science, car, depuis 1400 ans , ce phénomène
existe, et saint Augustin , chap. VII , liv. XXI
de la Cité de Dieu , fait mention de la fontaine
brûlante située dans le voisinage de Grenoble.
ANATOMIE.
Observation sur un vice de conformation de
.l’ extrémité supérieure , par M. A. P. Brasdor.
Vers l’année 1787 François Souchard naquit
avec le seul bras droit , et 11’ayant , de toute
l’extrémité supérieure gauche , que l’épaule et
un doigt réunis l’un à l’autre par les parties
snollei» le bras â l’avant-bras et le reste de la
ECLAIREE, etC. 227
main manquoient totalement de ce côté. Il est
peut-être bon de remarquer que la mère de
François Souchard avoitdéjaeu, avant celui-ci,
un enfant mal conformé : j’ignore également,
et le genre de cette vicieuse conformation, et sa
cause présumée. Quant à celui qui fait le sujet
de cette observation, j’ai appris que la mère lui
donnoit pour cause la vue habituelle d’un christ
dont le bras gauche étoit cassé , et auquel elle
avoit tenté plusieurs fois et inutilement de recol-
ler ce bras. Les explications de ce genre ne
manquent guères aux femmes , sur-tout à celles
dont l’ignorance et la superstition peuvent excu-
ser la crédulité. J’ignore si l’imagination des
femmes enceintes a quelque influence sur l’enfant
renfermé dans leur sein ; mais je suis très- per-
suadé que celle des femmes accouchées influe
beaucoup sur les explications qu’on ne manque
presque jamais de donner des difformités de
naissance. Sans doute il n’est pas arrivé à une
seule femme de prédire qu’elle accoucheroit de
tel ou tel monstre ; mais après un accouchement
de cette nature , la mère , troublée par cet évène-
ment , et impatiente de lui trouver une cause ,
se retrace la foule des images qui l’ont frappée
pendant sa grossesse , et saisit avec avidité quel-
que analogie qui puisse expliquer un évènement
toujours imprévu. C’est-là, je crois, la source
de toutes ces explications illusoires, parmi les-
quelles peut aussi être rangée celle que je viens
d’exposer.
Le 10 février de cette année 1792, François
Souchard tomba dans un escalier très-rapide,
la tête la première , et du côté gauche : la priva-
tion du bras de ce côté l’empêcha de modérer
sa chute. L’accident étoit arrivé vers midi j ce
ne fut qu’à dix heures du soir que les pareils
P 2.
N
228 La Médecine
demandèrent clu secours. Je supprime ici tous
les détails de la maladie : il me suffit cle dire
que toutes les ressources de l’art ayant été em-
ployées inutilement , le malade mourut le samedi
suivant. J’obtins de ses païens ia permission de
faire l’ouverture du cadavre. Je trouvai un en-
gorgement considérable dans les sinus de la dure-
mère et les vaisseaux extérieurs du cerveau.
La couleur de ce viscère , à sa partie supérieure
et de chaque côté des vaisseaux gonflés par le
sang , annoncoit un commencement de suppii-
J 1 ** • 1 / • 1 • •
ration ) les ventricules etoient remplis d une sé-
rosité sanguinolente. Cet examen fait , ainsi que
celui des autres cavités , j’emportai l’épaule ,
dont je vais maintenant faire l’exposition : je
la décrirai d’abord recouverte des tégumens ,
puis dépouillée de sa peau et clu tissu cellulaire.
Cette épaule , recouverte des tégumens , pa-
roissoit moins volumineuse qu’elle ne devoit
l’être relativement à l’àge et à la stature du
sujet. La clavicule et i omoplate paroissoiént
être dans leur situation respective ordinaire.
La forme de ces os n’offroit aucun changement ,
si ce n’est qu’entre l'apophyse coracoïde et
l’acromion , et au-dessous de ces apophyses , au
lieu de la dépression que la cavité glénoïde
devoit y faire trouver, on srntoit une éminence
arrondie comme la tête de l’humérus , moins
saillante cependant que celle-ci , et paroissant
formée aux dépens de f omoplate. Au-dessous
de ces os pendoit une masse de chair arrondie,
au bas de laquelle , et à la distance de deux
pouces à-peu-près cle l’acromion , on voyoit un
doigt ayant la forme ordinaire et pourvu de son
ongle. Au premier coup-d’œil , je pris ce doigt
pour le pouce articulé avec le premier os du
métacarpe j mais un examen plus attentif m’y
ÉCLAIRÉE, etC. 2*9
fit sentir trois phalanges et une petite portion
d’un os du métacarpe ; au-dessus on sentoit une
espèce de cordon tendineux ou ligamenteux ,
qui lioit ce doigt à l'épaulé : celle-ci pouvoit être
eievoe , abaissée , portée en arrière , en devant
et dans les points intermédiaires. Le doigt ne
pouvoit qu’être soulevé et appliqué avec peu de
force contre la peau , à son côté interne : la
grandeur de ce doigt paroissoit être celle de la
moitié des doigts de la main droite , et comme
son développement étoit proportionnel à celui
des- os de l’épaule , j’ai cru pouvoir juger que
celle-ci étoit aus i beaucoup moins développée
que la droite , avec laquelle je ne l’ai pas com-
parée.
La peau et le tissu cellulaire étant enlevés ,
voici quelle m’a paru être la disposition des os
et des muscles. La grandeur , la position , la
forme gén érale des os de l’épaule , ainsi exa-
minées de plus près , ne m’ont offert que ce que
j’avois senti à travers les parties molles. L’émi-
nence qui occupoit la place de la cavité glénoïde
del’ omoplate m’a paru moins saillante qu’avant
l’enlèvement de la peau et du tissu cellulaire
très-abondant qui recouvroit toute l’épaule. Sa
saillie cependant étoit encore augmentée par une
membrane très -épaisse qui enveloppoït cette
éminence , s’attachoit à la base et dans tout le
reste de son étendue , glissoit sur elle sans y
adhérer. Je coupai cette membrane , et cette
section me lit découvrir une éminence très-peu
saillante , prenant naissance de 1 angle antérieur
et supérieur de l’omoDlale , précisément à l’en-
droit où cet os est ordinairement déprimé pour
recevoir une portion de la tête de l’humérus, et
terminée extérieurement par une surface arron-
die , lisse , incrustée d’un cartilage diarthrodiai
‘ r 3
23o La Médecine
et lubréfiée par la synovie. Quant au doigt et à
la portion d’os qui le soutenoit , les trois pha-
langes du premier avoient la forme ordinaire.
Je n’ai rien trouvé non plus de particulier dans
la disposition des surfaces articulaires de ces os :
la portion d’os qui soutenoit ou plutôt suspen-
doit le doigt , en s’articulant avec sa première
phalange , étoit l’extrémité digitale d’un os du
métacarpe , auquel on reconnoissoit une tête
arrondie pour son articulation énartrodiale avec
la première phalange , et qui , immédiatement
au-dessus du collet de cette tête articulaire ,
se continuoit avec un cordon tendineux , où
aboutissoient plusieurs faisceaux charnus.
Je n’a jouterai rien à cette exposition des
parties osseuses ; je passe maintenant à celle des
muscles. Parmi ceux qui lient au tronc l’extré-
mité supérieure , le grand pectoral se perdoit à
la peau : il en étoit sans doute de même du grand
dorsal , qui ne s’est pas trouvé compris dans la
section faite pour enlever l’épaule. Les autres
ont échappé à mes recherches , comme le grand
dorsal, et, par la même raison , ne m’ont rien
offert de particulier. De tous les muscles qui
s’attachent d’une part à l’épaule , cle l’autre à
l’humérus, je ne puis dire avoir trouvé que le
sur-épineux, le sous-épineux , le petit rond , le
grand rond , le sous scapulaire et le deltoïde :
quant au coraco brachial , au biceps , et au
grand anconé , autrement dit longue portion du
triceps brachial , je n’en ai trouvé aucun vestige ,
à moins qu’on ne regarde comme portions de
ces muscles, des fibres charnues qui prenoient
naissance de l’apophyse coracoïde et de la
partie inférieure de l’angle antérieur et supé-
rieur de l’omoplate. Dans ce cas les premières
seroient les extrémités supérieures du coraco
/ -
éclairée', etç. 23r '
brachial et de la courte portion du biceps $ les
secondes celles du grand ançoné. Les muscles
sur-épineux , sous-epi.neux , petit rond , grand
rond et sous-scapulaire , cpjd étoient entiers et
que j’ai pu bien examiner , occupoient sur l’omo-
plate leur place accoutumée et se terminoient ,
par leurs qxtrémités’éiternes , à la capsule, qui
recouvroit l'éminence décrite plus haut. Le del-
toïde s’attachoit aussi , comme à l’ordinaire ,
au tiers externe du bord antérieur de la clavi-
cule et au bord inférieur de l’épine de l’omo-
plate : mais ce que ees muscles offroient de plus
remarquable, c’est que de plusieurs d’entr’eux
se détachoient des faisceaux charnus particu-
liers, pour aller soutenir le doigt. Ces faisceaux
étoient au nombre de quatre. Le premier venoit
de l’extrémité externe .du grand 1 rond et de
l’apophyse coracoïde ; le seoond du muscle del-
toïde , avec lequel il se continuoit, et immédiate-
ment par quelques libres charnues , et média-
tementpar un tissu cellulaire dense $ le troisième
étoit une portion du sous-épineûx Ç le quatrième
étoit formé par le petit rond presqu’entier. Tous
ces faisceaux charnus ’descendoient en conver-
geant , unis entr’eux par d’autres faisceaux
moyens , et se terminoient à un tendoil Commun ,
qui s’identilioit , com'nïe je l’ai dit , aveclapor-
tion d’os du métacarpe articulée avec le doigt.
Ace doigt je n’ai trouvé ni tendon extenseur,
ni tendon fléchisseur ; cependant les articula-
tions en étoient mobiles , une petite capsule
entouroit chacune d’entr’elles.
Tel est le résultat de l’examen anatomique de
cette épaule monstrueuse. Ce que j’ai cru y trou-
ver de plus remarquable, est la disposition de ces
muscles particuliers f qui soutenant le doigt
sans le fléchir ni l’éténdre , le rendoient ainsi!
P4
a3s La Médecine
absolument inutile, et qui d’ailleurs , soit par
leur forme, soit par leur position, n’avoient
aucune analogie avec les muscles du bras. Quant
à l’éminence de l’angle antérieur et supérieur de
l’omoplate , à la capsule qui recouvroit cette
éminence et à l’espèce d’articulation qui existoit
en cette endroit, je crois que l’entre-croisement
des muscles sur-épineux , sous-épineux , etc.
sur cet angle antérieur et supérieur de l’omo-
plate , suffit pour rendre raison de tout cela.
Je me garderai bien de parler de la manière
dont cette épaule a pu prendre une forme bizarre.
Avant d’expliquer quelque variation de la nature
dai^s l’acte de la génération , je voudrois con-
noître d’une manière positive quelle est sa mar-
che ordinaire dans cet acte. Jusque-là je garde
sur ce point un silence que je crois très-prudent,
au moins pour moi.
PHYSIOLOGIE
Extrait d’un rapport fait à T Académie des
Sciences , d’un Mémoire de M. Séguin sur
les vaisseaux absorbans et exhalans.
L’ordre des fonctions des corps animés est
tel que toutes ces fonctions ont entr’elles des
rapports intimes, des liaisons non-interrompues,
et que l’étude de l’une conduit nécessairement
à celle des autres. C’est ainsi que M. Séguin ,
ayant pris d’abord pour objet de scs recherches
l’altération que l’air éprouve par la respiration ,
s’est trouvé comme malgré lui engagé à exa-
miner les mouvemens de la circulation et de la
pulsation des artères , qui suivent ceux de 1 ins-
piration et de l’expiration , la digestion des
aliinens et l’élaboration du chile dont les pou-
i c l a i * i b j etc. ^33
mous lui offroient un des principaux moteurs ,
et les phénomènes de la transpiration cutanée
qui tiennent immédiatement à l’existence des
premiers phénomènes de la vie , en telle sorte
que toutes ces fonctions sont , par rapport les
unes aux autres , des modérateurs dont l’action
réciproque entretient l’équilibre entre les masses
et les forces qui composent l’ensemble de la
vie des animaux. L’Académie se rappelle i’in-
térêt qu’a excité dans ses séances la lecture des
diffé rens mémoires de M. Séguin, sur la res-
. . -i . 7 .
piration , la transpiration pulmonaire et cu-
tanée. Celui dont nous rendons compte au-
jourd’hui ne lui présentera pas un intérêt
moindre ; il a pour objet l’examen d’une ques-
tion importante pour la physique animale ,
que les physiologistes ont regardée comme
terminée , et qui méritoit cependant comme
on va le voir , des recherches et des expériences
plus exactes que celles qui avoient été- faites
jusqu’ici. Il s’agit des fonctions de deux classes
de vaisseaux qui s’ouvrent à la surface du corps
humain , et que l’on a nommés vaisseaux a b-
sorbans et vaisseaux exhalans. Les anatomistes
ont admis les uns comme les autres : une
analogie bien naturelle entre ce qui arrive dans
les cavités intérieures et ce qui devoit arriver à
la peau , ne leur a même pas permis de doutef
qu’il y eût des vaisseaux destinés à absorber les
fluides dissous dans l’air ou les liquides et
même quelques solides placés sur la peau ,
comme il y en a qui portent dans l’atmosphère
une partie des liquides contenus dans nos corps.
C’est par l’action de ces absot bans ou inhalans
cutanés , qu’on expliquoit celle de beaucoup
de médicamens appliqués sur la peau , l’intro-
duction de l’eau des bains , et des matières qui
a3 4 La Médecine
y étoient dissoutes , dans le système vasculaire ,
l’intromission de différens virus contagieux , etc.
M. Séguin s’étant apperçu, dans ses recherches
sur la transpiration , que cette fonction absor-
bante de la peau ne répondoit pas aux phéno-
mènes qu’il observoit , a cru devoir interroger
l’expérience à cet égard. Haller ayant dit positi-
tivement que la peau pompoit l’eau des bains ,
et que c’étoit pour cela que le corps augmentoit
de poids et qu’il lui arrivoit la même chose
clans un air humide , par la balnéation , M. Sé-
guin a commencé par rechercher si ce phéno-
mène avoit réellement lieu , et il a senti bientôt
la nécessité d’étendre ce travail sur différentes
substances placées sur la peau : tel est le but de
l’ouvrage qui nous occupe. Nous n’entrerons
point dans le détail des nombreuses expériences
qui y sont consignées , et que l’on affoibliroit
par la rapidité nécessaire dans un rapport $ nous
nous contenterons de rappeller à l’Académie les
principaux résultats qu’elles ont donnés.
Le premier résultat tiré de trente-trois expé-
riences faites sur lui-même , c’est que le corps
n’augmerrfe pas de poids dans le bain , qu’il
perd moins dans l’eau que dans l’air, et que
cette perte suit sur-tout la raison de la tempéra-
ture de l’eau du bain ; que la perte de poids
dans l’eau à dix ou douze degrés ( baromètre a
vingt-huit pouces ) , est à celle dans l’air comme
6,5 est à 175 qu’à quinze à dix-huit degrés de
température , cette perte dans l’eau est à celle
dans l’air comme 7,5 est à 21,7 j que dans l’eau
chaude à vingt six ou vingt-huit degrés, elle est
à celle dans l’air comme i3 est à 2.3. Deux autres
personnes ont offert des résultats différens dans
ces pertes relatives , mais elles ont toujours
moins perdu dans l’eau que dans l’air. M. Séguin
iCLAIRBE, etc. 2.3 5
attribue cette perte moindre à ce que la matière
de la transpiration insensible n’est point exposée
au contact de l’air qui doit la dissoudre dans
l’état ordinaire. Il rend raison de la différence
de ces pertes à diverses températures de l’air de
la manière suivante, La perte de poids qu’on
éprouve dans l’eau à dix ou douze degrés est
beaucoup plus foible que celle qui a lieu dans
l’air , parce qu’il n’y a point de transpiration
cutanée j il n’existe alors que la transpiration
pulmonaire : celle qui se fait dans l’eau à dix-
liuit degrés est un peu plus foible que la seule
transpiration pulmonaire , parce qu’outre qu’il
n’y a point de transpiration cutanée clans ce cas
comme dans le précédent ^ l’air qui entre dans
le poumon est chargé d’humidité , et ne dissout
pas toute celle qui se dégage de ce viscère ;
enfin , la perte de poids qu’on fait dans un
bain d’eau à vingt-huit degrés est plus considé-
rable que celle qui est produite par la seule
transpiration pulmonaire dans l’air à cette même
température parce qu’alors le corps perd , et
par cette dernière transpiration , et par la sueur
qui sort des vaisseaux exhalés , en raison de
l’augmentation de mouvement du cœur et des
artères ^ qui , comme M. Seguin l’a prouvé dans
son mémoire sur la transpiration , est la seule
cause de la transpiration sensible , ou de la
sueur. Mais , malgré la différence de ces trois
résultats qui dépendent de la température de
1 eau du bain , il n’est pas moins certain qu’il
n y a point augmentation du poids du corps par
le bain et qu’il y a seulement une perte moins
forte que dans l’air , dépendante de l’absence
de celui-ci et de la privation de sa qualité dissol-
vante par rapport à la matière de la transpi-
ration. 1
2,36 LA MÉDECINE
Los premières expériences dont nous venons
d’exposer les résultats généraux les plus impor-
tans^prouvoieut bien que le corps n’augmente pas
<.le poids dans le bain , mais elles ne décidoient
point encore l’absorption ou la non absorption
par la peau j car on pouvoit objecter à leur auteur
que la perte moindre que dans l’air dépendoit de
la portion d’eau absorbée par les vaisseaux in-
lialans. M. Séguin a pensé que , pour répondre
à cette objection , il falloit faire baigner des in-
dividus dans des dissolutions de substances dont
les effets sur l’économie animale fussent bien
tranchans. Il a employé la dissolution de mu-
riate oxigéné de mercure, à des doses connues ,
en pédiluves , sur plusieurs malades attaqués
de symptômes vénériens, et il a constamment
observé que lorsque la peau étoit bien saine et
l’épiderme bien entier , il ne passoit pas de
sublimé corrosif dans leurs humeurs , ils n’éprou-
voient aucun des accidens dus à ce sel , et
aucune amélioration dans leurs maladies, tandis
que dans le cas où l’épiderme étoit affecté et
entamé , comme dans la gale , etc. ce sel péné-
troit le corps et produisoit alors les effets qui
en font reconnoître l'existence dans l’économie
animale.
Non content de ces expériences faites dans
un hôpital sur plusieurs individus malades ,
M. Séguin a cru devoir les recommencer sur
un sujet sain , les suivre avec une scrupuleuse
exactitude , jusqu’à ce qu’il eût leve tous les
doutes , et il s’est choisi lui-même pour sujet
de ces nouvelles tentatives. En tenant à un
grand nombre de reprises différentes, pendant
long-temps à chaque fois , une partie de son
bras plongée dans une dissolution connue de
subli&ié corrosif à différentes températures , et
à C L A I R i E , etc. 207
disposée dans un manchon de verre recouvert
de taffetas gommé , de manière à ce qu’il n’y
eût point d’évaporation sensible , le reste de
son corps, excepté sa bouche , étant d’ailleurs
enfermé dans l’enveloppe imperméable de taf-
fetas ciré , afin de pouvoir apprécier la trans-
piration pulmonaire comme il a voit apprécié
la perte dans l’air de la partie du bras plongée
dans la dissolution , M. Séguin est parvenu à
obtenir des résultats aussi singuliers que nou-
veaux: nous ne rapporterons ici que ceux qui
ont trait à l’absorption par la peau. Quand la
dissolution de deux gros de sublimé dans dix
livres d’eau est à dix et à vingt-huit degrés de
température , la quantité de ce sel dans le bain
est très sensiblement la même après l’expérience
qu'au paravant , et conséquemment il n’y en a
pas d’absorbé ; mais dans la même dissolution,
à dix-huit degrés , si la presque totalité du
bras très-sain, et dont l’épiderme est bien entier,
y reste plongée , il y a par heuie 1 , 2.
grains de sublimé absorbé , quoique l’eau du
bain qui tenoit cette portion de sublimé en
dissolution ne soit point elle-même absorbée.
M. Séguin tire de ce singulier résultat l’in-
duction que ce n’est pas par les vaisseaux
lymphatiques que se fait cette absorption du
sublimé , car ces vaisseaux absorberaient bien
plus facilement l’eau , qui cependant n’éprouve
pas de diminution , mais par les vaisseaux
exlialans. L’auteur explique ce phénomène
d’une manière très-ingénieuse \ il pense que
ces vaisseaux exhalans resserrés par des tem-
pératures basses telles que douze , en évacuant
des gouttelettes de sueur continuelles par un
effort plus considérable du cœur et des artères
produit par la température de vingt- huit degrés ,
238 t A M É T> E C I N E
et n’absorbant conséquemment aucune parcelle
de sublimé dans les deux circonstances , se
trouvent tellement disposés à la température
de dix-huit degrés , que suffisamment dilatés
pour que l’eau de la dissolution soit en simple
contact à leur extrémité avec l’humeur trans-
piratoire , sans être repoussée par l’écoulement
de cette humeur , comme cela a lieu à vingt-
huit degrés ; alors ce contact sans mouvement
permet à l’humeur de la transpiration de dis-
soudre de proche en proche une partie du
muriate oxigéné de mercure dissout dans le
bain , de le partager avec sa première eau de
dissolution , de se mettre avec elle dans u.n
véritable état d’équilibre , comme cela a lieu
dans toutes les dissolutions salines mêlées avec
de l’eau purq. Ainsi, suivant lui, une dissolution
saline à dix' ou à vingt-huit degrés étant mise
en contact avec la peau humaine bien saine ,
il n’y a point d’absorption ni de la part de
l’eau ni de la part du sel \ la même dissolution
à dix-huit degrés , mise en contact avec la peau
qui ne transpire point dans l’eau à cette tem-
pérature, permet à l’humeur de la transpiration
de partager le sel de la dissolution jusqu’à l’é-
quilibre de saturation, et de le porter dans la
circulation : cet effet n’a pas lieu lorsque
les pores des v-aisseanx exhalans sont resserrés
par une température basse ou traversés par les
cour an s de sueur qui repoussent la dissolution
de sel. Les vaisseaux lymphatiques n’enlèvent
ni solide, ni liquide , ni fluide élastique à la
surface du corps ; les vaisseaux exhalans n’ab-
sorbent jamais ni solide insoluble , ni liquide,
ni gaz , parce qu’ils sont toujours pleins de la
liqueur transpirable. L’absorption qui n’a lieu
que dans une certaine température , et qui
ECLAIREE, etC. 2,39
tient à la tendance à l’équilibre entre un liquide
non saturé et un liquide saturé , est par cela
même très-bornée.
M. Séguin , en poursuivant la description de
ses expériences , confirme les assertions précé-
dentes , par l’histoire de plusieurs malades
vénériens , chez lesquels la dissolution de su-
blimé employée en lotion n’a rien fait tant que
l’épiderme n’a point été entamé 5 d’autres à qui
le sublimé ainsi que le muriate d’ammoniaque
et de mercure ou le sel alembroth , appliqués à
sec , n’ont produit d’effets que lorsque la peau
s’entamoit par l’âcreté de ces sels ; de quelques-
uns qui n’ont éprouvé ni érosion , ni action
conséquemment du muriate de mercure ou
mercure doux appliqué sur la peau. Le tartrite
d’antimoine et de potasse ou le tartre stibié ,
appliqué ainsi sur le ventre , a purgé après
avoir produit des boutons dans le lieu de l’ap-
plication ; la gomme gutte , la scammonée ,
appliquées sur le ventre à sec , et recouvertes
comme les matières précédentes d’un emplâtre
agglutinatif à sa circonférence , n’ont fait naître
aucun effet sensible. L'onguent mercuriel n’agit
que par une friction qui fait pénétrer l’oxide
de mercure sous l’épiderme , et le met dans le
cas d’être absorbé 5 un onguent fait avec le
sublimé corrosif entame la peau , et devient un
des moyens les plus prompts et les plus actifs
de faire pénétrer du mercure très-oxidé dans le
torrent de la circulation.
Il n’est pas nécessaire d’entrer ici dans de
plus grands détails sur les expériences très-
nombreuses de M. Séguin , pour faire conce-
voir les résultats généraux qu’elles lui ont
fournis et qu’on peut réduire aux suivans :
i°. Les vaisseaux absorbans n’absorbent dans
2J^o La Médecine
•i %' *
aucun cas ni l’eau , ni l’air , ni les matières
qui y sont mêlées ou dissoutes ; 2°. l’épiderme
qui les recouvre exactement dans l’état sain ,
les empêche absolument de faire cette fonction ,
et ils ne l’exercent qu’au-dessous de cette croûte;
3°. Les matières dissolubles sont peu-à-peu en-
levées à l’eau qui les dissout par l’humeur de
la transpiration placée à l’extrémité des vais-
seaux exhalans, lorsque cette humeur ne coule
point en torrent comme dans la sueur ou
lorsque les vaisseaux ne sont point resserrés
comme par une température trop basse ; 40. les
matières liquides ou fluides élastiques ne sont
point admises dans les vaisseaux exhalans , tou-
jours pleins de l’humeur transpiratoire qui y
séjourne ou qui y est dans un mouvement
in verse à celui de l’absorption ; 5°. les matières
caustiques sèches ne sont absorbées qu’après
avoir détruit et corrodé l’épiderme ; 6°. les
matières sèches non solubles ne peuvent passer
dans le système lymphatique , que lorsque par
une friction plus ou moins forte on les a fait
pénétrer à travers les mailles et les pores de
l’épiderme jusqu’à l’espace ou s’ouvrent les
bouches des vaisseaux absorbans.
A ces énoncés , qui résultent immédiatement
des expériences indiquées, M. Séguin en ajoute
d’également importans/qui ne sont que des con-
séquences nécessaires des premiers et dont nous
exposerons ici les principaux : i°. les maladies
épidémiques se contractent par la voie de la
respiration , et les miasmes dissous dans 1 air
déposé dans les poumons sont absorbés par
les vaisseaux absorbans de ces viscères qui ,
dépourvus d’épiderme , jouissent d’une force
absorbante très-entière ; 20. le diabète ne pro-
vient point de l’eau absorbée dans l’air par la
peau,
ÉCLAIRÉE, etC.' 24 1
peau , mais du reflux de celle qui ne peut pas
être enlevée aux poumons par l’air trop chargé
d’humidité 3 3°. les amas d’eau ou les diverses
espèces d’hydropisies ne dépendent que de la
d;fférence d’action entre les vaisseaux absor-
bans et les vaisseaux exhalans ; 4°* 1 absorption
commune dans les absorbans par le vuide qui.
y est produit, soit par la diminution de pres-
sion , soit par celle des stimulus , leur structure
valvulaire interne , détermine le mouvement
des fluides de leur extrémité vers le système des
vaisseaux sanguins ; 5°. les matières âcres et
stimulantes , en faisant contracter les vaisseaux ,
arrêtent l’absorption 3 l’affinité des substances
à absorber avec les vaisseaux absorbans dé-
termine également cette fonction 3 telle est la
différence d’action des matières nourrissantes
et des purgatives , par rapport au système des
vaisseaux absorbans abdominaux ; 6°. enfin les
virus contraires pénètrent par les poumons 3
l’épiderme est un rempart qu’ils ne peuvent
franchir dans l’état sain et dans l’intégrité par-
faite de ce tissu , et ils ne peuvent pas être
absorbés par la peau.
MÉDECINE PRATIQUE.
Suite du compte rendu sur V électricité médicale î
par M. Mauduit.
Un grand nombre d’électriciens regarde la
suppression des règles comme l’accident contre
lequel l’électricité a un effet plus général e plus
pomplet. Je pense , d’après Les observations que
ai faites , que l’électricité est un moyen de
emédierà la suppression des règles dans les cas
3 s plus fréquens, d’une manière plus prompte.
Tome 111. N°. VIII. Q
2,4% l a Médecine
moins fatigante , plus certaine , accompagnée
de- moins de risques que tous les autres moyens
connus et usités contre le même accident : ruais
je crois que l’électricité 11e réussit pas dans tous
les cas de suppression , et qu’il en est dans les-
quels il seroit imprudent de l’employer sans pré-
caution.
Lorsqu’une cause physique ou morale arrête
le cours des règles et suspend leur retour pério-
dique dans une femme d’ailleurs bien portante
et bien constituée ; (pie la suppression est la
maladie essentielle, et non un symptôme, alors
l’électricité, bien administrée , rétablit le cours
supprimé , ou le renouvelle à son période , sans
qu’il soit besoin que d’un traitement de fort peu
cle jours; elle agit plus sûrement, en moins de
tempte, en altérant moins les diverses fonctions
qui ne sont pas lésées que 11e le font les autres
moyens : en effet, les emméïiagogues, la sai-
gnée , sont des remèdes violens et qui usent
les forces. L’électrieùe ne paroît accompagnée
d’aucun danger , mais il est des cas dans lesquels
je lui ai trouvé bien peu ou point d’efficacité ;
elle ne m’a jamais réussi , quoique je l’aie em-
ployée assez souvent pour les jeunes personnes
qui ont passé l’âge où les femmes sont ordinai-
rement réglées , sans qu’elles le fussent encore
devenues ; elle a été également toujours inutile
à celles qui , n’étant pas réglées par le défaut
de force , étoient dans un état de langueur , de
foiblesseet d’atonie, et souvent à celles dont la
fibre trop tendre , trop irritable , ne permettoit
pas sans doute la dilatation des vaisseaux de
l’utérus, nécessaire pour L’écoulement du fins
périodique , qui péchoient par un excès de vi-
gueur , et étoient dans un état pléthorique. J’ai
réussi deux fois dans ce dernier cas , en faisant
1
ÉCLAIRÉE, CtC. 243
précéder l’électricité par les demi-bains et la sai-
gnée au pied : je crois que l’apparition du flux
menstruel doit se rapporter , même pour les
deux faits dont il s’agit , à l’action de l’électri-
cité , parce que les demi-bains et la saignée au
pied , employés précédemment , ne l’avoient
pas déterminé , même à différentes époques, et
que ce flux s’est établi peu après l’emploi de
l’électricité , à la suite immédiate des mèmès
moyens qui ne me semblent, dans le cas présent, ;
avoir été que préparatoires et prédisposans.
En électrisant une jeune fille fortement cons-
tituée , dont la fibre pêche par excès de tension ,
ne doit-on pas craindre que l’action active et ir-
ritante de l’électricité n’augmente les obstacles;
qu’une personne dont la fibre pêche par un excès
de tension , et qui est en même-temps dans un
état pléthorique , ne soit exposée par l’action de
l:éiectricité à une alternative très- dangereuse ?
Eu effet , ou l’électricité , en portant la tension
et les vibrations de la fibre , le mouvement ra-
pide c\u sang à l’excès , forcera J a résistance des
vaisseaux utérins , et les accidens se dissiperont
à mesure que le flux s’établira ; ou le sang raré-
i lé , poussé par des artères tendues et dans un
état violent d’irritation , fera irruption , ou sur
le cerveau , ou sur le poumon , dont les vais-
seaux n’auront pas assez de ressort pour résister
à son impulsion .
Je pense donc que dans le cas de suppression
accompagnée de rigidité et de pléthore , il est
toujours prudent de diminuer cet état et de le
réduire , avant l’emploi de l’électricité , à un
degré dans lequel il n’y ait plus à craindre du
stimulus qui accompagne ce remède.
Peut être dans le cas opposé réussiroit-on , si
avant i’éicctricité , et en même-temps , on em-
Q *
&44 L a Médecine
ployoit les remèdes propres à relever les forces ,
si on les ainenoit à un degré où , aidées par
l'électricité , elles détermineroient le flux mens-
truel. Il n’est rpie symptomatique dans les deux
cas dont je viens de parler , et l’électricité ne
réussit pas parce qu’on n’attaque pas précédem-
ment et en même-temps la cause , la maladie es-
sentielle à laquelle l’électricité ne remédie pas,
ou que même elle augmente.
Il y a des femmes en qui la suppression est un
symptôme de l’état spasmodique , comme il y en
a , et plus souvent , en qui cet état est un symp-
tôme de la suppression. 11 est infiniment difficile
de prévoir si on remédiera dans ces femmes à la
si ppression , ou si on n’en prolongera pas la
durée ; si on n’aggravera pas l’état spasmodique ,
parce que lien n'est plus difficile à déterminer
que l’effet de l’électricité dans les maladies ner-
veuses. 11 ester pendant arrivé que ce remède n’a
pas été contraiie à toutes les maladies de nerfs,
comme on l’avoit d’abord pensé ; qu’au contraire
il a été un très- bon remède dans plusieurs de ces
maladies : mais quelles sont celles dans lesquelles
il convient , celles dans lesquelles il nuit ? voilà
ce qu’on pourra peut être déterminer un jour,
mais que je crois impossible quant à présent.
Lors donc qu’une femme souffre en même-
temps une suppression , et qu’elle éprouve des
symptômes spasmodiques et liistériques , je çrois
qu’on peut conseiller l’électricité , employée
d’abord avec beaucoup de ménagement , et conti-
nuée ou abandonnée selon que les symptômes
spasmodiques et liistériques sont dimiuués pen-
dant son usage ou aggravés. J’ai réussi de cette
façon pour des personnes dont l’état spasmo-
dique , avant le traitement , sembloit devoir le
faire redouter et n’en faire attendre que l’aug-
i c i k i r i e , etc. 2.^5
mentation des sy al p tomes. C’est ce qui m’est
arrivé à l'égard d line jeune personne qui me fut
adressée par feu M. le Clerc , médecin de la
faculté de Paris. Cette malade étoit affectée de
symptômes liistériques portés au plus liant degré:
je craignois de les voir augmenter, et je m’y atten-
dons en commençant le traitement électrique ;
il les diminua , les calma et les dissipa au con-
traire contre mon attente , et la malade en fut
délivrée, ainsi que de la suppression, qui ne
céda qu'aprèsque tous les symptômes liistériques
avoient disparu -, ainsi il est probable qu’ils en-
tretenoient la suppression , car sa cause primitive
avoit été une frayeur violente dans le temps
périodique. La suppression avoit donc vraisem-
bla blement causé les symptômes liistériques , et
ces symptômes une fois excités, prolongoient la
suppression en entretenant le spasme.
Il me reste à dire un mot sur la manière d’ad-
ministrer l’éLectricité dans le cas de suppression.
On rétablit le cours périodique, hors les circons-
tances qui font exception et que j’ai raportées p
de quelque manière que l’on emploie Lélectri-
cité. Le bain agit plus lentement que tous les
autres moyens ; la commotion, sur-tout à travers
V utérus , plus promptement , mais ce moyen est
extrême et n’est peut-être pas sans danger : la
méthode indiquée par Parthington , électricien
angiois , agit très-promptement , dirige l’action
de l’électricité sur les seules parties naturelles „
ne fatigue point les malades et. ne paroît suscep-
tible dJ aucun inconvénient. Je la crois donc
préférable de toutes manières. Je ne ferai pas
ici la description de catte méthode , que l’on
trouvera , ou dans l’ouvrage de Cavailo , ou
dans le mémoire (pie j’ai publié sur les différentes
manières d’administrer l’électricité.
0 3
2,46 L A MÉDJ3CIKE
Les engelures ne sont regardées en généra] que
comme une incommodité et même une incom-
modité légère ; on croit à peine qu’elles méri-
tent l’attention des médecins : elles sont en effet
un mal fort léger pour les gens qui mènent une
vie aisée , qui ne sont pas forcis de s’exposer à
l’action du froid , de l’iiurnidité , de travailler
en plein air -, mais les engelures sont un supplice
pour tous ceux qui sont dans un cas opposé :
les premiers en sont rarement attaqués , les
seconds le sont très-souvent ; les enfans y sont
sur-tout sujets , mais les adultes le sont aussi
parmi la classe indigente et laborieuse. Les
engelures ouvertes, ulcérées, sont un tourment,
Sur-tout pour ceux qui sont forcés , ou de beau-
coup marcher, ou de travailler , et particulière-
ment pour ceux que le genre de leurs travaux
contraint de s’exposer à l’air , de manier des
corps froids ou humides, ou même de tremper les
mains alternativement dans l’eau chaude et dans
l’eau très froide. Puisque les engelures sont un
supplice long et très-douloureux pour un grand
nombre d’hommes, sur tout pour les pl us pauvres
et ceux qui sont forcés de travailler pour gagner
leur vie, elles méritent toute l’attention des
médecins , contre l’opinion que les gens riches ,
qui n’en jugent que parce qu’ils en éprouvent ,
s’en forment ordinairement.
Je place les engelures au troisième rang
des maladies que prévient et guérit l’électricité.
Sauvage s’apperçut le premier qu’elle est un
moyen sur de guérir les engelures , et tous
les électriciens ont confirmé depuis cette pro-
priété.
J’ai pendant deux ans de suite électrisé beau-
coup d’enfans et quelques adultes pour des
engelures. Je n’ai employé que les étincelles
ÉCLAIRÉE, etC. 2.47
pour ceux dont les engelures n’étoierit point
ouvertes , et je les ai dissipées en fort peu de
temps , au bout de six ou huit séances de dix
minutes chacune environ: j’ai employé le souffle
des pointes électrisées, touchant sur les ulcères
des engelures ouyertes , le malade n’étant pas
isolé , et faisant varier la position de la pointe
de façon cpie le soufile parcourut successive-
ment toute la surface de la partie ouverte et
ulcérée. Je n’ai guère trouvé d’engelures si
considérables qu’elles n’aient été guéries en
trois semaines par le souffle électrique. Je fai-
sois une séance pir jour de dix ou quinze mi-
nutes, selon l’étendue du mal.
La guérison des engelures par l’électricité est
donc certaine, mais on peut en outre, par le
même moyen, dissiper le mal dans son origine,
en recourant au remède aussi-tôt que le mal s’an-
nonce , ou le prévenir pour ceux qui y sont
sujets chaque hiver , en prenant quelques séan-
ces électriques au retour des premiers froids.
M. Girault , médecin de la faculté de Paris ,
m’adressa à l’automne huit ou dix enfans
d’une pension dont il étoit le médecin, sujets
à de fortes engelures tous les hivers : aucun n’en
eut , ayant été électrisés au commencement de
l’automne. Un grand nombre de boursiers du
collège de Montaigii me vint trouver dans le
même hiver ; la plupart avoient des engelures
ouvertes très-étendues, quelques unes formant
des ulcères très-profonds : tous furent guéris,
quoique le traitement ait été fait par un temps
de gelée , que la terre fut couverte de neige et
que ces messieurs ne cessassent pas de prendre
leur récréation dans la cour du collège.
Un traitement électrique public seroit donc
un très grand bienfait pour un nombre fort con-
24S La Médecine
sidérable de pauvres citoyens , qui se rendroient
au lieu du traitement, n'y passeroient que quel-
• ques minutes chaque jour , et qui, faute d’un
moyen d’un usage aussi facile , qui dépense
aussi peu de temps , qui ne coûteroit rien d’ail-
leurs , passent trois ou quatre mois chaque
année dans un état malheureux , et dont plu-
sieurs sont contraints d’interrompre leurs tra-
vaux , dont beaucoup d’autres 11e les conti-
nuent qu’à force de courage et nu prix des
tourmensque les engelures leurs causent. Je sais
qu’il est nombre de remèdes, même peu dispen-
dieux ou gratuits , qu’on propose contre ce mal ;
mais je ne crois pas qu’il y en ait aucun dont
l’effet soit aussi sûr , aussi prompt , l’usage
moins gênant.
Je range d’après les faits nombreux dont j’ai
été témoins , et des faits pareils publiés par
différons observateurs, le rhumatismes au nom-
bre des maladies contre lesquelles l’utilité de
l’électricité est avérée ; mais cet objet exige
que j’entre dans des détails, car la diffé-
rence dans la nature, l’intensité, la date du
rhumatisme , en apporte beaucoup dans sa cu-
rabilité par l’électricité, et dans la manière ou
plutôt le moment d’employer ce remède.
Lorsque le rhumatisme est aigu, et accom-
pagné de symptômes inflammatoires , d'une
fièvre violente , recourir d’abord à l’électricité ,
rne paroîtroit un moyen dangereux , et on ne
fèroit, je crois, qu’augmenter la violence du
mal - il faut donc dans ce cas faire cl’abord
usage des caïmans , des délayans, et des anti-
ue ces
ie in-
tricité
pendant quelque temps, pour qu’ils remédient à
phlogistiques , employer l’electncite lorsq
premiers moyens ont tempéré la fougi
flammatoire , et les continuer avec Téléc
ÉCLAIRÉE, etC. 24^
ce que ce remède a de tonique et d’irritant, et
qui pourroit entretenir ou augmenter la disposi-
tion inflammatoire ; mais quand les symptômes
sont calmés en plus grande partie , alors on peut
ne faire usage que de l’électricité seule.
Quand le rhumatisme est récent et produit
par une cause accidentelle , comme une pluie
longue et froide , un vent du nord violent ,
auquel le malade a été exposé , l’entrée et le
séjour dans un lieu frais étant en sueur, ce
qu’on appelle un vent-coulis , dont la direc-
tion a eu lieu sur le membre affecté de rhu-
matisme , et dans les cas analogues , quelque
violent que soit le rhumatisme , s’il n’est pas
inflammatoire , on peut, aussi-tôt l’invasion du
mal, recourir à l’électricité , faire de longues
et de fréquentes séances , et plus le malade
sera électrisé , plutôt il sera soulagé et guéri.
Je n’ai vu aucun malade dans le cas dont
je viens de parler, qui n’ait été guéri en huit
jours au plus , et souvent moins.
Un ouvrier en boutons de métal souffroit ,
depuis trois jours , d’un rhumatisme qui s’éten-
doit sur les reins, l’omoplate et le bras jusqu’au
coude du côté droit : cet homme , seul dans
sa chambre , n’avoit pu se déshabiller depuis
trois jours 5 il les avoit passés en plus grande
partie sur son lit ; la viole ce des douleurs
ne lui avoit pas laissé prendre une heure de
sommeil de suite. Il vint me trouver le qua-
trième jour à demi courbé, ne pouvant se re-
dresser , ni faire aucun mouvement de son bras:
je l’examinai, il me parut bien constitué , le
pouls étoit élevé et fréquent plus que dans l’état
naturel , mais sans ardeur ni rongeur i la peau ,
et s ms qu’aucur symptôme annonçât un état
inflammatoire. Le malade avoit été exposé
J JO La Médecine
à une pluie froide dans un voyage à pied , et
dans la nuit même il avoit été atteint du rhu-
matisme , sans en avoir auparavant jamais
éprouve de douleur. Je l’électrisai après avoir
constate son état : la séance fut d’une demi-
heure, Je lui prescrivis pour boisson la décoc-
tion d’un gros de salsepareille et d’autant de
sqnine, dans cinq demi -sep tiers d’eau réduits
à une pinte \ de tâcher d’être aidé et secouru
par quelqu’un , de se mettre au lit et de boire
de la décoction aussi abondamment qu’il le
nourroit. Il revint le lendemain matin , redressé,
commençant à mouvoir son bras : n’ayant pu,
ou n’ayant voulu a'ppeller personne à son se-
cours , il avoit fait la décoction , s’étoit mis
au lit sans se déshabiller, avoit bu de sa ti-
sane placée à côté de lui, avoit sué, et com-
mençant sur le soir à se trouver soulagé, il
s’étoit levé, s’étoit déshabillé et remis au lit.
La sueur avoit repris son cours , il s’étoit en-
dormi vers le milieu de la nuit , et le sommeil
avoit été de quatre à cinq heures sans interrup-
tion. Le malade s’étoit habillé sans trop de
difficulté , n’ayant pu seulement retourner en-
core le bras pour mettre son coi. Il prit nue
séance fie trois quarts-d’heure , passa la jour-
née comme celle de la veille , et m’assura
le troisième jour qu’il ne sentoit plus que de
légères douleurs par intervalles. Il reprit son
métier le sixième jour , et en tout huit séances
électriques. Je l’engageai à me donner de ses
nouvelles de temps en temps. Tl étoit devenu
incommodé en novembre, et il me rendit di-
verses visites jusqu’au milieu du printemps,
dans lesquelles il m’assura qu’il j 'avait ressenti
aucune douleur depuis son traitement.
Lç fait que je viens de rapporter est un des
. Eclairée, etc. ^5ï
plus frappans dont j’aie été témoin , soit par
la promptitude du succès, soit à cause de l’in-
tensité du mal : mais j’ai traité beaucoup de
malades dans des cas analogues ; tous ont ob-
tenu un succès qui répond à celui dont il vient
d’être question.
Les personnes auxquelles j’ai administré
l’électricité pour cause de rhumatisme , qui
avoient précédemment ressenti des douleurs
de ce genre , qui les éprouvoient sans une
cause décidément déterminante et marquée ,
mais par une suite de leur tempérament , plus
susceptible que ne le sont les hommes bien
constitués, des influences de l’atmosphère, dont
la crise actuelle étoit récente , ont constam-
ment été soulagés très-promptement , et le pa-
roxisme qui., d’après les paroxismes précé-
dens , auroit probablement été long , a été ter-
miné en peu de jours ; mais l’électricité n’a pas
remédié à l’état de foiblesse et de propension
à être affecté de rhumatisme. Les paroxismes se
sont fait sentir par intervalles comme parle passé.
Ne peut-on pas conclure des faits précédens
que l’électricité dissipe souverainement , très-
promptement et sans retour, le rhumatisme
accidentel et récent 5 qu’elle abrège et dissipe
le paroxisme du rhumatisme dans les personnes
sujettes par intervalles à ce genre d’infirmité,
sans remédier à la constitution qui les assujétit
à ce genre d’incommodité ? Mais l’électricité
est un remède avantageux pour ces personnes
même , puisqu’elle arrête et dissipe dans son
origine, en quelques jours d’un traitement très-
facile , un paroxisme qui auroit été très-dou-
loureux , qui auroit duré plusieurs semaines ,
souvent plusieurs mois , et quelquefois toute
la saison froide.
O •) O
y-»
La Médecine
Lorsque le rhumatisme succède, comme il
arrive souvent a une longue habitation dans
un lieu humide, ou au passage fréquent de
1 exercice a 1 inaction , en demeurant exposé
a. i air , au froid ou à l’humidité , comme y
sont exposés les hommes qui travaillent , tantôt
et successivement à l'air libre et dans des caves ,
dans des souterreins, s’il est récent , l’élec-
tricite y remédie , mais en y consacrant pins
de temps que dans les cas précédens, sans
en m 1 pécher le retour , si on ne change pis
cl habitation ou de manière de vivre. Si le
rhumatisme est invétéré , l’électricité même
en la continuant très- long-temps , diminue l’in-
tensité des douleurs , quoiqu’on ne change
ni d’habitation ni de genre de vie ; elle rend
les; mouvemens moins difficiles, mais ne guérit
pas ; cependant elle est utile même dans ces
circonstances , car en y ayant recours par in-
tervalles, pendant quelques jours, ce seroit un
prophylactique qui , s’il ne prévenoit pas tous les
paroxismes , les éioigneroit au moins , en abré-
geroit la durée et en diminueroit la violence; et
qu’on n’oublie pas combien l’emploi de l’électri-
cité est facile , et dépense peu de temps J Je crois
prouver, par les détails dans lesquels je viens
d’entrer, qu’on est fondé à la regarder comme
très-utile contre le rhumatisme; que comme ce
ma! est très-commun parmi les pauvres , ce seroit
leur faire un grand bien que de leur procurer un
traitement électrique , auquel ils pussent re-
courir dans les attaques de rhumatismes. La
meilleure méthode d’employer l’électricité con-
tre le rhumatisme , m’a paru celle que les anglois
appellent à travers la flanelle $ elle consiste à
couvrir la partie douloureuse d’une flanelle
qui soit appliquée immédiatement sur la peau,
ÉCLAIRÉE, etc. 2.5a
sans former de plis , à promener sur cette fla-
nelle , ou sur les vêtemens qui la recouvrent,
le malade étant isolé , la boule d’un excitateur
non isolé. Le malade sent un prurit à tous
les points correspond ans à ceux que la boule
parcourt , et assez souvent les parties élec-
trisées se couvrent de sueur dans le lit , quoique
le malade ne sue pas dans le reste de sa personne.
Ma coutume est de faire concourir avec l’é-
lectricité, l’usage de la décoction de squine et
de salsepareiUe. Je crois que cette décoction aide
l’action de l’électricité ; mais je ne pense pas
qu’on doive lui attribuer le succès, parce que cette
décoction seule , comme on l’emploie souvent,
ne produit pas des effets qu’on puisse comparer
à ceux qu’on obtient par l’électricité , dont on
fait en même-temps usage.
Je crois devoir , en ne jugeant que d’après
les faks dont j’ai été témoin , borner l’utilité
reconnue et avérée de l’électricité aux quatre
maladies précédentes; mais il en est un plus
grand nombre contre lesquelles les observa-
teurs , et en particulier les auteurs angiois , as-
surent que l’électricité est également tuile. Cette
assertion d’un grand nombre de physiciens,
l’expérience que j’ai faite dans beaucoup de
ces maladies, me font penser qu’on est au
moins fondé à regarder l’emploi de l’électricité
contre ces maladies, comme d’une utilité t.ès-
probable , et dont la preuve n’a besoin que ce
nouve'les expériences qui la confirment.
Plusieurs maladies des yeux sont celles contre
lesquelles il est probable que l’électricité four-
niroit des secours plus avantageux. Nous devons
les premières découvertes en ce genre , et la
manière d’administrer l’électricité dans les cas
dont il s’agit, aux physiciens angiois. J'ai depuis
25zf l a Médecine
vérifié plusieurs de leurs observations, et d’autres
médecins franc ois en ont également reconnu
la vérité. Les maladies des yeux dont il s’agit,
sont l’oplitalruie , soit aiguë , soit chronique ;
l’engorgement des membr anes , l’opacité pro-
duite par cet engorgement , celui des paupières
et des glandes situés à leur bord, les ulcères
de ces glandes et ceux de la cornée, soit opa-
que , soit transparente. J’ai employé plusieurs
fois l’électricité dans les cas dont je viens de
faire l’énumération ; elle a toujours réussi com-
plètement et avec une célérité qui m’a surpris.
M. Toulon , médecin de la marine à Toulon,
M. Vivers , chirurgien de l’hôpital de Ro-
chefort , ont de même obtenu de semblables
succès dans les mêmes cas, et ils en ont, en
différent temps , rendu compte à la société
de médecine. Pendant deux ans que j’ai suivi
les malades du dépôt de médecine à Saint Denis ,
j’ai, en divers temps, répété les mêmes expé-
riences, toujours avec succès. Les anglois disent
que l’électricité est employée avec le plus grand
succès contre l’ophtalmie la plus aiguë, dans
le moment de sa plus grande violence , et
qu’elle la dissipe plus sûrement , plus promp-
tement qu’aucun autre moyen , loin d’irriter
et d’augmenter les symptômes inflammatoires.
Je n’ai pas fait usage de l’électricité dans ce
cas, je ne puis rien assurer de moi-même , mais
je l’ai administré à un homme dont l’état étoit
celui de cuisinier, dans une maison où il avoit
tous les jours un travail fort long , et à faire
usage de beaucoup de feu ; il n’en supportait
l’éclat qu’avec une peine extrême , celui du
jour seul l’incommodoit. L’ophtalmie étoit
vive , récente , sans être très-aiguë ; elle a été
dissipée en huit à dix séances, quoique le ma-
ÉCLAIRÉE, etC. 2j5
îâtle n’ait pas interrompu son travail , si nui-
sible à son état.
On employé le souffle électrique dans les
maladies dont je viens de parler , dirigé sur les
parties affectées ; on lui trace même son cours
à travers les parties, selon les cas. Je n’entrerai
pas ici dans des détails qu’on peut trouver dans
l’ouvrage de Cavallo, ou dans le Mémoire que
j’ai publié sur les différentes manières d’admi-
nistrer l’électricité.
La goutte sereine est la maladie des yeux
contre laquelle les physiciens ont le plus sou-
vent tenté l’emploi de l’électricité. Je l’ai moi-
même administrée à un assez grand nombre
"de malades privés de la vue par une goutte
sereine. Quelques observateurs certifient avoir
guéri plusieurs malades , et pensent que l’élec-
tricité est ie remède contre ia goutte sereine :
selon les auteurs anglais , on n’en guérit jamais
quand elle date de plus de deux ans, et on la
dissipe quelquefois quand elle est plus récente.
Je certifierais , comme si j’en usse été témoin ,
la guérison d’une goutte sereine par l’électri-
cite , parce que le fait m’a été communiqué par
M. de Sa ussnre , dont la capacité pour juger
du genre de la maladie , et l’exactitude dans
l’énoncé des faits , ne sauraient être mis eu
doute par personne. Je no dirai rien des autres
cures de la goutte sereine publiées par des ob-
servateurs qui ont pu ou se tromper sur la na-
ture de la maladie, ou qui n’ont pas été exacts
dans leur récit. Je concluerai d'après l’observa-
tion de M. de Saussure , des commencemens de
succès que j’ai souvent obtenus , d’un succès même
qui probablement eût été complet sans l’obsti-
nation inconcevable du malade à dicontinuer le
traitement , fait dont M. Geoffroi et plusieurs
2d6 La Médecine
autres cle mes confrères ont été témoins , qu’il
est probable qu’on réussiroit quelquefois , mais
très - rarement , à guér ir les malades privés
de la vue par la goutte sereine ; ce seroit encore
une ressource précieuse , puisqu’il n’en existe
pas d’autre jusqu’à présent contre cette cruelle
maladie , et c’en est assez pour essayer i’é-
lectricité. La manière de l’employer est par de
légères commotions à travers le globe de l’œil ;
on les fait passer de la cornée , 1 œil étant fer-
mé, à la nuque du cou , d’une tempe à l’antre.
On doit se servir , dans cette opération , de la
bouteille disposée avec l’électromètre de Làne ,
de manière à graduer à volonté les commotions.
On peut les donner d’un quart de ligne aune de-
mi-ligne d’écartement entre les deux boules,
et il faut les répéter quatre , cinq fois par jour *
en faisant supporter de vingt à soixante pour
chaque œil par séance ; quelques légères qu’on
les donne , elles occasionnent des étourdis'
semens , des maux de tête , et ces effets in-
quiétans sont communément cause que les
malades renoncent au traitement avant qu’on
puisse savoir quel auroit été son effet* Cepen-
dant ces symptômes ne sont pas aussi dangereux
qu’on pourroit le croire ; ils ne le sont même
pas. La femme traitée et guérie par 1VL de
Saussure recevoit des commotions plus fortes
que celles que je conseille à chaque seance ,
elle éprouva de violens maux de tête pendant
tout son traitement, eut le courage de les sup-
porter , guérit et jouissoit cinq ans apres d une
santé parfaite , ainsi que de la vue qu’elle avoit
recouvrée.
/
( N° X. )
2.89
PHYSIQUE MÉDICALE.
Suite de V extrait d’un, article du Dictionnaire
encyclopédique de Médecine , sur l' électricité
atmosphérique ; par M. Iiallé.
101. L’état habituel d’électricité positive du
globe terrestre, et l’état presque toujours négatif
des corps atmosphériques ont fait penser à plu-
sieurs physiciens que la foudre s’éîançoit aussi
presque toujours de la terre vers la nue ; plu-
sieurs exemples où la foudre est réellement et
sensiblement partie du globe , confirmaient cette
opinion. Les désordres qu’elle occasionne sur
les corps terrestres ne la détruisoient pas , parce
que l’on conçoit aisément que dans une. explo-
sion pareille le corps duquel part l’explosion
peut être affecté d’une manière aussi violente
que celui vers lequel elle se dirige. Néanmoins
les apparences les plus ordinaires ont toujours
fait croire que la foudre partoit de la nuée.
102. La difficulté qui naît de cette contradic-
tion apparente , paroît entièrement levée par
l’expérience de M. Mauduyt. Qu’arrive-t-il dans
cette expérience ? Dans le premier temps , l’élec-
tricité communiquée au globe, est absorbée en
silence par la vapeur aqueuse qui , par rapport
à lui , se trouve comme la nue par rapport à la
terre dans un état négatif. G’est le propre des
vapeurs aqueuses d’anéantir tous les phén omènes
électriques dans le temps qu’elles reçoivent ce
fluide des conducteurs électrisés.
103. Dans le second temps , la surcharge com-
mence à se manifester dans la doublure de la
jarre , et les étincelles s’élancent, non du globe
7W///.N°. X. T *
2.90 La Médecins
vers cette doublure , mais de cette doublure sur
le globe. Ainsi la doublure a déjà passé à Tétât
positif relativement au globe. En effet , l’élec-
tricité communiquée au globe se répand à me-
sure sur la vapeur et sur la doublure , mais de
celles-ci elle ne passe à aucun autre corps , parce
qu’elle est contenue parle corps non-conducteur
eu le verre qui les environne.
104. Dans le troisième temps , la vapeur, qui
est plus longue à se surcharger que la doublure ,
prend enfin une forte surcharge , toutes ses
parties deviennent lumineuses , et le feu élec-
trique réuni dans un sillon fond sur le globe
avec un bruit d’autant plus éclatant que la ma-
tière qui a produit la surcharge étoit plus abon-
dante. La décharge faite, il faut une nouvelle
surcharge pour produire une nouvelle déto-
nation.
105. Dans le quatrième temps , la vapeur
étant détruite , comme Ta dit M. Mauduyt , le
phénomène n’a plus lieu et ne peut se renou-
veler que par l’introduction d’une nouvelle va-
peur. C’est dans cette partie de l’expérience
qu’il reste à faire beaucoup de recherches pour
connoître l’état précis auquel est passée la va-
peur lorsqu’elle est devenue incapable de rece-
voir une surcharge nouvelle.
106. Quoiqu’il en soit, n’est-on pas très-porté
à croire que dans le temps qui précède un orage,
dans ce temps où tous les animaux sont dans un
accablement si singulier, où l’électricité aérienne
s’anéantit ( 80 , 84 ) , toute cette électricité se
porte sur la nue avec une extrême rapidité. Si
elle n’est pas assez considérable pour y produire
une prompte surcharge , l’orage est différé, et
Ton sait que l’espèce d’anéantissement qui pré-
cédé les détonations orageuses dure souvent
£CLAl|BE,j CtC, 291
très-long-temps. , et quelquefois plusieurs jours.
107. Presque toujours l’orage, est précédé d’é.-
clairs ou de grondemens sans éclat j alors c’est
entre les nuées que toute la scène se passe ;
il semble que la nue surchargée se décharge
sur celles qui le sont moins, et quelques orages
se bornent à ces foi blés détonations où les
nuages semblent seulement s’équilibrer les uns
aux autres.
108. Mais c’est lorsque la foudre .éclate et
fond sur le globe qu’on entend ces bruits déchi-
rans dans lesquels le ciel paroît en feu , et -où
le trait qui traverse l’air semble sillonner la nue
nty laisser quelques temps une empreinte em-
brasée. Des flots d’eau terminent la scène ,
épuisent la nue, et le calme se rétablit.
109. Il en résulte , quoique les nuages soient
avant l’orage, relativement à l’air et au globe,
dans un état négatif, que la foudre peut, dans
ce cas même , partir de la nue et peut réelle-
ment être , comme elle en a l’apparence , la
décharge d’un état électrique positif, état que
paroît recevoir la nue du globe , puisque le
globe , comme on l’a observé , perd subitement
son état positif par l’approche d’une nuée
électrisée négativement.
Exemples de contre-coups électriques .
110. Cette théorie de la foudre 11’est nulle-
ment en contradiction avec celle de M. Mahon.
Il pense que souvent dans le moment où la
foudre part d’une partie de la nue , il arrive que
vers la partie opposée et même fort loin du lieu
où s’est faite la décharge foudroyante, les corps
exposés à l’atmosphère électrique de cette
même nue , sont frappés par le seul effet d’un
T a
292 JC A MÉDBCINE
contre-coup électrique , suivant la théorie et le*
expériences rapportées ci-dessus ( 63 et suiv. ).
in. Il cite plusieurs faits ( principles ofelec-
tricity , §. û23- — 3û2 ) qui semblent démontrer
cette idée. Plusieurs personnes , dit-il , fort dis-
tantes les unes des autres , ont été à la fois et
du même coup frappées de la foudre. Des
animaux ont été frappés à une grande distance
du lieu de l’éclair. On a vu des personnes
frappées de la foudre n’avoir éprouvé d’altéra-
tions que dans leurs pieds et dans leurs chaus-
sures déchirées et mises en pièces , c’est-à-dire ,
dans la partie la plus proche du sol ,, ou dans
celle par laquelle le contre coup doit se faire au
moment où la nue éprouve loin delà une dé-
charge subite ( 73 , 74 > 75 , 76 ). En effet , les
cuirs des chaussures , ainsi que beaucoup d*au-
tres corps intermédiaires entre le sol et l’homme,
étant des conducteurs imparfaits , ne peuvent
F as être considérés comme établissant du sol à
homme une communication immédiate. On a
vu encore une personne , touchant un paraton-
nerre dont la conduite étoit interrompue, rece-
voir une violente commotion au moment où un
éclair partoit très-loin de l’endroit où il étoit
situé-; enfin on a vu dans une semblable inter-
ruption paroître une lumière brillante et subite
au moment où , à une grande distance de ce
lieu , un éclair partoit de la nue.
112. Je bornerai à ce peu de réflexions toute
la théorie de l’électricité atmosphérique. D’après
cette théorie , on concevra aisément comment ,
suivant les variations de la propriété isolante
de l’air, suivant le nombre et la disposition
des corps atmosphériques , suivant la force de
la charge électrique que reçoit le globe avant
de la communiquer à ces corps, les phénomènes
ÉCLAIRÉE, €tC. 293
électtiq'ues doivent varier dans les différentes
heures du jour, dans les différentes saisons de
l’année , dans les différens climats du globe.
n3. On conçoit comment très-peu d’orages
ont lieu le matin depuis une heure avant jus-
que deux heures après le lever du soleil ;
2u’au contraire le très-grand nombre arrive
epuis trois ou quatre heures après midi jus-
que dans la nuit. Le refroidissement qui a lieu
à l’heure du lever , la rosée qui se forme alors,
les vapeurs qui s’élèvent ensuite , tant du sol
que de la surface des rivières , forment un im-
mense moyen de communication qui ôte à l’air
~5a propriété isolante. Dans le jour, la faculté
isolante de fair se rétablit , les nuages dilatés
et en partie absorbés s’éloignent davantage de
la terre $ le soir , ils se condensent , se précipi-
tent et se rapprochent du sol ; mais dans les j ours
orageux où le serein n’a point lieu , il ne se
forme au coucher dusoleil aucune communication-
qui puisse rétablir insensiblement l’équilibre
entre le sol et les corps atmosphériques.
114.. On conçoit comment les orages les plus
violens sont ceux qui surviennent après une
saison long-temps sèche, et où l’air, ayant
long- temps conservé sa faculté isolante , a dû
devenir très-électrique ; et par conséquent pour-
quoi, dans nos climats tempérés, mais inconstans
et variables , les orages , quoique souvent très-
fréquens , sont bien moins violens que dans les
climats où les températures sèches , soit chau-
des , soit froides , se soutiennent long-temps ?
pourquoi nos étés sont orageux, tandis qu’en
Italie les orages , beaucoup plus violens que Les
nôtres, ont principalement lieu dans les derniers
mois de l’automne.
n5. On conçoit pourquoi on voit des ora-
T 3
294 Fa Mébecine
ges considérables dans les contrées très-boréa-
les , dans ces lieux où l’air long-temps sec au
milieu des glaces, est en même temps lumineux
dans' ces longues nuits où les aurores boréales
remplacent la clarté du soleil ; pourquoi on en
voit également de très-violens, dans les contrées
placées sous l’équateur, où l’année se partage en
deux grandes saisons, la saison sèche et la saison
despluies; pourquoi enfin les orages très-fréquens
et très-multipliés dans le continent américain,
abreuvé de tant d’eaux, y sont cependant beau-
coup moins forts que dans le climat sec, aride
et brûlant de l’Afrique.
116. O11 traitera, dans d’autres parties du Dic-
tionnaire encyclopédique , de la propriété des
pointes et de cet art si connu maintenant , et
cependant encore trop peu répandu , de préve-
nir la foudre au moyen de pointes élevées , par
lesquelles la matière électrique s’échappant en
silence s’écoule doucement et sans effort , de la
terre vers la nue ou de la nue vers la terre ,
et prévient à la fois et les éclats dangereux
de la foudre et les effets non moins redou-
tables des contre - coups électriques ; bienfait
inestimable de Franklin , de cet homme vrai-
ment grand , à quelques génies et à quel-
ques siècles qu’on le compare , et dont la
•destinée incroyable fut d’affranchir les hom-
mes de tant de fléaux , de rendre le calme à
l’air , et la liberté , la paix et le bonheur a
ses concitoyens.
117. Nous ne nous occuperons pas non plus
d’entamer ici une question très-difficile , celle
de l’influence del’électricité atmosphérique sur
la pluie , la grêle , la gelée et les autres mé-
téores. par lesquels l’eau se précipite de 1 air
sous tant de formes différentes.
ÉCLAIRÉE, etC. 29 5
t 1 8.0nsentfacilementquerhomme,placé aumi-
lieu du jeu continuel de cette immense machine,
dont il fait lui-même partie, ne peut rester indiffé-
rent à ce flux et reflux d’un fluide perpétuellement
en mouvement 5 néanmoins on n’a que des obser-
vations très- générales sur cet objet , et l’on sait
seulement que les personnes sensibles sont af-
fectées long-temps avant les orages et les pré-
voyent par le mal-aise qu’elles en éprouvent.
Quelques-unes sont dans un état violent, et dans
les altérations qu’elles éprouvent on reconnoît
aisément l’effet des atmosphères électriques , si
bien observé par M. Mahon , et soumis par lui
— à des calculs si précis et à des expériences si dé-
monstratives (62,76). Qu’on relise ce qui a été
dit dans les paragraphes où nous avons exposé
cet excellent système , qui n’est composé que
de faits et d’expériences $ qu’on y joigne les
observations vraiment importantes de M. Mau-
cluyt , qu’on se représente dans le corps hu-
main tout ce qui arrive aux corps isolés de
M. Mahon et au globe électrique de M. Mau-
duyt, et l’on aura toute la théorie possible
de l’influence inévitable et incontestable de
l’électricité atmosphérique sur nos corps.
M. Mauduyt et M. Ingen-Housz ont démon-
tré également combien peu il falloit croire à
ce que d’ingénieux physiciens nous ont dit
jusqu’à présent de l’accélération que l’électricité
artificielle produit dans l’accroissement et le
développement des végétaux et des animaux ,
et par conséquent combien est peu solide l’ap-
plication qu’ils ont faite de leurs expériences
à l’électricité atmosphérique.
On verra d’ailleurs, dans l’article Electricité
médicale , tout ce qui résulte au- dedans de
nous des différentes directions qu’on fait sul-
T4
2()6 La Médecine
vre au fluide électrique en le déterminant sur
nos différeras organes.
HISTOIRE NATURELLE.
Extrait d'une lettre écrite de Russie , à M. la
Roche foucault , par M. Genet , lue à V Aca-
démie le 2 S avril Z792 , contenant la notice
de plusieurs découvertes d’histoire naturelle
dans V Archipel du nord .
On a reçu des nouvelles du capitaine Bellings ,
chargé par l’impératrice de Russie de faire des
découvertes dans la mer du sud. Ce navigateur
a parcouru pendant l’année 1790 toutes les îles
de l’Archipel du nord ; il est revenu hiverner
au Kamshatka , et il est reparti au commen-
cement de l’année 1791 pour les côtes de l’Amé-
rique , où il a dû faire son second hivernage. Il
a envoyé à l’impératrice plusieurs caisses d’ani-
maux, de vêtemens et de plantes. M. Pallas n’a
point encore pris connoissance des animaux ;
niais ce savant a distingué parmi les plantes des
espèces nouvelles de sophora , de croton , de
gnaphalium, d’andromeda, de potentilla , d’ar-
theuiisia, de rhododendron , un lis noir dont
les racines sont tuberculeuses et servent à la
nourriture des insulaires , une nouvelle gra-
minée pérenne dont l’épi est très-gros et con-
tient une grande quantité de grains propres à
la nourriture des hommes 5 plusieurs légumi-
neuses très-propres également à la nourriture
des hommes,, un sapin , un sorbier et un saule
nain, Ces arbres, dont la plus grande élévation
est de deux pieds , sont les seuls qui croissent
dans les îles Kourits et Aléontes , où I on
trouve toutes les plantes alpines des montagnes
du Karnshatka et de la Sibérie,
Eclairée, etc.' 297
Le capitaine Bellings n’a pas pu recueillir de
graines ; il étoit enmeràl’époquede leur maturité.
Le 8 mai 1789 , on a ressenti au lOvinsliatka
plusieurs secousses violentes de tremblement de
terre occasionnées par des éruptions du volcan
situé dans la partie septentrionale de cette
péninsule.
Le capitaine Bellings a découvert une nou-
velle île dans la mer d’Ochotzk.
MÉDECINE PRATIQUE.
Suite du compte rendu sur V électricité médi-
cale ; par M. Mauduyt.
Je desirois depuis long-temps appliquer l’élec-
tricité au traitement des écrouelles. Un soldat
âgé de vingt-deux ans se présenta et m’offrit
l’occasion que je chercliois : le genre de sa
maladie fut constaté parla société de médecine ;
les glandes engorgées ou abcédées qu’il portoit
autour du cou furent dissipées en moins de
trois mois de traitement électrique par bain et
par étincelles; il y avoit deux ans , quand il se
présenta , qu’il étoit inutilement traité dans les
hôpitaux militaires. Sa guérison apparente fut
constatée par la société de médecine , qui con-
clut que les symptômes étoient dissipés , que le
temps apprendroit si la cause étoit détruite ; en
deux mois les symptômes reparurent, et même
sur des parties où ils ne s’étoient pas encore
manifestés. Ce nouvel état fut constaté comme
le premier , et l’électricité employée une seconde
fois , mais en y associant à l’intérieur des re-
mèdes fondans ; les nouveaux symptômes étoient
dissipés au bout de six semaines, et dix-huit mois
après rien n’avoit annoncé leur retour , quoi-
que le soldat eût fait. , pendant ce temps et du-
298 La Médecine
rant un hiver fort rude , le métier de garçon
boulanger.
Quelque temps après, je traitai de même par
l’électricité un enfant écrouelleux dont le mal
faisoit depuis trois mois des progrès rapides ,
malgré des remèdes dont il usoit et qui étoient
appropriés à son état 5 je fis continuer , en
même temps que l’électricité , ces remèdes qui
n’avoient pas même antérieurement retardé les
nrès du mal : l’enfant étoit guéri au bout
sux mois.
Je concluois des deux faits précédens que
l’électricité jointe aux remèdes fondans en fa-
vorisoit l’action , la rendoit plus prompte et plus
complète ; que ce genre de traitement seroit
probablement fort utile contre les écrouelles ,
et je desirois vérifier ma conjecture par des
expériences comparatives , en choisissant un
nombre déterminé de malades dans des cir-
constances en tout semblables, autant qu’il se
pourroit , en traitant un tiers par l’électricité
seule , l’autre par les seuls fondans, et les der-
niers par les fondans et l’électricité ; attendant le
résultat, je ne pus mettre à exécution ce projet,
qui ne pouvoit y être mis que dans un hôpital.
J’étois réduit à la simple conjecture fondée
sur deux faits, quand je trouvai dans l’ouvrage
de Cavallo l’assertion très-positive des auteurs
anglois , qu’on guérit les écrouelles , quelques
graves, quelques invétérées qu’elles soient, en
associant l’électricité aux moyens communément
et souvent inutilement employés contre cette
maladie.
Je crois ce que je viens de rapporter suffisant
pour qu’on puisse regarder l’emploi de 1 élec-
tricité comme probablement très-utile contre
les écrouelles, et pour qu’on doive vérifier la
ÉCLAIRÉE, etC. 299
valeur de cette présomption par les expériences
contradictoires que je n’ai pu exécuter jusqu’à
présent.
J’ai employé l’électricité pour plusieurs fem-
mes , plus 'ou moins gravement incommodées
des suites de la maladie connue communément
sous le nom de lait épanché ; l’électricité a eu
sur toutes une action très-prompte et très vive j
elle a excité cfes excrétions abondantes , tantôt
par les sueurs, tantôt par les selles , quelque-
fois par les urines , les crachats et même le
vomissement. La sueur avoit une odeur déci-
- — dément aigre ; les matières rendues par les
selles ou le vomissement étoient mêlées de
fragmens blancs en grande abondance ; ils res-
sembloient par la couleur et la consistance à
des portions de lait caillé ; les urines mêmes
étoient chargées de filets de la même matière.
Cependant il y avoit plusieurs mois, même une
année et davantage , que les femmes étoient
malades. Je laisse à tirer de ces faits les consé-
quences qu’on croira devoir en déduire sur la
nature et la cause des accidens qu’on attribue
au lait épanché. Les crises dont je viens de
parler , car je crois pouvoir employer ce terme ,
étoient toujours suivies de quelque soulage-
ment, mais elles n’étoient pas apparemment
complètes , car quelquefois j’y ai vu succéder
des métastases. Si cette méthode étoit usitée ,
il y auroit sans doute moyen de prévenir cet
inconvénient , en soutenant les crises , en ai-
dant l’action de l’électricité par des remèdes
qu’on y associeroit.
L’action prompte et vive de l’électricité dans
les épanchemens appelés laiteux , le soulage-
ment obtenu par les femmes électrisées, me font
regarder comme probable que l’on pourroit re-
3oo La Médecine
tirer un grand avantage de l’électricité dans le
traitement de ce genre d’incommodité : je crois
que 1 électricité seule n’y remédieroit que rare-
ment 5 mais que faisant partie d’un traitement
méthodique , elle rendroit ce traitement beau-
coup plus efficace ; il y auroit même des cas
eù seule elle suffiroit 5 plusieurs de mes con-
frères et moi en avons été témoins à l’égard
de madame Bucquet , aujourd’hui veuve de
notre confrère. Cette dame conservoit au
commencement de l’été des symptômes graves,
suite d’un lait épanché dont elle avoit été
traitée pendant six mois par feu son mari et
M. Lorri. Les soins de ces deux habiles Méde-
cins n’avoient pu rendre à madame Bucquet la
faculté de plier un des genoux , dissiper la
tumeur qui gonfloit cette partie et la douleur
vive que la malade y éprouvoit : elle ne mar-
choit même dans sa chambre que difficilement 3
le marcher étoit accompagné de douleurs vives ;
les règles étoient supprimées depuis un an.
Madame Bucquet fut électrisée pendant deux
mois par étincelles et par courant du fluide
dirigé a travers les parties affectées. A la fin
du traitement , tous les symptômes étoient dis-
sipés , le cours périodique rétabli, ainsi que la
mobilité du genou ; aucun symptôme ne s’est
fait sentir depuis : madame Bucquet a joui d’une
santé constante. Cette dame avoit eu pendant
la durée du traitement des sueurs très- abon-
dantes, quelques jours de diarrhée. M. Bucquet
et moi convînmes de soutenir les sueurs parle
simple usage de quelques fasses d’infusion de
fleur de sureau prises dans- la journée , et nous
secondâmes l’effet des diarrhées par un mino-
ratif prescrit le lendemain du jour où elles
avoient eu lieu. Mais ces moyens secondaires
ÉCLAIRÉE, etc. 3oi
ne me semblent que clés précautions dont nous
aurions peut-être pu nous dispenser , et per-
sonne ne doutera qu’elles n’ont pu influer que
fort peu sur le succès. Cependant, et dans cette
occasion , et dans beaucoup d’autres , dans
presque toutes celles qui ont été à ma connois-
sance , l’électricité m’a paru très-propre à di-
viser , à mettre les humeurs en mouvement , à
en provoquer la séparation de la masse des
fluides et l’issue par des excrétions , sans suffire
seule à cette heureuse terminaison , dont elle
est suivie si on a soin de seconder à propos
son effet salutaire , et que les remèdes employés
à la seconder n^auroient pas déterminée seuls.
Ma propre expérience ne m’a presque rien
appris sur l’éffet de l’électricité contre les ma-
ladies des nerfs Je n’en peux guère parler que
d’après le témoignage d’autrui : mais ce témoi-
gnage est si positif parmi les auteurs à qui
nous le devons 5 il y en a de si dignes de foi à
tous égards , que je crois 'devoir placer les ma-
ladies nerveuses au moins au nombre de celles
contre lesquelles il est trè.s propable que l’élec
tricité seroit très-utile. Le fait me paroît même
prouvé à l’égard de plusieurs de ces maladies : ce
sont la catalepsie , la danse de Saint-Guy ,
le tremblement , et les affections nerveuses pro-
duites par l’effet des vapeurs du mercure. De
Haen assure si positivement avoir guéri , et si
souvent, des malades dans les cas que je viens
de citer , que je ne me permets aucun doute
à cet égard , et que je regarde comme prouvé
que l’électricité est le vrai remède contre les
maladies dont il s’agit. J’ai été témoin d’un fait
de ce genre dans la personne d’une femme
enfermée au dépôt de Saint-Denis, attaquée
de la danse de Saint-Guy, et impotente depuis
3o2 La M B D E C I N E
quatre ans^ guérie par l'électricité ; j’ai aussi été
témoin clés effets de l’électricité contre le trem-
blement dans deux sujets incommodés des suites
des vapeurs du mercure , et ce petit nombre
de faits a confirmé les nombreuses observations
de Haen et ses assertions sur le même sujet.
Les maladies nerveuses dont je viens de par-
ler ont un caractère qui leur est propre et
qui les distingue ; mais pour cette foule d’autres
affections qu’on désigne par le nom vague de
maladies de nerfs, parce qu’on n’a pu en-
core saisir le caractère de ces affections, les
distinguer entre elles , qu’on ne sait à quelle
cause les rapporter, j’ignore pleinement si l’é-
lectricité est avantageuse ou nuisible contre
ces affections. Plusieurs auteurs anglois, bien
éloignés de ce doute , présentent l’électricité
comme le remède contre toutes les maladies
de nerfs indistinctement. C’est à l’expérience
à confirmer ou à détruire leur assertion; mais
au défaut de l’expérience, forcé, jusquà ce
qu’elle nous ait instruit , de in’en tenir au
raisonnement ; il me paroît que les auteurs
anglois dont il s’agit annoncent beaucoup
trop ; en effet, quoique nous sachions bien peu
de chose sur la nature des nerfs , sur le carac-
tère , la nature et les causes des maladies ner-
veuses, cependant il paroît qu’on peut diviser
ces maladies en général en deux grandes classes,
l’une dans laquelle il y a excès cle tension , d’ir-
ritablité et de sensibilité , l’autre dans laquelle
existe l’excès opposé, celui de relâchement, de
manque de ton, d’irritabilité et de sentiment: on
peut à ces deux classes en ajouter une troisième ,
dans laquelle il y a à la fois , ou excès de tension ,
ou d’atonie. Cependant l’effet de l’électricité gé-
néral, avéré et reconnu, est un effet stimulant.
ÉCLAIRÉE, etC. 3o3
irritant et tonique j elle sera donc vraisembla-
blement contraire contre les maladies de la pre-
mière classe , avantageuse contre celles de la
seconde, et elle aura de bons et de mauvais effets
contre les maladies de la troisième.
Il faudroit donc , pour porter un. pronostic
qui eût quelque fondement à l’égard d’un ma-
lade attaqué d’affection nerveuse , pouvoir dé-
terminer d’abord à laquelle des trois classes,
les maux dont il est affecté se rapportent. J’i-
gnore si cette connoissance est possible, dans
l’état présent de la science , mais bien assuré
qu’elle me manque, je n’ose prédire à aucun
"malade dans le cas d’affections nerveuses , si
l'électricité lui sera avantageuse ou défavorable ;
je ne crois pouvoir être éclairé sur cet objet,
que par l’expérience même, et je conseille de
la consulter, indécis entre l’espérance et la
crainte. Un essai léger ne peut être suivi d’ac-
cident, il apprend bientôt si l’électricité diminue
ou augmente les symptômes , et il me paroît
sage alors de continuer ou d’abandonner ce
remède. Je ne conseille cependant pas d’y re-
noncer sans être sûr, autant qu’on le peut , si
l’augmentatiou des symptômes n’est pas un effet
de l’imagination , et non du traitement.
En procédant de la manière que je viens d’ex-
poser , je n’ai vu aucun malade qui ait éprouvé
de vrais inconvéniens de l’essai de l’électricité 5
quelques uns en ont été plus incommodés deux
ou trois jours, et ils seront revenus sans ac-
cident à leur état ordinaire. Parmi ceux qu’un
essai suivi de quelques succès m’a déterminé
a encourager à suivre le traitement , j’en ai
vu quelques uns qui ont été soulagés ; mais étoit-
ce par l’effet de l’électricité , par l’action de
l’imagination sur les organes, par le bien que
3 04 h a M É D E C I N E
procure l’exercice ? Je n’eil ai vu aucun à l’égard
duquel le succès eût été assez complet pour
que je regarde l’électricité comme le remède
contre les affections nerveuses; il est cependant
un cas qu’il faut excepter, c’est celui dans lequel
les affections nerveuses sont symptomatiques,
et les suites d’une maladie dont l’électricité est
le remède. Ainsi la jeune personne présentée
par M. le Clerc, dont j’ai parlé à l’article des
règles, dont la suppression étoit accompagnée
d’affections nerveuses très-graves, en a été dé-
livrée par l’électricité, parce qu’elle a remédié
à la suppression , dont les affections nerveuses
étoient un symptôme; ainsi une autre jeune
fille, aussi incommodée par l’effet d’une sup-
pression, avoit tous les mois une fois, pendant
la nuit, à-peu-près au jour où le cours périodique
auroit du s’établir , un accès d’épilepsie , ac-
cident qu’elle n’a plus éprouvé depuis le moment
où l’électricité eut rétabli le cours des règles. Un
chirurgien de campagne , parent de feu le frère
Uôme , traité dans l’hôpital de ce religieux pen-
dant long-temps , étoit resté hémiplégique et
sujet à deux ou trois attaques d’épilepsie par
mois : l’électricité guérit parfaitement ce ma-
lade, et il fut en même-temps délivré des attaques
épileptipes, qui n’étoient sans doute que symp-
tomatiques et l’effet de la même cause qui avoit
produit l’hémiplégie.
Je conclus de ce qui vient d’être dit sur les
maladies des nerfs, que l’électricité guérit les
malades attaqués de catalepsie , de la danse de
Saint-Guy, du tremblement, de la contraction
des membres et autres affections nerveuses qui
sont les suites des vapeurs mercurielles.
Qu’il est probable que l’électricité seroit utile
contre les maladies nerveuses dépendantes de
, relâchement
fCLAIR^E, etc. 3o5
relâchement , d’atonie, de défaut d’irritabilité et
de sensibilité , cpie probablement elle est nui-
sible dans les cas contraires ; que dans ceux où
il y a complication de tension , défaut de sen-
sibilité, ou excès de sensibilité avec relâchement,
l’électricité peut à la. fois être avantageuse et
nuisible ; que comme il est très-difficile et même
impossible de déterminer la nature des maladies
nerveuses, on ne peut raisonnablement se per-
mettre d’établir un prognostic sur les effets de
l’électricité à l’égard de ces maladies; que c’est
à cause de la différence de ses effets selon la
différente nature du mal, qu’elle est préconisée
'par les uns et décriée par les autres ; que dans
l’impossibilité de prévoir ses effets, on doit
tenter ce remède, le continuer, ou en cesser
l’usage, selon ce qu’il produit; enfin, que toutes
les fois que les affections nerveuses sont secon-
daires et symptômes d’un mal soumis à une ac-
tion victorieuse de l’électricité, elle dissipe, avec
la maladie essentielle, les affections nerveuses
qui n’en étoient que des symptômes. 1
Je termine l’énumération des maladies contre
lesquelles il me paroît probable que l’électricité
seroit utilement employée , par les tumeurs
molles , indolentes , formées par congestion
lymphatique , séreuse ou adipeuse. J’ai vu
plusieurs malades qui portoient des tumeurs de
ce genre , en être en totalité ou en grande partie
délivrés à la suite du traitement électrique ,
suivi pour un autre objet. Une femme entre
autres , portoit sur le coté une tumeur de la
grosseur d’un très-petit melon ou d’une très-
grosse poire de livre ; l’origine de ce; te tumeur
remontoit à quatorze à quinze ans , et elle faisoit
des progrès lents, mais continuels , et qu’on
pouvoit remarquer d’une année à une autre
Tome III. N°. X, Y
3o 6 L a M É D E C I N E
la tumeur étoit molle , indolente. La malade
fut électrisée pendant trois mois pour une hémi-
plégie j au bout de ce temps , la tumeur n’étoit
pas plus grosse qu’un œuf de poule , elle étoit
démeurée indolente, mais elle étoit dure , et
il ne paroissoit en rester qu’un noyau ou kiste :
ce noyau auroit-il été dissous par un traitement
électrique plus long ? Je l’ignore et présume que
non. Voyant la tumeur diminuer rapidement,
je fis ouvrir un cautère au bras de la malade.
Je crois que dans le cas où on tenteroit de dis-
siper des tumeurs d’un certain volume par l’é-
lectricité, un émonctoire seroit un préliminaire
et une précaution dont on ne pourroit sagement
se dispenser.
Je dois encore ajouter à cet article un mot
sur la surdité et sur le relâchement des liga-
mens , des capsules articulaires , à la suite des
luxations, des fractures , des entorses, etc.
On a beaucoup vanté l’électricité contre la
surdité, ce qui m’a mis dans le cas d’étre con-
sulté par un grand nombre de sourds et d’en
traiter beaucoup. J’en ai soulagé un très-petit
nombre et guéri deux sur plus de quarante. Il
m’a paru que l’électricité soulageoit quand la
surdité avoit pour cause une congestion , un
embarras humoral de l’organe, causé par le re-
flux, ou d’une crise imparfaite à la suite d’une
maladie aiguë, ou d’une excrétion à laquelle
les malades étoient ou habituellement ou pé-
riodiquement sujets, et qu’il n’éprouvoient plus
depuis -qu’ils étoient sourds ; l’électricité m’a
paru complètement inutile dans tous les autres
cas. Les deux malades guéris ont été une femme
devenue, complètement sourde d’une oreille ,
à la suite d’un lait épanché, un jeune homme
qui avoit presqu’entièrement perdu l’ouïe à la
ÉCLAIRÉE, etC. 3o/
Btiite d’une fièvre maligne. Il est donc un cas
dans lequel l’électricité est probablement utile
contre la surdité.
Il arrive souvent qu’après la guérison d’une
fracture , d’une luxation , d’une entorse , après
un effort violent, les ligamens et les capsules
articulaires , distendus , tiraillés, forcés au-delà
de l’extension de laquelle’ leur ressort suffit
pour les rappeller , restent très - long- temps
dans cet état : il s’en suit de la foiblesse
dans les membres , de la difficulté à s’en
servir. J’ai tenté dans plusieurs de ces cas
l’action stimulante et tonique des étincel-
les électriques $ leur usage a été suivi d’un
prompt et heureux effet : il avoit paru si
marqué à ftu M. Tiphaine , connu par la
sagacité avec laquelle il parvènoit à redresser
les membres contournés des jeunes gens , qu’en
terminant leur traitement il leur conseilloit
d’avoir recours à l’électricité , pour dissiper
la foiblesse et la distension des ligamens, des
capsides , suite de l’effort des machines qu’il
einployoit , beaucoup plus promptement qu’il
n’avôit coutume d’arriver par les seules forces
de la nature , et sans le secours de l’élec-
tricité.
Je n’entrerai pas dans de longs détails sur
les maladies qu’un jugement précipité à fait
annoncer comme curables par l’électricité , et
contre lesquelles l’expérience a depuis démon-
tré l’insuffisance de ce moyen ; le simple ex-
posé des faits suffit à cet égard.
Un physicien qui a beaucoup écrit sur l’é-
lectricité la présente comme un remède général
contre contre tontes les maladies. Voici comme
il procède : il divise les maladies en deux classes $
les unes sont causées par l’excès du fluide élec-
V a
3o8 l a , Médecine
trique, les autres par le défaut de ce fluide:
puis le physicien fait rémunération des mala-
dies dont ie défaut de fluide électrique est la
cause , et il trouve dans T/électricité positive,
qui fournit aux malades le fluide qui leur man-
que , le remède à leurs maux : il fait de même
rénumération des maladies causées par l’excès
de fluide électrique , et il prescrit pour re-
mède l’électricité négative , qui dépouille et dé-
livre les malades de la surabondance de fluide ,
cause de leurs maux. Ce physicien suit dans
sa division le catalogue des maladies rédigé
par Sauvage ; d’où il suit que l’électricité est
un remède général , et que d’après cette heu-
reuse découverte , ou ce don précieux du Ciel ,
tous les maux peuvent et devroient être bannis
de la surface cle la terre.
Mais le système du physicien porte sur des
suppositions purement gratuites et n’est appuyé
sur aucun fondement. D’abord rien n’est moins
constaté que le fluide électrique , tel que nous
l’obtenons par les machines , entre dans notre
constitution comme partie intégrante 5 celte
supposition même n’est pas probable à cause
de la tendance continuelle du fluide à s’échap-
per : s’il fait partie de nous-mêmes , étant
fixé ce n’est plus le fluide que nous mettons
en mouvement par les machines , et celui-ci
peut nous affecter de différentes manières ,
sans se combiner avec notre substance, et dès-
lors il ne nous fourniroit pas ce qui nous
manqueroit ; nous le perdrions aussi-tôt que
nous l’aurions reçu , et nous ne conserverions
ce dont nous en aurions besoin que pendant
que nous serions électrisés. Les maladies ai-
guës et inflammatoires , qui sont en général
celles que l’auteur croit produites par excès
ÉCLAIRÉE, etc. 3o()
cle fluide électrique , ont pour symptôme un phé-
nomène que le fluide électrique , accumule et
concentré , bien au-delà de ce qu’on peut sup-
poser à l’égard du corps humain , ne produit
jamais : ce phénomène est celui de la chaleur
portée à un très-haut degré. Le thermomètre
exposé à l’action du fluide électrique dans le
plus grand état de force où nous puissions
l’obtçnir , n’offre aucune variation j donc le
fluide électrique ne produit pas de chaleur j
donc il n’est pas l’agent principal dans les ma-
ladies aiguës et inflammatoires , toujours accom-
pagnées d’une violente chaleur ; donc il ne pa-
roît même concourir pour rien à l’existence
de ces maladies: mais quand il y concourroit ,
quand il en seroit le principe , que serviroit
l’électricité négative puisqu’à mesure que le
malade perdroit du fluide , il en recevroit des
corps environnans , de l’air qu’il respire , au-
tant qu’il en fourniroit à la machine puis-
que l’électricité négative, telle qu’on peut l’ad-
ministrer aux malades , 11’est qu’une manière
inverse de les électriser , c’est-à-dire qu’au
lieu de recevoir de la machine et communi-
quer à l’atmosphère , aux corps ambians , au
réservoir commun , ils fournissent à la ma-
chine et reçoivent de tout ce qui les entoure ,
puisque pour que l’électricité négative eût son
effet à l’égard d’un homme , comme elle l’a à
. l’égard d’une substance inanimée , il faudroit
qu’il fût possible d’isoler l’homme comme la
substance qu’on électrise , d’intercepter entre-
lui et les corps environnans toute communi-
cation , de le priver même du contact de l’air ,
et de ne laisser d’action qu’entre lui et l’axe des
coussins delà machine, comme on. le pratique
à l’égard d’une susbtance inanimée. Il n’y a
3io La Médecine
clone rien à attendre de l’électricité négative
contre les maladies aigues et inflammatoires ,
contre celles dont on attribue la cause à l’excès
clu fluide électrique. Il n’y a pas plus de res-
source de sa part contre les maladies attri-
buées à son peu d’abondance ; car il faudroit
qu’en en fournissant par l’action d’une ma-
chine positive, on trouvât le moyen de le fixer,
que le malade sur l’isoloir ne communiquât
pas aux corps ambians une partie de ce qu'il re-
çoit , et qu’il ne perdît pas le tout en des-
cendant cîe dessus l’isoloir. Ce n’est donc pas
en ce qu’on augmente ou en ce qu’on dimi-
nue la mesure ou la proportion du •fluide élec-
trique dans le corps, que ce fluide agit dans
certaines maladies , mais bien par ses propriétés
tonique , stimulante et apéritivc.
( La suite au prochain JS u/né ro. )
Constitution clu trimestre d’hiver de l’année
2792 , avec, le détail des maladies qui o/it
régné pendant cette saison , par M. Geoffroy,
lue le 2.4 avril 27.92. , à la société de médecine .
L’hiver de cette année a été en général très-
variable et plus humide que froid : nous n’avons
eu pendant toute cette saison que peu de gelées ,
qui ne se sont pas soutenues , et après quelques
jours de froid le temps s’est radouci et l’humi-
dité a repris le dessus.
Le mauvais temps , qui avoit régné pendant
le mois de décembre , a encore continué pen-
dant les premiers jours de janvier ; mais dès
le 4 > vent quittant le sud et retournant au
nord, la saison est devenue plus belle et s’est
mise à la gelée , qui a augmenté graduellement ,
malgré la neige qui est tombée le 7 , et le
K C L A I R E E ,
etc. 3 11
froid est devenu si vif le i3 et le i/\. , que le
thermomètre est descendu de sept degrés au-
dessous du terme de la glace. Ce dernier jour
il est tombé du verglas , après quoi le vent
quittant le nord , le temps est devenu doux par
un vent du sud-est ,, mais souvent pluvieux et
enfin très-chaud pour la saison le 2 5 et le jour
suivant , ce qui a été accompagné d’ouragans
et de grandes pluies , qui ont continué jusqu’à
la fin du mois , le vent soufflant violemment du
sud-est.
La saison n'a pas été moins inconstante dans
le courant de février. Dès le second jour de ce
mois , la pluie a cessé , le temps est devenu
beau -et très-doux , et le vent du sud-ouest sem-
bloit avoir amené la température du printemps y
ce qui a été suivi d’une légère gelée, à laquelle a
succédé de nouveau un temps doux du 10 au 12 ,
le vent soufflant tantôt du sud , tantôt du"sud-
est ou du sud-ouest ; mais dès le i3 , le vent re-
tournant au nord-est nous a amené une neige
très-abondante , qui a été suivie d’une gelée
très-vive, au point que le 20 et le 21 la rivière
a charié , et que le thermomètre de Réaumur
est descendu à neuf et à dix degrés au-dessous
de o. Dès le 25, le dégel est survenu par un vent
du sud, le temps est devenu très-doux , et le 27-
il a fait une fort belle journée , à laquelle ont
succédé quelques gelées blanches les derniers
jours du mois.
Le vent soufflant de l’est et du sud-èst , le
temps a été doux , humide , avec quelques pe-
tites pluies les premiers jours du mois de mars.
Cette température agréable n’a pas duré r elle
a été bientôt suivie d’ouragans par un vent du
sud très-violent, jusqu’à ce que le vent retour-
nant au nord et au nord-est il y ait eu une gelée
V 4
à 1 in . L JL M é n e c i if y
assez forte du 11 au 14, jour auquel le dégel
est survenu avec la pluie, ce qui a été suivi
d’une gelée assez vive pendant deux jour s^, et
ensuite d’un second dégel et d’un temps doux.
Pour lors , par un vent d’ouest, la saison s’est
soutenue belle jusqu’au 20 , mais au 21 elle a
tout-à-coup changé ; le vent du sud nous a
amené deux jours de pluie continue , et la tem-
pérature a été toujours douce et humide, à
l’exception des trois ou quatre derniers jours
de ce mois, où le temps a été plus aigre par uht
vent sec de nord-ouest, malgré quelques ondées
passagères.
On voit par ce détail combien la saison a été
variable pendant tout cet hiver , et combien
nous avons éprouvé alternativement de vicissi-
tudes de temps beau , de temps doux et de
froid quelquefois vif. Ces changemens ont été
si subits et si condérablcs, que dans le mois de
janvier il y a eu en vingt-quatre heures douze
degrés de différence au thermomètre de Réau-
mur, et que le 1 3 et le 14, par un froid piquant,
la liqueur de ce thermomètre est descendue à
sept degrés plus bas que le terme o , tandis que
le 25 et le 26 elle est montée à dix et à onze
degrés au-dessus du môme terme.
Janvier.
Ces variations perpétuelles et subites de tem-
pérature influant sur les corps et supprimant
fréquemment la transpiration , il a régné pen-
dant cet hiver , et sur tout en janvier , un
nombre de fièvres bilieuses continues 'avec des
redoubleraens. Les malades avoient la langue
très chargée et presque toujours couverte d un
limon jaune 5 la peau avoit pareillement une
teinte jaune , les urines étoient hautes en cou-
ÉCLAIRÉE, etc. 3l3
leur, et les selles que rendoient les malades ,
lorsque la détente commençoit à se faire , étoient
très-bilieuses. J’ai vu plusieurs personnes atta-
quées de ces fièvres , je n’en ai fait saigner
aucune ; je me suis contenté de délayer et dè
détremper , tant par les tisannes et les apozèmes
faits avec les plantes chicoracées que la saison
p ou voit fournir , que par deslavemens émolliens
fréquemment répétés. Par cette méthode , dès
le huitième jour la bile s’est mise en mouve-
ment. Pour lors les boissons, aiguisées d’émé-
tique et de quelques sels neutres , ont facilité
son écoulement, et en même temps la fièvre a
diminué tellement par degrés qu’elle s’est ter-
minée chez la plupart le 14 , chez quelques
autres au vingt et unième jour , sans qu’un seul
de ces malades ait péri.
Le même caractère bilieux s’est fait apper-
cevoir dans les catharres et les péripneumo-
nies , qui ont été fréquentes pendant ce mois
et les deux suivans. C’est la maladie, qui a
régné le plus communément pendant tout l’hiver
et qui n’a pas encore cessé aujourd’hui dans
le mois d’avril , ce qui m’engage à la décrire
avec un- peu plus de détail.
Dans la plupart des malades, ces péripneu-
monies se déclarent par un frisson pendant le-
quel survient un vomissement d’une bile ver-
dâtre et quelquefois des alimens , lorsqu’on a
mangé depuis peu de temps. Dès le lendemain
le point de côté se déclare d’une manière vive ,
la toux sans être trop fréquente est très- fati-
gante , à cause de la douleur qu’elle reveille j
à peine les malades peuvent-ils tousser. Les
crachats qu’ils rendent sont mousseux et glai-
reux, rarement deviennent- ils cuits et épais,
mais le plus souvent ils sont légèrement sau-
3i4 la Médecine
guinolens , teints d’une couleur rose , dans
d’autres jaunes , verdâtres et bilieux , enfin
dans quelques - uns noirâtres. Ces derniers ,
céchés sur le linge paroissoient bordés d’un
cercle noir , qui annonçoit une disposition
à la gangrène ; aussi dans ce cas les mala-
des périssoient du sept au neuf. Lorsque
les cracliats de ven oient plus blancs , que la
douleur de côté diminuoit, et que la bile pre-
aioit son cours par en bas , on pouvoit "tirer
an pronostic favorable. Dans ces maladies j’ai
cru qu’il falloit très-peu insister sur les saignées
quoique les crachats fussent sanguinolens. Je
n’en ai fait faire qu’une ou deux au commence-
ment, rarement trois, et souvent point du tout.
Mais j ’ai employé les apozèmes avec les plantes
chicoracées et béchiques légèrement aiguisées
d’émétique , l’application d’un vésicatoire sur
le côté douloureux , et des loochs chargés
de quelques grains de kermès minéral. Par
ces moyens les malades ont éprouvé des moi-
teurs douces et soutenues , les crachats ont
pris une meilleure couleur et plus de consis-
tance , la douleur de côté a diminué insensi-
blement j la langue , auparavant chargée, s’est
nétoyée , et lorsque les accidens ont été calmes ,
et que la bile a coulé d’une bonne qualité ,
j’ai terminé le tout par des purgatifs doux ,
mais plusieurs fois répétés.
Pendant ce meme mois nous avons eu en-
core à traiter quelques petites veroles , mais
fort bénignes , en beaucoup plus petit nombre
que les mois précédens. Il subsistoit aussi que l-
ques fièvres intermitentes , tierces et doubles
tierces , en général peu rebelles. Il n en etoifc
pas de même des diarrhées et de quelques dis-
3eclaib.ee, etc. 3i5
senteries qui étoient très-opiniâtres quoique
sans fièvre.
Sur la fin du mois le temps , qui est devenu
doux et même un peu lourd, adonné naissance
à plusieurs coups de sang qui heureusement
n’ont pas été mortels, et à beaucoup d’anasar-
ques et de bouffissures universelles $ quelques
personnes ont éprouvé des accès de goutte
assez vifs.
Février.
La variation du temps , qui a continué pen-
dant le mois de février, a entretenu la cons-
titution catharrale du mois précédent. Nom-
bre de personnes ont été attaquées de rhumes
violens; plusieurs avec 'fièvre et courbature,
quelques-uns sans fièvre. D’autres malades ont
été pris, les uns d’ophtalmies assez fortes , les
autres de fluxions sur les oreilles , qui quel-
quefois occasionnoient une surdité passagère.
Ces fluxions ont ordinairement cédé à l’appli-
cation des vésicatoires, et chez d’autres elles
ont été dissipées par un écoulement, soit lym-
phatique et séreux , soit légèrement purulent
par l’oreille. Les pulmonies nombreuses cette
année ont terminé les jours de plusieurs phti-
siques dans le cours de ce mois. Nous avons
eu à traiter des péripneumonies catarrhales
de la même nature que celles du mois précé-
dent. En général elles n’ont point été mor-
telles et je n’ai vu périr qu’un seul de ces
malades , dont la fluxion de poitrine étoit com-
pliquée d’une suffocation violente et perpé-
tuelle que rien 11’a pu soulager, et qui est mort
enfin le dix-septième jour de sa maladie. IL
y a encore eu des diarrhées , des dissenteries ,
3l 6 I. A MÉDECINE
plusieurs petites véroles , qui en général n’ont
point été dangereuses , et . un nombre assez
considérable de dartres et d’autres maladies
cutanées.
Dans la dernière quinzaine du mois , j’ai été
appellé auprès de quelques jeunes femmes nou-
vellement accouchées, que j’ai trouvé malades
de dépôts laiteux. Leur' sein étoit affaissé et
vide de lait , elles avoient de la fièvre .dont
la chaleur étoit entrecoupée plusieurs foisuans
les vingt-quatre heures par les frissonnemens.
Ayant examiné le ventre , j’ai senti , sur-
tout à deux de ces malades , des duretés très-
sensibles dans la région de l’ovaire et du li-
gament droit de la matrice , place que ces
dépôts paroissent affecter préférablement au
côté gauche. Heureusement ces femmes ont
guéri par différentes crises et même par plu-
sieurs réunies ensemble. Presque toutes ont
eu des moiteurs ou des sueurs soutenues , aux-
quelles se sont jointes dans les unes des éva-
cuations par les selles , dans lesquelles la
matière laiteuse étoit reconnoissable tant par
la couleur que par les grumeaux qu’elle for-
moit ; dans d’autres par un sédiment laiteux
très-abondant que déposoit l’urine. Je pense
qu’à ces indices il est impossible de ne pas
reconnoître un véritable dépôt de lait.
Mars.
La constitution du temps n’ayant pas changé
et la saison ayant été aussi variable en mars
que pendant les deux mois précéder s , les ma-
ladies ont été aussi les mêmes et l’humeur ca-
tharrale a encore été la maladie dominante.
Ces catharres étoient dangereux pour les per*
ÉCLA IRÉE, etc* 3 17
sennes âgées, et lorsqu’ils étoient accompagnés
de fièvre et d’inflammation , ils devenoient quel-
quefois mortels. Plusieurs ont dégénéré en
vraies péripneumonies , tandis que chez d’au-
tres personnes ils produisoient des douleurs
rhumatismales vives et aiguës dans les muscles
pectoraux , qui arrêtoient et gênoient la res-
piration , quoiqu’il n’y eût point de fièvre. En
général Ges maladies, quoique vives , n’ont exigé
que très-peu de saignées et elles se dissipoient
par des moiteurs. Quelquefois , au lieu d’atta-
quer la poitrine , cette même humeur se por-
toit à la tête , et y produisoit des fluxions opi-
niâtres ; elle affectoit les yeux ou les oreilles ,
d’autres fois elle se jettoit sur les entrailles,
ce qui donnoit lieu à des diarrhées.
Outre ces maladies régnantes , nous avons
eu en mars quelques fièvres , soit intermitten-
tes , soit continues rémittentes , mais en petit
nombre , et les petites véroles ont été beau-
coup moins fréquentes que les mois précédens.
Mais à l’exception des humeurs catarrhales ,
il y a eu plus d’incommodités que de vraies ma-
ladies. Les pulmoniques se sont trouvés très-
mal de l’inconstance de la saison , plusieurs
ont péri, et j’ai vu une jeune femme dans ce
triste état, qui dans les trois dernières se-
maines de sa vie a été attaquée d’une manie
des p'us violentes , (accident que je n’ai point
encore observé chez les phtisiques), sans que
les sangsues qu’on lui avoit appliquées précé-
damment , que les cautères qu’elle portoit et
que les bains et les douches dont elle a usé
quelquefois , ayent pu prévenir ni calmer ces
accès de folie.
3i8
i a Médecine
CHIRUR.GI E.
Observation sur une hémorragie considérable
survenue durant V opération de la taille par
M. Boyer , chirurgien à Paris.
Un des accidens qui cause le plus d’embarras
et de trouble durant l’opération de la taille ou
lithotomie , est sans doute l’hémorragie qui
peut survenir par l’ouverture d’une artère consi-
dérable. L’opérateur reste quelquefois en sus-
pens et ne sait s’il doit procéder tout de suite à
l’extraction de la pierre ou la renvoyer à un
autre temps, pour prendre tout de suite les
moyens d’arrêter l’hémorragie. Le but de l’ob-
servation que je vais rapporter est de prouver
qu’une hémorragie considérable , qui survient
durant l’opération de la taille , n’est pas une
raison suffisante pour remettre l’extraction de la
pierre à un autre temps, comme on l’a proposé $
elle fait connoître en outre un moyen simple
d’arrêter le sang, qui me paroît bien préférable
à celui qu’on emploie ordinairement.
Je fus appellé , au mois de juin de l’année der-
nière , à vingt-deux lieues de Paris, pourvoir
un homme âgé de soixante-dix ans , attaqué
du calcul de la vessie. Un chirurgien du lieu
avoit voulu faire l’extraction de ce corps étran-
ger en pratiquant une incision à la partie spon-
gieuse de l’urètre f mais ses tentatives furent faites
a deux reprises différentes , et à huit jours de
distance l’une de l’autre. Je taillai cet homme
ave 6 le lithotome caché , et je remarquai que
l’angle inférieur de l’incision qit’on avoit prati-
quée à l’urètre étoit dirigé eu dehors , ensorte
que je fus obligé de commencer la section de la
."ÉCLAIRÉE, etc. 3l9
peau entre cet angle et le raphé. Cette section
donna peu de sang; mais l’incision interne fut
accompagnée d’une hémorragie si considérable
que je fus obligé de porter le doigt indicateur
clans la plaie , sur l’endroit d’où jallissoit
le sang. J’étois incertain sur le parti que je
devois prendre , et mon embarras étoit en-
core augmenté par le défaut de canulle propre
à faire la compression. Dans cette circons-
tance , je portai les tenettes dans la vessie 3
sans ôter le doigt qui étoit dans la plaie ; mais
j^ôtai ce doigt lorsque j’eus rencontré l'a pierre
avec les tenettes , non • seulement pour saisir
les tenettes avec les deux mains et charger plus
facilement la pierre , mais encoie parce qu’il
auroit nui à la sortie des tenettes. La pierre ayant
été saisie de la manière la plus favorable , son
extraction fut aussi prompte que facile. Aussi-
tôt que la pierre fut sortie, je reportai le doigt
sur l’orifice du vaisseau d’où le sang continuoit
de couler. J’eus d’abord l’idée de faire tenir le
doigt d’un aide appliqué sur „cet orifice ; mais
comme l’artère ouverte paroissoit fort considé-
rable, et qu’il eût fallu laisser trop long-temps
le doigt dessus , je me déterminai pour un ap-
pareil compressif, appliqué de la manière sui-
vante.
Je portai dans la vessie , par la plaie , une
algalie de femme, que je plaçai à la partie infé-
rieure de l’incision ; ensuite je portai un bour-
donnet , lié avec, un bi double , dans la plaie
jusqu’au delà de l’endroit ou siégeoit l’artère
ouverte ; je séparai les deux fils et je plaçai d’au-
tres bourdonnets dans leur intervalle. Lorsque
j’eus ainsi rempli la plaie bien exactement, je
plaçai extérieurement un gros tampon de char-
pie , sur lequel je serrai fortement les deux fils
02.0 la Médecine
du premier bourdonnet ; j’appliquai ensuite
des compresses , et le tout Fut soutenu par un
bandage en T , aux chefs duquel je fixai la
sonde avec deux petits rubans. Cet appareil
remplit si bien mes vues qu’il ne sortit pas une
goutte de sang. Comme je de vois partir le len-
demain , je recommandai au chirurgien qui
devoit prendre soin du malade de ne lever l’ap-
pareil qu’au bout de plusieurs jours , et de
faire des injections par la sonde , si leï> urines
avoient de la peine à passer. L’appareil fut levé
au bout de huit jours, l’hémorragie ne reparut
point, et le malade est parfaitement guéri j il
est vrai que la plaie a été long -temps à se
fermer.
/
I
( N- XI. ) 32l
N O U V E I. L E S CHIMIQUES.
I. Extrait d’une lettre de M. Van-Mons ,
apothicaire à Bruxelles , et membre de plu-
sieurs Académies , à M. Schrœder , à la ma-
ni/J'actui'e d’indiennes , près de Colmar.
«Je vous prie de dire à M. J. M. Hoff-
man , i°. que j’ai trouvé que lorsque l’on dé-
compose du muriate oxigéné de mercure au
moyen de Faminoniaque , il ne se produit point
de muriate de cet alcali , mais que l’ammo-
niaque est décomposée, que son azote forme
de l’acide nitrique qui se combine avec l’acide
muriatique et produit l’eau régale (1) ».
« an. Que j’ai fait un grand nombre d’autres
expériences sur la décomposition de l’ammo-
niaque par l’oxigène des oxides métalliques ,
dont il est l’auteur, et qu’il en trouvera le dé-
tail dans un des prochains cahiers du journal
de physique François ».
cc 3°. Que M. Kasteleyn d’Amsterdam m’ap-
prend que M. Kels détruit le principe astrin-
gent au moyen du charbon ; que des infusions
de garance, de safran, de syrop noir, la dis-
solution d’indigo dans l’acide sulfurique , ect.
sont ainsi parfaitement décolorées et rendues
claires comme de l’eau. M. Vestrumb se pro-
pose de tirer de ces expériences des conclu-
(i) Le précipité qui se forme est une combinaison d'oxide
de mercure , d’acide muriatique et d’ammoniaque , de
sorte que l’ammoniaque n’est pas détruite encore. Not*
de C. Zr. BertholleC.
Tome ///. N°. XI.
X
322 La Médecin*
sions qui renverseront entièrement la nouvelle
théorie , ect. »
cc Voici le procédé pour tirer l’eau-de-vie des
carottes , que je vous ai promis ».
cc On fait bouillir, dans deux cent seize quar-
tiers ( mesure de Saxe ) d’eau pure , deux mille
cent douze livres de carottes , jusqu’à ce qu’elles
soient réduites en pulpe , et on exprime le jus».
cc On fait bouillir ce jus pendant cinq heures
avec un peu de houblon ; on coule le tout encore
chaud dans une cuve , et quand la chaleur du
bouillon est descendue au quinzième degré de
Réaumur , on y ajoute six quartiers de levure ».
<c Dans un été médiocrement chaud , la masse
fermente pendant quarante-huit heures ».
•c Quand elle a déposé sa lie , on y ajoute
quarante-huit quartiers du même jus non fer-
menté et un peu échauffé ».
cc Par cette addition , la liqueur remonte à
quinze degrés et fermente de nouveau pendant
vingt-quatre heures. Quand sa lie est précipitée,
on met la liqueur en tonneau. Cette opération
produit encore une fermentation qui dure trois
jours ».
cc II est nécessaire que le laboratoire soit
constamment entretenu à six ou sept degrés de
température ».
cc En distillant cette liqueur , on obtient deux
Cent quartiers d’esprit premier , qui fournissent
par la rectification quarante-huit quartiers d’es-
prit ardent. Le marc de l’expression de la pulpe
pèse environ six cent soixante-douze livres ;
réuni aux herbes des racines, il fournit une
excellente nourriture pour les porcs».
Eclairée, etc.
323
II. Extrait de deux lettres de 31. le chevalier
de Landriani à JM. de la Rochefoucauld ,
en mars
Un chimiste de Freyberg assez connu , M.
de WenzeJ, vient de faire une découverte très-
intéressante. Il a trouvé que le vrai régule de co-
balt, c’est à-dire ce demi-métal ne contenant ni
fer, ni arsenic, ni nickel, peut acquérir aussi bien
que le fer la vertu magnétique : avec ce métal
on a fait aussi des aiguilles déclinatoires, qui
ont un très -grand avantage sur celles de
fer en ce qu elles ne se rouillent pas à l’air ,
et qu’elles conservent très-fortement la vertu
magnétique. Mais la purification du cobalt est
très-pénible , sur-tout pour séparer l’arsenic.
J’ai découvert un procédé qui me paroît excel-
lent à cet effet , au moins les expériences que
j’ai faites semblent me le persuader.
II7. . . J’ai fait faire des démarches auprès de
M. Wenzel pour me procurer une bonne portion
de régule de cobalt parfaitement purifié, mais ce
chimiste cache soigneusement son procédé. Je
vous indiquerai ceux dont je me suis servi
avec succès. Vous qui connoissez le beau tra-
vail de Bergman sur le nickel , Vous savez que
l’ arsenic adhère très fortement aux métaux avec
lesquels il a de l’affinité ; que la violence du
feu le plus fort est insuffisante pour le sépa-
rer en entier , et que cette séparation se fait
beaucoup mieux en se servant d’un feu ménagé
et long-temps soutenu , qui sans oxider l’ar-
senic , soit suffisant pour le rendre volatil.
Lorsque fai séparé tout P arsenic qu’il est
possible de détacher par ce m< yen , je fais
o2/[. La Médecine
dissoudre le régule dans l’acide nitreux $ je
précipite la dissolution avec l’alcali, et je verse
sur le précipité desséché de l’acide marin , qui dis-
sout la chaux métallique sans attaquer l’arsenic
qu’on sépare de la solution par la filtration.
On peut effectuer cette séparation en préci-
pitant la solution de régule cobaltin avec
l’alcali phlogistiqué , et en faisant bouillir le
précipité qu’on obtient avec de l’àcide îKtreux,
car le précipité arsenical opéré par l’alcali phlo-
gistiqué, par l’ébullition de l’arsenic, devient
soluble dans l’eau , tandis que le précipité de
cobalt , le prussiate de cobalt , est entière-
ment insoluble dans les acides.
La séparation du nickel est plus difficile.
J’ai vu bien peu de mines de cobalt qui n’en
contiennent. M. "Watt m’a appris un procédé
en grand qui est assez, bon : il consiste à sco-
rifier le régule avec des doses de nitre très-
ménagées , et à séparer les premières scories
qui contiennent le cobalt presque pur , parce
que ce métal est plus facilement calcinable
que le nickel.
Je me suis servi aussi avec beaucoup de
succès, dans les expériences en petit, de l’alcali
volatil pour séparer le nickel. Je fais dissou-
dre le cobalt clans l’acide nitreux, et je pré-
cipite la dissolution par un alcali quelconque.
L’alcali volatil, mis en digestion sur ce préci-
pité , sépare le nickel du cobalt.
Quand j’aurai la quantité de cobalt purifié
que j’attends de l’Electeur, je me propose de
faire plusieurs expériences sur cette matière ,
qui n’a pas été encore assez bien examinée
des chimistes. Je vous enverrai aussi une aiguille
pour l’Académie.
3 2.5
éclairée, etc .
PHYSIQUE VÉGÉTALE.
Observations sur V accrois sentent des bois , com-
paré à celui des os ; par JM. Daubenton.
Les opinions sont partagées sur la formation
des os ; je ne ferai mention ici que de deux
des principales , qui ont pour auteurs Duhamel
et Haller.
Suivant Duhamel ^ « les os croissent en
35 grosseur par l’extension des couches osseu-
33 ses non endurcies , qui produit l’élargisse-
33 ment du canal médullaire, et parla suraddi-
33 tion des couches du périoste qui , en s’os-
33 siiîant , forment l’épaississement des parois
33 de ce canal 33.
Haller prétend au contraire que les os sont
formés par un suc glutineux chargé de parti-
cules calcaires , qui vient des artères et qui
s’unit au gluten primitif des fibres.
Malpighi compare l’accroissement des os à
celui des bois ; Duhamel pense que les os
croissent à très-peu de chose près comme le
corps ligneux des arbres. L’opinion de Haller
est différente : les observation^ que j’ai faites
sur l’accroissement du bois prouvent qu’il y
a des bois dont l’accroissement diffère beau-
coup de celui des os.
Le bois et l’écorce de la plupart des arbres
consistent en partie dans des couches con-
centx iques, composées d’un réseau ligneux dont
les mailles sont occupées par les prolongemens
médullaires. Le réseau forme des enveloppes
circulaires appliquées les unes sur les autres
le long du tronc des^’acines et des branches.
L’accroissement de l’arbre fait chaque année
X 3
32 6 E A MÉDECINE
une épaisseur de bois que l’on appelle couche
annuelle 5 lorsque l’arbre est coupé transver-
salement , on apperçoit la jonction des couches
annuelles de son bois , et par conséquent on
peut savoir le nombre de ses années. Dans
certains arbres on distingue aussi, dans les
couches annuelles , la jonction de plusieurs
feuillets qu’elles contiennent ; ces joiiKs sont
moins sensibles parce qu’ils ne viennent que
de quelque ralentissement ou de quelque com te
interruption dans la végétation, par de mau-
vais temps pendant la mauvaise saison, mais les
joints des couches annuelles sont plus marqués
parce que l’arbre a cessé de croître pendant
l’hiver.
Si l’on coupe transversalement le tronc d’un
palmier dattier , on n’y voit en aucune ma-
nière l’organisation du bois et de l’écorce de
la plupart des autres arbres. Au lieu de cou-
ches annuelles et de prolongement médullaire,
on ne distingue que des taches noires disper-
sées sans ordre sur un fond blanchâtre \ les
plus grandes de ces taches n’ont qu’un tiers
de ligne en diamètre , les autres sont de plus
en plus petites à mesure qu’elles se trouvent
placées plus près de la circonférence du tronc.
J’ai vu dans le tronc du même arbre fendu
longitudinalement , des hlets de même couleur
et de même diamètre que les taches de la
coupe transversale , et en même nombre ; en
effet , ces taches etoient formées par la coupe
transversale des filets : il y avoit entre ces filets
une substance blanchâtre qui les enveloppoit et
qui paroissoit sur la coupe transversale entre
les taches noires.
J’ai vu une portion d’un vieux tronc de pal-
mier déchirée longitudinalement 5 le tronc entier
ÉCLAIRÉE, etC. O27
auroit eu, à ce qu’il paroissoit , neuf pouces
de diamètre , et la portion déchirée avoit deux
pieds cinq pouces de longueur. Presque tous les
filets s’étendoient en ligne droite d’un bout
à l’autre : quelques-uns seulement étoient in-
clinés ou recourbés. Leur direction étoit très-
apparente , n’y ayant plus entre la plupart de
substance blanchâtre qui les enveloppât 5 elle
avoit été détruite par vétusté et ces filets étoient
jaunâtres 5 mais clans les endroits où la subs-
tance blanchâtre étoit restée , les filets qu’elle
enveloppoit avoient leur couleur noire.
Il y a lieu de croire que les filets longitudi-
naux et la substance blanchâtre du tronc dii
palmier dattier correspondent au réseau li-
gneux, à la moelle et aux prolongemens mé-
dullaires , etc. de la plupart des autres arbres r
ce qui me persuade que cette substance blan-
châtre peut être comparée à une moelle , c’est
que j’ai vu , par le moyen du microscope , des
vésicules transparentes dans une parcelle de cetté
substance , quoiqu’elle fut desséchée et altérée
par vétusté.
Le tronc de la plupart des arbres grossit
chaque année par l’addition d’une nouvelle
couche annuelle qui se forme entre le bois et
l’écorce ; au contraire , le palmier dattier né
grossit plus dès qu’il a pris le port d’un arbre.,
et qu’il est pour ainsi dire hors de l’âge dé
puberté , suivant les expressions de Kempfer,
dans son histoire du palmier ( 1 ). Cet auteut
ajoute qu’ alors les parties n’ augmentent ni
en nombre ni en grosseur , excepté le tronc
• ^
( 1 ) Araoenitatura exotiearum fasciculus IV , pag. 6j5 et
328 La M é D E C I N E
qui s’élève dans la suite , mais il garde tou-
jours la même grosseur et la même forme
cylindrique. On sait qu’un tronc d’arbre qui
a été formé par des couches annuelles doit avoir
moins de diamètre à sa partie supérieure qu’à
l’inférieure : comment se peut-il donc qu’un
palmier ait toujours le même diamètre à quel-
que hauteur que cet arbre puisse atteindre.
Les observations que j’ai pu faire sur lbs troncs
de deux palmiers en différons états , et les faits
que j’ai tirés de l’histoire et de la description de
cet arbre par Kempfer , m’ont donné quelques
idées ‘sur l'organisation et l’accroissement du
palmier dattier.
J’ai vu beaucoup de ressemblance entre les
pédoncules des deux ou trois premières feuilles
que produit le palmier dattier dans les premiers
mois de son âge et l’organisation du tronc ;
ainsi j’ai tout lieu de croire que les péduncules
des feuilles sont un prolongement des filets li-
gneux et de la substance cellulaire du tronc.
Suivant Kempfer il paroît , à six mois ou un
an, au centre de la jeune plante, un tubercule
comme un bourgeon formé par les rudimens
de feuilles serrées les unes contre les autres , et
contournées en rond. Il sort premièrement une
feuille de ce bourgeon, et d’autres ensuite , pen-
dant toute la vie de l’arbre, dont la durée est de
deux ou trois cents ans, au rapport de Kempfer.
Suivant le même auteur ce palmier est dans sa
vieillesse à cent ans , et dans sa décrépitude à
l’âge de deux cents ans et même de beaucoup
au-delà , suivant la tradition du pays. Un pal-
mier dattier ad ulte a 24 ou 3o pieds de hauteur ;
en vieillisant il va jusqu’à environ 5o pieds, et
a 70 pieds et plus dans sa décrépitude.
Le tronc est revêtu par les feuilles ou par les
ÉCLAIRÉE, etc. 3^9
restes de leurs queues. Tous les ans l’arbre
produit environ sept feuilles nouvelles et il
s’en dessèche sept des plus anciennes. Les
restes des feuilles forment sur le tronc , au
lieu d’une vraie écorce , une enveloppe d’abord
écailleuse , ensuite raboteuse , et enfin unie
lorsque l’arbre est en décrépitude.
Chaque feuille , en sortant du bourgeon , est
formée par un prolongement des filets ligneux
et de la substance cellulaire qui sont dans le
tronc de l’arbre ; on les voit dans le peduncule ,
ils sont très - apparens dans les restes de la
feuille desséchée qui tiennent au tronc. L’ac-
croissement de ce tronc est donc produit par
les feuilles qui en sortent chaque année : à
mesure que les nouvelles feuilles paroisserit,
les filets ligneux et la substance cellulaire dont
elles sont une continuation , se trouvent pla-
cés de plus en plus près du centre du tronc ;
la partie qui fait tous les ans son accroisse-
ment se forme donc au centre. La partie du
tronc déjà formée dans les années précédentes
doit nécessairement être déplacée et portée au
dehors, comme l’écorce des arbres à bois en
réseau est rejettée en dehors pour faire place
aux nouvelles couches qui se forment entre
l’écorce et l’aubier. Cette sorte de recul n’a
point de limites dans ces arbres, parce qu'il
se forme tous les ans de nouvelles couches
corticales qui sont flexibles , et que les ancien-
nes qui ne le sont plus se fendent et se dé-
truisent 5 aussi la grosseur de ces arbres n’est
pas limitée comme celle du palmier dattier, qui
ne va guère au-delà de dis? pouces ; c’est parce
que la substance du tronc a d’autant plus
de compacité qu’elle se trouve plus près de la
circonférence , et qu’à un certain point de tien-
33o l a Médecine
site elle ne peut pins céder à l’effort des parties
intérieures du tronc et se porter en dehors ;
aussi l’arbre parvenu à ce terme ne grossit
plus.
C’est par la même raison cpie le tronc du
palmier a la même grosseur dans toute sa lon-
gueur : à mesure que l’arbre s'élève, les parties
de la substance du tronc perdent successive-
ment leur flexibilité au même terme'; ainsi
elles doivent cesser de se porter en dehors
lorsqu’elles sont parvenues au même degré de
densité dans tous les points de la hauteur de
l’arbre : par conséquent le tronc a nécessaire-
ment la même grosseur dans toute sa longueur.
Au contraire, les arbres dont le bois est formé
par réseaux , grossissent tant ciu’üs vivent ,
leur tronc a moins de diamètre a sa partie
supérieure qu’à l’inferieure. La grosseur de
ces arbres augmente pendant toute leur vie ,
parce qu’il se forme tous les ans une nouvelle
couche entre l’aubier et l’écorce. La partie
inférieure du tronc est la plus grosse , parce
qu’elle renferme un plus grand nombre de
couches ligneuses et corticales. La figure du
tronc est le plus souvent fort irrégulière et
même difforme , parce que vies couches annuel-
les n’ont pas la même épaisseur dans toutes
les parties de leur circonférence ; les racines
et les branches sont les causes de cette inégalité ,
par hi différence de grosseur et de force qui
se trouve en tr’ellés. Les branches qui ont cm
sur !e tronc le difforrnent ou elles gâtent le
fil du bois au dedans.
Jusqu’à présent ou a regardé le palmier
comme un arbre dont le tronc avoit du bois
et de l’écorce, cependant il me paroît qu’il
n’y a dans cet arbre ni bois proprement dit ,
^ciiihîe, etc. 33i
ni écorce , et que , par conséquent , ce n’est
pas un arbre., quoiqu’il s’élève à une très- grande
hauteur et que la substance de son tronc soit
fort dure • mais il n’a point de branches , point
d’autre écorce que des restes de ses feuilles
desséchées et presqu’entièrement détruites. Ce-
pendant, quoique la substance du tronc du pal-
mier n’ait pas la même organisation que le
bois des vrais arbres, elle est composée comme
ce bois de fibres ligneuses et de substance cel-
lulaire disposées d’une manière particulière ;
c est essentiellement une sorte de bois. Il fan-
droit donc avoir un nom particulier pour la
désigner ; son caractère seroit difficile à expri-
mer par un seul mot : on pourroit peut-être
le dénommer bois en faisceaux , lignum fascicu-
latum , pour le distinguer dh bois ordinaire
qui est par réseaux , lignum reticulatum.
J’ai reconnu l’organisation du bois par fais-
ceaux dans plusieurs espèces de plantes que
Linnéus a comprises sous le genre qu’il a nommé
calamus.
Le jet ou jonc dont on fait des cannes et
que l’on apporte de Bengale et de Malaca, est
tm bois à faisceaux ; ses filets ligneux m’ont
paru à proportion plus nombreux que dans le
palmier ; il y a moins de substance cellulaire
entr’eux , et la cavité des filets est plus grande:
de manière que j’ai vu le jour à travers les
filets d’une lame transversale de ce bois qui
avoit quatre lignes d’épaisseur et huit lignes
de diamètre ; aussi l’eau que l’on souffle dans
dans ces jets passe d’un bout à l’autre ; toutes
ces circonstances contribuent à les rendre aussi
légers et flexibles qu’ils le sont. Linnéus ne rap-
porte au genre calamus qu’une seule espèce
sous le nom de rotang ; cette plante n’est pas
3*2 LA MÉD3Cl7<rK
le jet : les botanistes n’en ont aucune connois-
sance.
La partie extérieure cle la tige du jet ne m’a
paru différer de l’intérieure qu’en ce que les
filets ligneux y sont plus serrés les uns contre
les autres , comme dans le palmier; mais il y
a sur le jet des nœuds circulaires placés à dif-
fé rentes distances les uns des autres ; après
avoir observé l’organisation intérieure à l’en-
droit de l’un de ces nœuds , j’ai présumé qu’il
n’avoit été formé que par une feuille qui étoit
sorlie de la tige à cet endroit , et que l’on
avoit. détaché de chaque nœud des jets que l’on
vouloit mettre dans le commerce. Les fdets
ligneux qui entrent dans chaque feuille , se dé-
tachant de la tige, en diminuent le diamètre;
ainsi les parties qui sont entre deux nœuds ont
d’autant moins de grosseur qu’elles se trou-
vent placées à une plus grande hauteur. Les
parties qui sont entre les nœuds ont différen-
tes longueurs , et chaque partie a moins de
diamètre à l’extrémité supérieure. On recherche
pour faire des cannes les parties les plus lon-
gues et dont la forme est la plus agréable à
l’œil par la diminution successive de leur dia-
mètre : c’est ce que l’on appelle un jet bien
filé. Cette plante diffère donc du palmier en
ce que les feuilles sont à de longues distances
les unes des autres , et que la tige n’a pas le
même diamètre dans toute sa longueur.
Cette feuille , avant de sortir au dehors, forme
le long du jet une côte qui est d’autant moins
saillante que le jet est plus jeune et par con-
séquent la feuille plus petite : à peine cette
côte est-elle sensible sur les jets menus et longs,
qui sont les plus recherchés.
Le rotin on ro£an est une plante à bois en
I
ÉCLAIRÉE, etc. 333
faisceaux bien connue dans le commerce, parce
que l’on en fait des cannes appellées badines ,
qui sont aujourd’hui plus à la mode que jamais.
Ses iiiets ligneux sont à proportion plus nom-
breux que ceux du palmier, et par conséquent
la substance cellulaire est en moindre quan-
tité : la cavité des filets est plus grande , de
manière que j’ai vu le jour à travers les filets
d’une lame transversale de ce bois qui avoit
deux lignes d'épaisseur et quatre lignes de
diamètre ; l’eau que l’on souffle dans les tiges
du rotin passe d’un bout à l’autre : toutes ces
circonstances contribuent à rendre ces tiges
fort légères et très-flexibles. Les filets ligneux
étant dépouillés de la substance cellulaire qui
les enveloppe , sont assez déliés et assez son-
pies pour former au bout de la tige une brosse
qui peut servira nétoyer les dents. C’est avec
la partie extérieure du bois de rotin, coupée
en lanières , que l’on fait le tissu des sièges
de cannes. On dit que cette plante est fort
abondante' sur les côtes du détroit de Ma-
laca.
Le rotin n’étoit connu jusqu’à présent que
par les tiges qui se débitent dans le commerce;
mais il vient d’en arriver au jardin du roi un
plant bien conditionné , qui m’a donné l’occa-
sion de faire sur cette plante des observations
plus étendues.
Les filets ligneux de la tige du rotin pa-
roissent à sa surface en ce qu’elle a des stries
longitudinales; elles sont lisses et luisantes.
Les gaines des feuilles enveloppent la tige, et
les côtes sont placées alternativement de côté
et d’autre à différentes distances, qui sont de
plus en plus grandes à mesure que la tige
s'élève. Il y avoit sur la partie inférieure d’une
334 La Médecine
tige que j ai eue , et dont la longueur étoit de
deux pieds et demi , quatre pouces de distance
entre la première et la seconde côte , et neuf
pouces entre la quatrième et la cinquième côte.
Les gaines des feuilles sont formées par des
filets ligneux de la partie extérieure de la tige ,
et par la substance cellulaire qui est entr’eux.
On voit sur la coupe longitudinale de cette
tige , que sa partie extérieure devient plus corn-
Î>acte dans l’épaisseur d’environ un tiers de
igné. Cette partie se sépare du reste de la tige
à l’endroit de la côte suivante , devient une
gaine épineuse et recouvre une partie exté-
rieure de la tige qui a pris de la compacité,
cette partie se sépare à son tour de la tige et
devient aussi une gaine épineuse : les mômes
productions se font successivement dans les
intervalles qui se trouvent entre deux côtes
de feuilles. Pendant cet accroissement , le corps
de la tige a le même diamètre dans toute sa
longueur, comme dans le palmier $ ce qui vient
nécessairement de ce que les filets ligneux et
la substance cellulaire se développent et s’ac-
croissent à mesure que la tige s’élève.
Des deux gaines qui embrassent la tige du
rotin , l’intérieure tient au moins en partie
à cette tige ; elle est lisse par le dehors. La
gaine extérieure a aussi sa surface intérieure
lisse , mais l’extérieure est parsemée d’épines
placées irrégulièrement , un peu inclinées en
haut , de couleur brune et de longueur iné-
gale j celles que j’ai vues s’étendoient au plus
à un demi-pouce.
La côte de la feuille a aussi des épines comme
la gaine , dont elle est un prolongement. Cette
côte étoit terminée par une foliole dansla feuille
que j’ai observée , et portoit de chaque côté
ÉCLAIRÉE; etc. 335
treize autres folioles qui a voient quelques peti-
tes épines.
Il y a beaucoup de plantes dont la tige est
en faisceau . En suivant l’examen des troncs
des arbres et des tiges des plantes , on trou-
vera de nouveaux moyens pour déterminer les
caractères spécifiques des végétaux , et les dis-
tinguer des qualités accidentelles et variables.
Cette distinction n’est pas établie jusqu’à pré-
sent sur des principes plus certains par rapport
aux races des animaux. On fait tous les jours
des équivoques en prenant pour espèce ce qui
n’est que race ou variété. Si l’on avoit des
moyens sûrs pour reconnoître les caractères
vraiment spécifiques , on éviteroit beaucoup
d’erreurs en histoire naturelle.
ANATOMIE.
Concrétion osseuse formée dans la glande thi -
roide ; par M. Boyer., chirurgien à Paris .
Cette concrétion a été trouvée sur le cadavre
d’un homme âgé de soixante-dix ans, mort à la
suite de l’étranglement d’une hernie inguinale,
formée par l’intestin cæcum et une partie de
l’iléon; elle étoit située à la partie antérieure
et inférieure du cou , derrière l’extrémité in-
férieure du muscle sterno-cleido-mastoïdien
gauche : la forme de cette concrétion est ob-
longue, aplatie sur une de ses faces, sa superfi-
cie est inégale ; elle a dix huit lignes d’étendue
dans son grand diamètre , son poids est de
3 gros 5 o grains.
Quoique cette concrétion ait été trouvée
à la partie inférieure du cou , bien au-dessous
de la glande thiroïde , néanmoins elle avoit
pris naissance dans cette glande ; en effet ,
336 La Médecine
la dissection a fait voir qu’elle étoit recouverte
d’une substance en tout semblable à celle de
la glande , a laquelle elle tenoit par un pro-
longement de cette même substance. Il est à
remarquer qu’on ne voyoit aucune trace de
cette concrétion à l’extérieur ; mais l’on con-
çoit aisément , que si elle eût acquis un vo-
lume considérable , elle auroit formé une tu-
meur dont on n’auroit pas soupçoApé' la na-
ture , et sur laquelle le topique qu’on n’au-
roit pas manqué d’y appliquer n’anroit eu au-
cune action , puisqu elle etoit osseuse et non
susceptible d’être fondue ou ramollie par les
topiques qu’on a coutume d’appliquer sur les
tumeurs.
MATIÈRE MÉDICALE.
Extrait d’une lettre de M. Wilkinson, chirur-
gien de Sunderland , en Angleterre , adressée
à M. Vicq-d’Azyr, touchant V écorce d' an-
gus tur a.
Sunderland , z5 Mai.
•c En 1790 j’ai communiqué à mon ami, le
docteur Simmons , quelques observations sur
Y écorce d’angustura. Ces observations ont été
publiées dans le vol. XI. du journal de Mé-
decine de hondj'es , et ont reparu encore clans
un excellent essai du docteur Brand , que je sup-
pose que vous connoissez déjà depuis long-
temps. Mes expériences ultérieures et la corres-
pondance de plusieurs Médecins de mes amis,
m’ayant mis en état de parler plus positive-
ment sur les bons effets de cette écorce , j’ai
fait imprimer de nouveaux détails sur cet ex-
cellent remède. Ces détails ont paru dans le
second volume des Faits et Observations de
Médecine du docteur Sfmmons, sous la date
^ du
iCLA tRÜE, CtC. 337
du 4 octobre 1791- Comme vous ne tarderez
peut-etre pas à avoir connoissance de ce que
j’y dis de cette écorce,, je me contenterai de
vous faire part de mes nouvelles épreuves dans
différens cas qui se sont présentés à moi de-
puis ce temps
««Dans les diarrhées des enfans , j’ai plusieurs
fois obtenu d’excellens effets de ce remède ,
et souvent après deux ou trois doses seule-
ment. L’effet en est: quelquefois si prompt
que plusieurs personnes ont paru fort surprises
de voir , après deux prises , un soulagement
remarquable dans des cas où les enfans ren-
doient une grande quantité de glaires mêlés
de sang. Voici comment je donne cette subs-
tance j prenez, poudre d’écorce d* angustura t un
scrupule ; eau de cannelle , deux onces : ou bien
prenez craie préparée , quinze grains ; poudre
d’écorce d’ an gustura , un scrupule ; gomme ara-
bique > huit grains ; eau de canelle siîiiple ,
deux onces. M. La dose est de deux oa trois
cuillers à café deux ou trois fois le jour , sui-
vant les cas. La seconde de ces préparations,
m’a paru mieux réussir ».
«Les diarrhées ont régné pendant quelque
temps dans cette ville et ses environs, sur-tout
pendant les quatre ou cinq semaines derniè-
res. Toutes celles que j’ai vues étoient accom-
pagnées de symptômes dissenteriques ; elles ré-
gnoient sur-tout parmi les femmes du pauvre
peuple plutôt que parmi les hommes. Les
coliques étoient violentes et' suivies de glaires
et de tenesmes. Ma méthode étoit d’abord de
vider les intestins avec la magnésie , la rhubai -
be , et l’alcali tartarisé ; ensuite de donner
Y écorce d’angusture de dix à quinze grains
trois ou quatre fois le jour , dans de l’eau
Tome III. N°. XI. Y
338 La Médecins
de canelle ou de riz. D’autres fois j’ai donné
la décoction de la même écorce , qu’on fait
ainsi. On fait bouillir une demi-once de cette
substance en poudre grossière , dans dix-huit à
vingt onces d’eau, pendant dix ou quinze minutes.
Sur six onces de cette décoction j’ajoute deini-
once de teinture de 'canelle et vingt gouttes
de teinture d’opium , et j’en donne pour chaque
dose, suivant les cas, trois cuillerées à bouche.
Ce qu’il y a de remarquable est que six do-
ses , et quelquefois moins , ont souvent guéri
la maladie ; et que , dans les cas les plus gra-
ves , rarement en a-t-il fallu plus de douze ou
dix-huit >*.
«< Nombre des malades auxquels j’ai donné
ce remède avoient été très-mal pendant quel-
que temps , et avoient pris d’autres remèdes
avant de prendre cette écorce : ce remède passe
ordinairement sans incommoder l’estoinac , et
alors les malades sont communément soulagés
dès la première prise >*.
« Une expérience constante m’a convaincu
du peu d’efficacité du kinkina donné, soit en
poudre seul , soit en décoction , dans les cas
de dispepsie , ou dans les affections appellées
maladies nerveuses. Rarement convient -il à
l’estomac , et souvent on le rejette •, c’est pour
cette raison que j’ai souvent été obligé d’a-
voir recours à la teinture stomachique recom-
mandée par le docteur Whyt d’Edimbourg ,
(Observ. on nervous. diseases. iy65. p.328. 372)
que je donne étendue dans trois fois autant
d’eau. Toutefois cette teinture, même la racine
de columbo , le lignum quassia , et en un îtiofc
tous les remèdes connus sous la dénomination
■A.’ amers chauds , sont bien loin d’avoir au-
tant d’effet que l’écorce d’angustura dans le»
ÉCLAIRÉE, etc. 33p
cas dont je viens de parler. Cependant , dans
les cas où ces maladies sont accompagnées de
dérangée ens dans les viscères , ce 1 emède doit ,
comme tous tes autres , être sans effet. Néan-
moins dans ces Gas mêmes on peut y compter , si
l’on a soin d administrer les désobstruans avant
de passer à l’usage de l’écorce d’angnsture,
sur-tout dans les cas des eimorsemens abdo-
minaux. C^est pour cela cjue souvent je fais
prendre les remèdes aloétiques joints aux sa-
von eux , auxquels je rnêie ordinairement de
petites doses de calomel, et par fois de doux
purgatifs , comme la magnésie , la rhubarbe et
l’alca i tartarisé. Dans les cas où j’ai observé
que ce remède nuisoit à l’estomac et causoit
un sentiment de chaleur , j’ai joint à sa dé-
coction ou à son infusion la magnésie calcinée
avec un effet très-avantageux. J’ai de même
employé ce remède avec un succès peu ordinaire
dans les coqueluches j j’en ai cité un exemple
très-remarquable dans ma dernière dissertation
insérée dans les faits et observations de mé-
decine. Depuis ce temps, j’en ai fait usage
dans quatre occasions avec un succès étonnant.
Dans deux de ces cas , je n’a vois administré
aucun antre remède ; dans les deux autres ,
j’avois fait usage , à la manière de FotherghiJl f
de légères doses d’émétiques antimoniaux, mais
sans aucun succès. Je l’ai employé dans ces cas
en infusion , à la dose d’une cuillerée trois. fois
le jour, et moins pour les plus jeunes sujeis.
Peu de jours ont suffi pour rétablir ces malades.
Aucun n’a demeuré malade plus de quinze jours
après, et aucun n’a pris au-delà de huit onces
du remède. Deux autres malades en font usage
actuellement et sont en train de guérison 33.
« Comme cette écorce tient un rang distingue
340 r a Médecine
parmi les remèdes toniques , je ne serois pas
surpris de lui voir produire des effets très-
surprenans, même sous forme de ciyslères. Cela
seroit très-bon à essayer dans les coqueluches
clés en fans et dans les autres cas où on ne peut
radministrer par ia bouche. La promptitude de
ses effets , son activité et une sorte de propriété
calmante dont elle paroît douée , et que je suis
tenté d’attribuer à son huile essentielle , très-
analogue au camphre , me déterminent à
adopter cette opinion. Elle pourroit sans doute
avoir une activité semblable , même appliquée à
la peau sous forme de fomentations, mais je
n’ai point eu occasion de l’employer de cette
manière , si ce n’est dans deux cas d’cphthalmie
ou inflammation des yeux occasionnée par un
vice scrophuleux , et dont j’ai fait ment on. Je
l’ai encore employée dans deux cas paieiis avec
un succès égal. Dans ces cas , j’en fais une
lotion, j’y trempe des linges que j’applique en
forme de compresses qu’on met sur la partie,
avant de se mettre au lit, et qu’on garde toute
la nuit Je préfère alors généralement l’infusion ,
qu’on fait plus ou moins forte , selon le cas et
le degré d’irritabilité de la partie affectée ».
« Comme fébrifuge , je n’ai pas encore pu
comparer suffisamment l’action de ce remède
avec celle du quinquina ; mais ce que j’ai dit ,
et ce qu’en a écrit M. Brand , doit vous faire
concevoir que les propriétés de ce remede doi-
vent encourager les praticiens instruits à l’es-
sayer. Mon savant et digne ami, M. Lettsom ,
appelle ce remède un estimable végétal , et
m’a assuré dans une de ses dernières lettres
qu’il se préparoit à publier ses observations à
ce sujet ».
« En un mot ., ce remède paroît être un sup-
iCLÀIRKE, etC. 341
plément bien avantageux à notre matière mé-
dicale, et je me flatte que des expériences bien
faites par d’autres praticiens et exposées avec
franchise, serviront à confirmer ce que j’en ai
dit et à en accréditer l’usage ».
Nous savons qu’on trouve cette écorce chez
M. Pelletier, apothicaire, à Paris, rue Jacob.
MÉDECINE PRATIQUE.
Fin du compte rendu sur T électricité médicale ,
par M. Mauduyt.
On a indiqué il y a quelques années l’élec-
tricité comme le remède de l’épilepsie , sans
distinction des différentes espèces de cette ma-
ladie ) l’assertion à cet égard à été reçue avec
confiance et accréditée pendant un temps assez
long , sur- tout à Paris , et même dans tout le
royaume. Cependant , malgré le grand nombre
de malades qui a été électrisé, la guérison
d’aucun épileptique n’a été évidemment cons-
tatée. La faculté de médecine avoit nommé des
commissaires pour suivre cet objet , pour être
témoins des traitemens : ils ont fait un pre-
mier rapport dans lequel ils donnoient lieu
d’espérer des succès ; ils promettoient d’en
rendre compte et de les constater par un second
rapport 5 il n’a pas été fait : c’est au moins une
forte présomption que les succès attendus n’ont
pas eu lieu. Les commissaires nommés par la
faculté auroient-ils négligé dans un objet si
important de rendre témoignage des succès
dont ils auroient été témoins ? S’il y en a eu ,
ils n’ont donc pas été constatés et dès-lors ils
ne sauroient être comptés ? Mais des phy-
siciens qui n’avoient rien annoncé , rien pro-
mis , ont employé l’électricité pour traiter des
ç\rr
O )
042
”dés à
oCS.
>np
o 1. Ü £-
La Médecine
épileptiques , et ils se sont tous
assurer qu’ils n’avoient obtenu rir
J’ai été cle ce nombre ; j’ai élcc
d’épileptiques , quelques-uns mêi
temps, je n’en ai ni guéri, ni même soiè’gé
aucun. Les auteurs Anglois , même ceux qui
accordent le plus de pouvoir à l'électricité
contre les maladies nerveuses , ne placent pas
l’épilepsie au nombre des maladies auxquel-
les elk remédie. Je crois , et les faits dont j’ai
été témoin , et ceux que différens observateurs
ont publiés , assez nombreux pour conclure que
l’électricité n’est point le remède de l’épilep sie et
qu’on avoit à cet égard des espérances vaines.
Il peut être arrivé , et il arrivera que l’on
remédie à des attaques épileptiques , sympto-
matiques , dépendantes d’une cause curable par
l’étectricicé , comme la suppression des règles;
mais pour l’épilepsie essentielle , je ne pense
pas qu’on en ait guéri et qu’on en guérisse
jamais par l’électricité.
Tumeurs , en gorgômens .
Quelques physiciens pensent que le souffle
électrique est capable de dissiper les engorge-
mens , les tumeurs , les obstructions; ils éten-
dent la propriété dissolvante du fluide jusqu’à
le regarder comme assez actif pour fondre et
dissiper lessquirres , les anküoses ; iis citent des
faits à l’appui de leurs assertions, mais ils n’en
fournissent pas de preuves. Ces faits ne sont
pas énoncés par des médecins , et la nature
de la maladie n’avoit pas été constatée par des
personnes qui en pussent juger. Il est donc in-
finiment probable qu’on s’est trompé sur le
caractère du mal , et que de simples embarras
£ c l a i k £ e , etc. 3 43
ont été pris pour des; obstructions et des squir-
res , le gonflement des articulations pour des
ankiloses , etc. Tout le monde sait que clans
le squirre , l’ankilose, il y a destruction de l’or-
ganisation ; qu’il ne peut y avoir par consé-
quent de remède qui rétablisse les fonctions
de la partie lésée , et les propriétés dissolvan-
tes et résolutives de l’électricité ne paroissent
pas avoir d’action au-delà des simples embar-
ras , des empâtemens , des congestions , des en-
gorgemens • commençans.
Les gonorrhées sont souvent suivies d’un
écoulement qui fatigue et qui est difficile à
arrêter 5 le même accident ou de fréquentes
émissions involontaires de semence sont sou-
vent la suite funeste de l’onanisme ; enfin , quel-
ques hommes sont privés de la faculté virile
ou la perdent fort jeunes après en avoir joui
sans cependant en avoir abusé , sans qu’ils se
soient épuisés , et quoiqu’ils conservent toutes
les autres fonctions dans leur intégrité.
On a indiqué l’électricité comme un remède
excellent , et dont l’heureux effet ne manque
jamais dans les cas que j’ai cités. Je l’ai em-
ployée plusieurs fois et elle n’a été suivie d’au-
cun succès , quoique je me sois appliqué , en
l’administrant , à suivre la méthode indiquée
par l’auteur qui conseille ce remède. Je cite-
rai un seul fait en particulier. Un médecin de
province , homme fort et bien portant ,âgé de
quarante ans , après avoir joui de la faculté
virile , en avoir usé , mais sans excès , jusqu’à
l’âge de trente et quelques années , ne s’étant
jamais abandonné à l’onanisme, perdit tout-à-
coup la faculté dont il avoit joui, et depuis
plusieurs années ne s’étoit jamais trouvé en état
d’érection 5 cependant il éprouvoit des désirs ,
Ÿ4
344 La. Médecine
ou au moins il en concevoit en imagination $
il étoit attaché d’affection à une personne dont
il étoit aimé qui pressoit son union avec lui :
tout convenoit réciproquement dans ce mariage ;
les sentiments , l’âge , la condition, Infortune.
Le futur époux, après avoir épuisé les res-
sources de la médecine , ayant lu l’ouvrage
dans lequel l’électricité est présentée comme
un remède efficace dans le cas où ul se trou-
voit , vint à Paris me consulter , et nous dé-
cidâmes d’employer l’électricité ; le malade en
lit usage pendant un mois , lui et moi atten-
tifs à ne rien omettre des pratiques prescrites;
cependant il n’y eut aucun effet , aucun signe
qui en pût faire espérer.
O11 a mis la manie et la mélancolie hypo-
condriaque au rang des maladies curables par
l’électricité ; on a traité les malades par des
commotions fortes données à travers le cerveau.
On a cité à cet égard entr’ autres l’exem-
ple d’un magistrat de province , maniaque , et
d’un religieux à Paris , mélancolique hypocon-
driaque. Le magistrat fut conduit dans un ac-
cès de manie à Paris , y fut électrisé , recourra
son bon sens , repartit , et arrivé dans sa pro-
vince, guérit, y reprit et remplit comme avant son
accident scs fonctions de magistrature. Le reli-
gieux dans l’état d’une mélancolie si profonde
qu’elle le portoit à attenter à ses jours , et lui
rendoit le fardeau de la vie insupportable , ve-
noit tous les jours de son couvent au lieu où
il étoit électrisé ; les idées sombres qui l’af-
fectoient se dissipèrent, et il fut, dit -on,
pleinement gnéri. Un médecin témoin de ces
deux faits , m’en a souvent fait le récit , et
me les a cités comme preuves que la manie et
la mélancolie hypocondriaque sont des mala-
ÉCLAIRÉE, etC. 3 4-5
(lies curables par l’électricité. Je lui objectois
d’abord , que deux faits sur deux objets dif-
lérens , ce qui les réduit à un seul fait de sa
nature , ne forment pas une preuve : en second
lieu , lui ai-je souvent dit , avant de tirer des
deux faits .même une présomption , attendez
quelque temps \ car les maniaques ne le sont
que par accès plus ou moins éloignés , et ils
jouissent dans les intervalles de toute leur rai-
son comme les autres hommes ; c’est ce qui
arrive sur-tout après les premières attaques ,
et lorsque la date de la maladie est récente ,
cas dans lequel est le magistrat. Attendez donc
quelques mois , même une année et plus , et
s’il n’a pas eu de récidive , concevez quelque
espérance , mais ne concluez pas avant un laps
de temps suffisant. Quant au religieux , ne
comptez-vous pour rien la sortie de son cou-
vent, la traversée de Paris, les matinées pas-
sées dans un lieu où il trouvoit des hommes
rassemblés, où l’entretien , les objets variés, le
distrayoient et effaçoient les idées dont il étoit
obsédé. Ces causes seules ne sont elles pas , in-
dépendamment de l’électricité, suffisantes pour
changer son état? Attendons , pour avoir une
opinion à son égard , qu’il soit rentré dans
la solitude et le silence de sa retraite. Jecrains,
lorsqu’il y aura passé quelque temps , qu’il
ne redevienne ce qu’il étoit. Si ma crainte
ne se vérifie pas , je vous croirai fondé à
tirer de son exemple une induction favorable
à futilité probable de l’électricité contre la
mélancolie. Le médecin promit de suivre l’his-
toire des deux malades , de m’en faire part ,
et de la publier. On a parlé dans le temps
de leur cure , et depuis il n’en a plus été ques-
tion. Rien ne prouve donc, jusqu’à présent ,
I
346 La M é d e c in e
que l’électricité soit un remède contre la ma-
nie et la mélancolie. On n’en auroit de preu-
ves qu’autant qu’un nombre de malades assez
grand auroit été électrisé, et qu'un temps assez
long pour confirmer leur guérison se seroit
écoulé depuis la fin du traitement qu’ils auroient
subi.
J’entrerois dans des détails trdp longs si je
rapportois tous les maux contre lesquels on a
pr ésenté l’électricité comme un remède assuré.
Une preuve que ces assertions étoient sans fon-
dement , c’est qu’on a cessé d’employer l’élec-
tricité contre ces maux; qu’on a , au contraire,
continué d’en faire usnge dans les cas dans
lesquels elle est en effet utile. Il est cepen-
dant un genre de maladie à l’égard duquel
je ne passerai pas sous silence ce qu’on a
annoncé des avantages de l’électricité ; il se-
roit trop important de vérifier le fait , de le
rendre public s’il avoit lieu , pour garder le
silence et s’en tenir à la simple probabilité
pour rejetter une annonce si avantageuse.
On lit dans le traité de Cavallo , que di-
vers électriciens anglois regardent l’électricité
comme le spécifique contre les fièvres inter-
mittentes j ils administrent l’électricité au mo-
ment du frisson, par étincelles et par légères
commotions ; ils tirent des étincelles de toute
la surface du tronc et des membres , et font
passer les commotions en tout sens à travers
les diverses parties internes. La séance est
de quarante à quarante-cinq minutes. Ils pres-
crivent aux malades de se mettre immédiate-
ment au lit , de prendre une ou deux tasses
d’une boisson diaphorétique , de demeurer
bien couverts sans être surchargés ; il survient
une sueur abondante , et ce traitement , sui-
ÉCLAIRÉE, etC. û4y
vaut les auteurs qui le conseillent, est si effi-
cace , qu’il est rare que la fièvre ne soit pas
dissipée par une seule séance, et qu’elle ne
résiste jamais à trois séances. Les avantages
inappréciables qui résulteraient d’une méthode
si simple , si facile à pratiquer , si utile con-
tre les diverses espèces de fièvres intermitten-
tes , car on annonce la valeur de cette mé-
thode sans exception , m’ont fait vivement
souhaiter, depuis que j’en ai eu connoissance ,
de la mettre en pratique. La nécessité d’élec-
triser pendant le frisson et de faire ensuite cou-
cher le malade , m’a empêché de la vérifier
par ma propre expérience : je n’en ai trouvé
qu’une occasion , ce fut au dépôt de mendi-
cité à Saint-Denis. Un malade a voit eu déjà
douze accès de fièvre tierce , il avoit été traité
méthodiquement , il prenoit depuis quelques
jours des apozêmes fébrifuges ; rien n’annon-
çoit que la fièvre fut prête à se terminer. M.
Davan , Médecin du dépôt et moi , convînmes
que le malade seroit électrisé lé prochain jour
de fièvre , et nous recommandâmes au chi-
rurgien chargé du traitement électrique d’être
attentif au moment où le malade seroit pris
du frisson. Toutes les conditions du traitement
furent exactement remplies : le malade n’eut
point d’accès pendant les dix jours suivans ;
mais le onzième il commit une imprudence
dans le régime , il eut une indigestion de ce-
rises dont il avoit beaucoup mangé : dès ce
même jour la fièvre le reprit et les accès se
renouvellèrent aux jours ordinaires. Le malade
fut purgé , et nous lui conseillâmes de rece-
voir l’électricité ; il refusa d’user de ce re-
mède , sans donner de raison valable de son
refus. Ayant la fièvre , il étoit à l’infirmerie
3/(8 L a M É D E C I N K
mieux couché , mieux nourri , que rentré dans
les corridors , et il se peut qu’il ne crut pas
acheter ce mieux être par l’état fébrile. Cepen-
dant est- ce l’ électricité qui avoit suspendu ou
dissipé la fièvre ? est-ce l’erreur commise dans
ce régime qui l’a rappellé-e ? Il n’y a rien à
conclure d’un seul fait , et de celui ci seu-
lement , que le résultat en a été conforme à l’as-
sertion des auteurs anglois. Cependant leur as-
sertion date de près de dix ans : comment, depuis
ce temps , l’électricité n’est-elle pas reconnue en
Angleterre et dans toute l’Europe, pour le spé-
cifique des fièvres intermittentes ? Je pense
que quelques circonstances en ont d’abord im-
posé et qu’on a conclu beaucoup trop-tôt 5 mais
relativement à un objet aussi important , je
crois qu’on devroit constater la réalité ou la
fausseté du fait par la voie de l’expérience.
On le doit d’autant plus, que supposé le fait
vrai, il en résulteroit d’inappréciables avan-
tages j et que s’il est faux , il ne peut y avoir
aucun risque pour les malades soumis à l’ex-
périence.
On sera sans doute surpris qu’après avoir
consacré pendant quinze ans la plus grande
partie de mon temps à l’électricité médicale,
j’aie à tirer des faits très-nombreux dont j’ai été
témoin, un si petit nornbrede conséquences prou-
vées par les faits et démontrées par inexpérience.
Sans doute on eût pu faire beaucoup plus, et il
reste beaucoup à faire dans cette carrière nou-
velle. Personne n’y a fait encore que les premiers
pas : mais en tout genre de découvertes, d’ex-
périences , de connoissances nouvelles en mé-
decine, on n’avancera jamais, on ne découvrira
la vérité , on ne dissipera l’erreur , on n’ac-
querra des lumières , 011 ne perfectionnera la
ÉCLAIRÉE, etC. 349
science qu’autant que dans un hôpitaj , on ad-
ministrera les traitemwns nouveaux à un nom-
bre déterminé de malades , les traitemens an-
ciens à un nombre égal ; que d’ailleurs toutes
les circonstances seront les mêmes autant qu’il
se pourra; que par des expériences, que j’ap-
pelle contradictoires . on constatera l’efficacité
plus grande d’un traitement que d’un autre , et
qu’ autant encore ( car cette condition est aussi
nécessaire) que l’on pourra constater long-temps
après les traitemens , l’état des malades pour
s’assurer si les traitemens n’auront point eu
de suites fâcheuses.
Je 11’ ai pas été à même de remplir ces condi-
tions ; c’est ce qui a contribué pour beaucoup
à retarder les progrès que j’aurois pu faire.
Ceux qui seront placés à la tête des écoles
cliniques auront l’avantage d’y satisfaire, et,
placés plus favorablement que moi , ils pour-
ront se promettre en électricité médicale des
succès plus nombreux que les miens.
PHARMACIE.
Rectification de V ammoniaque , par JM. V au-
quelin.
En préparant l’ammoniaque, alca li volatil , il
arrive souvent, quand on travaille sur de grandes
quantités de maLières , qu’une partie del’ainmo-
niaque qu’on obtient a une couleur fauve plus
ou moins intense , et une odeur empyreumatique
quelquefois très-forte.
De l’ammoniaque telle que celle-là peut bien
servir à la plupart des usages ordinaires de la
chimie , même à des expériences de recherches ,
mais elle n’est pas comnterçahle , et elle ne peut
O JO L A M E D E C I N 2
pas servir aux usages domestiques , et particu-
lièrement en médecine.
Il étoit donc utile de chercher un moyen de
remédier à cet inconvénient , qui arrive cons-
tamment lorsqu’on emploie du muriate d’ammo-
niaque tel qu’il est dans le commerce , et lorsque
l’on donne un grand degré de chaleur sur la fin
de l'opération. J’ai trouvé , parmi plusieurs
substances qui remplissent l’obje^ proposé , que
la craie , desséchée à une chaleur un peu forte ,
méritoit la préférence sur les autres ; elle réunit
le double avantage d’enlever et la couleur et
l’odeur empyreumatique sans rien communiquer
à l’ammoniaque. Le charbon l’éclaircit aussi,
mais il lui laisse une partie de son odeur empy-
reumatique ; la chaux la prive de sa couleur et
de son odeur, mais il se dissout une portion de
cette matière qui altère la pureté de l’ammo-
niaque et n’en permet pas l’emploi à des expé-
riences délicates, et sur- tout pour la médecine;
il seroit impossible d’en composer de l’eau de
litre permanente.
Les chimistes savent très-bien quelle est la
cause de l’odeur et de la couleur que prend
l’ammoniaque dans les circonstances énoncées
plus haut ; c’est une portion d’huile en partie
décomposée qui reste dans le muriate d’ammo-
niaque , et qui s’élève par la violence du feu.
Ce moyen pourroit être appliqué avec beau-
coup d’avantage pour la purification de l’ammo-
niaque que donnent les matières animales , et
spécialement l’urine, qui en fournit beaucoup,
sur- tout lorsqu’elle est altérée ; on n’a pu jusqu’à
Ce jour employer cette ammoniaque qu’à faire
du muriate ammoniacal , à cause de sa mau-
vaise odeur et d’une légère couleur fauve, qu’elle
conserve opiniâtrement.
ÉCLAIRÉE, etc. 35l
L’ammoniaque s’éclaircit à la vérité spon-
tanément en quelques semaines ; mais il est sûr
qu’elle ne devient jamais aussi blanche qu’avec
la craie, et qu’il lui reste toujours une odeur
empyreumatique.
Remarque du Rédacteurs . J’ai déjà dit uü
grand nombre de fois depuis douze ans que j’en-,
seigne les différentes sciences médicinales à
Paris , que les pharmaciens ne sauroient trop
acquérir de connoissances chimiques ; que leur
art est celui de tous auquel ces connoissances
sont les plus nécessaires , et qu’en revanche la,
chimie pou voit tirer un très- grand parti des ex-
périences faites dans les laboratoires de phar-
macie , lorsque les hommes qui y travaillent
en posséderont assez l’ensemble pour bien ob-
server tous les phénomènes qui se présentent
sans cesse à eux. Le nouveau procédé qui vient
d’être inséré ici prouve sans réplique cette asser-
tion. M. Vauquelin, mon élève et mon ami ,
un des chimistes les plus distingués de la capi-
tale , livré depuis quelques mois à des travaux
pharmaceutiques très multipliés , est convaincu
comme moi de cette importante vérité. Il ne se
passe pas un jour sans qu’il trouve l’occasion
d’en faire une utile application. Déjà il a rec-
tifié un assez grand nombre de procédés dont
une routine presque aveugle sembloit avoir
consacré la perpétuité dans les laboratoires de
pharmacie. On verra la plus grande partie de
ces améliorations , de ces vérifications phar-
maceutiques dues à M. Vauquelin, dans les
numéros suivans. On y trouvera tous les avan-
tages que la chimie présente à la pharmacie ,
ainsi que la possibilité d’avancer la science
en faisant des travaux pharmaceutiques. Scheèle,
3 5i La Médecine
qui à lui seul a fait .plus de découvertes qu’un
grand nombre d’autres chimistes, étoit d’abord
un simple garçon apothicaire , et la plupart
des travaux dont un seul eût suffi pour immor-
taliser son auteur , ont été faits pendant un
séjour de quelques années dans un laboratoire
de pharmacie dont le propriétaire étoit bien
éloigné d’apprécier l’homme qu’il possédoit
chez lui. Ce fait doit suffire pdur échauffer
le zèle de tous les jeunes gens qui se livrent à
l’étude de la pharmacie , et pour les engager à
devenir d’habiles et de profonds chimistes avant
de former leur établissement.
( N° X 1 1. )
353
C II I M I ;E.
I. Eæpèrieîices sur le tartrite d’ antimoine et
de potasse ; par M. Vauquelin.
E/ n répétant les expériences de- Bergman sur
le tartrite d’antimoine et de potassé , je les ai
trouvées parfaitement d’accord avec son dis- .
. cours ; il est donc inutile de les rappeler. Mais
comme il est rare qu’en répétant des expériences,
en y portant quelque attention, on n’apperçoive
pas quelque phénomène nouveau, je vais faire
connoître ceux qui se sont présentés pendant
le cours de ce travail sur le tartrite d’antimoine
et de potasse.
i°. L’ érnétiqite le mieux cristallisé , et par
conséquent le pins pur , rougit constamment
les couleurs bleues des végétaux.
2.q. L’acide sulfurique le décompose en s’em-
parant de l’oxide d’antimoine , avec lequel il
forme un sel insoluble qui se précipite , et en
laissant le tartrite acidulé de potasse libre.
3°. L’acide muriatique le décompose aussi
mais sans former de précipité clans la dissolution.
4°. Le carbonate de chaux décompose l’émé-
tique j des dissolutions de ces substances mêlées,
ensemble ne laissent appercevoir rien de. sen-
sible sur le champ ; mais au bout de quelques
heures, il se forme un nuage blanc fort épais
qui commence à paroître à la partie supérieure
de la liqueur ; c’est du tartrite de, clijauy. et du-
carbonate d’antimoine. ......
5°. L’acétite de plomb le décompose 5 il se
forme du tartrite de plomb , et de l’acétite d’an-
timoine et de potasse.
Tome III. JSKXII. Zi
354 TjA Médecine
6°. M. Berthollet vient de découvrir que plu-
sieurs substances végétales, et en tr’ autres le quin-
quina et la noix de galles , décomposent l’éméti-
que. Sans expériences directes sur la manière
dont se font ces décompositions, M. Berthollet a
pensé que c’étoit en absorbant une portion de
l’oxigène de l’oxide d’antimoine que les infusions
végétales décomposoient ce sel , et que par con-
séquent l’oxide étoit rapproché ded’état métalli-
que. Pour vérifier cette assertion , qui paroissoit
assez bien fondée, j’ai fait quelques expériences
que voici :
J’ai précipité une dissolution de cent grains
d’émétique par la quantité nécessaire d’infu-
sion de quinquina ; il en a failli quatre onces
infusées plus de dix fois de suite. J’ai mis sur
le précipité rouge pâle qu’on obtint par cette
opération de l’acide muriatique affoibli , et j’ai
obtenu tout l’oxide d’antimoine que le précipité
contenoit. Le précipité a pris une couleur rouge
superbe , et il se ramollissoit dans l’eau comme
une résine ; cependant il ne fondoit point seul
à sec , il se charbonnoit plutôt.
La dissolution de l’oxide d’antimoine dans
L’acide muriatique s’est faite sans mouvement
et sans effervescence ; ce qui prouve qu’il étoit
contenu dans le précipité tel qu’il étoit dans
l’émétique même , et qu’il n’a pas changé de
nature avec l’extrait de quinquina. La liqueur
qui surnage le précipité dont je viens de
parler , quand on a saisi exactement les pro-
portions, est claire comme de l’eau, et ne
contient du quinquina qu’une portion d’ex-
trait muqueux légèrement amère , mêlé au tar-
trite acidulé de potasse, que j’ai obtenu à part
et que j’ai reconnu par toutes ses propriétés.
Ce n’est donc que par une double attraction
ÉCLAIRÉE, etC. WS.
que s’opère cette décomposition ; savoir, celle de
l’oxide d’antimoine pour la matière végétale, et
cellede la potasse pour la masse entière de l’acide
tartareux.
Je n’ai point suivi en détail la manière dont
se conduit l’infusion de noix galles sur l’émé-
tique , mais je pense qu’elle est la même que
celle du quinquina. Je n’ai point remarqué
qu’il se fît de changement entre l’émétique et
les infusions de séné , de follicules , de rhu-
barbe , de chicorée , de cerfeuil , de poirée r
de bourrache , etc. Je n’en ai pas remarqué
davantage avec le sulfate de soude , le nitrate
de potasse et le sulfate de magnésie. J’ai été
curieux d’essayer l’émétique avec toutes ces
choses , parce que c’est avec elles qu’on l’ad-
ministre souvent en médecine.
Bergman n’ayant point soumis le tartrite
d’antimoine et de potasse à l’action du feu
dans des vases clos , j’ai cru devoir le faire ;
j’ai obtenu vingt-neuf parties d’acide carboni-
que en gaz , douze d’une liqueur légèrement
acide , une de gaz hydrogène et cinquante-huit
de résidu. Les cinquante-huit de résidu étoient
composées de seize de carbonate de potasse ,
de dix de charbon et de trente-deux d’oxide
d’antimoine. Cent parties d ' émétiqzce ordinaire
sont donc composées de trente-trois parties
d’oxide d’antimoine , treize de potasse , quà-
rante-sept d’acide tartareux et sept d’eau.
Cette substance n’a point fourni d’huile, et les
essais les plus exacts n’ont pu découvrir de
traces d’ammoniaque dans le produit liquide
de la distillation.
E11 faisant quelques légères suppositions ,
cette expérience donneroit à peu près les pro-
pçrtioas dés principes de l’acide tartareux ,
Z %
356 La Médecine
ainsi que la quantité de potasse qu’il demande
pour être dans l’état de crème de tartre 5 mais
comme ces proportions ne sont pas encore
exactement établies nous n’en parlerons pas
en détail ; nous dirons seulement que le prin-
cipe qui y est le plus abondant est le carbone,
que l’oxigène le suit, et que l’hydrogène n’y est
qu’en très-petite quantité.
L’émétique étant un sel triple /composé d’a-
cide tartareux de potasse et d’oxide d’anti-
moine , j’ai voulu savoir si en mêlant à une
dissolution d’oxide d’antimoine dans la potasse
une quantité d’acide tartareux capable de sa-
turer l’alcali et l’oxide d’antimoine , il se for-
meroit de l’émétique semblable à celui qu’on
obtient par la méthode ordinaire 5 voici ce
qui arrive : i°„ les liqueurs deviennent lai-
teuses et il se dépose de l’oxide d’antimoine ,
mais à l’aide de la chaleur elles s’éclaircissent
de nouveau ; 20. il se dépose des cristaux de
tartrite acidulé de potasse pur et sans mélange
d’antimoine ; 3°. il reste dans la liqueur, après
l’évaporation, un véritable émétique semblable
à celui qui est employé ordinairement en mé-
decine.
Ce tartre stibïé étoit légèrement acide , il
contenoit quelques portions de tartrite acidulé
de potasse ; aussi lorsque je l’ai essayé par la
dissolution du sulfure de chaux il s’est lait un
précipité blanc , ce qui auroit pu faire penser
qu’il n’y avoit point d’oxide d’antimoine; mais
j’ai découvert qu’en y versant de l’acide mu-
riatique le précipité devenoit d’un jaune oran-
gé superbe, et tel que le donnent ordinairement
les dissolutions d’antimoine avec les sulfures
ou le gaz hydrogène sulfuré. Comme la dissolu-
tion cL’oxide d’antimoine dans la potasse pro-
ÉCLAIRÉE, etc. 3 5j
yenoit de l’opération par laquelle on oxide l’an-
timoine au moyen du nitrate de potasse , il res-
toit dans la dissolution un peu de nitrite de
potasse qui a été décomposé par l’acide tar-
fcareux , et l’acide nitreux s’est volatilise en va-
peurs. Pour être sur de cette dissolution d’oxide
d’antimoine , j’en ai fait une immédiatement
avec de la potasse et des fleurs argentines d’an-
timoine , c’est-à-dire de l’oxide d’antimoine fait
par l’action combinée du calorique et de l’air,
et j’ai vu qu’une once de dissolution de potasse,
donnant dix-neuf degrés, a dissout vingt grains
de cet oxide. Après i^ne demi-heure d’ébullition,
j’ai mis dans cette dissolution peu à peu de
l’acide tartareux pur : dans le premier instant
il ne s’est rien produit ; une portion d’acide
tartareux de plus a troublé la dissolution par un
nuage blanc qui s’est dissous à l’aide de l’ébul-
lition. Cette combinaison a donné par l’éva-
poration des cristaux très-petits , d’une saveur
acide à peu près analogue à celle de la crème
de tartre , qui contenoient un peu d’oxide
d’antimoine , qui ne se dissolvoient que dans
l’eau simple et froide, mais qui se dissolvoient
abondamment dans cette même eau alcalisée.
La dernière portion de cristaux donnée par
l’évaporation étoit moins acide et contenoit
plus d’oxide d’antimoine , mais n’en contenoit
pas cependant autant quel’ émétique. Si j’avois
mis moins d’acide il auroit été possible que la
potasse seulement s’unît à l’acide tartareux ,
et j’aurois obtenu du tartrite de potasse dans
la liqueur et de l’oxide d’antimoine à part ;
mais pour cela il n’auroit pas fallu chauffer,
car alors le tartrite de potasse auroit dissous
l’oxide d’antimoine et formé un émétique par-
ticulier et tel qu’pn le prépare dans cçrUÜOS
£ 3
358 La Médecine
pays ; il auroit différé seulement par la petite
quantité d’oxide d’antimoine. Il m’eût été pos-
sible aussi de ne produire aucun précipité dans
la liqueur , en n’ajoutant pas assez d’acide tar-
tareux pour saturer toute la potasse $ alors il y
auroit eu dans la liqueur du tartrite de potasse
et de l’antim onia-te de potasse : c’est en effet ce
qui m’est arrivé plusieurs fois.
En traitant l’oxide blanc d’antimoine par les
alcalis , j’ai remarqué que leur combinaison
étoit d’autant plus rapide que ces derniers
étoient plus concentrés et plus parfaitement
dépouillés d’acide carbonique , et que quand
ils en étaient entièrement saturés , il n’y avoit
alors aucune action entr’eux. L’alcali volatil
ou ammoniaque dissout aussi cet oxide mais
d’une manière moins marquée que la potasse
et la soude ; peut-être cela vient-il de ce qu’on
ne peut pas donner au mélange le même degré
de chaleur sans opérer la volatilisation de l’alcali.
Quand on met quelques gouttes de dissolution
de sulfure calcaire dans une dissolution d'oxide
d’antimoine par la potasse , il se fait un précipité
blanc en raison sans doute d’une portion d’a-
cide carbonique quela potasse aabsorbéependant
l’ébullition, et ce seul moyenne rend pas l’oxide
d’antimoine sensible , mais si l’on y ajoute de
l’acide muriatique , il se forme sur le champ
un précipité jaune orangé.
Le sulfure de potasse n’occasionne non plus
qu’un léger précipité blanc , et quelquefois
point du tout, dans la dissolution d’oxide d’an-
timoine par la potasse ; mais si de même que
pour le sulfure calcaire et cette même disso-
lution , on y ajoute de l’acide muriatique , il se
fait un précipité jaune comme le soufre doré
d* 'antimoine.
ÉCLAIRÉE; etC. 359
Bergman avoit observé que l’acide tartareux
pur donnoit , avec les oxides d’antimoine , des
sels qui étoient très-différens de ceux qu’on
obtenoit avec le tartrite acidulé de potasse, et cela
devoit être puisqu’il y a un principe de moins.
Il a suivi ses essais sur l’oxide d’antimoine dans
tous les états d’oxidation connus , ainsi que
dans quelques-unes de leurs combinaisons avec
le soufre , et il a observé quelques différences ,
comme on l’a vu plus haut. Je 11’ai pas beau-
coup multiplié les expériences sur les prépara-
tions antimoniales par l’acide tartareux pur, je
n’ai employé que l’oxide d’antimoine formé par
le nitrate de potasse et l’oxide d’antimoine
sulfuré vitreux. J’ai remarqué, i°. que l’acide
tartareux ne perd jamais entièrement son aci-
dité dans ces opérations, tels que soient la quan-
tité d’oxide d’antimoine et l’espace de temps
pendant lequel on le fait bouillir sur ces subs-
tances ; 20. que l’oxide d’antimoine sulfuré
vitreux est dissous par cet acide infiniment plus
promptement que l’oxide d’antimoine préparé
par le nitrate de potasse ; qu’il se dissout en
plus grande quantité , et que par conséquent il
arrive plus près du point de saturation de l’acide
tartareux.
En évaporant ces dissolutions d’oxide d’anti-
moine dans l’acide tartareux pur, j’ai obtenu
par le refroidissement de la liqueur, comme l’a
annoncé Bergman , une masse blanche gélati-
neuse et transparente comme du cristal. En
continuant de chauffer cette masse , elle se
dessèche en se boursoufflant comme de l’alun
que l’on calcine.
Cet émétique ainsi préparé a une saveur acide
assez agréable au commencement, et nauséeuse
au bout d’un certain temps.
Z 4
36a La Médecine
Il rougit fortement les couleurs bleues vé-
Fhumidité de l’air et se convertit en
masse gluante comme du mucilage. Il faut donc
le conserver dans des vases fermés. Ce tartrite
d’antimoine agit à peu près de la même manière
que l’éméticiue ordinaire sur les autres substan-
ces. Il est décomposé par l’acide sulfurique ,
par le carbonate de chaux , par les' infusions
de quinquina et de noix de galles.
Lorsqu’on y combine en quantité convenable
de la potassé , il se forme un sel parfaitement
semblable à celui qui est préparé avec le tar-
trite acidulé de potasse et l’oxide d’antimoine.
Ce tartrite d’antimoine paroît avoir les mêmes
propriétés sur l’économie animale que l’éméti-
ue ; j’en ai donné deux grains dans trois verres
’eau à un jeune homme de quinze ans chez
lequel les symptômes de la petite vérole se dé-
claroient ; il ne vomit point , mais il fut abon-
damment purgé sans éprouver de nausées ni de
tranchées. Trois grains du même émétique ad-
ministrés à un homme de quarante ans , qui
avoit l’estomac chargé et qui manquoit d’ap-
pétit depuis quelque temps , l’ont fait vomir cinq
à six fois , et évacuer par les selles à-peu-près
autant de fois sans en être fatigué.
Je crois que cet émétique auroit de l’avantage
sur l’autre dans les maladies bilieuses et putri-
des ; au reste c’est à l’expérience à prouver cette
assertion.
II. Observation sur V argehtite ammoniacal ,
ou argent fulminant ) par M. Fourcroy.
Après avoir laissé sécher à l’air et au soleil ,
pendant douze ou quinze heures, le précipité
gétales
Il ati
Eclairée, etc. 36 1
du nitrate d’argent par l’eau de chaux , en ver-
sant dessus la quantité d’ammoniaque néces-
saire pour qu’il en soit recouvert de quelques
lignes , il devient tout à coup noir ; une partie
se dissout dans l’ammoniaque , et il se forme
à la surface une pellicule blanche jaunâtre, que
M. Berthollet conseille de séparer d’avec le pié-
cipité lorsqu’on décante l’ammoniaque^ parce que
cette pellicule n’est pas détonante comme le
précipité , et nuit à sa fulmination : on verra
tout à l’heure que cette pellicule devient ful-
minante en la gardant quelque temps , et qu’il
faut s’en méfier. La préparation de l’argent
fulminant est une des opérations les plus déli-
cates , et qui demande le plus de prudence et
d’attention. On ne doit point mettre l’oxide
d’argent avec l’ammoniaque dans des vaisseaux
très-profonds , qui aient de petites ouvertures ,
car la chaleur augmentée, le frottement le
plus léger, suffisent pour faire briser ces vais-
seaux avec les plus grands dangers. Les cap-
sules plates de porcelaines ou les soucoupes ,
sont les vaisseaux qui méritent la préférence;
il ne faut pas dessécher l’oxide d’argent am-
moniacal dans ces soucoupes , car en voulant
le détacher , il pourroit blesser les yeux de
l’opérateur en fulminant sur un corps qui
lui opposeroit de la résistance. Quand après
dix-huit ou vingt heures de séjour de l’ammo-
niaque sur l’oxide d’argent, il faut la décanter
en donnant de légers mouvemens de rotation
à l’oxide ammoniacal qui est au fond de la
liqueur , on doit en emporter en entier cet oxide
avec les dernières gouttes de liqueur, et distri-
buer l’espèce de liquide épais que forme ce mé-
lange sur des morceaux de papier Joseph ;
celui-ci absorde la portion liquide, et facilita
r a Médecine
le dessèchement de l’oxide d’argent ammo-
niacal. Chaque morceau de papier ne doit con-
tenir que trois ou quatre grains de matière , et
il fautfles couvrir d’une cloche de \erre large
afin de s’en servir au besoin j il suffit , pour
faire fulminer cette substance , d’y toucher lé-
gèrement avec un corps quelconque $ une goutte
d’eau , un grain de sable , tombés d’une cer-
taine hauteur dessus , la font détofiner très-vi-
vement. L’ammoniaque transparente, décantée
de dessus l’oxide d’argent, donne des cristaux
lorsqu’on l’évapore. Ces cristaux , qui parais-
sent être une sorte d’argentite ammoniacal ,
sont encore détonans lorsqu’ils éprouvent une
pression , même au milieu du liquide qui les
contient , comme l’a indiqué M. Berthollet.
Il faut se défier de cette liqueur , ne la traiter
qu’avec précaution. Voici ce que nous avons
vu, M. Vauquelinet moi, sur ce sel. Nous fai-
sions évaporer au Lycée quelques onces de li-
queur ammoniacale, décantée de dessus l’argent
fulminant, dans un vase de verre arrondi placé
sur un bain de sable ; la chaleur ayant évaporé
la liqueur jusqu’à la formation de quelques cris-
taux , on se proposoit de retirer la liqueur du
feu, lorsque pendant qu’une autre occiipation
nous appelloit ailleurs , il se fit entendre un
bruit considérable, le vase se brisa en morceaux
qui furent lancés à plus de quinze pieds du four-
neau ; ces fragmens présentoient à leur sur-
face, un enduit d’argent d’un poli aussi vif que
si on l’avoit frotté avec un brunissoir. Les
cristaux que l’on obtient par l’évaporation de
l’argentite ammoniacal sont blancs et transpa-
rens, mais ils noircissent promptement lorsqu’on
les expose à la lumière , et ils deviennent en
même temps beaucoup plus fulminans qu’ils
éclairée, etc. 363
n’étoient sous la forme cristalline et trans-
parente.
La pellicule qui se forme à la surface de l'am-
moniaque , versée sur l’oxide d’argent, et que
M. Berthollet conseille de séparer comme non.
fulminante , afin qu’elle ne nuise point à la
fulmination de la poudre , acquiert la pro-
priété détonante au bout de quelque temps.
M. Vauquelin en a fait l’expérience d’une ma-
nière cruelle, et dont il a failli d’être la victime
dans mon laboratoire, bn préparant de l’oxide
d’argent ammoniacal , il avoit mis à part, dans
un verre conique , la pellicule qui pouvoit
nuire à la pureté de cette préparation. Ce verre
étant resté environ deux mois sur une tablette
dans le laboratoire, M. Vauquelin en ayant
besoin pour une autre expérience , il voulut en-
lever la poudre* noire qu’il contenoit , ne se sou-
venant plus de ce qu’elle étoitj ayant pris le pied
du vase dans sa main gauche, il porta un doigt
de la droite sur cette poudre noire pour recon-
noitre si elle adhéroit au verre, et si ellepourroit
etre enlevée facilement : la pression qu’il exerça
Jantal instant fulminer avec une violence ex-
trême; le verre fut réduit en grains et lancé de tous
cotés, un grand nombre de ces morceaux percè-
rent les mains de M. Vauquelin et lui sautèrent
dans les yeux ; il éprouva une douleur et une
cuisson si fortes dans ces organes qu’il crut les
avoir crévés ; il fut quelques minutes sans voir
clair heureusement qu’ils ne furent affectés
que d’une inflammation qui dura quelques jours.
Le bruit de cette détonation fut si considérable
que M. Vauquelin resta sourd pendant plus de
trois heures ; la main qui tenoit le pied du verre
fut frappée d’une commotion telle qu’elle fut
presque impotente pendant plusieurs jours. Cette
364 i a M É D E C I N E
commotion s’étendit à de grandes distances dans
le laboratoire , des vases de verre placés à plus
de vingt pieds du lieu ou la fulmination s’o-
péra furent renversés. Il n’y avoit cependant que
quatre ou cinq grains de matière dans le verre
qui causa ce fracas ; qu’on juge d’après cela de
l’horrible accident qui auroit pu arriver si
ce vase eût contenu quelques gros de ma-
tière , comme cela n’auroit pas manqué d’avoir
lieu, si j’avois fait évaporer à la manière accou-
tumée une quantité assez considérable de nitrate
d’argent et d’ammoniaque que je conservois de-
puis quelques années 5 aussi je me suis hâté
de décomposer cette dissolution par l’alcali
fixe. On doit être prévenu de ces dangereuses
expériences, pour se méfier toujours des mé-
langes d’ammoniaque et d’oxide d’argent. Il
faudra ne préparer l’argent fulminant qu’à pe-
tites doses et avec les plus grandes précautions;
il est toujours indispensable de ne rien garder
de ces préparations, de les employer à mesure
qu’elles sont faites , de ne les faire qu’à des
doses modérées, et de laver sur le champ, à
grande eau, tous les vases qui y servent, enfin
de ne pas conserver dans ces vaisseaux de verre
les différens produits qu’on en obtient, et sur-
tout les pellicules , regardées jusqu’à présent
comme non fulminantes, qui se forment à la
surface de 1’, ammoniaque tenant de l’oxide d’ar-
gent en dissolution.
Le sel qui résulte de l’évaporation de l’ammo-
niaque décantée de dessus i’oxide d’argent am-
monical que Bergman avoit indiquée , qui cris-
tallise régulièrement et qui lui même est tres-
fnl minant , comme on l’a dit plus haut, pa-
roît être un composé d’ammoniaque et d’oxide
d’argent, clans lequel cet oxide fait fonction
éclairée, etc* 3 65
d’acide , comme M. Eerthollet l’a pensé de plu-
sieurs oxides métalliques , et en particulier de
ceux d’antimoine et de plomb ; ainsi, on pour-
roit nommer ce sel argentate ammoniacal^ ce-
pendant l’oxide d’argent se rapprochant da-
vantage des acides foibîes, il vaudrait mieux
peut-être le désigner par la dénomination d’ar-
gentite ammoniacal , d’après les principes de
nomenclature établis dans nos ouvrages sur
cet objet. On peut soupçonner aussi que cet ar-
gent ite d’ammoniaque contient une certaine
quantité de nitrate d’ammoniaque , puisqu’il
est bien prouvé qu’en agissant sur l’oxide d’ar-
gent, et en se décomposant, l’ammoniaque
laisse une portion d’azote libre , qui peut se
combiner avec l’oxigène; cependant il n’ÿ a
pas encore de preuves positives de la présence
du nitrate d’ammoniaque dans i’argentite am-
moniacal.
JEx amen d’une liqueur trouvé e dans la vésicule
du fiel d'un homme ; par MM. Vauquelin
• et Èourcroy.
Cette liqueur a voit une couleur jaunâtre', une
odeur analogue à celle du gaz hydrogène sul-
furé, une saveur fade et nauséeuse. Elle mous-
soit par l’agitation comme une dissolution de
gomme ; elle verdissait légèrement la teinture de
violettes , et elle troubloit un peu l’eau de chaux.
Les acides concentrés et l’alcool en sépa-
roient une matière blanche floconneuse ; la
chaleur produisoit les mêmes effets.
Quatre onces de cette liqueur, chauffées jus-
qu’à l’ébullition , ont déposé une matière blan-
che jaunâtre, qui séchée pesoit quatre grains.
La liqueur claire réduite au huitième de son.
3 66 La Médecine
volume primitif , n’a point donné de gelée
par le refroidissement ; cependant , l’alcool en
séparoit une matière blanche, qui se dissolvoit
en grande partie dans l’eau froide. Ces floccons
séparés ainsi par l’alcool., séchés, pesoient six
grains. L’alcool avoit pris une couleur jaune
dans cette opération ; il a laissé , après l’évapo-
ration, neuf grains d’une matière jaune brune,
qui avoit une saveur salée, assez ^semblable à
celle de l’extrait de viande. Cette matière, mê-
lée avec l’acide sulfurique , a répandu quelques
vapeurs d’acide muriatique ; la chaux n’en a
point dégagé d’ammoniaque $ elle troubloit un
peu l’eau de chaux et précipitoit le nitrate
d’argent en le décomposant : ce précipité pe-
soit douze grains.
On voit, par ces expériences, que la liqueur
de la vésicule ne contenoit que très-peu de ma-
tière en dissolution , puisque sur quatre onces
on n’a obtenu que dix-neuf grains de résidu ,
composés à peu près de quatre grains d’albu-
mine , six grains de gélatine , quatre grains de
muriate de soude , un peu de phosphate de
soude, de soude libre, et deux grains de ma-
tière extractive.
Il ne faut pas regarder ces estimations comme
bien rigoureuses, car elles n’ont pu être faites
que sur le poids des précipités, et la gélatine
étoit mêlée d'une portion d’albumine qui rcs-
toit en dissolution dans l’eau , malgré l’ébul-
lition , et qui a été précipitée par l’alcool ;
le muriate d’argent étoit mêlé d’un peu de
phosphate d’argent et d’oxide d’argent.
On auroit pu approcher , avec du temps ,
plus près de la vraie quantité des matières
contenues dans la liqueur de la vésicule, mais
comme on a pensé que cela ne serviroit 4
ÉCLAIRÉE, etc. 3 6j
rien pour l’avancement de la Physiologie , on
n’y a pas insisté.
La .vésicule contenoit cinq onces trois gros
de cette liqueur. Le canal cystique étoit obstrué
par une pierre biliaire , dans le point où. il se
réunit au canal hépatique , ensorte que cet obs-
tacle empêchoit l’écoulement de la bile, soit
dans la vésicule, soit dans le duodénum.
Il seroit bien intéressant pour les médecins,
de déterminer ce que devient la soude , l’un des
principes de la bile , et quel changement éprouve
l’autre principe huileux dans la formation des
pierres biliaires.
Il arrive presque toujours qu’ après la for-
mation des pierres biliaires volumineuses dans
la vésicule du fiel, la bile ne pouvant plus couler
dans ce réservoir , il s’y sépare peu à peu un
liquide blanc albumineux, fort différent de la
bile , qui n’en a ni la couleur , ni la saveur ,
ni aucune des propriétés : dans ce cas, le foie
ne peut plus séparer de bile, ses couloirs, ses
vaisseaux s’engorgent de proche en proche ,
l’engorgement gagne les autres viscères, et le
mal devient enfin absolument incurable: il fau-
droitconnoître l’état du parenchyme du foie
dans ces affections ; nous chercherons à acqué-
rir cette connoissance à la première occasion,
et nous en ferons part à nos lecteurs.
MATIÈRE MÉDICALE
ET MÉDECINE PRATIQUE.
Sur les propriétés médicinales du muriate de
baryte ; par M. Crawford , ( Médical com-
munications , vol. 2. ).
Le muriate de baryte quand il est parfai-
ment neutralisé a un goût amer ; mais celui
368 La Médecine
dont M. Crawford s’est servi dans ses expé-
riences contenoit un peu d’excès d’acide , ce
qui faisoit disparcître l’amertume en grande
partie ; et sa saveur se rapprpchoit de celle
du sel ordinaire de cuisine. E11 faisant dis-
soudre une petite quantité de muriate de ba-
ryte dans l’eau, et en prenant à l’intérieur
un peu de cette dissolution , 011 éprouve dans
l’estomac une agréable sensation 1 de chaleur.
M. Crawford crut devoir présumer , d’après les
qualités sensibles du muriate de baryte , qu’il
seroit utile de l’essayer dans plusieurs maladies
qui résistent aux. moyens ordinaires , comme
les tumeurs scropliuleuses , squireuses , et les
tumeurs blanches des articulations. Voici quel-
ques résultats qu’à donnés l’expérience dans
l’hôpital de Saint-Thomas à Londres.
Henri Thompson , âgé de onze ans , fut con-
duit à cet hôpital en 1788 \ on lui avoit fait
l’année précédente l’opération de la listule à
l’anus , et après avoir été parfaitement guéri
et avoir joui d’une bonne santé pendant le cours
d’une année , il eut un léger retour de cette
maladie qui se dissipa cependant sans prendre
aucun remède \ mais vers la même époque il
se forma une tumeur douloureuse à la malléole
interne du pied gauche , et le jeune malade
éprouva un dépérissement manifeste. O11 ap-
pliqua pendant une quinzaine de jours des
topiques 5 mais comme la tumeur ne parois-
soit point disposée à suppurer, M. Crawford pro-
scrivit durantîa première semaine dumoisde mai,
depuis quatre jusqu’à six gouttes d’une solution
de muriate de baryte deux fois le jour. L’u-
sage de ce médicament augmenta immédiate-
ment son appétit en rétablissant sa santé , l'é-
coulement de l’urine fut augmenté , la douleur
ÉCLAIR i R, etc. 3o0
de la jambe diminua , la tumeur s’ouvrit en
divers endroits , et il en sortit une matière lym-
phatique. Après avoir persisté dans l’usage de
ces médicamens jusqu’à la fin de juin , toutes les
plaies se cicatrisèrent, et le jeune homme sortit
de l’hôpital bien guéri.
Jacques Heskit, âgé de douze atis , fut aussi .
reçu dans le même hôpital le i3 mai 1789. Il
avoit éprouvé , depuis plusieurs mois, des tu-
meurs dans les glandes lymphatiques du cou $
-quelques unes même avoient suppuré , avec écou-
lement d’une matière ténue 1 sa santé à d’autres
égards se maintenoit. On lui prescrivit depuis
trois jusqu’à six gouttes de la solution de mu»
riate de baryte deux fois le jour. Ce médica-
ment rendit l’urine beaucoup plus abondante s
dans peu de temps les tumeurs devinrent plus
molles et diminuèrent de volume , les ulcères
se cicatrisèrent , et au bout de six semaines
le jeune homme se retira bien guéri.
Elizabeth Paradise, âgée de vingt-deux ans,
fut attaquée au mois de novembre , sans aucune
cause connue , d’une douleur vive au genou gau-
che à laquelle succéda aussi-tôt une tumeur
qui environnoit d’une manière uniforme la join-
ture. Lorsque la malade entra à l’hôpital , cette
tumeur étoit presque de la grosseur de la tête ;
elle étoit douloureuse et dans un état de ten-
sion : sa santé paroissoit en souffrir beaucoup |
son pouls étoit fort et accéléré , elle éprouvoit
des nausées , une perte totale de l’appétit , des
frissons par intervalles, et des sueurs nocturnes.
Aussi - tôt après son entrée dans l’hôpital ,
011 avoit appliqué un séton au genou , ce qui
, avoit diminué beaucoup le gonflement , mais
la douleur étoit toujours la même. Le 2, mai
*789 son genou étoit encore très-enflé et très*
Tome UL XII. Ai
370 i- à Médecin*
douloureux ; on lui prescrivit depuis quatre
jusqu’à dix gouttes d’une solution de muriate
de baryte deux fois le jour. Ce médicament
fut continué jusqu’au 19 mai $ mais les symp-
tômes n’étant point diminués, quoique l’excré-
tion de l’urine eût été augmentée , et étant
survenu une diarrhée , on fut obligé d’inter-
rompre le traitement. On appliqua deux sang-
sues au genou , et on prescrivit une mixture
d’eau de menthe, d’esprit d^ lavande , et de
racine de Colombo en poudre ; ces remèdes
diminuèrent, la douleur d’estomac et la diar-
rhée , mais comme il n’y avoit point de chan-
gement dans les antres symptômes , on pres-
crivit le 10 juin la diète lactée de deux jours
l’un. On apperçut bientôt un rétablissement
marqué de l’état de santé.
O11 reprit donc le 2 5 juin l’usage du mu-
riate de baryte , à la dose de huit gouttes deux
fois le jour. Le 10 juillet il parut que la diar-
rhée et la douleur avoient cessé , que l’appé-
tit étoit bon et le pouls naturel 5 les frissons
et les sueurs nocturnes avoient aussi disparu en
grande partie 5 la malade éprouvoit aussi un
peu de soulagement dans sa maladie du genou,
et l’excrétion de l’urine avoit été beaucoup
augmentée depuis la reprise de l’usage du mu-
riate de baryte. Le 14 de juillet on réduisit
entièrement la malade à la diète lactée ; le
reste du mois le rétablissement de la santé fit
des progrès , et le genou gauche fut réduit à
n’avoir pas plus de volume que le droit. Vers
le 20 du même mois la douleur avoit disparu ;
mais elle reparut de nouveau à la fin du mois.
Ce changement sernbloit provenir de l’admi-
nistration du quinquina, qu’on donnoit conjoin-
tement ayec la solution de baryte. On perse-
éclairée, etc.' 371
véra dans l’usage de ces remèdes jusqu’au 19
août , et la malade sortit de l’hôpital entière-
ment exempte de tout symptôme , exceptéqu’elle
éprouvoit une certaine foiblesse dans le genou
primitivement affecté.
M. Crawford considère cette affection comme
d’une nature scrophuleuse. Si le muriate de
baryte n’a pas bien réussi au commencement
de ce traitement , ce médecin l’attribue à la
trop grande irritabilité qui régnoit alors dans
toute l’habitude du corps , et à une sorte
d’augmentation de force du système vasculaire j
c’est ce qui lui a fait avoir recours à la diète
lactée , pour diminuer cet état général d’irri-
tation , et ce n’a été qu’après que tous les
symptômes inflammatoires ont été beaucoup di-
minués , que le muriate de baryte a obtenu
les effets tant désirés.
Barnabé Nash , âgé de vingt-quatre ans , fut
reçu à l’hôpital le i5 mai 1789 : il avoit éprouvé
le 2.4 du mois précédent des frissons auxquels
avoient succédé de la chaleur et des douleurs
vives dans les membres. Le lendemain matin
la douleur s’étoit fixée au genou gauche , qui
avoit pris un volume double de son état na-
turel. Quand il fut reçu à l’hôpital , il se plai-
gnoit de vertiges , d’une douleur d’estomac ,
d’une perte de l’appétit , de sueurs nocturnes,
d’un accroissement de chaleur , et d’une grande
soif 5 il étoit dans un état de dépérissement ,
son pouls étoit fréquent et dur , son genou très-
enflammé et d’une couleur rouge pourprée : la
douleur étoit si vive que le malade ne pouvoit
goûter un moment de sommeil . On lui fit pren-
dre d’abord huit gouttes de muriate de baryte
deux fois le jour , et on appliqua des cata-
plasmes et des fomentations sur le genou, et
Aaa
3^2 La Médecine
bientôt après on lit succéder à ces topiques un
emplâtre de savon. Ce traitement rendit l’ex-
crétion de Turine beaucoup plus abondante $
mais il n’y eut point de diminution des symp-
tômes durant la première quinzaine : à cette
époque , la douleur du genou diminua ; la
douleur d’estomac, la soif , la fréquence du
pouls , les vertiges diminuèrent aussi graduel-
lement , et le sommeil et l’appétit se rétablirent.
Le 3o mai on porta la dose du remède jus-
qu’à douze gouttes deux fois par jour ; et vers
le milieu de juin , comme il y avoit encore un
peu de douleur dans le genou , on lui fit pren-
dre chaque soir une pillule d’un grain de calo-
melas et d’autant de soufre précipité d’anti-
moine. L’ayant examiné le 3 août , il parut
que l’inflammation du genou avoit cessé , qu’il
n’y avoit plus de douleur , excepté quelques
élancemens pendant la nuit ; que cette partie
étoit encore plus volumineuse que la corres-
pondante , quoiqu’elle le fût beaucoup moins
qu’elle l’étoit auparavant ; le pouls étoit na-
turel , l’appétit bon , l’excrétion de l’urine con-
tinua à etre augmentée. Le 11 août l’enflure
du genou avoit presqu’entièrement disparu, et
le malade avoit presqu’entièrement repris l’u-
sage libre de la jambe. Le 17 septembre il sortit
de l’hôpital , ne ressentant plus qu’un peu de
foiblesse dans le genou. On l’invita à continuer
l’usage du remède pendant quelque temps.
Le muriate de baryte paroît avoir agi dans
toutes les affections scrophuleuses avec un degré
rare de force et d’efficacité. Ce remède semble
agir à titre d’évacuant , de désobstruant et de
tonique. Les vertiges qu’il produit, quoique rare-
ment , peuvent tenir aux nausées qu’il excite quel-
quefois. Il n’y a pas de doute qu’un remède aussi
ÉCLAIRÉE, etC. 3/3
énergique ne produisît des effets fâcheux s’il n’é-
toit administré avec prudence. En le répétant fré-
quemment, à de fortes doses, il diminue l’appétit
en excitant constamment des nausées , et il se-
roit par conséquent dangereux à une plus forte
dose , en ce qu’il pourrait exciter des symptômes
nerveux , et agir même comme émétique et
comme purgatif. Il paraît avoir produit des
effets remarquables dans des cas de squirre ou
de cancer occulte. Il étoit survenu à un homme
de trente - cinq ans, dans une des glandes
mammaires, une tumeur de la grosseur d’une
noix. Cette tumeur étoit accompagnée d’une
douleur aiguë qui s’étendoit dans tout le ster-
num -y elle n’étoit ni rouge ni enflammée. On
donna d’abord des pillules d’un grain de mer-
cure doux , d’un quart de grain de tartre émé-
tique , et d’un demi-grain d’opium deux fois le
jour, en appliquant un emplâtre de savon sur
la tumeur 5 mais le tout fut sans succès. On fit
cesser les pillules après un mois de leur usage *
pour leur substituer la solution de muriate de
baryte à la dose de quatre gouttes dans une tasse
d’eau pure deux fois le jour ; 011 augmenta gra-
duellement jusqu’à huit gouttes 5 et comme au-
delà le remède causoit des nausées , on s’arrêta
à l’usage de cette dose. L’appétit devint meilleur
ainsi que l’état général de la santé. Dans peu de
jours la douleur de la poitrine cessa entière-
ment, et dans le courant de la quinzaine , la
tumeur fut complètement dissipée. Le malade
continua encore pendant quelques semaines
l’usage du remède , et il sortit de l’hôpital :
quelque temps après, la douleur et la tumeur
reparurent, et on les fit disparaître de la mémo
manière.
A a S
374 La. Médecin*
j Remarques chimiques sur le muriale de
baryte.
Le muriate de baryte peut se trouver dans
un état de pureté , ou bien combiné avec une
très -petite quantité de fer. Les constitutions
sont si diversifiées qu’il peut y avoir plusieurs
cas dans lesquels la combinaison de l’acide
muriatique , avec un peu de fer et de terre pe-
sante ou baryte , peut avoir des effets plus sa-
lutaires que le muriatique barytique dans son
plus grand degré de pureté. D’après les essais
qu’on a faits , il paroît que le muriate de ba-
ryte simple est particulièrement adopté pour
remédier à la diathèse scrophuleuse -, mais
lorsque cette diathèse est accompagnée d’une
grande foiblesse et d’une circulation peu éner-
gique , l’efficacité du muriate barytique avec
un peu de fer , ou d’une combinaison de mu-
riate de fer avec le muriate de baryte , est plus
marquée. Mais pour répandre de nouvelles lu-
mières sur cet objet , il importe de faire encore
plusieurs expériences. Pour donner une nou-
velle facilité aux médecins de les faire , deux
pharmaciens de Londres , MM. Pike etCrawford ,
dans la rue Leadenhallstréet , n°. 66 , se char-
gent de préparer ces deux sortes de sels ; et à
Paris , M. Pelletier , dans l’ancienne pharmacie
de Rouelle rue Jacob. Dans les cas où le mé-
decin veut employer le sel barytique composé,
on prend un gros d’une solution saturée de mu-
riate de fer et une once d’une solution saturée
de muriate de baryte.
Il est bon d’observer que la plupart des miné-
raux d’où on tire la terre pesante ou barytique >
contiennent une plus ou moins grande propor-
ÉCLAIRÉE, etC. 375
tion de plomb dans leur composition ; quelques-
uns contiennent aussi un alliage de cuivre. M.
Crawford dit même avoir plusieurs échantillons
de carbonate de baryte , qui contiennent des
ramifications de mispikel , qu’on fait consister
dans du fer minéralisé par l’arsenic. Il faut donc
user de la plus grande précaution pour obte-
nir le sel barytique parfaitement libre de toutes
les substances qui pourroient le convertir en un
poison virulent. Voici des moyens pour déter-
miner sa pureté.
La solution du muriate barytique dans l’eau
doit être parfaitement transparente et sans cou-
leur. Si elle a une teinte verdâtre oul^ jaunâtre ,
elle contient certainement du muriate de fer ,
et peut-être aussi d’autres sels ou oxides métal-
liques. Le défaut de couleur ne doit pas cepen-
dant rassurer parfaitement , car la solution
du muriate de plomb est sans couleur , et M.
Crawford dit avoir découvert quelquefois uire
certaine quantité de fer dans une solution déco-
lorée de muriate- de baryte. La présence du fer
peut être facilement constatée avec le prussiate
d’alcali car , si la solution contient du fer , une
petite quantité de ce prussiate qu’on y versera
donnera un précipité d’une couleur foncée ; mais
s’il ne contient que du muriate barytique, le pré-
cipité par le prussiate d’alcali donnera àla liqueur
un coup d’œil d’un blanc jaunâtre , et ce préci-
pité, quelque temps après qu’il aura été formé *
sera d’une blancheur parfaite.
Le plomb peut être découvert au moyen d’une
solution de foie de soufre ou sulfure d’alcali $
car une petite quantité de cette solution étant
versée dans la liqueur qu’on desire éprouver ,
si celle-ci contient du plomb , il se formera un
précipité brunâtre qui , après quelque temps de
A a 4
La Médecine
repos , prendra une couleur foncée. Voici un
moyen très - efficace de découvrir les sels ou
oxides métalliques , et de délivrer la solution de
muriate barytique de tout mélange * étranger.
Décomposez le spath pesant suivant la méthode
de Sçheèle et de Bergman, et faites dissou-
dre dans l’acide muriatique pur une portion
de la terre obtenue par les procédés de ces chi-
mistes. Qu’une portion séparée de cette terre
soit rendue caustique en l’exposant à une cha-
leur rouge dans üïi creuset , et quand le tout
£st refroidi , versez -y de l’eau distillée. Une
petite quantité* de cette dissolution barytique ,
après avoir été filtrée, étant ajoutée à une so-
lution de baryte dans l’acide muriatique , si le
mélange reste transparent, la solution est pure;
mais s’il en est autrement , elle est altérée par
un mélange de terre ou de sels métalliques.
Dans ce dernier cas , versez lentement la disso-
lution barytique dans la solution jusqu’à ce
quelle n’y produise point de précipité , et vous
ajouterez à cette liqueur filtrée autant d’acide
muriatique qu’il sera nécessaire pour saturer la
baryte superflue. Par cette méthode, la solution
peut être rendue parfaitementpure. C’est toute-
fois un procédé laborieux et qui doit être dirigé
avec beaucoup de soin.
M. Cruikshank a donné un autre moyen très-
raffiné pour reconnoître la présence des oxides
ou sels métalliques dans le muriate de baryte.
11 fait passer un courant de gaz hydrogène sul-
furé dans une dissolution d’ammoniaque pure
ou caustique , jusqu’à ce que l’alcali soit saturé
de ce fluide. Une petite quantité de cette liqueur
•étant ajoutée à une dissolution de muriate de
baryte , si le mélange reste transparent et sans
couleur , ou s’il dépose seulement un peu do
ÉCLAIRÉE, etC. 377
‘précipité blanc , la solution est pure ; mais s’il
acquiert une couleur brune , un vert fonce ou
une couleur noirâtre , elle est altérée par des
fiels métalliques.
Il est bon d’observer qu’en préparant le mé-
dicament qui a servi dans les cas précédons ,
on avoit complètement saturé une quantité
donnée d’eau avec le muriate de baryte , et
qu’à cette solution ainsi saturée on a ajouté
ensuite un peu d’excès d’acide. L’addition de
cet acide le prive, en partie, d’une certaine
amertume qui lui est propre , et le rend plus
agréable à l’estomac. Il est cependant nécessaire
que la quantité d’acide qui est ainsi ajoutée
soit très-petite , car autrement la force de la
solution diininueroit par la précipitation d’une
partie considérable de ce sel. Peut-être même
qu’il est très-important d’user cl’une solution,
dans un état parfait de saturation , afin que
les doses soient fixées avec plus d’exactitude ;
et pour porter encore .plus loin la précision ,
il faut verser la solution avec une petite pliiole
d’apothicaire , afin que le volume des gouttes
soit presque toujours le même.
Note du rédacteur. Ces observations, d’ailleurs
fort intéressantes par leur objet, sont malheu-
reusement un peu incomplètes par la simul-
tanéité des remèdes qu’on a employés en même-
temps que le muriate de baryte. Il est très-
important que les médecins qui ont à cœur l’a-
vancement de leur art , veuillent bien suivre
les effets de ce remède , en le donnant seul et
sans mélange , afin de déterminer son action
et son efficacité d’une manière exacte. Je ne
puis m’empêcher de croire , d’après les pro-
priétés comparées de ce sel avec le muriate de
chaux , que ce dernier a autant de vertus $ je
378 La Médecine
les ai fait connoître dans les volumes de la
société de médecine , et j’en ai inséré une no-
tice dans les premiers numéros de ce journal.
CHIRURGIE.
Observation sur une fracture par contre-coup ,
à la partie orbitaire du coronal , par M .
Royer, chirurgien de Varis.
Le nommé Benoît Minard , charpentier , lit
une chute du haut d’un bâtiment très-élevé , le
2.3 juillet ] 787 ; on le releva sans cormoissance ,
et il fut transporté sur le champ à l’hôpital de la
Charité. La perte du mouvement et du sentiment,
la difficulté de respirer , accompagnées de râle-
ment, et la foiblesse excessive du pouls , faisoient
craindre une mort très-prochaine. Je procédai
à l’examen du malade, et je remarquai une plaie
contuse au-dessus du sourcil gauche , avec dénu-
dation du coronal ; le radius et la rotule gauches
étoient fracturés. La portion du coronal qui
paroissoit à nu dans le fond de la plaie , étant
lin peu éraflée, j’agrandis la plaie pour m’assu-
rer si l’os étoit réellement fracturé , comme je le
présuinois, mais je ne découvris aucune trace de
fracture. Le malade fut saigné trois fois dans le
jour , et il recouvra la connoissance.
Le lendemain 24 la fièvre survint et le ma-
ladexfut très-agité, on réitéra trois fois la saignée.
Le 2 5 la fièvre augmenta, les bords de la plaie
étoient secs et affaissés , la respiration étoit
laborieuse et le malade se plaignoit d’une dou-
leur très-vive au côté gauche de la poitrine. Le
27 l'état du malade étoit le même , on appliqua
sur toute la tête un vésicatoire. Le 28 le ma-
lade fut plus mal , le pouls devint petit, irrégu-
Eclairée, etc. 3yy
lier et convulsif, la langue sèche , et il survint
clés sueurs abondantes tous ces symptômes
allèrent en augmentant jusqu’au premier août ,
que le malade mourut.
Le lendemain je fis l’ouverture du corps ; le
cerveau et ses membranes étoient dans l’état
naturel , le corbnal avoit conservé son intégrité
clans l’endroit frappé , mais la portion de cet os
qui forme la voûte de l’orbite gauclie étoit
fracturée en étoile. La poitrine étoit le siège de
désordres considérables , le poumon gauclie
étoit en suppuration , et il y avoit une grande
quantité de matière purulente sur le diaphragme.
L’espèce de contre-fracture dont il est ques-
tion est extrêmement rare ; JBonhius (i) nous
en a conservé un exemple : il rapporte qu’un
homme mourut d’un coup de bâton proche du
sourcil droit 5 que l’os fut trouvé dans son inté-
grité à l’endroit de la plaie , mais que clans
l’orbite droite, il y avoit une contre- fracture
d’un demi- pouce, qui avoit sa direction du côté
de la selle turcique du sphénoïde. Ces observa-
tions sont un argument invincible contre ceux
qui veulent que lorsqu’il n’y a pas fracture à
l’endroit de la plaie, mais ailleurs , le blessé
ait reçu deux coups.
Quoiqu’on ne puisse pas attribuer directement
la mort de notre malade à la lésion clu coronal,
il n’est pas moins vrai de dire qu’une pareille
contre-fracture à la base du crâne est inévita-
blement mortelle, parle défaut de signes propres
à la faire connoître, et sur-tout par l’impossibi-
lité de lui opposer des moyens efficaces.
(i) Joan, Bonhius, de Renunt. Vulner. pag. 142.
TABLE
DES ARTICLES
CONTENUS DANS CE VOLUME,
Suivant V ordre des Sciences qui y sont traitées .
PHYSIQUE.
Expérience en preuve de la différence d’aptitude de la
pointe, pour lancer et recevoir explosivement la matière
électrique, par M. Chappe, page 35
Sur l’électricité atmosphérique, par M. Hallé , 267
HISTOIRE NATURELLE.
Sur la fontaine brûlante située dans la paroisse de Saint-
Barthelemi , département de l’Isère, par M. Bouvier,
apothicaire , 225
Notice de plusieurs découvertes d’histoire naturelle dans
l’archipel du Nord, par M. Genet, 296
BOTANIQUE.
Décade de plantes nouvelles , dont les graines ont été
apportées des côtes de Barbarie et naturalisées dans nos
jardins , par M. Desfontaines, *61
PHYSIQUE VÉGÉTALE.
Sur l’accroissement des bois comparé à celui des os, par
M. d’Aubenton, 043
ZOOLOGIE.
Sur un animal quadrupède inconnu , qu’on montre à
Londres, par M. Swédiaur,
TABLE DES ARTICLES. 53 1
ANATOMIE.
Sur les changemens qui arrivent aux organes de la cir-
culation du foetus lorsqu’il commence à respirer, pax
M. Sabatier, page 217
Sur un vice .de conformation de l'extrémité supérieure ,
par M. A. P. Brasdor, 226
Concrétion osseuse formée dans la glande thiroïde, par M.
Boyer, chirurgien à Paris , 335
PHYSIQUE ANIMALE.
(PHYSIOLOGIE.)
Premier rapport des expériences faites, d’après M. l’abbé
Spalanzani , sur la génération des grenouilles , par MM.1
Berlinghieri , Silvestre , Robillard et Brongniart , 137
Expériences sur l’accouplement et la ponte des grenouilles,
i39
Des fécondations artificielles , 142
Du développement des têtards , 144
Sur le bégaiement, par M. Charles Cadet, homme de
loi, 2l5
Sur les vaisseaux absorbans et exhalans , par M. Séguin,
23a
CHIMIE.
Sur les différentes variétés du sulfate de mercure et sux
leurs précipitations par les alcalis et spécialement par
l’ammoniaque , par M. Fourcroy. 1
Sur le mélange métallique qui est employé à faire les
caractères d’imprimerie , par M. Sage, 97
Analyse d’une mine de plomb cuivreuse , antimoniale,
martiale , cobaltique , argentine , dans laquelle ces
substances métalliques se trouvent combinées avec le
soufre et l’arsenic , d’Arnostigui , dans la concession
des mines de Baigorri , en basse Navarre , par le
même , 98
Suite du mémoire de M. Fourcroy , sur Les matières
animales , 99
Sur le beurre et la crème du lait de vache , ibid.
Sur le fromage , 104
ôur la bile, lo5
TABLE
cheval , par M. FourJ
SSs
Examen d’un calcul rénal de
cr°y > m page io9
Consultation chimique et médicale sur une poudre rouge
qu’on emploie à Saint-Domingue contre la dissenterie,
par le même , j 10
Analyse de cette poudre, Iir
Imitation de cette poudre, u2
Suite des expériences sur les matières animales , par
M. Fourcroy, I2g
Sur l'urine humaine , ibid.
Sur le sel fusible entier de l’urine humaine, i3o
Sur le calcul de la vessie , j33
Sur plusieurs matières grasses animales , comparées dans
leur fusibilité , leur dissolubilité dans l’alcool , etc. i35
Calculs biliaires dans l’alcool , ibid.
Matière grasse des cadavres enfouis dans la terre , ibid.
Blanc de baleine dans l’alcool chaud et froid , i36
Fusibilité comparée du blanc de baleine, de la matière
blanche des calculs biliaires et de la cire grasse du
gras des cadavres, ibid.
Analyse et préparation du tartrite d’antimoine et de
potasse , ( tartre stibié ) par M. Bergman , i65
Nouvelles chimiques, par M. Van-Mons et M. le chevalier
de Landriani, 321, 323
Observations et expériences chimiques sur le tartrite
d’antimoine et de potasse , par M. Vauquelin , 558
Observation sur l’argentite ammoniacal ou argent ful-
minant , par M. Fourcroy , 36o
Examen d’une liqueur trouvée dans la vésicule du fiel
d’un homme, par MM. Fourcroy et Vauquelin, 365
MATIÈRE MÉDICALE.
Sur le suc qui fournit la gomme élastique , par M. Four-
croy , ^7
Sur un prétendu spécifique contre la rage , par M.
Chaussier , secrétaire de l’académie de Dijon , 172
’ Sur l’écorce d’angustura , par M. Wilkinson, chirurgien
de Sunderland en Angleterre, 556
HYGIÈNE.
' » » ^ • *4 . «« ' ,S» .4 k ■ • I
Blanchiment du linge taché par l’onguent mercuriel ,
par M. Vauquelin , ai3
DES ARTICLES.
335
MÉDECINE PRATIQUE.
Sur plusieurs affections de nature charbonneuse, par M.
Burel le jeune, ancien médecin de hôpitaux militaires,
département du Yar , -, pagen
Sur la fièvre puerpérale , telle qu’elle s’est -présentée à
l’hôpital des femmes en couches de DubUn , par M.
Clarke, 17
Sur le sang des phtisiques, par M. Portai, 4^
Sur une femme qui boit une très-grande quantité d’eau ;
par MM. Bellot et Brongniart , 5i
Sur l’usage du camphre d’Amérique, dans les maladies
chroniques et inflammatoires, par J. Marsillac , mé-
decin , 65
Sur les douleurs qui accompagnent l’accouchement ,
par M. Davon , médecin de la faculté de Montpellier,
“4
Sur la guérison d’un ulcère au sein , par l’inoculation de
la gale, par M. Pascal, chirurgien en chef de l’Hôtel-
Dieu de Brie-Comte-Robert, 11g
Sur un enfant qui boit beaucoup , par M. Vauquelin,
122
Constitution du trimestre d’automne de l’année 179a ,
par M. Geoffroi , 148
Des effets médicamenteux dé l’électricité , d’après une
expérience de seize ans, par M. Mauduyt, médecin de
Paris , ■ ig3, 241 , 29 7 , 34i
Constitution du trimestre d’hiver de l’année 1792 , par
M. Geoffroi , 3io
Sur les propriétés médicinales du muriate de baryte ,
par M. Crawford, 667
CHIRURGIE.
Sur un cancer à la lèvre inférieure , par M. Lacroix ;
ancien élève de l’école pratique de Paris, 28
Discussion relative à l’opération de la taille, par M.
Sabatier, 55
Sur les effets de l’épithême désorganisant de M. Dorez ,
chirurgien , rue et île Saint - .Louis , par M. Pinel ,
60
Sur les plaies des artères, par M. Deschamps, chirurgien
en chef de l’hôpitaide la Charité, à Paris, 67
534 TABLE DES ARTICLES.
Description du serre-artère , par le même , page 94
Sur la nécrose, par M. Laumonier, chirurgien en chef
de l’Hôtel-Dieu de Rouen. l55
Sur une plaie à la vésicule du fiel , par M. Sabatier, 175
Sur l’aitiologie ou le mécanisme de la luxation de la mâ-
choire inférieure , par M. Pinel, docteur en médecine,
183
Sur une hémorragie considérable survenue pendant l’opé-
ration de la taille , par M. Boyer , 3i8
Observation sur une fracture par contre-coup à la partie
orbitaire du coronal, par M. Boyer, 378
PHARMACIE.
Pastilles astringentes de kino, g5
Préparation de l’emplâtre divin; 136
Rectification de l’ammoniaque, par M. Vauquelin, 3^9
Fin de la Table des Articles,
T AB U
585
I -.1.1 IW T u 'l'iu
TABLE
e
DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TROISIÈME VOLUME,
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
A
Acc ouchemens ( douleurs qui les accompagnent)
page 114
Accouplement des grenouilles , i3g
Accroissement des bois comparé à celui des os, 525
Affection dénaturé charbonneuse, j 1
Aitiologie de la luxation de la mâchoire inférieure , i85
Alcalis ( les alcalis précipitent différemment les différentes
variétés du sulfate de mercure ) , r
Alcool ( blanc de baleine dans l’alcool chaud et froid ) ,
i56 ; ( calculs biliaires dans l’alcool) , i35 ; ( dissoîu-
bilité et fusibilité comparées de plusieurs matières
grasses dans l’alcool ) , ibid.
Ammoniaque ( l’ammoniaque précipite différemment les
différentes variétés du sulfate de mercure ) , 1 ; sa
rectification), 54g;
Analyse d’une mine de plomb cuivreuse, antimoniale, ect.
uni au soufre et à l’arsenic , g8 ; d’une poudre rouge
qu’on emploie à Saint-Domingue pour la dissenterie,
111 ; du tartrite d’antimoine et de potasse, i65 ;
Anatomie , 217 , 226, 335;
Angustura ( sur l’écorce d’angustura ) , 33S
Animal quadrupède inconnu qu’on montre à Londres, i'63
Aptitude différente de la pointe pour lancer et recevoir
explosivement la matière électrique , 33
Argentite ammoniacal ou argent fulminant ( observation
' sur 1’ ) ,
Artères (description du serre-artère) , 94; plaies des ar-;
tères , 65 ;
Automne ( constitution médicale de cette saison pendant
l’année I7gi ) , 148
Tome ÜL N0.. XII, B b
386
TABLE
B
Bégaiement ( sur le bégaiement), page Z i5
Beurre (nouveaux faits sur le beurre )
Bile ( découvertes sur la bile), 105
Blanc de baleine dans l'alcool chaud et froid, i36, (sa
fusibilité comparée avec la matière blanclie des calculs
biliaires , et la cire du gras des cadavres ) , ibid.
Blanchiment du linge taché par l’onguent mercuriel, 2i3
Bois ( accroissement des bois comparé à celui des os ) ,
325
Botanique , i6r
c
Calculs biliaires dans l’alcool , i35 ; fusibilité comparée
de la matière blanche des calculs biliaires, du blanc de
baleine, de la cire du gras des cadavres, i36
Calcul de la vessie ( nouvelles recherches sur le calcul
de la vessie), i35 ; rénal d’un cheval (son examen
chimique), 109
Camphre d’Amérique ( son usage dans les maladies chro-
niques et inflammatoires ) , 65
Cancer à la lèvre inférieure , 28
Caractères d’imprimerie ( mélange métallique qui les com-
pose) , . (î _ 97
Cliangemens qui arrivent aux organes de la circulation
du foetus des qu’il commence à respirer, 217
Chimie, 1 , 97 , 98 , 99 , 104 , io5 , 109, 110, 129, i3o,
i33 , i35 , i56 , i65 , 32 1, 323.
Chirurgie, 28, 53, 60, 65, 94, i55, 175, i83, 3iS
Circulation ( cliangemens qui arrivent aux organes de la
circulation du foetus, lorsqu’il commence à respirer) ,
: 217
Comparaison de la fusibilité et de la dissolubilité de plu-
sieurs matières animales dans l’alcool , i35
Concrétion osseuse de la glande thiroide , ^55
Conformation vicieuse de l’extrémité supérieure, 226
Constitution du trimestre d’automne de lannée »
148; du trimestre d’hiver, , 3io
Crème du lait de vache ( expérience sur la ) 99
D
Décade de plantes nouvelles dont les graines, apportées
D E S M A T I E R E S. 3S7
des côtes de Barbarie , sont naturalisées dans nos jar-
dins, i6r
Découvertes chimiques , 3.21 , 323 ; d’histoire naturelle
dans l’Archipel du nord , 296
Développement des têtards, i44
Dissènterie ( analyse et imitation d’une poudre rouge
qu’on emploie à Saint-Domingue contre la dissenterie )
iro
Dissolubilité comparée de plusieurs matières grasses dans
l’alcool , i55
Douleurs ( sur les douleurs qui accompagnent les accou-
chemens), n4
E
Eaux ( femme et enfant qui boivent une grande quan-
tité d’èau ), 5i , 122
Ecorce d’angustura ( sur l’écorce d’angustura ), 556
Electricité (sur l’électricité athmosphérique ) , 25j , 289 ;
( effets médicamenteux, de l’électricité ) ig5 , 241 , 341
Emplâtre divin (sa préparation), 126
Epithême désorganisant de M. Dorez ( remarque sur ses
effets), 60
Expérience sur la différence d’aptitude de la pointe pour
lancer et recevoir explosivement la matière électri-
que , 33 ; sur la génération des grenouilles , j 37
Extrémité supérieure ( vice de sa conformation ) , 226
F
Fécondation artificielle des grenouilles , 142
Femme qui boit une grande quantité d’eau , 5i
Fièvre puerpérale à l'hôpital des femmes en couche de
Dublin, 17
Foetus ( changemens qui arrivent aux organes de la cir-
culation du fœtus quand il commence à respirer) , 2x7
Fontaine brûlante située dans la paroisse de Saint- Bar-
thelemi, département de l’fsère 22S
Fracture par contre-coup à la partie orbitaire du coro-
nal ,
Fromage ( découvertes sur le fromage), xo4
Fusilibilité comparée de plusieurs matières grasses dans
l’alcool , i35; du blanc de baleine , de la matière blan-
che des calculs biliaires , de la cire du gras des ca-
davres , i56
Bbij
oS8
TABLE
G
Gale ( guérison d’un ulcère au sein par l’inoculation de
^ la gale ), ng
Génération des grenouilles ( expériences sur la ), i37
Glande thiroïde ossifiée , 335
Gomme élastique ( suc qui la fournit), 37
.Graines apportées des côtes de Barbaries , et naturalisées
dans nos jardins, i6i
H
Hémorragie considérable survenue pendant l’opération
de la taille , 3i8
Histoire naturelle , 225, 296
Hiver ( constitution du trimestre d’hiver de l’année
17S1 )> . 310
Hôpital des femmes en couches de Dublin (fièvre puer-
pérale à l’hôpital, ect. ) , i7
Hygiène, 2i3
I
Imitation d’une poudre rouge qu'on emploie à Saint-Do-
mingue contre la dissenterie, 112
Imprimerie ( mélange métallique employé à composer
les caractères d’imprimerie ) , 97
Inoculation de la galle (ulcère au seinguéri par ce moyen ),
K
Kino ( pastille astringente de kino) ,
L
95
Lait de vache ( nouvelles recherches sur le beurre et la
crème du lait de vache) , 99
Lèvre inférieure (cancer à la lèvre inférieure), 28
Linge taché par l’onguent mercuriel ( manière de le blan-
chir), 2i3
Luxation de la mâchoire inférieure ( mécanisme de la ) .
iS3
M
<0 .
Mâchoire inférieure (mécanisme de sa luxation) , i85
DES MATIERÈS: 3Sg
Maladies chroniques et inflammatoires ( usage du camphre
dans les ) 56
Matière blanche des calculs biliaires (sa fusibilité comparée
avec celle du blanc de baleine et de la cire du gras des
cadavres) , i36
Matière électrique ( différence d’aptitude de la pointe pour
la lancer ou la recevoir explosivement) , 53; matière
grasse des cadavres enfouie dans la terre, i35; ma-
tière médicale, 37,172,535
Médecine pratique, 11 , 17, 4^ , 5x , 65, 114, 119» 122,]
148, 195,241,297, 3io, 541*
Mélange métallique employé à faire les caractères d’im-
primerie, 97
Mine de plomb cuivreuse , antimoniale , martiale, ect. uni
au souffre et à l’arsenic ( son analyse ) , 98
Muriate de baryte ( propriétés médicinales du ) , 3 67
N
Nécrose ( observation sur la nécrose) , i55
O
Onguent mercuriel ( blanchiment du linge taché par l’on-
guent mercuriel ) , 2i3
Opération de la taille (discussion relative à cette opéra-
tion ) , 53 ; (hémorragie considérable survenue pendant
cette opération), 3i8
Organes de la circulation du foetus ( changemens qu’ils
éprouvent quand le foetus commence à respirer ) , 217
Os ( accroissement des bois comparé à celui des os) , 325
P
P a stilles astringentes de kino, , 9^
Pharmacie, g5 126,349
Phtisiques ( sur le sang des phtisiques ) , 4^
Phisiologie( vid. physique animale).
Physique , 83; physique animale, i3y ; i3g , 142 , j44i'
210, 232; physique médicale, 257, 289; physique
végétale , 325.
Plaies des artères , 65 ; à la vésicule du fiel , 175.
Plantas nouvelles dont les graines ont été apportées de
Barbarie, naturalisées dans nos jardins, 161
Zgq TABLE
Plomb ( analyse d’une mine de plomb cuivreuse , antimo-
niale, martiale, ect. unie au soufre et à l’arsenic) , 98
Poudre rouge qu’on emploie à Saint-Domingue dans la
dissenterie , no; son analyse, 1x1 ; son imitation , 112
Précipitation des différentes variétés de sulfate de mer-
cure par les alcalis, 1
Préparation de l’emplâtre divin, 126; du tartrite d’anti-
moine et de potasse , 65
R
* * , • *■ 1 '- * *■ »
Piage ( prétendu spécifique contre la rage ) ,
Rectification de l’ammoniaque ,
S
Sang des phtisiques ( observations sur le), 4^
Sein ( ulcère au sein guéri par l’inoculation de la galle )
“9
Sel fusible de l’urine humaine , 100
Soufre uni à une mine de plomb cuivreuse , antimoniale ,
martiale , ect. , ) 98
Spécifique prétendu contre la rage, 172
Suc qui fournit la gomme élastique , 5y
Sulfate de mercure (ses différentes variétés), *
T
Tartrite d’antimoine et de potasse (expériences chimiques
sur le ) , 553
Taille ( discussion relative à l’opération de la taille ), 55 $
( hémorragie survenue pendant l’opération de la taille ) ,
3iS
Tartre stibié ( vid. tartrite d’antimoine et de potasse ).
Tartrite d’antimoine et de potasse ( son analyse et sa pré-
paration), i65
Têtards ( leurs développemens ) , i44
Trimestre d’automne de l’année 1791 , i4^î d’hiver, 5io
U
Ulcère au sein, guéri par l’inoculation de la galle, 119
Urine humaine (nouvelles découvertes sur l’urine), 1 29;
( sel fusible de l’urine ) , L;o
172
349
DBS MATIÈRES.- 5g r.
Usage du camphre d’Amérique dans les maladies chroni-
ques et inflammatoires , 65
V
Vaisseaux absorbans et exhalans ( sur les ) ,’ 23a
Variétés du sulfate de mercure , r
Vésicule du fiel ( plaie à la ), 175
Idem . ( examen d’une liqueur trouvée dans la ) 565
Vessie ( calcul de la vessie ) , i33
Vice de conformation de l’extrémité supérieure,; 226
Z
Zoologie i65
Fin de la Table -par ordre alphabétique.
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LA MÉDECINE
*
éclairée
PAR LES SCIENCES PHYSIQUES,
journal des découvertes
RELATIVES
AUX DIFFÉRENTES PARTIES
DE L’ART DE GUERIR;
•• A -
Rédigé par M. FOURCROY.
2-4
TOME QUATRIEME.
A PARIS,
Chez Buisson , Libraire , me Hàutefeiiille ,
N° 20.
1792.
( N° 1er, i Juillet Ijÿl )
3
HISTOIRE NATURELLE.
Extrait des six premiers numéros du Journal
d’histoire naturelle .
MINÉRALOGIE.
Mémoire sur les mines de charbon des mon -
tagnes des Cé venue s , et sur la double em-
preinte des fougères qu’on y trouve ; par
M. Brugmère.
L’auteur cherche clans ce mémoire à expli-
quer la formation des mines de charbon de terre
en général y et en particulier cette double em-
preinte de la surface supérieure des feuilles
de fougère qui se rencontre si fréquemment
dans les schistes qui recouvrent les couches
de charbon de terre. Après avoir fait voir que
V image de V ordre et les traces de la lenteur ,
qui se remarquent dans la composition des
mines de charbon , et dans la conservation in-
tègre des végétaux qui s’y rencontrent , ne
permettent pas de croire , avec Antoine de Jus-
sieu , que ces différens végétaux y ont été ap-
portés par quelque violente commotion du
globe , il propose son opinion. La mer , dit-
il , a couvert toute l’Europe , les preuves nom-
breuses qu’elle nous en â laissées ne permettent
plus d’en douter ; les fleuves charriant sans
cesse et tranquillement des débris de végétaux,
et même les végétaux entiers des pays qu’ils
traversoient , ils les transportoient jusques au
milieu des mers , où ils se précipitoient , mêlés
avec la terre , également charriée avec ces vé-
A a
4
La Médecine
gétaux. M. Brugniere appuie cette théorie de
la formation de couches de charbon en géné-
ral , d’un assez grand nombre d’observations.
Il passe ensuite à l’explication de la double
empreinte des feuilles de fougère sur les
schistes. Les fougères portent leur fructification
sur la surface inférieure de leurs feuilles; cette
fructification spongieuse , en s’imbibant plus
intimement de la terre argileuse qui forme les
schistes, a rendu ainsi l’adhérence de la feuille
de fougère , par cette face, beaucoup plus forte
que par l’autre $ ensorte que la séparation se
fait toujours entre la face lisse' et couverte
et le schiste, et jamais ou presque jamais en-
tre la face concave des fructifications et cette
même pierre. La convexité représente donc
toujours la face lisse de la fougère changée
en charbon, et la cavité l’empreinte de cette
face dans le schiste. Cette ingénieuse explica-
tion est appuyée de plusieurs observations qui
ne laissent plus aucun doute sur sa vérité ,
mais qu’il seroit trop long de rapporter.
A. inerme ; à pétioles pla- M. inerrnis *, yetiolh
nés , linéaires , lancéolés , planis , lineari lanceola-
obliques , nus , foliifor- tis , obliquis , midis , foin-
mes , épis globuleux axil- formibus , spicif axillanbus
laires. globosis.
Cette plante est remarquable en ce qu’elle
paroît s’éloigner par son feuillage des autres
espèces de ce genre , qui presque toutes ont
des feuilles extrêmement composées ; mais ,
comine le fait observer M. Lamarck , en
Acacie oblique.
Mimosa obliqua .
ÉCLAIRÉE., etC. 5
donnant la description de cette espèce , les
prétendues feuilles simples ne sont que les
pétioles des feuilles composées qui ont paru
dans le jeune âge de la plante, elles se sont
desséchées et sont tombées ; la plante , adulte
en se développant , 11e donne bientôt plus nais-
sance qu’à des pétioles,.
Description d'une nouvelle espèce de vantane ,
envoyée de Cayenne par M. Leblond ; par
M. Lamarck.
Vantane à petites fleurs. J^aritanea parviflorai
V. A feuilles ovales , un V. Foliis ovalibus , obtu -
peu obtuses , ovaire lai- siusculis , germine lanato^
neux.
Ce végétal est un arbre ou un arbrisseau ra-
meux à feuilles ovales , obtuses , entières, pé-
tiolées , ayant ses fleurs disposées en coryrnbes
terminaux à pédoncules rameux , courts et pu-
bescens. Si ce vantane a le cède au vantane a-
guyanensis cl’Aublet , par la petitesse de ses
fleurs , il l’emporte au moins par la disposition
de son feuillage.
Description d’un nouveau genre de plante ap-
pelle drapetes , par M. Lamark.
Cette plante, voisine des dais , a été rapportée
par Commerson des terres Magellaniques $
M. Bancks l’y a également ramassée et lui a
donné le nom que M. Lamark lui a conservé.
Tétrandrie monogynie.
Drapet.
Caract. gènèr.
Fl. ramassée en faisceau;
cal. o ; cor. infundibuliforme ,
TÉTRANDRIA MOSrOGYNIA.]
Drapetes.
Caract. generis."
Fl. aggrega to- fascicu la tz,
cal. o ; cor. infu ndib u lifor-
A3
6 La Médecine
à limbe qnadrifkle , recep- mis, limbo 4 fido\ recepta -
tacle pédicellé , barbu, r eu la pedicellata , barbata ;
Sein, couveite. sem. 1, tectum .
L’espèce nppellée drapetes muscosus ressem-
ble à une passeî ine; ses tiges sont filiformes et
en touffes, ses feuilles opposées en. croix , les
fleurs terminales et petites.
ZOOLOGIE.
INSECTES.
Description d’une nouvelle espèce de cétoine ;
par G. A. Olivier.
Cétoine grillée. Cetonia clathrata.
C. Corcelet noir, rayé de C. 1' ho race nigro , flavo -
jaune , élytres d’un pourpre lineato , elytris fusco pur -
foncé , pointillées de jaune. pureis flavo punctatis.
Ce bel insecte a été envoyé de Cayenne à la
société d’histoire naturelle , par M. Leblond.
VERS TESTACÉS.
Description d’une nouvelle espèce de mulette ;
par J. G. Bruguière.
M U LE T T E. U N I O.
Caract. du genre. Caract. generis.
Coquille bivalve , trans-
verse.
Valves égales , fermées
par tout, nacréesdans l’in-
térieur.
Empreintes musculaires ,
trois dans chaque valve: une
sur leur boid antérieur ,
deux inégales souvent réu-
nies sur leur bord posté-
rieur.
Sommets , souvent cariés.
Testa bivalvis , transversa.
Valvulæ eequales , undi -
que clausce , in tus marga-
ritaceœ.
impressiones musculares,
très in qualibet valvula ;
una juxta marginem ante •
riorern , duo in œqua/es sce-
pius unitee prope marginem
posteriorem.
Apices, scepius erosi À
3É C L A ï
Charnibre , deux et trois
dents articulées; valve droi-
te , deux dents : une longi -
tudinale parallèle au liga-
ment , la seconde grosse
crenelée , située en arrière
du sommet. Valve gauche ,,
trois dents; unelongitudina-
le , accompagnée en dessous
d’une gouttière parallèle :
les deux autres inégales ,
crénelées , situées en arrière
du sommet.
Ligament extérieur, con-
vexe , épais.
R 3É 32 , et<^ J
Cardo , dentes duo et très
articulati ; valvulæ dextras
duo : alius longitudinale
ligamento parallelns . alius
crassus crenatus , pone api-
cem situs. V alvulce sinistrés
dentes très ; nnus longitu-
dinalis inferne canalicula -
tus : duo alii inœquales ,]
striato-crenati , crassius -
culi , pone apicem siti.
Ligamentum exterius coït -
vexum crassum.
Mulette Grenue. Unio Grands a.
"Mulet te , coquille toute Unio , testa granis conferi,
parsemée de grains saillans. fis undique obsita.
Cette espèce est fluviatile , et a été envoyée
de Cayenne par M. le Blond. Le genre
mulette dans lequel M. Brugnière la fait en-
trer a été formé par M. Retzius , avec les
espèces fluviatiles du genre mya de Linnéus :
ainsi le mya pictorum , improprement appelle
moule de rivière , doit entrer également dans
ce genre , et pourra servir à étudier les ca-
ractères de ce nouveau genre , qui n’est point
dans le tableau systématique des vers de l’En-
cyclopédie.
Description d'une nouvelle coquille du genre
de V anodontide .
M. Brugnière a fait , dans le genre de la
moule de Linnéus , des cliangemens encore
plus nombreux que dans ceux de la mie , et qui
rendent pareillement ce genre plus naturel.
Il en a retiré des espèces du genre des huî-
tres , et a divisé les autres espèces en trois
A 3
8 la Médecine
genres , qu’il a nommés hy ronde , anodontide
et moula j il ne compaie ici que les caractères
de ces deux dernières : il fait voir que la
moule est un genre de coquille marine1 plus
longue que large , fixée aux rochers par une
substance soyeuse appel lée byssus , ne pré-
sentant que deux attaches musculaires , et
renfermant plusieurs espèces dont la charnière
est dentée. Les espèces de l’anodontide ont
au contraire constamment une charnière sans
dents: cette coquille est fluviatile , plus large
que longue , "libre , et présentant trois attaches
musculaires. Ce dernier caractère est proposé
par M. Bruguière , comme pouvant servir à
distinguer les coquilles bivalves marines des
fluviatiles. Les fluviatiles n’ont point toujours
trois attaches musculaires , mais les coquilles
marines n’en ont jamais plus de deux.
Anodontide crépue. Anodontites crispata.'
Anodontide y coquille ova- Anodontites, testa ovali %
le. marquée de stries longi- slriis longiti/ dinalibus trans-
tudinales, et d’autres trans- versisque elevato-crispatis
verses, élevées crépues. cancellata.
MATIÈRE MÉDICALE.
Réflexions sur l’usage des diverses variétés
d’alcali, végétal en médecine , et sur la né-
cessité d’employer ce sel dans un état
constant ; par NI. Fourcroy.
r r i t '
Rien n’est plus inexactement connu , et plus
vaguement employé en matière médicale que
les différentes espèces d’alcalis ; c’est cepen-t
dant une vérité bien importante et bien sentie,
que la nécessité de connoîlre avec précision
la nature des substances qu’on emploie comme
ÉCLAIRÉE, €tC. 9
médicamens. Il est aisé de prouver , par l’exa-
men des foi uni les , que les médecins , en pres-
crivant c nme matières analogues la potasse
du commerce , l’alcali végétal , l’alcali du tar-
tre , l’alcali du nitre , les cendres gravelées ,
l’huile de tartre par défaillance , les sels fixes
des plantes , n’emploient point une matière
alcaline égale , et souvent , ce qui est bien pis ,
emploient une substance dont ils ignorent la
nature , l’énergie , la dose réelle , et consé-
quemment l’action. Un coup-d’œil jetté sur les
produits chimiques alcalisés qui ont reçu ces
diverses dénominations , en raison de la dif-
férence de leur prépar ation et de leur origine ,
fera sentir l’incertitude qui existe dans la pres-
cription de ces médicamens , et la nécessité
de changer cette pratique vicieuse, et d’adopter
un mode exact et certain pour l’usage de l’al-
cali fixe.
I. De la potasse du commerce.
La potasse du commerce est préparée en
grand dans le nord, de l’Europe , en brûlant
des bois jusqu’à les réduire en cendres. On fait
calciner et fondre en partie ces cendres dans
des pots de terres, et c’est de deux mois al-
lemands qui signifient cendre de pot , que le
mot potasse à été tiré. Il est facile de conce-
voir , avec des connoissances mêmes superfi-
cielles en chimie que ces cendres doivent
contenir beaucoup de matériaux salins et ter-
reux ; en effet , outre la portion de potasse
caustique ou pure qu’elles contiennent en raison
de la forte chaleur qu’elles ont éprouvée , et
qui varie suivant l’intensité et la durée de
cette chaleur , outre la quantité variée de car-
bonate de potasse qu’elles contiennenten même
lo La Médecine
temps, elles sont chargées de sulfate de potasse
ou tcütre vitriolé , de muriate de potasse ou sel
fébrifuge , de muriate de soude ou sel marin ,
de sulfate de chaux ou sélériite , de carbonate
de chaux ou craie , de terre silicée et d’a-
lumine ; on y trouve encore du charbon , de
petits silex , quelquefois même un peu d’ex-
trait qui a échappé à l’action du feu , et sou-
vent beaucoup de corps étrangers. La potasse
du commerce ne doit donc jamais être em-
ployée en médecine , pas même à l’extérieur ;
car comme elle n’est jamais exactement la
même par la quantité et la nature de l’alcali
qu’elle contient , on ne peut jamais compter
sur la force de la lessive ou de la dissolution
qu’on en prépare. La potasse blanche ou pure
qu’on prépare en grand , en lessivant la pré-
cédente avec de l’eau , et en évaporant à sic-
cité cette lessive filtrée ou tirée à clair , ne
doit pas être plus avantageuse en médecine ;
car elle n’est réellement ni plus pure , ni plus
connue dans sa nature et la proportion de ses
principes que la première. Ln effet , l’espèce
de purification qu’on lui fait subir n’en sé-
pare que les corps étrangers , les terres et les
ordures qui peuvent s’y trouver , et le produit
de la lessive évaporée quoique plus blanc et
plus salin , contient toujours un mélange varié
et inégal de potàsse, de carbonate de potasse ,
de sulfate de potasse et de chaux , de mu-
riate , ect. 5 ainsi cette potasse purifiée, dans le
commerce , est bien un des matériaux d’où l’on
peut tirer en chimie et en pharmarcie la po-
tasse pure , ou le carbonate de potasse , mais
ne doit jamais être employée comme médica-
ment , même pour les préparations pharma-
ceutiques extérieures.
11
^CXAIRSS, etc.
IL De V alcali végétal.
C’est une des dénominations les plus sou-
yen l employées dans les formules que celle
d’alcali végétal., et c’est cependant une des
pins vagues et des plus insignifiantes : ce nom
embarrasse nécessairement le pharmacien ; il ne
sait ce qu’il doit donner ou de la potasse ou
de l’alcali du tartre , s’il faut qu’il le fournisse
sec ou liquide, caustique ou adouci. Une pa-
reille désignation ajoute donc encore aux in-
certitudes , et doit être entièrement proscrite.
III. De V alcali du tartre .
L’alcali du tartre des boutiques est le ré-
sidu de la combustion ou de la calcination du
tartre mis en poudre grossière dans des cornets
de papier , et brûlé au milieu des charbons.
On jette cette cendre alcaline dans l’eau , et
on évapore à siccité la lessive qu’on en ob-
tient. L’alcali qui provient de -cette opération,
contient de la potasse pure , du carbonate de
potasse en proportion diverse , suivant le mode
de calcination , la force et la longueur du feu
qu’on a employé $ il contient aussi du sulfate
de potasse , et souvent quelques autres sels
étrangers à la matière alcaline : il est donc
loin d’être dans l’état de pureté convenable,
pour qu’on puisse compter sur sa nature et
sur son action 5 il n’est jamais constant dans
ses effets , et on ne sait jamais exactement ce
qu’on donne aux malades lorsqu’on le pres-
crit. C’est cependant là l’espèce d’alcali le plus
communément employé parmi les médicamens ;
c’est celui cju’on croyoit autrefois le plus pur ,
avant qu’on connût bien en chimie les diffé-
rées états des alcalis fixes.
1Z
La MsDECiNk
IY. De V alcali du nitre.
Pour obtenir promptement de l’alcali ana-
logue â celui qu’on extrait des cendres des
végétaux , les chimistes ont depuis long-temps
employé la détonation du niftre avec le char-
bon. Deux parties de ce sel en poudre fine ,
mêlées avec une partie de charbon également
en poudre , et projettées dans un creuset rouge ,
détonent fortement, et il reste après la déto-
nation l’alcali du nitre et celui qui étoit con-
tenu dans le charbon. Mais comme en brûlant
le carbone, combiné avec l’oxigène de l'acide
nitrique, forme de l’acide carbonique, cet acide
s’unit à l’alcali ou potasse , et la sature plus
ou moins , ou y reste en plus ou moins grande
quantité, suivant qu’on a tenu le résidu de
la détonation plus ou moins long-temps ex-
posé au feu. Cet alcali est donc composé de
proportions diverses de potasse pure ou caus-
tique , et de carbonate de potasse $ et quand
on l’employe comme médicament , on ne sait
jamais positivement l’énergie et la nature du
remède que l’on prescrit. Ajoutons encore à
cette première cause d'incertitude qu’il en
existe plusieurs autres, soit de la part du nitre ,
dont quelques portions peuvent n’avoir pas
été décomposées , soit de la part du charbon
qui fournit quelques sels neutres dans sa cen-
dre , ou qui n’est pas toujours egalement et
complètement brûlé. D’après ces observations
on voit qu’on ne doit pas se servir en médecine
de l’alcali provenant de la détonation du nitre,
qu’on connoît aussi sons le nom d’alcali extem-
porané , à cause de la promptitude et de la
facilité qu’on a à l’obtenir.
i3
KCLAIRÉK, etC.
V . Des cendres gravelées.
Les cendres gravelés , cineres cJavellaiî ,
ont été nommées ainsi , parce qu’elles sont
sous la forme grenue et comme du gravier.
Elles proviennent de la combustion des lies
de vin , elles sont fort analogues à i’alcàli
obtenu par la calcination du tartre , car les
lies de vin sont en grande partie formées de
cristaux de tartre ; elles n’en diffèrent même
que par un plus grand nombre d’impuretés
qu’elles peuvent contenir en raison des corps
étrangers , des pépins , des portions de grappes,
des pellicules ect. , qui se précipitent dans les
tonneaux avec le tartre fin qui s’y dépose.
Ainsi elles doivent contenir les cendres ou les
résidus fixés de ces différentes matières , mê-
lées avec l’alcali caustique , et le carbonate
de potasse que le tartre brûlé et plus ou moins
calciné à coutume de donner. On voit donc
qu’on doit encore moins les employer comme
médicament que l’alcali du tartre 5 aussi ne
les faisoit-on en général servir dans la phar-
macie que pour la préparation de quelques
médicamens composés , et ne les prescrivoit-on
que rarement dans les formules, encore n’étoit-
ce que pour la prescription de quelques re-
mèdes extérieurs.
VI De V huile de tartre par défaillance .
L’huile détartré par défaillance , oleum tar-
tan per deliquium , est l’alcali du tartre qui
a attiré l’humidité de l’air , et comme cette
dissolution spontanée est épaisse comme une
espèce d’huile , on lui a donné le nom qu’elle
porte. Les médecins ont souvent ordonné et
fait entrer dans leurs formules officinales ou
/
la Z> a Médeciwb
magistrales, l’huile de tartre par défaillance
mais ils n’ont pas à beaucoup pies su exac-
tement ce qu’ils employoient sous cette déno-
mination. Il n’y a que les découvertes de l’état
actuel de la chimie qui puissent faire con-
noître exactement ce que c’est que l’huile de
tartre par défaillance. Quand on expose à l’air
l’alcali du tartre , la portion de potasse pure
ou caustique que contient cet alcali est la
6eule de ses parties qui attire l’humidité de
l’atmosphère et qui devient peu à peu liquide ;
quand on décante cette portion déliquescente,
on trouve au fond , sous la forme de pondre
humide , le carbonate de potasse et les sels
neutres qui existent naturellement dans l’al-
cali du tartre ; ainsi la déliquescence due à la
forte attraction de la potasse pour l’eau tend
à séparer cet alcali pur d’avec le carbonate
de potasse et les sels neutres qui s’y trouvent
mélangés dans le résidu du tartre brûlé ; et
bous ce point de vue , la déliquescence seroit
un assez bon moyen d’avoir de la potasse pure ,
si à mesure que l’eau atmosphérique se préci-
pite dans cet alcali , l’acide carbonique contenu
dans l’atmosphère ne s’y précipitoit pas en
même temps , et ne venoit saturer peu à peu
Cet alcali ; en telle sorte qu’en gardant long*
temps à l’air l’huile de tartre,, on obtient au
bout de quelques mois des cristaux de carbo-
nate de potasse. On voit donc qu’en employant
l’huile de tartre par défaillance, les médecins
donnent aux malades un mélange varié et
inconnu dans ses proportions de potasse pure
ou caustique , et de carbonate de potasse , et
qu’il leur est impossible d’apprécier exacte-
ment les effets médicamenteux d’un pareil mé-
lange. Si l’huile de tartre est récente , elle
icixiRBE, etc/ i3
contient assez cle potasse pure ou caustique
pour être très- âcre , aussi ronge-t-elle la peau
et les excroissances quand on l’applique con-
centrée sur quelques parties extérieures , et ne
peut-on l’employer à l’intérieur qu’en la mê-
lant avec des liquides aqueux, muqueux, ect. ,
en plus ou moins grande quantité. Si l’huile
de tartre est ancienne , et a long-temps resté
exposée à l’air , la potasse y est saturée d’a-
cide carbonique ; elle a perdu son âcreté caus-
tique , et elle a beaucoup moins d’énergie à l’in-
térieur. Entre ces deux conditions elle varie
considérablement de force , et c’est en raison
de ces différences qu’on ne doit pas l’employer
comme médicament.
VII. Des sels fixes des plantes.
Otto Tachenius a beaucoup vanté l’usage
des sels fixes qu’on retire des plantes , et
tous les médecins qui les ont employés depuis
lui , les ont regardés comme des alcalis. Pour
préparer ces sels, on met les plantes sèches
dans une marmite de fer , on y met le feu ,
et lorsqu’elles commencent à être bien embrasées
on couvre le vase , afin d’étouffer la flamme,
et de laisser lentement consumer les plantes,
pour y retenir une partie des vapeurs qui se
dissiperoient dans l’air. Quand la combustion
est finie , il reste des cendres charboneuses ,
qui retiennent encore la forme des plantes j
on les agite quelque temps en les faisant en-
core chauffer pour les rapprocher de l’état
de véritables cendres : alors on les lessive
avec de l’eau ; on fait évaporer la lessive jusqu’à
siccité , et on obtient ainsi les sels fixes. Ils sont
d’un jaune plus ou moins brun ou fauve. On y
trouve par l’analyse de la potasse , du carbonate
2 6 La Médecine
de potasse, du sulfate de potasse., du sulfate de
chaux , du carbonate de chaux , du nmriate de
potasse , du phosphate de chaux , mêlés d’un
extrait en plus ou moins grande quantité. La
proportion de ces matières varie suivant la
nature des plantes, et suivant la combus-
tion plus ou moins avancée qu’on leur fait
subir. Ainsi il est très- vrai de dire que les
médecins, en prescrivant les sels fixes des plan-
tes , ne connoissent pas ce qu’ils emploient ,
et ne peuvent pas apprécier exactement les ef-
fets que ces sels peuvent produire. Plusieurs
ordonnent cependant assez fréquemmen t le sel
d’absinthe , le sel de genêt et quelques autres ,
dans l’hydropisie , les obstructions ect. , et on
en voit qui font beaucoup de cas de cesmédi-
camens. Un homme instruit de toutes les con-
noissances qui constituent la matière médicale ,
ne peut plus se permettre d’administrer de pa-
reils médicamens, qui ne sont jamais les mêmes,
et dont on ignore toujours la véritable nature.
VIII. De la véritable manière d’avoir l’alcali
fixe végétal dans un état identique , et de
pouvoir compter sur ses effets.
Il résulte de tout ce qui a été dit dans les
articles précédens , que l’alcali fixe que l’on
emploie comme médicament , préparé par les
divers procédés qui ont été indiqués , est une
substance très-variée , très-différente dans sa
nature , presque toujours inconnue ou au moins
peu exactement connue , et par conséquent
très -incertaine dans ses propriétés et ses effets.
Il n’y a qu’une manière d’avoir dans l’alcali
fixe un médicament constamment semblable à
lui-même dans sa nature et dans son action
médicamenteuse ,
ÉCLAIRÉE, etC.' 17
médicamenteuse , c’^st de bien connoître ce sel
pur , du bien savoir sa préparation et ses pro-
priétés. L’alcali fixe végétal est nommé au-
jourd’hui potasse dans son état de pureté ;
on l’obtient tel en traitant tous les alcalis pro-
venant des végétaux brûlés , du tartre cal-
ciné , dunitre décomposé , par la chaux vive ,
qui lui enlève l’acide carbonique (ancienne-
ment l’air fixe ) dont il est plus ou moins
chargé après les combustions. Si l’on évapore
la potasse ainsi rendue caustique parla chaux,
dans des vaisseaux ouverts , elle reprend de
l’acide carbonique de l’atmosphère, et poussée
jusqu’à siccité , elle contient de la chaux et
de la silice. Pour l’avoir bien pure , il faut
dans cet état la dissoudre dans huit ou dix
fois son poids d’alcool rectifié , et évaporer
cette dissolution à siccité dans des vaisseaux
fermés L’alcool , ne dissolvant absolument que
la potasse pure , laisse les parties de carbonate
de potasse , de chaux et de silice , souvent
contenues dans ce sel traité par la chaux. La
potasse ainsi obtenue , est sous la forme d’une
matière blanche ou grise, non ciistallisée , très-
âcre ettrès-caustique, qu’on donne dissoute dans
une quantité plus ou moins grande d’eau avec
quelque mucilage ; elle est toujours la même ,
constamment énergique à un dégré connu ,
quand on la donne avec des quantités d’eau
déterminées. Le nom d’alcali caustique qu’on
lui donne souvent dans cet état , ne doit point
en imposer et exciter des craintes mal fon-
dées ; on réduit cette causticité , qui est très-
forte sous la forme sèche et solide de ce sel ,
a une saveur presque nulle , en le donnant
dans une grande quantité d’eau. Quand on veut
produire un effet antacide, absorbant, fondant.
Tome IV . N°. I B
i8 La Médecine
mcisir , piompt , on ne peut pas employer nu
plus puissant , un pins sur remède ; c’est celui
qu’on donne avec quelque* succès aujourd’hui
dans les maladies caiculeuseè : il convient dans
tous les cas ou les alcalis sont indiqués, et au
moins on peut être très-sûr de ses effets , puis-
qu on sait exactement ce qu’on emploie et l’état
précis du médicament que prennent les ma-
lades. Il y a encore trop peu d’hommes de l’art
qui commissent bien l’alcali dans cet état de
pureté , et qui conçoivent même toutes les
ressoudes que la médecine peut y puiser. A
mesure que l’art de guérir se perfectionnera
par l’.ipplicalion sevère des sciences acces-
soires , on tirera un parti plus grand de Ce ré-
niède', et je suis bien trompé si cet art n’y
trouve pas quelqiie jour un des plus puissans
moyens d’attaquer et de combattre victorieu-
sement des maux qu’on regarde aujourd’hui
comme incurables.
Lè médecin veut-il* au contraire employer
un alcali très doux et presque savonneux, pour
me servir de l’express'on adoptée , alors il doit
prendre le carbonate de potasse bien pur ,
C’est à -dire la potasse bien saturée d’acide
carbonique , et non pas dans tous les états
' variés de combinaison avec cet acide, qui exis-
tent clans les différentes préparations alcalines
dont il a été question ci- dessus. Tous las chi-
mistes , tous les pharmaciens doivent savoir
préparer le carbonate de potasse bien saturé :
il ne shunt que d’imprégner une lessive de
potasse tres-pure de tout i acide carbonique
qu’elle peut absorber , d’évaporer ensuite len-
tement la dissolution et d’en obtenir le sel
sous la forme de prismes rhomhé.uix réguliers ,
* non déiiquescens et plutôt légèrement efïlo-
rescens à l’air. Ce sel est beaucoup moins
ÉCLAIRÉE, etC. I9
fondant et beaucoup moins actif que la po-
tasse pure : s’il rencontre des aigres dans les
premières voies , il produit une effervescence
occasionnée par le dérasement de son acide
1 • 1 . . ° D, r
carbonique ; mais si ce 11 est que comme ton-
dant qu’on radministre , on a au moins l’avan-
tage de donner un remède constant , toujours
semblable à lui-même, toujours d’une égale
force , et sur lequel conséquemment on peut
compter.
Voilà ce- que les médecins empressés d’avoir
des connoissances exactes, et désirant de n’em-
ployer pour remède que des substances qu’ils
connoissent bien , doive: t savoir et avoir tou-
jours présent à l’esprit lorsqu’ils,. veulent pres-
crire l’alcali fixe. La science chimique étant
parvenue à un haut point de perfection dans
la connpissance de ce sel , il n’est plus per-
mis à la médecine de ne pas suivre ses pro-
grès , et de ne pas employer ses connoissances
au perfectionnement de la matière médicale
qui les réclame.
MÉDECINE PRATIQUE.
Exemple remarquable d’ abstinence , par Ro-
bert Willâii 5 ( Médical communications , vol.
11). ' 1
Un jeune homme très -studieux et d’un ca-
ractère mélancolique , avoit éprouvé , durant
les années 1784 et 1785 , des indigestions très-
laborieuses , avec des douleurs vives dans
l’estomac et une sensation constante de cha-
leur intérieurement ; il s’imagina en 1786 de
s’astreindre à une abstinence sevère , dans
l’espoir de faire cesser ces symptômes incom-
modes : il paroît que des opinions religieuses.
no La Médecine
contribuèrent aussi à lui faire prendre cette
résolution.
Il se déroba donc à toutes ses affaires , et
à la société de ses amis , et fut se loger dans
une rue peu habitée , pour y suivre son nou-
veau plan de vie 5 son régime consista à s’abs-
tenir de tout aliment solide , à humecter seu-
lement sa bouche de temps en temps avec de
l’eau et un léger mélange de suc d’oranges.
Après trois jours d’abstinence , la sensation
vie la faim , qui avoit été très-vive , cessa entiè-
rement. Il s’appliqua alors à l’étude , et se
plongea dans la méditation sans aucun déran-
gement. Il ne faisoit aucun exercice , dor-
moit très - peu , et passoit la plus grande
partie de la nuit à écrire. La quantité d’eau
qu’il consominoit chaque jour étoit depuis
une demi - pinte jusqu’à une pinte. Deux
oranges lui sufiisoient pour une semaine ; il 11e
m â choit point la pulpe , et il se contentoit
d’exprimer le jus dans l’eau , pour lui donner
une saveur agréable.
Il rendoit une médiocre quantité d’urine, tou-
jours claire et sans sédiment. Il poussa des
selles naturelles depuis le second jour de son
nouveau plan de vie jusqu’au quarantième ,
mais non après ce terme , quoiqu’il vécut en-
core de la même manière pendant vingt jours.
Durant les dix derniers jours , il éprouva une
chute très-rapide de ses forces ; et, quand il se
vit hors d’état de se lever de son lit , il fut un
peu alarmé. Jusques-là, il s’étoit flatté qu’il
n’avoit été soutenu dans son état que par un
moyen surnaturel, et il se livroit à l’agréable
espoir de quelque grand événement qu’il croyoit
devoir survenir à la suite d’une abstinence aussi
extraordinaire 5 mais cette illusion s’évanouit
enfin et il se trouva conduit par degrés à une
21
Eclairée, etc.
exténuation extrême , et prêt à être précipité
au tombeau.
Ses amis ayant découvert sa retraite , obtin-
rent de lui de recevoir la visite d’un ministre
de l’évangile du voisinage. Celui-ci lui rendit
sensibles, avec tous les ménagemens de la pru-
dence, toutes les erreurs de ses idées vision-
naires , et le lit consentir à adopter un régime
propre à obtenir son rétablissement ; c’est clans
cette vue cjue le docteur Willan fut appelé le
soixante et unième jour de son abstinence ,
c’est-à-dire le 20 mars 1786. Il étoit alors réduit
à la dernière période cle l’amaigrissement ; les
muscles de la face étoient entièrement flétris.
Les os de la pommette et les arcades zygoma-
tiegues étoient très-saillans , et lui donnoient l’as-
pect de la mort. Son abdomen étoit concave et
l’ombilic dans un état de rétraction par l’affais-
sement des intestins. La peau et les muscles
de l’abdomen étoient ridés au-dessous du rebord
du bassin et sous les côtes en laissant de grands
vides entre les os des isles , les fausses-côtes
et l’épine. Ses membres étoient réduits au der-
nier degré de ténuité 5 on clistinguoit facilement
les os ischium , les trochanters internes et toutes
les apopliises des os.
L’état de ce jeune homme donnoit l’idée d’un
squelette préparé , en desséchant les muscles
dans leurs positions naturelles. Ses yeux n’a-
voient pas perdu leur éclat 5 et quoiqu’il fût
dans un état de foiblesse , sa voix étoit claire
et comme dans l’état sain. Quelques écrits qu’il
avoit faits durant sa retraite , sur des objets de
piété , se ressentoient beaucoup, sur-tout vers la
fin , de la confusion et de l’obscurité de ses idées.
Le 2.3 mars , jour de la visite du médecin ,
on lui prescrivit pour boisson une pinte d’eau
B 3
22 e a Médecine
d’orge et deux tasses de panade, et l'estomac
parut l)ien digérer ces alimens ; il éprouva un
léger mouvement fébrile durant la première
partie de la nuit, mais pendant le reste de la
nuit il dormit mieux qu’à l’ordinaire. Le 2 4
mars il prit un peu de bouillon de mouton qu’il
trouva délicieux, et qui parut réveiller son ap-
pétit. Son pouls marquoit soixante-douze batte-
xnens par minute ; il étoit petit et tempéré. Le
2 5 du même mois , il prit à son déjeuner
une pinte de lait , et pour dîner autant de
bouillon de mouton cuit avec de l’orge. Le soir
pour le souper on lui accorda , à sa demande,
presqu’autant de riz au lait ; il éprouva ce jour-
là un violent appétit , et il auroit beaucoup plus
mangé si on le lui eut permis. Le 26 au matin
il mangea une grande quantité de pain et de
beurre , qu’il prit sur la table pendant l’absence
de la garde-malade. Peu après il se trouva in-
disposé et il voruit deux ou trois fois sans pres-
que aucun effort. L’après-midi il poussa une
selle , et la matière des déjections offrit la con-
figuration naturelle , mais elle fut suivie de ,
deux ou trois selles liquides. L’urine avoit sa
couleur ordinaire, avec un léger enéorème au
milieu. Sa peau étoit toujours sèche.
M. Wiilan le vit le soir, et il le trouva beau-
coup mieux. Son pouls donnoit quatre-vingt-
dix pulsations par minute et il étoit plus fort.
Il étoit alors assis sut* un fauteuil , parce qu’il
se son toit un peu plus de force. Il se plaignit
de quelques symptômes hypochondriaques. Ses
yeux et sa langue étoient très - diminués en
volume et dans un état d’émaciation. Il dit que
la sensation de chaleur dans l’estomac ne l’avoit
jamais quitté même durant son abstinence. IL
paiihit d’u e manière sensible et même avec
esprit sur divers objets, mais bientôt la conver-
ÉCLAIRÉE, etC. 2.3
6ation le fatiguoit. Il prit un peu de pudding
( bread pudding') au dîner et deux œufs au
souper, et la saveur de ces alimens lui parut
très-agréable. Il fut calme et plus gai qu’à l’or-
dinaire , en marquant la satisfaction qu’il éprou-
yoit d’être dégagé de son ancienne illusion. Le
2.8 il parut dans un état de rétablissement ; ses
joues étoient plus pleines ; il avoit même assez
de forces pour se promener dans sa chambre. Il
n’a voit pas beaucoup dormi la nuit précédente ,
et il n’avoit point eu de selle durant le jour. II
déclara que la douleur d’estomac l’avoit quitté,
ce qui contribuoit beaucoup à le rendre plus
joyeux.
Le 29 la scène changea entièrement ; il
éprouva de la confusion dans les idées , et vers
minuit il tomba dans une sorte de frénésie.
Son pouls étolt devenu plus fréquent, avec
une chaleur considérable de la peau et des
tremblemens. L'incohérence et la confusion des
idées continua le lendemain. On lui ht prendre
un fort purgatif et 011 lui administra deux clys-
tères dans le courant du jour , ce qui ne pro-
duisit qu’une petite évacuation ; il resta presque
dans le même état jusqu’au 2 avril, prenant
peu de nourriture et dormant très peu; à cette
époque , il rendit une quantité considérable de
matière à l’aide d’un ciystère. Bientôt après il
devint très-chagrin et n’ent aucune connois-
sance de ce qui se passoit autour de lui. A
cette époque , il fut transporté à la campagne ,
et M. Willan n’eut occasion de le voir que le
6 avril. Il parut alors aussi amaigri qu’à la pre-
mière visite qu’il lui avoit rendue. Son pouls
étoit petit et foible , avec cent vingt battemens
par minute. Le 7 et le 8 , il prit toute la nour-
riture qu’on lui offrit; il reconnut tous ceux
2,4 i. A Médecine
qui étoient autour de lui , mais il étoit très-
cléfailJant. Le 9 il mourut dans un état complet
d’épuisement.
Cette abstinence est peut-être la plus longue
dont on ait fait mention dans les annales de
médecine. Elle n’a pu guère être soutenue que
par une tournure d’esprit enthousiaste et qui
approclioitde la manie, qu’on sait être si propre
à faire supporter la faim et le froid
Dans les mémoires de l’Académie des Sciences,
année 1769, on trouve l’exemple d’un homme
qui vécut quarante sept jours sans prendre plus
d’une pinte et demie d’eau par jour. Il resta
constamment dans la même position pendant
trente-huit jours; mais durant les derniers huit
jours, il fut obligé de rester couché, et alors il
11e voulut rien prendre , refusant même de boire
de l’eau. Lorsqu’il commença de nouveau à
manger, il recouvra sa raison pour un temps ,
mais il retomba aussi-tôt, Dans les JEssais de
médecine d’Edimbourg , vol. VI , on rapporte
l’exemple cl’une jeune fille qui fit une absti-
nence de trente-quatre jours, et dans une autre
époque de cinquante-quatre jours , à cause d’un
spasme et d’une obstruction de l’ésophage.
M. Fouteau, dans ses œuvres posthumes,
parle d’une jeune personne, âgée de treize ans ,
qui , ne pouvant conserver aucune nourriture
solide dans son estomac, subsista dix-huit mois
avec du syrop de capillaire mêlé avec l’eau , et
dont le corps prit en hauteur un accroissement
de deux pouces et demi. On trouve divers au-
tres exemples remarquables d’abstinence dans
différent ouvrages , sur-tout dans les Observa-
liones mrioj'es de Stalpart Van der Wiel ; clans
les Transactions philosophiques , vol. LXV1I ;
dans les Mémoires de la société philosophique
et littéraire cle Manchester ; mais 011 ne peut
ÉCLAIRÉE, etC.' 25
tirer aucun objet d’utilité de ces cas extraor-
dinaires : il étoit cependant lion de faire remar-
quer jusqu’à quel point; la constitution humaine
est capable de soutenir l’abstinence.
M. Pouteau a fait une observation digne de
remarque dans ses ouvrages. Il croit que le
virus du cancer peut être détruit par la diète
de l’eau , et propose pour cet objet un plan
de vie qui doit être continué deux mois. Il
assure qu’ensuite la santé et la force peuvent
se rétablir par un régime convenable. Une per-
sonne a été guérie parfaitement par ce moyen.
Dans d’autres, qui n’ont pu s’astreindre à l’abs-
tinence que pendant un mois, la maladie paroît
avoir été très-diminuée.
CHIRURGIE.
Observation sur le passage subit de l’intestin
dans la tunique vaginale ; parM. Deschamps,
Chirurgien en chef de l’hôpital de la Charité,
Le 1 7 février 1787 , sur les neuf heures
du matin , M. L. G. , clerc de notaire , âgé de
vingt ans , en sautant un ruisseau, éprouva un
écartement douloureux. L’intestin passa par
l’anneau jusques dans le scrotum avec la plus
grande rapidité. Transporté rue St. -Dominique ,
je le vis une heure après ; le vomissement avoit
déjà paru. Je tentai la réduction, mais une
particularité dans une hernie aussi récente que
celle-ci fixa mon attention. Je trouvai le testi-
cule droit tellement adhérent à l’extrémité de
la tumeur herniaire, que je ne pus l’éloigner
assez pour embrasser la masse intestinale seule
et en faire la réduction. Je ménageai autant
que je pus la compression sur cet organe clans
les différentes tentatives que je fis pour réduire
la hernie 5 ces tentatives furent répétées à dîf-
2.6 La Médecine
férentes reprises et toujours inutilement. Le
malade fut mis dans le bain et saigné deux
fois dans la journée. La foiblessc s’empara de
lui ; les vomissemens et les hoquets devenoient
fréquens ; il passa une très- mauvaise nuit. Le
matin la tumeur étoit douloureuse. Vers les
onze heures ( vingt-six heures après l’accident)
je le vis avec M. Sassard , mon confrère ; nous
nous déterminâmes à l’opération. La précipi-
tation avec laquelle l’intestin étoit sorti nous
donna lieu de penser que le péritoine ne l’ac-
coinpngnoit pas , et qu’il étoit rompu , ce qui me
détermina à redoubler d’attention après l’ou-
verture des tégumens. La tumeur herniaire ,
entièrement débarrassée du tissu cellulaire ,
nous présenta un cylindre parfait de la lon-
gueur d’environ deux pouces et demi , uni dans
toute son etçndue , et arrondi a son extrémité,
à laquelle nous remarquâmes aisément le tes-
ticule séparé de l’intestin, non par un vide,
mais par une dépression circulaire seulement
sensible au toucher. Nous regardâmes c tte
tumeur comme étant de la nature îles hernies
congénitales, quoique celle-ci ne lût pas de
naissance, mais par accident. Quelque fut la
cause qui ait permis' l’introduction de l’intestin
dans la tunique vaginale^, nous regardâmes
cette tunique comme servant de sac à l’intestin :
son ouverture donna issue à une quantité de
sérosité rougeâtre plus abondante qu’elle n au-
rait du être pour le peu de temps que 1 intestin
V avoit séjourné. J’incisai le sac jusqu’à l’an-
neau supérieurement et inférieurement , jusqu a
l’extrémité des parties contenues , c’est-à-dire
jusqu’au testicule , que je ne crus pas de
découvrir, pouvant librement dégager Pii
devoir
'intes-
tin ; je 11’apperçus aucune interruption entre
lui et le testicule , qui me parurent en contact.
ÉCLAIRÉE, etC. 27
La portion intestinale étranglée étoit déjà li-
vide , mais elle n’avoit rien perdu de sa con-
sistance et de son élasticité. L'anneau étoit
très-serré ; je fus obligé de l’inciser à deux fois 9
la première incision n’ayant pas été suffisante.
L’intestin rentré, il sortit de l’abdomen une
assfz grande quantité de sérosité pareille à
celle dont j’ai parlé, et qui étoit contenue dans
le sac ; la sortie de cette sérosité donna issue
à une petite portion d’épiploon qui fut reportée
dans le ventre. La cessation prompte de tous
les accidens , les digestions stercorales spon-
tanées qui survinrent le lendemain , et l’état
satisfaisant dans lequel se trouva le malade,
donnèren t les plus grandes espérances de succès.
Le quatrième jour, à la levée du premier ap-
pareil , la présence du testicule dans le sac
Herniaire ne fut plus douteuse ; il parut à dé-
couvert dans l’étendue d’une pièce de douze
sols , et la charpie y adhéroit fortement , ce
qui a constamment lieu dans toutes les opéra-
tions faites à cette partie où le testicule se trouve
à découvert : il s’étoit beaucoup tuméfié et étoit
devenu très- douloureux , tandis que le scrotum
étoit , ù peu de choses près , dans son état na-
turel. Cette tuméfaction céda par degrés à une
suppuration louable, et la cicatrice a été par-
faite le trente-cinquième jour.
Dans une circonstance absolument nouvelle
pour moi, j’ai questionné le malade sur tout
ce qui pouvoit avoir rapport a une hernie
congénitale , ou à quelqu’autre tumeur pro-
duite par la présence d’un fluide dans la tuni-
que vaginale. Le malade m’a assuré ne s’être
jamais apperçu de rien, dans cette partie , seu-
lement il a observé , que le testicule droit
( côté de la hernie ) n’étoit pas tout- à fait aussi
28 La Médecine
bas dans le scrotum que l’autre mais que la
différence étoit peu de chose.
Le passage subit de l’intestin dans la tuni-
que vaginale , ne paroît pas s’accorder avec
les notions anatomiques ; car on sait que le
testicule , encore dans le bassin d’un fœtus , ne
descendpar l’anneau, oun’y est déterminé par ce
que Hunter appelle le gubernaculum , qu’entre
le huitième ou neuvième mois de la conception ;
que cet organe , en passant par l’anneau ,
entraîne le péritoine dans le scrotum ; que
la tunique vaginale , continuellement humec-
tée par les sérosités qui y sont successivement
versées et reprises, ne peut contracter d’adhé-
rence avec lui : mais qu’il n’en est pas ainsi
de la production du péritoine , qui envelope le
cordon des vaisseaux spermatiques ; que cette
production , dans l’état naturel, ne forme point
de sac , et qu’elle adhère fortement au cor-
don depuis l’anneau où cette tunique se res-
sère jusqu’au testicule où commence vérita-
blement la tunique vaginale du testicule.
D’après cette observation anatomique , il est
difficile de concevoir comment , dans la hernie
précipitée dont il est question, l’intestin a pu
glisser dans une cavité qui ne doit point exister.
La pathologie apprend que souvent l’in-
testin et l’épiploon ont été trouvés dans cette
enveloppe , mais ce n’a été que lorsque ces
parties contenues ont suivi la descente du
testicule dans le scrotum , ce qui a fait donner
ù cette hernie le nom de congénitale ou her-
nie de naissance 5 et quand ce sont des flui-
des accumulés dans cette cavité , celui d’hy-
drocèle de naissance ou congénitale.
n _
Il est cependant prouvé , qu’outre les hydro-
cèles de naissance , il s’en forme souvent dans la
tunique vaginale et le long du cordon des vais-
ÉCLAIRÉE, etC. 29
seaux spermatiques en même temps ; il est vrai
que le liquide , amassé premièrement dans J a
tunique du testicule , a pu forcer l'obstacle et
s’étendre le long du cordon des vaisseaux ,
mais encore l’expérience prouve qu’il existe
des hydrocèles dans la tunique ( 1 ) des vais-
seaux spermatiques, et cette espèce d’hydro-
céle , je crois , ne peut plus être révoquée en
doute. Suivant Haller ( 1 ) , la communication
de l’abdomen avec la. tunique du cordon a
été observée, mais rarement. M. Pelletan , dans
sa savante thèse JDe herniâ inguinali conge-
nitâ ( 2 ) , dit , en parlant de cette communi-
cation , potest autem apertum remanere , quod
haud fréquenter in homine , in quadrupedibus
vero constanter observatur.
J’ai recueilli quelques exemples d’hydrocèle
dans la tunique vaginale , dont la communica-
tion avec la cavité du bas-ventre n’étoit point
interrompue , et dont l’eau , amassée en assez
grande quantité , disparoissoit précipitamment,
rèpassant dans l’abdomen , et de cette cavité
dans le sac de l’hydrocèle. Dans la hernie dont
il est question , la grande quantité de séro-
sité que nous avons remarquée dans le sac her-
niaire , et celle qui est sortie de l’abdomen
après la réduction de l’intestin , ne donneroit-
elle point la solution du problème ? cette ser-
rosité n’étoit-elle point habituellement dans la
tunique du cordon des vaisseaux spermatiques ,
mais en si petite quantité que le malade ne
s’en est pas apperçu ? n’a-t-elle pas été la cause
de la communication qui a subsisté depuis
(i) Je préviens que ee que j’entendrai par tunique du
cordon , dans ce cas, n’est autre chose que le tissu cellulaire
dont l’écartement se prête à la collection aqueuse^
(1) Haller , phys. lib. 27 , $. z.
(2) 21 octobre 1776.
DO
ï- a Médecine
sa naissance , et de la hernie consécutive dans
cette partie ? l’aspect du sac herniaire dé^ané
de tout ce qui l’environnoit , le cordon^des
vaisseaux, sp l ma tiques dans le lieu qu’occu-
poit 1 intestin le testicule dans l’intérieur du
sac, et à sa partie intérieure celui-ci mis à
découvert, ne me laisse en particulier aucun
doute sur ie passage précipité de l’intestin dans
la tunique vaginale , quelque soit la cause
qui lui en aura permis l’entrée. De nouvelles
observations pourront peut être venir à l’appui
de celle-ci. Le signe pathognomonique (pii
fera, reconnaître cette espèce de hernie sera ,
dans une hernie récente et subite , la pré-
sence du testicule à l’extrémité île la tumeur ,
avec impossibilité de l’écarter pour embrasser
aveç la main la masse intestinale , et en faire
la réduction.
PHARMACIE.
■Exposé de qjielques phénomènes qui se pré-
sentent dans la préparation du phosphate
de soude ; par M. Vauquelin.
L’usage du phosphate de soude comme pur-
gatif , est depuis quelque temps fort répandu
en i rance ; il est donc utile de faire connoître
tous les phénomènes que présente sa prépara-
tion. Pour l’obtenir , on fait calciner à blanc
des os de quadrupèdes, on les réduit en pou-
dre , on Je.tte dessus la moitié de leur poids
d’acide sulfurique concentré : il se produit des
phénomènes différens , suivant que les os ont
été plus ou moins brûlés. Communément le
mélange s’échauffe, noircit, exhale des vapeurs
blanches d’acide sulfureux , quelquefois mêlé
de gaz hydrogène , dû à l’huile plus ou moins
brûlée que les os contiennent encore , et
qui agit sur l’açide sulfurique , en lui en-
ÉCLAIRÉE, etc. 3l
levant une portion jPoxigène. Cette réaction
est produite par l’hydrogène et le carbone ,
aussi se forme-t-il de Peau et de l’acide car-
bonique. La chaleur est telle dans cette opé-
ration , cpie tandis qu’une portion d'hydro-
gène et cle carbone de l’huile contenue dans
les os , s’unissent à Poxigène de l’acide sul-
furique, une autre portion d’hydrogène est sépa-
rée du carbone etde l’azote sous la forme de gaz.
Ilsepasse encore ici.un autre phénomène qui n’a
été a p perçu jusqu’à présent que par M. .Ber-
thelet , à la vérité sur d’autres matières , mais
qui sont analogues par leur nature ; l'attrac-
tion de l’acide sulfurique et de l’acide phos-
phorique pour les alcalis détermine et opère
véritablement l’union de l’azote et de l’hy-
drogène dans des doses convenables pour don-
ner naissance à P ammoniaque : tous ces effets
• différens ne tiennent qu’à la présence d’une ma-
tière huileuse due à la gélatine et à la moëlle
des os non complètement calcinés : aussi lors-
que les os ont été parfaitement brûlés , il n’y
a qu’une décomposition simple du phosphate
de chaux qui en forme la base solide, et l’a-
cide phpsplioriquè devient libre tandis que l’a-
cide sulfurique s’unit à la cliaux. , .
Après avoir laissé l’acide sulfurique et les os
en contact environ douze heures, pendant les-
quelles on a eu;, soin d’agiter Je mélange, on
délaye la matière dans cinq à six fois son poids
d’eau de rivière, et on jette le tout sur une
toile garnie de papier gris ; on, ,y passe assez
d’eau pour emporter tout l’acide pliospliprique 5
ce qui reste sur le filtre est du sulfate de cliaux
ou du plâtre , qui est rejetté comme inutile.
Comme l’acide phosphoriqué dissout une
grande quantité de sulfate de chaux , il con-
vient de le faire évaporer jusqu’à un certain
32 La Médecine éclairée etc.
point , pour en séparer ce sel qui se dépose
ordinairement en aiguilles ; mais quoi qu’on
fasse , jamais on ne parvient à l’enlever en-
tièrement. Lorsqu’il ne se sépare plus sensi-
blement de sulfate de chaux cle la liqueur, on
sature cet acide phosphorique avec le carbo-
nate dé soude ; il se fait une vive effervescence
due au dégagement de l’acide carbonique $ on
voit se précipiter une poussière blanche qui
est du carbonate de chaux ou de la craie pro-
venant de la réunion de la chaux avec l’a-
cide carbonique de la soude , on sent en même
temps une odeur d’ammoniaque très-forte ; ce
carbonate d’ammoniaque qui se dégage provient
du sulfate d’ammoniaque contenu dans la les-
sive d’acide phosphorique , et décomposé par
le carbonate de soude.
On voit donc qu’en préparant ainsi le phos-
phate de soude il est impossible de l’obtenir
parfaitement pur , et qu’il contient constam-
ment du sulfate de soude : on sent que ce sel
est plus ou moins abondant , suivant que les
os ont été aussi plus ou moins brûlés , et que
l’acide phosphorique a été plus ou moins éva-
poré. Cependant si l’on mettoit beaucoup d’at-
tention à la séparation de ces deux sels on y
parviendroit au moins en partie , car par l’é-
vaporation le sulfate de soude cristallise le pre-
mier sous la forme de prismes. Mais ce sel
n’apportant aucun obstacle à l’indication que
les médecins se proposent de remplir par son
usage , on ne se donhe pas la peine de les
séparer. On pourroit se procurer le phosphate
de soude parfaitement pur , en combinant à la
soude l’acide phosphorique obtenu par la com-
bustion rapide du phosphore ; mais ce pro-
cédé le rendroit extrêmement cher.
( 1er. août lygz. )
65
ANATOMIE.
II. Ei : trait d'une lettre écrite à 31. Seguin ,
par 31. Dumas, de l’académie de 31 ont-
pellier , contenant l’histoire d’une concep-
tion tuhale.
U n e femme qui n’avoit pas fait d’enfant de-
puis une vingtaine d’années , portoit depuis
cette époque un ventre d’une énorme grosseur.
Elle vient à l’hôpital , on la juge hydropique ;
on lui fait la ponction , il sort de son ventre
une matière épaisse semblable à du chocolat :
à la seconde fois , le trois-quarts est arrêté par
un obstacle , on le retire et il amène un gros
paquet de cheveux; on soupçonne un grossesse
extra- utérine. La femme meurt, on trouve à
l’ouverture du cadavre l’ovaire droit prodigieu-
sement dilaté, et ayant acquis le volume d’un
estomac distendu. L’ovaire contenoit , i°. au-
tant de cheveux que peut en fournir la tête
d’un adulte ; a0, beaucoup de cette matière
semblable à du chocolat ; 3°. un morceau de
chair dans lequel on ne remarquoit aucune
‘ structure régulière et décidée , il avoit la forme
et la couleur d’un morceau de saucisson. : 4°-
des parcelles d’os brisés et moulus; 5°. une
portion de la mâchoire inférieure présentant
la forme , la consistance, la dureté , la per-
fection de la mâchoire d’un adulte ; 6°. quel-
ques dents implantées dans les alvéoles de cette
mâchoire : ces dents a voient l’émail et la du-
reté de celles qu’on voit chez les adultes ; une
de ces dents étoit implantée dans les tuniques
de l’ovaire à peu près comme si elle eût été
Tome IV. N°. IV*. E
66 i- a Médecine
dans son alvéole : leur disposition n’étoit pas
régulière, mais cependant elles laissoient en-
tre elles un espace convenable , et elles étoient
placées alternativement l’une à droite, l’autre
à gauche. Telles sont les circonstancesles plus re-
marquables que l’inspection de ce cadavre éton-
nant nous a présentées. De quelle manière ces
cheveux ont-ils végété dans l’ovaire ? de quelle
manière les dents ont- elles pris de la consis-
tance et de l’accroissement ? comment l’une
cl’elles a-t-elle éprouvé la carie ? comment le
corps renfermé dans l’ovaire s’est-il dissous ,
décomposé , à l’exception d’une partie de la mâ-
choire , de quelques dents et d’un morceau de
chair ? comment ces parties sont-elles demeu-
rées intactes ? ect. ect. Que de questions se pré-
sentent , auxquelles il faut répondre ce que
dit Voltaire dans son poëme sur la Nature ,
Demandez- le à ce Dieu qui nous donne la vie.
Dans les mémoires de l’académie de chirur-
gie , on trouve je crois une observation qui
offre quelque analogie avec celle-ci , mais elle
n’est point rapportée par un témoin oculaire,
et plusieurs membres de l’académie l’ont ré-
voquée en doute ; celle que je vous atteste a
été suivie par trente témoins , et je suis de ce
nombre moi-même. M. Fagès , chirurgien de
notre hôpital , vient d’envoyer le détail de cette
observation à l’académie de chirurgie, avec la
pièce anatomique convenablement préparée.
PHYSIOLOGIE
Procès-verbal des expériences de M. Valli ,
sur P électricité animale.
M. Valli, médecin italien, vient de faire
ÉCLAIRÉE, etC. 67
connoître à l’académie des sciences de très-
belles expériences sur ce qu’il nomme l’élec-
tricité animale. L’académie a chargé MM. le Roi,
Vicq-d’Azyr et Coulon , de répéter ces expé-
riences avec M. Valli., Les principales ont été
faites dans le laboratoire de M. Lourcroy, le
jeudi 12 de ce mois (juillet 1792), en présence
de plusieurs savans de la capitale : c’est le
procès-verbal simple de ces essais qu’on donne
ici ; on ne l’accompagnera pas encore de ré-
flexions sur le résultat de ces expériences , et sur
leur application à la physique animale. Lors-
qu’elles auront été répétées et variées , comme
la nature et l’importance du sujet l’exigent ,
il sera temps d’en faite connoître alors les ap-
plications : nous dirons seulement que la pre-
mière découverte de ce genre est due à M. Co-
tunnius ; que M. Galvani de Padoue a ré-
pété ensuite ces expériences électriques , que
M. Valli les a multipliées, et, qu’il a déjà publié
trois lettres sur cette matière. On aura soin
d’entretenir les hommes de l’art de la suite
de ces recherches , dans les numéros suivans
de ce journal.
Trernière expérieiice. Une grenouille étant
attachée sur une table , on a disposé sur elle
deux armatures métalliques , l’une étoit une
lame de plomb posée sur l’abdomen de l’a-
nimal; l’autre une pièce d’argent passée sous
le bassin. M. Valli, en réunissant les deux ar-
matures par le moyen, d’un excitateur de cui-
vre , produit sur l’animal des mouvemens con-
vulsifs très-remarquables.
Secoîicie expérience. La lame de plomb qui
servoit de première armature ayant été en-
levée , l’abdomen restant à nu et l’excitateur
ayant été posé , les convulsions ont eu lieu ,
£ 2
68 La Médecine
mais d’une manière moins sensible que clans
l’expéiience précédente , et M. Valli a dit que
cetie expérience ne réussissoit pas toujours.
Troisième expérience . On a éprouvé qu’en
mettant les deux armatures d’un même métal,
en arpent ou en or indifféremment , l’excita-
teur de cuivre produisoit des effets beaucoup
plus foibles : lorsque les deux armatures ont
été faites avec les métaux semblables , cuivre,
plomb , étain , z:nc , ect. , et que l’excitateur a
été du même métal , on n’a observé aucun
effet.
Quatrième expérience. L’armature de l’ab-
domen a été placée d’une manière horisontale ,
alors les points de contact se trouvant moins
nombreux , les effets ont été beaucoup moins
sensibles , mais ils ont reparu avec force lors*
que l’armature a enveloppé exactement la ca-
pacité de l’abdomen.
Cinquième expérience. Une grenouille a été
dépouillée et coupée transversalement par la
moitié , les nerfs cruraux mis à nu ont été
réunis et posés sur une pièce d’or, tandis que
les cuisses restoient en contact avec une pièce
d’argent ; l’exc dateur de cuivre a produit alors
de légers mouvemens , les deux armatures en
arpent en ont offert aussi avec l’excitateur de
cuivre.
Maïs lorsqu’on a substitué une armature de
plomb, d’étain ou de cuivie, à celle d’argent
qui cveloppoit les nerfs , les mouvemens ont
été ti ès-violens : on ponvoit cependam y ob-
server cette gradation dans faction dt s mé-
taux , le plomb prodirsoit les mouvemens les
plus vifs, ensuite l’étain , après le cuivre 5 à
mesure que la grenouille perdoit de sa vita-
lité les métaux perdoient aussi la faculté de
i c ï, a ï ti é e , etc. 69
déterminer la marche du fluide électrique
dans l’animal : le plomb , l’étain et le zinc, ont
conservé le plus long temps cette propriété.
Sixième expérience Lu plomb de vitrier,
mis des deux côtés pour armante , n’a produit
aucun effet avec un excitateur du même plomb;
mais lorsqu’on y a mis du plomb de différentes
qualités , tels que celui de vitrier et celui d’essai,
un excitateur de l’un ou l’autre de ces. .me taux
a produit des effets n marqu . blés , et lorsque
ces deux plombs , en changeant les. métaux dif-
ferens ne prodnrsoient puis, rien dans .une
des armatures., en substituant au plomb, l’ar-
gent , l or , le bismuth , l’antimoine ou le zinc,
011 a .obtenu encore des mouvemens tiès vifs,
qui ont mis f ■ nima l p n état d’éprouver de lé-
gères convulsions, lorsqu’on a remis une se*
coude fois les deux premiers plombs- de di-
verse .nature. -, • .-j'ivr.ôr*
Septième expérience. M. "V al 1 i ayant laissé,
reposer quelq.ues inomens- 1 rt grcncvviillç t elle
s’est trouvée en état d’éprouver des convul-
sions rusez vives lorsqtrelle a été sqmnise de
de nouveau aux mêmes expériences.
Huitième expérience. ,La force . électrique
©tant plus pi ès d être épuisée. dans l’animal , M.
Walli est arrivé au point ou les métaux, cliffé-
rens , en rappellant les ..convulsions par. leur at-
touchement, ne lui laissoient pas après eux
la propriété de donner encore des mouvemens
avec les armatures de plomb dj vitrier et de
plomb d’essai.
Neuvième expérience . Enfin l’acl ion électih ue
a tout à-fait disp ou ; dans l’ordre suivant le
plomb de vitrier , fouinant toujours l’une des
aimatures :
i°. Le plomb d’essai a cessé de donner.
E 3
72 La M e d e c i n e
pouyqlt être l’état d’électricité de l’amittal
soumis à l’expérience, il a été plongé clans un
vase qui contenoit tin électromètre de M. Cou-
lomb , successivement "électrisé positivement
et négativement : dans les deux cas l’animal
a attiré la boulé de l’électromètre , ce cpii. a
prouvé que l’électricité étoit dans un parfait
repos, avant et pendant l’expérience, et c|ue
le système du corps sur lequel elle se faisoit
préseiitoit absolument le phénomène de la
bouteille clë Levcle.
] Jiæ-srptième 'expérience. Le nerf crural gau-
che' d’une grenouille 'vivante , Vivant" été lié
fortement, l’àniniajf a perdu la faculté de mou-
voir naturellement la! partie inférieure à la li-
gature ; mais ce nèrf étant armé comme dans
les autres expériences , leS moüvërnéni ont été
excités lorsque la coiurpunication a été établie
cfutre le muscle et la1 partie supérieure à la
T ; .'.•ù .n A ■ • y 4 , i
ligature. T :
Diæ-îiuiLième expérience. La ligaturé ayant
été'' faite sur; le .ne'rf gauche,f assez près du
muscle pour le toucher , et dans le droit , do
manière .que le nerf fût dégagé .et visible , la'
partie "anche' paralysée es, t rëstéié tfdri'Ritêiïiént'
f - f.-arrn i . mi • • r " i • < ■icro1) :ri. i '-c:
îmm^bne^ , et toUs les mouyemèns convulsifs
cxôites "par la: VômmUnïdàtion 'gé'soiir portés
sur la partie droite : le mêrné" )]nh'n ’,ga'uèlié
ayant ensuite été dépouillé plus 'avant de, la
partie musculaire qui l eiivironnoit^ g repris
sa faculté conductrice , et laissé ‘le mouvement
communiqué agir d’.ime inditier e, tressa clive ;
lorsqu’on repoussoir la ligaturé contre le
muscle., le membre'* perdoit la' faculté de se
mouvoir.
" Dix-neuvième expévièiice. Un! dés nerfs çni-
ràux ayant été armé d’une plaque de plomb ,
4- » i
É C L A I II É E , e^Cl
70
M. 'Va'lli l’a rnis en communication avec T antre
nerf 'crural non armé, et il a obtenir des mou-
vements convulsifs très- considérables. ,
Vingtième expérience. Un même , nerf armé
de deux plaques de plomb à différentes hau-
teurs dans le muscle , a été violemment agité
'lorsque les deux parties ont été mises en com-
munication par l’excitateur.; les mêmes effets
ont eu lieu quoique le nerf fut entièrement
dépouillé dans tonte sa longueur de la partie
musculaire qui renvironnojt.
Vingt*- deuxième expérience t La cuisse d’une
[grenouille présqii’entièrement dépouillée de
sa partie musculaire , et dont le nerf crural
étôit armé d’une 'plaque métallique, oscilloit
avec forcé 'lorsqu’on lui présent oit un con-
1 cl ucteur dé métal. 'U
. Vingt-troisième expérience. On a essayé d’é-
tablir la même communication sur un animal
vïvân t et à sang chaud ; un homme s’est placé
sur la table et les' armatures disposées sut
lui de la même manière que dans les expé-
riences précédentes , n’ont produit aucun mou-
vement lors de leur réunion par le moyen dé
l’excitatérr - le mê'rilè essai , tënté sur le cochon
d’inde (càvia çdbayà , Li'nn. édit.' i3. ) n’a pré-
senté- aucun résultat satisfaisant.
C H I M I E.
Extrait, d’un rnerhoire par M. Margueron ,
pharmacien aux invalides , sur V examen
chimique de la sérosité produite par les
remèdes vésicans , lu à r académie le 19
juin 1792,.
Les remèdes vésicans appliqués sur diffé-
7 4 La Médecine
rentes parties du corps , y produisent ordi-
nairement de la chaleur , de la douleur , de
rinflaimnation , et l’élévation de vessies rem-
plies d’un liquide connu sous le nom de sé-
rosité ; M. Margueron a eu la facilité de se
procurer une assez grande quantité de ce fluide
dans les infirmeries des invalides. Le sujet qui
a fourni la sérosité étoit jeune , d’une foible
constitution , et affecté d’une maladie putride:
des emplâtres vésicatoires appliqués aux jambes
du malade , produisirent bientôt l’effet ordi-
naire ; lorsqu’au bout de douze heures on
leva l’appareil , on apperçut une vessie qui
ayant été ouverte, laissa découler une liqueur
demi-transparente , d’une couleur ambrée :
on y reconnut l’odeur des résines et des can-
tharides , qui entrent dans la composition des
vésicatoires 5 sa pesanteur spécifique étoit plus
grande que celle de l’eau distillée , et étoit à
ce dernier liquide comme trois cents sont à deux
cent quatre-vingt huit ; sa saveur étoit salée,
elle veidissoit la teinture de violettes.
Il se forme dans la sérosité, quelques temps
«près qu’elle est rendue , un réseau qui, se re~
tirant sur lui-même, produitune pellicule qui
se précipite au fond du vase. M. Margueron ,
apres avoir reconnu que cette liqueur se me-
loit à l’eau ; que ce mélange moussoit par l’a-
gitation j que l’eau bouillante , les acides et
1 alcool y détermin oient un sédiment floco-
nenx • qu’un degré de chaleur inférieur à celui
de l’eau bouillante la coaguloit , se détermina
à comparer cette liqueur à cette partie du sang
connue sous le nom de sérum , et à faire un
examen chimique de la sérosité produite par
les remèdes vésicans , comparativement avec
le sérum du sang eu prenant lçs précautions
ÉCLAIRÉE, etC.' 75
de se procurer ces deux liqueurs de sujets
du même sexe , du même âge et de la même
constitution.
En examinant ces deux fluides , leur odeur
ne lui a point paru être la même 5 le sérum
du sang n’avoit presque point d’odeur , la sé-
rosite des vésicatoires avoit 1 odeur des résinés
et des cantharides , que l’on sait entrer dans
la composition de l’emplâtre vésicatoire.
Le sérum a voit une couleur jaune verdâtre,
la sérosité étoit ambrée ; leur transparence
étoit la même.
Le sérum non-seulement avoit plus de vis-
cosité que la sérosité , mais il avoit encore
une pesanteur spécifique plus considérable :
ces deux liqueurs se trouvent dans le rapport
de trois cent cinq à trois cent ; la saveur de
ces deux liqueurs étoit salée, elles verdissoient
la teinture de violettes.
La sérosité donnoit une pellicule que ne
donnoit point le sérum ; il existe donc , parmi
les propriétés physiques de ces deux liqueurs ,
des différences qui sont l’espèce de pellicule
que fournit la sérosité , et sa couleur ambrée ,
que M. Margueron croit due à l’action des
vésicans sur le sérum , puisque clans l’examen
qu’il a fait de plusieurs sérosités , les unes
produites par des sujets malades , les autres
par des sujets en santé , à qui on avoit appli-
qué des vésicatoires pour des opthalmies , des
rhumatismes, et autres maladies ou les hu-
meurs animales ne sont point altérées , il a
trouvé dans l’une et dans l’autre les mêmes
caractères.
Le sérum du sang , et la sérosité des vé-
sicatoires , se mêlent à l’eau froide , en chan-
gcntla transparence , ctlui donnent la propriété
y6 La, Médecine
de mousser par l’agitation,; mais avec l’eau
bouillante,, ce.s liqueurs prennent une couleur
laiteuse, et donnent un précipité floconeux.
Exposées à une douce chaleur , elles se coa-
gulent bientôt , avec cette différence que la
sérosité se coagule moins promptement et
idurnit un coagulum .moins abondant et de
Couleur opale , tandis que celui du sérum a
plus de consistance et a une couleur blanche.
Mêlées à deux parties d’eau distillée , et ex-
posées dans un hain d’eau*bou>llante , elles se
couvrent de pellicules ; la séros lé a donné
plus tard que le sérum cas pellicules , qui ont
été en moins grande quantité, et qui avoient
une couleur opale.
Lorsqu’on a eu séparé du sérum et de la sé-
rosité l’a. élimine , les liqueurs contenoient en-
core d vais sels en dissolution qu’on a obtenus
par l’évaporation, et qui étoient du muriate
de sonde et du cnbonate de soude ; les
acid- s versés dans ces liqueurs y produisent
la sepniation de fil a me ns blanchâtres; l’alcool
y détermine une pareille séparation.
Les carlio'nati s de potasse et do soude se
mêlent à ces deux fluides ; privés de leur
acide carbonique ils en augmentent la flui-
dité., i , '•>
Exposées à un air sec , elles perdent leur
humidité , et laissent un résidu éciilleux, ou
on n commît la présence du nruriate de souue
et du caibonate de soude.
Ab indonnées à une température humide ,
elles pci 'délit leur transparence , se couvrent
de pellicules, cliangentcle couleur , et donnent
urte odeur de poisson pourri.
lies résidus de d'évaporation cle cos deux li-
queurs , distillés séparément, donnent un flegme
ÉCLAIRÉE, etC.
chargé d’ammoniaque , de l’huile 'empyienmatî-
que , de l’hydiogene carbo é , du carbonate
d’ammoniaque $ il reste deux charbons qui , les-
sivés , donnent du znuriate de soucie et du.
carbonate de soude.
Ces charbons lessivés , mis ensuite à inci-
nérer , laissent une cendre blanchâtre , soluble
dans l’acide nitrique 5 l’acide oxalique fait,
avec cette dissolution , de l’oxalate calcaire : la
liqueur filtrée , et mise à évaporer , laisse un
résidu un peu coloré, qui , chauffé au chalu-
meau , forme un globale dont la dissolution
dans l’eau distillée est précipitée par l’eau de
chaux , ce qui annonce l’existence du phos-
phate de chaux.1
Il résulte de ces expériences que le sérum
du sang et la sérosité des vésicatoires con-
tiennent chacun sur deux cents parties ,
Sérum. Sérosité.
i°. Albumine
40
i°. Albumine
36
2°. Muriatede soude. .
4
20. iVIuriate d<- soude. .
4
3°. Carbonate de soude
3
5°. < ai bonatp de soude
2
4°. Phosphate de chaux
2
4°- Phosphate de chaux
2
5°. Eau
1 5
5°. Eau. .
i55
Total
200
Total
200
L’on voit , d’après cet analyse comparée , que
la sérosité produite par les remèdes vésîcans
ne diffère du sérum , i°. que parce qu’elle
contient uu peu moins d’albumine, 2°. par une
couleur ambrée que M. Margueron attribue à
l’action des remèdes yésicans.
78
ïj a Médecine
MÉDECINE PRATIQUE.
Obseiyation sur une maladie endémique des
Asturies en Espagne , qu’on appelle jnal de
larosa ( Observation de médecine et de phy-
sique ect. ; par M. Thierry, vol . 11. ).
On trouve dans les Asturies , outre la lèpre ,
plusieurs affections qui en approchent ; de ce
nombre est le mal de la rosa , qui est accom-
pagné d’un grand nombre de symptômes fort
graves. Ce qui le caractérise est une croûte hor-
rible , entrecoupée de crévasses profondes qui
pénétrent souvent jusqu’au vif 5 elle peut se
montrer à la tête , au visage , à l’abdomen ,
aux bras , aux cuisses , à la plante des pieds ,
à la peau des mains et aux coudes , avec plus
ou moins de douleur et de fétidité ; mais
tous ces signes , fussent-ils réunis , les Asturiens
ne lui donnent le nom de la rosa que quand
il a son siège précisément aux métacarpes des
mains ou sur le dos du pied.
Cette maladie commence d’ordinaire vers l’é-
quinoxe du printemps, et plus rarement en
d’autres saisons. D’abord on ne voit qu’une
simple rougeur , accompagnée d’âpreté ; elle
dégénère ensuite dans de vraies croûtes sca-
breuses , sèches ou noirâtres , qui se sèchent
communément en été , et pour lors le dos de
la main ou du pied se trouvent absolument
dépouillés de ces croûtes ou pustules : il reste
à leur place des stigmates rougeâtres luisans,
très-lisses , dégarnis de poil même dans les
vieillards , plus enfoncés que la peau du voi-
sinage , assez semblables à ces cicatrices que
laissent des brûlures après leur guérison 5 ces
écï/aïiiée, etc 79
cicatrices au printemps de cliaque annee se
couvrent de nouvelles croûtes > qui deviennent
de plus en plus horribles : elles n’occupent
point constamment les deux mains , quelque-
fois on les voit à une seule ou à un pied , quel-
quefois aussi à deux mains et à un seul pied ;
il arrive encore qu’elle s’emparent tout à la
dois de ces deux extrémités.
Un autre signe de la maladie , qui sans être
absolument général raccompagne le plus sou-
vent , consiste dans une croûte de couleur
icendrée et jaunâtre à la partie antérieure et
iinférieure du col, et qui s’étend le long des cla-
vicules et l’extrémité supérieure du sternum,
<en formant une bande large de deux doigts j
rarement elle occupe le derrière du col , mais
telle offre communément sur le sternum une
sorte d’appendice qui s’étend le long de cet
os jusqu’à la moitié du thorax. Quant aux
symptômes qui accompagnent le mal de la rosa ,
c’est un tremblement perpétuel de la tête et
même de toute la partie supérieure du tronc,
une ardeur douloureuse à la bouche , des vési-
cules aux lèvres , une grande inal-propreté de
la langue , et une foiblesse extrême de l’esto-
mac et de tout le corps , un sentiment de pe-
santeur et de lassitude dans les membres, qui
jette les malades dans l’inertie. La nuit ils
éprouvent souvent une ardeur brûlante qui les
prive du sommeil 5 le lit leur est insupportable
par sa chaleur, et néanmoins ils ne se trou-
vent pas mieux du froid : ils sont tristes , mé-
lancoliques , on les voit verser des larmes et
se répandre en gémissemens sans aucun sujet.
Il survient aussi quelquefois des symptômes
particuliers , comme de légers délires , une
sorte de stupidité , la perte de quelque sens ,
So I. A M É D E ,c I N -E
» 4 “ —
du goût et du toucher en particulier, la gale ,
des lie vi es nieguhei.es , un sommeil tantôt in-
quiet, tantôt léthargique, une couleurgénérale
de la peau mêlée de noir et de jaune, des
crudités acides et glutineuses, des obstructions
invétérées des viscères.
La terminaison du mal de la rosa , varie sui-
vant. l’âge , le tempérament et d’autres circons-
tances ; mais le plus souvent elle finit par l’hy-
dropisie , par des tumeurs ïcrophuleuscs ou
lymphatiques , et par le marasme. Une autre
terminaison qui est plus ordinaire vers le sols-
tice d’été, est une mélancolie profonde ou la
manie; mais celle-ci , sansles jetter dans une
fureur frénétique , jette seulement l’esprit dans
des idées folles et dans une tristesse inex-
primable qui les force à quitter leurs de-
meures, et à se sauver dans des solitudes où
l’excès d’ennui et du mal les porte quelquefois
au dernier désespoir.
Ce n’est pas seulement dans l’influence du
climat qu’il faut chercher l’origine du mal de
la rosa , puisque iesgens riches eusont exempts,
et que ce mal n’attaque que les pauvres qui
ne vivent que d une sorte de bouillie de maïs ,
ou d’un pain non fermenté et cuit sous la
cendre ; rarement il mangent de la viande sa-
lée , de la fraîche plus rarement encore. Leur
boisson ordinaire est l’eau , qui est souvent
d’une mauvaise qualité. Leurs vêtemens et
leurs logemens se ressentent tous d’une pau-
vreté extrême. Il paroît que le mal de la rosa
est précisément plus fréquent dans les lieux
qui réunissent un plus grand nombre de causes
morbifiques , qui tiennent à la mal-propreté ,
et à un état extrême de détresse. Dans l’énu-
mération
s symptômes dont on vient de
parler
ÉCLAIRÉE, etC. 8î
parler , on voit mie sorte cle combinaison des
affections propres au scorbut , et de celles qui
conviennent à la lèpre.
M. Casai, qui a communiqué à M. Thierry
ces observations sur le mal de la rosa , a vu
constamment une diminution sensible de ce
mal par l’usage d’une nourriture plus grasse ,
et il dit avoir observé en général une utilité
marquée de l’usage interne de l’huile , des subs-
tances onctueuses , et du vin dans sa pratique
aux Asturies. Il tient d’un particuli’er , qu’une
femme attaquée de ce mal, eut dans son dé-
lire une si grande envie de' se nourrir de beurre
de vache , qu’elle vendit pour cela tout son
bien , et qu’elle guérit ainsi du mal de la rosa
et de la folie. On voit qu’en général ces maux
provenant d’un mauvais régime , ce seroit ce
dernier qu’il faudroit corriger , et envoyer sur-
tout les malades aux eaux thermales , leur
faire prendre des bains d’eau tiède , les mettre
ensuite à l’usage des bouillons de vipères , de
tortues , d’écrevisses avec les végétaux appro-
priés , et soutenir ce traitement par une bonne
nourriture ; mais ces moyens sont-ils au pou-
voir de la médecine , et ne devroient-ils pas
être plutôt un objet de sollicitude pour le
gouvernement espagnol.
CHIRURGIE.
I. Observation sur un cathéter laissé dans
la vessie en évacuant l’urine dans un cas
de renversement de l’utérus $ par M. Ford ,
chirurgien de Westminster. ( Médical facts
and observ. vol. 1.).
Une femme âgée de vingt-cinq ans se rendit ,
F
82 la Médecine
vers la fin du mois de janvier dernier , au dis-
pensaire général de Westminster ; elle se
plaignoit d’un écoulement douloureux et invo-
lontaire de l’urine, qui sortoit de l’urètre avec
du sang et une autre matière $ elle rendoit
aussi de l’urine purulente d’un ulcère fistuleux
qui étoit situé vers le milieu du muscle grand
fessier ; elle étoit réduite à un état extrême
d’émaciation et de faiblesse , et étoit restée
alitée pendant plusieurs mois. Tout ce qu’on,
avoit fait pour la retirer de cet état avoit
été accompagné des douleurs les plus cruelles ,
soit au cou de la vessie , soit dans l’ulcère
fistuleux des fesses.
En sondant la malade on reconnoissoit fa-
cilement la présence d’un substance étrangère
dans la vessie , et d’après sa dureté, M. Ford
jugea que c’étoit une concrétion calculeuse ; il
se rendit ensuite au vœu de la malade , qui
deslroit qu’on examinât l’ulcère fistuleux de la
fesse , et qui ajoutoit qu’il y avoit un morceau
détaché d'os dans la blessure , qui se faisoit
souvent jour au-delà de la plaie , mais qui
paroissoit souvent être retiré avec une force
considérable. M. Ford reconnut avec la sonde
que ce corps étranger étoit libre dans le sinus
fistuleux , et il tâcha de le retirer avec le for-
ceps , en tirant graduellement au dehors. Ce
procédé ne fut pas d’abord très-douloureux ;
mais lorsque le corps étranger fut retiré à la
longueur d’un demi-pouce hors des tégumens ,
il parut impossible d’en obtenir une extraction
ultérieure , parce qu’il étoit retenu par une
forte contraclion des muscles : pendant que ce
corps étoit ainsi retenu à l’extérieur par le
forceps , M. Ford l’examina avec soin pour
savoir si c’étoit une exfoliation d’un os carié ,
ÉCLAIRÉE, etc. 83
ou une concrétion calculeuse qui se fût fait
ainsi jour liors de la vessie , et il fût très-étonné
de voir que la substance qui étoit ainsi pous-
sée hors de la plaie étoit évidemment le bout
d’un cathéter d’argent.
Il suspendit alors tout procédé , jugeant bien
que pour ôter le cathéter par force à travers la
blessure , il occasionneroit une dilacération
considérable du fond de la vessie. M. Ford
ayant pris des informations auprès de la ma-
lade pour remonter à la cause primitive de
son malheureux état , elle répondit qu’elle
étoit restée alitée pendant quatre mois ; qu’au
troisième mois de sa dernière grossesse elle
avoit été attaquée d’une grande difficulté d’u-
rine , à laquelle on avoit remédié plusieurs fois
par la sonde ; que cette opération l’avoit sou-
lagée , mais que la dernière fois qu’elle avoit
été pratiquée , la douleur avoit été très-vive ;
que l’accouchement au neuvième mois avoit
été heureux ; elle ajoutoit qu’elle avoit allaité
son enfant , quoique réduit au dernier degré
de dépérissement. Il étoit évident par là que le
cathéter avoit échappé des mains du chirur-
gien la dernière fois qu’elle avoit été sondée ,
qu’il avoit glissé dans la vessie , et que le seul
moyen de soulager la malade étoit d’en faire
l’extraction par le méat urinaire.
L’état de foi blesse et d’épuisement dans le-
quel l’allaitement l’avoit réduite , non moins
que l’écoulement par l’ulcère fistuleux , fit
qu’on retarda l’opération jusqu’àce que ses forces
fussent un peu rétablies par le sevrage de l’en-
fant , et par une nourriture plus restaurante :
M. Ford fit appeller trois de ses confrères pour
être témoins de ce cas singulier.,
La malade fut placée sur une table de la
F 3
84 la Médecine
même manière qu’on a coutume de le faire
pour l’opération de la lithotomie. L’urètre
fut dilatée avec un gorgeret mousse , introduit
à l’aide d’un conducteur , et on tâcha de
tirer au dehors le cathéter avec le forceps. Cette
partie de l’opération fut très-difficile , parce
que le cathéter étoit situé transversalement
dans la vessie , le manche répondant à l’ar-
cade du pubis , et l’autre extrémité aux bran-
ches de l’ischium. On le changea de situation
en tirant à travers l’ulcère postérieur, l’extré-
mité mousse, en sorte que le manche de l’ins-
trument fut détaché du pubis pour être poussé
à travers l’ouverture de l’urètre , et pour
rendre l’extraction possible. Le cathéter se
trouva couvert d’une légère incrustation ; on
finit l’opération en faisant sortir quelques petits
calculs de la vessie. La malade fut mise au
lit et assujettie au régime de ceux qui ont
souffert l’opération de de la lithotomie. Il sur-
vint une fièvre légère cjui étoit plutôt due au
gonflement des seins , a la suite du sevrage ,
qu’à l’opération même.
L’ulcère fistuleux de la fesse guérit dans peu
de jours , parce que l’urine reprit son cours
naturel par l’urètre , et dans un mois la gué-
rison fut complette. La malade retient main-
tenant son urine, et ne conserve plus aucun
reste de son infirmité extraordinaire.
On voit là un accident à la suite d’une opé-
ration de chirurgie qui a paru toujours facile
et ëiçmpte de danger. La structure naturelle
et la position de l’urètre de la femme ga-
rantit l’opinion générale sur la sûreté de cette
opération ; mais lorsque ces parties éprouvent
un dérangement par un état de grossesse ou
d’autres causes , l’opération qui sert à évacuer
éclairée, etc? 85
l’urine peut devenir sujette à quelque danger.
Dans quelques cas de rétroversion de l’uté-
rus , Hunter et d’autres praticiens attestent
que cette opération n’est pas toujours facile,
et que dans certains cas elle est impossible.
La femme qui fait l’objet de l’observation pré-
cédente a été sujette à la rétroversion de la
matrice , dans cette grossesse et dans un autre
grossesse précédente. Un accoucheur distingué
l’avoit sondée quelques jours avant son. acci-
dent 5 mais ayant éprouvé soudainement une
rétention d’urme , elle fit appeller un chirur-
gien du voisinage , qui fut , par sa mal-adresse,
la cause de tout le mal. Ses affaires l’ayant
obligé ensuite de quitter Londres , il n’en-
tendit plus parler de la malade , et il y a ap-
parence qu’il imagina que le cathéter avoit été
expulsé par les efforts de la vessie,
II. Observation sur une amputation partielle
du piecl y par M. Lafiteau, élève de l’hospice
des écoles de chirurgie %
Le nommé Charles Saujot , âgé de vingt-
six ans , cuisinier, fut attaque en 1707 d un
petit ulcère à la partie supérieure et interne
du gros orteil du pied gauche ; cet ulcère fut
causé et entretenu par la portion interne de
l’ongle qui , en se recourbant , avoit entamé
la peau. Le malade fit d’abord très-peu d'at-
tention à cette maladie , qu’il eût été très-facile
de guérir en l’attaquant dans sa cause , c’est-
à-dire en redressant la portion d’ongle recour-
bée , ou en l’emportant : mais il survint un
engorgement inflammatoi re qui s’étendit au loin
sur la partie supérieure du pied , et qui déter-
mina le malade à faire usage de cataplasmes
F 3
8(5 X/ A Médecine
émolliens ; l’inflammation céda à l’usage de
ces moyens , mais l’engorgement , loin cle di-
minuer, augmenta, s’endurcit peu à peu, et finit
enfin par prendre un caractère décidément
squirreux. Les progrès que faisoit la tumeur
déterminèrent le malade à chercher des secours
efficaces contre cette maladie. Il entra à l’hos-
pice des écoles de chirurgie le 12. août 1791 :
à cette époque la tumeur avoit tellement aug-
menté de volume , qu’elle se propageoit jus-
qu’à la plante du pied ; elle étoit aussi de-
venue douloureuse. La nature carcinomateuse
de cette tumeur ne laissoit d’autre ressource
qùe l’amputation de la partie malade : mais
comme la portion du pied voisine de son arti-
culation avec la jambe étoit parfaitement saine,
M. Cliopart jugea qu’il étoit possible de la
conserver en amputant dans l’articulation de
l’astragale avec Je scaphoïde , et dans celle du
calcanéum avec le cuboïde.
Le malade ayant été disposé à l’opération
par quelques bains et une médecine , M. Cho-
part , chirurgien en chef de l’hospice , la pra-
tiqua de la manière suivante : le 2.1 août, il
fit d’abord deux incisions latérales , l’une au
côté interne , et l’autre au côté externe du
pied, depuis les articulations dont il a été parlé
plus haut , jusqu’à la tumeur ; -ensuite il fit une
section transversale qui joignoit l’extrémité
antérieure des deux premières incisions. Le
lambeau formé par ces trois incisions ayant
été disséqué jusqu’à sa base , M. Cliopart coupa
en travers les tendons des muscles extenseurs
des orteils , le muscle pédieux et les ligamens
tant supérieurs que latéraux, qui unissent l’as-
tragale au scaphoïde , et le calcanéum au cu-
boïde 5 ensuite il luxa ces os, en abaissant la
éclairée, etc. 87
pointe du pied , ce qui lui donna la facilité
de porter son bistouri entre les os et les parties
molles de la plante du pied , qu’il coupa de
derrière en avant , de manière à former un
lambeau inférieur un peu plus long que le su-
périeur. La ligature des vaisseaux ayant paru
indispensable , M. Cliopart lia les artères plan-
taires, et la pédieuse. Lorsque les artères fu-
rent liées , il appliqua les lambeaux sur les
surfaces articulaires des os , et il les soutint
au moyen d’un appareil convenable. Malgré la
ligature des artères , le sang pénétra la char-
pie , les compresses et la bande, et bientôt il
coula si abondamment , qu’on fut obligé de
lever l’appareil , et de lier plusieurs artères
qui n’avoient pas été apperçues au moment de
l’opération ; ces nouvelles ligatures ne suffirent
pas , le sang coula encore et l’on fut obligé
d’exercer une forte compression pour seconder
leur effet , ce qui réussit parfaitement. Les
lambeaux se sont collés en partie aux surfaces
articulaires des os 5 le reste de la plaie a sup-
puré et a été cicatrisé au bout du mois : à
cette époque , le malade a commencé à s’ap-
puyer sur la portion restante du pied , et lors-
qu’il est sorti de l’hôpital , le 6 novembre ,
il étoit presque aussi ferme sur ce pied que
sur l’autre.
L’examen anatomique de la tumeur a con-
firmé le jugement qu’on avoit porté sur sa
nature ; elle étoit formée par une matière blan-
che , de la consistance du lard , sans aucune
organisation apparente: dans quelques endroits,
cette matière étoit liquide et amassée dans de
petits foyers ; la tumeur s’étendoit entre les
os du métatarse qui étoient gonflés , et dont,
le premier étoit carié.
F 4
88 e a Médecine
Cette observation est le seul exemple que
je corinoisse d’amputation partielle du pied ,
pratiquée de cette manière : on a plusieurs
fois emporté une portion du pied fracassée
par un coup de feu ; mais alors on a suivi
les traces du désordre , et le procédé opéra-
toire a été réglé par les circonstances de la
maladie ; au lieu que M. Ch o part a été di-
rigé dans son opération par la connoissance
anatomique de la partie : aussi le procédé qu’il
a suivi est-il applicable à tous les cas ou l’é-
tendue de la maladie permettra d’amputer dans
l’articulation del’atragale avec le scaphoïde, et
dans celle du calcanéum avec le cuboïde.
III. Observation sur uji bec de lièvre double ;
par M. Laliteau , élève de V hospice des écoles
de chirurgie.
Le 14 septembre 1792, on reçut à l’hospice
des écoles de chirurgie , une petite fille âgée
de neuf aiis , qui avoit un liée de lièvre dou-
ble , bien singulier : les os maxillaires étoient
séparés l'un de l’autre ; mais la portion de ces
os qui soutient la dent incisive moyenne étoit
séparée du reste et continue avec le vomer ,
ensorte que cette portion des os maxillaires
formoit , conjointement avec les dents incisives
moyennes , une saillie fort avancée. De la
partie inférieure de la cloison du nez descen-
doit devant cette saillie un lambeau charnu ,
gros , large et court $ chaque bord de la fente
de la lèvre se terminoit supérieurement à l’aile
du nez, et les bords étant très-éloignés l’un
de l’autre , ce vice de conformation donnoit
à cette petite fille un aspect hideux. M. CI10-
part opéra ce bec de lièvre de la manière sui-
Eclairée, etc.' 89
vante : le 24 septembre 1791 , il enleva d’abord
le lambeau d’un coup de bistouri, ensuite il
chercha à couper J es deux dents incisives
moyennes, et ia portion des os maxillaires dans
laquelle elles étoient implantées , avec de forts
ciseaux 5 mais n’ayant pas pu réussir avec cet
instrument , il fut contraint d’employer une
scie: la section tomba sur la racine des dents,
ce qui rendit l’usage de la scie nécessaire. Le
sang coula assez fort pour exiger le tcmpon-
nement de la plaie et empêcher de pousser
l’opération plus loin ce jour-là. Lorsque lu plaie
fut guérie , M. Chopart acheva l’opération :
après avoir fait la resection des. bords de la di-
vision , il en opéra la réunion avec deux ai-
guilles droites d’or ; malgré l’écartement énor-
me que présentoit ce bec de lièvre , l’opération
a eu le plus grand succès , et l’enfant est sorti
de l’hospice parfaitement guéri.
Nota. Les succès que M. Chopart obtient
dans les becs de lièvres les plus compliqués ,
en employant la suture entortillée , sont remar-
quables 3 mais de tous les malades que je lui
ai vu opérer , il n’en est aucun dont la gué-
rison ait été aussi prompte que celle d’un
jeune homme qui avoit un bec de lièvre sim-
ple , pour lequel il avoit déjà subi une fois
l’opération sans succès : M. Chopart employa
la suture entortillée ; à la levée du premier
appareil , la réunion étoit si exacte , qu’elle
présentoit une ligne rouge qui n’a point sup-
pure du tout : les trous formés parles aiguilles
étoient fermés le lendemain du jour qu’elles
furent ôtees, ensorte qu’il n’y a pas eu la
la moindre trace de suppuration.
9°
i,a Médecine
IV. Exêmple d’une extirpation totale des parties
extérieures de la génération. ( Médical com -
mtinications , xoîé. 1 1 • j •
Un. homme âgé de cinquante-cinq ans avoit
resté quelque temps dans un état profond de
mélancolie , lorsqu’un matin on trouva son
lit tout ensanglanté , et en prenant des infor-
mations , on apprit qu’il s’étoit amputé la
verge , le scrotum et les testicules tout près de
l’abdomen. On lui avoit appliqué immédia-
tement dçg compresses de linge pour arrêter
le sang, et quatre heures après l’accident , M.
Scott ayant été appellé trouva que l’hémorragie
avoit cessé.
Il appliqua un bandage ordinaire sur la plaie,
mais après deux ou trois jours l’écoulement
de l’urine par la plaie devenoit incommode et
douloureux. Pour obvier à cela , on le ht tenir
sur ses genoux pour relâcher le bandage , ôter
les compresses qui portaient sur l'orifice de
l’urètre , et essayerde le faire uriner dans cette
position.il évacua très-facilement l’urine , même
avec un jeta plusieurs pouces dedistance ; il con-
tinua donc d’adopter cette position pour uri-
ner , et il n’eut plus à se plaindre de l’im-
pression douloureuse de l’urine sur la plaie.
La cure fut opérée sans qu’il s’excitât aucune
fièvre ni aucun symptôme alarmant , et la
blessure fut parfaitement cicatrisée dans sept
semaines ; il s’étoit formé une petite préémi-
nence ou un rebord circulaire autour de l’orifice
de l’urètre.
ÉCLAIRÉE, etC.
9*
CHIMIE.
Extrait d’une lettre de M. Fourcroy à M.
Meslon , ancien commissaire aux Colonies
françaises ,* sur la nature de l’huile concrète
du croton sebiferum ( 1 ).
Les semences du croton sebiferum , ou de
l’arbre à suif des Chinois , dans l’état où je les
ai reçues, ont perdu la capsule qui les enve-
loppoit sur l’arbre avant la maturité. Elles sont
au nombre de trois, attachées circulairement sur
un placenta placé entr’elles ; elles sont recou-
vertes d’un parenchyme blanc , qui se brise et
se sépare facilement de dessus la semence ;
cette croûte , qui est grasse au toucher et qui
se ramollit entre les doigts , est aussi facile à
réduire en poudre dans un mortier. Au-des-
sous de cette enveloppe demi-cireuse et friable,
se trouve une espèce de coque noire ou de
noyau dur, lisse, noirâtre, assez difficile à
casser , de l’épaisseur d’un quart de ligne ,
qui contient une petite amande ovoïde com-
posée de deux cotylédons très-distincts , et dont
la saveur douce et assez agréable est analogue
à celle des noisettes. Nous en avons goûté
un assez grand nombre , aucune n’étoit rance,*
ce qui paroît être dû à ce qu’elles sont bien
( i ) M. Hubert , habitant de l’Isle de France , avoiten-
voyé il y a quelques années , à M. Meslon , une assez grande
quantité de graines du croton sébifère, et du suif végétal
retiré de ces graines; M. Meslon me les remit, on me
priant d’en faire l’examen : c’est le résultat de cet exa-
men qui est consigné dans les détails suivans , extraits
de ma lettre écrite dans le temps à M. Meslon.
p2 jla Médecine
enfermées , et défendues du contact de l/air
par la coque dure qui les enveloppe.
On a fait bouillir deux livres de ces graines
pendant une demi-lieure dans douze livres
d’eau de rivière ; l’enveloppe grasse de chaque
noyau ne s’est point fondue , comme on au-
yoit pu le croire d’après ce que disent les au-
teurs d’histoire naturelle : à les entendre , les
Chinois extrayent le suif solide de ces graines
par la seule ébullition dans l’eau ; mais ce pro-
cédé simple ne réussit pas. Il a fallu presser
les graines ainsi bouillies entre les mains pour
obtenir le suif qui les enveloppe. Nous n’en
avons eu qu’une once des deux livres de graine 5
il est vrai que l’écorce blanche , plus grasse
qu’auparavant , ne paroissoit pas privée de
toute l’huile concrescible qu’elle contenoit. Je
crois que les Chinois ont un procédé de pres-
sion quelconque , qui enlève à cette enveloppe
grasse plus de suif que nous n’en avons ob-
tenu , et qui n’écrase point l’amande.
Après cette légère expression des graines
bouillies , l’écorce blanche étoit encore rem-
plie de suif, que l’expression des mains ne
pouvoit plus en faire couler 5 il auroit fallu
une machine pour enlever cette écorce de
dessus le noyau des amandes , et pour per-
mettre de traiter ensuite cette écorce par une
compression suffisante. Cette écorce blanche ,
ou ce parenchyme qui contient le suif , me
paroît être formée de ce suif et d’une espèce
de fécule grossière , ou de matière ligneuse
légère ; l’un et l’autre sont à peu près à par-
ties égales. Voici les propriétés que ce suif,
extrait de l’enveloppe blanche des amandes ,
a présentées : il est très-blanc , un peu plus so-
lide que le suif ordinaire , cassant comme do
B C I A I R i îj etc. 9^
la cire ou plutôt comme le blanc cle baleine ,
et cependant gras sous le doigt 5 il différé
beaucoup du suif de mouton , dont il a à peu
près la saveur, par la propriété de se laisser
dissoudre complètement par l’alcool. Cette li-
queur en dissout beaucoup plus à cliaud qu’à
froid ; en refroidissant il laisse déposer beau-
coup de cette matière en flocons blancs , gre-
nus , et qui semblent avoir une forme régulière
et cristalline. Ce qui reste dissous après l’en-
tier refroidissement de l’alcool peut en être
séparé par l’eau , et vient nager en flocons
blancs à la surface de la liqueur , comme le
fait l’huile séparée d’une dissolution de savon
par un acide. Les propriétés de l’huile con-
crète séparée de l’écorce des semences du croton
sébifère , la rapprochent plus du blanc de ba-
leine qu'e du suif. J’ai extrait de beaucoup de
substances animales une matière analogue
au blanc de baleine ^ mais voilà la première
que je trouve dans une substance végétale.
Après avoir reconnu les propriétés de cette
huile concrète extérieure des semences du
croton sébifère , j’ai comparé celle qui m’a
été envoyée , contenue dans un bambou : 011
la distingue fort bien de celle qui est extraite
des graines écrasées par sa consistance beau-
coup plus grande. Ce suif est moins dur ,
moins sec , et moins cassant que celui qui a
été séparé par nous du parenchyme des se-
mences , ce qui tient sans doute à ce que les
graines ont été plus pressées dans le pays
que nous ne l’avons fait ici , et à ce qu’une
petite portion de l’huile des semences a été mê-
lée avec lui. Ce suif étoit jaune dans plusieurs
points , et offroit quelques moisissures : nous
lui avons d’ailleurs reconnu absolument les
z A Médecine
mêmes propriétés qu’à celui que nous avons
extrait nous-mêmes , excepté cju’ii est un peu
plus mou , un peu plus fusible , et un peu plus
dissoluble dans l’alcool que le notre , en rai-
son de la petite quantité de l’huile des se-
mences qu’il nous a paru contenir.
On a traité ensuite les graines pulvérisées,
on en a fait bouillir deux livres dans douze
livres d’eau pendant trois quarts d’heure ; on
les a d’abord exprimées à la main : par ce
procédé elles ont fourni quatre onces, ou un
huitième de leur poids , d’une espèce de suif
plus mou et moins blanc que celui qui pro-
venoit du parenchyme des semences. Deux
autres livres, également pulvérisées etbouillies,
ont été soumises à l’effort d’une grande presse
dont le levier avoit au moins trois pieds ; elles
ont fourni huit onces ou un quart de leur
poids d’huile concrète. Cette espèce de suif
mélangé de celui du parenchyme et de l’huile
des semences étoit gris j il étoit plus dissoluble
encore dans l’alcool que celui de l’écorce ;
mais il se fondoit à trente degrés du thermo-
mètre de Réaumur , et ne redevenoit ensuite
solide qu’à vingt- deux degrés. Cette fusibilité ,
beaucoup plus grande que celle du suif de
mouton , doit empêcher qu’on ne puisse en
faire des chandelles dans des pays chauds ,
dont la température est souvent au-dessus de
vingt-huit à trente de ares •
-T • \ 1 & ^
La matière parenchymateuse qui restoit apres
l’extraction de cette huile concrète, quoique
n’en fournissant plus par l’effort d’une grande
presse , étoit encore grasse sous le doigt ; sa
saveur d’amande étoit assez agréable : on pou-
roit Remployer à engraisser des cochons, peut-
être en fait- on déjà cet usage.
• ÉCLAIRÉE, etc. 9 5
En Normandie, la pâte qui reste après l’expres-
sion des graines de lin , et après l’extraction com-
plette de leur huile, sert à engraisser les cochons
et les bœufs , et certainement elle ne paroît pas
être si bonne à manger. Après avoir extrait cette
espèce de graisse végétale des graines concassées
bouillies du croton sébifère, la saveur agréa-
ble de cette graisse ht penser à M. Vauquelin ,
mon élève , que vous connoissez , qu’on pour-
roit l’employer dans la cuisine ; il me ht part
de cette idée : sans larejetter, je lui conseillai
de faire cet essai avec précaution , parce que
les produits d’un arbre de la famille des eu-
phorbes , et voisin des ricins, me paroissoient
suspects. Il a fait assaisonner des pommes de
terre avec cette graisse ; il les a trouvées très-
bonnes , mais quoiqu’il en ait mangé peu , il
a eu des nausées , des vomissemens , des coli-
ques ; il a été purgé , et le bon goût qu’il
trouvoit à cette graisse s’est changé pour lui ,
ainsi que pour deux autres personnes qui en
•ont goûté avec lui , en un dégoût violent: il
ne fera plus assaisonner de légumes avec pa-
reille graisse. Il est vraissemblable que les
Chinois ont reconnu cette qualité émétique
et purgative à la graisse du croton sébifère ,
car on nous auroit appris cet usage éconoe
mique ; s’il étoit pratiqué chez eux.
Le suif contenu dans le bambou extrait des
graînesbroyées,que l’on m’avoit envoyé avec les
graines, avoit les mêmes propriétés que celui que
nous avons obtenu nous-mêmes $ il étoit seule
ment plus coloré et moins attrayant comme assai-
sonnement que le nôtre ; aussi l’idée du man-
ger n’est - elle venue à M. Vauquelin que
d’après l’odeur agréable du suif récemment
exprimé, etd’aprèsla sayeurdouce des amandes.
ç6 i,à Médecine
Voilà ce que j’ai fait sur les graines du
croton sébifère , et sur les suifs que vous m’a-
yez envoyés. J’ai quelques questions à vous
faire , que je vous prierai de communiquer
à M. Hubert.
Cultive-t-on cet arbre , le croton sébrifère ,
à l’Isle de Bourbon ou à l’Isle de France ?
y vient- il bien ? peut- on espérer qu’il y pros-
pérera ?
Celui qu’il vous a envoyé venoit-il de la
Chine? comment l’a-t-il obtenu ?( sait-on bien
comment les Chinois traitent les semences ?
n’employent-ils pas pour les lampes l’huile sé-
parée des graines et du suif de l’extérieur ?
est-il vrai qu’ils recouvrent les chandelles de
ce suif d’une couche de cire ? est-ce du galle
qu’ils tirent celle-ci ? M. Hubert pourroit-il
vous faire parvenir quelques livres des graines
du gallé, ou piment royal des Chinois ? sait-
il si c’est le même arbre que le cirier de la
Louisiane ? comment les Chinois blanchissent-
ils la cire verte ou brune , ou bien la cire
du gallé est- elle naturellement blanche ?
Physique et Médicinale. 4 1
X XVI ï . The pharmacopœla of the royal collège
of Phisicians of London , etc. C’est-à-dire ,
Pharmacopée du collège des Médecins de Lon-
dres, traduite en an dois , avec des notes , un
index des mots nouveaux , etc. cinquième
édition , revue par M. J. Latham , docteur en
Médecine. A Londres , 1791 , in-8Q. de 302
pages.
O11 sait que le college des Médecins de
Londres a publié , en 1788 , une nouvelle phar-
macopée devenue nécessaire par les progrès
qu’ont fait dans ces derniers temps la botanique
et la chimie. On trouve à la tête de cet ouvrage
un index de matière médicale, dans lequel 011 a
placé, à côté des anciens noms des plantes, ceux
par lesquels elles sont désignées dans le traité
classique de Linnæus connu sous le nom de
species plantarum , réforme qui est absolument
nécessaire dans l’état actuel de nos connois-
sances, et qu’aucun Médecin ne devroit ignorer.
On trouve aussi à la fin de la même pharma-
copée, un index des médicamens chimiques ,
avec les nouveaux noms que les Méde-
cins de Londres ont cru devoir leur substi-
tuer, et qui sont en grande partie une suite
de la nouvelle nomenclature introduite en
France dans la chimie. Les mêmes auteurs ont
aussi beaucoup simplifié les formules de phar-
macie, et ils ont proscrit une foule de com-
positions anciennes qui ne peuvent plus s’accor-
der avec nos lumières actuelles.
La pharmacopée de Londres avoit d’abord
paru en latin , et dans quelques éditions consé-
cutives elle avoit reçu quelques légers chan-
gemens. M. Latham a eu l’idée de la traduire
enanglois, pour en étendre l’usage, et il lui a
Tom . III. N°.Lr. Biblioub apiiie. F
^2 Bibliographie
été facile de l’augmenter du double par des
remarques additionelles , soit sur les vertus des
plantes, soit sur certaines compositions phar-
maceutiques. C’est sous cette forme que paroît
aujourd’hui l’ouvrage que nous annonçons.
On sent qu’il doit offrir peu de nouveautés
pour les Médecins éclairés, et que tout ce qu’il
contient se trouve naturellement dans les ma-
tières médicales de Lirmæus , de Bergius , de
Murray, etc. ou se déduit des progrès modernes
de la chimie, qui ne pouvoit qu'avoir une grande
influence sur la pharmacie 3 mais nous obser-
verons aussi que les sens de l’art qui sont as-
• \] ^ ^ f /1 •
treints a leurs anciennes lorrriules , et qui sont
entièrement étrangers à l’état actuel de la bo-
tanique et de la chimie , ne se persuaderont
pas aisément qu’on puisse mieux faire qu’eux ,
et continueront à marcher dans les routes qu’ils
se sont tracées , quelques surannées qu’elles
puissent être.
Nous croyons devoir donner une idée des
changemens que les Médecins de Londres ont
fait dans la nomenclature pharmaceutique ,
et le soin qu’ils ont eu d’cviter des termes vains
et insignifians dérivés des fausses notions de
l’ancienne chimie , ou fondés sur des indications
médicinales 3 c’est ainsi qu’ils ont substitué ,
cerusa acetata , au lieu cfe saccharum saturni ;
electuarium sennae , au lieu de electuarium le-
nitivum ; flerrum ammoniacale , au lieu de flores
martiales ; linimentum ammoniae , au lieu de
lini.mev.tum volatile ; oæymel aeruginis , au lieu
de mel aegyp tiacum ; pitlulae ex aloë cum myr-
7~ha , au lieu de pillulae Ruflfi, etc. Les lecteurs
qui commissent la nouvelle nomenclature chy-
mique verront sans peine que les anglois en
ont profité, mais qu’ils sont re-stés en deçà du
Physique et Médicinale. 4^
terme et qu’ils se sont refusés à toutes les lu-
mières qu’elle peut encore répandre sur la
pharmacie. Il faut espérer que les Médecins
françois , qui travaillent aussi à une réforme de
leur pharmacopée , marqueront plus de con-
fiance, et ne se refuseront point à opérer dans
toute son étendue une innovation utile et de-
venue nécessaire.
Pour donner ici un exemple particulier pris
de cet ouvrage, nous rapporterons cequiregarde
l’ormeau ( ///mus campestris . L .) , d’autant mieux
qu’on a cherché à mettre en vogue l’écorce
d’orme pyramidal. C’est le docteur Lysons qui
a recommandé l’écorce intérieure de l’ormeau
contre les affections cutanées chroniques de
la peau ; il a prétendu avoir guéri par-là la lèpre
icthyosis des Sauvages ; mais le docteur Monro
a reconnu que les éruptions cutanées du genre
delà lèpre, quoique fort diminuées par ce re-
mède ou meme guéries en apparence, se re-
nouvelloient dans l’espace de quelques mois
ou mêinexlans le courant de l’annee. Le docteur
Lysons prescrivoit la décoction de quatré onces
du liber ou écorce la plus voisine de l’aubier ,
sur quatre livres d’eau, jusqu’à réduction de
deux livres. La dose étoit de demi-livre de
cette boisson deux ou trois fois le jour ; mais
il faut remarquer qu’il étoit obligé de seconder
l’action de ce remède par ,des purgatifs. M.
Latham dit aussi l’avoir employé avec avantage
en ne faisant usage de la même manière que
de l’écorce desséchée ; mais il ajoute qu’il n’a
jamais réussi sans faire prendre de temps en
temps au malade des purgatifs énergiques \
ce qui rend douteuse fa vraie efficacité de
l’ecorce intérieure de l’orme.
44 Bibliographie
i
XXVIII. Traité complet delà culture , fabrica-
tion et vente du tabac , d’après les procédés
pratiqués dans la Pannonie , la Virginie , le
Dannemarck , V Ukraine , la Valteline , la
Guyane françoise . O/z jy a joint d’ autres
objets d'économie rurale qui , réunis ou subs-
titués au tabac , en rendent la culture encore
plus utile aux propriétaires et très-intéres-
sante pour Vétat. Ouvrage orné de six plan-
/ 1 . J 7 / ° • 1 7 •
eues en taille douce , par un ancien culti-
vateur. ^ Paris , chez Buisson , libraire-im-
primeur , rue Va u Le feu i Ile , tj<)i , in8°. de
AqG pag. prix q liv. broché , et q liv* io s.
franc de port par tout le royaume.
L’assemblée nationale , en décrétant la liberté
de la culture, fabrication et vente du tabac,
a donné , dit l’auteur , une grande impulsion
au dessèchement des marais ; aucune plante
ne convient mieux à cette espèce de nova-
les, et n’exige moins de dépense de la part
du cultivateur : aussi , est- elle la ressource
des familles errantes de la Hongrie, lorsqu’elles
trouvent cette espèce de terres vagues qu’on
laisse au premier occupant ; cet avantage que
l’état y trouve, n’est pas le seul. Aucune cul-
ture ne demande habituellement autant de
bras que le tabac. Ceux des en fans au-dessous
de l’âge de puberté , les jeunes filles depuis
dix jusqu’à quatorze ans y sont les plus propres.
L’état y trouve des ressources également im-
portantes : celle de la population des cam-
pagnes l’autre , de décharger les hôpitaux de
tous les enfans qui n’ont de père que le
public, et qui lui sont à charge sans être utiles
à eux-mêmes. L’achat des tabacs étrangers
Physique et Médicinale. 4^
coûtoit autrefois aux fermiers généraux qua-
torze millions ; la contrebande en enlevoit
trois autres : l’état gagne donc dix sept millions
à '.e cultiver sur ses terres.
L’auteur donne d’abord une notice historique
sur le tabac 5 il y joint l’histoire naturelle de
cette plante , la description de son genre , de
ses espèces et de ses variétés cultivées, la con-
sidération des climats relativement à la culture
des différentes espèces de tabac, des terres les
plus propres à cette culture , des enclos , des
oâtimens nécessaires à une plantation , des en-
crais , des labours de charrue et de bêche , des
obstacles nuisibles au succès d’une transplan-
tation de tabac , des outils qui sont nécessaires
à- sa culture et à sa fabrication, des préparatifs
et attentions nécessaires avant de commencer
la récolte , etc. On voit que l’auteur n’a rien
négligé de ce qui a du rapport à la culture de
ce végétal ou à son exploitation , et ce qu’il dit
doit avoir d’autant plus de poids qu’il parle
sur ces. objets d’après sa propre expérience.
« J’ai fait mes essais, dit-il, en Valteline ,
dans un climat fort doux , semblable à celui
de la Provence , dans une plaine entourée par
de hautes montagnes. Mes terres sont com-
posées d’un limon amené par la rivière qui
passe à côté, et dans laquelle se jettent plusieurs
torrens ; dans le temps de pluies fortes , ils
charrient toute sorte de limons sur mes terres.
Je leur fais donner jusqu’à trois labours avec
la charrue. Je la fais passer en tout sens. Mes
terres sont entourées d’un fossé très-profond et
O une digue qui les garantit des inondations et
des mauvais vents. De grandes allées de mûriers
sur le terre-plein de la digue , et d’autres de
saules au bas , le couvrent , et le feront encore
46 Bibliographie
mieux lorsqu’ils seront plus hauts et plus touf-
fus... Je n'ai jamais pesé ma semence, mais
une couche de 12 pieds de long sur 4 de large
m’a toujours fourni assez de plantes pour deux
arpens. 3»
XXIX. A lecture on muscul \ar motion , etc. c’est-
à-dire , Dissertation J'ur le mouvement muscu-
laire, par fa . G . Blanc , Docteur en Médecine ,
et Membre de la Société Royale de Londres ,
t/
in- 4°. de py pag .
Nous nous arrêterons peu . sur des détails
purement hypothétiques et diverses explications
que l’auteur donne sur la contraction mus-
culaire , il suffira de rappeler que Jes prin-
cipaux phénomènes de cette contraction sont
un raccourcissement des fibres, un gonflement
transversal. , un accroissement de cohésion et
de dureté , une température et une densité qui
ne sont point changées. Il paroît, d’après ces
deux dernières circonstances , que les mouve-
mens intimes des particules , l’une par rapport
à l’autre , doivent beaucoup différer de celles
qui ont lieu dans différons cas de contraction
et d’expension dans les corps inanimés.
L’auteur , dans le cours de sa dissertation ,
fait quelquefois des. applications utiles de la
doctrine de l’irritabilité et de la sensibilité à
la pathologie. On sait que les Anglois , qui se
sont sur-tout distingués par leurs recherches
sur le système lymphatique , lui attribuent une
erande influence dans les fonctions de l’eco-
ij u
nomie animale , soit dans l’état de santé , soit
dans celui de maladie. Nous croyons devoir
rapporter ce que dit M. Blanc sur cet objet.
Les vaisseaux lymphatiques ou absorbons
Physique et Médicinale. 47
sont doués évidemment de la faculté d’absorber
certaines substances et d’en rejeter d’autres.
Les ''-vaisseaux lactés , par exemple , dans l’état
de -santé , pompent seulement la partie nutritive
de la substance alimentaire j car il y a dans les
matières fécales des substances aussi solubles
que dans le chyle. La surface interne de la
vésicule du fiel abonde en vaisseaux absorbans ,
qui toutefois ne pompent point ia bile dans
l’état de santé , et qui contribuent seulement
à augmenter sa consistence en absorbant sa
partie fluide. Mais , lorsqu'à là suite des con-
duits de la bile, la vésicule devient très-distendue,
ou lorsque les fonctions des vaisseaux absorbans
sont altérées par un état de maladie, la bile est
reçue dans le système lymphatique et passe delà
dans les vaisseaux sanguins. Quelquefois cette ac-
tion inusitée des vaisseaux absorbans est excitée
comme une ressource de la nature pour guérir
certaines maladies ou pour produire l’accrois»
seinent du corps. Mais d'autrefois les maladies
consistent dans des affections de ces vaisseaux ,
soit que leur action soit trop retardée , comme
dans i’hydropisie , etc. On peut démontrer que
toute la surface de la peau et des bronches est
pourvue de vaisseaux inhalans qui absorbent
les fluides tenus en dissolution dans l’atmos-
phère ; et si on raisonne par analogie avec le
reste du corps , il faut supposer qu’ils ont une
certaine faculté d’élection par laquelle ils. pré-
fèrent ou rejettent des fluides qui se présentent
à eux suivant les diverses qualités de ceux-ci ,
et cette faculté varie suivant l’état de santé ou
de maladie. Mais , indépendamment de l’ana-
logie , l’état variable du corps humain , qui le
rend plus ou moins sujet à contracter des ma-
ladies contagieuses , semble. en être une preuve
48 Bibliographie
directe : c’est un fait bien connu qu’une per-
sonne qui n’a jamais eu la petite-vérole pourra
s’exposer à la contagion sans contracter cette
maladie , tandis que dans un autre temps elle
en sera attaquée à la moindre occasion. On
peut dire que le venin est absorbé clans un cas
comme dans l’autre, mais que l’état interne du
corps est disposé dans un cas à être affecté et
qu’il ne l’est pas dans l’autre par une variation
particulière de l’irritabilité.
XXX. Libeîlus inauguralis de tempe stivo opii usu
in variolis curandis. Des cas qui demandent
l’usage de l’opium dans le traitement de la
petite-vérole. A Leipsick
Rien n’est plus dangereux cpie de proposer
des remèdes actifs pour le traitement des ma-
ladies , et de ne point fixer avec exactitude les
cas précis qui peuvent en rendre l’usage conve-
nable , puisque pour un Médecin qui l’emploie
d’une manière judicieuse on en compte tant
d’autres qui le prodiguent^ d’après des indica-
tions vagues et qui en rendent souvent l’usage
funeste. Or , en lisant la petite dissertation
que nous annonçons , on se demande quelles
sont les vraies circonstances qui exigent l’usage
de l’cpium dans la petite-vérole , et on cherche
vainement une réponse satisfaisante à cette
question. Pourquoi chercher à introduire des
singularités dans le traitement des maladies
aiguës, tandis que les Médecins vraiment éclairés
puisent presque toutes leurs ressources dans
un régime bien entendu , et que ces ressources
sont incalculables quand on a bien approfondi ,
à l’exemple d’Hypocrate , les règles de la diété-
tique ?
Physique et Médicinale. 4q
XXXI. La goutte radicalement guérie par des
moyens doux } salutaires et fortifions , qu’on
peut appliquer avec succès dans tous les climats
de la terre , méthode également favorable
à la guérison des rhumatismes , affections
nerveuses et la plupart des maladies chro-
niques , par J. Marsillac, docteur en Méde-
cine de la faculté de Montpellier , etc. De
l} imprimerie du Cercle social , rue du Théâ-
tre François ; vol. in-12. de 2,20 pages .
Je suis porté à croire , a dit Sydenham ,
qu’on découvrira un jour le spécifique de la
goutte ; et c’est cette opinion du Médecin anglois
que M. Marsillac a prise pour épigraphe de son
ouvrage , sans doute pour indiquer d’avance
que cette heureuse découverte étoit maintenant
faite et les vœux de Sydenham réalisés. On
s’empresse de lire l’ouvrage pour connoître
enfin ce spécifique si long-temps attendu , et
l’on a bientôt regret de voir que l’auteur garde
sur cet objet un secret mystérieux. Voilà dès-
lors l’art de guérir arrêté encore dès les pre-
miers pas, puisqu’on ne peut savoir ni la nature
du remède , ni les différences des doses * ni
les variétés de son administration , suivant
l’âge , le sexe , le tempérament ou d’autres
circonstances où se trouve l’individu qui est
affligé de la goutte. Au surplus M. Marsillac
promet de publier sa découverte , et alors il
aura droit d’invoquer l’expérience, conformé-
ment à une autre épigraphe de son ouvrage ;
éprouve et juge.
L’auteur donne, dans le cours de son ou-
vrage, des préceptes très-sages sur le régime
des goutteux , et il s’élève contre l’usage des
fom. III. N°. III. Biblioge aeuie. G
5o Bibliographie
alimens fades, comme le lait et les farineux, etc.
Il m’a toujours paru, ajoute-t-il , que ce régime
fastidieux achevoit de refroidir l’estomac , pré-
cipitoit la ruine des digestions , et augmentoit
la masse des humeurs goutteuses. Comme il
a été lui-même attaqué de la goutte , il dit
qu’un sentiment intérieur lui fit regarder, comme
un des moyens de guérison les plus sûrs , de
prendre des alimens restaurans pour donner
du ton aux extrémités. Voyant en effet que le
lait , les herbages et les farineux l’empâtoient ,
le rendoient lourd et augmentoient l’engorge-
ment de ses jambes , il changea de régime ; il
fit usage de bouillons restaurans , d’un peu
de viande et de boissons fortifiantes. Il sentit
avec joie son engourdissement diminuer , et
son corps et son esprit prendre des forces nou-
velles. Parmi les différens vins dont il essaya
l’usage, celui qui lui réussit le mieux fut le
vin de Bourgogne , par l’avantage qu’il a d’être
limpide , léger et peu tartareux. Il a suivi ce
régime sur lui et sur d’autres goutteux pendant
plusieurs années , et il assure en avoir toujours
éprouvé des effets salutaires.
On peut aussi compter parmi les antres pré-
ceptes judicieux que donne l’auteur aux gout-
teux, l’usage des frictions aromatiques. « Le
matin, avant de sortir du lit, un domestique,
avec un morceau de molleton neuf et doux
au toucher , frottera légèrement à nu toutes
les parties du corps, et afin de donner à ses
pores le ton nécessaire à une transpiration
égale et soutenue , on exposera de temps
en temps le morceau de flanelle sur les vapeurs
du benjoin en. poudre , qu’on fera brûler par
pincées, sur quelques charbons allumés; cette
étoffe étant pénétrée de ces vapeurs fortifiantes ,
Physique et Médicinale. 5 1
on continuera rapidement ces frictions sèches
pendant une demi-heure ; les pieds seront les
derniers frictionnés; s’ils sont le siège de la
goutte , on les couvrira avec un coin de la
couverture, et lorsque le corps sera frictionné ,
on le couvrira, et faisant sortir seulement
les deux jambes du lit, on les frottera légè-
rement sept ou huit minutes avec le même mol-
leton empreint de parfums aromatiques».
M. Marsillac dit qu’a près avoir tenté un
grand nombre de substances médicales , l’expé-
rience lui a prouvé qu’un extrait acide vésétal ,
incorpore avec un savon très-doux, étoit le spé-
cifique le plus propre contre la goutte. Nous
ne dirons rien sur le savon fondant dont l’au-
teur se réserve le secret; mais nous ferons
remarquer que tout ce qu’il dit de ses effets
immédiats sur l’économie animale , s’écarte
un peu d’une logique sévère , et qu’on doit
absolument s’interdire ces explications et ces
prétendus développemens des causes pro-
chaines , de même qu’on le fait en physique
et en histoire naturelle. M. Marsillac est d’au-
tant plus fait pour éviter ce stérile langage de
l’école , qu’il cultive lui- même les sciences avec
succès , et qu’il sait bien que l’art de guérir
ne doit , comme elles , prendre pour guides que
l’observation et l’expérience. Il s’est bien plus
rappi’oché des vrais principes dans le journal
des moyens curatifs de la goutte qu’il a
employés sur lui-même et par lequel il termine
son ouvrage.
XXXII. Dissertatio me die a de uovâ înfectionis ,
fartasse contagionis destruendae methodo :
-A uct. M. L. C. Guilbert , 1791.
Celte dissertation sur une nouvelle méthode,
G a
5a Bibliographie
de détruire l’infection et peut-être la contagion
des maladies, a fait la matière d’un acte public
aux écoles de Médecine ; comme l’auteur fonde
la méthode dont il parle sur l’usage de l’acide
muriatique oxigéné, il a été obligé de rappeller
succintement les travaux des divers chimistes
sur cet acide : nous nous bornerons ici à expo-
ser ses effets sur l’économie animale.
Les vapeurs de l’acide muriatique oxigéné ,
affectent vivement la membrane pituitaire et
y causent une espèce de corriza; delà vient
que ceux qui traitent cet acide pour le faire
servir à divers usages, ont besoin de flairer
souvent de l’alkali volatil ou l’ammoniaque.
L’action de cet acide resserre beaucoup les
pores de la peau. On a vu dans ce journal
que cet acide détruit l’odeur des chairs putrides.
M. Guilbert ajoute que dans un temps où il se
livroit à l’anatomie avec un de ses amis, il par-
vint à détruire}, au moyen de cet acide, l’odeur
infecte du cadavre. C’est ainsi qu’on peut dé-
truire encore l’odeur des latrines. Comme l’a-
cide muriatique oxigéné a une vertu astrin-
gente très-marquée , conime il détruit entiè-
rement les odeurs, il y a lieu de présumer cjue
c’est un excellent anti-contagieux. En admettant
en effet, avec les Médecins, clés miasmes putrides
et contagieux dans l’air, ils peuvent être neu-
tralisés par cet acide, et si on faisoit des lo-
tions de tout le corps avec ce même acide très-
clélayé , on parviendroit à resserrer les pores
de la peau et à empêcher ainsi la commu-
nication de la contagion. Si après une épizootie
on arrosoit avec ce même liquide les étables
et les cadavres, peut-être qu’on parviendroit
à arrêter les progrès du mal. Si on y plongeoit
les peaux des animaux morts durant une mala-
Physique et Médicinale. 53
die épizootique , on pourroit s’en servir avec
impunité , au lieu qu’on a été obligé jusqu’ici
de les ensevelir sous terre. Ceux qui craignent
la contagion de la phtisie pourraient se rassurer
en lavant dans le même liquide les vêtemens
qui ont servi aux malades et en détergeant
ainsi les parois de leurs chambres. On ne peut
plus douter que l’acide muriatique oxigéné
ne soit doué d’une vertu antiseptique et tonique
très-marquée ; c’est donc un très-bon médi-
cament contre les affections scorbutiques et
sur-tout pour la cure des anciens ulcères. On
entrevoit combien l’art de guérir peut tirer
avantage de l’emploi judicieux de l’acide mu-
riatique oxigéné, et on ne peut que savoir gré
à M. Guilbert d’avoir présenté aux Médecins
cet objet fécond en nouvelles recherches.
XXXIII. Disse ri atio physiologie a de injluxu la-
minis in varia naturae corpora. Auct . A. L.
Guilbert.
Un préjugé singulier a fait souvent regarder
la Médecine comme isolée des autres sciences ,
et bien des Médecins ont paru intéressés à pro-
pager cet opinion, parce que l’amour-propre
fait presque toujours qu’on dédaigne ce qu’on
ne connoît pas. Mais ceux qui portent des lu-
mières étendues dans la pratique de l’art de gué-
rir, ne négligent jamais aucun moyen de s’é-
clairer , et profitant des progrès que font les
autres sciences, ils sont toujours pleins d’ac-
tivité et de zèle pour en faire des applications
heureuses. L’étude qu’on a faite dans ces derniers
temps de l’influence de la lumière sur les divers
corps de la nature, offre une preuve de cette
vérité. Quand on réfléchit sur le grand nombre
de maladies chroniques dont sont affligés les
54 Bibliographie
habitans clés villes et dont ceux clés campagnes
sont exempts, on ne peut que regarder l’in-
fluence de la lumière sur le corps vivant comme
des plus salutaires , secondée sur- tout par l’im-
pression de l’air du dehors. On sait d’ailleurs
quel avantage les anciens retiroient de l’inso-
lation contre toutes les affections dont le prin-
cipe étoit la langueur et l’atonie.
XXXIV. O pus cula anatomie a et physiologie çl re-
trac tata , aucta et révisa ah auctore. Joli . Dan .
Metzer S. R. M. Bor. archiatro , Anatomiae
et Medicinae professore primario iu acad.
regioiTL. Amslellodami , apud Roëderum et
socios ; vol. in- 8°. de 2.08 pet g.
S
Les Anatomistes doivent voir avec plaisir-
une nouvelle édition de plusieurs dissertations
intéressantes que M. Metzer avoit déjà publiées
sur différens points d’Anatomie et de Physio-
lo gie. Deux de ces dissertations sont consacrées
à l’histoire anatomique et à la description des
nerfs olfactifs. Après avoir présenté l’extrait
assez détaillé des travaux suivis que plusieurs
Anatomistes ont faits sur cet objet , il donne
lui-rnêine la description de ces nerfs, qui dif-
fère peu d’ailleurs de ce qu’en a dit M. Vicq
d’Azir dans son ouvrage. Les parties qui re-
couvrent l’origine de ces nerfs sont d’une part
la couche des nerfs optiques, de l’autre le tronc
et les branches de l’artère carotide et l’arach-
noïde, qui unit les lobes antérieurs et postérieurs
du cerveau. Ces parties une fois enlevées et
la scissure d.e Syîvius découverte , l’on apperçoit
les deux origines d’où partent les neris de la
première pab*é ; l’une vient de l’angle de la
scissure de Sylvius par une insertion , tantôt
Physique et Médicinale. 55
large , tantôt mince , qui se propage vers la
partie antérieure en s’inclinant et s'approchant
du bord de cette scissure. Ce petit filet est
alors d’une couleur argentine , il traverse en-
suite la substance grisâtre du corps strié in-
férieur et antérieur, et se réunit avec un autre
filet médullaire qui part de la ligne qui sépare
le corps strié antérieur clu postérieur. L’auteur
a exposé dans une dissertation l’examen qu’il
a fait des nerfs olfactifs dans diverses espèces
d’animaux, et il rapporte toutes les variétés qu’d
a observées.
La troisième dissertation contenue dans le
volume que nous annonçons , contient des
observations an atomico - pathologiques sur la
théorie des nerfs. Après une légère esquisse
des meilleurs travaux qui ont été publiés sur
la névrologie , après avoir décrit le grand in-
tercostal d’après Jwunof , après avoir examiné et
critiqué l’opinion de M. Petit , qui croit que
ce nerf a un cours rétrograde , M. Metzer rap-
porte ce qu’ont pensé divers Anatomistes sur
la structure de ces organes du sentiment. Il
a fait lui-même plusieurs expériences pour cher-
cher à la déterminer, et les résultats qu’il a ob-
tenus le portent à conclure que la substance
cérébrale est composée d’un tissu cellulaire peu
transparent , qui dans ses interstices renferme la
pulpe cérébrale interposée par couches à peu-
près demi-circulaires ! M. Metzer passe ensuite
à la manière dont les nerfs agissent sur l’éco-
nornie animale ; mais il nous permettra de lui
faire remarquer qu’il franchit un peu les bornes
sévères où doit se renfermer tout Anatomiste
rigoureux , lorsqu’il cherche à remonter jus-
qu’au siège de lame. Il nous paroît aussi qu’il
n’est point au niveau des connoissances que
56 Bibliographie
les recherches des Chimistes modernes ont
répandues fur l’origine de la chaleur animale ,
puisqu’il la regarde comme le produit d’une
des fonctions des nerfs.
XXXV. Projet de décret sur V enseignement et
V exercice de Part de guérir , présenté au nom
du comité de salubrité , par M. Guillotin ,
député de Paris.
Ce projet renferme, i°. les bases de ren-
seignement et de l’exercice de l’art de guérir :
2°. la formation et le réglement des écoles ;
3°. les concours pour les chaires ; 4°» les épreuves
pour l’admission au titre légal de Médecin;
5°. la Pharmacie ; 6°. les réglemens relatifs
aux sages-femmes ; y0. des Médecins et des
Pharmaciens chargés des rapports auprès des
tribunaux; 8°. de la formation première des
quatre collèges de Médecine , de la retraite
des professeurs supprimés , des appointemens
des nouveaux professeurs , des honoraires des
juges du concours et des examinateurs ; 90. de
l’agence de secours et de salubrité ; io°. enfin
des secours médicinaux à domicile.
Nous ne croyons pas que le plan proposé
par M. Guillotin , diffère assez essentiellement
de celui qui a été déjà publié par la société
de Médecine , pour qu’il soit nécessaire d’en
faire connoître plus particulièrement les dé-
tails et l’ensemble.
XXXVI. Disse?'tatio de colicâ , auctore P. F.
Ohleinann. A Leipsick , lyÿi-
L’auteur reconnoît quinze espèces de coli-
ques, et il y joint le traitement particulier qui
convient à chacune.
Physique et Médicinale. 5j
XXXVII. A Treatise on putrid intestinal ré-
mittent fevers , etc. c’est-à-dire , Traité sur
la fièvre putride intestinale rémittente , dans
lequel on cherche à détei'miner les loix de
l’état fehrile et de l’injluence lunaire , etc.;
par M. Balfour , docteur en Médecine et de
la Société royale de Médecine d' Edimbourg ;
vol. in-8° . A Edimbourg, ijg?.
Nous croyons devoir rappeler ici que M. Bal-
four a publié , en 1784,, à Edimbourg , un autre
Traité sur l’influence générale des périodes de
la lune sur les fièvres. Comme les principes
de ce dernier Traité sont nécessaires à l’intel-
ligence de celui dont nous parlons, nous allons
en donner un extrait sommaire , d’autant mieux
que l’objet est piquant par lui-même, et qu’il
fait voir combien l’amour de la nouveauté rend
souvent peu difficiles les Médecins sur les ré-
sultats de leurs observations.
M. Balfour , dans son Traité général sur l’in-
fluence des périodes de la lune dans les fièvres ,
établit les quatre propositions suivantes , qu’il
dit être une suite immédiate de ce qu’il a ob-
servé durant un séjour de quatorze ans dans le
Bengale : i°. les fièvres de toute espèce ont
dans le Bengale une correspondance remarqua-
ble avec les révolutions de la lune (1) -, 2°.dans
(1) M. Balfour comprend , sous le nom de périodes
lunaires , les six jours qui précèdent et les six jours qui
suivent , soit la nouvelle , soit la pleine lune , et il donna
le nom d’intervalles lunaires aux quatre jours qui se trou-
vent deux fois le mois entre les deux périodes de la lune.
Il étoit médecin d’un régiment dans le Bengale , et il dit
avoir remarqué dans la partie septentrionale de cette ré-
gion que le nombre des malades fut presque double à
chaque nouvelle ou pleine lune , ou aux environs.
Tarn. III. N°. Y. Bibliographie. H
58 Bibliographie
cette même région il est nécessaire d’avoir
line attention particulière aux révolutions de
la lune pour guérir ou pour prévenir les fièvres ;
3°. l’influence lunaire dans les fièvres a lieu
de même dans toutes le parties du globe ter-
restre , et par conséquent c’est un objet impor-
tant dans la pratique de la médecine $ 4°* toute
la doctrine de la crise des fièvres peut-être aisé-
ment déduite de ce qu’on a établi relativement
à ces maladies dans la pleine et la nouvelle
lune.
Nous ne pouvons point prononcer en Europe
sur ce qui se passe dans la zone torride ou aux
environs, relativement à l’influence de la lune ,
do-nt l’action sur le corps humain peut provenir
de celle que cette planète secondaire exerce sur
l’atmosphère. Les personnes d’ailleurs qui ont
voyagé , soit dans les Indes ^ soit dans nos co-
lonies de l’Amérique, s’accordent assez sur les
effets nuisible de la lumière de la lune. Sans
vouloir donc ni nier absolument ni défendre
l’action de la lune sur le corps humain dans les
pays méridionaux , nous nous bornons à dé-
sirer que ces observations soient soigneusement
.répétées par des médecins doués d’un esprit
judicieux , et propres à ne point se méprendre
sur la vraie cause des changemens qu’éprou-
vent les maladies. Ainsi nous ne prononçons
point sur les deux premières propositions de
M. Balfour. Quant à la troisième , c’est-à-dire
à l’influence lunaire considérée dans toutes les
parties du "lobe , nous croyons ciue M. Balfour
tire une conclusion trop précipitée , car nous
avons été instruits que , depuis que son premier
ouvrage a paru, on a porté la plus grande at-
tention sur cet objet en Ecosse , et que les
exacerbations lunaires dans les fièvres n’ont
Physique et Médicinale. 5p
nullement paru marquées , comme le prétend
cet auteur.
Passons maintenant à son nouveau Traité sur
les fièvres intestinales rémittentes. Nous remar-
quons d’abord que dans ce dernier écrit M. Bal-
four fait aussi entrer en considération l’influence
diurne du soleil , et qu’il admet des paroxismes
méridionaux qu’il prétend qu’on observe , soit
à midi , soit à minuit. Il admet donc le résultat
d’une double cause qu’il appelle sol-lunaire . Il
auroit pu même en admettre une troisième , qui
est le passage de la lune au méridien , dont la
correspondance avec certains phénomènes des
maladies est si marquée , comme le fait voir
Mead dans ce qu’il dit , de imperio solis et
lunae .
Voici maintenant les règles pratiques que M.
Balfour déduit de ses considérations sur l’in-
fluence sol-lunaire : lorsque les fièvres putrides
intestinales rémittentes ont lieu et qu’elles sont
bénignes , il propose , i°. d’évacuer la matière
contagieuse , s’il est possible , avant que le mu-
cus de l’estomac et des intestins soit infecté et
corrompu , ou avant qu’il se soitfaitune absorp-
tion suffisante pour exciter et pour confirmer
la maladie ; c’est dans cette vue qu’il propose
l’usage des émétiques et de sels purgatifs :
2,°. lorsqu’après l’usage de l’émétique la maladie
paroît établie et confirmée , le temps des pa-
roxismes nocturnes méridionaux doit être con-
sacré, pendant les quatre ou cinq premiers jours ,
à détacher les mucus des intestins par des doses
répétées de mercure doux , prises à l’heure
du coucher 5 ce qu’on doit continuer ensuite
durant le cours de la maladie : 3°. durant les
intervalles méridionaux (c’est-à-dire les heures
les plus éloignées des deux passages du soleil
H 2
6o
Bibliographie
au méridien ) , on donnera vers le matin une
solution laxative d’un sel purgatif pendant les
quatre ou cinq premiers jours de la fièvre :
4°. après l’action du laxatif on nourrira un peu le
malade avec de petites tasses de panade, maison
évitera d’en faire prendre à l’approche de l’exa-
cerbation méridionale : 5°. la continuation de
la lièvre, ou même une augmentation modérée des
symptômes aux périodes lunaires , ne doit point
alarmer , mais il faut persister dans le même
plan de traitement durant les intervalles lu-
naires.
Lorsque la maladie est accompagnée de symp-
tômes de malignité , M. Balfo.ur propose d’ob-
server , durant les trois premiers jours , les
règles qui ont été données pour le traitement
de la fièvre bénigne. Il propose aussi de donner,
immédiatement après l’action du laxatif du ma-
tin du troisième jour, le quinquina en substance
pour prévenir la chute des forces , et on en con-
tinuera l’usage les deux jours suivans, jusqu’à
ce que le malade en ait pris douze gros ou deux
onces. On usera en même temps du laxatif le
matin et du mercure doux à l’heure du coucher ,
et on persistera dans la même méthode de trai-
tement jusqu’à la fin de la fièvre. Il suffit après
cela d’insister pendant quelques jours sur l’u-
sage d’une décoction du quinquina, en interpo-
sant tous les deux ou trois jours une solution
laxative. On ne doit point négliger de donner
quelques prises d’opium pour empêcher le quin-
quina d’être rejetté par le haut ou d’être évacué
par le conduit intestinal.
Ces différentes régies générales , et d’autres
que l’auteur donne , quoique peu opposées au
traitement ordinaire des fièvres rémittentes des
climats chauds , sont cependant en partie rap-
Physique et Médicinale. 6 1
portées par M. Balfour à la théorie de l’in-
fluence sol- lunaire , et si cette théorie est bien
fondée , on n’a pas besoin d’ajouter qu’il ne
peut être qu’utile de les observer. Ce médecin ,
sans prétendre expliquer les causes de cette
influence , se contente de les proposer comme
un résultat des faits. Nous avons déjà exposé
notre opinion sur cet objet , et nous desirons
qu’on acquière de nouvelles lumières sur cette
correspondance des périodes de la lune avec
les changemens qu’éprouvent les maladies.
Il paroît seulement que la médecine d’Europe
n’en a point encore tiré de ressources , et que
nos climats sont peu propres à décider la ques-
tion , mais nous n’invitons pas moins les mé-
decins à ne point négliger cet objet de re-
cherches .
XXXVIII. Philosophical transactions of the
royal society of London , etc. Transactions
philosophiques de la société royale de Lon-
dres , volume LXXXI , pour l’année iyc)i ,
part. I.
I. Parmi les mémoires qui composent le der-
nier volume des Transaction s philosophiques, on.
distingue un nouveau travail de M. Deluc sur
1 hygrométrie. L’auteur donne comme résultat
des recherches qu’il a faites, pendant vingt ans,
sur les anomalies des fils hydroscopiques, i°. que
le feu , comme cause de la chaleur, est le seul
moyen sûr d’obtenir une extrême sécheresse ;
^celle-ci est le produit d’une chaleur incandes-
cente dans toutes les substances hydroscopiques
qui peuvent la soutenir, et on peut ainsi la trans-
mettre à l’hygromètre ; 2°. que l’eau dans son
état de liquidité est le seul moyen sûr de dé-
Bibliographie
terminer le point d’une extrême humidité sur
cet instrument; 3°, qu’il ne fhut pas attendre
cV aucune substance hydroscopique que les
changemens soient proportionnels à ceux de
l’humidité , mais on peut assurer qu’aucune
substance fibreuse ou vasculaire , prise dans sa
longueur, n’est propre pour servir d’hygromètre ;
4°. qu’un moyen de répandre de nouvelles lu-
mières sur la marche d’un hygromètre choisi ,
c’est de le comparer avec les changemens corres-
pondans dans le poids de quelques substances
hydroscopiques.
II. Sur la production de l’ambre gris.
Un commerçant a écrit à M. Bàncks , qu’on
avoit trouvé trois cent soixante - deux onces
d’ambre gris dans le corps d’une baleine prise
sur la cote de Guinée. Une partie de cet
ambre sortoit de l’anus de l’animal, et le reste
s’est trouvé dans le même passage, ou bien dans
une poche un peu au-dessous et qui commu-
■Jiiquoit avec le rectum. Cette baleine paroissoit
fort vieille et dans un état de maladie. On
ajoute qu’aucune des baleines prises par les
vaisseaux anglois employés à cette pêche , n’a-
Voient jamais auparavant donné de l’ambre gris.
• i t > k 1 i i r** /-\ f ■* * ** M ' * t '
III. Obser valions sur l’affuiité qui se trouve entre
les basaltes et le granit.
, £>
Les deux propositions fondamentales que
l’auteur de ce mémoire croit résulter de l’ob-
servation est, i°. que les basaltes ont un tel
Tapport avec le granit qu’on peut suivre le pas*
sage et les changemens gradués de l’un de ces
rochers dans l’autre ; a°. que les basaltes et les
granits sont si contigus et si confusément mêlés
•f un avec l’autre qu’on ne peut que supposer
Physique et Médicinale. 63
qu’ils sont le produit de la même opération de
la nature , qui a agi en même temps. L’auteur re-
jette aussi la division ordinaire des montagnes en
primitives et en secondaires , et il prétend que
les chaînes de granit , de schiste et de pierre
calcaire , sont aussi anciennes les unes que
les autres.
IV. Observations sur certaines excroissances
charnues du corps humain.
Une femme âgée maintenant de cinquante
ans, remarqua il y a environ quatorze ans, une
substance mobile sur le côté gauche de sa tête.
Cette tumeur parvint , par des accroissemens
gradués, à la grosseur d’un œuf de poule ; s’étant
alors rompue , il en découla un fluide épais
et boueux. Après cette évacuation on apperçut
dans le centre de la tumeur une petite excrois-
sance de la grosseur d’un pois et d’une couleur
rouge au sommet ; elle augmenta par dégrés
en longueur et en épaisseur, et continua d’être
souple pendant trois mois : c’est alors qu’elle
prit la consistance d’une corne. Cette femme ,
désespérée par la violence de la douleur , tâcha
de l’arracher environ deux ans et trois mois après
sa première formation. Ce fut avec beaucoup
de difficulté et d’efforts qu’elle parvint enfin à
la rompre vers le milieu , et elle arracha en-
suite la racine de sa tête , en y laissant une dé-
pression considérable qui s’y trouve encore. Sa
longueur, en totalité, est environ de cinq pouces,
et sa circonférence aux deux extrémités est d’un
pouce ; elle est un peu moindre au milieu :
elle est contournée comme la corne d’un bélier.
On voit naître maintenant une autre corne du
bord inférieur de la même dépresssion, et celle-
ci a environ trois pouces de longueur, et elle
est de la grosseur d’une plume d’oie.
64 Bibliographie
On remarque une troisième corne située à la
partie supérieure de la suture l’ambdoïde , et
d’un pouce de long, avec autant de circonférence
à la base. Elle est tournée en bas , en s’élevant
un peu au-dessus de la tète. On a vu naître
aussi deux ou trois cornes dans le même en-
droit , mais la femme les a toujours arrachées.
Toutes ces excroissances cornées sont précédées
de la même sorte de tumeurs enkistées qui , en se
rompant, laissent écouler un fluide boueux. Les
ouvertures d'où la matière découle sont très-
f)ctites. Le Liste s’affaisse et se dessèche en
aissant distinguer la substance charnue qui
croît au milieu. Ces kistes sont peu douloureux
jusqu’à ce que les cornes viennent à pousser ,
mais alors la personne éprouve les plus vives
douleurs presque 6ans relâche.
M. Home , qui rapporte cette observation , en
a joint une autre qui est de la même nature ;
il parle ensuite de divers auteurs qui ont fait,
connoître des excroissances analogues.
XXXIX. Observations sur les maladies , les
blessures et le s autres imperfections des arbres
fruitiers et forestiers de toute espèce , avec une
méthode particulière de les guérir , décou-
verte et pratiquée par G. Forisith , jardinier
du T'oi de la grande Bretagne , à Kensing -
tone y traduites de l’ anglais . A Paris, chez
Théophile Barrois le jeune .
Ces observations sont le fruit d’une longue
expérience , et paroissent montrer de singu-
lières analogies entre le règne animal et végétal.
Elles deviennent sur-tout précieuses dans les cir-
constances présentes , où il importe tant de per-
fectionner la culture des arbres, puisque les bois
deviennent de plus en plus rares.
Physique et Médicinale. 65
XL. Histoire de V Académie royale des sciences ,
année M. DCC. LXXXV11I, avec les mémoires
de mathématiques et de physique pour la
même année , tirés des registres de cette aca-
démie. A Paris , de l’ imprimerie royale ,
J791'
Ce nouveau volume des travaux de l’académie
des sciences commence par un rapport fait
sur le choix cl’une unité de mesures , et sur
un projet de l’uniformité des mesures et des
poids, ce L’établissement d’un système de poids
et de mesures uniformes dans toutes les parties
de la France , et qui ayant pour base uilé unité
naturelle , pût mériter d’être adopté par toutes
les nations , une opinion si grande , si utile,
devoit être un des bienfaits de l’Assemblée na-
tionale. Pouvoit-elle négliger d’épargner au
commerce du temps et des erreurs , d’établir
plus d’union entre les hommes, plus d’égalité
entre les citoyens , Je rapprocher les nations
comme les individus , de donner enfin plus
de justesse aux esprits , en répandant plus de
simplicité, plus de clarté sur des opérations
qui sont pour tous d’un usage habituel et né-
cessaire » ?
On trouve dans le même volume les éloges his-
toriques de MM. de Lassone , du cardinal de
Luynes, de Fouchi et de Buffon. Nous croyons
devoir détacher un des morceaux de ce dernier,
puisqu’il peut servir à donner une juste idée de
cet écrivain célèbre, ce La première classe d’ani-
maux décrite par M. de Buffon est celle des
quadrupèdes; la seconde, celle des oiseaux,
et c’est à ces deux classes que s’est borné son
travail. Une si longue suite de descriptions
Tom. III. N°. VII. Bibliographie. I
66 Bibliographie
sembloit devoir être monotone, et ne pouvoir
intéresser que les savans ; mais le talent a su
triompher de cét obstacle. Esclaves ou ennemis
de rhomme , destinés à sa nourriture ou n’é-
tant pour lui qu’un spectacle , tous ces êtres ,
sous le pinceau de M. de Buffon, excitent al-
ternativement la terreur, l’intérêt, la pitié ou la
curiosité. Le peintre philosophe n’en appelle
aucun sur cette scène toujours attachante, tou-
jours animée , sans marquer la place qu’il occupe
dans l’univers , sans montrer ses rapports avec
nous. Mais s’agit-il des animaux qui sont connus
seulement par les relations des voyageurs , qui
ont reçu d’eux des noms différeris , dont il
faut chercher l’histoire ^ et quelquefois dis-
cuter la réalité au milieu des récits vagues
et souvent défigurés par le merveilleux? le
savant naturaliste impose silence à son ima-
gination, il a tout lu , tout extrait , tout ana-
lysé, tout discuté. On est étonné de trouver
un nomënclateur infatigable dans celui de qui
on n’attendoit que des tableaux imposans ou
agréables ; on lui sait gré d’avoir plié son génie
à des recherches si pénibles , et ceux qui lui
auroient reproché peut-être d’avoir sacrifié
l’exactitude à l’effet , lui pardonnent et sentent
ranimer leur confiance
En nous bornant plus particulièrement , dans
ce nouveau volume , aux objets qui ont un
rapport plus direct à notre Journal , nous ferons
remarquer quelques mémoires d’histoire na-
turelle , de physisique ou de chimie j nous y
joindrons quelques notices simples , pour ré-
veiller l’attention du lecteur sur les nouveautés
et pour l’engager à consulter l’ouvrage même.
Physique et Miêbïcïïtàei. Gy
\
ù Mémoire oh Von expose une méthode ana-
lytique , pour résoudre les problèmes re>
loti. fs à la structure des cristaux , par M*
l'abbé H an y.
On sait que cette idée d’appliquer la géo-
métrie à reconnoître les loix de la figure des
cristaux , en attendant qu’elle puisse calculer
celle de leur formation proposée d’abord par
M, Bergman , a été suivie avec tant de succès
par M. Hauy, qu’elle est devenue en quelque
sorte son domaine.
AI é moire sur la double réfraction du spath
dislande , par M. l’abbé Hauy.
Le phénomène d’un corps transparent , dans
lequel un rayon de lumière éprouve une ré-
fraction double, est très-sensible dans le cristal
d’Islande , et peut être observé dans plusieurs
autres substances cristallisées. Newton en a
donné une explication, qui suppose que ces
substances exercent sur les rayons de lumière
une action particulière.
Analyse de la prase et de la chrysoprase ou
calchedoine verte de Cosemitz , en Silésie >
dans le comté de Glatz , par M. Sage.
L’espèce d’agathe verdâtre , connue sous le
nom de prase , est colorée par le cobalt et le-
nikel ; elle porte le nom de chrysoprase , lors-
qu’elle est parsemée de taches couleur d’or ,
et alors elle contient de la terre /inartiale-
jaune-.
I a
63
Bibliographie
Analyse du spath pesant, transparent et strié
d’ Alston moor , par le même .
Ce spath très-pur ne contient , ni terre cal-
caire , ni chaux métallique, lorsqu’il est blanc et
transparent. M. Sage examine clans ce mémoire
les sels formés par la combinaison de ce spath
avec les trois acides minéraux.
Mémoire sur le muscadier myristica , par M. de
la Mark.
Quoique le fruit du muscadier soit en usage
depuis plusieurs siècles , le monopole exercé
sur le commerce des épiceries par les Hollan-
dois , avoit empêché jusqu’ici de CQnnoître
l’arbre qui le produit; M. Poivre l’a transporté
à l’isle de F. ance , et c’est à des branches de
cet arbre , < nvoyées à M. Géré , directeur du jar-
din du roi dans cette isle , que nous en devons
la première description exacte. Les fleurs mâles
et les fleurs femelles se trouvent sur les indi-
vidus séparés.
Recherches sur l’espèce d’acier la plus propre
à recevoir la vertu magnétique , par M .
Brisson.
ïl résulte des expériences rapportées dans
ce mémoire, que l’acier d’Angleterre est le plus
prop re à recevoir la vertu magnétique $ l’acier
d’Allemagne , connu sous le nom (SI étoffe des
sons , vient immédiatement après. Les aciers
fondus ne peuvent acquérir que très-peu de
force magnétique.
Physique et Médicinale. 69
Mémoire sur la. combustion de plusieurs corps
dans le gaz acide muriatique oxigênê , par
M. Fourcroy.
L’objet principal de ce mémoire est de mon-
trer cpiie l’air ou le gaz , oul’oxigène muriatique
oxièéné , sert à la combustion comme l’air vital,
mais en présentant des phénomènes particuliers.
Le gaz oxigène existe à la vérité dans cet air
muriatique , mais dans un état de combinaison,
et non simplement mêlé avec d’autres airs ,
comme dans l’atmosphère.
Mémoire sur les phénomènes qui ont lieu dans
la précipitation des dissolutions métalliques
par V ammoniaque ( alkali volatil ) , par M .
Fourcroy.
Les phénomènes que présente la précipita-
tation des métaux par l’alkali volatil, n’ont
pu être bien analysés tant qu’on a ignoré que
î’ alkali , formé par la combinaison de l’azote
et du gaz inflammable, se décomposoit plus ou
moins dans cette opération. M. Fourcroy pré-
sente ici l’analyse de ces phénomènes.
»
Observation sur une espèce de vareck qui
croît sur les côtes oc ci de n ta le s de la basse
'Normandie , et sur une petite coquille qui se
loge dans le tronc de cette plante , et g prend
son accroisement , par M. le Gentil.
Cet auteur a observé que presque toutes les
tiges d’une espèce de vareck qu^il a rencontrée
sur les côtes de Normandie , servoient de re-
traite à un petit coquillage du genre des pa-
rjo Bibliographie
telles qui., s’établissant dans ces tiges, y forme
une cavité ou il vit, et à laquelle il est adhérent.
Ce coquillage est d’une couleur verdâtre, très-
approchante de celle de la plante.
‘Recherches su r un arbrisseau connu des an-
ciens sous le nom de lotos de hybie , par
M. Desfontaines.
t
Dans les temps où les peuples n’avoient point
de communication entre eux , la nourriture com-
mune des hommes de chaque pays devoit être
îa graine , le fruit , la racine qu’on y trouvoit
en plus grande abondance , qui exigeoit le
moins de soin , dont la récolte étoit moins su-
jette aux accidens. Cette nourriture commune
devoit être plus variée qu’on ne l’observe au-
jourd’hui, où des rapports plus longs et plus
fréquens entre les peuples, les ont rapprochés
davantage dans leurs habitudes. Les poètes,
les historiens , les naturalistes anciens ont beau-
coup parlé d’un peuple d’Afrique , qu’ils ap-
pellent l otopliage s ; mais l’on ignoroit quelle
étoit cette nourriture sur laquelle ils ne nous
avoient donné que clés notions vagues , mêlées
de beaucoup de fables. M. Desfontaines , qui
a visité le pays habité autrefois par ces peuples ,
prouve que le lotos étoit une espèce de jujubier
très-commun encore dans le pays.
Manière de construire un aréomètre qui soit
tel que les pesanteurs spécifiques qu'il in-
dique , soient en raison inverse des volumes
qu’il mesure y et qui y en conséquence y fait con-
no/lre la pesanteur spécifique des liqueurs par
la simple immersion , et sans qu’il soit besoin
d’aucun calcul , par M Brisson.
I
Physique et Médicinale. 71
Sixième mémoire sur V électricité , par M.
Colomb.
Suite des recherches sur la distribution du
Jiuide électrique entre plusieurs corps con-
ducteiu's : détermination de la densité élec-
trique dans les différons points de la surface
de ces corps.
Dans ces mémoires , l’auteur suit constam-
ment la même marche. Il cherche par l’expé-
rience seule la loi clu phénomène qu’il exa-
mine , et ce n’est qu’après l’avoir trouvée qu’il
examine , par le calcul , si cette loi est d’accord
avec celle que les premières expériences lui
ont fait reconnoître avec les principes généraux
qu’il en a déduits.
Observation sur la manière de former l' alun
par la combinaison directe de ses principes
constituons , par JM. Chaptal.
Cette combinaison, faiteimmédiatement, excé-
deroit dans beaucoup de pays ]e prix commun
de l’alun. M. Chaptal propose de l’exécuter en
soumettant la terre argilleuse, qui est la base de
ce sel , à l’action de l’acide qui se dégage pen-
dant la combustion du souffre 3 mais si 011 en-
duit de plomb la chambre où cette combustion
s’exécute, il en résulte une dépense trop con-
sidérable encore. Il falloit donc chercher un
mastic inattaquable par cette vapeur , qui l’em-
pêchât de s’échapper , et que la chaleur ne pût
ni gercer , ni faire couler. Un mélange de
partie égale de poix résine , de térébentine et
de cire , lui $ présenté tous ces avantages , et
yz Bibliographie
ce mastic peut devenir utile à beaucoup d’autres
usages importans.
XLI. Cours d'étude pharmaceutique , par E. J.
, B. de la Grange , membre du college de phar-
macie de Paris y 4 vol. in-8° .
Cet ouvrage est particulièrement destiné aux
élèves en médecine, chirurgie et pharmacie :
il sera divisé en quatre parties ; la première
contiendra les élémens de la physique ; la se-
conde traitera des médicamens simples ; la
botanique sera l’objet de la troisième partie ; la
quatrième enfin contiendra les élémens de la
ciiirnie pharmaceutique.
Ceux qui désireront acquérir cet ouvrage,
sont priés de faire leurs soumissions simples
chez II. J. Jansen, imprimeur-libraire, cloître
Saint-Honoré. Le prix des quatre volumes
sera de quinze livres pour les souscripteurs.
XLII. Verhan deling over etc. Traité des fièvres
eu général y et en particulier de la fièvi'e pu -
tr'uie et de la disse literie qui ont fait depuis
les douze dernières années tant de ravage
dans les Pays-Bas ; par M. Van-Baregem ,
docteur en JSlédecine , etc. A Termonde , chez
la veuve Ducaju, etc. , 3 vol, in-8°.
L’auteur cherche à détruire , dans le premier
volume, les abus et les préjugés innombrables qui
déshonorent encore la Médecine et les sciences
qui en font partie. Il propose au gouvernement
plusieurs moyens de les reformer. Dans les vo-
lumes suivans, M. Van-Baregem ne traite que des
maladies énoncées dans le titre de l’ouvrage ,
et une pratique paroît lui avoir fourni de fré-
quentes occasions de les observer.
Physique et Médicinale. Si
XL VI. Observations de physique et de médecine
faites en différons lieux de lé Espagne ; on y a
joint des considérations sur la lèpre , la petite-
vérole , et la maladie vénérienne , par M.
Thiery j docteur régent de la faculté de mé-
decine de Taris , médecin consultant du
roi , etc. A Taris , au bureau du Cercle
social , rue du Théâtre François 3 1791, a
vol. in- 8°.
1
<c L’état ancien et moderne d’un peuple,
w dit l’auteur dans son avant-propos , ses mœurs,
33 son caractère nous fournissent de bons mé-
33 moires pour faire l’histoire de l’esprit hu-
33 main. Les médecins, parleurs études, sont
33 plus propres à ce dessein. Ils savent com-
>3 bien le tempérament détermine les qualités
3» de l’esprit, et combien le climat influe sur
33 les dispositions du corps Quand , après
33 un bon nombre d’observations assidues et
33 exactes autant que je l’ai pu, faites dans
» la capitale et aux environs , je crus avoir
33 acquis des connoissances suffisantes sur
33 la partie centrale de l’Espagne , je de-
33 sirai de les étendre sur plusieurs autres lieux
33 de la presqu’île que mes occupations jour-
33 nalières auprès de mes malades m’empêchoient
33 de visiter moi-même. Il n’y avoit d’autre
33 moyen de remplir mes vues à cet égard
33 qu’en m’établissant des correspondances avec
33 les médecins les plus distingués de ces di-
,33 verses contrées 33. On voit , d’après ce qui
vient d’être rapporté , le but que l’auteur s^est
proposé dans son. ouvrage et le zèle qui l’a
animé pour le remplir ; il donne des connois-
sances bien plus étendues sur les maux épi-
Tom. III . N°. XI. Bibliographie. L
§2 Bibliographie
démiques de la Castille et de Madrid que ne
l’ont fait François Valiez et Louis Mercado ,
célèbres médecins espagnols du seizième siècle.
L’auteur , après des considérations topogra-
phiques sur la Castille et sur la ville de Ma-
drid , donne la description d’une colique qui
Ï)aroissoit épidémique dans cette capitale de
'Espagne ainsi qu’aux environs. Les malades
étoient tourmentés de vomissemens presque con-
tinuels ; les matières qu’ils rejettoient par le
haut avec les plus grands efforts étoient re-
marquables par leur couleur verte et leur té-
nacité 3 ces évacuations sembloient les soulager
pour quelques momens , mais bientôt la douleur
les reprenoit avec la même violence : à des cris
aigus succédoient tantôt un morne silence qu’ac-
compagne l’expression de la plus vive dou-
leur , tantôt de longs géinissemens. La cons-
tipation étoit opiniâtre , et on parvenoit
très-difficilement à la vaincre par des lavemens
et des laxatifs. Cette colique se terminoit assefc
fréquemment par la paralysie , sans que néan-
moins le sentiment en fût généralement affecté ;
ce qu’il y avoit de particulier c’étoit que le
pouls étoit rarement concentré durant même
que le malade éprouvoit des douleurs inex-
primables. L’auteur fait des remarques judi-
cieuses sur l’emploi de la saignée et l’usage
des relâchans pris à l’intérieur, qui se trou-
voient ou insuffisans ou nuisibles contre cette
maladie ; il tire ses indications de la nature de*
matières que les malades rendoient , de l’état
actuel des symptômes et de l’analogie de cette
colique avec celle qui est connue en France
sous le nom de colique du Poitou , et qu’on
guérit à Paris par l’émétique et de forts pur-
gatifs : il adopta donc une méthode çurativ»
Physique et Médicinale. 83
opposée à celle qui étoit en usage à Madrid ,
et il se félicite d’en avoir obtenu les succès
les plus marqués : il donnoit donc l’émétique
à la dose de trois ou quatre grains dans une
pinte d’eau , et il distribuoit le tout en six ou
sept portions afin de s’arrêter selon l’effet.
Le moindre avantage fut que les vomissemens
de bile verte se changeoient promptement en
vomissemens de bile jaune ; le soulagement
étoit marqué dès le jour même. Le soir il
donnoit un calmant , les- gouttes anodines de
Sydenham ou la thériaque j le lendemain des
pilulles gommeuses , avec la rhubarbe et quel-
ques fondans purgatifs ; il soutenoit leur effet
par quelques apozêines laxatifs ; il finissoit par
un vrai purgatif combiné avec la décoction
du bois des Indes. Tous les malades guérirent
sans exception ; dans ce nombre il s’en trou-
voit plusieurs qui } affligés de ce mal plusieurs
mois avant son arrivée , n’avoient pas pu se
rétablir encore.
On trouve dans le second volume des dé-
tails intéressans sur la mine de mercure d’ Af-
in aden qui ont été communiqués à M. Tliiery
par le docteur Arebalo , médecin de l’hôpital
royal des forçats de cette ville. Il est a pré-
sumer que ces mines , plus ou' moins profon-
des , s’étendent fort loin en suivant la direction
des montagnes qui courent de l’est à l’ouest
sans interruption considérable , car à Alicante
( placé sur la même ligne et à la même lati-
tude ) , où ces montagnes vont aboutir , on a
trouvé nouvellement une mine de mercure. La
surface du sol offre d’abord une pierre sablon-
neuse qui marche par couches d’orient en
occident ; on rencontre ensuite l’ardoise , et
on parvient ensuite à la mine qui est plus ou
L 2
U
Bibliographie
moins enfoncée. La superficie étant de pierre ;
aussi- tôt qu’on commence à creuser , on voit
paroître en quelques endroits des «lobules de
mercure pur. Entre l’ardoise et le minerai
on découvre assez souvent des croûtes de terre
crétacée (qu’on nomme caliches ) , desquelles
il sort quelquefois des jets de mercure aussi
liquide et assez abondans pour pouvoir en amas-
ser par arrobes. Il n’en coule jamais de la
masse du minerai où il est uni au souffre , et
sous forme de cinnabre.
Dans tous les lieux d’où l’on tire le minerai,
la chaleur est si grande que les ouvriers sont
obligés d’être nus , et malgré cette précaution
ils ne cessent de suer , sur tout si le minerai
est fin , abondant , et si l’air n’est pas renou-
vellé. Dès qu’un petit garçon de la ville d’Al-
maden est assez fort pour porter un poids de
douze livres, il entre dans lamine et commence
par aider les ouvriers ; son travail augmente
avec les années et change d’objet par degrés ,
mais il y passe , sa vie , qui le plus ordinaire-
ment n’est guère que de soixante ans au plus.
Les maladies les plus communes chez les mi-
neurs sont celles de la poitrine , la pleurésie,
la péripneumonie , l’hémoptisie , l’asthme con-
vulsif , la toux. On les voit aussi sujets au
vomissement de
sang
au tremblement des
membres , aux inflammations de la bouche et
du gozier , d’où s’ensuivent la salivation et des
ulcères semblables à ceux qu’on observe dans
l’usage des frictions mercurielles contre le mal
vénérien. Ceux qui sont occupés à la fonte du mi-
nerai sont exposés aux mêmes maladies; le mer-
cure qui se volatilise pénètre avec facilité leurs
corps , au point qu’ils rendent parmi les ma-
tières fécales beaucoup de mercure en petites
Physique et Médicinale. 85
globules très-visibles. Un auteur rapporte aussi
qu’en ouvrant des sépultures à Almaden on
a cassé des os , et qu’on en a vu sortir du
mercure.
Qui auroit jamais soupçonné que dans un
lieu où on respire pour ainsi dire avec l’air
des émanations mercurielles , les vers soient
un mal endémique ; c’est cependant ce que
l’observation atteste. On voit journellement les
malades rejetter par le vomissement des poches
de lombricaux , et dans le traitement de tou-
tes les maladies on doit avoir égard à la pré-
sence des vers qui les compliquent. Ainsi les
lièvres étant dérangées dans leur marche , leurs
symptômes dénaturés et leur caractère masqué,
rien de plus aisé que l’erreur , si l’on n’a soin
de s’en garantir par la plus exacte observation
des signes. Les maux vénériens sont extrême-
ment communs dans ce lieu ; ce qui dépend
du concours de beaucoup d’étrangers et de
vagabonds des deux sexes, qu’on y amène
de tous côtés pour travailler aux mines , in-
dépendamment des troupes réglées pour les
contenir. Les lia bit an s d’ Almaden sont donc
infectés au point qu’il s’en trouve à peine
quelqu’un qui en soit exempt. Mais en gé-
néral ces maux y font moins de ravages qu’ail-
leurs ; on en est quitte pour quelques dou-
leurs ou une gonorrhée légère ; on y observe
très-peu d’ulcères au-dehors des pustules ou
des bubons. On se guérit aisément par les dé-
coctions anti- vénériennes , sans qu’ils soit be-
soin de recourir , sinon en des cas rares , à
l’usage du mercure , employé d’ailleurs inté-
rieurement ou extérieurement en frictions ; il
produit à Almaden, comme dans les autres con-
trées , la salivation et la sueur.
86 Bibliographie
L’auteur , après clés observations curieuses
de topographie médicale sur la Saragosse , la
Navarre, la Biscaye , les Asturies et la Galice ,
finit son ouvrage par des considérations sur
la lèpre , la petite- vérole et le mal vénérien.
XLVII. Bibliothèque physico économique , ins-
tructive et amusante, année 1 792 ou 11e. année \
contenant des mémoires , observations prati-
ques sur V économie rurale ; les nouvelles
, découvertes les plus intéressantes dans les
arts utiles et agréables ; la description et
la figure des nouvelles machines , des ins-
trumens qui on peut y employer , d’apres les
expériences des auteurs qui les ont imagi-
nées ; des recettes , pratiques , procédés ,
médicamens nouveaux , externes ou inter-
nes , qui peuvent servir aux hommes et aux
animaux ; les moyens d’arrêter et de pré-
venir les accidens , d’y remédier , de se ga-
rantir des fraudes ; de nouvelles vues sur
plusieurs points d’ économie domestique , et
en général sur tous les objets d’utilité et
d’ agrément dans la vie civile et privée , etc.
etc. On y a joint des notes que ion a cru
nécessaires à plusieurs articles. 2 vol. in- îz.
avec des planches en taille douce . Prix ,
ô liv. g sols broché , franc de port par la
poste. A Paris , chez Buisson , libraire , rue
Plaulefeuille , n° . 2.0.
Cet ouvrage forme actuellement 18 vol. in- 12
avec beaucoup de planches en taille-douce ;
savoir, l’année 1782, 1 vol. ; 1788, 1 vol.j
1784^ 1 vol. ; 1780 , 1 vol. ; 1786 , 2 vol. ,
1787 , 2 vol. 5 1788 2 vol. ; 1789 , 2 vol. ;
1790, 2 vol. j 1791, 2 vol. -, 1792 , 2 vol.
Physique et Médicinale. 87
Chaque année se vend séparée au prix de 2 liv.
12 sols le vol. broché, franc déport par la poste.
XL VIII. Galen vomaderlassen , etc. Galien sur
la saignée , contre Erasistrate , traduit du latin
par le docteur de Sallaba. A Vienne , et
se trouve à Strasbourg, chez Amand-Kœnig ,
1791 ^ petit z/z-8°. de i5o pag. : prix 1 liv.
8 sols.
Les médecins connoisscnt assez ce que l’an-
tique Galien a écrit sur la saignée , contre le
médecin Erasistrate • mais en leür offrant cette
traduction allemande le but de M. Sal-
iaba est dirigé vers d’autres objets ; il s’a-
git de détruire l’impression qu^a pu faire sur
le peuple du Nord un écrit que M. le pro-
fesseur Nowtein a fait répandre avec profu-
sion en langue vulgaire , contre l’usage de la
saignée.
XLIX. Vratische ansreisung furden burgêr
and landmaiin , etc. C’est-à-dire , Instruction
pratique pour apprendre aux citoyens et
gens de la campagne à se guérir radicale-
ment en peu de temps , et sans secours de pei'-
sohne , toutes les maladies , et même celles
des bestiaux. A Ncu wied , en commission ,
et se trouve à Strasbourg , chez Amand-
Kœnig , libraire. 1792. in- 8°. de i5o pag. :
prix 1 liv. 4 sols.
Le titre de ces opuscules annonce assez clâi-
rementles objets dont ils traitent ; mais la table
des matières les indiquera encore mieux. Une
partie s’énonce ainsi : remèdes contre l’hydro-
pisie, la pierre ,1a diarrhée, les convulsions.
»
88 Bibliographie
etc. Tout cela nous paroît tenir beaucoup du
charlatanisme.
L. Handbuch der practisches pharmacologie ,
etc. c'est-à-dire , Manuel de pharmacologie
pratique , par une société de médecins pra-
ticiens. A Halle } et se trouve à Strasbourg ,
chez Amand-Kœnig , 1792., grand in- 8°. de
55z pag. , non compris une introduction : prise
6 livres.
Ce traité est divisé en trois parties. Il est fait
mention dans la première des médicamens sim-
ples tirés des trois règnes de la nature , exami-
nés et décrits d’après toutes les qualités phy-
siques qui les font distinguer, qui en déterminent
un bon choix ou les font rejetter : les meil-
leurs praticiens ont servi de règles pour en ad-
mettre les vertus. La seconde partie traite des
remèdes composés les plus estimés et les plus
universellement recommandés $ la manière de
les préparer , de les conserver , ensemble leurs
propriétés médicinales établies avec soin. La
troisième offre des méthodes pour bien for-
muler.
Caroli à Linné , etc. systema naturae per régna
tria naturae fecundum classes , ordines , gé-
néra , species cum caracteribus , dijj'e rendis ,
synonymis, locis , tom.J.pars VI, editio décima
tertio. ; curâ J. Fred. Gosselin. A Leipsick , et
se trouve à Strasbourg , chez Amand Kœnig ,
Libraire ; et à Paris , chez Croullebois ,
Libraire , rue des Mathurins 1791. Prix ,
9 liv. 10 sols.
Quelle recommandation, pour un ouvrage de
science , que d’en être à sa treizième édition !
m r
Physique et Médicinale. 89
LU. Lettre de M. Dufresnoi , médecin consul-
tant des armées du roi, ancien médecin de S.
J\ï. en Allemagne , etc. d ale ne ie une s , ijy 2,
brochure de ix pages.
M. Dufresnoi expose dans (jette lettre l’ob-
jet du procès qui a existé entre le ci-devant
corps des médecins établis de tous temps à
Valenciennes , et Je sieur Baudouin ? méde-
cin en cette ville ; nous n’entrerons point dans
les détails qui pourraient n’intéresser qu’un
petit nombre de nos lecteurs ^ et nous nous
bornerons à parler des effets du champignon,
meurtrier , employé contre la phthisie tuber-
culeuse. Voici la copie d’une lettre écrite sur
cet objet par M. Wattecamps , à M. Baume 3
professeur de médecine à Montpellier.
Lié depuis long -temps avec M. Dufresnoi
par les mêmes goûts pour l’étude des plantes ,
je me fais un devoir de vous écrire ce qué j’ai
observé des effets du champignon meurtrier ,
qu’il employé pour combattre la phthisie tu-
berculeuse et la vomique. Depuis trois ans j’ai
eu de fréquentes occasions de m’assurer par
moi-même des succès de cette plante , en sui-
vant régulièrement les visites de ce médecin à
l’hôpital militaire , et j’ai vu que l’éloge bien
mérité que MM. les officiers de santé lui ont
donné , étoit bien au-dessous des effets inat-
tendus qu’elle a produits sous mes yeux.
Il serait à desirer Monsieur , que les mé-
decins botanistes s’appliquassent à découvrir
les vertus de nos plantes indigènes , plutôt que
d’aller dans les contrées éloignées en chercher
de nouvelles , qui n’ont souvent d’autres avan-
tages sur les nôtres que celui d’être plus rares.
Tom. IV. N°. Ier . BiELiQGE.ArüïE. M
q o Bibliographie
C’est encore avec une plante que nous fou-
lons .aux pieds et que nous payerions au poids
de l’or, si elle venoit des Indes , que M. Du-
fresnoi a combattu , avec le plus grand succès,
les fièvres putrides épidémiques qui ont régné
dans la garnison de cette ville en 1789 et 1790 ,
puisque sur plus de 3oo soldats qui ont éprouvé
cette redoutable maladie , il n’en est pas mort
im seul.
Ce ne sont point là les seules découvertes
utiles dont M. Dufresnoi a enrichi l’art de
guérir 3 le narcisse des prés vient d’avoir le
succès les plus marqué sur un épileptique
de cette ville , qui avoit employé sans succès
la racine de valériane sauvage , et qui depuis
deux ans qu’il prend l'infusion des fleurs de
cette plante , n’a ressenti que deux accès très-
foibles , au lieu de 8 ou 9 qu’il éprouvoit cha-
que année avec la plus grande violence.
Pour ce qui est du l'Zius radie ans , dont M.
Dufresnoi nous a fait également connoître les
vertus contre la paralysie des extrémités infé-
rieures , je sais que c’est avec l’extrait de
cette plante que M. Pierre , médecin de la
plus grande réputation à Mézières , vient de
"guérir la paralysie de mademoiselle de Han de
Mazerny , qui avoit résisté aux remèdes des
plus célèbres médecins de Paris, aux bains de
Bourbonne , ect. ect. M. Van-mons , secré-
taire de la société de physique de Bruxelles,
mande que le rhus radicans vient d’opérer
dans cette ville une cure plus éclatante que
celles qui sont rapportées dans l’ouvrage de
toutes M. Dufresnoi. Enfin. M. de Blangy,
lieutenant- général des armées du roi , assure,
dans sa lettre du 10 décembre dernier , qu’il
vient de faire parcher un jeune homme de 27,
Physique et M é. b i c i h a l e . 9.1
ans , paralytique depuis 6 mois , en lui faisant
prendre l’extrait du rhus radie ans.
Signé y Wattecamps, médecin pensionnaire
de la ville de Valenciennes
LUI. Mémoire sur la question proposée pari’ aca-
démie de chirurgie de Paris , pour le prix
de 1792. , en ces termes : Déterminer la
meilleure forme de diverses aiguilles propres
à la réunion des plaies , à la ligature des
vaisseaux et autres cas oh leur usage sera
jugé indispensable , et décrire la méthode
de s’en servir , par J. J. Lamole. A Pajis ,
chez l’auteur , rue Galande , N°. 33- De
V imprimerie de Didot le jeune , zypa. Prix
y o sols.
Ce mémoire est divisé en trois parties \ dans
la première , l’auteur examine tous les cas où
l’usage des aiguilles est indiqué ; il parle-d’a-
bord des plaies où l’usage de cet instrument
peut devenir nécessaire , et il fait remarquer
sur - tout que la suture aux parois du ventre
et des intestins , comme on la pratique , ne se-
conde point l’intention de la nature. Pour
mieux prescrire un usage raisonné du même
instrument , il examine avec attention les effets
qu’ilpeut produire. Dans la seconde partie l’au-
teur donne une description des aiguilles les
plus propres à la réunion, des plaies. Il pro-
pose un instrument commode et simple , pour
les cas où il faut faire la ligature d’un vais-
seau profond. Enfin il parle des liens dont les
aiguilles doivent être armées } et il proscrit en
même temps la suture entortillée. La troisième
partie renferme quelques préceptes généraux
M 2,
92 B ï B I I O G a À PHIe
sur la manière cle se servir des aiguilles dans
tous les cas ; elle proscrit la sature enche-
villée , et propose un moyen qui doit rendre
l’effet de la ligature plus certain dans le cas»
d’anévrisme à une grosse artère.
35 Pour donner un exemple des préceptes que
donne l’auteur , nous nous, arrêterons sur ce
qu’il dit des aiguilles propres à la ligature des
vaisseaux. Il est des cas simples, dit M. Lamole ,
où l’on pourra avec facilité et sans inconvénient
se servir , pour faire la ligature des vaisseaux ,
des aiguilles dont on se sert pour la réunion
des piales , et si toujours le vaisseau etoit super-
ficiel et facile à distinguer des autres parties ,
il seroit inutile d’en avoir d’autre ; mais quand
on doit lier un artère profonde , comme la
poplitée , l’axillaire ect. , il est très -difficile
et peut-être impossible de les atteindre con-
venablementavec ces aiguilles: il faut pour cela
une courbure rapide qui puisse aller facilement
au fond de la plaie , en écartant le rnoinS
possible les bords , passer sur un côté du vais-
seau derrière lui , et paroître au côté opposé
pour laisser le fil à sa place >3. Voici l’instru-
ment simple qu’il croit pouvoir remplir ses
Vues.
« Une tige d’acier, longue de sept pouces ,
ayant une grosseur convenable pour lui donner
la force suffisante avec la figure qui lui con-
vient. Le corps de cette tige doit avoir la même
forme et les mêmes dimensions que celui des
autres aiguilles , à cela près de la grosseur ab-
solue. Ses deux extrémités formeront deux ai-
guilles de grandeur différente , et pour cela
elles seront courbées en sens opposé de ma-
nière à former deux moitiés de cercle , dont le
diamètre sera d’un pouce pour la plus grande
Physique et Médicinale. 93
et de neuf lignes pour l’autre. La grosseur de
chacune sera proportionnée à sa longueur.
Leur pointe sera mousse et non tranchante ,
seulement assez aiguë pour traverser le tissu
cellulaire , figurée d’ailleurs comme les autres
aiguilles ».
Les objets exposés dans ce mémoire sontr
décrits avec clarté; mais on n’y trouve pres-
que point d’observations nouvelles qui puis-
sent ajouter aux connoissances qu’on a déjà
acquises. Des préceptes qui ne sont pas étayés
sur des faits bien circonstanciés , restent tou-
jours vagues et ne font qu’une foible impres-
sion dans l’esprit. La ligature des vaisseaux
est un point chirurgical sur lequel il a para
des faits nouveaux ces dernières années , et il
en a même été publié dans ce journal , dont
l’auteur n’a point pris connoissance.
LIV. Médical communications , -vol. 1 1 , London.
Ce recueil d’observations dont on publie de
temps en temps de nouveaux volumes à Lon-
dres, contient indistinctement plusieurs objets
de médecine et de chirurgie qui font voir les
progrès successifs de l’art de guérir. Comme
tous ces objets forment des articles séparés ,
et qu’il seroit trop long d’en donner l’extrait ,
nous nous bornerons à quelques exemples.
Observations sur les effets du camphre appli-
qué extérieurement dans quelques cas de
rétention d’urine , par J. Latham , chirur-
gien à Dartfort.
Un homme de soixante-dix ans, d’une consti-
tution délicate , mais assez bien portant , avoit
toujours suivi un régime régulier , et avoit cou-
q4 - B I B £ I O G R A P H I 2
tume de se livrer chaque jour à quelque exer-
cice du corps , sur-tout à celui du cheval. Le
10 novembre, quatre jours avant la visite de
M. Lantham , il gagna un rhume à la suite
d’une pluie violente qu’il essuya étant à che-
val , et le lendemain il éprouva quelque dif-
ficulté'à uriner ; mais elle n’étoit pas plus
grande que celle qu’il avoit fréquemment éprou-
vée auparavant, car depuis quelques années
11 n’étoit point en état de retenir son urine
pendant quelque temps sans inconvénient.
Le 14 du même mois , il survint une réten-
tion d’urine accompagnée d’efforts violens et
douloureux pour la rendre , avec un pouls
vif et un peu de soif. On crut convena-
ble de le saigner , après quoi on lui fit pren-
dre , pour le purger , un peu d’huile de succin,
et on y joignit un demi-bain. Ces moyens ne
produisant point l’effet désiré , le cathéter
fut introduit , ce qui fit évacuer une grande
quantité d’urine. On lui prescrivit ensuite un
peu de manne avec de l’huile d’amandes douces
de quatre en quatre heures.
Le 10 le cathéter fut introduit de nouveau ,
et cette opération fut répétée une ou deux
fois jusqu’au 37 ; 011 lui ordonna alors de pren-
dre du quinquina , et on appliqua sur le pu-
bis un linge trempé dans l’eau froide. Le ma-
lade ne fut point soulagé , au contraire l’ir-
ritation pour uriner devint plus violente , et
lorsque le cathéter étoit introduit, 011 n’éva-
cuoit guère plus que la moitié de la quantité
ordinaire d’urine 3 le pouls étoit ainsi beau-
coup plus accéléré , et on observoit d’autres
signes d’une inflammation augmentée , en sorte
que ce n’étoit qu’avec beaucoup de difficulté
qu’on étoit parvenu à introduire le cathéter*
Physique et Médicinale. ç5
M. Latham crut donc devoir reprendre son pre-
mier plan de traitement, comme la saignée, la
purgation avec l’huile de succin, ect. Après la se-
conde saignée , le malade se trouva presque au
même état où il avoit été réduit avant de
prendre le quinquina. M. Green prescrivit le
musc à forte dose , ayan t comme ^ il le dit, trouvé
qu’il réussissoit dans des cas semblables , après
que d’autres remèdes n’avoient produit aucun
effet ; mais il n’eut aucune efficacité à l’égard
de ce malade.
Dans une de ces visites , M. Latliain dit
au médecin qu’il avoit lu quelque part des
exemples des bons effets du camphre contre
les stranguries , en l’appliquant en topique.
Il rappeila en même temps que le camphre
étoit employé en général dans la pratique pour
contrebalancer l’irritation des cantharides sur
les voies urinaires ; on crut donc devoir es-
sayer le même remède dans le cas présent de
strangurie. On composa donc un liniment pré-
paré avec de l’huile d’amandes et autant de
camphre que cette huile pouvoit en tenir en
dissolution. M. Latham prescrivit de frotter
avec ce liniment , de quatre en quatre heures ,
l’intérieur des cuisses depuis les aines jus-
qu’au genou , en faisant de même à la région
du pubis. A la seconde application , le ma-
lade vuida environ demi-once d’urine , et con-
tinua d’en évacuer en plus grande quantité
de temps en temps; l’usage du cathéter, qui
avoit été introduit précédemment plus de 67
fois , ne fut plus nécessaire , et par des remèdes
convenables et un régime restaurant , le ma-
lade recouvra ses forces ordinaires sans éprou-
ver après cela aucun retour de strangurie.
Marie Croifs, d’un âge moyen et d’une cona*
BiBxioGRAriiiE Phys, et Médici.
ti tu Lion délicate , fut attaquée d’une rétention
d’urine après s’être exposée au froid. Lorsque
M. Latham fut appelle , il pratiqua une sai-
gnée et prescrivit un purgatif et une appli-
cation d’eau froide sur la région du pubis. C,es
remèdes n’avant produit aucun soulagement , il
évacua, par le moyen du cathéter, une grande
quantité d’urine , et ii prescrivit ensuite un
clystè're qui contenoit soixante gouttes de tein-
ture d’opium , et un demi-gros de camphre,
ce qui procura du repos et du sommeil , mais
ne produisit aucun soulagement de ,1a maladie.
M. Latam fit par conséquent usage du lini-
înent camphré, comme dans le cas précédent
et dans peu de temps la malade évacua un
peu d’urine , après quoi ii ne fut nécessaire
de recourir que deux fois au cathéter , la santé
étant parfaitement rétablie. Une année après,
la même affection se renouvella ; la saignée et
les laxatifs furent employés de nouveau sans
fcuccès : le Uniment camphré réussit alors
comme auparavant , et la malade depuis cinq
années est restée bien portante.
La 'rétention d’urine n’est point rare après
des accouchemens laborieux , et dans de pareils
cas l’usage du cathéter , avec un régime ra-
fraîchissant, est en général propre à soulager.
Mais dans deux exemples de cette espèce , où
la rétention a continué plus qu’à l’ordinaire,
M. Latham a fait un usage heureux du cam-
phre appliqué à l’extérieur.
(
Physique et Médicinale. 97
Journal physico-médical des eaux de Plom-
bières , pour Vannée 1791 y 7'édigé et publié
parM. Martinet, I). M. , directeur adjoint
en survivance des eaux de Plombières : avec
cette épigraphe , extraite des Recherches sur
les maladies chroniques , par Borcleu : le
traitement des eaux minérales , employées à
leurs sources , est sans contredit de tous les
secours de la médecine le mieux en état
d’opérer , pour le physique et le moral ,
toutes les révolutions nécessaires et possibles
dans les maladies chroniques. A Nancy ,
chez H. Ilaener , imprimeur ordinaire du
roi , ect. 1792., in-8°. de 92 pages.
Il y a des journaux dans tous les genres, non-
seulement pour la politique , mais encore pour
les sciences et les arts. L’art de guérir en a
plusieurs ; mais, selon M. Martinet, il lui en
manque un qui paroît essentiel ; c’est un
journal qui rende compte annuellement des
effets occasionnés par les différentes eaux mi-
nérales de la France , et des divers change-
mens qui arrivent , soit dans les sources,
soit dans les objets qui y tiennent de près. 11
seroit peut-être à desirer que tous les méde-
cins des eaux minérales en fissent un de ce
genre : les médecins éloignés des sources miné-
rales seroient plus à même , d’après ces journaux,
de juger de celles qui conviendroient le mieux
aux malades qu’ils envoyent aux eaux. Un tel
journal , d’ailleurs , ne peut être qu’une nou-
velle source de lumières, sur les causes et le
traitement des maladies. En attendant que
d’autres médecins entreprennent la même tâche ,
M. Martinet, met à exécution ce projet pour
Tom. IV. N°.III. Bibliographie. N
^8 Bibliographie
les eaux de Plombières : il donne avis qu’il
paroîtra un numéro de ces annales au com-
mencement de mai de chaque année , et ce nu-
méro rendra compte des effets produits l’année
dernière , et chaque fait sera toujours raisonné
et discuté. L’abonnement de cet ouvrage pério-
dique sera très- modique , l’auteur ayant plus
à cœur l’intérêt de son art et de l’humanité
que le sien propre.
Les eaux de Plombières jouissent d’une ré-
putation très-méritée depuis plusieurs siècles
pour la guérison d’une infinité de maladies
chroniques 3 beaucoup de médecins en ont fait
l’éloge , et nous avons plusieurs traités qui en
constatent l’efficacité. Le résultat annuel de
leurs effets ne peut donc être qu’extrême-
ment intéressant 3 il renfermera deux parties :
dans la première, M. Martinet rendra compte
des changemens faits et à faire dans les bains ,
douches, étuves 3 des changemens qui pourroient
arriver dans les sources , soit thermales , soit des
eaux froides 3 desphénomènes physiques qui s’ob-
serveront sur les lieux , sur-tout des variations
dans la température de l’air et des saisons :
•de plus on pourra y joindre quelques reflexions
générales sur les causes , le siège et le traite-
ment des maladies , sur les effets des eaux
appliquées sous toutes les formes , sur les ré-
sultats nouveaux que l’analyse pourra fournir.
13 ans la seconde partie , on donnera le détail
des maladies, des effets des eaux sur ces ma-
ladies , avec les réflexions que chaque sujet
fera naître naturellement.
La première partie commence par l’indica-
tif n des changemens utiles à faire aux bains
de Plombières. M. Martinet rapporte les ex-
périences qu’il a pratiquées pour reconnoître
Physique et MImcinaie. 99
leurs effets purgatifs , présente quelques pré-
ceptes d’Hippocrate sur l’usage des bains , aux-
quels il ajoute ses propres réflexions : il ter-
mine cette partie par un coup d’œil rapide sur
les effets généraux des eaux de Plombières
dans la lésion de divers organes. La seconde
- partie offre des détails de pratique 5 ce sont
les observations que M. Martinet a recueillies
avec soin pendant l’année 1791 ; nous allons
insérer ici la suivante.
cc M. Rignier , ci-devant religieux bénédictin
35 de l’abbaye de Saint-Urbain , près de Jouain-
35 ville , vint , d’après les avis de son médecin,
33 à Plombières au mois de de juin 1790. Il
e>3 étoit malade depuis plusieurs années 5 sa
33 santé et ses forces dépérissoient à vue d’œil ;
33 il a voit un fonds de tristesse et de mélancolie
3» qu’il ne pouvoit. vaincre ; il étoit sujet à
33 des spasmes nerveux très -violens , un vice
33 dartreux se manifestoit à la peau , et il
33 portoit depuis quatre à cinq ans sur la joue
33 gauche un bouton de la grosseur d’un petit
33 œuf de pigeon , qui laissoit’ suinter conti-
33 nuellement une humeur séreuse très -âcre.
Il fit usage pendant vingt - six jours du.
» bain et de la boisson des eaux thermales , en
33 observant un régime très-sobre. Il partit
33 après ces vingt-six jours pour s’en retourner
33 à sa maison ; il ne se sentoit nullement sou-
33 lagé. Ce ne fut qu’après environ six semaines
33 que son sommeil , qui étoit très- agité , devint
33 tranquille ; ses affections nerveuses devinrent
33 moins fréquentes ; un mieux.- être général se
33 fit sentir , le bouton qu’il portoit à la joue
33 diminua, et finit par disparoître entièrement.
33 On vouloit lui établir un cautère , dans la
33 crainte que l’humeur ne se portât ailleurs 5
N 2
îoo Bibliographie
G, et sur quelque vicère intéressant , mais il
os s’y est refusé et a continué de jouir d’une
<x bonne santé. C’est pour consolider sa cure et
35 atténuer de plus en plus le vice dartreux ,
55 qu’il est revenu à Plombières en 1791 ; il y
55 est resté environ un mois 35.
33 II n’étoit plus reconnoissable. L’année précé-
35 dente je l’a vois vu triste , rêveur , et cette année
53 dernière il étoit gai et content ; il est parti
33 très- bien portant , en chantant les louanges
55 de Plombières. Les eaux ont rétabli les sécré-
53 tions et excrétions naturelles ; la masse du
33 sang s’est trouvé purgée d’humeurs excré-
5> mentielles qui irritoient les nerfs et trou-
33 bloient les fonctions de l’économie animale.
33 Le cautère n’étoit pas mal indiqué ; mais il
33 est toujours préférable de rétablir les excré-
33 tions naturelles plutôt que d’en établir d’ar-
33 tificielles $ la nature une fois accoutumée à
33 ces portes de den'ière , néglige de suivre
33 ses voies ordinaires 33.
Ce journal ne peut que grossir la masse des
bons écrits relatifs à Part de guérir, et nous
ne pouvons qu’engager M. Martinet de con-
tinuer son travail.
MÉDECINE.
Dissertatio medica de curatione icteri maxi-
me per vitellum ovi : Dissertation de mé-
decine sur la guérison de la jaunisse , opérée
sur - tout avec les jaunes d’œufs 5 par J\I.
Gustave Schwartz , de Riga en Livonie , doc-
teur en jnédecine et chirurgie . A Jena , chez
Goepferds , 1791.' in-4°. de 21 pages.
Cet opuscule, qui traite d’une maladie sou-
vent opiniâtre , renferme treize paragraphes*
Physique et Médicinale. îoi
Les affections physiques et morales qui peuvent
produire la jaunisse sont si variées qu’il est
difficile de fixer leur nature avec précision ; le
plus souvent ce sont des obstructions dans le
parenchime du foie , produites par une bile
épaissie ou par des calculs biliaires. Lorsque
la vésicule du fiel regorge de bile , et que le
canal cholédoque est obstrué par des calculs
et des vers , ce sont autant de causes qui don-
nent l’ictère.
La nostalgie , une vie sédentaire , les pas-
sions d’aine languissantes , des études forcées ,
la morsure de quelques animaux, engendrent
aussi la jaunisse.
La jaunisse simple n’est nullement dange-
reuse , il est infiniment rare d’y voir succom-
ber les malades ; il est fort facile de la guérir
par le moyen des jaunes d’œufs : ce médica-
ment qui est alimentaire , a été employé avec
succès par M. Whit , célèbre médecin anglois.
La manière de s’en servir consiste simplement
en des œufs frais , délayés clans l’eau , donnés
deux à deux , quatre à cinq fois dans la jour-
née. M. Whit tenoit ce remède d’un officier
de vaisseau qui avoit été guéri d’une jaunisse
assez opiniâtre , et M. Whit lui - même en
avoit éprouvé l’utilité sur lui et sur plusieurs
malades. Un raisonnement simple l’avoit décidé
à adopter ce remède : il est de fait qu’à l’aide
du jaune d’œuf 'on dissout les résines $ il est
certain que la bile épaisse approche beaucoup
des résines. Ce médicament n’a aucun succès
dans la jaunisse accompagnée de squirres au
foie , de concrétions dans la vésicule du foie.
M. Schwartz rappelle donc la méthode de
guérir la jaunisse avec les jaunes d’œufs , due
à M. Whit , et ne manque pa3 de citer les
foa Bibliographie
cures opérées avec ce moyen , par MM. Ma-
ret et Dufande , savans médecins de Dijon.
Le premier malade traité par eux étoit un
jeune homme que quelqu’ affection de l’ame
avoit jetté dans la jaunisse ; elle a cédé à
l’usage des œufs en moins de quinze jours.
Le second étoit aussi un jeune homme qui
étoit tombé de cheval sur son côté droit , et
avoit négligé les remèdes capables de prévenir
les suites de la commotion et d’une espèce de
contusion du foie. La jaunisse étoit des plus
fortes , la couleur de la peau et de la conjonc-
tive extrêmement foncée , les urines presque
noires, les déjections rares et très-blanches,
des démangeaisons considérables fatiguoient
le malade. Tous ces accidens ont cédé à l’usage
des œufs : le ventre est devenu plus libre au
septième jour , et environ le quinzième il est
survenu une diarrhée bilieuse considérable ,,
qui a occasionné des coliques assez vives pour
obliger à recourir aux saignées et aux caïmans ,
après quoi le malade a été parfaitement guéri.
Trois autres malades ont été également guéris
avec le même secours. Ces médecins associoient
à ce remède , les tisanes simples de racine
de fraisier et de chiendent, le petit lait et le
régime.
M. Schwartz rapporte ensuite quelques cures
opérées avec les jaunes d’œufs , rappelions .
celle-ci.
Un jeune homme âgé de vingt ans, avoit
perdu l’appétit , étoit accablé de nausées et
d’éructations , symptômes qui dénotoient que
l’estomac étoit malade et débile : M. Schwartz
lui prescrivit des stomachiques , parmi les-
quels l’essence amère et l’essence d’écorce d’o-
r anges tenoient le premier rang. Ces médi-
Physique et Médicinale. îo3
camens ne firent aucun effet , et la jaunisse
survint : pour y remédier, M. Schwartz fit pren-
dre en premier lieu la teinture de rhubarbe
mêlée avec la liqueur de terre foliée de tartre ;
en même temps une décoction de racine de
chicorée, de dent de lion , de chiendent, avec
la semence de fenouil , ce qui ne produisit
aucun bien. Il eut alors recours aux jaunes
d’œufs ; il en fit prendre un délayé dans un
mortier de marbre , avec un peu de sucre et
deux onces d’eau , pour une dose à prendre
deux fois avant midi , et trois fois l’après dîner.
Le malade usoit en même temps de la décoc-
tion apéritive ci-dessus. Il continua ces médi-
camens pendant quatre jours, et la jaunisse se
dissipa. Nous ajouterons ici que M. Martin ,
habile médecin des hôpitaux militaires , emploie
journellement , avec le plus grand succès , l’u-
sage des jaunes d’œufs contre la jaunisse: les
guérisons qu’il en obtient journellement sont
connues.
Suite de V annonce d’un ouvrage an glois qui
a pour titre : Médical communications.
Description d’une espèce d’ érésipelle qui s’est
manifesté parmi les enfans dans V hôpital
des femmes en couches à Londres.
Cette maladie a paru très-meurtrière 5 le
remède le plus efficace qu’on ait pu lui op-
poser a été le quinquina , en donnant en clys-
tère une forte décoction de cette écorce , ou
bien en faisant prendre son extrait à l’intérieur.
Terminaison favorable dune blessure faite et
l estomac par un instrument tranchant.
Cette blessure a été suivie des symptômes
9m
"'À
ïo4 BxÈxiOGRAniiE Phys, et Mébici.
les plus all9.rm.ans le pouls étoit très-foible et
très-languissant , avec une grande prostration
des forces , le froid dès extrémités , et une
douleur poignante dans ce qu’011 appelle vul-
gairement le creux de l’estomac ; toute les subs-
tances liquides qu’on donnoit au malade étoient
promptement rejettées , et on fut obligé de
soutenir ses forces avec des bouillons donnés
en clystère. On appliquoit des fomentations
chaudes sur la région épigastrique. On faisoit
tremper de la flanelle dans du lait et* de l’eau
chaude , et on l’ appliquoit aussi sur les bras
et les jambes. On tenoit sous la plante de ses
pieds des briques chaudes. Le deuxième jour
de sa blessure , le malade parut très-sensiblement
soulagé j il fut alors en état de prendre un
peu de gelée faite avec de la viande de veau.
Les clystères nourrissans furent continués jus-
qu’au seizième jour : en les répétant moins
fréquemment depuis cette époque , jusqu’au
quarantième jour 5 le blessé vécut avec du pain,
du lait et une légère bouillie 5 le soixantième
jour il jouissoit d’une bonne santé.
Observation sur la rupture des corps caverneux
du jnembre viril.
V
Cette rupture fat occasionnée par une chute
violente au moment où la verge étoit dans un
état d’érection. L’écoulement de J’urine fut dif-
ficile jusqu’à ce que les corps caverneux
eussent été dégorgés du sang qui y étoit
épanché.
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